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E S S AI
SUR
LES RÉFORMES A FAIRE
D A ir s
NOTRE LEGISLATION
CKlMlNELtE}
Par M. V***, Avocat au Parlement de Paris*
"A ? À K 1 S,
Chez Dkm ON VILLE, Imprîmeur-Libraîni
de TAcadémic Françoîfc, rue Chriftinc^
[. DCC LXXXI.
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AVIS
DE L'ÉDlfEVR.
JUt' a n § ijn JoMrn24 très r.
répandu (1)9 à la date du 14
O£lobre 178c , fe trouvent
les Pbrervatîons qui fuivent»
a Nî lejs Ancleiîs ni \ts Mb-
» dernes n ont ^ encore eu la
» gloire dé fe dbrinef un bon
" » Code pénal ; . c'eft qu'une pa-
A reîlle Légîflation ne pouvoit
» .s'accomplir qu*au feîn de cette
9 Phîlofophîe qui fait étudier
' -(i) Le Mercure de France ^ N^ 41 , p. 6^i
• • •
aiij
^^
9j AVIS
y> les chofe9 fie les hommes ^
aor combiner les devoirs & les
» droits, tout voir fie bien voir,
9» fe défier de fa raifon comme
^ des, opinions établies, fie s'ar-
» rêter quelquefois au milieu
-n de Ton ouvrage pour refefbr-
» cer la juftefle de Tes vues,
ai Timpârtialité de fon- efprît,
» & cette vigilance de la con-
a> icience d'un homme de bien
*
» qui doit fôuvent le retenir
7> dans Tes penfées comme dans
a» Tes a£tions. Ce grand ouvrage
s» d'ailleurs avoit befoin d'être
9 préparé .par la difcuflion pu-
-M bliqqe , fans laquelle un Lé-
ao giflateur , même celui qui
H réuniroit la vertu fie le génie j»
i
DS L^ÉDTTEU R. VI)
» rîfquera toujours de faire un
^ ouvrage imparfait* Après Tex-
D pérîence des faits , rien de
» plus précieux pour la Légif*;
» lacion que la comparaifoiï
» des penfées : il importe mémo
» de laifTer mûrir la difcuffion
» publique avant d'en faire
3» ufage; & ce fera peut-être
2> une véritable fàgefTe à nbuS;,
» de n'avoir pas trop précipité
» le grand ouvrage de la ré-
p forme de nosLoix criminelles»
a» Ce fut un beau moment;
» dans Thifloire de notre Mo-
» narchie^ que celui oti Louis
» XIV interrompit fcs con-
^ quêtes pour donner des Loix
>> ^ fes PeuplêSé Lés Membres
a iv
r^
<• #••
n les plus diftingués da Gonfeit
31^ & du Parlement, réunis pour
-» rédiger deux Codes de Loix,
B fphnent un fpeâacle biea
^ întéreflanti Mais ce magnifia
» que liecle deis Arts n^étoît
^ point encore celui de la
» Légifiatlon : on n avoit paa
3 encore difcuté les grand»
;> principes de Tordre focial ^
» on îgnoroît même une partie-
9 des droits de Thomme \ on ne
» favoît pas fortîr d*un objet
» particulier pour faifîr fes rap-.
% ports avec d'autres objets;
9 on ne fàvoit pas non plus fe
» placer dans les grands points
> de vue , où lé^ Légiflàteur
.% doit toujours habiter t maU
■^mt» y
\
,3 *'• -_î Ji ^_ ^ *9ktk
to heureufement encore , des
x> deux hommes qui fe font lé
3» plus appliqués à la tédaâîon
» de cie3 Loi» , ce fat cduf
s>' qui ôvdît' le plus^' de triérîtfe
» qui y eut le ' m oins de part*
«> Puflbrt avoît de Tordre & tié
1^ la -fagacité dans Tefprît, maïs
1^ 41 n'avoît qûé cela' des qua-
y lités -di^XégilUtéur^II-a fert
aved courage k guerre k la
?»« chicane dans rOrdonnance
» civile :' niais dans TOrdon-
ï) taaniie crirninellè, il ' femblie
«> fie is^étns propofé <jue'le fuc^
\ > ces de -raccufation. - Le Pré^
7^ fident de Lamoignoh n'a *
*» voit pas fi bien étudié Tordre
> des procédures ; mais fes
a y
j I
1^
^.
I
âr .. • AV> T. s
ai) principes de Jurifprudence
» étoient bien plus iàins &
:p bien plus, élevés :. il avçit un
a» coeur humain ^ un e^ric gé^
iD néreux ^ £^ il réqlame [ four
s> vent le drok naturel ;pour
S) les hommes livrés à la Juftiçe^
a> & des libertés honorables «
9> mais peut- être dang^reufes ^
a> pour, c^pc qi|l rex^rc^nf; ; Il
» efi fouvent infériei)r à Puflbrt
ap dans fes difcufliôns- fur TOr-
» donnance civile f mais (Jans
» celles de rOrdonnfinçe cri-
> minelle • il rend fouvent
9D odieux le :triomphe que Puf-:
a> fort a obtenu &r lui »«
L'Auteur de ces Obfervar
tiens apprécie enfuite avec die
y
J>E L^ÈBITEUR. xj .
gnîté, jufteffe & précifion, le
peu d'Ouvrages qui paroiflent
préfenter quelques . idées' d'une
réforme iitUie. >
«Us ont 5 diMl> glorieufe*'
»:.mènt ouvert une carrière qui
a> refie encore toute entière à
» parcourir. Uae Société de
» Fhilofophes amis . du :h{ttï
7> public 5 a propofé depuis trois
^ ans u^ Prix pour cet Ou vitie^gcâ
>> elle n s^pa^ encore adjugé ce
».Frix.} il faut du temps .ainfi.
3f que de grands^ talents ppui: le
08> mériter.^ Mais aucun QoiiV'eï-
j» nement . n'a encore foUîcité
:3> fur cet objet les lumières de
>.les fecoûrs des Jurifconfultes
ç & des PhUofophes* • . . Quel
a vj
^
• • •
Xt) AVIS
«Gouvernement voudra s'hot
% norer par le& travaux du génie ?
% Ceft }L ma Patrie fur-tout quç
» j'ofe adrefler cette invitation.
» Je'vdis autour du Trône des
b hommes que la renommée de
» leurs Ecrits avoit défignés
» pour la place qu'ils occupent :
» f en vois d'autres^ qui étoient
a» dignes d'échirer leur pays
a> comme de te fervir : je vois
" _ «
a> (ùr Iç Trône tm Prince à qui
si on ne peuc pttopofer trop de
^; moyens de cbimqitre & de
« faii'e^ te blem Combien cekii*
a> ci mériterois d'être adopté
>' par Êi Êigéflfe î !|ll fut nnr paye
^^Qii le vœu que j'expbfe îd
i»^ é&6it wie Loi de L'Etat«. Quoi
be L*ÈDJTEUR. Xiij
h âù plus apgufle & de pluâ
t touchant que cette procla-
^ima4:idn c^e l'oni entettdôît à
» Athènes dans les jours le»
» plus foleranels : Que tout Ci-
Tf> toyen qui a des vues utiles
» monte à la Tribune j & vienne
^ parler au. FeupU» ! ,
Un Jurifcorifulte , dans les
mains duquel ce Journal eft
tombé les Vacances dernières ^
a cru, diaprés cette invîtatioiji
publique, non pas devoir mon- '
ter à la Tribune, mais propofer
fc< réflexions fur nos Loix pé-
nales avec la modcftîe qu'im-i
pofe Timportancs of^une pa-
reille matière, Ceft artx Lee-
'Xiy AVIS DE L^ÈmTmxR.
teurs ëclaités de juger fî elle»
peuvent ^cre auflî utiles, que
le motif qui les a produites
«fl louable. u
.^
p
f. .
i» »W
. jT A'.B JLi £% c
Introduction, oîi l'on fait
voif l'utilité d'une Réforme
dans nos Loix pénales, pag. i :
PRÈMIEIÎE PARTIE.
> »v
^ 2>« JDeï/i:ç (& i/ftr Peines en
général.
Chapitre,!". /?« bim & du nu^
^\ moral, xS
'Chapitjre^ n. Du droit de pmîry a^
Chapitre III. De la manière d'envi-
fager les délits relativement à l'ordre
fociat» QTf,
Chapitre IV. De t objet de la Loi
dans la punition des délits, 30
^
\
iVj TABLE.
Chapitee V. Le droit de punir /^-^
*" Hnd-il jufqiià la peine de mort?
Chapitrs VL Que la peine de mort
, doit être reftràme aux mentats di
guet'â'ptns ,' 37
Chapitre VIL Qoe la Loi pénale
Su être générale, 40
Chapitris VIII. Que la punitim fe
doit affeBer que U coupable^ 44
Chapitre IX. ^ut Ui peinei doWem
tourner autant. quHl ejl pofjîbk au
profit de VÉtat , 47
ChapïtjRe X. Que Us délits' dôîytrit
"être réprimés par les ^peines les pliu
' oppojiés aux genres de^ ^icïs ^Ici là
aurons produits^ fût
Chapitre XL Quels délits ^ & quelle$
peines doivent emporter infiimie, y?
Chapitre XIL Quels délits & quelles
^
TABLE. xvij:
peines doivent emporter mort civile
^confijeanon^ S7
Chapitre XII I. Que la peine de
canfifcation peut être jujiemtnt &
utHtment modifiée,, yp
Chapitre XIV. Ce quHl faut laiffer
â V arbitrage du Juge dans tappli^
cation de^ peines^ 63
SECONDE PARTIE.
Des différentes peines applicables
aux différents genres de délits.
Chapitre I". Des délits prov&iants
. de Tabus M la liberté, ,qui . doivent
être punis par la prifçn, . 68
Chapitre IL Des délia produits par
: Vabus de la vie civile, qui doivent
ttre punis par V interdirions 72
Chapitre II L Des délits dont la
r
:xvîîj TABLE
Muft tient au locd , qid dohèni ttrt
punis par Vexil , ou par la dépor-
tation dans Us Colonies, 77
Chapitre IV, Da délits produits pat
la cupidité, quil faut punir par des
condamnations pécuniaires Si
Ç. I". VC^fure, 8a
§. IL Le Monopole, 8^
§4 III. La Concuffîon, S6
§. IV. Le StelUonat, 87
Chapitre V. Des délits du vol ou
équipolUnts au vol , qi^il faut punir
par la condamnation aux travaux
publics 9 & par la confifcation y 90
§. F*. La Banqueroute fraudu-
leufey ^ ^i
%. II. Differentes.ejpeces de volsf
93
§. III. Différentes ejpitces de faux
équivalents au vplj ^
T A B L E. 3&
ChAPitkÊ VI. Des àéUts Au faux
honneur & de la vaine ghire, qu'il
' convient de réprimer » principalement
par les humiliations & par le dés-
honneur y lOQ
•s
5. I*'. Inconvénients de la Loi de
Louis XIF fur les duels y là^
§. IL Jihfurdiié du préjugé qui
porte au duel , loy ^
§. III. Réparations £offenJes
propres à empêcher le dud j 114
§. ly. Modification des peines
prononcées contre Us DuellifleSy
118
Chapitre VII. Des délits qui doivent
être punis de mort y 124
§. P'. V AJfafJinàtnon confommé
/ floit^il itrepuni de mori? 12$
f. IL Le faux témoignage en
matière grave doit-il être puni
de mort? laS
$; lîlMSuUidédoitrilémpml
par la Jufiict humaine? 132
%éîVéLaLaia>neematttVlnjkn^
ticide ne doU-dUpas itte modi-
fiée? iv35
Chapitre VI IL 2?c quelques] délits
. très-graves qidfinélent exiger dans
la peine des ccuraSeres diJiinSlifs^ 142
$.1". Du crime de trakifonprt^,
yée, Ibîi
S. II. Du èrime d^ incendie ou de
V Incendiât f . 143
$.HhDucrimedePoiJon, 144
§. IV. Du Pc^ricide, 1^6
$. V. Du Régicide, 149
S. VI. Du crime de lefe-Majefté
divine^ ^ ija
TROISIEME FARTÎE.
De rinfiruâj^pîi^ .
■ -, • ■ •
fa^aUele de notre inftru^ion criminelle
.TABLE. XM
j m^èc l inJlruSioncriniinelk £ Angle-*
Chapitre I". De U Dénbncimon &
de la Plainte, j*f6
Chapitm II. DeVInformatim, iSi
} Chapitre IIL Da Décrets, jS6
Çhapitrb IV. De la Prifon^ ij»
Chapitk^ V. De L^ Interr(^atoire, ip4
Chavitb.eVL De la Cmlifation& du
Règlement à V extraordinaire y 201
Chapitre VIL De VinfiruSion pu^.
blique pour les Reprocha , RécoUmens
& Confrontations y 007
Cmafitre VII L Des Presms &
Indices, ^14
Chapitre IX. Des Faits juftifcatifs
& Exceptions péremptoires , . ai 8;
r CHXfiTi^n 3t Des Ju^&nms At pve^
inkre it^iânce, !227
Chapitre XtDefJppetdesJugemeris
^définitifs a d^ rapports publics, 23a
, \
^
xxi] TABLE.
Chapitre XIL De là pluralité nécef-
faire dans les fuffr âges pour la con-^
damnation 9 . . %:^S
Chapitre XIII. Des Jugemens fouve-
rains & de leur exécution , 2.^X
Chapitre XIV. De la Comumacey ^47
Chapitre XV. Idée d'un Supplément
. nécejjme à cet Ouvrage, 2^2^
.*
■s*
j
AFPKO n ATION.
/
*AX la par otdre de Monfeîgtiear le GarJb
^es. Sceaux un Manafcrh ayant; pour .titre:
V-ffai fur Us Réformes à faire dans notrf
Légiflation CriminclU^ par M, V**% Avocat
au Parlement. La manière noble & préci(è
-«vcc laquelle cet Ouvrage <ft traité, nie làît
peiner qu'il £êra favoraj^femeiit accueilli du
rubUc. Paris, ce xi Janvier 178 1.
LALAURBt
/
m
PERMISSION.
LOUIS , pai U grâce de Dictr, Roi de France 5c
de Nayaite : A nos amés & féaux Confeillers-,
les Gens ^nans nqs Cours de Parlement , Maifties des
JK.equeftesordinaiies de notre Hôtel, Grand Confeil,
Prévôt de Paris « Baillifs , Sénéchaux, leurs Lieute-
iians Civils, & autres nos Jufticiers qu'il appartien-
dra: Salut. Notre aipjp îe Sieur V***, Avocat au
' Parlement de Paris, Nous a fait expofer qu*il deHre-
'xoir faire imprimer& donner au public an Ouvrage de
fa compodtion , intitulé : Effai Jur les Réformée à filtre
dantnçtre Lé^ijlation Criminelle', S'il Nous plaifoit lui
accorder nos Lettres de Permiilîon pour ce nécefldi-
les. A CES Causes, voulant favorablement traiter
l'Ëxppfant, Nous lui avons permis & permettons par
ces Préfen tes de faire imprimer ledit Ouvrages autant
4e fois que bon lui femblera, & de le vendre, faire
Tendre & débiter par toiitnotre Royaume , pendailt
^ le temps de CINQ années confécutives , à comp*
ter du four de la date des Fréfentes. Faisons
défetifes àtO|is Imprimeurs, Libraires & autres pex-
rpnnes 9 de quelque qualité & condition qu'elle^
foient , d'en introduire d'impreflron étrangère dans
aucun lieu de notre obéiiTance 5 à la charge que ces
'Préfentes feront enregiftrées tout au fong fur le
Hegiftre de la Communauté des Imprinieurs & Li-
Ibjraires de Paris, dans trois mois delà dated'icellesi
que rimprefBon dudit Ouvrage fera faite dans notte
Royaunfe & noir ailleurs , en bon* papier & beaux
caraélèress que l'Impétrant fe conformera en tout aux
Kéglemens de la Librairie , & notamment à celui
. du xo Avril 1725, & â 1* Arrêt de notre Confeil
du 30 Août 1777 , à peine de déchéance de U
préfente Permiflion ; qu'avant de l'expofer en vente ,
le Manufcrit qui aura fervl de copie à l'impref-
iion dudit Ouvrage 9 fera remis dans le mémp
état o^ rapptQbfttion y auia ccé 4o|ifiée » è%
^
>
it.
^ iDiins de notre très-cher & fM Chevalier» Gar<i«
f , «les Sceaux de France, le Sieur HU£ deMiromes-
I NCLi qu'il en fera enfuite rerois deux Exemplaires
dans notre Bibliothèque publique » un dans celle
de noftre Château du Louvre , oa dans celle dé
notre très-cher & féal Chevalier , Chancelier de
France, le iîeur DE MaupeoUjÔc un dans celle du-
' dit iiear HUE de Mirombsmil : le tout à peine de
nullité des Pxéfentes: du contenu derquelles vous
mandons & enjoienons de faire jouir ledit ExpofanC
êc fes ayans canUs , pleinement & paifîblement ,
fans foatfrix qu'il leur foit fait aucun trouble ou cm-
• pèchement : Voulons qu'à la copie des Fréfentcs »
qui fera, imprimée tout au long 9 an commencement
ou à la fin dudit Ouvrage , foi foit ajoutée comme
, à Toriginal. Commandons au premier notre HuilHér
ou Sergent fut ce requis , de faire, pour l'exécution
d'icelles, tous aftes requis Se néceïfaires » fans de-
mander antre permifliony Se nonobftant clameur
de Haro , Ciuufe Norinande & Lettres à ce contrai*
xes. Car tel eft notre plaifîr. Donné à Faris^ le vingts *
quatrième jour du mois de Janvier» l'an de grâce
mil fept cent quatre-vingt-un » & de notre Kegne
le feptteme. Parle Koi en fon ConfeiL L £ b b G tr £•
Regiftréfur URimftreXXI de la Chambre Royale
Sr Syndicale det libraires & Imprimeurs dé Paris ,
N, 2269 1 fil, 440 , conformément aux dijpolîtions énon^
tées dan» la préfente Permiffton ^ 6r à fa charge de
remettre à ladite Chambre huit exemplaires prefcrit$
par l'article to8 du Règlement de 1723. A Paris, et
^K /anvicr i78i. L]Ç€L£R.C> Syndic.
ESSAI
^. '.'^
ESSAI
^ U R
LES RÉFORMES A FAIRE
NOTRE LEGISLATION
CR I M J f/E L L E.
jIl femble -que le rnoment appro-
clie , où. les droits de l'homme &
l'intérêt du corps, focial vont être
jtiftenient appréciés : les lumières
répandues par la Philofophie , nous
ont convaincus de l'infuffifance de
nos Loix fur cet objet important
de rAdminiftratioo ; la caufe de l'hu-
manité femble exciter au moment
A
£ 2 3 ^ '•
aiftuel une forte de fermentation
dans les efprîts ; des Couronnes
Académiques font propofées à fes
plus zélés défenfeurs , & la nécef-
fité de la réforme eft <iéja comme
annoncée dans des écrits publics.
Pour remplir une tâche fi noble ,
il faut connoître les droits de
rhomme focial , le principe qui le
fait agir ; diriger la pente de fon in-
térêt perfonnel vers le bien public ;
apprécier les aéèions qui font vrai-
xnent utiles ou contraires aux inté-
rets de la Société ; punir les aftions
préjudiciables pour empêcher de
lïouveaux troubles ; employer lô
genre de peine le plus réprimant
par fon oppofîtîon avec le genre
de vices qui les aura produits ; n*ini-
fliger de peines féveres que dans
rinfufEfance reconnue de peines
moins rigoureuies -, afliirer dans une
kiftruaion fage la .juftification àé
^
i,\
C33
f innocence avec autant de zeÏQ qu^
Id conviâion du crime % marquer
le terme où finit la liberté civile &
où commence Toppreffion ; conci'^
lier enfin les égards dus au Citoyenj^
avec la proteâion due à la Société
générale.
Bans quel Code des Nation»
trouverons n nous fiir une matière
auflî intéreflante des préceptes dont
l'humanité puifTe réclamer le5 avan-
tages ? & comment arrive-t-il quç
la fcience la plus utile aux hommes
ait été fi long - temps niéconnue ^
tandis que les monumens des Arts
atteftent les progrès de refprît hu-
main dans prefque toutes les parties
de la terre ?
L'Egypte fut la première qui , au
milieu des ténèbres de l'idolâtrie ,
donna au monde des leçons de fa-
£eile : mais fes Légiilateurs eurent
moins pour objet de réprimer les
A 2
%
If
€43 , . ^
érlmes que de contraindre à des-
aftions louables ( i ). Ils crurent
qu'on pouvoit faire à la multitude
un devoir de la perfedion ; & cette
erreur fut peut - être celle de la
vertxL
Le Légiflateur des Juifs , en Inf-
tituant un Gouvernement Théocra-
tîque , leur préfenta la règle de leurs
devoirs comme prefcrite par la Di-
vinité ; il regarda leur infradion^
comme une offenfe faite à Dieu lui-
même ; il mefura TofiFenfe à la gran-
deur de Toffenfé , & de-là la févé-
rité des . châtimens . contre tout in-
fraâeur de ces règles.
La Grèce répandit quelques rayons
de lumière : mais les premières Loix
(i) II y eut des peines contre roifivcté;
celui qui pouvant fauver un homme attaqué
ne . le faifoit pas , étoit puni de mort comme
rsiflaflln. ^. Diodorc^ Uv. 1 , pj^. 6^,
£3-3
d^Athenes étoient cruelles ; elles fu-
rent abrogées par Solon , qui ne
conferva la peine de mort que con-
tre les ailkflîns*
Le Légiflateur de Lacédémone (i),^
en formant un Peuple de Guerriers ,
introduifit la licence dans les mœurs.
Platon^dans fon Projet de République,
fixa fon attention fur l'homme ver--
* tueux ; il crut pouvoir imaginer
pour lui un plan de Gouvernement
auffi parfait que lui-même : fa Poli-
tique & fa Morale ne furent qu'un
Roman ingénieux.
Les Romains protégèrent les. cri-
mes ' favorables à leur agrandifle-
ment; ils méconnurent les droits de
rhumanité, puifqu'ils admirent l'ef-
clavage , & qu'ils s'arrogèrent le
droit de vie & de mort fur leurs
efclaves & même fur leurs enfans.
(i) Lycurgue.
As
ISans quelques Contrées de FAHe
le defpotifme s'affit fur le Trône
comme un Dieu menaçant ; il régna
par la terreur , & les moindres cri-
tnes furent punis par des peines
atroces (i).
Dans notre Europe , long - temps
i)arbare , combien les progrès de la
Légiflation ont dû être lents ? Que
voyons-nous en effet dans fes ditfé-
tentes révolutions î les irruptions
des Nations du Nord déchirant en-
tr*elles les dépouilles de TEmpire.
Romain ; rétabliffem^t du Gouver-
nement féodal , qui de Seigneurs
puiflàns fit des Sujets rebelles , &
dans les mains defquels le droit de
(i) Au Japon on punit de mort prcfque
tous les crimes, parce que la défobéiflànce
i un auin grand Empereur que celui du Japon
cft un cf imc énorme. Efprit des Loix , //y.
€7 3
protéger produifît Tefclavage ( i ) J
une Juftîce fuperftitieufe & meur-
trière, qui terminoit les contefta-r
tions par des combats , & laiflbit à
Dieu le foin de faire triompher Tin-
nocent; Tentreprlfe des guerres fain-
tes ( 2), où les Nations fe dégradè-
rent en fe communiquant leurs vi-
ces ; la découverte de T Amérique &
Tor du Potofe employé par l'intri-
gue à acheter les places qui appar-
tenoiént à la vertu; les guerres ci-
viles de Religion, le fanatifme allii-
mant des bûchers , égorgeant I0
frère par le frère & le père par 1%
fils.
Au milieu de ces ténèbres épaif-
(es , TEfpagne érigea un Tribunal
de farïg ; elle confondit la cauiè de
Dieu avec celle de Tordre focial i
(t) La fèrvitude réelle & perfonnelfe.
(i) Les Croilkdes.
A 4
£83 .^
elle ^'occupa moins des crimes de
iTiomme à l'homme que des crimes
de rhomme à Dieu.
Après des fecoufles orageufes , un
jour ferein parut luire fur TAngleter-
re ; rhumanité y fut refpedée ; cha-
que Citoyen acquit le droit d*être
jugé par fes pairs , & d'avoir un dé-
fenfeur ; il ne put être condamné à
mort que par Tunafliimité des fufFra-'
ges ; rinftrudion fut publique , &
parut être fondée fur la préfomp-
tîon de rinnocence : mais cette pré-
fomption même a ouvert une voie
trop facile à Timpunit-é.
Parmi nous, au contraire^ la for-
me de rinftrudion s*eft établie fur la
préfomption du crime , & paroît pré-
parée pour le fuccès de Taccufation :
auffi le fecret & la rigueur de cette
inftrudion ont -ils plu$ d'une fois
compromis l'innocence.
Quant à nos Loix pénales , ouvrage
N
de pïuîGeurs de nos Souverains , pro-
mulguées à des époques très - éloi-
gnées les unes des autres fuivant le^s
befoins du moment , elles ne peu-
vent former un plan deLégiflation
fuffifamment combiné : Textrême ri-
gueur des plus anciennes a influé
fur les pluç récentes; & quand nQus
réunifions cqs Loix éparfes , nou^
trouvons prefque par- tout la peine
de mort & l'infamie.
Ces Loix puniflent de mort,
comme le crime de meurtre , les
profanations facrileges ( Edit de Juil-
,let 1682); le crime de rapt (Or-
donnancé de Blois , art. 42) ; Iç
faux commis par un Oflxcier public
( Edit de 1680 ) ; le faux témoignage
en matière grave (Ordonnance de
15*3 1 ) ; la fabrication de faufle mpn-
noie (Déclaration de 1726); ceux
qui fe fervent de faux poinçons
dans les ouvrages d'orfèvrerie ( Dé-
A y ^
f 10 5
xlaration du 24 Janvier 1724) ; lés
Greffiers qui reçoivent au-delà du
*falaire porté par les Réglemens,
quoiqu'il leur fût volontairement of-
fert < Ordonnance de Blois , arti-
cle l5o); la banqueroute fraudu-
leufe ( Ordonnance d'Orléans , arti-
cle 143 ) ; le péculat ( Ordonnance
de François Premier de 1545*); les
contrebandiers attroupés au nombre-
de cinq ( Déclaration du 2 Août
lyap) ; le vol domeftique le plus
modique (Déclaration du 30 Mars
1724 ) ; le vol dans les maifons avec
efFraftion -, le vol fur les grands che-
mins & dans les rues , même fans
port d'armes (Ordonnance de Fran-
çois Premier du ly Janvier 15*34);
les rebellions à Juftice , même fans
homicide ( Ordonnance de Blois ,
art, ipo ) ; le duel , par le feul fait
que l'on fe fera battu fans qu'il en
foit réfulté d'inconvéniens ( Edit
de 167P, art. i^).
^^-^^^^^"^^■"■■"^^■^^^■^^^^^^■na"! • ^-W ■•^F^ï^» ■«.--••«IWWI^p^l^W^
- Quant à Vinfamie, elle (e trouve
multipliée dans nos ufages fous les
différentes fortes de peines aux-
quellies nos Loix Font attachée; le
fouet , la marque , la langue coupée
jou percée , le poing coupé , le car-
can , le pilori , les galères , le ban-
nîflèment , ramendé - honorable , le
blâme , le plus amplement informé
indéfini , lamende fimple en ma-
tière criminelle , & Taumône au
•civil (i).
Pourquoi d*abord la prfhe de mort
fe trouve-t*elle aufll fifequemment
ordonnée dans notre Légiflation }
les notions de la Morale ne fe con<-
fondent - elles pas dans refprit de
la multitude , lorfqu'ellè voit des
•crimes fi différens réprimés par le
même genre de fupplice? La peine
^ (i) Art. 7 & ij du «t. %$ de l'Ordon-
"i^ance de 1670.
A 6
^p
€ 1^3
de? mort d'ailleurs n'eft - elle pas
tyrannîque , quand elle n'eft pas
juftifiée par la néceffité ? n*eft-elle
pas contraire même a l'intérêt de
l'Etat qu'elle prive de plufîeurs de
fes membres , fi l'on peut encore les
lui rendre utiles , en les condamnant
à des travaux qui tournent à l'avan-
tage de la chofe publique ?
De cette extrême rigueur réfulte
l'inexécution de plufieurs de nos
Loix, Dans le nombre de banque-
routes frauduleufes dont nous fem-
mes les témoins, quels font les dé-
biteurs infidèles qu'on punit aujour-
d'hui de mort ? Parmi les dépofitaires
des deniers royaux , quels font ceux
que l'on condamne au dernier fup-
plice pour avoir abufé de leur caiflè ?
& dans les duels même , malgré la fé-
vérité des Loix de Louis XIV , norus
ne voulons voir que des rencontres
imprévues , pour n'avoir point à in-
•• ''
■«• 9 Bil ■ P ■ ■■ ■■««■■Il
£ 13 3
flîger contre le courage du faux
honneur, des peines qui femblent
deftinées au lâche affaflin. La Loi
qui prefcrit le fecret fur rinftrudioh
criminelle, eft encore aujourd'hui aflèz
ouvertement violée ; il vCy a point
d'affaires importantes dans ce genre ^
où Ton ne remette entre les mains
du défenfeur d'un accufé une copie
çxade de rinftrudion : nous avons
même vu aflez récemment dans une
conteftation fameufe (i), Tinftiudion
criminelle imprimée & renduç pu-
blique par toutes les Parties intérêt*
féeSé
De cette inexécution des Loix
réfulte la néceffité de les réformer ;
car le frein politique eft afFoibli,
quand la Légiflation devient im-
puiflante & fans vigueur, même dans
la moindre de fes parties.
(1) L' Affaire des S" de QucifTac & Daraade,
g 14 3
Pourquoi , d'un autre côté , noter
d'infamie des coupables qu'on laifTc
en liberté ? n'eft-ce pa^ les mettre
dans la néceffité d'en fstire un abus
plus dangereux que celui qui a déjà
mérité l'animadverfioa de la Juftice ?
