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Full text of "Essai sur les réformes a faire dans notre législation criminelle;"

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E S S AI 



SUR 



LES RÉFORMES A FAIRE 



D A ir s 



NOTRE LEGISLATION 

CKlMlNELtE} 

Par M. V***, Avocat au Parlement de Paris* 






"A ? À K 1 S, 

Chez Dkm ON VILLE, Imprîmeur-Libraîni 
de TAcadémic Françoîfc, rue Chriftinc^ 




[. DCC LXXXI. 






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AVIS 

DE L'ÉDlfEVR. 

JUt' a n § ijn JoMrn24 très r. 
répandu (1)9 à la date du 14 
O£lobre 178c , fe trouvent 
les Pbrervatîons qui fuivent» 



a Nî lejs Ancleiîs ni \ts Mb- 
» dernes n ont ^ encore eu la 
» gloire dé fe dbrinef un bon 
" » Code pénal ; . c'eft qu'une pa- 
A reîlle Légîflation ne pouvoit 
» .s'accomplir qu*au feîn de cette 
9 Phîlofophîe qui fait étudier 

' -(i) Le Mercure de France ^ N^ 41 , p. 6^i 

• • • 

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^^ 



9j AVIS 

y> les chofe9 fie les hommes ^ 
aor combiner les devoirs & les 
» droits, tout voir fie bien voir, 
9» fe défier de fa raifon comme 
^ des, opinions établies, fie s'ar- 
» rêter quelquefois au milieu 
-n de Ton ouvrage pour refefbr- 
» cer la juftefle de Tes vues, 
ai Timpârtialité de fon- efprît, 
» & cette vigilance de la con- 

a> icience d'un homme de bien 

* 

» qui doit fôuvent le retenir 
7> dans Tes penfées comme dans 
a» Tes a£tions. Ce grand ouvrage 
s» d'ailleurs avoit befoin d'être 
9 préparé .par la difcuflion pu- 
-M bliqqe , fans laquelle un Lé- 
ao giflateur , même celui qui 
H réuniroit la vertu fie le génie j» 



i 






DS L^ÉDTTEU R. VI) 

» rîfquera toujours de faire un 
^ ouvrage imparfait* Après Tex- 
D pérîence des faits , rien de 
» plus précieux pour la Légif*; 
» lacion que la comparaifoiï 
» des penfées : il importe mémo 
» de laifTer mûrir la difcuffion 
» publique avant d'en faire 
3» ufage; & ce fera peut-être 
2> une véritable fàgefTe à nbuS;, 
» de n'avoir pas trop précipité 
» le grand ouvrage de la ré- 
p forme de nosLoix criminelles» 
a» Ce fut un beau moment; 
» dans Thifloire de notre Mo- 
» narchie^ que celui oti Louis 
» XIV interrompit fcs con- 
^ quêtes pour donner des Loix 
>> ^ fes PeuplêSé Lés Membres 

a iv 



r^ 



<• #•• 



n les plus diftingués da Gonfeit 
31^ & du Parlement, réunis pour 
-» rédiger deux Codes de Loix, 
B fphnent un fpeâacle biea 
^ întéreflanti Mais ce magnifia 
» que liecle deis Arts n^étoît 
^ point encore celui de la 
» Légifiatlon : on n avoit paa 
3 encore difcuté les grand» 
;> principes de Tordre focial ^ 
» on îgnoroît même une partie- 
9 des droits de Thomme \ on ne 
» favoît pas fortîr d*un objet 
» particulier pour faifîr fes rap-. 
% ports avec d'autres objets; 
9 on ne fàvoit pas non plus fe 
» placer dans les grands points 
> de vue , où lé^ Légiflàteur 
.% doit toujours habiter t maU 



■^mt» y 



\ 



,3 *'• -_î Ji ^_ ^ *9ktk 



to heureufement encore , des 
x> deux hommes qui fe font lé 
3» plus appliqués à la tédaâîon 
» de cie3 Loi» , ce fat cduf 
s>' qui ôvdît' le plus^' de triérîtfe 
» qui y eut le ' m oins de part* 
«> Puflbrt avoît de Tordre & tié 
1^ la -fagacité dans Tefprît, maïs 
1^ 41 n'avoît qûé cela' des qua- 
y lités -di^XégilUtéur^II-a fert 
aved courage k guerre k la 
?»« chicane dans rOrdonnance 
» civile :' niais dans TOrdon- 
ï) taaniie crirninellè, il ' femblie 
«> fie is^étns propofé <jue'le fuc^ 
\ > ces de -raccufation. - Le Pré^ 

7^ fident de Lamoignoh n'a * 
*» voit pas fi bien étudié Tordre 
> des procédures ; mais fes 

a y 



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1^ 



^. 



I 



âr .. • AV> T. s 

ai) principes de Jurifprudence 
» étoient bien plus iàins & 
:p bien plus, élevés :. il avçit un 
a» coeur humain ^ un e^ric gé^ 
iD néreux ^ £^ il réqlame [ four 
s> vent le drok naturel ;pour 
S) les hommes livrés à la Juftiçe^ 
a> & des libertés honorables « 
9> mais peut- être dang^reufes ^ 
a> pour, c^pc qi|l rex^rc^nf; ; Il 
» efi fouvent infériei)r à Puflbrt 
ap dans fes difcufliôns- fur TOr- 
» donnance civile f mais (Jans 
» celles de rOrdonnfinçe cri- 
> minelle • il rend fouvent 
9D odieux le :triomphe que Puf-: 
a> fort a obtenu &r lui »« 

L'Auteur de ces Obfervar 
tiens apprécie enfuite avec die 



y 



J>E L^ÈBITEUR. xj . 

gnîté, jufteffe & précifion, le 
peu d'Ouvrages qui paroiflent 
préfenter quelques . idées' d'une 
réforme iitUie. > 

«Us ont 5 diMl> glorieufe*' 
»:.mènt ouvert une carrière qui 
a> refie encore toute entière à 
» parcourir. Uae Société de 
» Fhilofophes amis . du :h{ttï 
7> public 5 a propofé depuis trois 
^ ans u^ Prix pour cet Ou vitie^gcâ 
>> elle n s^pa^ encore adjugé ce 
».Frix.} il faut du temps .ainfi. 
3f que de grands^ talents ppui: le 
08> mériter.^ Mais aucun QoiiV'eï- 
j» nement . n'a encore foUîcité 
:3> fur cet objet les lumières de 
>.les fecoûrs des Jurifconfultes 
ç & des PhUofophes* • . . Quel 

a vj 



^ 



• • • 



Xt) AVIS 

«Gouvernement voudra s'hot 
% norer par le& travaux du génie ? 
% Ceft }L ma Patrie fur-tout quç 
» j'ofe adrefler cette invitation. 
» Je'vdis autour du Trône des 
b hommes que la renommée de 
» leurs Ecrits avoit défignés 
» pour la place qu'ils occupent : 
» f en vois d'autres^ qui étoient 
a» dignes d'échirer leur pays 
a> comme de te fervir : je vois 

" _ « 

a> (ùr Iç Trône tm Prince à qui 
si on ne peuc pttopofer trop de 
^; moyens de cbimqitre & de 
« faii'e^ te blem Combien cekii* 
a> ci mériterois d'être adopté 
>' par Êi Êigéflfe î !|ll fut nnr paye 
^^Qii le vœu que j'expbfe îd 
i»^ é&6it wie Loi de L'Etat«. Quoi 



be L*ÈDJTEUR. Xiij 

h âù plus apgufle & de pluâ 
t touchant que cette procla- 
^ima4:idn c^e l'oni entettdôît à 
» Athènes dans les jours le» 
» plus foleranels : Que tout Ci- 
Tf> toyen qui a des vues utiles 
» monte à la Tribune j & vienne 
^ parler au. FeupU» ! , 

Un Jurifcorifulte , dans les 
mains duquel ce Journal eft 
tombé les Vacances dernières ^ 
a cru, diaprés cette invîtatioiji 
publique, non pas devoir mon- ' 
ter à la Tribune, mais propofer 
fc< réflexions fur nos Loix pé- 
nales avec la modcftîe qu'im-i 
pofe Timportancs of^une pa- 
reille matière, Ceft artx Lee- 



'Xiy AVIS DE L^ÈmTmxR. 
teurs ëclaités de juger fî elle» 
peuvent ^cre auflî utiles, que 
le motif qui les a produites 
«fl louable. u 



.^ 






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f. . 



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. jT A'.B JLi £% c 

Introduction, oîi l'on fait 
voif l'utilité d'une Réforme 
dans nos Loix pénales, pag. i : 

PRÈMIEIÎE PARTIE. 



> »v 



^ 2>« JDeï/i:ç (& i/ftr Peines en 

général. 

Chapitre,!". /?« bim & du nu^ 
^\ moral, xS 

'Chapitjre^ n. Du droit de pmîry a^ 

Chapitre III. De la manière d'envi- 

fager les délits relativement à l'ordre 

fociat» QTf, 

Chapitre IV. De t objet de la Loi 
dans la punition des délits, 30 



^ 



\ 



iVj TABLE. 

Chapitee V. Le droit de punir /^-^ 
*" Hnd-il jufqiià la peine de mort? 

Chapitrs VL Que la peine de mort 

, doit être reftràme aux mentats di 

guet'â'ptns ,' 37 

Chapitre VIL Qoe la Loi pénale 
Su être générale, 40 

Chapitris VIII. Que la punitim fe 
doit affeBer que U coupable^ 44 

Chapitre IX. ^ut Ui peinei doWem 
tourner autant. quHl ejl pofjîbk au 
profit de VÉtat , 47 

ChapïtjRe X. Que Us délits' dôîytrit 

"être réprimés par les ^peines les pliu 
' oppojiés aux genres de^ ^icïs ^Ici là 
aurons produits^ fût 

Chapitre XL Quels délits ^ & quelle$ 
peines doivent emporter infiimie, y? 

Chapitre XIL Quels délits & quelles 



^ 



TABLE. xvij: 

peines doivent emporter mort civile 
^confijeanon^ S7 

Chapitre XII I. Que la peine de 
canfifcation peut être jujiemtnt & 
utHtment modifiée,, yp 

Chapitre XIV. Ce quHl faut laiffer 
â V arbitrage du Juge dans tappli^ 
cation de^ peines^ 63 

SECONDE PARTIE. 

Des différentes peines applicables 
aux différents genres de délits. 

Chapitre I". Des délits prov&iants 

. de Tabus M la liberté, ,qui . doivent 

être punis par la prifçn, . 68 

Chapitre IL Des délia produits par 

: Vabus de la vie civile, qui doivent 

ttre punis par V interdirions 72 

Chapitre II L Des délits dont la 



r 



:xvîîj TABLE 

Muft tient au locd , qid dohèni ttrt 
punis par Vexil , ou par la dépor- 
tation dans Us Colonies, 77 

Chapitre IV, Da délits produits pat 
la cupidité, quil faut punir par des 
condamnations pécuniaires Si 

Ç. I". VC^fure, 8a 

§. IL Le Monopole, 8^ 

§4 III. La Concuffîon, S6 

§. IV. Le StelUonat, 87 

Chapitre V. Des délits du vol ou 
équipolUnts au vol , qi^il faut punir 
par la condamnation aux travaux 
publics 9 & par la confifcation y 90 

§. F*. La Banqueroute fraudu- 
leufey ^ ^i 

%. II. Differentes.ejpeces de volsf 

93 

§. III. Différentes ejpitces de faux 

équivalents au vplj ^ 



T A B L E. 3& 

ChAPitkÊ VI. Des àéUts Au faux 
honneur & de la vaine ghire, qu'il 

' convient de réprimer » principalement 
par les humiliations & par le dés- 
honneur y lOQ 

•s 

5. I*'. Inconvénients de la Loi de 
Louis XIF fur les duels y là^ 

§. IL Jihfurdiié du préjugé qui 
porte au duel , loy ^ 

§. III. Réparations £offenJes 
propres à empêcher le dud j 114 

§. ly. Modification des peines 
prononcées contre Us DuellifleSy 

118 

Chapitre VII. Des délits qui doivent 
être punis de mort y 124 

§. P'. V AJfafJinàtnon confommé 
/ floit^il itrepuni de mori? 12$ 

f. IL Le faux témoignage en 
matière grave doit-il être puni 
de mort? laS 



$; lîlMSuUidédoitrilémpml 
par la Jufiict humaine? 132 

%éîVéLaLaia>neematttVlnjkn^ 
ticide ne doU-dUpas itte modi- 
fiée? iv35 

Chapitre VI IL 2?c quelques] délits 

. très-graves qidfinélent exiger dans 

la peine des ccuraSeres diJiinSlifs^ 142 

$.1". Du crime de trakifonprt^, 
yée, Ibîi 

S. II. Du èrime d^ incendie ou de 
V Incendiât f . 143 

$.HhDucrimedePoiJon, 144 
§. IV. Du Pc^ricide, 1^6 
$. V. Du Régicide, 149 

S. VI. Du crime de lefe-Majefté 
divine^ ^ ija 

TROISIEME FARTÎE. 

De rinfiruâj^pîi^ . 

■ -, • ■ • 

fa^aUele de notre inftru^ion criminelle 



.TABLE. XM 

j m^èc l inJlruSioncriniinelk £ Angle-* 

Chapitre I". De U Dénbncimon & 
de la Plainte, j*f6 

Chapitm II. DeVInformatim, iSi 
} Chapitre IIL Da Décrets, jS6 

Çhapitrb IV. De la Prifon^ ij» 

Chapitk^ V. De L^ Interr(^atoire, ip4 

Chavitb.eVL De la Cmlifation& du 

Règlement à V extraordinaire y 201 

Chapitre VIL De VinfiruSion pu^. 
blique pour les Reprocha , RécoUmens 
& Confrontations y 007 

Cmafitre VII L Des Presms & 
Indices, ^14 

Chapitre IX. Des Faits juftifcatifs 

& Exceptions péremptoires , . ai 8; 

r CHXfiTi^n 3t Des Ju^&nms At pve^ 

inkre it^iânce, !227 

Chapitre XtDefJppetdesJugemeris 
^définitifs a d^ rapports publics, 23a 



, \ 



^ 



xxi] TABLE. 

Chapitre XIL De là pluralité nécef- 
faire dans les fuffr âges pour la con-^ 
damnation 9 . . %:^S 

Chapitre XIII. Des Jugemens fouve- 
rains & de leur exécution , 2.^X 

Chapitre XIV. De la Comumacey ^47 
Chapitre XV. Idée d'un Supplément 
. nécejjme à cet Ouvrage, 2^2^ 



.* 



■s* 



j 



AFPKO n ATION. 



/ 



*AX la par otdre de Monfeîgtiear le GarJb 
^es. Sceaux un Manafcrh ayant; pour .titre: 
V-ffai fur Us Réformes à faire dans notrf 
Légiflation CriminclU^ par M, V**% Avocat 
au Parlement. La manière noble & préci(è 
-«vcc laquelle cet Ouvrage <ft traité, nie làît 
peiner qu'il £êra favoraj^femeiit accueilli du 
rubUc. Paris, ce xi Janvier 178 1. 

LALAURBt 



/ 



m 



PERMISSION. 

LOUIS , pai U grâce de Dictr, Roi de France 5c 
de Nayaite : A nos amés & féaux Confeillers-, 
les Gens ^nans nqs Cours de Parlement , Maifties des 
JK.equeftesordinaiies de notre Hôtel, Grand Confeil, 
Prévôt de Paris « Baillifs , Sénéchaux, leurs Lieute- 
iians Civils, & autres nos Jufticiers qu'il appartien- 
dra: Salut. Notre aipjp îe Sieur V***, Avocat au 

' Parlement de Paris, Nous a fait expofer qu*il deHre- 

'xoir faire imprimer& donner au public an Ouvrage de 
fa compodtion , intitulé : Effai Jur les Réformée à filtre 
dantnçtre Lé^ijlation Criminelle', S'il Nous plaifoit lui 
accorder nos Lettres de Permiilîon pour ce nécefldi- 
les. A CES Causes, voulant favorablement traiter 
l'Ëxppfant, Nous lui avons permis & permettons par 
ces Préfen tes de faire imprimer ledit Ouvrages autant 
4e fois que bon lui femblera, & de le vendre, faire 
Tendre & débiter par toiitnotre Royaume , pendailt 

^ le temps de CINQ années confécutives , à comp* 
ter du four de la date des Fréfentes. Faisons 
défetifes àtO|is Imprimeurs, Libraires & autres pex- 
rpnnes 9 de quelque qualité & condition qu'elle^ 
foient , d'en introduire d'impreflron étrangère dans 
aucun lieu de notre obéiiTance 5 à la charge que ces 

'Préfentes feront enregiftrées tout au fong fur le 
Hegiftre de la Communauté des Imprinieurs & Li- 
Ibjraires de Paris, dans trois mois delà dated'icellesi 
que rimprefBon dudit Ouvrage fera faite dans notte 
Royaunfe & noir ailleurs , en bon* papier & beaux 
caraélèress que l'Impétrant fe conformera en tout aux 
Kéglemens de la Librairie , & notamment à celui 

. du xo Avril 1725, & â 1* Arrêt de notre Confeil 
du 30 Août 1777 , à peine de déchéance de U 
préfente Permiflion ; qu'avant de l'expofer en vente , 
le Manufcrit qui aura fervl de copie à l'impref- 
iion dudit Ouvrage 9 fera remis dans le mémp 
état o^ rapptQbfttion y auia ccé 4o|ifiée » è% 



^ 



> 



it. 



^ iDiins de notre très-cher & fM Chevalier» Gar<i« 

f , «les Sceaux de France, le Sieur HU£ deMiromes- 

I NCLi qu'il en fera enfuite rerois deux Exemplaires 

dans notre Bibliothèque publique » un dans celle 
de noftre Château du Louvre , oa dans celle dé 
notre très-cher & féal Chevalier , Chancelier de 
France, le iîeur DE MaupeoUjÔc un dans celle du- 
' dit iiear HUE de Mirombsmil : le tout à peine de 
nullité des Pxéfentes: du contenu derquelles vous 
mandons & enjoienons de faire jouir ledit ExpofanC 
êc fes ayans canUs , pleinement & paifîblement , 
fans foatfrix qu'il leur foit fait aucun trouble ou cm- 
• pèchement : Voulons qu'à la copie des Fréfentcs » 
qui fera, imprimée tout au long 9 an commencement 
ou à la fin dudit Ouvrage , foi foit ajoutée comme 
, à Toriginal. Commandons au premier notre HuilHér 

ou Sergent fut ce requis , de faire, pour l'exécution 
d'icelles, tous aftes requis Se néceïfaires » fans de- 
mander antre permifliony Se nonobftant clameur 
de Haro , Ciuufe Norinande & Lettres à ce contrai* 
xes. Car tel eft notre plaifîr. Donné à Faris^ le vingts * 
quatrième jour du mois de Janvier» l'an de grâce 
mil fept cent quatre-vingt-un » & de notre Kegne 
le feptteme. Parle Koi en fon ConfeiL L £ b b G tr £• 

Regiftréfur URimftreXXI de la Chambre Royale 
Sr Syndicale det libraires & Imprimeurs dé Paris , 
N, 2269 1 fil, 440 , conformément aux dijpolîtions énon^ 
tées dan» la préfente Permiffton ^ 6r à fa charge de 
remettre à ladite Chambre huit exemplaires prefcrit$ 
par l'article to8 du Règlement de 1723. A Paris, et 
^K /anvicr i78i. L]Ç€L£R.C> Syndic. 



ESSAI 






^. '.'^ 



ESSAI 

^ U R 

LES RÉFORMES A FAIRE 



NOTRE LEGISLATION 

CR I M J f/E L L E. 

jIl femble -que le rnoment appro- 
clie , où. les droits de l'homme & 
l'intérêt du corps, focial vont être 
jtiftenient appréciés : les lumières 
répandues par la Philofophie , nous 
ont convaincus de l'infuffifance de 
nos Loix fur cet objet important 
de rAdminiftratioo ; la caufe de l'hu- 
manité femble exciter au moment 
A 



£ 2 3 ^ '• 

aiftuel une forte de fermentation 
dans les efprîts ; des Couronnes 
Académiques font propofées à fes 
plus zélés défenfeurs , & la nécef- 
fité de la réforme eft <iéja comme 
annoncée dans des écrits publics. 

Pour remplir une tâche fi noble , 
il faut connoître les droits de 
rhomme focial , le principe qui le 
fait agir ; diriger la pente de fon in- 
térêt perfonnel vers le bien public ; 
apprécier les aéèions qui font vrai- 
xnent utiles ou contraires aux inté- 
rets de la Société ; punir les aftions 
préjudiciables pour empêcher de 
lïouveaux troubles ; employer lô 
genre de peine le plus réprimant 
par fon oppofîtîon avec le genre 
de vices qui les aura produits ; n*ini- 
fliger de peines féveres que dans 
rinfufEfance reconnue de peines 
moins rigoureuies -, afliirer dans une 
kiftruaion fage la .juftification àé 



^ 



i,\ 



C33 

f innocence avec autant de zeÏQ qu^ 
Id conviâion du crime % marquer 
le terme où finit la liberté civile & 
où commence Toppreffion ; conci'^ 
lier enfin les égards dus au Citoyenj^ 
avec la proteâion due à la Société 
générale. 

Bans quel Code des Nation» 
trouverons n nous fiir une matière 
auflî intéreflante des préceptes dont 
l'humanité puifTe réclamer le5 avan- 
tages ? & comment arrive-t-il quç 
la fcience la plus utile aux hommes 
ait été fi long - temps niéconnue ^ 
tandis que les monumens des Arts 
atteftent les progrès de refprît hu- 
main dans prefque toutes les parties 
de la terre ? 

L'Egypte fut la première qui , au 
milieu des ténèbres de l'idolâtrie , 
donna au monde des leçons de fa- 
£eile : mais fes Légiilateurs eurent 
moins pour objet de réprimer les 

A 2 



% 






If 



€43 , . ^ 

érlmes que de contraindre à des- 
aftions louables ( i ). Ils crurent 
qu'on pouvoit faire à la multitude 
un devoir de la perfedion ; & cette 
erreur fut peut - être celle de la 
vertxL 

Le Légiflateur des Juifs , en Inf- 
tituant un Gouvernement Théocra- 
tîque , leur préfenta la règle de leurs 
devoirs comme prefcrite par la Di- 
vinité ; il regarda leur infradion^ 
comme une offenfe faite à Dieu lui- 
même ; il mefura TofiFenfe à la gran- 
deur de Toffenfé , & de-là la févé- 
rité des . châtimens . contre tout in- 
fraâeur de ces règles. 

La Grèce répandit quelques rayons 
de lumière : mais les premières Loix 



(i) II y eut des peines contre roifivcté; 
celui qui pouvant fauver un homme attaqué 
ne . le faifoit pas , étoit puni de mort comme 
rsiflaflln. ^. Diodorc^ Uv. 1 , pj^. 6^, 



£3-3 

d^Athenes étoient cruelles ; elles fu- 
rent abrogées par Solon , qui ne 
conferva la peine de mort que con- 
tre les ailkflîns* 

Le Légiflateur de Lacédémone (i),^ 
en formant un Peuple de Guerriers , 
introduifit la licence dans les mœurs. 
Platon^dans fon Projet de République, 
fixa fon attention fur l'homme ver-- 
* tueux ; il crut pouvoir imaginer 
pour lui un plan de Gouvernement 
auffi parfait que lui-même : fa Poli- 
tique & fa Morale ne furent qu'un 
Roman ingénieux. 

Les Romains protégèrent les. cri- 
mes ' favorables à leur agrandifle- 
ment; ils méconnurent les droits de 
rhumanité, puifqu'ils admirent l'ef- 
clavage , & qu'ils s'arrogèrent le 
droit de vie & de mort fur leurs 
efclaves & même fur leurs enfans. 

(i) Lycurgue. 

As 



ISans quelques Contrées de FAHe 
le defpotifme s'affit fur le Trône 
comme un Dieu menaçant ; il régna 
par la terreur , & les moindres cri- 
tnes furent punis par des peines 
atroces (i). 

Dans notre Europe , long - temps 
i)arbare , combien les progrès de la 
Légiflation ont dû être lents ? Que 
voyons-nous en effet dans fes ditfé- 
tentes révolutions î les irruptions 
des Nations du Nord déchirant en- 
tr*elles les dépouilles de TEmpire. 
Romain ; rétabliffem^t du Gouver- 
nement féodal , qui de Seigneurs 
puiflàns fit des Sujets rebelles , & 
dans les mains defquels le droit de 



(i) Au Japon on punit de mort prcfque 
tous les crimes, parce que la défobéiflànce 
i un auin grand Empereur que celui du Japon 
cft un cf imc énorme. Efprit des Loix , //y. 



€7 3 

protéger produifît Tefclavage ( i ) J 
une Juftîce fuperftitieufe & meur- 
trière, qui terminoit les contefta-r 
tions par des combats , & laiflbit à 
Dieu le foin de faire triompher Tin- 
nocent; Tentreprlfe des guerres fain- 
tes ( 2), où les Nations fe dégradè- 
rent en fe communiquant leurs vi- 
ces ; la découverte de T Amérique & 
Tor du Potofe employé par l'intri- 
gue à acheter les places qui appar- 
tenoiént à la vertu; les guerres ci- 
viles de Religion, le fanatifme allii- 
mant des bûchers , égorgeant I0 
frère par le frère & le père par 1% 
fils. 

Au milieu de ces ténèbres épaif- 
(es , TEfpagne érigea un Tribunal 
de farïg ; elle confondit la cauiè de 
Dieu avec celle de Tordre focial i 

(t) La fèrvitude réelle & perfonnelfe. 
(i) Les Croilkdes. 

A 4 



£83 .^ 

elle ^'occupa moins des crimes de 
iTiomme à l'homme que des crimes 
de rhomme à Dieu. 

Après des fecoufles orageufes , un 
jour ferein parut luire fur TAngleter- 
re ; rhumanité y fut refpedée ; cha- 
que Citoyen acquit le droit d*être 
jugé par fes pairs , & d'avoir un dé- 
fenfeur ; il ne put être condamné à 
mort que par Tunafliimité des fufFra-' 
ges ; rinftrudion fut publique , & 
parut être fondée fur la préfomp- 
tîon de rinnocence : mais cette pré- 
fomption même a ouvert une voie 
trop facile à Timpunit-é. 

Parmi nous, au contraire^ la for- 
me de rinftrudion s*eft établie fur la 
préfomption du crime , & paroît pré- 
parée pour le fuccès de Taccufation : 
auffi le fecret & la rigueur de cette 
inftrudion ont -ils plu$ d'une fois 
compromis l'innocence. 

Quant à nos Loix pénales , ouvrage 



N 



de pïuîGeurs de nos Souverains , pro- 
mulguées à des époques très - éloi- 
gnées les unes des autres fuivant le^s 
befoins du moment , elles ne peu- 
vent former un plan deLégiflation 
fuffifamment combiné : Textrême ri- 
gueur des plus anciennes a influé 
fur les pluç récentes; & quand nQus 
réunifions cqs Loix éparfes , nou^ 
trouvons prefque par- tout la peine 
de mort & l'infamie. 

Ces Loix puniflent de mort, 
comme le crime de meurtre , les 
profanations facrileges ( Edit de Juil- 
,let 1682); le crime de rapt (Or- 
donnancé de Blois , art. 42) ; Iç 
faux commis par un Oflxcier public 
( Edit de 1680 ) ; le faux témoignage 
en matière grave (Ordonnance de 
15*3 1 ) ; la fabrication de faufle mpn- 
noie (Déclaration de 1726); ceux 
qui fe fervent de faux poinçons 
dans les ouvrages d'orfèvrerie ( Dé- 

A y ^ 






f 10 5 

xlaration du 24 Janvier 1724) ; lés 
Greffiers qui reçoivent au-delà du 
*falaire porté par les Réglemens, 
quoiqu'il leur fût volontairement of- 
fert < Ordonnance de Blois , arti- 
cle l5o); la banqueroute fraudu- 
leufe ( Ordonnance d'Orléans , arti- 
cle 143 ) ; le péculat ( Ordonnance 
de François Premier de 1545*); les 
contrebandiers attroupés au nombre- 
de cinq ( Déclaration du 2 Août 
lyap) ; le vol domeftique le plus 
modique (Déclaration du 30 Mars 
1724 ) ; le vol dans les maifons avec 
efFraftion -, le vol fur les grands che- 
mins & dans les rues , même fans 
port d'armes (Ordonnance de Fran- 
çois Premier du ly Janvier 15*34); 
les rebellions à Juftice , même fans 
homicide ( Ordonnance de Blois , 
art, ipo ) ; le duel , par le feul fait 
que l'on fe fera battu fans qu'il en 
foit réfulté d'inconvéniens ( Edit 
de 167P, art. i^). 



^^-^^^^^"^^■"■■"^^■^^^■^^^^^^■na"! • ^-W ■•^F^ï^» ■«.--••«IWWI^p^l^W^ 



- Quant à Vinfamie, elle (e trouve 
multipliée dans nos ufages fous les 
différentes fortes de peines aux- 
quellies nos Loix Font attachée; le 
fouet , la marque , la langue coupée 
jou percée , le poing coupé , le car- 
can , le pilori , les galères , le ban- 
nîflèment , ramendé - honorable , le 
blâme , le plus amplement informé 
indéfini , lamende fimple en ma- 
tière criminelle , & Taumône au 
•civil (i). 

Pourquoi d*abord la prfhe de mort 
fe trouve-t*elle aufll fifequemment 
ordonnée dans notre Légiflation } 
les notions de la Morale ne fe con<- 
fondent - elles pas dans refprit de 
la multitude , lorfqu'ellè voit des 
•crimes fi différens réprimés par le 
même genre de fupplice? La peine 



^ (i) Art. 7 & ij du «t. %$ de l'Ordon- 
"i^ance de 1670. 

A 6 



^p 



€ 1^3 

de? mort d'ailleurs n'eft - elle pas 
tyrannîque , quand elle n'eft pas 
juftifiée par la néceffité ? n*eft-elle 
pas contraire même a l'intérêt de 
l'Etat qu'elle prive de plufîeurs de 
fes membres , fi l'on peut encore les 
lui rendre utiles , en les condamnant 
à des travaux qui tournent à l'avan- 
tage de la chofe publique ? 

De cette extrême rigueur réfulte 
l'inexécution de plufieurs de nos 
Loix, Dans le nombre de banque- 
routes frauduleufes dont nous fem- 
mes les témoins, quels font les dé- 
biteurs infidèles qu'on punit aujour- 
d'hui de mort ? Parmi les dépofitaires 
des deniers royaux , quels font ceux 
que l'on condamne au dernier fup- 
plice pour avoir abufé de leur caiflè ? 
& dans les duels même , malgré la fé- 
vérité des Loix de Louis XIV , norus 
ne voulons voir que des rencontres 
imprévues , pour n'avoir point à in- 



•• '' 



■«• 9 Bil ■ P ■ ■■ ■■««■■Il 



£ 13 3 

flîger contre le courage du faux 
honneur, des peines qui femblent 
deftinées au lâche affaflin. La Loi 
qui prefcrit le fecret fur rinftrudioh 
criminelle, eft encore aujourd'hui aflèz 
ouvertement violée ; il vCy a point 
d'affaires importantes dans ce genre ^ 
où Ton ne remette entre les mains 
du défenfeur d'un accufé une copie 
çxade de rinftrudion : nous avons 
même vu aflez récemment dans une 
conteftation fameufe (i), Tinftiudion 
criminelle imprimée & renduç pu- 
blique par toutes les Parties intérêt* 
féeSé 

De cette inexécution des Loix 
réfulte la néceffité de les réformer ; 
car le frein politique eft afFoibli, 
quand la Légiflation devient im- 
puiflante & fans vigueur, même dans 
la moindre de fes parties. 

