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Full text of "Essai sur l'histoire des Arabes avant l'islamisme, pendant l'époque de Mahomet, et jusqu'à la réduction de toutes les tribus sous la loi musulmane"

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ESSAI 



SUE 



L'HISTOIRE DES ARABES. 



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Paris. — Tjrpograpbi* de Pirmin Di«lot Fr*rrs, rw Jicdl» . M. 



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ESSAI 



SUR 



L HISTOIRE 

DES ARABES 

AYANT L'ISLAMISME» 

PENDANT LTÉPOQDE DE MAHOMET, 

et jiisq«'à la rédvotioii de toutes les tnhm tovi le loi 



PAR 



A. P- CAUSSIN DE PERCEVAL, 

rtOTBWBVK D*ABAaB AO COLLioB BOTÀL DB TBAIDOB 
■T A l'ÉCOLB 8réciAi.B DM lABOOKS OBIBBTAI.BS VITANTIS. 



/ 
TOME PREMIER. 




PARIS, 



LIBRAIRIE DE FIRMIN DIDOT FRÈRES , 

IMPBIIIBDBS DE L'INSTITUT, 

RVR JACOB, 56. 

1847. 



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PREFACE. 



Je me suis proposé de réunir, de discuter, et de 
coordonner dans cet ouvrage tous les documents 
que fournissent les auteurs orientaux sur le peup^e 
arabe, depuis son origine jusqu'au moment où sa 
puissance a commencé à se développen. 

Longtemps divisés en fi'actions formant- autant 
d'États différents , de petites républiques , ou de 
hordes ennemies les unes des autres , les Arabes 
sont rassemblés en corps parMabomet, et l'unité 
de la nation achève de se constituer sous Omar. 

Tel est, en résumé, le sujet que j*ai essayé de 
traiter. I) comprend deux périodes de longueur 
très-inégate. La première se compose des siècles 
antérieurs à l'islamisme, siècles que les Arabes 
appellent Djdhilijra , temps du paganisme ou de 
l'ignorance; la seconde , resserrée dans l'espace de 
peu d'années, mais signalée par une grande révo- 
lution politique et religieuse, présente le spectacle 
de l'établissement de l'islamisme, Isldm, et de la 
fondation de cet empire des Califes, qui devait 
s'élever bientôt à un si haut degré de splendeur. 

L'histoire des Arabes avant Mahomet avait déjà 



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VI PBÉFAGE. 

attiré Tattention de plusieurs hommes versés dans 
la connaissance des langues orientales. Des sa- 
vants, que j'aurai fréquemment l'occasion de citer, 
ont cherché à en éclaircir certains points ; ils en 
ont esquissé diverses parties, et publié quelques 
épisodes intéressants'. Mais personne jusqu'ici ne 
l'avait embrassée dans son ensemble et ses détails, 
l'ai eu à ma disposition, pour tenter cette entre* 
prise, de nombreux matériaux amassés, examines, 
comparés pendant plus de dix années. S'ils n'ont 
pas suffi cependant pour combler toutes )es la- 
cunes , si quelquefois leur valeur douteuse ne 
satisfait pas complètement la critique , c'est là ^ je 
crois, un défaut inhérent à cette portion de mon 
sujet. Quel est le peuple dont l'histoire primitive 
n'est pas voilée de nuages? Les évépemçnts de la 
vie des nations ne sont enregistrés que qi^and 
elles forment de grandes sociétés civilisées, et or- 
ganisées régulièrefnent. 

L'Arabie n'a eu de véritables annales que bien 
tard , seulement depuis l'ère de la civilisation mu- 
sulmane. A l'exception de quelques inscriptions 
antiques existant dans le Yaman , ipais dont on 
ignore le sens , et de morceaux de poésie qui da- 

' Je parle ici des savants qui oot écrit en français ou en 
latin ; je sais que des trayaux estimés ont été publiés en alle- 
mand sur cette niatière, notamment une Histoire des Arabes 
avant Mahomet , par M. le général Ruhle de Lilienstem , 
Berlin, i836, in-8^: je regrette que mon ignorance de la 
langue allemande ne m*ait pas permis de profiter de ces ou- 
vrages , et d'en citer les auteurs. 



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PREPACS. Vil 

tent dés temps voisins de la naissance de Mahomet t 
les Arabes n'ont pas de monument écrit plus an- 
cien que leGorân. Les traditions incertaines, con- 
fuses, et uniquement orales , qu'ils avaient pu 
conserver jusqu'à cette époque, n'ont commencé 
à être recueillies qu'après l'islamisme, dans dés 
livres qui nenous sont pas même parvenus, mais 
dont nous possédons des fragments sans ordre, 
que des écrivains postérieurs nous ont transmis. 

Ces traditions, ces l^endes sont bien souvent 
contradictoires entre elles, au moins en apparence, 
et ordiinairement mêlées de fables. Je les ai expo* 
sééSj en cherchant à les concilier, à les expliquer; 
ou plutôt j'ai fait un choix de celles qui m'ont 
paru mériter le plus d'intérêt, non-seulement 
parce qu'il est possible de distinguer dans la plu- 
part un fond de vérité, mais encore parce que la 
connaissance de ces récits, en quelque sorte my- 
thologiques , est indispensable pour l'étude des 
ouvrages littéraires et religieux des musulmans. 

Au reste, à mesure qu'on approche de l'ère 
mahométane, on voit dans les traditions s'effacer 
peu à peu la teinte fabuleuse , et apparaître le 
caractère historique de plus en plus prononcé. 

Le travail qui m'a coûté le plus de peine, dans 
la composition du tableau des temps antéislami- 
ques , a été la coordination des matériaux , la 
chronologie des faits. J'attache beaucoup d'impor- 
tance à la chronologie : les faits sans date n'ont 
point une signification complète. Je me suis donc 
efforcé de déterminer, d'une manière au moins 



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VIII PR^FJLCE. 

approximative, Tëpoque de tous les événements 
principaux; et en cela j'ai eu souvent à lutter 
contre les exagérations des Arabes dans leurs pré- 
tentions d'antiquité , non moins que contre la 
difficulté même des questions. 

Pour les siècles intermédiaires entre Jésus-Christ 
et Mahomet, on rencontre çà et là dans les auteurs 
chrétiens , et notamment dans les écrivains bv- 
zantins , quelques indications précieuses , mais 
bien rares, qui peuvent servir de jalons. Quand 
ces ressources manquent, et le plus ordinairement, 
elles fout défaut, les synchronismes signalés par 
divers auteurs musulmans , et les généalogies, que 
les Arabes ont toujours mis beaucoup de soin à 
conserver, sont les seules bases sur lesquelles on 
puisse établir des calculs chronologiques. 

Sans doute ces synchronismes ne sont pas tou- 
jours exempts d'erreur ; quelques-uns même sont 
de simples conjectures , dont le moindre examen 
suffit pour démontrer la fausseté ; toutes les généa- 
logies ne sont pas certaines. Il faut donc user de 
ces moyens avec circonspection et critique. Mais 
lorsque ces deux éléments se combinent bien 
entre eux, et concordent en même temps avec la 
vraisemblance, on a droit de les regarder comme 
donnant un résultat fort approchant de la vérité; 
et c'est dans ce cas seulement que je les ai adoptés. 

I^s tableaux généalogiques que j'ai joints à cet 
ouvrage, et dans lesquels j'ai marqué l'année pré- 
sumée de la naissance des personnages principaux 
et de chacun de leurs ancêtres, tiendront lieu de 



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PREFACfi. IX 

pièces justificatives pour la chronologie de cette 
histoire. Ils sont aussi destinés à aider le lecteur 
à se faire une idée nette des ramifications des di- 
verses races, et à saisir les liens d'origine qui unis- 
sent les différentes tribus ou familles arabes, liens 
qu'il est essentiel de ne pas perdre de vue pour 
Tintelligence des récits. 

J'ai dit que toutes les généalogies arabes n'é- 
taient point certaines : on en trouve en effet un 
grand nombre d'évidemment incomplètes. Mais il 
en est aussi beaucoup d'authentiques, et qui re- 
montent, sans lacune probable , jusqu'à environ 
six siècles avant Mahomet. C'est un phénomène 
vraiment singulier , chez un peuple inculte et en 
général étranger à l'art de l'écriture, comme l'é- 
taient les Arabes , que cette fidélité à garder le 
souvenir des ancêtres. Elle prenait sa source dans 
un sentiment de fierté, dans l'estime qu'ils faisaient 
de leur noblesse. Les noms des aieux, gravés dans 
la mémoire des enfants, étaient les archives des 
familles. A ces noms se rattachaient nécessairement 
quelques notions sur la vie des individus, sur les 
événements dans lesquels ils avaient figuré; et 
c'est ainsi que les traditions se perpétuaient d'&ge 
en âge. 

L'histoire antéislamique est le préliminaire et 
comme le vestibule de celle de Mahomet, et des 
Califes ses successeurs. La révolution opérée en 
Arabie par l'islamisme ne saurait être appréciée 
sainement, si l'on n'en connaît bien le point de 
départ. 



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X PRÉFACE. 

Grâce aux manuscrits de la Bibliothèque royale, 
j'ai pu donner sur Mahomet, sur sop époque, et 
particulièrement sur les première^ années de sa 
prédication , quelques détails nouveaux , qui con- 
tribueront à expliquer cet homme extraordinaire. 
Il a paru dans un temps où Tidolâtrie, le fétichisme, 
dominant parmi les Arabes ^ commençait à inspi- 
rer des doutes; où déjà quelques-uns cherchaient 
une religion meilleure et plus pure; qù enfin la 
\enue prochaine d'un prophète était une croyance 
répandue dans plusieurs esprits. Son imagination, 
exaltée par la méditation et la retraite , a pu. lui 
persuader qu'il était ce prophète annoncé. Il a 
fallu, ce me semble, qu'il eût foi eri lui-même, pour 
supporter, pendant près de douze années, sans 
renoncera s6n rôle d'apètre, les railleries, les in- 
sultes , les persécutions de ses compatriotes. Pour 
inculquer à des hommes tels qu'Àbou-Becr, Omar, 
et. tant d'autres personnages éminents qui ont 
secondé et continué son œuvre, la conviction qu'il 
avait une mission d'en haut à remplir, il a fallu 
que.lui-méme il eût cette conviction profonde. Si 
ensuite il a employé des moyens d'adresse et de 
violence , il n'y a pas lieu de s'en étonner : aux: 
yeux de celui qui marche vers un but qu'il croit 
hii avoir été marqué par le ciel, la fin justifie les 
moyens. Ce ne serait pas rendre justice à Mahomet 
que de ne voir en lui autre chose qu'un heureux 
imposteur, un ambitieux de génie : c'était , avant 
tout, un homme persuadé qu'il était appelé à tirer 
de l'erreur sa nation, et à la régénérer. 



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PRÉFACE. XI 

Telle est l'impression que m'a laissée l'étude de 
la vie du fondateur de l'islamisme. Ses deux pre- 
miers successeurs, Abou-Becr et Omar, ont été 
vraiment dignes de lui; et leurs règnes , surtout 
celui du second, me paraissent les plus beaux 
temps du peuple arabe. 

Après avoir, pendant des siècles, végété obs- 
curs , quoique doués de toutes les qualités de l'es- 
prit, parce qu'ils étaient privés de civilisation; 
faibles , quoique d'un caractère ren^^rquabl^ment 
belliqueux, parce qu'ils étaient divisés, les Arabes, 
dès qu'ils sont unis soi|s la loi musulmane , pas- 
sent tout d'un coup à l'état de nation conqué- 
rante, étendant sur les contrées qu'elle soumet 
une religion et des institutions nouvelles. Obéis- 
sant à l'impulsion puissante que leur avait donnée 
Mahomet, saqs autre rivalité que celle du dévoue- 
m^Qit à la propagation de leur foi , n'ayant encore 
rien perdu de la simplicité primitive de leurs 
mœurs^ ils subjuguent en quelques années tout 
l'Orient romain, la Perse, l'Egypte, et y font do- 
miner le Coran. Le zèle enthousiaste qui les anime 
à cette époque, leur fière austérité, ont plus de 
grandeur que les magnificences du Califat sous les 
Omeyyades et les Abbâcides. 

Les limite» de mon sujet ne me permettaient 
d'exposer qu'une partie de ces rapides conquêtes. 
J'ai tracé ce récit avec plus de développement, et 
je puis ajouter avec plus d'exactitude, qu'on ne 
l'avait fait avant moi. 

J'ai eu soin d'indiquer toujours les sources aux- 



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XII PRl^ACK. 

quelles j'ai puisé ' ; et si quelquefois j'ai été obligé 
de suppléer par des conjectures à l'abseDce de 
documents certains , je me suis exprimé de ma- 
nière à ce que le lecteur puisse reconnaître facile- 
ment qu'il a sous les yeux une opinion de l'auteur, 
et non le témoignage d'un historien arabe. 

En terminant , je dois confesser qu'on rencon- 
trera dans cet ouvrage peu de réflexions , de con- 
sidérations générales, de ce qu'on appelle la phi- 
losophie de l'histoire. Mais si Ton y trouve un plan 
convenablement disposé, un enchaînement mé- 
thodique des faits, une recherche consciencieuse 
de la vérité , une narration claire et fidèle , mon 
ambition sera pleinement satisfaite. 

' L*auteur arabe dont j'iovoqae le plus fréquemmeat Tau- 
torité est Ibn-Khaldoun ; toutes mes citations de cet historien 
sont tirées d'an volume de son grand ouvrage appartenant 
la Bibliothèque royale, et marqué R. B. a4oa. I. i83S. 



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ESSAI 



SDB 



L'HISTOIRE DES ARABES. 



LIVRE I. 



OEIGUIES, EACE8 fiTEINTES. 



Coap d'cBil sar lee diriiioiis géographique! de rAnbie. 

On sait que les Grecs et les RomaÎDs divisaient 
l'Arabie en trois gi'andes régions, Arabie Heureuse, 
Pétrée, et Déserte. Ces divisions ont toujours été in- 
connues des Arabes. Précisément à cause de ce qu'el- 
les ont de vague, elles sont commodes lorsqu'il n'est 
pas nécessaire de déterminer exactement une posi- 
tion. Je m'en servirai quelquefois, mais en restrei- 
gnant» encore plus que ne Ta fait d'Anville, le nom 
d'Arabie Heureuse, c'est-à-dire que je ne retendrai 
pas au territoire de la Mekke. 

Je ne me propose point de décrire TArabie avec 
détail, en suivant les géographes orientaux. Ces écri- 
vains la partagent en diverses provinces, sur le nom- 
bre et les bornes desquelles ils ne sont pas bien 



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2 I.IV. I. ORIGINES, 

d'accord. Je veux seulement expliquer les principa- 
les dénominations que j'emploierai dans le cours de 
cet ouvrage, d'après le sens que m'ont paru y atta- 
cher les historiens. Je préviens, au reste, que ce sens 
a notablement changé dans l'usage moderne. 

HiDJAZ. Les chaînes de montagnes qui , de la Pa- 
lestine, descendent vers l'isthme de Suez, et se pro- 
longent ensuite, presque parallèlement à la mer 
Rouge, jusque vers l'extrémité sud de la presqulle 
d'Arabie, s'appellent ^w^<rf2(bacrière),et donnent leur 
nom à toute la contrée qu'elles traversent avant 
d'arriver au Yaman. Le Hidjâz comprend l'Arabie 
Pétrée et une portion de l'Arabie Heureuse des an- 
ciens. La Mekke et Yathrib ou Médine font partie 
du Hidjâz. 

Le Tihàma (contrée chaude ou maritime) est une 
province du Hidjâz, celle où sont situées la Mekke et 
Djoudda. Elle s'étend de l'est à l'ouest, depuis les 
sommets les plus élevés des montagnes jusqu'à la mer 
Rouge. Elle commence vers le nord, à mi-chemin 
entre la Mekke et Médine, et finit, vers le sud, aux 
limites du Yaman. 

• I^ YA.MAN proprement dit est le pays qui forme 
l'extrémité sud-ouest de l'Arabie, et qui est baigné à 
l'ouest par la mer Rouge, au sud par l'Océan. Il con- 
fine au nord avec le Hidjâz, à Test avec le Hadra- 
maut. Parmi les villes les plus remarquables du 
Yaman, on cite Mareb ou Saba, depuis longtemps 
ruinée, Zhafâr, Sana, Nedjrân, et Aden. 

Les chaînes montagneuses du Hidjâz s'avancent et 
se ramifient dans le Yaman , où elles sont appelées 



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RACES BTEINTES. 3 

Sara%nfdi. Leur versant du côté de la mer se nomme 
Tihdma du Yaman. Il y a ainsi deux Tihâma, mais 
le mot Tihâma seul s'entend toujours du Tihâma du 
Hîdjâz* 

Le nom de Yaman est pris souvent dans une ac- 
cq>tion étendue pour désigner l'Arabie méridionale. 
U embrasse alors^ outre le Yaman proprement dit, le 
HadranuuUj et la contrée de Mahra , qui est à l'o- 
rient du Hadramaut. 

Au delà du pays de Mahra, à la pointe sud-est 
de la presqu'île d'Arabie, est la province d'OMàN, et 
an nord de celle-ci, la province de Blbu/lyjSj sur le 
golfe Persique. Cette dernière est aussi appelée pays 
de Hedjer^ du nom de sa principale ville, ou plutôt 
de son principal canton, renfermant diverses bour^ 
gades comprises sous la dénomination générale de 
Hedjer. 

Le Nautd (pays haut) est le vaste plateau, parsemé 
de quelques ondulations de terrain, qui occupe toute 
l'Arabie centrale. Il commence vers l'ouest, au ver- 
sant oriental des montagnes du Hidjâz. Ce versant, 
beaucoup plus court et moins escarpé que le versant 
occidental des mêmes montagnes, indique que le pla- 
teau intérieur de l'Arabie est à une assez grande élé- 
vation au-dessus du niveau de la mer. On nomme la 
portion du Nadjd qui est contigue au Yaman, Nadjd 
du Yaman ; et celle qui confine au Hidjâz, Nadjd du 
Hic^dz^ ou simplement Nadjd. 

Ces deux parties sont séparées par une province 
montueuse appelée YemAma^ qui se trouve entre le 
Hidjâz et le Bahrayn. 



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4 LIV. I. ORIGIITEf, 

Enfin, au nord-est du Nadjd sont : le dësert 
Dahnd et les déserts de llrak, BarHjrat^Ulràk^ 
bordant le territoire fertile de l'ancienne ville de 
Hîra f au nord, les déserts de Syrie, Barrijrai-^el'' 
Chdm^ qui comprennent Palmyre. 

Telle est la nomenclature des divisions de TArabie 
les plus essentielles à connaître pour Tintelligence de 
l'histoire ancienne. Les différentes provinces que je 
viens d'énumérer n'étant distinguées entre elles par 
aucune ligne de démarcation précise, soit naturelle, 
soit de convention, il en résulte que certains lieux 
placés vers les confins de deux provinces sont attri- 
bués tantôt à l'une, tantôt à l'autre, dans les récits 
des historiens ou dans l'opinion des géographes. 
C'est ainsi, par exemple, que les petites villes de 
Khaybaret de Tâîf, dont j'aurai souvent l'occasion de 
parler, appartiennent selon les uns au Hidjâz, sui- 
vant les autres au Nadjd. Il en est de même de plu- 
sieurs autres localités. J'ai dû faire cette observation, 
afin que le lecteur ne soit pas surpris s'il rencontre, 
dans le cours du présent ouvrage, quelques traces 
de cette incertitude de limites géographiques. 



RâC6B et Unga^. 
oritiMt Avant d'exposer les documents que fournissent les 

des Arabes. ^ 

écrits des auteurs arabes sur les origines de leur na- 
tion, je crois utile de consigner ici, pour servir de 
terme de comparaison, quelques indications puisées 
à d'autres sources. 



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RAC£S liTElirTKS. 5 

D'anciennes traditions juives nous apprennent 
que, dès les temps les plus reculés, les enfants de 
Chus ou 0>uch9 fils de Cham, s'établirent en Ara- 
bie % et se répandirent depuis la Chaldée jusqu'aux 
extrémités de la péninsule, et en Ethiopie. L'opinion 
commune des interprètes de la Bible * place égale- 
ment en Arabie et en Ethiopie les antiques généra- 
tions de la postérité de Couch. 

Le père de l'histoire, Hérodote ^, nous montre 
d'autres descendants de Gham, les Phéniciens, c'est- 
à-dire les enfants de Canaan , frère de Couch S 
longtemps avant d'arriver sur les côtes de la Médi- 
terranée, fixés dans l'Arabie méridionale. 

La Bible, enfin, nous fait voir en Arabie d'autres 
races plus jeunes que les Couchites et les Cananéens, 
et issues d'une tige différente. Ces races^ foinnées de 
la postérité de Sem par Héber, sont d'abord les 
Yectanides, ou enfants de Yectan, s'étendant au mi- 
di, et plus tard les descendants d'Ismaël, ceux de Cé- 
thura, seconde femme d'Abraham, et ceux d'Ésaû, 
les Iduméens, se développant au nord. 

Cependant la race de Cham disparaît progressive- 
ment, au moins quant à ses masses principales, des 
diverses parties de la péninsule. Les Cananéens, 



I Eolliii, H'ut, ane,^ I , p. la. Ibn-Klialdouo, manusc é^ U Bibl. roy. 
a4oi. I. f. ao^ ▼*. 

9 dmcord. Bibl, sac, de Datripon. Michaelis , SpiciUg, geog, Btb, , I, 
143 et lohr. 

3 Hérodote, I, p. i. LcDormaDt, Court d*hist,^ p. a66. 

4 L'opinion qni îd<%ntifie les Phéniciens avec le peuple de C^naau est 
«nirenclleaient admise. LeiiomiaDt, Court tThitt.^ p. 936. 



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6 UV. I. ORIGINES, 

après avoir traversé T Arabie septentrioDale % sont 
allés occuper en Syrie la contrée où ils se rendent 
célèbres sous le nom de Phéniciens. Les G)ucfaites se 
concentrent en Afrique, et le nom de Couch finit par 
ne plus représenter que l'Ethiopie. 

Les races Sémites dominent alors tous les points 
de l'Arabie, et englobent les faibles débris qu'ont dû 
y laisser les races Chamites. 

Tel est le tableau que l'on peut se faire, sans con- 
sulter les écrivains arabes, des populations qui ont 
passé et de celles qui sont restées sur le sol de l'A- 
rabie. Il est &cile de retrouver les traits de ce tableau 
dans les opinions des Arabes sur leurs origines, opi- 
nions que je vais maintenant faire connaître. 
Division dft races. La plupart dcs autcurs arabes divisent leur nation 
en races éteintes, Bdïda, et subsistantes, MoiUéak^ 
kkara; puis, en races Aribuy Moutéarriba et MouS" 
iariba^ que j'appellerai primitives, secondaires et ter- 
tiaires, faute d'autres mots qui expriment mieux le 
sens de ces dénominations. 

Les races éteintes, Bàxday sont particulièrement 
les races primitives. Leur histoire est enveloppée de 
ténèbres, leur origine incertaine et contestée. 

Les races subsistantes, Moutéakkhara^ sont toutes 
secondaires ou tertiaires. On s'accorde à les faire 
descendre de Sem par Abir, patriarche appelé dans 
la Bible Héber ; il est aussi le père des Hébreux, aux- 
quels il a donné son nom. Elles se partagent en deux 

I Trogue-Pompée, 8(i. Justin, XYIH, 3, a. Leoomuot, Court d'fùst,' 
p. a66. 



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RACKS ETEINTES. 7 

grandes femilles; la tige de la première est Cahtân« 
que Ton confond assez généralement avec Yectan, 
fils dHéber; ia souche de la seconde est Adnân, des- 
cendant d'Héber par IsmaêL 

Toutes les tribus arabes, issues de Sem par 
Héber, ne subsistent pas, mais il en est peu d'é- 
teintes. 

Le nom d'Arabes Ariba désigne les premiers, les Arit»». 
plus antiques habitants de l'Arabie. Parmi ces races 
primitives, les principales sont: le peuple d'Amlîk ou 
les Amâlica, le peuple d'Ad ou les Adites, les peuples 
de Thamoud, de Tasm, de Djadîs, tous issus d'Arara 
et de Lud, fils de Sem, au dire de la majorité des 
historiens. Quelques auteurs cependant rangent au 
nombre des enfants de Cham les Amâlica et les Adi- 
tes '. On verra plus loin, dans l'article spécial que 
je consacrerai aux Amâlica, que cette dénomination 
embrasse plusieurs peuplades différentes d'origine et 
d'âge. A mes yeux, les Adites et la portion la plus an- 
cienne des Amâlica représentent les branches de la 
postérité de Cham par Couch et Canaan, qui séjour- 
nèrent d'abord dans l'Arabie méridionale, et de là pas- 
sèrent en Phénicie et en Afrique. 

Les Arabes secondaires, Moutéarribay sont les MométirOM. 
Yectanides ou Cahtanides qui s'installèrent dans l'A- 
rabie Heureuse ou Yaman quelque temps après les 
Ariba, y vécurent d'abord avec ceux-ci, devinrent 
ensuite possesseurs exclusifs du pays, puis envoyèrent 
dans toutes les régions de l'Arabie des colonies qui 

f D*Uerbel<>l, B'M, or.y aux mots Ad et Amldk, 



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8 LIV. I. OMlCmESy 

restèrent toujours distinguées par la qualification de 
tribus Yamaniques. 

Enfin les Arabes tertiaires, Moustcuibay ceux dont 
l'origine est la plus moderne, sont les descendants 
dlsmaël , parmi lesquels on ne connaît bien que la 
branche d'Adnân. La postérité d'Adnân a eu pour 
berceau le Hidjâz; elle a peuplé une grande partie de 
cette contrée, et s'est ramifiée dans le Nadjd et les 
déserts de Tlrak , de la Mésopotamie , de la Syrie. 

Ce n'est pas seulement sous le point de vue des 
races, c'est encore sous celui du langage et des mœurs, 
que paraissent avoir été créées les dénominations 
d'Arabes Ariba^ Moutéarriba et Moustariba, Ces 
mots, dérivés d'un même radical, indiquent, par la 
nuance de signification attachée à leur forme gram- 
maticale, la gradation des époques auxquelles les 
deux dernières races se sont naturalisées en Arabie, et 
ont adopté d'une manière plus ou moins complète 
les mœurs et la langue des indigènes Ariba. 
ùivue arabe. L'idiomc dcs i*aces primitives, disent les historiens, 
était la langue arabe , eUArabijra ; elle se communi- 
qua d'abord aux Yectanides, puis aux Ismaélites. 

Ces expressions, prises à la lettre , feraient conce- 
voir ridée d'une seule et même langue qui , au mo- 
ment de la diffusion des enfants d'Ismaël en Arabie, 
aui*ait réuni toutes les races par un lien commun , et 
se serait perpétuée ainsi depuis des siècles très-rap- 
prochés du déluge jusqu'aux temps modernes. Cette 
idée, peu probable en elle-même , est d'ailleurs dé- 
mentie par plusieurs indications contraires. L'asser- 
tion de celte transmission de langage , des premières 



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fiàCBS <TBIirT£8. 9 

races aux dernières^ ne peut être acceptée qu'avec 
une large interprétation. 

U n'y a pas d'apparence que les Ariba parlassent 
tous exactement la même langue. U est probable qu'il 
se trouvait, parmi leurs différentes tribus, des idiomes 
Cananéens, Couchites, Araméens. Comprendre sous 
le nom de langue arabe tous ces idiomes, c'est, à 
peu de chose près^ comme si, par un emploi rétroac- 
tif du mot largue française y nous retendions au 
langage des peuplades diverses qui ont couvert le sol 
de la France avant et depuis les Gaulois. 

Les Yectanides devaient originairement parler la BiayviqiM. 
langue d'Héber, comme leur père Yectan , fils dllé- 
ber. Par suite des rapports naturels de voisinage , et 
peut-être d'un mélange partiel avec les races primi- 
tives , ils altérèrent sans doute leur langue propre et 
s'en firent une nouvelle, dont l'affinité avec celles des 
Ariba pouvait faire dire qu'ils l'avaient apprise de 
ceux-ci. Je suppose que cette langue ainsi formée 
chez les Yectanides est la même qui , à une époque 
très-postérieure, prit le nom d'arabe de Himyar, 
Àrabijrat Himyar ^ ou himyarique, elUimjarija. 

Par un procédé semblable, les relations des peu- pr^^SjJt^t. 
plades du Hidjâz , dont le père Ismaël était Hébreu , 
avec les Ariba et les Yectanides, donnèrent naissance 
à une langue que les Ismaélites apprirent en quelque 
sorte des races plus anciennes qu'eux en Arabie. On 
sait, par des témoignages positifs, qu'elle différait sen- 
siblement du himyarique. Elle est appelée l'arabe 
proprement dit, ou l'arabe pur, eUArabiyat-eU 
Mahdha. C'est l'idiome dans lequel est écrit le Co- 



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lO LIV. I. OMIGIKES, 

ran. C'est aussi, à mon avis, le seul auquel convieniie 
véritablement le nom de langue arabe ; et je crois 
que, bien des siècles avant Mahomet, l'usage s'en 
était répandu même parmi un grand nombre de tri- 
bus Yamaniques. Il devint tout à fait dominant à 
répoque de l'islamisme, et absorba presque entière- 
ment le himyarique. 
Housudjema. Aux trois divisious des Arabes en primitifs , secon- 
daires et tertiaires, Ibn-Khaldoun en ajoute une qua- 
^ trième, celle des Arabes modernes, qu'il appelle 
Moustadjema. Cette désignation n'a pas pour objet 
une dbtinction de race; elle s'applique également aux 
tribus Yectanides et Ismaélites subsistantes ; elle est 
fondée uniquement sui* la différence entre le langage 
actuel et le langage des temps antérieurs. Le contact 
des Arabes avec les nations étrangères , effet néces- 
saire de leurs conquêtes, avait commencé, dès les 
premiers siècles de l'islamisme, à modifier la langue 
coranique. L'oubli de certaines formes grammaticales, 
l'introduction de mots nouveaux, produisirent l'arabe 
moderne. La formation de cet idiome étant le résultat 
de l'influence des étrangers ou barbares, eUAdjanij 
tous les peuples qui s'en servent depuis plus de dix 
siècles ont été qualifiés par Ibn-Khaldoun SArab^ 
Moustadjema , c'est-à-dire, Arabes barbarisants. 

Je n'ai point à m'occuper de ceux-ci : mes recher^ 
ches se bornent à l'histoire de leurs devanciers. Je 
jetterai d'abord un coup d'œil sur les races éteintes. 

Les peuplades détruites, mais dont on suppose 
seulement qu'il peut exister encore d'imperceptibles 
restes fondus parmi les masses, sont: i^ les races 



lUcet éteintes. 



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BACEft ÉTEUXTSS. I J 

priiniliw^ ; a^ ua petit nombre de tribus apparte* 
Dant aux races secondaires et tertiaires. Je ne men« 
tionnerai que celles de ces peuplades sur lesquelles 
on possède quelques notions traditionnelles ou my- 
thologiques. 

Les races primitives, Ariba, familles dont les 
chefs y après la confiision des langues, s'étaient trans- 
portes des plaines de la Babylonie dans celles de 
rArabîe, vivaient sous des tentes ^. Elles eurent en* 
suite des rois qui construisirent des châteaux. Elles 
adoraient les astres, ou des idoles ^. Le langage de 
Noé et de ses fils , d'abord commun à tous les hom- 
mes^ ëtait demeuré, depuis la folle entreprise de la 
tour de Babel, le partage d'Héber et de ses en- 
fants ^. Les Âriba , étrangers à cette lignée privi- 
légiée , ne le connaissaient donc plus. Cdui dont ils 
se servaient est caractérisé , comme je l'ai dit, par la 
dénomination sans doute anticipée dLelrArabiyu ^. 



▲dilet ou peuple d'A^l. 

Suivant les légendes. Ad, père de cette nation, 
s'était fixé dans la région de l'Arabie méridionale 
appelée Ahcdferramlj les montagnes de sable, con- 
tiguë au Yaman , au Hadramaut et à l'Oman ^. La 

tlliB-KJialdoaii, f. S, V*. 
s Ibn-Xhaldoiui, f. 9. 

3 Abulfedc, Hïtt. anteisL de Fieiicher, p. 18. 2?«Ms de LeMakire de 
Sacy, noie sur le Tenet 1 du ch. XI delà Genèse. 

4 nmKlieldouD» £. 4* S, ▼". Abulf. HU4. anteisi,, p. x6. 

5 IboKhaldoun, 8, V*. Abulf. H'ut.wtteUl^ p. 16, 17S. 



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Ï2 LIV. I. ORIGINES, 

plupart des auteurs ie croient fils d'Us y fils d'Aram , 
fils de Sem. Quelques-uns le nomment fils d'Ami ik , 
fib de Hâm % qui est le Cham de la Bible. 

Comme il n'est parlé d'Ad en aucun endroit de la 
Genèse, il n'y a pas moyen d'ëclaircir, par la confron- 
tation des opinions arabes avec le témoignage de 
Moïse y si Ad y ou le peuple que cette désignation re- 
présente y appartenait à la tige de Sem ou à celle de 
Cham , ou enfin s'il était un mélange de l'une et de 
l'autre race^ hypothèse qui ne serait pas dénuée de 
probabilité. 

Quoi qu'il en soit^ Ad, à ce que l'on raconte, 
épousa mille femmes, engendra quatre mille enfants 
mâles, et vécut douze cents ans : cependant £1-Bayhaki 
assure qu'on doit réduire à trois cents ans la durée 
de son existence. Sa postérité se multiplia considéra- 
blement. Après sa mort , ses fils , ou plutôt ses des- 
cendants, Chedîd, et ensuite Cheddâd, régnèrent 
sur les Adites. Sous ce dernier , le peuple d'Ad for- 
mait, dit l'auteur du Kitâb-el-Djoumân , mille tribus, 
composées chacune de plusieurs milliers d'hommes. 
On attribue à Cheddâd de grandes conquêtes. Il sou- 
mit l'Irak , et parcourut l'Inde en vainqueur *. 

Cette tradition offre un vestige de l'invasion de la 
Babylonie ou Chaldée (Irak) par les Arabes, plus de 
deux mille ans avant notre ère. Eusèbe ^ donne une 
liste de cinq rois de cette nation qui auraient succès- 

I D'Herbeloty BihL or, 
9 Ibn-KJialdouD, 8, A 

3 Eusèbe, Chron. ap. Scaliger, p. li. Le SyDcelle, Chron,^ p. 90. 
Précis ithist, anc,^ par Cayi el Poirson, p. 49. 



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HACES ^TEIITTBS. l3 

MvemeDt possédé les états Babylonieas. M. de Guignes 
les a cités dans son grand ouvrage sur les Huns '; 
mais on ne peut reconnaître dans leurs noms, d'ail- 
leurs très -altérés vraisemblablement, une forme ana* 
logue à celle des noms usités parmi les Arabes, au 
temps où leur histoire et leur langue commencent à 
sortir de Tobscurité. 

Ce Cbeddâd , ou un autre conquérant à peu près 
de la même époque , et appelé aussi CheddAd, porta 
ses armes dans TOccident, subjugua les Égyptiens ou 
Coptes ', et s'avança jusqu'à la mer du Maghreb ^ 
(l'océan Atlantique). 11 resta (c'est-à-dire les masses 
d'hommes dont il est la personnification restèrent) 
plus de deux cents ans dans le pays conquis ^. Le 
lieu de la résidence de leur chef ou roi fut une ville 
d'Egypte, nommée ^our o\xÀwar^ située dans la zone 
où Alexandrie fut bâtie plus tard. Ensuite les Coptes, 
avec le secours de leurs frères, les peuples noirs, 
chassèrent les Adites de l'Egypte ^. 

Il semble impossible en lisant ces détails, quelque 
incertaine qu'en soit la source, de ne pas y voir la 
trace de l'irruption des pasteurs ou Hycsos qui s'em* 
parèrent de l'Egypte vingt siècles au moins avant 
Jésus-Christ, et qui, attaqués ensuite par les princes 
de laThébaîde, réunis à ceux des autres provinces de 
l'Egypte, furent progressivement repoussés du pays, 



1 Vol. I, p. 317. 

9 Ibn-Siîd-el-Maghrebi, cité par Ibn-Kbaldoau, f. 9. 

3 KiiaM'Djoumdit, 

4 Kitab-et-Djoumàn, 

5 Ibo-Kbaldoan, f. 9. 



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l4 LHT. I. OUlGtHfiS, 

paift contraints à ëvftcuer Avaris, la dernière place 
qui fût encore en leur pouvoir, et enfin complëte- 
ment expulses, environ a6o ans après leur entrée en 
Egypte '. 
In». Les écrivains orientaux rapportent aussi que 

Cheddâd fit construire un palais orné de superbes 
colonnes et entouré d'un magnifique jardin. Ils nom- 
ment Fram ce jardin et ce palais. C'était un para- 
dis que Cheddàd avait voulu créer, à limitation du 
paradis céleste, dont il avait entendu vanter les déli- 
ces. Dieu punit son orgueil en lui étant la vie d'une 
manière miraculeuse, et fiiisant disparaître Iram*. 

L'imagination, surtout chez les peuples sans cul- 
tm*e, grandit les objets éloignés. Aussi dépeint-On 
les Adites comme des hommes d'une taille gigantes- 
que. Leur force répondait à leur stature, et ils re- 
muaient avec facilité des blocs énormes de pierre. On 
croit qu'ils avaiant élevé beaucoup de monuments de 
leur puissance; et de là est venue, chez les Arabes, 
l'habitude d'appeler les grandes ruines constructions 
j4dites ^, comme nous disons constructions Gyclo- 
péennes. Il est fait allusion dans le Coran aux édi- 
fiées qu'ils bâtissaient sur les hauts lieux pour de 
vains usages ^, expressions desquelles on infère 
que leur idolâtrie était mêlée de sabéisme , ou culte 
des astres. 



I RolUn, HUu anc, I, p. 98. Cayx et Poireon, Précis d^ldit, ane,, 
p. iS. 
s Tabari, trad. de Dubeax. DUerbelot, B'tèL or, 

3 Tabari, trad. de Dubeux, p. 11 4. 

4 Sourat XXFi.y. la?. 



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DestracllMi 



HACKS ÉTEINTES. l5 

L'arrogaoce et Timpiété des Adites ëtanl enfin pai^ 
venues au dernier degré, disent les légendaires, Diea pttt^à^tn. 
suscita parmi eux un prophète nommé Hoûd ^, qui 
parut sous le règne d'un certain Khouldjân. Pendant 
cinquante années que dura sa mission, Hoûd appela 
en vain »eê frères à la connaissance d'un Dieu unique. 
Alors une horrible sécheresse affligea le pays. Les 
Adites envoyèrent trois d'entre eux à la vallée de la 
Mekke, qui était dès cette époque un lieu révéré, pour 
<^rir des sacrifices et demander la pluie du ciel. 

Des Amâlica, alliés par le sang aux Adites, habb- 
taient ckns cette vallée. Ils accueillirent comme des 
parents ces envoyés, dont l'un conduisit des victimes 
sur le sommet d'une montagne , et 1er immola* Trois 
nuages parurent aussitôt au-dessus de sa tête, et une 
voix céleste lui cria : « Choisis pour ta nation oelni 
c que tu voudras. » U choisit le plus gros et le plus 
noir, pensant qu^il était chargé de pluie. Le nuage 
partit à l'instant, et se dirigea vers la contrée des 
Adites. De son sein sortit un ouragan terrible qui les 
fit tous périr, à l'exception du petit nombre de ceux 
qui avaient cédé aux conseils de Hoûd, et renoncé à 
^idolâtrie. Des trois envcr^és, celui qui avait fait le 
sacrifice fut également frappé de mort ; les deux au^ 
très furent épargnés, parce qu'ils avaient cm à la pa- 
role de Hoûd*. 



X Ibn-KJhaldoan , f. 9. Quelques écrWaim musuluuiDS ont confondu 
Hoûd avec Héber. Cest une erreur que n*ont conunise ni Ibn-Kbtldoun, ni 
Tibtri, ni ranleur du KUdb-9U-antdb. Le Coran représente Hoûd comme 
un Adite. Voy. Sourat VUy t. 66. 

•k Tabari,trad. de Dubeux, p. ii3 et suiv. D*Herbelot, aux mou Ad 



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l6 LIV. I. ORIOIHES, 

I/uD des deux, Locmân^ devint le roi de la bible 
portion des Adites échappée au courroux divin. Il est 
surnommé DhourimouçoÛTy l'homme aux vautours, 
parce que Dieu lui avait accordé une vie égale à la 
durée consécutive de la vie de sept vautours ^. 
Cette légende est célèbre dans TOrient, et les poêles 
font de fréquentes allusions à Locmftn et à ses vau- 
tours y dont ils nomment le dernier Ld[>âd. 

Peu à peu un nouveau peuple d'Ad se forma ; il est 
appelé Adites seconds. La région du Yaman, où les 
seconds Adites faisaient leur séjour , était le pays de 
Saba. Des torrents descendant des montagnes la ra- 
vageaient fréquemment. Locmân entreprit d'opposer 
un obstacle à ces inondations désastreuses. Il détourna 
une partie des torrents, et leur ouvrît des lits qui les 
conduisaient vers la mer. Pour retenir le surplus des 
eaux, il construisit entre deux monts une forte digue 
propre à en arrêter le cours, et à les réunir en un 
vaste bassin ou réservoir. A cette digue il pratiqua di- 
verses ouvertures, par lesquelles s'échappait une quan- 
tité d'eau suffisante pour arroser les champs. Dès ce 
moment la contrée devint une des plus fertiles du 
Yaman, et les habitants jouirent pendant plusieurs 
siècles d'une grande prospérité. Cet ouvrage de Loc- 
mân est fameux sous le nom SEUAnm ou de Sedd- 
Mareby digue de Mareb^. Il existe encore, de nos 

et Hoùd, Reioaud, Mon, mus,, I, x4'> Ibn-Khtldoim, f. 9. Maydânl. Voy. 
aussi Coran, Sour, XI. 

1 Abulfedœ Hist, anieUL, p. ao. Kilàb-el-Djoumdn. 

2 Maçoudi, extr. donné par M. de Sacy dans les Mém, de VAead,^ 
vol. 4B, p. 491, 628. Ibn-Kbaldoun I f. 21, t«. Hamia, dans XBUt, mp, 
vet yoct, de Schulten^ p. 24. 



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jour^y des ruines considérables. Un voyageur français, 
M. Arnaud, les a visitées, et en a levé un plan, qu'il a 
envoyé à la Société asiatique de Paris '. 

Locmân gouverna les Adites pendant un laps de 
temps que les évaluations les plus modérées des écri^ 
vains arabes portent à mille ans. Il faut sans doute 
comprendre dans ce cbifTre la durée de la vie de ses 
descendants. C'est l'idée d'Ibn-Rhaldoun , qui dit : 
« Locmân et ses enfants conservèrent la royauté pen» 
dant mille années. Il eut pour successeur immédiat 
son fils Locaym... La puissance de cette famille se 
maintint jusqu'au moment où elle fut renversée par 
Yarob, fils de Cahtân. Les Adites, vaincus par lui, se 
réfugièrent dans les montagnes du Hadramaut, puis 
ils finirent par disparaître entièrement*.» 

Si Ton cherche à distinguer des lueurs de vérité 
au milieu de ces traditions mêlées de fables, on y 
remarquera deux circonstances dont on peut tirer 
quelques inductions. 

Les Arabes, au rapport même de leurs historiens, 
n'ont commencé à révérer le territoire où la Mekke 
est située, que depuis le temps d'Ismaël. Ce serait 
donc postérieurement à Ismaël que Locmân et ses 
deux compagnons y seraient venus pour demander 
la pluie au ciel. Ce voyage est une fiction, sans doute; 
mais cette fiction est ancienne; elle dénote que, dans 
lopinion de ceux qui Pont créée, la destruction des 
premiers Adites était plus récente que l'époque d'Is- 

< Toy., dant le Jouiii.de la Soc. as., la relatioD du voyage de M. Arnaud 
(cihîers de fév.-mart et arril-mai i84&)« Leplan n*a pas encore été publié. 
• dn-KhatdoQDy f. 9. 



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l8 LIY. I. ORIGINES, 

maél^ et c'est là le point importaut. Ismaèi est mort 
environ 1800 ans avant notre ère '. On pourrsût 
supposer que la catastrophe des premiers Adites au- 
rait eu lieu un demi-siècle plus tard, vers l'an 1750 
avant Jésus^irist. 

Gouvernés par Locmân et ses descendants, les se- 
conds Adites ont eu une existence de mille ans, à 
compter depuis l'extinction des premiers. D'après 
cela, ce serait seulement sept siècles et demi avant 
notre ère que Yarob, fils de Cahtân, les ayant vain- 
cus, aurait établi sa souveraineté dans leYaman. 

La base de ce calcul est peu solide, par consé- 
quent les résultats en sont fort incertains. Mais s'ils 
n'offrent pas une donnée positive, ils constituent au 
moins une présomption qui peut-être paraîtra forti- 
fiée par des considérations que j'exposerai plus loin. 
Je reviendrai sur les Adites à l'occasion de Yarob et 
des Sabéens Yectanides. 



AmàHca. 
AmAHktenAra- Le oèrc dcs Amâlica, ou du moins de la plus an- 

bte,en8yri«, en ■ i i • 

Rgypt^. cienne des peuplades comprises sous cette désigna- 

. tion, est nommé, par les écrivains arabes, Amiâk ou 

Amlîk; il était, selon les uns , fils de Laoud (Lud) 

fils de Sem, et, selon les autres, fils de Hâm (Cham). 

L'historien Ibn-Saîd, sur des documents qu'il affirme 

I La mort dlsmaêl est rapportée , dans VJb. ehron, de Lenglet-Du- 
fresnoy, i Tan 187 B . dans la Concordance de la Bihte^ à Tan 1792, dans 
la B'iogr. unh,, à Tan 1768 avant J.-C. 



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RACES liTEINTES. |() 

avoir tirés d'antiques manuscrits conservés dans la 
bibliothèque des Califes de Bagdad^ rapporte que les 
Amâlica avaient été expulsés de la Chaldée par les 
Nemrods, c'est-à-dire, par les premiers princes assy- 
riens. Ils entrèrent alors en Arabie , et s'étendirent 
dans le Bahrayn, l'Oman, le Yaman, puis dans le ^ 
Hidjàz, et enfin dans la Palestine et la Syrie. Ils pé- 
nétrèrent aussi en Egypte, et plusieurs Pharaons 
étaient de leur nation '. 

On reconnaît ici les Cananéens séjournant d'abord 
dans l'Arabie Heureuse, d'après le témoignage d'Hé- 
rodote, passant ensuite dans l'Arabie Pétrée, et allant 
se fixer en Phénicie. On voit que les traditions orien- 
tales mettent les Amàlica, ainsi que les Adites, au 
nombre des pasteurs ou Hycsos, qu'on regarde géné- 
ralement comme des hordes Arabes et Phéniciennes, 
autrement Cananéennes. Si l'on en croit ces tradi- 
tîoBSy les Amâlica avaient été appelés et introduits pnuMMAinâuei. 
en Egypte par un roi Copte, qui espérait être secouru 
par eux contre un ennemi redoutable. Us auraient 
profité de cette circonstance pour faire eux-mêmes 
la conquête du pays, et leur domination s'y serait 
prolongée bien au delà du terme qu'on assigne à celle . ^ 
des Hycsos; car les historiens arabes prétendent que 
non-seulement le Pharaon sous le règne duquel 
Abraham alla en Egypte avec Sara, mais encore les 
Pharaons de l'époque de Joseph et de celle de Moïse, 
étaient des rois Amâlica ^. 

I Ibo-Saîd et Tibart cités par Ibn-Khaldoim , f. la. Abulfed» Hut 
aiUetsL,p, l'jS, 
a Ibn-Khaldoun, f. la. 

a. 



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Les CaloAra. 



de Yalbrib. 



ytO LfV. I. ORIGINES, 

Lorsque Ismaël, suivant une légende qui sera re- 
produite ailleurs, vint dans le Tihâma, des Amâlica 
habitaient cette contrée. Ils y demeurèrent jusqu'au 
moment où ils en furent chassés, soit par un fléau 
que Dieu leur envoya en punition de leur impiété, 
soit par la tribu des D jorhom^ qui s'était établie dans 
les mêmes lieux. Une autre tribu, celle des Catoûn, 
avait dressé ses tentes dans le voisinage des Djor- 
hom. Sohayli et autres historiens assurent que c'était 
aussi une peuplade d'Amâlica , issue de Catoûr ou 
Catoûra, fils de Carcar 61s d'Amlâk '. Les Catoûra 
vécurent quelque temps près des Djorhom et des en- 
fants d'Ismaël. Ils obéissaient à un chef nommé Sa- 
mayda, quand un conflit s'étant élevé entre eux et les 
Djorhom, ils furent rejetés hors du Tihàma ^, et se 
dispersèrent parmi d'autres Amâlica répandus dans 
le Hidjâz supérieur. 

DifTérentes fractions de ces Amâlica s'installèrent 
à Yathrib, à Khaybar, à Tayma , et autres localités 
voisines. Oeux qui occupèrent Yathrib et son terri- 
toire étaient les enfants de LafF, d'Abil, de Sàd, de 
Matar, d'Azrak, de Ghifâr, de Bodayl. Ils furent con- 
nus, ainsi que certaines familles d'Amâlica restées 
éparses dans l'Oman et le Bahrayn, sous la dénomi- 
nation de Djdcim. Ceux de Tayma et de la partie 
orientale de l'Arabie Pétrée étaient les enfants d'Ar- 
cam. Ijcurs chefs ou rois fit*ent leur résidence non 
loin de Tayma. Le mot Arcam était une désignation 
commune à tous ces rois ^. 

I Ibn-KhaldouD, f. x3, f'. xai. 

a Ibu-Kbaldoun, f. la. 

3 Ibn-KhaldouD, . la. jéghani, IV, a63, ▼*. 



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RACES ETEINTES. al 

Suivant Ibn-Said, Ayla, fils de Hauthar, chef d'une i^ samyda 
autre famille d'Amâlica, se domicilia vers Textrëmitc 
du golfe Arabique, à l'endroit appelé depuis Ayla. 
11 y fonda une espèce de principauté qui subsista 
sous ses descendants jusqu'à Samayda, fils de... Hau- 
thar. Ces princes portaient , en général, le nom de 
Samayda. C'était un titre de dignité plutôt qu'une 
q>pellation individuelle. Le dernier Samayda, fils de... 
Hauthar, soutint une guerre contre les Israélites 
commandés par Josué, fut vaincu et tué dans un 
combat livré sur la terre des Madianites '. 

Plusieurs écrivains arabes disent que les débris des 
Amâlica, fuyant devant les armes de Josué, s'enfoncè- 
rent en Afrique, où ils formèrent le noyau de la nation 
Berbère ^. C'est une tradition fort ancienne, dont il 
est fait mention dans Procope ^ et dans l'historien 
d'Arménie Moïse de Khoren ^, qui vivait plus d'un . 
siècle avant Procope. 

Enfin, les Djebdbera ou géants, qui luttèrent long- LMDjéi>âber&. 
temps contre les Israélites en Palestine, étaient, selon 
les Arabes^ des Amâlica ^. Djalout, ou Goliath, fut 
le chef le plus fameux de ces Djebâbera, dans lesquels 
on ne peut méconnaître, d'une part, les Philistins, 
descendants de Cham par Misraïm, d'autre part les 
Eoacim et Baphaîm de la Bible. 

Le nom des Amâlica est évidemment le même que 
celui des Amalécites de l'Écriture sainte; mais si, dans 

f Iba-KhaldouD, f. xa, 89, v®. 

s DUerbelot, BiU, or^ au mot jémlak. 

3 De helto vmtd.^ 1. a, c. 10. 

4 L. I,c. i9,p. 89, de la traductiuude M. Levaillaiil de Flomal. 

5 AbulfedK Uist, a/iteisL, p. t6. 



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aa . LIV. f. ORIGINfcS, 

Tacception large que les Arabes lui donnent, il com- 
prend nëcessairement les enfants d'Amalec, petit-fils 
d'Ésaû, on juge facilement, par ce qui précède, qu'il 
s'applique surtout à d'autres races. Michaëlis a es- 
sayé de démontrer que c'est là aussi le sens de la dé- 
nomination d'Amalécites dans l'Écriture, et il regarde 
les Amalécites comme, en général, identiques avec les 
Cananéens '. Malgré l'opinion de ce savant, il pa- 
raît constant que la postérité d'Ésau par Aroalec est 
seule qualifiée d'Amalécite par les auteurs sacrés, et, 
à mon avis, c'est elle spécialement que les Arabes ont 
d'abord connue sous le nom d'Amâlica; mais en- 
suite, faute de notions exactes sur l'origine de ces en- 
fants d'Amalec et sur celle de nations fort antérieu- 
res, ils ont englobé dans les Amàlica beaucoup de 
ces anciens peuples, la plupart issus de Canaan, et 
quelques auti*es de races différentes, tels que les Dje- 
bâbera et les Catoûra. 

Ceux-ci me semblent appartenir à la postérité de 
Céthura, seconde femme d'Abraham. L'analogie de 
nom est frappante. Ils habitent le Tihâma avec les 
enfants d'Ismaêl, puis se répandent dans l'Arabie 
Pétrée, et se trouvent ainsi placés, sinon sur le terri- 
toire même qu'on sait avoir été occupé par les Ma- 
dianites, descendants de Céthura, du moins dans le 
voisinage immédiat. Les Catoûra paraissent avoir été 
divisés en deux branches, les Arcam et les Samayda. 
Oi' le mot Arcam , qui désigne les princes de la pre- 
mière branche, est le nom de Rèkem ou Jrèkem^ ([ixc 

I Spicilegium geog. Heb.y I, 170 et suiv. 



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RACES ÉTEINTES. a3 

la Bible donne à un roi des Madianites'. Les Sa- 
mayda régnent dans la ville d'Âylay^qui, selon leté- 
moignage d'Ibn^Habib * , différent sur ce point de 
l'opinion d'Ibn-Sa!d, rapportée plus haut, était ainsi 
appelée du nom d'Ayla, fille de Madian. Ces rappro- 
chements induisent à penser que les Gatoûra des tra- 
ditions arabes peuvent être considérés, sinon comme 
précisément les mêmes que les Madianites de la Bi- 
ble, au moins comme intimement liés à ce peuple 
par une origine commune remontant à Céthura. 

Quelques rejetons des Samayda, transplantés dans Amiia-ei-Anâiià. 
les déserts de Syrie, s'y multiplièrent et prospérèrent 
au temps de Tempire romain. Ils étaient alors appe- 
lés Benou Samayda et Benou Amila-el-Amâlth^ . 
Je soupçonne qu'ils devaient cette dernière dénomi- 
nation à une fusion qui se serait opérée entre eux et 
une tribu issue de Cahtân, les Benou Amila ^, qui 
avait quitté le Yaman pour venir s'établir en Syrie, 
aupi*ès d'une montagne nommée depuis Djèbel-jâmi' 
la ^. Devenus sujets, ou plutôt alliés des Bomains, 



I Nombres, XXXI, 8. Josué, XUI, ai/^ 

a (^ par Bfacrîzi , Description de t Egypte ^ man. 68a, f. xoi. Quatre- 
mère» Mémoire sur les NaBatéens, p. 44. 

3 Ibn-Xbakioun, f. la, x3o. 

4 Les géoéalogisies s'accordent i rapporter Torigine des Amila i Cah- 
lâo ; mais les nos prétendent qu* Amila, auteur de cette peuplade, était fils 
d'Abddiams-Saba et frère de Uimyar (Ibn-Cotayba ap. Eichom, p. x35) ; 
les autres le disent fik de Codhâa, descendant de Himyar X^^^^-^- 
loaààb). 

& AbaMedm Hist, antésL, p. 190. AbouUeda dit que les Amila étaient 
sortis du Taman i la suite d'une inondation qui avait ruiné le territoire de 
Mareb. Il est très-douteux que telle ait été la cause de l'expatriation des 
Amila. Les hi^loriens , en géuéral , ne mentionnent que des familles nom- 



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^4 LIV. 1. ORIGIJIES, 

ces Benou Samayda ou BenouAinila-el-Araâlik furent 
chargés par les empereurs de garder les frontières de 
Syrie et de Mésopotamie contre les incursions des 
Parthes. A cette époque, ils eurent à leur tête une fa- 
mille célèbre, les Odheyna, fils de... Samayda, qui 
portèrent le titre de rois*. Je ferai connaître, dans 
l'histoire particulière des populations arabes de Sy- 
rie, les renseignements que j'ai pu recueillir sur la 
dynastie des Odheyna (Odénat). 



ThanModitM on peuple de Tbamoud. 

Ce peuple, dit-on, était proche parent des Adites, et 
descendait d'Aram^ fils de Sem, par Gather; il habita 
d'abord leYaman *, ensuite la contrée nommée Hid/r 
(à l'orient de l'Arabie Péti^ée), située entre le Hidjâz et 
la Syrie. Les Thamoudites se creusaient des demeu- 
res dans les flancs des rochers; c'était une nation 
troglodite. Non moins impies et orgueilleux que les 
Adites, ils prétendaient, à l'abri de leurs cavernes, 
braver la puissance divine. Au temps d'un de leurs 
rois, appelé Djondà, un envoyé de Dieu, Sâlih, ap- 
partenant à l'une de leurs familles, les exhorta à re- 
noncer à l'idolâtrie. Ils lui demandèrent un signe de 
sa mission. Sâlih fit sortir du sein d'un roc une cha- 
melle et son petit. Malgré ce prodige, les Thamoudi- 

nées édites, comme ayant quitté le Yaman à Poccaiion de la ruptore de 
la digue de Mareb , dont je parlerai plus loin. L'émigration d«s Amila 
pourrait bien être antérieure à cet événement. 

I Ibn-Khaldoun, f. la. 

s Abulfede Hhl, anteisl,, p. ii4- 



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RACES ÉTEINTES. ^5 

tes restèrent incrédules. Sâlih leur avait recommandé 
de respecter la chamelle miraculeuse : Tun d'eux la 
tua d'un coup de flèche; il se nommait Codâr-el- 
Ahroar, c'est-à-dii'e, Codâr le Roux. Il avait reçu ce 
sobriquet à cause de la couleur de ses cheveux. Son 
action coupable fut le signal de la vengeance céleste. 
Sâlih annonça aux Thamoudites que dans trois jours 
ils seraient détruits. En effet, au matin du quatrième 
jour, la foudre tomba sur eux et les anéantit. 

Les Arabes ont gardé un profond souvenir du 
châtiment de cette nation. I^ crime de celui qui avait 
percé la chamelle d'une flèche, et attiré la ruine de 
ses frères, a donné naissance à l'expression prover- 
biale : Plus funeste que rhomme roux de Thamoud; 
autrement, plus Jimeste que rhomme qui a tué la 
chamelle (de Sâlih) '. Dans le canton de Hidjr, 
appelé aussi Didr Thamoud (pays de Thamoud) ou 
Médaîn Sdlih (les villes de Sâlih), et qui fait partie 
de la longue vallée nommée fVadi-l-Coi^a (vallée des 
bourgades), l'on montre encore aujourd'hui les de- 
menres des Thamoudites, taillées dans les montagnes 
rocailleuses ; et les musulmans qui ne sont pas aveu- 
glés par la superstition remarquent que le peu de 
hauteur de ces cavernes ne permet pas d'ajouter foi 
aux récits qui attribuent au peuple de Thamoud, 
comme à celui d'Ad, une stature extraordinaii*e^. 

Cette histoire des Thamoudites est fondée sur 
rantorité du Coran et de ses commentateurs. L'on 

I iîUJI JU ^ Àt\ et ^y^ y^\ ^ ÀJt*\ V. MmyHéni. 
a Voj. U>p-]Uialdoan , f. lo. Tibari, Irtd. de Dubem, p. ia4 et suiv. 
lÔMod, Mon. mut,, l, i4«. CofM, W, etc. 



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a6 LIV. I. ORIGINES, 

sait que Mahomet, soit d'après d'ancieDoes traditions 
erronées répandues en Arabie, soit par des vues po- 
litiques, a singulièrement défiguré plusieurs faits em- 
pruntés aux Écritures saintes. Je trouve ici un bi- 
zarre exemple de ces travestissements. Il me semble 
que ces Thamoudites,qui creusaient leurs habitations 
dans les flancs des montagnes de Hidjr, sont Timage 
des Troglodites ou Horréens ' dont la Genèse in- 
dique la position dans l'Arabie Pétrée, depuis le 
mont Séir jusqu'au désert de Pharân. Ce rapproche- 
ment me paraît confirmé d'une manière assez frap* 
pante par l'exacte ressemblance du nom de Codâr^l* 
Ahmar, cause de la destruction des Thamoudites^ 
avec celui du prince Chodor la Homor, qui tailla les 
Horréens en pièces *. 

Ce n'est pas que je pense qu'on puisse identifier, 
quant à l'époque où ils ont vécu, les Thamoudites et 
les Horréens de la Bible. Ceux-ci, au temps où Moïse 
conduisait les Israélites vers la Palestine, avaient 
déjà disparu, et la possession du pays de Séir était 
passée aux enfants d'Ésaû ^. Si , comme le dit une 
tradition, les Thamoudites avaient été chassés du 
Yaman par Himyar, prince, selon moi, très-postérieur 
au siècle de Moïse, ils n'ont dû venir s'établir dans le 
Hidjr que longtemps après l'extinction des Horréens. 
L'ignorance arabe a pu aisément assimiler l'une avec 
Tautre deux populations qui avaient occupé des ré- 
gions contiguës, peut-être la même contrée, et attri- 

I MichtU!^ Spicileg, geog, Heb„ l, 169, 17a. 

a Genèse, XIV, 4, 6. Pfotitim orbit antiq, de ScbwarU, 1, 678. 

3 Deutéronome^ II, la, aa. 



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BAGES ETEINTES. ^7 

buer aux Thamoudites quelques traits altères de Fan* 
tique histoire de leurs prédécesseurs. 

Diodore de Sicile, en décrivant TArabie, parle d'un 
peuple qu'il appelle les Thamoudéens ; Ptolémée les 
mentionne aussi, et les place sur les confins de TArabie 
Pétrée % près des Nahatéens et des Athrites ou plutôt 
Athribes (Arabes de Yathrib). Ces Thamoudéens sont 
bien les Thamoudites des Arabes^ ainsi que Ta re- 
marqué d'An ville *. Cette nation avait donc encore 
une existence à Tépoque de Diodore, un demi-siècle 
avant Jésus-Christ, et même à celle de Ptolémée, c'est- 
à-dire, dans le premier tiers du second siècle de Tère 
chrétienne. 

Bien plus, on reconnaît encore des traces des Tha* 
moudites, vers le milieu du cinquième siècle, dans 
cescavaliersThamudéenSy Thaniudeni équités y dont il 
est question dans la notice de l'empire romain. C'é- 
tait un corps d'Arabes au service des empereurs, 
dont une division, eqidtes Saraceni Thamudeniy 
mise à la disposition du chef militaire de l'Egypte, 
campait sur la frontière égyptienne; une autre, quali- 
fiée de équités Thammleni llljriciani^ parce qu'elle 
avait séjourné auparavant en Illyrie, était sous les 
ordres du commandant ou dux de la Palestine, et te- 
nait garnison à Betsainé, ville de Judée ^. Depuis 
lors, on ne rencontre plus nulle part aucun vestige 



I V07. Schwartz, Noûtia orhls ant„ II, 600. 

a igjrpte de d*Anville, p. 243. 

3 Nbtitia dignitatum uirtusque imperii, p. ao4 cl 217. Panciroli eslimc 
que celle notice a été écrite enlre les années 4^5 et 4^3 de noire ère, sur 
b fio du règne de Théodose le Jeuue. 



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att LIV. I. OKIGINKS, 

desThamoudites; il est probable qu'au moment où 
la notice de Tempire a été rédigée, la nation de Tha- 
moud était tout entière dans le corps des cavaliers 
Thamudéensy et qu'elle s'éteignit avec lui. 



Tasm et Djadis. 

Ces deux tribus , suivant Ibn-Klialdoun, étaient 
sœurs, et issues de Sem par Aram et son fils Ghater. 
Elles vivaient ensemble dans la région, alors très-fer- 
tile et très-bien cultivée, qui plus tard reçut la dé- 
nomination de Yemâma. Le principal lieu de leur ré- 
sidence était une ville nommée Djaw ^ L'obscurité 
qui enveloppe leur histoire est devenue proverbiale, 
et les Arabes appliquent l'expression réçenes et con- 
tes de Tasm * à tout récit fabuleux et incroyable. 

L'on ne connaît de ce peuple que le fait, d'ailleurs 
fort incertain, qui a occasionné sa destruction. Je ne 
négligerai point de le rapporter, malgré son peu d'au- 
thenticité^ parce qu'il offre une analogie assez sin- 
gulière avec une coutume qui parait avoir existé chez 
nos ancêtres au temps de la féodalité. 

Les tribus de Tasm et de Djadîs étaient gouver- 
nées par un roi nommé Amloûk, de la race de Tasm. 
Il tenait les Djadicites sous une dure oppression. Il 
les avait obligés de se soumettre à l'humiliant usage 
de lui présenter toutes les jeunes filles qui devaient 
se marier, et ne permettait pas qu'elles fussent con- 

I Ibn-KlialdouD, f. lo v% et ii. 
a Pococke , Specim,, p. 39. 



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RACES Peintes. 29 

duites à la demeure de leur époux avant quHl leur 
eût enlevé leur virginité. H jouit de ce droit du sei- 
gneur pendant assez longtemps. Enfin il l'exerça sur 
la jeune Gbofayra, surnommée Chamoûsj la rétive, 
sœur d'Aswad fils de Ghifâr , l'un des principaux per- 
sonnages de la tribu de Djadîs. Aswad, pour venger 
cet affront et délivrer les siens de la tyrannie d'Am- 
loûk y forma un complot avec les chefs Djadicites. Ils 
invitèrent Amioûk et les membres de sa famille à un 
grand repas. Au milieu de la fête, saisissant leurs 
armes qu'ils avaient cachées sous le sable , ils tombè- 
rent sur Amioûk et les enfants*de Tasm, et les massa- 
crèrent. Un seul échappa; il s'appelait Ribâh fils de 
MouiTa. 11 se réfugia dans le Yaman auprès de Has- 
san fils de Tobba , souverain himyarite, qui, à son 
instigation , entreprit ensuite une expédition contre 
la tribu de Djadîs , et l'extermina '. 

Je reparlerai plus en détail de la catastrophe de ce 
petit peuple , à l'occasion du règne de Hassan fils de 
Tobba. J'ajouterai seulement ici que, selon le sen- 
timent très-plausible de M. Fresnel ^, Ptolémée a 
fait mention des Djadicites sous le nom de JoUciies^ 
lo^ioiTai, ou plutôt JodieiteSj lo^iffiTai. La position 
que ce géographe donne au peuple arabe qu'il dé* 
signe ainsi y répond bien au Yemâma. Il résulte de 
cette observation que la tribu de Djadîs était encore 
florissante à l'époque où écrivait Ptolémée , c'est-à* 
diiv, vers Tan ia5-i3o de Jésus-Christ, et que par 

I Jgkdni, lO, i5. IbD-Kbaldouo, f. it. Àbulf. HUt, (midsi., p. i8o. 
Pococke, Spedm. hUt. ar,, p. 54?. U>Q-B«droiui de R. Dozy» p. 53*56. 
1 Jovrn, as,t srpt. 1840, p. 193. 



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3o LIV. I. ORIGINES, 

ccmsëquent le règne de Hassan, qui la détruisit, doit 
être postérieur à cette date. 



Tribos de Hadboura, de Wabar 

Le nom de Hadhoura présente beaucoup d'afBnité 
avec celui d'Aduram , que la Genèse désigne comme 
Tun des enfants de Yeclan. Les Hadhoura étaient en 
effet, suivant Ibn-Khaldoun, issus dHéber par Yec- 
tan ^ Ils habitaient une contrée du Yamau appelée 
Ross *. Pour les retirer de Tidolâtrie où ils étaient 
plongés , Dieu fit paraître parmi eux un prophète 
chargé de leur annoncer la vérité; c'était Choaïb fils 
de Dhou-Mabdam. Ses frères le traitèrent d'impos* 
teur, et le tuèrent. 

Un autre prophète, Hanzhala, fils de Safwân, avait 
aussi été envoyé aux Arabes de Wabar, descendants 
de Yectan, qui résidaient du coté d'Aden ^. Ils mé- 
connurent sa mission divine, et le firent périr. 

A cette même époque, les Israélites, sourds à la 
voix d'Abrakhia (Baruch) et d'Érémia (Jérémie), s'é- 
taient attiré le courroux céleste par leur impiété et 
leurs crimes. Dieu suscita Bokht-Nassar (Nabucbodo- 
nosor II) pour châtier en même temps les Arabes et les 
Israélites. Un des ordres qu'il donna à ce prince, par 

t Ibn-Khaldoun, f. i3 et f. 14 (tableau). Dans un autre endroit (f. iio 
v°]|^ le même auteur qualifie les Hadhoura d*Amàlica, ce qui provient d'une 
confusion avec les Catoura. 

2 Ibn-Khaldoun, f. i3. 

3 Ibn-Khaldoun, 1 10 v°. 



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RACES ifrTRlNTES. 3l 

des visions et par la bouche tl'Abrakhia et d'Érémia , 
fut d*aller ravager FArabie. Bokht-Nassar en parcou- 
rut les différentes parties, mettant tout à feu et à 
sang. Il anéantit les tribus coupables du meurtre des 
prophètes '. 

D'autres tribus arabes se soumirent au conquérant, 
ou furent vaincues et réduites en captivité. Bokht* 
Nassar les transporta en Cbaldée, et les établit sur les 
rives de TEuphrate. Elles finirent par s*y mélanger 
avecla population indigène, les Nabat ou Anbdt ^. 

Je reviendrai deux fois dans le cours de cet ouvrage 
sar ce récit, dont j'omets à dessein certaines circons* 
tances qui seront mieux placées ailleurs. On pourrait 
scMipçonner que, comme d'autres récits du même 
genre dans lesquels figurent des personnages bibli« 
ques, il a été, je ne dis pas forgé, mais arrangé, au 
temps où les Arabes ont commencé à étudier les li- 
vres des Juifs. Je crois néanmoins que le fond en est 
très-ancien, et qu'une tradition fort antérieure à Ma<« 
bomet avait conservé parmi les Arabes le souvenir 
de grandes calamités infligées à leur patrie par quel* 
que roi Babylonien, peut-être nommément par Bokht- 
Nassar. 

U n'est pas douteux que les souverains de Babylone 
n'aient souvent porté leurs armes en Arabie, et trans- 
féi*é en Chaldée des peuplades arabes, aussi bien que 
des fsimilles israélites et autres. La Bible nous ap- 
prend qu'Holopherne, général de Nabuchodonosor I*', 

1 UiD-Khaldouii, f. xio v®, i38. Maçoudi Morouclj, man. de SdiulCXf 
Bibl. toj., f. 140. 
1 Ibn KbaldouD, f. iiov^ Abulfed» Uist, auteisL^ p. 73. 



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02 LIV. I. ORlGtNES, 

dévasta le pays des descendants d'Ismaël, et emmena 
captifs les enfants des Arabes Madianites '. L'Écri* 
ture, à la véritë , ne constate pas d'une manière 
précise les ravages exercés en Arabie par Nabucfao» 
donosorll; elle les annonce seulement dans les pro* 
phéties de Jérémie *• La tradition arabe montre que 
les prédictions se sont accomplies. 

Il ne faut pas confondre le Choaîb fils de Dhou- 
Mahdam, prophète des Hadhoûra, avec un autre 
Choaîb fils de Sayfoun ^ y qui est qualifié, dans le 
Coran, de prophète des Madianites ^. Ce dernier 
est le même que Jethro, beau-père de Moïse ^. Un 
lieu situé sur l'emplacement de la ville de Madian, 
dans l'Arabie Pétrée, est appelé encore aujourd'hui, 
du nom de ce personnage, Maghdr'Choaîbj la grotte 
de Choaîb ^. Quant au Choaîb fils de Dhou-Mah* 
dam, quoique plus obscur que son homonyme, il 
n'est pas non plus oublié. Un savant français, 
M. Botta, peu d'années avant de faire à Khorsabad 
les belles découvertes qui ont excité en Europe tant 
d'intérêt, a visité une région montagneuse du Yaman, 
dans laquelle il a trouvé, non loin de la ville de Taaz, 
sur les flancs du mont Saber, une petite mosquée 
nommée Nabi^Choaïbj et bâtie, suivant la tradition 
du pays, à la place où est enterré le prophète 

I JuMth^ n, x3, i6. 

a Jérémie t XLIX» a 8 et suiv. 

3 D'autres di&eut fils de NawU ou fils d'Aoca. Voy. Ibn-Khaldonn, 
f. 1*9 et V». 

4 Sour, YII, T. 83 et siiiv. 

5 Tabari, trad. de Dubeux, p. «77- 

6 D*Anville, Egypte^ p. «4^»» 



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RACES ETEINTES. 



33 



Choaîb '. Ce doit être celui qui précliait les Had- 
houra dans le Yaman. 



Les Djorbom. 

Les historiens comptent deux tribus de ce nom, 
distinguées par les épithètes de premiers et de se- 
conds Djorhom. L'on ne connaît absolument rien des 
premiers; on ne propose pas même de conjecture 
sur leur origine. On se borne à dire qu'ils étaient 
contemporains des Adites , et l'on fait de leur père 
un compagnon de Noé dans l'arche ^. L'on a sur 
les seconds des notions traditionnelles, moitié mytho- 
logiques, moitié historiques. Ils descendaient de 
Yectan fils dHéber. Sortis du Yaman dans une an- 
née où le manque de pluie avait desséché les pâ- 
turages ^, ils entrèrent dans le Hidjâz, et occupèrent 
la vallée de la Mekke et le Tihâma. Us succédèrent, 
dans la possession de cette contrée, aux Amâlica. On 
trouve dans les auteurs arabes une liste de onze ou 
douze princes djorhomites, qui jouirent successive- 
ment d'une autorité en quelque sorte royale sur le 
TihÂma. Ils furent ensuite dépouillés du pouvoir, 
qui passa à une famille nommée les Khozâa. La tribu 
de Djorhom se dispersa alors, et enfin disparut tota- 
lement. 



I Relation fit un vojagt dans le Yaman, par Botta, p. io3. 
a Ahvàkdm Hist. anieitl., p. i3 1. Ibn-Khaldoun, f. i3. Fresnel, 4* lettre» 
foum, as., juin 18S8, p. S%S. 
3 Tanàh'el'Khamey, maxL de la Bibl. roy., n» 635, f. 44» v<>. 

3 



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34 LIV. 1. ORIGINES^ 

Je me contente ici d'indiquer ces faits, qui seront 
développés dans l'histoire des Arabes de la Mekke. 
Seulement, je dois dire dès à présent que Texistence 
de la tribu appelée , par les écrivains musulmans^ 
premiers Djorhom, est, à mes yeux, entièrement fa- 
buleuse. Il me parait certain qu'il n'y a jamais eu 
qu'une seule peuplade djorhomite, celle que Ton 
qualiBe de seconds Djorhom. Mais cette peuplade a 
eu deux phases différentes, séparées peut-être par 
un intervalle assez long pour avoir donné lieu de la 
diviser en deux tribus. 

La première de ces phases, très-ancienne et envi- 
ronnée des nuages de la mythologie, peut dater de 
répoque des Âdites. Après plusieurs siècles, la tribu 
de Djorhom, frappée par quelque désastre , ou dimi- 
nuée par des causes naturelles, aura été sur le point 
de s'éteindre^ puis se sera ranimée et multipliée de 
nouveau*. 

Cette seconde phase commence avec la dynastie 
des douze princes cités par les historiens, et finit au 
moment de l'installation de la famille khozaïte à la 
Mekke. 

Je termine par une remarque relative à l'origine 
des Djorhom, que l'on rapporte, avec raison, je crois, 
h Yectan fils d'Héber. Il est vrai que, dans le chap. X 
de la Genèse , on ne rencontre pas de Djorhom au 
nombre des enfants de Yectan; mais on y voit Elmo- 
dad. Or ce nom figure plusieurs fois parmi ceux des 
princes djorhomites, et il me semble être un lien qui 
rattache la tribu de Djorhom à la tige de Yectan et 
à la branche d'Elmodad. Car il est des noms qui se 



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RACES ETEINTES. 35 

perpétuent dans une tribu, et qui ue se reproduisent 
dans aucune autre. Tel est celui d'£lmodad ; il est 
particulier à la tribu de Djorhom. 



Nabttéens^Nabatoa Anb&t 

£n joignant à cette énumëration des principales 
races arabes éteintes le nom des Nabatéens, je cesse 
de marcher sur les pas des auteurs arabes, qui ne 
considèrent point les Nahat ou Anbdt comme ayant 
fisiit partie de leur nation. Mais les Nabatéens, par le 
haut degré de civilisation et de richesse auquel ils 
étaient parvenus pendant le peu de siècles qu'a duré 
leur puissance en Arabie, par les monuments éton- 
nants qu'ils ont laissés, et dont Texistence a été révé- 
lée naguère au monde savant % étant un des peuples 
les plus intéressants qui aient passé sur la péninsule 
arabique, je ne puis me dispenser d'en dire quelques 
mots. Je me bornerai au reste à un aperçu très-suc- 
cinct , à un résumé de quelques renseignements pui- 
sés ^ans un excellent mémoire publié sur ce sujet 
par M. Et. Quatremère *. 

Suivant, une opinion émise par saint Jérôme, et 
adoptée par les modernes interprètes de la Bible , les 
Nabatéens auraient été issus de Nabayot filsd'Ismaêl, 
ce qui les rangerait parmi les Arabes. Mais cette 
filiation ne repose sur aucun témoignage des écri- 
vains sacrés, et n'est qu'une simple conjecture, dé- 



X Yoy. kt Toyagei de BarcUiardt, Léon de Laborde, etc. 
% Joum, ùsiati^uêt jan?., fér. et mars x835. 

3. 



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3G LIV. I. ORIGINES, 

mentie par les indications que fournissent les histo- 
riens orientaux. Ceux-ci ont bien connu la race 
nabatéenne^ dont il subsistait des restes nombreux 
épars dans l'Irak, la Mésopotamie, la Syrie et TAra- 
bie, à l'époque des conquêtes des Musulmans. 

Les Nabatéens appartenaient à la grande famille 
des nations araméennes, autrement dites syriennes. 
Leur patrie primitive était les rives de l'Euphrate et 
du Tigre. Ils composaient la population indigène de 
la vaste étendue de pays désignée chez les anciens 
par tes noms de Babylonie, Chatdée et Mésopotamie. 
I^eur langue était le dialecte syriaque orientât , l'i- 
diome que l'on appelle chaldaique. 

Ils fondèrent sur divers points de l'Arabie des 
colonies, dont la plus importante et la plus célèbre 
fut celle qui domina dans l'Arabie Pétrée, ainsi 
nommée de Pétra sa capitale, ou peut-être de la 
nature pierreuse du sol. 

On ne saurait déterminer précisément ta date de 
l'établissement des Nabatéens à Pétra ,. mais on peut 
supposer avec vraisemblance qu'il remonte au temps 
des guerres de Nabuchodonosor II contre les Juifs, les 
Arabes et les Égyptiens. Quelques troupes de ce prince 
se seraient fixées dans ce lieu , soit qu'elles eussent 
abandonné leurs drapeaux pour se soustraire aux fa- 
tigues d'expéditions pénibles et lointaines^ soit que 
Nabuchodonosor lui-même les y eût placées afin de 
contenir tes peuplades environnantes. Les enfants de 
ees guerriers auraient ensuite perdu les habitudes mi- 
litaires, et renoncé aux armes pour le négoce. A la 
longue,, devenue le centre de routes commerciales 



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RACES ETEINTES. Sy 

entre la Syrie et Palmyre, d*iine part, Tlnde, le 
Yaman et l'Egypte, de l'autre, Pétra s'éleva au rang 
d'une cité de premier ordre, dont l'opulence excita 
l'avidité d'Antigone , de Démétrius, et ensuite de 
Scorus , gouverneur de Syrie sous Pompée. 

La colonie nabatéenne , maîtresse de l'Arabie 
Pétrée , avant d'être soumise aux Romains fut 
presque constamment leur alliée, mais ne servit pas 
toujours fidèlement leurs intérêts. On sait comment 
un guide nabatéen, donné à ^lius Gallus, fit 
avorter l'entreprise de ce général contre le Yaman , 
en conduisant les légions à travers des déserts, où 
elles faillirent périr de soif , et de maladies causées 
par les privations et la chaleur. 

Pétra vit sa prospérité se soutenir jusque sous les 
empereurs chrétiens. Elle était alors un siège épisco- 
pal. Puis le commerce de llnde ayant pris la voie 
de la mer Rouge et délaissé les ix>utes de terre, cette 
ville, autrefois florissante, déchut rapidement, et les 
Nabatéens tombèrent dans l'obscurité et l'oubli en 
Arabie. 

Ils avaient conservé, durant tout le temps de leur 
splendeur, leur-idiome chaldaîque; mais sans doute 
ils y joignaient l'usage de la langue arabe, qui leur 
était nécessaire pour leurs relations avec le peuple 
au milieu duquel ils vivaient. Un caractère particu- 
lier à la prononciation du dialecte syriaque chaldaîque, 
est la confusion entre différentes lettres gutturales 
ou aspirées, qui sont fi*équemment substituées l'une 
à l'autre. Les Nabatéens, même après leur ruine, lors- 
qu'ils ne furent plus que des débris disséminés parmi 



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38 LIV. r. ORIGINES, RACRS ÉTEINTES. 

les Arabes, retinrent toujours^ eu parlant la langue 
de ceux-ci, leurs habitudes de prononciation chai- 
daîque, et continuèrent à confondre entre elles les 
différentes articulations gutturales ou aspii*ées. A ce 
signe distinctif, on reconnaissait la race nabatëenne; 
et ce cachet étranger, objet du mépris des Arabes, a 
été, je crois, le principal motif qui a porté les histo«> 
riens orientaux à dédaigner la colonie nabatéenne de 
Pétra, malgré le rôle remarquable qu'elle avait joué, 
et à lui refuser, en Arabie, le droit de naturalisation, 
tandis qu'ils admettent dans le sein de la nation 
arabe, et comptent parmi les Aribaj d'autres peuples 
dont ils déclarent l'origine araméenne , mais dont ils 
nomment la langue eUarabiya. 



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39 



LIVRE IL 



YAMAN. 



Teclanidet ou Cahtinides. 



Longtemps avant l'islamisme, toutes les tribus 
arabes subsistantes se divisaient elles-mêmes en deux 
races. Les unes, plus anciennes, nées dans le Yaman, 
nommaient leur père Cahtdn; les autres, plus ré- 
centes, originaires du Hidjâz, appelaient leur auteur 
Adndii. Chez ces derniers, une tradition , dont il n*y 
a pas de motif pour nier l'authenticité, attestait 
qu'Aduân était un rejeton d'Ismaël. Il ne paraît point 
que, chez les premières, il ait existé aucune tradition 
nationale relative à la filiation de Cahtân. C'est de- ^^^ 
puis l'islamisme seulement, quand les Arabes ont 
commencé à recueillir les souvenirs de leur histoire 
et à les comparer avec les témoignages de la Bible , 
que la plupart des écrivains orientaux ont identifié 
Cahtân avec Yectan fils d'Héber. I^ nom de Cahtdn 
disent-iby est le nom de Yectan y légèrement altéré 
en passant d'une langue étrangère dans la langue 
aiabe ^ Quelques-uns cependant croient Cahtân issu 

I Ibn-Kbaldoun, f. ao v». 



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4o LÏVRK If. 

d'Ismaël , et font ainsi dlsmaël le père de toutes les 
tribus arabes subsistantes'. Mais cette opinion, fai- 
blement soutenue par ses rares partisans, repoussée 
par la grande majorité des historiens et par les plus 
judicieux dVntre eux, est en opposition manifeste 
avec les données bibliques. La Genèse nous montre 
les enfants de Yectan répandus dans le midi de 
l'Arabie , de Messa à Sépliar % et ceux dlsmaël dans 
les déserts du nord ^. S'il n'est pas complètement cer- 
tain que Séphar désigne l'emplacement de la ville de 
Zhafâr dans le Yaman, du moins les régions de 
l'Arabie méridionale, qui ont porté ou portent encore 
les dénominations SÀuzdl^, de Sabaj de Hadra- 
maut, rappellent si exactement les fkomsSUzalj de 
Saba y de Hasarmot fils de Yectan , qu'il est impos- 
sible de douter que la partie sud de l'Arabie n'ait 
été bien réellement la demeure primitive des Yecta- 
nides. 

Les tribus arabes , qui se déclarent originaires du 
Yaman, et qui nommeut leur père Cahtân, doivent 
donc être yectanides. 

L'identité individuelle de Cahtân avec Yectan n'est 
pas pour cela démontrée; elle est seulement plau- 
sible, mais à condition néanmoins de supposer un 
grand nombre de générations ignorées entre Cahtân 
et les premiers de ses descendants connus, et men- 

X U>n-Khaldouo , f. 17^^, ao v% xi3. Sirai-erraçoul , f. a. Pococke, 
' Spécimen hist. or,, p. 40. 
a Genèse^Ti, 3o. 

3 GenèUf XXV, 18. 

4 Awtâl est TancieQ nom du cauton de Sam dans le Yamao. (Ibn-Khal- 
douD» f. 39. Bocbarl, Géog. sacr,, liv. II, cap. XXI.) 



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YAMAN. /|1 

lionnes comme ses 61$ dans les traditions arabes. 
Tels sont Djorhom et Yàrob, personnages dont les 
noms ne figurent point, dans la Genèse, parmi ceux 
des enfants de Yectan. J'ai déjà annoncé que Djorhom, 
dans la postérité duquel on trouve plusieurs Modhâdh 
ou Al-Modhâdh , me semblait devoir être rattaché à 
la tige d'Almodad fils de Yectan. 

Quant à Yàrob, nous avons vu, à Tarticle des 
Adites, qu'il vainquit et détruisit cette nation. Les 
Yectanides^ auxquels il commandait, formaient donc 
déjà, sous lui, une peuplade à peu près égale en nom- 
bre aux Adites; il ne peut donc être qu'un descen- 
dant éloigné de Yectan. 

Yàrob, dit-on, fut père de Yachdjob, et celui-ci Sàhèw. 
d'Abdchams , surnommé Saba. C'est de ce surnom 
que les Arabes font dériver la dénomination de Sa- * 
béens, Sabaijya, qu'ils appliquent particulièrement 
aux enfants d'Abdchams, mais qui, selon moi, doit 
être étendue à ses ascendants Yachdjob, Yàrob, et 
autres. En effet , Abdchams-Saba ne saurait être le 
même que le Saba fils de Yectan de la Genèse. Il est 
impossible d'admettre que les Arabes aient pu con- 
server la mémoire de générations intermédiaires entre 
Yectan et Saba, lesquelles auraient été ignorées de 
Moïse. Il est bien plus probable qu'ils avaient oublié 
beaucoup de degrés dans une si antique généa- 
logie. 

Le surnom de Saba y donné à Abdchams, doit être 
considéré comme exprimant la personnification de 
la famille sabcenne dans Thomnie qui en était le chef 
à une certaine époque. C\st là un indice qui rap- 



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4a UTAE 11. 

poKe Yàroby aïeul d'Abdchamt, à la souche de Saba 
fils de Yectan. 