Quand un Citoyen n'eft point àflfez
dangereux pour le retrancher de -la
Société, il ne faut pas lui -enlever
le pouvoir d'^Ôacer fes torts par
une conduite plus régulière. Si la
Juftice impridie fur fon front le
caraftere de l'infamie , les gens de
bien doivent le fuir ; alors ce mal-
heureux rangé dans la clailè des êtres
les plus méprilàbles , & ne pouvant
devoir fa fubfîftance à l'honnêteté ,
eft obligé de la chercher dans de
nouveaux crimes : fi l'infamie au
contraire ne produit pas l'effet qu'on
en doit attendre dans l'opinion des
hommes, la Loi n'eftplus refpe<aée,.&
le danger devient plus grand encore.
€ i; 3 ,
Parmi Içs condamnations infamant»
tes fe trouve le banniflement hors
du Royaume : mais de quel droit
^envoyons-nous chez l'Etranger des
fujets pervers ? fi ce droit exifte ,
les Nations voiCnes peuvent ufer
de repréfailles , & que gagnerons-
nous à de pareils échanges î
S'il fut jamais permis d'efpérer des
modifications falutaires dans cette
partie de notre Légiflation , c'eft
fans doute fous le règne d'un jeune
Monarque , qui a appelle près de lui
les confeils de la fagefle & de l'ex-
périence ; qui a déjà manifefté fes
égardspour l'humanité 5. en aboliffaqt
la fervitude dans les terres de fon
Domaine ; en abrogeant la peine de
mort contre les déferteurs de fes
armées; en prefcrivant les réformes
néceflàires dans ces prifons infeâes
où l'innocence fe trouve fouvent
confondue avec le crime ; en fup-
Ci<5 3
primant les horreurs de cette torture
préparatoire , impuiflante vis-à-vis
du fcélérat robufte, & meurtrière
vis-à-vis de l'innocent trop foible
pour réfifter à la douleur*
Refpedons les Loîx. Mais la rai-
fon publique , dont elles font l'ou-
vrage , a fes âges & (es accroiflèmeas
ainfi que celle des individus ; &
quand, éclairée par l'expérience des
{iecles & les exemples des autres
Peuples , elle eft parvenue à fon
point de maturité , elle doit fe re-
plier fur elle-même pour réformer
fes erreurs , & confacrer fes efforts
au bonheur de Thumanité.
Mon objet eft donc ici de fou-
mettre à l'Autorité bienfaifaçite , des
réflexions que l'amour du bien pu-
blic a didécs. Je fens combien le
point d'où je pars eft élevé^; j'ap-
perçois de tous côtés les obftacles
que de longs ufages & d'anciens
4
C 17 3 ^
préjugés m'oppofent: maïs la tâche
eft importante & noble ; & tel eft
le plan que. je me fuis tracé pour
la remplir*
La Premere PartU de cet Ou-
. vrage traitera des délits & des peines
en général.
La Seconde , de chaque nature de
peines applicables' à chaque efpece
de délit.
La Troijîeme , des réformes à faire
dans notre inftruâion criminelle»
t«
PREMIERE PARTIE.
Des Délits & des Peines en
général.
CHAPITRE PREMIER.
Du bien & du md mord»
1^'est dans le cœur de rhomme
qu*il faut en chercher le principe;
Qu*eft-ce que Thomme d'abord?
un compofé bizarre de foiblefle &
de grandeur ; le plus néceflîteux
des animaux dans fon enfance , le
plus fuperbe dans Taccroiflèment
de fes forces & de ks facultés;
jouet de fes propres paffions , il fait
màîtrifer en quelque forte Télément
le plus terrible; il met à profit
Jiifqu'aux tempêtes pour parcourir
dans un édifice fragile le vafte empice
des mers , & retidre toutes les con-
trées de la terre tributaires de Tes
beibins ^ de fès fantaifîes & de fon
luxe. Tantôt du haut de Téchelle des
étreisoù il eft placé , il interroge la
' Nature ; il analyfe , il décompofe les
fubftances. Tantôt il s'élance dans
l'infini; & comme Vil avoit dérobé
à Dieu les fecrets de la création ,
il mefi^re les diftances de ces globes
Toulans dans Timmenfité de Tefpace ,
femble afTujettir leur marche rapide
au calcul de fa démonftratioo ; &
rentrant enfuite en lui- mêmç , il gé-
mit quelquefois fur rimpoflibilité de
ie définir le principe & la nature de
ifbn ex^ence.
Soulevons, fans craindre d*êt^ té-
^méraires, une partie du voile qui
les couvre ; c*eft Thomme moral
que nous, cherchons ici j c'eft fon
C2o3
penchant au bien ou au mal moral
que nous allons apprécier.
Ne calomnions pas la nature hu«
maine , & ne difons pas comme un
Philofophe de nos jours (i), que
rîntérêt perfonnel, Tamour de foi
eft le mobile unique de toutes les
adions de Thomme : fon cœur eft
placé entre deux tefforts , s*il eft
permis de parler aînfi ; la bienfaifance
qui rétend , l'intérêt perfonnel qui
le reflerre : l'Auteur de la Nature
lui a imprimé le fentiment nécefTaire
de l'intérêt perfonnel ou de Tamour
de foi, pour afllirer fa cqnfervatîon ;
il lui a donné celui de la bienfaifan-
ce , parce qu'il le deftinoit à vivre
en fociété. Si Tun de ces reflbrts
eft une fois brlfé , l'homme veut
tout facrifier à lui-même , ou facri-
fie tout à fon femblable. Ceft donc
♦s»
■^■ii"
(i) Helv^tiuj, liv. de l'Efprit.
dans la balance de ces deux affec-
tions que confifte-la fageflè humaine :
rhomme en eft le libre modérateur;
$'a ne rétoit pas , la Loi qui le
puniroit feroit injufte.
Il exifte des règles dejuftice an-
térîeures à la formation des Sociétés
policées : Ce que je pojfede eft à moi ,
s'il na.éfé dérobé â perfonne^ft ma
pier eft attaquée, je puis la défendre
aux rifques de donner la mort â mon
agrefeur .- tel eft Tufage permis de
raffeaion qui confifte dans l'intérêt
perfonnel ou Famour de foi. Je fuis
hienfaifant enfecourant mon femblable ;
je fuis vertueux en rnimpofant des
facrifices pour V obliger : tel eft Fufage
louable de cette afFedion plus noble,
& qui eft corilme le conure- poids
de la précédente» >
Convenons - en cependant ; l'in-
térêt propre , hepreufement modifié ,
peut fournir une foule de citoyens
Utiles, Si ces âmes privilégiées , qui
font le bien pour Tunique plaifîr de
bien faire, ne font pas communes;
il eh eft plufieurs qui le font pour
les récompenfes pécuniaires , la con-
lîdération , Thonneur, qui y font
attachés. AinG Tamour de foi , cet
' agent prefque unîverfel de l'homme,
cleve tiuelquefois une ame ardente
à de grandes aâions pouf en re-
cueillir la gloire ; comme c'eft lui
qui dans une ame étroite porte
cnvîe aux fuccès , qui égare le vo-
luptueux dans fes plaifirs , qui porte
l'ambitieux aux plus injuftes entre-
prifes ^ le rival à l'anîmofité , l'offenfé
à la vengeance , l'intrigant à Tin*
fidélité , & le voleur à s'emparer
du bien d'autrui. Légiflateurs, qui
voulez la profpérité des Nations
que là Providence a placées entré
vos mains , connoiflèz bien le cœur
, humain ! croyez qu'en général vous
AMaAAf
-A_
j
i
\
C 23 s
gouvernerez les hommes par leur in-
térêt perfonnel; tâchez de lier les in-
térêts particuliers à* l'intérêt public :
voilà la magie du grand art de régner.
Faites que la claile la plus indi^
gente trouve une reilburce aflùrée
dans Ton travail. En accordant des
tiiftin£tions honorables aux talens
utiles , accoutumez les gens riches
à préférer Phonneur aux richeflès.
Ne puniflèz pas, comme les Souve-
rains d'Egypte , un citoyen pour
avoir laifle échapper Foccafion de
faire le bien^ contentez-vous de punk
le mal, & fécompenfez bs aâions
généreufes : ces récompenfes n'épuî-
fent point les richeflès d*un Etat;
la monnoîe de l'honneur , répandue
par la fageflè , fait germer les vertus.
Une couronne de chêne étoît le prix
que Rome donnoit aux Gonquérairs
du monde*
C ^4 5
CHAPITRE IL
Du droit de punir,
XJ ANS Tétat de nature Thomme
eft égal à rhomme ; deux font plus
forts qu'un ; la chofe appartient au
premier occupant : mais elle peut lui
être enlevée par le premier indi-*
vîdu qui fera le plus adroit ou
le plus fort. L'homme ainfi dé-
pouillé a le droit de reprendre fa
chofe ; mais il ne peuli y parvenir
qu'en acquérant à fon tour la fupério- *
rite de Tadrelfe ou de la force , ^ qu'en
expofapt fa vie , ou qu'en donnant
la mort. La Loi naturelle s'élève
• en vain contre l'ufurpation , puif-
qu'elle n'eft point accompagnée de
la puillànce coadive. Cet état , qu'uni
des Ecrivains les plus éloquens du
fîecle
i'
i
fîecle (i) a femblé vouloir nous faîro
envier ^ eft un état de guerre per-
pétuelle.
L'homme a fenti par Tes craintes
& fes malheurs qu'U étoit deftiné
à vivre en fociété ; que cette Société ,
pour être paîCble , devoit être fou-
itiife à des règles de juftice dont
il trouvoit les premiers principes
dans fon coeur ; & qu'il devoit j
avoir , dans le corps focial , une
force réprimante qui aflùrât lexécu*
tion de ces règles. De-là f origine
de la puiffiince publique &■ des
Loix protedrices de la fortune ,
ile rhonneur, de la vie des Citoyens;
de-là la néceffité de punir tous les
torts faits à la Société: mais de-là
auflGi l'attention fërupuleùfe êc recher-
chée que doit avoir la force répri-
mante, pour ne ^ faire tomber leç
(i) J. J« Rouflèau.
B
\
\
î 26^
peines que fur les coupables:*
Ainfi , trois choies à remarquer,
ici : i^le droit de rhomme facial , fa -
liberté civile , confiftent à jouir fous
la proteârion des Loix de toutes^
les facultés qui lui . font propr.es ;;
2^ Fintérét de la Société exige que
les troubles qu*elle éprouve foient
réprimés î 3** h fagefiè du Légifla-
teur conCfte à concilier les mena-*,
gèmens du» au Qtoyen m^me ao*
cufé » mais non - convaincu , avec
la ..protedion due à la. Société gé--
nér^e.
:iii :
^ i
é
^^'
€ 27 î ■
»a= MTr^. ' . " MA <°!> ' " ' I"- »
CHAPITRE lil.
Delà manière cTenvifa^et U délit relati-
vement à Vordre tocial^
jj £ délit par rapport àror<ire fo-
cial hç doit pas être apprécié de la
même maDiere que le péché par tap-**
port à Dieu.
- L'Etre fuprème tSt te fcrutateut
des confciences ; îl puiiit dés crittiei
qui ne font ^connus que de lui
ieul ; il -juge }ufqu'aux plus fecretes
penfées.
Dans Tordre fooiàl au contraire;
c'eft lliomme qvi jug^e Thomme; il
ne peutfe décider que ittr^es«a<^
extérieure nonr^uivôques} il* ne hû
eft pas permis de fe livrer à fin«
terprétation des intentions.
, Le délit par rapport à Dieu con-*
£fte dans la. violation xle^toiis Jçs
B a
Cas 3
préceptes divins indiftindçmçnt^
ùnt que ces préceptes concernent
les devoirs de Thomme envers Dieu ,
foit qu'ilç concernant cçux de l'hom-
me envers lui-même , ou dç rhommo
envers f homme.
Le délit dans Tordre focial n'eft
autre chofe qu'un trouble pu, préjû*
dice caufé à la Société, Les hommes
s'étant réunis pour leur bonheur
commun , toute Légiflation doit
tçndve i cçt objet i toute aâion
iitile au corps iocial doit être ré-
putée vertueufe & encouragée ; toute '
aâion qui lui fera nuifible doit être
réputée criminelle & punie.
Il refaite d^-là que plufieurs Lc-
giflateurs fe font mépris par excès
de Eçle pcTur la Religion, en per-
fécutant, relativement à leur croyan-
ce , des Sujets (Jui d^ailleurs étoient
obiêrvateurs paifiblcs de leurs Loix,
qui n'étoient coupables d'aucun troxi^
^oînt ceux des paffions humaines ^
trop au-deflbus de la dignité de 'Il
Loi. La Juftîce n*eft point non phis
une de ces Divinités , auxquelles des
adorateurs atroces immbloîent des
hommes pour appaifer leur courroux.
Là vengeance^ quelle qu'elle fût, fe-
iroît infenfée , & n'empêcheroit pas
iju*un tort fait à la Société , pat
Vaflaflînat d*un Citoyen , n*exiRât
réellement. L'objet des Loix , dans
les peines quelles prononcent, n'eft
donc pas de faire fouflfrir un coupa-
ble, mais d^empêcher que ce cou-
pable ne porte de nouveaux trou-
bles à la Société , & qu'il ne trouve
des imitateurs , par l'impreffion que
doit faire fon châtiment fur ies ef-
prits. Ainfî les peines infligées pour
llntérêt de Tordre focial ne font
}>as réparatives, mais préfervatives ;
ainfi le préfervatîf , c'eft-à-dire le
châtiment, doit toujours être pro-
B 4
/ .
€ 32 3
portîonné au plus ou moins d'inv-
portance du déHt ^ au plus ou moms
de dangers qui réfukeroient de foa
impunité pour Tordre focial ; ainC ,
dans la diftribution des peines re-
latives à chaque nature de délits,
on ne dort fe jpermettre que le
degré de févérrté néceffaire pour
réprimer raflfeftion vicieufe qui 1^*
produit. Toute peine dont la rigueur
excède cet objet d'utilité eft tyran-
nique; car, fi la Société doit être
protégée , les droits de Thomoie
doivent être refpedés. Il n'eft per-
mis de le façrifier qu'autant que
ce facrifice importe à h Fureté pu-
blique ; & dc-là fuit la conféquence
que la peine préférable, même, en
matière grave , feroit celle qui, en
faifant le moins fouffrir le coupable ,-
feroit cependant Timpreffion la plus
profonde fur la multitude.
C35Î
CHAPITRE V.
Le droit de punir ptut - il tétmdrè
jupiu'à la pane de mon?
Li'AssAssiH périt fur J'échafaud
vidùne d'une Loi promulguée pour
fe propre confervation ; car cette Loi
faifoit défenfes d'attenter à ùl per-
fonne, de même qu'à celle de fes
femblables : cette rigueur eft - elle
jufte ?
Un Etranger, défenfeur ardent de
la caufe de l'humanité (i) , a pré-
tendu , dans un Ecrit répandu parmi
npus, quenuUe Puiflànce.dela terre
nepouvoit avoir le droit de mort
fur. un Sujet, même coupable du plus
grand crime^«Quel peut être , a-t'il
M dk. Je droit que les homtaes s'attri-
(>) M. k Margnis de fieccarii^
^
C 3^S
^îbuent dégprgQr leurs femblabks- ?.>
>j ce n eft certainement pas celui d*où
» réfultent là Souveraineté & 4es
ii Loix ; elles ne font que ^ la foaim»
33 totale des petites portions xie li-
» berté que chacun a^ dépoféès pour
3:< former; Cette Sbùverainetë ; elles
3> repréfentent la TÔlohtc générale,
3>réfultat de Turibn des volontés \
3x particulières. Mais quel eft celui
3>qui aura voulu céder à autrui le
»> droit de lui. ôter la vie ? comment
sïfuppofer que dans lé facrifice.que
33. chacun a fait de ht plus petite
33.portion de liberté qu'il a pu aliéner,
3341 ait compris celui du plus grand
33 .des biens? & quand cela feroit, :
33^omn>ent ce principe ^'accorde-
33;,roit-il avec la maxime qui défend :
53 Je fuîtide ? ou Thonime peut dif- \
3>.pofer de fa propre, vie ^ ou il n'a ;
33 pu donner à un feul, ni même à .
33 la Société entière ,• un droit qu'il
>3 n'avoit'pas. lui-même 33 ?
' Ce raifonnement n*eft qu un ïb*
pKifme ingénieux,
* L'homme n*a pas le droit de s^ôter
k vie , mais iï a celui de la défera
dre» De quelque çianiere que la Pui(^
fente publique fe foit formée , -il
. ji*a pu refufcr fon aflentiment à uÂe
Loi qui avoit pour objet de pro-
^ger fes jours. Dans l'état de na-
ture, àc pour Fîntérêt légitime de
ma propre confervation , j'ai îe droit
d'ôterla vie à celui qui attaque ht
Aiîenne : dans Tétat de Société ci-*
^îllfée 5 j*ai par conféquent le droît^
de voter pour la mort de celui qui"
attente â ma vie } & fi f enfreins la
iioî à laquelle j'aî concouru , ;la|
Société entière ^a le droit d*eh xt-^
clamer contre lîiôi l'exécution : fi le
îfat pas le dï-oit de m'ôter la vie ,
ft n*ar pas oeluî de Tôter à 'mes
femblables^ & de prétendre que ïa'
mienne doive êtrei reJpec^ée.
B <î .
'v
^w^
Attfiî dans toutes les Légîflatlons
connues , même dans celles c^ui ont
eu les plus: grands égards pour l'hu-
manité » telles que celte des Chinois^
& celle de Solon dans Athènes , la
peine de mort fut -elle décernée
contre Taflaflinat de guet - à - pens» .
On voudroit en vain s'en difiimulec%
la }uftice; c'eft la peine du Talion^
celle qui touche de plus près aux
premiers principes de l'équité natu-
relle ; & (i à la perte d'ua Citoyen,
elle ajoute la mort d'un autre ^ cette
mort doit paroître utile : elle délivre
la Société d'un homme pervers qui
ne doit plus lui appartenir , puifqu'il
a rompu le lien des conventions:
fbciales ; le (upplice de cet ailàffin
prévient d'ailleurs de nouveaux cri-
mes qu'il auroit pu commettre \ U.
devient un exemple impofant pouc
la perverfité.
/
C37J
CHAPITRE VI.
Qut la peine de màrt doit être rejireinte
auxfeuls attentats contre la vie.
V^ETTE peine n'a aucune efpece.
d'analogie avec les autres crimes qui
peuvent être réprimés auffi efficace-
ment d'une manière moins cruelles-
La Loi qui punit de mort le
fîmple vol, a produit peut-être plus
d'ineonvéniens que ceux qu'elle a
voulu prévenir. Si le vol parmi nous
eft prefque toujours le mptif Ou*
Toccafîon de l'af&ilinat , c'eft parce
que le voleur, qui fait que la Loi
le condamne à mort , ne croit
pas courir un plus grand rifque en
le rendant aflaffin : ou plutôt il croit
diminuer par -là les rifques qu'il
court ; car la nun:t le délivre d'pn :
témoin important dont la dénonciar^:
#^
€5^.3
tîon peut le conduire au fuppUce.
Si au contraire la peine de mort
n'eft point attachée au crime de vol ,
Ip voleur laiffera vivre le Citoyen
qui peut le dénoncer; parce que
Tefpérance de fe fouftraire pourra
balancer dans fon coeur la crainte
delà pourfuite; & parce que, dans
l'incertitude de favoir s'il échappera
ou non à la peine , il préférera de
rtèttB puni que comme voleur à
l^étre comme aflàllin.
et En Chine il rfy a que les vo-
ïDleufs cruels qui foient punis de'
ïi mort ; cette différence fait quon
31 y vole , & qu'on n y affaffine pas,
aj En Mofcovie , où la peine des vo- '
9i leurs & celle des aflâffins étoient
oi autrefois lés mêmes , on y aflfeffi-
oi noit toujours ; les morts , 4^^^^"
non, fie racontent rien. En Angle-
5> terre on n*y afïàffine point, parce'
«9<{ue les voleurs peuvent efpérér
a>d*€tre tranfporté^ d^ns les Color
33 nies , & non pas les aflaflîns w«
Efprit des Laix y tom. P% p^ ipo.
Ajoutons que , la rigueur excef-
lîve de la Loi produit fouvent Tim-
punité. Quel éft le ni'aître en effet
qui, dans l'état aéhiéldes chofes,
dénonce un vol à lui /ait par fon.
domeftique , pour le voir pendre :à
fa porte , & foulev^r , par-là , contre .
lui , la clameur populaire ? l^^ voteur'^
dpmeftique eft^communém^n^ cha£(e
par fon piaître , & va . vcj^r sàxtz ^
un autre qui le chafTe à fôn ^ur..,
ÇeÛ cette indulgence , occafionnée
par la févérité nlcme de la Loi,..
q^i r^nhar^it au crime.
' (
V f
C4o3
CHAPITRE VIL
Que la Loi pénak doit être générale ,
& frapper fur tous les états & toutes
les conditions.
A, Rome y fous les Empereurs ^
les peines furent divifées en trois
claflès ; on* en décerna de très-
douces contre les premières per-
fonnes de TEtat , de plus féveres
contre celles d*un rang inférieur,
& de très - rigoureufes contre le
peuple (I). Cette étrange politique
apnonçoit le règne de la tyrannie.
Reipeâons les dignités , les rangs
& la Nobleflè antique ; ils portent
rattache du Souverain, qui les a
accordés comme un gage honorable
de fa confiance , ou comme la ré-
(i) Efprh des Loi;i, Tom. I, pag, 187*
t
^
compénfe due à des talens utiles.
Si un homme conftifué en dignité
reçoit une offenfe de la part de fon
inférieur , que l'oiFenfeur foit puni
avec plus de févérité que s'il eût
ofFenfé fon égal. Mais ii un homme
d un rang élevé dégrade fon exif-
tence au point de fe confondre par
la baflèflè de fes affeâions avec la
fange de la populace, pourquoi fe-
roit-il puni avec moins de févérité
qu'elle , d'un crime qui feroît le
fruit de cette baflèflè commune (i) ?
(i) Cette règle de Juftice eft établie liv. 4;
tit. if , art. 4 des Condîtutions dn Roi de
Sardaîgne, pubfiécs en 1770. Ces Conâltu-
tions font Touvrage de plufleurs Souverains
dont la fageife héréditaire a fucceffiveaicnc
honoré le Tr^ne 8c THumanicé. La partie
qui concerne la pourfîiice des délits contient
des régies crès-précienfès, quoique cependant
rinftruèllon foi( demeurée fecrette pour le*
Public 9 qu'on y ait conlèrvé l'aCige de Ift
C 4^ 5
fions penfons même qu*il eft pkw
toupable. Les principes de Téduca-
tion noble qu'il a reçue , les devoirs
attachés à fes dignités & à {es places;
l'exemple de fes aïeux , le refped
de Ton nom ^ ctoient autant de liens
bien capables de le retenir , & qu'il
n'a pu rompre que par un excès de
perverfité.
Nous obferveçons cependant que
les gens en place, qui abufent de
leurs droits , font fufceptibles d'une
punition particulière, humiliante pour
Tamour-propre & cuifante pour l'atn-
bition î celle de la privation de leurs
emplois ou de l'interdiâion de Jeuf^
offices. Mais nous ne parlons ici
que des crimes de la baiTefle , &
nous difons que pour ces fortes de
tortare préparatoire pour plufieurs cas , 8c
que plufieurs délits étrangers au meurtre y
fcient punis de mort.
t4î3
crimes fur tout , la Loi doit être
générale , qu'tlle doit frapper fur
tous .les états & fur toutes les con-
ditions ; car fî elle ne s'exçcutoit
que contre le peup'e indigent &
foible f il la regarderoit bientôt
comme tyrannique.
€443
CHAPITRE VIII.
Que la pwùtion rit doit affiSer que le
coupable.
\J N préjugé Cruel nuît fouvenC
parmi nous à Texécution de la Loi;
il étend fur une famille entière Tin-
famie encourue par un de fes mem-
bres : cette famille a-t'elle quelque
crédit , elle ne manque pas de l'em-
ployer pour fauver fon honneur ; fi
le coupable indigne ^ elle intérefie ;
le Juge lui-même , agité par ces
impulfions contraires , héfite quel-
quefois à frapper ; & quelquefois
auflî les pleurs de cette famille ob*
tiennent , de la commifération, du
Souverain 9 la grâce du coupable:
indulgence fouveiit dangereufe ; le
droit de faire grâce eft une des pré-
rogatives de la puiilance , mais la
âiiâ
(Mf*
C4y 5
|)rincîpale vertu tfun Roi eft d'être
jufte.
Si au contraire la Juftice , înaccef-
fibie aux foUicitatioas , & le bandeau
fur les yeux , frappe le coupable ;
fes pârens , fes enfans fur-tout ^ font
frappés 9 font déshonorés par le
ihéme coup ; l-£tat qui pouvoit en
attendre des fervices plus ou moins
grands , ne verra donc plus en eux
que des âmes flétries , incapables
de rien entreprendre de noble ^ &
auxquelles même la carrier^ de Thoor
neur fera fermée.
Combien n'importe -t- il pas de
déraciner un préjugé dç ce genre
qui n'exifte point en Angleterre,
&.que noy^s aurions du déjà rejetter
loin de nou^ fans attendre l'exemple
de nos yoifîns ! Le Souverain , dont
la conduite a tant d'influence fur nos
mœurs , peut aifément parvenir à le
détruire. Que te coupable périflè
;
dans rignominiç , puifque la Loi le
condamne , & puifque fon fupplice
eft néceflaire pour aflurer la tran-
'quillité publique : mais que Tun des
iîens , s*il jen eft digne , fpit en mêjne
temps élevé par le Prince, à un pofte
♦honorable i la multitude fera bîen^
jtét convaincue^ par de pareils ex4()r
|>les, que la confidération attachée
à la vertu ne dbit dépendre que 4&la
vertu même^ & non d^ lapein^
ifîfligée au crime d'autrui 2 Pœnacfolo$
mutons temtre déet ; Loi 32 » m
Q)de dcPœnis.
"».
C 47 3
« ==sèJ!i^^|^^- . i ' -i n i
C H A P I T p. E IX.
Que Zej peinej doivent tourner amant
quil ejl po(Jîbîe au profit de VÈtau
Jm ou s avons parlé dé la peine de
mort utile par Timpreffion profonde
qu'elle doit faire fur Tefprit de la
multitude ; mais cette peine étant-
réfervée au meurtre, à raflàffinat de
guet-à-pens , il faut voir de quelle
utilité pourroient être les peines que'
Ton peut infliger pour d'autres espè-
ces de délits.
Un coupable, puni dans fa per-
fonne, peut être condamné aux tra-*
vaux publics ou à la déportation dans '
les Colonies. ^
Il importe à TEtat que les Ports^
de. mer, les Fortifications des Villes
de guerre i les grands chemins , 1er
canaux navigables , les monumens^
n
€48»
publics folent entretenus & réparés
L*immenfité de ces objets exige une
multitude d'ouvriers . que Ton paie;
& pourquoi n*y point employer des
coupables qu'on ne feroît tenu-'quc
de nourrir ? Quand une punition a
cette double efficacité d'empêcher
les progrès du crime & de ména-
ger les dépenfes du tréfpr public,
il femble que la lioi qui la prononce
réunit tous les objets^ d'utilité. Il
ièroit même d'hantant plus important
d'admettri^ ca genre de peines ,
qu'aujour4'hul , & par l'état aâudl
de notre Marine , les coupables con^
danmés aux galères ne fervent point
fur mer.
Il importe pareillement à l'Etat »
aux progrès de (on cpnmierce &
d^ fa puiflànce , d'accroître fes Co-
lonies. Et pourquoi le Légiflateur
ne prononceroit-il pas la peine de
déportation .contre cette efpece de
gens
• ^
„ >:
I
€ 45) 3
gens dont les affeâions ne font pas
' aflèz perverfes , pour en redouter les
inconvéniens dans une Société naif-
fante, qui approche beaucoup de
l'état de nature , & dont les devoks
Jjont bien moms multipliés que les
nôtres ?
Ainfî , en Ruffie , les criminels ou
malfaiteurs qui n*ont point mérité
la mort , font envoyés dans les dé-
ferts de la Sibérie ; aitifi une hoî
<l* Angleterre prononce contre diffé-
rens ^'gëhrcs de délits , & par les
mêmes motifs , la peine de traciipor-
tation dans les Clokmies. ^
V
€;6 3 ^
« ! U. "(SjP^
àlk^
CHAPITRE X.
Que les délits doivent être réprimés par
les peines les plus oppofies'-aux genres
de vices qui les auront produits.
KJ n pourroît dire peut-êtr^ qu'il
en eft des remèdes moraux pour
la fanté du corps focial , comme
àos remèdes phyfîques pouc^la fanté
de rindivido : Contraria contr^/fiis cu"
rantur. La manière la plus efficace
pour combattre les différentes paf-
fions ou affeftions vicieufes qui peu-
vent troubler Tordre public , eft fans
doute d*employfer les^ genres de
peines les plus contraire* à ces fortes
d'affedions , & par conféquent les
plus cuifantes pour elles*
Ainfi , les délits qui prennent leur
fource dans Tabus de la liberté «
dans le goût de la licenee , Se qin
n'ont trait ni à vol ni à' aiîaflînat,
doivent être punis par la prïfcin.
Ceux qui confiflent dans l'abus de
la vie civile & dans-tine incdndirite
qui compromet les intérêts -d'aùtrui ,
par une interdi<!:tion pénale.
Ceux qui dérivent de lafeaine ou
de l'amour, & d'habitudes qui tien-
nent au local-, par l'exU légal ou
la déportatior mjej^
Ceux qui o i^ cupi-
dité du bien „i p^g_
Tentent des i j^fl-o^^
*!" ^°\ > ?^ -nations
pécuniaires.
