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Full text of "Essai sur le gnostieisme égyptien: ses développements et son origine Egyptienne"

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ESSAI 



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LE GNOSTIGISME 



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ÉGYPTIEN 



SES DÉVELdl'l'EMENTS ET SON ORIGINE ÉGYPTIENNE 



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I.YON. — IMPRIMERIE HITRAT AlNÉ, 4, RUE GEVTII. 







ESSAI 



SUR 



LE GNOSTIGISME 



ÉGYPTIEN 



SES I)ÉVELO['PKMl].\TS ET SON ORIGINE ÉGYPTIENNE 



h c« u 



THESE 



POUR LE DOCTORAT ES LETTRES 



PAR 



M. E. AMÉLINEAU 



PARIS 

ERNIilST LEROUX, ÉDITEUR 



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A ].A MÉMOIRE DE MA MÈRE 



INTRODUCTION 



De tout temps, le Gnosticisrae a tourné vers lui les recherches de Tesprit 
humain. A peine les différents systèmes gnostiques s'étaient-ils fait jour, que 
païens et chrétiens le combattaient ; Plotîn le réfutait comme saint Irénée ; 
l'un pour sauvegarder la pure doctrine platonicienne qu'il possédait, croyait- 
il; l'autre, pour prévenir ses fidèles contre des erreurs brillantes et spé- 
cieuses. Pendant les quatre, et même pendant les huit premiers siècles de 
l'ère chrétienne, pas un seul parmi les Pères de l'Eglise ne fit une histoire des 
hérésies sans résumer ou exposer tout au long les erreurs gnostiques; chacun 
copiait ses devanciers pour le fonds des systèmes, et argumentait, selon sa 
capacité, afin de les réfuter; tous se plaçant à un point commun de défense et 
d'examen, rapportant tout au christianisme, ayant le même but, le triomphe 
de leur foi. De cette lutte, beaucoup d'ouvrages sont sortis et nous sont par- 
venus, beaucoup d'autres ont péri ou sont encore inconnus. Parmi les auteurs 
des premiers brillent saint Irénée, Eusèbe, TertuUien, Philastre, saint 

Epiphane, saint Justin, saint JeanDamascène. Du huitième au seizième siècle, 

1 



2 LE ONOSTICISME EGYPTIEN 

le Gnosticismo est [i^n amuii; son nom ne su trouve que sous la plume des 
scribes religieux ou laïques transcrivant les manuscrits. Au seizième siècle, 
le mouvement qui avait eutraîné les premiers âges chrétiens recommence 
pour se continuer jusqu'à nos jours. Parmi les auteurs de ce mouvement 
d'études, il faut compter en première ligne les éditeurs des ouvrages des 
Pères, que la découverte de l'imprimerie permettait de rendre plus communs ; 
Feiiardent, Érasme, Grabe et dom Massuet. La grande école d'érudition dn 
dix-septième et du dix-huitième siècle fit de nombreuses recherches sur le 
Guosticisme; elle s'attacha à l'examen des systèmes gnostiques, à leur 
développement chronologique et logique, à des rapprochements entre 
les sectes; malheureusement le succès ne fut pas très grand. Les difficultés 
que présentait l'intelligence des systèmes, l'originalité apparente d'idées 
que l'Occident avait désapprises, s'il les avait jamais connues, défiaient 
les esprits les plus subtils et les plus pénétrants. En résumé, tout le 
travail de cette époque se borna à constater ce qu'avaient écrit les Pères, 
à le parapliraser en l'expliquant, et à déplorer la perte des ouvrages 
gnostiques. 

Notre siècle a vu une recrudescence d'ardeur dans te mouvement que nous 
avons indiqué : jamais on n'avait porté plus de patience dans des recherches 
plus difficiles, et, bon gré mat gré, la Gnose dut découvrir ses mystères, 
écarter légèrement le voile dont elle les enveloppait, et permettre aux 
chercheurs de jeter un regard indiscret jusque dans sou sanctuaire. L'Alle- 
magne se distingua surtout et presque seule dans cette étude : Néander, Baur, 
Gieseler, par les clforts d'une critique persévérante, par des comparaisons 
ingénieuses, obtinrent des résultats qui sont demeurés acquis à la science. En 
France, un seul ouvrage parut sur la question, celui de M. Matter ; on peut 
regretter que l'autour ne se soit pas montré plus impartial, qu'il n'ait pas 
écrit aViic plus d'ordre, surtout avec plus de critique; il anrait ainsi évité les 
rapprocbemetits hasardés dont tes progrès de la science ont depuis fait jus- 
tice ; cependant le livre dénotait une connaissance assez grande des Pères, et 
c'était un commencement. 

Par les ouvrages des auteurs que nous venons de nommer, on voit qu'un 




I.E QNOSTICISME KGÏPTIEN 3 

grand changement s'était opéré dans la manièrp d'envisagor la Gnoso. Leurs 
prédécesseurs avaient, avant tout, poursuivi l'exposition des systèmes gnos- 
tiques : des origines de ces systèmes, de leur classification, on ne s'était que 
peu ou point occupé. Les deux points négligés devinrent robjectif des nouveaux 
travaux. Des éléments divers dont se compose le Gnosticisnie, on vit les uns, 
tout d'abord, ou soupçonna les autres; quelques auteurs crurent que tous 
découlaient d'uue même source, d'autres nièrent; les uns voulurent que le 
Gnosticisme ne ffit qu'une effervescence de la philosophie grecque ; d'autres, 
qu'il fiit uu mélange de judaïsme et de christianisme; d'autres encore, qu'il 
sortît tout entier des religions orientales qu'on ne connaissait pas. Dans toutes 
ces hypothèses, la vérité se mélange à l'erreur, et on a fini par admettre, en 
qui est vrai, que les doctrines gnostiques étaient un vaste syncrétisme. Eu 
effet, à l'époque où parut le Gnosticisme, il y avait nue immense activité 
d'esprit, une soif ardente de systèmes et de doctrines. La prédication de l'Évan- 
gile ne fit que stimuler cette activité, qu'exciter cette soif; l'enseignement du 
Jésus-Christ révélé au monde par ses apôtres devint l'occasion et le point do 
départ de nombreuses théories plus ou moins absurdes, émanant d'esprits 
pour lesquels l'abstraction elle-même devait revêtir une forme concrète et se 
présenter sous de frappantes personnalités, sous de brillantes images. Parmi 
ces théories, celles du Gnosticisme tiennentle premier rang. A côté parut et 
se développa le Judaïsme pur qui se divisa en plusieurs sectes, sans marcher 
cependant dans la voie ouverte et frayée par Philon. Enfin la philosophie 
proprement dite et le mysticisme se développaient en même temps, soit dans 
les écrits des philosophes alexandrins , soit dans les li\Tes mystérieux 
de la Kaùhale. Entre tous ces systèmes, le Gnosticisme se distingue par une 
merveilleuse propension à s'assimiler ce qui faisait l'originalité des autres, et 
l'étonnante facilité avec laquelle il y réussissait. De doctrines neuves, 
originales, il n'en faut point chercher dans ces docteurs qui tirèrent parti 
de tout,^et qui, de tant d'éléments divers, surent, malgré la difficulté, faire 
quelque chose do fort, de logique, d'où l'unité n'était pas absente. Il est 
difficile pour nous de le voir aujourd'hui, parce que nous n'avons plus que la 
charpente des systèmes dépouillés de tous leurs agréments, de toute leur 



i l.E OKOSTICISME EGYPTIEN 

ornementation ; mais il n'en dut pas être ainsi au premier et au second sipcle 
de notre ère. 

Péuétréa de ces idées, leslioinmes éminents qui, dans ce siècle, ont étudié 
le Guosticisine, se sont tournés vei-s les antiques religions orientales, se disant 
que là était l'une des sources de la Quose; ils avaient raison. Malheureu- 
sèment pendant toute la première moitié de ce siècle, ils n'eurent à leuraide 
que des auteurs qui, eux-mêmes, n'avaient pu rernooter aux sources. Malgré 
ue désavantage, avec une patience admirable, rassemblant tous les fragments 
d'auteurs connus ou inconnus quiavaieat parlé de ces religions, usant d'une 
critique souvent heureuse, toujours ingénieuse, ils étaient arrivés à faire des 
rapprochements que les découvertes de la science contemporaine ont plei- 
nement confirmés. Ils avaient vu l'ensemble, ils avaient prévu quelques 
détails; mais l'heure n'était pas arrivée d'aborder, avec une pleine conscience 
de forces qui assure le succès, l'étude détaillée de ces sources vers lesquelles 
ils se sentaient attirés. D'un autre côté, cette impuissance leurafait attribuer 
à certaines doctrines une origine différente de celles qu'elles ont en réalité; 
cela ne doit pas surprendre, car le désir de tout expliquer devait les jeter dans 
une voie sans issue. 

Après avoir recherché les origines du Crnosticisme, les auteurs auxquels nous 
faisons allusion sentirent la nécessité de classer les sectes presque innom- 
brables qu'on a coutume de ranger sous ce nom générique. Les Pères de 
l'Eglise avaient exposé et réfuté les doctrines gnostiques sans ordre logique ; 
les uns avaient attaqué leurs adversaires selon les besoins de l'heure présente, 
les autres avaient suivi l'ordre chronologique avec autant d'exactitude que le 
leur permettaient leurs connaissances historiques. Ainsi, saint Epiphane, 
saint Irénée avaient même commencé par Valentin, pour revenir sur leurs 
pas, comme nous aurons occasion de le faire observer dans la suite de cette 
étude. L'ordre chronologique présentait de nombreux inconvénients : il plaçait 
les uns près des autres des systèmes qui n'avaient entre eux aucune affinité, 
quis'éLaient produits dans des milieux tout à lait différents, les séparant de 
ceux auxquels ils étaient étroitement unis par la communauté d'idées. Frappé 
sans doute de ces inconvénients, Théodore! partagea les systèmes guostiques 



LE ON0STIC18ME ÉGYPTIEN 5 

en deux grandes classes, selon qu'ils prenaient pour base l'unité on la dualité 
du premier principe. C'était un progrès; mais Marciou seul et ses disciples 
peuvent, an premier coup d'œii, entrer dans la seconde classe, et la confusion 
règne toujours dans la première catégorie où il faut procéder par ordre chro - 
noiogique. En résumé, le désordre distingue toutes les réfutations on expo- 
sitions du Gnosticisme faites par les Pères de l'Église, 

Avec les travaux modernes commencent des essais de classification, 
quoique d'abord on se soit contenté, comme dom Massuet, de suivre l'exposi- 
lion des Pères qui avaient adopté l'ordre chronologique ' . Après lui, l'allemand 
Mosheim accepta la classification de Théodoret, tout en la modifiant : il 
voulait trouver les éléments d'une classification exacte dans les divergences 
des Gnostiques sur le dualisme, faisant entrer dans un premier cadre ceux 
qu'il appelait dualistes rigoureux, et dans une seconde ceux qu'il nommait 
mitigés^. Une pareille classification ne peut pas être admise, car tous les 
Gnostiques ne sont pas dualistes ; et de plus, on ne fait pas une classification 
par ce qui rapproche, mais parce qui sépare*. Après Mosheim, le savant 
Néander voulut trouver un principe de classification daas l'amour ou la haine 
des Gnostiques pour le judaïsme: il divisa leurs doctrines en deux classes : 
celles qui admettaient lejudaïsme, et celles qui le rejetaient*. Cette nouvelle 
classification était encore incomplète ; les éléments païens lui échappaient, et 
Néander fut obligé de la modifier en subdivisant les sectes anti-judaïques en 
sectes ethnico-anti-judaïquos et en sectes anti-judaïques proprement dites, 
selon qu'elles admettaient, ou non, des été.neuts païens. Cette nouvelle 
division ne fut pas plus adoptée que la précédente, et Gieseler chercha la raison 
d'un nouveau classement dans les milieux géographiques où s'étaient 
produits les systèmes: il crut avoir trouvé à la fois une division historique 
et une méthode philosophique. Selon cet auteur, les Gnostiques s'étaient 



• OiiMriationeî 2ra!uM« in Irenm (l'troj.- 
:o hiscoriœ chriitianm. Belmsladl, 173 J. 

J.e.ie/i Keiiergeschichie, 1148. — De rebui chi 

* Cf. Moojeigneur Fpeppel, Stiinl Irènéf, p. ïiû. 

' Geitetitche Ent^eiekelunj der Gnoatichen Système. Burllo. 
ckrUtliehm Rtligion, - Oollia, 1850, i. 1, p, £01 ei aeq[. 




6 1.E GN0STIGI8ME EGYPTIEN 

surtuut développés en trois pajs : en Egypte, où dominait le s_y*stème d'éma- 
oatioQ panthéistique ; en Syrie, où. était enseigné le dualisme; et en Asie 
Mineure, où le Gnosticisme fut pratique plutôt que spéculatif*. M. Matter eu 
France, adopta cette division en la modifiant et en l'étendant de trois classes 
à cinq : doctrines de Simon et de Gérinthe, écoles de Syrie, grandes écoles 
d'Egypte, petites écoles d'Egypte, écoles d'Asie Mineure*. Cette classifi- 
cation de Gieseler avait un grand mérite, la simplicité : mais la partie philo- 
sophique des systèmes gnostiques ne répond [las toujours au pays où ils 
se sont enseignés. 

Se tournant d'un autre côté, Banr fit du christianisme le point de départ 
de sa classidcation, et il divisa les doctrines gnostiques en trois catégories, 
selon qu'elles unissaient le paganisme ou le judaïsme au christianisme, 
ou que deux d'entre ces rehgions s'unissaient contre la troisième, le 
judaïsme et le christianisme contre lepaganisne: à la première catégorie 
appartiendraient les Ophites et Valentin ; à la seconde, Bardesane, Basihde 
et Satomilus; à la troisième, Marcion et ses disciples'. A cette division, il 
manque une quatrième catégorie, celle des sectes ayant réuni le paga- 
nisme et le christianisme contre lo judaïsme, comme les disciples de 
Carpocrate et de son fils Épiphane. La classification de Baur ainsi complétée 
devient" celle de Mgr Freppei'. Nous ne mentionnons qu'en passant les 
classifications de M. Ritter^ et de M. Huber^ fondées, la première sur 
les divergences des systèmes gnostiques dans re.ïpIication de l'origine du 
mal, la seconde sur lo rôle du Démiurge. Ces deux divisions ne peuvent 
soutenir l'examen, ear elles no reposent que sur une minime partie 
des doctrines : ce qui est contraire à toutes les lois de la classification 
scientifique. 

Une conclusion fort simple nous semble ressortir de tous ces efforts vains 



' Beurtheiiung der Sehriften ron Neander uber die Snoiia. — Hallcr AlUgm 
1883, Évril. 

* Mstler. — Histoirg critique du ffnoiliciime, 5" édition. Paris, 1844, 

* Dit ehrisiliche Gnoait. Tuliingoii, 1835, 
< Monieignsur Frepgiel, Ofi. cit., p, 237. 

* Oaehiehce der Pliiiosofhie. 

* PhUaiophiB der Kirchenu-àtem. 




et inutiles, puisque pas une seule de ces divisions n'a été adoptée ; c'est qu'il 
est impossible de Mre une classification générale qui embrasse toutes les 
sectes du G-nosticisme ; car la multiplicité de ces sectes est telle que toujours 
il s'en trouve quelques-unes qui échappent à la classiâcatiou la plus large. 
Tout bien considéré, nous croyons que celle de Gieseler est encore la moilIeui"f;.- 
Si l'on ne considère que l'origine des systèmes et l'influence des doctrines étran- 
gères, la division géographique est, en effet, ce qu'il y a de plus naturel, et l'on 
comprend que les écoles guostiques égyptiennes, par exemple, so soient 
inspirées de préférence des doctrines de l'antique Egypte, sans cesser df 
prendre le syncrétisme pour base. 

Tel était l'état des études sur le Gnosticisme,lorsque,en 1850,1a découverte 
et la publication du livre connu sous le nom de Phtlosophwnena ^'int leur 
donner un nouvel aliment. La critique s'empara aussitôt de cet ouvrage ix)ur 
en rechercher l'auteur et en comparer le contenu avec ce que nous ai)prenaient 
les écrits des Pères. On a beaucoup discuté sur l'auteur du livre, sans parve- 
nir à s'entendre, les uns nommant Hippolyte, d'autres Origène, ceux-ci sou- 
tenant que ni Hippolyte ni Origène n'en était l'auteur, ceux-là déclarant 
qu'ilétait impossible de l'attribuer avec certitude à qui que ce fût parmi les 
Pères des premiers siècles. Nous nous abstiendrons de prendre part à une 
discussion oii nous ne pourrions apporter aucune lumière nouvelle. Quant 
à l'importance et à la valeur de la découverte, elles étaient immeuses : 
tout le monde en fut d'accord. L'auteur des Philosopkumena, quoiqu'U eût 
idé sans ordre, avait écrit sur des documents originaux; il avait 
nommé ses sources, et, toutes les fois que ces sources nous avaient été 
connues par ailleurs, on avait été à même de le contrôler et do juger de 
la parfaite bonne foi avec laquelle il avait écrit. En outre, si la valeur d'un 
tel témoignage était fort grande, son imiîortance n'était pas moindre; car. 
pour un grand nombre de systèmes, les données de l'auteur étaient tout â 
Êùt nouvelles et faisaient connaître des doctrines jusqu'alors complètement 
ignorées. 

La publication de cet ouvrage devint le point de départ de nombreuses 
études. Parmi les hommes qui descendirent dans l'arène, les uns, comme 



Baur. furent obligés d'abaudonner leurs ancieunes classiâcations ; les autres, 
y paraissant pour la première fois, bornèrent leurs recherches à un système 
particulier, ce qui donna lieu à des controverses non encore apaisées. Au 
uombre de ces derniers auteurs se sont surtout fait remarquer, en Allemagne. 
Harnach, Uhlhorn, Jacobi, Lipsius,HilgenfpId; rarement la critique humainf 
a été plus pénétrante et plus sîire. En France, à part un léger travailsur 1g9 
Ophites ', rien ne fut produit. Mais dans cette nouvelle phase dans laquelle 
entrait l'étude du Gnosticisme, dans cette ardeur fiévreuse, on oublia les ori- 
gines qu'on avait autrefois recherchées, pour ne s'attacher qu'à l'analyse des 
systèmes. Et cependant quel temps plus favorable pouvait-on désirer pour 
de semblables recherches ! Les civilisations de l'ancien monde apparaissaient 
telles qu'elles avaient été; jamais l'étude des monuments antiques n'avait été 
poussée si loin. L'Egypte trouvait des lecteurs, l'Assyrie n'échappait plus â 
l'investigation, l'Inde livrait ses secrets, et la doctrine de Zoroastro se révélait 
sous l'admiralde analyse à laquelle on la soumettait ; et toutes ces sciences qui 
avaient eu des commencements modestes, prenaient, eu s'affirmaut, um^ 
extension incroyable. Tout conspirait doue [wur rendre possible une étude 
sur les sources et les origines orientales du Gnosticisme; d'autant plus que, 
dans un nombre assez considérable d'ouvrages, certaines vues avaient été 
jetées, comme en passant, sur la ressemblance des doctrines gnostiques avec 
celles dos religions orientales. 

Ces considérations avaient frappé un homme qui jouit d'un renom mérité 
dans la tribu savante, M. Robiou, professeur à ta faculté des lettres de 
Rennes j il nous indiqua le Gnosticisme comme otTrant un champ d'études assez 
vaste pour y recueillir le éléments d'une thèse. Mais, eu avançant dans nos 
recherches, nous nous sommes aperçu que non seulement le sujet indiqué par 
M. Robiou offrait tous les éléments d'une thèse ; mais encore qu'un travail 
d'ensemble sur le Gnosticisme et ses origines dépasserait nos forces et 
demanderait plusieurs volumes. 11 a donc fallu nous borner et circonscrire 
notre sujot. L'étude même d'une école entière nous a paru trop longue. Nous 




I.E GN08T1GI8ME ÉGYPTIEN i) 

avons doue choisi, parmi les trois écoles gaostiques, celle dont les doctrines 
se trouvaient le plus en rapport avec nos études : l'école égyptienne. Noua 
l'avons prise à son origine qui, pour nous, remonte à Simon le Mage, et 
nous l'avons laissée à son plein développement dans le système de Valentin. 
S'il nous avait fallu la conduire jusqu'à son complet épauohissement, nous 
aurions dû non seulement étudier le manichéisme, mais aussi l'arianisme sans 
compter une foule d'autres hérésies secondaires dont l'étude nous eut com - 
plètement jeté en dehors d'une œuvre entièrement philosophique et histo- 
rique. D'ailleurs il ne faut pas se faire illusion, le Gnosticisme purement 
égyptien finit avec Valentin: les disciples du maître n'enseignent presque plus 
en Egypte, bien que les fidèles soient toujours nombreux aux bords du Nil. 
Valentin, quittant l'Egypte pour l'Italie, avait entraîné à sa suite ce que 
saint Irénée appelle ta fine fleur de son école. Désormais, ce fiit en Occident 
que le valentinianîsme eut le plus d'adhérents : les disciples de Valentin 
étaient plus nombreux sur les bords du Tibre et du Rhône que sur les rives du 
Nil. Nous pouvions donc avec vraisemblance limiter notre sujet comme nous 
l'avons fait, et l'arrêter à Valentin. Il nous faut dire maintenant comme nous 
avons compris et exécuté notre plan. 

Un double écueil était à éviter dans cette étude: la théologie et la discussion. 
Le Gnosticisme est compté parmi les hérésies primitives; si nous avions voulu 
le considérer au point de vue théologique, nous aurions dû nous occuper 
d'une foule de questious que nous avons négligées, comme l'emploi que les 
Gnostiques firent île l'Écriture Sainte, les réfutations qu'on fit de leurs 
systèmes, le développement et l'affirmation du dogme catholique. Nous 
n'avons rien voulu de tel : par conséquent, tout ce qui est proprement du 
ressort de la théologie et de l'Ecriture Sainte a été réservé, non, certes, par 
dédain, mais parce que cela ne rentrait pas dans le cadre que nous nous 
étions tracé. Ce premier écueil écarté, il fallait prendre garde au second. 
En effet, la multiplicité des ouvrages écrits sur le sujet dont nous nous occu- 
pons est telle que, si nous avions voulu discuter avec chacun des auteurs dont 
le sentiment n'était pas le nôtre, l'exposition aurait été noyée dans les dia- 
cuBsions. Il n'est guère de fait important, de théorie fondamentale qui n'ait 



iO I.K QNOSTrCISME FGTrTtEN 

été exposée d'uoe manière diiTéreiite de la notre par quelqu'un des nombreux 
auteurs qui ont traité la même question. Nous développerons donc simplement 
les systèmes. Malgré cela, nous espérons que notre travail ne manquera pas 
complètement d'originalité, d'abord piirce qu'une partie nous paraît tout à 
fait neuve, ensuite parce que, dans l' expositions des systèmes, l'ensemble n'a 
jamais été présenté avec reachaiiiemenl logique que nous y croyons décou- 
vrir. Faisant commencer le Guosticismo à Simon le Mage, nous en suivons 
les développements jusqu'au moment où, à Antioche, il y a scission par la 
séparation de Basilide qui est le fondateur de l'école égyptienne dont nous 
continuons l'histoire jusqu'à sou complet développement. Basilide a de 
préférence attiré l'attention des auteurs modernes; cependant nous nous 
trouvons eu désaccord avec tous ceux qui ont examiné ce système : nous expo - 
serons nos raisons, on les jugera. Quant à Valentin, malgré son talent et sa 
renommée, il n'a pas été l'objet d'aussi nombreuses recherches ; nous l'étudie- 
rons longuement, nous tâcherons de déterminer son rôle et son système; puis 
nous terminerons notre étude par la démonstration que la plupart de ses 
doctrines sont inspirées par le soufûe religieux de Taucienne Egypte. Ainsi 
notre ouvrage comprendra trois parties. Dans la première, sera étudiée le 
commencement du Gnosticisme ; dans la seconde, nous traiterons de l'école 
égyptienne jusqu'à Valentin, et enfin, dans la troisième, nous exposerons la 
doctrine de Valentin, et, dans chacune des dernières, nous déterminerons 
quelles sont les doctrines communes à la Gnose et à l'ancienne Egypte. Notre 
but est seulement d'éclaircir les obscurités des systèmes gnostiques de 
l'Egypte, soit dans l'étude de leurs dogmes, soit dans celle de leur origine 
égyptienne. Notre plan est donc parfaitement délimité. 

Pour remplir ce plan, nous n'avons épargné aucun di'S efforts qu'il était en 
notre pouvoir de faire. Ilva sans dire que pour tout ce qui regarde les systèmes 
gnostiques, nous avons lu les auteurs dans le texte; de mémo pour tous les 
ouvrages d'érudition que nous avons consultés. Des études entreprises dans 
ce but nous ont rrndu capable de pouvoir contrôler par nous-même tous les 
textes par lesquels nous prouverons la ressemblance et la filiation du philoso- 
phisme égyptien et du Gnosticisme. En outre, nous avons voulu pouvoir juger 




0ST1C18ME EOYPTIEN 



11 



en coûiiaissance de cause des moniimeuts guostîqucs conservés daus la litté- 
rature copte. Ces monuments ne sont pas nombreux; jusqu'à ce jour on coq- 
naît seulement quelques odesetun ouvrage assez étendu, publié par Scbwartze, 
la Pistis Sophia, œuvre d'un gnostique, et d'uu gnostique valenEiuiea. Nous 
avons la boune fortune d'en posséder un nouveau ; bous avons même cru un 
moment en posséder deux et même trois. En effet, le catalogue de Zoëga 
mentionne, outre la Pistis Sophia, trois autres traités gnosliques conservés 
en copte; la copie d'un de ces manuscrits, dont l'original esta Oxford, se trou- 
vait à la Bibliothèque nationale; noua avons pris soin de la transcrire et delà 
traduire en entier ', L'ouvrage est intitulé « le niystôre des leltres de l'al- 
phabet » ,■ ce titre était alléchant, on pouvait espérer d'y trouver des théories 
gnostiques; malheureusement il n'en est rien. L'ouvrage n'est qu'un assem- 
blage bizarre de rêveries, de légendes et d'erreurs qu'un archimandrite 
débita queltjuejourà ses frères émerveillés sans doute de la science de leur 
chef *. Quant aux deux autres traités, après avoir désespéré un moment de 
pouvoir les étudier, nous avons eu le bonheur, grâce à la mission que nous 
a conûéedans ce but M. le Ministre de l'Instruction publique, nous avons eu 
\ù bonheur de pouvoir les copier et traduire. M. KéviUout les avait déjà 
signalés, elles titres seuls annoncent que le Gnosticisme en fait le sujet : 
l'un se nomme « le livre des Gnoses de l' Invisible divin », l'autre « le livre 
dugvandLogos selon le mystère r> . Après les avoir traduits, uousavons pu 
nous en servir avec avantage, soit pour compléter les données des Pères, soit 
pour les justifier, soit enfin pour donner des preuves péreoiptoires de nos 
conclusions. Nous reparlerons plus amplement de ces manuscrits dans la 
critique des sources du Valentinianisme ; mais nous pouvons dire dès maintenant 
que notre travail s'appuie sur des documents inédits. 

Avant de terminer cette introduction, il nous faut dire en peu de mots ce 
que c'est que la Gnose. 11 n'est personne qui ne sache combien, dans les 
premiers temps de l'empire romain, le goût du jour avait tourné les esprits 



it original se Icouve k \a BodléieDiie d'Oxford : j'j tù collalionné ma copie. 
• M. Réïilloul ( Vie et Sentencea de Secundas, pass.) IrouTe le lei-mon gnoïlique ; je ui 
il avis, maleré le pauage qu'il elle. 

tl SentettMe du Seeundui, p. 70. 




12 LE GN08TICISME ÉGYPTIEN 

vers rOrieut. Le vieux inonde, fatigué de doctrines auxquelles il ne croyait 
plus, parce que ses sages les avaient tournées en ridicule ou avaient percé 
les voiles grossiers qui les recouvraient, en était arrivé à douter de tout, ou à 
demander à des pays peu connus jusqu'alors des mystères nouveaux, des 
mythes iue>q)liqués, atin de donner à son avidité et à son scepticisme des 
aliments exotiques, et de leur ouvrir un chemin non frayé. L'étude des écri- 
vains du grand siècle littéraire de Rome, nous montre que, dès les jours 
d'Auguste, on s'habituait à porter les yeux sur ces divinités étrangères 
admises dans le Panthéon romain, à scruter ces mystères, d'une main d'abord 
timide, mais s'enhardissant à mesure qu'elle s'habituait ; d'un autre côté, le 
rire et la moquerie répondaient au respect et à l'admiration. D'une manière 
ou d'une autre, tous les regards étaient tournés vers l'Orient, on sentait comme 
si un souffle régénérateur allait partir de ces contrées, berceau du genre 
humain, pour rajeunir les idées d'un monde qui dépérissait parce qu'il n'avait 
plus d'aliments à donner à ses croyances. 

S'il en était ainsi dans l'Occident, le monde oriental lui-même était en 
proie à une surexcitation tout aussi étrange : tous les esprits y étaient dans 
l'attente de quelque grand événement ; on avait vu les révolutions succéder 
aux révolutions ; rien n'avait calmé la fiévreuse impatience de ces contrées 
que le soleil iUumino de ses premiers rayons et qui, pour cela, croyaient avoir 
en partage les plus secrets mystères de la vérité. C'était le moment où 
l'Egypte était entrée dans cette fièvre de savoir qui devait s'élever à sa plus 
haute période dans lo néo-platonisme de l'école d'Alexandrie ; c'était le 
moment où le syncrétisme prenait de grands développements sur tout le 
littoral alors connu de l'Asie, où les doctrines de la Magie attiraient toutes 
les jeunes intelligences, où les rapports commerciaux plus développés 
mettaient en communication les religions et les civilisations. Le même phé- 
nomène intellectuel qui poussa les philosophes à restaurer le platonisme en 
l'armant de mille nouveautés empruntées aux mythes les plus étranges et les 
moins conformes à la philosophie de Platon, poussa les sectateurs de la nouvelle 
religion qui commençait dès lors de s'étendre rapidement à travers le monde, 
à parer les dogmes nouveaux de mythes antiques, à les mélanger aux idées 



LE GNOSTICIBME EGYPTIEN 13 

les plus éloignées delà simplicité de fistto religion, et à les parer de tous les 
ornements que l'imagination orientale la plus déréglée pouvait inventer. Dans 
la doctrine chrétienne, comme dans ta philosophie de Platon, beaucoup do 
points restaient à expliquer, de lacunes à combler : ces points, ces lacunes 
attirèrent l'attention d'une foule d'esprits puissants, mais rêveurs, qui s'iugé- 
nièrent à combler les unes, à expliquer les autres. Certes, ce n'étaient pas 
des esprits ordinaires. Leur œuvre ne pouvait manquer de porterie cachet 
de leur originalité, et, par conséquent, comme tout ce qui est grand et 
extraordinaire, elle ne devait s'adresser qu'aux intelligences d'élite. Aussi les 
nouveaux docteurs présentèrent-ils leurs rêveries comme le plus beau résultat 
que pouvaient obtenir les recherches de l'esprit philosophique, comme le 
résumé le plus profond de tout ce que pouvait atteindre la connaissance 
humaine, et ils leur donnèrent le beau nom de science, ou de connais- 
sance par excellence, Gnose, rvfûuiç. Us savaient quf les plus grands philo- 
sophes anciens avaient réservé la partie la plus difficile de leur enseignement 
pour leurs disciples préférés, pour ceux dans lesquels ils découvraient des 
qualités intellectuelles au-dessus du vulgaire ; ils n'ignoraient pas que dans 
les vieilles écoles hiératiques de Thèbes ou de Memphis, on dispensait en 
secret les plus hautes vérités de l'enseignement sacerdotal ; ils firent de même 
en apparence; ils prétendirent ne donner leur science, leur Gnose, qu'à un 
petit nombre d'adeptes, d'initiés, qu'ils nommeront GnosHques, pour leur 
apprendre par ce nom même la grandeur de l'enseignement qui leur était 
réservé. VoUà ce que sont la Gnose et les Gnostiques : un enseignement 
philosophique et religieux dispensé à des initiés, enseignement basé sur 
les dogmes chrétiens, mélangé de philosophie païenne, s'assimilant tout ce 
qui, dans les religions les plus diverses, pouvait étonner les croyants ou 
orner le système avec une splendeur et une magnificence capables d'éblouir 
les yeux. 

Au fond du Gnosticisme, il n'y a qu'une trame unique. Chaque initié passé 
maître était libre d'y appliquer les broderies les plus propres à faire mieux 
ressortir sa pensée; de là vient que le fond des systèmes est à peu près 
[ue de Simon le Mage à Valentin, quoique l'exposition varie et que la 




LE GNOSTICIf 



; EOTPTIEN 



tramft devienne plus logique et plus serrée. Aussi nous ne croyons point 
qu'il faille distiiij^uer, comme ou le fait d'ordinaire, entre les Guostiques 
combattus par Plolia et ceux contre liîsquels saint Irénée écrivit sou grand 
ouvrage : pour nous ce sont les mômes. Eu effet, si l'on veut se donner la 
peine de lire le neuvième livre de la deuxième Ennéade, on verra que 
les philosophas, que les Gaostiques contre lesquels Plotin argumente, 
avaient la même doctrine que ceux qui ont été réfutés par saint Irénée. Plotin, 
à la vérité, ne nomme pas leurs chefs et attaque seulement leur enseignement 
philosophique. Saint Irénée nomme les principaux docteurs du Gnosticisme et 
s'occupe surtout de leurs erreurs contre la foi chrétienne i voilà la seule diffé- 
rence. L'opinion que nous émettons ici n'est pas nouvelle, M. M.-N. Douillet, 
dans les notes ajoutées à sa traduction des Ennêades de Plotiu, l'a formel- 
lement admise. D'ailleura, s'il subsistait encore un doute à cet égard, les 
paroles suivaiites.de Porphyre suffiraient à l'enlever : « Il y avait dans ce 
temps-là, dit -il, beaucoup àe chrétiens. Parmi eux se trouvaient des sectaires 
(«ipsTixoi') qui s'écartaient de l'ancieime philosophie : tels étaient Adelpbius et 
Acpiîiinus. Ils avaient la plupart des ouvrages d'Alexandre de Lybie, de 
Philocamus, de Démostrate et de Lydus. Ils montraient les Ré Délations de 
Zoroaatre, de Zostrien, de Nicothée, d'Allogène, de Mésus et de plusieurs 
autres. Ces sectaires trompaient un grand nombre de personuess, et se 
trompaient eux-mêmes en soutenant que Platon n'avait pas pénétré la pro- 
fondeur de l'essence intelligible. C'est pourquoi Plotin les réfuta longuement 
dans ses conférences, et il écrivit contre euxle livre que nous avons intitulé : 
Contre les Gnostiques. II nous laissa le reste à examiner. Amélius composa 
jusqu'à quarante livres pour réfuter l'ouvrage de Zostrien ; et moi, je fis voii' 
par une foule de preuves que le livre de Zoroastre était apocryphe et composé 
depuis peu par ceux de cette secte qui voulaient taire croire que leurs dogmes 
avaient été enseignés par l'ancien Zoroastre' ». 



* rrfôïCiiii SE «HT* aùriv tâi Xpitrtiaïiùy iioDjiI (liv xai SUsi, alpiTixel iï ix tt|Ç naïaiSf çiloffuçii!; 
iviiY)u>i«i al iiEpl 'Aiirçiav xsl 'Axul-ivov, dI Ta 'AlcEâvBpov ToC A{^0{ xai 4>iXoib>)iou xai Aimornpiiie-ii 
xxt A'Jîsu avfYpàp.|i.iTa nliîa-ts XExT7)|iivai inoxolûitinc "ci npof ipavTic Zhipoàarpou xa! Zmarpidnau xa( 
!4inoNm xdi 'Ai>«TcvaOc xat Miaou xai 4EUiav lotoi^taiv soUoùt ifitnituv noù «ûrol finoniiiivai, û( SA tAu 




Il n'y a donc pas à en douter, les Gnostiques contre lesquels écrivit Piotio 
étaient bien des chrétiens, et des chrétiens qui s'écartaient de renseignement 
ordinaire du christianisme, car Porphyre, pour les désigner, emploie le mot 
même dont se servent les apologistes chrétiens, alpeztxoî, hérétiques. Les 
paroles que nous avons citées montrent aussi que k's Gnostiques avaient har- 
diment pillé la [ihilosophie grecque pour s'approprier ce qui leur semblait 
propre à étayer ou à parer leurs doctrines. Sans doute, si nous entreprenions 
l'histoire du Gnosticisme entier, il ne nous serait pas jH'rnus de négliger 
ce côté important d'une question si complexe; mais, nous le répétons, 
notre but est d'exposer les systèmes gnostiques réi>andus et enseignés 
en Egypte, et de rechercher quelle part il faut faire dans ces systèmes à 
l'ancienne doctrioe religieuse ou théosophique de l'Egypte telle qu'elle fut 
sous les Pharaons. D'autres pourront rechercher cruelle fut dans cts 
doctrines étranges la part de la philosophie grecque et surtout de la philoso- 
phie néo -platonicienne mal interprétée, ils auront uu vaste champ ouvert à 
leurs travaux ; pour nous, nous bornerons nos efforts à interroger la vieille 
Egypte. 

Qu'il me soit permis, en terminant, d'adresser pubhquement mes plus 
sincères remerciements à M. Robiou qui, non content de nous avoir indiqué le 
sujet de cette thèse, nous a continué ses conseils et encouragé dans nos 
travaux; à M. Maspero et à M. Grébaut, nos deux maîtres dans la science 
égyptologique ; jamais leurs avis no nous ont fait défaut, et c'est grâce à leur 
enseignement que nous avons pu pénétrer dans ces mystères do l'antique 
Misraïm. C'est encore à la bienveillante protection de M. Maspero que nous 
devons d'avoir pu aller cherchi.'r à Oxford les monuments authentiques du 
Gnosticisme que nous sonuacs seid à avoir traduits jusqu'à ce jour. Nous 
devons aussi un souvenir reconuais.sant à tous ceux qui nous ont encouragé 



auvDuirfaïc, •rfUmi Bk «al piËitev ôntp Tipi; tovt rviMnixaCi; tittipi'^xi^'', ^|ilv tk ).»mi npiviiv xoitolIi- 
ioiiHV. "AiisJioç 3i âxpi Tjoffopdïovti giSliiov npOMïtâpnint itpèc t4 Zuinpiàvou PiEiisv àvTiypàfwv. Oop- 
V^pio; il éflit npA: ti Zupoâorpou a\)X'"'^i ninoÎT)^ itiyxsuc, vnioi vàïov tt mai vigv ^6\tav TCSpaSitxvù; 
isatiao^iitH XI tni tùv rftv aXpttn «u9T)ioa[uvwï il( WEoï toO s'nai toO itacïoioO Zupoâarpou T« BoyiiaTa, 
5 a-^ToUnévTS nptoCi^i». (Plotitti cita, par, 16; Plolini Op., éd. Teubner, vol. I, p.sii:.) 




16 LE GNOSTICISME ÉGYPTIEN 

et qu'il ne nous est pas permis de nommer. Il est bon, lorsque Tâme s'affaisse, 
que la patience échappe et que l'esprit se cabre et se révolte contre un travail 
dur qui a duré cinq années et qui finissait par nous répugner, il est bon, 
disons-nous, de rencontrer quelques âmes humbles et cachées dont les encou- 
ragements vont au cœur : peut-être ne liront-elles jamais ces pages, et 
cependant ce sont elles souvent qui les ont faites. 



Paris, 20 mars 1882. 



BIBLIOGRAPHIE 



Nous rangeons sous ce titre tous les livres qui nous ont été nécessaires 
ou nous ont réellement servi pour écrire cette thèse. 

Nous partagerons cette liste d'ouvrages selon les langues dans lesquelles 
ils sont écrits, et nous ferons en sorte que ceux qui se rapportent aux mêmes 
sujets se suivent 

OUVRAGES GRECS 

1 . Divi Iren.«x Quinque lihri adversus Hœreses, — Edition de D. Massuet. — Patrologie 

grecque de Migne, vol. VU. 

• 

2. Clementis Albxandrini Opéra. — Edition de Sylburg. — Patrologie grecque de Migne, 

vol. Vni et IX. 

3. Divi Epiphanii Salaminiensis Episcopi adtersus Eœreses, — Edition de Petau. 2 Vol. 

in.-f., Cologne, 1682. 

4. Thbodoreti Fabulvs hœreticss. — Vol. IV, in.-f. des œuvres complètes de Théodoret 

publiées à Patisen 1642 par Sébastien Cramoisy. 

5. Origenis Opéra. — 3 Vol. in.-f. édition de Huet publiée à Paris en 1679 chez André 

Pralard. 

6. Origenis Dialogus contra Marcionitas. — Bâle, 1684, in - 4. Studio et opéra Rodolfî 

Wetstenii. 

3 



18 LE GNOSTIGISME ÉGYPTIEN 

7. EusEBii Gsesareeosis episcopi Historia ecclesiastica y t. XIX -XXI de la Patrologie 

grecque de Migne. 

8. Divi JoANNis Damasceni Opéra, — Patrologie grecque^ t. XiGXIV-XGXVI. 

9. Glbmentis Romani Qux feruntur Homilim viginti, — Edit. Albert Drussel, Gôttingen, 

1853, in-8. 

10. Synbsii Ptolemaidis episcopi Hi/mni. — Edidit Peteau, 1612. 

11. PhUosophumena ftve hœresium omnium confutalio, Opus Origeni adscriptum e codice 

Parisino productum recensuit^ latine vertit D. Patricius Gruice. — Paris, Imprimene 
impériale, 1860. 

12. JusTiNi Martyris Opéra, Patrologie grecque de Migne, t. VI, 

13. Manbthonis Fragmenta quœ supersunt, Golleclion des autours grecs de Firmin Didot. 

14. HsRMETis Trismegisti Pœmander, « Ad fidem codicem manuscriptorum l'ecognovit 

Gustavus Parthey. — Berlin, Jacobi, 1854. 

« 

15. Plotini opéra, — Recogaovit Adolphus KircholF. — 2 Vol. Edition Teubner, Leipsig, 1856. 

16. PoRPHYRii philosophi platonici Opuscula tria, — Recognovit Augustus Bauck. — Edit. 

Teubner, Leipsig, 1860. 

17. Jaubligi De Mysteriis liber, ^ Ad fidem codicum manuscriptorum recognovit Gustavus 

Parthey. — Berlin, Jacobi, 1857 

18. JoANNis STOBiEi Florilegium, — Recognovit Augustus Meineke. ^ Edit. Teubner, 

Leipsig, 1855. 

19. Plutarchi de Iside ^t Osiride liber. — Édit Diibner, Paris, 18U. Firmin Didot. 



OUVRAOES LATINS 

2J. Tertuixiani Opéra, — Patrologie latine de Migne, t. II et IIÎ. 

21. Philastrii Opéra, — Patrologie latine de Migne, t. XII. 

22. Divi HiKRONYMi Opéra, — Patrologie latine de Migne, t. XXII-XXV, 

23. Divi Augustini liber de Hœre$ibus, — Patrologie la fine, t. XLII. 

24. Jacobi Basilidis Philosophi gnostiri senlentiie, — Berlin, 1852. 



OUVRAGES FRANÇAIS 

25. BEAUiOûnË — » Histoire du Manichéisme, — 2 vol. in-4, 1739-1744. 

20. Mattbr. ^-Histoire critique du Gnosticisme, — 2'^ Édition, Paris, 1844. 2 voLin-8. 

27. Vacherot. — Histoire de VÉrole d'Alexandrie. Paris, 1846-1851. 3 vol. in-8, Ladrango 

28. J. Simon. — Histoire de rÉcol^fdWlccandrie.-^Pavis^ 1844.2 vol. in- 8. Joubcrt. 

29. CuAMPAGNY. — Les Antonins. — 2^ Édition. 2 vol. in-12, Paris, Ambroise Bray,18G7 . 

30. ChampagnV. — Les Césars du troisième siècle. 3 Vol. in-12, Paris, Bray et Retaux, 1870. 



I,E GN03TICISMB BGypTIEN 
(■■. 1 vol. in-fl. f'ari*, 1843. 
e des r^ligiona de la Grées, i vol. i 



1- te monianir, 



■ STBikSBOUItU. 



* phrygien dur 



11. Franck. — La Kab 

12. A. M*UHV. - HisK 

loaophiquo, 1859, 
t3. STRoauN. — Essai 

14. BisaKB. — Les Ophite.', 

15. Gahucci. — Les Mystères du syncriti: 

-~ Paria, E*oussielgue'RusnDd, i85t. 
fl. Recueil de rAeatlémie des inscriptions et belles-lettres. — 
7. Reeximl de l'Aeaditnie det inscriptions et belles-lettres. -^ t 

18. îletve archéologique. — Paria, Didier. Tous les arlicle^ qui 

19. Mélanges i Archéologie égyptienne, publi 

Vieweg. 
lO. Vioounoux. — La Bible et les découvertes modernes en Palestine, 

— 4 v,a. iD-12. 2" édition, Paris, Berche el Trtiin, 1882. 
1. F. LENiïiiMANT. — La Maijie chgi les Chatdéens tt les origines accifiiennes 



\bes dt Prétextât. 



., l. XIV. 
,t. XXIX. 
trait à l'Ègyple. 
ta direction de M. E.deRougc. — Paria, 

iggpte et en Syrie. 

- In-8, Pai is, 



Mai 



1874. 

- Lelirrs iissyriotûgiques. 



- [q-I, -2 Tol, autographics, Paris, 



- Essai de commentaire s 

- Monographie de la vo\ 



r Birose. — ln-8, Paiis 
sacrée éleusirùenne. — 



2 vol. in-8. Pari!, 



- Iii-4, Paria. Imprimerie imiiéi inle, 1874, Lévy 




I. F. Us 

Maisooneuve. 
I. F. Lenobmant. - 
I. F. Lenormant. ' 

1864, Haclietle, 
'. E, RiNAM. — Mission Je Phénicie ■ 

frères. 

.. MA3PBB0. — Histoire tCOiieni. — ln-12. Paria, Haclielte, 1875. 
. RlKAH. — Histoire lUs origines du Christianismg,! vol. 1863-1879, Léfy frère*. 
i. L. Mënahd. — Hermès Trismégisie, Irailuction complète par Louis Mênahd. — Ouvrage 

couronné par IWcadêmie française. In-12. Paris, Didier, 1867. 
I. Cbabas. — Papyrus magique Hanis. In-4. ChSIons. 
. Maspéro. — Mémoire sur quelques papyrus du Louvre. — Extrait dea notices et extraits 

des manuscrits. — Paris, Imprimerie nationale, 1879. 
. GaËBAL'T. — Bymne à Ammoii lia. — Bibliothèque de l'EcoIes des Hautes Etudes, 

21" foBoicule Vieweg, 1875. 
'. E. BsRoiTQK. — Rituel funéraire des Égyptiens. Id-8. Paria, 1861-1868. Franck. 
. E. DE RouGÉ. — Notice des monuments égyptiens du Louvre. — 3» Èdit. Paria, Charlei 

de Mourguea frère», 1872. 
. PiBBtisT. — Éludes égyptologiq. 
: PiERHET. — ia dogme de la 

Paris, Vieweg, 1871. 
, PiiBHaT. — Dictionnaire archéologique. Paria, Inipri 



In-8. Paris, Vieweg, 1873. 

ches les anciens Égyptit 



e oatiouale, îd~12, 187g. 



20 LE GNOSTICISME ÉGYPTIEN 

57. Lkpkbure. — Mythe Osirien, Paris, Vieweg, 1874, in-8. 

58. Lepébure. — Traduction comparée des Hymnes au soleil composant le chapitre XV du 

Rituel funéraire, Paris, Vieweg, 1875, in-8. 

59. GuiEYEssE. — liitud funéraire égyptien. — Explication du chapitre LXIV. Paris, 

Vieweg, 1876. 

60. Mariette-Bey. — Dendcrah, Descriptioi générale du grand Temple. Paris, Vieweg, 

1875, in-4. 

61. EuG. Rbvillout. — Yie et sentences de Secundus. — Paris, imprimerie nationale, 

1873, in-8. 

62. DULA.URIER. — Journal Asiatiqu-». — Passim. Année 1847, ii" 13. Paris, Ernest Leroux, 

63. De Pressensé. — Gnosticisme (article sur le), dans VEncyclopédie des sciences reli- 

gieuses protestantes. — Paris, 1879. 

64. Revue des questions historiques. — Articles de M. Robiou sur les religions iranienne et 

égyptienne. Années 1877 et 1878. 



OUVRAGES ANGLAIS 

65. Journal ofthe asiatic Society, 

66. Asiatic researches^ t. XX. 

67. Transactions ofthe society of biblical archœology. — 6 vol., in-8 London. 

68. Records of the past. — 12 voL London. 

69. Bunsen. — The hidden voisdom of Christ and the key of knowledge, London, Longmans, 

1865, in.8. 

70. Supernatural religion or inquiry into the reality of divine révélation. — In 3 vol. 

Sixth édition. London. Longmans, Green and C", 1875. 

71. WiLKiNSON. — The Manners and Customs of the ancient Egyptian. A new édition by 

docteur Samuel Birch. London, Murray, 1878, 3 vol, in-8 

72. Bunsen. — Egypt^s place in universal history. — 3 vol. in-8. London, 1867. 



OUVRAGES ALLEMANDS 

73. Nbander. — Genetische Entwickelung der gnostichen système. Berlin, 1818. 

74. Nbander. — Geschichte der christlichen Religion^ 111° Auflage. Gotha, 1856. 

75. Gikseler. — Haller Allg^meine Literatur-Zeitung. — 1823, n^ 104, Beurtheilung d^r 

Schriften von Neander iiber die Gnosis. 

76. Baur. — Die Christliche Gnosis. — Tubingen, 1835. 

77. Baur. — Dus Christenthum und die christliche Kirche der drei ersten Jahrhunderte, 

— Tubingen, 1853. 



LE GNOSTICISME ÉGYPTIEN 21 

78. H. RiTTBR. — Geschichte der christlichen Philosophie. — Hamburg, 1841. 

79. MuLLER. — Geschichte der Kosmologie, 

80. R. A. Lipsius. — Chronologie der rômischen Bischôfe, — Kiel, 1669. 

81. R. A. Lipsius — Zur Quellenkritik des Epiphanios. — Wien, 1865. 

82. R. A. Lipsius — Die Quellen der liltesten Ketser geschichte nu unterstu;ht. — 

Lieipzig, 1875. 

83. Gborg Heinbici. — Die Valentinianische Gnosis und die heilige Schrift, — Berlin, 1871* 

84. Gerhard Uhlhorn. — Dos Basilidianische System. — Gôttingen, 1855. 

85. SiMSON. — Simon der Mager, dans la Zeftschfrit fur die historische théologie. — 

lahrganjr, 1841. 

86. Baudissin. — Der Ursprung des Gottesnamens \%,^^ clans la Zeitschrift fiïr die historische 

Théologie, — lahrgang, 1875. 

87. A. Harnack. — Zur Quellenkritik der Geschichte des Gnosticismus dans la Zeitschrift 

fur die historische Theolog'e, — lahrgang, 1874. 

88. Jacobi. — Das ursprùngliche Basilxdianische System, d&nalsL Zeitschrift fur kirchenge- 

schichte herausgegeben. VonTheodorBrieger. — Gotha, Perthes, 1877. 1 st Band, Viertes 
Heft. 

89. KôsTLiN. — Das Gnostische System des Bûches Pistis Sophia, dans le theologische 

Jahrbucher herausgegeben von Baur uhd Zeller, lahrgang, 1854. 

90. HsRZOG. — Neal-Encyclopâdie. — Artik. Gnosticismus, Simon der Mager, Menander 

Satornilus, Basilides, CarpocrateSj Vcdentinus, Magie, etc. 

91. Zeitschrift fur âgyptische Spra:he, — Leipzig. La collection entière. 

92. Spiegbl. — Eranische Alterthumskunde, —3 vol., in-8, Leipzig, 1871-1875. 

93. Spibgel. — AvestaUbersetzung, — 2 vol. in-8, Leipzig, 1852-1859. 

94. Spibgel. — Commentar ûber das Avesta. — 2 vol. in-8, Leip/ig, 1864. 

95. Mavers. ^ Die Phvenizier. — 3 vol., in-8, Bonn et Berlin, 1841-1853. 

9ô. Ghwolshon. — Die Ssabier und der Ssabismus, — 2 vol. in-8, Petersburg, 1856. 

97. Lassen. — Indifiche Alterthumskunde. — 3. vol. in-8, Leipzig, 1866-1874. 

98. ScHOLZ — Gotzendienst und Zauberweser bei den dltern Hebrteer und den benach- 

barten Vôlkern. — in-8, Regensburg, 1877. 

99. Parthey. — Zioei griechische ZauhcrpApyr! djs Berliners Muséums. — Berlin, 1866, 

in-4 (Imprimerie de l'académie des sciences). 

100. Parthey. — Zur Erdkunde des alten /Egyptens. — In-4. Berlin, 1859. 

101. Gehrard Uhlhorn. — Die Homilien und Recognitionen des Clemens Romanus. — 

Gôttingen, 1854. 



22 LE GNOSTIGISME EGYPTIEN 



OUVRAGES COPTES 

102, Uhlemann. ^ Lingum copticas Grammatica, . cum Chrestomathia. — Auctore Max. Ad. 

UHLEHA.NN, in-8, Leipzig, 1853. 

103. ScHWART/E. — Pistis Sophia. — Opus gnosticum Valentiuo adjudicatum latine Schwartze 

vertit. Berlin, 1851. 



MANUSCRITS 

104. RoBiou. — Mémoire n^ 1 présenté au concours de 1* Académie des Inscriptions et Belles-Lettres 

pour le prix Bordin. — Examen des livres d^ Hermès, — Auctore F. Robiou. Mémoire 
couronné. 

105. Le livre des Gnoses de V Inx^isibU . — Ouvrage gnostique copte, papyrus Bruce à la 

a 

Bodléienne d'Oxford. 



PREMIÈRE PARTIE 



CHAPITRE PREMIER 



SIMON LE MAGICIEN 



L* existence de Simon le Magicien a été, dans notre siècle, mise en doute 
par des critiques nombreux et éminents. A la suite de Baur, toute l'école de 
Tubingen a cru trouver, dans le Mage de Samarie, l'expression d'un mythe 
cachant l'opposition qui aurait existé entre les deux grands apôtres du chris- 
tianisme, saint Pierre et saint Paul. Nous n'avons aucune envie d'exposer et 
de suivre les discussions qui se sont élevées à ce sujet : pour nous, Simon le 
Magicien est un personnage historique, quoique, sous l'action des siècles, il 
soit devenu quelque peu légendaire. Notre œuvre sera d'exposer sa doctrine 
après avoir examiné sa vie et prouvé que nous possédons bien son système 
autant qu'on peut en être assuré d'après les règles de la critique la plus 



sévère* 



* Sur simonie Mage, cf. Ifen. Cont, hœr., lib. I, cap. xxiii . — Tert., De pnesorip, cap. xLvi. 
*- Epiph. Heeres.^ xxi* — Theodi, Hseret, fab,, lib* I, cap. i. — August , De h«r,y cap. i. — Just. 
Martyr», Apol. 1« , n. 2ô et 66. — Gregor. Naz., Oratio xlvi. — Euseb. Hist, eccL lib, II, cap. xiii. 
-=^ Hieronyin. CommcrA, in Math,^ et surtout l'auteur des ^iXoao^ouiteva, qui nou» donne des détails 
tout à fait neufs. Voir aussi les Homélies et les Récognitions Clémentines, Nous n'indiquerons pas 
les ouvrages d^érudition : notre bibliographie suffira. 



LE ONOSTir.ISME 1 



■lE I)E SIMON ■ 



01ÎRCE8 DK : 



INFORMATIONS 



Les renseignements que nous possédons sur Simon le Magicien nous 
viennent de trois sources dilférentes. Nous avons d'abord le texte des Actes 
des Apôtres, puis les informations contenues dans les ouvrages des Pères, 
enfin les récits apocryphes des Récognitions et <\es Hojnéltes Clémentines. 

Avant nièiue de raconter la vio, ou ce que nous pouvons savoir de la vie de 
Simon , il nous faut déterminer la valeur de chacune des trois sources que nous 
venons d'énumérer. 

Le texte consacré ]iar l'auteur des Acles des Apôtres à Simon est le docu- 
njent le plus précieux que nous ayons pour nous prouver l'existenee de 
Simon ^', car il offre toutes les garanties que la critique la plus exigeante 
peut demander. Nous ne prenons ce texte qu'au point de vue historique, indé- 
pendamment de l'inspiration à laquelle croit l'Église catholique, et cela suffit 
amplement à notre but. En effet, les Actes des Apôtres ont été écrits par un 
contemporain ; de plus, ce contemporain a presque toujours élé témoin oculaire, 
et souvent acteur, dans les faits qu'il raconte. Il est vrai que dans ce qui a 
rapporta Simon, il n'a été ni acteur, ni témoin oculaire j mais il a appris ce 
qu'il a dit de la bouche même de ceux qui avaient été auteurs dans le fait 
de la conversion et du baptême de Simon. Rien dans son récit ne peut faire 
supposer un mythe paulinien ; peu importe donc que, dans l'épître aux Galates, 
saint Paul dise avoir résisté à saiut Pierre sur un point de discipline^, cela ne 
suffit pas pour montri:'r qu'une opposition temporaire et accidentelle soit 
devenue un antagonisme perpétuel, qu'elle ait créé comme deux écoles oppo- 
sées dans un enseignement quia toujours été un, malgré la diversité de carac- 
tère que l'on renconlro cliez les deux grands Apôtres. Nous pouvons donc nous 
servir de cette première source de renseignements comme d'une source abso- 
lument sûre, puisque l'auteur des Actes des Apôtres, témoin oculaire le plus 



LE ONOSTICISME KGYPTIEN -CO 

souvent, ou immédiatement auriculaire, était parfaitement capable de s'in- 
struire de ce qu'il voulait savoir, et qu'il ne manquait d'aucune des qualités 
requises pour assurer au témoignage d'un écrivain toute la valeur possible. 

Notre seconde source d'informations découle des ouvrages des Pères de 
l'Eglise. Tous les auteurs chrétiens qui, dans les premiers siècles do l'Eglise, 
ont écrit pour combattre les hérésies, ont commencé par réfuter les erreurs 
de Simon en le maudissant comme l'auteur de tout le mal que les hérétiques 
firent au christianisme, et comme le premier de ceux qui opposèrent leur 
doctrine à celle que le Christ était venu révéler au monde. Une pareille 
conduite ne peut s'expliquer qu'à la condition que Simon le Mage ait existé 
et enseigné une doctrine qui se soit répandue parallèlement à celle du chris- 
tianisme. L'hypothèse d'un mythe ne saurait être acceptée, car les Pères les 
plus anciens parmi ceux dont les ouvrages nous sont parvenus se sont eux- 
mêmes servis d'un auteur plus ancien, que l'on ne peut faire écrire après 
l'an 135 au plus tard '. Leur témoignage peut donc être employé sans crainte 
d'erreur, lorsqu'une soigneuse analyse aura démontré d'où viennent les 
renseignements que chacun nous donne. 

Les principaux Pères de l'Eglise qui uous ont laissé un abrégé du système 
de SîmoQ sont saint Irénée, saint Épiphane, ïhéodoret, saint Justin, le 
pseudo-Tertullien, Philastre et l'auteur des Philosoph amena. Parmi eux, 
saint Justin ne peut guère tmas servir comme source de nos connaissances 
sur le système particulier de Simon ; Théodoret n'a fait à peu près que trans- 
crire saint Irénée; cependant une de ses phrases montre qu'il a eu d'autres 
sources en mains: saint Epiphane ne diffère de saint Irénée que par un plus 
grand nombre de détails évidemment pris à la même source ; on doit dire la 
même chose de Tertullien, du pseudo-Tertullien et de Philastre qui, à part 
de légères nuances, représentent un auteur antérieur dont ils se sont servis les 
uns et les autres. Cet auteur ne saurait être saint Irénée, et pour de bonnes 
raisons ; car, outre l'antériorité de plusieurs .des Pères, on trouve chez les 
autres des détails que l'on ne rencontre point dans saint Irénée, et l'ouvrage 
de l'cvêque de Lyon n'est pas lui-même en ce chapitre uue oeuvre de 
première main. En effet, dans le chapitre xxiii de son premier livre 




26 LE ONOSTlCtSME EGYPTIEN 

commence une exposition d'ua yeure tout difïëretit de celle qui précède, ce 
ne sont plus que des membres de phrases qui se suivent sans être enchaînés 
les uus aux autres, sans qu'il y ait môme de suite dans les idées. Evidemment 
saintiréiiée n'écrit plus ici en analysantles ouvrages des docteurs gnostiques, 
comme il le faisait précédemment ; il analyse un abrégé, une réfutation 
antérieure. Gela est d'autant plus palpable que ce chapitre contient un premier 
paragraphe écrit dans le style diri'ct habituel à l'auteur, tandis qu'au second 
paragraphe la méthode change. Nous n'avons pas îi dire ici quel est cet 
aucien et premier auteur que toutes les hérésiologies postérieures ont connu ; 
il nous suffit do constater que saint Irénée, le pseudo-TertuUien lui-même, 
saint Épiphane et ïhéodoret pour une partie, représeuteut une source uniqiie, 
ou tout au plus deux sources, identiques et parallèles, car quelques nuances 
semblent se trouver de préférence dans un groupe d'abbréviateurs toujours 
les mêmes *. 

A côté de ces premiers renseignements fournis par les Pères, nous en 
possédons de bien plus importants qui nous ont été transmis par l'auteur 
des P/iilosopkumena, auquel il faut joindre Théodoret pour la première 
partie de ses renseignements dogmatiques. Ce dernier auteur connaît, en effet . 
le premier principe de Simon, et en cela il nous semble avoir puisé sinon aux 
Pliilosophumeua, dumoinsà un ouvrage que l'auteur des Philosophumena 
connaissait; c'est ainsi que Théodoret touche aux deux canaux de notre 
seconde source. Il ne nous reste doue qu'à examiner les Philosophumena. Dans 
cet examen, un fait se présente tout d'abord à l'esprit, c'est qu'il y a de grandes 
ressemblances entre cet ouvrage et les Récognitions. Quoiqu'il ne le dise 
point, il est probable que l'auteur des Philosophumena connaissait les Réco- 
gnitions et les Homélies Clémentines ; mais on ne peut pas dire qu'il s'en 
soit servi ; car dans tout ce qu'il dit du système doctrinal de Siraou, rien ne 
sent la légende j il s'est servi des œuvres de Simon, il les cite, il les analyse 
purement et simplement, et le récit qu'il donne de la mort du Mage, seul 
passage qu'on pourrait croire légendaire, ne ressemble en rien à co que 
racontent les Homélies et les Récognitions. En raison de cette métinKii', 



' Cf. LipsiuH: Zut- QuAienkritik des Epiphuiùoi, p. '4-83. Nous ci 
il'autrsj semblables du m^ me auteur, l'un de«plus flus rritiquee ]«rm] ( 



■ICISMF. KGYPTrEN 



27 



l'analyse donnée par cet auteur de la doctrine de Simou mérile la plus grande 
confiance et doit servir de base à notre exposition. 

La dernière source où nous pourrions aller puiser nos renseignements se 
trouve dans les Récognitions et les ffonidlies Clémentines \- mais, dans ces 
deux ouvrages, tout, ou à peu près tout, est apocryphe. Les Récognitions et 
les Homélies font reposer tout leur récit sur l'antagonisme qui a dû réello- 
ment exister entre Simon le Mage et saiut Pierre, ou simplement entre sa 
doctrine et celle de Jésus-Christ auiioncôo par les Apôtres. L'auteur de ces 
deux ouvrages part de cette donnée liistoriqiie pour établir toute uue série 
de luttes plus ou moins vraisemblables; il aspirait évidemment à contenter 
les esprits de ses contemporains dont la curiosité recherchait avidement 
les moindres détails d'une lutte qui avait laissé un souvenir durable. La 
composition de ces ouvrages doit donc être reportée au temps où la légende 
commençait à se former autour du nom de Simon, et la valeur historique 
n'en peut pas être grande. Cependant tout n'est pas apocryphe dans les 
Récognitions et les Homélies; bon nombre des traits que l'on y rencontre 
sont semblables à ceux que fournissent les PhUosophumena, Ainsi, dans ces 
deux apocryphes, le premier principe est bien le Feu. Dieu est l'Être qui est, 
qui était et qui sera [l inâi, aràç, irnw^Mwoç) ; les Syzygies sont bien le fon- 
dement du système ; mais tout cela est mêlé à tant d'éléments disparates et 
hétérogènes que nous ue pouvons admettre comme certaines que les données 
qui sont en concordance avec les renseignements fournis parles Plnloaophu- 
mena. Ainsi nous nous trouvons amené à ne pas nous ^ev\\i'Ae\ Récognitions 
et àes Homélies Clémentines; car, on ce que nousy trouvons nous est donné 
par les Pkilosophutnena, et nous est alors inutile, ou les Récognitiotm il 
les Homélies nous le fournissent seules, et alors nous sommes en droit de le 
considérer comme apocryphe dans l'état actuel de la science. Peut-être u!i 
jour découvrira- t-on le texte primitif des Récognitions comme on a découvcit 
celui des Homélies, et la critique parviendra-t-elle à démêler le faux d'avec 
le vrai, à donner une part à la légende en conservant la sienne â la vérité. 
La critique des sources ainsi faite, une question se pose aussitôt à nous : 
Simon le Magicien a-t-il élaboré un système complet, et avons-nons ce 



' Cl- DU Homilien vnd Rrtognitiùmn dei Clemens Romanus. Von Gerhard Uhlborn. p, l^Sgl, 




28 LE ONOSTICISME EGYPTIEN 

système? Nous croyuus pouvoir répoudre aiidrmativement, et, pour prouver 
notre affirmation, nous apportons deux raisons. L'auteur des Philosopkumena 
nous dit qu'il expose le système de Simon et nous devons le croire. En effet, 
cet auteur expose beaucoup de systèmes, cite beaucoup d'auteurs, et toutes les 
fois qu'on a pu vérifier ses assertions et ses citations on les a trouvées justes ; 
on ne peut donc nier ici a priom qu'il donne le système de Simon lorsqu'il 
affirme le donner et citer les ouvrages du Magicien. En outre, l'exposition 
qu'il fait du système est merveilleusement confirmée par l'auteur des Actes 
des Apâires ; celm~ci dit, en effet, que Simon le Mage se faisait appeler la 
Grande Vertu de Dieu ; or, tout le système de Simon, tel qu'il est exposé par 
l'auteur des Philosopkumena, tend à ce but, tons les détails convergent 
vers cette appellation de Grande Vertu de Dieu. Il est doue aussi eertaiu que 
possible que nous avons bien le système de Simon le Magicien dans les 
Philosophumena. 

Les questions précédentes ainsi résolues, on peut voir quelle sera notre 
marche en exposant la vie et les doctrines de Simon. Les détails que nous 
fournissent les Actes des Apôtres sont mis au-dessus de toute discussion ; 
les faits rapportés par les Pères de l'Église des trois premiers siècles ont tous 
les caractères de certitude désirables. L'exposition du système de Simon par 
l'auteur des Pkilosopliumena ne peut être soupçonnée de fausseté puisqu'il 
avait les livres du Magicien sous les yeux et qu'il était doué des qualités 
requises pour exposer convenablement ce qu'il savait ; quant aux Récognitions 
et aux Homélies C/^mewirnes, nous les laisserons complètement de côté. C'est 
d'après ces conclusions que nous allons d'abord rechercher ce que l'on peut 
savoir de la vie de Simon, et que nous exposerons ensuite son système. 

Simon le Magicien était originaire du pays de Samarie ; les Pères de 
l'Eglise vont même jusqu'à nommer le bourg de Gittha, aujourd'hui Gitthoï, 
comme lelieu de sa naissance*. Il acquit une grande célébrité dans son pays; 
tous couraient à lui pour admirer ses prodiges, et il se faisait appeler la 
Grande Vertu de Dieu, lorsque l'arrivée du diacre Philippe à Samarie et la 
prédication de la doctrine de Jésus-Christ le frappèrent au point qu'il se 
convertit lui-même et se fit baptiser. La vue des prodiges opérés par les 



I, xùiiii; Til; ItufLaptim, vûn Éxdctrikii. (.Phiias.. p. 243, I 



LE GNOSTICISME EnVPTlEN 29 

apôtres lui donna Teiivie d'en opérer de pareils; il crut qu'en recevant le Saint- 
Esprit il obtiendrait le pouvoir de faire ce qu'U désirait, et supplia saint 
Pierre do lui imposer lesmains. On connaît la sévéritéavec laquelle répondit 
le chef des Apôtres, maudissant et rejetant l'argent que lui offrait le Magicien ' . 
La réponse que fit celui-ci à saint Pierre : « Priez pour moi, afin que rien de 
ce que vous avez dit ne m'arrive, » suffit pour montrer que la scission entre 
Simon et l'Apôtre n'eut pas lieu immédiatement*. Cependant cette scission 
eut lieu, toute la tradition l'affirme, et Simon devint l'antapjniste de Pierre ; 
c'est tout ce ([ue nous pouvons dire à ce sujet. 

Gomme on le voit, l'auteur des Acles des Apdtres nous parle de Simon 
comme d'un personnage arrivé déjà au faite do la popularité ; de sa vie anté- 
rieure, nous ne savons rien; de sa vie postérieure, nous ne connaissons que 
peu de choses. Saint Irénée nous apprend qu'il habita Tyr un moment et qu'il 
y trouva sonHélène^; il dut faire un grand nombre de voyages*, et finalement, 
semble-t-il, s'établii' à Rome pour y développer ses doctrines en même temps 
que saint Pierre y prêchait l'Evangile. Un grand nombre d'erreurs ont été 
commises et de légendes ialiriquécs sur son séjour à Rome ; dès le second 
siècle, saintJustintonibaitdans une erreur manifeste en croyant que Tinscrip- 
lion vue par lui dans Tile du Tibre : « Semoni Deo sanco, Deo fidio sacrum, » 
se rapportait à Simon ; on sait aujourd'hui qu'il y a eu méprise, et que ce 
dieu n'était probablement qu'un dieu sabin^; mais il n'en reste pas moins 
certain que Simon vécut à Rome, et même qu'il y vécut ou oppf)sition avec 
saint Pierre; les témoignages des Pères sont péremptoires et ne peuvent être 
rejetés, à moins de preuves qui, jusqu'ici, font complètement défaut. 

Au st'jour de Simon à Rome se rattachent les deux récits qui nous sont 
parvenus de sa mort. Tout le monde connaît le premier. Simon aurait pro- 
mis de s'élever dans les airs au milieu du cirque, en présence de Néron et do 

1 Ael. Aposl., cap. viu, v. IS-23. 

' Jbid.. oap. VIII, v.W. 

3 Cf. Ireo. el les Philonoph, . 

* Les voyagea menlïoaiiés par les Itêeosniliona lont groupes dan» riiuvisge de M. Ohlhoraau chs 
[illrg II de la première partir. Siman, d'abord i Céïarto, sa rend A Tripoli, puis i Laadicée. Simon fil 
uns dûule du Dombreui Tojages, mais on ne peut guère atBrmer que ces lojKger, tout caui que 
menlioDuent Eei Bécognilioiti. 

^ Ce point Henible aujourd'hui hon de doute : va a pluaieun iiUKriplions à ce dieu sabin. Cependant 
un Bnvanl Italien ne considère pas In queilion comme eomplAtemanl vid^e. Cf. Lettre» chrétiennes. 




30 I.E GSOSTir.TSME ÉOYPTIRN 

sa cour; dfijà il commençait de planer à une certaine hauteur, lorsque saint 
Pierre aurait faille signe de la croix, et Simon, tombant aussitôt à terre, se 
serait tué'. D'après le second, qui nous a été transmis par l'auteur des Philo- 
sop/iumena, et qui est beaucoup moins connu, Simon ne serait pas mort de 
la manière précédente , mais se serait fait euterrer vif avec promesse de res- 
susciter le troisième jour : malheureusement pour lui, son enterrement aurait 
été définitif, et la résurrection serait encore à venir*. Une lacune du teste 
nous empêche de savoir le lieu où cette scène se serait passée, et nous ne 
voyons pas quelle autorité peut avoir ici l'auteur que nous citons, parce que 
nous ignorons à quelle source il a puisé son récit. Cependant nous ne devons 
pas le tenir pour complètement invraisemblable' , car on peut s'attendre à tout 
dans ces deux premiers siècles do notre ère. 

Tels sont les détails que nous fournissent les écrits des Pères sur la vie et la 
personne de Simon le Magicien ; à ces faits, la critique du système de Simon 
permet d'a])|H)rter quelque hunière en déterminant quel était le caractère du 
personnage. Simon dut recevoir ce qu'on appelle une éducation distinguée ; ses 
œuvres, ou plutôt l'analyse qui nous en a été conservée, nous montrent en lui 
un homme d'un goût littéraire assez peu ordinaire en Judée : il connaissait les 
poètes grecs : Homère, Empédocle, Stésichore paraissent ceux qu'il avait 
étudiés de préférence, (.'ai' il s'en servait pour expliquer sa doctrine ^. En philo- 
sophie, il devait connaître les œuvres de Platon, et peut-être celles d'Arislote; 
l'examen de son système le montre suffisamment *. L'affinité de sa doctrine 
avec celle de Philon est évidente, et cette affinité pourrait conduire à la con- 
clusion que Simon avait étudié dans les écoles d'Alexandrie. C'est, en effet. 
dans cette ville que le célèbre Philou avait fondé son école, et Simon le Mage 
est l'un des contemporains de Philon qui se rapprochent le plus du docteur 
juif; car on trouve déjà chez lui le sens allégorique, dans les Écritures, 



' 'MXà imUiv à Beiac àçméiuvoc IlfTpe; iyv\itioacv avtôv twv tî)î àitàtrit icttpBiv, xbI tIXo; Éi; à-rriva 
QaupoToupYÎa; npensileaiiiuvG;, xal tlti'a; -^spiioc xctt yaTixelv; ih iistipopov i(^a(, no'ii.Sn opùvTbn 
'Pu|iafuv, df' C')i<ni; âuriv icaXloO xaTippo^ TtpixTtuEcÉiuvcit. (Théodorel, Hmret. fab.. lib. X, c. i.) 

' OCto; Èie)tÎ).ic iyftSiv iv t Tii ini niàromov xaflEHiiivo; liHnmi. K«i iii ï.oiniï 'efV'i ''°^ îiiTZ'o*»! 

viviiuvo: Sii t4 li^pavCïiiv (f 11 s-n ti fit(Airn îûï, ivaimio-irai i^ Tpti5 JilUpqf. Kal Ht Tneov xiXiûaot dpu- 
ïïfivi- 'j!:i t&v nahjTùv, ÈxiXiuoE -(loi^iiax. 01 |iiv olv tô icpamo-/eiv tTtaljioav, tttt ànéfiïivev lu; vOv. 
(PAilo.,, |), 867. n» ÎO, lin. *-fi.) 

s PhUosaph., lili. VI, i, Ji" 19, |i. 203. lin. 9-11 ; 11" iâ. p. ï.tC, el n" il, |.. Ï49. 

• Ibid., Ub. VI, I. a- 9. p. U&-U1. 



LE ONOSTIGISME EGYPTIEN 



31 



entièrement substitué au sens historique. En outre, Simon devait avoir, pour 
son époque, une connaissance assez exacte de l'anatoraie ; car, dans plusieurs 
passages de son système, il décrit avec complaisance ce qu'on savait alors 
de la circulation du sang et de la conformation intérieure de la femme. Les 
théories sont, sans doute, peu conformes à la réalité; mais on avouera qu'il 
faudrait une outrecuidauce étonnante pour fonder un système sur des choses 
dont onn'aurait pas la moindre notion. A ces connaissances, Simon joignait 
encore la science complète de la magie, plutôt expérimentale que doctrinale ; 
car, s'il s'en servit pour éblouir ses adiiiirateurr;, ou ne voit pas qu'il ait 
jamais pensé à làire de la Magie le seul culte vraiment digne lU la divinité. 
comme devait le faire sou disciple Méaandre. Cependant, il semble qu'il 
prenait au sérieux ses prestiges magiques. En effet, lorsqu'il vit les Apôtres 
opérer ces miracles qui, en définitive, convertirent le monde païen, il ne crut 
rencontrer eu eux que des magiciens possédant une science plus élevée que la 
sienne ; le baptême ne lui apparut que comme le premier pas d'une initiation 
semblable à colle par les degrés de laquelle U avait dû passer, avant d'arriver 
à la complète possession de la Magie. Aussi, avec une simplicité inouïe. 
comme il avait appris c^ qu'il savait, il crut pouvoir apprendre ce qu'il 
ignorait encore; il apporta de l'argent aux pieds des Apôtres, en leur 
demandant de lui ouaeiguer à conférer le Saint-Esprit, et, dans sa pensée, 
recevoir le Saint-Esprit n'était que la puissance de produire des merveilles 
auxquelles U n'avait pu arriver jusqu'alors. 

Une question se pose maintenant : Simon le Magicien, celui dont l'ensei- 
gnement est connU) était-il clirétienî Simon le Mage fut baptisé, nous le 
savons, mais d ne crut jamais en Jésus-Christ; l'exposition de sa doctrine 
le démontrera amplement. D'ailleurs quand même on pourrait soutenir avoc 
quelque apparence do raison que Simon h- Magicien crût véiitablement eu 
Jésus-Christ pendant une certaine pai'tie do sa vie, cela n'infirmerait en rir-n 
l'afàrmation précédente ; car le Simon qui est en cause est celui qiû est connu 
par sa doctrine, et ci_U.j doctrine n'arit-nde commun avec l'enseignement 
chrétien . En outre, le système de Simon était complet, lorsqu'à Samarie il entra 
en relationsavecle diacre Philippe. En effet, le texte des Actes des Apôtres 
affirme que le Magicien était appelé « la Grande Vertu de Dieu »> ; d'un autre 
côté, il est certain que ces paroles étaient lo dernier mot de son système, la 




raison d'être de toute sa doctrine. Que conclure de là ? sinon qu'en réalité la 
doctrine de Simon était déjà complète, répandue et adoptée avant qu'il ne 
reçût le baptême chrétien ', 

Quoi qu'il en soit de son christianisme , Simon eut des disciples nombreux : 
au temps d'Origène, il s'on trouvait encore quelques-uns *. Le docteur sama- 
ritain avait composé sans doute plusieurs ouvrages. Sahit Jérôme semble en 
citer quelques fragments ; l'auteur du livre De divinis notninibus donne le 
titre d'une œuvre de Simon 3, il l'appelle 'AwnpfÎTiTotâ, Réponses contradic- 
toires *,- d'après les Cv>istitulions apostoliques, le maître et ses disciples 
auraient tabriijuê plusieurs ouvrago^i apostoliques : l'un do ces apocryphes 
aurait eu pour titre : De la 'prédication desaint Paul; unautrc : Desquatre 
angles dumonde ''. Ces indications sont peut-être sujettes à caution, mais en 
revanche ou peut citer un ouvrage qui est sûrement sorti de la plume de Simon; 
c'est sa Grande Révélation, 'kmfatrtç !j.syiihi,dQnt l'auteur des Philosophu- 
mena s'est servi et a cité quelques passages ". 

Peu d'ouvrages ont été faits sur Simon le Mage : tous les auteurs qui ont 



■ Celn n'eni]itcbe fai tepeadaiil que Simun le t&a-fo u'ai( élà It pare de louleg les hér^sit-e, rar il 
eut des disciplea que nous trouveroDB sur noire chemin. Ces disciples ëlaïeut ccrtainemeat chrélïeui ; 
per couséquenl ils furent hérétiques lorsqu'ils se Béperereiit d'un enseignement que, du resle, ils 
ii'avaieul jamai) complétemeiit adoplé. EiiBiii toutes les hérésies se trouvent en germe dans le système 
de Simon, o'est-â dire loutet lel hérésies qui, pendant les premlen liécles de notre ère, mirent en dan- 
ger le déreloppemeul et l'établissement de la religion chréllunne. Ces liéréaies peuvent loules ee ranger 
soun l'un des trois chefs : Judmo-Chrislianisme, Ducélisine, Onoslicisme ; or, le Judœo-Chrislianiime, 
le Iiocélisme et le Gaoïlicisme se IrouTeut au fond du lyalème de Simon: voilà pourquoi, sans être un 
hèrèliqne daui le sens strict du mot, il est le père de toutes les hérésies; voili jioiirqiiai les Pérès de 
l'Église lui ont fait une part dominante dans leurs écrits comme dans leur eiécration. Cela se com- 
prend, car ils se croyaient les possesseurs de la vérité, et ils l'élaient, en effel, et ils la défendaienl par 
tous les moyens qui éluient eu leur pouroir; In nnlure humaine se retrouve chei eux comme elle se 
relrouve chei lous les hommes : elle s'y trouve moins développée en ses défauts, lorsque ces hommts 
■ont des saints, voilà la seule différence. Au nombre des accusations que les écrivains ecclésiastiques 
ont fait retomber sur Simon, il s'en trouve une qui ne semble pas égalemeal juste : l'auteur des Philtuo- 
phumena l'appelle € un homme faiseur île prodiges et plein de Iblie, insensé, en un mot, • âvQpoma; 
-^1): luati; àitavofo; (lib. VI, i, n' 7, p. S43, lig, 10-11); il va trop loin : Simon n'élait pas un fou, sa 
conduite envers les Apâtres le prouve surabondamment, car elle décelé une certaine simplicité bomiite 
qui Bssurémeul se trompait de voie, mais n'en eiistnil pas moins. 

■ Origenis coiilra Celeum, lib, I, n' SI. 

' In îlaith,, cap. xiiv, 

< Palrol. grec, t. VII, col. 130, u» 9». 

° Cf. D. Maisuet, <.'p. cit. diisert. i'- —Const. apast,, lib. VI, cop. IB. 

To-Jiù li ïpijiiia àitofifftiuî fuvî,; x»! ôvâ[UiTOC t| îmvo(a; Til; lii-riXi); ôuïà|i(«; tï,4 aTtipiviow. 
(Pkilosoph.. lib. VI, i, n' 9, p. 246. lin. 11-13.) — 'Ev 15 'AicôçasEï t^ fi.i-{i).^ xaUl teIiiov votpiv 
ÏKaiTTOv. (/6id., n« 11, p. 249, liu. J-6.) Nul doute que l'auleur des PhilMOphumma n'eût le livre 
(le Simou loua les yeux quand il écrirai! c^s piasagesi le premier n'«st qu'ana oitniion. 



LE ONOSTlCtSME EGYPTIEN 



33 



écrit sur les commencements de la n^ligioii chrétieime en ont parlé, quelques- 
uns assez longuement; d'autres en ont parlé à propos de sujets différents, 
et nous ne connaissons qu'un seul travail qui lui ait été consacré spécialement 
celui de M. Simson, publié en 1841 et déjà vieux'; du reste, l'auteur n'avait 
pas pu se servir des éléments nouveaux fournis à la discussion par la décou- 
verte des Philosophumena . 



SYliTEUE DK SIMON LB MAniClEX 

Comme dans tous les systèmes qui passeront sous nos yeux, Simon dans le 
sien traite successivement de toutes les questions qui touchent à la nature de 
Dieu, à la création, à l'homme, à la rédemption ot à la fin dernière du monde : 
c'est dans cet ordre que sa doctrine sera exposée. 

Au sommet de tout's choses, Simon plaçait le Peu; c'était pour lui le prin- 
cipe universel, la puissanei* infinie. Connue le choix de cette cause première 
pouvait paraître assez hasardé, il trouvait la preuve de son allégation dans 
ces paroles de Moïse ; Dieu est un feu qui bride et qui consume. Dans son 
livre intitulé 'Anôyajis i-i^i^n *, Simon prouvait que cette puissance infinie est 
la cause première du monde. Il y expliquait que cette puissance infinie, ou 
le Feu, n'était pas simple de sa nature, comme la plupart des autres éléments 
mais double, ayant un côté évident et un autre côté secret' : le côté secret du 
feu est caché dans la partie évidente, et la partie évidente se trouve sous le 
côté secret*; ce qui revient à dire qu'il y a du visible dans l'invisible et de 
l'invisible dans le visilde. Cela peut paraître contradictoire au premier abord 

1 Zeitschri/I fur historischt TheoU.gie, 1841. 1 el2 Hofl. 

S}uv Xiyti T^v âpxilv, où voriTOf Ti (lp)]|uvav, ni tiic S'j nCp, atXi. Rûp <f\if<ii xaJxaTaiilinQViOvx oÙtov 
iuiTTriiv itivov Tiv i'i^ai Muoiu;, àUà xil vxdtcivAv 'HpàxXiiTOV a-Avfui^iii. (Philomph., lib. VI, I, 
no 9, p. 246, lin. 3-10). 

^ 'An^pivTov Si (Ivai S'jva|uv i Situai npoOBYOpfûcl tûv iXuv tT|V ipit^v, iéya* aîhuc ■ TatlTO ib •ipif,\Lai 
àicofâiTEuc tpidVT,: xal ôvDiiarrof il inivoiiK t^; |uiràlli; Suvd|uu; t^i dncpâvtou. Aii fmt ^s^payia- 
(livoï.... etc. (Phil. ib., p. !46, lin, 10-13 ) 

* *E«i Si ^ nntpavTO; ÎOviim, li TtOp, xaià rt* ïi)iittvi oiiti 4itiovï,x»B3irep ftl Iti'iJai à«>,i le'ïOvTî; 
îivai xà riooapa oxoixila nai ti irilp irioOv bImi «vo|j,i)iaatv, 411b ïàp lîvoii t^i toû iTJpJ; îini^v tna 
i^,v fian xil TTK Si:tXr,{ tsûti);, luAtt li |uv Ti Kpumôv.Ti U n ipavipiv scxpûçtai Si ta Hpu^crà Iv toi; 
fsnipsT; teO nupis, «al ti çavipà mO *jp4t fini tÛv lipuTn&v Ttï^^Éiai. fibid., p. !47, lin. 1-7,1 



3i 



LE GNOSTICISME EGYPTIEN 



, cependant il n'en est rion ; c'est la répétitiun sous une forme nouvelle de 
l'Intelligible et du Sensible de Platon ou de la Puissance et de fAcle 
d'Aristote. Dans la partie évidente ou visible du Feu étaient contenues, 
d'après Simon, toutes les choses qui tonilieut sous nos sens ou qui pourraient 
devenir l'objet d'une perception quoique non perçues ; dans la partie secrète 
ou invisible, se rangeait tout ce qui est proprement du domaine de l'intellect, 
échappe aux sens et ne peut exister que dans l'intelligence'. En conséquence, 
comme ce Feu comprenait ainsi toutes les choses visibles et invisibles, tout ce 
qui s'cnteud et ne s'entend pas, tout ce qui se compte et ne se compte pas, 
Simon appelait parfaite Intelligence tout ce qui peut être pensé et tout ce qui 
peut agir. G' était la pour lui le grand trésor du visible et de l'invisible, de 
tout ce qui est à découvert et de tout ce qui est caché; c'était ce grand arbre 
que Nabuchodonosor avait vu en songe, et dont toute chair se nourrissait *. 
Toutes ces parties du Feu étaient douées d'intelligence et de raison : ellf^s 
pouvaient se développer, et l'on comprend dés lors que ce Feu, premier prin- 
cipe, en se développant jîar extension et par émanation, ait pu devenir, d'après 
Simon le Mage, la cause éternelle d'un monde étemel''. Simon n'admettait 
donc pas la création; cependant, il ne faut pas s'y tromper, il ne s'agit 
p£^ ici d'un monde supérieur qui soit autre chose que la puissance infinie 
fjisant émaner d'elle-même d'autres puissances qui peupleront ce monde 
supérieur. Il ne faut pas davantage prendre ce Feu pour l'élément matériel que 
nous connaissons ; le Feu de Simon n'est autre chose que Dieu, que le premier 
principe dont la nature est si subtile, que Simon ne pouvait mieux la comparer 
qu'au feu. D'ailleui-s le Feu n'exprime que le côté actif de la nature divine ; la 
puissance infinie est bien plus souvent désignée dans le système de Simon 
par cet autre nom : Celui qui est, a été et sera*; c'est la Stabilité permanente, 
l'Immutabilité personnifiée. 



Vîpyiiqi taXit ^ IIXstuv voniiv xol utofliltov. Ksi ti 



' 'Eati it t«Otd, iiccp 'ApmoTcXii; $\iwi\ut xal 
|ùi fia»(p&v ToO mpi; *àvTS E/ei Év iiuTip 3qi icv 
xpvmiv icàv 0, Il ivvQTim tk voi]Tiv xai iripiufic 
p. Ul. lin. 7-12.) 

* fl Kiftoiou Si iTtiv ilittîv. îtivroiï tûn Sviwv aMrrtiii xi xi'i voijtiSv, u» èxtîvo; xpnçiiiiv xïi çaïtpûiv 
itpooaïopsuti, Im înioaupi; to irtip ti inipoupivio», oloiti 3(vSpov |ut«i "î t* î'' àvelpou pXijré[ieïOV tw 
NafiaujfoJsvoaip, iX o-j itiaa aipj xpiff^iu.flbid,, p. !4T, lin. 12-15, et p. 2të). 

' Uàvia ïàp, çïiîiï. ivÔjuU Ta lupii toù TtupJ; la àopmoi çpiviiaiv i^iiv x«l >Ù[iito; aîa«. Vifiiiiv 
a^-i i iiia|j.aE îrivviiTot jnci toQ i^t^vi^Tau nupo;. Ilbid., a. iZ, p. 2)Q, Un. 12 et fôO, 1. 1-2.) 

* "HvTiva ^'jvoqiiv dnipaviov ç)]«l tiv irtàm,, aixvTx, vniiréjMvav. (Ibid., p. 200, lin. 8-9.) 




r.E GNOSTICISME EGYPTIEN 



.35 



Lant, comme l'immutabilité du premier principe ne répugne pas à 
l'activité, ce Dieu qui est, a été et sera se tenant (Jorw;} toujours, ayant en 
partagerintelligence et la Raison, de la puissance d'agir passa àl'acte: son 
Intelligence eut une peusée, et pour exprimer cette pensée, elle dut parler et la 
nommer. Ayant ainsi parlé et nommé sa pensée, elle pouvait unir entre elles 
ses différentes pensées et en former un tout par le raisonnement et la 
réflexion. De cette série d'évolutions furent formés six êtres ou émanations de la 
Puissance infinie, elles furent formées parsyzjgies, c'est-à-dire, qu'elles éma- 
nèrent deux à deux, l'une étant le principe actif, l'autre le principe passif, et 
Simon eut aiusi les six œons de son monde supéri<iur auxquels il donna les noms 
suivants ; l'Esprit et la Pensée (N0Ù4 et 'Enivoio: ), la Voix et le Nom (*wiij-' et 
Ovofioi), le Raisonnement et la Réflexion (Aoj'iff^i/o's et'Ev9u|^>Tiriç)*. Quoiqu'on no 
le trouve pas formellement exprimé en cet endroit, le premier ieon de la syzygiù 
émanée était mâle, le second était femelle : le seul mot de sjzygie indique 
qu'il en devait être ainsi, et nous verrons plus loin que Simon l'enseignait 
véritablement pour les imas qui composaient le second monik'. Du plus, ces 
six jeons étaient de véritables émanations, quoique le mot ne soit pas employé : 
la théorie seule de leur descendence le montre assez clairement; mais nous 
avons des paroles plus significatives encore : « Dans cliacun de ces six êtres 
primitifs (piCaiî), disait Simon, la Puissance infinie se trouvait tout entière; 
mais elle ne s'y trouvait qu'en puissance, et non en acte. Il fallait la conformer 
par une image afin qu'elle parût dans toute son essence, sa vertu, sa grandeur 
et ses effets, et alors l'émanation devenait semblable à la Puissance infinie et 
éternelle:si, au contraire, on ne la conformait pas par une image, la puissance 
ne passait pas en acte et se perdait, n'étant pas employée, comm ' il arrive à 
un homme qui a de l'aptitude pour la grammaire ou la géométrie ; s'il ne met 
pas en œuvre cette aptitude, elle ne lui sert de rien ; elle est perdue pour lui, 
il est absolument comme s'il n'en avait pas*. » Que signifient ces paroles 



TtvïilTOï àiii Tî|t ipipi; tfO tupi; Èxiivou- ïtyoïêiai ii toc pHa; Içniri satà ovCvïiaî àno xoû itvpit, 
AuTivat fi^nc itsXci NaOv xai 'Eniioiov, 4>u>vf|v, xai "Ova|>a, Aoyia{iLiv xii "Eifl'JiLiiiiiv- ilvai SI iv Ta{( H 
^ICoiç TOÙTai; nitrsv &|LaO t^v àinpviTov Sùv<i|iiv juvà|ui. aux Évtpycif • (Ibid., p. KiO. lin. S-S. ) 

* 'O; iàv ^1 ÉfuxQvioll^, ûv Êv Tat( t\ Suvii|icin>, Inai iOaiqL. 2uvâ;LEi. lUfrïti, animUa^Ti, (lia xal 
V| tt'JTJi t% à.fii-i'ïftif ïol iitipàvru îuvii[iti, xil O'JSiv 81»; Ejouaa ivSwimpDi Êxiivii; ïiit àïivy^T'HJ xii 
JLirapayiôxTOU vu ànipàvrau iuvà|uu;. 'Y.it ti |uiv:g -c^ S-jviiiui (i4vov ci xati H iuviitteii xil ^it ÎÏEtxo- 
virtî, àçavitcTEU, fi^vX, xal à«ô>X«Ti« oûruc à^i■i^ îûï«(âiî ^ yP^I^F'^™^! 1 Tt»(Mtpi«ii iv ivSpuMiou "t^zS- 




3fi 



LE QNOSTICIBME EGYPTIEN 



sinon que pour être en tout semblable à la Puissance mflnîe. lt!S .tons 
n'avaient qu'à Tiraiter dans son action, à devenir eus-mèmes principes d'éma- 
nation comme elle l'avait été pour eux, à donner l'existence à des êtres 
nouveaux, à ne pas se contenter de la puissance, à passer à l'acte. Produire 
des émanations était l'effet de la puissance, effet qui dépendait de leur propre 
action ; mais cette puissance, ils la possédaient par le seul fait de leur exis- 
tence, par le seul fait de leur descendance du premier Principe, le Père ou la 
Puissance infinie. Et comment pourraient-ils avoir cette puissance, si elle ne 
leur avait pas été accordée comme une propriété de leur existence; comment 
pourrait-elle leur avoir été accordée sinon par émanation, puisquelle était en 
tout semblable à celle du premier Principe, ni plus grande, ni moins grande, 
mais exactement la même ? Il n'y a donc qu'un seul moyen d'expliquer cette 
descendance, c'est rémanatioii. Toute la suite des systèmes confirmera cette 
conclusion. 

Nous n'avons pas d'autres détails sur le monde supérieur daus le système 
de Simon, mais nous savons que les six teons ne se contentèrent pas de ressem - 
blerau premier Principe en puissance, qu'ils passèrent à l'acte, que d'eux 
sortirent d'autres êtres par voie de génération émanatrice, c'est-à-dire d'éma- 
nations des deux principes actif et passif. En effet, nous n'avons rien trouvé 
tout à l'heure qui indiquât que la syzygie était composée d'un œou mâle et 
d'un se*in femelle; nous trouvons maintenant des explications qui ne laissent 
aucun doute à ce sujet. « 11 est écrit, disait Simon dans son 'Arif «o-i;, qu'il y 
a deux sortes d'œons n'ayant ni commencement ni fin, sortant tous d'une 
seule racine, c'est-à-dire de la puissance invisible et incompréiiensible, le 
Silence. L'une d'elles nous apparaît comme supérieure, c'est la grande puis- 
sance, l'Intelligence de toutes choses, elle régit tout et elle est mâle : l'autre 
est bien inférieure, c'est la grande Pensée, leon femelle : ces deux sortes 
d'ipons se répondant l'une à l'antri? forment H manifestent l'intervalle du 



npaaXatevaa yàp ^ jû<igi)ii; if^viiv, çû( twv ■pyofUyioi TivCTai' |i^ nfiftaXiSo^aa Si, àn-jfla xai 11x610;, xiï 

id; ht D'jx ^v, âitaSvi^axavTi t^ àvSpuicy mnSisfïeipiTai. Phil., ibid., p. S50. lin. 9-S5, p. S5I, lin. 1-3. 

' Aifii -fap Sit*"*^ Sisp^^^riv mpl toOtou iv t^ 'Aico<pàm dûtuc- 'r|j.iv oûv 'kifit & Uyu, xii -rpàfu S Ypàf u. 

Ta -ypiiiiui ToSco' SJo eliî napxç'jàic Tiûv Sjtuv Alwvuv, ^^ti i?jiii- 1'^'" '"'fi Ijd'joiii, àni |iiac p(Cii;i 

ôXim, hiicuv ta njvti, àpniv* f, îi hipa usTuAcv, 'Enivoia lu^'i'-l. ^"yHx, yf^^Haa tb nivia. 'Eviki 
àUi^^Xoi; àvi<rroij(OÛVTEC, ov^uyiiv f^guoi, mU t& ^'sov iiîaTii|j.s i|i;ii'JDvqiv, âcpa àxonal.i^irrDv, ]i.r\ii 
ifX^i, ^Mt mpoK Ixo'rta. (Ibid,, a. 18, p. 2S1, lin. 4-12.) 



LE GNOSTICI-SME EGYPTIEN 



37 



milieu, l'air incompréhensible qui n'a pas eu de commencement et qui n'aura 
pas de fin'. » Ou le voit, il y avait bien des aeons mâles et des eeous femelles 
dans le sjstèmo de Simon, ils se correspondaient les uns aux autres et ce qui 
se passait dans le monde supérieur, se passait dans cet intervalle ou monde 
du milieu que nous venons de voir sortir de cette correspondance intime des 
deux catégories d'feons. C'est ainsi que nous passons à un deuxième déve- 
loppement de la grande Puissance infinie, le Feu, principe de tous les êtres. 
L'air incompréhensible, n'ayant ni fin ni commencement, était donc un 
second monde. Ce second monde était habité par un être nommé Père qui 
soutient et conserve tout, n'ayant pas eu de commencement, ne devant pas 
avoir de fin. Ce Père est aussi appelé celui qui est, a été et sera ; c'est une 
puissance à la fois mâle et femelle, répoudantà la Puissance déjà existante et 
infinie, n'ayant ni fin ni commencement, et demeurant dans l'unité*. Or, la 
Pensée qui était sortie de cette unité devint double, mais il n'y avait qu'un 
seul Père; ce qui revient à dire que ce père à la fois actif et passif se déve- 
loppa comme s'était développé le premier principe. « Eu effet, ajoutent les 
Philosoph amena, le Père était seul possédant la Pensée en lui-même, n'étant 
pas le premier, quoique existant avant toutes choses, quoique se manifestant 
par sa propre vertu ; car il n'était que le second, Mais il ne fut pas appelé 
Père avant qu'elle ne l'appelât elle-même de ce nom. Or, en se développant 
lui-même il se manifesta par sa propre Pensée, et celle-ci manifestée n'agit 
pas ; mais elle cacha en elle-même ce Père qu'elle avait vu, c'est -à-dire cette 
puissance seconde du monde intermédiaire. Deux êtres existaient donc alors, 
la Puissance mâle et femelle et 'Em'vota (sa Pensée); ils se répondaient l'un 
à l'autre, car la Puissance ne diffère pas de la Pensée puisqu'ils ne sont qu'un . 
Il arrive seulement que ce qui est ainsi manifesté par eux l'est doublement, 
quoique simple ; c'est un principe mâle qui renferme en lui même une puis- 
sance femelle, c'est l'Esprit dans la Pensée (Nov; iy'Emvolx) ; l'im et l'autre ne 
peuvent se séparer et ne forment qu'une seule et même chose*. » Après ce 



> *Ev ik TOÙtiii jiB'Hip i ^otbCwv nStvra kiI tfiçu^i Ta âfxiiv -xal nipat Ij^ùita. OCtj; Iota i i<nl2c, 

ncpa; i/ei. iv iioviniii sisoi. (Ibid,, p. 861, lin. 13'I6.) 

* 'A^ii fàp Ta-Ji)]5 «potl6oOj« T] iv (lOïirUTi "Emivoia iyivFro Sûo... 'Uj oîv ajtoc iautiv ùitb in-jni 
itpoaY«ïiiv ÈçHvipiuq-tv iavnp T^y lîtav "Eitivoiav, ovtut xal ii çaveîoa "Eitivoia oJi Îiio£7]oev, iXXà iiaOoo 
hitçu^it tit mxipa h Iwir^, nurfon -c^ Aûvsptv, xal ioriv jpanâtiiXut Aûvap,!; val 'E«(vOH>, Sfcv ÔX- 




38 



LE GN08T1CI8ME EGYPTIEN 



long texte, il n'y a plus de doute possible, ce Père du second moude se d 
loppa d'une manière analogue à celle dont s'était développée la Puissance 
infinie du monde supérieur : son esprit eut une pensée, et cette pensée par la 
Voix, lui donna ce Nom de Père. Ceci nous explique comment la Pensée, 
'ETTiWa, estappelée à jouer un si grand rôledanslasuitedusystème de Simon. 
Nous comprenons aussi après cela pourquoi après avoir exposé la génération 
des six œona du monde su[)érieur, l'auteur des Phtlosophumena ajoute tout à 
coup : « Il appelle la première sjzygie de ces six puissances et de la septième 
qui est avec elle (c'est-à-dire du monde supérieur) Noùç et 'Ejtt'vaia, le Ciel et la 
Terre {Oùpavéi et Fit) i le mâle regarde d'en haut et pourvoit à son épouse, 
car la terre reçoit du ciel les fruits spirituels qui en descendent et qui lui sont 
analogues. C'est pourquoi, dit Simon, le Verbe voyant ce qui est né de 
Ndûî et d'Eitîvoia, c'est à-dire du Ciel et de la Terre, dit : Ecoute, ô Ciel, et 
Terre, prête l'oreille, car le Seigneur a parlé. J'ai engendré des enfants, je 
les ai exaltés, mais ils m'ont méprisé ', Celui qui parle ainsi, dit Simon, est 
Celui qui est, qui a été et qui sera, c'est la septième Puissance; 
c'estlui qui est l'autour de toutes les bonnes choses qu'a louées Moïse, et il a dit 
qu'elles étaient tout à fait bonnes*. La Voix et lo Nom sont le Soleil et la 
Lune, le Raisonnement et la Réflexion sont l'Air et l'Eati. Dans tousces œons, 
se trouve mélangée la septième Puissance, celui qui est'. » Il ne s'agit plus 
ici, en effet, des six premiers œoQS du monde supérieur, mais des six œons 
du monde intermédiaire; ils portent les mêmes noms que ceux du monde 
supérieur et descendent d'une môme puissance qui est identique à la Puis - 
sance infinie, ou le Feu, Cette seconde Puissance appelée Père est le Silence, 



Î.W»! «vTiTtoizoO«v oùSèï yàp iioçipti 40va(iiî 'EnivoioK, h iïTM. 'En fiiv tûv Svui tO^iffxirai, •■ 
Avvaju;, Èx SI tCiv xitio 'Enîvoia. 'E<ttiv diSv dQtio; xal ri f xvcv àn'aùtùv Ev Sv iJa cOpIirxcdlai, ip9E' 
>>iEl7]>ut IX'^ T^v S^l^uav îv JouTÛ. QStdc litt NoO; îv 'Enivai'a, àxiâpiTtoi i' iic' i't.iiii.ia^ li ivTct, Sun 
ilpiffïovToii. (Philoi., ibid.. n. 18. p. 261, J. 16-17, p. 262. lin.'S-JS.) 

1 IiaSe, cap. i, t. )i. 

* Genèse, cap. i, t. 31. 

' TlSi ÎJ l^ îuvâ|Muv TOÛTUV xal t^î MBôiniç -tfl; ^itTà tùv îï xa).!! -tViv npiitT)» iruZ\jfCia, NoQv xal 
'Enlvùiai, O'jpaviv xal rî|v xai ■cil fiht ipatva /hiiAia imKiuiiv xni Kpovoiîv Tî|t (tjWïom, t^vii ii T^v 
bizaiii^tiAxi tixat Toi; àiti toB OlpivoO voEpoù; i»Taçîpo(ir»ouî tg V% (Tjyïiïeïî napitoûf. iix ToQto, çijulv 
àicaCXûicuv noXXàxit 6 Airac «pi; Tti i% Noi; xil 'Einvaii; yi^iwiduvo^ TOUTÎtrciv ci OgpavoO xat fT,:, 
léxti- • àKOUB, O'jpavi. xil ivuTiÇou, fii, îti Kiîpio; ii.ai.iton. tiaiit iji^nim xa\ Z^aija, a-jToi Si (i! 
tfiitijfov. » 'O II Xifusi TaOta. ptiTlv, J] iSîoiiTi îùïa[iî( èdriv t ïorij;, crtiç, OTriO-ô(ts*o;' aàii; Tap aÎTioî 
TO'JTUv tHv x!Ù£iv ûi Iniiiit Muo?(, xal lïtci xaXi liav. 'H Si *iov^ xài "OïOii» 'Hlioc xii ït'Hivii. 
'O H AoTiofiis xal 'EvWiititi;, 'A^p xal Tîwp. 'Ev Si toOtoic Airisn é(ip,ép;ixX9i xai xtxpaiii, m; l^tf, 
^ ^iràlT) SOvapjt iic^ivn;. i iTtui;. (PhUoi.. ibi t., a. 13, p. fôl, lin. 1-15, p. 253. lin. 13.) 



LE a_NOSTICISME ESTPTtBN 39 

2iy>î, que Simon nous a nommée en nous expliquant les deux catégories 
d'œons. C'est à ce Silence que la Pensée, 'Enîvsior, émanée de lui, donne le 
nom de père ; c'est-à-dire qu'elle le manifesta. 

On voit ainsi que ce monde du milieu s'est développé d'une manière 
analogue au premier; ce développement est un point capital du système 
de Simon, et de tous les systèmes gnostiques en général. Simon admettait 
l'existence de trois mondes (nous n'avons pas encore parié du monde de notre 
création) ; tous les gnostiques l'admettront après lui ; et, comme nous venons 
de le voir pour d'eux d'entre eux, ces trois mondes se produiront d'une 
manière identique. C'est une loi qui ne souffre pas d'exception, nous aurons 
occasion d'en parler et de le taire remarquer très souvent dans la suite de 
cette étude. Une pareille loi, que nous nommerons la similitude dans les 
mondes, jettera une vive lumière sur certains passages des systèmes que nous 
venons d'exposer; nous pourrons nous en servir comme d'une base assurée 
pour des inductions qui no paraîtront plus alors hasardées, mais qui seront une 
conclusion naturelle tirée de cette loi du développement des mondes par 
similitude. De plus, comme la ressemblance que nous trouvons ici pour la 
première fois marquée d'une manière péremptoire, se retrouvera dans tous 
les systèmes dont nous connaissons la cosmoloyie et la théLilogie ou seono- 
logie, nous pouvons conclure que la Ifii de la similitude des mondes est un des 
points fondamentaux des systèmes gnostiques depuis Simon jusqu'à Valentin 
et à ses disciples. 

Simon trouvait la preuve des émanations de son monde intermédiaire dans 
plusieurs passages del'Ecriture sainte. Ainsi il y avait six aeonset une septième 
Puissance, parce que Dieu avait créé le ciel et la terre en six jours, et qu'il 
s'était reposé le septième'. LeSoleiletla Lune sont nommés après les trois 
premières Puissances, le Silence, l'Esprit et la Pensée, ou le Ciel et la Terre, 
parce que Dieu les a créés le quatrième jour *. Cette septième Puissance n'est 
autre chose que l'Esprit porté sur les eaux, cet Esprit qui possède tout en 



àiti iraiTOW T&v ipïuv aOtoO, » xbn ilpnjiivm tômo'* |Uromovo|iiio«c i Il^v touTiï Biowoii 
fPhitoi. ibid., n. li, p. S5Ï, lin. 4-".) 

' "Otm oùv 'liya'sn iii ilol Tpiîc Tijttpni np4 'Hiiou xii ZAr.viK y.-ifnwLitxi, atïiooovTHi NoOv K 
'Eniv«iav, T0-JT^5ïPi Oùpaviï «ai r^v, xal t^v tSi6\ir,: £ùvb[u'. t^ï àmpaïtov. AÙTalYàp a! tpiî; îuvip.; 
lUl Kpi icàouv Tûv àUtov rniiuvou. (Ibid., p, ^31, lin. 7-11.) 



40 



LE GNOSTrClSME ÉGYPTIEN 



lui-iuème, qui est l'image de la Puissance infinie et qui ordonne toutes 
choses' . On le voit, Simon n'était pas en peine de trouver des preuves pour 
son système, et en cela sa méthode herméneutique est la source de toutes les 
méthodes en usage parmi les GnostJques, pour l'interprélation des Uvres 
saints; nous la retrouverons chez Basilide et Valentin, comme nous la retrou- 
verions chez Bardesanes et chen Marcion, si l'élude de ces deux personnages 
rentrait dans notre cadre. 

Après avoir exposé cette a?ono logie de Simon , nous devons nous poser nne 
question : Simon n'admettait-il que l'existence de ces sl\ œons dans chacun 
des deux mondes que nous conuaissons, ou bien avait-il peuplé ces mondes 
d'autres Puissances moindres? Aucun texte no nous répond affirmativement, 
et cependant à chaque instant, dans ce qu'il nous reste à exposer, nous trou- 
verons des allusions à des Anges et à des Puissances dont nous n'avons pas 
entendu parler jusqu'ici. lien faut donc coneUire que de pareils êtres existaient 
dans le système de Simon. Si nous nous reportons, en effet, vers la seconde 
source de nos renseignements dont nous ne nous sommes pas servisjusqu'ici. 
nous voyons dans saint Irénée que la Pensée, l'jeon 'Exivoia, abandonnant le 
Père, et connaissant ce qu'il lui donnait la faculté de connaître, s? tournii 
vers les créatures inférieures, et fit exister les Anges et les Puissances qui 
ont créé ce monde que nous habitons*. Ainsi il y eut dans le nioiule du milieu 
d'autres êtres que les six îeons que nous avons nommés; parmi ces six aeons, 
l'un fut spécialement chargé de produire les autres êtres qui devaient habiter 
ce monde; cet ieon, c'est Tseon femelle 'Enîvoia, et comme il est dit avoir 
engendré, comme la puissance passive ne peut produire sans le secours delà 
puissance active, il s'ensuit que ces Anges et ces Puissances sont le fruit de la 
première syzygie, do Nous et d"Ej:(vo(a, En outre, d'après le principe de simi- 
litude dont dous avons parlé, comme les six a*jns avaient produit le monde 
intermédiaire, comme les six itons du moudi' intermédiaire produisent les 



tSn alâwtn, ai'ri\ Étiii ^fflv, ii tâiôtm Sùvaiii;, ictpl ^; Xifn Muait;' ° ^'^ RviSp.» 6eo'j inififsti cndvw 
ToO ZSaTBf ■ TOUT^oTi, fVJ^, ta irviO|j,ct lit navTS f];ai tv éavTÛ, cixtin tf,; àncpàviav i'jvâiiEu;, ictpl ij; 6 
If|iuv >rrii' ■ lUùv ÎE liftîpTDu iioptpîlC) xoiTiiaOsa [lôiii hsyto:. (Ibi't., p. £52, lia, 13-17, p. 253, 
lin. 1.) 

* Hftnc enim Eiin'iiam eiBilieiitem «x en, eognotcenlani qitte vult |iiiler ejiu, degrwti *il rufiriora et 
geuerare Angulus vt PoIesUtes, n qutbui st mundum hune fact'im diiît. -^ Iren., lib. t, cap. xxiti, 
n- !. (Pair, grxc, l. VII, col. 671.) 



I GNOSTICISME 



Anges et les Puissances, ceux- ci à leur tour créent le monde que nous babi - 
tons. En outre, lorsque ces Anges et ces Puissances eurent été produits par 
la Pensée divine descendue jusqu'à eux, ils voulurent la retenir, parce qu'ils 
ignoraieut l'existence du Père, et qu'ils ue voulaient pas être nommés le pro- 
duit d'un autre être quelconque ' . Ce fut là le prii.cipe de leur faute, la cause 
de leur chute; cefnt là ce qui nécessita la rédemption; mais avant d'examiner 
cette nouvelle partie du système de Simon, il faut voir quelle était son anthro- 
pologie ; de cosmologie, il n'en avait point, du moins nous ne le savons pas, 
puisque nos sources se bornent à nous apprendre que notre monde est 
l'œuvre des Anges. 

Pour ce qui regarde la création de l'homme, les détails abondent dans les 
Philosojihumena; malheureusement il n'est pas très faciJe de les comprendre, 
comme on pourra on juger par l'exposition que nous allons en faire. Voici ce 
que dit à ce sujet l'auteur àea Philosophumena : « Lorsque cette création du- 
monde intermédiaire fut faite semblable et parallèle à celle de monde supé - 
rieur. Dieu, dit Simon, créa l'homme en prenant de la poussière de la terre. 
Il le fit double et non simple, selon l'image et la ressemblance. Cette iiuage, 
c'est l'esprit qui était porté sur les eaux, et qui, s'il n'est pas représenté, périt 
nécessairement avec le monde, car il n'est qu'une puissance qui n'est pas mani- 
festée par un acte. C'est ce qu'indiquent ces paroles : « Afin que nous ne soyons 
pas condamnés avec le monde. » Si, au contraire, il est représenté, s'il se 
développe en partant du point indivisible, comme U est écrit dansr'Amj^otji,-, 
ce qui est très petit deviendra grand*. » S'agit-il ici réellement du premier 
homme ou de l'homme type de toute la création matérielle? Il n'est pas si 
facile de le dire. Nous serions d'abord tenté de croire que cette création est 
celle d'un type, car plus loin nous trouvons dans les Philosophumena une 
phrase qui comporterait a-isez bien cette explication; on y parle, en efl'et, de 
trois feons qui existent comme Celui qui est, a été et sera; l'un a été dans la 



' Poilesquam aulem geueravil eu9, hnec delenla est ab IpiU propler iuvidiam, quoiiiam Dullaiil pru- 
geniea atleriui cujuulain puUri eue. (Ibîd.) 

fi Hti; t4v ttvSpoiitov, xoOv iiti t%i yï^î J.a6iw iB).i« ( 



tû xairiiiii xgtt- 



lXpl9û[UV. ■ 

|i>xpiv (i£-ra 



lO «io|i«vi ycï0|iiï)5( itip' o'JTiïî, în>.oi<te, çr,Ti>. 
aux inViOv, i)J>i Jwtloùi xn' tïxova xal xîO" 

ï. TdOtô émi, çnirt, ti £ipïi(ieïo*, ■ "Jva |i>l oùv 




42 LE GNOSTlCISMi; EGYPTIEN 

Puissance incréée, l'autre est engendré dans le eauraut des eaux seiou l'image, 
le troisième sera dans un monde supérieur auprès de la Pnissance bienheureuse 
et éternelle, pourvu qu'il soit représenté; car tout ce qui est heureux et incor- 
ruptible se trouve caché en toute chose, mais seulement d'une manière poten- 
tielle et non d'une manière actueUe'. La seule mention de ce second a?on créé 
selon l'image, fait penser à l'homme que lui aussi a été créé selon l'image, 
et nous allons voir plus loin que cet homme est bien formé, d'après Simon, au 
milieu des eaux, c'est-à-dire des quatre fleuves du Paradis terrestre. Cepen- 
dant nous ne croyons pas devoir recoiinaître dans cette créature un type pro- 
prement dit, existant en dehors des êtres formés conformément à ce type ; il 
s'agitbiende l'homme et du premier homme; si on le nomme aion qui est 
(aîûvÉoTu;), c'est qu'il a en lui-même la ressembiaece de Celui qui est, a été et 
sera, ressemblance parlicllc qu'il doit traduire en acte, c'est-à-dire qu'à l'imi- 
tation de la Puissance incréée, il doit devenir la source et le principe d'autres 
êtres; c'est ce que Simon appelle roproduii'C la puissance en l'imitant, et ce 
que nous avons traduit plus simplement par le mot représcnlcr («luKovifEiv) . 

Ici nous devons faire une seconde observation pour exprimer une seconde loi , 
nu plutôt un second effet de la loi de similitude qm^ nous avons indiquée. Non 
seulement tous les êtres d'un monde particulier se dévelojipent d'ime manière 
conforme à celle dont s'est développé le monde supérieur; mais encore lous 
les êtres dans chaque monde ont en eux-mêmes le désir d'imiter ce qu'ont 
fait leurs supérieurs dans la hiérarchie de l'émanation. Ce désir ne reste 
pas stérile, il est toujours rais à exécution, et il devient le princiqe de la 
chute des anges et la source du mal : nous le voyons ici dans le système de 
Simon le Mage, nous le retrouverons chezSatornilus, Basilide et Valontin, nous 
le retrouverions dans tous les systèmes gnostiques. C'est un autre poiut fon- 
damentaldu Gnosticïsme, comme l'ématlon et la distinction entre ceux qui ont 
la Gnose sainte et ceux qui ne l'ont pas. 

Nous n'avons pas d'autres détails sur la création du premier homme que 
ceux que nous avons donnés, Nous devons ajouter seulement que ce n'est 



(ttiip imU Ô tarin;, 9Tà(, <rti)iTD{it'iii 
£1 eIxôvi YEvvnQclc. arnai^io; dvi 
Tbid., n" 17, p. ffiS, liii. 0-19.) 



fïu tv tr, àytvïJjtiji î-jvoiui, oîa; ï. 



r.W i-.cpyâ<f. 
; t£iv 6Bituv 

I-. IPhilo*. 



I.E ONOSTICISME KOYPTIEN 43 

pas là une véritable création au sens chrétien du mot, il s'ag-it simplement 
ici d'une formation quelconque, oeuvre d'un démiurge que Simon appelle 
Dieu, comme tous les Gnostiques l'appeUerout après lui. D'ailleurs, comme 
Simonne parle jamais de la création de la matière, comme jamais une telle 
création n'a été enseignée par les philosophes qui out précédé la venue de 
N.-S. J.-C, nous sommes en droit de conclure que le Mage de Samarie 
admettait l'existence d'une matière éternelle qui reçut des formes diverses 
des Anges créateurs. Il n'y a donc aucune contradiction entre l'auteur des 
Phiiosophumena disant que l'homme fut créé par Dieu, et saint Irénée 
aiiSrmant que notre monde est l'œuvre des Auges créateurs- 
Mais si nous n'avons pas d'autres détails sur la création ainsi entendue, 
nous sommes plus heureux en ce qui regarde la propagation de l'homme telle 
que Simon le comprenait et l'expliquait. Fidèle à son principe de similitude, 
comme le Feu est l'origine de toutes choses, ce Feu est encore l'origine de 
l 'acte générateur chez l'homme; car, disait- il, le principe de la concupiscence 
pour la génération est le feu, puisque désirer faire l'acte générateur s'appelle 
être en feu (itupoyTÎcei)'. Ce feu, comme le Feu primitif, est un; mais cepen- 
dant il est double dans ses effets, chez l'homme c'est le sang chaud etrougeâtre 
qui est transmis dans le sperme ; chez la femme le sang se change en lait. 
Dans le mâle le changement du sang devient le principe de la génération, 
dans la femelle il devient l'aliment de l'enfant. Ce changement du sang était 
figuré, d'après Simon, par ce glaive de feu qui devait garder l'arbre de vie 
en tournoyant. Si le glaive ne tournoyait pas, le bel arbre serait détruit ; au 
contraire, si ce glaive lournoie, c'est-à-dire si le sang se change en sperme 
et eu lait, l'essence qui réside en eux^ qui occupe une place spéciale dans le 
lieu où se trouve l'essence des âmes, commencera par une petite étincelle, 
elle croîtra, s'augmentera, et deviendra une puissance infinie, immuable 
dans un feon immuable et arrivera jusqu'à l'œon infini, c'est-à-dire ressem- 
blera à la Puissance incréée des mondes intermédaire et supérieur '. Gomme 




ti JmSuiuîï T^c tUTBSijiTfl; viviViid: 4voij.di;<Tni. (Phil. Ibid., p. ÎM, lin. lO-iï.) ' 

• "Ev R Sv t4 «ûp (ttpo]ii4 urptçitBi B'ja- irtpÉf stu fàp, piiilv, tv tû ivipi t4 al(ia, xil 6tp|iJv, xA i<ly 
6iv, i; irap rjJioij(itvov st; <ncfp(ia' li ît t^ T^ami, ti a-jti Toûto oîua sU fâXa. Kai yivitai i| toCl fiffrio; 
Tpoirft, ïhsaïc ti Si Tijt SijUla; ipoTt^, tpofS TÛ ïeVY7i(ifv«. AÛT-fi, çijnfv, toriv ifi çJoyfvT, p^jjçala i\ 
otptçoviîviifuXiîmraivriiviWïTùOîûXoliTtK îm^c... "Em yàp ji^ rcîtsiiiai ^ çioTivi] Jo|içoi«, fSap^oSDi 



44 LE ONOSTICISME EGYPTIEN 

il est facile de le voir, à travers toute cette confusion, Tordre du développe- 
ment est toujours le même ; la puissance active entre en communication avec 
la puissance passive, y dépose un germe qui n'est qu'une étincelle, ce germe 
grandit et se développe selon l'image et la ressemblance, comme cela a eu 
lieu dans le monde du milieu. La méthode de Simon est toujours la même, 
il s'appuie sur des exemples tirés de l'Ecriture pour expliquer son système. 
Cette méthode est hardie et téméraire, jamais on n'a iK)ussé plus loin la liberté 
d'interprétation ; mais cette méthode était on ne peut plus commode pour 
séduire ceux qui regardaient les Ecritures comme révélées et qui tenaient 
leur autorité pour indiscutable. Gomme Simon ne pouvait ébranler cette 
autorité, il s'appuyait sur elle ; quand les hommes ne peuvent mettre leurs 
systèmes d'accord avec la vérité et la loi, ils font en sorte de mettre la vérité 
et la loi d'accord avec leurs systèmes, au moyen d'interprétations et d'expli- 
cations qu'ils doivent sans doute trouver fort ingénieuses. 

Au moyen de ces faciles interprétations Simon expliquait par l'Ecriture 
comment l'homme se développait après la conception. Dieu, disait-il, créa 
l'homme dans le paradis terrestre, et comme il avait lu dans Jérémie les paroles 
suivantes: ((Je t'ai formé dans le sein de ta mère*, » le paradis terrestre ne 
signifiait pas autre chose que la matrice. D'après ce système d'interprétation, 
si le paradis terrestre était la matrice, l'Eden était la membrane qui enveloppe 
le fœtus. Le fleuve qui sortait de l'Eden pour arroser le paradis terrestre était 
le nombril, car comme d'une source unique sortaient quatre fleuves, ainsi le 
nombril est le lieu de réunion de quatre conduits qui servent à la nourriture 
du fœtus, savoir deux artères qui sont les canaux de l'air respirable, et deux 
veines qui sont les canaux du sang. Ces quatre conduits qui partent de la 
membrane figurée par l'Eden, adhèrent à l'enfant près de Tépigastro, c'est- 
à-dire au nombril du fœtus et le nourrissent, car il ne reçoit pas d'aliment 
par la bouche, ni d'air par les narines, puisque la mort arriverait bientôt 
pour lui s'il respirait lorsqu'il se trouve dans la matrice, car il attirerait à lui 



xal à7Co).£ÏTai xà xa).ôv exeîvo ÇûXov. *Eàv $è orpiçiriTii eI; <jic;p|Aa xxi yatM 6 Svvdi(Ut ev xoutoiç xottotxeC- 
(Jievo; AÔyo; toO TcpooiQxovTOç rov xiiiou xûpio;, ev tû ye^vâTai >.6yo; 4'^*/*^^» àplâ\u>toz âîcô aicivOr,poc 
êXa^î^ou, icavceXcôç {leYaXuvOriaeTai xal au^YJaei, xal Ivrai Sjva{u; àicIpavTo;, àicapdXXaxToc alûvt 
àTcapxXXdxTco puixéri yivo|iivcj) eU "^àv àicipavTOv alûva. (Philos,, lib. VI, i, n. 17; p. 259, Ud. 12-15, 
p. 260, Un. 1-3; lia. 8-14.) 
A Jéréfnie, chap. i, ▼. 5. 



LE QNOSTICrsME ÉGYPTIEN 46 

rhumidité et périrait. C'est pourquoi il est entièrement enveloppé par la 
membrana qu'on appelle â'/viw, il est nourri pai- le nombril et reçoit l'air 
vital par l'aorte '. 

L'eafant, ainsi conformé et vivant dans la matrice n'avait que quatre sens, 
la vue, l'odorat, le goût et le toucher. Simon trouvait la confirmation de sa 
doctrine dans quatre des livres du Penlateuque. En effet, dîsait-ii, le premier 
livre du Pentateugue est la Genèse ; le titre de ce livre suffitpour la connais- 
sance de toutes choses. Cette Genèse, c'est la vue qui est une des divisions 
du grand fleuve de l'Eden, car c'est par la vue qu'on aperçoit le monde, h-i 
titre du second livre est V Exode. II fallait que ce qui était né traversàtla mer 
Rouge et vînt dans le désert (la mer Rnugc, pour Simon, c'est le sang) pour 
goûter l'eau amére, car l'eau que l'on trouve après avoir traversé la mer 
Ronge est amère ; c'est le chemin qui mène 'à la connaissance de la vie, il 
passe par des sentiers durs et remplis d'amertume. Mais cette eau cliangée 
par Moïse, c'est-à-dire par le Verbe, devint douce, et Ton peut voir qu'il en 
est ainsi chez les poètes disant : La racine en était noire, mais la fleur avait 
la couleur du lait. Les dieux l'appellent ^wlu; il est difficile aux hommes 
mortels de l'arracher, mais les dieux peuvent tout *, Ce second livre no 
répondait à aucun sens particulier, mais ouvrait la porte à la connaissance, 
et il suffisait pour cela de prêter l'oreille à ce qu'avaient chanté les poètes 
païens. Celui qui avait goiité de ce fruit divin chanté par Homère ne fut 
pas changé en bête par Circé, disait Simon, mais griice à la vertu de ce fruit 



' ll£i( oûv xai Ttva Tpinov, çïioi, Ttidooti tiv ov8p«ir(w & 6îô( iv ■Ky.fT.f.ùitf, oGîuç 7-ip «Mt™ Sox;T. 
'I^TTui, çijai, ■Kipiiiiaoi r, (Lr.Tpoii x>l ôii ;oÛTO i-rtxi à>.*)h; f| Vpivfii Stiât» Ste 'i.i-(u, t 'Eycà (i|u À 
Tià.aïuii SE il p.TjTpf |iT|Tpù; uDU. • Kxl ToOio 'tàf o-jTU> Oiï^i •js^fi/^ax... El iè «Xiomi t 6Ei; iv H.nTp7 
(inipôi TÎiv svtpunov, TsvTlmiv il napoiiio'u, iû( ivft i<r[u capàieioac T| [tTJTps, ~Sii^ ik vi ^opiov- 
• IIoTa)!^ lxitDpi'j'J|uva; H, 'ESiiL noTiCli thi ^rapâiiioai, > i itif aXôc oÛT'.;. ç])iilv, àTopICïTai b ifif alA; 
li; téaffapo; àpxàç- èxariptaSiv yip toS ûiiçiîoO Îûd iîoÎv àprTpplai irapcniTanl^ai, ix""' irïiw("iT«v- 
xil iùo flf6f; hftxaX sIjiiTO;. "Emifliv Si. ipTiirlv, 6xf> toQ fZiif. ;(ap[(iu JxnDpcu^luvD; A i^t^slA; ilfV'r, 
-cù Tiv9|tiv(|i xsTà TA imyioipiov 3 xaivâ; kîyie; npaai7i>p£Ùq'j<ni A^a^iv oI3t Sus (pXIEcc, Ji' ûv ^Et xnl 
çiptiat ini TaQ *EJi|i leO ^(apfou TA al|ia xaTS ta; x3),oû|uvii; nûla; toû )jnii'CO;t atriVE; li YiTVWjuvgv 
Tplfouoiv al U ipTripCai. 5c {fii(Uv i^itoiit livai tEvcOjiBTo;, ÈiatipuBEv (uta).aEoû<rBl t7)v xOvrtv WETà 
Ti icXaTii JoTOÏiv, itp4; t^i [lE-yàinv ouviitiouniv àpTiipiov t^ï xati f â-/iï xaioupivïiv iopxiii. xa( oÛT»; 
lik TÙV napaftjpiov inl -t^v xapJiai MiOoav t4 iriEO[ia, xiwiaiv ipuMiTai tiôï iiiBf^wv. tD^anôiuvsv 
yip ta ppiço; Èv tôi napaStiaio, oûte tÙi orèiiaTi Tpofiiv Xaiifloivii. oÛte tate Siolï ànauviti' Év tiipoI( yàp 
{iii!ip};(>vTi aiWûi napi n^Sa; rii b Onvaro; tt àvin\(u«v' ÊmmâsaTO ydip 3v à'ffi Tûv 0;pA>v val ifSàpii. 
'A).Xà yàp h'kni itEpiÉaf tyxTai i'|> xiï.ciutifvtji /iTÛvi à[ivi'((>, Tpfçerai Si 3i' ififaloli, xaj iià TJi( îopTÎJt x^c 
xoTà pàz», (lit ifijv, T^v tin msût^KTa; aOinav ^LifiSàvii. (PAi^M. Ibid., p. 253, lin. 13-l(j, ]>. ïlri, p. £55, 
lm.i-7.) 

* Hom. Odyuée. X, v. 305 el seqq. 



46 LB ONOBTICISME EGYPTIEN 

il ramena à ieur première forme œux qui étaient devenus des animaux 
immondes. C'est au moyen de ce fruit divin, blauc comme du lait, qu'Ulysse 
fut reconnu fidèle et aimé par la magit-ienne *. Ainsi uoii seulement Moïse, 
mais Homère liii-raème fournissait à Simon des confirmations de sou système ; 
mais poursuivons notre examen. Le troisième livre du Pentateuque, intitulé 
le Lévitique, répondait à l'odorat, parce qu'il y est surtout question des 
sacrifices, lesquels ne peuvent se faire sans qu'il ae se répande quelque odeur. 
Le quatrième livre, nommé les Nombres, répond au goût ; il est ainsi appeli- 
parce que toute chose y est dite dans l'ordre le plus grand- Enfin le cinquième 
livre, le Deu/éronome, répond an toucher de l'enfant. En effet, le toucher 
après avoir perçu par le tact tout ce qui tombait sous le domaine des autres 
sens, h' résume, l'otïirnie avec certitude, ayant expérimenté que c'est 
quelque chose ou de dur, ou de chaud, ou de mou ou di' froid. Le Deutéronome 
est le résumé de la loi entière, 1.' toucher est le résumé des autres 
sens*. Telle est la doctrine exégétique de Simon ; elle ne saurait être plus 
arbitraire, mais elle n'est pas unique. Il faisait accepter ses élucubratioûs aux 



TOuTËniv ti( -ckaaifiit^ alsOiiaei; TOb Tivvuiiriaij. Spiiiiv, irr^pnaiv, veOsiv xxl àqrr;v* Taûro^ ^kf Ejei )j.àvac 
làc at(>64<r<i; iv i^ icapiSti^ui n).9iff9i|iivgv lù naiifov. O^Ito;, fiiaiv, j vj|u( ii é6t|xi Muirf);, xal itpA; 
TOÛTOV «util ï4v vonov ïÉfP'""™' TÛv PiBXicov ÎKaOTOï, û; al 'Eiriypapai îtiXoOm. Ti upûTOV piSiiov, 
l'ivioïc flpxii, finrl, npôt -pcioiv Tûiv fllujv >) 'EjtiT-p«TJj toO p(S«!o'j.Aijrti -j-ip, <fni'vt, Èoriï f, iliiaK,ifvs\c, 
dî ijï à9«p(tiT«i itotalioQ a^lmi tj )ila' Éatifrn t«P * niilioî ii âpaoti. ■EniTpijA PiCJfou Jdjtipo'j "EfoSoj. 
'ESeï ■fàp t4 yivviiSàv, div "EpuSpàv EioSEÛffav Bâlaouav, iXflïîv ini tt|v (p7i|ioï, ( "EpijBpàiv 3( XiYti, ï«al, t4 
ai(Mi) xal ïeûffïoOai rnupiv CSiop. Hiicpiv yàpi çiiniv, ton t4 ûjup t4 (itTà tijv "Epuftpâv eiïaooav, Bnip 
Éarii AU; tî;; xatà i4v ^inv yvûoiui:, iià TÛv îniiciviuv oiiuoixiv)] val mxpûv. STpiçii £i Cini Uuo'fui;, 
ToutioTi ToC A4you, ti iiii(p4v IxeÎïo ïîvttai yïuxû. Kai îti Tail6' ouTruc i^ci, xïivr, :t9VTt.)v Éotiv ax^Ctiai 
xertô mi'; itoiiiTàt Itrivtiuv 

*PiC>] |tÊv (liïai {oxi, ^dlaxTi il tlxilov àvQof 

àïîpiii Y! flviiToIiTC Seol i( ti itavta iOvavTai. 

'Ap«l, îTiil. î6 ÂE^Stï iuti TÛV iflvûv np4î Èitiyviooiv tûiv Ôlciv lott lywint axoat tuy/àvtn âxaîl;' 
TOÙToii TOp, çiiîiï i ytufuiiiiïo; Toû xapitoû iiïti lîc Kipxit où» àirtftjipimOii [livot. âWi xai toùj ftÎTi ïtBrl- 
piu|iivou(, ir, 3uvà|iii xp'"l"'"'î toio'Jrou xapjraa, eiç t4y itpfiitov cxiîiov i4ï lîiov airùv àvEitlao» xai 
à-immam xil àvixaï'aaTO ^spaxiiïpa. I1i7t4c 4i àvi^p xal àYonùp^evo; {iicb Tr,c fap|U(x(io: Ïkc'vi:i 3iâ 
tAv yaXaxTÛJT) xal Btlov îxcivov xapitiv, fnolv, ibptuxetai. (i'Aifoi., lib. VI. i, p. 2^, lin. 1, 161, p. 236, 
p. a?, lia. 1-4.) 