Yàrob et ses ancêtres inconnus sont donc, k mes 
yeux , de ces Sabëens dont les auteurs sacrés ont sou- 
vent parlé, et dont les écrivains grecs et latins ont 
vanté la puissance, la civilisation et la richesse. 
iiitfâ^iMiii£% Observons ici que la dénomination de Sabëens 
les. "' **" " convient également à deux peuples d'origine difie- 
rente, l'un de race chamite, issu de Saba fik de CkHich ; 
l'autre de race sémite , issu de Saba fils de Yectan. 
Ils paraissent avoir occupé ensemble, au moins pen- 
dant plusieurs siècles, une même contrée méridio- 
nale de l'Arabie. 

II. y a une nuance, dans l'orthographe hébraïque, 
entre le nom de Saba fils de Couch, et celui de 
Saba fils de Yectan. Le premier s'écrit avec un sa* 
mek{s)^ le second avec un chin {ch français); on 
devrait donc régulièrement prononcer Chaba fils 
de Yectan. Cette nuance disparait totalement dans 
la transcription grecque, latine et arabe'. Les deux 
peuples, Sabéens et Chabéens, ont dû naturellement 
être confondus par les écrivains autres que les écri* 
vains hébreux. Mais les auteurs sacrés, qui ne font 
pas cette confusion, constatent l'existence distincte, 
en Arabie, de l'une et l'autre peuplade. 

On lit dans David ^ : « Les Éthiopiens se proster • 



I Ce n*e8t pas que la lettre chin (ch français) manque aux Arabt^, 
comme au3L Grecs et aux Latins. Mais il est certain que les Arabes, dans 
une multitude de noms propres, ou de roots empruntés par eux à la langue 
hébraïque, out substitué Pj au ch. 

a Psaume LXXI, 9, xo. 



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TAMAN. 43 

«c neront devant lui... Les rois de Chaba et de Saha 
« lui apporteront des dons. » Dans cet exemple , les 
Éthiopiens, généralement reconnus pour être des 
Couchites, sont distingués du peuple de Saba, autre 
nation couchite. Ce nom de Saba désigne donc les 
en&nts de Couch établis ailleurs qu'en Ethiopie, 
c'est-à-dire, dans l'Arabie Heureuse. D'autre part, 
l'expression, « Les rois de Chaba (Arabes yectanides) 
« et de Saba (Arabes couchites), » montre que les fa- 
milles de Chaba et de Saba pouvaient être voisines 
de territoire, mais n'étaient point fondues en une 
seule et même nation. 

La reine de Chaba vient ensuite visiter Salomon '. 
La nature des présents qu'elle apporte, le root même 
de Chaba (par un chin)y prouvent que son royaume 
était situé dans l'Arabie Heureuse ou aromatifère. 

Plus tard, le nom de Saba (par un samek) repa- 
raît dans Isaïe. « Le Seigneur dit... J'ai livré (c'est -à- 
« dire, je livrerai, car ceci est une prophétie) TÉgypte, 
« l'Ethiopie et Saba^ pour vous sauver '. » Et ail- 
leurs : « L'Ethiopie et Saba^ avec ses hommes de 
« haute taille, seront à toi ^. » On voit encore ici 
l'Ethiopie opposée à Saba ; c'est un nouvel indice de 
la position des Sabéens couchites en Arabie, au moins 
jusqu'au temps dlsaîe. 

En effet, il est remarquable qu'après ce prophète 
on ne rencontre plus une seule fois dans la Bible le 
nom de Saba ou des Sabéens couchites, SabaJm. 

i UI* Ut. des &ois, chip. X. H* Ut. des Paralip., chap. IX. 
a /iOM» chap. XLIU, 5. 
3 /iffM, chap. XLY, 14. 



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44 LIVRE II. 

L'on n'y trouve plus que celui de Chaba ou des 
Chabëens^que j'appellerai Sabéeiis, pour ne pas chan- 
ger une désignation consacrée par l'usage , mais en 
les distinguant par l'épithète de Yectanides. 
«of»iunc d'à- Que doit-on inférer de là? Les Arabes couchites 
Sîbé^^'Jch? avaient-ils perdu leur nom de Sabéens? Étaient-ils 
disparus de la contrée où ils avaient primitivement 
demeuré? Un fait communément admis aujourd'hui, 
et qui a été établi par Ludolf d'une manière aussi 
satisfaisante que possible ' , me semble offrir le 
moyen de résoudre cette question. Le royaume d'A- 
byssinie a été fondé par une colonie sortie de la pé- 
ninsule arabique. Je suis très-porté à voir, dans ces 
colons, les Sabéens couchites, obligés, soit en totalité, 
soit en majeure partie, à quitter l'Arabie par suite 
de quelque circonstance politique. I.>es Abyssins se- 
raient donc une race couchite arabe, superposée sur 
la race couchite africaine. Ce pourrait être une des 
causes de ce type arabe empreint sur la physionomie 
de certaines peuplades abyssiniennes, et dont a été 
frappé un voyageur moderne , M. Lefèvre *. 

Les passages d'Isaîe, que j'ai cités plus haut, indi- 
quent que la migration des Sabéens couchites aurait 
été postérieure au temps de ce prophète, et, à plus 
forte raison, au voyage de la reine de Saba, ou , plus 
exactement, de Chaba, à Jérusalem. On conçoit alors 
comment les Abyssins, dans la langue desquels la 
nuance de Chaba et de Saba était sans doute effacée, 

1 Uistor. tethiop,^ lib. I, cap. c ; et Comment, ut iiist. œth,^ p. 57 et 
suiv., et p. aoi. 

2 Voy. Bulletin de la Société de géographie^ sept. 18 Vo, p. 140. 



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TAMAK. 45 

ont pu, avec quelque apparence de fondement, pré- 
tendre que la reine de Saba était de leur nation. Ils 
étaient Arabes, ils avaient habité un pays compris 
vraisemblablement dans le royaume de cette reine. 
Passés ensuite du Yaman en Afrique, ils ont insensi- 
blement attribué à leur patrie adoptive un événe- 
ment qui avait eu lieu dans leur mère patrie, et ont 
réclamé pour eux la reine de Saba , tandis que les 
Arabes yectanides la revendiquaient plus justement. 

Une conjecture analogue à celle-ci a déjà été pro-' 
posée par M. de Sacy % et je suis heureux de pou- 
voir m'appuyer, en cette occasion, sur le sentiment 
de cet illustre savant. 

Examinons maintenant si , dans les traditions re- eSKTSf^saKéew 

• 11» 1 ' • • I Ma 'LI <^Ottchllci et If» 

cueillies par les écrivains musulmans, il est possible Adurs. 
de découvrir quelque vestige des Sabéens couchites. 
Ces traditions ne les nomment pas; mais les Âdites, 
qu'elles nous représentent comme ayant eu une exis- 
tence d'abord antérieure aux Cahtanides ou Yecta- 
nides, puis, pendant plusieurs siècles, simultanée avec 
eux, ne sont-ils pas l'image des enfants de Saba fils 
de Couch? Rappelons - nous que certains auteui*s 
disent les Adites issus de Cham père de Couch. Les 
Adites étaient, suivant les légendes arabes, d'une 
taille gigantesque; et Isaîe peint les Sabéens couchites 
[Sabaim par un samek) comme des hommes d'une 
haute stature. Locmân, roi des seconds Âdites, fit 
construire la fameuse digue de Mareb, dans le pays 
(le Saba; I^cmân et les Âdites habitaient cette con- 
ti*ée; ils étaient donc Sabéens. 

t Mém. de t Acad, des inscrip.y tome L, p. aSo. 



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46 LIVRE If. 

Enfin y si, comme. je me suis cru fondé à le suppo-' 
ser, le passage des Sabëens couchites en Afrique est 
postérieur de quelque tem^s aux prophéties dlsaïe^ 
il remoaterait y au plus tard , à sept siècles et demi 
environ avant notre ère. C'est ïépoqae à laquelle j'ai 
conjecturé qu'on pouvait rapporter la disparition des 
Adites du sol de l'Arabie, après le renversement de 
leur puissance par Yàrob ^. 

Ces divers rapprochements me semblent, non pas 
prouver, mais rendre au moins probable que les Cou- 
chites-Sabéens et les Adites sont une même nation. 
Si Ton admet leur identité, on pourra penser que le 
souvenir de l'émigration des Sabéens couchites ex- 
pulsés du Yaman par les Sabéens yectanides, et de 
la séparation définitive de ces deux peuplades homo- 
nymes et auparavant voisines, s'est perpétué parmi 
les Arabes dans l'expression proverbiale se diifiser 
comme les Sabéens ^. Envisagée sous ce point de vue, 
cette locution aurait plus de justesse que si , avec 
Maydâni , on en rattache l'origine à une migration 
beaucoup plus récente, occasionnée par la crainte de 
la rupture de la digue de Mareb ; car, dans ce der- 
nier cas, dont il sera fait mention plus loin, il n'y 
eut de séparation, de dispersion , que dans la tribu 
d'Azd , portion très-minime de la grande famille sa- 
béenne yectanide. 

1 On croit quliaîe propbétistit entre les années 770 et 750 •▼. J. C. 
a Voy. liv. I, p. i8. 



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TAMAW. 4? 

Dyoattie nbéenne yeeUnide ou eabtmide. 

11 règne une profonde iucet^titude sur l'histoire 
des Sabëens issus de Yectan, appelés Cahtanides par 
les Arabes. Des traditions vagues , des listes de rois 
qui ne concordent pas toutes entre elles et offrent 
des lacunes manifestes^ des généalogies interrompues 
ou douteuses , tels sont les documents que les ëcri* 
vains orientaux nous présentent. Avec d'aussi faibles 
éléments pour reconstituer une histoire, on ne peut 
espérer de parvenir à la vérité. Peut-être, au moins, 
n'est-il pas impossible d'atteindre à la vraisemblance. 
Je n'étends pas mes prétentions au delà de ce terme. 
Les auteurs qui nous ont transmis la nomencla- 
ture des rois du Yaman, depuis Yàrob jusqu'à Dhou- 
nowâs, monarque auquel les Abyssins enlevèrent la 
couronne et la vie , vers l'an 5^5 de J. C. , ont voulu 
retrouver la reine de Saba dans la postérité de Yà- 
rob. Cette idée les a engagés d'abord à reculer Yàrob 
outre mesure dans le passé, et à le faire fils immédiat 
de Cahtân , identifié avec Yectan fils d'Héber. En- 
suite, comme le nombre des rois composant leurs 
listes était très-insuffisant pour combler l'intervalle 
d'environ trois mille ans que ce système ouvrait entre 
Yàrob et Dhou-nowâs , ils ont donné à plusieurs de 
ces princes deux, trois, et quelquefois même quatre 
cents ans de vie. Puis ils ont forgé des synchronisme» 
entre divers descendants de Yàrob et Abraham, 
Moise,etc. 

La critique peut écarter sans scrupule toutes ces 



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48 LIVRE II. 

vaines coujecturcs qui obscurcissent la question, et 
ne sauraient servir de base à des calculs chronolo- 
giques. Il faut considérer en elles-mêmes, indépen- 
damment de synchronismes purement imaginaires 
pour ce qui concerne la haute antiquité, les listes des 
souverains du Yaman. Tout impariaites qu'elles sont, 
elles contiennent peut-être des traces d'anciennes an- 
nales depuis longtemps perdues ; on sait en effet, par 
des témoignages positifs , que l'usage de l'écriture a 
été connu dans le Yaman bien des sièclesi^ avant de 
s'être introduit dans les autres régions de l'Arabie. 

A défaut de monuments certains, les moindres dé- 
bris traditionnels deviennent précieux. J'adopterai 
donc ces listes , et les regarderai comme une esquisse 
à demi effacée , mais au fond encore assez fidèle , de 
la succession des rois cahtanides. Seulement, je ré- 
duirai à moins de treize siècles, au lieu de trois mille 
ans, la période qu'elles embrassent, m'autorisant, 
pour cela, des présomptions déjà acquises sur le 
temps de l'expulsion des Adites et sur l'âge de Yà- 
rob. Si l'on admet, avec moi, que Yàrob doit être à 
une grande distance en deçà de Yectan et même de 
la reine de Saba, l'on trouve dans ses successeurs ou 
descendants assez de noms pour remplir l'espace res- 
tant jusqu'à Dhou-nowâs. 

En comparant entre elles et cherchant à compléter 
l'une par l'autre les listes que fournissent Hamza, 
Abouiféda, Ybn-Khaldoun, et autres historiens, on 
voit qu'il y a moyen de suppléer une partie des la- 
cunes, dans les généalogies, par les règnes, et, dans 
les règnes, par les généalogies; on reconnaît cin- 



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TAMAN. 49 

quante-quatre règnes de Tàrob à Dfaounowâs; les gé- 
néalogies forment un ensemble de trente-neuf géné- 
rations, dont trente-huit comprises entre la naissance 
de Dfaounowâs et celle de Yàrob ^ 

Or, l'époque du règne de Dhounowâs est sufBsam- i§îJ*3?^«!ïi.. 
ment connue pour permettre de rapporter la nais- 
sance de ce prince à Tan 4^0 de J. G. '. En partant 
de ce point, et comptant à raison de trente-trois an- 
nées chacune les trente-huit générations qui séparent 
Dbounowiis de Yàrob, on arrive à placer approxi- 
mativement la naissance de celui-ci vers Tan 794 
avant notre ère. Cette estimation fixe le commence- 
ment du règne de Yàrob vers 764 avant J. C. Elle se 
concilie bien avec les inductions par lesquelles j'ai 
été amené à supposer que les Adites ou Couchites- 
Sabéens, vaincus par lui, avaient été chassés de l'Ara- 
bie environ sept siècles et demi avant l'ère chrétienne. 

YIbob, fils, c'est-à-dire, issu de Cahtàn. Quelques 
auteurs disent que son véritable nom était Ya/nan^^ 
et qu'il l'imposa à la contrée dont il devint le maître. 
D'autres prétendent que l'Arabie méridionale a été 
appelée Fayna/i(pays de la droite), par opposition 
à la Syrie, Cfidm (pays de la gauche), parce qu'elle se 
trouve située à la droite de ceux qui se tournent vers 
Forient^. 

I Voy. le tableau L 

a Celte opiiiioo est tusti ceHe de M. de Sacy, qui, en rappelant que 
Shounowâs était dans la fleur de la jeunesse lorsqu'il monta sur le trôoe , 
fûtcoauneooer son règne en Pannée 480 de J. C Voy. Mém, dt tActd, 
du inscripi^ voL 48» p. 53 1 . 

3 KUdà^l^jotimdn, Ibn-Hkhâin âté par Ibn-Kkaldoun, f. lo v«. 

4 Cdmams. 

4 



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âo LIVRE II. 

On convient que Yàrob, après avoir ruiné la puis- 
sance des Adites ', établit la domination exclusive des 
Cahtanides sur toute la partie sud de l'Arabie. On 
ajoute qu'il conquit le Hidjâz sur les Amâlica, qu'il 
donna cette province à son frère Djorhom, et conféra 
à ses frères, Oman et Had brama ut, le gouvernenieot 
de celles qui sont désignées par leurs noms^. Cela 
signifie, selon moi, que, du temps de Yàrob, les Cah- 
tanides furent en possession de TOmân, du Hadhra- 
maut et du Hidjâz , et que la tribu oahtanide , ins- 
tallée dans cette dernière contrée, était la tribu de 
Djorhom. 

Ce fut, dit-on, pour Yàrob que Ton créa les for* 
mules de salutation et de respect employées depuis 
par les Arabes à l'égard des rois, telles que : Inim 
sabdhan, Puisses -tu avoir une heureuse matinée! 
Abayta^tlàna, Puisses*tu éviter les malédictions^! 
Enfin, plusieurs auteurs avancent que Yàrob fîit le 
premier qui fit usage 4, ou plutôt sous le règne du* 
quel se répandit parmi les Cahtanides l'usage de la 
langue arabe. Cette assertion est fondée apparem« 
ment sur le nom de Yàrob (il arabise). Elle paraît , 
au premier coup d œil^ ineonciliable avec le sentiment 

X Ibn-Khaldoun, f. 9. Ibn-Sald et Bayhaki cités par Ibo-Khaldouo, 
f. i3 et ai. Kitàb-el-Djoumén, 

2 Ibn-Khaldouu, f. xS, ai. 

3 Dimichki. Kitdb'Ennoueai de Mobaiiimed-ibii43faari(^diR*OiMU' 
Châb. TtJKkcdt^l'Jéolouk de Huâlebi (oMDiiserttB appartedut à ia laaitUe 
de H. Rousseau, aneieD oensul géoéral à Alep ; ib seuk mainteMiit i A^ 
g«r). Haooa daas VHitt. imp, vei, jvct, de Scteltcos, p. iS. Poooke, Spée. 
hist, ar,f p. 56. Ibn-Kbaldoun, f. xg v«. 

4 HaiBxa.ap. S^uUens, Bisi. imp. w«. yùcL^ p. iS. Abulfede Bist. 
anteisLf p. 114. 



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tamân. 5i 

cTautres historîeDs qui affirment que Cahtân lui-même, 
ancêtre de Yàrob, avait appris Farabe des races pri- 
mitives, Âriba^ c'est-à-dire que les peuplades dont 
le nom de Cahtân est le symbole , j'entends les Sa- 
bëens-Yectanides, parlaient Tarabe antérieurement à 
Yàrob. 

Cette contradiction peut n*être qu'apparente, et 
provenir de la confusion produite par l'emploi de 
l'expression langue arabe ^ appliquée aux idiomes 
divers des antiques habitants de l'Arabie. 

C'était nécessairement avant l'expulsion des Adites 
ou Couchites-Sabéens, par conséquent avant l'époque 
de Yàrob, que les Cahtanides s'étaient formé la langue ' 
qu'ils avaient, dit-on, apprise de ces Ariba leurs voi- 
sins ; langue que je crois avoir été appelée, plus tard, 
arabe himyarique, et que je nommerai, pour le mo- 
ment, arabe cahtanique, afin de la distinguer de l'idiome 
ismaéliqne ou arabe proprement dit. Posons donc en 
&it que les enfants de Cahtân parlaient l'arabe cah- 
tanique dès avant le règne de Yàrob. 

Maintenant, si l'on observe, d'une part, que les for- 
mules iràm sabdhan et abajrtarUàna, créées pour Yà- 
rob, appartiennent au langage ismaélique , à l'arabe 
proprement dit; d'autre part, qu'un écrivain ancien, 
Abdelmalik^, prétend que les Cahtanides reçurent 
l'arabe des enfants d'Ismaël, on sera conduit à in- 
duire de ce rapprochement que l'ai^abe, dont l'usage 



1 nm-KhaldouD, f. 14 t«» 90 ▼«. 

Ti Cité àêB% te Motahir de Soyouti. Voy. la traduct de oe paange par 
M. Fresod, Joum, ^uiat^ juin x838, p. 5a6. 



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J-i LIVRE II. 

s'introduisit sous Yàrob parmi les Cahtanides , était 
Tidiome ismaélique ou du Hidjâz, l'arabe proprement 
dit, qui pouvait certainement être une langue faite et 
fixée depuis longtemps, si le règne de Yàrob date 
seulement de sept siècles et demi environ avant J. C. 

Je n'imagine point, pour cela, que l'arabe cahta- 
nique se soit éteint dans le Yaman; je pense, au 
contraire, qu'il se conserva dans une portion consi- 
dérable de la population, mais que l'arabe ismaélique 
s'y établit concurremment avec lui, et fîit adopté par 
la famille régnante. 

Yachdjob, fils de Yàrob, prince faible et obscur, 
dont on ne dit rien, sinon qu'il laissa les chefs de 
plusieurs cantons de ses États se rendre indépen- 
dants \ 

Abdghams-Saba, fils de Yachdjob. Abdchams raf- 
fermit l'autorité, énervée entre les mains de son pré- 
décesseur. Il réunit toutes les villes de l'Arabie Heu- 
reuse sous son obéissance, poursuivit les restes des 
Adites qui se tenaient cachés dans les montagnes du 
Hadhramaut, et les réduisit enescl avage^. Il fît, se- 
lon Ibn-Khaldoun , une expédition en Egypte , oîi il 
bâtit, c'est-à-dire, apparemment, restaura la ville 
d'Ayn-Chams ^ (Héliopolis). 

Suivant une opinion commune, le grand nombre 
de captifs faits par Abdchams lui valut le surnom de 
Saba (mot qui signifie: il a fait des captifs). Hamza, 
toutefois , ne rapporte cette étymologie que pour la 

I Ibn-KbaldouD, f. ac. 

% Hainza ap. Scbolteos, HUi, imp, vet, yoct,, p. 20. 

S Ibn-KhiMoun^ f. ai. 



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TAMAN. DvJ 

critiquer et en relever rinvraisemblance '. Je répé- 
terai ici qu'à mon avis, Abdchams a été qualifié de 
Saba, comme personnification de tout le peuple sa- 
bëen uni sous son empire. Il est constant que le nom 
de Saba est le plus ordinairement employé pour 
exprimer une idée collective, celle d'un peuple ou 
d'un pays. 

Abdchams paraît avoir été le fondateur de Mareb ^. 
C'est la ville désignée par Ératosthène, Artémidore, 
Strabon et Pline , sous le nom de Mariaba , comme 
située sur une montagne, et étant la métropole du 
pays des Sabéens. Diodore de Sicile et autres la 
nomment Saba , et la placent également sur une mon- 
tagne. La plupart des géographes arabes assurent 
que Mareb et Saba sont deux dénominations syno- 
nymes. Quelques-uns cependant témoignent que Saba 
était le nom de la ville, et Mareb celui du château 
habité par le roi ^. 

Aboulféda attribue encore à Abdchams la construc- 
tion de la digue près de laquelle s'élevait Mareb ^ et 
que l'on regarde généralement* comme l'œuvre de 
Locmân, roi des seconds Adites. Il peut se fiiire 
qu'Abdchams ayant réparé et perfectionné cet utile 
monument , en ait été considéré comme l'auteur par 
quelques historiens. 

Abdchams eut plusieurs enfants, dont les plus cé- 
lèbres sont Himyar et Cahlân, qui laissèrent une 

I SitLîmp, v€t,yoct., p. aa. Édit. de Gotlwaldt,p. xai* 
> IbnrKbakiouD, f. az. Abuifed» HltU anteisLfp. ii4* 
3 Voy. de Sacy, Mêm. de CAcûd^ toL 4$, p. 5o5, et extraUs de Ba^ 
cWt, U'ut. imp, TfeLyoct., p« 77 et suit. 



FoDdatloii de 
Mareb. 



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54 LIVRK II. 

nombreuse postérité. La majeure partie des tribus 
yamaniques, subsistantes à la naissance de Fislamisme, 
tiraient leur origine de Tun ou de Tautre de ces deuK 
personnage. Les descendants de Himyar paraissent 
s'être fines plus particulièrement dans les villes; cenx 
de Cahian, dans les campagnes et les déserts du Ya- 
man. Ceux-ci , adonnés pour la plupart à la vie bé- 
douine, conservèrent toujoui*s leur énergie, tandis que 
ceux-là finirent par s'amollir dans le séjour des cités'. 

HimrÂR, fils d'Abdchams. T^ véritable nom de ce 
prince était Azandjadj ou Ghazanhadj. On l'appela 
Himyar, parce qu'il affectionnait la couleur rouge Aan^ 
ses vêtements. C'était le plus bel bomme et le plus 
vaillant cavalier de son temps. Il fut le premier, entre 
les rois cahtanides du Yaman, qui porta une cou* 
ronne d'or. Sous son règne, la trib^ de Thamoàd, 
chassée de l'Arabie Heureuse, se retira dans le Hidjâz *. 

Himyar est la souche de la grande famille himya- 
rite, appelée homérite par les écrivains grecs et latins, 
et qui figure, pour la première fois, sous ce nom 
d'horaérite, dans la relation de l'expédition d'£tius 
Gallus , environ vingt-*quatre ans avant J. C. Cette 
famille régna dans le Yaman, depuis Tépoque de son 
auteur Himyar, jusqu'à la conquête de ce royaume par 
les Abyssins, en Tannée SaS de notre ère. Ce long 
espace de temps, que j évalue à près de douze siècles, 
se divise en deux périodes. Pendant la première, les 
enfants de Himyar partagèrent la souveraineté avec 

1 Ibo-Khaldoun, f. 117 ▼*. 

2 Nowayri, Hut, imp, vet. yoet,^ p. 5o. A.buUediB H'ut, anieisL^ p. x 14. 
IbnKbaldoun, f. ai. Pococke, 5;70c/m., p. 58. 



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TAHAN. 55 

d'autres fiitiiilles, notamment avec celle de Cahlân. 
Ces divers princes et leurs sujets continuèrent à être 
désignés sous le nom de Sabéens, eomme étant tous 
issus de Saba, fils de Yectan. La dénomination de 
SabéenSy longtemps la seule connue des nations étran^ 
gères, subsista jusqu'au moment oh le pouvoir fut 
concentré dans la maison de Himyar. Alors s'ouvrit 
la seconde période. La maison de Himyar brilla, dans 
l'Arabie Heureuse, d'une splendeur sans rivalité; et le 
nom des Himyarites, ou Homérites, commença à rem- 
placer celui des Sabéens* Cette seconde période est 
celle des Tobba. 

CahlIk, Wâthil, Csammib. L'on n'est pas d'ac- 
cord sur le successeur de Himyai'. Les uns placent 
après lui son frère Cahlân ', d'autres son fils Wâthil ^, 
d'autres son petit-fils Chamnrir, fils d'Alamlouk^. 
Cette divergence dTopinions provient peut-être de la 
division de l'empire* Il serait possible que plusietirs 
princes eussent régné siuniltanément sur diverses por- 
tions de territofre. En tout cas, la généalogie de 
Chammir paraît devoir faire penser qu'il a été posté- 
rieur an moins à Cahlân. 

Wâthil se vit enlever par un de ses frères la pos- 
session du pays d*Omân. Mâlik, fifs de Himyar, s'étant 
rendn maître de cette province, s'y maintint maigre 
les efforts de Wâthil pour l'en expulser 4. 

L'on dit que Chammir fonda la ville de Zhafâr, et ^•"ÎSS;.'* 

I Nowayri, Bist, imp, vet, jroct.^ p. 3o. Ibn-Said cité ptr Ifan-KhaklDiiii, 
t %is 
a Abalfedc Hist. antetsl,^ p. 114. Hm-Khaldoiin, f. ai. 

3 Tabacdt^t-Molouk àt Thaàlebi. Tahari, cité par n>n-KhaldoiiD, f. a i v**. 

4 Ibo-KbalJoun, f. ao. 



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UBffwe hiniya- 
rlqnr. 



56 LIVRK 11. 

qu'il recoDQUt rauiorité des Perses '. Cette dernière 
indication donnerait lieu de soupçonner qu'il vivait 
au temps de la grande monarchie de Cyrus (vars Tan 
536 avant J. C). Il aurait pu, en effet, atteindre 
cette époque, dans la supposition que j'ai admise re- 
lativement à rage de son ancêtre Yàrob. Le synchro- 
nisme présenté par quelques historiens entre ce Charo- 
mir, Moïse, et un roi de Perse, Menoutchehr*, ne 
mérite aucune attention. C'est une fausse conjecture 
qui prend sa source dans l'idée très-exagérée que se 
font les Arabes de Tantiquité des souverains du Ya- 
man , dont on a conservé les noms. 

On lit, dans l'ouvrage intitulé Tabacdt-el'MoIoukj 
par Abou-Mansour Thaâlebi , que Chammir introdui- 
sit dans le Yaman la langue himyarique par^dessus la 
langue arabe ^. Ce passage semble faire du himyarique 
un idiome plus jeune que l'arabe proprement dit. 
Néanmoins, l'opinion la plus accréditée accordant au 
himyarique la priorité d'ancienneté^, il faut expliquer 
les expressions de Tliaâlebi dans un sens un peu dif- 
férent de celui qu'elles offrent au premier abord. Cette 
explication se déduit naturellement de l'hypothèse que 
j'ai proposée sur l'adoption par la famille régnante 
dans le Yaman, et dès le temps de Yàrob , de l'arabe 
ismaélique ou du hidjâz. Chammir reprit la langue 



I Hamza, HltU imp. vet, yoct^ p. ao. Tabari ap. Ibn-Khaldoiiu , 
f. ai Y». 

• Hamia, loc. cit. 

3 î-jyJI îiUI J* hjs^\ XiUl ^i\ ^J* Jjl y. 

4 Joum, tu,f juin x838, p. 53 1. Anthologie grammaticale de M. de 
Sacy, p. 4i3. 



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TAMAJV. 57 

cahtanîque, celle que ses ancêtres ataient apprise des 
Ariba. A Texemple de leur prince, les descendants de 
Himyar adoptèrent cet idiome, qui était antique, mais 
qui reçut alors la dénomination nouvelle de himyu'- 
rique, parce qu'il devenait particulier aux Cahta- 
nides de la branche de Himyar. Il se trouva ainsi 
superposé, chez les enfants de Himyar, à Tarabe pro- 
prement dit, qu'ils avaient dû parler auparavant, 
comme les autres membres de la famille de Yàrob. 

Quant à la branche de Cahiân, il n'y a pas lieu de 
penser qu'elle ait renoncé à Tarabe ismaélique. La 
plupart des tribus nées de Cahiân vécurent à l'état 
bédouin. Leur contact plus fréquent avec les nomades 
issus d'Ismaël dut contribuer à leur faire garder 
l'usage de l'arabe proprement dit. Les deux idiomes 
coDtinuèrent ainsi à être parlés dans le Yaman, l'un 
dans les déserts et les campagnes, l'autre dans les 
cités. Celui-ci devint le langage du gouvernement , 
comme a été, chez les Persans, le dériyyé. Celui-là 
fut le langage de la poésie; car, en Arabie, les poètes 
ont été surtout les enfants des déserts. I/on connaît 
plusieurs fragments de poésie ancienne écrits dans la 
même langue que le Coran , et dans le siècle qui pré- 
céda Mahomet, par des hommes de la race de Cahiân. 
Aucune tradition ne mentionne un seul vers composé 
en himyarique par un descendant de Himyar. 

11 ne faudrait pas cependant supposer que la com- 
munauté d'idiome, entre la postérité d'Ismaël et celle 
de Cahiân, ait été jusqu'à l'identité parfaite. Elle ad- 
mettait nécessairement des nuances, mais c'étaient de 
simples nuances de dialectes, telles qu'il en existait 



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58 LIVAF II. 

dans le langage même des différentes tribus origi- 
naires du Hidjâz. 

SacsIg, fils de Wàthil, entreprit une guerre contre 
le fils et successeur de Mâlik, fils de Himyar, et par- 
vint à reconquérir TOmân \ 

YkFAB , fils de Sacsâc. Le règne de Yà&r Ait très* 
agité. Des insurrections éclatèrent contre lui. Les en- 
Êints de Mâlik lui firent constamment la guerre. Yà&r 
mourut^ laissant sa femme enceinte. Peu après la mort 
de son mari, elle accoucha de Nomân. Pendant Fen- 
fance de ce prince, Dhou-Biâch s'empara du pou* 
roir *. 

Dhou-RiIch. Son véritable nom, suivant Aboul- 
feda, était Amir, fils de Bârân, fils d'Auf, fils de 
Himyar. Il s'établit à Sana, et s'occupa, sans beau- 
coup de succès, à repousser les attaques des en&iits 
de Mâlik ^ 

NomIit-el-MoIfir. Parvenu à l'âge viril, Nonvân 
fit valoir ses droits; il renversa l'usurpateur Dbmi- 
Riâcb, et lui laissa la vie, mais le retint en prison ^. 
Il comprima tous les autres ennemis de son pouvoir, 
régna longt^nps et avec fermeté, ce qui lui valut 
probablement le surnom SEl-ModJir^ l'énergique* 



1 IbD-Kbakfoun, f. ai. 
a Ibn-Khaldotm» ibi/L 

3 Ibn-Khaldoun, f. ai. 

4 Ibn-Khaldoun, ibid, H sera parlé un peu plus loin de certaines ins- 
criptions himyariques qni ont été découvertes dans le Taman, et publiées 
dans le Journal asiatique (cahier de sepl.-oct. 1845). D'après le syslème 
proposé par M. Fresnel pour la lecture de ces inscriptions, on trouve le 
nom de Noman dans Tinscription XI^V, et celui deBardn (père deDhou- 
Riâeh) dans riuscription LUI. 



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YAIWAN. 59 

Aboulféda (urétend que cette épithète lui fut appli- 
quée parce qu'il avait fait le vers suivant : 

« Si tu lutusavec énergie contre les érénements, tn égale- 
ras la gloire des plus illustres princes des siècles passés '. » 

D'autres vers du même genre, en idiome purement 
ismaélique, sont mis dans la bouche de quelques rots 
bimyarites, successeurs éloignés de Nomân. Si ces 
vers ne sont pas entièrement apocryphes , ils mon- 
trent que l'arabe proprement dit fut toujours femilier, 
eomme langue poétique, aux Himyarites eux-mêmes. 

AsMAH, fils de Nomân-el-Moâfir. Sous lui, les 
troubles se renouvelèrent. I^ royauté, qui déjà man- 
quait d'unité, se subdivisa encore en plusieurs prin- 
cipautés indépendantes*. De là, une confusion inex- 
tricable, et une longue lacune qu'lbn-Khaldoun essaye 
en vain de remplir avec les noms de quelques princes 
auxquels il oe peut assigner un ordre certain. Ces 
princes sont: 

ÂBTAir, descendant de Himyar par Hamayçà. Soit 
qn^l eût bâti ou restauré la ville d'Aden, située à 
l'extrémité sud-ouest de la péninsule arabique, ou vuiedAden. 
qu*il y eût seulement feit sa résidence , son nom est 
accolé à celui de cette ville, que les géographes ap- 
pellent Aden d^Abyan ^. 

JjLftil ^— ^-^tXJYI j)jLA C^aLj Hist, antelsL, p. 1x4. 

a Ibn-Khaldoun, f. ax. 

3 Abouiféda, Géog. Texte publié par MM. Reiuaiid el de Slane, p. 93. 
La ville d'Aden e«t ainsi distinguée d'une autre Aden^ bourgade Mir le 
mont Saber, dans le Yamaii, et d'un lieu nommé aussi Aden^ situé dans 
les dé$erls eutre la S\ rie et Tlràk. 



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6o LIVRE 11. 

DjebbIr, fils de Ghâlib. . ., fils de Zayd. . ., fils 
de Cahlân. 
vtuedeNadjrin. Nadjrait. Il fooda la Ville de ce nom. L'on ne 
sait s'il descendait d'Abdchams-Saba par Himyar ou 
Cahlân, ou, enfin, s'il était issu de Yàrob par une au- 
tre ligne que celle d'Abdchams. 

Abdchams, fils de Wâthil, fils de Ghautb, issu de 
Himyar par Hamayçà. On s'accorde à dire que Wâ* 
thil, père de cet Abdchams, est la tige des Tobba \ 
dont je parlerai bientôt. En examinant le tableau 
généalogique n^ i , on reconnaîtra qu'il manque au 
moins deux règnes avant Abdchams, et trois règnes 
après ce prince. 

ILlss1n-el-Catl , fils d'Amr, fils de Cays , fils de 
Moâwia, fils de Djocham*. Ce Djocham était, sui- 
vant Maçoudi, fils d'Abdchams, fils de Wâthil, fils 
de Ghauth; selon d'autres historiens, il était fils de 
Wâthil et frère d'Abdchams ^. 

Chadad ou Cuedd/lD, fils de Matât (ou Maltat), 
fils d'Amr, fils de Dhou-Yacdam, fils de Souwâr, fils 
d'Abdchams, fils de Wâthil. On voit, par cette généa- 
logie, qu'entre Cheddâd et son ancêtre Abdchams, fils 
de Wâthil , il doit y avoir eu au moins quati*e règnes, 
dont l'un est apparemment celui de Hassân-el-Cayl. 

LogmA.n, second fils de Matât (ou Maltat), régna 
après Cheddâd ^. Les noms de ces deux frères sont 



I Ibn-Kbaldoun, f. aa \^ a3. 

!i Ibo-Khaldoun, f. ai v^'et nSv». 

3 Ibn-KhaUloun» f. aS. 

4 IbnKhaldoun, f. ai. Abulfedc Hist, anieisl., p. i;6. Specim, kist, 
'ar.y p. 59. 



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TAMAN. 6l 

identiques avec ceux de deux autres personnages que 
nous avons vus figurer comme rois des Adites. Pour 
compléter la ressemblance, Ahmed Dimichki et Aboul- 
féda nomment Ad le père du Cheddâd et du Loc- 
mân dont il s agit ici, et ajoutent que Cheddâd éten- 
dit au loin ses conquêtes, qu'il porta ses armes 
jusqu'aux extrémités du Maghreb , et qu'il laissa plu- 
sieurs grands monuments de sa puissance; enfin, que 
Locmân eut une vie très-longue. 

Il est impossible que les rois adites Cheddâd et 
Locmân, l'homme aux vautours, trouvent place en cet 
endroit, puisque nous avons vu la tribu d'Ad dis- 
paraître de TArabie à l'époque de Yàrob. Il est pro- 
bable que les écrivains arabes , trompés par la simi- 
litude des noms, ont attribué une partie de l'histoire 
de deux rois adites à des princes cahtanides , leurs 
homonymes. 

Dhou-Chadad ou Dhou-Sadad, frère des précé- 
dents. On le nomme aussi Dhou-Merdthid^ . 

Ici se termine la première phase, pendant laquelle 
les descendants de Himyar sont confondus , sous la 
dénomination de Sabéens, avec d'autres familles cah- 
tanides. La seconde et brillante phase de la maison 
de Himyar commence maintenant, et le nom des Sa- 
béens va s'éclipser devant celui des Himyarites. 

Dynastie himyarite. Les Tobba. 

HIrith-ErbAïch ou HIritu-el-Fileçguf (le 
philosophe), premier Tobba. Hârith était, suivant 

I Um-Kbaldoan, f. ai t«. 



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6a LIVRE H. 

les uns, fiis de Dbou-Chadad ou de Chadad, fil» de 
Matât; selou les autres , (ils de Cays, fils de Sayfi, 
fils de Saba-el-Asghar, issu de Djocham. Tous les his« 
toriens conviennent, du reste, qu'il descendait de 
Himyar par Wâthil, fils de Ghauth '. Hamza, Nowayri % 
Tbaâlebi^ affirment qu'il y a quinze générations d'in- 
tervalle entre Hârith et Himyar. Dans un tableau 
généalogique de la postérité de Cahtàn, donné par 
Ibn-Khaldoun, cet intervalle est le même, car 
Hârith est place à la seizième génération depuis Hi- 
myar ^. Malgré l'incertitude que présentent nécessai- 
rement les généalogies fort anciennes, cette concor- 
dance de témoignages sur le nombre des degrés 
intermédiaires entre Himyar et Hârith semble méri- 
ter quelque confiance. Elle est d'autant plus remar* 
quable,que les quatre auteurs dont l'opinion s'unit 
en ce point essentiel diffèrent d'ailleurs de sentiment 
sur la filiation de Hârith, les uns le mettant dans la 
ligne de Cays, fils de Sayfi ; les autres, dans celle de 
Chadad ou Dhou-Chadad. Ces considérations m'ont 
engagé à adopter, dans le tableau que j'ai dressé des 
princes himyarites (tableau I), l'évaluation de quinze 
degrés généalogiques entre Hârith-Errâich et son 
ancêtre Himyar, sans m'arrëter aux opinions isolées 
de certains écrivains, qui en comptent quelques-uns 
de plus ou de moins. Là où la critique ne peut rien 
décider, le plus sûr est de suivre l'avis de la ma- 
jorité. 

I Ibn-KhaldouD, f. aa v*, a3. Voy. Tableau I. 
a Htst. imp. vet, yoct.^ p. aa, 5o. 
5 Ibn-Khaldoun, f. aa. 



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TAMAN. 63 

Depuis AbdcittOM-Sabâ jusqu'au temps de Hârith, 
la maison de Himyar, quoique ayant eu peut-être la 
principale portion de souveraineté dans TArabie 
Heureuse, avait partagé le pouvoir avec la branche 
de Cahtân, comme je lai dit précédemment. Hârith 
réunit toute l'autorité entre ses mains ^ Les petits 
roâ particuliers du Hadhramaut et autres provinces 
se soumirent à lui , et il fut le fondateur de l'empire 
himyarite. 

Au rapport de Thaâlebi^, il régna sept cents ans rJ^^^S^u^ 
avant l'islamisme, c'est-à-dire, environ un siècle avant 
l'ère chrétienne. En rapprochant cette indication d'un 
fidt déjà remarqué par M. Gosselin^, savoir, que 
le nom des Himyarites, inconnu à tous les écri- 
vains de l'antiquité, paraît pour la première fois dans 
Strabon, à l'occasion de l'expédition d'^lius Gallus, 
vingt et quelques années avant J. C. , on est amené à 
penser que l'évaluation de Thaâlebi ne s'éloigne pas 
beaucoup de la vérité. 

En effet, si le règne de Hârith et Tempire himya- 
rite remontaient à une époque aussi éloignée que le 
prétendent la plupart des historiens arabes, il serait 
incompréhensible que le nom des Himyarites fftt de- 
meuré si longtemps dans une complète obscurité. 
Si, au contraire, la domination de la maison de 
Himyar, établie par Hârith, datait seulement de trois 
quarts de siècle au temps de Strabon , l'on conçoit 
que, jusqu'alors, le nom des Himyarites ait pu rester 

I Haoïza, HisL imp, vet, yoct,^ p. ai. Ibn-Kbaldoun, f. ai. 

a Dans le Tabtudt-el'Molouk, 

3 iUcherehes sur lagéog, des anciens. H, 1 13. 



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Tokte. 



64 LIVRE H. 

ignoré au dehors de TArabie, parce que leur puis- 
sance souveraine était encore récente. 

Selon Hamza ' , Hârith fit des expéditions guer- 
rières dans llnde et contre les Turcs. Le butin enlevé 
aux peuples vaincus, qu'il rapporta dans le Yaman, 
,et dont il enrichit les descendants de Himyar, lui va- 
lut le surnom SErrâlch ( littéralement , le remphi* 
meur) *• Sa sagesse, sans doute, lui mérita Tépithète 
H! EUFileçouf {\e philosophe). On créa pour lui le 
titre de Tobbà , mot dont Tétymologie est douteuse. 
Plusieurs écrivains arabes font dériver cette expres- 
sion du verbe tabà^ suivre, et disent qu'elle désigne 
un roi à la suite duquel marchent de nombreuses 
populations ^. 

Dans son acception la plus étendue, le titre de 
Tobbà convient, en général, à tous les successeurs de 
Hârith. Dans son acception véritable et plus restreinte, 
il n'appartient qu'à ceux de ces rois qui ont possédé, 
outre le Yaman proprement dit, le Hadhramaut , le 
pays de Chihr ^, et autres provinces comprises sous 
l'ancienne dénomination d'Arabie Heureuse. 

Les villes où les Tobbà firent leur résidence furent 
successivement Mareb ou Saba , Zhafâr et Sana ^. 

I Hist, imp, vet, yocLf p. aa. 

% HuBia, Hist, imp, itet. foet,y p. fti. Ibo-Khaldomiy t s3. 

3 n>ii-KhMldouii, t aa v«. 

4 Ibo-Khaldoun, f. aa v"*. Ailleurs (f. ii5 V*) n>ii-Khaldoim identifie 
le ptyi de Chihr a?ec le Mahra. CependaDt il semble que le nom de 
Mahra désigne plus particuUèremeDt la contrée intérieure, et celui de 
Chihr (que Ton trouve aussi écrit Chu^r ou Chadjr) le littoral nommé 
Seger sur la carte de d*An?ille. On peut consulter, au reste* sur la contrée 
et la ville de Chihr, k géographie d*Aboulféda, traduction de M. Eeinnud « 
p. iiiy uote 5| et p. lai, note i. 

5 Ibn-Khaldouu, f. aa v^ 3o. 



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TAMAlf. 65 

EssIb Dhou-l-Caritatn. Aboulféda et quelques 
antres historiens donnent pour successeur à Hârith- 
Errâlch un certain Ëssàb, que les uns disent être son 
fils, les autres son frère. Cet Essàb est qualifié de 
Dhourl-Camayn ' . Le même surnom est appliqué, par 
les Arabes^ à Alexandre le Grand. Il en résulte que 
plusieurs écrivains, notamment Ahmed Dimicbki, 
ont identifié Essàb avec Alexandre. 

Le chapitre du Coran, intitulé la Caverne ^ parle 
d'un Dhou4-Caruayn qui éleva, dans le cœur de l'Asie, 
un immense rempart pour arrêter les incursions des 
peuplades de Yadjoudj et de Madjoudj ( (îog ft Ma- ^^«%M^ * 
gog de la Bible), c'est-à-dire, des nations barbares 
du septentrion ^. Ce rempart, célèbre chez les Arabes 
sous le nom de Sedd Yadjoudj oua Madjoudj y paraît 
avoir été une ancienne ligne de fortifications placées 
tant à l'orient de la mer Caspienne, auj>assage appelé 
par les auteurs arméniens portes de Balkh ^ , qu'à 
l'occident de cette mer, dans les deux défilés du Cau- 
case, nommés, l'un portes Albardeiuies ^ l'autre 
portes Caucasiennes ou portes Caspiennes de Flbé- 
rie. Dans le premier de ces deux défilés (les portes 
Albaniennes), d'antiques constructions, faites, dit-on. 



I Dhou'UCamayn veut dire l*bomroe aux deux carn. Or le mot eam 
signifie corne, extrémité, bonde de cheveux sur la tempe. La raison de 
ce surnom peut être l'usage de porter une couronne avec des pointes sem- 
blables â des cornes, ou la possession des deux extrémités du monde 
oomia, ou rhabilude d Voir des cheveux bouclés des deux côtés de la tète 
(Zamakhcbari, passage cité par Maracci, Réfut» aldbr,^ p. 426). 

s Ca/wf,sour.^VIII, v. 8a et suiv. 

3 Hist. du BaS'Emp,f par Lebeau, vol. VI, p. 269, note de M. Saint- 
Martin. 

5 



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66 LIVRE ir. 

par Alexandre le Grand, et minées par le temps ou 
l'efibrt des Scythes, furent réparées par le roi de Perse 
Yezdidjerd II, vers te milieu de notre cinquième siècle. 
Kesra Anouchirwân restaura encore et augmenta les 
travaux de Yezdidjerd, et bâtit en cet endroit la ville 
de Derbend^ Le second défilé (les portes Cauca- 
siennes, ou portes Caspiennes de llbérie, ou enfin 
portes des Alains) était défendu par de fortes mu* 
railles, dont une tradition , qui avait cours aussi chez 
les Romains, comme le témoigne Procope *, rappor- 
tait la fondation à Alexandre, fils de Philippe. Peut- 
être, en effet, Alexandre fiit-il le premier qui fetma 
tous ces passages aux barbares du Nord. 

Quoi qu'il en soit, dans les versets ou Mahomet 
mentionne ce monument de la grandeur du monarque 
qu'il appelle Dhou4-Carnayn , quelques interprètes 
ont cru reconnaître Alexandre le Macédonien. D'au- 
tres ont voulu attribuer la gloire de cet important 
ouvrage à un Arabe, et ont prétendu voir, dans le 
Dhou-1-Carnayn du Coran, le roi himyarite £ssàb, 
qu'ils ont distingué d'Alexandre, et qu'ils ont fait bien 
plus ancien ; ils le disent contemporain d'Abraham ^, 
sans s'inquiéter de l'assertion de leurs confrères qui 
représentent Chammir, fils d'Alamlouk, antérieur de 
treize ou quatorze générations à Essàb, comme con- 
temporain de Moïse. Il est bon d'observer que cet 
Essàb Dhou-1-Carnaye n'est pas même cité dans les 



X DUerbeloty BiéL or,, art. Bnh'tl'Abwûb. Maçoitdii Not, et ex, des 
mon., tom. I, p. x6. 

a De belL Pers,^ 1. I, c. X. 

i Cdmousj trad. turq., -vol. I, p. S99. Maracci, Ré/ut. Aleor,, p. 4^6. 



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YAMAN. 67 

listes des rois himyarites, dressées par Hamza et 
Nowayri. C'est un personnage plus mythologique 
quliistorique, et> dans tous les cas, bien postérieur à 
Alexandre. 

ÂBRAHA Dhou-l-Mi^^nâr, fils d'Essàb , ou de Hâ- 
rith-Errâlch. On raconte qu'il fit une incursion dans 
le Soudan ou pays des noirs, et qu'il s'avança jusque 
dans le Maghreb'. Sur sa route, il élevait des phares, 
méndrj afin de se guider dans son retour. Telle est 
Torigine que Ton suppose à son surnom de Dkou4- 

ÂFAiGotTS, AptttlLis OU ÀFAiKtif , fils d'Abraha. 
Suivant les historiens arabes , il pénétra dans les ré- 
gions occidentales, et conquit la contrée qui fut ap- 
pelée de son ûom AJYikiyn. Quelques-uns ajoutent 
qu'étant parti de l'Arabie au moment où Josué venait 
d'araser les Amàlica, il recueillit les restes de cette 
nation , et les transporta dans les lieux où ils se mul- 
tiplièrent sous la dénomination de Berbères ^ ; enfin 
que le prince régnant en Afrikiya, lorsqu'il s'empara 
de ce pays, était Djirdjir* (Grégoire), nom chrétien, 
qui forme avec celui de Josué un singulier anachro* 
nisme. 

Ce Djirdjir, que l'on fait figurer ici tout aussi mal 
à propos que Josué, est le patrice Grégoire, qui com- 
mandait en Afrique lorsque les musulmans envahirent 

I Nowayri, Eist, imp, vet. yoct,^ p. 5a. 

a U)ii-KhaldoQn, f. a3. Hamza, Bist, imp. vet. yod,, p. 24. Pococke, 
Spee. hîst, ar., p. Sg. 

3 Ibo-el-Ketbi cité par IbnKhaldoun, f. a3. Nowayri, ffist. imp, vet. 
)oct.<t p. 5a. Pococke, Spec, lûst. ar., p. 60. 

4 Ibn-el-Kelbi, ibid, D*Herbelot, Biùi. or., au mot Caïroan. 

5. 



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68 LIVRE II. 

cette province^ sous le califat d'Othmân, dans le pre- 
mier siècle de Thégire'. Oq voit là un exemple du 
peu de scrupule avec lequel l'ignorance de quelques 
écrivains orientaux rapproche les temps les plus éloi- 
gnés. 

D'autres auteurs plus judicieux rapportent , avec 
moins d'invraisemblance, que ce fut contre les Ber- 
bères eux-mêmes , installés en Afrique depuis long- 
temps , qu'Afî*icous entreprit une expédition *. Je 
note en passant ce témoignage^ dont j'essayerai de 
tirer quelque induction. 

Les Arabes, qui aiment à chercher dans leur lan- 
gue des étymologies même pour les mots étrangers , 
n'ont pas manqué d'en trouver une pour le nom des 
Berbères. « Quand Africous, dit Ibn-Khaldoun, sou- 
mit le Maghreb et entendit pour la première fois le 
langage de ce peuple, il s'écria : a Comme vous bar- 
a barisez! {ma actara berbère taœum). » De là leur 
vint la dénomination de Berbères ^. » 

On assure qu'Africous, en retournant dans le Ya- 
man, laissa parmi les Berbères deux tribus bimya- 
rites, les Sanhâdja et les Ketâma, qui furent depuis 
confondues avec les indigènes ^. « 

Cette tradition fait concevoir comment certains 
auteurs, prenant la partie pour le tout, ont attribué 
à Africous l'établissement des Berbères en général 



X Notice siu- Âbdatlah^ fils de Zobayr^ par M. Quatremère. Journ. as.^ 
avril i83a, p. agS. 

a Uamza, Hist. imp. vet, yoct.^ p. 24, et édit, deGoUwaldt, p. ia5. 

3 Ibn-Khaldoun, f. a3. 

4 Iba-Khaldoun, f. a3. 



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TÂMAlf. 69 

dans le nord de l'Afrique. Elle explique en même 
temps comment les musulmans ^ lorsqu'ils ont étendu 
leur domination sur ce pays vers le milieu du sep- 
tième siècle de notre ère, ont pu y rencontrer des 
populations dont ils comprenaient le langage'. 

Reste à savoir si l'expédition d'Africous elle-même AiSteïiTwrw^^^ 
n'est point un récit fabuleux. J'avoue que je ne lajKgj^'lf"^ 
considère pas comme telle. L'opinion des historiens 
arabes à cet égard est si unanime, que je crois pou- 
voir admettre qu'Africous a fait réellement une in- 
cursion dans l'Afrique septentrionale. Il me semble 
d'ailleurs qu'on en aperçoit une trace dans le nom 
même de ce prince. En effet, comme l'a déjà observé 
M. de Sacy, ce nom n'est point arabe ^. On reconnaît 
dans les variantes Africous, Afrikisj Afriklny le 
mot latin Jfricus ou Africanus. C'est un surnom 
qui prouve un contact avec lesRomains, surnom que 
le roi himyarite aura pris en mémoire d'un succès 
obtenu en Afrique, à l'imitation de Scipion, appelé 
V Africain après sa victoire sur les Carthaginois. 

Si l'on jette les yeux sur le tableau des rois du 
Yaman ^, on trouve que la combinaison des généa- 
logies avec les règnes paraît placer celui d'Africous 
entre les années 60 et 4o avant J.-C. Or, l'histoire 
romaine nous apprend qu'en l'an 46 avant Père chré- 
tienne, César, alors maître de l'Egypte, où il avait 
laissé une partie de ses légions^, passa en Afrique 

I DUerbelof, Bibl, or., au mot Afrikijfak, 
a Mém. de VAcad., vol. L, p. 179. 

3 Tableau I. 

4 ChampoUioo, Ann, des Lagides, t. II, p. 335-339. 



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■70 LIVRK 11. 

pour abattre les débris de la fiictioD de Pcuapée» Juba, 
roi de Numidie, instruit du petit nombre de troupes 
qu^amenait César, marcha contre lui^ dans Tespoir 
d'écraser un ennemi encore faible ; mais il fut obligé 
de rebrousser chemin , par l'irruption que fit dans «es 
États, à la sollicitation de César, un certain Sittius^ 
chef d'une armée d'aventuriers ^ 

Ces aventuriers ne seraient-ils pas des Arabes ^ et 
ce Sittius , le roi himyarite dont on ignore le nom ? 
Quel peuple représenterait mieux les Berbères vain- 
cus , dit-on , par Âfricous, que les Numides de Juba , 
qualifiés de Barbari par les Romains? Â la vérité, 
malgré l'esprit guerrier des Arabes ^ qui les a portés 
de tout temps à louer leurs services et à fournir des 
troupes auxiliaires à d'autres nations, il serait bien 
extraordinaire et difficile à croire que César eût tiré 
un secours de si loin j et ouvert la voie de l'Egypte 
au roi himyarite , pour l'appeler à venir soutenir sa 
cause en Numidie. Mais croirait-on davantage quHl 
y eut, seize ans plus tard, à la bataille d'Actium, des 
Arabes du Yaman combattant pour Antoine à bord 
des galères de Cléopâtre , si le fait n'était attesté par 
Virgile ) qui, peignant la fuite de cette reine et des 
soldats qu'elle avait rassemblés de divers pays, ter- 
mine sa description par ce vers : 

Omnis Arabs , omnes vertebant terga Sabœi *. 

Dhou-l-Adhâr , fils d'Abraha et frère d'Africous. 
Quelques-uns le nomment Ël-Abd; le plus grand 

I Biographie universelle ^ art. Juba. 
a Enéide» 1. VUI, ver» 706. 



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TAMAN. 7 1 

nombre Tappelle Amr. Le surnom de Dhoii4-Âdhâr, 
Thomme des terreurs, lui fîit donne, dit-on , parce 
qu'il ramena d'une de ses campagnes lointaines des 
nesnàSy sorte de monstres assez semblables à des êtres 
humaiosy dont la vue eflraya les habitants du Yaman <. 
Ces monstres étaient sans doute des singes. Le mot 
nesnds n'est plus employé chez les Arabes que pour 
désigner ces animaux *. Ibn-Khaldoun, an reste, pré- 
sente un autre motif du surnom de ce prince. « On le 
qualifia, dit-il, de Thomme des terreurs , à cause de 
Teffiroi qu^spirait généralement la violence de son 
caractère ^. » 

On raconte que le roi de Perse Caycaous, à la tête 
d^une armée nombreuse, vint attaquer Dhou-I-Adhâr 
dans le Yaman. Vaincu et fait prisonnier, Caycaous 
foi ensuite délivré par l'Hercule persan, le fameux 
Roustem ; et il retourna dans son royaume , après 
avoir épousé la fille de Dfaou-l-Adh&r, la belle Sau- 
dâba4. 

Malheureusement on ne peut tirer aucune lumière 
de cette narration romanesque, dont je supprime les 
détails. Si l'on on recherche l'origine, on s'aperçoit 
qu'une vague tradition^ ou peut-être une pure fiction, 
prés^itée sous des formes indécises par le poète Fîr- 

I Hamza et Nowayri, Hist, mp, veeL yvci.f p. 24, 5a. Pooockt, Spec, 
hisi. ar,^ p. 60. 

a V07. ane note curieuse de M. E. Quatremère sur les nesnàs , dans le 
Jourm. tuimt.^ mars i83S, p. aia et s«i?. 

3 Um-Ualdoua, f. a3. 

4 DUerbelol d'après Khondémir, BibL or,^ au mot Caikaus , p. a 35. 
Tânkld Fê'naîf turoicè, Vindobon», 178... , f. 8. Ilm-KJialdoun, f. a3, 
74^. 



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7^ / LIVRE 11. 

dauci, qui florissait trois siècles après rbégire^ a été 
arbitrairement arrangée par des écrivains postëri^irs 
sous les traits précis d'un fait historique. Firdaucî 
avait chanté une expédition de Caycaous contre le 
roi de Uâmâwerân % pays inconnu , fantastique, dont 
on a fait TArabie Heureuse. Le poëte n'avait pas 
nommé ce roi; on a imaginé que c'était Dhou-1-Adhâr. 
Soit que les antiques annales de la Perse, dont le 
médecin grec Ctésias assurait avoir eu communica- 
tion ^, fussent perdues lors de la conquête de cette 
contrée par les musulmans, soit que le zèle aveugle 
des sectateurs de Mahomet les eût détruites, ou enfin 
qu'elles n'eussent jamais existé, il est constant que 
les écrivains persans et arabes n'ont puisé à aucune 
source authentique ce qu'ils disent des anciens rois 
de Perse, et n'ont rapporté sur cette matière que des 
traditions informes et fobuleuses. On ne commence à 
trouver quelque certitude historique dans leurs récits 
que pour ce qui concerne la dynastie des Sassanides , 
dont l'avènement remonte seulement aux premières 
années du troisième siècle de l'ère chrétienne. Leur 
profonde ignorance sur l'époque même des Arsacides, 
ignorance attestée par Mirkhond ^, ne permet pas 
d'ajouter la moindi*e foi aux synchronismes qu'ils veu- 
lent établir entre des princes arabes et des monarques 
persans antérieurs aux Sassanides. 



I Voj. le Livre des Rois, trad. de M. J. Mohl, vol. Il, p. 4 et suiv. 

a Bïblioth, de Diodore de Sicile, 1. II et XJ. Mém, de tAcad, vol. V, 
p. 354. 

3 Ce passage de Mirkhond est cilc par M. de Sacy, Mém, de tJead., 
vol. XLVm, p. 54a. 



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YAMAir. 73 

Xout ce qu'on pourrait induire de la prétendue j^ugjijtkmd^ 
expédition de Caycaous contre Dhou-l-Adhâr, c'est XV***^^'' 
que cette fable serait née du souvenir confus d'une 
invasion d'ennemis étrangers dans le Yaman , sous le 
règne de Dhou-l-Adhâr. Je crois, en effet, qu'une 
armée étrangère pénétra dans l'Arabie méridionale au 
temps de ce prince; mais les envahisseurs, au lieu 
d'être des Persans, comme on la supposé, devaient 
être les soldats du général romain £lius Gallus. 

Si mes conjectures chronologiques précédentes, 
appuyées de celles qui suivront, ne sont pas tout à 
fait erronées, l'an ^4 avant J.-C., date de l'expédi- 
tion d'^ius Gallus, peut avoir été l'une des années 
du règne de Dhou-l-Adhâr. On Ut dans Strabon que 
les légions romaines, après avoir pris la ville de Ne^ 
granes (ou Negrd), parvini'ent jusqu'à Marsyuba 
{Mariaba de Pline), ville appartenant aux Yama^ 
nites^f et que ce peuple était gouverné par Ilasare. 

Or, le nom de DhouA-Adhàr^ que l'on pourrait 
aussi bien écrire ZourUAzdr'^^ et qui fait au génitif 
Dhi'UAdhdr ou Zi-UAzdr^ présente, sous cette der- 
nière forme surtout , une analogie si frappante avec 
le nom de Ilasare , qu'il serait difficile de se refuser 
à admettre l'identité de personne. 

Je regarde comme également certain que Negranes 

t Le texte grec porte *Pa|Mcv(Ttt>v. J\ me parait indubitable qu*ii faut 
lire 'laiioviToiv. Cette oorrectioD a été indiquée par M. Fresnel , Première 
letire sur les Arabes, p. 68. 

2 La lettre arabe ^y que je rends habituellement i>ar dh^ représente une 
articulation qui tient à la fois du d et du z. Les Arabes, dans la pronon- 
ciatioii QSueUe, confondent cette lettre tantôt avec le </, tantôt avec le t 
pur. 



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74 LIVRE II. 

OU Negra correspond è Nadjràn, et Marsyaba ou 
Mariaba à Mareb* Les Çalingi^ chez lesquels Pline 
met la ville de Mariaba , sont les CahUni % c'est-à- 
dire, cette fraction de la population du Yaman qui 
descendait de Cahlâu, 61s d'Abdcbams^-Saba. La prin- 
cipale tribu de cette race habitait , en effet, dans le 
canton de Mareb, de laquelle on la verra même un 
peu plus tard se rendre maîtresse. L'opinion du savant 
M. Gosselin , qui a fait de Mariaba attaquée par Gai- 
lus la ville de la Mekke , se réfute par un argument 
péremptoire : c'est que la ville de la Mekke n'exbtait 
pas à cette époque. D'après des témoignages très-au- 
thentiques^ elle fut bâtie vers le milieu du cinquième 
siècle de notre ère. Jusque-là il n'y avait dans la vallée 
de la Mekke d'autre construction que le petit temple 
de la Càba. 

CuouBiiHBÎL ^ y fils d'Amr«Dhou-l-Adhâr, ou fils 
d'Amr, fils de Ghâlib, fils de Mentâb.... fils de Sacsac , 
ou enfin fils de Mâlik, fils de Rayyân... fils de H'unyar. 
Son nom varie comme sa généalogie. On l'appelle in- 
différemment Chouralibil, Yahsab et Alychrah ^ ou 
bjTchrah. Les Himyarites, fatigués de la tyrannie de 
Dhou-1-Adhâr, s'étaient soulevés contre lui. Ils pro- 
posèrent la couronne à Chourahbîl. Vainqueur de 
son rival après un grand combat, Chourahbîl de- 

I L'altération de la finale dni en ingi s'expliqiie par le nasillement de 
Vn et Vimdiè de IV, c'est-à-dire, la substitution du son ^, on même i, an 
son a, substitution qui a lieu fréquemment dans la prononciation arabe. 
Voy. de Sacy, NoL et estr, de* mam,, toI. IX, p. 19. Anihoi, gMom,^ p. 3ia 
et 345. 

« M. FretucI lit ce nom dans Tinscription de Uisa-el-Okorâb, n« I. 

3 Inscription bimyarique LV. 



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YAMAN. 75 

meura en possession du Yanum ^ Suivant Ibii-Hi- 
châm \ il faisait sa résideqpe à Mareb ; néanmoins y 
c'est à lui qu'on attribue communément la oonstruction 
du célèbre palais de Ghoumdàn, dans la ville de Sana. 

« Ghoumdân, dit Cazwini, fut bâti par Lychrah-* 
Yalisab. C'était un immense édifice à quatre faces, 
l'une rouge, l'autre blanche, la troisième jaune, la 
quatrième verte« Au milieu s'élevait un bâtiment de 
sept étages. Chaque étage avait quarante coudées de 
hauteur. Le dernier formait un salon, iwàrif entière- 
ment en marbre et couvert d'une seule dalle de marbre. 
Aux quatre coins de ce salon , on voyait des figures 
de lions; elles étaient creuses, et quand lèvent s'en- 
gouffrait dans leurs gueules, elles rendaient des sons 
semblables à des rugissements. Ce palais, avec un 
temple qui en dépendait, fut détruit (vers le milieu 
du septième siècle de J.-C.) par Tordre du calife Oth- 
mân^. » 

HodbId, fils de Chourahbîl. Ce roi peu belliqueux 
était grand ami des plaisirs. Il répétait souvent ces 
paroles : « Nos ancêtres ont amassé pour que nous 
tf dépensions; ils ont pris de la peine pour que nous 
<< jouissions ^. » U paraît avoir eu le surnom de 
DAou'Ssarà , l'homme du château ^. 

Belkîs, fille de Hodhâd, ou fille d'Alychrah, fils de 
Dhou-Djadan, fils d'Alychrah, descendant de Hârith- 

I Aim\kdm UisL anteUL^ p. 116. 

3 Auteur de Fouvrage intitulé El-tidjân^ cité pw Ibn*lLhaldoua, f. s6. 

3 Cazwiiii, i*' climat^ art. Sana, Càmous, à to raeiae ghamad, D*Uer« 
b«lot» BUtl. or,, au mot Sanaa. 

4 Tahacàt-ei-Molouk de Thaâlebi. 

5 lini-Khaldoun, f. a3 v». 



Château 
de Gboanëin. 



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76 LIVRE II. 

Errâich '. Le véritable nom de Belkis était Yalcama 
ou Balcama *. Aa rapport de quelques auteurs ^ elle 
eut à se défendre, au commencement de son règne , 
contre les entreprises de Dhou-1-Adhâr, qui vivait en- 
core, et n'avait cessé, pendant les deux règnes précé- 
dents, de faire des efforts pour remonter sur le trône. 
Elle mit fin à cette lutte en donnant sa main à Dhou-1- 
Adhâr, et, à peine unie avec lui , elle s'en débarrassa 
par le poison ^. 

L'on débite beaucoup de fables sur le compte de 
cette princesse. On dit, par exemple, que sa mère n'é- 
tait point une femme, mais un être de la classe des 
génies^. Ensuite on l'identifie avec la reine de Saba, 
contemporaine de Salomon. L'on prétend que Salo- 
mon s'empara de son royaume ,*la fit venir en Pales- 
tine, et l'épousa^. 

Jjes passages du Coran dans lesquels il est question 
de la reine de Saba et de ses relations avec Salomon, 
ne la désignent ni sous le nom de Yalcama ou Bal- 
cama, ni sous celui de Beikîs ^. Mais les interprètes, 
ne trouvant pas dans la liste des souverains du Yaman, 
conservée par la tradition, de reine plus ancienne 
que Beikîs , n'ont pas hésité à déclarer que c'était elle 
qui avait fait le voyage de Jérusalem. Leur sentiment 



1 Ibn-Kbaldoun, f. a3 v«. 

2 Ibn-KhaldouDy iàid, M. Fresnel identifie ce nom avec jélmacah et 
Baimacah , qu'il lit dans plusieurs des inscriptions himyariques. 

3 Ibn-Khaldoun, f. a3, a6. 

4 Ahmed-Dimichki , Thaàlebi. 

5 Ibn-Khaldoun, 23 v^ Hist, anteisi., p. 116. UisLimp. vet. yoct.^ 
p. 24, 54t 56. 

6 Coran, XXVIl, 24 et suiv. 



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TAMAN. 77 

a été pieusement adopté par les chroniqueurs, et 
cette opinion , accréditée par la superstition et l'igno- 
rance, est probablement , comme je Tai déjà dit, la 
cause principale qui a empêché les historiens de 
classer les rois du Yaman suivant un ordre chrono- 
logique raisonnable. 

Je crois qu'il n'y a point de témérité à dépouiller 
Belkis du rang d'épouse de Salomon , et à ne lui ac- 
corder d'autre titre de gloire que d'avoir réparé et 
consolidé la digue de Mareb , endommagée par le 
laps des temps '. Il existe encore aujourd'hui à Mareb 
des ruines d'édifice, que les gens du pays nomment le 
Harcun de Belkîs*. 

L'estimation de la distance qui sépare Africous de 
Bdkîs, et celle-ci de son quatrième successeur El- 
Acran , dont l'âge parait pouvoir être déterminé avec 
assez de vraisemblance , m'engage à penser que l'épo- 
que de Belkîs doit, à peu de chose près, correspondre 
à celle de J.-C. 

Yacjer, autrement nommé Mâlik ou Yaçdcin^ est 
eucore plus communément appelé Yàcei^-younim ^ , 
ou Ydcer-anîm, ou Ydcher-younïm ^ ou enfin Nd- 
chir^nniàm , le distributeur de bienfaits , à cause de 
sa générosité et du bien qu'il fit à son peuple. Il 
était, suivant les uns, fils de Chourahbil et oncle de 
Belkîs^; selon les autres, fils de Hârith, fils d'Amr- 



I Hamza, Hist. imptt. vet, jrocl.t p. a4. 
a Joum, asiat,, avril-mai 1845, 

S Le nom de Younim est lu par M. Fresnel dans Tinscription himya- 
rique XL. 

4 Hamza, Aboulféda, Diroichki. 



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^8 LITRB 11. 

Dhou-^l-Adhâr, ou Amr fils de Yàfer, fils d^Âinr.... fils 
de MentAb) descendant de Sacsic, fils de Wâthil, fils 
de HimyarMl entreprit une expédition dans le Bla- 
ghreb, et s'atança jusqu'à la vallée des Sables^ fVddi^ 
rrwnly lieu redoutable où personne n'était parvenu 
avant lui. Un détachement de ses troupes ayant tetité 
de firancfair le passage, disparut enseveli sous les sa- 
bles mouvants. Le roi fit âever sur le bord de la 
vallée une statue de cuivre, sur la poitrine de laquelle 
on grava , en caractères mousnad^ les mots : Letyva 
wardyi madhah ^ r^'allez pas plus loin ^. On reconnaît 
ici la fable des colonnes d'Hercule et de l'inscription : 
Non plus ultra, 
riSîe*!î*iiiïIÏÏSd. Le caractère mousnad, ou himyarique, est nommé 
pour la première fois par les historiens en cette oc* 
casion. Jusqu'il ces derniers temps, l'on ne connais^ 
sait sur cette écriture, dont l'usage était perdu, même 
dans le Yaman, dès l'époque de Mahomet, que les 
opinions vagues et contradictoii*es de divers écrivains 
arabes. Les uns disaient que les lettres du moosnad 
étaient toutes isolées, sans liaison entre elles ^; d'au** 
très affirmaient, au contraire, qu'elles étaient toutes 
liées ^; quelques-uns ajoutaient que le mousnad pro- 
cédait de gauche à droite ^. 

1 Ikn^KbiMoun, f. a9 vS a5 v**, %6. 

a Pococke, Specim,^ p. 6o. Nowayri, Hist, imp, vet. foci,f p. 56. Ibn- 
Khaldouo, f. a3 t^. Ibn-Badroun, publié par R. Dozy, p. 79. 

3 Macrizi, man. ar., n» 6Sa, f. S8. nm-Khaldoiin , Ckrest, de Sftcy, 
vol. II, p. 3 II. 

4 Ibn-KbaUicAn, art. JU'ibrb-tl'Bnwwàh^ édit. de M. deSUae» p. 4Sa 
Hadji-Kbalifa et autres cités par M. de Sacy, Mém, de CAcad.^ Toi. L, 
p. a55. 

5 M. de Sacy, Mém. de CÀcad,^ toI. L, p. a55, 976, d'après Hadji- 



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tAÎHAIf. . 79 

Des voyageurs européens qui ont tisité certaines 
parties du Yaman, il y a peu d'années, MM. Wells* 
ted j Cruttenden et Arnaud ont découvert et copié à 
Sana ^ à Hisn^el-ghorâb, à Khariba , et surtout à Ma* 
nà}y de nombreuses inscriptions gravées sur des restes 
de constructions antiques , en caractères très-diflRé^ 
rents des plus anciens caractères arabes connus. Par 
un heureux concours de circonstances, on a trouvé 
en même temps , dans un ouvrage arabe manuscrit 
de la bibliothèque de Berlin , des alphabets qualifiés 
, de himyariques. Les savants qui ont comparé ces al- 
phabets avec les copies de ces inscriptions, ont ac- 
quis la conviction que les uns et les autres sont véri- 
tablement des monuments de l'écriture himyariquc 
ou mousnad. Les inscriptions ont été publiées dans 
le Journal de la Société asiatique de Paris '. Quel- 
ques-unes sont écrites à la manière dite boustrophé- 
don ; mais la marche ordinaire et régulière du mousnad 
est de droite à gauche; toutes les lettres en sont 
isolées, et les mots séparés entre eux par une barre 
verticale, servant de signe disjonctif. Telles sont les 
senlea données certaines dont on soit maintenant en 
possession relativement au mousnad. Quant à la lec* 
tare et à Tintelligence des inscriptions, cette étude 
est encore bien peu avancée. MM. Gesenius, Rœdiger 
et F. Fresnel , qui s'en sont occupés les premiers , ne 
paraissent avoir obtenu jusqu'ici aucun résultat positif 
qui puisse jeter quelque lumière sur l'histoire si obs- 
cure du Yaman. 

Khalifii. Fresnel, Journ, atiai., décemb. i838, p. 556, cl*après Djawhari. 
I Odiier de septembre-octobre x845. 



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8o LIVRE H. 

CHAMNiR-YERicH , fils de Yâcer-Youoiui \ Cbam- 
mir avait reçu le surnom de Yeràch (il tremble) , à 
cause d'un tremblement nerveux dont il était habi- 
tuellement affecté. II porta ses armes victorieuses dans 
rirâky la Perse et les contrées voisines. Il détruisit les 
murs et une partie des édifices de la capitale de là 
Soghdiane. Les gens du pays appelèrent alors cette 
ville ruinée Chammir-^andj c'est-à-dire , Chammir 
Ta détruite. Ce nom, un peu altéré par les Arabes, 
devint Samarcand ^. Chammir lui-même la restaura 
ensuite. Presque tous les écrivains orientaux rappor- 
tent cette étymologie. 

On appuie le fait de l'expédition de Chammir dans 
la Soghdiane sur l'existence de deux inscriptions en 
prétendus caractères himyariques. La première , citée 
par le seul Hamza ^, on ne sait d'après quelle auto- 
rité, avait été trouvée, dit-il, dans un édifice de Sa- 
marcand , et commençait ainsi : <c Au nom de Dieu ! 
Chammir-Yeràch a élevé ce monument à la divinité 
Soleil. » La seconde avait été vue par le géographe 
Ibn-Haucal, sur la foi duquel Aboulféda, Macrîzi et 
autres en ont parlé. Voici le passage d'Ibn-Haucal : 
«r J'ai vu à Samarcand une porte recouverte de fer, et 
sur cette porte on avait écrit en langue bimyarique 
que de Samarcand à Sana il y a mille parasanges. 
Les habitants connaissaient, par une tradition héré- 
ditaire, ce que signifiaient ces caractères. Mais après 

I Ibn-Khakiouii, f. a3 v"". 

1 Ibo-KbaldouD, ibid, Hamza et Nowayri, Hist, imp, vct.yoct,, p. 26, 
56. 

3 Hamza, édit. de GoUwaldl, p. 127. Hist, imp, vet. yoct., p. a6. 



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YAMAN. 8f 

mon arrivée en cette ville, il y eut une sédition, dans 
laquelle la porte fut brûlée et l'écriture anéantie '. » 

Ces inscriptions étaient-elles effectivement en ca- 
ractères himyariques? L'interprétation que leur don- 
naient les habitants deSamarcand était-elle véritable? 
C'est ce dont il est très-permis de douter ; car, dès le 
premier siècle de l'islamisme, la grande majorité des 
Arabes ne conservait plus aucune notion de ce qu'a- 
vait été l'écriture himyarique; et M. de Sacy a dé- 
montré que c'est uniquement par un abus de mots 
que les musulmans ont appelé, en général, écriture 
himyarique on moo^/i/z^ les caractères qui leur étaient 
inconnus. 

Suivant Nowayri *, Chammir-Yeràch voulut pous- 
ser ses conquêtes jusqu'à la Chine. Le roi de cette 
contrée n'était pas en état de lui résister; mais il 
avait un fidèle wézîr, qui, par son dévouement, îe 
tira du danger. Ce ministre se coupa le nez, et alla 
offrir ses services à Chammir, en se présentant comme 
une victime de la tyrannie de son maître. Chammir 
lui accorda toute sa confiance; il le prit pour guide, 
et périt avec son armée dans des lieux déserts et 
arides, où le wézîr le conduisit. 

On trouvera, environ deux siècles plus tard, dans 
l'histoire des rois de Hîra, un fait très-analogue avec 
celui-ci. L'un et l'autre me paraissent être des copies 
du trait de dévouement par lequel Hérodote nous ap- 
prend que 2^pyre facilita à Darius , fils d'Hystaspe , 

I Géog, dlbii-Hau€al, publiée par Ouseley, p. 287. De Sacy, Mèm, de 
t/lcaiL, vol. L, p. «70. 

a Hist, vet, imp. yoct., p. 58. 

6 



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8a LIVRE II. 

la prise de Bidiylone, Je remsirque seulement, conmie 
UD indice de cette espèce de plagiat, que Hamza et 
Nowayn font Chanimir contemporain d'un monarque 
persan, Gustabs ou Yestasf (Hystaspe) '. 

Abou-Màlik, fils de Cbammir^Yeràch , forma le 
projet d'aller venger la mort de son père ; mais ayant 
entendu parler de mines d'émeraudes situées dans le 
Maghreb, son avidité le porta à tourner ses vues de ce 
côté. Il partit, et mourut en route^ après avoir perdu 
une partie de son armée. C'est de lui que le poète 
£l-»Acba a dit : 

« Abou-MAlik jouissait de tous les biens de ce monde; 
mais quel homme est à Fabri des coups du sort ' ? » 

Il eut pour successeur son fils Zayd , désigné com- 
munément sous le nom d'£l-Acran. 

TobbX Eii-AcR^if (de l'an 90 à Tan i4o de J. C). 

Entre Abou-Màlik et El-Açran^ Aboulféda et Ahmed- 

Dimichki intercalent les règnes successifs de dem^ 

frères étrangers à la maison de Hîmyar. Ces deux 

omrkû et kmr, frèrcs, Omrâq et Amr, fils d'Amir-ma-esséma, étaient 

ils d'ABlr, de la 

trtimd'Axd. ^jç lu irjjjy d'Aad, issue de Cahlân. Tous les histo- 
riens parlent de ces personnages, dont le second, 
Amr, joue un rôle important dans l'histoire de l'A- 
rabie; mais la plupart ne les comptent pas parmi les 
rois du Yaman. M. de Sacy, sans avoir à sa disposi- 
tion le précieux ouvrage d'Ibn-Khaldoun , a parfai- 
tement établi, par des inductions tirées des récits 

i HUt, imp, vet, yoct,^ p. a6, 5S. 

a ^j;-^>" '^*?' (^ •^^ v^'j >.*XDU ^t ^^\^j\a^ HUt. imp, 
vet, jroet.j p. aS, 5S. 



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taman. 83 

comparés des autres écrivains^ qu'Ooiràn et Amr de- 
vaient être considérés comme des chefs particuliers 
des descendants de Cahlân, ou simplement de la tribu 
d'Azd y qui s'étaient rendus indépendants de Tauto- 
rité des Himyarites dans le canton de Mareb ^ 

Otte opinion est pleinement confirmée par Ibn- ^IfJS^^^ 
Khaldoun. Cet auteur nous apprend qu'à l'époque •^^"^"^"•*' 
d'Omrân et d'Amr, la puissance de la maison royale 
de Himyar était amoindrie , que le désordre s'était 
introduit dans le royaume, et que les Bédouins issus 
de Cahlân s'étaient emparés de la contrée de Saba, 
autrement de Mareb '. Si les expéditions aventureuses 
de Chammir-Yeràch et d'Abou-Mâlik ont quelque 
fondement réel , on conçoit que les désastres éprouvés 
par ces princes aient dû , en effet , affaiblir la maison 
de Himyar, et que les deux chefs azdites, profitant de 
cet état de choses et de la jeunesse d'EI-Acran, aient 
pu se rendre maîtres de Mareb, jusque-là capitale de 
l'empire. 

I..eur usurpation , qui doit coïncider avec les com- 
mencements du règne d'Ël-Acran , ne parait pas avoir 
eu une très-longue durée; mais d'importants événe- 
ments s'y rattachent. 

Omrân, après avoir commandé quelque temps à Ma- ^miSi* "S YtSaî 
rd>, mourut, ou , suivant une autre version, résicnna miiiM^t?A!SrTm 
le pouvoir entre les mams de son frère Amr. Celui-ci 
est célèbre sous le nom de Mozajrkijra , ou le déchi- 
reur. On l'appariait ainsi parce que, trouvant au-des- 
sous de lui de porter deux fois le même habit, et 



I Mém.dcCAead,, vol. XLVni,p. 5i6.5ai. 
1 Ibn-Kluildoua , f. xi8. 



(i. 



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84 LIVRE II. 

ne voulant pas qu'une autre personne se servit d'un 
vêtement qui lui avait appartenu , il déchirait tous 
les soirs rhabillement qu'il avait mis le matin ^ 

Omrân, qui, dit-on, était devin, avait communiqué 
secrètement à son frère le premier avis d'une catas- 
trophe dont le pays était menacé. Zharifa , femme 
d'Amr, singulièrement habile à interpréter les songes 
et les choses surnaturelles, annonça aussi à son mari 
un malheur dont des visions et divers prodiges lui 
avaient donné le pronostic. « Va, lui dit-elle d'un 
(c ton prophétique, du côté de la digue. Si tu vois un 
«( rat la creuser avec ses pattes de devant , et faire 
« tomber de grosses pierres avec ses pattes de der- 
(c rière , ne doute pas que le moment funeste est pro- 
<c che, et notre ruine inévitable, d Amr, effrayé, alla 
examiner la digue, et vit avec surprise un rat qui en 
détachait d'énormes pierres. 

La prospérité de Mareb tenait à l'existence de cette 
digue, dont l'entretien avait été totalement négligé 
depuis un certain nombre d'années'*. Amr en prévit 
la rupture. Convaincu de la réalité du danger d'une 
inondation , il forma le projet'de vendre tout ce qu'il 
possédait dans le pays, et d'en sortir avec sa famille. 
Mais craignant de trouver beaucoup de difficulté à se 
défaire de ses propriétés, s'il laissait soupçonner à ses 
compatriotes le motif de sa résolution , il s'avisa du 
stratagème suivant : Il invita les principaux habitants 
à un festin. Au milieu du repas, il adresse quelques 
paroles dures à un jeune orphelin qu'il élevait dans sa 

I Camous, 

a Ibn-Kbaldoun, ii8. 



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YAMAN. 



85 



maison. Celui-ci y d'après un plan concerté entre eux, 
lui répond avec insolence. Amr lui donne un soufflet; 
le jeune homme le lui rend. Alors Amr s'écrie : « O 
« honte pour Amr! Au jour de sa gloire, un enfant a 
A osé Tinsulter et le frapper au visage! » Il ordonne 
aussitôt de mettre à mort le coupable. I^es convives 
s'empressent de solliciter la grâce du jeune homme. 
Amr, feignant d'être vaincu par leurs instances, par- 
donne, mais jure de quitter les lieux où il a reçu un 
tel affront, et met sur-le-champ ses biens en vente, 
(c Profitons de la colère d'Anir, se dirent les habitants 
« de Mareb , et achetons ses propriétés avant que son 
a exaspération se soit calmée. » Amr vendit ainsi tous 
ses biens. Quand il en eut recueilli le prix , il quitta 
la contrée avec ses enfants et ses proches. Plusieurs 
familles d'Azd se joignirent à lui ; mais la tribu d'Azd 
n'émigra point tout entière, car nous lisons dans Ma- 
çoudi qu'après le départ d'Amr-Mozaykiya et de ceux 
qui le suivirent, Mâlik, fils d'Alyamati , descendant 
d'Azd , demeura maître de Mareb V 

La catastrophe arriva ensuite : la digue, cédant à ^^gJnàl'i^S- 
TeiTort des eaux, se rompit; des torrents furieux fiSlM^Se^'cT* 
inondèrent les campagnes; le pays fut au loin dévasté, 
et la prospérité de la ville anéantie. Cet événement 
est fameux dans l'histoire arabe sous le nom de 
Seyl-el-Ârinij c'est-à-dire, effusion, torrent des eaux 
de la digue. 

Selon une conjecture de M. de Sacy, le mauvais 

i Hist. imp. vet.yocLy p. i6o. De Sacy , Afem. de rAiad.^ v. XLVIII, 
p. 492 et SUIT., 634 et suiv. Iba-Kbaldoun, f. 118. Ibn-Badroun , publié 
par R. Dozj, p. 98- 10a. 



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86 LIVRB II. 

état de ia digue, auquel Amr-Mozaykiya aurait pu 
porter remède, ne doit point avoir été la véritable 
cause de sa sortie du Yaman. Quelque circonstance 
politique, telle qu'une guerre avec les Himyarites, 
l'aurait plutôt obligé à s'expatrier. Il est probable, 
en effet, que le fils et successeur d'Abou*Mâlik, El- 
Acran, prince belliqueux et énergique, n'a pas dû 
laisser longtemps à un usurpateur la possession tran- 
quille de Mareb; car El- Acran est un des rois aux- 
quels on applique spécialement le titre de Tobbà , et 
ce titre indique qu'il réunit sous sa domination les 
descendants de Cahlân aussi bien que ceux de Hi- 
myar. Il est donc possible que la crainte des armes 
d'El-Acran ait été le principal motif du départ d'Amr- 
Mozaykiya. L'inondation ayant suivi de près ce dé- 
part, on aura pu croire qu'il l'avait prévue; et cette 
opinion, qui couvrait ce que la fuite d'Amr et des 
familles qui l'î^compagnaient pouvait avoir d'humi- 
liant, aura été volontiers admise et propagée par leur 
postérité. De là sera né le récit conservé par les écri- 
vains arabes '. 

Les émigrés ou leurs descendants se répandirent en 
diverses parties de l'Arabie, dans le Hidjaz, l'Irak et 
la Syrie; ils y fondèrent des principautés. Pour ne pas 
interrompre la suite de l'histoire du Yaman, je pla- 
cerai ailleurs les détails relatifs à la marche et aux 
établissements de ces colons. 

Je chercherai seulement ici à déterminer l'époque de 
rémigration d'Amr, de l'inondation et de la puissance 

I Mém, de tJcad.^ vol. XLVUl, p. 5i7-52i. 



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taMan. 87 

cTEl-Âcitin, trois faits qui sont intimement liés, et 
que Fassentiment de plusieurs historiens* doit faire 
regarder comme contemporains. 

Ce que relatent Strabon * et Plîde^ de Tëlat floris- 
sant de Mariaba ou Mareb, induit naturellement à 
penser que la rupture de la digue n'avait pas encore 
prÎTe cette ville de son éclat au tempÀ de ces au* 
teurs 4, dont le second écrivait soixante et quelques* 
années après J. C. En effet, beaucoup de témoignage 
se réunissent pour montrer que l'inondation est po^ 
térieure à notre ère. 