Ceux qui prennene leur fource
dans l'oiliveté , & qui confident
dans ie vol fans armes ou aâes
équipollens , par la condamnation
aux travaux publics & par la con-
fifcation.
Ceux <lui ont pour caufe la vaine
C a
iqpM^,^^^^
gloire & le faux honneur , par Fhuai^
liation &ie déshonneur.
La peine de niort réfervée à Taf-
faf&nat de guet-4-peos ou au vol
à main année » & autres délits de
ce genre*
y »*
i •>'
^.
-1-.
€ S3 %
■■V^^atiiéi
CHAPITRE XI.
Quds délits ($- ^ueUes fmp dolveni
emporter infamie. *
ii* INF AMIE doit être ehvîfagée
fous deux rapports différens; Finfa-
mie de fait,& IHnfamîe de droit.
L*infamie de fait eft le contraire
de Phonneur, Uhonneur eft ce fen-
tîment fier de lui - même , qui fe
nourrit de Feftinie publique & qui
veut la mériter LHnfamie de^lfeit
eft attachée à tous les vices de la
baflèflè , dont un fbrdide intérêt eft le
principe : c*eft cette baflèflè qui con-
duit à rimpofture , aux infidélités ^
aux abus dp confiance, au vol, &
quelquefois aux aflàflînats de guet-
à-pens. Ces adions font vraiment
infâmes , d'après les principes de la
morale univerfelle*
C3
L'infamie rélùl tante d'une condam-"
nation, êft ce que nous appelions in-
famie de droit: mais ceft toujours
conformément à ces mêmes princi-
cîpes que le Jugement doit être
rendu; car s'il notoit d*infamie une
aétion qui n'en porter oit pas le
caraâere , le pubjic pourroit fe dif
. penfer de croire à Tinfamie déclarée
encourue.
Dans nos ufages , l'infamie efl
attachée à un certain genre de peines,
«ntr'autres celles du fouet , de la
marque , du carcan , du pilori , &c.
Il ne faut donc ordonner ces fortes
de châtimens que pour réprimer les
vices de la baflefTe. ~~^
L'effet de Tinfamie de droit eft
âc livrer le coupable au mépris pu-
blic , & de détruire , relativement
à lui, cette efpece de confraternité
qui forme le lien focial. Celui qui
eft décidé infâme n'eft plus admis
en témoignage , ni à intenter une
accufation ; la Juftice ne croit ni à
fcs aflèrtions , ni à fon ferment.
Gardons-nous cependant de noter
d*infamie des coupables que nous
laiflèrons dans la Société , nous en
avons dît la raifon phis haut ; &
s'ils doivent vivre encorç avec leurs;
Concitoyens ^ ne leur ôtons pas lef-
poir de recouvrer leur eftime, Ainfi , *
rinfamie de droit ne doit point être
attachée à de Cmples condamna-
tions pécuniaires , ni même à une
admonition de la Juftice, ni à la,
prifoix & à rinterdidion pour un
temps , ni à des défenfes d'approcher
de telle Ville plus près qu'à telle
diftance, quand le châtiment fe borne
là» Elle ne doit être attachée , d'après
notre plan, quant aux coupables non-
punis de mort , qu'à la déportation
dans les Colonies pour caufe d'in-
fidélité', & qu'à la condamnation aux
C ^
€;«3
travaux publics pour caufe de vol
ou délits équtpollens. De p^etls
coupables pourront être eKpofés dans
les carrefours , au pilori & au carcan ,
pour rendre leur cùndanmation plus
authentique. Mais fupprimons n fur-*
tout la âétrifTure fiur Tépaule , même .
pinir'celurqai ièrpit condamné aux*
traviux publics à temps. Le forçat'
rendu à la liberté^ après avoir expié*
fon crime , peut devenir homme de^
bien , & fe faire , dans quelque Pro-
vince éloignée , un fort nouveau ,
en dérobant les traces de raiicien:^
mais s*il porte fur l'épaule Tem--
preipte ineffaçable du crime & de
rignominie , s'il craint à chaque inf-
tant la découverte de fon état , s*il
frémit lui-même à la feule idée de
rhorreur que cette découverte peut
înfpirerj comment pourra-t'il s'éle-
ver de cet abyme d'opprobre jus-
qu'au courage de la vertu ?
1
CHAPITRE XII.
Queb d^ts & quelles peines doivent
emporter mort eiviU & conjijcation. *
JL ' H o M M c 9 dans Vétàt de nature ^
n*a i:)ue la vie phyfique ; dans Tétat
(ocul , il joint à (on exlftence phy«
iique la vie civile , c eft-à-dire les
facultés du Citoyen , les avantages
que la L»oi lui donirie. Cette Loi lui
pennet de contraôer, d'efter en Jur
gementyde recevoir des donations
& des legs^ de difpofer de fes biens ^
de [es tranfmettre aux héritiers de
fon fang : <:e9^facUltés appartiennent
par coni^quent à la vie civile. '
Celui qui a rompu le lien des
conventions Tociales par un crime
aâèz grand pour devoir être puni
de mort violente , s'eft rendu indir
t .
Vr ^
^-^i^^p»^»
gne de participer aux avantages de
la Société ; il eft par conféqueirt
privé , par cela même , de la faculté
de tranfmettre fes biens à fes hé-
ritiers. De-là rorigîne du droit de
confifcatioo parmi nous ; les biens
du condamné demeurent acquis à la
Fuiflànce publique.
Si la nature du délit eft telle que
le coupable ne doive pas être con-
damné à perdre la vie naturelle ,
mais que néanmoins il mérite pour
toujours d'être fouftrait de la So-
ciété ; il eft évident que dès-lors il
xie do>t plus participer à aucun de
fes avantages : la mort civile fera
une fuite néceflaire de fa condam-
nation ; & 9 dans ce cas comme dans
Fautre -, il y aura ouvertxire à la
confifcation.
Ainfi , ks crimes qui feront punis
par la mort , par la condamnation
à la prifon perùétuelle , & par celle
< .- •-
aux travaux publics a perpétuité,
<k)ivent emporter mort civile &
confifcatioiu
^<=^'
fdJiAmSiP^j^itu
CHAPITRE XIII.
Que la peine de tonfifcation peut être
jujlement & utilement modifiée. ^
i-i * A u T E u R moderne , qui a 4é-
fendu avec tant de chaleur les droits
de rhumanité (i) , s'eft beaucoup
récrié contre Tufage des confifca-
tîons , parce qu elles rendent , dit-
il , les enfans vidimes des fautes
de leur père, & qu'il eft d'ailleurs
au-deflbus de la dignité^ du Souver-
rain de s'enrichir par le crime de
fes Sujets.
Eh bien ! concilions tous les in-
térêts , même ceux qui paroiflènt les
mmm
(i) Le Marquis de Beccaria.
c s
y
"«Si? '
T
■ W ' ^ - ■■ ■ — ^^\ j r • " ' " ■ ■ ■ *i^ ■ ~ ■^»^»<w p w ■ ^^p^»^^^»^<ii^^
€ 60 3-
plus op^ofés. La Loi civile réferve
aux eiifans une portion néceflaire
dans le patrimoine de leur père ; il
ne peut difpofer par aâe de mort
que du (îirplus; regardons le délit
qui doit le priver, foit de la vie
naturelle , foit de la vie civile »
comme un aâe de mort ; & ne fai-
fons porter la confifcation que fur
les biens qui étoient difponibles
dans la main du coupable : alors
Fintéret de$ enfans , protégé par
la Loi civile , ne fera plus en op-
pofition avec l'intérêt de la vlndide
publique , protégé par la Loi cri-
minelle. Mais cette modification une
fois adoptée, que la portion con-
fifquée foit exigée en toute rigueur,
, diaprés futilité dont elle doit ctre,
& que nous allons afligner.
Quelque re(pedables que foient
les Magiftrats , ils n*ont que la fa-
i;efle humaine en partage > & cette
fagefle eft fujettc à des erreurs în*-
volontaires , à des méprifes préju-
diciables. Un innocent fur lequel un
concours de cîrcoçftances on^lheu-
reufes femble fixer le foupçon du
crime, eft quelquefois pourfuivi , dé-
crété , emprifônné à la requête du
Miniftere public feul ; il gémit dans,
des fers que la ^ Juftiçe brifc enfin
après une longue înftrudîon ; & la
Juftice gémit à fon tour de n'avoiir»
aucune indemnité à lui offrir, pour
le préjudice réfultant de fa pour-
iùite. Mais s'il exiftoit une caiilê
particulière pour le produit des cônr
fifcations , ^indemnité qui eft due
à cet infortuné feroit prife fur les
deniers de cette ^at^: ces deniers
pourroient être encore employés aux
frais dos pourfuites criminelles qui
fe font à la requête du Miniftere
public ; & ce feroit ainfi , qu*à la
décharge du tréfor du Prince , les
•" r^
•■• iî^a^~
r
/
/
C<î2 3
deniers provenans des délits fervî-
roient à la pourfuite d'autres délits ,
& à la réparation du préjudice que
des pourfuites de ce genre peu-
vent quelquefois entraîner.
Quant aux délits moins graves
que ceux qui emportent mort civile
& confifcation, & qui, d'après les
réformes propofées , doivent être
punis pfir des amendes envers le
Roi, tels que ceux au-deflbus du
vol, & qui ont la cupidité pour
principe , le produit de ces amen-
des feroit porté dans la même caiiTe
pour être employé aux mêmes ufages.
Ss*:
C<S3 5
kkk
^2>
àéU»
CHAPITRE XrV.
Ck qu'il faut laijfer à Varbitrage du
Juge dans t application des peines. '
A L feroit à defîrer fans doute pour
le bien de la Juftiçe , que, la Loi
pût prévoir tous les cas; parce que
la Loi dans fa généralité ne faifant
acception de perfonne, n'a jamais que
le bien public pour objet. Le Juge,
au contraire, eft entouré des Par-
ties ; il ilatue pour ou contre un
individu quiHeut lui paroître plus
ou moins coupable, fuivant la ma-
nière dont il efl affedé pour lui. Il
lui eft difficile de fe préferver de
toute prévention ; car elle eft , fui-
vant le langage du célèbre d'Aguef-
feau, le feul vice du Sage. Il faut
donc refferrer , autant qu'il eft poC-
( •
£<543
Cble , la carrière de Farbitraîre ; ce-
pendant il convient de lui laiiTer un
efpace quelconque , fans lequel plu-
fleurs cas non prévus demeureroient
nécefiairement impunis. Ainfi en An-i^
gleterre un voleur adroit ayant fait
. arrêter , il y a quelques années , le
carroflè d*un Lord pour lui pro-
pofer de lui vendre cent guinées
une paire de piftolets qu'il diri-
geoit contre lui , & ayant remis
fes piftolets après s*être fait payer
cette fomme , fut renvoyé de Pac-
cufation , parce que la Loi h*avoit
pas prévu le cas.
Qu'eft-ce donc qu'il convient de
laiilèr à l'arbitrage du Juge ? le voicL
Quoique les efpeces des délits varient
à Pinfinî, parce que rien ne fe reflèm-
ble exaftement ni dans le phyfîque nî
dans le moral , néanmoins ces délits
ont des caraâeres qui les rappro-
chent néceflàirement de quelques-^
_*ï--^ -r-
unes des clafles dans lefquelles nou^
venons de les ranger; ce qu'il faut
prefcrire au Juge , c*eft de pro -
noncer telle nature de peine pour
telle nature de délit ; ce qu'il faut
^aifler à fon arbitrage , . c'eft la quotité
des amendes pour les délits qui
n'emportent point confifcation ^c'eft
le temps que doit durer la peine pour
les délits qui n'exigeftt par leur na-
ture que des peines à temps.
Ainfi, quant aux délits qu'il s'agira
de punir par l'interdiâioii » l'empri-
fonnement» l'exil , la déportatiorr
dans les Colonies , la condamna-
Ition aux travaux publics 9 pour ua
temps ; les Juges » en appliquant la
peine , régleront fa durée fuivant le
plus ou moins de gravité des cir-
confiances.
£ (î<5 3
SECONDE PARTIE.
Des dïffinntes feints applicd'
Mes aux différentes natures
de délits.
v^UELQUE étendue qu'annonce
ce titre , notre objet n'eft pas de
préfenter ici la nomenclature de
toutes les efpeces de délits qui affli-
gent Tordre focial ; ce détail ferôit
inunenfe : nous nous contenterons
de ranger dans difFérentes claffes les
afièâions vicieufes qui pîoduiiênt
telle ou teUe nature de délits^ nous
parlerons de ceux qui font le plus
connus , fuivant le rapport qu ils au-
ront avec ces claflès difFérentes ; &
nous propoferons de les punir par
les peines qui nous paroiflent les
s «7 3»
plus réprimantes , comme étant les
plus oppofées à leurs caufes pro-
duâives , ou par le genre de con-
damnation qui préfente le plus d'a-
nalogie avec la nature -du crime.
Pour remplir nos vues , nous fui-
vrons l'ordre tracé par le Chapi»
tre X de notre première Partie.
CHAPITRE PREMÏeY.
Des délits qui doivent être punis par
la prifan.
3lJ ans Tordre judiciaire tel qu*a
exifte aujourd'hui parmi nous , la
prifon n'eft point une peine ; elle
eft fetjilement regardée -comme un
lieu de dépôt pour les accufés , en
attendant qu^ils (oient abfous ou
condaxônés ( i )»
Il femble cependant que fhomme
eft aiTez jaloux de fa liberté , pour
que la peme de priibn trouve fa
place parmi celles qu*il eft permis
de lui infliger.
Dans Tétat focial il ne jouit que
(i) 11 faut excepter quelques Loix particu-
lières concernant le Tribunal de MM. les
Maréchaux de France , & la Police.
-d'une liberté reftreinte : cette lî*-
Jberté eft fubordonnée à fes devoirs ;
elle dégénère en licence , s'il les en-
freint. Cette licence , dans tous les
xas qui n ont trait ni à vol ni à
allaflînaty & qui ne préfentent qu'un
trouble padager-^ peut être jufte-
ment punie par un temps de pri-
fon ; une telle peine contraire même
parfaitement avec Te/prit d'indé-
- pendance qui porte Thomme à de
pareils écarts : elle eft donc efficace-
ment réprimante pour cette nature
de délits»
Ainfî , nous propoferons de jau-
nir principalement par ^û temps de
prifon plus ou moias long ^ Auyaat
la gravité > des circonftances ^ les
perturbateurs du tepo$ publier; cfu^
qui cherchent querelle dans les €ues^
injurient & battent les autres ; ceux
qui par efprit d'iafubordjnatiofi xe^
fufent d'obéir aux Officiers dç Pg^
€70 3
lîce dans leurs fondions , & leur
manquent de refpeft ; ceui qui com-
mettent du fcandale dans les Eglifes
& Aflèmblées publiques ; les Caba-
ret îers qui, au mépris des Ordon-
nances de Police , donnent à boire
les Dimanches & Fêtes pemiant
les heures du Service Divin; ceux
qui affedent de prendre ce temps
pour faire la débauche dans les ca-
barets ; tous ceux enfin qui fe fe-
ront rendus coupables de torts con-
traires à la décence publique^ •
Il paroît ^encore naturel de punir
par la perte de leur liberté , foit à
temps, foît à perpétuité, fuivant les
cîrconftahces , ceux qui auront gêné
la liberté des autres en' les tenant
éh cdartrë privçe oii autrement ;
ceux qui auront furprîs fur un faux
cxpofé des ordres du Gouvernement
-pour ifaire renfermer un Citoyen ;
iCeux qui fe feront rendus coupables
£7- 3
du rapt de violence; ceux qui veu-
lent fouftraïre à l'emprifonnement
des criminels ou des débiteurs qu'ils
recèlent; ceux qui auront procuré aux
Prifonniers lès moyens de s'évader.
L'analogie d'une pareille peine avec
cette nature de délits, doit être par-
faitenaentfentie.
Enfin cette peine pourra être in-
fligée dans d'autres circonftances ,
dont nous ne parleroiis que par la
iiùte » parce qu'elles font . relatives
Bun genre de délits qui méritera feul
, un examen affei étendu.
C 7^ 5
Ï9
CHAPIT R E II.
. Dts délits qui doivent être punis far
V ijiterdiâion.
kJ n conçoit que le topique le
plus efficace pour empêcher Jes abus
<le la vie civile & des fonâions pu-
bliques , eft rinterdiâion.
Pour le Citoyen qui n'a point de
fonâions publiques à remplir , nous
ne connoifibns dans nos u(ages que
f interdiâioo ofitçieufe ; nous pto^
poferons ici d'en admettre une au-
tre d'un genre oppofé, & que nous
appellerons interdiâion pénale. Cette
interdiâion pour le temps de fa du-
rée auroît , à la vérité , le même
effet que la mort civile, itoaîs fans
infamie ; & voici quel genre d'in '
conduite pôurroit être puni par une
interdiâiô'h de cette nature.
Un
.1
^ K
c
• €73.3
Un homme fait des entreprlfes
pour lefquelles il a befpin de fonds
qu'on lui confie ;, l'argent d'autrui
circule dans (gs aflàires i le voyant
fans cefle pàfler & rçpaffer dans fes
main^ , il en ufe comme de fa cbofe;
,' .il le diflîpe avec fa fortune per-".
fonqelleji^^fans ..qu'il refte rien pour
îl^i^fliêyuç. . Si fon inconduite n'eût
tendu qu'à la diffipation de fon. prô-* • ; "
;pi:e bien , fa, famille eût pu le faire a. * -,
.îqterdire par commifér^tion pour lui; ^ ' ^.
. &,p'eft ce quÇjOous appelions iriter- v
diÇtilpn officieufe ,:. mais ^yant diffipé .
.le ; hiea d'au.trui , ayant manque à la
^ .confijanc.e,ij ^mérite d'être interdît
à . titre de peine ;^ 8ç c'eft ce que '^
^* nous appellerons înterdidion pénale. . ^
La Juftîce • fuivant le plus ou
'^^ inoîns de, gravité de l'inconduite >
pourra prononcer cette interdidion^
^ou|: un temps ou , à perpétuité.
Un intrigant , par. de bafles fou- ^
• D .
/^
1
\
w^l
^€74,3
pleflês^ captive luie perfonne riche
valétudinaire ou âgée ; il parvient,
par les reilbrts qu'il emploie, à dé-
pouiller les héritiers du fang , eh fe
faifant inftituer légataire , ou en fai*
fant faire une donation à ion profit i
eft-ce donc aflêz de déclarer nul ce
legs ou cette donation ? ne fèroit-^e
4)oint encore le cas de prononcer
contre Tauteur de la fuggeftion une
efpece d'interdiâion reflreinte ^ dont
Tufage n*eft pas non-plus connu dans
nos niœùrs ; c'eft-à^lire de le décla^
rer, fur les conclûfions du Miniftefe
public s incapable de recevoir aucun
legs ou donation , fi ce n*eft de ceux
auxquels il eft admis à fuccéder par
la Loi ?
JLes deux fortes de délits doat ,
nou& venons de parler ne font pas
punis par nos Tribunaux.
Dans la première efpece , on dit
aux créanciçr$ qu'ils ont mal pUc<
leur confiance , & le débiteur peut
laire encore de nouvelles dupes.
Dans la &conde , Fintrigant en
«ft quitte pour "Toir xiéctarer fofi
legs nul ; il fe confele , en fe flattant
tju'une autre fois il fera plus heur
reux.
Les peines propofées contre c»
deux fortes de délits feront donc
utiles à Tordre focial , & fuffiront
d'ailleurs poiu: tranquillifer la So-
ciété llir le genre d'intrigues aux^
quelles elles fotit relatives. A
Quant aux abus commis dans let
fonâions publiques , ce n'eft pomt
une nouveauté parmi nous que de
les punir par Tinterdiâion , (bit à
temps 9 (bit â perpétmté , même par
Tincapacité prononcée conore les dé-
linquans , de pofiëder par la fuffe
aucune e^ece d'Ofiice : uhe pareille
peine a fon genre de gravité , puiir
qu'elle enlevé à FOificier la confi-
Da
mofn^ p^ ift plac^ , 5'il n(ypouyoit
prétendra par fes vertuf. .Qette peine
doit,. avoir lieu parçiUemept contre
les Juges coupables de ces toru qiri .
autoryent la prife à Paijiç , c'eft-à-
dire quand ils ont agi perfraudem^
gratiam , inimciliai 6* foriçs^ fiijvant
Te langage de la Loi Koçiaine : .nous
en exceptons le crime de faux, qui
exige qu'on ajoute, à ia^févérité dç
la punition , & dont il fera quêftiog '
dans un à!^s Chapitres. fuivans.i
C 77- 1
tm
< • r
.♦ » .^" «
CHAPITRE II L ,
« I
Dei Mirj jrui doivent être réprimes
par texil ^ ou par la, déportation
dans Us Colonies.
»~ » « . V* »■ »
\Jîl È puifiîtldri de ce gente doit
être pâf tîcuKere âùx délits lôcaù:?^ ,
S*il éft permis de parlëir aînfï ',' au3t
délits qui naiflent de la ïféqùèAfa^
"tion de certaines perfonhés , & qui
tiennent a Thabltâtîon * dans ' certains
lieux. '* • ' • • ■ '- \ ' •'
Nos Loix ne connoiflent pas* !à
péîhe de Texil , mâîis' celle du ban-
hiflfement qui emporte îfifamîe, Nouis
avons déjà fait voir combien il étoit
daBn^èfeu3t cfînflîfèr une pareille péinè
à tout condamné qu*on laiflèroit dans
la Société : nous croyons donc qu'au
banniflement, nos Loix doivent ftib-
•>
/'
1
«-78^
ftittter rex3 , que par cela même
Aous appellerons e»! tégal; exil qui
peut être néceilàir^ (ans que fa cauie
ait Te caraâere de bdOlèfle auquel
nnfamie cft attachée. ^
Deux pafllons abfolument oppo*
fèes peuvent donner lieu à la provo*»
cation de Texil légaL
La haine qui (ùppofe Thabltude
dç chercher ion ennemi , pour Tin*
fulter ; Tamour qui fuppofe l'habitude
de chercher h perfonne aimée , pour
la féduire :
Ces paffions contraires sTenftiam-
ment également à la vue de leur
objet.
Ainfi un homme d'une certaine
confîftancè,expo(e à des iniùltes, à
des voies de fait de ta part de ibi>
ennemi , peut réclamer contre lui
Texil tégàl , & demander qu*it lut
foit fait défenfes d^approcher de plus
C 79-3
pthi qu*à telle diftahce du lieu .qu'il
habite (I).
De même le mari qui a des preu-
ves de la féduaion tentée vis-à-vis
de fa femtti^ , pu le père qui a preuve
de pardlles^tentatiyes vis-à-vis de fa
fille, fera fondé à requérir cette peine*
Si la haine a été portée jufqu*aux
voies de fait graves, tellè$ que la
mutilation de quelques membres ^^
un ceil crevé j &c. ; fi les eiitreprifes
de f amour ont été portées jufqu'à
là confommation du crime vis-à-vis
4e la fenmie mariée ; ce fera le cas
d'ordonner la déportation du cou-
pable dans les Colonies. Quant à U
peine que mérite Tépoufe infidelle ,
elle eft fagement établie par la Loi
Romaine adoptée dans nos mceurs.
J^ Rapt de féduâion , le crime de
i
■ I I I I ■ I ■ — fc ■! I ■
(i) Piufieurs Arrêts ont prononcé de pa^
teilles dëfenfèS) mais nos loiz n'ont pas de
^Cpofidons paniculicres fur ce point.
X)4
1
■ C 80' J
!a Polygamie , celui dé la profana-
tion du Sacrement de mariage 8c Tin-'
ceftè ^ tous les. défordres fcandàleùx
enfin provenans de rincontinénce lii-
xurieufe, peuvent être encore jufte-'
ment punis pair une pareille pèîhé.
Ajoutons-y les délits de contre-
bande & de faux-faunage , parce
que l'habitude de ces défits ne peut
être dans les Côloiires d'aucun dan-
ger, & que les Lbîx J)rohibitives 7
dont * ils font finfràftibn ," n'y foritf
point établies.'
Enfin la dë|)ortatî6ri pôurroit être
encore 'ordonnée pour tous ces dé-
lits de filouteries qui confiftent dans
fadrellè d*ifh harùtnc infidèle à profi-
ter de Tinâttentioil d*uftàutriB, pour
lui ravir quelques bijoux!; habitude
|5éu dangeréufe dans' un établiflè-
mént nouveau , & où les Cultivateurs
n'ont d'autre reffourçe pour fubfif-
ter , que les produdions offertes par
la terre à leur travail.
N.
>t f» . ' î"^
CHAI^tf RE tV.
* i
Des âétîts qu'il faut punir principale'^
ment par ' des condamnations pécu -
' nïàirésl - - ' • - •.. ' ,
* r
j^ov-s entendons parier ^ ici de ces
torts envers Tordre focîal ^ qui- one'
pour principe là ,cupîdité > -& -qui
font néanmoins ad^-deffous ëurf-volj
8 convient de les punir par ks pei-
nes* tes plus» oppoféepà ce principe*
" La" condamnation |)éciîmaire •&
réprîmij^tcdoit êtr^ crii psreil cas
une amende phis^^ou «flMÎns- con-^
iMérable'-au profit <iu-Roi5 indé-**
pendammént de^t'indemnité^qui doit
toujours être prononcée en &.veu£
de la partie lefte^- ^ '
• ' Leycrimes fiàfcep'tiblès* d-uile cbn*
oamnfttipn de'ce\genrd'9 -fqnt pridr*
— -■»•
C8a3
cîpalement Tulure , le monopole » Ix
eoncuflîon , le flenionat»
La Loi de Moïle & celîe de Jeâis^
Chrift (èmblent fake un devoir de
prêter gratuitement : au lieu de ne
voir dans ce précepte qu'un con&il
de Religion , qu'un devoir de cha^
rite feiternelTe , on en a £iit un prin*»
cipe de Légiflation ; fagns; (aire atten-
tion que le lien Cbcial confifte eflèn^
tieUement dan^ rechange des choks
^ dans la réciprocité des fervices»
De * li fes défenfes portées par nos
Loix 9 de prêter à intérêt , & même
de comprendre llntérct avec le prin-
cipal dans dts billets, yoyef art. u
du tit. 6 de r^donnance du com-
merce»
Cette manière dç procéder eft con-
traire aux intéf€ts du xorps focial :
€c n'eft jpas iur le plan de la charité
€85 3
fraternelle qu'on peut & flatter de
gouverner une Société nombreufe;
parce que , comme nous l'avons
déjà obfervé ^ le^ Loîx étant géné-
rales doivent convenir à la multî-
tude; & que ce feroit exiger au-delà
du poffible, que défaire à la multitude
un devoir de la perfeâion. Il faut
compter beaucoup > pour ne fe point
méprendre fur l'influence de Fintérêt
perfonnel ; & Ton fera des Loix
vraiment utiles , & dont Fexécutîon
fera fure, toutes les fois que Toa
pourra concilier fintérêt perfonnel
avec l'intérêt public. Il eft de Tinté*
rêt public que Fargent circule, parce
que cette circulation anime & vivi-
fie toutes les. branches du Com-
merce : il circulera plus aifément , fi
Ton permet à ceiix qui ont de gros
capitaux de les prêter i intérêts^ pour
en être rembourfés à des époques con-
venues} parce que dans ça bénéfiçç
D 6
* %
/
f
K.^^ •* %.
. t
fe ptftëûr tfoùvèra Pattraît dont îl-
a befoîn'pour mettre fon argent
hors de fes mains; ce qui n'exclura
point une manière de prêter plus
ûobîè de la piàrt dès aines géné*-
réufes. ' " - ^ ^ ' '
' Aînlî lé crime ' d'ufùre ne doit,
point confifter dans le prêt à întc-
fêts ; jmaîs en ce que ces intérêts
pôurroient excéder Ife tauk fixé p^r
le Prince : ca^ fi^ le Légiflàteur rie
doit point exiger de llromme en
^énérar qu*iï foît 'bîèfhïaifànt farii
alicùn intérêt peiïohnel / il ne doit
pas permettre ncfn-plù's que favidîté
mette à contribution îé befoîn , '&
que le prêteur tire de Ton argent ufl
intérêt ruineux pour rem^runtfeur :
sunfi la peine relative à'Fufin-o dôît
fe rcfteindre au cas où Tintérêt de
l'argent prêté excédé lé taux perinîs
parles Ordoilîiancesl& cette peîne^
xjlativeméht à. Tordre' fircîal , tibus
^- V «■«•«
"^^«
paroit dèvsoir être réprisAçe'pdP uni^
amende envarts le Koft > formitnt'ràù
makir le double du bénéfice. illigpH;
.tifllenrque l'ufutier le. propofoit ,d«^
feire.fu£ fasr.prétu^La riguew de no&
anciennes Loix (kr dette ^matiereed
excefS ve *& tikosr aucune propiortion
avec la nature du délit. L'Ordonnança
d'Orléans , art. 141 , prohibe les çon-
. ventions ufuraires & lès détours em-
ployés pour' les couvrir , fous^ peiner
de purtidôh corporelle ' & * de confif*
cation de: bîeiis;
Ce crime conCfte à s'emparer de
toute une nïârchandife' ou denrée ,
poîii' j mettre, ehfuite an prix exor-
bitant^ ; on fent par - là ' combien
il- bteffe l'intérêt public, L'Ordon-
nance de François ï*^', donnée à Vil-
lers^ - Gottérèts en -1559 ,' défend.;
arn ipi, les monopoles fous p^iM
C 8<î 5
de confifcatian de corps & de biens,
' La fcvérité fans doute eft encore
ici portée trop loin , ï moins que le
Monopole ne foit tellement combi-
né, quil afiame toute une Ville ou
toute une Province.
Nous croyons ^ comme dans rei--
pece précédente, que ce délit dans
les cas les plus ordinaires feroit fuf-
fifamment puni par une condamna-
tion d'amende envers le Roi , au
moins équivalente au douWé du bé--
néfice illégitime que le monopoleur
auroit fait , ou équivalente à celui
qu'il fe feroit propofé de faire,
S.IIL Delà Omcuffion.