(1) L' Affaire des S" de QucifTac & Daraade, 



g 14 3 

Pourquoi , d'un autre côté , noter 
d'infamie des coupables qu'on laifTc 
en liberté ? n'eft-ce pa^ les mettre 
dans la néceffité d'en fstire un abus 
plus dangereux que celui qui a déjà 
mérité l'animadverfioa de la Juftice ? 
Quand un Citoyen n'eft point àflfez 
dangereux pour le retrancher de -la 
Société, il ne faut pas lui -enlever 
le pouvoir d'^Ôacer fes torts par 
une conduite plus régulière. Si la 
Juftice impridie fur fon front le 
caraftere de l'infamie , les gens de 
bien doivent le fuir ; alors ce mal- 
heureux rangé dans la clailè des êtres 
les plus méprilàbles , & ne pouvant 
devoir fa fubfîftance à l'honnêteté , 
eft obligé de la chercher dans de 
nouveaux crimes : fi l'infamie au 
contraire ne produit pas l'effet qu'on 
en doit attendre dans l'opinion des 
hommes, la Loi n'eftplus refpe<aée,.& 
le danger devient plus grand encore. 



€ i; 3 , 

Parmi Içs condamnations infamant» 
tes fe trouve le banniflement hors 
du Royaume : mais de quel droit 
^envoyons-nous chez l'Etranger des 
fujets pervers ? fi ce droit exifte , 
les Nations voiCnes peuvent ufer 
de repréfailles , & que gagnerons- 
nous à de pareils échanges î 

S'il fut jamais permis d'efpérer des 
modifications falutaires dans cette 
partie de notre Légiflation , c'eft 
fans doute fous le règne d'un jeune 
Monarque , qui a appelle près de lui 
les confeils de la fagefle & de l'ex- 
périence ; qui a déjà manifefté fes 
égardspour l'humanité 5. en aboliffaqt 
la fervitude dans les terres de fon 
Domaine ; en abrogeant la peine de 
mort contre les déferteurs de fes 
armées; en prefcrivant les réformes 
néceflàires dans ces prifons infeâes 
où l'innocence fe trouve fouvent 
confondue avec le crime ; en fup- 



Ci<5 3 

primant les horreurs de cette torture 
préparatoire , impuiflante vis-à-vis 
du fcélérat robufte, & meurtrière 
vis-à-vis de l'innocent trop foible 
pour réfifter à la douleur* 

Refpedons les Loîx. Mais la rai- 
fon publique , dont elles font l'ou- 
vrage , a fes âges & (es accroiflèmeas 
ainfi que celle des individus ; & 
quand, éclairée par l'expérience des 
{iecles & les exemples des autres 
Peuples , elle eft parvenue à fon 
point de maturité , elle doit fe re- 
plier fur elle-même pour réformer 
fes erreurs , & confacrer fes efforts 
au bonheur de Thumanité. 

Mon objet eft donc ici de fou- 
mettre à l'Autorité bienfaifaçite , des 
réflexions que l'amour du bien pu- 
blic a didécs. Je fens combien le 
point d'où je pars eft élevé^; j'ap- 
perçois de tous côtés les obftacles 
que de longs ufages & d'anciens 



4 



C 17 3 ^ 

préjugés m'oppofent: maïs la tâche 
eft importante & noble ; & tel eft 
le plan que. je me fuis tracé pour 
la remplir* 

La Premere PartU de cet Ou- 
. vrage traitera des délits & des peines 
en général. 

La Seconde , de chaque nature de 
peines applicables' à chaque efpece 
de délit. 

La Troijîeme , des réformes à faire 
dans notre inftruâion criminelle» 




t« 



PREMIERE PARTIE. 

Des Délits & des Peines en 

général. 



CHAPITRE PREMIER. 

Du bien & du md mord» 

1^'est dans le cœur de rhomme 
qu*il faut en chercher le principe; 
Qu*eft-ce que Thomme d'abord? 
un compofé bizarre de foiblefle & 
de grandeur ; le plus néceflîteux 
des animaux dans fon enfance , le 
plus fuperbe dans Taccroiflèment 
de fes forces & de ks facultés; 
jouet de fes propres paffions , il fait 
màîtrifer en quelque forte Télément 
le plus terrible; il met à profit 



Jiifqu'aux tempêtes pour parcourir 
dans un édifice fragile le vafte empice 
des mers , & retidre toutes les con- 
trées de la terre tributaires de Tes 
beibins ^ de fès fantaifîes & de fon 
luxe. Tantôt du haut de Téchelle des 
étreisoù il eft placé , il interroge la 
' Nature ; il analyfe , il décompofe les 
fubftances. Tantôt il s'élance dans 
l'infini; & comme Vil avoit dérobé 
à Dieu les fecrets de la création , 
il mefi^re les diftances de ces globes 
Toulans dans Timmenfité de Tefpace , 
femble afTujettir leur marche rapide 
au calcul de fa démonftratioo ; & 
rentrant enfuite en lui- mêmç , il gé- 
mit quelquefois fur rimpoflibilité de 
ie définir le principe & la nature de 
ifbn ex^ence. 

Soulevons, fans craindre d*êt^ té- 
^méraires, une partie du voile qui 
les couvre ; c*eft Thomme moral 
que nous, cherchons ici j c'eft fon 



C2o3 

penchant au bien ou au mal moral 
que nous allons apprécier. 

Ne calomnions pas la nature hu« 
maine , & ne difons pas comme un 
Philofophe de nos jours (i), que 
rîntérêt perfonnel, Tamour de foi 
eft le mobile unique de toutes les 
adions de Thomme : fon cœur eft 
placé entre deux tefforts , s*il eft 
permis de parler aînfi ; la bienfaifance 
qui rétend , l'intérêt perfonnel qui 
le reflerre : l'Auteur de la Nature 
lui a imprimé le fentiment nécefTaire 
de l'intérêt perfonnel ou de Tamour 
de foi, pour afllirer fa cqnfervatîon ; 
il lui a donné celui de la bienfaifan- 
ce , parce qu'il le deftinoit à vivre 
en fociété. Si Tun de ces reflbrts 
eft une fois brlfé , l'homme veut 
tout facrifier à lui-même , ou facri- 
fie tout à fon femblable. Ceft donc 



♦s» 



■^■ii" 



(i) Helv^tiuj, liv. de l'Efprit. 



dans la balance de ces deux affec- 
tions que confifte-la fageflè humaine : 
rhomme en eft le libre modérateur; 
$'a ne rétoit pas , la Loi qui le 
puniroit feroit injufte. 

Il exifte des règles dejuftice an- 
térîeures à la formation des Sociétés 
policées : Ce que je pojfede eft à moi , 
s'il na.éfé dérobé â perfonne^ft ma 
pier eft attaquée, je puis la défendre 
aux rifques de donner la mort â mon 
agrefeur .- tel eft Tufage permis de 
raffeaion qui confifte dans l'intérêt 
perfonnel ou Famour de foi. Je fuis 
hienfaifant enfecourant mon femblable ; 
je fuis vertueux en rnimpofant des 
facrifices pour V obliger : tel eft Fufage 
louable de cette afFedion plus noble, 
& qui eft corilme le conure- poids 
de la précédente» > 

Convenons - en cependant ; l'in- 
térêt propre , hepreufement modifié , 
peut fournir une foule de citoyens 



Utiles, Si ces âmes privilégiées , qui 
font le bien pour Tunique plaifîr de 
bien faire, ne font pas communes; 
il eh eft plufieurs qui le font pour 
les récompenfes pécuniaires , la con- 
lîdération , Thonneur, qui y font 
attachés. AinG Tamour de foi , cet 
' agent prefque unîverfel de l'homme, 
cleve tiuelquefois une ame ardente 
à de grandes aâions pouf en re- 
cueillir la gloire ; comme c'eft lui 
qui dans une ame étroite porte 
cnvîe aux fuccès , qui égare le vo- 
luptueux dans fes plaifirs , qui porte 
l'ambitieux aux plus injuftes entre- 
prifes ^ le rival à l'anîmofité , l'offenfé 
à la vengeance , l'intrigant à Tin* 
fidélité , & le voleur à s'emparer 
du bien d'autrui. Légiflateurs, qui 
voulez la profpérité des Nations 
que là Providence a placées entré 
vos mains , connoiflèz bien le cœur 
, humain ! croyez qu'en général vous 



AMaAAf 



-A_ 



j 



i 



\ 



C 23 s 

gouvernerez les hommes par leur in- 
térêt perfonnel; tâchez de lier les in- 
térêts particuliers à* l'intérêt public : 
voilà la magie du grand art de régner. 
Faites que la claile la plus indi^ 
gente trouve une reilburce aflùrée 
dans Ton travail. En accordant des 
tiiftin£tions honorables aux talens 
utiles , accoutumez les gens riches 
à préférer Phonneur aux richeflès. 
Ne puniflèz pas, comme les Souve- 
rains d'Egypte , un citoyen pour 
avoir laifle échapper Foccafion de 
faire le bien^ contentez-vous de punk 
le mal, & fécompenfez bs aâions 
généreufes : ces récompenfes n'épuî- 
fent point les richeflès d*un Etat; 
la monnoîe de l'honneur , répandue 
par la fageflè , fait germer les vertus. 
Une couronne de chêne étoît le prix 
que Rome donnoit aux Gonquérairs 
du monde* 



C ^4 5 

CHAPITRE IL 

Du droit de punir, 

XJ ANS Tétat de nature Thomme 
eft égal à rhomme ; deux font plus 
forts qu'un ; la chofe appartient au 
premier occupant : mais elle peut lui 
être enlevée par le premier indi-* 
vîdu qui fera le plus adroit ou 
le plus fort. L'homme ainfi dé- 
pouillé a le droit de reprendre fa 
chofe ; mais il ne peuli y parvenir 
qu'en acquérant à fon tour la fupério- * 
rite de Tadrelfe ou de la force , ^ qu'en 
expofapt fa vie , ou qu'en donnant 
la mort. La Loi naturelle s'élève 
• en vain contre l'ufurpation , puif- 
qu'elle n'eft point accompagnée de 
la puillànce coadive. Cet état , qu'uni 
des Ecrivains les plus éloquens du 

fîecle 



i' 



i 



fîecle (i) a femblé vouloir nous faîro 
envier ^ eft un état de guerre per- 
pétuelle. 

L'homme a fenti par Tes craintes 
& fes malheurs qu'U étoit deftiné 
à vivre en fociété ; que cette Société , 
pour être paîCble , devoit être fou- 
itiife à des règles de juftice dont 
il trouvoit les premiers principes 
dans fon coeur ; & qu'il devoit j 
avoir , dans le corps focial , une 
force réprimante qui aflùrât lexécu* 
tion de ces règles. De-là f origine 
de la puiffiince publique &■ des 
Loix protedrices de la fortune , 
ile rhonneur, de la vie des Citoyens; 
de-là la néceffité de punir tous les 
torts faits à la Société: mais de-là 
auflGi l'attention fërupuleùfe êc recher- 
chée que doit avoir la force répri- 
mante, pour ne ^ faire tomber leç 



(i) J. J« Rouflèau. 

B 



\ 



\ 



î 26^ 

peines que fur les coupables:* 

Ainfi , trois choies à remarquer, 
ici : i^le droit de rhomme facial , fa - 
liberté civile , confiftent à jouir fous 
la proteârion des Loix de toutes^ 
les facultés qui lui . font propr.es ;; 
2^ Fintérét de la Société exige que 
les troubles qu*elle éprouve foient 
réprimés î 3** h fagefiè du Légifla- 
teur conCfte à concilier les mena-*, 
gèmens du» au Qtoyen m^me ao* 
cufé » mais non - convaincu , avec 
la ..protedion due à la. Société gé-- 
nér^e. 



:iii : 



^ i 




é 



^^' 



€ 27 î ■ 

»a= MTr^. ' . " MA <°!> ' " ' I"- » 

CHAPITRE lil. 

Delà manière cTenvifa^et U délit relati- 
vement à Vordre tocial^ 

jj £ délit par rapport àror<ire fo- 
cial hç doit pas être apprécié de la 
même maDiere que le péché par tap-** 
port à Dieu. 

- L'Etre fuprème tSt te fcrutateut 
des confciences ; îl puiiit dés crittiei 
qui ne font ^connus que de lui 
ieul ; il -juge }ufqu'aux plus fecretes 
penfées. 

Dans Tordre fooiàl au contraire; 
c'eft lliomme qvi jug^e Thomme; il 
ne peutfe décider que ittr^es«a<^ 
extérieure nonr^uivôques} il* ne hû 
eft pas permis de fe livrer à fin« 
terprétation des intentions. 
, Le délit par rapport à Dieu con-* 
£fte dans la. violation xle^toiis Jçs 

B a 



Cas 3 

préceptes divins indiftindçmçnt^ 
ùnt que ces préceptes concernent 
les devoirs de Thomme envers Dieu , 
foit qu'ilç concernant cçux de l'hom- 
me envers lui-même , ou dç rhommo 
envers f homme. 

Le délit dans Tordre focial n'eft 
autre chofe qu'un trouble pu, préjû* 
dice caufé à la Société, Les hommes 
s'étant réunis pour leur bonheur 
commun , toute Légiflation doit 
tçndve i cçt objet i toute aâion 
iitile au corps iocial doit être ré- 
putée vertueufe & encouragée ; toute ' 
aâion qui lui fera nuifible doit être 
réputée criminelle & punie. 

Il refaite d^-là que plufieurs Lc- 
giflateurs fe font mépris par excès 
de Eçle pcTur la Religion, en per- 
fécutant, relativement à leur croyan- 
ce , des Sujets (Jui d^ailleurs étoient 
obiêrvateurs paifiblcs de leurs Loix, 
qui n'étoient coupables d'aucun troxi^ 






^oînt ceux des paffions humaines ^ 
trop au-deflbus de la dignité de 'Il 
Loi. La Juftîce n*eft point non phis 
une de ces Divinités , auxquelles des 
adorateurs atroces immbloîent des 
hommes pour appaifer leur courroux. 
Là vengeance^ quelle qu'elle fût, fe- 
iroît infenfée , & n'empêcheroit pas 
iju*un tort fait à la Société , pat 
Vaflaflînat d*un Citoyen , n*exiRât 
réellement. L'objet des Loix , dans 
les peines quelles prononcent, n'eft 
donc pas de faire fouflfrir un coupa- 
ble, mais d^empêcher que ce cou- 
pable ne porte de nouveaux trou- 
bles à la Société , & qu'il ne trouve 
des imitateurs , par l'impreffion que 
doit faire fon châtiment fur ies ef- 
prits. Ainfî les peines infligées pour 
llntérêt de Tordre focial ne font 
}>as réparatives, mais préfervatives ; 
ainfi le préfervatîf , c'eft-à-dire le 
châtiment, doit toujours être pro- 

B 4 



/ . 



€ 32 3 

portîonné au plus ou moins d'inv- 
portance du déHt ^ au plus ou moms 
de dangers qui réfukeroient de foa 
impunité pour Tordre focial ; ainC , 
dans la diftribution des peines re- 
latives à chaque nature de délits, 
on ne dort fe jpermettre que le 
degré de févérrté néceffaire pour 
réprimer raflfeftion vicieufe qui 1^* 
produit. Toute peine dont la rigueur 
excède cet objet d'utilité eft tyran- 
nique; car, fi la Société doit être 
protégée , les droits de Thomoie 
doivent être refpedés. Il n'eft per- 
mis de le façrifier qu'autant que 
ce facrifice importe à h Fureté pu- 
blique ; & dc-là fuit la conféquence 
que la peine préférable, même, en 
matière grave , feroit celle qui, en 
faifant le moins fouffrir le coupable ,- 
feroit cependant Timpreffion la plus 
profonde fur la multitude. 



C35Î 



CHAPITRE V. 

Le droit de punir ptut - il tétmdrè 
jupiu'à la pane de mon? 

Li'AssAssiH périt fur J'échafaud 
vidùne d'une Loi promulguée pour 
fe propre confervation ; car cette Loi 
faifoit défenfes d'attenter à ùl per- 
fonne, de même qu'à celle de fes 
femblables : cette rigueur eft - elle 
jufte ? 

Un Etranger, défenfeur ardent de 
la caufe de l'humanité (i) , a pré- 
tendu , dans un Ecrit répandu parmi 
npus, quenuUe Puiflànce.dela terre 
nepouvoit avoir le droit de mort 
fur. un Sujet, même coupable du plus 
grand crime^«Quel peut être , a-t'il 
M dk. Je droit que les homtaes s'attri- 



(>) M. k Margnis de fieccarii^ 



^ 



C 3^S 
^îbuent dégprgQr leurs femblabks- ?.> 
>j ce n eft certainement pas celui d*où 
» réfultent là Souveraineté & 4es 
ii Loix ; elles ne font que ^ la foaim» 
33 totale des petites portions xie li- 
» berté que chacun a^ dépoféès pour 
3:< former; Cette Sbùverainetë ; elles 
3> repréfentent la TÔlohtc générale, 
3>réfultat de Turibn des volontés \ 
3x particulières. Mais quel eft celui 
3>qui aura voulu céder à autrui le 
»> droit de lui. ôter la vie ? comment 
sïfuppofer que dans lé facrifice.que 
33. chacun a fait de ht plus petite 
33.portion de liberté qu'il a pu aliéner, 
3341 ait compris celui du plus grand 
33 .des biens? & quand cela feroit, : 
33^omn>ent ce principe ^'accorde- 
33;,roit-il avec la maxime qui défend : 
53 Je fuîtide ? ou Thonime peut dif- \ 
3>.pofer de fa propre, vie ^ ou il n'a ; 
33 pu donner à un feul, ni même à . 
33 la Société entière ,• un droit qu'il 
>3 n'avoit'pas. lui-même 33 ? 



' Ce raifonnement n*eft qu un ïb* 
pKifme ingénieux, 
* L'homme n*a pas le droit de s^ôter 
k vie , mais iï a celui de la défera 
dre» De quelque çianiere que la Pui(^ 
fente publique fe foit formée , -il 
. ji*a pu refufcr fon aflentiment à uÂe 
Loi qui avoit pour objet de pro- 
^ger fes jours. Dans l'état de na- 
ture, àc pour Fîntérêt légitime de 
ma propre confervation , j'ai îe droit 
d'ôterla vie à celui qui attaque ht 
Aiîenne : dans Tétat de Société ci-* 
^îllfée 5 j*ai par conféquent le droît^ 
de voter pour la mort de celui qui" 
attente â ma vie } & fi f enfreins la 
iioî à laquelle j'aî concouru , ;la| 
Société entière ^a le droit d*eh xt-^ 
clamer contre lîiôi l'exécution : fi le 
îfat pas le dï-oit de m'ôter la vie , 
ft n*ar pas oeluî de Tôter à 'mes 
femblables^ & de prétendre que ïa' 
mienne doive êtrei reJpec^ée. 

B <î . 



'v 



^w^ 



Attfiî dans toutes les Légîflatlons 
connues , même dans celles c^ui ont 
eu les plus: grands égards pour l'hu- 
manité » telles que celte des Chinois^ 
& celle de Solon dans Athènes , la 
peine de mort fut -elle décernée 
contre Taflaflinat de guet - à - pens» . 
On voudroit en vain s'en difiimulec% 
la }uftice; c'eft la peine du Talion^ 
celle qui touche de plus près aux 
premiers principes de l'équité natu- 
relle ; & (i à la perte d'ua Citoyen, 
elle ajoute la mort d'un autre ^ cette 
mort doit paroître utile : elle délivre 
la Société d'un homme pervers qui 
ne doit plus lui appartenir , puifqu'il 
a rompu le lien des conventions: 
fbciales ; le (upplice de cet ailàffin 
prévient d'ailleurs de nouveaux cri- 
mes qu'il auroit pu commettre \ U. 
devient un exemple impofant pouc 
la perverfité. 



/ 



C37J 

CHAPITRE VI. 

Qut la peine de màrt doit être rejireinte 
auxfeuls attentats contre la vie. 

V^ETTE peine n'a aucune efpece. 
d'analogie avec les autres crimes qui 
peuvent être réprimés auffi efficace- 
ment d'une manière moins cruelles- 
La Loi qui punit de mort le 
fîmple vol, a produit peut-être plus 
d'ineonvéniens que ceux qu'elle a 
voulu prévenir. Si le vol parmi nous 
eft prefque toujours le mptif Ou* 
Toccafîon de l'af&ilinat , c'eft parce 
que le voleur, qui fait que la Loi 
le condamne à mort , ne croit 
pas courir un plus grand rifque en 
le rendant aflaffin : ou plutôt il croit 
diminuer par -là les rifques qu'il 
court ; car la nun:t le délivre d'pn : 
témoin important dont la dénonciar^: 



#^ 



€5^.3 

tîon peut le conduire au fuppUce. 

Si au contraire la peine de mort 
n'eft point attachée au crime de vol , 
Ip voleur laiffera vivre le Citoyen 
qui peut le dénoncer; parce que 
Tefpérance de fe fouftraire pourra 
balancer dans fon coeur la crainte 
delà pourfuite; & parce que, dans 
l'incertitude de favoir s'il échappera 
ou non à la peine , il préférera de 
rtèttB puni que comme voleur à 
l^étre comme aflàllin. 

et En Chine il rfy a que les vo- 
ïDleufs cruels qui foient punis de' 
ïi mort ; cette différence fait quon 
31 y vole , & qu'on n y affaffine pas, 
aj En Mofcovie , où la peine des vo- ' 
9i leurs & celle des aflâffins étoient 
oi autrefois lés mêmes , on y aflfeffi- 
oi noit toujours ; les morts , 4^^^^" 
non, fie racontent rien. En Angle- 
5> terre on n*y afïàffine point, parce' 
«9<{ue les voleurs peuvent efpérér 



a>d*€tre tranfporté^ d^ns les Color 
33 nies , & non pas les aflaflîns w« 
Efprit des Laix y tom. P% p^ ipo. 
Ajoutons que , la rigueur excef- 
lîve de la Loi produit fouvent Tim- 
punité. Quel éft le ni'aître en effet 
qui, dans l'état aéhiéldes chofes, 
dénonce un vol à lui /ait par fon. 
domeftique , pour le voir pendre :à 
fa porte , & foulev^r , par-là , contre . 
lui , la clameur populaire ? l^^ voteur'^ 
dpmeftique eft^communém^n^ cha£(e 
par fon piaître , & va . vcj^r sàxtz ^ 
un autre qui le chafTe à fôn ^ur.., 
ÇeÛ cette indulgence , occafionnée 
par la févérité nlcme de la Loi,.. 
q^i r^nhar^it au crime. 



' ( 






V f 



C4o3 



CHAPITRE VIL 

Que la Loi pénak doit être générale , 
& frapper fur tous les états & toutes 
les conditions. 

A, Rome y fous les Empereurs ^ 
les peines furent divifées en trois 
claflès ; on* en décerna de très- 
douces contre les premières per- 
fonnes de TEtat , de plus féveres 
contre celles d*un rang inférieur, 
& de très - rigoureufes contre le 
peuple (I). Cette étrange politique 
apnonçoit le règne de la tyrannie. 

Reipeâons les dignités , les rangs 
& la Nobleflè antique ; ils portent 
rattache du Souverain, qui les a 
accordés comme un gage honorable 
de fa confiance , ou comme la ré- 

(i) Efprh des Loi;i, Tom. I, pag, 187* 



t 

^ 



compénfe due à des talens utiles. 
Si un homme conftifué en dignité 
reçoit une offenfe de la part de fon 
inférieur , que l'oiFenfeur foit puni 
avec plus de févérité que s'il eût 
ofFenfé fon égal. Mais ii un homme 
d un rang élevé dégrade fon exif- 
tence au point de fe confondre par 
la baflèflè de fes affeâions avec la 
fange de la populace, pourquoi fe- 
roit-il puni avec moins de févérité 
qu'elle , d'un crime qui feroît le 
fruit de cette baflèflè commune (i) ? 



(i) Cette règle de Juftice eft établie liv. 4; 
tit. if , art. 4 des Condîtutions dn Roi de 
Sardaîgne, pubfiécs en 1770. Ces Conâltu- 
tions font Touvrage de plufleurs Souverains 
dont la fageife héréditaire a fucceffiveaicnc 
honoré le Tr^ne 8c THumanicé. La partie 
qui concerne la pourfîiice des délits contient 
des régies crès-précienfès, quoique cependant 
rinftruèllon foi( demeurée fecrette pour le* 
Public 9 qu'on y ait conlèrvé l'aCige de Ift 



C 4^ 5 

fions penfons même qu*il eft pkw 
toupable. Les principes de Téduca- 
tion noble qu'il a reçue , les devoirs 
attachés à fes dignités & à {es places; 
l'exemple de fes aïeux , le refped 
de Ton nom ^ ctoient autant de liens 
bien capables de le retenir , & qu'il 
n'a pu rompre que par un excès de 
perverfité. 

Nous obferveçons cependant que 
les gens en place, qui abufent de 
leurs droits , font fufceptibles d'une 
punition particulière, humiliante pour 
Tamour-propre & cuifante pour l'atn- 
bition î celle de la privation de leurs 
emplois ou de l'interdiâion de Jeuf^ 
offices. Mais nous ne parlons ici 
que des crimes de la baiTefle , & 
nous difons que pour ces fortes de 



tortare préparatoire pour plufieurs cas , 8c 
que plufieurs délits étrangers au meurtre y 
fcient punis de mort. 



t4î3 
crimes fur tout , la Loi doit être 
générale , qu'tlle doit frapper fur 
tous .les états & fur toutes les con- 
ditions ; car fî elle ne s'exçcutoit 
que contre le peup'e indigent & 
foible f il la regarderoit bientôt 
comme tyrannique. 



€443 



CHAPITRE VIII. 

Que la pwùtion rit doit affiSer que le 

coupable. 

\J N préjugé Cruel nuît fouvenC 
parmi nous à Texécution de la Loi; 
il étend fur une famille entière Tin- 
famie encourue par un de fes mem- 
bres : cette famille a-t'elle quelque 
crédit , elle ne manque pas de l'em- 
ployer pour fauver fon honneur ; fi 
le coupable indigne ^ elle intérefie ; 
le Juge lui-même , agité par ces 
impulfions contraires , héfite quel- 
quefois à frapper ; & quelquefois 
auflî les pleurs de cette famille ob* 
tiennent , de la commifération, du 
Souverain 9 la grâce du coupable: 
indulgence fouveiit dangereufe ; le 
droit de faire grâce eft une des pré- 
rogatives de la puiilance , mais la 



âiiâ 



(Mf* 



C4y 5 

|)rincîpale vertu tfun Roi eft d'être 
jufte. 

Si au contraire la Juftice , înaccef- 
fibie aux foUicitatioas , & le bandeau 
fur les yeux , frappe le coupable ; 
fes pârens , fes enfans fur-tout ^ font 
frappés 9 font déshonorés par le 
ihéme coup ; l-£tat qui pouvoit en 
attendre des fervices plus ou moins 
grands , ne verra donc plus en eux 
que des âmes flétries , incapables 
de rien entreprendre de noble ^ & 
auxquelles même la carrier^ de Thoor 
neur fera fermée. 

Combien n'importe -t- il pas de 
déraciner un préjugé dç ce genre 
qui n'exifte point en Angleterre, 
&.que noy^s aurions du déjà rejetter 
loin de nou^ fans attendre l'exemple 
de nos yoifîns ! Le Souverain , dont 
la conduite a tant d'influence fur nos 
mœurs , peut aifément parvenir à le 
détruire. Que te coupable périflè 



; 



dans rignominiç , puifque la Loi le 
condamne , & puifque fon fupplice 
eft néceflaire pour aflurer la tran- 
'quillité publique : mais que Tun des 
iîens , s*il jen eft digne , fpit en mêjne 
temps élevé par le Prince, à un pofte 
♦honorable i la multitude fera bîen^ 
jtét convaincue^ par de pareils ex4()r 
|>les, que la confidération attachée 
à la vertu ne dbit dépendre que 4&la 
vertu même^ & non d^ lapein^ 
ifîfligée au crime d'autrui 2 Pœnacfolo$ 
mutons temtre déet ; Loi 32 » m 
Q)de dcPœnis. 




"». 



C 47 3 

« ==sèJ!i^^|^^- . i ' -i n i 

C H A P I T p. E IX. 

Que Zej peinej doivent tourner amant 
quil ejl po(Jîbîe au profit de VÈtau 

Jm ou s avons parlé dé la peine de 
mort utile par Timpreffion profonde 
qu'elle doit faire fur Tefprit de la 
multitude ; mais cette peine étant- 
réfervée au meurtre, à raflàffinat de 
guet-à-pens , il faut voir de quelle 
utilité pourroient être les peines que' 
Ton peut infliger pour d'autres espè- 
ces de délits. 

Un coupable, puni dans fa per- 
fonne, peut être condamné aux tra-* 
vaux publics ou à la déportation dans ' 
les Colonies. ^ 

Il importe à TEtat que les Ports^ 
de. mer, les Fortifications des Villes 
de guerre i les grands chemins , 1er 
canaux navigables , les monumens^ 






n 



€48» 

publics folent entretenus & réparés 
L*immenfité de ces objets exige une 
multitude d'ouvriers . que Ton paie; 
& pourquoi n*y point employer des 
coupables qu'on ne feroît tenu-'quc 
de nourrir ? Quand une punition a 
cette double efficacité d'empêcher 
les progrès du crime & de ména- 
ger les dépenfes du tréfpr public, 
il femble que la lioi qui la prononce 
réunit tous les objets^ d'utilité. Il 
ièroit même d'hantant plus important 
d'admettri^ ca genre de peines , 
qu'aujour4'hul , & par l'état aâudl 
de notre Marine , les coupables con^ 
danmés aux galères ne fervent point 
fur mer. 

Il importe pareillement à l'Etat » 
aux progrès de (on cpnmierce & 
d^ fa puiflànce , d'accroître fes Co- 
lonies. Et pourquoi le Légiflateur 
ne prononceroit-il pas la peine de 
déportation .contre cette efpece de 

gens 



• ^ 



„ >: 



I 



€ 45) 3 
gens dont les affeâions ne font pas 

' aflèz perverfes , pour en redouter les 

inconvéniens dans une Société naif- 

fante, qui approche beaucoup de 

l'état de nature , & dont les devoks 

Jjont bien moms multipliés que les 

nôtres ? 

Ainfî , en Ruffie , les criminels ou 

malfaiteurs qui n*ont point mérité 

la mort , font envoyés dans les dé- 

ferts de la Sibérie ; aitifi une hoî 

<l* Angleterre prononce contre diffé- 

rens ^'gëhrcs de délits , & par les 

mêmes motifs , la peine de traciipor- 

tation dans les Clokmies. ^ 




V 



€;6 3 ^ 



« ! U. "(SjP^ 



àlk^ 



CHAPITRE X. 

Que les délits doivent être réprimés par 
les peines les plus oppofies'-aux genres 
de vices qui les auront produits. 

KJ n pourroît dire peut-êtr^ qu'il 
en eft des remèdes moraux pour 
la fanté du corps focial , comme 
àos remèdes phyfîques pouc^la fanté 
de rindivido : Contraria contr^/fiis cu" 
rantur. La manière la plus efficace 
pour combattre les différentes paf- 
fions ou affeftions vicieufes qui peu- 
vent troubler Tordre public , eft fans 
doute d*employfer les^ genres de 
peines les plus contraire* à ces fortes 
d'affedions , & par conféquent les 
plus cuifantes pour elles* 

Ainfi , les délits qui prennent leur 
fource dans Tabus de la liberté « 



dans le goût de la licenee , Se qin 
n'ont trait ni à vol ni à' aiîaflînat, 
doivent être punis par la prïfcin. 

Ceux qui confiflent dans l'abus de 
la vie civile & dans-tine incdndirite 
qui compromet les intérêts -d'aùtrui , 
par une interdi<!:tion pénale. 