Beydliâwi^ dit vaguement quelle eut lieu entre 
J. C. et Mahomet ; Cazwîni s'exprime exactement de 
même^. Ibn-Dourayd la place six cents ans avant l'isla- 
misrae 7, c'est^ànlire , peu d'années après la naissance 
de J. C; Hamza, quatre cents ans avant la prophétie de 
Mahomet^, autrement environ deux siècles après notre 
ère. M. dé Sacy, s'attachant particulièrement à cette 
dernière évaluation combinée avec ses propres con- 
jectures, a rapporté l'émigration d'Amr*Mozaykiya et 
la rupture de la digue entre les années i5o et 170 
de J. Ce Teâ lieu de croire que ces événements sont 
un peu plus anciens, et qu'ils appartiennent au pre- 

I Nowajri notamment affirme que Tinondation arriva sous le règne 
d*El-Acran. Hist, imp, vet, yoct,, p. 60. 
1 Lib. XV!) p. i34f ^it* de 1707. 

3 Nai, hiiLf Ub. Vn, 1. 1, p. 34o, édit Hard. 

4 M. de Sacy, Mon. de VAead,, vol. XLVm, p. 5iS. 

5 De Sacy, ibid,^ p. $44. 

6 De Sacy, ib'uL, p. 5o6. Cazwini, I*' climat, art. Saba, 

7 KfàÙM^de Aroh, epù. vei^ p. a4. 

8 Bisi, imp, vtt. jroct,, p. 24. Thaâlebi, dans le Tahacdt'tl'Molouk 
répète cette indication. 



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88 Liva£ II. 

mier quart du second siècle de Tère chrétieone , c'est- 
à-dire qu'un terme moyen entre les dates présentées 
par Ibn-Dourayd et Hamza me semble approcher 
beaucoup de la vérité. 

Je fonde cette opinion sur l'âge probable d'Amr- 
Mozaykiya, calculé d'après la filiation de plusieurs de 
ses descendants qui ont été au nombre des ashdb ou 
compagnons de Mahomet, notamment du poète Has- 
san, fils de Thâbit\ La généalogie de Hassan , qui 
paraît très-authentique, montre que son ancêtre Amr 
devait être né vers l'an de J. C. 68. En supposant 
qu'Amr eût environ cinquante ans lors de sa sortie 
de Mareb à la tête des familles azdites, cette émi- 
gration se trouve coïncider avec l'an 1 18 ou lao de 
notre ère, et l'inondation doit être placée à peu près 
en la même année. 

Je passe maintenant à ce qui concerne particuliè- 
rement le tobbà £1-Acran. Hamza, Nowayri et Ibn- 
Khaldoun s'accordent à dire qu'il occupa le trône 
plus de cinquante années. J'estime qu'il a dû régner 
depuis l'an 90 environ jusqu'à l'an \[\o après J. C. 
Le nombre de ses successeurs, et les synchronismes 
fournis par Hamza entre plusieurs de ces princes et 
des rois sassanides ou des ancêtres de Mahomet, se 
concilient aisément avec cette conjecture. 

Suivant Nowayri', £1-Acran porta la guerre au 
fond de l'Asie, et fit de grands ravages sur les fron- 
tières de la Chine, pour venger la mort de son grand- 

i^Et aussi du poëte Càb, fils de Màlik, el d'autres personnagei des tribus 
d*Aus el de Khazradj ; voy. le tableau VIL 
a HUt, imp, vet. yoct., p. 60. 



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TAMAlf. 89 

père Charomir-Yeràch.U bâtit ensuite, dans la contrée 
qu'il avait envahie, une ville où il établit une colonie 
himyarite. Thaàlebi nomme cette ville El^Bit, et 
semble en attribuer la fondation à Chammir. Ibn- 
Hamdoun , dans son livre intitulé Tadhcara y assure 
que de son temps, c'est-à-dire, vers le milieu de notre 
douzième siècle , cette colonie subsistait encore , et 
conservait la physionomie et les mœurs arabes. 

Dhou-HabchIn, fils d'£l-Acran (de i4o à i5o de 
J. C). Hamza rapporte qu'il fit une expédition dans 
le Yemâma contre les antiques tribus de Tasm et de 
pjadis, et qu'il les anéantit toutes deux '. Les autres 
historiens reculent la destruction de Tasm et de Dja- 
dîs jusqu'au règne de Hassân-Tobbà , quatrième suc- 
cesseur de Dhou-Habchân. On peut croire que l'ex- 
termination totale de ces deux peuplades n'a pas été 
le résultat d'une seule invasion ; et j'admettrai , en 
conciliant l'opinion de Hamza avec celle des autres 
écrivains y que Dhou-Habchân fit essuyer un premier 
désastre à ces tribus, dont la ruine fut consommée 
plus tard par Hassan. 

TobbI , fils d'El-Acran et frère de Dhou-Habchân 
(de i5o à 180 de J. C). L'on ne connaît aucune 
particularité sur ce prince , dont on ignore même le 
nom, car Tobbà est son titre. Hamza nous apprend 
seulement qu'il eut un long règne , et qu'il était con- 
temporain de Nadhr ^, fils de Kinâna, l'un des aïeux 

I Hist, in^, vet. yoct,^ p. aS. Spec. hist. ar., p. 6x. 

a Le texte de Hamza, imprimé par Schultens, porte Cossajr^ fils de Ki- 
nâiia y ce qui est évidemment une &ute; car Gossay n'était pas fils , mais 
descendant de^Kinâna [i la neuvième génération. Reiske a conjecturé que 
Hamza avait écrit Nadfwy fils de Kinâna ; et M. de Sacy a parfaitement 



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90 LtVRE II. 

de Mahomet Ce syDchronisme a paru juste à M. de 
Sacy; je le regarde aussi comme exact. En effet, d'a- 
près le tableau que j'ai dressé de la généalogie des 
ancêtres de Mahomet', la naissance de Nadhr cor^ 
respond à Tan i34, et Nadhr a pu vivre jusqu'à la 
Bn du second siècle de notre ère. Il aurait vu ainsi 
le règne de Dhou^Habchân , celui de Tobbà, fils d'ËI- 
Acran , et même une partie du règne suivant. 

CalaT'-Cariba ou Calki-Gàriba, fils de Tobbà, 
filsd'Ël-Acran* (de 180 à 100 de J. C). Ibn*Khal- 
doun le représente comme un monarque faible, qui 
n'entreprit aucune expédition guerrière, et inspira 
peu de respect à ses peuples^. Si, comme le pense 
M. Letronne *, Tauteur du Périple écrivait sous les 
empereurs Septime^évère et son fils, enti^ les an- 
nées 198 et aie de J. C, le souverain himjarite 
Caribaèlj que cet auteur mentionne comme régnant 
de son temps et résidant à Zhafâr, doit être Calay- 
Cariba'elAWmjdLtx (Calay^Cariba le Himyarite) , ou 
peut-^tre son successeur Abou-CiïnAa-<?/-Himyari *. 

TlBBlN-Açko-ABOU-CARIBA OU AbOIT-CaRIB^, fils 



détiioûtrè que cette correction est certaine. Les noms de Cossay et de Nadhr 
se retseaMeDl betocoup, par la forme des lettres, dans Técrilare arabe, œ 
qui a pu donner lieu i Terreur. Dans le texte de Hamza, imprimé à Péters- 
bourg en 1844 par MiGottwaldt, on lit Nadhr, fils de Kinàna. 

î Voy. le tableau Vin. 

9 Diaprés Hamza, Aboulféda, Thàalebi. 

.1 Ibn-Khaldoun, f. a3 v^ 

4 Mêm, de tÂcad.^ Toi. IX, p. 174. 

5 Néanmoins M. Fresnel Kt le nom de Cûrhal (qui pourrait bien être 
Caribaël) dans les inscriptions himyariqnes LIY et LYI. 

6 M. Fresnel lit le nom de tobbn Carié dans rinscriiMion bimyari- 
que LVI. 



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ven l'an tm 



TAM\H. 91 

du précédent (de %ùo à a36 de J. C). C'eat Tun des 
plus célèbres tobbà. Des princes ^ qui portaient les 
litres de Dhou et de Caj^t, gouvernaient les diffé- 
rents cantons de l'Arabie Heureuse. Ils avaient pro- 
fité de la faiblesse de Calay-Cariba pour affecter Tin- 
dépendance; ils furent successivement vaincus et 
réduits à l'obéissance par Âçàd-Abou-Carib ^ 

A la tête d'une armée nombreuse , le tobbà sortit ^ BiDéduton d*A- 

l>oiH«anb en renc, 

ensuite du Yaman, voulant aller s'illustrer par desS^i.cf 
conquêtes dans les contrées de l'orient et du nord. 
U envahit d'abord la Chaldée (vers l'an ao6 de J. C). 
Ses troupes, arrivées près de l'emplacement de Hîra, 
s'y arrêtèrent Des Arabes d'Azd^ de Codhâa et autres 
tribus, étaient depuis quelque temps fixés en cet en- 
droit. Abou-Carib laissa parmi eux ceux d'entre ses 
soldats qui n'étaient point capables de le suivre ^ et 
continua sa route ^. 

C'était l'époque des (derniers) Arsacides. Le plus 
puissant des princes de cette famille était alors Hou- 
dân , fils de Sâbour. L'un des chefs arsacides, nommé 
Cobâd , qu'il ne faut pas confondre avec le monarque 
sassanide Cobâd , fils de Firouz , fut défait et mis en 
fuite par l'armée himyarite ^. Après avoir pénétré dans 
l'Adherbidjàn et ravagé le pays des Turcs, le tobbà 
revint dans le Yaman , chargé de dépouilles ^. 

Au commencement soit de cette campagne, soit 



I el Nowayli^ SUt. imp, vût, yoct,, p. 3o et 60. 
a Ibu-KhridoiiD, i, 24, ixo Y^ m. Un récit de Hiehâm-ibn-Moham- 
■Md-€l-K«ibl, dté ptr Ibft-Klialdottii (f. m), montre que rétablisieiiieDl 
«TiiiM colonie anbe i Hlia ett Mitérieor au pMMge d«i tobbà. 

3 Maçoadi eité par IbiHKhaUtoaB, f. 94 v"". 

4 Ibn-Kbaldoun, f. a4. 



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9^ LIVRE II. 

iiitMiégeTauirib d'une autre expédition postérieure, car on lui en at- 

et cmbraMe leju- ^ r r ' 

éàume. tribue plusieurs également glorieuses, Âbou-Carîb 

avait traversé et soumis le Hidjâz. En passant à Ya- 
thrib, il avait con6é un de ses fils aux habitants de 
cette ville. A son retour, ayant appris que son fils 
était mort victime d^un assassinat, il résolut de tirer 
une vengeance éclatante de ce meurtre, et vint assié- 
ger Yathrib , dont le territoire était alors occupé par 
les tribus juives de Corayzha et de Nadhîr, et par plu- 
sieurs familles arabes , au nombre desquelles on men- 
tionne, à tort vraisemblablement, les Âus et lesKhaz- 
radj '. Deux savants docteurs israélites allèrent le 
trouver, et le prévinrent que s'il s'obstinait à vou- 
loir détruire Yathrib, il s'exposait à un châtiment 
terrible du ciel. <c Pourquoi cela? demanda le roi. — 
« C'est, répondirent-ils, parce que cette ville est des- 
« tinée à servir de retraite à un prophète qui doit 
a paraître dans les derniers temps, et qui, chassé de 
« sa patrie , fera ici sa résidence. » Le tobbà déféra à 

I Les familles d*Aus et de Kbazradj oe s'établirent à Yathrib que vers 
Tan 3oo de J. C, comme je le montrerai dans le livre YII de cet ouvrage. 
Tout le récit qui va suivre est rédigé d'après le Sirca-^rracoul^ man. de la 
Bibl. roy., n** 629, fol. 3 et suiv. ; Ibn-Khaldoun, f. 24 ; M. de Sacy, Mém. 
de CAcadtfytA, XLVIII, p. SéS et suiv. ; Not, et extr, des man,^ vol. II, 
p. 366 et suiv.; Aghàtù^ tom. III, f. 3o[ et suiv. ; Ibn-Badrouu pubilé par 
R. Dozy, p. 8 1-83, etc. Les auteurs du Sirat et de VJghdni font Bgurer, 
dans leur narration de oe siège de Tathrib , des personnages d*Aus et de 
Kbazradj, tels qu*Amr, 61s de ZboUa , Obayba, fils de Djoulâb, etc., qui 
ont vécu à une époque très-postérieure a celle de Tibbân-Açàd-Abou- 
Garib. Je crois qu'il y a eu deux entreprises formées contre Yathrib par 
des rois difTérenls, et i un long intervalle Tune de l'autre. Les historiens 
auront confondu les détails des deux sièges. J'omets donc pour le mo- 
ment , et réserve pour une autre place (livre VII), certaines circonstances 
qui seraient ici un anachronisme. 



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YAMAN. 93 

leurs représentations. Il fit plus : admirant leur science 
profonde, il s'instruisit de leur religion, renonça à 
Tidolâtrie , et embrassa le judaïsme. Toute son armée 
suivît son exemple. 

Il engagea ensuite les deux docteurs à Taccompa- «▼wteuubi. 
gner dans le Yaman , pour en convertir les habitants. 
U quitta Yathrib, et entra sur le territoire de la 
Mekke. Des gens de la tribu de Hodhayl vinrent au- 
devant de lui, et lui offrirent de lui indiquer un trésor 
rempli de perles, d'émeraudes, de rubis , d'or et d'ar- 
gent, trésor dont aucun de ses prédécesseurs n'avait 
eu connaissance. Le tobbà ayant accepté leur propo- 
sition , ils lui dirent qu'il y avait dans la vallée de la 
Mekke un édifice , la Càba , pour lequel les Arabes de 
ces contrées avaient une grande vénération , et que 
là était renfermé le trésor qu'ils lui avaient promis. 
Le but de ces Hodbaylites, en engageant le tobbà à 
dépouiller la Càba, était, selon la tradition, de le 
&ire périr ; car ils savaient que la Providence céleste 
n'avait jamais manqué de punir ceux qui avaient osé 
former de criminels desseins contre ce temple. 

Abou-Carib prit l'avis des docteurs juifs. Ceux-ci 
lui dévoilèrent les intentions perfides des Hodbaylites. 
a Us veulent votre ruine, lui dirent-ils; car il n'y a 
« pas dans le monde de lieu plus sacré, et que Dieu se 
« soit réservé plus spécialement, que le temple de la 
« Mekke. Loin d'en violer la majesté , visitez-le avec 
«respect, accomplissez les tournées solennelles^ et 
« toutes les cérémonies pieuses que l'on pratique dans 
a ce sanctuaii*e. » Le tobbà leur demanda alors ce qui 
les empêchait eux-mêmes d'y faire ces actes de dévo- 



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94 LIVRE II. 

tion. ic II est vrai, répondîrent-ils , que ce lemple est 
<c celui de notice père Abraham; mais il est aujour- 
<K d'hui profané par les idoles qu'on y a placées, et par 
(c le sang impur qu on y répand. » 

Abou-Carib, persuadé de la vérité de ce que lui 
disaient les docteurs, fit couper la tête aux Hodhay- 
lites qui lui avaient tendu un piège, et se rendit à la 
vallée de la Mekke. Il fit le tour de la Càba avec les 
rites accoutumés, se rasa la tête, immola des victimes, 
et distribua des viandes et de Thydromel aux habi- 
tants du canton, pendant tout le temps qu'il demeura 
parmi eux. En conséquence d'une vision qu'il eut 
alors, il couvrit la Càba d'étoffes précieuses, ce que 
personne n'avait fait avant lui. Il mit au temple une 
porte avec une serrure. Enfin, ayant recommandé aux 
Khozaites ', famille qui avait l'intendance du lieu saint, 
de veiller à la conservation et à la pureté de l'édifice, 
il poursuivit sa route vers le Yaman, toujours escorté 
des docteurs juifs. 
H^^ujMe^ja- Rentré dans ses États, il voulut imposer à ses su- 
Yaman. j^^.^ ^^ religion qu'il venait d'adopter. Les Himyarites 
résistèrent d'abord. On finit par convenir de soumettre 
au jugement du feu la question de prééminence entre 
le judaïsme et le culte idolâtre. Il y avait dans le 
Yaman un endroit d'où sortait un feu surnaturel, que 
les habitants avaient coutume de prendre pour arbitre 
dans les contestations importantes, et qui dévorait 
celle des parties adverses qui était coupable, sans faire 
aucun mal à riniiocent. D'un côté, les ministres des 

I Le texte du Sirat mentionne ici les Djorhom ; mais M. de Sacy a foit 
voir que c'est une erreur de nom. JHém, dt VAcad,^ vol. XLVIII, p. 594. 



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YAMAN. 95 

faux dieu?^ portant leurs idoles, de l'auti^e les doc- 
teurs juifs tenant leurs livres saints, se présentèrent 
devant Touverture par laquelle s'élançaient les flam*- 
mes. Les uns et les autres n'en sentirent pas plutôt 
les atteintes, qu'ils voulurent reculer; mais on les re* 
poussa , et on les obligea à tenir bon* I^iCS champions 
himyarites furent consumés avec leurs idoles; les 
jui&, qu'on avait perdus de vue quelques instants 
au milieu des tourbillons de feu , reparurent bientôt 
avec leurs livres sur leurs poitrines. La sueur déco^* 
lait de leurs fronts, mais ils étaient sains et saufs. 
Cette épreuve miraculeuse détermina un grand nom* 
bre de Himyarites à embrasser la religion de leur roi, 
et ce fut ainsi que le judaïsme commença , dit-on , à 
s'introduire dans le Yaman. 

Le tobbà partit ensuite pour aller conquérir l'Inde, 
et mourut en route, suivant l'auteur du Kitàb-el-- 
Djoumân^. Les autres historiens s'accordent à dire 
que les Himyarites, fatigués de son humeur belli» 
queuae , l'assassinèrent ^. 

U résulte d'indications fournies par Hamza sur les 
règnes des fils du tobbà Àçàd-Abou-Carib , que le 
règne d'Âbou-Carih lui-même a dû correspondre , au 
moins en partie, avec celui d'Ârdchir, fils de Bâbek, 
fondateur de la puissance des Sassanides ^, mort en 
Tan a38 de J. C. M. de Sacy, d'après cette donnée 
et d'autres motifs qui ne me paraissent pas tous ad- 



X Mém. de tAcad., vol. ILLYU!, p. 663. 

a Hamza, Hist, imp. 'vet, yoci.^ p. 5o. Ibn-Khaldouo, f. 24 v». Specim, 
hist, ar,^ p. 61. Bist. anieisL^ p. i x6. 

3 H'ist. imp, DeU yocL, p. 33. Mém. de FAcad., vol. XLVUI, p. 538. 



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9^ LIVRE II. 

missibies , a conjecturé que l'histoire du siège de Ya- 
thrib par Âçàd-Âbou-Carib et de ^introduction du 
judaïsme dans le Yaman, pouvait se rapporter à 
l'an a35 de notre ère\ Cette opinion n'a rien d'in- 
vraisemblable , mais il convient de dire que les histo- 
riens ne sont pas d'accord sur le nom du tobbà qui, 
après avoir menacé Yathrib, ramena avec lui dans 
l'Arabie Heureuse les deux docteurs juifs. Ce tobbà, 
suivant Hamza et autres, était, non pas Abou-Carib, 
mais l'un de ses successeurs. Laissant indécise, faute 
de renseignements suffisants, la question de savoir 
par quel prince et à quelle époque la religion juive fut 
réellement importée dans le Yaman , je me bornerai 
à placer approximativement la mort d' Açàd-Abou- 
Carib en l'an 236, peu avant la fin du règne d'Ard- 
chîr en Perse. 

Après le tobbà Açàd-Abou-Carib, quelques au- 
Jc. ' teurs font passer la couronne à un certain Rabia, fils 

de Nasr, de la tribu des Benou-Lakhm , branche de 
la race de Cahlân^. Ce prince, qui jouissait, disent- 
ils, d'une faible autorité, régnait depuis une année, 
lorsqu'il eut une vision qui lui causa de l'épouvante 
et le jeta dans la consternation. Il rassembla tous les 
devins, sorciers et augures qui se trouvaient dans ses 
États, et leur dit : « J'ai fait un rêve qui m'a rempli 
« d'effroi. Racontez-moi ce que j'ai vu, et donnez- 
a m'en l'explication. — Seigneur, répliquèrent- ils, 
« exposez-nous votre rêve, et nous l'interpréterons. 

1 Mém, de tÂcad.^ vol. XL VIII, p. 5g4. 

a Ibn-Khaldoun y f. a4 v", a 5. Sirat-erraçoui, f. 3. lHém. de tJcad.^ 
vol. XLVIII, p. 647, «76. 



Rabla, Ail de Naur 
enrôle set enfinU 



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TAMAN. 97 

« — Non , dit le roi; celui-là seul peut connaître le 
c sens de la vision, qui est capable de deviner la vision 
« dle-même. — Il n*y a que Chikk et Satîh , repri- 
« rent-ils, qui puissent vous satisfaire. » Rabîa en- 
voya chercher les deux devins , et les interrogea sé- 
parément. Satîh y personnage extraordinaire qu'on 
. prétend avoir vécu au moins trois ou quatre cents 
ans', fut consulté le premier. « Tu as vu, dit-il , un 
«I charbon qui est tombé sur le Tihâma du Yaman; il 
c s'est enflammé, et a produit un incendie qui a con- 
« sumé tous les êtres vivants. — C'est vrai, dit le roi; 
« et que signifie cela? — J'en jure, répondit Satîh, 
n par les serpents qui rampent sur le sol caillouteux 
tt et brûlant, les Abyssins viendront envahir cette 
a terre , et se rendront maîtres de tout le pays ent|*e 
a Abyan (Aden) et Djorach (ville située au delà de- 
« Nadjrân). — Cela arrivera- t-il de mon vivant, ou 
« après moi? demanda Rabîa. — Après toi, » répli- 
qua Satîh. Il prédit ensuite la durée de plus de 
soixante-dix années que devait avoir la puissance des 
Abyssins dans le Yaman, puis le renversement de 
leur domination , et la venue d'un prophète de la race 
de Ghâlib, qui soumettrait à sa loi toute l'Arabie. 
Chikk , interrogé à son tour, annonça exactement les 
mêmes événements. 

Ces discoui^ firent une impression profonde sur 
Rabia. Afin de soustraire sa famille aux malheurs 
dont le pays était menacé , il envoya ses enfants dans 
llrak avant le règne d'Ardchîr, fils de Bâbek , dit 

I Voy. sur Salih, Hariri, édii. de M. de Sacy, p. 177. Reiike, Âdnot, 
hisl.y\o\, I, p. 7. f^ie de Mahomet^ Iraduct. de Noël Desverfjers, p. loa. 

7 



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9^ LIVRE II. 

Taiitri ' 9 et le$ recoromaBda à iaq prince persan 
qu'Ibn-Isbiâk ^ nomme Sâbour, fils de Khorraxàd, et 
Iba-^aïd^» Sâbour-el-Achgâni ou rArsacide.Ce priace 
les établit sur le territoiire de Hira. Parmi ces enlints 
de Rabia^ fils de Nasr, était Adi, que Djodhayma^ roi 
d'une partie de la Chaldée , prit avec lui , et auquel 
il maria sa sceur Ricâch. Adi devint la tî^ des rok de 
Hîra, appelés Lakhmites. 

On ignore compléteme&t ce que c était que ce Sa- 
bour Ârsacide^ fik de Khorrazâd ^. M. de Sacy a con^ 
clu , de l'absence de toute notion sur ce persomnage , 
qu'il y avait erreur dans la tradition qui lui donne ces 
qualifications , et il a pensé que le prince dont il est 
ici question devait être le Sassanide Sâbour^fils d'Ard- 
chir ^. Il me semble difficile d'admettre cette conjec^ 
ture. Sâbour (ou Sapor I^*), fils d'Ardcbir, second 
roi sassanide et surnommé par les Arabes Sâbour^eU 
Djonoud^ était trop biea connu pour que son nom 

I Exu de Tabari, Mém, de PÀcad.^ vol. XLVIXl, p. 679. 
a Siral»erraçou/, f. 3 v«. 

3 Cité par Ibo-Khaldoua. i «6, 

4 On oe possède que des renseiguemeoU très-imparfaits sur l*hisloic« 
des Arsacides. S^oo lès Arabes, la Perse, depuis la mort d'Alexandre jus* 
qa*à f aTéoement de la dynastie sassanide, resta divisée en plusieurs coqM 
de Mliens, tawéff, i^w^ diacun un ckef parlieulier. Cest poar cekr qaTils 
comprennent les successeurs d'Alexandre et les Arsacides sous la dénomi- 
nation de molouk ettawdif, rois des nations. Les plus puissants de ces prin- 
ctSy les souverains, prenaient le titre de roi des rois. Ce morceUement de 
la monarchie en plusieon principauté» (dix-kuit royaumes adon Gréner, 
ToL VII* p* 365) fait concevoir qu'outre les grands rois arsacides, dont 
les historiens grecs donnent la liste» il a dû exister d'autres petits rois 
ignorés des Gvecs, et dont quelquis^nns ont pu être connus des Arabes , 
tels que ce Sâbour, fils de Khorrazâd , le Houdân et le Cobâd mentionnés 
précédeotaMnt dans l'histoire d« tobbâ Aboo-Carib, etc. 

5 Mém, de tAcad.y vol. XLYIU, p. &So etsuiv. 



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yamah. 99 

ait pu ainsi âlre alléi*é. M. de Saey, en identifiaAt ces 
deux homooyiDes, me semble avoir rapporté à une 
époque trop récente (l'au a4o de J. CJ) l'envoi des 
fils de Rabia en Irak : ce fisiit appartient très-vraisem- 
blablemeDt aox premières années du règne d'Abou- 
Carib , dont Rabia ne fut point k successeur, mais le 
conlemporain , ou même, suivant Ibn-SaïdS le pré- 
décesseur, expression qui serait juste si Rabîa eût été 
Téritablemenfe roi. 

Mais je pense, avec M. de Saicy, qu'il en est de ce 
Rabîa, fils de Nasr, comme d'Omrân et d^irornMo* 
zaykiya. On ne doit point le compter paiTni les souve- 
raies du Yaman. La plupart des historiens Tomettent, 
en efifet, dans leurs listes. Je le regarde comme un de 
ces princes, décorés des titres de Ca/l ou Dhou, 
qu'Abou*Carib , en montant sur le trône, trouva maî- 
tres de diverses provinces, et qu'il soumit successi- 
vement par la force des armes. La conscience de son 
infériorité à l'égard d'un puissant adversaire , la pré- 
vision de l'issue funeste d'une lutte prochaine et iné«» 
vitaUe, furent sans doute les causes réelles qui en- 
gagk^ent Rabîa , fils de Nasr, à faire sortir sa famille 
du Yaman. Sa prétendue vision, expliqua par Chikk 
et Sarîh , est un prétexte imaginé pour pallier la fai- 
blesse d'un prince que les rois de Hîra reconnaissaient 
po«r leur ancêtre. 

Dans cette persuasion, je place la date de l'émi- 
gration des enfants de Rabîa vers l'an 2o5 de J. C. , 
c*est*à-dirr , une vingtaine d'années avant la fondation 

I Gié i^r 11)11 -KJialiloun, f. a<^. 



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lOO LIVRE II. 

de Tempire sassaaide par Ardchir, et dans les com- 
meacements du règne d'Açàd Abou-Carib. Cette fixa- 
tion sera d'ailleui*s justifiée, lorsque je traiterai du 
royaume de Hira, par la chronologie des princes Iakh- 
mites , descendants de Rabia et de son fils Adi. 

HassJLn TobbI, fils de Tibbân Açàd Abou-Carib 
(de a36 à aSo de J. C). Hassan succéda à son père, 
dont il rechercha et fit périr l'un après Tautre tous 
les assassins ^ Il acheva la destruction de la tribu 
de Djadîs, déjà décimée, ainsi que celle de Tasm , par 
Dhou-Habchân. L'on a vu précédemment * que la ty- 
rannie d'AmIouk, issu de Tasm, et roi des deux tribus, 
avait fait naître un complot formé par la famille de 
Djadis, qui avait massacré celle de Tasm, à l'excep- 
tion d'un certain Ribâh , fils de Mourra. Celui-ci , 
échappé au fer des meurtriers , se réfugia auprès de 
Hassan Tobbà, et l'excita à faire une expédition con- 
tre la tribu de Djadis. 
Il détruit utribn Hassâu rasscmbla des troupes, et se mit en route. 
•Mdîj.cT"* '"Lorsqu'il fut parvenu à trois marches de Djtiw^ lieu 
où étaient les châteaux forts des Djadicites, Ribâh, 
fils de Mourra, lui dit : ce J'ai une sœur mariée à un 
<c homme de Djadis : elle se nomme Zercâ-el-Ye- 
cr mâma. Elle a une vue si perçante, qu'elle distingue 
c< les objets à une distance de plusieurs journées de 
c< chemin. Je crains qu'elle n'aperçoive votre armée, 
« et qu'elle ne mette les ennemis sur leurs gardes. 
f( Commandez donc à vos soldats de prendre de gran- 
(c des branches d'arbre , de les tenir devant eux, et de 

I Hamza» Hist, imp, vet. yoct., p. 3a. Hist, anteisl,^ p. 1 16. 
a Voy. livre I , p. 29. 



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TAMÀN. loi 

« s'avancer en se cachant derrière le feuillage. • 
L'ordre fut donné et exécuté. Malgré cette précau- 
tion, Zerca-el-Yemâroa découvrit de loin les troupes 
do tobbà. a Je vois, dit-elle, 4es arbres qui marchent; 
« derrière sont les Himyarites. » On ne la crut pas. 
ff Je vois, ajouta-t-elle, un soldat qui raccommode un 
« de ses souliers. » On se moqua d'elle , et l'on ne 
songea à la défense que lorsqu'il n'était plus temps. 
Hassan surprit les Djadîcites, les extermina tous, et 
rasa leurs châteaux. Aswad, fils de Ghifâr et frère de 
Cfaamous, parvint seul à se sauver, et alla chercher 
un refuge dans les montagnes d'Adja et Selma. Quant 
à Zercâ-el-Yemânia, le tobbà lui fit arracher les yeux. 
On remarqua dans leurs globes des fibres noires. In- 
terrogée sur cette singularité , elle l'attribua à l'usage 
qu'die faisait d'un collyre de poudre d'antimoine. Elle 
fut, dit-on, la première femme arabe qui se servit de 
. ce collyre. C'est de son nom que Tancien pays de 
Djaw a été appelé Yemâma. Enfin c'est à l'excellence 
fabuleuse de sa vue que fait allusion le proverbe : 
Plus clairvo/anl que Zercd-el-Yemàma^ . 

Ribâb, fils de Mourra, qui avait attiré l'invasion 



X i'Ut'' '^Jj} {J^ y^' > Blaydâiii.Ibn-Khal(louD, f. II. NowayrK 
man. de la Bibl. roy., n*^ 700, f. ta et v». Âghdni, vol. III, f. i5. Hariri , 
édit. deSacy, p. 594. Ibn-BadrouD, publié par H. Dozy, p. 56-6o. 

Une autre femme du Dom de Zercâ-d-TemAmay que Ton confond sou- 
vent avec cetle*ci , a vécu vers Tépoque de la naissance de Tislamisme 
(voy. Chnsi, de Sacy, II, 44S). Cette seconde Zercà était favorite de 
Uiod, fiUe de Noraào-Abou-Gabous , roi de H ira. La première s'appelait 
proprement Yemâma , suivant IbnKhaldoun et le Camous ; elle était sur- 
nonmée Zercà , à cause de ses yeui bleus. On devrait donc régulièrement 
la nommer TemAma-el-Zercà. 



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lOSè LIVBE 11. 



du tobbà dan« la coatr^ des Djadîokeg, et caoëé ainsi 
la ruine de cette tribu^ est nommé, par Maydâni, Câ- 
cbir, fils de Mourra; et c'est sous cette dernière dé- 
nomination qu'il est désigné dans l'expression prover- 
biale : Plus funeste que Cdchir^. 

whSiJîïJïieTt Après l'extinction des Djadlcites, le pays qu'ils 

ÏSÎSTïeMS^Î! avaient occupé, autrement le Yemàraa, resta désert 
pendant un long intervalle de temps. Ensoite les Be- 
nou-Hanifa, tribu originaire du Hidjâz, y arrivèrent, 

_ cfaerchant un territoire pour s'y établir. Un de leurs 

chefs, Obayd, fils de Tbàlaba, qui s'était avancé en 
reconnaissance, trouva un lieu agréable, où s'élevaient 
des dattiers chargés d'excellents fruits. 11 y ficha son 
bâton en terre en signe de prise de possession, et pour 
en interdire l'accès à toute autre tribu que la sienne* 
Sur cet emplacement , les HanîËi bâtirent un fort qui 
fut nommé Uadjr (interdiction), et devint par suite 
la capitale du Yemâma ^. 
LetTiyémimBt Au règiic de Hassâu-Tobbà paraît devoir se rappor- 

ui?M^?jî^'teir ^^i* l'émigration de la tribu de Tay, hors du Yaman. 
\j^ Benou^Tay, issus de Cahlân par Odad , habi- 
taient, dit-on, primitivement }e canton de DjorJ^ dans 
lequel est l'endroit connu aujourd'hui sous le nom de 
Mahallat- Mourait Ils étaient alors peu nombreux. 
Leur contrée était aride, et infestée par une grande 
quantité de bétes féroces. Leur position d'ailleurs était 

m 

I «Àli ^^1-^ ^L-i«l D'autruauteurs, et MaycUnilui-inéiiàP, proposent 

une explication diflërente de ce proverbe, en disant que dchir était le 
nom d^nn chamean étalon qui portail Bailleur aux fcmeMes. Tovles cettfs 
qui étaient saiHies par lui mouraient dans Tannée. V^y, Kariri, édit. de 
Sacy, p. 459. 

a IbnKhaldouu, f. xi v". 



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TAMAN. Io3 

isolée d^ub le départ des fainHles azdites, autrefois 
leurs voisines , <{«ii avaient quitté Mareb et ses envi- 
roas à Tépoque d'Amr-Mozaykiya. Ils résolurent de 
se transporter ailleurs. Tous les automnes, un cha- 
meau , bel et vigoureux étalon ^ venait chez eux, on 
ne savait d'où, saillissait leurs chamelles, et disparais- 
sait. Us dirent à leur chef Ouçâma, fils de Louway, 
fils de Ghauth : «c Ce chameau sort sans doute d'un 
m pays plus productif que le n6u*e, car nous avons 
« remarqué dans ses crottins des noyaux de dattes. 
« Lorsqu'il s'en ira , 6uivons4ey et allons nous établir 
te là où il s'arrêtera. » En effet , ils suivirent le cha- 
meau , qui les conduisit aux montagnes d'Adja et de 
Selma, situées dans la région septentrionale du Nadjd, 
non loin des limites du Hidjâe. Ils pénétrèrent dans 
les i^orges de ces moatagnes, y trouvèrent des dat- 
tiers, des pâturages et des troupeaux, et y rencon- 
trèrent Aswad, fils de Ghifâr, qui s'y était retiré après 
le massacre de ses compatriotes par les troupes de 
Hassâd-Tobbà. La taille prodigieuse d'Aswad effraya 
d'abord les Benou-Tay; mais l'un d'eux, étant entré 
en conversation avec le géant et le voyant sans dé- 
fiance, lui décocha une flèche et le tua. Adja et Selma 
faisaient alors partie du territoire des Benou-Açad ', 
tribu née dans le Hidjâz, et qui avait donné asile à 
Aswad. IjCs enfiints de Tay combattirent ceux d'Açad, 
les chassèrent des deux montagnes, et s'y installèrent 
à leur place* (entre les années a45-25o de J. C). 

K El 7 a plusittun IrHms de Benou-A^. Il s'agil ici des descendants 
d'AçMl, fib de Khozayma ; voy. tableau VIII. 
a Jghdnij III, i5. Ibn-Khaldoun, f. ix, 1 18 %<>. La date approximative 



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Io4 LIVRE II. 

taé^rtoo Hassân-Tobbà périt victime d'un assassinat plus 
odieux que n'avait été celui de son père. Voulant imi- 
ter ceux de ses prédécesseurs qui avaient fait des 
conquêtes lointaines , il partit du Yaman avec une 
puissante armée, et parcourut différents pays. Ses 
troupes ne l'accompagnaient qu'à contre-cœur. Il ar- 
riva enfin à l'endroit appelé plus tard Rahbat-Mâliky 
près de TEuphrate. T^ , ses principaux officiers , en- 
nuyés d'errer loin de leurs familles , complotèrent sa 
mort. Ils s'adressèrent à son frère Amr, et lui dirent : 
c( Tuez le tobbà, nous vous donnerons la couronne, 
«( et vous nous ramènerez dans notre patrie. » 

Hamza et Maydâni, sans parler de cette grande 
excursion guerrière de Hassan , disent que ce fut son 
mauvais gouvernement, et la rigueur avec laquelle il 
condamnait tous ceux qu'il soupçonnait seulement 
d'avoir participé au meurtre de son père, qui portè- 
rent les Himyarites à offrir le trône à Amr, s'il vou- 
lait ôter la vie à son fi*ère. 

Amr écouta ces propositions. Un seul chef himya- 

que fattigiM à ce fait peut être confirmée par le calcul généalogique sui- 
vant : Oucàma, chef des BenourTay lors de cette émigration, était petit-fils 
de Ghauth, par conséquent du même âge à peu prés que NebhAn , autre 
petit-fils de Gbauth et Tun des ancêtres d*un penonnage célèbre nommé 
Zayd-el-Kbayl»dont je parlerai dans la suite. Ce Zayd-el-Khayl était con- 
temporain de Mahomet , c'est-À-dire, né vers 5^o de J. G. Sa généalogie, 
tdle que la donne TAghàni (IV, i6 v<*), présente once degrés intermédiai- 
res entre lui et Nebhân , ce qui place la naissance de Nebhân et celle de 
son cousin germain OuçAma vers l'an 207. La généalogie de Hâtim-Tay, 
plus ancien d'une génération que Zayd-el-Khayl, et descendant de HmmI, 
autre fetit-fils de Ghauth {jéghdni, IV, 39) , fournit le même résultat. 
Ouçâma , né vers 207, aurait eu une quarantaine d'années à l'époque de 
Pinstallation de sa tribu dans les montagnes Adja et Selma. Voy. le ta- 
bleau II. 



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YA.MAN. Io5 

rite y nomme Dhou-Rouàyn^ chercha à le détourner 
du crime. Voyant que ses efforts étaient infructuetrx, 
il remit à Amr une boîte cachetée, le priant de la 
garder en dépôt jusqu'à ce qu'il la lui demandât. Amr 
poignarda Hassan , et fut reconnu roi. 

Amr DHOU-L-AMrÂD ou AMR-EL-MAUTHABAlf^ fils 

de Tlbbân-Açàd-Abou-Carib (de a 5o à a 70 de J. C). 
Devenu maître de Tempire par un forfait , Amr, 
après quelques années, perdit le sommeil, et tomba 
dans une maladie de langueur. Il appela en consulta- 
tion tous les devins, les savants^ les médecins qui 
étaient dans le Yaman. Us s'accordèrent à déclarer 
son état un châtiment céleste qu'il subissait pour avoir 
tué son frère. Amr s'en prit aux officiers qui lui 
avaient conseillé cette action coupable. Il les fit pour- 
suivre, et mettre à mort successivement. Oubliant que 
Dhou-Bouàyn n'avait point eu part à ces funestes 
instigations, il voulut lui faire éprouver le même 
sort. Dhou-Rouàyn réclama alors son dépôt. La boîte 
fiit ouverte devant le roi. Elle contenait un papier 
sur lequel étaient écrits ces deux vers : 

« Insensé qui échangera le sommeil contre l'insomnie! 
Heureux celui dont la nuit est calme ^ dont l'oeil goûte le 
repos! 

« Les Himyarites ont trahi leur souverain, mais Dieu est 
témoin qne Dhou-Rouàyn n a pas trempé dans leur per- 
fidie'. » 

Ces vers rappelèrent à Amr les discours que lui 

^j-a-fij ^^JuJ 4bJ» ï.jc»iyd sJ;^Iâ.j OjJlc j^.^ L»li 



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lo6 LIVllI'. II. 

avait tenus Dhou-fiouàyn. Il reconnut son innocence, 
et lui ouu^ua son estime par de riches présents* Ac- 
cablé d'infirmités et continuellement retenu par sa 
ÊiiUesae dans son appartement , Amr fîit surnommé 
El-Mauthabàrij le sédentaire , et Dhou-U^wàd, 
l'homme au brancard , parce qu'il ne pouvait se trans- 
férer d'un lieu dans un autre que porté sur un bran- 
card '. 

« Tai lu, dit Hamza, dans une ancienne histoire 
du Yaman, qu'Âmr Dhou-1-Awâd fut contemporain 
de Sabour Y^^ fils d'Ardchîr, et que les deux règnes 
suivants concoururent avec celui de Hormouz I^, 
fils de Sabour ^. » Il résulte de là que le règne d'Amr 
Dhou-1-Awâd dut finir à peu près en même tenaps 
que celui de Sabour P»*, c'est-à-dire, vers Tan ^^o 
deJ.C. 

Les quatre hois (de a 70 à aya de J. C). Quatre 
rois anonymes^, que Nowayri donne pour fils de 
Dfaou-1-Av^âd, gouvernèrent conjointement après lui. 
Ces quatre frères marchèrent ensemble contre la 
Càba, dans l'intention d'en arracher la pierre noire, 
objet de la vénération de tous les peuples de l'Arabie, 
pour fa placer dans un temple qu^ils devaient bâtir 

I Maydâni, art. M"^ v3)^^ ij* aT IbnKhakloun, f. aS. jighdni, 
rv, a98.5/mf-^rra|.'Otf/, f. 5. Extraits de Tabmi^ vol. IXTIQ des Mém, de 
CAcad.^ p. 6So. Êist. mnieisL^ p. ix6. Hamca de Gottiiittldt, p^ zSt^ 

Le mot El-Mautha6dn, suivant la plupart des auteurs, est dérivé dt là 
racine wathah^qm signifiait être assis, en langage himyarique. Quelques- 
uns cependant le rapportent à la racioe wathoA^ qui , en arabe, a le s&is 
d'assaillir, et disent que ce surnom fut donné à Amr parce qu'il avait as- 
sailli et tué son frère. 

a Hamza deOottwaldt, p. i3o, x3i. 

3 Yoy. Vinscription himyarique XXXU. 



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TAMAN. 107 

« Sftoa. Us voulat^ai que ce temple devise le but du 
|ièleriiiage des Arabes , et i|ue le centre du ouite reU* 
gîeux fut transporté dtus leur oapîtde. Leur estm- 
prise échoua. Les Benou-Kinâiia , tribu dont le chef 
était alors Fihr, fik de Mâlik, l'un des ancêtres de 
Mahom^ mirent Tannée hîmyarîte en déroute. Trots 
de ces rois (tirent tués dans le combat , et le qua- 
trième resta prisonnier entre les mains des vain- 
queurs \ 

Cet événement se passait, d'après Tindtcatmi 
précitée de Hamza^ sous le monarque sassanide Hor* 
mouz I^,par conséquent vers l'an 172 ; car Hormouz 
occupa le trône de 1271 à 278 seulement. Le tableau 
généalogique des ancêtres de Mahomet montre que 
Fihr, fils de Mâlik, pouvait être encore vivant à cette 
époque*. 

AbdhaA, fille de Dhou-1-Awid, succéda à ses frères, 
et régna aussi sous Hormouz I^ ^ (de 272 à 273). 
Ses sujets , indignés des désordres de sa conduite, la 
firent périr ^. 

Abd-KelIl ^ fils d'Amr Dhou-l-Awad, selon Aboul- 
féda, ou fils de Mathoub...., descendant de Himyar 
(de 273 à 297 de J. C). Ce prince était chrétien ^; uéuitcurétieB. 
circonstance assez remarquable^ mentionnée par plu- 
sieurs historiens. 

1 Nowayri, Bitt. imp. vet, yoct,^ p. ôa. Mém, de CJcad,^ vol. XLVm, 

2 Voy. Je iMtvi Vm. 

3 Hamza de GoUwaldt, p. x3i. 

4 Nowayri, Hist, imp. vet, yoct,, p. 6a. 

b M. FrcsDel Ut le nom à'Abd-Kelakm dans rimoriiMioii hinyarkiue m. 
6 Ibn-Kliakloun , f. 24. Hamza deGotlwaMl, p. iSi. TabacàteU 
Molouk de Thaâlebi. Kitâb^ennoucat, 



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lo8 * LIVBE 11. 

On connaît la tradition suivant laquelle Tapotre 
saint Barthélémy aurait pénétré dans le Yaman. Les 
auteurs ecclésiastiques assurent que saint Panténus, 
envoyé par Démétrius y évêque d'Alexandrie , vers la 
fin du second siècle de notre ère, pour répandre la 
lumière de la vérité dans l'Arabie Heureuse , y au- 
rait trouvé des traces de la prédication de saint Bar- 
thélemy, notamment un évangile selon saint Matthieu 
écrit en caractères hébraïques, évangile qu'en reve- 
nant de sa mission il rapporta à Alexandrie '. Il est 
présumabi» que ces semences de christianisme , jetées 
par Barthélémy et Panténus, s'étaient prompt ement 
perdues. D'après le témoignage des écrivains orien- 
taux , au temps d'Abd-Kelâl le christianisme ne 
comptait point de prosélytes dans le Yaman. Abd- 
Kelâl avait été attiré à la foi de Jésus-Christ par un 
étranger venu de Syrie à sa cour. Il cachait sa reli- 
gion, pour ne pas choquer ses sujets. Mais les Himya- 
rites, ayant découvert qu'il avait renoncé à leur culte, 
se soulevèrent contre lui, et massacrèrent le Syrien 
qui l'avait converti *. 

TobbI, fils de Hassan (de 297 à 3^o de J. C). 
Au rapport d'Ahmed-Dimichki, il se nommait Hassan, 
comme son père ; c'est pourquoi on le distingue par 
la qualification ^El-asghar j le jeune ou le petit 
{^Hassan Tobbà-el-asghar), Hamza l'appelle le der- 
nier des Tobbà ^ proprement dits. Il était en bas âge 
lorsque son père avait été assassiné par Amr Dhou- 

I Lequien, Oriens christ., II, 370, 87 f. 
a Ibn-Klialdouo, f. a5 et v*, laS. 
3 Édit. de Gottwaldt, p. i3t. 



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YAMAN. 109 

l-Awâd. Il disparut alors, et le bruit se répandit qu'il 
ayait ëté enlevé par les génies '. Il reparut à la mort 
d'Abd-Kelàl, et le peuple du Yaman lui déféra la 
couronne, d'un consentement unanime. 

Ebimza et Mohammed-ibn-Charîf-eddin , dans le ,J22 nSpîïuSïS 
Kiidb-ennoucatj rattachent au règne de ce tobbà , feVamîï"* ***"* 
fils de Hassan, une partie des faits que les autres 
auteurs attribuent à Tibbân Açàd Abou-Carib , tels 
que le siège de Yathrib, les honneurs rendus à la 
Caba, enfin l'introduction du judaïsme dans le Ya- 
man. On convient d'ailleurs généralement que ces 
fiûts appartiennent à l'histoire du dernier ou petit 
tobba. Mais cet accord ne lève point la difficulté, 
car les épithètes de dernier ou petit tobbà , données 
par plusieurs écrivains au fils de Hassan^ sont appli- 
quées à AboU'Carib par d'autres chroniqueurs , qui 
comptent seulement trois tobbà principaux , et re- 
gardent Abou-Carib comme le troisième. 

La présence des familles d'Aus et de Khazradj à 
Yathrib lors de ce siège , mentionnée par divers au- 
teurs^ le culte des idoles en vigueur dans le temple 
de la Mekke au moment où passa le tobbà qui im- 
porta le judaïsme dans l'Arabie méridionale, sont 
des circonstances dont la premièi^ est trop dou- 
teuse, la seconde trop vague, pour fournir aucune 
induction chronologique. Tout ce que l'on sait posi- 
tivement, par le témoignage de Philostorge, c'est 
qu'une portion des Himyarites professait la religion 
juive au milieu du quatrième, siècle de notre ère. Mais 
cette religion pouvait avoir chez eux une origine fort 

I Ibn-KhaMouD, f. a5 et v<*, 128. 



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IIO LIVRE II. 

antérieure à cette éfioque. Il semUe donc hnposaible 
de décider la question entre les deux tobbà. 

Au reste ^ quel <{ue soit le souverain himjarite qui 
ait le premier bit adopter à une partie de sea sujets 
la foi de Moïse y il est constant qu'elle ne fit pae alors 
de très-grands progrès dana le Yaraan. EHe n'y prit 
une véritable extension qu'au eominencenient de notre 
sixième siècle , sous Dhon Nowâs, qui b propagea 
avec ardeur. Jwque-là le culte idolâtre subsista con- 
curremment avec elle; il se maintint même jusqu'au 
temps de l'islamisme. On sait en effiet que ce fiit par 
les ordres de Mahomet qn'on détruisit le temple de 
Dhou-1-Kholo^ j ai tué à Tebâia , et appelé la Càba 
du Yaman , temple consacré à une divinité qu'ado- 
raient spécialement les Benou-&liatbàm et lesBenoo- 
Badjila *. 
piete entre les Thaâlcbi ct Homsa parlent d'une alKance que le 

Tananltet et let r . t 

M»n MMddt. tobbà fils de Hassan aurait formée entre le peuple du 
Yaman et la grande famille arabe de Kabîa y issue 
d'Adnân par Maàdd, et originaire du Hidjâz. Nowajri 
fiiit aussi mention de ce traité , dont il attribue h 
conclusion à Tibbân Açàd Abou-€arib ^. Aucun êe 
ce» auteurs n'indique la nature du pacte. Je suppose 
qu'il s'agirait de la reconnaissance de la souveraineté 
himjarite par les descendants de Rabia , et d'un 
tribut qu'ils se soumettaient à payer aux rois du 
Yaman , pour se mettre à Tabri de leurs invasions. 
Les Arabes de la tige de Rabia y et même la plupart 
desautres peuplades de la race de Maàdd, fils d'Adnân, 

I Sirat-erra^oul, f. 1 3 v, Càmoiu^ l« racine Khalas. 
a HUt, imp. vet. yoct,^ p. 34 et 64. 



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TAM AN. I I 1 



furent en efifet sous la dépendance du Yamau jusque 
vers le milieu do sixième siècle. Mab cette dépen- 
dance ne fut jamais bien étroite ; ils la seconèrent 
pkisieurs fois, et, après ki destruction de Tempire 
himjarite par les Abyssins , ils passèrent y au moins 
en apparence , sons l'autorité des rois de Hîra , qui 
gourernaient l'Irak occidental au nom des Cosroës. 

HÂRiTH, fiisd'Amr, (ils de Hassan Tobbà (de 320 
à 33o de J. C). Ce roi, neveu du précédent, n'est 
mentionné que par Aboulfeda et Ahmed Dimicbki. 
La seule particularité qu'ils font connaître de lui, 
c'est qu'il fut zélé sectateur du judaïsme. 

Marthad*, fils d'Àbdkelâl (de 33o à 35o de 
J. C. ), monarque sage, généreux et puissant. Il ne 
s'occupa point de matières religieuses. Il laissa cha- 
cun libre de suivre son sentiment personnel, et d'a- 
dopter ou de conserver le culte qui lui semblait pré- 
férable. Il avait coutume de dire : « Je règne sur les 
« corps, et non sur les opinions. J'exige de mes sujets 
« qu'ils obéissent à mon gouvernement ; quant à leurs 
« doctrines, c'est au Dieu créateur à les juger. » Il 
répandait d'abondantes largesses sur tous ceux qui 
l'approchaient , et ses bienfaits allaient cherchet* les 
pauvres dans toute l'étendue de ses Étajs *. 

Si je ne me trompe point sur la date que i'assirne Tbéophtie envoyé 
au règne de Marthad, ce serait à lui que l'empereur SSSdïSJi^ieTt 
Constance aurait envoyé , vers Tan 343 , une ambas- ^ 
sade, à la tête de laquelle était le moine et évéque 

I M. Fronel lit le nom de Martkadem dans l'ioscriiMion de H isn et» 
Ghorib, n'' UI. 
a Thaâlebi dans le Tahaeàt-el^Molouk, 



IMS. 



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I la LIVRE 11. 

indien Théophile. Le but de Constance était de se 
fortiBer contre les Persans de l'alliance des Himyari- 
tes , et d'attirer les peuples du Yainan au christia- 
nisme. Les députés offrirent au souverain arabe de 
riches présents^ parmi lesquels étaient deux cents 
chevaux choisis dans la Cappadoce, et demandèrent 
la permission de bâtir des églises pour les négociants, 
sujets de l'empereur Ck>ustance9 qui voyageaient dans 
l'Arabie Heureuse ou qui y étaient domiciliés, et aussi 
pour les naturels du pays qui voudraient embrasser 
la foi évangélique. Malgré l'opposition des juifs y la 
mission eut un plein succès. Trois églises furent cons- 
truites, l'une à Zhafôr, résidence du roi; l'autre À 
Aden, entrepôt d'un grand commerce de transit avec 
les Indes; la troisième, dans la principale ville mari- 
time sur la côte du golfe Persique '.Théophile se flatta 
même d'avoir converti le souverain himyarite. Peut-être 
prit-il complaisamment pour une conversion au chris- 
tianisme la tolérance de Marthad, et son indifférence 
pour les différents cultes en vigueur parmi ses sujets. 
seîVJSS"* diTttv Au rapport dePhilostorge, les habitants du Yaman 
njnte dam le Ta- ^^ ^^jj.^ époquc étaient, Ics unsjuifs, les autres païens. 
Ceux-ci formaient le plus grand nombre. La circon- 
cision, dès le huitième jour de la naissance, était 
généralement pratiquée par eux comme par les juifs. 
Ils offraient des sacrifices au soleil, à la lune, et à 
plusieurs divinités ^. Les noms de quelques-unes ont 

I Philostorge, Hisf. ecclés.^ 1. III. Lebeao, Hist, du /?. Emp.^ I, 437 et 
siiiv. De Sacy, Mém, de t Acad,^ toL L , p. aSg. htog, unîp. de Michaud, 
vol. XLV, p. 33o. 

a Bochart, Colon, yoci, geog, soc, I. U, cap. XXVL 



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TAMAN. Il3 

été conservés parles écrivains arabes. Ainsi Yaghouth 
était adoré à Djorach par les enfants de Madbidj , 
descendants de Cahlân. Les Benou-Mourad, branche 
de Madbidj, et la tribu de Kbaywân, brancbe des 
Hamadâny autres descendants deCablân, adressaient 
leurs hommages à Yàouk. Les Dhou-UKelâ , famille 
himyarite, révéraient Nasr\ les Benou-Khaulân , 
issus de Cahlân par Madbidj , selon les uns , ou de 
Himyar par Codbâa y suivant les autres, avaient une 
idole nommée Amtn Anas^ à laquelle ils consacraient 
une portion de leurs champs et de leurs troupeaux. 
Ils en vouaient une autre portion au Dieu très-haut, 
AUah taâla '. Des temples étaient élevés à la plupart 
de ces fausses divinités. On cite entre autres le temple 
de Raydm , bâti dans la ville de Sana par les Himya* 
rites. A la vérité , Ibn-Ishâk croit que le tobbà qui 
introduisit le judaïsme dans l'Arabie Heureuse avait 
permis aux docteurs juifs de le démolir, après les avoir 
vus en chasser le démon sous la figure d'un chien noir ; 
il ajoute qu'il en existait encore de son temps des ruines 
remarquables^. Mais Tépoque de la destruction de ce 
monument est incertaine; Nowayri semble la reculer 
jusqu'au règne de Dhou-Nowâs , dernier monarque 
himyarite. Quant au temple de Dhou-1-Rholoça , 
construit à Tebâia , il subsista , comme je l'ai dit pré- 
cédemment, jusqu'au commencement de la domina- 
tion musulmane. 

La mission de Théophile , dont les historiens 



I Sirat-^rra^oul^ f. xa v^ i3. Spécimen hist. or., p. 90, 95 et suiv. 
a Sirat, f. 5. Mèm.detJcad,^ vol. XLVIII, p. 657. 

8 



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Troubles dans le 
Tanan. 



1 l4 LIVRE H. 

arabes ne parlent pas , ne paraît avoir porté d'autre 
fruit que l'édification de trois églises pour l'usage des 
marchands étrangers. Si quelques indigènes adoptè- 
rent alors la foi chrétienne, leur nombre ne fut pas 
considérable ; ils vécurent isolés et comme inaperçus 
au milieu des jui& et des païens. 

Walîa ou Wakîa fils de Marthad (de 35o à 870 ). 
Âboulféda, Dimichki, Ibn*Khaldoun et autres, té- 
moignent que le règne de Marthad fut suivi de grands 
troubles , circonstance qui jette beaucoup d'obscurité 
sur les successeurs de ce prince. Cependant on re- 
garde communément Walîa ou Wakîa , fils de Mar- 
thad y comme ayant occupé le trône après son père. 
Sous ce Walîa, la plupart des Cayl ou Dhou se sou- 
levèrent, et le pouvoir fut divisé'. Le caractère de 
Walîa contribua peut-être à faire naître cette espèce 
d'anarchie. Thaâlebi le dépeint comme un prince très- 
versatile. Il s'était d'abord montré ardent défenseur 
du judaïsme; il devint ensuite partisan du christia- 
nisme , et finit par flotter incertain entre ces deux 
religions *. 

Peut-être aussi le bonleversement de l'empire hi- 
myarite , dont parlent ici les auteurs arabes , fut-il 
occasionné par des guerres malheureuses avec les 
Abyssins, qui paraissent, vers cette époque , avoir été 
maîtres au moins d'une partie du Yaman. On voit en 
effet, par la grande inscription grecque découverte 
par M. Sait dans les ruines d'Axoum, qu'au milieu 
(lu quatrième siècle de notre ère, le souverain axou- 

t Uist, oftteisL, p. ii8. Ibn- Khakloun, f. 26. 
1 Tabacàl'cl'Molouk, 



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TAMAK. Il5 

mite Âeïzanas joignait à ses titres celui de roi des 
Himyarites '. 

Cet état de troubles, que Maçoudi fait commencer 
dans le cours même du règne de Marthad , se pro- 
longea , dit cet historien, pendant quarante années *. 
Si réellement quelques-uos des Cayl et Dhou Himya- 
rites furent alors vassaux des rois d'Axoum , l'indi- 
cation de Maçoudi offrirait une donnée approxima- 
tive sur la durée de cette domination partielle des 
Abyssins dans le Yaman, et de la lutte que d'autres 
princes de Himyar soutenaient peut-être pour défen- 
dre leur indépendance. 

Abraha ^, fils de Sabbâh (de 870 à 4oo)- No- 
wayri le feit descendre d'Abraha Dhou-l-Ménér ^ ; 
Maçoudi le nomme petit-fils de Walia , fils de Mar- 
thad ^ ; Ibn-Khaldoun dit que son grand-père était 
Labia , fils de Chayba , fils de Marthad-Salaf , fils de 
Yanouf ^. C'était un prince instruit et libéral ; il 
gouverna avec sagesse et fermeté, mais sa puissance 
ne s'étendit pas au delà du Tihàma du Yaman 7. Il 
entretint des rapports de bonne intelligence avec les 
Arabes issus de Maàdd. Les égards et la bienveillance 

1 Lebeau , Bist. du B, Emp.y édit. de Saint-Blarttn , vol. II, p. i5i, et 
vol. vni, p. 46. 
3 Maçoudi cité par Iba-Khaldouo , p. 16 v^. 

3 D'après le_ système de M. Fresnel, on lit le nom de Bralumou dans 
rinscription bimyarique XIX. 

4 H'ut, imp, vti, jroct,, p. 74. 

5 Ap. Ibii-Khalduun, f. 26 v". 

6 Fib de MadiCarib, ûls d*Abdallah... fils d'Amr.... fils de Dhou- 
Asbah-el-Hârith.... fils de MAlik, frère de Térim-DhouRouayn et de Cab, 
père de Sabael-Asgbar (voy. le tableau I ). Ibn-Khaldoun, f. 25 v**. 

7 Ibn-Khaldoun, f. a5 %*, a6. 

8. 



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I l6 LIVRE II. 

qu'il leur témoignait ont fait dire à plusieurs écri- 
vains musulmans qu'il avait prévu les grandes desti- 
nées réservées à la race maaddique, et la suprématie 
qu'elle devait obtenir un jour, par la famille de G>- 
raych, sur toute l'Arabie. Abraha fut contemporain du 
monarque persan Sâbour, surnommé Dhou-l*Actâf ' 
(Sapor II). 

SahbIn, fils de Moulirith (de 4oo à 44o)* On 
ne connaît point sa généalogie. Nowayri dit seulement 
qu'il était cousin d' Abraha. Il régna , suivant Hamza, 
tout le temps de Yezdidjerd I et de son fils Bahram- 
gour, c'est-à-dire , environ pendant les quarante pre- 
mières années du cinquième siècle de notre ère. 

Sabbah.... fils d' Abraha (de 44^ ^ 4^0 ). A Sahbân 
succéda Sabbâh, fils ou plutôt petit-fils d' Abraha, 
prince brave et énergique ^. Son règne, dit Hamza, 
fut parallèle à celui de Yezdidjerd 11^. Il fit une tour- 
née dans le Nadjd, pour s'assurer la soumission des 
Arabes de Rabia. £n passant dans la contrée qu'ha- 
bitaient les Benou-Bacr et les Benou-Taghiib, il donna 
le commandement de ces deux tribus à Zohayr, fils 
de Djanâb , issu de Kelb ^. La date de la naissance 
de Zohayr, telle qu'on peut la déterminer par la gé- 
néalogie de quelques-uns de ses descendants, combinée 

I Haroza et Nowayri, Hist, imp. vet. jroct , p. 34, 74. 
a Nowayri, Hist. imp. vet. jroct., p. 78. 

3 Hamia, édit. de Gottwaldt, p. i3a. 

4 Voy. lettre de Fresuel sur l'hist. des Arabes, Journ. <u., avril 1837, 
p. 36o, 365. Dans le teite du passage de TAghâni relatif à ce Zohayr, et 
traduit par M. Fresnel , le nom d* Abraha, fib de Sabbah« me paraît avoir 
été substitué par erreur à celui de Sabbâh, fils d*Abraha. Plusieurs histo- 
riens ont confondu eu un seul ces deux personnages, et ont réuni le règne 
du second à celui du premier. 



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YAM\M. 117 

avec certains détails de sa vie , oblige de placer ce 
fait au plus tôt vers Tan 460 de J. C. Il est donc 
nécessaire d'admettre que Sabbâh régna au moins 
jusqu'à cette époque, c'est-à-dire, jusqu'aux premières 
années du règne de Firouz en Perse. 

Amr-Dhou-kîfAn fils , c'est-à-dire issu de Tobbà ' 
(de ... à 460). La plupart des historiens l'omettent. 
Je le regarde comme ayant occupe , du temps même 
de Sabbâh y une portion peu considérable du Yaman. 

Hassan (Dhou MoIher * ), 61s d'Amr ^ fils de 

Tobbà (de 460 à 478 )• Ce Hassan doit être le même 
que le princedésigné par Djennâbi et Ahmed Dimichki 
sous la simple dénomination de fils de Dhou-kifan. 
Il avait un sabre fameux, nommé Samsàma. Amr, 
fils de ^àdi-Carib, de la tribu yamanique de 2^bayd^ 
en devint ensuite possesseur , et en a parlé dans ce 
vers : 

« J*ai le sabre du tils de Dhou-&ufan y dont la lame choisie 
a été trempée dans le siècle d*Ad 4. » 

Les Arabes Maàddiques reconnaissaient l'autorité 
de Hassan. Il leur donna pour chef ou roi Hodjr 
Akil-el-Morâr, son frère de mère, et prince de la tribu 
yamanique de Kinda. Ibn-el-Relbi, auquel j'emprunte 
ce fait, l'attribue, non pas à Hassan, fils d'Amr, mais 
à Hassan Tobbà , fils d'Abou-Carib , qui fut tué par 

I Meotionoé par Aboolféda, Bist. anteUL, p. ii8, et Maçoudi ap. Ibn- 
KJMldouo, f. 26 V*. 
a Ibo-Khaldoun, f. ix4« 
3 Hamza, édit de Gottwaldl, p. iSa. 

Dimichki, Spccim» hût. an, p. 61. 



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I l8 LIVRS 11. 

son frère Amr Dhou-l-Awàd. Il ajoute qu'après la 
mort de Hassân-Tobbà, Amr Dhou-l-A wàd accorda ea 
mariage au fils de Hodjr, nommé Àmn-el^Macaour, 
sa nièce, la fille de Hassan , qui devint mère de Hà- 
rith, fils d'Amr-el-Macsour '. 

L'âge de Hodjr et d'Amr-el-Macsour, que je fixerai 
dans l'histoire des princes de Kinda , ne permet pas 
de supposer que ces personnages aient pu être con- 
temporains de Hassân-Tobbà et d'Amr Dhou*l-Awâd, 
à moins qu'on ne supprime, comme le fait Tabari^, 
tous les règnes intermédiaires entre Dhou^l-Awâd et 
Dhou^^benâtir, dont je vais parler ci«»après; suppres- 
sion qui ouvre une brèche de plus de deux siècles 
dans la suite chronologique des rois du Yaman. 

Je suis persuade qu'Ibn-el-Reibi a été trompé par 
l'identité du nom de Hassân-Tobbà avec celui de 
Hassan , fils d'Amr. Tabari a fait la même confusion 
en disant que Hassân-Tobbà lui-même avait formé 
de son vivant l'union de sa fille avec Amr^l-Macsour ^. 
Rectifiant donc ce que je crois erroné dans le témoi- 
gnage de ces deux écrivains , j'adopte Topinion que 
Hassan, fils d'Amr, issu de Hassân-Tobbà, fils d'A- 
bou-Carib, mit Hodjr Akil-el-Morâr à la tête des Ara- 
bes Maàddiques, et maria sa fille au fils de Hodjr, 
Amr-el-Macsour. 

Malgré les grandes qualités dont il était doué, 



T Ap. Ibn-Khakloun, f. xaS. 

a Ext. de la trad. persane de Tabari, Hém, de fÂcad., vol. XLVIU , 
p. H79 et suiv. 

3 Tab«ri cité par Ibn-KhaldouU) f. aâ v". 



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TAMAH. 119 

Hassàû ne parvint pas à reconstituer l'unité de l'em- 
pire hiniyarite. Les Cay) et les Dhou maintinrent 
contre lui leur indépendance, et le ntorcellement du 
pouvoir ne fit que s'accroître pendant son règnes 
Zhafibr avait été le siège de son gouvernement *. 

LAKniA-TANOUF-DHou-CHEiflTm (de 478 à 490 " ' 
de J. C). Après la mort de Hassan, fils d*Amr, un 
certain Laknia-Tanouf, ou Alkbanîa-Yanouf^, qui 
n'était pas de la famille royale, se fit un parti puissant 
et s'empara de Zbafar^. On le surnommait Dhou* 
Chendtiry Thomme aux boucles d'oreilles , parce qu'il 
avait l'babitude de porter cet ornement féminin. Il 
subjugua successivement ceux qui tentèrent de lui 
résister, et finit par se rendre maître absolu de tout 
le Yaman. Il prit possession du palais de Ghoumdân, 
à Sana ^, et régna pendant dix années avec assez de 
tranquillité. Ensuite il commença à exercer toutes 
sortes de tyrannies et de vexations. Il avait consolidé 
son usurpation en faisant périr les princes qui au- 
raient pu lui disputer le trône. Quant à ceux qui 
n'étaient pas d'âge à lui porter ombrage, il les dés- 
honorait , afin de leur ôter l'espoir de parvenir au 
rang suprême. Adonné à la sodomie , il se faisait setdébaocho. 
amener les jeunes gens des plus illustres familles , et 
ne les renvoyait qu'après avoir assouvi sur eux ses 
goûts inâmes. 

1 Tabacât'tl'Molouk, 

2 Ibn-Khaldoun, f. a6 v*. 

3 M. Fresnel lit le nom de Yanouf dans les inscriptions himyariques 
XIV et XLVI. 

4 IliQ-Kbakloun, f. a6 v«. 

5 TabacàtelMolouk de ThaMcbi. 



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ISIO UVB£ 11. 

Dans UQ belvédère y dont la poite était gardée par 
des soldats , était une chambre ornée de peintures , 
où Ton introduisait les victimes destinées à sa bru- 
talité. Cette chambre avait une fenêtre donnant sur 
une place publique. Lorsque le roi , après s'être en- 
fermé avec un jeune homme, mettait la t^te à cette 
fenêtre et se nettoyait la bouche avec un curedent j 
c'était un signal auquel les soldats reconnaissaient 
qu'il avait satisfait ses désirs impurs , et que le jeune 
homme pouvait sortir. 

Dhou-Chenàtir apprit qu'il existait à Sana un re- 
jeton de la race du tobbà Àçàd Âbou-Carib '. C'était 
Zourày surnommé Dhou^Nowds , c'est-à-dire, à la 
chevelure flottante. Il était beau, bien fait, d'un es- 
prit distingué et d'une grande résolution. Dhou-Che- 
nâtir l'envoya chercher. Dhou*Nowâs , comprenant le 
motif qui le faisait mander au palais , s'arma d'un 
couteau bien affilé , qu'il cacha sous ses vêtements. 
Introduit dans la chambre du belvédère, il pria le 
roi de l'épargner. Ses supplications furent inutiles, 
et Dhou-Chenâtir le menaça de le faire périr à l'ins- 
tant, s'il lui résistait. Alors Dhou-Nowâs, tirant sou 
couteau, s'élance sur lui, et le frappe d'un coup 
mortel. Puis il place la tête du tyran à la fenêtre, 
avec un curedent à la bouche. Les soldats aperçoi- 
vent cette tête, croient reconnaître le signal accou- 
tumé, ouvrent la porte, et laissent sortir Dhou-Nowâs. 
Bientôt on découvre le meurtre. La nouvelle s'en ré- 
pand avec rapidité, et cause une joie universelle parmi 

I Thailebi. Ibu-Khaldoun, f. 26 \\ 



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YAMAN. lai 

l'armée et le peuple. On court après Dfaou«-Nowas , 
OD le ramène au palais ^ et ou lui défère la couronne. 
« Personne, lui dit-on , n'est plus digne que toi de la 
« porter; car tu es de la maison royale, et tu nous as 
« rendu un service signalé en nous délivrant de cet 
« homme abominable '. » 

Dhou-NowIs, issu de Tobbà Açàd Abou-Carib 
(de 490 à 5a5 de J. C). Les historiens grecs et 
syriens le nomment Dimion , Dimuus , Dunaan , et 
paraissent ne lui accorder qu'un règne assez court. 
Les auteurs arabes, au contraire, le font régner pen- 
dant un long espace de temps , qui varie entre vingt ' 
et soixante-huit années ^. 

Bientôt après être monté sur le trône, Dhou- '^jJSïSiS* "*" 
Nowâs se déclara partisan du judaïsme. Il prit le 
nom de Youçouf , et déploya la plus grande ardeur 
pour propager dans le Yaman la religion juive , qui 
fit en effet beaucoup de progrès sous sou règne ^. 

Suivant Nowayri ^ , le motif qui l'avait déterminé 
à embrasser cette religion était que des docteurs 
juifs, pour montrer la supériorité de leur cuite sur 
le paganisme , s'étant présentés , le Pentateuque à la 
main, dans un pyrée où était adoré un démon , étei- 
gnirent le feu , en lisant des passages de leur isànte 



I airat-errafoui, f. 5. Mém. de tAead., vol. XLVm, p. 6S1 et siiiv. 
Ibn-Kbaklouii , f. a5 v<>. Eist. imp, vet, yoct., p. a6 et 78. Jghdni, IV, 
198. Ibn-Badrouu, p. 84, 85. 

% Uamza de l^ttwaldt» p. i34- 

3 Iba-IahAk cité ptr Ibn-KhaMoun, f. %S v». Voy. Uùi. du Bas-Empire 
de Lebetu, toL VIU, p. 54, note i^** de M. Saiot-Martin. 

4 Ibn-KJuldoiio, f. aôvo. 
Hift, imp, vet, jroct,, p. 80. 



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122 LIVRE II. 

écriture y et chassèrent le démon qui habitait le tem* 
pie. C'est le même trait rapporté par Ibn-Ishâk au 
temps du tobbâ Açàd Abou-Carib > ^ et le pyrée dont 
il s'agit paraît être le temple de Bayâm. 
Il va à Yattoib. Sclon Hamza * , Dhou*Nowâs , dans une excursion 
qu'il fit à Yathrib , ville dont la population était 
moitié juive et moitié idolâtre , prit du goût pour la 
religion mosaïque, et en devint sectateur. 

Conune l'on sait positivement qu'à l'avénemeot de 
Dhou-Nowâs le judaïsme était depuis longtenaps 
professé par une partie des habitants du Yaman, 
il semble naturel de penser que des juifs de son 
royaume, plutôt que des étrangers, lui firent con- 
naître et adopter leur culte. Je ne rejette pas néan- 
moins la circonstance du voyage de Dhou*Nowâs 
à Yathrib; elle est importante à remarquer; mais 
peut-être, au lieu de la regarder comme cause ^ 
doit-on la considérer comme conséquence de l'atta- 
chement de Dhou-Nowàs au judaïsme. 

En effet, les juifs de Yathrib étaient alors oppri- 
més par les Arabes idolâtres , Aus et Khazradj, leurs 
compatriotes. Le zèle de Dhou*Nowâs pour le ju- 
daïsme aurait pu l'engager à tenter d'aller tirer ses 
coreligionnaires de l'état de sujétion auquel ils étaient 
réduits, il ne serait pas hors de vraisemblance qu'une 
entreprise formée dans ce but par Dhou-Nowas eût 
été confondue avec une autre plus ancienne, faite 
par le tobbà Asghar Abou-Carib , ou Tobbà , fils de 
Hassan. Je n'émets à cet égard qu'une vague conjec- 

I Voy. préccdenimeot, p. ii3. 
9 Édit. Gottwaldt, p. i33. 



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ture; mais il e$t certain que les Aus et les Khazradj 
eurent à se défendre contre les attaques d'un prince 
d'origine yamanique , vers Tëpoque que j'assigne au 
commencement du règne de Dhou-Nowâs. C'est ce 
que je montrerai plus tard, dans l'histoire particu- 
lière de Yathrib. 

Un acte affreux de barbarie j que le fanatisme re- 
ligieux de Dhou-Nowâs le porta à exercer contre^ 
chrétiens de Nadjrân , fut cause de la ruine de l'em- 
pire himyarite. Avant de présenter le récit de ces 
événements , je donnerai quelques notions sur la po- 
pulation de Nadjrân y et ferai connaître la manière 
dont les auteurs arabes rapportent les circonstances 
de l'origine du christianisme dans cette ville. 

Le territoire de Nadjrân fut d'abord occupé par JJgJJ^y^fg: 
les descendants de Djorhom. C'est à la postérité de'^* 
Djorhom qu'appartenait le prince Afà, surnommé 
El'Cdhin ou le devin , qui fut arbitre entre les fils 
de Nizâr, fils de Maàdd ' , comme on le verra ail- 
leurs* Il résulterait de cette indication , et de l'âge 
[Ht)bable des fils de Nizâr*, qu'Afa commandait à 
Nadjrân vers la fin du siècle qui a précédé J. C. 

Une fiaimille issue de Cahlân par Madhidj , nommée 
les Benou-1-Hârith-ibn-Càb (enfants de Hârith, fils 
de Càb), dépouilla ensuite du gouvernement les en- 
fants d'^Afa ^. Selon Ibn-Saîd , c'étaient les Codhâa , 
tribu himyarique, qui, ayant apparemment dépossédé 
les enfants d'Afa, dominaient à Nadjrân, quand les 

I Iba-KbaldouD, f. 119. Ibn-Btdroun publié par R. Dozy, p. 71, 
1 Voy. le tableau Vin. 
3 Ibn-lLbaklouii, f. 119. 



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I2l4 LIVBE II. 

Benou-l-Hirîth-ibn-Càb s'en emparèreut ' . Ceux-ci 
étaient depuis peu de temps maîtres du pays y lors- 
que les Azdites, sortis de la contrée de Mareb, 
sous la conduite d'Amr-Mozaykiya (vers Tan ii8 
de J. C.) , passèrent près de Nadjrân. A la suite de 
quelques combats contre les Beoou-l-Hârith, les Azr 
dites continuèrent leur route. Mais une fraction de 
ca^émigrés resta à Nadjrân, et fut admise en partage 
du territoire avec les Benou-I-Hârith , qui conservè- 
rent néanmoins la principale portion du pouvoir ^. 
uuSSSTàBÛ^âSr. Baronius fait remonter au temps de la mission en- 
voyée dans le Yaman par Fempereur G>nstance , fils 
du grand Constantin , la conversion des habitants 
de Nadjrân au christianisme ^. Le fait est au moins 
fort douteux. I..es écrivains arabes racontent ainsi 
cette conversion, sans en fixer Tépoque : 

Il y avait en Syrie un homme pieux et détaché du 
monde , nommé Faymiyoun , qui suivait la religion 
de Jésus ^. Il passait sa vie à voyager. Dès que le 
bruit de ses vertus et des faveurs que le ciel accor- 
dait à ses prières commençait à se répandre dans un 
endroit, il se transportait ailleurs. Il ne mangeait que 
ce qu'il avait gagné par son travail , sanctifiait le 
dimanche , et ne se livrait ce jour-là à aucune occu- 
pation manuelle. Un certain Sâlih , plein d'admira- 
tion pour sa sainteté et son mérite, devint son dis^ 
ciple fidèle, et se voua à son service. Partout où il 



X Ibn-Saïd cité par Ibn-Khaldoun, f. x i5 v^ 

a Yoy. dans le livre lU de cet ouvrage la marche des Azdiles. 

3 Annal, eccUs.^ tom. III, aDn. a 54, et tom. VII, ano. 5aa. 

4 Sirat-erracoulf f. 5 v** et suif. Ibn-Khaldoun, f. a6 v^ 



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TAMAN. r%5 

allait, Faymiyoun rendait la santé aux malades par 
Tefficacité de ses oraisons. Fuyant les lieux où ses 
cures extraordinaires lui avaient donné une célébrité 
importune, il traversait une contrée d'Arabie, ac- 
compagné de sou disciple Sâlih, lorsqu'une troupe 
de Bédouins les reiicontra et les fit captifs. Ces Bé- 
douins les conduisirent à Nadjrân, et les y vendirent. 
Les habitants de Nadjrân étaient alors livrés aux 
superstitions païennes, comme la plupart des Arabes. 
Us adoraient un grand palmier, dont ils célébraient la 
fête tous les ans. Quand le moment de cette solennité 
était arrivé , ils attachaient à ce palmier de belles 
étoffes et des ornements de femmes; ensuite ils se 
réunissaient alentour, et passaient la journée à lui 
rendre leurs hommages. 

Faymiyoun avait été acheté par un des principaux 
die& de la ville. Lorsqu'il se retirait le soir dans une 
chambre qu'on lui avait assignée pour logement , et 
qu'il se mettait à prier , la chambre s'éclairait d'une 
lumière surnaturelle. Son maître , s'étant aperçu de 
ce prodige, fut saisi d'étonnement, et lui demanda 
quelle était sa religion. Faymiyoun lui dit qu'il était 
chrétien , et ajouta : oc Votre culte est une erreur 
*t grossière. Ce palmier n'a aucune puissance ; il se» 
«rait détruit à l'instant, si j'invoquais contre lui le 
«r Dieu que je sers. Mon Dieu est le seul Dieu : à lui 
« appartiennent sans partage le pouvoir et la gran- 
adeur. — Eh bien! répondit le maître, invoque-le ; 
a qu'il détruise l'objet de notre culte , et nous em- 
« brasserons ta religion. » 

Faymiyoun se purifia, et fit une prière. Dieu en- 



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ia6 LivRP 11. 

voya aussitôt un vent brûlant qui dessécha le palmier 
jusqu'en ses racines et le renversa. Alors le maître de 
Faymiyoun , et , à son exemple , la majeure partie de 
ses concitoyens, se convertirent au christianisme. 

Suivant une autre tradition , un magicien^ établi 
dans un hameau voisin de Nadjran , enseignait son 
art aux jeunes gens de cette ville. Un saint person- 
nage chrétien , qulbn*Ishâk nomme encore Faymi- 
youn * , arrivant d'un pays éloigné, vint dresser une 
tente entre la ville et le hameau. Un jeune homme 
appelé Abdallah, fils de Thâmir, que son père en- 
voyait avec les autres prendre des leçons du magi- 
cien, passant près de la tente de Fétranger, le vit en 
prière et en adoration. Touché de ce spectacle , il 
devint le disciple du saint, reconnut Tunité de Dieu, 
et professa la vraie foi. Lorsqu'il fut pénétré de tous 
les principes de la religion , il demanda à son maître 
quel était , parmi les noms de Dieu , le grand nom 
qui opérait des miracles *. Son maître lui répondit : 
« Fils de mon frère , ceci est un mystère trop élevé 
« pour être <;onfié à ta faiblesse. » Abdallah , sans se 
décourager^ essaya de satisfaire lui-même son ambi- 
tion curieuse. Il prit des flèches , écrivit dessin tous 
les noms de Dieu qu'il savait , et les jeta l'une après 
l'autre dans le feu. Elles brûlèrent toutes , à l'excep- 
tion de celle qui portait le grand nom. Celle-ci s'élança 
hors des flammes,' sans en avoir éprouvé aucune at- 
teinte. 



I Strat'erraçouif f. 6 v**. 

a Yoy. sur l« grand nom , ou nom ineffable , Reinaud , Mon. musuL, 
H>m. Ilf p. 90. 



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TAMAN. 127 

Abdallah apprit ainsi cpiel était le grand noni. Il 
alla aussitôt annoncer sa découverte à son maître , 
qui loi dit : a Fils de mon frère, oui, tu as troavé 
« oe que je te cachais. Garde pour toi cette science , 
« ^ ne cherche pas à en oser. Mais je crois que tu 
« ae suivras pas mon conseil. » En effet, depuis lors, 
toates les fois qu'Abdallah rencontrait un infirme, il 
Itû disait : a Veux-tu abjurer rid<^trie et embrasser 
« ma religion ? j'invoquerai Dieu pour toi , et il te 
c guérira. » La proposition était acceptée. L'infirme 
fimait profession de la foi évangélique , et les prières 
d'Abdallah le guérissaient sur-le-champ. Toutes les 
personnes qui étaient affligées de quelque mal dans la 
ville de Madjrân furent ainsi rendues à la santé, et 
adoptèrent la crojrance d'Abdallah. 

Le prince qui commandait à Nadjran , informé des 
progrès que £eiisait cette religion nouvelle , fit venir 
Abdallah, et lui dit : «Tu corromps l'esprit du peuple ; 
« tu travailles à détruire la religion de nos pères ; 
« tu mérites la mort. » Il le fit jeter , la tête la pre- 
mière, du sommet d'une montagne haute et abrupte. 
Abdallah se releva plein de vie. Le prince ordonna 
de le précipiter dans un gouffre d'eau. Abdallah en 
sortit sain et sauf^ et dit au prince : « Tu ne pourras 
a rien contre moi , jusqu'à ce que tu aies renoncé à 
V l'idolâtrie, et adressé tes hommages au Dieu que 
« j'annonce. » Le prince prononça la profession de 
foi qu'Abdallah lui indiqua , puis il le frappa légère- 
ment d'un bâton qu'il tenait à la main. Abdallah 
tomba sans vie, et le prince lui-même mourut à l'ins- 
tant. La plupart des habitants de Nadjrân , témoins 



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ii8 LrvRK II. • 

de ces prodiges, i*econnurent la vérité de la religion 
d'Abdallah , et embrassèrent le christianisme. 

D'autres auteurs assurent ' qu'Abdallah, fils de 
Thâmir, survécut à ces épreuves miraculeuses, et qu'il 
était le chef et le pontife des habitants de Nadjrân , 
lorsque Dhou-Nowâd entreprit de leur faire abjurer 
la foi de Jésus-Christ pour celle de Moïse. Cette opi- 
nion, qui est la plus générale, placerait la conver- 
sion des habitants de Nadjrân vers la fin du cin- 
quième siècle de notre ère, ou le commencement du 
sixième. C'est justement la date qui a été adoptée 
par le savant J. S. Assemani ^. A l'appui de ce sen- 
timent, je citerai le passage suivant d'Ibn Omar- 
Cbâh ^ : « Dhou-Nowâs ayant appris qu'un homme 
venu de Syrie... avait répandu la religion chrétienne 
parmi les habitants de Nadjrân, marcha contre eux... » 
Il résulte nécessairement de ces expressions que l'o- 
rigine du christianisme à Nadjrân était assez récente 
au temps de l'expédition de Dhou-Nowâs. 
Ni^?ïmSaâ Suivant Ibn-el-Kelbi 4 , le meurtre de deux jeunes 
K4'£^m(ieïlcjui&, commis par des habitants de Nadjrân, fut 
l'occasion ou le prétexte qui arma Dhou-Nowâs con- 
tre cette ville. Il rassembla , dit-on , cent vingt mille 
hommes de troupes ^ , et vint mettre le siège devant 
Nadjrân. I^ résistance fut vive. Dhou-Nowâs, déses- 

I Yoy. Sirat-erraçoulf f. 6 v^. Ibn-Khaldoun, a6 v®. 
a Bibl. orient, Clementmo-Paticana^ t. FV, p. DC. Mém, de CAcad,, 
l. L, p. ago. 

3 Mohammed-ibD-ChaHf-eddin-Omar-Châby auteur du Kitdh-^/moucat" 
elrMoutiiba fi-l-hlcàyàt el-Mountakhaba , 

4 Cité par Ibn-Khaldoun, f. a;. 

5 L. Surius, t. V, 34 ocl. Lebeau, t. VIU, p. 55. 



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• TAMAN. IÎI9 

férant de réussir par la force, eut recours à la ruse. 
Il jura aux habitants de ne leur faire aucun mal, s'ils 
lai ouvraient les portes. Sur la foi de ce serment, ils 
se rendirent '. Mais Dhou-Nowâs ne fut pas plutôt 
entré , qu'il les dépouilla de leurs richesses , et leur 
donna le choix entre le judaïsme et la mort. Us 
préférèrent la mort. Par les ordres du roi, on creusa 
un immense fossé, Okhdoudj qu'on remplit de ma- 
tières combustibles. On alluma ce bûcher, et l'on y 
précipita une grande quantité de chrétiens^. Dhou- 
Nowâs en fit périr d'autres par le fer. Le nombre 
des victimes de sa cruauté est porté par Ibn-Ishâk à 
vingt mille personnes ^. 

Parmi ces martyrs était le chef de la ville , que la 
plupart des auteurs musulmans nomment Abdallah, 
fils de Thâmir. Les écrivains ecclésiastiques l'appel- 
lent Âréthas, fils de Caleb ^; on Ta mis au rang des 
saints. II ne serait pas impossible que ces deux dé- 
nominations différentes s'appliquassent au même in- 
dividu ; car Abdallah appartenait sans doute à la fa- 
mille de Hârith , fils de Càb , qui exerçait depuis 
longtemps le pouvoir à Nadjrân. L'appellation jâré- 
ihas fils de Caleb j qui représente assez exactement 
Hârith fils de Càh^ était peut-être le nom de famille^ 
et Abdallah le nom propre ou nom de baptême de 
ce personnage. 