La concuffion «ft le crime de FOf-
ficier public qui exige des préfens
pu de l'argent qui ne lui eft pas dû ;
c'eft encore la même peine de con-
fifcation de corps & de biens qui fe
trouve prononcée contre ce délit par
w ««.^
M»^
C 87 î
rOrdonnance de Moulins ^ art. 2 Jr
Dans ce cas, il convient de cook
damner le concuflionnaire à la refti ^
tution de ce qull a mal - à - propos
reçu 9 à une amende envers le Roî
formant le double de ce (^u'il aur»
reçu ^ & de le defiituer de ibo Office.
§.IV» Vu StMonat.
CeluHlà eft ftellionâtaîre qui vend
ou engage des immeubles qui ne
lui appartiennent pas , pour fé pro^
curer les deniers d'autrui ; ou qui
hypothèque comme francs & quittes
fes immeubles , quoiqu'ils jfoient gre-
vés de différentes charges.
Nos Loix , fi féveres dans une
multitude de cas y ne prononcent
point de peines contre ce crime;,
on ne le pouriuit même prefque
plus aujourd'hui que par la voie ci-
vile 9 & Ton fe contente d'ordonner
y
t 88 t
le fémbourfement de'la créance coh-*
; tf è le débiteur ^telliônâtatte , avec
contrainte par corps* - ^ •- »
' Indépendamment de- tette reftî^
tutîon, qui n^ concerne que la paiv
tîe iéfée > il faut, pour la répara -
tîon due à I -ordre public , ^unlr' et
délit par uoe amende envers le Roi ,
que le Juge arbitrera fuivant les far
cultes, du coupable 9 & pour laquelle
il fera retenu en prifon jufqu'à ce
qu'elle foit payée , ou jufqù*à ce que
le Roi juge à-propos de lui en 'faire
la remife , s'il eft dans rimpodibilité
du paiement.
On pourroit encore placer peut-
être au nombre des crimes punifla-
bles par des condamnations pécu-
niaires , le délit du dépofitaire des
deniers royaux, qui les emploie à un
autre ufage qu*à celui de leur defti-
nation^ foit parce qu il eft preffé pai^ .
ie befoin , (bit parce qu*il efperê
I 8p 3
pouvoir les rétablir par ,qucique$.
opérations dont il attend l'événe-
ment; La Déclaration du Roi du 5
Juin 1701 pronpnxre la peine de
mort contre ce crime ; mais Texcès
de Ta rîçueur en empêche Texéçu-
tion. Ne vaudrait -il pas mieux y
ftibfiîttter Unie peine ^hrs' douce .&
ftriâômemeht exigée ;^ ajouter à «la
dèftiturîôn de remploi i la condam- '
lYation d'une 'attende conïîdéràble,
Jufqu'au paiement de laquelle te dé-
fih^trafft garderoïfprifoiî ? * - '
sa ledépofitaire de deniôts royaux
s-étôitenfur avéc'f argent de fa câif-
fe^, il y aiïtbit crime de volî ilfe-
ioit purtiflabfë' par ' lès *èotïdanina-
tîons' dont'ori va parler; " •*
^m^i
* i
« , .• *
-> ^-
.1 1
"'^
CHAPITREV-
Dei délits qt^U cornaient de punir pat
la condamnation aux travaux pu-^
blics j & par la confifiationf
V>ES délits font ceux de vol ou
équîpollens au vol : délits produits ^
ibit pat te befoin qui naît d'une oi-'
ûvèté volontaire , foit par Tappât
d'un profit illégitime } & fous run
& l'autre point de vue , le rapport
de la peine avec le crime eft établi.
Si le vol ou Taâe équivalent à
pour caufe ToiCveté » ta peide l4
plus oppofée à la nature de ce vice
efl celle fans doute des travaux les
p!us fatigans»^
Si le vol ou Taâe équivalent a
pour caufe 4a cupidité du bien d'au-
trui , il faut que celui qui en eft
coupable foit privé non -feulement
" . /
^91 5
de tout ce qu'il poflède , maïs même
dû falaîre attaché aux travaux les
plus pénibles.
Nous aflîmilerons au vol la ban-
queroute frauduteufe : ce crime n'eft
preique jamais puni parmi nous.
Un intrigant monte une maifon
de commerce - conGdérable ; quand
il a attiré dans fes mains l'argent
ou les marchandifès de Ces corref^
pondans ,11 fait fon partage & prend
la plus giofle part : il appelle en-
fuite fes créanciers pour leur dire
qu'il eft ruiné ; il ne leur abandonne
que ce qu'il croit indifpenfable pour
les faire entrer dans fes vues. Ces
créanciers craignant dj^ tout perdra
par les frais qu'entraînent tes pour-
fuîtes judiciaires , forment un corps
de direétion ; & (buvent l'intrigant
poufle l'art au point de fe faire va^
t 9^ 3
lôir comme nécefliite , fous pré-*
texte que lui feul peut leur facî^
liter les recouvremens modiques qu*il
leur abandonne. .Q\iîind fa décharge
eft une fois acquife, ou quand fes
affaires font terminées , il jouît (ans
fcrupule &i Taris gcne , aflez publi-
quement, tfun'e aîfancerou d'une for-
tune qu'ikne doit qu'à la "'fraude*
Heureux encore fes- créanciers ; s^il
h'infulte pas , par fon fafte V^' 1*
mifere à laquelle il Jes réduite "'*
Pour arrêtet le cours d*ûn |)ar«i
fcandale & mettre la Juftke^pltis à
portée de le Réprimer, H convren-
droit qu'un débiteur en faillite ne
pût faire aucun arrangement avec fe$
créanciers fans le concours du Mî-
niftere public , & que l'Officier , re-
vêtu de ce caraâere -, rendît plainte
contre tout failli' ou: bànqtierouticr
qui feroit hors tf état de juftîfier cjes
pertes par" lui faites, 8: des* cairfes
£ 93 3
Jraifoimables qulauroientpi^le mejttre
d^s rimpqilibUUé de. fatkfaire . à fes
Wg^goniçnç, La crainte d'une, pa-
i:eillfi.reçherche ^ qu'on élude fi aifé-
ment aujourd'hui , forait .un . frein
felutair^ coatre uqe. firaudç. au$
monftrweufe ;• & iî Ja peine de mort
90u^ , parçut trop févete p.our; un
délit d^ ce genre,» le banqueroutier
frauduleux peut être juftement çoxir
daroaé , foit-pour.uçi.rtea^ps , foît
à perpi^tuité 3|. au^îç trayaux . pubUc5.,
fulyaqt Içs clrçpnftançes qui peuvent
aggraver plus ,ou jcnoinç^fon dçlité,
§. IL
: , .Quant ^u^ypl. propi:ç.irî«nt..dît,
nous en diftinguerpas ,,de ^plufieurs
forte? ^ le .vol dans If^s çaaifpns p2ur
UJî ; itrangipr & fans ef&aâion ; le
yol avec effraâion ; le yol doipefti-
^q^Vie. ; le yol dans. Içs rugs & ^r
4fs^gran4s-çhemins, ,
.s »< * -« t
, -^ -"^ Vjk ^ *"
Le vol commis dans les maifons
par un étranger , & fans effiraâîon ,
peut être (uffifamment puni par une
condamnation de quelques années
aux travaux publies ; & fi c*eft une
femme qui Ta conunis , par fa ré-
dufion dans une içaKbn de force.
Mais , pour les autres e/peces
de vols, il faut une peine plus rigou-
reufe.
La févérîté des peines propres à
prévenir le danger, doit s'accroître
en proportion de ce que la pru-
dence de rhomme auroit moins de
pouvoir pour s'en garantir : car, s'il
s'agit d'une forte de torts dont je
puiflè me préfervi^ par qudques pré-
cautions , le corps ïbcial fera moins
inquiet ; il pourra même me repro-
cher quelque tiégligence ; il exigera ,
dans ce cas , une peine moins fé-
vere contre celui qui aura profité
de ma faute : ' ce principe , puifé
-— —
âfiaa
dans la nature des choies , peutfervir
de guide pour les diftérens degrés
de peines que méritent les délits »
chacun dans leur genre»
Ceci pofé» le vol fans e&aâton,
conimis dans les maifons par un
étranger , eft d'une conféquence
moins dangereufe que les autres es-
pèces de vols ; car je fuis juiqu'à
un -certain pobt le maître de ne
recevoir , dans mon intérieur , que
des peHbnnes . dont la réputation
m'annonce l'honnêteté ; )e fiiis au
moins le maître » quelques perfonnes
que je fois obligé de recevoir » de
ne point laiOèr à portée de mams
iiifpeâes, des effets, bijoux ou de-
niers qui peuvent difparoître en un
inftant : mais il n'en eft pas de
même ni du vol domeftique , ni du
vol avec efiraâion ou avec de fauflès
clefs , ni du vol fur les grands-che-
mins ou dans les rues* Je fuis obligé
1
de me fier à mon domeftique- ; ■. je
prends toutes^ les précautions de^la
.prudence quand je renferme «(bus- la
clef ce qui m'appartient ; je fuis né-
celEté pour mesal&ires , ou- pour
les communications que comporte
Tétat focial , d'aUer^lans les ru^^^ de
voyager (ur les grands^çhemios.
Il faut donc placer ces trois efr
ipeces de délits fur la même ligne ,
le vol domeftîque , le vol avec eflfrac-
>tioa-, le vol* fur les grand$-chemin$
iL dans les. rues. L'ordre public eft .
dans le cas d'en éprouver les mêmes
inquiétudes fans avoir de nég%ence
à reprocher à la partie .léfée : ces
trois eipeces de délits, paiyoiilent de-
voir être punies par la condamna-
tion aux travaux publics à peipé*
t^ité(i).
mu
( I ) II faut excepter néanmoins les vols
iojninis à onaia armée ou avec . initriunenu
s. III.
4
T-"^
i
Cp7 3
§. IIL
A côté des efpeces de vol dont
nous venons d'établir la peine , nous
croyons devoir placer les difFérens
crimes de faux, qui oiit.-pour objet
oïl d'exiger d'autrui ce qui n'eft
point dû , ou de le tromper par
de fauflès valeurs, Diftinguoits ici
le faux commis hors des fondions
publiques , d'avec le faux commis
dans f exercice de pareilles fonc-
tions.
Le faux commis liors des fonc-
tions publiques , eft moins grave ;
il doit être puni avec moins de
févérîté ; je pou vois me difpenfec
de traiter avec cet intrigant qui m'a
donné de fauiTes lettres de change:
de meurtre, qui inériomc aoe condamaatloa
plus févere, Se dont il feia queftion dans un
4BioiDent«
. ■ ■ E
i
Çp8 3|.
mais comment puis - je me pré -
ferver d'un faux de. la part d'un
Officiçr public ? Je fuis obligé , par
le5 formes établies , d'employer fon
miniftere dans une multitude de
cas : c'çft un Officier public qui
reçoit mes ades ; c'eft un Officier
public qui juge & prononce fur
mes intérêts ; c'eft dans l'exadi-
tude rigoureufe d'un pareil miniftere
que réfide , en grande partie , la
tranquilité publique. L'ordre focial
eft donc fondé à réclamer des peines^
féveres contre des délits qui le com-
promettçnt auffi effentîellement ; 8c
fi la peine de mort , prononcée par .
nos Loiy , paroît trop rigoureufe ,,
& eft par cela même rarçniçnt infli-
gée , on peut y fubftituer la çon^,
damnation' aux travaux publics à
perpétuité.
§. IV.
La même peine doit être infligée
■♦••r.
J
€ 5^P 3.
pour une autre nature de faux; con-
tre rOuvrier qui jfe fert de faux
poinçons dans les ouvrages d'orfè-
vrerie d'or & d'argent , & contre
les fabricateurs de fauflè monnôie ;
parce qu'en donnant de fauflès va-
leurs pour de véritables , 8c trom-
pant ainfî la foi publique , leur crime
doit être au -moins àffimilé à celui
du vol.
Obfervons que , dans tous lès cas
où la condamnation aux travaux
publics aura lieu , foie à temps , foie
à peirpétuité , Jbi peine dé-çônfifcation
doit être également prononcée : fa--
voir , la confiication des revenus pouc
le temps que doit durer la peines
fi elle eft à temps ; & la confifca-
tioti des fonds , de la manière expli-^
quée au Chapitre XUI de notre Prc:-
miere Partie , fi la pebe ett à pei^»
pétuité.
r
■
I
I CHAPITRE VI.
' Des délits qu'il conyient de réprimer^
^ principalement par les humiliations &
> le déshonneur.
t C^ E S délits font ceux qui ont pour
[ principe la vaine gloire & le faux
honneur : ici fe placent les crimes
' de duel, fous leurs formes diffé-
i rentes.
Les peines portées par TEdit de
[ 1679 font de la phis grande févé^
rite. Il prononce la peine de mort
f contre les duelliftes , lors même que
; ce crime n'a point été accompagné
d'homicide , & la confifcation de leurs
biens. Si l'un des deux eft tué.^ le
procès doit être fait à fa mémoire*
Si un Roturier a provoqué un Gen-
tilhomme , par le fait feul de la
provocation , il doit être pendu.
Ceux qui auront porté le billet de
provocation doivent être fouettés
Ql marqués pour la première fois,
envoyés aux galères pour la fé-
conde. Les fpeâateurs du combat
doivent être privés pour toujours
de leurs charges , dignités & pen*^
fions ; & s'ils n'en ont pas, on doit
prononcer contre eux^ ou la con-
fifcation , ou l'amende du quart de
leurs biens<
Cette Loi formidable eft vivement
combattue par un préjugé cruel , qui
Veut que l'Homme d'honneur, le Gen-
tilhomme , le Militaire fur - tout ,
lavent leur offehfe dans le fang de
leur ennemi.
Qu'il nous foit permis de faire
fentîr i"* les inconvéniens de la Loi
dans fa rigueur éxceffive.
2^. De combattre le préjugé par
fon abfurdité même.
V 3*", De propofer une réparatiorf
£5
C 102 3
^diciaire tellement fatisfaifante ,
qu'elle difpenfe TofFenfé de recourir
aux armes pour venger fon injure.
4**. D'indiquer des peines réjMri-
mantes moins cruelles , mais plus
efficaces.
s. I"-
Le premier inconvénient de la'
Loi 5 c'eft qu'elle eft en contradidion
avec l'opinion publique.
L aflaflinat eft le crime d'un lâche ,
qui prend fes avantages & tue fans
rifques pour lui - même : il mérite
par conféquent de mourir dans un
fupplice ignominieux , & la peine
prononcée par la Loi eft. toujours
concordante avec l'opinion publique
îur ce point. Mais on eft loin de.
regarder comme lâche ou infâme un
Citoyen, qui, trop fier pour fouffrir
une offenfe , trop prompt pour atten-
^e une juftice lente des Tribunaux,
i^^^riK^
t 103 '31
trop brave pour crayidire le danger ^
appelle fon adverfalre au combat
avec des armes égales, & lui porte
la mort en courant les rifques de
la recevoir; il répugne donc à Topi-
nion publique , qu'un tel coupable
foit puni du même gente de fupplicô
que le lâche aflaffin*
a"". Noui âvon^ pofé cpmme prîn-»
cipe général, que la peine la plus
contraire à Taffedion yicieufe qui
a produit le délit, étoit ftécefïairc-
ment la plus réprimante '& la plus
efficace : or , peut'^n dire que la
peine de mort foit véritablement
réprimante pour des gens dont 1»
délit confifte à fe jouer de leur pro-
pre vie & de celle d'au trui ? Si Thom-
me, pour qui la vie foroit un far-
deau péniblç , étoit furpris & arrêté
dans fes deffeins au moment où il
voudroit trancher fes jours , qu'on le
jugeât & qu'on le condamnât à la
^ E 4
^
t 104 3
mort , ne d«-oit-il pas au Bourreau:
Je vcus remercie de la peine que vous
mévitei , & du bon officc^ fut vout
dU^ me rendre?
f. Non- feulement la rigueur dit
k Loi n'a point eu l'effet d'empê-
cher les duels , mais eUe a produit
de très-grands inconvéniens. Avant
cette Loi, les duelliftes étoient dans
Vufage de fe faire accompagner au
combat j&leur vaine gloire aimoit à
fe procurer ies témoins de leur va-
leur: mais depuis les peines féveres
prononcées contre les afliftants , les
duelliftes combattent feuls, & même
dans le plus grand fecret. Il n'eft:
pas rare que de ces deux combattans
l'un foit plus brave & plus noble
que l'autre : mais te moins brave ,
eft fouvent le plus dangereux ; car,
s'il accepte le combat pour confer-
ver fon honneur , U prendra fe»
avantages pour conferver fa vie en
*i
o
donnant la mort à fon adverfaîre ^ '
& il pourra prétendre encore qu il
s'eft généreufement battu , car le
mort ne le contredira pas.
La Loi des duelis , telle qu^elle
exifte aujourd'hui , préfente donc^
dès incoQvéniens feniibles. Il eft à
défirer qu*on la modifie. L'opinion
for le point d'honneur, qui porte
au duel , eft abfurde ; il faut la
détruire.
§. IL
Ceft une pofîtion étrange , dans
les mœurs aâuelles , que celle d'un'
galant homme , d'un Noble où d^un
Militaire qui a reçu une ofTenfe s à
qui la Loi défend de fe battre fous
peine de mort , & à qui le préjugé
ordonne de fe battre (bus peine de
déshonneur ; à qui le& Tribunaux
ofirent une réparation fans aucun
rifque pour lui , & à qui le préjugé
Es
T - - - —. ^
commande de ife faire juftîce à lui-
même au péril de fa vie !
Ce préjugé tient-il donc aux vé-
ritables principes de Thonneur, ou
ne s'agit-il que d*un préjugé abfuixie
& d'un ufage barbare^
ce Cpt ufage , dit l'Auteur 4c
l'Efprit des Loix , tom. 3 , p. \^^
3> nous vient de la barbarie de nos
^? pères ; de ces temps où la Juftice
»> humaine , fans principe & fans
w guide , foumettoit à Dieu la déci-
n {ion des conteftations qu'elle étoit
» incapable de terminer , & croyoit
3» que la déciiion devoit dépendre
3> de l'événement d*un combat dans
3> lequel l'Auteur de toute Juftice
» devoit faire triompher l'innocent ,
» comme fi le Créateur devoit pro-^
^> duire un miracle pour fuppléer à
» rimpéritie du Juge m.
Mais fommes-nous donc encore
dans ces temps d'épaiffes ténèbres i
_ C 107 3
les principes de Tordre focial ne (ont-
ils pas connus ? pouvons-nous encore
ignorer que tout homme, régi par
des Loix , a remis à la Puiilknce
publique Je droit de le juger; que
fe faire juftice à foi-même , c'eft en-
treprendre fur les prérogatives de
cette Puiflànce , & troubler TEtat ?
Si un Citoyen, de quelque condi-
tion qu'il foit , reçoit une offenfe,
les Tribunaux ne font-ils pas ouverts
à f^ réclamation ? n'avons-nous pas
des Magiftrats dignes de la vénéra-
tion publique , & qui font armés
du glaive de la Loi pour venger
les torts qui nous font faits ?
Pourquoi , dans TOrdre militaire
fur-tout, femble-t-on accréditer un
préjugé aufS dangereux ? pourquoi
tel Officier, brave d'ailleurs , eft-il
fourdement , mais fignificativement
néanmoins , menace de fe vbîr priver
de fon emploi , s'il refufe de fe battre
E 6
€ io8 5
en duel ? feroit-ce donc que l'Ordre"
militaire formeroit une clailè de Ci-
toyens à laquelle nos Loix feroient
étrangères y & qu'il feroit au-deflbus
de lui de s'adreilèr aux Tribunaux i
Mais fi en matière d'ofFenfe perfon-
nelle , un Militaire eft en droit de
fe faire juftice, pourquoi n'étendroit-
il pas cette faculté aux intérêts de
fa fortune ? pourquoi ne diroit-il pas
au Seigneur de fon voifinage : Votre
château & votre ttrre font à moi ^ je
reux vous le prouver les armes à la
main}
Penferoit-on que cet ufage des
combats finguliers feroit néceflàire
pour entretenir l'intrépidité du cou-
rage & le mépris de- la mort; &
qu'une multitude , aînfi difpofée >
feroit plus formidable à Tennemi ?
Mais qu^a de commun ce genre
d'efcrîme obfcur avec ces adions
d'éclat dans lefquelles la Noblefiè
£ 109 J
Françolfe a tant de fois donné des
preuves de la plus haute valeur?
Mais les Romains , ces Conquérans
du monde ; les Carthaginois , pendant
long-temps leurs fiers rivaux ; les
Lacédémoniens , cette Nation créée
pour la guerre par les principes
fondamentaux de Ton établiiTement ,
connurent-ils l'ufage dès duels ? Ly-
curgue 5 Légiflateur de ces derniers ,
leur fit - il un devoir de venger
leur offenfe par les. armes & par le
fang? Cependant les âmes de ces
Guerriets étoient grandes ; mais leurs
intérêts particuliers fe concentroient
dans rintérét de la Patrie , dont il
falloit défendre les pofleilîons ou
étendre la gloire. • • • Jeunes Mili^
taires , qui oubliez que votre fang
eft confacré à TEtat, qui ne craignez
pas de le répandre pour un gefte , .
pour une parole , entendez Thémif-
tocle . la veille d'une bataille . l II
foutîent avec fermenté , contre Tavis
d'Euribiade ^ que , pour aflurer la
vidoire, il faut livrer le dombat dans
le détroit de Salamine ; Euribiadè ^
irrité de la réfiftance , levé la canne
' fur lui avec un gefte oflenfant &
des paroles menaçantes : Frappe ^ dit
Thcmiftocle, mais écoute. Ce fang-
froid fublime enchaîne la pétulance ;;
Thémiftocle eft écouté , fon conseil
eft fiiivi , & la Grèce eft fauvée.
Nos mœurs , dit-on , ne font pas
celles des Romains ^ ni des Grecs ;
un Militaire , un Gentilhomme , qui
refufe de fe battre , eft fufpedé de
lâcheté par cela même ; on imagine
qu*il craint le danger: cette opinion
le dégrade, & le rend par conféquent
indigne de fervir le Roi.
Mais fi un infenfé, jaloux de mon- •
txer fon intrépidité , porte à 1^ mienne
le défi de me précipiter avec lui du
haut d'une tour , dois-je donc paffer
pour un lâche ^ en me refufant à'
cette extravagance ? La raifon me
permet-elle d'expofer ma vie, quand
ma mort eft contraire à Tintérêt de
r£tat , à celui de ma famille , au
mien propre ? Pourquoi compro-
mettre auflî légèrement fon exis-
tence, vis-à-vis d'un fpadaffin que
quelquefois on rougiroit d'avoir pour
ami ? Accufons de lâcheté , dé-
vouons au mépris public , le Guer-
rier qui fuiroit devant Tennemi :
mais pouvons - nous trop honorer
celui qui , rendu à l'intérieur de
(eiS foyers , après avoir fignalé fon
courage fur la frontière ou fur nos
vàiflèaux, dépofe les armes devant
la Loi , & juftifie, par fa conduite ,
fon reipeâ pour elle? Les Romains
mettoient leur fang à trop haut prix
pour lef répandre dans des querelles
particulières ; mais ils avoient des
«fclayes qui > dans Taréne , fe dou^^
. ■>
tlî2 3
0olent la mort avec grâce & avec
adreilè pour égayer la férocité de
leurs maîtres. En France & dans le
fiecle des lumières , le Public mai-
trifera-t-il par un préjugé barbare,
nos plus nobles Citoyens ? en fera^
til des gladiateurs ferviles, pour
amufer Tes loifirs?
Noii ; ce font de dignes Cheva-
liers , répondent les Partifans de ces
ufages^ & non pas des éfclaves. Ils
n'abufent point de la viâoire ; ils
réunifient le courage à la généro^
fité. . • t'* A la généroGté, dites-
vous ? • • . Mais ces raffinement
d'attention après le combat vis-à-
vis de celui que vous avez bleflfé,
cet air d'intérêt avec lequel vous
envoyez fkvoir de fes nouvelles ,
font-ils bien finceres ? Quoi ! vous
le traitez en ami, parce que vous
n'avez pu lui donner la mort ! vous
voulez qu'il vous fâcha gté de vos-
J
foins , quand fon fang coule par vos
coups ! Le. Cannibale ^ qui mange
rennemi qu'il a vaincu, met au-
moins , dans fa férocité, delà fran-
chi fe. Il étoit donc réfervé à l'homme
civilifé , d'être cruel & faux tout-
à-Ia-fois , & d'allier un coeur bar-
bare avec les dehors de Turbanité.
Nous ofons penfer, pour l'honneur
de nos mœurs , qu'un préjugé auffî
révoltant ne tient plus qu'à peu de
chofe. Que celui de nos Guerriers ,
qui fe fera le mieux «montré devant
l'ennemi , & qui , dans ifn moment
de vivacité , aura eu le malheur
d'offenfer fon égal , ait aflèz Ae
grandeur pour avouer ff^s torts , pout
en faire volontairement réparation ,
& pour refufer le combat s'il y eft
provoqué ; on ne fufpeâera point
fon motif. Que le Prince , par une
conduite concordante avec fa vo-
onté légale , honore , dans ce gé-
3C "4 3
fiéreux Militaire fon" dévouement à
la Loi , & la révolution ett faite.
L'homflie qui ne marque pas , pourra
s'autorifet de l'exemple de Thomme
qui marque ; il ne fera point fufped
de lâcheté pour avoir refufé le com-
bat , quand la valeur même recon-
nue , honorée , aura craint de fe
compromettre en Tacceptant.
§. III.
II y a plus de griandeur à recon-
poître volontairement tes torts qua
les fou tenir les armes à la main;
hs fatisfadions de cette première
efpece feront par conféquent tou-
jotîTS rares : il faut donc , pour Tin-
térêt de Thonneur, aflurer à Tof-
feftfé, dans les Tribunaux., une répa-
ration telle qu elle puiffe lui enlever
le deCr de fe faire juftice à lui-
même*
€ "T 3
Si un Roturier (i) s'efl: rendu
coupable d'un propos injurieux vis-
à-vis d*un Noble , qu il foit tenu
de venir en perfonne lui faire
excufe , & réparation d'honneur
à l'Audience publique , dont il
fera donné aâe par Jugement à
Toffènfé ; finon , condamné en une
amende envers le Roi , équivalente *
à deux années de fon revenu.
Si c'eft le Noble qui a fait injure
au Roturier, qu'il foit condamné à
fe tranfporter chez le Notaire que
celui-ci lui indiquera par fommation ;
pour , en préfence de ce Notaire &
des témoins , être drefle procès-
verbal de la réparation , dont il
reftera minute ; & à défaut de le
( 1 ) Nous entendons ici un homme qui
occupe dans la Société une place honnête y
& i qui Tufage des armes n'cft point étran-
ger.
\
C "<5 j
faire 9 qu'il (bit condamné à tme
amende à l'arbitrage du Juge.
SiTofienfeur &ro£renfé font de con-
dition égale, que Tôffenfeur foit tenu
de faire réparation chez telle perfonne,
& en préfence de telles autres que
roffenfé jugera à propos de choiiir,
dont il fera également drefle procès^
verbal devant Notaires; (inon , Ta-
mende d'une année de revenu décla-
rée encourue au proBt du Roi pour
déTobéiflànce à Juftice.
S*il y a eu un foufflet, que la répara-
tion foit faite à genoux; & à dé-
faut de la faire , que J'offenfeur
foit condamné à une amende plus
forte , & même à quelque temps
de prifon fuivant les circonftances ;
que dans tous les cas il foit permis
d'imprimer & rendre publique la
Sentence qui prononcera la çoa-
damnation.
UoflfenTe fe fait-elle entre Mili-
€"7
taîres en Garnifon , ou entre Mili-
taires en exercice fous Tinfpedion
de leurs Supérieurs? qu'il foit en-
joint au Militaire ofFenfé par fon
égal , d'ordonner de la part du Roi
les arrêts à fon agreffeur : une in-
jonftîon pareille préfente d'abord
un caradere de dignité & de gran-
deur 5 bien propre à faire difparoître
les humiliations de rofFenfé. Que
Tofienfeur foit tenu de faire répara-
tion à TofFenfé devant leurs, Supé-
rieurs 9 & qu'à défaut de la faire ,
il foit caffé. Si l'offenfe eft faite à un
Officier fupérieur, que l'offenfeur,
indépendamment de la perte de
fon grade ^ foit condamné à la prifon
pendant un teitips , fauf à être par
la fuite remplacé dan^ an autre corps,
31*11 prouve , par une conduite plus
mefurée , qu*il «ft digne de cette
grace«
- L'offenfe provoqucroit-îl le da«l
€"83.
pour fe faire juftice à lui-même ?
non -feulement , & par le feul fait
de cette provocation , il ne pourra
plus prétendre à aucune réparation ;
mais même il doit être privé de
(on emploi ainfi que roffenfeiir.
s. IV.
Si 9 malgré fabfurdité démontrée
du préjugé , & la réparation aflurée
f à Toffenfé , quelques hommes por-
toient encore le fanatifme de la
vaine gloire & du faux honneur ,
jufqu'au point de vouloir terminer
leurs querelles particulières par l'évé-
nement dHm combat (ingulier ; alors ,
/ c'eft principalement par le déshon-
neur des coupables qu'un pareil
délit doit être réprimé.
Pour déterminer l'application de
la peine avec fes acceflbires , nous
diftinguerons le cas où le duel au^
rolt eu lieu par 4a provocation de
/
(
^ C 119 3 .-^
Toffenfé , d*avec le cas où fauteur
de rofifenfe eft en joiéme temps le
provoquant.
Premier Cas.