Ceux qui dérivent de lafeaine ou 
de l'amour, & d'habitudes qui tien- 
nent au local-, par l'exU légal ou 
la déportatior mjej^ 

Ceux qui o i^ cupi- 

dité du bien „i p^g_ 

Tentent des i j^fl-o^^ 

*!" ^°\ > ?^ -nations 

pécuniaires. 

Ceux qui prennene leur fource 
dans l'oiliveté , & qui confident 
dans ie vol fans armes ou aâes 
équipollens , par la condamnation 
aux travaux publics & par la con- 
fifcation. 

Ceux <lui ont pour caufe la vaine 
C a 



iqpM^,^^^^ 



gloire & le faux honneur , par Fhuai^ 
liation &ie déshonneur. 

La peine de niort réfervée à Taf- 
faf&nat de guet-4-peos ou au vol 
à main année » & autres délits de 
ce genre* 




y »* 






i •>' 



^. 



-1-. 



€ S3 % 

■■V^^atiiéi 

CHAPITRE XI. 

Quds délits ($- ^ueUes fmp dolveni 
emporter infamie. * 

ii* INF AMIE doit être ehvîfagée 
fous deux rapports différens; Finfa- 
mie de fait,& IHnfamîe de droit. 

L*infamie de fait eft le contraire 
de Phonneur, Uhonneur eft ce fen- 
tîment fier de lui - même , qui fe 
nourrit de Feftinie publique & qui 
veut la mériter LHnfamie de^lfeit 
eft attachée à tous les vices de la 
baflèflè , dont un fbrdide intérêt eft le 
principe : c*eft cette baflèflè qui con- 
duit à rimpofture , aux infidélités ^ 
aux abus dp confiance, au vol, & 
quelquefois aux aflàflînats de guet- 
à-pens. Ces adions font vraiment 
infâmes , d'après les principes de la 

morale univerfelle* 

C3 



L'infamie rélùl tante d'une condam-" 
nation, êft ce que nous appelions in- 
famie de droit: mais ceft toujours 
conformément à ces mêmes princi- 
cîpes que le Jugement doit être 
rendu; car s'il notoit d*infamie une 
aétion qui n'en porter oit pas le 
caraâere , le pubjic pourroit fe dif 
. penfer de croire à Tinfamie déclarée 
encourue. 

Dans nos ufages , l'infamie efl 
attachée à un certain genre de peines, 
«ntr'autres celles du fouet , de la 
marque , du carcan , du pilori , &c. 
Il ne faut donc ordonner ces fortes 
de châtimens que pour réprimer les 
vices de la baflefTe. ~~^ 

L'effet de Tinfamie de droit eft 
âc livrer le coupable au mépris pu- 
blic , & de détruire , relativement 
à lui, cette efpece de confraternité 
qui forme le lien focial. Celui qui 
eft décidé infâme n'eft plus admis 



en témoignage , ni à intenter une 
accufation ; la Juftice ne croit ni à 
fcs aflèrtions , ni à fon ferment. 

Gardons-nous cependant de noter 
d*infamie des coupables que nous 
laiflèrons dans la Société , nous en 
avons dît la raifon phis haut ; & 
s'ils doivent vivre encorç avec leurs; 
Concitoyens ^ ne leur ôtons pas lef- 
poir de recouvrer leur eftime, Ainfi , * 
rinfamie de droit ne doit point être 
attachée à de Cmples condamna- 
tions pécuniaires , ni même à une 
admonition de la Juftice, ni à la, 
prifoix & à rinterdidion pour un 
temps , ni à des défenfes d'approcher 
de telle Ville plus près qu'à telle 
diftance, quand le châtiment fe borne 
là» Elle ne doit être attachée , d'après 
notre plan, quant aux coupables non- 
punis de mort , qu'à la déportation 
dans les Colonies pour caufe d'in- 
fidélité', & qu'à la condamnation aux 

C ^ 



€;«3 

travaux publics pour caufe de vol 
ou délits équtpollens. De p^etls 
coupables pourront être eKpofés dans 
les carrefours , au pilori & au carcan , 
pour rendre leur cùndanmation plus 
authentique. Mais fupprimons n fur-* 
tout la âétrifTure fiur Tépaule , même . 
pinir'celurqai ièrpit condamné aux* 
traviux publics à temps. Le forçat' 
rendu à la liberté^ après avoir expié* 
fon crime , peut devenir homme de^ 
bien , & fe faire , dans quelque Pro- 
vince éloignée , un fort nouveau , 
en dérobant les traces de raiicien:^ 
mais s*il porte fur l'épaule Tem-- 
preipte ineffaçable du crime & de 
rignominie , s'il craint à chaque inf- 
tant la découverte de fon état , s*il 
frémit lui-même à la feule idée de 
rhorreur que cette découverte peut 
înfpirerj comment pourra-t'il s'éle- 
ver de cet abyme d'opprobre jus- 
qu'au courage de la vertu ? 



1 




CHAPITRE XII. 

Queb d^ts & quelles peines doivent 
emporter mort eiviU & conjijcation. * 

JL ' H o M M c 9 dans Vétàt de nature ^ 
n*a i:)ue la vie phyfique ; dans Tétat 
(ocul , il joint à (on exlftence phy« 
iique la vie civile , c eft-à-dire les 
facultés du Citoyen , les avantages 
que la L»oi lui donirie. Cette Loi lui 
pennet de contraôer, d'efter en Jur 
gementyde recevoir des donations 
& des legs^ de difpofer de fes biens ^ 
de [es tranfmettre aux héritiers de 
fon fang : <:e9^facUltés appartiennent 
par coni^quent à la vie civile. ' 

Celui qui a rompu le lien des 
conventions Tociales par un crime 
aâèz grand pour devoir être puni 
de mort violente , s'eft rendu indir 






t . 



Vr ^ 



^-^i^^p»^» 



gne de participer aux avantages de 
la Société ; il eft par conféqueirt 
privé , par cela même , de la faculté 
de tranfmettre fes biens à fes hé- 
ritiers. De-là rorigîne du droit de 
confifcatioo parmi nous ; les biens 
du condamné demeurent acquis à la 
Fuiflànce publique. 

Si la nature du délit eft telle que 
le coupable ne doive pas être con- 
damné à perdre la vie naturelle , 
mais que néanmoins il mérite pour 
toujours d'être fouftrait de la So- 
ciété ; il eft évident que dès-lors il 
xie do>t plus participer à aucun de 
fes avantages : la mort civile fera 
une fuite néceflaire de fa condam- 
nation ; & 9 dans ce cas comme dans 
Fautre -, il y aura ouvertxire à la 
confifcation. 

Ainfi , ks crimes qui feront punis 
par la mort , par la condamnation 
à la prifon perùétuelle , & par celle 



< .- •- 






aux travaux publics a perpétuité, 
<k)ivent emporter mort civile & 
confifcatioiu 



^<=^' 



fdJiAmSiP^j^itu 



CHAPITRE XIII. 

Que la peine de tonfifcation peut être 
jujlement & utilement modifiée. ^ 

i-i * A u T E u R moderne , qui a 4é- 
fendu avec tant de chaleur les droits 
de rhumanité (i) , s'eft beaucoup 
récrié contre Tufage des confifca- 
tîons , parce qu elles rendent , dit- 
il , les enfans vidimes des fautes 
de leur père, & qu'il eft d'ailleurs 
au-deflbus de la dignité^ du Souver- 
rain de s'enrichir par le crime de 
fes Sujets. 

Eh bien ! concilions tous les in- 
térêts , même ceux qui paroiflènt les 



mmm 



(i) Le Marquis de Beccaria. 

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€ 60 3- 

plus op^ofés. La Loi civile réferve 
aux eiifans une portion néceflaire 
dans le patrimoine de leur père ; il 
ne peut difpofer par aâe de mort 
que du (îirplus; regardons le délit 
qui doit le priver, foit de la vie 
naturelle , foit de la vie civile » 
comme un aâe de mort ; & ne fai- 
fons porter la confifcation que fur 
les biens qui étoient difponibles 
dans la main du coupable : alors 
Fintéret de$ enfans , protégé par 
la Loi civile , ne fera plus en op- 
pofition avec l'intérêt de la vlndide 
publique , protégé par la Loi cri- 
minelle. Mais cette modification une 
fois adoptée, que la portion con- 
fifquée foit exigée en toute rigueur, 
, diaprés futilité dont elle doit ctre, 
& que nous allons afligner. 

Quelque re(pedables que foient 
les Magiftrats , ils n*ont que la fa- 
i;efle humaine en partage > & cette 



fagefle eft fujettc à des erreurs în*- 
volontaires , à des méprifes préju- 
diciables. Un innocent fur lequel un 
concours de cîrcoçftances on^lheu- 
reufes femble fixer le foupçon du 
crime, eft quelquefois pourfuivi , dé- 
crété , emprifônné à la requête du 
Miniftere public feul ; il gémit dans, 
des fers que la ^ Juftiçe brifc enfin 
après une longue înftrudîon ; & la 
Juftice gémit à fon tour de n'avoiir» 
aucune indemnité à lui offrir, pour 
le préjudice réfultant de fa pour- 
iùite. Mais s'il exiftoit une caiilê 
particulière pour le produit des cônr 
fifcations , ^indemnité qui eft due 
à cet infortuné feroit prife fur les 
deniers de cette ^at^: ces deniers 
pourroient être encore employés aux 
frais dos pourfuites criminelles qui 
fe font à la requête du Miniftere 
public ; & ce feroit ainfi , qu*à la 
décharge du tréfor du Prince , les 



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•■• iî^a^~ 



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C<î2 3 

deniers provenans des délits fervî- 
roient à la pourfuite d'autres délits , 
& à la réparation du préjudice que 
des pourfuites de ce genre peu- 
vent quelquefois entraîner. 

Quant aux délits moins graves 
que ceux qui emportent mort civile 
& confifcation, & qui, d'après les 
réformes propofées , doivent être 
punis pfir des amendes envers le 
Roi, tels que ceux au-deflbus du 
vol, & qui ont la cupidité pour 
principe , le produit de ces amen- 
des feroit porté dans la même caiiTe 
pour être employé aux mêmes ufages. 




Ss*: 






C<S3 5 



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CHAPITRE XrV. 

Ck qu'il faut laijfer à Varbitrage du 
Juge dans t application des peines. ' 

A L feroit à defîrer fans doute pour 
le bien de la Juftiçe , que, la Loi 
pût prévoir tous les cas; parce que 
la Loi dans fa généralité ne faifant 
acception de perfonne, n'a jamais que 
le bien public pour objet. Le Juge, 
au contraire, eft entouré des Par- 
ties ; il ilatue pour ou contre un 
individu quiHeut lui paroître plus 
ou moins coupable, fuivant la ma- 
nière dont il efl affedé pour lui. Il 
lui eft difficile de fe préferver de 
toute prévention ; car elle eft , fui- 
vant le langage du célèbre d'Aguef- 
feau, le feul vice du Sage. Il faut 
donc refferrer , autant qu'il eft poC- 



( • 



£<543 

Cble , la carrière de Farbitraîre ; ce- 
pendant il convient de lui laiiTer un 
efpace quelconque , fans lequel plu- 
fleurs cas non prévus demeureroient 
nécefiairement impunis. Ainfi en An-i^ 
gleterre un voleur adroit ayant fait 
. arrêter , il y a quelques années , le 
carroflè d*un Lord pour lui pro- 
pofer de lui vendre cent guinées 
une paire de piftolets qu'il diri- 
geoit contre lui , & ayant remis 
fes piftolets après s*être fait payer 
cette fomme , fut renvoyé de Pac- 
cufation , parce que la Loi h*avoit 
pas prévu le cas. 

Qu'eft-ce donc qu'il convient de 
laiilèr à l'arbitrage du Juge ? le voicL 
Quoique les efpeces des délits varient 
à Pinfinî, parce que rien ne fe reflèm- 
ble exaftement ni dans le phyfîque nî 
dans le moral , néanmoins ces délits 
ont des caraâeres qui les rappro- 
chent néceflàirement de quelques-^ 



_*ï--^ -r- 



unes des clafles dans lefquelles nou^ 
venons de les ranger; ce qu'il faut 
prefcrire au Juge , c*eft de pro - 
noncer telle nature de peine pour 
telle nature de délit ; ce qu'il faut 
^aifler à fon arbitrage , . c'eft la quotité 
des amendes pour les délits qui 
n'emportent point confifcation ^c'eft 
le temps que doit durer la peine pour 
les délits qui n'exigeftt par leur na- 
ture que des peines à temps. 

Ainfi, quant aux délits qu'il s'agira 
de punir par l'interdiâioii » l'empri- 
fonnement» l'exil , la déportatiorr 
dans les Colonies , la condamna- 
Ition aux travaux publics 9 pour ua 
temps ; les Juges » en appliquant la 
peine , régleront fa durée fuivant le 
plus ou moins de gravité des cir- 
confiances. 



£ (î<5 3 
SECONDE PARTIE. 

Des dïffinntes feints applicd' 
Mes aux différentes natures 
de délits. 

v^UELQUE étendue qu'annonce 
ce titre , notre objet n'eft pas de 
préfenter ici la nomenclature de 
toutes les efpeces de délits qui affli- 
gent Tordre focial ; ce détail ferôit 
inunenfe : nous nous contenterons 
de ranger dans difFérentes claffes les 
afièâions vicieufes qui pîoduiiênt 
telle ou teUe nature de délits^ nous 
parlerons de ceux qui font le plus 
connus , fuivant le rapport qu ils au- 
ront avec ces claflès difFérentes ; & 
nous propoferons de les punir par 
les peines qui nous paroiflent les 






s «7 3» 

plus réprimantes , comme étant les 
plus oppofées à leurs caufes pro- 
duâives , ou par le genre de con- 
damnation qui préfente le plus d'a- 
nalogie avec la nature -du crime. 
Pour remplir nos vues , nous fui- 
vrons l'ordre tracé par le Chapi» 
tre X de notre première Partie. 



CHAPITRE PREMÏeY. 

Des délits qui doivent être punis par 

la prifan. 

3lJ ans Tordre judiciaire tel qu*a 
exifte aujourd'hui parmi nous , la 
prifon n'eft point une peine ; elle 
eft fetjilement regardée -comme un 
lieu de dépôt pour les accufés , en 
attendant qu^ils (oient abfous ou 
condaxônés ( i )» 

Il femble cependant que fhomme 
eft aiTez jaloux de fa liberté , pour 
que la peme de priibn trouve fa 
place parmi celles qu*il eft permis 
de lui infliger. 

Dans Tétat focial il ne jouit que 

(i) 11 faut excepter quelques Loix particu- 
lières concernant le Tribunal de MM. les 
Maréchaux de France , & la Police. 



-d'une liberté reftreinte : cette lî*- 
Jberté eft fubordonnée à fes devoirs ; 
elle dégénère en licence , s'il les en- 
freint. Cette licence , dans tous les 
xas qui n ont trait ni à vol ni à 
allaflînaty & qui ne préfentent qu'un 
trouble padager-^ peut être jufte- 
ment punie par un temps de pri- 
fon ; une telle peine contraire même 
parfaitement avec Te/prit d'indé- 
- pendance qui porte Thomme à de 
pareils écarts : elle eft donc efficace- 
ment réprimante pour cette nature 
de délits» 

Ainfî , nous propoferons de jau- 
nir principalement par ^û temps de 
prifon plus ou moias long ^ Auyaat 
la gravité > des circonftances ^ les 
perturbateurs du tepo$ publier; cfu^ 
qui cherchent querelle dans les €ues^ 
injurient & battent les autres ; ceux 
qui par efprit d'iafubordjnatiofi xe^ 
fufent d'obéir aux Officiers dç Pg^ 



€70 3 

lîce dans leurs fondions , & leur 
manquent de refpeft ; ceui qui com- 
mettent du fcandale dans les Eglifes 
& Aflèmblées publiques ; les Caba- 
ret îers qui, au mépris des Ordon- 
nances de Police , donnent à boire 
les Dimanches & Fêtes pemiant 
les heures du Service Divin; ceux 
qui affedent de prendre ce temps 
pour faire la débauche dans les ca- 
barets ; tous ceux enfin qui fe fe- 
ront rendus coupables de torts con- 
traires à la décence publique^ • 

Il paroît ^encore naturel de punir 
par la perte de leur liberté , foit à 
temps, foît à perpétuité, fuivant les 
cîrconftahces , ceux qui auront gêné 
la liberté des autres en' les tenant 
éh cdartrë privçe oii autrement ; 
ceux qui auront furprîs fur un faux 
cxpofé des ordres du Gouvernement 
-pour ifaire renfermer un Citoyen ; 
iCeux qui fe feront rendus coupables 



£7- 3 

du rapt de violence; ceux qui veu- 
lent fouftraïre à l'emprifonnement 
des criminels ou des débiteurs qu'ils 
recèlent; ceux qui auront procuré aux 
Prifonniers lès moyens de s'évader. 
L'analogie d'une pareille peine avec 
cette nature de délits, doit être par- 
faitenaentfentie. 

Enfin cette peine pourra être in- 
fligée dans d'autres circonftances , 
dont nous ne parleroiis que par la 
iiùte » parce qu'elles font . relatives 
Bun genre de délits qui méritera feul 
, un examen affei étendu. 




C 7^ 5 



Ï9 



CHAPIT R E II. 

. Dts délits qui doivent être punis far 

V ijiterdiâion. 

kJ n conçoit que le topique le 
plus efficace pour empêcher Jes abus 
<le la vie civile & des fonâions pu- 
bliques , eft rinterdiâion. 

Pour le Citoyen qui n'a point de 
fonâions publiques à remplir , nous 
ne connoifibns dans nos u(ages que 
f interdiâioo ofitçieufe ; nous pto^ 
poferons ici d'en admettre une au- 
tre d'un genre oppofé, & que nous 
appellerons interdiâion pénale. Cette 
interdiâion pour le temps de fa du- 
rée auroît , à la vérité , le même 
effet que la mort civile, itoaîs fans 
infamie ; & voici quel genre d'in ' 
conduite pôurroit être puni par une 
interdiâiô'h de cette nature. 

Un 



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^ K 



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• €73.3 

Un homme fait des entreprlfes 
pour lefquelles il a befpin de fonds 
qu'on lui confie ;, l'argent d'autrui 
circule dans (gs aflàires i le voyant 
fans cefle pàfler & rçpaffer dans fes 
main^ , il en ufe comme de fa cbofe; 
,' .il le diflîpe avec fa fortune per-". 
fonqelleji^^fans ..qu'il refte rien pour 
îl^i^fliêyuç. . Si fon inconduite n'eût 
tendu qu'à la diffipation de fon. prô-* • ; " 
;pi:e bien , fa, famille eût pu le faire a. * -, 
.îqterdire par commifér^tion pour lui; ^ ' ^. 
. &,p'eft ce quÇjOous appelions iriter- v 

diÇtilpn officieufe ,:. mais ^yant diffipé . 
.le ; hiea d'au.trui , ayant manque à la 
^ .confijanc.e,ij ^mérite d'être interdît 

à . titre de peine ;^ 8ç c'eft ce que '^ 

^* nous appellerons înterdidion pénale. . ^ 

La Juftîce • fuivant le plus ou 
'^^ inoîns de, gravité de l'inconduite > 
pourra prononcer cette interdidion^ 
^ou|: un temps ou , à perpétuité. 

Un intrigant , par. de bafles fou- ^ 
• D . 



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1 



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^€74,3 
pleflês^ captive luie perfonne riche 
valétudinaire ou âgée ; il parvient, 
par les reilbrts qu'il emploie, à dé- 
pouiller les héritiers du fang , eh fe 
faifant inftituer légataire , ou en fai* 
fant faire une donation à ion profit i 
eft-ce donc aflêz de déclarer nul ce 
legs ou cette donation ? ne fèroit-^e 
4)oint encore le cas de prononcer 
contre Tauteur de la fuggeftion une 
efpece d'interdiâion reflreinte ^ dont 
Tufage n*eft pas non-plus connu dans 
nos niœùrs ; c'eft-à^lire de le décla^ 
rer, fur les conclûfions du Miniftefe 
public s incapable de recevoir aucun 
legs ou donation , fi ce n*eft de ceux 
auxquels il eft admis à fuccéder par 
la Loi ? 

JLes deux fortes de délits doat , 
nou& venons de parler ne font pas 
punis par nos Tribunaux. 

Dans la première efpece , on dit 
aux créanciçr$ qu'ils ont mal pUc< 



leur confiance , & le débiteur peut 
laire encore de nouvelles dupes. 

Dans la &conde , Fintrigant en 
«ft quitte pour "Toir xiéctarer fofi 
legs nul ; il fe confele , en fe flattant 
tju'une autre fois il fera plus heur 
reux. 

Les peines propofées contre c» 
deux fortes de délits feront donc 
utiles à Tordre focial , & fuffiront 
d'ailleurs poiu: tranquillifer la So- 
ciété llir le genre d'intrigues aux^ 
quelles elles fotit relatives. A 

Quant aux abus commis dans let 
fonâions publiques , ce n'eft pomt 
une nouveauté parmi nous que de 
les punir par Tinterdiâion , (bit à 
temps 9 (bit â perpétmté , même par 
Tincapacité prononcée conore les dé- 
linquans , de pofiëder par la fuffe 
aucune e^ece d'Ofiice : uhe pareille 
peine a fon genre de gravité , puiir 
qu'elle enlevé à FOificier la confi- 

Da 



mofn^ p^ ift plac^ , 5'il n(ypouyoit 
prétendra par fes vertuf. .Qette peine 
doit,. avoir lieu parçiUemept contre 
les Juges coupables de ces toru qiri . 
autoryent la prife à Paijiç , c'eft-à- 
dire quand ils ont agi perfraudem^ 
gratiam , inimciliai 6* foriçs^ fiijvant 
Te langage de la Loi Koçiaine : .nous 
en exceptons le crime de faux, qui 
exige qu'on ajoute, à ia^févérité dç 
la punition , & dont il fera quêftiog ' 
dans un à!^s Chapitres. fuivans.i 



C 77- 1 



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CHAPITRE II L , 



« I 



Dei Mirj jrui doivent être réprimes 
par texil ^ ou par la, déportation 
dans Us Colonies. 



»~ » « . V* »■ » 



\Jîl È puifiîtldri de ce gente doit 
être pâf tîcuKere âùx délits lôcaù:?^ , 
S*il éft permis de parlëir aînfï ',' au3t 
délits qui naiflent de la ïféqùèAfa^ 
"tion de certaines perfonhés , & qui 
tiennent a Thabltâtîon * dans ' certains 
lieux. '* • ' • • ■ '- \ ' •' 

Nos Loix ne connoiflent pas* !à 
péîhe de Texil , mâîis' celle du ban- 
hiflfement qui emporte îfifamîe, Nouis 
avons déjà fait voir combien il étoit 
daBn^èfeu3t cfînflîfèr une pareille péinè 
à tout condamné qu*on laiflèroit dans 
la Société : nous croyons donc qu'au 
banniflement, nos Loix doivent ftib- 



•> 



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1 



«-78^ 

ftittter rex3 , que par cela même 
Aous appellerons e»! tégal; exil qui 
peut être néceilàir^ (ans que fa cauie 
ait Te caraâere de bdOlèfle auquel 
nnfamie cft attachée. ^ 

Deux pafllons abfolument oppo* 
fèes peuvent donner lieu à la provo*» 
cation de Texil légaL 

La haine qui (ùppofe Thabltude 
dç chercher ion ennemi , pour Tin* 
fulter ; Tamour qui fuppofe l'habitude 
de chercher h perfonne aimée , pour 
la féduire : 

Ces paffions contraires sTenftiam- 
ment également à la vue de leur 
objet. 

Ainfi un homme d'une certaine 
confîftancè,expo(e à des iniùltes, à 
des voies de fait de ta part de ibi> 
ennemi , peut réclamer contre lui 
Texil tégàl , & demander qu*it lut 
foit fait défenfes d^approcher de plus 



C 79-3 
pthi qu*à telle diftahce du lieu .qu'il 

habite (I). 

De même le mari qui a des preu- 
ves de la féduaion tentée vis-à-vis 
de fa femtti^ , pu le père qui a preuve 
de pardlles^tentatiyes vis-à-vis de fa 
fille, fera fondé à requérir cette peine* 

Si la haine a été portée jufqu*aux 
voies de fait graves, tellè$ que la 
mutilation de quelques membres ^^ 
un ceil crevé j &c. ; fi les eiitreprifes 
de f amour ont été portées jufqu'à 
là confommation du crime vis-à-vis 
4e la fenmie mariée ; ce fera le cas 
d'ordonner la déportation du cou- 
pable dans les Colonies. Quant à U 
peine que mérite Tépoufe infidelle , 
elle eft fagement établie par la Loi 
Romaine adoptée dans nos mceurs. 

J^ Rapt de féduâion , le crime de 

i 

■ I I I I ■ I ■ — fc ■! I ■ 

(i) Piufieurs Arrêts ont prononcé de pa^ 
teilles dëfenfèS) mais nos loiz n'ont pas de 
^Cpofidons paniculicres fur ce point. 

X)4 



1 



■ C 80' J 

!a Polygamie , celui dé la profana- 
tion du Sacrement de mariage 8c Tin-' 
ceftè ^ tous les. défordres fcandàleùx 
enfin provenans de rincontinénce lii- 
xurieufe, peuvent être encore jufte-' 
ment punis pair une pareille pèîhé. 
Ajoutons-y les délits de contre- 
bande & de faux-faunage , parce 
que l'habitude de ces défits ne peut 
être dans les Côloiires d'aucun dan- 
ger, & que les Lbîx J)rohibitives 7 
dont * ils font finfràftibn ," n'y foritf 
point établies.' 

Enfin la dë|)ortatî6ri pôurroit être 
encore 'ordonnée pour tous ces dé- 
lits de filouteries qui confiftent dans 
fadrellè d*ifh harùtnc infidèle à profi- 
ter de Tinâttentioil d*uftàutriB, pour 
lui ravir quelques bijoux!; habitude 
|5éu dangeréufe dans' un établiflè- 
mént nouveau , & où les Cultivateurs 
n'ont d'autre reffourçe pour fubfif- 
ter , que les produdions offertes par 
la terre à leur travail. 



N. 



>t f» . ' î"^ 



CHAI^tf RE tV. 

* i 

Des âétîts qu'il faut punir principale'^ 

ment par ' des condamnations pécu - 

' nïàirésl - - ' • - •.. ' , 



* r 



j^ov-s entendons parier ^ ici de ces 
torts envers Tordre focîal ^ qui- one' 
pour principe là ,cupîdité > -& -qui 
font néanmoins ad^-deffous ëurf-volj 
8 convient de les punir par ks pei- 
nes* tes plus» oppoféepà ce principe* 
" La" condamnation |)éciîmaire •& 
réprîmij^tcdoit êtr^ crii psreil cas 
une amende phis^^ou «flMÎns- con-^ 
iMérable'-au profit <iu-Roi5 indé-** 
pendammént de^t'indemnité^qui doit 
toujours être prononcée en &.veu£ 

de la partie lefte^- ^ ' 

• ' Leycrimes fiàfcep'tiblès* d-uile cbn* 
oamnfttipn de'ce\genrd'9 -fqnt pridr* 



— -■»• 



C8a3 

cîpalement Tulure , le monopole » Ix 
eoncuflîon , le flenionat» 

La Loi de Moïle & celîe de Jeâis^ 
Chrift (èmblent fake un devoir de 
prêter gratuitement : au lieu de ne 
voir dans ce précepte qu'un con&il 
de Religion , qu'un devoir de cha^ 
rite feiternelTe , on en a £iit un prin*» 
cipe de Légiflation ; fagns; (aire atten- 
tion que le lien Cbcial confifte eflèn^ 
tieUement dan^ rechange des choks 
^ dans la réciprocité des fervices» 
De * li fes défenfes portées par nos 
Loix 9 de prêter à intérêt , & même 
de comprendre llntérct avec le prin- 
cipal dans dts billets, yoyef art. u 
du tit. 6 de r^donnance du com- 
merce» 

Cette manière dç procéder eft con- 
traire aux intéf€ts du xorps focial : 
€c n'eft jpas iur le plan de la charité 







€85 3 

fraternelle qu'on peut & flatter de 
gouverner une Société nombreufe; 
parce que , comme nous l'avons 
déjà obfervé ^ le^ Loîx étant géné- 
rales doivent convenir à la multî- 
tude; & que ce feroit exiger au-delà 
du poffible, que défaire à la multitude 
un devoir de la perfeâion. Il faut 
compter beaucoup > pour ne fe point 
méprendre fur l'influence de Fintérêt 
perfonnel ; & Ton fera des Loix 
vraiment utiles , & dont Fexécutîon 
fera fure, toutes les fois que Toa 
pourra concilier fintérêt perfonnel 
avec l'intérêt public. Il eft de Tinté* 
rêt public que Fargent circule, parce 
que cette circulation anime & vivi- 
fie toutes les. branches du Com- 
merce : il circulera plus aifément , fi 
Ton permet à ceiix qui ont de gros 
capitaux de les prêter i intérêts^ pour 
en être rembourfés à des époques con- 
venues} parce que dans ça bénéfiçç 

D 6 



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K.^^ •* %. 



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fe ptftëûr tfoùvèra Pattraît dont îl- 
a befoîn'pour mettre fon argent 
hors de fes mains; ce qui n'exclura 
point une manière de prêter plus 
ûobîè de la piàrt dès aines géné*- 
réufes. ' " - ^ ^ ' ' 

' Aînlî lé crime ' d'ufùre ne doit, 
point confifter dans le prêt à întc- 
fêts ; jmaîs en ce que ces intérêts 
pôurroient excéder Ife tauk fixé p^r 
le Prince : ca^ fi^ le Légiflàteur rie 
doit point exiger de llromme en 
^énérar qu*iï foît 'bîèfhïaifànt farii 
alicùn intérêt peiïohnel / il ne doit 
pas permettre ncfn-plù's que favidîté 
mette à contribution îé befoîn , '& 
que le prêteur tire de Ton argent ufl 
intérêt ruineux pour rem^runtfeur : 
sunfi la peine relative à'Fufin-o dôît 
fe rcfteindre au cas où Tintérêt de 
l'argent prêté excédé lé taux perinîs 
parles Ordoilîiancesl& cette peîne^ 
xjlativeméht à. Tordre' fircîal , tibus 



^- V «■«•« 



"^^« 



paroit dèvsoir être réprisAçe'pdP uni^ 
amende envarts le Koft > formitnt'ràù 
makir le double du bénéfice. illigpH; 
.tifllenrque l'ufutier le. propofoit ,d«^ 
feire.fu£ fasr.prétu^La riguew de no& 
anciennes Loix (kr dette ^matiereed 
excefS ve *& tikosr aucune propiortion 
avec la nature du délit. L'Ordonnança 
d'Orléans , art. 141 , prohibe les çon- 
. ventions ufuraires & lès détours em- 
ployés pour' les couvrir , fous^ peiner 
de purtidôh corporelle ' & * de confif* 
cation de: bîeiis; 

Ce crime conCfte à s'emparer de 
toute une nïârchandife' ou denrée , 
poîii' j mettre, ehfuite an prix exor- 
bitant^ ; on fent par - là ' combien 
il- bteffe l'intérêt public, L'Ordon- 
nance de François ï*^', donnée à Vil- 
lers^ - Gottérèts en -1559 ,' défend.; 
arn ipi, les monopoles fous p^iM 



C 8<î 5 

de confifcatian de corps & de biens, 
' La fcvérité fans doute eft encore 
ici portée trop loin , ï moins que le 
Monopole ne foit tellement combi- 
né, quil afiame toute une Ville ou 
toute une Province. 

Nous croyons ^ comme dans rei-- 
pece précédente, que ce délit dans 
les cas les plus ordinaires feroit fuf- 
fifamment puni par une condamna- 
tion d'amende envers le Roi , au 
moins équivalente au douWé du bé-- 
néfice illégitime que le monopoleur 
auroit fait , ou équivalente à celui 
qu'il fe feroit propofé de faire, 

S.IIL Delà Omcuffion. 