* AEuiTixiv i|iq<i0( i4 ipiTov ^iSÏ.(av, Snip Éarlv T| 4iif pr|9K r, àvam^iii Ouoiûv Yàp ini xai npaofopûv 
a>(>v ixtîvo t4 ^ifi).iav. "Gnou 4J Int buni, ôop;;^ ti); lùuSia: àK4 TÎ|C Buai'at iià Tùi e'j|j.iaii.diT(i)v '^ iviiac 
itifX f|V lùoiila'i o^fpiiai'' SHOi Sel xpirripiav. 'Api6|j,ai ^4 TftapTov iiùv pifiyfuv y'^oiv Xéyfi irav X^Y": 
îvEpYii. Aià Yàp toC ).aXiïv nâvia àpiS|wC Taf» xaXcÎTai, Acuitpavi|iiqv Si, ^Tjai'v, Éori np4; T*,i if^v tO^ 
iHi[).a(r|iivou naiiiou TtYp3p.[i.£vt>v. "Qimip Yàp ri &f^ ti ùr4 tQv siXuv i<79^aiigv 4pa6£via QiYDCna ivaxc 
çaiaioOrai xai piSatoî, ox/iipiv fl ttipuîn î| Ylioijpov ^ 4'<'ÏP''* îoxi|inoaiia, oûtuî tIi ittiunôv pi6)io* taO 
vi)iau, iyaKtfa)ai«ai'; cori ifn icpà âutoO YpaqiÉvTuv tiosapuiv, (Ibid.f p. 257, Un. 4-14.) 



LE GN08TICISMF. EGYPTIEN 



47 



Juifs en leur montrant qu'elles étaient d'accord ave'.- les livres saiots, aux 
païeus eu li^s lenr explitiuant par le-; mythes ho[ûéri([ues. Toutefois se'î expli- 
cations ne nous semblent pas péremptoiros ; elles dénotent qu'uoe époque où 
on les pouvait donner au public et les faire accepter ne ressemblait guère à la 
nôtre, et qu'il (allait être affamé de s^'stêraes pour adopter clui qui reposait 
sur de telles preuves. 

Cette exposition de la doctrine antliropologique et de la méthode de Simon 
noiisa enti'aiiié uu peu loin, il nous faut revenir maintenant à ce qui touche 
de phis près l'enseignement philosophique. Nous avons vu que la détention 
d"E;r!vo(a, U Pensée divine, par les Anges créateurs, avait été [mur ceux-ci 
le principe d'une chute et la source de tout mal. Créé ])ar ces anges préva- 
ricateurs, l'homme avait le vice de son origine ; il participait à la faute, était 
soumis à la puissance tyrannique des angei et avait ainsi besoin du Sauveur, 
Ces ange.s qui retenaient 'ETtîvoia prisonnière parmi eux la maltraitaient pour 
l'empêcher de retourner vers le Père ; ils lui firent souffrir tous les outrages 
jusqu'à ce qu'ils eussent réussi à l'enfermer dans un corps humain. Alors, à 
travereles siècles, elle passa de femme eu femme, comnied'uu vase eu un autre 
vase passe un liquide quelconque. Ce fut à cause d'elle qu'éclata la guerre 
de Troie, car c'était elle qui se trouvait alors eu Hélène. Le poète Sfésichon», 
pour l'avoir maudite dans ses vers, iîit privé de ta vue ; mais ensuite s'étant 
repenti et ayant chanté la palinodie, il recouvra l'usage de ses yeux. Enfin di» 
femme en femme, 'ErttvBia était arrivée aU temps de Simon à la dernière des 
dégradations, elle était renfermée dans le corps d'une prostituée; c'était la 
brebis perdue*. 

Cependant il fallait l'éussir à délivrer de cet esclavage l'ieon divin qu'oppri- 
maient les anges créateurs. Pour cela le Père envoya un Sauveur sur la terre 
afin de délivrer 'Enîïsia et de soustraire en même temps les hommes à la 



■ KiÎ7'ipTbvEoOpciovfiCiiovoiX>ilTOpiï>KBidr' 'Bliviiv 9)u Tr, Xa|titàil, val Skia iiUvrstt, Sua luriYpsfUv 
tl; Ta «Ùtoû xal Tfl; îitcvaîa; itXiforout i*«Tei. Elvai ','li.syi tiûtij» ti itpàîiTov tb laTti.riTULhii' t|Ti( 
àti i(«T«iiyo|i(vil il fvMiïi hipaaat tàî tv nônfUi" îuvci|iin 3ià tÔ àvjn£p61iliov aOti); xàlloî. "OOiv 
«ai 6 Tpw!xb( «âitiio; îf aOi-^v '(iyéili'"f- 'Ev T^p -% nat' cxthnt naipîiv ïevoiiîvii 'BihiQ îvc(ixïi<jEv -^ 
"Enivoia, xal evro»; li&iin itainaX'ifiitan oàtfjt T«u ilnjsitov orâoij ital xiienoç tmniimi iv taï; i^ivil 
IBïWiv. OjtJ.( -jiiii Tou înioîxopov Sià tûi iic&v Xftiîap^oovTa a-jti^ï, TBt i+uc tufXtttflrivai' oi'Ji; ii, 
|Uia|i!Îiii*iyto; aùtoO xal ypâi^ayTo; Tàf UaXiv(|)]ia; iv aie <i\Lvi\iii aOrfri, àvaSXl+ic pitEvouifiotou 
t»iwiv 6n) Tôï àjTiXan xal twv kiStoi iEouoiwv, al xal tôv iiôa(iov, f*i'''i tuoiiliav, ûarcpm ènl târsvic it 
Tûpt|i t1|c fcnixDï irêXii inj|v«, f,t xatiMin Apt^, {Ibi-i., p. !43, lia. 1-13, p. S64, tin. l-£.) 




48 LB GNOSTICISMB EQYPTIEN 

t^Tannie de ces Anges dont chacun désirait le comiuaudement et la préémi- 
nence sur le monde. Ce Sauveur descendit du monde supérieur, il changea 
de forme pour passer au milieu des Anges et des Puissances sans en être 
reconnu; c'était Simon lui-même '. En Judée, il se montra aux Juifs comme 
Fils; au pays do Saniarie, il se fit voir aux Samaritains comme Père, et, dans 
les contrées païennes, il se révéla comme Saint Esprit. 11 se disait la sublime 
Vertu qui est au-des!^iis de tout et ([ui reçoit tous les noms que peuvent lui 
donner les hommes ■, Son arrivée dans le monde avait été prédite parles 
prophètes, mais ces piophètes avaient été inspirés parles Anges créateurs'. 
Sur la terre il s'était mis à la recherche de la brebis perdue,- c'est-à-dire 
d' "EthWo:, la Pensée divine, il l'avait trouvée dans une maison de prostitution 
àTyr, il l'avait achetée et la conduisait partout avec lui; elle portait alors 
le nom d'Hélène. Enfin, pour accomplir sa mission de Sauveur, Simon était 
apparu aux hommes comme l'un d'entre eux, quoiqu'il ne fût pas homme, il 
avait semblé souffrir quoiqu'il n'eût pas souffert ; mais des qu"il eût délivré 
Hélène, les hommes qui crurent en lui et en elle furent libres ; peu leur impor- 
taient les œuvres qui ne sunt pas bunnes naturellement, mais seulement par 
accident. La loi avant été donnée par les Anges créateurs, Simon était 
venu pour délivrei' les hommes de cette loi, il devait donc en nier la nécessité 
et dire que les hommes étaient sauvés par la seide vertu de sa grâce et non 
par leurs propres méi'ites \ 

Tel est ce mythe de T'Erivoia de Simon, Nous disons mytlie, car la 



' 'Ei:i fàp T^v inûniv npiorpi'/ WTi)ori ifi) nspiïn-ovivcii, 5«uj; pû?n;tai aC-rf,-. Tûv îiO|iiùy, f|ï ï.'jTpcii- 
oaiitvot Sfia t»UT<|i jctfifiic. — làid. p. 21*, liv. 8-4. — Qiiapropler el ipsuro Teniwe, uli esm aisumeret 
primnm et li'u-rarel eani a vinculil, haminibua autam salutem pras'arel per suam agailiojiem. Cum 
enïm mai* modéra renlur Angeli mimduin, quoniam unusquisque eorum coiicupiiceret princijieliuii, *d 
cmeadalioiiein veniase rerum, el deiceadiBsc eum IrBiiifigiirHlum. {Ireii.T, lib. I, cap. xxtil, n* 3. 
Pair, grxc, 1. VU, col. 67?.) 

I Hiu igïlar a mullli qusei l'eus glorilînalua est, el docuit rametipsum eue qui iiiler Judicoa qltidem 
quasi FiliUB apparueril, in Samaria aulem quasi i'nter descenderit, in reliquifl vero geulibus quasi 
SpiriluB sanctu? adventaverit. Esse autem se sublistininm virtiiteni, hoc esl eum qui ait super omnia 
Pater, el auslinero vocari se quodcumqne eum vocant hnmine». (Ibi-i., col. 871.) 

iprophetas autauia muiiUi fabricatoribui Aogelis iaspirstos iti\iiie prophelias. <ld. Ibid., col, 67S.) 

* gecuiiilum eiiiia grariam ipsius(Siiaouis)»alvari homiaes, seJ uon secundum opéras juelas. Nec eaim 
esse nalurallter operaliooes justas, sed ei accidenti; quemadmodum po^ueruut qui mundum fecerunt 
Angeli, per hujulinodi prnscepta la serritutem dedocentes bomioea, Quapropter el saivi mundum, el 
liberari eoa qui sunt ejua, ab imperio eorum ipii muodum feccruni, repromïiil... ut et iu hominibtu 
honio npparerel ipse, cum non esi^l homo, et passum antem in Judœa putntum. cum non esset pamu. 
(Id. Ibid.. n" -3, col. 672.) 



LE QNOSTICISME EGYPTIEN 



iQ 



réalité de l'existence d'une courtisane nommée Hélène, maîtresse de Simon, 
n'enlève rien au ra^'the lui-même. A vrai dire, dépouillé des circonstances 
grossières qui l'entourent, il nous paraît beau. Cette pensée divine, retenue 
par des créatures inférieures qui lui doivent l'existence et qui veulent l'égaler, 
dégradée par ces Anges et ravalée jusqu'à la pire des conditions, ne figure-t- 
elle pas d'une manière sublime les vnius efforts de l'âme humaine voulant 
arriver à la puissance de Dieu dont elle est l'image, et tombant toujours 
d'abîme en abîme, de turpitude en turpitude, tenue sous la domination des 
Esprits jaloux qui lui portent envie, voulant l'empêcher de se relever et 
de remonter vers Celui dont elle est la ressemblance ! L'âme humaine, ainsi 
dégradée, n' est-elle pas cette brebis perdue que le Sauveur était venu cher- 
cher sur terre? La mission de ce Sauveur et le besoin que l'homme en 
avait, nous paraissent heureusement figurés par'Eni'voia prostituée, et rachetée 
par celui qui se faisait appeler la grande vertu de Dieu. Toutefois, nous ne 
croyons pas qu'il n'y ait là qu'un mythe, il y a plus : la réalité d'Hélène nous 
semble historique autant que celle de Simon ; le magicien de Samarie ne se 
servait du mythe que pour couvrir la honte de sa vie privée. L'auteur des 
Philosophttmena nous le dit en termes exprès : sa morale, fondée sur 
l'indifférence des œuvres, était criminelle; il admettait la promiscuité dans 
son école, en disant que peu importait où. la semence était déposée, pourvu 
qu'elle le fût ; la promiscuité était, selon les disciples de Simon, la parfaite 
dilection; d'ailleurs ils n'étaient astreints à aucune loi, ils n'étaient tenus 
d'éviter -aucune des choses qui passent pour mauvaises, puisqu'ils étaient 
sauvés par la seule croyance en Simon et en Hélène *. 

Pour achever l'exposition de tout ce qui se rapporte au système de Simon 
le Mage, nous devons dire que ses disciples furent nombreux, qu'ils se 
livrèrent, à son exemple, à toutes les pratiques de la Magie, qu'ils faisaient 
usage d'exorcismes, d'incantations, de philtres, qu'ils attachaient de l'impor- 
tance aux songes, y ajoutaient foi, en faisaient naître à leur gré, et obligeaient 
les esprits de l'ordre le moins élevé à leur obéir. Us s'étaient aussi fait des 



i 01 Si aîOi: ((lar.ti! toO n)âvo'j mi Sifiùvt 
Btîv [ii'ïvy^Clai, ÀfrovTt;" itâna jt) Tfl' '''''' "0 

tib. VI, 1, n. 1», p. 204, lin. 7-13.) 



■j ■fiïOp.EïOi, -ri SiLOix ÎSmiJivi aisYiotiu; (pôoxOvTEî 
1 noB Ti; onti'pei, nii^v l,% oittipr,- àïli «ai [laxa- 




50 



LE GNOSTICISME EOTPTIEN 



statues représentant Simon et Hélène; qu'ils désignaient sous le nom de 
Jupiter et de Minerve; dans leurs mystères, on ne devait jamais prononcer les 
noms de Simon et d'Hélène, sous peine d'exclusion, l'initié ne devait se servir 
que des appellations supérieures et cachant un sens profond de Jupiter pour 
Simon et de Minerve pour Hélène ' . 

Tel est en son entier le Système de Simon ; on peut voir que les différentes 
parties de son exposition , telle qu'elle nous est parvenue, ne sont pas également 
développées. La partie qui l'est le plus est sa méthode, l'emploi arbitraire 
qu'il faisait des Saints Livres et des œuvres poétiques, pour montrer que son 
système n'était pas sans preuves. Certes, nous sommes heureux de posséder 
autant de détails sur cette partie ; mais si le choix nous eîlt été laissé, c'est sur 
d'autres points que nous eussions demandé des détails plus circonstanciés. 
Quoi qu'il en soit, son système se résume en quelques points principaux. Selon 
Simon, l'univers entier se composait des trois mond*s supérieur, intermé- 
diaire et inférieur qui se développaient d'une manière identique et parallèle 
Dans les deux premiers, on trouve une œonologie distincte et déterminée 
émanée d'une puissance supérieure qui produit ses inférieurs; notre monde 
lui-même est produit par des Auges habitants du monde intermédiaire qui le 
dominent et l'oppriment. Ces Anges pèchent par envie ; la force d'imitation 
qui se trouve en eux devient la source du mal, en les portant à vouloir imiter et 
retenir ce qu'ils ne peuvent faire, ni parfaire, ni embrasser. L'homme, leur 
créature, participe à leur nature défectueuse ; un Sauveur est nécessaire. Ce 
sauveur, c'est Simon lui-même, qui n'est autre chose que la grande puissance 
de Dieu. Simon parait sur la terre comme homme, il semble souffrir, et cepen- 
dant il n'est point homme et ne souffre pas. Il donne à ses disciples une 
doctrine qui les délivre de toute loi, qui rend les œuvres inutUes, parce 
qu'elle les prédestine, à la seule condition qu'ils l'acceptent. 

Toute cette doctrine s'enchaîne avec habileté, et s'offre aux hommes pleine 
d'attraits, ne prosentant aucune difficulté. C'était un immense arsenal où 
tous les hérétiques futurs pouvaient venir prendre des armes et se furtitier. 



■ • Igilur horum mysliei sacerdotes lihidmose<)uideni ïStudI, magiae auUm p ^ 

polïst unusiiuisque eorum. Eiori^iEinis et incaaUilioiiibus utunlur. Amaloria quoque et asogim.-i, 
dicunlur paredrL el onirompompi, el quxcumque sutit alla peiier^a apud 



^magiaern quoque Simonîs hobenl 
adoraal. (Saint Irénée, lib. I, cap. 



il quaicumque . 

cbtu ad Rguram Joiis, el HeUnai la lîguram M 

txjir, u. 4. Pair, grec, l. VII, col. G72-673.) 



quemaduiodiun 
giin.-i,el qui 
eiercenlur. 



LE GNOSTICISME ÉGYPTIEN 51 

Le judaïsme pouvait s'emparer de la méthode de Simon, l'exagérer et vouloir 
que rienne fïit hors de la loi et des prophètes, comme Simon expliquait tout 
par les livres de V Ancien Testament; l'hellénisme pouvait faire de même et 
se servir des poètes païens mis à contribution par le mage de Samario. Le 
docétisme avait sa voie toute frayée; car Simon enseignait déjà que le Sauveur, 
c'est-à-dire lui-même, n'avait eu que l'apparence humaine, et qu'il n'avait 
souffert de même qu'en apparence. Enfin le gnosticisme trouvait en cette 
doctrine, outre les erreurs précédentes qu'il devait s'approprier, une œono - 
logie, une cosmologie, une doctrine sur la rédemption, qu'il développa 
jusqu'au moment où nous verrons Valentin élever son édifice grandiose. 
N'avions-nous donc pas raison de croire que Simon est bien le père de tous 
les hérétiques qui parurent dans les premiers siècles de l'Eglise ? Cependant, 
si l'on en excepte la doctrine sur le Sauveur, où trouve -t-on quelque chose 
qui se rapproche des dogmes du christianisme? le nom de Jésus-Christ 
n'est pas même prononcé, ce qui prouve que le système de Simon n'est pas un 
système chrétien. 



CHAPITRE I! 



MÉNANDRE ET SATORNILUS 



MÉNANDRB 



Simon le Magicien laissait après lui un disciple nommé Ménandre *, sama- 
maritain d*origine et né dans le bourg de Capparé, si nous en croyons saint 
Justin ^, ou dans celui de Ghabraï, si nous nous en rapportons à Théodoret ^. 
C'est tout ce que Ton sait de la vie de Ménandre ; et, quoique tous les auteurs 
qui ont parlé de Simon aient mentionné Ménandre, ils ne nous en ont appris 
que fort peu de chose ; l'auteur des Philosophumena le passe même complète- 
ment sous silence, ce que nous ne saurions trop regretter. Aussi son système 
nous est-il presque entièrement inconnu. Cependant, pour ne pas interrompre 
la suite généalogiquequinousdoit conduire à la pleine cffloresconce delà Gnose 
égyptienne, nous n'avons pas cru pouvoir omettre le plus petit intermédiaire 
entre Simon et Valentin. 

Tous les auteurs qui parlent de Ménandre ont puisé à une source que 
saint Irénée nous représente avec le plus d'autorité. « Le successeur de Simon 



* Sur Ménandre cf. Iren. lib. I. cap. xxiii, n*» 5. — Justin, AjpolA. — Terlull.De prescript, c. xlxi; 
De anima, cap, l. — ËMsébe, Hist, cccles. III, cap. xxvi. — K])ii)han. Hœres, xxii. (Théodoret, 
Ilxr. fah, lib. I, cap. ii.) 

* Just. Apol. I. 

^MévavÔpo; fil Tt;,xal «Oto; lai^apetni;, ànb KàSpzî Xfa>(x^; ourco xa/.o'jjisvTj;; ôpjA(ôjAevo;.(Théod. Ilxret, 
fab, lib. I, cap. ii.) 



I.E GNOSTICISME EGYPTIEN 53 

fut Ménandrc, dit l'évèque de Lyon; il était Samaritain d'origine et parvint 
au sommet de la science magique. Il disait que la première Vertu était 
inconnue de tous et qu'il était lui-même le Sauveur envoyé par les Puis- 
sances invisibles, afin de sauver les hommes. Selon son système, le monde 
avait été créé par les Anges qui, comme Simon l'avait dit avant lui, n'étaient, 
affirmait-il, qu'une émanation d^EwKota. Cette 'Evvsia communiquait la science 
de la Magie qu'il enseignait lui-même et qui apprenait à vaincre les Anges 
créateurs du monde. S3S disciples ressuscitaient en recevant son baptême, 
disait-il; ils ne vieillissaient plus et demeuraient immortels K » Voilà tous 
les détails que donne saint Iréuée : Eusèbe, Théodoret, saint Épipbane les lui 
ont empruntés. Théodoret cependant diffère de saint Iréuée en disant que 
Ménandre affirmait avoir été envoyé par la première Vertu invisible : saint 
Irénée parle seulement des îeons invisibles *. De plus, Eusèbe nous spécifie 
un peu plus clairement ce qu'il faut entendre par cette magie que Ménandre 
enseignait : « Personne ne pouvait, selon Ménandre, dit-il, arriver à être 
supérieur aux Auges créateurs du monde, s'il n'acquérait l'expérience delà 
magie que lui, Ménandre, enseignait, et s'il ne participait à son baptême. 
Ceux qui en étaient devenus digues y trouvaient l'immortalité, ils ne mouraient 
pas, restaient sans vieillesse dans une vie immortelle ^. » 

Avec ces quelques détails, nous pouvons reconstituer un peu plus au long 
le système de Ménandre. Gomme Simon le Mage, il enseignait l'existence 
d'une première ^•Jvap.n invisible et la création du monde par les Anges émanés 
d"'Evv=i«, Or, ces deux points sont les deux points extrêmes du système de 
Simon, d'où nous pouvons conclure, sans trop de témérité, que Ménandre pro- 
pageait la doctrine de son maître sur toutes les autres questions qui sont entre 




1 HujuB «iiccsuor fuil Uenaiider, Siuntii'ileg génère, qui et ip;e ad aummum mngiic pervenit. Qui 
primam quîdem virtulem ÏDcognilBin ait Dumibus; se aulem euni esse qui missua sit ab tavisiUilibus 
ulTSlorâiD pro salute homiiiura. Mundum aialem roclum ab An^elii, quos el ipse, similiter ut Simon, «b 
ËQDOÎJ emiuc» dîcit. Dore quoque per eam quuj u ee d<jceulur iiia),'iam, suleiitiaiu ad id ut et ipEos qui 
mundum fecerunt vinnat Aiigelos. Resurre^Liuijeiii euïm per id quod est in euni baplienig, accipere cjui 
iliscipulos. et ultra non (losse marïiSed persevurure non seuescenies et imcaorlales. (Jreii. I, cap. xxiii; 
Pati: inec. -vu, col. 073.) 

lih. III, CBP.2G.) 

' Miîi àï).w( SùvaaÛïi Tiva ml a-iTÛv tcuï xooiioitoxûiv 'AfïiJcuï nepiTEVïiiwwflii. IJ^ npi-cjpov Età tT|( 
npôc auToO nspxEiiapivric pxyixjt; î|ij[Eip-'x; à-fiitti, xaL Sià nO |miiiiQgii>4U npà( a-jxoC paTiriniiaio; 

a, ik ta iit iifqpuï Ti'/àï xi\ àOnviTini; (tratiivtiuï. (BuMb. BUt. toeU$., toco eilato.) 



54 



LE GNOSTICISME EGYPTIEN 



ces deux, extrémités. 11 admetlait donc les six .toqs de Simon, les Irois mondes 
se développant d'après nn même principe'. Do môme, en disant que les 
Anges s'émanaient d'^ïli'vtia:, il enseignait la descente de cet œon dans le 
monde du milieu, et en se disant le Sauveur envoyé pour racheter les hommes 
de la tyrannie de ces Anges, il admettait leur puissance mauvaise. Jusque-là 
le disciple s'accordait avec le maitre, il ne s'en séparait que sur la question 
de la purification des hommes : Simon avait exigé la croyance en sa propre 
divinité et en celle d'Hélène ; Ménandre exigeait la réception de son baptême 
et la connaissance de la magie, c'est-à-dire qu'il se substituait à son maître. 
Il baptisait donc ses disciples en son propre nom, ce que n'avait pas fait 
Simon, leur promettant uneimmorlalitéque l'on ne doit pas prendre à la lettre, 
comme Ta fait Tertullicn *; mais montrant sous cette image que ses disciples 
étaient sauvés par le seul fait de l'acceptation de sa doctrine, ainsi que 
le disent clairement les paroles d'Eusèbe. La résurrection de Ménandre 
n'est, en effet, que le passage de l'erreur à la vérité, le réveil de l'âme igno- 
rante. Si le premier pas vers cette résurrection était le baptême conféré au 
nom de Ménandre, pour parvenir à l'immortalité complète il fallait acquérir 
la science de la magie, doctrine nouvelle que noua n'avons pas trouvée chez 
Simon et qui établit une seconde différence entre l'enseignement du maître 
et celui du disciple. Simon avait employé la magie; mais il ne l'avait pas 
élevée au rang d'une religion et d'une science nécessaires, comme le faisait 
Ménandre ; c'est donc là une nouvelle idée introduite dans la doctrine, et il 
nous en faut examiner la source après que nous aurons déterminé le sens qu'il 
faut attlacher ici à ce mot de magie, dont nous nous servons parce qu'il a 
toujours été employé, quoiqu'il ne représento pas d'une manière juste l'idée 
que nous voudrions expliquer. 

D'habitude, le mot de magie réveille dans l'esprit le souvenir de la reli- 
gion persane dont les prêtres portaient le nom do mages ^, si l'on se reporte 
à l'antiquité la plus reculée; si, au contraire, l'esprit contient sa pensée dans 
les limites des siècles modernes, il se figure aussitôt une foule de prestiges 



1 Cf. Chapitre premier. 
« TertuU. Deonimo, cap. l. 

s Heriog : Real-Enci/klopùdie fûfpi-oittt. Théologie 
i M. Muller. Voir aurlont lei caDclueiom, 



LE GNOSTICISME EGYPTIEN 55 

trompeurset mauvais, toute une armée d'agents ténébreux qui ont à leur service 
des forces iaconnues dont ils se servent pour nuire aux hommes, ou quelque- 
fois, mais rarement, pour faire plaisir à des privilégiés toujours peu nom- 
breux. Ni l'un ni l'autre de ces deux sens ne trouve ici sa place. Entre cesdeux 
extrémités, il y a une magie intermédiaire qui se consacre à lioaorer la divi - 
nilé, sans s'interdire toutefois l'usage des moyens propres à en imposer au 
vulgaire sans cesse prêt à croire à l'intervention divine dans les choses 
dont le seul titre au merveilleux est que la cause lui en échappe. De plus, 
non contente de mettre les hommes en communication avec la divinité, 
elle a souvent prétendu faire servir la divinité aux volontés de l'homme et 
l'obliger à s'y soumettre ; elle se sert de la divination sous toutes ses formes ', 
et cependant elle n'est pas plus la divination qu'elle n'est une supercherie. 
Elle élève l'àme jusqu'à l'extase, et cependant elle se sert de certains instru- 
ments, de certains symboles qui ont une vertu magique indubitable et efficace, 
Nous verrons tout cela développé et expliqué par Jamblique. Le mot magie 
est donc insuffisant pour exprimer cet ensemble complexe de phénomènes 
disparates dans leurs causes comme dans leurs effets; mais nous le trouvons 
sans cesse employé et nous l'employons. Le lecteur devra lui donner un sens 
plus étendu et plus élevé, pour comprendre ce que Jamblique nous appreudra 
sur les merveilleux effets de cette magie qui nous semble être la même que 
celle dont Ménandre instruisait ses disciples. 

Tout le monde sait combien, dans les dernière années de la république 
romaine et dans les premiers siècles de l'ère chrétienne, ce qu'on appelle la 
magie a été tenu en honneur : les auteurs grecs ou latins en parlent tous plus 
ou moins j qu'il suffise de citer ici Apulée, ^ Origèue, ^ Gelse, * et surtout les 
philosophes néo -platoniciens de l'école d'Alexandrie. On n'a qu'a ouvrir les 
Philosophumena au livre IV '•' pour trouver les détails les plus curieux 
sur les procédés magiques employés par les prêtres païens afin de tromper 
la crédulité des adorateurs naïfs. A la fin du premier siècle de l'ère chré- 
tienne, il n'y avait plus ce que l'on peut appeler des religions distinctes dans 



' Cf. Bouché- Le claroq, Histoire de li divination, t. I, p. I 

* Cf. Il plupart da cet œuvres. 

* Cf. le» Irailéa contre Celae et ie tltpi àj^ûv. 

* Apud Origeii. Contra Celi., édil. Riuni, I, ilvki, p, 3d3. 
E Philoioiih., lib. IV, p. 53-137. 




m 



LE ONOSTICiaME EGYPTIEN 



le paganisme, plus de culte local proprement dit ; les armées de Rome avaient 
conquis les dieux en même temps que les peuples, et la grande ville avait 
reçu dans son sein toutes les divinités étrangères. L'esprit humain était com- 
pièteracnt blasé, la philosophie d'Evhémère avait tué toute croyance simple 
et populaire: il fallait des divinités nouvelles aux Romains, comme il leur 
fallait des mets nouveaux pour réveiller leur sensibilité émoussée. Le vent 
était aux nouveautés et aux mystères ; l'Orient était à la mode. Les Romains 
allaient en Grèce, les Grecs en Asie et en Egypte, pour se faire initier à des 
religions nouvelles. Les premiers philosophes néo-platoniciens voulurent 
réagir contre cet engouement universel : Plotin n'acceptait pas la religion de 
la théurgie, Porphyre la ridiculisait; mais la magie trouva un défen- 
seur au sein même de l'école néo-platonicienne, et Jamblique, ou du 
moins l'auteur qu'on identifie avec ce philosophe, écrivit le livre des Mystères 
de l'Egypte, en réponse aux sarcasmes déguisés de Porphyre qui lui avait 
adressé unelettre remplie de doutes et de questions. Nous pouvons doncrecher- 
chcr dans cet ouvrage quelle était cette magie, cette science préférée de la 
divinité selon Ménandre et l'auteur du De Mysteriis. 

Selon Jamblique, la magîo était une science élevée, divine entre toutes; 
elle donnait une réponsa pércmptoirc aux doutes et aux questions de Porphyre : 
« Elle est, dit cet auteur, le grand remède pour toutes les questions contre - 
versées: elle ne prend point sa source dans l'étude du corps ou des passions 
du corps, dans celle de la nature ou des puissances de la nature, du composé 
humain ou de sa constitution; elle ne dérive même pas d'une hahiielé quel- 
conque acquise sur une portion des choses de la vie; tout ce qu'il y a d'impor 
tant en elle, remonte aux dieux et nous est donné par les dieux ; elle consiste 
en œuvres et en prodiges divins, elle procure des spectacles divins et des 
contemplations scientifiques' . » Mais autant Jamblique vante cette science 
magique dont le véritable nom est thcurgie, autant il rabaisse et il exècre 



Tijï (lovnxî):, wot( oCte àirà tC>v ?u|iàtuiv intXi ip[iu 

a«TÙvïtiiiiï,àXl' oùil âic'o t^; téx"iîTiï'oîïî«9niinifn 
V iiOps; dutyi; âv^xEi EÎ( Toti; Ocoii; toi. ànti i 



laÛTn dnop'riiiXTa ÈxEÎvi Èirtii yvAivil ti]v ap/fjV 
lÉvi;, iVjte: ânô tÛiv «ipl toÎ( aû|iaai iraârj^âTyiiv 
oSic nnà tîï< àvQpuTiivT.; napuntctij^: 9) tûv •tafX 
cou ittpiTi (lipoîtrjv l-i tiû p!(i> !ianpaT[j.îiT!uo(iiïiiç. 



Xcltai, 6cd;iumi tt tyii Stlx kol eEup^|iaT3 Éniavii|iovi)i9. (Jnmlilicb. de JUj/st, édit. PurtL., p. 100, I. 10-10 
p. iOl, I. 1.) 



LE ONOSTICISMK ÉGYPTIEN 57 

les artifices grossiers que les mauvais démons cmploieut pour tromper les 
hommes : la théurgie demande impérieusement de bonne mœurs, une con- 
science chaste ; l'autre sorte de magie n'est exercée que par les plus impurs 
d'entre les hommeB, elle n'a rien de divin j tout en elle n'est que tromperie, 
mûnsonge; ce n'est qu'une apparence artificieuse, que l'œuvre des démons et 
des esprits mauvais '. On ne saurait donc trop répudier cette magie menson- 
gère, dont toutes les merveilles ue font que constater les actes coupables des 
hommes qui les opèrent, et qu'il faut bien se garder de compter au nombre 
des prophètes divins, des vates favorisés de communications divines '. Tout 
autre est le langage du philosophe lorsqu'il parle de la théurgie, et il ue sera 
pas inutile de citer ses parole?, ses louanges d'une science heureuse qui rend 
l'homme semblable aux dieux et le délivre de l'empire des puissances mau- 
vaises : « Il nous faut considérer, dit-il, comment l'homme peut-être délié et 
délivré de ces chaînes (celles des puissances mauvaises). Il n'y a pas d'autre 
moyen que la connaissance des dieux. L'idée du bonheur est de connaître le 
bien lui-même, comme Vidée du mal est l'oubli des biens et l'erreur qui fait 
adopter le mal. L'une est ta connaissance du Père lui-même, l'autro n'est 
qu'un éloignement loin de ce Dîeu et l'oubli de ce Père, qui est avant toute 
essence et se suffit à lui-même : l'une conserve la vie parce qu'elle la rend à 
son auteur ; l'autre abaisse un homme qui, jar naissance, pouvait avoir une 
nature supérieure, jusqu'à ce qu'il ne reste jamais stable et roule dans un perpé- 
tuel changement. C'est pourquoi la première doit être regardée comme le 
le premier pas au bonheur, comme possédant en elle-même toute la pléni- 
tude de l'union avec Dieu ; on peut la nommer la tradition sacrée et déifiqne 
du bonheur, la porte qui fait entrer vers le Dieu créateur de toutes choses, 
le siège et le séjour du bien ; aussi, pour première condition, elle requiert la 
sainteté de l'âme, une sainteté qui exclut tout ce qui est corporel : elle prépare 
ensuite l'âme à participer à la possession du bien, à le contempler, tout en lui 
faisant rejeter ce qu'il y a de contraire à ce bien ; enfin elle fait parvenir à 



I 



Xf:u>lttvDv D'jx âvcxT^, D'jf Bi.u; l'^ii Tiviic fiiaO napouiiCiiv, xivr.iTiv Si Tivx t7)< ^■JX'\i ^°<' 
ttaiii xal iiiuipiv tivct an' aOtûv iISuIcxtiv iussaiv Ihiii. tÏti: Jià To lEitnlav t4c iuvcliuu 
îind tc3v Jai|ioviwv joûltuï icvi 



...* .-HT-*'!» ..v.i...« itipi nvs 
iTïpir[iir93i.(Jambl. secl. 3, cap. xiii, p. 1£9,]. IT-IS, p. 130, 1. 1-5.) 



Tiipi(Jiit-«jflïi. {fbid. p. 131 et 132, lin. 1-2.) 



àv3pt( Toi) icavTo; à|j.3pTdnDuaiv, oùiSi i{iav Etjtaiit ài (idivBxii 




5S 



LE GNOSTICISME EGYPTIEN 



l'union avec les dieux, source de tous les biens. Je parlerai encore plus clai- 
rement : la thôurgie nous unit si étroitement à la puissance divine, s' engen- 
drant par elle-même, se mouvant d'elle -inème, soutenant toute chose, intel- 
ligente, ornant tout l'univers, appelant à la vérité intelligible, parfaite et 
donnanjlaperfection ; elle nous unit si intimement à toutes les actions créatrices 
dss dieux selon la capacité de chacun, que l'âme, après avoir accompli les rites 
sscrés, est aSermie dans leurs actions et leurs intelligences, et se trouve alors 
enfin placée dans le Dieu créateur. C'est là le but de l'initiation sacrée chez 
les Égyptiens '. » 

Jamblique nous apprend ensuite comment s'opère celte unification de l'âme 
avec la divinité : elle a lieu tout d'abord, parce qu'il appelle la fixirrùa, et ce 
que le mot français ri^u^/diiOH ne saurait rendre qu'imparfaitement, car il s'agit 
de la prise de possession de l'âme par la divinité qui read cette âme capable 
de comprendre et d'annoncer les plus hauts mystères. « Si l'âme, dit-il, peut 
unir aux êtres universels (-otç ïhtç) dont elle est détachée ces deux portions 
desavie et de son opérationinlellectuel le, elleacquerrauneuaiTEia plus parfaite, 
car alors elle est remplie de science par ces êtres universels, si bien qu'elle 
peut pénétrer par sa pensée beaucoup de choses qui se passent dans le monde 
supérieur '. » Outre cette faculté, il y avait un autre moyen pour l'âme unie à 
Dieu, c'est-à-dire à ces êtres universels dont parle Jamblique, d'arriver à la 
prescience des choses futures, c'est le songe, Le songe vient des dieux; presque 



' Inoit'îïS^ BtÎTi; olioû ïi'viiii iOaL; xï'i àniWin ^^' S'-TtiSi'. "EtTri toùuv aW ain Ti; îi tûv fli'lï 
YvCiffi;" lîîi lip èoTiv (u3îiinipvia( tq iitiaraoOii l'a iyaûbv, ùrmip t£iv ïiïûï îîiï oviifiaivEi r| l^i] tûï 

àya^Cit xil àltàtii mpt Tb xsxiv xil îj )Uv fïôiii; i-m toO itatpôf, î] ji itsqjiTÙ-rf] an* tfjt-.5 »al l'tti] 

toO «poo'j«(ou BÙTOCpxoOvtoî TtMpif Otoîi' xg\ J] (liv uûCd T^v àXr,eivV t™^'' Èiti t'dï «itfpa aiTr,; àïâyolwa 
11 it xatàyti thy Tivap^BÛVTï ôvApunov a;(pi toO uniiitsTi |iivovTO(, àiV às'i ^fovTo; Aut^ jih olï voi(<rt«» 
m npwTii n; tûjiitiovfac Mo;, voip^v {jauTi tî); Oeix; tviûnut àii<)ic).^puiai> tùv <)''-'X'''''< "t "* !>P>Tn4 
iia\ OtoupYiK^ TÏ^C (via(|j.Qv[iï ioo^; xx).ilTai pxv B jpa npli{ 6(èv tôv |Si]|i[aupYDV tin Gluv, ^ TÔico; f| ai\ii 
ToÛ lyatoO- WvafUï ff l^n iipiiriiv nlv ipietav tîiî 'Imin! itolù tiljiaWpiv toO umiiïtoî b;-v£ixî, iTctitài 
«itipTuon Tl)( îiavotat liî (urovHtiav xï'i Binï MÛ àrafloû xil tûv évavTÎiiiï itàvitiiv àiraXlxïJlv, |itïà 

il taOra itpô; TOÛt tûv âi-aBùv îoTÏipi! flioù; îvoiïiv oîûv G livu ip a-jvoyivi^ xïi tj av-coxivAtV """^ 

tB àïi^oioig nàïT» «ai t)| voipqi xxl tj Biïxoon/.Tixii tûv S)*iï x»1 t^ Jtpbî ilifitiT/ t^v voflT^ ivïTOiriîiJ 
Kll tf| «ÛTftriXii xol Tî] jtMfiTixîi xxl Txî( SiXxi! ainiiioupïmalç 5u*iiiuoi tûO BioO xït' lîi'iv rnivàiiTti, Oc 
i» T«t( ÎKpYCi'iif avTfitv xil Taî( voiiata-i xal tïÎ; Jf,[«oupT«aI; ityfuic îïtaodii t^ï BEOupi-ix^v +'j-)rfiv. KeV 
TOïi îift l> iXif tù Siiinoupvnio Suù ti^v ^rtix»i* ivtffliioi. K3\ (oûto tiXoî iofi nap' 'AiïUjtTi'oi; Upatixî]! 
ivaruT^;. (Jsmtil*. De Myil. p. 390, lin. I5-1S; p. £91, lin. 1, 5-10; p. 29i, Jln. 3; lia. 8-16; eect. 10, 






» el VI.) 



m|i(p{s6ii, 01 



* TCal TaÛTiK Î'Iti TiXiiorÈpav itOHhat iiivtifav, rivfxa Sv Toi; 3)oi(, ap' <i 
|io{pa! T>ic SuiVit xal TÎjt voipat tvlpytiac TciïjpoftTai ^àp ôjti tîiï îliuv toti tî 
Kittotoï î{fii"iîo(lai *»I( i"'o[iiî Tfiiy nipWùï ■ioiioi' irattiouiiiiviBV.CJanib.de Afyi[.8acl.3,cap. i 
lin. 18 at 107, IId. 1-6.) 



LE GNOSTICISME ÉGYPTIEN 59 

toujours il est envoyé à ceux qui ont la faculté de la divine pavreia dont nous 
venonsdi? parler*. Cependant, il ne peutfairearriverâla pleine et entière posses- 
sion de cette sciencLÎ divine : pour obtenir cetteposaession, ilfautl'eiithousiasrae 
(hBovatcutyM). « Ce serait à tort, dit Jamblique, que l'on se persuaderait 
que l'enthousiasme est un mouvement de l'âme dit à l'inspiration démoniaque. 
Si l'âme de l'homme est vraiment tenue dans l'obsession, elle n'est pas 
agitée ; d'ailleurs, cette inspiration ne vient pas des démons, mais des 
dieux. Il faut que ceux qui sont inspirés soient sous l'obsession de Dieu, 
l'extase ne vient qu'ensuite comme im accident. On croirait aussi à tort que 
l'enthousiasme dépend de l'âme, ou do l'une des facultés de l'âme, de l'intelli- 
gonce, de ses opérations, ou delà santé corporelle et qu'il ne saurait avoir lieu en 
l'absence de cette santé. L'extase divine est une chose plus qu'humaine : elle n'a 
point pour principe les opérations ou les facultés mortelles, quoique Dieu s'en 
serve comme de sujets et d'organes. C'est de Dieu seul que ce don de la parfaite 
[uxvTtia procède ; il n'est qu'en lui seul, il agit à l'exclusion de toute autre chose, 
et l'âme ou le corps n'y ont aucune part *. » Cependant, quoique cet enthou- 
siasme, d'après Jamblique,donnelapléaitude de la science, il y a un'degrépius 
élevéencoredanscettegnose,c'estrillumination(f«rdçiiyù>)'»7). Cette illumination 
remplit d'unelumière divine le véhicule splendide et éthéré dans lequel se meut 
l'âme : de là vient qu'àla volonté des dieux les images divines excitent en noua 
la puissance imaginatrice (yavraoriKïiw èvvx^itv). Toute la vie de l'âme et de ses 
facultés n'est alors qu'un acte d'obéissance auxdieuxqiii conduisent où ils veulent 
l'âme qui leur est ainsi soumise ^. D'ailleurs il ne faut pas lui objecter que cet 




1 née 1e9 lempB d'Homère le sauge arail uus ori;;ma iliviiie : K.i\ fctp T'ivap Èk Aiic iatn (Iliade, 
eb. I, T. 63). Les songes ont laujours jauë un grand t6\e en Orieal, il n'y a que bien peu Je llvrei 

sacrés qui n'en eonfiennent quelques-uns, Utf\ iii t?,; »»((' ÛTtvo* |iavTixr,t '^■i^vt taSta où iiijv afyt 

(lîiiHHJCTOi x»).ov|i£ïoi ivtipoi tûOtûv Y<"ovtBi TÔv Tpoiroï avntp où U^LK. (Jambl. de llytt. secl. 3, cap. Ji, 
lia. U, p. 10£ El 103, lin. 8 el S.) 

* 4>opà |iiv otv T){; Jmafi;, futâ Snitovloïc cnnwoîx; ^lujû; flafâUTai. OUt( yop T| iiàveix t| BvBpionivi] 

ffpET3(. cl Y< ivTui{ xaTi'/iT» oiIte Eaififvuiv Bcûv 3i ylviTai în^moii 'EoriiSt toOto (ïâ i[paf]yaO)Uv«v) 

tô xai(;(ta6xi tlau; otOtïuf {inô TaO (kiou, w tnixKsXaûtii ûmcpov xa\ th (EiorivOst 4"'X'1( f^^ ^^ "^ 
Tivo{ tBn » a-ji^ iuvci|U(i», \ veC f| îvtp^tiwv, % ^^s a(ii|ixtixj{c àvtoeCoï f| cEviu Tiùin; aux m ti; 
ftKa\i.6a\ îtKi(iB( tIiv îv6auiiiM(iiï thaï, aiS' îv oÛtu) -ylyvsrtïi llKJTUf Iv OhôOoitb- oC« yôp àvïpùwvâv 
ton ti t^ï tiafopkc IpYo^i oCtt avBpwTrivait copiai: ï| îvtpT^|],a4i lï icSv î;;» xOp«(' aMà icAti |iiv itUw; 
bnixciTst, xi\ ïpr|T>( «ÙTal; A âcàï û; ipyocvoi;- t!) Il itïv {pTov t^; tixvTila; Sf DvnO ic}>ripoI,xi\ àpLirSit 
iiiâ tSiv muv oi9ti(i!va; oCiri 'l'uX'K xivouiifvi]; aùJfiiiiiOv o{îti aiù)iXTa( cvGpTcI -xiS' i^tôv. (Jamlll. 
D<: Mysi. »ecl. 3, cap. vu, p. lit, lin, 0-9; lin. 14-17; p. 115, lia, l-S.) 

' A-JTT| if, itau {fuTÎ; âyidY^) ta mpiiE;)iivDv tT| ^X'i MtfS>ii( xi\ aÙTaeiii; £zi|'''> Jnil>ii[iicEi Uciu 
I Sî) favtaviai 6iîu xaTB^BftSiivouai tîiviv ti^Tv f ontatmx^v lûvoitiiv xivati)iivai iiiA trjfPouX^muf 



(0 LK QNOSTICISMB ÉOÏPTIEN 

enthousiasme, cette illiiminalion, sont chose trop parfaite, que les merveilles 
qu'ils opèrent sont au-dessus de la nature spirituelle, Jarablique prévient 
l'objection et répond qu'il y a des degrés dans les œuvres ou les effets, comme 
il y en a dans la cause. « Ltis œuvres absolues, parfaites, entières, dit 41, 
ont les dieux pour auteurs ; lorsque des œuvres sont de perfection moyenne, 
s' éloignant peu de la plénitude extrême, ce sont les anges qui les exécutent 
et eu donnent la connaissance en les montrant j enfin les œuvres de dernier 
ordre doivent être attribuées aux démons. L'administration dos œuvres 
divines est tout entière entre les mains d'un être supérieur. En effet, nous ne 
pouvons même pas dire une seule parolejuste au sujet des dieux sanscesdieux 
eux-mêmes ; à bleu plus forte raison, ne pouvons-nous pas counaitre sans 
leur faveur les œuvres dignes des dieux, instituées pour les honorer ou 
posséder cette science divine de la aanûa. Notre nature est infirme, faible, 
faisant peu de progrès, elle touche de très prés à la nulhlé ; il n'y a qu'un 
seul moyen pour elle de se guérir de l'erreur, du trouble, du changement 
toujours renouvelé, c'est d'arriver à posséder une parcelle de la divinité, si 
cela lui est possible '. » 

Quelles conclusions pouvons-nous maintenant tirer de ce qui précède ? 
Premièrement que la théurgie est la manière excellente entre toutes d'honorer 
la divinité, qu'elle est même la seule ; en second lieu, que non seulement elle 
enseigne à l'homme la manière et lui fournit les nmyens d'honorer les dieux, 
mais qu'elle rend l'homme semblable aux dieux dans la parfaite extase, Il y a 
plusieurs degrés dans cette science théurgique, ou pour mieux parler, il y a 
plusieurs manières dont l'homme peut montrer qu'il possède cette science 
divine à un certain degré ; ce sont : le discernement prophétique venant de 
la Révélation (/^avru'a), l'enthousiasme, l'extase et l'illumination; ces deux 
derniers degrés pourraient même n'en former qu'un seul, car il nous semble 



il r,Ti[MvK ci'JT«Iï ittXwoi. M., Jbid. «•^cl. 3. 

* 'AXV EjtOM [li» Ttiai ïi «aropStiiiïTi i«Ti 

ii ttiffi xsl ^'X^ tiT&v dxfw jii[a).iiitiiu< 




-, p'. 132. lin. 11-17. 

ayyJ^.QUt Ixo iTliTiXoDvtoiï aÛTà «x\ îiciJcixvùavTOfi tb 
1 |iiiv lv( fi Tivi Tiitv xpiiTtivon inTiTpxiiTou t&v 



t(97i,i(it&v «ptfttuv r, xitip4iif«>C' 'Vmu v'M ivitri nipi AiCiv iviu i\Sn /.oAiTv iuvMov, |j.^ei ft l\ InifitB 
Ip7S it'i ili4av Kpipwaii ^lu ti^ tii I> Inecrfliiittit. T'i yàp svïpùniv» fOX» àir9tvi( jsri xa\ ^uxpDv 
^nii Tt («il ppïjÀ.aiiir/îivt» •■>4l"tH» xixtiîTii- jiia î Jmlviv «'jul ii,i (ïu«apxoùar,;nJnïï](xxi tctpaxîe 
Kx\ ir,( ân^M lucaCvÏT,; tsipils. t1 tna tUTBUvtav H\iu furi; xirà t4 iuvnriiv (Uialcifioi. (M. Ibid., 
Met. 3, cap. sviir, p. ItS lia. a-U ) 



LE QNOSTICISME EGYPTIEN 61 

qu'il n'exisle entre eux aucune différence, si ce n'est que le premier a plutôt 
rapport à l'intérieur et le second à l'extérieur. Pour être capable de jouir de 
cette extase, l'homme ne devait pas nécessairement posséder les qualités de 
l'esprit, des vertus singulières, avoir des pensées relevées ; toutes ces choses 
peuvent être utiles et préparer dans l'âme l'arrivée du dieu, mais ce sont les 
ieuls ouvSw'fxara divins qui éveillaient la volonté divine, c'est-à-dire les seuls 
prodiges, signes ou symboles que l'on employait daus la théurgie ' . Quelle 
différence pouvons-nous voir maintenant entre cette doctrine et colle de 
Ménandre enseignant qu'il donnait à ses disciples une science qui les rendait 
capables de vaincre les Anges créateurs du monde *. L'un, au moyeu de 
cette science, promettait l'union avec la divinité, l'autre la vicloire sur les 
Anges, c'est-à-dire le moyen de devenir immortels comme Dieu lui-même. 
II nous semble donc que la magie enseignée par Ménandre et donnée 
comme l'unique moyeu de salut, le seul culte agréable à la divinité, ressem- 
blait à la théurgie de Jamblique et avait un sens beaucoup plus étendu que 
celui que nous comprenons à présent sous ce mot de magie. C'est ce sens que 
nous aïons essayé de déterminer en montrant ce que c'était la magie de 
Jamblique. Nous ne voulons pas dire toutefois, que la magie de Ménandre 
fût étrangère à toiite superstition, n'eût recours à aucune supercherie, ne 
fît usage d'aucun de ces moyens, d'aucune de ces interventions qui se présen- 
tent d'elles-mêmes à l'esprit lorsqu'on prononce ce mot ^ ; rien ne serait moins 
vrai et ne donnerait une plus fausse idée de la doctrine du disciple de celui 
qui a été surnommé le Mage par excellence. L'époque à laquelle appar- 
tenait Ménandre aimait, recherchait avec ardeur tous les prétendus prodiges 
des magiciens ; Ménandre n'aurait pu se dispenser de les employer, quand 
même il l'eût voulu, sous peine de ne trouver aucun adepte, et nous savons 
par le témoignage des auteurs ecclésiastiques que Simon employait tous ces 
moyens et que Ménandre suivit l'exemple de son maître. Nous ne nous arrê- 
terons pas à rechercher ces moyens ; d'abord, nous n'avons aucun texte positif, 
et de plus, ils devaient ressembler en tout à ceux employés par les autres 



' Ta S'ûf KUpIuf (iiipavTK Tr|V ftiinv BfXr,<riv aO^à ti Bi 
p. 97, lin. 15-16.) 

' Cf. aupra et Eaint Iran., cap. xxiii, □. 5, du Vty. ï". 
* Si l'on veul aroïr quelque idée de ces ïntecvealionc, da cei mojeilE, 
illuminé qui s'est caché sous le pseudonyme d'Elipliu Lévi, 



itMifiaxa. (Ibid., aect. 2, cap, ii, 
l'A lire les ouvrages do 




6z LE GNOSTICISME EGYPTIEN 

magiciens, et dont on peut voir la description dans lea auteurs qui en ont 
traité d'une manière spéciale'. H sera plus iraportnute de montrer comment 
nous pouvons nous servir de la magie de Jamblîque, pour découvrir ce 
qu'était la magie de Méuandre : pour cela, il nous faut rechercher et 
indiquer rapidement les sources du livre des Mystères. 

Il n'est personne qui soit persuadé que Jamblique a voulu composer une 
doctrine nouvelle pour l'enseigner ensuite : il nous apprend lui-même qu'il 
a seulement voulu faire connaître la doctrine des anciens Égyptiens et répondre 
ainsi aux doutes de Porphyre eu lui montrant que la théurgie s'appuyait 
sur les rites antiques do l'Egypte. Pour mieux atteindre son but, il se cache 
sous l'autorité du prêtre Abammoti, dont il se dit le disciple *, Or, il est évident 
que si Jamblique ne fait pas connaître le culte de l'Egypte tel qu'il se prati- 
quait dans la plus haute antiquité égyptienne, ou même sous les dynasties 
plus rapprochées de nous, il expose tout au moins les doctrines des temps quj 
ont précédé notre ère, au moins depuis les commencements de ce que l'on 
appelle le bas empire égyptien. Nous savons, en effet, que bien avant le gou - 
vernement des Ptolémécs, à l'époque oii Babylonc n'avait pas encore atteint 
sa plus haute splendeur, la magie était en grand honneur en Egypte. Isaïe, 
au chapitre do la prophétie sur l'Egypte, s'écrie : « Et l'esprit de l'Êgypto 
se rompra dans sou cœur, je dévorerai sa prudence, ils interrogeront 
leurs idoles, leurs devins, leurs serpents et leurs magiciens. * » Dès ce temps 
donc, la magie était en honneur en Egypte ; elle l'était dès le temps de Moyse, 
dont nous ne considérons ici le texte que sous sa valeur historique, et nous 
voilà tout à coup reportés jusqu'à la dix nouvième dynastie^. Nous ne voulons 
pas dire cependant que la magie et ses prestiges fussent alors une manière 
d'honorer la divinité, non ; le culte était plus pur, les fêtes égyptiennes, dont 
la description est parvenue jusqu'à nous, le démontrent amplement; mais, à 



' Cf. Phitosoph., lib. IV. 

* Le livra de Jamblique est inlltulé : 'ASà{j,(uuva: itSanàXQv npD( ttiv IlQpfupEDU np^t 'AvcSù cinir- 
tai-ffi ànSxpi9i(, Ki\ lAiv cv aijxr, ànapF^piiTuv IOifei;. Dèi let premières parolei de rouvrante, od toH 
cepeodsal que i'auleur n'est pas le praire Abammoa quoiqu'il en ail empni&U le nom : E( ii xii çiivoni 
vol iili, i}U Bl: cl'ai (roi thv ci tfimi.'X'n li3Xiyi\i.iviyi Ij nva SkXm npoç^v AIyvtetiuv oùîi yàp tgGta 
îttviiïOïtv. (Secl. l, cap. i, p. 4, lin. 7-18.) 

3 Isaïe, cap. xix, v. 3. 

* L'époque ftiée du séjour des Hebreuï eu l'Igyple eJl conlroyeraie, cependant l'opinion la plaa 
commuue eal celle que nous indiquoin. (cr. Uuspero : Uîstoift des peuple! d« l'Orient, p. 259. — 
E. dâ Ruogd : Rapport sur Ui études égyptiennes, 1867, p. 37.) 



LE ONOSTICISME ÉGYPTIEN 63 

côté du culte pur des temples, de la doctrine plus élevée dos prêtres, le vul- 
gaire avait des idées religieuses moins hautes, uu culte plus sensible et plus 
matériel. Or, selou la loi commune à tous les temps et à tous les peuples, ce 
n'est pas la doctrine élevée, le culte raffiné, qui ont purifié les idées matérielles 
de la foule et ses goûts grossiers, ce sont les goûts grossiers, les idées maté- 
rielles de la foule qui l'ont emporté sur le culte raffiné et la doctrine élevée 
des prêtres. De là vient que la Magie envahit tout, que les mystères des 
Égyptiens ressemblèrent en tout aux autres mystères païens dès le commen- 
cement du premier siècle de notre ère, dès le commencement même du der- 
nier siècle avant Jésus-Christ. Jamblique n'avait donc pas besoin d'inventer 
une doctrine toute faite et pratiquée longtemps avant lui. D'ailleurs, inventer 
n'était pas son dessein ; il ne voulait que défendre ce qui était attaqué. Eu 
effet, devant cet envahissement général de la religion par la magie, d'écla- 
tantes protestations s'élevèrent : celle de Plotin est la plus connue. Plotin ne 
voulut pas obtenir autre chose, en développant d'une manière originale et 
neuve la philosophie qu'il prétendait avoir puisée dans Platon, que le réta- 
blissement d'un culte plus idéal de la divinité. Son enseignement fut avant 
tout une protestation contre le matérialisme envahissant l'idéal; le mysticisme 
est tout pour lui, le symbolisme se détache netlement de sa doctrine et il 
rompt d'une manière éclatante avec le culte de sou époque. Nous ne saunons 
mieux faire que de citer ici les paroles do M. Vacherot: « Quant au culte, 
dit-il, nous ne voyons ni dans les traités de Plotin, ni dans sa biographie, 
qu'ilait pris au sérieux les pratiques et les cérémonies. Il nie la vertu ordi- 
nairement attribuée aux prières, aux invocations, aux sacrifices, en ce qui 
concerne nos rapports avec la divinité. 11 repousse la doctrine des Gnostiques 
sur l'intervention fréquente ' et accidentelle des démons, doctrine conforme à 
la croyance du peuple et des prêtres et interdit à ce sujet les invocations et 
]cs conjurations*. N'admettant ni l'influence des astres sur nos destinées, ni 
l'effet des opérations matérielles sur la partie intelligible et divine de notre 
nature, il ne croit point à la vertu supérieure des enchantements et autres 
procédés magiques. Ce n'est pas qu'il rejette absolument l'astrologie et la 
magie, mais il réduit l'une de ces sciences à constater la coïncidence et la 




' Eau. II, IX, 14. (Note de M. Vacberol.) 

«Ban. IV, IV, 31, 32, *0, 4t, *î. (Note de M. Vacherot.) 



64 LE ÛNOSTICISME EGYPTIEN 

correspondance universelle des causes célestes, et l'autre à reconnaître l'afS- 
nitè sympathique de toutes choses dans un monde plein d'affinité et d'har- 
monie', affinité en vertu de laquelle la magie a pouvoir sur l'âuie, mais sur 
l'âme seule ^. Quant à la théurgie, il ne la nomme jamais et ne croit en fait 
d'opérations supérieures de l'âme qu'à la vertu de la contemplation pure pour 
parvenir à Dieu''. » 

Ainsi Plotin lui-même n'osait pas refuser à la magîe toute puissance sur 
l'âme, mais il ne voulait pas que cette puissance s'étendit jusqu'aux dieux. A 
son exemple, Porphyre rejetait tous les prestiges magiques, et comme il ne 
pouvait en nier l'existence, il en attribuait la cause aux mauvais esprits, ce en 
quoi il n'avait peut-être pas grand tort*. C'est à ses objections que nousdevons 
le Livre des Mystères^. Mais ces objections elles-mêmes, cette lutte, sup- 
posent un enaemi et un enseignement contraire : si, dans la nouvelle école 
platonicienne, quelques philosophes rejetaient tout pouvoir delà magie pour 
mettre l'âme en rapport intime avec la divinité, d'autres, au contraire, admet- 
taient et enseignaient ce pouvoir ; et pour prouver que leur doctrine n'était pas 
une innovation, comme celle de leurs adversaires, c'est-à-dire celle de Plolin 
et de Porphyre, ils s'appuyaient sur t'aiitiquc doctrine des temples égyptiens. 
Jamblique s'explique formellement sur cet antagonisme, et il est curieux do 
lire ses paroles : o Quand même, dit-il, l'hallucination et la déception tou- 
chant les choses divines seraient une faute et une impiété, il ne s'ensuit pas 
immédiatement que l'on doive conclure à la fausseté, soit des symboles consa- 
crés aux dieux, soit des œuvres accomplies en leur honneur, car ce n'est pas 
la connaissance qui unit l'adorateur des dieux avec ces mêmes dieux, autre- 
ment tous les philosophes qui s'appliquent à l'étude des choses divincsjouiraienl 
toujours de l'union déifiquo. Or, il est certain qu'il n'en est pas ainsi. En 
effet, cette union déifîque n'est acquise que par l'observance des cérémonies 
îneiTables, par des opérations faites selon les rites, dignes des dieux, et par 



' Eim.IlI, 1,6, 7,9(aolede M. Vncherol). 

* Enn. IV, m, 1 1. K»i |j,)i SoxoOsiv ol icâXai ffoçoi, Eo»i iio-A-rfi/iim 8ioù; «ùtoîc nipclvat, lipà xsl 
ÔTilliati niiiiJiiiisvoi, ti; rîiv To6 «ïvt4; çûaw âniîivTï;, ty vu liStTï û; nxrxâ-fov (ilv eûôfUToï «IniX'iï 
fjai;. (Noie de M. Vacherot.) 

* Hiitoire critiquade l'école iTAUxandrie, I. II, p. 103-109. 

* lii jiiïiai Tûv Èvï/Ttuiv xii il ititjx yannix txitÂiîiii, (Porphyre, De Abstintntia, II, 41.) 
» V. klsllre de Porpbjre qui se Irouïe ea léte de l'édilion de IL Parthey, a, 4-15, p. 30-34. 



LE GN0ST1CI3MB ÉGYPTIEN 6j 

la puissance incompréhensible de s^'uibolt-s qui sont compris par les dieux 
seuls '. » On ne saurait séparer avec plus de force la théurgie do la philoso- 
phie, exalter l'une et abaisser l'autre avec plus de désinvolture, en accordant 
à la première le monopole de l'union dêitique, eu refusant à la seconde ce 
que Plotiu et Porphyre afflruiaieut être uniquement de son domaine. N'est-il 
donc pas évident, désormais que Janibliquc a défendu la tradition égyptienne 
quevoulaient renverser Porphyre et Plotin ? La lettre de Porphyre lui-même 
au prêtre Anchon, lettre qui donna lieu à la réponse de Jamblique, nous est 
un témoignage de l'ancienncto et de l'universalité de la doctrine qu'il 
combat *. 

Nou3 eu avons assez dit. Il doit être clair à présent que la magie de 
Ménandre, proclamée comme le seul culte digne de la divinité, avait plus 
d'un point de ressemblance avec la théurgie de Jamblique. L'une comme 
l'autre, affirmait que l'homme ne peut être sauvé sans l'emploi de cette magie, 
qui l'unissait à la divinité; selon Jamblique, la connaissance des dieux ne 
suffit plus pour unir l'homme à leur nature, il faut la théurgie, il faut les 
rites sacrés, même pour les théurges, la simple considération de l'esprit 
(ïÎEwoia) ne suffit pas'; selon Ménandre, la connaissance du grand Dieu, de 
VEvvotx de Simon le Mage, ne suffit plus, il faut la magie *. Cependant pon- 
vons-nous dire que Ménandre rejetait loin de lui les prestiges déclarés par 
Jamblique l'œuvre des esprits mauvais, qu'il no voulait pas de cette magie 
insidieuse et trompeuse, méprisée par le philosophe néoplatonicien? Rien 
n'est moins prouvé: ilnous semble, au contraire, comme nous l'avons déjà dit 
plus haut, que Ménandre, disciple de Simon le Mage, devait avoir recours 
à des supercheries grossières, dans le genre de celles qu'employait Simon. 
Que le nombre en ait été petit ou grand, nous ne pouvons pas l'affirmer, car 
nous n'avons aucun monument le dénotant expressément ; mais nous sommes 



•iiAi'.ui; Tot( 8toI( npùffçepiiievï xnl ta flîEa îpï»» ûùîi yàp ï] îvvoii auvàjtrsi toI; Oiiîî Toii( flEowpïoûr 
£1111 1( ixû^ui Toii; îiuipritixBj; pil.inaçaOvTa; lytiv tfiV BïoupYHL^iv tvuiodi npiç toi; BtoiJ;' vOï il oûx ly^u 
ti li àluBà; outille. 'A>1' ï| tùv IpTiijv ïûiv npfiÎTUJï %t\ Oitip ii«o-«v vir.irw Oiowplnûj tvtpïoij|i(v(iiï 
tiXîOTOipfdflUTav voou|ilvti»v toE; SïùÎ! [tivoi! ovuîiXu i^iyxiiiiy îvïo|a1( èvriSïio-i iriv Bewpyiïtlii îvoiOiv. 

(Jambl., Ibid.. lect. 2, c*p. xi. p. 96; liu. 11, 19.) 
* Cf. iB lellra de Porphyre -. Parlliej, ]i. 89. *5. 
' OjSl ij iïvoi» auvàittii toT; (I(oÎ( Oto-jpT'iJ;, cf. noie précéilenle I. 

' Cr, Ii'ënéo, I, cap. uni, n. 5. 




66 I-E OKOSTICISME EGYrTlEN 

persuadé qu'il y eu avail, ne fùt-co que pour eu imposer au vulgaire. Toute^ 
fois, nous devons dire qu'avant tout, selon notre persuasion, la magie do 
Ménaudre allait par delà les prestiges, qu'elle uc consistait pas uniquement 
eu des symboles trompeurs : les Pères de l'Eglise ont évidemment cru le 
contraire, ils ont été persuadés que tout n'était que prestiges et supercheries; 
mais non, c'était un mysticime particulier qu'ils n'avaient pas découvert 
parce qu'ils étaient mal placés pour le découvrir, comme ils n'avaient pas 
davantage découvert le mysticisme des mystères égyptiens. Et cependant, 
nous savons par d'autres monuments échappés à la destruction du monde 
païen, que sous les symboles mystérieux de l'Egypte se cachait un corps de 
doctrine, une mysticité plus ou moins pure, dont on ne peut nier Texistenco. 
11 n'y a rien là qui doive surprendre : les Pères dé l'Église ne pouvaient pas 
tout connaître et tout exposer : ils n'ont eu bien souvent en mains que des 
sources insuffisantes, ils ont employé les expressions qui sonnaient à leurs 
oreilles, sans s'apercevoir que, sous ces expressions, se cacliait un sens qui 
leur a échappé et que la comparaison avec d'autres monuments peut nous 
faire découvrir. 

Avons-nous besoin de nous demander inaintenaiit, d'oùMénandre avait tiré 
cette doctrine? Il est évident que c'est de l'Egypte, de celte vieille terre clas- 
sique de la magie mystique ou des prestiges trompeurs. Qu'il ait fait cet 
emprunt avec une pleine conscience, ce n'est pas ce que nous voulons dire ; 
l'Orient tout entier, était, au premier siècle de l'ère chrétienne, imprégné d _" 
ces doctrines; elles ont donc pu lui venir de côtés différents; mais cela 
importe peu, puisqu'on ne peut pas le constater d'une manière pbu 
expresse. D'ailleurs Ménandre, selon toute vraisemblance, enseigna dans la 
ville capitale de la Syrie, Antioche, dont les fréquents rapports avec l'Egypte 
sont connus. Enfin, à cette époque, le soufle était au syncrétisme, et Ménandi-c 
n'a pas différé de ses contemporains ; à la doctrine de Simon, qui n'est elle - 
même qu'un syncrétisme des éléments les plus divers, il ajouta un élément 
nouveau, la mag-ie élevée à la hauteur d'un culte et presque d'une rehgion. 



LE ONOSTICISME EGYPTIEN 



Satornîlus' fut l'un des deux disciples de Mênandre, dont los noms ont 
échappé à l'oubli ; l'autre fut ce Basilidc qui fera le sujet du chapitre sui- 
vant. On ne peut rien assurer sur l'origine et la patrie de Satornilus ; peut- 
être était-il né à Antioche; du moins, c'est dans cette dernière ville qu'il se 
fit le disciple de Mênandre : c'est le seul détail que nous ayons sur la vie de 
ce nouveau docteur, qui devint le père du Gnostïcisme syrien '. A ce titre, il 
ne devrait pas figurer dans cette étude ; mais, comme sa doctrine peut expli- 
quer celle de Mênandre aussi bien que celle de Basilide, il sera bon de ne 
pas omettre ce système. 

Les sources par lesquelles nous connaissons ce nouveau système ont 
toutes une même dérivation; elles remontent à l'ouvrage perdu qui a été 
abrégé par saint Irénée. C'est donc dans l'œuvre de ce dernier, que nous 
trouvons nos premiers renseignements, et le texte grec nous en a été conservé 
par l'auteur des Philosopkumena. Tous les auteurs s'accordent ainsi à dire 
que Satornilus enseigna la même doctrine queMéuandre, et, par conséquent, 
que Simon : il y a cependant quelques différences, comme nous allons le mon- 
trer, après avoir cité et discuté le texte de saint Irénée. « Satornilus, dit 
l'êvêque de Lyon, enseigne qu'il y a un Père inconnu de tous et qui a créé 
les Anges, les Archanges, les Vertus et les Puissances. Le monde et tout ce 
qu'il renferme a été créé par les Anges : l'homme est une création des Anges 



' SurSolornilus,cf.lreii.,!ib, I, cap.iicv.ii, lel2. — Tertull ,Depr(eïcripi.,c,,xLvi.— Epijih,,ff»rej., 
xiiii. — Théodore!, Hœret. fabul , lib. 1, cap. it el m. — PAi/oiopft., lib, VII, cap. n, p. 367. — 
Augustin, Hxrei., lU. — Eu»èhe, llist . ceci., lib. IV, cap vu.— Ce gnoalique est nomma le plus Eouvanl 
f^aluroinus; c'est i torl. Seul l'auleur de la versiuQ laliiia de Bamt Irénée le noiume ainsi : Tbétidoret 
nppéa saint Épiphaue l'appelle IrtopïîXoc, fauteur de» Philotopliumena qui Doua a conservé le (eilede 
l évèque de Lyon écrit ïmopvEUo;. La forme Saluruinua n'a donc pas de raison d'êlre ; il est éyidenl 
que l'auleur de la version latine n'a écrit ce nom Saliirriinug que par suïle île l'analogie que présentent 
le» formas grocquee ïatopvU*; et Saiopwïlojavec le'nomSalnniuB dont S atu minus n'est qu'un dinilmilif. 
Sntornilu» est donc le vèrilable nom Je noire gnoslique. 

' Eatopver/Qî ii ti; a\nax\i.ia!t( tù BaoïXfiîî )i«Tà ibv aùtlv xP^'""- Siïtpi'Vns aS jv 'Avrio^tt':; tt,; 
£upiic iia-jtivnat TotaCta ûnoïa xa\ iliiavipin. {Philotofh., lib. VII, il, n. 2S, p. 367, lin. 5-7.) 




68 I.B ONOSTICIBME EGYPTIEN 

qui, dit Satornilus, après avûir vu paraître l'image brillaute qui était descendue 
de la souveraine puissance, ne purent la retenir parce qu'elle remonta aussitôt 
vers celui qui l'avait envoyée. Alors ils se dirent en s'exliortant les uns les 
autres ; Faisons l'homme à l'image et à la ressemblance {de la première 
imag;e). Cet homme fut créé, mais il ne pouvait se tenir droit à cause de la 
faiblesse des Ange^, il rampait à terre comme un ver : la Puissance d'en haut 
en eut pitié, parce qu'il avait été créé à son image, elle envoya une étincelle 
de vie qui relova l'homme et lui donna la vie'. Après la mort, cette étincelle 
retourne vers ce qui est de la même espèce, et le reste se dissout, chaque 
partie d'après la nature des éléments dont elle est formée. Il démontra que le 
Sauveur n'était pas né, qu'il était incorporel et sans forme ni figure ^ : qu'il 
n'était apparu comme homme qu'en apparence % et que le Dieu des Juifs était 
l'un des Anges. Puis il ajoute que le Père ayant la volonté de détruire tous 
les Princes (âpynTcc^) *, le Christ vint parmi nous, pour la destruction du 
Dieu des Juifs et le sahit de ceux qui croient en lui : cb sont ceux qui ont en 
eux-mêmes l'étincelle de vie, Satornilus dit qu'il y eut deux genres d'hommes 
formés par les Anges, l'un bun et l'autre mauvais. Et parce que les démons 
venaient en aide aux mauvais ^, le Sauveur est venu pour la destruction des 
mauvais et des démous, et pour le salut des bous. Ils appellent le mariage et 
la procréation des œuvres de Satan. Un grand nombre de ses disciples^ 
s'abstiennent de manger de la chair, et, par cette feinte continence, 
en séduisent plusieurs. Quant aux prophéties, les unes, disent-ils, ont été 
feites parles Auges qui ont créé le monde, les autres, par Satan, que Sator- 
nilus nomme ^ un Angp et dont il Hiit l'adversaire des créateurs du monde et 



il hoininem el ai-ticuiavir 



■1 fecit. 



1 Daas !a venion latine de snint Irénëe, on lil : quce t 
(Pair, grac, I. VU, col. 674.) 

' Daoi la veraiuD latiûe on lit aeuletnenl : Fine Ûgara. 

' Pulaliïe, locù îoxTiiEi. 

'< Ici b version latine dit : El propter boc quoi) iliBaolrere TOluerinl putrein ejua canoës principes. Le 
texte grec dit : Kxi Stà tô poùl.cg'lii Tbv icxrfpa ]ixTxi.ii3\ nàvTx; Tiu( Spxivtac. La phrase est amphî- 
liologique, et l'auteur de la Tcrsian n'a pas compris le vrai seoi. Orabe l'avail déjà conjecturé; Ia 
découverte d«s 4ti).a9a9£u|icva \v montre. O'uilleiirs Théodoret avait éci'it sans amphibologie : Elts 

ToO itki'>\i,vta( itairfiii; tôv niTipi, fr,a\, -toEi Xpitnaû ustiivaui ^QuXâ[uvov |j,:t3 tùv SXXuv àjfl- 

iiav xx'i TDv 'Iriiiîiibiv Qïuv. n n'y a pas à *'; Iromiieri 

* Adjuvant, fa^o t< 



«Kl il 









'• Oslaudit loco 'jnlSita. 



I.E GNOSTICISME EGYPTIEN Oi) 

surtout du Dieu , des Juifs'. » Voilà ce qu'euseignaitSatornilus, d'après les 
Pères qui uous en eut parlé. 

Si l'on ajoute à ce texte nue explication donnée parsaint Epiphaiie, on aura 
tout ce qui nous reste sur le sytènic de Satornilus. A propos de l'envoi du 
Sauveur, l'évèque de Salamine dit que Satornilus enseignait une concorde 
parfaite, entre le Père et les Puissances, pour faire descendre le Sauveur sur 
terre, afin de délivrer l'homme de la tyrannie des Anges créateurs^: il 
ajoute que ces Anges créateurs s'étaient émancipés delà tutelledn Père, qu'ils 
étaient au nombre de sept et qu'ils s'étaient partagé la création, dont chacun 
gouvernait une partie. ■' Ces données ne nous seront pas inutiles, car elles 
uous aideront à compléter le système. Nous savons, en effet, que Ménandre 
avait le même enseignement que Simon, Satornilus la même doctrine que 
Ménandrej les Pères nous l'affirment, et, en effet, uous allons montrer la 
coucordance qui existe entre ces systèmes; cependant, comme Ménandre 
avait ajouté au système de Simou, ainsi Satornilus ajouta au système de 
Ménandre, sans en changer toutefois l'économie générale. 

Sur la nature de Dieu, Satornilus enseignait qu'il n'y avait qu'un seu] 
Dieu, que ce Dieu était inconnu à tous: il l'apellait le Père inconnu (Ttatspa 
àyviàTtov) ; c'est la Puissance infinie que nous avons reconnue cliez Simon 
le Mage. Dans les trois premiers systèmes, cette doctrine sur la nature de 
Dieu ne change pas. Après ce premier point, vient le mode dont ce Dieu 
inconnu s'est développé ; Satornilus n'en traite pas expressément d'après nos 
sources, cependant uous pouvons arriver à savoir quelle était sa doctrine, 
sur cette question, comme sur la précédente. D'après Satornilus, le Père 
inconnu avait créé des Anges, des Archanges, des Vertus, des Puissances 
bien distantes de lui-même, comme cela est évident d'après le texte qui 
nous parle ensuite d'uue concorde entre les Puissances (AuwauEiç) et le Père 
inconnu *. Il nous semble qu'ainsi la création de deux ordres d'œons est mani- 
feste, d'autant plus manifeste, que l'un de ces ordres s'éloigne du Père, tandis 



> Philotophum., VII, II. p. M7-369, u. £8. 

* T«v Si luTîjpa àinoT&lBai àirè niTpii; xaxi TTpV - 

Suiiil Epiph. ojoule : Tôv nirâv (natipi St-ïcuotov) 
ik Kt^ti.il\li SlEOTtivxi XTii Svu Suvà|i£u;. (Ibid.) 

* Cr. Qots deuiièma de calti psge. 



y liv Auvi^tEùiv. {Hœr.. XXIIl, u. 1 
i. [tbid. Ttiéodurel douiie le mitât 




70 I-E GNOSTICISMl! FGTPTIEN 

que l'autre lui reste fifléle. Quant à la création, il n'y en ava,it pas, à propre-" 
ment parler ; c'était l'émanation enseitfnéii par Simon le Mage, car aucun 
giiostiqueirajamaisenseigné la création, comme nous l'entendons aujourd'hui. 
En cela, Satornilus ne s'écartait donc pas du système primitif de iSimon, il 
enseignait l'existence des trois mondes, puis qu'il y avait des feons supérieurs, 
des Auges créateurs et un monde qui est la terre sortie de la main dos Anges. 
Cela nous paraîtra encore plus certain, si nous recherclious pourquoi Sator- 
nilus enseignait que le nombre des Anges créateurs était de sept. Ce n'est 
qu'âne conséquence de la doctrine primitive. En admettant les trois mondes, 
Satornilus devait admettre le principe desimilitude, d'après lequel ils se déve- 
loppent, il enseignait l'existence de sept Anges créateurs parce que Simon 
le Mage avait placé dans son monde supérieur six Feons avec la Puissance 
infinie, dans son monde intermédiaire, six autres seons avec le grand Silence. 
Parmi ces sept Anges, l'un était le premier, c'était le Dieu do Juifs qui devait 
mettre la concorde et l'harmonie entre les sept Anges, ou dans la création de 
ces Anges. Si nous voulions faire une conjecture, nous dirions que les six 
autres correspondant aux six œons du monde intermédiaire de Simon, avaient 
sous leur pouvoir le Ciel et la Terre, le Soleil et la Lune, l'Air et l'Eau. 
Cependant, cette nouvelle ressemblance entre Simon et Satornilus n'est pas 
entière, car nous devons faire observer que Simon avait plutôt fait de ses six 
aaons des réalités abstraites, et que Satornilus y avait ajouté des réalités con- 
crètes dans la personne de ces Anges, administrant chacun la partie qui lui 
était échue de la création. Mais ce fait est commun dans l'iiistoire des reli - 
gions ; toutes ont imaginé des êtres supérieurs présidant à chaque partie du 
monde : chez les peuples de l'Iran comme chez les Phéniciens, chez les Baby- 
loniens comme chez les peuples de l'Inde, pour ne citer que l'Orient, on 
trouve cette doctrine à la base des diverses religions, elle s'est continuée chez 
les Chrétiens comme elle existait chez les Juifs, c'est la doctrine des Anges 
gardiens. Si elle se trouve ainsi dans toutes les religions, c'est qu'elle répond 
sans doute à une croyance universelle, à un besoin général de l'hnmanité. 

Gomme Simon, Satornilus enseignait encore que les Anges placés 
dans le monde du milieu s'étaient séparés du Père inconnu; mais il 
s'écartait de son maitre dans l'explication de cette faute première qui, dans 
tousle3sjstèmes,eBt l'origine dumal physique et moral. Eneflet, Simon avait 



1,E GNUSTICISME EGYPTIEN 71 

enseigné que la Puissance Intiiiie et éternelle avait envoyé son'Eziv:;tx ii^a 
Pensée) vers les Anges, dansk monde du milieu ; que ceux-ci s'en étaient 
emparés, l'avaient retenue, maitraitée, et forcée de descendre dans les corps 
des hommes et même des animaux. D'après Satornilus, du haut du premier 
monde le P^rc inconnu envoya une étincelle de vie (mtvCiiax Çtùr,;), cette étin- 
celle brilla aux yeux des Anges qui voulurent la retenir, mais qui n'en eurent 
pas le temps, car elle remonta aussitôt vers celui dont elle était émanée. Ici 
encore, l'expression de Satornilus est plus concrète ijue celle de Simon, mais 
la mission ou fonction de l'étincelle de vie est identique à celle de la Pensée : 
chez l'un et l'autre, cette émanation devient le principe d'une chute primitive, 
car chez SimoUj les Anges retiennent 'ErAvaix ; chez Satornilus ils veulent la 
retenir, et parce qu'ils n'ont pu le faire, ils prennent la résolution de former 
l'homme afin d'en conserver l'image et la ressemblance. 

Si maintenant de la nature de Dieu nous passons à la nature de Thomnio, 
nous verrons que Satornilus, tout en conservant le fonds de la doctrine de 
Simon, l'a modifiée selon ses propres idées. Gomme ses maîtres, Satornilus 
enseignait que l'homme est une création des Anges qui s'étaient exhortés à le 
faire on disant; Faisons l'homme à l'image et à la ressemblance. Or, du 
quelle imago veulont-ils parler? sinon do l'image de cette étincelle de vie 
qu'ils n'ont pu garder '. Malgré cette intention, l'homme qu'ils créèrent 
participa à leur faiblesse, il ne put se tenir droit, il rampa comme un ver, et 
il fallut que le Père inconnu lui envoyât l'étincelle do vie pour l'animer. €■; 
sont là pour nous dos détails nouveaux que nous n'avons trouvés ni c\n}/. 
Simon, ni chez Ménandre ; Satornilus complétait ses maîtres, mais ne les 
abandonnait pas. Dans son système, comme dans les deux que nous avons 
exposés précédemment, l'homme n'est pas créé, nous l'avons déjà dit : il est 
formé par émanation. Ici, cette émanation est double. L'homme est formé 
par les Anges au moyen d'une émanation incomplète qui n'est pas douée de 
vie ; puis leur œuvre est complétée par le Père inconnu, envoyant à la créature 
informe des Anges une étincelle de vie qui le relève et le fait vivre, qui 
complète l'image et la ressemblance à laquelle les créateurs n'avaient pu 
arriver par eux-mêmes. Or, quelle est donc cette étincelle de vie? C'est une 



> Cf. le t«tle cils plus haul. 




72 



LE ON08TICI8ME EGYPTIEN 



émanation du Père lucomni, une mauifeslation de son être, comme nous l'avons 
vu ; et comme, dans tous ces systèmes, les manifestations de la divinité sont 
des fEOns, il s'ensuit que cette étînceUe de vie était la propriété d'un feoa 
particulier. Notre conclusion se trouve amplement justifiée par le texte de 
saint Epiphane, cfui, au lieu de Texpression imiv^pa Çwi;; emploie le mot de 
<!>Mv>j, la Voix, et cette ^vn n'est autre que le troisième jeon du monde supé- 
rieur dans le systètne do Simon le Mage : ce qui nous permet de voir que 
Satornilus admettait les mêmes îeons que Simon '. Sans doute, nous n'avons 
pas ici l'émanation à un seul jet, telle que nous sommes habitués à la conce- 
voir ; il y a émanation par juxtaposition, s'il nous est permis de parler de la 
sorte ; chaque agent émanatcur produit sa partie de l'émanation totale qui a 
encore besoin d'être complétée par l'action immédiate du Père inconnu, 
premier principe de toutes les émanations. Il ne faut pas que cela nous étonne, 
nous verrons d'autres exemples d'une pareille émanation, et dans le système 
de Valentin, il ne faut pas moins de trente agents émanateurs ponï" produire 
ce qu'il appelle le Fruit commun du Plérôme. 

Sur la rédemption, Satornilus n'avait rien imaginé do nouveau, il s'était 
contenté de la doctrine de ses prédécesseurs. Les Anges créateurs opprimaient 
l'homme, le Sauveur vint pour le délivrer de leur opression: parmi les hommes 
ceux qui ont l'étincelle de vie, c'est-à-dire dans ce nouveau sens, ceux qui 
croient en Satornilus sont sauvés. Cependant Satornilus ne se disait pas le 
Sauveur ou l'envoyé de Dieu : il était plus modeste que Simon et Ménandre. 

Nous ne savons rien de plus sur le système cosmologique et anthropologique 
de Satornilus, et nous eu aurions fini avec lui, s'il ne nous i-estait un problème 
nouveau à examiner, celui du dualisme qui est au fond de son système et qui 
en constitue l'innovation la plus importante. Avant d'aborder l'examen do 
cette question, il nous faut jeter un dernier coup d'ceil sur les Auges créa- 
teurs et sur le dieu des Juifs en particulier. Quoique les Auges créateurs de 
Satornilus correspondent aux Anges créateurs de Simon, que leur nombre 
soit le mémo que le nombre des habitants ou aeons deses deux mondes supérieur 
et intermédiaire, cependant la seule limitation de leur nombre à sept est 
quelque chose d'important. Tout le monde sait que ce nombre sept a été regardé 



I cf. in premier cbapilre de < 



LE GNOSTICISME EGYPTIEN 73 

comme un nombre mystérieux entre tous, et les peuples anciens y ontattaché 

une signification particulière. 

Parmi ces sept esprits, ces sept Anges créateurs, il s'en trouve un auquel 
Satornilus attribue un rôl« particulier et une sorte de prédominance : c'est le 
dieu des Juifs. Cet Ange était plus particulièrement méchant, et le Père 
avait pour lui une aversion plus profonde. C'est pour détruire sa puissance 
que le Sauveur est venu sur la terre. On pourrait croire jusqu'à un certain 
point que ce dieu des Juifs est le même que Satan sous un autre nom, mais 
lorsque le texte nous dit, que « parmi les prophéties, les unes sont dues aux 
Anges créateurs, les autres à Satan, qui lui-même est un Auge mauvais, 
combattant les Anges créateurs et surtout le dieu des Juifs ' », il est évident 
que les deux adversaires ne sauraient être identifiés. Peu importe donc 
qu'après avoir dît que le Sauveur est venu détruire la puissance du dieu des 
Juifs ', le texte ajoute qu'il est venu pour détruire les démons ^, nous sommes 
avertis maintenant qu'il s'agit de toute autre chose. Mais pourquoi Satornilus 
met-il ainsi en avant le dieu des Juifs, lui donne-t- il une puissance supé- 
rieure qui n'est employée qu'à opprimer les hommes ? C'est qu'ici nous assis- 
tons à la formation d'une idée nouvelle, qui toujours ira en grandissant dans 
les autres systèmes gnostiques découlant du système de Satornilus, et qui se 
distingueront par leur haine du judaïsme. C'est ici le premier pas dans cette 
voie qui conduira certaines sectes gnostiques à enseigner des horreurs sur ce 
dieu des Juifs qu'elles haïssaient mortellement. Quant à Satornilus, il n'en fait 
pas un principe mauvais, il se contente d'en faire le chef des Anges créateurs 
et s'il ne dit pas que la rédemption s'exerça pour lui, on peut cependant affirmer 
que telle était sa croyance, car la rédemption a lieu pour toutes les émanation 
qui sont tombées et déchues de la splendeur du premier principe. 

S'il en est ainsi du dieu des Juifs, que faut-il penser, au contraire, de cet 
autre personnage nouveau que Satornilus nous présente pour la première 
fois et qu'il nomme Satan? Pour répoudre sur le champ à cette question, disons 
que Satan est un Ange du mauvais principe, c'est -à-dire que Satornilus 



i Cf. PAii..lib,VlI, p. lin. 2g. 
' 'E«\ xiTÛiiaei taO tûv 'lauSoiuv 




74 I.E GNOSTICISME EGYPTIEN 

enseignait le dualisme. Nous alious maintenant nous ofFoi-cûr de démontrer 
notre assertion. 

Le Satan dont il est ici question est appelé un Auge, et un Auge qui 
s'oppose aux Anges créateurs et principalement au dieu des Juifs '. Il pouvait 
s'opposer à ces Anges pour deux motifs, ou dans rintérèt du Père inconnu, 
ou dans l'intérêt d'une autre puissance également adverse au Père et aux 
Anges. Or, la dernière alternative seule est possible. En effet, lorsqu'il est 
dit que certaines propliéties étaient ducs aux Auges créateurs et les autres à 
Satan ', et que l'on ajoute que lo mariage et la procréation étaient des œuvres 
de Satan ^, il est évident qu'ici Satan ne peut travailler aux intérêts du 
bon principe. De plus, Satan étant mauvais par nature, on ne peut pas dire 
qu'il est une émanation du Père inconnu; car jamais, dans aucun système 
gnostique, on ne trouve un être absolument mauvais, émané d'un premier 
principe essentiellement bou. Il faut donc avouer que Satan provient d'un 
principe mauvais. Mais s'il existe un principe mauvais, pourquoi ne le voyons ■ 
nous pas agir ? Pourquoi Satan usurpe-t-il toujours sa place? Une telle con- 
duite est assez curieuse, mais elle n'est pas inouïe. D'ailleurs ici, quoique le 
mauvais principe ne soit pas vu agissant, son action est malgré tout sous-en- 
tendue, car comment alors Satan serait-il émané ? Nous ne voyons pas quelle 
autre pourrait être sou origine. Mais il n'est pas le seul qui doive son exis - 
tencc au mauvais principe : le système de Satornilus contient une création 
mauvaise, comme il en contient une bonne. Nous ne pouvons pas le nier; car 
après avoir parlé de l'homme créé par les Anges et rendu vivant par l'émis- 
sion de l'étincelle de vie, le texte ajoute tout à coup: c< Or, il (Satornilus) 
affirmait qu'il y eut deux sortes d'hommes créés par les Anges, l'une bonne 
et l'autre mauvaise *. » Cependant, dans ce qui précède, on ne parle plus que 
d'un seul homme créé faible et rampant, devenu fort par l'intervention du 
Père inconnu, rendu bon parla réception de l'étincelle de vie. Le mot d'Anges 
dont se sert ici le texte, renferme donc deux catégories d'êtres distincts, les 



' 'As Si tiTti. ToD ï«ïvS, &v xii auràv ayyîio. àvtiTtp: 
iv 'louîaitov Oe™. 

* Ta; SI njiof iitiix;, £( yii aTcà tùv xsaiioicolûiv iffliiii 
^To ii TO|iitv xa\ yivv^v inô toO EaiovS çuff'iv itvai. 

* Auà Tap fbri ïûv àv6prino)v uni tùï àryAuv mit),si<rt 



< ).EXoilT|aea(. (Cf. texte précMent.) 



SMR EGYPTIEN 



75 



Anges créateurs elles mauvais Angos, ceux qui sont aussi appelés démons '. 
S'il en était autrement, comment expliquer l'existence do cette race mauvaise, 
de ces démons qui lui viennent en aide ? Nous le répétons, ces hommes, ces 
démons sont essentiellement mauvais, ils n'ont pas reçu l'étincelle de vie, le 
Sauveur est venu pour les détruire, et tout ce qui n'a pas l'étincelle se corrompt 
et périt iuiailliblemeut. Il y a donc opposition complète entre les deux caté- 
gories ; ces deux catégories d'êtres dépendent d'un principe opposé dont 
l'action est en tout contraire à celle de son adversaire. Toutefois, il faut avouer 
que ce dualisme de Satornilus n'est pas un système complet, il n'offre que 
les éléments primitifs d'une doctrine qui se développera et qui aboutira au 
grand dualisme marcionite. 

Nous voici arrivé au terme de ce qu'on peut appeler l'enfance du Guos - 
ticisme. Nous en avons vu les commencements se développer après Simon 
dans les systèmes de ses disciples. La doctrine du maître laissait bien des 
pointsdaas l'ombre; des développements longs et originaux pouvaient trou- 
ver place à côté du système de Simon : Ménandre et Satornilus le comprirent. 
En outre, l'amour de la gloire, l'envie de se signaler, le besoin d'avoir une 
doctrine à soi, tout contribuait à les pousser dans une voie que leurs disciples 
devaient singulièrement élargir. Si, du point oîi nous sommes arrivé, nous 
reportons nos regards en arriére, nous voyons que les trois systèmes que nous 
avons expliqués s'encbainent avec une précision remarquable, que le dernier 
suppose le précédent et celui-ci le premier. Tous les trois forment les 
assises sur lesquelles vont s'élever les systèmes bien plus développés et per - 
fectionués des trois grandes écoles gnostiques. Au fond de tous les systèmes, 
on trouve, en effet, la doctrine de l'émanation, la similitude des trois mondes, 
un Dieu inconnu, les syzygies, Tseonologie de Simon, une cosmologie qui ne 
varie que très peu et une rédemption qui se greffe sur la rédemption chré- 
tienne tout en produisant des fruits d'un genre différent, Tous les docteurs 
gnostiques ont de même proposé leur doctrine comme une doctrine supérieure, 
donnant et assurant le vrai bonheur à ses adeptes, perdant sans retour ceux 
qui ne l'adoptaient pas. Parmi ces théories, les unes avaient été détournées 



■ Cf. le texte en eiiliei 
nom tûiont remarquer. 




76 LE GNOSTICISME EGYPTIEN 

de leur sens général par Simon lui-même : d'ailleui-s les fondateurs de sectes 
et de systèmes ont toujours cherché à bénéficier de leur doctrine, et cela se 
comprend. Simon se donnait comme le Sauveur, Ménandre faisait de même, 
Satornilus eut plus dfi modestie ; ce sont des divergences, mais tous s'ac- 
cordaient à dire que leur doctrine donnait seule l'immortalité bienheureuse. 
Tous les trois se servaient aussi de la magie pour acquérir cette immortalité, 
et Ménandre l'éleva au rang d'un culte qui devait se perpétuer après lui. 



DEUXIEME PARTIE 



OHAPITRR PKEMIKIi 

BASILIDE ~ VIE DE BA5IU0E - SES ÉCRITS - SOURCES DE RENSEIGNEMENTS 
OUVRAGES SUR SON SYSTÈME 

Les deiix chapitres précédents ont raontiv commeut Igs doctrines gnos- 
tiques étaient contenues en germe dans les systèmes de Simon le Mage et do 
son disciple Méiiandre qui revécut lui-m&me dans l'enseignement de Sator- 
nihis. Ce Satorniliis eut un condisciple nommé Basilide : toiis deux s'étaient 
instruits et formés près de Ménandre ; mais le premier demeura en Syrie, 
pendant que le second allait porter en Egypte des doctrines qui n'étaient pas 
sans ressemblance avec celles des temples de l'ancien empire pharaonique. 
Basilide est vraiment le premier gnostique égyptien ; sa doctrine eut une 
apparence nouvelle qu'il ne dut qu'à son génie facile et profond, car il se 
sépara presque entièrement des enseignements de Simon et deMénandre. Mais 
avant d'exposer son système compliqué, certaines observations préalables 
sont nécessaires sur sa vie et sur la valeur des sources auxquelles nous 
devons puiser nos renseignements ^ 

Les premiers renseignements que nous avons sur Basilide nous le mon- 

' Sur B»8ilida, cf. «ainl Iiéaée, Adc. H«r-es., lib. I, cap. mv. — Clémenl d'Alex., S(>'ûni.,lib. HI 
el VU, — TBrtullien, iJePrMCrijjt., xLvi. — Saint Epiph., Birre*., iiiv.— Théodoret, S^ret-fab., 




7S 



LE GNOSTICISME EGYPTIEN 



trent en Syrie près de Méiiandre ; cependant saint Epjpliaue le fait habitant 
d'Alexandrie ; mais il ajoute qu'avant de se fîxpr en Egypte, il avait demeuré 
dans la ville d'Antioche '. En quittant c(?tte ville, il se rendit en Egypte, 
parcourut les nomes de Prosopis, d'Athribis, de Sais et se fixa enfin dans la 
ville d'Alexandrie *. Ces renseignements n'ont rien qne de vraisemblanble. 
L/e système de Basilide était certainement répandu en Egypte, dans la ville 
d'Aliîxandrie, puisque le philosophe et professeur chrétien Clément, le met 
au nombre de ceux qu'il combat ouvertement : d'ailleurs, saint Epiphane 
avait pris ses renseignements dans un ouvrage antérieur, ou peut-être sur les 
lieux mêmes, dans le voyagi' qu'il 6t en Egypte, et saint Irénée nous donne 
dos renseignemt'nts identiques d'une manière plus concise. Quoi qu'il en soit, 
Basilide, instruit parMénandre, ne s'était pas tellement attaché à la doctrine 
du maître, qu'il ne souhaitât avoir un enseignement propre^ : ce fut sans doute 
la raison qui le porta à se séparer de son maître, à choisir un autre théâtre 
pour son action privée, et à parcourir l'Egypte afin d'y répandre sa doctrine. 
Basilide avait étudié l'Ancien Testament, connaissait plusieurs des livres 
du Nouveau: ce que nous en dirons plus loin le montrera amplement. 11 affir- 
mait avoir reçu sa doctrine de l'apôtre Mathias qui lui avait laissé, disait-il, 
des livres apocryphes recueillis des lèvres même de Jésus *. Pour rehausser 
encore l'importance de cet enseignement secret reçu de l'apôtre Mathias, 
Basilide se disait le disciple de saint Pierre par l'iutermédiaire d'un certain 



Ijb. r. cap. IV. — Eu?èbe, Hht.eccUs., lih. IV, cap, vjt. — Philastre, cap. ïxiii. p1 surtout Je livre VU 
lies Pliilosophuinena, ch. i. 

AlyCsTu. jtupiînBS. ixtlit li •n.otti-.à a-k-vO toQ pâ9ou; t^j nleiï7]( Èn'Spuîîv. (Sajnl E|iiph. B.iras . ixiu, 
n. 1. — Cf. Hxrei., xiiv, n. l. — Ei iis Meoandri placitia Saluminm qui fuit sb Aotlocliia. ea quio 
e>t apud Daphneo, et Haailldas accasionea accipianteg, dislsnles doctriiias oslendarunl ; aller quidem 
ia Sjpia. aller yero in Aleiandria, — Iroii., lih. I, cap. ixiv, n. 1. — Cf. Eusébe, Hist iccles , 
lib. IV, cap. Tii.) 

» Baoïiîfaii!^ (liv o jv, xsflà avw itpoîiiiî>.uT«i, 1-. tÎ, tûï Alïuitri.jv xiipef oniJi^îvoî -nf. itaptiav, («ûoe 
Tïç avaTp(«ât tBîi'iTo, iha ïpzïTai îU ta ^i^r, toO npooomfio'j xa'i ■AvApiEho-j. OO iijjv àVJà tl%\ itip'l ^jv 
ïifT/iï Kïl 'AXiSiivSpEiav, v.'xX 'AXtEavJpoitQifTijv -^ùpov, tItoi ïo[iîv. {Epip., Har.. xxiv, a. i. Sur ces 
tiomes, V. Parthej, Voeabularium coptico4aUnum, p. US, 548, 5W, aux moti Athribia, Proaopi», 
Sais. Cf. Zur Erdkwnde dei altea ^gt/pten, du même, aux carte».) 

3 BasilidaB aulera, ut aUiuR aliquid et verisimiliu! inrenÎRiG ïidaatur, in immensum eïlendit BenlentUm 
doolriuœ su», Iran., lib. I, cap. xx.v, n. 2. Kal ïpzit,. ^h (i Bxaiktîi^s) xTipOTtj.v I.7t.p6â>.r,v Onip tiv 
avaxtUiTtii «ÙTOO ïi^ta, t!iv xiTaVEip6ivTi ivï tTiç £.jp{i( tva Îî^Sev Ta î™Èp ixttvov îinToOp.iYOî Ut^ 
(paviaTiàCtiv TîXÉov toùj àxoûovtx, àpéirxMOii 3i xi\ ewxfs'.ptn nii-O^ iictp t'ov haîpov aùroO laiop^na». 
(Epipb., ffwr., u[v, n. 1.) 

* *«7lv tipflxivai Matfliiv aiToI; ii^oui inoxp'^Tti'j;. O'i; ^xo-joe napà loO ïu/trpos xaTiSiïv BiSaïSt-'c. 
CPAii., lit. VU, 1, n. 20, p. 3M, lin. 2.) " 



aMJSTlGISME EGYPTli 



Gtaucias dont nous ne comiaissous que le nom '. On peut, d après cela, 
affirmer hardiment qu'il était chrétien, quoique nous ne possédions pas un 
seul témoignage qui nous assure de son baptômo. En outre, il devait être 
chrétieu, celui qui admettait les quatre évangiles qu'il mutile en plusieurs 
endi'oits de ses ouvrages et dont il se sert pour étayer son sj-stème. D'après 
le témoignage d'Eusèbe, Basilide avait composé vingt-quatre livres sur les 
évangiles, il les nommait Exégétiques * ; Clément d'Alexandrie cite un 
passage du vingt-troisième ^, et, dans les actes de la dispute d'Arcliélaus 
contre Manès, ou trouve un fragment du troisième de ces livres *. D'après 
le témoignage d'Origène, Basilide n'aurait pas hésité à faire lui-même un 
nouvel évangile^; quoi qu'il en soit, le philosophe rejetait l' Ancien Testa- 
ment, et, au lieu des prophètes, il recommandait deux livres de prophéties 
publiées par les prophètes Barcoph et Parchor'^. Parmi les Épitres des 
Apôtres, il en recevait quelques-unes comme inspirées, rejetait les autres 
quand il n'en pouvait tirer parti '. Tout cet ensemble de preuves nous fait 
considérer Basilide comme un philosophe chrétieu qui n'a pas su se garder 
des nouveautés de doctrine, sans que nous puissions préciser le moment où 
il dut embrasser le christianisme. 

Nous ne pouvons pas davantage préciser avec exactitude l'époque où Basi- 
lide enseigna. La question a longtemps été agitée entre les auteurs, sans que 
l'on piit en donner la solution définitive ; nous ne serions pas plus heureux. 
Qu'il nous suffise de dire que tous les auteurs le placent avant Valontin et 
qu'il vivait encore sous les règnes de Hadrien et d'Antonin le Pieux, pendant 
le pontificat de Hygin, c'est-à-dire vers l'an 140 *. Nous nous efTorcerons 
plus loin de déterminer l'époque où Valentin parut ; quant à Basihde, il nous 
semble propable que, dès l'an 80 de notre ère, il devait avoir comment 



1 Habilup i BxsiïtiiiiC) vSv 

(Cl. Aies., Str„ lib. VU, cap. 

» Cf. Eusébe, llisl. eccies., 

1. IX, eol. 5*9.) 
* Cf. Jncobi, DtM ursprûngliehi 

ign, p. *93. 



:vii; Patr. yrmo. t. IX, col. 552.) 

.b. IV, cap. vu. 

tpitiû TÛiï 'EEnïiiTix&v (Cf. Al., Str., lib. VII, ch. xvii. PrWt-. griec.. 



siUdianUeke lysten 



■ ZciLschrift iHr Kirchengeschichle, 



^ Homil. 1, m Zucutn. 

1 Cl. Alei.. Strom., lib. VI, ch. vi, ISid.col. S75 

' HierontmuB, In EpUt. ad Titum. 

■ V. il ce EUJel Euièba, HUt. eccles. lib. IV, cup. vr 



-CI.AItfi.St^-.lib. VU, cap. i 




80 



LE QNOSTICISME EGYPTIEN 



d'esquisser son système. On ne peut rien dire (te certain sur l'époque de sa 
mort. 

Nous devons faire fonnaitre maintenant les sources auxquelles nous 
sommes allé puiser nos renseignements. Ces sources sont au nombre de 
quatre : 1° les ouvrages de saint Irénée, de ïertullien, de Philastre et de 
s-aint Epiphane; 2" le livre des Philosophumena; 3° les ouvrages de 
Clément d'Alexandrie; 4° V Histoire ecclésiastique lïEasèhe. Chacune de ces 
sources doit être maintenant examinée en particulier; maisavant de procéder 
à cet examen, il faut faire une remarque très importante. 

A tous ceux qui ont, avec quelque soin, étudié les écrits des Pères des 
premiers siècles, il a dû paraitre évident que ces écrits (quelques-uns aux 
moins), lorsqu'ils analysent les premières erreurs qui s'élevèrent contre 
l'enseignement chrétien, ne sont querabrégé de certains autres ; c'est ainsi 
que Théodoret dans son ouvrage sur les hérésies n'a fait que nous transmettre 
pour le Gnosticisme ce que saint Irénée avait écrit avant lui, en le copiant 
quelquefois mot pour mot, si bien que dans le texte conservé de l'évèque do 
Cyr OQ peut retrouver le texte perdu de l'évèque de Lyon. C'est à une 
semblable méthode que nous devons le texte des vingt et un premiers 
chapitres de saint Ivéuée qui ont été transcrits par saint Epiphane mot pour 
mot: l'auteur des Philosophumena n'a pas agi autrement en parlant do 
Satornilus. Le plus souvent les écrivains postérieurs se contentaient d'ana- 
lyser l'auteur primitif, et chacun d'eux l'a fait à sa manière : ce qui donne à 
la critique la facilité de pouvoir reconstituer des ouvrages que l'on ne possèd • 
plus. C'est ainsi qu'ont écrit Tertullien, saint Epiphane, saint Jérôme, 
Philast['e et saint Iréuée lui-même. Eusèhe n'a pas fait autre chose, quoi qu'il 
nous ait conservé des détails qu'on ne trouve que dans ses ouvrages. En ce 
qui regarde Basilide, il a tout emprunté à saint Irénée ; Théodoret a suivi pa^ 
à pas l'évèque de Lyon ; mais il en est tout autrement de Terluliien, du 
Philastre et de saint Epiphane. Les données [que l'on trouve dans saint Irénée 
et ces trois auteurs sont cependant les mêmes au fond; elles proviennent 



BKf.fah., lib. 1. cap. Il, — Hieiun.. Caulva Lvdf.^-i 
o. 8. — HieroD., Catalog. volb AerJr[>a- - Cf. U. Mses 
5P*c., I. VU, col. 32-135. — IiuBc Vos», Dodwell, Pearton 
49 el 5!. V. auiBi les auteurs Bltemandi que oou» citons. 



n.~ Cji-r., Ei.isf. '.h. - E[iipli., Hixr. 
el, Denaiilide, u. U2. 113, iU.- Pi 
ip. Pair. groK., I. IX, col, H7.^!,n"» 



LE GNOSTICISME ÉGYPT[EN 81 

toutes de l'analyse d'un ouvrage antérieur maintenant perdu : nous allons le 
démontrer à la suite de MM. Lipsius et Harnack *, on nous attachant uni- 
quement aux évêques de Salamine et de Lyon, heureux de rencontrer une 
occasion de relever le témoignage de saint Epiphane que l'on traite d'ordi- 
naire un peu légèrement ; car si les réfutations qu'il donne pourraient être plus 
philosophiques et moins querelleuses, ses expositions de systèmes sont pui- 
sées aux meilleures sources, et la critique n'y fait pas si complètement défaut 
qu'on l'a prétendu. L'évêque de Salamine avait une assez vaste érudition, 
malheureusement il en a fait un usage trop fréquent et trop peu judicieux; 
mais il faut nous rappeler que les chrétiens des premiers siècles, s'ils étaient 
moins raisonneurs, n'étaient pas moins raisonnables que nous, et ce souvenir 
nous fera juger saint Epiphane avec moins de sévérité et plus de justice. 

Il est facile à quiconque lit avec soin le premier livre de l'ouvrage de saint 
Irénée contre les Hérésies (Adversus Ilsereses), de remarquer entre les neuf 
derniers chapitres de ce livre et les précédents, une difTérence radicale dons 
la manière de composer et dans l'exposition des systèmes hérétiques. Cette 
dernière partie semble même n'avoir été ajoutée à la première qu'après coup, 
car saint Irénée dit ouvertement dans son premier préambule qu'il a l'inten- 
tion de réfuter seulement les erreurs de Valentin et des disciples de Valontin*. 
Mais lorsqu'il eut achevé cette première partie de son œuvn", il lui sembla 
bon de revenir sur ses pas, de rechercher quels avaient été les maîtres do 
Valentin, ceux aux systèmes desquels le grand gnostique avait emprunté la 
plupart des idées développées ensuite. C'est pourquoi les prédécesseurs de 
Valentin sont placés dans l'ouvrage de saint Irénée après les disciples du 
philosophe égyptien. En écrivant la première partie de ce livre, l'évêque de 



i Zur QvtlUnkritik des Epiphanioa. — Die QueUen drr âUealtn Ketiergesehichte, ion Rich. 
Adelb, LipsiuB. — Zur Qaeilenkritik der Ggschichlt das GnoiticUmvs, von D' Adolf Harnack. — 
Ce travail a été commeacé dans une ville île province où aucan de ces livres n'était à notre disposi- 
tion, et avant d'avoir lu ces uuvrages nous étions arrivé aux mSmea conclusions. C'est avec joie que 
nous avons vu le réeullat de nos recherclies ainsi conllrmf. 

* 'AïBfxsîov î]Ti;aiitii]ï, £ïTU);i)v toîc vurojivriiaoi t^v, li; auto! Xi^ouaiv, Oua),ivtivBu (laBijtfiiv, Evtoiî 
Si aCiGiv v,a\ ru^aXiat xct\ X3T0t).aS£|uv(i{ t^jv pi>i)ii)v arjxin, \Lij\Haal voi, SYamiTi, râ TipstuiSi] xs'i 
fié^la nvinripsa, & où icâvTi; ^cupoOmv, ind |iv{ itéttii t!iv è-jniifaXsv tiiKTintsan, Situe XH' où (laDùv 
aûvi, itiirt nî; ^uti aa^ f oivipà Tiaiy^rnit *x\ icapaivirpï otOvaC; f\i\iiaabii tàv puSov tii; àvsfao xil trii 
ti; XpioTÔv ^9U7fr| |j.ia;. Ka\, xoi{l£)( iûiia[iiv tiiuv, ti^ ti yvÙ|i,iiv oÛtAiv t&iv vQv nipuStSxirxivTdiv, Uyoi 
J>1 tEjï inpl IlTolriiaioy, àn«ïîi(F(ta oîoiï ■n,i OuaievTÎvou o^oV^î, ouvt4|iuiiî xal açtf&i ht'tyytXavf.ti, 
Na\ BTSpfiâcfiûaoïuv, xaià -njv T,|ietipav |iEipiiTi]Tix. iipb(, T^ àvarpiniiv t-Jrffi, [Pair, lai-, l. Vil. Adv, 
hxr,, lib. tiprotem. col. 14t.) 




82 LE ONOSTIGISME ÉGYPTIEN 

Lyon semble avoir eu sous les yeux les ouvrages mêmes des hérétiques qu'il 
réfute; dans la seconde partie, au contraire, sa méthode est sèche, son style 
est sans liaison, Tordre lui parait inconnu, il met en premier lieu ce qui 
devrait se trouver en la dernière place, et s'il a oublié quelque chose, il le 
consigne simplement à la fin de son chapitre ou de son paragraphe, sans plus 
s'inquiéter si c'est bien la place où il le devrait mettre. Ainsi, lorsquHl traite 
des erreurs de Basilide^, il parle trois fois des trois cent soixante-cinq cieux 
qu'avait imaginés ce philosophe, et à chaque fois il en dit quelque chose de 
nouveau, comme s'il eût oublié de le dire précédemment, lelout sans ordre, 
sibien que ce n'est qu'à la fin de son chapitre qu'il fait connaître le nom 
d'Âbraxas comme celui que Basilide avait donné à ces trois cent soixante-cinq 
cieux. C'est de la même manière qu'il parle du Sauveur, des Anges et de leur 
créateur d'après Basilide; rien de suivi, ce n'est qu'un pele-mèle de remarques 
jetées sans ordre. Il nous semble donc certain qu'en écrivant ce chapitre, saint 
Irénée n'avait pas sous les yeux les ouvrages mêmes de Basilide et qu'il ne 
faisait qu'analyser un ouvrage antérieur, soit le syntagma de saint Justin 
comme l'a prétendu le docteur Lipsius*, soit l'ouvrage d' Agrippa Castor, dont 
Eusèbe fait mention en parlant de Basilide^. 

Le sentiment que nous émettons trouve une ample confirmation dans la 
manière dont saint Epiphane a rendu compte du même système. En effet, saint 
Epiphane ne s'est pas ici uniquement servi de l'ouvrage de saint Irénée ; car 
quoiqu'il y ait toujours entre eux l'accord le plus complet, on trouve cepen- 
dant dans le premier beaucoup de détails qui ne sont pas dans le second ; et, 
comme l'évêquc de Salamine est postérieur à l'évêque de Lyon, la preuve a 
toute sa force. De plus, certains passages obscurs de saint Irénée trouvent 
une explication claire dans les paroles de saint Epiphane; nous allons le 
montrer par quelques exemples qui ont rapport à Basilide. En premier lieu, 
saint Epiphane nous donne sur les voyages de Basilide des renseignements 
qu'a complètement négligés saint Irénée. Chez l'évêque de Salamine, tout est 
disposé dans l'ordre le plus lucide, car il traite d'abord de l'émanation des 



* Ibid,^ cap XXIV, n©* 3-6. 

^ Zur Quellenhritik des Epiphanios, ^ L*auteur s'est montré moins affirmatif dam son second 
ouvrage cité plus haut. 
3 nUt, Eccl., lib. IV, cap, vu. 



l.E O.NOSTICISME KGÏl'TIEN 83 

œous, de la création des anges qui, à leur tour, créèrent les trois cent soixante- 
cinq deux, puis l'homme; il montre ensuite comment le Père envoya le Sau- 
veur sur la terre, comment ce Sauveur se joua des Anges et se substitua 
Simon lo Gyrénéen. Bafîn il donne la morale de Basilide et s'efforce même 
de pénétrer jusqu'aux sources. Tout cela se trouve aussi dans saint Iréaée, 
mais dans une confusion regrettable. Chez celui-ci, on trouve quelques 
paroles assez obscures sur le Dieu des Juifs et son rôle: « Il y a dit-il, uii 
prince des Anges que l'on regarde comme le Dieu des Juifs. Comme il voulut 
soumettre les autres nations aux hommes qui lui étaient soumis, c'est-à-dire 
auxJuifs, les autres princes s'opposèrent à ses desseins et lui résistèrent : c'est 
pourquoi les autres nations firent la guerre à sa nation*. » Ces paroles no 
laissent pas que d'être assez obscures : la même chose est exprimée en termes 
bien plus clairs et avec plus de détails par saint Epiphane : o Au sujet du Sei- 
gneur tout puissant, dit- il, Basilide éclate en blasphèmes. . . Il le renie et veut 
que Dieu ne soit qu'un des Anges qu'il a créés pour son système, comme cela 
m'a été démontré. Les Juifs lui échurent en partage. Il était plus arrogant que 
tous les autres Anges , il fi t sortir d'Egypte les enfants d'Israël par la force auda- 
cieuse de son bras, c'est pourquoi il est plus téméraire et plus arrogant, . C'est 
pourquoi, dit Basilide, les autres nations combattirent la nation des Juifs et 
lui firent beaucoup de mal, car les autres .Anges étaient jaloux du dieu des 
Juifs :mépriséspar lui, ils étaient ainsi excités à la vengeance, ils firent tomber 
leurs nations sur la nation d'Israël, et c'est à cause de cela qu'eurent lieu les 
guerres et les divisions qui éclatèrent de tous les côtés ^. » Saint Irénée ne 
parle de la sortie d'Egypte que dans un autre endroit, et il en parle avec 
moins de clarté et de détails. De plus, il passe complètement sous silence ce 
qui, dans le système de Basilide a rapport à la création de l'homme j saint 



< Eue KUlein, iaqail, principem JpBoram (AagaloFuni> eum qui Judteoruin {iiiUlur ene Dcus. Et quo- 
niam bic suis hamiaibus, id est Judteii, voluil subjicere reliquas génies ejus genti, KlîqUAi omnes 
principes conlra B(«lisu, contra BBÎKa. (Ib., «p. xiiv, n" 3, Pal'-, grcee. t. IX, col. ffi6,) 

* RietafTiHiii El oÙtôv tïv navTaxpâiopix KCpiov... ToOtov 'cxeÎvo; àpvsijfiiva; Ivs ^oOlttai hOtôv 
a»pi5t^v Tûv OtA aùroD ).(YO|i(viijv 'A^fÙiuv, itaSi )ilqi irpoÎËSi^lortai. 'EliilvBtïai Si toii; 'loitiiiouç tl( 
nXî.pov oiÙToO. K«\ TÏv avTÔv iitÈp 'ATjéiaiv oOeaiionpoï, JEiïareîv ik ïoiic uloi; 'lo-pajil 'li 'Aiyiinou 
aûBaid'f ^foximn; Teû ISlou' Siô tô (tvoii EEÙiiv iTKtiûrepov t&v cfXlwv xai «OSalimpav... &ià tdDto 
fkf, fiiii!, xni Ta ïila Ëûvij tjtoliiiiioe, toDto t'q tlhoî, xa'l nolià mià OÛt^ iiiiilliixo, iià ■ 



Sl).ii>v 'AYYJXtuv «9pi Ciilaaiv, ivnij,iicp iraptrtpuvstlfvT 
\ i!) (ïvoî To5 lopaT|i, tô tut' aÛTûv iniia 
oItûv :irav(<rTiiiiïv. (Epiph. ffier. , XXIV, 



E vatafpovaùiiivai W t 






84 



LE GN0ST1C1SMI3 EIÏYPTIIÎN 



Épiphane nous apprend, au contraire, comment eut lieu cette création. En 
parlant do la substitution de Simon le Cyrénéen, saint Irénéc dit : " Pour 
Jésus, il prit la forme de Simon, et se tenant debout il se moqua des Juifs *. » 
On ne voit pas bien ce qu'il entend ici par cette expression :« se tenant debout, 
stantetn, » et l'on ne peut pas rejeter la faute de celto obscurité sur le traduc- 
teur, car il ne lui eût pas beaucoup coûté d'ajouter ex adverso si le mot 
grec xeaxvzMpxjç se fût trouvé dans le texte de saint Irénée: d'ailleurs, Théo- 
doret lui-même qui reproduit exactement saint Irénée ne met rien de plus 
clair. Au contraire, saint Epiphane dit d'une manière très compréhensible : 
« Pendant qu'on crucifiait Simon, Jésus se tenait invisible en face de la croix, 
riant de ceux qui crucifiaient le Gyrénéen '. » Ces remarques, qui pourraient 
être multipliées, suffiront pour démontrer que saint Epiphane n'est pas ici 
l'abbréviateur ou le copiste de saiut Irénée: 11 faut cependant ajouter une der- 
nière différence. L'évêque de Lyon cite deux fois seulement les paroles 
mêmes de Basilide, et peut- être dans ces deux passages doit-on voir plutôt 
les paroles des disciples de Basilide que des traits empruntés aux ouvrages 
du maître ; saint Épiphane cite cinq fois des passages qui sont manifestement 
tirés des livres du philosophe. Que conclure de tout cela, sinon que les deux 
auteurs ont travaillé, non pas sur les œuvres de Basilide, mais sur un ouvrage 
où Basilide était combattu ? Eu eftet, rien d'essentiel au système ne se trouve 
différer dans l'un et l'autre, il n'y a de nouveau chez l'évêque de Salamine, 
que des explications, uu ordre que l'on ne trouve pas dans saint Irénée, et 
si celui-ci ne parle pas de la création de l'homme, il semble cependant la 
mentionner implicitement lorsqu'il dit que tout a été créé sur la terre par 
les Anges ^. Nous pensons donc que les deux auteurs se sont servis d'un 
même écrivain antérieur, et l'on ne peut pas objecter à cette conclusion que 
saint Épiphane cite les paroles mêmes de Basilide plus souvent que ne le 
fait saint Irénée, car ce premier auteur pouvait avoir cité ces paroles dans sou 



1 Ipsum auteiD Jesum Sîmonia acoepiiia formam et tUnlem irrieiue; eoa, Soiol-lrâiiée, (Ib, lib, I, 
cap. lïiv, nû 4. P.ie. lat., t. VII, ool. ff7S.) 

» "ExeivB'j a oraupuiiiÈvo'j Èori|)iEi xstivrtxpu; iipeiTOî i lnaoù;, Kanyclûiv tÛv tÎiï ïliuova iîtW 
poi^Tuv. <Ep. Hxr., XXIV, U.3.) 

a Eoi autem qui pasleriua tunlinenl cœlum Augoloi, quod etiam o nobis Tidolur conitiBlUee m qun 
Bunt in mundo omni» et parles aibi fecisM lerr« el eanim qoie «ont supar eam gentium. (/rm. iù, 
c*p. ixiï, n° 4. /&., col. ffîfl.l 




LE ONOSTICISME EGYPTIEN OO 

ouvrage, ce qui est tout à fait vraisemblable, puisque c'est la manière et la 
méthode des écrivaius chrétiens des premiers siècles lorsqu'ils réfutent des 
théories contraires à la doctrine de Jésus-Christ. Quoi qu'il en soit, en 
admettant même qu'il pût rester un léger doute à ce sujet (ce que nous 
ne croyons pas pour notre part), il demeure démontré que dans les deux 
auteurs nous n'avons qu'une même source do renseignements sur Basilidc, 
avec quelques détails en plus dans le second. 

Cette première source de nos renseignements n'est pas la plus importante j 
le livre des Philosophiimena, quel qu'en soit l'auteur, est pour nous une source 
bien plus précieuse et bien plus abondante en ce qui touche le système de 
Basilide: tout ce que l'on y trouve, en effet, sur ce système est neuf: ni saint 
Irénée, ni Clément d'Alexandrie, dont nous parlerons bientôt, ni saint 
Épiphane ne nous avaient donné le système complet de Basilide, et, chose 
curieuse, l'auteur des Philosophumena, croyons-nous, ne nous le donne pas 
davantage : où l'un finit, les autres commencent. Malheureusement les données 
fournies par les deux sources semblent contradictoires; et, à cause de cette 
contradiction apparente, les auteurs qui ont étudié cette question, ont 
cru pouvoir affirmer que le système n'était pas le même dans les deux 
sources, et qu'au moins, tel qu'il se trouve dans saint Irénée et saint Epiphane, 
il était un développement postérieur du système primitif de Basilide. Cepen- 
dant nous croyons que la doctrine est bien la même dans les deux sources : 
il n'y a entre elles qu'une différence de forme et non de fond: Clément 
d'Alexandrie nous en fournira la preuve, car des renseignements qu'il donne 
sur Basilide et sa doctrine, les uns lui sont communs avec l'auteur des Philo- 
sophumena, les autres avec l'écrivain inconnu dont se sont servi saint Irénée 
et saint Épiphane. Dans les deux sources, en effet, nous trouvons exprimée 
d'une manière identique la chaîne des œons émanant du Père inconnu chez 
saint Irénée, et dn Dieu oùjc ùv (qui n'est pas) chez l'auteur des Philoso- 
phumena; de même, pour les trois cent soixante-cinq cieux, pour les Anges 
dont le chef est Abraxas, pour la rédemption des trois mondes d'après le prin- 
cipe de similitude que nous avons exposé en parlant de Simon le Mage. S'il 
en est ainsi pour ces points qui sont les principaux du système, pourquoi 
rejetterions-nous l'autorité de l'une ou de l'autre des deux sources, lorsque 
leur accord ne semble pas aussi intime î II est certain que l'auteur des Philo- 




Rt) LE ONOSTICISME ÉOYPTIKS 

sopAionowa connaissait l'ouvrage de saint Irénée, puisque l'on retrouve dans 
son livre le texte perdu de l'évèque de Lyon, quoi de plus vraisemblable dès 
lors qu'il n'a voulu qud compléter son d>.^vancier? S'il faut ajouter la foi la plus 
entière à quelqu'une de nos sources, c'est â Clément d'Alexandrie, qui, sans 
contredit, était le mieux placé pour acquérir une couaaissauce vraie et pro- 
fonde des systèmes qu'il réfutait : or, jamais saint Iréuée ou saint Épiphane 
ne sont en contradiction sur Basilide avec les renseignements fournis par 
Clément. VOgdoade seule a été une cause d'erreur pour saint Irénée ou pour 
l'écrivain antérieur!; il a cru que cette Ogdoade se trouvait placée au sommet 
du système; c'est une profonde erreur. 

On ne peut pas cependant rejeter davantage le témoignage de 
l'auteur des Philosophtttnena, car on sait avec quel soin consciencieux, avec 
quelles minutieuses recherches, il s'est enquis de tout ce qui pouvait l 'éclairer ; 
et si sa composition manque d'ordre, ce n'est pas une raison pour douter des 
qualités critiques de son esprit. 11 a surtout voulu exposer la métaphysique et 
la cosmologie du système basilidien ; les autres auteurs se sont surtout attaqués 
à la morale, à cette fabuleuse hiérarchie d'anges et de cieux qui est restée 
comme le point distiuctif et culminant de la doctriae de Basilide, et cette 
remarque suffirait à elle seule pour expliquer bien des diflicultés. Nous nous 
servirons donc principalement des Philosophumena tout en les complétant 
par les autres sources, et cet ouvrage sera le pivot sur lequel roulera toute 
notre exposition du système. 

Après les Philosophumena, mais à une grande distance dans l'échelle des 
renseignements qui doivent nous servir, vient Clément d'Alexandrie. Cet 
auteur donne sur la nature de l'âme, sur l'essence de Dieu d'après Basilide, 
sur les mœurs et les fêtes des Basilidiens dos détails que l'on chercherait 
vainement ailleurs. Il a connu les livres de Basilide et ceux de son fils Isidore, 
il en cite de longs passages, et il est certainement l'auteur qui était le plus à 
même de connaître les gnostiques égyptiens en général et Basilide en parti- 
culier. Gomme nous l'avons déjà dit, Basilide avait répandu sa doctrine dans 
les nomes de l'Egypte; il avait fait choix d'.\lexandrie pour y établir la chaire 
de son enseignement : Clément, de son côté, enseignait dans la ville d'Alexan- 
drie très peu de temps après la mort de Basilide et pendant la vie des premiers 
disciples du philosophe hérétique; si quelqu'un a pu avoir entre les mains les 



LE GN08TIC1SME KGTPTIEK 



S7 



ouvrages de BasUide, c'est Clément. D'ailleurs, entre les deux écoles, il dut y 
avoir des rivalités, des controverses : les Strotnates de Gléinent nous mon- 
trent que leur auteur y prit une part active, car tous les renseignements que 
nous y trouvons sur Basilidc et sa doctrine nous sont donnés uniquement 
parce que Clément veut réfuter les opinions qu'il cite. C'est la raison pour 
laquelle ou ne trouve point dans Clément d'Alexandrie une exposition et une 
réfutation en règle des erreurs de Basilicle ; Glémeut ne les réfutait qu'en 
passant et toutes les fois qu'elles venaient heurter les croyances chrétiennes 
qu'il exposait dans ses leçons journalières. 11 s'est surtout attaché eu réfutant 
Basilide et Valentin, à ce que nous appellerions aujourd'hui la psychologie de 
leurs systèmes. De plus, l'importance qu'il accorde aux doctrines de ces deux 
chefs d'école, nous montre que leurs erreurs s'étaient surtout répandues en 
Egypte et dans la ville d'Alexandrie qui était alors la ville importante de 
l'Egypte. Nous avons donc, dans les ouvrages de Clément, la source la plus 
authentique des renseignements qui nous sout parvenus sur Basilide, et leur 
authenticité doit nous servir à vérifier l'authenticité des autres sources : si le 
livre des Philosophumetia doit être le pivot, les renseignements de Clément 
seront la pierre de touche de notre exposition. 

Des quatre sources que nous avous indiquées, il ne nous reste plus que la 
dernière à examiner. Nous avons peu de choses à dire à ce sujet, car Eusébe, 
dans son Histoire ecclésiastique, ne nous fournit que de légers détails histo- 
riques; mais, comme il nous apprend certaines choses que l'on ne trouve pas 
ailleurs et que rien ne peut nous faire révoquer en doute, nous avons dû le 
mentionner comme une source particuUère. 

L'examen qui précède a déjà montré de quelle manière nous procéderons 
dans l'exposition du système de Basilide. Puisque nous croyons que dans les 
trois grandes sources de nos renseignements il s'agit du mômeBasihde, nous 
n'avons rien de mieux à faire que de compléter les données de l'un par le 
données des autres. Nous savons que c'est une méthode banale et relative- 
ment facile, nous l'employons ici parce qu'elle nous semble la bonne ; nous 
montrerons en parlant de Valentin qu'elle n'est pas toujours la nôtre. Malgré 
celte méthode de compléments, la tâche de reconstruire le système de Basi- 
lide ne sera pas sans difficulté : parmi les philosophes gnostiques, nul ne s'est 
montré d'une conception plus abstraite et plus métaphysique, nul n'a su donner 




88 LE ONOSTICISME ÉGYPTIEN 

à sa pensée une expression plus incompréhensible. On comprendra qu'une 
pareille tâche nous effraie, et nous sommes assuré que pour cette raison on 
nous jugera moins sévèrement. 

Jusqu'à la découverte des Philosophumena^ Basilide n'avait pas attiré, 
plus que les autres gnostiques, l'attention des savants. Les auteurs qui ont 
écrit sur la Gnose avaient analysé son système comme ils avaient analysé les 
autres ; il est cependant juste de dire que quelques-uns, Baur en particulier, 
avaient fait remarquer d'après les passages de Clément d'Alexandrie, que le 
système de Basilide devait se trouver seulement en partie dans saint Irénée. 
Néander, Gieseler, Matter, en France, n'avaient rien dit de neuf. Après la 
découverte des JPhilosophumena la question changea soudainement de JÈice. 
En France, on ne s'inquiéta pas outre mesure : les historiens récents de 
l'Église ne soupçonnèrent pas l'importance de la question, il suffit de lire les 
quelques pages que M. l'abbé Dar ras y a consacrées, après Rhorbacher, dans 
sa volumineuse publication, pour se convaincre de la complète ignorance où il 
se trouvait des sytèmes gnostiques. En Allemagne, ce fut bien différent. Au 
lendemain de la publication, des Philosophumena par M. Miller, malgré 
l'incorrection du texte, on vit paraître une thèse latine de M. Jacobi * sur 
Basilide. Trois ans plus tard, M. Gerhard Uhlhorn réfuta son devancier * : il 
n'admettait pas l'identité des systèmes, et, chose bien rare, il amena son adver- 
saire à partager son opinion dans une publication ultérieure ^. Baur lui -même, 
étudia do nouveau ce système, et, depuis lors, la controverse n'a cessé de 
produire de nouveaux ouvrages et de nouvelles théories. Nous aurons occasion 
de citer ces ouvrages, mais nous devons faire remarquer dès à présent que 
M. le docteur Hilgenfeld * a pris la part la plus active à ce mouvement. Tous 
ces travaux nous ont grandement servi pour mûrir nos idées, pour nous 
faire envisager la question sous des faces nouvelles, mais nous devons dire 
qu'ils n'ont en rien modifié certaines de nos conclusions. 



i BasUidis Philosophi Gnostici sententias.,, illustraTit Jacobi Berolini, 1852. 
« Das BasilidianUche System,., von Gerhard Uhlhom. Gôttingen, 1855. 
3 D€iê ursprungliche Basilidianische Systbtn, Zeitschrift fÛr Kirchengeschichte, 1877. 
* Der Onostieimus und die PhUoffhumena^ Zeitschrift far|d. wiss. Théologie. 18d2, p. 452 tt 
Beqq. 



EXPOSÉ DU SVSTÈME DE BASILIDE 

Quoique, d'après saint Iréiiée et saint Epiphane, Basilidc ait voulu faire 
quelque chose de nouveau eu se séparant de son maître Ménandre, il ne iàut 
pas croire cependant que dans son système tout soit nouveau : les doctrines 
de Simou et de Ménandre se retrouvent à la base des doctrines de leur 
disciple. A l'exemple de ses maîtres, Basilide voulut résoudre le problème 
de l'origine du mal '. Ce fut pour la solution de ce problème qu'il imagina 
son système : du reste, ce fut de même pour résoudre cette question que 
tous les Gnostiques donnèrent un corps à leurs rêveries *. Tous les Gnostiques 
en effet, ont rejeté la création eœ nihilo : pour eux, le mot créer a le même 
sens que le mot grec ■npoîa>}.cty, ils enseignent tous la doctrine de l'émanation. 
Dans le système de Basilide lui-même, quoique l'idée de création soit souvent 
mise en avant, elle a toujours le même sens que l'idée d'émanation : nous le 
démontrerons. De plus, à !a base de son système, il place le principe de 
similitude des mondes, tel que nous l'avons trouvé chez Simon le Mage, et à 
mesure que les dernières émanations s'éloignent du premier principe dont 



» 'E<rxs iiri «pzii aût^ï tru x«iir,( jtpof âoiu; TTiv|»U[ay «ni tq6 ^i\tvi xa'i iirtiv «ifl»» ti xaii4v.<Epiph. 
Hsr. 24, D. 6.) 

t. M. Matler ditdauBson ouvrage: • Le laalaBt-ilditiiB la création eutiire, ou bien n-t-il i«s limites 
ot quelles sodt-elUs, ceBlionieBl Ko gouéral, d'où vieùl ce mèluiige si tout eit de Dion ( El ei lout uVI 
pas de Dieu, de qui Mt-il! Pourquoi esl-il quelque ciioae hors de Di«uf Jusqu'à i[uuQil 6era-t-il î La 
Gqosb répondait «inoo parfUlamenl, du moins Irés riclmmtnt à toul«B ces questions, a (T. II, 480-7.) 

tî 



90 LE GNOSTICISME ÉGYPTIEN 

elles émanent, le germe du mal se développe en elles. Basilide connaît les 
trois mondes ; sa doctrine se divise en trois parties, car elle porte sur trois 
points particuliers, la théologie, la cosmologie et la rédemption ; en sorte 
que la nouveauté du système de Basilide est plus dans les termes que dans les 
idées, quoiqu'il y ait certainement dans sa doctrine des idées neuves, 
saisissantes et profondes. Nous suivrons la division même de Basilide, et nous 
exposerons successivement ce qu'il pensait de la nature divine, du monde et 
de rhomme, et enfin de la rédemption. 