Quand c'eft l'ofiênfé qui a pro-
voqué le combat accepté par Tof-
fipnfeur , il faut regardçr TofFenfeur
& Yotknfé comme étant également
coupables de duel : roffenfé , puifqu'il
Ta provoqué iToffenfeur, parce qu'il
a donné lieu à là provocation , &
qu'il a accepté le combat ; ils doi^
vent être par conféquent puQi$ de$
ipêmes peines.
' Sont-ik Nobles? ils doivent être
tous les deux dégradés de nobleflè :
& deftitués de leurs dignités Se de
leurs emplois à perpétuité , avec
défenfes de porter les armes. Le
Prince doit rejetter des ferviteurs:
qui proftituént ainfî leur courage «
au lieu de le réferver pow fk dé-:
/
<
^
t 120 5 ^
fcnfe & pour fa gloire. Sont^îls
' Roturiers? la même deftitution &c
les mêmes défenfes doivent avoir
lieu ; Us doivent être de plus dé-
# clarés incapables de fervir le Roi,
foit à la guerre 9 foit dans de$ Offices
publics , de quelque nature que
ce foit. L'un des deux duelliftes
eft-il Noble, & l'autre Rotu-
rier? il n'y aura rien à changer
aux peines ci-deflfus : le Noble qui
accepte le combat propofé par le
Roturier , ou qui l'a provoqué lui-
même , % compromis fa nobleflè;
il faut le placer fur la même ligne
que fon adverfaire , relativement '
aux peines encourues. Le combat
a-t*;^! été fuivi de mort ? point d'in-
demmte CLontre Thomicide pour les
pïurens ou erifans de Thomicidéj il
a bien voulu courir les rifqués de
fa vie : point de condamnation dV
mende à titre d'indemnité pour
rÊtatî
C I2Ï 3
l'Etat ; la perte tfun pareil Sujet
eft trop modique- : mais riiomicide.,
indépendamment des peines ci-deflus
énoncées ;, gardera prifon pendant un
temps , pour empêcher que quelque
parent de Thomicidé ne cherche à
venger fa mort par un même genre
de combat.
Second Cas.
L'auteur de TofFenfe eft -il en
même temps celui qui a plrovoqué le
duel en menaçant fon ennemi de lui
faire un mauvais fort , s*il refufoit de
fe battre ? le provoquant alors eft
feul coupable ; car fes excès ont
placé fon , adverfaire dans l'état de
nature , & Tont ^réduit à la néceffité
d'ufer de fa force & de fon adreflè
pour défendre fes jours; le provo-
quant fera donc feul puni. Si le
combat n'a point été à mort , que
ic provoquant , comme il eft dit c^
Seflus , foit 4égradé de Nobleflê ,
s'il eft Noble j qu'il foit déclaré in-
capable de fervir le Roi dans aucuns
emplois ou offices , s'il eft Roturier ;
& comme le crime de ce provoquant
eft plus grave que dans la première
efpece , que (on épée foit caflee par
le Bourreau , avec défenfes à lui dç
jamais porter les armes ; qu'il foit
de plus , tenu de garder prifon pen-
dant quelques années,
Le'provoqué contraint de fe bkU
trè a-t-il été tué ? que le provoquant
alors foit encore condamné à une
amende envers le Roi., équivalente
au quart de fon bien , pour l'avoir
privé d'un de fis Sujets ; à une in-
demnité d'un pareil quart au profit
de la famille dç l'bomicidé , & 9
un temps de prifpn beaucoup plu$
long.
Eft-ce au contraire le provoquant
que l'événement du cpmbat a p\in\?
-•« >
îl a reçu le châtiment qu'il méri-
toit ; & le provoqué , comme nous
l'avons déjà dit , n'ayant donné la
mort que pour défendre fa vie , doit
être affrancW de toute peine ; il,
jouira même fans aucune ahération
de l'eftime des gens de bien.
Cette manière de procéder , qui
rejette fur J'ofTenfeur & fur le pro-
voquant tout le poids de la peine,
& qui réprime le délit par la nature
djs châtiment^ la plus contraire à fou.
principe 9 nous paroît plus efScSice
que ces peines fanguinaires , & pref-
que toujours éludées , portées par
la Loi de Louis XIV ; & G elle eft
adoptée & maintenue par^ le Légif-
lateur , il y a lieu de croire enfin
. qu'elle fera ceflèr un ufage , dont la
barbarie dégrade un Cecle, qu'on
pourroit appèller fans cela celui deâ
kimieres & de la rai(bn.
ry
t-
C "4 3
CHAPITRE VIL
Des délits qui ioivent être pimis
dç mort. ■' ■
X^ o u s avon$ déjà dît & prouvé
dans notre première Partie que les
a,ttentats de guet^à-penç doivent être '
punis de mort.
Mais il fe préfente ici quatre dif^
ficultés importantes qu'il faut fé-
foudre, v '
I*. Celui qui a machiné un aflaf--
Hnat, & qui a été empêché de le com*
mettre, doit-il être puni de mort ?
a*^. Le faux ténioignage , qui a eu
pour objet de faire condamner un
innocent au dernier fupplice ^ doit - il
être puni de mort \
3^t Le genre de condamnation
^uç Ton prononce à focçafion du
rv
(fuîcîdc , doit - il être conservé }
4^ La Loi concernant Tinfanti*
tîde ne doit-elle pas être modifiée^
§• I". Dé VAJfajjinat non confiinme\
Le Code Britannique , qui pencha
yers la tolérance , fe contente de pu-
nir cet attentat de la prifon. Le$
Jurifconfultes Anglois partent de ce
principe , que pour encourir la peine
il faut le concours de Tafte prohibe
par la Loi , & de la volonté de le
commettre : d'où ils infèrent que ti
volonté , quoique manifeftée , étant
demeurée faiis effet , il n y a pas lieu
à la peine ; & que d'ailleurs la So-
ciété n'éprouvant pas dans cette
circonftance la perte d'un Citoyen ,
elle n*a pas le droit d'exiger la jnori:
du coupable en réparation de Tat-
tentât.
C i2<5 3
On peut répandre que la peîné
de mort contre le meurtrier n'a pas
pour objet la réparation du meurtre}
par lui commis , puifque ce meurtre
eft, Irréparable ; mais que la rigUetu:
de cette peine eft juftifiée par le
danger que courroit Tordre focîal ,
Il de pareils attentats n*étQient pas
auflî févérement punis.
Ceci pofé , la difficulté rentre
dans cette queftîon : La Société
n'a-t-elle pas autant à craindre du
fcélérat qui n'a pu confommer fon
jiflàffinat, parce qu ila été furpris, que
du fcélérat qui Ta cqnfommé ^ parce
qu'il n'a point trouvé d'obftacle ? Si ,
comme on n'en peut douter , la So-
ciété eft également intéreflee à ef*
fiayer par la févérité du châtiment
ceux qui feroient capables de les
imiter ; fi le degré de perverfité
dans ces deux coupables eft abfolu-
ment le mieme , pourquoi n'y au*
\
V f
C 1^7 3 ^
i^oît-îl pas pareil degré de févérîté
dans la peine ( i ) ?
Par fuite de ce principe , nous
conclurons que la peine de mort
doit être prononcée contre tout
voleur à main armée , fbit dan^ les
rues , foit dans les grands chemins ,
foit dans les maifons , quoique le
vol n'ait point été accompagné d'ho-
micide ; parce que ces armes annon-
cent quen cas, de réfiftance Tatten-^
tat eût été commis. Nous penfons ,
à plus forte raifon , que quiconque
eft coupable de rébellion à Juftice à
main armée , doit être également
puni de mort ; nous croirions feule-
ment qu'il faut vdiftinguer le genre
du fupplice , réferver celui de la po^
(i) Xi'Ordoanance de 1^47, donnée par
Henri lia Saine Germain-en-Laie , punie
kl machination du crime d'afTaflinat comme
Taflaffinat lui-même.
F 4
\
^r
.-,
/■
Ç 128 3
tence aux attentats de ce genre qui
n*auroîent point été confommés ^ &
celui de là roue à raffaffinat & .au
meurtre eflfectués.
5. II. Du faux témoignage m
matière grave.
Deux faux témoins fe concertent
pour charger un accufé d'un crimO'
dont il n eft point coupable , & pour
laflaffiner avec le glaive dç la Juf-,
tice. Xeur complot fe découvre dans
rinftruâion : ces témoins doivent-ils
fixbir le fupplice qu'ils vouloient
.faire fubir à l'innocent ?
Le faux témoin dans ce genre
cft plus coupable fans doute que le
fcélérat^ui afTaffine fur les grands-
chemins ; parce que celui qui eft
attaqué de la forte peut quelquefois
repouflèr la force par la force j au
lieu que l'accjufé n'a fpuvent qu'une
dénégation impuiflànte à oppofer
"•W"^"
€ i2p 3
aiu faux témoignage. Ce* crime eft
un attentat dired contre Dieu, au
nom duquel le faux témoin jure de
dire la vérité ; contre ia-Jùftice, à
iaqiuelie il teqd le piège le plus dan-
gereux ; contre la Société, qu'il veut
priver d'un Citoyen honnête.
Chez les Romains, fuivant la Loi
Cornelia de Sicariis , ce crime étoit
puni de mort ; parmi nous , l'Or-
donnance de 15*5 1 prononce pa-
reille peine , Hiane dans des cir*
confiances moin^ graves. • L'Edit de
j68o laiflè , à la vérité , à l'arbitrage
du Juge la condamnation qui 4oit
être prononcée contre ceux qui corn*
mettent le faux hors d'une fonâiori
pubUilue ; mais plufieurs Arrêts de-^
puis ont condamné un faux' témoin à
inort , quand fa dépoCtion tendoît ï
faire périr Taccufie.
Cette, peine eft celle du- talion ,
& rien ne paraît plus jufte.
-^
Maïs FAnglois^ qui raîfonne pro^
fondement 9 fait encore une objec-
tion férieufe fur ce point. Suppo-
fons , dit - il , cette Loi du taKon
firiâement exécutée : quand celui
-qui a véritablement vu commettre
Taflàffinat pair tel individu fera ap-
pelle pour en dépofer , il fentira
qu'il va dépofer au péril de fa vie ;
il craindra que Taccufé, qui a grand
intérêt de faire tomber fa dépofi-
tipn^ ne pratique des témoins dont il
fe fervira pour la faire rejetteir comme
faufle, & pour le faire punir comme
calomniateur ; dans cette inquié-
tude il aimera inîeux garder le fi-
lence fur ce qu!il aura vu , que
d'ofer ainfî fe commettre. Tel eft le
motif qui 9 dans la Légiflation An-
gloife» a fait rejetter la peine de
mort contre le faux témoin , même
dans la matière la plus grave , pour
y fubftituer la prifon»
Mais un pareil motif ne par<^t
u
C i3\ 5
pas devoir nous arrêter. Un témoin
qui a la vérité pour objet , doit
bien moins appréhender la peinç
attachée à la perfidie du faux té-,
moîgnage, que le faux témoin lui-
même : car la fauilèté du témoignage
fuppofe prefque toujours la poilibi-
lité de la prouver ; au lieu qu'un té-
moignage véritable fe fortifie par le
concours de toutes les circonftançes
qui lui font relatives. Il n'eft donc pas
probable qu'un coupable de crime ca-
pital piiifle trouver de faux témoins
pour: faire tomber les preuves âc-
quifes contre lui , fur-tout fi la pein«
attachée au faux témoignage dans
cette matière eft la peine de mort.
Ajoutons que , pour convaincre un
témoin de faux témoignage , il ne
fuffit pas de lui en oppofer un qui
dépofe d'un fait inconciliable avec
le iien ; il en faut au - moins deux :
il en faudxoit par cOnféquent' au-
F 6
C 15» î
[uatre, pour faire tomber
■pofitions faites à la charge
jfé ; ce qui rend le iùccès
achination de la part de ce
pour aînfi dire , impoflîble.
ipoflibilité fera encore mieux
i'après les réformes que nous
ons bientôt fur notre genre
tion , & qui auront princi-
t pour objet d'aflurer la vé-
témoignages.
S. III. Vu Suicide.
ime doit -il regarder la vie
un préfent de Dieu, qu'il
1 de confecver, jufqu'à ce
ife à Dieu de le lui ravir ?
doit - il regarder fon corps
ine prifon gênante, dont il
ïratichir, de même que l'ef-
i rompt fa chaîne P II ne
avoir de doute fur cette
La vie eft un bienfait du
C î33 3
Ciel ; elle ne devient un mal que
pour les raéchans. Le Citoyen ap^
partient à l'Etat ; ayant droit aux
fecours de la Société , il ne peut
ians crime la priver, en fe donnant
la mort , de ceux dont il efl tenu
envers «elle.
Mais eftce à ThxJmme de punit
un pareil crime ? ce droit n'eft-^il pas
plutôt réfervé à la vengeance divi-
ne ? Les Nations les plus policées
n'ont pas été d'accord fur ce point.
La Loi d'Athènes puniflbit lé fuî-
cide, en coupant la main qui avoit
porté le coup mortel»
La Loi Romaine ne prononçoît
aucune peine : Si quis impatkntiâ do^
loris j aut zadio i/itœ y aux morbù , am
fwrorty aut pudore , mori mduit , noti
animadpertatur in eum ( i X
mmm
(i) Voyez le Digefte liv. 48 , tit. xt , &
fe Code liv. py tit. jo, du bonis eorum qui
mùrumjlhi confciverunu ^
)i Britannique le punit pai*
1 ignominieux du coqïs de
ur traverfé par un pieu ex-
un grand-chemin , & par
ation de fes biens: mais cette
lans une forte de défurftude.
!titutions de Sardaigne veu-
le procès foit fait à fa mé-
: qu'il foit pendu au gibet,
mce , fuivant les établifle*
S. Louis , ce délit empor-
ifcation de meubles : l'Or-
de 1^70 enjoint de faire
à la mémoire du défunt ;
Arrêts ont ordonné que les
d'homicides d'eux - mêmes
rainés fur la claie , conduits
le , & enfîiite pendus par
avec confîfcation de biens,
oi ni la Jurifprudence n'ont
ent eu- pour objet de punir
iement l'auteur de ce délit :
: peine. infliger à un cada-*
vre dénué de toute fenfibîlîté ! Là
peine frappe par confécjuent contre
la famille', contre les enfans du cou-
pable qu'elle couvre de déshonneur ,
& qu'elle ruine en leur enlevant des
biens que la Loi civile leur défé-
roit.
Le motif d*une condamnation pa- *
ireille eft fondé fiir cette préfomp-
tion, qu'un homme doit être détourné
an projet de fe donner la mort , par
la crainte de déshonorer & de ruiner
fa famille»
Mais cette confidération né peut
avoir l'efficacité qu'on lui fuppofe.
Si celui qui veut fe donner la mort
n'aime pas ks enfatis , il ne fera pas
arrêté par la crainte de leur pofter
préjudice» S'il aime fes enfans^ au
contraire , il ne fera point tenté dç
fe donner la mort : car il les aimera
en père ; il les aimera comme une
émanation de fon être s il confondrai
C ^6 3
leur e:îi(lence avec la Henné; Il nepout'
ra les aimer fans lui , ni lui fans eux»
Ajoutons qu'il eft injufte de vou-
loir alnfi répandre rignomlnle fur la
famille d'un tel coupable. Cette fa*
mille doit- elle être punie» pour un
délit qu'il n'a pas dépendu d'elle de
prévoir ni d'empcchcr?
Ce n'eft donc pas par de pareils
moyens qu'on peut efpérer - de
réprimer des crimes de ce genrc^
Quiconque ne craint point la mort
eft au-deflus de la Loi ; & lorfque
la rigueur de la Loi eft impuiflante ,
c'eft à la Religion d^ la fuppléer
par la douceur de la perfusifîon.
. S* IV, JDe T Infanticide»
La deftruiSîoh du fruit de la fé-
condité .de la part de l'animal qui l'a
mis au jour , eft fans exemple dans
toutes les efpêces inférieures à Thom-
-* "
C 157 1
me , & régies par Tunique Loi it
rinftinâ, La lionne, devenue mère,
n*a plus de férocité que pour défen*
dre fes lionceaux contre tout être
qui pourroit leur nuire. Il étoit donc,
réfervé à la perverfité humaine , de
donner Texemple d'un attentat con-
tre la Loi univerfelle de la Nature ,
& fupérieur à la férocité même. Ce
crime ne feroit pas concevable , fi
nos penchans naturels n'étoient fou-
vent contrariés par des règles de
conduite , qui ont pour objet de les
yeâifier; car l'avantage & l'inconvé-
nient font prefque toujours placés à
côté l'uni de l'autre 5 dans lesinftitu-
tions des hommes.
Une fille devenue mère par foi-
bieflè, devient quelquefois cruelle
par honneur. Elle fupprime le fruit
de fa foiblefle, pour ne point divul-
guer fa honte : les larmes que la Na-
ture lui arrache, & qtr*elle répand (ur
C.I38 3
Tenfant qu'elle fe croit forcée de de^
truîre, n'excufent point fon crime i
elle mérite d*être punie dé mort
fan^ doute , fi elle peut être con-
vaincue de fon forfait.
Mais fera-t-il permis d'infliger
une peine auflî rigoureufe^ fur une
Simple préfomption ? Suivant TEdic
de Henri II, toute fille qui n'aura
point fait déclamation de fa groflèf^.
fe, qui n'aura point pris de témoins
de fon accouchement , & qui ne fera
point en état de repréfenter fon en-
fant ou de juftifier qu'ail a reçu le*
baptême , doit être , par cela feul ,
préfumée avoir donné la mort à fon
enfant , & en conféq)ience condam-
née à perdre la vie.
N'eft-ce pas porter trop loin la
rigueur & expofer les Magiftrats , dé-
pofitaires du glaive , à cpmmettre
eux-mêmes un aflàflînat judiciaire ? Le^
Supplice d'une fille en pareille circonf-
A
tance excite toujours moins d'îndîgîîi-
tiort que de pitié : car* enfin la pré-
foinption , qui fait la bafe du juge-?
ment , n'exclut pas la poffibilité du
fait contraire. Cette fille a pu cachet .
fa groflèflè & fon accouchement pout
rintérêt unique de fon honneur ; &
fon enfant a pu périr avant que de
naître , ou dans Tinftant auquel il a
reçu le jour. Si cet enfant, eft mort
de la forte, faudra-t-il faire encore
périr fa malheureufe mère , comme
fi elleétoit coupable de cette mort?
Ne conviendroit - il pas , en pareille
circonftance , que le Miniftere public
ne pût requérir la peine , qu'en éta-
Wiflànt que Tenfant étoit né vivant ?
ou au - moins ne devroît-il pas être
permis à la fille, pour fa juftifica-
tiob , de prouver que Tenfant étoit
né mort ?
En Danemarck, en Suéde , en An-
gleterre , il exifte des Loix contre
1 1^ 3
fihfanticide , fondées fur la tnêmt
préfomption que celle de l'Edit de
Henri 1 1 : mais la Loi Angloife a *
été modifiée par le Statut zi de
Jacques P' , qui porte que fi une
mère a caché la mort de fon enfant
bâtard , elle doit prouver par un
témoin , que cet enfant eft mort-né ^
fînon quelle fera convaincue de
meurtre.
Ne devrions - nous pas adopter
cette modification ? & fi un feul té-
moin dans nos principes ne fuffit pas
pour former une preuve , au-moin$
doit-il en réfulter une préfomption
capable de balancer celle que TEdit
de Henri 1 1 fait réfulter du défaut
de déclaration de la fillfc ; & dan^
Fipcertitude que cette balance peut
préfenter , le parti le plus digne de
la Loi, n'eft-il pas de la faire penr
cher du côté de l'humanité ?
Au furplus y ce crime eft un de
ceux qu'il feroît plus tmportatic
peut-être d'empêcher que dç punir,
{bit en établiffant dans toutes les
Provinces des afyles sûrs où la foi->
blellê puitîè fe réfugier foUs la fauve^
garde du luyfïere; foit en défendant
rigoureufement de faire le plus léger
reproche à la fille devenue mère,
qui , en pleurant fur fa faute , aura
le courage d'allaiter & d'élever p>uv
bliquement fgn enfant.
C 142 3
CHAPITRE VIII.
Dt quelques délits qui feinblent exiger
dans la peihe des cardQeres diJiinSifs.
X^'OB J ET ide la Loi pénale, comme
nous Favons dit dans notre première
Par.tîe, n'eft pas de faire fouflSrirle
coupable , mais de faire une împref-
iîori profonde fur la multitude. Plus
un délit eft atroce , & plus il con-
vient d'étendre la terreur par l'ap-
pareil d'un fupplice plus impofant,
& avec des caraderes qui le diftin-
guent. Tels font les crimes de tra-
hifon privée/ ; tels fpnt ceux de
Fincendie ^ de l'empoifortnement ,
du parricide , du régicide , & le
crime de lefe-Majefté divine.
§. I^'. Du crime de trahifon privée.
Nous appelions aind le délit
% 143 5
du domeftique qui tue fon maîtrç ,
Tatjtentat de la femme qui donne la
mort à fon mari , celui de TEc-
çiéfîaftique qui alfafrme fon Supé-
rieur (i).
Plus les liens (ont étroits ^ plus les
crimes font grands. Les coupables
de pareids délits doivent être traînés
fur la claie , en fpedacle au peuple ,
jufqu'au lieu du fupplice ; les hommes
rompus vifs , les femmes étranglées.
§• II. De Vlncendiat ou du crime
HnctnàUf
Le crime d'incendie en cumule
plufieurs. Non- feulement le coupa-
ble détruit , par ce forfait , la pro-
priété de fon ennemi ; mais il at-*
(i) Ces délies font appelles ^ crahiroq pri*
vée, pour les diftinguer de la crahîfon pu-
blique , qui eft Tattentaç çonue 1^ Puiflanco
{>ublique. i
/
f
/
é
toient bâtard celui qui avoit tue
fon père.
La Loi Romaine puniflbit le par-
ricide plus rigoureufement que toujt
autre meurtre. Le fcélérat , aprè^
avoir çté déchiré à coups de fouet,
étoit renfermé dans un fac de cuir
avec pluGeurs animaux venimeux :
mais la Loi Britannique , fouvent
trop indulgente ^ ne punit pas le
parricide autrement que le fîpiple
meurtre.
Nou5 penfons au contraire que
la peine due à cet attentat , doit
être diftinguçe par un genre de
\ fupplice plus impofant . pour la
multitude , qu'une mort prompte.
Ce feroît de crever les yeux au
parricide ; de Tenfermer dans une
cage de fer , élevée de terre à une
afTez haute diftance ; d^n$ laquelle
le coupable nu , à rèxcep^îon d*Une
ceinture Conpée de fet naiUé , feroU
\.
j
tkf3r
lue toï
ionn
k é
nèuï
pîtfi
ie
te
nourri au pain & à l'eau jufqu*à la fin
de fes jours ; & fe montireroil ainfi ^
expofé à toutes les rigueurs des fal-
fons , tantôt le front couvert de
neige , tantôt calciné par un foleil
brûlant.
Ceft dans ce fupplîcè énergique ^
préfentant plutôt la prolongation
d*ùne mort doulôureufe que celle
d'une vie pénible , qu'on pourroît
Vraiment reconnoître un fcélérat dé-
voué à rhorreur de la nature en-
tière 5 condamné à ne plus voir le
ciel qu'il a outragé , à ne plus habi-
ter la terre qu'il a fouillée. Et quelle
eft Tame atroce , qui., a la vue
d'un fpedade ainfi perpétué , pour-
roit encore concevoir le projet monf-
trueux de donner la riiort à celui
ou à celle qui lui donna & vie?
. s. V. Du Régicide.
Il n'y a point de crime qui ait
G 3
uâé plus grande analogie avec le
parricide , que le régicide. Les So-
ciétés primitives durent leur exis-
tence au gouvernement paternel t
tel eft le principe qui régit encore
aujourd'uî une Nation îmmenfe, dont
Torigine fe perd dans lobfcurité des
iiecles. L'Empereur des Chinois eft
le père de TEtat; chaque' Manda*
rih eft le père de la Province dont
radminiftration lui eft confiée ; &
chaque chef de famille , dans la
Province , exerce fur les liens cette
autorité tempérée & bienfaifante que
le Chef de l'Etat exerce fur la Na-
tion entière. Il n'eft pas permis de
mettre à mort le dernier des Ci-
toyens , que fon procès n'ait été
envoyé au Confeil de l'Empereur ,
& jque TAr^êt dé mort n*ait été
préfenté par. trois fois au Souve-
rain pour le figner ; t^rit Tamour
paternel répugne à priver de la
V
vîé. même l'enfant Iç plu$ ce
ble. Un parricide eft-il commis,
dueil cft général dans l'Empire i\
Tribunaux^font fermés pendant pl^
iîeurs jours ; la Nation conftemée
eroit voir, dans ce délit particulier,
la rupture du lien de cette autorité
paterndle'; fur la foi de laquelle elle
repofe.
Dans im Gouvernement mitigé
tel que le nôtre , nos Rois font
également les pères de leurs Peu-
ples ; aticune Nation de la terre ne
fut plus attachée à fes Souverains :
un attentat contfe la perfonne du
Roi eft donc, relativement à nous,
un attentat commis, contre le père
de la Patriei Cet attentat e(k plus
énorme encore que le parricide ,
^uîfqu'il prive des millions de Sujets
de leur père commun , & peut oc-
tafionner les révolutions & les cori-
iifquences les plus funeftes. Nous
G 4
propolerions de le punir par des
peines plus féveres que celles que
nous avons indïquéesj pour le par-
ricide , Cl nous en connoifHons.
S. VI. Du crime ^de Ufe-Majefté
divine.
Hanprans Dieu Gr ne le vengeofii
pas , a dit l'Auteur célèbre de
fEfprit des Loix. Il faut interpré-
ter ces paroles. Il n'appartient point
aux hommes , à ces atomes con-
fondus dans l'immenfité des êtres ,,
de £' ériger sfiti vengeurs de la DÎV-
nité , ni de mefurer l'étendue «s
ofFenfes qui lui font faîtes. Celui
tient dans fes mains le deftin
Rois'& des Peuples , (ait répan-
, quand il lui plaît, les récom-
ès & les çhâtimens par des
!S qui nous font inconnues,
s ta Religion tient à ^*£tat , 8c
iouveraln doit empêcher qu'elle
€ i;3 3
ne fpît' troublée. Dieu punit Fîm-
piété , mais le Souvei^ain doit répri-
mer les troubles que cette impiété
peut caufer dans Tordre focial.
Cependant un zele , trop indis-
cret dans ce genre , a déjà fait .com-
mettre bien des fautes.
Les magiciens &' les forcîers ont
été long-temps punis comhié enne-
mis de Dieu j parce qu'ils étoient ,
difoit-on , les favoris du Diable. Au
lieu de les brûler , il falloît les
regarder comme des infenfés ou
des intrîgans qui falfoièrit des dupes ;
les vouer au ridicule ou au mépris
public. L<*erreur a été enfin re-
connue.
Nous devons envifager du même
œil ces êtres illuminés , cé^s efpeces
de prédicans , ces faifeurs de mira-
des^, qui tentent encore quelquefois
de furpreïidte la crédulité publique.
he Peuple efl: naturellement fuperiV'
G s
/
/
€xy4 5
titieux ; il mêle des idées rellgleufes
à ces preftîges. Si vous puniflêz avec
févérité leurs auteurs ^ la fuperfti-*
tion produit alors le fanatifme > &
le mal , en pareil cas , s'accroît
toujours par la violence du remède»
L'héréfie a été mife au rang des
crimes de tefe-Majefté divine : mais
relativement à la Puiilance publique ,
il faut diftinguer deux chofes dans
rhéréfie , la faâîon & Topmion. La
faâion trouble TËtat; elle doit être
réprimée par toutes les voies , dont
un Souverain eft à portée de faire
ufage |)our le maintien de fa puif-
fance.^ Quant à Topinion paifîble^
par la raiibn qu'elle eft teUe 3 elle
ne trouble point TEtat. II feroit à
defîret cependant que tous les Sujets
d'une même Puiflance n'eufiènt
qu'une même Loi & qu'un même
4ogme 5 cette uniformitié ne poiir-
roit que rafiermir de plus en plus
te lien fociaL Nous dirons , dans
nn autre temps peut-être 'y par quels
degrés infenfibles. , & fans heurter
de front la maffe réfiflante de tous
les intérêts a^els, on pDurroIt par-
venir à cette uniformité de Loi, i$
Quant à celle de Religion , il y à
plus de difficultés. Enchaînerons-
nous des hérétiques pour les traî-
ner aux pieds de nos autels ? Dieu
ne fera point honoré de leur culte ,
& nous fcandaliferons nos frères»
Les àttîrerons-nôus par Tintérêt î il
peut faire des hypocrites , mais ja-
mais de vrais croyans. Les effi^ye-
rons nous par des fupplices ^ la foi
eft un don du Ciel, & des Bourreaux
ne (ont pas les Mmiftres de Dieu.
Na pouvant les convertir , faudra-
t-il les exterminer ? ah ! fouvenif
âffireux ! la plaie faite à Thumanité
dans le feizieme (ieclé , faigne en*-
core* Combattons - les cependant ^
G <S
\
j^ 1-
€ 1^6 %
mais avec les feules armes que notre
Religion fainte a mi(es dans nos
mains ; prouvons-leur la fupériQrlté
de notre dogme par celle de nos
vertus j & fubjuguons ' leur incré-.
dulité par Tafcendant d'un grand
exemple.
Les blafphémateurs font criminels
de lefe-Majefté divine : mais que doit-
on entendre par blafphéme ? ce j\%
feront pas fans doute ces jùremens ,
qui ne préfentent jaucun fens, au-
cune btention d'offenfer Dieu ; que
le Peuple groffier emploie quelque-
fois dans des mouvemens d'impa-
tience 9 & pour lefquels néanmoins
une ^ Ordonnance de Philippe Au-
^ufte de iiSi avoit condamné les
Nobles à un amende ^ & \^ Ro-
turiers à être npyés.