La concuffion «ft le crime de FOf- 
ficier public qui exige des préfens 
pu de l'argent qui ne lui eft pas dû ; 
c'eft encore la même peine de con- 
fifcation de corps & de biens qui fe 
trouve prononcée contre ce délit par 



w ««.^ 



M»^ 



C 87 î 
rOrdonnance de Moulins ^ art. 2 Jr 

Dans ce cas, il convient de cook 

damner le concuflionnaire à la refti ^ 

tution de ce qull a mal - à - propos 

reçu 9 à une amende envers le Roî 

formant le double de ce (^u'il aur» 

reçu ^ & de le defiituer de ibo Office. 

§.IV» Vu StMonat. 

CeluHlà eft ftellionâtaîre qui vend 
ou engage des immeubles qui ne 
lui appartiennent pas , pour fé pro^ 
curer les deniers d'autrui ; ou qui 
hypothèque comme francs & quittes 
fes immeubles , quoiqu'ils jfoient gre- 
vés de différentes charges. 

Nos Loix , fi féveres dans une 
multitude de cas y ne prononcent 
point de peines contre ce crime;, 
on ne le pouriuit même prefque 
plus aujourd'hui que par la voie ci- 
vile 9 & Ton fe contente d'ordonner 



y 



t 88 t 

le fémbourfement de'la créance coh-* 
; tf è le débiteur ^telliônâtatte , avec 
contrainte par corps* - ^ •- » 

' Indépendamment de- tette reftî^ 
tutîon, qui n^ concerne que la paiv 
tîe iéfée > il faut, pour la répara - 
tîon due à I -ordre public , ^unlr' et 
délit par uoe amende envers le Roi , 
que le Juge arbitrera fuivant les far 
cultes, du coupable 9 & pour laquelle 
il fera retenu en prifon jufqu'à ce 
qu'elle foit payée , ou jufqù*à ce que 
le Roi juge à-propos de lui en 'faire 
la remife , s'il eft dans rimpodibilité 
du paiement. 

On pourroit encore placer peut- 
être au nombre des crimes punifla- 
bles par des condamnations pécu- 
niaires , le délit du dépofitaire des 
deniers royaux, qui les emploie à un 
autre ufage qu*à celui de leur defti- 
nation^ foit parce qu il eft preffé pai^ . 
ie befoin , (bit parce qu*il efperê 



I 8p 3 

pouvoir les rétablir par ,qucique$. 
opérations dont il attend l'événe- 
ment; La Déclaration du Roi du 5 
Juin 1701 pronpnxre la peine de 
mort contre ce crime ; mais Texcès 
de Ta rîçueur en empêche Texéçu- 
tion. Ne vaudrait -il pas mieux y 
ftibfiîttter Unie peine ^hrs' douce .& 
ftriâômemeht exigée ;^ ajouter à «la 
dèftiturîôn de remploi i la condam- ' 
lYation d'une 'attende conïîdéràble, 
Jufqu'au paiement de laquelle te dé- 
fih^trafft garderoïfprifoiî ? * - ' 

sa ledépofitaire de deniôts royaux 
s-étôitenfur avéc'f argent de fa câif- 
fe^, il y aiïtbit crime de volî ilfe- 
ioit purtiflabfë' par ' lès *èotïdanina- 
tîons' dont'ori va parler; " •* 



^m^i 



* i 



« , .• * 



-> ^- 



.1 1 






"'^ 






CHAPITREV- 

Dei délits qt^U cornaient de punir pat 
la condamnation aux travaux pu-^ 
blics j & par la confifiationf 

V>ES délits font ceux de vol ou 
équîpollens au vol : délits produits ^ 
ibit pat te befoin qui naît d'une oi-' 
ûvèté volontaire , foit par Tappât 
d'un profit illégitime } & fous run 
& l'autre point de vue , le rapport 
de la peine avec le crime eft établi. 

Si le vol ou Taâe équivalent à 
pour caufe ToiCveté » ta peide l4 
plus oppofée à la nature de ce vice 
efl celle fans doute des travaux les 
p!us fatigans»^ 

Si le vol ou Taâe équivalent a 
pour caufe 4a cupidité du bien d'au- 
trui , il faut que celui qui en eft 
coupable foit privé non -feulement 



" . / 



^91 5 
de tout ce qu'il poflède , maïs même 

dû falaîre attaché aux travaux les 

plus pénibles. 

Nous aflîmilerons au vol la ban- 
queroute frauduteufe : ce crime n'eft 
preique jamais puni parmi nous. 

Un intrigant monte une maifon 
de commerce - conGdérable ; quand 
il a attiré dans fes mains l'argent 
ou les marchandifès de Ces corref^ 
pondans ,11 fait fon partage & prend 
la plus giofle part : il appelle en- 
fuite fes créanciers pour leur dire 
qu'il eft ruiné ; il ne leur abandonne 
que ce qu'il croit indifpenfable pour 
les faire entrer dans fes vues. Ces 
créanciers craignant dj^ tout perdra 
par les frais qu'entraînent tes pour- 
fuîtes judiciaires , forment un corps 
de direétion ; & (buvent l'intrigant 
poufle l'art au point de fe faire va^ 



t 9^ 3 

lôir comme nécefliite , fous pré-* 

texte que lui feul peut leur facî^ 
liter les recouvremens modiques qu*il 
leur abandonne. .Q\iîind fa décharge 
eft une fois acquife, ou quand fes 
affaires font terminées , il jouît (ans 
fcrupule &i Taris gcne , aflez publi- 
quement, tfun'e aîfancerou d'une for- 
tune qu'ikne doit qu'à la "'fraude* 
Heureux encore fes- créanciers ; s^il 

h'infulte pas , par fon fafte V^' 1* 
mifere à laquelle il Jes réduite "'* 
Pour arrêtet le cours d*ûn |)ar«i 
fcandale & mettre la Juftke^pltis à 
portée de le Réprimer, H convren- 
droit qu'un débiteur en faillite ne 
pût faire aucun arrangement avec fe$ 
créanciers fans le concours du Mî- 
niftere public , & que l'Officier , re- 
vêtu de ce caraâere -, rendît plainte 
contre tout failli' ou: bànqtierouticr 
qui feroit hors tf état de juftîfier cjes 
pertes par" lui faites, 8: des* cairfes 



£ 93 3 

Jraifoimables qulauroientpi^le mejttre 

d^s rimpqilibUUé de. fatkfaire . à fes 
Wg^goniçnç, La crainte d'une, pa- 
i:eillfi.reçherche ^ qu'on élude fi aifé- 
ment aujourd'hui , forait .un . frein 
felutair^ coatre uqe. firaudç. au$ 
monftrweufe ;• & iî Ja peine de mort 
90u^ , parçut trop févete p.our; un 
délit d^ ce genre,» le banqueroutier 
frauduleux peut être juftement çoxir 
daroaé , foit-pour.uçi.rtea^ps , foît 
à perpi^tuité 3|. au^îç trayaux . pubUc5., 
fulyaqt Içs clrçpnftançes qui peuvent 
aggraver plus ,ou jcnoinç^fon dçlité, 

§. IL 

: , .Quant ^u^ypl. propi:ç.irî«nt..dît, 
nous en diftinguerpas ,,de ^plufieurs 
forte? ^ le .vol dans If^s çaaifpns p2ur 
UJî ; itrangipr & fans ef&aâion ; le 
yol avec effraâion ; le yol doipefti- 
^q^Vie. ; le yol dans. Içs rugs & ^r 
4fs^gran4s-çhemins, , 



.s »< * -« t 



, -^ -"^ Vjk ^ *" 



Le vol commis dans les maifons 
par un étranger , & fans effiraâîon , 
peut être (uffifamment puni par une 
condamnation de quelques années 
aux travaux publies ; & fi c*eft une 
femme qui Ta conunis , par fa ré- 
dufion dans une içaKbn de force. 

Mais , pour les autres e/peces 
de vols, il faut une peine plus rigou- 
reufe. 

La févérîté des peines propres à 
prévenir le danger, doit s'accroître 
en proportion de ce que la pru- 
dence de rhomme auroit moins de 
pouvoir pour s'en garantir : car, s'il 
s'agit d'une forte de torts dont je 
puiflè me préfervi^ par qudques pré- 
cautions , le corps ïbcial fera moins 
inquiet ; il pourra même me repro- 
cher quelque tiégligence ; il exigera , 
dans ce cas , une peine moins fé- 
vere contre celui qui aura profité 
de ma faute : ' ce principe , puifé 



-— — 



âfiaa 



dans la nature des choies , peutfervir 
de guide pour les diftérens degrés 
de peines que méritent les délits » 
chacun dans leur genre» 

Ceci pofé» le vol fans e&aâton, 
conimis dans les maifons par un 
étranger , eft d'une conféquence 
moins dangereufe que les autres es- 
pèces de vols ; car je fuis juiqu'à 
un -certain pobt le maître de ne 
recevoir , dans mon intérieur , que 
des peHbnnes . dont la réputation 
m'annonce l'honnêteté ; )e fiiis au 
moins le maître » quelques perfonnes 
que je fois obligé de recevoir » de 
ne point laiOèr à portée de mams 
iiifpeâes, des effets, bijoux ou de- 
niers qui peuvent difparoître en un 
inftant : mais il n'en eft pas de 
même ni du vol domeftique , ni du 
vol avec efiraâion ou avec de fauflès 
clefs , ni du vol fur les grands-che- 
mins ou dans les rues* Je fuis obligé 



1 



de me fier à mon domeftique- ; ■. je 
prends toutes^ les précautions de^la 
.prudence quand je renferme «(bus- la 
clef ce qui m'appartient ; je fuis né- 
celEté pour mesal&ires , ou- pour 
les communications que comporte 
Tétat focial , d'aUer^lans les ru^^^ de 
voyager (ur les grands^çhemios. 

Il faut donc placer ces trois efr 
ipeces de délits fur la même ligne , 
le vol domeftîque , le vol avec eflfrac- 
>tioa-, le vol* fur les grand$-chemin$ 
iL dans les. rues. L'ordre public eft . 
dans le cas d'en éprouver les mêmes 
inquiétudes fans avoir de nég%ence 
à reprocher à la partie .léfée : ces 
trois eipeces de délits, paiyoiilent de- 
voir être punies par la condamna- 
tion aux travaux publics à peipé* 
t^ité(i). 



mu 



( I ) II faut excepter néanmoins les vols 
iojninis à onaia armée ou avec . initriunenu 

s. III. 






4 



T-"^ 



i 



Cp7 3 

§. IIL 

A côté des efpeces de vol dont 
nous venons d'établir la peine , nous 
croyons devoir placer les difFérens 
crimes de faux, qui oiit.-pour objet 
oïl d'exiger d'autrui ce qui n'eft 
point dû , ou de le tromper par 
de fauflès valeurs, Diftinguoits ici 
le faux commis hors des fondions 
publiques , d'avec le faux commis 
dans f exercice de pareilles fonc- 
tions. 

Le faux commis liors des fonc- 
tions publiques , eft moins grave ; 
il doit être puni avec moins de 
févérîté ; je pou vois me difpenfec 
de traiter avec cet intrigant qui m'a 
donné de fauiTes lettres de change: 



de meurtre, qui inériomc aoe condamaatloa 
plus févere, Se dont il feia queftion dans un 
4BioiDent« 

. ■ ■ E 



i 



Çp8 3|. 

mais comment puis - je me pré - 
ferver d'un faux de. la part d'un 
Officiçr public ? Je fuis obligé , par 
le5 formes établies , d'employer fon 
miniftere dans une multitude de 
cas : c'çft un Officier public qui 
reçoit mes ades ; c'eft un Officier 
public qui juge & prononce fur 
mes intérêts ; c'eft dans l'exadi- 
tude rigoureufe d'un pareil miniftere 
que réfide , en grande partie , la 
tranquilité publique. L'ordre focial 
eft donc fondé à réclamer des peines^ 
féveres contre des délits qui le com- 
promettçnt auffi effentîellement ; 8c 
fi la peine de mort , prononcée par . 
nos Loiy , paroît trop rigoureufe ,, 
& eft par cela même rarçniçnt infli- 
gée , on peut y fubftituer la çon^, 
damnation' aux travaux publics à 
perpétuité. 

§. IV. 

La même peine doit être infligée 



■♦••r. 



J 



€ 5^P 3. 

pour une autre nature de faux; con- 
tre rOuvrier qui jfe fert de faux 
poinçons dans les ouvrages d'orfè- 
vrerie d'or & d'argent , & contre 
les fabricateurs de fauflè monnôie ; 
parce qu'en donnant de fauflès va- 
leurs pour de véritables , 8c trom- 
pant ainfî la foi publique , leur crime 
doit être au -moins àffimilé à celui 
du vol. 

Obfervons que , dans tous lès cas 
où la condamnation aux travaux 
publics aura lieu , foie à temps , foie 
à peirpétuité , Jbi peine dé-çônfifcation 
doit être également prononcée : fa-- 
voir , la confiication des revenus pouc 
le temps que doit durer la peines 
fi elle eft à temps ; & la confifca- 
tioti des fonds , de la manière expli-^ 
quée au Chapitre XUI de notre Prc:- 
miere Partie , fi la pebe ett à pei^» 
pétuité. 



r 

■ 

I 






I CHAPITRE VI. 

' Des délits qu'il conyient de réprimer^ 

^ principalement par les humiliations & 

> le déshonneur. 

t C^ E S délits font ceux qui ont pour 

[ principe la vaine gloire & le faux 

honneur : ici fe placent les crimes 
' de duel, fous leurs formes diffé- 

i rentes. 

Les peines portées par TEdit de 

[ 1679 font de la phis grande févé^ 

rite. Il prononce la peine de mort 

f contre les duelliftes , lors même que 

; ce crime n'a point été accompagné 

d'homicide , & la confifcation de leurs 
biens. Si l'un des deux eft tué.^ le 
procès doit être fait à fa mémoire* 
Si un Roturier a provoqué un Gen- 
tilhomme , par le fait feul de la 
provocation , il doit être pendu. 



Ceux qui auront porté le billet de 
provocation doivent être fouettés 
Ql marqués pour la première fois, 
envoyés aux galères pour la fé- 
conde. Les fpeâateurs du combat 
doivent être privés pour toujours 
de leurs charges , dignités & pen*^ 
fions ; & s'ils n'en ont pas, on doit 
prononcer contre eux^ ou la con- 
fifcation , ou l'amende du quart de 
leurs biens< 

Cette Loi formidable eft vivement 
combattue par un préjugé cruel , qui 
Veut que l'Homme d'honneur, le Gen- 
tilhomme , le Militaire fur - tout , 
lavent leur offehfe dans le fang de 
leur ennemi. 

Qu'il nous foit permis de faire 
fentîr i"* les inconvéniens de la Loi 
dans fa rigueur éxceffive. 

2^. De combattre le préjugé par 
fon abfurdité même. 
V 3*", De propofer une réparatiorf 

£5 



C 102 3 
^diciaire tellement fatisfaifante , 
qu'elle difpenfe TofFenfé de recourir 
aux armes pour venger fon injure. 
4**. D'indiquer des peines réjMri- 
mantes moins cruelles , mais plus 
efficaces. 

s. I"- 

Le premier inconvénient de la' 
Loi 5 c'eft qu'elle eft en contradidion 
avec l'opinion publique. 

L aflaflinat eft le crime d'un lâche , 
qui prend fes avantages & tue fans 
rifques pour lui - même : il mérite 
par conféquent de mourir dans un 
fupplice ignominieux , & la peine 
prononcée par la Loi eft. toujours 
concordante avec l'opinion publique 
îur ce point. Mais on eft loin de. 
regarder comme lâche ou infâme un 
Citoyen, qui, trop fier pour fouffrir 
une offenfe , trop prompt pour atten- 
^e une juftice lente des Tribunaux, 



i^^^riK^ 



t 103 '31 

trop brave pour crayidire le danger ^ 
appelle fon adverfalre au combat 
avec des armes égales, & lui porte 
la mort en courant les rifques de 
la recevoir; il répugne donc à Topi- 
nion publique , qu'un tel coupable 
foit puni du même gente de fupplicô 
que le lâche aflaffin* 

a"". Noui âvon^ pofé cpmme prîn-» 
cipe général, que la peine la plus 
contraire à Taffedion yicieufe qui 
a produit le délit, étoit ftécefïairc- 
ment la plus réprimante '& la plus 
efficace : or , peut'^n dire que la 
peine de mort foit véritablement 
réprimante pour des gens dont 1» 
délit confifte à fe jouer de leur pro- 
pre vie & de celle d'au trui ? Si Thom- 
me, pour qui la vie foroit un far- 
deau péniblç , étoit furpris & arrêté 
dans fes deffeins au moment où il 
voudroit trancher fes jours , qu'on le 
jugeât & qu'on le condamnât à la 

^ E 4 



^ 



t 104 3 

mort , ne d«-oit-il pas au Bourreau: 
Je vcus remercie de la peine que vous 
mévitei , & du bon officc^ fut vout 

dU^ me rendre? 

f. Non- feulement la rigueur dit 
k Loi n'a point eu l'effet d'empê- 
cher les duels , mais eUe a produit 
de très-grands inconvéniens. Avant 
cette Loi, les duelliftes étoient dans 
Vufage de fe faire accompagner au 
combat j&leur vaine gloire aimoit à 
fe procurer ies témoins de leur va- 
leur: mais depuis les peines féveres 
prononcées contre les afliftants , les 
duelliftes combattent feuls, & même 
dans le plus grand fecret. Il n'eft: 
pas rare que de ces deux combattans 
l'un foit plus brave & plus noble 
que l'autre : mais te moins brave , 
eft fouvent le plus dangereux ; car, 
s'il accepte le combat pour confer- 
ver fon honneur , U prendra fe» 
avantages pour conferver fa vie en 



*i 



o 



donnant la mort à fon adverfaîre ^ ' 
& il pourra prétendre encore qu il 
s'eft généreufement battu , car le 
mort ne le contredira pas. 

La Loi des duelis , telle qu^elle 
exifte aujourd'hui , préfente donc^ 
dès incoQvéniens feniibles. Il eft à 
défirer qu*on la modifie. L'opinion 
for le point d'honneur, qui porte 
au duel , eft abfurde ; il faut la 
détruire. 

§. IL 

Ceft une pofîtion étrange , dans 
les mœurs aâuelles , que celle d'un' 
galant homme , d'un Noble où d^un 
Militaire qui a reçu une ofTenfe s à 
qui la Loi défend de fe battre fous 
peine de mort , & à qui le préjugé 
ordonne de fe battre (bus peine de 
déshonneur ; à qui le& Tribunaux 
ofirent une réparation fans aucun 
rifque pour lui , & à qui le préjugé 

Es 



T - - - —. ^ 



commande de ife faire juftîce à lui- 
même au péril de fa vie ! 

Ce préjugé tient-il donc aux vé- 
ritables principes de Thonneur, ou 
ne s'agit-il que d*un préjugé abfuixie 
& d'un ufage barbare^ 

ce Cpt ufage , dit l'Auteur 4c 
l'Efprit des Loix , tom. 3 , p. \^^ 
3> nous vient de la barbarie de nos 
^? pères ; de ces temps où la Juftice 
»> humaine , fans principe & fans 
w guide , foumettoit à Dieu la déci- 
n {ion des conteftations qu'elle étoit 
» incapable de terminer , & croyoit 
3» que la déciiion devoit dépendre 
3> de l'événement d*un combat dans 
3> lequel l'Auteur de toute Juftice 
» devoit faire triompher l'innocent , 
» comme fi le Créateur devoit pro-^ 
^> duire un miracle pour fuppléer à 
» rimpéritie du Juge m. 

Mais fommes-nous donc encore 
dans ces temps d'épaiffes ténèbres i 



_ C 107 3 
les principes de Tordre focial ne (ont- 
ils pas connus ? pouvons-nous encore 
ignorer que tout homme, régi par 
des Loix , a remis à la Puiilknce 
publique Je droit de le juger; que 
fe faire juftice à foi-même , c'eft en- 
treprendre fur les prérogatives de 
cette Puiflànce , & troubler TEtat ? 
Si un Citoyen, de quelque condi- 
tion qu'il foit , reçoit une offenfe, 
les Tribunaux ne font-ils pas ouverts 
à f^ réclamation ? n'avons-nous pas 
des Magiftrats dignes de la vénéra- 
tion publique , & qui font armés 
du glaive de la Loi pour venger 
les torts qui nous font faits ? 

Pourquoi , dans TOrdre militaire 
fur-tout, femble-t-on accréditer un 
préjugé aufS dangereux ? pourquoi 
tel Officier, brave d'ailleurs , eft-il 
fourdement , mais fignificativement 
néanmoins , menace de fe vbîr priver 
de fon emploi , s'il refufe de fe battre 

E 6 



€ io8 5 

en duel ? feroit-ce donc que l'Ordre" 
militaire formeroit une clailè de Ci- 
toyens à laquelle nos Loix feroient 
étrangères y & qu'il feroit au-deflbus 
de lui de s'adreilèr aux Tribunaux i 
Mais fi en matière d'ofFenfe perfon- 
nelle , un Militaire eft en droit de 
fe faire juftice, pourquoi n'étendroit- 
il pas cette faculté aux intérêts de 
fa fortune ? pourquoi ne diroit-il pas 
au Seigneur de fon voifinage : Votre 
château & votre ttrre font à moi ^ je 
reux vous le prouver les armes à la 
main} 

Penferoit-on que cet ufage des 
combats finguliers feroit néceflàire 
pour entretenir l'intrépidité du cou- 
rage & le mépris de- la mort; & 
qu'une multitude , aînfi difpofée > 
feroit plus formidable à Tennemi ? 
Mais qu^a de commun ce genre 
d'efcrîme obfcur avec ces adions 
d'éclat dans lefquelles la Noblefiè 



£ 109 J 

Françolfe a tant de fois donné des 
preuves de la plus haute valeur? 
Mais les Romains , ces Conquérans 
du monde ; les Carthaginois , pendant 
long-temps leurs fiers rivaux ; les 
Lacédémoniens , cette Nation créée 
pour la guerre par les principes 
fondamentaux de Ton établiiTement , 
connurent-ils l'ufage dès duels ? Ly- 
curgue 5 Légiflateur de ces derniers , 
leur fit - il un devoir de venger 
leur offenfe par les. armes & par le 
fang? Cependant les âmes de ces 
Guerriets étoient grandes ; mais leurs 
intérêts particuliers fe concentroient 
dans rintérét de la Patrie , dont il 
falloit défendre les pofleilîons ou 
étendre la gloire. • • • Jeunes Mili^ 
taires , qui oubliez que votre fang 
eft confacré à TEtat, qui ne craignez 
pas de le répandre pour un gefte , . 
pour une parole , entendez Thémif- 
tocle . la veille d'une bataille . l II 



foutîent avec fermenté , contre Tavis 
d'Euribiade ^ que , pour aflurer la 
vidoire, il faut livrer le dombat dans 
le détroit de Salamine ; Euribiadè ^ 
irrité de la réfiftance , levé la canne 
' fur lui avec un gefte oflenfant & 
des paroles menaçantes : Frappe ^ dit 
Thcmiftocle, mais écoute. Ce fang- 
froid fublime enchaîne la pétulance ;; 
Thémiftocle eft écouté , fon conseil 
eft fiiivi , & la Grèce eft fauvée. 

Nos mœurs , dit-on , ne font pas 
celles des Romains ^ ni des Grecs ; 
un Militaire , un Gentilhomme , qui 
refufe de fe battre , eft fufpedé de 
lâcheté par cela même ; on imagine 
qu*il craint le danger: cette opinion 
le dégrade, & le rend par conféquent 
indigne de fervir le Roi. 

Mais fi un infenfé, jaloux de mon- • 
txer fon intrépidité , porte à 1^ mienne 
le défi de me précipiter avec lui du 
haut d'une tour , dois-je donc paffer 



pour un lâche ^ en me refufant à' 
cette extravagance ? La raifon me 
permet-elle d'expofer ma vie, quand 
ma mort eft contraire à Tintérêt de 
r£tat , à celui de ma famille , au 
mien propre ? Pourquoi compro- 
mettre auflî légèrement fon exis- 
tence, vis-à-vis d'un fpadaffin que 
quelquefois on rougiroit d'avoir pour 
ami ? Accufons de lâcheté , dé- 
vouons au mépris public , le Guer- 
rier qui fuiroit devant Tennemi : 
mais pouvons - nous trop honorer 
celui qui , rendu à l'intérieur de 
(eiS foyers , après avoir fignalé fon 
courage fur la frontière ou fur nos 
vàiflèaux, dépofe les armes devant 
la Loi , & juftifie, par fa conduite , 
fon reipeâ pour elle? Les Romains 
mettoient leur fang à trop haut prix 
pour lef répandre dans des querelles 
particulières ; mais ils avoient des 
«fclayes qui > dans Taréne , fe dou^^ 



. ■> 



tlî2 3 
0olent la mort avec grâce & avec 
adreilè pour égayer la férocité de 
leurs maîtres. En France & dans le 
fiecle des lumières , le Public mai- 
trifera-t-il par un préjugé barbare, 
nos plus nobles Citoyens ? en fera^ 
til des gladiateurs ferviles, pour 
amufer Tes loifirs? 

Noii ; ce font de dignes Cheva- 
liers , répondent les Partifans de ces 
ufages^ & non pas des éfclaves. Ils 
n'abufent point de la viâoire ; ils 
réunifient le courage à la généro^ 
fité. . • t'* A la généroGté, dites- 
vous ? • • . Mais ces raffinement 
d'attention après le combat vis-à- 
vis de celui que vous avez bleflfé, 
cet air d'intérêt avec lequel vous 
envoyez fkvoir de fes nouvelles , 
font-ils bien finceres ? Quoi ! vous 
le traitez en ami, parce que vous 
n'avez pu lui donner la mort ! vous 
voulez qu'il vous fâcha gté de vos- 



J 



foins , quand fon fang coule par vos 
coups ! Le. Cannibale ^ qui mange 
rennemi qu'il a vaincu, met au- 
moins , dans fa férocité, delà fran- 
chi fe. Il étoit donc réfervé à l'homme 
civilifé , d'être cruel & faux tout- 
à-Ia-fois , & d'allier un coeur bar- 
bare avec les dehors de Turbanité. 

Nous ofons penfer, pour l'honneur 
de nos mœurs , qu'un préjugé auffî 
révoltant ne tient plus qu'à peu de 
chofe. Que celui de nos Guerriers , 
qui fe fera le mieux «montré devant 
l'ennemi , & qui , dans ifn moment 
de vivacité , aura eu le malheur 
d'offenfer fon égal , ait aflèz Ae 
grandeur pour avouer ff^s torts , pout 
en faire volontairement réparation , 
& pour refufer le combat s'il y eft 
provoqué ; on ne fufpeâera point 
fon motif. Que le Prince , par une 
conduite concordante avec fa vo- 
onté légale , honore , dans ce gé- 



3C "4 3 

fiéreux Militaire fon" dévouement à 
la Loi , & la révolution ett faite. 
L'homflie qui ne marque pas , pourra 
s'autorifet de l'exemple de Thomme 
qui marque ; il ne fera point fufped 
de lâcheté pour avoir refufé le com- 
bat , quand la valeur même recon- 
nue , honorée , aura craint de fe 
compromettre en Tacceptant. 

§. III. 

II y a plus de griandeur à recon- 
poître volontairement tes torts qua 
les fou tenir les armes à la main; 
hs fatisfadions de cette première 
efpece feront par conféquent tou- 
jotîTS rares : il faut donc , pour Tin- 
térêt de Thonneur, aflurer à Tof- 
feftfé, dans les Tribunaux., une répa- 
ration telle qu elle puiffe lui enlever 
le deCr de fe faire juftice à lui- 
même* 



€ "T 3 

Si un Roturier (i) s'efl: rendu 
coupable d'un propos injurieux vis- 
à-vis d*un Noble , qu il foit tenu 
de venir en perfonne lui faire 
excufe , & réparation d'honneur 
à l'Audience publique , dont il 
fera donné aâe par Jugement à 
Toffènfé ; finon , condamné en une 
amende envers le Roi , équivalente * 
à deux années de fon revenu. 

Si c'eft le Noble qui a fait injure 
au Roturier, qu'il foit condamné à 
fe tranfporter chez le Notaire que 
celui-ci lui indiquera par fommation ; 
pour , en préfence de ce Notaire & 
des témoins , être drefle procès- 
verbal de la réparation , dont il 
reftera minute ; & à défaut de le 



( 1 ) Nous entendons ici un homme qui 
occupe dans la Société une place honnête y 
& i qui Tufage des armes n'cft point étran- 
ger. 



\ 






C "<5 j 

faire 9 qu'il (bit condamné à tme 
amende à l'arbitrage du Juge. 

SiTofienfeur &ro£renfé font de con- 
dition égale, que Tôffenfeur foit tenu 
de faire réparation chez telle perfonne, 
& en préfence de telles autres que 
roffenfé jugera à propos de choiiir, 
dont il fera également drefle procès^ 
verbal devant Notaires; (inon , Ta- 
mende d'une année de revenu décla- 
rée encourue au proBt du Roi pour 
déTobéiflànce à Juftice. 

S*il y a eu un foufflet, que la répara- 
tion foit faite à genoux; & à dé- 
faut de la faire , que J'offenfeur 
foit condamné à une amende plus 
forte , & même à quelque temps 
de prifon fuivant les circonftances ; 
que dans tous les cas il foit permis 
d'imprimer & rendre publique la 
Sentence qui prononcera la çoa- 
damnation. 
UoflfenTe fe fait-elle entre Mili- 



€"7 
taîres en Garnifon , ou entre Mili- 
taires en exercice fous Tinfpedion 
de leurs Supérieurs? qu'il foit en- 
joint au Militaire ofFenfé par fon 
égal , d'ordonner de la part du Roi 
les arrêts à fon agreffeur : une in- 
jonftîon pareille préfente d'abord 
un caradere de dignité & de gran- 
deur 5 bien propre à faire difparoître 
les humiliations de rofFenfé. Que 
Tofienfeur foit tenu de faire répara- 
tion à TofFenfé devant leurs, Supé- 
rieurs 9 & qu'à défaut de la faire , 
il foit caffé. Si l'offenfe eft faite à un 
Officier fupérieur, que l'offenfeur, 
indépendamment de la perte de 
fon grade ^ foit condamné à la prifon 
pendant un teitips , fauf à être par 
la fuite remplacé dan^ an autre corps, 
31*11 prouve , par une conduite plus 
mefurée , qu*il «ft digne de cette 
grace« 
- L'offenfe provoqucroit-îl le da«l 



€"83. 

pour fe faire juftice à lui-même ? 
non -feulement , & par le feul fait 
de cette provocation , il ne pourra 
plus prétendre à aucune réparation ; 
mais même il doit être privé de 
(on emploi ainfi que roffenfeiir. 

s. IV. 

Si 9 malgré fabfurdité démontrée 
du préjugé , & la réparation aflurée 

f à Toffenfé , quelques hommes por- 

toient encore le fanatifme de la 
vaine gloire & du faux honneur , 
jufqu'au point de vouloir terminer 
leurs querelles particulières par l'évé- 
nement dHm combat (ingulier ; alors , 

/ c'eft principalement par le déshon- 

neur des coupables qu'un pareil 
délit doit être réprimé. 

Pour déterminer l'application de 
la peine avec fes acceflbires , nous 
diftinguerons le cas où le duel au^ 
rolt eu lieu par 4a provocation de 



/ 

( 



^ C 119 3 .-^ 

Toffenfé , d*avec le cas où fauteur 
de rofifenfe eft en joiéme temps le 
provoquant. 

Premier Cas. 