Selon les écrivains grec^ et syriens, l'empereur 

f Baronius, À nu, eccies., t. VII, aoD. Saa.Lebeau, t. VIII, p. 55, 
3 II est questioD de ce fail dans le Coran» sourat LXXXV, ▼. 4 et suiv. 
3 Strai-erraçoui^ f. 6 v«. 
k Assemanî, Bihi. orient,, t. I, p. 373. 

9 



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l3o LIVRE II. ' 

Justin I apprit les massacres de Nadjran par le retour 
d'un dëputé, Abraham (ils d'Euphrasius , qu'il avait 
envoyé vers Moundhir, roi de Hîra, prince arabe, à la 
cour duquel cette nouvelle avait été transmise par 
une lettre de Dhou-Nowâs lui-même , et par l'arrivée 
d'un chrétien du Yaman. Justin écrivit aussitôt au 
patriarche d'Alexandrie de presser le roi des Axou- 
mites ou li^yssins de marcher au secours des chré- 
tiens d'Arabie *. 
à^^eSi^Su^ Les historiens musulmans disent qu'un des prin- 
re.perearroiMto.^jp^^^ habitants de Nadjrân, Dous Dhou Tholabân \ 
échappé au massacre, traversa l'Arabie, la Syrie, 
l'Asie Mineure, et arriva à Constantinople. Présenté 
à Cay^*ar, empereur des Romains (Justin I), il Tin- 
forma des cruautés de Dhou-Nowâs, lui montra un 
évangile à demi brûlé qu'il avait sauvé des flammes , 
et, demandant vengeance au nom de la religion , il 
sollicita des secours pour aller délivrer le reste de 
ses concitoyens, qui gémissaient sous la plus dure op- 
pression. Cayçar lui répondit : a Ton pays est trop 
«éloigné de nous. Mais j'écrirai à ce sujet au roi 
« d^Abyssinie. Il professe comme nous le christia- 
a nisme , et il est plus voisin que moi de l'Arabie. » 
En effet , il écrivit au monarque abyssin une lettre 
par laquelle il l'engageait à envoyer des troupes dans 
le Yaman , pour punir Dhou-Nowâs de sa barbarie. 
Il n'y a point ici de contradiction réelle entre le 
témoignage des Grecs ou Syriens et celui des Arabes; 
car il est aisé d'admettre que Justin fut instruit par 

1 Lebeau, toI. TDI, p. 56 et tuiv., édit. de M. SaiDt-Mtrtin. 

a Sirat'trraçoult f. 6 v*. Ibn-KbaldouQ, f. 97. Aghéni^ lY, f. t8. 



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TAAfAIf. ^ l3l 

deuK voies différentes de ce qui s'était passé à Ijf^djrân. 
Quant aux faits antérieurs à la catastrophe de cette 
?)lle, mentionnés par MM. I^ebeau et Saiut-Martia 
dans l'histoire du Bas-Empire % il est bien difficile 
de concilier les auteurs, arabes avec les. écrivains sy* 
riens ou grecs ^ et même de mettre ces derniers en 
harmonie entre eux. Je m'attache particulièrement 
aux documents fournis par les Arabes ; ce sont ceux- 
là surtout que mon but est de faire connaître. 

Dous , porteur du message de Cayçar , se rendit ^^^^J^^S^^; 
auprès du Nedjéchi^ ou roi d'Abyssinie. Celui qui 
régnait alors est appelé par les Grecs Elesbaas, et par 
les Éthiopiens Caleb ^ ou Amda ^. Ce prince, déférant 
aux désirs de Cayçar, fit ses préparatifs pour une ex- 
pédition. Instruit de ses projets , Dhou-Nowâs se 
prépara de sp^ côté, et réclama des contingents de 
troupes des Cayl, qui commandaient dans les diverses 
parties de l'Arabie Heureuse. Ceux-ci refusèrent de 
joindre leurs forces aux siennes , et répondirent que 
cliacun défendrait sa contrée. 

Cependant Cayçar fournit au roi d'Abyssinie des ^e'wSiÎN^aT.Vn 
navires ^, tirés apparemment des ports d'Egypte sur la ^^^ ^ "*" 
mer Rouge; le roi avait en outre fait construire sept 



I Hist. du Bas'Mmp,, vol. VIU, p. 44 et suiv. 

a SaJvaot Ludolf, son nom véritable était Caleb. Aubelia^ d^où Ton a fait 
EUsbaat, était son surnom ou son nom de baptême. Hist, Ethiop,^ I. Il, 
cap. 4. 

3 HUt. du BtU'Emp. de Lebeau, édit. de Saiut-Martin, vol. yjJl, p. 49. 

4 Ibn-Khaldoun, f. 27. On voit f eu effet , par les actes des martyrs de 
Métaphraste (ap. Surium, t. V, p. xo4a)f que le roi d'Abyssinie se servit , 
pour transporter son armée, de six cents bâtiments de commerce apparte- 
nant à des marchands romains. 

9 



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lia LIVRE II. 

cents bâtiments légers '. Sur cette flotte^ une armée 
•de soixante-dix mille Abyssins passa en Arabie, et prit 
terre sur le rivage appelé Ghalâfica •. Dans cette ar- 
mée, guidée par Dous, se trou vait Abraha, surnommé 
ensuite El-Achram, ou le Balafré. Aryât avait le com- 
mandement en chef de l'expédition. Bientôt après le 
débarquement de ses soldats , Aryât rencontra Dhou- 
Nowâsy qui marchait contre lui à la tête d'une troupe 
de Himyarites et de plusieurs tribus du Yaman. La. 
bataille se donna sur le rivage. Les Abyssins furent 
vainqueurs. Dhou-Nowâs , désespéré de sa défaite, 
poussa son cheval dans la mer, et s'y noya avec lui ^. 

Aryât pénétra ensuite sans obstacle dans le Yaman, 
dont il soumit la plus grande partie. Pour assurer sa 
conquête 9 il rasa les murailles de plusieurs châteaux 
qui étaient très-renommés , tels que Ghoumdân, Bay- 
noûn et Selhîn. Le nom de Dous, qui avait attiré sur 
sa patrie l'invasion étrangère , fut flétri parmi le^ 
Arabes par cette locution proverbiale , encore usitée 
dans le Yaman au temps d'Ibn-Ishâk : Rien de pire 
que Dous et que les résultats de son voyage ^. 

Als Dhou-Djadan (année 5a 5). Un prince hi- 
myarite disputa encore quelque temps aux Abyssins 
la possession du Yaman. C'était Als , communément 

X Mélaphraste, loc cit. 

a Blaçoudi, HUt, imp, vel.foct,^ p. 140. 

3 Sirat'Srraçout, f. 6 v°. Ibn-Kbaldoun» f. 27. M. SaÎDl-Marlin dh 
(But, du Bas-Emp,^ vol. VIII, p. 53, note a ) que les Arabes raoouteot 
qu Aryât périt en combattaDt cootre Dbou-Nowàs. C'est une erreur. Les 
écrivains arabes témoignent au contraire qu*Aryât fut tué par Abralui-«1- 
Acbram, longtemps après la catastrophe de Dbou-Nowéft. 

4 aL^j ^J^I^Slj ^^^^^ Sirai,f, 7. 



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YAMAIf. l33 

appelé Dfaou-Djadan , c'est-à^ire , rhomme à la belle 
voix. Il descendait de Himyar par Zayd-el-Djamhour. 
Il est, dit-on , le premier qui ait cultivé Tart du chant 
dans le Yaman '. On lui attribue aussi des poésies, 
dont plusieurs morceaux sont rapportés dans le Si" 
rat-erraçoûl^. Après une bataille perdue contre 
Aryât, Dhou-Djadan périt , comme Dhou-Nowâs, en 
se précipitant avec son cheval dans la mer ^. 

Telle fut la fin de l'empire himyarite. T^ plupart Éui»ii><emf at de 

^ ^ *^ " la doniliiaUon des 

des historiens arabes sont d'accord pour nommer yÎSS!!* ^**" ** 
Aryât le chef de l'armée abyssinienne qui vainquit 
Dhou-Nowâs et conquit le Yaman. Mais Hamza-Isfa- 
hâni, conforme en cela aux écrivains grecs, dit que le 
roi d'Abyssinie commandait en personne l'expédition^. 
L'époque où la domination des Abyssins fut établie 
dans le Yaman n'est indiquée par les chroniqueurs 
arabes que d'une manière vague. Elle n'est pas non 
plus déterminée clairement par les auteurs syriens 
ou grecs. Ceux d'entre ces derniers qui ont raconté, 
sous Tannée 51^3, les massacres de Nadjrân, ont très- 
probablement anticipé sur l'ordre des temps, en rap- 
portant 9 à la suite de ce fait et sous la même année, 
la conquête du pays par les Abyssins. Une seule date 
bien précise se rencontre dans une lettre écrite par 
Siméon , évêque de Beth-arsam , en l'an de J. C. 5^24) 
et consignée par Assemani dans sa Bibliothèque 
orientale^. Il résulte de cette lettre que le député de 

1 Aghdni^ I, 247 v*. 
a Siraty f. 7. 

3 n>o-Klialdouii, f. 27 v"*. 

4 Hamza, édit. de Goltwaldt, p. i34. 

5 BibL orient. d^Âssemani, 1. 1, p. 364-379< 



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l34 LIVRE 11. 

Justin auprès de Moundhir, roi de Hira, apprit à la 
cour de ce prince, dans les premiers jours de fê- 
vrier 5a4 9 la prise de Nadjrân par Dhou-Nowâs. La 
ville de Nadjrân avait donc succombé sur la (in de 
51^3 ' ; c'est un fait qui parait hors de doute. Mais 
pour que cette nouvelle ait été transmise à Constan- 
tinople, de Hîra, par le retour de l'ambassade de 
Justin, et de Nadjrân, par l'arrivée de Dous, après un 
long et pénible voyage; pour qu'ensuite le message 
de Justin au roi d'Abyssinie soit parvenu de Constan- 
tinople à Âxoum , il faut accorder une partie de l'an- 
née 5a4. Les préparatifs de guerre du roi d'Abyssinie, 
la réunion de six cents bâtiments romains , l'achève- 
ment de sept cents autres navires construits exprès 
pour le transport de l'armée, la formation de cette 
armée, que des écrivains grecs portent à cent vingt 
mille hommes, et dans laquelle se trouvaient des 
troupes rassemblées dans les États des princes alliés 
du souverain d'Axoum *, tout cela a dû prendre le 
reste de l'année 5ii^ et le commencement de la sui- 
vante. Je ne crois donc pas que le débarquement des 
Abyssins en Arabie et la défaite de Dhou«Nowâs aient 
eu lieu avant le printemps de l'an 5a S. 

Parmi les écrivains arabes, les uns marquent le 
terme de l'empire himyarite à la mort de Dhou-No- 
wâs, les autres à la mort de Dhou-Djadan. Mais ce 
dernier, qui est omis par plusieurs historiens, ne 



I Le martyrologe romain et les actes de Métaphraste placent le aurlyre 
d'Aréthas et de ses compagnons au a4 octobre. (Lebeau, Hist, eu B^-Kmp,, 
vol. Vm, p. 56, note a.) 

a Métaphraste, ap. Siirium., t. V, p. 104a. 



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YAMAN. 1 35 

parait avoir lutté que bien peu de temps contre les 
conquérants de sa patrie. Il est vraisemblable qu'il 
périt la même année que Dbou-Nowâs , et je pense 
qu'on doit fixer à Tan 5a5 de J. C. l'établissement de 
la domination abyssinienne sur le Yaman. 

Soit que la conquête de cette contrée par les Abys- 
sins n'ait jamais été tout à ùit complète, ou que des 
princes himyarites aient conservé des gouvernements 
particuliers, comme vassaux plus ou moins dociles du 
souverain d'Abyssinie, on cite plusieurs de ces princes 
qui ont exercé l'autorité sur diverses parties du Ya- 
man, après la défaite et la mort de Dhou-Djadan. Tel 
est Marthad , fils de ce même Dhou-Djadan ; il est 
mentionné dans des vers d'Imrou-1-cays , que je rap- 
porterai dans la vie de ce poëte. On nomme encore 
Alcama-Dhou*Kîfôn , fils de Charâhîl, fils de Dhou- 
Djadan , qui gouverna la ville de Yawarif dans le 
pays habité par la tribu de Hamadân, et fut tué par 
des gens de cette tribu '. 



Badhranaaut. 

Les Arabes de Hadhramaut, autrement les Ha- 
dhrami * {Atramitœ et Chatramotitœ des écrivains 
de l'antiquité), c'est-à-dire, cette fraction de la race 
cahtanide qui tirait son nom de celui de Hadhra- 
maut, représentant à la fois son auteur présumé et le 
pays qu'elle habitait, paraissent s'être conservés,, du- 

t Ibn-KJialdoiin, f. a? v°. 

a Oa Hadhirema, forme du pluriel. 



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Le Htdhranuat 
prlndpiute putt 
culière. 



l36 LIVRE II. 

rant un grand nombre de siècles, comme peuplade 
distincte de la postérité de Yàrob , et notamment de 
ses deux principales branches : les Himyarites {Ho- 
meritœ) et les Cahlân {Calingii de Pline). 

Au rapport d'Ibn-Khaldoun, les Hadhrami, pendant 
toute la durée de la puissance himyarite , avaient été 
gouvernés par des princes particuliers ^ tantôt vas- 
saux, tantôt indépendants et rivaux des rois de Hi- 
myar, quelquefois maîtres de Mareb et même de 
Sana. 

Voici la liste de ces princes hadhrami , telle que 
la donne Ibn-Khaldoun ; elle est sans doute incertaine 
et incomplète, mais les documents sur l'histoire de 
r Arabie méridionale sont si rares, qu'il ne faut en né- 
gliger aucun. 
d?5&KÏÏÎt Amr-el-Achnab, fils de Rabîa, fils de Yérâm , fut 
le premier prince hadhrami qui acquit du renom et 
un pouvoir étendu. 

Namir-el-Aza.dj , fils d'Amr-el-Achnab. 

CARÎB-DHOU-CARiB , fiU de Namir-el-A?adj. 11 ad- 
mit ses frères en partage de la royauté. 

Marteiad-Dhou-M£rài9, fils de Carib-Dhou-Ca- 
râb. Il faisait d'abord sa résidence à Mareb; il se fixa 
ensuite à Hadhramaut (ce nom semble ici désigner 
une ville). 

Alcama-Dhou-Kîfan, fils de Marthad-Dhou-Mé^ 
rân, résida à Hadhramaut. 

Dhou-Atl, fils d'Alcama-Dhou^Kîfân, habita Sana. 
Il fit une expédition en Chine, tua le roi chinois, et 
lui prit son sabre Dhou-nnoûr. 

Dhou-Ayl, fils de Dhou-Ayl , habita Hadhramaut. 



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YAMAIf. l37 

Lorsque Sinân-Dhou*Alain partit pour une expédi- 
tion en Chine (ce Sinân-Dhou-Alam était apparem- 
ment un roi himyarite , mais il n'est pas nommé 
ailleurs), Dhou*Ayl alla s'installer à Sana , et sa puis- 
sance prit une grande extension. Il fut le premier des 
rois yamanites qui (it la guerre aux Romains, et qui 
introduisit dans le Yaman les étoffes de soie. 

BbdIt, fils de Dhou-Ayl, habita Hadhramaut. 

BedItl ', fils de Bedât, bâtit des forteresses et 
laissa divers monuments. 

Bedî-Deiou-Hamâd , fils de Bedàyl , régna à Ha- 
dhramaut. Il fit la guerre aux Persans , du temps de 
Sâbour-Dhou-l-actâf. 

Sâbour Dhou-1-actâf , ou Sapor II, régna en Perse, 
de 3io à 38o de J. C. Si l'on admet l'exactitude du 
synchronisme indiqué ici , Ton peut croire qu'il n'y 
a point de lacune dans le reste de la liste. 

Gharadj ou Chahah-Dhou-l-moulk, fils de 
Doûb (ou Wadab), fils de Dhou-Ahmâd, fils d'Oman. 
Il fut le premier des pHnces de Hadhramaut qui eut 
des chambellans, qui institua une hiérarchie de fonc- 
tionnaires, qui eut des gardes du corps, et des troupes 
organisées pour la défense des frontières de ses États. 

MouNiM , fils de Dhou-l-moulk Thârâr, fifs de Dja- 
dhima, fils de Mounim. 

LiCHRAU ou Alygurah, fils de Djadhîma, fils de 
Mounim , oncle du prince précédent. 

I Ou Yedàjl. Ce nom parait élreleméme que l><^7(pronoucé avec 
iaiâ/r), qui a» lit, d^aprèa le système de M. Firsnel, dans les inscripliom 
hinyariques IV, IX, X, XXIII, XXIV. XLVIU, publiées dans le Journ, 
viai,, sept.«oct. iS^S. 



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l38 LIVRE II. 

NAMiR,fils de Lichrah ou Alychrah. 

Châdh-el-Magi , fiU de Namir, dernier prince 
hadhramite. Ce fut sous le règne de ce Châdji-eU 
Maci que les Abyssins s'emparèrent du Yaman '. 

L'époque à laquelle finit cette liste fait présumer 
que le Hadhramaut suivit le âort du Yaman propre- 
ment dit, et passa en même temps sous le joug des 
Abyssins. La race hadhramite commença dès lors à 
perdre cette existence distincte qu'elle avait eue jus- 
que-là. Elle se fondit et s'absorba peu à peu dans les 
diverses familles issues de Himyar ^ ou de Cahlân 
répandues sur la contrée^ et surtout dans la peuplade 
de Rinda ^, qui s'était depuis longtemps établie et 
considérablement développée dans le Hadhramaut. 
Le nom de Hadhrami continua néanmoins à subsister; 
mais il désigna moins une race particulière que les 
habitants du pays, quelle que filt leur origine. 



DominatioD des Abyssins el ensuite des Persans dans le Yaman. 

DiM6otim«iitre- Après le désastre de Dhou-Nowâs et de Dhou- 
iTtÎ^Îd^***" D|j^"^" > 1^ auteurs arabes font régner sur le Yamao 
l'Abyssin Aryât, et lui donnent pour successeur 
Abraha-el-Achram. Le seul Hichâm-ibn-el-Kelbi s'ex^ 
prime autrement, a Abraha, dit-il, régna sur le Ya- 
man (immédiatement après la conquête). Ensuite 



X Ibn-Kh|ildoun, f. i5%^, 

a On cite notamment les benou Mourra-ibn-Himyar comme habitant le 
Hadhramaut. Ibn-Khaldoun, f. i3v*. 
3 Ibn-Khaldoun, r. i3 v^ 



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TAMAII. l39 

Abraha n'envoyant pas de tribut au NedjAchi , et le 
bruit s'étant répandu en Abyssînie qu'il prétendait se 
rendre indépendant, le monarque abyssin fit passer 
en Arabie de nouvelles troupes, sous les ordres d'A- 
ryât. Abraha disputa le commandement à Aryftt, et 
rappela en combat singulier. Aryât accepta le défi, et 
Abraha le tua par trahison *. » 

Ce dissentiment, relatif au premier vice^roi qui 
gouverna le Yaman sous l'autorité des souverains 
d'Abyssinie, existe dans les auteurs grecs et syriens. 
Métaphraste et Jean d'Asie, d'accord en cela avec 
Ibn-eURelbi, appellent ce premier vice-roi Abraham^ 
(ou Abraha); Maiala le nomme Anganès ^ ; Procope, 
Ésymiphée^; Théophane, Arétha ^^ désignation sous 
laquelle on reconnaît rAi7ât des Arabes. 

Pour concilier ces opinions diverses, on peut sup* 
poser qu'Abraha , sans être vice-roi du Yaman dès le 
principe , fut investi du commandement d'une pro- 
vince, et que, d'abord subordonné à Aryàt (le même 
qu' Anganès), il parvint ensuite à s'emparer du pou- 
voir. Quant à Ésymiphée, d'après les récits comparés 
de Procope et de Maiala, on voit que c'était un Arabe 
chrétien chargé de gouverner ses compatriotes sous 
la direction et la surveillance de l'Abyssin Anganès 
(Aryât), qui était le véritable vice-roi. Le nom A^Ésjr^ 
miphée me semble être une altération du nom arabe 
Ibn-dhi^Ktfdn ou Ebn^zi^Ktfdn y c'est-à-dire, fils 

I Ap. Ibn-Kbaldoun, f . a; v». 

\ Aiiaaitm, Bel ontmt,^ I, 5St. Lebeau, Vm, 64* note 3. 

3 Blakia, Chron, H, 194. Lebeau, VIII, 63, i54, note 4. 

4 Procope, de BelL pers., I. I, c. 10. 

5 Théopbanc, édlt. de Paris, p. «07. 



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l4o LIVRE 11. 

de Dhou-Kifân. On sait que plusieurs personnages 
yamaniques ont porté le surnom de Dhou-Kîfan. 

Artât (de 5^5 à ^^'j). Au rapport de plusieurs 
écrivains arabes , Aryât avait ordre du Nedjâchi de 
ruiner le tiers du pays des Himyarites, de massacrer 
le tiers de la population mâle, de réduire en captivité 
et de transférer en Abyssinie le tiers des femmes'. 
L'on dit qu'il exécuta , au moins en partie , ces ins- 
tructions. Il comblait de largesses et enrichissait des 
dépouilles des vaincus les officiers de son armée; mais 
il accablait les simples soldats abyssins de travaux 
pénibles, les employant quelquefois, comme des ma- 
nœuvres, à démolir des villes, sans même pourvoir à 
leurs besoins *. 
iiwiuj^par Fatigués de travailler et de souffrir, un grand nom- 
bre d'Abyssins se révoltèrent, et reconnurent Abraha 
pour chef. Aryât, à la tétc de ceux qui lui restaient 
attachés, marcha contre son rival. Les deux partis 
étant en présence, Abraha envoya dire à Aryât : « Ne 
c< souffrons pas que les troupes abyssiniennes se dé- 
H truisent elles-mêmes. Viens combattre seul à seul 
« avec moi, et convenons que les soldats du vaincu 
« passeront sous l'obéissance du vainqueur. » Aryât 
consentit à cette proposition. T^s deux champions 
sortii*ent des rangs. Abraha était un homme petit et 
gros; Aryât était beau et d'une taille élevée. Il frappa 
le premier son adversaire d'une pique, qu'il voulut 
lui enfoncer dans la tête, de haut en bas. Mais il man- 
qua son coup, et lui fit seulement une blessure qui 

I Jgftdnif IV, a8. Ibn-Khaldoun, f. «7. 



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YAMAN. l4l 

lui sillonna le front , le sourcil , la paupière y le nez 
et les lèvres. Depuis lors Abraha fut surnommé E/- 
Achram y le Balafré. Un jeune serviteur d' Abraha j 
oonimé Atwada^ se tenait derrière son maître. Il as- 
saillit avec lui Aryât, qui tomba mort sous leurs 
coups. Quoique cette victoire fût due à une trahison , 
les troupes d'Aryât passèrent aussitôt dans le camp 
d' Abraha, qui réunit alors sous son commandement 
tous les Abyssins du Yaman '. 

Bien que Hamza et Maçoudi donnent à Aryât 
vingt ans de règne ^, je crois devoir réduire cette 
durée , qui s'éloigne trop du temps pendant lequel 
Anganès (supposé le même qu'Aryât) parait, d'après 
le récit des auteurs grecs, avoir conservé le pouvoir. 
Je place la mort d* Aryât vers Tan SSy. I^s motifs 
qui m'engagent à adopter cette date se déduiront na- 
turellement de ce que je dirai sur la longueur du 
règne et Tépoque de la fin d' Abraha. 

Abraha-£l-Achram (de SSy à 670 de J. C). Lors- "dTb^!.Hr* 
que la nouvelle du meurtre d'Aryât par Abraha par- 
vint au Nedjâchi, il entra dans une grande colère, et 
jura qu'il mettrait lui-même le pied sur la terre du 
Taman, et couperait les cheveux d'Abraha. Celui-ci, 
instruit de ce serment, se rasa la tête, fit remplir un 
sac de terre, et envoya au Nedjâchi cette terre et ses 
cheveux , avec une lettre ainsi conçue : a O roi ! je 
suis votre esclave comme l'était Aryât. Nous avons 
été divisés sur la manière de vous servir, mais nous 
étions tous deux soumis à votre obéissance. Seule- 



I Àghdni, IV, 29. Sirat^rraçouff f. 7 v". 
a Hist. imp, vet, focLy p. 40 et 14a. 



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l4^ LIVRE II. 

ment j'étais, plus capable qu'Aryât de régir les affiii- 
res des Abyssins, et de maintenir les troupes dans le 
devoir. Aussitôt que j'ai appris le serment que vous 
avez fait , je me suis rasé la tête ; je vous envoie met 
cheveux et un sac de terre du Yaman, pour qoe 
vous mettiez cette terre sous vos pieds, et que vous 
accomplissiez ainsi votre serment. » Le Nedjâchi se 
tint pour satisfeiit, et confirma Abraha dans la vice- 
royauté du Yaman ' . 

Abraha, comme son prédécesseur, opprima les 
Himyarites. L'on cite, parmi les outrages qu'il fit à 
la famille royale de Himyar, l'enlèvement de Rihâna, 
épouse d'Abou-Mourra«Sayf , fils de Dhou-Yazan y 
l'un des membres de cette famille. Bihâua avait donné 
à Sayf un fils nommé Màdi Carib. Abraha eut d'elle 
une fille, Bessâça, et un fils qui fut appelé Masroûk. 
Il avait déjà d'une autre femme deux fils, Amoûda 
et Yacsoûm. T^ premier, chargé par son père d'une 
partie des affaires du gouvernement, s'attira tant de 
haine par ses violences, qu'il fut assassiné par up 
Himyarite , d'autres disent par un Arabe de la tribu 
de Khathàm. Abraha, dont le caractère n'était pas 
sanguinaire, ne tira point vengeance du meurtre de 
son fils ^. 
uéféqneoréten- Un évéquc, cuvoyé par le patriarche d'Alexandrie, 
avait établi son siège à Zhafâr. Ce pontife , que l'É- 
glise a mis au rang des saints , se nommait Grégen- 
tius. Il rédigea pour le Yaman un code de lois qui 

1 Sirat-erraçoulf f. 7 ▼'. Nowayri, man. de la Bibl. roy., n* 700, f. a t". 
Hisl. imp, vet, jroct,^ p. 84, 1 10. 

a Ibn-Khaldoun, f. «7 v", «S. Tabari* Wst. imp. vet.yocL^p, 11 a. 



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TAMAIf. 143 

furent publiées au nom du vice-roi Âbraha. L'origi- 
nal de ce code , écrit en grec , se trouve parmi les 
manuscrits de la bibliothèque impériale de Vienne ^ 
On possède encore un curieux monument de la piété 
active de saint Grégentius : ce sont les actes d'une 
conférence ou dispute publique ' que l'évêque sou- 
tint à Zhafâr, sous le règne d' Abraha, contre un doc- 
teur juif^ Herbanus, et qui fut suivie de la conversion 
de ce docteur et d'une partie des juifs du Yaman ^. 

Le z^e de Grégentius pour la propagation de la 
foi chrétienne était puissamment secondé par le 
vice-roi Abraha, que les auteurs grecs et arabes 
s'accordent à représenter comme un homme pieux ^. 

Les écrivains arabes rapportent qu'Abraha fit *^Abr»h«. 
élever à Sana une église, CaliSy qui fut, dit-on , une 
des merveilles de ce siècle. Il avait demandé pour 
cette construction des ouvriers et des marbres à 
l'empereur de G>nstantinople et au souverain d'A- 
bysûnie. Il voyait avec peine un grand nombre de 
tribus arabes du Yaman, encore attachées aux su- 
perstitions du paganisme , faire le pèlerinage de la 
Càba ou temple de la Mekke. Afin d'attirer les ido- 
lâtres au christianisme, et peut-être aussi pour dé- 
tourner au profit de sa capitale le commerce dont le 
pèlerinage portait le centre à la Mekke , il publia 
dans ses États l'ordre aux Arabes de se rendre en pè- 
lerinage à l'église de Sana. En même temps il envoya 

I Lambredos, BihL cœs, vind,^ t. V, p. i3i. 

a Disp, Greg,^ éd. GuL, avec trad. lat. de Nie Gulooius. RoUsonnadet 
Aneed, gree.^ t. V. 

3 Lcbeau, HUt, du Bas-Emp.t édit. de Saint-Martin, YUI, 66» 67. 

4 Sirat^errofouit (, 7 v*. 



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l4/i LIVRE II. 

dans le Nadjd et le Hidjâz des missionnaires chargés 
d'inviter la population de ces pays à venir visiter le 
nouveau temple , et il écrivit au Nedjâchi : « Je vous 
ai fait bâtir une église, plus belle qu'aucun autre 
édifice de ce genre qui ait jamais été construit. Je 
veux obliger les Arabes à abandonner la Càba, et à 
prendre cette église pour but de leur pèlerinage '. » 

M?"Sn'^iî£?*d5 ^ message fut bientôt connu dans toute l'Arabie, 
'^'^'* et excita l'indignation de toutes les tribus païennes. 

Un missionnaire d'Abralia dans le Hidjâz fut tué par 
un homme de la famille de Kinâna. Un autre individu 
kinânien eut l'audace d'aller à Sana, d'entrer dans 
l'église, et de la souiller d'ordures. Abraha ne tarda 
pas à être informé de cette profanation, a Quel est , 
« s'écria-t-il, l'auteur de ce sacrilège? »,On lui répondit : 
et C'est un des hommes attachés au culte dont le tem- 
a pie principal est à la Mekke. Il a entendu dire que 
a tu voulais forcer les Arabes à prendre pour but de 
<c leur pèlerinage, non plus ce temple qu'ils révèrent, 
« mais l'église que tu as fait construire ; et il est venu 
« la souiller, comme pour témoigner qu'elle est in- 
« digne des respects des Arabes. » Abraha se mit alors 
dans un grand courroux, et jura qu'il irait à la Mekke 
renverser la Càba. Il donna ordre aux Abyssins de se 
préparer à entrer en campagne, et bientôt il partit à 
leur tête, monté sur un éléphant '. 

Mort d'Abraba. Je rapporterai dans l'histoire de la Mekke les détails 
de cette entreprise, qui eut l'issue la plus malheu- 

I Ibn-Khaldoun, f. a8. Nowayri, man. 700, f. a v\ Sirai, f. 7 ▼**. 

a Ibn-Khaldouo, f. a8. Sirat^ f. 7 v", el 8. Tabari, Hist, imp, vei. focf.^ 



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tâhan. 145 

reuse. L'armée abyssinienne , parvenue devant la 
Mekke, périt presque tout entière d'une manière, mi- 
raculeuse, suivant les Arabes, mais très-vraisembla- 
blement par suite d'une épidémie ^ dont Abraha lui- 
même fut frappé. Il regagna Sana avec les faibles 
débris de ses troupes, et mourut peu de temps après 
son retour. 

Les auteurs chrétiens ne parlent pas de cette ex- 
pédition; mais elle est racontée par les historiens 
arabes avec trop d'accord et avec des circonstances 
trop précises pour pouvoir être révoquée eu doute. 
La plupart assurent qu'elle eut lieu l'année même de 
la naissance de Mahomet. La date de la destruction 
de l'armée abyssinienne devant la Mekke se trouve 
par là fixée en l'an 570 de J. C. L'époque de. la mort 
d' Abraha doit correspondre à cette même année. 

Abraha avait régné vingt-trois ans, selon Hamza % 
et quarante-trois ans , selon Maçoudi *. J'ai cru de- 
voir, entre ces deux diifïres, adopter le terme moyen 
de trente-trois ans, qui se concilie, à peu de chose 
près, avec la durée de trente ans qu'attribuent au 
règne d' Abraha les actes de la dispute de saint Gré- 
geotius avec le juif Herbanus ^. 

Yacsoum (de 570 a 572 de J.C). Après Abraha, 
la vice-royauté du Yaman passa à son fils aîné Yac- 
soum. Celui-ci, disent les Arabes , accabla les Himya- 
rites de vexations. Sous lui, les Abyssins ravissaient 

I Édit. de Goltwaldt, p. i35. 
3 HUt. imp, vet, yoct.^ p. 14a. 

3 Dùptti, greg., éd. Gui., p. 2o3. Lequien, Or, cfirist,, U, 665. Lebeau, 
Hiit du Bas'Emp., vol. VUI, p. 64, noie 5. 

10 



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l46 LIVRE II. 

les femmes 9 tuaient les hommes, et réduisaient les 
enfants à Tëtat de domesticité ^ Il mourut après deux 
années de règne ^. Les Grecs le nomment Serdid \ 
Masrouk (de 672 à 575). Yacsoum eut pour 
successeur son frère Masrouk, qui le surpassa en 
tyrannie et régna trois ans, suivant Maçoudi^. 
Taun *M^d^à Cependant les Arabes souffraient impatiemment la 
cowtmUMpie. domination de ces maîtres étrangers. Ils trouvèrent 
enfin des libérateurs dans Sayf , fils de Dhou-Yazao , 
ce prince himyarite dont Abraha avait enlevé la femme 
Rihâna , et dans son fils Màdicarib. Sayf , du vivant 
d'Abraha, s'était échappé du Yaman, et s'était rendu 
à G>nstantinople auprès de Cayçar (Justinien ou 
Justin n ). Il peignit à l'empereur les malheurs de 
ses compatriotes, et le pria d'envoyer des troupes 
dans le Yaman pour en chasser les Abjrssins. Il de- 
mandait pour lui-même la vice-royauté du Yaman, 
dont il aurait joui à titre de vassal des Romains. 
Cayçar lui répondit : a Vous professez la religion 
a juive. Les Abyssins sont chrétiens comme moi ; je ' 
« ne puis rien entreprendre contre eux en votre hr 
« Vf ur. » Sayf resta , selon les uns , sept années ^ , 
selon d'autres y dix années ^ à Constantinople, solli- 
citant toujours l'empereur. Enfin^ voyant qu'il n'avait 
rien à espérer des Romains, il passa dans llrâk, et 

I Ibo Khaldoun, f. »8 v". 
» Ahmed Dimichki. 

3 Lequien, Or, christ,^ U, 665. 

4 Hut, imp, vei. yoet.y p. i5o. 

5 Dimichki et Bfaçoudi, Hist, imp, vet, joct,, p. 144. 

6 V07. des vert citéf pHv loin , reppoHét ptr Fauteur du Sirai^errû- 
^oul, et par Abouiféda. 



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TAMAN. l47 

arriva à Hîra , où il fut accueilli par Nomân % 61s de 
fitouodhir (vers Tan 574)* U lui exposa la triste 
situatioD de sa patrie opprimée par les Abyssins, et 
réclama son interventiou pour obtenir des secours du 
roi de Perse Kesra ( Anouchîrwâo ). Nomân lui dit : 
c Je vais une fois tous les ans à Médâîo , offrir mes 
c hommages à Kesra. Le moment approche où je dois 
c faire ce voyage* Je te conduirai devant le monarque 
« persan *. » 

En effet, Nomân mena avec lui le prince himyarite etllfflStefiwïîS 
à h cour du roi de Perse, auquel il le présenta. Kesra ***^^^ *«''•■'"- 
donnait ses audiences solennelles dans un vaste salon, 
/W/ï, où était sa couronne. Cette couronne, qui 
avait la forme d'un grand boisseau , était couverte 
d'émeraudes, de perles, de rubis, enchâssés dans de 
For et de largent, Elle était suspendue au sommet de 
la voûte de l'appartement par une chaîne d'or, parce 
que son poids était trop considérable pour qu*ua 
homme pût la porter. On la tenait habituellement 
' voilée d'une étoffe précieuse. Le trône était plaoé 
imoiédiatetnent au-dessous. Lorsque Kesra s'était as* 
sis sur son trône et avait introduit sa tête dans la 
couronne , on levait le voile qui la cachait , et le mo- 
narque apparaissait alors avec tant d'éclat, que ceuK 
qui voyaient pour la première fois ce spectacle impo* 
saot tombaient à genoux '* 
La vue du roi de Perse dans toute sa splendeur 

I Ce NomÉD me parait avoir régné à Hira, conjointement peut-être avec 
son frère Càboi», de 574 & 579 de J. C. Toy. liv. lY et tableau lY. 

1 Sirat^ f. xo ▼•. jéghdni, lY, 29. Ibn-Khaldoun, f. aS v*. Tabari, But. 
kf, ytt, jr»et,, p. laS. 

3 Sirat, ibid. Tabari, ibid. 

10. 



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l48 LIVRE 11. 

ne manqua pas de proJiiire cet effet sur le prince 
Sayf. Lorsqu'il se fut relevé, il dit : «O roi! des 
u étrangers ont envahi ma patrie, et l'oppriment. — 
« Quels sont ces étrangers? demanda Kesra; sont-ce 
« les Abyssins ou les Sinds ? — Ce sont les Abyssins, 
« reprit Sayf. Je suis venu implorer votre secours 
ce contre eux , et vous offrir de réunir le Yamati à 
« voire empire. — Ton pays, répondit Kesra, est 
« trop éloigné et trop pauvre pour que j'attache 
« beaucoup de prix à sa possession. Que trouve*t-on 
« chez vous? Des brebis, des chameaux. Je ne veux 
ce pas , dans l'espoir d'un mince avantage y aventurer 
u dans les déserts de l'Arabie une armée pei*sane. >» 
Puis il congédia Sayf, après l'avoir fait revêtir d'un 
habit d'honneur et lui avoir fait présent de dix mille 
dirham (pièces d'argent) wd/ï (fortes de poids). 

£n sortant de l'audience , le prince himyarite dis- 
tribua aux gens du palais cette somme tout entière. 
Kesra, instruit de cet acte de libéralité, en fut sur- 
pris. Il fit venir Sayf une seconde fois, et lui dit: « Hé 
« quoi ! tu dédaignes mes dons, et tu les distribues à 
« mes serviteurs ? — Qu'en aurais-je fait ? répondit 
u Sayf; l'or et l'argent sont si communs dans mon 
« pays! toutes nos montagnes en renferment des 
a mines inépuisables. Aussi ne suis-je point venu ici 
« pour solliciter des dons pécuniaires, mais pour 
« faire appel à votre justice. » Ce discours éveilla la 
cupidité de Kesra, qui promit à Sayf de le satisfaire '. 



I Ibn-Kbaldoun, f. ag. Sirat, f. lo v". j^ghàni^ IV, ag. Tabari, Hist, 
imp, v€t»yoet.^ p. i a8. 



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YAMAN. i49 

Mais occtiEKi des guerres qu'il soutenait contre di-styf.^i^tteAt^ne 
vers peuples, et particulièrement contre les Romains, 
Kesra tarda quelque temps à tenir sa parole. Cepen- 
dant Sayf mourut. Son Bis Màdicarib , animé du 
ineme zèle pour la délivrance de sa patrie, alla se 
présenter au palais de Kesra, et, à force d'instances, 
obtint d'être introduit devant le roi. «Je suis, lui 
« dit-il, le fils de Sayf. Je viens réclamer de vous 
« l'héritage de mon père. — Quel héritage ? demanda 
« Kesra. — L'exécution de la promesse que vous lui 
«T aviez faite de lui fournir des secours contre les 
« Abyssins, » répliqua Màdicarib \ 

Kesra balançait encore. Il réunit ses principaux 
officiers, et leur dit : « Que pensez-vous de l'expédi- 
« tion à laquelle cet Arabe nous engage? d Un des 
conseillers répondit : « Vous avez dans vos prisons 
« un grand nombre de criminels destinés à la mort: 
« envoyez-les dans le Yaman, à la suite de ce prince ^ 
« himyarite. S'ils périssent , ils auront subi le sort 
« qui leur était réservé par votre justice; s'ils réus- 
« sissent à conquérir le pays , ce sera un royaume de 
« plus ajouté à vos États. » 

Kesra, adoptant cet avis, fit sortir de prison tous 
ceux qui y étaient détenus. 11 leur donna pour chef 
l'un d'eux, nommé Wahraz le Daylémite , qui était 
au-dessus de ses compagnons par sa naissance et ses 
talents. Celte troupe, embarquée sur huit vaisseaux , 

I Dimicbki. Haçoudi , tiisi* imp. vet. joci,^ p. i46- Ibo-cl-Kelbi e( 
Sohiyli, cités par Ibn-Klialdoun (f. ac»), aUiibuent à Màdicarib et pla- 
eem ici le Irait raconté plu*) haut, la distribution du présent de Kesra «ux 
stnritcurs du palais. 



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l5o LIVHB II. 

partit avec Màdicarib, fils de Styf , pour le Yamaa. 
Deun deâ navires , battus par une tempête , furent 
engloutis dans les flots. Les six autres abordèrent au 
rivage d'Aden , suivant quelques auteurs, mais plus 
vraisemblablement à Mayyoun, sur la côte du Ha- 
dhramaut, comme l'indiquent ces vers cités par 
Maçoudi ' : 

« A MayyouD sont débarqués mille guerriers armés de 
boucliers, 
De U race de Sâçân et de Mihredjan ; 
Ils viennent chasser les noirs du Taman , 
Guidés par (un prince issu de) Dhou-Tazan '. » 

T^ nombre des soldats persans , porté ici par te 
poète à mille hommes, est élevé à trois mille six cents 
parNowayri^, et à sept mille cinq cents par Ibn- 
Cotayba K 

La présence de ces troupes et la vue d'un rejeton 
de leurs rois enflammèrent le courage des Arabes. Ils 
accoururent vers Màdicarib y qui fut bientôt à la tête 
d'une vingtaine de mille hommes ^. Amenant ce ren- 
fort à Wahraz , il lui dit : « Mon pied sera toujours 
« à côté du tien ; nous vaincrons ou nous mourrons 

I Hut. imp, vet, yoct, p. x46. 

3 H'ut, imp, V€U foct,^ p. 96. 

4 Cité ptr Ibn-KhaklooD, f. a^. 

%. Nowayriy Hist» imp, vet, yoct.f p. 9^. 



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TAMAFT* l5l 

« ensemble. » Wahraz fit brûler ses vaisseaux , pour 
montrer aux soldats persans qu'ils n'avaient de res- 
source que dans leur valeur, et s'avança versSana. 

Cependant le vice-roi abyssin Masrouk , ayant i'as-j^J«,^«j»j;^- 
semblé une année de cent mille hommes, marcha *"^*'******^' 
contre Wahraz et M^dicarib. Wahraz envoya en avant 
son fils Youdâd , pour escarmoucher avec les Abys- 
sins et les tâter. Ce jeune homme fut tué, et le désir 
de venger sa perte devint un nouvel aiguillon pour 
le courage de Wahraz. Ix>rsque les deux armées fu- 
rent en face l'une de l'autre et que le combat fut en- 
gagé , Wahraz dit aux Arabes : « Montrez-moi le roi 
«c abyssin. — Voyez-vous , lui répondit-on , cet ^ 

« homme monté sur un éléphant , avec une couronne 
« sur la tête et un gros rubis qui brille sur son front? 
« c'est lui qui est le roi abyssin. — Bien ! dit Wah- 
« raz, attendons. » Quelque temps après il demanda : 
« Quelle est à présent la monture du roi ? — Il est 
« maintenant à cheval , lui dit-on. — En ce cas^ 
« attendons encore , » dit Wahraz. Un assez long in- 
tervalle s'écoula ; et Wahraz ayant renouvelé la même 
question , on lui répondit cette fois que le roi était 
sur une mule. « Vile monture! s'écria-t-il , présage de 
« l'avilissement de sa royauté ! Je vais lui lancer une 
« flèche. Si vous voyez ceux qui l'entourent rester 
« tranquilles, c'est que je l'aurai manqué ; demeurez 
« vous-mêmes fixes à vos postes, jusqu'à nouvel ordre 
« de ma part. Si au contraire vous apercevez ses gens 
« s'agiter en tumulte autour de lui , c'est que je l'au- 
« rai atteint. Alors profitez de leur confusion pour 
« les charger avec vigueur. » 



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l5a LIVRE II. 

A ces mots, Wahraz prit sou arc, que persouue 
autre que lui qe pouvait tendre. Il se fit mettre sur 
les sourcils un bandeau, pour assurer la justesse de 
son coup d'œil; puis il décocha sa flèche. £lle toucha 
le rubis, pénétra entre les deux yeux de Masrouk, 
et lui traversa la tête. Il tomba ; Fagitatiou et le dé- 
sordre se mirent aussitôt parmi les Abyssins. Les 
Persans et les Arabes, fondant alors sur eux, les dis- 
persèrent, et en firent un grand carnage. 

Après cette victoire, Wahraz se présenta devant 
Sana ' pour y faire son entrée. La porte de la ville 
était basse, a Mon drapeau ne s'inclinera pas, dit-il: 
(( qu'on abatte la porte ! » A l'instant la porte fut dé- 
molie, et le général persan entra, la bannière liante^. 

IjCs Abyssins, échappés au fer des vainqueurs, se 
soumirent, ou s'enfuirent dans leur pays. Wahraz, 
suivant les ordres de Resra , installa Màdicarib, fils 
de Sayf , comme vice-roi du Yaman , en lui posaut 
une couronne sur la lête, et l'armant d'une cotte de 
mailles en argent. Màdicarib s'engagea à payer un 
tribut au roi de Perse, dont il se reconnut le vassal ; 
et Wahraz, laissant dans le Yaman une partie des 
troupes persanes commandées par un lieutenant, re- 
tourna avec le reste auprès de son souverain ^. 



I Cetle ville se uoiumait anciennemeot ÂuztU (Ihu-Khaldoun, f. 29 v"^. 
Bocharl, Geog, sacr,, I. Il, c. XXI). Suivaut rauleui* de VÀgUàni (IV, 29 
v^), elle fut a|ipclée Saiia, seuleineul depuis l'époque de la doniiiiatiou des 
AbyssÎDs. Le uom à^Âuzàl se reti ouvc sous la forme AuzèlU daus rbislo- 
rieo syrien Jean d'Asie (ap. Assemaui, Bibl. or., I, 36o}. 

a Slrat-erraçoul , f. 10 v". Aglidni, ÏV, 29 v». Ibn-Klialdouu , f. 29. 
Maçoudi et Nowayri, Hist. imp. vet. yod., p. 9^ et suiv., 146 et sui\. 

2 fiiaçoudi, Hut. imp, vet. jroct., p. i5o. Ibu-Khalduun, f. 29 v^ 



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TAIUAM. l53 

Plusieurs auteurs u'adinettent pas queSayf, fils de 
Dhou-Yazan , fût mort à la cour de Kesra. Ces écri- 
vains disent que Sayf lui-même fut replacé par Wah- 
i*az sur le trooe de ses ancêtres , et ils rapportent 
également à Sayf ce que je dirai tout à Theure de 
Màdicarib, son fils. J'ai suivi Topinion de Maçoudi, 
d'Ahmed Dimichki et autres. Au reste, cette ques- 
tion de personne n'a pas une grande importance. Ce 
qui en a davantage y c'est la fixation de l'époque de 
cette expédition des Persans, et du rétablissement de 
la royauté himyarite en qualité de tributaire de la 
monarchie persane. Hamza Isfahâni , et d'après lui 
M. de Sacy % ont placé ces événements en la tren- 
tième année de Mahomet, c'est-à-dire, vers l'an 600 
de notre ère, par conséquent sous le règne de Kesi'a 
Parwiz, qui occupa le trône de Perse de 5go à 628 
de J. C. Je pense que c'est une erreur, et j'en indi- 
quemi plus loin la source. 

Tous les histoviens arabes et persans^, et Hamza 
lui-même^, conviennent que Kesra Auouchirwân, fils 
de Cobâd^ qui i*égna de 53 1 à 579, fut le monarque 

I Hapiza, édil. de Gollwaldl, p. i36. M. de Sacy» Além. de l'Acad., 
\u\. XLVUI, tableau joiol à la page 544. 

a Abulfeds Hist, antetsL, p. 90, 118. Ibo-Khaldoiin, au i-cgne d'A* 
oouchirwèo. Mohammed-ibn Cliaiif-eddiu-OiDar-Châb , dans le KUàb-en- 
noucat, Dimicbki, à l'art. Sayf fils de Dhou-Yazait, et à relui à^Anouchir- 
wdn. Thaàlebi, dans le Tabccdt-el-Molouk. Maçoudi, HUt. imp. vet, yoct., 
p. i5o. Tarlklù'Pénaiyïmj^T, à \ienue, f. 3o. Mirkiiond, Hist.des Sot- 
sanides, Irad. de M. de Sacy, p. 367. Nikbi beu Maçoud, Not. et extr, des 
ma/t.f vol. in, p. 340, etc. 

3 Édit. de Gullwaldt, p. i3o , et ap. Ra^niussen, Hist. prœc. ar, rr^., 
p. 80. 



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l54 LIVRE II. 

qui donna des secours à Sajf, fils de Dhou-Yazan^ ou à 
Màdicarib, fils de Sayf, et eut pour vassal l'un ou l'autre 
de ces princes. « Ce fait eut lieu , dit Ibn-Omar-<;hâh^ 
dans les dernières années de Kesra Anouchirwân. i> 
Maçoudi , s'exprimant avec plus de précision , assure 
que Màdicarib fut couronné par Wahraz en la qua- 
rante-cinquième année du règne de Kesra Ânouchir- 
wân, c'est-à-dii-e, en Tan 575 de J. C. Selon Hadji 
kbalifa', Sajf, ou son fils Màdicarib , revint dans 
le Yaman; et les Abyssins furent mis en déroute pat 
les Persans^ quatre ans avant la mort d*Anouchirwâii, 
ce qui répond encore à Tannée 57$ de notre ère 
J'adopte donc cette date , que tout me porte à croire 
détei*minée avec assez d'exactitude. 
Il rèm come MADICARIB , fils de Savf , fils de Dhou-Yazau ( tl 

vaiul da roi de ^ J ^ ^ 

Pêne. g^g à....). La nouvclle du renversement de la puis- 

sance abyssinienne dans le Yaman ^ et de larestaurn 
tion de la maison de Himyar , se répandit rapidemei. 
dans l'Arabie entière , et de toutes parts desdéput 
tionsvini*ent féliciter le nouveau roi. Màdicarib 1 
reçut à Sana, dans le palais de Ghoumdân. Parmi c' 
députés étaient plusieurs personnages distingués < 
la Mekke, entre autres Abd-el-Moltalib ^ , aïeul 
Mahomet, qui porta la parole au nom de ses coni) 
gnons. Ensuite Abou-Zamà (ou plutôt Abou-Rab! 
grand-père du poète Omeyya, fils d'Abou-ssalt, tU 



1 Tac^im-etté^drikh, p. a4. 

a Ibii*Khaldoun» folio 39 verso. Maçoudi, Hist, imp. vct, 
^. i5a. Jghdni, IV, 3o. 



k 



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TAftlAN. l55 

tribu de Thakif , récita une pièce de vers ' dans la- 
quelle il disait : 

' « Cest aux hommes doués d'uoe constance pareille à otUe 
du fils d« DhoU'Yazan, qu'il appartient de réussir dans leurs 
desseins. Plusieurs fois il brave les dangers de la mer. 

D'abord, en quittant sa patrie, il se rend vers Cayçar. II le 
trouve sourd à sa prière. 

Après dix années d'attente vaine, il va, prodiguant ses 
trésor» et exposant sa vie , réclamer l'aide de Kesra. 

Enfin il revient dans son pays à la tête de puissants guer^ 
ners semblables k des montagnes, etc. » 

1 Maçoudi, Hist, imp, vet. foct., p. i54. Suivant Ibn-Ishâk {Sirat-er- 
rûçûui, f. Il), ce fut Aboussalt, père d*Omeyya, qui récita ces vers.D*au- 
Irei les attribueot à Omeyya lui-mèine ; nais Omeyya, fils d'Aboossall, 
était de Tàge de Mahomet, par couséqoeot trop jeune pour avoir pu faire 
partie de cette députatioo. Quant à Abd-el-Mottalib, qui figure dans ce 
récit, on verra ailleurs qu*il mourut en 579 de J. C, la même année que 
Keva-Anoucbirwân. Cest eneore une preuve que la restauration himyarile- 
doit être placée sous le règne d^Anouchirwàn, et non de Parwiz. 

oy. ^ cre' <3^' >^' '^^ 

.1 III c ., -« 

"ill — . ^ jJt ja« tXJis, Aa^. Js 
ÏjAIa Jim ^jmJà yj^ i..^**'' ^ 

fifaçoudi, i7ù/. fiR/y. vet.jroci,, p. tS^.SirtU, f. 11. Hht, anteUi^^. 118. 
naos le texte du second vers rapporté par Aboulféda, on lit : ff^d/à Har- 
caia, « il se reodit vers Héraclius. • J*ai adopté la leçon d'Ibn-Ishâk , au- 
\mr plus ancien qu'AbouIféda. Cette leçon, dans laquelle l'empereur n*esl 
pas détigné nomiiiativement , est certainement la bonne, Héraclius réguik 



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i56 



LIVEE 11. 



Màdicarib traita magnifiqiienietit ces députer», et 
surtout Abd-el-Mottalib. 11 donna, dit-on, à chacun 
d'eux cent chameaux , vingt esclaves , dix rail d'ar- 
gent et d'or, un sachet rempli d'ambre; et il décupla 
ce présent pour Abd-el-Mottalib '. 
u «uoéjjjr dfi Uu assez grand nombre d'Abyssins étaient restés 
dans le Yaman. Longtemps Màdicarib les persécuta, 
massacrant les uns, réduisant les autres en servitude. 
Ensuite il changea de conduite à leur égard, et, 
passant d'un excès de défiance et de haine à une sé- 
curité imprudente, il se choisit une garde d'esclaves 
abyssins, qu'il arma de piques, et dont il se faisait 
accompagner toutes les fois qu'il sortait de son palais. 
Un jour qu*il marchait au milieu d'eux , ils se jetè- 
rent sur lui et le tuèrent. Un Abyssin, dont on ignore 
le nom , s'empara alot*s du pouvoir , et , pendant 
quelque temps , remplit le Yaman de meurtres et de 
violences *. 

Ce dernier fait , sur lequel les historiens ne don- 
nent pas de détails, me paraît indiquer une nouvelle 
phase de domination abyssinienne dans le Yaman. Il 
serait difficile de croire que les souverams d'Abys- 
sinie n'aient tenté aucun effort pour ressaisir la con- 

de 6iO à 64i. Si 1« prince hiinyaritc avail passe dix auuécs à la cour 
d'Héraclius, il n'aurait pu arriver, au plus 101, que vcr$6ao auprè» du roi 
de Perse. Ce roi aurait été Kesra Parwiz, ce qui est contraire au témoi- 
gnage de tous les auteurs persans et arabes, et d'Aboulfcda lui-même, qui 
place le fait sous le règne d'Auoucliirwâo. Voy. U'ut, anteist,^ p. 90 
et laS. 

I Ibn-Khaldoun, f. 29 %**. Le TartAh-âl-Aftamtcr (f<A. io4 v*} rapporte 
cette visite d'Abd-elMotlalib au prince binijarite, à la sixième année après 
la naissance de Mahomet, c.-à-d. à Tan 575-576. 

a Tdh^rï, Hùl, imp. vct. yoct., p. i35. Ibn-Khaldoun, f.aQA*. 



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YAMAN. l57 

quête qui leur avait été enlevée. Ils durent au moins 
soutenir l'usurpateur de leur nation, qui venait de se 
inetlrc à la place du roi himyarite. Je conjecture qu'il 
s'établit alors une lutle entre les Abyssins et les Per- 
sans laissés dans la contrée par Wahraz ; que les Hi- 
myarites , sans chef, divisés de sentiments et de re- 
ligion, car un grand nombre avaient embrassé le 
christianisme, façonnés d'ailleurs à la servitude et 
indifférents peut-être au choix des maîtres, ne prirent 
point de part à ces débats entre des étrangers, et que 
les Abyssins se maintinrent quelques années dans la 
possession du Yaman. 

Wahraz (de 597 à.... ). Mais enfin le roi de Perse, p^ïîJlf/î;l 
alors Kesra Parwîz, envoya contre eux quatre mille "■"""'*'***' ^ 
hommes, sous la conduite de ce même Wahraz, qui 
avait commandé la première expédition. Ce général , 
malgré son grand âge ', avait conservé toute sa vi- 
gueur. Soit qu'au moment de sou arrivée les Abyssins 
eussent déjà été défaits par son lieutenant , comme le 
disent certains auteurs, soit qu'il les ait battus lui- 
même, il est constant qu'il en fit un massacre général 
( vers l'an 597 ). Kesra lui avait ordonné de tuer tous 
les hommes à peau noire et à cheveux crépus , sans 
épargner même les métis nés de femmes arabes et de 
maris abyssins. Wahraz exécuta ces instructions , et 
écrivit à Kesra que la race noire avait cessé d'exister 
dans le Yaman. Kesra lui répondit en lui conférant 
la vice-i'oyauté du pays qu'il avait conquis *. 

I On dit qu^il vécut plus de cent ans. Nowayri, Hist. imp, vet. yoct, , p.96. 
9 Ibn-Kbaldoiin , f. 29 x". Maçoudi et Tabari, Hist. imp. vft, yoci.y 
p. i56, i34. 



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l5B LIVRE II. 

Alors Tancienne splendeur de la maison de Himyar 
fut éteinte sans retour. T^e Yaman proprement dit^ 
et les cx>ntrëes qui en dépendaient, telles que le Ha- 
dhramaut, le Mahra, fOmân, devinrent des provin- 
ces de l'empire persane Le Bâhrayii , dèslivànt cette 
ëpoque, reconnaissait la suzeraineté du roi de Perse. 

Les soldats de Wahraz établis dans le Yaman s'y 
marièrent avec des femmes arabes. « C'est d'eux, dit 
Ibn-Ishâk ' , que tire son origine cette race d'hommes 
appelés Ebnd y qui subsiste encore aujourd'hui dans 
le pays. » 

Si l'on admet que la manière dont je viens d'ex* 
poser ces faits approche de la vérité, on reconnaîtra 
facilement ce qui a entraîné Hamza, et après lui 
M. de Sacy , à placer la mort du roi abyssin Masrouk 
et le rétablissement d'un prince himyarite par Wahraz 
dans le royaume de ses pères, à une époque beau- 
coup plus récente que celle que j'ai cru devoir adopter. 
Les deux expéditions de Wahraz ont été confondues 
ett une seule par Hamza. Cet écrivain n'a parlé que 
de la seconde, à laquelle il a rattaché toutes les cir- 
constances appartenant à la première. Nowayri et 
l'auteur du Sirat-erraçoul me paraissent avoir fait la 
même confusion. 

Quelques historiens arabes évaluent à soixante- 
douze ans la durée du séjour des Abyssins dans le 
Yaman '. C'est ce qui m'a engagé à fixer la date de 
la seconde expédition de Wahraz et de l'extermina- 
tion des Abyssins vers $97 , c'est-à-dire , soixante- 

I Surat-erra^ul, f. ii v*. 

a Hamza et Maçoudi, HUt. imp. vet, yoct,^ p. 40 et i5o. 



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TAMAN. l59 

douze ans après leur entrée en Arabie, en Tannëe 5a5. 

SuccESSECRS DU Wahraz. BIdhâit. Wahraz mou- 
rut à Sana. Après lui, le Yaman fut soumis successi- 
vement à plusieurs vice-rois persans, sur le nombre 
et les noms desquels ou n'est pas d'accord jus<][u'à 
Bâdhân , qui commença à gouverner, toujours sous 
la suzeraineté deResjra^arwîz, peu avant la naissance 
de Tislamisme ' , vers 606 de J. C. 

La domination persane dans le Yaman paraît avoir 
été très-douce, et s être fait à peine sentir aux Arabc^i. 
Sous Tautorité des vice-rois persans, les Cayl et 
Dbou Himyarites, et les cliefs des différentes tribus 
issues de Cablân, continuèrent à régir chacun leur 
canton. 

Les trois religions, païenne, juive et chrétienne, 
jouirent d'une tolérance égale, et se maintinrent sans 
que l'esprit de prosélytisme causât de troubles ni de 
rivalités. 

Le christianisme se conserva surtout t Nadjrân , ^ib'drSâSuî"' 
chez les Benou-1-Hârith-ibn-Càb. On cite , parmi les 
évêques de cette ville, Coss, (ils de Sàîda, personnage 
célèbre comme poète et orateur. Son nom est devenu 
proverbial pour exprimer le plus haut degré de l'élo- 
quence. Il était de la tribu d'Iyâd, originaire du 
Hidjâz. Mahomet, dans sa jeunesse, le vit à la foire 
d'Ocâzh, et l'entendit prononcer des discours pleins 
de charme et de sagesse. Coss mourut vers l'époque 
de l'avènement de Bâdhân à la vice-royauté du Yaman ^. 

I Ibn-Khaldoim, f. 3o. DimichkL Tabari, Bist, imp, vet.yoci,, p. 187. 
Sirat^erraçoul, f. ii v". 

1 Aghâni^ III, 343. Anthologie de Sacy, p. 357. Pococke, Specim. hisl. 
or., p. 33i. Hariri, édil.de M. de Sacy, p. 276. 



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l6o LIVRE II. 

''"Ilîîdîf^'*'*' Sous le même Bâdliân, une famille illustre des 
Benou-I-Hârilh, nommée les enfants d'Âbdelmadân , 
fils deDeyyân, commandait à Nadjran. Ces enfants 
d'Âbdelmadân , distingués par leurs richesses et leur 
générosité , avaient fait bâtir une grande église qu'on 
appelait la Càba (le Nadjrdn, parce qu'elle était 
construite sur le modèle de la Càba de la Mekke. 
Quelques auteurs disent néanmoins que la Càba de 
Nadjran était une immense tente , formée de trois 
cents peaux cousues ensemble. Quoi qu'il en soit, cette 
Càba était un lieu d'asile, oit tout homme en danger 
trouvait protection, et où les malheureux étaient 
accueillis et secourus. 

Les chefs de la famille d'Abdelmadân, contempo* 
rains de Bâdhâu et de Mahomet, étaient trois frères, 
Yazîd, Cays et Âbdelmacih, fils... d'Abdelmadân,qui 
ont été loués par le poète Maymoun, fils de Cays, 
surnommé £l-Âcha ". 

On verra, dans le livre VIII de cet ouvrage., com- 
ment l'islamisme pénétra dans le Yaman au temps 
de Bâdhân, qui lui-même devint sectateur de Ma- 
homet. 

I Aghâni^ III, 58 v**, 60. Cazwini, II* climat, art. Nadjran. 



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i6i 



LIVRE III. 



LA MEUE. 



Abraham et Ismaël. 



Suivant les croyances musulmanes, la vallée de la 
Mekke aurait été le berceau de la race arabe ismaé- 
lite. Cette idée me semble avoir quelque chose de 
juste, si on la restreint à la portion de cette race qui 
s'est perpétuée jusqu'à nos jours, à la nation issue 
d'Adnân, descendant éloigné d'ismaël. Quant aux 
générations ismaélites plus anciennes , l'Écriture 
sainte nous les montre se développant dans les déserts 
situés au nord de l'Arabie ; et les indications bibli- 
ques méritent une foi que la tradition, ou, pour mieux 
dire, la mythologie arabe , ne saurait obtenir. 

Au reste , l'histoire d'Ismaël et de son père Abra- % 
ham, telle que la présentent les écrivains musulmans, 
offre beaucoup de particularités qui se retrouvent 
dans la Bible , à laquelle probablement elles ont été 
empruntées. Je reproduirai avec quelques détails seu- 
lement ce qui porte le caractère de légendes propres 
aux Arabes. 

' Abraham ( en arabe Ibrahim ) est surnommé par AbraiM« 

I Voy. Tabari, trad. de Dubeux, p. 117-1 5a. DUerbelot, Blbl, or,^ ar- 
liele Abraham, EeiiMiad, Mon. mus,, vol. I, p. 144 et suiv. Ibn-KbaldouD, 
f. i5-i6. Tdr'tkh'el-Khamfcjr^ f. 3(5 et wiiv. 

1 I 



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162 LIVRIt III. 

les musulmans El-KhaUly lami , ou Khaltl- Allah 
et KhaKl'ErrahmaHy l'ami de Dieu. Son pèreTâreh, 
autrement appelé Azer , était un des principaux of- 
ficiers de Nemrod, fils ou descendant de Canaan fils 
de Couch, roi de Babylonte. Les hommes étaient 
alors livrés à l'idolâtrie et au culte des astres. Des 
devins annoncèrent à Nemrod que bientôt devait être 
engendré à Babylone un enfant dont la puissance ef- 
facerait la sienne. Le monarque effrayé chercha le 
moyen d'empêcher cette prédiction de se réaliser. Il 
défendit tdut commerce entre les deux sexes, et plaça 
dans les maisons de ses sujets des inspecteurs chargés 
de veiller à ce que les maris ne passent avoir aucune 
communication intime avec leurs femmes. Azer sut 
tromper la vigilance des gardiens. Sa femme devint 
enceinte , accoucha en secret d'Abraham , et le cacha 
dans uife caverne hors de la ville. 
" ^?îwi Difi*" Abraham, nourri miraculeusement dans cet asile, 
grandit avec une rapidité extraordinaire, signe des 
vues que la Providence avait sur lui. Lorsqu'il sortit 
pour la première fois de sa caverne, il était nuit; 
l'aspect du ciel fit naître en son esprit des idées reli- 
gieuses. Une étoile brillait d'un écJat plus vif que les 
autres. Abraham se dit à lui-même : « Voilà mon 
c( Dieu. » Mais l'étoile disparut sous l'horizon , et 
Abraham ajouta : « Non , ce n'est point là le Seigneur 
« que j'adorerai. » La lune se leva ensuite. « Voilà 
« mon Dieu, » se dit Abraham. Il reconnut son erreur 
en voyant la lune se coucher. Enfin le soleil se mon- 
tra à l'orient , et Abraham s'écria : '< Celui-ci est mon 
<c Dieu ; il est plus grand que les autres. » Quand le 



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soleil eut fini sa carrière, Abraham se dit que ce n'é- 
tait pas encore là le Dieu qu'il cherchait ^ 

Conduit par sa mère à Babylone , il fut prësenté 
à Nemrod comme un fils d'Azer, né avant la prédiction 
des astrologues, et reiirettant d'un long voyage. Nemrod 
passait pour une divinité. T^a pompe de sa cour, le 
nombre des serviteurs qui l'adoraient , l'appareil de 
grandeur et de puissance dont il était environné, 
âilouîrent d'abord Abraham. Mais oomme le monar^- 
que était horriblement laid ^ Abraham comprit que 
cette figure diflbrme ne pouvait appartenir à un dku. 
Sa raison lui àk que les merveilles de l'univers, dont 
ses yeux étaient frappés , devaient avoir un auteur 
d'une nature différente de celle des autres êtres, d'un 
pouvoir supérieur à celui de l'humanité. Ce fut à cet 
auteur invisible de toutes choses qu'il voua définiti- 
vement ses hommages. 

Dès lors il se mit à appeler les hommes au culte son arenuire aree 
du Créateur , et à briser les idoles dans les temples. 
Les ministres des faux dieux le menèrent devant 
Nemrod, et demandèrent sa punition, ce Qu'est-ce que 
« ton Dieu? lui dit Nemrod. — Mon Dieu, répondit-il, 
« est celui qui donne la vie et la mort. » Nemrod ré- 
pliqua : « C'est moi qui donne la vie et la mort. » A 
l'instant il fit tirer de prison deux condamnés, ac- 
corda la vie à l'un , et tua l'autre de sa main, a Eh 
« bien! ajouta Abraham, mon Dieu fait lever le soleil 
M k l'orient ; fais qu'il se lève à l'occident *. » Nemrod 
resta confondu, et ne répondit qu'en ordonnant de 

1 Voy. Coran, sonr. VI, versets 76, 77, 78. 
1 Coran, U, 260. 

I I. 



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l64 LIVRE llf. 

jeter Abraham dans un cachot. Quelque temps après, 
il le Ri précipiter au milieu d'un bûcher embrasé. 
Mais le feu perdit sa chaleur, et deifint froid '. Abra- 
ham sortit sain et sauf d'entre les flammes ; et Memrod, 
voyant qu'il ne pouvait rien contre lui , le laissa en 
paix. 

Ensuite Abraham , avec sa famille et ceux de ses 
compatriotes qui avaient embrassé sa religion, quitte 
Babylone, et passe dans la Syrie et la Palestine. De 
là il va en Egypte. Sa femme Sara étonne les Egyp- 
tiens par sa beauté. Pharaon la fait amener en sa 
présence, en devient épris, et étend la main sur elle. 
Cette main se dessèche aussitôt. Pharaon implore les 
prières de Sara, qui demande à Dieu et obtient la 
guérison instantanée du roi. Deux fois celui-ci re- 
commence sa tentative , et deux fois le prodige se 
renouvelle. Alors il renonce à son dessein coupable, 
congédie Sara avec honneur, et lui fait présent d'une 
jeune esclave nommée Agar. 

De retour en Palestine , Abraham , riche et pais- 
sant, regrettait vivement de n'avoir point d'enfant. 
Il avait promis à Sara, en l'épousant, de ne jamais 
lui donner de rivale. Sara, n'espérant point être mère, 
offrit elle-même à Abraham son esclave égyptienne. 
Agar devint bientôt enceinte. Elle accoucha d'Ismaël. 
La joie extrême qu'éprouva Abraham de la naissance 
de ce fils, et la fierté que conçut Agar, inspirèrent 
à Sara une violente jalousie. Pour mettre un terme 
aux emportements de Sara , Abi*aliam sentit qu'il était 

I Coran, XXJ, 69. 



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LA MEEJiE. l65 

nécessaire d'éloigner de sa vue les objets de son aver- 
sion. Dieu lui-même lui ayant commaudé de donner 
satisfaction à Sara, il emmena Agar et Ismaël en 
Arabie. Instruit par une révélation céleste de l'endroit 
où il devait les établir, il les conduisit au lieu où 
depuis fut bâtie la Mekke. 

Ce lieu était alors un désert sans eau et sans vésé- iietiabandoDaé. 

... «vec Agar, tf«M la 

tation. Arrivé là, Abraham fut effrayé de Taridité de ffUÊ^Jf*^* **• 
la solitude dans laquelle il allait laisser Ismaël et sa 
mère. Cependant, plaçant sa confiance en la Provi- 
dence, il dit à Agar : « Je vous quitte ici , et vous 
a remets aux soins de Dieu. — Quoi ! s'écria Agar 
1 en s'attachant à lui, abandonneras-tu dans un dé- 
«c sei't une femme saus force et un jeune en&ut? » 
Abraham lui répondit : « J'obéis à l'ordre du ciel. f> 

Après le départ d'Abraham, Agar eut bientôt épuisé 
le peu de provision qu'elle avait. Dans son désespoir, 
elle parcourait à grands pas l'espace qui s'étend entre 
les collines aujourd'hui nommées Safa et Mai^a , 
cherchant eu vain de l'eau pour étancher sa soif et 
celle de son fils. Pendant ce temps , le jeune Ismaël, 
se voyant loin de sa mère , se mit à pleurer et à frap- 
per la terre du pied. Une source parut aussitôt. Aux 
cris de son enfant, Agar accourut, et aperçut l'eau qui 
jaillissait. A cette vue, elle fut remplie de joie, et, 
craignant que l'eau ne se perdit, elle apporta de la 
terre qu'elle plaça autour de la source , de manière à 
former un bassin. C'est cette même source qui ali- 
n^ente encore maintenant, disent les musulmans ^ le- 
puits célèbre nommé puùs de Zamuim. 

Or il y avait dans cette contrée une tribu d'Arabes 



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»66 LIVRE Ut. 

DM Aniiica l'é- Aniâlica ' , qui campaient du côté du mont Arafat. 

UUissent près de ^ ^ ^ 

*^^ Deux de ces Aroâlica erraient , presses par la soif, en 

cherchant des chameaux égarés, lis remarquèrent des 
oiseaux qui voltigeaient et s'abattaient au pied d'une 
colline, et jugèrent qu'il devait se trouver de l'eau en 
cet endroit. Guidés par cet indice, ils arrivèrent près 
de la source, et dirent à Agar : a Qui es-tu? quel est 
<« cet enfant ? et d'où vient cette eau ? Nous n'en avons 
« jamais vu ici , depuis des années que nous habitons 
a ce désert. » Lorsque Agar eut répondu à leurs ques- 
tions, et leur eut appris le miracle opéré en faveur 
d'Ismaël , ces Arabes conçurent pour son fils et pour 
elle un grand respect. Ils lui demandèrent la permis- 
sion de s'établir avec eux auprès de cette eau. Agar 
y ayant consenti , la tribu transporta son camp eu ce 
lieu. 

Ismaèl grandit parmi les Amâlica. Il avait sept ans 
lorsque Abraham vint pour l'immoler, suivant l'ordre 
qu'il avait reçu de Dieu *. Le démon voulut empêcher 
Abraham d'obéir. Tandis que le père résigné condui- 
sait son fils à l'endi-oit où le sacrifice devait s'accom- 
plir, Satan, sous une figure humaine, se présenta 
trois fois devant Abraham, et essaya de le détourner 
de son dessein. Trois fois Abraham repoussa le ten- 
tateur à coups de pierres ^. Enfin il levait le couteau 
sur Ismaêl; mais l'ange Gabriel , arrêtant son bras, 
lui permit, au nom du Seigneur, de racheter le sang 
de son fils par l'immolation d'un. bouc. 

1 Tarikfi-el'Khamtcjr^ f. 43. 

2 ToHkh'el'KltamCcjrf ibid. 

3 faiikh-el-Khamicy^ f. 44- 



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LA M£KHE. 167 

Ismaél était parvenu à l'âge viril quand sa mère 
Agar mourut. Les Arabes Amilica se dirent alors en- 
tre eux : <c Cette source appartient à ce jeune homnie ; 
« c*est pour lut que le ciel l'a fait jaillir. S'il quitte 
n cet endroit , elle tarira sans doute, n Dans cette 
pensée, et pour fixer irrévocablement Ismaêl parmi 
eux , ils lo déterminèrent à épouser une jeune fille 
Amâlica, qu'Ibn-Khaldoun nomme Amâra, fille de 
Said. 

Cependant Abraham visitait de temps en temps 
ismaël. L'année qui suivit le mariage de celui-ci , 
Abraham vint pour voir son fils. Sara avait fait pro- 
mettre à son mari qu'il ne descendrait pas de sa mon- 
ture. Il se présenta devant l'habitation d'Ismaêl, et 
frappa. La femme d'Ismaël s'avança sur la porte, et 
Abraham lui dit : « Qui es^tu ? b Elle répondit : « Je 
« suis la femme dlsmaël. » Abraham lui demanda : 
«c Où est Ismaêl ? — Il est à la chasie , » répondit- 
elle. Abraham ajouta : «c Je ne puis mettre pied à 
« terre. N'as4u rien à me donner à manger?» Elle 
répondit : a Je n'ai rien ; ce pays est^ un désert. «> 
Abraham n'avait demandé à manger que pour éprou- 
ver la femme d'Ismaël. a Je m'en retourne, lui dit-il. 
«Lorsque ton mari reviendra, dépeins-lui ma per- 
ce sonne, et dis*lui que je l'engage à changer le seuil 
« de sa porte. » 

Quand Ismaël fut de retour, sa femme lui fit le 
portrait de l'éti^angcr, et lui rapporta ses paroles. Is- 
maël reconnut le voyageur, et , comprenant le sens 
mystérieux du conseil qui lui était transmis, il ré- 
pudia aussitôt sa femme. 



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l68 LIVRE III. 

comoienccHkeni Sur ces entrefaites, deux nouvelles tribus, arrivant 

de» Djortiom et des » , . , , % • a ai» 

uJiîîp'aiJffduter "" ^^"> Vinrent planter leurs tentes près des Âmalica. 
rHoiredei.iiette.j^^ trlbus étaient les enfants de Djorhom et ceux de 

Catoura. Le chef des premiers se nommait Modliâdh 
(ou Âl-modhâdh); le chef des seconds, Samaydà. 
Suivant l'auteur du Tarîkh-el-Khamicy , les Catoura 
étaient cousins des Djorhom , issus comme ceux-ci 
de-Gahtan ou Yectan '. 

Les Amalica, voyant avec déplaisir ces nouveaux 
venus, formèrent le dessein de les expulser^. Mais, 
depuis quelque temps , les hommes de cette tribu se 
livraient entre eux à des injustices et à des violences 
qui avaient excité le courroux céleste. Dieu , pour les 
punir d'avoir profané une terre à laquelle il avait at- 
taché un caractère de sainteté, suscita contre eux des 
fourmis , qui les forcèrent de s'éloigner ^. 

Les Djorhom et les Catoura demeurèrent ainsi en 
possession du pays. Ismaël resta au milieu d'eux, et 
contracta avec eux une alliance, en épousant la fille 
du chef ou roi djorhomite Modhâdh. Cette fille est 
appelée par les uns Râla (ou Wàla ), par les autres 
Sayyida. 

Or, peu de temps après, Abraham retourna vers 
Ismaël. Sara avait encore exigé de lui le serment de 
ne pas descendre de sa monture. Ayant frappé à la 
porte de l'habitation de son fils , il vit une femme 

X Tarikhel-Khamic), f. 44 y". CeUe assertiou est contraire a celle d'au- 
tres auteurs citée livre I, p. ao. Ou voit que les Arabes n'avaient point de 
notions traditionnelles sur Toriginede Catoura, et que les opinions émises 
à cet égard par les historiens sont de simples conjectures. 

a TaHkh'el'Khamicyj ibid. 
I [3 Àghàni, III, 396 v"*. Fresnel, Journ, asiat,, août i838, p. ao;. 



▲Ibance disiM«l 
avec les QJorboiD. 



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LA M&&KE. 169 

d'une belle taille et d'uue physionomie pleiue de dou- 
ceur s'avancer au-devant de lui. « Qui es-tu? » lui 
denianda-til. Elle répondit : a Je suis la femme dls- 
« maèl. » Abraham reprit : « Où est Ismaël ? — Il est 
« à la chasse, » répliqua-t-elle. Alors Abraham, vou- 
lant aussi éprouver cette femme, lui dit : <c Peux-tu 
« me donner quelque chose a manger? » Elle répon- 
dit : a Oui;» et à l'instant elle rentra, puis revint 
bientôt, apportant du lait, de la viande cuite et des 
dattes, et dit à Abraham : a Excuse-nous, car nous 
« n'avons pas de pain. » Abraham mangea un peu 
de ce qui lui était offert, bénit ces aliments , et dit : 
a Puisse Dieu multiplier en votre faveur, dans cette 
« contrée, ces trois espèces de nourriture ^ ! >i 

Après cela, la femme dlsmaël dit à Abraham : 
« Mets pied à terre, afin que je lave ta tête et ta 
<c barbe, a Abraham lui répondit : « Je ne puis des- 
« cendre. » Mais , conservant un pied sur sa monture, 
il plaça l'autre sur une pien*e , et se mit ainsi à la 
portée de la jeune femme , qui lava la poussière dont 
sa barbe et son visage étaient couverts. 

Au moment de repartir, Abraham dit à la femme 
de son fils : a Quand Ismaël reviendra , dépeins-lui ma 
a figure, et dis-lui de ma part que le seuil de sa porte 
« est également bon et beau. » Au retour d'ismaël , 
sa femme lui raconta ce qui s'était passé. Ismaël lui 
dit : <c Celui que tu as vu est mou père. Le seuil de 

I Tabari ajoule que» depuis ce vœu d*Alirabam» le lait, la viande et les 
dattes se trouvent eu plus grande abondance à la Mekke que partout ail- 
leurs, et que le pain y serait également commun^ si la femme d'ismaël avait 
pu en présenter à Abraham. Toy. trad. de Dubcux, p. 159. 



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170 LIVRE 111. 

tt ma porte , c'est toi*tneiae. Il m'ordonne de te gar- 
« der. » Ce fut, dît-on ' , cette fille de Modhâdh qui 
donna à Ismaël tous les enfants qui ont perpétué sa 
race. 
coMiiueuon de u Ici est placé , dans les légendes arabes , le récit de 
la construction de la Càba ou tanpie de la Mekke , 
attribuée à Abraham et Ismaël par le Coran, d'après 
une croyance qui remonte à des temps bien antérieurs 
à Mahomet. 

^ Les théologiens musulmans assurent que le type 
de la Càba fut construit dans le ciel avant la création 
d'Adam, et qu'il y fut l'objet de la vénération des 
anges, auxquels Dieu commanda de s'acquitter, au- 
tour de cet édifice céleste , de la cérémonie des tour- 
nées saintes, appelées Tawdf. Adam, qui fut le pre- 
mier vrai croyant , érigea la Càba sur la terre , dans 
son emplacement actuel , précisément au-dessous de 
celui qu'elle occupait dans le ciel. Tous les ans , il 
partait de la montagne qui porte encore aujourd'hui 
le nom de Pic d Adam , dans l'île de Sérendîb (Cey- 
lan ) , et venait faire processionnellement le tour de 
ce temple. Les docteurs musulmans ajoutent qu'après 
Adam, son fiIsChît (Seth), répara la Càba, et qu'à 
l'époque du déluge elle fut enlevée au ciel, à l'exception 
de ses fondements, qui restèrent cachés sous le sol. 
Or Dieu, suivant les mêmes auteurs, commanda 



I Tarikh'el''Khamicjy f, 45. 

a Tabari, Irad. de Dubeui, p. 180 et siiiv. Tarikit-el-Kliamicy^ f. 40 \", 
4a, 45 el w". D'Ohsson, Tabt. de tcmp. ott.^ vol. IIF, p. 1 5i el suiv. Burc- 
khardl, f^ojag, en Àiab., (rad. d'Eyriès, vol. I, |h 217. Colb-edJîn, Hisl. 
<fe la Mekkc. 



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LA MlfKKE. fyi 

à Abraham de rebâtir ce sanctuaire avec l'aide dls- 
maâ. Abraham viut donc trouver son fils, hii com- 
muniqua l'ordi'e du ciel ; et tous deux se mirent en 
devoir de l'exécuter, d'après des proportions que 
Dieu lui-même leur fit connaître. 

Ils creusèrent d'abord des tranchées d'une profon- 
deur égale à la stature d'un homme, et découvrirent 
les fondations posées par Adam. Ils élevèrent ces fon- 
dations jusqu'au niveau du sol; puis ils taillèrent des 
pierres dans les montagnes voisines, pour construire 
les murs. Comme Ismaêl était allé en chercher une u nem noire. 
pour marquer l'angle d'où devaient commencer les 
tournées, Tawdf^ il rencontra l'ange Gabriel, qui lui 
apportait celle qui est devenue fameuse sous le nom 
de la Pierre noire, El-Hadjar'eUaswaiL Elle était 
alors d'une blancheur éclatante; .mais elle devint 
noire, dit £1-Azraki, parce qu'elle souffrit plusieurs 
fi^is des atteintes du feu , tant avant qu'après l'isla- 
misme. D'autres écrivains prétendent que sa couleur 
changea, à cause des péchés de ceux qui la touchaient. 

Abraham et Ismaël s'étaient , dit-on , partagé ainsi 
le travail : le père bâtissait, et le fils lui donnait les 
pierres; celui-ci faisait les fonctions de manœuvre, 
celui-là celles de maçon. 

Lorsque le mur fut parvenu à une certaine hau- aLicim ibrahtm. 
leur, Abraham , afin d'en pouvoir atteindre la partie 
supérieure , posa un quartier de roche sous ses pieds. 
Cette roche, que Ton montre encore de nos jours, ' 
est appelée Macdm Ibrahirriy le piédestal d'Abraham. 
Elle présente à sa surface un creux que les musul- 
mans assurent être Tempreinte du pied du patriarche. 



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171 LIVBE III. 

Abraham donna à l'édifice neuf coudées de haut, 
sur trente-deux de long et vingt-deux de large. 11 en 
plaça l'entrée du côté de l'orient, non pas élevée 
au-dessus du sol comme elle est aujourd'hui, mais 
au rez de terre, et sans porte. Elle demeura en cet 
état jusqu'au moment oîi l'un des Tobba himyarites 
y mit une porte et une serrure. 

Abraham creusa aussi dans l'intérieur du sanctuaire, 
à droite en entrant, un souterrain destiné à recevoir 
les dons provenant de la pieuse libéralité des hommes. 

Le temple étant achevé , Abraham et Ismaël le 
vouèrent au Seigneur, et Tange Gabriel vint leur in- 
diquer les, prières et les diverses pratiques relatives 
au pèlerinage. Il leur enseigna à se préparer à cet acte 
par l'état de mortification, ihrdm^ à faire les sta- 
tions d'Arafat, de Mouzdélifa, et le jet des cailloux, 
suivi de l'immolation des victimes dans la vallée de 
Mina, etc. 

Abraham monta ensuite, par l'ordre de Dieu , sur 
la montagne d'Abou-Goubays, et fit retentir dans les 
aii*s cette invitation adressée à tous les humains pré- 
sents et à venir : « O peuples ! accourez à la maison 
« de votre Dieu! » La voix du patriarche fut enten- 
due de toutes les créatures, et des millions d'âmes, des- 
tinées à la grâce d'accomplir le pèlerinage, répondi- 
rent: ^Lebbeyk allahoummaj Nous voici, Seigneur! » 

Enfin, Abraham appela Ismaël, et lui dit : « Ma 
« tâche est terminée. Je pars, et te confie tout ce pays 
« et ce temple, dont Dieu le constitue le gardien. » 
Abraham se mit alors en route , et retourna eu Syrie, 
auprès de Sara. 



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LA MRKKE. 1^3 

Telles sont les traditions sur lesquelles les musul- 
mans fondent lorigine de la Càba , et des pratiques 
observées encore à présent dans Pacte du pèlerinage. 
Ces traditions sont évidemment mythologiques. 
Abraham et Ismaël doivent être considérés ici comme 
des personnages symboliques qui représentent leur 
postérité. Les récits précédents, expliqués en ce sens, 
offrent probablement des vestiges de faits réels. On 
peut y reconnaître la race dlsmaël croissant parmi 
une ancienne peuplade arabe, qualifiée du nom vague 
d'Amâlica ; puis une famille yectanide sortie du Yaman 
(les Djorhom}, et une autre famille née d'Abraham 
et de Céthura (les Catoura ), venant s'établir près des 
enfants d'ismaël , et se substituer avec ceux-ci à la 
première peuplade, dans la possession des lieux ; en- 
6n, on voit les descendants d'Abraham par Ismaël 
ériger un temple et instituer un culte. 

Mais à quelle époque remonte la fondation de ce 
temple? Fut-il originairement dédié au Dieu d'Abra- 
ham ou aux divinités païennes ? Sur ces deux points, 
il serait téméraire de hasarder des conjectures. 

Un écrivain musulman , qui n'accordait pas appa- 
remment une foi absolue à des traditions même con- 
firmées par le G)ran, Chaharistâni ', prétend que la 
Càba avait été primitivement un temple consaci*é à 
Zouhal, ou Saturne. Toutefois , il n'allègue aucune 
autorité à l'appui de celle assertion. Avec encore 
moins de fondement, Bruce ^ suppose que Sésostris 
fut adoré dans la Càba sous le nom d'Osiris. 



I Cilé par Pococke, Specim. hist. ar,^ p. xao. 

a Voyage en Nubie et en Abyssinie, toi. I, p. 588. 



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1^4 LIVftF III. 

Le plus ancien document authentique relatif à la 
religion des Arabes est fourni par Hérodote, qui di- 
sait , près de trois siècles avant notre ère : « Ils ado- 
« rent Bacchus sous le nom SOurotaL^ et Uranie sous 
« celui èiAlilat. » 11 est vraisemblable, comme Ta 
pensé Pococke, qi\^ Ourotal et Alilat désignent, non 
pas précisément Bacchus et Uranie, mais le Dieu su- 
prême, AlliUiourTaàla y et les divinités subalternes 
AUaUhat. C'était là en effet, comme je rexposerai 
ailleurs, d après les témoignages des Arabes eux-mâ- 
rae^, leur culte antique, celui qu'ils professaient en- 
core dans les siècles voisins de l'islamisme. 