Le véritable blafphémateur feroit
celui qui vomiroit des e^àécrations
contre Dieu , qui infulterolt à fa
I
.*' '*
providence & à fès décrets ; ou qui,
fermant les yeux fur les merveilles
de la création , attribueroit au ha-
fard aveugle , l'ouvrage de la fuprê-
me intelligence. Voilà le blafphême
qu'il cft important de punir , car
un pareil crime attaque direâement
la Majeflé de Dieu ; ' il tendroit
d'ailleurs à enlever au vice ^ le feul
frein qu'il puiffé avoir dans le fecret ,
la^crainte des vengeances divines. II
tendroit à enlever , à la Juftice
humaine , la reffource de fe décidée
par la religion du ferment fur des
faits qu'il lui importe de connoître ,
& qui rie peuvent être prouvés^ ni
par j:émoins ni par écrit»
r-: i
.<->
Y
'y
f
«
r i
TROISIEME PARTIE.
^ De Vlnjlruàion.
Il o u s avons déjà annoncé qu*ett
France Tindrùâion fembloît prépa-
rée pour le fuccès de Taccufation ,
& en- Angleterre pour la décharge
de Taccufé; que la première étoît
très-rigoureufe & de nature à com-'
promettre les intérêts de Tinnoccn-
ce ; que la féconde étoit très-douce »
& qu'elle pouvoit expofer les . inté-
rêts de Tordre focîal,par les facilitée
qu'elle préfentoît pour échapper à la
conviâion des crimes qui le trou*
blent. Nous allons donner lesi preu-
ves de ces vérités.
Suppofons que parmi nous un Ci-
toyen ait un dangereux ennemi, ca-
pable de le vouloir perdre par Tac-
cufatîon calomnieufe d*ua crime ca-*
pital , & voyons fous ce premier
point de vue dans quelle gêne af-
freufe va fe trouver cet innocent ,
d'après notre Ordonnance de 1670^
Loi générale du Royaume y combien
il éprouvera de difficultés pour éta-
blir fa jufHfication.
D'abord fon ennemi le dénonce
fous le fecret au Miniftere public t
il ne peut connoître fon dénoncta-^
teur ; il ne peut par coûféquent in-
diquer 5 ni demander à conftater le
principe de la vexation.
Le Miniftere public n^ayant pas
connoiflànce par lui-même des cir*
confiances du crime qui lui eft dé->
nonce & des témoins qui font à por^
tée d'en dépofer , ne manque pat
de produire ceux que te dénoncia-
teur lui préfente ; & ce dénonciateur
ne préfente <^ue des gens dont il
croit être sûr ^ .U dipofe lui-même
V
. > V
pour le fuccès de {a dénonciation ;
notre Ordonnance criminelle ne le
défend pas. Les témoins choifis par
le dénonciateur peuvent d'autant
plus aifément adopter ks impref-
fions , qu*ils font- entendus dans lé
plus grand fecret par un feul Juge
en préfence de fon Greffier , & fans
crainte d'être contredits : ce Juge
unique peut être aifément prévenu
;Ou quelquefois corrompu , & fa dit-
pofition peut entraîner dès le pre-
mier pas la perte de l'accufé.
Sur l'information , celui-ci eft dé-
crété , conduit en prifon avec fcany
dale ( I ) , mis aux fers , & quelque-
fois jette dans un cachot affreux ,
où il eft nourri au pain & à l'eau ,
te couché fur la paille (2), fans pou-
voir communiquer avec qui que ce
■■
( i) Art. 1 7 da cit. i o de rOrdona. de, 1 670.
(j) Aru II du tit. 15.
folt par lettre ou autrement ( i ). Il
eft tiré du cachot pour fubir fon
interrogatoire , fans favoir un mot de
ce dont on Taccufe : il paroît feul ,
il lui eft expreffément défendu de
fe faire aflîfter d*un confeil (2) ; de
forte que dans une fituation capa-
ble d^elFrayer l'innocence, même , il
faut qu'il fe rappelle fur -le -champ
tout ce qui peut être relatif à Tac-»
cufation que le Juge lui laiflè entre-'
voir ; car il ne lui donne pas même
ledure de la plainte. Ce Juge , qui
connoît les informations , preflè Tac-
cufé fur les faits les plus inaportans
qu'elles lui préfentent : d'accord
avec la Loi qui le préfume coupa-
ble , il cherche à lui arracher l'aveu
du crime qu'on lui impute : il lui
fait des interrogations captieufes ; il
k
(1) An, ty du tit. 13.
(z)^ Art. 8 du tit. 14.
.*
C Î<Î2 I
fuppofe quelquefois prouvé par àei
dépofitions concordantes , ce qui ne
Teft point; U intimide ain(i Taccufé,
qui fent croître, à chaque inftantfoQ
embarras. Cet interrogatoire même
fubi* , il ne lui eft pas permis de
conférer avec qui que ce foit , fi la
pourfuite a pour objet un crime qui
mérite la mort ( i ) ; de forte que
plus, fes dangers font grands , 8t
moins la Loi lui donne de facilités
pour fe juftifier.
Après le règlement à l'extraor-
dinaire 9 on procède au récolement
des témoins ; il eft rare que ces té-^
moins récolés dans ia même forme
qu'ils ont dépofé , changent rien à
ieurs dépofitions.
A la formalité du récolement fuc-»
cède celle de la confrontation. Les
témoins , toujours dans le fecret du
■ ■ ■ I ■ l a.— — — M.i»
(i) Alt. 9 à}à ûx. 14.
C î<53 î
GreiFe ^ & vîs-â-vis tf un feul Juge ^
font préfentés à l'aLccufé les uns
après les autres. Jufqa'alors il n*a
pas même~ fu leurs noms ; il les volt
en ce moment pour la première
fois : c'eft dans ce premier moment ,
& avant qu'on lui donne leâure de
leurs dépofitions , qu'il doit fournir
fes reproches. Malheur à lui s'il ne
fe rappelle pas , ou s'il ignore tou-
tes les circonftances qui peuvent
rendre ces témoins reprochablès ;
après la leâure de leurs déposi-
tions , cette faculté lui eft inter-
dite (i). La Loi regarde comme
impofiure , le reproche qui n*eft pas
fourni dans le premier inftant.
L'accufé, dans les confrontations^
ii*a pas le droit d'interpeller lui-
même les témoins pour combattre
leur témoignage; il peut feulement
(i) Art. if an dt. 15.
Ê i64 3
requérir le Juge de les interpel-
ler ( i ). UOrdonnancc laiflè à l'ar-
bitrage de ce Jyge la confronta-
tion : elle n'eft ordonnée que fi be-
foin eft ( 2 ) ; & dans l'ufage il ne
confronte que les témoins qui lui
paroiflent les plus propres à faire .
réuflîr l'accufation : ceux qui ne char-
gent po'int, Taccufé , & qui pourroient
même s'expliquer à fa décharge, ne
lui font pas préfentés. Les témoins
qui le chargent fbnt avertis par la
Loi de perCftet dans leurs dépofî-
tions , fous peine d'être punis com-
me faux témoins ( ^ }•
Pendant tout le cours de trette
procédure, il n'eft pas permis à l'ac-
cufé de prouver aucun fait tendant
à fa juftification; ce n'eft qu'après
■*^k*^
{i) Arr, 11 dû tit, ly.
i) Art. 1*' in tit. ij.
(3) Art. II du nu 15.
T
^
€ i<5y 3
avoir épuifé les reflburces pour ac-
cumuler les preuves , qu'on l'admet
enfin à propofer ce que nous appel-
ions fes faits juftificatifs ( i ) : mais
il ne. peut les prendre que' dans fes
interrogatoires & confrontations (a),
dont on lui refuCe néanmoins toute
communication. S'il ne -fe rappelle
pas bien ce qu'il a^dit , s'il n'a pa$
connu alors tous les faits relatifs à
fa défenfe , ou s'il a omis de les op-
pofer dans le trouble que compor-
toit fa fituation ; cette ignorance ,
ce défaut de mémoire ou de pré-
fence d'efptit , peuvent lui coûter
la vie.
L'accufé eft -il diîèz heureux pout
être admis à la preuve de fes faits
juftificatifs ? îl faut qu'à l'inftant où
leâure lui eft donnée du jugement
m^mimam
(i)-An. r" du m. %S.
(i) Art. 1 daâc. %fi$
"rr
^
% i66 %
iqui Tadmet , il indique les témoiiis
qu'il veut faire entendre ( i ) ; caroft
le traite toujours en coupable y au-
quel on fait grâce en l'écoutant.
S^il ne profite pas de ce premiçr mo*
meht, il eft déchu fans retour; Se
fi fes ^émoins ne font pas en no|nbr«
fuffifant, oune dépofent pas défaits
aflèz précis pour balancer les dépo-
fitions des témoins de Faccufateur ,
fa perte eft confommée.
, Telle eft cette procédure , qui a
déjà excité bien des réclamations eii
faveur de ïhumanité v qui a plus
cPune fois occafioftné des méprifes
fatales , & fouvent compromis les in-
térêts de rînnocence (a).
mméi
(i) hxu 4 <lu tit. i8.
(i) Rendons hommage â la mémoire àc
M* le Préfideat de Lamoigâon. Si l'opinion
âe ce iagé Magiftrat Tavoit 'emporté ^aof les
cooférinccs tenues pour la rédaftion de cette
Lai, elle eût ixi beaucoup moins dure. ^
I
.^J^^.-nm^-
C 1^7 3
Apprécions maintenant la manière
dont rinftrudion fe fait en Angle-,
terre ; nous verrons que nos voifins ,
qui ne nous aiment pas ^ parce que
nous les forçons à nous eftimer » ont
aiFeâé de ne nous pas reflembler en
ce point comme en bien d'autres ,
& ont donné dans un défaut con-
traire ; en ce que leur inftruâioh
procure au. coupable beaucoup de
facilité pour échapper à la convic-
tion & à la peine.
Lorfqu*une perfonne eft accufée
en Angleterre (i), le Juge de Paix
expédie un ordre pour la faire amè-
©^ devant lui. Si, après l'avoir
entendue , il juge fur les répon&s &
fur les informations fommaires par
lui prifes , qu'il n*y a pas matière
■■■■■■^■■«BMBiMMBaiMMMBiaMaHaaianiBaMiWBnaMii^BaiaaBnaaMaafcHainav
__, . - «f - - •
(i),Voyer le ConaïQemaire fur le Code
criinhiet d'Ai^gleci^rf e fit fil^cj^lone^ traduit
par M. TAbbé Coyer» "
h
\
i
V
?
%
i
# î-
f
.*
t i68 3
à la foupçonner coupable , il la ren-
voie ; s'il prcfume le contraire , il
laide l'accufé en liberté , en donnant
par lui caution de comparoître quand
il en fera fomtné ; à moins qu'il ne
s'agiïïe d'un crime capital , auquel
cas l'accufé eft envoyé en prifbn.
Ainfi il dépend d'un feul homme
de. renvoyer l'accufé fans reftriftion ,
Se d'après l'efpece de preflêntimeAt
qu'il fe procure.
L'accufé eft- il emprifonné ? c'eft
alors que rinftruâion commence à
recevoir une , forme juridique. IV fe
tient dans chaque Comté une afTem-
blée compofée des perfonnages les
js importans du dîftriâ , & que '
n nomme les grands Jurés : cette
Kèmblée décide Ci l'accuiâtion în-
atée contre un Citoyen de Ion ter-
oireeftrecevable ou noniellepeut
r conféquent la rejetter dès le prê-
ter pas. Mais pour que l'acçuûttiop
foit
t
C 169 3
foît adrtiîfe , il faut le concours de
douze fuffrages abfolumentunanimes,
L'accufatîon reçue ^ le Préfident
de rAfïèmblée indique quarante-huit
perfonnes du Comté , dans lefquelleà
on en choîfit douze pour former celle
des petits Jurés î ce font les pairs
& les égaux de Taccufé : ce font eux
<jui doivent décider le pomt de fa*
voir fi Taccufé , leur égal, & qui
peut devenir leur Juge à fon tour^
^ eft rendu coupable ou non du délit
qiîi lui eft imputé.
Mais combien cet accufé n'a-t-il
point encore ici de reflburces pouir
obtenir que raflèmblée de Jurés, qui
doit le juger, foit compofée d'unç
manière fatisfaifante pour lui. Suc
les quarante-: huit perfonnes indi-*
quées, il peut d'abord en récufer vingt
fans donner aucune raifon de fon re**
fus ^ privilège que n*a pas le Roi
même accufateur. Il peut encore ea
H
C ^70 3
tëcofer d'autres pour des raifonsprî-
fès dans la Loi.
Lorfque cette ailèmblée de Jurés
eft enfin formée » & qu'ils ont prêté
ferment au nombre de douze , Tac^
cufateur produit les preuves de fon
iStccufation^ & fait entendre fes té«
moins publiquement en préfence de
Taccufé r fi ce dernier s'avoue cou--
pable , il eft avef ti fur-le-champ' de
rétraâer cet aveu, & de plaider contre
Taccufation. Afiîfté de fon con(eil,
il peut non-feulement reprocher les
téxhoks de Taccufateur ^ mais même
leur faire telle interpellation qu^U
)uge à propos ; il peut à l'inftant pro^
duire les fiens , qui font auffi publia
queiîient entendus , pour balancer
ou pour détruire les témoignages
oppofés. Aihfi, dès le premier pas ^
raccufatbn eft connue ^ la procé-
dure eft toute publique'; l'accufé eft
mis à portée déconcerter fa défend
.» ^
de la manière la plus avaatageu(è
pour lui , & de parer les coups
qu'on veut lui porter.
L'afi&ire difcutée de la forte en
préfence des Jurés 8c du Magiftrat
qui les préîîde, ce dernier fait le ré-
fumé des moyens refpeâifs ; il éta-
blit la quefUon, les points de fait
fur lefquels les Jurés doivent d<^ner
leur opinion. Les Jurés fe retirent
enfuite dans une chambre voifine , oà
•
ils reftent quelquefois très -long-
temps fans prendre aucuns alimens,
à moins que le Juge ne le leur per-
mette. Ils ne fe féparetit que lorP
qu'ils font parvenus à former une
^ opinion unanime ^ s'il s'agit de çon*-
.damnation capitale ; car c'eft de l'u*
unanimité que la Loi la fait dépen-
<lte (!)•
^mmmmtmtmmamÊ^ÊÊimÊÊl^
(i) IcîsUpi^icpie nu trait qui mérite qii'oft
le rapporte.
' Uo liabitiRt de Londres eft afla£i»i h
Hz
£ 172 3 _ . .
On fent aifément combien il cfi
difficile de parvenir à cette unanimité
nuit, fonam d'une maifon; fon corps nige
dans le fang, * l'affaflin a laifle pris de lui
l'arme qui a poitrf le coup mortel. Un homme
pafle de ce côr^i i'oblhcle qu'il trouve fous
lès pieds le rcnverfe : il. l'apperçtjit qu'il èft
Cir UD cadavre, à cM duquel il découvre
Une arme blaoclie ; il croit que ce canicm eft
înitAi d'afTaflias , il Ce faifit de l'arme pour
fè défendre s'il cil attiujuë , Se s'eaCtiii. A
quelques pas de-là, la Garde l'arrête^ & bien-
tôt découvre lecadavie.U eft dénoncé comme
coupable de ce meurtre j fes Pairs s'allèm-
blent pour le juger. Soa habit teint de lang,
l'atme dont i| a éti trouvé faill i peu de
dillancc du cadavre, l'éiat de la bleflitre qui
iê concilie avec la nature de i'arine, fem-
orier la preuve au degré de la dé-
itioa.Tous, i l'eiception d'un Ceal,
ivis qu'il efl coupable de meurnre. La
;e de ce feul homme tient pendant
mps l'Aflemblée en rufpens; il garde
le lïlence. PrelTé par les reproches les
s fat l'abrurdité it cette ïéfUUncc, il
€ 173 3
^e condamnation dans une aflçmblée
compofée des égaux de Taccufé , &
qu'il a lui-même choifis dans un plu$
grand nombre.
Si les Jurés font d*avis que Tac-
cuf/î,^n*eft point coupable , cette
ppiiiion fûj-elle^ erronée , il eft ren-?
yoyé fans pouvoir déformais être
recherché pour le même crime , & le
jugement eft irrévocable ; "fi leur
opinion le décide coupable , au con*
traire , le Juge déclare encourue la
- • • .• • *
s'écrie enfin : • • , Infinjés ! vous facrîjhf^ un
innocent y quand vous ave^ parmi vous te coU'*
fahle; c'cfi moi qui ai èommis le meurtre*^
C* vous \oulei que je charge un autre de mon,
forfait; Ji U vengeance a égaré mon bras ^
cUfi à ma -probité de vous éclairer lorCquc
vous vous égarei vous-mêmes Toute
FAiTemblée faifîe J'étonhement & d'admira-
tion cmbraffa TafTaffin , demanda fa grâce ac
l'obtint* .'«v^c^î^^ ^oî de l'unanimité fauvsi
l'innocent) 'mais combieade fois auîfî n'a-i
t'elle pas ftuyé le ço'jpable \
^ H3 •
€ 174 3^
|)eine portée par la Loi : oiaîs û \é
jugement des Jurés eft notoirement
in)ufte , il eft cafle fur pourfuite^
qui S'exerce au nom du RoL
D'après les ménagemens recher*
chés dont on ufe en Angleterre vis-
a-vis des accufès , & les reflburce^
qu'une pareille ihftruâion leur offire ^
on ne peut fe diffimuler que le crime
ne trouve, dans ces reflburces , des
facilités pour échapper à la. peine. '
Ainfi rinftruékion criminelle en
Angleterre eft.vicieufe, en ce qu'elle
jK>rte la déférence pour les droite
de rhomme , au point de nuire aux
intérêts de Tordre focial.
L'inftrudion criminelle parmi nous
cft également vîcieufe , & par une rai-
fon contraire, en ce que par. excès
de zèle pour les intérêts de ia So-
ciété , elle compromet trop évidem-?
ment les droits de l'homme»
Nous Tavons déjà dit , la perfec-^
- C i7y 3
tîon de la Loi dans cette matî«re
coïlfifte à établir un parfait équi-
libre entre les égards du$ à Thomine
& la proteétion due à la Société.
Ne feroît-il donc pas poffible , pour
opérer cet équilibre , de modérer
ces deux genres d'inftruâion Tun
par l'autre; de trouver un milieu
jufte&raifonnable, au moyen duquel,
fans adopter de notre part^ des uÊtges
non-conciliables avec la forme d^ .
notre Gouvernement, nous tempér
Terions la rigueur de notre inftruc-
tion y en affurant la juftification de
l'innocence^ fans nuire à la conviâioï . -^i
du crime?
Tel fera l'objet At!^ réflexions que
•nous allons faire Air 1^ principaux
aâes de notre procédure extraordir
naîrç.
r%^.
•m. *•
tî70
CHAPITRE PREMIER.
IM Li DâianciatMt & it U(
Ptaiiue,
L>'ffsr œc fiblime înftitutïon qui
nan-juoic z la LégtÙinoo Romaine ,
{tK «Mb «Tun mtniftere chargé de
îQUt6iivre,aunoiiidel'Etat,Urépa-
aèoa des tons faits à Vordre ibcial.
Le îtbjiftrdt qui exerce cet impor-
om aïîafll«i:« peut agii feul , quand
l «^ UB corps de délit , dont la
lùr«tê pLHique exige qu'on découvre
3: i^u'oa pu-iiife Fauteur.
^^«Jquifoia auffi fon mîniftete
t& pn>v(?qc« par des dénonciations
]uî Ku (ont taïtes. Il faut en diAin-
piet de deux fortes : tes unes faites
pat les pertbnnes qui ont fouffert du
délit qu'elles lui dénoncent;les autres
pac des gens auxquels le délit dé-
«w^V^-
€1773
notice n'a fait perfonnellement aucun
tort.
•1
Quant à, la première efpece de dé-
nonciation , il exifte un ufage abufif
dans quelques-uns de nos Tribunaux,:
La partie qui fe prétend léfée , fait
une déclaration chez un Commif?
faire , qui contient renonciation du
délit ; elle porte au Greffe une ex-»
pédition de. cette déclaration , fut
laquelle elle obtient un réquifitoirç
du miniftere public contenant plainte ,
& fur ce réquiGtoire , perijiiffion d'in-r
former. Ce détour a communément
deux objets; l'un de s'affranchir,
par la partie provoquante., des frais
de rinflrudion , & de les fair^ tom-
ber fur le domaine du Roi ; l'autre
<le fe faire entendre comme témoiç
pour appuyer fa dénonciation clan-»
deftine. . .
Ce procédé n'jelj: pas loyal ; . il tend
p compiromettrè Taccufé.. Si la partie
H y.
n'eft point perfonneUement' en état
de founùr aux frais de l'inllruâion ^
qu'elle le déclare dans fa dénoncia-
tion même; la pourfuite n'en dolc
pas moins être faîte, R ce n'eft à (a
requête , du moins à celle du minif^
tere public ', quand le défit efl: un
de ceux qu'il importe à Tordre (dcial
de réprimer. Que la dénonciation
dans ce cas foit jointe à la plainte,
mais que celui quia fait une dénon-
ciation de ce genre ne fott point
admis à dépofer comme témoin; cat
quoiqu'il ne foit point en nom dans
!a pourfuite , il eft véritablement
acculàteur. Il n'a acculié que pour
venir démander dans l'inflruâion fes
téparations civiles : or il . eft contre
toute règle qu'un accufateur inté-
ttffé comme il îe& au fuccès de fon
accuiation , foit adnûs à. la juftiHer
'w foh témoignage.
Quant aux déooociuicms&ites par
ir^iir mi— —p—^— ^B^^^^^^
t 179 3
les perfonnes qui n'ont pas perfoiy^
fielkment foufFert du délit qu'elles
défèrent, comme fi un homme prer
tend avoir vu tel ou tel individu
aflaifiner telle ou telle perfonne;. de
pareilles dénonciations ne font favo^
râbles qu'autant qu'elles ont vérita*»
blement le bien public & la fureté
du corps focial pour objet: mais on
a vu quelquefois la haine & i'efprit
de vengeance fe mafquer fous les
dehors empruntés de et 2de pout
le bien public*
La Juftice ne doit pas itre fans
quelque défiance fur une dénoncia-
tion pareille; le miniftere public qui
la reçoit doit la faire figner par le
dénonciateur, fuivant ïart. 6 du tit.
3 de l'Ordonnance de 1670. Le dé-
nonciateur fera e&tendu comme té-
moin dans l'inftrudîon , puifqu'ii
s'efl: annoncé comme partie défînté*
reifée , qu'il eft poiGble qu'il le foit
^ H <î
r
r
C i8o 3
réellement , & qu'il peut procurer
lians ce cas des lumières importante$
â la Ju&ice. Cependant fa dépofition
jie doit pas avoir la même force que
celle d^un autre témoin ; & s'il n'y
avoit que deux témoins, le dénon*
dateur compris » qui dépofaifent
avoir vu commettre le crime par Tac-»
cufé , il faudroit alors regarder U
preuve comme infuffifante pour opé-
rer fa condamnation. Notre code
pénal ne s'explique point fur ces
objets , qui ont néanmoins de rim*
portaoce.
i.
(
L
CHAPITRE II.
De V Information»
^INFORMATION confifte dan$
Taudition des témoins préfentés pat
raccufkteur. Ceft d'après le langage
de ces témoins , que les Juges abfol-r
vent ou condamnent. On ne peut
donc apporter trop de précautions
pour Texaditude d'un pareil ade.
Cependant avec quelle légèreté
ibuvent on y procède ! .des témoins
dépofent dans le fecret d*un Grefte
ou d'un cabinet, en préfence d*ua
feul Juge; ils apportent mertie quel-*
quefois leurs dépofitiohs par écrit.
Confervons de nos ufagescç qui
peut être utile , mais réprimons les
abus. Nous fommes loin d'adopter
l'opinion- des Jurifconfultes Angloîs
fux la publicité de rinftruétion cjè^
■<•.
Ç î82 )
les premiers pas. Le fecret doit être
obfervé tant que Us preuves ne font
point encore aflîfes : car fi faccufa-
tion & lia procédure devenoîent pu-
bliques au premier inftant, Taccufé
qui en feroit inftruit , foit par lui ,
foît par les fîens , pourroit dérober
quelquefois les traces de Ton crime ,
& rendre la recherche infruâueufe*
Mais il faut que ces témoins
qui dépofent en fecret dans Tinfor-»
mation , (àchent que le moment vien*^
âra où, dans une audience publique
à laquelle ils feront forcés de com-«
paroitre» on lira devant eux leur»
déportions , où ils pourront être
reprochés publiquement par Taccufé
s'ils font vraiment reprocbables , &>
où ils feront obligés de répondre à
fes interpellations : alors ils dépofe-*
font comme s'ils étoient déjà con-^
tenus par le refpeâ & la décence
publics^ les intrigues d'une partie^
t 183 3
xîvîle ou d'un dénonciateur fecrec
auront moins deprife fur eux, parce
•qu'ils craindront davantage de fe
compromettre.
Nous croyons encore qu'il ne fuffit
•pas , pour aflurer la régularité d'une
(procédure auilî importante., que les
témoins (oient entendus par un feul
Juge. La tentative de la féduftion
'peut quelquefois réu(Iîr vis-à-vî^
•d'un feu| homme , exerçant en vert\i
.d'un office modique, ou d'une finipl^
xommiflîon , & fouvent peu feyorilé
de la fortune (i). Rappelions - noujs
que la Loi ne donne aux Préfidiauj:
4a faculté, de ftàtuer fouverainemei^t
•qu'avec le concours de fept Juge*,
.'■ I r III [ 1 ■■ I 11 III I I ■ I I , I I II I I II ■
(i) En Sardaigne , Jorfcjue k Jage reçoit
les dépoficioDs des témoins, Se lors^même
qu'il interroge Taccufé, il cft aflîfté du Pro-
cureur ou de l'Avocat du Fifc, qui fîgnc c«s
ades avec lé Juge. yoy. art. i, tit. 4, /iV..4
jles Confiitut» </tf 1770,
/ •
•»
C 184 3
même fur Fobjet d'intérêt le plu»
léger ; comment donp a - t - elle
|)U vouloir confier à un feul Juge
une inftrudion d'où dépendent Thon-r
neur, Tétat & la vie des Citoyens?
car enfin, n'eft-ce pas cette inftruc^
tibn qui forme la bafe des jugement
dans tous nos Tribunaux?
Nous propoferons donc le con-
cours de trois Officiers , ou d'un
Juge & de deux Gradués , pour re-
cevoir les dépofitions des témoins.
Si les Seigneurs qui font exercer la
juftlce dans leurs terres , trouvoient
ciu'il fût difficile de remplir cette
formalité par la difette. de fujets ca-
pables, leur Juge pourroit appellçr
deux Gradués des environs. Oeft à
eux d'ailleurs de prendre les pré-
cautions néceflaires pour que leur
Jurifdidion fpit fuffifamment pourvue
d'Officiers : le droit de Juftice , ce
droit qui forme effentiellement partie.
t 185 3 ,, \
de la Pulflànce publique , deviendroît
fatal à l'humanité , fi , placé dans des
mains étrangères à cette puiAànce ,
il étoit exercé de manière à compro-
mettre l'honneur & la vie des hom-
1
^ ^ ^
/
C i8<^3
CHAPITRE IIL
Da Décrets.
1^ E décret eft Taâe décerne }>9r le
Juge contre celui fur lequel portent
les charges contenues en Tinforma-
tion. Çell cet aâe qui rend Taccufc
partk dans Tinfiruâion , en le conf-
tituant défendeur à k pourfuite.
Nous en diftinguons de trois fortes :
le décret d'affigné pour être ouï , qui
fe décerne en matière légère ; celui
d'ajournement perfonne! , en matière
plus grave \ & celui de prife-de-
corps , quand le crime qui forme
l^objet de Taccufation mérite une
peine affliéèive ou infamante,
A l'égard du décret d'affigné pour
^ctre çuï , il n*a d'autre objet que
d'obliger l'accufé à comparoitre de-
vant le Juge, pour répondre aux
interpellations qui lui feront faîtes 5
il ne porte aucune atteinte à fou
état. ■ '
Il n'en eft pas de même du <lé-
cret d'ajournement perfonnel ; dans
nos ufages il emporte de droit , in-
terdidion de toute fonâion publi-
que. Pourquoi cette rigueur excef
ïîve ? pourquoi préjuger un Officier
]>ublic coupable , auflî-tôt pour ainfi
dire qu'il eft accufé ? Si Tinforma*-
tion déjà faite contient quelques
charges apparentes , doit-on Je pri-
ver des fondions de fon état , & lé
condamner ainfi au déshonneur ,
quand peut-être, par fes réponfes éc
par ùi défenfe , il lui fera facile" ék
détruire ces charges & de prouver
la calomnie ? Ne perdons jamais d^
vue ce principe auffî précieux à la
Juftice qu'à l'humanité ; le danget
de flétrir un innocent ne peut être
mis en balance avec celui de l'in^
e i8s )
dulgcnce vis-à-vis d'un accufi non
convaincu : en l'admettant à fe dé-
fendre , nous fuppofons la poflibi-
lité qu'il ne foit pas coupable j fi
nous fuppofons cette poiHbilité ,
pourquoi commençons -nous par le
flétrir ?
Quant au décret de prife-de-corps ,
on le décerne aflèz légèrement dans
nos ufages contre un accufé non
domiciLé , quand bien même le délit
n'emporteroit que des condamna-
tions pécuniaires, parce qu'on craint
qu'il ne fe dérobe à la pourfuite ; Se
c'eft dans cet efprit qu'il eft dit par
l'Ordonnance , que les décrets fe-
ront plus ou moins rigoureux , fqi-
vant les qualités des perfonnes &
des crimes.