Quand c'eft l'ofiênfé qui a pro- 
voqué le combat accepté par Tof- 
fipnfeur , il faut regardçr TofFenfeur 
& Yotknfé comme étant également 
coupables de duel : roffenfé , puifqu'il 
Ta provoqué iToffenfeur, parce qu'il 
a donné lieu à là provocation , & 
qu'il a accepté le combat ; ils doi^ 
vent être par conféquent puQi$ de$ 
ipêmes peines. 

' Sont-ik Nobles? ils doivent être 
tous les deux dégradés de nobleflè : 
& deftitués de leurs dignités Se de 
leurs emplois à perpétuité , avec 
défenfes de porter les armes. Le 
Prince doit rejetter des ferviteurs: 
qui proftituént ainfî leur courage « 
au lieu de le réferver pow fk dé-: 



/ 



< 



^ 



t 120 5 ^ 

fcnfe & pour fa gloire. Sont^îls 
' Roturiers? la même deftitution &c 

les mêmes défenfes doivent avoir 

lieu ; Us doivent être de plus dé- 

# clarés incapables de fervir le Roi, 

foit à la guerre 9 foit dans de$ Offices 
publics , de quelque nature que 
ce foit. L'un des deux duelliftes 
eft-il Noble, & l'autre Rotu- 
rier? il n'y aura rien à changer 
aux peines ci-deflfus : le Noble qui 
accepte le combat propofé par le 
Roturier , ou qui l'a provoqué lui- 
même , % compromis fa nobleflè; 
il faut le placer fur la même ligne 
que fon adverfaire , relativement ' 
aux peines encourues. Le combat 
a-t*;^! été fuivi de mort ? point d'in- 
demmte CLontre Thomicide pour les 
pïurens ou erifans de Thomicidéj il 
a bien voulu courir les rifqués de 
fa vie : point de condamnation dV 
mende à titre d'indemnité pour 

rÊtatî 



C I2Ï 3 

l'Etat ; la perte tfun pareil Sujet 
eft trop modique- : mais riiomicide., 
indépendamment des peines ci-deflus 
énoncées ;, gardera prifon pendant un 
temps , pour empêcher que quelque 
parent de Thomicidé ne cherche à 
venger fa mort par un même genre 
de combat. 

Second Cas. 

L'auteur de TofFenfe eft -il en 
même temps celui qui a plrovoqué le 
duel en menaçant fon ennemi de lui 
faire un mauvais fort , s*il refufoit de 
fe battre ? le provoquant alors eft 
feul coupable ; car fes excès ont 
placé fon , adverfaire dans l'état de 
nature , & Tont ^réduit à la néceffité 
d'ufer de fa force & de fon adreflè 
pour défendre fes jours; le provo- 
quant fera donc feul puni. Si le 
combat n'a point été à mort , que 
ic provoquant , comme il eft dit c^ 



Seflus , foit 4égradé de Nobleflê , 
s'il eft Noble j qu'il foit déclaré in- 
capable de fervir le Roi dans aucuns 
emplois ou offices , s'il eft Roturier ; 
& comme le crime de ce provoquant 
eft plus grave que dans la première 
efpece , que (on épée foit caflee par 
le Bourreau , avec défenfes à lui dç 
jamais porter les armes ; qu'il foit 
de plus , tenu de garder prifon pen- 
dant quelques années, 

Le'provoqué contraint de fe bkU 
trè a-t-il été tué ? que le provoquant 
alors foit encore condamné à une 
amende envers le Roi., équivalente 
au quart de fon bien , pour l'avoir 
privé d'un de fis Sujets ; à une in- 
demnité d'un pareil quart au profit 
de la famille dç l'bomicidé , & 9 
un temps de prifpn beaucoup plu$ 
long. 

Eft-ce au contraire le provoquant 
que l'événement du cpmbat a p\in\? 



-•« > 



îl a reçu le châtiment qu'il méri- 
toit ; & le provoqué , comme nous 
l'avons déjà dit , n'ayant donné la 
mort que pour défendre fa vie , doit 
être affrancW de toute peine ; il, 
jouira même fans aucune ahération 
de l'eftime des gens de bien. 

Cette manière de procéder , qui 
rejette fur J'ofTenfeur & fur le pro- 
voquant tout le poids de la peine, 
& qui réprime le délit par la nature 
djs châtiment^ la plus contraire à fou. 
principe 9 nous paroît plus efScSice 
que ces peines fanguinaires , & pref- 
que toujours éludées , portées par 
la Loi de Louis XIV ; & G elle eft 
adoptée & maintenue par^ le Légif- 
lateur , il y a lieu de croire enfin 
. qu'elle fera ceflèr un ufage , dont la 
barbarie dégrade un Cecle, qu'on 
pourroit appèller fans cela celui deâ 
kimieres & de la rai(bn. 



ry 



t- 



C "4 3 

CHAPITRE VIL 

Des délits qui ioivent être pimis 

dç mort. ■' ■ 

X^ o u s avon$ déjà dît & prouvé 
dans notre première Partie que les 
a,ttentats de guet^à-penç doivent être ' 
punis de mort. 

Mais il fe préfente ici quatre dif^ 
ficultés importantes qu'il faut fé- 
foudre, v ' 

I*. Celui qui a machiné un aflaf-- 
Hnat, & qui a été empêché de le com* 
mettre, doit-il être puni de mort ? 

a*^. Le faux ténioignage , qui a eu 
pour objet de faire condamner un 
innocent au dernier fupplice ^ doit - il 
être puni de mort \ 

3^t Le genre de condamnation 
^uç Ton prononce à focçafion du 



rv 



(fuîcîdc , doit - il être conservé } 

4^ La Loi concernant Tinfanti* 
tîde ne doit-elle pas être modifiée^ 

§• I". Dé VAJfajjinat non confiinme\ 

Le Code Britannique , qui pencha 
yers la tolérance , fe contente de pu- 
nir cet attentat de la prifon. Le$ 
Jurifconfultes Anglois partent de ce 
principe , que pour encourir la peine 
il faut le concours de Tafte prohibe 
par la Loi , & de la volonté de le 
commettre : d'où ils infèrent que ti 
volonté , quoique manifeftée , étant 
demeurée faiis effet , il n y a pas lieu 
à la peine ; & que d'ailleurs la So- 
ciété n'éprouvant pas dans cette 
circonftance la perte d'un Citoyen , 
elle n*a pas le droit d'exiger la jnori: 
du coupable en réparation de Tat- 
tentât. 



C i2<5 3 

On peut répandre que la peîné 
de mort contre le meurtrier n'a pas 
pour objet la réparation du meurtre} 
par lui commis , puifque ce meurtre 
eft, Irréparable ; mais que la rigUetu: 
de cette peine eft juftifiée par le 
danger que courroit Tordre focîal , 
Il de pareils attentats n*étQient pas 
auflî févérement punis. 

Ceci pofé , la difficulté rentre 
dans cette queftîon : La Société 
n'a-t-elle pas autant à craindre du 
fcélérat qui n'a pu confommer fon 
jiflàffinat, parce qu ila été furpris, que 
du fcélérat qui Ta cqnfommé ^ parce 
qu'il n'a point trouvé d'obftacle ? Si , 
comme on n'en peut douter , la So- 
ciété eft également intéreflee à ef* 
fiayer par la févérité du châtiment 
ceux qui feroient capables de les 
imiter ; fi le degré de perverfité 
dans ces deux coupables eft abfolu- 
ment le mieme , pourquoi n'y au* 



\ 






V f 



C 1^7 3 ^ 

i^oît-îl pas pareil degré de févérîté 
dans la peine ( i ) ? 

Par fuite de ce principe , nous 
conclurons que la peine de mort 
doit être prononcée contre tout 
voleur à main armée , fbit dan^ les 
rues , foit dans les grands chemins , 
foit dans les maifons , quoique le 
vol n'ait point été accompagné d'ho- 
micide ; parce que ces armes annon- 
cent quen cas, de réfiftance Tatten-^ 
tat eût été commis. Nous penfons , 
à plus forte raifon , que quiconque 
eft coupable de rébellion à Juftice à 
main armée , doit être également 
puni de mort ; nous croirions feule- 
ment qu'il faut vdiftinguer le genre 
du fupplice , réferver celui de la po^ 



(i) Xi'Ordoanance de 1^47, donnée par 
Henri lia Saine Germain-en-Laie , punie 
kl machination du crime d'afTaflinat comme 
Taflaffinat lui-même. 

F 4 



\ 



^r 



.-, 



/■ 



Ç 128 3 

tence aux attentats de ce genre qui 
n*auroîent point été confommés ^ & 
celui de là roue à raffaffinat & .au 
meurtre eflfectués. 

5. II. Du faux témoignage m 
matière grave. 

Deux faux témoins fe concertent 
pour charger un accufé d'un crimO' 
dont il n eft point coupable , & pour 
laflaffiner avec le glaive dç la Juf-, 
tice. Xeur complot fe découvre dans 
rinftruâion : ces témoins doivent-ils 
fixbir le fupplice qu'ils vouloient 
.faire fubir à l'innocent ? 

Le faux témoin dans ce genre 
cft plus coupable fans doute que le 
fcélérat^ui afTaffine fur les grands- 
chemins ; parce que celui qui eft 
attaqué de la forte peut quelquefois 
repouflèr la force par la force j au 
lieu que l'accjufé n'a fpuvent qu'une 
dénégation impuiflànte à oppofer 



"•W"^" 



€ i2p 3 

aiu faux témoignage. Ce* crime eft 
un attentat dired contre Dieu, au 
nom duquel le faux témoin jure de 
dire la vérité ; contre ia-Jùftice, à 
iaqiuelie il teqd le piège le plus dan- 
gereux ; contre la Société, qu'il veut 
priver d'un Citoyen honnête. 

Chez les Romains, fuivant la Loi 
Cornelia de Sicariis , ce crime étoit 
puni de mort ; parmi nous , l'Or- 
donnance de 15*5 1 prononce pa- 
reille peine , Hiane dans des cir* 
confiances moin^ graves. • L'Edit de 
j68o laiflè , à la vérité , à l'arbitrage 
du Juge la condamnation qui 4oit 
être prononcée contre ceux qui corn* 
mettent le faux hors d'une fonâiori 
pubUilue ; mais plufieurs Arrêts de-^ 
puis ont condamné un faux' témoin à 
inort , quand fa dépoCtion tendoît ï 
faire périr Taccufie. 

Cette, peine eft celle du- talion , 
& rien ne paraît plus jufte. 



-^ 



Maïs FAnglois^ qui raîfonne pro^ 
fondement 9 fait encore une objec- 
tion férieufe fur ce point. Suppo- 
fons , dit - il , cette Loi du taKon 
firiâement exécutée : quand celui 
-qui a véritablement vu commettre 
Taflàffinat pair tel individu fera ap- 
pelle pour en dépofer , il fentira 
qu'il va dépofer au péril de fa vie ; 
il craindra que Taccufé, qui a grand 
intérêt de faire tomber fa dépofi- 
tipn^ ne pratique des témoins dont il 
fe fervira pour la faire rejetteir comme 
faufle, & pour le faire punir comme 
calomniateur ; dans cette inquié- 
tude il aimera inîeux garder le fi- 
lence fur ce qu!il aura vu , que 
d'ofer ainfî fe commettre. Tel eft le 
motif qui 9 dans la Légiflation An- 
gloife» a fait rejetter la peine de 
mort contre le faux témoin , même 
dans la matière la plus grave , pour 
y fubftituer la prifon» 

Mais un pareil motif ne par<^t 



u 



C i3\ 5 

pas devoir nous arrêter. Un témoin 
qui a la vérité pour objet , doit 
bien moins appréhender la peinç 
attachée à la perfidie du faux té-, 
moîgnage, que le faux témoin lui- 
même : car la fauilèté du témoignage 
fuppofe prefque toujours la poilibi- 
lité de la prouver ; au lieu qu'un té- 
moignage véritable fe fortifie par le 
concours de toutes les circonftançes 
qui lui font relatives. Il n'eft donc pas 
probable qu'un coupable de crime ca- 
pital piiifle trouver de faux témoins 
pour: faire tomber les preuves âc- 
quifes contre lui , fur-tout fi la pein« 
attachée au faux témoignage dans 
cette matière eft la peine de mort. 
Ajoutons que , pour convaincre un 
témoin de faux témoignage , il ne 
fuffit pas de lui en oppofer un qui 
dépofe d'un fait inconciliable avec 
le iien ; il en faut au - moins deux : 
il en faudxoit par cOnféquent' au- 

F 6 



C 15» î 

[uatre, pour faire tomber 
■pofitions faites à la charge 
jfé ; ce qui rend le iùccès 
achination de la part de ce 
pour aînfi dire , impoflîble. 
ipoflibilité fera encore mieux 
i'après les réformes que nous 
ons bientôt fur notre genre 
tion , & qui auront princi- 
t pour objet d'aflurer la vé- 
témoignages. 

S. III. Vu Suicide. 

ime doit -il regarder la vie 
un préfent de Dieu, qu'il 
1 de confecver, jufqu'à ce 
ife à Dieu de le lui ravir ? 
doit - il regarder fon corps 
ine prifon gênante, dont il 
ïratichir, de même que l'ef- 
i rompt fa chaîne P II ne 
avoir de doute fur cette 
La vie eft un bienfait du 



C î33 3 

Ciel ; elle ne devient un mal que 

pour les raéchans. Le Citoyen ap^ 
partient à l'Etat ; ayant droit aux 
fecours de la Société , il ne peut 
ians crime la priver, en fe donnant 
la mort , de ceux dont il efl tenu 
envers «elle. 

Mais eftce à ThxJmme de punit 
un pareil crime ? ce droit n'eft-^il pas 
plutôt réfervé à la vengeance divi- 
ne ? Les Nations les plus policées 
n'ont pas été d'accord fur ce point. 

La Loi d'Athènes puniflbit lé fuî- 
cide, en coupant la main qui avoit 
porté le coup mortel» 

La Loi Romaine ne prononçoît 
aucune peine : Si quis impatkntiâ do^ 
loris j aut zadio i/itœ y aux morbù , am 
fwrorty aut pudore , mori mduit , noti 
animadpertatur in eum ( i X 



mmm 



(i) Voyez le Digefte liv. 48 , tit. xt , & 
fe Code liv. py tit. jo, du bonis eorum qui 
mùrumjlhi confciverunu ^ 



)i Britannique le punit pai* 
1 ignominieux du coqïs de 
ur traverfé par un pieu ex- 
un grand-chemin , & par 
ation de fes biens: mais cette 
lans une forte de défurftude. 
!titutions de Sardaigne veu- 
le procès foit fait à fa mé- 
: qu'il foit pendu au gibet, 
mce , fuivant les établifle* 
S. Louis , ce délit empor- 
ifcation de meubles : l'Or- 
de 1^70 enjoint de faire 
à la mémoire du défunt ; 
Arrêts ont ordonné que les 
d'homicides d'eux - mêmes 
rainés fur la claie , conduits 
le , & enfîiite pendus par 
avec confîfcation de biens, 
oi ni la Jurifprudence n'ont 
ent eu- pour objet de punir 
iement l'auteur de ce délit : 
: peine. infliger à un cada-* 



vre dénué de toute fenfibîlîté ! Là 
peine frappe par confécjuent contre 
la famille', contre les enfans du cou- 
pable qu'elle couvre de déshonneur , 
& qu'elle ruine en leur enlevant des 
biens que la Loi civile leur défé- 
roit. 

Le motif d*une condamnation pa- * 
ireille eft fondé fiir cette préfomp- 
tion, qu'un homme doit être détourné 
an projet de fe donner la mort , par 
la crainte de déshonorer & de ruiner 
fa famille» 

Mais cette confidération né peut 
avoir l'efficacité qu'on lui fuppofe. 
Si celui qui veut fe donner la mort 
n'aime pas ks enfatis , il ne fera pas 
arrêté par la crainte de leur pofter 
préjudice» S'il aime fes enfans^ au 
contraire , il ne fera point tenté dç 
fe donner la mort : car il les aimera 
en père ; il les aimera comme une 
émanation de fon être s il confondrai 




C ^6 3 

leur e:îi(lence avec la Henné; Il nepout' 
ra les aimer fans lui , ni lui fans eux» 

Ajoutons qu'il eft injufte de vou- 
loir alnfi répandre rignomlnle fur la 
famille d'un tel coupable. Cette fa* 
mille doit- elle être punie» pour un 
délit qu'il n'a pas dépendu d'elle de 
prévoir ni d'empcchcr? 

Ce n'eft donc pas par de pareils 
moyens qu'on peut efpérer - de 
réprimer des crimes de ce genrc^ 
Quiconque ne craint point la mort 
eft au-deflus de la Loi ; & lorfque 
la rigueur de la Loi eft impuiflante , 
c'eft à la Religion d^ la fuppléer 
par la douceur de la perfusifîon. 

. S* IV, JDe T Infanticide» 

La deftruiSîoh du fruit de la fé- 
condité .de la part de l'animal qui l'a 
mis au jour , eft fans exemple dans 
toutes les efpêces inférieures à Thom- 



-* " 



C 157 1 
me , & régies par Tunique Loi it 

rinftinâ, La lionne, devenue mère, 
n*a plus de férocité que pour défen* 
dre fes lionceaux contre tout être 
qui pourroit leur nuire. Il étoit donc, 
réfervé à la perverfité humaine , de 
donner Texemple d'un attentat con- 
tre la Loi univerfelle de la Nature , 
& fupérieur à la férocité même. Ce 
crime ne feroit pas concevable , fi 
nos penchans naturels n'étoient fou- 
vent contrariés par des règles de 
conduite , qui ont pour objet de les 
yeâifier; car l'avantage & l'inconvé- 
nient font prefque toujours placés à 
côté l'uni de l'autre 5 dans lesinftitu- 
tions des hommes. 

Une fille devenue mère par foi- 
bieflè, devient quelquefois cruelle 
par honneur. Elle fupprime le fruit 
de fa foiblefle, pour ne point divul- 
guer fa honte : les larmes que la Na- 
ture lui arrache, & qtr*elle répand (ur 



C.I38 3 
Tenfant qu'elle fe croit forcée de de^ 

truîre, n'excufent point fon crime i 
elle mérite d*être punie dé mort 
fan^ doute , fi elle peut être con- 
vaincue de fon forfait. 

Mais fera-t-il permis d'infliger 
une peine auflî rigoureufe^ fur une 
Simple préfomption ? Suivant TEdic 
de Henri II, toute fille qui n'aura 
point fait déclamation de fa groflèf^. 
fe, qui n'aura point pris de témoins 
de fon accouchement , & qui ne fera 
point en état de repréfenter fon en- 
fant ou de juftifier qu'ail a reçu le* 
baptême , doit être , par cela feul , 
préfumée avoir donné la mort à fon 
enfant , & en conféq)ience condam- 
née à perdre la vie. 

N'eft-ce pas porter trop loin la 
rigueur & expofer les Magiftrats , dé- 
pofitaires du glaive , à cpmmettre 
eux-mêmes un aflàflînat judiciaire ? Le^ 
Supplice d'une fille en pareille circonf- 



A 



tance excite toujours moins d'îndîgîîi- 
tiort que de pitié : car* enfin la pré- 
foinption , qui fait la bafe du juge-? 
ment , n'exclut pas la poffibilité du 
fait contraire. Cette fille a pu cachet . 
fa groflèflè & fon accouchement pout 
rintérêt unique de fon honneur ; & 
fon enfant a pu périr avant que de 
naître , ou dans Tinftant auquel il a 
reçu le jour. Si cet enfant, eft mort 
de la forte, faudra-t-il faire encore 
périr fa malheureufe mère , comme 
fi elleétoit coupable de cette mort? 
Ne conviendroit - il pas , en pareille 
circonftance , que le Miniftere public 
ne pût requérir la peine , qu'en éta- 
Wiflànt que Tenfant étoit né vivant ? 
ou au - moins ne devroît-il pas être 
permis à la fille, pour fa juftifica- 
tiob , de prouver que Tenfant étoit 
né mort ? 

En Danemarck, en Suéde , en An- 
gleterre , il exifte des Loix contre 



1 1^ 3 

fihfanticide , fondées fur la tnêmt 
préfomption que celle de l'Edit de 
Henri 1 1 : mais la Loi Angloife a * 
été modifiée par le Statut zi de 
Jacques P' , qui porte que fi une 
mère a caché la mort de fon enfant 
bâtard , elle doit prouver par un 
témoin , que cet enfant eft mort-né ^ 
fînon quelle fera convaincue de 
meurtre. 

Ne devrions - nous pas adopter 
cette modification ? & fi un feul té- 
moin dans nos principes ne fuffit pas 
pour former une preuve , au-moin$ 
doit-il en réfulter une préfomption 
capable de balancer celle que TEdit 
de Henri 1 1 fait réfulter du défaut 
de déclaration de la fillfc ; & dan^ 
Fipcertitude que cette balance peut 
préfenter , le parti le plus digne de 
la Loi, n'eft-il pas de la faire penr 
cher du côté de l'humanité ? 

Au furplus y ce crime eft un de 



ceux qu'il feroît plus tmportatic 
peut-être d'empêcher que dç punir, 
{bit en établiffant dans toutes les 
Provinces des afyles sûrs où la foi-> 
blellê puitîè fe réfugier foUs la fauve^ 
garde du luyfïere; foit en défendant 
rigoureufement de faire le plus léger 
reproche à la fille devenue mère, 
qui , en pleurant fur fa faute , aura 
le courage d'allaiter & d'élever p>uv 
bliquement fgn enfant. 



C 142 3 



CHAPITRE VIII. 

Dt quelques délits qui feinblent exiger 
dans la peihe des cardQeres diJiinSifs. 

X^'OB J ET ide la Loi pénale, comme 
nous Favons dit dans notre première 
Par.tîe, n'eft pas de faire fouflSrirle 
coupable , mais de faire une împref- 
iîori profonde fur la multitude. Plus 
un délit eft atroce , & plus il con- 
vient d'étendre la terreur par l'ap- 
pareil d'un fupplice plus impofant, 
& avec des caraderes qui le diftin- 
guent. Tels font les crimes de tra- 
hifon privée/ ; tels fpnt ceux de 
Fincendie ^ de l'empoifortnement , 
du parricide , du régicide , & le 
crime de lefe-Majefté divine. 

§. I^'. Du crime de trahifon privée. 

Nous appelions aind le délit 



% 143 5 

du domeftique qui tue fon maîtrç , 

Tatjtentat de la femme qui donne la 
mort à fon mari , celui de TEc- 
çiéfîaftique qui alfafrme fon Supé- 
rieur (i). 

Plus les liens (ont étroits ^ plus les 
crimes font grands. Les coupables 
de pareids délits doivent être traînés 
fur la claie , en fpedacle au peuple , 
jufqu'au lieu du fupplice ; les hommes 
rompus vifs , les femmes étranglées. 

§• II. De Vlncendiat ou du crime 

HnctnàUf 

Le crime d'incendie en cumule 
plufieurs. Non- feulement le coupa- 
ble détruit , par ce forfait , la pro- 
priété de fon ennemi ; mais il at-* 

(i) Ces délies font appelles ^ crahiroq pri* 
vée, pour les diftinguer de la crahîfon pu- 
blique , qui eft Tattentaç çonue 1^ Puiflanco 
{>ublique. i 



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toient bâtard celui qui avoit tue 
fon père. 

La Loi Romaine puniflbit le par- 
ricide plus rigoureufement que toujt 
autre meurtre. Le fcélérat , aprè^ 
avoir çté déchiré à coups de fouet, 
étoit renfermé dans un fac de cuir 
avec pluGeurs animaux venimeux : 
mais la Loi Britannique , fouvent 
trop indulgente ^ ne punit pas le 
parricide autrement que le fîpiple 
meurtre. 

Nou5 penfons au contraire que 

la peine due à cet attentat , doit 

être diftinguçe par un genre de 

\ fupplice plus impofant . pour la 

multitude , qu'une mort prompte. 

Ce feroît de crever les yeux au 
parricide ; de Tenfermer dans une 
cage de fer , élevée de terre à une 
afTez haute diftance ; d^n$ laquelle 
le coupable nu , à rèxcep^îon d*Une 
ceinture Conpée de fet naiUé , feroU 



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nourri au pain & à l'eau jufqu*à la fin 
de fes jours ; & fe montireroil ainfi ^ 
expofé à toutes les rigueurs des fal- 
fons , tantôt le front couvert de 
neige , tantôt calciné par un foleil 
brûlant. 

Ceft dans ce fupplîcè énergique ^ 
préfentant plutôt la prolongation 
d*ùne mort doulôureufe que celle 
d'une vie pénible , qu'on pourroît 
Vraiment reconnoître un fcélérat dé- 
voué à rhorreur de la nature en- 
tière 5 condamné à ne plus voir le 
ciel qu'il a outragé , à ne plus habi- 
ter la terre qu'il a fouillée. Et quelle 
eft Tame atroce , qui., a la vue 
d'un fpedade ainfi perpétué , pour- 
roit encore concevoir le projet monf- 
trueux de donner la riiort à celui 
ou à celle qui lui donna & vie? 

. s. V. Du Régicide. 

Il n'y a point de crime qui ait 

G 3 




uâé plus grande analogie avec le 
parricide , que le régicide. Les So- 
ciétés primitives durent leur exis- 
tence au gouvernement paternel t 
tel eft le principe qui régit encore 
aujourd'uî une Nation îmmenfe, dont 
Torigine fe perd dans lobfcurité des 
iiecles. L'Empereur des Chinois eft 
le père de TEtat; chaque' Manda* 
rih eft le père de la Province dont 
radminiftration lui eft confiée ; & 
chaque chef de famille , dans la 
Province , exerce fur les liens cette 
autorité tempérée & bienfaifante que 
le Chef de l'Etat exerce fur la Na- 
tion entière. Il n'eft pas permis de 
mettre à mort le dernier des Ci- 
toyens , que fon procès n'ait été 
envoyé au Confeil de l'Empereur , 
& jque TAr^êt dé mort n*ait été 
préfenté par. trois fois au Souve- 
rain pour le figner ; t^rit Tamour 
paternel répugne à priver de la 



V 



vîé. même l'enfant Iç plu$ ce 
ble. Un parricide eft-il commis, 
dueil cft général dans l'Empire i\ 
Tribunaux^font fermés pendant pl^ 
iîeurs jours ; la Nation conftemée 
eroit voir, dans ce délit particulier, 
la rupture du lien de cette autorité 
paterndle'; fur la foi de laquelle elle 

repofe. 

Dans im Gouvernement mitigé 
tel que le nôtre , nos Rois font 
également les pères de leurs Peu- 
ples ; aticune Nation de la terre ne 
fut plus attachée à fes Souverains : 
un attentat contfe la perfonne du 
Roi eft donc, relativement à nous, 
un attentat commis, contre le père 
de la Patriei Cet attentat e(k plus 
énorme encore que le parricide , 
^uîfqu'il prive des millions de Sujets 
de leur père commun , & peut oc- 
tafionner les révolutions & les cori- 
iifquences les plus funeftes. Nous 

G 4 



propolerions de le punir par des 
peines plus féveres que celles que 
nous avons indïquéesj pour le par- 
ricide , Cl nous en connoifHons. 

S. VI. Du crime ^de Ufe-Majefté 
divine. 
Hanprans Dieu Gr ne le vengeofii 
pas , a dit l'Auteur célèbre de 
fEfprit des Loix. Il faut interpré- 
ter ces paroles. Il n'appartient point 
aux hommes , à ces atomes con- 
fondus dans l'immenfité des êtres ,, 
de £' ériger sfiti vengeurs de la DÎV- 
nité , ni de mefurer l'étendue «s 
ofFenfes qui lui font faîtes. Celui 
tient dans fes mains le deftin 
Rois'& des Peuples , (ait répan- 
, quand il lui plaît, les récom- 
ès & les çhâtimens par des 
!S qui nous font inconnues, 
s ta Religion tient à ^*£tat , 8c 
iouveraln doit empêcher qu'elle 



€ i;3 3 

ne fpît' troublée. Dieu punit Fîm- 
piété , mais le Souvei^ain doit répri- 
mer les troubles que cette impiété 
peut caufer dans Tordre focial. 

Cependant un zele , trop indis- 
cret dans ce genre , a déjà fait .com- 
mettre bien des fautes. 

Les magiciens &' les forcîers ont 
été long-temps punis comhié enne- 
mis de Dieu j parce qu'ils étoient , 
difoit-on , les favoris du Diable. Au 
lieu de les brûler , il falloît les 
regarder comme des infenfés ou 
des intrîgans qui falfoièrit des dupes ; 
les vouer au ridicule ou au mépris 
public. L<*erreur a été enfin re- 
connue. 

Nous devons envifager du même 
œil ces êtres illuminés , cé^s efpeces 
de prédicans , ces faifeurs de mira- 
des^, qui tentent encore quelquefois 
de furpreïidte la crédulité publique. 
he Peuple efl: naturellement fuperiV' 

G s 



/ 



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€xy4 5 

titieux ; il mêle des idées rellgleufes 
à ces preftîges. Si vous puniflêz avec 
févérité leurs auteurs ^ la fuperfti-* 
tion produit alors le fanatifme > & 
le mal , en pareil cas , s'accroît 
toujours par la violence du remède» 
L'héréfie a été mife au rang des 
crimes de tefe-Majefté divine : mais 
relativement à la Puiilance publique , 
il faut diftinguer deux chofes dans 
rhéréfie , la faâîon & Topmion. La 
faâion trouble TËtat; elle doit être 
réprimée par toutes les voies , dont 
un Souverain eft à portée de faire 
ufage |)our le maintien de fa puif- 
fance.^ Quant à Topinion paifîble^ 
par la raiibn qu'elle eft teUe 3 elle 
ne trouble point TEtat. II feroit à 
defîret cependant que tous les Sujets 
d'une même Puiflance n'eufiènt 
qu'une même Loi & qu'un même 
4ogme 5 cette uniformitié ne poiir- 
roit que rafiermir de plus en plus 



te lien fociaL Nous dirons , dans 
nn autre temps peut-être 'y par quels 
degrés infenfibles. , & fans heurter 
de front la maffe réfiflante de tous 
les intérêts a^els, on pDurroIt par- 
venir à cette uniformité de Loi, i$ 
Quant à celle de Religion , il y à 
plus de difficultés. Enchaînerons- 
nous des hérétiques pour les traî- 
ner aux pieds de nos autels ? Dieu 
ne fera point honoré de leur culte , 
& nous fcandaliferons nos frères» 
Les àttîrerons-nôus par Tintérêt î il 
peut faire des hypocrites , mais ja- 
mais de vrais croyans. Les effi^ye- 
rons nous par des fupplices ^ la foi 
eft un don du Ciel, & des Bourreaux 
ne (ont pas les Mmiftres de Dieu. 
Na pouvant les convertir , faudra- 
t-il les exterminer ? ah ! fouvenif 
âffireux ! la plaie faite à Thumanité 
dans le feizieme (ieclé , faigne en*- 
core* Combattons - les cependant ^ 

G <S 



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j^ 1- 



€ 1^6 % 

mais avec les feules armes que notre 
Religion fainte a mi(es dans nos 
mains ; prouvons-leur la fupériQrlté 
de notre dogme par celle de nos 
vertus j & fubjuguons ' leur incré-. 
dulité par Tafcendant d'un grand 
exemple. 

Les blafphémateurs font criminels 
de lefe-Majefté divine : mais que doit- 
on entendre par blafphéme ? ce j\% 
feront pas fans doute ces jùremens , 
qui ne préfentent jaucun fens, au- 
cune btention d'offenfer Dieu ; que 
le Peuple groffier emploie quelque- 
fois dans des mouvemens d'impa- 
tience 9 & pour lefquels néanmoins 

une ^ Ordonnance de Philippe Au- 
^ufte de iiSi avoit condamné les 
Nobles à un amende ^ & \^ Ro- 
turiers à être npyés. 