THEOLOGIE DE BASILIDE 



Selon saint Irénée *, Basilide appelait le premier principe le Père qui n'a point 
eu de naissance, Pater mna^ws; selon saint Épiphane, il le nommait le un qui 
n'est point né^, cv xo àyéwnvw. L'auteur des Philosophumena ne les contredit 
point, il les confirme, au contraire ; car, d'après cet auteur, leDieu de Basilide est 
le principe de toutes choses ; mais il est désigné par un nom spécial et inefl&ble, 
c'est le Dieu qui n'est pas, ô cvx wv Otoç. « Ce Dieu était, dit Basilide, lorsque le 
rien était, mais ce rien n'était pas quelqu'une des choses qui existent mainte- 
nant, et, pour parler ouvertement simplement et sans subtilité, seul le Rien 
existait^. Or, quand je dis qu'il existait, ajoute le philosophe, je ne veux pas 
dire qu'il a réellement existé, je veux seulement montrer ma pensée* ». Ces 
paroles montrent clairement que le premier principe de Basilide était le un 
qui n'est rien, to oôdèv ev, c'est-à-dire un néant qui existe, ou plutôt qui devient, 
qui peut devenir quelque chose ; et nous ne devons pas nous étonner, après 
cela, si un tel Dieu ne peut pas être nommé, s'il est ineflFable ; car, pour que 
quelque chose soit ineflÈible, il faut que cette chose existe d'abord quoique aucun 

* Iren. lib. I, cap. xxiv-no 3. Ibid. 

* Epiph. har,, xxiv, n® 1. 

' 'Hv, 9V)9iv, ÔTe tjv oOSèv, àXX* ouôs xà oOîèv t)v xi t&v ôvtcov, a).Xà ^^tXû); xal àvuitovoTQxcoçi xai 8(x« 
navxà; ffoçtofiaTOc r^v oXo); oOdè ëv. {Philos^, lib. VII, i, n. 20, p. 344, lin. 6*8.) 

•* "Oxav 5: Xlyw» 9i\tI, x6 rjV o'jy ôxt t)v Xiyia, àXX* îva ffYj|x«va) xoOro ôitep Po*'Ao|jl«i iiîioLi.{fbtd., p. 344, 
liii. 8-9. 



I,B GNOSTICISME lîGTPTIEN 91 

uoQi ne puisse lui couvenir. Or, à ce Dieu qui a l'étra seulement en puissance, 
aucun nom ne convient, il a seulement la puissance do devenir ineffable et 
au-dessus de tout nom qui peut être exprimé par la parole humaine : le rien 
est ineffable parce qu'il n'est pas devenu ce qu'il doit être ; l'ineffable s'appelle 
ineffable, ce Dieu ue s'appelle pas même ineffable '. 

Il est clair qu'un Dieu do cette sorte n'est ni matière, ni substance, ni 
accident sans substance, qu'il n'est ni compréhensible, ni incompréhensible, 
qu'il ne tombe pas plus sous les sens qu'il ue leur échappe, qu'il n'est ni 
homme, ni ange, ni dieu, ni rien de tout ce qui peut recevoir un nom, 
être perçu par les sens ou conçu par l'esprit : il n'a ni esprit, ni sens, ni 
raison, ni volonté, ni affection, ni désir : cependant il a voulu créer le 
monde, mais il Ta voulu sans volouté, sans pensée, sans sentiment *. C'est- 
à-dire que ce Dieu qui est le néant existant, quia seulement la puissance de 
devenir, s'est manifesté par extension, il a fait émaner de lui quelque chose, a 
savoir une volonté qui n'est cependant pas la volonté en acte, mais une volonté 
en puissance,une volonté qui peut sortir son effet; car, comme le Dieu lui-même, 
cette volonté est le rien qui est. Et si l'on s'étonue que ce Dieu soit capable 
même d'émettre cette volonté en puissance, Basilide répond qu'il avait en lui- 
même tous le germes du monde, comme le grain de sénevé contient rassemblés 
sous un petit volume les racines, la tige, les rameaux et les feuilles innom- 
brables de la plante, ainsi que les germes nouveaux de nouvelles plantes qui 
peuvent se multiplier à l'infini ^.Or, de ce germe qui n'est pas, le dieu qui n'est 
pas, a lait un monde qui n'existe pas, car, dit Basilide, «dès le commencement, 
ce germe-néant du monde a été établi par le dieu-néant, il est susceptible de 



* "EoTi yâp, çi\i]\t, tKiIvo ojx àwifii; ippuiov h ivojiiîtioii- SppiiTov ïoOv ŒUTi xiloO^v, ÎxïIvb SI 
avli ipfïiTov xai yâp t4 o*JJ' âppujTOv, oùx appJiTOv ivojiôîiTOi, «W« Im, qnuriv, iirapâv» icavTbî i"ii(UiTOç 
ivi>|ta!;aitiva<j. {tbid., p. 3H,]]n. 10-13.} 

* 'Eni! oOiàv »iv oOx CJl. oOx oOm'a, aux iiooi;ff(ov, oO^j àuXoOï, où ovyBitoï, ov voTiiiv, oùx iïOTiTjv, 
o-ix «IoJitîÔVt dÙï àvaiirihjiîiv, oùx fivSpiuitof, ovx 'Ay^rtoc, aij Btbc, oOit SJiioc ii Ti3y. iio\i.alri\ii-iiisv , r^ 
îi" ato*iiotu>( ia.\i.eavoitliiav, ^ voyitùv npnyjiiTuv, ilV oStio xal î-n ItictotipuH TitUtuv 4n),Ei( iripiytypaft- 
Itjvuiv, i olx [lÙv 8io(, (6v 'ApiotOTÉi»]; xaï.tï v4ï]iiï iioiSotwc, oÎTOi Si oOx ivTo) àvo^TUî, ônvaurt^toiç, 
aSoùiuc, ànpoaipf™;. ànaflûx, ivimOun^Tuiî t4v xoff[ioï Jiflilum iitoitîirtai. T4 Se ftBiXniT! Uy<o, çiisi. 
atitiaalaç yiprt. àfliXi^ndc xil àvo^TUc xnl àvai<rOiTcuo {Ibid., n. 21, p. 3ib, lin. 9-12, p, 346, lis. 1-5.) 

' Tô Si imipiio ToO x6<T|tou nâvia t!);£V li aùii^, û; 4 tûû itivlnEUf xixxoî îï rl»);''^'}' ouDaBùiv (-/il 
icévia d|*oO, ïàç ptîiî, là icpi\Lvti, ïo&î xX»Îo-jc, tô (p«ï)o tô àïEE»pifl|iriTO, xal |iEtà îùï xixiuv ta âîio 
toO «utoB ytwûiitva nuipiAdra. nàiiv oUuï xai ffXl»'» «ollâxiî çvTÛv xtyuiuvwv. (Jiirf., n. 21. p. 346, 
lin. 7'1£.) Apréi ces parolea, mil une comparaison Beniblable tirée dé l'œuf^qui coulîeut roiieau artc 
tont Km plnmB^. 




92 I.K GNOSTICISME ÉGYPTIEN 

toutes les formes et contient eu lui-mémo un grand nombre de substances, 
(lisez toutes les substances)*, n C'est ce germe qui s'est développé, c'est 
lui qui est devenu les trois mondes dout nous parlerons bientôt, par une série 
d'évolutions toutes plus mystérieuses les unes que les autres. Cependant 
Basilide rejette loin de lui toute idée d'émanation : il ne pouvait, en effet, 
s'empêcher de voir combien il était absurde do vouloirfaire sortir des émana- 
tions réelles d'un Dieu qui n'est qu'en puissance d'être : Dieu parla, disait-il, 
et tout futfait ; c'est pourquoi la lumière fut faite do rien, car, dit Basilide, 
on ne dit pas d'oii elle fut faite puisque rien n'était créé dont elle pût être faite, 
mais on dit seulement qu'elle fut créée à la voix de celui qui parlait *. « Celui 
qui parlait, dit-il encore, n'existait pas, et ce qui fut ensuite créé n'était pas 
davantage ; donc de ce qui n'était pas fut fait le germe du monde, c'est-à-dire 
cette parole qui fut pronuncce par le Dieu néant. Que la lumière soit ; et c'est 
ce qui est écrit dans l'Évangile. Il est la lumière diuminant tout homme 
venant en ce monde ^. « 

Telle est la transition que Basilide trouve, pour expliquer comment un dieu 
qui n'est pas, d'un germe qui n'est pas, produit un monde qui n'a aucune 
existence réelle. De ce germe, et par le moyen de cette parole, la lumière fiit 
créée, car ce germe renfermait en lui tous les germes rassemblés comme 
dans un trésor, et le dieu-néant avait résolu de créer *. A vrai dire, cette 

' D^Tuc i/tiTÙ xaroGiTitÈv, fr)ts\i, (ucô toO qjï. ivTK 610D oux Bv oTtîpua to5 x'jffjioy, 5toM|ioppOv i(ioO 
xit m).-Jv:in^. (P/tiI.. lib. VII, i, n. 2\, p. 347, liii. 6-7.) Nous itods dit que le dîeu-iiéant d'un 
genne-céant produisit un inoiille nésDt. Dans le texte grec les mois Seoc et <!nip\i.x sont suiris et pré- 
cMM de répilhâle ojx ùv, o-jn it, mois jsm.iis du mot xàT|ia;. Cspeadant, par ta force mSme de l'analogie, 
le monde produit par un Dieu qui n'est pas et d'un germe qui n'est pas doit lui-mérae n'être pu. Or, 
lemaouscrildes Philoaophunena contienlcepaieage: 0{iTu;(i)oùx ùv Bid: èicofiii» (^v) itôa)m aHii ùv 

if. oOx ivTuv {Fhii; lib. VII, 1, n° SI, p. 346, lin. 1£-13.) Ugr Cruiee met en noie aprée cet mots : 

Pcist %li'j\t'n codei hahel sùx ùv qnaj dflenda sunt utpote jam scripis et hic jnciirioBe repelila. Jacoiii 
legiloOx ivTa.* ffiid.^Saur le respect dû A l'émineot éditeur, c'est Jacobi quia raison ; l'analogie veut 
0^ Svii, et il était aussi Tacile au copiele d'écrire avx ùv au lieu de d'jx ivroi. que d'écrire aJx ùv qu'il 
n'aurait pas fallu écrire le moios du monde. 

* 'Eitii JJî riv BTiopoi eÎBïïv itpo6o>iiï Tivot toO [iV] îvtoî 9to0 yiïovêvii ti oix Sv (f t'JYîi ïàp nâvo taX 
tiivxt TÔK ttnk KpaCol'^v Tâv ffjaii-ziav aialiK i BounXfîîiic noi'at yàp icfaGaVfii XP''*< ^ iroloï Zi.t]i 
ûicittoïc Iva x4ii|iav Oii; EpYiiin;TKi, xsSàxep A àpB](vii: Ta |iupi^|iaTii, ^, 9vi)tii sfvSpunot ya).xiv, ï| {u)>iv, 
J| Ti tilt ï^ï Û^»K (lîpwv èpïaW|iEvo; laiiSivEi ;) ôiii tint, fijni, xal syivtTO, xïi Toùti tTTiv, uç Itfâvan 
àvîpe; Toîltûi, tb it^Ssï Sic'o Mùasut, « rcyrfiriiu 91»; x«l èïiïïTO fiùc. Ilifiiv, çtioI, yifiivi to fAi; î{ 
aJSEvA; o'j ^ip fifpamai. fini, it'i^iv, aWV aùtà (lovov ix ir^c çuivr,; laO Uyovto;. (PAtl. lib. VII, p. 348, 

lin. £-12.) 

* '0 Bi Viïuv, ftiiU, oyx ijï, B-jîi ti ItTanEVQv ^v. Vifoii, çijïiv, i^ aJx Svtiov t4 imipiii toQ x4a(iou, 
i Il^ïo; i ItjC''^ Poiiï^TW f&î, xai ToiJto, çnolv, iffii ti )ir(i|ievov iv toE; EuaYYeihij 1 'Hv ta pûc ti 
âlifjSdibv, i (fiaxi^ti «âvTa âv(l;>uiiav ipjâjitvay e1; tïv xioiiav. (Jbid., p. 310. lin, 12-16, p. 319, lia. I.) 

* \a|iBnv£i ta; ipx»î i™* ^"î* oxfoiiito; Éxiiiou xil çurKetii. ToOii toii tÔ ffitip[iui ô t'ïii Èv taurti 



LE ONOSTICISME EOYPTIEN 9o 

doctrine n'est, sous une forme beaucoup plus abstraite, que celle d'Aristote 
sur les Genres, et de Platon sur les Idées. En effet, ce germe qui n'est pas 
et qui contient en lui-même, comme clans un trésor, tous les germes qui 
doivent être appelés à la vie par le Verbe d'un dieu-néant, n'est, à notre 
avis, que l'ensemble dos archétypes que ce dieu, qui n'avait pas encore agi, 
mais qui était demeuré dans la contemplation de son être et de ses puissances, 
a produits en tirant du néant, c'est-à-dire de lui-même, le monde et tout ce 
que contient la création. Toutes les essences des choses étaient dans ce 
germe, en ce dieu qui possédait le germe en lui-même, et lorsque ce néant 
existant sortit de sa contemplation et fit entendre sa parole, ces gorraes 
se développèrent et se divisèrent, afin que de chaque genre sortissent les 
espèces qui lui sont propres. 

Il nous faut maintenant dire comment Basilide expliqua le passage de son 
dieu-néant de la puissance à l'acte, comment il le fit sortir de sa contempla- 
tion et de sa volonté en puissance, et le fit agir. A ce germe dont nous avons 
parlé était inhérent un principe admirable qu'il appelait TÎôtw;, mot que l'on 
ne peut espérer de traduire en français que par ce barbarisme: Filiété. Cette 
Tîmiç est consubstantielle au dieu-néant, et elle avait été engendrée des 
choses qui n'étaient encore qu'en puissance'. Cependant, quoique consub- 
stantielle au dieu-néant, elle avait en elle-même, d'après Basilide, un prin- 
cipe d'activité; car, bien que nous ne trouvions nulle part ce principe 
nettemput affirme, nous pouvons le considérer comme nécessaire à l'explica- 
tion de tout ce qui va suivre, puisque nous verrons que seule de toutes les 
puissances, elle agit et sert de lieu pour rattacher entre eux les trois mondes 
qui vont être créés. Cette TIott;; était triple, l'une ténue, l'autre grossière, 
et la troisième ayant besoin de purification. Celle qui était ténue, dès la 
première émission du germe par le dieu-néant, s'enfuit avec une vitesse 
égale à celle de la flèche ou de la pensée j du fond de l'abîme elle vola vers les 



ToO ïwou Paûï. [wfTOv, SïflpcBitoï, ônip iath oOx ôv. « TuoMiiiivou tqO iioO[iikoO onipjiUTOd » intlvoi 
iiyouffi»- a Ti S' Sï Miri*, çnaW, (uià tatrta fiyn-thm, n'ft êmWTii niSjv. Elx» y^P tôvra ïà oitÉpiiitn iv 
lauT$ TE97isaupi(f(iiYa x«) i«T(«n(i«ta, «tov oùx ivtn ûrt toO ouk ivTttc 6mO yt^cv^ai •KpatitirAtufiia. 
(Ibid.y p. 349, liu. 1-9.J 

' 'Hv, çiiiriv, r* taurû tù oirfpuati rUT^{, Tpi|up^ «ara n(!vtB tô oOx 8vti h^ ^l'^iH- T>v»lrt 
ÏEoùx ôvTuv. {Ibii., p. 3*9, lin. 1W3.) 




y* LE QNOSTICISUE EGYPTIEN 

régious supérieures, et elle so reposa prés du dieu-néant. C'est vers lui que 
toutes les créatures, chacune à sa luauière, se tournent par le désir de 
contempler sa beauté et sa majesté '. 

Quoique Basîlide rejetât avec force toute idée d'émanation (npoSoW), 
nous le voyous cependant ici admettre une première émission (KoraSoXrf). 
émanant du germe-néant, c'est-à-dire du dieu-néant. Mais cette première 
émission, quoiqu'elle émaue du dieu- néant, n'est plus un néant, une puissance 
capable de passer à l'acte, elle agit, elle sent, elle désire, elle court, elle vole, 
tandis que le dieu mJx ww n'a ni sentiment, ni raison, ni volonté, ni affec- 
tion : ce dieu est seulement oOx àv, n'étant pas en acte, la Tîômç agit, 
c'est-à-dire qu'elle est ce dieu même, passé de la puissance à l'acte. Eu 
résumé, au fond de cette abstraction, qui semble d'abord i'aire le vide complet? 
il n'y a qu'une donnée philosophique fort compréhensible, et nous ajouterions 
même fort orthodoxe, si l'on veut se donner la peine de séparer la chose 
signifiée de l'image dont Basilide la recouvre à la manière orientale. Quelque 
chose de moins orthodoxe, c'est ce germe-néant contenu en Dieu, car il est 
évident ici, d'après ce que nous venons de dire, que ce germe n'est autre 
chose que la matière incréée, existant de toute éternité et consubstantielle à 
Dieu, puisqu'elle est eu lui. S'il faut rejeter l'idée de matière première coexis- 
tante à Dieu, car Basîlide nous a avertis que son dieu n'était, ni matière, ni 
substance, ni accident, la doctrine de l'émanation ressort avec plus de clarté. 
Mais l'action même de la Tîmiç qui sort du germe et vole vers le dieu- 
néant, nous force à voir que dans l'esprit de Basilide, ce germe quoique en 
Dieu et consubstautiel à Dieu, était cependant distinct de Dieu, puisque le 
principe d'activité l'abandonne, s'affranchit de ses liens et va se reposer au 
sein de la divinité en puissance d'agir, ce qui au fond signifie que le dieu- 
néant agit, qu'il commande à son être propre de produire un second être, et 
que cette première émanation est acte, et devient l'origine du premier monde 
de Basilide, comme nous le verrons bientôt. 



' TaOnjc TÎ|( niTijTù; tri(Tpi)()i !iipi;M4v«( ti (liv ti t,v ).iir[0(nptCi t4 !i itap^jupèç, tô SI ànomBàpnùit 
îii(UïOï. Ti |iiv oJv ytinùfupii emBêuiç npûrov à[ia ■ciô yhwcaiai ToO aitipfiaToj ■n\i wpMTnv xotiiÈoâ^ï tmi 
TOÛ OÛx ivTo; iiilfvU ml avr|),Bc xal àvcipaiii téxuAci £vu>, naiittiv^ -cm ];pi)aâ|uvov xàyii 

ÛoeI itTipiv -fit voTi(ia 
xm lyhito fnal, Ttpi; tiv ojx Bvtb. {Ibîd., p. MB, lin, 13-15, p. 340, lin. 1-7.) ■Exeivou yàp, îi' imp- 
CoM|v x^),]ioucxil ûpsIsTii]tD(, ■n&m çùvi; ip^ccsi. Si.Xi\ Si Sk^ai. (IbidJ 



l.R GNOSTICrSME ÉGYPTIRN î,'5 

Cependant la sccoude ï'onis, Ttàmc. grossière, était restée dans le germe- 
néant, c'est-à-dire dans ce monde néant qui n'est autre chose, que la matière 
première apte à devenir la création entière : elle ne pouvait aucunement 
s'élever vers les régions supérieures, quoiqu'elle eût un vif désir d'imiter la 
première Tîsmç j mais, comme elle manquait de cette ténuité, c'est-à-dire, 
de cette spiritualité dont était douée la première, elle ne pouvait prendre son 
vol, et pour cette cause elle demeurait confinée dans le monde néant. Cepen- 
dant elle parvint à se dresser, mais non sans le secours d'une aide : l'aide 
qui vint à son secours fat le Saint-Esprit dont elle se servit, comme l'oiseau 
se sert de sou aile'. Ainsi, à l'aide de l'Esprit saint, elle s'éleva vers le 
dieu-néant, élevant avec elle celui qui l'aidait ; mais comme cet esprit n'était 
pas consubstantiel au dieu oOx àv, sa nature ne pouvait aspirer à être 
placée dans ce lieu ineffable entre toutes les choses ineffables, sublime entre 
tous les noms, lieu qu'occupaient le dieu-néant et la Filiété spirituelle. C'est 
ainsi, que l'air des montagnes no saurait convenir aux poissons, habitants des 
mers. Cet esprit fut donc abandonné par cette ïimjs qu'il avait secourue et 
qui parvint jusqu'au sein du dieu-néant : cependant, quoique abandonné, il 
ne resta pas seul et privé de tout, car il conserva comme le parfum et la 
vertu de la Filiêtê à laquelle il avait été uni, de même qu'un vaso qui a été 
rempli d'un parfum précieux, en conserve encore l'odeur délicieuse alors 
même qu'il ne le contient plus *. 

Quant à la troisième Tîôrrîs, elle demeurait ^encore dans le monde-néant; 



kÙt^v t| nirn; r\ nxx'j|U7Tipc( taiatni^ xiv'i ircipù, litiolif iiti.avu.ru ft QXâdiiv 'ApiaroTiiou; iv 4i3(£pbi 
rtii 'l^j^'l'' impoli ust xalit, T& xdioOto Bam^ciSr);. où itrtpAv, ôXXâ UviO|iE( 'Atiov, B tvsfitxil r, nÔT/]; 
iviuim^n. xok cjipriTtlTai. EÙEpTCTiT [liv, 6ti xatiliKp SpiiSa; Riipiv a,'i-t>> xaS' aùri, toO JpvifiQ; ÔTEi^XXay- 
jiÉvov oOk s» fhinli TTOTt Oilnj/iv o-jii listapamv. oui' au Spvn inoltlujiiïa; toO mipoD o-jx m jrOTe Tt-<giTa 
i+ijyiî oûSi ncTâpo-iof. ToioCiiv tiva tJv \h-xtri ïff^tv ^ riitiiî Ttpô; tb Uv£0|«i tb 'Afiov, xal t4 IIv(0|ia 
itpbî T*. niTiita. (PAi7.. lib. VII, I, n. Î2, p. KO. lin. 9.|5, p. 351, lia 1-3.) 

* 'Avaç(po(ifv(l fôp àjcti ToO nvEÛpiOno; t] TTliTiiî u( (in4 toD itrtpoD, aïOffpEi ïi itT'pôv Toutiori lo 
nviùp.01, »a\ nifiotov yivonivi] ttiC ï<itTo(icpoOc ïlinvcoc xa\ ToO 6(oO toîî oux ivio;, xtA i]i|iioypi-?|i»*'t'>4 
éE O'jx ivtMï. "E^iiv [lèï (TjTb [ui' aÛTTiç oûx fiîuvaTO- ^v jàp eO-,; inooùoiov O'jfiè çûoiv (I;(t [ieto ttk 
TliTTiTOC iXlà wniGp Èni napà f ùoiv xal iliflpLai; tsÎî t-^Dûinv à^p xaBapi; xal (ripi;, oÛTid t<|) intij|taii 
T$ 'At'V I"" irapi çùow ÈxeEvo tô âppJltuï ipputôtipov, xai nivTiiiv avcitipav àïO|iiiTùiv teû oOx JiTo; 
AjioO SioD X'^P'"' "ai Tr,c H^itito;. KaTElivEv oiv aÙTÔ icJ.'qiiîov î{ nàTi;; Èxtliou loli iiixapfou xal voiiB^ivai 
M.4 ju>a|l/vau |iii;jl xapaxTf|piii4iiva[ tivi J^âyip jupioui oj nivtânisn ip)i|tav, eOSÉ imv.Xari^^'' '^î 
TEôniTOt, àliâ yip idUicEp tl; an<'>> ip^)'ilS<> (lûpav iCuSinaTov, si xal ëti liâlms iniiuliû; (xxtvuiSEÏ'n, 
8[iu( 4a-|i^ Tiî Eti (ilvii toû liùpou xal xnaUtteTSi, xSv i| x»zwpio|tévov toO àïTitou, xal (lûpou infi^v t4 
àrritov {][il, (1 xi! (tj) (lùpov, aÙT«; là «vtO[ui 'Atmv |utiU-«iixl t^iï nôniTBf âiMipDv xal âiniii.la'fiiiiiftv, 




06 



LE GN0STICI8ME EGYPTIEN 



elle y devait rester jusqu'au moment où sonnerait l'heure à laejuelle elle 
devait être douée d'action *. 

Ainsi cette seconde Tiômç est, comme la première, un principe d'acti- 
vité, mais un principe plus matériel; elle a besoin d'un secours étranger 
du Uvâfta qui doit l'aider à monter vers le Dieu suprême que toute créature 
désire. Avec ce secours, elle parvient à posséder ce qu'elle désirait ; mais 
le IIwàfMt, une fois parvenu aux limites du inonde supérieur, se trouve 
arrêté parce qu'il n'est pas consubstantiel à Dieu. Que peuvent signifier ces 
images extraordinaires? Il nous semble que dans cette seconde émanation, ilv a 
descente d'un degré dans l'échelle de l'être vers le monde matériel. Cette 
descente se fait par émanation, car la seconde Ttimç est, comme la première, 
consubstanticlle au dieu-néant, mais elle est plus matérielle et doit donner 
naissance au monde intermédiaire, à un monde plus matériel que le premier, 
à l'espace céleste. Cette conclusion nous semble prouvée par cette donnée 
même du système, à savoir que cette seconde ïio'nis est unie au IIvEÙ^a et 
forme avec lui un être distinct, composé d'une partie consubstantielle à Dieu 
et d'une autre qui ne l'est pas; la première de ces parties ne peut agir 
sans la seconde, ni la seconde sans la première, comme l'aile sans l'oiseau, 
ou l'oiseau sans aile ne saurait voler. Si Ton veut faire attention à l'expres- 
sion employée parBasilide, à ce mot llvîùua que nous traduisons par esprit, à 
cause de l'habitude chrétienne, et qui devrait bien plutôt être traduit par 
souffle, air mis en vibration, ce lïvsvpa est quelque chose de matériel, maïs 
c'est ce qu'il y a de moins matériel, voilà pourquoi il monte jusqu'aux confins 
du monde incorporel avec lequel il n'est pas consubstantiel et dont il ne peut 
faire partie. Cependant il ne laisse pas que de participer aux attributs de cette 
nature spirituelle ; de son uuion avec la seconde Tihm il en conserve un 
parfum et comme une vertu d'énergie, une force qui atteste son émanation. 
En demeurant en dehors du monde supérieur, il est devenu le monde inter- 
médiaire, le monde du milieu : Basilide appelait ce monde l'Esprit-Limite, 



ÏX" 4t i* taUT^ [iCpou TCOtpoitïiiaCiut rf]v îùïa(m, xric Xlitïiw; iff|i-f|ï xal toûtÔ (tni to >!yi(i[vov "Qç 
jwpov îi i«l Kïç«)ir|4 t4 kbtbBïïvov îitï rtï niDTuïŒ toO 'Aoip^v, î| iici toO nvE^iMtof toO 'AyioM f tpa)xîvi] 
i^-i\ i^nAii KOTM, iiixpi TT,c àjuipTlaï xal toO SioLOn^iiaTO,- Totj xaB' r||iac, SDiv ^ptaro âvEXBiii <| TtitiK 
oIoveI !7tl iTTipvïwv ifiou, oijot, xai Tûï \Li.xa.fpitiai îvEKfiïiia. (/ftitJ., p. ÏSl.liii. 3-15, p. K2, lin. 1-10.) 
* "H ii tpfTTi niDie. T) inoKïfldpiEiii; Stoii^vi], ijuiircrixe t^ [«ïàli|i tf.i ita»aictp|iiaî oupû (OtpytToOra 
vnl rjipYiTautiini. [Ibid,, p. 3S£, lin. l!-ltO 



LE GN06TICISHE EGYPTIEN 97 

MeSépiOT Uviû^x. Cependant, malgré ces explications, certaines données 
deBasilide restent inexplicables; ainsi, rien n'explique pourquoi la seconde 
Tiorriç put pénétrer seule dans le monde supérieur, lorsqu'il lui avait fallu 
l'aide du Uv^iia pour se mettre en mouvement ; rien n'explique l'essence de 
ce Ilveûfist dont l'on peut seulement dire qu'il n'était pas consubstantiel au 
dieu-néant, et qu'il était d'une essence inférieure, une descente dans 
l'échelle de l'être, le premier anneau de cette chaîne d'émanations succes- 
sives qui allèrent toujours en diminuant, perdant peu à peu les propriétés 
et les attributs de leur nature divine à mesure qu'elles s'éloignaient de 
la source d'émanation. Les anneaux de la chaîne avaient beau se multi- 
plier, on pouvait toujours s'étonner que les émanations de Dieu ne fussent 
pas aussi parfaites que la source dont elles émanaient. Basilide sentait que 
c'était là le point faible de son système; c'est pourquoi il rejetait loin de lui 
l'idée d'émanation, en lui substituant celle d'émission, c'est-à-dire en con- 
servant l'émanation elle même, tout en s'en défendant. D'ailleurs, il deman- 
dait à ses disciples la foi et non des raisonnements : « Lorsque j'ai mis 
sous vos yeux la doctrine du germe dont sort le monde, si je dis ensuite 
que d'autres choses ont été créées, ne me demandez pas d'où elles sont 
sorties'. » Sans contredit, il voidait montrer qu'elles étaient sorties de ce 
germe du monde, mais c'était expliquer la proposition par la proposition 
elle-même, et cette objection l'embarrassait. Il serait superflu de chercher à 
expliquer aujourd'hui ce qu'il ne pouvait pas lui-même éclaircir : il sera 
plus utile de continuer l'exposition de son système. 



COBUOLOGli: 

Avec l'émanation de la seconde YîoTrs et son assomptiou dans le monde 
supérieur se termine la première partie du système de Basilide : le monde 
supérieur, séjour ineffable du Dieu néant, est créé, il a été borné, et à ses 




9S 



LE GN0STICI8ME EGYPTIEN 



coufius a dû s'arrêter l'esprit bienfaisant qui a prêté son concours à la 
seconde Tlôrri; : c'est à ces confins que commence le second monde, le monde 
du milieu que Basilïde va peupler d'autant de mondes distincts qu'il y a de 
jours dans l'année. 

Or, continue le philosophe, lorsque les deux ascensions des deux premières 
Filiélés furent accomplies, l'Esprit- Saint demeura entre le monde supérieur 
et l'espace où devait se trou'ver le monde que nous habitons; alors, entre le 
germedu monde, c'est-à-dire, entre ce monde du milieu qui commençait 
d'être créé et entre le trésor de toutes les semences en puissance, il y eut 
commerce, une palpitation se fit et le grand 'Ap^M*" «aquit*. Basilide ne 
pouvait mieux expliquer l'émanation qu'il repoussait ; ici encore, le germe en 
puissance se développe, mais il ne se développe plus en Dieu lui-même, il 
contiuue la série des émanations et la reprend où elle s'était arrêtée. 11 ne 
s'agit plus, en effet, ici d'un Dieu, d'une semence, d'un monde qui sont des 
néants ; le monde existe, non dans son développement complet, mais dans un 
commencement de développement; la semence est éclosc et Dieu de la 
puissance est passé à l'acte, La scène où se continue le drame {s'il nous est 
permis de parler ainsi) est donc complètement changée ; nous sommes en 
pleine activité, et le premier fi*uit de cette activité, c'est le grand'Apxwi' que 
nous venons de nommer, le grand prince ou chef du monde intermédiaire qui 
va jouer dans re monde le même rôle que le Dieu-néant a joué dans le monde 
supérieur. Ici se présente une question assez difficile à résoudre : ce monde 
supérieur n'était-il peuplé que du Dieu-néant et des deux Filiélés dont 
nous avons parlé ? Une réponse affirmative n'enlèverait aucune difficulté ; une 
réponse négative en soulèverait beaucoup : c'est vers cette dernière cependant 
que nous penchons . Voici le raisonnement sur lequel nous unus appuyons pour 
croire qu'il en était ainsi. Le principe de similitude des mondes domine dans 
tout le système de Basilide, nous aurons bientôt occasion de le démontrer par 
notre exposition même. Or, nous verrons que dans le monde du milieu il y 
avait une Ogdoade et une Uebdomade, principe et terme des trois cent soixante- 



Ti» elpiintïov tpoito'', OT£ptu)|iiiTcùv iintpxooiiiioi xai toO xoaîio'j iiETofO Ti-taï|iivov ivro; oOv toO 

tiïvswpiu'oi; Toû oupaû i liirx "Apïtii* {PMI., lib. VU, i, a. !3, ji. 353, lin. 1-10.) 



l.E ON0STIC1SME EOYPTIEM 99 

«iiiqcieuxdout Basilideavail peuplé ce monde intermédiaire. Pourquoi n'en 
aurait-il pas été d>i raùmc dans le monde supérieur ? La chose serait tout à 
feit conforme à la manière iTo Basilidc, et peut-être est-ce ainsi qu'il faut 
expliquer les dernières parules que nous avons citées : « Lorsque fiirent 
accomplies les deux ascensions des deux premières FiUétés et que l'Esprit 
saint fut resté entre les mondes supérieurs et notre monde... (jrzz^stùuxmv 
ûiTE^KOffuîuv xatî Toù KDff/wu jutra^u zezeeyfiivov). » En effet, l'on ne peut être milieu 
qu'entre deux termes, et les deux termes sont ici les mondes supérieurs et 
notre monde, et comme dans les mondes supérieurs on ne peut ranger le 
monde du milieu qui n'est autre que ce ïrvEÛua limite, que nous appelons 
Esprit -Saint, il est clair que ces mondes supérieurs doivent être des divi- 
sions du monde céleste. Peut-être pourrions-nous aller encore plus loin ef 
restituer l'Ogdoado supérieure, mais nous sortirions alors du domaine de 
la science pour tomber dans celui de la conjecture. 

Quoi qu'il en soit, nous avons déjà cité un assez grand nombre de textes 
pour que nous puissions faire remarquer dès à présent que les trois mondes 
ne sauraient être désignés d'une manière plus distincte ; d'ailleurs l'auteur 

s Philosophuniena ledit expressément endos parolesque nous nous garde- 
rons bien de ne pas citer : « D'après Basilide, dit -il, tous les êtres sont divisés 
en deux parties principales : l'une s'appelle le monde, l'autre le monde hyper- 
cosmique {îmspxéauix) : au milieu de ces deux mondes se trouve l'Esprit-limite 
(wîCf*« ue9op(ov), c'est le même que l'Esprit Saint qui conserve encore le 
parfum de la seconde Tîsms '. » Nous ne pouvons donc douter désormais de 
l'existence de ces trois mondes dans le système de Basilide, comme nous les 
avons déjà trouvés chez Simon le Mage, Ménandre et Satornilus, comme nous 
les retrouverons dans le système de Va[entin,etcomine nous les trouverions 
aussi dans les doctrines de Marcion et de Bardesanes, si nous devions les 
examiner. C'était un fonds commun à tous les Gnostiques, ils s'en servaient 
tous comme d'une base sur laquelle chacun édifiait son système particulier. 
Et cette théorie nous la trouvons exprimée non seulement dans les œuvres 



Hmi ïàp Cmè Ba<7i).EÏiou ri ôvra li; î.o lie ^tpotïll; xal icpûiaf îtaipiaew, taX t.iùtita\ x»t' oÛtov 

ioOto !mp èmi xai 'Atiov xai tije nixïiTSf lya pivovoov îv toutû t^v àixiuiv. [Phil,, ibid., n. 23, p. Ki3, 
lin. 340 



100 



LE GNOSTICtSME EGYPTIEN 



de3 Pères de l'Église, mais aussi dans les œuvres gnostiques qui ont échappé 
aux ravages du temps et à la destruction qui tôt ou tard est le sort des œuvres 
humaines. C'est ainsi que nous lisons dans une ode gnostique qui nous a été 
conservée en copte sous le nom de Salomon ; « toi qui m'as fait sortir du 
lieu supérieur, qui m'as conduit au lieu de la vaUée inférieure et qui as amené 
ici ceux qui se trouvaient dans le milieu'. » Certes, ces paroles ne sont pas 
d'une riche littérature, mais il faut avouer que l'on ne pouvait exprimer en 
termes plus exprès les trois mondes dont nous parlons : le lieu supérieur, 
le lieu de la vallée inférieure, le milieu correspondent bien aux trois mondes 
que nous avons trouvés dans le système deBasilidc. De ces trois mondes nous 
connaissons le premier et nous avons déjà mentiouné l'existence du grand 
'Apx,m(iae nous allons voir reprendre dans le monde du milieu le rôle du 
Dieu-néant dans le monde céleste. 

Du germe cosmique déjà en acte et du grand trésor de tous les germes 
en puissance est sorti le grand 'Apx"" ■ ^^ désir violent do production avait 
uni les deux principes desquels émana ce grand 'Ap^^v qui est le chef du 
monde, la beauté, la grandeur, la puissance ineffable* (il faut remarquer 
que ce titre de chef du monde, n'engage que le monde du milieu, le monde 
où réside ce grand Prince), Il est plus ineffable que les choses ineffables, 
plus puissant que les puissants, meilleur que toutes les choses bonnes que 
l'on peut énumérer^. Ainsi produit, le grand 'Ap^ay s'éleva de lui-même, 
il monta vers les hauteurs les plus sublimes, il parvint jusqu'au firmament, 
limite du monde supérieur; là, il s'arrêta, car il ne lui était pas permis 
d'aller plus loin, et de plus il était persuadé qu'il n'y avait plus rien au 



1 ode SalomoDis lerlia apud Uhleiaanti: Lingure coplicx grammatica eumchrest. etglosi. P. 10t. 
Mot i mol : Celui qui m'a fait sorlir... etc. Nous avous Iraduit [jar le vocatif, cai' danB les vers Euivanls 
la pertoune chan^'e, c'est la aocoade qui est employée. U'ailleurs ea copte comme en biéroglj'pbes, le 
vocatif «al marqué par l'emploi de l'article qui se trouve ici IleST : ille qui. 

' 'OvTo; ail toO irc£pii>>|iiTat iiTtipâvu toQ oupavsO, Siéa^\ili tx\ iftnffin âni toû xaa|iiy[>0 iintp|iira;. 
xai xr,; TCKV3nep;j,ia; toO x6a[iou i [iiya; 'Apxu''< 'l u^s^i) to-j xD<;junt, -xÎXÏd; ti «ai ^EyElla; xxl iûvatiiî 
Xilifir-i»! M.*| Î'j-.«|i£vï;. IPhil., VU, I, a. 23, p. 353, lin. S-IS.) Mgr CruiM ■ traduit le verbe îiiaTuEe 
par palpiiavit.Ce mot ne nous Mmblepai reudre le mot grec. Il s'agit, en effet, d'une émission qui ne 
fait |ier un déilr vif et intérieur du principe et non d'une palpitation eilérîiure : au figuré, le mot igrec 
tigni&e avoir UD vif dêEir,(r«i(tr«, ar(f«r«.'cequi a'occorde beaucoup ni eut avec te système de Baillide. 
C'est évidemment une imagé prise de la génération, ce qui ne va point A rencontre de l'en 
ici let deux principes de la génération sont le mâiue principe en ucle et en puisEance. 

^ 'AppÀtMv ïip, fnaii, iuTiv ipfntOTtpo; xal Juvaiûn îinaiÙTEpo; xii ooffliv rrofùncçiai i 
tlrniç TuivTMv TîH miùSï xpihiiiv. {Ibid., p. 353, lin. 18-1*.) 




LE GNOSTrCISME EGYPTIEN 101 

delà. 11 s'établit doHC là plus admirable, plus puissant, plus resplendis- 
sant que tout ce qui était au-dessous de lui, excepté cependant cette troisième 
Xtémî qui demeurait encore cachée dans le trésor des germes en puis- 
sance. U ignorait que cette ïî^ms était plus puissante que lui, bien plus il 
n'en soupçonnait pas môme l'existence ; car tout était caché dans le silence 
le plus profond '. Dans cette ignorance, il se crut le seul maître, le seul roi, 
ilse dit qu'il serait le sage ouvrier de touteschoses, et, ne voulant plus rester 
dans la solitude, il résolut de créer. Cependant cette ignorance qui fut la 
source de son orgueil, futen même temps le principe d'une faute, d'une chute; 
età cause de cette déchéance, le grand 'Ap>;ww eut besoin d'être racheté, il fut 
soumis à la rédemption ^. C'?tte ignorance avait été prévue par le Dieu-néant 
qui l'avait même préordiMinée lorsqu'il avait fait émaner le grand trésor des 
germes, le monde néant. Mais le graud'Aji^^^v ne voulant plus rester seul 
procréa des choses qui lui étaient inférieures, un flls qui fut plus puissant et 
meilleur que sou père. En le voyant, il fut saisi d'étounement, il l'aima, 
puis tomba dans la stupéfaction et le fit asseoir à sa droite. Or, ajoute l'auteur 
des Philosophtimena, le liouoii se trouvait 'Apj;wv s'appelle Ogdoade, d'après 
Basilide ^. 

S' étant ainsi créé un dis bien plus sage et bien plus puissant qu'il n'était 
lui-même, le grand 'Ap^ww fit toute la création èthérée et, dans son œuvre, il 
fut aidé par son flls *. Qu'entendait Basilide par cette création èthérée î II 
nous en donne lui-même l'explication lorsqu'il dit : « La majesté du grand 



' nâvTS TKp 1)1 9ijlaav6|i(va àiro-xpûfu «uiit^. (Ibid., □. ^, p. 357, lin. 113,) 

* KonixiiSti; aSv, miW,i 'Ap^uv xal Sifii-^4ii; itai 7sG)|Se1( Uia^«\tiyii<!aza mpl B^aptii; ^; ÉnetTioi 
luyalli^wv tcnjTÔv. (Ibid.. a. 26, p. 360, lin. iA.) 

* OvTD( yciiifitli i'Ktipiv iavtirt, |UTCùpiiTE xai iciyfin Slo; oivui M^^pi ToO atcpcuttnTo;, loxri [ii tfx àva- 
tpe)i!); ni ToCl Û<)iÛ^ito; ri orEpiuiiia TiÀs: (!v3i vci|j.((tb;, xal i^riSi ihan ^nk TsOta Slu; ^iiiÈv cnivonosc 
ijiitxù |iiv ûnaxEi|iiiv(i)v nâvTuv, Sus TiV lomov X0(i|iixi, ooqiiÙTipo;, SuvaiÙTips^ IxTcptnlintpK, çiorei- 
VÔTïpoc, n&v S, -et Si tlnr); taiit Staçfpov, jupî; |iivii; tt^c iRaXcÏ£i|ii,p.{vT.; ïlin|TOC Îti ii T^ noivinitpiii^' 
^TvDti jip in ÉaT» aOioû ao^utlpa xal iuvaTunpa xnl xpcExTuVi MopLidit dCv oùiic ilvii xûpio; xal 
Surnfrcilc xai vof oc âp^iiÊXTiin, TpficETai tU W xad' êxama xTtoiv ToO xéojiou. Ka\ np^o-r ^v 4|£i(dai p;^ 
(ï*at p.4vDc, «lia inoiiiirEV iouTÛi %aX (yÉmiotï n tiiï iitoxEijifvciiv u14ï irjtoû jioii xpiiTtova xal aoçwTtpov. 
TavTa ïâp ^v Tcâvia itpo6e6ov>.EU[iévo( 4 oùx ùi 6(6î, dts xf,i it2ViTntp[j.iaï xaTÎSait*. 'liùv oiv t4> mI4ï 
JSa'Va'i xai ^lyâiniiE xal xaTEirlâïn- toioDtov fip ti xdXiof ifaiitio uloî rù piTàliii 'Ap^ovTi xat ExàOistv 
oytiv Èx SeEiùv * "ApXW". A'ini Èotiv -^ îiit' aùioO 'Oyiuaî ).ETOp:ivT| Siio-j ioiiv i [«traç 'Apj(coï xadiiiiEVOî, 
(Phil., ibid., p. 353, lin. U-t5. p. 354, lin. 1-15.) 

* Oâiiav ri)y olv tTcaupâviov xrioiv, Toutia-ii t:^i a'itlE'piOv, oùtit Elpyâaoïo à SiipioupTÔc i Î'-T''( iroço; 
Ev^Y'^ " aÙTÙ xal CiKtTiSiTC i Mi i toûtdu yviifa-'Oi, ùv a-jToC toC iiniiaupyoC noXii noçÛTipac. (fbid., 
p. 354, Un. 15-16, p.SaS, lia. 1-8.) 



102 



l.E GNOSTICrSME KGYPTtEN 



"h.px'iiv prévit et ordonna toutes les choses éthérées qui se trouvent dans l'espace 
éthéré jusqu'à la lune, car c'est là que l'air proprement dit commence et que 
finit l'éther *. fl Nous savons, on outre, que furent créées des Principautés 
("Apj;«')> ^^^ Puissances (Au^âftei,-), des Dominations ('E^ouat'ai), et trois cent 
soixante- cinq cieux sur lesquels dominait le grand Abrasax, car les lettres 
qui composent son nom, valent le nombre trois cent soixante-cinq dans la 
numération grecque '. Ces trois cent soixante-cinq deux étaient peuplés par 
les Principautés, les Puissances et les Dominations: saint Iréuée et saint 
Épiphane nous l'apprennent, de concert avec l'auteur des Philosophumena. 
Ici s'arrêtent les renseignements fournis par ce dernier auteur sur ce sujet, 
il nous donnera les détails ultérieurs sur l'Hebdomade et la Rédemption ; mais 
il se tait complètement sur VOgdoadc. Cependant cutle Ogdoade devait 
jouer un assez grand rôle dans le système de Basilide, pourquoi donc n'en 
parle-t-il pas? Nous serions assez tenté de croire que c'est parce que saint 
Irénée en parle, et nous ne pouvons pas ici rejeter le témoignage de saint 
Irénée, auquel s'ajoute celui de saint Epipbane, en disant qu'ils esquissent 
tous les deux un système postérieur, car Clément d'Alexandrie lui-même en 
parte, en disant: «Basilide met dans son Ogdoade la Justice et sa fille la 
Paix '. » Il nous fournit donc les noms de deux des œons qui composaient cette 
Ogdoade. De son côté, saint Irénée dit: « Basilide, élargissant encore son 
système, nous montre comment du Père non engendré (Pater innatvs) sort 
l'Esprit (Nous), de l'Esprit naquit le Verbe (Aï/oç), du Verbe la Raison 
{*pôw](T[î), de la Raison, la Sagesse et la Force (ïoyia xai A-Jwayiç), de la Force et 
de la Sagesse sont sortis les Vertus, les Principautés et les Auges qu'il appelle 
premiers, et par eux fut formé le premier ciel *. i> Saint Irénée nous donne 



irtia iiÉ^pi niM»^; êoTÎv ixtîOiv ^ip ôôip alfl^poc iiasplveiii. (Ibid., u. 84, p. 35S, Un. 12-15,) 

' KTifftic yàp t(tti nat aura ïœ îiaoTn(i«T« ncrt' «ÙToiî intipot »«1 'Ap-^m xii iuvifittt ïïl 'EEoufftïi, 
ntpl ûv lucxpàc CUTI xar' aùtoii; nâvu Hyaf Xc-rôtuvo; Sià nàJ.Xuiv, liix xil TpiaxanLau: i^^xovTa itéiti 
aùpavoii; f ianBucn, xA liv pirav 'Ap^ovra avTâv tlvni 'ASpaci;. (Ibid,, |). 368, lia. 2-6.) 

^ Dosiikiîfi]; H àironanioaf Aixiia9Ûvf)v Ji xal t)ti ftUTiTfpa ajTïtf t>|v Elp^vi^v ûnslip^âvci év 'syfoaîi 
[lEviiï iïît«T!T«7niva(. (Strowi, lib. IV, cap vm Patf, grxo., I. 25 col. 1372 l. 1.) 

* BasilJd» BUlem,..A in iramenBum eiUndit sententlDni doctrine euafi, ogtendeas Nun primo ab ioaulo 
□Btum Pad'e, ab hae nutem natum Logon, deinde a Logo l'hronesin, a Phronesï autem Sopbiam el 
dynomiii, a Dyiiami autem et Sophia virtutes, el Priiicipei el Angeloe, ^uos et primos vocal, et ab ii'i 
primum cojlum (actuin. {Iren., lib. 1, cap. xxit, □. 3. Ibid.) — Voici le paesage correspondaQl de saint 
Epiphanequi umble (ranacrire lei paroles mêmes de Basilide : 'Hv lixh i7tvvntav,B [iôvo(laTÏ icàyruv 



LS GNOSTICIBME ÉOTPTIEN 103 

duQc les noms de six îeons qu'il est impossible de placer ailleurs que dans 
VOgdoade, puisque YOgdoade est le premier des trois cent soixante-cinq 
cieux. Si maintenant, nous unissons lus deux asons, nommés par Clément 
d'Alexandrie, aux six autres, dont les noms nous sont donnés par saint 
Irénéc, nous aurons VOgdoade ainsi composée des huit ebods que comporte 
son nom : le grand 'Apy/M (Pater innatus), NoC;, ^^sMiffi;, Au'ya/^i^, ïo^îa, 
^/.aKovvn et Eîpvi'wi. Entre le grand '^pym et lo Pater innatus, il n'y a 
qu'une différence de nom; le grand 'Apjiui' n'a pas de naissance propre- 
ment dite, il est une émanation inconsciente du principe dont elle 
émane, Pater innatus. On pourrait ici se demander, si ces huit œons étaient 
rangés par Syzygies; mais rien, dans le système de Basilide, n'autorise une 
réponse affirmative*. Le texte seul de saint Iréuée qui unit Sophia et 
Dynamis, et fait sortir de ces deux asona les Anges et les Puissances, pour- 
rait donner quelque raison do penser ainsi ; mais nous ne croyons pas que 
ce soit une preuve assez forte lorsque toutes nos autres données l'infirment. 
VOgdoade ayant été ainsi constituée par les huit teons que nous connais- 
sons, dû Dynamise! de Sophia, furent produits les Principautés, les Vertus, 
les Anges qui achevèrent de la peupler. Ces Auges, à leur tour, produisirent 
d'autres Anges; ces Principautés d'autres Principautés, ces Vertus d'autres 
Vertus, qui peuplèrent un second ciel, et ce mouvement de reproduction 
une fois imprimé, ne s'arrêta qu'au chiffre de trois cent soixante-cinq cieux 
dont le dernier est celui qui s'étend au-dessus de nos tètes, et que l'auteur des 
Philosophumena va bientôt appeler Hebdomade: saint Irénée dit, eu effet: 
« Ensuite, de ces premiers Anges dérivèrent d'autres Anges et un second 
ciel fut fait semblable au premier : de ceux-ci, sur le même type, dérivèrent 
aussi d'autres Anges qui formèrent un troisième ciel ; de ce troisième 
ciel descendirent les habitants d'un quatrième, et ainsi de suite, 



I 



«atiili. ïx toÙTOu «poÊÉSiiiTSi, ç)lal, KùOc su Si toB NoO Aiyoi, sx Si toO loyou *povïi(H!, tx ii ïî;î 
*paviioiio( i'ivaiiiî xal loçfa, tx ik trfi i-jvd|M(i4 tt xal lofisî 'Apxai, ■Elouoiai, "Aïïdoi. "Ex I< 
TOVTwv -tiv Auvâitiiiï Tï xlî 'Ayriî.wv •fiTftvÉvai àvwTipov npàiTdv oOpoiiv. xal 'AyY£''>«! ^Tépouç Et «lirmï 
T£ï«vivai. (Epiph., Hxr., xiiv, ii. 1.) 

' Dom Maaauet, dmiB sa {iremiere disserlalioii sur Gajut iTéuée dil: îfec dubium quin in prima 
tua eonjugatione "Ewoiav, teu £ivj)v habuerit (Basilidi^E), maieulaïqut eum feminii Oijdoade 
coputatteiùl, eumid disertit verbis asstrant Gregori'as Naziamenui, Nicclai et Elias Cretentts. 
(Art. 3, Pat. grec. t. VII, e.o\. 130.) Nous en demandons hieii pardon à Dom Masauet, mon las lroi« 
auteiin qu'il cite, lout eu [«riant d^ Vaientin et de Marcion, ne discal rien de semblable sur BasUida. 



101 LE GNOSTrClSME EGYPTIEN 

furent créés d'autres et d'autres Anges et Principautés, et furent formés trois 
cent soixante-cinq cieux. Ils affirment même qu'il n'y a trois cent soixante- 
cinq jours dans l'année que parce qu'il y a trois cent soixante- cinq cieux '. « 
Saint Épiphane dit absolument la même chose que saintirénée etl'auteurdes 
Philosophumcna est complètement d'accord avec eux, car il écrit que le 
grand "Apx^v créa tous les mondes éthérés et qu'il y avait trois cent 
soixante-cinq cîeuxjusqu'àla lune, qui est la séparation del'airet de l'éther. 
Nous avons déjà dit que, selon nous, cette création n'était autre chose qu'une 
émanation, et les expressions employées ici par saint Iréuée confirment 
notre manière de voir. 11 dit, en effet, que ces cieux sortirent l'un de l'autre 
par dérivation (ab horuin deriva/ione nîios fados Angeles), et si nous 
voulons savoir ce qu'il entend par ce mot de?nvalio, nous u'avous 
qu'à interroger Théodoret qui a transcrit le texte grec d'Irénée, mot pour 
mot, et nous verrons qu'au lieu du mot derivatio de la version latine, le texte 
grec contenait le mot ànoppoîa *. Or, ce mot «iropôst'a a la même valeur 
que notre mot émanation; il est formé d'après les mêmes règles et sur des 
racines correspondantes: nous avions donc raison de dire que Basilide 
admettait la chose, quand il en rejetait l'idée et surtout l'expression. 

A propos de ces trois cent soixante-cinq cieux, saint Irénée nous avertit 
que Basilide et ses disciples avaient donnné des noms particuliers à tous ces 
Anges et aux cieux qu'ils peuplaient, et qu'ils avaient déterminé de la 
manière la plus exacte quels étaient, parmi ces Anges, ceux qui habitaient, 
ou plutôt formaient tel ou tel ciel. L'évêque de Lyon nous cite même l'un de 
ces noms, car il nous dit que le monde d'où descendit le Sauveur, s'appelait 
Gaulacau ^. Mais nous devons dire que ce nom ne se trouve pas dans 



> DihÎDC ab borum (primomni Angelonim) derivatiotie alioa eutem iactos (liud cœluni limile priori 
fei-ifse, et HÏmili modo ex eorum deriTalione cura Rlii facti estent, lutilypi eis qui super eoi eissDt, 
aliuii t«rtiam delbrniiise Gralum, et a tertio deur.-ium descendentium quartum. cl deîncepa Eecundum 
«uni mtidum slteros et alleroa Prinupea bI Angelos fiiclos ;es9e dîcuut, el o:\as Irecentos seisg-îula 
quiuque. QuBpropter el lot dies habere aiioum, secundum DUmuruni ccelorutn. (Eren. ibid. cap. \.\.iv, 
». 3, — Cf. Epipb., hxr. xiiv, n. 1.) 

* 'Ex Si TDÛTuv àicoppoio; àX^uù: Ynaji^vou; 'AyjHovi;, àXïâv Svpaviv noit{itiiLi tûi npÛTu i[^oaô|ioiiv< 
(Théod., Hmrn. fab., lib. I, cap, it.) Le mot derivatio n'est que le correspondant ciacl de onoppoia ; 
' s 1= I^Eu; dtrivatio si, inappoii 



* Nomina quoqua quxdam nffiae-entfis quasi Angelorum, t 



it|bosquldem esse in primo 






n secundo : «t dejnceps mtunturjtrecentoninl leiaginla quinque 
nomina el principia, et Angelos ei virlulïs eï|ioaere. QiieniadmaJum et muuilus Dome:! esse 
dicunt detcendJiae el atcendisse Salvatorem, esseCaalocau. (Ireu, ibid., a, 5. — Ibid., col. 6' 



ccelorum e 



I.E GNOSTICISMF, EGYPTIEN 



105 



Théodoret, et que saint Épiphane n'en fait meiition que dans savingt-cimjuièmf 
hérésie, celle des Nicolaïtes, dont les doctrines étaient toutes différeutes du 
système de Basilide ^ D'après Théodorot, ce nom de Gaulacau aurait été celui 
du Sauveur, explication fort probable et que saint Irénée lui-même sembli? 
adopter; car, quatre lignes plus loin, il emploie ce même mot, en disant que 
les fidèles de Basilide devaient apprendre tous les nomscleces Anges et de ces 
mondes, comme l'avait fait Gaulacau ^. 11 y a donc l'une des deux accep- 
tions du mot qui est erronée, et ce n'est pas pour nous une petite preuve de 
la manière dont ce chapitre de l'évêquc lyonnais et les semblables ont été 
composés, manière que nous avons indiquée plus haut. A l'exception de ce 
nom qu'il ne mentionne pas, l'auteur des Philosophumena nous fournit des 
renseignements semblables: « Sur tout cela, dit-il, ils font des émimérations 
interminables *. » De plus, il donne, comme saint Irénée, le nom du dieu qui 
était à la tête du premier ciel et dont le nom est Abrasax, écrit d'autres fois 
Abraxas (nom fort connu de tous les antiquaires, à cause des pierres basili- 
diennes sur lesquelles il est gravé); puis saint Irénée ajoute : « Ils assignent 
à ces trois cent soixante-cinq cieux des positions déterminées dans l'espace 
avec une précision mathématique, car ils ont pris les théories des mathéma- 
ticiens pour les transporter dans leur doctrine, et le prince de ces cieux ne 
s'appelle Abraxas que parce que son nom contient le nombre trois cent 
soixante-cinq*.» Cet ensemble de concordances prouve déjà en faveur de notre 
thèse, à savoir que c'est bien la même doctrine dans les deux sources, et non 
un développement postérieur de la doctrine de Basilide qui se trouve analysé 
dans l'œuvre de l'évêque de Lyon. La même concordance se remarque pour 
les démiurges, car le système de Basilide en contient deux, si nous donnons 



I Toï 5i !HuTr,pa yjl Kûpw Kajloiùiv 6tiv-iWjm. (Théod., H.-er. fab., lib. I, enp. iv.) 

I Igitur qui didicerit, el Angalos omiKis coguovenl et causas eoruiu, ÏDviïibilem el iDcomprebenaïbilem 
cuin Augelia et polcatatibus uQîversi fieri, quemadmodum el Gaulacau fuisse. [Ibid., n. 6. — Ib., col. S79.) 

3 Uipl Su [laxpô; iori hoit' oOtoùî ■kô.i'j iôyo! ItY'!""""! ^là nôrtùv. {Fhil., lib. VU, n. !8, p. 361, 
lia. 3-4.) 

* TreceDlonim autem Boxnginla qainque ccsiorura locales potiliones dislribuunt limiliter ul niatlie' 
matici. Ulorum eniia theoremala accipienles in suum churaclerem doctrioœ Iranstulenuil : eaie oulem 
priucijieio illorum 'ASpà^i;, el propler boc IrecentoB sesoeinla quinque numéros habere in se. (Iren., 
ib., a. 7, cul. 67t!.) Kal tin iicyav lîp^ona sOtûv ilvat tôv 'ASpaail, Sii ti 7iep(fx'>'' '^^ ivo[U( o-jtoD ifii^ti 
lit. (PkHoi., ibid; p. 361, Jlo. 5-6.) Le ti-aducteur de saint Irénée seul écTil Abraïas, loua les 
autres auteurs greci écrivent '.YSpaui; vtl 'ASpaocU, cependant c'est Torthograplie Abraxae qui eat la 
plus répandue, ce qui ne devrait pas âlre. 

14 



lOfi 



LE GNOSTICISME EOTPT 



ce nom aux deux principes d'émanation corporelle dont l'un crée le monde du 
milieu, les mondes éthérés, et l'autre le monde que nous habitons avec tout 
ce qu'il renferme. En effet, l'auteur des Philosophumena n'attribue au grand 
Apyav que la création des mondes supralunaires, il laisse la création du 
monde sublunaire à un second déiuiurge dont nous allons bientôt nous 
occuper. Saint Irénée et saint Épiphaue disent absolument la même cbose, 
avec moins de précision cependant, comme cela leur arrive toujours. Nous les 
avons vus plus haut attribuer toute la création au Père incréé (Paier innalus), 
que saint Epiphane appelle le Un non engendré (êv ro àj'ivwjtov), mais 
lorsqu'ils arrivent à la création de notre monde, ils disent l'un et l'autre 
en termes identiques : « Les Anges habitant le dernier ciel, celui qui est 
suspendu sur nos tètes, ont fait tout ce qui est dans notre monde, ils se sont 
partagé la terre et les nations qui l'habitent '. » Il y a donc chez les trois 
auteurs deui démiurges, l'un des mondes supralunaires, l'autre des 
mondes sublunaires. C'est l'œuvre de ce dernier que nous allons maintenant 
examiner avec le secours de l'auteur des Philosophumena qui reprend ici 
son exposition. 

Lorsque tous les mondes éthérés furent achevés et ordonnés, dit-il, de 
nouveau un second "Apx"* sortit du grand trésor des germes, plus grand que 
tout ce qui était au-dessous de lui, excepté cependant la troisième Tîo'rrî qui 
était délaissée, mais de beaucoup inférieur au grand 'kpypv. Il y a entre 
les deux cette différence, que le nouvel 'Ap^^ùiv peut recevoir un nom : son 
séjour est l'hebdomadc, il est l'ordonnateur et l'ouvrier de tout ce qui est au- 
dessous de lui. Il se fit d'abord un fils bien plus prudent et plus sage qu'il 
n'était lui -même : 1' "Ap^w" de l'hebdomade est le roi et le maître de l'espace 
que nous habitons*. Or, c'est dans cet espace par nous habité que se 
trouve le grand trésor, l'universalité de toutes les semences, de tous les 



I Eoï (jui posterias continent ccelum Angeloï, ixiiod ctiam a iiobis TÎdelur, consLituisse ea quic sunt 
in raundo omnia et partes sibi fecilsa leirœ et earum qua? super eam euut gentium. (Ii-tn., ib., □. 4.) 
'Tirttpov ii çi^àlv {i Bniril.tliTiçl, inb -cûv it Toûtu tm hsU' tfÂt aûpavû xal tt,c îv oÙtû Euvsiuwï t^v 
iiTi'QtvTaÛTi]VTcvtvT|iifiii.{Epiph., ?ar., x\iv, du.! et S.) H 7 a daus ce dermar lexta une ei pression que 
nous ne devons pas liiiser passer insper{ue, c'est celle-ci : Tr,( cv aùtù Suvîiuuiï; il ot érident que 
saint Epiphane ïonlait parler ici du priace de ce dernier ciel. Nous reriendroiu sur l'importance de 

* 'Hv i: xa^ïiuTau taO £iiiiTii|i{iTo; gatii^cû; xsi xùpia; i, 'ESioiigic. (PAil,, lib. VII, l,n. £>, pp. %T, 
1. 16, el 338, lin. 1.) 



a 



LB ONOSTICISME ÉOYPTIEN 10? 

germes ; qu'existent toutes les choses selon leur nature propre et que fous 
les êtres se hâtent de naître par le moyen de celui qui a réglé quand, comment 
et en quel état ils devaient naître *. Ce qui s'explique ainsi : après l'émana- 
tion des trois cent soixante -quatre premiers cieux, l'émanation du trois cent 
soixante- cinquième et dernier ciel se fit du trésor universel des germes 
(ÔTTOTOï jrotvffTTîpfiîas), c'est-à-dire, qu'il devint existant réellemeiit, au lieu 
de n'être qu'en puissance. Comme les autres cieux, ce dernier ciel, ou 
l'hebdomadc, fut peuplé d'Anges. Ces Anges de l'hebdomade avaient à leur 
tète un'Apx<^v qui reproduisait trait pour trait du grand ''Aj5;(uv de l'ogdoade, 
d'après le principe de similitude des mondes que saint Irénée et saint 
Epiphane n'ont pu s'empêcher de remarquer en cet endroit. Et ici, nous pou- 
vons faire observer que, d'après ce même principe, il devait y avoir dans tous 
les mondes intermédiaires, entre l'ogdoade et l'hebdomade, un'Jipya>v domi- 
nant sur les Auges qui peuplaient son ciel, reproduisant dans un degré infé- 
rieur les attributs du grand 'Apx»" et devant être considéré comme le créa- 
teur et le maître de tous les mondes qui se trouvaient an-dessous du sien. De 
tous ces 'Ap^wv, comme nous l'avons dit, nous ne connaissons que le 
premier, Abraxas ou le grand "Ap^wv, et le dernier, r'Ap^wv de l'hebdomade. 
Ce dernier créa tout ce qui était au-dessous de lui, c'est-à-dire, qu'il pro- 
duisit tout par émanation, ayant en lui-même la puissance qui lui avait été 
transmise, quoique avec un moindre degré, par le principe immédiatement 
supérieur dontil émanait. Sa première émanation fut un fils plus puissant que 
lui-même, comme cela avait eu lieu dansl'ogdoade et avait dùavoirlieu dans les 
mondes intermédiaires, anneaux intérieurs d'une chaîne dont nous ne connais- 
sons que les deux extrémités. Basilide d'ailleurs vient lui-même encore ici con- 
firmer notre thèse de l'émanation ; quoiqu'il ait dit plus haut, que T'Ap^ww de 
l'hebdomade était le seigneur et l'ouvrier de toutco qui lui était inférieur, il 
dit cependant dans un autre endroit : « Dans toute cette dernière création (celle 



' KEïioiiTniivuv O'îv nivTuv tiûï «lOtp'uv, niJ.iv âno Tr,; Ttiïoit!p]t£a; ôXJic '^p'if' âvffti, |j,eKiuV |iiv 
nâitciiv tûï 07rox!i|iiv(in, X""?'! M-^^ t*' "îî *ixtix'UXci\i\Uviii riimio;, tioXù ît (inoSetarEpoî mO itpùtou 
Ap^ovTD;. 'Em a Ksl eirsoi ^ijTit iit' hjtiSv lEyôtiEVOï. Kal xaXEÏTU, 6 xiiCK oStoï 'EGio|iâ;, xal nâvTuiV 
iSiY iitOMinÉviin o(t4( imi ÎioihhtVic «ai î)i|iioupïiî, noir,(ro( i!«i aOti; iaircû vilàv ix tï); mmoitipiAÎB;, 
inuToO f povi)udT[poi ïil oafiâxipnv, Kipait>i]aCuc tal; înl toO icpiurau XcltYM'^'"ï* "^^ ^' " ^ 2iaai^|i,aTi 
TOÛtij) 4 ou.piçnÙTO(EiTTi, fïiol, xocl il icoiviTnepuia, xat TÎïïtai xità çjoiv ti ïivi(i*va u; (pOiaonra «j(9iiv«i 
ûirà Toû Ta |uy).ovTa fiviiAai Ste iit, lal ata itî xa\ (&( Sil XAsytoiiivou. {PkU., lib, VU, t, a. 94, p. '£5, 
lin. 15-16, et p. 356, Iîd. 1-10.) 



lOK hV. ONOSTICISMïï EQYPTIRS 

de notre monde) personne ne peut en être dît le maître, le directeur ou l'ou- 
vrier; il suffit, en elïbt, que le dieu-néant ait tout réglé lorsqu'il opérait', f II 
serait difficile de se contredire d'une manière plus palpable ; toutefois, ces 
paroles ne sont pas pour nous une contradiction, elles ne font qu'exprimer la 
loi du développement de l'émanation, telle que Basilide la comprenait et 
telle que nous l'avons exposée : c'est le dieu-néant qui a tout ordonné, tout 
prévu, quoiqu'il n'eût ni raison, ni volonté, parce que c'est de lui que sont 
émanées toutes choses. 

C'est ici le lieu de résoudre une objection grave, qui pourrait nous être faite 
sur l'identité des systèmes exposés dans les deux sources de renseignements 
où nous avons presque exclusivement puisé jusqu'ici. Si, en effet, il y a iden- 
tité complète entre les deux systèmes, d'où vient que la source primitive d'où 
" sont découlées les deux expositions postérieures de saint Irénée et de saint 
Épiphane ne parlent pas de l'hebdomade? A cotte objection, nous répon- 
drons purement et simplement : Il est vrai que ces deux auteurs ne donnent 
pas le nom, mais ils donnent la chose, ce qui est préférable. Saint Irénée 
et saint Épiphaue, disent, eu parlant du dernier ciel, que c'est celui que 
noua voyons (w vf ««wc ipâasvov , écrit Théodoret qui reproduit saint 
Irénée); de son coté, l'auteur des Philosophumena dit que l'hebdomadu 
est le dernier ciel, celui à partir duquel l'air se sépare de l'éther, c'est- 
à-dire la lune, et il est évident que sur ce premier point les deux sources 
ne se contredisent pas, car la lune est bien de tous les astres celui qui 
nous paraît le plus rapproché de nous. D'ailleurs, si les uns disent que 
nous voyons ce ciel au-dessus de nos têtes (àvMrepov, dit saint Épiphane), 
l'autre répète que {"A.px'^v de Vhebdamade est le maître de l'espace que 
nous habitons (rotJrou toù ^««oTïjusdoç) et que c'est dans cet espace habité 
par nous que se trouve le trésor des germes en puissance comme dans 
le dernier de ses réceptacles (iw -oiJrM fTt iiaïryJuoTi). Jusqu'ici donc, rien 
de difficile : mais c'est à partir de ce point, que s'élève la grande diffi- 
culté; car, selon l'auteur des Philosophumena, c'est l'hebdomade qui a 
créé toute notre création ; selon saint Irénée et saint Épipiiane, c'est le Dieu 



■hy d 0^ 'Qv, ÏTi îj[0{i>, JXarlïiTs. {Phil.. VA. wi, i. p. ^56, lin. 10-l£.) 



■; 4 Xoyioiii); èmîvoî 



LE QNOSTICIRME EGYPTIEN 



109 



des Juifs. Or, si nous pouvons démontrer que le Dieu des Juifs et V'Apxi->v 
de l'hebdomadc ne désignent qu'un seul et même Etre sous doux noms difTé- 
ronts, la preuve de l'identité des systèmes sera évidente. C'est ce que va nous 
montrer l'étude attentive et comparée des textes. Nous devons faire remar- 
quer que dans l'hebdomade, selon la siguiUcation du nom qui lui est donné, 
il ne devait y avoir que sept anges principaux, comme dans l'ogdoade nous 
avons compté huit seons dont les noms nous sont tous connus, et supposé que 
les Phitosopkumena ne nous eussent rion appris à ce sujet, nous aurions été 
eu droit de le conclure d'après la génération des systèmes ; car le nombre des 
angos créateurs, dont le dieu des Juifs se trouve partout le chef, est de sept dans 
les systèmes que nous avons exposés précédemment. Puisque nous ne savions 
rien de contraire, nous étions en droit de conclure que Basilide n'avait rien 
innové sur ce point. L'eussions-nous fait, notre conclusion aurait été ample- 
ment confirmée par la découverte et la publication des Philosophumena. 
Ceci posé, citons les textes et jugeons. « Au nombre des anges du dernier 
ciel, dit saint Epiphane, Basilide avait placé un ange supérieur qu'il nomme 
le dieu des Juifs pour le distinguer des autres *. » Saint Irénée no parle pas 
autrement *. L'auteur des Philosophumena ne dit rien de contraire, puisque, 
nous l'avons vu, r'Ap^'-J" de l'hebdomade est le chef du monde qu'il habite, 
et le maître de tout ce qui lui est inférieur. Cet auteur n'appelle pas, il est 
vrai, r 'ApxM" de l'hebdomade dieu des Juifs, mais il place dans sa bouche des 
expressions qui démontrent clairement qu'il ne fait qu'un seul être avec ce 
dieu. H L'ogdoade est ineffable, lisons-nous dans les Philosophumena, mais 
on peut dire le nom de rhcbdûmade. C'est cet 'Ajsxmw de l'hebdomade, dit 
Basilide, qui a parlé à Moïse en ces termes : Je suis le dieu d'Abraham, d'isaac 
et de Jacob, et je ne leur ai pas révélé le nom de Dieu, c'est-à-dire de 
l'ogdoade, qui est ineffable ^. » Il ne saurait plus y avoir de doute après ces 
paroles, nul autre que Jéhovah n'a prononcé ces paroles que nous lisons aux 
versets deuxième et troisième du sixième chapitre de l'Exode, et Jéhovah 



' "EEiv ii7()in>vîva)iY(iT<iï6iov,aiîiEXi)VTMï 1ou3aiuv [livov sivai Éïii îvo.(Epiph., £fjBr.,xJtlv,n. 2.) 

'Esu sulem principem eurum «um qui Judsaorum puUtur esse Deus. (Ireo., ib., cap. xxiv, n. S.) 

' K«l Èfftiv T] iiàï 'Oyîoàî appuioî, pir4( H i] 'EÊio(Làç. OjTi; iaxi, ft|gïv, i t^; 'Eé3o|j«84t. "Ap^w 

i iakiiaa-, tm MojOot] xa\ tiiciw • "Eyi i Gti: 'A8paà[i «al 'laaix nal Taxàifi, xal ti Évofia toO OîoD 

oûx iHiXiiitt a'ixtil; * (ouTtu; fip BéXouai ïSTpiïÎjiil, loutionv isO àp^to'j tij; 'O-yîijiais 'Apjfoitoc SioO. 

[Pftil., lib. VU, I, n. S5, p. Sf£, lia. 1-6.) 



liO l.E ON0ST1CI8ME ÉGYPTIEN 

est bien le dieu des Juifs : ridentité est donc complète, et notre affirmation 
reçoit nne nouvelle et ample confirmation qui ne sera pas la dernière. D'ail- 
leurs, saint Epiphane, en parlant de ce monde, dit que toute la création ter- 
restre est l'œuvre des Anges et de la force qui se trouve dans le dernier 
ciel («ito twv tv ToyT&> TfS y.x9 -ny-âi mlpsew&i xai rrji h aùroj 3uv«fi£Wî vrv vxhtv xxûuiv 
ytyevrjaQat) , et ces paroles montrent bien la conformité qui règne entre les 
deux expositions du même système. Nous pouvons donc tracer maintenant, 
d'une main sûre le portrait de ce Dieu des Juifs, et unir ensemble les traits 
qui se trouvent séparés dans les trois auteurs qui nous fournissent nos rensei- 
gnements, 

It faut noter d'abord, d'après les Philosophumena, que les mondes supé- 
rieurs et tout ce qu'ils contiennent sont incoimus aux mondes inférieurs: 
ainsi le grand 'Apxiùv de l'ogdoade ignore l'existence du monde supérieur, 
1' 'AjsxMV de l'hebdomade ne connaît pas les cieux qui existent au-dessus 
de celui qu'il occupe. Bien plus, Basilide compte cette ignorance au nombre 
des causes du bonheur que les hommes fldèles goûteront après la mort: 
« Tous les hommes de ce monde terrestre, dit-il, qui doivent être immortels 
de leur nature, demeureront dans l'ignorance la plus complète, de tout co qui 
peut être différent de ce monde ou meilleur que lui: il n'y aura, ni mention, 
ni connaissance dans les mondes inférieurs de ce qui se trouve dans les mondes 
supérieurs, afin que les âmes ne puissent désirer ce qu'elles ne peuvent 
posséder et que ce désir ne devienne pas pour elles une source de tourments, 
car il serait la cause de leur perte. Tout ce qui est immortel ne l'est qu'à la 
la condition de rester dans le lieu propre à chaque être ; le désir de passer 
dans un autre lieu serait la destruction de l'immortalité '. » Tous les habitants 
des trois cent soixante-cinq cieux sont sujets à cette ignorance : « Cette igno- 
rance envahira le grand 'A,(i;(f.Hi de l'ogdoade et toutes les créatures qui lui 



Iva |xjvi] nàvTCt xaià 9-Jcnv, Kal (iiiliv [ii]3ivi( twv nipà fus» ÈitiSu^i^<r^. 'AiXà yàp itSiai al 'Wx"' '">^'" 
toO JiooT^tiaTDç ôoai ç'Jo-iv {xouaiv Èv lai-a^ àflâïaToi îia|iiviï (livif), (ifvouaiv oûîiv êinaTi|*ivai toutou 
isO iioiarli|j.3i«;, j;tif9pf>v aiH ^Xtiov ' ojii àxarj tt; la^m tiôv CiTCEpiciiiiivuv iv toI; Cii[DVti|tévoi;, oùiÉ 
yùm;, Iva p.fl tiSv «Juvoitoiï al îiitoxtCunai 'fruxal ipt-yniuvai [taoctvIthivTai, ««Oânsp l^tlOî, iTndufi^aaç £v 
toï; ipt'n\ifti tîiv itpïSttTcuY viiurfai, iyivKo ^àp 3v, çnoiv, aOrol; fi TOiaOïii iiifrjiiia çS»pi- 'Efftiv oSv 
àfiapta ndvro t» vstà %'•'?<" |U*ovta- fSopTB ii, Îbv ex tûv xiti 9Ù111V bRtpmiS&v tm\ irtKpÉaliai 
^ilnmo. (FMI,, lib. VII, 1, a. Z7, p. 363,.liQ, S-lt.) 



LE GNOSTICISME EGYPTIEN 



111 



sont soumises ', » Quoiqu'il s'agisse dans ces paroles, d'uu effet futur, elles 
peuvent cependant nous servir à constater l'état antérieur ; avant la rédemp- 
tion, rignorauce régnait, elle fut un moment dissipée par le Sauveur ; après 
la rédemption, elle reparaît, et ce qu'elle est alors nous explique co qu'elle 
était avant; d'ailleurs, nous avons déjà vu que cette ignorance était inhérente 
à l'émanation du grand "Ap^div lui-même j elle devait l'être aux autres chefs 
par la force du principe de similitude, qui joue un si grand rôle dans tous les 
systèmes et jette une si grande lumière sur l'économie intérieure de tous ces 
mondes qu'une imagination fantastique avait superposés les uns aux autres 
et peuplés d'anges innombrables. VApy^v de l'hebdomade ignorait donc 
l'existence de ses supérieurs hiérarchiques; il se crut le seul Dieu existant, 
comme le grand 'Apx"»' l'avait cru d'abord pour lui-même, il s'enorgueiUit 
à cette pensée et voulut faire peser sa domination sur les autres Anges : mais 
ceux-ci lui résistèrent. Gela nous explique, pourquoi saint Irénée et saint 
Epiphane disent du dieu des Juifs, qu'il était amateur de trouble, arrogant, 
audacieux, et ne rêvait que batailles *; tout cela prenait sa source dansl'igno- 
rance où il se trouvait des autres mondes et de la persuasion de son autorité 
unique. Que si de pareilles dissensions pouvaient surprendre, il faut se rappeler 
que dans les systèmes antérieurs la dissension a toujours régné parmi les 
Anges créateurs du monde inférieur : les Anges de Basilide et son "A^x"" ^^ 
l'hebdomade, n'échappent pas à cette règle. Cela se comprend, en effet ; car, 
à mesure que l'objet émanant s'éloigne du premier principe émanateur, il 
devient plus faible, plus accessible au mal, et il faut bien trouver un point oii le 
mal commmence, puisqu'il existe: Basilide n'a imaginé ses trois cent soixante- 
cinq mondes d'émanations, qu'afin d'éloigner, le plus possible, l'origine du 
mal de la source même d'émanation, et de trouver une explication à cette 
origine, dans l'accroissemeut constant de la diminution primitive de l'être. 
Après avoir créé la terre et ce qu'elle contient, les Anges créateurs se 



ctÙTi^ xtCoii; fEapoTiliiOiut. (Ibid., p. 36i, lin. Z-i.) 

* "EJïiluWïoi il Toi; louSaioys ilç xJlÏjpov nÙToO, Kai ïiv avTÙy Wig 'XfyiiMi aùflaStrmpoi, Ua,yifu-i 
il toi; •Aniif liTpa^X ÏE 'AiYÙmou bOSoJeE^ ^axïovo;Tnû iSi'qu, Sià tô tivai oÙtAv ttn^ÛTCpiv t£>i iXkur-i 

cnViûv Beiv xiSuRïtàfai tù yfvii toC lapafjX icàvTK dtXXa ià tflvi]. Kal îià ti napivxiuaxlvoii itMiiaMi- 
(Ëpiph., Bar., %11.iv, n. 2.) 



112 



Lt QNOSTIGISME EGYPTIEN 



l'étaient partagée et chacun la gouvernait selon son bon plaisir. Après ce 
partage, l'arrogance du dieu des Juifs avait encore été une source de dissen- 
sions ; il avait voulu que sa nation fût la première et les six autres Anges 
s'étaient lignés contre lui, ils avaient excité leurs nations contre celle des 
Juifs, et c'est là l'origine des guerres, des invasions qu'eut à soutenir et 
à combattre la race juive. Ce qui se passait sur la terre n'était qu'une repré- 
sentation de ce qui avait lieu au ciel ; c'est la constante application de la simi- 
litude *. Pour achever la peinture des Anges créateurs et de leur caractère, 
nous devons dire, qu'après avoir créé les hommes, ils les maltraitèrent ; car 
saint Irénêo nous dit que Basilide promettait à ses disciples d'être délivres 
des Anges *, et ce n'est pas une témérité do notre part de conclure d'après 
ces paroles, que les Anges avaient dû raolesler les hommes et lès soumettre 
à un empire malfaisant, puisque les hommes avaient besoin d'être délivrés de 
cet empire, ce qui, du reste, est tout à feit conforme aux doctrines de Simon, 
de Ménandre et de Satornilus. 

Ce sont là tous les détails que nous avons pu trouver sur ce monde inter- 
médiaire : pour en parfaire le tableau, nous avons dû y mêler quelques traits 
anticipés, il nous eût été impossible défaire autrement, car toutes les notions 
sont enchevêtrées les unes dans les autres d'une manière à peu près inextri- 
cable. Cependant, nous ne quitterons pas ce monde du milieu sans faire 
observer que les trois cent soixante-cinq cieux ne nous semblent être autre 
chose que trois cent soixante-cinq astres que Basilide avait peuplés de ses 
Anges; ce nombre lui même, de trois cent soixante-cinq, n'avait été choisi 
entre tous qu'en considération des trois cent soixante-cinq jours de l'année. 
Nous avons, dans ce choix, une des dernières influences des phénomènes et 
des systèmes astronomiques sur les phitosophies et les religions. Après celte 
remarque, nous devons étudier ce que Basilide pensait de l'homme. 

Sur cette question, nous ne pouvons plus nous servir des renseignements 
contenus dans les /*/u7osop/iMîïifna, qui n'en disent absolument rien; nous 



(cf. note précédente) TÔp, fnil, tk ài),'x EQvi] iimXl\i.-n<!t loCtD tq IBva;, xal Vi'rXk naiià 
.itif cvtSdlïvTa, Giôi ■cifi tùv cDXuv napai^iiluKtiv, liniirfKep nipatpOvovTEEi (a; XMaf pavoûiuvoi dn' aùttC, 

âxaNKToijTEiiTiai W aÛTùv ïniv£9T/;7]v. (Epigih.. ■*&., u, 2, — Cf. Iran., i Aid-, cap. xiiv, n. i, — 

grxe., l. VII, col. 676.) 
M. Uhlhorn est de^cet atii. (C(, Dat Batilidianùchii Syilem, p. 37.) 



xal 



Pati 



LE ONOSTICISME EGYPTIEN 113 

trouverons au contraire, quelques données dans saint Irénée et saint Epi- 
phane, et Clément d'Alexandrie nous dévoilera les pensées de Basilide sur 
presque toutes les questions d'anthropologie qui peuvent nous intéresser; car 
ce Père de l'Eglise semble avoir combattu les doctrines psychologiques de 
Basilide, avec autant de soin qu'il a mis do négligence à nous instruire du côté 
théologique ou métaphysique du système hérétique, et cela se comprend ; les 
fabuleuses généalogies des divinités et les récits fantastiques d'une cosmo- 
gonie impuissante devaient être bien moins dangereux que les doctrines 
plus pratiques sur l'homme, l'âme, la rédemption, les fins de l'homme et du 
monde, et c'est pourquoi Clément a réfuté ces erreurs en négligeant les autres. 
L'homme, nous l'avons du conclure déjà par ce qui précède, avait été 
créé par les Anges de l'Hebdomade, c'est-à-dire, qu'il était l'un des derniers 
anneaux de cette chaîne savante d'émanations que nous avons vue se dérouler 
sous nos yeux*. Il' était un être d'une nature inférieure d'un degré seulement 
dans l'échelle des êtres. Cet homme, enseignait Basilide, est composé d'un 
corps et d'une âme. Le corps formé de la matière est réduit au néant, il périt 
sans retour; mais bien différente est la destinée de l'âme: cette âme, d'après 
Basilide et ses disciples, était d'une triple nature, c'est-à-dire que les âmes en 
général étaient divisées en trois catégories, à l'une desquelles appartenait 
l'âme de chaque homme en particulier. D'abord, nous pouvons conclure d'après 
les propres paroles d'Isidore, fils de Basilido, que les âmes étaient divisées en 
deui classes. Isidore dit en effet (Clément d'Alexandrie le cite mot pour mot) 
dans un livre qu'il avait composé sur l'âme et son union avec le corps {nepl 
Trpodfjou; 'l^^x^O : « Si vous persuadez à quelqu'un que l'âme n'est pas d'une 
seule pièce, mais que les affections mauvaises viennent des appendices ajoutés 
à cet âme, vous donnez aux criminels un excellent prétexte pour dire : 
j'ai été forcé, j'ai été entraîné, je l'ai fait malgré moi, j'ai fait l'action sans 
le vouloir ; et cependant, c'est l'homme qui est le maître de sa passion qui 
l'a vaincu parce qu'il n'a pas lutté contre les appendices. Il faut donc que 
nous soyons élevés par la partie rationnelle de notre être (tc >^£(7T(xcv) et que 
nous nous montrions les maîtres de la partie inférieure qui est en nous *. » 

* Kai eÇ «'jtoO (toO twv 'louSaitov OîoO) 7re7r)ià<T0ai rbv av6po>lcov. (Epiph., Hser,^ xxiv, n. 2.) 

* Avt6; yoOv 6 toO Ba<iiX6i2ou ulo; *I(rida>poç èv tco irep'i npocrçyoO; 'î^'^X^iî ^'-^vaidôoiievoç toO ÔôyjiaTo;» 
oibv èa'jToO xaTifjyopwv, ypâçet xaxà XéÇiv « 'Eiv y^Lp tivi TCEt<T|xa î^»»- oti piiq ettiv yj <|/vxVi |iovo|i.€pf|C, -c^ 

15 



m 



LE GNOSTICISME EGYPTIEN 



Clément d'.Mexaodriû infère de ces paroles avec assez de raisou, qu'Isidore 
plaçait doux âmes dans l'homme, l'une qu'il nommait logique {hyi<r:nâv), 
l'autre qu'il désignait sous le nom de création inférieure (nîv Eiscrtowa êv 
ïîftiwxWaiw). Le nom de la troisième espèce d'âme nous est connu d'après 
Clément d'Alexandrie, auquel l'auteur des Philosophumena vient apporter 
une confirmation inattendue, en disant : « Ce qui, d'après les disciples de 
Basilide, se trouve dans la partie psychique, c'est l'homine intérieur et 
pneumatique'. » Ces paroles nous donnent donc le nom de la troisième 
sorte d'âmes, l'âme pneumatique, et de la première, l'âme psychique; (il 
faut remarquer que ce mot psychique a toujours été employé par les gnos- 
tiques pour signifier une sorte d'infériorité naturelle deràme).Nou8 distin- 
guerons donc trois sortes d'âmes ; l'âme psychique, l'âme logique, l'âme 
pneumatique ; la présence de l'une dans le corps humain, emportait celle de 
l'inférieure, si l'homme était plus que psychique; car la différence entre les 
hommes venait de la différence qui existait entre leurs âmes. 

Cette âme ainsi déterminée avait des affections, c'est-à-dire, des passions, 
desappétits, eldansTenseignemenlde Basilide, ces affections se rattachaîenlà 
lame d'une manière tout à faitextraordinaire, de sorte quel'on peut dire, qu'elles 
lui étaient plutôt extérieures qu'intérieures. En effet, ces appétits ne naissaient 
pas de l'âme elle-même, ils lui étaient étrangers et venaient s'ajouter à elle 
comme des excroissances, comme des appendices de sa nature, appendices 
qui étaient pour elle la source des mêmes désirs que ceux qui sont naturels aux 
s ou aux animaux. Pour en expliquer la nature, nous ne saurions mieux 



Tûv àvepiiitiiiv>.iyEiï; 'ESiârtil''. iitlv^xBijv, Srnov îBpn<ia,y.Ti 3îy),ô[uvo( iïiipyiiii»' Tr,îTÛv xaKiiv Êinïuv.i»î 
airèi; AlTloà(iEïot, tsà où |ia](E<Fâ|uva; Taît tûv itpooaptiijuiTUv ^lai;. Aeî îl t^ )>»ïi(rTixû xpif-nova: 
ïtïOliivou; Tii; iiôrtovoe Év r.jiïv xn'nu; çiv^vai xpaTùûvTn;. {Strom, lib. U, cap. xx, Fatr. grxe., 
I. Vin, col. I(B7. Uhlhornrsdt peu de en» do ces parolea : Bei ClirineiiB Alexandriaus und Epiphanio», 
dit-il, besUian wir einige Fragmente des hidor. des SohEes des Bnsind^s. Diesa beiiefaen «ich àbtt 
meîM auf elhische Frï^en, mit deoen aioli laidor ïorwiagend beachflfliet lu babea lebeint. Sotlît stehl 
<r dem Vat-r Qocb sebr niho wie sieh... Nur iii der Angabe des Aleiandrioars Uidor haLe «wei ^eelen 
angenommen TÎe dia Pjtbagoraer kôiiiila eîne Abweichung liegen uml iwar der siiùlieren EuUvickalung 
eoHiirethend aine Hinuei-ung zura Duaijamus. {Tbii., p. 67.) Il n'y a îcE nulle déviation ds doctrine, 
puisque Clément d'Alexandrie nous dit lui-marne qu'Isidore arnil la même doctrine que sou père : wO 

' Oiîd; £<ni¥ 6 ncn' «ùraù; ytYOïijiÉvoc eou avSpurtm Jtïtu(»«Tiiib( Èv tiji +-J-/iinô. (PMI. lib. VII, I, n. E7, 
p, 361, nn. I£ 13.) A'io yàp Jj; ■f.^x.'t (ii«h«it«i )iï\ o-jtoç iv ruiiv. {Slro.,t. Ibiii., Pair, grxo, ib., 
col, 1057.) Uhlhorn embrasse l'avis da Clémsnt d'Alexandiie quoiqu'il ïoie dans ce Eyslème d'Isidow 
un dévelo|ipem«il ultëriear de Basilide (note prteédente). 



LE GNOSTICISME ÉGYPTIEN H5 

faire que de citer les paroles de Clément d'Alexandrie : « Les disciples de 
Basilide, dit-il, ont coutnme de nommer les passions des appendices (irpou- 
apr»5u«T«): CCS appendices dans leur essence sont des esprits ajoutes à l'âme 
douée de raison par quelque trouble et quoique confusion primordiale; de 
plus, d'autres esprits d'une nature différente s'ajoutent aux premiers, comme 
par exemple, ceux d'un loup, d'un singe, d'un lion, d'un bouc; ils entrent 
dans l'âme avec leurs propriétés, et les désirs de l'âme sont rendus semblables 
aux désirs des animaux, car les âmes imitent les actions des animaux dont elles 
possèdent les propriétés. Et non seulement l'âme s'acccommode aux désirs et 
aux images des animaux sans raison ; mais encore elle reproduit avec ardeur 
les monvements et les beautés des plantes, parce qu'elle a en elle-même les 
propriétés des plantes *. o Ainsi ce que les Grecs appelaient passions {jtbO»), 
les disciples de Basilide le nommaient appendices de l'àme; ces appendices 
n'étaient pas essentiels à l'âme, ils venaient s'y ajouter et recevaient à leur 
tour, comme autant de compléments, les désirs, les appétits des animaux et les 
propriétés des plantes, que l'homme imite s'il fait les mêmes choses que les 
plantes et les animaux. En résumé, l'homme reçoit eu lui-même les pro- 
priétés les plus contraires à sa nature propre, et cela vient d'un bouleversement 
primitif, d'une confusion première qui jette en lui les choses les plus hété- 
rogènes. Pour expliquer cette confusion, une allusion des Philosopliumena 
nous apporte un grand secours: « Toute cette doctrine des Basihdiens, dit 
l'auteur de ce livre, a pour fondement la confusion de tous les germes, le dis - 
cerneraent et la restitution à leur état primitif de tous les germes confondus '. »> 
Nous parlerons de ce discernement, de cette restitution lorsque nous expose- 



' 01 i'iiiçt Tâv BainleîSi]v npoonptVituiTa là itàfn 

a, çtpouo-i, Toûtcuï ta ïpT« [ulioûvTai- xa'L «ù |iôv 



iliïv EJùSaoïv Kvtù^aTii xiva laOta xok' aûaîav 

I ^.ÙKQu, ni&^KOU, VfevTo;, Tpâyou* ûv ta liiùtuiTa 
coïî ïùoi! ISitijixca tîsnûioOv Jiïouoiv, 'Qv fàp 
' Taïî âp|iaï; xal qittVTaafoiiî tùv ^lifim fiiwv 



iIxeisOvtui, ilXà %i\ iputCiv xiv^|iaTa kbI xàlXi] l|ri)L«uoi, Sià ib xa\ ipvt&v [Siiù^ito 1cpain)prr,|ii» 
çfpciv. 'Ex« ^''- "ol Iktiiii liiùiJ,aTa, olov àfâiiavTo; iiXi\fla.i. (Strom. iîb. Il, cap. xx, Pair, grmc., 
t, Vni, col. t05(!.)I>ans celle édilioD, il y h beaucoup de Taules; doub avons pris la liberté de corriger 
oe qui nous Bemblait devoir Aire corrigé. Uhlboru cile ce passage el regarde la doctrine (les si'pfndîces 
comme propre à Basilide : cepeudmil Clément ne parla ici que dts diEciglcB de Ësailide, el ntus no 
voyons pas pourquoi cet auteur rejette ailleurs ce qu'il admet ici.(Cr. Ublliorn, Vos liaiH. Syt., p. j4. 
— Bout, Gnoiis, p. 21. — Neander, Kirchtgetchiohte, I, II, p. 6%,) 

'"OXi] yàp aÛTÛjv ùkIAsbh, av-fyyni oUvct icav^niptila; xm'i çulaipivriiTi; xa'i àinixaTaSTaoi; tùv ou^xe- 
XUfiJvwv eCc Ta aixtiB. (PAiloi,, lib. VU, i, n. !7, p. 36â, lin. 12-14.) 



iïQ LE ONOSTICISMB KQYPTIEN 

rons la Rédemption dans le système de Basilide ; il nous suffit de noter ici 
que cotte confusion première de tons les germes fut précisément la cause de 
tout ce mélange de propriétés, que Basilide jetait dans Tàme humaine, qu'i' 
faisait logiquement participer à tous les appétits de ces germes devenus 
animés. En parlant du Jésus de Basilide, nous montrerons comment s'était 
faite cette confusion; mais déjà ce que nous venons d'en dire suffit pour nous 
faire comprendre comment Clément d'Alexandrie pouvait comparer l'homme 
de Basilide au cheval de bois bâli par les Grecs pour prendre Troie, car cet 
homme renferme en lui-même les germes des créatures les plus dissembla- 
bles*. Les paroles de l'autour des PhUosophumena nous expliquent aussi 
ces mots de « confusion première (^avyyy<jiy à^yty.'nv) » qui, jusqu'à la 
découverte de cet ouvrage, étaient restés inexplicables; celte confusion, 
comme l'a fort bien remarqué M. Uhlhorn, n'est que la confusion de tout le 
trésor des germes en puissance (^ a^yyaii rvi; TtovoTtïpyfaç ) =, et de cette 
confusion, la thèse de l'émanation reçoit encore ici ime confirmation qui, 
pour être indirecte, n'en est pas moins éclatante. 

A cette âme ainsi composée, Basilide affirmait que la connaissance de Dieu 
était naturelle, comme nous l'apprend Clément d'Alexandrie dans les paroles 
suivantes ■ « Si, en effet, dit-il, on peut connaître Dieu naturellement, ainsi 
que le pense Basilide, qui appelle la foi rintolligence élue et un royaume, une 
création digne d'essence (?) et rapprochée de celui qui l'a faite, car il affirme 
que la foi est non une puissance, mais une essence {?), une entité réelle, 
une substance, une beauté quelconque de la créature récemment découverte, 

et il ne veut pas qu'il soit l'assentiment raisonné d'une âme libre ^ » 

Certes, la raison serait d'accord avec Basilide, s'il voulait affirmer que 
l'homme en se servant de sa seule raison, peut arriver à la connaissance 



e ffjYjiuatc dep :tïvmtip[i{ii 



lib. II, cnp. XI. Ihid., col. ICSfl nt lOjl.) 

■ So lialiua die ErkUnuK; Uer ■ sji7uvic iy/y*'k "• ^^ ' 
Anfaa^, èv 'Apx^: sluurand. (Ublhoni, op. cil., p. 44.) 

xalûrvvxi xiiiTW oùffîau: àtiav.ToS Tio;no-ïïTo; ■Kitiaioiiinifixn, aÙTT|V fpiMviiujv oOoiav, 41).' oix ilti<i'\ii 
xa\ çùmy x»'i ùitôitTaoïv XTiaibi; Ivun'pflirav xiJio; àiiopiorov. o\-^ îl i(iuxîi; aoTiJouaiou Xo^ix-nv a-jyti- 

iltvK, JiiTK tjlv «.oTiv (Sfrom., li'j. V, cap, I. — Pair, grmc, t. IX. col. 12.) Le fexio renferme 

beiucodp d'iasorreetioa» : nou^ nom sommai urri dei eorrectioaf tiropoaéei par M. Uhlham. 



LB GNOSTIGISMB ÉGYPTIEN 117 

de Dieu, car c'est rensoigiioment de la plus saine philosophie et le grand 
honneur de la raison humaine; mais tout autre est sa pensée. Il affirmait que 
rhomme connaît Dieu naturellement, par le seul fait que l'âme est âme, parce 
qu'il enseignait que la fui n'est pas un acte libre de l'âme; d'après lui, la foi 
n'est pas une puissance de Tâme capable de se dév(4opper et de se fortifier, 
c'est une substance, une essence, un être inhérent à l'âme élue, c'est-à-dire 
à l'âme pneumatique. D'autres paroles de Clément d'Alexandrie vont encore 
expliquer cette doctrine de Basilido. En effet. Clément, argumentant contre 
le philosophe hérétique, dit : « S'il en est ainsi, si l'on peut connaître Dieu 
naturellement, si cotte connaissance est due à l'âme, les commandements 
contenus dans l'Ancien Testament et dans le Nouveau sont tout à fait inutiles, 
puisque Ton est sauvé par la seule nature, comme le veut Valentin, ou 
puisque l'âme est fidèle et élue par nature, comme l'enseigne Basilide *. » 
Dans un autre passage. Clément d'Alexandrie ajoute : « Basilide enseigne 
que cette élection de l'âme s'est faite en dehors de ce monde et qu'elle est 
hypercosmique de sa nature *. » Ainsi cette âme élue est étrangère à ce 
monde; elle n'y est descendue que pour ôtre honorablement punie par le mar- 
tyre, pour expier les fautes commises dans une autre vie ^ : c'est l'explication 
qu'en donne Basilide, explication qui nous rejette tout à coup dans un autre 
monde d'idées, mais qui se comprend cependant, si l'on veut se rappeler que 
rame humaine était émanée des Anges de l'Hebdomado; que ces Anges, par 
leurs divisions, leurs querelles, étaient devenus la source immédiatement supé- 
rieure du mal terrestre; et l'on aura ainsi la véritable expHcation de ces fautes 
connnises par les âmes dans une autre vie. Au fond, cette explication repose 
sur cette confusion primordiale dos germes dont nous traitions plus haut. 



* rio(p£).xo«j<Tt Toivuv al è'vToXoii, aï xt xarà tt^v wa).aiàv, at tî xaTa xi^v vlav AiaOY)xr,Vy çu«Tgt <ro>![o(jivou, 
co; OjaXevTÎvo; ^o-Aixan^ xa\ ç'jtsi miroO xai £x).£xtoO ôvto; ro; Ba«TiXei5rj; vofiiÇei- tjv 8'av ^a\ol tt,; toO 
l<oT?,po; 7ra,oou<i''a; ypivro iroîà àvaXatuj^ai ôJvaTOai t9iv çut'.v. El 3s àvayxaîxv tyîv èiriî/jiit'av toO KvpCou 
9r,<Txi£v, oî/îtai avToï; xi t^; çjTîfi); l5:w|xaTa, [xaOr,Tît, xat xaOâpcxîi xai tfj tùiv êpytov eOicota* olkV ou 
çuTSi T.olI-);if;r,; tï^; IxÀoyT',;. {Sti'jin.^ IbiA, — Ibid., col. 12- IM.) 

* Ka\ èvTsO'Jtv Çîvrjv tt,/ £x)oYf,v toO x67|jlo'j £i>Yj/ivai XlyGi, rô; av vir£pxô<r|JLiov çJ<T£i oùffav. (Sfrom., 
lib. IV, cap. XXVI, Pair. (jr:ec.^ t. VIII, col 1:^70.) Le texte port" £t>Y]9fvat, qui n'a aucun fens dans 
ce paHsaj^e; nous avons 1 1 £t>.Y)/iva'. . dont la si.'niÛcatioa correspond mieux à celle du passade, comme 
le marque Uhihorn. (Op. cit.^ p. .'ÎD.) 

* \\yià x(ù BaTtÀEÎori t; 0:rôOî'n; irpottixaptriçaiiv 9r,Ti tt;v ^''^X^'' ^^ txipto (iîci), Tr,v xoXaiiv vtçojjlIveiv 
EvtaOOa, Tr,v |i.£v ixAEXTr.v imxiiiM; ôià |xapTjp;o"j, xr^u aA>r,v 8s xaOaipo|xivr|V oixet'a xoXà<T£(. {Strofn,^ 
Ub. IV, cap. xii. — Ibid., U Xlll, col. i20^.) 



LE QNOSTICISME EGYPTIEN 

fui, disons que l'âme élue, pneumatique, n'a pas besoin 



118 

Pour revenir à 

de démonstration pour trouver et croire la vérité, il lui suffît d'une simple 
compréhension, d'une pure intuition de l'esprit pour posséder toute doctrine*. 
En outre, la foi on élection a des degrés correspondants a chaque monde 
de l'espace intermédiaire, selon ce principe de similitude que nous trouvons 
toujours sous nos pas dans le développement de ce système ; si l'élection 
correspond au monde supérieur, elle connaît tout ce qui est iuférieur à co 
monde ; et de même pour tous les autres mondes, car nous avons vu que 
chacun des trois cont soixante-cinq cîeux connaissait ses inférieurs, sans avoir 
la moindre notion de ce qui se trouvait au-dessus de lui ^. On eonipn^nd, après 
cela, comment les disciples doBasilide pouvaient dêfiuirla foi «l'assentiment 
de l'âme à tout ce qui ne tombe pas sous les sens, par suite de la non-pré- 
sence '. » Si nous nous rappelons, en effet, que cet assentiment est une des 
propriétés de l'âme, qu'il n'est pas libre*, puisque l'âme possède ce qu'elle 
voit, qu'elle n'est pas libre de ne pas voir ce qu'elle voit, de ne pas posséder 
ce qu'elle possède comme une propriété iuhéreute à sa nature, nous compren- 
drons facilement que cette définition de la foi fut la seule que Basilide pouvait 
logiquement donner ; car cette foi n'était qu'un souvenir des choses vues dans 
un autre monde, souvenir plus ou moius compréhensif, selon que l'âme était 
d'un degré plus ou moins élevé, correspondant à tel monde de la hiérarchie 
des cieux. Encore là, nous retrouvons la confusion primitive et l'émanation 
indirectement confirmées, puisque l'âme possède par nature ce que nous 
avons vu être le propre des habitants des mondes supérieurs : cette posses- 
sion n'est plus, il est vrai, qu'un souvenir de choses absentes, mais ce 
souvenir est une preuve de son origine. 



' "EïtaOïa çuomiiv ^IToO""' ^^ '"'"'"' ol à^fi^ Baai)Lt(îT|Vii«Oi xai Énitî,? Jïldfr.ctâTTOuaivïOtijï.tà 
|i«Br|(t!rta àvomoasluTioî !jpt«(njijav xitaJi'fi+H vaiiitx^.(S(i'om.,lil]. il, cap. Iv. — lbîd.. t.VIIIjCol.Pii.) 

* 'Eti çiaW ol ini BaoïXtlJo'j, ■kItui à|ia xa! iïiioT»(V olxilav t'vai xaS' Êxasiov îi»ffTi;(ioc xon' iicaxe- 
loûh)^! ÉTaï TT,; itû.^tiii Tr,; ÛRipxaa{iio'Ji tÎ^v xqctiuxtIv àirâirr|< çùacroc ouvjirevfloii KJait, (Ibid,, Ibid., 

col. g«i.) 

' 'OplïovTKi yoOv o[ âne Baoïliiiou rriv irforiï, '^'J^ij; (rJïxOTaflECiv ■Kpôt ti ïûv (it| xivgûïtdiv »ïoBii«iv, 
iià ti |i^ napctvat. (Str., lib. II, cap. vt, — Ibid., i»)l. 961.) 

4 SeIbBl die oH fUr du OegeaUieU angenihrte S(elle(£lr.,H.6), warauch die Bnailidianer dcnOlauben 
de&airen sIsiVu]^; avrxaiiScoiv itpû( ti, elc, «ïdersprlciil dem Ïd der That iiiclit, veil damit nocfa gar 
nichl gesagl iat dass die«e Zuslimmung der Seele zu elwas, vas die iiinne nichl bewepi, neil et nicht 
gegenTirlïg iat ejne Iru lu îal, sondera dieselbe ebenEowoIil eiiie ifjaei vorhandene seïn kann UDd in der 
That, nacli den obigea Slellea «ein loll, so gut wie àbeu die xstbIiii'^i; vsijTixr, ala cine f uirix-^ bettimmt 
wird (Dblborn, Op. eO., p. 10). 



LE ONOSTICISMB ÉGYPTIEN 119 

La préexistence des âmes, telle que Tentendait Basilide, ne ressemble que 
de très loin, on le voit, à la préexistence des âmes telle que la comprenait 
Platon. Ce n'est qu'une émanation participant, dans un degré qui allait toujours 
s'aflaiblissant, aux i)ropriétés bonnes ou mauvaises du principe émanateur. 
Gomme le premier principe d'émanation dans le monde intermédiaire avait 
commis une faute d'ignorance et d'orgueil, en se croyant le seul maître de 
toutes les sphères célestes et de tous les mondes, cette faute fit partie de la 
transmission de son être en s'aggravant à chaque nouvelle émanation inférieure. 
Nous ne devons donc pas nous étonner, quelque contradictoire que puisse 
sembler cette nouvelle doctrine, nous ne devons pas nous étonner que Basilide 
ait enseigné que l'âme sur cette terre était, par sa nature même, portée à 
Terreur et au péché. Nous allons développer cette pensée en rapportant Tune 
des citations par lesquelles Clément d'Alexandrie nous a conservé le fragment 
le plus considérable des œuvres de Basilide. « Dans le vingt-troisième livre 
de ses Exégétiques^ dit Clément, Basilide parle ainsi du martyre: Je dis, en 
efiet, que tous ceux qui tombent dans ce que Ton appelle les afflictions, ou qui 
par imprudence commettent d'autres péchés, sont conduits à la possession de 
ce bien (le martyre), par la bonté de celui (|ui les fait accuser de choses tout 
autres, afin qu'ils ne souffrent pas pour ce qui est véritablement un mal, 
comme s'ils étaient des adultères, des homicides; mais ils sont accusés d'être 
chrétiens, ce qui sera pour eux une consolation, si bien qu'ils ne semblent 
même pas souffrir. Et si quelqu'un qui n'a jamais péché vient à souffrir, ce 
qui se rencontre rarement, cepenflant môme celui-là ne souffrira pas par 
suite des embûches que lui aura préparées la puissance, mais il souffrira 
comme souffrirait un enfant qui paraîtrait ne pas avoir i)éché. Donc, comme 
un enfant qui n'a pas péché précédemment, ou du moins qui n'a jamais 
commis contre lui- môme d'acte peccamineux, s'il vient à supporter quelque 
douleur, ce lui est un grand bienfait; car par cela il gagne un grand nombre 
de biens difficiles à obtenir: ainsi, si quelque parfait (reXeloç) qui n'a jamais 
commis un acte de péché souffre ou a souffert quoique chose, il souffre 
comme a souffert cet enfant, ayant en lui-mômo la volonté de pécher, et 
n'ayant pas commis de faute uni(picinent parce que l'occasion de ])éclier ne 
8*est pas présent'''e à lui; c'est pourquoi on ne doit pas lui faire un mérite de 
ce qu'il n'a pas péché. De môme, en effet, que celui qui veut commettre un 



! GNOSTICISME EGYPTIEN 



120 

adultère, est dtjà adullcre, quoiqu'il ne duive pas faire passer soo désir en 
acte ; de même que celui ijui veut coranicttre uu meurtre est homicide, quoiqu'il 
ne doive jamais tuer qui que ce soit: ainsi, si je vois souffrir quelqu'un qui, 
selon ma croj-ance, n'a pas péché, n'aumit-il même jamais fait de mal, je me 
dis qu'il est mauvais, parce qu'il a voulu le péché. Car je serai forcé d'avouer 
tout ce que l'on voudra, plutôt qufi d'avouer que la puissance prévoyante 
(TipowoCiv) est mauvaise '. » 

D'après ces paroles, il est clair que Basilide ne donnait pas plus à l'âme la 
liberté d'action que la liberté de croyance; selon lui, l'âme est par sa nature 
portée au péché et elle làillira nécessairemeut, ai l'occasion d'une eliose mau- 
vaise à faire se présente à elle : l'àmc ne peut donc se glorifier d'aucun mérite , 
si elle n'a pas péché. Tout cela est logique, ce n'est que la conclusion dernière 
des principes que nous avons exposés : du grand 'Ap);W, pécheur par iguo- 
rance et orgueil, sont émanés tous les êtres des deux mondes intermédiaire 
et terrestre ; tous ces êtres ont donc péché, tous sont mauvais par quelque 
endroit, ils le sont d'autant plus, qu'ils sont plus éloignés du premier anneau 
de cette longue chaîne d'émanations. Siiul, le dieu-néant est bon, n'a en lui- 
même rien de mauvais et il ne saurait être le principe du mal. Voilà comment 
Basilide avait résolu ce redoutable problème de l'origine du mal; pour lui, 
le mal n'était venu que d'une émanation divine trop distante de sa source 
première. Du reste, il poussa sa logique jusqu'au bout, et comme nous t'avons 
entendu parlera propos de la création dos mondos, nous l'entendons dire ici 
de nouveau : m Mais après tout ce que je vions de dire, si tu veux me réfuter 
par un exemple en disant : Celui-ci a donc péché parce qu'il a souffert : avec ta 



^ Bx^iydii); ii ev tù (Ikoittù ipitifi t£iv 'E^ffiTiHâv -ntpX tùv xarà ^i ilocpTÙpiav xsXaïatiivwv s-jTaï; 
itÎEffi tiSt çijffl' « tlti;!.! Tip ti, ijtîooi (iinitîitrouiTi tbIs Xeybiléiii; OXii^isiv flioi iiji«pTi]x4Ti( îv l&Xoi; 
Xaitàvo-JCE; icïa;ii|iï(ïi', il; toOto s£ïoviii t4 ayaSoy ^pi\Tcitfi^ ToO TtipiciYOïTO!, àXii 1^ îXiuiv Svno! 
lyvxloJlLtvMt Ivoi 11^ b>E xitàSnai ïvixisal; i]),iXtf[a\i^iKi icâfluTi, (tijÛ XoiSapoùtuvoi m i iiii^ifii) ù 
çoïtÙ!, 4XÀ' on 5[?iTiiavû\ itifuniiî;' ânip aligiç iripjjTop^ijd Hijîà jiàir>;iiv îoitttv. Kîv [li] T][iipTnHi>( 
Vàlw; tiç îirt ïi itïïtiï ïivumi, aniviov |iiï, aiV oOjà oSto; xat' îitiSoûXiiv îu>ià(inô( ti murttai, èîii 
miaix-u ûi 1«1V];£ »i\ ta ii\ia<fi ti SasaOv où^ T,|iipti]afvai. s ElS' ânaGi; tcakii inifipEi. • 'Q; o^v si 
viiniav a j iipa9j-,|upTT|i<i; \ iv^più; |ilv aùj T,)iipxn*i: ajiÊv, îv ixutù ti ti &[>ipTT|aiii ttat, cRiv bn»- 
ffi.ifii ti iriBttt. e-jEpi-Ettîta! ti, «olii xipîïhov SûirxaXi- ovtukj'i Î;^. xÎi liXciet piiiièv ■Jip.aptiixài! ifp-rtii 
rj'^, ïj"' P^* " n^tû Til i]iipti]Tix!iv, âfa;)|i,i]v Si irpi; rà >;|ixpT>;xévxi p,^ Xa^y, aùj( *)(iâpTiv(V. 'Um' 
oùx aJtÛTA |i^ Ap.3|iii)iTXi Iq^KREav. 'a;ràp i p.ai'j;fOaii Bcloiv |iaij(0( îtrri, xtv toQ (laijriûrii» p.ri iiEiTÙ^ig 
«ïi i «iiilTli pîïO» lli*u)v ôvapijpsïl; ÈiTTi, xîï (li] SJviiTai çoviOoii' aùrWi îà xi'i t6v à»ap:ttptTiioï, Ôï 
>(ïiii, (iv Uw ngia);ovri, xSv (ir,ô:i ri xix'rjv «(Kpi-/<j9(, xaxîiv Èpfii tô eÉXMi 4|ilpTàv£iv. niiï' ipûi -pp 
liSÂXav, Tj MaXDv Ti npoiaoDv Jpû» {Strom., lib. IV, cap. xii, Patr, grxc, t. Vltl, col. 1286 et 1201.) 



LB GNOSTIGISMB BGYPTIBN 121 

permission je te dirai : Il n'a pas péché sans doute, mais il était semblable à 
Tenfant qui souffre. Et si tu me pousses encore plus loin, je te dirai que tout 
homme est homme et que Dieu est juste, car, comme Ta dit quelqu'un *, 
personne dès sa naissance n'est pur de tout péché ^. » Basilide, par ces paroles, 
visait le Sauveur qu'il disait n'avoir été qu'un homme, et que la logique de 
son système le forçait d'affirmer pécheur. Ce que nous avons à dire sur Jésus 
éclaircira cette affirmation ; qu'il nous suffise maintenant de foire observer 
combien peu Basilide avait souci de la liberté humaine. Les paroles de son 
fils Isidore, paroles que nous avons citées plus haut, n'affaiblissent en rien 
cette désolante doctrine du père ; elles prouvent seulement que le chef avait 
horreur des conséquences pratiques que les disciples liraient des leçons qui 
leur étaient données. Malheureusement, ces paroles ne portèrent pas beau- 
(K)up de fruits ; ce que nous savons des disciples de Basilide ne nous le montre 
que trop. 

Cette doctrine de Basilide devait s'exprimer dans la vie par une certaine 
passivité et flexibilité de l'âme : les disciples du philosophe hérétique devaient 
mépriser les mets consacrés aux idoles ; mais le cas échéant, ils pouvaient en 
manger sans le plus léger doute, car en les mangeant ils ne péchaient pas^, 
ou, comme nous l'avons vu, ils ne péchaient que par suite de leur nature, par 
ignorance ou involontairement. On pourrait se demander ce que signifie ce 
mot involontairement dans un système qui supprimait toute liberté et qui 
rendait responsable des péchés commis parce que la nature humaine y est 
portée ; cependant le mot se trouve et Clément d'Alexandrie nous assure que, 
d'après Basilide, les péchés involontaires pouvaient être seuls remis ^. Cette 
passivité indifférente de l'âme se traduisait dans la question du mariage, par 



^ Jo6., cap. XIV, ver. 4. Juxta lxx. 

* EWOiropàc irspi xoO Kuptou dtvtixp'j;, w; icspi àvôp'jmov Hyti' « *E«v jisvtoi irxpx/.tirwv toOto'j; airavTx; 
ToOc Xoyou; èD.(hr,; iit\ xb fi-jawireiv (ae, Ôià irpoawirwv tivôv, et Tuxot, Xfywv, *0 ôeîvx ouv Tj^iLapTev sicxOev 
"Xàp à Setva* eàv jièv eictTpiwr,;, epô)* oOx "nixaptev piàv, o|xoto; Se tjv xm Tràoyovxi vtjTtiw' ei jiivToi 9ço6p^xepov 
cxptàaato xbv Xoyov, ep(i>. "AvOpcoicov, ovxtv^ av ovo|xâ(Tr,;, avOpcoicov eivai, Stxaiov 8i xov Osov « KaOxpè; 
yàp o'j5s\;, » (tfoicsp eîirs xi;, « àicà puirou. » (/6îrf., col. 1291.) 

3 Contemiiere aut^m idolothyla et nihil arbitrari, sed sine aliqua Irepidatione uti eis : habere autem 
et reliquarum opéra! ioiium usum iodifTerentem et universîc libidinis. (Iren. lib. I, cap. xxiv. Pair, 
grœc^X. VII, col. 678.) 

^ nXi^,v ovôè icdaac o BadiXeiôr,; çtit'i, (lova; ôà xà; àxouaiou; xxl xxxà dtyvoiav àçie^ai xaOàicep àvOpcôicov 
xivb;, kW O'j OeoO, xriv xoaavxr,v 7rxpsxo|xfvov dwpéav. {Strom,^ lib. xi, cap. xxiv, Pair, grac, t. VIII, 
coi. 1 :6i.) 

iô 



122 LE GNOSTICISME ÉGYPTIEN 

le conseil aux uns de s'en abstenir, et par la permission donnée aux autres de 
s'en servir ; jamais il n'était représenté comme une œuvre de Satan *, et c'est 
la signification qui ressort des paroles suivantes que Clément d'Alexandrie a 
extraites d'un écrit d'Isidore, le fils de Basilide : « Supporte avec patience une 
femme méchante, écrivait Isidore, afin de ne pas perdre la grâce de Dieu, et 
lorsque tu as émis le feu du sperme, prie avec la conscience tranquille. Mais 
lorsque de ton état d'eucharistie, d'actions de grâces, tu seras tombé à l'état 
de simple demande *, et si ensuite tu restes debout, tout en ayant sans cesse 
des chutes et des défaillances, .prends femme. Que si quelqu'un est jeune, 
pauvre et infirme et que selon mon conseil, il ne veuille pas se marier, il ne 
doit pas s'éloigner de son frère, mais dire : Je suis entré dans le lieu saint, je 
ne puis rien souffrir. Si quelque soupçon s'éveille en lui, qu'il dise: Mon 
frère, imposez-moi les mains afin que je ne pèche pas ; et aussitôt il sentira 
l'eflTet de cette imposition dans son âme et dans son corps. Il n'a qu'à vouloir 
faire ce qui est bien pour obtenir le bien. Mais quelquefois nous disons seule- 
ment de bouche: Nous ne voulons pas pécher; et notre âme ne soupire 
qu'après le péché. Celui dont tel est l'état ne fait pas ce qu'il veut, par crainte 
du supplice. Cependant, certaines choses sont nécessaires à la nature humaine 
d'après sa propre constitution. Ainsi, il est nécessaire et naturel d'être vêtu ; 
la volupté charnelle est naturelle, mais n'est pas nécessaire^. » A les prendre 
telles qu'elles sonnent, ces paroles ne sont pas contraires à la morale ; cepen- 
dant elles renferment une maxime dangereuse : a II suffit de vouloir ce qui est 
bien pour posséder le bien, » ce qui peut se prêter à beaucoup d'interpréta- 
tions. Mais laissons à Basilide et à son fils ce qui peut témoigner en leur 



* Strom. Hb. Hl, cap. i, Ibid., col. 1097. 

2 Nous avons ici deux é!al8 de l'àme du fidèle basilidieii, l'eucharistie (acUous de grâces eO^xp^rria) 
et la simple demande (ait /}(n;). C'est ainsi que Ton trouve dés les premiers siée es deux des degrés de 
roraison mystique. 

^ *Av|-/ou Toivuv, çfjit xaxà XlÇtv ô *Ii:5(i>po; ev toi; *HOixoî;, |iL«-/î{i.r,; yvvatxï;, ivx |i9) àitOTraffOr,; t>5< 
^apiTo; toO BîoO, tôte irOp àiroTTrepixattia;, Êj<n»v£i5r|To>; irpoiEÛ/r;. "Otav ôl f, EOxiptiTt» «rou, f /;<rtv, 
il; alT/jTtv (»iroiri«i7), xxl «tt>,; to Xotitov ou xatopOwtrat, àXXà (i9i «T9x>.r,vxi, yâjiTjTOV 'A».à vÉo; rt; £<ttiv, 
?î «évr,;, y\ xotToiçEpiPi;, xal oj OiXsi yriiioti xxtà xbv X6yov oî»to; toO àÔE^çoO (i9) -/(optCéaOb), ytyixto on' 
'Et7Ê).r;).jOx Eycô Et; ta ayix- oOîkv S^vapixt icaOeTv. *Eàv ôè ♦ir^ivoiav ê^t), eli^ixio' 'AôeXçÈ, in'Jiiç jiot Trjv 
•/Eîpa, Ux (i9) à|jLxpTr,(Tw xal "kri^ixyn poi^Osiav xxl vorjTVjv xal ai(jô/)Ti^v OsXr^iaTfo ia-^vov àirapTfiiat tô 
xxXôv, xx\ imTi'lixxi. 'Eviote Se T(o pièv (TTipiaTi Xsyoïxev Oj QéAojisv à|ixpT>,iai* f, ôè dtàvoia Eyxeîtai Èm tb 
àjiapTâveiv- *0 toioOto; 8ià ç46ov oj iroteï b OlXet, îva (iy) r, x6Xaii; aOtu) eXXoyt«T6?i. *H ôè ivOpwicÔTvi; 
iyti Tivà ivayxaîa xxi ?j«Tixà [lôva* ê-/Ei fis to TrîpiêâXXiTOxt àvayxaïov xal çuaixov 9vaixbv 8s xb xûv 
àçpoSidiwv, oOx àvayxaïov 51. {Strom»^ lib. III, cap. i. — Patr, grœc, t. Vill, col. iiOl et 1104.) 



LE ONOSTICISME ÉGYPTIEN 123 

faveur, quoique nous devions avouer que les conseils ainsi donnés semblent 
avoir été nécessités par la conduite des disciples ; car tous les auteurs des 
premiers siècles s'accordent à dire que les mœurs des Basilidiens étaient 
impures, que Basilide doive en être responsable ou non. Sa doctrine devait 
avoir de telles conséquences, surtout dans le monde où elle se développa : 
peut-être eût -il reculé lui-même devant les horreurs de vices monstrueux. 
Tels sont les renseignements qui nous sont parvenus sur la cosmologie et 
l'anthropologie de Basilide. Leur intime connexion ne nous a pas permis 
de les séparer ; tout s'enchaîne dans ce système le plus logique et le plus 
profond de la gnose égyptienne. Ce qui vient d'être dit sur la foi pourrait 
sembler plus théologique que philosophique : nous devons dire cependant que 
nous ne le croyons pas. La philosophie est à chaque instant mise au service 
de la théologi<?, et la différence de leur méthode suffit pour empêcher de les 
confondre : ces deux remarques feront comprendre nos paroles et notre dessein 
en donnant autant de développement à une partie qui semble s'éloigner de 
notre sujet. La liberté de l'âme et les principes de la morale sont du domaine 
de la philosophie plus que de la théologie. En outre, cette partie du système 
de Basilide est assez originale pour que nous ayons du lui donner les dévelop- 
pements qu'elle comporte, même en paraissant ne pas nous soucier de la 
proportion de nos divisions. Maintenant que nous avons terminé cette seconde 
partie de notre exposition, que nous connaissons le monde supérieur, le monde 
intermédiaire avec ses sphères peuplées d'Anges, le monde terrestre et la 
constitution intime de l'homme, il nous fiiut faire un dernier pas en avant, 
assister au troisième acte de ce grand drame forgé par un esprit puissant 
quoique bizarre, et exposer ce que Basilide enseignait sur la Rédemption. 



III 



LA RÉDEMPTION d'APRÈS BASILIDE 



Après ce que nous venons de dire sur la nature de Thomme et de l'ame 
humaine, il peut sembler étrange au premier abord que Basilide ait cru devoir 
ajouter à son système une sotériologie compliquée. Mais le fait même de la 
Rédemption qui est la base de la religion chrétienne, non moins que 



124 



1.E ONOSTICrSME EGYPTIEN 



les traditions de tous les peuples dont les livres sacrés contiennent des 
esquisses plus ou moins profondiîs de la Rédemption, aurait forcé Basilide 
de donner à sa doctrine ce complément obligé, lors raèine que cette doctriae 
n'eût pas disposé toutes les parties de l'édifice de manière à demander une 
rédemption quelconque pour couronnement. Puisque le mal est partout 
dans le système de Basilide, depuis l'Ogdoade jusqu'à la terre, s'il voulait 
donner au bien la victoire finale et faire disparaître le mal, le philosophe 
égyptien avait besoin d'une rédemption. Cette rédemption, nous allons l'expli- 
quer telle qu'il la comprenait, autant que nous pouvons en juger d'après les 
minces renseignements qui nous sont parvenus sur ce point. Là encore, les 
Philosophumcna nous serviront de guide, et nous compléterons les rensei- 
gnements que nous y trouvons par ceux que peuvent nous fournir nos 
autres sources. 

Lors donc que tout fut créé et que les trois mondes furent parfaits, comme 
nous l'avons vu, il restait encore, dans le grand trésor des germes en puis- 
sance, cette troisième Vikni qui, jusque-là, n'avait pas trouvé son emploi dans 
cette vaste création. Cette tiàrtii qui était demeurée dans le trésor dos germes 
pour y faire du bien et pour en recevoir à son tour, devait nécessairement être 
manifestée aux mondes et aller prendre possession de sa place à côté du dieu- 
néant, près duquel l'avaient précédée les deux premières ïisniî *. Ce n'est 
qu'après la manifestation de cette dernière Fiîiêlà que la rédemption devait 
sortir avec son plein eOcl, c'est-à-dire, comme l'enseignait Basilide, que le 
discernement des germes confondus dans les émanations inférieures devait 
avoir lieu, afin qu'ils fussent rendus à leur monde primitif. Mais avant d'ar- 
river à ce point définitif, Basilide avait à faire plus d'un circuit. D'abord, 
dit-il, depuis Adam jusqu'à Moïse, le péché a régné en maitre sur la terre, 
car c'est ainsi qu'il est écrit : ce qui signifie que le grand "Apxwv a gouverné la 
création étendant sou empire jusqu'aux limites du monde supérieur, persuadé 
qu'il était le seul Dieu et qu'au-dessus de lui il n'y avait personne : tout, en 
efi'et, était gardé dans le plus profond silence et c'est là le grand mystère 



* T«e\ oiv ntlliffrai xst' oÙToiit à xiviia; Sla« xil ta ùncpxôviiioi, xai ima ivitit aùSèv, IciKtiai &i\ 
I* TÎj iiiï«Kp[i£qi »| nirriî n TpiTi] 7] xïTayiïiimi'ïi] ir,9Ô( To t-Jipïtttîv Xll tÛlpî'ÉTtllrtai il TÛ oit£piiaTi 
XoA S'i niv (iiii>XcXti|>p.iviiv Viiniix inaxiiupSitvai xxl ànoxitTXirtïivti âvu Éx:î {nàn ià MiD^piov nvEûp^i 
«pi; ■ri]ï nitijTï T^ ItitTOiup^ xïi T^Y iiiniTix^ï, xxi TÔï 0-Îk 'Oui. {Philo',, lib. VII, 1, n. 25, 
p. SX, Un. 13-U et p. 3&7, lin. 1-4. 



LE GNOSTIGISME EGYPTIEN 125 

caché aux premières générations ; cependant, il ne pouvait en être autrement, 
puisque le maître absolu était alors le grand "Apx^v de TOgdoade *. Au con- 
traire, depuis Moïse jusqu'à la naissance du Christ, c'était VA.px'^^ de 
THebdomade qui régnait, "Apx^v qui peut être nommé et qui a* dit : Je suis le 
dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, et je n'ai révélé à personne le nom de 
Dieu. Aussi c'est depuis ce temps que les prophètes commencent à prédire la 
venue du Sauveur, au nom du dieu de l'Ogdoade, dit l'auteur des Philoso- 
phumena *. Toutefois, même à cette seconde époque, notre terre était enve- 
loppée d'ignorance, car il était nécessaire qu'avant la manifestation des 
enfants de Dieu, manifestation attendue au milieu des gémissements par 
toutes les créatures. Evangile allât de monde en monde porter le salut 
et la science ^, C'est à cette nouvelle et dernière émanation qu'est réservée 
le principal rôle dans l'œuvre de la rédemption de tous les mondes. 

Qu'est-ce donc que cet Evangile? C'est, dit Basilide, la connaissance des 
choses supérieures, telle qu'elle a été manifestée, la connaissance de ces 
choses qu'ignorait le grand ""Apx^v de l'Ogdoade *. Or, ce grand "Apx^^v de 
l'Ogdoade ignorait l'existence du dieu-néant et de la triple Tiémç : Evangile 
au contraire, connaissait ce qu'il en était du monde supérieur, il le connaissait 
d'après sa propre nature, car c'est là un des points fondamentaux du système; 
s'il le connaissait d'après sa propre nature, c'est qu'il devait appartenir à ce 
monde supérieur, et il ne reste plus qu'à tirer cette conclusion. Évangile 
est la première Tiomç qui avait pris la place qui lui appartenait près du dieu- 



^ Mlypt (ièv o^v Mfi>a£(i)C àicb *Adà|i, lêavfXeuaev r\ àtxapTta* xxOca; yiypoLitxoLi' c6x(riXsu(rs yàp à (léyac 
"'Apxcov, 8 e^wv To xD.o; a-jxoO [t^ix?^ aT£p6W|iaT0c, vojxiÎJcdv ocjto; givai Oeo; (lovo;, xal ûwèp aùxbv eîva 
|&y)dév* Trdtvxa yàp y)v 9;jXa«T(T<S(iLevx àicoxpOçM (Ticonr,. ToOto, 9Y;(Ttv, eoTt to {xuarriptov o xai; icporépat; 
ytveatc oux lyvcoptaOyi, ÂXXx y)v ev exeivoi; toi; */p6voi; pxviXeù; xx\ xupto;, (o; èSôxeti Tâ>v oXcov à i&lya; 
"Ap'/wv, Y) *OySoà;. {Ibid., p. 357, lin. 1>-16.) 

* 'Hv ?è xai tojto'j toO 8ix<mn[xaTo; pxdtXeù; xxt xupto; f, *£ê2o(Aà;, xxî gortv y; jiiv 'Oyîoà; ôtppyjTo;. 
^yjTo; 5è f, *£^0(Aâ;. Ovto; £«tti, çr,(jtv, ri t^; *E6?o(ià5o; *'Ap*/<uv i XaXf,<ix; t<o Mfoua^ xai eiirtov 'Eyco 
à Oeb; *A6pas((Axai *Iaaxx xxt Ixxtao, xxl to ôvo{xx toO OeoO ojx i^r^.tûtrx avTot(.....lIàvTe;o'jv ol Tip^iÇ/iTat, 
ol nph ToO Xair^ipo;, çr^aiv, èxsïOâv sXdtXr.ixv. (P/ttV., ib., p. 358, lin. 1-7.) On ne comprend pas très bien 
pourquoi les prophètes ont parlé au nom de TOgdoade. 

* 'Eirei ouv lÔei aTroxxX'jçÔTÎvxi, ç?)o\v, Vifià; tx tIxvx tou 6eoO irep\ wv eaTlvxÇe, 9»i«itv, i?i xTiat; xx\ 
&$'.vev, x7r£x8£XO(iLSvY) TTjv aiçoxâXur|;:v, y)XOe to lilvxyylXiov el; tov x6<t(aov xa\ $if,X6E ôix irà<ni; "Ap'/yj; xxl 
*EÇou9tx; xai KupiiTTjTo; xxi icàvTo; ôvofxxxo; ovo(ix!îo|iLivo'j. (/ôid., p. 338, lin. 7-11.) Il est évident que 
par ces motsicàvxo; ovopiaxo; ovo(xx2[o{xsvov, il faut entendre les trois cent soixante-cinq cieux qui avaient 
tous reçu un nom particulier : notre sentiment à ce sujet reçoit une preuve péremptoire, (-."est Basilide 
lui même qui leur avait donné ces noms. M. Dlhorn n'a pas fait assez attention à ce passage. 

* E-JxyyéXiov e<TTi xxx' xùxoù; r\ tûv T^icepxovfxîcov yvàxriç, w; Sefi^^Xcoxai, t^v |ièv i |&lyac "Ap^tov ovx 
^jw-araxo. (Philos,, lib. VII, 1. n. 27, p. 3d5, lin. 4-6.) 