Quant au temple de la Mekke , Hérodote n'eu in- 
dique pas l'existence. Diodore de Sicile, qui écrivait 
environ un demi-siècle avant Jésus-Christ, est le 
premier auteur grec qui en ait parlé. Du moins, je 
crois reconnaître la Càba dans le passage où cet his- 
torien , décrivant la partie de l'Arabie que baigne la 
mer Rouge, dit : ce II y a dans ce pays un temple 
« très-révéré de tous les Arabes '• » On sait que la 
Càba est le seul édifice religieux qui ait obtenu eu 
Arabie ce res()ect général. Sa fondation était sans 
doute bien antérieure à Diodore, mais aussi très- 
postérieure à l'époque que lui assignent les croyances 
musulmanes. 

La première tradition historique arabe qui fasse 
mention de la Càba rapporte que ce temple ayant été 
détruit par un torrent formé par les pluies , fut re- 
construit, dans ses dimensions anciennes, sous une 

I Diodore, Bibl. iiù/,,ii\: 111, p. au. Édit in-foL, Amsterdam, 1746. 



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LA MEKKK. 175 

clyDastiedjorhoinile que j appelle les seconds Djorlioni 
ou Djorhom de la seconde phase ' , et dont je ferai 
?oir plus tard que la domination sur la contrée de la 
Mekke a dû commencer moins d'un siècle avant Tère 
chrétienne. Ceci pourrait induire à penser que la 
construction primitive d'un édifice assez peu solide 
pour être renversé par les eaux pluviales, ne remon- 
tait pas à une très-haute antiquité. Il paraît du moins 
impossihle de partager l'opinion de Bruce, qui re- 
garde comme vraisemblable que la fondation de la 
Càba date du temps de Sésostris, c'est-à-dire, d'envi- 
ron dix-sept siècles avant J. C. , et qu'elle doit être 
attribuée à ce conquérant. 

La vénération que les Arabes ont eue de temps im- 
mémorial pour le nom d'Abraham , l'image de ce pa- 
triarche qu'on sait avoir été placée dans la Càba ^, la 
petitesse des dimensions de ce temple, et l'imperfection 
probable d'un travail que des pluies ont suffi pour 
détruire , tx>ut semble attester que la Càba fut l'ou- 
vrage , non d'une nation puissante et avancée dans 
les arts, telle que les Égyptiens, mais d'un peuple 
grossier, tel que les Arabes du Hidjaz» et, parmi ces 
Arabes , des descendants d'Abraham par Ismaëh 

Postérité d'ismaél. 

Selon les musulmans, après Abraham, la dignité 
patriarcale passa à deux personnages à la fois, à 

I Toy. précédemment, liv. I, p. 34. 

a Ce £iil esl rapporté dans foules les histoires de Mahomet. Voy. no- 
UoNDent Abouiféda, trad. de ^. Desvergers, p. 75 et i32. 



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176 LIVRE III. 

Ismaël et Isaac. Mais comme Isinaël élait rainé , et 
qu'il fut ie père de la tribu dans laquelle Mahomet 
naquit, ils lui donnent le premier rang ^ 

Ismaël reçut de Dieu la mission de prêcher la foi 
aux Djorhom , aux Catoura , aux Amâlica, dont les 
Catoura, suivant plusieurs auteurs , étaient une frac- 
tion , et h tout le reste des Arabes. Quelques-uns , 
notamment les Catoura et les Djorhom, embrassèrent 
la religion qu'il leur annonçait; les autres demeurè- 
rent plongés dans les ténèbres de l'erreur'. Ismaël 
mourut âgé de plus de cent trente ans, laissant douze 
(ils y dont l'atné était Nâbit (Nabayot), le second 
Caydar ( Cédar ) ^. Ces fils et leurs descendants, iden- 
tifiés avec les Arabes par la communauté de mœurs, 
de langage, de patrie, sont désormais appelés Arabes, 
mais distingués par la qualification de Moustaribaj 
c'est-à-dire , devenus Arabes. Je les nommerai sou- 
vent Ismaélites. 

Nâbit, disent les historiens musulmans, succéda 
à son père Ismaël dans les fonctions de gardien ou 
ministre de la Càba. A la mort de Nâbit, l'intendance 
du temple passa aux Djorhom. Le chef de cette fa- 
mille, qui devint possesseur de cette dignité, est 
généralement appelé Modhâdh. La postérité d'Ismaël 
se réunit autour de lui. Modhâdh se fixa avec elle 
dans la partie supérieure du terrain où se forma , 

I Reinaud> Mon. musul,, vol. I, p. 149. 

a U)n-KhaldouD, f. i3 vo, 17, i5o t^. 

3 Leê noms des dix autres, teU qu'ils sont écrits dans le Sirat-erraçoul 
(f. 1 V*) et dans Ibn-Khaldoun (f. 17), sont également semblables i ceux 
que donne la Genèse (XXV, i3, 14, 1 5), sauf raltéralion que subit l'or- 
thographe des mots par la transcription de lliébreu en arabe. 



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L4 MBKKE. 177 

longtemps après ^ la ville de la Mekke. Les Catoura, 
qui habitaient les mêmes lieux, s'installèrent dans la 
partie basse, avec leur chef ou roi Samaydà. Modhâdh 
et Samaydà partageaient l'autorité. Le premier per- 
cevait des droits sur les voyageurs qui entraient par 
en haut, le. second sur ceux qui arrivaient par en bas^ 
dans la localité occupée par le campement de la co- 
lonie rassemblée près de la Càba. 

Cet état de choses eut un terme. La rivalité se mit combat entre mo- 

, . dhédh.rotdeDlor- 

CDtre les deux pnnces ; chacun d eux aspirait a la SJÛ'e cnîîîîu***' 
supériorité du pouvoir. Enfin la guerre éclata. Les 
Ismaélites faisaient cause commune avec Modhâdh. 
Après un combat dans lequel périt Samaydà, les Ca- 
toura vaincus entrèrent en pourparlers. Quelques-uns 
se soumirent à Modhâdh, et le reconnurent pour roi 
de la contrée. La plupart s'éloignèrent, et se retirèrent 
plus au nord. Des peuplades Amâlica étaient répan- 
dues dans le Hidjâz septentrional. Les Catoura du- 
rent se confondre avec elles , et de là vient apparem- 
ment qu'ils ont été comptés par plusieurs écrivains 
au nombre des Amâlica. Cette bataille entre Modhâdh 
et Samaydà fut , ajoutent nos auteurs , la première 
violation sanglante du territoire sacré de la Mekke '. 
Pris à la lettre , ce récit placerait le fait dont il 
s'agit à une époque très-voisine d'Ismaël. Car le Mo- 
dhâdh qui y joue le principal rôle serait, d'après les 
textes arabes, le grand-père maternel de Nâbit, 
c'eat-à-dire, le père de la jeune fille djorhomite qu'U- 

f SirMi-errofoui, f. 17. Tarikh-el-Kkamicy^ f. 49 ▼*. jighdni^ lU, agS 
^^ et agS. Fretnel, Extr. et trad. dé fAghdtû^ Journ, iuiat,, aoàt i83S, 
pu Y 96 et sahr. Eîehoni, Mott. amt, hist^ p. 79. Ibn-KJialdotui, t i5o ▼*. 

la 



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lyS LIVRE m. 

maël avait y dit-on, épousée. Il ea résulterait que 
Modhâdh aurait survécu à la première génération au 
moins des enfants d'un gendre qui avait fourni une 
(^arrière de plus de cent trente années. Les Orientaux 
ne font pas difficulté d'attribuer à des personnages 
antiques plusieurs siècles d'existence. Pour nous, qui 
ne saurions accorder à ce Modhâdh une aussi grande 
longévité, nous supposerons que le nom de Modhâdh, 
lequel reparaîtra deux autres fois parmi ceux des 
chefs ou rois de Djorhom , indique , pour ces temps 
anciens, le chef, quel qu'il fût, de la famille djorhomite, 
de même que le nom deSamaydà était, suivant ibn- 
Said ', un titre désignant les chefs de certaines hordes 
d'Amâlica, autrement des Catoura. 

Si, comme je le pense, le mariage d'Ismaël avec 
une fille djorhomite figure l'alliance, la fusion des 
Ismaélites avec les Arabes, ce conûit entre Modhâdh 
et Samaydà , suivi de la soumission ou de l'éloigne- 
ment des Catoura, pourra sembler représenter les 
enfants de Céthura et d'Abraham, après avoir vécu 
quelque temps parmi les Ismaélites et autres Arabes, 
cédant la place à ces peuplades plus fortes qu'eux, et 
allant prendre domicile vers l'extrémité du golfe Ara- 
bique , dans la contrée appelée depuis la terre Ma- 
dianite. 

Il est presque superflu de faire observer que le 
théâtre des &îts relatifs à l'histoire primitive de la 
race d'Ismaël , ciixonscrit par les traditions arabes à 
la vallée de la Mekke, doit évidemment être étendu 
à un plus vaste espace. 

2 Cité par Ibo-Khaldoun, f. la. 



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hk MEKKE. 179 

Cette vague notion d'une lutte entre les familles 
auxquelles on donne ainsi la Mekke ' pour rési- 
dence , est le seul document qu'offrent les écrivains 
arabes sur Thistoire des Ismaélites pendant un grand 
nombre de siècles. Une immense lacune est ouverte 
ici dans la suite généalogique des enfants dlsmaël , 
sans qu on puisse , de l'avis des auteurs les plus judi- 
cieux , y placer aucun nom avec une apparence même 
de vraisemblance. Depuis la génération de Nâbit et 
de Caydar^ le premier rejeton de la tige d'ismaël 
que l'on connaisse, ou que l'on croie connaître d'une 
manière certaine, est Adnân. On le regarde généra- 
lement comme issu de la branche de Caydar. C'est un 
des ancêtres de Mahomet. La distance entre Âdnân 
et Ismaël est estimée, par Tabari et autres auteurs, à 
quarante générations. Ibn-Khaldoun pense que cette 
évaluation est encore beaucoup trop faible ^ , et il a 
sans doute raison; l'on en verra bientôt la preuve 
quand je fixerai l'âge d'Adnân. 

La Bible ne nous présente guère plus de données i>o«»jj^g^** 
que les légendes arabes pour suivre , pendant tout ce 
long intervalle de temps, les traces de la postérité 
dlsmaël. On ne rencontre que^de loin en loin , dans 

I A rexemple des écrivains masulmans, et pour éviter les périphrases, 
je me servirai souvent de Texpres&ion la Mekke, pour indiquer Teniplace- 
meiit sur lequel la ville a été bâtie dans la suite. Les Arabes, qui habitaient 
cette localité , paraissent avoir vécu très-longtemps sous des tentes. Au 
rapport des historiens, ce fut seulement à Tépoque de Cossay, vers le milieu 
du cinquième siècle de notre ère , que les premières maisons de la ville de 
la Mekke furent construites. Jusqu*aIors il n*y avait eu à la Mekke d'autre 
édifice que la Càba, ainsi que j'ai déjà eu Toccasion de le dire précédem- 
lent. 

a Ibn-Khaldoun, t 3, 187 v*, (38. 

12. 



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i8o LIvÀK ni. 

rÉcritiire sainte ^ le nom des Ismaélites. On les voit 
d'abord figurer comme marchands. Un demi-siècle 
après la mort de leur père, une de leurs caravanes, 
portant des parfums , de la résine et de la myrrhe, 
passe près de la citerne où Joseph avait été jeté par 
ses frères % achète Joseph, et va le vendre en Egypte 
à Putiphar. 

Cinq siècles plus tard, on les trouve combattant 
contre les Israélites commandés par Gédéon '. Ils sont 
mis en déroute avec leurs alliés, les M adianites et les 
Amalécites , et Gédéon demande pour sa part de bu« 
tin leurs pendants d'oreilles. Le nombre de ces bi- 
joux enlevés aux vaincus est assez considérable pour 
fermer un poids de dix-sept cents sicles d'or. Cette 
circonstance fait naiti*e l'idée que ce peuple n'était 
pas pauvre , et qu'il avait au contraire acquis des ri- 
chesses par le commerce. L'esprit de négoce s'est per- 
pétué dans quelques branches de la race d'Ismaël ; on 
le remarquera parttcuUèrement dans les Coraychites. 
Les autres descendants d'Ismaël ont plus spécialement 
le caractère de pasteurs guerriers. 

A un intervalle d'encore cinq siècles environ, Isaie 
profère des menaces contre les enfants de Caydar; il 
dit que leur gloire sera détruite, et les signale comme 
d'iiabiles archers ' ; il parle de leurs nombreux trou- 
peaux et des béliers de Nabayot^ ( Nàbit des Arabes). 

I Gêmèâe,XXiyn, ^5. 

a JugeSf TI» 33; VU, la; Vm, %^, iS. Eu eonptruit eet trois jcitft- 
tioiit da lÎTre des Juges, on remarque que les Arabes ismaéKtes sont dé- 
signés deux fois sous le dob de people de l'Orient. 

3 Isaie, XXI, i6, 17. 

4 Iiaie, XL, 7. 



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Lk MRKKE. l8l 

On voit ici la postérité d'Ismaël divisée en deux ra- 
meaux y la Êimille de Nâbit et celle de Caydar. L'on 
sera porté à les supposer Tune et Tautre assez puis- 
santes y d'après ces expressions du prophète ^ surtout 
si l'on attache un sens métaphorique au passage , Léfs 
béliers de Nabayot te serviront (arietes Nabayot 
Qiinîstrabunt ttbi ), passage dans lequel le mot béliers 
paraît désigner des chefs, des personnages marquants. 

I^es menaces d'Isaîe s'accomplissent au bout de près 
d'an siècle, et Holopherne, général de Nabuchodo- 
nosor ly pille les enfants dlsmaël, qui étaient à la 
face du désert (contra faciem deserti ) ' . 

Deux siècles après Isaie, Jérémie annonce la dé- 
vastation du pays de Caydar par le roi de Babylone ' ; 
et Ezéchiel, prophétisant la ruine de Tyr , fait men«* 
tion des relations commerciales de cette ville avec 
les princes issus de Caydar ^. 

La Bible se tait ensuite sur le sort des tribus is« 
maélites. Mais , au point même où commence ce si - 
lence, les écrivains arabes nous fournissent la légende 
suivante : 

Bokht-Nassar avait envahi le Hidjâz ; ses troupes Doea««HiMr^ 
portaient de tous cotés la désolation et la mort. Dieu 
ordonna à Érémia (Jérémie) et à AbraUiia (fiaruch) 
de soustraire Maàdd, 6Is d'Âdnân, descendant d'Is- 
maël, à la fureur du conquérant. Alors enfant de 
douze ans, Maàdd fut emmené du Hidjâz par les deux 
prophètes, qui le conduisirent à Harrân, le tinrent 

I Joditby n, i3. 

3, Ezéchiel, XXVII, ai. 



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l82 LIVRE III. 

caché dans leur famille, et lui communiquèrent la 
connaissance de leurs livres saints. 

Cependant Adnân réunit les Ismaélites et les Djor- « 
bom , habitants de la contrée de la Mekke j pour 
s'opposer à Bokht-Nassar. Ils soutinrent contre le roi 
babylonien un grand combat, au lieu nommé Dhàt- 
Irk. Après une sanglante déroute, ils se dispersèrent, 
et cherchèrent un refuge , les uns dans le Yaman, les 
autres dans les montagnes du Hidjâz. Bokht-Nassar 
retourna à Babylone, traînant à sa suite une multi- 
tude de captifs. Adnân mourut bientôt après. 

Quand le fléau dévastateur fut passé, et que Bokht- 
Massar eut cessé de vivre , les débris de la population 
du territoire de la Mekke, et principalement les 
Djorhom, se rassemblèrent et reprirent leur ancienne 
demeure. Maàdd revint aussi. Il avait alors atteint 
l'âge viril. Il s'informa s'il restait parmi les Djorhom 
quelque membre de la famille de Modhâdh. On lui 
indiqua le chef de la tribu, Djorchom % fdsde Djahia, 
auquel il demanda en mariage sa fille Maâna. De 
cette union féconde sortit une race nombreuse, et en 
quelque sorte une nouvelle nation ismaélite *. 

Ce récit , bien que rapporté par de graves histo^ 
riens, renferme un anachronisme grossier. Après le 
siège et la prise de Tyr , les armées de Nabuchodo- 
nosor II, en marchant à la conquête de l'Egypte, 

i Ce uom est écrit le plus souvent Djorchom^ el quelquefois Djorhom, 
Dans VAghAni (n, i33 t**), on le trouve sous la forme de Djauçam^ fils de 
Djolkom, 

a Ibn-Khaldoun (d*après Tabari, Sohajli, etc.), f. iio v», m ▼•, i38. 
TarAk^eUKkamiex, f. 65 v*. Voy. Jàul/, hist. antêUI, de Fleiscbcr.^ 
p. 73. 



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L4 MEK&E. 



i83 



peuvent sans doute avoir ravagé sur leur passage une 
partie de TArabie. Mais cet événement , qui daterait 
de 577 ans avant J. C, est nécessairement de beau- 
coup antérieur à Adnân et à son fils Maàdd. £n effet, 
si , comme tous les historiens l'assurent , la généa- 
logie de Mahomet jusqu'à Adnân est parfaitement 
exacte et sans lacune , le calcul des générations bien 
connues, comprises entre ces deux personnages , ne 
permet pas de reculer la naissance d' Adnân plus loin 
que Tan i3o environ avant notre ère. U y a donc au 
moins quatre siècles d'intervalle entre Tâge viril 
d'Adnâu et l'irruption des troupes de Nabuchodo- 
nosor II dans le Hidjâz. Ce n'est point une raison 
suffisante pour reléguer complètement la légende dans 
le domaine des fables. Elle peut contenir quelques 
indices de faits véritables , ainsi que bien des tradi- 
tions anciennes qui ont été modifiées et arrangées 
dans des temps plus modernes. 

La postérité d'Ismaël, frappée et presque détruite 
par Nabuchodonosor H, comme l'annonçaient les 
prophéties de Jérémie ' , puis se relevant longtemps 
après ce désastre et se multipliant par quelques reje- 
tons échappés au fer du conquérant, ne paraît per- 
sonnifiée sous les noms d' Adnân et de Maàdd , noms 
qui appartiennent à une époque comparativement 
plus récente, et qui sont employés par anticipation. 

A la vérité, la distance qui sépare Adnân et son fils 
Maàdd de Nabuchodonosor, et la solution de conti- 
nuité dans les anneaux de la chaîne ismaélite, en re- 

I Jérémie, XLIX, a8, ag, 3i, îa. 



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l84 LlVftB III. 

montant en arrière d'Adnân , semblent au premier 
coup d'œil pouvoir faire douter si Adnân était effec- 
tivement issu d'Ismaël. Mais les opinions sont telle- 
ment unanimes à Fégard de cette descendance, que 
ne pas l'admettre serait pousser à l'excès le scepti- 
cisme. Les Arabes du Hidjâz et du Nadjd , enfants 
d'Adnàn par Maàdd, ont toujours regardé Ismadl 
comme leur auteur. Cette conviction , source de leur 
respect pour h mémoire d'Abraham , était trop gé* 
nérale et trop profonde pour ne pas reposer sur un 
fondement réel. Enfin Mahomet, qui se Élisait gloire 
de son origine ismaélite , n'a jamais été contredit suit 
ce point par les Juifs , ses ennemis. 

J'accepte donc la légende interprétée en ce sens que,, 
dans un temps plus ou moins postérieur à Nabucho- 
donosor I{, quelques faibles restes de la race dis» 
maêl, désignés sous la dénomination collective et an*^ 
ticipée de Maàdd , et conservés peut-être parmi les 
Israélites, paraissent dans la contrée de la Mekke,^ 
occupée alors par les Djorhom ; qu'ensuite Maàdd , 
fils d' Adnân (non plus être collectif, mais individu)^ 
l'un de ces descendants dlsmaël , s'unit par un ma- 
riage avec la tribu de Djorhom, et devient la souche 
de la nombreuse population qui couvre plus tard le 
HidjAz et le Nadjd. 

Ici se présente un singulier rapprochement. Cet 
établissement de Maàdd sur le territoire de la Mekke, 
son mariage avec une Djorhomite, sont la répétition 
de ce qui est rapporté d'Ismaël son ancêtre. Dans ces 
faits doubles, Ismaël est sans doute un mythe ; Maàdd 
est probablement la réalité. 



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LA M£&KE. 



Detceodaiitt d'AdnâD. 



[85 



La filiation des descendants d'Âdnân par Maàdd 
est Êicile à suivre. Je vais faire connaître les princi» 
pales ramifications de cette grande famille ^ jusqu'au 
temps où commence à s'élever la tribu de Coraych. 

La généalogie de Mahomet , généralement consi- 
dérée comme certaine , et la date de sa naissance, 
r^ardée comme certaine aussi, à une ou deux années 
près, permettent d'évaluer approximativement, par 
le calcul des générations , l'âge de tous les individus 
qui se trouvent placés dans la ligne directe de Ma- 
bomet à Adnân , et même dans les lignes collatérales. 
Le tableau que j'ai dressé des ancêtres de Mahomet, 
et autres personnages marquants de la postérité d'Ad- 
oân ' , est basé sur le compte de trente-trois ans par 
génération , en partant de la naissance de Mahomet 
comme d'un point fixé. Toutefois, je me suis écarté 
de ce mode de supputation pour déterminer la date 
delà naissance du père et de l'aïeul de Mahomet, 
ainsi que de plusieurs autres hommes de la même 
époque, parce que les auteurs arabes me fournissaient 
des renseignements suffisants pour une évaluation 
plus précise. J'ai dû aussi restreindre la durée des gé- 
nérations dans la lignée de Rabîa, arrière-petit-fils 
d*Âdnân. L'examen des généalogies de cette famille 
iDontre que les générations y ont été sensiblement 
plus courtes que dans la plupart des autres branches^ 

I Tabltau TIII. 



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l86 LIVRE 111. 

de la tige d'Adnân, et notamment que dans la branche 
coraychite, à laquelle appartient Mahomet'. 

Akk etMaàdd. On donne à AonIr deux fils, Jkk et MaàddÇxiès 
environ 97 ans avant J. C). Akk quitta le Hidjâz, 
épousa une femme de la tribu yamanique d'Acbàr, et 
s'établit parmi les Achàri. Ses enfants, réunis avec 
cette tribu et une autre famille du Yaman appelée 
les Benou-Khâin (ou Benou-Djâ ), habitèrent au sud 
de Djoudda, le long de la mer, sur les limites des 
deux Tihâma. La postérité d'Akk, mélangée avec ces 
deux peuplades issues de Cahlân, adopta leur dialecte, 
et dans la suite fut réputée pour tribu yamanique*. 

conotetNisâr MaIdd laissa plusicurs fils, entre autres Conos et 
Nizdr (nés vers Tan 64 avant J. C). Conos, jaloux 
de son frère , ayant voulu expulser celui-ci du terri- 
toire de la Mekké, fut lui-même chassé par ses com- 
patriotes, qui choisirent Nizâr pour leur chef^. Les 
descendants de Conos paraissent avoir végété obscu- 
rément dans le Hidjâz, jusqu'à un temps où ils allè- 
rent se domicilier dans l'Irak occidental ^. Là , ils 
finirent par s'éteindre ou se confondre avec d'autres 
familles. 

Quant à NizIr , il fut le père des principales tri- 
bus du Hidjâz et du Nadjd. Ses enfanta furent /j^rf, 
Ànmdry Rabta et Modhar (nés vers l'an 3i avant 
J. C). Quelques généalogistes regardent lyâd et An- 
mâr comme fils de Maàdd; mais l'opinion qui les 

1 Voy. le tableau de Bacr et de Tagblib (tableau IX, part. A et B), et 
comparez avec le tableau des aocétres de Mahomet (tabl. YTIT)- 

2 ÀgKdni^ m, 162 ¥*. Sirût-êira^oui f f. a. 

3 Ibn-Khaldoun, f. i38 v*. 

4 Ibn-Khaldoun, f. m. 



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. LA MEKKE. I 87 

range parmi les fils de Ni^àr est la plus généralement 
suivie. 

On raconte, au sujet de ces quatre fils de Nizâr, 
une anecdote peu historique sans doute, mais qu'il 
n'est pas inutile de reproduire, parce qu'il y est fait 
souvent allusion dans les ouvrages de littérature arabe. 

Nizâr, dit-on, se sentant près de mourir, appela ^n^**Si*àg^. 
Modbar, Rabia , lyâd, Ânmâr, et leur dit : c< Mes 
M enfeints , je donne à Modhar cette tente de cuir 
« rouge; à Rabîa, ce cheval bai brun et cette tente 
« noire ; cette esclave à cheveux gris est pour lyâd ; 
« Anmâr prendra ce sac d'argent et ce mobilier. S'il 
« s'élève entre vous des difficultés pour le pai*tage de 
« mes biens, rapportez-vous-en à la décision d'Afà 
« le Djorhomite, qui habite Nadjrân. » Les frères 
ayant eu en effet des contestations relativement à l'hé- 
ritage de leur père, se mirent en marche pour se 
rendre auprès d'Afa. 

Sur la route, Modhar, apercevant un champ dont 
l'herbe avait été en partie broutée, dit aussitôt : a Le 
« chameau qui est venu paître ici est borgne. — Il 
« penche d'un côté plus que de l'autre , » dit Rabîa. 
lyâd ajouta : a II n'a pas de queue , » et Anmâr dit : 
« li est d'un caractère inquiet et farouche. x> 

Lorsqu'ils se furent avancés un peu plus loin , ils 
. rencontrèrent un homme qui avait perdu un chameau 
et le cherchait. Cet homme leur demanda s'ils n'a- 
vaient point vu sa bête. « N'est-ce pas un chameau 
« borgne? dit Modhar. — Ne penche-t-il pas d'un côté 
« plus que de l'autre? dit Rabîa. — N'est-il pas sans 
« queue ? N'a-t-il pas un caractère inquiet et farouche? 



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i88 LIVRE m. 

tf cootinuèreot lyàd et Aomâr. — Oui , répoudil 
« l'homme; c'est bien là le signalement de mon cha<- 
a meau. Indiquez-moi ce qu'il est devenu. — Nous 
« ne l'avons pas vu , répliquèrent les quatre frères. 
« — C'est impossible ! s'écria le propriétaire. Puisque 
« vous le dépeignez si CKactement , vous l'avez vu , 
«c vous l'avez pris peut-être ; et c'est de vous que je 
a le réclame. » En parlant ainsi , il s'attacha à leurs 
pas y et les accompagna jusqu'à Nadjrân. S'étant pré^ 
sente avec eux devant Afà , qui était le juge des 
Arabes, il exposa le fait. « Comment avez^vous pu^ 
c dit Afà aux quatre frères y tracer le portrait d'un 
a animal qu'à vous en croire vous n'avez pas vu ? b, 
Modhar répondit : «c J'ai remarqué que le chameaa 
« avait brouté sur une moitié seulement du champ « 
a et qu'il n'avait pas touché à l'autre moitié ; j'en ai 
c conclu qu'il était borgne. » Rabîa dit : oc Je me suis 
« aperçu que l'un des pieds de devant avait laissé sur 
« le sol des traces bien imprimées , tandis que les 
c traces de l'auti^e pied étaient mal formées; de là 
c j'ai tiré la conséquence que l'animal penchait d'un 
« coté. <— Pour moi, dit lyàd, j'ai deviné qu'il n'avait 
c pas de queue , parce que ses crottins étaient réunis. 
« en tas ; au lieu qu'ils auraient été éparpillés par le 
« mouvement de sa queue, s'il en avait, eu une. a. 
Anmâr ajouta : a J'ai observé que le chameau, après. 
« avoir commencé à paître dans des endroits dont 
« l'herbe était bonne et abondante, les avait aban^ 
« donnés pour aller çà et là brouter sur des points. 
« où l'herbe était maigre et de qualité inférieure. Cet 
f indice m'a fait connaître qu'il était d'un caractère 



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LA MfiKKE. 189 

« inquiet et farouche. » Le juge fut charmé de la sa* 
gacité des quatre frères , et dit au plaignant : « Ces 
<c hommes n'ont pas ton chameau; va le chercher 
« ailleurs *. » 

Les fils de Nizar expliquèrent ensuite à Afà le mo- 
tif particulier qui les amenait, et lui répétèrent les 
dernières paroles de leur père, en Je priant de faire 
entre eux le partage de la succession. Afô leur dit : 
« Tout ce qui , dans les biens de votre père, ressem* 
« ble par la couleur à la tente rouge, appartiendra à 
« Modhar. Rabia, auquel a été donné le cheval bai 
ff brun et la tente noire, aura tout ce qui est d'une 
c couleur analogue. Avec l'esclave à cheveux gris , 
c tout ce qui est de couleur grise sera pour lyâd; 
« j'adjuge à Anmâr l'argent et le reste de l'héritage. » 
En conséquence, Modhar prit pour sa portion, dans 
les biens de Nizâr, l'or, les chameaux roiu, et le vin ; 
Rabîa eut les chevaux , dont la plupart étaient bruns. 
Le lot d'Iyâd fut le bétail gris , moutons et chèvres; 
Anmâr, à qui était dévolu le restant de la succession, 
fut appelé depuis jénmdr-el'Fadhl (Anmâr du reste). 
Ses firères reçurent les surnoms de Atodhar-el^Hamrd 
(Modhar de la tente rouge), Rabtat-el^ Foras (Rabia 
du cheval), et lyiid-el'Chamtd (lyâd de l'esclave 
grisonnante)^. 

Tous les fils de Nizàr eurent une postérité nom- 
breuse. Anmâr alla se fixer dans la partie de la chaîne 

1 Toltaire a probablement eu connaissance de cette anecdote » qa*ii a 
ûatlée et embellie dans le conte de Zadig. 

1 Toy. Pranrerbes de Maydàni, Irad. par M. Qoatremère, /ourn. oiia/., 
Mvt iS3S, p. a46-25i. ThamaràUtUÂwràk^ f. gS v* de mon man. Hm- 
Bidrottn de IL Dozy, p. 7 1, 7a. 



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Rabfa 



190 LIVRE III. 

montagneuse nommée Sarawât, qui dépend du Ya* 
man. C'est pour cette raison que deux familles autre- 
fois puissantes, issues de ses fils Khathàni et Bad' 
jfla , sont communément regardées comme des tribus 
yamaniques. Après avoir longtemps prospéré et s'être 
signalées par des incursions poussées jusqu'au delà 
du Tigre y elles souffrirent de grandes pertes que leur 
fit éprouver le monarque persan Sâbour Dhou-1- 
Actâf ' (Sapor II). Depuis lors, elles tombèrent dans 
un état de faiblesse numérique, dont elles eurent bien 
de la peine à se relever, 
lyâd. Les descendants d'Iyâd habitèrent le Hidjâz pen- 

dant deux siècles environ , et se répandirent ensuite 
dans rirâk occidental ^. 

Les enfants de Rabîa demeurèrent aussi dans le 
Hidjâz durant une longue suite de générations. Sa 
race se perpétua surtout par ses fils Dhobaya ^ et 
Açdd^ et par les deux fils d'Açad, Djadila et Anaza. 

Les Abdelcays^ issus de Djadila, vécurent d'abord 
dans le Tihâma, puis passèrent dans le Bahrayn. 
fVdîl^ également issu de Djadila, fut père de B(icr 
et de Taghliby auteurs de deux tribus des plus con- 
sidérables de l'Arabie. Elles se divisèrent en une infi- 
nité de rameaux qui s'étendirent dans le Nadjd et les 
cantons limitrophes. Après des guerres sanglantes 
qui les déchirèrent, elles quittèrent le Nadjd. Les 
Taghlib se transportèrent dans la Mésopotamie , à 

I Ibn-Khaldoan, f. i3S r». 

a Ibn-Khaldoon, ibid, 

3 n ne faut pas confondre ce Dhobayà avec un autre personnage du 
même nom qui fut père d'une sous-tribu de Bacr-Wâîl, à laquelle appar- 
tenaient les poêles Tarafo, Mourakkich, et Motelammis. 



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L4 MEKKE. I9I 

uoe époque peu éloignée de la naissance de Mahomet. 
Les Bacr s'installèrent sur les confins de llrâk et 
dans le Bahrayn, avec leurs cousins les Âbdelcays. 
Ils occupaient encore ces lieux du temps des califes 
Aboubecr et Omar. Quelques-uns se fixèrent à Coufa, 
lors de la fondation de cette ville par Omar. Vers le 
commencement y je crois, du règne de Moâwia, de 
grandes fractions de la tribu de Bacr (les Chaybân 
et autres ) allèrent se domicilier près de leurs frères 
les Tagbiib , dans la partie nord-est de la Mésopota- 
mie, baignée par le Tigre. Alors toute la contrée 
comprenant Méyafârekîn , Nassibîn , Amid , Kîfa ^ , 
Ras-àyn, le cours supérieur du Khâbour, Maucel , 
etc., reçut, à cause du séjour de ces tribus et de celle 
A^ Namir-ibn-Cdcit y qui avait la même origine, le 
nom de Didr-Rabia^ pays de Rabia ^ ; et, dans le 
Diâr-Rabîa, on distingua la partie habitée par les 
Benou-Bacr , sous la dénomination de Didr^Bacr ^. 
Quant à la famille SAnaza^ elle habita d'abord le 
Tihâma, ensuite les environs d'Ayn-Tamr, dans le 
désert dlrâk , à trois étapes d'Anbâr ; puis elle alla se 
concentrer autour de Khaybar 4. Elle subsiste encore 
aujourd'hui, et a conservé son nom antique. Elle 
forme une grande horde qui parcourt les déserts si- 
tués entre^l'Euphrate et les montagnes de^Syrie *. 



I Cepha oa Cepli» castellum. Or, christ,, II, 1006. 
a Ibn-Khaldouo, f. iSg V*. MerdcUM-inUa. 

3 VulgairemeDl Diarbékir ou Diarbecr, MerâeitMMia, 

4 Hm-Khaldoun, 1 1 89. 

5 Voy. sur kt Anaza, vulgairement jémaxè^ Ânèsè, Burckhardt, f^ojrûge 
en Arah,, trad. d'Eyrîès, toI. III, p. i et suiv. 



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TQ^l LIVRE III. 

La lignée de Modhar fut la plus illustre branche 
de la tige maàddique. Cest elle principalement qui 
a peuplé le Hidjâz et le Nadjd. Elle se partage en 
deux grandes ramifications, désignées par les noms 
de Cays et de Khindif. 

Modhar avait eu deux fils , Eljrd^ ( né vers Tan a 
après J. C. ), et un autre qu'on dit être Aylàfij mais 
que je crois avoir été plutôt le père d'Aylân '. De cet 
Aylân naquit Cays ^ auquel les puissantes tribus 
SAdwdn , de Ghaiafân et de Hawdzin durent leur 
origine. Ces tribus, et toutes les sous-tribus qui en 
dérivent, sont les Arabes de Cays. La plupart de ces 
Arabes étaient répandus ^dans le Nadjd et sur la li- 
sière du Hidjâz. Beaucoup d'entre eux allèrent s'éta- 
blir (je pense que ce fut aussi vers l'époque de Moâ- 
wia) dans la partie nord-ouest de la Mésopotamie, 
sur la rive orientale de l'Euphrate, et donnèrent à la 
contrée qui embrasse Samiçât, Harrân, Saroudj, 
Racca, Tell-Mauzen ^, etc., le nom de Didr-Modhar^ 
pays de Modhar ^ , par opposition au nom de Diàt' 
Rabtay désignant l'autre portion de la Mésopotamie. 
Byii. Eltâs ayant épousé une femme codhalte, appelée 

Khindif, en eut trois fils, Camàj Tdbikha et Mou* 
drica(nés vers l'an 35 de notre ère). Tous les des- 
cendants de ces trois personnages sont compris sous 



I n manque aa mwaê un degré dans les généalogiet les plus complètes 
des deieendaDti de Modhar par Csys. Je suppose que oetio om i as k M i doit 
porter sur quelqu'une des générations les plus a n ciennss . 

ft Ceft la nlle nonmée Antipolis, puis Conslantine, et enfin Ttia ou 
Tela4fausalla. Assemam, BiU, cr., 1, 17), $95. 

3 Mêréàd-eUittUa, 



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LA MEK&B. 193 

la dénomination colleotive de Khindifj prise du nom 
de leur mère. 

Les enfants de Camà sont demeurés assez obscurs. 
DeTâbiklia descendit, par trois générations, Temtntj 
auteur d'une tribu fameuse de Nadjd. 

MouDRicA donna naissance à Hodhayl et à Kho- Moudrieii. 
zayma (nés vers 68 de J. C). La famille dont Ho- 
dhayl fut le père se fit remarquer par le mérite de 
ses poètes et la valeur de ses guerriers. C'est une de 
celles qui se sont maintenues jusqu'à nos jours dans 
le lieu même de leur origine, et sans changer de 
Dora. L'on en trouve encore des restes assez considé- 
rables dans les environs de la Mekke ^ 

De Khozatma naquirent Açàd^ El-Haun et Ki^ Khouyma. 
ndna (vers l'an ici de J. C). Les enfants d'Açad, fils 
de Khozayma, s'établirent dans le Nadjd , auprès des 
monts Âdja et Selma. Expulsés ensuite de ce terri- 
toire par la tribu yamanique de Tay , comme je l'ai 
rapporté ailleurs ^, ils se retirèrent à peu de distance 
sur les limites du Hidjâz. 

On ne connaît guère de la race d'El-Haun que les 
familles diAdhl et de Cdra^ qui habitèrent des can- 
tons voisins de la Mekke. 

La postérité de KinIna demeura particulièrement wnâna. 
fixée dans le Hidjâz , se développant autour de la 
Mekke, dans un rayon assez étendu. Chacun des fils 
de Kinâna, Mdlik j Malcdn^ Abdmondt^ Àmry 
Amir et NadJir ( nés vers 1 34 de J. C. ) , devint chef . 
d'une nombreuse famille. Nous aurons bientôt occà- 

I Barckbardt, Voyag. en Ar.^ trad. d^Eyriès, HI, Soq. 
1 Voy. lÎTre H, p. io3. 

i3 



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194 LIVRE 111. 

«ion de mentionner celle des- enfants de Bacr, fils * 
dAbdmondt^ qui se divise en deux rameaux, les 
BenourLayth et les BenourDhamra. La famille de 
Nadhr fnt la plus illustre de toutes. 
FttMk)5îl*: Nadhr, qui est appelé Coraych par quelques 
écrivains, fut père de Mâlik (né vers Tan 167 de 
J, C.)» ^^ celui-ci de Fihr ( né vers Tan aoo). D'a- 
près l'opinion la plus généralement adoptée, c'est 
Fihr qui est le véritable Coraych ; c'est à lui que 
commence le nom , devenu si fameux, de la tribu qui 
donna à l'Ai^abie son prophète législateur et guerrier. 



Dynastie des seconds Djorbom à la Mekke. 

Tandis que la race d'Adnân par Maàdd prenait 
ainsi de rapides accroissements dans la vallée de la 
Mekke et aux alentours , la garde du temple de la 
Càba continuait d'être l'apanage des Djorhom. Cette 
tribu, après avoir été, comme la nation ismaélite, 
décimée et presque anéantie par les armes de Bokht- 
Nassar, avait aussi réparé peu à peu ses pertes, et 
en quelque sorte repris une nouvelle vie. Cet état de 
prospérité renaissante constitue la seconde phase de 
l'existence des Djorhom , et c'est en ce sens que je 
les nomme Djorhom seconds. 

L'intendance de la Càba leur donnait la suprématie 
sur les descendants d'Adnân; les chefs djorhomites, 
décorés du titre de malik ou iH)i, exerçaient une sorte 
d'autorité et de gouvernement dans le Hidjâz , ou du 
moins dans la partie de cette contrée nommée Tih4ma. 



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LA MEKKK. 196 

Voici la liste des princes de Djorhom que Ton dit 
avoir régné successivement ' : 



f . 'Ojorbooi, oaDiorchoiii, on Djauçam. de 74 à 44 âT. J. C. 
Je le regarde comme étant le DjoreliMo, 
fils de Djahla, dont on rapporte que la 
fille Maàna fat époMée par Maàdd. 
7 àbdyàlil, fito de Djorhom ( ou Djor- 

chom) de 44 à 14 âf . i. C. 

a. morcbom, filsd'AbdyâlII del4af.àl6ap.j.C. 

4. Abdelroadân, Als de Djorchon de f fi à 4« ap. J. C. 

5. Baklia, fils d'Abdelmadàn de 46 à 7A de J. C 

a. Abddroacth^filsdeBaktla de 76 à 106 de J. C. 

Abdelmadh est «n anmoa. Il 7 a Km d« 
penser que le véritable nom de ce per- 
sonnage était Amr. 
7. Modbâdh (El-achar oa TaDcien), fils 

d'Abdelmacth (Amr) de 106 à 136 de J. C. 

S. Amr, fils de ModbAdb.. .,. 

9. Hârith, antre fils de Modbâdh. . . . 

10. Amr, fils de H&rith 

11. Bidir, autre fils de Hârith 

. 1). Modbâdh (^/-a^/tor 011 le jeane), 

^°'^^' j filsd'Amr, filsde Modbâdh, cousio 

germain des deux précédents. 



»• 



de 136 à 170 de I.C. 



i de 170 à 206 de I.C. 



Suivant Ibn-Khaldoun , le huitième personnage de 
ce tableau, Amr , fils de Modhàdh , n'aurait point ré- 
gné. Cela ne change rien au nombre des générations 
dont la dynastie se compose. Seulement , il y aurait 
eo un roi djorhomite de moins. A l'exception de 
cette légère variante, les historiens sont d'accord sur 
les noms de ces princes, sur l'ordre successif de leurs 
règnes, et sur le nombre de neuf générations que leur 
filiation présente *. 

I Ibn-lLhaldoaD, f. i3 t**. Abulfedc HUt, aiiteisL de Fleischer, p. x3 1. 
Poeodie. Sp§eim. Ust. ar., p. 79. 
t Cependant Tanteur de VJghdni compte une génération de plw^ paretf 

i3. 



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1^6 LIVRE III. 

Les Arabes, dont riraagination se plaît à reculer 
le cominenceinent de leurs annales dans la nuit des 
temps j attribuent à ces Djorhom , qu'ils conviennent 
|)ourtant être les seconds^ une antiquité fabuleuse. 
Ils identifient le septième prince de cette dynastie, 
Modhâdh, appelé l'ancien par opposition au douzième, 
qui est Modhâdh le jeune, avec l'antique Modhadli 
qu'ils supposent avoir été le beau-père d'Ismaël ; et 
ils font de Hârith, (ils de Modhadh, neuvième per- 
sonnage de la liste, un ancêtre du Djorchom, fils de 
Djahia, qui donna sa fille en mariage à Maàdd. 

Ces assertions ne sauraient soutenir le moindre 
examen. Elles sont d'ailleurs tout à fait contradictoi- 
res avec les détails que fournissent les historiens sur 
la chute des seconds Djorhom , détails que j'exposerai 
un peu plus loin. Dans le récit des événements à 
l'occasion desquels la royauté de cette famille finit en 
la personne de Modhâdh-el-Asghar, fils d'Amr, l'on 
verra figurer les enfants de Bacr, fils d'Abdmonât, 
fils de Kiiiâna, qui appartiennent à la même géné- 
ration que Fîhr-Coraych. Modhâdh-el-Asghar, fils 
d'Amr, ne peut donc être plus ancien que Mâlik, 
père de Fihr. 

J'admets que ce Modhâdh était de quelques années 
plus âgé que Mâlik, c'est-à-dire que je place sa nais- 
sance entre la naissance de Nadhr et celle de Mâlik , 
fils de Nadhr. Il résulte de là que le chef ou fonda- 
teur de cette dynastie djorhomitc, séparé de Modhâdh 
le jeune par un intervalle de huit générations, doit 

qu'il fait Modhâdh-el-Asgbar, ûb d'Amr, (ils de Hâritb, fils de Modhèdh-el- 
▲cbar. Cela est de peu d'inportance. 



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LA MFKKK. tt)J 

avoir été contemporain à la fois d'Adnân et de Maàdd '. 
En effet, ce chef me paraît être le Djorchom , fils de 
Djahia, dont la fille Maâna fut épousée par Maàdd. 

On conçoit ainsi que la filiation de ces princes 
djorhomites ait pu être connue assez exactement des 
Arabes. Elle était parallèle à la filiation des enfants 
de Maàdd ; le souvenir de Tune et de l'autre a dû se 
conserver ensemble. 

Quant au Modhâdh beau-père prétendu d'Ismaël, 
ee nom représente le personnage qui était à la tête 
de l'antique tribu yamanique avec laquelle la postérité 
d'Ismaêl avait pu s'allier, longtemps avant l'époque 
d'Adnân. Cette tribu était celle que j'appelle les 
Djorhom de la première phase , autrement les pre- 
miers Djorhom, qui ont été la souche des seconds. 

Quelques auteurs assurent que la religion d'Abra- iJimSSe^Siî 
ham et d'Ismaël se maintint pure de toute idolâ-JS.^'***^^""**'" 
trie parmi les Arabes ismaélites et djorhomites, 
jusqu'à l'extinction de la dynastie dont Modhâdh le 
jeune fut le dernier roi. Suivant d'autres historiens , 
dont l'opinion est beaucoup plus probable, à mesure 
que la nation ismaélite, renouvelée par les rejetons 
d'Adnân, se multipliait autour delà Mekke, chacune 
des familles que la difficulté de subsister sur un ter- 
ritoire trop peu étendu obligeait à chercher une 
autre demeure, emportait avec elle une pierre arra- 
chée dans l'enceinte de la Càba , et la gardait comme 
une relique précieuse. On érigeait cette pierre à 
l'endroit où la famille s'établissait, cl l'on faisait. 

X Voy, le tableau VIII el Tappeiidire A. 



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198 LIYRE III. 

alentour les tournées processionnelles, lawdfy telles 
qu'on les pratiquait autour de la Càba. Cette coutume 
conduisit insensiblement les descendants d'Ismaël^ 
éloignés de la Mekke, à adorer ces pierres elles-mè* 
mes, ou d^autres qu'ils adoptèrent \ 

Les noms ou surnoms de quelques princes des se- 
conds Djorhom, tels que le deuxième, Abdyâlil (ser- 
viteur de Yâlîl), et le quatrième, Abdelmadân (ser^ 
viteur de Madân ), peuvent faire présumer que, même 
à la Mekke , l'idolâtrie se mêlait dès lors au culte du 
Dieu d'Abraham , car Yâlîl et Madân ont certaine^ 
ment été des idoles ^. 

Un nom qui mérite une attention particulière, est 
celui du sixième prince de ces Djorbom , Abdelmacih 
(serviteur du Messie). Cette dénomination montre 
assez clairement que celui qui l'a 'portée vivait pos- 
térieurement à notre ère , et donne à penser que 
Jésus-Christ lui-même était au nombre des divinités 
révérées de ce temps dans le Hidjâz. A l'appui de 
cette conjecture on peut citer un fait curieux, men- 
tionné par El-Azraki. Cet auteur, d'après des tradi-^ 
tions authentiques remontant, dit-on, à des témoins 
oculaires, rapporte que la figure de Jésus et celle 
de la Vierge Marie, sculptées sur une colonne 
du temple de la Càba , étaient un des objets de l'ado- 
ration des Arabes, dans les siècles antérieurs à l'isla- 
misme ^. 

I Sirmê-érrafoml 9 f. 1 1 ▼«. Savary, P^U de Mahomet^ p. 1 71. 

s Pococke, Spee, hitt, tar^ p. 104. 

3 Burckbardt, Voyagé en jârabie , trad. d^Eyrièt, I, aai. Ua téiiioi- 
gmge lemblable est fourni par Harewi ( Tke TraveU of i^Batouia^ 
p. 5 1 ). Dcsrergers, Fie de Mahomet^ p. 1 39. 



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L4 MRKKK. ""^ I<99 

Les hintoneosnous apprenneot qu«, du temps des p«V*^ifto^n 

1 — .. , 1 . Il* recoMiwIte, ter» 

seconds Djorbom^ un tocrent produit par des pluies tMdej.c. 
abondantes, ayant fait irruption dans la Càba, ren-» 
versa Tédifice. Les Djorhom rebâtirent le temple 
dans la même forme qu'Abraham et Ismaël étaient 
censés lui avoir donnée. Les travaux furent dirigés 
par un homme appelé Amir , fils d'Amr. On le sur- 
nomma depuis El-Djàdir^ le constructeur ou le ma- 
çon y et Abou-l^Djadara , le père des maçons^ parce 
que sa postérité fut connue sous la qualification ÔlEU 
Djadara. Cotbeddîu place cette reconstruction de la 
Càba sous le règne de Hârith, fils de Modhâdh-*el- 
Acbar'. 

Dans la suite, continuent nos auteurs, ces mêmes 
Djorhom oublièrent le respect dû à la maison de Dieu, 
et la proËinèrent par des actes impies* Cinq d'entre 
eux entreprirent d'enlever les objets précieux offerts 
à la Càba, et déposés dans le souterrain sans ferme- 
ture qui servait de trésor. Le plus hardi des voleurs, 
qui s'était aventuré dans ce souterrain, fut frappé 
d'une mort miraculeuse; les autres s'enfuirent épou« 
vantés. 

Un homme appelé Içâf , fils de Soufaayl ^ , et une Mfeiiiâiu 
femme nommée Nâîla ^ fille de Dhib ^ , tous deux de 
b tribu de Djorhom , commirent un adultère dans le 
temple. Dieu à l'instant les changea en pierres* Ces 

I Aghdnif UI, ^96. Sirai-erra^oul, f. 16. Colbeddio, Hist, de la Mtkke^ 
1 1 1 de mon man. De Sacy, Not. et extr, des man,y FV, 544. Fresnel, 
Jpunu asiate août i838, p. aoa. 

a Souhayl est le nom arabe de l'étoile de Canope. 

3 mrfb, le krap, comlellatioa aottrale. Les uoms de Dhib e! de Sonbayl 
^i soupçonner que les Djorhom rendaient aussi un culte aux astres. 



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200 LIVRE III. 

blocs OU statues,' monumeots de la vengeance diviue, 
furent ensuite retirés de la Càba et placés au de- 
hors. 

Malgré ces exemples, les Djorhom persévérèrent 
dans le crime. Us détournaient à leur profit les dons 
apportés au sanctuaire, et se livraient à des injustices 
et à des violences envers les étrangers qui venaient 
à la Mekke. 

Le piînce qui régnait alors , Modhâdh-el-Asghar, 
fils d'Amr, chercha à les faire changer de conduite. 
« Rappelez-vous, leur dit-il, que les Amâlica, à cause 
« de leurs iniquités et de leur manque de respect 
c( pour les lieux saints , ont été chassés de cette coû- 
te trée, et détruits par la main de Dieu. Si vous per- 
a sistez à les imiter, un sort semblable vous attend. 
« — Qui nous expulsera d'ici? lui répondit-on. Ne 
€ sommes-nous pas la tribu la plus puissante de tous 
« les Arabes ? » 

Les exhortations de Modhâdh ne produisirent au* 
cune impression sur ses compatriotes. Alors, pré- 
voyant quelque prochaine catastrophe, et voulant 
soustraire aux rapines ce que le trésor contenait de 
plus précieux, il tira du souterrain deux gazelles d'or, 
des cuii^asses et des sabres d'excellente trempe, et les 
enterra dans un lieu voisin de la Càba. La source 
qui avait jailli autrefois sous le pied dlsmaël était 
depuis longtemps comblée ' ; une épaisse couche de 
terrain la recouvrait. Ce fut justement au-dessus de 

I El-Azraki, cilé par Burckhardi, Voyage en Arabie , trad. d'Eyrics, I» 



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LA MFKKK. 201 

cette source oubliée que Modhâdh creusa la fosse où 
il enfouit les armes et les gazelles d'or*. 

Vers cette époque, une colonie , originaire du 
Yamao , vint s'installer aux environs de la Mekke. 
C'étaient les Azdites , ou plutôt les descendants des 
Âzdites sortis de Mareb avec Amr Mozaykiya. Avant 
d'exposer les événements qui se passèrent pendant 
leur séjour près de la Mekke, je vais reprendre, au 
point où je l'ai laissée, l'histoire de cette émigration, 
et faire connaître quelques autres circonstances qui 
précédèrent ou amenèrent la ruine des Djorhom. 



Les Azdites émigrés de Mareb. Lear établissement près de la vallée 
de la Mekke. 

On se rappelle qu'Amr Mozaykiya avait quitté HarchedesAzdius 

1» o t T /-. 1» X • depuis Mareb. 

Mareb vers I an 1 1 o de J. C. , d après ma conjecture. 
Toutes les familles composant la tribu d'Azd ne l'a- 
vaient point suivi. Celle qui avait pour chef Mâlik, 
fils d'Alyaman , était restée à Mareb. La horde voya- 
geuse était formée de deux branches de la tribu, 
l'une issue de Nasr, fils d'Azd, l'autre de Mâzin , 
fils... d'Azd. Amr Mozaykiya appartenait à cette der- 
nière. 

I Âghdnif ni, 396 v«. ¥Tesat\fJourn, asiat,, août i838, p. ao3-3o8. De 
Saey, Not. et exi. des maru^lY, 546. 

SoÎTant Ibo-Iihâk, qui parait substituer le règne d'Amr, fils de Hàritht à 
cdui de ModhAdh-el-Asghar, ce serait au moment où les Djorhom fuj'ent 
expulsés de la Mekke, qu'Amr aurait enterré les gazelles d*or et les armes 
dmu Zamzam {Sirai, f. f 7 v*), c-à-d. dans le lieu où, comme on le verra 
plus tard» Abdeinottalib, grand*père de Mahomet, creusa le puits d« Zam- 
um , et retrouva la source d'Ismaël. 



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!102 LIVBB III. 

Wadia , fils d'Âoir , avec une fractiou des émigrés , 
se sépara bientôt de la troupe, et alla se fixer dans le 
pays de Haniadân '. 

Les autres se dirigèrent d'abord vers , Nadjrân. 
Voulant apparemment s'établir sur le territoire de 
cette ville, ils livrèrent plusieurs combats à la tribu 
des Benou*l-Harith-ibu-Càb , qui l'occupait. Cette 
lutte se termina par un arrangement Une portion 
des Azdites fut admise en partage du territoire de 
Nadjrân. C'était, suivant Ibn-Khaldoun ^, une famille 
issue de Nasr , fils d'Azd , et la famille de Dhohl, fils 
d'Amr Mozaykiya. Au rapport de Maçoudi^, Hârith, 
autre fils d'Amr Mozaykiya, et Ràbal^ fils de Càb,^ 
fils d'Abou-Hâritha ^ , demeurèrent aussi à Nadjrân, 
où leur postérité se confondit parmi les Arabes de la 
race de Madhidj ^. 

Un autre détachement d'Azdites tourna à Torieut, 
et se porta vers l'Oman. C'étaient des enfants de 
Nasr. Ils furent connus depuis sous la dénomination 
S Azdites dOmân. 

I Maçoudî, Mém, de tJcad,^ toI. KLYTII, p. 64s, 700. 

n s'tgit MHS doute ici du canton du Taman habité par les Beaou-Ua- 
madân , tribu issue de Cahlàu ; mais la couformité du nom de cette tribu, 
avec celui de Hamadân, ville de la contrée appelée aujourd'hui Curdistan^ 
a fait croire à quelques écrivains orientaux que la fraction des Azdites, dool 
il est question, avait passé dans le Curdistan, et que les peuplades cardes 
lai devaient leur origine. Voy. le Câmous , aa mot Cowrd, 

a Ihn-Khaldoun, f. z 19. 

S Mém, de tAeed^ vol. XLVIII, p. 64a. 

4 Cet Aboa-Uàrithi ne peut pas être le même qu'un fila d'Anr>Moiaj-« 
kiya, nonmé aossi Aboa-Hàritha. 

5 Laa BeuMi-l-Hârith-ifaQ-Càb, habitanU da Madjrio, étaient isaus 4» 
Cablân par Madttiidj. Voyez , sur les familles et les pcraomMfes noaiwéa 
daps ce chapitre, le tableau XL 



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LA MBKKE. 



ao3 



Le reste des émigrés s'avança au couchant, vers la 
coDtrëe d'Akk. Des descendants de Nasr, qui se trou- 
vaient encore avec la niasse principale , la quittèi'ent 
en route, et allèrent prendre domicile auprès d*ane 
montagne du Tihâma, appelée Chardi ', au sud de ta 
Mekke. Ceux-ci s'allièrent et se mêlèrent d'abord avec 
leurs Yoisins de la race maàddique, puis soutinrent 
contre eux une guerre malheureuse, et enfin se reti- 
rèrent plus au midi, sur les confins du Yaman et du 
Hidjâz, dans un Sardt^ c'est-à-dire, dans un des 
monts nommés Sarawât ^. On leur donna pour cette 
raison la qualification iVAzdites du Sardt. On les 
appela encore jizdites de Chanoua , soit à cause des 
haines qui les divisèrent^,- soit au contraire à cause 
de l'innocence et de la pureté de leurs mœurs ^ ; car 
le mot Chanoua veut dire haine et pureté. 

I Maçoiidi, Mêm, de tAcad.^ vol. XLYIII, p. 64a, 700. Le Càmous 
Mentionne nne montagne dn TihAma nommée Charét, 

% Sardt, pi. sarawdi, signifie dos, crête de montagne. Bien que le mot 
$mniçifdt désigne ordinairement les montagnes du Taman , on oomprend 
aus«i sous ce nom toute la chaîne, ou plutôt les diflerentes chaînes mon- 
tagneuses qui , depuis Sana et le canton de MoAfir, au sud , s'étendent Tert 
W nord jusqu'à la Palestine, avec une largeur moyenne de quatre journée* 
de chemin. La partie de ces montagnes qui forme la limite occidentale du 
Nadjd est aussi appelée Hidjdz , barrière. (Maçoudi , Mém, de tAead., 
foL XLYIII, p. 643 et 701, noU) 

Le nK>t sardt parait ensuite avoir été appliqué pins spécialement à certai- 
nes portions de ces montagnes, et Ton a distingué \To\%saràt principaux. Le 
premier, je veux dire le plus au nord, est le Sardt des Hodhayt^ entre Médine 
et la Mekke ; ce sont les monts qui dominent le littoral, Sahl. Le second, 
on Sardt des Thakffy est formé des montagnes de Nakhla', de Taîf, etc. 
Le troisième, qui se prolonge dans le Taman, est le Sardt des Aidites, et ces 
Axdites, qu'on appelle Jxdites de Chanoua, sont les enfants de Càb, fils de 
Hâritb, deaoendant de Nasr {Merdcid-eUittila), 

3 Selon FirouzabAdi^ 

4 Suivant l'autear de la traduction turque du Càmous. 



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ao4 MYRE III. 

lUiéjourDentduM La troupe conduite par Amr Mozaykiya arriv.» 
ainsi, considérablement diminuée, dans le pays d'Akk 
ou des Achàri, c'est*à-dire, dans le pays maritime, 
situé à Textrémité septentrionale du Yaman, qu'ha- 
bitaient ensemble les descendants d' Achàr , d'Akk et 
de Khâin ( ou Dja ). Ces tribus accueillirent les Az- 
dites. Suivant Maçoudi * , les familles dont Amr Mo- 
zaykiya était accompagné s'établirent, dans cette con- 
trée d'Akk, auprès d'une eau nommée Ghassan^ 
entre Zobayd et Zamà. Elles reçurent depuis la dé- 
nomination de Ghassanides ^ à cause du long séjour 
qu'elles firent en cet endroit. Amr Mozaykiya y resta 
jusqu'à sa mort. 

Ibn-Cotayba * rapporte aussi qu'Amr mourut sur 
cette teri'e hospitalière. Son fils Thàlaba , ou Thàla- 
bat-el-Ancâ , prit aloi*s le commandement de la co* 
lonie. Après un certain laps de temps, la division se 
mit entre les Azdites d'une part, et les enfants d'Akk 
et d'Achàr de l'autre. Un Azdite nommé Djodà , fils 
deSinân, tua en trahison Samlaca^, roi du pays. Il 

* en résulta une guerre des enfants d'Akk et d'Achàr 

contre les Azditesî Ceux-ci furent vainqueurs. Mais 
leur chef Thàlaba, indigné de la conduite des siens, 
jura d'abandonner les Heux où ils avaient commis un 
meurtre odieux. 11 s'éloigna donc , et emmena les 
Azdites hors du pays d'Akk. 

Une ancienne légende les représente ensuite arri- 

I Mém. de t Acad., vol. XLVIII, p. 573, 64a. 

a Ap. Eicborn, Mon, ant, hist.f p. i54. 

3 C*e8t aiusi que ce nom est écrit dans le Kîiàbcnnoucat de Muham- 
med-ibn-Charif-eddin-Omar-Chàh, auteur qui reproduit textuellement ce 
passage d'Ibn Cotayba. 



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LA MBKKF. 2o5 

vant sur le territoire de la Mekke, avec une Cdhina, ibtmvent dans 

., ,1 . , y. 19 - le Btdjfts et s'éU- 

OU Sibylle^ qui leur dit : « J en jure par mes pj'opres Jjjjjni^^* ^Jj';- 

« paroles; et mes paroles ne me sont inspirées par nul '* ^ 

« autre que le sage des sages , le seigneur de tous 

« les peuples y Arabes et barbares. — Eh bien! qu*y 

€ a-t-il? » lui demanda-t-on. Elle continua : «r Choi- 

« sissez un chameau de noble race , baignez-le dans 

« son propre sang, vous aurez la terre de Djorhom, 

« et serez les botes de la maison de Dieu '.» 

Les Azdites s'arrêtèrent dans un vallon appelé 
Bàin-Marr y autrement Marr-ezzohrdn. Ibn Colayba 
dit que Thàlaba , fils d'Amr Mozaykiya , les y avait 
conduits. Cette assertion, et le motif donne à la sortie 
de Thàlaba de la contrée d'Akk, m'inspirent peu de 
confiance. J'ai lieu de croire que les Azdites restèrent 
chez les enËints d'Âkk et d'Âchàr longtemps après la 
mort de Thàlaba , et que ce fut Taccroissemeut pro- 
gressif pris par ces familles étrangères, dans l'espace 
d'environ deux générations, qui finit par incommo- 
der les possesseurs primitifs du sol , et donna nais- 
sance aux hostilités. 

Ou bien , si l'on veut que Thàlaba ait réellement 
feit sortir les Azdites du pays d'Akk , il faut conclure 
que nous perdons leurs traces pendant un assez grand 
nombre d'années. En effet, lorsque nous retrouvons 

I Aghdniy UI, 396 v^. Dans celte légende, qui a été traduite par 
H Fresnel {Journ. asiat., août i838) , on voit Amr-Moxaykiya lui-même 
arriver à la Mekke à la tète des Azdites, livrer bataille au\ Djorbom, et les 
expulser. A la suite du combat, c*est Amr, fils de Lohay (arrière-petit-fils 
au moins d*Amr-Moza)kiya), qui figure comme devenu roi de la Mekke. W 
y a U contradiction et erreur manifesie. Amr-Mozaykiya était mort dans le 
(lays d'Akk, comme le disent Maçoudi et IhnCotayba. 



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ao6 LivaE iii. 

ensuite la colonie à Bato-Marr, ce ue sont plus les 
Axdites contemporains de Thàlaba qui la composent» 
c'est une génération postérieure de deux degrés, 
c'est la génération des enfants de Hâritha, (ils de Thà- 
laba ^ j ce qui suppose au moins soixante ans d'inter- 
valle entre le départ des Azdites de Mareb, et le mo- 
ment où leur présence est signalée à Batn-Marr. 

D'après cette considération , je pense que les Air 
dites durent arriver dans le voisinage de la Mekke 
vers l'an 1 80 de J. C. Ibn Cotayba nous apprend qu'ils 
demeurèrent longtemps à Batn-Marr , et qu'ils ne 
s'en éloignèrent que quand ils commencèrent à s'y 
trouver à l'étroit*. 
ibMoteBiKNitmté Soit que dès l'abord ils eussent éprouvé des obs- 

«v«c iM DJorhom. 1,1. 11 

tacles à leur établissement de la part des Djorhom , 
soit que plus tard ceux-ci, alarmés du nombre toujours 
croissant de ces étrangers, eussent voulu employer 
la force pour les obliger à se retirer, on se battit; 
les Azdites mirent les Djorhom en déroute, et en fi- 
rent un grand carnage. Plusieurs auteurs prétendent 
qu'ils les chassèrent même de la Mekke, à la suite du 
combat. Néanmoins, pour concilier les récits de ces 
écrivains avec celui d'Ibn-Ishàk, historien d'une 
grande autorité, dont j'exposerai plus loin le témoi- 
gnage, il me paraît nécessaire d'admettre que les 
Djorhom , après cet échec , conservèrent encore quel- 
que temps le pouvoir à la Mekke, mais que les Azdites 
se maintinrent malgré eux dans la position qu'ils oc- 
cupaient. 

I Ibn-Khaldoun, f. i5i. 

1 Mon. ont. hist, ar. d*Eichoru, p. i56. 



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LA ME&KE. t>07 

Les desceudants de Nizâr ^ alliés des Djorhom , 
comme toutes les autres braoehes maàddiques, ue pri« 
refit aucune{>art à ce premier conflit entre les familles 
de Djorhom et d'Azd , probablement à cause d*une 
guerre qu'eux-mêmes soutenaient alors contre la tribu 
de Codhâa» Il convient d'entrer ici dans quelques 
détails sur cette lutte; et, d'abord, je dirai quelques 
mots des Codhaïtes et de leur auteur. 



Codhfta et ses descendants. 

Codhâa est le pèi*e d'une grande famille arabe, origine de 
dont diverses branches ont occupé des parties de 
l'Irak y de la Syrie , de la Mésopotamie. J^^s descen- 
dants de Codhâa sont comptés parmi les tribus yama- 
niques, c'est-à-dire, issues de Cahtân. Pourtant, plu- 
sieurs généalogistes du Hidjâz disent Codhâa fils de 
Maàdd, fils d'Adnâu. Ils prétendent que la postérité 
de Codhâa, ayant passé dans le Yaman, se mêla avec 
celle de Himyar, fils d'Abdchams-Saba, fils de... Cah- 
tân, et fut ensuite regardée comme himyarite '. Ils 
font ainsi Codhâa frère de Nizâr. 

Les généalogistes du Yaman, au contraire, assu- 
rent que Codhâa était fils de Mâlik, fils d'Amr, fils de 
Mourra, fils de Zayd, fils de Mâlik, fils de Himyar^. 
Au temps d'Abou-l-Faradj Isfahâni et d'Ibn-Hichâm ^, 

I Àghdni, n. i33 v*, III, x6a. 

3 Ibn-el-K.elbi cité par Ibn-Khaldoua, f. ii5v*. Abulfedc HUt, ante'ul, 
de Fleiidier, p. i8a. 

3 Jghéni, II, x33 v®. SînU-erraeoul (extraili du), dans les Mém. de 
tJcaJ,, Tol.XLVni, |i. 644. 



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HoS LIVRE III. 

les Codhaïtes eux-mêmes, dont le sentiment doit avoir 
beaucoup de poids quand il s'agit de leur propre 
origine, déclaraient que Codhâa leur père était fils 
de Mâlik, fils de... Himyar. Un de leurs plus anciens 
poètes a dit : 

•t Nous sommes les descendants du noble et glorieux chef, 
« Codhâa, fils de Mâlik, fils de . . . Himyar. 
« Notre généalogie est connue, et à l'abri de toute cri- 
n tique *. » 

J'adopte, avec Ibn-Khaldoun ^ , l'opinion qui fait 
descendre Codhâa de Himyar. Elle me paraît appuyée 
sur de meilleures autorités que la première, et permet 
de rapporter la naissance de Codhâa à une époque 
plus reculée que Tâge de Nizâr, ce qui me semble 
indispensable pour expliquer certains faits. Ce motif 
m'empêche d'ajouter aucune foi au dire de Sohayli, 
qui avance, d'après Zobayr-ibn-Beccâr , que Mâlik, 
fils de... Himyar, laissa en mourant sa femme^ Acbara, 
enceinte de Codhâa; qu' Acbara, pendant sa gros- 
sesse, fut épousée par Maàdd, en sorte qu'elle ac- 
coucha de Codhâa sur le lit de Maàdd^. Cette 
anecdote, de laquelle résulterait la contemporanéité 
de Codhâa et de Nizâr , fils de Maàdd , a tout Pair 
d'un conte forgé pour mettre les généalogistes d'ac- 
cord. 

Le poète auteur de ces vers se nommait Amr-ibn-Mourra, de la famille de 
Djohayoa. 

a F. ii5v°. 

3 Àghdnl, II, i33 %•. Ibn-KhaWoun, f. n 3. 



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LA MKKKE. 



a<>9 



Codbâa était prince du canton du Yaman nommé tncodiMicct 

■ passeot da Tant! 

Chihr % situé entre Aden et Oman, sur le bord de <»««»«"»^*»- 
la mer. Il y mourut, et fut enterré, dit-on, près de 
la montagne de Cbihr, qui donne son nom à ce pays ^. 
Son fils Elhâf lui succéda. Des guerres avec les sou- 
verains du Yaman troublèrent le règne de Mâlik, fils 
dïlhaf. Après lui , Mahra, fils de Haydân , fils d'EI- 
hâf, s'affermit dans la possession de la contrée de 
Chihr, qui reçut depuis la dénomination de province 
de Mahra. 

Les descendants de Codhâa ayant abandonné le 
pays de Mahra, on ne dit point pour quelle cause, 
dominèrent ensuite à Nedjrân. Puis, chassés de ce 
territoire par les Benou-1-Hârith-ibn-Càb, ils émi- 
grèrent vers le Hidjâz, et se fixèrent dans le Tihâma, 
entre la Mekke et Tâïf ^, parmi les enfants de Maàdd, 
ce qui plus tard a pu les faire confondre avec la race 
roaaddiqne. 

Soit que leur nombre fût déjà grand lorsqu'ils s'é- 
taient transportés en cet endroit , ou qu'ils y eussent 
fait un séjour assez prolongé pour s'y multiplier, on 
juge qu'ils devaient former une population assez con- 
âdérable, quand l'aventure suivante fut pour eux la 
cause d'une émigration nouvelle. 

Un G>dhaïte nommé Khozayma , fils de Nahd * , 

I Ou Chidjr. Toy. imre II, p. 64, note 4. 
9 AJbulfedœ Hist, anteisL de Fleischer, p. rSa. 

3 Ibn-Khaldouo, f. xi5 vo. Agliàni, m, i6a v». 

4 'Vc^es, sur celle anecdote, Yjigiuini^ lU, 1 6a ; Ibn-Khaldoun, f. 1 1 2 ; 

Maydâni, aux proTerbes w>) v3j^' JèjU)! L» fit, et ^ J-J©' 

• 4 



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2IO LIVRIt iir. 



ATMtttre4eKbo lioiiiine (l'uH oiauvais caractère, étail amoureux d^uiie 

Mjma et de Tadli- 

^' certaine Fâtima, nlie de Yadhcor, issu de Nizâr par 

Anaza. Il la demanda en mariage. N'ayant pas été 
agréé pour gendre par le père de Fâtima j Khozayma 
résolut de se venger. Il engagea un jour Yadhcor à 
venir ramasser avec lui, dans la campagne, du Ca- 
razhj c'est-à-dire, des feuilles d'un arbre appelé Sa- 
lam y dont les x\rabes se servaient pour la préparaliou 
des cuirs. Il le mena loin des habitations , près d*un 
ancien puits à sec, dans l'intérieur duquel des abeilles 
avaient fait une ruche , et lui persuada de descendre 
dans ce puits pour enlever le miel. Yadhcor y des- 
cendit en effet, suspendu à une corde dont Kho- 
zayma tenait le bout. £x>rsquil eut pris le miel, il 
cria à son compagnon de le remonter, v Non pas , 
<c dit Khozayma, à moins que tu ne m'accordes la 
a main de ta fille. — Est-ce dans une pareille posi- 
M tion, dit Yadhcor, que je puis traiter une a(Biii*e 
u de mariage? Bemonte-moi, nous ferons ensuite 
« nos accords. — C'est avant de sortir d'ici qu'il faut 
« me donner ta parole, » reprit Khozayma. Yadhcor 
s'obstinant à ne rien promettre tant qu'il serait au 
fond du puits, Khozayma l'y laissa, et Yadhcor périt 
de faim , sans que sa famille sût ce qu'il était de- 
venu. 

La disparition de ce Yadhcor, suivie, quelque temps 
après, de celle d'un autre descendant d'Anaza, nommé 
Abou-Bouhm , qui , étant aussi allé chercher du Ca- 
razh , ne revint plus, a donné lieu à cette locution 
proverbiale : Quand les deux chercheurs de Carazh 
rei>iendront ^ locution qui s'emploie dans le sens de 



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LA MEKKK. ai I 



jamais. Le poète Âboii-Dhouwayb le Hodhaylite s'en 
est servi dans ce vers : 

« QaaDd les deux chercheurs de Carazh reviendront^ ou 
• quand les enfants de TVâïl rendront la vie à leur Colayb*. » 

On entendit dans la suite Khozayma fredonner 
une chanson dans laquelle il exprimait sa passion 
pourFâtima, et disait que cette passion l'avait porté 
à faire mourir le père de sa maîtresse. Des soupçons 
que l'on avait déjà conçus se changèrent alors en 
certitude y et les parents de Yadhcor voulurent tuer 
Khozayma. Les Codhaïtes prirent sa défense^ et de 
là naquit une guerre entre les descendants de Codhâa 
et ceux de Nizâr; car Yadhcor, comme on l'a vu, 
appartenait à la postérité de Nizâr. 

La fi[uerre ne consiste pas toujours, chez les Ara- Gnme entre im 

i. , 1111 Codheîte» et lee 

bes, en combats livrés entre des bandes plus ou moins Jg««»**«'»*«''^ 
nombreuses , et dans lesquels la victoire des uns et la 
défaîte des autres sont promptement décidées. Elle 
n^est bien souvent qu'une suite de meurtres indivi- 
duels, un état d'hostilité permanente, mais peu ac- 
tive, qui peut durer longtemps avant que l'avantage 
se prononce. Celle que se firent les enfants de Nizâr 
et les Codhaites, et dont Ton ne cite aucune circons- 
tance remarquable, paraît avoir été de cette dernière 
nature. Les cliances en furent apparemment malheu- 
reuses pour la race de Codhâa, qui finit par s'élôi- 



j;y wJ^ j:di)i j 

Toy. Hariri, édit de M. de Saey, p. 999. 



\ jS^i^ 



14. 



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2 1 51 LIVRK III. 

gner <\u Tihâina , non en masse ^ mais par fractions 
successives; et les familles dont elle se composait se 
dispersèrent en diverses contrées. 
DupmiondMCo- Les enfants d'AsIam, c'est-à-dire, les familles de 

dhaltak Les AsUro ' 

vontàWâducor.:Nahd, d'Odlira , de Hautéké, de Djohayna, de Hâ- 
rith-ibn-Sàd , etc. , toutes issues d'AsIam , fils d'Elhâf , 
fils de Codhâa, s'installèrent au nord de Yathrib, 
près du canton de Hidjr, dans la longue vallée ap- 
pelée Wâdi-I-Cora '.De là elles s'étendirent plus tard 
vers Yathrib, et même au sud de cette ville. Elles 
sont toujours restées fidèles à ces localités. Les Djo- 
hayna , au temps de Mahomet, campaient aux envi- 
rons de Bedr. On trouve encore aujourd'hui leurs 
tentes dressées entre Yanbo et Médine *. 

«JtS *îî?*S 55 L^ Benou-Salîh, ou Salihites, issus de Salîh ^ 

syriB , an ito de ' ^ 

'''" (fils de Holwân, fils d'Omrân , fils d'Elhâf), fils de 

Codhâa , se transportèrent, vers l'an 190 de J. C. , 
à l'orient de la Palestine , dans le désert de Syrie , 
auprès des Benou-Samaydà , tribu arabe qui habitait 
depuis longtemps ce pays, et reconnaissait alors pour 
chefs les princes de la maison d'Odheyna ^. Je par- 
lerai ailleurs de ces Salihites , qui ont joué en Syrie 
un rôle assez important, 
^lu» TjTœ-âUât Bientôt après, les Benou-Taym-allât, issus de Taym- 
^"«""^^'*' allât , fils d'Açad , fils de Wabra (fils de Thàlaba, fil» 

1 Âghdni, m, 1 63. 

2 Burckhardt, Voyage en Arabie^ trad. d*Eyriès, vol. lU, p. 294. 

3 Voy. le tableau m. Tai adopté , pour la généalogie de Salih, 1 opi- 
nion d' Ibn-Khaldoun (f. xi5 v^ et de Hamza Isfahàni (ap. Raunusften, 
Hut, prœelp» ar, reg,, p. 4). Suivant XÂghdni^ Salih était fils d*Amr, fib 
d'EJbAf, filsdeCodbAa. 

4 Jghdniy m, i63. 



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LA MSKKE. aJO 

de Holwftn...), fils de Codhâa, avec ane portiou des 
en&nts de Roufajda, autre descendant de Wabra 
ci-dessus nommé, gagnèrent le Bahrayn', d'où ils 
passèrent ensuite en Irak. Il sera question d'eux dans 
^histoire de la fondation du royaume de Hîrâ. 

Les Benou-Yazîd, issus de Yazîd, fils de Holwân, ei'ïSKhrtiÎM?- 
fils de... Codhâa , allèrent s'établir à Abcai^, dans la"****®^"*' 
Mésopotamie. Ijeurs femmes se mirent à tisser la 
taine, et à confectionner les tapis et étoffes rayées que 
l'on nomme Zérdbi'Abcariya et Baroud^Yaztdiya, 
Dès leur entrée dans le canton d'Âbcar , les Benou- 
Yazîd , attaqués par des peuplades turques , étaient 
sur le point de succomber, quand les Benou-Bahrâ, 
autre famille codhaîte, arrivèrent du Hidjâz sous la 
conduite de Hârith , fils de Carâd. Les deux hordes 
réunies repoussèrent les Turcs , et reprirent les pri- 
sonniers qu'ils avaient enlevés ^. 

D'autres descendants de Codhaa se maintinrent 
dans le Tihâma, après le départ de leurs frères. C'é- 
taient les enfants de K.elb, fils de Wabra, ceux de 
Djarm et d'Ilâf. Cet Ilâf , que Ton croit être le même 
que Zeyyân, fils de Thàlaba (fils de Holwân..., etc.), 
a donné son nom à une espèce de selles de chameaux, 
dont on lui attribue l'invention, et qu'on appelle 
Rilidl-lldfiya. 

Ensuite ces Benou-Kelb, Djarm et Ilâf, pour se i« Boiou-Keib 
soustraire aux exigences de certains rois himyaritesmâwr ' 

qui prétendaient les assujettir à payer un tribut, émi- 
grèrent aussi, et allèrent se fixer sur les confins du 

I Jgfiâni, ni, 1 6a v**. 

a Àgltàni^ lll^i^a v^ 16). ibn-Kbaidouii, f. lia. 



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2l4 LIVRE m. 

Hidjâz el de la Syrie. C'est probablement alors que 
les Benou-Relb possédèrent , conjointement avec les 
Sacoun , tribu yamanique issue de Kiuda , les terri- 
toires de Daumat-Djandal et de Tabouk. Ils adorè- 
rent d'abord à Daumat-Djandal l'idole nommée fVoudd 
ou JVddd ' (amour); puis ils renoncèrent à ce culte, 
pour embrasser le christianisme '. 

longtemps après , à une époque que Ton ne sau- 
rait déterminer, ces mêmes Benou-Kelb, assaillis par 
lesKinâna, ayant essuyé un échec considérable, un 
grand nombre d'entre eux se décidèrent à se retirer 
plus loin du Hidjâz. Ils choisirent pour demeui*e le 
désert de Sémàwa , entre la Syrie et l'Irak. Ils y 
restèrent toujours depuis. Abou4-Faradj Isfahâni, qui 
écrivait au milieu du dixième siècle de notre ère, dit 
qu'on les y voyait encore de son temps '. 



Les Khozàà \ leur dooiiuaUon à la Mekke. 

DiMoiatioB de ta Tandis G uc la postérité de Codhâa se disséminait 
ainsi sur des points plus ou moins distants du Tibâma, 
sa patrie adoptive, les Âzdites commençaient à se 
dégoûter de leur longue résidence à Batn-Marr. Trou- 
vant que ce lieu ne fournissait pas assez abondam- 
ment à leurs besoins, ils résolurent d'aller chercher 
un pays plus fertile. 

Une famille azdite se rendit dans le Bahrayn, vers 
l'an 191 de J. C. , guidée par Mâlik-el-Azdi , fils de 

a IbnKbaldoun, f. 1 1 6 %*. 
3 jéghéni, Ul, i63. 



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l;^ me&rf.. ai 5 

Fahm (issu de Dous, Bk île... Zohran); elle passa 
de là dans l'Irak occidental , où nous la verrous fon- 
der un royaume. On ne sait pas précisément si cette 
famille venait de Batn-Marr, ou si elle arrivait de 
rOmân , sans avoir «té dans le Tihâma. I..es témoi- 
gnages varient à cet égard. Dans le premier cas, elle 
aurait quitté le territoire de la Mekke avant les au- 
tres Azdites. 

C'est environ à l'an aoS de notre ère que je ""^p- iMVfî.'JjSlîîstSî 
porte la dissolution de la colonie deBatn-Marr, parsTH^T^M^'M S 
suite du départ de la masse principale des Azdites. 
I..es familles les plus marquantes dont la colonie se 
composait ii cette époc|4.ie étaient celle de Djafna 
(filsd'Amr, fils de Thàkiba, fils d'Amr-Mozaykiya ) , 
celle de MoudjâKd ' (fils de Hârith , fils d'Âmr, fils 
d'Adi, fils d'Âmr, fils de.... Mâzin, fils.... d^Azd), 
celle d'Ans et de Khazradj j tous deux fils de Hâritha 
(61s de Thàtaba , fils d'Amr-Mozaykiya); enfin celle 
qui fut appelée ensuite Khazda, et dont le chef était 
Amr, fils de Jx>hay (fils de Hâritha, fils d'Amr-Mo- 
zaykiya). 

Les trois premières se dirigèrent ensemble vers la ^JéfïJ^iîSÏ!?*' 
Syrie; leur histoire sera placée dans les cinquième et 
septième livres de cet ouvrage. I^ quatrième resta 
auprès de la Mekke; elle se sépara ainsi des autres, 
el c'est ce qui lui valut le nom de Khozda , sépara- 
tion. 

Cette étymologie est rapportée par tous les histo- 
riens. La plupait l'acceptent, mais quelques-uns la 
repoussent. Ces derniers , sans lui en substituer une 

1 Ibn-KhaUkmn, f. i3o %**. 



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ai6 LIVA£ III. 

autre 9 ni s'expliquer aucunement sur ce nom de 
Khozda y disent que ce mot désigne la famille d'Atnr, 
fils de Lohay , et que Lohay était fib de Camà , fik 
d'Elyâs , fils de Modhar '. Par là ils contestent l'ori- 
gine même des Khozâa , qu'ils font descendre d'Âd- 
nân. Je pense qu'ils reculent beaucoup trop loin l'âge 
d'Amr, fils de Lohay. A la vérité, cette objection ne 
peut être opposée à Ibn-iKhaldoun , qui présente , 
mais sans alléguer d'autorités, deux degrés de plus 
dans la généalogie du chef des Khozâa ; il le nomme 
Amr (fils d'Amir), fils de Lohay (fils d'Amir), fils 
de Camà '. 

Ai>oulféda, Maçoudi et autres, dont j'ai suivi te 
sentiment, assurent que le sobriquet de Lohay ^ pe- 
tite barbe, appartenait à Rabîa, fils de Hâritha, fils 
d'Amr-Mozaykiya ^; et que les Khozâa, ainsi qualifiés 
à cause de leur séparation des autres familles d'Azd, 
étaient par conséquent de la race de Cahtân. 

Sohayli veut concilier les deux avis. Il dit que la 
veuve de Camà avait été épousée par Hâritha lors- 
qu'elle était enceinte de Lohay , et que ce Lohay , 
enfant posthume de Camà, fut adopté par Hâritha, 
et passa depuis pour son fils ^. Ce fait me parait im- 
possible, parce que j'estime qu'il y a un siècle en- 
viron d'intervalle entre Camà et Hâritha. Au reste , 
cette anecdote est entièrement semblable à celle qu'on 
a imaginée sur la naissance deCodhâa. C'est le mêm^ 

1 Mém, de CJead^ vol. XLVm, p. 55o. 

2 Ibn-Khaldoun, f. x45 v**. 

3 Mém, de VAcad,, vol. XLVIII, p. 55 1. 
^ Ibn-Khaldoan, f. i5f. 



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LA M£KKE. 1Î'] 

écrivain qui les rapporte Tune et l'autre^ et Ton y re- 
connaît une méthode commode qir'il s'était faîte pour 
résoudre les difficultés généalogiques. 

L'opinion qui range la famille de Rhozâa parmi 
les Azdites est la plus généralement adoptée, et en 
même temps la plus vraisemblable; car, à l'époque où 
les Arabes ont commencé à recueillir leurs annales , 
elle était professée par tous tes Khozaa \ et personne 
sans doute ne pouvait avoir sur leur filiation des no- 
tions plus certaines qu'eux-mêmes. 

On cite , à l'appui de cette opinion , le témoignage 
de Hassan, fils de Thâbit, poète célèbre, né vers le 
milieu du sixième siècle de notre ère. Il descendait 
des émigrés de Mareb par Rhazradj, arrière-petit-fils 
d'Amr-Mozaykiya. Dans un vers, le seul malheureu- 
sement qui nous soit parvenu d'un morceau où peut- 
être il traçait une esquisse des voyages de la colonie 
azdite , il s'exprinle ainsi : 

a Quand Dotre tribu fut arrivée à Batn-Marr, KliozAa , 
« avec ses nombreuses familles, se sépara de nous * (c.-à-d. de 
« nos pères). » 

Ce vers confirme à la fois l'origine azdite des Kho- 
zaa et l'étymologie de leur nom. C^est la plus an- 
cienne autorité qu'on puisse invoquer sur cette ques- 
tion. 

^ Ibo-Hichàm, cité par M. de Stty, Jttêm, d^ tMcad., vol. XLYIU ^ 
f. 55o. 

Vmh. fie Cjicad., vol. XL VIII, p. 641, ^^99. 



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ti8 



LIVRE m. 



njJrtSÏ*!^» 1s I-''on a vu précédemment qudie était rimpiélé et 



de t. C. 



rinsolence des Djorhom, maîtres du Tihâma et gar- 
diens de la Càba. L'éloignement de la majeure partie 
des ÂzditeSy dont la réunion dans leur voisinage avait 
dû les tenir en alarme , leur donna lieu sans doute de 
se livrer au désordre et à l'orgueil avec plus d'entraî- 
nement. Le roi Modhâdh , las de les trouver indo- 
ciles à ses exhortations ^ et persuadé qu'un châtiment 
céleste causerait bientôt leur ruine, sortit de la vallée 
de la Mekke avec ses enfants , ses femmes et ses ser- 
viteurs, et se retira à quelque distance, dans un 
endroit nommé Fotouna *. 