Mais au lieu de donner à un ac-
cufé, dans ce cas , l'humiliation d'un
emprifonnement , nous pourrions
admettre fans aucun rifque l'ufage
^
w
t i8p 3
établi en Angleterre , de le laîfler
éh liberté, en donnant caution pour
là fureté des condamnations pécu-»
niaires qui peuvent intervenir con-
tre lui,
A regard du décret de prife-de-
corps contre les domiciliés , TOr-
donnance , a fagement établi qu*il ne
devoit être décerné "que dans le cas
où le délit - mériteroit : <i*être puni
par des peines affliâives ou infa-
mantes. Là- rigueur , dans ce cas ,
cft juftifîée par la n&eflîté dans la-
quelle fe trouve la Juftice de pré-
venir la fuite de Taccufé : ce n'eft
pas préjuger qu'il eft coupable ; c'eft
prendre une précaution néceflàire
dans la poffibilité qu'il le foît. Mais
pourquoi l'Ordonnance détruit -ellç
en quelque forte la pureté de ce
principe , en condanjnant les ména-^
gemens avec lefqucls quelques ac-
Gufés alors étoient conduits dan$ le^
priCïns î Défendons ,porte l'article 17
du titre 10 , à tous Juges , rohne dti
O^e'udaés , ^ordonner qiîaucme Par-
tie fait amtade fans fcaaddi.
^rimiaLM
mm
C ïpi 3
QHAPltRE IV,
De^ la Prifon.
1,5 comme on vient de Fobferver,
la prifon dans, le cas du décret , n'efl:
qu'un lieu de dépôt néceflàire pour
Taccufé d'un crime grave » mais qui
peut être innocent , pourquoi faire
de cette prifon un lieu de peine &
<!e fupplice.? Prenons d^s précau-
tions fages pouç que les accufés y
foient en fureté , pour, qu'ils ne puif-
fent même communiquer avec qui
que ce foit , auparavant leur inter-
rogatoire » dans descirconftancesoùla
gravité de Taccufation femble exiger
ce fecret. Mais pourquoi les préci-
piter dans le fond d'un cachot les
fers aux pieds» & défendre wx Gwr
chétiers de les en tirer fans ordoie
MDce du Juge » fu&vaot l'art, x8 dyi
* tît, 13 ? Pourquoi, fuivant l'art. 25*
du • même titre , ne prefçrirç pour
leur nourriture que du pain & d%
Teau , & de la paille pour les cou-
cher ?
• Les peines qui réfultent d'un trai-
tement pareil font tyrannîque's fous
deux rapports : !*• parce qu'il n'eft
point encore établi que i'accufé mé-
rite defubir aucune peine; 2^ parce
qye ces fortes de peines font fecre*
tes , & par conféquent -perdues pout
le Public ; & que s'il eft permis de
faire foufïrir un coupable, ce n'eft
qu'autant que fes - fouffrances peu*
vent faire fur la multitude cette im-»
preffion mêlée de l'horreur du crime
& de la crainte de fon châtiment»
Jlie Légiflateur vient de jeter un
regard de commifératibn fur ce$
afyles infeâs , où l'homme eft puni
ayant que d'être jugé , où l'innocent
l^ndure les tourmeas dus au cou^
pable i
pable, & les réformes qu*il prefcrît
femblent en annoncer de plus im«
portantes encore»
Plus ces afyles peuvent receler
de criminels , & plusle miniftere de
la Religiofi devroît y être exercé
d'une manière împofante. Il con-
viendroit qu'il y eût des exhorta-
tions faîtes deux ou trois fois la fe-
maine aux Prifonnîers affemblés, par
un Miniftre éclairé réunifiant le zèle
au talent , amoUifTant les çceurs
durs & pervers , les forçant au re-
pentir, & donnant des confolations
à l'innocence malheureufement foup-
çonnée.
^
^
&
■<,i:;' V.»
I-
.mr
7
I
i
i
m
C 15)^3
CHAPITRE V,
Dt rimtrroçatoiref
- £\, PRES Temprifonnement d'un ac«
cufé 9 le Juge lui fait fubir interro-
gatoire. Piufieurs chofes îo^t à tc-
marquer ici.
i^ Dans Tufage, Taccufé, à qui
Fpn (ignifie fon décret de prîfe-de-
'feôrps, au moment où on le |)rive
de.fe liberté 5 n eft point inftruît par
la décret de l'objet de faccufation.
Qu^ôri juge de Tembarras où il fe
trouve pour répondre , fans être
prévenu fur rien , à toutes les qucf-
tîons que le Juge lui feit^ J^'inno*
cent lui-rméme , dans une pofîtion
pareille, ne peut-il pjts avpîr Tair
d'un coupabiç ? Par quel effort de mé-
moire pourroit^il en effet avoir tout-
prçoup jpréfentes à rçfprit toutes les
1
\
tpoques , toutes les cûronftances
qui ibnt relatives aux interpella •-
tions du Juge? ce dernier ne lui
4onne pas même leâure de la plain-
te; de forte que raccufé» flottant
& incertain fur. te pomt eflèntiel
de la recherche ^ eft quelquefois^
lui-même hors d'état de favoir fî
ce qu'il dit 9 lui eft avantageux ou
centraire.
L'humanité femble exiger au-moins
que le décret , fignifié à Taccufc
à l'inftant de fon emprifonnement ,
contienne les caufes de Taccufation ,
afin que fon attention puiflè k re-
cueillir fur ces caufes auparavant
fon interrogatoire. Cet aâe dliu-
manité ne compromet pas rexàâe
juftice ; puifque. Taccufé , tenu en
fecret jofqu'à ce qu'il ait fubi fon
interrogatoire , ne peut rien com-
muniquer à fes agens ou confeils
dupçu de lumières qu'on lui donne ^
" J a
-^i
f
• t
.»«
(S' ip5 J;
ni rien faire exécuitei^ de cotitrair^
à la recherche du crime qui lui eft
imputé. Avant que de Tinterrogèr^
il faut encore lui donner ledure*
entière de la plainte, car c'eft fur
1^ faits'cfê'tmé'-plâîhtô' qifîl doit
répondre; &''Ia Jufticei certaine-
ment /ne doit pài' avoir pour objet
de le fïirprendre. ' ^
2^. On commence paï faire prêter
ferment à Faccufé : mais a-t-on affcr
férietlfemént' refléchi fur les ihcon-
▼énîçris de cet tifag;e ? ■ Si Taccùfé
«ft coupable , ti*eft-cè pas exiger
de lui un parjure ? car' U eft plus que
probable que , pour fe fouftraire à
la peine 9 il làentira à la Juftice.
Pourquoi fe ^féî-cér , en* quelque
Ibrté 9 à ajouter ce crime -à ceu^
pour lefquels ils eft pourfuivi?
N6 fefoit**il pas plus convenable
de lui demander s'il veut ou non
prêterHferment î SU eft innocent , îl
r
>^
C iP7 3
tre manquera pas de roffirir lui*
même avec la plus gtande confiance
pour appuyer fes aflertions ; s'il, eft
coupable , il pourra le prêter , vour
lant paroître innocent* Mais enfin
le Juge 9 dans ce cas , n'aura point
à fe reprocher de l'avoir contraint
à devenir plus coupable encore par
un parjure (i).
. ^^. La manière dont un Juge fe
permet d'interroger un accufç eft
fbuvcnt înfidieufe ; il ne prend que
trop aifément refprit d'une Loi très*
f îgoureufe , qui préfume te crime fur
(i) Suivant les ConftûmipQ^.de. Sardaîgpe ^
Taccufé p'e(jt point tenu de prêter ferment fur
les faits qui lui font perfonnels> mais feule»
ment for le fait d'autrui. Art. 8 du tit. 1 1 j
iiv. 4. Mais le Code de Tln^uKitioa oblige
raccufé i jutct gu'il va djre la vérité ,fur les
Jaits qui lui font pçrfonnds t in^lheurèufe-
ment il exifle plus d^un rapport entce nottç
procédure ôc celle des Inq'uifîtettrs.
1 3
C ip8 3
raccufatloti même; Pour arracher tfe
faccûfé Taveu du délit qu'on lui
impute , il hiî préfente quelquefois ,
comme prouvé , ce qui ne Teft
pas : mais il eft au - defibus de ta
dignité du Juge de fe permettre
lé plus îéger menlfbnge , même pour
parvenir à k découverte d'une im-
portante vérité. Le Juge, qui inter-
roge, doit adopter le doute mé-
thodique d'un de nos plus grands
Philofophes (i) î il doit fe dire à
lui-même : Cet homme peut être ima>-
cent comme il fcui tire coupable ; mon
mmifttre fi borne à la recherche de
TexaBe vérité (2\
4*. Dans nos ufages , im feul
Juge fait cet interrogatoire , aOifté
(i) Defcartes.
(i) Ce ne font pas la, i la vérité, îe»
maximes des Inqnifiteurs, qui emploient la
ïufc & le menfongc pour arracher un areu
de l'accufé. Voy* Dire^riumlnquifitorum^
par Nicolas Eymcric , ni«. Partît.
de fort Greffier , de même qu*U jîro
cède feul à ^audition des témoins<
Les mêmes raifbus , que nous avons
préfentées fur l'objet de Tin forma-
tion ^ s'appliquent ici, L'interroga-»
toire, qu'on fait fubir à lin accufé, eft
un aâe de la plus grande impoir-*
tance pour fon honneur , fom état ^
& ibuvent pour fa vie. Seroit-ce
donc trop exiger, que d'ôrdonnef *
qu'un pareil aâe ibit fait 5 par le
Juge , en préfence de deux Officiera
du Siège » ou de deux Gradués, pour
mieux afliirer -la régularité de la ré-
daâidn ? car , indépendamment des
autres inconvéïfiens , il eft, dans
l'expreffion , des nuances quelquefoisi
imperceptibles pour un accufé qui
fait mal fa langue 9 & qui néanmoins
pourroient être de la plus grande
impprtance pour 0\x contre lui (i)«
(i) Les Cooftlcucions de Sardaigne, ponr
I4
c ^ J
y**. L'Ordonnance veut que Tac-
cufé réponde fans affîftance d*aucuti
confeil : cette difpoCtion doit être
confervée. Le Juge devant préfen-
t«r chaque fait avec fimplicité, il
n^eft en quelque forte queftion que
de répondre par oui ou par non;
& quand il ne faut qu'être vrai,
celui que Ton interroge ainfi y n*a,
nul befoln de confeil pour convenir
ou difconvenir d'un -fait qui lui eft.
ou non perfonnel. Mais cet interro-
» gatoire une fois fubi , les chofes
doivent changer de face , & Tinftruc-
tion doit recevoir tine autre forme :
c*efl: ce qu ôrt va voir dans le Cha-.
pitre fuivant,
* > '■■■ I ■ I I II II
prévenir les moindres altérations, veulent que
les répon&s de Taccufé foient rédigées a la
première perfonne, .& telles qu'elles (ont
rendues pour lui. Par exemple : Je nie que . . .
Je cQnviens que*% •• Art. lo , tic. i x , liv. 4*
C2OI J
MW— ■— —
!»»
^ CHAPITRE VI. r
De la Cmlifdtion & du Règlement à:
V extraordinaire^
XlLpaè^r liiofonnadoi^ & llnterro*!
g^tcpœ f le;lJbi^e €ft"àJpa^tée^tb;
voir fi, par ♦la n^tUre'dfes ctargès"
& par celle du déKt ^ la i:ronteflatioa '
cft dans le cas. d'être ci.^ilifée.;.ou
s'il faut, àiL contraire ,. àjbuter. à T^ft-
truâion- djéjà faite ,rQe. oritçre .égaler,
ment utile 4[ la coniiiâîomdu crime'
& à là'juftificàtîbn de IHnnocehce,
cette épreuve rigoureufe* que Tori''
appelle /confroiMatiomi . ^
Il faut ordonner la coatiniiatiaip
dt ia^procédixretiefitrao!rdiiiairë\
toutéi l^'fas^Hqi(L&lè tfaffxL'accacHi
fation , eafuppofant que les preuves ^
fe foutiennènt , doit opérer la peino
d^ mortV oai au- moins une psine
X*î
I
C aoa J
yraûnent affliâivé ; & les peines
vraîmenl; affliâives, d'après le plaa
que nou$ avons tracé 9. font i^ la.
prifon pour plufîeurs années ou à
perpétuité ; 2\ llnterdiôion pénafe
contre un Citoyen, celle contre un
Juge mêint pour un itèmps , ceUe
contre un Officier fubàlternf à per-
pétuité; ^^. la déportation dans les
Colonies /foit à temps , folt a perpé-
tuité ; ^^ les amendesr équivalentes
au quart des biens des accufés ; 5 Ma
condamnation aux travaux publics ^
foit à temps , foit à perpétuité ;
6^. la dégradation de ,Noble(fe ,
rincapacité prononcée de fervir le
Roi & r£tat dans aucuns emplois
ou offices.
Si le délit eft de natàre à devoir
£tre puni par dés peines plus légè-
res, le Juge pourra civilifo: l'affiiire
en renvoyant les parties à Faudience ,'
2c en ordonnant la converfipa des
C ^03 3
informations en enquêtes : alors Tac-
cufé , auquel les informations feront
communiquées, pourra , fi bon lui
femble , reprocher les témoins re-
prochabies , & demander à faire preu-
ves contraires aux faits contenus
dans la plainte ; il aura par conféquent
toutes facilités pour fa défenfe*
* Mais fi le délit eft aflez grave pour
que l'af&ire mérite d'être fùivie à
l'extraordinaire , fera-ce une raifo»
pour les lui refufer ? La Loi ne lui
mettra-t ellie les armes à la m^in , que
quand il fera queftion de défendre un
intérêt léger ? lui liera-t-elle les mains
^u contraire , quand il- s'agira de dé-
fj^ndre fon honneur & fa vie ?
- . Jufqu'au règlement à Textraordi-
oaire , la procédure a été faite dan»
le plus grand fecret : Taccufateur a
' eu tout le temps d'àflèoir fes preuves
autant qu'elles ont pu Tctre ; &
faccufé , tenu dans les liens les plus
16
mm
étroits 9 fans communication ^ iând
confeil, n'a pu dérober la marche de
foQ crime , s'il eft vraiment coupable.
Mais après avoir permis à Taccufa*
leur d'employer toutes les reflburces
dont il pouvoit avoir befoin pour
îuftifier (on accufation , il faut donner
à Taccufé toutes les facilités nécel^
idires pour juftifier fon innocence,
s'il n'eftpascoupable.Cen'eftquainfi
qu'on peut tenir dans une forte d'é-t
quilibre la proteâion due à l'intérêt
ibcial dont on s'eft occupé d'abord ^
& les égards dus à l'homme qu'op
doit craindre de compromettre.
A partir de ce moment , il con?4
vient donc que rinftniâion devienne
publique , & que ces témoins obf-
curément conduits par Taccufateur
dans le prétoire, viennent en pleine
audience confirmer, modifier ou ré*
trader leur témoignage. Uinftruc-
tion devenant. chargée par yne mut
tîtude de dépofitîons qu'il faut înter*
prêter, apprécier & combattre, c^eft
alors qu'il doit être permis à Taccufé
de fe^ foire affifter d'un confeil, pour
ne rien négliger dans une défenfe
auflî importante (l).
AinG, le jugement qui cbntîen '
tiendra le règlement à l'extraordi-
naire, doit ordonner qu'il fera donn^
copie à Taccufé de la plainte & des
noms & qualités des témoins qui ont
dépofé , pour en venir aune audience
prochaine avec l'accufé , aflîfté de
fon confeil , s'il juge à propos , &
' pour être par lui reprochés fi bon luî
femble , récolés dans leurs dépoC-
tions & confrorttés avec lui,
Obfervons que le délai fixé pouif
• r
(i) Les Conflitutions de Sardaigne don*
nent i Taccufé jan confeil apré$ qu'il a fubi
fon interrogatoire; mais Tinftruftion demeure
toujours fecretce pour le Public.
m^
cette épreuve doit être au- moins
4e quelques jours à partir de la figni-
£k:ation faite à Taccufé des noms &
qualités des témoins , afin qu'il puifle
fe faire inftruire des raifons pour lef-
queUes ils feroient reprochables..
^L'ordonaance exige (i) que Taccufé
qui ignore tout jufqu'au inoment
de la confrontation ^ & à qui les té-
moins font préféiités alors pour^ la.
première fois, foumifle néanmoins
fes reproches fur -le -champ , finon
quil en foit déchu; mais n'eft-ce>
pas vouloir en quelque forte le ré-,
duire à Timpoifible ? & ne diroit - on
pas qu'il importe peu que les t&noins ^
foient reprochables , pourvu que Tac-
cufé foit condamné i
(i) Arc* i6 du tic. i^
>-'.
-; A. ,
\
C ^07 J
CHAPITRE VIL
Des Reproches;, RécoUmens & C^nfrrn^
tations.
Â/ans Tufâge ,, fe récolement fe
fait féparément de la confrontation ,
& les reproches ne font fournis par
l'accuie qu'après le réco!ement. Nous
propo(bns ici, pour fimplifier lis
opérations , de reprocher le témoin ,
de le récoler & de le confronter par
un même aâe & dans une même
féance.
Au jour mdiqué par le règlement
à l'extraordinaire , les témoins fe pré-
Tenteront à l'audience publique vis-
à-vis de Taccufé , de la partie civile
s'il y en a , & du miniftere public ^
pour être reprochés s'il y a lieu , ra-
colée & confrontés»
t ^0% i
Ceftdans cette importante épreuve
que la vérité doit fe montrer avec
éclat* Un plaignant , qui accufe en
face defes Concitoyens ; des témoins^
qui comparoiiTent devant eux dans
les Tribunaux pour confirmer leur5
dépofitîons , ou les modifier , fem-^
blent y porter leur confcîençe à dé-
couvert ; l'attention publique pefe
fur elle, pour ainfi dire ; la vérité*
cft comme forcée de fortir de leur
bouche. Si ces témoins ont des liai-^
fons fufpeâes avec Taccufateur, ils'
favent qu*ils vont être reprochés
fur -le- champ : s*ils pouvoient être
capables d*imputations calomnieufes ,
ils favent qi^e^ Faccufé va les réfuter
avec cette cfti^nance qui accompagne'
la bonne foi; & que^ fi le refjTeâ pa-'
bllc donne des entraves^ â Timpot*
ture, il donne une forte d^énergie*
à rinnocence, ^
Voici donc de quelle manière il
paroît utile de procéder. Les témoins
ferbnt appelles dans Tordre fuivant
^ lequel ils auront été entendus lors
de rinformatîpn ; le Greffier donnera
Jedure publique de la dénonciation ,
s'il y cri a- eu de régulieremenr faite ,
de la plainte & de Tinterrogatoire.
Enfuite , & après la leéhire des noms
& qualités du premier témoin , le
Juge demandera à Taccufé s'il a des
reproches à fournir contre lui ; • le
procès-verbal , didé par le Juge,
toujours aflîfté de deux autres Offi-
ciers , contiendra la réponfe de Tac*
cufé, ainfi que les reproches qu'il lui
plaira de propofer contre le témoin,
s'il en a.
' Après ces reproches, il fera donné
lefture de la dépofition de ce té-
moin , & le Juge lui demandera s'il
y perfifte , s'il entend y ajouter ou
diminuer.
C 5tio 3
Remarquons ici que, fi lefémbiit
fe rétraâoit en alléguant une excufif
raifonnable de fon erreur , il ne fau-
droit pas le pourfiiivre eonimc feu3t
témob ; cette rigueur feroit plus fa-
tale à Taccufé qu'au témoin peut étre^
puifqu'elle ferait à celui-ci une forte
de néceffité de perdre J'accufè en
perfiflant dans^ne dépofîtion faufiè »
pour éviter de fe perdre lui-même.
Si le témoin përfifte dans fa dépo-
fition , Taccufé, aflifté de fon confeil ,
fera le inaitre de lui faire fur cette
dépofîtion telles interpellations qu'il
jugera nécef&ires, auxquelles inter-
pellations le témoin répondra ce qu'il
croira convenable j & le procès-
verbal contiendra tous ces faits, in-
terpellations & réponiès,
La rédaâion de ces opérations*
ayant été lue pour conftater ù^ régu-
larité» eUe fera figmée par Taccufe &
Caii 3
par le témoin s'ils favent figner, &:
par les Juges qui procéderont à cette
opération.
Il fera procédé de la ibrte \ïs-kr
vis de chaque témoin , en plufieurs
féances, û le nombre des témoins 8t
la nature de Taffitire ne permettent
pas de remplir ces formalités dans
une feule.
Les témoins qui n'auroient pas
chargé Taccufé dans Tinformatic^,
feront pareillement tenus de corn*
paroître , parce qu'il feroit poflible
que^ dans cette épreuve çpntradic-
toire & publique, ils ajoutailènt à
leur déposition des faits qui ten-
diflênt à la charge ou à la décharge
de Taccufé.
Dans cette efpece de lutte , nous
avons fattention de ne donner aux
combattans que des armes égales. Si
les témoins ne font pas prévenus fut
/
les interpellations que Taccufé peut
leur faire, Taccufé rie l'eft point non-
plus fur leurs dépofitions, qu'il en-
tend pour la première fois lors de
cette épreuve; & en tenant airifî la
balance en équilibre entre Taccufa*
teur, fes témoins & Taccufé, c'eft à
la vérité feule qu'il appartient de la
faire pencher.
Cette épreuve publique faite d'une
iHaniere franche, noble & impofante,
fuffira ceftainement pour procurer
l'évidence dans la plupart des pour-
fuites de ce genre î & fi l'accufé ,
conime il arrive foûvetit , n'a pas de
témoins à faite entendre , le minif
tere public pourra donner fes con-
cluCons dans la féance où cette
épreuve fera terminée , & les Juges
mêmes feront à portée de pronc»icer
leur fentcnce.
Mais il eft quelques affaires telle*
£213 3
ment compliquées, qu'elles exigent
une inftruâion plus ample , foït rela'
tivement à l'incertitude & à la nature
des preuves que l'accufateur peut
réunir contre l'accuTé, {bit relative
ment aux faits juftificatifs de l'accufé
contre l'acculàteur : de-là quelques. ,
réflexions à propofer fur ces preuves
& fur ces faits.
£ "4 5
CHAPITRE VIII.
Des Prewes & Indices.
KJ V accûfé doit ctrc abfous , s*il
n^exifte point de preuves contre lui;
)(bn innocence eft préfumée par cela
feul : il n'eft pas obligé de prouver
qu'il n*a point donné la mort à cet
homme dont ràiTafllnat. forme Tobjet
de la pourûiite ; il Tuffit qu'aucun
témoin ne le .charge de ce crime.
Gardons-nous de porter atteinte à
des maximes pareilles ; ce . feroit
violer les droits les plus faints de
rhumanité.
Deux témoins unanimes & irré-
prochables fuivant nos règles (i)^
>
(i) Nous ne nous occuperons point ici
4es circonftances <pi renflent les témoins
repiochables ^ nos Criminaliftes préfemen(
•mp" ^Vè*^ ^
- <
% 2i; 3
qui . dépoferoi^nt avoir vu Taccufé
commettre l'attentait ^ fuf&oient
pour le conduire au dernier fuppUce*
iVoilà nos principes ; il faut bien les
admettre , a moins que la crainte
d'être trompés par ce témoignage ,
ne l'emporte fur celle de tous les
défordres que pourroit entraîner
Fimpunité des crimes. Gémiiibns fur
les bornes de la fageflè humaine;
elle marche entre àt% écueils , & le
plus dangereux eft celui qu'elle doit
éviter.
La confeffion del'accufé ne pourra
former de preuve s'il , n'exifte aucun
témoignage contre lui ; l'intérêt qui
nous attache à la vie eft fi naturel
& fi général , que nous fommés en
quelque forte fondés à regarder
CQmme in(ênfé celui qui , n'ayant
fur cette matière à<t% principes trè^î^fages , &
DQUs n'écdvons pas pour faire un volume.
aucune efpece de preuve à craincire ,
s'avoueroit coupable d*un crime aflèz
grave pour devoir être puni par la
mort. De-là cette maxime t Non au-
ditur ptrirt yolens. Mais il n*en doit
pas être de même fans doute, quand
la confeflîon de Taccufé fe trouve
jointe à la dépofition précîfe d'un
témoin non-fufpeâ: ; car , fi la crainte
de la peine femble faire à Taccufé
imc néceffité de la dénégation , il
faut convenir néanmoins quHl eft des
cîrconftances où la vérité a un grand
empire , fur-tout quand elle eft pré-
fentée à Taceufe par un témoin qui
foutient , avec fermeté , lui avoir
vu commettre Tattentat.
Quant aux indices qui viennent
quelquefois à Tappui de la preuve^
ou par lefquek on cherche à la fup-
pléer, il n'eft pas poflîble d*aflîgner
des règles fixes. La preuve fuppofe
rimpolfibillité qu*u|i autre que Tac-
çufç
cuSé foit coupable du délit ; l'indice
préfènte feulement la probabilité que
l'accufc en eft coupable. Pour que
' la Juftice pût condamner ' fur des
' indices , il faudrott donc que les
probabilités qu'ils préfenteroient ,
fulTent rellement accumulées , Se
offriflênt un faifceau de lumières
aSez confidérable pour équîvaloic
â l'évidence de la preuve ; il fau-
droit que Je concours de ces in-
dices multipliés opérât ce que nous
appelions probationes luce dariora.
f
"N
C 2ï8 3
« Mil' ^iMï^tfét
CHAPITRE IX.
Des Faits jujlijicatifs & des Exemptions
péremptoires.
ij*ORDONNANCE , après \m%
longue & rigoureuiê . înftrudtion ,
permet enfin à Taccufé d'articuler
cjes faits pour fa défenfe , & de de-
mander à en faire la preuve : mais »
par les entraves qu'elle met à cette
faculté naturelle, on diroît que c'eft
plutôt une grâce qu'une juftice qu'elle
accorde ; ^ufli rend - elle cette dé-
fenfe extrêmement difficile , foit en
refufant à l'accufé tbute communi-
cation dii procès , foit en ne lui
permettant pas d'articuler des faits
juftificatifs, autres que ceux con*
fignés dans fes interrogatoires Se
confrontations ( i ) - ^
(i) Art. * du tic. 18,
■«■IVM
Supprimons cettis injufte & tîop
dangereufe rigueur.
L'inftrudion , comme on Ta déjà
dit , doit être fecrete dans le prin-
cipe , pour empêcher qu'on ne fafle-
lien de contraire au fuccès de la
recherche ; elle doit devenir publi-
que à partir du règlement à l'extraor-
dinaire , pour vérifier les dépoCtions
des témoins par l'épreuve la plufi
efficace : cette formalité remplie,
elle doit être commune à Taccu^-
teur & à Taccufé , afin d'y prendre
les armes dont ils ont hefoia , Ti^n
pour (butenir fon attaque , & l'autre
pour y défendre (i).
Ceft par ces gradations , (àgemcnt
(f) En Sardajgae^ quand l'inilniâloa câ
Ikite, on ordonne, au choix de Taccufê,
qu'fl lui en fera délivré copie, ou qu'elle
fera communiquée â fon Avocat, ^rt. 3^.
^t» l%f.lisf» 4 dcf CanftiwL
r
€ ^20 3
ménagées, qu'on peut arriver dans
les affaires difficiles au période né-'
ceflalre , tant pour la cohviâion du
crime , que pour la juftification de
l'innocence.
Il ne fuffira pas a Taccufé de
pouvoir prendre , par fon défenfeur,
communication des pièces du pro-
cès , pour mieux afTurer fes faits juf- -
tlficatifs , sHl en a de valables àpro-
pofer ; il doit enèore lui être permis
ci*en articuler d'autres que ceux con-
(ignés dans fes interrogatoires &
confrontations , fi ces autres faits
ont un trait dired à fa défenfe: car,
lors de ces ades, il a pu omettre.
des circonfbnces e0entieUes , il a
pu ignorer des faits important; or,
le défaut de mémoire , de préfence
d'efprit , l'ignorance , oe font certai-
nement pas des crimes qu'il faille
punir de mtort.
Mais fera-t-U donc oécelfaire ,
T.^^.
I
C 2^1 3
dans tous les cas , d'attendre le conv
plément de rinftrudion ^ pour qu«
Taccufé foit admis à la preuve de
fes faits juftificatifs ?
L'Ordonnance , par une difpofi-
tîon générale , lui interdit toute
efpece de preuve , fi ce n'eft après
la vifite du procès. La dureté de
cette difpofltion a étéfentie depuis
long-temps ; nos Jurifconfultes ont
en conféquence cherché des pallia-
tifs. Parmi les moyens qu'un açcufé
peut employer pour fa défenfe , il
en eft qu'ils ont càradérifé d* excep-
tions pérempioires , & d'autres de
faits juftificatifs proprement dits. Us
ont penfé que la preuye de l'excep-
tion péremptoire devoit être ordon-
née auflî- tôt qu'elle étoit demandée^
& que celle des faits juftificatifs
ne pouvoit l'être qu'après la vifite
du procès.
Mais il s'élève fans cefle des difE-
K3
C 224 3
Dans le fécond icas , il' n*y a poînt
de donnée comme dans le premier,
puifqu'il n'exUle auctin corps de délit ;
la Société ne voit nulles traces du
crime que l'accufation fuppolè: cette
accu^tlon pourroit être • le fruit
d'une méprif» ou d'une calomnie;
rintérct de la pourfiiite eft par con-
séquent ici bien moins pref&nt.
Pourquoi , dans ce cas , l'accufé ne
feroit -il point admis auffi - tôt fon
interrogatoire fubi , à prouver par
exemple que l'homme, qu'on l'accu-
feroit d'avoir aflàlïlné , exifte dans
tel ou tel lieu î pourquoi même ,
en fuppofant la réalité cfun délie
quelconque, ne feroit -il point reçu
éprouver qu'il n'en eft pas l'auteur,
parce' qu'il étoit dans tel pays fort
éloigné à^ç&û àiLdétlt.le jourau-
queT^lr prétendrott qu'il auroit été
commis ? pourquoi enfin , fî l'accu-
fation n'avoit , d'autre motif que la
méchanceté de Taccufeteur , & fi
^ce dernier avoit corrompu des té-
moins pour fervir- fa haine , Taccufe
.ne feroit-il pas recevable à rendre
plainte contré lui en calomnie &
fubornation , & même ,en faux té-
moignage contre tels ou tels té-
moins ?