126 



LE OKOSTICISME EGYPTIEN 



néant (tiepyezftaSca) et devenait le moyeu et l'intermédiaire du salut qui devait 
sauver les autres mondes {tùtpyc-.ùv). Evangile n'est pas, en effet, un être 
idéal, c'est une substance semblable à toutes les autres substances émanées 
que nous avons vues agir dans ce système ; car penser qu'il serait la seule 
idée, la seule croyance non réalisée sous une forme quelconque d'émanation 
substantielle, est déjà une assez forte preuve pour croire et affirmer que cela ne 
devait pas être et n'était pas. Or, cette première Tîsnjî ou Evangile, manifes- 
tation de]a Filiéld qui ne quittait pas le monde supérieur oii elle avait été 
appelée avant l'heure de la Rédemption, Evangile, disons-nous, descendit 
dans les mondes inférieurs. Los pensées de la Fiiiété volaient au-dessus du 
mieûya-limite; celui-ci les saisit et les transmit au fila du grand 'Ap;(uv de 
rOgdoado, et ce fils reçut les pensées de la première Tlmij et s'éleva jusqu'à 
elle, c'est-à-dire, la connut, comme on voit le naplite s'allumer et brûler 
quoique placé loin du feu *. Tel est le mode d'action d'Evangile ou plutôt de 
la première Tlôm;, car Evangile n'est qu'un nom nouveau indiquant son nouveau 
rôle, .'\vant d'aller plus loin, nous devons faire remarquer qu'Évangile est 
manifesté d'abord au fils du grand'Apxwi' ; nous verrons que, d'après le prin- 
cipe de similitude des mondes, il en sera partout ainsi, dans l'Hebdomade 
comme sur la terre. 

Evangile alla donc de la première Timiç au fils dn grand 'Ap^"" '^'^ l'Ogdoade, 
et jiar ce fils assis aux côtés de son père, il illumina V'kpyyiv lui-même, et le 
Seigneur de l'Ogdoade ineffable connut alors qu'il n'était pas le seul Dieu et 
le maître unique de toutes choses : il vit qu'il n'était qu'une émanation et 
qu'au-dessus de lui se trouvait l'inefllable dieu-néant et le trésor de la triple 
Tlôraç ; il réfléchit et la crainte s'empara de lui à la vue de l'ignorance dans 
laquelle il se trouvait *. 11 commença donc d'avoir des pensées pleines de 
sagesse qu'il recevait du Christ assis à sa droite ; il apprit ce qu'était le dieu- 
néant, ce qu'étaient la triple Tion^ç, l'Esprit-Saint, Tordre élabli dans tous 



vii iixxipi'e'j dJi iviO( HtïO. 'AWà ;>? nsSàmp i tà^K ' 'Ivimà;, àfB:(; jj^ivsv wxt nàvu iratioC iiao- 
T^|tiTO;, mnânTK nOp. a'jTiii xJTU^iv ftiOi Tr,; à^iop^fa; tdû rnupaO £tr,]iQUStv al Euvâtiii; (i!ypi; âvcu ïl|; 
HoT-iita;. 'Awiti |i(v tàp xa^ lïjieàvei ri yo^hm» xitb tôv vijfli tIiv lv3inàv, ofov và^'j»; ti; in i toO 
|iî]-àXvj T^: 'Oïîoà3o; 'ApxoïTSf vi^K, àufl Tfl; (Uii to Mïîipio» (iimpd; VI'Îhjto;. "Il ïip tv [lioip toO 
Ayiou n^iûtixio; iv TÛ Mcftopiu Tfl( Wiirito: ÎÛï«(Ii( pfsvTi «li pip V'« " yonjuTa Tij; ïliiTiTO; (mtï- 
etSuHii Tû utû-caû [urâXau ' Kp^'i^tTi:,. llbii.. p. 3Î8, lin. 11-16, p. 359, lia. t-5.) 
' Builide cil« ici celle parole : Initium tapientim limorDomti*t.{P»*.xxm« ex, r. g.) 



LE GNOSTIGISMB ÉdYPTIBM 127 

les mondes et la fia réservée à l'univers entier *. Instruit de toutes ces mer- 
veilles, r*Apxû*v del'Ogdoade, frappé de terreur, confessa la faute qu'il avait 
commise en s'enorgueillissant *. Lorsqu'il eut été instruit de cette manière, tous 
les habitants de l'Ogdoade le furent pareillement, et ensuite Evangile fut 
révélé à toutes les créatures célestes ÇEnovpavloiç) j c'est-à-dire aux trois cent 
soixante-cinq cieux qui peuplaient le monde intermédiaire par lesquels il 
descendit graduellement jusqu'à ce qu'il fut arrivé au dernier ciel, à l'Hebdo- 
made ^. Telle fut la rédemption des cieux; ils connurent ce qu'ils étaient, ce 
qu'étaient toutes choses supérieures ou inférieures, et tout fut remis dans 
l'ordre. Cette idée de la rédemption est juste; elle n'a que le tort de ne pas 
aller assez loin et d'être enveloppée d'un monde d'images et d'émanations. 

Dans l'IIcbdomade, la Rédemption s'opéra comme dans les autres mondes 
supérieurs. Par l'intermédiaire du fils du grand *A.px«v, Evangile fut révélé 
au fils de l'^Ap^wî' de l'Hebdomado. Celui ci, à son tour, instruisit son père qui 
comprit, fut rempli de crainte et confessa sa faute. Tous les habitants de 
THebdomade furent illuminés de la sorte, c'est-à-dire reçurent la connais- 
sance de tous les mondes de la gnose salutaire, et tout rentra dans l'ordre 
primitivement établi '*. 

La rédemption achevée dans tous les mondes célestes dont tous les habi- 

* 'HXOev o^v To EjayYs^i^v TiptùTov àirb -rij; rUtriro;, 9>iil, ôià toO TixpxxaOïQpLlvou tu» "ApxovTi uloO 
icpo; Tov "Xpxp-nx, xai k'{i.aOcv à "Ap'/wv on ovx t;v Osô; twv oXcov, akV tjv yevvrjTo; xai k'^a>v Oicepàvù) xbv 
ToO àp^r,Tou, x«t àxxTXvo(ia<iTov Ojx "Qvto; xai tf); riôt/jTo; x^cOeîjjievov e>i<JxOpov, xai Eiré<TTper|;6 xx\ 
e9o6Y)0/}f (Tjvisi; èv oîqt f,v àyvo'a, toOtô son, p/joi, to £ip/){i.£vov « "Apxo ooçîa; 9060; Kvpco'j ». "HpÇotTO 
yotp aoçîî^eoOai xxTTi*/ou{i.-vo; Ou') toO wxpxxaô/jfiivou Xpi<jToO, $i8xTx6{xevoc tî; eottiv ô Ojx 'Ûv, ti; t| 
TlÔT/j;, xi TO "Ayiov II/eO;xx, t(; i^ twv oXwv xxTa<TXE'jY), icoO TaOrx ôtiçoxxTXTTaÔiQdeTai. (P/iiZ., t6iti.,n.26, 
p. 359, liii 0-15 ) Clément d^Alexandrie dit la même chose : il est curieux de rapprocher les deux textes 
qui ont certainement été l'un et l'autre tirés ou jilutôt inspirés par l'analyse d*un même ouvrage. — 
'EvTaOOaol à|JL?\ tov Bx(ii>£{o>iv toOto £ÇlYO'U.£voi to p/jTov, aÙTOv çâotv "Ap^/ovrot, EicaxovoavTx tt?|v çâviv 
ToO ôiaxovovpifvou IIveu(ixto; ExirXayfiv ai xio te otxovo-|i.xTi xoù xto bzi\t.'xxif irap' ÈXirtôo; £ iayyeXiorjxévov 
xai Ti^v ÊXTcXri^iv ajToO çôSov xXr,ôrjVxi, âpxo^ yEvôpLSvov <jo9:a; 9uXoxptvYiTtxr,; te xx"i StaxptTixy;; xxl 
àiroxaTaaTXTixr,;. Qj yip piôvov tov xôapiov, àXXà xxityjv ExXoyrjv d'.xxptva;, ini nivi icpo7c±{xic£t. {Strom. 
lib II, cap. VIII. — Patr. grxc.^ t. VUI, col. 972.) La dernière phrase est à noter : c'est le liea de 
transition entre les Phiiosophumena et Saint Irénéc. 

* KaTTi-/r,0£i; ouv, 9r,i\v, ô "Ap^wv x«: ôi5jtx^Jî\; xxi 90otiO£\;, E^copioXoY^vxTo irfpi àfiapTta; ^; iicotyjve 
IXEyaXuvcov éxuTov. (PAi7., i6ic/., p. 360, lin. 2 4.) 

3 'Eic'i o'jv xaTT^'/TiTo (i£v (liya; **Ap/(i>v, xxxrixrjo 5'î xa\ EÔiôaxTO iriffa t| Trj; *0y5oàôo; xti«tic xai 
fiYvwptaOY) toi; Eirojpxvîoi; to (Av<TTiQpiov, eoei Xoiit'iv xat etci tyjv *£6ôo{xd^x eXÔeÎv to EOayylXiov, tva xa\ 
6 TTjÇ *E6oo(iâôo; wxpawXyiflrio); "Ap-^wv 6iÔa-/0y; xai £vxyY£Xi(TOr,T£Tai. {Ibid., p. 360, lin. 6-iO.) 

* *Eir£Xa(i<j/£v ul6; toO fiEyâXou *ApxovTo; tco uûo toO "Ap'/ovTo; tt,; 'Ë6do(iâ$o;, tô 9(0; ô eîxsv â^^xc 
«'jTo; âv(i>6sv xTcS Tr,; ri^T^TO; xxl £9a>TÎ(T0rj ui6; toO "Ap'/ovTo; t?,; *E6do(j.â$o;, xx\ eurjyyEXtaxTO to 
KuxyylXiov tcu 'Ap'/ovTtT?,; *Ë66o{i.à<3o;, xx\ o(ioî(o( xxtx tov icpûTOv X»iyov xxi xOto; ttfo^rfir, xx\ E^tofioXo- 
yYJaoïTo. {Ibid.f p. 360^ lin. 11-15.) Ces paroles coatirment les autres données sur le Dieu des Juife* 



i28 



LE aiSOSTIClSHE BOYPTIEN 



tants avaient reçu rillmuiDation, îl restait encore la terre qni réclamait sa 
part de la rédemption uiiiverselle, et la Iroisièine TUznç fju'il fallait délivrer, 
car, dit BasiIide,.U était nécessaire que les demeures des hommes fussent 
illuminées à leur tour et que le mystère caché aux générations précédentes 
iïït révélé à la troisième Tiorns abaudounée, comme un avorton, dans les espaces 
informes '. Pour accomplir cotte dernière partie de la rédemption et pour 
satisfaire cotte nécessité, la lumière qui avait lui sur le fils de l'Hebdomade 
descendîtsur Jésus, fils de Marie, l'illumina et le remplit de ses feux. « Voilà, 
disait Basilit-le, ce qu'a voulu dire l'écriture par ces paroles : « le Saint -Esprit 
descendra sur toi, » car l'Esprit partant de la Filiàtê, passant par le oeûua- 
limite, parl'Ogdoade et l'Hebdùmadc descendit sur Marie, et « la vertu du 
Très-Haut te couvrira de son ombre, » c'est la vertu pleine d'onction qui, 
partant du grand démiurge élevé au plus haut des cîeux, est descendue sur 
la créature, c'est-à-dire, sur le fils de Marie. » Il ajoutait à cela que le monde 
n'avait subsisté jusque-là qu'afin de donner à la Filiêlé délaissée les 
moyens de se transformer, de suivre Jésus, de s'élever vers les mondes supé- 
rieurs et d'être entièrement purifiée. Et, en effet, dit Basilide,elle devint telle- 
ment subtile qu'elle put prendre son essor comme la première Ttmii '. G'eat 
là, d'après le système de Basilide, la fin dernière de la Rédemption : lorsque 
toute ÏÎTOiî se sera élevée par-dessus le 7rveûf/.a-liniite, alors toute créature qui 
pleure, qui souffre, eu attendant la révélation de Dieu, obtiendra miséricorde 
et tous les hommes de la Filiale s'élèveront à la suite avec les mondes supé- 
rieurs ^. Cependant l'auteur des Philosophumena ne nous dit pas comment 



• ÏJte'i où» Hil xk il tii 'KSîofii^i nivTï nejiûriato xi'i SiiiYTEiiTO ri E'Jai7éïiOï iùto'i; .... ïtti ioiitiv 
xai riiï à[iwp9i«ï tj); mO îi|ià( ipB)ii»(lî;vai, xi'i tî; Tiitiiii ïr, ci x^ à|iapf la x«-cal£).tin(i£ï5 olovt'i ixipù- 
Han iito«a)iV9Bi)ïBi tô |i'JTTr,piov o tïÎ; itpot£p«ic yt^itlîî o-jx cTapia^r,, xaûil>( yÉi-piirTii, jrjiTi' • Kxtà 
inoxilu+iv ÏTviBpM^ [101 TÎ) tiuiTT^piov. » i_Ep. ad Ephea., m, 3-5. — /iiid., p. 361, lin. 1-13.) 

* KaTT,),tcv àni iti; 'ESio|iàia{ -A çû;, tô xxteXQèiv aicà vr,i 'oiisitK âvuQEv -tû ulôi -rij; *ESia)i.àSi>Ci 
tn'i tbv 'Irfla'j'i mv uVit t^; Uipi«( xx'i ifuTisSrl, ifuvtia^t\c tû çut'i tià là^it'^' ^^ n-j^iv' ToOtd ÎtA, 
f^o^j n (ipi;|ùvav' ■ UviOiii 'AfiB* ind.iiJVETgK m ai. ■ t'a àità ir,; nitita; Siii toO MiBopisu llveù|UTa; 
in'i -rilv 'OY^oiiai XXI TT,v *EEici|ixix iicXS'ov lit^pi tî); Mipiot, ■ xni Jvvxjuc T^'Iorgu ImTxiiim (Tsi >, 
î) iuva)u; ii)E xP'^^""^ ^'"'^ '''•• ^xpupelat; diviuBiv tqO S'iiua-jp^oD t'^xpi ^'iC xiioiut, 6 èoti toû uIoO' |ii](p> 
i: ÈKiivDu,9r,(['l,<ntvcaTi]xivoit'câv xj^ov avcuc. (liypi; ou nâai ij Hoti]; t; X3Ti}jXci[i|i!vr, ct( ri t-JipYtTiIv 
Ta; ^X"< " à^fiflif, XXI i-JEpYEtElaSii, iix|J.apf iu[iivil ir^ ixalovi-ri-r^ Tû liiooG, xn'i àva£poi(L^ xil {/Og 
àmxaTaptiiViîas' xi'i yiviTii liïmoiupEa-taTi]. ù; iûvxs4xi £i' aÙTr|( àvaSpi(uIv ûonEp >i iipùrii. (Phil-t 
ibid., |i. 361, lîn. 13 el 362, lin. 1-13.) 

s "ÛTaï oiï iXBti, Tf,of, nîn» VIotik xil Eotïi iitkp li Mtflipuv lEvtOna tôte tlixflT,ifta\ i\ xtioi;' otEvei 
T«p [UZ?' ''oO vOv xïl t'""^>ï''f ""^ M-*^" ^^'' àitoxdXui)'" tûï toO taoO, tvi nivit; àvilfiuoiv ÉvtiûBiv 
bl TîiC rUrriTet âvSpwnoi. (i>AiI. ibtif ., d. Z7, p. 3(1S, lia. 15-ll>, p. 3â3, Un. l-t.) 



LE GNOSTICISME EGYPTIEN 



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se fit cette purification, et pour le savoir, nous devrous interroger les autres 
sources, lorsque nous aurons épuisé tous les renseignements qu'il nous Ibuniit, 
D'après Basilide, dit cet auteur, Jésus était né sous la conjonction des astres 
et à l'heure de leur parfaite révolution, il avait eu sou type préexistant dans 
le grand trésor des germes en puissance '. Ce type préexistant n'est autre 
chose que certaines parties empruntées aux mondes supérieurs, à la matière 
elle-même.ets'étantréuniespour former ce Jésus; d'après cela, l'on comprend 
très bien, que Basilide ait pu parler du type préexistant de Jésus (TrpoAfJoyiff- 
fùvoç) quoiqu'il n'enseignât pas vraiment la préexistence des âmes, comme 
nous l'avons vu. Cette explication ressort d'elle-même de l'enseignement de 
Basilide sur les souflFrances de Jésus, car il dit que ces souffrances servirent 
à dégager de l'être de Jésus les parties qui le composaient, et qu'ainsi ce qui 
appartenait à l'Hebdomade fut rendu à la matière, et ce qui était descendu de 
rOgdoade ou du irve-Jf^a -limite remonta vers l'Ogdoado ou vers le nveûfia *. 
Nous pouvons donc conclure de ces paroles sans la moindre témérité que 
tous les mondes avaient participé à la formation de Jésus, ce qui par l'émana- 
tion se comprend très bien, car Jésus n'est que le dernier terme de cette 
série d'évolutions éraanatrices que nous avons si souvent fait remarquer. 
Quant à la vie de ce Jésus, lorsque cette génération d'un mode particuUer eût 
été accomplie, tout se passa pour le Sauveur comme les Evangiles le racon- 
tent, et tout se fit dans un but unique, celui de discerner et dégager les 
éléments confondus entre eux, et Jésus devait être le principe de ce discerne - 
ment et de ce dégagement ^. Après cftte dernière explication, il ue faut plus 
rien demander aux P/iilosophumena, on ne trouve plus la moindre parole 
ayant trait à Jésus, à sa vie et à sa passion ; cependant, il serait bon de savoir 
ce que Basilide ou l'auteur des Philosophumeim voulait dire par ces paroles ; 
Tout ce qui a rapport au Sauveur se passa comme il est raconté dans les Evau- 



a«pù. {nid., p. 364, lii>. 10-11.)* 

* 'Eitiflev o-îï totrto ÔTMp r.ï B'jTO-j o-fiifiatixïï (itpo;, o ?]« tï,; Zjiopf ia;, xai oitEKïTioTf, il; Tr,v àji6pçi»v. 
'Aïtïrn SItûOto 3mp ^> ^ni^ixi" «ûtofj (Upoc, Smp tiv tî]t 'EGSoiiàla;, xa'i àireKotriori] liç ttiï 'ICCiojulis' 
iïfoTfl îi toOto Smp r,v ti|! àxpiopiiaj oiiittoï toO (UYaiou 'Apjjovtoc, xtI ê|ii(vE nipi tôv "Ap^ivî» toï 
[jiïov âviiXYXi Si t>^/pi; fivu toîti, 5itïp tiv toO SlEÎopiO'j Uvt Juato;, mi £(itivtï iï tio MtOop-ia tlï£ij|j.om, 
(«irf.. p. 366, lin. -■J-B.) 

p. 385, lin, 12-13). 

17 



130 LE ONOSTICIfïlE EGYPTIEN 

D'après les Évangiles, Notre- Seigneur Jésus-Christ souffrit réellemeut; 
Basilide enseignait-il la réalité des souffrances du SauTeur, se séparait -il de 
renseignement de ses maîtres et de ses contemporains, rejetait-il leDocétisrae. 
ou, au contraire, suivait-il la voie tracée par Simon le Mage et déniait-il 
toute réalité aux œuvres etaux souffrances du Christ ? La question est impor- 
tante et demande toute notre attention. 

Il est évident, d'après le système de Basilido, tel que nous l'avons exposé, 
que rien ne semble faire prévoir que Basilido rejetait le docétisme ; dans la 
rédemption des mondes supérieurs, tout se fait par illumination, rien par 
expiation, ou, s'il y a expiation, elle consiste dans le seul aveu de la faute 
commise par orgueil et par ignorance. D'après le principe de similitude que 
nous avons si souvent invoqué, au risque de nous répéter, il semblerait, au 
premier abord, que tout dût se passer sur la terre comme dans les mondes de 
l'espace intermédiaire. Mais il n'en est point ainsi : l'auteur des P/iilosopku- 
meiia nous dit que tout, dans la vie de Jésus, se passa comme les Evangiles le 
rapportent, et il dit expressément ipie la partie corporelle de la personne de 
Jésus souffrit (eKaSsv oÙvtsùto tnip^v ouioù (mp;or:r«v pîpoç); il n'y a donc pas 
d'illusion possible, le docétisme n'est pas l'enseignement de Basilide, d'après 
les Phihsophumena. Cependant, si nous nous retournons vers la première 
source dunt saint Irénée et saint Épiphane sont pour nous les canaux, nous y 
trouverons que Basilide enseignait le docétisme sur ce point : la contradiction 
ne saurait être plus flagrante. Sur ce point seul, les deux sources diffèrent; 
à laquelle nous attacherons-nous et quelle conclusion pouvous -nous tirer ? Il 
serait facile de se décider si nous avions un critet'ium quelconque de juge- 
ment, malheureusement notre pierre de touche, Clément d'Alexandrie, nous 
fait complètement défaut ; sur la Rédemption telli' que la comprenait Basilide 
il n'a qu'un seul passage que nous avons cité en note en le comparant aux 
paroles correspondantes des Philosophurnsni, passage qui nous montre 
clairement que les deux auteurs ont puisé à une source unique et que nous 
avons bien sur ce point la vraie doctrine de Basilide. Il nous reste donc, 
puisque noua sommes réduit aux deux seules sources contradictoires, à 
discuter le texte de saint Irénée et à voir quelle conclusiun nous pouvons 
en tirer. 



LU ONOSTIGISME EGYPTIEN 131 

« Lorsque le Père sans nom comme sans naissance, dit saint Irénée, sut 
leur perte (celle des hommes) , il euvoj-a NsCç, son premier- né (c'est lui qui 
est te Christ) , pour apporter la liberté à ceux qui croyaient en lui et les arra- 
cher au pouvoir des Anges qui avaient formé le monde. Ce Hls se montra 
comme un homme aux nations soumises à ces Anges, il descendit sur la terre 
et opéra des miracles. C'est pourquoi il ne souffrit pas, mais celui qui souffrit 
fut un certain Simon de Cyrène que l'on rencontra et qui porta la croix à sa 
place. Simon fut crucifié par l'ignorance et l'erreur des Juifs, car il avait été 
si bien transfiguré qu'il paraissait être Jésr.^ ; mais Jésus lui même ayant pris 
la figure de Simon se tenait devant la croix et se moquait d'eux. Comme il 
était une vertu incorporelle, le NoCç du Père sans naissance, il pouvait se 
transfigurer comme il voulait, c'est ainsi qu'il remonta vers celui qui l'avait 
envoyé, riant de ceux qui croyaient le tenir lorsqu'il était insaisissable, et 
invisible à tous les yeux *. » Saint Épiphaue ne dit rien qui diffère tant soit 
peu du récit de saint Irénée *. Il nous faut maintenant comparer ce texte avec 
les données des Philosophurnena pour bien voir quels sont les concordances 
et les différences entre les deux sources. 

D'abord il y a, dans le texte que nous venons do citer, beaucoup d'idées 
qui sont les mêmes que celles exposées plus haut d'après les Philosophurnena. 
Saint Irénée ne parle pas, il est vrai, de la rédemption de l'Ogdoade et des 
mondes célestes, il ne la soupçonne même pas, puisqu'il regardait réellement 
l'Ogdoade comme le séjour du grand dieu de Basilide. Malgré cela, chez lui 
comme chez l'auteur des PhUosophuinena,\3. rédemption se fait par l'entre- 
mise du fils qui est le même que le Giirist. Dans ce dernier auteur, eu effet, c'est 
bien le fils du grand 'Ap;(uv qui le premier, reçoit l'illuminatiou rédemptricel 



' [niialum riuleni et innomiualuni Pnlrein, v.deiilein pi?r(lilioneni ipsorum, iDiseL^e primogenitum 
Buum NuD (et huuu eUK qui dicitur CUristus), iii llbermlera cr^deatium ei, u poleslale eorum qui 
munJuin n>bricBverun(. Et gealibiis ipujrum autem apparuisse eiini îii terra homiaem, el virtules perfe- 
isse. Quaprapler neque pasiiim etiin. sed Simuiiain quemdatn Cvrea'oum angarïalum portaese Crucem 
ejus pro eu : el liuuc secuadum igiiorautïam el errortm crucjfiium IrauEflguratum ub eo, uli putaretur 
cipce esse Jésus i et îpauin aulem Jesum Simonis accepJsse fonuam, el BtButem irrieisse «ob. Ouoiiitm 
eaim virlus incorporolis erat, el Nu9 îniiali PatrU, Iraasltguraluoi qn^madmodum vellel, el eic aafondiua 
ad eUTD qui miierat eum, dâridr'iteni eos, cum (eneri non possel, at invisibilia cBset omaibus. (Iren. 
lib. I, cap. XXIV, n" k.) Nout u'.ivoni pas pu rendre ce Eljile indirect qui ooadrme >i bien ce que août 
avoni dit sur l'usage que gaiiit Irëiiéu a fait d'un ouvrage antérieur qu'il s'est coûtante d'nnalyaiir. 

* OStoc yjp ;TTi, çi^CTiv. à uli; To3 ititpin 4 i[potip»i|i£ïO;, 4 àito»T»iiic Éni p o/iOiia tàiv -jlûv t&v 
àvep(iituiv,£t'^ eISev ^ itxTTi? iitoxitaoTaoiav ËvhioÏ; à»OpMnoi;xai!¥ToI('ATïi),oiî. (Ëpiph. ffajr.,ïïiv, 
n. a.) 



qui la communique à sou père d'abord, et ensuite aux habitants des autres 
mondes, et finalement au fils de ("Apyoïv de l'Hebdumade. Donc, entre ces 
données et celles d(.> saint Irénée, disant que le Père ineflable et sans naissance 
(Innatum et innominatum patrem, à psyas 'Apx^v àpp-nxoi) envoya son fils 
premier né, Noûç, pour porter la liberté et la paix aux hommes, il n'y a 
aucune difierence pour ce qui regarde l'intermédiaire et l'agent de la 
Rédemption. De plus saint Irénée nou* dit que ce premier né, Nous, 
est le même que le Christ, ce qui nous explique un mot assez obscur 
des Philosophumena disant que le grand 'Ap;(uw fut instruit par le 
Christ assis à ses côtés (ïîp;ato y«p ffoyiÇsoSai xormxoufwvoî \inè roû jrapaiwtftîjxÉwou 
XpiTTOu). Eu rapprochant de ce texte d'autres passages A^s Philosopliumena, 
où il est dit que le grand 'A.px'-^v fit asseoir sou fils à sa droite et qu'il fui 
instruit par son fils, on pouvait arriver facilement à conclure que dans le texte 
précédent le mot Xpunôs désignait le fils. Avec le texte de saint Irénée, il n'y a 
plus de doute possible et ce nous est une preuve de plus de l'ideutité des deux 
systèmes exposés. 

En outre, dans saint Irénée, la rédemption n'est autre chose que la disso- 
lution de l'ordre établi sur la terre par les Anges qui l'ont créée' : de même 
dans les Philosophumena, Jésus n'est que le principe de cette dissolution 
d'unité dans les éléments hétérogènes agrégés les uns aux autres à la suite de 
la confusion primordiale, et de la restitution de ces éléments à leur monde 
respectif. Enfin, nous trouvons un dernier trait de rapprochement entre les 
deux sources dans la personne de Jésus : Jésus, en effet, dans l'une comme 
dans l'autre source reçoit l'illumiiiation par l'intermédiaire du Fils des 
mondes supérieurs, c'est-à-dire, que le fils descendit en Jésus ; la conclusion 
est évidente. Là, s'arrêtent les ressemblances et commencent les différences : 
Basilide, d'après les Philosophumena, enseignait que Jésus a véritablement 
souffert, saint Irénée dit, au contraire, que Jésus no souflTrit point, qu'il parut 
souffrir, mais que celui quisouffiit fut Simon le Cyréuéen, qu'il s'était subs- 
titué. Quoi qu'il en soit de la valeur respective de ces deux données, on peut 
dire tout d'abord, que Basilide ne rejetait pas toute forme de docétisme; 



■ El rocnlus a 


t Jeiut el m 


ma» ■ Paire uli per diipoiitionem hauc ope 


dÎMolreral. (Ire 


n. lib. I. cap. 


«IV, n' i. - patr. grM)., t. VU, coLfilT.) 




LE ONOSTICIBME EQYPTIEN 133 

nous l'avons fait remarquer, et M. Ulilhorn le confesse *. De plus, dans le 
long passage de Basilide sur le martyre que nous a conservé Clément 
d' Alexandrie, nous l'avons entendu parler de l'eufaut qui semble (àoùi), 
n'avoir pas péché, de martyrs qui ne semblent pas (Sa-iaûmv) souÉFrir ; le 
mot ne M était donc pas inconnu*. Enfin, Baur a prouvé péremptoiremen'i, 
que le Docétisme était le fonds commun à tous les systèmes gnostiques, et 
qu'il devait l'être^. Que si toutes ces preuves indirectes ne démontrent pas que 
Basilide a enseigné le docétisme, il résulte cependant de ce qui précède que 
si nous accordons une valeur égale aux sources contradictoires, en bonne 
critique, nous devons incliner pour saint Irénée contre l'auteur des Philoso 
phumena, et admettre que s'il existe une erreur dans l'un des deux auteurs, 
c'est dans le second qu'elle se trouve. M, Uhlhorn veut, au contraire, que les 
deux sources disent également vrai, mais que l'une soit postérieure à l'autre 
et nous donne un développement ultérieur du système de Basilide. Cette opinion 
est très plausible, mais comment reconnaître laquelle des deux sources est la 
plus pure? Si saint Irénée avouait que pour Basilide, comme il l'a fait pour 
Valentin, il s'est servi des ouvrages postérieurs des disciples, nous n'hésite- 
rions pas lui seul instant à affirmer que c'est dans sou analyse que doit se 
trouver le développement postérieur du sytème de Basilide. Mais ce n'est 
point le cas. Cette partie de l'œuvre de saint Irénée n'est que la reproduction 
abrégée d'une hérésiologie antérieure. Or, les hérésiologîes antérieures ne 
sont pas si nombreuses qu'on ne puisse en suivre les traces jusque dans la 
première moitié du second siècle de l'ère chrétienne, et s'il fallait croire, 
comme l'a proposé M. Lipsius, que nous avons dans saint Irénée et saint 
Epiphane, l'analyse du Syntagma de saint Justin *, il est évident que nous 
ne pourrions pas ici présenter le système de Basilide dans saint Irénée comme 
un développement postérieur de la doctrine primitive. D'ailleurs, nous 



< Aueh das Altère Baiilidiaoîsche Syilemisl inweileremSinae Bchon doketiKh, indem aucb hier die 
B«deutung dir RrlâningBlbatiBcbe verâuchtigl vird... Der Dokeliimui der iodem âlterem System 
Bchon in Keime lorhnnden wer, i»l in jûngeren grob aaf gebildet zu Tage gekomiDeii, iheoraliMh wie 
praclisch. unil wir werdeu wohl ojchl Irreii, wenn wir aucli hier eiue Weohselnlrkuiii,' iffiachen dem 
Iheore'isehen Doketiimus der CbrUtologie und dem pracb'ischeu DokEtisinuB der Si t M aaueluneu. 
(Uhih. Op. cit. p. 67.) 

* Cf. Clera. Aleï. Sirom., lib. IV, cap. \i[. - Patr. ffnec, t. VUl, col. Iï9l. Cf. p. 119. 
3 Baur: OnosU, p. 205. 

* Zur OuelUnkritih dtt Epiphanioa. PaBaim. 



134 LE GNOSTICIBME EGYPTIEN 

n'avons aucun témoignage afânnaiit que le syténie de Basilide ait subi, dans 
les années qui suivirent la mort du philosophe, des modifications aussi 
importantes que le serait cello du docétisme substitué à l'enseignement 
contraire. Seul Thêodoret nous parle du développement du basilidianismo, et 
c'est pour nous dire qu'Isidore, le tils de Basilide, suivit la doctrine de son 
père en y ajoutant quelques détails *. En résumé, il nous semble difficile, 
pour ne pas dire impossible, de se prononcer définitivement sur la priorité de 
l'une ou de l'autre des deux doctrines. Il est vrai que les Philosophumena 
nous donnent le système, le vrai système de Basilide, que leur témoignage 
est toujours puisé aux meilleures sources, mais nous avons vu que les donnres 
qu'on y trouve sont conformes aux données que nous a transmises saint Irénée 
qui, pour être moins complet, n'en est pas moins véridique et bien informé 
sur ce qu'il dit. Peut-être, M. Uhlhornn'at-ilpas assez pesé toutes ces obser- 
vations avant déporter un jugement qui nous paraît trop absolu. Quoi qu'il en 
soit, parce que deux auteurs se contredisent, sur un point même important eu 
e.xposant un même système, l'on ne doit pas conclure que le système n'est 
pas le même : c'est outrepasser les droits de la critique. 

Après ce qu'il dit de la substitution de Simon le Gyrénéen à Jésu=, saint 
Irénée nous apprend que les disciples de Basilide, tant qu'ils confessaient le 
Crucifié, étaient encore esclaves et soumis à la puissance des Anges qui 
avaient créé le corps; ils devaient, au contraire, le renier et montrer par là 
qu'ils connaissaient l'économie providentielle du Père sans naissance. C'est 
cette connaissance des desseins de Dieu qui est la véritable rédemjition, et 
nous retrouvons ici les mêmes données que dans les Philosopliumena : avec 
elle, les fidèles de Basilide pouvaient braver les Auges, ils devenaient sembla- 
bles à Caulacau, c'est à dire à Jésus, dont c'était le nom mystique. Mais cette 
connaissance ne pouvait pas être répandue, à peine si un sur mille, et deujc 
sur dix mille étaient capables di; la recevoir. Aussi le vrai Basilidien devait 
garder la doctrine du maître dans le plus profond secret, connaître tout le 
monde et ne se laisser connaître de personne, affirmant, lorsqu'on le pressait, 
qu'il n'était plus Juif, mais qu'il n'était pas encore chrétien '. En fait, les 



' Kai '1a!î«poî, 6 TaO BaoïliiSou yll>(, |itT« tiïo; (nl^xr,; tYp" 
Fab. hKftt.. lih. I, n. t.) 
' El liberBlos igitiir eoi qui ha 



itotTjio; nuBttXoYiav Èupâtuvt, (Theod. 
iDundi rabricsioribu* prineipibiu : al aon oporlen codBmH 



LE GNOSTICISME ÉGYPTIEN 135 

Basilidiens, dans leur conduite, s'écartaient diî la doctrine du maître, mais 
pouvait-il en être autrement ? Basilidc lui-même, en construisant son système, 
en le répandant, ou cherchant à se faire des adeptes, ne croyait il pas que 
sa doctrine était meilleure que les autres, par conséquent qu'elle était la seule 
vraie? Doit-on, dès lors, s'étonner que ses disciples se regardassent comme 
les seuls dépositaires de la vraie science, de la gnosequi, seule, pouvait donner 
la Rédemption et le bonheur que toutes les religions promettent à ceux qui 
les ombrassent ? Voilà pourquoi et comment un système qui fait théoriquement 
la part égale à tous les hommes est amené pratiquement à ne considérer 
comme élus que ceux qui l'ont embrassé. La tolérance religieuse est une idée 
relativement très moderne ; aucune religion ne l'a admise théoriquement et ne 
peut l'admettre sans se décréditer olle-même. 

11 ne nous reste plus désormais, qu'à mettre la dernière pierre pour 
achever l'édiKce entier; nous voulons parler de l'ignorance complète et uni- 
verselle qui devait s'emparer de tous les mondes et de tous leurs habitants, 
lorsque la rédemption serait achevée. « Quand tout cela sera définitivement 
accompli, quand tous les germes confondus auront été dégagés et rendus à 
leur place primitive, Dieu répandra une ignorance absolue sur le monde 
entier, afin que tous les êtres qui le composent restent dans les limites de 
leur nature et qu'ils ne désirent rien qui en soit en dehors. » Car tout ce qui 
est immortel dans notre monde ne l'est qu'à la condition de ne pas sortir de 
sa nature; si l'on ne connaît rien, l'on ne peut rien désirer, et le désir irréa- 
lisable ne sera pas un tourment. Ainsi chaque monde connaîtra ce qu'il peut 
connaître et rien de plus : l'Hebdoraade ne saurait comprendre les mondes 
supérieurs, parce qu'elle ne saurait en posséder les biens et les privilèges ; 
la même ignorance sera le partage de l'Ogdoade qui ne pourra pas désirer le 
monde supérieur : tout se retrouvera dans l'état primitif avec cette différence 



eum qui «it Cruciflxus. sed eum qui in homini) forma TPaeril, et putains sil Cruciâius et vocalus ait 
Jeaui et mtasiu a Paire, uli per hane ilLB[)OBilloaeTii uperu munJi rabrlcalonm diasaUerel. Si quia igllur, 
(it, CQQlitelur cruciûium, adliuc liicaervun cet et sub polestale vormu qui curpora fecerunl; qui aulem 
negaveril. liberalus esl quidem a1> iii, cognoscil aulem disposiiionem ïauali Patris, Igitur qui didiceril 
el Angslos omnee Eognovi^ril vt cauuB eorum, iuvïailiilem el incomprehentibïlem eum Angelii el iini- 
Tsnii Potealalibus fleri quemsdmodum et Caulacau ruisse... Tu euim, aiuat, omaea cognosce, (e autem 
nemo cognoacat... Non BTilem m ul (os se ire posse liiei:, leJ uuuBamille et duo a mjriaiÛbus, Et Judieos 
quidem jam Don esse dicunt, Christimius autem uoiidum; el nou oporlfre omnino ipsoruœ mjsleri* effari, 
Md ia abiCQQdilo conlinera per sileulium. (Iren,, lib. I, cap. xxiv, n"' 4 el 6. — Pair, grmc, l. VII, 
eol. en, 6TS «l £79.) 



136 LE GNOSTICIBME EGYPTIEN 

que le non-être sera devenu le nou-savoir *. Telle est l'eschatologie de 
Basilide, une sorte de bonheur négatil' puisqu'il ne peut pas être tout ce qu'il 
pourrait être, et que le philosophe é-vite soigneusement le partage égal dans ce 
bonheur suprême. Quant aux autres problèmes qui se rattachent à cette grande 
auestion des fins dernières de l'homme, nous ne pouvons pas même savoir si 
Basilide les avait effleurés dans son enseignement. 

Si nous ajoutons maintenant à ce qui précède quelques détails qui nous sont 
parvenus sur les mœurs, les rites, les fêtes des Basilidiens, nous en aurons 
fini avec la longue e.'iposition de ce système. La magie leur servait pour 
honorer Dieu : il eiit été fort surprenant que le disciple de Ménandre eût 
rejeté tout emploi de la magie dans un monde où elle était passée dans les 
mœurs. Ils s'entouraient du plus grand secret, comme nous venons de le voir, 
et en cela ils partageaient le sort fait à tous les chrétiens en général *. Ils 
avaient des fêtes à eux particulières, et Clément d'Alexandrie nous apprend 
qu'ils célébraient spécialement l'anniversaire du baptême du Christ dans des 
réunions qui duraient toute la nuit ^. Quant â leurs mœurs proprement dites 
elles ont été en butte à bien des accusations ; nous ne voulons pas dire que la 
faute doive en remonter jusqu'à Basihde personnellement ; mais il faut con- 
venir que sa doctrine ouvrait la porte toute grande aux vices et aux débor- 
dements les plus monstrueux, et nous croyons qu'il est impossible de uier 
que ces mœurs ne soient tôt ou tard devenues désordonnées, tar quelle que 
puisse avoir été la passion des Pères de l'Église, nous sommes persuadé qu'ils 



' 'E'Miiîv yJvijtii toOto, chHu, fia\-i, i Bci; îitl tAv xQa)j.ùi âXav tT,v [u')'à).r,v àpoiiv, (va iûvti iisvti 
XBTi çioiv, xii (ir.îb (niSnô; Taiv napà çùtriv sitiftun^ofl- 'A>.Xi -{kp nSoat al 'l^Xal TOJto'j toQ îiaTiTiiHiTOd 
Ôoai ^iiy ï-fEivoiv ît toj-tu âBiïa-coi !i3|UyEiï [lovw, [tivouoiv o'iîÈv É7ii5Ti>|uv«i TttÛTOU ToO îi»irTr||iaTo( 

iiôtpapov oùii ^iXtiov Oûrut aOflv i 'Apxuv ri|: 'ESii\),àiiii yiàaitai, lûv OiiEpMi|U''iuv kst 1)17^1(11111 

ykf iia\ tofJTO'* J] |"ï«ï.il apoia, tii BTrOffrî; âii' «OtoO Wni] %A iiiiir) x«i 0Tt»aï|i4î- îmkjur.oii yàf 
oùîtvliî Tùï iSuviTuv 0Ù81 luiiijîr|(TiTai. KiTaliq^ii» 3'e i|u>iu; xil tôv piyav 'Apxo^ra TÎi( 'OrSoiSac 
r| ((yvaii a{ÎTJ] xil nias; câ; -Jica»i|i(va; a-jiû xT^vitt nxpanlr.dfuf, [va ii.rfii'* xaià ti.r,Sh ipinxxi, tûv 
nnpà çûuiv Tivi(, ^riii i3ijvr,cai, rti\ oÛtuic i\ àicoxaTaTuaiiit Eorai icàvTuv xatà fûiiv TiSeiuliufiivuiv 
^Ev (v TÙ> onEpiiiTt Tûiv SXuiv Év OLf/r^, âitaxaTiora^uv ic xaipaî; lâi'oi;. (PAi'I., lib. Vil, n. £7. p. 363, 
Uo. 3-8,'u-l5, p. 361, Im. 1-8.) 

' Uluatur antem et hi magia, et j ma g ï ni bu s, si idi^aalalianibiu, el ïnTocnlionibus, «t reliqua univen>a 
jieriorgia. (Iren., lib. I, cap, xxiv, n. â. — Pair, i/rxc.l. VU, col. 678.) Peut-être, nu lieu de pei-iergia, 
Taut-il lire pariergia, ou mjeut encore parcfga. Quoi qu'il sn soîl, il est évident que saint \iiaie veut 
parler ici de c nombre prodigieux de coutumes et de Hfmboles magiques qui étaient l'accesftaire obligé 
de lï magie telle qu'on peut la voir exposée dans le De Myateriis de Janiblique ou dans le livr« iv 
d« PhUùtopliumena. 

1 01 lï àico BaaiXe(3ou xa'k ToO ^iinlaiiiTo; 3'jtuCi xt\i r,ixip:iv [opTa^ouai, npofiavuxtipcûevtiïâYaTtinn. 
(Clém. Alex. Strom., lib. [- - Pair. gymc.. t. VUr, col. 888.) 



LE ONOSTICISME ÉGYPTIEN 



i37 



n'ont jamais caloinuié leurs adversaires au point de les charger de crimes 
épouvantables inventés à plaisir. Enfin, nous ne quitterons pas la doctrine de 
Basilido sans diro un mot des fameuses pierres connues dos archéologues sous 
le nom de pierres basilîdieunes ou d'Abraxas. Nous ne les croyons ni propres 
aux disciples deBasitidc ni contemporaines du philosophe égyptien: comme 
elles ne rentrent pas dans notre sujet, nous nous contenterons d'indiquer les 
les ouvrages où l'on peut apprendre tout ce qui concerne des monuments 
curieux, mais auxquels il ne faut pas attacher toute l'imporlance que certains 
auteurs leur ont attribuée au point de vue doctrinal qui seul doit nous 
occuper dans celte étude '. 

Telle est la doctrine de Basilide .'xposée aussi com|)]étement que les sources 
qui nous l'ont transmise nous ont permis de le faire. Sans contredit, elle 
fourmille d'erreurs, c'est un délire d'imagination, d'une imagination rêveuse 
et profonde couvrant ses pensées et la solution des plus difîSciles problèmes 
d'une fantasmagorie in divinités et d'émanations qui ne le cède eu rien à 
celle que nous montrera plus loin le grand gnostique égyptien, Valentin. H 
ne faut pas trop l'en blâmer : le génie du pays qu'il habitait, du peuple auquel 
il appartenait, son propre génie, tout le poussait à couvrir sa doctrine de 
voiles mystérieux, d'autant plus capables de lui attirer des disciples qu'ils 
paraissaient plus 8ombri?s et qu'il semblait plus difficile de les écarter. Voilà 
pourquoi Basilide met en tête de son système ce dieu-néant, iinagluatiou 
terrible et attrayaiite par la terreur même qu'elle inspire, pourquoi il distingue 
ce triple principe bizarre qu'il nomme Vtim. pourquoi il constelle son mondu 
intermédiaire de ses trois cent soixante-cinq cieux qui sont autant de mondes 
particuliers, jouissant de leurs prérogatives et de leurs droits. On voit, dès 
lors, quels progrès cette doctrine avait réalisés sur les systèmes plus simples 
de Simon le Mage, de Ménandre et de Satornilus ; l'esprit humain suivait sa 



I Piiui-ce^ pierres b^sllidiennea ou Abraian, voir: BelWmami, U<:''fi- die Abraxa)-Gemnien. Bvtlm, 
iSÎO, in-S, — Abr,ir,aa, seu Apislopistus, Aiilvarpire, 1657. — Knii|i : Palxographia critica. 1817. 

18M, 4 vol ti" erfl. ms, \i\ 8». i5î. tis, wa, ssi.iis, isj. -n^.ai?, as. 88i), 545, gio, eu, ica, 

197, i.i, 59j, 757. Sur ces amulette» on trouTe lusai sourenl les iiom<t des dhinilès égj'plienne» qne 
celui d'Abraxm, Oa n'a qui te reporter aux numéroa de l'ouvrage de Kopp auiquala nous rauvoyoni 
pour eire persuaclés du fait. Nou» ne devons pas oublier de raenlioiiner l'article du comle Bauditsin sur 
l'origine du mol la^u que *a lelronve aouveiit tnr les Ahroioa. Cf. Zeittehrift ffir historiehe theologii\ 
année 1S75, p. 3U et seqq. 

le 



lo8 LE GNOSTICISME ÉGYPTIEN 

voie en Basilide : il allait du simple au composé, comme il le fait toujours. On 
comprend aussi comment saint Irénée a pu dire que Basilide avait voulu in- 
venter un nouveau système qui sortît du chemin ouvert par ses prédécesseurs. 
Malgré ce désir, Basilide ne put se soustraire à toute influence de ses maîtres: 
bien des points de son système ont leurs correspondants dans ceux de 
Simon et de Satornilus. On ne peut s*empêcher de voir que son enseigne- 
ment sur la rédemption fut obligé d'accepter les idées qui envahissaient alors 
le monde par le Christianisme qu'il voulait modifier et corriger à sa guise. 
L'influence de la philosophie grecque s'y fait aussi sentir quoique plus faible- 
ment, mais par-dessus tout l'on y rencontre beaucoup de ces idées dont l'Orient 
avait fait son patrimoine. 



-. i 



CHAPITRK III 

SOURCES ÉGYPTIENNES DU SYSTËML DE BA5ILIDE 



Nous sommes bien éloigoé de penser que le système de Basilide doive 
être entièrement recherché dans les doctrines de l'aiicienuo Egypte : le 
syncrétisme, nous l'avons dit, est au fond du Gnostit-isnie. Eh effet, les idées 
semblables dans les systèmes de Simon le Mage, de Ménandre, de Satornilua 
et dans celui de Basilide ont los mêmes origines, car la filiation des idées 
emporte une communauté d'origine entre les idées mères et les dérivées. 
Nous aurions pu démontrer que le fonds des premiers systèmes se retrouve 
dans la Kabbale, dans les livres de l'Avesta et dans les croyances de l'Iado : 
la démonstration aurait conservé toute sa valeur pour Basilide. Quant aux 
idéea ([ui lui sont propres, elles sont d'un nombre rclativemeut restreint, et 
le gnostique égyptien les a empruntées à la Kabbale tout autant qu'aux 
doctrines égyptiennes. La nature du Dieu-néant, la manière de diviser le 
monde intermédiaire, la propriété des fils des Archons d'être plus grands 
que leurs pères, voilà, si l'on y ajoute l'enseignement do Basilide sur l'igno- 
rance qui enveloppe chaque monde à la fin des temps, les seuls points vraiment 
nouveaux du système basilidien. Le mode de développement des seons et 
des mondes, la manière dont le mal est introduit dans la série des émana- 
tions, celle dont il est racheté, nous avons vu tout cela dans les systèmes 
exposés au premier livre de cet ouvrage. Sans doute, ces éléments primitifs 
ont varié ; ils ont reçu des mains de Basilide une forme qui peut paraître 



140 LE GNOSTICISME EGYPTIEN 

différente, mais ils ne laissent pas que d'être les mêmes au fond, quoique 
façonnés et employés d'une autre manière et avec d'autres proportions. 
Ainsi le mythe si nouveau, semble-t-il, de la triple Tlor»;, son emploi et son 
rôle dans tout le système, ne sont que la transformation de la doctrine de 
Simon et de ses disciples sur'E7r?vota, sur la pensée divine créant tout et sau- 
vant tout après la chute. Basilide a épuré le mythe; il l'a développé, agrandi, 
mais au fond il ne l'a pas changé, quoiqu'il Tait débarrassé de l'intervention 
des anges créateurs qui, par toutes sortes de moyens, enchaînent et dominent 
la pensée du premier principe lui-même. D'un autre côté, si nous voulions 
rechercher les ressemblances qui existent entre la doctrine de Basilide et la 
philosophie grecque, nous ne manquerions pas d'en trouver un nombre assez 
considérable, comme la Kabbale nous donnerait l'origine du Dieu-néant; 

mais tel n'est pas notre but, et nous devons nous en tenir aux seuls rappro- 

» 

chements que suggère la comparaison ent e les doctrines de l'Egypte 
ancienne et le système de Basilide où le syncrétisme domine) où l'inven- 
tion n'a qu'une faible part et fait quelquefois totalement défaut* 
A part ce que nous avons déjà dit de la magie de Mônandre et de ses 

ressemblances avec la théurgie telle que nous la dépeint l'auteur du livre des 

» 

Mystères^ nous n'avons pas encore interrogé l'Egypte sur l'origine des 
doctrines gnostiques. Gela se comprend a&sez, car Simon, Ménaudre et Sator- 
nilus ayant vécu en Syrie ont dû plutôt se servir des doctrines de la Kabbale 
ou de l'Avesta, que leur fournissaient et leur patrie et les fréquentes 
relations entre la Syrie et la Perse. Basilide, au contraire, ayant enseigné 
en Egypte, étant Egyptien de culture sinon d'origine^ dut nécessairement 
faire entrer dans son système plus d'éléments égyptiens que n'avaient fait ses 
prédécesseurs. Nous allons le constater. A l'époque de Basilide, la vieille 
Egypte se mourait, mais n'était pas morte ; elle n'était pas ensevelie sous 
quinze siècles d'oubli et sous la poussière du vieux monde détruit, la barbarie 
musulmane n'avait pas encore fait disparaître ses papyrus et les trésors de 
renseignemients qu'ils contenaient : on y élevait encore des temples, on y 
gravait encore de sacrés hiéroglyphes en l'honneur des dieux et des rois, 
quoique ces rois fussent alors les empereurs romainst Sans doute, les doctrines 
secrètes des temples avaient bien changé depuis l'époque des Pyramides, 
depuis le règne du grand Sésostris des Grecs, Ramsès II i elles s'étaient 



SNOSTICrSHG EGYPTIEN 



111 



d<^VeloppéeB dans un sens paritliéistique, et avaient entièrement perdu leur 
caractère primitif; la langue et l'écriture elles-mêmes avaient subi de pro- 
fondes altérations ; cependant ce développement s'appuyait toujours sur les 
croyances primitives, sur les mythes des âges reculés, sur ces mystères qui 
n'étaient vraiment connus qup des seuls prêtres et des seuls rois, et dont le 
vulgaire s'était emparé pour les traiter à sa guise et leur donner une signi- 
fication plus appropriée aux besoins de ses superstitions et à la portée de son 
intelligence. Or, c'est dans ces mytiies que nous trouverons les idées mères 
du système basilidien; c'est dans l'un d'eux, celui d'Osiris et dii son fils 
Hnrus, que nous allons voir émise pour la première fois cette idée étrange en 
religion de la supériorité du fils sur le père, et cela bien des siècles avant 
l'époque de Basilide. Pour mettre en lumière cette ressemblance des doc- 
trines, il nous faut prendre les choses d'un peu loin : on nous le pardonnera, 
nous l'espérons. 

Dans son traité sur Isis et Osiris, Pliitarque raconte la légende égyp- 
ticnue d'Osiris de la manière suivante : Lorsque Osiris régna sur l'Egypte, 
il en délivra les habitants de leur vie sauvage et misérable, il leur apprit 
l'agriculture, leurdonna dos lois et leur enseigna le culte des dieux. Il par- 
courut ensuite la terre entière, adoucit les mœurs des hommes, sans employer 
le secours des armes ; mais il les persuadait et les attirait à lui au moyen des 
e'iants et de la musique, ce qui a donné lieu aux Grecs de le prendre pour 
Bacchns. Mais Typliou (l'adversaire né d'Osiris), qui pendant son absence 
n'avait rien osé etilrcprendre parce qu'Isis (sœur et épouse d'Osiris) prenait 
une grande attention à garder sa fidélité conjugale, lui dressa des embûcliea 
àfion retour: il s'adjoignit soixante-douze compagnons et obtint l'assistance 
de la reine d'Ethiopie qui était venue vers lui. Elle se nonmiait Aso. Typhon 
se procura par ruse la mesure du corps d'Osiris, fabriqua un coffre élégant 
sur cette mesure, l'orna avec art et le montra au milieu d'un festin. A cette 
vue les convives furent saisis d'admiration et laissèrent éclater leur joie. 
Typhon, plaisantant, leur promit de le donner à celui qui lo remplirait 
exactement en s'y couchant. Tous subirent l'épreuve, mais nul ne put 
remplir la condition. A son tour, Osiris se coucha dans le coffre : ceux qui 
étaient dans le secret accoururent, on mit le couvercle, on le consolida avec 
une clef et du plomb fondu, on le porta vers le NU où il fut jeté à la mer par 



142 



LE ONOSTrCrSME EGYPTIEN 



les bouches de Tanis. Ceci se passait le dix- septième jour du mois d'Athyr, 
la vingt-huitième année du règne d'Osiris, selon los uns, de sa vie, selon les 
autres. Les Pans et les Satyres des environs des Chemnisî\xreut les premiers 
à savoir la nouvelle du crime ; ils la répandirent parmi les hommes où elle 
produisit la terreur et la consternation'. Isis l'ayant apprise, coupa l'un de 
ses manteaux en cet endroit, prit des habits de deuil dans la vtUe de Goptos, 
et se mit à parcourir toute l'Egypte demandant à ceux qu'elle rencontrait, 
même aux enfants, s'i's n'avaient pas vu le coffre qui contenait Osiris, jusqu'à 
ce qu'elle eût trouvé ceux qui l'avaient vu jeter à la mer. Elle apprit alors que 
sou frère et mari Osiris avait eu commerce avec sa sœur Nephthys, croyant 
l'avoir avec elle-même, qu'un enfant était né de ce commerce, et elle se mit à 
le chercher, car la mère l'avait abandonné par crainte de Typhon : après 
beaiiœup de fatigues et avoc le secours de chiens dressés à la recherche, elle 
le trouva enfin et se l'adjoignit comme gardien et compagnon. 

Isis apprit dans ses courses errantes que le coffre avait abordé à Byblos, 
que le flot l'avait doucement déposé près d'une bruyère arborescente qui dans 
UD court espace de temps, s'était tellement développée qu'elle avait caché en 
elle- même le collre où était Osiris. Le roi de la contrée ayant vu cette plante 
superbe la fit couper et transporter dans son palais, où elle devint l'une des 
colonnes qui soutenaient le toit. Isis apprit tous ces détails de la bouche 
d'esprits célestes : elle se rendit à Byblos, s'assit tout en larmes près delà 
fontaine où elle resta sans adresser la parole aux hommes qui passaient. 
Cependant elle salua les servantes de la reine, leur parla avec bienveillance, 
arrangea leur chevelure et sut répandre sur leurs corps une agréable odeur 
d'ambroisie ; la reine, au retour de ses servantes, fut remplie du désir de 
voir elle- même l'étrangère, car l'odeur d'ambroisie répandue sur elles lui 
faisait envie. Isis parut donc devant la reine, devint sa familière et ou lui 
confia le soin d'un enfant royal. Isis nourrissait l'enfant en lui donnant son 
doigt k sucer, au lieu de sa mamelle . La nuit elle brûlait les jiarties mortelles 
du corps de son nourrisson, et, prenant la forme d'une hirondelle, elle volait 
au sommet de la colonne et se lamentait. La reine s'aperçut de cette conduite; 



I Plutarque (ail remarquer, en oel endroit de son récit, que la terreur dei hammes fui «i grande h U 
Dvuv«ll« annoncée par les Pant al \e* SBtvre* qu'elle est re«léE proverbiale : c'est ta terreur panique. 
(Plut., et* 75. « O»., n. U.) 



LK QMOSTICISHE ÉGYPTIEN 143 

en voyant brûler l'enfant elle jeta un grand cri , ce qui fit perdre l' immortalité 
à son fils ; la déesse reconnue demanda qu'on lui donnât la coîonue sur 
laquelle reposait le toit. Elle l'obtint, et aussitôt elle fendit la bruyère, et 
l'ayant entourée d'un voile, elle la remit aux mains du roi. Pour elle-même, 
elle garda le coflfret et poussa de tels gémissements que le plus jeune des fila 
du roi en mourut: elle s'embarqua ensuite, et, comme un vent trop violent 
soufSait sur te fleuve Ph^dros, elle le dessécha. 

Lorsque la déesse se trouva dans la solitude, elle ouvrit le coffret, baisant 
la face du mort bien aimé et versant des larmes ; un autre fils du roi qui 
l'avait suivi s'étant approché pour voir ce qu'elle faisait, elle le regarda d'un 
air si courroucé que l'enfant ne survécut pas à ce regard. Isis voulut alors se 
rendre près de sonlils Horus qui était élevé à Butos : pour cela elle cacha 
le coifret ; mais pendant son voyafïe Typhon, chassant la nuit au clair de lune, 
rencontra le coflret, reconnut le cadavre et le dêchii'a en quatorze parties 
qu'il dispersa. Isis l'ayant appris parcourut les marais sur une barque de 
papyrus à la recherche des morceaux du cadavre d'Osiris, prenant soin d'élever 
un tombeau à chaque endroit uù elle trouvait un de ces morceaux, et cela 
afin de tromper Typhon et de lui laisser ignorer où était le corps d'Osiris. 
Malgré ses recherches elle ne put rencontrer le membre viril d'Osiris, car 
Typhon Tavidtjeté dans le Nil où un oxyrinque l'avait avalé : elle le remplaça 
par l'imitation d'un phallus qu'elle fit et consacra elle-même. Cependant 
Osiris revint des enfers pour instruire son fils Horus ; il lui apprit le manie- 
ment des armes et lui demanda ensuite ce qui était la plus belle chose du 
monde. « Venger son père et sa mère à qui l'on a fait injure, répondit 
l'eniânt. » Osiris lui demanda encore quel animal il croyait le plus utile dans 
un combat. « Le cheval », répondit Horus. Osiris s'en étonna et dit que la 
chose était douteuse, ne pouvant comprendre qui'il n'eût pas nommé le lion 
au lieu du cheval. « Le lion est utile à ceux qui ont besoin de secours, dit 
Horus, mais le cheval sert à empêcher la fuite de l'ennemi et à le perdre. » 
Ces réponses remplirent Osiris de joie, il sentit qu'Horus était prêt pour le 
combat' Un grand nombre d'hommes passèrent alors du côté d'Horus ; parmi 
eux une maîtresse de Typhon, nommée Thueris. Elle était poursuivie [Jar un 
serpent que tua Horus. Le combat entre Typhon et le fils d'Osiris dura 
plusieurs jours, enfin Horus fut vainqueur. Il livra Typhon enchaîné à sa 



144 L.B GMÛSTIGlaMK BQVfTIliN 

mère Isis qui non seuleinont ne tua [las, mais relâcha le meurtner de son 
mafi. Horus en fut ai outré qu'il [iDrtii la mai» suf sa mèro et lui arracha 
son diadèmu royal, mais Mercure mit sur la tèle d'Isis un casque fait de la 
tête d'un bœuf. Enfin Typlion ayant répandu 1>! bruit que la naissance 
d'Horus était illégitinu>, celui-ci fit assurer sa légitimité par les dieux avec 
le secours de Mercure, ut vainquit Typhon dans deux autres combats. Quant 
à Isis qui avait eu commerce avec son nmri même après sa mort, elle mit au 
monde un flis qui naipiit avant terme et dout les membres inférieurs étaient 
sans force, il se nommait Harpocrate'. 

Tel est le récit que nous a laissé Plutarque ou l'auteur du traite sur Isis 
et Osiris. Go rwit t^>l tellement invraisemblable, tellement en dehors des 
mythes qui ont avec lui le plus de ressemblance, qu'on aurait pu douter de 
l'exactitude de l'auteur si les découvertes êgyptologiques n'étaient venues 
confirmer les priucipaux détails que Ton rencontre dans le récit du philo- 
sophe grec, récit qui d'ailleurs Ibunnille d'inexactitudes et de fausses inter- 
prétations. On a encore, dans un des morceaux les plus beaux do la poésie 
égyptienne, les lamentations d'isis et de Nephthys sur lo corps d'Osiris'. 
M. J. de Rougé a publié et traduit un passage important dans lequel bc 
trouvent bon nombre des données de l'ouvrage grec ; voici ce passage: « Le 
dix- huitième jour du mois de Paophi, isis dit à Thot: Je suis enceinte des 
œuvres de mon frère Osiris. Thot dit à Isis : Va dans la ville de Teb (Edfuu). 
Alors elle dit devant Hor-hut, seigneur de Mesen^ : Horus vainqueur est 
son nom : quela victoire soit à celui qui est dans ce sein. Lorsqu'elle fut venue 
à Mesen, Hut, seigneur des dieux, dit à Thot, seigneur de la parole divine : 
Tu es scribe, rends un décret pour protéger Osiris vivant en vérité. Thot 
prononça son discours en paroles magiques : Honneur à toi, dieu du matin I 
Honneur à toi, Horus, qui glorifies Râl Honneur àtoi, Hor hut, dieu grand, 
seigneur du ciel ! Voici que tes rayons sont en or ! Jeune Apis, il est amené 
pour réunir les sept béliers au seigneur d'Abydos (Osiris). N'es-tu pas venu 
pour le combattre 1 Fais ployer l'écliiiio k Set (Typhon), lorsqu'arrive Isis. 
Donne-lui (à Isis) la vertu qui oonsorve l'œuf dans le sein d'isis. Protège sa 



( Plularq. nt Jiid. et Oiirid.. ehap. su I 

■ Records of iht past, t. II, p. Ufl-IIS. 

■ Aulre Dom d'Edbu. 



LE ONOSTICISME ÉGYPTIEN 145 

substance, a Lorsque les mois et les jours furent passés en Egypte, Isis mil 
Horus au monde à Gheb*. Son cri parvint jusqu'au ciel, le vingt-huit Phar- 
muti. Nephthys fut dans la joie, le seigneur de Mcsen fut dans l'allégresse ; 
les dieux et les déesses furent dans le ravissement. Lorsque les mois et les 
années furent passés en Egypte, S2t arriva avec ses compagnons : il poussa 
des cris élevés en disant : Je combattrai...* avec ses compagnons. Rà dit à 
Thot : Qu'est-ce qu'on raconte de ce qui est entre Horus et Set ? Thot répondit 
devant lui : Set a dit à Horus : Il faut que nous disions auxMat'au ^... Horus 
dit à Set : Apporte les noms des hommes de l'Egypte. — Râ dit à Thot : 
Qu'on amène Hut, le dieu grand, seigneur du ciel, seigneur de Mcsen, 
seigneur des deux régions, le dieu grand, roi des barbares, avec ses compa- 
gnons, ses vaisseaux pour le repousser (Set). Lorsqu'arriva le dieu Hut, 
le dieu grand, seigneur du ciel, seigneur de Mesen, seigneur des deux 
régions, qui protège le faible contre le fort, et ses compagnons qui étaient 
avec lui , les Mesenu et ses navires et ses babu *, et ses traits, et ses chaînes, 
et son dard, et les armes qu'il avait d'habitude ^. . . amenant mille hommes. 
Horus combattit, et Horus se changea en disque ailé. Râ dit : C'est l'image 
du soleil, mon fils Shu Ptah a fait la valeur de ton bras. Horus, seigneur de 
Mesen, qui es à Teb. Horus étant devenu vainqueur de Set, la déesse Isis 
dit à Horus, seigneur de Mesôn : Que le navire d'Horus, fils d'Isis, vienne ! 
Horus le bon seigneur dit à ses compagnons : Que le navire d'Horus, fils 
d'Isis vienne 1 Isis dit à Horus, seigneur de Mesen : Place For sur la proue 
de ta barque, seigneur de Mesen ! Hor-ha, Ai-mak est celle d'Horus ^. Il 
acclame la valeur de Râ, la forc3do Shu, l'ardeur et la terreur de ton bras : tu 
la fais pénétrer dans ses membres, ô seigneur des dieux. Rends victorieux 
le fils d'Osiris, le fils d'Isis, qui combat pour le trône de son père. 

« Voici que Set fit son changement en. hippopotame rouge ; il remonta 
vers le Midi avec ses compagnons, et Horus, seigneur de Mesen, passa vers 



i Probablement Ha-Kheb, située dans le nome de 8a1s.(C!r. Duemicheû, Geogt, Iruehr,^ î, 9â, et lll, 29.) 
Notj de M. J. de Rougé. 
' Lacune de quelques mqts. 
3 Nom d*un peuple étranger. 

* Mot inconnu (note de M. J. de Rougé), * 

s Lacune. 
Noms des barques saerées d*£dfou. 

19 



146 



LE ONOSTICISME EGYPTIEN 



le nord de l'Egypte, avec ses barques et ses compagnons. Horus, fils d'isls, 
avec sa mère Isis était daas la barque qui portait Horus, seigneur de Mesen : 
Hor-em-bolop est sou nom. Voici que Horus, seigneur de Mescn, Hor-hm, 
le dieu grand, seigneur du ciel, seigneur de Mesen, seigneur des deux régions 
dit: Le fils de Nu- 1 dit àSet : Oii es-tu, assassin de ton frère ? Voici que Set lui 
répondit : Je suis à Eléphantine, demeure aimée, et il prononça de grandes 
imprécations au sujet d'isis et de son fils Horus contre le ciel, en disant : Qu'il 
arrive une grande tempête du Nord. Hor-liut, le dieu grand, le seigneur du 
ciel, le seigneur de Mesen, maitre des deux régions, et ses navires, la tem- 
pête étant au milieu d'eux, atteignirent Set et ses compagnons au milieu du 
nome du Tes-Hor (c'est-à-dire, d'Edfou) *. » 

Tel est ce texte qui, malheureusement, s'arrête en cet endroit ; le reste est 
tellement mutilé qu'on n'en a pu reconstituer aucun sens. Malgré tout, il est 
évident que ce passage suppose la plupart des détails donnés par Plutarque, 
et cela nous montre que la légende rapportée par l'auteur grec est bien 
égyptienne. C'est une conclusion déjà importante; mais ce qui pour nous l'est 
bien davantage, c'est le rôle d'Horus, du fils d'Osiris. Dans la légende de 
Plutarque, comme dans le récit égyptien, Horus est égalé à Osiris, il lui est 
supérieur en fait, puisque c'est le fils qui doit venger le père et qu'il reçoit 
les mêmes titres. Grâce à sa victoire sur le meurtrier de son père, Horus est 
nomme d'une manière générale le Vengeur, c'est le titra que l'on trouve le 
plus souvent dans les textes. D'ailleurs, l'égalité du fils avec lé père est un 
d ;s points les moins contestable de la religion égyptienne ; le dieu père renaît 
d'î lui-même dans un dieu fils, qui participe à toutes les attributions du père, 
et qui gouverne avec lui ou même en sa place. De plus, la supériorité du fils 
est indiquée en termes formels dans un hymne à Osiris gravé sous le règne 
de Ramsès 11 sur une stèle qui se trouve au musée du Louvre, et qui a été 
traduite par M. E. de Rougé, « dieu qui traverse le temps et dont l'exis- 
tjuce est éternelle, est-il ditdauscet hymne, OsiiischefderAment, Uunefer, 
dieu qui fait justice, seigneur des siècles, roi de l'Eternilé, fils préféré, 
engendre par Seb, premicr-né du sein de Nu-t, seigneur deTatu, roi d'Abydoa, 



» TexU vclatif à la «oiuance d'Borx, 
Bougé, p. 279 et Mqq.)- ^""8 durmons ci-ci 
pu M. NaviUe dua la Uytht £iIonu. 



, por J. de Roue*. {Mélanges d'archéologie de U. E. de 
lire les principaux passageE do leite tel qu'il a été publié 



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Le Mvthe d'Hûrus 



LE GNOSTIGISMB ÉGYPTIEN 147 

roi suprême de la région d'Akar, seigneur des joies, grand par les terreurs, 
esprit sacré dans Naru, gardien divin qui se complaît dans la justice, plus 
grand que son père, plus puissant que sa mère. Seigneur de qui vient l'exis- 
tence! Le grand des grands, supérieur à ses frères M.... etc. » On ne sau- 
rait rien désirer de plus formol et de plus clair. Basilide en donnant au grand 
ipytùM de rOgdoade un fils plus grand que son père, et devant lequel celui-ci 
tombait en admiration, ne faisait que transcrire des formules égyptiennes 
que les inscriptions hiéroglyphiques nous ont conservées. Dans le texte relatif 
à la naissance d'Horus, nous avons vu qu'à la nouvelle de son apparition au 
monde, Nephthys est dans la joie, le seigneur de Mesen est dans l'allégresse, 
les dieux et les déesses sont dans le ravissement. Nous aurons l'occasion de 
retrouver des formules semblables comme celles-ci : Devant ta face, les dieux 
se réjouissent, ils l'admirent, ils tressaillent d'allégresse, ils se prosternent 
la face contre terre.... L'admiration de 1' û?f>x"v de Basilide est de cette 
espèce, elle est à la fois une joie et un amour mêlés de tremblement et de 
respect. 

Nous pourrions ici faire remarquer les ressemblances qu'il y a entre l'éma- 
nation chez Basilide, et la manière dont la religion égyptienne faisait sortir 
les dieux les uns des autres ; nous en trouverons mieux la place en recher- 
chant les sources primitives du système de Valentin ; cependant, il y a un 
point du système sur lequel nous devons nous arrêter dès maintenant. Les 
différents noms de la divinité chez les Egyptiens venaient des différentes 
manifestations, sous lesquelles apparaissait un dieu unique à l'origine. Dans 
une série d'inscriptions recueillies par M. Edouard Naville, dans les tombeaux 
des rois à Thèbes, on ne trouve pas moins de soixante- quinze transformations 
du dieu Râ, le Soleil ; chacune de ces manifestations ou transformations de 
Râ est devenue, dans le panthéisme égyptien où l'idée du monothéisme a 



* E. de Rougé : Nottcj des monuments exposés dans la galerie d*antiquités égyptiennes au 
musée du Louvre» Stèle 21, p. 16?. Cet^e stèle est en fort mauvais état, et par suite de rhumidité de 
la salle, elle a dû être montée nu haut do Tescalier. Nous voulions en prendre le texte, cela nous a é:ë 
impossible, mais nous avons trouvé dans les Etudes égyptiennes de M. Pierret le texte de la phrase 
1 1 plus importante : 

Suten nuter heri her ma aft r tef-f us r mut-f. 



148 LE GNOSTICISME ÉGYPTIEN 

été abandonnée, un véritable être ayant substance et attributs, habitant un 
monde particulier. Nous allons le montrer et l'on verra ainsi la parité des 
deux doctrines. 

Parmi les titres donnés à Râ, puissance suprême, le premier est celui-ci : 
Le maître des sphères cachées, qui fait surgir les essences, celui qui réside 
dans l'obscurité *. Pour bien faire comprendre cette appellation, il nous faut 
expliquer la valeur des termes qui la composent. Le Seigneur, le maître des 
sphères, se lit en égyptien neb kert-Uj selon la transcription usitée d'ordi- 
naire*. Le mot neb signifie seigneur, maître et possesseur ; il renferme cette 
triple gradation d'un même sens dont le mot possesseur est la plus parfaite 
explication. Ainsi, Dieu est appelé neb ma-ty le maître est possesseur de la 
vérité^; une femme mariée est celle qui possède un mari, comme dans 
l'exemple suivant, cité par M. Grébaut, d'après le dictionnaire de M. Brugsch . 
J'ai donné à celle qui est veuve comme à celle qui possède (nebt) unmari^. 
Ainsi, le mot neb implique l'idée d'un pouvoir absolu, d'une autorité sans 
borne sur l'objet soumis à la possession : si Râ est le maître des sphères, 
c'est qu'elles lui appartiennent en toute propriété ^. Quant au second terme 
do l'expression qui nous occupe, voici ce qu'en dit avec raison M. Naville : 
« Le mot herl est un mot extrêmement fréquent dans les textes funéraires et 
surtout dans les descriptions de l'Ament ou région infernale. MM. Pleytc et 
Lefébure, traitant tous les deux ce mot, l'ont traduit par creux, caverne, 
s'appuyant surtout sur ce fait qu'il nous est dit que le Nil prend sa source 



hekennu n k ra ka -/em oeb qerti ament an nru 

III ^W 



30 ^ - Naville. Litanie du soleil^ pi. II, col. 1. 
Dti hotep f m s'esta-u 



2 Gela s'écrit en hiéroglyphes '^ZZ^ <ZZ> \ I I 



3 



h^ Todtenb.,^ chap. 85, 2. 



A/WNAA 




mon-Râ, p. 326. 
^ Naville : Litan. du soL^ p. 15. — Grébaut, loe, citât. 



LE GNOSTICISME ÉGYPTIEN 149 

dans les deux kert d'Eléphantine,qui sont elles-mêmes représentées sous la 
forme de deux serpents se mordant la queue *. De là, dans certains textes 
funéraires, le mot a pu signifier sarcophage... Les nombreux exemples de 
ce mot qui se trouvent dans le chapitre que nous traduisons peuvent nous^ 
donner d'utiles indications sur l'idée qu'il représente. Une ker-t est un lieu 
qui sert de résidence à un esprit, à un corps, au soleil lui-même. Chaque 
esprit a sa ker-t^ et chacune des soixante-quinze formes de Râa sa kert 
spéciale... La ker-t est par elle-même un lieu obs^.ur, c'est celui qui Thabite 
qui peut l'illuminer ou la plonger dans les ténèbres; c'est pour l'esprit ou 
pour le dieu qui y est attaché une sorte de résidence; il y naît, il se trouve 
à l'intérieur, il y habite, il peut entrer et sortir, il y atteint même cet état de 
repos et de perfection que l'Egyptien désignait sous le nom de hotep ^. Les 
her-t sont créées comme les corps ou les esprits qui doivent les habiter. La 
forme de Râ qui fait exister les corps est celle qui fait les ker-t; le seigneur 
des ker-tcst aussi celui qui fait les essences. Si c'est l'habitation, le lieu dans 
lequel un esprit ou un corps est renfermé, c'est donc à la fois une cavité et 
une enveloppe ; c'est ainsi que Ghampollion l'avait déjà expliqué ^, et d'après 
tous ces exemples, nous pouvons y reconnaître ce que les Alexandrins appe- 
laient une zone ou une sphère *. » Un texte du sarcophage de Taho vient 
confirmer cette interprétation de M. Naville : « Acclamation à toi, Râ ! ahl ce 
germe divin formateur de son corps, qu'adorent ses dieux lorsqu'il entre dans 
sa retraite mystérieuse ^. » Or, cette retraite mystérieuse, c'est, dit M. Gré- 
haut, le lieu où il accomplit sa mystérieuse transformation^, et le mot employé 
par l'Egyptien est ce même mot ker-t ou kerer-t que nous avons expliqué 
d'après M. Naville. 

A Duemichen. Geog, Insoh,^ II, 79. 



3 Lettres dCÉgypte, p. 228. 

4 Naville. Litanie du Soleil, p. 15-16. 



5 




I ^ ^f -ÏH I « kl ^ -^ - -ï^v --i] 

I I I ^^^'^^ ^\ J^ 2 J\ ^^^^ ^^ £^ ""^^^^ heken-n-k rû ka ^em ^num 



Xa-t-f pen nti tua*( nuteru-f au-f &k-f kerert-f s^tat. 
^ Hymne à Ammon Râ^ p. 146, n. 1. 



150 



: GNOSTICISME EGYPTIEN 



■ Dans lo livre de l'hù-ai^phoro iiifi;rieur, l'Amont ou enfer égyptien 
c§t partagé en douze parties que lo soleil parcourt pendant la nuit et 
que rame doit traverser aussi avant d'arriver à la salle de la Double 
Justice où elle sera jugée : Chacune do ces divisions est distincte, ayant 
ses habitants particuliers et ses épreuves spéciales , elles se nomment 
toutes ket'-t. J'aurai occasion d'en parler plus lonj:ui?raeut à propos do 
Valentin. 

Cependant, rjuoi qu'il en soit de la traduction du mot égyptien ker-t par 
le mot français sphère, il n'en reste pas moins vrai que ce mot signifie un lieu 
d'habitation quelconque, sphère ou autre ; le déterminatif des demeures suffit 
à le démontrer *. Chaque forme de Râ a l'une de ces demeures particulière?, 
les textes l'indiquent clairement: Râ de la sphère (kert), est-U dit, 6 Ri 
qui parle aux sphères, Rà qui est dans sa sphère, honneur à toi, Râ keschi ', 
On prononce ses louanges à l'esprit keschi: les sphères honorent son esprit 
elles glorifient ton corps qui est en toi, disant ; Honneur à toi, grand 
hesclii. On prononce des louanges à toi, esprit keschi dans tes soixante- 
quinze formes qui sont dans les soixante-quinze sphères '. » Ainsi, 
l'on compte , en ce cas , soixante -quinze sphères ou retraites mysté- 
rieuses, séjours des dieux, des formes de Ril parce qu'il y avait soixante- 
quinze do ces formes. De plus, ces sphères n'étaient pas le séjour de la 
seule forme divine correspondante ; les textes nous montrent qu'elles étaient 
encore habitées par des dieux, les compagnons du grand dieu de la sphère. 
En effet, à la neuvième et à la dixième invocation, de ce que M. Naville, 
appelle la litanie du soleil, on lit: « Adoration à Râ, celui qui brille loraqu'il 
est dans sa sphère, celui qui envoie ses ténèbres dans sa sphère et qui cache 
ceux qui l'habitent: celui qui éclaire les corps qui sont sur l'horizon, celui 



' Ce délerminulif eal celui-ci, l l le jilan par lorra U'una chambre. 

t Le changement de perBoime est considéré en égypHea comme une ël^gnnce 
' NaWlla. Litanw du SoUil, |>. Î2. l'biiches Vil àVlil, XXXVill. Voici 



^ ' 



g^le du passage le 

nm 



Au liekennu u k bn kpschi 



n jfeperua zepor n 



LE GNllST[GlSME ÉGYPTIEN 151 

. ,A> . 

qui entre dans la sphère '. » Râ uc désiguaat autre chose dans la mythologie 

cgyptieiine que Dieu manifesté par le nom du soleil, il s'ensuit que les habi- 
tants de la sphère et les corps qui sont sur l'horizon sont des êtres, créatures 
de Rà en tant que Dieu, créalures qu'il peut éclairer et plonger dans les 
ténèbres en tant que soleil illuminant les deux horizons. 

Tous ces habitants des sphères célestes sont indistinctement appelés 
dieus dans le même document. « Adoration des dieux sphériques, y est -il 
dit, lorsquo Râ se couche dans la vie. Salut, dieux des sphères, dieux qui 
êtes dans l'Ainent, dieux parfaits *. » Tous ces traits, on le voit, convienneilt 
on no peut mieux au système do Basilide. Les trois' cent soixante-cinq cieux 
du gnostique égyptien ne sont, en effet, que les séjours des différentes mani- 
festations ou développements du grand â^z^v, seigneur et maître du monde 
intermédiaire. Chacun de ces cieux est le séjour de plusieurs et même d'un 
grand nombre d'esprits émanés, chacun à son rang, du premier «pyav et par 
cela même du grand dieu Oja wv. Dans ces cïeui, doivent se trouver le salut, 
la joie et la paix éternelle figurées par le mot égyptien hoiep '. Il no saurait 
donc y avoir plus de ressemblance. De plus, si l'on prend garde que le dieu 
Rà se manifeste par le soleil, on peut parfaitement interpréter ses manifesta- 
tions commo les maîtres et les seigneurs des astres où ces dieux sphériques 
ont leur résidence *, et ainsi nous obtenons uno nouvelle ressemblance, car le 
mot basilidien ciel (oypav;;) ne nous semble qu'un synonyme du mot astre, et 
nous indique certainement un mythe stellaire. 

Il n'est même pas jusqu'à l'ignorance complète qui recouvre les mondes 



I 



14: 



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PI. II. 6eu-lt am berl p 



l'-f kl kui.r m kerl 




Ti î ^ 4. s? I m 4 k ^1 

Verera x'^ ■'" butep'C m aii]( miel' her kerli nuleru ucnu a 

» En hiérogljpliPS. =t= û B 



5? â ■ 



'^ 



» Cella inleriiMlaliun na |. 
des Ramcsaides le m^iialbéi: 
■t lUilout les Romains. 



l'^iire doute si l'uu considéra qua dè> lei.dïnaïUes qui suîTiKnl l!àre 
égyptien H perd et devisul le poljtbtisme qu'ont codhu Isa Oreca 



ll52 I.E GNOSTICISME KOÏPTIEN 

basilidiens après lo parfait (liscaruoniout du tous les germes qui ne trouve 
son pondant dans la roiigion égyptienne. Cette ignorance nous est moulréo 
dans un teste cité par M. Pierrot, dans son opuscule sur la Résurrection chez 
les anciens Égyptiens, comme une immobilité que la colère divine infligeait 
aux âmes criminelles, immobilité équivalant au non-être. « Les rebelles, dît 
ce texte, deviennent choses immobiles pendant des millions d'années'. » 
L'ignorance est elle-même une immobilité complète de l'intelligence par 
rapport à la chose ignorée. Si l'immobilité qui nous est présentée comme le 
supplice des rebelles, c'est-à-dire de ceux qui n'ont pas été trouvés bons 
dans la double salle du jugement, a été détournée de son sens primitif, cela 
n'empêche pas qu'elle n'ait pu suggérer l'idée de l'ignorance basilidieuno. 
En effet, cette ignorance où se trouve plongé chaque monde n'est que l'immo- 
blité de tous les habitants d'une sphère dans leur ciel, sans pouvoir s'élever 
à un monde supérieur, sous peine d'anéantissement: c'est l'immoblUté des 
damnés dans l'Ament de l'Egypte transportée dans les cieus de Basilide, il 
n'y a qu'une différence légère d'une nuance infernale en moins. 

Nous pourrions pousser plus loin encore la comparaison entre le système 
do Basilide et les doctrines égyptiennes, mais nous retrouverons à propos de 
Valontin, ceque nous omettons ici. Ainsi, pour ne citer qu'un exemple, la 
distinction des âmes dans Basilide peut avoir eu comme origine la religion 
égyptienne ; cependant, nous devons avouer que pour un grand nombre de 
détails dans le système nous n'avons pu trouver de ressemblance explicite : 
peut-être les progrès de la science nous découvriront-ils de nouveaux rappro - 
chements à faire, de nouvelles ressemblances à constater. Quoi qu'il en soit 
et quoiqu'il doive arriver, nous voyons dès maintenant que les trois princi- 
pales conceptions du système basilidien ont été empruntées par le docteur 
gnostique à différentes doctrines orientales, et si l'on ajoute à cela les idées 
qui lui sont communes avec Simon le Mage, Ménandre et Satornilus, on sera 
persuadé qu'en fin de compte, Basilide avait peu inventé, qu'il avait seule- 
ment coordonné et lié plus fortement, d'une manière plus serrée et plus 
logique, des idées dont l'invention ne lui appartenait pas. 



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CHAPITRE IV 



CARPOCRATE 

Eutre Basilide et Valentia se trouve presque toujours nommé un gnos- 
tique égyptien que Ton appelle Garpocrate ; dans toutes les hérésiologies, ses 
erreurs sont analysées et réfutées après celles de Basilide et avant celles . de 
Valentin*. Nous n'avons pas cru pouvoir le passer sous silence, quoique sa 
doctrine n'oflTre presque aucun dogme particulier, sinon le communisme le 
plus effréné. Nous n'avons que très peu de détails sur la vie de cet homme* 
On sait seulement qu'il était originaire d'Alexandrie, qu'il avait épousé une 
femme native de l'île de Géphalénie et en avait eu un fils nommé Épiphane *, 
C'est ce que nous apprennent Clément d'Alexandrie et Théodoret. Clément 
d'Alexandrie ajoute encore que Carpocrate se fit l'instituteur de son fils, lui 
enseigna à fond la pliilosophie platonicienne, et que le jeune Epiphane mourut 
à dix-sept ans, laissant après lui la réputation d'un grand philosophe, ayant 
écrit des ouvrages, et célèbre par sa morale sans loi. Après sa mort il fut 



* Sur Carpocrate, Cf. Iren., lib. I, cap. xxv. — Philos.,» lib. VII, cap. iv, n. 32. — Tert. ffxr,^ IX. 
De anima, cap. xxxv. — Epiph. Hmr., xxvii. — Philast., Haer., xxxv. — Théod., Jffmret. fah, 
lib. I, cap. Y. —Le nom de cet hérétique oe se trouve pas partout le même : Saint Epiphane etPhilastre 
le nomment KapTcoxpSc* Quant au numéro d^ordre qu^il occupe dans les différentes hérésiologies, il h^est 
pas non plus partout le môme. Carpocrate est .le cinquième dans saint Irénée et Théodoret. Entre 
Basilide et Carpocrate, saint Epiphane nomme les BopS.optavoi, les ZTpxTtcdviTàt, les ^tSiuviTai; Ter- 
tullien, les Nioolaïtes, les Ophites, les Caïnites, les Séthiens; Philastre les Nicolaltes, les Gnoàtiques 
et les Judaîsanls. Quant à Tauteur des Philosophumena, il n'a Jamais sans doute pensé à mettre de 
l'ordre dans son ouvrage. 

« Ka^içoxpànjç 'AXe^owapei»; xh ylvo;. (Théod., Htet., fah. lib. I, cap. v.) 

20 



154 LE GNOSTICISSIU EGYPTIIÎN 

adoré comme un dieu dansTilodeCéphalénie, ou lui éleva un autel, on établit 
des fêtes oij l'on chantait des hymnes en son honneur ', La mort prématuréû 
d'Epiphane, son éducation faite par son père nous ont semblé des raisons 
suffisantes pour ne pas séparer ses doctrines de celles de Carpocrate, du 
moins pour la morale; car pour les autres enseignements du gnosticismo, le 
jeune hommes'étaitfait le disciple de Valentin. Au contraire, pour la morale, 
les doctrines d'Epiphane louent précisément ce que l'on reproche aux disci - 
pies de Carpocrate : il est donc vraisemblable que le fils les avait empruntées 
au père. Ce sontces doctrines que uous allonsexposer, après avoir fait d'abord 
une courte étude des sources qui uous les ont transmises. 

Saint Ironée, TertuUioii, Clément d'Alexandrie, l'auteur des Philoso- 
phumena, Philastre, saint Épipliane et Théodore! ont tour à tour parlé des 
doctrines de Carpocrate; mais, quoique uous venions d'énumérer sept noms, 
nous ne pouvons pas compter sept sources différentes de renseignements ; au 
fond, il n'y a que deux sources biou distinctes . La première uo nous est connue 
que par les auteurs qui s'en sont servis, la seconde est venue jusqu'à 
nous. 

Quiconque lit attentivement le fauxTortuUion, Philastre et saint Epiphaue, 
voit du premier coup d'œil que ces trois auteurs se sont servis encore ici 
d'un ouvrage antérieur, sans se copier les uns les autres. Il ne nous appar- 
tient pas de le démontrer, M. Lipsius l'a fait en Allemagne d'une manière qui 
uous semble péremptoire *. D'un autre côté, l'auteur des P/a'/oso^AKHiCMa ne 
uous donne que la transcription de saint Irénée, à part quelques légères cou - 
pures, si bien que uous y pouvons retrouver le texte perdu de l'évèque de 
Lyon ; Théodoret a agi de la même manière sans copier servilement le texte, 
excepté dans quelques endroit*. Toute la question revient donc à savoir si 
l'auteur dont se sont servis le faux Tertullien, Philastre et saint Epiphane est 
le môme que celui dont saint Irénée nous a laissé une analyse ; mais la 



xk\ 6ià{ Cl ïifLf T^; Ktfa»>T{via; nTi)lr,Tif ïvOa aiit^ Iipàv ^ui£iv I.Kitiiv, p(iiiLa\, T(|iivi], ItquacIoY, ùxa- 
Iiti)]T3i n *i\ xstifptuTSi' xi\ vuviovn; cl; z'a Icpàv ol Ke7:i).).ï;ve; xstà va'j)iii]viav , ycvfOl.iav àlcaSioiaiv 
(Kiaumv 'Emfitci- o^'vSauoE tj xa'i EÎu^oOvTai xi\ iy.-rm Hyattat. 'EniiSsûfl^ jiiv afiv nipz tài Tiaipi ir;'' 
Ti îrx'JiXisv niiSii'ix-j xa'i ta nXâiuva:.{Cl. Alei., Str. lib. III, cap. xi. — Pati-. grme., t. VIII, col. 1105), 
) Zvr QaelUnkritih des Epiphanioi, p. 109-lU. 



LE ONOSTICISME ÉGYPTIEN 155 

répoQse n*est pas facile à trouver. M. Lipsîus semble croire à rcxistence de 
deux ouvragesdistiiictSyCar il nous dit en parlant de saint Épiphane, au sujet 
de Garpocrate, que l'évêque de Salamine a puisé ses renseignements tantôt 
dans saint Irénée, tantôt dans saint Hippolyte^ Le docte professeur croit, en 
effet, que l'ouvrage primitif dont nous parlons est le Ryntagma de saint 
Hippolyte, évêque de Porto, hérésiologie que nous savons avoir été écrite, 
mais qui est maintenant perdue. Quoi qu'il en soit, M. Lipsius oppose évidem- 
ment cette source d'informations à celle que nous trouvons dans saint Irénée ; 
mais en admettant que cette supposition soit juste, comme saint Irénée lui- 
même a puisé à une source antérieure, comme il n'y a entre ses renseigne- 
ments et ceux qui nous sont fournis par les autres auteurs aucune différence 
de fonds, ne peut-on pas conclure que l'ouvrage de saint Hippolyte comme 
celui de saint Irénée, avaient en ce point, le même ouvrage antérieur comme 
fondement de leur exposition ? Nous ne pouvons pas cependant dire quel était 
cet ouvrage antérieur : le champ est encore ouvert à la conjecture, et nous ne 
croyons pas qu'avec les données présentes de la science, on puisse citer avec 
certitude Thérésiologie fondamentale qui a été le point de départ des ouvrages 
que nous possédons encore et dont nous nous occupons maintenant. Ce qu'il 
y a de certain, c^est que, dans ce chapitre, la rédaction de saint Irénée 
procède de la même méthode que dans le précédent, et que l'on ne trouve 
dans le pseudo-TertuUienetPhilastre aucune différence marquée avec saint 
Irénée, quoique ni l'un ni l'autre n'aient copié servilement. 

Nous pouvons donc affirmer, avec toute la vraisemblance possible, que ce 
premier groupe de six auteurs ne se compose que de branches différentes; 
s'étant toutes détachées d'un tronc unique. Si nous examinons maintenant les 
renseignements fournis par Clément d'Alexandrie, nous trouvons une tout 
autre manière de procéder. Les renseignements que nous fournit le philosophe 
alexandrin n'ont rapport qu'à la vie de Garpocrate, à l'exception d'un long 
passage des Slromales transcrit en entier d'un livre d'Épiphane. Ce passage 
est important, car il contient toute la morale du père et du fils. Nous avons 



1 Der text dei Epiphaoios ist hier wieder aus Ireuâusund Hippoljt zusammen gearbeilet : Pseudoter- 
talliaa und Philastrius gebea nur einige Sâtze aus der SuvTaypia des Hippolyte wieder, deren Verglei- 
ehung mit Epiphaoios jed3ch aareichend ist/um auch hier die bel Saturnin und Basilides gefundenen 
ResuUate zu beslâligen. (Ihid., p. lOD.) 



156 



LE ONOETICISME EGYPTIEN 



donc là une source authentique et nous ne pouvons mettre en doute, quelque 
énorme qu'elle puisse paraître, une doctrine ouvertement professée par son 
auteur. 

Dans les renseigoemenlsquï nous sont parvenus sur la doctrine que nous 
exposons dans ce chapitre, nous avons à regretter do trop nombreuses lacunes; 
ainsi, nous n'avons presque aucun détail sur la théologie, la cosmologie et la 
rédemption do Garpocrate; au contraire, nous savons relativement beaucoup 
dechosessurson eschatologie, sur les mœurs et les coutumes de ses disciples- 

Au premier rang des êtres, Garpocrate plaçait un dieu que saint Irénéc 
appelle /n^eniVws, et saint Épipiiano "Ayvw^To; ; puis au-dessous de ce dieu 
à un degré bien inférieur les Anges qui avaient créé le monde*. Nous pouvons 
affirmer de noiiveau que l'émanation était encore le mode d; production des 
êtres, car les âmes des hommes avaient été placées dans les circonvolutions du 
Père inconnu {èv w T:spt^cf>x toù àyi/âdzo-j rarpôï) avant qu'elles eussent été 
envoyées sur la terre. Dans ces circonvolutions elles avaient vu beaucoup de 
choses qu'elles avaient oubliées ensuite, comme nous l'apprend ce que dit 
Garpocrate sur Jésus. Ge Jésus, en effet, ne s'éleva au-dessus des autres 
hommes que parce qu'il possédait une âme ferme et pure qui so rappela ca 
qu'elle avait vu dans les circonvolutions du dieu sans naissance *. Que con- 
clure de là, sinon que toutes les âmes des hommes s'étaient trouvées dans ces 
circonvolutions, que seule l'âme de Jésus se rappela ce qu'elle y avait vn et 
qu'elle tira de ce souvenir toute sa supériorité? Mais que faut -il donc entendre 
par ce mot r.tptfopi que nous traduisons par celui d:; circonnoluiion^ faute 
d'en trouver un autre plus approprié à la signification du mot grec ? A uotro 
avis, Garpocrate par sa npi'^opz no voulait pas désigner autre chose que la 
longue chaîne aux trois cent soixante-cinq anneaux des émanations contenues 



• Kapitoxsoni; ïbv |i1ï xianov kï'i tJ ev ojtm ijci ôyyfXinv iralCi -jnoÉtBiixitBiv toû àvtwTitoj lla-cpà; 
TtYii^aiM ilytt. (Pliilos.. lil). VIH, iv, u. 3E, p. 3Sô, lia. 1-2. Nous ritons Eoint Ireoée d'a]irés leleile 
grec retrouva dans Ue Philosophvmena). Voici ce que diliaiat E|ii|>bane : To-i Si xia|j.ovKa\ tb cv 
TÙ x5o(i»'j«4 'Ayï-'i''" Ttr'"!"^*' ^'i'^ lioXi ti iit!) IIxTiàt toD «ïYÙfftou ii['iSt6iixôiuiv.(Epiph., Hieres, 
«ira, n. !). 

* T4v Si "IflToOv tS '(ii)çi]p ftyiv^rfai, xa\ iiiotio; toî; âvOpiixii; ycTOï^Ti, îtxiiiiepov tûv Iftiiiûv 
ïlvtrf»!, ■rijv Si +'Jj;Jiv oi'jToO (Ctovoï *t\ xiBapàv teïovjIiv, îiaïuiuiovEÛnii tk ipiifijvi aûiri Èv tji [teti 
ToO aTivvT,tiu OioO mpi^ap^, xx\ Stx taOïa M ixtîvou avr^ xaTiiccm)0>|Vxi 3.va|i.iv> Zitiai i»Ci; xotriionalouf 
infjfu-i Si' K'JTr|( S'jvi^tV r,vxil Sià eiÎvtiuv ^(up'^vaa'olv îv nSai'ti ÈlcudtpuOtloiiv àvi)i]luOivii( Tipà; nùtiiv, 
xa\ i|iafc.i< Tac fj^fàc tSi S|W(a ait'',-, à^xr^l^ivic. (Pbil., ibid., a. 32, p. 3SS, lin. 3-10.) 




LE ON08TICISME EGYPTIEN 157 

dans le système de Basilidc. Ea effet, les âmes dos horamessonl dites avoir 
demeuré dans cette m^/tfipXj dans cet ensemble d'émanations, avant qu'elles 
fussent envoyées sur la terre: cela prouve leur préexistence, et celte préexis- 
tence ne devait pas différer de celle de Basitide, laquelle, nous l'avons vus, 
reposait tout entière sur l'émanation. L'émanation, nous le répétons, était la 
doctrine commune de tous les gnostiques; Garpocrate n'a pu la rejeter pour 
bâtir des théories on tout semblables à celles de ses prédécesseurs. Cependant, 
nous devons dire que notre conjecture sur le sens du mot Trept-j'opi n'est qu'une 
simple conjecture que nous appuyons sur des ressemblances, nous dirions, 
presque sur des convenances, mais pour laquelle nous ne pouvons invoquer 
un seul texte péremptoire. 

Les Anges créateurs de Garpocrate avaient fini, comme dans les systèmes 
précédents, par se soumettre les hommes, par faire peser sur eux un joug de 
fer. Le Père inconnu ne put supporter toujours cette intolérante domination 
dos Anges, il envoya Jésus pour délivrer les hommes et lui donna toute la 
puissance nécessaire à l'accomplissement de son dessin, c'est-à-dire, à la 
défaite des Anges. Ce Jésus fut vraiment le fils de Joseph et de Marie; il 
naquit, comme tous les autres hommes, d'un père et d'une mère; c'est ainsi 
que Garpocrate réduit la mission du Sauveur au minimum, et que le premier il 
lui refuse toute vertu divine. Jésus s'éleva au-dessus des autres hommes,- 
parce qu'il avait une âme ferme, pure et se rappelant encore ce qu'elle avait 
vu dans une vie antérieure; il fut instruit dans les lois et les coutumes des 
Juifs, mais il les méprisa, et à cause de ce mépris il reçut toute vertu pour 
éloigner de lui les passions qui s'étaient attachées à l'homme commo une puni- 
tion'. Ge mépris do Jésus pour les loisjuivcs fut le salut du monde, il délivra 
les hommes de l'esclavage. Nous ne savons si, pour parfaire la rédemption, 
Jésus, d'après Garpocrate, dut souffrir les tourments de la passion. 

Jésus n'avait été grand, disait Garpocrate, que parce qu'il avait beaucoup 
méprisé :on conséquence, plus on méprise avec foi ce les lois juives, plus on de- 
vient grand, et si quelque homme peut les mépriser plus que Jésu' ne l'a fait, 
il deviendra plus graud que Jésus. Tout homme peut mépriser les Anges 




10-12. p. 386,111). 1.) 



158 



LE ONOSTICISME EGYPTIEN 

e salut ; s'il h 



créateurs du monde et ainsi obtenir le salut; s'il les méprise, il obtiendra la 
même vertu queJésus a obtenue pour opérer les mêmes prodiges que Jésusa 
opérés. Mais afin que ce mépris pût parcourir tous les degrés et que l'âme pût 
retourner à Dieu en toute liberté, c'est â-dire libre de toute entrave, elle 
devait tout mépriser au monde, commettre tous les crimes, même les plus 
honteux et se souiller de toutes les souillures possibles. Les lois qui régissent 
les hommes sur cotte terre ayant été portées par les Anges créateurs, on devait 
donc mépriser toutes ces lois afin de mépriser eu elles les Anges qui les 
avaient faites *. 

Voilà, certes, une doctrine qui ne redoute pas les conséquences pratiques. 
On voit du premier coup d'oeil que nous rentrons ici dans la voie ouverte par 
Satornilus et abandonnée presque en entier par Basilide: la haine du Dieu 
des Juifs, la haine de tout ce qu'il avait établi était le fondement de ce nouveau 
système. En effet, on nous dit d'abord que cette haine devait porter sur les 
lois juives, et ensuite on ne parle plus que des Anges créateurs et des lois 
qu'ils ont portées : qu'est-ce à dire, sinon que le Dieu des Juifs était 
encore dans ce système le chef des Anges créateurs et qu'il fallait le haïr, 
mépriser ses lois afin de parvenir au salut. Le système de Garpocrate rentre 
donc parmi les systèmes gnostiques rejetant toute alliance du judaïsme avec 
leurs doctrines. Mais cette nouvelle religion de la haine passait par-dessus le 
judaïsme et ses pratiques pour s'attaquer atout ce qu'il y avait de justice et de 
moralité sur la terre. En effet, si la haine et le mépris de tout ce qu'avaient 
fait les Anges devaient être la religion universelle, si ces Auges avaient porté 
toutes les lois qui régissent la terre, une pareille religion n'était-elle pas le 
renversement de tout ordre social, de tout ordre moral, ne lâchait-elle pas la 
bride aux passions les plus effrénées, ne faisait-elle pas de tous les vices autant 
de vertus en les préconisant comme un moyen de salut ? On aurait peine à 
croire à autant de perversité si nous n'avions pour garants les hommes les 



Istitfôviiv lùvagiiv icpiit th npSEii xà S|iaix- iib ki\ il; toOto tA tOipot ]i3iiXi]XûSx(riv ûtti toJi; ^iv â|K>(avc 
oijT^ ilvat JklYDM9(T'iJ 'IilioO, Tsli; ii xii Ti SjvxTuilpsu;, Tivï; a xx\ iiifopuiTfpou; TÛvlxihou ^xSr|T&v, 
olov Hkpm xil BiùXov xxl tEiV ïomùv ànoari).!!»' toutou; iï xitî ^rfihi àitaitiitKfixi toO lisoS* Tâ( 
iï 4'uxàt aùt£iv èx ttiï {mEpxii[i£vri( cEouiriit iixpa'Jtra;! xoc'i Sià TaQTa usa JTu; xirafpovo'joa; tSv xia- 
twmiK&v, TÎi; aùi^i Ji^AtrO» Suvâ|uu;, xix\ otùfti; d; tô kÙto zuprjoit. Et if ti; îii:£vau jùim xaTsifipavT,- 
autt ta* IvTErïAx, SûvcEoOoii tuEçopûnpov «OtoQ bsdpjiiv. (PAfl., lib. VII. — Ib., p. 383, tlo. ilt.) < 



LE G.NOSTICISME EGYPTIEN 



159 



plus digaes de foi et si l'im des cris de ces forcenés n'était parvenu jusqu'à 
nous à travers dix-sept sièdos et plus de distance. Ce cri a été pousse par un 
jeune homme de dix-sopt ans dans un livre écrit sur la justice ; c'est la glo- 
rification du communisme le plus éhonté. Nous allons citer en entier ce long 
passage; ou pourra voir quels étaient les arguments invoqués par les commu- 
nistes au second siècle de notre ère, et juger ai l'esprit humain ne tourne pas 
toujours dans le même cercle d'erreurs et d'arguments. Voici le passage tel 
que nous l'a conservé Clément d'Alexandrie: 

« La justice de Dieu, dit Epiphane, n'est autre chose que l'égalité dans la 
communauté. Le ciel entoure la terre également sans être plus d'un côté que 
de l'autre, la nuit montre à chacun ses étoiles sans favoriser l'un plus que 
l'autre, et Dieu fait luire également le soleil, cet auteur du jour et ce père 
de la lumière, sur tous ceux qui le peuvent voir (et chacun voit également), 
car Dieu ne distingue pas entre les pauvres, les riches et les princes de la 
terre, entre les ignorants ou les savants, entre les femmes et les hommes, 
entre les hommes libres et les esclaves. Il agit de la même manière à l'égard 
des animaux, il confirme sa justice sur les bons et les méchants en faisant 
que personne ne puisse posséder cette lumière plus que son voisin, ou l'en- 
lever à son prochain afin d'en posséder pour lui-même une double mesure. 
Le soleil fait pousser également pour tous les animaux les alimeuts qui leur 
sont nécessaires ; une justice égalitaire a été rendue à chacun d'eux en ce point, 
et en vue de ce? aliments tous les auiraaux qui appartiennent à l'espècj des 
bœufs agissent comme des bœufs, ceux qui sont de l'espèce des pores agis- 
sent comme des porcs, ceux qui sont de l'espèce des brebis agissent comme 
dos brebis, et de même pour toutes les espèces d'animaux. Car pour eux la 
justice ne semble être autre chose que la communauté. De plus, par cette com- 
munauté, toutes choses se sèment également selon leurs espèces, une nourri- 
ture commune naît pour tous les animaux qui paissent l'herbe de la terre, et 
tous peuvent la paitre dans la plus stricte égalité, car aucune loi ne vient 
leur imposer des bornes, et celui qui la leur donne a ordonné de la leur 
distribuer avec profusion et de faire en sorte que la justice et une même har- 
monie soient gardées à leur égard » *. 



' Aiiu xoivjv outoe ( 'Eia^àviK) Èi ti llîpl îmaiosùviiî' « Ifft ïiiiaïasiîïiiï *oti 6t»0 nonwviiv twà ilvn 
(Mt* fa Sti]Ta;. loos yi toi itavrax^^ waldc «ùpOTiSi niAif ii[v firi 1ttfit%u «affBV- Mai «ôvrat t| "Aj 



100 



LE GNOSTICISME 



On voit que, par ces paroles, Êpipliauc enseignait que toutes choses 
devaient être également partagées entre tous sans aucune distinction de 
sexe ni de rang; il lui suffisait diî voir que la lumière était la même pour 
toutes les créatures, c'était une preuve que toutes les autres choses de la .terre 
devaient être en rapport égal ; il ne remarquait pas que si les choses néces- 
saires à l'homme, pour qu'il soit homme, sont distribuées à tous les indi- 
vidus avec une mesure qui paraît égale, quoiqu'elle même ne le soit pas, il eu 
est tout autrement dos choses qui ne sont qu'utiles à la vie humaine. Certes, 
de pareils arguments ne supportent guère l'examen, et cependant ils sem- 
blaient suffisants, ils semblent encore suffisants à des esprits qui sont la 
preuve vivante de l'inégalité du partage des biens qui doivent être les plus 
chers à l'homme. Nous ne savons pas si Epiphanc voulait que la raison fût 
également partagée entre tousles hommes, mais au moins voulait-il ce par- 
tage égalitaire, cette communauté universelle pour tout ce que lo monde 
renferme de corporel. Voici ce qu'il disait de la communauté des femmes 
dont il avait sans doute pris l'idée dans une de ces pages qu'on ne vou- 
drait pas savoir écrites de la main de Platon. « Il n'y a pas plus de loi au 
sujet de la génération qu'au sujet do la nourriture, disait-il : si une- 
pareille loi avait pu être posée, elle serait depuis longtemps abolie, car les 
animaux se reproduisent en toute égalité, ayant en eux ce sentiment de la 
communauté; car à tous également le créateur a donné l'œil pour voir, c'est 
la loi de sa justice, et il n'a pas fait de différence entre le mâle et la femelle, 
entre l'être qui possède la raison et celui qui ue la possède pas ; en un mot, il 
n'a discerné rien de rien, mais il a divisé tout entre tous avec égalité dans la 
communauté, il n'a donné qu'un seul ordre et tous les êtres ont reçu leur 
part. Mais les lois des hommes, ne pouvant châtier l'ignorance, ont appris à 



titior,î îmi:ixYutat Toùc àotépoc' ïôv « tr,; ^[lipaç ahiai X3,\ Tttnipx loQ çuiàî «iiiov i 6cb; Hif-^ 
SvnAci looï râi TJlt «KOffi Tolî ^iiireiï !yva|isvO!r (ol îi XOW5 jcâvie; piéwouow) iitù [i^ iiaxptvil 
nloùaisv, fi icivigta, f| S^pou â;i);avTi, S^poiâi ti xsi toù; qipavoOvia;, SiiXiiet;, jipaivsu;, cïe'jfifpout, ioviou;. 
AXX' ou3ï TÛv a'i.i^ulV itipà isOta mulTaf ti' «Stri Bi ÈniaT|;TslE (ûoi: xeivsv ôutqO cx/im; dnisflcv, àidSsK 

Ti*xàxt!vaj f£ic StiKXaaiâaa; Ixy'Biiii koivà; tpof i; l^ûoi; Ànuan âvaTcXltiv inaioaiiKit i^( xoiv?,; 
litaaiv IvlatK SaSitovi;, xal fl; Ta toia^a ^aCiv yîvoï .ijioi'u: yiyitai u( oi pôi;, xal ouûv ûc al oûec, xa) 
irpoÉâtcoï ù( xai Ta itpiBaTa.xal Ta ïûiirà nàvtii' îixaiooûvji yàp tv a'jTùïc ivaçii'vtTai i\ xi»lïoTr,(. "Eikito 
xatà xsivDTfjTa navra ijuiiroi xitk jiiat aniipETai- Tpsf^ Si xoivo X'f' vElUi|X:vai( avïîiai, icSai toî( 
xT^vtffi, xeà TCiaiv titiaiii, oùitïl v^iuti xpaisuniviT tj Si napà toO ii3o«to( xiXivoavto; x'PIt'î 'VM'" 
f uvwï âvovi Inaiomivn «apoOffct. {Strotn., iîb. III, cep. 11, col. llt^ilOS.) 



LE GNOSTICISME KGYPTIEN IGl 

!kpi comomue : la propriété iastituéc par la loi humaine a tléchiré. 
t déraciné la communauté établio par la loi divine ; ou n'a pas 
compris cette parole de rApûtre:« C'est par la loi que j'ai connu le poché'». 
C'est la loi qui a appris aux liommiïs à parler du mien et du tien, elle a 
empêché de jouir également de ce qui était commun à tous, delà terre, des 
possessions et môme du mariage. Si Dieu a fait la vigne également pour tous 
les hommes, la vigne elle-même n'empêche pas les moineaux ou les voleurs 
de la piller; il en est de même du blé et des autres fruits de la terre. C'est 
la violation de la communauté et de l'égalité qui a engendré les voleurs de 
troupeaux ou de fruits *. Lorsque Dieu avait fait toutes choses communes à 
tous les hommes, lorsqu'il avait nui le mâle à la femelle eu toute communauté, 
lorsqu'il a rapproché ainsi tous les animaux les uns dos autres (nous ne pou- 
vons pas rendre toute l'énergique impudeur du teste), u'a-t il pas établi que 
la communauté dans l'égalité était la vraie justice ? Mais ceux qui sont nés de 
cette communauté, ont rejeté celle à qui ils devaient la naissance ; maintenant 
donc, si quelqu'un a épousé une femme, qu'il la possède seul quoique tous les 
hommes puissent en user également, comme le montre l'exemple de la création 
entière. 11 y a, en effet, dans le mile, un désir plus ardent, plus intense: ni 
loi, ni coutume, ni quelque autre chose que ce soit ne pourra l'abolir, car c'est 
le décret de Dieu ^. n II faut avouer qu'on ne pouvait enseigner plus crûment 



: La propriélô a'eel le vol, on yatta qa'ù n 



I Episi. ad Rom., 111, M. —■ VII, 1. 
* Si l'on leul rapprocher de tout ceci le mol si 
a pu grsoda diOerence. 

xoivuviav ûuo Stïnomiiti; Ëjifurov txovTif xoivij Tcxmv tiriuiiç içflalniv eIc t4 plinsiv â itsiiji^; xi xai 
itatrt? KiivTiiiv iixaia<7^vg vs^aBeii^vat t^ itap* s'jtoO nàpE^^ev, ai Smxpîva; Si]l(iav appeva;, où Xortxiv 
àiôitiM, xai xiiS{i)ca[ oûiSivi; oJSiv- Xirin^i Si xal xgivi-njTt [Upi'mi; ti pifatt» 6|ig[(ii: cvi xtliû[iaTi nSui 
xijiipimai. 01 vi^it 3i, ç q^lvi àvSpÙBuv à[i,xDixv xslôliiiv )i^ iuvil|iEvat napifaïuiv îJEiiExv' ti ^àp IBijtti; 
tôiv v£|icdv TTjv xiiïMviaï ToD Bîi'ou vijiou x»T«E|«v Xaï sopaTpiii'Ei' (li) Dvviiiç ta triù 'Aitamiiav pijTb» 
ïiyOVTO; « iii v4|ioy T^v à[trtfilxt îfviov « t4 t' iitiï xiil tb o4v ^r^<fi Sii tSiï ïiiuav BaptwiiOtiv [t7]xÉti 
tli xQiï4n)Ta (jtDivi te fiçt) r-afnauphxi, [»^tt ■y'i''» C^'^ xr^iiata, àUà |tT|3k Tàjiov xoiv^ yip ôniolv 
îicsinie ta; à[iici).ii'j;, al [i-^ oTps'jDiv, )l^tc xlëittT|v ânipvoDvTai' xa\ TÔv sliav oÛTu; xal mil; £J.d-j; 
Nspnoû;. 'H ai xanuvia n3pava|i))0itaa xal ta T?,; IvitiiTn; É-fEvVi;!!: Bp[|i|lâiwv xal xapn&v xXfirn)v. 
Kaivï] 10ÎVVV 6 t(ii; âniYTa àvflpùn;(> nsi^oa;, xxl 'sà Q^Xu cfp^ivt xaivij mjvsTâYWv> xxV Tiâv9' ditofu; Ta 
Cuà xaU'Aoo;, tijV Ju(aioa-Jvi]v jiv 'fiiVEv, xoiviavliv |j,ct' laàTfiTo;. Ot lï Tiiovitt; DiFruit 'C^v ouvâyautrav 
Koivcuvi'iv, Tijï YfvEllï a'jTfiiv àjoîpv^^Oiloav xai çtioîï, il (iliv àfôluvo; ë^ETat, 5u-/a[XÉï(i>v xoiviiHiî» 
àirivrciiv, âaïap iitiïnvî Ti Xomà tûï Çoiîiv. TaOra eIhùiï niTà >t'{iï, TtàXlv on^lw; i^Tal; tiîî i,fEs<r;v 
imjlpa- « T^v ï ip îmSupiav iiJtovoï xal o9oSpoi£pav (ïEn»i/i5B tùl; fippEmv elt tViï t&v ievûv itipaiioy^v 
ijï o5t> vifi^îi oBiï ËOot oiltE à*i,o Ti tôï 4vtiuï âjavioai Sivatai' OeoO yôp Ê«i Sïïjiï. (Jùid., col. 
11U7-1110.) 

il 




162 



1,E ONOSTICISME EGYPTIEN 



cette huDteuse doctrine, et nous ne devons pas nous étonner si les mœurs des 
disciples île tels maitros ont été accusées des crimes les plus odieux. D'ailleurs 
il est facile de voir la liaison d'idées qui existe entre les enseignements de 
Carpocrato et ceux de son tîls Epiphaue: le premier enseignait en général 
qu'il fallait bail' et mépriser toutes les lois humaines pour être sauvé; le 
second rejetait ces lois comme la violation de la communauté établie par Dieu; 
et en conséquence, il détruisait la propriété et toute moralité; le premier 
posait les principes théoriques, lo second tirait les conclusions pratiques. Nous 
n'avons donc pas eu tort d'expliquer les paroles du père par celles du fils. 
Avec une telle morale élémentaire nous no nous étonnerons pas do ce qu'il nous 
reste à dire. Pour Carpocrate et ses disciples, les actions n'étaient bonnes ou 
mauvaises que dans l'estime des hommes^, car en soi rien n'est mauvais ; la 
foi et la charité (il est étonnant de trouver un tel mot dans un tel système) la 
foi et la charité suffisaient pour sauver l'homme. En conséquence, pendant 
son séjour dans le corps, l'âme devait tout mépriser, tout haïr, se souiller de 
tous les crimes; c'est ainsi qu'elle affirmait sa liberté, qu'elle se montrait 
entièrement échappée à l'esclavage des Anges créateurs. Si au sortir du 
monde il manquait à l'àrae quoique chose de cette liberté ainsi acquise, c'est- 
à-dire, s'il restait encore quelque cri ma qu'elle n'eiit pas commis, elle était ren- 
voyée dans un autre corps; car, à peine avait-elle quitté le corps qu'elle 
était saisie par un Ange nommé Aiacois;, le psychopompe de ce système : 
cet Ange la conduisait au-x pieds du prince du monde qui lajugeait et h 
renvoyait ensuite dans un corps, et cela lui arrivait autant de fois qu'elle sortait 
de la vie sans avoir commis tous les crimes possibles, sans être entièrement 
libre de la puissance des Anges. C'est ainsi qu'ils expliquaient cette parole de 
l'Évangile : x Tu ne sortiras pas de là avant d'avoir rendu jusqu'à la dernière 
obole'. » Eu outre, pour résister et échapper plus facilement aux Anges 



effranali eud', uli et omnia qucccumque sunt irreligiaaa et impia in poUitale 
dicant. Sola eaira bumaaa opiaioiie negolia UBlaetbonodicuut: EluliqueDet^undum 
corpora oportere in ornai vila et in omni actti Qeri aninuia (li non prœoccuparis quia 
nia Bjut semé] ac pariter q\ix noii taulum ilicere et audire non est faa nabis, Eed 
I concapUonem veaira aac cr^dere si apud hominea coarersanlea ld hla qu» sunt 
liai lile aliijuid agatur) uli. seùn:idu n qu^d si^ripti aorumdiuiinl, in omtiï usu ùclic 
iliilo adhue minut abiiant ad ogierandum in i^o, nu forle propterea ijuod 
dceat libdrlali a.lii^ res, cogatitur ilenim Riitti ia corpus. Propter hoc dicunt Jeaum dixissa banc 
parabolam : Cum es cum adverurio tito in via, da operuB ut tibereris ab eo, ne (orie la det judici ei 



1 El la taulam . 
babere et oparari 
(ransmigr.iliunes i 
in UÈiQ advenlu o 
aaquidera in men 
Mciiudum not cîv 



r,E ONOSTICISME BOyPTIEN 



163 



créateurs, les disciples do Garpocrate devaient s'adonner à la magie, ce pcchè 
du vieux monde païen. Ils faisaient usage de philtres, de la divination par les 
songes, par les instruments magiques, et si dans ces pratiques ils acquéraient 
une certaine puissance, ils devenaient supérieurs à Jésus, à Pierre et à 
Pauli. 

Les disciples do Garpocrate furent les .premiers qui s'appelèrentproprement 
gnostiques. Leur doctrine semble s'être étendue assez loin, car sous le ponti- 
ficat d'Anicet (i56-I66) une femme, nommée Marcellina, vintàRomooù, 
pour employer l'expression de saint Irénée, elle extermina un grand nombre 
de fidèles, c'est-à-dire, les fit sortir du sein de l'Eglise. Afin de mieux se 
reconnaître entre eux, los Garpocratiens se brûlaient l'extrémité inférieure de 
l'oreille droite *. Ils se servaient dans leurs cérémonies de certaines peintures 
faites par Pilatc, disaiont-ils, et représentant Jésus-Glirist j ils y joignaient des 
représentations de Pythagore, de Platon et d'Aristote, et, s'il faut en croire 
saint Augustin, de saint Paul et d'Homère^. Saint Irénée prétend môme qu'ils 
adoraient ces images, comme les païens leurs idoles*. Leurs mœurs ont été 
soumi ses à do violentes accusations, surtout dans les écrits de saint Épipliane 
etde Clément d'.'VlGxandrie ^, mais nous devons dire que saint Irénée n'ose rien 
Dffirmer à cet égard". A vrai dire, comme il ne s'agit plus ici des doctrines, 



juJei miuistro et miltut ta in carcsrein. Amaa 6.ico libi, noa eiies inde doaac reJJas n 

ilranltm. El adversarium dicant unum e\ Aagelis qui snnl ia muado, quem diabolum vocaul, dîcenlei 

rnclum eum ad id, ut ducat ess qua periemnl animas a muada ad priacjpem et hune dicmit ease ei 

mitndi fjliricaloribua et illum nlterum angelo qui ministrat ei IraJsre laies animas, uli in alia corpora 

includat ; corpus enim dicunt esse carcerem. (Ireo., lib, cap, ixt, n, i. — Pair, grœc, t. Vil, col. 

1382-683.) 

< Arles CDim magicas operanlur et ipsi, et incantaliones, pliiUra quoque, et cborileaJa, el paredros, 
et oneiroputnpas, et reliques malïgiiationes, diceules se poleslalem habere ad domiDaoduni jnm princi- 
pibjs et (flbrit^atoribuB hujus mutidi, noa solum autem, sed et hia omnibus quso ia eo funt facla... Per 
Siem enim et cliarilalera Ealvarî, reliqua vero indilTâretilia cum àn\, lecuiidnm opinioaem homiaum 
quidam quitlem boo^i quxdim quidem mala vocari, cum niltil ualura malum Bit. {Ibid., n. 3 et % 
col. GSi-683.) 

I Alii vero ei ipsia signant cauterlantn euos disclpulos in posterioribui partilius eislinUie deilrs 
auria. Uiide el Marcellina, qute Homam aub Aniceto vooit, eiini «siet hujuj doeli'inn mullos exlermi- 
navil. OnoîUcos %e autem vocanl. [Itea. lib. I, cap. xiy, n. 6. Pair, ji-arc, t. VII, col. 685.) 

3 Et imagines quasdam quidam depicla% quasdani aulem et de reliqua materia Fallricalas babent, 
dicenles Tonnam Chri^ti faclam a Pilalo, illo in tempore quo fuit Jésus eum hamlnibus. Et ha« coronant, 
p| proponunl cas cum ima^j-iaibua mundi pbilosophorum, videlicel cum imagine P^tlingarca el Platonis. 
et Aristolelis et rât quorum; el raliquam ob^erralionem cîri?a eas, simiiîler ul gentfs, Tadunt. (Ibid., 
col. 685 et (JSa.) 

* D. AuguaL, lib. de Hxrciibas. 

s Bpipb., Zfaîr., stvi, -Clâcn. Alaiand,, Stro.nK., lib. III. — P.itr. s;r«<r.,t. VIII. col. Ull-1112. 

■ Kal bI (iiv lEiiaotn» içTi.s' a'noUti SBix, ml SxSivfii, xii s)tiipi)[U4a, ê-^ aux Sv i[tiiTi'Jiioi(|;.i' tv 



I 




Irti 



LE GNOSriCISUE EOYPTIKN 



mais do la vie des Garpoc rations et que chacun des auteurs parlait d'après sa 
propre expérience, saiut Irt'iiêe u' était pas le mieux placé pour savoir la vérité, 
et là encore, Clément d'Alexandrie est d'une autorité bien supérieure. 
Quoi qu'il eu soit, nous ne devons pas nous étonner que de telles doctrines 
aient produit une corruption comme celle dont les pores de l'Eglise nous ont 
laissé quelques écliantillons, mais l'iiistoirû des mœurs ne rentre pas dans 
notre sujet, et nous nous abstiendrons do les reproduire ici. 

En terminant, nous ne [jonvons résister au désir de citer quelques lignes 
do l'roudhon pour les mettre en parallèle avec l'enseignement d'Épiphane 
« Qu'est-ce dune que pratiquer la justice, demande Proudhon î C'est faire à 
chacun sa part égale de biens, sous la condition égale de travail, c'est agir 
sociétairement... Dans les sociétés d'animaux, tous les individus fout exac- 
tement les mêmes choses: un même génie les dirige, une même volonté les 
anime. Une société de bêtes est un assemblage d'atomes ronds, crochuS) 
cabiquca ou triangulaires, mais toujours parfaitement identiques: leur per- 
sonnalité est unanime, on dirait qu'un seul moi les anime, les gouverne 
tous. 

« Les travaux que les animaux exécutent soit seuls, soit en société, reprodui- 
sent trait pour trait leur caractère... Ainsi le mal moral, c'est-à-dire, dans la 
question qui nous occupe, le désordre dans la société s'explique naturelle- 
ment par notre faculté de réfléchir. Le paupérisme, les crimes, les révoltes 
ont eu pour mère l'inégalité des conditions qui fut fille de la propriété, qui 
naquit de l'égoïsmo, qui fut engendré du sons privé, qui descend en ligne 
directe de l'autocratie _de la raison '. >i 

Ces quelques lignes suffisent pour montrer quelle ressemblance existe entre 
la doctrine d'Épiphane ot celli de Proudhon professée en plein dix-neuvième 
siècle: c'est le cas de redire qu'il n'y a rien de nouveau sous le soleil. Quoi 
qu'il en soit, l'exposition que nous avons faite du système do Carpocrato nous 
montre où en était arrivé le gnosticisme égyptien à peine né. La doctrine 



8; Toï; ^'Jiypti^ii.ivii a^tûlï oaTu; 
t. vil. «tl. 6M. Le iMie gvea n 
I (Eurres da Proudlion, t. I, 
Laeroii, 1676. 



iv«',-;tpajctai. nal a'Jioi oOtui; î^tiTOÙ 
'ë par Tbéodorel.) 
■ Uàmoire lur la proprit 



(Ireo,, ibitl.. Pair, grme- 
. 183, 196 et 19S, Parlr, 




LE GNOSTIGISME ÉGYPTIEN 165 

d'Épiphane n'est que la conclusion directe et logique des principes posés par 
Basilide lui-même, et si celui-ci ne l'avait pas tirée, c'est qu'il avait été 
retenu par un reste de pudeur et que son , esprit s'était occupé de meta - 
physique plus que de morale. 



TROISIÈME PARTIE 



CHAPITRE PREMIER 



VALENTIN, SA VIE. ÉPOQUE A LAQUELLE IL A VÉCU, SES ŒUVRES 

Parmi tous les philosophes qui sont compris dans Tacception si étendue 
du mot Gnostiques, il n'en est pas de plus connu que Valentin, et ajuste titre. 
G3tte célébrité de Valentin, tout en nous avertissant que nous nous trouvions 
en présence du maître le plus élevé du Gnosticisme, du docteur par excel- 
lence de ces systèmes fantastiques dont nous avons déjà exposé plusieurs, 
cette célébrité même avait des inconvénients. Un grand nombre d'auteurs, 
voyant devant eux une personnalité aussi importante, se sont imaginé que 
tout le Gnosticisme se trouvait dans les doctrines de Valentin ; ils ont cru 
qu'en les exposant ils donneraient une idée complète de systèmes si différents. 
C'est ainsi qu'en France ont agi tous les auteurs qui ont écrit Thistoire de 
rÉglise : ils ont exposé le système de Valentin et ont à peine cité quelques 
autres docteurs, donnant les uns comme ses maîtres, les autres comme ses 
disciples; les plus instruits ont fait observer que le Gnosticisme se divisait en 
plusieurs branches, aucun n'a jugé convenable d'étudier les sources qui nous 
faisaient connaître les systèmes : en suivant les travaux de leurs devanciers, 
ils ont suivi les mêmes errements de critique. En effet, dom Massuet, Tille- 




LE GNOSTICISME liGïI'TIEN 167 

moat et tous les autres qui, avant noire siècle, se sont occupés de Valentin, 
ont cru que l'ouvrage de saint Iréuée était la seule source où ils devaient 
aller puiser leurs renseignements; ils auraient dû cependant s'apercevoir que 
saint Irénéc lui-même avouait dans sa préface que les systèmes combattus 
par lui étaient plutôt ceux des disciples que celui du maître. Pour n'avoir 
pas fait cette remarque, ils ont pris pour le système primitif do Valentin des 
développements postérieurs qui ne sont pas contradictoires, il est vrai, mais 
qui présentent cependant assez de divergences pour motiver une distinction 
dans l'exposition. La méthode suivie en Allemagne a été toute différente : 
dans leurs grands ouvrages sur le Gnosticisme, Néaader, Baur, Gieseler et 
les autres ont fait tout d'abord la part de la priorité des systèmes, se conten- 
tant d'exposer les développements sans leur donner plus d'importance qu'iU 
n'en méritaient; ne se bornant pas, pour Valentin en particulier, à faire une 
analyse plus ou moins complète du premier livre de saint Irénée, mais mettant 
à contribution tous les autres Pères de l'Eglise qui avaient parlé du gnostiquo 
alexandrin. Si la méthode était différente, il ne faut pas s'étonner que les 
résultats n'aient pas été les mêmes. Malgré la méthode tracée par les auteurs 
cités plus haut, il a été fait en Allemagne peu d'ouvrages particuliers sur 
Valentin j nous n'en connaissons même qu'un seul qui soit vraiment digne de 
ce nom, celui de M. Heinrici*; mais un grand nombre de travaux ont été 
publiés par les Revues allemandes qui s'occupent d'histoire ecclésiastique ou 
de philosophie. Toiis ces travaux ont fait avancer la question ; néanmoins, il 
nous a semblé qu'elle n'était pas épuisée et peut-être aurons-nous réussi à 
jeter un peu do lumière sur les points les plus obscurs. 

On ne peut raisonnablement douter de l'existeiice d'un homme qui a laissé 
derrière lui une grande renommée dans l'histoire : aussi l'existence de Valen- 
tin n'a-t-etle jamais été mise en doute comme l'a été celle de Simon le Mage. 
Pour nier cette existence, il aurait fallu ne faire aucun cas du témoignage des 
Pères de l'Eglise qui ont vécu avant le quatrième siècle ; car, parmi ceux qui 
ont combattu les hérésies, il n'en est pas un seul qui n'ait enregistré le nom 
do Valentin. La chose eût donc été difficile : on s'est abstenu de la tenter et 
avec d'autant plus de raison qu'à cette époque les données historiques sur les 

1 D<u Valtminianiimus. 



16S LB ONOSTICISME EGYPTIEN 

origines du chrisUauismo commauceiit à devenir plus nouibreustss et plus 
claires, et qu'il n'y apas possibilité d'alléguer, comme pour Simon, un mytho 
quelconque, une concurrence ou une opposition apostolique. Gependaat, 
malgré l'imracnse notoriété dont a joui le philosophe gnostique, ou en est 
réduit aux conjectures sur le lieu et l'époque de sa naissance. En effet, aucun 
auteur ne s'est occupé de rechercher la patrie de Valentin avant le cinquième 
siècle, époque à laquelle l'évêque do Salamine, saiut Epiphaue, écrit que 
Valentin naquit en Egypte dans le nome Phrébomte qui, dit-il, est situé sur 
les bords de la mer ', et il ajoute ensuite que Valentin habita la ville d'Alexan- 
drie où il apprit la philosophie platonicienne. Mais où saiut Epiphano avait-il 
pris ces renseignements ? Il nous apprend lui-même qu'il les tient d'une tra- 
dition orale. Comme saint Epiphane fit un voyage enE^'ypte, on serait assez 
tenté d'ajouter foi à son assertion, car il aurait pu apprendre ce détail dans 
la patrie même de Valentin; mais malheureusement on ne peut accorder 
aucune confiance au nom cité, car le nome Phrébonite n'existe pas dans la 
liste des nomes égyptiens. Peut-être devons- nous seulement accuser l'iacurie 
des copistes et lire Phténotite au lieu de Phrébonite *, ce qui nous permettrait 
de concilier avec la situation du nome la signification de l'adjectif accolé au 
nom, napaiiMTwv. Cependant, nousdevons faire remarquer que les autres noms 
de nomes donnés par saint Epiphane à propos de Basilide sont exacts ; il est 
donc à croire qu'il y a eu faute de copiste et corruption du nom. 

C'est là le seul texte que nous ayons sur la patrie de Valentin et nous ne 
pouvons y ajouter foi que sous bénéfice d'inventaire. Malgré cela, nous ne 
doutons pas que l'Egypte n'ait été la patrie de Valentin, tout au moins sa 
patrie d'adoption sinon sa patrie réelle, car il est évident pour nous que 
Valentin connaissait â fond les doctrines de l'antique Egypte . En outre, nous 
avons des preuves indirectes qui ne manquent pas d'une certaine force 
démonstrative. Si, en eflfet, nous ajoutons les uns aux autres les textes des 
Pères qui louent l'intelligence ot la science de Valentin, nous trouvons que 



Tlî "li^XuBl MM o'i (ri(0IT^70U.ÎV "EjlTXÏ fi,! 

TiopaliÛTiiv (Epijili. Ilxres., 31, n» 2). 

* Gf.Parlhflj, Voca'iul. coplico htinum, p, 037. - 
planchai. 



ioviTriV TÎÎ AlpnTO'J 



ii Zar ErdkKudc des Allen Aegyftens^ 



GNOSTICISME EGYPT 



169 



saint Jérôme l'appelle homme très savant ' ; que l'auteur du dialogue contre 
les Mardonites le nomme un esprit au-dessus du vulgaire et peu ordinaire* ; 
que Tertullieu témoigne de l'étude approfondie faite par Valentin de la phi - 
losophie platonicienne^ sans ôtro contredit ni par l'examen des doctrines du 
philosophe alexandrin, ni par l'auteur des Philosophumena, qui répète sou- 
vent que Valentin était le disciple da Pythagore et de Platon*; nous serons 
persuadé qu'il est très vraisemblable et nous pourrions affirmer que Valentin 
a étudié la philosophie platonicienne dans la ville d'Alexandrie, dont l'école 
commençait dès lors à devenir célèbre, sans avoir encore acquis foute la 
célébrité dont elle devaitjouir plus tard. Euân Valentin connaissait le sys- 
tème de Basilide, tout porte à croire qu'il avait été son disciple avant de crésr 
lui-même un système particulier j car, dans un des fragments de ses ouvrages 
conservé par Clément d'Alexandrie, il admet cette doctrine si curieuse des 
appendices de l'âme. Par-dessus tout, l'importance que Clément d'Alexandrie 
attache à la réfutation de Valentin nous montre que les erreurs de ce philo- 
sophe étaient fort répandues dans cette ville, autrement il se serait bien donné 
garde de les combattre, L'expHcation de la diifusion de ces doctrines dans 
Alexandrie doit être le séjour de Valentin lui-même dans cette grande cité, où 
semblait se concentrer le mouvement philosophique de l'Orient et du monde 
entier. 