Cependant l'orage se formait. Indignés de la con- 
duite des Djorhom, les enfants de Bacr, fils d'Abd- 
monât, fils de Kinâna, issus de Modhar, se réunirent 
pour les combattre avec les Rhozâa * et les descen- 
dants d'iyiid^, frère de Modhar. On en vint aux 
mains. Les Djorhom furent taillée en pièces, et pour 
toujours expulsés du Tihâma (vers l'an ao6 de J. C). 
d'iyâdlirrettrSK J/înteudance de la Càba devenait ainsi vacante. 

vertririk, an tôt . , . i * i>« i / i 

dej.c A ces fonctions religieuses était attachée 1 idée du 

pouvoir politique, de la souveraineté sur le territoire 
de la Mekke. Il était naturel que les descendants de 
Modhar d'une part, et, de lautre, ceux d'iyâd, ayant 
également concouru à chasser les Djorhom, eussent 
l'ambition de recueillir cet héritage des vaincus. Ce 
motif fit naître vraisemblablement un conflit qui 



I Jgkdni, III. 297. 

a Ibn-Ishâk, dans le Sirai-erraçoui^ î. 17. Jièm. de tAcaé.^ t. XLVIII, 
p. 663. Ibn-KhaldouD, f. iSi. 

S Zobayr-ibii-Barcâr cité par Ibn-Khaldoun, f. 1 5 1 v*. 



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LA MtlKKE. UI9 

éclata eDlre eux à cette époque. Les Khozâa, en leur 
qualité d elraugei-s , ne semblaient pas devoir former 
les mêmes prétentions. Ce furent eux pourtant qui 
obtinrent y par une circonstance fortuite, le prix de 
la victoire que les autres se disputaient. 

Les enfants dlyâd , mis en déroute par ceux de 
Blodhar, émigrèrent en masse (en la même année 
206 de J. C. ) , et se transportèrent dans les plaines 
occidentales de l'Irak. La plupart se fixèrent à Ayn- 
Obâgh ^ , sur les confins du désert de Syrie. Mais 
avant de s'exiler du Tihâma, voulant troubler la joie 
du triomphe qu'ils laissaient à leurs adversaires , ils 
arrachèrent de la Càba la fameuse pierre noire, ob- 
jet de la vénération générale, et l'enfouirent dans un 
lieu secret. 

Une femme khozaïte fut témoin de cela. Elle en l» xhoua ob- 

ttenneat la gtrde 

instruisit les gens de sa tribu. Ceux-ci proposèrent *•'■*^'••• 
aux descendants de Modhar de leur faire retrouver la 
pierre noire, si on voulait leur accorder Tintendance 
du temple. Cette condition fut acceptée ; la pierre fut 
déterrée, remise en place; et la garde de,la Càba, 
avec l'autorité gouvernementale sur le pays, dévolue 
aux Khozâa *. 

Seulement trois prérogatives furent réservées ^ ^"iSSîSïSiMU 
la postérité de Modhar. C'étaient des fonctions pure- ^ ^^^*'' 
ment religieuses , et relatives aux pratiques du pèleri- 
nage; car cette antique institution, fondée, d'après 
la croyance commune, par Abraham et Ismaël , con- 

I Ibo Xhaldoun, f. 1 9 1 , 1 39. 

a Maçondî, maD. ar. de la Bibl. roy., n* S99, A, p. 6 du io« cah. De 
Sacy, Jtf^. Je CÂcnd., vol. XLYUI, p. 546-54$. IbnKbaldoun, f. r5i v«. 



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^10 LIVRE III. 

tinuait à être observée parmi les Arabes. Ces fonc- 
tions, uooiniëes Idjdza et Arafat y Ifddha de Moz* 
délifa^ et Djamè ila Mirta^ autrement Idjdza de Mina^ 
consistaient: la première, à donner le signal du dé- 
part du mont Arafat , et à faire passer les pèlerins 
dans un certain ordre; la seconde, à les conduire, 
en sortant de Mouzdélifa , le matin du jour des sa- 
crifices, au lieu de la cérémonie dans la vallée de 
Mina; la troisième enfin, à tenir les pèlerins réunb 
dans la vallée de Mina jusqu'au jour Yauni-Ennafry 
qui est celui de la rentrée à la Mekke '. 

Ces trois charges , ou au moins la première et la 
dernière, avaient été, au temps même des Djorhom, 
Tapanage de la famille de Soufa, dont l'auteur, 
Ghauth (fils de Mourr, fils d'Odd, fils de Tàbikha , 
fils d'Ëlyâs), surnommé Soûfay flocon de laine, ap- 
partenait par son père à la tige de Modhar , et par sa 
mère à la tribu de Djorhom. Cette famille de Soufa 
jouit de ses privilèges pendant toute la durée de la 
puissance des Khozâa ^. Voici comment elle les 
exerçait : 

Lorsque la station des pèlerins sur le mont Arafat^ 
situé à dix ou douze milles delà Mekke, était terminée,, 
et qu'il était temps de se diriger vers Mouzdélifa, un 
homme de Soufa criait : « Passez , Soufa ! » Ceux-ci 
se mettaient en marche les premiers. Puis le même 
homme criait : «Passez, Khindif! » et lesKhindif, 
c'est-à-dire, les descendants d'Elyâs, fils de Modhar, 
marchaient les seconds. Après cela, le reste des pèle-^ 

I Ibu-Khaldouii, f. tSi %*. 

a Mim, de tjécmd., vol. XLVIII, p. 665, 667. 



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k-ins s^aclieminait vers Mouzdéiifa '. De même, quand 
les pèlerins rassemblés à Mina se préparaient à faire 
le dernier jet des cailloux , au jour nommé Yauni' 
Emiafrj surlendemain de la fête des sacrifices^ c'était 
un homme de Soufa qui devait donner l'exemple. 
Nul n'avait droit de jeter les cailloux ^vant lui. Mal- 
gré les instances des personnes que des affaires pres- 
sées rappelaient à la Mekke, cet homme attendait que * 
le soleil commençât à baisser. Alors il jetait les cail- 
loux , et tout le monde l'imitait. Cette cérémonie 
achevée, il donnait le signal du retour à la Mekke^ 
en criant successivement : a Passez , Soufa ! passez , 
«Rhindif»!» 

Quelques auteurs disent qu'après l'expulsion de la Amr, ait <ie lo- 

* * ' * hay, preiDter prln- 

tribu de Djorhom, la garde de la Càba fut déférée à îJ^^e**?'^*»'"*^" 
une branche de Khozaa, nommée les enfants de 
Ghoubchàn, qui avait contribué plus que les autres 
Khozaites à renverser les Djorhom. I^e premier de 
ces enfants de Ghoubchân qui eut l'intendance du 
temple, suivant les mêmes auteurs, est appelé par 
eux Amr, fils de Hârith; ce Hârith avait, dit-on, le 
surnom de Ghoubchân ^. 

Mais la majorité des historiens nomme Amr, fils 
de Lohay , fils de Hâritha , le chef de Khozâa qui 
succéda aux princes djorhomites. 

M. de Sacy a conjecturé , avec assez de vraisem- 
blance , que ces deux personnages ne font qu'un 4. Si 

I Càmotu au mot Soufa. *** 

% Mém. de t Académie^ yol. XL^in, p. 666. 

3 Sirat-erraçotU , f. 17 ▼*. De Sacy, Mém, de VAead,, vol. XLVm, 
p. 664. Ibn-KhaldouD» f. i5i et ▼•. 

4 Mén, de tjcad,, toi. XLVIII, p. 55a. 



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22!! LIVRE III. 

Ion n'admet pas ridenlité, on pourrait supposer 
qu'Amr, fils de Hâritli, aurait occupe la charge de 
ministre de la Càba immédiatement après Amr, fils 
de Lohay, dont on ne connaît pas nominativement 
les successeurs. 

I^s témoignages les plus nombreux et les plus cir- 
constanciés attestent qu'Amr, fils de Ix>hay, fut le 
premier des Khozàa qui exerça l'autorité souveraine 
à la Mekke. J'adopte ce fait comme constant, et je 
place Favénement d'Amr, fils de Lohay , au pouvoir^ 
en Tannée de J. C. 207 environ. 

Dans une légende rapportée par Pauteur de l'A- 
ghâni ', on lit que Modliâdh le Djorhomite, souhaitant 
vivement de revoir la Mekke sa patrie, naguère son 
royaume, députa un message aux Khozàa pour les 
prier de lui permettre de venir habiter près des lieux 
saints. Il faisait valoir, à l'appui de sa demande, ses 
efforts pour ramener sa tribu à l'observation de la 
justice, aux devoirs de la religion. Mais on refusa 
de le i^ecevoir , et Amr , fils de Lohay , prononça cet 
ari*et : « Quiconque rencontrera un Djorhomite dans 
a le voisinage du Hararn (territoire sacré), peut le 
« tuer. Il n'y a aucune peine pour le meurtre d'un 
a Djorhomite. » 

Or il advint que les chameaux de Modhâdh éprou- 
vèrent le désir, naturel à ces animaux , de i^etourner 
aux lieux où ils avaient coutume de paître. Ils quit- 
tèrent les pacages de Fotouna, oîi campait encore 
Modhâdh , et se dirigèrent vers la Mekke. Modhâdh 

I Jghdtti, lU, 297. Fresnel, Journ. «uiaLy aoât i83S, p. aoa. 



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LA M£KKE. 2!à3 

courut après eux, et, les suivaot à la piste, arriva jus- 
qu'aux uiontagoes qui avoisineut la Mekke du coté 
«rAdjyâd. Parvenu sur le mont Abou-Coubays, il 
aperçut ses chameaux dans la vallée de la Mekke ; 
mais, n'osant y descendre , il eut le chagrin de les 
voir égorger et manger par les Khozâa. Il se retira 
ensuite, avec les débris de sa tribu, dans le Yaman % 
qui avait été le berceau de la race djorhomite , et où 
elle finit par s'éteindre. 

On met dans la bouche de Modhâdh une élégie 
qu'il aurait composée au moment où il était réduit 
à abandonner le Tihâma. Voici un échantillon de 
cette pièce, dont je n'oserais affirmer l'authenticité : 

« Hélas ! il semble «iiijoiird*hui que jamais un seul Djorho- 
t mite n'ait habité entre Hadjouu et Safa, et ne se soit livré 
• dans la Mekke aux causeries du soir. 

« C'était nous y nous, qui occupions ces lieux chéris. Les 
« vicissitudes du sort, la fortune contraire, nous en ont bau- 
« nis *, etc. » 

Ces vers sont célèbres ; on les regarde comme un 

des plus anciens fragments de poésie que les Arabes 

aient conservés. 

Les historiens musulmans en général accusent mr, flto4eL»- 
^, , ^ , 1, 1 / / I !• • 11 A hiT, lntrod«ltà ta 

Amr, fils de Ijoliay , davou* altère la religion d A-g^«*«<^«*» 
braham en y mêlant l'idolâtrie. Cependant il y a lieu 
de croire, comme je l'ai montré précédemment, que 
le culte de certaines fa lisses divinités existait dans le 

I Sirat'frra^oul^ f. 1 7 ?*. 

a Toy. le texte de ces vers dans la vie de Mahomet par Abouiféda, édil. 
de N. Desvergers , p. 1 4* Scbultens a publié le inorcean entier dans ses 
Manumenia vetust, ar,f p. i. 



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224 LIVRE m. 

Hidjaz, et même à la Mekke, longtemps arant lui. 
Mais peut-être Amr fut-il le premier qui plaça sur le 
faite ou dans Fintérieur de la Càba les images de 
divinités déjà en vénération chez les Arabes. Ce qu'on 
peut au moins considérer comme constant, c'est qu'il 
fit adopter à ses compatriotes plusieurs idoles, entre 
autres celle de Hobal. 

On raconte qu'ayant fait un voyage en Syrie, il 
passa à son retour par Maâb ' , dans la contrée de 
Balcâ^. Ce pays était habité par des Amâlica (c'est- 
à-dire, par les Benou-Samaydà, ou Amila-el-AmâKk ^). 
Il les vit adorer des idoles , et leur demanda ce que 
c'était que ces objets de leurs hommages. Us répon- 
dirent : f< Ce sont des dieux faits à l'imitation des 
« corps célestes, et des figures humaines. Nous les im- 
« plorons dans la sécheresse , et ils nous envoient la 
« pluie; dans le danger, et ils nous accordent leur se* 
« cours. » Amr les pria de lui donner un de ces dieux. 
Ils lui firent présent de Hobal. Amr l'emporta à la 
Mekke, et l'érigea sur la Càba. Il engagea ensuite ses . 
compatriotes à adorer cette idole et à lui offrir des 
sacrifices^ ce qu'ils firent à son exemple^. 

La statue de Hobal était faite, dit-on, d'une sorte 
de pierre rouge ou cornaline , nommée Akik ^. On 



I C'est la TÎUe de Moab, ou Aréopolis. 

a La contrée de BaIcA, située, dit le Mêrdcid-eUitila^ entre Damas et 
Wadilcora, est Vancien pays des Moabites, à Torient de la Judée, près de la 
mer Morte. Ce nom de Balcè rappelle celui de Balac, fib de Séphor, roi dei 
Moabites (nombre XXII, lo. Josué, XXIY, 9). 

3 Yoj. livre I, p. a3. 

4 Sirai-errafoui, f. 19 v*. Abulf. But. anteùl. de Fleischer, p. t36. 

5 Safieddin dté par Pooocke, Speehm, hist, ar.^ p. 98. 



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LA MEKSLE. 2a5 

ajoute que Hobal était représenté sous la figure d^un 
vieillard à longue barbe ^ 

On attribue aussi à Amr, fils de Lohay, Tinstitu- nuges supenu- 

. . . lieax. 

tion de quelques usages superstitieux , relatifs à des 
animaux qui devenaient sacrés dans certaines circons- 
tances, et qu'il était défendu de tuer. 

Ainsi, lorsqu'une chamelle avait eu successivement 
dix portées d'un ou plusieurs petits , et que dans cha- 
cune de ces portées il s'était trouvé une femelle , la 
mère était donnée aux dieux , c'est-à-dire qu'on ces- 
sait de la monter, de lui imposer des fardeaux, de 
lui tondre le poil, et même de la traire, excepté pour 
offrir son lait à des hôtes ou à des pauvres. Elle était 
qualifiée de Sdlba ; elle paissait librement partout où 
elle voulait, jusqu'à ce qu'elle mourût de sa mort 
naturelle. 

Si une chamelle Sâïba avait encore une onzième Battra. 
production femelle , on fendait l'oreille à celle-ci , on 
lui accordait les mêmes privilèges qu'à sa mère , et 
on l'appelait Bahtra. 

Si, parmi les chamelles saillies par un même éta- héoh 
Ion, dix successivement mettaient bas des femelles, 
rétalon était de même consacré aux dieux , sous la 
dénomination de HâmL On le laissait errer en liberté 
parmi les troupeaux de chamelles , et il ne servait 
plus qu'à la reproduction. 

Était également sacrée une chamelle qui, en cinq wacua. 
portées successives, avait eu des femelles jumelles. 
On laA nommait JVacUa. 



I Reinaudy Mon, musul,^ 1, 246. 

i5 



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aa6 LivAE m. 

Telle est la manière dont Iba-Ishak explique les 
termes de Wacîla, Hâmi, Babîra, et Sâïba '. 

Selon Ibn^^Hichâm, on qualifiait de Sdîba tout 
animal auquel la liberté et Thiviolabilité étaient don- 
nées en exécution d'un vœu fait par un malade pour 
recouvrer la santé , ou par un voyageur pour obtenir 
un heureux retour. C'était ordinairement une cha- 
melle que l'on consacrait dans ces cas. 

Liorsqu'une chamelle faisait habituellement, à cha- 
que portée j deux jumeaux ou deux jumelles, les fe- 
melles appartenaient aux dieux, et les mâles au maître 
de la mère; et s'il arrivait que cette mère fit une por- 
tée d'une femelle et d'un mâle, les deux petits appar- 
tenaient aux dieux , parce que la femelle communi- 
quait à son frère jumeau son privilège d'inviolabilité* 
Gîtte femelle, selon Ibn-Hichâm, était la fVacila ■. 

Tout cela, au premier coup d'œil, paraît bizarre. 
On peut cependant y reconnaître autre chose que du 
caprice. 

Le chameau est l'animal le plus utile aux Arabes. 
C'est leur monture en voyage, le vaisseau du désert, 
suivant l'expression pittoresque d'un écrivain mo- 
d^ne. Leurs tentes sont fabriquées avec son poil. La 
chair du mâle et de la femelle, et le lait de cette 
dernière, sont une des bases de leur alimentation. 
Le chameau est enfin leur principale richesse. La 
multiplication de l'espèce cameline a donc dû être de 
tout temps l'objet particulier de leurs soins. Or, si 
l'on réfléchit que pour cette multiplication le grand 

I Sirai-errofOtti, f. i3 t% 14. 
% SiniMrrttçoul, f. 14. 



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LA MEKKE. 2^7 

Qombre des femelles est plus nécessaire que celui des 
mâles, on comprendra qu'une sorte de reconnais- 
sance, et en même temps une sagesse prévoyante, 
avait pu inspirer l'idée de rendre inviolables ceux de 
ces animaux qui donnaient le plus de productions 
femelles, et d'enlever à la consommation plus de fe- 
melles que de mâles, pour les réserver, sous la pro- 
tection d'un caractère sacré , à la propagation de l'es- 
pèce. 

Chaharistâni ' , célèbre docteur musulman, estime 
que l'introduction à la Mekke par Amr, fils de Lohay, 
du culte de Uobal et de plusieurs autres idoles, se 
rapporte au temps du monarque persan Sâbour, c^est- 
à-direde Sapor F', fils d'Ardchir, fils de Bâbek '. 
Cette indication , qui n'est pas sans doute d'une pré- 
cision rigoureuse , peut au moios faire présumer que 
certaines années du pouvoir d'Amr, fils de Lohay, 
ont concouru avec quelques années du règne de 
Sapor l^. Or ce règne a commencé en a 87 ou 238 
de J. C. 11 nous suffira donc, pour ne point être en 
opposition avec Chaharistâni , de supposer qu^Amr, 
fils de Lohay , termina sa carrière vers l'an 240. 

J'ai parlé ailleurs d'un prince himyarite qui vint à 
la Mekke, couvrit la Càba d'étoffes précieuses, et mit 
à cet édifice, dont l'entrée avait été jusqu'alors sans 
fermeture , une porte garnie d'une serrure. Ce fait 
paraît s'être passé du temps de la puissance khozaîte ^. 

X Abou-l-Fatb-MobaiDmed-el-Gbabanttàm; m vie est dans Ibn-Khal- 
licân, édit. de M. de Slane, p. 676. 

9 SisL anieisL^ p. i36. Mém. de l'Aead,^ vol. XLVm, p. 654, SS^. 
3 Mém, de tAead.^ vol. XLVm, p. 594. 

i5. 



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là^S LIVRE III. 

Il correspondrait à l'époque d'Amr , fils de Ix>hay , 
si le Tobbà qui visita le temple, et y laissa cette mar- 
que de son respect, est, comme on le croit assez 
communément, Tibbân Açàd Abou-Carib. 

Amr, fils de Lohay , de même que les princes djor- 
liomites ses prédécesseurs, est qualifié par les Arabes 
de malikj roi. Il semble que ce titre ait ensuite cessé 
d'être en usage à la Mekke. 

Les historiens ne nous ont transmis aucune liste 

4'Ainr Inconnoi 

'!Moà*4o?deî!'c'^®s personnages de la tribu de Khozâa qui ont été 
revêtus de l'autorité après Amr , fils de Ix^hay. L'on 
a seulement conservé la généalogie incomplète du 
dernier chef khozaîte , nommé Holayl, qui fut inten- 
dant de la maison de Dieu. Les ancêtres connus de 
ce Holayl sont, par ordre descendant : 

Càb j désigné par les uns sous le nom de Càb, fils 
d'Amr, fils de Lohay, par les autres, sous celui de 
Càb, fils d'Amr, fils de Hârith , et plus généralement 
appelé Càb, fils d'Amr, le Khozaîte; Solma, fille de 
ce Càb, fut l'épouse de Ghâlib, fils de Fihr-Coraych, 
l'un des aïeux de Mahomet '. 

Saloûl, fils (ou petit-fils) de Càb, fils d'Amr; 

Hobachiya, fils (ou petit-fils) de Saloûl; 
n<»«yj;j<>| •?»**«> Holayl, fils de ce Hobachiya , donna en mariage sa 
fille Hobba à Cossay ^ , autre ancêtre de Mahomet ; 
et Cossay , ainsi qu'on le verra bientôt ,* s'empara de 
l'intendance de la Càba et du pouvoir politique, dont 
il dépouilla les Khozâa. 

Or, en comparant la généalogie de Cossay, qui 

I Sirat^rra^oul, f. i4 v®. 
a Sirat-errafOttlf f. i6. 



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LA MEKK.E. IHàQ 

est certaine, avec celle de Holayl ' , il est aisé de re- 
connaître, comme i'a fait M. de Sacy ^, qu'il manque 
dans cette dernière deux degrés. En effet, puisque 
Solma, fille de Càb , épousa Ghâlib, et que Hobba, 
fille de Holayl, descendant de Càb, épousa Cossay, 
descendant de Ghâlib, il y a toute probabilité qu'il 
doit se trouver, entre Càb et Holayl, le même nombre 
de générations qu'entre Ghâlib et Cossay , c'est-à-dire 
cinq , au lieu de trois que présente la généalogie de 
Holayl. 

En outre, Holayl, père de Hobba , femme de Cos- 
say, devait être né à peu près vers la même époque 
que Kilâb, père de Cossay, c'est-à-dire (suivant le 
tableau viii) vers l'an 365 de J. C. Il a donc pu de- 
venir gardien de la Càba vers 4o5. Dans ce cas , il 
aurait été âgé de quarante ans lorsqu'il serait parvenu 
à cette dignité , ce qui convient parfaitement. 



its des Coiiydiil«s. Ils enlèyent le pouvoir aux Khozte. 

Pendant la longue période de temps que remplis- Ftbr-coraychei sa 
sent les obscurs successeurs d'Amr, fils de Lohay , 
jusqu'à Holayl, les descendants de Nadhr par Fihr- 
Coraych se multipliaient rapidement, et commençaient 
à former la tribu, depuis si célèbre, des Coraychites. 

L'on n'est pas d'accord sur l'étymologie de ce nom. 
Il dérive, suivant Ibn-Hicbâm ^, de la racine Cavach 

I Yoy. Ubleau VUI et appendice B. 
1 Mém, de rAead.^ vol. XLVUI, p. 55?. 
\ SinU-erraçoulf f. 14 v**. 



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a3o uvBK 111. 

et des roots Caroâch et TecanxHtch$ qui signifient 
commercer , feire des profits. Cette opinion est fort 
plausible. On sait que les Coraychit^ ont été très- 
adonnes au commerce, et l'on peut penser que c'était 
principalement leur père Fihr qui leur avait transmb 
Fesprit et les habitudes du négoce '. 

Fihr * eut un grand nombre d*enfants mâles, en- 
tre a^tres Udrithj Mouhârib, et Ghélib (nés vers 
a33 de J. C. y. Tai dit que celui-ci épousa Solma , 
fille de Càb, fils d'Amr le Khozalte. C'est un syocfaro- 
nisme important; il sert à déterminer l'âge de Càb, 
dont la naissance était vraisemblablement antérieure 
à celle de son gendre, de l'espace d'une génération. 

«MitteGbâiib, GhIlib eut de Solma deux fils, Taym et Loway 
(nés vers a66). Taym reçut le sobriquet SEUAdram^ 
l'édenté. Sa postérité forma une sous-tribu de Co- 
raychites , connue sous la dénomination de Benou-t- 
Adram 3. 

De uway. LowAT fut père ^Amiry de Sdma^ SAuf^ de Kho- 
zayma^ de Sàd^ et de Càb (nés vers ^99). Sâma , 
ayant crevé un œil à son frère Amir , (ut obligé de 
quitter le Tihâma , et se retira dans le pays d'Oman , 
ou ses descendants se propagèrent. La postérité de 
Sad, sous le nom de Boundnaj et celle de Rhozayma, 
sous le nom ^Aîdha 4 , s'incorporèrent par la suite 



X Voyez (Tautres étymoiogies du mot Corajch dans les notes de 
if. Desfcrgers sur la vie de Bfahomet, p. xoi. 
a Yoy. tableau Vm. 

3 Sirat-erraçout^ f. 14 ?*. Eicborn, M<m. hist. or. y p. 76. 

4 Aîdka était le nom de la mère de Khosayma, et Boumàna^ celui de 
h nourrice de Sàd. (Sirat, (, i5. Ibn-Cotayba, ap^ Eichorn, p. 77, 7S.) 



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LA MfiKEE. a3l 

dans la tribu de Chaybân , fils de Thàlaba y issu par 
WIjI de Rabîa^ 61s de Nîzâr. 

De CkB, fils de Loway, naquirent ( vers 33îi) j^di^ œ eut, 
Hoçays (ou HodhaydK)^ et Mourra. Le premier est 
l'auteur d'une sous-tribu coraychite appelée les Be- 
nou-Adi. Hoçays engendra Aror^ et celui-ci eut deux 
fils , Djoiunah et Sahm j qui ont donné leurs noms 
à deux branches illustres de Coraych. 

Les principaux enfants de Mourba, fils de Càb^ DeMpum, 
furent Kildb (né vers 358), Yakzha (vers 365), 
Tajrm (vers 375). Yakzha fut père de Makhzoûm , 
dief d'une des familles coraychites les plus marquan- 
tes. I^ race de Taym donna aux Arabes leur premier 
calife, Aboubecr. 

RilAb engendra Zohra (vers SyS) et Cossay beiuâb. 
( vers 398). Leur mère était Fâtima , fille de Sàd , fils 
de Sayal, l'un des Djadara ou maçons ' , c'est-à-dire 
de la race de l'architecte qui avait reconstruit la 
Càba , sous les Djorhom. Zohra est l'auteur de la 
branche coraychite des Zohri. Quant à Ck>ssAT, je 
vais en parler avec détails. 

Il était âgé de quc;)qnes mois seulement, lorsque <^«"y- 
son père Rilâb mourut. Sa mère Fâtima ne tarda pas 
à convoler en secondes noces. Un personnage codhaïte, 
nommé Rabîa, chef de la Êimitle des Benou-Odhra , 
établie à Wadilcora, ayant fait un voyage à la Mekke, 
vit Fâtima, demanda sa main, et l'épousa. Il l'emmena 
avec son jeune enfant dans le pays qu'il habitait. 
Cossay, à cette époque, venait d'être sevré. Son frère 

I Sirai^rra^ouly f. i6. 



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Uon. 



23a LIVRE m. 

Zohra, qui était un homme fait^ demeura à la Mekke. 
Fâtima eut de Rabîa un fils, qu'elle appela Rizâh. 

Cependant Cossay fut élevé dans la tente de Rabîa, 
qu'il croyait son père. Lorsqu^il fut devenu grand 
et qu'il connut son origine, il retourna parmi les Co- 
raychites, et obtint bientôt de la considération par 
ses qualités éminentes. 

Le Rhozaîte Holayl , fils de Hobachiya , était alors 
investi des hautes fonctions de gardien de la maison 
sainte. Cossay lui demanda en mariage sa fille Hobba, 
et Holayl consentit à cette union. 
c<2ïïî! St ïmbf Hobba donna à Cossay deux filles et quatre fils, 
Abdeddârj ÂBOMA^irÂF, Abdelbzza, et Abd. Cossay, 
en peu de temps, acquit de grands biens. A la tête 
d'une famille nombreuse et riche, il se vit Thomme 
le plus puissant de la tribu de Coraycb. 

Alors il lui vint à la pensée qu'étant de la race 
pure d'Ismaël , il ^vait à l'intendance de la Càba et 
9U gouvernement du pays un droit plus légitime que 
les Kbozâa. \\ conçut le projet de les déposséder. 11 
communiqua secrètement ses intentions aux princi- 
paux chefs d'entre les Coraychites et autres descen- 
dants de Kinâna, et s'assura de leur concours pour 
le moment de l'exécution '. 

Déjà il avait, dit-on , com^mencé à exercer une par- 
tie des fonctions qu'il ambitionnait. Son beau-père 
Holayl ne pouvant plus , à cause de sa vieillesse et de 
ses infînnités, remplir les devoirs de gardien de la 
Càba, avait confié les clefs à sa fille Hobba. Celle-ci 

I Sirat'^rraçouly f. 17 v% 18. U)ii-KhaldouD,f. x52. Mêm. de tÂcad.^ 
Xol. XLVm, p. 665. 



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LA MEKKE. !i33 

les remettait à son mari , qui ouvrait et fermait le 
temple aux heures accoutumées. Hobba engagea 
ensuite son père à désigner un homme pour le sup- 
pléer dans son ministère i*eJigieux. Elle espérait que 
Holayl choisirait son gendre Cossay. Cette attente 
fut trompée. Holayl nomma un certain Abou-Ghoub- 
chân^ qui était son (ils, suivant les uns, et, selon les 
autres, fils d'Amr, fils de Boway,de la famille khozaîte 
des Benou-Malcân '. 

Sur ces entrefaites, Holayl mourut. Ibn-Saïd dit 
que, cédant aux instances de Hobba, il avait laissé 
à Cossay, par un testament, l'intendance de la Càba ; 
mais que les Khozâa refusèrent de reconnaître ses 
dernières volontés , et maintinrent Abou-Ghoubchân 
dans la possession des clefs du temple. 

On raconte que Cossay s'empara de ces clefs par 
uoe ruse. Il enivra Abou-Ghoubchân, et, profitant du 
moment où celui-ci était complètement privé de sa 
raison , il lui acheta les précieuses clefs pour une ou- 
tre de vin. Ce fait a donné naissance aux expressions 
proverbiales : Plus sot qu* Abou-Ghoubchân y et 
Marché dt AbourGhoubchdn ^, qui veut dire marché 
de dupe. 

Cossay , prévoyant l'opposition des Khozâa à ses poiV(!ï?,"ï?îî# Se 
desseins, avait mandé à son frère utérin Rizâh, fils *^* 
de Rabîa, de venir l'assister avec des forces. Rizâh 
se i*endit à la Mekke avec ses frères Hassan, Mah- 

I Ibn-Khaldoun» f. i52. 
(kmii,f. i5a. Maydàni. 



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Il34 LIVRE Ifl. 

moud 9 Djolboma, et an grand nombre de Benoa- 
Odhra. C'était l'époque du pèlerinage, et cette cir- 
constance, cachant le véritable motif de leur arrivée, 
put empêcher les Khozaa de s'alarmer et de se mettre 
sur leurs gardes. Les enfants de Bacr, fils d'Abdmo- 
nât , et les Soûfa ou descendants de Ghauth, fils de 
Mourr, faisaient cause commune avec la triba de 
Rhozâa. Ce fut par une attaque contre les Soûia que 
Cossay commença l'exécution de ses projets. 

Cette famille, comme on sait, avait joui, sous les 
Djorhom , et jouissait, sous les Khozàa, du privilège 
nommé Idjàza^ consistant à donner aux pèlerins le 
signal de la marche en certaines occasions. Les Soûfii 
allaient exercer ce droit , qui était avoué de tous les 
Arabes, comme faisant partie des cérémonies rdi* 
gieuses du pèlerinage, lorsque Cossay, accompagné 
de tous ceux de son parti , tant Coraychites que Ki- 
naniens et Benou-Odhra , vint à eux sur la colline 
Acaba , et leur dit : « Il n'en sera pas ainsi; Vldjàza 
ce nous appartient à plus juste titre qu'à vous. » Les 
Soûfa voulurent soutenir leur droit : l'on en vint aux 
mains. Après une lutte très-vive, les Soûfa furent 
taillés en pièces , et Cossay conquit ainsi leur préro- 
gative '. 

Les Rhozâa sentirent alors qu'il allait leur disputer 
l'intendance du temple et le pouvoir politique. Ils se 
hâtèrent de se réunir avec les enfants de Bacr-ibn- 
Abdmonât, et de se préparer à combattre. Cossay ne 
les attendit pas. Il marcha le premier contre eux. 

I Sirat-erracoul^ f. i8 v*. Ibn-Kh«kio(in, f. i5a v*. Mém, de PÀcad,^ 
▼ol. XLVIU, p. 667. 



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L4 MM9LKK. ^35 

On se battit avec adiamement ; le nombre des morts 
fut grand des deux côtés ^ mais l'avantage resta in- 
certain. 

Enfin , pour arrêter l'efFusion du sang, on proposa 
un accommodement et la nomination d'un arbitre. Le 
choix tomba sur un vieillard au jugement duquel 
beaucoup de contestations étaient soumises, à cause 
de sa réputation de sagesse. Il se nommait Yàmor, 
fils d'Auf', et était issu de Bacr-ibn-Abdmonàt. Il 
décida que la garde de la maison de Dieu et le gou* 
vememeot de la contrée devaient appartenir à Cos- 
say; que tout le sang des Khozâa et des enfauts de 
Bacr, versé par G)ssay , était légitimement répandu , 
et qu'il le foulait aux pieds; mais qu'il était du une 
amende pour le sang des Coraychites^ des Kinâniens 
et Benou-Odhra, versé par les Khozâa et enfants de 
Bacr. De ce jour-là , Yàmor fut surnommé C/ioud" 
dâJih^ à i^use du sang qu'il avait foulé aux pieds*. 

Cette décision fut acceptée, même par les Khozâa, 
dont elle condamnait les prétentions. Ils cédèrent la 
place à Cossay, et se retirèrent à Batn-Marr, leur 
ancienne habitation ^. 



GoaTernement de Cossay. 

Cossay fut donc mis en possession de l'intendance 
de la Càba et de l'autorité gouvernementale ( vers 
Tan [\l\o de J. C. ). Il commença par congédier Rizâh 

X Kb de Cib, fiU d'Amir, 61s de. Layth, fils de Bacr. 

a Strat, f. iS ▼•. Mém. de tAcad,, vol. XL VIII, p. 668. 
3 lyohsMHi, TabL dtfemp. OU,, UI, i&6. 



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a36 



LIVRE 111. 



et les Benou-Odhra, dont la présence ne lui était 
plus nécessaire; et en même temps, pour affermir 
sa puissance 9 il s'occupa de réunir ^ à la Mekke et 
aux alentours, les sous-tribus coraycliites , qui étaient 
auparavant dispersées, parmi les autres descendants 
de Kinâna, sur divers points du Tihâma. Il fut pour 
cette raison surnommé El-Moudjammi , le rassem- 
bleur '. 
Mdtke'SwtîSjte* ^^ vénération des Arabes pour la Càba et pour le 
vcri an 448 e ^^j ^^^^^ ^^j l'cnvironnait était si grande , qu'ils n'a- 
vaient pas osé jusqu'alors prendre de demeures fixes, 
ni construire de maisons dans le voisinage de ce sanc- 
tuaire. On passait la journée à la Mekke, c'est-à-dire 
dans la circonscription du terrain particulièrement 
sacré; mais le soir, on s'en éloignait par respect. 

Cossay persuada aux Coraychites que s'ils fixaient 
leur domicile et bâtissaient des maisons autour du 
temple, aucune tribu arabe ne pourrait entreprendre 
de les attaquer dans ce lieu saint. Il divisa l'étendue 
du terrain qu'embrassa depuis la ville de la Mekke, 
en différentes portions ou quartiers qu'il assigna pour 
demeure à sa propre famille, et à celles d'entre les 
autres familles coraychites qui tenaient de plus près 
à la sienne. 

On dit que les Coraychites se faisant scrupule de 
couper les arbres de cette terre vénérée, Cossay en 
coupa quelques-uns de sa main, et fit abattre les autres 
par ses soldats. Alors la place étant libre , on com- 
mença à bâtir , et la ville de la Mekke s'éleva. Cossay 

I Siratf f. i8 v*. Iba-Kbaldoun, f. iSi v*. 



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LA MERKE. a37 

en fut ainsi le fondateur. Des quatre cotés de la Càba 
on laissa un espace vide , destiné aux tournées pieu- 
ses , iawàf, X>es Coraychites construisirent leurs mai- 
sons à l'eutour de cet espace ou parvis ^ qui fut en- 
suite pavé de pierres polies , et appelé El-Matàf*eU 
Chartf^. Les mêmes familles auxquelles Cossay avait 
assigné des quartiers, s'y trouvaient encore établies à 
la naissance de l'islamisme ^. 

Cossay fit bâtir pour lui-même un palais, dont la iMtuou^<it- 
portc donnait dans le parvis du temple. Ce palais fut 
nommé Ddr-ennadwa , l'hôtel du conseil, parce que 
c était là, sous la présidence de Cossay, que se trai- '*~*''■• 
laient toutes les affaires publiques. Il fallait avoir au 
moins quarante ans pour être admis à prendre place 
dans ce conseil, nadwa) mais les enfants de Cossay 
y avaient tous entrée ^. Là se faisaient aussi les ma- 
riages des Coraychites, et autres actes de la vie civile. 
Par exemple, lorsqu'une jeune fille était parvenue à 
l'âge de porter l'habillement appelé dirè^ on l'amenait 
au Dâr^nnadwa, et on l'y revêtait de ce costume 4. 

C'était encore dans le Dâr-ennadwa que les Coray- uwi. 
chites , lorsqu'ils devaient faire la guerre à une autre 
tribu, recevaient des mains de Cossay le drapeau, 



I Le Maidf^ de dos jours, est entouré de piliers en bronze doré, qui le 
séparent du reste de la grande cour comprise entre les galeries de la vaste 
BOiquée Et-Hesdjùi'el'Baràm, Voy. le plan donné par Niehuhr, Descript, 
ietAmb.^ p. 3 12, et d'Ohsson, m, 188. 

a Sirat-etra^ul, f. 18 ▼•. Cotbeddîn, Hist, de la Mekke, No t. et extr. 
des man»^ FV, Sig-SSo. Burckbardt, Voyag, en Àrab,, trad. d^Eyriès, I, 
p. aao. 

3 Gotbeddln, iVb/. et extr, des man.^ vol. IV^ loc. cit. 

4 Sirat-erraçouly f. i8 v*. »fém, de CÀcad,^ toi. XLVIII, p. 669. 



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a38 LIVRE III. 

liwa. Cossay attachait lui-même au bout d'une lance 
une pièce d'étoffe blanche, et remettait cet étendard, 
ou le faisait remettre par un de ses fils , à l'un des 
chefs coraychites. Cette cérémonie , nommée Akdr 
el4iwa ( nouer le drapeau ), subsista toujours, depuis 
Cossay qui l'avait fondée, jusqu'aux derniers temps 
de l'empire arabe \ 
iiiida. Une autre institution de Cossay méritait d'avoir 

une durée plus longue encore. Il avait représenté aux 
Coraychites qu'étant les gens de la maison de Dieu, 
il leur convenait de pourvoir aux besoins des pèlerins 
qui venaient visiter la Càba, et qui étaient ainsi les 
hôtes de Dieu même. Les Coraychites. consentirent à 
s'imposer une taxe annuelle, appelée Rifdda (secours), 
qu'ils payaient à Cossay à l'époque du pèlerinage; et 
celui-ci en employait le produit à fournir gratuite- 
ment des vivres aux pèlerins pauvres pendant les 
jours qu'ils passaient à M\neiyA}ydm'Minay c'est-à- 
dire, le jour de la fête des sacrifices et les deux jours 
suivants. Cet usage se continua après l'islamisme; il 
fut l'origine de la distribution de subsistances qui se 
faisait à Mina chaque année, pendant le temps du 
pèlerinage, au nom des califes et des sultans leurs 
successeurs. Mais il avait cessé d'exister lorsque Cotb- 
eddîn écrivait l'histoire de la Mekke , vers le milieu 
du seizième siècle de notre ère ^. 

Les mdls Nadwa , Lis^a et Rifdda , devinrent en- 
suite les titres mêmes des fonctions exercées par 

X Siratf ibid. Menu de tAcad,^ ibid. 

a Sirat-erraçoui, f. 19 t*. Cotbeddin, Not, et extr, des man.t vol. HT, 
p. SSi, 



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LA MEKKB. ^Sq 

Gosoty , comme ayant le droit de convoquer chez lui 
et de présider le conseil de la nation , de donner l'é- 
tendard , signe du commandement militaire, et de 
lever l'impôt destiné à fournir des denrées aux pè- 
lerÎDS. 

A ces dignités, Cossay joignait le Sicdya et le s»c^«- Hidjâu. 
Hidjdba^. \jà Sicâya iX'àit une espèce d'administra- 
tion des eaux. Il n'y avait alors qu'un très-petit nom- / 
brede puits communs, situés en dehors de la Mekke ^, 
parce qu'ils avaient été creusés antérieurement à sa 
fondation. La charge nommée Sicâya consistait à faire 
apporter l'eau de ces puits , à la répartir entre les 
habitants de la ville, et aussi à en procurer aux pè- 
lerins. Plus tard, des puits furent creusés dans l'inlé- 
neur de la Mekke ^ , et dès lors le Sicâya fut restreint 
à la distribution d'eau faite aux étrangers qui venaient 
visiter les lieux saints. Quant au Hidjdbaj c'était la 
garde des clefs de la Càba^ et tout ce qui était relatif 
à 1 mtendance et au ministère du temple. 

Cossay réunissait ainsi en sa personne toutes les 
principales attributions de l'ordre religieux, civil et 
politique. Sa puissance, qui était une sorte de royauté, 
donna un grand lustre à la tribu de Coraych, dont 
il était le chef. Cette tribu acquit dès ce moment une 
prépondérance marquée parmi les Arabes maaddi- 
ques. Cossay laissa seulement à certaines familles, 
étrangères à la tige de Coraych, quelques^ fonctions 
peu importantes. 

I Sirat , f. i8 %*. Cotbeddin, locf. €it. Mém, de tÀead,, vol. XLVm, 
p. 669. 
« Srrat'érTMfQui, f. sa ▼**. 
3 Sirat'^rrafouij ibid. 



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^^O LIVRE III. 

Uldjdza d! Arafat fut coaservé aux descendants 
de Mourr, fils d'Odd ^ Maïs comme la branche des 
Soûfa, enfants de Ghauth, fils de Mourr, était éteinte, 
ce privilège passa à une branche collatérale, aux en- 
fants de Sàd, fils de Zaydmouât, fils de Temim, frère 
de Ghauth; et parmi ceux-ci ce fut Safvrân, fils de 
Djénâb ^ , qui parait en avoir joui le premier , du 
temps de Cossay. Le droit de conduire les pèlerins à 
la sortie de Mouzdélifa ou Ifâdha de Mouzdélifa, 
celui de les congédier après le dernier jet des cail- 
loux à Mina ou Idjdza de Mina, furent attribués 
aux descendants de Cays par Adwân. Ils se le trans- 
mirent de père en fils jusqu'à Abou-Seyyâra-Omayla, 
qui l'exerçait lors de l'établissement de l'islamisme ^. 
naçaa.caunii. Cossay maintint, et, je crois même, augmenta 
une prérogative dont jouissaient les enfants d'Abd- 
Focaym, qualifiés de Focami, à cause du nom de leur 
père. Elle consistait à faire le Naciy et ceux qui la 
possédaient étaient appelés Naçaa (au singulier, 
JVdcî); on les nommait aussi CalânUs (au singulier 
Calammas\ parce que leur arrière-grand-père Âmir, 
issu de Kinâna, portait le sobriquet de Calammas ^ 
grosse mer, et , par métaphore, mer de science. Pour 
expliquer le mot Naci et faire comprendre la nature 
des fonctions des Naçaa , il est nécessaire d'entrer 
dans quelques détails sur l'année et les mois des 
Arabes. • 



I Fik deTàbikha, ÛU d'Elyâs, fiU de Modbar. 
a Toy. sa généalogie, tableau Xi. 

3 Sirat-erraçoul, f. i8. Âghdni^ I, iSg v*. Eiefaorn, Mon, ont, fùst. or., 
p. 8i. Mém, de CAvad,, vol. XLVniy p. 667, 669. 



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LA MEKKE. 1l/\t 

Il parait constant que, de temps immémorial , 1^ . ^J^^'JS^^^j;^.! 
Arabes faisaient usage des mois et années lunaires, JJÎÏ***"**'"' **' 
et célébraient la fête du pèlerinage de la Càba le 
dixième jour de leur douzième mois. Ces mois avaient 
primitivement des noms qui ne nous sont connus que 
d'une manière très-incertaine. On en considérait 
quatre comme sacrés, savoir : le premier, le septième, 
le onzième et le douzième , durant lesquels il était 
défendu de combattre et de commettre aucun acte 
quelconque d'hostilité. C'était une espèce de treize de 
Dieu^ sagement instituée chez un peuple avide de 
guerre^ de pillage et de vengeance. Elle contribuait 
à empêcher les diverses tribus de s'entre-détruire; elle 
donnait au commerce quelques moments de sécurité, 
et permettait aux pèlerins de satisfaire sans péril leur 
dévotion. Malheureusement elle était violée quelque- 
fois; on en a vu un exemple dans l'entreprise de 
Cossay lui-même contre les Khozaa. 

Comme l'année lunaire est plus courte de onze 
jours, environ que l'année solaire, il en résultait que 
le commencement de l'année des Arabes et l'époque 
de leur pèlerinage avançaient tous les ans de onze 
jours , et parcouraient toutes les saisons successive- 
ment. Lorsque le pèlerinage, que l'on nommait Haddj^ 
tombait dans un temps où les récoltes de l'année 
courante n'étaient point encore faites, et où celles de 
l'année précédente étaient déjà presque consommées, 
les pèlerins qui venaient de lieux éloignés éprou- 
vaient de grandes difficultés à se procurer, des vivres, 
soit pendant leur route , soit pendant leur séjour 
près de la Càba, et en divers endroits voisins où s'ou- 

i6 



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^4^ LIVRE III. 

vraient des foires annuelles aux approches du pèleri- 
nage. On voulut remédier à cet inconvénient , et fixer 
l'époque du Haddj vers l'automne, au moment de 
Tannée où les grains, les fruits, et autres denrées, 
sont le plus abondants. 
Nid. Pour cela, il fallait établir le rapport des saisons 
avec Tannée. Dans cette vue , les Arabes sejservirent 
de Tembolisme ou intercalation , qu'ils avaient appris 
à connaître des juifs domiciliés à Yathrib (Médine). 
Mais sans doute ils n'imitèrent pas exactement le 
procédé des juifs. Ils se contentèrent d'ajouter un mob 
à la fin de chaque troisième année, autrement de don- 
ner à chaque troisième année treize lunaisons au lieu de 
douze. Ils appelèrent ce mois intercalaire oti addition- 
nel, et Tintercalation elle-même, Naci^ retard, parce 
que Tembolisme, effectué à la fin d'une année,'retardait 
d'une lunaison le commencement de Tannée suivante. 
Ce surcroît d'un mois, ajouté à chaque série de 
trois ans, ne pouvait ramener le commencement de 
chaque quatrième année arabe précisément au même 
point de Tannée solaire. Car trois années solaires 
donnent mille quatre-vingt-quinze jours , dix-sept 
heures, vingt-huit minutes et quinze secondes; trois 
' années arabes (deux de douze et une de treize mois 
lunaires) ne donnaient que mille quatre-vingt-douze 
jours, quinze heures, huit minutes; différence, trois 
jours, deux heures, vingt-huit minutes et quinze 
secondes ; en sorte qu'après chaque série de ti*ois ans, 
le commencement de la première année arabe d'une 
nouvelle série était en avance sur Tannée solaire de 
trois jours et une fraction. 



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L4 MRKKE. a43 

T^es Arabes et leurs Calàmis , ou mers de science', 
étaient trop ignorants en fait de calculs astronomi- 
ques pour apercevoir cette erreur, d'ailleurs peu con- 
sidérable. Elle dut leur devenir sensible à la longue. 
Mais d'abord ils crurent avoir obtenu le résultat 
qu'ils désiraient. Aussi ils créèrent pour leurs mois 
des dénominations , dont cinq au moins avaient une 
relation marquée avec les saisons auxquelles on pen- 
sait qu'ils tendraient toujours à correspondre, et 
quatre autres indiquaient le caractère sacré des mois 
qui les portaient. Ces dénominations sont celles dont 
tous les peuples musulmans se servent encore au- 
jourd'hui, savoir: i*^ Mouharram (saint); a*^ Safar; 
V^Rabi /, et 4^ Rnbtll (pluie printanière, verdure); 
5** Djoumdda /, et 6° Djoumdda II (cessation de 
ploie, sécheresse); 7*^ /î^é^Vi^ (respect) ; 8® Chàbdn; 
9^ Ramadhdn (grande chaleur); 10° Chewwdl; 
1 1® DhoU'l'Càda (ouverture de la trêve) ; la® Dhou- 
l'Hiddja (temps du pèlerinage). 

Toutes les fois qu'on ne faisait pas l'embolisme , 
il se rencontrait , comme dans l'ancien calendrier pu- 
rement lunaire, trois mois sacrés consécutifs, Dhoul- 
càda,Dhoulhiddja, et Mouharram de l'année suivante. 
Quant au mois sacré de Radjah , il était toujours 
isolé au milieu de l'année, ce qui lui valut l'épithète 
d'-E/-/iïré/ (l'unique). On le qualifiait aussi d'^"/- 
Açamni (le sourd), parce que pendant sa durée le 
calme et le silence succédaient aux cris de guerre et 
tu bruit des armes. Il était regardé comme le plus 
inviolable des quatre, et consacré au jeûne ', à la pé- 

I Pooocke, Specim. hist, ar.^ p. iSs. 



16. 



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a44 LIVRE III. 

nitence, et à YOmra^, visite des lieux saints, qu'il 
était permis, au reste, d'accomplir également dans les 
autres mois. Peut-être étaient-ce surtout les descen- 
dants de Modhar qui faisaient du mois de Radjab 
l'objet d'un respect particulier, car on l'appelait en- 
core Radjab de Modhar^. 

D'après les témoignages bien concordants de plu- 
sieurs historiens , on peut rapporter à l'an l^ii àt 
notre ère, c'est-à-dire, à la première jeunesse de Cos- 
say, l'adoption par les Arabes de ce système d'années 
avec embolisme triennal, Naci^ et de ces noms de 
mois encore actuellement usités. 

Si l'on consulte un tableau que j'ai dressé ^ des 
années arabes depuis l'institution du Naci jusqu'à l'a- 
bolition de cette pratique par Mahomet, en 63a de 
Jésus-Christ, on verra, au moyen d'un calcul facile, 
que pendant trente et quelques années^ l'espace d'une 
génération, la correspondance des mois avec les sai- 
sons n'éprouva pas de dérangement suffisant pour 
rendre tout à fait choquantes les dénominations de 
mois relatives à la température. Ensuite, le rapport 
des noms de mois avec les saisons s'altéra de plus en 
plus, et cessa enfin d'exister. L'habitude cependant 
fit conserver ces dénominations devenues inexactes , 
de même que, chez les Romains , les mois de septem- 

I Toy. Extrait du roman itAntar^ dans le Journ» tuiat,^ octobre i$34, 
p. 3a8. VOmra était aussi appelée petit ^iAenu9i^,'EUffaddf'ti-As^har, 

a Pococke, Spectm.^ p. i8a. Sirat-erraçou/, f. a58. L'auteur du Cdmaus 
dit que Radjab était auasi qualifié à^EUMouharram (l'inviolable par txcel- 
lence), et que le mot moukarram est devenu, depuis rislamisme sealemeat, 
le nom du premier mois de Tannée, lequel s'appelait autrefois Saiar ^^ 

3 Toy. à la fin de ce volume, et Joum. asiat.^ avril i843. 



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LA MEULE. ^4^ 

bre, octobre, novembre , décembre, gardèrent leurs 
noms y lors même qu'ils occupèrent parmi les autres 
mois les neuvième, dixième, onzième et douzième 
places. 

La fête du pèlerinage se maintint plus longtemps 
à une époque convenable. Dans les premières années, 
elle avait coïncidé avec octobre et novembre. En la 
cinquante et unième année du Naci, elle tombait en- 
core bien près de l'automne, dans les premiers jours 
de septembre, temps où les fruits sont récoltés en Ara- 
bie. Le but que l'on s'était proposé fut donc obtenu 
pendant au moins un demi-siècle. Plus tard , le pèle- 
rinage, avançant graduellement, atteignit août, puis 
juillet, puis juin. Il était au solstice d'été en la cent 
vingt-neuvième année du Naci (54 1 de J. C), comme 
le prouve une indication curieuse fournie par Pro- 
cope, et que je mentionnerai dans l'histoire des Ara- 
bes de Hira. Enfin, en. la deux cent vingtième et 
dernière année du Naci, le pèlerinage était arrivé 
aux commencements de mars. I^e but primitif de l'a- 
doption du système intercalaire était manqué depuis 
plus d'un siècle et demi. On peut dès lors s'étonner 
de la persistance des Arabes à suivre un mode vicieux 
d'embolisme; elle s'explique néanmoins par l'empire 
d'une coutume établie, qui vraisemblablement avait 
acquis la force d'un préjugé religieux. Pour détruire 
cette coutume, ce préjugé, il fallut l'autorité d'une 
religion nouvelle et d'un prophète. 

Pendant tout le temps que dura l'usage de ce ca- 
lendrier luni-solaire défectueux, le soin de régler 
l'intercalation et de proclamer le mois intercalaire. 



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246 L1VR£ 111. 

Naciy était confié aux Naçaa. Ce fut d^abord leur 
seule attribution , mais bientôt ils en acquirent une 
seconde. 
•ef^ïuôâ d! ÎÎmI L'interdiction de la guerre dans le mois de Mou- 
freTud.**'*'*'"*harram, lorsqu'il succédait immédiatement à deux 
autres mois sacrés, Dhoulcàda et Dhoulhiddja de 
l'année précédente, était particulièrement pénible aux 
Bédouins , qui vivaient de leurs courses. Pour satis- 
faire, dit-on, l'humeur belliqueuse de ces Arabes, on 
déféra aux Naçaa le droit de transporter quelquefois 
le privilège de Mouharram au mois suivant, Safar, 
c'est-à-dire , de déclarer Mouharram profane et Safar 
sacré. Cette déclaration se faisait, comme aussi celle 
de l'embolisme, à la fin des cérémonies du pèlerinage, 
au moment où les pèlerins allaient quitter Mina. 

Le ministère des Naçaa eut donc un caractère à 
la fois civil et religieux. Ils se trouvèrent investis de 
deux fonctions qui avaient entre elles une connexité 
très-étroite, et se confondaient même en une seule, 
sous un certain point de vue. Car, soit qu'après trois 
années lunaires ils intercalassent un mois entre 
Dhoulhiddja et Mouharram, soit que, pendant une 
série d'années lunaires sans embolisme , ils transfé- 
rassent le privilège de Mouharram à Safar, ils fai- 
saient également un Naci^ une remise, un renvoi d'un 
mois sacré à vingt-neuf ou trente jours plus tard. 
Aussi le transport de l'inviolabilité de Mouharram à 
Safar était-il appelé Naci^ comme l'embolisme'. 

I Toutes ces noiiom sur Tannée des Arabes et le Naci sont es^trailes 
d'un Mémoire mr le eaUndrier arabe avant tUlamismê, que j'ai publié 
dans le Journal asiatique de Paris (cabier d'avril iS43, p. 349}. Oo peut 



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LA MBKK.E. 'Xt\'] 

La tradition a consenréfune'jliftte nominative dejJ^'t^^SSî 
tous les Naçaa. Le premier fut, dit-on, Sartrj fils de 
Thàlaba, et le second, son neveu ^édij fils d'Amir 
Calammas, autre fils du méme^Tliàlaba '.|L'un et 
Taulre ne firent que l'embolisme ^. 

Immédiatement après eux, le ministère du Naci 
fut exerce par un petit-fils d'Adi, nommé Hodhajrfay 
fils d'Abdfocaym. Hodhayfa fut le premier qui joignit , 
au droit Ah proclamer l'embolisme, celui de renvoyer 
Tobservation de Mouharram à Safar, en déclarant 
Mouharram profane et Safar sacré ^. 

Ceux qui remplacèrent successivement| Hodhayfa 
furent : Abhdd^ son fils ; Calàj fils d'Abbâd ; Omeyya^ 
fils de Cala ; Àuf^ fils d'Omeyya ; et enfin Djonàda , 
fils d'Auf , qui était en fonctions à la naissance de Tis- 
lamisme, et à I époque où Mahomet abolit le Naci ^. 

Pour contrôler l'une par l'autre cette suite généa- 
logique des Naçaa et J'indication donnée par les au- 
teurs, qui fixent vers l'an 412 de J. C. l'introduction 
du Naci chez les Arabes, on peut faire ce raisonne- 
ment : 

Entre Djonâda, le dernier, et Sarir, le premier 
des Naçaa, qui tous étaient issus de la souche de 
Thàlaba, il y a un intervalle de huit générations. 

voir dans ce mémoire le développement des motifs et les citations des 
ténoignages sur lesquels j*appuie mon opinion, dont je n'ai présenté ici 
que le résumé. 

X Ce Thàlaba éuit fils de... HâriUi, fils de Mâlik, fils de... Nadbr, fils de 
Xioâna. 

3 Blohammed^Djarcaci. Toy. Mim, de VA^ad,t vol. XLTIH, p. 618, et 
tcHe, p. 749. 

i Mohanmed-Djarcad, ibid, SinU-ePraçouif f. 7 v. 

4 Sirmi-erra^oul, loc. cit. 



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a48 LIVRE 111. 

Djonâda était contemporain de Mahomet ; supposons- 
le du même âge, c'est-à-dire, né vers 670 de J. C. 
Si nous comptons les huit générations qui séparent 
Djonâda de Sarîr , à raison de trente années par de- 
gré généalogique * , nous trouverons que Sarîr était 
né vers 33o. Il devait donc , lorsqu'il fut chargé de 
faire l'embolisme, Naci, institué eu ^i^j avoir en- 
viron quatre-vingt-deux ans, âge avancé sans doute, 
mais qui n'excède point les bornes de la vie*humaine. 
Ainsi, rien ne s'oppose à ce qu'on admette comme 
exactes la généalogie des Naçaa et la date de l'insti- 
tution. 

Suivant le même calcul , Hodhayfa devait être né 
vers 4^0. Il put entrer en exercice dès 44^ ou 45o, 
au temps de la puissance de Cossay; et puisque Ho- 
dhayfa fut le premier des Naçaa qui transporta le 
caractère sacré de Mouharram à Safar, on arrive 
naturellement à tirer de là cette induction , que ce 
fut Cossay lui-même qui attribua aux Naçaa ce sur- 
croît de prérogative. 

En cela, pn pourrait soupçonner à Cossay un 
double motif. Il avait porté atteinte à la sainteté du 
mois de pèlerinage, et profité du concours des pèle- 

I En général, le compte de trente ans par degré généalogique est très- 
suffisant pour les générations arabes, il faut même souvent les calculer à 
raison de moins de trente ans, pour les adiapter i des sjrnchronismes éta- 
blis par des faits authentiques. Dans quelques familles, les degrés -peuvent 
avoir trente-trois ans. La moyenne des générations entre Cossay et Maho- 
met est même un peu supérieure à ce chiffre. Ces différences dérivent du 
genre de vie, des mœurs, et autres circonstances particoUères. La longueur 
des degrés, dans la ligue de Cossay à Mahomet, tient notamment à ce que 
les ascendants de Mahomet, jusqu'à Cossay inclusivement, étaient V>us des 
cadets. 



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LA. MEKKE. ^49 

rins pour réunir des forces destinées à soutenir sa 
cause , sans inspirer de défiance à ses adversaires. 
Après le succès de son entreprise j son intérêt était 
d'empêcher que le même moyen pût être employé 
contre lui. £n imprimant dans les esprits l'idée qu'il 
devenait permis de profaner un mois sacré, à la con- 
dition de sanctifier un mois profane j il justifiait en 
quelque sorte la violation qu'il avait commise ; en 
restreignant expressément cette permission au trans- 
port du privilège de Mouharram à Safiair, il fortifiait, 
il sanctionnait d'autant plus, comme immuable à 
l'avenir, l'inviolabilité du mois de pèlerinage^ ce qui 
était pour lui le point important; enfin, en rendant 
moins fréquente la succession de trois mois sacrés 
sans intervalle, il donnait au génie inquiet et guerrier 
des Arabes une satisfaction propre à rendre populaires 
sa personne et son pouvoir. 
La Càba, depuis sa reconstruction sous les Dior- u càbt recoM- 

' r J trulle par Co8«ay^ 

hom , avait été considérablement endommagée par les '*"* ** *** *'* ^ 
injures du temps. Cossay, dit-on, la fit démolir, et la 
rebâtit avec plus de magnificence qu'auparavant^. 

I Cotbeddin, Hist, de la Mekke^ Not. et extr. des man,, FV, 54$. 
D*Ohsson s'est trompé en disant (vol. III, p. x57) que Cossay fitconstniire 
les vastes galeries qui entourent aujourd'hui le parvis de la Càba, et sont 
ii^^èsi Et-Mesàfidrel-Hardm, la mosquée sainte. Au temps de Cossay, 
rencelote sacrée, c'est-à-dire le parvis de la Càba, n'était fermée que par 
les maisons bâties alentour. En Pan 17 de l'hégire, le calife Omar, sentant 
la nécessité d'agrandir celle enceinte , acheta les maisons qui la circons- 
crivaient, ordonna de les démolir, et réunit le terrain do ces maisons au 
parvis , qu'il fit environner d'un mur peu élevé. Plus tard, en Tan a6 de 
l'hégire, le calife Othmân agrandit encore l'enceinte sacrée, et Pentoura 
des portiques ou galeries qui forment ki mosquée. (Cotbeddin> d'après Ta- 
bari, Ibn-el-Athir, et autres historiens. Voy. Not et extr, des man,, W^ 
p. 559-562.) 



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25o LIVRR m. 

Ce fut peut-être à cette occasion que l'idole Hobal , 
érigée autrefois sur la Càba par Amr, fils de I^hay, 
fut placée dans l'intérieur même de Tédifice, au-dessus 
du souterrain qui servait de trésor, et dans lequel 
étaient déposées les offrandes '. 

On cite plusieurs paroles remarquables de Cossay, 
telles que celles-ci : « Honorer un homme vil, c'est 
partager sa honte; approuver une mauvaise action, 
c'est s'en rendre complice: le mépris corrige celui que 
les bons traitements n'ont pu amender *. » 
iK)SîS'/à*îlon*iijî Cossay cependant, parvenu à une grande vieillesse, 
•loé Abdeddâr. YQyait avcc pciuc que son fils aîné, Abdeddâr, ne 
jouissait pas d'une considération égale à celle de ses 
frères, Abdelozza, Abd, et Abdmanâf Celui-ci surtout 
avait acquis , du vivant même de son père, une haute 
influence parmi les Coraychites. Cossay dit un jour 
à Abdeddâr : « Tes frères se sont fait une position 
« personnelle supérieure à la tienne ; mais je veux 
a t'élever au-dessus d'eux. Désormais ils ne pourront 
<c entrer dans le temple, si tu ne leur en ouvres la 
«( porte. Ce sera toi qui remettras le drapeau aux 
« Coraychites lorsqu'ils marcheront à la guerre. On 
« ne boira à la Mekke d'autre eau que celle que tu 
« auras donnée. Les vivres ne seront distribués aux 
« pèlerins que par tes mains. Toutes les affaires des 
« Coraychites se feront chez toi. » 

En exécution de cette promesse, Cossay résigna 
à son fils Abdeddâr les dignités de Hidjâba, Liwa, 
Sicâya, Rifâda, et il le mit en possession de son 

1 Sirat'êrrafoul^ f. aa y"*. 
a Simt''errttfoul, ibid. 



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LA MSKK£. aSi 

palais Dâr-ennadwa, où se tenaient les assemblées des 
0)raychîtes*, 

Cossay mourut bientôt après ( vers 480 de J. C. ) *. 



Successeurs de Cossfty. 

Abdeddâr se maintint sans opposition dans les droits An «m de j. c 
que son père lui avait conférés. L'autorité de Cossay 
avait été si grande, que la soumission à ses volontés 
était regardée comme article de religion^. Les dispo- 
sitions qu'il avait prises en faveur de son fils aîné 
furent respectées. Abdeddâr exerça tranquillement le 
pouvoir, et ses frères, sans avoir de titres, le parta* 
gèrent en réalité avec lui. 

Cossay avait divisé le terrain de la Mekke en dif- 
férentes portions, sur chacune desquelles il avait dési- 
gné la place de l'habitation d'une famille coraychite. 
Abdeddâr et ses frères subdivisèrent ces lots, et don- 
nèrent ou vendirent, soit à des Coraychites, soit 
à des Arabes alliés avec eux , ces nouvelles fractions 
de terrain*. 

Aucune rivalité d'ambition ne troubla la Mekke !f*S^*\^^'^ 

Dâf disputent le 

jusqu'au décès d'Abdeddâr ( vers 490 de J. C. ) , ni ST'ÏMÏ?; 
même pendant la vie de ses fils , auxquels il transmit 

I ShrtU^rra^oui, f. 19 v». Colbeddîn, Not,etext,des man.^ TV, 55^. 

a U est impossible que le gotiveniement de Cossay ail pu , comnie l'a 
cru Tauteur du MoudjmU-€ttéwàrikh {Journ, asiat,^ mars 1839, P* ^83)« 
concourir avec le règne du roi de Perse Sâbour-Dhoulactâf , ou Sapor II 
(de 3x0 à 38o de J. C). Mais Hamza-Isfabàui a eu raison d« dire {Hist, 
imp, v€t. jroci,f p. 37) que Cossay fut contemporain de Firom, fib àm 
Texdidjerd II, car Firouz régna de 458 à 48S de J. C. 

3 Mém. de t^cad., ▼ol. XLVIII, p. 670, 

4 Sfrat'grrafoul, f, 1 9 ^. 



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aSa LIVRE III. 

ses dignités, inais qui ne lui survécurent pas longtemps. 
Après la mort de ceux-ci (vers 5oo de J. C.}, le gou- 
vernement allait tomber entre les mains des petits- 
enfants d'Abdeddâr, à peine sortis de l'adolescence. Les 
fils d'ABDMAïf AF, qui étaient Abdchams{j\i vers 455), 
Naufcil{xké vers lfio)j Hdchim (vers 464), et Mottalib 
( yers 470 ), tous personnages d'un âge mûr et d'un 
grand crédit, formèrent le dessein d'enlever à la bran- 
che ainée de leur famille les charges de Hidjâba, LiMra, 
Sicâya, Rifâda et Nadv^^a. Us prétendaient, à cause 
de leur supériorité d'influence et de considératiou , 
mériter mieux que leurs jeunes cousins la possession 
de ces charges'. 

Les Coraychites se scindèrent alors en deux partis , 
dont l'un soutint la cause des petits-enfants d'Abded- 
dâr , l'autre celle des fils d'Abdmanâf. A la tête du 
premier était un jeune homme nommé Ainir , fils de 
Hâchim , fils d'Abdeddâr. Le chef du second était 
Abdchams, l'aîné des fils d'Abdmanâf. Les Benou-Açad 
(fils d'Abdelozza, fils deCossay), les Beuou-Zohra 
(fils de Kilâb), les Benou-Taym (fils de Mourra, fils de 
Càb), les Benou-1-Hârith (fils de Fihr), s'étaient rangés 
du' côté des enfants d'Abdmanâf. Les Benou-Makh-» 
zoum(fils de Yakzha), les Benou-Djoumah, les Benou-^ 
Sahin (fils d'Amr, fils de Hoçays), et les Benou-Adi 
(fils de Càb), étaient avec les descendants d'Abdeddâr. 
Quant aux Benou-Amir (fils de Loway) et aux Benou- 
Mouhârib (fils de Fihr), ils gardèrent la neutralité*. 

Ces diverses branches ou sous-tribus de Coraych, à 

1 Sirat-erra^ouly f. 19 ?°. Cotheddio, Not. el extr, des man,y IV, 552. 
^ Sirat^erra^oul, f. 19 v«, 20. Voy., sur ces familles, le tableau vm. 



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LA M£KKE. ^53 

1 exception des Benou-I-Hârith et des Benou*Moiihà- 
rîb , étaient domiciliées dans Tintérieur de la Mekke. 
On les appelait Coraych^edddkhila , G>raychites de 
l'intérieur, autrement Coraych-el-bitàh , Coraychites 
des vallons, parce que la Mekke embrassait dans sa 
circonscription plusieurs petits vallons. T^es Benou-I- 
Hârith , les Benou-Mouhârib , et quelques autres fa- 
milles coraychites qui vivaient sous des tentes, dans 
un rayon peu étendu aux alentours de la ville, étaient 
nommés Coraych-ezzliawâhÀry Coraychites de la ban- 
lieue. D'autres enfin, qui habitaient à la distance de 
plus d'une étape, marhala^ c'est-à-dire d'environ six 
ou huit heures de marche, étaient appelés Corajrch* 
eddhawdhi ^ Coraychites de l'extérieur ou de la pro- 
vince*. 

Pour compléter cette énumération des forces des 
Coraychites, je mentionnerai encore ici les Ahdbtch 
de Corajrchy familles qui, sans être issues de Fihr, 
étaient étroitement unies avec les Coraychites. Tels 
étaient les Beuou-l-Hârith-ibn-Abdmonât (fils de Ki- 
nâna); les Benou-Nofâtha (fils de Dayl, fils d'Âbd- 
monât, fils de Kinâna);les Âdhl et les Câra, branches 
de la tige d'£l-Haun, frère de Kinâna; les Benou-1- 
Mostalak, sous-tribu khozaïte, et les Benou-Lahyân, 
sous-tribu deHodhayh. Ces familles, qui formaient un 
gi*and corps d'alliés, étaient qualifiées S Ahdbtch^ soit 
en raison du mélange dont ce corps était composé ', 

I Ibn-KbaldouD» f. 147 et v", i5i v>. 

a Jghàni, Vf, a 55. Freyiag, Lesicon. Let Lahyân subliftent encore 
aujourdliui près de la Mekke (Barckhardi, trad. d'Eyriès^ vol. lU, p. S06). 
3 Sirat-erraçoulf f. 144 v. 



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254 LIVRE 111. 

soit à cause du ooui d'une montagne^ DjabcU Hou-- 
hchiy sur laquelle avait été conclue leur alliance ' ; et 
on les nommait Ahdbtch de Corajrchy parce que les 
Coraychites étaient les chefs de cette fédération. 
P4ettoM4e«icoii. Lcs partîsans de la maison d'Abdmanâf et ceux de 

•WjboM et de» . *^ 

^"'- la maison d'Abdeddâr se lièrent respectivement entre 

eux par les serments les plus forts, et jurèrent de 
ne point s'abandonner, tant, que la mer aurait assez 
dteau pour imbiber un flocon de laine *. Telle fut la 
formule dont ils se servirent. 

Il y avait dans le parvis de la Càba un lieu spécia- 
lement consacré aux prestations de serment. C'était la 
partie faisant face à la portion de mur comprise entre 
l'angle de la pierœ noire et la porte du sanctuaire. 
Cette portion de mur et cette partie du parvis étaient 
appelées El-Moultazam^ le lieu des engagements^. 
Les Benou-Abdmanâfse rassemblèrent en cet endroit 
avec leurs amis, et apportèrent une grande écuelle 
remplie de parfums, qu'ils placèrent près de la Càba. 
Ils plongèrent leurs mains dans ce vase , et leui*s amis 
les imitèrent. Après avoir prononcé dans cette attitude 
leurs serments d'union, ils leur donnèrent une sanc- 
tion nouvelle en frottant leurs mains contre le mur 
du temple. Ils furent surnommes, à cause de cela, 
El-Moutayyiboun, les parfumeurs^. Les Benou-Ab- 



I Firouzibàdi et DjawharL Freytag, Lexicon. 

» àij^yarf Jj L». Sirat, f. 20. 

3 D'OhsftOD, Tol/lU, p. 189. 

4 Le traducteur turc du Cdmous dit que Mahomet aTait alors Tingt- 
cisq ans. C*est un anachronisme grossier. Mahomet n'était pas né à cette 
époque. L'écrivain turc a confondu cette fédération avec une autre , ap- 



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LA MEULE. a55 

cleddàr et leurs adhét*ents s'unirent aussi par des ser- 
ments solennels prononcés devant la Càba. On les 
surnomma El-Ahldfy les fédérés '. 

Ensuiteà chaque famille d'une faction Ton en désigna 
une autre pour adversaire dans la faction rivale. Ces **"** 
choix, cette organisation de la lutte qui se préparait , 
avaient pour but, selon toute apparence , d'épargner 
aux familles, entre lesquelles existait un degré de 
parenté très -proche, la chance de se trouver aux 
prises ensemble. Les Benou-Abdmanâf furent oppo- 
sés aux Benou-Sahm ; les Benou-Âçad , aux Benou- 
Abdeddâr; les Benou-Zohra aux Benou-Djoumah; 
lesBenou-Taym, aux Bcnou-Makhzoum; les Benou-I- 
Hârith-ibn-Fihry aux Benou-Âdi. Tout annonçait ainsi 
la guerre civile, et l'on était près d'en venir aux mains, 
lorsqu'un accommodement fut proposé et accepté. On 
convint que les charges de Sicâya et de Rifâda seraient 
attribuées aux enfants d'Âbdmanâf, et que celles 
de Hidjâba , Liwa et Nadwa resteraient aux enfants 
d'Âbdeddâr^. Cet arrangement évita l'effusion du sang. 
Le gouvernement, qui avait été jusque-là une espèce 
de monarchie, devint depuis lors oligarchique. 

Les alliances auxquelles la division survenue en- 
tre la maison d' Abdeddâr et celle d'Abdmanâf avait ' 
donné naissance, subsistèrent jusqu'à l'époque de 
Tislamisme, et furent confirmées par Mahomet, qui 
dit à ce sujet : « L'islamisme ne rompt pas, mais au 



pelée BHJ-9l-Podhoul^ qui eut lieu bien plus tard, et à laquelle asaitta 
Blabomet, alors en effet âgé de vingt- cinq ans. 

X Sirat-erracoul, f. ao. Càmous^ au mot Moutajrjrihoun. 

a Strot-^rmçoul, f. ao. NoI, et extr, des man.^ IV, 55a. 



LeffonveniMient 
devient oHcarchi- 



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:i56 LIVRE m. 

Qc contraire il sanctionne et fortifie les engagements 
a contractés au temps du paganisme '. » 
iiâchiB. i^es fonctions nommées Sicâya et Rifâda exigeaient 

de la fortune, pour être remplies avec la dignité conve- 
nable. Comme Abdchams, l'ainé des enfants d*Abd- 
manâf, n'était pas riche, qu'il était en outre charge 
d'une nombreuse famille, et que son goût l'entraînait 
à passer une grande partie de sa vie à voyager, on 
déféra le Sicâya et le Rifâda à son frère HIchim^ qui 
avait des biens assez considérables et s'absentait plus 
rarement. Hâchim percevait donc la taxe établie sur 
les Coraychites par Cossay, pour la subsistance des pè- 
lerins. Le produit de cette contribution , joint à ses 
propres ressources, le mettait à même de nourrir les 
étrangers pendant tout le temps que les cérémonies 
du pèlerinage les retenaient à la Mekke^. 

Ainsi que la plupart des Mekkois, Hâchim se livrait 
au négoce. Ce fut lui qui fonda parmi les Coraychites 
l'usage de faire, régulièrement chaque année, deux 
expéditions commerciales ou caravanes , l'une eu hi- 
ver, l'autre en été. La caravane d'hiver se rendait 
dans le Yaman, celle d'été, dans la Syrie ^ 

Il fut le premier qui distribua aux pauvres Coray- 
chites l'espèce de potage nommé tharid^ composé de 
bouillon et de pain émietté. De là lui vint le sobri- 
quet de Hâchim y c'est-à-dire, l'émietteur; car son 
véritable nom était Amr^. Cette œuvre charitable 

I Sirat-errafoul^ f. 20. * 

9 Sirat-trraçouLt ibkl. Not, et extr, des man,, IV, 552. 

3 Sirat, ibid. Cotbeddin, Not, et eatr, des mon,, ibid. Ibn-KhatticÉo, 
<édit. de Slane, p. 22. 

4 CotbeddÎD, loc. dl. Sirat, f. 20 v*. 



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hJL MBKKB. a 57 

pamt avoir été l'origine d'une coutume qui s'est per- 
pétuée jusqu'à la fin du dernier siècle^etqui consistait 
également en une distribution journalière de soupes, 
appelées Dachtcha^ faite aux indigents de la Mekke 
et de Médine, au nom du souverain'. 

On cite, à l'appui des deux faits précédents attri- 
bués à Hâchim, ces vers d'un poète ancien : 

• C'est Amr qui a émietté le pain pour offrir le tharîd à ses 
compatriotes^ aux Mekkois affamés et souffrants ; 

< C'est lui qui a institué les deux voyages de commerce » 
la caravane d'hiver et la caravane d'été '. » 

Peu d'années avant son élévation aux dignités, Hâ- 
chim étant allé à Yathrib pour ses affaires , y avait 
contracté un mariage avec Solma, fille d'Amr, de la 
famille d'Adi , fils de Naddjâr. Solma avait été aupa- 
ravant l'épouse d'un des principaux habitants de 
Yathrib, nommé Ohayha, fils de Djoulâh. Comme 
elle était d'une naissance très-distinguée, elle se ré- 
servait, en prenant un mari, la liberté de s'en séparer, 
dès qu'elle ne serait plus satisfaite de son union avec 
lui ^. Elle venait d'user de ce droit pour quitter Ohayha, 
à l'époque oii elle épousa Hâchim. Elle donna à celui- 

I Chrestomathie de Sacy^ m, 3a 7, 38 c. Mém, sur les finances de VÈ^ 
gfpU^ par Estève, dans la Description de llÊgypte» état moderne» 1. 1, 
p. S3x. 

Sirat'êrraf0ulf f. ao v*. 
3 Sirat-errafoul^ f. ao t*. Jghdniy TU, 3o4. 

»7 



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a58 LIVRE 111. 

ci un fils qu'elle appela Cheyba , et qui resta avec elle k 
Yathrib. Hâchim eut d'autres enfants qui demeurèrent 
4 la Mekke auprès de lui, mais qui sont peu connus, 
parce que leur postérité mâle s'est éteinte assez promp- 
tement\ 

Quant au jeune Cheyba, il entrait dans l'adoles- 
cence lorsque son père Hâchim mourut en Syrie, 
dans la ville de Ghazza, où son commerce l'avait 
appelé (vers 5io de J. C). 
MoiuHb.tniio Les charges de Rifâda et Sicâya passèrent alors à 
Mottalib, frère cadet de Hâchim , personnage illustre 
par son mérite et sa grande générosité, qui l'avait fait 
surnommer El-Fa/dh^Vahondsince. 

Informé que son neveu , Cheyba , vivait dans une 
position peu aisée, car sa mère Solma était plus noble 
que riche, Mottalib se rendit à Yathrib, et, se présen- 
tant devant Solma , il lui dit : a Le fils de mon frère 
«est maintenant un homme; sa famille paternelle 
«jouit à la Mekke du pouvoir et de la considération. 
-ttU est convenable aujourd'hui qu'il vienne parmi 
« nous tenir le rang que sa naissance lui assure. » 
Solma consentit ^vec peine à laisser partir son fils. 
Mottalib mit son neveu en croupe sur son chameau, 
et l'emmena ainsi à la Mekke. Lorsqu'ils entrèrent 
dans la ville, les Coraychites qui les voyaient passer, 
trompés par le costume misérable du jeune Cheyba , 
disaient : « C'est un esclave que Mottalib vient d'a- 
<c cheter. — C'est le fils de mon frère,» répon- 

X Ibo-CoUjba ap. Eicborn, Mon. ont, hUt, ar., p. 83. Le fils de Hâ- 
chin, appelé Cheyba par l'auteur du Sirat-ermfottlf est nommé Amir par 
Ibn-CoUyba. 



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LA MEKKS. a 59 

dait Mottalib. Néanmoins le sobriquet de Abd^^l-Mot- 
talib , c'est-à-dire , esclave de Mottalib, resta à Cheyba % 
et désormais nous ne lui donnerons plus d'autre nom 
qu'Abdelmottalib. 

Quelques années après , Mottalib mourut à Rad- 
mâu, dans le Yaman. Les poètes arabes célébrèrent 
dans plusieurs élégies ses hautes qualités, et celles de 
ses frères Abdchams, Hâchim et NaufaI *. Ibn-Hichâm, 
auteur du Sirat-erraçoûl ou biographie de Mahomet, 
a rapporté un de ces chants funèbres, composé à la 
louange des fils d'Âbdmanâf par un poète khozaîte, 
leur contemporain, nommé Matroud, fils de Càb. 
Mais ce morceau d'antique poésie n'est pas assez re- 
marquable pour mériter d'être traduit. 

ÂBDELMOTTALiB ( né vcrs [\çf] de J. C.) succéda «^ÎS wTîle j**c 
(vers 5ao) à son oncle Mottalib dans les charges de 
Sicâya et de Rifâda , qu'il exerça avec beaucoup de 
noblesse. Il fit largement les distributions de vivres 
fondées par ses ancêtres, et s'acquitta avec distinction 
des différents devoirs de son rang. Mais, pendant 
longtemps, il lui manqua, pour obtenir parmi ses 
compatriotes toute la considération et l'influence dues 
à son mérite, le bonheur d'être père d'une nombreuse 
famille. Il n'avait qu'un seul fils, nommé Harith,etle 
ciel semblait lui refuser d'autres enfants ^. 

I Sirat-errafoul, f. 90 V*. Ibn-Cotayba, ap. Eichoni, p. 84. Traduction 
tiin{ue du Càmous^ au mot Mottalib. 

a Hâchim était mort le premier, à Ghazza; ensuite Abdchams, à la 
Bfekke; puis Mottalib, à Radniân; enfin , NaufaI mourut, peu de temps 
•près Mottalib, à Sclmàn, dans Tlràk. ( Sirat-erraçoul, f. az. Cotbeddin^ 
Not, et extr. des mm., lY, 553.) 

3 Sir^t-errofoul, f. 1 iY>, Cotbeddln, Not. et extr, des jnon., FV, p. 553, 

»7- 



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a6o LivRB m. 

Une voix céleste^ dit la traditioo, avertit .en songe 
Abdelmottalib de creuser la terre entre Içâf et Nâîla, 
près d'une fourmilière, à l'endroit où il verrait un cor- 
beau frapper le sol avec son bec. Le souvenir du châ- 
timent d'Içâf et de Nâîla, changés en pierres à cause 
de leur sacrilège, s'était perdu ; les noms seuls s'étaient 
conservés. Ces deux blocs, laissés, depuis le temps 
des Djorhom , dans le voisinage de la Càba , avaient 
été divinisés, et partageaient avec un grand nombre 
d'autres idoles les hommages des Coraychites. Abdel- 
mottalib se rendit au lieu désigné, accompagné de son 
fils Hârith. Armés de pioches, ils se mirent a creuser. 
Bientôt ils trouvèrent les deux gazelles d'or , les cui- 
rasses et les sabres enfouis par Modhâdh le Djorho- 
mite. Us continuèrent leur travail , et arrivèrent enfin 
idezamum, à l'eau dcZamzam, à la source d'Jsmaêl. C'est ainsi 
que fut formé le célèbre puits de Zamzam , qui passe 
pour être intarissable. 

Instruits de cette découverte, les Coraychites accou- 
rurent, et dirent à Abdelmottalib : «Ce terrain nous 
« appartient à tous ; cette source est celle de notre 
<c père Isn^aël. Nous devons entrer en partage avec 
(f toi de ces objets précieux, et du droit de disposer 
« de cette eau. » 

Abdelmottalib , obligé de céder à leurs prétentions, 
leur proposa d'abord de tirer au sort les deux gazelles 
d'or , les sabres et les cuirasses. Ils y consentirent. I^ 
tirage se fit dans la Càba, devant Hobal, principale 

DX>lis»oii, m, i58. €e Ilàrilli eut ptr la suite trois fils, Niufal, Ribia et 
Abou-Sofjrân, dont le Téritable nom était Mogliajra. Ce dernier mourut en 
Tan »o de lliégire (de J. C 040). ChadhêrAt-eddhaluib, 



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LA MEKKE. a6l 

idole de la nation, avec des flèches sans pointe, 
Kiddhy suivant un usage alors très-commun parmi 
les Arabes. On apporta six flèches, deux jaunes, 
deux noires et deux blanches. Les jaunes furent assi- 
gnées à la Càba elle^néme, les noires à Abdelmottalib, 
et les blanches aux Coraychites. Elles furent mises 
dans un sac, et mêlées ensemble. Puis un ministre du 
temple, spécialement chargé des tirages au sort qui s'y 
faisaient, retira du sac une flèche qui devait gagner 
un lot, et recommença l'opération jusqu'à ce que tous 
les lots fussent gagnés. Les gazelles d'or échurent à 
la Càba; les sabres et les cuirasses, à Abdelmottalib; 
les flèches blanches des Coraychites ne sortirent pas 
ane seule fois. Abdelmottalib employa le fer des cui-^ 
rasses et des sabres à fabriquer pour la Càba une 
porte nouvelle. Dans cette porte on enchâssa lesMeux 
gazelles d'or. Ce fut , assure-t-on , le premier ornement 
de ce métal dont le temple fut décoré». 

Quant au droit de disposer de l'eau de Zamzam, il 
fut convenu qu'on s'en rapporterait à la décision de 
ia Cdhina ou sibylle des enfants de Sàd, fils de 
Hodhaym, de la race de Codhâa. Cette femme, regar- 
dée comme inspirée, habitait avec ses parents, dans 
une des bourgades de Syrie comprises sous la dénomi- 
nation de Méchdrif^l^hâ/n *. Chaque famille coray- 
chite choisît dans son sein plusieurs individus qui parti- 
rent avec Abdelmottalib pour aller consulter la Câhina. 

I Strmt-eiTûçoulf f. aa. 

9 Voy. Reiske^ Adnot. ad Ahulf, a/i/i., I» noie 6. M. ReiDaud penM 
que le mot Méchérif est ane leçon erronée, et qu'on doit dire Méchdrtk . 
(yoy, Irad. de la Géographie d*Aboulféda, p. 1 1 a, note ^,) 



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2i6a LIVRE m. 

Dans un des déserts qui séparent le Hidjâzde la Sy- 
rie, les provisions d'eau des voyageurs vinrent à s'épui- 
ser. Ils étaient sur le point de périr de soif, et s'étaient 
arrêtés , attendant la mort. Abdelmottalib les encou- 
ragea à tenter un effort pour sortir de ces lieux arides. 
Au moment où, le premier, il se remettait en route, 
il vit un filet d'eau jaillir de l'endroit que venait de 
quitter l'un des pieds de sa chamelle. Il s'élance à 
terre en poussant un cri de joie, humecte ses lèvres 
desséchées, et appelle ses compagnons à profiter de ce 
bienfait inespéré du ciel. Tous se désaltèrent, rem- 
plissent leurs outres vides, et disent à Abdelmottalib : 
« Dieu lui-même a décidé notre contestation. La fa- 
« veur qu'il t'a accordée en te découvrant une source 
a au milieu de ce désert , montre assez que c'est à 
Cl toi qu'il a donné l'eau de Zamzam. Disposes-en 
« donc, nous reconnaissons désormais tes droits \» 
Ils retournèrent aussitôt à la Mekke , et depuis lors 
Abdelmottalib distribua l'eau de Zamzam tant aux 
pèlerins qu'aux Mekkois. 

Les anciens puits, qui avaient fourni jusque-là aux 
besoins des pèlerins , furent abandonnés. Ceux qui 
avaient été creusés , depuis l'époque de Cossay, dans 
l'intérieur de la Mekke, tels que Tawiy^ ci*eusé par 
Abdchams ; Badhar^ par Hâchim ; Hafr^ par Omeyya, 
fils d' Abdchams; Choufejrjra^ par Açàd , fils d'Abde- 
lozza, etc., servirent encore à quelques usages domes- 
tiques ; mais les Coraychites n'employèrent plus pour 
leur boisson que l'eau du puits de Zamzam , vers le- 
quel tout le monde se porta avec empressement. Sa 

^ Sirat-êrrafoul, f. ai v*. 