Si une pareille plainte étoit pré-
fêntée, il faudroit furfepir à Tinftruc-
tion de Taccufation principale, jufqu'à
ce que la plainte incidente eût été
inftruite dans la même forme que
celle ci r deflus propofée. Si cette
plainte étoit juftifiée par rijiftruc-
tion , il faudroit, en y faifant droit»
anéantir en même temps Taccufa-
tion principale dont la calomnie fe-
roit évidente ^ alors. Enfin , fi la
plainte .incidente • n'étoit pas jufti-
fiée , il faudrpit que le Jugement
qui la profcriroit , ordonnât qu*il fe-
roit paffé outre à k confrontation
K f
pour juger àébiivy
Aiof. , nous °« P . . ^ qui doi-
-^•'^''^'"^Ctt occuper, dans
vent perp^^f ^^"e importance ,
une Hiatiere de ce«e J ^^^ ^^^,„,
de délit certain , «^JJ .^ j i„,^rét
/tfc/W.- car la ^«5 j^s promr
tcment P^^^''^* <,,^ «'exifte po^"«
du coupable. =• ^^ contraire,
de corps de <»^" ^„^ U s'ecne*.
écoutons Pf^'^.'-^n, dépofe contre
Auem fait '*^"'"^^/'J^Jr la mé-
tho^eté de ^«^f« j^^^ .^^ji^e
i, mon '««r!"l ae mes témoim . «»-
e/ «iani la bouche ae mes
•■wiwfeî-Ie* •
^
CHAPITRE X.
Des Jugtmtns de première injiance.
Kjès Jugèniens font mtérlocu-
toires du définitift.
' Un Jugement interlocutoire eft
celui qui admet Faccufé à prouve!
fes exceptions pérémptoîres ou fes
faits jûftificatifs , & nous Venons d'crt
apprécier Tutilîté.
C*étoît encofe un Jugement în-^
terlocutoiré que céliiî qui, dans lé
ca* dJinfaffifanee des preuves , ordoiai-
noît que TaccuCî feroit appliqué i
la^^ueftion, & diaprés lequel le Juge
fenibloit lui dire : Si ta inavoués cou^
patte y ton aveu te conduit au fuppticés
jft tu ne veux pas te condamner à la
mort par ton aveu , je rais te faire
fouffrir un tourment plus aigu & plus
long que celui de la mort prompte^
K 6
' /
à laqiuUe tu tt condamntrois ; fi tu et
ajfti robufit pour que la douleur ne--
braale pus ta fermeté , que tic mérites
la mort ou non , tu vivras. BénîfTons
le Légtflateur, dont la main bien-
£ai&nte vient d'arracher cette diTpa-
fîtion barbare de noti^ Code (i), .
La Juitice ordonne quelquefois un
plus amplement informé pendant un
an , quand elle n a pas de preuves
fuffifantes pour condamner ou pour
ablbudre. Cet ufage mérite d'être
confervé : mais il paroit trop dur
de rétendre au plus amplement in-
formé indéfini. Dans ce cas, un ac-
cufé n'eft relâché qu'avec menaces
de le reprendre s'il fe préfente de
nouveaux indices : c'eft tenir un Ci-
toyen perpétuellement fous Tana-
^me de la Loi ; c'eft imprimer la
tache de FinEsunie lûr le firont d'un
(i) Dédanôon da Roi, du mois dcSepcemb.
»78o.
^
dçcufé qui , peut - être , n'eft pas{
coupable : il vit en tranfe ; il voit
Je glaive de la Juftice fufpendu fur
fa tête ; il craint à chaque inftant de
tomber fous fes coups : cet état eft
trop cruel. Si après le plus ample-
ment informé pendant un an , il no
furvient pas de nouvelles preuves,
il faut renvoyer Taccufé , en pronon-
çant par un hors de Cour fur Tac-
cufation.
Ce hors de Cour n'emportera point,
d'infamie. Il peut rendre Taccufé
fufpeâ: mais fi fa conduite ultérieure
eft d'une honnêteté fouteoue , les
gens de bien n'imputeront fon in-
fortune qu'à ce concours de circonf^
tances quelquefois aflez fatales , pour
prêter à l'innocence même , les appa-.
rences du crime.
Il ♦ eft deux autres (brtes de Ju-
gemens définitifs ; celui de la dé--
' charge pleine & entière , ^'il n'exiftç
VI
€ ^3^ 3
point de preuves contre Tacxufé ; &
celui de la condamnation , s*il y a
preuves fuffifantes contre luî.
Maïs , quels que foient les Juge-
mens , interlocutoires ou définitifs ^
rinftruétion une fois devenue pu-
blique , à partir du règlement h
l'extraordinaire , il convient que ces
Jugemens foient publiquement ren-^
dus , & même que Taccufé foît
admis à faire plaider fa caufe , quand
elle eft telle qu'un défenfeur honnête
doive faire des efFerts pour luî. Sî
àti affaires du plus modique objet ,
qui nlntéreffent que deux particu-
liers , & qui font indifférentes à
Tordre public , lé difcutent tous
les jours dans nos Audiences ou-
vertes à tous les Citoyens ; à plus
forte ralfon doit-on difcuter & juger
publiquement ces pourfultes rlgoù-
teufes 5 qui ont pour objet Tîntérêt
4e la Société entière ; & n'efl-il
pas étrange de lui faire un Tecret
d'une difcuSion engagée pour elie ?~
Ajoutons que cette publicité ne
peut qu'aHurer la régularité du Ju-
gement. Hélas ! tel eft le fort deS
vertus humaines , que fouvent ,
pour ne fe point démentir , elles
ont befoin d'être foutenues par h
préfence impofante du Public.
CHAPITRE XL
De rappel des Jugemens déjinitifi»
. JL ' A p P £ JL , dont nous ehtendgns
parler ici , n'a d'autre objet que Jà
révifîon du Jugement de première
înftance par les Juges Souverains
du refibrt, quand le crime qui fait
la matière de là pourfuite , doit; être
puni par une des peines indiquées
au Chapitre VI de cette troifieme
Partie ; quand il s'agit en un mot ^
de flétrir un Citoyen , de le priver
de fa liberté ou de fa vie. . Les droits
de rhomme ne font -ils pas aflez
précieux pour ne pas faire dépen-
dre (on fort d'un premier Jugement ?
-Il importe à l'himianité , & à l'in-
térêt public , que l'appel foit de
droit en pareilles circonftances , ou
q^i'il foit toujours interjette par
?
r
Â
N
Ç235 3 _
rOfficîer chargé du minîftere pu^
blic 5 quand bien même Taccufé ne
réclameroit pas (i).
Suivant le. Code Britannique , il
n'y à pasr lieu à Tappel du Jugement
de première inftance, quand ce Ju-
gement contient la décharge de
raccufatk>n : mais s'il y a Jugement
de condamnation , & que cette con-
damnation contre Taccufé foit nç-
toirement injuAre » elle eft anéantie
fur la pourluite du Roi*
Cette dîfpofition tient au vice
même du Code , qui , par excès
de ménagement pour l'humanité , ^
perd quelquefois de'vye les intérêts
du corps focial. Nous avons dit que
la perfeâîoa de la Loi , dans ce
genre 9 devok conitfter à tenir la
balance égale entie les dxcôts de
^— t— -I ■■ I ! ■ ■! I , , I l ' , _• I I I ■!
<t) Même règle, art. i*'. tit it, liv. 4
âcs CoQ(^i;ucxoQS ^e Satdaigne.
n
C ^34 >
ilioinme & rintéret de la Société.
£n partant de ce principe , nous
penfbns que la Sentence qui dé«
charge un accufé en matière grave ,
doit être, (ujette à révifion comoie
Mlle qui le condamne à fubir la
peine : au premier cas ^ parce que
l'intérêt du corps fbcial a pu être
facrifié aux égards dus à l'homme;
au fécond cas , parce que les égards
dus à rhomme ont pu être f acrifiés à
une recherche injufte , dont rintéret
du corps focial auroit été le prétexte.
Mais quelle fera la forme la meilr
leure pour procéder à cette révifion ?
L'aâkire a reçu fon inftruâion en
première inftance;les informations^
les interrogatoires , les procès-verV
baux de reproches , récolement &
confrontation, en font partie ; la
promptitude de l'expédition iemble
exiger que des procès de ce genre
foient difiribués de la manière pref^
çrite par FOrdonnatice de 1070,
pour être rapportés par Tun deS
Magiftrats ed la Chambre ^e la
Tourftelle , & d*aprè$ les conclufions
par écrit du miniftere public.
Mais ferôit-ce fluire à l'expédî-
tioîi 5 que de faire ces rapports pu-
bliqueméftt , & de donner au Public
en dernier reflbrt . comme en pre-
mière inftance , la fatisfaâion d'être
iftftruit des circonftances d*une^af'-
faif e pourfuivie en fon nom ? Le rap-
port public n*entraîrîeroit' pas , ce
femble , de plus long's délais ni de
plus grands détails que* le rapport
fecret. De jeunes Magiftrats trouve-
roient dans, cette carrière de nou-
veaux motifs d'une noble émula*
tion 4 & les occafions d'étendre Itvtt
gloire (I).
(i) La publicité du rapport n'empêcheroît
pas qu'on ne fît retirer le Public pour recueil-
lir les Toiz avec plus de liberté.
-',
t23ÎÎ3
Ce feroit alors que dans ces afiaw
res fur-tout qui excitent un grand
intérêt , fbit à raifon 4e la qualité
des perfoonages , (bit à raifon de la
bizarrerie des circonftances , un in-
nocent déchargé de raccuiâtlon^
jouiroit de tout fon triomphe. Avec
quelle ùinte ivrcttc le Public aflêm--
blé entendroit TArrét qui briferoit:
fa chaîne ! ayec quelle fatisfaâion
fes amis voleroient dans fes bras 1
L'éclat (fune parelUe îuftification
n'eflril pas dû à Phomme de bien
qui a long - temps foufièrt ? & les
larmes d'une joie pure, quicoule-
roient alors dans le fanâuaire , n'ho-
noreroient-elles pas la Juftice ? ^
Si la jufttfication d'un issocent
jBKÎ^e la iênfibilité d'une ame ver-
tueufe y la conviâion du crime pro-
duit rindignation : le cœur alors iè
ferme à la pitié ; & le Public , pré-
paré à l'un ou à l'autre de ces évé-
€ 237 3
nemens par un rapport lumineux 8^
par une difcuflîon fage , trouveroit
dans cette expoiîtion , une moral*
d'autant plus perfuafive que l'exem-
ple y feroit joint au précepte , &
que la -peine y fuivroit de près le
Crime : le fentiment profond & gé-
néral produit par ces Hautes leçons ,
. pourroit-il être autre que Thorreur
du vice Scfamour de la vertu (i)?.
{i) La ma,nîere dont nos Cours Souveraines
font compofèes, met à l'abri de toute inquié-
tude fur la forme ufîtée pour les rapports. Ce
qu'on propofe ici > n'a d'autre objet jqu'un plus
grand bien.
*V^
\
4
C238 3
CHAPITRE XI î.
Pe la pluralité nécejfairt dans les
Ju£ragu pour la condamnation^
JLf £ s hommes font jugés par des
hommes ; & des Juges égalemeaC
honnêtes , également înftnilts , dif-
férent quelquefois dans leurs avis.
Dans les Tribunaux les voixfe comp-
tent, & la pluralité l'emporte. Mais
quand il s'agit d'ijne condamnation
capitale , ai faudroit-il pas une plu-
ndité {dus grande, qu'en toute autre
matière? Les Rédaâeurs ■de notre
Code ont paru fentir cette vérité :
en conféquence l'art. I2 du tit. 25*
porte qu*en Cour Souverame le Ju-
gement doit paflêr à l'avis le plus
- doux , fi le plus févere ne prévaut
de deux voix. Maïs eft-ce pncore
ailèz de deux voix de plus contre
Faccufé dans un Tribunal compoCE
d'un grand nombre de Juges ? & le
peu d'importance . que cette diffé-
rence paroît avoir , permet-il de lui
donner . un effet auffi terrible que
celui de conduire un Citoyen à Fé-
chafaud î! Pouvons-nous croire que
l'infortuné qu'on envoie - à la mort
foit évidemment convaincu du cri-
me qui la mérite , quand dans un
Tribunal de vingt ffix Juges , par
exemple , douze oiïl été d'avis qu'il .
ne devoît pas périr ? "• ^ %'.
Nous ne propoferôris pas d^adop- .
ter la Loi Britannique , qui fait dé-
pendre la condamnation capitale de t *
l'unanimité des fuf&ages : ce feroit -
la rendre fouvent trop difficUer, lors
même qu'elle feroit évidemment mé-
ritée-, car la volonté d*un feul pour-
roit alors balancer la volonté de tous
le$ auttes. Mais ne pourroit-on pas
trouver un- tempérament qui fe-
u7
toit juftifié par les calculs de la pru-
dence ? Suivant nos ufages, il fuffit
de trois Juges pour prononcer ' fur
une accufation capitale en première
Inftance ; parmi ces trois J.uges ^ il
fuffit qu'il y en ait deux pour la
condamnation. Confirmons cette re-
gle, en établiflânt la même propor-
tion pour le Jugement de Cour Sout
veraine. Le condamné en caufe prin-
cipale par un Tribunal de trois Ju-
ges, ne Ta été que parce quil a eu
au-moins deux voix contre lui , c*elt-
à-dire , dans cette efpece , les deux
tiers duTrîbunaU Pourquoi, en Cour
Souveraine , n'exigeroit-on pas , pour
une condamnation pai'eille , les deux
tiers des voix contre l'accufé ?
Cette pluralité feroit aflèz confi-r
dérable,p6ur tranquilliferles e/prits
fuj: la crainte d'une erreur fatale à^
l'innpcence , & ne Iç feroit pas aflèz
pour
pour craindre que le crime prouvé
ne fût pas puni.
Au furplus, la plupart des affaî-
res criminelles , fur - tout d'aprèis
répreuve de la confrontation ^ubK- s
que , fi eDe eft admife , doivent por-
ter, avec ejles ua caraâçre d'çvî-
dence. qui de lui-même entraîûe la
plus grande pluralité. La condition
(ies Juges* (ècoxt bien doujoureufe.
(î, quand il eu queflion d^s droits
les plus précieux de rJiunianitjé y d^
Fétat & de la vie Àqs Jioi;nmes , ils
n'avoient jainais que des problèmes,
difficiles à réfoudre. Mais quand ces
cas fe préfenteront , n'oublions pas
que le fang 4e finnocent orie ven-
gçance , & quiLvaiidrpît mieux laif-
fer plufieurs crimes impunis, que de
rifq^r de le répandre.
£
91
€^42 5
■>>iitYK?: ^iiirf>y
CHAPITRE XIIL
Des Jugemms fouvtraim (S* de kur
epçicunon.
i5*A G I T- r L. d'un Arrêt qui . con-
tienne la décharge d'un accufé, foit
en confirmant , foit en infirmant le
Jugement de première inftance ? la
Juftice ne fauroit être trop atten-
tiye à proportionner la réparation
iu préjudice ; car les outrages faits
à Pkomme jufte, alarment la plus
précieufe portion de la Société, tous
les gens de bien.
* Si le miniflere public a pourfuivî
feul fiir une rumeur trompeufe, &
fans dénonciation régulière 9 alors
ce fera le cas de décerner à Taccufé
un «écutoire fur la çaiflè des con-^
fifcations pour le montant de fin-
demnité qui lui eft due > amfi quQ
j
nous l'avons expliqué Chapitfe XIII
de la première Partie.
Si k pourfuite a été faite par le
miniftere public conjointement avec
une partie civile , c*eft la partie civile
qui doit ^e condamnée à la répa-
ration du préjudice.
Si le miniftere public a pourfuivï
feul fur une dénonciation fecrette
d'abord , mais devenue publique à
la confrontation (r) , & qu'il foît
évident que la dénonciation n'étoit
pas le fruit de Terreur , mais celui
de la méchanceté ; le dénonciateuc
doit être condamné par le même Ju-
gement qui abfbudra l'accufé , ^ Tin-
demnité du tort qu'il lui a fait (2);
(i) Voyez Chap. VII de cette Ul\ Partie.
h) Dans nos .ufages , Taccufé ne peut
obliger le miniftere public â lui nomiîier £bn
" dénonciateur 'qu'après qu'il a été déchargé
par Arrêt ^ de forte qu'il faut que ce mzU
lieurdut^ après aivoîc long-têmps foufiert/ ait
La
f
■
I
1
I
■
J
C^H4 J
fir en cas <fiiiiôlvabilité , cette m-
demnité doit être (bppléee parla cai&
àes mofiira rions , potfque la poui-
faàtt a été Êite au nom du miniftere
pobfic, &uf à lui â lequérir contre
Je ratotnajarcw qui fa trompé^ les
pâocs affîârves que Tordre îocial a
le dbott if o^er pour on délit de ce
STi^'îi â^aa Anet de condam*
) il dcMt s'exécutei avec la
|iIb$ gaait publicité. Que le cilmi*
(oit conduit dans le lieu de ion
! que le fcaadale foit réparé
par Tcaemifh du châtiment ! S'il eft
^Qcfiiao de b peine de mort , que
fsetre pdne ibit toujoiHns précédée de
ce ccrgnonial impoÇint, dans lequel
■L iMOprcan procès podr parvenir i
toa iodoBiasi, ou qo^ y icqoqcc $ (k For*
«ne, épiBËe par k premier procès, ne loi
pas Jha foatcQU on fecood«
r»
t ^4; 3
le coupable , à genoux & la torche
au poing, demande pardon à Dieu
& à la Jufticé. S'U s^agît d*un cou^
pable puni par la déportation daiii
^ les Colonies, ou par la condam-»
nation aux travaux publics , qu*il
folt expofé publiquement au pilori
^ ou au carcan dans les carrefours ^
aVec les marques indicatives de fort
crime ! car la langue des fignes eft
éloquente pour le Peuple , il faut
frapper fes yeux. Que f Arrêt de
condamnation à mort rappelle fiir-^
^ tout Tatrocité du délit, pour empè»
f^ cher la pitié que pourroît produire
^ le fpedacle du fupplice ! car tm fen^
? ^le n*eft jamais vertueux quand il
*^ n*eft contenu que par là crainte des
? peines ; il faut qu*il le foit encore
par dette horreur du crime, qui
. n'exifte jamais fans le goût du bien.
^ Ceft ici qu'une Nation qui pré-
tend avoir atteint le plus haut de-
L s
;.;
1;
if
)
^
L
gré de fageflè dans fa Police pénale ^
«'cft écartée vifiblement du but. Eçi
Angleterre le fupplice eft comme
^pouillé de cette horreur qui forme
fa véritable utilité. Les coupables ,
fou vent en allez grand nombre^
font conduits environnés de leurs
parens , de leurs amis ^ au lieu de
l'exécution : ils haranguent le Pu-
blic \ ils font bravade d*une froide
intrépidité \ ils regardent la mort
prompte qui les attend , comme un
paffage rapide qui va les délivrer des
iniferes humaines ; & le Peuple 9 en
s'affemblant autour d'eux ,, paroît
j[noins avoir pour objet de les hu-
milier par fon indignation , que
d'applaudir à leur courage.
. /
€ 247 )
.1 -'" I --If ^\ •-• ' "- -- - ijj
CHAPITRE XIV.
Dé la Contumace. '
O r un accufé, par la crainte d'une
inftruâion auffi rigoureufe que la
nôtre , ou par quelqu'autre motif,
fe dérobe à un décret de prife-der
corps lancé contre lui, la Loi veut
que fes biens foient faifis & anno^
tés , fans même qu'il foit befoin de
permiffion de Juge ( i )•
L'Ordonnance civile prefcrit aux
Tribunaux de ne prononcer une
condamnation demandée contre une
partie défaillante , même pour l'in-
térêt le plus modique , qu'autant
que fa demande fe trouve vérifiée ;
& l'Ordonnance criminelle , quand
il s'agit de la mort civile du défaîl-
— - — _ _■ ^_____^_— ^^
(i) Art, i" du th, 17.
L 4
C ^8 3
lant » de fa ruine entière y. & de la
confîfcation de fes biens , veut que
le Jugement qiiî interviendra con-
tre le contumax fur les concluions
du miniftere public , déclare la conr
tumace bien inftruîte, qu*ii en ad-
juge le profit , & qu*il prononce la
tondamnation de faccuie (i) : ain/î
h Loi paroît réputer Taccufâtion
]iiftifiée , par la feule raifon que
Taccufé ne fe préfente point pour
la combattre.
. Ce procédé, tient à Texceflive fê-
vérité de notre Code, Si nous blâ-
mons quelques ufagcs de nos vol-
fins , nous pourrions adopter en
partie leurs principes fur l'objet
dont il s'agît ici.
En Angleterre , celui contre qui
le Juge a décerné un décret dç
prife-de-corps , eft fommé de com-
(i) Art. 15 du lit» 17.
j)aroître par cinq proclamatiort^ fuc-
ceflîves : à défaut de fatisfaire â la
dernière, il eft réputé ex-Loi; c'eft-
à-dire qu il eft privé de la prptedion
de la Loi , & qu'il ne peut plus
jouir alors des biens qu'elle âccoi-dô
à chaque individu ; les TribunaU^^
font fermés pour lui , & il n'a pîui
d'adion en Juftice pour la confer-
vation de fes droits. Adoptons cet
ufage , ou , fi l'on veut , ne permet-
tons de faifir & annoter les biens-
meubles & le5 revenus de l'accufé
qu'après lui avoir fait , à des épo-
ques différentes , trois fommations
de.fe préfenter ; mais^ne le décla-
rons pas coupable , par la feule raî-
fon qu'il ne fe préfentera pas : que
les ténibins qui ont été entendus
cotïtre lui , foîent récolés & confron -
tés à l'Audience vis-à-vis du mînif -
tere public , auquel il appartient de
défendre les intérêts des abfens ,
I
,1 ■
!
V
C 2;2 3
tMOU
CHAPITRE XV.
Idée £un Supplément nécejpùn à cet
Quvrage.
JL/aks les réflexions rapides qiid
nous venons de tracer ^ nous fommes
loin d'avoir tout apprécié, tout pré-
vu ; cependant notre Plan embraflbit
plus d'étendue encore , lorfque nous
l'avons conçu.
II ne fuffit point en effet de fixer
les vifaî^ priricfpes de la inatiere,~^
de pr6p6rtibnner lies pebes aux
difFéreris genres de délits , & de ré-
gler la manière dont on doit pro-
céder à lêUf poulrftiite': ce feroît
rendre à rhumariité un fervîce beau-
coup plus important, que d'établir
les précautions propres à rendre ces
délits moins fréquens , & les pei-
nes par conféquent plus rares. Cet
^m
\
\
€ ^;3 3
objet d'utilité paroît moins dépen-
dre des^ Loix que des mc^urs : maïs
le Légiflatéur, par des réglemens fa- ^
ges, peut parvenir à modifier les v
^ mœurs , & rendre à Thomme la pra-
^ tique 'des vertus plus facile , en éloî-
p gnant de lui les motifs qui le portent
aux: vices , & ces occafions dange-
reufes qui font comme le foyer de
leur fermentation.
Ces vices p^roiflent avoir quatre
caufes principales : les befoins réels
de la pauvreté, qui peuvent quel-
quefois l'engager à des rapines & à
dès vols ; les befoins factices du luxe ,
qui conduifent à Tefprit d'intrigue
& aux infidélités J le goût du célibat
fouvent produit par le luxe , & qui
eft à fon tour la caufe produdivè
^ des atteintes portées à l'honneur
conjugal & à la pureté des moeurs ;
l'infuffifance de notre éducation pu-
blique , qui enfeigne des mots. &
f
C 2;4 3
néglige les chofes , qui donne dé \^
fcience & non de la vertu*
Il faudroit donc voir, i^# com-
ment l'£tat , fans augmenter fes dé-
penfes , pourroit aflurer Texiftence
des Ouvriers & Artifans les plus
pauvres ; foit en établiflànt le prix
de leurs journées^ de manière que»
malgré les variations de celui des
denrées néceflàires à leur fubCftance,
ils fuflènt toujours au-deflùs de la
mifere; foit en les occupant pour le
compte du Roi dans chaque Pro-
vince à un prix inférieur , quand ik
ne feroient point occupés par les
p articuliers ( i ).
(0 Si le prix de la journée ëtoitfixé à tant
de livres de pain que l'Ouvrier rccevroic en
argent , la révolution de cette denrée ne fcroit
plus aucun changement pour lui \ & le Pro-.
priétaite qui l'emploie feroit comme forcé de
lui donner ce prix, (i l'Ouvrier, àfon refus.
I
€ a;; 3
2*. Fixer le degré d'utilité , dont
le luxe peut être dans une Monar-
étoit fur d'être employé pour le compte du
Roi â un prix peu inférieur à celui-ci. Il n'y
a pas de Provuice peut - être , où Ton ne
puiflè établir des travaux utiles peur le Roi,
fuivant la nature de fon fol & de fes pro-
dudions; travail de fçr pour les canons, les
ancres , les vaiilèaux , dans les Proi^inces qui
prodaifènt des mines de fer; travail dechan-
vre pour les cordages , les toiles Se les voile»,
dans les Provinces ou cette forte de produc-
tion efl abondante ; travail de laines pour la
fabrication des draps propres à riiabillement
des troupes > dans les Provinces od les bêtes
â laine Ce multiplient avec Iç plus de (ùccèsy
. &c. &c. &c. : il n'y aurojc plus alors de
mendiants qu'on ne put arrêter & faire pafTer
dans des colonies nouvelles comme mauvais
fujets : il n'y aurott plus d'hôpitaux que pour
les infirmes » les vieillards y les enfans-trouvés
& les femmes en couche 5 ce qui laifTeroir
dans pluiîeurs de ces établiffemens un grand
çfpace, qui poufroit être propre â plufîeurs
ouvrages de la nature de ceux que nous ve«
oons d'indiquer.
V
\
cKîe telle que celle-ci , où les rî-
cheflès font partagées avec U plus
graode inégalité ; détenniner les
claâès dans lefquelles les dépenfes
occafionnées par le luxe fe trouvent
comme néceflàires pour répandre lé
fuperflu des richefles âàtis les mains
d*Artiftes intelligens & laborieux ;
indiquer les moyens de relTerrer les
autres clafTes de Citoyens dans de
juftes bornes , en conciliant leur
amour - proprp avec leur intérêt
perfonnel mieux entendu & mieux
fenti (i). . • •
' (i) Setbît'ce une mâuvaife Loi que celle
qui pernietcroit les tiëpenfes de luxe y dans lai
proportion de la fortune annoncée par la
contribution aux charges publiques; & qui,
par raifon de réciprocité , rëgJeroic cette con-
tributioti 4<^î^s la proportion de la fortuné
annoncée par les dépenfes de luxe? Il réful* '
ter oit de-lâ , que comn:ie chaque Citoyen afièi
cqznmunéoxcnt paie au Roi le noins qu'il •
\
• <
C an î
3*. Réprimer le célibat & hono-
rer le mariage. Impofer des taxes
onéreufes à ce célibataire , qui ne
tenant à rien , & rapportant tout 2
lui, acheté la jouiflànce momenta-
née de pluCeurs femmes , & tf«n.
veut pas avoir une feule en pror
priété ; qui détruit l'harmonie de
l'union conjugale; enlevé au mari la
confiance d'embrafTer comme fiens
peut, il proporcionneroic fon fafte â fa for*
tune réçlle , dans la crainte de flipporrer unt
cotifation fupérieure à Tes facultés. Aitïd pour-
roit être réprimée cette niani«. de prendre les
marques d'one condition (ùpérieure â tarfienne;
cette fureur de Ce diftinguer> qui rie prodah
plus que de la confofîon, quand elle éft gén^
taie j ce godt de fe ruiner par rivaUté' d'o£-
tentation, L'homtfie quelquefois efl on grand
enfant qui aime le bruit & le fracas *> il faut
alors ufer de firatagéoie avec lui pour le
rendre fage, & lui faire des lifîeres avec fon
intérêt perfbnnel y pour prévenir la châte que
lui prépare fon amour-propre.
lés enfans de fon époufe ; lui laiflé
des charges onéreufes , dont Famour
paternel ne peut le dédommager ;
lui donne des élevés qui fe croiront
difpenfés de tous devoirs envers
lui , parce qu'ils n'auront pas la cer-
titude de leur origine , & des fuc-
ceficurs étrangers qui fe partageront
fes dépouilles , comme les voleurs
partagent leurs rapines. Honorer le
mariage, en donnant à mérite égal
la préférence pour les charges & les
emplois aux gens mariés ; en dimî«
nuant leurs taxes publiques dans la
proportion des accroiilèmens de
leurs charges domeftiques par la fur-
venance des enfans : confacrer d'une
manière plus particulière la fainleté
de ce lien, en empêchant ces unions
infru6hieufes pour TEtat , & con-
traires au voeu de la nature , par la
grande difproportion d^s âges.
4^« Etablir une éducation publi-
/
que , où Ton poferoit les principes
de la morale unîverfelle , d*après les
annales du monde ; où l'on préfen-
teroit le tableau des devoirs de
l'homme focial, dans toutes les condi-
tions ; où l'on feroit connoître les paf-
Cons relatives^ à tous les âges , pour
prémunir contre leurs dangers ; où ,
malgré l'égoiCpe aâuel , on refti-
tueroit au mot Patrie fon ancienne
valeur; où Ton éleveroit des âmes
encore neuves & d'autant plus fen-
Cbles , jufqu'à l'enthoufiafme du bien
public , par ces traits fublimes qu'ot
frent les faftes de quelques Nations ;
où l'on décerneroît des prix, non
pas aux élevés qui écriroient ou par-
leroient le mieux , mais à ceux qui ,
dans telle (ituation embarrafTante &
difficile , décideroient avec juftefïè
ce qu'il feroit plus noble de faire;
où l'on apprendroit aux jeunes gens
de qualité ^ que la Nobleflè accor-