Toutes ces raisons ne nous paraissent pas à dédaigner et nous croyons 
pouvoir affirmer sans crainte que Valentin était égyptien de naissance, ou 
toutau moins qu'il avait habité l'Egypte et y avaitétudié la philosophie. Cette 
première question résolue, nous devons chercher en quel temps Valentin 
vécut : problème difficile à résoudre et dont nous ne pourrons donner qu'une 
solution approximative. Ce n'est pas cependant que les témoignages nous 
fassent défaut sur ce point ; nous savons sous quels papes il vécut et vint à 
Rome; mais ces témoignages nous viennent d'auteurs trop postérieurs : les 
auteurs les plus à mémo d'en parler en connaissance de cause, Clément 




' UieroQjm., m Ose., cap. x. 

• o:x tÛttîftî àï*ip. — DiBlog. I 

* Dg prxicription., 7 et 30. 
* Philotoph., Ub. VI, II. Nou 

iltiuion; quB ce soit une nlMit p 



d'AluxaudriUj Origûiio, l'aiiteur des Plt'do&ophumena, quel (ju'ii soit, ne nous 
L'ii disent pas un mot et rien n'est plus embrouillé en histoire que les dates 
ayant trait à la vie ou à la mort des premiers poutifes de l'Eglise romaine. 
Saint Irénoe, le premier, écrit : « Valeutiu vint à Rome sous Hygiu, il fleurit 
sous Plus et y demeura jusque sous Anicet' ». Le toxte grec de ces paroles 
nous a été conservé par Eusèbe qui l'a ttanscrit dans son Histoire ecdê&ias - 
tique*. Le même Eusèbe, dans sa Clironique, écrit, sous l'année 138, année 
en laquelle Antoniu le Pieux succéda à l'empereur Hadrien : « Sous Hygiii, 
évèquc de la ville de Rome, l'hérétique Valeutin et Ccrdon, niaitre de Mur- 
cion, vinrent à Rome^ ». Un peu plus loin, soua la sixième année du règne 
d'Antonin, il ajoute : « L'hérétique Valeutin se fait connaître et demeure à 
Rome jusqu'au pontificat d'Auicet*». Malheureusement encore, nous n'avons 
Je celte Chronique d'Eusèbc que la version latine faite par saint Jérôme, et, 
s'il faut en croire Georges le SyuccUe qui , en beaucoup d'endroits, nous a cou - 
serve le texte grec, Eusèbe aurait seulement écrit : « Austemps de Hygin et 
de Pius, évoques de Rome, jusque sous Anicet, Valeutin et Gerdon, chefs 
de l'hérésie de Marcion, se firent connaître à Rome' ». Dans cette dernière 
version, les renseignements sont moins explicites, il y a une erreur venant 
du pluriel ipx^yst (chefs) au lieu du singulier àpy;riyii : cependant nous y retrou- 
vons les données principales des deux autres textes; mais cela nous montre 
qu'au fond, au lieu d'avoir trois témoignages, nous n'en avons qu'un seul, 
celui de saint Irénéi; transcrit par Eusèbe, modifié par saint Jérôme et Georges 
le Syncelle. Toutefois, nous considérous ce témoignage comme remplissant 
toutes les conditions de crédibiUlé nécessaires ; car saint Irénée vint à Rorae 
sous le pontificat du pape Eleuthère pour lui remettre les lettres dont l'avaient 
chargé les martyrs de Lyon et il y put apprendre ce qui s'était passé dans 
cette ville peu d'années auparavant, puisque entre les pontificats d'Anicet et 



* OOallvttvoî (i;ï yà;; T|i,Ofi Èif 'Piifiiiv In: '\'yt-/1-J, i^x|iliiî fi; inl lliou v.s: ltïpj|i£LVEv toj( 'Avix^roU, 
{Iren., Ub. III, «p. vr, n- 3. — Parc, grxc, t. VI, col. 850-857). 

» Eiwéba : Hîst. eceles., lib. IV. 

) Snb Hygino, Romaiirc urblaepUcopo, ValealiuusIueresiarcLeset Cerilotnugieter Uart^innis, Romam 
vaneninl. — (Eus. chr. Pal. grxc, t. XIX, col. 553). 

* VakntinuB biiirelicue aguoicilur et permaout usque ad Anicelum. [Ibid. t. XIX, col. ^00). 

^ Kmà Toù; -/pivau; Tyiio'j xi) ttivi '.iniminim 'Pû(if]( cui; 'Avh:^to'j, O'jctXiviiava; lal KtpEuv 
àpjfijyal TT|: MapxiuvDc àiplo'cui; in*L 'Pùiuj; ÈYvupUavTa (Ap, Eus. cbron. — Pair, griec., %. XIXj 
col. ffiS). 



LE GNOSTICISME EGYPTIEN 



171 



d'Éleuthère, il n'y eut quo celui do Soter dont la duroo fut de huit ou neuf 
ans, tout au plus'. 

Toute la question se rodidt donc à savoir en quelle année vécurent Hygin, 
Plus et Anicet S'il faut ajouter foi à la Chronique d'Eusèbe, Hygin monta 
sur le siège épiscopal de Rome la vingt-unième année du règne de Hadrien, 
c'est-à-dire en 138 ; il vécut encore quatre ans et eut pour successeur, tn la 
seconde année du règne d'Antonîn (142), Pius auquel, après un pontificat de 
douze ans, succéda Anicet en 154'. Mais M. Richard Lipsius a montré que 
cette chronologie était boiteuse et mal assise: son ouvrage est un chef- 
d'œuvre de critique et nous avons le droit de nous servir des dates qu'il accefite 
jusqu'à ce qu'on en ait démontré la fausseté ^. II n'a pu arriver qu'à des dates 
approximatives et voici comment il rétablit celles qui ont été faussement 
données i-ar la chronique d'Eusèbe et contredites par d'autres catalogues 
pontificaux. Télesphore,leseptième successeur de saint Pierre.mourut en 135, 
ou, au plus tard, en 137; Hygin luisuccède, règne quatre ans et meurt en 139, 
ou, au plus lard, en 141;Piusremplacc Hygin sur la chais; romaine et, après 
un pontificat de quinze ans, meurt en 154 ou en 15G. Il est remplacé par 
Anicet qui meurt, après dix ans de pontificat ou même douze, en 166 on 
en 167 *. La raison de ces divergences vient de ce que les noms des consuls 
ne sont pas encore indiqués dans les catalogues pontificaux, et quiconque est 
tant soit peu an courant de la numération des manuscrits des premiers siècles 
de l'ère chrétienne, sait combien il est facile à l'erreur de se glisser en des 
chiffres qu'un copiste pouvait si facilement prendre l'un pour l'autre. Nous ne 
devons donc pas nous étonner de l'élasticité de ces dates ; c'est un grand succès 
qued'avoir pu les fixer ainsi, môme approximativement, quoique les résultats 
de M. Lipsius aient été contredits par d'autres patients chercheurs do la 
vérité historique. 

Nous avons donc maintenant une base aussi solide que possible ponr nous 
livrer au véritable calcul oiiva nous entraîner la fixation de la naissance do la 
mort do Valontin, de sa venue et de son séjour à Rome. Nous n'avons 



I 



' Chronologie des Tômisehan Bischàfi; voii Riulinrd Adelherl t,i|i 
« Eu«eb, Ghroti. (Pad-. grao., t. XIX, col. 559-560). 
' Chranologit das rSmhehen BisehSfe, iliidpm. 
* Jbid., p. S63. 




5 



173 



LE ONOSTICISME EQTPTIEX 



nulle date précise ; nous savons qu'il vint à Home sous le pontificat de 
Hygin et y demeura jusque sous celui d'Anicet, c'est-à-dire, en prenant 
les termes extrêmes, que ce séjour aurait duré depuis l'année 135 jusqu'à 
l'année 167, à savoir pendant trente-huit ans; au contraire, en prenant les 
termes moyens, la dernière année do Hygin et la première d'Anicet, nous 
aurons pour date de l'arrivée l'année l4l, et pour celle du départ l'année 157, 
et le séjour n'est plus que de seize ans. La première hypothèse nous est la 
plus défavorable. En effet, en admettant que le séjour de Valentin à Rome 
ait été de trente-deux ans, de l'année 135 à l'année 167, comme il est vrai- 
semblable, pour ne pas dire certain, qu'il n'est pas mort à Rome; comme il 
est indubitable qu'à l'époque de son arrivée il élait dans la force de l'âge, 
nous nous exposons à lui donner une existence beaucoup plus prolongée qu'il 
ue l'a eue en réalité. Cependant, même avec cette supposition défavorable, en 
donnant quarante ans à Valentin lors de sou arrivée à Rome, en le faisant 
encore vivre dix ans après son départ de la cité des Césars, on ne lui donne 
qu'une vie de quatre-vingt-deux ans; un tel prolongement de l'existence 
n'est pas si contraire à la durée de la vie humaine que Valentin n'ait pu 
en bénéficier. Mais à ce calcul il y a un inconvénient, c'est que Valentin 
se vantait d'être le disciple d'un homme apostolique, disciple hu-môme des 
apôtres, et qu'il n'y a aucune raison pour ne pas le croire au moins en ceci, 
à savoir qu'il était déjà né avant la complote disparition de ces hommes, et 
le résultat de nos probabilités rendrait cet enseignement d'un homme apos- 
tolique à peu près impossible. De plus, nous savons par saint Justin qu'avant 
son arrivée à Rome {nous le prouvons plus bas) Valentin s'était fait un grand 
nombre de disciples et que, par conséquent, son système était déjà combiné 
et enseigné. Cette seule observation nous permet de rejeter l'assertion de 
Tertullien qui prétend qu'au moment où il écrivait, il n'y avait pas fort 
longtemps que Valentin et Marcion n'étaient plus, qu'ils étaient venus à 
Rome vers le temps d'Antonîn et qu'ils avaient confessé la foi chrétienne 
jusque sous le pontificat d'Éleuthère '. Il est évident que la mémoire a fait ici 
défaut au prêtre de Carthage, car saint Iréuée écrivait son troisième livre 



■ Marcionem et Valeiilinum neque adeo oliro fuisM. AotonJni tere priocipatu el in cilhoUcte (fiJei) 
imo docIriaBm cradidisie sub ([liiwpala Eleutherii henedicli (Terlul. d* Prteior. hmr., c, XXX). 



LE QNOSTICISME ÉCtTPTIRN 173 

du Traité contre les hérésies sous le pontificat d'Éleuthère et il n'aurait 
pas manqué défaire valoir la nouveauté contemporaine du Valentintanisme, 
si Vaientiu eût encore été vivant. En outre, les mots employés par saint 
Irénée et par Eusèbe pour désigner le séjour de Valentin à Romo sont 
assez élastiques : le premier dîtwitptK, ce qui peut signifier qu'il était dans 
toute la répulation de son génie ou dans toute la force de l'âge ; le second 
écrit èyuûjpîÇero, ce qui laisse encoro place à une venuo antérieure. En 
résumé, de toutes ces raisons qui sont pour ou contre nous, nous pouvons 
tirer cette conclusion que le séjour de Valentin à Romo a été d'une durée 
qui varie de dix-sept à trente-deux ans, ou plus vraiscmblablomcnt, en 
prenant la moyenne de ces deux termes extrêmes, de vingt-cinq ans environ, 
et qu'il y est arrivé, au plus tôt, en 135, au plus tard, en 141. Nous revien- 
drons plus loin sur ce premier résultat acquis; d'autres résultats nous aide- 
ront â le mieux préciser encore. 

Ceci posé, on peut se demander si Valentin a élucubré sou système à 
Rome ou non. Quoique nous n'ayons aucun texte positif sur cette question, 
nous ne craignons pas di? répondre hardiment : non. Valentin n'a pas créé 
son système à Rome, il est seuloment venu porter dans la ville des Césars et 
des Papes ce qui lui avait acquis la célébrité dans Alexandrie. Pour confir- 
mer cette affirmation, nous citerons le texto suivant de saint Justin dans son 
dialogue avec le juif Tryphon.« Il y en a beaucoup, ô mes amis, dit le philo- 
sophe aux auditeurs de la controverse, qui ont enseigné à dire et à faire des 
choses impies et blasphématoires au nom de Jésus-Christ ! C'est pourquoi 
nous avons nommé les disciples du nom des niaitrcsqui ont inveuté chaque 
système et chaque doctrine : parmi eux, les uns s'appellent Marcionites, 
les autres Valentiniens, d'autres Basilidions, Satorniliens, tous d'après le 
nom du maître, qu'ils ont suivi dans ses erreurs*. » Donc, au temps où saint 
Justin écrivait ces paroles, Valentin avait imaginé sa doctrine, il s'était fait 
des disciples qui portaient son nom. Mais à quelle époque ces paroles ont- 




di!i;(il Hi^ Tvù:ii>| 4.''ici Ki't ililv altliv al |i!v tivc; xi).a'J|uvoi M9:pxixv«l, al Z': OjsltvTivlrvsl. 

el iï DlitXiiiivai, al S^ 1xto;)'i:),!xvo\, ki\ Axitt SXliU iv&[irr(, àiti nD àpxir'^ou njt ^vûtir,; îxiv- 
n; ivaiixïi)uvD; (Jiut., Dlal. ai. Tfyp'i. — Patr. grite., t. Vr, rot. Kt). 



17-i LE ONOSTlCrSME EGYPTIEN 

ellos ùlé écrites ? Nous na pouvons pas le diro exactement : nous savons seu- 
lement par le dialogue lui-même quo saint Justin avait écrit sa première 
apologie avant qu'eût lieu la dispute avec le juifTryplion. Nous devons donc 
chercherniaintenant l'époque à larpielle fut écrite cette apologie. Cette époque 
est un sujet de controverse entie les savants : nous n'avons pas la prétention 
d'y mettre fin, mais peut-être pourrons-nous indiquer l'époque avant laquelle 
l'apologie fat composée. Pour cela nous nous bornerons à faire une remar- 
que à propos du commencement de cette apologie, de la suscriptio» que voici : 
« A l'empereur Titus /Eiius Hadrien Antonin le Pieux, Auguste, César ; à 
Vùrissimus, son fils, am! delà sagesse {yiWéy.i) et à Lucius, ami de la sagesse 
le fils d'un César par nature, le fils d'Antonin le Pieux par l'amour qu'on lui a 
inspiré pour la science'? o On doit noter tout d'abord que saint Justin ne donne 
pas le titre de César au fils adoptif d'Antonin, Marc -Aurèle qui, danssa jeu- 
nesse, portait le nom do Verissimus. Cependant il prend grand soin d'énu- 
mérer tous les titres do l'onipereur comme dans un protocole officiel, et la 
mention même qu'il fait de Marc-Aurèle et de Lucius, fils du César Lucius 
Verus, nous assure que si ces deux personnages avaient eu des titres officiels, 
le philosophe chrétiei n'aurait pas négligé do les écrire on tète de son apolo- 
gie comme il avait écrit tous ceux do l'empereur : d'ailleurs c'était une con- 
venance de chancellerie que l'on ne négligeait pas plus au second siècle de 
notre ère dans l'empire romain que de nos jours. 11 faut donc croire que les 
deux fils adoptifs d'Antonin n'avaient pas encore été officiellement déclarés 
Césars. D'un autre côté, Antonin lui-même no fut proclamé Auguste et sur- 
nommé Plus par le Séuat que le 10 juillet 138, et dans celte même année 
l'empereur adopta Marc- Aurèle et ce Lucius Verus qui devait être Commode : 
que reste-t-il à conclure sinon que saint Justin offrit son apologie à Antonin 
dans l'intervalle, c'est-à-dire après le 10 juillet, et avant la fin de l'an - 
née 133*. Or dans cette môme apologie ainsi composée en 138, saint Justin 
nous apprend qu'il avait avant ce temps déjà composé une réfutation en 
règle dos erreurs qui s'efforçaient alors de mélanger leurs systèmes à la pure 



1 AÙTDKpthof 1 Th<{i 'Alliai '\Spt 

Pair, griee., t. VI, col. 3ï8). 
* Pdiir loutei ces date; voir les Anton. 



'Avtuvivi^ E'jTcBiî ScSâirtip Kxfiipt, OJiipiffa((iip 'ilû çilosipu 



î Jû M. Js Chnmpagny : 1. 1[, p. 163 e 



; ONOSTICISME liGYPTIEN 



175 




doctrine dol'Égtisc': et iniellos hûrésios a-t-il pu ainsi réfuter daus ce 
Syntagma sinon celles qu'il énumère dans le dialogue aveclejuif Tryphonî 
La conclusion à tirer de ces preuves est donc celle-ci : en supposant que 
saint Justin ait coniposô ce tiyniagma deux ou trois ans avant son apologie, 
dés l'année 135 Valentin avait composé sou système, il l'avait enseigné et 
s'était fait un nombre déjà considérable de disciples. Par conséquent, nous 
ne pensons pas nous éloigner beaucoup de la vérité en disant que Valentîu 
devait à cette époque être dans la force de l'âge, avoir de trente à quarante 
ans et qu'il était né dans les dix dernières années du premier siècle de l'ère 
chrétienne. Noua n'accordons pas une grande valeur à l'objection qu'on pour- 
rait nous faire en s'appujant sur les paroles do saint Justin lui-même qui dit 
dansson apologie que Jésus-Christ était né 150 ans avant l'année où il écri- 
vait ^ : en effet, saint Justin a voidu mettre un nombre rond, et l'on ne peut 
pas savoir en quelle année il plaçait la naissance de Notre-Seigneur Jésus- 
Christ. 

D'après tout ce qui précède, Valentin serait donc né dans les dis dernières 
années du premier siècle de l'ère chrétienne, il a de cette manière parfaite- 
ment pu être disciple d'un homme apostolique, disciple lui-même des Apôtres ; 
ila pu avoir composé son sjslème, enseigné sa doctrine et rassemblé ses pro- 
sélytes avant d'arriver à Rome où il est resté jusqu'au pontificat d'Anicet, Or, 
en lui donnant quatre-vingt-deux ans de vie, comme nous l'avions fait daus 
une première supposition, il serait mort sous le pontificat d'Eleuthère, ce qui 
n'est pas vraisemblable pour la raison que nous avons donuée plus haut car 
saint Irénée n'eût pas manqué d'en tirer un argument contre la nouveauté des 
hérésies qu'il coudiattait. Valentin était donc mort avant le pontificat d'Eleu- 
thère qui devint pape eu l'année 174 ^. Mais entre l'année 174 et 156 où 
commence le pontificat d'Aaicet, il y a un laps de 18 ans. D'ailleurs rien ne 
nous oblige à croire que Valentin soit resté à Rome jusqu'à la fiu du ponti- 
ficat d'Anicet, l'expression elle-même employée par la chronique d'Eusèbc, 



s\ Si risiu -aiéX BVVtïYna xiTi niiiuï tiÙï ïiYEv.iiiïvon a\pi9ta-i irjvT£tir[i^'Oi (St-Jusl. Apol I, 

- pmr. griee., \. C, col. 3j3. — Cf. Euseb., HUt. eccles., iib. IV, c»p. ii). 
et [»^ tivss âloïirrafïOïTi; si; àuaTpSTnlï SîS:i%tif.iiùn -jif' i^^ûii tiniuffi. «?!i Étûv (xsiàv Btv- 
ïiT"î»5»' ïôv X«t:)i IÎï;'./ n;i<: inl Kj?»|-iaj (W., Apjl. i, il. 19. — Ibid., col. 397). 
> ahtonotogUdarSMùehén BitcKSf», p. 803, 



176 



LE QNOSTICISME EGYPTIEN 



usQue cidAnicelum, signifierait plutôt qui3 Valcnliii avait quitté Rnme avaot 
la mort do co pape. Ce qu'il y a tic certain c'est qu'il n'est pas mort à Rome, 
mais bien plutôt en Chypre où saint Epiphane nous dit qu'il fit le dernier 
naufrage de la foi *, ce qui ne peut s'entendre de son hérésie puisqu'il avait 
terminé son système avant de quitter Alexandrie. De plus, les paroles de 
saint Épiphane ne semblent pas laisser sous- entendre que Valentin fit un long 
séjour en Chypre, mais au contraire que l'hérésiarque vint y terminer une 
vie brisée par la déception et ruinée par l'ambition, el peut-être n'y vit-il pas 
la fin du pontificat d'Anicet. En résumé, nous ne nous écarterons pas encore 
beaucoup delà vérité en disant que Valentin mourut entre les années 160 et 
170, ce qui lui fait une vie de plus de GO ans ou même de plus de 70 ans. 
Telles sont les dates les plus approximatives que nous puissions donner : on 
ne peutavoirdo dates certaines et nous ne croyons pas que l'on puisse arri- 
ver â un résultat d'une moins grande latitude, ni qu'on puisse nous faire 
d' objections sérieuses contre les dates que nous proposons. Nous demandons 
grâce pour ces pages d'un calcul qu'on pourrait appeler calcul de probahihtés; 
il nous a semblé que l'importance du sujet l'exigeait, car c'est démontrer une 
fois do plus combien l'Eglise catholique trouva de difficultés dans son éta- 
•blissement, et combien cette église primitive que l'on a si longtemps repré- 
sentée comme une société oii régnait l'union la plus parfaite, fut une société 
tourmentée par les divisions de doctrine qui lui rongeaient le sein, autant que 
par les persécutions extérieures qui lui enlevaient des milliers d'enfants 
faibles et chancelants. Jamais il n'y eut plus de sectes hérétiques que dans les 
deux premiers siècles de l'ère chrétienne. 

Quant aux événements qui remplirent la vie de Valentin, nous savons déjà 
qu'il apprit la philosophie platonicienne, que c'était un esprit distingué, fort 
intelligent, et qu'il avait été le disciple de Basilidc auquel il avait emprunté 
sa théorie, sur les passions-appendices de l'âme '. Valentin et Basilide ont 
en effet vécu à la même époque, mais le premier est postérieur au second. 
Saint Épiphane le dit expressément ^, ce qui rejette Basilide plus avant 



Bxr., 3i, n» ^). 
* Clam. Ale(. {Slrom., lih. ii. - Pair, grac, l. VIII, col. 10j7). 



I.E GN08T1CISME EGYl'TM 



177 



dans cette antiquité chrétienne dont l'histoire est encore envel 
tant de myslèrea. A l'exemple de Basilîdo, Valentin parcourut plusieurs 
nora^s de l'Egypte pour y répandre sa doctrine, il la prêcha successivement 
dans les nomes d'Athribis, du Prosopis, d'Arsinoé et dans la préfecture de 
la Thébaïde, dans la Basse -Egypte, sur le littoral et surtout dans la ville 
d'Alexandrie ; c'est saint Épiphane qui nous apprend tous ces détails * et ils 
concordent parfaitement avec l'influence ({ue Clément d'Alexandrie attribue 
à Valentin en réfutant spécialement ses erreurs. De l'Egypte, la doctrine do 
Valentin se répandit dans les autres contréas de l'Orieut, c'est ce que nous 
pouvons conclure du dialogue de saint Justin contre le juif Trypbon, où le 
philosophe cite les Valeutiuiens comme hérétiques, en répondant à l'accusa - 
tion de son adversaire contrôles chrétiens qui enseignent des choses abomina- 
bles et impies. Or, s'il faut ajouter foi àEusébe (et nous ne voyons pas quelle 
raison on aurait pour douter de son autorité), le lieu du dialogue futla ville 
d'ÉphèsG ; selon toutes les apparences, saint Justin n'aurait pas citéàTry- 
phon des hérésiesdont celui-ci n'aurait jamais eu entendu parler ; s'il cite les 
Valentiniens c'est que Tryphon les connaissait comme il connaissait les Mar- 
cionites, les Basilidicns, les Satorniliens, c'est que dès l'an 1351a doctrine 
do Valentin s'était répandue dans r.'Vsie-Miueure avant que le maître ne quit- 
tât l'Egypte pour l'Italie, Alexandrie pour Rome. 

Nous n'avons aucun renseignement indiscutable sur la vie de Valentin à 
Rome ; mais ce qu3 nous avons dit de sa vie précédente suffit pour nous faire 
juger à sa juste valeur la phrase suivante de Tertullien: « Valentin, dit le 
prêtre de Gartbage, avait espéré l'épiscopat : son talent et son éloquence 
l'en remlaient digne, mais un autre qui avait pour lui la prérogative du mar- 
tyre l'emporta, et Valentin mécontent et irrité abandonna la règle orthodoxe 



. Hxr., 31, a- 2, Baeilide, d'aprêg cela, doit élre i: 



de 1' 



. 10 i 80 a 



raims avint. 

' 'EnortiraTo 51 oStoî rh vfi?vi\i.% xai Èv 'Aiïvït™. ... ii it t^ 'ASpiSiti xi'i npooMnitTi xa'i'Apmvoftt 
%x\ Hi\6iC',-^, xil Tgï( nSf;i [Upiii in; n3pv>ii;, xi'i 'Als^ivâpEun^XiTi). Id. H/Er., 31, n' 7. Tou» ceE 
□orna ES trouvent eiDclement duo! lea géographes da Inatiquiléi SIrabon, PJineetPtolëmée. Lei reniei- 
goements de saint Epiphans sont donc exacts en cet endroit. On voit ainsi que Valentin avait parcouru 
l'ÉgTple presque tout entière, qu'il était descend n ju^qa'i Thèbeg, avait séjourné dans te Delta et avait 
eiueigoà daoa les nomes situas sur les bords de la Méditerranée (C/. Paribe;, Lrxicon capt. lat. 
p. 493, 494, 49S, 512. — Cf. auui Partbe; : Zur ErakuniU d*s All«n ^gi/pietu. Karle ii, m 



178 



LE GNOSTICISME i;Gïl'TlK> 



pull!' déryiidie rerreui" *. » Que Valentin ait désiré l'épiscopat la chose n'est 
pas étoiinanto ; mais nous avons peine à croire que la déception de son am- 
bition fût la cause do son hérésie : d'ailleurs, comme il a dû composer son 
système de très bonne heure et se séparer ainsi de l'unité catholique, la 
phrase de TertiUlien, à la comprendre strictement, ferait croire qneValentin 
se sépara de l'Église pour cette raison avant d'avoir édifié son système, et bri - 
gLia l'épiseopat à un âge où il ne pouvait pas l'espérer, vu la teneur des cons- 
titutions deTÉgliso à cette époque. Mais la phrase de Tertullien est susceptible 
d'un autre sens d'après lequel Valentin serait venu à Rome, y aurait brigué 
l'épiseopat et 30 serait ouvertement séparé de l'Église après son échec. A cette 
explication s'oppose une objection radicale : pendant le séjour de Valentin â 
Rome, deux papes seuls furent élus, Pius et Anicet, nous ne savons pas que 
l'un ou l'autre ait dû son élection à un martyre antérieur ; c'est pourquoi 
noua rejetons le fait dont parle Tertullien. Bu reste, ce n'est pas le seul où 
la critique de Tertullien se montre en défaut. Il nous dit encore que Valen- 
tin et Marcion furent rejetés de l'Église à trois reprises ', attribuant ainsi à 
ces deux hérétiques ce que saint Irénée raconte expressément de Gerdon^. 
Nous avons déjà cité la plirase de saint Épiphane disant que Valentin fit nau- 
frage dans lafoi en Chypre, en rex])liquantde la seule manière plausible par la 
mort do l'hérélique '. Cependant, malgré toutes ces inexactitudes, une chose 
semble ressortir des textes que nous avons cités, c'est que Valentin pendant 
sou séjour à Rome neprofessa pas ouvertement ses doctrines, qu'il se donna 
comme chrétien orthodoxe et qu'il ne brusqua rien, soit par crainte, soit par 
ambition. Il n'est pas téméraire de le conclure des termes employés par saint 
Irénée, ^AOev, ■^xij.me, r.apiij-itvsv, et par Eusèbe, èyvufiltovTo. En (-fTet, si Valen- 
tin en aiTivant â Rome s'était présenté comme un héréliqne armé de toutes 



■ Sfieraverat epUcupalum Vnlenliiiu*, quia et iogcnio poteral et cbquio, ttd olium ex marljrii prtfra- 
eAiYS. loci patilum indigna lus, de EacleBÎa nulhenticie regulœ ahrupil, ad eipugnandun canvemu 
verilnleiQ {Tert. Ade. Valent., cap. vi). 

* Donoo ob Bonim curioaitalcm quAra fratrea quoque vitabant, semel et iLerum ejecli {Valanlinug al 
Morcion), Mnrdon qiiidem cum diicen(Js «est-riiis qusB Ecclesira inliilernl, Doviulme in perpetaum 
diacidiura reiegati, veiieua docirinarum marum disseminarunt (Terl., Dû prmcrip., c. 30). 

£JtïXi|ievo(tj'ofc iiti%mt iig»û;(lran , lib. III, cup, ii, n- 3. — Pfftr, grKC.,i. VI, col. Bàl). 
-■ et. Noiea précédeatei. 



LE ONOSTICISME KfiYPTIEN 179 

pièces, il n'est pas vraisemblable qu'il eût passé quelque temps, cinq ou six 
ans à se faire connaître, puisque son arrivéadate du pontificat doHyginet que 
son iufluenci?, sa réputation no se firent bion voir que sous Pius. Enfin, il 
n'eiit pu rester longtemps à Rome dans la communauté chrétienne, comme 
tout indique qu'il lo fit. Une hérésie no pouvait se propager que parmi les 
fidèles, et comment s'attacher les fidèles sinon en se mrlant à eux ? comment se 
mêler à eux sinon en gardant toutes les apparences de l'orthodoxie ? Los 
autres hérétiques, Gerdon, Marcion, avec lesquels Valeiitiii se trouvait à 
Rome, tinrent cette conduite; Valentin la tint aussi, il n'est pas téméraiie 
de l'affirmer. 

Tels sont tous les renseignements que nous avons pu recueillir sur la patrie, 
Ja naissance, la vie et la mort de Valentin : la moisson n'ost pas riche, et 
nonsn'avons fait seulement que glaner les rares débrissauvésdo l'oubli. Il nous 
faut parler maintenant de ceux de ses ouvrages dont le nom et quelques frag ■ 
ments sont parvenus jusqu'à nous. 

Valentin était nn philosophe platonicien et un chrétien, personne n'en 
doute, car quoique le fait de son christianisme ne soit écrit nulle part, il est 
sous-entendu dans chaque phrase dont il est le sujet : il admettait les écri- 
tures, se vantait d'avoir été le disciple d'un homme qui avait connu les apôtres 
et qui s'appelait Tiiéodas, ancien compagnon de saint Paul'. Gomme de tous 
les gnostiques Valentin éfait certainement le plus instruit, nous no devons 
pas nous étonner qu'il ait écrit de nombreux ouvrages. D.3 ces ouvrages, pas 
un seul peut- être n'est venu jusqu'à nous eu entier ; nous trouvons des frag- 
ments d'un certain nombre d'entre eux dans les Stromates de Clément d'Alexan- 
drie et c'est tout. Nous savons ainsi qu'il avait écrit des lettres assez nom- 
breuses (nous avons même nn fragment de l'une d'entre elles adressée à nn 
certain Agathopode), qu'il avait prononcé un nombre considérable d'homélies 
dont nous avons aussi quelques fragments et dont l'une roulait sur l'amitié 
(nepi yO,«u)*. Tertullien nous apprend de son côté que Valentin avait composé 



< '11; arrio; S> xxi OlnU-tlvov 8iîîiîi àxi^ojvai çfpouaiy pù«ii5; 


S" oSio; 


ÈvETà»!. n«-i) 


iib. VII, Mp. ivn. - Pat,', grac, t IX, col. S40). 11 vn »■<» J 


ire que ■ 


;e Théodfls j 








* Cr. Clen. Alex. Strom., U\>. U, etp. viii-xx ; lih. III, cnp. vu ; U> 


.. IVilit 


j. VI, csp. Il 


griec, t. Vtll, col, 97!, 1057, 1161. 1296: l. TX col. £76. 







180 



LE QNOSTICISME EGYPTIEN 



des psaumespoursonsystèmecommeDavidi'avait fait autrefois pour célôbrer 
Jehovali' ; et clans le Dialogue contre les Marcionttes, ouvrage attribue à 
Origêiie, nous trouvons un long passage do Valentîn sur l'origine du mal ; ce 
passage fort éloquent, est tiré d'une dissertation spéciale que Valentin avait 
écritesur ce sujet*. Enfin, s'il faut en croire Tertullien, Valentin avait fait un 
ouvrage appelé Sophia, car il dit : « La sagesse, Sophia, nous apprend, non 
pas celle de Valentin, mais celle de Satomon... ^n Quolqu-'s auteurs avaient 
cru trouver dans ces paroles l'indice d'un ouvrage valentinien, mais d'autres 
crurent réfuter cette opinion en disant que Tertullien avait dans ce passage, 
faitallusion non pas à un ouvrage de Valentin, mais à Sophia, le dernier Eecn 
de son systèmr:'. Cependant, la chose n'est pas claire : en effet, si la Sophia d.; 
Valentin est Treon Sophia, pourquoi Tertullien ne la compare -t-il pas à la 
sagesse de Dieu qui avait parlé par la bouche de Salonionî Pourquoi, au con - 
traire, la compare-t-il au livre écrit par Salomon? N'est il pas plus naturel 
de comparer un livre à un livre ? D'ailleurs, nulle part nous ne voyons que 
l'ieon Sophia ait enseigné quoi que ce soit. Ces objections n'étaient certes pas 
à dédaigner et avaient sans contredit la vraisemblance pour elles, lorsqu'au 
siècle dernier, un voyageur anglais rapporta de ses voyages un ouvrage 
gnosliquû intitulé PiCis -Sophia. Or ce livre contient tout au long, parmi 
beaucoup d'autres choses, le récit du vrai roman dont l'ieou Sophia est l'hé 
mine dans le système de Valentin. Que dire dealers de la conformité qui 
existait entre l'indication de Tertullien et le litre de l'ouvrage découvert? 
Nous n'hésitons pas pour notre compte à croire que Valentin avait composé 
un semblable ouvrage, ne fut-ce que pour expliquer le mythe si compliqué de 
son œon Sophia. Nous nous coalentous ici de ses indications ; nous traiterons 
bientôt do la valeur de l'ouvrage découvert au point de vue de l'emploi qu'on 
peut en faire dans l'exposition du système valentiuien. 

Tels sont les ouvrages que nous savons avoir été composés par Valentin : 
d'autres lui ont été attribués, mais à tort. Le faux Tertullien l'accuse d'avoir 



i T«rtuU D» Varna i:hfi'ti, lib. I, cap. xi. 

»Di«lcig. conl. Mnro,. >iicl, iv. Cf. Pair 'jr.vr.. \. Vil. ccil. IÏ73 in7. 

* Docfft IpM Suphb, non qulJiim Vulunlinl, uUSdIoiiioiiU. — TcrI . ^iJr. 

* TtrlutlInnutD alluJiiM nnn blI uliquam Val«nlinl librum, Bcd nd Sopbian 
oMaKlrurit (Koium, ni Uganll i>al<hil, — Drmrt. prtev, in Iran., libr. par D' Mniiurt. - 
frmc., I. VU), col. Si. 



LE GNOSTICISME ÉGYPTIEN 181 

composé des Evangiles*, mais TertuUien, le vrai a pris soin de Tabsoudre 
par avance de cette accusation ^. On peut aussi voir dans saint Épiphane un 
fragment gnostique qui a été attribué à Valentin, mais ce n'est que l'œuvre de 
l'un de ses disciples, comme l'évêque de Salamine le dit lui-même^. 

Si nous n3 possédions que les fragments authentiques de Valentin, nous 
ne serions pas bien avancés pour connaître son système : ces fragments sG 
comprennent quand on connaît le système, ils ne se comprendraient pas autre - 
ment. Il faut donc recourir aux auteurs qui nous ont laissé l'analyse de la 
doctrine, mais avant de mettre ces auteurs à contribution, il est nécessaire 
d'examiner quels ils sont et quelle confiance mérite chacun d'eux. 



< Tert. De ^rascrip,, capxux. Les derniers chapitres de ce traité sont de la main dun faussaire. 
» Tert. Adr, Va/., cap. xxxviii. 
3 Epipb. BsBv. xzxi, n» 5. 



CHAPITRE H 



DES SOURCES OU OUVRAGES QUI NOUS ONT TRANSMIS 

LE SYSTÈME DE VALENTIN 



A moins d'en excepter Marcîon, Valentin est certainement de tous les doc- 
teurs gnostiques celui sur lequel se sont portées de préférence les études des 
Pères de l'Eglise, et cela nous est une preuve de son influence, de l'étendue 
qu'avait prise son école. C'est aussi grâce à cette influence du philosophe 
alexandrin que nous sommes plus riches en renseignements sur son compte 
que sur celui des autres, quoique nous ne possédions plus en entier aucun 
ouvrage que nous puissions affirmer être sien. Nous devons regretter cette 
perte : car on apprend toujours mieux à connaître les idées d'un auteur dans 
ses ouvrages que dans les analyses qui peuvent être faites par des abrévia- 
teurs plus ou moins habiles, des adversaires plus ou moins impartiaux. Quoi 
qu'il en soit, Valentin a attiré l'attention de tous les Pères de l'Eglise qui 
pendant les cinq premiers siècles ont combattu les erreurs des faux chrétiens : 
au delà même des cinq premiers siècles, son système était encore combattu, 
et nul auteur ne se mêlait de faire une hérésîologie complète, sans donner 
une grande place à Valentin dans son ouvrage. Cependant, il n'était guère 
possible de dire du nouveau soit sur l'homme, soit sur le système : aussi, à 
partir de saint Epiphane et mémo bien avant l'époque de l'évêque 
de Salamine, les auteurs hérésiologues ne faisaient -ils que ressasser et redire 
ce qui avait été dit avant eux et mieux qu'ils ne le disaient. Nous ne prendrons 



LE GNOSTICISME EGYPTIEN 183 

donc pas la peine d'énumérertousles auteurs qui ont consacré quelques pages 
ou quelques mots à Valontin; nous citerons, nous interrogerons seulement 
ceux d'entre eux qui ont quelque chost; à nous apprendre, c'est-à-diro 
saint Irénée, Clément d'Alexandrie, Origène, Tertullien, Phitastre, Théodoret, 
l'auteur des Phiiosophumena, la livre gnostique publié dans le texte copte 
en 1850 par M. Petermann après la mort de Scliwartze sous le titre de 
Pistis-Sophia, et un manuscrit complètement inédit qui se trouve à la bo 
léienne d'Oxford. Nous avons à dessein rangé ces auteurs sans ordre chrono - 
logique ou systématique, mais nous devons en faire une classification ; car, 
s'il fallait prendre toutes les données qu'ils fournissent pour les joindre les 
unes aux autres, nous courrions le risque d'attribuer à Valentin des idées 
contradictoires et d'exposer d'une manière absurde un système où tout 
s'appelle, s'enchaîne, s'explique et se fortifie. 

Nous avons dit plus haut qu'on avait presque toujours cherché le système 
de Valentin daus saint Irénée, sans se douter que l'ouvrage du docteur de 
Lyon pouvait présenter un système d'une étroite parenté avec le système de 
Valentin, mais non le système propre de Valontin. Cependant on pouvait, même 
avant la découverte des Phiiosophumena, mettre en doute l'exactitude de 
l'exposition de saint irénée sur le système valentinien primitif, car à la suite 
des Stromates de Clément d'Alexandrie, on pouvait lire un ensemble de 
remarques sur ie Gnosticisme intitulé : Extraits de Théodote et de l'école 
orientale au temps de Valentin*. Puisqu'on mentionnait ainsi, daus ce titre, 
le nom d'une école valentinicnne spéciale, on pouvait croire en toute sûreté 
qu'il y avait d'autres écoles et cela du temps même de Valentin. En outre, 
saint Irénée lui-même feit remarquer que, chez les Valeutiniens, chacun 
pouvait forger un système nouveau selon son bon plaisir*. Tout cela n'avait 
pas échappé aux auteurs allemauds, mais il leur avait été impossible de faire 
le partage, car ils n'avaient aucun fondement solide qui pût leur servir de 
pierre do touche, de critérium, puisque les Extraits de Théodote n'embras - 



' 'Ex lùiï OtoSitou M»! t/iî aïaiToXiKil; »ï),ou[iiïFi; itia'tti.'i.iii Kiti Toù OjïÏEVtivOu xpivfl'j; ticiTOfisil 
(Patt; grgc, 1. IX, col. CSÏ). 

* Cum aulem diacrepent ab invicem el doclriiia et Iraditione, el qui recealiores eorum agaoscunlur, 
aOeclant per liusulos dies noTum aliquid admreaire et fructiQcare ijuod QUaquam ijuiKjuBiin eicogi- 
Urit (Iren. Ub. I, cap. xxt. — Patr, grxe., l. Vtl, col. 667-670). 




ISi I-E ONOSTiCISME EGYPTIEN 

sent pas [ont le système, se suivent sans ordre et que les fragments contenus 
dans lesSlromates de Clément d'Alexandrie n'apportaient la lumière que sur 
quelques points particuliers. La question en était à ce point quand la décou- 
verte et la publication des Philosophumena vinrent raoltrc hors de doute 
l'existence de deux camps opposés dans l'école valentinienne. On lit, en effet, 
dans cet ouvrage : « De là vient le partage de leur école, une partie fut 
appelée école orientale, et l'autre, école italique' ». La division naquit de la 
divergence des idées sur la nature du corps de Jésus le Sauveur*, et de là 
s'étendit sur d'autres points du système, ce qui prouve que ce système était 
composé en entier, qu'il avait été adopté par les disciples avec unanimité 
d'abord et que la discussion amena la séparation. Nous pouvons doue, à l'aide 
do CCS points de division, savoir quelle école chaque auteur représente et ainsi 
la lumière se fera peu à peu dans ce fouillis ténébreux de textes qui semblent 
Ee contredire le plus souvent. 

Le premier qui se présente à nous, dans l'ordre clironologiqui-, est saint 
Irénée (nous ne parlons que des auteurs dont les ouvrages nous sont parve- 
nus) ; son ouvrage a pour titre : Uèfutati'^in de la fausse Gnose, en cinq 
livres ^, et a été écrit à Lyon après la mort de Valenlin. On ne peut dire avec 
certitude à quelle époque cet ouvrage a été composé; ce que l'on sait, c'est 
qu'il n'a pas été composé d'une seule haleine et que l'évèque de Lyon s'y est 
remis à trois fois, comme il le dit lui-même dans les préfaces qu'il a mises en 
tète de chacun des livres de son ouvrage*. Quoi qu'il eu soit, saint Irénée n'a 
pas écrit longtemps après la mort de Valentin, puisque, daus son troisième 
livre, il arrête l'éuumération des papes à Éleuthère sous lequel il écrivait^. 
Cependant, bien qu'il écrivît si près de la mort de Valentiu,il n'a pas eu entre 
les mains les ouvrages du philosophe, il n'a pas donné la pure doctrine valen - 
tiniennc; lui-même l'avoue en ces termes : « Selon nos faibles forces, dit-il, 
et d'après la pensée de ceux qui enseignent maintenant, je veux dire de Pto- 
léraée, qui est la fine fleur de l'école valonlinieaae,nous exposerons succincte- 



nmi- iil\tiÙM^\Kh. (P/.i(oï., lîb. VI, U, p. ÎBS, Un. 3-5). 
» Ibii., p. Ï95-Ïi'6. 

« Voir U» prtiacfli dei livres 1, IJ et IV. 

» Iren. lib. 111, op. m, n" 3 et 4. — Putr. grxe., t. Vil, oal. 




LE GNOSTICISME EOYPTIEN l85 

ment et clairement leur système, cl, quoique nous ne soyons pas habitué à 
écrire, quoique nous u'ayons jamais appris l'art de faire de belles phrases, 
malgré noire médiocrité, nous fournirons aux autres l'occasion de combattre 
leur doctrine et nous montrerons combien ce qu'ils disent est absurde et con- 
traire à la vérité* ». Ainsi, d'après saint Irénée lui-même, ce n'est pas tant 
Valentin qu'Ua en vue de réfuter que son disciple Ptolémée, et si nous lui 
demandons où il a pria les matériaux de son exposition, il nous répond : « J'ai 
cru nécessaire, mon très cher ami, après avoir lu les commentaires (c'est leur 
expression) des disciples de Valentin, après m'être rencontré avec quel- 
ques-uns d'entre eux et après avoir saisi leur pensée, de te manifester leurs 
mystères les plus épouvantables et les plus profonds, mystères que tout le 
monde ne comprend pas parce que tout le monde u'a pas le cerveau assez 
délicat, afin que tu les puisses, à ton tour, dévoiler à ceiLx qui sont avec toi et 
garder ainsi tes fidèles de ce comble delà folie etdu blasphème contre Dieu*». 
saint Irénée a donc lu des livres valentiniens, il a eu dos entrevues avec des 
Valentiniens ; mais ces livres ne sont pas ceux du maitre, ce sont des commen- 
taires écrits par des disciples et l'on sait ce que ce mot signifie : sous ce titre, 
les élèves pouvaient cacher toutes leurs idées et s'éloigner, autant qu'ils le 
voulaient, de la doctrine du maître. Si nous voulons savoir, de plus, qui avait 
écrit ces corameutaires lus par saint Irénée, nous pouvons affirmer sans 
crainte qu'ils l'avaient été par Ptolémée, cette fine fleur de l'école valenti- 
nienne, puisque c'est lui surtout que saint Irénée a en vue dans son ouvrage. 
Si maintenant nous rapprochons ceci de quelques mots de l'auteur des Philo- 
sophumena, nous saurons quelle école représente l'exposition de saint Irénée. 
Cet auteur dit, en efi'ef : « L'école italique, à laquelle appartiennent Héracléon 




)ii,3Îav, {iitâvtiaiia o3ii3VTf|cOùxXtVT(viiu iTX(i).>i;, wi'ni^un *a\ ax^Sn i^ciyYiXnOiuv, xiï içap^iâf iJi;a|uv, 
x»Ti Tïiv TiiiiTipiv (utpiÔTiiTa, mpiî th àvaTpiitîiï bOt^ï, âUixoTX xsl 'avâpnojra t^ àXiiOtiç îniÎjfxvuirtE; 
TB in'wjtSit Xlfa^iiXi ii'nTe trui-rpiçiiv il'iur\i,hai, (i^« XifMV Tf^iiiv JinxflxéTEî. (Iran., lib. I, prots- 
miitm, a. 2, Patr. grxo , t. Vil, col. 4*!). 

• "Avorptaîoï ^-jTifritiiiï, éytvxin toîî ii^a^-iii^fix tûv, (ô; «Oroi 'kl'\a\iiiii, OùaitvtivoM [loAriiûv. îvi'oiî 
li njtûv x^i'l S'j|iCi).àiv, xi'i xiTaXsS^iuvai -r^v yvùiiiiv aJnSv, {hivûtui (toii àtsitiT^, xà Ttpmûii] xal 
^iiii [LuOT^pia, 3 n'i icÎvte: fu'?"^'"''*' ^"C' V-^ K^vte; làv iyiiipil.ay iXnn'jxX'm, ônui: xil ini |iaSùv 
outà, nSai laïi |utx saO çoivipà sol^iri]; xii nxïxiica^; HJii; çuXàlanOai tbv p'jflbv tj]; àvafa;, xnl Tf|C 
Ai Xpistbv ^iau^Ti^lK- (Ibicl., col. Ui). L'kuteur da lu Iraduclioa ktiae au lieu de reipnwûon étrange 
BJ t6v t^xif gilov itim^isnt * lu où ibv iyulfdXm fjouviv et a traduit par eerebrum no» habtntà 



186 LE ONOSTICISME ÉGyPTIB^ 

et Ptolémée... * ». C'est donc le système de l'école italico-valentimeime que 
nous avons dans saint Irénée et nous trouverons, en effet, que l'une des diffé - 
ronces qui se trouvent entre les expositions de saint Irénée et de l'auteur des 
Philosophumena a rapport précisément à la formation du corps de Jésus*. 
Ces remarques sont encore confirmées par la méthode dont s'est servi saint 
Irénée dans son premier livre, où les dix premiers chapitres sont employés à 
Oiposer le système des disciples de Valentin, et ce n'est qu'au onzième cha- 
pitre que l'évèque do Lyon veut analyser la doctrine de Valentin lui- même^ 
ce qu'il fait en des termes assi'z conformes aux données de l'école orientale. 
II est donc clair pour nous que saint Irénée n'a pas voulu s'attacher particu- 
lièrement à Valentin, mais bien aux Valentiniens qui l'entouraient, aux Valen- 
tiniens qu'il avait pu voir à Rouie, en Italie, et à ceux qu'il voyait on Gaule : 
ce n'est donc pas dans son ouvrage que nous irons chercher l'analyse du vrai 
système de Valentin. 

Pendant que saint irénée écrivait en Gaule sa réfutation des Valentiniens, 
un de ses coutemporaius, Clément d'Alexandrie, apprenait à connaître la doc- 
trine de Valentin pour réfuter le maître lui -même. Nous avons déjà dit com- 
bien Clément est fidèle dans son témoignage, combien grande est la confiance 
qu'il mérite. 11 enseigna dans la ville même d'Alexandrie et monta dans la 
chaire du didascalée chrétien de cette ville en l'an 189. 11 devait, à cette 
é,)oque, être déjà d'un certain âge puisqu'il avait d'abord été païen, s"était fait 
initier à toutes les philosophies et à tous les mystères de l'ancien monde, et 
finalement était venu aboutir à la doctrine chrétienne qu'il embrassa et devait 
défendre avec tant d'ardeur et de talent. Il n'y aurait donc rien d' étonnant à 
ce que Clément eût connu Valentin, qu'il l'eût entendu, qu'il eiît appris le 
système de la bouche même de celui qui l'avait inventé ou formé. S'il n'a pas 
connu personnellement Valentin, il a du moins lu ses ouvrages puisqu'il nous 
en a laissé des extraits dans ses Stromales ^, et si quelqu'un doit nous donner 
le pur système de Valentin, c'est lui ; malheureusement, encore ici, Clément 



1 01 |ii> âit'o tr,! "ItcÙiïï, bv torlv 'Hpaxiéu; 
lÎD. 5-6.) 

* Ibid., p. 29d, lin. l S. 

* Cf. Clem. Alex., Stro»i., lib. II, cap. tu 



LE GNOSTICISMB ÉGYPTIEN 187 

n'a jamais écrit une réfutation en règle ou une exposition suivie du Valenti- 
nianisme, et nous en sommes réduits à des frpgments qui sont au nombre de 
cinq, trois pris des lettres et deux des homélies de Valentin. Il pourra donc 
de nouveau nous servir de critérium, quoiqu'il faille chercher ailleurs l'expo- 
sition du système. 

Avec ie fragmont de la dissertation de Valentin sur VOi'igine du mal, c'est 
tout ce que nous possédons des ouvrages du philosophe gnostique. Cependant 
à la fin des Slromales de Clément d'Alexandrie se trouve un opuscule qui a 
pour titre, comme nous l'avons déjà dit : Extraits du Théodole etde Vêcols 
orientale au temps de Valentin. Un certain nombre d'auteurs ont nié que ctl 
opuscule fût de Clément d'Alexandrie, pour cette bonne raison que ledit opus- 
cule contenait des doctrines contraires à l'onseignemont général de Clémenl. 
des doctrines hérétiques même. La raison était vraiment naïve; pour la réfuter, 
il suffisait de relire le titre de l'opuscide ; car si les idées étaient hérétiques, 
il fallait en rejeter la faute sur Théodote des ouvrages duquel elles étaient 
extraites et non sur Clément. On objectait de plus que le style et la méthodo 
étaient en désaccord avec le style et la méthode du philosophe chrétien ; à 
cela rien d'étonnant, car ces extraits ne sont que des notes prises à la hâte, 
sans suite apparente, dans lesquels il n'entre nul stylo et nulle méthode. 
Aucune de ces deux objections n'empêche donc de croire que les extraits de 
Théodoto soient dus à Clément, et, puisque nous les trouvons à la suite de ses 
Stromates, cela nous est une raison suffisante de croire qu'ils ont été faits par 
lui, jusqu'à preuve du contraire. Si l'ordre dans lequel ces extraits se trou- 
vent est arbitraire, c'est que l'auteur l'a voulu ainsi, et si la raison qu'il avait 
pour cela nous échappe, ce n'est pas un motif pour dire qu'il n'en avait 
aucune ^ Ces extraits n'étaient, selon nous, que des notes prises avant sa 
leçon par le professeur pour lui servir de points de repère dans la réfutation 
qu'il faisait des doctrines valentiniennes de Théodote et de l'école orientale. 
Si ces extraits ne contîeanent ni uue exposition ni une réfutation complet-', 




< So hal lias ganie ei.ieii wunïg einlieitllchen Chai'akler : bald isl es einfnche Eelalioti, bnld l'uu 
■ubjecliren Opposition gefîLrbte Usristelluag, bald in zusatninenliangetide Ëuttricklung furUchreiteaJ. 
bald uoturbrocheii durcb Bemerkaagea, die la keinem Zuummiiiihang mit dem Vorbergeliendidii uuil 
FolgenJen stehcn. I> seb°iut vi^lmehr eiiier. der eich uiilcrrichtâD will iind dethalli dia FrQfliie aeiner 
SlodieD ja nach «ubjectiraa Bed[irrâtirt,al3 jsraand, der nndere belelireu will Verf;issi'r d«r ljic«rj)le 
lu «eln (Haiarici, Das Varenlinianiiehà Onoiia und dit Heihge Sehrift, p. 88). 



188 



LE ONOSTICISME EGYPTIEN 



on sait cependant d'une maniôro certaine qu'ils donnent le système derécoîe 
orientale. On s'est aussi demandé'ce qu'était ce Théodote, et à cette question 
ou ne peut répondre qu'en disant ce qu'il n'est pas et non ce qu'il est : il n'est 
pas le Théodote dont parle saint Ignace d' Antioche dans sa lettre aux Tralliens ; 
car, puisque celui dont nous avons des extraits vivait en même temps que 
Valentin, il faudrait dire que Valentin lui-même vivait au temps de saint 
Ignace le martyr, ce qui ne saurait s'accorder avec toutes les autres données 
des Pères. Nous devons donc nous borner à dire que le Théodote dont il 
s'agit était un disciple de Valentin, vivant à la même époque que Valentin et 
appartenant â l'école orientale do la secte valentinienne. Pour toutes ces rai- 
sons, il est évident que ces extraits nous sont d'un grand prix et nous apportent 
un secours inappréciable pour l'analyse du système valentinien. Cepen- 
dant, nous ne nous en servirons pas sans précaution, car nous savons que les 
disciples de Valentin aimaient à renchérir sur la doctrine du maître; mais 
comine ces extraits s'accordent en tout avec la doctrine contenue dans les 
Philosophumena, comme ces deux sources s'écartent de saint Iréuée sur les 
mêmes points, nous avons donc, en nous eu servant, plus de chances de décou- 
vrir la véritable doctrine du choryphée du gnosticisme égyptien. Nous ne 
quitterons pas ces Extraits de Théodote sans faire observer que, malgré le 
désordre apparent dans lequel ils se trouvent placés, on peut cependant y 
découvrir trois groupes principaux : lo premier serait composé des vingt-sept 
premiers paragraphes; il traite de la personne du Sauveur et de la dignité des 
pneumatiques; le second, beaucoup plus étendu, va du paragraphe vingt- 
huitième au paragraphe soixante -cinquième et nous renseigne sur le corps 
même de la doctrine et l'îeonologie ; le troisième groupe enfin, depuis le para- 
graphe soixante-cinquième jusqu'à la fin, comprend ce qui a rapport au salut 
et à la justification '. Il faut remarquer toutefois que cet ordre n'est pas strict 
et absolu, et que deux paragraphes ont traita Basilido; tous les autres roulent 
sur Valentin ou ses disciples orientaux : la chose est bien claire à cause de la 



< Zunaclist werden Iom RneÎJiandpr gereiht îa einer Onigipe nichtige Beslimniuiigen Uber lioa W«iea 
des Solar und der Pneumaliker atifgeiHelU, S 1-1, 21-27 ; darouf folgl nnch eiaer Bemerkung Ulier dos 
ganza Sjslem enUialt, 9 i^-Qi^; lum Schuss Iritt in eiiiem drllten zuaummenhnngendea ^lUck, S 69-85; 
die Frage nacli der Aneignun^' lies Heils in den Vurdergrund, welche in der Lelire von dem louipiv 
und seiaen Wirkungeri entwjckelt wird (Ueinrîci. Die Vattntiniamsche Gnosii and dit Heilige 
Sehrifl, p. 90.) 



LE GNOSTICISME EGYPTIEN 189 

répétition fréquente de ces mois : il dit {f^ot), ils disent (oecuî), ou les disciples 
tle Valentin affirment (oî ô'ô^ô OùxXèvxIvo-j). 

Après Clément d'Alexandrie, nous devons passer au Pseudo-TertuUien et 
à Philastre : il n'y a rien de saillant dans ces auteurs, mais ils peuvent nous 
servir à connaître le véritable système de Valentin. Nous devons tout d'abord, 
puisque nous parlons du Pseudo-TertulHen, dire qm; le vrai Tertidlîen ne 
nous peut être d'aucun secours pour élucider la question ; car, à part quelques 
renseignements qu'il a pu tirer d'une source d'informations particulières, ce 
qu'il dit de Valentin est entièrement emprunté à saint lr*inée : de plus, ses 
renseignements particuliers n'ont trait qu'à la vie de Valentin, do Ptolémée, 
de Hèracléon et d'un certain Axionicus dont l'auteur dos Philosophumena fait 
aussi mention'. Mais il en est tout autrement du Pseudo-TertuUien et de 
Philastre. Ce que ces deux auteurs disent n'a point été emprunté à l'évêque 
de Lyon, leurs données sont différentes des siennes en un certain nombre de 
points, surtout en ce qui regarde l'émanation désaxons puisqu'ils placent la do- 
décade avant la décade, en ce qui touche la décade et en ce qui regarde la 
nature du corps du Christ qu'ils affirment avoir été pneumatique. Or, ce sont 
là les deux points cause de la scission dans l'école valentinienne ; d'où nous 
pouvons conclure que les données du Pseudo-Tertullien et de Philastre nous 
représentent l'école orientale du Valentiuianisme. Mais à quiconque prendra 
la peine de comparer les deux auteurs, il sera évident qu'ils ont puisé à une 
même source : ici encore nous devonsnousen rapporter à la lumineuse critique 
de M. Lipsius ^ ; quant à savoir quelle est cette source première, nous ne pou- 
vons pas oser l'affirmer. M. Lipsius, nous le redisons, avait d'abord cru la 
retrouver dans le tiyntagma de saint Justin, il a depuis mitigé, pour ne pas 
dire abandonné son opinion ^. Quoi qu'il eu soit, il est certain que cet auteur 
primitif avait lui-même puisé à des sources sérieuses, et s'il fallait reconnaître 
eu lui saint Justin, ce serait une preuve de plus que c'est dans l'ccole orien- 
tale qu'il faut chercher la doctrine propre de Valentin. Ce que nous allons dire 
des i'/i(7tiSop/t«m(îHa fera plusclairoment ressortir cette conclusion. 




Phitos. Mb. IV, K. H» 35, p. !9l>. Cet Axionicus était 
Zur QuelUnki-itik dts EpiphaniOÊ. p. )5î-151. 
UpiiuB : Oie giielltn det àltciU Ktt^erjtxekiiehte. 



(la l'École Orientale. 



190 r.E ONOSTICIBME EGYPTIEN 

Centrai ce m>3at à saint Irène j, l'auteur de cet ouvrage comincQce par affirmer 
qu'il va faire connaître la doctrine de Valentia lui-même, et montrer à quelles 
philosophies païennes le gnostiquo avait emprunté la base de son système. 
« L'hérésie de Valentiu, dit-il, repose tout entière sur les systèmes da 
Pythagore et de Platon. En eifet, Platon a prisa Pythagore tout ce qu'il a dit 
dans le Timée. C'est pourquoi il sera bon de rappeler les théories de Pythagore 
et de Platon, avaut d' exposer la doctrine de Valentin. Car, quoique précé - 
demment nous ayons fait connaître 1ns points principaux des systèmes pytha- 
goricien et platonicien, il ne sera pas déraisonnable de les rappeler brièvement 
afin de mieux montrer en le? comparant et en las examinant ce que Valentin 
a invente. Si Platon et Pythagore ont enseigné aux Grecs ce qu'ils avaient 
appris des Égyptiens, Valentiu a tout emprunté de c-îsdeuxauteurs, il a encore 
exagéré leurs mensongères doctrines, et pour les approprier à la sienne, il a 
taillé, coupé les théories de ces philosophes pour décorer son système, si bien 
qu'ila formé une hérésie do formegrecqueetingénieuseà la vérité, mais non une 
doctrine forte et conforme à la foi chrétienne '. » 11 faut avouer qu'un auteur ne 
peut dire plus franchement quel est son but, et le but de celui-ci est bien d'ex- 
poser la doctrine do Valentin, sans donner môme un regard aux systèmes des 
disciples. Or, cet auteur u'aurait pu avouer un tel but et tenir un tel langage, 
s'il n'avait eu en mains les ouvrages mêmes de Valentin : il confirme encore 
ce qu'il vient de dire, lorsqu'à près avoir exposé le système de Pythagore, il 
ajoute : « Toile est la doctrine de Pythagore et de Platon : c'est d'elle et non 
des Évangiles que Valentin a emprunté son système, comme nous le démon- 
trerons : si bien qu'il est digne d'être rangé parmi les disciples de Pythagore 
et de Platon, et non parmi ceux du Christ^, m Mais nous devons dire que ces 



' "EoïiiavoOïi] OjHlivt:v3\j ai,)ii7i; n-jOaïspijî',7 £-/ovsa xi't ni.ïruiv.xVTÎl' viràdtoiv- Ka'i -iàpHii- 
THv E^',i; fv tL Tt|i3fui tiv lluixiépxi imiiiCcita- TsiYnpoOv xxl i Ti)i«io; «ùtt; imit aiiii IIu6aT^P'><>t 
{(va;. àA Sni! iX{T> triC Ilulloij'opïia-J xil [llnruvii^ï iiiiB|iviiri{vTi( ûnoSinuc apt^oOil xiî Ta Oja}i«v 
TÎïov Wïiiv. EiTBp xvit Tol; ic^kipiv û?' ^liiôv «Eitoviinfcroiç 'ïjutvrai xi\ ■ci H'jBïïôpn xii IHiîtùrti 
I:Iixi]|iiua, «Uàyt xil vttv oùv ili^-u; OicQliiiiafnioDliii Bi' hn'i\i'tt tce /sp jfaittiToi TCiva'jTOÎ; ôpEno- 
|i!*uv, TtpJç ï4 cltnÎYvbiim f''""^*' ''^ O jalivrivu îiînvTM Sii Trjf Jfyïovoî nïpsfliaiu; xïl i|i«iiiç 
ouiTipfotiiiç, tôy («V niXai in' 'AiYwnTiMy tïOtt itipalieivTdiv xa'i ei; "EXXr.va! iisTaîiîativriuv, toO îl 

èï6p.i« xï'i âplD|wî;, liiio; iï xïXiffïvio; xa'i [litpi;; îupÎTivn;, 5im; ilpeaiv 'E>.ii]vw^» noi^'l^ï |iii, 
"x i.iix5jai7 X.îiatâ a-j-Tcfioi). (PAiloj., lih. VI, II, n. 21, p. 89?, lin. 1-13, p. fBf, 



1. 1-3). 
' Tmi-k 



;, ûc iv xiTxl'xtaiï lînilv înilBtvTz, ^ (l'jSsTJpo'j xi'i niJTwvoc ouviffriixi Soïa, if' j 



LE GNCSTICISMK EGYPTIEN 191 

paroles sont suivies de ces autres qui semblent détruire ou dti moins battre 

fortomeut eu brèche l'affirmatiou contenue dans les premières-: « Valentiu, 
Héracléon et Ptolémée sont doue les disciples de P/lhagoro et de Platou, ils 
ont suivi l'enseignûmoiit de leurs maîtres, et ont formé une doctrine basée 
sur l'arithmétique '. » Gs qui est plus grave, c'est qu'avec Valentin il vient 
de nommer les deux chefs principaux de l'école italique ; mais au lieu d'olre 
une objection, cette phrase ne serait-elle pas une confirmation de l'opposition 
qui existe entre les deux écoles, et ne disait-elle pas claîremcut que la doctrine 
de Valentiu se trouve à l'opposé de l'école italique î Car, quoique les deux 
écoles soient divergentes, elles ont cependant bien des points de rapprochement, 
et comme tout ce que dit l'auteur des Philosophumena se rattache à la doc- 
trine de l'école orientale, qu'il rejette tout ce qui a trait à l'école italique, cette 
métbode nous semble une preuve péremptoiro que la vraie doctrine de 
Valentin n'est pas la doctrine de l'école italique, et que c'est dans les 
auteurs qui représentent pour nous l'ccolo orientale qu'il faut aller la cher- 
cher. Cependant il ne faut pas pousser trop loin la rigueur de cette conclusion , 
nous devons au contraire nous rappeler que les disciples ont modifié la 
doctrine du maître, cl si l'auteur des PhilQsnphumena &a.^\QiQ souvent ici 
son mot de prédilection « il dit : fiffi, » il ne faut pas oublier que quelque 
fois aussi il emploie le pluriel, ce qui implique l'enseignement des disciples 'j 
mais cet enseignement dos disciples a pu n'être pas contraire à celui du 
maître, et, si cette remarque peut donner lieu à une possibilité, elle ne saurait 
être une raison plausible de doute. 

Après l'auteur des Philosophumena s'offre à nous l'évèque de Salamine, 
saint Epiphane. Ce que saint Epiphane dit do Valentin peut se diviser eu 
deux parties bien distinctes : la plus considérable va depuis le paragraphe 
huitième de sa trente et unième hérésie jusqu'au paragraphe trente deuxième; 
elle n'est autre chose que la transcription mot à mot des premiers chapitres 
du premier livre de saint Irénée dont le texte nous a été aiusi conservé ; la se 



pixô; «i\ ll)ic<aviK^:, o-J Xpioiia>ïi, âv Xayi<TÏEfii (Ibid., a. 29, p. S79, lia. 10-13). 

Sid., p. 279, lin. 11-16. 
* Cf. Philoiop. p. 87?, 83.), 2H5, iX. etc., Isa endroit* où il Ml pirlé du disciploi de Valentio. 




192 LE B.NOSTIGISME EGYPTIEN 

condo partie comprend les autres paragraphes qui ont été puisés à des sourci 
tout àfait distinctes. Nous n'avons rien à dire de la première ; quant à la se- 
conde, saint Epiphane nous a conservé les noms des auteurs qui lui ont servi 
à la composer : outre saiiit Irénée, il a consulté Clément d'Alexandrie, Hippo- 
lyte et plusieurs autres auteurs qui avec une éloquence admirable, dit-il, ont 
réfuté les erreurs des hérétiques'. De plus, dans son second paragraphe, il 
nous donne des détails qu'il a appris de vive voix, et quand il aborde Texpo- 
sition dogmatique, il donne aux feons des noms que l'on ne retrouve nulle part 
ailleurs, ce qui prouve qu'il a eu en sa possession des sources inconnues aux 
autres auteurs. Cependant enun point, il se rapproche du Pseudo-TertuUieu et 
de Philastre; car, comme eux, il veut trouver l'origine de système valeutinien 
dans la théogonie d'Hésiode. Ainsi, il a eu entre mains cet auteur primitif dont 
nous rencoulrous les vestiges dans Philastre et le faux Tertullion ; et, puis- 
qu'il nomme saint Hippolytc comme l'un des auteurs qui ont combattu Va- 
lentin, il serait très possible que cette source première aux trois auteurs 
découlât de l'ouvrage de saint Ilippolyte *. Enfin, dans ses paragraphes cin- 
quième et sixième, il cite un texte gnostique, mais il a soin de nous apprendre 
qu'il n'est pas de Valenlin. 

En résumé, saint Epiphane a mélangé les deux écoles dans sa trente -unième 
hérésie: jusqu'au paragraphe huitième ses données appartiennent à l'école 
orientale ; mais, à partir de ce paragraphe, comme il ne fait plus que trans- 
crire saint Irénco, il représente donc l'école italique. Malgré ce mélange et 
les auteurs qu'il avait à sa disposition, saint Epiphane ne nous apprend de 
neuf que des détailssur la vie de Valentin, et les noms étranges des ;eons que 
nous aurons occasion de citer plus loin. 

Il ne nous reste plus maintenant qu'A ex:imincrie livre intitulé Pistis-Sophia 
et le papyrus inédit d'Oxford. 

Le livre qui a pour titre Pilts-f^ophia est un livre gnostique au premier 
chef. Il fut apporté i Londros à la fin du siècle dernier, et le manuscrit est 






il lin'i ■cijï T^; àlijflsiaj iniYTpifiaiV 
HtoIqvTCU àvxTp«it^4. (Epiph., ffttt., 



LE GNOSTICISME EGYPTIEN 



193 



mainteuaat déposé au British Muséum. Le célèbre philologue anglais Woïdc 
cnit y retrouver l'ouvrage valentinien signalé par Tertullien dans le texte 
que nous avons cité ; son avis fut rejeté, et M. Matter, eu France, pour ne 
parler que de lui, crut avoir prouvé que l'ouvrage n'était pas deValentin '. Les 
autres auteurs no donnèrent au traité gaostique aucune atteution ; d'ailleurs, 
il leur efit été difficile de faire autrement, car le manuscrit était en langue 
copte, langue peu connue alors, et qui aurait demandé de longues études avant 
qu'on en put tirer parti. Ces raisons firent, sans doute, que le manuscrit du 
British Muséum resta inédit jusqu'en l'année 1851 ; un allemand, M. Petcr- 
mann, publia la traduction qu'en avait faite Scliwartze, enlevé à la science par 
une mort prématurée. Cette traduction peut servir : on lui a reproché, avec 
raison, d'être quelquefois inexacte ', mais les inexactitudes qu'elle renferme ne 
suffisent pas à changer complètement la physionomie de l'ouvrage. En France, 
dès l'année 1847, M. Dulaurier avait appelé l'attention sur le livre, dans le 
Journal Asiatique /voici ce qu'il en disait: « Woïde qui était en état de con- 
sulter le texte original, pensait que notre manuscrit est le même ouvrage que 
la Fidelis Sapientia qui, au dire de Tertullien, avait Valentin pour auteur. 
L'étude approfoudie que j'en ai faite mn porte à croire que cette opinion est 
loin d'Ôlro dénuée de fondement. La terminologie du système qu'il contieut 
s'accorde assez bien avec celles des théories valentin iennes telles que nous 
les a transmises saint Irénée; avec cette différence néanmoins, que dans le 
livre copte, elle est d'une richesse de développements et de détails que le 
plau adopté par le docte évèque de Lyon dans son Traité des hérésies ne com- 
portait pas. Les preuves sur lesquelles cette identité peut être fondée trouve- 
ront place dans l'introduction qui doit précéder ma traduction. D'ailleurs, il 
ne faut pas perdre de vue dans cette discussion un témoignage de saint Irénée', 
qui affirme que des thèses différentes étaient produites et soutenues dans 
récole de Valentin : d'où il résulte que les arguments tirés de la tei'minologie 
valentinienne, comparée avec celle de notre manuscrit et mis en avant pour 
nier l'identité de l'ouvrage copte et de la Fidèle Sagexse du philosophe alexan- 



l Mmter: SUtoiri ci-itique da Gnosticisme,ï. II, p. 109. 
• RËvilluut : Vie et scntenct* da Sacundut, p. 96 et jvMïim. 
■ Lib. 1, cap, it. 




194 



LE (JNOSTICISMË EGYPTIi 



driii, ne reposent suraucuQe base solide » '. Ainsi, d'après M. Dulaurier, 
l'ouvrage copte serait de Valentin ou tout au moins de ses disciples. Cette 
conclusion a été rejetée par M. Bunsea, qui rattacliiî les idées de la PisHs 
Sophia au système de Marcus^, et par M. Kostlin, qui les range dans la 
doctrine des Ophitea^. La conclusion de M. Buasen est inacceptable, le sys- 
tème contenu dans la PisHs Sophia ne ressemble en rien avec ce qui fait 
l'originalité de celui de Marcus, comme te fait très bien voir M. Kostlin, dont 
nous n'admettons pas davantage la tliéorie*. Pour lui, en efiFet, la termino- 
logie lui fournit ses principaux arguments, et ce n'est vraiment pas un terrain 
solide. Sans doute, les noms des aeons ont du rapport avec ceux des œons 
des Ophites,maiscela ne suffitpas pour démontrer la parité des deux doctrines. 
Il est bien plus sage de s'en rapporter aux idées qui sont valentiniennes, à un 
-petit nombre près. Ce qui constitue le fond du livre, c'est, comme nous l'avons 
dit, l'histoire de l'œon Sophia, à laquelle il faut joindre des explications 
morales et une sorte d'initiation qui termine l'ouvrage. Dans tout cela, nous 
le répétons, il n'y a presque rien qui ne soit du plus pur valentiuianisme, si 
l'on a soin de dégager les idée.^ de la multitude d'images qui les recouvre. 
Aussi sans attribuer la paternité de l'ouvrage à Valentin, nous n'hésitons 
pas à reconnaître dans Pislis Sophia, l'oeuvre d'un valentinien postérieur, 
et la langue seule dans laquelle ce livre nous est parvenue nous montre que 
l'auteur appartenait à l'école orientale. D'ailleurs, il ne faudrait pas chercher 
dans cet ouvrage une exposition complète du valcntinianisme, on ne la trou- 
verait pas: il n'y a que des allusions aux différentes parties des systèmes, 
et les trois points que nous venons d'indiquer sont les seuls qui soient 
développés. Nous nous servirons donc de l'œuvre copte pour y chercher des 
explications et des confirmations quand nous en aurons besoin et pour l'expo-- 



I Journal Asiailgue 1847, n» W. 

• BunsBD ; HippalyiiLi, t. 1, p. i7. 

1 Dau dus Sjetem, vas llle Zeiner seiner ËiiUtehung lietriffl, eret liue Bpâlere Forme des OphiUt- 
muB, gehl nicht nur aus leiuem die alteru Sfiletua voi-aussetieadei) kombioatorischoa Cliarakter, so 
Wie auB ilem Umslande dosa Irenaui uud Kkmîtia von ilim niclilB wUsen, aondern namenlUcli aus 
Minera Verhïlluiis lU àeta lierTor was Eo^i'st als opliitisclie Lehre beksnnt ist. larbûcher non Baur 
et Zelier, if5l, p. if9, 

* Buasen erkJ art uaaere Scbrill fOr « eine hôchsl nerthlnaa Trudit der markoiionischen Hâreaïe, 
loU Jer sphlesten unil gâdankenloseslen Mjslik Uber Bucbstahep, Laule and Worle ■>, aber markuiich 
lit Uns Sj-slem eliea$ow<!nie al^ TalenLiniscl), und namenUicli liaben die Buchstahenrurmeln fur Unssalbs 
eîne weit geringera Bedeulung, «la diesB bei der Markoiiern der FaU nar (Ibid., p. 185.) 



LB ONOSTICISME EGYPTIEN 



196 



sition des rites et de l'eschatologie des valentiniens : oa verra que les 
passages que nous citerons sont conformes à nos autres données. 

Il faut joindre à cet ouvrage vralmt^iif gn^stique, uii papyrus copte qui se 
trouve à la Bodléienne d'Oxford et qui est complètement inédit. Ce papyrus, 
découvert par le voyageur Bruce, fut apporté en Europe vers la fin du dix- 
huitième siècle : il était, sans doute, dès cette époque dans un état de conser- 
vation qui laissait beaucoup à désirer, et aujourd'hui il est presque complè- 
tement illisible, car les caractères ont à moitié disparu sous l'action humide 
du climat d'Oxford. Fort heureusement pour la science, le savant Woïdo 
en fit une copie qui se trouve, avec ses antres papiers, à la Clarendon Presa 
de l'Université d'Oxford : elle est plus connue que l'original, car M. Révil- 
lout l'a vue et en a pris une connaissance hâtive', mais il ne paraît pas avoir 
connu l'existence du papyrus : nous devons dire le contraire de l'allemand 
Schwartza. Non seulement ce savant a pris connaissauce de la copie dn 
Woïde, mais il a étudié le texte et il en préparait la publication, comme 
l'a annoncé M. Petermann qui. après la mort prématurée de SchwartKO, a 
^nhliélc traité PIstis Sopkia; Schvartzc connaissait en eiFet le papyrus et s'en 
était servi pour collationner la copie de Woïde. Il faut avouer qno celte con- 
naissance ne lui dut pas été très utile pour les laisons que nous venons de 
faire connaître : d'ailleurs la science incontestable de Woïde et le soin avec 
lequel il faisait ses ouvrages sont un sûr garant de la fidélité de sa copie. 

Dès le temps oii fut faite la copie de Woïde, le manuscrit était incomplet, 
rempli de lacunes et par endroits illisible : les feuillets n'étaient pas en 
ordre, et Woïde lui-même s'en aperçut tout le premier. Depuis on a appli- 
qué le papyrus sur carton, mais l'opération a étésî malheureuse que le plus 
grand nombre des planches a été lacéré d'une manière surprenante et que 
plus de dix folios écrits au recto et au verso ont disparu depuis le temps de 
Woïde. Quoi qu'il en soit de la cause de cette disparition, le plus grand 
nombre de folios se retrouve et on peut encore s'assurer avec beaucoup de 
patience et de bons yeux que la copie correspond parfaitement à l'original. 
En outre, comme le plan de l'auteur avait été très méthodique, il est relati- 




1 Cr. RévtltoDl, Senteneei de Seeundw, p. 10. 
■ Finis Sophia, Préfsce rcw. 



196 LE QNOSTICIISME ÉQÏPTIEN 

vement assez facile encore de retrouver l'ordre primitif des feuillets, ce qii^ 
nous avons fait, comme le montrera la publication déjà entièrement préparée 
de ce papyrus. 

Le conteuu de Touvrago est entièrement gnostique et relève du système de 
Valentin. On y trouve dèiu: titres, qui peut-être sont les titres de deux 
ouvrages différents, mais qui pom'raienl iîien n'annoncer que deux i)arties 
d'un même ouvrage ; le premier porte : Le livre des gnoses de l'Invisible, 
et le second : Le livre de la grandeur du Logos selon le mystère *. Des deux 
ouvrages, le premier contient les enseii-'nements donnés par Jésus à ses 
disciples sur la manière dont il faut s'y prendre pour parvenir au trésor de 
lumière, c'est-à-dire au centre du plérôme, lorsque par la mort l'âme s'est 
séparée du corps, pour vaincre les feons au moyen de formules et de 
sceaux gnostiques ; le second enseigao d'après la même méthode, quelle est 
toute la chaîne des diâerentes émanations qui constituent le plérôme valen- 
tinien. Ce n'est pas ici le Ueu de chercher et de démontrer à quelle époque 
on peut faire remonter la publication de ces deux traités : ce qu'il y a de cer- 
tain c'est que le papyrus copte n'est que la traduction d'un original grdc. 
et que lo système de Valentin s'y trouve pur de tout alliage étranger et sans 
ces complications d'œons inférieurs, de monstres et d'anges que l'on trouve 
dans la Pistis -Sophia. On n'y trouve d'ailleurs rien de nouvt^au sur la com - 
position intime du système valcntinien, mais sur les rites et sur l'eschato- 
logie de la gnose égyptienne, le papyrus nous renseigne dans un grand 
nombre de passages très importants. 

Nous nous servirons donc et à bon droit, des données fournies par ce papyrus 
qui vient à point pour montrer avec quelle exactitude l'auteur des Philoso- 
phumena et les Pères de l'Église nous avaient transmis la doctrine de 
Valentin. 



HKCTHUCIC .WlfcgopftTOH Cl IISUOMC AmnOff rlNorOC HÛ.TÛ, nx-ÏCTMptOrt 



CHAPITRE III 



SYSTÈME DE VALENTIN D'APRÈS LÉCOLE ORIENTALE 



L'abondance des matières qu'il nous faut traiter dans ce chapitre, nous 
oblige à le diviser en paragraphes distincts sous chacun desquels nous expo- 
serons un point spécial du système : Tseonologie, la cosmologie, la christo- 
logie, la morale et Teschatologie ; puis nous ajouterons quelques remarques 
sur le culte particulier des disciples auxquels la doctrine du maître avait été 
révélée. Sur quelques-uns de ces points, les renseignements contenus dans 
les auteurs qui représentent pour nous Técole orientale du valentînianisme 
sont beaucoup moins circonstanciés que l'exposition donnée par saint Irénée; 
la raison en est que les disciples ne se contentèrent pas de la simplicité rela- 
tive du maître et qu'ils ajoutèrent sans cesse au système primitif. 



ilSONOLOOIB ou THEOLOGIE 



Pour Valentin et ses disciples, le principe de toutes choses était l'Unité 
incréée, incorruptible, incompréhensible, inintelligible, capable cependant de 
produire et de se développer, cause de tout ce qui a été produit : celte Unité 



198 



LE QNOSTICISME EGYPTIEN 



étaitdésignéesouslenom dePèro'; c'est aussi le système de Basilide. Sur la 
natuM intima de cette Uaité-Père, toute l'ôcole était d'accord; mais si nous 
voulons faire un second pas dans l'examen du système, nous tombons dans lo 
désaccord le plus complet au sein même de l'école orientale. En effet, les uns, 
dit l'auteur des Philosophumena, pour conserver la doctrine pythagori- 
cienne dans tout le développement du système de Valentin, veulent que le 
Pore existe seul, qu'il n'ait ni sexe, ni épouse ; les autres, au contraire, con- 
sidérant que la génération dj toutes choses ne peut avoir lieu avec le seul 
principe mâle, ont cru devoir donner à la cause de tout ce qui est, afin 
qu'elle devienne Père, une épouse qu'ils nommeiit2i-/ï7(leSilence)'. Ainsi, dès 
notre secoîld pas, dans le développement intime du système valeatinien, nous 
ne pouvons plus reconnaître la doctrine particulière à Valentin; car, si nous 
retrouvons 2iyn' dans saint Irénée et l'école italique, nous la trouvons aussi 
dans le pseudo-Tertullien, cbns Philastre et dans la partie de saint Epi- 
phane qui n'est pas empruntée à saint Irénée ' : et ces trois auteurs nous 
représentent l'école orientale, comme nous l'avons vu; ce qui nous montre 
clairement que la division se trouvait au sein même de cette dernière école. 
Cependant d'après l'enchaînement dos idées, puisque l'auteur des i^/(i7oso- 
phumena veut que le fondement du système valentinien soit près de la doc- 
trine de Pythagorc, il semblerait probable que cet auteur croyait retrouver 
la doctrine de Valentin dans le système qui se rapprochait le plus de la phi- 
losophie pythagoricienne. S'il en était ainsi, il faudrait conclure que l'ou- 
vrage antérieur dont se sont inspirés le faux Tertullien, Philastre et saint 
Epiphane, no se reposait pas sur les écrits mêm3S dî Valenliii, mais sur les 
écrits de ses disciples. Quoi qu'il en soit, l'auteur des Philosophumena ne 
tranche pas le doute, mais il nous avcrlit qu'il penche pour ceux qui ne veu- 



' KilïàpTrJTOit i'oriï ipx^ rûn itiviuv Mavà; àyÉvviiTO;, aj^ipti;, àJtnàJ.iinroa, àntpiviriTo;, yoïiiioî, 
ïtI nivTUV lii; ytiiaiiai aU(a TÛv i-[vo(j.iïBiv. Kaltîiai !è iin' aùtûv il npoEipo(iivi] Movij riïTf,p (PAiio»., 
lih. VI. II, o. 29, pp. SnO el2M, lin. 1-3. 

* Atafafît H Ti; CJpiasETai ng),),y| i»p' auToTc, al (ùv -^ip auTÛv Iv' ^ icivtànani xaflapQv là ii'yiii io^ 
OÎaXsïTÎvou irjSiïopiKQï, ofSuluv, xi\ imi^vf^v, m'i |j.ôïo« th'i ni-ripa vo[iî!ioijCTiv tlvai* ol Se àîwvarcov 
vo|in:DVT(ï iJvstrtcii i{ É^pivo; |iivD-j ytvtaH SXeac Tùf yiTivqiihuiv yivtaftal tivs;, xi'i t£i IHTpi t£i> SXuv^ 
(*a ïiïino" nat^p, ïiiT]ï ii àvaï»riï wuïoptOnoOfft t^ï ai^vftf» {Ibid., p. 880, I. 3-9). 

' Diolt imprlmU esse Bjlhon et Sileutiam, ex bis praceasiese Menlem et VeHtalem, (Pstitd. Tert.f 
Nibil erat aiiud aale, iaquit. In mundo, Disi profundum Maris et Sileulium. Philast. UcTà toOra ii t| 

imiihrivt rîiv 'AHSiiav. (Pra^. et Valent) oiano, lib. op., Eplp. Bmr., 31, d. 5. 



LE QNOSTICISME EGYPTIEN 



leat pas de principe féminia, et qu'il va continuer son exposition dans ce 



H n'existait doue nul autre être que ce Père qui, étant incréé, n'occupait 
point de lieu, ne vivait point dans le temps, n'avait à ses côtés personne qui 
pût être associé à sjs cjnseils, ni quelque autre créature que nous puissions 
imaginer. Il était seul, tranquille, se reposant seul dans son être, mais ayant 
en lui-même uue vertu prolifique, susceptible de développement. En con- 
séquence, il ne voulut pas rester seul, car le fond de sa nature était l'amour, 
et l'amour ne peut se passer d'un objet à aimer *. Toutes ces idées ne sont 
pas nouvelles pour nous ; on voit que chez Valentiu, Basilido avec sa théorie 
du Dieu-Néant coudoie Simon le Mage, disant que tout procède par voie de 
génération dans l'amour. L'Unité-Père no voulant donc plus rester seule pro- 
duisit par génération : de cette génération {iyiwfmev) sortit la Dyad'i, la mère 
et l'origine de tous les leons qui sont dans le plérômo : cette Djade se com- 
pose de l'Esprit et de la Vérité, Nws et'Aî,vj5£{« ^, Nous retrouvons dès lors 
la force d'imitation ou le principe do similitude agissant dans le système de 
Valenlin, comme nous venons d'y retrouver l'émanation, car que peut signitier 
la génération telle que l'indique l'auteur des Pkilo&ophumenu sinon l'émana- 
tion ? Or iVoûg et'AAn'Seia, sortis d'un être qui avait la vertu prolifique jouis ■ 
salent eux-mêmes de cette vertu; ils produisirent par une émanation sem- 
blable à celle dont ils étaient sortis, une seconde dyade, le Verbo et la Vie, 
Aoyos et Zmïj', dont émanèrent ensuite selon la même force d'imitation l'Homme 
et l'Église, 'AvSpwTO; et 'EjotXuffîa*. Alors, Noùî et 'Ai>i'5£i« voyant que les 
eeotls, fruit de leur émanation, avaient semblablement produit d'autres éma- 




' 'AXXà lup'i itÈï Iiïil!, «iitpiï iron ffiiïuyic tint ^ aîx stfnv, a jtoi itpô; iauisùç toOMv É^^Tuvai tov 
iïâïï. Ta Si y6» bJtû'i »|iuIc çuXariovTit rftv nu8«Top(ioï àpï^iv, (liav o'îoav xa'l igûCuTov, âfliiXuv, ànpoo- 
Sài, |ivi;^oveùagnt(E Soi cxcîvot StSâaxauoiv cpaû|uv (Philos. ïbid., p. £80, lin. 9-i3). 

* "Olu;, f >)al. ynviiTiiv s-jjtv, nartip iïfy |iivo( âTfwnrocDÙ tÂnovI^"*! où ^pivav, où ri|i8ou>ov, oui 
èCXlilï tiïi naT 'ouîtva tôv Tpijtuiï vonfl^voi JuvanÉvriv oOofav âUi tjv [idïot '^pl|iôï. S; léfOUffi, m' 
&viKiui|u'jf>ï aÛTi( tï tautû |iLivai. 'Eirtl li ^y ïiïi[io(, 'iSo^ «vTÛ nort th -/.iXXvmi ««l nliiûiatov 
éi^eviv lawtû ytïvïjaii xxl npsaïa-ftli, çiif pii(i6( i-àpo-îx {ly. 'ATiiii] ^àp, çijoIï.^v SXqç, t| Si àTàit^oCx 
ioT» àrà)E<),'{àv p.;) f TÏ) if^nûiuvav {PhU. lib VII, ir, li. £9, p. SSO, lia. 13-11, p. £81, 1. 1-2). 

* IIpof6aliv o5ï xa\ iy^miiori aûtîw i ILn^p ûo-nip tiï niïOî, No&v ml "AX^fltmv, tout' îon BuiiSa, 
^TK xupfa X3i àpx'l tEtovc xi't firjr'ip jcôvtaiv Tûv fvtàf nXijpûpLiTD; xiTapiO)touti!viiiv AIÙviuv ûk' a.\nùii. 
(Philos., lib.. VI, 11. n. 29, p, 281., lin. 3-6). 

* npa£).T;St(; S\ â NaO; xal t; 'AX^dtii àni toO Ilatpi;, àirô tdO Ya'i'liau -y^viiiac, TCpoiSaXt xal aûri; 
A^T^ "«^ ZiiMv. Ti> naTÉpx |ii|ia^p.iva<' i Si A&yo; xaV ti Zaii\ iipoEd).)>ouaiv 'AvBpunov xol 'ExxXi|aIav 
(iAid., p. 2S1, Uu. 6-B). 



200 



[.[". ONOSTICISME EGïPTIliN 



nations par uue troisième dyade, vouku'cat rendre grâce au Père iiicréé 
par UQ nombre parfait, ot ils produisirent dix aeons dont il est impossible de 
rendre les noms en français par un nom propre correspondant. Ces dix aeons 
furent B-jOk (l'Abîme) et Mi;(î(le Mélange), 'Aywpora; (Celui qui est sans vieil- 
lesse) efEwwffiç (l'Union), Auto;uïiî (Celui qui est de sa propre nature) et 
'HSavri (le Plaisir), 'Axivtnov (Cfilni qui est immobile) et 2uypflH7(s (la Mixtion), 
MovoyEw's (le Fils unique) et Maxapla (la Félicité) '. Ces dix œons ainsi pro- 
duits, Aî^o; et Zu» ayant appris que leur production était une aciion de 
grâces rendue au Père incréé par NoC^ et 'AX-nOua, conçurent le désir de glori- 
fier aussi ceux dont ils émanaient et ils le firent on produisant un nombre 
imparfait, douze leons dont voici les noms : TlxpiyX/iTCi et ïlîinii (le Paraclet et 
la Foi), Tlmptxéi et 'ËXnîç (le Paternel et l'Espérance), MarpfKs; et 'Ayairu (le 
Maternel' et l'Amour^, 'Aeîvouç et Swimç (Celui qui est toujours prudent et 
l'Intelligence), 'E-uk-nacuaruiç et yieaxpunk (l'Ecclésiastique et le Très heu- 
reux), ©ïiEro'î et 2of îa (le Volontaire et la Sagesse '). C'est ainsi que furent 
produits les vingt-huit œons qui forment la descendance et le plérôme du 
Père incréé. On a pu remarquer qu'ils procodent par couples ; dans chaque 
couple suivant la loi de la génération il y a un principe actif et mâle, un 
principe passif et femelle. On peut aussi remarquer dans tous les couples de 
la décade et de la dodécade, que les principes mâles sont nommés par des 
adjectifs et les principes femelles par des noms : il n'y a d'exception que pour 
le cinquième couple do la dodécade oà le principe femelle est nommé par un 
adjectif masculin, Maxorpiffrôç, Ces remarques doivent être suivies de cette 
troisième, c'est que dans les noms de la décade, le nom du principe toâle 
exprime une des qualités de l'être incréé et infini, l'Abîme, Celui qui est 



i^ipf<itf]0-iv TÙi llatp'i Tûu iXiav xil «^asftpouTiv >vt^ tiliiav ôpiOtuiv (Ibtd.t p. £S1, l'a. S-lï). Oî; 
IItbù; Îîxï xïligOTiï jvi|iitx TiOtï, HjOiî xal MJîi;, 'AtTi^iii: xii "Eyiooi;, Aûroçui); kïI 'U3ïvii, 

'Axlviiioc xil IJjxfMii, ll4.aT('.>,( *t\ Uaiipfa {Ibid., p. Z9Z, lin. U. p. 2M, lin. 1-S). 
* TiUamontk lu MtTpiiià( au lieu de Mi^ipixi;, il trailuil luodâréau lieu de maternel : Il mêprîM etl 

curieuta el n'ait pu en Tiveur de rauleur. 

àplQ|f|>TtXi!'^,CâE«sii si'i %Mi 4 Mjti^vck xr,( Zu^t tiUiiiit ti-i iiviiv Ilatfpi, t'ov NoQv xxIt^v 'AXiq- 
(Htav. 'Eni^ Si ylvtviiqi v|v i Va'n xal t\ 'kiifiii*, xal eux il/i ti niipix^v xllaoi tJ)v ifivvTiisijrt, eùxlri 
ràili^ àpniMp i Ai'TOt xiï T| ZuA) Soti^euei t'iv lauiùv llatipx liv Ht'ii, àiïà yip àTiliI iuiStxa rôcp 
AlAvi; icpo«9Jps'.ul(v i Air» Ki> A >!^ t^ Itol x>l t1 'AXiiOcfqi (fAi.i., p. SSZ, lin. 3-10). 0'; toiOt3 tx 
ivi^ixa z»;iÏ0TTa<. Ilapi0.qt«: n»1 llieti:, llitpixit xxl "EXnic, MiiipiiA; xal 'Atkici), 'Aiivwïxai 
X^(4i: 'EuxXdiimtinVcmI Uaxipmtt. etlqtii xal £iif(a(/b., p. SS3, lia. 5-3). 



LE GN08TICISME ÉGYPTIEN 201 

sans vieillesse, Celui qui est par sa nature, Celui qui est Immobile, le Fils 
unique : le nom du principe femelle indique plutôt un raélang'e étranger, un 
abaissement dans la nature divine, c'est le Mélange, TUnion, le Plaisir, la 
Mixtion, la Félicité. La traduction française nous sert mal, nous sommes 
obligés pour être compris de rendre par des noms masculins les principes 
femelles; mais, malgré cela, on nous comprendra assez pourvoir que, soug 
cette fantasmagorie de mots, se cache une pensée philusophique profonde qui 
nous montre que le principe passif n'est qu'une faiblesse comparé au prin- 
cipe actif, et que le premiera besoin de s'appuyer sur le second pour arriver 
à produire. Tout en ne paraissant ne mettre aucune diflFérence dans l'éma- 
nation des deux principes, Vatentiii prépare sourdement l'abaissement suc- 
cessif de l'émanation jusqu'à ce qu'il arrive à la chute du dernier de ses 
îeons, chute qu'il enveloppera des circonstances et des effets les plus merveil- 
leux. Dans la dodécade, ce n'est plus une qualité de l'être infini que nous 
retrouvons dans le nom du principe mâle, c'est nue qualité de l'esprit que 
l'on nomme Consolateur, Paternel, Maternel, Toujours prudent ou Toujours 
esprit (Aîiwoùç pourrait à la rigueur signifier les deus,'mais le premier sens 
nous paraît mieux correspondre à la doctrine de Valentin que le second), 
Ecclésiastique et Volontaire. Les noms du principe femelle, ta Foi, l'Espé- 
rance, l'Intelligence, l'Amour, le Très Heureux, la Sagesse, nous semblent 
être les facultés de l'àme qui demandent à recevoir un élément étranger 
pour se développer, qui ont besoin d'un principe moteur pour agir, car elles 
sont comme des puissances capables de produire des actes. On comprend 
par cette e."[plication pourquoi la décade est plutôt une louange de la divi- 
nité première, et la dodécade plutôt la glorification de l'Esprit agissant et 
de la Vérité qui doit être au fond de toutes les puissances afin qu'elles puis- 
sent sortir leur plein effet. 

Nous devons maintenant expliquer pourquoi les dix œons forment un 
nombre plus parfait que celui dedouze. Ici nous rentrons dans le pur domaine 
pythagoricien, celui de la numération expliquant les pmblèmes les plus ardus 
de la métaphysique divine. NbOç et 'AW9«a, l'esprit et la vérité, ont glorifié 
le Père incréé par une production de dix seons, parce que le nombre dix est 
le nombre parfait, le nombre qui contient en lui-même la somme des quatre 
premiers nombres, et que pour arriver à cotte décade d'feons il y a quatre 



202 LE UNOSTICISllE EaVl'TIEN 

degrés d'émanation'. Eu eiTt-t, les nombres un, deux, trois et quatre a3c 
tionnés font dix ; voilà la raison de la décade. Il faut convenir que c'est une 
bien pauvre explication pour un mystère qui s'annonce si grand. Cette raison 
est aussi celle de l'infériorité delà dodécade. Mais au sujet do cette dodécado, 
nous retombons encore dans l'incertitude sur le principe de son émana- 
tion, et cette incertitude s'étend jusque sur la décade. Ici encore, l'école 
orientale se scindait : les uns voulaient que la décade émanât de NjÛj et 
(VAXtiOctoty et la dodécade de Aàyez et de Zû»i, les autres au contraire faisaient 
ce dernier couple principe de la décade, et accordaient à 'AvSparxç et à 
EwtXïjff (« la production de la dodécade '. La réunion de tous ces îeons formait le 
plérôme qui se compose ainsi de trente éous ou de vingt-huit, selon les 
écoles ; car dans l'école qui refusait ityi pour compagne au Père incréé, école 
qui nous paraît représenter plus fidèlement le système de Valentin, le Dieu 
premier restait en dehors de ses émanations, comme le principe de Simon le 
Mage et le Dieu Oùz^Clw de Basilide, ce qui réduisait le plérôme à ne se 
composer que de vingt-huit œons. 

Nous avons déjà dît que cette première partie du Plérôme qui devait re- 
cevoir une augmentation de membres par suite du système, était formée 
d'émanations. En effet, quoique Valentin appelle ce mode de production une 
génération, il est éviilent qu'il emploie ce mot pour se faire comprendre, 
qu'il en fait un pur artifice de rhétorique; car, pour exprimer les dévelop- 
pements de cette prétendue génération, il emploie toujours le mot TijjoôixWeiv 
dont le sens implique l'idée d'émanation. En admettant l'existence d'un être 
unique qui est le principe de toutes choses, et en rejetant l'idée de la création 
ex nihilo, Valentin était nécessairement poussé au système de développement 
et de création par émanation, il devait faire sortir le mal de son premier 
Etre ; mais, comme Basilide, dont il se montre en cela le disciple, il recule le 
plus possible l'extrémité où il est réduit, et il s'efforce d'expliquer la naissance 
et l'apparition du mal par une première chute toute spirituelle dans le Plé- 



xaià nXîiSoj ïtvoaivuM oiti; tari Ti),twî [PA«., VI, 11, d. Î0,"p. 281, Un. 14-16). 
* OiTOi iÎKK Al£>vc(, oû( Tivi; iiii ûnii TaC NaD xat Tfj; 'A>.iiOclOL; )iyDua{, iivic Si ûnA ToO Aô^ou xtA 

Zv^: (Ibid.f n. 30j p. £83, lin. P-5). 



LE GNOSTICISMB ÉGYPTIEN 203 

r&me, chute qui vient d'une èmaiiatiou împarlaite dans sa cause et dans son 
effet. 

Au dernier terme de la dodécade, nous l'avons vu, se trouvait un seon 
femelle, nommé Sophia. Sophia avait l'esprit investigateur ; toutes les mer- 
veilles du plérôme, les séries d'émanations, la puissance des œons émaua- 
tjura excitèrent son désir, et l'envie d'imiter elle-même ce qui avait été fait 
au-dessus d'elle, la poussaà tenter tout pour parvenir à connaître les mystères 
qui lui étaient cachés et à devenir un principe d'émanation. Elle s'éleva donc 
jusqu'à l'abîme du Père, elle vit que tous les autres œons avaient été en- 
gendres par syzygie, qu'ils formaient des couples dont les deux membres 
étaient unis l'un à l'autre, mais que seul le Père s'était procréé sans épouse. 
A cette vue, son désir s'exalta, elle voulut imiter ce qu'elle voyait, et en- 
gendrer par ello-môme sans le secours d'aucun autre principe. Elle ne 
doutait de rien : oUe ne voulut rien moins que faire émaner d'elle même une 
émanation aussi parfaite que les émanations du Père; car, disait Valentîn, 
elle ne savait pas que cette puissance ne résidait pas en dehors du Père, et 
que le Père était le principe et l'origine de toutes choses seulement parce qu'il 
était incréé, tandis qu'olie-mème avait été produite et que, par conséquent, 
elle ne pouvait avoir la même puissance que le Père*. En effet, ajontait-il, 
dans l'Incréé, toutes choses existent ensemble, mais dans les œons qui ont 
été engendrés, c'est le principe femelle qui produit la substance, pendant 
que le principe mâle donne une forme à la substance ainsi produite '. Eu vertu 
de celte loi, Sjphia m produisit qu'un être informe, et Valentîn trouvait la 
confirmation de cette partie de son système dans le texte de Moyse : La terre 
était invisible et informe ■'. Telle était, ajoutait -il, cette belle et céleste Jéru- 
salem dans laquelle Dîiîu déclara jadis devoir introduire les enfants d'Israël 



• Aiti î; Tûi iiii^'ii 6 îa)î£t«tat nx'i liiiiato; itiïTcuv tûiv tlxsm iîni) Altivdiv, ifihn ûv xal 
«ûoiiftcïo; îofia, xrrtïiiiïi ti itJLÎjfloî xkîtJiv JJvailiv lûv TSïiwiiKiTtBï AIwviuv, xiil àïiSpapLîv cXt xi 
fUifii ii toO natpic xa\ liiitart Eti el (lii cD.Xo( leàixii Alûvt; ftvrirnA {inâp;(svTK, xaiK outuyliiv 
Tnv&ffiv, i Si Ilarflp |i4ïoî iaûîUTo; iyivvi\<ni. lltÉlfioe [tiji^oaaflai tiv n«ipa xal tylvviioi naO' 
ieniT^v SixaiiA ouîûtou, tva (iijiiv ^ tpïov {iTtaitiffiepoï toQ IIiTpi; (ipïao^fvii, àfvooQo» îxi \d-i àyiv- 
V.1T4: î,iti,rxBiv ipX^tûKQXu. xtt Jlta xil piîo; xil pJSo: SuioitÛ»; I^ïi tvit^an iiôva:. r^wuril !• oS« i, 
Eap'n, Kai fiixk «lifoïi; Tsvopiîvji, T^i tbO àyîïïiflrsj 8iiïa|iiv [dû 8 JviTii cxnv (Ibid., a. 30, p. £88, 
lin. 8-15, p. £8t, liu. 1-3). 

' 'G' [ilv -(ip T.ji iynvîiiji, çnïîv, !«■[ «âvix 4[ïi3' jv St ml; yevviiTOt;, xi («iv ir,XO iaxn o'jofac icpo- 
«■ntixiv, ti U Jtp^i> tu>PT<i>ciK&v Til; (mi ToO Bfiii»: itpo6a).>'*iiivii! aiatai {Ibid., p. 281, lin, 3 6). 
» QesUt, I, r. i. 




204 



LE 0N08TIC1SMB EGYPTIEN 



en disant : « Je vous introduirai dans une terro où le lait et le miel coulent 
en abondance * . » 

La conflrmalion et l'explication étaient assez arbitraires; mais l'arbitraire 
n'est- il pas au fond de tout le système? C'est ainsi cependant que l'imper- 
fection manifesta son existence au sein du Plêrôme par l'ignorance de SoplUa 
et la difformité du fruit de sou émanation. A cette vue, tous les autres œons 
du Plérômo furent remplis de la crainte de devenirs emblablement générateurs 
d'êtres imparfaits et difformes : tous ensemble, ils se prosteriièiv;nt aux pieds 
du Père et le supplièrent de venir au secours de Sophia affligée, car elle 
gémissait et se lamentait à cause de l'avorton qu'elle avait produit et qui est 
désigné dans le système sous le nom de *ExTpw-/a '. Le Père iucrijé eut pitié do 
Sophia ; mais, pour lui porter secours, il ne voulut pas produire lui-même 
une nouvelle syzygie d'œons ; il ordonna au premier couple , Nîûç et 
'AhjOna de le faire à sa place, et ceux-ci produisirent on effet une nouvelle 
syzygie composée du Glirist et de l'Esprit-Saint (Xjoujtôs et nveùua «/(ov), lui 
donnant pour mission de parfaire la forme incomplète de l'Xxrpufwe, de 
consoler aiusi Sophia et de calmer ses lamentations. Cette nouvelle émission 
complète le Plérôme des trente œons selou l'Ecole orientale ^. 

Pour remplir la mission qui leur avait été confiée, X&ioro; et ITvs-Juff Sytsv 
commeucèrent par séparer 1' "Exzpaaa, do tous les autres œons, afin que ces 
parfaits œons ne fussent pas troublés en voyant sa difformité. Pour confirmer 
et rendre définitive cette séparation nécessaire, le Père incréé se mit lui- 
même en devoir de produire une nouvelle émanation, il engendra, dit Va- 
lentin, un aaon qui définit les limites du Plérôme ot qui, sous un triple nom. 



> Eiode, XXXIII, V, 3. — lIpDÎônXiv aSv ri £0^111 toGiq [liuov 3inp ^Jûvito, oùaiov j^uippav «ai 
âxSTOtsxt'JaaTSii Kdi toOcs im, çioiv, S ).:yei UinOiiriE' n i] ià yf; tiy à'ip<nai; xil àxicaoxE'Janio: •' KZvr, 
in\, fnoiï, ïj ij-afl^ swosipâïioc 'Itpoyo«yi||i, tl; f(i ÉjnlTïeiltrco à 6îà; tloaïOïEiv tovt ulii; 'Irjpiiit. 7.!;-uiï. 
Eîooilu ùjiSt ri; ïiiv àyaO^v ^iauaxi \iiXi x»l TÔia. (Ibiii., p. 2S*, lin. 6-11). 

• FtvDttlviic, o5ï îvriî iIX7ifiû(iaT0( «yvoia; xaTi t^v lofiov, xal àiiopîii! xttti xa ït'ïviiiia t^ï Eofia;, 
t6p<iSQiifttm fv TÛ [D.i)pid|j,3T(. 'EpaGaOvni yàp dI AIûve; oEàiuvai En napiic^ijaluif dfispfa xal ànX'!] 
Tiviiirtrai Tûiï Aliivtuv xi, ■tcw^jait j, xil çQopi tu xitaJ.ii'liîtat oûx elç [Lixpit non toùc Aiwï^î' xaii^Myav 
a6v niivTEt o\ Atùvet Ènl iîiiatv roO lioTpô;, Iva î.uTtovitfv'lï t^i ioçiiiv àvana-joij- tx^aiE ïdp xaî 
xatMîûptTo inl Ttp Tty^^ll'^'"!' in'i'JTiif ExTpiJ|HTi- oûrui yàp nïioOiiH. (/6id., D. 31, p. 284, lin. 12-14> 
p. £85. linl-S). 

^ 'EXirisM oi^'' A riarflp xà iixpva TÏt: £0913; xai TcpaaSiEâiuvo; t&v Alùvuv EÉqaiv, jninpafiaXtîv 
xeIiûic où Y àp a'Jiici çitI. npalâxXiv, alla ô NoO; xal ti 'AX-^Beii, Xpioràv xa'i nvEOp.» "Aycov, el; 
(làpfuacv xal JuipETiv laO 'ExTpiîi^ca;, xi\ ic>pa)i'jBiav xnl iiavànauaiv tûv |tîj! Soçis; (rriVKïiifiv 
Ksfi yNovrai TpiîxovTa Atûvi: ^tà tiO XiivraO xal taù 'Aytau ll.!Û|iiTa;, (fbitt., p. 2S5, lin. S-10). 



LE ÛNOSTICISME ÉGYPTIEN 205 

indiquât sa triple raison d'èlre. Cet œon s'appelle Limite, Croix et Participant 
("Ojsssj STaujOo'ç et Metoxëuî}. Il s'appelle Limite ("Opoî) parco qu'il sépare da 
Plérôme ce qui est en dehors du Plérôme ; il s'appelle Croix (Szxu^éç) parce 
qu'il se tient immobile, n'inclinant ni à droite ni à gauche, immuable et ne 
laissant approcher du Plérôme rien de ce qui connaît l'imperfection ; enfin, il 
s'appelle Parlicipaat (Msraxwî), parce qu'il tient à la fois du Plérôme et de 
la nature extérieure qui en est séparée, il est au milieu des deux*. Après 
celte limitation, r'Exrpu^a placij en dehors des limites du Plérôme (on l'ap- 
pelle aussi Sophia extérieure [Soyîst tÎ ï'Çu] et Ogdoade ['OySoi^], et nous 
l'appellerons désormais aiusi), l' "Exzptùnx, disons-nous, reçut le perfec- 
tionnement qui lui manquait, Xj&ioro; et IlveOpa "Aywv le rendirent aussi parfait 
que les feons qui se trouvaient dans l'intérieur du Plérôme : puis, ayant 
ainsi achevé leur œuvro, ils remontèrent dans ce divin Plérôme afin de louer 
le Père Incréè, de concert avec les autres émanations *. C'est ainsi que la con- 
corde et la paix furent rétablies parmi les œons du Plérôme, le sujet do leurs 
craintes, la cause de leur trouble avait disparu, la paix fut donc stable et ne 
devait jamais être ébranlée. Pour témoigner au Père incréé une recon- 
naissance digne d'un si grand bienfait, ils résolurent de créer un être qui fût 
en rapport avec les perfections et la puissance du Principe dont ils étaient les 
émanations diverses. Dans ce but ils ne voulurent point créer une nouvelle 
sjzjgie, mais ils résolurent d'oflrir au Père un œon unique qui lut le fruit 
de l'unité, de la paix et de la concorde rétablies au sein du Plérôme. Ils 



' 'EmupaSXtficU «ïv à Xptvcîi; xx'i li '\fiai llvïù^x inh t«0 NoD xi'i ;V A^^iib;, iv6ib>; ii 'ËxTpu 
(Il tA j^pf av ToûTO irit £9f Ex: [lovoyivl; xit 2fyl ouCÙYiiu i-eT^vvT|tuvov àito-^aip^u tâv SXwv Atujvuv. Ivs 
p^ ^Xintvn; a'ità TXpâcrsiiriixi iia tifi à^ipfiij ol ïéltioi Aîûve(. *1v' oSi (iiii' Sliu; toï; AIiûoi -roi;- 
tilcCoi; xxTXfBvij loD EtTpùiiaTOt tj i^pipix, nnliv xal 6 Ilnfip ÊninpoSàUtt Atûia Evs tAv Xtxupiv, 
if TiYivV)]|iivo; (i^TK ù; |UTCt)iou xal Tiltiau Ilatpà;, il; f paupàv xal x^piinuiia tûv Ab^uv isfoÉÛX'n- 
(ifio;, ôpoî rivitai toO IIX>ipii|j.aTûC, ï^uv ivii; iautoD nivTa; iiioâ Toùç tpiôxovTa Alûivac' sùtoi yàp 
lîffiv ol 7(?o6s6Xiiii£ïoi. KaXiîiau Si 'Opac (tiv outo; ôti âîopfÇii inb toQ IIXiipùnaTOî £Cu li timipiniof 
Mnoxi^'ï î* ÔTi lUTÎ^ii Ka\ Toû OoT£p^[iatof linvipJî îi Sti i:iiciitct àïiivaç xal «[UTXvo'niioj, û; )i^ 
t ^vioQu H,iiSiv ToQ ^siip^iUTac xaTayivia^ai Êyyfi; t£iv Èvti; lUi^pùiunaï Alùvtuv. (_Ibid., n. iii, p. Sià, 
lin., 14-17, p. 28Ù, lin. Ml.) 

» 'Eîm olï t*a 'OpO'Ji ToO ÏTOUpoO, toj Mîtôxeû; éoiiv r| x^i^ujuvr; kxt' oùtoù; 'OTàoiî, tÎti; i<rt\i r, 
ixc^ï [IXiipeg(l3T9( Zof 13, îjv i XptnA; iiu-npoÈXifiil; iiti toD FfoS xxl îi]; 'AXi]Bt(X( t|isp;uai xal âniipf a- 
«ïto TJXiiov AIwvol oOSivàt TÛv tvràî lUiipiinaTOt X'^P"^» îuvàinïov yiita^xi. 'Eiceiiri ii p.îpipço)Teir ^ 
ïi>?Ia îi [(u, xxl OJK oiiï tt îjï ti» XjiatJv xxl TÙ "Afiav lIviOp.» ex To5 Noiî «poStÈXiiiiiva xal tÎ|( 
'A).J)Wiat EÎtti toD nXn.'iipwrto: liivïiï, âvÉSpaïuv iità lîic [leiiopfunÈïnt 4 Xptoiij xai tù "Aïidv llï(5p.a- 
lipi;Tàv NiOv xit t^v 'AXVJBeiiv itiit tqO "Opau, !v' j (iitî t£iv àUuiv Alùvuv ialàEuv tôv Ilstfpa- 
(PAiÏM., p. iSil, lin. 11-15, p. 887, lis. 1-6). 




«06 LE ONOSTICISME EOTPTIKN 

s'unireut tous, chacun fit émaner de lui-même le plus pur de sou essence, i 
ils formèrent aiusi un œon qu'ils présentèrent au Père commo le fruil commun 
du Plérôme tout entier. Cette nouvelle émanation s'appelle Jésus ou le grand 
Pontife*. Jésus est le terme des émanations divines du Plérôme, il en clôt la 
liste. Nous connaissons ainsi toute l'aaonologie ou la théologie de Valentin, 
mais avant de passer à l'exposition de sa cosmologie, il ne sera pas sans quel- 
que utilité do faire plusieurs remarques. 

Tout d'abord on remarquera dans cette théologie ou mieux cette théogonie 
qu'il n'est pas une seule fois question de la fameuse Ogdoade de Valentin, 
Ogdoade que l'on est habitué à considérer comme le principe de la décade et 
do la dodécade. Le système des deux quaternaires formant cette Ogdoade 
est par là même mis hors d'cxaraen, quoiqu'il soit un développement pos- 
térieur et que noiis devions le trouver dans l'école italique. Nous n'avons 
dans l'école orientale quo six émanations primitives en trois syzjgies et un 
dieu, Père-Incréé, qui reste au- dessus de ses émanations. 

En second lieu, sur les noms donnés aux œons, sur l'ordre et la com- 
position des syzygies, nous devons remarquer qu'ils sont partout les 
mêmes, aussi bien dans l'école italique que dans l'école orientale. Cependant 
on trouve dans saint Epiphane une décade et une dodécade dont les noms 
nous sont complètement inconnus, quoique l'évêque do Salamine affirme leur 
authenticité et leur ressemblance aux autres noms dont il donne également la 
liste. Voici le texte de saint Epiphane auquel nous faisons allusion : « Les 
disciples de Valentiu, dit -il, ont un nombre de trente geons, où chaque prin- 
cipe femelle enfante après avoir conçu du principe mâle qui lui est attaché. 
Nous citons leurs noms, les voici rangés de manière à ce qu'à chaque principe 
mâle corresponde son dédoublement femelle : 'A,y;'|/i5Ù, 'kvpxiv, Hswovei^ 



&xphjTj, 'OjSojxS'jx, ®xoSzxii'.i 



Mîosî 



'AtapSs 



, OA 



Oui*, "EffXn'w, 'Ajuyaii', 'Esao-J/j-iv, Oùxvxmv^ ^^F-^Pt TâjO 






' Eirel olï \iÀa ti; nv ilpnvii m\ av^finU «ivTuiï tûv ivii; niiipùiwtoî Aitûvwï, ÏJoEsv «ûrius |tii 

Ilivrif ofv niSi-moiti alTpnfxQvïn At&vi: Eva icpsirEàUiiv AlAva. xoivbv loD lUri^ûiixTo; xapicàv, Tv' n 
tî|t tilitriw «ùtûv ««l t1|( iiwfpBff-JïiK x»l (tp^n;. Kil |j.4vo; un» Ttovnov AliÔïtov jtpo8E6).ii[>ivo{ t$ 
llaTpl, oSïic iffti" 4 »«*ow(UïB( ntf'aixoU xoiviit triO lUv|pii|iiioî xoipnâc. TaOta p,iy o!v èvt4( toO 
nVf|p(0[i«nc V oûti*;. Ktl %jBSieir[tn i KSlvijtoî lI!.?ip(i|iito!Xïp)rl( 4 'tïiiaû; (ToOroyip SvopJi aJti) 

« ipX^tfttit i viy^ ill'l''., ■>■ 33, p. 8»T, lin. I-IS). 



I.E GNOSTICISME EGYPTIEN 



xiixpîa 



, àxiJ.;!X 



'Ei^^iSoy^tôx-jS j 'kaatajst-jfk, B£^î_n, Asçaptpçî, MaE«U' 



. Toi est leur ordre dans leurs 



diverses syzygîes; voici maînteiiaLit leur ordre d'après les diverses éma- 
nations : 'Aa'|ioû, 'AujO^ïw, Bouxsua, ©apioujû, OOrouKOua, QetpOEadetn, MepEzà , 
AwrapSapSa'j Oùâoûat, K.S0T/1V, Où5oyoûa, 'EffXï;(ii, 'Au: ai y, 'Ejffsu^u.EVj Ouawowîv, 
XacfJupzx-h , "ASafxeffiJOJfiiV , 'Al^ùipa , Kojoiaîa , Aapwjav , SaâSapiaî , 'tip>;'v , 
Atn'aîfîiîojôayé;^, 'E;-tçiëo;(;£, Bapâ, 'Affî, Oùxo-îi BeXifj, AcÇ«pc;(f, Motffepuv', » Il 
en donne ensuite l'interprotatiou, et dans l'ordre des noms grecs corres 
pondants, on voit que la dodécade chez lui comme chez le pseudo -Tertullien et 
chez Philastre est émanée avant la décade*. 

11 est évident, d'après l'inspection de ces deux ordres que l'un est fautif, 
c'est le premier qui comprend trente-trois noms au lieu de trente, tandis que 
le second n'en contient que trente, ce qui doit être. Do plus dcins le premier, 
des noms ont été dédoublés, d'autres ont été répétés, d'autres enfin sont 
composes de deux noms unis ensemble : ainsi, O05eû et OysÔ! ne doivent former 
que le seul OûSovoiJtx, Aàiisp et Tàpoe que le seul AauEf-râ'ît, 'A9ap;Éî et Sou^îv le 
seul 'AtiauEOffoii^tv, Xanx^fé-/^ et ACSauçÉ^ que le seul A.avafsxcrjSafèx. Au con- 
traire X'^^'^^Z^^*"'^ ^st mis "ponv ''E;j.ificiiy_s et Bapâ, 'Awiou«x^ pour'Affi et 
Où^aÔE. Enfin de Aat^/jw et do ^xvxddapia, ou fait AafiuJâv et 2a5(îap(o:;_ 
L'orthographe de plusieurs autres noms diffère, mais nous ne pouvons 
pas déterminer quelle est la meilleure. 

Gela montre suffisamment que ces noms étrangers ont dà subir dans le 
cours des siècles de nombreuses altérations de la main ignorante ou étonnée 
des copistes. Cependant certains auteurs ont cherché à les expliquer, et 
M. Matter dans son Histoire du Gnosticisme en donne, par les racines hébraï- 
ques, une explication qui peut à la rigueur n'être pas trouvée eu parfait dcsac ■ 
cord avec le sens des mots grecs, mais qui ne peut soutenir l'examen philo- 
logique. Il n'a essayé toutefois cette explication que pour la Dodécade et la 



Aiavoc. Elvat St laJTauc. (Ti; {maTtraxTai xotb kixvKv.pé.hia\t ï 

â/impu; ToO î;i)iUK03 ivo[ii^>:> '■^^ ^"^^ "An+ioû, xrt TLaX t, 

àpJîïoO^Xau;. 'Ev 31 ijj à.i.fii.vAln xari Siaîoïijv iJtuir 'A[i4iioQ 
• Ce renvereeniBiit e»l aasai carloui, cependaut un oe pout pas 
coigerae dii^ecim œoiiQS, de Sermone autetn et VÎU jl^iias al 
Zur QutUenhrUiX det Epiphanaii, p. 133). 



.oTOu âp^evixoO 0V9iiiT4; Tcca^iijvg-j 
;u); [1^ d'jrxcIvTai ù; xiti tru^uyioiv 
a {Bpiph. A*--., XXII, n. ï). 
I nier. Sed enîm ex hls qaoïiue pro- 
B dtcem (Cf. Philast., ap, Lipïiua : 




208 LE aNOSTIClSME EGYPTIEN 

Décade. 11 est vrai que, faute d'avoir fait la part des erreurs de copiste, il 
uiiit ensemble dos noms qui en forment deux,'et qu'il donne certaines petites 
entorses à l'orthographe afin d'arriver à son explication. 

Ainsi, d'aprèslui, Oû^oûa qu'il transcrit Oudouah signifie ; Hicest spiritus 
et peut parfaitement correspondre au sens du mot grec Tlapx'xXrm'; ; Kitrmv 
signifie Arcus gracise et correspond à Mîsfç'. Ces exemples suffisent pour 
montrer que l'arbitraire n'est pas étranger à cette explication . Pour nous nous 
ne croyons pas que ce soit dans les racines hébraïques qu'il faille chercher 
l'explication de ces noms, en supposant qu'ils soient capables de fournir un 
sens quelconque. Rien ne nous dit en effet que Valentin sût l'hébreu qui n'était 
plus parlé, ou la langue qui avait remplacé le vieil hébreu : il est bien plus 
probable que s'il a inventé ces mots, il les aura pris de la langue égyptienne, 
hiéroglyphique oucopte, ou mêmedes langues sémitiques parlées dans laPhé- 
nicie et l'Asie Mineure. Nous ne voulons pas pour notre part en tenter l'ex- 
plication, de peur d'échouer aussi complètement que M. Matter l'a fait. 

Unotroisièraeremarquodoit être faite sur l'emploi de l'Ecriture Sainte pour 
consolider le système de Valentin. Nous avons déjà cité plusieurs passages 
tirés de la Genèse et de l'Exode, mais c'est surtout dans les Evangiles que 
Valentin avait abondamment puisé, nous le savons par les Philosophumena 
et les Extraits de Théodote. Pour ce qui regarde cette première partie, 
Valentin n'avait employé qu'un nombre de textes relativement petit près de 
celui qu'il emploie pour étayer sa Cosmologie et sa Chrtstologic. Cependant 
il trouve le moyen de se servir des premier.s versets de l'Evangile selon saint 
Jean et d'y rencontrer les noms de ses premiers œons. Voici le paragraphe 
des Extraits auquel nous faisons allusion : « Au commencement était le Verbe 
et le Verbe étaiten Dieu, et le Verbe était Dieu »'. Par le commencement ils 
cntendentlePère, car s'il est dit ici: Au commencement était le Verbe, il 
est dit ailleurs : Le Fiisuniquequiest dans le sein du Père, l'a lui-même 
raconté, et ainsi comme le Père et lec immencement ne sont qu'un, de mftme 
le Verbe et le Fils unique ne font qu'un seul et même être. En outre lorsqu'on 



' Maller: liUtoire critique du Gnosticisme, t. H, p. 1!5 ot lïG. Il serait curiaux do Mtoit- 
il:iQ9 quel Durroge saint Epîphaae a pu trouver ces noms qui sint composés d'après le même procéda 
que ceux qui se Irouieot dans la Pisiii Sjphia et le Papi/rui magique, d»a\. noui, aurons plus loin 
rucciilon de parler. 

* Joann., i, t. 18. 



LE GNOSTICISME ÉGYPTIEN 200 

ajoute : En lui (le Verbe) était la vie *, on ne veut pas dire autre chose, sinon 
que la Vie était l'épouse du Verbe (Acfyos et Zwy?), car le Seigneur lui-même a 
dit : Je suis la vie^. De même il est dit : Nous avons vu sa gloire, et cette 
gloire était comme la gloire du Fils unique^, car, quoique le Jésus qui a été 
vu sur la terre ne soit pas le Fils unique, il est considéré par Tapôtre comme 
le Fils unique, il est même le premier-né de toutes les créatures, le Fils 
unique (Movcyevinç) qui est dans le Plérôme, puisqu'il a été émis par tous 
les œons du Plérôme *. » On voit que ces textes suffisaient pour trouver la 
raison d'être du Père, du Verbe (Acfyo;), de la Vie (Z«y?), du Fils unique 
(Movsyevvjç) et de Jésus le fruit commun du Plérôme; ils suffisent aussi à nous 
montrer quelle était l'hermémeutique du système. 

Enfin une dernière et importante remarque est la suivante. Malgré l'ap- 
parence nouvelle du système, la doctrine de Valentin n'est qu'un vêtement 
neuf jeté sur un vieux corps, mieux taillé, rafraîchi, mais ce n'est pas l'œuvre 
spontanée d'un puissant génie. Il met son Dieu-Père au-dessus des autres 
seons, comme Simon le Mage et Basilide l'ont fait avant lui : le Plérôme se 
déroule d'après le même principe de similitude que nous avons tant de fois 
signalé déjà : les couples n'ont pas été inconnus à Simon. En outre, son aeon 

c. 

Opoçy l'sDon limite, n'est pas diflFérent de l'Esprit-limite [MeOépiov Ilvevaa) 
que nous avons rencontré chez Basilide ; la cause de la chute de Sophia est 
l'orgueil ignorant comme il l'a été dans le grand *'Apx'^v de Basilide. Gomme 
tous les gnostiques, Valentin met la première origine du mal, origine bien 
éloignée, il est vrai, dans le sein du Plérôme lui-même, c'est- à dire dans 
l'émanation divine. Nous l'entendrons plus tard s'en défendre, mais la cause 
qu'il proposera à l'origine du mal nous confirmera dans notre pensée. Enfin 
chez Valentin comme chez Basilide, le monde extérieur le plus rapproché de 



* Ibid*, I, V. 4. 

* Ibid.y XI, V, 25, XIV, v. 6. 
3 Ibid., VI, 14. . 




Tû A6y<j) Z(i)T| r,v t| (jyÇvyo;* 8tb xx\ çtjfflv ô K''^pio;' *Eytù eljii tj Cwi^. (Ex. scrip., Theod, excerpt. no 2, 
— Pair, grxc, t. IX, col. 657.) 

27 



210 LE GNOSTICISME ÉGYPTIEN 

la limite du Plérôme s'appelle Ogdoade. Tels sont les principaux traits de 
ressemblance entre le système de Valentin et ceux de ses prédécesseurs. Le 
fond est le même, mais il y a des parures nouvelles, une intrigue plus com- 
pliquée, s'il nous est permis de parler de la sorte ; on sent que l'auteur a 
voulu perfectionner et qu'il l'a fait en se rendant plus compréhensible, en 
donnant à son système une apparence plus fantastique, dont les mystères 
cachaient un enseignement plus facile à saisir. 



II 

COSMOLOGIE 

Nous avons vu que le perfectionnement de la Sophia extérieure, et son 
délaissement en dehors du Plérôme, étaient devenus le signal de la paix et 
de la concorde rétablies parmi tous les néons divins. Lorsque nous retrouvons 
cette seconde Sophia au commencement de la cosmologie valentinienne, elle 
concentre désormais sur elle tout l'intérêt du drame à la fois fantastique et 
philosophique qui se déroule dans la cosmologie de Valentin. Lors donc qu'elle 
se sentit abandonnée par XoKjxéç et Ilveû^aa "Ay<ov, la Sophia extérieure se mit 
à leur recherche, mais elle ne put les retrouver et elle dut s'arrêter frappée 
de terreur, car elle crut qu'elle allait périr si elle était séparée de celui 
auquel elle devait son perfectionnement. Une multitude de réflexions l'as- 
saillirent ; elle se demanda quel était celui qui l'avait perfectionnée ; quel était 
l'Esprit-saint, où il s'en était allé ; quel était l'obstacle qui les avait empêchés 
de rester près d'elle ; quelle créature avait pu lui envier cette splendide et 
bienheureuse vision : en conséquence, elle s'abandonna à toute l'amertume 
de sa douleur, elle fut plongée dans une grande anxiété, et du milieu de ses 
souffrances, elle se tourna vers celui qui l'avait abandonnée et se mit à lui 
adresser des prières ^ . 



èvçt^gb) {kiyÔLfjÊ} xatiTt/;, ôtt kitof.tU'xi xi/oipi/Tjilvov toO iiopçwdavTo; aOtT^jV xai dTyipirxavTo;. Kai £Xu7cf,dTj 
x«i ev «itopia iyivtxo iro>).y„ y^yil^oiiivrï Tt; iq; ô (iôp^wia;, t: tiv "Ayiov IIv£0|ia, uoO â7CY;X0E, tî; ô xcdXuasc 
aOtov; (TJjiTroptîvai, ti; tfOôvy,'fe toO xoi>.ov x«i iJtaxapîoy Oiàtiaio; âxeivou. MJtîi touxot; xatOecrrôffa t*ïç 



LE QNOSTICISME ÉGYPTIEN 2H 

L'auteur des Philusophumcna dont nous reprenons ici l'exposition ne nous 
renseigne pas sur ces prières adressées par la Sophia extérieure au Christ et 
à rEsprit-Saiat qui l'avaient abandonnée, mais le livre gnostique connu 
sous le nom de Pistis-Sophia répare amplement l'omission de l'auteur des 
Philosophuiiiena. Il nous donne ces prières qui sont au nombre de douze : 
prières (y.cz«volat) qui sont la paraphrase de certains psaumes appliqués aux 
malheurs de Sophia, et afin que aous ne puissions pas en douter les psaumes 
ainsi paraphrasés sont transcrits comme explication. Nous n'avons pas le 
moindre désir de traduire ici ces douze prières qui ne sont que la répétition 
ennuyeuse des mêmes plaintes et des mêmes phrases: il nous suffira d'eu 
donner un échantillon pris dans la première prière, celle qui suit immé- 
diatement l'abandon de la Sophia extérieure afin qu'on puisse juger par ce 
fragment dans quel genre d'idées et d'expressions tournent les douze nEiavolai. 
Sophia vient d'être abandonnée et elle s'est vue aussitôt assaillie par tous ses 
ennemis qui se sont à la fois précipités sur elle : elle s'écrie vers cette lumière 
qu'elle avait aperçue et dit : « O lumière des lumières en laquelle j'ai eu 
foi dès le commencement, écoute, ô lumière, écoute mon chant do repentance 
(f/.£Tavo('aw). Sauve-moi, ô lumière, car des pensées mauvaises sont venues en 
moi. J'ai regardé, ô lumière, dans les parties iafêrieures, j'y ai jeté un 
regard, ô lumière, pensant quo je pourrais arriver dans ce lieu afin de 
prendre la lumière. Et je me suis avancée, et je reste maintenant dans les 
ténèbres de ce chaos inférieur, je n*ai pu prendre mon vol et remonter vers 
le lieu de mon séjour, et c'est pourquoi je suis en butte à toutes les créatures 
(■npoÇoiaïi) de l'Arrogant (a-JSoJJîus), et cette puissance qui a une face de lion 
m'a enlevé le peu de lumière qui restait encore en moi. Alors j'ai crié au 
secours; ma voix n'est pas montée au milieu des ténèbres; j'ai regardé en 
haut afin que tu me secourusses, ô lumière en laquelle je me suis confiée, et 
ayant ainsi regardé vers les hauteurs, j'ai vu les Chefs [àpyonxi) d'un grand 
nombre d'îeous. Ils me regardaient et se réjouissaient de mes malheurs, 
quoique je ne leur aie jamais fait le moindre mal, mais ils nie haïssent sans 



itiOsii TpiutTai ;«'i airjoiï lal lx!Tiiav tov ànaliBÔvio; avtr.v {Fkilos., lib. Vil, il, n 31, p. 288, lin. 
1-8). Pour Toir combien loul ce récil concorde parfailemenl avec ce que nous apprend le livre e""*- 
llque Piilis-SopMa, oa n'a qu'à lire les pages correspondaDles dans le leile (pp. At-lZi}) ou dans la 
IraductiOQ qu'an sTait faite Sdivarlzo si [{uî n'a dté publié« qu'apréi la mort (gip. 30-81). 



212 LE GNOSTICISME EGYPTIEN 

que je leur en aie donné cause ». Suit un long récit de toutes les douleurs 
de la Sophia extérieure, qui dans l'ouvrage que nous citonsj est appelée 
Pistis-Sophla ; vers la fin elle revient aux prières directes : « Maintenaat 
donc, ô lumière des lumières, dit -elle, je suis affligée dans les ténèbres da 
chaos. Si tu veux venir mo sauver, ta bonté est immense , écoute-moi en 
vérité et sauve-moi. Que ces ténèbres, que cette face de lion ne me dévorent 
pas. Lorsqiie je cherchais la lumière, ils m'ont donné les ténèbres, et lorsque 
je cherchais ma vertu, ils m'ont donné de la matière. Maintenant donc, ô 
lumière des lumières, les créatures de l'Arrogant ont répandu sur moi les 
ténèbres et la matière. Que ces embûches retombent sur eux et tes en- 
veloppent, rends-leur ce qu'ils ont fait et qu'ils deviennent un scandale, qu'ils 
ne puissent retourner au lieu do leur Arrogant. Qu'ils demeurent dans les 
ténèbres, qu'ils ne voient pas la lumière. Qu'ils ne soient jamais admis à par- 
tager le sort de ceux qui se purifient eux et leur lumière, qu'ils ne soient 
pas comptés au nombre de ceux qui manifestent leur repentir afin qu'ils 
reçoivent aussitôt le mystère dans la lumière, parce qu'ils m'ont enlevé ma 
force et ma lumière. Maintenant donc, ô lumière, ce qui est en tel est avec 
moi ; je chante ton nom glorieux, que mon hymne te plaise, comme l'admi- 
rable mystère qui mène aux portes de la lumière, ce mystère que diront 
ceux qui se sont repentis, et en le disant, ils purifient leur lumière ». 