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LA MEKKE. a63 

position près du temple , l'abondaDce et là qualité de 
son eau, l'idée que c'était la source dlsmaël^ moti- 
vaient cette préférence. La possession de Zàmzam de- 
vint pour les enfants d'Abdmanâf un titre de distine** 
tion et de gloire parmi les Coraychites^ et entre tous 
les Arabes \ 

La contestation que les Coraychites avaient élevée 
contre AbdelmotlaKb , à l'occasion de sa découverte, 
t'avait chagriné vivement. Une parole insultante que 
hii avait adressée alors son cousin Adi, fils de NaufaI, 
fils d'Abdmanâf, l'avait surtout profondément blessé, 
c Tu as l'ambition de te placer au-dessus de nous , 
c lui avait-il dit d'un ton méprisant, toi qui n'as qu'un 
« seul fils pour toute progéniture ! » 

Oii sait combien les Arabes attachaient de prix à 
être pères d'une postérité nombreuse. C'était un hon- 
neur, aussi bien qu'une force. Le désir d'obtenir cet 
avantage, encore plus peut-être que l'ardeur du tem- 
pérament , était chez eux le fondement de l'usage de 
la polygamie illimitée. 

Dans le premier moment de son dépit , Abdelmol- 
talib fit serment que s'il se voyait jamais entouré de 
dix enËints mâles , capables de défendre sa dignité 
contre toute injuste prétention , il en immolerait un 
à Dieu, devant la Càba ^v Après qu'il eut fait ce vœu 
imprudent , le ciel lui accorda successivement douze 
fils et six filles. 



I Sirta-erraçoid» f. %i v*. 

a Sirat-erraçoui, f. aa ^•. Cotbeddin, Ai?/, et estr. des man,^ FV, 553. 
lyolisson, in, x58. Tibtri donne un autre motif ra Toeu d*AbdelinotUilil]i. 
\cfj, la trad. de Dubeuz, p 171. 



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a64 LIVRE IIJ. 

d'ÂiStataSIuûb. U avait eu Hdrith ( vers 5a8 de J. C. ) de Samri, 
fille de Djondab , issu d'Amir , fils de Sàssaà. Il eut de 
I^ubaa, femme khozaite, Abdelôzza, plus conno 
sous le nom SAboulaliab. De son uaion avec Fâ- 
tima , fille d'Amr le Maklizoumi , naquirent Abdma- 
nâf (vers 54o) , qui prit plus tard le nom SAbou* 
Tdlib ' , Zobayry Abdallah (vers 545), qui fut père 
de Mahomet, et cinq filles, Atica, Omayma, Arwa, 
Barra et Oumm Hakîm , surnommée El^Bajrdhdy la 
blanche. Notayla, fille de Djanâb, descendant de 
Namir-ibn-Câcit , lui donna Dhirdr et Abbàs (né 
vers 566), qui devint la tige de la célèbre famille 
des Abbacides. Hâla, fille d'Ohayb, issu de Zohra, le 
rendit père de Moucawwimy de Djahl^ surnommé 
El'Ghajrddc^ le libéral, de Hamza (né vers 669), 
et d'uue fille, Safiya , qui fut l'épouse d'Awwâm '. 

Abdelmottalib avait encore deux autres fils dont 
les noms sont restés incertains, sans doute parce qu'ils 
ne laissèrent pas de postérité ^. Le dernier de tous 
était Hamza; après celui-ci, le plus jeune était Abbâs. 
A l'époque où Hamza naquit, Abbâs était encore 
dans la pi^emière en&nce ^; mais les dix autres frères 
étaient ou hommes faits ou adolescents. Abdel mot- 

I Abou-Tàlib mourut eu la dixième année depuis la prédication de 
Mahomet , c'est-à-dire en 620 de J. C, âgé, suivant AbouUeda , d'au 
HMina quatre-TÎngts ans. 

a Sirat-erraçout , f. x6. Cet Awwam fut le grand-père d'Abdaliah-ibiH 
Ezzobayr, sur lequel M. Quatremère a donné une notice dans le Journal 
asiatiq^ue, 

3 Pococke, Specim. hisL ar^ p. 491* 

4 Abbâs devait être né vert Tan de J. C. 566, car il mourut en Tan 32 
de rbégire (65a de J. C), âgé de quatre-vingt-six ans , suivant Taiiteiir 
du Chadhardt'tddkûhabi 



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LA MEULE. a65 

talib sentit que le moment d'ac(x»nplir son vœu fatal 
était arrivé. Il assembla les dix plus âgés de ses fils , 
et leur déclara le sermeat qu'il avait fait. Chacun 
d'eux se résigna avec soumission à être pris pour 
victime. Il les fit entrer dans la Càba, et les conduisit 
devant l'idole Hobal , pour tirer au sort. 

Ou demandait souvent des oracles à cette divinité Manière <ic 

ter le tort. 

au moyen de sept flèches sans pointes , Kidàh ou 
Azldm^ qui lui étaient consacrées, et qui demeuraient 
ordinairement placées près d'elle. Sur chacune de ces 
flèches était écrit un des mots suivants : prix du 
sang; oui; non; il est des vôtres; acfy'oinl; étran- 
ger; eau. Quand ces flèches avaient été mêlées dans 
un sac ' , celle qui sortait indiquait, selon la circons- 
tance, quelle personne devait payer l'amende pour 
un meurtre; s'il fallait entreprendre une affaire, en- 
terrer un mort , circoncire un enfant, conclure un 
mariage, considérer un individu, dont la généalogie 
était mal connue, comme membre véritable de la fa- 
mille, ou comme adjoint par alliance, ou comme 
intrus; enfin, si l'on pouvait trouver de Teau en 
creusant dans un certain endi*oiL On donnait cent 
dirham et un chameau au ministre du temple, Sàhib- 
el-Azldm ou Sâhib-eUKiddh , chargé de mêler ces 
flèches et d'en faire le tirage ; et avant l'opération 
l'on adressait à Hobal cette prière : a O divinité ! le 
« désir de savoir telle ou telle chose nous amène de- 
« vaut toi. Fais-nous connaître la vérité ^. » 

X Trad. turque du Cdmousy au mot Axlâm, 

a Sirat-erra^tdt f. 93. Yoy. une note intéressante de M. Fresnel sur 
HoM, dtot le Joum, asht.^ septembre i638, p. 117. 



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!l66 LIVRS III. 

Il y avait , suivant les différents cas , des manières 
diverses de consulter Hobal y mais toujours avec des 
flèches sans poiote. A.iQsi Abdelmottalib fit écrire les 
noms de ses dix fils sur autant de ces flèches. Le 
ministre Sâhib-el-Azlâm les mêla , puis en retira une 
qui devait désigner la victime. Le sort tomba sur 
Abdallah , celui des fils d'Abdelmottalib que son père 
chérissait le plus. 

Faisant violence à sa tendresse, Abdelmottalib em- 
mène Abdallah près des idoles Içâf etNaîla, lieu or- 
dinaire des sacrifices, saisit le couteau, et lève la main 
pour l'égorger. Mais des Coraychites accourent, et re- 
tiennent son bras, a Que vas-tu faire ? lui disent-ils^ 
f< Quel funeste exemple tu vas donner à la nation ! 
a Songe combien de pères ne manqueront pas de vou- 
<c loir t'imiter, et de venir ici immoler leurs enfants. » 

Abdelmottalib , cédant à ces représentations , sus- 
pendit le sacrifice, et consentit à s'en remettre à la 
décision d'une Arrdfa , devineresse , qui se trouvait 
alors à Khaybar , et passait pour être en relation ha- 
bituelle avec un génie. Il partit, avec plusieurs Co- 
raychites, pour aller interroger cette femme sur le 
moyen de se dégager de son vœu. La devineresse leur 
demanda quelle était, parmi les Mekkois, l'amende 
ordinaire qui se payait pour un meurtre. On lui ré- 
pondit que c'était dix chameaux. Alors elle dit aux 
Coraychites de retourner dans leur ville, de placer 
Abdallah d'un coté, et de l'autre dix de ces aiiimaux> 
de consulter le sort, et, s'il tombait sur Abdallah,. 
de recommencer, en ajoutant le même nombre d& 
chameaux, jusqu'à ce que le sort se décidât contre eux^ 



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Là MEKKE. 167 

Abdelmottalib , de retour à la Mekke, se hftta 
d'exécuter cet oracle. IjC sort , toujours contraire à 
son fils 9 ne condamna les chameaux qu'à la dixième 
fois ; de sorte qu'il fallut immoler, à la place d'Abd- 
allah , cent chameaux, nombre qui devint, depuis 
cette époque, parmi les Coraychites, le taux de la Dia 
ou prix du sang humain'. Ce même taux fut adopté 
peu après par le reste des Arabes, et Mahomet con<r 
firma depuis cet usage. 

Après avoir racheté par cette hécatombe la vie de •■•'•HSfi^*?'"* 
son fils, Abdelmottalib sortit du parvis du temple, 
et, tenant par la main Abdallah, il se dirigea avec lui 
vers la maison de Wahb, fils... d'Abdmanâf, fils de 
Zohra, alors chef de la famille des Zohri. 

Une femme, qui se trouvait près de la Càba et sur 
leur passage, s'approcha d^ Abdallah, dont elle voyait 
le visage tout rayonnant, et lui dit à l'oreille : a Je 
a te donnerai autant de chameaux que l'on vient d'en 
« sacrifier pour toi, si tu veux m'accorder sur-le- 
a champ un téte-à-tête. » Cette femme était une fille de 
Naufal (fils de Hârith, fils d'Açad, fils d'Abdelozza, fils 
deCossay). Elle avait souvent entendu répéter à son 
frère, Waraca, homme versé dans la connaissance 
des écritures, qu'un prophète devait naître bientôt 
parmi les Arabes. L'éclat extraordinaire qu'elle re- 
marquait sur la figure d'Abdallah lui paraissait un 
signe indiquant que c'était de lui que sortirait ce pro- 
phète , et elle désirait en être la mère. Mais Abd- 



I Sirai^erra^ul, f. 93. Cotbcddin, Not. et extr, des nutn., IT, $54. 
DX>hMoo, m, 159. 



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208 LIVEE III. 

allah lui répondit : « Je ne puis quitter mon pore en 
ff ce moment. » 

Arrivé chez Wahb, Abdelmottalib lui demanda sa 
fille Amina en mariage pour Abdallah. Wahb agréa 
cette demande avec empressement. L'union (ut con- 
clue à l'instant, et consommée la nuit même. 

Le lendemain, Abdallah rencontra la sœur de Wa- 
raca ; et, lui trouvant un air de réserve qui contras- 
tait avec la vivacité de sa proposition de la veille, il 
lui dit : (c Est-ce que tu n'es plus dans les mêmes dis- 
« positions qu'hier? — Non, répondit-elle; je ne 
<c désire plus rien de toi. La lumière qui resplendis- 
« sait sur ton visage a disparu. » L'apôtre d'une re- 
ligion nouvelle qui devait changer la face de l'Arabie, 
Mahomet, venait d'être conçu dans le sein d'Amina^ 
phînLfÎT^dc*?cI ^® commencement de Tannée qui suivit celle dans 
•to^. **** ^**'"' laquelle Abdallah avait épousé Amina, fut marqué 
par un événement célèbre dans les traditions arabes. 
Une invasion des Abyssins dans le territoire de la 
Mekke , et la vue du chef de ces étrangers monté sur 
un éléphant , animal inconnu dans le Hidjâz , frap- 
pèrent vivement l'imagination des peuplades de cette 
contrée, qui nommèrent cette année tan de F Élé- 
phant y et en firent une ère. 

J'ai parlé ailleurs * de l'église construite à Sana par 
Abraha-el-Achram, roi du Yaman, et du projet formé 
par ce prince d'obliger les Arabes yamaniques, atta- 
chés au même culte que ceux du Hidjâz, à abandon- 



I Sirat'erraçoulf f. «3 v*. 
9 Livre II, p. i43 tt 144. 



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LA MB&KE. 369 

ner le temple de la Mekke , et à pirendre Tëglise de 
Sana pour but de leurs pèlerinages. L'on a vu qu'un 
Mekkois (c'était un homme de la famille d'Abdfocaym, 
dans laquelle résidait le ministre du Naci) était iillé 
à Sana pour souiller cette église , et qu'Âbraha , dans 
son indignation y avait juré de détruire la Càba. 

Il était parti, pour exécuter cette entreprise , à la 
tête d'une armée de soixante mille hommes % tant 
Abyssins qu'Arabes chrétiens ou juifs. Le bruit de sa 
marche causa une vive émotion parmi tous les Arabes 
qui révéraient la Càba. Cétait la grande majorité de 
la nation. 

Les différentes tribus avaient, à la vérité, des idoles oiTors icnpie< 
particulières ; plusieurs même avaient des temples par» 
ticuliers. Tels étaient entre autres, dans le Yaman, 
le temple de Dhou-UKholoça^ dont j'ai déjà fait men- 
tion, appartenant aux Benou-Khathàm ; dans leNadjd, 
le temple de Rodfia, idole des Benou-Rabia-ibn-Càb, 
issus de Temîm; dans l'Irak, celui de Dhou-l-Càbdtj 
élevé à Sendâd par les descendants de Wâll et ceux 
dlyâd; dans le Hidjâz , le temple de Ldl^ divinité 
spécialement adorée à Tâïf par les Benou-Thakîf ; celui 
de Monât (ou Mandt) , construit à Codayd * , près 
de la montagne Mochallal, et non loin du rivage de 
la mer, appartenant aux tribus d'Aus et de Khazradj, 
domiciliées à Yathrib. Les Coraychites eux-mêmes, 
et les autres descendants de Kinâna , avaient à Na- 
khla un temple consacré à la déesse Ozza. Des mi* 

I Ce nombre est ÎDdiqué dans un vers dlbn-Ezzibàra , poète oontem- 
porein de Mahomet, 
a Lîea situé entre la Mekke cl Talbrib ou Médine. Cémou*. 



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1 



2170 LITBB fil. 

DÎstres et des gardiens étaient attachés à tous ces 
temples, qui recevaient de riches offrandes. On faisait 
alentour les tournées tawdfj on y égorgeait des 
victimes 9 on y pratiquait la plupart des cérémonies 
usitées dans la Càba '. Mais la Càba avait une préé- 
minence généralement reconnue. C'était l'oratoire 
d'Abraham et d'Isroaël, c'était la maison de Dieu, 
Bay t' Allah j c'est-à-dire du Dieu suprême; car les 
idoles n'étaient considérées que comme des dieux su- 
>càb^i2»ij|éonbalternes, des intercesseurs auprès d'y///aA *. Trois 
cent soixante de ces divinités de second ordre étaient 
rangées sur la Càba ou aux alentours ; plusieurs autres 
placées dans l'intérieur, avec l'image d'Abraham ^. La 
Càba réunissait ainsi tous les dieux des Arabes; c'é- 
tait le Panthéon de la nation , le seul temple pour 
lequel le Haddj ou pèlerinage eût été institué. Ce pè- 
lerinage donnait lieu à plusieurs foires considérables 
qui se tenaient en des endroits peu éloignés de la 
Mekke; et peut-être Tidée de transporter à Sana les 
avantages commerciaux résultant de la grande af- 
fluence des pèlerins, avait-elle été un des motifs qui 
avaient engagé le roi du Yaman à essayer de changer 
le but de la dévotion des Arabes. 

Quand on sut qu'Abraha voulait renverser la Càba, 
la plupart des Arabes regardèrent comme un devoir 
sacré de le combattre. Le premier qui tenta de s'op- 



I Sirat'-erraçou/, f. x3 et ▼*. 

a Commentaire d'AbderrahmaD-Sojoiiti sur le Corâo, Sour, HI, v. s8, 
tiSottr. XU, ▼. 106. 

3 Pooocke, Spee. hisL ar,^ p. loo. Abulfeda de Fita Mokem, àê Gt- 
goier, p. 107-108. D*Ohsion» TmB/. de temp, oit., HI, 179. 



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L4 M£K&E. 271 % 

poser par ies armes à son passage fut un prince du 
Yaman, nommé Dhou*Nafar. Il invita la tribu de 
Hamadân et toutes les tribus voisines à défendre avec 
lui le Bayt-Allah. Un assez grand nombre de braves 
ayant répondu à son appel , il présenta la bataille aux 
Abyssins. Mais il fut vaincu , fait prisonnier et con- 
duit devant Abraha, qui donna ordre de le faire mou- 
rir. <c A quoi bon me tuer? lui ditDhou-Nafar; épar- 
« gne-moi plutôt : ma vie te sera peut-être plus utile 
•( que ma mort. » Abraha n'était pas cruel ; il révo- 
qua l'arrêt qu'il avait prononcé, mais il retint Dhou- 
Nafar captif et enchaîné '. 

L'armée abyssinienne, poursuivant sa route, arriva ^^j^S^I 
vers les limites septentrionales du Yaman, sur le 
territoire où était situé Tebâla , et qu'occupaient les 
descendants de Rhathàm , fils d'Anmâr. Là elle fut 
arrêtée par Nofayl, fils de Habib, qui commandait les 
tribus de Chahrân et de Nâhis , toutes deux issues de 
Khathàm , et plusieurs autres tribus réunies pour re- 
pousser l'ennemi commun. Les Arabes furent défaits; 
et Nofayl, amené prisonnier devant Abraha , allait 
être misa mort, lorsqu'il dit : «O roi, accorde-moi 
« la vie ! Je serai ton guide dans le Hidjâz. Reçois la 
« promesse d'obéissance que je te fais au nom des 
« deux branches de la tige de Khathàm , les familles 
« de Chahrân et de Nâhis. » Abraha lui fit grâce , et 
Nofayl, rendu à la liberté, accompagna et guida les 
Abyssins *. 

1 Sirat'errafouiy f. 8. Ibn-Khakioun, f. aS. Nowayri, Hisi, imp, vtt, 
r^t., p. M. 
a Sirat'errafOHif ibid. 



Ma 



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s 272 LIVRE m. 

à Tftir. Ils 8*avaDcèi^nt alors dans le Hidjàz , et parvinrent 

sans obstacle jusqu'à Tàif, à trois journées ^ de dis- 
tance de la Mekke. 

Tâïf et le pays environnant étaient habités parles 
Benou-Tliakîf , tribu dont le père Caciy, surnommé 
Thakif , descendait de Màadd par Modhar et Hawi- 
zin^. Le chef des Thakif était alors Maçoud, (ils de 
Moàttib^. I^ garde du temple de liât, élevé à Tâïf, 
était une des prérogatives de sa famille ^. Désespé- 
rant de pouvoir résister aux Abyssins , et peut-être 
animés de quelque sentiment de jalousie contre les 
Coraychites, Maçoud et les principaux personnages 
des Thakif allèrent se présenter devant Âbraha, et lui 
dirent: « Itotre intention n'est pas de nous opposer 
« eu rien à vos projets. Nous avons un temple parti- 
« culier, différent de celui que vous voulez détruire. 
n C'est le temple seul de la Mekke qui est l'objet de 
« votre courroux : nous vous donnerons un guide 
« pour vous y conduire. » Abraha accepta leur sou- 
mission, et prit le guide qu'ils lui offraient. 

Ce guide se nommait Abou-Righâl. 11 dirigea l'ar- 
mée abyssinienne vers la Mekke, et la mena jusqu'au 

X Ou 7a milles. Burckhardt, trad. dlEyriès, vol. I, p. 91. 

a D'autres disent qu'il descendait de Maàdd par lyAd. Au reste, voici 
les deux généalogies différentes que Ton donne à Tbakîf ou Caciy : Thakif, 
fils de Nabii, fils de Mounabbeh, fils de Mansour, fils de Tacdom, fils 
d*Aksa, fils de Demi, fiU d'IjAd; ou bien Thakif, fiU de Mounabbeh, fib 
de Bacr, fils de Hawâzin, fils de Mansour, fils d*Icrima, fils de Khaçafa, fils 
de Cays, fils d'AylAn , fils de Modhar {Sirat, f. 8). Cette dernière généa- 
logie me parait la plus exacte. Le rôle que Ton verra jouer aux Thakif, 
dans les gvierres de FidjAr, montre qu'ils devaient être isaus de Hawâzin. 

3 Toy. la généalogie de ce personnage, tableau X, A. 

4 Sirat-êrraçoul^ f. 1 3 v*- 



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LA MEKKE. 273 

lieu appelé Moghammes. Là il mourut subitement. 
Les Arabes regardèreot sa mort comme un châtiment 
céleste ; sa mémoire fut en exécration parmi eux^ et 
pendant plusieurs siècles les passants jetèrent des 
pierres contre son tombeau ^ 

Abraha ayant établi son camp à Moghammes, en- àiiogtuiinMe*, 

voya un de ses officiers , Aswad , fils de Macsoud , 

£siire une reconnaissance du coté de la Mekke avec 

une troupe de cavaliers. Ce détachement enleva des 

troupeaux aux Coraychites et à différentes tribus 

leurs alliées. Dans ces troupeaux se trouvaient deux 

cents chameaux appartenant à Abdelmottalib. Les 

Coraychites, lesKinâna, lesHodhayl, et autres Arabes 

voisins de la Mekke, voulaient d'abord combattre les 

Abyssins; mais, reconnaissant bientôt l'infériorité de 

leurs forces , ils renoncèrent à ce dessein. 

Cependant Abraha députa vers les habitants de la 
Mekke Hanâta le Himyarite, après lui avoir donné 
les instructions suivantes : ce Informe-toi quel est le 
« chef dont l'autorité est reconnue dans cette ville, 
« et dis-lui de ma part que je ne suis point venu pour 
« lui faire la guerre, mais seulement pour détruire 
« la Càba ; que si les Mekkois ne prennent point les 
« armes contre moi pour défendre leur temple , je ne 
« répandrai pas leur sang , et ne les inquiéterai en au- 
« cune manière. Si le chef n'a pas d'intentions hos- 
« tiles , amène-le dans mon camp ^. » 
Depuis la découverte de la source de Zamzam et 



I Sirat-^rraçoulf f. 8. Ibn-Kbaldotm, f. a8. 

1 Sirat-erraçouif f. 8 v^. Tabâri, Hist. imp. vet, jroct.f p. 118, 

18 



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a74 L1¥RX UI. 

raccroissement extraordinaire de sa £unille , Abdel- 
mottalib avait acquis parmi les Coraychites une in* 
fluence supérieure à celle qu'avaient obtenue les des» 
cendants de Cossay » ses prédécesseurs. Il réunissait 
les dignités du Sicâya et du Rifâda. Les autres fonc- 
tions religieuses et gouvernementales, le Hidjâba, le 
Liwa, le Nadwa, et plusieurs autres créées depuis 
Cossay, telles que la garde des flèches du sort, Jzldm^ 
le ^litî^', espèce de magistrature criminelle, leKAa- 
ztna ou administration des finances ', etc., étaient 
réparties entre divers individus, dont aucun ne pou- 
vait être mis en parallèle avec lui; et il était, par son 
illustration, son âge et son crédit, le véritable chef 
de l'oligarchie mekkoise. Aussi, quand Hanâta le 
Himyarite se présenta dans la ville et demanda quel 
était le personnage auquel obéissaient les Coraychites, 
on lui npmma aussitôt Abdelmottalib. 

Hanâta lui transmit le message d'Abraha. Abdel- 
mottalib répondit : « Nous n'avons, mes compatriotes 
« et moi , ni la volonté ni le pouvoir de combattre 
« les Abyssins, (ie temple est la maison de Dieu et 
• d'Ibrahim, l'ami de Dieu. Si Dieu veut défendre son 
ce temple, il saura bien le protéger ; s'il lui plaît de 
« l'abandonner a la destruction , ce n'est pas nous 
« qui empêcherions cette destruction de s'accomplir. » 

Ensuite il partit avec Hanâta, et se rendit au camp, 
suivi d'un de ses enfants. Il se fit d'abord conduire 
au lieu oîi était gardé le prince Dhou-Nafar, qui était 



I Pluriel de Dia^ amende pour newlre ou bleiMire. 

a Voy. D'Obnoa, TM, de têmp. oii.^ fol. Ulp p. 166 et mût. 



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LA Mt&&£. ayS 

ion ami, et lui demanda sHl croyait pouvoir lui ren* 
dre quelque service auprès du roi abyssin» Dhou-Na«- 
fiir lui répondit : «Quel service pourrait rendre un 
ff prisonnier auprès d'un ennemi dont il attend à 
a chaque instant son arrêt de mort? Tout ce que je 
« puis, c'est de te recommander à Anis^ qui a soin 
4 de Téléphant du roi, et qui a pour moi de Tamitié. » 
En effet, Dhou-Nafar envoya prier Anîs de venir le 
voir, et lui dit : a Voici Abdelmottalib, le chef des 
« Coraychites, le maître de cette caravane de la Mekke, 
« qui vient tous les hivers dans le Yaman; il donne 
« ta nourriture aux hommes dans les plaines , et la 
« pâture aux bêtes féroces sur le sommet des mon* 
tf tagnes (c'est-à-dire, il est célèbre par sa libéralité), 
ff Les soldats abyssins lui ont enlevé deux cents 
« chameaux. Parle au roi en sa faveur, et obtiens-lui 
a promptement une audience. » 

Anîs alla aussitôt trouver Abraha. « Seigneur, lui 
u dit-il , le chef des Coraychites est à votre porte , et 
a sollicite la grâce de vous voir. C'est le maître de la 
« caravane de la Mekke ; il donne la nourriture aux 
<c hommes dans les plaines, et la pâture aux animaux 
« féroces sur les montagnes. Permettez-lui d'entrer, 
« et de vous exposer une demande qu'il à à vous 
« faire. » Abraha ordonna qu'on l'introduisit. 

Abdelmottalib était un vieillard de la physionomie .Bniretoe ekhô- 
la plus belle et la plus imposante qu'on pût voir. Le ««^y»»» Abr»»« 
roi le reçut avec les plus grands égards ; et, ne voulant 
ni le faire asseoir au-dessous de lui, ni le placer près 
de lui sur son trône, à la vue des Abyssins, il des- 
cendit de son siège élevé, s'assit sur un tapis, et fit 

i8. 



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276 LIVRE III. 

asseoir Âbdelmottalib à son coté. Ensuite, il lui fit 
demander par un interprète ce qu*il désirait de lui. 
« Je désire, dit Abdelmottalib, que le roi me rende 
« deux cepts chameaux que ses soldats m'ont pris. » 
L'interprète ayant traduit ces paroles , A.braha fit ré- 
pondre à Abdelmottalib : ce En voyant l'air de noblesse 
<r répandu sur ta personne, j'avais conçu de toi une 
*i haute idée ; mais ce que tu viens de dire te rabaisse 
<c beaucoup dans mon estime. Hé quoi ! tu réclames 
« tes deux cents chameaux , et tu ne songes pas plu- 
« tôt à me prier d'épargner ce temple que je viens 
a détruire, ce temple objet de ton culte et de celui 
« de tes ancêtres ! » Abdelmottalib répliqua : a Les 
« chameaux m'appartiennent; c'est moi que regarde 
(c le soin de les recouvrer. Quant au temple, il ap- 
te partieht à un maître qui saura bien pourvoir à sa 
et défense. — Il ne le défendra pas contre moi, dit 
« Abraha. — C'est ce que l'événement montrera,» 
ajouta Abdelmottalib. 

Suivant une autre version adoptée parTabari', 
Abdelmottalib s'était rendu auprès d'Abraha, accom- 
pagné de Yàmor, fils de Nofatha, chef des Benou- 
Bacr-ibn-Abdmonât , et de Rhouwaylid , fils de Wâ- 
thila, chef des Hodhayl. Ils' offrirent tous trois, d'un 
commun accord, au roi abyssin, le tiers de tout ce 
que possédaient les Arabes de la contrée du Tihâma, 
s'il voulait épargner la Càba et quitter le pays avec 
son armée; proposition qui fut refusée par Abraha. 

Quoi qu'il en soit, Abraha fit restituer à Abdel- 
mottalib ses deux cents chameaux, et le congédia. De 

X Cité par Ibn-Kbtidouo, f. a 8. 



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LA MK&KB. ^77 

retour auprès des Coraychites, Abdelmottalib leur dit ' 
de se préparer à sortir de la Mekke et à se mettre en 
sûreté sur le haut des montagnes voisines, pour éviter 
d'être exposés aux insultes des Abyssins, qui devaient 
entrer le lendemain dans la ville. Puis , prenant en 
main l'anneau de la porte de la Càba, il se mit à in- 
voquer le secours du ciel contre Abraha et son armée, 
et prononça cette prière , que répétaient les princi- 
paux Coraycbites placés autour de lui :cc () mon Dieu! 
« l'humble créature défend sa propriété. Toi-même 
« défends donc la majesté de ton temple ! Ne souffre 
« pas que les croix s'élèvent triomphantes sur les 
« lieux qui te sont consacrés! » Après avoir dit ces 
mots , il lâcha l'anneau de la porte de la Càba , et 
sortit de la Mekke avec tous les Coraycbites. Ils se 
retirèrent sur le sommet des monts , et attendirent 
dans cet asile ce que ferait Abraha. 
Le lendemain matin , les Abyssins firent leurs pré- ., ï>«»ractton de 

^ J r ransée des Abys- 

paratifs pour entrer à la Mekke. Persistant dans son**^ 
dessein de démolir la Càba avant de reprendre le 
chemin du Yaman, Abraha monta sur son éléphant, 
nommé Mahmoud. Au moment où le conducteur de 
l'animal lui tournait la tête vers la Mekke et allait le 
faire avancer dans celte direction , l'Arabe Nofayl , 
fils de Habib, s'approcha, et, saisissant l'éléphant par 
l'oreille, il lui dit: « Agenouille-toi , Mahmoud, ou 
« retourne vers le pays d'où tu es venu. Tu es ici sur 
a la terre sacrée de Dieu. » L'éléphant s'agenouilla 
aussitôt. Nofayl s'enfuit, et gagna les montagnes. En 
vain , pour faire relever Mahmoud , on le battit , on 
lui frappa le front d'un coup de KacKe, ou tenta de 



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^7^ LIVRE III. 

le soulever avec des crocs de fer qu'on lui enfonça 
dans les flancs ; il resta immobile. On lui tourna la 
iéte du côté du Yaman ; alors il se leva^ et se mit à 
marcher avec vivacité. On le retourna vers la Mekke, 
et de nouveau il tomba sur les genoux. 

Au même instant, selon les traditions arabes, Dieu 
envoya contre les Abyssins des nuées d'oiseaux, nom- 
més Abâhil^ semblables à des hirondelles. Chacun 
d'eux tenait , dans son bec et ses serres , trois petites 
pierres de la grosseur d'un pois ou d'une lentille, 
qu'ils laissaient tomber sur les soldats. Elles perçaient 
les casques et les cuirasses; tous ceux qu'elles attei- 
gnaient voyaient leur corps se couvrir de pustules ^ 
et mouraient en peu d'heures. 

Les Abyssins épouvantés prirent la fuite , appelant 
Nofayl, fils de Habib, pour qu'il les guidât dans leur 
retour. Nofayl contemplait du haut des montagnes 
le spectacle de leur désastre, et criait : « Où voulez- 
« vous fuir, quand Dieu vous poursuit? » Bientôt les 
routes et les bords des citernes furent jonchés de ca- 
davres. En même temps le ciel versait des torrents 
de pluie, qui entraînaient vers la mer les morts et les 
mourants. Abraha , frappé d'une de ces pierres terri- 
bles qui avaient fait périr presque tous ses soldats , 
^ fîit emporté dans un état pitoyable par le petit nombre 
d'hommes qui lui restait. Un pus naêlé de sang décou- 
lait incessamment de ses plaies. Son supplice se pro- 
longea jusqu'à ce qu'il fût arrivé à Sana , où il suc- 
comba enfin à ses douleurs ' 



1 ^rat-tmafoult f.S v*« 9. Ibn-Kbildoan, f. »Setv*. Nowayri 
km, Blst imp. Vêt, foei,y p. SI, i»o, t%i, Marteoi, Méfia, 9d . 



, ,,. et Ti- 



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LA AfSEKB. 1179 

A la suite du récit de cette destruction miraculeuse 
de Tannée abyssinienne, l'auteur du Sirat^erraçoul 
ajoute : « Ce fut, dit-on , en cette même année que 
la petite vérole et la rougeole se manifestèrent pour 
la première fois en Arabie '. ï> Cette indication expli* 
que le prodige. On comprend que les troupes d'A- 
braha furent anéanties par une épidémie meurtrière, 
à laquelle se joignit peut-être quelqu'un de ces grands 
orages qui ont plusieurs fois produit des inondations 
sur le territoire de la Mekke. 

Lorsque le ciel eut ainsi sauvé la Càba , tous les 
Arabes regardèrent les Coraychites avec respect, et 
dirent : « Ce sont les hommes de Dieu; car Dieu a 
« combattu pour eux et détruit leur ennemi. » Les 
poètes célébrèrent à Tenvi la délivrance de la Mekke. 
Parmi les pièces de vers composées à ce sujet, Ibn- 
Hichâm cite le morceau suivant , dont l'auteur, Ab- 
dallah, fils de Zibàra, Coraychite de la branche de 
Sahm , était né vers cette époque même : 

* m Ils (les Abyssins) ont été chassés de la vallée de la 
Mekke, de ce territoire qui a été de toat temps un asile sacré. 

« Dieu lui avait conféré ce privilège avant même d'avoir 
créé Fétoile de Syrius. Aucune puissance de la terre ne peut 
violer impunément la sainteté de ce lieu. 

p. Sia. Le chap. CV du Corào, intitulé tÉléphanS, fait tUuiion • celte 
destruction de l'année d*Abraha« 
t'Sirai^rrafoult f. 9 v*. 

L^l LC^ ^JLt ^^ \siS^ 
L-V-r^/-» flr^-'^ ^-'^ "^^ 



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280 LIVRU III. 

« DemandeE au chef des Abyssins ce qu'il y a tu : son ex- 
périence instruira Fignorance de ceux qui seraient tentés de 
l'imiter. 

« Soixante mille hommes , qu'il avait amenés , sont raorts 
loin de leur pays, ou n'y sont revenus que pour y succomber 
au mal dont le ciel les avait frappés^ etc. » 

wnScoiï/^uâ ^ fierté qu'inspirèrent aux Coraychites ce méino- 
Mttt oceasion. j,gjj|g événement et la faveur céleste dont ils avaient 
été Tobjet, les porta à fonder certains usages tendant 
à établir leur prééminence sur tout le reste de la na- 
tion arabe. «Nous sommes, se dirent-ils entre eux, 
« les habitants de la cité sainte, les gardiens de la 
a maison de Dieu; nous avons droit à des pivro- 
« gatives particulières. Il ne convient pas que nous 
« montrions pour quelque lieu que ce soit la même 
a vénération que pour Tenceinte sacrée. » D'après 
cette considération , ils décidèrent qu'ils se dispense- 
raient désormais , au temps du pèlerinage , d'accom- 
plir deux des pratiques religieuses imposées aux pè- 
lerins, la station sur le mont Arafat et la marche en 
corps d'Arafat à Mouzdélifa '. Ils prirent en même 
temps la qualification à^El-Houms^ c'est-à-dire, les 
héros. Ils admirent à partager le privilège de cette 
dispense et de ce titre fastueux, les familles kinânien- 
nes et khozâïtes voisines de leur ville. 

Sirat-erraçoul, f . 9 v**. 
I Cest à ceci que fait allusion le verset xgS de la seconde sourat du 
Goria , verset spécialement adressé aux Coraychites, 



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LA MB&KC. nSî 

Ib défendirent aux Arabes qui habitaient en dehors 
du territoire sacré, et qui se rendraient à la Mekke 
pour le Haddj on VOmra^ de manger des provisions 
qu'ils auraient apportées avec eux ; ils leur enjoigni- 
rent de se nourrir exclusivement d'aliments dont ils 
se seraient pourvus sur le territoire de la Mekke. 

Ces mêmes Arabes étrangers ne devaient exécuter 
autour du temple les tournées pieuses, tawdf^ que 
revêtus du costume des Hourris ; et s'ils ne se procu- 
raient point ce costume , ils devaient faire le tawâf en 
état de nudité; ou bien, s'ils le faisaient avec leur 
vêtement ordinaire, jeter ensuite ce vêtement, que ni 
eux ni personne désormais ne pouvait plus porter. 

On se soumit à ces prescriptions. Les Bédouins 
pratiquèrent dès lors le tawâf complètement nus. 
Leurs femmes se dépouillaient aussi de leurs habits 
pour cette cérémonie, mais elles gardaient une chemise 
ou tunique , dont elles cessaient ensuite de se servir. 

Ces diverses coutumes subsistèrent jusqu'à l'époque 
oïl la Mekke passa sous la loi de Mahomet , qui les 
abolit \ 

Peu de temps après la catastrophe de l'armée d'A- ^uSSmtt* 
braha , Abdallah, fils d'Abdelmottalib , fut chargé 
par son père d'aller à Yathrib chercher une provision 
de dattes pour sa famille. Il mourut dans ce voyage, 
à Yathrib même , étant âgé de vingt-cinq ans seule- 
ment, et fut enterré dans le quartier des enfants d'Adi, 
fils de Naddjâr , qui étaient ses oncles maternels ' ; 



I Sirat^erraçoul, f. 3o v*. 3 1. 

a Âbouiféda, rie Je Mahomet^ traduct. de N. Desvergen, p. i. 



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a8^ LIVRK m. 

car sa grand«inère , Solma , était issue de cet Adi , 
comme on Ta vu précédemment. 

Au moment de la mort d'Abdallah, sa femme, 
Amina, était dans un état de grossesse très-avancé. 
Elle accoucha d'un fils, Mahomet, dont la naissance, 
suivant l'opinion la plus accréditée, eut lieu le la du 
mois de Rabî I^^* ^ de l'année de l'éléphant, un peu 
plus de cinquante jours après la destruction de Tar- 
mée abyssinienne ^. 

Malheureusement, les historiens arabes varient 
beaucoup sur la fixation de cette ère de l'éléphant. 
Les uns la placent en l'année 88 1 ^, d'autres en l'an-^ 
née 882 , ou même 883 ^ de l'ère des Séleucides. On 
la fait en outre coïncider avec la trente-quatrième \ 
la quarantième^, laquarante-unième'ou la quarante- 
deuxième® année du règne du monarque persan 
Kesra Anouchirwân (Cosroës le Grand). 

M. de Sacy , d'après des calculs basés presque uni- 
quement sur les assertions de l'historien Aboulféda, 
a cru pouvoir rapporter la naissance de Mahomet au 
ao ou ai avril 671 de J. C.9. Il a discuté la ques- 

I Sirat'erraçoul, f, 24. Le x a de Rabi I"" est le jour adopté par tous les 
penples musulmans pour célébrer la Dativité de leur prophète. D'Ohssoo» 
U, 358. 

a Aboulféda, Fie de Mah,, trid. de OesTergers, p. a. 

3 Aboulféda, î^m/. 

4 El-Makio, Hist, sarracen,, p. a. Tarikh'^l'Khamicy^ f. 83. 

5 Hamza , tp. EanBUsseo, Hist. prmeip. ar, reg,^ p. i4« édit* de OolU 
wddt, p. 1 10. 

6 MouJ/mii-ettéwarikh, V07. Journ, asiat,^ mai x843, p. 398. 

7 Uamca, édit. de GottwaJdt, p. iio. Hist imp, vet, yocL^ p. 43^ 
Ap* Rasmussen, p. 14. 

8 Aboulféda, Vie de Mahomet, trad. de DesTergers, p. a. 

9 Mém, de fAcûd., toI. XLVUI, p. 5So. 



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LÀ MEILKE. ^83 

lion dans cette hypothèse que Tannée lunaire pure 
avait toujours été la seule en usage à la Mekke , et 
qu'ainsi l'âge que Ton donne à Mahomet au moment 
de sa mort devait être compté en années lunaires. 
Pour moi, qui pense que la pratique de l'embolisme 
triennal , empruntée aux juifs par les Arabes païens, 
fut instituée à la Mekke même, et continua d'y être en 
vigueur jusqu'au temps où Mahomet l'abolit, en la 
dixième année de l'hégire, j'arrive nécessairement à 
un résultat différent. 

Il m'a paru, après un long examen, que la seule 
manière de concilier au moins une partie des opinions 
diverses émises sur la date de la naissance de Maho* 
met, et sur l'âge qu'il avait à l'époque bien connue 
de son décès, était d'admettre qu'il était né le la de 
Babî 1 de la cent cinquante-neuvième année depuis 
l'institution du Naci^ c'est-à-dire , d'après le tableau 
que j'ai dressé de ces années, le 29 août 670 de J. C. 

Cette date, que je propose, cori*espond justement 
à la fin de la quarantième année du règne de Kesra 
Ânouchirwân ', et justement aussi à la fin de l'an 880 
de l'ère des Séleucides , ère dont les années commen- 
çaient au 1^^ septembre. Ceci peut expliquer, en sup- 
posant une erreur de trois jours seulement, le calcul 
des auteurs qui placent la naissance de Mahomet en 
l'année quarante et unième du règne de Kesra, et en la 

1 Snmot Ibo-el-Athir, cité dans le Tar(kh^lrKhamicjf^ fol. 86 i^^ 
Kesn régna quarante-teptani et huit mois. (Les historiens grecs lui don- 
nent, À on mois près, la même durée de règne.) Ibu-d-Atbir ajoatt :; 
•• Kesra Tocut sept ans et huit mois après la naissance de MahooMt; » ea 
qui £ût correspondre la naissance de Ifahomel avec la 4e^ année du rign» 
de Kesra. 



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!;i84 LIVRE m. 

huit cent quatre-vingt-unième deTèredes Séleuddes. 

Amina envoya annoncer sa délivrance à Abdelmot- 
talib. Celui-ci s^empressa de venir voir son petit-fils, 
et fut, dit-on, frappé d'ëtonnement en remarquant 
que l'enfant était naturellement circoncis*. Sa sur- 
prise fut augmentée par des récits que lui fit Amina. 
Pendant sa grossesse, elle avait rêvé qu'une lumière 
extraordinaire, sortant de son sein, éclairait tous 
les pays environnants; une voix céleste lui avait or- 
donné d'appeler son fils Mohammed^ et lui avait 
prédit qu'il serait le chef de la nation. Toutes ces 
choses inspirèrent à Abdelmottalib la persuasion qu'une 
haute destinée était réservée à son petit-fils. Il le prit 
dans ses bras, le porta dans la Càba, et, après avoir 
prié sur lui, il le rapporta à sa mère^. 

Suivant une tradition assez généralement accrédi- 
tée parmi les historiens musulmans, la nuit même 
oïl était né le fils d'Amina, le palais du roi de Perse, 
Kesra, fut ébranlé par un tremblement de terre; 
quatorze de ses tours s'écroulèrent , le feu sacré des 
Mages s'éteignit, le lac de Sâwa se dessécha, et le 
Moubédân, grand juge des Persans, vit en songe des 
chameaux vigoureux qui traînaient à leur suite des 
chevaux arabes, et qui, «lyant traversé le Tigre , se 
répandaient dans la contrée^. C'était là, dit-on , au- 
tant de signes qui pronostiquaient le renversement de 
la monarchie persane, la ruine du culte des Mages, 
et la domination des Arabes sur la Perse. 

I Aboulféda, Vit de Maltomei, trad. de DetTergers, p. a. 

a Sir0t'errmfoulf f. a4* 

3 Aboulfédtt yU Hê Ma/iomet, trad. de Uesvergers, p. 3. ^ 



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LA MEK&R. ^85 

Ce rêve offrant à un ministre persan Tiniàge d'une 
incursion d'Arabes ' , ce tremblement de terre et ses 
divers effets, sont des choses naturelles, dont rien 
n'empêche d'admettre la réaKté. Mais il est vrai- 
semblable qu'un pieux anachronisme, imaginé par 
quelque dévot musulman, les a rapprochées de la 
naissance du fondateur de l'islamisme. Car la même 
tradition mentionne que Kesra s'adressa à son vassal 
Nomân, fils de Moundhir, roi de Hîra, pour lui de- 
mander un homme capable d'expliquer ces prétendus 
prodiges. Or, il n'y a eu de roi de Hîra, portant le 
nomdeNomân, fils de Moundhir, que longtemps 
avant, ou plusieurs années après l'époque où Mahomet 
vint au monde. 

Le septième jour des couches d'Amina , Abdelmot- 
talib, pour célébrer la naissance du nouveau rejeton 
de sa race, fit égorger plusieurs chameaux, et invita 
les Coraychites à en prendre leur part. Le repas ter- 
miné, on dit à Abdelmottalib : ce Quel sera le nom 
« de l'enfant en l'honneur duquel tu nous as traités? 
« — Son nom, répondit-il, sera Mohammed (c'est- 
« à-dire le glorifié). » Aucun Arabe de la Mekke n'a- 
vait encore été appelé Mohammed, a Quel motif, 
«c dirent les convives, a pu te faire agréer un nom 
ff différent de ceux qui sont en usage dans ta famille? 
« — C'est l'espoir, repartit Abdelmottalib, que mon 



^ I Les Arabes, loraqn^ib Tont faire une expédition i plusieurs journées 
de distance de leur camp, montent leurs chameaux et conduisent à la main 
leurs chenaux , afin de les trouver frais au momeut de Taction. (yoyagt 
tnÂrahie, de Burckhardi, irad. d*Eyriès, in, loo.) 



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^88 LIVRE m. 

Mahomet étant un jour à quelque distance des ten- 
tes des Benou-Sàd avec Un autre enfant, fils de Ha- 
lîma et de Hârith , qui gardait un troupeau , Hâlima 
voit tout à coup son fib revenir vers elle en courant. 
« Qu'y a-t-il ? lui demande-t-elle. — Mon petit frère 
« le Coraychite, répond-il, a été pris par deux hom- 
« mes vêtus de blanc, qui Tout étendu par terre et 
<c lui ont ouvert le ventre. » Halima et son mari vo- 
lent aussitôt à l'endroit où était resté Mahomet. Ils 
le trouvent debout, mais le visage pâle et défait. Ils 
l'interrogent, et l'enfant confirme par ses réponses 
le récit de son jeune compagnon. Halima l'emporte 
à sa tente. Là son mari lui dit : « Je crains que cet 
<c enfant ne soit possédé du démon. Il faut le re- 
« mettre entre les mains de sa mère, avant que son 
<c mal se déclare. » 

Mahomet, dans la suite, expliquant à ses disciples 
cette aventure de ses premières années, disait que 
deux anges avaient tiré son cœur hors de son sein , 
pour le laver et le purifier. 

Halima s'empressa de ramener Mahomet à sa mère. 
Amina fut surprise de ce prompt retour. « Eh bien , 
« nourrice, dit-elle, pourquoi me rends-tu sitôt mon 
i< fils, toi qui montrais naguère tant d'envie de 
« le garder? — Il est fort maintenant, reprit Ha- 
ïr lima ; j'ai rempli ma tâche. J'ai peur qu'il ne lui 
« survienne quelque accident que je ne saurais pi*é- 
« venir; et je te le ramène pour te donner la satis- 
« faction de l'avoir près de toi. — Ce n'est point cela, 
<c dit Amina. Parle sincèrement; je veux savoir la 
« vérité. » Et la mère pressa si vivement la nourrice. 



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LA MEKSc. aSg 

que celle-ci finit par rapporter ce qui s'était passé, et 
avouer qu'elle craignait que l'enfant ne fôt possédé 
du démon, a Non, non, s'écria Âmina, il n'en est 
ce rien. Le démon n'a pas de pouvoir sur lui. Une 
« haute destinée attend mon fils ^ » 

Mahomet demeura donc à la Mekke auprès de sa 
mère , qui veilla sur lui avec le plus tendre zèle , aidée 
dans ses soins par une esclave noire appelée Oumm- 
Ayman. L'histoire a conservé avec le nom de cette 
femme, qui fut la bonne de Mahomet, le souvenir 
de l'attachement reconnaissant qu'il lui témoigna 
toujours dans la suite *. 

Lorsqu'il eut atteint l'âge de six ans, Amina fit 
avec lui un voyage à Yathrib , pour le présenter à 
ses oncles de la famille d'Adi, fils de Naddjâr , c'est- 
à-dire, aux parents de son arrière- grand-mère Solma, 
femme de Hâchim. En revenant à la Mekke, Amina 
tomba malade en route, et mourut dans un lieu nommé 
£1-Abwâ. Mahomet, privé des deux auteurs de ses 
jours, et n'ayant pour tout héritage que cinq cha- 
meaux et l'esclave noire Oumm-Ayman , fut recueilli 
par son aïeul Abdelmottalib, qui avait pour lui une 
vive affection ^. 

Abdelmottalib se tenait souvent , entouré de sa 
nombreuse famille , auprès de la Càba , assis sur un 
tapis qu'on étendait pour lui à lombre du temple. 
Ses enfants et petits^nfants se plaçaient en cercle 
autour de lui. Le respect les empêchait, même en son 

I Sirat^errufoulf f. 14» ^5. Aboulféda, trad. de Destergers^ p. 7, 9. 

a Ckadhardt'eddhahah. 

3 Sirai-errafoui, f. i5 ▼*. Aboulfèdty trad. de DesTergert, p. i, 9. 

'9 



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J. c 



290 LITIU III. 

absence, de s'asseoir sur le tapis qui était à soa 
usage. Le jeune Mahomet, plus hardi , venait s y ins- 
taller familièrement à côté de son grand-père. Quaod 
ses oncles voulaient le faire retirer^ Abdelmottalib 
leur disait : « Laissez-le; il a le pressentiment de sa 
a grandeur future ; » et il caressait son petit-fils en lui 
passant la main sur l'épaule '. 
Mort d'Abddmotr Mahomct était dans la neuvième année de son âge ' 
lorsqu'il perdit son aïeul. Abdelmottalib mourut donc 
vers l'an 679 de notre ère, trois ou quatre ans après 
son retour d'un voyage qu'il avait fait à Sana , pour 
complimenter, au nom des Coraychites, le prince 
himyarite rétabli sur le trône du Yaman par l'année 
persane, qui venait de renverser la puissance des 
Abyssins dans cette contrée ^. Abdelmottalib avait 
fourni une carrière de plus de quatre-vingts ans^. 

Des deux charges, Sicâya et Rifâda, dont il avait 
été investi, la première, avec la possession du puits 
de Zamzam, passa à son fils Abbâs, malgré sa grande 
jeunesse ^ ; Abbâs devait avoir treize ou quatorze ans 

1 Sirat^errafouly f. a5 ^. 

a La plupart des historiens disent qu*il avait huit ans ; d*aulres disent 
huit ans et quelques mois, neuf ans, et même dix ans. (Tarikh-eUKhameejr, 
f, 1 10 V»). 

3 Yoy. précédemment, liv. Il, p. x54-i56. 

4 Elroakin, d'après Tabari , dit (Hist, Sarracen, éd. T. Erpenio, p. 1) 
qo*Abdehnottalib a^t vécu cent dix ans. C'est une exagération évidente; 
car Abdelmottalib laissait un fils , Hamza, firère de lait de Mahomet , et 
par conséquent âgé d'environ dix ans au plus. Pour admettre la grande 
longévité attribuée i Abdelmottalib, il faudrait donc croire qu'il aurait en- 
gendré Hamza à Fâge de cent ans. Quelques auteurs ont estimé qu'il anil 
vécu quatre-vingt-deux ans (rarf1(A-«AjrAmni<r^, f. xxov«). C'est l'opinion 
la plus vraisemblable. 

5 Sirat-err^oui, f. %p v**. 



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LA MKKKE. 29! 

seulement'. La seconde devint le partage d'Abou- 
Tâlîb, qui jouit à la Mekke de beaucoup de considé- 
ration et d'autorité , après la mort de son père Abdel- 
inottalib. Mais Abou-Tâlib ne transmit pas leRifâda à 
ses enfants. Cette dignité fut transférée , après lui, 
de la branche de Hâchim à celle deNaufal, fils d'Abd- 
manâf. Car c'était un personnage (Hârith, fils d'Amr) 
ISSU de ce NaufaI qui exerçait les fonctions du Rifâda 
à l'époque où Mahomet se rendit maître de la Mekke*. 



£critore arabe, nommée Djaxm» oonnoe à la Mekke au tempe 
d'Abddmottalib. 

Le système d'écriture encore en usage aujourd'hui 
parmi les Arabes , à cela près de quelques modifica- 
tions légères 9 parait avoir été inventé , ou du moins 
avoir été introduit à la Mekke, du temps d'Abdel- 
mottalib. On l'appela Djazm j coupé, parce qu'il 
était, dit l'auteur du CAmous, coupé, c'est-à-dire, 
apparemment pris ou imité du mousnad, l'ancien 
système d'écriture himyarique. 

Ce caractère mousnad , soit que les princes du 
Yaman se fussent efforcés, comme on l'assure, d'en 
réserver l'intelligence et la pratique aux membres de 
leur famille et à leurs scribes ^, soit pour toute autre 
cause , n'avait guère été connu que de nom par le 
reste des Arabes, et notamment par ceux de race 

I Yoy. précédemment, p. 264, note 4. 
1 D*Ohs9on, Ta&L efe temp, ott,^ m, 168. 

3 n>n-KhaUicàn, art. Aîi'îbtt-al^Bawwâb^ édit. de Slane, p. 4^0. CAiw- 
itmaihiê de Sacj, II, 3ii. Mém. de fAead,^ toI. L, p. 956. 

'9- 



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^9^ LIVRE 111. 

maaddique. Il y a lieu de penser aussi que, pendant 
la longue domination des Abyssins dans le Yatnan, 
le mousnad avait commencé à tomber en désuétude 
parmi les Himyarites eux-mêmes, car il était généra* 
lement regardé comme perdu peu après la naissance 
de l'islamisme , si l'on en croit le témoignage dlbo- 
Rhallicân'. 

Des relations fréquentes avec les juifs et les chré- 
tiens syriens devaient, à la vérité, avoir initié quel- 
ques Arabes à la connaissance des caractères hébraï- 
ques et syriaques, dont ils pouvaient se servir pour 
écrire leur langue. Ainsi on cite, parmi les Coray- 
chites, un contemporain d'Abdelmottalib et de ses 
fils, Waraca , fils de Naufal * , qui écrivait en carac- 
tères hébraïques^. On dit la même chose de plusieurs 
autres Ara|)es de cette époque. Mais c'était là de 
rares exceptions. La grande majorité de la nation 
ignorait l'écriture; et il semble qu'il n'existait aucun 
caractère arabe proprement dit, lorsque le Djazni 
fut créé par deux hommes de la tribu de Tay et par 
conséquent d'origine yamanique, Morâmir, fils de 
Marwa, et Asiam, fils de Sedra. 

Le principal auteur de cette invention était Morâ- 
mir. Il divisa son alphabet en huit mots fictif et in- 
signifiants, Âboudjadj Hawaz^ Houti, Calamoun, 
etc., qu'il donna, dit-on, pour noms à ses huit en- 
fants, ce qui fit appeler cet alphabet Al-Mordmirj 

I Ibn-Khallicin , ihid, 

a Fils de Hârith, fils d'Açad, fiU d^Abdelosn, fils de O^tsay (Aboul- 
fièda, Irad. de Desvergers, p. i3). 

3 Bokhàri, cité par Poeocke, Spêcimen hUi, ar.^ p. i6a. 



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LA MEKKE. ^^'i 

la famille de Morâmir ; on le nomme aussi Àboudjad^ 
comme dous disons Abécé. Un poète de ce temps, 
qui avait inutilement tenté d'apprendre à écrire, ex- 
prima ainsi son désappointement : 

« J'ai appris Aboiidjad et toute la famille de Morâmir ; j*ai 
Doirei d'encre mes vêtements, et je ne suis pas écrivain '. > 

Les inscriptions himyariques découvertes depuis 
quelques années dans le Yaman, et publiées en Eu- 
rope, nous permettent aujourd'hui de juger si Morâ- 
mir avait imité le mousnad , comme Firouzabâdi pa- 
raît le donner à entendre. On ne reconnaît aucune 
trace de cette imitation prétendue. Mais il est évident 
que Morâmir avait calqué son alphabet , pour Tordre 
et le nom des lettres, sur les alphabets hébraïque et 
syriaque, lesquels sont identiques entre eux sous ces 
deux rapports; il avait modifié seulement les formes. 
Une même figure exprimait plusieurs articulations ; 
l'intelligence des lecteurs devait, dans ce cas, choisir 
l'articulation convenable. Ce ne fut, assure-t-on, que 
beaucoup plus tard, au temps des premiers califes 
Omeyyades, qu'on imagina les points diacritiques, 
El'Idjdniy pour distinguer les caractères de même 
forme représentant des articulations différentes. Les 
lettres de l'alphabet, rangées alors dans un autre 
ordre, furent appelées Horouf-el-Madjam. 

Morâmir s'était établi à Anbâr , dans l'Irak. Il fit 
adopter d'abord aux Arabes de cette ville son système 
d'écriture, qui bientôt passa à Hîra, séjour des princes 

I Dictionnaire de E)jawhari, an mot Morâmir. De Sary, Mém, ée CJctut. , 
mA, \4, p. 299 et suIt. 



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294 L1VRB III. 

arabes de la race de Lakhm. Un des personnages ëmi- 
nents de la tribu de Coraych , Harb , fils d'Omeyya, 
fils d'Âbdchams , ayant fait un voyage à Hira , y ap- 
prit cette écriture, et, de retour à la Mekke, il l'en- 
seigna à quelques-uns des Coraychites. Telle est la 
version d'Ibn-el-Kelbi et de Haytham, fils d'Adi, 
savants anciens et estimés \ 

Harb, fils d'Omeyya, devait être né vers l'an 5a8- 
53o de J. C. ^. Si ce fut lui qui apporta de Hira à la 
Mekke l'écriture arabe , Djazm , rien ne s'oppose à 
ce que l'on fixe, avec M. de Sacy, la date de ce fait 
important vers l'année 56o ^. 

Si l'on en croit d'autres traditions, le Djazm aurait 
été introduit à la Mekke par un certain Bicbr, fils 
d'Abdelmalik, de la tribu de Kinda, qui avait reçu 
cette connaissance des habitants d'Anbâr, et de Mo- 
râmir lui-même, suivant Ibn-Dourayd. Bicbr, dit-on, 
vint à la Mekke ^ épousa Sabbâ, fille de Harb , et en- 
seigna récriture à son beau-frère Abou-Sofyân, fils 
de Harb , et à plusieurs Mekkoîs ^. 

Or Bicbr était frère d'Ocaydir, qui plus tard, en 
la neuvième année de l'hégire, commandait à des 

I Ibn-KhalliciD, art Ihn-ul'Bawwdh. De Sacy, Mém. de VAcad^y 
iroLL, p. 3oo. 

a Abou-SofyâQ, fils de ce Harb, mourut en l'an 3i ou Sa de Thégire 
(65 1 ou 65a de J. C.) , âgé de 88 ou 90 ans {Chadharàt-eddkahdb. De 
Sacy, Chreiiomathief II, 3a4). On peot inférer de là qu'Abou* Sofyân était 
né yen 56 1 -563 de J. C, ce qui place la naissance de Harb Tert 5a8-53o, 
an comptant un intervalle de trente-trois ans entre la naissance du père et 
celle du fils. 

S Mém, de tAead., toI. L, p. 3o6. 

4 De Sacy, Mém, de l'Aead,^ toL L, p. 3oi, 3o3. Fresnel, Emir, du 
Mpmhir, Jotirn, ûsiat.f décembre i838, p. 557. 



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LA MSULR. 295 

Arabes de Sacoun, branche de Kinda , établis à Dau* 
mat-Djandaly et auquel Mahomet envoya un message 
en cette même année , c'est-à-dire , en 63o de notre 
ère. En supposant même que Bichr fût l'aîné d'O- 
caydir , il n'y a pas lieu de penser qu'il fût né plus tôt 
qu'en 555 ou 56oy et par conséquent qu'il eût épousé 
Sahbâ y fille de Harb , avant 5'j5 ou 58o. Ce serait 
donc seulement vers cette dernière époque qu'il au- 
rait donné aux Mekkois des leçons d'écriture. 

Il me paraît facile de concilier les deux opinions, 
en admettant que Harb communiqua les premières 
notions de l'écriture arabe à ses compatriotes dès 56o, 
et que, quinze ou vingt années plus tard, Bichr en 
répandit davantage la connaissance, et forma un 
assez grand nombre de personnes à l'art d'écrire , 
pour avoir pu en être regardé comme le premier 
maître à la Mekke. 

Un poète de Daumat-Djandal et de la tribu de 
Kinda a dit à ce sujet , en s'adressant aux Coray- 
chites : 

« Ne méconoaîssez pas le service que vous a rendu Bichr; 
car il fut pour tous un homme de bon conseil , un homme 
éminemment utile. 

« U vous donna l'écriture nommée Djazm , à Taide de la- 
quelle vous avez pu couserver votre bien éparpillé , ou con- 
fusément entassé (c.-à-d., tenir des comptes) 

« et vous passer du Mousnad, de ces caractères que 

les calams himjarites avaient tracés sur des feuilles % etc. » 

I Le texte et la traduction entière de celte pièce de vers ont été donnés 
par M.Fretnel dans le Joum. a^/W.» décembre i838, p. 558. 



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3g6 urmm m. 



Un peu plus iTune année s'était écoulée depuis la 
mort d'Abdelmottalib , lorsque de graves dissensions 
s'élevèrent entre les Coraychites et autres descendants 
de Modhar par Kinâna d'une part, et les Benou-Ua- 
wâzin de l'autre, ceux-ci également issus de Modhar, 
mais par la branche de Cays , fils d'Aylân '. Les luttes 
de ces tribus furent appelées guerres de Fidjdr ou 
guerres sacrilèges, parce que les combats et actes 
particuliers de violence qui eurent lieu entre les deui 
partis se passèrent, pour la plupart, dans le cours 
deDhoulcàda et d'autres mois sacrés, dont la sain- 
teté fut ainsi profanée. 
Foiw d'ocâiii. Pendant les vingt premiers jours de cette lune de 
Dhoulcàda', un grand marché se tenait à Ocâzh, 
endroit planté de palmiers et situé entre Tâïf et 
Nakhla, à trois petites journées de la Mekke ^. C'était 
un rendez-vous commercial, vers lequel on affluait de 
toutes les parties de TArabie. Deux autres foires se 
tenaient encore non loin de la Mekke avant le pèle- 
rinage, l'une à Madjna, près de Marr-ezzhohrân , 
l'autre à Dhou-1-Médjâz, derrière le mont Arafat^. 
Mais celle d'Ocâzh était de beaucoup la plus consi- 
dérable et la plus fréquentée. C'était plus qu'un mar- 
ché annuellement ouvert à toutes les tribus de l'A- 
rabie , c'était encore une espèce de congrès général , 

f Toy. le tabletu Tin. 

9 Càmùusy au mot Oedak. Nowayrii ap. Rasniuseo, Bitt.j^tHp, «r* 
ny., p. 76. Jghémif lY, 955. 
3 Merdeui'el'MU. 
\ Mêrédd^^l-ittUd. Cuwini, U« oUmat, art. HidJéA. 



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LÀ M£&&£. 297 

dans lequel s établissait un concours de gloire et de 
talent. Des poètes, dont la plupart étaient en même 
temps des guerriers, y récitaient publiquement leurs 
vers, et» vantaient à Tenvi leur noblesse, leurs hauts 
faits, l'illustration de leur tribu. Plusieurs fois des 
Cactda ou pièces de poésie , qui avaient excité dans 
ces réunions Tadmiration de tous les auditeurs, ob- 
tinrent, dit-on , l'honneur d'être écrites en lettres d'or 
et attachées aux murs de la Càba , ce qui leur fit 
donner le nom de Moudliahhabdt^ poèmes dorés, ou 
Moàllacdt , poèmes suspendus '. 

Ce fut à la foire d'Ocâzh, vers 58o de J. C. , de'ïïSl'fîr f^SJ 

. deJ.C. 

Bfahomet étant alors âgé de neuf à dix ans ^ , que 
prirent naissance les inimitiés des Benou-Hawâzin et 
des Coraychites et Rinâniens. Un certain Badr, fils 
de Màchar, de la tribu de Ghifâr ^, branche de Ki- 
nâna, guerrier redoutable et d'une arrogance sans 
égale, s'était établi en dominateur dans une partie 
du marché. Il se mit à déclamer ces vers : 

« Nous sommes les enfants de Moudrica, fils de Khiodif ^ ; 
ceux contre les yeux desquels nous dirigeons nos lances ne 
sont plus sujets à Tophtlialmie. 

« Les hommes qui nous sont alliés par le sang ont droit de 
s'enorgueillir. ?fous sommes une jmer de générosité et de 
bravoure *. » 

I Pocorke, Specim, hist. ar., p. 164. Cdmous^ au mot Ocàxk. Fretnel, 
Première lettre sur C histoire des Arabes, p. 3 i . 
a Tarfkh^l'Khamicyt f. m v«. 

3 Ghiâr était 6b de MAlik, fils de Dhamra , fils de Bacr, fils d'Abdmo- 
iiât,filsdeKinAoa. 

4 Khindif , femme d*Élyâs. Voj. précédemment, p. 19a, 193. 



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1^ LIVAK 111. 

Ensuite il dit : «Je suis te plus puissant des Arabes; 
« et voici ma jambe^ ajouta-t-il en tendant le jarret: 
a si quelqu'un prétend être plus puissant que moi , 
a qu'il ose la frapper de son sabre. » Indigné de cet 
insolent dé&, un Bédouin de la tribu de Nasr', 
branche de Hawâzin , nommé £1-Ahmar , fils de Mâ- 
zin , s'élança vers Badr le sabre à la main , lui dé- 
chargea un coup au-dessus du genou, et lui abattit la 
jambe. <c Tiens , lui dit-il, voilà pour toi, orgueilleux 
« fils de Khindif.]» Cette action excita un grand tumulte. 
Les tribus de Ghifâr et de Nasr faillirent en venir 
aux mains ^. L'affaire cependant fut apaisée ; mais 
une nouvelle cause de discorde surgit quelques jours 
après. 

Une femme issue de Hawâzin par Amir , fils de 
Sàssaà ^, était assise dans le marché d'Ocâzh , et con- 
versait avec des jeunes gens de sa tribu. Elle était 
enveloppée d'un voile , mais sa tournure était d'une 
élégance remarquable. Quelques jeunes étourdis Co- 
raychites et Kinâniens s'approchèrent, firent cercle 
autour d'elle , et la prièrent d'écarter son voile et de 
leur montrer son visage. Elle ne voulut point les sa- 
tisfaire. Pour se venger de ce refus, un des Coray- 
chites , s'étant placé derrière elle , attacha adroite- 
ment, sans qu'elle s'en aperçût, le pan de sa robe à 
son dos avec une épine. Ijorsqu'elle se leva, elle parut 
dans un état qui excita de fous éclats de rire de la 



I Nasr, fils de Bioèwia, filsdeBacr, fils de Hawizin (tableau X, A.), 
a Aghdnif FV, i54 v**. Nowayri, roan. de la Bibl. roy., u** 700, f. 35 ▼*« 
Rasmutten, Hist, prœe, ar. reg„ p. 75. 

3 SàiMi, fils de Moàwia, fils de Bacr, fils de Hawâzin (tableao X, A.)^ 



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LA MIKKE. :i99 

part des jeunes G>raychites et Kinàniens. « Tu nous 
a as caché ton visage, lui direnUiis, mais tu nous as 
a fait voir autre chose. » 

« A moi, les enfants d'Âmir ! » s'écria la femme in- 
sultée. Les Benou-Amir accoururent aussitôt avec 
leurs armes; les Kinàniens et Coraychites s'armèrent 
aussi. L'on se hattit , et le sang coula pendant quel- 
que temps. Enfin un personnage riche et considéré 
parmi les Coraychites, Harb, fils d'Omeyya, parvint 
à séparer les combattants. Il paya le prix du sang 
versé, donna satisfaction pour l'outrage commis en- 
vers la femme âmirite, et rétablit momentanément 
la paix'. 

Bientôt un troisième conflit eut lieu pour un motif 
bien léger. Un homme de la famille de Djocham * , 
descendant de Hawâzin , était créancier d'un individu 
descendant de Kinâna. Fatigué des délais continuels 
que lui opposait la mauvaise foi de son débiteur, et 
voulant au moins l'humilier s'il ne pouvait le faire 
payer , le Djochamite se présenta sur le marché 
d'Ocâzh avec un petit singe , et se mit à crier : <c Qui 
« veut me donner un autre petit animal comme ce- 
a lui-ci pour ma créance sur un tel , fils d'un tel , de 
« la famille de Kinâna? Oui, je livre pour un misé- 
a rable singe ma créance sur un tel, fils d'un tel, de 
« la famille de Kinâna. » Ces mots, qu'il répétait sans 
cesse d'une voix éclatante , blessaient vivement les 
oreilles de tous les Kinàniens. L'un d'eux, impatienté, 
tire son sabre et coupe la tête du singe. Une alter^ 

I Âghéniy ibid. Nowayri, ibid. Raimuisen, ibid. 

a Djoduun, fiU de Moàwk, fils d« Bacr, fils de Htwâzin (tableta X, A.).. 



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3oO LIVRE III. 

cation s*eosuit. « A moi, Hawâzin! s'écrie le Djo- 
«cbamite. — A moi, KiDaoa! » répond son adver- 
saire. 

A l'instant chacun des deux partis se rassemble. 
On s'approche, on s'attaque. Heureusement quelques 
hommes sages s'interposent, avant qu'aucun homicide 
ait envenimé la querelle, ce Hé quoi! disent-ils, vous 
N allez vous entre-tuer pour un singe! » La voix de 
la raison fut entendue; les esprits se calmèrent, et 
Abdallah, fils de Djodhân ', Coraychite de la branche 
de Taym, qui joignait à une grande fortune un ca- 
ractère noble et élevé, termina le différend en satis- 
faisant de ses deniers le créancier djochamite *. 

Ces trois journées, qui constituent la première 
guerre de Fidjâr ^ , avaient montré combien le port 
des armes présentait d'inconvénients dans la nom- 
breuse réunion d'Ocâzh, parmi tant d'hommes fiers 
et ardents, divisés souvent par des haines particuliè- 
res et des rivalités de tribus. Après l'accommodement 
ménagé par Abdallah, fils de Djodhân, on convint, 
pour éviter les occasions de querelles sanglantes, qu'à 
l'avenir tous les Arabes, en arrivant à la foire d'O- 
câzh, déposeraient leurs armes entre les mains d'Abd- 
allah, qui jouissait de l'estime générale, et les retire- 

t Djodhân , fils d*Ainr, fils de Càb, fils de Sàd, fils de Taym (tableau 
YIII, deuxième partie). 

2 Jghdniy rv, a55. Nowayri, man. 700, f. 36. Ibo-Colayba, ap. Rat- 
musseu, Bist, prœc, ar, reg.^ p. 74. 

3 L'auteur de VJgkdni, au récit duquel je m'attache particulièrement 
comme étant le pluscomplet, réunit ces trois journées en un seul FUff'dr, 
en une seule guerre ucrilége , parce qu*elles sont très -rapprochées Tune de 
Vautre, el appartiennent à la même année. Nowayri distingue ces trois jour- 
nées en trois Fidjér, parce que chaque conflit eut uue cause différente. 



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LA MERKE. 3oi 

raient seulement à la fin des fêtes du pèlerinage , au 
moment de retourner chez eux ^ Ce sage règlement 
s exécuta, et maintint la paix pendant quelques années. 
Mais un meurtre, commis hors d'Ocâzh, vint ranimer 
les inimitiés, et engendrer une seconde guerre beau- 
coup plus sérieuse que la première. 

Barrâdh, fils de Cays, descendant de Kinâna ,^^%"jjjf|»««««'^« 
homme livré au vin et à la débauche , avait été re- 
poussé du sein de sa famille, les Benou-Dhamra ' , 
qui, pour n'être point responsables de ses méfaits^ 
avaient renié toute parenté et rompu toute relation 
avec lui. Un individu ainsi rejeté par les siens était 
appelé KhalL Barrâdh se réfugia chez les Benou- 
DayP, qui d'abord l'accueillirent, ensuite, indignés 
de ses orgies, le chassèrent honteusement. Alors il se 
rendit à la Mekke, se présenta chez Harb, fils d'O- 
meyya, et le pria de le recevoir comme allié ou client, 
Haltf. Harb y consentit , bien que , dans les usages 
des Arabes, la responsabilité des actes d'un allié, 
Haltf ^ pesât sur une famille aussi bien que la respon- 
sabilité de la conduite de ses propres membres. 

Bientôt Barrâdh se mit à boire et à donner tant 
de scandale, que Harb voulut aussi le renier. « Tous 
a ceux qui me connaissent m'ont repoussé , lui dit 
ce Barrâdh; tu es le seul a qui je tienne encore par 
« quelque lien social. Si toi aussi tu me rejettes, je 



I Aghâni^ IV, i55 v*. C'est par conjecture que je place ici l'institution 
de ce règlement; VJgkdni n*en fixe pas Tépoque, mais elle semble indi- 
quée naturellement par ce qui précède et ce qui suit. 

% Dhamra, fils de lacr, fils d'Abdmonât, fils de Kinâna (Ubleau YIII). 

3 Dayl, frère de Dbamra (tableau Yni). 



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3oa LivEE in. 

a deviendrai l'objet du mépris général. LaiMe-moi le 
a titre de ton allié ; je vais m'éloigner, et te débarras- 
« ser de ma présence. » En efiet , Barrâdh quitta la 
Mekke ; il se dirigea vers Tlrâk, et s'insinua à la cour 
de Nomân (Abou-Câbous) , fils de Moundhir, roi de 
Hira. 

Nomân envoyait tous les ans à la foire d'Ocâzh 
une caravane chargée de parfums, et particulière- 
ment de musc. Avec le prix de la vente de ces mar- 
chandises, il faisait acheter des cuirs, des cordons, 
Wecay du Haza^ sorte de plante employée pour des 
fumigations , et des étoffes rayées du Yaman, appelées 
Asb , fVachi^ Mouçayjar et Aderd. Pour que cette 
caravane pût traverser sans danger le Nadjd et la li- 
sière du Hidjâz qui séparaieht Hira d'Ocâzh, il fallait 
la mettre sous la protection de quelque chef puissant 
de la race de Modhar. 
«iSZÎé'SrBÎ?! Cette année (585 de J. C), lorsque l'époque de la 
foire approcha, Nomân, avant d'expédier sa cara- 
vane, demanda qui se chargerait de la conduire. 
« Moi, dit Barrâdh,je la ferai passer dans le pays de 
« Kinâna (le Hidjâz). — Mais, reprit Nomân , il me 
« faut un homme qui la fasse passer dans leNadjd. » 

Un guerrier bédouin, Orwa ', surnommé Errahhdlj 
le voyageur, se trouvait présent. Il était issu de Ha- 
wâzin par Djàfar, fils de Kilâb. C'était alors le per- 
sonnage le plus illustre de la grande tribu de Hawâzin, 
qui était répandue dans la partie du Nadjd limitrophe 
du Hidjâz. Il prit la parole, et dit : a Prince, puisses- 

4 Orwa, 61s d*Otba, 61s de Djèfor, 6b de Kilâb, «te. Toj. tabletu X, A. 



rSdh, ao ms de 
J. C 



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LK MEKKB. 3o3 

« tu ne mériter jamais que des bénédictions ! Je ré- 
« 4K>nds de ta caravane. — La feras-tu passer aussi 
« chez les Kinâna?» lui demanda ironiquement Bar- 
râdh. « Chez les Kinâna et chez tous les Arabes, 
a lui répliqua Orwa. Serait-ce donc un chien renié 
a par ses frères qui pourrait la faire respecter? » 

Orwa se mit en route avec la caravane, qu'il escor- 
tait seul. Barrâdh partit aussi, et le suivit à quelque 
distance. Orwa s'en aperçut; mais il méprisait trop 
Barrâdh pour le craindre. Lorsque la caravane fut 
arrivée au milieu du pays des Ghatafên, adjacent au 
territoire de Fadac, dans un lieu nommé Owàra^ près 
de la vallée de Tayman, elle fit une halte. Orwa se 
coucha à Tombre d'un arbre , et s'endormit. Barrâdh, 
profitant de cet instant, s'approche de lui, et le tue. 
Puis, se jetant sur les domestiques, dont la plupart se 
livraient aussi au sommeil, il les frappe de son sabre, 
les met en fuite , et s'empare des chameaux. 

Barrâdh célébra ensui te cet exploit par ces deux vers : 

« ' Le descendant de Rilàb a reçu de moi le prix de son 
orgueil méprisant ; jamais je n'ai laissé personne mliumilier 
impunément 

« Quand la lame de mon sabre est tombée sur sa tête , il 
a poussé un beuglement qui a retenti dans les deux vallées. » 

On était alors dans le mois sacré de Dhoulcàda. 

Jghéni, IV, a55. 



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1 



3o4 LIVRE III. 

Une grande partie des -Coraychiles, des Kinâna , des 
Hawâzin et des autres Arabes ^ se trouvaient rassem- 
blés à Ocâzh. Barràdh, après avoir fait ce coup, s'é- 
loignait avec son butin , lorsqu'il rencontra un Co* 
raychite nommé Bichr, fils d'Abou-Hâzim. a Je te 
« donnerai, lui dit-il, les plus jeunes et les meilleurs 
<c de ces chameaux, si tu veu:L à l'instant courir à 
a Ocâzh, et avertir Harb, fils d'Omeyya, Abdallah, 
« fils de Djodhân, Hichâm, fils de Moghayra, et son 
« frère Walîd, que Barrâdh vient de tuer Orwat- 
«c errahhâl. Je crains, si les Hawâzin sont informés 
« les premiers de ce meurtre, qu'ils ne tiennent cette 
et nouvelle secrète, jusqu'à ce qu'ils aient surpris et 
« assassiné quelque personnage coraychite considé- 
« rable, pour venger la mort d'Orwa. — Mais, ré- 
ff pondit Bichr, c'est toi-même sans doute que les 
«f Hawâzin voudront faire périr. — Non , non, ajouta 
« Barrâdh; je sais bien qu'il leur faudra plus que le 
« sang d'un Khalt des Benou-Dhamra pour compen- 
« ser le sang de leur chef » 

Tandis qu'ils parlaient, une troupe de Benou-1- 
Hârith' vint à passer, conduite par Djalis, fils de 
Yazid, qui commandait alors aux familles kinâniennes 
faisant partie des Ahâbich de Coraych. Djalîs s'aperçut 
que Barrâdh et Bichr conféraient à voix basse. «Qu'y 
« a-t-il donc de mystérieux entre vous? » leur dit-il. 
Barrâdh pouvait se fier à un allié des Coraychites. Il 
mit donc Djalîs au fait. Celui-ci, sentant l'importance 
du secret, recommanda à ses gens la discrétion, et se 
hâta de se rendre avec Bichr à la foire d'Ocâzh. 

i Fils (TAbdnonât, fils de KinAna. 



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LA ME&KE. 3o5 

lis informèrent aussitôt Harb, fils d'Omeyya, et 
les autres chefs coraycbites, de l'assassinat d'Orwa. 
Harb dit à Abdallah ^ fils de Djodhân : «c Tu as entre 
c les mains les armes de tout le monde. Donne-nous 
« les nôtres y et retiens celles des Hawâzin. — Ce 
« serait une perfidie , répondit Abdallah. Quand je 
« devrais être frappé de tous les sabres et percé de 
<K toutes les lances dont je suis maintenant déposi- 
« taire , je restituerai à chacun ce qui lui appartient. 
« Mais, pour aider les Coraychites à soutenir la 
a guerre qui va s'allumer, je m'engage à leur fournir, 
« à mes frais, cent cuirasses, cent sabres et cent 
« lances. » 

En disant ces mots, Abdallah sortit de sa tente, et 
cria à haute voix : ce Vous tous qui m'avez remis vos 
a armes, venez les reprendre. » Quand chacun eut 
retiré les siennes, Abdallah, Harb^ Hichâm et Walîd, 
envoyèrent à Abou-Béra Amir ' , fils de Mâlik , prin. 
cipal chef des Hawâzin présents à Ocâzh, un message 
collectif ainsi conçu : a Nous avons appris qu'il y a 
ff du trouble à la Mekke en ce moment. Craignant 
« que la chose ne prenne de la gravité, nous retour- 
« nons chez nous pour rétablir l'ordre. Ne vous éton- 
« nez donc pas si nous quittons Ocâzh avant la fin 
« de la foire. » Ensuite tous les Coraychites prirent 
le chemin de la Mekke. 

Le soleil commençait à décliner quand la nouvelle 
de l'assassinat d'Orwa par Barrâdh , allié de Harb , 

I On donne communément à cet Amir le somom de MouldiB-el-^ieùmm» 
Son père, Mâlik, était fiU de Djà&r, fiU de KiUb. (Toy. Ubletn X, A.) 
Aboa-Bcrâ-Amir était ^nsi couaîn germain d'Orwat-Enaldiâl. 

ao 



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3o6 LIVRB lit. 

fils (f Omeyya j parvint aux oreilles d'Abou-Bérâ 
Amir. « Ah! secria-t-il, j'ai été la dupe de Harb et 
(c d'Abdallah, fils de Djodhân. ï> Aussitôt il avertit 
les hommes de sa tribu, et ces vers, improvisés par le 
poète Labîd, circulent rapidement parmi les HàY/àzin : 

« Dites aux enfants de Kilâb, si vous les rencontrez , et aux 
enfants d'Amir, dont le courage est toujours supérieur aux 
dangers; 

«c Dites aux enfants de Nomayr ' et à ceux de Hilâl» oncles 
maternels de la victime * , 

«Dites-leur qu'Orwat-Errahhâl , leur habile mandataire, 
est étendu mort dans la fraîche vallée de Tayman ^. » 

Bientôt les Arabes de Hawâzin sont rassemblés ; ils 
montent à cheval , et se mettent à la poursuite des 
Coraychites. 
jfMmiéedeNabii Gcux-ci Venaient de dépasser Nakhla au moment 
où leurs ennemis les atteignirent, vers le coucher du 
soleil. Le combat s'engagea sur-le-champ. Abdallah , 
fils de Djodhân, commandait une aile des Coray- 
chites; Hichâm, fils de Moghayra, l'autre aile. Harb, 
fils d'Omeyya, était au centre, avec le drapeau de 
Cossay, appelé Ocdb^ signe du commandement prin- 

I Nomayr, fils d*Amir, fils de Sàssaà (tableau X» A.), 
a Hilàl , fils d*Amir, fils de Sàssaà. La mère d*Orwa était No&jni, 
fiUe d^Aboo-Eabia, fiU de Nàbik, fib de Hilâl. 

j^ ^ -:-*/* c)' Ai? 

Jghdni, rV, »55. Sirat-*rrafoul, f. aS »•. 



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LA M£KKE. 3o7 

cipal. Les Hawâzin avaient pour chefs : Abou-Bérâ 
Amir, qui conduisait les enfants de Kilâb, de Càb ' , 
et tous les autres descendants d'Amir, fils de Sàssaà ; 
Maçoud, fils de Moàttib, à la tête desThakif; Soubay, 
fils d'Abou-Rabîa, suivi des Benou-Nasr , et Simma, 
fils de Hârith, guidant les Benou-Djocham. 

Les Ck)raychi tes, inférieurs en forces, se battaient 
en se retirant vers la Mekke. Ils parvinrent à gagner 
le Haram , ou territoire sacré, qui s'étendait autour 
de la Mekke dans un assez long rayon, et dont les 
limites étaient marquées par des bornes '. Le respect 
pour ces limites, et surtout Tobscurité de la nuit, ar- 
rêtèrent les attaques des Hawâzin. L'un d'eux, nommé 
El-Adram , issu d'Amir-ibn-Sàssaà , cria aux G^ray- 
chites : <c Nous vous donnons rendez- vous à Ocâzh 
« Tannée prochaine. » Abou-Sofyân , fils de Harb , 
répondit , par ordre de son père : « Nous acceptons 
« le rendez-vous 3. » 

Cette journée fut appelée journée de Nakhla. 
Mahomet, que Ton avait mené à la foire d'Ocâzh, 
assista à cette action. Il allait ramasser sur le champ 
de bataille les flèches des ennemis, pour les présenter 
à ses oncles, et était alors âgé de quatorze ans, si 
l'on en croit un témoignage qu'on prétend avoir été 
recueilli , dans la suite, de sa propre bouche ^. 

I Càb, frère de Kilâb, c'est-à-dire , fils de Rabiâ, fils d^Amir, fils de 
Sàssaà. 

a Cazwini, n« climat, art. Maeca. 

3 Aghâni^ lY, a55 v**. Nowayri, man. 700 f. a6. Rasmussen , Jï/jr. 
prœc, ar. reg,^ p. 77. 

4 Aghànl^ rv, a55. Tartkh^d-Khamîcyy f. ii3. Sirat-erra^ouly f. aS. 
Nowayri ap. Rasmussen, Hiit. prœs, ar, reg.y p. 75. Aboulféda, trad. de 

20. 



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3o8 



LIVRE m. 



Plusieurs des familles de Hawâzin qui avaient com- 
hatiu à Nakhla^ satisfaites des pertes qu'elles avaient 
fait éprouver aux Coraycbites, ne voulurent pas pous- 
ser la guerre plus loin. Les Benou-Nomayr témoignè- 
rent même de leurs dispositions pacifiques, en proté- 
geant et renvoyant à la Mekke un Kinâinien qui se 
trouvait parmi eux, et dont la mère et la femme 
appartenaient à leur famille. Les Benou-Càb, et même 
les Benou-Kilâb, quoiqu'Orwa fut un des leurs, dé- 
clarèrent qu'ils garderaient désormais la neutralité *. 
T^es autres sous-tribus de Havrâzin persistèrent dans 
leurs projets hostiles. De leur côté , les Coraychites 
brûlaient de prendre leur revanche. Ils montrèrent 
les sentiments dont ils étaient animés, en accueillant 
le meurtrier Barrâdh, qui vint à la Mekke vendre son 
butin, et dissiper en orgies le prix des parfums du roi 
Nomân *. 

Une année s'écoula sans nouvel incident; mais, à 
l'approche de la foire d'Ocâzh , les deux partis firent 

DesTergen, p. lo. Mém. de l'Acad, , vol. XLYIII, p. 53o. U y a diverses 
opinions sur Tàge de Mahomet k cette époque. Quelques auteurs lui doo- 
Dent vingt ans (Hamza, Ibn-Colayba, Ibn-Ishâk), d'autres vingt-huit 
{Jghàni, loc. cit.). Mais il semble que si Mahomet eût été un homme 
lût, il eût pris part au combat autrement qu'en ramassant des flèches pour 
ses oncles , circonstance que tous les historiens rapportent. En admettant 
qu'il fût né , comme je le pense, au mois de Rabi I de la iSg* année do 
Nad, et qu'il eût, lors de la journée de Nakhla , quatorze ans accomplis, 
c'est-à-dire qu'il fût dans le cours de sa quinzième année , on voit que le 
meurtre d'Orwa par Barrâdh et l'affaire de Nakhla doivent être rapportés 
à l'an Z73, depuis l'institution du Naci. Ces événements avaient eu lieu an 
mois de Dhoulcida , époque de la foire d*0câzh ; et le mois de Dhoulcida, 
en cette année 173* du Naci, avait dû commencer le 7 avril 585 de J. C. 

I jighdni^ Vf, a55 v", a56. 

a Aghdnij FV, a55 y. 