Le véritable blafphémateur feroit 
celui qui vomiroit des e^àécrations 
contre Dieu , qui infulterolt à fa 



I 



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providence & à fès décrets ; ou qui, 
fermant les yeux fur les merveilles 
de la création , attribueroit au ha- 
fard aveugle , l'ouvrage de la fuprê- 
me intelligence. Voilà le blafphême 
qu'il cft important de punir , car 
un pareil crime attaque direâement 
la Majeflé de Dieu ; ' il tendroit 
d'ailleurs à enlever au vice ^ le feul 
frein qu'il puiffé avoir dans le fecret , 
la^crainte des vengeances divines. II 
tendroit à enlever , à la Juftice 
humaine , la reffource de fe décidée 
par la religion du ferment fur des 
faits qu'il lui importe de connoître , 
& qui rie peuvent être prouvés^ ni 
par j:émoins ni par écrit» 




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TROISIEME PARTIE. 

^ De Vlnjlruàion. 

Il o u s avons déjà annoncé qu*ett 
France Tindrùâion fembloît prépa- 
rée pour le fuccès de Taccufation , 
& en- Angleterre pour la décharge 
de Taccufé; que la première étoît 
très-rigoureufe & de nature à com-' 
promettre les intérêts de Tinnoccn- 
ce ; que la féconde étoit très-douce » 
& qu'elle pouvoit expofer les . inté- 
rêts de Tordre focîal,par les facilitée 
qu'elle préfentoît pour échapper à la 
conviâion des crimes qui le trou* 
blent. Nous allons donner lesi preu- 
ves de ces vérités. 

Suppofons que parmi nous un Ci- 
toyen ait un dangereux ennemi, ca- 
pable de le vouloir perdre par Tac- 



cufatîon calomnieufe d*ua crime ca-* 
pital , & voyons fous ce premier 
point de vue dans quelle gêne af- 
freufe va fe trouver cet innocent , 
d'après notre Ordonnance de 1670^ 
Loi générale du Royaume y combien 
il éprouvera de difficultés pour éta- 
blir fa jufHfication. 

D'abord fon ennemi le dénonce 
fous le fecret au Miniftere public t 
il ne peut connoître fon dénoncta-^ 
teur ; il ne peut par coûféquent in- 
diquer 5 ni demander à conftater le 
principe de la vexation. 

Le Miniftere public n^ayant pas 
connoiflànce par lui-même des cir* 
confiances du crime qui lui eft dé-> 
nonce & des témoins qui font à por^ 
tée d'en dépofer , ne manque pat 
de produire ceux que te dénoncia- 
teur lui préfente ; & ce dénonciateur 
ne préfente <^ue des gens dont il 
croit être sûr ^ .U dipofe lui-même 



V 



. > V 



pour le fuccès de {a dénonciation ; 
notre Ordonnance criminelle ne le 
défend pas. Les témoins choifis par 
le dénonciateur peuvent d'autant 
plus aifément adopter ks impref- 
fions , qu*ils font- entendus dans lé 
plus grand fecret par un feul Juge 
en préfence de fon Greffier , & fans 
crainte d'être contredits : ce Juge 
unique peut être aifément prévenu 
;Ou quelquefois corrompu , & fa dit- 
pofition peut entraîner dès le pre- 
mier pas la perte de l'accufé. 

Sur l'information , celui-ci eft dé- 
crété , conduit en prifon avec fcany 
dale ( I ) , mis aux fers , & quelque- 
fois jette dans un cachot affreux , 
où il eft nourri au pain & à l'eau , 
te couché fur la paille (2), fans pou- 
voir communiquer avec qui que ce 



■■ 



( i) Art. 1 7 da cit. i o de rOrdona. de, 1 670. 



(j) Aru II du tit. 15. 






folt par lettre ou autrement ( i ). Il 
eft tiré du cachot pour fubir fon 
interrogatoire , fans favoir un mot de 
ce dont on Taccufe : il paroît feul , 
il lui eft expreffément défendu de 
fe faire aflîfter d*un confeil (2) ; de 
forte que dans une fituation capa- 
ble d^elFrayer l'innocence, même , il 
faut qu'il fe rappelle fur -le -champ 
tout ce qui peut être relatif à Tac-» 
cufation que le Juge lui laiflè entre-' 
voir ; car il ne lui donne pas même 
ledure de la plainte. Ce Juge , qui 
connoît les informations , preflè Tac- 
cufé fur les faits les plus inaportans 
qu'elles lui préfentent : d'accord 
avec la Loi qui le préfume coupa- 
ble , il cherche à lui arracher l'aveu 
du crime qu'on lui impute : il lui 
fait des interrogations captieufes ; il 



k 



(1) An, ty du tit. 13. 
(z)^ Art. 8 du tit. 14. 




.* 



C Î<Î2 I 

fuppofe quelquefois prouvé par àei 
dépofitions concordantes , ce qui ne 
Teft point; U intimide ain(i Taccufé, 
qui fent croître, à chaque inftantfoQ 
embarras. Cet interrogatoire même 
fubi* , il ne lui eft pas permis de 
conférer avec qui que ce foit , fi la 
pourfuite a pour objet un crime qui 
mérite la mort ( i ) ; de forte que 
plus, fes dangers font grands , 8t 
moins la Loi lui donne de facilités 
pour fe juftifier. 

Après le règlement à l'extraor- 
dinaire 9 on procède au récolement 
des témoins ; il eft rare que ces té-^ 
moins récolés dans ia même forme 
qu'ils ont dépofé , changent rien à 
ieurs dépofitions. 

A la formalité du récolement fuc-» 
cède celle de la confrontation. Les 
témoins , toujours dans le fecret du 

■ ■ ■ I ■ l a.— — — M.i» 

(i) Alt. 9 à}à ûx. 14. 






C î<53 î 
GreiFe ^ & vîs-â-vis tf un feul Juge ^ 

font préfentés à l'aLccufé les uns 
après les autres. Jufqa'alors il n*a 
pas même~ fu leurs noms ; il les volt 
en ce moment pour la première 
fois : c'eft dans ce premier moment , 
& avant qu'on lui donne leâure de 
leurs dépofitions , qu'il doit fournir 
fes reproches. Malheur à lui s'il ne 
fe rappelle pas , ou s'il ignore tou- 
tes les circonftances qui peuvent 
rendre ces témoins reprochablès ; 
après la leâure de leurs déposi- 
tions , cette faculté lui eft inter- 
dite (i). La Loi regarde comme 
impofiure , le reproche qui n*eft pas 
fourni dans le premier inftant. 

L'accufé, dans les confrontations^ 
ii*a pas le droit d'interpeller lui- 
même les témoins pour combattre 
leur témoignage; il peut feulement 



(i) Art. if an dt. 15. 



Ê i64 3 
requérir le Juge de les interpel- 
ler ( i ). UOrdonnancc laiflè à l'ar- 
bitrage de ce Jyge la confronta- 
tion : elle n'eft ordonnée que fi be- 
foin eft ( 2 ) ; & dans l'ufage il ne 
confronte que les témoins qui lui 
paroiflent les plus propres à faire . 
réuflîr l'accufation : ceux qui ne char- 
gent po'int, Taccufé , & qui pourroient 
même s'expliquer à fa décharge, ne 
lui font pas préfentés. Les témoins 
qui le chargent fbnt avertis par la 
Loi de perCftet dans leurs dépofî- 
tions , fous peine d'être punis com- 
me faux témoins ( ^ }• 

Pendant tout le cours de trette 
procédure, il n'eft pas permis à l'ac- 
cufé de prouver aucun fait tendant 
à fa juftification; ce n'eft qu'après 



■*^k*^ 



{i) Arr, 11 dû tit, ly. 
i) Art. 1*' in tit. ij. 
(3) Art. II du nu 15. 



T 



^ 



€ i<5y 3 

avoir épuifé les reflburces pour ac- 
cumuler les preuves , qu'on l'admet 
enfin à propofer ce que nous appel- 
ions fes faits juftificatifs ( i ) : mais 
il ne. peut les prendre que' dans fes 
interrogatoires & confrontations (a), 
dont on lui refuCe néanmoins toute 
communication. S'il ne -fe rappelle 
pas bien ce qu'il a^dit , s'il n'a pa$ 
connu alors tous les faits relatifs à 
fa défenfe , ou s'il a omis de les op- 
pofer dans le trouble que compor- 
toit fa fituation ; cette ignorance , 
ce défaut de mémoire ou de pré- 
fence d'efptit , peuvent lui coûter 
la vie. 

L'accufé eft -il diîèz heureux pout 
être admis à la preuve de fes faits 
juftificatifs ? îl faut qu'à l'inftant où 
leâure lui eft donnée du jugement 



m^mimam 



(i)-An. r" du m. %S. 
(i) Art. 1 daâc. %fi$ 



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^ 



% i66 % 

iqui Tadmet , il indique les témoiiis 
qu'il veut faire entendre ( i ) ; caroft 
le traite toujours en coupable y au- 
quel on fait grâce en l'écoutant. 
S^il ne profite pas de ce premiçr mo* 
meht, il eft déchu fans retour; Se 
fi fes ^émoins ne font pas en no|nbr« 
fuffifant, oune dépofent pas défaits 
aflèz précis pour balancer les dépo- 
fitions des témoins de Faccufateur , 
fa perte eft confommée. 
, Telle eft cette procédure , qui a 
déjà excité bien des réclamations eii 
faveur de ïhumanité v qui a plus 
cPune fois occafioftné des méprifes 
fatales , & fouvent compromis les in- 
térêts de rînnocence (a). 



mméi 



(i) hxu 4 <lu tit. i8. 

(i) Rendons hommage â la mémoire àc 
M* le Préfideat de Lamoigâon. Si l'opinion 
âe ce iagé Magiftrat Tavoit 'emporté ^aof les 
cooférinccs tenues pour la rédaftion de cette 
Lai, elle eût ixi beaucoup moins dure. ^ 






I 



.^J^^.-nm^- 



C 1^7 3 

Apprécions maintenant la manière 
dont rinftrudion fe fait en Angle-, 
terre ; nous verrons que nos voifins , 
qui ne nous aiment pas ^ parce que 
nous les forçons à nous eftimer » ont 
aiFeâé de ne nous pas reflembler en 
ce point comme en bien d'autres , 
& ont donné dans un défaut con- 
traire ; en ce que leur inftruâioh 
procure au. coupable beaucoup de 
facilité pour échapper à la convic- 
tion & à la peine. 

Lorfqu*une perfonne eft accufée 
en Angleterre (i), le Juge de Paix 
expédie un ordre pour la faire amè- 
©^ devant lui. Si, après l'avoir 
entendue , il juge fur les répon&s & 
fur les informations fommaires par 
lui prifes , qu'il n*y a pas matière 

■■■■■■^■■«BMBiMMBaiMMMBiaMaHaaianiBaMiWBnaMii^BaiaaBnaaMaafcHainav 

__, . - «f - - • 

(i),Voyer le ConaïQemaire fur le Code 
criinhiet d'Ai^gleci^rf e fit fil^cj^lone^ traduit 
par M. TAbbé Coyer» " 



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V 



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t i68 3 
à la foupçonner coupable , il la ren- 
voie ; s'il prcfume le contraire , il 
laide l'accufé en liberté , en donnant 
par lui caution de comparoître quand 
il en fera fomtné ; à moins qu'il ne 
s'agiïïe d'un crime capital , auquel 
cas l'accufé eft envoyé en prifbn. 

Ainfi il dépend d'un feul homme 
de. renvoyer l'accufé fans reftriftion , 
Se d'après l'efpece de preflêntimeAt 
qu'il fe procure. 

L'accufé eft- il emprifonné ? c'eft 
alors que rinftruâion commence à 
recevoir une , forme juridique. IV fe 
tient dans chaque Comté une afTem- 
blée compofée des perfonnages les 
js importans du dîftriâ , & que ' 
n nomme les grands Jurés : cette 
Kèmblée décide Ci l'accuiâtion în- 
atée contre un Citoyen de Ion ter- 
oireeftrecevable ou noniellepeut 
r conféquent la rejetter dès le prê- 
ter pas. Mais pour que l'acçuûttiop 
foit 



t 



C 169 3 

foît adrtiîfe , il faut le concours de 
douze fuffrages abfolumentunanimes, 

L'accufatîon reçue ^ le Préfident 
de rAfïèmblée indique quarante-huit 
perfonnes du Comté , dans lefquelleà 
on en choîfit douze pour former celle 
des petits Jurés î ce font les pairs 
& les égaux de Taccufé : ce font eux 
<jui doivent décider le pomt de fa* 
voir fi Taccufé , leur égal, & qui 
peut devenir leur Juge à fon tour^ 
^ eft rendu coupable ou non du délit 
qiîi lui eft imputé. 

Mais combien cet accufé n'a-t-il 
point encore ici de reflburces pouir 
obtenir que raflèmblée de Jurés, qui 
doit le juger, foit compofée d'unç 
manière fatisfaifante pour lui. Suc 
les quarante-: huit perfonnes indi-* 
quées, il peut d'abord en récufer vingt 
fans donner aucune raifon de fon re** 
fus ^ privilège que n*a pas le Roi 
même accufateur. Il peut encore ea 

H 



C ^70 3 

tëcofer d'autres pour des raifonsprî- 
fès dans la Loi. 

Lorfque cette ailèmblée de Jurés 
eft enfin formée » & qu'ils ont prêté 
ferment au nombre de douze , Tac^ 
cufateur produit les preuves de fon 
iStccufation^ & fait entendre fes té« 
moins publiquement en préfence de 
Taccufé r fi ce dernier s'avoue cou-- 
pable , il eft avef ti fur-le-champ' de 
rétraâer cet aveu, & de plaider contre 
Taccufation. Afiîfté de fon con(eil, 
il peut non-feulement reprocher les 
téxhoks de Taccufateur ^ mais même 
leur faire telle interpellation qu^U 
)uge à propos ; il peut à l'inftant pro^ 
duire les fiens , qui font auffi publia 
queiîient entendus , pour balancer 
ou pour détruire les témoignages 
oppofés. Aihfi, dès le premier pas ^ 
raccufatbn eft connue ^ la procé- 
dure eft toute publique'; l'accufé eft 
mis à portée déconcerter fa défend 



.» ^ 



de la manière la plus avaatageu(è 
pour lui , & de parer les coups 
qu'on veut lui porter. 

L'afi&ire difcutée de la forte en 
préfence des Jurés 8c du Magiftrat 
qui les préîîde, ce dernier fait le ré- 
fumé des moyens refpeâifs ; il éta- 
blit la quefUon, les points de fait 
fur lefquels les Jurés doivent d<^ner 
leur opinion. Les Jurés fe retirent 
enfuite dans une chambre voifine , oà 

• 

ils reftent quelquefois très -long- 
temps fans prendre aucuns alimens, 
à moins que le Juge ne le leur per- 
mette. Ils ne fe féparetit que lorP 
qu'ils font parvenus à former une 
^ opinion unanime ^ s'il s'agit de çon*- 
.damnation capitale ; car c'eft de l'u* 
unanimité que la Loi la fait dépen- 
<lte (!)• 



^mmmmtmtmmamÊ^ÊÊimÊÊl^ 



(i) IcîsUpi^icpie nu trait qui mérite qii'oft 
le rapporte. 

' Uo liabitiRt de Londres eft afla£i»i h 

Hz 



£ 172 3 _ . . 

On fent aifément combien il cfi 
difficile de parvenir à cette unanimité 

nuit, fonam d'une maifon; fon corps nige 
dans le fang, * l'affaflin a laifle pris de lui 
l'arme qui a poitrf le coup mortel. Un homme 
pafle de ce côr^i i'oblhcle qu'il trouve fous 
lès pieds le rcnverfe : il. l'apperçtjit qu'il èft 
Cir UD cadavre, à cM duquel il découvre 
Une arme blaoclie ; il croit que ce canicm eft 
înitAi d'afTaflias , il Ce faifit de l'arme pour 
fè défendre s'il cil attiujuë , Se s'eaCtiii. A 
quelques pas de-là, la Garde l'arrête^ & bien- 
tôt découvre lecadavie.U eft dénoncé comme 
coupable de ce meurtre j fes Pairs s'allèm- 
blent pour le juger. Soa habit teint de lang, 
l'atme dont i| a éti trouvé faill i peu de 
dillancc du cadavre, l'éiat de la bleflitre qui 
iê concilie avec la nature de i'arine, fem- 
orier la preuve au degré de la dé- 
itioa.Tous, i l'eiception d'un Ceal, 
ivis qu'il efl coupable de meurnre. La 
;e de ce feul homme tient pendant 
mps l'Aflemblée en rufpens; il garde 
le lïlence. PrelTé par les reproches les 
s fat l'abrurdité it cette ïéfUUncc, il 



€ 173 3 

^e condamnation dans une aflçmblée 

compofée des égaux de Taccufé , & 
qu'il a lui-même choifis dans un plu$ 
grand nombre. 

Si les Jurés font d*avis que Tac- 
cuf/î,^n*eft point coupable , cette 
ppiiiion fûj-elle^ erronée , il eft ren-? 
yoyé fans pouvoir déformais être 
recherché pour le même crime , & le 
jugement eft irrévocable ; "fi leur 
opinion le décide coupable , au con* 
traire , le Juge déclare encourue la 

- • • .• • * 

s'écrie enfin : • • , Infinjés ! vous facrîjhf^ un 
innocent y quand vous ave^ parmi vous te coU'* 
fahle; c'cfi moi qui ai èommis le meurtre*^ 
C* vous \oulei que je charge un autre de mon, 
forfait; Ji U vengeance a égaré mon bras ^ 
cUfi à ma -probité de vous éclairer lorCquc 

vous vous égarei vous-mêmes Toute 

FAiTemblée faifîe J'étonhement & d'admira- 
tion cmbraffa TafTaffin , demanda fa grâce ac 
l'obtint* .'«v^c^î^^ ^oî de l'unanimité fauvsi 
l'innocent) 'mais combieade fois auîfî n'a-i 
t'elle pas ftuyé le ço'jpable \ 

^ H3 • 



€ 174 3^ 
|)eine portée par la Loi : oiaîs û \é 

jugement des Jurés eft notoirement 

in)ufte , il eft cafle fur pourfuite^ 

qui S'exerce au nom du RoL 

D'après les ménagemens recher* 
chés dont on ufe en Angleterre vis- 
a-vis des accufès , & les reflburce^ 
qu'une pareille ihftruâion leur offire ^ 
on ne peut fe diffimuler que le crime 
ne trouve, dans ces reflburces , des 
facilités pour échapper à la. peine. ' 

Ainfi rinftruékion criminelle en 
Angleterre eft.vicieufe, en ce qu'elle 
jK>rte la déférence pour les droite 
de rhomme , au point de nuire aux 
intérêts de Tordre focial. 

L'inftrudion criminelle parmi nous 
cft également vîcieufe , & par une rai- 
fon contraire, en ce que par. excès 
de zèle pour les intérêts de ia So- 
ciété , elle compromet trop évidem-? 
ment les droits de l'homme» 

Nous Tavons déjà dit , la perfec-^ 



- C i7y 3 

tîon de la Loi dans cette matî«re 
coïlfifte à établir un parfait équi- 
libre entre les égards du$ à Thomine 
& la proteétion due à la Société. 

Ne feroît-il donc pas poffible , pour 
opérer cet équilibre , de modérer 
ces deux genres d'inftruâion Tun 
par l'autre; de trouver un milieu 
jufte&raifonnable, au moyen duquel, 
fans adopter de notre part^ des uÊtges 
non-conciliables avec la forme d^ . 
notre Gouvernement, nous tempér 
Terions la rigueur de notre inftruc- 
tion y en affurant la juftification de 
l'innocence^ fans nuire à la conviâioï . -^i 

du crime? 

Tel fera l'objet At!^ réflexions que 
•nous allons faire Air 1^ principaux 
aâes de notre procédure extraordir 
naîrç. 



r%^. 



•m. *• 



tî70 



CHAPITRE PREMIER. 

IM Li DâianciatMt & it U( 
Ptaiiue, 

L>'ffsr œc fiblime înftitutïon qui 
nan-juoic z la LégtÙinoo Romaine , 
{tK «Mb «Tun mtniftere chargé de 
îQUt6iivre,aunoiiidel'Etat,Urépa- 
aèoa des tons faits à Vordre ibcial. 
Le îtbjiftrdt qui exerce cet impor- 
om aïîafll«i:« peut agii feul , quand 
l «^ UB corps de délit , dont la 
lùr«tê pLHique exige qu'on découvre 
3: i^u'oa pu-iiife Fauteur. 

^^«Jquifoia auffi fon mîniftete 
t& pn>v(?qc« par des dénonciations 
]uî Ku (ont taïtes. Il faut en diAin- 
piet de deux fortes : tes unes faites 
pat les pertbnnes qui ont fouffert du 
délit qu'elles lui dénoncent;les autres 
pac des gens auxquels le délit dé- 



«w^V^- 



€1773 

notice n'a fait perfonnellement aucun 
tort. 

•1 

Quant à, la première efpece de dé- 
nonciation , il exifte un ufage abufif 
dans quelques-uns de nos Tribunaux,: 
La partie qui fe prétend léfée , fait 
une déclaration chez un Commif? 
faire , qui contient renonciation du 
délit ; elle porte au Greffe une ex-» 
pédition de. cette déclaration , fut 
laquelle elle obtient un réquifitoirç 
du miniftere public contenant plainte , 
& fur ce réquiGtoire , perijiiffion d'in-r 
former. Ce détour a communément 
deux objets; l'un de s'affranchir, 
par la partie provoquante., des frais 
de rinflrudion , & de les fair^ tom- 
ber fur le domaine du Roi ; l'autre 
<le fe faire entendre comme témoiç 
pour appuyer fa dénonciation clan-» 
deftine. . . 

Ce procédé n'jelj: pas loyal ; . il tend 
p compiromettrè Taccufé.. Si la partie 

H y. 



n'eft point perfonneUement' en état 
de founùr aux frais de l'inllruâion ^ 
qu'elle le déclare dans fa dénoncia- 
tion même; la pourfuite n'en dolc 
pas moins être faîte, R ce n'eft à (a 
requête , du moins à celle du minif^ 
tere public ', quand le défit efl: un 
de ceux qu'il importe à Tordre (dcial 
de réprimer. Que la dénonciation 
dans ce cas foit jointe à la plainte, 
mais que celui quia fait une dénon- 
ciation de ce genre ne fott point 
admis à dépofer comme témoin; cat 
quoiqu'il ne foit point en nom dans 
!a pourfuite , il eft véritablement 
acculàteur. Il n'a acculié que pour 
venir démander dans l'inflruâion fes 
téparations civiles : or il . eft contre 
toute règle qu'un accufateur inté- 
ttffé comme il îe& au fuccès de fon 
accuiation , foit adnûs à. la juftiHer 
'w foh témoignage. 
Quant aux déooociuicms&ites par 



ir^iir mi— —p—^— ^B^^^^^^ 



t 179 3 

les perfonnes qui n'ont pas perfoiy^ 
fielkment foufFert du délit qu'elles 
défèrent, comme fi un homme prer 
tend avoir vu tel ou tel individu 
aflaifiner telle ou telle perfonne;. de 
pareilles dénonciations ne font favo^ 
râbles qu'autant qu'elles ont vérita*» 
blement le bien public & la fureté 
du corps focial pour objet: mais on 
a vu quelquefois la haine & i'efprit 
de vengeance fe mafquer fous les 
dehors empruntés de et 2de pout 
le bien public* 

La Juftice ne doit pas itre fans 
quelque défiance fur une dénoncia- 
tion pareille; le miniftere public qui 
la reçoit doit la faire figner par le 
dénonciateur, fuivant ïart. 6 du tit. 
3 de l'Ordonnance de 1670. Le dé- 
nonciateur fera e&tendu comme té- 
moin dans l'inftrudîon , puifqu'ii 
s'efl: annoncé comme partie défînté* 
reifée , qu'il eft poiGble qu'il le foit 

^ H <î 



r 

r 



C i8o 3 

réellement , & qu'il peut procurer 
lians ce cas des lumières importante$ 
â la Ju&ice. Cependant fa dépofition 
jie doit pas avoir la même force que 
celle d^un autre témoin ; & s'il n'y 
avoit que deux témoins, le dénon* 
dateur compris » qui dépofaifent 
avoir vu commettre le crime par Tac-» 
cufé , il faudroit alors regarder U 
preuve comme infuffifante pour opé- 
rer fa condamnation. Notre code 
pénal ne s'explique point fur ces 
objets , qui ont néanmoins de rim* 
portaoce. 




i. 

( 






L 



CHAPITRE II. 

De V Information» 

^INFORMATION confifte dan$ 
Taudition des témoins préfentés pat 
raccufkteur. Ceft d'après le langage 
de ces témoins , que les Juges abfol-r 
vent ou condamnent. On ne peut 
donc apporter trop de précautions 
pour Texaditude d'un pareil ade. 

Cependant avec quelle légèreté 
ibuvent on y procède ! .des témoins 
dépofent dans le fecret d*un Grefte 
ou d'un cabinet, en préfence d*ua 
feul Juge; ils apportent mertie quel-* 
quefois leurs dépofitiohs par écrit. 

Confervons de nos ufagescç qui 
peut être utile , mais réprimons les 
abus. Nous fommes loin d'adopter 
l'opinion- des Jurifconfultes Angloîs 
fux la publicité de rinftruétion cjè^ 



■<•. 



Ç î82 ) 

les premiers pas. Le fecret doit être 
obfervé tant que Us preuves ne font 
point encore aflîfes : car fi faccufa- 
tion & lia procédure devenoîent pu- 
bliques au premier inftant, Taccufé 
qui en feroit inftruit , foit par lui , 
foît par les fîens , pourroit dérober 
quelquefois les traces de Ton crime , 
& rendre la recherche infruâueufe* 
Mais il faut que ces témoins 
qui dépofent en fecret dans Tinfor-» 
mation , (àchent que le moment vien*^ 
âra où, dans une audience publique 
à laquelle ils feront forcés de com-« 
paroitre» on lira devant eux leur» 
déportions , où ils pourront être 
reprochés publiquement par Taccufé 
s'ils font vraiment reprocbables , &> 
où ils feront obligés de répondre à 
fes interpellations : alors ils dépofe-* 
font comme s'ils étoient déjà con-^ 
tenus par le refpeâ & la décence 
publics^ les intrigues d'une partie^ 



t 183 3 

xîvîle ou d'un dénonciateur fecrec 
auront moins deprife fur eux, parce 
•qu'ils craindront davantage de fe 
compromettre. 

Nous croyons encore qu'il ne fuffit 
•pas , pour aflurer la régularité d'une 
(procédure auilî importante., que les 
témoins (oient entendus par un feul 
Juge. La tentative de la féduftion 
'peut quelquefois réu(Iîr vis-à-vî^ 
•d'un feu| homme , exerçant en vert\i 
.d'un office modique, ou d'une finipl^ 
xommiflîon , & fouvent peu feyorilé 
de la fortune (i). Rappelions - noujs 
que la Loi ne donne aux Préfidiauj: 
4a faculté, de ftàtuer fouverainemei^t 
•qu'avec le concours de fept Juge*, 

.'■ I r III [ 1 ■■ I 11 III I I ■ I I , I I II I I II ■ 

(i) En Sardaigne , Jorfcjue k Jage reçoit 
les dépoficioDs des témoins, Se lors^même 
qu'il interroge Taccufé, il cft aflîfté du Pro- 
cureur ou de l'Avocat du Fifc, qui fîgnc c«s 
ades avec lé Juge. yoy. art. i, tit. 4, /iV..4 
jles Confiitut» </tf 1770, 



/ • 



•» 



C 184 3 

même fur Fobjet d'intérêt le plu» 
léger ; comment donp a - t - elle 
|)U vouloir confier à un feul Juge 
une inftrudion d'où dépendent Thon-r 
neur, Tétat & la vie des Citoyens? 
car enfin, n'eft-ce pas cette inftruc^ 
tibn qui forme la bafe des jugement 
dans tous nos Tribunaux? 

Nous propoferons donc le con- 
cours de trois Officiers , ou d'un 
Juge & de deux Gradués , pour re- 
cevoir les dépofitions des témoins. 
Si les Seigneurs qui font exercer la 
juftlce dans leurs terres , trouvoient 
ciu'il fût difficile de remplir cette 
formalité par la difette. de fujets ca- 
pables, leur Juge pourroit appellçr 
deux Gradués des environs. Oeft à 
eux d'ailleurs de prendre les pré- 
cautions néceflaires pour que leur 

Jurifdidion fpit fuffifamment pourvue 
d'Officiers : le droit de Juftice , ce 
droit qui forme effentiellement partie. 



t 185 3 ,, \ 

de la Pulflànce publique , deviendroît 
fatal à l'humanité , fi , placé dans des 
mains étrangères à cette puiAànce , 
il étoit exercé de manière à compro- 
mettre l'honneur & la vie des hom- 



1 



^ ^ ^ 



/ 






C i8<^3 




CHAPITRE IIL 

Da Décrets. 

1^ E décret eft Taâe décerne }>9r le 
Juge contre celui fur lequel portent 
les charges contenues en Tinforma- 
tion. Çell cet aâe qui rend Taccufc 
partk dans Tinfiruâion , en le conf- 
tituant défendeur à k pourfuite. 
Nous en diftinguons de trois fortes : 
le décret d'affigné pour être ouï , qui 
fe décerne en matière légère ; celui 
d'ajournement perfonne! , en matière 
plus grave \ & celui de prife-de- 
corps , quand le crime qui forme 
l^objet de Taccufation mérite une 
peine affliéèive ou infamante, 

A l'égard du décret d'affigné pour 
^ctre çuï , il n*a d'autre objet que 
d'obliger l'accufé à comparoitre de- 
vant le Juge, pour répondre aux 



interpellations qui lui feront faîtes 5 
il ne porte aucune atteinte à fou 
état. ■ ' 

Il n'en eft pas de même du <lé- 
cret d'ajournement perfonnel ; dans 
nos ufages il emporte de droit , in- 
terdidion de toute fonâion publi- 
que. Pourquoi cette rigueur excef 
ïîve ? pourquoi préjuger un Officier 
]>ublic coupable , auflî-tôt pour ainfi 
dire qu'il eft accufé ? Si Tinforma*- 
tion déjà faite contient quelques 
charges apparentes , doit-on Je pri- 
ver des fondions de fon état , & lé 
condamner ainfi au déshonneur , 
quand peut-être, par fes réponfes éc 
par ùi défenfe , il lui fera facile" ék 
détruire ces charges & de prouver 
la calomnie ? Ne perdons jamais d^ 
vue ce principe auffî précieux à la 
Juftice qu'à l'humanité ; le danget 
de flétrir un innocent ne peut être 
mis en balance avec celui de l'in^ 



e i8s ) 

dulgcnce vis-à-vis d'un accufi non 
convaincu : en l'admettant à fe dé- 
fendre , nous fuppofons la poflibi- 
lité qu'il ne foit pas coupable j fi 
nous fuppofons cette poiHbilité , 
pourquoi commençons -nous par le 
flétrir ? 

Quant au décret de prife-de-corps , 
on le décerne aflèz légèrement dans 
nos ufages contre un accufé non 
domiciLé , quand bien même le délit 
n'emporteroit que des condamna- 
tions pécuniaires, parce qu'on craint 
qu'il ne fe dérobe à la pourfuite ; Se 
c'eft dans cet efprit qu'il eft dit par 
l'Ordonnance , que les décrets fe- 
ront plus ou moins rigoureux , fqi- 
vant les qualités des perfonnes & 
des crimes. 