Tel est le spécimen des plaintes de Sophia : elles sont toutes dans ce style 
et portent clairement le cachet de toute la littérature copte. On nous par- 
donnera une traduction semblable, car nous avons voulu donner une idée de 
l'ennui qu'on doit éprouver en se voyant condamné à étudier un ouvrage de 
390 pages, écrit tout entier dans ce style. Ces plaintes certes ne renferment 
rien que d'humain, mais cela no fait rien au système : les lamentations de la 
Sophia extérieure devaient être pour les disciples de Valentin une source de 
compositions oii l'esprit de chacun pouvait se donner fibre carrière. Quoi qu'il 
en soit, Sophia répète ses plaintes jusqu'à douze fois, à chaque fois sa prière 
est récompensée. Sophia reçoit un léger secours et enfin eUe peut sortir de ce 
chaos. 

Les prières de la Sophia extérieure ne furent pas vaines, disons-nous, car 
ses plaintes furent entendues par Xf iffro? et les autres œons qui sont dans le 
Plérôrae : ils résolurent d'envoyer en dehors de ce Plérôme et au secours 



LE GNOSTICISME EGYPTIEN 



213 



de Sophia, l'œon Jésus qui est le fruit commun du Plérôme tout entier, afin 
qu'il apaisât les douleurs de celle qui, plus tard, devait être son épouse. 
L'ieon Jésus sortit donc du Plérôme et trouva Sophia eu proie à quatre 
passions très vives venant d,e la crainte, du ehagdu, de l'anxiété et de la 
supplication. Il apaisa ses douleurs, et, pour empêcher que les biens propres 
de Sophia ne périssent, il lui enleva ses passions, il les convertit en essences 
permanentes, de telle sorte que de la crainte il fit l'essence psychique, du 
chagrin l'essence de la matière, de l'an-xiétè l'essence des démons et de 
l'action par laquelle elle s'était retournée vers Xpioro'î et l'avait prié, il fit la 
voie qui mène au repentir et à la puissance de l'essence psychique, qui est 
appelé Démiurge ou essence de droite'. Tout ce grand changement eut la 
crainte pour cause première, selon cette parole : La crainte du Seigneur est 
le commencement de la sagesse j car, c'est uniquement parce qu'elle s'était 
lamentée, que Sophia eut en dernier lieu recours à la prière*. 

C'est ainsi que se fit le premier pas vers la création du monde par la sépa- 
ration des trois essences psychique, matérielle et démoniaque. A cette occasion 
l'auteur des Philosophume»a fait observer que l'essence psychique est appelée 
Lieu céleste ou Hebdomade (totto; uTrepoujDàvfos}, Ancien des jours et que c'est 
le Démiurge ^ ; et l'on peut conclure de ce qui précède que nous avons l'énu- 
mération des trois types différents de la création, le type psychique, le type 
matériel et le type spirituel que nous avons tout à l'heure appelle démoniaque 
malgré l'impropriété du mot. Le prince de l'essence psychique est Démiurge, 
le prince de notre monde ou de l'essence matérielle est le Diable (AtacoJoj), 




îwtinitBuoi» llia toO niïipùfnto! làv xoiviv loO UlTipiiiiaro; icapirlv, oiJîu-fo* T^ç ÏÏu Srjçi'a; xai JiopQiodlv 
«aflûv UT iitifliT ÈjtiÎJîToDoa toï Xpioriv. rivôiMvoj oûv ï%ba toD IIXr,pw[niro( napirit, xal (Opin aûi^v îv 
nitiiri Tai; xpûtai: TÉTpaoi, xal ; sGii), xnl Xûni), xal âTropia. xal SeViitii, iiupSûo-ato ik nâQi] oûtiic' 
SiapQsû[Uvac Si lûpi Su ài'Bh\taix\ aOtà alùvia ôvtoi xk'i tî]; Soflow tiia s'j xalôv, o-jte Êv nâDEan tlvai 
ti{v Soïi'iv laiO'Jtaïc, f çi&p, xil Âùnig, Ixctiî^,, ànopt^ . 'ERoii]iiiv dÙv Û( tijIixoOio: Atûv xx'L «avTOt 
toQ n}.iipù[iiitaE îtyiiK, îx9Ti|vi[ Ta nàtii àic' aÙT^tf, xx'i ïnofiiVEV auTa inoorâTau; oùoioi;, xit tôv 
[ilv f îEav ^/-jyytifi ciro(i)<i« oùoîiv, tt^v Si VJirqv {lAixJiv, Ti^v Si ànoptiv Saiti^vuv, v^i iï ïniOTpcif^v xa'i 
Stiioiv xil IxE-ciInv £3av iicl [i^Tàvoiii xxl SJvxp.iv >|iu-^ix^c a-jirli;, '^ti; xoXiETai ScEii t, Ainxioupï;, ànb 
loDqiieD'j. (PAi'bu., lib. Vit, 11, D. 32. p. SSO , lin. 8-16, 1>.£S9, lin. 1-7). 

* TouTtoiiv IJïii. ïïjjiv, r, Tp^fn' — 'Apï^i Sd^i'i; çi6(i; Kupîsu. AÙTJ] yàp àpK^l tûv îii( lopfi; 
jciStôv EfoE^Br] i'àp, eItx iX'jinihi, EÎva 4n''Pi<n' xil bStui; Éni iiiiirtv xal Ixircîav xaT^fuy». (/biil., 
p. 289, liii. 7-10.) 

* 'Eari Si mjpiiîn;, ipiioiv, ^ 1)™^!»^ O'Jai'a, xaiEirai Si &7Efpoiipi'iia; TiSnot ûit' a'Jtav x«l 'EfiSonàf, xal 
IlaXaiS; tÙv îjpjpaiv xil Ôia toiaOti iïTOuoi HEp'i tsùto-j, TiOxa tlvou ToO +«^1x00 ôï çijfflv eÎïœi tbO 
xiiriuiv A)]|UBupTàv. (/£iil., p. îe9, lin, lO^ll, p. îgD,Ua. l-S.) 



214 LE ONOSTIGISME ÉGYPTIEN 

le prince de Fessence spirituelle ou démoniaque est Béelzébub. Gomme Sophia 
s'étendait et exerçait son pouvoir dans le monde du milieu, depuis TOg- 
doade jusqu'à l'Hebdomade, ainsi faisait Démiurge dans l'Hebdomade, 
comme nous le montrerons bientôt *. Ce Démiurge est d'une constitution 
particulière, il est sot, il a l'esprit faible et grossier; il ne savait rien de 
ce qu'il faisait; Sophia agissait en sa place, et pendant qu'elle agissait, 
Démiurge croyait que toute la création sortait de ses propres mains, ce qui, 
dans un mouvement d'orgueil, lui fit dire : Je suis Dieu, il n'y a pas d'autre 
Dieu que moi '. 

Ces traits du caractère de Démiurge nous sont fournis par l'auteur des 
Philosophumena ; on voit qu'ici encore Valentin ne s'écarte pas du sys- 
tème de Basilide. 

En cet endroit, l'auteur que nous citons brise subitement son exposition 
du caractère de Démiurge pour nous reporter tout d'un coup dans le Plé- 
rôme, et nous dire que les seons conformément à la doctrine pythagoricienne 
doublèrent leur nombre, afin de parfaire le nombre parfait de soixante ^. Cette 
digression subite de notre auteur ne laisse pas que d'être embarrassante, car 
nous ne trouvons semblable mention dans aucune de nos autres sources, et 
nous ne voyons pas pourquoi il jette cette phrase au milieu d'un récit qu'il 
poursuit en donnant les traits principaux des attributions et du caractère de 
Sophia, comme il l'a fait pour Démiurge. « Ce qui se trouve dans l'Ogdoade, 
c'est-à-dire dans le monde du milieu, dit-il, fut subdivisé : d'un côté fut 
Sophia, qui est la mère de tous les êtres vivants, de l'autre Jésus le fruit 
commun do tout le Plérôme et les autres a9ons qui sont les anges célestes, les 
citoyens do la cité supérieure, de cette Jérusalem qui est dans les cieux, car 
Sophia n'est autre chose que la Jérusalem d'en haut, et son époux est le fruit 

* "Oiicep oviv TTi; «Vyx**n« ou«ti'«; r, TCpwT/) xVi [Lty'm-cr^ îûvaiii; Ysyovev elxwv toO MovoyevoOc vtoO, o<5t« 
T^; OXixfj; O'idia; «uvotpLi; ^iCoXo;, ô otpywv toO xotjio-j toOtou, tr,; Ss T(ov Saipiovwv ouaia;, tjtiç 6<rr\v èx 

TfJc àitopCa;, ô HteXÇeCoO*- ïixi «' y| loçfa «voiOev àwà t^; 'OyôoàSo; evepyoOda eo»; TfJ; *E63opLdtôoç 

{Phil., lib. VII, n. ÎW. \k 2îK). lin. 14 i4 p. SfOl, lin. i-ï,) 

« Oiîtv ol^ev, Xlyoyiiv, A Ariiiio'jpyô; o/.n.c, «)).' ïinv ôivou; xai\ {iwpô; xax' «jxèu;, xoi xi wpaaaei ^ 
f pyàÇeTai ovx ol«ïv. 'AyvooOvti U ^ilxûi o ti «r, rcoieC if) loçfx 9jvipyr,fTe icâvxx xa\ EviT^yaE- xai IxeivTi; ève- 
pyoO<T/ic avT?i« rf»eT'* 019' iautoO koiï(/ ty.v xtitiv toO x^iiiioy oOtv >îpÇaTO Xfyeiv « eyw o 6eoç xal kXtiv éiioO 
a).).o; ojx ÏTTiv. .. — (//i/r/., p. Z'.H. lin. \-U).) 

3Tx0tx èiTiv 41 ).4yovaiv UiKi n;,/,; tovTotc 'ipiOjieTtxViv notoO|iîvoi «criv 7ti<rxv aOtûv ai8a<ntaWav, «ç 
«pôeiirov ToO; ivrô; IDop/.MiXT'i: AUiva; i./x'/xo/r-/, n%n^, -irinpofhpXyjxévai aOtoî; xaTx àvxXoytav AlJàvac 
diV/.ov;, V Ti ti \mç,ut\i7L cv àpiO|iifi Tc/t(i,> avvr/ipowiiivfiv. (/6W., p. 2»2, liu. 1-5.) 



LE GNOSTIGISME É(3ÏPTIEN 215 

commun du Plérôme *. Si nous ne nous trompons, tous ces détails donnés sans 
ordre et sans liaison signifient que dans l'Ogdoade se reproduisirent par Jésus 
et Sophia, toutes les émanations qui avaient composé le Plérôme supérieur; 
c'est le seul moyen d'expliquer cette seconde émanation de trente feons et la 
mention de ces trente œons célestes, citoyens de la Jérusalem Ogdoado que 
nous trouvons ensuite, sans que leur création ait été autrement expliquée. 
Telle est la cosmologie de Valentin d'après l'auteur des Philosophmncna. 
Il est évident au premier coup d'œil qu'elle est incomplète. D'après lui, les 
trois sortes de créatures qui forment la création, les créatures psychiques, 
les créatures purement matérielles et les créatures démoniaques, sont sorties 
dans l'essence de leur type primitif des trois grandes douleurs de Sophia, 
la crainte, le chagrin et l'anxiété. Pour former ces essences en créatures 
vivantes, un Démiurge s'eet mis à l'œuvre croyant travailler de lui-même, 
et ne travaillant que sous l'inspiration de Sophia; pendant que celle-ci ré- 
gnait dans l'Ogdoade, lo Démiurge régnait de son côté dans l'Hebdomade. 
Par le principe de similitude des mondes, ce qui s'était passé dans le Plé- 
rôme se passa dans l'Ogdoade et dut aussi se passer dans l'Hebdomade. 
Voilà en résumé la cosmologie de Valentin. Tout s'y déroule d'après un plan 
primitif qui est une loi ; l'auteur des PliUosophumena a établi cette loi, il ne 
s'occupe plus de ses développements particuliers, et nous sommas obligés de 
chercher ailleurs ces développements. Cependant, ce qu'il en dit suffît pour 
montrer que dans Valentin il y a trois mondes distincts, le Plérôme, le monde 
du milieu, et le monde inférieur que nous habitons. La création de ce dernier 
monde a passé par deux phases, la séparation des essences et sa formation 
par Démiurge. Ces essences, comme les mondes, sont au nombre de trois, 
les créatures se diviseront aussi en trois catégories. Tout se suit donc avec 
un enchaînement logique qui ne peut être mis en doute. 

Ce qui précède suffit pour montrer combien, dans cette seconde partie de 
son système, Valentin avait fait d'emprunts à Basilide. A ce sujet on peut 
se poser une question qui no manque pas d'intérêt dans cette exposition; nous 



' 'T«o3njp7iT«i Si x«'i ti £ï T^ 'OfôsàSii xa'i «poStprina^iv ri Eoçia, ^ii; émi nr.Tiip itivtuiv 
nït' B'jTim, na'l i iMivô; toû riJiipupiatos Xïpnb; ô AiTOS.it»! »tiiït{ ilolv 'Aïy'Î^oi Énoupivit 
IJ.IVOI EV 'Iipouaa).T|^ tt| «vw, i^ iv odpxvolc. .\-jrA y'? 1<tti'' 'IipajaiXViit \ ï^u £d:|)ii, xni i vi 
i MSivof ToO U)Li]pù|iEcto( xapici;. {Ibid., p. Sfti, lin. 8']£, p. 893, lin. I.) 




MUÉE 



216 LE GNOSTICISME EGYPTIEN 

venons de voir que le monde intermédiaire de Valeutin a l'Ogdoade à son 
sommet et l'Hebdomade à sa base ; l'intervalle avait-il été comblé par les trois 
cent soixante-cinq deux de Basilide ? Nous n'avons aucune donnée positive 
pour résoudre cette question, mais il nous semble assez probable qu'il en 
devait être ainsi. Nous nous expliquons : nous ne voulons pas dire que ce nom- 
bre de trois cent soixante-cinq cieux eût été adopté par Valentin ; on ue trouve 
pas une seule fois ce nombre dans tout son système ; mais à la place, le nom- 
bre trente joue le plus grand rôle; aussi nous sommes persuadé que lemonde 
du milieu se composait do trente mondes ou reons dans le système de Valentin, 
comme il ao composait do trois cent soixante-cinq cieux dans le système de 
Basilide. D'ailleurs nous avons une preuve indirecte qu'il en était ainsi. Dans 
le livre gnostique déjà cité, Pistis-Sophia, nous voyons que par œons l'au- 
teur entend des mondes, car il dit que Sophia voulait remonter au treizième 
œon, qu'elle avait à traverser les autres feons, et il parle des chefs {àp^avriç) 
des'œons qui se rientde ses malheurs '. Il est donc clair que les îeons n'étaient 
autres que des mondes particuliers tirant leur nom des noms des œona 
proprement dits préposés à leur gouvernement particulier. Comme il y avait 
trente reous sortis de Jésus et de Sophia, il devait donc y avoir trente mondes 
particuliers dans l'espace du milieu, formant une création spéciale, un monde 
intermédiaire entre le Plérôme et la terre. Cette conclusion est amplement 
confirmée par le manuscrit d'Oxford, où les œous sont manifestement des 
mondes peuplés comme le Plérôme, et qu'il faut traverser pour arriver à 
l'habitation du grand Dieu du milieu. 

Si maintenant nous voulons comparer aux données de l'auteur des 
Philosophumena, ce que nous trouvons dans les extraits que Clément 
d'Alexandrie fait de Théodote, nous trouvons que ces extraits font allusion 
à la mission que XptTO; et Ilvsùfix "Ayiow remplirent auprès de Sophia, à 
l'émanation de Jésus, à son envoi par le Plérôme entier*; aux souffrances 



• PUlU Sophia, posiim. — Il sufdt de liro les douie hymnes île Sophia pour être pertuadé da ca 
que nom avançona (Cr., p. 43-l?&), 

* Tiv llipixi-Tiiav ol in» OjaJjviivo'j t'ov "It13oOï Viyo-jmv Bti «l^piiî tûv Aiùvuv (XiilvOn, i; ànô 
TOO Blou irportBiâv. Xpiitoî ^ip xiTiliiiJiï; t^v itioSiloùonv aOiiv Eofiav, itotVSi^iï tiî ta IIiiîpio|iB 
4itlp t'r,i Riu )txtï).tipl3!ffi]; lojii;, ■irrit:i-!B tifi poiiOïiIv ïai ÎÇ fjàoxîîi; TÛ« AIûvuiv 'Initaû; jipoÉiXXrtai 
tv «aptiUôvii aiwvi. (Exetrp. Theod., a. E3. — Patr, pnec, U IX, col, 669. — Cf. e. 35, IbiU., 



eol.E 



S.) 



LE GNOSTICISME ÉGYPTIEN 217 

de Sophia*, et à la création qui en est le fruit ^. Cet auteur nous enseigne 
aussi que Sophia ayant vu Jésus venir à elle semblable à la lumière qui 
l'avait quittée, c'est-à-dire semblable à Xpicno^ et à Upe^ixcc^'Ayicv^ tressaillit 
de joie et se confondit en adoration ^, ce qui confirme péremptoirement les 
récits du livre gnostique, Pistis-Sophia ^. De même on reconnaît THebdomade 
lorsqu'il dit : Ensuite Sophia se bâtit une seconde demeure et y plaça sept 
colonnes ^. Il connaît aussi les œuvres et l'ignorance de Démiurge ^. Il 
nous apprend enfin qu'il y avait eu une création d'esprits qu'il appelle anges : 
ces anges habitaient les deux mondes, ils étaient mâles dans le Plérôme, 
femelles dans le monde du milieu^. Encore ici, si nous ajoutons à ces deux 
premières catégories d'esprits les démons qui sont sur notre terre, nous 
trouverons que chaque monde est également partagé. Enfin malgré toute la 
fantasmagorie que nous avons déjà détaillée, nous sommes persuadé que le 
système de Valentin était encore plus riche en créations fantastiques ; on n'a, 
pour partager notre avis, qu'à ouvrir le livre Pistis-Sophia. On tombe dès 
la première page dans une multitude d'appellations inconnues, d'^eons de 
tous genres et de toutes formes, de puissances à tète de lion, de monstres de 
toutes les espèces. Nous y voyons pour notre part des développements ajoutés 
par rimagination des disciples de Valentin, mais nous y voyons aussi 
l'indice de beaucoup de détails qui ont échappé aux observateurs chrétiens, et 
le manuscrit d'Oxford vient encore confirmer nos conclusions, car il contient 

* *AXXà xat 8ià t/jçtoO ôcoosxarou Atwvo; iztiaiuiz zk oXa TcaioeuOtvxa, w; çadi, <TuveTcâ6r)(je. (/d.» u. 31. 
Ibid,^ col. 673.) 'ATCoir-n^ja; Ss xà wàOYj t^; itEirov6y:a;, oOtyiv |X6v àuaOr, xaTsaxeûaffE^ xà TcaOïQ Si 8ia« 
xpt'va; èçJXaU» xai oj-/ woTCsp xr,; dvSôv SteçopiQOyi, à>.).' et; ovdîav rjyayev ayxà xe xat xr,; ôeyxépa; StaO£ffE(i>;. 
{Ibid.^ n. 45, col., G^O,) 

2 Ilpwxov o'jv il àdcofidxou iraOou; xa\ (rj|JL^eêrjX<Sxo; ei; «rxwfiaxov, liz: xyjv dXrjV aOxà piexiQvxXTriffev xal 
(jLSxépaXsv £Î0' ovxo); el; ffvyxpipiaxa xai (jwjjLaxa* àOpôb); yà? oOaiav Tcoiridai xà wâOr) oOx èvïjv xal xoï; 
ffa){ia<7i xaxà çuffiv £i«xr;o£ioxY]xa £V£ito''yi(Tev. (J6td., n. 46, col. 680-681.) 

^ *IôoOffa ôà aOxbv r, Soçia ôfioiov x(;> xaxaXtitovxi a-jT-riv 9u>xt, EyvwpKjÊ xa\ i:pO(i£Ôpa|x£, xa\ rjYyaXiàffaxo 
xa\ TtporT£xOvrj<j£* xov; 5è appeva; àyyÉXou; xou; crOv aOxw ExitEjiçOivxa; Oeaffa|X£vr) xaxiQÔEffOY) xa\ xàXv{i.{i.a 
ETcéOExo. (7ôfd., n. 44, col. 680.) 

* Cf. Pistis-Sophia, p. 43-45. 

^ IIpûxo; |JL£v oOv AY;(itoupYo; 6 Lu>x^p yîvExai xaOoXixô;* tj Se ïoçia ÔEuxépa oixoSo|JLet oTxov éauTÇ xal 
iiTzipTtfJS. (TxûXou; £itxà xal irpûxov itpooâXXExai Eixova xoO icaxpô; Oeôv g:' ou £Tco;r,ff£ xbv ovpavbv xai xtjv 
yri^ï xoyx£<jxi xà oùpàvia xa\ xà EitîyEia, xà osÇià xa\ xà àptTCîpa. {Idib., n. 47, col. 681). 

^ Aiaxpiva; Si o AT|(iioupYÔ; xàxaOapà kno xoO £|x6pi0oO;, w; àv svtSwv xr,; ÉxaTÉpov çOiiv, 90; éicotYjffs, 

xoux£<TTiv EfavépoxiEV, xa\ eI; çû; xa\ iolav itpoar,yayÊV xô ôè ex xoO çôêou xà Or,pta* xb Ss ex x7î;itXr,ÇEw; 

xal àzopia;, xà axof/ÊÎa xoO xôff|xo*j....» {Ibid,^ n, 48, col. 681. 'Eitel 5è oOx syCvoxrxc xyîv oi* auxoO ÈvEp- 
yoO<Tav, oîojiîvo; toîa SuvâixEi 5y){xi9vpyÊÎv, qj'.Xspyi; wv 9U(T£t. {Ibid.^ n. 49, col. 681). 

' Ka'i xà fiÈv àppsvixà àyysXixà xaXov9i) xà OrjX'jxà Se èayxoO; xb oiaçEpov irvsOpia. {Excerp, Theod,^ 
Di 31. — Patr. ^r/cc, t. IX, col. 663.) 

28 



218 LE GNOSTIGISME ÉGYPTIEN 

des œons dont les noms sont entièrement nouveaux, comme les UturgeSy dont 
il est impossible de spécifier quel était le rang. 



III 



ANTHROPOLOGIB, CHRISTOLOGIE, ESCHATOLOGIE 

D'aprôs les sources qui nous ont conservé son système, Valentin n'ensei- 
gnait rien de particulier sur l'origine de Thomme et sa création. Tous les 
gnostiquGS ont fait de même, ils semblent avoir été liés par le premier cha- 
pitre de la Genèse, et chacun d'eux a fait des eflforts désespérés pour y ratta- 
cher son système et en trouver les preuves dans ce que nous y lisons. Cette 
lacune est considérable dans le système de Valentin; le philosophe Ta-t'il 
laissée à dessein ? Nous le croirions volontiers ; d'ailleurs dans sa doctrine 
comme dans toute doctrine gnostiquc l'anthropologie est la partie faible, la 
partie sacrifiée ; les gnostiques avaient plus à cœur d'expliquer les mystères 
des mondes invisibles et inconnus, que ceux de notre monde visible et connu : 
pour les uns ils avaient devant eux un vaste champ d'hypothèses, pour l'autre 
les faits auraient pu heurter et détruire leur édifice; ils ont mieux aimé 
s'abstenir. Cependant ils n'ont pu s'abstenir complètement, et ont donné 
quelques explications à ce sujet. Certains faits psychologiques s'imposaient 
à eux de vive force, ils devaient les expliquer et les plier à leurs systèmes : 
ce sont ces tentatives qui forment leur anthropologie. 

Nous avons vu que Valentin donnait pour maître à toute la création psy- 
chique le Démiurge deTHcbdomade, et à la création matérielle le Diable qui 
était l'un des démons dont le premier était Béelzébub. Comme il reconnaissait 
que l'homme est composé d'un corps et d'une âme, il devait être nécessai- 
rement amené à enseigner que l'àrae était une créature du Démiurge, que le 
corps était une création du Diable et lui demeurait soumis ; c'est en effet ce 
qu'il enseignait *. Tout ce que nous apprend l'auteur des Philosophumena 

* llpoéoaXe Bï xai o A/jpiioupvo; '^jyii' oLJvii yxp oIkj'.ol ^j^^* ojto; étti x^T'a^Toy;. 'A6paà|i, xal TrOra 
xoO *A6pa7|i xà tix/a. 'Ex t>,; OXix',; ovd-a; ojv xxi ôia6oXix>,; ènoir^ffev 6 Ar.inoupyb; xaï; 4/o*/aï;Tà 
ffwjiaxa. Philo:., lib. VII, II, n. 3i, p. 2^3, lin. 2-5.) 



LE GNOSTICISME ÉGYPTIEN 219 

sur ce sujet se borne à cette seule indication ; nous serons plus lieiireux en 
allant puiser à d'autres sources. Mais avant d'aller plus loin nous devons 
faire une importante remarque. L'iiomme est d'une triple espéci; ; comme le 
monde inférieur lui-même, il est ou hyiique, ou psychique ou pneumatique, 
c'est-à-dire matériel, animé ou spirituel. L'auteur des Philosophumena 
explique ainsi cette division : l'homme hyiique, dit- il, est mortel, il est tout 
entier formé de la substance diabolique, car il n'est autre chose qu'une hô- 
tellerie dans laquelle l'âme habite tantôt seule, tantôt avec les démons, tantôt 
avec les paroles QàyaC) qui, de la bouche du fruit commun du Plérôme et de 
celle de Sophia, sont tombées dans notre monde et qui habitent avec l'àme 
dans le corps terrestre quand les démons n'y habitent pas '. Il nous semble 
que telle doit être l'explication de ces paroles ; l'homme do sa nature est 
un, il n'y a qu'une seule espèce d'hommes, puisque tous sont uniformément 
composés d'un corps et d'une âme ; mais cotte âme peut habiter le corps d'une 
triple manière, ou seule, ou avec les démons ou avec les paroles de Jésus 
et de Sophia tombées dans notre monde ; l'homme est donc d'après cela 
ou psychique, ou hyiique, ou pneumatique. L'homme psychique est celui 
dont parle saint Paul lorsqu'il dit : « L'homme psychique ne perçoit pas 
ce qui est de l'esprit do Dieu; il a la sottise en partage. » Valentiu expli- 
quait ainsi ces paroles : L'homme psychique a la sottise en partage parce 
qu'il est sous la puissance de Démiurge qui l'a créé. Démiurge était en effet 
sot et insensé lorsqu'il croyait tout créer, ne voyant pas que la Sophia-Og- 
doade, sa mère, était la vraie créatrice et venait au secours de son ignorance '. 
Il n'est donc pas étonnant que l'homme psychique fût ignorant, puisque son 
âme était une créature de Démiurge, l'ignorance personnifiée. Cet homme 
psychique tenait en quelque sorte le milieu entre le monde intermédiaire et 
la création purement matérielle, parce qu'il était un moyen terme entre 



flnpTi^, ttUmi Ix Tr,c iivSo>ixr|ï BÛirix; niitXnoiiiva;. 'Eori Si oOto; A dhxa', ôvBjiuira; olavc\ (Kir'aûtoù;) 
«nSo^iCoT f{ xsTa!Xii'n|piov, noTi |tiv ')rj/T); |xWq:, ic9tI iï ■{''JX^; xii 3li|iivuv, nota ii ^nj/r,; xsl ^i^^v 

TÔv xtailov xXT9ixoQvTE{ il <FÛ;iSTi jriixûi ^iTÏ 'InJjtr,;, Sii» Ii<'|iiivc; |ii| aviatxùiai t^ 'l'^j0' l^bid., 
p.!93, lin. 10-16.) 

• dià TOÛTO i ^vx^xbi;, ç(ja-\ii, aïBpwno; où Si^rETu t4 toO nvcûgiaco; toD iio'r ^lupfa fip b'jt^ îoii 
jiupiii Ji, fijcriv, Eativ vj i'jvi^iTjTa^ A);|UO'Jp]'oO- [lupi; fàp ^f xsl fivou;, xa[ £vi|i<tEv a'jTi; i>]|U9'jpi'EW 
riv «4»|i!)ï, nyïoûv iti «iïta »i Eoçta T| M^Tj]p *| 'Ofîii; îïi;iTtt œjt^ np4; tJiv xtIoiv tsO xÎojasu «ùi 
iIUti. {Ibid, p. 294, lia. 7.11.) 




220 



I.E ONOSTICISME EGYPTIEN 



l'homme pncumatiquo et l'hoimii'î hylique; selon qu'il so rendait semblable 
à l'un ou à l'autre, il avait an sort différent, s'il devenait semblable à l'Ogdoade, 
c'est-à-diro s'il se spiritualisait, il était rendu immortel et montait daas le 
monde du milieu, sinon, il devenait matériel et se corrompait pour toujours *. 
Après celte observation, nous pourrons mieux comprendre ce que uous dira 
Clément d'Alexandrie. Il va nous expliquer d'abord ce que signifiait celte 
doctrine des démons et des verbes, des As'yoi habitant avec l'âme et dans les- 
quelles on reconnaît du premier coup d'œil, une étroite parenté avec les pas- 
sions appendices de Basilide {TrpaTajjryîuora). Cette explication concorde si bien 
avec ce que nous avons appris do l'auteur des Philosophumena, que cet au- 
teur semble avoir eusous les yeux, le passage cité par le docteur Alexandrin. 
« Il n'y a, disait Valeutin, qu'un seul être bon dont la présence se manifeste 
par le Fils. Par lui seul, le cœur peut devenir pur, et rejeter hors de lui- 
même tout esprit mauvais. En efict, beaucoup d'esprits habitent dans ce 
cœur et ne le laissent pas être pur; chacun d'eux a des œuvres qui lui sont 
propres et se montre par des passions qui souvent ne concordent pas entre 
elles. Pour moi le cœur ne me semble pas fort différent d'une hôtellerie qui 
est creusée, percée, souvent remplie de fumier, d'ordures par les hommes qui 
s'y tiennent sans réserve, sous prétesto que le lieu appartient à un étranger. 
Ainsi le cœur, quand on n'en prend aucun soin, est l'immonde habitation d'an 
grand nombre do démons. Mais lorsque le Père, qui seul est bon, l'a visité, 
le cœur est sanctifié, il resplendit au milieu de la lumière, et bienheureux 
est celui qui possède un tel cœur, car il verra Dieu-. » C'est bien là, si nous 
ne nous trompons, les appendices de Basilide, quoiqu'ils aient un peu changé 



' Kmâ toOto toïvjv to nipo;, Ov^ttÎ t(; Èotiv î] iliux^^, (uoiTTit ti: oJoa- eitti yip ■iîSîîiiiî »ii K«Tâ- 
nauai;. 'Xmiâtla yip Ètjri tij; 'OfZâ-i.iai, Sitou sirh f, ïnçia, flliÉpa i ijtt|iopç<ofiEVTi iw'l 4 noivi; toO 
n),j)p(i[HTO!xa[i7r4;, ûirepivu fik t^; iXîj:, \ ioTi Ai](j.niypT*(. 'Eiv îEom.oiw ^ loî; "'"> ^5 'OrJîiîi àïàvaxoe 
î-[£ïiTO xi'l iilStï eI( zrfi "OYÎoiîii ^tic i"f. çii'"'"» 'Upouoaiilli titO'JpàïiBf îiv ôi ÈE°M'!""^ '^ ^^%t 
xa^Ttan TOÎ; Traleoi toî; (iXixaE;, çflïprft tffri Ka\ àmiltto. [Ibid., p. 290, lin. 6-13.) 

* E!; ii îaiiï àY"BQC, où nippiiii^, »| S:k to!! TM çx/ipuTis, xïl 3i' ajToO (wvo'jiSùïaito 5ï ^ xsp3I(i 
xaBapi y'^iaflai, nivti; naviipiQ K<e'j|iiTO; lÇgi99U|i»au t^; xipiia;' itaWi '(if îvoiKoOvtx aùtij nvEÛfisTS 
sÙK i% xxDipE-Jliv' ixx<jT)i fi aùrùv, tî Un tKttl.it ipTii na)>)iax'"> ivuGptCovTuv Ènitu|>i9lî; ou nponl* 
■oâan;. Kol )ioi Sixâ i|tnî4v ti iciv/iiv tiii nnBajfïiit) il mpîii' xa\ ïip btiTin xatotTiTpSn! tt iueI 
ip'Jmtai, x»l naM«Ki; xôitjou jtî|ii,ii).aiï!, àvAsiiittùv àosAyû; È|iiiîviïTwv, «ai [iTiÎEijiav itpôvoiaï notou. 
[dvdiv ToO yaplav, xaBdnip àUuTpCou xaOEfiTûto;. Tàv Tpiirov tdùtou sa! *| xipifa \i-ixp' C^ icpovolei; 
TvriCiviiiiKâQipTo; oWa, itiWiai a'iaa Zu^'iviiti olK^'n^piai' in:iîâv lï £iiLirx'.i)"'|Tat au-rr|V 6 ^ùuo; àyixEl&c 
IldtTTipi T|7ÎaiTTat xil çutri iiay{i|j.icii xa\ o-Hiu [laxapitliTat 6 Ix"^ ^^ toisiîtiiv napii'iv. Sti fiiitrou liv 
Siiï. (Stront., Ub. II, op. xx. - Pair, grso., t. VIII, col. l(St-1060.} 



LE ONOSTICISMK EOÏPTIEN 



221 



de forme. Ce systèmes' PStélevé,nousle constatoiistcenosont plus les appétits 
grossiers des animaux, ou ceux plus grossiers encore des plantes qui enva- 
hissent l'âme ; c'est la nature matériolte ou la nature spirituelle. Mais cette 
nature matérielle, ces démons qui habitent dans l'âme, que sont-ils, sinon 
ces passions mauvaises qui souillent l'âme? La doctrine est donc la même 
au fond pour les deux philosophes gnostiques. 

La connaissance de cette première sorte d'appendices valeutinicns, nous 
amène à la seconde, à ces verbes, à ces ^.iyoi qui eux aussi habitent Tâme dans 
le corps humain. Nous pouvons déjà dire que ce sont des appétits spirituels 
comme en ont les pneumatiques : la corrélation des idées nous permet de tirer 
cette conclusion; mais il nous est possible de faire encore plus de lumière 
sur ce point. Voici en effet ce que l'on trouve dans les extraits de Théodote : 
« Les disciples de Valentin affirment qu'après la création de l'homme 
psychique, une semence virile fut introduite par le Verbe (Aâyo;) dans les 
âmes élues, pendant leur sommeil j cette semence était un écoulement de 
la semence angélique, et devait empêcher toute défaillance. Elle réunit en 
un seul être le corps et l'âme qui semblaient séparés, car ils avaient été 
créés séparément par Sophia, à l'insu de Démiurge qui croyait tout produire. 
Le sommeil d'Adam figurait, disent-ils, l'oubli de l'âme, il lui arriva pour 
l'orapêchor d'être détruit, comme cette semence spirituelle que le Sauveur a 
mise dans l'âme, l'empêche d'être anéantie '. » Quelle dtfi'érence pouvons- 
nous voir maintenant entre cette semence spirituelio mise dans l'âme par 
le Sauveur, c'est-à-dire par Jésus le fruit commun du Plérôme, l'un des 
sauveurs du système Valentinien, appelé aussi Aoyog, le Verbe, dans d'autres 
endroits, et ces Verbes ces Xôyoi envoyés par Jésus et Sophia dans les âmes 
pneumatiques? L'auteur des Philosophumena nous a dit que les âmes pneu- 
matiques qui recevaient ces Àôyoi devenaient immortelles. Les extraits de 
Théodote nous disent que cette semence spirituelle mise dans l'âme par le 
Koyoi l'empêche d'être détruite et anéantie; où est la diflërence? Nous n'en 
voyons aucune. 




S&ïivTn iiaTx3i)]pîir;0i(, ËvatcaioDv div 4^']'' "'■'^ '"i'' Tàpxa, 3 vai tv (Upitriiû bici TJj: laçia; iipo(]vi>(IJ)]. 
Vitvoc fiif|V 'AS»ii, il Xiiflî] T^ï '!''JM;^v ouïtixi n^ SialiuB?,vui, ûntiptb jiïEw(i5lTixàv 5:tep tviSnint Cfl >|nj][r, 
i £uT>ip. {.Excerpt. TSaoi., Q" 2. — Pair. grMC, t. IX, col. 653.) 



^Am^ 



222 LE GNOSTICrSME EGYPTIEN 

Si nous voulons encore pousser plus avant nos recherches sur la naturo 
de cette semence spirituelle, un autre passage de Valentiii, cité par Clément 
l'Alexandrie, vient à notre aide. « L-îs Valontiniens, dit-il, nous attribuent 
jifoi, à nous autres chrétiens, parce que nous sommes simples; à eux-mêmes 
qui sont sauvés parla propriété de leur nature, ils se donnent une connais- 
sauce qui leur vient de l'abondance de la semence supérieure qui est en oui , 
et ils disent qu'entre cette connaissance (yvwjtç) et la foi, il y a plus de distance 
encore qu'entre le pneumatique et le psychique *. » La chose est claire dé- 
sormais, cette semence spirituelle ou pneumatique, ces ).r/oc uo sontautres que 
la GuosCj c'est-à-dire la doctrine de Valentin, accoplée par ses prosélytes, 
car Valentin comme les autres Gnostiques, nous le voyons, promettait le salut 
à ses disciples, à la seule condition d'embrasser son système. 

Cette participation à la Gnose retranchait donc les Valentiuiens du reste des 
hommes, mais il semble qu'entre eux il existait aussi certaines distinctions ; 
quelques-uns avaient cette Gnose dès le cotnineucemeut, dit Valentin, et ils 
étaient proprement les élus ; c'est ce que nous pouvons conclure du fragment 
suivant de l'une de ses homélies : n Pour vous, dit le maître à une certaine 
catégorie de ses disciples, vous êtes immortels dès le commencement, vous 
êtes lesenfants delà vieéternelle. Si vous avez voulu que la mort étende son 
empire sur vous, c'est pour la détruire et l'abolir, pour la faire mourir en vous 
et par vous. En effet lorsque vous dissolvez le monde, vous n'êtes pas dissous 
vous mêmes, vous dominez sur toutes les créatures et sur toute corruption*. » 
Nous avons dans ces paroles les prérogatives des heureux élus Valeuliniens, 
et il semble bien que ces élus dès le commencement, qui naissaient immortels 
et fils de la. vie éternelle, étaient bien différents de ces cintres pneumatiques, 
dont les prérogatives ne commençaient qu'avec l'heure de leur illumination 
et de leur entrée dans la Gnose. 

Voilà toute la psychologie de Valentin ; nous ne croyons pas qu'en fouillant 



' OI î'iiti Oja).tvTivo'j, tftï (liv itiuriv toï; inlaî; àjt)ï(!'(i:(vt[; riiiïv, hÎtoî; !i t^v yvûoiv, TOÎ; fJoii 
ouCo(Uïoiî, xaiti Ti\i ïoO JisfipsvTa; nltaïiEiav (FiripimTo; îv-jnip^iiv poùlovTat, [nipû Sï K:x<'P'<'ti!vT|v 
«îariiDc, î| rt miuf-rtuiiv ^a'j ^u-f^iM-j Xifoixtu Serom. lib. U.cap.S. — Fatr. grxe^t.Vlll, col. Ml. 

* OùaXivThoi îi U xm i\i.Ma Kïii Util ïpiçii- 'An' ip);f|; aBivito! îart, xal tékïï Zur.i nl(ji.(ac 
iialïiï SivaTov J|9iliti nspiiraïSïKl; ix-jxni,XtxBiinvfiii,zi oOrt» xil4v»},iiaï|T£si«\ àjroa««ii Oivaros 
h luTi Kïl îi' ijiôi- "Oui yàp xii (liv niofiïv Xvflr». îijiîE; îi xii^VJ/ioSi, xupiiûiM xjiç ktiheÙî xal Ti}; 
fSopit 4Kii«uî. (Stram., lib, IV, cap. l:i. — Pali\gr»t., tom. VIII, col. 1296-1297.) 



LE ONOSTICISMB EGYPTIEN 



les Pères on puisse trouver un seul autre trait de la psychologie valentiniennc, 
et maintenant puisque nous savons quel est l'homme, il faut achever sou his- 
toire, car, dans la Ghristologie, c'est encore de l'homme qu'il s'agit puisque 
le Sauveur n'a eu pour mission que de le racheter. Si l'homme avait hcsoin 
d'être racheté, il avait dû faillir de quelque manière; nous ne savons pas à 
quoi Valentin rapportait cette défaillance, s'il l'acceptait telle que la Genèse 
la rapporte ce qui n'est pas probable, ou si la seule origine de l'homme créé 
parDéoiiurge avait placé la créature dans uu état diufériorité, de défaillance, 
ce qui est bien plus vraisemblable et bien plus eu rapport avec les autres 
parties du système valentinien. Quoi qu'il en soit, l'homme avait besoin de 
rédemption ; cette rédemption lui fut apportée par Jésus, fils de Marie. Mais 
avant que ce Sauveur ne parût sur la terre, un grand nombre de siècles 
s'étaient écoulés, et sa venue avait été prédite par les Prophètes, organes 
de Démiurge, participant à la sottise de leur inspirateur; c'est pourquoi 
Jésus avait pu dire : Tous ceux qui sont venus avant moi n'étaient que des 
voleurs et des brigands ' ; et saint Paul parla de ce mystère caché pendant 
des siècles et des géuérations *. Aucun de ces prophètes n'avait enseigné 
cette Gnose que Valentin donnait à ses disciples, et à cela nul motif de 
s'étonner, car tout ce qu'ils ont dit venait de Démiurge qui est l'iguorauco 
même^. Cependant le temps arriva où, la création étant parvenue à un par- 
fait développement, il fallut que révélation fût faite des enfants de Dieu, 
c'est-à-dire des enfants de Démiurge; cette révélation avait été différée jus- 
que -là, parce que le voile qui entourait le cœur de l'homme psychique n'avait 
pas encore été enlevé *. Pour enlever ce voile et révéler ces mystères encore 
cachés, Jésus naquit de la vierge Marie, selon cette parole : le Saint-Esprit 



■ Bphl. ad Colois,, i, 26. 

t 'Airânalio; » Ti itum^piov i tsI; TipaTÎpBi; ycvisE; aux CYVwpMi] »■ OuSii; ^à^, ipqa'ki t£iv «pop^iuv 
iIpijKi ir!p\ TDÙTuv oOilv ûfi *||Ulï ).£rafi», ^poiT-cd fkf nâvTx Ste £i) àni jf.hia-j toO AïKLioupfaC XiXa- 
Xuiùva. (PhUos. lib. VU, H, n- 35, p. ÎW, Uu. 18-13, p. ïfÇ, lin. 1-2.) 

* "On aSv tAo; ï),a6(v T| Ktioi; xa\ ^Et ).ain':iv yiifAT. T>|V kiso*£tfi^vi TÛv ul£iv ToO OcaC, is'jt£9T 
Tg3 ir,|iiou?ïoO, t^v tyxExaÏLUnniviiï 'fK\ trf t.if.lll'ii- iir'.ît oiï sJîi àpO^vai t'o xÉSluiip:! «il ôfBîivai 
taOïi ïà nuffTÎpi», ïiyivvTiTii i 'Irfln^i îtà Mapia; rte llnpSÉvou xitk ib tïpn^ùi. - llvtOtii "Ay"^ 
(jKXt';aic3i Èiti n' • tticOiià îffTiv r| £a]ita' • i(ai iûvi>i( 'r<|iî«Tau imaxiiatiiiM, ■ T^imifiniv i &T])iii)V'p- 
fii. (t6id. p. 2». lin. MO.) 




224 [.E ONOSTICISME EOYPTIEN 

descendra sur toi, et la vertu du Très Haut te couvrira de son ombre ' 
comme, d'après Valentin, l'Esprit salut désigne ici Sopliia Ogdoade, que 
la vertu du Très Haut n'est pas autre que Démiurge, il s'ensuit que Jésus 
l'homme nouveau a été formé, est né de Sopbia ot de Démiurge comme 
principe engendrant. Démiurge du corps, Sophia de la nature ou de l'âme, 
est sorti de l'Ogdoade comme un verbe (^073;) céleste et sur la terre est né 
lie Marie ^. 

Il n'est pas difficile de voir ce que signifie le mythe valentinien, car il est 
le même que celui de Basilide. Le Jésus de Valentiii possédait en lui-même 
quelques propriétés ou essences de tous les mondes à l'exception du Plérome ; 
ce qu'il avait de l'Ogdoade, il le possédait par Sophia, Démiurge lui avait 
donné ce qu'il tenait de l'Hebdomade, et par Marie enfin il participait à la 
nature de la création terrestre. Jusqu'à ce point, les disciples de Valcntîn 
s'entendaient entre eux sur la doctrine de la Ghnstologie, mais ils se séparaient 
do nouveau sur la nature du corps de Jésus. Les uns, l'école italique, vou- 
laient que le corps de Jésus iïït psychique, c'est-à-dire ne ]-enfermât qu'une 
àme psychique; les autres au contraire, et ils formaient l'école Orientale, 
affirmaient que le corps de Jésus était pneumatique ; c'est-à-dire animé par 
une âme de nature pneumatique; car, disaient-ils, Sophia est descendue en 
Marie, et ce qu'elle avait mis en Marie a été formé par l'opération de Dé- 
miurge '. Cotte explication pourrait avoir plus de clarté, elle est suffisante 
cependant puisque Démiurge n'a fait que former la semonce spirituelle déposée 
par Sophia dans le sein de la vierge Marie. 

Ce Jésus, Sauveur de notre monde, qu'il faut bien se donner garde de con- 
fondre avec le Jésus fruit commun du Plérôme, devait faire sur la terre ce 
qui avait eu lieu dans les mondes supérieurs, car revient encore ici le principe 



tïa rti jiiï Jtliaiï xa^ xataimeuiiv toO atôfiati; oùioO i iii\umpfa( xatapTiffi], rîjv Si oOirlav aùroO tô 
«ïeO|*i itipâo^fl l'a "Ayiav, xal y'^I^"' Aôyoc înoupcivlo; ànà tr,; 'OySoHÎO! ftvviiOt'iC Bi" Mspi'o;. {Pkil,, 
p. 293.1. 13-16, p. S9S, lin. 1-2). 
3 IlEpi toûtov WTi]ffi( ntïiXTi tot\v àuroïf yal a^ia\Làtia-i na'i Biaçopi; içopii^ Olp-h àitô 'Itoltae ■»• 

+u);i*«v çani To trû|ii,« tbO 'Iriooû Tfïovivai, xa\ Sià toSto £:t\ ToO ^ïitiiojiato; là IlvtDiin, m; «EpioTEpà, 

««iil^lwBi, -couifoTiv i iiïot i Tîic (ir.Tpiî oivuDiv tî^î loçfa;, ai'i ybfMtt Tù i^'j^mûi. xb'( lir,-(tp*.li oùtôv 
ÎK vixpav 01 i' oS à.n'1 Tri; àvaraXi): Xlfa\iavi En nviujiiTtxâv ^v to aû|iii toO £uTt;po(. IIviO|i« 

ap Ayiov j)),6iv iiti tiiï Mi^îaï. toutIoth î| Ssçta na'i ij ïiivapj; toO TiVÎOTOu -ii îr]|J.ioupYlK^ 'C^'*')! 

Ivd Ssxtt).xat^ x'o inà tdQ Iliïdpiito; tf MapCf 8ùUi. (Ibidt, p. £96, lin^ 2-14, p. 377, lio. 1-3.) 



I.E CNOSTICISME ÉGYPTIEN S25 

de similitude : ce qui nous fait ressortir de nouveau la parenté des deux systèmes 
de Basilidc cl de Valcn tin. Cette similitude de rédemplion est même exprimée 
fort clairement par l'auteur dcsP/iilowphunienaiihâat : « Quaiid les mondes 
supérieurs eurent été purifiés, il fallait que, suivant l'ordre de sinn'Iitudc (xara 
lïjv àzoXovBlav), les choses qui yc trouvent dans notre monde fuswnt purifiées 
aussi'. » Eu effet, les mondes supéricursavaient en leur rédemption: nous avons 
vu comment dans le PlérônioXpjffTs; et nvïC«o:"Ayiov avaient consolé la Sophia 
intérieure; les îeons du Plérôme avaient enx-mêmcs participé à cette rédemp- 
tion dont les fruits furent la concorde et la paix dont nous avons parlé i 
l'Ogdoade et l'Hobdomade eurent aussi chacune la leur*. Le système de 
Valentin renfermait donc trois Sauveurs, l'un pour lo Plérôme, le couple 
XiitTTs; et n^rZiAx 'Aytov ; l'autre poui- lo monde intermédiaire, Jésus le fruit 
commun du Plérôme; le troisième enfin pour l'homme habitant de la terre. 
Le premier, le couple X^tmég et nvrJfia'Aytov était né de Noùç et d"A'.i''(Σ(a; après 
avoir rétabli la paix dans le Plérôme, il était descendu vers rEv.-f.ay.x, c'est-à- 
dire vers la Sophia extérieure dout il avait redressé (StrùpCâitro) les souffrances; 
le second, Jésus, était devenu l'époux de Sophia-Ogdoadc, et quoiqu'il fût 
le fruit commun du Plérôme, il était de beaucoup inférieur an premier; le 
troisième, le second Jésus, devait racheter notre monde'. Dans le monde du 
milieu, la rédemption se fit par la Gnose supérieure donnée à Sophia par le 
premier Jésus, et à Démiurge far sa mère Sophia ; l'auteur des Philosophu- 
meiia dit en effet : Démiurge, inslruit par Sophia, apprit qu'il n'était pas le 
seul Dieu comme il le croyait, qu'il y en avait un autre plus fort et plus puis- 
sant que lui; c'est ainsi qu'il fut instruit et initié au grand mystère de 
l'existence des œons '. 11 est évident ici que par Sophia nous devons entendre 




p. ÎST. Un. ie-17, p. 29S, lin. 1.) 

' 'AXV £ti Hyu û; StidpOuro )Uv ts mik Tofj; '.\lu1v3; isu 7f 3Ï|iaTX, iiùp'iuTO & xa'l 
'OrSadai T^v ÏE« Sa^ian, iicùpOuTo Si xi't ta xnà t^ 'EESoiiàSi. (/btd., p. 297, lin. &-7.) 

^ ToiiTav tif-t lylnifin lijioS; & Xut^p iià Tïj; Hapîa;. Ivx fiupOûiTr.Tai ti ii5iSt Zaïti 
i Svu^n imicy>Siiii'ls\i uni toO Hoô; xit -ri); 'Alr,Bti9i;, SiupSùvoro n nàïi] T>ic ^i" -a?ioK> 
'ExTpi&iiaTDï' xxl «sliv 6 iik Hxplx; Y'T^w'.f'^a; luTÎip ^lOc !in>pBw»B96ii ts nôB*; Tï,; 
a'n xit' aicsii;Tpiî;Xpiffrî'i, i cir.K7o6Xr,i)t\; Oui ToONoâ;xxl ■dK 'ÀXrfithi futk toO 'Ayio 
«a\ 6 «aivb; -i»3 lIXi]piD|i.xTa; xapnb; sûC'jyb! ^iE ^î" t'i: Xof :'ac, viti; xs/eÏtii xxi oI'jit| TI^ 
OwoîilnttpBv toO icpMTO'j, xil TpfTO; ■! îiâ Mgtpîi; ytivr.Bti: tl; ÈîtriôîOuoiv cîjç xTÎfftdiî xaB' 



o,-. l/d/d., 



EJiiàxOi) yàp uni t?,; £a;(a: û Agi^aMpfàii ftt dmx ïa 
:pi; C4TIV* àlV (Tvia iiSa](^tl(]{liA il|; £0913; xpifm 



i-cà; Osb; |iiva; ûc cvipLi^i, Xa 
■a-nix^Qf) yàp fin' aùiSI;, xa' 



p (1 Xpmo;, 

TIVrtffTl TOO 
U nvili|lXTOtt 

iiOp-a 'Aïioy 
r,pi5î. </fti'd., 

i irïjiv «MtùO 
i i^-jifni xal 



226 LE ONOSTICI^MB iOYPTIEN 

Jésus et Sophia, couple désormais inséparable, et que la Gnose illuminatrice 
de Valentiii nedïITèrcpas de celle deBasilide. 

C'est en vain que nous cherclierious de plus amples détails sur la Ghris- 
tologie valeiitinienne, nous n'en trouvcrious nulle part ; nous trouverions 
seulement dans les Extraits de Thcodute, des allusions à ia plupart des points 
qui composent celte partie de renseignement Valentinicn. L'auteur y parle 
on effet de la nature du corps de Jésus ', de la rédemption des mondes supé- 
rieurs ', de la triple catégorie des âmes^, de rignoraiicc des liommes en 
vertu de celle de Démiurge*, delà nature des Anges ^ et de la participation 
du Christ aux essences de tous les mondes*'; mais nous avons beau lui 
demander des détails sur la dernière rélomption, sur la manière dont le 
second Jésus donna le salut à la terre, il reste dans le silence le plus complet 
et n'y fait pas une seule fois allusion. Toutes nos autres sources font de 
même et nous sommes réduits aux conjectures. Cependant il est évident 
d'après tout ce qui précède que la manière dont s'opéra le salut de la terre 
ne devait pas différer, dans le système de Valontin, de celle dont avait eu 
lieu la rédemption des autres mondes, et que l'illumination de la Gnose était 
le salut apporté par Jésus au genre humain. C'est tout ce que nous pouvons 
dire. Mais que de questions qui se posent d'elles -mêmes restent sans réponse I 
Valentin était-il docèteî admettait-il comme réel et historique le récit des 
Évangiles? Son Jésus avait-il souffert î Nous n'en savons rien; à peine peut- 
on dire que ce Jésus n'était selon lui ni Dieu, ni fils de Dieu, quoiqu'il le 
fit naître d'une vierge, ce qui donna lieu de conjecturer qu'il admettait le 
récit des Évangiles comme historique, puisqu'il en croyait un point si capital ; 
mais il avait dû se réserver le droit do plier ce récit à son système. D'ailleurs 
nous voyons par le livre gnostique Pislis-Sophia, que Jésus le sauveur de 
notre monde est vraiment ressuscité, qu'il enseigne ses disciples après sa 



Jijfi Hf'ai MitfjiTÎiV, '. 'Eyi! i Oio; "ASpïà|i x»l 4 9tb; "laaix x«'i 4 Bëo; 'Ixxùe, xai fo ûïO(i 
xln^rï"'''' «''TO'; "1 TrjTi'in là iijimipioï o'jx eîn», oùî! iSlTiloàiiiv ti; {btiv i Oià:, àli' if 
l'uiuTv i* «itoxpuïv 4 (wor^iov 3 iftxvjox icxpi t',! liçii;- (Ibid , n. %, p, Ï9'. !ii 

' EicerpU Th«oJoli, n° IK, tO, ïd, el ai.- Patr. gricc. IK. 

' Ibia., ri. 35. 

s Ibùt., n. 5i, M, s; el 57. 

* Ihid., 11.53. 

^ Ibid , 1). 3U et pasBioi. 

« Ibid., n. 59, 01 el 62. 




I.E ONOSTICISMK F.OYPTrEN i<i 

résurrection, et ces disciples sont les mèmoa que ceux dont nous trouvons les 
noms dans les quatre Evangiles *. Tout nous porte donc à croire que Valentin 
admettait le récit des Évangiles, au moins sous bénéfice d'inventaire, qu'on 
nous passe l'expression; mais nous ne pouvons rien assurer d'une manière 
péremptoire et formelle. 

Apres la doctrine de Valentin sur la réilemption, la logique veut que, pour 
terminer la partie dogmatique dî son systèm;, nous exposions maintenant 
son eschatologie, c'est-à-dire ce qu'il pensait des fins dernières de l'homme, 
de son bonheur ou de son malheur futur. L3S renseignements que nous avons 
à glaner dans les auteurs sur c j sujet sont en fort petit nombre, Nous avons déjà 
ou occasion de citer le seul texte que l'auteur des Philosophumena consacre 
à cette partie du système. « Si l'homm ï psychique, dit -il, se rend semblable 
à ceux qui sont dans l'Ogdoade, il devient immortel, il monte dans l'Ogdoado , 
qui est la céleste Jérusalem. Si au contraire, il se rend semblable à la matière, 
il sa corrompt ot périt*. » Trois choses sont démontrées par ces paroles, 
l'immortalité des pneumatiques, le bonheur même du moude intermédiaire 
accordé aux pneumatiques et l'anéantissement des hyliques ; il est évident 
d'après cela que Valentin n'admettait pas la résurrection. L3 bonheur dont 
devaient jouir les pneumatiques dans l'Ogdoade nous est ainsi exposé par 
Clément d'Alexandrie dans les Extraits de Théodote : « Les pneumatiques 
se reposeront dans le monde du Seigneur, c'e^t -à-dire dans l'Ogdoado qui est 
appelée Seigneur, ils y resteront jusqu'à la fin; les autres àmos demeureront 
dans riîebdomade avec Démiurge jusqu'à la fin des temps : alors elles mon- 
teront aussi dans l'Ogdoade, et là S3 fera un festin splendide, lo festin des 
noces de tous ceux qui auront été sauvés jusqu'à cj que toutes choses soient 
devenues égales pour tous, et que tous les élus se connaissent les uns les 
autres '. 8 Un séjour éternel dans l'Ogdoade au milieu d'un festin nuptial, 



m itmta la; •^vx' 



' PiitiS'Sophia p. 


i et pauim dtiiE tout 1 


l'ouvrage, 














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(Philos., lib. Vf. n. 


3». 


p. 290', 


liD. 6-13.) 




















* 'H )liv oSv itye«[iaTIxEiv àv 




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pi îà tr,v 



2SS LE GNOSTICISME EGYPTIEN 

telle est la récompense promise après la mort aux Valentiniens j après la 
destructiou du monde, elle sera la inèmc pour tous les élus, mais avant la 
Cionsommatioii des siècles, les Smes dos pneumatiques par nature goûteront 
■seules ces délices figurées par la joie d'un festin nuptial ; les âmes au contraire 
qui ne seront devenues pneumatiques pendant leur vie que par l'acceptation 
plus ou moins tardive de la doctrine valentiuiennc, séjourneront d'abord 
dans l'Hebdomade et ne monlcroiit jusqu'à l'Ogdoade qu'à la fin des temps. 
Mais qu'était-ce que ce festin nuptial? Le même auteur nous l'explique : 
« Alors les pneumatiques, dit-il, ayant dépouillé l'âme psychique, recevront 
les anges pour èpous, comme leur mère elle-même a reçu un époux, ils 
entreront dans la chambre nuptiale qui se trouve dans l'Ogdoade, en 
présence de l'Esprit, c'est-à-dire de Sophia et de Jésus qui est appelé esprit, 
ils deviendront des ji3ons intelligents, ils participeront à des noces spirituelles 
et éternelles *. » Le festin nuptial était donc l'état des pneumatiques illuminés, 
connaissant les mystères des mondes, unis aux an,!>:es qui sont les principes 
mâles de ces nouvelles syzygios dont les âmes pneumatiques sont les principes 
femelles. L,e bonheur final des hommes et des habitants du monde intermé- 
diaire est de reproduire l'image du Plérôrae et de ses couples d'émanations, 
ce qui n'est pas autre ciiose que de partager la vie de la divinité elle-même. 
Telle est l'eschatologie valentinienno. On voit qu'elle diffève de celle de 
Basilide en tout point. Chez Valentin la connaissance acquise n'est plus enlevée 
ou limitée, les pneumatiques sont capables de toutes les connaissances du 
monde intermédiaire, ils s'unissent aux anges et forment de nouveaux couples ; 
dans Basilide, chaque habitant du monde aérien est limité à sa sphère et 
aux connaissances de sa sphère, il n'est capable de nulle autre chose, et il 
ne doit point attendre ce mariage spirituel que nous venons d'exposer. Valentiu 
avait donc innové dans la Gnose. Cependant toute cette pariie de renseigne- 
ment de Valentin est voilée ; une multitude de questions ne sont pas touchées ; 



owtiXcjxv (bvX);''i^oui'< ■') auTol d; 'OySaiix. Eïtci to fiTnvsv t£iv Y^ituv xoivom xsvtuv tùv auCu- 
atviuv, à^pi! 3ï àmmiBîi hmïtoi xxl St.X'ikx in^MpiTO. (Exeerpl, Theod,, n. 63. — Fatr. grmc, I. IX, 
col. 089.) 

' TÔTi îvcQBev àiriOiiicvi ti «viuiistixi tàï 'l'usât â|is tri |i.iiTp> ■«(''lïoiJ.iv^p xiv vvitçiov, xa|iii;i|UV(t 
xal aùrci toù; vw[içioyt, Toi; ÎYyiiouî iauiùi" (Lî tïv vuiiçùïï JïtÙî tùû "Opou tioisai, x>i «po! iViv ToO 
tlvtùimoc Sil'iv ïpx"'"'" Alûvi; voipsl r">it^>'">< •!; f^I'; voipoù( ii'i aiuvisu; fàiiout t?i; «u^uyiofi 
{Ibii., n. 64, col. 689,) 



LE 0N05T1CISMB ÉGYPTIEN 229/ 

nous ne savons rien sur le sort final des hommes qui ne sont pas devenus 
pneumatiques, sur le sort de ces démons dont nous connaissons l'existence et . 
les chefs, sur la terre elle-même. On nous dit seulement que tout ce qui est 
hylique se corrompt et périt, et que même la partie psychique de l'âme est 
rejetée comme une vile dépouille par les pneumatiques. Ne serait-ce pas 
toutefois avouer que démons, hyliques et terre étaient anéantis ? Pour nous, 
il nous semble que telle est la conclusion dernière delà doctrine valentmienne. 
Cependant nous devons dire que dans le livre gnostique intitulé Pistis SopHUy 
il est parlé plusieurs fois de tourments infernaux, mais comme nulle autre 
source ne nous on informe, peut-être ne devons-nous y voir qu'un développe- 
ment postérieur. 



IV 

MORALE ET RITES VALENTINIBNS 



Après avoir exposé la partie eschatologiquc du système de Valentin, il faut . 
maintenant nous occuper de-sa morale. En entrant dans cette nouvelle voie, une 
question se présente tout d'abord à nous : Que pensait Valentin de l'origine du 
mal ? Question importante entre toutes, car c'est pour la résoudre que la plupart 
des philosophes gnostiques ont forgé leurs systèmes. Pour répondre à cette 
question, nous sommes plus heureux que pour bien d'autres; l'auteur du 
Dialogue contre les Marcioniles nous a conservé de Valentin une page 
éloquente qui ne ressemble en rien aux élucubrations du traité gnostique 
Pistts-Sophiay et qui est bien digne de nous faire regretter la perte des autres 
ouvrages de ce philosophe dévoyé, auquel on ne peut refuser une imagination 
puissante et une intelligence grandiose. Nous allons citer cette page: on est. 
heureux de pouvoir reposer son esprit après tant de subtilités, de fantastiques 
légendes qui, bien que cachant un sens profond, ne laissent pas que d'être 
ennuyeuses, et ce passage donnera une idée du génie de Valentin. 

(( Me trouvant en bonnes dispositions, écrivait Valentin, je revins à ma 
maison. Le lendemain, je veux dire aujourd'hui, en sortant je vis deux 
hommes unis par le sang combattre Tun contre l'autre, le glaive à la main ; 



230 LB G.NOSTrCISMF. ÉflYPTIEN 

ils s'accablaient d'injures, s'efforçaient l'un t't l'autre de blesser leuradver- 
saire et de le ramener mourant. J'en vis ensuite d'autres qui commeltaîeut 
des forfaits plus atroces encore; l'un s'acliariiait sur nu cadavre, il avait 
exposé de nouveau au soleil un corps que la terre recouvrait déjà, il épuisai t 
ses outrages sur celte formo humaine qui u'était pas différente de la sienne, 
et finalement laissait le cadavre devcnii' la pâture dos chiens. Alors tirant 
son épée, il se précipitait sur nu autre de ses semblables. Celui-ci voulut 
chercher son salut dans la fuite, maïs l'autre n'arrêta pas sa poursuite et ne 
mit pas un terme à sa rage. Qu'ai je besoin d'ajouter ? Il se précipita sur lo 
milheureux, le frappa aussitôt de son épée; alors le patient tomba tout à 
coup àsesgeuoux, et tendit vers lui dea mains suppliantes, il voulait lui donner 
jusqu'à son vêtement, il ne lui demandait que d'épargner sa vie. Mais la 
colère du forcené ne so brisait pas, la pitié ne touchait pas son cœur; il no 
voulait pas se contempler lui-même dans l'image de son semblable; mais, 
comme une bête cruelle il apprêtait son glaive pour le dévorer : bientôt après 
uu second cadavre s'ajoutait au premier, tant était grande sa fureur. J'avais 
donc vu là un homme injustement opprimé, un autre homme dépouillant lo 
premier, lui enlevant le dernier de ses vêtements, et ne prenant pas même le 
Boin de le couvrir de poussière. A cela vint bientôt s'ajouter un autre spectacle : 
l'un essayait de tromper l'épouse de son voisin, il tendait des embûches à 
des noces étrangères et illicites, il essayait de faire envahir le lit d' autrui par 
celui qui était déjà marié, ne voulant pas le laisser devenir père légitimement. 
Alorsj'en vins à croîrcà la réalité de ce qu'ont représenté les tragédies, je 
fus persuadé qu'elles no mettent sous les yeux que la vérité. Je crois au désir 
d'Œnoraaus au milieu de son ivresse, je ne regarde pas comme une chose 
incroyable que deux fr Tes aient pu se combattre l'un l'autre. Ensuite au 
spectacle de choses si horribles, je me demandai quelle en était la cause, 
quel était le principe de tous ces mouvements humains, quelle puissance 
soufflait aux hommes de telles actions contre eux-mêmes, quel avait été 
l'inventeur de tous ces crimes, et qui les avait enseignés à l'homme. Et je ne 
pouvais pas trouver en moi la force de dire que Dieu était l'auteur et le 
créateur de tous ces maux. » 

Voilà certes de grandes paroles; on ne peut dépeindre plus éloquemment 
le spectacle des crimes qui déshonorent l'humanité, l'effroi d'une âme qui 



1,E GNOSTICISME EGYPTIEN 23i 

î à tant de forfails, qui an recherche la cause et ne pont la faire remonter 
jusqu'à Dieu. Cependant il fallait en trouver le principe. Valeutin continue 
en ces termes : « Je ne croyais pas que de Dieu le mal eût sa substance et 
la continuité de eou existence; car qui peut avoir dépareilles pensées sur 
Dieu? En elTct il est bon, il est le créateur des meilleures choses, rien de 
mauvais ne se trouve en lui. Il ne peut prendre plaisir à de tels crimes, il en 
défend l'origine, il rejette loin de lui ceux qui se plaisent à les commettre, il 
reçoit avec lui ceux qui les fuient. Commeut ne serait-il donc pas absurde de 
dire que Dieu a créé ces mêmes choses qu'il repousse? Il ne pourrait pas 
vouloir en ofièt qu'elles n'existent pas, si lui-même les avait créées le premier. 
Au contraire, il veut que ceux qui aspirent à monter à lui l'imitent en tout. 
Il me semblait donc tout à fait contraire à la raison do lui attribuer tout cela, 
comme s'il l'eût fait, ou comme s'il eut lui-même créé le mal, quand même 
il serait impossible d'admettre que quelque chose qui n'existe pas pût être 
fait. Car celui qui aurait fait exister des chosesqui n'étaient pas, ne les anéan- 
tirait pas maintenant ; ou, s'il faut nécessairement dire qu'il a été un temps 
où Dieu prenait plaisir à ces maux, à présent, comme il mo semble impossible 
de parler ainsi de Dieu, de même il me semble inconvenant de lui attribuer 
le mal. 

u C'est pourquoi il m'a semblé que le mal était inhérent à la matière dont 
Dieu a créé ce qui existe, discernant avec art et pradcuco chaque créature, 
l'ornant avec élégance j le mal me semble donc venir de la matière. Car 
lorsqu'elle n'était ni créée, ni formée, ni emportée sans ordre, lorsqu'elle 
avait besoin d'être travaillée par Dieu, celui ci ne lui porta point envie, il ne 
voulut point la laisser être toujours ainsi emportée, mais il mit la main à 
l'œuvre ; des parties les plus mauvaises de la matière, il distingua les plus 
belles, et c'est ainsi qu'il fit son œuvre de Démiurge. Tout ce qui, pendant 
sa création, était souillé de lie et par conséquent non apte à devenir une 
créature, il le laissait tel quel comme ne pouvant servir à rien. C'est de là, 
me semble-t-il, que le mal est venu pour les hommes'. » 



' ICI îiiTiOd; voiiiCw, in'i tÏ.v oiitiiv avjj^oipo-jv -niv e(iT|ï. Tj 3i i 
liifiin S-Jo riïi; ([n^EVît^, àvflpiinou; Xetbi, J"! Sian),ilttiîO|ifvoy; xa'i 
TTpô; ïiepov, îj fi' i5 jtiJn «(içniiitûaii ntipùiuvov tôv nijja-ioï. 'Hîii S£ ■ 
é; |iiv Tïp isxu).! vntpôv, xai li spuSlv iiir, vù(ix tï; yr,, itcUiv Util 



InisDpaupivDUC 2»,iiXai<, itipoii 




i232 T'K GNOSTIGISME éOYPTlBN 

Telle est cette page de Valentin : après l'avoir lue, on ne peut refuser au 
Gnostique la grandeur et l'éloquence ; mais que cachent cette éloquence et 
cette grandeur ? Il n'y a dans cette tirade sonore prise en elle-même que ce 
que nous pourrions appeler un effet trompeur d'optique. En effet quiconque 
lirait cette page sans avoir une connaissance suffisante du système valentinien, 
croirait y retrouver le dualisme platonicien : Valentin met le mal dans la 
matière,* il semble opposer cette matière à Dieu, mais ce Dieu cache Démiurge, 
cette matière est le produit des douleurs de Sophia : voilà pourquoi nous disons 
que cette page éloquente n'est qu'un subterfuge et une illusion trompeuse. Il 
répugne à Valentin do dire que Dieu a créé le mal ; pour échapper à cette 
extrémité, il place la cause du mal dans la lie qui restait au fond de la matière 
• dont Démiurge fabriquait les êtres, et il no remarquait pas que par là même 
il rendait Dieu responsable du mal, puisque la matière est une émanation de 

£/û6piCsv elxôvx popàvx'jTlv.aTix/.iicàiv Tàvvsxpôv* xb Sa Çtço; EyvpLvoj) xai Im tôv d(ioTov (ivOpbmov è^côprt. 
Kat |iàv çvY>, tt^,v (X£oTr,piav WQpisE-.v rjOsXev, ô Sa Siwxeîv ojx e;rauîTo, ovok toO OvpioO xparelv fjOe).e. Koti 
Ti 6îî kXsov Xfy-iv aXX' oti •/wpTi'Ta; lit' «Otôv eOÔéw; ïizoLKJt tw Ç''?£i' 6 $è IxIttqc tw 7c).r,<7iov cylveTO, xat 
•/EÏpx; IxST-'a; (â}i\'Zy xxi XTi^ jièv e<TO>,Ta 5io6vai fjOeXs, |iôvov os to Çr,v ê'/"'' tV-O'j' 6 oï o-jx èOpauero tôv 
8*j|xov, o-joï riXîEi TOV ofioysyr,, ouSi ixutôv ola xr,; eixôvo; Exeîvoy pxéweiv tîOeXev, àXX' w; aypio*; Or,p tio 
Ç'çei -rij; popî; fj-s'/ito' fjorj 85 xxi xè <Tâ)|xa xû 6(i,otr;) irpoafçîpe co)|iaxi xoaoOxo; y*P ^r' tw Oupiâ). K3t\ r^v 
i^sïv xôv jiV/ Ti5ixTi;x:vov, xôv oï Xot::bv (x^uXsOovxa, xa\ {jlt.os y'r, cxîiràîJovTa xô cûixa' xr.ç y«P eoOfjXOî 
£yv(i,v:o<T£. npo; 5î xojxoc;, £X£po; icpo(n;£i, ô; xoO iiXr,<7Îov Y'jxaî/a ;raîC£iv t;0£)£, Xr,«TT£'Ja)v y«{jiov àXXâxptov 
xx\ It:\ 'ïZTL'i'm'j.O'i x')iTf,7 X3a7tr,va'. TtapoppLwv xôv ysyxfi'jX'^"»» yyr,TiO'f Tixxipa ^évEiOai firi Oe)cov. 'EvxcOOe 
xxt xxï; xoxyfo5;a'.; Tt'.ixsJEiv r;o*/'S|xr,v, xai toOtô etxi, 01' o>v àXr/Jw; eSôxei fioi YEyovIvai. ]Ii(rrevci> xa\ 
,x9jv Olvo;xao"j ';rxoo;vov STtiO'Jixîav, xa; xf// xwv àos/çtov Six SCço'j; ^iXovîix-'av oOx airiorfi). To<roCxu)V xoivuv 
xxl xoioJxttfv Oîxxri; Y£'"ip^î''o; Èyw, îtôO-v xxOxx àvxîJ/jxEïv f.px'^l^''^'^* fi; 8à xxi t) x>,; xr/r^asb); a'jT&v 
i-sx^iî Kal xi; ô xoTxOra xxxx a/Oîroirov (i.-,-/aviïi«|i£vo;; tcôOîv te r^ Evp/;«Ji; aîxwv ; xa\ xi; ô xoOxtov dtSdcv- 
xxXo;; xx\ xô/ (lèv OeSv iroir,xr,v xoOrwv Àlysi^'» xoX{;a'' O"^'/ olo; xe r,v. 

*A».à {jiV/ oOo'i £$ ttjxoO xtjV •Jii6<jxa«jiv exîi*'» ojoè xf,v xoO eTvx: a-fixaTiv irco; yàp ouav xc tjv xxOra 
irEo'i ToO Oî>0 svvosïv ; i {iiv yi.î ayxOo; xx'i xtùv x;>:ixrôv.'ov T:o(r,Tr;;, xûiv 5,- çx jXwv «jXù) irpôffEffxiv ovdiv 
àXX' oj^ï xoî; xocouxo'.; •/«'•psi'' ^IçyxEv, airaYoprjEi 5': xxi xy,v y^ve<tiv ajxwv xai xoù; |i*iv xottpovra; 
xo'jrîi; àToSxXXsTX'., xîO; 0; çriY'ï'^'cx; ayxi irpodiExx».. Kal irto; oùx axoirov xôv Oeôv xoOxwv XéYeiv 
SrjiAiovpvSv, xôv xxOtx «xpx'.xovpLEvov ; Oloï yi? î'' soo'/eto (xy^ eivxi xxvxa, eI irpùxo; xjxûv iroiTjTiJi^ 
CicriyÂi'ê xirô;. To'^; yi^ irpofj'ovxx; ajrw, (i.iji'jrx; «jxÔ) y^vêtO*! Oi).Ei. "OOev (xXoyov êôei^ev eîvai |&ot 
xxOtx TupîffirrE'.v a KO, rj tu; £$ ajxoO yîV'*''Ôtx, r, (ii xi pLcxXiTrx (Jvy/wpi^TEiv eÇ oOx ôvxoiv ôwarov 
clvxt xS yEvîtOx:) o:t xx\ xx xxx'x £iro{yi7îv aixô;. *0 yip ê>c xoO 6-jx EÏvai ei; xb Eivai xjxà 7toir,crx;, o-jx 
âv Ix xoO EÎvxi ayr,p«i iriXiv tj eI xoOxo àvaY>t'; Xfystv, w; r,v ttoxe xaipô;, oxs xotc xxxoï; lx:Lipv* à Osiç 
vOv ô:, Zizîy iojvxrov eîvaî |xoi ooxeî, Xe'yeiv xxOxa ir£p\ OîoO, àvotxstov aOxoO x/,; çOœeo); xoOxo TrpofTOip* 

A'.ôitîp Ï6î;i' ji.oi(Tr;u:ràox£tv x£ ajxcô, o> xo'Jvojax OXr,* i$ f,; xx x'Jra èorjfi'.oOpYrjiE, xl'/vr, (ro?î; Stzxptvac 
xx\ 5:xtxTrr,Tx; xxXo;, i; f,; xxi xà xxxx eIvxi 3oxîî àiroir,xoj yào xx\ xTXyipi.axiiTxo-j ovVr,; aixy,;, itpôç 
SI xoStoi; xx: àrxxrw; ^ipvkié;;, o20{i:v/;; xâ x',; xoO OeoO ^iy^iri;, ojx cçOôvrjTEv oCxo;, oOo* oianavxôç 
xxTxXMtiîv «K.V/ o!îr:o çioîtOxi, à/Xx oï)|jlio-j pysiv f,ox^TO, xa\ àTr'i xcô/ •/-9'''"'*»'' xixr,; xi xiXXiTra 
ZiTipintf ïW.Zf xx: ojc'j) yojv EorjaiojpyrjTs. Tx 0' oTa ajxr,;, ut; ettoîe'., x;>jy(oor, exûyxavs, xxOxx àvsp- 
li-ïjrx ovTX ii;/ô; O)rj:i.:oj^y:xv, w; zlyi^ xxxe'X£i»Vî» î^xt' oOoîv a^xo irîOTr/.ovxx. 'KÇ fov ooxeî |ioi vOv icatpx 
àvOpuicot; ETTippîî/ XX xxxx. {Grabe, iSpicil. hxr, sœc.f II, p. 5"/. — yljjwrf. Tarr. f/r.-fr., l. VI I» 
col. 1273-1277.) 



LE GS08TICISMB EGYPTIEN 



233 



la Sophia extérieure, qui elle-même est une émanation de l'autre Sophia dont 
la génératioD remonte on ligne directe au Père Incréé. Valentiii tombait donc 
fatalementdans ce qu'il voulait éviter; pas plus que ses prédécesseurs dualistes 
ou paothéistes, que ses successeurs modernea ou contemporains, il ne pouvait 
échapper à la nécessité logique d'uu système basé sur l'émanation. Ou a beau 
multiplier les intorraédîaires, changer les noms, éloigner la conséquence 
de la cause, c'est toujours la même chose au fond, la même conséquence et 
la même cause. Et il faut bien remarquer ici que nous n'expliquons pas 
arbitrairement le texte en voulant trouver Démiurge sous le nom do Dieu, 
Valenlin emploie lui-même l'expression ; quand il parlé do la création faite 
par ce Dieu, il dit : Il fit l'action de Démiurge {È5-nutevfiynijs) . De plus un texte 
de Clément d'Alexandrie nous apprend que Démiurge étaitappelé simplement 
Dieu dans le système valcntinien, ou image de Dieu, prophète de Dieu' : 
l'auteur des Philosophumena lui-même emploie re,^pression, comme on peut 
le voir dans l'un des textes cités plus haut *. Il n'y a donc pas de doute possible : 
Valenlin n'était pas dualiste, en donnant au mal la matière pour cause, c'était 
à Dieu lui-mome qu'il en faisait remonter l'origine, et en cela il ressemble à 
tous les autres Gnostiques qui nous sont déjà connus : puisque la matière 
n'était due qu'à la défaillance d'uu feon divin, le mal était dû lui-même à 
cette défaillance primitive d'un êli'o dont toutes les choses inférieures étaient 
émanées. 

A la question de l'origine du mal se rattache la question non moins impor- 
tante de la volonté, de la liberté humaine : en faisant remonter jusqu'à Dieu 
la cause du mal, Valentin pouvait-il laisser à l'âme la liberté de choisir entre 
le bien et le mal î Gela ne paraît guère probable; d'ailleurs avec sa division 
des hommes en pneumatiques, psychiques et hyliques, avec son élection par 
nature, il n'est pas possible de croire qu'il enseignait la liberté de l'âme 
humaine. Toutefois, nous ne trouvons aucun témoignage précis que nous 
puissions affirmer venant de lui, mais eu revanche nous connaissons l'en- 



' llipi Tq'JTDU ToO Q<iO iiihi jlviTieTxi. ypà^uv ajiii; Xlliiir 'Oiclirav îXiiTW t\ itxûv toO ïùivto; 
HîoiÙKîv, toooOtov ^iiïibv i ii.i(T[i5: tj5 'ûvts; al'dvs;. Ti; oîv altii Tfl; lixôvo;; [H/alooûïT) toQ 
K^sndTigu, nipuT^t^'""' ^^ Ktoipàfif ti' z'jini, ïi3 Titt.i]')^ S'' duàiii-ni; a-jioO. Oj yk^ oijCIevtixiA; EÙpiOt) 

in nii()ia9|u>o-j. (Clem. Alex-, Slron., Ub. IV. ~ Pair, grxc, I. VIII, ool.), | 

» Cf. PMbu .;■.-. VI, n. 36, p. !91. 




231 I.E USOSTICISME KQYPTIEN 

seignement de l'école orientale [iciidant sa vie, et nous voyons que celte écolo 
enseignait le fatalisme, ce qui est tout à fait conforme aux données du système 
tel que nous le connaissons et tel qu'il était certainement dans ses lignes 
générales. « Lo destin, disaient les Valentiniens, est le concours d'un grand 
nombre de vertus contraires. Ces vertus sont invisibles et obscures, c'est à 
elles qu'est confié le soin de diriger le cours des astres par lesquels elles pré- 
sident à tous les événements et les dirigent. Comme chacune d'elles est 
emportée dans le mouvement général du monde, elles dominent sur tout ce 
qui aétéfait dans la même sphère do mouvement, comme si toutes les créatures 
enveloppées dans ce mouvement leur appartenaient '. » Le destin dépendait 
donc des puissances qui présidairint aux astres; qnantaux astres eux-mêmes, 
ils n'ont aucune inllucnce, ils nu fo;it qu'indiquer la force dos puissances 
dominatrices^. 11 y a sept planètes qui entrent dans les douze signes du 
Zodiaque j le lever de ces planètes est dirigé par les puissances , elles indiquent 
le mouvement de la matière pour la génération des animaux. Les planètes 
comme les puissances sont bienfaisantes ou malfaisantes, favorables ou 
sinistres^. Souvent il y a lutta entre ces diflFérentos puissances; Dieu nous 
délivre alors par le secours de ses angod, dont les uns combattent pour nous, 
les autres contre nous, semblables à des soldats envoyés à notre défense ou à 
des voleurs *. 

Ainsi non seulement l'école orientale valentinienne enseignait le fatalisme, 
mais elle enseignait encore le plus absurde des fatalisraes, le fatalisme astro- 
logique. Si tout est réglé par la conjonction, le levei- dos astres, leur entrée 
et leur position dans l'un dos douze signes du zodiaque, il est évident que la 



> '3 tl|iip^!vf); (Sil aJvoSo; 

TÎKvuv. [_E£eai-p. Theod., a. ( 
Tf(c ^ivtoiu; xai nfiataitii-ja.- 
» Tj lOHuv Hwxîio î'oSix. xil ol alîi inii 

nsn), tiSiiAi à^'.itiM'.' Hi x^nii ^6 Tixtâiiivtv. {Ibid., n. "ïi .) 

* 'Arï TiJiii; Ti: icxTi'ii: xxl lii^i; tSi Xj-iiii-.un à Kûpta; fiiii; ^iiui, xi\ itipl^d tv]*' 'Ip^v^v 
àirt -rii; tSv 5Jii\L'.iai xai tr,! tiv '.KfliXnn iii.pt.tâitm;, S'' ol ùtïp i-liiiv, et 3i «ifl' ri(iûiv iripaiiio- 
asvt«i' dI |iïv •(•f) aijïXTtûixt: ioixxii, vui^xx^Oil; tulîi, lù; î ÏTiEp^iai; "'oO, ol ik ^noioit;. {Ibiât, 
o. 7i.) 



kuv «li èïivTi'uiv S-jvi[iiBiv hIti'i 5Ï iWiv iipxtoi x«\ iscitvtï; imipo- 
1 îi' (Ki(ïio» «olittuoiiivii. Kxîi ïàp ïxxTtov aOrûï ïçOixîï tÎ| toO 
n xït' B-lfî|V t>,v poitfli ïivD|i£vù)ï liiTix»* TT,v (BixjàTtiav, u; kÙtoO 
- pair, gage., I. I.X, col, 692.) 

ig^nidv ÏTvput &iitlT>JTKJ sïpicgi juvàiiiL; Itio^oOiuvu, ia|j.i(ÙBU<n 
Si âiTipx a-jTi |ti« ojjii noiil, Sii'xvuai Si tf|v Bvipfiix^ lùv xuplwv 
I Ti, vi-iS itsHf. (Ibid, n. 70.) 

Irtx âiTi,»;, TQiï |ii/ a-jvsJ; Jovt:;, rsTi 3i 6it«cx- 

îi;ini-., »:■! )i;v Tfl; D-îiii; S/fi.i'iif.-i li; ïiïnriï tûv 

xii ot 5uvi[iEi;' àyxBoiC'fiDl, xmo- 



LE ONOSTICISME EGYPTIEN 



235 



liberté d'actioa n'a rieii à faire avec rhomme qui ne fait que correspondre aux 
signes astrologiques. Cependant si te destin dominait la vie de l'homme d'après 
cette théorie gQOStique, il perdait son pouvoir à l'heure du baptême, c'est- 
à-dire à l'heure où l'âme était illuminée par la Gnose, car le baptême n'était 
pas seulement la purification qui rend l'homme à la liberté, mais aussi la 
science qui lui enseignait ce qu'il avait été, ce qu'il était devenu, où il se 
trouvait, d'où il venait, où il allait, comment il avait été racheté, et enfin ce 
qu'étaient la génération et la régénération *. Toutefois celte illumination qui 
rendait :i l'âme la liberté n'était pas un effet infaillible du baptême, car souvent, 
au moment où le catéchumène gnostique descendait dans la piscine baptis- 
male, certains esprits impurs descendaient avec lui, revenaient avec lui 
possesseurs du sceau de la Gnose, et le rendaient inguérissable pour toujours'. 
Que nous prouve donc tout ceci ? sinon que la liberté de l'âme n'était comptée 
pour rien dans le système valentinïen, que la Gnose était avant tout une 
œuvre d'élection, et que même elle ne suffisait pas toujours à purifier le 
psychique de toute influence hylique ou démoniaque, puisque même après le 
baptême guostique certains hommes pouvaient être hyliques pour toujours 
et ne jamais participer au bonheur que promettait la Gnose à ses adeptes. On 
voit que nous retrouvons ici la doctrine exposée plus haut des appendices de 
l'àme recevant les Xsysi ou les démons, et toute notre appréciation de ce point 
reçoit une nouvelle contirmalion. 

La suite nécessaire du fatalisme est la non-responsabilité de l'homme : si 
tout doit arriver fatalement, s'il n'y a pas un libre choix pour l'homme entre 
le bien et le mal, si l'âme doit être sauvée ou perdue selon les conjonctions 
des astres, l'homun n'a qu'à se laisser aller à la dérive sur le fleuve de la 
vie, il ne fera ni plus ni moins que ce qui est marqué par le destin, il sera 
sauvé ou perdu malgré lui. Il nous est évident qu'un tel enseignement dut 
être le corollaire du système valentiuien : d'ailleurs, c'est la doctrine morale 
de toute la Gnos; depuis Simon le Mage jusqu'au dernier descendant du 



'jia S'jx Ît'i k/rfii-jvioii si àiTTp«- 
.aïiy-flïiî. llbid.. Q. 78. — Id„ 



^ifoi. 'Eon a au to Ib'j :iàt jiâvov ta ().iuSip(>ûUi à).li ml y\ yv<3>î 
f| i[«3 ÊviSl^Siiiuv, «aO <;.:>ùSa|i:f, nifiiv XuTpi'J(iEAxi ti ylyitiiti;, ti 
col. 093-696.) 

''Em TÔ pà«ti5)iï xi;j,vTi( tp^eoSni xpooflxiv 'AW tirt'i icoïSuiïi! auy%aTataWti ti»i x»'i àxâSïpia 

T^ %ap^ «v|iiiX»iTai fiCi;, Ivn Tit ii4*oc xnSipi: «Otô; xit^XS;. [Ibid,, n. 83, col. 096<) 




23g le OKOSTICISME EGYPTIEN 

dernier maître gnoslique. Si l'école orientale valenlinienuc posait le principe, 
et elle le posait comme le montreut les textes que nous avons cités, elle ne 
devait pas renier la conséquence : quant à l'opinion propre dtj Valentin, nous 
ne pouvons en rien l'affinner, car les témoignages nous fout défaut. Cepen- 
dant nous savons qu'il enseignait que certaines âmes étaient élues, c'est-à- 
dire sauvées par nature, que d'autres au contraire étaient hyliques et sujettes 
à une perte inévitable. De là à enseigner l'inutilité des œuvres, il n'y a 
qu'un pas, et ce pas peut être franchi bien facilement. Il est certain que les 
disciples de Valentin n'ont pas échappé plus que les autres Gnostiques aux 
accusations les plus graves, mais il est aussi certain que Valentin n'enseignait 
pas la promiscuité, et ne mettait pas le mariage au nombre des œuvres de 
Satan. Clément d'Alexandrie dit en projires termes: « Los disciples de Valentin 
qui ont enseigné l'émanation par syzygie tiennent le mariage pour hono- 
rable *. Si donc les disciples de Valentin se sont départis plus tard de cette 
moralité, il ne faut pas en faire remonter la faute au maître, mais nous 
devons avouer que l'inutilité des œuvres pour le salut ouvrait la porte assez 
grande à toutes les corruptions. 

Voilà tout ce que nous savons sur la partie morale de l'enseignement valen- 
tinien, c'est peu de chose ; nous on savons encore moins sur les pratiques ou 
le culte des adeptes. Si l'on excepte le baptême dont nous venons de parler, 
on en est réduit à de simples conjectures. Sur ce baptême lui-même, nous 
avons peu de détails; nous savons seulement qu'il était prescrit de le recevoir 
avec joie*, qu'il était d'une double nature; sensible et se donnant par l'eau, 
il avait la vertu d'éteindre le feu sensible ; spirituel et conféré dans l'esprit, 
c'était le remède pour chasser tes démons de l'âme où ils habitaient ^ Pour 
conférer ce baptême, les Valentiniens se servaient d'eau que l'on avait à 
l'avance purifiée par des exorcismes*. Enfin, on voit dans les Extraits de 



< 01 11» oïv àii|i'i TÏv O'JiXivt'ivov, âi 

ToOïTïi ïitiw. {Sti-om., Ub. III, cap. - 

' Cf. page prëcédente. UDie dorniéra. 

* Kal TO pâtrioiix oiï îutloSv ivaiiïun, tô |j,i» «IoDiitû» iC < 

Tpofï) %a.\ ùii!mii'i[ta yittxai, iliyov S*- ni-tî» Ik ittà^vov, • 
'i)(ilv Rv[ù|i3, àiiw|j.>T9V iv, au rtmxtlar' |j.ôvuv, àXXi xal i-jvi(Ui 
Theod.. a. SI. — Pair, grtte., U IX, col. Ô96.) 

* Olrw ml ti Ciup xii ij ii'}fxi^i\i.tii>i xï'i t'a pimioiiï i-(ïÔ| 
Kl! irtaoïiiv KftaXa^tiusi. {IbH., n. 8Î.) 



iipiov ni^iuït. T'i Si âvuSev jotiv 
«Tti «ïl â[)-/ùiv noviipûï, (Exe. 



■; ^iv. 



/upel 



' Z»'P 



. im 



I.E GNOBTICISME ÉOYPTIEN 237 

Théodote que les disciples de Valentin faisaient usage d'iiuile et de pain bénit 
ou sanctifié *, ce qui pourrait être quelque allusion à des rites rappelant l'Eu- 
charistie ou l'Extrême-Onction; qu'ils avaient des jeiînes, qu'ils priaient les 
mains étendues et faisaient de fréquentes génuflexions^. 

Eu résumé tous ces détails nous laissent dans une grande ignorance de la 
composition intérieure de la Gnose vatentinienne, et bien des choses qu'on 
aimerait à savoir demeureront inconnues pour nous jusqu'au jour où quelque 
heureux hasard fera sortir de la poussière des bibliothèques orientales un 
rituel ou un traité gnostique nous exposant le système dans son entier. Mais 
cependant parmi ces questions pour le moment insolubles, il s'en trouve une 
qui se présente avec une insistance particulière et sur laquelle nous pourrons 
peut-être jeter quelque lumière; cette question est celle-ci : Y avait-il dans 
les sectes valenliniennes des degrés d'initiation? Au premier abord, elle 
semble tout aussi insoluble que les autres, car nous n'avons aucun témoignage 
direct qui puisse nous suggéreruue réponse affirmative ou négative. Toute- 
fois malgré celte absence de témoignages directs, nous ne cacherons pas que 
nous sommes fermement persuadé que dans le Valentînianisme il y avait des 
degrés d'initiation, et nous allons essayer de donner ce que nous croyons des 
preuves sutÏÏsantes de notre persuasion. 

Il demeure acquis, nous croyons l'avoir prouvé, qu'avant son départ pour 
Rome, Valentin comptait déjà un grand nombre de disciples, et que sa 
doctrine s'était répandue dans la plupart des contrées de l'Orient romain, 
nous avons entendu saint Justin l'avouant et l'expliquant au juif Tryphon. 
Ces disciples devaient se réunir dans chaque ville pour se fortifier dans la 
Gnose, participer au culte valentinien ; nous n'avons aucun témoignage 
positif dans ce sens, et cependant il est impossible qu'il en fût autrement. 
Valentin était un homme, un homme de son époque, subissant l'influence 
des milieux et cédant à l'entraînement général, son système le montre 
suffisamment ; il a donc dû donner à ses disciples les règles de conduite 
ordinaires à toutes les sectes, à toutes les écoles philosophiques qui réunis- 
saient leurs membres pour expliquer et graver plus profondément dans 




îX^çBi, àWi îu»â|Ui ii;îûïï|iii. jr«ï-J|i«TU(iiï '«•Ëi^'-IT»'- llbîd. a. Bî.) 



238 LE ONOSTICISME ll:CYrTlEM 

l'esprit ou Id cœur les dtiïéri?ute5 parties du système. L'homme a toujour^ 
3ubi cette loi qui u'a jamais été plus forte qu'à l'époqne des Guostiques. Une 
autre loi qui a toujours été pratiquée est celle du secret : nous avons entendu 
Basilide recommauder à ses disciples de tenir son enseignement secret, de 
coaaaître tous les hommes et de ne se laisser connaître à personne. La 
religion chrétieuna elle-même n'a pas échappé à celte loi ni à la précédente : 
chacun sait à quel rigoureux silence les premiers chrétiens étaient tenus sur 
les dogmes et les mystères de leur doctrine et de leur culte ; toutes les 
religions, toutes les écoles ont grandi d'abord dans l'ombre du mystère 
avant de s'étaler au grand jour, de se soumettre ou de s'imposer au juge- 
ment du monde. Eufin une troisième loi est celle des degrés d'initiation ; 
on ne se trouve pas jeté tout d'un coup au milieu d'une doctrine quelconque, 
il y a des degrés à franchir, des stations à faire avant que le voile de l'ini- 
tiation soit entièrement soulevé aux yeux de l'adepte dans quelque doctrine 
ou religion que ce soit. On connaît les mystères du monde païen qui ne 
couvraient d'abord qu'une initiation plus profonde dans les doctrines qu'on 
ne livrait pas au vulgaire. L'Egypte en particulier avait des doctrines 
secrètes dont les prêtres seuls possédaient la clef. Lorsque la religion chré- 
tienne eut fait le premier pas dans sa conquête du monde, elle dut elle aussi 
soumettre ses fidèles à un temps d'épreuve avant de leur confier la plénitude 
de sa doctrine, de les admettre à la participation de ses mystères les plus 
cachés parce qu'ils étaient les plus saints. Jésus-Christ en fondant la religioa 
clirètiennî n'a pas changé la nature humiinj, il ne lui a pas donné un 
caractère nouveau, n'a pas détruit toutes ses lois pour en imposer de nou- 
velles; il s'est au contraire servi de la direction, de la pente naturelle au 
cBur humain pour l'attirer à lui et chiugsr en l'améliorant ce qu'il ne 
voulait pas détruire. Sa doctrine en s'adressant aux hommes prenait les 
hommes tels qu'ils sont et tels qu'elle les trouvait: si une coutume n'était 
pas essentiellemant mauvaise, si elle pouvait être détournée de son sens 
païen pour êtrj modifiée dans le sens chrétien, les premiers fondateurs de 
l'Église s'en servaient, et bien loin de rejeter ce qui était ainsi passé dans 
les mœurs humaines, ils le faisaient entrer dans les mœurs chrétiennes en 
en changeant la siguitication. C'est pourquoi, comme les hommes de l'ancien 
monde se trouvaient arrêtés au seuil des mystères païens, n'y pénétraient 



r,E ONOSTiCISMU liGVPTIRS 939 

que par degrés, ainsi les homines du monde nouveau s'élevaiU sur le monde 
ancien étaient eux aussi arrêtés au seuil des mystères chrétiens par un voile 
qu'on levait graduellement à leurs yeux. Golto mauioro d'agir est fondée sur 
la nature la plus intime de l'homme ; aussi, co n'était qu'après avoir passé 
par l'admission au catéchuménat, par le catéchnménat lui-même que les 
aspirants au christianisme devenaient frères et fidèle^. Cest une chose bien 
établie. Si donc telle est la naturû humaine, si telles étaient et avaient été 
les coutumes des contemporains et des prédécesseurs de Valentin, comment 
et pourquoi Valcutîn auralt-il échappé à des lois auxquelles tous les fondateurs 
de systèmes s'étaient soumis avant lui et se soumettaient autour de 'lui? 

Ces raisons ne noils semblent pas à dédaigner et elles suffiraient à elles 
s:;ules pour nous p^r^uader qu'il y avait des degrés d'initiation dans )a Gnose 
valentinienne : mais nous avons des preuves qui touchent plus directement 
au sujet. 

' Nous avons vu déyi\ que les Valentinieiis avaient leur baptême parti- 
culier , que par ce baplènic ils devenaient parfaits , qu'ils recevaient le 
Sceau de la doctrine. C'était là le complément dernier de l'initiation, mais 
il y avait des degrés précédents à franchir. Les Exlraits de Théodote nous 
fournissent sur cj sujet un texte qu'il est difricilc d'expliquer autrement; 
nous y lisons en effet que « l'âme lîdole portait en elle-même les stigmates 
du Christ lorsqu'elle avait i-eçu le sceau de la vérité »'. Ainsi l'àme pouvait 
être fidèle sans avoir reçu- ce sceau de la vérité dont la seule mention ndU'3 
met sous les yeux les rites de l'initiatiou antique ou moderne. Notre première 
affirmation est donc confirmée. Mais si telles étaient les coutumes valent 
tiniennes, s'il y avait véritablement initiation dans ce système, ne pourrions- 
nous pas savoir quels étaient les degrés de cette initiation? Nous répondrons 
à cette question par un texte de saint Épiphane, texte laissé dans l'ombro 
jusqu'ici à cause de l'originalité même des renseignements qu'il contient.- 
Ce t.'xte est pris de sa viugt-sixièmo hérésie qu'il appelle hérésie des Gnos- 
tiques et dont il fait une secte séparée. 11 est évident que c'est à tort ; mais, 
comme l'évéquo de Salamine avait une foule de détails également communs 
à toutes les sectes, il les a réunis dans un tout et a formé une hérésie des 



{Exe. Thaod., n. \G, — i><itr. grite., t. IX., i 



I. 697.) 



afpiymf.1. 



5 Xp.» 




LE GNOSTICISME ÉGYPTIEN 241 

les nommait ainsi à cause de Tobscénité de leurs mœurs. L'explication est 
plausible, mais ce serait le seul exemple d'une secte ayant tiré son nom de 
l'impureté de ses mœurs à cette époque où la civilisation païenne était ce 
que tout le monde sait. Ne serait -il pas plus probable au contraire que nous 
aurions là le nom des gnostiques encore au premier degré d'initiation, 
tenant encore à la matière parce qu'ils n'étaient qu'au premier pas de la 
Gnose, hyUques en un mot ? Il nous semble que la chose est assez vraisem- 
blable, quoique néanmoins il eût pu se faire que cette secte reçût son nom 
de l'obscénité de ses coutumes. Mais dès la seconde appellation toute expli- 
cation de ce genre est impossible. En eflFet ce second nom Koddiavol est tiré 
d'après saint Épiphane du mot syriaque KoSSd qui signifie plat, et les 
Koddiovol sont ainsi nommés parce qu'ils mangent toujours seuls à cause 
de leur vie impure ; et cependant l'évêque de Salamine nous parle de 
gens qui habitent avec eux, ne prenant pas garde que la cohabitation avec 
de tels hommes n'aurait pas moins souillé une réputation sans tache que 
l'action de prendre un repas avec eux. D'ailleurs est-il vraisemblable que 
toute une secte ait été ainsi retranchée de la société par un accord tacite, 
sans que la réprobation publique ait pris soin de garder la moralité commune 
d'atteintes aussi brutales et aussi criminelles que celles qui sont rapportées 

9 

par saint Epiphane. Nous devons avouer que cela ne nous semble guère 
probable, et qu'il est bien plus vraisemblable que nous avons là un degré 
plus élevé d'initiation où les adeptes, indignes encore de recevoir la nourri- 
ture commune des pneumatiques, étaient relégués au rang de simples 
auditeurs, ou même à une table séparée dans ces agapes plus matérielles qui, 
chez les Valentiniens comme chez les païens et les chrétiens, devaient suivre 
les réunions nocturnes. Le troisième nom donné par le texte est celui de 
Militaires ou Soldats (2tp«t«wt«xo«) ; encore ici, il n'est pas possible que 
ce nom soit la dénomination d'une secte particulière ayant une doctrine 
propre et des rites particuliers. Si Ton veut au contraire remarquer que ce 
nom de Soldat est un des degrés d'initiation en usage dans le culte de 
Mithra, on ne sera pas éloigné de la vérité en pensant que, chez les Gnos- 
tiques, ce mot avait la même signification. En efiet, parmi les sectateurs du 
culte de Mithra, l'initiation était pratiquée sur la plus large échelle, les 
degrés en étaient nombreux, car il n'y en avait pas moins de huit dont voici 

31 



LE ONOSTIClsMli BGYPTtKN 939 

que par degrés, ainsi les hommes du moade nouveau s'élevaàt sur le monde 
ancien étaient eux aussi arrêtés au seuil des mystères chrétiens par un voile 
qu'on levait graduellement à leurs yeux. Cette manière d'agir est fondée sur 
la nature la plus intime de l'homme; aussi, co n'était qu'après avoir passé 
par l'admission au catôchuraénat, par le catèchnraénat lui-même que les 
aspirants au christianisme devenaient frères et (idoles. C'est une chose bien 
é(al)lie. Si donc telle est la naturC humaine, si telles étaient et avaient été 
les coutumes des contemporains et des prédécesseurs de Valentiu, comment 
et pourquoi Valeutin aurait-ll échappé à des lois auxquelles tous les fondateurs 
de systèmes s'étaient soumis avant lui et se soumettaient autour do *lui ? 

Ces raisons ne nous semblent pas à dédaigner et elles suffiraient à ^lies 
seules pour nous persuader qu'il y avait dos degrés d'initiation dans la (înose 
valentinieune : mais nous avons des preuves qui touchent plus directement 
au sujet. 

' Nous avons vu d^à que les Valontinicns avaient leur baptême parti- 
culier, quo par ce baptême ils devenaient parfaits, qu'ils recevaient lè 
feceau de la doctrine- C'était là le complément dernier do l'initia lion, mais 
il y avait des degi'és précédents à franchir. Les Extraits de Tiiéodote nous 
fournisseiit sur co sujet un texte qu'il est difticilo d'expliquer autrenient; 
nous y lisons en eSèt que « l'âme fidèle portait en elle-nièmo les stigmates 
du Christ lorsqu'elle avait recule Sceau de la vérité »'. Ainsi l'âme poirvait 
être fidèle sans avoir reçu-ce sceau de la vérité dont la seule mention noU'$ 
met sous les ydux les rites do l'initiation antique ou moderne. Notre première 
aftirmation est donc confirmée. M;)is si telles étaient les coutumes valen- 
tiiiiennes, s'il y avait véritablement initiation dans ce système, iio pourrions- 
nous pas savoir quels étaient les degrés de cette initiation? Nous répondrons 
à cette question par un te,\te de saint Épiphane, texto laissé dans l'ombre 
jusqu'ici à cause ds l'origiiialitè même des renseignements qu'il contient; 
Ce t >xte est pris de sa vingt-sixième hérésie qu'il appelle hérésie des Gnos- 
tiques et dont il fait une secte séparée. Il est évident que c'est à tort ; mais, 
comme l'évèque de Salamin-i avait une foule de détails également communs 
à toutes les sectes, il les a réunis dans un tout et a formé une hérésie des 




{,Sxe. Theod., a. IC. — Pair, gr»:., t. IK, col. 6Q7.] 



LE ONOSTICISUE EQVl'TiEN 



Giiostiques. M. Lipsius rattaclie celte hérésie à celle des Nikolaïtes ; nous 
ne voyons pas qu'il ait raison ', et nous nous permettons de soumettre une 
autre explication. On ne trouve eu effet dans cette hérésie aucune partie 
doctrinale proprement dite : saint Épiphane ne fait qu'y parler des mœurs 
de la secte et des livres ou évangiles apocryphes dont elle se servait. Les 
mœurs dépeintes sont horribles, révoltantes'; nous voulons croire pour 
l'honneur de l'humanité qu'il y a là peut-être quelque exagération; nous 
croyons d'ailleurs que ces mœurs n'étaient pas celles de Valentin, mais il 
faut avouer cependant que l'évêque de Salamine n'a pas plus inventé les 
8cènes d'horreur qu'il décrit ]que les livres apocryphes qu'il cite. Or parmi 
les noms différents qu'il donne aux membres do cette sect;;, il ou est plusieurs 
qui doivent frapper l'attention et que nous allons citer, car c'est là le texte 
dont nous parlons. « De là, dit saint Epiphane (de la corruption de leurs 
mœurs) quelques-uns les ont appelés M^pzoatMs'. , c'est -à dire immon- 
dP3 comme la boue: d'autres les appellent KoJ^îia'^s:. Or KoSài est un mot 
syriaque signifiant plat ou plateau, on les appelle ainsi parce que personne 
ne mange avec eux, mais on les sert à part comme des êtres souillés, et nul 
ne voudrait rompre un morceau de pain avec eux à cause de leur vie infâme. 
C'est pourquoi, ceux qui habitent avec eux les appellent VioS^imoi , comme 
s'ils étaient rejetés de la société humaine. Los ra(im?s sont nommés Militaires 
et Phibionites e:i Egypte (2T/)aîi<d:i/.a! et ^tciui/Irat), ce que nous n'avons 
pas dit plus haut. D'autres enfin so:it appelés Zaché^n^ et \i:xp:ri'Xhat ". » 
Tel est ce texte : nous Talions soumettre à la critirjuc la plus sévère afin 
de voir ce qu'il signifie, si les noms cités par saint Epiphane ont bien la 
signification qu'il leur prèle, s'ils désignent véritablement dos sectes distinctes 
ou s'ils ne nous donneraient pas plutôt quelques-uns des degrés de l'ini- 
tîatiou guostique. L'î premier nom est celui de ^optopcxvo'., saint Epiphane 
l'explique en disant que le mot grec BapSofs; signifie boue, limon, et qu'on 



e ralrouve dans le trailë giiosllque U'Oiford, 



" 1 Zut Quall*iikrilik dss Epiph»niû«, p. 102-109. 

■ Iji chose lu plus horrible, citée par saint É|>]]iliaii< 
mot pour moL 

T*|v Ivpiniriv SiaiintOï «apoijii;, ij TpuSiîa», ànb Toi (Iti S^voirfa: tiï> |iît' a-jiûv ItV.tw. Kit' lî!a» Sï 
tbI; |i![[np»iiEïoi: 31îoaSai ïi pplipiiTa, «il (t^tna îvïïoSïi «iv «jtaî; 3ii ti-' |io>iio(i(>v xîv ïpTOi it\n- 
tai'.tii. A-'oL TOI laita àfbiy.a^Ua-jt lo-jiau; ^faùriivoi ol su(i|'iToiitoi KoâSiavaù; inhivô(iaai>. 01 aùtsl 
iï 'cv WipitT^ ZTpxnwTiKoi naïoOvtii xit 4>i$iuiï[ai, <ii; Siia v-oi ii ^ipi> Ï£>.t«Tii. Ti'l; Si auTO^t; 
Zn;(aiau( xaXgtoiv, >lk)Di 3iGapCi|liTX'.i (Epiph,, ktir., Si, n. 3.) 



LE GNOSTICI! 



EGYPTIEN 



2J1 



les nommait ainsi à cause do l'obscénité de leurs mœurs. L'explication est 
plausible, mais ce serait le seul exemple d'une secte ayant tiré sùu nom de 
l'impureté de ses mœurs à cette époque où la civilisation païenne était ce 
que tout le monde sait. Ne serait-il pas plus probable au contraire que nous 
aurions là le nom des gaostiques encore au premier degré d'initiation, 
tenant encore à la matière parce qu'ils n'étaient qu'au premier pas de la 
Gnose, hyliquos en un mot ? Il nous semble que la cbose est assez vraisem- 
blable, quoique néanmoins il eût pu se faire que cette secte reçût son nom 
de l'obscénité de ses coutumes. Mais dès la seconde appellation toute expli- 
cation de ce genre est impossible. En eJTet ce second nom KaWiawoi est tiré 
d'après saint Épiphane du mot syriaque KoWa qui signifie plat, et les 
Ro^ijiavoi sont ainsi nommés parce qu'ils mangent toujours seuls à cause 
de leur vie impure ; et cependant l'évêquc de Salaraine nous parle de 
gens qui habitent avec eux, ne prenant pas garde que la cohabitation avec 
de tels hommes n'aurait pas moins souillé une réputation sans tache que 
l'action de prendre un repas avec eux. D'ailkurs est-il vraisemblable que 
toute une secte ait été ainsi retranchée de la société par un accord tacite, 
sans que la réprobation publique ait pris soin de garder la moralité commune 
d'atteintes aussi brutales et aussi criminelles que celles qui sont rapjwrtées 
par saint Epiphane. Nous devons avouer que cela no nous semble guère 
probable, et qu'il est bien plus vraisemblable que nous avons là un degré 
plus élevé d'initiation où. les adeptes, indignes encore de recevoir la nourri- 
ture commune des pneumatiques, étaient relégués au rang do simples 
auditeurs, ou même à une table séparée dans ces agapes plus matérielles qui, 
chez les Valeutiuiens comme chez les païens et les chrétiens, devaient suivre 
les réunions nocturnes. Le troisième nom donné par le texte est celui de 
Militaires ou Soldats (SrparjwnMÎ) ; encore ici, il n'est pas possible que 
ce nom soit la dénomination d'une secte particulière ayant une doctrine 
propre et des rites particuliers. Si l'on veut au contraire remarquer que ce 
nom de Soldat est un des degrés d'initiation en usage dans le culte de 
Mithra, on ne sera pas éloigné de la vérité en pensant que, chez les Gnos- 
tiques, ce mot avait la même signification. En effet, parmi les sectateurs du 
culte de Mithra, l'initiation était pratiquée sur la plus large échelle, les 
degrés en étaient nombreux, car il n'y en avait pas moins de huit dont voici 




2^2 



[.E GSOSTICISIIB EGYPTIEN 



les noms: Goras, Nymphus, Miles, Persps, Helios, Léo, Bromius, Pater '. 
Oa le voit le Miles était un des degré i de cette initiation, et ce qu'il y a 
de plus étonnant encore, il était le troisiome degré, comme les l-paatbiuxo': 
du Gnosticistne. Cette concordance a déjà frappé un autour qui s'est occupé 
des mystères phrygiens, et il n'hésite pas à reconnaître une parité complète 
entre les doux déterminations *. Après les 'Expazttù-twt sont nommés les 
Phibionites, "tioiMyTrat. Ce mot *iS(mv1t«i n'a élé l'objet d'aucune remar- 
que particulière, et cependant il en est digne. C'est en effet un mot 
copte dérivant en droite ligne de l'hébreu, il est précédé de l'article de cette 
langue et signifie les pauvres, les humbles, eftwn. Quoiqu'il en doive être 
de l'explication que nous allons proposer, il est surpreuant qu'on n'ait pas 
reconnu dans ce mot le nom de l'une des sectes les plus célèbres de l'Église, 
celle des Ebionites ; il n'y a entre les mots aucune différence, la racine est 
absolument la même, c'est l'hébreu îi'ay. Cependant nous ne croyons pas 
qu'il s'agisse ici des Ebionites qui formaient une secte exclusivement judaïque 
et qui se soumettaient à toutes les observances de la loi de Moïse, même 
à la circoncision^ ; leur existence n'a jamais été signalée en Egypte, et il 
serait assez étonnant de l'y rencontrer signalée dans un texte qui n'a aucuu 
rapport avec leur hérésie. En outre, saint Épiphaoe leur consacre une 
hérésie particulière, il ne parle pas de leur existence dans la vallée du Nil 
et il est évident que daus le teste qui nous occupe il n'a soupçonné aucuu 
rapport entre le nom des Phibionites et celui des Ebionites. Nous voyons donc 
encore dans ce mot une classe particulière d'initiés appelés les pauvres, les 
mendiants ou tes humbles. Après le; Phibionites viennent les Zachéens ; 
on voit assez d'où ce nom est tire, mais eu revanche il est difficile de com- 
prendre comment une secte particulière eût pu tirer son nom d'une doctrine 
spéciale sur le pubUcain Zachés. Enfin nous avons la sixième et dernière 
dénomination, les Bxaoih-:xi*. Nulle secte n3 nous est signalée sous ce nom 



' HiBM.ijm-, I?jiij(. .il Pjinpania.n Lxt 

* Il «3l Traiseni'ilabf« que t« grade des gui 
Épiphane et «aiut Jean Damaecèue n'éfait 
Oirucci : }dystèrrs du syncritUme phrj/gieit, p. 'àl, 

> Cf. /ivii. Piiuda-Tert. Epiph. P:iiUHt, l'ualuar dei 'bù.tit.f. 

* On Irome plus UrJ un :eu:i nminé Barbel-^ (QijînJ.iù): m. 
OOstérieure si dlnngère à celle de VuUulia. Peul-â're sa pirieroi 



I, p. G7î(édiL Vdllarsi), 

EigailB parmi les giiasliques da l'Egypte par Hunt 

H rappûi'l asuc celui des secUleur» do Mithra. 



LE QNOSTICrSME ÉGYPTIEN 243 

qui n'a en effet aucun rapport avec quoique hérésie que ce soit. Nous soraines 
persuadé que ce mot Bxpîéhzat, est uu nom sémitique formé de "^3, fils et de 
''ï^, Seigneur. Les Barbélitis étaient les fils du Seigneur, c'est-à-dire dans 
le sens de l'initiation, c'était le suprême degré, celui où l'adepte devenait 
tout à fait pneumatique, fils de rimmortalité, comme disait Valentin, 

Ainsi nous aurions d'après cette interprétation que nous proposons à 
l'examen des savants» six degrés d'initiation eliez les Guostiques égyptiens. 
La mention que nous fait saint Épipbane disant que les STpariwTiKO! et les 
<I>[c(mv7t«( étaient ainsi nommés en Egypte, nous en est sûr garant. II resterait 
à savoir dans quel ordre ces degrés se succédaient. Nous ne pouvons proposer 
aucun ordre, mais il nous semble que tels qu'ils se trouvent, ils sont bien 
placés, et qu'Userait assez inutile de chercher un ordre meilleur. En effet le 
récipiendaire désirant obtenir la connaissance de cette sublime Gnose était 
admis dans les rangs de ceux qui étaient encore iiyliqueSj c'étaient les Bor- 
boviens; puis il faisait un pasdo plus, recevait quelque part àcotte nourri- 
ture céleste de la Gnose, il n'avait encore droit qu'à un mets léger comme 
la nourriture dont parle saint Paul, il devenait un Coddien. Quand il avait 
franchi ce degré, il devait prouver son attachement à cette nouvelle illumina- 
tion, il devenait Soldai. Son dévouement prouvé, il demandait avec humilité 
à pénétrer plus avant dans ces mystères terribles en même temps qu'heureux 
et sanctifiants, il éiail Paucre, Humble avant ào passer au grade de ZacA^en, 
renouvelant sous ce nom le bonheur de Zacbéc qui avait reçu le Verbe dj 
Dieu dans sa demeure, jusqu'au moment où la participation complète à la 
Gnose le rendait l'élu et le Fils du Seigneur. 

Ceci n'est qu'une explication que nous livrons telle qu'elle est au jugoment 
de la science ; mais pour n'omettre aucun détait qui serait de nature à donner 
quelque raison de juger favorablement cette hypothèse, il nous faut parler 
maintenant d'une véritable scène d'initiation que nous trouvons décrite tout 
au long dans le livre ffnostique dont nous avons déjà parlé si souvent, le 
traité Pislts Sophia. Dès l'année 1847, avant même que le texte et la tra- 
duction complètedecet ouvrage eussent été'publiés en Allemagne, M. Dulaurier, 
dans le Journal asiatique, avait appelé en Franco l'attention des savants 
sur cette dernière scène du traité. « Ces questions, avait-il dit en parlant des 
questions que les disciples de Jésus lui posent dans cet ouvrage, embrassent 




244 LE ONOSTICISMK ÉGYPTIEN 

la cosmogonie, la théorie des émanations (de la Upoëohi valentinienne), la 
nature et la hiérarchie des esprits et des génies, la discussion du problème, 
si controversé dans les premiers siècles de notre ère, de Torigine du mal 
physique et moral dans ce monde, et enfin tout un traité de psychostasie. 
L'ouvrage se termine par le récit d'une cérémonie où figurent Jésus et ses 
disciples, et qui reproduit probablement Tune de celles du culte gnostique » *. 
On va pouvoir juger de la justesse de cette dernière appréciation par la 
lecture du texte même. Lorsque les disciples eurent fait à Jésus leur dernière 
interrogation et en eurent reçu la réponse, ils lui dirent : « Pourquoi donc 
jusqu'à ce moment ne nous avez-vous pas obtenu la rémission de nos péchés 
et des fautes que nous avons commises ? Quand nous rendrez -vous dignes 
du royaume de votre père? Jésus leur répondit: En vérité je vous le dis, 
non seulement je vous purifierai de vos péchés, mais je vous rendrai dignes 
du royaume de mon père, je vous ferai connaître le mystère de la rémission 
des péchés sur la terre, afin qu'à celui auquel vous les aurez remis sur la 
terre, ils soient remis dans le ciel, et que celui que vous aurez lié sur la 
terre soit aussi lié dans le ciel. Je vous donnerai le mystère du royaume des 
cieux, afin que vous fassiez tout C(;la parmi les hommes. Et Jésus leur dit 
alors : Apportez- moi du feu et des branches de palmier. Ils les lui apportèrent. 
Il plaça ensuite l'ofii-ande, puis il apporta deux vases de vin l'un à la droite, 
l'autre à la gauche de l'oblation. Il mit ensuite cette oblation devant eux, 
plaça un calice rempli d'eau devant le vase de vin qui était à droite, et un 
calice rempli de vin devant l'autre vase qui était à gauche, et en outre un 
nombre de pains égal au nombre des disciples. Le calice rempli d'eau était 
placé derrière les pains. Alors Jésus se tenant devant l'oblation plaça derrière 
lui ses disciples tous revêtus de robes blanches, tenant dans leurs mains la 
pierre sur laquelle était écrit le nom du père du trésor de la lumière. Alors 
Jésus s'écria : Ecoutez- moi, mon père, père de toute paternité, lumière sans 

limites: i«kOi>, iot(a>, i«w(o, «^loi, (oi^^, >|[riitOi>-»ep, Ocpa)>|[ritt, loxl^ri^ep ncc^-»M«w(x>^ 

ltC^SOM«kO>-», M«kP«kX.«kX.'^^' M«wpM«kp«k^-»«k, IH«klt«Jliett«JU«wtt «^iidOtHS TOT OTpAJtO'T 

icp«ki £«juHtt ^«juHit ; coir£L«a£L«ki «^iiii«w«kii, ^«juhh, £«juHtt; 'ï^ep^kd^p^a 2.^ n^^or £«jkum 

HCè^pCd^pCA^pTOT £«JliHIt ^«JUHtt, KOTKId^MItt Mià.1, ^«JUHIt, ^«aiHIt,ïdJÎ,'î«^î, TOTA^Il £«JllKn, 

A Journal <uiatiqu€f n» 13, 1847, p. 9-iO. 



I.n GNOSTICISME EGYPTIEN 2 lo 

2«.AiHn, 2.*uU*("i 2*'-'*^^- MAJnJA&pi. Me.piH, M^pet, g^Anin, ge-Aiiin. EcOut^Z - Tuoi , 
ttion pèro, pore de toutes les paternités. Je vous invoque vous aussi, qui 
remettez les péchés et qui purifiez les souillures. Eemeltez les péchés des 
âmes de ces diseiples, purifiez leurs souillures, rendez-les dignes d'entrer 
dans le royaume de mou père, ô père du trésor de la lumière, car ils 
m'ont suivi et ont observé mes commandements. Maintenant donc, ô mon 
père, ô père de toute paternité, laissez venir ceux qui remettent les pé- 
chés, ceux dont voici les noms : a'i((.ipe>^'mx"e'*, rcnei, ficpiMo-v, cox*-^P'5ci«P- 
CToe.pi, n^n».'i, '%jEic{ift.^MH|iix.> mcthiuoc, 5c. 'P**^ ene^jp, MOT-aio-fp, CMOirp, ncT- 
X»^p. oorc^coTp, Mtnionop, tcoxo^op^''- Ecoutez-moi,je TOUS invoquci remet- 
tez les péchés de ces âmes, effacez leurs fautes. Qu'ils soient digues d'entrer 
dans le royaume de mon père, du père du trésor de la lumière, car je 
connais tes trois grandes vertus et je les invoque : t.-rHp, fecôpiD, &«poni, 
Honpe^, fttonc, coT^cn, Bnrro-ïco^çpetiMÇ, .u^Tuinfei, MneTiop, con>nu, ^to^çe 
TCbii^, sc^X^i "ewfÇ, MCAiiiix. AtiHMtç, remettez les péchés de ces âmes, eflîacez 
leurs fautes j celles qu'ils ont faites avec la conscience de ce qu'ils faisaient et 
celles qu'ils ont faites sans le savoir : celles qu'ils ont commises par fornication 
et adultère jusqu'à ce jour, remettez-leur ces fautes, rendez-les dignes d'entrer 
dans le royaume de mon père, afin qu'ils soient dignes de participer à cette 
oblation, ô mon père qui êtes saint. Si donc, ô mon père, vous m' écoutez, si 
vous remettez les péchés de ces âmes, si vous effacez leurs iniquités, si vous 
les rendez dignes d'entrer dans votre royaume, vous ferez un prodige sur 
cette offrande. Et aussitôt le prodige dont parlait Jésus fut fait. Et Jésus dit 
alors à ses disciples : Réjouissez- vous, soyez dans l'allégresse, car vos 
péuhés ont été remis, vos iniquités effacées, et vous êtes dignes d'entrer 
dans le royaume de mon père. Lorsque Jésus eut ainsi parlé, ses disciples 
furent dans une grande joie. Jésus leur dit : Voilà la manière, voilà le 
mystère que vous ferez sur les hommes qui croiront en vous, qui ne cache- 
ront en eux-mêmes aucune nise, et qui vous écouteront dans toutes vos 
bonnes paroles. Leurs péchés et leurs iniquités seront ainsi remis jusqu'au 
jour où vous leur aurez donné ce mystère. Mais tenez ce mystère caché, 
ne le donnez pas à tout homme, ne le donnez qu'à celui qui veut accomplir 
tout ce que je vous ai dit dans mes commandements. C'est en effet le mystère 
du baptême que donnent ceux qui remettent les péchés et effacent les iniquités. 




£46 I.E ONOSTICISME ÉGYPTIEN 

C'est le baptême de la première oblalion (jui iutroduit dans le lieu de la 
Vérité et dans le lieu de la lumière '. » 



Rti) eboX n ncnnoftc ght a.ne>e.T Mit ncn«.noMi& . ^tui n^ Tpen Miiig& n T^kinrcpo m 
ncKeni)T*"K! -^e nC':£&'^ nt^s 3e ^&>iHn -^w aimoc «Htn ae or MOnon 't"*'"'**' - 
pire n nfTnnofee «.AX*. ^(.peTii Ainçg^ on n TMiiTcpi» m n<iiCu>>T . atw ■tn*«"t nHTii 
M nufcfwpion *k nm. nofee ebo'\ oi'SM nKe.^'^cKi-c octcthwuii n&<j c&d^ ^i^.» nKOtg^ 
CTCHii) na-q cÈoAfn .u imTC «.-rto neTCTn(>.uapq ^IVM nK&2 ^ne-çyionc cq.Miip gu ai 
'tii*!'^ HHTn MnMTCTHpion n TMiitepo n m nnrc ■a.cn.t.c nTWTn ^'-''Tthtth ( 
n p pi'Uie. le "^e ncxt-tj n^^.^ 'xe «>iune ntki 
ne.({ a.r]Ta.Ao c £p«>^> "tc npoc^opi> a.!]K(ii> n «. 
n KC-OT* gi gfioTp H TÉ npoc^op& *.i:lK(0 n 
*.noT M MOOT gjiT.u nc gniA-T n Hpn et y om. 
gnfc.iiT n Hpn ct gi gfcoTp «-ytn n gen oem iiù,Ti 
B.t|H(i]n OT «.noT At MOOT £1 ns,£ûT n n iiocii 

(^OptL II ,U ,U«>0HTHC 2} '"''■2_0'^ MMOC] CTfl'OoAl 
■V^'Hf^OC M npMI .11 nCllUT MnCOHCiTpOC M 



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MKH g«.A«Hn ' coirËaiibtt'i i>nn«ie>n ' ^«kMKn ' g«k.UH 

Ca.pC&pC&pTOT J*-UHn 2*MHH ' HOTRlSkAtin Ml* 

g^iiHn gAiHn g&MHn . .ub.'m M^pi Ms.pi h ' M^pi 

n^ciioT ncKoT n m mutcHiit niAt ■ ■^cnins.^i 

n pe<]K^e&pi7c n n &noMi<> ' ki.>) eëoA n n no&i 



npocc^ope. gi ou mjaoot- «.^ki^ n ot 
■ ATI!) a.qKi>) n oT «.noT n Hpn g«.TM ne 
inc n At AtfcOHTKi: gn t.mhtc n n s.iiot ' 
(k^Agcpa-Tq n^i le gi oh n tc npoc - 
HpOT ti gen gfeoc n n cia.«,t ■ epc Te 
iTOciii gn ntT*!^ ■ b.(|MU] cboA ll Ttï 
MHTeiwT HiA* n&ncpikn-ron n otociu* 
J>^^l»cp ne^0OAi«>i>)» * nci^ioAi«>U)» ' 
n * *.Ai*.ni[i TOT oYpù,noT ' icpM £^— 
11 ' '^cp&pt>'i gik HA-gOT ge^MHn g«LMHn. 

ï ■ g*iMHn gk-URn . 'JM . i^ï. TOTikll 

:i ' gb^Kn g«>MHn gù,MBn ciotm cpoï 
g(oT TH-nn n peqKe. nofee cboA 
ne ^^■T5CH n nci . 



«kTOf^gOT n ciii «.Tiu nTCTnKa.eiipi7c n ncnra.noMtit*' HTCTnpc'4' Mnig». n o^ncgOTii e 

_ .__.._. _j »HC*,Tpoc M noTOTcm '3ïe fcTOTAgoT n cuit ftTio ^''■gfc.pcg 

niAk M«.peT Cl tt<fi n pctjKe. no&e 
1 : feepiMO-f ■ co^&fcpe^ÇHp . (t~ 

CnTb,ïp ■ MOTOlOTp CMOTp " HC"»"- 

L c poi eïeniK«.Aci m akuth kio 
"i-coo-rn n 



€ UftcnToAn te noie rfc n6.ei 

sbo'.V * CTC ncyp^n ne n^'î ' ^^if^rpcï^rni^çieT ' 7iii 

0&pi' n<>natï AiEici^^AtHpi^c^" aictuihoc ■ ^ipie 

5Ç^Hp , ooTcnçoTC . Minionop ■ ico°çaÈope£> cujt 

efeoA n n note n nei \^irxo'>Te ■ iltui (jwtc cfeoA r 

e goTn CTMnTcpo m n&ciiuT nciwT ai ne «Hce.Tpi 

nCKnoii' n '^Tiia.Mic «.t(<) ■f-eniKtk'Ai mmoot ' «.THp ' bc&pdi ' «.eponi ' HOTpcc) 

coT^en ■ KnrroTcorçpeiii^ ' M&.'nonËi . Aine-rtop , coTioni . ^ç^iu^^eTtui!^ ' X'''X* ■ 

CTeiii^ . MCMi>)|xi ' *.iiKMt^ Kw cfcoX H it nofc n Ht'i ■x^rT^c^ooTC (jiote cfioA n ttcre.no- 

iin-T n*.T eÈo'A ■ ^-irio nnpc-»- 
^i tfeo^ gn Te"i npoc^op&. 
i cTio 6.HHIO e£oA n n no&e 
Tpc-c .unuj{> n (.in e goTi» c 



pnei 



eioc ma. goTi 
i n cinn c goTn TAtnxtpo m 
)T eTOir&a.&' ne.! egtune a'c 






: poi 



TCKMnTEpo ' EKE-^ atii n OT M«.*i'n gn tcï npocc^opii. ' «.tio a.c)ig(one mit n.v ■kiii nT & 
T; »ooc] ■ ne«e k cgoTii e gtn ntqA»^»HTHc " 3e pAiigE mtTnTC'ABA ■x.e. a. ikio eCio'A 
n iieTnnoÈc avw B.Tqu>Te eboA n neTnft.noMi& ' *.tiu ATCTnion e goTn e T.umEpo m 
n«!iioT ' n&i 'xe n-rcpccj'XOOT a. ai m&okthc pe.u|c ncxc le nb.T 'xc T&i tc ee &ti>i ii*Jï 
nc nMTCTKpion c TETn&«.^q n p puME ct natHieTere e pioTn e mu «poq n gHTor ^viit 
CTctOTAi n Cfc TH-rin gn Ui^'xc niM et n^norti ■ ^tw neTnoËc Mn nE-B-{iinOAii&. cen&.- 
qoTOT cftoA jg*. ne gooT ht «.TeTCnipe n^T m nei MTCTKpion ■ tkAA«. gmn m. ne'i 



I.E ONOSTICIf 



EGYl'TIE.N 



247 



illeest cette scène curieuse doat le récit nous représente évidemment 
une cérémonie gnostiquc, et l'uue des cérémonies les plus importantes 
comme on peut le voie La recommandation qui est faite par Jésus à ses 
disciples suffirait à elle seule à montrer (juc celte cérémonie était imporlanle 
et qu'elle se pratiquait telle qu'elle est décrite. Si l'on vent de plus remar- 
quer la précision des détails sur roITrande, l'arrangement systèmalique des 
vases, des calices et des pains qui servent à l'oblation, sur l'emploi du feu et 
de ces branches de palmier qui entouraient l'autel, on ne pourra pas douter 
que ce ne soit en effet là les rites véritables d'une véritable cérémonie gnos- 
tiqne. Nous avons donc un vrai m^'stèro gnostiquc en sou entier, mais ce 
mystère de la rémission des péchés n'était pas le seul, ii y en avait d'autres, 
l'ouvrage Pistis Soplu'a nous l'apprend encore. En elfet après le my&tère 
que nous avons décrit, « les disciples dirent de nouveau à Jésus : Rabbi, 
révélez- nous le mystère de la lumière de votre père, car nous vous avons 
entendu dire : Il y a un autre baptême de fumée, un antre baptême de l'es - 
prit de la lumière, une onction pneumatique qui conduirait les âmes dans le 
trésor de la lumière. Faites nous donc connaître co mystère afin que nous 
aussi nous obtenions le royaume de votre père par droit d'bûritage {^ànacva - 
/*ufiev), Jésus leur dit : Vous parlez de mystères au-deîsus desquels ne se 
trouve nul autre mystère : celui là conduira votre iimj à la lumière des 
lumières, aux lieux de la vérité et de la bonté, au séjour du saint de tous 
les saints, au lieu où ne se trouve ni mâle, ni femelle, ni forme, mais où 
tout est lumière, lumière persévérante et ineffable : rien n'est donc plus élevé 
que ces mystères, si ce n'est le mystère des sept voix, de leurs quarante- neuf 
puissances et de leurs noms inscrits sur ia pierre ('l'^f 01} : nul nom n'est plus 
élevé que leurs noms, si ce n'est le nom en qui sont renfermés tous les noms 



MTCTHpion Mnpt^•&>^ n pwAie niM ■ «i.uhti net n&cipe n gioÈ ni* 
Jn n^emoAK. nM otii ne nMTCrnpion tt TiAneci^ .m nEi&nTicAi 

Tigopn M npoc^op^ tf-xs Moen e. go-rn e. ntonoc n T&^K0^er& \-n 
M novocm. Pislia Sophia. p. 37*-3ï7. — Noua 
iBtiQD, saQBL-hercliïr â les tra.luire : on a tu q>ie l< 
de lettres pincées iJani ua ordre dïlTëreal. Nous Erujons que 

(ont euUtremenl emprunlés an grtc, d l'ej^plit^u ou ilui langues Eémiliques; d'aul 
Juige hjbriile. Nous trouceroiii dea mois spiutilables dîna des pap.vitls greca dont n< 
ce Us curieusa «ctoe. 



il quelquefaiB repe'é 




S48 



GSOSTICISME EGYPTIEN 



toutes les liimièros et toutes les vertus. Si quelqu'un counaissant ce 
sort du corps maténel, nulle fumée, ntillos ténèbres, nulliî [missance, nul 
*Ap/.Mv de la splière du desliu, nul aoge, nul archange, nulle vertu ne 
pourra retenir l'âme connaissant co nom; mais si en sortant de cj monde 
elle dit ce nom aufeu, le feu s'éteindra et les ténèbres s'évanouiront ; si elle 
le dit aux démons et à ceux qui sont dans les ténèbres extérieures, à leurs 
'Apxf^v, à leurs puissances, à leurs vertus, ils périront tous, leur flamme 
les brûlera, ils s'écrieront : Vous êtes saint, vous êtes saint, et saint parmi 
tous les saints; et si on dit cj nom à tous ceux qui sont dans les jugements 
mauvais, à leurs puissances, à toutes leurs vertus, même à Bafi'ïiXu (au fils 
du Seigneur), au dieu invisible, aux trois vertus, à la triple puissance, aussi- 
tôt qu'on leur aura prononcé ce nom, lisseront renversés les uns sur les 
autres, ils seront dissous, ils s'écrieront : lumière de toute lumière, 
lumière qui êtes dans les lumières sans limites, souvenez-vous de nous et 
purifiez-nous. Et lorsque Jésus eut prononcé ces paroles, ses disciples pous- 
sèrent de grand:i cris, ils éclatèrent en sanglots et dirent '. » Mal- 

' MiutCk na!i on ne«a.T n».q n^i netjM&«HTKc %e £p»£bei rfuiXii n&n e&o\ m 
njAtetitpion m nOTOcm nTC nencitoT cner^ji &nci>rTM e pOK crvi» mmoc ■x.e ora kc 
&e.nTiCM^ M nnd cjot^^ me noToeiii ■ »,ir(o oirn ov tiu^c m nnsninon nùj e ^s.i-X] 
n ne N^T^çooTe c ne OKC&poc m novoem ssio a'e e poit m neTMTCTHpion T&pnuAH- 
ponoMi ^iJiMK n T.uuTcpo M ncHcii'>T nciic h: n&r ■s.e ncî MVCTHpion c TCTnujinE n 
ctuoT . Mn MTCTHpion c({oiroT& e poa^ . c<]nfi.&i n -iETn\^iT^n c noTOCin htc m orocin 
en TOnacn T9.^H0Cie> MmMUfbV^&oc . m nronoc iiTe hct ov&&£ iict oT^sii THpoT . c 
nTonoc CTC jtti\ c^m€ n gHTtj . o-n,e Mti goovT ot^c jwn Mopi^n £m monoc ETMMJiT*.X^fc 
ov OToein ne ctjMHn c&oA n t>Ta(e.'XC c poq ' Mn ncT o-roTfi s'c t 
TCTniqine n cioot cimkti c njUTCTHpioii it Tc&^uttje ;u (^(onK Ma tct' 
Mtc *Ti.) ^cï■^^rK^oe ^-riii Mn npMt e-i ototÉi c poov ' npi^n e^ cpe pwi niM 
n gKTCjgi OToein ntjM gi '^Tn^tMic niM . ncT coorii rie m np ' n ctmmj 
jjM ncwM». n «tAh n neig Aa.î.T ii K'pioM oy^c A^^-y n nauc ot- 
ip-X^iiiH me TE c^ikip^ ngiAia.pAienH oi-^e ^tTE'Aoe ot^c -iTTita^ie n ne-reu) ne-Tex,*" 
■te, ^^'^OC" ^"^ eoo'vn m npMi eTMMA.'r. ^AA«> equiMiei eëoA ^m nKOCAioc ncj'Xii) m np&n 

(KLD^T ly&tJLUUJM . «.rt') ig«>pC nKfi.HC &lI^^(i]pEI . «.-«'(Il E(]U|M1'xaO(| c n 



i Ai-ï'CTBpion e 
i^fne n ^th*.— 

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:(ji;gbjiEi c&oA 

1"' 



•^tJMonioa jun At n&pa.AH. 

cen&T«Jia TKpov hte nETUjiv^ jiioyj . a 

OT&«^ THpOT . bTIl) eTUJ&n'XI.UM np&n ETA 

Mn iteTE^OTeid Ain ne^i^oM TiipoT «.iroj 
n^OjunT n no vie. a Tpi'^vnb-uic n tètoot 

CEJI&2C THpO» E1« nETepHT nCEU) ci. 

Oroein niAt ct igoon gn n« t>ncp&nToiiii 
nTcpe(|o-T(>) r^e c<|'Xi<i n ne'ï uje.'xc ns*! u: i 
fn OT norf H gpoDT evKiu mmoc ■x.e. |Le i 
it Irop CD déplorer U perli 






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cm efeoA 1 



<)n nl<E[i)T(| jUJ4on, 
.TUiig Efeo'A Tiipov nS'i nEqM«.0HTHC ^rpiMG 

!ila s'iiilerrumpl ici peudanl !j valeur de 9 feuillcB dn 
.) Piatù Sophia, p. 3794TO. 



LE GNOSTICISME ÉGYPTIEN 249 

heureusement là finit ce qui se rapporte à ce mystère; neuf feuillets ont 
été arrachés au manuscrit; et l'exposition du mystère a disparu. 

Ce que nous avons cité suffit cependant pour savoir qu'il y avait après le 
mystère de la rédemption des péchés trois autres grands mystères, le bap- 
tême de la fumée, le baptême de l'esprit de la sainte lumière, et le grand 
mystère des sept voix. D'après l'exposition du mystère de la rémission des 
péchés, on a vu que ce devait être la porte d'entrée dans la vraie Gnose, puis- 
qu'il remettait les péchés commis avant d'y être initié et que la seule 
participation à la Gnose rendait juste et pur. Dans l'énumération que nous 
avons faite plus haut des six degrés d'initiation, nous avons fait remarquer 
que ce n'était qu'au grade de SrpaTÉwnxoî que le récipiendaire était reçu 
clans la vraie Gnose qu'il avait désormais à défendre : ce grade correspon - 
drait donc parfaitement au mystère de la rémission dos péchés, puisque le 
mystère donnait ce qu'exprimait la dénoniination du grade, et cette con- 
cordance se trouve confirmée par le fait que dans l'un et l'autre cas il ne 
reste plus que trois grades ou trois mystères. 

Voilà tout ce que nous pouvions dire d'après les monuments connus; 
grâce au papyrus inédit d'Oxford, il nous est possible d'ajouter à cette 
première cérémonio deux autres scènes d'initiation qui continuent la précé- 
dente. Une preuve qu'elles sont bien une suite de la première, c'est qu'elles 
SG trouvent toutes les trois réunies, qu'elles se succèdent graduellement et 
que la première est décrite dans le papyrus en termes presque identiques 
à ceux de la Pistis Sophia. Afin qu'on n'en puisse douter, nous allons les 
traduire toutes trois. 

Après avoir enseigné à ses disciples le moyen de traverser les œons in- 
férieurs pour arriver aux mondes supérieurs, après leur avoir promis ce 
baptême de la rémission des péchés qui doit les rendre vainqueurs de tous 
les obstacles, Jésus se résolut enfin à leur faire connaître ce mystère si 
important *. <( Après ces paroles, dit le texte, il arriva que Jésus appela 



^ ^cujconc on Mitttcx ttcitgd^'&e o.. u: Mo ;Te cneqMN^HTKC nc&^q na^T ^e «junirit 

THpTU IIT€TI1«I Mn? nÀ^HTICM^ £Mn«k^lO CpCOTtt MH^ nité^p^Ç^lon . «^TCI^e THpOT n(^i 
MMSk^HTC Il^OOTT Mil AiMd^-»HTpi«^ ttC^IMC é^TRlOTC clc THpOT gl OTCon. nCS&d^q ^C H^T 

ii<^i le «€ feiou e^pfij cTKd^AiAM^ nTcrn^iïie noTgooTT h ovcgiMc ca^ nc^oTO itTRMiid^ 
AiOT ngHToT , eigione ot^oott ne ettqeipe é^n uTcrnoTCiàk k eigcone coTCgiMc tc 

S2 



250 LE ONOsTiciswr: égyptien 

ses disciples et leur dit : Venez tous à moi, recevez les trois baptêmes avant 
que je ne vous dise le mystère des Archons. Vinrent donc tous les disciples 
mtlles et les femmes qui le suivaient ; tous à la fois ils entourèrent Jésus, 
et Jésus leur dit : Montez vers la Galilée, trouvez un homme et une femme 
en lesquels la plupart des iniquités aient cessé. Si c'est un homme, qu'il 
cesse d'avoir rapport avec les femmes ; si c'est une femme, qu'elle cesse 
de faire l'office de femme et d'avoir un commerce charnel. Prenez deuï 
vases de vin de leurs mains de cette manière, placez-les dans ce lieu, 
apportez-moi des branches de vigne. Les disciples apportèrent deux vases 
de vin et des branches de vigne. Jésus fit une offrande pour lo sacriiice. 



c&c^o eccipe 






«.iTion nHpn^ioTnauM iitc»tcj».. e.tj^ ^pHereic Égpi'i 

Md Ofnjvp'^Ol-IiXoC . ^qipe JWMt.*«THC THpo-î BCIO 

MnienTH* ^e nKTrtoiirtÇiAon njo^n ngi>>oT ù.-vio «.q 

junicriTH^ 's.n H'At&Kon git Tcvrfis cmc . fc-^jm.) nnei 
&!]a.£cp^T'^ gi-sj* Tce-ycii. {^cjniopu] nonoiioc njioc 
nnpn egpNi £i-s(oq i^ti'I a^kw n^cnoeiK grawq hù-tî. th 

■^OC OTEOeiT gpS.Ï ysAt IITOHOC IlTFnpPCt^Ops. ».TI.> S.t]CTC^a.l< 

jn ^cnitA&'^oc n^sotn . k^m ^ le etÇpjyi'.Te nnec|M».0iiTHC 
Tcc^epMHitia. TE T»!i t:Krt>i7».T nccp^n [:\72i(^i>p».c ^ k M 
«>qK(iiTE t-vd. nKoo^MnRocMoc B.q2.<'>ii tiooTOTCTpE noT*.no- 

nUETO-ÏHpKTC eHETCpHT (1^310 E-^'eTX.K CÎ|Tîli> MMOC «É 

gauMHii ^a.AtHn ^ikAtHtt ei».^ci ci^7ci 'XH» 7&J1» 7b.ho ^a^Ki 

»7&pe. 5^*. 5<^a.p"e. fe\p5(^o. »^7^-» *>iir«.« »j.7*» gs^iK«. ■ 
AinTEKoT niM ni^nEp^itToc novoeiit «t^m ne /Ani. M*.pi 
TikTiii: niki c-c^itiKoni ^;tpii.TOT 1117 MH&p-ecnoc .uno nWi 
Mniinij ETE na.ï he iicfpî.n ii«k£jj)HTDii a.CTp&iiiv ■tci(Ço|io]'7iie 
naAiTMiioc onsjiic <^ii*ù.poc fT.pnToix;*'^^ 
euTponon . M^povci ncitaini?! 



>' .un oTKa.c-^e.Abnoac 
ng&ooc iinEi!>it.T e.t]Hu> 

ujqe Mn \^'ic. irto &qnui 

|H<>> nova.noT 
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sp«.ei -j.pa.ti ^«.pa.ei 
rfr iiAinTH Mtisp&c- 

'^poAi.oc 

ncconoT 
nna.Mi>»HTKC 
&KK10 cboA n 
r ^opORO-e-opa. 



p&^e £n e nioiS' np&ujc cm^ujo eM&u)o «e &tH(u c&oA nevno&e . 



iLq'Vnfi.vc&oAgn 



I.E ONOSTICISME EGYPTIEN 251 

il pla^'a l'un dos vases de vin à gauclie de l'offrande, et l'autre à droite ; 
sur l'offrande il plaça du genièvre, de la fausse cannelle et du nard, il fit 
plier des linges de lin par tous ses disciples et mit à l'ititérieur des 
racines de cynocéphale, il plaça dans leur deux mains le chiffre 9879 et 
l'herbe du soleil; puis il plaça ses disciples devant l'offrande et se tint 
lui-même au-dessus de l'offrande. Il étendit un coin du linge, plaça par- 
dessus une coupe de vin, puis des pains en nombre égal à celui de ses 
disciples, couvrit le lieu de l'offrande de rameaux d'olivier et en couronna 
tous (les assistants). Et Jésus imprima sur ses disciples ce sceau dont l'in- 
terprétation est cH^o)7o.7 et le nom ce.re.^^'pe-c. Alors Jésus prit ses disci- 



^2^1 






w a.Ti.nt eitenAHpor inM.vncpo MnOTOCin t>.-rM ■»€ (v^feinTiTe j 

TA-pcTiivr MnË&tiTiCM^ MnKpojM ^Tii) .UM^-aHTHC cine n^q nnuje iie^oo'A 
cjpM itOTiyûT^Hneiq'V *pBH«ic eop&j|^i uj^A ^-wu 2} AiÈ^woc 01 ai^ctiX' 
i^oct^'^Qoe gi K«iC-&e.A&neon gi Tepefituwoc ^i c 

KtiiTtii THne nXMIkOHTHC . ^Tti) jtqfpc nEC]A46.eHTHC TApOT tfooAOT ngflOOC nCI^&T tt-VM 

«.cjCTC^&noy maioot Mniemn^ xe ncpicTepeion ocopEov ^vio &qK(ii .wnienTHa' ■s.e 

MniïitTH^ le noAT^-oiioti g*. «CTOTKpHTe «.tih ^qK^t-T^t^K nnigo-vgKnc enT*qTjiAo- 
ov e^p&J ^Tiu «.qipcTWoAAa. nncTOTHpTe cncrepHTiilc et ^ cnAgOT nuu|OT^Hne 
cnTe.qT&',\oov e^paï «.qc^^^riTe mmoot ^n -reic^p&ri 
8ij)^i.eK^TAiTeTceoepMHiiiî.7wT6.TK(.'ïéiiOTq t 
c i^qeniKtvAi n-^'e-ïX»* eq»WMMOc mt 



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T&noMiN nem*.-v^^T eTcooTn*.-T(o 

*n iiei-x.ta'oA Mn iict^iA*. 
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efcoS MnMOOT 
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,11 ncTca-jOT Mn ite-«opK nnoi 
Tnopttiii .MU ncTMit-ntociK m 
lyiigOTn enooT ngooT . 
jajuoot THpOT ^TCi) CKETpcqei niïi 7opoKoeop^ McA £n OT^(->l 
MnfatkTiTiCM^ MnCKpi<>M nm^p-^cnoc mii~ TCKpiiic ^n o (?). ci»i.» tpoi iiie.ioT 
K&Aci nntup^n n«>i^»&pTOii ïtom neiii Mno ii7opaHî.7e« eifcMe>oKpù.Tnî.e rw iti» idi 
g^^UHit 2&MKn £a.MRii )(>,<'>« ia.ti>« ia.i>) otdMRn g&jUKii ^a_UKn ia.Lue i«>(o0 t^iuT t^ctio^ 
^ccir^ i^M'x^ 5t""*%®s"^ X*"°^'"^* ^fcpAjvi AA^*p;\a.ï A&i ^ii j^*a4Hn ^«^Hit ^«.MHn 
7fti7t7*TOX "efeeoTiiie^ tÇa.woTfÇù.-Wo-ï' t^ùjiAOTO^uoTn*.! a..uorno.i ^«kjuHii gMHn2«,Mnit 
^fc^a.^i^t eTft.^^^o.^iooa.'^ù.T».^ . c(ot.i* epoi na.t(DT nuo-r MJunTCitDT niM ^l^.nep&nTOC n 
é Ea^ieniKft.Aei ri ncK&i^»a.p-fon npa.n ct^ai ne ^i mtiO CKTpcpet a<f\ ropOKOeop». e,iiii 
;Cts.nTtCM& MncnpioM nTEqn<>pOEnoc M.\t-1> nT^^^niiTC nn»jUs.OHTHC npHTq 
CWTM cpoï nikEiiuT nnoT MMttTeiiDT ni-u n^nep^knioc n9 Mi>pEcci n&i TTiftpecncic Mn 
6 nc&^nTi7E nna.M&«MTKC ^ nftajiTicMe. MnKLOgr ncKU e&oÎV itncTOËc i>Y(ii ncK^oik- 



2ô3 



ONOSTICISMB EQÏPTIKS 



pies, il les fit se tourner aux quatre angles du rnoodo, les rapprocha les 
uus des autres et leur dit de prier eu disant : Iw».r«L^Ho, 6.76.7k, 6.cs.7b» ge.MHif, 

2_&MKii, 2&Miin ^i&MHn. Eri.7ti ei(i7ei hh» ^jhho 7*h», jî.mhii, rX.fep^7^767A. 6*.iii7*.7- 
7&7 7Ù.770W7, gs-AtHn. ÎX,7s,5C*'t»-P*5C.*' Î^P^-X.*- ^6p6.i»i.J 76.pfc6»U)7 7Hpa.CI 7Hpa.ef 

r^P&ci a.^j.p^x^(i jc^pr*. 6\px»^ «a.7*« «j^tji» g^ikMiin. Ecoutêz moi, mon père, 
père de toute pateniilé, lumière infinie qui se trouve dans le trésor : 
envoyez les quinze Parastates qui servent les sept vierges du trésor, qui 
sont prèposrjes au baptême de vie vl dont voici les noms ineffables : Astrapa, 
Teiphoioide (î), Ontonios, Sinètos, Lacbou, Politanios, Opakis, Pliaidros, 
Odontochoos, Diaktios, Knésion, Dromos, Evidenos, Polupaidos, Eittro- 






K6.*[.pl7E 

rcpo MHOvoein. 



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m^7c icorj £pa^ £M nnio^T ^Tto ^"ïi; fcBi,nTi7c nne(jA*a.oHTHC fcTio 6.t|^' n6T cfto'A^it 
Tenpac^opx «.TU *c]c^pe.riTe jumodt eTCTTone £n Tcr^pitcic nin&pAcnoc mh^ T».f 
cujdTpeTion ego-Ki cnK^Hpoc iiMnTcpo MitoToein &T10 «.^p^uje «rfi mm«.«hthc «« 
«-rxt Aknfe&n-ric-Ut^ MncupijjM mk Tcc<^p«.vic cu)a.cK^ iioËe c&oA «.Tii) ■x.e «.Tton eporn 

encK^KpocnTAinTFpo MitS. TM Te Ttc<Çp!i.fie ï — ' ' «.cgionc ^CMitnce>nM ncxeïc 

nncqjM.^«KTKC Tse eicyiHTe e.TtTH'sr .unte-nTicM \ ja\imoo\ mh iTËi>nTtcM(> MnenpujM 
&M.KEin jioiuq ma,^ tiKTit Mn6(iTiCM«. MnEnlïî^ ETOï6.^fe . ^qTa.^0 fg^piii nnujOTJHttc 
Mn&«.nTi(;M&. Mncntiîl b,'-]-V p^PM nJtnigE nc:\oo'Ae mi oTiiîLCiL*A6,mon mu OTHpaHo 
M&CM&TOC M.n o-v*va.cTi5C'" **" Oïiiin6^«(o.woit Ain 0Tçy2>'A .wn o-rcome wnoTefciio *.tw 
n6.i:)H») nB.pvion ciHkT MnHpn ot6 j^iovimM x\.n ujOT^iinc ïnT&tjT6.^ooT C2^p6j »tw 

THne nMM^ÔHIRC 6.T(0 7c C^pft.n7C 

,H767W7*. 16.T TC TCCJdMHni^ 

Li^imi...^ o.i[ai.)iit ot ii.ïpeq o c(çpAvi^( AtMOOT g^rt veïcqpù,fic i.(162^Ep».Tq 

■•^i ur ^l'xn niyoTf-iii\c EiiT6c|TaAoor ^iy^^ 2><^k& iic^jm^shtiie ^ioh iiigo-rgiine 
&qa'oo'.\ov THpOT n^t'oac nnfie.&y Epe jtt>[\ titr At^iouK gn tetS'itï cote «te n*! ne 
Bw5ë \^ric iiiyo B.T10 H iiu]e Aiit uitjc i^^nc &e|<oiy eÎioX n^i Te cqmi) mmoc mc'îg^E •«« 
cuiTM epoi n&ciioT niciT MwmEu.iT niM ii&nep&nToc Mn: ic -^EniRa^ei nnetjpa.n 
n&^e&p-ioc iiTE nE '■ MnoroEin 7&^iOv 7io&7*7t'i» »ij)7*^i7ii)e itEnoTÊiiiTe 6»ahkt 
io^mj)^»Kio7 KpioLu^a.»ciinM cpoi n^eu-nniioTM MittcH-iTntM nt<inEp&nTOf noTocin 
«e ^lEniKftAei nTiEKit^»^pT9c npj.:! me tie... mh" . iiio edo'X itiinotc nn&jM&OH - 
THC wrqujTC efecA niiETt.ito.Miii iicitTa.T^6,T eyceoTii Mn iieins.T^i.v cncccooron ikn 

HTMtncpo M.nQ eiyionc rft n&inn 6.HKi't eÈoA niinobc nn6..ua.eHTHC *.f<o 6.KH2.«a> - 
pi;^e n nevc^noMie. ikTio «>KTyET(on ejovit cnen'AKpoc nT.«mEpo AtnoTOcin Me.^ n^i 
noTMtkCin gn TEnpof^opii *.tcji git ttrnOT eTM."«.T «.^igomE niïi .u&cin nT»i le iobci 
*Tio 6.c]&^nTi7c nnec{M«kOKTHC TMpor gM n&^nTtc.Htk MncnnS etov6,6.& ^tw «.q^- it*.-^ 



»HTKC g^cit TeictÇp^ric O- O j t^ O iie.inenEcp' 
rfe ntcpeq ^A^ c<^p*^,-^c mm 



; ONOSTICISMG EGYPTIEN 



253 



pon. Qu'ils viennent baptiser mes disciples dans l'eau vivante des sept 
' vierges du trésor, qu'ils leur remettent leurs péchés, qu'ils les purifient 
de leurs iniquités, qu'ils les inscrivent au nombre des liériLiers du royaume 
de lumière. Et si tu m'écoutes, si tu prends pitié de mes disciples, s'ils 
sont inscrits au nombre des héritiers du royaume de lumière, si tu leur 
remets leurs péchés, si tu effaces leurs iniquités, fais un prodige et que 
Zorocbotora fasse sortir l'eau du baptême de vie hors de l'un des vases 
de vin. Et en ce moment eut lieu le prodige dont Jésus avait parlé : le 
vin qui était à droite de l'oblation fut changé eu eau. Les disciples vinrent 
aux pieds de Jésus qui les baptisa. Km- distribua l'offrande et leur imprima 
ce sceau >l o , Us se laissèrent aller â de grands transports de joie parce 



c&o^£^it TCTipoc^op^ »q(;Çpa.ri^c me^rej^ftc gn 
MnOToem Ti.ï cigb.i;TpeTuin egOTn cncK^Kpot 
ALM&.9IITHC gn ovaoi^ npB.u]e cn&igtoq «e &vsi ^J 
MU TCC^piPic etga.ciia.nobc efeo^X 6.tiu euJa.Cll&e^^pI7< 
enEuAHpoc mAinTcpoMHS. W7CTC (^pt.ric ÇJ^f 

M&eUTHC THpOT Mg^Cn^fioOC IICl^ttT CTCTe^I.nOV MMC 
HTC TCRpHTK (!') njO-Tl\ WpiOOT . £pC OTjklOIIOH^&.'^OC 11 

epe ne-repHTe ko^^». cncvepK-r c^rKtDTC m.woot cn=i niir 
Miinci^ n^'i ^"îc t&;\o e;pM itngoT^Hiic Mnr,\ nqi tk^kik. 
eHTHC ^r)TpeTKioT nOTigoTpH Jpa.'j gi'Sit -aa.'X&ccie. a-sj-^ ujt 
^1 M&^ofi9.0pau CI ROTiouiT (f) ot ^jui^HTOn Mn OTiJiit ■a 
e.TU) ^^Tp«i nc(].UB.0nTHC iBpoT RoAoT ng&ooc nnciAtvT 
OTt.pTCMlcia.c fcïoi 4.tjKli) llOT'\itB.rtOC n^^Dirn npioOT a.tlKlo 



:i^pe.cic Mn&^qc Mitap^cnoc 
po Mnofoein «.tu «.-rp^ige ni^i 
iifcb.iiTiCMa. Mncnïib eTOTe.^& 
niiCTfcncMja. nCTpETiun ego^n 
Te TiE 6.(|etpe MncïiB cpe ncq- 
(!CTnn(?)epc oTRTnoKetÇa.Aort 

gn TÉT^ll CUTC «.TW 



g^Hitc cnT*Lt]T*.;\ooif E^pa.'i. ». k c<^pa.i"i7» 

^cp&n nTCTa.'A K«ta. 

V 



luia-pX'''" tï-M g." ■"**■- 
iie'Aoo'Ae j>_p*ïgi ^pncf^ic 
e is.^&.tHr. M.n OT^ibiknoc 
.qtCTCT«(Ça.nOT MMoOTgn 
\TCi^B^oe Mnigtopn n^~ 

pH-v «.Tfl'iu pi«ii niityoi'— 



C!]AV&eKTHC gn n 




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ppM £11 ni.M&«HTHC I^ICpCq-XI 



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ipX.'^^o'^ THpoT iiccci nccqi m( 

n-Vtï5CH e.q'stu MMOC enqTOV roo^ 

^pM-iTt MMOOT THpoT jn Tec^p».ric M 

lie neepMt nT£iB.!AH0ib. 7^Xiu7».RU>7 ti 

a. TU) mtpe t otw €qcpa,pi7e «moot jn 

na.p^Hrùc tji niK&Ria. tHpc 2p*.i g« mî.»hthc ».t(o ».Tp(iigc jn OTiiorf npa^iye 

■ m.iq TIC * TK&KI!. TUpC HH^pXl"" "1^" tP*'' «CHTOT fc.TW nlCpE TK&KM^ Hit- 
•■PX.''*" l'i^t ??*■' llgHTOT ATUJlUnC C-TO n^^&il^TÇC 11^1 MMfcOBTHC CTCÏHg HC^ IC gtl 

79noc niM CTOTn^tuiK cpoçT, 



fc^pM 






s^t^v 



érŒÏEB 



35{ LE GNOSTIGISME EGYPTIEN 

que leurs péchés avaient été remis, leurs iniquités couvertes, parce qu'ils 
avaient été inscrits au nombre des héritiers du royaume de lumière, baptisés 
dans l'eau vivifiante des sept vierges et qu'ils avaient reçu le sceau sacro- 
saint. Mais Jésus continua de parler et dit à ses disciples : Apportez-moi 
des branches de vigne afin que vous receviez le baptême de feu. Et les dis- 
ciples lui apportèrent des branches de vigne qu'il plaça sur l'encens : il 
mit par-dessus de la myrrhe, il ajouta de l'encens du Liban, du mastic de 
lentisque, du nard en épis, des fleurs de cannelier, du térébinthe et 
de l'essence de myrrhe, il étendit sur le lieu de l'oblation un linge de 
fin lin, il plaça par-dessus une coupe de vin et des pains en nombre égal 
à celui de ses disciples qu'il fit revêtir d'habits de lin et ceignit d'une cou- 
ronne d'herbes, c'est-à-dire de verveines. Puis il plaça l'herbe de cynocé- 
phale à l'intérieur, mit dans les mains le chifire des sept voix qui est 9879, 
de la chrysanthème et de la renouée, les rangea devant l'encens qu'il avait 
disposé, et les fit se rapprocher les uns des autres. Jésus se mit derrière l'encens 
qu'il avait disposé, il leur imprima le sceau dont le nom est Oco^é^en^ et Tin- 

terprétation 'Çw^é.H^. 11 se tourna ensuite vers les -quatre angles du monde 

* 

avec ses disciples et pria en ces termes : Ecoute-moi, mon père, ô père de 
toute paternité, lumière infinie : rends mes disciples dignes de recevoir le 
baptême de feu, remets leurs péchés, purifie les iniquités qu'ils ont commises 
avec conscience ou sans le savoir depuis leur enfance jusqu'à ce jour, leurs 
paroles légères, leurs médisances, leurs faux témoignages, leurs vols, leurs 
mensonges, leurs calomnies, leurs tromperies, leurs fornications, leurs adul- 
tères, leurs désirs mauvais, leur avarice, tout ce qu'ils ont fait de mal depuis 
leur enfance jusqu'à ce jour. Efface tout cela, purifie tout, et fait que Zoroco— 
thora vienne à eux dans lo secret, qu'il vienne avec l'eau du baptême de feu de 
la vierge de lumière Ecoute-moi, mon père; j'invoque ton nom incorrup- 
tible qui se trouve dans l'aeon de lumière, «.^«.p^^x*^!*^ *.ô.Ma.^Rpô.TiTô.^ iw ico icu 

^«jUKii ^«jUKn^dkMKit idkOie^ id^coe^ idkCae^ c^d^coc^ c^d^coc^ c^d^ojc^ ^ico cc^ornc ^enoÀiitT^^ 
^«^pA«^i A«^7«^pA«^i A«^i 7d^i ^«JiiHn g<\MHn ^«^MHtt "^«^rird^TOX nci^coTtticc^ ^«jyio'r 

^«JliOT ^«JMOT «^M«^TIt«^I «JU.«kTttdkI ^d^MKn ^«^MHIt ^dkMHIt 7dk7dk7dk7I €Td^7«k7«k7CO<e«k.— 

7é.7é.7. Ecoute-moi, mon père, ô père de toute paternité, lumière infinie, j'in - 
voque ton nom iiicorrui)tiblc qui est dans Faeon de lumière. Laisse venir Zoro- 
cothora, envoie IVau du baptême de feu de sa vierge de lumière afin que j'en 



LE GNOSTICISME ÉGYPTIEN 255 

baptise mes disciples. Ecoute-moi encore, ô mon père, père de toute pater- 
nité, lumière infinie : que vienne la vierge de lumière baptiser mes disciples 
du baptême de feu, pardonner leurs péchés; purifie leurs iniquités, car j'in- 
voque ton nom incorruptible 70^1007*. ^oi-»*.7é.77é.io^, amen, amen, amen. 
Écoute- moi aussi, ô vierge de lumière, ô juge (?), remets les péchés de mes 
disciples, purifie les iniquités qu'ils ont commises en toute conscience ou 
inconsciemment depuis leur enfance jusqu'à ce jour et qu'ils soient rangés 
au nombre des héritiers du royaume de lumière. Et si, ô mon père, tu 
remets leurs péchés, si tu effaces leurs iniquités et s'ils sont rangés au nom- 
bre des héritiers du royaume de lumière, envoie un signe sur le feu de cet 
encens d'agréable odeur. Et en ce moment eut lieu sur le feu le prodige que 
Jésus avait demandé. Et Jésus baptisa ses disciples, leur distribua l'oblation, 
leur imprima sur le front le sceau de la vierge de lumière et les fit ranger 
au nombre des héritiers du royaume de lumière. Les disciples se réjouirent 
d'avoir reçu le baptême de feu et le sceau qui remet les péchés, d'avoir été 
comptés parmi les héritiers du royaume de lumière. 

Voici le sceau : > i 

Jésus dit encore à ses disciples : Voici que vous avez reçu le baptême 
d'eau et le baptême de feu, venez aussi recevoir le baptême de l'esprit saint. 
Il disposa les parfums du baptême de l'esprit, il mit l'un sur l'autre des 
branches d'olivier, de genipvre, des fleurs de cannelier, du marc de safran, 
du mastic de lentisque, du cinname, de la myrrhe, du baume et du miel : il 
plaça deux vases de vin, l'un à droite des parfums qu'il avait disposés, l'au- 
tre à gauche, par-dessus, il plaça des pains en nombre égal à celui de ses 
disciples. Jésus imprima alors sur ses disciples ce sceau dont le nom est 
•Çô^^o)^*^ «t l'interprétation ^w^wnio^. Et lorsqu'il leur eut imprimé ce 
sceau, Jésus se tint au-dessus des parfums qu'il avait disposés, il plaça ses 
disciples par devant, les fit tous revêtir d'habits de lin; le mystère des sept 
voix était dans leurs mains, c'est le nombre 9879. Et Jésus fit cette prière 
à haute voix : Écoute-moi, ô mon père, père de toute paternité, lumière 
infinie, car j'invoque le nom incorruptible de l'œon de lumière 7é.7é.7*.or 

7(A)^7ék7(A)-» 9l07é».7ô.7(ja-O' RCItOTÀmTC«i.-»«i.HHT a)7Ha)7«i.H7107 Rp(OMÀA«i.-e>. EcOUtO-moi, 

Ô mon père, 6 père de toute paternité, lumière infinie, car j'ai invoqué ton 
nom incorruptible, celui de l'œon de lumière. Remets les péchés de mes dis- 



256 LE GNOSTICISME ÉGYPTIEN 

ciples, câace les iniquités qu'ils ont commises sciemment et inconsciemment 
depuis leur enfance jusqu'à ce jour : compte-les parmi les héritiers du 
royaume de lumière. Et si, ô mon père, tu remets les péchés de mes dis- 
ciples, si tu purifies leurs iniquités, si tu les comptes parmi les héritiers du 
royaume de lumière, accorde-moi un prodige sur cette offrande. Et dans le 
moment même eut lieu le prodige que Jésus demandait, et il baptisa tous ses 
disciples du baptême de l'esprit saint. Il leur distribua l'offrande, il imprima 
sur leurs fronts le sceau des sept vierges de lumière qui les comptèrent au 
nombre des héritiers du royaume de lumière. Et les disciples se réjouirent 
grandement d'avoir reçu le baptême de l'Esprit saint et le sceau qui remet les 
péchés, d'avoir été purifiés de leurs iniquités, rangés parmi les héritiers du 
du royaume de lumière. Voici le sceau ^YJ^ • ^* quand Jésus opéra ce 
mystère, tous ses disciples étaient revêtus d'habits de lin, couronnés de 
Movsynê ? avec du cynocéphale de Crète ? Au milieu, ils tenaient dans 
leurs deux mains un seul rameau d'armoise, ils étaient rapprochés les uns 
des autres et tournés vers les quatre angles da monde. 

Jésus disposa ensuite les parfums du mystère qui enlève la méchanceté 
des Archons pour en délivrer ses disciples. Il leur fit placer un encensoir sur 
la plante del'androsace, il i)laça lui-même du bois de vigne sur du genièvre, 

des feuilles de cannelier* , de l'amiante, une agathe et de l'encens du 

Liban. Il fit revêtir tous ses disciples d'habits de. lin, les couronna d'armoises, 
plaça de l'encens au milieu d'eux et mit dans leur main droite le chiffre du pre - 
miQv Amen : il les rapprocha les uns des autres, les plaça devant l'encens 
qu'il avait disposé, puis il imprima sur eux ce sceau dont le vrai nom est 
'ÇHTHié.^io^ et l'interprétation 7io7to7*.i. Lorsque Jésus eut achevé d'im- 
primer ce sceau sur ses disciples, il se plaça de nouveau devant les parfums 
qu'il avait disposés et fit cette prière : Ecoute-moi, ô mon père, ô père de 
toute paternité, lumière infinie, car j'invoque ton nom incorruptible de l'seon 
de lumière nnpHTHp, 7oc^oiiHp 7oiA'0^o70TfeNto TOT^ia^to ^d^MHit ^d^MHtt. Ecoute- 
moi, ô mon père, père dj toute paternité, lumière infinie, écoute-moi : oblige 
Sabaoth Adamas et tous les Archons à venir enlever toutes leurs iniquités de 
dessus mes disciples. Quand il eut achevé cette prière, il se tourna, lui et ses 

^ Un mot iucooQU. 



LE GNOSTICISME ÉGYPTIEN 257 

disciples, vers les quatre angles du monde, il imprima sur eux le sceau du 
second Amen y dont le vrai nom est ^«.Aw^é^Rcop et Tinterprétation 7xw- 
7*.7co. Et quand Jésus eut achevé d'imprimer ce sceau sur ces disciples, 
eu ce moment les Archons enlevèrent toutes les iniquités des disciples, et 
ceux-ci se réjouirent grandement de ce que toute l'iniquité des Archons 
avait été détruite en eux et ils devinrent immortels, les disciples qui avaient 
suivi Jésus, dans tous les mondes où ils entrèrent ». 

Tels sont les différents degrés d'initiation dont la description nous est 
offerte par le papyrus conservé à la Bodléienne d'Oxford : il y en a quatre 
bien marqués, les trois baptêmes et le mystère dont la vertu purifie de tous 
les crimes dont les chefs des œons peuvent couvrir ceux qui n'ont pas en par- 
tage la Gnose valentinienne. Il est évident que les trois derniers sont la suite 
de celui que nous avons trouvé dans l'ouvrage Pistis Sophia^ que les feuil- 
lets qui manquent au manuscrit du British Muséum devaient contenir ce 
que nous apprend le papyrus de la Bodléienne. Cette coïncidence ne saurait 
être fortuite; d'ailleurs dans les deux ouvrages gnostiques la première scène 
de l'initiation est décrite en termes presque identiques. On pourrait dire, il 
est vrai, que les deux ouvrages sont du même auteur, ce que nous ne 
croyons pas, car le papyrus d'Oxford est bien plus sobre de détails et, pour 
ainsi dire, de mythologie gnostique et démoniaque, que le manuscrit de 
Londres; ce nous est une marque d'antériorité pour le premier. Il est bien 
plus vraisemblable que les deux ouvrages se correspondent en ce point 
seulement parce que les degrés de l'initiation valentinienne étaient déjà 
réglés et parfaitement connus comme tels, et non parce qu'ils seraient 
d'un même auteur. En outre, l'initiation est parfaite après le mystère 
qui soustrait à la puissance des œons ; désormais les initiés peuvent s'éle- 
ver dans chacun des œons supérieurs jusqu'au trésor de lumière, c'est-à- 
dire jusqu'au monde où habite le Père dont tout a émané. Us savent les 
mots de passe, ils portent avec eux les sceaux magiques, tout leur sera 
ouvert, et les habitants des divers aîons venus pour s'opposer à leur 
passage s'écartent devant eux avec frayeur, lorsque les initiés ont prononcé 
ce mot, montré ce sceau. L'initiation est donc bien entière, et par consé- 
quent ce mystère était le dernier degré. Cette conclusion confirme ainsi de 
point en point l'explication que nous avons donnée du passage de saint 

S3 



258 LE ONOSTICISMK ÉGYPTIEN 

Épiphanc : rinitiation proprement dite commençait au grade de soldat et le 
mystère des aeons rendait le récipiendaire Barbélite, c'est-à-dire fils du 
Seigneur. 



\ 



Les quatre paragraphes qui précèdent renferment tout ce que nous avons 
pu recueillir sur la doctrine de Valentin et l'organisation intérieure des 
communautés valentiuienncs. On a pu voir par l'exposé de sa doctrine en quoi 
elle ressemblait aux systèmes précédents , comme aussi on aura remarqué 
les différences qui s'y trouvent. Il est évident au premier coup d'œil que le 
système de Valentin est, à tous les points de vue, beaucoup plus détaillé^ 
beaucoup plus nuancé, i)lus composé en un mot que les systèmes des phi- 
losophes qui avaient jeté les fondements de la Gnose et de ceux qui avaient 
élevé les premières parties de ce vaste édifice, dont nous examinons seulement 
un des côtés. Gela n'a rien d'étonnant : l'esprit humain ne va jamais du 
composé au simple, il va toujours du simple au composé ; il ne prend pas 
un système compliqué pour en former un plus simple, il ajoute au contraire 
aux systèmes composés pour en faire des systèmes compliqués, s'enchevê- 
traut de plus en plus jusqu'au moment où le perfectionnement devient un 
amalgame. Nous pourrions presque dire que c'est une loi sans exception, 
et que de deux systèmes reposant sur un même fonds d'idées on i)eut sans 
crainte affirmer que le i)lus récent est celui qui est le jlus compliqué. En 
effet beaucoup de choses de détail échappent au créateur d'un système ; ces 
détails, il ne les remarque pas , il ne voit pas qu'il au -ait besoin de les 
perfectionner ; ce sera le travail de ses disciples, et à ce travail les disciples 
ne manquent jamais. Pour le Guosticisme, en particulier, Simon le Mage 
avait posé des assises sur lesquelles tous ses successeurs ont bâti; nous avons 
vu que son disciple Ménandre et le disciple de Ménandre, Saturnin, avaient 
modifié et augmenté la doctrine primitive du maître : à son tour Basilide 
ne se fit pas faute de créer quelque chose de neuf ; sa théorie du Dieu néant, 
ses mondes multiphés avec leurs nombreux habitants, toutes les autres nou - 



LE GNOSTICISME ÉGYPTIEN 259 

vcautés de son système montrent assez qu'il ne s'en était pas tenu aux données 
qu'il avait reçues de Ménandre, sans toutefois s'éloigner des principes fon- 
damentaux de la Gnose, les trois mondes, la similitude de ces trois mondes, 
la prééminence des gnostiques, etc. Valentin arrivant après Basilide, ne 
pouvait pas faire moins : de là cette richesse de mythes , d'allégories qui 
voilent le fonds philosophique de ce système. Ce fonds est toujours le même 
dans tous les systèmes, la seule différence repose sur la manière d'expliquer, 
de combler les lacunes par des images nouvelles. De ce côté, Valentin était 
doué d'un puissant génie ; son imagination orientale put se donner libre 
carrière, mais son originalité n'est que superficielle, puisqu'il élève un édi- 
fice d'apparence nouvelle avec des matériaux anciens, sur un plan qui avait 
déjà servi à ses prédécesseurs. Son n^érite fut de paraître expliquer ce que 
ses devanciers avaient laissé sans explication et de ne pas amener la con- 
fusion et le galimatias à force d'explications s'amoncelant les unes sur les 
autres. Il sut se borner, et Ton doit d'autant plus le féliciter qu'il eût plus 
de vogue et de succès. Cependant dans son système, tel qui nous a été 
possible de le connaître d'après la critique des sources qui nous l'ont transmis, 
il reste encore beaucoup de lacunes, soit que le philosophe n'eût pas voulu 
les combler, soit que les auteurs chrétiens ne les aient pas jugées dignes de 
leur attention. Malgré cela-, ce système de Valentin est le plus complet que 
nous ayons du Gnosticisme égyptien, et tel que nous l'avons exposé dans ce 
chapitre, on peut croire qu'on a bien le système propre du philosophe autant 
qu'il nous a été permis de le posséder. Du reste, au point de vue moral, quoi- 
que SOS principes soient susceptibles d'applications désastreuses pour la 
société, Valentin sut éviter les excès qui déshonoraient les autres doctrines ; 
en adoptant le mariage, il montrait que son enseignement était plus élevé 
que celui de ceux qui le proscrivaient ou prêchaient la promiscuité et la com- 
munauté des femmes. 

En outre, comme Valentin est de tous les gnostiques celui qui a compté 
le plus de disciples selon toute probabilité, nous avons cherché à connaître 
les rites et la composition intérieure de sa secte. Au moyen de textes et de 
rapprochements, peut-être avons nous apporté quelque lumière ; au moins 
nous estimerions-nous heureux de l'avoir fait. Nous avons dû cependant 
laisser de côté la question se rapportant à la hiérarchie valentinienne. Si nou9 



260 LE ONOSTICISME ÉGYPTIEN 

n'avons aucun témoignage concluant à l'existence, nous n'avons pas davantage 
de preuves témoignant de l'absence d'une telle hiérarchie, et les quelijues 
allusions relatives aux cérémonies, nous dirions aux sacrements valentiniens^ 
nous feraient plutôt conclure à l'affirmative qu'à la négative dans cette ques- 
tion. Toutefois nous ne voulons pas nous aventurer trop loin: ces rites, cette 
initiation, cette hiérarchie à l'existence de laquelle nous croyons sans trop de 
difficulté, nous ne voulons pas dire que Valentin les ait institués de toutes 
pièces; ses disciples sans aucun doute eurent une grande part au développement 
du culte comme à l'extension de la doctrine : mais Valentin en dût poser les 
premières assises comme l'ont fait tous les fondateurs de sectes ou de religions. 
D'ailleurs ce philosophe gnostique nous apparaît ainsi doué d'un génie aussi 
pratique que spéculatif, et nous ne devons pas nous étonner dès lors que 
parmi les hérétiques des premiers siècles il ait, avec Marcion, partagé l'hon— 
neur d'éclipser tous les autres novateurs qui ont pullulé à cette époque de 
merveilleuse activité pour l'esprit humain fatigué de négations et retrouvant 
une nouvelle vie dans la nouvelle doctrine qui se répandait alors sur le monde. 
Aussi croyons-nous que le plus grand danger qu'ait couru la religion chré- 
tienne vint de cette Gnose idéale et matérielle tout à la fois qui ne demandait 
qu'à envahir les nouveaux dogmes, à s'en emparer et à les modifier à sa 
guise et selon les caprices de quelques génies égarés. Ce n'est pas le moindre 
mérite de l'Eglise que ce travail de résistance et d'épuration qui dura quatre 
siècles, car le gnosticisme ne finit véritablement qu'avec la disparition de 
l'arianisme, et le danger des persécutions n'est rien en comparaison du dan- 
ger que les premières hérésies lui firent courir en voulant mélanger sa 
doctrine d'alliages impurs : il fallut plus de temps au christianisme pour 
vaincre ses faux enfants que pour triompher de ses persécuteurs. 

Nous avons vu quel rôle joua Valentin dans cette lutte contre l'Eglise, il 
fut vaincu ; mais son système devait lui survivre. De son vivant même, il 
avait envahi une grande partie du monde, et jusque dans les Gaules ses 
disciples avaient trouvé des adeptes ; mais en s'étendant son œuvre s'était 
modifiée et ce sont ces modifications qu'il nous reste maintenant à exposer. 



CHAPITRE IV 



SYSTÈME DE VALENTIN D*APRÈS SAINT IRÉNÉE OU ÉCOLE ITALIQUE 



Lorsqu'on lit le onzième chapitre du premier livre que saint Irénée com - 
posa contre les hérésies, on voit tout d'abord que Tauteur entreprend de 
donner dans ce chapitre le vrai système de Valentin * : il ne Tavait donc pas 
donné auparavant. Mais ce qu'il en dit ne diffère en rien de ce qu'il a 
exposé dans les chapitres précédents, ce qui nous est une preuve que le 
système que Ton trouve dans l'ouvrage de Tévêque de Lyon est bien celui 
de l'école valentinienne italique. D'ailleurs le texte que nous avons cité et 
dans lequel saint Irénée nous avertit qu'il a pris ces données dans les ou- 
vrages des Valentiniens ses contemporains et surtout dans les commentaires 
de Ptolémée, nous montre avec évidence qu'il ne faut pas chercher le vrai 
système de Valentin dans YAdversus hsereses. La seule citation des pre- 
miers mots de ce chapitre suffira amplement à démontrer ce que nous 
avançons : « D'après Valentin, dit l'évêque de Lyon, il y a une dyade 
qui ne peut être nommée : l'un de ses termes s'appelle l'Inénarrable fApp» - 
TOv) et l'autre le Silence (Seyi?). De cette dyade sortit une seconde dyade 
dont il nomme le premier membre Père et le second Vérité ÇAltiOna). 



' *f8ci> (tèv xai ti^v toutcuv àTrxrov YvtDpii)v S 'o icov xa\ Tpiu>v 6vtuv, kûc mp\ Tfi>v|avTâ>v ou xk at^xk 

Xéyouaiv, àXkk to7; icpayi&sot xxl to?; iv6|&X9iv êvovTta àicopxtvovrat. *0 \i.h yàp irpûroc (Iren, I, 

cap. XI, n. 1. -^ Patr. grsBC, t. VIII. col. 560.) — L'érâque de Lyon Ta montrer que renseiguement de 
Valentin est différent de celui qu'il a eipoté, donc il ne Tayait pas donné. 



262 LE GNOSTICISME ÉGYPTIEN 

Ce quaternaire produisit Aoyo; et Z«>7. "AvflpwTwç et 'EîcxXwa : c*est 
là la première Ogdoade. De Aayo; et de Im émanèrent dix puissan- 
ces, comme nous l'avons dit, d'^AvSpwTw; et d" ExxXyjaea, sortirent douze 
œons : l'un d'entre eux se sépara, de ses frères et fit l'autre création» * 
On voit qu'il n y a en cela aucune identité avec le système de Valentin 
tel que nous l'avons exposé : les points de dissemblance sont nettement 
accusés, et Ton doit conclure que saint Irénée ne connaissait pas les livres 
de Valentin ni son système. En revanche, il connaissait les disciples, il 
nous en a laissé le système, et comme ce système a été trop longtemps pris 
pour celui de Valentin, nous ne pouvons nous dispenser de l'analyser ici, 
mais nous n'en donnerons qu'une sèche analyse , nous contentant de mar- 
((uer les diflférences et de faire observer que nous avons bien, dans l'œuvre 
(le saint Irénée, l'école valentinienne italique telle que nous l'a dépeinte 
Tauteur des Philosophumena en spécifiant les dissemblances qui existaient 
entre elle et sa sœur aînée, Técole orientale dont les dogmes nous sont 
connus. 



I 



THBOLOGIB 



L'Ecole italique, nous l'avons vu, mettait une syzygie au commencement 
de toutes choses et se séparait ainsi de l'école orientale dès son premier pas. 
Au milieu des hauteurs invisibles et inénarrables, disait-elle, était un aeon 
parfait, préexistant à tout : il s'appelle le premier commencement {npoapyr!) 
le premier père [iifmix^p) ou l'abîme (Bu9oç) ; il était invisible et rien ne 
pouvait le contenir : éternel et incréé, pendant des siècles infinis il demeura 



^ *0 pièv yào icpfi>To; àicb xn; XsYopLSv/^crvcoaTixyi; alpé^eo»; Totc «PX^C el;ldtov ^apaxtîfpa dtdaoxaXeCou 
(uOapiiôaac OûxXevrtvoCt outco; è^poçipYjaev, dpiaàpievoc elvai SudcSs àvov6(ta(rTOv, t)c zh piv ti xaXeTQr6au 
"AppYiTov, To 8à Iiyi^v. "E'kzvzol ex TavTï); SvaSo; dsurépav 8ud5a icpo6e6XT)<r6ai, ^; tb |iév ti IIsTépa 
ovS(tx2Iety TO ti 'AXiQ^stav. *£x 8è t7); Tetpd^o; Taûrri; xotpico^opetaOai Aoyov xxi Z(i>V* "AvOpcoicov xat 
'£xxX7)(7txv* VMiki xe Txûn)v àySodcSx icp(dr/}v. Kal àicà |ièv toO Aôyov xal ty); Zurjç dixa duvd|ieic \iyt% 
icpo6e6Xyia0at, xaOcaç icpoeiprjxapLsv. *Aic6 Sa toO 'Av6pa>icou xa\ rrjç 'ËxxXYjaisc 5ô5sxa b>v |&îav âiro<r- 
TÎvav xai Oatepiâosaocv, tt^v Xoucyiv npayi&xreiav iceicoir)aOai. (Ibid,, col. 560 et 561.) 



LE GNOSTICISME ÉGYPTIEN 203 

dans le silence et le repos.. Mais en lui il possédait une Pensée (-Evvota) ^ 
cette Pensée est plus connue sous le nom de Grâce (Xipiq) et surtout de 
Silence {^tyvi). Or quand ce BjSoç conçut le désir de créer toutes choses, 
il déposa sa Pensée dans le sein de 2tyy? comme dans une matrice. 
2<y>? conçut et enfanta l'Esprit (Nws) aussi appelé Fils unique (Movoyevy?;), 
le Père et le Principe de toute chose, semblable et égal à son père, pouvant 
seul le comprendre. Avec lui naquit aussi la vérité ÇAhj6eioc)y et ainsi 
fut produit le premier quaternaire pythagoricien *. De son côté Noû;, ayant 
su de quelle manière il avait été produit, devint le père du Verbe (Aoyoç) et 
de la Vie (Zo»?), principe et fondement de tout le Plérôme : liéyoç et Zwyj 
produisirent enfin l'Homme (*Av9pw7ro;) et l'Eglise C^ExxXyjVea) : telle est 
Togdoade primitive qui fiit la source et la cause de tous les autres œons*. 
Les œons du dernier quaternaire, c'est-à-dire le Verbe et la Vie, THomme 
et l'Eglise, voulurent glorifier le Père et produisirent par syzygie de nou- 
veaux aeons. Dans une seconde émission Aoyoç et Zwyf firent émaner dix 
aeons : "Av^pwTroç et 'ExxXwa en produisirent douze de leur côté, et ainsi 
fut achevé le Plérôme invisible et spirituel, composé de trente aeons di- 
visés en ogdoade, décade et dodécade ^. Les noms de tous ces aeons sont 



^ Aéyou^t y&p Tiva elvai èv àopdcToïc xai ocxaxovopLàoToi; ui|/(opia(7i réXeiov AIûvgc icpiovra' toOtov Se xxt 
lIpoap^7)V xal npotccKTopa xal Bvdbv xaXoOaiv, unàpxovTa ôè a'jxbv àx(opY)TOV xaii à6paTov, aI6i6v Te xal 
àYévvT)Tov, ev Tjouxtqç xal r\pi[Lia icoXX^ Yeyovévat ev àneîpoïc al5}<n -/povcov* ouvvrcàpxeiv 6' auTÔ» xai 
"Evvoifltv T^v Sa xxl Xxpiv, xx\ Ii"rtv ôvoi&àCovat* xa\ evvoTiO/îvai icote àç' iocytoO icpoSdXeaOxt tbv BuObv 
àp/V|v Tûv icâvTcov, xal xaOàicep anipp-oL n^v icpo6oX9|v TauT7]v (vjv icpo6aXe(76ai evevoiqOï)), xot xxOévOat, 
o>; èv (iiQTpa, T^ ouvvicapxo^^iS lautco SiYfi» TauTYiv ôè OicoSeÇaiiév/iV t6 (ric£p(ia toOto, xat èYX'jfiova yevo- 
(I.5VT1V, aTCOxu^crai NoOv, optoiov te xa\ Îtov tû irpoêaXovn, xa\ jaovov x<*>poOvTa t6 (ilycOoc foO Ilarp^c. 
Tbv Ôà NoOv toOtov xx; MovoysvTj xaXoOTi, xa\ Ilatlpa, xal 'Ap*/^v tûv nàvTwv. £u(i,7cpo6e6Xyja6ai Si 
a'^TÔ) 'AXi^Osiav xal eivai taurriv irpwnrjv xal àpx*YOvov llvOayopixi^v TetpaxTVV, îjv xai ^{Çav tùv icavTwv 
xaXoOdiv. "Eiri ykp BuOè; xal Sty^» '^i^îifa NoO; xal 'AXi^Oeia. (Iren., lib. I, cap. i. — Pair. grxc. 
l. VII, col. 446-448.) 

* AldÔSpievôv TÊ xàv Movoyev/j toOrov èç' oî; irpoioXi^Oyi, itpoSaXeîv xa\ aûrov Aôyov, xal Zio-^yf icxiépa 

icivTcDV {ist' avT6v eaopiivctfv, xal àpxi^v, xa\ (tip^axTiv iravrè; toO nXYipctfi&aTo;. *£x St) toO Aiyov» xal tt;; 

ZûTjç wpo6e6Xr,ffOai xxTa ovCuyiav ''AvOpcoiiov xal *ExxXTi<iiav xa\ eivai xajnjv opx^yovov 'OySoaSa, f îÇav 

xal Oic^crracriv tûv TcavTbiv, xixpoLms àvittaori icap' auTotç xaXou(i.iva>v, BuOô), xal N^, xal Aoyfa), xai 

*Av6p(dic(|>. (Jd., t6t(2., col. 448.) 

3 TojTOu; 6k xàû; Atcova; eI; S)Çxv toO llarpbc icpo6e6X-Q{isvouc PouXTjOlvta; xal ajTOv; Sià toO ISîov, 
So^àffxi TÔv Xlxxépx, icpoêaXeïv icpoSoXà; èv ov2^vyia* xov {liv A6yov xx\ Z<i>9|v (uxà xb irpo6aXl<iOai xbv 
'AvOptoicov xal xViv *£xxXrj<7tav, dXXou; 6%xa Alîova;, (ov xà ôvôpiaxa Xéyo'jvt xoOxa* B jOio; xal Mi^t;, *AyiQ 
paxo; xai "Ev ooiç, A'jxoçvy); xal *HSovi^, 'AxiVTjxo; xa\ Svyxpxffi;, MovoyevT^; xai Maxapta* oûxoi Séxa 
Alcôve; oO; xxl çxdxoudiv êx Aoyov xxl Zwr,; npoSe^ij^Oai* Tbv ôè ''AvOp^oirîv xal auxôv 9cpo6aXeïv fiexà 
xfjc 'ËxxXr^dîac Alcova; ScoSexa, olç xaOxx xà àv6(i,axx x^p^Covxai* JlapaxXYixo; xa\ Iltaric, Ilaxpixb; xal 
*EXuiç, M/îxpîxàc xai 'Ayainj, 'Aiivoy; xal Zuvevt;, •ExxX7iTia<TTixb; xal MaxapioxY);» ©eXtjxbc xal lo^ia» 
(Id. ibid., col. 149.) 



264 LE GNOSTIGISME EGYPTIEN 

les mêmes que ceux cités dans le chap itre précédent et adoptés par l'Ecole 
orientale. 

Cependant il y avait déjà dans ce Plérôme ainsi un composé une se- 
mence de discorde : tous les seons voulaient connaître le Père invisible, 
mais ils ne le pouvaient pas, car cette connaissance était réservée au seul 
Movoyevnç. Celui-ci en toute bienveillance voulut communiquer sa science, 
apprendre aux autres aeons la sublimité et la grandeur de ce père incréé 
qui défiait toute compréhension et échappait à tout regard; mais sur le 
conseil du Père, Styy' l'empêcha de donner suite à son dessein *. Cette 
défense ne put toutefois empêcher 2opta , le dernier aeon féminin du 
Plérôme, d'être transportée de plaisir et de s'élancer à la recherche de 
la sublime connaissance sans la participation de son époux ©ehizoç *. Sur 
l'issue de ce désir, deux systèmes se partageaient l'école italique : le pre- 
mier voulait que 2oyta eût été détournée de son dessein par la médiation 
àTOpoçy la limite du Plérôme, qui lui apprit que le Père est inénarrable et 
incompréhensible. 2oj.ta revint alors à elle, elle oublia son intention pre- 
mière et le désir qu'avaient produit son admiration et sa stupeur ^. 

Cette explication se rapprochait de celle donnée par l'école orientale; 
mais l'autre système s'en écartait beaucoup. D'après les docteurs qui le 
soutenaient, lorsque 2o<p/a eut connu qu'elle avait entrepris de compren- 
dre l'incompréhensible, elle produisit un fruit informe, tel que le principe 
femelle livré à ses propres forces pouvait en produire : en voyant sa pro - 



Nô)' ToîcSl Xoticoi; Tc&<nv àSparov xxi àxaTàXr)ircov Oirap^eiv. Movo; oi ô NoO; xolx^ a^rèv; Ixipntxo Oeupûv 
Tov HaxipoLf xxl To {ilygOo; xô àu!Tpy]TOv svtoO xaizvoôjv fjyàXXeTO, xai Sievoeîro %x\ toI; XoiicoT; Altâffiv 
àvaxoivcôaxoOxi t6 pLéysOo; toO Ilatpb;, TiXixo; xt xa; 5«tî; Owjp'/e, xai w; r,v àvapxo; xe xal à*/cipt}Xoç, 
xal ou xxxdtXr)irxo; lôsîv. KâxsfT^e SI aJxôv tj IiyiQ ^oAr^ia xoO llxxpà;, Ôià xà OsXetv icavxa; a-jxàv; el; 
ivvoiav xsl ic66ov 2;7]xiQ9ea>; xîù itpostpr^fuvoy Ilpotcàxopo; aùxtàv àyàyeiv. (Iren.t lib. I, cap, ii. — Ibid., 
col. 542 et 543.) 

• npoTJXaxo ôè iroXùi xeXeuxaîo; xal vsôxxxo; x?,; âa>Sexàd3; xfj; uuo *Av6pu)iio*j xa\ xiî; 'ExxXijaia; 
9cpo6E6XT)|iivo; Alûv, xouxécrriv tj Soçiat, x«i k'uxOe irâÔo; avev xij; CTtiwXoxr,; xoO ouÇOyoy, xov OeXTjxoO. 
{Ibid,, col. 453, n© 2.) 

^ "HOeXe yàp, à>; Xsyo'jai, xà (tsyedo; auxoO xaxaXaSeïv* Ïkiixol y.^ duv/;Orjvai, Sià xà ocSuvàxcA eici6aXeIv 
icpâyiixxi, xai èv icoXXu) uàvj ocytâvi yevôjisvov, 6ii xs x6 iieysôo; xoO pàôîu;, xal xô àve$i-/viaffxov xoO 
Ilaxpbc, xxl XT)v Tcpô; aixàv (jropyrjv, sxreivofjievov àe'i tiri xb icpôffOsv, uir6 x*,; yXuxuxrixo; «jxûû xeXcvxxîov 
av xxxzTcetcWOxt, xxl àvxXeXuaOxt ei; xtjv oXrjv ovaUv, el pii^ x^ 0"x.t;i!;oJ(tti, xal èxxb; xoO otppi^xov jteyé- 
6oy; ^vX«(TOovffTp xi bXa ctvvîxuxc ôwàptsi. Tauxriv 5ï xrjv SJvapLiv xal "Opov xxXoOoiv, (»?* tq; £iri<r/fi<rOai, 
xal eoxrjpixOai, xxi i^-Syi; èirKjxpé^/xvxa i ; lauxôv, xal wcia6lvxa, oxi àxaxaXTjTcxi; eoxiv ô IIdcxop> àiioOétrôai 
xi^v icpoxipav èvOu{&Y)(rtv, ovv xô èiriyvv3|iivM ui^si Ix xoO IxttXtqxttj :xîivou OîajJLXxo;.(/6i /., c^l. 543*456.) 



I.H GNOSTlCISi\IK KGYPTIKN 265 

duction elle fut d'abord contristée à cause de rimpcrfection de ce qu'elle 
avait enfanté, puis elle craignit que ce fruit informe ne fût détruit, et alors 
elle fiit tourmentée, couverte de honte, cherchant où elle cacherait son fruit. 
Elle fut ainsi amenée à se retourner vers le Père, elle fit un effort inutile et 
fiit obligée d'en venir aux supplications. De leur côté, tous les autres œons, 
et surtout Nojç, supplièrent le Père de prendre pitié de 2of /« *. Alors 
par l'intermédiaire de Movoyewîç, le Père produisit un aeon à la fois 
mâle et femelle, n'ayant pas d'épouse, qui fut appelé limite fOpoç), ou croix 
ÇS,zavpoç), Rédempteur (SuXXutjowWç), Affranchisseur (Kocpntav^ç) y Limitant 
ÇOpoQévnç) et Translateur (Mrroyoiyeuç). Cet œon nouveau purifia Soy/a, la 
confirma dans son essence et la rendit à son époux*. 

Sophia étant ainsi réintégrée dans sa Syzygie, Movoyevyjç produisit un nou- 
veau couple, le Christ et le Saint-Esprit, dont la mission fut de donner aux 
autres aeons toute la perfection dont ils étaient capables : Xptaroç leur enseigna 
quelle était leur propre nature, l'incompréhensibilité du Père qui ne pouvait 
être connu que deMovoyevnç. De son côté UveviJ.oc'Xytov leur apprit qu'ils étaient 
égaux, qu'ils devaient rendre grâces au Père, et ainsi, leur donna la véritable 
paix, le vrai bonheur. Alors tous les seons devinrent semblables : les 
mâles furent à la fois Noû^, Aoyo;, "Av^jowtto; et Xpiaroç : les femelles furent 
toutes ^KhîOeia^ Zwy}, 'ExxXyJata et ïlveviJLa'' Xyiov y c'est-à-dire que les pro- 
priétés de chaque seon devinrent le partage commun de tous leurs inférieurs'. 
• 

* "Evioi 8a atjTtov itwç t6 icctdo; tTj; lof ta; xal tt)v éitiorpoçi^v ixuOoXoyoO^tv. 'Aôuvàta) xai àxataXTjTrrfjî 
tcpâyiiati auTT|v èirr/etpi^Qracrav, xéxsiv oudiav â{iop90v, o\xm çudiv eixe» 8r,Xeiav xlxeiv i^v xa\ xa?avoTj(raQrav, 
TCpûTov jiàv Xu7nr|0r,vai 6ià to aTeXè; Tfj; Yevéasw;, eirsirx çoSrjÔrjvat |iTi8è auto t6 e?vai TgXeto); ë-/îiv eîta 
exaTTjvai, xai àTCoprjffai, îi^xouffav rriv aiTtav, xal ôvTtva Tpoicov àicoxpC^^ei xb yeyovô;. 'EyxaxayevopiévTjv 
Ôè xoî; irâÔtdi Xa6eîv èiTKTxpoçiQv, xa\ eirl xàv Ilaxépa àvaJpajuîv ireipaoôijvai, xaî \tjixpi Tivà; xoXpii^daffav, 
èÇadOevr.aai' xai Ixéxiv xoO Ilaxpô; yéveffôai. luvôeyjOrjvai ôè aùxr, xal xoù; Xomoùç Alcova; ixâXiorxa ôè xàv 
NoOv. {Ibid,, n. 3, col, 456-457.) 

* *0 02 Ilax/jp xôv 7CposipYi(A£vov 'Opov £ir\ xouxoi; 5ià xoO MovoyevoO; irpoôâXXexai êv elxovi ioîqi, 
àcjvC^yov, àOTQXuxov Tbv yàp Ilaxépa «oxs {lèv ptexà auCuyiaç xrj; Iiyrj;, tcoxs ôà xal Oiràp appev, xal ûîtèp 
OrjXu elvai ÔéXovffi. Tôv 5è "Opov xoOxov xal Sxaupbv, xa\ SuXXuxpcoxi^v, xat KapitKJxtiv, xa\ *OpoÔÉXT(jv, 
xal Mexxywysa xaXoOdi. Aià 8s xoO 'Opou xoOxoy çaal xexaOdpxai xal eoxYjpr/Oai x-î^v Soçiav, xal airoxa- 
xaffxaOr,vai x^ (TjC^yia. {Ibid,, n. 4, col. 457-460.) 

3 Mexà 8i xà àçopKrtylvai xaûxTiv Exxà; xoO nXTjpwjxaxo; xûv Altovuvi xiqv xe {iT]xépa a-jxi); àiroxoxaor- 
xaOîjvai x9) I8îa (jvÇuyta, xbv Movoyevrj TcàXtv éxépav irpo6aX£<70ai (juÇvyîav, xaxà tcpo|iyîOEiav xoO Uaxpà^* 
Iva |irj 6(xot(i>; xaOx9j TiaOT) xi; xôv Al'jivwv, Xpiflrxôv xoi IIveO|ia élyiov, elçTc^^iv xa\ oriopiYP''^^ "^^^ nXvipa»* 
uiaxo;, uç' wv xaxapxiorO^vai xoù; Aiwva;. Tbv |i£v yap Xpwrrbv 8i8aÇai ajxou; duÇvyfa; çudiv, àyEvvVîxoy 
xaxaXrj^/iv yivwoxovxa;, txavoù; eïvai, àvayopsOdaî xe £v auxoî; xt^v xoù Xlaxpb; citîyvwaiv, 5xi xe a^toprixo; 
i<ixi xal àxaxàXr,itro;, xat oux £<ixtv ovxe I8etv, ouxe âxoOarai aOxbv, îj 8ià (t^vo'j xov MovoyevoO; ytvcia* 
xexat. Kai x6 (lèv alxiov xf,; alcaviou 8ia|jiovfic xoï; Xoiirolç xà upûxov xaxaXiQicxov Oicapxetv xoO IIaxp6;« 
tr^; 8è yevévecoc ajxoOt xa\ (i.op9U9eu>c, x6 xaxâXvjrcxov auxoO, co 8;^ T(roc eotî. Kal xaOxa (ilv ô apxt icpoS* 

34 



; GNOSTIGISUE Etlïl'TIK 



N'ayant plus alors que mémo désir et même volonté , le Plérôme 
tout entier voulut reoclre grâces au Père; chaque œon lit émaner de 
lui-môm.3 ce qui était le propre et le meilleur de sa nature, et le fruit 
de cette émanation d'un nouveau genre, en tout semblable à celle que 
nous avons vue dans l'Ecole orientale, fut Jésus, rœon parfait, appelé 
l'Astre du Plérôme, le Sauveur, le Fruit, le Verbe et le Tout*. 

Telle est la théologie de l'école valontiuienne italique d'après saint 
Irénée: eu un certain nombre de points, elle diffère grandement de celle 
de l'Ecole orientale. D'abord la Dyade ou Syzygie se trouve au premier 
principe de toutes les émanations : de plus Tordre dans lequel émanent 
la Décade et la Dodôcade en différent. Les qmlités et les prérogatives 
dont est doté Mîvoyîvïi; sont aussi particulières à l'école italique, son rôle 
est nouveau : il est le fruit d'une imagination poétique et abstraite à la 
fois; c'est en effet à l'Esprit qu'il appartient de connaître sa cause et son 
principe, et quand une fois il a trouvé, le Silence seul peut empêcher sa 
Pensée de se produire au dehors et d'être partagée par ceux qui sont 
moins bien doués que lui. Eu outre, dans l'école orientale, la syzygie 
du Christ et de l'Esprit-Saint émane de l'Esprit et de la Vérité avant que 
l'/Eon-Limite ne soit produit parle Pèra : dans l'école italique, "Opo; émane 
de Noùj et est produit avant XfA<r:iç et Uvgv^x "kytov. Dans le premier système 
à la vue de T'Eicpuia deSsyla, la paix du Plérôme est troublée, tous les 
œons craignent que pareille chose ne leur arrive ; dans le second rien de 
semblable n'a lieu, la mission du Christ et de l'Esprit-Saint est de parfaire 
les seons, tandis que dans l'école orientale cette mission se réduit à consoler 
la loflût extérieure, à lui domier de la force. Enfin, une plus importante 
différence nous est offerte dans le mythe même de lofiat. 



iHiait, xo'l tJ|v à*r,BivJiv àviitï-joiv ^ri^xiî. O'jtiiiî ti pJiSTJ "'1 r''"!»'] Wou: iaiTïffTa(lr|Vai toù; Aifiiiat 
Uya'JO'i, nàvTS; Ytvaiilvou; NAi;, xai ntivta; AifOu;, xal T>; h\\clxi i|j,oiu; itcuix; 'AXiiBela; xal nàaa; 
Zui;, xal llv[-j|iits xi\ 'Ei<x).>i>t1x:. (Ibld., p. 5 et 0, col. 46l-iC4.) 

< Irnpix^fvTa i\ înl ioûtu ta lia, xi\ âvaniuiii^cvi ttlfu;, (icTà ^rfàXr,; X'?^' ^tiici iiitT,axi tôv 
Ilpaicàiapa, Tcallr;: C'jfpia-d; |i!ii{t^ivTi. K-A ûitïp T?]; l'jTiaid; Tiûn;; flovi-xi C^? *^ Tvùjig t<> riv 
Ili.i^pw|ti t&t Atw«biv, (TJvtvSQXiOvio; TOÙ XpltfroOxil ToD IlvEÛ[iiio;, Toû U Itiipo; aùtSiv O'jvcniofpa. 
Yi!;o|iJvD'j ïvx IxioTav Thiv Aiwvu'j, Sictp tt'ilti Cl lauiû xàniatav laX àiinpituxev iiuvEvtTva|i,fveu( xal 
cpivisa|iéii-j;, xi\ tqûtx (ip)ii3fu; nXifiiTi;, xx'i i|i|ijXù>; ïvùoivti;, •npaSai.iaO-xi ^pE61r,)t"' cii; Ti- 
(lilï xxï îl^iy ToB &'JlaO, «ItiiTOlTOi xilio; T! xil àirp)» to5 fUiip-iiLiTo;, tiXiiov xapnJv t4v 'lr,5oOï, 
ÔM Mxl £uT'^px npaiXYOptvSiivx;, xil XpisTiv, xxl Aiisv iixTpuvu|j.ixù;, xaV QàvTK, Sa Ta àne nâvTUv 
shn {Ibid., col.UI.465,} 




LE ONOSTICISME ÉGYPTIEN 207 

Dans l'école primitive, la défaillaate ^o:fl<x prend place dans le Plérôme 
lui-même. Ce n*est que la l,(yfla extérieure qui en est tenue hors : dans Técole 
postérieure, la première ^o<fla est rejelée hors du Plérôme, elle est en 
proie à toutes les passions ou souffrance qui dans l'autre système sont le 
propre de la seconde et ces passions deviennent l'essence première de 
la matière d'où doit sortir le monde *. Le mot d'Ogdoade lui-même a, 
dans saint Irénée, une tout autre signification que dans l'auteur des 
Philosophumena : dans le premier c'est la collection des huit aeons su- 
périeurs du Plérôme; dans le second, ce n'est que le nom de la partie 
la plus élevée du monde intermédiaire. Quand au Plérôme lui-même, 
dans l'école primitive, il est composé de vingt-neuf ou au plus de trente- 
deux aeons; dans l'école italique il en compte trente ou trente -trois, car 
le Père inénarrable fait partie lui-même de ce Plérôme au-dessus duquel 
l'Ecole orientale le tient élevé. En résumé dans les deux écoles il n'y a 
de parfaitement semblable que le mode d'émanation de Jésus, l'Astre 
ou le Fruit commun du Plérôme 



II 



COSMOLOOIE 



Lorsque J^o^fia, fut rentrée dans le Plérôme son fruit appelé 'Ev9uay]a(ç ou 
2of /a 'Axawûiô restait dans l'obscurité et dans le vide. Un œon du monde supé - 
rieur du Plérôme, Xpitniq en eut pitié : par l'intermédiaire de l'œon-limite 
"'Opoç il put arriver jusqu'à 2oyta 'Axa/^ûi^, c'est-à-dire qu'il traversa cette 
limite pour entrer en communication avec 'Axayw9 : il lui donna une forme, 
et après ce premier soulagement apporté au malheureux avorton, il remonta 
au Plérôme suivi de l'Esprit-Saint, laissant Soyta embaumée d'un parfum 
suave qui témoignait du passage des deux seôns*. En raison de cette opéra- 

r 

* 'EvteOÔev Xéyouat irp(0TT)v &pxV êa*/^*^^«* "^V oOdiav 2x tt)ç àyvofaç, xoi xt)ç Xuicyjç, xal xoO f 66ou, 
xai tt); ixrùAiiuù^. — Iren.^ ïïb, i, cap. 2, n. 3. {Ibid., col. 457.) 

* Ta 8i ÊXTo; toO IlXTipuixaTo; Xey6|xeva dit' auTûv Ivzi toiaO-ra, t^jv *EvOû|ji7](7iv tr.ç avti> loçia;, i^v xai 
'AxQi|Mi>0 xaXoOaiv, àçopioOeraotv^ toO IIXY)pa>|jiaTo;, <jvv xû icàOei, Xéyouaiv, èv axtaîc xii oxY}V(î>|iaxoc 
x6icoi; èx6e6pd(<y6ai xaxà àvàyxiiv. "Eitû yàp 9(0x6; èyévexo, xcti nXy)p(0|Aaxoc, xal àjAOpço;, xa\ àvei'Seoc, 



268 LE GNOSTICISME EGYPTIEN 

tioii de la syzygie divine, ^^la est aussi appelé quelquefois Esprit-Saint, 
UveviJLcc ''Xyio'j K Après avoir reçu sa première forme, Achamoth se mit à 
chercher la lumière qui l'avait abandonnée, mais elle ne put y parvenir, 
car pour la retrouver et la posséder de nouveau il fallait entrer dans le 
Plérôme, et r«on-limite 'Opoc, était là pour empêcher tout envahissement 
étranger. Achamoth poussa un grand cri ; '!«« cria-t~elle, et elle fut saisie 
des mêmes douleurs qu'avait endurées sa mère, du chagrin de n'avoir pas 
compris, de la crainte de ne plus retrouver la lumière et de perdre la 
vie comme elle avait perdu cette lumière : elle fut contristée de tout cela 
ot par-dessus tout elle fut en proie à Tignorance. Mais à la différence de sa 
mère, elle n'eut que la répugnance des souffrances entre elles, c'est-à-dire 
leur contrariété augmentée d'un mouvement qui l'entraînait vers celui qui 
lui avait donné la vie en lui donnant une forme *. 

Do ces souffrances ou passions sortit l'essence prochaine de la matière 
dont les douleurs de la première Softa avait été l'essence éloignée, s'il 
nous est permis de parler de la sorte. Du mouvement d' Achamoth vers la 
lumière qu'elle avait perdue, sortirent l'âme du monde, celle de Démiurge 
et sans doute toutes les âmes en général ; tout le reste de la création 
est le produit de la crainte et du chagrin ; dos larmes de 2oy/a est venue 
toute essence liquide, de son rire la lumière, de son chagrin et de sa stupeur 
tous les éléments corporels, car, disaient les Valentiniens, tantôt elle riait, 
tantôt elle pleurait, tantôt contristée et tantôt ravie ^. 

coTicep êxTpti)|ia, 5ià t6 {xr.Sèv xarsùrj^lvat. GixTEipavxà xt ayt^jv tov Xpiorrov, xat ôià toO SxaupoO 
ÈTCîxraOivTa, rr, I5ia duvdl(t;t |iopf cbaxi (A'ipfoxriv tt)v xat' ojflriav jxôvov, u/X oy tt^jV xaxà yvôxiiv xai irpa- 
Çavra toOto àvaîpxjieïv, (TuaTeîXavTa aùroO tt)v oOvapiiv, xa\ xaTxXiTceîv, oiiw; aiaôojiiv /j xoO ir£p\ aiirfiv 
waÔou; 5ià x^jv àTCX^Xa^tiv xoO ll).y)p(ô|iaxoc, ^P^'/.^^t "^^"^ ôiaçepôvxwv, s^oucd xiva ô5piT)v àçOapdiaç, 
èyxxxaXeiçQeïaav aOx-rjv xoO XpiaxoO xa\ xoO *Ayîou nvevjiaxoç. (/rew., lib. I, cap. 4. — Ibid., coU 
477 et 4^0.) 

^ Atà %ol\ tt'jx^v xoî; à(if oxépoïc Ôv6(t9(0i X3>.et<76ai, loç^av xe icaxpa)vo|iixâ>; (î yàp ndcxï)? auxîjc Sôçia 
x>.y)tî;sxai)* xx\ nveOfix «yiov, ànà xoO itspi xbv Xoktxov Tfvg3(taxo;. {Ibid,^ col. 480.) 

* Mop^toOgiTàv Xc ajxyjv, xal ê(ifpovx yevr,6£Î(Tav, îcxpauxixx 8è xevcaOetoxv âopixou ayxr, oruvovxo; Aoyou, 
xovxiart xoO Xpi<ixoO, sm Ctqt'îtiv ôppi^ffai xîO xaxaXtTcivxo; a'jXT,v çcoxbc xat (it) SjvyjOrjvat xxxaXa6eîv avxb, 
6tà xô xu)XjO-,v:(i Otçj xo j "0/OJ. Kx\ evxxO^x xàv^Opav xcoXûovxa xuxVjv el; xo^iiicpocrOev ipjXTjç eIic&îv laci* 
oOev xè *Ix'o ôvofix yeY£vr,<i?)jti f à<7xou9i. Mr, Suv/;Oeî(Tav 8è ôioÔeOorxi xbv "Opov, 5tà xb <n;|iirXexO>5vai tû 
«xOsi, xxi (iivr,v àiciXs'.pOsîdxv ïÇto, irx/x\ [xlpei xoO «âfJou; (»7Ç07ts(Teîv iro)uîJispoO; xxi iroXuiroixîXou 
yTcioX**''^**?» ^*' wxOeîv, Xinij; pilv 3xi oi xxxiXx6s, çoêov 6à pirj xaOàirep auxTjv x6 ço>;, ouxw xxi xè Çy;v 
:7f.\-!7Cd, à:rîp:x> xs îït"; xîixoi;* £v àyo-qt 5i tx Ttàvxx. Kxi ou xaÔànEp, y| |ii^xr,p, xyxT) ifj icp'ôxy) loçia xa\ 
Aîiv, érspo'wT'.v Iv xoî; iràOiiiv eV/£v, àXXà Evxvxioxr^xa. 'Entauiiêîôr^xévai l* x'jtç xx\ Ixépxv SidOeotv, 
x9)v xr,; EiriTXpoçTi; Èiii xbv CoïOwonQTxvxx. {Ibid., col. 480-481.) 

3 Txvxov l'Txxdiv xx\ oiffixv x>,; \*Xti; yeyevr.ffOxi Xlyoudiv, eÇ r,; oÔe 6 x6(r(xo; ffvvéaxtixev. *Ex |jiv yàp 



I.K ONOSTICISME ÉGYPTIEN 2()9 

Nous devons avouer ici que nous croyons rencontrer dans Texposition 
faite par saint Irénée une certaine confusion, il attribue la production de 
l'essence de la matière au deux I^ofla , et dans les mêmes termes ce qui 
nous empêche de distinguer entre l'essence, de la matière et la matière elle- 
même ordonnée et formée, nous n'avons trouvé moyen que de distinguer 
entre une forme plus ou moins prochaine, ce qui ne nous satisfait que 
médiocrement. 

Quoi qu'il en soit de cette confusion, Soj/a 'Ax«fAw5 se sentit poussée à 
prier la lumière qui l'avait abandonnée, comme nous l'avons dit : ses prières 
multipliées et pressantes, ne restèrent pas sans efiet sur le Plérôme qui 
voulut lui envoyer un nouveau secours. Mais le Christ, qui l'avait secourue 
une première fois, ne voulut pas sortir du Plérôme après y être rentré ; à sa 
place il envoya le consolateur UocpccKknzéç c'est-à-dire le Sauveur, Jésus, 
revêtu par le Père de toute la puissance nécessaire pour créer les choses 
visibles et les choses invisibles; ces dernières sont tes Trônes (©povoi) 
les Divinités (©éonrreç) et les Dominations (VLvpiouizeq). Des anges créés en 
même temps que lui lui furent adjoints*. L'orsque ainsi accompagné, Jésus 
arriva près d'Achamoth, celle-ci se voila la figure de confusion, puis elle 
hasarda un regard ; ce premier regard lui donna des forces, elle accourut 
vers le Sauveur qui compléta sa forme et la délivra de ses passions ou 
souffrances. Cependant il ne détruisit pas complètement ces passions, il les 
condensa ; d'affections incorporelles il les changea en matière corporelle, il 
leur donna ensuite le pouvoir de passer en des corps et de former deux 
essences, l'une mauvaise venant des passions, l'autre seulement possible 
venant d'un mouvement de 2oyfa vers la lumière. La création du monde 



T^; EiçKrrpoçf,; n?;v toO x6(7|iov xal toO Ay)|iioupyoO Tcâaav 'fruyjTjv tt|V y^veaiv eiXYjçévait êxdà toO 9660U 
xa\ TTjÇ XuTC/]ç xi Xoiicà triv àp^^jv £<TXY]X£vai. *Auo yàp twv Saxpûcov aO-ciic yeyovévai Tcaaav {vuypov 
O'jffiav oLizà ôè toO y^Xcoto; ttjv çcoteivi^v àizb àï tt;ç Xûicy); xal xf^ç exicXiq^eo); xa au>{jLatixà xoO xôa|&ou 
OTor/eîx* lloT£ [ih yàp ëxXxie xal eXuiceito, a>c Xéyou<7t, 8tà to xataXeXelçOai {&6v7)v sv x^ oxotsi xai t^ 
XEV(0|iaTi' HOTE Bï EÎ; ëvvoiav yjxouaa toO xaxaXmovTo; avTf|v 9(0x0;, âiE^eÎTO xal Ey^Xa* tcote 6' au icàXtv 
E906&1TO* aXXoTE iï diY}ic6pEi, xa\ i^i<yxaxo, (/6td., n. 2, col. 481-484.) 

^ Ato5£j(7a(7av ojv icâv rcâOo; t9jv |jiY)tÉpa avTûv, xai (loyiC v;ic£pxv4'a<rav, Èirl Ixsffîav rpatCTivat toO 
xaTaXiirovroç avxi^v çtotb;, TOUTéem toO Xpi(rroO, XEyoudiv b; àvEXOù>v jièv eI; t6 nXT;pa>|ia, avtàç |ilv, 
flxb; 6ti tûxvYjffÊv ex ôsurépou xaTsXOEiv, t6v llapaxXY^xàv ôè EÇÉitEpLirEv avTT^v, toutsoti tov Surfjpa, ivîiv- 
To; aùrô) icaorav rriv âuva|iiv toO IlaTpè;, xai nâv ûtc* ÈÇoufftav icapaSôvxo;* xal xûv Alcovcov Se6(A£voct 
Sica>; Èv a'jxfip xà nàvxa xxiaOyj xà 6paxà xai xà àooaxà, 8p6voi» 8c6xr,xsc xal KupioxYjxec. (/6td., n. 5, 
col. 485-488.) 



270 LE ONOSTICISME ÉGYPTIEN 

commençait ainsi : cependant Jésus ne créa qu'en puissance, car jusqu'ici 
il ne s'agit que de la création des types, comme le fait remarquer saint 
Irénée*. 

Achamoth, ainsi délivrée de ses passions et rendue joyeuse par la contem- 
plation des anges qui accompagnaient Jésus, eut commerce avec eux, conçut 
et enfanta des fruits spirituels, produits à leur ressemblance, qui devinrent les 
créatures spirituelles , créées en premier lieu *. 

Après cet enfantement de 2oyfa, les trois natures matérielle, animale 
et spirituelle, étaient produites ; il ne restait plus qu'à leur donner une 
forme. Achamoth entreprit de le faire ; mais tout d'abord elle fut obligée 
de laisser de côté la nature spirituelle qui était de la même essence qu'elle 
et dont la formation échappait à son action trop peu puissante. Elle se tourna 
donc du côté de la nature animale, elle lui donna une forme en suivant 
les enseignements de Jésus le Sauveur à qui elle devait sa propre forme 
et qui lui avait ainsi tout appris ^. En premier lieu elle forma le Père et le 
Roi de toutes choses, Démiurge, celui qui n'a pas de père (\ni'c(ùp) aussi 
nommé d'un nom intraduisible en notre langue, MnzpoKchtùp père et mère tout 
à la fois (ou père de la mère) de la création universelle*. Ce Démiurge 
fut formé du mouvement de 2oyta vers la lumière ; il est ainsi supérieur 
à tous les autres êtres doués d'une âme : cependant il est rempli de faibles- 
ses parce qu'il est formé d'une passion, il ne peut connaître les choses 



* TV^v 8»j 'Ax»pi.t«>0 evTpx«»T<Tav «vtov, XlYo^^yi irpûTov |ièv xàXu[X[x4 eitiÔi(T6ai âi'al^û, {lETÉTceiTa 8è 
(SoOaav ajTbv <rùv oXig T/j xxpicoçopia auToO, icapa5p3{xeîv «ux^, 6uva(xiv Xa6o0(7av 2x xr,; èmçoiveiac 
avxoO. Kâxeîvov (top^coTXi a-ix^ (lopçwJiv xt)v xaxà yv&Griv, xai ixiiv xûv icaOcov icoiriTaoOai atCx?,;, |it) 
âluXiQaxvxa Ôè a-jxûv. O j yàp tjv âuvaxà à9avia67,vai, c!); xà x^; Tcporipx;, 8ii xb exx(xà i^6r|, xal duvaxà 
eTvGCi* àXX' àTCoxpivavxa */(i)pr,9et toO (juy^fixi xal irr,Çai, xa\ eÇ à(T(i>{id(xou icdtOou; el; à(7W|iaxov xr,v \ÎXrjV 
(texaêaXetv aùxà* elO' ouxco; £icixY)$ei^ry)X2 xxi f joriv ÊptTceTCOiY^xévxi aùxoT;, (oore el; (myxpipiaxa xa\ atù\L%xaL 
eXOsîv, Tcpbç xb yéve(T6ai, 8io ojdix;, xrjv çauX/jv xta-^ «aOwv, xtqv xe xr,; im^xpoçr;; èiraO/j* xal Ôii xoOxo 
duvzi&si xàv £<oxTipa it^fiv-io^jpYrfl(.éyM çdccrxowi. Tr,v xe 'A^^M*^^ Èxxà; iràOouc Tevo(iévr|V, xa\ ouXXa6oOaav 
T^ X^P? 'f***^ ^^ aOxû 9(dX(i>v Oea>p(av,xouxé(7xi xûv 'AyylXwv xûv jiex' aOxoO, xati èyxi(Tffr|(ra<7av avxoù;, xexvn- 
xlvat xapTTOÙ; xaxà x-r^v eixovoc diSâ(rxou(7i, xû/](i,2 irveuftaxixbv xaO^ 6|ioi(i>ffty yeyov6xa>v x&v Sop09dp(i>v 
xoû £ù>xfipoc. ( J6td., col. 483, 484 et 487.) 

' Cf. note précédente. 

' Tpibîv O'jv iiiÎTi xo3xcov Oicoxei(tiva>y xxx* aCxàyc, xoO |ièv ex xoO waÔou;, ô ^jv ûXy), xoO 8è ex xtj; êi«- 
oxpo^T);, ^v xb ^/-JX'*^^» "f**^ ^* ^ àTtexOriae. xoyxéaxi xb uveu{xaxixbv, ouxco; èxpàn/j èuî xtjv piip^eofftv 
avx&v. *AXXà xà (tèv irve'j(iaxixbv |it) Seiuvr^crOai a-jxv; iiopçôxrai, eireiâv) ô(xooûatov uicfip^ev otvxf/ xexpà- 
çOai 8à êitl xTjv jt^pçwTiv xr,; yevojiivr,; sx x^; ènioxpoçr,; ajXTj; 4*vx'*^Ç oOff{a;, icpoSaXeîv xe xà irapà xoO 
Scoxfipo; {iaOiq|iaxa. (Ibid., cap. v, n. 1, col. 692.) 

* Kxl itpûxov |ie|iop9(Dx£vai ajxtjv ex xr,; ^/u^'^'îî ojffîat; X£you<n, xbv Ilaxéps xa\ pavtXe'a ndcvxuv... 56ev 
xal MvixpovcâxopGC xa\ *Aicàxopa, xa\ Ay)|uoupybv auxbv, xa\ Hanipa xaXoO<7u (/6td., col. 492.) 



LE GNOSTICISME ÉGYPTIEN 271 

spirituelles ; il se crut le seul Dieu et c'est lui qui fit dire de lui-même par 
les prophètes : Je suis le seul Dieu, il n'y en a pas d'autre que moi *. 

Démiurge créa tout ce qui est dans le monde, aussi bien les créatures qui 
ont la même essence que lui et qui sont appelées créatures de droite, que 
celles qui sont formées de passions et de matière et nommées créatures de 
gauche : il est le père des premières ou des Psychiques, le Démiurge des 
secondes ou des Hyliques, le roi des unes et des autres. Sa création fut une 
création inconsciente, il ne savait ce qu'il faisait^ et dans son ignorance toute 
son action se réduisait à suivre l'impulsion qu'il recevait de sa mère. Celle-ci 
voulant tout faire à la gloire des aeons du monde supérieur en forma les 
images, ou plutôt ce fut le Sauveur Jésus qui les fit par son intermédiaire. 
Elle-même, à l'image du Père invisible, elle se garda de faire connaître sa 
nature à Démiurge quoique celui-ci fut l'image du Movoyev/fç du Plérôme; les 
archanges et les anges de la création de Démiurge furent les images des 
autres œons diu monde supérieur qui se trouvaient ainsi reproduits dans le 
monde nouveau que peuplaient 2oyîa, Démiurge et les créatures spirituelles 
dont nous venons de parler *. Il est inutile de faire remarquer combien 
la similitude des deux mondes est ici complète. 

En résumé, la création de Démiurge ne lui appartenait guère et pouvait 
à peine être regardée comme sienne ; son rôle se bornait à ce qui était 
nécessaire et à ce qui suffisait, c'est à -dire à discerner les deux essences 
confuses avant son œuvre ; changeant alors ce qui était incorporel en 
matière corporelle, il créa les choses célestes et terrestres, hyliques et psy- 
chiques, de gauche et de droite, légères et pesantes, entraînées vers les 
choses supérieures ou descendant d'elles-mêmes aux choses inférieures. 
Ayant ainsi discerné les deux essences, Démiurge commença par créer sept 
cieux sur lesquels il domine. Ces sept mondes célestes sont spirituels, c'est- 
à-dire ce sont sept anges placées à la tête de sept mondes qui ne peuvent 



' *£x (liv TTJ; EictGTpoçTJ; xbv A7)|iioupYbv ^ouXovTai YéveQriv Eff^Yjxévat... Aià toOto aTOvcoxepov aurbv 
iicdpx®^'^* '^P^? "^^ yivaxïxeiv xiva irvsu|iaTixà, auTov vevojiixlvai (lovov sîvat 0ebv, xai otx twv icpoçYiTcâv 
eipr,x£vaf *Eyà) 6eb;, irA-rjv è|ioO oOSeï;... (/6trf., n* 4, col. 497.) 

* Twv |ièv SsEicdv Tcxrepa Xéyovxeç auxôv, toutI<xxi tcSv ^''JXixûv* xûv 81 apiTxeptiîvi xouxéaxi x&v OXixâv, 
At)|uoupy6v, (ru(i.icàvxa>v 6è 6a<7iX£a. Tt^v yàp 'EvOIiirjffiv xaCx7]v pouXr,OeT<Jav el; Tt|jL9|v xcuv Alcovcov xà 
icâvxa icoirj<rQCtt slx6va; \éyQ\j(r\ iC£7coiY]xi^ai aOxwv^ iiâXXov Se xbv £eoxT;pa Zi ttOxf,;. Kai avxrjv |iév jv 
elxovi xoO àopdxoj llarp6; xex/}pr]xévat, |jlt) yv/uiTuLoyÀwri'^ uicb xoO Arj(i.iovpYoC* xoOxov âè xov MovoycvoO; 
vloO, xôv Sa Xoiic£>v Alu>v(i>v xoù; {juà xouxcov Ysyovovixa; àpxoiYY^Xou; x« xal iyyù.OMi* {Ibid,, col, 493.) 



272 I E GNOSTICISXIE EGYPTIEN 

être autres que les sept planètes; Démiurge lui-même n*est qu'un ange 
semblable à Dieu *. Ces sept mondes sont appelés Hebdomade : au-dessus 
se trouve l'Ogdoade, le siège propre de Soyta qui répond à TOgdoade du 
Plérôme générateur *. Cette Ogdoade est aussi appelée Mère, ^oftcc, Terre, 
Jérusalem, Esprit-Saint, et même sous un nom masculin Ktîpw; Seigneur ; 
elle est un milieu entre Démiurge et le Plérôme au-dessous duquel elle res- 
tera toujours^. Il faut remarquer aussi que dans toute ces créations, Dé- 
miurge n'était qu'un instrument entre les mains de 2oyta, que l'opération 
seule lui appartenait et qu'il n'en connaissait ni la cause, ni les raisons, ni 
les conséquences*. 

Après avoir créé les sept mondes dont nous venons de parler, Démiurge 
poursuivit son œuvre; il créa tout ce qui se trouve de plus dans l'univers 
entier, toujours en se servant de la matière première sortie des passions de 
J,o(fia. De la crainte, il fit toutes les substances spirituelles en dehors de 
lui-même et aussi des anges, c'est-à-dire, les âmes des brutes animées, 
des animaux sauvages et des hommes; do la tristesse, il fit tout ce qu'il y 
a de mauvais sur la terre sous l'empire de Koa/jLoxjOsérojp, le Prince du monde 
qui connaît les choses supérieures, mais non l'existence de Démiurge, et 
qui habite notre monde ^ enfin de la stupeur et de l'anxiété il fit les choses 
corporelles ; la 1 3rre sortit de la fixité de la stupeur, l'eau du mouvement de 
la crainte, c'est-à-dire des larmes, l'air de la concrétion du chagrin, et enfin 
le feu des trois passions réunies, c'est-à-dire de l'ignorance qui se trouvait 
au fond des trois souffrances de 2oyta^. 

* Ilaripz oiv xa\ 6eov XlyouGnv aOrbv 'x&yo^é^f'xi tûv sxtô; xtj IlXY)p(0(jLato;< tcoiyjtt^jV ovta icivxwv 
4'ux'''*»*'^ "^s ^*^ uXixwv. AiaxptvavTX ykp 8Jo ojdîa; ffUYxexy|i-£''«;f xai eÇ àortotAàTwv (T(i>|xaToicoiY]<7avTay 
dE$r](xioupY/;xsvxt Ta ts oùpdtvia, xa\ xk yiQïva, xai YSYOvévai OXix'iv xat 4''^X**'^''» ôsÇiûv xai àpKrrepûv 
6Ti|iioupYèv, xo^qpojv xx\ j^apéo)/, xva>9Epù>v xal xxTcjo^&pcô/. 'Ewrà yàp ovpxvoù; xotTeorxeuaxévat, u)^ lizi'tfù 
Tov Ar^pLiO'jpyèv elvai X^youdi. {Ibid,, n. 2, col. 493.) 

* Kai ôià toOto *E6$o(iâ8x xaXoOviv ajrèv, Tyjv os (l'jlpx tVJv *A"/a{ià)0, 'Oyôoaôa, aTcoortôCouaav tôv 
àpi9(x6v ToO àpxey6vo'j, xal irpwT/;; toO IlX'iprôpiaTo; *0yôoà8o;. {Ibid., col. 493.) 

3 TaÛTTjv 8ï TT?iv (ir)Tépx xal 'Oy6oâSz xxXoOai, xa\ loçiav, xa\ rr,v, xa\ *Iepo*j<TaXT,{i, xai "Ayiov nveOpia 
xal Kûpir; àpfTsvixcô;. "Exeiv ôà t6v t/,; iJLSffOTYiTo; t6«ov aCn^v, xal elvai Oirspavco pièv toO AirjpLioypyoO , 
dnoxoLxiù 85, 9i sÇti) ToO IlXTipcoixaro; pilxp^ aruvreXeîx;. (Ibid*^ n. 3, col. 496-497.) 

* TaOra jxsv tôv Ayî i.ioupy6v çâdxoudiv àp' iavToO (isv cyrjdôai xaTaffxevàCeiv, ic£icotY)xlvai 8è avTa tt}; 
*Ax*ULà)0 irpo6aXXo 3<nr,;' o'jpavôv TUETCoirjxlvai (XYiElÔOTa tôv ojpav6v xai avQpcoTCOv iCEicXaxévat, {jir, £i§6Ta 

TÔV av6p(i)itov yr,v te osoEtxsvai, |Jii^ liriarofiEvov tt?iv yyiv xa\ êii\ ««vtwv oyro) Xg'yovffiv r]yvo/jxlvai avTûv 
Ta; I3ia; wv ekoîei, xal ajTTjV tVjv (iT)r£px* a*jTÔv ôè |i6vov (J>-/)<TOai irâvTa Eivai. Ahcav 5* aOTw yEyovIvot 
tV |xr,Tfpa t7i; o^<J£u>; TauTTj; çà<Txou<iiv, tyjv ovto) PouXT)6sî<iav irpoayxyeïv ajTÔv, xEçaXrjV |ièv xa\ àpxTJv 
T>,; iôia; ouffia;, xûpiov Ô£ Tr,; oXr^; 7cpay|iaTP.ia;. (Ibid., n. .3, col. 496.) 

^ 'EltEl oiv t9Jv uXixi^v ovaîav ex toiûv icaOùv <iuffTT,vai XÉyoufft, çôSoy te xai Xûmj;, xal ànopta;, Èx |ièv 



LE GNOSTICISME ÉGYPTIEN 273 

C'est ainsi que tout se développe avec ordre et que Démiurge donne une 
forme à ce qui n'était qu'en puissance dans les passions do 2om«, don- 
nant ce qu'il ne connaissait pas, se persuadant être le seul Dieu, le plus 
puissant des êtres. On voit combien tout cela ressemble aux systèmes déjà 
examinés, comme le nombre des sept anges demeure toujours invariable, 
comme Torgueil et l'ignorance font retrouver dans le Déiliiurge de l'école 
italique l'Hebdomade ignorant et orgueilleux de Basilide. Les ressemblances 
des deux écoles sont indéniables, plus nombreuses ici que dans la théologie ; 
mais cependant il y a de profondes différences. En premier lieu, nous avons 
dans saint Irénée un luxe de détails que nous n'étions pas accoutumé à ren- 
contrer, détails qui produisent même une sorte de confusion. On sent que 
dans l'école italique et chez les disciples de Valentin renseignement s'est 
précisé, que les doctrines peu ou point expliquées, sous-entendues seule- 
ment dans les écrits du maître, ont été commentées et longuement déve- 
loppées dans les ouvrages des disciples. La manière dont les passions de 
^o^ioc deviennent le principe de la matière est expliquée avec des nuances 
graduelles, se rai)prochant de plus en plus de la matière ordonnée qui est 
l'œuvre de Démiurge. L'école orientale ne s'était pas complue dans l'ana- 
lyse de l'œuvre de Démiurge; l'école italique s'y complaît, elle l'analyse, la 
précise en tous ses points : sans doute les objections faites au système pri- 
mitif et un esprit de curiosité subtile avaient poussé les gnostiques valenti- 
niens à ne rien laisser d'ambigu ou d'obscur dans leur doctrine. L'intention 
de ^ofloc de tout constituer dans le monde intermédiaire à l'image du 
Plôrôme est plus fortement accusée dans l'œuvre de saint Irénée que dans 
les Philosopliuitiena. Les noms des aeons du second monde sont aussi plus 
nombreux, la terminologie abonde, ce qui est manifestement un signe de 



ToO 7660V xai -ri); êworpoçfj; Ta 4rj*/ixà Tifjv avfjTatffiv elXvi^fvai* ex pièv Tr,; Eitiorpoçr,; xbv Ar,{AVoupYbv 
poûXovxai TTjv ylvsaiv i*rit\%vi'x\<, ex 5i toO (fh^o'j tt^v Xoiirr,v Tci^xv ij^j'/tx-r^v virooraaiv, w; 'j'vx*? «Xôyo)v 
^bHovi xai Oopîti>v, xa\ àvOpwnoiv... *Ex 5è tr,; XyTr»;; xà itveviiaTixà xf,; irovr.pia; $iSâ<Txou(7i Y^Y^vIvai' 
o6ev xov oïdSoXov xrjv ylveaiv iix/ixsvai, ôv xat Koaiioxpxxopx xaXoOTi, xaixà daifjiôvtx^ xai xoù; àyy£Xo*j;, 
xai ir&<jav xi^jv uveupiaxixi^iv xr,; novfipia; OTUOoxaaiv. *AXXà x6v Ar,|iioupyov ul6v xf,; ^tii^h^ avxùv Xsyovat, 
tôv ôi Ko<T[xoxpaxopa xxî<j(ia xoO ArjfxtoupyoO. . xôv ATi|iioypy6v oè ei; xb Oîcspoupâviov xoirov, xouxloxi 
Èv xr, £6ôo(xâdt' xbv oî llavxoxpdxopa £v x<T) xa6' i^|i5; xôo-pLto. *Ex ol xi); £x«Xr,Çe<i)c x«i xfj; i{Ar,xavîa;, w; 
ex xoO à<ir,pioxipou, xà «Tcapixxtxà, xaOw; irpoe''irx|i.ev, xoO x6<r|JLou ffxor/£Î» yeyovévai xtiv |jLèv xxxà xfl; 
èx«Xr,$£w; atâ^riv, 05a>p olxaxà xyjv xbv çôSou (x<;»v oxxpûwv) xtv^aiv, aepi xe xaxà xfj; Xûnr,; «>,Çiv xb Ô£ 
itOp àica<Ttv avToï; Èxirsçyxc'vai Oàvaxov xxi 90opiv, w; xxl xîjv àyvoiav xoï; xpt^i ««OEffiv eyxîxpûyOxi 
îioàdxovai. {Jbid.y n. 4, col. 497 «t5'0). 

3'j 



214 i-K GNOSTICISMK EGYPTIEN 

posléiiorilô. L'ignorauco do Démiurge e^i observée pour chacune de ses 
créations, ce qui est obscur dans l'école orientale devient clair dans l'école 
italique, et ce qu'il y a de remarquable c'est que les endroits obscurs sont 
seuls expliqués et développés. 11 y a donc vraiment là une méthode avouée : 
l'école orientale s'en est tenue au mythe, l'école italique a précisé ce mythe 
et Ta rendu vraisemblable à ses adeptes en tous ses détails : la première 
est plus poétique, la seconde plus positive. 



III 



ANTHROPOLOGIE, REDEMPTION, E8CHAT0L0GIK ET MORALE DE L ECOLE 

ITALIQUE d'après SAINT IRÉNÉE 



Après avoir terminé les créations du monde intermédiaire. Démiurge 
voulut créer l'homme et fit l'homme liylique, formé non pas de terre aride, 
mais de la substance invisible sortie de passions de ^o^yIoc, matière fluide 
et en fusion : en cette créature il fit entrer par insufflation l'homme psychi- 
que, et ainsi l'homme fut créé à l'image de Dieu par sa partie hylique, à 
la ressemblance divine par sa partie psychique. Cet homme fut ensuite 
recouvert d'une tunique de peau, c'est-à-dire renfermé dans un corps visi- 
ble, ce qui nous montre que la partie hylique n'est qu'un type de la 
partie purement matérielle qui tombe sous nos sens, le corps *. Mais cet 
homme ainsi formé par Démiurge n'eût pas été capable de posséder un lan- 
gage parfait, si 2o(fla ne lui avait donné cett.) capacité. Démiurge, toujours 
entouré d'ignorance, ne savait pas que Softa à l'aide des anges avait formé 
quelque chose de spirituel ; confiante dans cette ignorance de Démiurge, 
^o/ia déposa en son fils, comme dans un sein producteur, cette semence 



* ArjjxioupYTQffxvTa 5ri xôv xo(7(jlov, 7Csiroir]x£vat xx\ tov à'vOpeoTCov xbv xoîxov oux àirô raÛTri; ôè t>|Ç Çr,p5t€ 
yr,; iXV àiro Tr,ç àosàiov oOtix;, àicô toO x£Xv>pi£vou xai peuarioO t>,ç vXt); Xaêôvta* xai el; toOtov ijxçu- 
OTÎTa*. TOV «J/'j/ixov oiîpîCovTxi. Kxl ToOrov EÎvai TÔv xx-* Êlx-Sva xai 6|iota}(7iv ysTovéxa- xar' elxova jisv 
t6v "jXixôv 'jicâpxf.v TcxpaTTAT^itov (xW, àXX' o-j-/ o(xooû(7iov xiâ Oew, xaO' 6(X9Î(i>Qriv os xov 4'VX*^^^* ^^^'' **'' 
«vsOaa Ç'o',; ttjv ojaix/ ol)toj elpî-ffOxi £x 7r;ey;j.aTixîi; aTcoppo-'a; outiv. Tfftepov 3i icepiteOeîaOai Xéyoy 
ffiv X'jx'ù TOV SspiiaTivov */iTûvx- toOto 6è to aiaÔTjTov Œxpxbv £Ïv»i Xéyojoi. {Ibid,^ n. 5, col. 500 el 501.) 



LR ONOSTICISME ÉGYPTIEN 275 

spirituelle et lorsque Démiurge donna par insufflation l'homme psychique à 
l'homme hylique, il le dota en même temps de la semence, pneumatique dé- 
posée en lui-même à son insu. En résumé, l'homme se trouva composé de 
quatre parties; d'une âme psychique qui lui venait de Démiurge, d'un corps 
hylique, sorti de la matière en fusion, de chair produite de la matière ordonnée, 
et enfin d'une âme pneumatique dont l'avait doté Achamoth *. 

Cet homme était l'homme arrivé à sa perfection, mais il s'en fallait de 
beaucoup que tous les hommes fussent ainsi formés : tous avaient le corps 
matériel, la chair visible; mais les uns se contentaient de posséder avec 
cette chair le type hylique qui les rendait l'image de Dieu; d'autres à ce 
type hylique ajoutaient l'âme psychique, les favorisés seuls possédaient 
l'âme pneumatique. Le sort de ces trois sortes d'hommes était aussi diflTé- 
rent que leur nature. L'homme hylique, appelé aussi sinistre ou homme 
de gauche, devait périr nécessairement, car il n'avait en lui aucun souffle 
d'incorruptibilité : l'homme psychique, nommé homme de droite, tenait le 
milieu entre les hyliques et les pneumatiques ; selon qu'il inclinait de l'un 
ou l'autre côté, il partageait le sort de ceux auxquels il s'était joint : l'homme 
pneumatique n'étant autre chose que le psychique avec la semence pneuma- 
tique en plus, avait reçu par cette semence la perfection de sa forme et 
avait été instruit^. L'homme psychique a en eflfet besoin d'être instruit 
parce qu'il n'a qu'une foi simple et nue, il ne possède pas la parfaite con- 
naissance, c'est pourquoi afin d'être sauvé il lui faut une bonne vie; notons 



* Tb Ôè xuY)|Aa ttjç |iiQTp6c auTT|C Tr,ç *A^a|ià)0 à xatà rriv 6s(i>piav tûv itcpl tov IwTTjpx àyy^Xwv àire- 
xutiaev ô|iooj(Xiov {»Ttolp;(ov tt, |iY)Tp\f icveuiiatixàv, xal avtàv riyvorixévai tov ATHAioupyà/ Xc-youar xx\ 
XeXyjOôto); xaTŒTeOeîaOat el; «ytàv, [ir\ elioxo; avtoO, tva, ôi'a-jtoO ei; Ty)v àu'ajtoO "^X^* aitapèv, xoi el; 
xà vXtxbv toOto ercopia xuoçopTiôèv, èv toûtoi; xal aùÇr,ôsv, êtoiiiov yévïjTai elç u7to8o*/Tiv toù TeXsîou. "EXa- 
ôsv ouv, (5; çafft, t6v Ar,|Aioupyov ô (w^xaTaoïcapeiç xû ept^uoT^iiaTt aCroO Ouè ttj; lo^tx; icvE'jjixTtxôç 
avOpûicwv app^QT» icpovoia. *U; yàçi tyjv pi/)Tépa i^Yvorjxévat, outw xai to aTtlpjxa aytr,;* o Br\ xa'i autbv 
*ExxXY](Tiay eîvai Xéyouaiv, avTt-rvicov xf,; avo) 'ExxXr^dîa;. Kai totc etvat tov êv auToî; à^toOaiv, worc 
£X6tv auToù; Tf\>t jiàv ^'V"/^^ °"^^ "^^^ A/jfi.ioypyoO, tb 8è atofia aicè toO X®^C» xatTÔ axpxixbv oliz6 Tr,; uXti;, 
TÀv 6è icveu|iaTixôv avOpcanov anb xtj; |AY)Tp6; t>,; 'Â*/x|xa>0. (Ibid, n. 6, coi. 501 et 504.) 

* Tp(C>v ouv 5vT(i>v, tô |isv (iXixàv ô xai apurrepbv xaXoOffi, xaxâ âvayxïjv àn&XXuaOxt X£yo*j(Tiv^ «ts 
{iiQSe|iiav èiKoeiÇaaOai iîvo;?Jv àçôapaîa; ôuvâjievov tb ôk «j/ux^^^^* o *3ii ôîÇiàv TipovayopEÛ^uaiv, axe jiéaov 
ôv xoO xeicv£U(i.axixoO xal uXixoO, Èxelae x<*>psîv, oicou àv xai tt^v np6<ncX(9iv itoiiQff/)xai* xb 8î icveu(iaxixôv 
exTceuéiJL^Ôai, otiu); êvOaSs xw <|/ux(xâ) auîjuyèv [lop^toO^, aujiTtatôsuÔÊv a'jxw sv x^ àvaorpoçr)... 'ûv yàp 
iî(jLeXXe awÇeiv xà; aicapxà; ajxûv eiXy;ç£vxi çacrxouffiv, aic'^ |isv x?,; 'Â'/aC'^O xo 7r/6u(jLarixbv, céub ôè 
xoO ATipLtoupyoO evoeôuffôai xàv «j/u'/ixbv Xpiaxbv, aicb àï xfj; oixovopLÎa; «epixeOeîaOai (fîù[LOL <|/uxcxtjv lyov 
oùdiav, xaxe<rxeua<T[iévov àï appr,xci) xé^vig, icpà; xb xai aôpaxov, xa\ a4'/iXà^7ixov, xa\ TraOrjxôv yeyevyidôau 
Ka\ OXixàv Bï oO$^ âxioOv elXTiçlvai Xéyouaiv auxov. {Ibid,^ cap. 6, n. 1, col. 504 et 505.) 



276 LE ONOSTICI^MB ÉGYPTIEN 

qu'avant le Christ tous les hommes étaient psychiques. La chose est bien 
(liflerente avec le pneumatique : les œuvres ne lui sont pas nécessaires, car 
il est spirituol par nature, il ne lui est pas plus possible d'être damné qu'il 
n'est possible à l'honnne hylique d'être sauvé. En conséquence il peut se 
livrer à tous les excès sans en recevoir le moindre dommage : l'or tombé 
dans la bouc n'en conserve pas moins son éclat et sa valeur *. Armés de ces 
principes, les disciples de Val'3ntin faisaient peu de cas d3 ce que les vrais 
chrétiens regardaient comme très important : ils mangeaient les mets offerts 
aux idoles, ils se soumettaient aux cérémonies païennes, assistaient aux 
spectacles du cirque et du théâtre, ce que sahit Irénée constate avec horreur. 
En outre leurs moeurs étaient licencieuses ; des femmes attachéos à la doc- 
trine servaient à la fois à propager le système et à satisfaire les désirs de la 
cliair ^. Si on le leur reprochait, les Valentiniens réix)ndaient qu'ils avaient 
reçu une grâce spéciale, à eux envoyée d'en haut par la Syzygie sublime et 
au-dessus de tout nom ; qu'en vertu do cette grâce ils devaient toujours 
avoir souci d'accomplir le mystère de la Syzygie. Afin d'attirer les âmes trop 
scrupuleuses à leur docti-ine : « Tout homme, disaient-ils, qui vit dans 
ce monde et qui n'aime pas une femme, qui n'a pas commerce avec elle, 
n'est pas sorti de la vérité et ne parvimidra pas à la vérité. Cehii qui au 
contraire étant né du m )nde s'est laissô vaincre par une femm ), n'arrivera pas 



' *£7rxi8suO/]<TXv YÀp xi 4'-'*/^^^ ^^ 4'^*/ixol âvOpcDTCoi^ ot ti' i^pY<ov xvt nîorea); tpiXr;; ^sosiouiAivot, xxl 
[i£v TTjV TEXeîav Yvûdiv k'xovxe;. Elvai Si toutou; àicè Tr,; 'ExxXoffîa; fjfix; dévoyât. Ai6 xai r,|iïv (lèv 
àvayxatov eîvxi tiqv àyx6;?j7 Ttpà;tv àicoçxivovTat* a>.).(i);Yàp àSîvaTov (T(i>Or,vait auTOÙ; 5à ji-q 8ià icpâÇsfa»;, 
àX).à oii TÔ 9U(J« ity£u;xxTixoù; elvat, itivTr, Te xxi uavru); o(i)0r,<Te<T0a( 5oy(i.aTÎCou(Jiv. *Û; yip TÔ x^Ubv 
àouvarov <Ta)T/;p.'x; |i£Ta(j/£Îv (où yàp elvar aê^outiv a>To\ Sîxtixov avTr,;) oCxtù iciXtv to 7ryeu|JLaT(xèv... . 
aôûvaTOv ç'jopxv xarx^i;a<70xi, xàv ôicotsi; ffvyxxTXYivtovTat icpaÇsatv. "Ov yàp toÔuov '/puffo; èv ^op^opo» 
xxTotTeOsl; ovx &icooâ>.).ei Tr,v xa).).oviP)v auToO, à).).à Tr;v iotav çuatv oix^uXaTTEi, toO ^opdôpou |iY]div 
àSixfj^xt dvvdtiievou tôv xpMijor outoi oè xxi auToù; Xê^outi, xîv ÔTioiai; uXixaî; icpaÇîii xaTxyévoivTat, 
lir^Sîv ajTOÙ; «apx pXiitTeaOati... {Ibid , u. 2, col. &05et!>08.) 

* Ato 5'i xa\ xà àicîipTiuLiyx icavTX àdscl); ol TCÀeioTaTot TipaTTOUdtv xOtûv, 7iEp\ »ov xai rpa^xi 5ia- 
^séSxioOvTat, TÔ'j; icoioOvTa; aÙTx paaiXei'av OsoO (i.y; xXrjpovo(if,<Teiv. Kai yàp clds*AÔOvTa adtaçôpco; £<tOiov9i, 
jirjo'i {ioÀûveodai 0:i' aOiwv f,yoûjjL;voi* x:ti ÈTti «âoxv iopTagijAov tîùv sOvûv T£p4*:v, el; Tiixriv twv cldoiXuv 
yivofiÉvr//, icpûTot ouvîafftv, m; piirjoà tt); icxpx Oêo) xai àvOpcÔTCO'.; iieiUTniiivr^; t?;; tû>v 0Y)p(O(<,âxa>v xa\ 
|AOvo|ix'/i2; àvopo^ivou Oix; àicr/evOxi èvtou; a^Tûv. 01 oi X3\ txI; t?,; (xcxp'/.o; j^Sovat; xxTàxôp(i>; 8ou- 
).£uôvT£; TX (Tapxixx Toî; (rapxixoi; xal 7rv£y|iaTixi toï; 7iv£vfi.aTixoî; ixi;ooî8oo0ai Xfyovexi. Kai otpiiv auraftv 
XâOps Ta; 6ioa9xo{i£va;{»ic* xOtiov Tr,v oioa'/y;v TaÛTr,v yuvaîxa; oixçOetpouaiVy <o; icoXXâxt; 'jit'evîwv autûv 
ê^xiczOetoai, sneiTa èm<TTpl<|/2Txi yuvâixi; £i; Tr,v 'ExxXr,aiav toO HeoO, où/ tt, Xotic^ itXâvr, xai toOto 
Ê^u>pLoXoyr,<r2VTO* ot oz X2\ xxTX TÔ çavepôv àiCEpuOptsaxvTE;, wv xvÈpzffOûxri yuvaixwv, TxÛTa; aie* àvSpûv 
àuoffiriixvTE;, îôîx; yxfiîTa; f,yr,«javTO. 'AXXol Se au icàXtv <TE|jLvà); xaT*ap-/à;, co; (itTa àdeXçcbv icpo<T- 
icoioO|AEvot ffuvoixEîv, «poiovTo; ToO xpovou riXîyxOr,(iav, Èyx JpLOvo; tt,; àSeXçr;; utio toO àdeXçoO yEvyiOcioTjç. 
(Ibid , cap. ("s n. 3, col 508 el 50;>.) 



LE GNOSTICISME ÉGYPTIEN 277 

à la vérité parce qu'il s'est laissé vaincre par la concupiscence. » Les chré- 
tiens étaient ceux qui étaient nés du monde; en conséquence, ils devaient 
s'abstenir du mariage pour être sauvés *. Cette diflFérence d'obligations et de 
destinées venait, conime nous le savons déjà, de la différence dos âmes et du 
degré de faveur et do grâce qu'elles avaient près de Démiurge. Celui-ci, en 
effet, sans en avoir conscience, avait un amour particulier pour les âmes 
qui avaient reçu de sa mère la semence spirituelle : il leur témoignait cet 
amour en les j)laçant dans les cori)s d'un prêtre ou d'un roi, ot aussi d'un 
prophète, caries Valentiniens divisaient les prophéties en trois groupes : les 
unes avaient été faites par 'Axa/«9 elle-même, les autres par les âmes 
spirituelles, et Démiurge était Tauteur dos dernières^. 

Ces prophéties, comme tout ce qui lui était supérieur, avaient échappé à 
Démiurge, il ne le comprit qu'au moment de leur accomplissement et de la 
naissance du Sauveur ^. Ce Sauveur était le fils de l'fleon Xotaro;, c'est celui 
qui passa par le sein de Marie, comme l'eau passe dans un tube. Selon 
d'autres, le Rédempteur était composé d'une quadruple essence et ce n'était 
qu'au moment de son baptême que le Sauveur du Plérôme était descendu 
en lui sous la figure d'une colombe. Il était ainsi la forme visible du qua- 
ternaire primitif : (ÏXya;j.(ùO il tenait son essence pneumatique, de Démiurge 
son essence psychique, de réconomie divine l'art inénarrable avec lequel 
tout avait été préparé, de Xpitiréç cette essence qui était descendue en lui 



1 Ka\ èîXXa i\ iroXXà iiuiapà xxi àOsa itpâi<TOVTe;, r,aà)v asv, 5;à xov çoSov toO BeoO çyXa<TffOfi.lva>v 
xt\ {iixpi; euvoîa; xai ).6yo*j àpLaptsiv, xataipr/ouTiv, w; Iôkotûv xai pir^Ôiv siCKT-rapiivcov* «OtoÙ; 3* 
•jireputpoOai, TeXeîov»; auoxxXoOvTe; xai «JUî'ppLaTa èx>.0Y>3;- *lï|iôt; {i-Èv yàp èv X9^^^^ f^<v X^P^^ >.ajx6âveiv 
ylyoufft, 310 x«i à?xic£Or,<ie«TÔat aOt?,;* avTOÙ; Ôi lotôxrriTov âvoOsv àuè Tr,; àpp^^toy xal ivovojxdffTOU 
(TjC'jyîot; «7UYxaTg).TiAuOjîav Ixeiv Tr.v y.oipiv xoti Six xoOxo icpoT£6r,Tî<T0ai aOroî;. Aïo xxi ex itavxà; xpÔTiou 
ôsîv «uTÔu; à£\ t6 tyj; a^J^uyca; pLsXstàv |jL'j<TTr,piov' Kai toOto 7t£i6oy«Ti xoO; àvor,TO'j;, a-jxat; ajU^i XlyovxE; 
o'jxco;. *U; iv £v x6<T|iri) ^îvo^levo; yjvaïxx oOx £?{Xr,ç£v cÔTX£ ajX7)v xpaTr,07ivai, oj'x Iflrxiv é^ àXr,0£ta;, xai 
où */(i)pr,«j£t £i; àXr,0£iav. *0 dï kno xÔ(J|jlou yEvAjievo;, xpax/jOùç yj/OLl^iy o-j -/dipriifii £l; iXi^OEixv, 8ià xb 
£v ÈntOvpLiqt xpaxr,0>,vai yuvaîxo;. Aià xoOxo oyv r,{xâ; xxXoû; <î;\JX'-xoù; ôvojiâCo'JTi, xxi ex xôapiov Eivoti 
AEyo'Jii, XX t àvayxaîav r||iîv xifjv lyxpaxsixv, xx\ àyxOr,v icpâÇiv, tvx 8i' aCxii; D.ôwpLsv £•.; xov xr,ç (uaôxTixo; 
Touov a-jxoï; Si ir/£'j|ixxixoï; xai x£>.e:oi; xa>.o'j|i£voi; |irj33|ih>;. Où yap «pi^t; £Î; «/.^QpwfAa Elvayei, àXXi 
xo (TTcipiix xo ExEîOîv vT^TTiov £xic£|iicôji£vov, Êv0a8s xEÀEio.'pLsvov. (/6icf., lï. 4, col. 509 et 212.) 

* Ta; ox £<T*//;xvîa; xà «T7ilp|ix x>,; 'A^xfAwO 4'«'y»; àjXEÎvou; XÉyouffi yeyovévai xûv XotTicov ; ôib xai 
itXEÎov xtôv àXXcDv yiyaKr,<iOai Otio xov AriiiioupyoO, lA-q el36xo; xrjv alxîav, àXXà icap'auxoO Xoyiv[o(iilvou Etvai 
xotsOxac.Aio xal eî; «poçi^xa;,?a<Tiv, cxaererev avxà;, xoi UpEÎ; xai ^avcXei; (JWd., cap. vir, n. 3, col. 516.) 

^ Tov 5£ Ar,[iio'jpybv fixE àyvooOvxa xà Ouèp aOxbv, xivEÎoOat |1êv èicl xoî; Xfiyojiilvoi;, x3xaicEçpovY]X£vai 
3'i xjxtôv, aXXoxE âXXiiv a'.x-av vo|Xi<iavxa, r, xô 7rvîO(i,a xô icpoç/jxEOov (l'/ov xx\ aOxb lôt'av xivà xivTi<Jiv) r^ 
xov âvOpojnov, r, xf,v 7tpo<T7iX4xr,v xûv -/Eipivwv xai ouxa>; àyvooOvxa SixxEXEXEXSvat «-/pt x>5; «xpowata; 
xoO K'jpiou. (Tbid.y cap. vu, ii. 4, col. r)l7). 



278 I.E GNOSTICISME ÉGYPTIEN 

SOUS la forme d'une colomb.?. En vertu d'une telle composition, le Rédemp- 
teur ne pouvait pas être passible, car l'essence du véritable Sauveur était 
incompréhensible; pour cette raison lorsque Jésus fut conduit devant Pilate, 
l'esprit de Xptcxroç lui fut enlevé, et ce fut seulement le Jésus psychique qui 
souffrit, car son essence pneumatique échappait à la souffrance par les pré- 
rogatives de sa nature. De plus, afin que le Sauveur fut la vivante image de 
XoiOToç dans le Plérôme, ce qui avait été formé en lui par l'économie divine 
partagea les souffrances de la partie psychique*. 

La rédemption accomplie, le monde devait subsister jusqu'au mom . nt où 
arriverait la fin de toute chose matérielle, c'est-à dire jusqu'au moment où 
toute semence spirituelle serait parfaite. Alors Sophia 'Ax«.«^«^ devait mon- 
ter au Plérôme, et, laissant le monde intermédiaire,' rencontrer dans sa 
nouvelle demeure l'époux qui lui était destiné, Jésus le fruit commun du 
Plérôme entier : ensemble, ils formaient une nouvelle Syzygie, et célébraient 
leurs noces mystiques dans le Plérôme (jui leur servait de chambre nuptiale. 
Les âmes pneumatiqu3s ayant dépouillé leur nature psychique, l'y suivaient 
pour devenir les épouses des anges. Démiurge de son côté devait quitter 
l'Hebdomade pour monter à rOgdoado, occupée par sa mère : en même temps 
les âmes pneumatiques devaient l'y suivre pour s'y reposer dans les délices 
d'un bonheur sans fin. Nul doute que dans Vécole italique, elles ne s'unis- 
sent aux anges pour former des syzygies à l'exemple du Plérôme. Et quand 
tout se sera ainsi accompli, le feu caché dans les entrailles de la terre fera 
éruption, toute la matière sera consumée et anéantie : rien de ce qui était 
hylique ne subsistera *. 

* Eîffi ôi ol XlyovTî; upoSaXIa^xc ajtbv xxi Xokttov ulbv î5iov, àXXi xxt 4'W){txbv itâp't toOtou oiâ t&v 
np09/]'^<<>v XeXxXY]xivai. Evvxi âè ToOrov tov àik Mapéxc diodeûvavTa, xaOànep Ooa>p ôià (rcoXrivo; ôoe'Jei, 
XXI 6iç toOtov èm toO ^xTtTÎexiiaTo; xateXOeiv èxetvov, tov octco tov IIXopcô(ixTo; èx TiavTwv SlcDTi^pxév eîôei 
:tepi<rc6px;* yeyovivxi ôk èv xûrâ> xxi to xjto tt); 'A/xpLcaO (tnip[LX 7cv£'j|ixTtx6v Tov ouv KOpiov r^\uùy ex 
tS(T(Tàp(Dv TOJTwv ff JvOsTOv yeyovfvxi çàffxouoiv, xnodwCovTx TOV rJTiov TÎ5; àp'/EYÔvo'j xxi TtpwTr,; TCTpxx- 
TÎo;* ïx TE ToO TcvsuiJLXTixoO, TjV xTcb T?,; *A'/x|X(i>8, xx\ ex ToO <|/y/txoO, "Hv olizo toO Ar,(JiiovpYoO, xai 
ex Tyjç olxovo|xt3c, b y)v xxTeoxeua(T(iivov àppi^To) t£Xvy), xa\ ex toO l(i>Tr,po;, ô f,v xxTeX6oO<Ta ei; xOtôv 
nspiiTepi. Kxi toOtov |iêv ocicxOrj 6ix(i.£(i.evTixévxi (ov yàp he.Hx^'^o icxOeiv xOibv, àxp(XT7)Tov xai àôpxTOv 
Oudp'/ovTa)* xxi Six toOto Y)pOxi, icpodayofisvo'j aùroO to) IIiXaTto, xo eî; x'jtôv xxTXTeOsv ir^£0|ix XpiOToO. 
'AXX'oûâiTo oiTZQ TÔ; |i/)Tpb; oirlpjix TteTiovÔévaiXéyouaiv. 'Atixôs; yàp xxi xOtô, Tb icveujixxixbv, xxixôpaTov 
xal xOtÔ) T(;i AT)tJktovpY(f». *EnxOe ci Xombv, xxT^xOroù;, o ^^j^^ixà; XpKTTo;, xx'i ô èx t>,; olxovofitx; xxTe- 
(Txe<ja<T{i.£vo; |JL'JOT/)pta>S(o;, îv' iitiôsiÇir) xjtoO t^ iitqt/jptov tûicov tôv âvto XptaxoO, èxeivou toO èîrexTxOevTo; 
TÛ) STXupù, xxi (i.op7a>(TxvTo; Tr|v *A*/a|jL(i)9 {lop^uxTiv Tiqv xxt' oùffixv itxvTx yàp txOtx tOtiou; èxeîvuv 
eivxt Xe'youvi. {Ibid,, n. 2, col. 513 et 5iG.) 

• 'Otov Bï Tcâv t6 aitépjxx TeXeib>Oij) t^^v |ièv *Axx|ioi>0 tyjv (j.Y)Tépx auTWV (i£Tz67)vai toO t>,; {JievdTYiTo; 



LE GNOSTICISME ÉGYPTIEN 279 

Tel était ronseigiioiiiout do récolo italique : on a pu voir que les diffé- 
rences essentillcs entre les deux systèmes portaient sur les points signalés par 
l'auteur des Philosophumena. En dehors de ces différences, il nous semble 
que la physionomie des doux écoles est toute contraire. I/école orientale est 
plus riante, elle ne s*est pas attardée à vouloir expliquer toutes ses théories 
jusque dans les plus menus détails, elle a un contour vague qui plaît, des 
lignes non définies qui laissent flotter devant les yeux du spectateur une 
forme qu'il peut diversifier, orner, agrandir et développer à volonté. L'école 
italique est plus sévère, elle a voulu tout expliquer, ne rien laisser de vague 
dans le système ; elle s'est attachée surtout à démontrer que tout dans sa 
doctrine était logique et vraisemblable, elle a comblé des vides, ajouté des 
nuances plus délicates afin que la gradation fût moins sensible, les invrai- 
semblances moins choquantes : elle est plus positive, en un mot, et l'école 
orientale plus idéaliste. Peut-être aussi l'impression que nous éprouvons 
vient-elle de ce que l'auteur qui nous a conservé les doctrines italiques ne 
nous offre pas beaucoup de charmes dans sa lecture et que Tesprit trouve 
moins belles des théories sur lesquelles il est obligé de revenir, cela est 
possible ; mais nous croyons que la cause première et principale de cette 
impression différente vient du système lui-même qui s'attache plutôt à la 
partie positive qu'à la partie poétique. Quand nous disons que la doctrine de 
l'école italique est plus develoi)pée que celle de l'école orientale, nous ne 
voulons pas dire que partout et toujours il en soit ainsi; il est évident, au 
contraire, que nous avons donné beaucoup plus d'ampleur à l'exposition de 
la doctrine orientale qu'à celle do la doctrine italique : les monuments de la 
première sont beaucoup plus considérables et de la seconde nous n'avons 
que lanalyse de saint Irénée ; mais il faut dire aussi que toutes les parties 



TÔitou Xlyouai, xai êvtè; icXTipûixaro; ei<TeXOeiVt xal ànoXaêelv xèv vjpLçiov aùxii; tôv Icox^pa, tô ex itâv- 
Tu)V YîyovÔTa, îvx fjulîvyîx yiv/jTav toO IwTripo; xai ttj; So9Îa; Tfj; 'A-/a[i'û6* xai toOto eïvai vujjiçiovxai 
v-J|jLÇY)v, vj(i9Û)va oà TÔ icâv lIXr,p(i)|jLX' toù; ôè tcvsuixxtixoO; à7ioou(TX|xévo'j; tàç ^u;(à;, xal icveO|iaTa voepà 
Y£vo|i£vo*j;« àxpxTr,rb); xai àopdcTfa); èviô; IiXripb>;iaTo; âiieXOôvxx;, vjjjiça; ôc'xco^oOriVeaOai toî; irep\ xbv 
ÏMTfjpa àyyéXoi;. Tbv o'î AT)|xioupYov [i.£Ta6r,vai xai xjtov ei; tôv t>,; |xr,Tpo; lo^ca; tôirov, TOUTtori £v 
T/j ji€ff6Tr,Tr Ta; ts tûv âixdtiu)'/ ^î^jx»; àvxitauasaOai xai aOtô; èv tw x^nc {isiôtïjto; tottï}). Mr^ôèv yàp 
<|/y*/'*^^ èvTo; llXY)p(d|xaTOi; -/wpetv. ToJTwv Ôè yevofAsvwv ovItcdC) to £{xç(i)XeOov tw x6a(j.(i> nOp £xXâ(i4'av xai 
è^a^Oèv, xal xaTepyaiajisvov Tiàaav uXr,v, d'jvxvaXw'jTÎTâffOai aOrf,, xai ei; xb |i.rix£T' £tvai xwpr,ffeiv StSaa- 
xouffi. Tôv ôk AiQaioupyôv {i/josv toûrcuv èyvwxlva: i7:o?a:vovTai tcvj Tfj: toO la>TY;p:>; «apouaca;, {Ibid*, 
u. 1, col. 5U). 



280 LE GNOSTICISMB ÉGYPTIEN 

de la doctrine orientale non en contradiction avec la doctrine italique étaient 
adoptées j^ar celle-ci, et cela nous explique la disproportion qui existe entre 
les deux expositions. En résumé, l'école italique n'est qu'un développement 
de l'école orientale, au fond ce Jtont les mômes doctrines et la même morale, 
mais les cojileurs plus ternes de l'Occident ont pris la place des couleurs plus 
brillantes de l'Orient. 