Mais au lieu de donner à un ac- 
cufé, dans ce cas , l'humiliation d'un 
emprifonnement , nous pourrions 
admettre fans aucun rifque l'ufage 



^ 



w 



t i8p 3 
établi en Angleterre , de le laîfler 
éh liberté, en donnant caution pour 
là fureté des condamnations pécu-» 
niaires qui peuvent intervenir con- 
tre lui, 

A regard du décret de prife-de- 
corps contre les domiciliés , TOr- 
donnance , a fagement établi qu*il ne 
devoit être décerné "que dans le cas 
où le délit - mériteroit : <i*être puni 
par des peines affliâives ou infa- 
mantes. Là- rigueur , dans ce cas , 
cft juftifîée par la n&eflîté dans la- 
quelle fe trouve la Juftice de pré- 
venir la fuite de Taccufé : ce n'eft 
pas préjuger qu'il eft coupable ; c'eft 
prendre une précaution néceflàire 
dans la poffibilité qu'il le foît. Mais 
pourquoi l'Ordonnance détruit -ellç 
en quelque forte la pureté de ce 
principe , en condanjnant les ména-^ 
gemens avec lefqucls quelques ac- 
Gufés alors étoient conduits dan$ le^ 



priCïns î Défendons ,porte l'article 17 
du titre 10 , à tous Juges , rohne dti 
O^e'udaés , ^ordonner qiîaucme Par- 
tie fait amtade fans fcaaddi. 



^rimiaLM 



mm 



C ïpi 3 



QHAPltRE IV, 

De^ la Prifon. 

1,5 comme on vient de Fobferver, 
la prifon dans, le cas du décret , n'efl: 
qu'un lieu de dépôt néceflàire pour 
Taccufé d'un crime grave » mais qui 
peut être innocent , pourquoi faire 
de cette prifon un lieu de peine & 
<!e fupplice.? Prenons d^s précau- 
tions fages pouç que les accufés y 
foient en fureté , pour, qu'ils ne puif- 
fent même communiquer avec qui 
que ce foit , auparavant leur inter- 
rogatoire » dans descirconftancesoùla 
gravité de Taccufation femble exiger 
ce fecret. Mais pourquoi les préci- 
piter dans le fond d'un cachot les 
fers aux pieds» & défendre wx Gwr 
chétiers de les en tirer fans ordoie 
MDce du Juge » fu&vaot l'art, x8 dyi 



* tît, 13 ? Pourquoi, fuivant l'art. 25* 
du • même titre , ne prefçrirç pour 
leur nourriture que du pain & d% 
Teau , & de la paille pour les cou- 
cher ? 

• Les peines qui réfultent d'un trai- 
tement pareil font tyrannîque's fous 
deux rapports : !*• parce qu'il n'eft 
point encore établi que i'accufé mé- 
rite defubir aucune peine; 2^ parce 
qye ces fortes de peines font fecre* 
tes , & par conféquent -perdues pout 
le Public ; & que s'il eft permis de 
faire foufïrir un coupable, ce n'eft 
qu'autant que fes - fouffrances peu* 
vent faire fur la multitude cette im-» 
preffion mêlée de l'horreur du crime 
& de la crainte de fon châtiment» 

Jlie Légiflateur vient de jeter un 
regard de commifératibn fur ce$ 
afyles infeâs , où l'homme eft puni 
ayant que d'être jugé , où l'innocent 
l^ndure les tourmeas dus au cou^ 

pable i 






pable, & les réformes qu*il prefcrît 
femblent en annoncer de plus im« 
portantes encore» 

Plus ces afyles peuvent receler 
de criminels , & plusle miniftere de 
la Religiofi devroît y être exercé 
d'une manière împofante. Il con- 
viendroit qu'il y eût des exhorta- 
tions faîtes deux ou trois fois la fe- 
maine aux Prifonnîers affemblés, par 
un Miniftre éclairé réunifiant le zèle 
au talent , amoUifTant les çceurs 
durs & pervers , les forçant au re- 
pentir, & donnant des confolations 
à l'innocence malheureufement foup- 
çonnée. 



^ 



^ 



& 



■<,i:;' V.» 



I- 



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7 



I 






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i 



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C 15)^3 



CHAPITRE V, 
Dt rimtrroçatoiref 

- £\, PRES Temprifonnement d'un ac« 
cufé 9 le Juge lui fait fubir interro- 
gatoire. Piufieurs chofes îo^t à tc- 
marquer ici. 

i^ Dans Tufage, Taccufé, à qui 
Fpn (ignifie fon décret de prîfe-de- 

'feôrps, au moment où on le |)rive 
de.fe liberté 5 n eft point inftruît par 
la décret de l'objet de faccufation. 
Qu^ôri juge de Tembarras où il fe 
trouve pour répondre , fans être 
prévenu fur rien , à toutes les qucf- 
tîons que le Juge lui feit^ J^'inno* 
cent lui-rméme , dans une pofîtion 
pareille, ne peut-il pjts avpîr Tair 
d'un coupabiç ? Par quel effort de mé- 
moire pourroit^il en effet avoir tout- 
prçoup jpréfentes à rçfprit toutes les 




1 



\ 



tpoques , toutes les cûronftances 
qui ibnt relatives aux interpella •- 
tions du Juge? ce dernier ne lui 
4onne pas même leâure de la plain- 
te; de forte que raccufé» flottant 
& incertain fur. te pomt eflèntiel 
de la recherche ^ eft quelquefois^ 
lui-même hors d'état de favoir fî 
ce qu'il dit 9 lui eft avantageux ou 
centraire. 

L'humanité femble exiger au-moins 
que le décret , fignifié à Taccufc 
à l'inftant de fon emprifonnement , 
contienne les caufes de Taccufation , 
afin que fon attention puiflè k re- 
cueillir fur ces caufes auparavant 
fon interrogatoire. Cet aâe dliu- 
manité ne compromet pas rexàâe 
juftice ; puifque. Taccufé , tenu en 
fecret jofqu'à ce qu'il ait fubi fon 
interrogatoire , ne peut rien com- 
muniquer à fes agens ou confeils 
dupçu de lumières qu'on lui donne ^ 

" J a 



-^i 



f 



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.»« 



(S' ip5 J; 

ni rien faire exécuitei^ de cotitrair^ 
à la recherche du crime qui lui eft 
imputé. Avant que de Tinterrogèr^ 
il faut encore lui donner ledure* 
entière de la plainte, car c'eft fur 
1^ faits'cfê'tmé'-plâîhtô' qifîl doit 
répondre; &''Ia Jufticei certaine- 
ment /ne doit pài' avoir pour objet 
de le fïirprendre. ' ^ 

2^. On commence paï faire prêter 
ferment à Faccufé : mais a-t-on affcr 
férietlfemént' refléchi fur les ihcon- 
▼énîçris de cet tifag;e ? ■ Si Taccùfé 
«ft coupable , ti*eft-cè pas exiger 
de lui un parjure ? car' U eft plus que 
probable que , pour fe fouftraire à 
la peine 9 il làentira à la Juftice. 
Pourquoi fe ^féî-cér , en* quelque 
Ibrté 9 à ajouter ce crime -à ceu^ 
pour lefquels ils eft pourfuivi? 

N6 fefoit**il pas plus convenable 
de lui demander s'il veut ou non 
prêterHferment î SU eft innocent , îl 



r 



>^ 



C iP7 3 

tre manquera pas de roffirir lui* 
même avec la plus gtande confiance 
pour appuyer fes aflertions ; s'il, eft 
coupable , il pourra le prêter , vour 
lant paroître innocent* Mais enfin 
le Juge 9 dans ce cas , n'aura point 
à fe reprocher de l'avoir contraint 
à devenir plus coupable encore par 
un parjure (i). 

. ^^. La manière dont un Juge fe 
permet d'interroger un accufç eft 
fbuvcnt înfidieufe ; il ne prend que 
trop aifément refprit d'une Loi très* 
f îgoureufe , qui préfume te crime fur 




(i) Suivant les ConftûmipQ^.de. Sardaîgpe ^ 
Taccufé p'e(jt point tenu de prêter ferment fur 
les faits qui lui font perfonnels> mais feule» 
ment for le fait d'autrui. Art. 8 du tit. 1 1 j 
iiv. 4. Mais le Code de Tln^uKitioa oblige 
raccufé i jutct gu'il va djre la vérité ,fur les 
Jaits qui lui font pçrfonnds t in^lheurèufe- 
ment il exifle plus d^un rapport entce nottç 
procédure ôc celle des Inq'uifîtettrs. 

1 3 




C ip8 3 

raccufatloti même; Pour arracher tfe 
faccûfé Taveu du délit qu'on lui 
impute , il hiî préfente quelquefois , 
comme prouvé , ce qui ne Teft 
pas : mais il eft au - defibus de ta 
dignité du Juge de fe permettre 
lé plus îéger menlfbnge , même pour 
parvenir à k découverte d'une im- 
portante vérité. Le Juge, qui inter- 
roge, doit adopter le doute mé- 
thodique d'un de nos plus grands 
Philofophes (i) î il doit fe dire à 
lui-même : Cet homme peut être ima>- 
cent comme il fcui tire coupable ; mon 
mmifttre fi borne à la recherche de 
TexaBe vérité (2\ 

4*. Dans nos ufages , im feul 
Juge fait cet interrogatoire , aOifté 

(i) Defcartes. 

(i) Ce ne font pas la, i la vérité, îe» 
maximes des Inqnifiteurs, qui emploient la 
ïufc & le menfongc pour arracher un areu 
de l'accufé. Voy* Dire^riumlnquifitorum^ 
par Nicolas Eymcric , ni«. Partît. 



de fort Greffier , de même qu*U jîro 
cède feul à ^audition des témoins< 
Les mêmes raifbus , que nous avons 
préfentées fur l'objet de Tin forma- 
tion ^ s'appliquent ici, L'interroga-» 
toire, qu'on fait fubir à lin accufé, eft 
un aâe de la plus grande impoir-* 
tance pour fon honneur , fom état ^ 
& ibuvent pour fa vie. Seroit-ce 
donc trop exiger, que d'ôrdonnef * 
qu'un pareil aâe ibit fait 5 par le 
Juge , en préfence de deux Officiera 
du Siège » ou de deux Gradués, pour 
mieux afliirer -la régularité de la ré- 
daâidn ? car , indépendamment des 
autres inconvéïfiens , il eft, dans 
l'expreffion , des nuances quelquefoisi 
imperceptibles pour un accufé qui 
fait mal fa langue 9 & qui néanmoins 
pourroient être de la plus grande 
impprtance pour 0\x contre lui (i)« 

(i) Les Cooftlcucions de Sardaigne, ponr 

I4 



c ^ J 

y**. L'Ordonnance veut que Tac- 
cufé réponde fans affîftance d*aucuti 
confeil : cette difpoCtion doit être 
confervée. Le Juge devant préfen- 
t«r chaque fait avec fimplicité, il 
n^eft en quelque forte queftion que 
de répondre par oui ou par non; 
& quand il ne faut qu'être vrai, 
celui que Ton interroge ainfi y n*a, 
nul befoln de confeil pour convenir 
ou difconvenir d'un -fait qui lui eft. 
ou non perfonnel. Mais cet interro- 
» gatoire une fois fubi , les chofes 
doivent changer de face , & Tinftruc- 
tion doit recevoir tine autre forme : 
c*efl: ce qu ôrt va voir dans le Cha-. 
pitre fuivant, 
* > '■■■ I ■ I I II II 

prévenir les moindres altérations, veulent que 
les répon&s de Taccufé foient rédigées a la 
première perfonne, .& telles qu'elles (ont 
rendues pour lui. Par exemple : Je nie que . . . 
Je cQnviens que*% •• Art. lo , tic. i x , liv. 4* 






C2OI J 



MW— ■— — 



!»» 



^ CHAPITRE VI. r 

De la Cmlifdtion & du Règlement à: 
V extraordinaire^ 

XlLpaè^r liiofonnadoi^ & llnterro*! 
g^tcpœ f le;lJbi^e €ft"àJpa^tée^tb; 
voir fi, par ♦la n^tUre'dfes ctargès" 
& par celle du déKt ^ la i:ronteflatioa ' 
cft dans le cas. d'être ci.^ilifée.;.ou 
s'il faut, àiL contraire ,. àjbuter. à T^ft- 
truâion- djéjà faite ,rQe. oritçre .égaler, 
ment utile 4[ la coniiiâîomdu crime' 
& à là'juftificàtîbn de IHnnocehce, 
cette épreuve rigoureufe* que Tori'' 
appelle /confroiMatiomi . ^ 

Il faut ordonner la coatiniiatiaip 
dt ia^procédixretiefitrao!rdiiiairë\ 
toutéi l^'fas^Hqi(L&lè tfaffxL'accacHi 
fation , eafuppofant que les preuves ^ 
fe foutiennènt , doit opérer la peino 
d^ mortV oai au- moins une psine 



X*î 



I 

C aoa J 

yraûnent affliâivé ; & les peines 
vraîmenl; affliâives, d'après le plaa 
que nou$ avons tracé 9. font i^ la. 
prifon pour plufîeurs années ou à 
perpétuité ; 2\ llnterdiôion pénafe 
contre un Citoyen, celle contre un 
Juge mêint pour un itèmps , ceUe 
contre un Officier fubàlternf à per- 
pétuité; ^^. la déportation dans les 
Colonies /foit à temps , folt a perpé- 
tuité ; ^^ les amendesr équivalentes 
au quart des biens des accufés ; 5 Ma 
condamnation aux travaux publics ^ 
foit à temps , foit à perpétuité ; 
6^. la dégradation de ,Noble(fe , 
rincapacité prononcée de fervir le 
Roi & r£tat dans aucuns emplois 
ou offices. 

Si le délit eft de natàre à devoir 
£tre puni par dés peines plus légè- 
res, le Juge pourra civilifo: l'affiiire 
en renvoyant les parties à Faudience ,' 
2c en ordonnant la converfipa des 



C ^03 3 

informations en enquêtes : alors Tac- 
cufé , auquel les informations feront 
communiquées, pourra , fi bon lui 
femble , reprocher les témoins re- 
prochabies , & demander à faire preu- 
ves contraires aux faits contenus 
dans la plainte ; il aura par conféquent 
toutes facilités pour fa défenfe* 
* Mais fi le délit eft aflez grave pour 
que l'af&ire mérite d'être fùivie à 
l'extraordinaire , fera-ce une raifo» 
pour les lui refufer ? La Loi ne lui 
mettra-t ellie les armes à la m^in , que 
quand il fera queftion de défendre un 
intérêt léger ? lui liera-t-elle les mains 
^u contraire , quand il- s'agira de dé- 
fj^ndre fon honneur & fa vie ? 
- . Jufqu'au règlement à Textraordi- 
oaire , la procédure a été faite dan» 
le plus grand fecret : Taccufateur a 
' eu tout le temps d'àflèoir fes preuves 
autant qu'elles ont pu Tctre ; & 
faccufé , tenu dans les liens les plus 

16 



mm 



étroits 9 fans communication ^ iând 
confeil, n'a pu dérober la marche de 
foQ crime , s'il eft vraiment coupable. 

Mais après avoir permis à Taccufa* 
leur d'employer toutes les reflburces 
dont il pouvoit avoir befoin pour 
îuftifier (on accufation , il faut donner 
à Taccufé toutes les facilités nécel^ 
idires pour juftifier fon innocence, 
s'il n'eftpascoupable.Cen'eftquainfi 
qu'on peut tenir dans une forte d'é-t 
quilibre la proteâion due à l'intérêt 
ibcial dont on s'eft occupé d'abord ^ 
& les égards dus à l'homme qu'op 
doit craindre de compromettre. 

A partir de ce moment , il con?4 
vient donc que rinftniâion devienne 
publique , & que ces témoins obf- 
curément conduits par Taccufateur 
dans le prétoire, viennent en pleine 
audience confirmer, modifier ou ré* 
trader leur témoignage. Uinftruc- 
tion devenant. chargée par yne mut 



tîtude de dépofitîons qu'il faut înter* 
prêter, apprécier & combattre, c^eft 
alors qu'il doit être permis à Taccufé 
de fe^ foire affifter d'un confeil, pour 
ne rien négliger dans une défenfe 
auflî importante (l). 

AinG, le jugement qui cbntîen ' 
tiendra le règlement à l'extraordi- 
naire, doit ordonner qu'il fera donn^ 
copie à Taccufé de la plainte & des 
noms & qualités des témoins qui ont 
dépofé , pour en venir aune audience 
prochaine avec l'accufé , aflîfté de 
fon confeil , s'il juge à propos , & 
' pour être par lui reprochés fi bon luî 
femble , récolés dans leurs dépoC- 
tions & confrorttés avec lui, 

Obfervons que le délai fixé pouif 



• r 

(i) Les Conflitutions de Sardaigne don* 
nent i Taccufé jan confeil apré$ qu'il a fubi 
fon interrogatoire; mais Tinftruftion demeure 
toujours fecretce pour le Public. 



m^ 



cette épreuve doit être au- moins 
4e quelques jours à partir de la figni- 
£k:ation faite à Taccufé des noms & 
qualités des témoins , afin qu'il puifle 
fe faire inftruire des raifons pour lef- 
queUes ils feroient reprochables.. 
^L'ordonaance exige (i) que Taccufé 
qui ignore tout jufqu'au inoment 
de la confrontation ^ & à qui les té- 
moins font préféiités alors pour^ la. 
première fois, foumifle néanmoins 
fes reproches fur -le -champ , finon 
quil en foit déchu; mais n'eft-ce> 
pas vouloir en quelque forte le ré-, 
duire à Timpoifible ? & ne diroit - on 
pas qu'il importe peu que les t&noins ^ 
foient reprochables , pourvu que Tac- 
cufé foit condamné i 



(i) Arc* i6 du tic. i^ 



>-'. 



-; A. , 



\ 



C ^07 J 



CHAPITRE VIL 

Des Reproches;, RécoUmens & C^nfrrn^ 

tations. 

Â/ans Tufâge ,, fe récolement fe 
fait féparément de la confrontation , 
& les reproches ne font fournis par 
l'accuie qu'après le réco!ement. Nous 
propo(bns ici, pour fimplifier lis 
opérations , de reprocher le témoin , 
de le récoler & de le confronter par 
un même aâe & dans une même 
féance. 

Au jour mdiqué par le règlement 
à l'extraordinaire , les témoins fe pré- 
Tenteront à l'audience publique vis- 
à-vis de Taccufé , de la partie civile 
s'il y en a , & du miniftere public ^ 
pour être reprochés s'il y a lieu , ra- 
colée & confrontés» 



t ^0% i 

Ceftdans cette importante épreuve 
que la vérité doit fe montrer avec 
éclat* Un plaignant , qui accufe en 
face defes Concitoyens ; des témoins^ 
qui comparoiiTent devant eux dans 
les Tribunaux pour confirmer leur5 
dépofitîons , ou les modifier , fem-^ 
blent y porter leur confcîençe à dé- 
couvert ; l'attention publique pefe 
fur elle, pour ainfi dire ; la vérité* 
cft comme forcée de fortir de leur 
bouche. Si ces témoins ont des liai-^ 
fons fufpeâes avec Taccufateur, ils' 
favent qu*ils vont être reprochés 
fur -le- champ : s*ils pouvoient être 
capables d*imputations calomnieufes , 
ils favent qi^e^ Faccufé va les réfuter 
avec cette cfti^nance qui accompagne' 
la bonne foi; & que^ fi le refjTeâ pa-' 
bllc donne des entraves^ â Timpot* 
ture, il donne une forte d^énergie* 
à rinnocence, ^ 



Voici donc de quelle manière il 
paroît utile de procéder. Les témoins 
ferbnt appelles dans Tordre fuivant 
^ lequel ils auront été entendus lors 
de rinformatîpn ; le Greffier donnera 
Jedure publique de la dénonciation , 
s'il y cri a- eu de régulieremenr faite , 
de la plainte & de Tinterrogatoire. 
Enfuite , & après la leéhire des noms 
& qualités du premier témoin , le 
Juge demandera à Taccufé s'il a des 
reproches à fournir contre lui ; • le 
procès-verbal , didé par le Juge, 
toujours aflîfté de deux autres Offi- 
ciers , contiendra la réponfe de Tac* 
cufé, ainfi que les reproches qu'il lui 
plaira de propofer contre le témoin, 
s'il en a. 

' Après ces reproches, il fera donné 
lefture de la dépofition de ce té- 
moin , & le Juge lui demandera s'il 
y perfifte , s'il entend y ajouter ou 
diminuer. 



C 5tio 3 

Remarquons ici que, fi lefémbiit 
fe rétraâoit en alléguant une excufif 
raifonnable de fon erreur , il ne fau- 
droit pas le pourfiiivre eonimc feu3t 
témob ; cette rigueur feroit plus fa- 
tale à Taccufé qu'au témoin peut étre^ 
puifqu'elle ferait à celui-ci une forte 
de néceffité de perdre J'accufè en 
perfiflant dans^ne dépofîtion faufiè » 
pour éviter de fe perdre lui-même. 

Si le témoin përfifte dans fa dépo- 
fition , Taccufé, aflifté de fon confeil , 
fera le inaitre de lui faire fur cette 
dépofîtion telles interpellations qu'il 
jugera nécef&ires, auxquelles inter- 
pellations le témoin répondra ce qu'il 
croira convenable j & le procès- 
verbal contiendra tous ces faits, in- 
terpellations & réponiès, 

La rédaâion de ces opérations* 
ayant été lue pour conftater ù^ régu- 
larité» eUe fera figmée par Taccufe & 



Caii 3 
par le témoin s'ils favent figner, &: 

par les Juges qui procéderont à cette 

opération. 

Il fera procédé de la ibrte \ïs-kr 
vis de chaque témoin , en plufieurs 
féances, û le nombre des témoins 8t 
la nature de Taffitire ne permettent 
pas de remplir ces formalités dans 
une feule. 

Les témoins qui n'auroient pas 
chargé Taccufé dans Tinformatic^, 
feront pareillement tenus de corn* 
paroître , parce qu'il feroit poflible 
que^ dans cette épreuve çpntradic- 
toire & publique, ils ajoutailènt à 
leur déposition des faits qui ten- 
diflênt à la charge ou à la décharge 
de Taccufé. 

Dans cette efpece de lutte , nous 
avons fattention de ne donner aux 
combattans que des armes égales. Si 
les témoins ne font pas prévenus fut 



/ 



les interpellations que Taccufé peut 
leur faire, Taccufé rie l'eft point non- 
plus fur leurs dépofitions, qu'il en- 
tend pour la première fois lors de 
cette épreuve; & en tenant airifî la 
balance en équilibre entre Taccufa* 
teur, fes témoins & Taccufé, c'eft à 
la vérité feule qu'il appartient de la 
faire pencher. 

Cette épreuve publique faite d'une 
iHaniere franche, noble & impofante, 
fuffira ceftainement pour procurer 
l'évidence dans la plupart des pour- 
fuites de ce genre î & fi l'accufé , 
conime il arrive foûvetit , n'a pas de 
témoins à faite entendre , le minif 
tere public pourra donner fes con- 
cluCons dans la féance où cette 
épreuve fera terminée , & les Juges 
mêmes feront à portée de pronc»icer 
leur fentcnce. 

Mais il eft quelques affaires telle* 



£213 3 

ment compliquées, qu'elles exigent 
une inftruâion plus ample , foït rela' 
tivement à l'incertitude & à la nature 
des preuves que l'accufateur peut 
réunir contre l'accuTé, {bit relative 
ment aux faits juftificatifs de l'accufé 
contre l'acculàteur : de-là quelques. , 
réflexions à propofer fur ces preuves 
& fur ces faits. 



£ "4 5 



CHAPITRE VIII. 

Des Prewes & Indices. 

KJ V accûfé doit ctrc abfous , s*il 
n^exifte point de preuves contre lui; 
)(bn innocence eft préfumée par cela 
feul : il n'eft pas obligé de prouver 
qu'il n*a point donné la mort à cet 
homme dont ràiTafllnat. forme Tobjet 
de la pourûiite ; il Tuffit qu'aucun 
témoin ne le .charge de ce crime. 
Gardons-nous de porter atteinte à 
des maximes pareilles ; ce . feroit 
violer les droits les plus faints de 
rhumanité. 

Deux témoins unanimes & irré- 
prochables fuivant nos règles (i)^ 



> 



(i) Nous ne nous occuperons point ici 
4es circonftances <pi renflent les témoins 
repiochables ^ nos Criminaliftes préfemen( 



•mp" ^Vè*^ ^ 



- < 



% 2i; 3 

qui . dépoferoi^nt avoir vu Taccufé 
commettre l'attentait ^ fuf&oient 
pour le conduire au dernier fuppUce* 
iVoilà nos principes ; il faut bien les 
admettre , a moins que la crainte 
d'être trompés par ce témoignage , 
ne l'emporte fur celle de tous les 
défordres que pourroit entraîner 
Fimpunité des crimes. Gémiiibns fur 
les bornes de la fageflè humaine; 
elle marche entre àt% écueils , & le 
plus dangereux eft celui qu'elle doit 
éviter. 

La confeffion del'accufé ne pourra 
former de preuve s'il , n'exifte aucun 
témoignage contre lui ; l'intérêt qui 
nous attache à la vie eft fi naturel 
& fi général , que nous fommés en 
quelque forte fondés à regarder 
CQmme in(ênfé celui qui , n'ayant 

fur cette matière à<t% principes trè^î^fages , & 
DQUs n'écdvons pas pour faire un volume. 



aucune efpece de preuve à craincire , 
s'avoueroit coupable d*un crime aflèz 
grave pour devoir être puni par la 
mort. De-là cette maxime t Non au- 
ditur ptrirt yolens. Mais il n*en doit 
pas être de même fans doute, quand 
la confeflîon de Taccufé fe trouve 
jointe à la dépofition précîfe d'un 
témoin non-fufpeâ: ; car , fi la crainte 
de la peine femble faire à Taccufé 
imc néceffité de la dénégation , il 
faut convenir néanmoins quHl eft des 
cîrconftances où la vérité a un grand 
empire , fur-tout quand elle eft pré- 
fentée à Taceufe par un témoin qui 
foutient , avec fermeté , lui avoir 
vu commettre Tattentat. 

Quant aux indices qui viennent 
quelquefois à Tappui de la preuve^ 
ou par lefquek on cherche à la fup- 
pléer, il n'eft pas poflîble d*aflîgner 
des règles fixes. La preuve fuppofe 
rimpolfibillité qu*u|i autre que Tac- 

çufç 



cuSé foit coupable du délit ; l'indice 
préfènte feulement la probabilité que 
l'accufc en eft coupable. Pour que 
' la Juftice pût condamner ' fur des 
' indices , il faudrott donc que les 
probabilités qu'ils préfenteroient , 
fulTent rellement accumulées , Se 
offriflênt un faifceau de lumières 
aSez confidérable pour équîvaloic 
â l'évidence de la preuve ; il fau- 
droit que Je concours de ces in- 
dices multipliés opérât ce que nous 
appelions probationes luce dariora. 



f 



"N 



C 2ï8 3 

« Mil' ^iMï^tfét 

CHAPITRE IX. 

Des Faits jujlijicatifs & des Exemptions 

péremptoires. 

ij*ORDONNANCE , après \m% 
longue & rigoureuiê . înftrudtion , 
permet enfin à Taccufé d'articuler 
cjes faits pour fa défenfe , & de de- 
mander à en faire la preuve : mais » 
par les entraves qu'elle met à cette 
faculté naturelle, on diroît que c'eft 
plutôt une grâce qu'une juftice qu'elle 
accorde ; ^ufli rend - elle cette dé- 
fenfe extrêmement difficile , foit en 
refufant à l'accufé tbute communi- 
cation dii procès , foit en ne lui 
permettant pas d'articuler des faits 
juftificatifs, autres que ceux con* 
fignés dans fes interrogatoires Se 
confrontations ( i ) - ^ 



(i) Art. * du tic. 18, 



■«■IVM 



Supprimons cettis injufte & tîop 
dangereufe rigueur. 

L'inftrudion , comme on Ta déjà 
dit , doit être fecrete dans le prin- 
cipe , pour empêcher qu'on ne fafle- 
lien de contraire au fuccès de la 
recherche ; elle doit devenir publi- 
que à partir du règlement à l'extraor- 
dinaire , pour vérifier les dépoCtions 
des témoins par l'épreuve la plufi 
efficace : cette formalité remplie, 
elle doit être commune à Taccu^- 
teur & à Taccufé , afin d'y prendre 
les armes dont ils ont hefoia , Ti^n 
pour (butenir fon attaque , & l'autre 
pour y défendre (i). 

Ceft par ces gradations , (àgemcnt 



(f) En Sardajgae^ quand l'inilniâloa câ 
Ikite, on ordonne, au choix de Taccufê, 
qu'fl lui en fera délivré copie, ou qu'elle 
fera communiquée â fon Avocat, ^rt. 3^. 
^t» l%f.lisf» 4 dcf CanftiwL 



r 



€ ^20 3 

ménagées, qu'on peut arriver dans 
les affaires difficiles au période né-' 
ceflalre , tant pour la cohviâion du 
crime , que pour la juftification de 
l'innocence. 

Il ne fuffira pas a Taccufé de 
pouvoir prendre , par fon défenfeur, 
communication des pièces du pro- 
cès , pour mieux afTurer fes faits juf- - 
tlficatifs , sHl en a de valables àpro- 
pofer ; il doit enèore lui être permis 
ci*en articuler d'autres que ceux con- 
(ignés dans fes interrogatoires & 
confrontations , fi ces autres faits 
ont un trait dired à fa défenfe: car, 
lors de ces ades, il a pu omettre. 
des circonfbnces e0entieUes , il a 
pu ignorer des faits important; or, 
le défaut de mémoire , de préfence 
d'efprit , l'ignorance , oe font certai- 
nement pas des crimes qu'il faille 
punir de mtort. 
Mais fera-t-U donc oécelfaire , 



T.^^. 



I 



C 2^1 3 

dans tous les cas , d'attendre le conv 
plément de rinftrudion ^ pour qu« 
Taccufé foit admis à la preuve de 
fes faits juftificatifs ? 

L'Ordonnance , par une difpofi- 
tîon générale , lui interdit toute 
efpece de preuve , fi ce n'eft après 
la vifite du procès. La dureté de 
cette difpofltion a étéfentie depuis 
long-temps ; nos Jurifconfultes ont 
en conféquence cherché des pallia- 
tifs. Parmi les moyens qu'un açcufé 
peut employer pour fa défenfe , il 
en eft qu'ils ont càradérifé d* excep- 
tions pérempioires , & d'autres de 
faits juftificatifs proprement dits. Us 
ont penfé que la preuye de l'excep- 
tion péremptoire devoit être ordon- 
née auflî- tôt qu'elle étoit demandée^ 
& que celle des faits juftificatifs 
ne pouvoit l'être qu'après la vifite 
du procès. 

Mais il s'élève fans cefle des difE- 

K3 






C 224 3 

Dans le fécond icas , il' n*y a poînt 
de donnée comme dans le premier, 
puifqu'il n'exUle auctin corps de délit ; 
la Société ne voit nulles traces du 
crime que l'accufation fuppolè: cette 
accu^tlon pourroit être • le fruit 
d'une méprif» ou d'une calomnie; 
rintérct de la pourfiiite eft par con- 
séquent ici bien moins pref&nt. 

Pourquoi , dans ce cas , l'accufé ne 
feroit -il point admis auffi - tôt fon 
interrogatoire fubi , à prouver par 
exemple que l'homme, qu'on l'accu- 
feroit d'avoir aflàlïlné , exifte dans 
tel ou tel lieu î pourquoi même , 
en fuppofant la réalité cfun délie 
quelconque, ne feroit -il point reçu 
éprouver qu'il n'en eft pas l'auteur, 
parce' qu'il étoit dans tel pays fort 
éloigné à^ç&û àiLdétlt.le jourau- 
queT^lr prétendrott qu'il auroit été 
commis ? pourquoi enfin , fî l'accu- 
fation n'avoit , d'autre motif que la 



méchanceté de Taccufeteur , & fi 
^ce dernier avoit corrompu des té- 
moins pour fervir- fa haine , Taccufe 
.ne feroit-il pas recevable à rendre 
plainte contré lui en calomnie & 
fubornation , & même ,en faux té- 
moignage contre tels ou tels té- 
moins ? 