CHAPITRE CINQUIÈME 

DES RAPPORTS DU VALENTINIANISME AVEC LES DOCTRINES 

DE LA VIEILLE EGYPTE 



Le titre seul de ce chapitre montrera deux choses au lecteur : nous ne 
séparons pas les deux écoles en recherchant quelles furent les sources du 
valentinianisme, et nous ne cherchons ces sources que dans les doctrines de 
l'antique Egypte. Nous ne croyons pas en effet que nous devions ici séparer 
et distinguer les deux écoles, car l'une et l'autre ont pris naissance en 
Egypte; si la seconde se nomme italique, c'est surtout parce que la di- 
vision eut lieu pendant le séjour de Valentin en Italie, ou parce que les doc- 
teurs de la nouvelle école enseignèrent plutôt en Occident qu'en Orient : le 
titre ne préjuge en rien la question d'origine. De plus, comme la doctrine 
de Valentin et de ses disciples ne comprenait i)as que des concei)tions neuves, 
comme elle avait hérité de la plupart des idées fondamentales de la gnose en 
général, idées que Valentin avait adoptées après les avoir fait jiasser au 
creuset de son génie, il n'est pas besoin de rechercher ici à nouveau quelle fut 
pour ces idées et ces conceptions une origine qu'il nous semble avoir indiquée 
suffisamment dans les chapitres spéciaux consacrés à cette recherche. Dans ce 
dernier chapitre nous ne comparerons donc le système de Valentin qu'avec 
les doctrines égyptiennes, sans nous défendre cependant de les mettre en 
contact avec certaines autres idées répandues dans le monde oriental tout 
entier et qui nous serviront à préciser davantage. Gomme ces comparaisons 

36 



282 LE GNOSTICISME EGYPTIEN 

entre les deux doctrines seront assez nombreuses, pour mettre de l'ordre, 
nous les rangerons sous quatre paragraphes spéciaux. 



I. — THÉOLOGIE ÉGYPTIENNE ET THEOLOGIE V ALENTINIENNE 

Nous ne saurions mieux commencer ce paragraphe qu'en citant le résumé 
que M. Maspero a fait de la religion égyptienne dans sa savante histoire 
d'Orient : « Au commencement était le Nun, l'océan primordial, dans les 
profondeurs infinies duquel flottaient les germes des choses. De toute éter- 
nité Dieu s'engendra et s'enfanta lui-même au sein de cette masse liquide 
sans forme encore et sans usage. Ce Dieu des Egyptiens était un être unique, 
parfait, doué d'une science et d'une intelligence certaine, incompréhensible 
à ce point qu'on ne peut dire en quoi il est incompréhensible. Il est le un 
unique, celui qui existe par essence, le seul qui vive en substance, le 
seul générateur dans le ciel et sur la terre qui ne soit pas engendré, le 
père des pères, la mère des mères. » Toujours égal, toujours immuable 
dans son immuable perfection, toujours présent au passé comme à Tavenir, 
il remplit l'univers sans qu'image au monde puisse donner même une faible 
idée de son immensité; on le sent partout, on ne le saisit nulle part. 

« Unique i)n essence, il n'est pas unique en personne. Il est père par cela 
seul qu'il est, et la puissance de sa nature est telle qu'il engendre éternelle- 
ment sans jamais s'affaiblir ou s'épuiser. Il n'a pas besoin de sortir de lui- 
même pour devenir fécond : il trouve on son propre sein la matière de son 
enfantement perpétuel. Seul, par la plénitude de son être, il conçoit son fruit, 
et, comme en lui la conception ne saurait être disthiguée de l'enfantement, 
de toute éternité il produit en lui-même un autre lui-même. Il est à la fois 
le père, la mère et le fils do Dieu. Engendrées de Dieu, enfantées de Dieu, 
sans sortir de ce Dieu, ces trois personnes sont Dieu en Dieu, et loin de di- 
viser l'unité de la nature divine, concourent toutes trois à son infinie perfection. 

c( Ce dieu triple et un a tous les attributs de Dieu, l'immensité, l'éternité, 
rindépendance, la volonté toute -puissante, la bonté sans limites. Il développe 



LE GNOSTIGISME ÉGYPTIEN 283 

éternellement ces qualités souveraines, ou plutôt, pour me servir d'une 
expression chère aux écoles religieuses de l'ancienne Egypte, « il crée ses 
« propres membres qui sont les dieux » * et s'associent à leur tour à son 
action bienfaisante. Chacun de ces dieux secondaires, considéré comme iden- 
tique au dieu un, peut former un type nouveau d'où émanent à leur tour et 
par le môme procédé, d'autres types inférieurs. De trinités en trinités, de 
personnifications en personnifications, on en arrive bientôt à ce nombre 
vraiment incalculable de divinités parfois grotesques et souvent monstrueuses 
qui descendent par degi'és prosque insensibles de l'ordre le plus élevé aux 
derniers étages de la nature. Néanmoins les noms variés, les formes innom- 
brables que le vulgaire est tenté d'attribuer à autant d'êtres distincts et 
indépendants, n'étaient pour l'adorateur éclairé que des noms et des formes 
d'un même être ^. » 

M. E. de Rougé, le restaurateur des études égyptologiques un moment 
tombées dans le discrédit après la mort de GhampoUion, ne parle pas autre- 
ment que M. Maspero ; voici ses paroles telles qu'elles ont été publiées après 
sa mort par la pieuse affection de son fils. « La triade thébainc se compose 
d'un père, dieu suprême existant dès le commencement; d'une mère qui paraît, 
comme dans toutes les triades égyptiennes, ne remplir d'autre rôle que 
celui de Tespace céleste supposé incréé et pour ainsi diVe abstrait jusqu'à ce 
que la force créatrice y ait j)lacé quelque chose. Plus tard cet espace est supposé 
liquide, il devient alors l'Abyssus, le Nun égyptien; il est considéré comme 
mâle et femelle, et entre dans le groupe des huit divinités qu'on a appelées 
élémentaires. La mère est alors personnifiée dans la voûte céleste elle-même, 
sur laquelle naviguaient les astres, et elle arrive ainsi à jouer un rôle actif. 
On constate primordialement qu'elle enfante, mais qu'elle n'a jamais été 
enfantée ; en résumé, c'est le lien de la génération divine. Enfin le troisième 
personnage de la triade, c'est le fils qui n'est autre chose que le père s'en- 
gendrant lui-même^. » 

Primitivement le monothéisme fut la religion de l'Egypte, elle resta celle 
des prêtres longtemps après que celle du vulgaire fut devenue panthéiste, et 

* Todtenbuch, ch. xvii, lig. 8. 

* Maspero, Hhtoire d'Orient^ p. 27-^8. 

3 E. de Rougé, Méiangtfs d'archéologie, p. "i. 



^S4 LR GNOSTICISME ÉGYPTIEN 

oiiliii elle no fut plus qu'un panthéisme grossier avec des formules mélangées 
de inonothéisnio, formule dont les prêtres et les scribes finirent par ne plus 
comprendre le sens mystique. Dans le temps de cette dernière période, le 
dieu Ra est le grand Tout dont émanent toutes choses, toutes les créatures 
animées et môme les anciennes divinités : « les astres, le disque solaire, les 
difféi'entes parties de la terre, ne sont que des naissances ou des personnifi- 
cations de l'être universel, dans lequel le défunt royal doit finir par s'absorber 
entièrement au point de voir sa personnalité disparaître dans celle de Ra*. » 

Ces considérations générales nous montrent déjà bien des affinités entre 
la théologie égyptienne et la doctrine valentinienne ; Texamen détaillé de 
plusieurs points nous fera voir jusqu'à quel degré la ressemblance est par- 
faite : pour Cv'la il nou> faut entrer dans des explications philologiques et 
citer des textes. On* voudra bien nous le pardoimer, puisqu'il est indispensa- 
ble de le faire. 

Le grand dieu de TE^jfypte pharaonique, au moment de sa plus grande 
puissance, c'est un dieu manifesté par le soleil, Ra ^. Son nom s'ajoutait 
à toutes les divinités particulières de chaque ville, ou plutôt chaque 
divinité particulière n'était qu'une personnification du dieu Ra : la plus 
célèbre est celle que les Thébains appelaient mystérieuse, Amen^ : 
c'est le le dieu que les Grecs ont connu sous le nom d'Ammon, et qui, 
identifié avec Ra, s'appelait ' Amen-Ra *. « Le nom à^Amen^ dit M. de 
Rougé, veut dire caché, enveloppé, et par extension mystère. Dans le dis- 
cours ce mot est déterminé par l'homme enveloppé dans un manteau; lors- 
qu'il veut désigner une idée religieuse, telle que mystère, il prend le 
déterminatif de l'adoration... Ce Dieu s'appelait donc Amen parce qu'il 
représentait ce qu'il y avait de plus caché dans la divinité^. » Les textes le 
proclament hautement : « Mystérieux est son nom plus que ses naissan- 

* Naville, Litanie du SoleiL p. 6. 
» En hiéroglyphe ^"^^^ 9 J), 

4 [J I rJi ^'o'*" l'excellent ouvrage de M. Oréhaut : Hymne à Ammon-Ra, p. 127. 

5 E. de r.ouyé, Mélanges iVarchéologi.-, p. 72. 



LE GNOSTICISME EGYPTIEN 



285 



ces » est -il dit dans riiyiniie si bien commenté par M. Grébaut, et pour no 
rion laisser d'inexpliqué, le texte ajoute : « C'est dans son nom d'Amen *. » 
Dans les différentes invocations que M. Naville a réuni sous le titre do 
Litanie du soleil j il est dit : « L'Osiris royal connaît ta forme, grand Dieu 
mystérieux *. » Le même Dieu est encore appelé le seigneur des sphères 
cachées^, celui qui entre dans sa caverne mystérieuse ^, le mystérieux, le 
caché. Dans un autre texte, il est dit de la divinité : « Tu pèses sur toi- 
même par le mystère qui est en toi ^. » Il n'y a donc pas à en douter, le 
dieu égyptien Ammon, personnification de Ra, était un dieu mystérieux et 
caché. Or, telle était l'essence du dieu valentinien : on l'appelait indifférem- 
ment père et inconnu, il était dans les hauteurs invisibles et incompréhensi- 
bles ; comme Ra, le dieu de Valentin était père par le seul fait qu'il existait. 
Ce sont là les premiers traits de ressemblance. 

Cependant le dieu valentinien avait encore un autre nom, on l'appelait 
l'Abîme (Bj5o$), et c'est de lui que sortaient tous les autres dieux, c'est-à- 
dire les œons. L'Egypte connaissait aussi ce dieu, elle l'appelait A'ii«, c'était 
l'abîme. Voici ce que disent les textes : « J'appelle devant ma face Shou, 
Tefnut, Seb, Nut, et les i)ères et les mères qui étaient avec moi lorsque je 
me trouvais encore dans Nun... Ra dit à Nun : Tu es le premier -né des 
dieux, toi dont je suis sorti... Et la majesté de Nun dit : Mon fils, Ra, tu es 
un dieu plus grand que ton père qui t'a créé ®. » L'épithète de un, unique, 



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soleil, pi. X, col. 18. 

3 Naville, ibid., p. 15. — Invocation première. 
* Id., ihid., p 42. — liivocaliou viu^'t-lroisiérae. 



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286 



LE GNOSTICISMB EGYPTIEN 



est appliquée à Nun, comme nous la verrons appliquée à Amen-Ra S et 
dans un texte où lo Nil est considéré comme la figure de Nun, il est dit : 
Tu es l'unique, se créant lui-même*. Cette identité du Nil avec Nun^ et cette 
existence du dieu abîme sont énoncées d'une manière saisissante dans un 
passage du chapitre dix-septièmo du Todtenbuch : « Je suis le grand dieu 
existant par lui-même, c'est-à-dire le Nil, c'est-à-dire Nun ^. » Dans un 
autre texte où le défunt est assimilé à Ra procréant les substances, il est dit : 
(( Tu deviens le dieu grand sorti de Nun^ le grand germe divin sorti de l'élé- 
ment humide \ » 

Ces textes suffisent, croyons -nous, pour montrer que la ressemblance entre 
le MjOô^ des Valontiniens et le Nun des Egyptiens est parfaite : de Nun sor- 
tent tous les dieux, c'est lui qui crée les personnes divines (et nous allons 
bientôt voir ce que signifie cette expression), il est le dieu unique, non engen- 
dré; le dieu grand, c'est-à-dire le dieu par excellence : de Bui?oç sortent éga- 
lement toutes les syzygies, c'est lui qui crée ainsi tout le Plérôme, il est le 
dieu par excellence, l'invisible, Tincompréhcnsible, Tinsaisissable. Non seu- 
lement By^o; comprend en lui-même toutes les propriétés du Nun égyptien, 
mais il a encore celles d'Ammon, et les gnostiques valentiniens des deux 
personnifications divines de l'Egypte ont fait un seul être qu'ils ont placé à 
la tête du Plérôme. 

Nous avons dit plus haut que le dieu égyptien était appelé le dieu un, 



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* Todtenhur.Ji^ th. xv, x, xvii, i. 



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ù _ Orébauf, ihid., p. IS. 



LE ONOSTICISME ÉGYPTIEN 287 

quoique multiple dans ses noms et ses manifestations; cette observation 
nous servira de transition pour expliquer comment toutes choses sont sor- 
ties de ce dieu. L'hymne traduit par M. Grébaut s'exprime en ces termes : 
(( Hommage à toi, forme unique, produisant toutes choses, le Un qui est seul, 
qui produit les existences, les hommes sont sortis de ses yeux et sa parole 
devient les dieux *. » Plus loin, il est encore dit : « Hommage à toi auteur des 
formes en totalité, le Un qui est seul, nombreux par ses deux bras^. » Ainsi le 
dieu de l'hymne est appelé celui qui est seul, la forme unique, l'auteur de 
toutes les formes, celui qui produit les existences : que faut il conclure de là 
sinon que de cette forme unique découlaient toutes les autres formes, que 
de ce Dieu un était sorti tout ce qui est, que Ra était le principe émanateur 
de toutes les choses qui existent. Nous ne saurions mieux faire que de citer 
à ce propos une page de M. Grébaut dont l'autorité est si grande en ces 
matières : « Eternel, antérieur à tout ce qui exi:5te et a commencé, à sa propre 
manifestation par le soleil sauvegardant l'univers après la création, le dieu 
égyptien recevait encore différents noms, celui de Ptah dans la capitale de 
la Basse-Egypte, Memphis... Comme sous le nom d'Eternel et de Provi- 
dence nous entendons le mémo Etre, l'Egyptien, sous ceux de Ptah et de Ra, 

9 _ 

OU Amnion-Ra, adore un seul Dieu ^... Je crois, en effet, que l'Egypte mono- 
théiste a considéré les dieux de son j)anthéon comme les noms qu'un être 
unique recevait dans ses divers rôles, en conservant dans chacun, avijc son 
identité, la plénitude de ses attributs Dans son rôle d'Eternel, antérieur à 
tous les êtres sortis de lui, puis, dans son rôle d'organisateur des mondes, 
enfin dans son rôle de Providence qui, chaque jour, conserve son œuvre, c'est 
toujours le môme être réunissant dans son essence tous les attributs divins. 
C'est un être qui, en soi, est un et immuable, mais aussi mystérieux et inacces- 



1 ^ I Tï - -U ^** ^y 8 '^f^^'^ ÎJXXX^ ToUenb,, ch. xvii, b — Apud 

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Naville, ihid^ p. 39. 

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/wwsA I — t Grébaut, Ibid., p. 150. 



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3 Grojout, Iltjmnc à Aminon-na^ p. 4. 



288 LE GNOSTICISME ÉGYPTIEN 

sible aux intelligences, qui n'a ni forme ni nom, se révèle par ses actes, se mani- 
feste dans ses rôles dont chacun donne naissance à une forme divine qui reçoit 
un nom et est un dieu : ainsi se multiplient les formes d'un être qui n'a pas 
de forme *, et le dieu dont le nom est inconnu ^ devient un « multipliant se 
noms'^ ». Ces formes diviues que le savant auteur analyse avec tant de 
sagacité étaient en effet primitivement des manifestations du même dieu sous 
différents noms, mais à mesure (jue le panthéisme fit irruption dans la théo- 
logie égyptienne, elles furent prises comme de véritables dieux existant par 
émanation. D'ailleurs la manière dont l'hymne à Ammon-Ra lui-même parle 
des dieux ne laisse aucun doute à ce sujet. Ce dieu dont la forme est incon- 
nue, dont le nom est caché, est cependant nommé celui qui est nombreux 
de noms ; qui multiplie ses noms : ces noms, ce sont les personnifications 
divines. Or, ces dieux émanés de Ra sont appelés ses membres, ses chairs *; 
Ra est nommé le beau taureau de la collection des personnes divines, c'est- 
à-dire le fécondateur suprême, celui qui fait sortir de lui-même la collec- 
tion des personnes divines^. Ces idées sont poétiquement exprimées dans un 
passage de ce même hymne qui nous fournit tant de sujets de rapprochements. 
« Les dieux courbés devant ta Majesté, y est- il dit, exaltint les âmes de celui 
qui les produit; joyeux de la station de celui (jui les engendre, ils disent : 
Viens en paix, ô père des pères des dieux, celui qui a suspendu le ciel, refoulé 
la terre, auteur des choses, producteur des êtres, prince suprême, chef des 
dieux, nous adorons tes âmes comme tu nous engendres : tu nous enfantes et 
nous t'acclamons, parce que tu demeures en nous ^. » Une multitude d'autres 



i /d., '■^^ ""^^^ 3|l ^â>vî^.=^ V. 100, n" i. 

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3 <$4. I Ibid, no 3. Pour le texte, id., ibid., p. 09 et JOO. 

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LE GNOSTICISME EGYPTIEN 



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textes reproduisent les mêmes idées et presque les mêmes paroles. Le titre 
do père des pères des dieux est remarquable entre tous. Gomme le premier 
dieu est le fécondateur suprême, celui qui engendre tous les dieux, leur père 
par conséquent, de même chaque dieu engendré devient à son tour féconda - 
teur, il engendre d'autres dieux de la même manière qu'il a été engendré. 
Que si l'on ne voulait voir dans les textes qui précèdent que des dénomina- 
tions diverses, des figures orientales, il faudra cependant avouer que dans 
ceux qui vont suivre l'émanation est exprimée d'une manière telle qu'on ne 
peut la nier. Dans l'hymne à la divinité traduit par M. Pierret, nous lisons 
en différents passages : « Auteur de ses transformations, c'est un généra- 
teur de tout ce qui est, un générateur qui produit les êtres... Tu veilles dans 
le repos, père des pères des dieux... Hommage à toi ainsi qu'à ceux de ton 
essence que tu as créés après que tu fus deveim à l'état de dieu et que les 
chairs eurent formé leurs chairs d'elles-mêmes*. » Enfin une dernière parole 



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Pitrret, Et. ènyp,^ t. I, p. 1 et 3. 



37 



290 LE GNOSTICISME ÉGYPTIEN 

est encore plus explicite : « Adorous son émanation sainte, sous tous ces 
noms heureux *. » On le voit, le panthéisme est bien plus accentué : cela 
vient de ce quo l'hymne traduit par M. Pierrot a été composé après celui qui 
a fourni a M. Grébaut le sujet de son beau travail : celui-ci est de la dix- 
huitième ou dix-neuvième dynastie, l'autre est de la vingtième. La diflFé- 
rencc est encore plus sensible en faveur du panthéisme dans les textes funé- 
raires publiés par M. Naville, textes qui sont à peu près de la môme époque. 
On y lit : a Hommage à Ra, cehii qui émet les plantes *. » Le mot employé pour 
signifier l'idée d'émission est ut a ^. Le sens propre de ce mot est faire sortir, 
séparer de soi, et au sens actif : émettre, jeter, transmettre, ordonner. Dans 
les locutions, envoyer des rayons lumineux, envoyer la chaleur, la ruine, la 
destruction, la vie, c'est ce mot qu'on emploie. « C'est donc l'idée d'émis- 
sion qui prédomine dans le verbe ittit : alors, s'il a pour objet un substantif 
représentant une personne, comme nuter, ou A/iOi**, nous traduirons celui qui 
émet les dieux, les intelligences, qui les fait sortir de lui, comme on émet 
un son, une parole : c'est là, me semble-t-il, ce que nous traduisons en fran- 
çais par l'émanation qui joue un si grand rôle dans les philosophes alexan- 
drins ^. » Cette doctrine est amplement fortifiée par la cinquante et unième 
invocation de la Litanie : « Hommage à Ra, celui qui fait les sphères et qui 
crée les corps; de lui-même qu'il a émis lui -même (de sa propre personne qu'il 
a émise lui-même) tu as émis, Ra, ceux qui sont et ceux qui ne sont pas, les 
morts, les dieux, les intelligences ®. » C'est le utu qui est employé dans ce 



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Navile, Lit, du Soleil,, pi. 111 et XXIV. 

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!• Naville, Litanie du Soleil, p. 35. Gela est si vrai que le mot qiii exprime la génération n*est 



que le radical Y renforcé de v\ 






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LE ONOSTICISME ÉGYPTIEN 291 

passage. Enfin si toutes ces preuves étaient encore insuffisantes, nous pou - 
vons citer un texte postérieur où le mot émanation est employé comme nous 
l'employons, formé de la même manière que le mot latin : emanare. A la 
planche vingt unième des monuments d'Abydos publiés par M. Mariette, il 
est dit : Tu émanes de Shu, tu découles de Tefnut *. 

Nous pouvons donc conclure que la doctrine de l'émanation était connue 

9 

des Egyptiens, qu'elle était leur croyance au moins dans les temps posté- 
rieurs, et que les manifestations primitives de Ra étaient devenues de véri- 
tables émanations, ses chairs, ses membres, comme le disaient les Égyp- 
tiens. Nous n'avons pas besoin de faire remarquer la ressemblance de cette 
doctrine avec le système valentinien, mais nous devons ajouter que cette 
conformité va encore beaucoup plus loin, car la syzyyie valentinienne était 
empruntée aux couples égyptiens. 

Il serait inutile de citer de nouveaux textes pour montrer que les 
dieux de l'Egypte étaient rangés par couples : tout le monde connaît le 
mariage d'Osiris et d'Isis, et M. E. de Rougé nous a appris que tout dieu 
mâle avait à ses côtés une divinité femelle qu'il fécondait. Les hymnes reli- 
gieux sont remplis de paroles comme celle-ci où le dieu est appelé taureau de 
sa mère*, c'est-à-dire, comme l'a très bien expliqué M. Grébaut, le fécon- 
dateur de sa mère. Une pareille expression nous démontre que non seule- 
ment l'idée de placer dans la divinité les deux puissances active et passive, 

9 

mâle et femelle, était familière aux Egyptiens, mais aussi que le dieu avait 
en lui-même les deux principos. C'est ce dont on ne peut douter quand on 
connaît les textes. « Il fait en lui-même l'acte de la fécondation, c'est dans 



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û ^^ /^ P Jf '^-- ^^=^ 1^ ^ ^ ri) • ^^ iraduclion est de M. Ohabas. Le 



mot qu'il traduit par : « Tu émanes », est (1 ^^_^ / , ii signifie, au propre, faire couler, verser, 

et il est déterminé par là bouche qui vomit ou le vase qui lasse tomber le liquide contenu : c'est 
donc le sens propre du latin manare^ dont nous avons fuit r.olre mot émanation. 



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292 LE GNOSTICISMB EGYPTIEN 

son nom de taureau de l'Ouest », est-il dit dans un hymne publié par M. de 
Rossi *. Le chapitre dix-septième du Todtenbuch contient une expression 
semblable, le dieu dans l'Ament se féconde lui-même *. A cause de ces attri- 
butions, l'action créatrice, c'est-à-dire émanatrice de la divinité, était consi- 
dérée indifléremmont comme une génération ou comme un enfantement. Ra 
enfante les dieux ^ : il les engendre d'après un autre texte * ; bien plus, le 
même texte l'appelle celui qui engendre et détruit tout ce qu'il a enfanté ^. 
Dans d'autres textes encore, commo l'a fait remarquer M. Grébaut, si du 
dieu père on dit qu'il enfaute en joignant pour déterminatif à l'idée d'en- 
fanter une femme en travail, on dit aussi de la déesse mère qu'elle engendre, 
et l'idée de la génération est déterminée i)ar le phallus^. Il y a donc identifi- 
cation complète des deux puissances. D'ailleurs on sait combien étaient 
répandus dans tout l'Orient, comment étaient venus d'Orient en Europe les 
mythes si nombreux des dieux androgynes ou hermaphrodites : les noms 
d'Atys, d'Agdestis, d'Adonis, de Venus barbata^ d'Hermaphrodite lui- 
même rappellent des mythes assez connus pour que nous ne soyons pas obligés 
de donner plus de détails. Le culte des dieux androgynes était l'un des plus 
répandus ; l'émusculation volontaire des prêtres de Gybèle, les prostitutions 
sacrées étaient des cérémonies du culte : les auteurs grecs et latins, les monu- 
ments de l'antiquité l'attestent d'une manière qui ne laisse aucune place au 
moindre dout(î '''. Il faut avouer que les mœurs des hommes ont été en pro- 
gressant, et que la doctrine (jui a fait tomber de telles monstruosités est une 
doctrine qui mérite de la recjnnaissance de la part du genre humain. 



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mne à Aninion-Iia •, 






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. Lepsius, Denk,^ \\\, lî)i. 
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^ Mélantjes d'archéolorjie. de M. de Kouge, p. 241. 

" r.f. Voie sacrée rlcusinienne de M. Lenormant, p. Xt^, 360, 375, etc 



LE ONOSTICISMK ÉGYPTIEN 293 

Puisque telU^ était la doctrine de l'antiquité et spécialement de l'Egypte, 
on voit désormais à quelle source Valentin a pris son idée d'un Père qui, sans 
principe féminin distinct de lui -même, produit un couple divin, comme c'était 
son enseignement d'après Técole orientale : on voit pourquoi ses œons 
étaient toujours réunis par couple, l'un mâle, l'autre femelle, ce qui n'est qu'un 
dédoublement passif du principe actif. Valentin n'avait eu qu'à jeter les yeux 
sur les monuments qui l'entouraient en Egypte, qu*à prêter l'oreille aux 
légendes divines, et il avait ainsi trouvé la plus grande partie de sa théo- 
logie. Gela est si vrai qu'il u y a pas jusqu'à son Plérome qui ne se retrouve 
dans la religion égyptienne. 

Une des idées les plus curieuses de la théologie égyptienne est celle qui 
renfermait dans une collection déterminée tous les dieux de son panthéon : 
cette collection s'appelait jmtU nuteru * : on la traduit habituellement par le 
cycle des dieux, ou, la collection des personnes divines. M. Mariette, dans 
son ouvrage sur le temple do Denderah, dit que c^éns chaque temple il y avait 
un grand et un petit cycle dos dieux adorés dans ce temple. Selon cet égyp- 
tologue, le petit cycle se composait de trois divinités, et le grand cycle de 
neuf dieux : l'orthographe hiéroglyphique de l'expression paz^^ nuteru sem- 
blerait lui donner raison, car on trouve le mot nuteru écrit par neuf haches, 
c'est-à-dire par l'idéogramme do la divinité neuf fois répété ^. De même dans 
un texte recueilli à Abydos on lit : « le grand cycle des dieux qui est 
à Héliopolis, Tum, Su^ Tefnut, Seb, Nut, Osiris, Isis, Sot, Nephthys, 
enfants de Tum, son cœur s'étend sur ses enfants en votre nom de neuf 
dieux ^. » C'est lo paut du temple. Cependant M. Grébaut veut, et avec 
raison, croyons-nous, que l'expression collective paut nuteiHi ne com- 
prenne pas seulement neuf dieux, mais l'ensemble de toutes les personnes 



« En hier »glyphes : ®111 J) 



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294 LE GNOSTICISME ÉGYPTIEN 

divines ^ quoique ce ne soit pas une raison de croire qu'il faille en exclure 
toute idée du nombre neuf. Dans chaque cycle des dieux, si nombreux soient- 
ils, il y a une neuvainede dieux coraposée du dieu supérieur qui est à la tête 
de toute j}a?«/, et d'une huitaine d'autres dieux. Nous ne saurions mieux faire, 
pour établir ce point, que de citer ici M. Maspero qui, avec sa précision et sa 
clarté habituelles, l'a très bien fait ressortir. Parlant d'une adoration faite à 
un dieu, il dit : « Cette adoration était prononcée par les Sesunnu de la pre- 
mière neuvaine des dieux, les chefs qui implorent le dieu qui est parmi eux*, 
et ce dieu est Animon. Le mot Sesunnu ^ traduit exactement sifrnifie les 
huit dieux. Ici ces huit dieux appartiennent à une paut nuterUj à une neu- 
vaine de dieux complétée par Ammon Pauti-taui^ le dieu qui est parmi eux; 
ils sont les huit dieux complémentaires de la neuvaine * dont Ammon Pauti- 
taui était le chef. Généralisant cette observation d'après le témoignage des 
monuments, on peut conclure que toute paui^ neuvaine divine, se compo- 
sait : premièrement d'un dieu principal, seul nommé à part, et comme créa- 
teur; deuxièmement, des SesiainUy ou huit dieux complémentaires qui ren- 
daient hommage au premier et l'aidaient à l'accomplissement de ses fonctions 
divines. Il ne faudrait pas d'ailleurs prendre au pied de la lettre les nombres 
neuf et huit que semblent indiquer j)^^^t et sesunnu, La imut se composait 
d'autant de dieux qu'on voulait lui en faire contenir. Il y a des paut de treize, 
quinze dieux et plus ; de môme qu'il y a des Sesunnu de plus de huit dieux. 
Pour entendre ces expressions, il faut se rappeler que le dieu unique de 
TEgyiJte, divisé en triades et en neuvaines, restait toujours unique et pou- 
vait multiplier ses formes à l'infini sans rien perdre de son unité. Il n'est pas 
plus étrange de supposer une neuvaine en vingt personnes qu'un Dieu unique 
en trois ou en neuf. Si les Sesunnu sont la Paut moins un, il en résulte qu'ils 



* Grébaut, Hymne à Ammon- Ra, p. 100, n*> 4. 




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l^l^mFWP . Apud Ma..pero, .iUe infnr. 



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3 Kn hiéroglyph.. : PPo^lj^^^j. 

* l\ faut se rappeler pour CDiiipreiidie l)iv.'ii cela que U mot paut signi.ie neuf. 



LE GNOSTICISME ÉGYPTIEN 295 

peuvent se composer d'autant de personnes moins une que la paut^ de douze 
si hpaut est de treize, et ainsi de suite. Les noms neuvaine et huitaine se 
rattachent à la subdivision par multiples de trois, du diau unique ; l'idée 
qu'ils rendent se rattache à la subdivision infinie et par nombre irréguUers 
que la métaphysique égyptienne faisait subir à la divinité *. » La démonstra- 
tion est péremptoire, tout cycle avait à sa base un nombre de divinités égal 
à celui du cycle lui-même moins un, et si le cycle était de neuf, la huitaine 
de dieux, l'Ogdoade sacrée était à la base. D'ailleurs peu importe que la neu- 
vaine s'agraiidit, le mot de Sesunnu emportait avec lui l'idée de l'Ogdoade 
qui s'agrandissait en même temps : l'Ogdoade gnostique, si elle comprend 
huit seons, comprenait un nombre bien plus grand de divinités inférieures. 
Ainsi constitué le cycle des dieux avait toutes les propriétés du dieu 
suprême, tout ce qui est rapporté au principe premier peut lui être rap 
porté : il est la providence qui prend soin de Tunivers, comme on le voit au 
papyrus d'Orbiney où le cycle des dieux parcourt la terre pour y faire exé- 
cuter ses commandements *. Enfin dans cette collection de personnes divines 
réside « le dieu un, ce dieu qui est seul et n'a pas de second, qui est un dans 
son rôle comme il est un avec les dieux ». L'hymne traduit par M. Grébaut 
est formel sur ce point, il s*écrie : « dieu Ani (forme du soleil) résidant dans 
la collection de ses personnes divines ^! » Qu'est- ce à dire, sinon que le dieu 
est un dans toutes ses manifestations, que ces manifestations viennent toutes 
d'une source unique, émanant toutes d*un même principe qui n'est complè- 
tement développé que dans la collection tout entière des émanations. 

* Mémoire sur quelques papyrus du Louvre, p. 74-95. Extrait des notices et extraits des manus- 
critSf t. XXIV, première partie. Cette partie n'a pas encore paru, nous en devons connaissance à Tobli- 
geance de Tauteur. 

2 Voici, traduit par M. Maspero, le passage auquel nous faisons allusion : « Comme il sortait de sa 
villa, il rencontra le cycle des dieux qui s'en allait régler les destins de leur Terre-Entière. » Nous aurons 
occasion prochainement de donner la suite de ce passage et de citer la manière dont ce cycle des dieux 
crée une femme à Batau, le plus jeune frère du conte rapporté par le papyrus d'Orbiney. Quant à 
présent voici le texte du passage que nous venons de citer : 



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7ieSk^^KJ^t--!lT°i*Ii!i™ 






296 LE GNOSTICISME EGYPTIEN 

Si Ton rapproche maintenant cette idée de celle exprimée par le mot Plé- 
rôme la lessemblance est [)arfaite. Qu'est-ce en eflFet que le Plérôme ? C'est 
le monde supérieur des Valentiniens, c'est Tensemble de toutes les manifes- 
tations, de toutes les émanations divines exprimant la somme complète, la 
plénitude dos attributs du dieu primitif. De plus, dans le système particulier 
à l'école italique, ce Plérôme commence par une Ogdoade, comme le Paut 
nuteru commence par huit dieux que Ion a nommés élémentaires. Les 
dieux du Plérôme se conduisent comme ceux du cycle égyptien. Nous avons 
vu en cflet dans la formation du Plérôme que les œons rendent gloire au 
Père, Tacclament, veulent le glorifier : c'est une idée essentiellement égyp- 
tienne. A chaque instant dans les textes on trouve des paroles comme celles-ci : 
« Les dieux sont en adoration devant toi, ils t'acclament )) ; nous rappelle- 
rons à ce sujet des paroles que nous avons déjà citées : (( Les dieux courbés 
devant Ta Majesté, est-il dit à Ra, exaltent les âmes de celui qui les produit ; 
joyeux de la station de celui qui les engendre, ils te disent : Viens en paix ! 
ô père des pères des dieux, celui qui a suspendu le ciel et refoulé la terre, 
auteur des choses, producteur d(îs êtres : prince suprême, chef des dieux, 
nous adorons tes âmes comme tu nous engendres : tu nous enfantes, nous 
t'acclamons parce que tu demeures en nous ^ » Les œons du Plérôme de 
Valentin auraient fort bien pu tenir ce langage. 

Nous ne quitterons pas ce Plérôme et l'Ogdoade sans faire une dernière 
remarque qui est des plus importantes. On a pu voir que dans la procession 
des différentes analogies, chez Simon le Mage, Ménandre et Satornilus, 
Ez«v3ta procède immédiatement du dieu principe comme compagne de Ncu^. 
Dans le système de Basilide, 'ETr'vota est conservée sous le nom de Asyo^, 
niais elle disparait complètement chez Valentin. Pour ce dernier ce n'est plus 
la Pensée, le Verbe qui est Tépousc de l'Esprit, c'est 'AivîTsta, la Vérité. 
Pourquoi Valentin a t il ainsi rompu avec la tradition gnostique? Deux 
ré[)onses s'ofFrent à cette question. Valentin, par une conception philoso- 
j)hique plus profonde, a pu voir et exprimer que la Vérité est vraiment la 
compagne de rintelligence qui ne peut s'exercer que sur le vi-ai, se nourrir 
que du vrai ; nous ne lui contesterons pas ce mérite. Mais il est une seconde 

< Grébaut. Ifi/mm à Ammon-Ra, [i. 105. 



LE GN08TICISME ÉGYPTIEN 297 

réponse qui ne doit pas être rejetée. Cette réponse se fonde sur le rôle que 
jouait la Vérité, la déesse Mat, dans la religion égyptienne, rôle identique 
à celui de Y'SXrfma, de Valentin. Nous allons le montrer en entrant dans quel- 
ques détails. 

Le dieu égyptien vivait et subsistait par la Vérité *, la Vérité était sa vie, 
il l'enfantait et elle était son corps *. Dans l'hymne à Ammon-Ra, hymne qui 
nous a été d'un si précieux secours, il est appelé « Maître de la Vérité », 
et parce qu'il est maître de la Vérité, qu'il la possède, il est « père des 
dieux ^ ». Cette conclusion du second titre, qui sort du premier, est donnée 
en termes exprès par une phrase du papyrus magique Harris traduit par 

9 

M. Chabas : « Etant le Vrai, tu enfantes les dieux * » ; c'est-à-dire tu enfantes 
les dieux parce que tu es Vérité. Cette doctrine est parfaitement démontrée 
par M. Grébaut que nous nous contentons d'analyser. Un autre texte est 
encore plus formel : « Germe des dieux, dit Thymne à Ammon-Ra, Vérité 
qui règnes dans Thèbes, tu es cela dans ton nom d'auteur de la Vérité ^. » 
Cette vérité ainsi possédée par le dieu unique était dispensée par lui aux 
autres dieux, « elle était la liqueur dont il les abreuvait, le pain dont il les 
nourrissait », les dieux « recevaient la parole du seigneur universel et fai- 
saient remonter vers lui la Vérité », ce qui revient à dire que la parole du 
dieu un dont naissaient les autres dieux était la Vérité qui constituait ces 
mêmes dieux ®, Ainsi les dieux participaient à la vie de leur principe, à sa 



1 "9" t^v s^ ° ^ ir ^'^^^*"*' *^*''-' p- *^*- 



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p^.i^nn^i""— 



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« Grtbaut, ï6id., p. llô. 



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298 LE ONOSTICISME ÉGYPTIEN 

Vérité, ils étaient comme lui vrais de parole, ma x^ru *, comme Ta si fine- 
ûient expliqué M. Grébaut *. Les hommes devaient eux aussi participer à cette 
vérité, ils devaient être vrais de parole comme Dieu lui-même, s'ils vou- 
laient être heureux dans TAmenli : nul titre n'était plus recherché des Pha- 
raons et de leurs officiers comme des simples mortels que celui de ma x^w, 
vrai de parole ; c'est-à-dire que non seulement ils ne devaient pas avoir pro- 
féré de mensonges, ce qui serait une explication illusoire et ridicule, mais 
qu'ils devaient avoir participé à la vie intime de la divinité, avoir connu les 
mystères des ma yieru supérieurs, qui sont les dieux vivant de vérité : ils 
disaient comme les dieux : « Je suis le maître de la vérité, je vis par elle ou en 
elle ^.)) L'une des premières préoccupations du défunt en arrivant dans l'Amenti 
devait être de dire : « Je connais les mystères de la région inférieure *; et si 
l'on veut rapprocher cette phrase de celle que nous avons citée précédem- 
ment, on verra que le ^défunt est seigneur de la Vérité uniquement parce qu'il 
a la science des dieux, qu'il connaît leur nature et s'est identifié à leur vie. 
La même idée est exprimée dans la Gnose : L'homme ne possède la vérité, 
'Aivj^eta, que s'il participe à la Gnose valentinienne. On comprendra 
maintenant pourquoi nous avons pu dire que Valentin s'était appuyé sur 
la religion égyptienne pour substituer ^ SMBiiol à l"E7r«vcta de la tradition 
gnostique. 

Nous l;erminerons ici les rapprochements que nous avions à faire entre la 
théologie de l'Egypte et la doctrine de Valentin : ils sont assez nombreux, 
assez frappants, les deux doctrines sont assez semblables, en un mot, pour 
que nous puissions sans témérité reconnaître l'influence de la première sur la 
seconde, et rechercher les sources do la seconde dans la première. Nous 
pourrions cependant faire remarquer encore que les doctrines contenues dans 
les livres d'Hermès Trismégiste, doctrines égyptiennes pour la plupert, sont 



^ Grébaut, ïbid, p. 109-122, pages d'une analyse aussi ingénieuse que sûre. 



< Naville, Litanie dw Soleil, p. 102-104. 



LE GNOSTICISME ÉGYPTIEN 299 

identiques à celles de Valentiii : nous devons nous contenter de les indi- 
quer * ; il nous faut passer à la cosmologie 



II. — COSMOLOOIE KOYrTIENNE ET V A LBNTINIENNK 



Nous ne croyons pas que, quelque part que ce soit dans les monuments 
égyptiens maintenant connus, on ait trouvé un ensemble de doctrines cosmo - 
logiques. 11 est inutile de dire que, comme les autres peuples, les Egyptiens 
ne croyaient pas à la création ex nihilo : la création telle qu'ils l'enten- 
tendaient n'était que l'organisation de la matière, d'une matière dont ils 
n'avaient jamais recherché l'origine. Dans le troisième fragment du Pœman- 
dcry la création est ainsi expliquée par Hermès Trismégiste : « U y avait des 
ténèbres sans limites sur l'abîme, et l'eau et un esprit subtil et intelligent, 
contenus dans le chaos par la puissance divine. Alors jaillit la lumière sainte, 
et sous le sable les éléments sortirent de l'essence humide, et tous les dieux 
débrouillèrent la nature féconde. L'univers étant dans la confusion et le 
désordre, les éléments légers s'élevèrent et les plus lourds furent établis 
comme fondement sous le sable et suspendus pour être soulevés par l'esprit. 
Et le ciel apparut en sept cercles, et les dieux se manifestèrent sous la forme 
des astres avec tous leurs caractères, et les astres furent comptés avec les 
dieux qui sont en eux. Et l'on enveloppa le cercle extérieur, porté dans son 
cours circulaire, par l'esprit divin. Chaque dieu selon sa puissance accomplit 
l'œuvre qui lui était prej^crite. Et les bêtes à quatre pieds naquirent, et les 
reptiles et les bêtes aquatiques, et les bêtes ailées, et toute graine féconde, 
et l'herbe et la verdun? de toute fleur ayant en soi une semence de généra- 
tion. Et ils semèrent ainsi les générations humaines pour connaître les 
œuvres divines et témoigner de l'énergie de la nature, et la multitude des 
hommes pour régner sur tout ce qui est sous le ciel et connaître le bien, pour 



* Cf. dans la traduction de M. Ménard, les pages 8, 6, 141, 282, 17.19. p. 16, 40, ^")4, 256. Les doc- 
trines contenues dans ces pages sur Dieu, ses manifestations. TOgdoade, sont semblables à celles que 
nous venons d*exposer. 



300 LE ONOSTICISME EGYPTIEN 

croître en grandeur et multiplier en multitude, et toute âme enveloppée àe 
chair par la course des dieux circulaires pour contempler le ciel, la course 
des dieux célestes, les œuvres divines et les énergies de la nature, et pour 
distinguer les biens, pour connaître la puissance divine, pour apprendre à 
discerner le bien et le mal, et découvrir tous les arts utiles. Leur vie et leur 
sagesse sont réglées dès Torigine par le cours des dieux circulaires et vien- 
nent s'y résoudre *. » 

Quel que soit l'auteur de cette page et l'époque où elle a été écrite, qui- 
conque connaît les idées égyptiennes y trouvera une identité presque com- 
plète avec les allusions contenues dans les textes étudiés jusqu'à ce jour. 
Dans les fragments qui nous sont parvenus des livres attribués à Hermès 
Trismégisle, la forme est grecque toujours, les idées sont égyptiennes très 
souvent : dans le passage qui nous occupe il n'y a pas à en douter ; à pai t 
quelques formules grecques, le fonds est égyptien : les textes que nous 
avons cités le montrent déjà, ceux que nous citerons bientôt le montreront 
plus amplement encore. Mais avant d'examiner de nouveau les textes égyp- 
tiens, il nous faut mettre sous les yeux du lecteur quelques lignes du Pœmaéi- 
lier sur la création de l'homme. « Mais le Nov;, dit Poimandrès, père de 
toutes choses, qui est la vie et la lumière, engendra l'homme semblable à lui- 
même et l'aima comme son propre enfant. Par sa beauté, il reproduisait 
rimage du Père : Dieu aimait donc en réalité sa propre forme, et il lui livra 
toutes ses créatures. Mais l'homme ayant médité sur l'œuvre de la création, 
voulut créer à son tour, et il se sépara du père en entrant dans la sphère de 
la création. Ayant pleins pouvoirs, il médita sur les créations de ses frères, 
et ceux ci s'éprirent de lui, et chacun d'eux l'associa à son rang *. » Là 
encore se trouve un curieux mélange d'idées venant des sources les [)lus dis- 
parates, chrétiennes, grecques, orientales, et nous trouverons dans la doc- 
trine égyptienne en particulier plus d'un trait qui s'y rapporte. 

L'hymne à Ammon-Ra que nous avons déjà cité si souvent, nous dit clai- 
rement que la création, c'est-à-dire la formation des êtres vivants et inani- 



* Hermès Trisniégiste, trad. Menard, p. 27-29. 

* Hennis Trism., trad. Ménard, p. 7. Nous ne devons pas oublier de mentionner ici le profit que 
nous avons retire de la lec'ure du mémoire manuscrit de M. RoSiou, mémoire qui a partagé le prix 
décerné à M. Mè;-iard. 



LE GNOSTICISBIE ÉGYPTIEN 301 

mes, est l'œuvre de Ra; il est salué : « auteur des hommes, producteur des 
animaux, seigneur des choses, producteur des plantes nutritives, auteur des 
pâturages qui nourrissent le bétail * )^. Ce texte ne fait aucune allusion à 
l'idée de création telle que nous l'entendons dans le sens moderne et chrétien 
du mot. Le dieu égyptien est l'auteur, le producteur, il n'est pas le créa- 
teur : le mot qui est emi)loyé pour désigner son action est le même qu'on 
emploie pour désigner la procréation des dieux et les productions de la terre. 
11 n'est donc question en tout ceci que d'une organisation de la matière, que 
d'une œuvre de démiurge : c'est ce qu'enseignait Valentin dans son système 
et surtout dans ce passage remarquable où, recherchant quelle est l'origine 
du mal, il la trouvait dans les scories de la matière non employées par 
Démiurge. 

Cependant il ne faudrait pas croire que l'œuvre de Démiurge fut spéciale 
au dieu primitif : elle était, au contraire, réservée entre toutes ses manifes- 
tations à une forme particulière : un passage du papyrus d'Orbiney nous en 
fournit un curieux exemple. Le plus jeune des deux frères dont les aventures 
sont racontées dans ce conte fantastique, se nommait Batau; il vivait clans la 
vallée du cèdre sur la plus hautj branche duquel était déposé son cœur, 
lorsque le cycle des personnes divines passa en faisant la police de l'Egypte, 
comme nous l'avons dit plus haut. Le texte continue alors ainsi : « Le cycle 
des dieux parla d'une seule voix et lui dit : Ah ! Bntau, taureau du cycle des 
dieux, ne demeures-tu pas seul après avoir quitté ton pays devant la femme 
d'Anepu, ton frère aîné? Voici, il a tué sa femme, car tu lui avais révélé tout 
ce qui avait été fait de mal contre toi. Leur cœur en étant malade beaucoup, 
beaucoup, Phra-Harmakhuti dit à Khnum : Oh! fabrique une femme à Batau 
afin que tu ne restes ^as seul*. Khnum lui fit une compagne pour demeurer 
avec lui, elle (tait parfaite en ses membres plus que femme en la terre 




S\1>\l.]li^ 









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1 © I I I I ^^f^ I 1 M 1 Q yVVWNA AWVNA ^^^ ^ \' 



* La i)remière prop >8ition de cette pliiase s'aidresje à 1 hra-Harniakhuli, mais la seconde est pro])re- 
meiit à Tadrefse de Dataii : la confuj-ion qui rèsulle de ce l)riisque changement de personnes n*est 
qu'apparente. 



302 LE ONOSTICISME EGYPTIEN 

entière, car tous les dieux étaient en elle *. » Dans ce passage c'est Khnum 
qui est le démiurge, il fabrique une femme qui possède en elle Tessence 
divine *. Cette fonction de démiurge était encore confiée à d'autres dieux 
elle était même la prérogative de chaque dieu, comme nous Talions voir, et 
en cela nous retrouvons l'idée gnostique selon laquelle toute émanation 
devient la source d'une émanation inférieure. Les textes qu'il nous faut citer 
maintenant nous prouveront deux choses : que les créatures sont l'œuvre de 
tous les dieux, chacune dans sa sphère, et que la manière dont elles sont 
produites ressemble fort à une émanation. A ce propos nous devons dire 
qu'après avoir beaucoup lu, beaucoup réfléchi, nous désespérions de trouver 
la clef de ce mythe singulier qui fait sortir la matière inorganisée des pleurs 
et de la sueur de Sophia Achamoth, c'est-à-dire de la Sophia extérieure de 
l'école orientale. Cependant ce mythe repose sur une idée égyptienne, que 
nous avons enfin trouvée. Nous Talions démontrer. 

Parmi les invocations adressées au soleil, ou plutôt parmi Ténumération 
de ses diverses transformations, on lit la suivante : « Celui qui crée Teau qui 






L-^îmii*^™r:;,^p,T,o,z™vi 







(""^îïi , ^::z^ <n> **=^ ^ 
















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Maspero, Conte des deux frères, p. 9. 
* Cette essence est désignée dans un autre passage par le mot mu, eau, /wvwv i — i . 



LE GNOSTICISME EGYPTIEN 



303 



sort de son intérieur, l'image du corps de Rémi le pleureur * » . « Les larmes 
jouent un grand rôle dans la religion égyptienne, dit M. Naville en expli- 
quant ce texte, et surtout dans ce qui concerne la création. » Puis il en cite 
quelques exemples tirés de textes inédits du tombeau de Ramsès IV que 
nous lui empruntons. Dans l'un d'eux on prie le dieu en qualité de pleureur 
de donner la vie au roi : « le pleureur, le puissant (?), haut dans les pro- 
vinces de TAukert, donne la vie au roi * », et la conservation de la vie, on 
le sait, est le pendant de la création. Le dieu reçoit aussi cette invocation : 
a toi, celui qui se forme par ses larmes, qui entend lui-même ses paroles, 
qui ravive son âme, ravive l'âme du roi ^. » Enfin dans un texte fameux, 
connu sous le nom de texte dos quatre races, il est dit en propres termes aux 
hommes : « Vous êtes une larme de mon œil en votre nom de Retu, c'est-à- 
dire en votre nom d'hommes *. » Il n'y a donc pas d'ambiguïté possible, les 
hommes sont bien une création des dieux, une création par émanation, et 
les larmes divines sont la matière dont ils ont été formés, ce qui revient à 
dire qu'ils ont été formés d'une substance divine dont ils émanent. Cette 
doctrine est encore bien plus clairement affirmée dans un papyrus magique 
traduit par M. le docteur Birch : les larmes des différents dieux y sont 
représentées comme la matière dont sortent les fleurs, Tencens, les abeilles, 
l'eau, le sel, etc. « Quand Horus pleure, dit ce papyrus, l'eau qui tombe de 
ses yeux croît en plantes qui produisent un parfum suave. Quand Shu et 



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^^ _y|. Naville, Lit. du Soleil, p. III, col. 21. 










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"T" -^ 'ï^;^ AwvNA I • Ibid,, I». 40. 



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Lepsius , 



Denk., III, 136. — Apxid Naville, ibid. 



304 LE G.NOSTICISME ÉGYPTIEN 

Tefiiut pleurent beaucoiq) et que l'eau tombe de leurs yeux, elle se change 
en plantes qui produisent l'encens... Quand le soleil pleure une seconde fois 
et laisse tomber l'eau de ses yeux, elle se change en abeilles qui travaillent... 
Qu^ul le soleil Ra devient faible, il laisse tomber la transpiration de ses 
membres, et elle se change en un liquide... *... son sang se change en sel. 
Quand 1(3 soleil devient faible, il transpire, l'eau tombe de sa bouche et se 
change en plantes^ ». Quand même il ne s'agirait ici que de la pluie et de 
son action bienfaisante surtout dans un pays où elle est rare, le mythe n'en 
existerait pas moins et il auruit pu devenir l'inspiration de Valentin; mais 
dans lo texte que nous venons de citer, il ne peut pas s'agir uniquement de 
la pluie, car cette pluiî personnifiée par les larmes et surtout par le sang du 
soleil, se changeant en abeilles ou en sel, ne se comprendrait plus guère. D'ail- 
leurs le texte des quatre races jette sur cette question une grande lumière et 
montre que dans ce mythe il ne peut uniquement s'agir de phiie'et qu'il faut 
s'élever plus haut. 

C'est ainsi qu'on trouve expliquée l'origine d'une partie du rôle. si extra- 
ordinaire de Sophia faisant émaner la matière, avec ses quatre éléments, de 
ses quatre souffrances : comme les pleurs sont assez communément le signe 
de la douleur, de l'angoisse et de la prière, il n'était pas difficile à Valentin 
de remohter du signe à la chose signifiée, et cette simple idée de phiie, 
lecouverte par lui des couleurs orientales les plus marquées, est devenue l'un 
des points les phis originaux de J^on système. Nous terminerons ce paragra- 
phe en citant une nouvelle page des livres hermétiques, où le désir qui pos- 
séda Sophia de connaître ce qu'il lui était impossible de savoir, est attribué à 
l'homme : on verra la ressemblance des doctrines. « Et ce souverain du 
nunde et des êtres mortels et privés de raison (^V^;), à travers Tharmonic 
et la puissante barrière des cercles, fit voir à la nature inférieure la belle 
image de Dieu. Devant celte merveilleuse beauté où toutes les énergies des 
sept gouverneurs (= les sept anges créateurs) étaient unies à la forme de 
Dieu, la nature sourit d'amour, car elle avait vu la beauté de l'homme dans 
l\au et sa forme sur la terre. Et lui, apercevant dans Te au le refiet de sa 



< n V a une lacune. 

V 

2 Revue archéologique. Nous n'avons pas eu ce texte sous la mai u. 



LE GN0STICI8ME EGYPTIEN 305 

propre forme, s*éprit d*ainour pour elle et voulut la posséder. L'énergie 
accompagna le désir, et la forme privée de raison fut conçue. La nature saisit 
son amant et l'enveloppa tout entier, et ils s'unirent d'un mutuel amour. Et 
voilà pourquoi, seul de tous les êtres qui vivent sur la terre, l'homme est 
double, mortel par le corps, immortel par sa propre essence. Immortel et 
souverain de toutes choses, il est soumis à la destinée qui régit ce qui est 
mortel ; supérieur à l'harmonie du monde, il est captif dans ses liens, mâle et 
femelle comme son père, et supérieur au sommeil, il est dominé par le som- 
meil ^ » Si de ce texte l'on rapproche Sophia voyant sa forme dans le dieu 
suprême, voulant s'unir, s'unissant même à elle, mais d'une manière incom- 
plète et ne produisant qu'un avorton (s/TpMaa), malgré le souvenir de Nar- 
cisse s'éprenant de son image reflétée dans le miroir des eaux, on ne pourra 
s'empêcher de voir combien la doctrine de Poimandrès ressemble à celle de 
Valentin. 

En résumé, la doctrine valentinienne sur la cosmologie contient trois 
points principaux : la création de la matière émanant des quatre souffrances 
de Sophia, la formation de cette même matière par Démiurge, enfin la fai- 
blesse de cette création ou formation : ces trois points se retrouvent dans la 

religion de l'Egypte. N'est-il donc pas permis de conclure à l'influence de 

»_ 

l'Egypte sur Valentin? Cotte influence va nous apparaître mieux encore 
lorsque nous aurons parlé de l'âme humaine et de ses diff^érents degrés par 
rapport à la divinité. 



m. — PSYCHOLOGIK ET ESCHATOLOGIE DE I.'kOYPTE COMPAREES 

A ci:li.i:s de valentin 

La doctrine hermétique sur l'âme remplit tout un des livres attribués à 
Hermès Trismégiste et intitulé : la Vierge j ou plutôt, la Prunelle du monde 
(Kopy? y.o(T[j.ov). Le passage que nous allons en citer sera la meilleure transi- 
tion entre les deux paragraphes. Isis découvre les mystères à son fils Horus 



' lierniès Trism., Irad. Moiiunl, p. S. 

30 



30G LE GNOSTJCiSME ÉGYPTIEN 

qui lui dit : « ma mère vénérable, je veux savoir comment naissent les âmes. 
royales. » Et Isis dit : « Voici quel est, mon fils Horus, le cai'actèro dis- 
tinctif des âmes royales. 11 y a dans l'univers quatre régions que gouverne 
une loi fixe et immuable : le ciel, Téther, Tair et la teflre très sainte. En 
haut, dans le ciel, habitent les dieux, gouvernés, comme tout le reste, par 
le créateur de l'univers. Dans l'éther sont les astres que gouverne le grand 
rtambeau, le soleil ; dans l'air sont les âmes des démons gouvernées par la 
lune ; sur la terre sont les hommes et les autres animaux gouvernés par 
celui qui de son temps est le roi. Car les dieux eux-mêmes engendrent les 
rois qui conviennent à la race terrestre. Les princes sont les effluves du roi, 
et celui qui s'en rapproche le plus est plus roi que les autres. Le soleil, plus 
près de Dieu que la lune, est plus grand et plus fort qu'elle, et elle lui est 
inférieure par le rang comme par la puissance. Le roi est le dernier des 
dieux et le premier des hommes. Tant qu'il est sur la terre, il ne jouit pas 
d'une divinité véritable, mais il a quelque chose qui le distingue des hommes 
et qui le rapproche de Dieu. L'âme qui est envoyée en lui vient d'une région 
supérieure à celle d'où partent les âmes des autres hommes. Les âmes des- 
tinées à régner descendent sur la terre pour daux raisons. Pour celles qui 
ont vécu sans reproche et qui ont mérité l'apothéose, la royauté est une 
préparation à la divinité. Pour les âmes divines qui ont commis une légère 
infraction à la loi intérieure et sainte, la royauté atténue le châtiment et la 
honte d'une incarnation; leur condition, en prenant un corps, ne ressemble 
pas à celles des autres, elles sont aussi heureuses que lorsqu'elles étaient 
affranchies. Quant aux variétéi de caractère des rois, e!les ne tiennent pas à 
leurs âmes, car toutes sont divines, mais à la nature des anges et des démons 
qui les assistent, car les âmes destinées à de telles fonctions ne descendent 
pas sans cortège et sans escorte ^ » 

L'idée si élevée que l'auteur des lignes précédentes se formait des rois 
n'est qu'un écho affaibli de la doctrine religieuse de l'Egypte : ce n'était pas 

■ 

assez pour l'Egyptien de regarder son roi comme le premier des hommes et 
le dernier des dieux, il le mettait au nombre des dieux, il l'identifiait com- 
plètement avec la divinité elle-même ; nous allons le montrer en exposant ce 

4 Hermès Trism., trad. Ménard, p. 20i»202. 



LE ONOSTICISME ÉGYPTIEN 307 

qu'était le Pharaon pour les habitants de TÉgypto. Le Pharaon, en égyptien 
le Per-aa *, était identifié avec la divinité, avec Ra lui-même, c'est-à-dire 
avec la personnification la plus apparente et la plus éclatante de la divinité, 
à tel point qu'il en prenait tous les titres : il se nommait roi du Midi et du 
du Nord, fils de Ra ^, vivificateur éternel ^. Pour les Egyptiens, le roi est 
une émanation de Ra, du soleil ; bien plus, il est le dieu lui-même dans l'une 
de ses manifestations, il est Ra dans sa chair, Ra incarné ^. « Après sa mort 
et quelquefois pendant sa vie, dit M. Grébaut, le Pharaon avait ses temples, 
ses prêtres et son culte, quand il n'enlevait pas des sanctuaires la statue 
diviue pour y substituer sa propre image ^. » Lorsque le Pharaon parle et 
agit, il ne parle point, n'agit point comme un homme, mais comme un dieu, 
vainqueur du mauvais principe, vivant de Vérité et luttant pour rétablisse- 
ment du règne de cette même Vérité, n'ayant pour parole que la Vérité ®. 
Ramsès II va jusqu'à se proclamer, comme le dieu suprême, « le dieu se fai- 
sant dieu, le chef des dieux" ». Ces textes suffisent, pensons- nous, pour mon - 
trer qu'il y avait identification du roi avec la divinité : le suivant montrera 
péremptoirement que les Egyptiens adoraient leur roi comme ils adoraient 
Ra. « Un dévot personnage qui adore en même temps Ra et le roi, son 
fils, dit M. Grébaut, s'exprime en ces termes : Tu favorises le roi subsis- 
tant par la Vérité, maître des deux régions terrestres, Kheper nefer Ra Ua- 
n-Ra, ton fils, sorti de ta lumière. Tu l'établis dans ta fonction de roi du 
Nord et du Midi, en qualité de dirigeant le cercle (des révolutions) du disque 

1 . rJf • Celle expression Hgnifie la grande maison, ou mieux, à cause du déterminalif, 

Phahitant de la grande maison. 

2 ^W^( PRÉNOM 1 ^^ ( NOM j. Telle osl 11 forme des cartouches royaux. Cf. Gré- 
baut, op, cit, p. {8:^220 et p. li?4. 

3 A"¥"^^ «=f:^- /^'V.. p. ISS. 

* Y j) / S . Stèle de Kouban, ap.lGréh îut, p. 187- 

& Jd., ibid., p. 187. 
c Jd., ibid., p..l9i. 



iii^^s^Èin. 



308 LE ONOSTICISME ÉGYPTIEN 

solaire. Tu lui donnes Téternité selon que tu as fait ton fils de ton émana- 
tion, pour accomplir ta durée *. » 

Après ces paroles nul doute n'est possible. Le Pharaon n'était pas le 
premier des humains et le dernier des dieux, comme le roi des livres her- 
métiques, il était réellement une émanation divine de la divinité, et jouissait 
de toutes les prérogatives d'une telle filiation. Une telle prééminence nous 
montre que les âmes des autres hommes formaient une catégorie à part, car 
c'est à l'âme que s'attache chez les Egyptiens toute réelle grandeur ou supé- 
riorité : celles des Egyptiens étaient encore d'un degré relativement élevé. 
Ijeurs distinctions ne venaient même que des qualités de leur âme ; mais 
celles des étrangers étaient presque radicalement condamnées à la destruc- 
tion. L'âme de l'Egyptien, au contraire, pouvait arriver au bonheur éternel 
dans l'Amcnti, la bonne Amenti : il lui fallait pour cela savoir les mystères, 
connaître les dieux et n'avoir pas fait le mal. Contrairement au gnosticisme 
valentinien, la doctrine égyptienne requérait les œuvres pour arriver à la 
félicité de l'autre vie : à cette seule différence près (diflférence immense, il 
est vrai), les deux doctrines sont identiques. La distinction des âmes, leurs 
prérogatives, leur destinée, leur origine sont les mêmes pour l'antique 
Egypte et pour Valentin. Celui-ci pour le bonheur de l'éternité demandait 
la guose, l'initiation à la gnose: celle-là demandait la connaissance des 
mystères : cela revient au môme. L'une des plus grandes recommanda- 
tions que le défunt identifié à Osiris pouvait avoir en sa faveur en arrivant 
dans la région inférieure, c'était de pouvoir se dire avec vérité, connaissant 
tous les secrets, initié à tous les mystères : à chaque instant les textes, sur- 
tout le rituel funéraire ou Todtenbuch^ font allusion à des portes secrètes, 
à des chemins mystérieux par lesquels a passé Tame du défunt qui se présen- 
tait au jugement des dieux réunis dans la grande salle de la double justice. 



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^ _„_ /WWNA ^3::* T Ja ^ 1^ Jî Û /WWW 2^ I â. A COf, 1 O 



et 216. 



LE QNOSTICISME ÉGYPTIEN 309 

L'identification du défunt avec la divinité, avec Ra (identification nécessaire) 
était complète, lorsqu'il avait scruté les mystères les plus cachés, les vérités 
les plus secrètes, et qu'il les possédait par la gnose, cette gnose dont l'idée 
est si ancienne, quoique le nom en soit relativement moderne. Quelques textes 
vont montrer la vérité de ce que nous avançons. 

Tout d'abord les âmes de ceux qui sont condamnés dans la psychostasie, 
qui sont trouvés trop légers dans la balance de la justice divine, le sont 
pour avoir fait de mauvaises actions, pour n'avoir pas connu les essences 
cachées, c'est -à dire Dieu et ses manifestations : ces âmes sont appelées 
les esprits morts *, ceux qui étaient indignes de vivre, et vivre après 
la mort n'était donné qu'à ceux qui avaient la science. « L'Osiris royal 
est comme l'un d'entre ceux qui parlent dans leurs sphères cachées (les dieux 
dans leurs demeures respectives). Ha! il est arrivé, il s'avance à la suite de 
l'Esprit de Ra : ha ! il a fait le voyage de Ghepri : ha ! il est arrivé au milieu 
de vous, honneur à son esprit keschi. Ra de TAment, qui a créé la terre, 
qui éclaire les dieux de l'empyrée, Ra qui est dans son disque, conduis -le 
sur le chemin de l'Ament, qu.'il arrive vers les esprits cachés, conduis-le 
sur le chemin qui lui appartient, conduis-le sur le chemin de l'Occident, qu'il 
parcoure la sphère de l'Ament, que le roi adore ceux qui sont dans la demeure 
cachée, conduis-le sur le chemin de l'Ament, fais -le descendre vers la sphère 
de Nun. Ha ! Ra, l'Osiris royal est Nun. Ha ! Ra, l'Osiris royal est toi- 
même et l'inverse. Ha ! Ra, ton esprit est celui de l'Osiris, ta marche est la 
sienne dans l'empyrée. Ha ! Ra, il réside dans l'empyrée, il parcourt la bonne 
Ament. Tel tu es, tel est l'Osiris royal. Ton intelligence, Ra, est celle de 
l'Osiris royal. L'Osiris adore les dieux cachés, il loue leurs esprits, ils disent 
les uns aux autres que ta marche est celle de l'Osiris royal, que ta route est 
celle de TOsiris royal, grand dieu qui résides dans l'empyrée. Ha! dieu du 
disque aux brillants rayons, honneur à l'esprit keschi. Salut à toi, enveloppe 
universelle, qui crées ton âme et qui fais croître ton corps. Le roi parcourt 
la sphère la plus secrète, il explore les mystères qui s'y trouvent *. » Un 



"^ ! ^^ ^ • Naville, op. cit., p. 59. 



< Naville, Litanie du Soleil, p. 73. Nous ne citerons pas les textes hiéroglyphiques de ce long pas- 
sage et des suivan's à cause de leur longueur. 



310 LE ONOSTICISMB EGYPTIEN 

autre texte est plus explicite encore : « Ra, mets l'Osiris royal dans ta 
suite, c'est lui qui est la clef divine qui ouvre les retraites, il connaît les 
moyens admirables de la grande victoire sur ses ennemis : l'Osiris est puis- 
sant par tes deux yeux ; dieu marcheur, la marche de l'Osiris est ta marche, 
les voyages de l'Osiris sont tes voyages, l'Osiris te fait dominer sur tes enne- 
mis, tu fais dominer l'Osiris sur ses ennemis par la puissance de la grande 
splendeur qui est la splendeur de Ra dans Tempyrée ; on lui crie : Taureau 
de Kenset, c'est toi qui es Ra, ton corps repose en paix, tu es bien heureux 
dans tes mystères ^ » L'identification de l'Osiris, c'est-à-dire du défunt avec 
Ra, ne peut être décrite plus complètement; il protège la divinité comme la 
divinité le protège, il suit le soleil dans sa marche, et cela parce qu'il con- 
naît les moyens admirables de la grande victoire et qu'il peut rendre ainsi le 
soleil victorieux sur les ténèbres. Quand l'Osiris royal arrive dans l'Ament, 
l^s dieux se hâtent vers lui, le saluent comme Ra et lui communiquent toutes 
leurs perfections : « Les deux grands dieux * parlent à TOsiris royal, ils se 
réjouissent à son sujet, ils célèbrent si force victorieuse ^, ils lui donnent 
leur protection, ils lui envoient leur esprit de vie ; (ils lui disent) : « 11 est 
brillant comme l'esprit de l'horizon qui est la demeure de Ra dans le ciel * », 
ils lui communiquent leurs paroles, ils lui accordent la domination par leur 
autorité; il ouvre la porte du ciel et de la terre comme son père Ra... Il 
arrive vers les dieux de la Pyramide; ceux-ci le louent en voyant l'heu- 
reuse arrivée de l'Osiris, ils l'appellent comme Ra de l'horizon : louanges à 
Ra, acclamations à l'esprit de l'horizon. Louanges à l'esprit de Ra ; louez 
son esprit de l'empyrée ; invoquez celui qui est dans son disque, portez-le 
vers celui qui vous a créés... portez- le dans la demeure très cachée où réside 
0:iiris... portez-le, ouvrez-lui vos bras, tendez vers lui vos mains, ôtez 
devant lui vos voiles, car il est la grande essence que ne connaissent point 
les esprits ^. » Enfin, pour montrer que l'identification ne saurait être plus 

« Id. ibid,, p. bO. 

* Os deux grands dieux sout les rehhui <il> « X \^ ^^ pJJ rjf i Set tt Home. 

3 Li lierai ement : ce qui est dans sa main. 

4 La demeure de Ra dans le ciel c*est le dieu Thotb, comme Tindique un texte du tombeau de Sé'i I«^ 
— Na?ille, ibid.^ p. 92, numéro 34. 

^ Naville, Litanie du Soleil^ p. 92-93. 



LE ONOSTICISMË ÉGYPTIEN 311 

complète, chaque membre du défunt est ideutifiô à un dieu ; sa tète est Ra, 
ses yeux sont les Rehliy les doux grands dieux, Horus et Set, ses poumons, 
sont Ntuiy et ainsi de suit3 K Nul doute n'est donc possible, Tàme du défunt 
désignée sous le nom de TOsiris wi tel doit être identifiée avec Dieu pour 
être sauvée ; elle sera identifiée avec lui, si elle le connaît, lui et toutes ses 
transformations : c'est ce que fait voir assez clairement l'identification de 
chaque membre de TOsiris avec un dieu particulier. Et on ne peut pas dire 
que c'était là une prérogative particulière aux Pharaons, aux habitants de la 
grande demeure; non, chaque Egyptien y avait droit : les textes qu.^ nous 
venons de citer sont le fonds du Liv)*e des moriSy et chaque habitant de 
l'Egypte avait soin que Ton n'enfermât pas sa momie dans son tombeau sans 
qu'on n'y enfermât en même temps un exemplaire plus ou moins soigné, 
selon la fortune, de ce livre vénéré que nous appelons le Lic7^e des morts. 
Chacun pouvait se prévaloir des mêmes prérogatives en arrivant au pays de 
l'hémisphère inférieur, mais chacun n'obtenait pas le même bonheur. 

Cette différence ou ces degrés dans le bonheur semblent résulter d'un 
texte cité par M. Pierret, dans son opuscule sur le dogme de la résurrection 
chez les anciens Egyptiens, texte qui se trouve dans le Todtenhuch : « Il est 
parmi les vivants, jamais il ne périt : c'est un dieu saint, nulle chose mau- 
vaise ne peut le dissoudre : c'est un esprit {you) accompli dans TAment *. » 
Cette mention d'esprit accompli laisse supposer que d'autres esprits, d'au 
très x^w ne l'étaient pas quoique justifiés, et cela sans doute parce qu'ils 
n'étaient pas complètement identifiés avec la divinité, parce qu'ils n'avaient 
pas pénétré assez avant dans I00 connaissances mystérieuses qui devaient 
leur ouvrir plus largement la porte du bonheur éternel. 

Il est temps désormais de faire observer que la ressemblance des doctrines 
égyptienne et valentinienne est évidente. Le pneumatique valentinien, nous 
l'avons vu, était d'une nature à part et supérieure : sur la terre il était déjà 

' Id. ibid.^ P*^<^4) *^9Q' 
12. Pierret, p. 5, op, cit. 



3l2 LE GNOSTIGISME EGYPTIEN 

dieu, puisqu'il était réservé fatalement à un bonheur auquel il ne pouvait 
échapper et qu'il était identifié avec les œons : le psychique avait besoin 
pour cette identification des œuvres et de la gnose, et sa condition ren- 
trait ainsi dans celle du fidèle Egyptien. Si nous avions pu pousser plus loin 
notre étude du guosticisme, nous aurions vu que dans certains systèmes pos- 
térieurs à Valentin, l'âme en traversant les sphères devait avoir certains 
mots de passe (c'est l'expression), et nous aurions retrouvé là une nouvelle 
et frappante ressemblance avec la religion égyptienne. Il n'est pas jusqu'au 
sort des âmes après la justification qui ne soit semblable : nous savons que 
dans le système de Valentin les âmes élues montaient d'abord dans le monde 
du Démiurge, puis dans TOgdoade, siège de Sophia, c'est-à-dire dans les 
mondes stellaires ou planétaires. De môme l'âme justifiée dans la salle de la 
double justice « pouvait à son choix se lever dans le ciel, dans le disque de 
la lune, à l'imitation d'Osiris, briller définitivement parmi les étoiles fixes, 
briller au sein de Nut dans Orion et être serviteur d'Horus parmi les astres 
non reposants (les planètes), ou enfin parcourir de nouvelles existences dans 
la forme qui lui plairai » Ce dernier membre de phrase rappelle la doctrine 
de Carpocrate. 

Nous ne finirons pas ces rapprochements sans faire remarquer que le 
mythe d'Osiris et d'Horus peut parfaitement se comparer à la mission des 
différents sauvems des diverses doctrines gnostiques. Les détails que nous 
avons donnés sur ce mythe dans le chapitre troisième du second livre, et 
l'assimilation comphte et constante du défunt avec Osiris doivent suffire pour 
justifier notre conclusion. 

Enfin nous ferons observer en terminant que l'enseignement de Valentin 
sur le destin se trouve dans les livres hermétiques. c( Tout est soumis à la 
destinée, mon fils, dit Hermès à Thot, et dans les choses corporelles rien 
n'arrive en dehors d'elle, ni bien, ni mal. 11 est fatal que celui qui a mal fait 
soit puni, et il agit afin de subir la punition de son acte ^.. Tout est produit 
par la nature et la destinée, et il n'y a pas un lieu vide de providence. La 
providence est la raison libre du Dieu céleste : il a deux forces spontanées, la 



* lierrel, Dogme de la licsuiTcction, p. 8.g 
« llerniès Trisro., Irad. Ménard, p. 83. 



LE GNOSTICISME EGYPTIEN 313 

nécessité et la destinée. La destinée est soumise à la providence et à la 
nécessité; à la nécessité sont soumis les astres. Car nul ne peut éviler sa 
destinée, ni se préserver de l'action des astres. Ils sont les instrumenis de la 
destinée, c'est par elle qu'ils accomplissent tout dans la nature et dans l'hu- 
manité *. » 

Qu'on rapproche et qu'on analyse maintenant la doctrine de Valentin sur 
l'àme et sa desftinée, on verra qu'il n y a pas un seul point dans cette doc- 
trine dont on ne puisse trouver l'origine dans les idées religieuses de l'Egypte. 
Trois choses constituent particulièrement la psychologie de Valentin, la dis- 
tinction des âmes d'après leur origine, leurs prérogatives et le falalismc : ces 
trois choses, nous les avons retrouvées. Il nous faut maintenant pousser plus 
luin et montrer que l'initiation valentinienne découlait de Tiiiitiation égyp- 
tienne. 



IV. — INITIATION 



«En te rappelant ces principes, tu te souviendras facilement des choses que 
je t'ai expliquées plus au long et qui s'y trouvent résumées. Mais évite d'en 
entretenir la foule, non que je veuille lui interdire de les connaître, mais je 
ne veux pas t'exposer à ses railleries. Qui se ressemble s'assemble : entre des 
semblables, il n'y a pas d'amitié. Ces leçons doivent avoir un petit nombre 
d'auditeurs, ou bientôt elles n'en auront plus du tout. Elles ont cela de par- 
ticulier que par elles les méchants sont poussés encore davantage vers le mal. 
Il faut donc te garder de la foule... L'espèce humaine e^t portée au mal : le 
mal est sa nature et lui plaît. Si l'homme apprend que le monde e^t créé, 
que tout se fait selon la Providence et la nécessité, que la nécessité, que la 
destinée gouverne tout, il arrivera sans peine à mépriser l'ensemble des 
choses parce qu'elles sont créées, à attribuer le vico à la destinée, et il ne 
s'abstiendra d'aucune œuvre mauvai^ïe. Il faut donc se gardt^r de la foule 



4 /6., iOid,, p. 2Û8. 

Ml 



314 LE GNOSTICISME ÉGYPTIEN 

afin que l'ignorance la rende moins mauvaise en lui faisant redouter Tin 
connu *. » 

Ces paroles d'Hermès à son fils pourraient être signées de tous les gnos- 
tiques : à part la dernière phrase, elles expriment parfaitement la méthode 
du gnosticisme, et elles nous révèlent non moins parfaitement le secret dans 
lequel s'enveloppaient tous les mystères du paganisme. « Connais tout, mais 
ne laisse personne te connaître * », voilà la recommandation adressée à tous 
les adeptes dans quelque société mystérieuse qu'ils aient fait le premier pas. 
Plus que partout ailleurs cette doctrine du secret fut observée en Egypte, 
non pas à cause de rinimoralité de la doctrine, ce qui au fond s'est produit 
rarement, mais à cause de la sublimité des enseignements qu'il s'agissait de 
livrer à l'intelligence de l'initié. La doctrine religieuse de l'Egypte, telle que 
nous en avons exposé quelques parties, n'était pas le partage du grand 
nombre : elle était la propriété privée du roi et des prêtres : les autres 
hommes n'en recevaient que ce qu'il plaisait aux prêtres de leur en accorder. 
Le roi faisait exception parce qu'il était le premier des prêtres égyptiens. 
Gomme le mystère et le silence dans lesquels on s'enveloppe ont de tout 
temps exercé une grande attraction sur l'esprit humain, comme la science 
des prêtres de Thèbes ou de Memphis, d'Héliopolis ou d'Abydos était relati- 
vement grande, la caste sacerdotale dut à cette science et à l'ombre mysté - 
rieuse dont elle savait s'entourer la prodigieuse influence dont elle jouissait. 
C'est un fait qu'il n'est pas permis de révoquer en doute : « La principale 
cause de Tascendant des prêtres sur le peuple, dit M. Pierrot dans son 
Dictionnaire archéologique égyplicHy était Timportance attachée aux mys- 
tères à l'intelligence desquels ils pouvaient seuls parvenir, et ils leur don- 
naient un caractère tellement sacré que quelques-uns d'entre eux n'étaient 
pas admis à y participer, a I^s prêtres, dit Clément d'Alexandrie, ne com- 
muniquent leurs mystères à personne, les réservant pour l'héritier du trône 
ou ceux d'entre eux qui excellent en vertu et en sagesse. » Les légendes de la 
statue de Ptah-Mer, grand prêtre de Memphis, disent que ce personnage 
connaissait les dispositions de la terre et de Tenfer, d'Hélioix)lis et de Mem- 

* Ilermés Trism., lra«I. Ménard, p. 250. 

2 Paroles al Iribudes aux disciple:» de Basilide. Cf. saint Irên., lih. I, rip. xxiv,Pt/fr, //rare, lome VU» 
col. G"Î9. 



LE GNOSTICISME ÉGYPTIEN 315 

phis, qu'il avait pénétré les mystères de tout sanctuaire et qu'il n'y avait rien 
qui lui fût caché ; il adorait Dieu et le glorifiait dans ses desseins, il cou- 
vrait d'un voile le fianc do ce qu'il avait vu ^ » 

Il y avait donc initiation chez les Egyptiens, c'est-à-dire révélation d'une 

■ 

doctrine secrète à un petit nombre d'élus En Egypte, comme dans le gnos- 
ticisme, cette initiation dut avoir d'abord un caractère relevé ; mais pour les 
prêtres des rives du Nil comme pour les sectateurs des doctrines gnostiques, 
l'initiation primitive s'allia dans la suite à des cérémonies bizarres, à une 
véritable sorcellerie, à un langage rempli de mots inconnus et doués d'une 
grande vertu dans la pensée de ceux qui les employaient. Nous avons cité 
cette scène d'initiation gnostique qui se trouve dans les dernières pages de 
la Pistis Sophia : nous avons son pendant dans plusieurs papyrus grecs de 
l'Egypte. Non seulement la cérémonie est identique, mais les prières sont 
formulées dans le môme ordre d'idées et quelquefois avec les mêmes mots. 
Dans les papyrus magiques du musée de Leyde on avait déjà pu s'apercevoir 
que la manière do procéder devait être analogue à ce qu'on racontait au 
moyen âge du sabbat et de ses mystères. Malheureusement ils sont dans un 
état déplorable do conservation et dos lacunes nombreuses rendent le texte 
souvent inintelligibb^ Mais récemment on a pu voir jusqu'à l'évidence cette 
conformité dans les deux pa])yrus magiques du musée de Berlin publiés par 
M. Parthey. Nous allons en dire quelques mots et en traduire deux pas- 
sages : nous croj'ons que c'est la première fois qu'ils Tout été en français. 

Les deux papyrus publiés par M. Parthey sont essentiellement magi- 
ques : tout leur contenu a trait à des opérations de magie que ne désavoue- 
raient pas les adeptes d'aujourd'hui ^, à des évocations de dieux, à des sor- 



* Pierret, Dictionnaire archéologique égyptien^ p. 2(56. Voici le lexte : 



O c 






^k I I I 







raE^un«r-=T^'^'f 




* On n*a qu'à jeler un coup d'œil pour s'assurer de cette vérité, sur les ouvrages qui ont été publiés 
il y a vingt ou trente ans sous le [iseudonynie d'Ëlipha/. Lévi : Dogme et ritwl de la haute magie; 
la Science des esprits: ; la Clef des grands nigstf^res^ etc. Ils sont de 1861 et 183">. 



316 LE OXOSTICrSME ÉGYPTIEN 

tilèges et à la préparation de certains charmes. Cette dernière partie ne nous 
offre pas grand intérêt, quoiqu'elle puisse fournir le sujet d'une comparaison 
curieuse, car si l'on examine les ingrédients que les magiciens de l'Egypte 
employaient pour composer leurs charmes, on trouve que ce sont les mêmes 
que ceux que Shakespeare fait bouillir dans le chaudron des trois sorcières 
de Macbeth. Quant aux évocations des dieux, elles nous intéressent beau- 
coup plus. Gi'âce à certaines prières dans lesquelles des mots inconnus jouaient 
un grand rôle, on pouvait évoquer les dieux et les forcer de comparaître à 
la voix de Tévocateur. C'est du moins ce que l'on rapporte, car, sans doute, 
un rusé compère venait en aide au magicien son frère. Ce sont deux de ces 
évocations que nous allons citer : on y remarquera que la manière dont elles 
se développent ressemblent en tout à ce discours de la Pistis Sophia dans 
lequel Jésus prie son père, la source de toute paternité, de remettre les 
péchés de ses apôtres. Le Jésus de la Pistis Sophia commence par une invo- 
cation compréhensible à tous, puis il tombe dans une énumération rapide de 
mots magiques, dans des exclamations, dans des répétitions des mêmes mots 
en sens inverse : et cela par deux ou trois fois. On va voir que les papyrus 
magiques du musée de Berlin ne procèdent pas autrement. Voici le premier 
des deux passages que nous citons : « Je t'invoque. Seigneur, écoute-moi, 
Dieu saint, toi qui te reposes parmi les saints, aux côtés duquel se tiennent 
les Puissances : je t'invoque avec ardeur et sans relâche. Père avant tout 
père, et je te prie, aeon éternel, maître immuable, Seigneur éternel des pôles, 
établi ^ur les sept sphères : X«.w, x*^^> X*^ ' ^"^^ x^^^^»^"^' mcc^hxp^ïïï 

iy'TX^^ ^ipi-»Me... (A>cep(A>e -»é.M«kCT ^oTipi e«kC*) x**^^^* MCA.X* ' onopi^OM*^ 

-^ifi. *.... Je connais ton nom puissant, j'ai celui qui a été sanctifié avant tous 
les anges. Écoute moi toi qui as créé les démons puissants et les archanges, 
toi aux côtés duquel se tiennent des myriades d'anges dont les noms sont 
ineflàbles, qui ont été élevés dans le ciel et que le Seigneur a envoyés... Je 
t'invoque, maître de toutes choses, à l'heure de la nécessité ; écoute-moi, 
car mon âme est troublée et je suis dans le besoin : toi qui commandes à 



^ Nous ne transcrivons pas â cause de la difficulté pour conserver les sons qui deraient jouer un 
grand r61e dans toute cette fantasmagorie. 



LE GNOSTICISME ÉGYPTIEN 317 

tous les anges, défends-moi contre Texcès delà puissance des démons.., et 
du destin, ô Dieu vrai! car j'invoque les secrets qui sont descendus du ciel 
sur la terro, «^ch, «^ct, (a>i&^&, «^Hd^rHio, ^h^i&o e«^«aiÀpdjii «j&p«^&Ai •»«^^^iA-^oe 

eAkio-^io (a>hh «^T^Mtion cmc«ji^(a> HiOTp-e«^cuoi(A>csM^KMe locouxo Aio&^em«k. Sauve- 

moi à l'heure où j'en aurai besoin ^ » Le second passage est une évo-, 
cation de Phœbus Apollon : il débute d'une manière assez poétique : le dieu 
invoqué doit se rendre à l'appel de celui qui l'évoque : « Maître des MusesJ^ 
Dieu qui apportes la vie, viens à moi ! En toute hâte viens sur la terre, Dieu 
saint à la chevelure de lierre ! De ta bouche d'ambroisie, chante un hymne 
à Phœbus ! Et toi, le maître du feu, p*.p«.xx«>'f*^ Htç^HcmHpc, et les trois Parques 
Clotlio, Atropos et Lachis. Je t'appelle, toi qui es grand dans le ciel. Dieu 
transparent comme l'air, qui as la puissance en propre ! Toute la nature t'est 
soumise et quand tu habites la terre, les seize géants sont à ton service comme 
autant de gardes de ta personne. Tu es assis sur la fleur de lotus et tu 



^ Nous donnons le texte li^ae par ligne, comme dans le papyrus : 

6iuii&Ao7MM ce KTpie * kAt^i m.o? o «^rioc -eeoc, o en «^rioïc «^na^ 
n«kTOMenoc, (o «j '^o^m n^pec^HK&ci, <^iHneK(oce eniKN- 

AOTM^J npond^TiOp, RM '^COMM COT «JiOUMe Mion «^KinoKp«^- 

Tiop, d^iiononoAoRp^Tiop, eni tôt cnTxMepior ct&tcic * ^«^(u ' 
5Ç^*kU) x.«k • OT^ ^ç^-^e-monni Mec^K^ç^piiii MpovM 

IOAA(a> «^0ÀA«^-»«JM... C^^CO-» ^piCd^ H ^TH l'^pv 

MH(o^ep * pi^U) i&^^u) ^TX.c^ ^ipieMe loccpio-» 

•edOi&CT ^OTipi ed^lDC 5^I^Ae€ MC«^^e ' Onopi7U)M«^ -iklék 

R«^Te^ù> COT TO IC^TpOIt OIIOM«^ C^lOIt TO RNeHri^CMeitOlI 

npo ndJtTion «wt*reA(A>n en&Rovcoit mot o xtict&c '^ck^- 

nOTC Rpa^T^JOTC R«a «^p^d^t<rcAoTC * U> n«^pCCTHR«^Cltl MTpi«^ 

-^ec ék^feAion «k^\TOi, Ra^T* oypN.notf -sA^co-OHCd^ti, r\i RTpi- 

oc eneMH ///// MTpi«^ic... c... pi * tôt r«^i Ré^Té^T'A... en 

coT'^TndJiiin RM eic... toic -ocAein r\^' OMoiiocin «^ttot 

ocon RM «^TTOc e-»eAei * eniK«kAovMM ce RTpie Tion nd^nTCon en iop«^ «^n^^r- 

RHC, enxROTCOn mot OTI -^cAOTTékl MOT H \^T5^K RM «^HO - 

poTMM... nM... Si.\ oio RTpieTion n^^nTion 

éktfcAion • Tnepd^cnicon mot npoc nd^cd^n Tnepo^^nn e^OT— 
cid^c ^«^iMonoc •».. e... «^ ///// eiMA^pMcnnc ' r&i RTpie oti eniR«^- 
AoTM«a con TO RpTHTon rno'^iHRon «^no tôt CTepeioMd^TOC 
eni THn t"Hn «^en «^ct CDid^7«. '^Hd^rnco Àe^i«.o e^^d^M 
frp«jii «J&pdk«JM -^^A^i-^oe eAROj^io iohh «^Teioncon 

C«JC«kR^(A> MIOT-a^^ CllOIiO Cld^I^HMe iOCOiOCO 

A(o«^ein^ * ciocon Me en lop^ «^nM<RHC * Aère nAie -h ohot 

e«wn R«kT«kAH^-e^HC. Zu:ei griechische Zauberpapyri des Derliner Muséums, heraus^egeben 

and erklârt von O. Parthey. Ersler Papyrus. 



318 LE GNOSTICISME ÉOYPTIEH 

éclaires la terre, tu en montres les animaux et tu as un oiseau sacré sur ta 
robe dans les pays autour de la mer Rouge : de même dans les pays du Nord 
tu as la forme d'un enfant assis sur la fleur du lotus, dieu de l'Orient, dieu 
aux noms divers et nombreux, ccncctfT<etf ^«^p(Ç«.p«.Yn[<Hc. Dans les contrées 
du Midi tu as la forme de l'épervier sacré par lequel tu envoies la chaleur 
dans l'air, qui devient ^cp^e^^ ^^^f.^ Dans les pays du sud- ouest tu as la 
forme d'un crocodile, la queue d'un serpent, c'est de là que tu envoies les pluies 
et la neige. Dans les pays de l'est, tu as la forme royale d'un dragon ailé et 
aériforme, et c'est par elle que tu domines tout ce qui est au ciel et sur la 
terre. Dans Moyse tu t'es montré avec vérité, uo, iw, €pftH^7«^cc*A«.()i)e, cm«^P- 

<»H(A>n«ki, ^M«^pT«^i «^AdTÀd^AA^, TdJUMoAn^ en -oioncTo totàih-», i«kpMiOi>-», A«^iA«^o^ 

XwoTj'x «^pceno^pH HT^^d.H(oAi. Écoute-moi, très grand dieu de Kommé, qui 
éclaires le jour, n«.^Mô.M*.(oe ; l'enfant qui se lève à l'Orient, mmp*.5c.*^x^*^ • 
toi qui parcours tout le pôle, 'a«.pRfi.x«^X'«; toi qui t'unis à toi-même, qui 
prends un immense accroissement et qui éclaires des multitudes, ccccn^'cn 
&«.p(Ç«.pd.i*rHc. Dieu excellent des eaux, Kommh, Kommh, i«^c^h, i«^c^h ; inki^, 

Ài&i«^ ; noTCi, noTCi; cic<»con, cic-»ioti ; «^pc«aiu>ci, «^pcdJUOi>ci ; noTX*^> noT^.*^ i «» 
Hi, oM.&pi^«ai, Àpi^id^io-», «k&cp«aicneiooT-», Aep-»cq: «^it«^^, H-opeATioe neM«^pe&«^. 

Dieu très grand. Dieu fort, je suis un tel qui t'a prié, et tu m'as donné en 
présent la connaissance de ton nom, très grand dont le chifTrc est Op*,io, m, 

le, I«^, I«^H, I«kT, ICT, IHd., IHd^, ICT, IHI, HI«k, C^, CH, H«^, Oi>H, HCO, CHC, CCH, Hee, 
*.«kO), loe*., €«^0), WI, (*)€, H(A>eH, €*.€, III, OOO, WV, 10(0(0, IT, €T, OT, HCé^, IHCd^, €*.€, 

eiô., iM€, iHé., lOY, iioc, iioT, iH, ïHïK. A uiou secours, Phœbus de Kolophon, 
Phœbus de Parnasse, Phœbus de Castalie... «.peio^, i«.cioe, w^, koh*., *.e, 

«.(Oe, «^HCO, COH&, ^HCf IC, I(a), IlO, lia, ICdk, leH, ICOT, COTIO, «^«k, dkHO>, ce, CHT, HK, 

CK*., 5co^P*^X» ^^«€c KHp^i Kpo^i, ïiTpio ^o x®^®!Xl • j^ t'appellc Apollon, 
dieu de Giaros, chv. Dieu de Castalie, «.h*.. Dieu Pythique, loa^e, Apollon, 
maître des Muses, iccd, toci ^. » 



^ Ce nombre vaut 109. H doit y avoir là une faute. Les voyelles qui suivent semblent Tindiquer, car 
elles ne sont que des variations sur le nom d'Iao) qui vaut 811. 

^ IIOTCMOn CRHnTOT^C, ^CpCC&ie, ^CTpO MOI H'^H. 

<^e s'poTd^^oc '^'eni T<«j«^ti ihic Kicceo^«jT«^, 
MoAnHft eitncne, ^oiÀe «xi «oiÀpocioT ctom&toio 
KM ce nrpoc Mc^eioit»^ pNp&^^oT«k H^-eHCiRHpe 



LE ONOSTICISME ÉGYPTIEN 319 

Nous ne crojous pas qu'il faille nous appesantir beaucoup pour faire 
remarquer que le procédé est le même dans le discours de Jésus de la Pùtis 
Sophia et dans ces deux fragments. De môme à la simple lecture on aura 
remarqué des formations identiques et hybrides dans les mots magiques. Ce 



Kà.ï Moip«J Tpicc«j KAu>-»io T*2LTponocTe \n^ic Te. 

ce k«^A(a> Ton Mefe.it en OTpMtoi) «.cpoenwH «.vro^oTCion, lo TncTé^fu n^^cd. ^tcic, wc 

R«kToiReic THii oAhii oiKOTMenHii, '^opT^opoTCiit oi '^cKd.e^ nt«é.iiTcc • eni Ato- 

T(*> K&-»HMeitoc Kd^i A^oinTp'îrioit thr oAhh oiKOTMenHtt 

o k«.t«. «^ei^d^c eni thc chc 7o>d., otto lepoti opneon e^eic 

en th ctoAh en toic npoc d.nHAio>THn Mepeci thc GpT-»p«.c 

^«.Ad^ccHC locT... e^eic en toic npoc Bopp^. Mepeci Mop^nn 

nHniOT n^j'^oc eni Aiotio K&-eHMenoc «.rtoAct noA-r- 

conTMc cencenT<en ' £i«.p^«.p6.rrHC * en «^ctoic npoc no - 

Ton Mcpecin Mop^nn c^eic tot«.t<iot iep«jioc, 'h.i hc hcm- 

neic THn eic «.ep«. nTpcocin Tiin nnoMcnnn Aepecc ^n^<z ' 

en '^e toic npoc Ai&NMepccin Mopc^nn e^tonKpoKO'^iAoT, ot- 

p&n oc^ccoc, en^cn «.c^uon tctotc ka^i ^ion«.c • en «^e toic 

npoc «.nnAKOTHn Mcpcci '^pd.KonTd. e^eic nTcpo^TH fii^ci- 

Aeion e^ion «.epoei'^H, lo Kd^Td^Kp^Tcic tôt Tn'oTp^tOT km cm 

T<HC ' eic IliOTceo) cr «^p cc^mihc th «.AHeeid. * lo uo ec^ÀH-» 

7«.CC6.£lM0e ' CM6.p-OHl0n«.I * ^Md^pTM «.AeTfii6.£iA«^ -^bJ^ 

moAh en -aïo ncTO totàih-» . i«.pMKoe • AmA&o\^ 5(^0)0*5^ 
«.pceno^pH * htc^-»&ho)Ai . KAt-oi mot^ McnccTe -^ee rommhc, thh 
HMep^^n ^<oTi7u>n . n&-»M«ai&ioe * o nnnioc «.n«.TcAAcon. 
MMp«.^«.^-o«. . oAon no A on '^lO'^k.enon • -»é.pRN5^«k5Ç^é.n • o c^yna 
cm nnoMenoc r«.i «^Tn^oiOTMcnoc npocd^T^HT^. Rd^i noAT^&cio- 
TiCT«k cenccnren £i«.pc^«kp^T*T*HC ' v2kd.T(on c^epicTC eee rommh 

ROMMK IdkC^H IdkC^H fllfill^ fillfill&. ROTCI HOTCI ClC-^lon 

ciC'^ion . «.pciijuioci «.pc^oiioci * noTX^ * nov^d. ' h. hi. OM&pi. 

^«ua . dpieiMoe . «.ÀepdOicneioOTe, Aep-oe^ à.n^^ H-^pcAro 

10^ ncMp^^efiid. . o MecicToc Rd^i ic^Tpoc eeoc . erco eiMi o '^ein«. oc- • 

TIC oc «.&HnTHC«., RM «^Copon MOI e'^0)pHCiO THn TOT MCnCTOT 

COT onoMd^TOC T<niocin ot h V^'hc^oc -^p . 10 . ih . le . i«. . inh. 

Id^O ICT IH«. U0«. ICT IHI Hl«. e& CH Hd. COC HiO C 

ne CHC ecH née «.«^lo locd. e«kio loi loe hio en e«.e 

m 000 TTT OiXOCO IT CT OT HC^ IHCd. C^^C £1». IMC 

IH«. lOT Ib)C ROT IH IHIH . IHIC . HMA^n ROAo^COniC ^0> 

fre, n&pnnccie c^oi^c, r^ctû^Aic c^oidc 

!€.... ICO«i IH«i eT«. MC^ eTH& CTCTA. CTION CTIC, CTHIC 

eipe CTH CTie ctio ieT«.e CTH&e. TMnHcio IlenTopi 
^oi&io &.pe(A>^ id^ecD^ coN koh«. «.e 
«Jiio loHd^ «.ne le uoi louo icd. len leoT 

eOTO) «.dk ékHlO ce CHT CH*. 5C®^P*^Î)C <Ç^ï€C, 

RHpc^I RpO^I ItTpU) C^O X^^^X, ' ^^ R^^AO) RTpiC SLhoAAoR 

CHT • K«.CT«kAie, «.if«., HT-^ic, lodkC, lloTCO)!! SLnoAAom, icio, loei. — Paillipy, i6/c/.,/fau- 
berpapyri, p» 45, 1. 98*141. 



320 LE GNOSTIGISIdE LGYPTIEN 

qu'il y a de plus important à faire observer, c'est que certains de ces mots 
magiques se trouvent dans la Pislis Sophia. Ainsi le mot «^epd^ucnecoov 
se trouve dans la Pisiis <So/)/i m appliqué à Jésus j dans un des papyrus de 
Leyde ce nom est donné à Set, le dieu de la violence et de la destruction ; 
dans le deuxième fragment que nous avons cité, ce mot se retrouve encore *. 
Enfin, dans un j^apyrus qu'a traduit M. Goodwin, il est contenu dans ce mot 
que nous donnons tel qu'il l'a transcrit : Aberamentthoulerlheseenaxerhlrc 
luoohtonemareba, mot qui contient les trois mots de notre second fragment : 
«Jkep^aicneo), Acpecg^, «^n«.g^, donnés ainsi et pris ensuite à rebours. Pour nous, 
ces mots, nous croyons déjà lavoir dit, ne sont pas \ides de sens : quand on 
connaîtra leur formation hybride, on saisira leur signification i:ur-lc-champ; 
la grande difficulté viendra des incorrections échappées aux sciibes*. Dans 
cette formation, nous croyons que l'égyptien et le grec jouent un grand rôle; 
quelques-uns de ces mots sont même entièrement égyptiens, commo \^inioecp, 
qui signifie le Fils de Dieu ^. Tout cela nous prouve surabondamment que 
dans les papyrus grecs comme dans l'initiation de la Pislis Sophiay l'élé- 
ment égyptien exerce une grande influence, et c'est tout ce que nous vou- 
lions prouver. 



V. — CONCLUSION 

Ainsi, dans l'initiation vabntinienne comme duns la thêJogie, dans la 
cosmologie comme dans la psychologie cte Valenlin, nous avons pu suivre et 
démontrer l'influence égyptienne. Cette influence se trahit dans toutes les 
pai'ties du système, dans les dispositions fondamentales et originales de la 

* Papyrus magique Ha* ris, Iradiiit par M. Chabas., p. 185. Des noms magiques adressés a Osiris 
ce trouvent aussi aux jages 151 c t 162. 

' Une (les plus grandes dlfficul'és vient de la mauvuise ecupe des mots et de leurs renvers meiils; 
ainsi dans le second fragment que nous avons ci'ê, nous avons vu que le mot : H-epeATOloe^-neMâk— 
pc&«k, n*e8tque le renversemei.t de &fiicp«kVi€n-ao)T avec le commencement d; Aepe^c^ (Acp-^if). 
Nous ne douions pas qu'il n*y ait un grand monbre de ces incorrections dans ces papyrus. 

3 fk^ ^^ I wl* ^^* ^^*^^* ^ raluit par Dieu, eu diî-ant que la syllabe >^i était l'article : il 
e II ompe évidemment. 



LE GNOStiCISME ÉGYPTIEN 321 

doctrine valentinienne, et avant tout le système de Valentin est égyptien. 
Mais n'est-il que cela? Non certainement, l'élément grec y a une part immense, 
car même les idées égyptiennes ont éprouvé un certain changement de forme 
en passant par un esprit nourri dans la littérature et la civilisation grec- 
ques. La Grèce avait avant Valentin connu certaines traditions de l'antique 
Egypte, ce n'est pas en vain que ses historiens et ses philosophes avaient visité 
les bords du Nil ; mais elle avait noyé ces traditions sous les fleurs dont elle 
les avait ornées, si bien qu'on n'en pouvait plus guère reconnaître l'origine. 
Avec son génie artistique elle avait réduit les antiques légendes à des pro- 
portions plus semblables les unes aux autres, elle avait lié ce qui était dis- 
tinct, et avait souvent fait une épopée des récits qui n'avaient rien de commun 
entre eux. Valentin ne fit pas autre chose : il prit des éléments égyptiens 
auxquels les philosophes grecs ses devanciers n'avaient attaché qu'une 
médiocre importance, il les prit au hasard dans l'immense et large doctrine 
de rÉgypte; puis de ces éléments il bâtit un édifice superbe, éclatant de cou- 
leur et de lumière : son imagination brillante embellit ce qu'il trouvait trop 
nu, son esprit attique enchaîna et trouva des transitions ; ce qui semblait 
n'avoir aucun rapport l'un avec l'autre parut alors avoir une dépendance 
intime, et à peine un œil exercé put-il s'apercevoir que quelquefois la suture 
était visible. Ajoutons à cela que pour certaines parties purement philosophi- 
ques de son système, comme dans sa psychologie proprement dite, ayant 
peu à prendre en Egypte et sentant que le vent nouveau du christianisme 
qui soufflait déjà puissamment sur le monde, changeait bien des choses, il \'.t 
du premier coup qu'il devait s'attacher à cette doctrine neuve et inouïe vers 
laquelle tous les esprits se portaient alors bon gré mal gré, pour l'adopter ou 
pour la persécuter. La prédication de TÉvangile était déjà retentissante, 
Valentin lui-même était chrétien : dans son efibrt pour créer une société 
sœur et rivale de la société chrétienne, il vit qu'il ne pouvait se passer des 
nouvelles idées. Ce qu'il avait fait pour les idées égvptiennes, il le fit pour les 
idées chrétiennes présentées avec trop de simplicité : il les enguirlanda de 
toutes les traditions égyptiennes ornées d'après la dernière mode grecque. 
11 se donna surtout bien garde de proposer dans son système des doctrines 
allant directement à l'encontre du nouvel enseignement : il prit son essor 
dans tout ce qui n'était pas expliqué par l'Evangile j de là vient que sa théo-* 

41 



322 LE ONOSTICISMlf: ÉGYPTIEN 

logie et ^a cosmologie sont surtout développées, et que la doctrine relalive- 
mcnt nouvelle et définie de la Rédemption est à peine eflieurée, quoique toutes 
les autres parties du système ne soient qu'une base destinée à recevoir ce 
couronnement important d'un édifice dont les proportions nous semblent 
ainsi peu en harmonie les unes avec les autres. Cependant Valentin ne 
laissa pas que de détourner de son vrai sens et de sa généralité renseigne- 
ment chrétien sur le Sauveur, il en fit un enseignement particulier avec des 
prérogatives spéciales à ses adeptes : en cela, comme en autres choses, il 
suivait la voie qui lui avait été ouverte par les premiers docteurs gnostiques, 
depuis Simon le Mage jusqu'à Basilide. 

On le voit donc, le syncrétisme est la méthode préférée de Valentin : le 
philosophe a mis à contribution toutes les connaissances qu'il avait, et en se 
servant surtout des doctrines égyptiennes, il a élaboré ce système, le plus 
brillant du gnosticisme, celui où les nuances sont les plus douces, où les 
transitions sont le mieux ménagées, où rien ne heurte de prime abord, où 
tout au contraire sourit à l'imagination : c'est le comble de l'art. Jamais 
peut-être on ne dépensa tant de talent pour couvrir un fonds plus pauvre et 
plus nu. 



CONCLUSION GÉNÉRALE 



Les conclusions que nous avons mises à la fin de chaque système nous 
dispensent de les rappeler ici en détail. Nous les pouvons ranger sous deux 
chefs principaux : les unes regardent la manière dont le gnosticisme s'est 

■ 

développé, partagé, complètement épanoui dans la terre d'Egypte ; les autres 
ont trait à l'origine primitive, aux sources proprement égyptiennes des sys- 
tèmes gnostiques de Ménandre, Basilide et Valentin. 

Maintenant que nous avons exposé dans leur entier les doctrines de Basi- 
lide et de Valentin, on peut voir avec certitude que leurs systèmes n'étaient 
qu'un développement de celui de Simon le Magicien. Le mage de Samarie par 
la manière dont il concevait Dieu, dont il le faisait agir, s'étendre, se mul- 
tiplier, avait ouvert le chemin qui devait conduire ses successeurs à leur 
théologie et à leur reonologie fantastique. Son enseignement sur le principe 
et l'origine du mal fut suivi, tout en étant modifié, par ses disciples immé - 
diats ou médiats. Sans pouvoir se soustraire au grand fait de la rédemption 
qui préoccupait alors tous les esprits, il avait su ne rien emprunter à la doc- 
trine chrétienne qui commençait à se répandre et dont un moment il avait cru 
devenir le disciple et peut-être le chef; il s'était dit lui même le Sauveur 
attendu et envoyé, et, après avoir été rejeté par saint Pierre de la manière 
que tout le monde connaît, il avait voulu élever doctrine contre doctrine, 
religion contre religion. C'est l'importante conclusion qui ressort des légendes 
répandues à son sujet et de sa lutte véritable contre les Apôtres 



324 LE ONOSTICISME ÉGYPTIEN 

Après Simon, son disciple Ménandre coDtinuâ l'œuvre commeDcée; mais 
il la continua à son profit. 11 admit toutes les théories du magicien; mais il 
rejeta la conclusion, c'est-à-dire qu'il voulut lui-même être le Sauveur dont 
Simon s'était approprié les prérogatives et la mission. Deplus,^à rensei- 
gnement du maître il ajouta deux choses : le baptême reçu en son propre nom 
et la magie élevée à la hauteur d'un culte et d'une doctrine proclamée l'unique 
moyen d'arriver à l'immortalité. Simon lui-même s'était servi de la magie, 
mais il n'en avait pas fait un culte ; quoique le titre de magicien par excel- 
lence soit resté accolé à son nom, quoique ses disciples et lui aient employé 
toutes les incantations et cérémonies magiques alors en usage, nulle part on 
ne voit qu'il attachât à tout cela l'immortalité et le bonheur qu'il promettait : 
cette doctrine est propre à Ménandre. 

Ménandre enseignant à Antioche forma deux disciples, Satornilus et Basi- 
lide. Le premier devait suivre les enseignements du maître, le second s'ou- 
vrir des voies nouvelles : l'un fut le père du gnosticisme syrien, l'autre du 
gnosticisme égyptien. Fidèle à la méthode employée par ses maîtres et 
devanciers, Satornilus accepta leur doctrine, mais en la modifiant à sa guise 
et en y faisfant entrer un élément nouveau, le dualisme. La discussion de 
l'unique texte qui nous soit parvenu sur ce gnostique nous Ta montré : cette 
conclusion aurait été justifiée par la comparaison que nous en eussions pu 
faire avec le mazdéisme. 

Avec Basilide, nous venons de le dire, nous nous séparons des premiers 
docteurs du gnosticisme, nous laissons la Syrie pour entrer en Egypte, la 
terre des antiques légendes, des vieilles religions, la gardienne des croyances 
les plus reculées. Basilide la parcourt et y enseigne ; il propose de nouveaux 
dogmes, mais cependant il ne rejette pas les points fondamentaux, les lois du 
système de Simon. Ces lois, le mode d'émanation, le princi[ie de similitude 
et d'émanation régissent tous les systèmes gnostiques exposés dans ce tra- 
vail. Mais Basilide voulut faire plus que ses prédécesseurs ; son système est 
un véritable corps de doctrine philosophique en même temps que religieux ; 
il était chrétien, il ne refusait pas d'ajouter une certaine foi aux enseigne- 
ments du christianisme, il acceptait les livres de la nouvelle religion ; mais 
il eut le tort de croire qu'il pouvait rester chrétien et admettre que les 
dogmes du christianisme n'étaient pas quelque chose d'absolu, qu'on pouvait 



LE ONOSTICISME ÉGYPTIEN 325 

adopter les uns pour rejeter les autres, qu'on pouvait enfin se donner libre 
carrière dans l'explication et les développements dont ils sont susceptibles. 
Pour les expliquer, il imagina toutes les parties de son système fameux, 
depuis son Dieu-Néant jusqu'à son seon-Évangile. Mais là ne se borna pag 
son système : non content d'expliquer l'origine des choses, Basilide voulut 
encore étudier et expliquer la nature de Tâme, ses facultés et ses actions. 
Par ce côté, il se rapprochait plus de la philosophie, ou plutôt de la 
méthode grecque. On sait quelles furent ses erreurs. 

Après ce maître doué de génie, on ne peut le nier, vint l'homme dont le 
nom a traversé tous les siècles avec éclat et dans lequel se résume le gnos- 
ticisme tout entier pour la plupart des hommes qui n'en ignorent pas l'exis- 
tence, Valentin. Il y a toute apparence qu'il fut le disciple de Basilide : s'il 
en fut ainsi, rarement un maître eut un disciple dont le génie fut plus opposé 
au sien. L'un était plus profond que brillant, l'autre avait plus d'éclat, mais 
son regard ne plongeait pas aussi avant dans l'abstraction. Le premier 
voulut surtout former un système nouveau, rechercher des idées saisissantes 
qui frappassent l'esprit des philosophes; le second se servit des idées qui 
avaient cours avant les siennes, il désira surtout lier entre elles et décorer 
les théories qu'il voulait rendre agréables : le maître eut pour but d'étonner 
et de fasciner par le grandiose de ses conceptions, le disciple d'attirer par 
l'éclat de la couleur poétique et la beauté des proportions de son système. 
L'un voulut parler davantage à l'intelligence, l'autre à l'imagination. Nous 
regarderions volontiers le premier comme un philosophe se drapant majes- 
tueusement dans les plis de son pallium et ne s'abaissant que rarement à la 
portée de ses disciples; le second comme un homme désireux de se faire avant 
tout des prosélytes et se faisant aimable pour les gagner d'abord et les 
retenir ensuite à ses côtés. Ce ne sont pas là de simples hypothèses, de purs 
jeux de notre imagination : on n'a qu'à lire l'exposé des deux systèmes dans 
les auteurs qui nous les ont conservés, et l'on sera frappé, croyons-nous, 
de la différence des deux physionomies. 11 est certain que dans le système 
de Valentin les nuances sont toujours habilement ménagées, tandis que dans 
celui de Basilide on trouve une hardiesse qui ne doute de rien, avec une 
marche par soubresauts. 

Quoi qu'il soit de ces contrastes, il n'est pas douteux que les deux gnos- 



320 I.E ONOSTICISMK ÉGYPTIEN 

tiqaes jouirent d'une immense influence et eurent un nombre prodigieux de 
disciples. Valentin même ne se contenta pas d'une école ordinaire ; il fonda 
une communauté véritable et lui donna une organisation complète : c'est ce que 
nous donnent le droit d'affirmer les résultats auxquels nous ont conduit nos 
recherches sur l'initiation valentinienne. Enfln, outre ces résultats, nous 
avons pu déterminer le degré de confiance que méritent les Pères de l'Eglise 
qui dans leurs ouvrages ont exposé les doctrines gnostiques, et nos conclu- 
sions sur ce point sont en parfaite concordance avec les travaux publiés avant 
cotte étude. 

Mais ce n'est là que là première partie des résultats auxquels nous sommes 
arrivé. Non content d'avoir fait connaître les systèmes gnostiques égyptiens 
et ceux qui les ont précédés, nous en avons recherché les origines dans les 
doctrines de l'antique Egypte. Si nous avions voulu étendre le champ de ces 
recherches aux grandes religions orientales, comme nous pouvions le faire à 
bon droit, dès notre premier pas nous aurions trouvé la doctrine de Simon 
dans la Kabbale et dans les livres de VAvesta; nous aurions vu que Sator- 
nilus à emprunté son dualisme à la religion mazdéenne, et de nombreux 
points de rapprochement entre les deux doctrines nous l'auraient clairement 
démontré, comme nous aurions trouvé que le Dieu -Néant de Basilide se 
retrouvait sous un autre nom dans les rêves des docteurs kabbalistes. Mais 
pour circonscrire notre œuvre et lui donner plus d'unité, nous avons pré- 
féré borner nos investigations aux idées religieuses qui furent en circulation 
en Egypte. C'est ainsi que Ménandre avec sa Magie nous a été expliqué par 
Jamblique défendant les doctrines magiques de l'Egypte et déroulant leurs 
effets merveilleux ; les prêtres égyptiens avaient salué par avance ce dieu de 
Basilide, fils plus grand que son père, et les mondes où s'opéraient les trans- 
formations cachées de la divinité. Enfin Valentin puisa à pleines mains dans 
les doctrines mystérieuses des sanctuaires égyptiens, et ses disciples l'imitè- 
rent. Nous avons montré que l'idée, les noms de leur dieu, leur Plérôme, 
leurs syzygies, leur cosmologie, leur psychostasie, leur immortalité, tout ou 
presque tout, se retrouvait dans les croyances des prêtres de Thèbes ou de 
Memphis. Gela ne doit pas surprendre, puisque Valentin pouvait rajeunir ces 
vieilles idées et les présentera la foule des esprits haletants, après les avoir 
recouvertes d'un vêtement nouveau. Sans doute, dans son système, tout 



LE ONOSTICISMK ÉGYPTIEN 327 

n'est pas égyptien, mais ce que l'on y rencontre sufrit à démontrer quelle 
influence prépondérante les doctrines égyptiennes y ont prise. Cette remarque 
concluant au syncrétisme doit s'appliquer aussi aux systèmes des prédéces- 
seurs de Valentin : tout dans ces systèmes ne vient pas de l'Orient, mais 
beaucoup de théories sont un emprunt direct fait aux religions orientales. En 
résumé, le gnosticisme primitif, comme le gnosticisme égyptien, procède par 
syncrétisme : nous n'avons voulu qu'une chose, faire la part de l'Egypte 
dans ce syncrétisme général. 

Si maintenant en terminant cette longue et pénible étude, nous voulons 
considérer l'antagonisme qui se déclara tout d'abord entre le gnosticisme et 
le christianisme, la lutte que les gnostiques entreprirent contre la nouvelle 
religion en s'efforçant d'en dénaturer le caractère pour la plier aux rêveries 
de leur imagination ou de leur philosophie, les échecs qu*ils lui firent subir, 
la persistance avec laquelle ils revinrent à la charge, nous ne pourrons nous 
empêcher de constater le développement constant de l'Eglise chrétienne 
sortie victorieuse de tant de difficultés. On a longtemps prétendu que l'Eglise 
avait trouvé dans les persécutions le plus grand des dangers qu'elle a cou - 
rus; nous croyons que c'est précisément le contraire qui est vrai. L'Eglise 
chrétienne, comme toutes les autres religions, est toujours sortie des persé- 
cutions plus belle et plus vivante, la contradiciton sanglante a toujours été 
pour elle un gage de victoire : c'e^t un fait historique, il est impossible do le 
nier et c'est une loi qui a régi le développement de toutes les religions. Le 
danger le plus grand lui vint des nombreuses hérésies qui lui rongèrent le 
sein pendant les premi )rs siècles. Jamais il n y eut autant d'hérésies qu'alors, 
jamais l'Egliîse n'eut plus à souflrir de ces contradictions de l'esprit qui, pour 
elle, étaient bieii plus à craindre que les persécutions. Sans contredit, les 
systèmes qu'on nomme d'habitude hérésies et qui s'élevèrent alors de tous 
côtés, dans cette époque d'activité prodigieuse et fébrile, étaient faits pour 
plaire à l'esprit bien plus que la morale sévère et les dogmes simples du 
christianisme naissant. Le gnosticisme avec sa morale relâchée, ses images 
riantes, ses théories séduisantes dont rêclat ou le mystère appelaient à elles 
tous les esprits qui se croyaient plus éclairés que le vulgaire, et qui cepen- 
dant n'étaient que superficiels ; le gnosticisme contenait en lui-même plus 
d'éléments de succès que la religion sur laquelle il prétendait se greffer et à 



328 LE GNOSTICISME ÉGYPTIEN 

laquelle il cherchait à se substituer. La voie dans laquelle il s'engagea 
n'était pas la bonne. La religion qui s'adressait à la foule humaine, sans 
aucune distinction de classe ou d'aptitude intellectuelle, devait finir par pré- 
valoir et a on effet prévalu, grâce au bon sons général des races occiden- 
tales. Elle survit, et le gnosticisme, comme un météore brillant, après avoir 
laissé derrière lui une longue trainée de lumière confuse, a complètement 
disparu, et pour le faire revivre, il faut l'aller chercher dans les vieux ou- 
vrages de ceux qui le combatlirent et remportèrent finalement la victoire. 
Le nom seul en est resté, les doctrines ne sont plus que comme un de ces 
monuments légendiiires dont la curiosité recherche l'âge et que l'on s'attarde 
à considérer comme le témoin d'un passé qui n'est plus et d'une époque 
brillante autrefois, aujourd'hui tombée dans un général oubli. 



PIN 



vu ET LU : 
En Sorbonne, le 7 octobre 188?. 

Par le doyen DL la faculté des lettres de TARlb, 

A. HIMLY. 



vu ET PERMIS D IMPRIBIEU; 
LE V ICE-RECTE-UR DE L^ACADÉMIE DE PARIS, 

GRÉARI). 



TABLE DES MATIÈRES 



Introduction ...... 1 

Bibliographie ... 17 

PKKMIKRE PARTIK 

Chap. I. - Simon le Map'icicn 24 

I. Vie (le Simon, ses écrits, sources de nos informations 25 

II. Système de Simon le Magicien 33 

Chap. II. — Mcnandro et Satornilus 52 

I. Mcnandre 52 

II. Satornilus 67 

DET'XIÈME PARTIE 

Chap. I. — Hasilide, vie d<» Basilide, ses écrits, sources de renseignements, ouvrages 

sur son système 77 

• 

Chap. II. — Exposé du système de Basilide 89 

I. Thœlo^ie de Basilide 90 

II. Cosmologie de Basilide 97 

m. La rédcnjptiou, d'après Basili«le 123 

Chap. III. — Sources égyptiennes du système de Basilide 139 

Chap. IV. — Carpocrato 153 

TROISIÈME PARTIE 

Cil A p. I. — Valentin, sa vie, c{K)que a laquelle il a vc^'u, se» œuvres 166 

CiiAP. lî. — Des source? ou ouvrages qui nous ont transmis le système dî Valeutiu . . 182 



332' TAHLE DES MATIERES^ 

Chap. III. — Systcrae de Valentin d'oprès Técole oricLtale i97 

I. ^i'-onologic ou théologie 197 

II. Cosmologie 210 

III. Antliropolo}2ie, christologio, eschatologie iiiS 

IV. Morale et rites valentiniens. . 229 

V. Kôsumé 258 

Chap. IV. — Système de Valentin, d'après saint Irénée, ou école italique 261 

I. Théologie 262 

II. Cosmologie ; 267 

III. Anthropologie, n'demption, eschatologie et morale de Técole italique 

d'après saint I renée 274 

Chap. V. — Des rapports du valentinianisme avec les doctrines de la vieille b^ypte • . 281 

I • Théolojrie égyi)lienne et théologie valenliuicnue 282 

II. Cosmologie éjryptienne et valentinienne 297 

III. Psychologie et eschatologie de l'Egypte comparées à celles de 

Valentin 305 

IV. Initiation 313 

V. Conclusion 320 

GOiNGLUSION GÉNÉRALE 323 



LYON. — IlirillMtRlE PITUAT AINE, IlUK OENTII.., 4 



ERRATA 



Page 11, ligne 6; au lieu de: le catalogue de Zoéga, lire : Wolde, daus la préface de Pun de ses^ 
ouvragea. 
2i, 1. 26; au lieu de Mavers, lire : Movers. 

— S8, note, au lieu de : vvv, lire vOv. 

— 33, note 3, 1. 2; au lieu de : Ai6, lire : Atè; note 4, I. 1, lire : aicXâ et non àtcXà. 

3i, note 1, 1. 3; au lieu de : èvvoti^zi tiç, lire : èwoi^vei ti;. — Note 2, I. 3; au lieu de : é; oj^ 
lire : èÇ ou. — Note 3, 1, 1 ; au lieu de : toù wyp6;, lire : toO wjpbc. 

note 2, 1. 1 ; au lieu de : àu<rla, lire : ovaia. 

note 2, 1. 2; au lieu de : t^ouTa, lire : !8ou(ra; — 1. 4; au lieu de : sv ôvte;, lire : ev 5vrs;» 

note 3, 1. 1 ; au lieu de : tûv $1 ï^, lire : tûv 81 s; ; — plus loin : IÇ, au lieu de : êÇ ; — 1. 2 ; 
au lieu de : Tr,v 8à de, lire : ti^v ôs. 

note 2, 1. 2; au lieu de : Angélus, lire : Angelos. 

1. 15; au lieu de : à celle de monde, lire : à celle du monJe. 

note 1, 1. 3; au lieu de : EfeixovtvO?), lire : £Çetxovi<rO/; . 

note, 1. 4; au lieu de : àTsapaXXdcxTcu lire : àTcxpxXXaxTco. 

note i, 1. 2; au lieu de : Î^tiv; lire : é<rrtv; — 1. 6; au lieu de : xo^, lire : toO. 

note 1, 1. l;au lieu de : 6/etoù;; lire : ô/ctoù;; — 1, 2; au lieu de : e.\ç Ts<T<rapa; otla6r,«Tei;, 
ire : el; téadapa; aîffOrjdeiç, 

note 1, 1. 4; Sî «O-cyiv pour 8i' avrJjv; 1. 5; t&-j pour t&v ; 1. 6; to-j pour xbv. 

note 1, 1, 2; &xuT(p pour Isutôi. — Note 4, 1. 5; Judœa pour Judiea. 

note 3, 1. 1 ; MXiq pour Myj; plus loin : twv pour Ttbv. 

note 1, 1. 14; icap' 'kiy^nxioiç pour icap' AîyjicTioic. 

note 1, 1.3; {jl^v pour |xr,v ; — plus loin : tajra pour xaOra ; — 1. 4 ; xav pour tôv.— Note 2, 
. 5; pour evOou9ia<r|j.bv ; lire : £vOou<rtx(r|j.bv; plus loin : pour ou8*; lird : o08\ 

note 2, 1. 4 ; AlyjwTi'wv pour Aîyuirciwv; — id., p. 78, note 2, 1. 1 et p. 193, note 1, 1. 7. 

note 1, 1. 5; ^j|j.6ôXti> pour (ru(i6dXci>v. 

note 2, 1. 1 ; Bà(TiXéi8/i; pour Ba<rtX&^8r,;. — Note 4, 1. 1; aOroï; pour avroî;. 

note 2, 1. 2; 8s auTÛv pour os auTcov. 

note 2, 1. 3; 'Aiyûntou pour AîyjirTov; — irf., p. 111, note 2, 1. 2, et p. 165, note 1, 1. 2. 

note 3, I. 3; o çwtUsi pourb 9ti)TÎÇei; — plus loin : p. 340 pour p. 348. 

note 1, 1. 1 ; Ti8jvi^6Ti pour 9i8v'jr,0/i ; — 1. 3; riôtr,; pour HoTr,; ; ^ 1. 4 ; ^Vylov pour "Ayiov ; 
de même, 1. 7 et note 2, 1. 10. — Note 2, I. 4; ôXéOpioi; pour ôXBpio;; — 1. 5; 'Ayiw pour 

^YÛo; — 1. 9; xaTaXeiTetai pour xaTaXeineTai. 

note 1, 1. 1 ; 'A y*»'' P^^^ "Ayiov; de môme, p. 99, noie 1, I. 3. 
iOO, note 3, 1. 2; xpeÎTcov pour xpeiTToiv. 
101, noie 3, 1. 4; hi pour eti; — 1. 7; èno:Y)<rêv joui* siroiriiev. 

107, note 1, 1. 1 ; âub; au lieu de : iirô;— plus loin : "Xpx^"* ' ^^ ^*®^ ^*^ • \Vpx<«>v ; — 1. 3 et 4; 
ojTo; pour outo;. 



35 
37 
38 

40 
41 
4? 
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53 
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02 
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81 
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92 
95 



— 98 



334 LE GNOSTICISMB EGYPTIEN 

Page 109, noie 1, 1. 1 ; eçti pour ï^r^ ; — note 3, 1. 1 ; xx\ eanv pour %%i eorriv ; — plus loin To'jtoç pour 



ouTo;. 



— 110, note 1, I. 3; 2ta(xiviv pour 8ia(xsv£tv; — I. G; ajto!; pour ayxoî;. 

— 111, note 1, 1. 1; xaTaXyi'VsTa: pour xaTxXrj^j/eTxi. 

— 112, note 1, 1. 1; i'R0\é[l.r^1^ pour e7coXf(XYi<7e. 

— 114, note 1, l 1 et 2; o-^to; pour outo;. 

— 115, note 1, 1, 5; xoviTwv pour to-jtwv. 

— 116, note 1, 1. 1; tôv pour xbv; — 1. 2; èyExsxoXmifiivo; pour eyxsxoXitKriiivo;. 

— 120, uo'e 1, 1. 6; o^jxqz pour oûxo;. 

— 122, note 3, 1. 9; irepigâ>.)i<rOai pour 7CEpigâ).Xe<T0at. — Note 3, I. 4; o*jto; pour outo;. 

— 124, 1. 22; sortir avec son plein effet, pour : sortir son plein effet. 

— 125, note 1, 1. 2; o pour 6. — Note 2, 1. 2; e{7cà>v pour eltcùv. — Note .4, 1. 1; tiic£pxoo(i{a)v 

pour V7t£pX0T|l''(i>V. 

— 126, note 1, 1. 2; iç6ei; pour àçOsi;. 

— 129, noie 1, 1. 1; o'jto; pour oûroç; de même, p. 131, noie 2, 1. 1, et p. 154, note 1, 1. 1. 

— 130, 1. 9; rejetait pour rejelât. 

— 132, 1. 4; XpiorfS-j pour XpurroO. 

— 158, noie 1, 1. 1 ; oOv pour ouv. 

— 168, note 1,1. 3; îropaXiwTr^v pour Tcapa>.uoTr,v. 

— 177, note 1, I. 1; 'AO.OTrrw pour AlyjiiTw; 1.5; qu'il était descendu jusqu'à Tiièbes, au lieu 

de : qu'il était 72io/i^^ jusqu'à Thébes. 

— 180, 1. 19 et 192, 1. 28; Pitis Sophia pour Pistis Sophia, 

— 183, 1. 7; boléienne d'Oxford pour Bodléienne d^Oxlord. 

— 184, note 1, 1. 2; UaXiwTixT^ pour iTaXiwTixyj. 

— 190, note 1, 1. 1; oOv pour o*jv; — 1. 8; 8ia»]/£'j<ra{iévov pour Six^^e'jxajilvo'j. — Note 2, 1. 1; 

û; pour (i;; — plus loin : eTiceiv pour eliceîv; — 1. 2; sa'jxoO pour sxutoO; de même, j). 191, 
note 1, 1. 2; TÙv Èa'jTûv pour ttjV la^jTcôv. 

— 196, 1. 8; au lieu de : Le livre de la grandeur du Logos selon le mystère; lire : Le livre du 

grand Logos selon le mystère. 

— 199, note 1, 1. 2; aT'jÇ'jyov pour àajCviyov. — Note 2, 1. 2; T,p£{iûv pour7;pE{xb>v. — Note 3, 1. 2; 

v«' pour 'j«'. 

— 200, 1. 12;MaTpix6; pour Mrjxcixiç. 

— 204, note 2, 1. 4; Xuwovfiévrjv pour XuiroujjLÉvy.v. 

— 213, note 1, 1. 3; ouv pour ouv et Evpùv pour rjpwv; — 1. 9; ô8ov pour ô^'ovet Ayjaioupyç pour 

Ar,[jitoupy6;. 

— 218, noie 1, 1. 1 ; ojxoçpour outo;; — 1. 2; ^/o^xï; pour ^r/oLÏ;. 

— 219, note 1, 1. 4 ; Xoyoi pour X6yoi; — note 2, 1. 2; f, 6uva(xr,ToO AiQpito'jpyoû pour y; ojvajjii; toO 

Ar^fitovipyoù. 

— 220, note 1,1. 3; fj £<rci pour ^ £(tti. — Note, 2, 1. 6; tôv •cp'^icov toutov» pour tov Tpouov toOtov. 

— k21, note 1, 1, 1, Tfj cxXext/; pour xr, ÈxX£xt9; ; — 1. 4; ïirvo; pour Tirvo;; — plus loin : xr, 

•W^ pour x^ 'l^xy 

— 223, note 1 ; X pour X,8. — Note 3, 1. 2; à wpo éaoO pour ol Ttpô IjioO. — Note 4,1. 3; Eîpr.tiivov 

pour £ipY){iévov. 

— 224, note 2, 1. 2; xxxapxîar, pour xxxapxîarj. — Note 3, 1. 3; ô )6yo; pour ô Xoyo;; — 1. 5; 

àp pour yàp 

— 223, 1. 4; xxxx pour xxxà;— 1. 12 et 14; IlvEOpix *Ayiov pour IIv£0|i.x "Ayiov. — Note 4, 1. G; 

pour xo. 

— 231, note 1, I. 1 ; oixxeÔeîc pour ôiax£6£l;; — 1. 10; tjv pour f,v ; — 1. 17; oîo^ pour o:o;. 

— 234, note 1, J. 1 ; £l{iap{x£vrj; pour Elpiapiiévvi. — Note 2, 1. 1, et note 4, 1. 3 ; à pour ol. 

— 237, noie 1, 1. 1 ; iyiàÇfixai pour Àyiâl^Exai. 

— 262, note 1, 1. 1; atpl<rE(i>; pour alpéacb);; — 1. 2; f,; pour r^, 

— 263, note 1, 1. 1 ; AEyo'jai pour AEyovoi. — Note 2, 1. 1, et noie 3, 1. C; oî; pour oU- — Not<i 2, 

1. 3 ; fifvai l'.our Eivxt. 

— 265, note 1, 1. 3; s'vxipour eÎvxi. — Noîe 3, 1. 1; àtcoxoxx<jOy,v«i pour àTcoxxxa<TO>,voi ; — 1. 3; 

xaOx/j pour xa'jîT); — 1. 5; EÎvat pour e'vxi et ot/wprjxo; £<rri pour of/wpr,xô; £Tt:; — 1. 9; 
àycov pour âytov. 



LE GNOSTICISME ÉGYPTIEN 335 

Page 2Ca\, J. Il ; en diffèrent pour est différent. — Noie 1, I. 5; 7cp^gXr,iiaTa pour TtpoCXr.aaTa ; — 
1. 6; oiîav pour oôÇav. 
270i note 3, I. 2; o f,v pour o r,v. 

— 212t noie 1,1. 1; ovxa pour ôvta. 

— 274, note 1, 1. 3; elxova pour £lx<Gva. 

— ^C, note 1, 1. 8; o'jtm pour ovto). 

— 2'iSy note i, 1.2; sivai pour EÎvai ; — I. i; ouvpourojv; — 1. 8; icaOeiv pour iraOsîv; — 1. 11; 

aOTO j; pour aOtoù;. — Noie 2, 1.2; îïtsXOcÎv pour gtcre'AOeîv ; — I. 3; *A-/a|i.t«0 pour *Axot{xcôO; 
— J, 5; ll>.T,p(ô{iaTo; pour IlXY)p'ô(iaTo;. 
28') et 287.; les notes 3 et i Je la page 280 doivent élre placées aux notes 1 et 2 de la page 287 
t't l'ire versa, 

— 305, 1. 11; l'/Tpojjix pour k'xtpo.ixa. 

Nota. — On trouvera sans doute que certaines des idées contenues dans cet ouvrage ne ressemblent 
guère ù d*autre8 idées développées dans des publications antérieures. La date de cet ouvrage expliquera 
en partie cette difTérence : en réalité, c'est ici la première de mes publications et dés les derniers mois 
de 1882, elle était à Timpression. Los voyages que J*ai du faire depuis et d*autres causes indépendantes 
de ma volonté ont retardé l'apparition de ce livre. Quoi qu'il en soit, le changement survenu dans 
certaines de mes idées n'infirme en rien l'exposition des systèmes gnostiques et leur genèse. Les mêmes 
raisons expliqueront les fautes trop nombreuses d'impression : j'ai été obligé de donner le bon à tirer 
après correction faite^ et les corrections n'ont pas toujours été faites ou elles ont été mal faites. Il 
reste encore un certain nombre de fautes qui répètent celles déjà corrigées : je prie les lecteurs de me 
les pardonner en raison de t >ules les difficultés que j'ai eues pour faire imprimer cet ouvrage. 

Paris, septembre 1S87.