Si une pareille plainte étoit pré- 
fêntée, il faudroit furfepir à Tinftruc- 
tion de Taccufation principale, jufqu'à 
ce que la plainte incidente eût été 
inftruite dans la même forme que 
celle ci r deflus propofée. Si cette 
plainte étoit juftifiée par rijiftruc- 
tion , il faudroit, en y faifant droit» 
anéantir en même temps Taccufa- 
tion principale dont la calomnie fe- 
roit évidente ^ alors. Enfin , fi la 
plainte .incidente • n'étoit pas jufti- 
fiée , il faudrpit que le Jugement 
qui la profcriroit , ordonnât qu*il fe- 
roit paffé outre à k confrontation 

K f 



pour juger àébiivy 

Aiof. , nous °« P . . ^ qui doi- 
-^•'^''^'"^Ctt occuper, dans 

vent perp^^f ^^"e importance , 
une Hiatiere de ce«e J ^^^ ^^^,„, 

de délit certain , «^JJ .^ j i„,^rét 

/tfc/W.- car la ^«5 j^s promr 

tcment P^^^''^* <,,^ «'exifte po^"« 
du coupable. =• ^^ contraire, 

de corps de <»^" ^„^ U s'ecne*. 

écoutons Pf^'^.'-^n, dépofe contre 

Auem fait '*^"'"^^/'J^Jr la mé- 

tho^eté de ^«^f« j^^^ .^^ji^e 

i, mon '««r!"l ae mes témoim . «»- 
e/ «iani la bouche ae mes 

•■wiwfeî-Ie* • 




^ 



CHAPITRE X. 

Des Jugtmtns de première injiance. 

Kjès Jugèniens font mtérlocu- 
toires du définitift. 
' Un Jugement interlocutoire eft 
celui qui admet Faccufé à prouve! 
fes exceptions pérémptoîres ou fes 
faits jûftificatifs , & nous Venons d'crt 
apprécier Tutilîté. 

C*étoît encofe un Jugement în-^ 
terlocutoiré que céliiî qui, dans lé 
ca* dJinfaffifanee des preuves , ordoiai- 
noît que TaccuCî feroit appliqué i 
la^^ueftion, & diaprés lequel le Juge 
fenibloit lui dire : Si ta inavoués cou^ 
patte y ton aveu te conduit au fuppticés 
jft tu ne veux pas te condamner à la 
mort par ton aveu , je rais te faire 
fouffrir un tourment plus aigu & plus 
long que celui de la mort prompte^ 

K 6 



' / 



à laqiuUe tu tt condamntrois ; fi tu et 
ajfti robufit pour que la douleur ne-- 
braale pus ta fermeté , que tic mérites 
la mort ou non , tu vivras. BénîfTons 
le Légtflateur, dont la main bien- 
£ai&nte vient d'arracher cette diTpa- 
fîtion barbare de noti^ Code (i), . 
La Juitice ordonne quelquefois un 
plus amplement informé pendant un 
an , quand elle n a pas de preuves 
fuffifantes pour condamner ou pour 
ablbudre. Cet ufage mérite d'être 
confervé : mais il paroit trop dur 
de rétendre au plus amplement in- 
formé indéfini. Dans ce cas, un ac- 
cufé n'eft relâché qu'avec menaces 
de le reprendre s'il fe préfente de 
nouveaux indices : c'eft tenir un Ci- 
toyen perpétuellement fous Tana- 
^me de la Loi ; c'eft imprimer la 
tache de FinEsunie lûr le firont d'un 



(i) Dédanôon da Roi, du mois dcSepcemb. 
»78o. 



^ 



dçcufé qui , peut - être , n'eft pas{ 
coupable : il vit en tranfe ; il voit 
Je glaive de la Juftice fufpendu fur 
fa tête ; il craint à chaque inftant de 
tomber fous fes coups : cet état eft 
trop cruel. Si après le plus ample- 
ment informé pendant un an , il no 
furvient pas de nouvelles preuves, 
il faut renvoyer Taccufé , en pronon- 
çant par un hors de Cour fur Tac- 
cufation. 

Ce hors de Cour n'emportera point, 
d'infamie. Il peut rendre Taccufé 
fufpeâ: mais fi fa conduite ultérieure 
eft d'une honnêteté fouteoue , les 
gens de bien n'imputeront fon in- 
fortune qu'à ce concours de circonf^ 
tances quelquefois aflez fatales , pour 
prêter à l'innocence même , les appa-. 
rences du crime. 

Il ♦ eft deux autres (brtes de Ju- 

gemens définitifs ; celui de la dé-- 

' charge pleine & entière , ^'il n'exiftç 



VI 



€ ^3^ 3 

point de preuves contre Tacxufé ; & 
celui de la condamnation , s*il y a 
preuves fuffifantes contre luî. 

Maïs , quels que foient les Juge- 
mens , interlocutoires ou définitifs ^ 
rinftruétion une fois devenue pu- 
blique , à partir du règlement h 
l'extraordinaire , il convient que ces 
Jugemens foient publiquement ren-^ 
dus , & même que Taccufé foît 
admis à faire plaider fa caufe , quand 
elle eft telle qu'un défenfeur honnête 
doive faire des efFerts pour luî. Sî 
àti affaires du plus modique objet , 
qui nlntéreffent que deux particu- 
liers , & qui font indifférentes à 
Tordre public , lé difcutent tous 
les jours dans nos Audiences ou- 
vertes à tous les Citoyens ; à plus 
forte ralfon doit-on difcuter & juger 
publiquement ces pourfultes rlgoù- 
teufes 5 qui ont pour objet Tîntérêt 
4e la Société entière ; & n'efl-il 



pas étrange de lui faire un Tecret 
d'une difcuSion engagée pour elie ?~ 
Ajoutons que cette publicité ne 
peut qu'aHurer la régularité du Ju- 
gement. Hélas ! tel eft le fort deS 
vertus humaines , que fouvent , 
pour ne fe point démentir , elles 
ont befoin d'être foutenues par h 
préfence impofante du Public. 






CHAPITRE XL 

De rappel des Jugemens déjinitifi» 

. JL ' A p P £ JL , dont nous ehtendgns 
parler ici , n'a d'autre objet que Jà 
révifîon du Jugement de première 
înftance par les Juges Souverains 
du refibrt, quand le crime qui fait 
la matière de là pourfuite , doit; être 
puni par une des peines indiquées 
au Chapitre VI de cette troifieme 
Partie ; quand il s'agit en un mot ^ 
de flétrir un Citoyen , de le priver 
de fa liberté ou de fa vie. . Les droits 
de rhomme ne font -ils pas aflez 
précieux pour ne pas faire dépen- 
dre (on fort d'un premier Jugement ? 
-Il importe à l'himianité , & à l'in- 
térêt public , que l'appel foit de 
droit en pareilles circonftances , ou 
q^i'il foit toujours interjette par 



? 



r 



 



N 



Ç235 3 _ 

rOfficîer chargé du minîftere pu^ 
blic 5 quand bien même Taccufé ne 
réclameroit pas (i). 

Suivant le. Code Britannique , il 
n'y à pasr lieu à Tappel du Jugement 
de première inftance, quand ce Ju- 
gement contient la décharge de 
raccufatk>n : mais s'il y a Jugement 
de condamnation , & que cette con- 
damnation contre Taccufé foit nç- 
toirement injuAre » elle eft anéantie 
fur la pourluite du Roi* 

Cette dîfpofition tient au vice 
même du Code , qui , par excès 
de ménagement pour l'humanité , ^ 
perd quelquefois de'vye les intérêts 
du corps focial. Nous avons dit que 
la perfeâîoa de la Loi , dans ce 
genre 9 devok conitfter à tenir la 
balance égale entie les dxcôts de 

^— t— -I ■■ I ! ■ ■! I , , I l ' , _• I I I ■! 

<t) Même règle, art. i*'. tit it, liv. 4 
âcs CoQ(^i;ucxoQS ^e Satdaigne. 



n 



C ^34 > 
ilioinme & rintéret de la Société. 

£n partant de ce principe , nous 

penfbns que la Sentence qui dé« 

charge un accufé en matière grave , 

doit être, (ujette à révifion comoie 

Mlle qui le condamne à fubir la 

peine : au premier cas ^ parce que 

l'intérêt du corps fbcial a pu être 

facrifié aux égards dus à l'homme; 

au fécond cas , parce que les égards 

dus à rhomme ont pu être f acrifiés à 

une recherche injufte , dont rintéret 

du corps focial auroit été le prétexte. 

Mais quelle fera la forme la meilr 
leure pour procéder à cette révifion ? 

L'aâkire a reçu fon inftruâion en 
première inftance;les informations^ 
les interrogatoires , les procès-verV 
baux de reproches , récolement & 
confrontation, en font partie ; la 
promptitude de l'expédition iemble 
exiger que des procès de ce genre 
foient difiribués de la manière pref^ 



çrite par FOrdonnatice de 1070, 
pour être rapportés par Tun deS 
Magiftrats ed la Chambre ^e la 
Tourftelle , & d*aprè$ les conclufions 
par écrit du miniftere public. 

Mais ferôit-ce fluire à l'expédî- 
tioîi 5 que de faire ces rapports pu- 
bliqueméftt , & de donner au Public 
en dernier reflbrt . comme en pre- 
mière inftance , la fatisfaâion d'être 
iftftruit des circonftances d*une^af'- 
faif e pourfuivie en fon nom ? Le rap- 
port public n*entraîrîeroit' pas , ce 
femble , de plus long's délais ni de 
plus grands détails que* le rapport 
fecret. De jeunes Magiftrats trouve- 
roient dans, cette carrière de nou- 
veaux motifs d'une noble émula* 
tion 4 & les occafions d'étendre Itvtt 
gloire (I). 

(i) La publicité du rapport n'empêcheroît 
pas qu'on ne fît retirer le Public pour recueil- 
lir les Toiz avec plus de liberté. 



-', 



t23ÎÎ3 

Ce feroit alors que dans ces afiaw 
res fur-tout qui excitent un grand 
intérêt , fbit à raifon 4e la qualité 
des perfoonages , (bit à raifon de la 
bizarrerie des circonftances , un in- 
nocent déchargé de raccuiâtlon^ 
jouiroit de tout fon triomphe. Avec 
quelle ùinte ivrcttc le Public aflêm-- 
blé entendroit TArrét qui briferoit: 
fa chaîne ! ayec quelle fatisfaâion 
fes amis voleroient dans fes bras 1 
L'éclat (fune parelUe îuftification 
n'eflril pas dû à Phomme de bien 
qui a long - temps foufièrt ? & les 
larmes d'une joie pure, quicoule- 
roient alors dans le fanâuaire , n'ho- 
noreroient-elles pas la Juftice ? ^ 

Si la jufttfication d'un issocent 
jBKÎ^e la iênfibilité d'une ame ver- 
tueufe y la conviâion du crime pro- 
duit rindignation : le cœur alors iè 
ferme à la pitié ; & le Public , pré- 
paré à l'un ou à l'autre de ces évé- 



€ 237 3 
nemens par un rapport lumineux 8^ 

par une difcuflîon fage , trouveroit 
dans cette expoiîtion , une moral* 
d'autant plus perfuafive que l'exem- 
ple y feroit joint au précepte , & 
que la -peine y fuivroit de près le 
Crime : le fentiment profond & gé- 
néral produit par ces Hautes leçons , 
. pourroit-il être autre que Thorreur 
du vice Scfamour de la vertu (i)?. 



{i) La ma,nîere dont nos Cours Souveraines 
font compofèes, met à l'abri de toute inquié- 
tude fur la forme ufîtée pour les rapports. Ce 
qu'on propofe ici > n'a d'autre objet jqu'un plus 
grand bien. 



*V^ 






\ 



4 



C238 3 



CHAPITRE XI î. 

Pe la pluralité nécejfairt dans les 
Ju£ragu pour la condamnation^ 

JLf £ s hommes font jugés par des 
hommes ; & des Juges égalemeaC 
honnêtes , également înftnilts , dif- 
férent quelquefois dans leurs avis. 
Dans les Tribunaux les voixfe comp- 
tent, & la pluralité l'emporte. Mais 
quand il s'agit d'ijne condamnation 
capitale , ai faudroit-il pas une plu- 
ndité {dus grande, qu'en toute autre 
matière? Les Rédaâeurs ■de notre 
Code ont paru fentir cette vérité : 
en conféquence l'art. I2 du tit. 25* 
porte qu*en Cour Souverame le Ju- 
gement doit paflêr à l'avis le plus 
- doux , fi le plus févere ne prévaut 
de deux voix. Maïs eft-ce pncore 
ailèz de deux voix de plus contre 



Faccufé dans un Tribunal compoCE 
d'un grand nombre de Juges ? & le 
peu d'importance . que cette diffé- 
rence paroît avoir , permet-il de lui 
donner . un effet auffi terrible que 
celui de conduire un Citoyen à Fé- 
chafaud î! Pouvons-nous croire que 
l'infortuné qu'on envoie - à la mort 
foit évidemment convaincu du cri- 
me qui la mérite , quand dans un 
Tribunal de vingt ffix Juges , par 
exemple , douze oiïl été d'avis qu'il . 
ne devoît pas périr ? "• ^ %'. 

Nous ne propoferôris pas d^adop- . 
ter la Loi Britannique , qui fait dé- 
pendre la condamnation capitale de t * 
l'unanimité des fuf&ages : ce feroit - 
la rendre fouvent trop difficUer, lors 
même qu'elle feroit évidemment mé- 
ritée-, car la volonté d*un feul pour- 
roit alors balancer la volonté de tous 
le$ auttes. Mais ne pourroit-on pas 
trouver un- tempérament qui fe- 



u7 



toit juftifié par les calculs de la pru- 
dence ? Suivant nos ufages, il fuffit 
de trois Juges pour prononcer ' fur 
une accufation capitale en première 
Inftance ; parmi ces trois J.uges ^ il 
fuffit qu'il y en ait deux pour la 
condamnation. Confirmons cette re- 
gle, en établiflânt la même propor- 
tion pour le Jugement de Cour Sout 
veraine. Le condamné en caufe prin- 
cipale par un Tribunal de trois Ju- 
ges, ne Ta été que parce quil a eu 
au-moins deux voix contre lui , c*elt- 
à-dire , dans cette efpece , les deux 
tiers duTrîbunaU Pourquoi, en Cour 
Souveraine , n'exigeroit-on pas , pour 
une condamnation pai'eille , les deux 
tiers des voix contre l'accufé ? 

Cette pluralité feroit aflèz confi-r 
dérable,p6ur tranquilliferles e/prits 
fuj: la crainte d'une erreur fatale à^ 
l'innpcence , & ne Iç feroit pas aflèz 

pour 



pour craindre que le crime prouvé 
ne fût pas puni. 

Au furplus, la plupart des affaî- 
res criminelles , fur - tout d'aprèis 
répreuve de la confrontation ^ubK- s 
que , fi eDe eft admife , doivent por- 
ter, avec ejles ua caraâçre d'çvî- 
dence. qui de lui-même entraîûe la 
plus grande pluralité. La condition 
(ies Juges* (ècoxt bien doujoureufe. 
(î, quand il eu queflion d^s droits 
les plus précieux de rJiunianitjé y d^ 
Fétat & de la vie Àqs Jioi;nmes , ils 
n'avoient jainais que des problèmes, 
difficiles à réfoudre. Mais quand ces 
cas fe préfenteront , n'oublions pas 
que le fang 4e finnocent orie ven- 
gçance , & quiLvaiidrpît mieux laif- 
fer plufieurs crimes impunis, que de 
rifq^r de le répandre. 






£ 



91 



€^42 5 



■>>iitYK?: ^iiirf>y 



CHAPITRE XIIL 

Des Jugemms fouvtraim (S* de kur 

epçicunon. 

i5*A G I T- r L. d'un Arrêt qui . con- 
tienne la décharge d'un accufé, foit 
en confirmant , foit en infirmant le 
Jugement de première inftance ? la 
Juftice ne fauroit être trop atten- 
tiye à proportionner la réparation 
iu préjudice ; car les outrages faits 
à Pkomme jufte, alarment la plus 
précieufe portion de la Société, tous 
les gens de bien. 

* Si le miniflere public a pourfuivî 
feul fiir une rumeur trompeufe, & 
fans dénonciation régulière 9 alors 
ce fera le cas de décerner à Taccufé 
un «écutoire fur la çaiflè des con-^ 
fifcations pour le montant de fin- 
demnité qui lui eft due > amfi quQ 



j 



nous l'avons expliqué Chapitfe XIII 
de la première Partie. 

Si k pourfuite a été faite par le 
miniftere public conjointement avec 
une partie civile , c*eft la partie civile 
qui doit ^e condamnée à la répa- 
ration du préjudice. 

Si le miniftere public a pourfuivï 
feul fur une dénonciation fecrette 
d'abord , mais devenue publique à 
la confrontation (r) , & qu'il foît 
évident que la dénonciation n'étoit 
pas le fruit de Terreur , mais celui 
de la méchanceté ; le dénonciateuc 
doit être condamné par le même Ju- 
gement qui abfbudra l'accufé , ^ Tin- 
demnité du tort qu'il lui a fait (2); 

(i) Voyez Chap. VII de cette Ul\ Partie. 

h) Dans nos .ufages , Taccufé ne peut 

obliger le miniftere public â lui nomiîier £bn 

" dénonciateur 'qu'après qu'il a été déchargé 

par Arrêt ^ de forte qu'il faut que ce mzU 

lieurdut^ après aivoîc long-têmps foufiert/ ait 

La 



f 

■ 

I 



1 

I 

■ 

J 



C^H4 J 
fir en cas <fiiiiôlvabilité , cette m- 

demnité doit être (bppléee parla cai& 

àes mofiira rions , potfque la poui- 

faàtt a été Êite au nom du miniftere 

pobfic, &uf à lui â lequérir contre 

Je ratotnajarcw qui fa trompé^ les 

pâocs affîârves que Tordre îocial a 

le dbott if o^er pour on délit de ce 



STi^'îi â^aa Anet de condam* 
) il dcMt s'exécutei avec la 
|iIb$ gaait publicité. Que le cilmi* 
(oit conduit dans le lieu de ion 
! que le fcaadale foit réparé 
par Tcaemifh du châtiment ! S'il eft 
^Qcfiiao de b peine de mort , que 
fsetre pdne ibit toujoiHns précédée de 
ce ccrgnonial impoÇint, dans lequel 



■L iMOprcan procès podr parvenir i 
toa iodoBiasi, ou qo^ y icqoqcc $ (k For* 
«ne, épiBËe par k premier procès, ne loi 

pas Jha foatcQU on fecood« 



r» 






t ^4; 3 

le coupable , à genoux & la torche 
au poing, demande pardon à Dieu 
& à la Jufticé. S'U s^agît d*un cou^ 
pable puni par la déportation daiii 
^ les Colonies, ou par la condam-» 
nation aux travaux publics , qu*il 
folt expofé publiquement au pilori 
^ ou au carcan dans les carrefours ^ 

aVec les marques indicatives de fort 
crime ! car la langue des fignes eft 
éloquente pour le Peuple , il faut 
frapper fes yeux. Que f Arrêt de 
condamnation à mort rappelle fiir-^ 
^ tout Tatrocité du délit, pour empè» 

f^ cher la pitié que pourroît produire 

^ le fpedacle du fupplice ! car tm fen^ 

? ^le n*eft jamais vertueux quand il 

*^ n*eft contenu que par là crainte des 

? peines ; il faut qu*il le foit encore 

par dette horreur du crime, qui 
. n'exifte jamais fans le goût du bien. 

^ Ceft ici qu'une Nation qui pré- 

tend avoir atteint le plus haut de- 

L s 



;.; 



1; 

if 



) 



^ 






L 



gré de fageflè dans fa Police pénale ^ 
«'cft écartée vifiblement du but. Eçi 
Angleterre le fupplice eft comme 
^pouillé de cette horreur qui forme 
fa véritable utilité. Les coupables , 
fou vent en allez grand nombre^ 
font conduits environnés de leurs 
parens , de leurs amis ^ au lieu de 
l'exécution : ils haranguent le Pu- 
blic \ ils font bravade d*une froide 
intrépidité \ ils regardent la mort 
prompte qui les attend , comme un 
paffage rapide qui va les délivrer des 
iniferes humaines ; & le Peuple 9 en 
s'affemblant autour d'eux ,, paroît 
j[noins avoir pour objet de les hu- 
milier par fon indignation , que 
d'applaudir à leur courage. 



. / 



€ 247 ) 

.1 -'" I --If ^\ •-• ' "- -- - ijj 

CHAPITRE XIV. 

Dé la Contumace. ' 

O r un accufé, par la crainte d'une 
inftruâion auffi rigoureufe que la 
nôtre , ou par quelqu'autre motif, 
fe dérobe à un décret de prife-der 
corps lancé contre lui, la Loi veut 
que fes biens foient faifis & anno^ 
tés , fans même qu'il foit befoin de 
permiffion de Juge ( i )• 

L'Ordonnance civile prefcrit aux 
Tribunaux de ne prononcer une 
condamnation demandée contre une 
partie défaillante , même pour l'in- 
térêt le plus modique , qu'autant 
que fa demande fe trouve vérifiée ; 
& l'Ordonnance criminelle , quand 

il s'agit de la mort civile du défaîl- 

— - — _ _■ ^_____^_— ^^ 

(i) Art, i" du th, 17. 

L 4 



C ^8 3 

lant » de fa ruine entière y. & de la 
confîfcation de fes biens , veut que 
le Jugement qiiî interviendra con- 
tre le contumax fur les concluions 
du miniftere public , déclare la conr 
tumace bien inftruîte, qu*ii en ad- 
juge le profit , & qu*il prononce la 
tondamnation de faccuie (i) : ain/î 
h Loi paroît réputer Taccufâtion 
]iiftifiée , par la feule raifon que 
Taccufé ne fe préfente point pour 
la combattre. 

. Ce procédé, tient à Texceflive fê- 
vérité de notre Code, Si nous blâ- 
mons quelques ufagcs de nos vol- 
fins , nous pourrions adopter en 
partie leurs principes fur l'objet 
dont il s'agît ici. 

En Angleterre , celui contre qui 
le Juge a décerné un décret dç 
prife-de-corps , eft fommé de com- 



(i) Art. 15 du lit» 17. 



j)aroître par cinq proclamatiort^ fuc- 
ceflîves : à défaut de fatisfaire â la 
dernière, il eft réputé ex-Loi; c'eft- 
à-dire qu il eft privé de la prptedion 
de la Loi , & qu'il ne peut plus 
jouir alors des biens qu'elle âccoi-dô 
à chaque individu ; les TribunaU^^ 
font fermés pour lui , & il n'a pîui 
d'adion en Juftice pour la confer- 
vation de fes droits. Adoptons cet 
ufage , ou , fi l'on veut , ne permet- 
tons de faifir & annoter les biens- 
meubles & le5 revenus de l'accufé 
qu'après lui avoir fait , à des épo- 
ques différentes , trois fommations 
de.fe préfenter ; mais^ne le décla- 
rons pas coupable , par la feule raî- 
fon qu'il ne fe préfentera pas : que 
les ténibins qui ont été entendus 
cotïtre lui , foîent récolés & confron - 
tés à l'Audience vis-à-vis du mînif - 
tere public , auquel il appartient de 
défendre les intérêts des abfens , 



I 



,1 ■ 



! 



V 



C 2;2 3 



tMOU 



CHAPITRE XV. 

Idée £un Supplément nécejpùn à cet 

Quvrage. 

JL/aks les réflexions rapides qiid 
nous venons de tracer ^ nous fommes 
loin d'avoir tout apprécié, tout pré- 
vu ; cependant notre Plan embraflbit 
plus d'étendue encore , lorfque nous 
l'avons conçu. 

II ne fuffit point en effet de fixer 
les vifaî^ priricfpes de la inatiere,~^ 
de pr6p6rtibnner lies pebes aux 
difFéreris genres de délits , & de ré- 
gler la manière dont on doit pro- 
céder à lêUf poulrftiite': ce feroît 
rendre à rhumariité un fervîce beau- 
coup plus important, que d'établir 
les précautions propres à rendre ces 
délits moins fréquens , & les pei- 
nes par conféquent plus rares. Cet 



^m 



\ 



\ 



€ ^;3 3 

objet d'utilité paroît moins dépen- 

dre des^ Loix que des mc^urs : maïs 

le Légiflatéur, par des réglemens fa- ^ 

ges, peut parvenir à modifier les v 

^ mœurs , & rendre à Thomme la pra- 

^ tique 'des vertus plus facile , en éloî- 

p gnant de lui les motifs qui le portent 

aux: vices , & ces occafions dange- 
reufes qui font comme le foyer de 
leur fermentation. 

Ces vices p^roiflent avoir quatre 
caufes principales : les befoins réels 
de la pauvreté, qui peuvent quel- 
quefois l'engager à des rapines & à 
dès vols ; les befoins factices du luxe , 
qui conduifent à Tefprit d'intrigue 
& aux infidélités J le goût du célibat 
fouvent produit par le luxe , & qui 
eft à fon tour la caufe produdivè 

^ des atteintes portées à l'honneur 

conjugal & à la pureté des moeurs ; 
l'infuffifance de notre éducation pu- 
blique , qui enfeigne des mots. & 



f 



C 2;4 3 

néglige les chofes , qui donne dé \^ 
fcience & non de la vertu* 

Il faudroit donc voir, i^# com- 
ment l'£tat , fans augmenter fes dé- 
penfes , pourroit aflurer Texiftence 
des Ouvriers & Artifans les plus 
pauvres ; foit en établiflànt le prix 
de leurs journées^ de manière que» 
malgré les variations de celui des 
denrées néceflàires à leur fubCftance, 
ils fuflènt toujours au-deflùs de la 
mifere; foit en les occupant pour le 
compte du Roi dans chaque Pro- 
vince à un prix inférieur , quand ik 
ne feroient point occupés par les 
p articuliers ( i ). 



(0 Si le prix de la journée ëtoitfixé à tant 
de livres de pain que l'Ouvrier rccevroic en 
argent , la révolution de cette denrée ne fcroit 
plus aucun changement pour lui \ & le Pro-. 
priétaite qui l'emploie feroit comme forcé de 
lui donner ce prix, (i l'Ouvrier, àfon refus. 



I 






€ a;; 3 

2*. Fixer le degré d'utilité , dont 
le luxe peut être dans une Monar- 

étoit fur d'être employé pour le compte du 
Roi â un prix peu inférieur à celui-ci. Il n'y 
a pas de Provuice peut - être , où Ton ne 
puiflè établir des travaux utiles peur le Roi, 
fuivant la nature de fon fol & de fes pro- 
dudions; travail de fçr pour les canons, les 
ancres , les vaiilèaux , dans les Proi^inces qui 
prodaifènt des mines de fer; travail dechan- 
vre pour les cordages , les toiles Se les voile», 
dans les Provinces ou cette forte de produc- 
tion efl abondante ; travail de laines pour la 
fabrication des draps propres à riiabillement 
des troupes > dans les Provinces od les bêtes 
â laine Ce multiplient avec Iç plus de (ùccèsy 
. &c. &c. &c. : il n'y aurojc plus alors de 
mendiants qu'on ne put arrêter & faire pafTer 
dans des colonies nouvelles comme mauvais 
fujets : il n'y aurott plus d'hôpitaux que pour 
les infirmes » les vieillards y les enfans-trouvés 
& les femmes en couche 5 ce qui laifTeroir 
dans pluiîeurs de ces établiffemens un grand 
çfpace, qui poufroit être propre â plufîeurs 
ouvrages de la nature de ceux que nous ve« 
oons d'indiquer. 



V 



\ 



cKîe telle que celle-ci , où les rî- 
cheflès font partagées avec U plus 
graode inégalité ; détenniner les 
claâès dans lefquelles les dépenfes 
occafionnées par le luxe fe trouvent 
comme néceflàires pour répandre lé 
fuperflu des richefles âàtis les mains 
d*Artiftes intelligens & laborieux ; 
indiquer les moyens de relTerrer les 
autres clafTes de Citoyens dans de 
juftes bornes , en conciliant leur 
amour - proprp avec leur intérêt 
perfonnel mieux entendu & mieux 
fenti (i). . • • 






' (i) Setbît'ce une mâuvaife Loi que celle 
qui pernietcroit les tiëpenfes de luxe y dans lai 
proportion de la fortune annoncée par la 
contribution aux charges publiques; & qui, 
par raifon de réciprocité , rëgJeroic cette con- 
tributioti 4<^î^s la proportion de la fortuné 
annoncée par les dépenfes de luxe? Il réful* ' 
ter oit de-lâ , que comn:ie chaque Citoyen afièi 
cqznmunéoxcnt paie au Roi le noins qu'il • 



\ 



• < 



C an î 

3*. Réprimer le célibat & hono- 
rer le mariage. Impofer des taxes 
onéreufes à ce célibataire , qui ne 
tenant à rien , & rapportant tout 2 
lui, acheté la jouiflànce momenta- 
née de pluCeurs femmes , & tf«n. 
veut pas avoir une feule en pror 
priété ; qui détruit l'harmonie de 
l'union conjugale; enlevé au mari la 
confiance d'embrafTer comme fiens 

peut, il proporcionneroic fon fafte â fa for* 
tune réçlle , dans la crainte de flipporrer unt 
cotifation fupérieure à Tes facultés. Aitïd pour- 
roit être réprimée cette niani«. de prendre les 
marques d'one condition (ùpérieure â tarfienne; 
cette fureur de Ce diftinguer> qui rie prodah 
plus que de la confofîon, quand elle éft gén^ 
taie j ce godt de fe ruiner par rivaUté' d'o£- 
tentation, L'homtfie quelquefois efl on grand 
enfant qui aime le bruit & le fracas *> il faut 
alors ufer de firatagéoie avec lui pour le 
rendre fage, & lui faire des lifîeres avec fon 
intérêt perfbnnel y pour prévenir la châte que 
lui prépare fon amour-propre. 



lés enfans de fon époufe ; lui laiflé 
des charges onéreufes , dont Famour 
paternel ne peut le dédommager ; 
lui donne des élevés qui fe croiront 
difpenfés de tous devoirs envers 
lui , parce qu'ils n'auront pas la cer- 
titude de leur origine , & des fuc- 
ceficurs étrangers qui fe partageront 
fes dépouilles , comme les voleurs 
partagent leurs rapines. Honorer le 
mariage, en donnant à mérite égal 
la préférence pour les charges & les 
emplois aux gens mariés ; en dimî« 
nuant leurs taxes publiques dans la 
proportion des accroiilèmens de 
leurs charges domeftiques par la fur- 
venance des enfans : confacrer d'une 
manière plus particulière la fainleté 
de ce lien, en empêchant ces unions 
infru6hieufes pour TEtat , & con- 
traires au voeu de la nature , par la 
grande difproportion d^s âges. 
4^« Etablir une éducation publi- 



/ 



que , où Ton poferoit les principes 
de la morale unîverfelle , d*après les 
annales du monde ; où l'on préfen- 
teroit le tableau des devoirs de 
l'homme focial, dans toutes les condi- 
tions ; où l'on feroit connoître les paf- 
Cons relatives^ à tous les âges , pour 
prémunir contre leurs dangers ; où , 
malgré l'égoiCpe aâuel , on refti- 
tueroit au mot Patrie fon ancienne 
valeur; où Ton éleveroit des âmes 
encore neuves & d'autant plus fen- 
Cbles , jufqu'à l'enthoufiafme du bien 
public , par ces traits fublimes qu'ot 
frent les faftes de quelques Nations ; 
où l'on décerneroît des prix, non 
pas aux élevés qui écriroient ou par- 
leroient le mieux , mais à ceux qui , 
dans telle (ituation embarrafTante & 
difficile , décideroient avec juftefïè 
ce qu'il feroit plus noble de faire; 
où l'on apprendroit aux jeunes gens 
de qualité ^ que la Nobleflè accor-