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LÀ MEKKE. 309 

de grands pi*éparati& pour vider leur différend. Les 
Coraychites rassemblèrent leurs Ahâbich, et distribuè- 
rent des armes à ceux qui en manquaient. Abdallah, 
fils de Djodhân , tint sa promesse et arma cent hom- 
mes. Chaque famille se forma en compagnie, ayant son 
chef eu tête. Les enfants de Hâchim étaient comman- 
dés par Zobayr, fils d'Abdelmottalib ; les enfants 
d'Abdchams, réunis avec ceux de Naufal, par Harb, 
fils d'Omeyya, et par Moutim, fils d'Adi, sous les 
ordres de Harb ; deux familles de la maison d'Abd- 
eddâr , par Khouwaylid , petit-fils d'Açad , et par 
Othmàn, fils de Houwayrith; une branche des Benou- 
Zohra , par Makhrama, fils de Naufal ' ; une autre , 
par son frère Safwân; les Beuou-Taym-ibn-Mourra, 
par Abdallah, fils de Djodhân; les Benou-Makhzoum, 
par Hichâm, fils de Moghayra; les Benou-Sahm, par 
£1-Assi , fils de Wâïl ; les Benou-Djoumah , par 
Omeyya, fils de Khalaf; une fraction desBenou-Adi- 
ibn-Càb, par Zayd, fils d'Amr; une autre, par son 
oncle Khattâb , fils de Nofayl ; les Benou-Amir-ibn- 
Ijoway, par Amr, fils d'Abdchams; les Benou-1-Hâ- 
rith-ibn-Fihr, par Abdallah, fils de Djarrâh ; les Beuou- 
Bacr-ibn-Abdmonât , Kinâniens, par Balâ, fils de 
Cays; enfin les Benou-1-Hârith-ibn-Abdmonât , aussi 
Kinâniens, et autres familles d'entre les Ahâbîch, 
étaient sous la conduite de Djalis, fils de Yazîd. 

Les Hawâzin avaient fait des dispositions sembla- 
bles. Ainsi Atiya, fils d'Afif le Nasrite, commandait 
aux Benou-Nasr;Khayçak le Djochamite, aux Benou- 

I Ce Naufal était fils de Wouhayb, fils d* Abdniauàf , fils de Zohra. 



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3lO LIVRE m. 

Djocham et à leurs frères les Benou-Sàd ; Wahb et 
Maçoud , tous deux fils de Moàttib , aux Beiiou- 
Thakîf; Rabîa, fils d'Abou-Tabyàn , le Hilâlite , aux 
Benou-Hilâl; Salama, fils d'Ismaïl, l'un des enfants 
de Beccâ, et Khâlid, fils de Haudha, issu d'Amir, 
fils de Rabîa, étaient à la tête des Benou-Amir-ibn- 
Rabîa, et de leurs alliés les Benou-Djesr-ibn-Mouhâ- 
rib \ L'armée des Hawâzin était en outre renforcée 
par un nombreux parti de Benou-Soulaym * , tribu 
issue comme eux de Cays, fils d'Aylân, par Mansour, 
fils d'Icrima. 
**Sîïidej!cî*' Le* Hawâzin arrivèrent les premiers sur le terrai» 
d'Ocâzh, et se postèrent sur une colline nommée 
SamUi. Ils croyaient que leurs adversaires manque- 
raient , au rendez-vous. Mais bientôt les Coraychites 
parurent et s'établirent en face d'eux, près d'un ravin 
qui longeait le pied de la colline. Abdallah, fils de 
Djodhân , et Hichâm , fils de Moghayra , étaient aux 
deux ailes, et Harb, fils d'Omeyya, au centre de l'ar- 
mée coraychite, comme à Nakhla. Harb avait le 
commandement supérieur. Il plaça au fond de la 
vallée, pour former son arrière-garde, les Kinàniens, 
c'est-à-dire, les Benou-Bacr et les Benou-1-Hârith , 
commandés par Balâ et Djalîs , et leur dit : « Ne 
« quitte? pas cette position , quand même vous ver- 
« riez les Coraychites taillés en pièces. » 

Le combat dura toute la journée. Les Coraychites 
eurent d'abord le dessus ; ensuite les Hawâzin repri- 
rent l'avantage. Les Benou-1-Hârith , voyant les Co- 

I MouhArib, 61s de Khaçafa, fils de Cays, fils d*Aylân. 
a Soiilaym, auteur decette tribu, était frère de Hawâzin. 



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LA MEKKE. 



3ll 



Yaycbites perdre beaucoup de inonde, s'avancèrent 
pour les secourir , et abandonnèrent le poste qui leur 
était assigné à eux-mêmes. Ils ne purent empêcher les 
Hawâzin de faire des progrès. L'alarme s'empara des 
BenourBacr, restés seuls au fond du vallon. Balâ 
leur dit : ce Gagnez le mont Rakham. i> Us suivirent 
ce timide conseil , et prirent la fuite du côté de la 
montagne. Alors les Goraychites, ne se sentant plus 
soutenus par derrière , lâchèrent pied , et se retirè- 
rent en désordre, laissant la victoire à leurs ennemis'. 

Quelques historiens pensent que Mahomet était 
présent à cette affaire de Samta *. Elle avait dû se 
passer dans le mois de Dhoulcàda, au jour anniver- 
saire de l'affaire de Nakhia , en l'an de J. G. 586. 

Dans les premiers jours de l'année arabe suivante, Jownéed'i 
c'est-à-dire, deux mois environ après le combat de 
Samta, les deux partis, commandés par les mêmes 
chefs, se rencontrèrent de nouveau dans un lieu voisin 
d'Ocâzh, et appelé Àbld, Les Hawâzin y furent en- 
core victorieux, et un de leurs poètes, Khidâch, fils 
de Zohayr, célébra ce succès dans une pièce de vers, 
où il dit : 



«La renommée ne vous a-t-elle pas appris qu*à la journée 
d'Ablâ nous avons distribué nos coups de sabre aux descen- 
dants de Khindif, de manière à leur en donner une riche pro- 
vision ? 

« Nous élevons un édifioe de gloire à la race de Cays ', 



I Jghdni^ rV, a56. 

a jifhdni, ibid. Tarûthei-Khamicy^t ii3 v% 

3 Cays, fils d'Aylân, auteur des tribus de Hawâzin, de Soulaym, etc. 



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3iî 



LIVAE III. 



tandis que nos ennemis Yoodraient voir U terre s'enfoncer 
sous nos pas *. » 

4'oeaii. Les Coraychites enfin furent vainqueurs à leur 
tour dans un combat qui fut livré sur le terrain même 
d'Ocâzh, et nommé pour cette nàson journée dO^ 
cdzh. Des deux côtés on avait rassemblé des renforts 
considérables. Abdallah, fils deDjodbân, avait fourni 
mille chameaux pour transporter autant de Kinâniens 
appelés à soutenir les Coraychites. Honteux de leurs 
défaites précédentes ^ et décidés à perdre la vie plutôt 
que de fuir , plusieurs Coraychites se garrottèrent 
les jambes, afin de se mettre dans l'impossibilité de 
reculer *. Ceux qui donnèrent cet exemple de résolu- 
tion furent six frères, Harb, Sofyân, Abou-Sofyâa, 
Abou-Harb, Amr, et Abou-Amr, tous enfants d'O- 
meyya, fils d'Abdchams. Ils furent surnommés, à 
cause de leur courage, EUÀnàbis y les lions ^. 

I lyliiM,! ^^ lijJlà. byto Lit •itiJlf ^.iXkLJ Jt 



yu\ 



^ Âghdni^ IV, a56 ▼*. 



Mghdniy 

9 Ce fait 8*est renouvelé pltuieara fois parmi les Arabes. On eD a m 
mène, dans ee siède-d, un exemple cité par Buckhardt {J^ojage en. jir,^ 
tnad. d*EyrîèSy II, 4i3). Dans une bataille livrée par les troupes du padm 
d'Egypte, Mohammed- Ali, aux V^ahabites, un grand nombre d*Arabes, 
qui avaient juré de ne pas fuir, avaient garrotté leurs jambes, et s*élaient 
attachés les uns aux autres. Ils furent trouvés morts en cet état. 

L'histoire romaine offre un trait semblable*dans le rédt d*une bataille de 
filarius contre les Cimbres. Ces barbares, redoutant les efforts d^une année 
disciplinée, s'étaient liés ensemble avec des cordes, pour présenter nn 
front inébranlable (Anquetil, HUt, univ.^Vf^ 41). 

3 L*auteur de VJghdm ne mentionne ici (vol. IV, V a56 v«) que les 
trou premiers de ces fils d'Omeyya. Mais ailleurs (vol. I, f. 4) il pwle des 
trois autres frères» comme ayant mérité le même samom dans cette ooca^ 
sioD. Voy. N<mp, Journ, atiat.^ vol. XVI, p. Soi. 



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L\ MBKKE. 3l3 

La lutte fut longue et acharoëe. Djalis, qui com- 
mandait les Ahâbich^ étant sorti des rangs, défia un 
des ennemis en combat' singulier. Hodthân , fils de 
Sàd, Tun des Benou-Nasr, se présenta, et fracassa le 
bras de Djalîs. Ensuite, les Benou-Bacr-ibn-Abdmo- 
nât et autres Arabes Rinâniens commencèrent à plier. 
Mais les Benou-Makhzoum, qui étaient postés auprès 
d'eux, les appuyèrent avec tant de vigueur, qu'ils les 
ramenèrent à l'attaque. Les Makhzoumites qui se dis- 
tinguèrent le plus en cette occasion furent les fils 
de Moghayra. Les Hawâzin, pressés de tous côtés, 
cédèrent et se rompirent, à l'exception des Benou- 
Nasr, qui tinrent ferme encore quelque temps. Une 
branche de cette famille de Nasr , nommée les Benou- 
Douhmân, encouragée par la valeur de son chef 
Soubay, fils d'Abou-Rabîa, opposa surtout une vive 
résistance. Mais enfin , renversés par une charge des 
enfants d'Omeyya, les Benou-Douhmân furent obli- 
gés aussi de chercher leur salut dans la fuite '. 

Avant la bataille, Maçoud, fils de Moàttib , chef 
des Thakîf , avait vu pleurer sa femme Soubayà^ fille 
d'Âbdchams, qui était Goraychite, et s'affligeait en 
pensant que le sang de sa famille allait couler. Ma^*oud, 
confiant dans le succès de ses armes, lui avait dit, 
pour la consoler : a J'accorderai la vie à tous ceux 
« de les parents qui entreront dans ta tente. » Sou- 
bayà se mit alors à rassembler des pièces d'étoffe et 
à les réunir à sa tente, pour l'agrandir. Mais son mari 
l'en empêcha, a Je n'épargnerai , lui dit-il, que le 



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3l4 LIVBE III. 

<c nombre d'hommes que pourra couteuir ta tente 
« dans ses dimensions actuelles, n» Soubayà piquée lui 
répondit : «c Un moment viendra peut-être oîi tu 1*6- 
tf gretteras toi-même que ma tente ne soit pas plus 
ce vaste. » 

Quand les Hawâzin eurent été défaits, plusieurs 
fuyards vinrent chercher un asile dans la tente de 
Soubayà. Son mari , Maçoud, s'y réfugia un des pre- 
miers, implorant la protection de sa femme contre la 
fureur des Coraychites. 

Sur ces entrefaites, arriva Harb, ûls d'Omeyya. 
Il dit à Soubayà : « Sœur de mon père, on respectera 
a la vie et la liberté de tous ceux qui entreront dans 
a ta tente , ou qui en toucheront une corde j ou qui 
« se placeront alentour. » Soubayà j répétant à haute 
voix cette déclaration du général coraychite^ appela 
les vaincus à en proBter. En même temps ses quatre 
fils allaient, par ses ordres, chercher ceux qui u'a- 
vaient point d'asile pour se dérober aux poursuites , 
et , les tenant par la main , ils les amenaient près de 
leur mère. 11 se forma ainsi , autour de la tente de 
Soubayà; un grand cercle d'Arabes issus de Gays 
par Hawâzin et Soulaym. Cet endroit fut nommé, 
depuis lors , Madâr Cajrs , le cercle de Cays. Cette 
victoire des Coraychites fut chantée par le poète 
Dhirâr, fils de Khattâb '. 
'••"^^«Ho- La dernière affaire générale qui eut lieu entre les 
Coraychites et les Hawâzin fut celle de Horayra^ près 
d'Ocâzh. Les chefs des deux partis étaient les mêmes 

i Àghàm, IV, a57. 



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LA. M£KK£. 3l5 

que dans les combats précédents, excepté Balâ, fils 
de Cays, qui était mort depuis la journée d'Ocâzh, 
et avait été remplacé par son frère Djathâma dans le 
commandement des Benou-Bacr-ibn-Âbdmonât. Les 
Coraychites et leurs alliés de Kinâna furent mis en 
déroute et perdirent huit hommes, entre autres Abou- 
Sofyân, fils d'Omeyya, Tun des Anâbis. Plusieurs 
avaient été tués de la main d'Othmân , fils d'Açad , 
Tun des enfants d'Amr, fils d'Amir-ibn-Rabîa. Le 
poète Khidâch, fils de Zohayr, composa une pièce 
de vers en l'honneur de ce guerrier *. 

Après la journée de Horayra , des meurtres indi- 
viduels entretinrent encore pendant quelque temps 
les inimitiés des tribus opposées. Ainsi Zohayr , fils de 
Rabia, père du poète Khidâch, s'étant aventuré sur 
le territoire de la Mekke, fut pris par Ibn-Mahmiya , 
Kinânien de la famille de Dayl. En vain Zohayr 
s'écria : a Ma vie doit être respectée, je suis venu 
a ici pour faire VOmra. » L'on sait que l'Omra était 
une visite des lieux saints , qu'on pouvait accomplir 
dans tous les temps de l'année, à la difierence du 
pèlerinage, Haddj\ dont l'époque était invariable- 
ment fixée au mois de Dhoulhiddja, « C'est un pré- 
ce texte qui pourrait toujours être allégué, » répondit 
Ibn-Mahmiya à Zohayr ; et il le mit à mort *. 

Enfin l'on inclina vers la paix. Il fut proposé ^^ ^^^SfSàti 
compter les victimes de la guerre, et d'imposer au 
parti qui aurait fait le moins de pertes l'obligation de 
payer le prix du sang d'autant de morts qu'il s'en 

f jéghànit IV, a57 v*». 
a Âghàm^ IV, aS? T^ 



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3lG LIVR£ III. 

trouverait de plus dans le parti contraire. Tandis que 
cet accommodement se négociait, l'un des chefs des 
Thakîfy Wahb,filsde Moàttib, voulut en empêcher la 
conclusion^ et engagea quelques familles de Hawâzin 
à faire une incursion contre les Rinâna. Cédant à ses 
instigations y les Benou-Amr ', les Benou-Hilâl et les 
fienou-Nasr, commandés, les premiers parSalama, 
les seconds par Rabîa , 61s d'Abou-Zhabyân , les troi- 
sièmes par Mâlik, fils d'Âuf, alors jeune homme 
imberbe, se réunirent, et attaquèrent les Bepou- 
Layth * , auxquels ils enlevèrent des troupeaux. Cette 
agression n'empêcha pourtant pas l'arrangement d'être 
conclu. On compta les morts. Les Hawâzin avaient 
pe^du vingt hommes de plus que leurs adversaires ; 
et ainsi les Coraychites , en dernier résultat , avaient 
eu l'avantage. Us donnèrent aux Hawâzin, pour sûreté 
du payement des didty ou prix des meurtres, un cer- 
tain nombre d'otages, parmi lesquels était Abou- 
Sofyân , fils de Harb ; et de part et d'autre on s en- 
gajgea par des serments à cesser toute hostilité ^. 

La seconde guerre de Fidjâr avait dure quatre 
ans ^ ; elle dut donc se terminer en l'année 589 de 
J. C. Le crime de Barrâdh ; qui en avait été la cause, 
devint parmi les Arabes une ère connue sous le nom 



I Amr, fils d'Amir, fils de RabiA, fils d^Amir, fils de Sàssai. Tableau 
X, A. 
9 Layf h, fils de Bacr» fils d'AbdmonAt, fils de KIdAimi. Tableau Vm. 

3 jigitdni, IV, a57 v*. 

4 II n*est pas dair, dans le texte de VJghdni (TV, a 54 ▼«), que cette 
durée s'applique à la seconde guerre de FidjAr seulement. Mais le récit de 
Nowayri ne parait point laisser de doute & cet égard. Toy. Hist, prœe. w. 
reg, de Rasmussen, p. 79. • 



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hfi MEKKE. 3i7 

de Yaum-el'Fidjdr, journée du crime * , et donna 
lieu à Texpression proverbiale : Plus scélérat que 
Barrâdh"^. 

Les personnages les plus marquants, tués dans les 
différents combats dont il vient d'être parlé, étaient, 
parmi les Hawâzin, Simma', chef des Benou-Djocham; 
et parmi les Coraychites, Abou-Sofyân, fils d'Omeyya, 
et Awwâm, fils de Khouwaylid. 

Une femme coraychite, nommée Omayma, petite* 
fille d'Abdchams ^ , mariée à un certain Hâritha , de 
la tribu de Soulaym, composa Télégie suivante, en 
l'honneur des Coraychites qui avaient succombé dans 
cette guerre : 

^ « Que les heures de la nuit sont lentes à s'écouler ! Mes re- 
gards attachés sur les étoiles les trouvent toujours immobiles. 

« L'aurore ne viendra-t-elle pas en6n me distraire de ma 
douleur? 

« Je gémis sur les parents que j'ai perdus , sur ces nobles 
guerriers 

« Que la Mort aux dents aiguës , aux griffes redoutables , a 
choisis pour victimes. 

« Elle les a surpris à la fleur de l'âge. Rien ne l'arrête, ni ne 
la détourne. 

X Pococke, Spee, hist. or., p. 179. 3tem.de tJead.^v. XLVm, p. 599. 

a ^^Ipï ^^ v^*Xj»t. Bfaydâni. 

3 Le texte de VAghâni (IV, a54 ^. et aSS) dit : « Fille d'Abdchami, fils 
cTAbdiDaiiif. » Biais il y a certainement un degré d*omis. 

v-^ ç^j rch (Jj Ir^' ^J pH J-*-* 



I 

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3i8 LivRR m. 

<« Quand elle paraît, nul ne peut se dérober à ses atteintes. 

« Pleurez, mes yeux, versez des torrents de larmes. 

« Ces guerriers étaient ma force et mon soutien. 

n Nous étions des rameaux de la même tige , des membres 
de la même famille. 

« Leur noblesse , leur gloire, étaient les miennes. Dans mes 
dangers, ils étaient ma forteresse; 

« Ils étaient ma lance, mon bouclier, mon glaive, quand 
j'avais une injure à venger. 

« Parmi eux, que d'hommes vertueux dont la parole ne fut 
jamais soupçonnée de mensonge! 

« Que d'orateurs au langage séduisant et pur! 

« Que de cavaliers intrépides, toujours ornés des insignes 
de la bravoure ! 

« Que de négociateurs habiles, et consommés dans la pra- 
tique des affaires ! 

9 Que de chefs magnifiques , réunissant une foule d'hôtes 
autour de leur vaste foyer ! 

« Que de personnages illustres par leur naissance et leurs 
grandes qualités , pères d'une postérité nombreuse et digne 
d'eux!» 

v^j' lit J^^^ ^j J,jt> ^j ^*^3r-> p»^ 
w>lC J JLS La 151 .% ^. ; ^ JJLî ^ J^ 

VJ-^ pLw ^^ ^.-^ ^j\3 ^ pTj 

w^-^ Ji^ v-^j' f-*-r* ^j^ cT* f^^ , 
V-^j-*^lj j^l (*-^ p«-r* cM*^ c^ f^J 




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LA MEKKB. SlQ 

Pour ne point interrompre le récit des guerres de J^^l^^^^^ 
Fidjâr, j'ai omis de parler d'un voyage que Mahomet ^*^""^'"* 
fit en Syrie , dans Tintervatle de la première à la se- 
conde de ces guerres. 

Mahomet était alors sou$ la tutelle de son oncle 
Abou-Tâliby auquel Âbdelmottalib en mourant Tavait 
spécialement recommandé^ parce qu'Abou-Tâlib était 
frère germain d'Abdallah , père du jeune orphelin *. 
Des affaires de commerce appelèrent Abou-Tâlib en 
Syrie. J'ai déjà dit que le commerce était l'occupa- 
tion principale des Mekkois même les plus illustres. 
Us transportaient à Bosra , à Damas et dans les au«> 
très contrées syriennes , les dattes du Hidjâz ou de 
Hedjer, les parfums, les aromates du Yaman, etc. ; 
à leur retour , ils rapportaient en Arabie du blé , des 
*raisins secs, des étoffes et autres produits de l'empire 
romain *. 

En voyant Abou-Tâlib faire ses préparatifs de dé- 
part , Mahomet , alors âgé de douze ou treize ans , 
témoigna une affliction si touchante de cette sépara- 
tion prochaine , et un désir si vif d'accompagner son 
oncle, que celui-ci s'émut; il s'écria qu'il ne pouvait 
laisser son neveu loin de lui , et se décida à l'emme- 
ner. Ik partirent avec plusieurs autres Coraychites. 

Arrivés sur le territoire de Bosra , ils s'arrêtèrent 
près d'un monastère dépendant de cette ville. Un 
moine en sortit , et vint inviter à un repas toutes les 
personnes qui composaient la caravane. Ce moine, 
au rapport de Maçoudi, était un Arabe de la tribu 

I Sirmi-errofoui^ f. 27 v^. 

a Reinaud, Mon, musul,^ vol. I, p. 193. 



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3ao 



LIVRE m. 



des Benou-Abdelcays > , éublie dans le Bahrayn. U 
était appelé par les Arabes Bahira, et, d après un 
passage du même historien j il parait avoir porté chez 
les chrétiens le nom- de Djirdjisy Georges *. 

A en croire les auteurs musulmans, Bahîra, d'une 
fenêtre de son couvent, avait distingué le jeune Ma- 
homet parmi ses compagnons , et remarqué un nuage 
suspendu sur sa tête, le couvrant de son ombre. Le 
désir de connaître plus particulièrement cet enfant 
l'avait engagé à faire aux voyageurs coraychites cette 
invitation. Elle fut acceptée; mais Mahomet, à cause 
de sa grande jeunesse, ne fut point amené au repas. 
Bahîra, s'apercevant de son absence, insista pour 
qu'on le fît venir. « Oui, dit un des Coraychites, le 
«petit-fils d'Âbdelmottalib est digne, quel que soit 
« son âge, de participer à l'honneur que tu nous fais ; » * 
et aussitôt il alla chercher Mahomet. 

Bahîra considéra Mahomet attentivement, et les 
mêmes auteurs musulmans prétendent qu'il vit entre 
ses deux épaules un signe qu'il reconnut pour être le 
sceau de la prophétie. Il lui adressa beaucoup de 
questions, et, frappé de ses réponses, il dit à Abou- 
Tâlib : a Reconduis ton neveu dans sa patrie ; veille 



I Moroudj'Eddluthab^ man. proTeoant de Schulti, f. z34. 

a Tarikh'êUKhamicy^ f. i la t*. Je die ce pMsage de Miçoudi d*tprèi 
le Tarikh-el-KhaiDicy , car je ne l*ai pas trouvé dans l'exemplaire dn Ma^ 
rotu/j'Eddhakahj provenant de Schultz, que possède la Bibliothèque royale. 
Ce passage existe néanmoins sans aucun doute , puisque Gagnier l'a reo- 
contré dans un exemplaire du M oroudj dont il a €iit usage. Mais, au Uea 
de Djirdjis , Gagnier a lu Serdjis; et c'est d'après cette leçon , pcat-ètre 
fiutive, que Gagnier et Prideaux ont identifié Bahîra avec le Sergini dont 
parle Vincent de Beauvais dans son Bliroir historique. 



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LA M£KKE. 3a I 

« sur lui avec soin, et garde-le des juifs : s'ils décou- 
(c vraient en lui certains indices que j'ai moi-même 
<c découverts, ils ne manqueraient pas de former quel- 
« que entreprise contre sa vie. Sache , au reste, que 
a l'avenir réserve des événements glorieux au fils de 
<c ton frère. » Abou-Tâlib, après avoir terminé les af- 
faires de son négoce , se hâta de ramener son neveu 
à la Mekke '. 



Temps depato les gaerres de Fidjâr jusqu'à la mission de Mahomet. 
Quelques années après la fin des guerres de Fidjâr, 



tandis que les Coraychites assemblés célébraient la •**"' 
fête d'une de leurs idoles, probablement d'El-Ozza, 
qu'ils honoraient d'un culte particulier, quatre hom- 
mes, d'un esprit plus éclairé que le reste de leur 
nation, se réunissaient à l'écart de la foule, et se 
communiquaient en secret leurs sentiments. <c Nos 
a compatriotes, se disaient-ils, marchent dans une 
« fausse voie; ils se sont éloignés delà religion d'A- 
« braham. Qu'est-ce que cette prétendue divinité à 
« laquelle ils immolent des victimes, et autour de la- 
ïc quelle ils font des processions solennelles ? Un bloc 
a de pierre muet et insensible, incapable de faire du 
a bien ou du mal. Tout ceci n'est qu'erreur. Cherchons 
(c la vérité, cherchons la pure religion d'Abraham 
V notre père; et pour la trouver, quittons s'il le faut 
« notre patrie, et parcourons les pays étrangers. » 

Les quatre personnages qui formaient ce projet 
étaient : Waraca, fils de NaufaI, fils de Hârith, fils 

I Sirat'crraçoul, f. «7 to, a8. Tarikh-^l'Khamtcyy f. iia v*. 

ai 



. Arabes cherciiaBt 
la TériUbte rell- 



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3a4 LIVRE m. 

Kliattâb et son neveu Zayd devait être de deux ou 
trois années seulement. 

En renonçant à l'idolâtrie , Zayd manifesta son 
éloignçment pour les superstitions païennes y de ma- 
nière à choquer ses compatriotes. Il devint surtout en 
butte aux reproches et à la mauvaise humeur de son 
oncle Khattâb. Il voulut alors quitter la Mekke et 
aller parcourir les contrées étrangères , afin de con- 
sulter les sages. Mais ses tentatives pour s'échapper 
de son pays furent déjouées par Khattâb. Celui-ci 
avait chargé Safiya, fille d'El-Hadhrami, femme de 
Zayd, de surveiller son mari ; et chaque fois que Zayd 
faisait ses préparatifs pour fuir, Khattâb, averti par 
Safiya, s'opposait de force à son départ '. 

Ainsi retenu à la Mekke, Zayd se rendait tous les 
jours à la Càba , et priait Dieu de Téclairer. On le 
voyait, le dos appuyé contre le mur du temple, se 
livrer à de pieuses méditations , dont il sortait en 
s'écriant : <c Seigneur! si je savais de quelle manière 
«i tu veux être servi et adoré, j'obéirais à ta volonté; 
<c mais je l'ignore.)» Ensuite il se prosternait, la face 
contre terre. 

N'adoptant ni les idées des juifs ni celles des chré- 
tiens, il se fit une religion à part^ tâchant de se con- 
former à ce qu'il croyait avoir été le culte suivi par 
Abraham. Il s'interdisait la chair des animaux morts 

enfuiu d*Abou-Aiiir (Aghdni, 1» 4» Journal asial,, décembre x835, 
p. 5oi-5o6, article de M. Quatremère). Les Arabes qualifiaieol de Dhajzam 
uo fils qui épousait la veuve de son père. Mahomet abolit ces sortes de 
mariages par ce verset du Coran : ?f épouse* point ies femmes quont 
épousée* vos pères. (Sourat IV, v. a6.) 
I Sirai-trraçoulf f. 35. 



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L4 MEKKR. 3a 5 

naturellement y et celle des victimes immolées aux 
idoles. Il rendait hommage à Tunité de Dieu , atta- 
quait publiquement les fausses divinités , et déclamait 
avec énergie contre toutes les pratiques superstitieu- 
ses. Il s'efforçait aussi, dans les discours qu'il adressait 
à ses compatriotes^ de leur inspirer de l'horreur pour 
un crime assez commun parmi les Arabes pauvres et 
chargés d'une nombreuse famille, qui enterraient 
quelquefois leurs filles vivantes au moment de leur 
naissance, pour s'épargner le soin de les nourrir et 
de les élever'. 

Khattâb craignit bientôt que les prédications de 
Zayd ne fissent impression sur ses auditeurs, et ne 
portassent atteinte au culte national. Il prit alors le 
paili de faire sortir son neveu de la Mekke, et de le 
confiner sur le mont Hirâ , voisin de la ville. Là, 
Zayd vécut quelque temps comme prisonnier, sous la 
garde d'une troupe de jeunes gens payés par Khattâb 
pour l'insulter et le maltraiter, s'il tentait de quitter 
cette retraite. 

Il parvint enfin à se soustraire à cette persécution. 
Il s'enfuit, et gagna le pays qu'arrose le Tigre. If sé- 
journa d'abord à Maucel , puis en divers endroits de 
la Mésopotamie, consultant partout les hommes 
voués aux études religiAses, dans l'espoir de retrou- 
ver la religion pure d'Abraham. Il passa ensuite en 
Syrie, erra longtemps d'un lieu à un autre, constam- 
ment occupé de sa recherche. Il était à Mayfaà, petite 
ville de la contrée de Balcâ , lorsqu'un savant moine 

î Sirat-erraçoul, f. 34 v*', 35 v». 



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3^8 LIVRK III. 

tre flatte d'une semblable ouverture. Khadîdja, quoi- 
qu'elle ne fôt plus à la fleur de l'âge ( elle avait de 
trente à quarante ans ' ) , était encore j à cause de sa 
noblesse, de sa fortune et même de ses qualités per- 
sonnelles, un parti très-recherché à la Mekke '. 

Mahomet fit part à ses oncles de cette proposition. 
Abou-Tâlib s'empressa de se rendre auprès de Khou- 
waylid, père de Khadtdja , et lui adressa la demande 
officielle. Rhouwaylid ayant donné son consentement, 
les membres des deux familles et les plus marquants 
d'entre les Coraychites furent réunis pour célébrer 
les noces. Tous les invités étant rassemblés, Abou- 
Tâlib se leva , et prononça ces paroles : 

«c Louange à Dieu, qui nous a fait naître de la race 
« d'Ibrahim, de la postérité d'Isœail, de la lignée 
a de Maàdd par Modhar! Louange à Dieu, qui nous 
ce a accordé pour héritage un territoire sacré, qui 
« nous a établis les gardiens de la maison du pèleri- 
« nage, et les juges des hommes! Mohammed, le fils 
« de mon frère , est privé des biens de la fortune , 
«( de ces biens qui sont une ombre passagère, un dé- 
c< pot qu'il faut rendre tôt ou tard. Mais vous con- 
« naissez ses vertus et la noblesse de sa naissance; vous 
a savez que nul ne peut être mis en parall^e avec lui. 
a Mohammed, dis-je, a demandé et obtenu la main de 
«c Khadîdja. 11 lui a constitué un douaire que je payerai 
<c moi-même. Ce mariage sera béni du ciel; un avenir 
« plein de gloire est ouvert devant Mohammed '. » 

I Tarfkh-el'Khamt'cjry f. ii5. 

n SinU-^rraçouli f. ag. 

3 Ibn-Khaldonn , f. i58. Savary, Vie de Mahomtt, p. 16. 



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hk M£KKE. 3^9 

On prépara ensuite le festin nuptial. Deux cba« 
meaux furent servis aux convives; et, après le repas, 
les filles esclaves de la nouvelle ëpouse dansèrent au 
son des timbales '. 

Le douaire ou présent de noces , en arabe Sadàk 
ou Mahr^ que reçut Khadidja^ consista en vingt . 
jeunes chamelles ^. 

Ce mariage enrichissait Mahomet. Le changement 
de sa situation ne Tenivra point. Il aima tendrement 
Khadîdja, et aussi longtemps qu'elle vécut, il lui 
garda une fidélité constante. Il n'usait qu'avec réserve 
et délicatesse du bien de sa femme. Halîma, sa nour- 
rice, étant venue le trouver et lui exposer sa pau- 
vreté, il sollicita pour elle la bienfaisance de Kha- 
didja, qui donna à la Bédouine un troupeau de 
quarante brebis ^. 

Khadidja devint bientôt mère d'un fils qui fut ap- EDhoudeacaii». 

J ^ r met et d« Kliadi- 

pelé £1-Câcim. Mahomet , depuis ce moment, confor- **'■• 
mément à l'usage des Arabes, prit le prénom ÔLÂbou-^ 
l^Cdciniy c'est-à-dire, père d'£l-Câcim. Il eut encore 
de Khadidja deux autres fils, Tayyib et Tâhir, et 
ensuite quatre filles, Rocayya, Zaynab, Oumm-Col- 
thoûm, et Fâtima. Tous ses enfants mâles moururent 
en bas âge; ses filles vécurent jusqu'au temps de l'is- 

I Reinaody Monum, musuL, I, igS. Tarikh-el-Khamicy^ f. ii5 v'o. 

a Sirat'erra^oul, f. 39. Ai>oulféda, trad. de Desvergers, p. 1 1. Ces vingt 
jeunes cbamelles représentaient peut-être one valeur de 5oo dirham, ou de 
12 onces i/a d*or; car tel fut, dit-on, le taux des sadàk que Mahomet 
donna à toutes ses épouses, et qu'il fit donner à ses filles par ses gendres 
(Hariri, édit. de M. de Sacy, p. 3 10). Cependant le Sirat-erraçoul (f. 347) 
et le Teuîkh-el-Khamicy (f. 116) ne portent qu'à 400 dirham les sadàk 
accordés par Mahomet à ses femmes. 

3 Aboulféda , trad. de Desvergers, p. 9. 



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33o LIVRE III. 

lamisme, qu'elles embrassèrent ^ Rocayya^ rainée des 
quatre sœurs , et Outnm-Colthoûm , la troisième , 
furent successivement épousées par Othmân , fib 
d'Affân, qui devint calife. Fâtima, la plus jeune, née 
vers l'an 606 de notre ère *, épousa Ali , fils d'Abou- 
Tâlib, qui fut le successeur d'Othmân dans le califat. 
C'est par Fâtima que prétendent descendre de Ma- 
homet tous les musulmans qui sont aujourd'hui dé- 
corés du titre de Sayyid ou Chartf^ et affectent dans 
leur coiffure la couleur verte. 

--^- Depuis l'époque des fils de Cossay, l'autorité s'était 

^^''^* toujours divisée de plus en plus à la Mekke. Chaque 
chef n'en avait qu'une portion très-limitée, et, parmi 
les différentes fonctions instituées jusqu'alors, il 
n'existait aucune magistrature spéciale qui assurât 
aux individus la jouissance paisible de ce qu'ils pos- 
sédaient. A la vérité, les liens du sang, l'esprit de 
corps ou de famille, protégeaient chaque citoyen contre 
l'injustice et la spoliation. Mais cette protection n'était 
pas toujours suffisante. Les étrangers d'ailleurs étaient 
exposés sans défense à des vexations, et en subissaient 
souvent. Deux faits, que je vais rapporter, firent 
sentir combien c-et état de choses était nuisible à 
l'honneur et aux intérêts des Coraychites, et donnè- 
rent naissance à une société formée dans le but de 
redresser les torts. 

Hanzhala , fils de Charki , de la tribu des Benou- 

I Sirai-^rraçoul^ f. 29. 

a Suivant le ChadhartU'eddhahab , elle avait quinze ans et Ali tîd^ et 
un , lon({a*iU se marièrent. Elle était par conséquent plus jeune de six 
ans qu*Ali, et celui-ci était né vers Tan 600 de J. C. 



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LA MEKKE. 33 1 

1-Caya, branche de Codhâa, poète généralement 
connu sous le surnom d'Abou-ttamahân , était venu 
à la Mekke pour affaires de commerce. 11 avait pris 
la précaution de se mettre sous le patronage d'Abd- 
allah , fils de Djodhân , et de contracter avec lui l'es- 
pèce d'alliance temporaire nommée Djewdr, voisinage. 

Cette alliance s'achetait ou s'accordait gratuite- 
ment , suivant le caractère plus ou moins généreux 
du personnage auquel on la demandait. Elle imposait 
au Djdry ou voisin fort, le devoir de protéger le 
Djdr, ou voisin faible. 

Abou-ttamahân avait amené avec lui un troupeau 
de chameaux. Des Mekkois, de la famille de Sahm^ en 
enlevèrent quelques-uns, les égorgèrent, et en firent 
un festin. Abou-ttamahân ne se plaignit pas. Il fit 
plus ; il conduisit aux auteurs de cette avanie autant 
de chameaux qu'ils lui en avaient pris, et les leur 
offrit en leur disant : a Excusez-moi si je ne puis 
« vous en donner davantage. ]» Les chameaux furent 
acceptés et mangés. Quelque temps après, les mêmes 
enfants de Sahm , à la suite d'un repas où le vin avait 
échauffé leurs têtes, s'emparèrent de tout le troupeau 
d'Abou-ttamahân. Celui-ci courut chez Abdallah, fils 
de Djodhân , et lui demanda justice. Abdallah ne put 
la lui faire rendre , sa famille n'étant pas aussi puis- 
sante que celle des Benou-Sahm. Le poète dépouillé 
quitta aussitôt la Mekke, et exhala son indignation 
dans une satire contre les Coraychites , qui se répan- 
dit bientôt parmi les Arabes'. 

I Jghéni, IV, 217. .^ 



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332 LIVRE llf. 

Vers la même époque, un individu de la tribu 
des Benou-Zayd ' arriva à la Mekke pour faire la 
visite des lieux saints, Omra, Il avait aussi apporté 
des marchandises, qu'il livra à un Coraychite de la 
branche de Sahm moyennant un prix convenu. Mais 
l'acheteur, après avoir reçu les marchandises^ refusa 
également d'en payer la valeur pu de les restituer. 
En vain le vendeur supplia les Benou-Sahm d'engager 
leur frère à s'acquitter envers lui : ils le repoussèrent 
durement. Il s'adressa successivement à différentes 
familles coraychites, qui ne purent ou ne voulurent 
pas soutenir ses droits. Alors il se rendit sur la mon- 
tagne d'Abou-Coubays , où les Mekkois avaient cou- 
tume de se réunir le soir pour prendre le frais; et là 
il proclama à haute voix l'injustice dont il était vic- 
time, en priant le ciel de lui donner un protecteur 
contre les Benou-Sahm. 

Ce cri solennel d'un opprimé causa de l'émotion 
parmi les Coraychites. On se rappela que trois hom- 
mes de la famille de Sahm * venaient d'être frappés 
par le* tonnerre, que d'autres étaient morts empoi- 
sonnés par du vin dans lequel un serpent avait jeté 
sa bave pendant leur sommeil. Ces accidents parurent 
des châtiments célestes, et des avertissements à toute 
la population de la Mekke de mettre un terme aux 
injustices qui s'y commettaient. 

Sous l'impression de ces idées , et par le conseil 



I Zayd, fils de Sàd-el-Achira, branche de Madhidj, ou Zayd, fils de 
Ghauth, branche de BadjUa. 

a Ils se nommaient Cays , Mikyas et Abdcays , et collectivement El- 
Mécàïs, Aghdnif rv, «7 v*. 



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LA BIEKKE. 333 

de Zobayi*9 fils d'Abdelmottalib, avec lequel Aboii- 
ttamahân avait été lié d'amitié ^ les descendants de 
Hâchim et ceux de Mottalib, frère de Hâc^im, se 
réunirent avec les principa^ux membres des familles 
de Zohra et de Taym, chez Abdallah, (ils de Djodhân, 
qui était le Chaykh des Coraychites, c'est-à-dire, le 
personnage le plus considéré parmi eux , à cause de 
son âge et de son mérite. Là on convint de former 
une association pour la défense des opprimés. 

Abdallah donna un grand repas, à la suite duquel 
les convives s'engagèrent à prendre fait et cause pour 
tout individu, étranger ou Mekkois, libre ou esclave, 
qui éprouverait une injustice à la Mekke. Us jurèt*ent 
par le Dieu suprême d'obliger l'oppresseur, à quelque 
famille qu'il appartînt, de satisfaire l'opprimé. Alors 
on leur présenta un vase rempli d'eau du puits de 
Zamzam. Quelques personnes prirent ce vase, allè- 
rent répandre une partie de l'eau qu'il contenait sur 
les pierres angulaires de la Càba, et le rapportèrent 
dans la salle du festin. Le reste de cette eau fut bu 
par les assistants , pour ajouter une sanction solen- 
nelle à leurs serments '. 

On nonuna cette société Hilf-el-Fodhoûlj fédéra- 
tion des Fodhoûl, en mémoire d'une ancienne société 
instituée dans le même but sous les Djorhom, et 
composée de quatre personnages appelés Fadhl, 
Fadhâl, Mofaddhal et Fodhayl , ou collectivement 
les Fodhoûl ^ 

Mahomet fut un des membres de l'association des 

I Aghdni, IV, a 5, a 7 vo. 
a Âghàni, IV, a6, a 7 v". 



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334 Livfti m. 

nouveaux Fodhoûl. Il était présent au repas donné 
par Ibn-Djodhân , et avait alors vingt-cinq ans '. La 
fondation de cette société correspond donc à Pannëe 
de son mariage avec Khadidja , c'est-à-dire, à l'an de 
J. C. SgS. On raconte, d'après le témoignage de 
Talha', l'un des premiers disciples de l'islamisme, et 
d'Aîcha , l'épouse chérie de Mahomet , qu'au temps 
de sa puissance il dit un jour : « J'ai été un de ceux 
« qui ont prêté serment chez Ibn-Djodhân. Si aa- 
<c jourd'hui quelqu'un réclamait mon appui en invo- 
« quant le Hilf-el-Fodhoûl , je répondrais aussitôt à 
«c son appel. Je ne voudrais pas, pour les plus beaux 
« chameaux de l'Arabie, manquer à l'engagement 
« que j'ai pris alors ^. » 

La société des Fodhoûl exerça un patronage effi- 
cace en faveur des opprimés^ et, dès la première année 
de son institution , la simple menace de son inter- 
vention suffit souvent pour faire rendre justice. Ainsi 
Obay, fils de Khalaf, un des principaux personnages 
de la famille de Djoumah, s'étant emparé de quel- 
ques marchandises appartenant à un Arabe de Thou- 
mâla (branche d'Azd), les membres du Hilf-el-Fo- 
dhoûl lui envoyèrent dire de restituer ce qu'il avait 
pris, et il obéit sur-le-champ 4. 

Cette association conservait encore toute sa force 
un demi-siècle après l'hégire. L'on cite un trait de 
Hoçayn , fils d'AU , qui, ayant à se plaindre d'une in- 



I Âghdni, IV, a 5. 

a TiOhâ, 6U d*Obiydallah, ÛU d*Auf, de la ranille de Zohra. 
\ 3 Âghdmi^ rV, 35. Sbrat^rraçoul^ f. ao. 
4 Âghém^ Vf. in. 



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LA MBKK.E. 335 

justice commise à son égard par le calife Moâwia, ou 
par soQ neveu Waiîd, fils d'Otba, gouverneur de 
Médine, força le calife lui-même de satisfaire à ses 
réclamations^ en le menaçant du Sa/lam jC^est-k-dirCf 
de l'appel au Hilf-el-Fodhoûl '. 

Je conjecture que ce fut peu d'années après Téta- uSS^^^lfnS^ 

... 1 1 I wayiîth, pour fàtre 

blissement de cette association . et dans les commen- v^ J» Mdjiui 

' tous U donlDattoa 

céments du septième siècle de notre ère, que se passa Sîd?l.t.'" **" 
à la Mekke un fait assez remarquable indiqué par 
Ibn-Khaldoun, et sur lequel il est à regretter que cet 
historien ne donne pas des renseignements plus cir- 
constanciés. 

Othmân , fils de Houwayrith , comme ou Ta vu 
précédemment * , était allé se présenter à l'empereur 
romain, en avait reçu des faveurs, et avait embrassé 
le christianisme. Il revint à la Mekke après une longue 
absence. S'annonçant comme investi des pouvoirs de 
l'empereur, il voulut s'emparer de l'autorité, et gou- 
verner en qualité de vassal des Romains. Sa tentative 
échoua ; il fut obligé de s'enfuir , et se retira en Syrie 
chez les Arabes de Ghassan, soumis à l'empire et 
professant le christianisme. Là, usant, pour se venger^ 
de l'influence que lui donnait son crédit à la cour de 
l'empereur, il fit saisir et jeter en prison tous les 
Coraychites que les affaires de leur négoce avaient 
amenés dans le pays. De ce nombre était Abou-Ohayha- 
Sald^, fils d'£I-As, fils d'Omeyya, fils d'Abdchams. 

I jéghdni, rV, a6v% 27. Sîrat-erraçoul, f. ao. 

a Fige 323. 

3 Ce personnage fut le grand-père de Saïd, fils d*El-Â5 , fils de Saïd , 
fils d'El-As , fils d*Omeyya , gouterneur de Coufii sous le calife OUiDiân- 
ibn-Ainn. 



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336 LivRi m. 

Mais bientôt^ sur la nouvelle de ces arrestations, des 
émissaires envoyés de la Mekke auprès du prince 
ghassanide Amr ' , descendant de Djafna , le gagnè- 
rent secrètement par des présents. Amr fit empoison- 
ner Othmân, et relâcha les prisonniers *. 
Moneitr. Biad . C est cncorc aux premières années de notre septième 
/«cl'jj^» Siècle que se rapportent les faits suivants , que je ci- 
terai comme contenant quelques traits de mœurs, et 
se rattachant à la naissance d'un personnage célèbre 
dans l'histoire musulmane. 

EUFâkih, fils de Moghayra, de la famille de Makh- 
zoûm, avait épousé Hind, fille d'Otba, fils deRabîa, 
fils d'Abdchams. Un parent de Hiud éprouvait pour 
elle une violente passion; c'était Mouçâfir, fils d'A- 
bou-Amr, fils d'Omeyya, homme distingué par son 
talent poétique et sa générosité. Il était l'un des Co- 
raychites que l'on appelait Âzwâdrerracb , c'est-à- 
dire, provisions des voyageurs, parce que, lorsqu'ils 
se trouvaient en voyage, ils fournissaient aux besoins 
de tous leurs compagnons de route, et que, dévoués 
à remplir les devoirs de Thospitalité , ils hébergeaient 
tous les étrangers qui se présentaient à eux, et leur 
donnaient des provisions au moment de leur départ. 
Les autres Coraychites qui partageaient avec Mou- 
çâfir cet honorable surnom étaient : Abou-Omeyya, 
fils de Moghayra ; Zamà, fils d'El-Aswad ^, et Omâra, 
fils de Walîd 4. 

I Ce prince me parait être Amr V, fils de NomAQ-abou-Hodjr , dont il 
sera question dans Thistoire des Gbassanides. Voy. tableau Y. 
a Ibn-Khaldoun, f. 149- 

3 Càmoùs. 

4 Jghâni, IV, 67. 



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LA MRULK. ' 337 

11 arriva qu'£l-Fâkih conçut des soupçons sur la 
vertu de sa femme. Il ia répudia et la renvoya de sa 
maison j laccusant de lui avoir manqué de fidélité. 
Hind retourna chez son père. Otba ayant interrogé 
sa fille et reçu d'elle l'assurance qu'elle n'était point 
coupable , accusa à son tour £1-Fâkih de calomnie ; 
et, à défaut de témoins qui pussent manifester la vé- 
rité, il le cita devant un Câhin ou devin du Yaman, 
qui devait prononcer sur la réalité ou la fausseté de 
l'imputation dirigée contre l'honneur de Hind. El- 
Fâkih et Otba, accompagnés des hommes et des fem- 
mes de leurs familles respectives , se rendirent auprès 
du Cahin. Celui-ci déclara que Hind était innocente, 
et ajouta qu'elle était destinée à donner le jour à un 
souverain. £1-Fâkih, après avoir entendu cette dé- 
cision, reconnut l'injustice de ses soupçons, et voulut 
reprendre sa femme. Mais Hind refusa de contracter 
avec lui une nouvelle union. 

Mouçâfir s'empressa alors de demander Hind en 
mariage. Il ne fut pas agréé. Il avait épuisé son bien 
par sa libéralité , et on le trouva trop pauvre pour 
épouser une femme du rang de Hind. Il partit aussitôt 
pour la ville de Hîra, dans l'intention de solliciter les 
bienfaits du roi Nomân (Âbou-Câbous), fils de Moun- 
dhir. Il se flattait que ce prince, connu par sa géné- 
rosité à l'égard des poètes qui lui adressaient des vers, 
rétablirait bientôt sa fortune, et le mettrait en état 
d'épouser la femme qu'il aimait. 

11 était depuis quelque temps à la cour de Nàmftn, 
dont il recevait un accueil distingué et des présents 
considérables , lorsqu'il vit arriver de la Mekke un de 



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338 LîvRK m. 

ses cousins y Abou-Sofyân, fils de Harb^ que des al- 
faires commerciales amenaient quelquefois à Hira. li 
le questionna avidement sur ce qui s'était passé parmi 
les Coraychites pendant son absence. Abou-Sofyâa 
lui dit, entre autres choses : « J'ai épousé Hind, fille 
n d'Otba. » 

Celte nouvelle, qui ruinait les espérances de Mou- 
çâfir, lui causa un profond chagrin. Il tomba malade, 
et devint hydropique. Nomân , qui l'avait pris en af- 
fection , appela des médecins pour le traiter. Ils s'ac- 
cordèrent à déclarer qu'il n'y avait d'autre remède 
à son mal que le feu. On lui brûla le ventre avec des 
fers rouges , sans qu'il fît paraître aucun signe de 
douleur. Mais cette opération j loin de le soulager, 
empira son état. Ayant voulu , malgré sa faiblesse , se 
faire transporter à la Mekke, il mourut en route, dans 
un lieu nommé Hébâia, où il fut enterré '. 

Hind donna bientôt à Abou-Sofyân un fils, Moâwla, 
qui naquit vers l'an de J. C. 6o3 *. H parvint dans la 
suite au califat, et fut le fondateur de la dynastie 
des Omeyyades. 
AeeoMtracuonde En l'année de J. C. 6o5 environ, Mahomet étant 
?î:!ïï^' " ** âgé de trente-cinq ans 3, les Coraychites entreprirent 
de reconstruire la Càba. 

Il paraît que déjà , pendant l'enfance de Mahomet, 
un incendie ayant détruit une partie de cet édifice , 
les Coraychites l'avaient réparé * , mais ils en avaient 

I Jghdni, II, ao9-aio. 

3 On sait que Moâwia est mort en Tan 6o de lliégîre (679 de J. C. ), 
âgé de 78 années lunaires. Chadhardt-^ddhahab, 

3 Sirmi-erra^uiff. ag. Ibn-Kbakbun, f. i58. 

4 Ibn-Khaldoun y f. i57 \\ Burckhardi, diaprés divers auteurs arabes, 
Voyage en Arabie, trad. d'Eyriè.^, vol. I, p. aao. 



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LA MKKKE. 339 

diminue la hauteur. Depuis lors la toiture s'étant 
détéfiorée, des voleurs avaient profité du peu d'élé- 
vation des murs pour les escalader, s'introduire dans 
le sanctuaire, et enlever le trésor déposé dans le ca* 
veau intérieur. Ce trésor fut retrouvé bientôt dans la 
maison d'un aflranchi nommé Douwayk, auquel on 
coupa la main. Cette aventure fit sentir la nécessité 
d'exhausser le bâtiment , et d'en refaire solidement la 
toiture. Mais le mauvais état des vieux murs ne per- 
mettait pas de les surcharger : on reconnut qu'il fal* 
lait les démolir, et rebâtir à neuf l'édifice entier. 

Cependant la démolition d'un temple si vénéré 
alarmait les consciences; on craignait de commettre 
un sacrilège, et de susciter le courroux du ciel. Sur 
ces entrefaites, un navire romain ayant fait naufrage 
dans la mer Rouge, fut jeté par les flots sur le rivage 
de Djoudda , petit port dépendant de la Mekke. Les 
Coraychites recueillirent toutes les pièces de bois de 
ce navire ; et la circonstance de ce naufrage , jointe à 
la présence d'un habile charpentier copte qui venait 
de se fixer à la Mekke, leur parut une manifestation 
de la volonté divine. « Sans doute, dirent-ils, le ciel 
« approuve notre projet , puisqu'il nous envoie des 
ce bois de construction, et un ouvrier pour les mettre 
« en œuvre. » 

On résolut donc de commencer les travaux. Toutes 
les familles de la Mekke devaient y concourir, et l'on 
en régla entre elles la répartition. Mais quand on fut 
au moment de porter la main sur les pierres de l'é- 
difice pour les renverser, les scrupules de conscience 
se renouvelèrent , et tout le monde s'arrêta. Alors un 

au*. 



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34o LIVRE III. 

des principaux personnages de la branche de Makh- 
zoum, Walid, fils de Moghayra, prit une pioche; et, 
la levant pour frapper le mur de la Càba, il s'écrîa : 
« Dieu y ne t'irrite point ! nous n'agissons que dans de 
« pieuses intentions, n Eln disant ces mots, il se mit 
à abattre un pan de mur. 

Cet exemple n'entraîna pas d'abord les Coraychites. 
a Attendons jusqu'à demain, se dirent-ils, pour voir 
« s'il n'arrivera pas à Walîd quelque accident, en pu- 
ce nition de sa hardiesse. » Il n'arriva rien à Walid , 
qui , le lendemain matin , se remit à l'œuvre av^ une 
ardeur nouvelle. Les Coraychites, enfin rassurés, 
s'empressèrent de l'imiter. La démolition fut bientôt 
achevée jusqu'au ras du sol. On voulait attaquer aussi 
les fondations; mais on les trouva formées de pierres 
artistement taillées et crénelées , de manière à s'em- 
boîter les unes dans les autres avec une admirable 
solidité. On regarda ces fondations comme un reste 
de l'ouvrage d'Abraham , et on les laissa intactes. 

On prétend que l'on découvrit, sur une des pierres 
qui servaient de base à l'un des angles du sanctuaire, 
une inscription qu'aucun Coraychite ne put déchif- 
frer. On ajoute (et ceci devient moins croyable) 
qu'un juif instruit, appelé pour donner l'explication 
de cette inscription , déclara qu'elle était en langue et 
en caractères syriaques, et qu'elle signifiait : Je suis 
le Dieu maiire de Bacca ' ; foi créé ce temple en 
même temps que f ai créé les deux et la terre ^ le 
soleil et la lune , etc. ^. 

i Bacca, disent Iw Arabes, était la Tonne primitive du nom de Macca 
ou ta Mekke. 

a Sirat-erracotd, f. 29 v", lo. 



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hk MSKKE. 341 

On s'occupa ensuite de la reconstruction. Elle 
avança rapidement, grâce au zèle et à l'émulation des 
travailleurs. Lorsque les murs furent élevés jusqu'à 
la hauteur où devait être placée la pierre noire ^ une 
contestation naquit entre les différentes branches de 
Coraych, dont chacune prétendait à l'honneur de 
poser cette pierre. La dispute s'échauffa au point que 
l'on prit les armes. LesBenou-Abdeddâr et les Benou- 
Âdi-ibn-Càby faisant ensemble cause cominune contre 
les autres familles coraychites , plongèrent leurs mains 
dans une écuelle remplie de sang, et se jurèrent de 
soutenir mutuellement leurs droits jusqu'à la mort. 

Depuis plusieurs jours les travaux restaient inter- 
rompus ; une guerre civile paraissait près d'éclater. 
Cependant, avant d'en venir aux dernières exti*émités, 
on convoqua une assemblée dans l'enceinte même du 
temple, poqr tenter quelque voie de conciliation. La 
réunion était déjà nombreuse, et les chefs les plus 
influents s'y trouvaient, lorsque Abou-Omeyya,fils de 
Moghayra ' , qui était alors le doyen d'âge de toute 
la tribu de Coraych , proposa de prendre pour arbitre 
la première personne qui entrerait dans le lieu de la 
conférence. On accepte , et tous les regards se tour- 
nent aussitôt vers la porte. En ce moment Mahomet 
paraît, et entre, a C'est El-y^min^ s'écrie-t-on ; qu'il 
a soit notre juge. » Mahomet fait étendre à terre un 
manteau, met la pierre noire dessus, et désigne quatre 
personnages d'entre les plus distingués par leur no- 
blesse , et appartenant à quatre familles djfférentes , 
pour tenir chacun un coin du manteau, et élever ainsi 

1 Fils d*AbdalUh, ùU d'Amr, fiU de Makhxoum. Toy. tàblMU TUI. 



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34^ LIVRB 111. 

la pien*e à la hauteur convenable. Ensuite il la prend 
lui-même, et la pose de ses mains à la place qui lui 
était destinée. 

Les quatre nobles coraychites qui avaient tenu les 
coins du manteau étaient : Otba, fils de Rabîa, fils 
d'Âbdchams; £l-Aswad, fils de Mottalib^ filsd'Açad, 
fils d'Abdelozza; Abou-Hodhayfa ', fils de Moghayra, 
issu de Makhzoûm, et Cays, fils d'Adi^ issu de Sahm '. 

On termina ensuite l'édifice ^ et on le couvrit, 
suivant Tusage, du voile appelé la Kiswa. Ce voile, 
qu'on avait fait d'abord d'étofïe blanche de lin de fa- 
brique égyptienne , et qu'on formait alors d'étoffe 
rayée du Yaman , était renouvelé annuellement. Tous 
les Mekkois se cotisaient pour en faire les fixais. Mais, 
quelques années plus tard, un Coraychite de la famille 
de Makhzoûm , nommé Bodjayr, fils d'Abou-Rabia , 
ayant acqui» de grandes richesses p^r le commerce 
qu'il faisait avec le Yaman , se chargea de fournir la 
Kiswa à ses propres frais, de deux années Tune. On 
le surnomma à cette occasion Ei-Idl, c'est-à-dire, 
l'égal, pour exprimer que, dans l'œuvre pieuse de 
couvrir la Càba , il avait à lui seul une part égale 
à celle de tous les Coraychites ensemble ^. 
BxpédiUoD corn- A peu près vers le temps où la Càba venait d'être 

roercîale en Irak. . . i r. 

^^«JJ^^J^^/^ reconstruite, les Coraychites firent en Irak une expé- 

•M ej.c. dition commerciale qui mérite d'être signalée. Une 

caravane s'achemina de la Mekke vers cette contrée, 

sous la conduite d'Abou-Sofyân , fils de Harb, fils 

I Frère 4u doyen d'âge Abou-Omeyya, de Walid ei d'EI-FAkih. 

a Ibn-Khaldouo, f. i58. Sirat-erraçoul, t 3o. 

3 JghÂniy 1, i3. ^ 



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LA MIKKE. 343 

d'Omeyya. Plu$ieur$ marchands de la tribu de Tba- 
kif , voisine et alot*s alliée des Mekkois, s'étaient asso- 
cies à eux pour cette entreprise, et faisaient partie 
de la troupe. 

Les Coraychites avaient déjà de fréquentes rela* 
lions de négoce avec Hîra, capitale de la portion oc- 
cidentale de l'Irak occupée par des populations ara- 
bes; mais il paraît qu'ils n'avaient pas encore étendu 
leur trafic au delà de cette ville , à l'est de l'Euphrate 
et dans les cantons baignés par le Tigre. Cette fois , 
ils s'avancèrent plus loin qu'ils n'avaient fait jus- 
qu'alors. 

Abou-Sofjâu et ses compagnons, parvenus à la 
frontière du territoire persan, craignirent d'éprouver 
quelque mauvais traitement s'ils entraient dans le pays 
sans la permission du souverain. Us s'arrêtèrent donc 
sur la limite, et con\iinrent d'envoyer seplem^nt l'un 
d'entre eux, avec les marchandises, vers le monai*que 
Kesra-Parwiz , et d'abandonner à celui qui remplirait 
cette mission la moitié des bénéfices, en cas de succès. 

Le chef des Thakîf s'offrit pour tenter l'aventure. 
U se nommait Ghaylân , fils de Salama , fils de Moàt- 
tib. C'était un homme distingué par son rang et sa 
naissance, qui joignait à beaucoup d'esprit et d'adresse 
une belle figure et une taille avantageuse. Sa grand- 
mère, Soubayà, était sœur d'Omeyya, grand-père 
d'Âbou-Sofyân , et il avait pour femme Khâlida, fille 
d'AboU'UAs, l'un des onze fils du même Omeyya. 

Arrivé à la ville où Kesra faisait sa résidence , ap- 
paremment à M édâïn, Ghaylân se parfuma, se revêtit 
d'habits de couleur jaune, et se présenta au palais. 



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344 livub m. 

On Tintroduisit dans une salle où Kesra était présent, 
mais cache aux regards. Ce prince se tenait dans une 
tribune fermée par un grillage d^or, qui ne permet- 
tait point de l'apercevoir. Un interprète dit à Ghay- 
lân : ce Le roi m'a ordonné de te demander pourquoi 
« tu es entré dans son pays sans son agrément. — 
t< Je ne suis, répondit Ghaylân, ni un ennemi ni un 
« espion. J'apporte des marchandises. Si le roi les 
« veut, elles sont à lui; autrement , je désire être au- 
« torisé à les vendre à ses sujets. Dans le cas où cette 
«( autorisation ne me serait pas accordée, je suis prêt 
« à les remporter. » 

Comme il achevait ces mots, il eiAendit parler 
haut dans la tribune. Aussitôt il se prosterna. L'in- 
terprète lui dit : « Le roi demande pourquoi tu te 
tf prosternes. » Ghaylân répliqua : « Une voix élevée 
« et imposante a frappé mon oveille ; et comme per* 
« sonne ne peut élever la voix en ce lieu, si ce n'est 
« le roi lui-même , j'ai reconnu que ces sons étaient 
« proférés par sa bouche, et je me suis prosterné par 
« respect. » 

Kesra , satisfait de l'action de Ghaylân et du motif 
qu'il en avait allégué, ordonna qu'on lui apportât un 
coussin pour s'asseoir. On lui en présenta un , sur le- 
quel était brodée la figure d'un personnage en cos- 
tume royal. Ghaylân prit ce coussin, et le mit sur sa 
tête. Kesra pensa qu'il en agissait ainsi par ignorance. 
Il lui fit dire par l'interprète : « C'est pour t'asseoir 
« que je t'ai envoyé ce coussin. — Je le sais, répondit 
« Ghaylân ; mais il porte l'image du roi : en m'as- 
« seyant dessus, j'aurais cru manquer à la vénération 



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LA MEKlLE. 345 

« due i la majesté du souverain. Tai youIu rendre 
« bomniagfe à l'auguste personne du monarque , et 
« j'ai placé sa représentation sur ma tête, sur la par- 
c lie la plus noble de moi-même. » 

Cette repartie plut beaucoup à Kesra. Il adressa 
encore plusieurs questions à Ghaylân , et fut toujours 
également content de ses réponses '. « Ta conduite 
« et tes paroles, lui dit-il enBn , sont dignes d'un 
« sage, et cependant tu appartiens à une nation 
« grossière et sans civilisation. Quel est donc l'ali- 
« ment principal dont tu te nourris? — C'est le pain 
« de froment, répliqua Ghaylân. — A la bonne 
«c heure, ajouta Kesra; car les dattes et le lait ne 
« pourraient donner cet esprit-là. » 

Ensuite le roi acheta toutes les marchandises de la 
caravane à un prix douhle de leur valeur; il fit revêtir 
Ghaylân d'habits d'honneur magnifiques;- et, pour lui 
laisser un témoignage durable de sa bienveillance , il 
envoya avec lui à Tâif, séjour des Thakîf, des ouvriers 
persans , qui lui bâtirent une maison fortifiée ou tour 
carrée, Outoum ; ce fut le premier édifice de ce 
genre qui fut construit à Tâïf *. 

Vers cette même époque, Mahomet se chargea deje^y» 

l'éducation du jeune Ali , son cousin. 

La disette se faisait sentir à la Mekke. Abou-Tâlib, 
dont la famille était fort nombreuse et la fortune peu 
en rapport avec le haut rang qu'il occupait, se trou- 



I Je supprine ici , mais je rapporterai ailleurs , uo joli mot attribué à 
GhayUn, et dont on fait honneur aussi à un autre Arabe, Haudba, fils d'Ali» 
chef de la tribn de Hanifa; j*ai cru devoir consenrer ce mot à Haiidha. 

a Jghàni^ lU, 189 v**, 190 et v*. 



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346 LIVRE III. 

vait dans ua état de gêae. Mahomet dit à son oncle 
Abbâs y qui était un des plus riches d'entre les des- 
cendants de Hâchim : a Tu sais quelle est la positioo 
ce de ton frère Abou-Tâlib. Engageons-le à confier à 
a chacun de nous un de ses fils; nous allégerons ainsi 
« son fardeau. » Abbâs ayant consenti, se rendit 
aussitôt avec Mahomet chez Abou-Tâlib, auquel ils 
firent leur proposition. Abou-Tâlib avait quatre fils : 
Tâlib^ Akil, Djàfar, et Ali. « Laissez-moi Akîl, dit-il, 
« et faites ce que vous voudrez des autres. » Abbâs 
prit Djàfar^ et Mahomet emmena Ali, qui depuis 
• resta constamment avec lui , et devint Tun des plus 
zélés et des plus fameux de ses disciples '. 
•bdeiSSilS?'^ Mahomet avait alors perdu tous les enfiints mâles 
qu'il avait eus de Khadidja. Il trouva dans rafFection 
d'Ali et dans celle d'un jeune homme appelé Zayd, fils 
de Hâritha , qu'il prit pour fils adoptif , une consola- 
tion à ces pertes. 

Zayd était un Codhaïte de la tribu d'Odhra, bran- 
che de Kelb. Enlevé par des Arabes d'une tribu 
ennemie, il avait été vendu comme esclave à un neveu 
de Khadidja , nommé Hakim , fils de Hezam ' , qui 
passait sur le territoire de ces Arabes en revenant 
d'un voyage en Syrie. Hakîm , de retour à la MekLe, 
avait fait présent de Zayd à sa tante. Mahomet, ayant 
reconnu dans ce jeune esclave d'heureuses disposî* 
tions , l'avait demandé à Khadidja. Elle s'empressa de 
le lui donner. Mahomet l'affranchit, et l'adopta. 
Hâritha, père de Zayd, avait longtemps ignoré ce 

I Sirai-erraf9ul, f. 97 vo. AboulCéda, trad. de Detvergers, p. i4* 

a Hezâm était fils de Khoiiwaylid, et par conséquent frire de Khadidja. 



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L4 ME&IÎE. 347 

«ju'élait devenu $011 fits , qu il aîinàit teodrenieiii. 
Ayant enfin appris oîi était Zayd , il vint à la Mekke 
le rédaioer* Mahomet dit à Zayd : « Tu es libre de 
« demeurer auprès de moi, ou de retourner avec ton 
« père. C'est à toi de choisir. » Zayd préféra ne point 
quitter son bienfaiteur ^ 

Nous touchons au moment où Mahomet va com- coop d'cea mt 

^ l'état de la aattoD 

mencer SOU œuvre dapotre. Arrêtons-nous un instant ■'•^• 
pour jeter un coup d'œil rapide, sur l'état poHtique , 
religieux et moral de la nation , alors très-divisëe, 
qui devait un jour être réunie sous la loi apportée * 
par lui. Il suffira de résumer ici quelques traits de ce 
tableau , qui se développera d'une manière plus com- 
plète dans le cours de cet ouvrage. 

La portion sédentaire des populations arabes du 
Yaman, du Bahrayn, de l'Irak, obéissait aux Persans; 
les Bédouins de ces contrées étaient, en réalité, libres 
de tout joug. Les Arabes de Syrie étaient soumis aux 
Romains ; ceux de Mésopotamie reconnaissaient al- 
ternativement la domination romaine ou persane. 
Les tribus de l'Arabie centrale et du Hidjâz, sur les- 
quelles les Tobba himyarites avaient autrefois exercé 
une autorité assez précaire et souvent secouée, étaient 
censées avoir passé sous l'empire des rois de Perse « 
mais elles jouissaient en effet d'une entière indépen- 
dance. 

T^e judaïsme était professé dans le Yaman par une KeugioM. 

I Sirai-erraçoul, f. 38. Savary s'est trompé en supposant que Mahomet 
rendit à Zayd la liberté après que celui-ci eut embrassé Pislamisme. L'au- 
teur du Sirat dit positivement que raffranehissement et Padoption de Zayd 
par Mahomet furent antérieurs aux premières révélations qui annoncèrent 
à Mahomet sa mission prophétique. 



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348 LITRK III. 

fraction notable des descenclants de Himyar et des 
Kinda issus de Cahlân ' ; à Khaybar et à Yathrib, 
par les Corayzha et les Nadhir , tribus d'origine Is- 
raélite, mais depuis longtemps naturalisées arabes. 

Le christianisme commençait à s'introduire parmi 
quelques familles de la race de Rabia , fils de Nizâr , 
telles que les Taghlibites, établis en Mésopotamie, 
et les Benou-AbdelcaySy fixés dans le Bahrayn. Il flo- 
rissait à Nadjrân, parmi les Benou-1-Hârith-ibn-Càb ; 
en Irak , parmi les Ibâd ; en Syrie ^ chez les Ghassa- 
nides et diverses familles codhaïtes; à Daumat-Djan- 
dal^ chez les Sacoun et les Benou-Kelb^. Quelques 
hordes répandues dans le désert de Fârân , entre la 
Palestine et l'Egypte , étaient aussi chrétiennes. 

Tous les autres Arabes^ et notamment ceux de la 
race entière de Modhar , étaient plongés dans les té- 
nèbres du paganisme; ils formaient la majeure partie 
de la nation. L'usage de la circoncision était général 
parmi eux. J'ai déjà parlé du grand nombre de leurs 
divinités; j'ai dit que chaque tribu et presque chaque 
famille en avait une qu'elle honorait particuUèrement; 
qu'ils admettaient cependant un Dieu suprême j j^l- 
lahj auprès duquel les autres divinités étaient, à leurs 
yeux, des intercesseurs puissants^. Sous la figure de 
plusieurs de leurs idoles, ils adoraient les anges, 
qu'ils s'imaginaient être du sexe féminin , et qu'ils 
appelaient les filles de Dieu , Benat^Àllah 4. Quel- 



t IbD-Gotayb» «p. Rasmussen, addit, ad hUt, ar,^ p. 76. 
a Ibn-Khaldouo et Jghdni^ paisim. 

3 Yoy. précédemment, p* 197» 19^* 3^» ^70* 

4 Maçèudi, Moroudj^ maii. de SchuUi, p. x34. 



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hk ME&AI. ^9 

ques-un8 rendaient encore un cuite aux astres, et 
surtout au soleil '. Les Kinâna adressaient des hom- 
naages à la lune et à 1 étoile Ald^arân ; les Lakhm et 
les Djoudhâm, à la planète de Jupiter; les en&nts 
d*Açad , fils de K^hozayma , à celle de Mercure; les 
Benou-Tay, à Canope; les descendants de Cajs-Aylân, 
à Sirius '. 

Les uns pensaient que tout était fini pour l'homine supcnutiom. 
quand la mort l'avait retranché de ce monde; d'au<- 
tres croyaient à la résurrection et à une autre vie ^. 
Ceux-ci , lorsqu'ils avaient perdu un de leurs parents 
ou amis, égorgeaient sur sa tombe une chamelle, ou 
l'y attachaient et la laissaient périr de faim , dans la 
persuasion qu'elle renaîtrait avec lui, et lui servirait 
de monture quand il irait se présenter au jugement 
d'Allah ^. Selon eux, l'âme, en se séparant du corps, 
s'envolait sous la forme d'un oiseau qu'ils nommaient 
Hdrna ou Sada , espèce de chouette qui ne cessait 
de voltiger auprès de la tombe du défunt en pous- 
sant des cris plaintifs, et lui apportait des nouvelles 
de ce que faisaient ses enfants. Si l'individu avait été 
victime d'un meurtre , l'oiseau criait : « Escoûni , 
tf donnez-moi à boire , » et continuait de faire enten- 
dre ce mot jusqu'à ce que les parents du mort l'eus- 
sent vengé en versant le sang du meurtrier ^. 

1 Voy. Coran, sour. XLI, v. 37. 

2 Pococke, Specim. hist, ar., p. 4. 

3 Maçôodi, Moroudjy loc. cit. 

4 Specim» hist, ar., p. 4. Ibn-Cotayba ap. Rasmossen , addit. ad hist. 
ar.f p. 63, et les dictionnaires, au mot Balijra. 

5 Maçôudi, Moroudj, man. de Schultz, f. 140 y**. Ibn-Cotayba, loc. cit. 
Qnatremère , Nouv. Journ. asiat.y vol. I, p. 2 3a. Pococke, Specim. hist, 
ar,, p. 140. 



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Amovr da ]€« et 
do Tin. 



35o LIVRE III. 

La croyance aux génies, Djinn^ aux ogres, Ghodtj 
h la magie, Sihr^ à la divination, Kehdna^ et aux 
oracles rendus par les idoles, était généralement ré- 
pandue. On consultait les oracles de la manière que 
j'ai indiqué ailleurs, au moyen de flèches sans pointe, 
Âdàm o\x Kiddh. 

Des flèches semblables servaient aussi à un jeu de 
hasard, Mayçar^ qui consistait à tirer au sort lés 
membres d'un chameau dépecé. Les Arabes se livraient 
avec passion à ce jeu et à d'autres du même genre, 
Kimàr. On voyait quelquefois des hommes, après 
avoir perdu ainsi toute leur fortune, exposer à la 
même chance leur personne et leur liberté '. 

Ils étaient très-adonnés au vin , et d'anciennes poé- 
sies montrent qu'ils tiraient vanité de l'habitude de 
jouer et de boire. 

On prétend cependant que la plupart des grands 
personnages coraychites se corrigeaient de l'ivrogne^ 
rie dans leurs vieux jours*. Mais l'on n'en cite pas 
d'autre exemple que celui d'Abdallah, filsdeDjodhàn. 
Ce chaykh de la Mekke , après avoir passé une soirée 
à boire avec le poète Omeyya, fils d'Aboussalt , de la 
tribu de Thakîf , vit le lendemain matin qu'Omeyya 
avait un œil gonflé et tout noir de meurtrissures. 
Ayant questionné son ami sur la cause de cet acci- 
dent, il apprit avec surprise que c'était lui-même qui, 
dans leur orgie de la veille, lui avait mis l'œil en cet 
état. Regrettant amèrement ce que l'ivresse lui avait 

I Tel fut, parmi les Coraychites , El- As, fils de Hichâm , qui perdit sa 
liberté au jeu, et devint esclave d'Abuu-I^bab, Tun des oncles de Mabomel. 
a Aghàni, II, 187. 



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LA MEKKE. 35 1 

fait faire , il se condamna à payer à Onieyya la valeur 
de deux Dia ou dix mille dirham, et jura de ne plus 
boire de vin, serment qu'il tint fidèlement *. 

La musique faisait partie des plaisirs des Arabes ; 
mais cet art , encore dans l'enfance chez eux^ n^était 
exercé que par des femmes de condition servile, 
KiyAn^ et au singulier Kajrna. Un luxe de la maison 
des gens riches était d'avoir des chanteuses. Abdallah, 
(ils de Djodhân, en possédait deux célèbres qu'il ap- 
pelait Djérddetd-Ad^ les deux cigales d'Ad, et dont 
il fit présent à son ami Omeyya, fils d'Aboussalt *. 

Chacun pouvait épouser autant de femmes que ses poiyiraiDie. lu- 

. * a I rltge» entre betox- 

facultés lui permettaient a en entretenir^, et les ré-"****'»*"*"''»*'^ 
pudier selon son caprice. Une veuve était considérée 
en quelque sorte comme partie intégrante de l'héritage 
de son mari défunt. De là ces unions fréquentes entre 
beaux-fils et belles-mères, unions qui plus tard, in- 
terdites par l'islamisme, furent flétries par le nom 
de Nicàh-^l'Màkt^ mariages odieux ^. 

Une coutume bien plus révoltante et plus contraire inhamatioo de 

^ ^ r flUeertTMtee. 

à la nature était l'inhumation de filles vivantes par 
leurs propres parents, fVad^eUBenàt. J'ai déjà eu 
occasion d'en dire un mot. Quelques Arabes, lors- 
qu'il leur naissait une fille, l'enterraient à l'instant, 
poussés à cet acte barbare , les uns par la misère qui 
leur faisait craindre de partager leur nourriture avec 
un être incapable de les aider, les autres par une 

X Aghdni, II, XS7. 
a Âghdnit II, x86. 

3 Commentaires sur le verset 3, cbap. IV, du Corâfi. 

4 Rasmusêen , addit, ad hht, ar. , p. 6a. Jghéni^ I> 4 « Nohv, Jottrn. 
atiat,f ?ol. XVI , p. Sofi. 



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iSi uvRE m. 

fierté féroce et un sentiment exagéré de Thonneur : 
ils voulaient éviter la honte qui aurait pu rejaillir sur 
eux, si un jour leur fille eût été enlevée et déshono- 
rée par leurs ennemis '. 
I Les vertus que les Arabes prisaient le plus étaient 

I la valeur guerrière, la libéralité, l'exercice de Thos- 
pitalité. Les seules connaissances qu'ils s'étudiassent 
à acquérir étaient celle de leurs généalogies, aux- 
quelles se rattachaient nécessairement quelques sou- 
venirs historiques ; celle des étoiles qui leur servaient 
de guides pendant leurs marches de nuit à travers 
les déserts, et à quelques-unes desquelles ils attri- 
buaient une bienfaisante influence pour faire tomber 
les pluies; surtout enfin la connaissance des lois et 
oèiMoria des richesses de leur langue. Ils portaient à un haut 
degré le goût de l'éloquence et de la poésie. Le talent 
de versifier. était parmi eux très-commun. Lorsqu'un 
poêle se distinguait par quelque composition annon- 
çant un mérite éminent, sa tribu célébrait sa gloire 
par des fêtes , et on félicitait sa famille , dit Soyoûti , 
comme on félicitait un homme à qui sa femme avait 
donné un enfant mâle , ou sa jument un poulain de 
noble race '. 

La tribu de Coraych passait pour moins heureuse- 
ment douée que la plupart des autres tribus arabes 
du côté du génie poétique ; elle n'avait produit jus- 
qu'alors aucun poète de premier ordre ^. Un grand 
nombre de Coraychites cependant cultivaient la poésie 



I Rasmuften , 4u/d!rV. ad hùi* or,, p. 66. 
% Speam, hist, or., p. 6^ 165*170. 
3 Jgkéfii, I , r. r5 et 901. 



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Lk MRKKE. 



353 



avec quelque succès, tels que Waraca, fils de Naufal ; 
Zayd, 61s d'Ainr;6ichr, fils d' Abou-Hâzim ; Mouçâfir, 
plusieurs oncles de Mahomet, Zobayr, Hamza, Abou- 
Tàlib, et autres. Mahomet était complètement étranger 
à Fart des vere; il semble même qu'il en ignorât les 
règles, et Ion a remarqué que lorsqu'il voulait citer 
un vers, ce qui au reste lui arrivait très-rarement, il 
le dénaturait le plus souvent, par quelque changement 
dans l'expression ou dans l'ordre des mots '. 

Il est douteux qu'il sût lire et écrire; mais ce qui 
parait certain, c'est que, soit dans ses voyages, soit 
dans la société du cousin de sa femme , Waraca, fils 
de Naufal, le plus savant des Arabes de son temps , 
il s'était instruit des principaux dogmes des religions 
juive et chrétienne; il avait pris une idée des his- 
toires de la Bible, des Évangiles, et du Talmud. Il 
connaissait les anciennes traditions et légendes des 
Arabes; il avait le don de la parole, une imagina- 
tion ardente, un esprit ferme, élevé, persévérant. 
Tels étaient les moyens avec lesquels il lui était 
réservé d'accomplir une grande révolution dans sa 
patrie. 

Depuis quelques années, il se livrait à la médita- 
tion. Dieu, disent les écrivains musulmans, lui avait 
inspiré l'amour de la solitude. Il errait souvent dans 
les gorges et les vallons qui environnent la Mekke, 
et, suivant ce que rapportent ces mêmes auteurs, 
dans ces lieux déserts il entendait quelquefois des voix 

I jtghdni, III , 378. Siral-erraçoiti , f. a34. Il est fait alliuion à celU* 
ignorance de Mahomet dans ce passage du Corâo : Wa ma àilamnahou 
echehira wa ma yaubaghi lahou, Sour. XXXVI, v. 69. 

a3 



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354 LIVRE iir. 

qui lui disaient : « Salut, envoyé de Dieu ! )» Il se re- 
tournait , regardait de tous cotés pour découvrir qui 
avait proféré ces paroles , et il n'apercevait que des 
arbres ou des rochers. Tous les ans, il se retirfit, 
pendant le mois de Ramadhân , sur le mont Hirâ , 
près de la Mekkc. Là , il consacrait son temps à la 
prière, et nourrissait tous les pauvres qui se présen- 
taient à lui \ 
■îtjtîîteî?in*e E° Tannée qui était la quarante et unième de son 
âge*, il s'était mis en retraite, selon sa coutume, 
pendant le mois de Ramadhân ^, sur cette montagne, 
dont il habitait une grotte avec sa famille. Une nuit, 
Khadidja s'étant éveillée et ne le trouvant pas à coté 
d'elle, s'alarma de son absence, et envoya des domes- 
tiques à sa recherche. Ils parcoururent les environs, 
et allèrent jusqu'à la Mekke sans le rencontrer. Ma- 
homet revint en6n, et répondit aux questions de sa 
femme en lui faisant ce récit : 

« Je dormais profondément , lui dit- il , lorsqu'un 
(c ange m'est apparu en songe; il portait une immense 
a pièce d étoffe de soie, couverte de caractères d'écri- 
« ture ; il me la présenta eu disant : n Lis. — Que 
« lirai-je? » lui ai-je demandé. Il m'enveloppa de cette 
c( étoffe, de manière que je me sentis étouffer. Puis 
a il répéta : « Lis. » Je répétai ma demande : « Que 
« lirai-je? »I1 répondit : « Lis; au nom de Dieu qui 

I Sirat-erraçoul f f. 36. Aboulféda, trad. de Desvergers, p. 13. 

a C'était la 199* du Naci, cominencée le i*' mai 610 de J. C. Mahomet 
avait eu quarante ans accomplis , en années arabes, au mois de Rabi i*' 
(juillet) de celte année. 

3 Le mois de Ramadbàn de la 199* année de Naci devait commencer 
le i3 décembre 610 de J. C, et finir le 11 janvier 61 1. 



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LA ME&KE. 355 

« a créé toute chose j qui a créé Fhomnie de sang 
« coagulé. iJs : la générosité (le ton Seigneur est 
« sims bornes ; c^est lui qui a enseigné F écriture ; 
<x Tl a appris aux hommes ce qiiils ne savaient 
« pas^.yè Je prononçai. ces mots après Tange, et il 
a s'éloigna. Je m'éveillai ; les paroles qu'il m'avait 
ff fait dire étaient comme gravées dans mon cœur. 
« Je sortis pour me remettre de mon émotion ^ et m'a- 
ie vançai sur le penchant de la montagne. Là j'en- 
« tendis au-dessus de ma tête une voix qui disait : 
« O Mohammed! tu es F envoyé de Dieu, et je suis 
« Gabriel. Je levai les yeux, et j'aperçus l'ange. Je 
«c doneurai immobile à ma place, les regards fixés 
« sur lui, jusqu'à* ce qu'il disparût. C'est alors que 
m je suis revenu vers toi. » 

Le récit de cette vision, rapproché du souvenir des 
rapports merveilleux que lui avait faits autrefois 
Mayçara son serviteur , exalta l'imagination de Rha- 
dîdja. a Réjouis-toi ! s'écria-t-elle. Par celui qui tient 
ce en ses mains l'âme de Khadîdja , j'espère que tu 
« seras le prophète de notre nation. » 

Dès que le jour fut venu , Khadidja se rendit à la 
Mekke , chez son cousin Waraca , fils de Naufal , et 
lui raconta ce que Mahomet avait vu et entendu. 
« Dieu saint ! dit Waraca , si tout cela est véritable , 
« c'est le grand Ndmoûs ' , celui qui portait jadis à 
« Moïse les paroles du Seigneur, qui est apparu à 
tf ton mari ; et Mahomet sera sans doute le prophète 



I C'est \t GoauneooemeQt da chap. 96^ du Coràu. 

a Cest-à-dire le grand conâdent de Dieu, l'ange Gabriel. 

23. 



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356 LIVRE III. 

<c des Arabes, y» Ce discours confirma Rbadidja dans 
son opinion , et elle se hâta de le transmettre à Ma- 
homet, qui bientôt , ayant achevé le temps de sa re* 
traite y retourna à la Mekke. 

En y rentrant, il alla d'abord faire sept fois le tour 
de la Càba. Comme il venait d'accomplir cette cérë- 
monie, il rencontra Waraca, fils de Naufal, qui lui 
demanda sur sa vision de nouveaux détails. Mahomet 
l'ayant satisfait, Waraca lui répéta qu'il serait sans 
doute le prophète des Arabes, et lui prédit qu'en ce 
cas il devait s'attendre à être persécuté par ses com- 
patriotes '. 

Waraca était alors parvenu à une grande vieillesse, 
et avait pçrdu la vue. Il mourut peu de temps après 
cet entretien avec Mahomet ^. 

Depuis lors, dit l'auteur du Sirat, Mahomet com- 
mença à recevoir les ordres de Dieu par l'entremise 
de l'ange Gabriel, qui lui apparaissait à de courts 
intervalles. Éclairé par ces révélations , il crut ferme- 
ment au Dieu unique; il accepta avec courage la 
mission qui lui était donnée d'annoncer aux hommes 
la parole divine, sachant bien qu'il rencontrerait de 
grands obstacles, mais résigné à subir les peines et 
les dangers attachés à l'accomplissement de cette 
œuvre ^. 

Un des premiers devoirs que Gabriel lui apprit à 
remplir fut celui de la prière précédée d'ablutions, et 

X Siraherraçoulf f. 36 et ▼•. Aboulféda, trad. de Desvergers, p. 13, i3. 
jéghdni, I, 164* 
9 Aghdtùy I, 164. 
3 Sirat erra^oiil, f. 36 v'*. 



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LA ME&KE. 357 

accompagnée de certains rites. Mahomet enseigna 
cette pratique religieuse à sa femme, et Khadidja, 
convaincue de la mission prophétique de son mari, fut 
la première prosélyte de l'islamisme ou Isldm \ Ce 
mot, qui indique un entier abandon aux volontés de 
Dieu,, et celui Slmàriy qui signiâe foi, croyance, 
furent adoptés par Mahomet pour désigner la religion 
épurée qu'il entreprenait de substituer au culte des 
idoles. H* Isldm et d^Imdn sont dérivés les adjectif 
MousUm^ musulman, et Moumin^ fidèle, croyant. 

La foi de Khadîdja fut pour Mahomet d'un grand 
secours. Lorsque plus tard, ayant à combattre les 
préventions de ses compatriotes, accusé par eux d'im- 
posture, en butte à leurs railleries, il venait lui con- 
fier ses chagrins , elle le consolait par des expressions 
de tendresse, elle affermissait sa constance ébranlée, 
et lui inspirait une nouvelle force pour soutenir la 
lutte où il était engagé ^. 

Mahomet ne communiqua d'abord qu'avec mystère, '^""jÇgJ^*^" 
et aux personnes qui lui étaient particulièrement at' 
tachées, l'annonce de son apostolat et du culte qu'il 
devait propager. Le' jeune Ali , fils d'Abou*Tâlib , 
qu'il élevait dans sa maison avec des soins paternels, 
et qui était alors âgé de onze ans environ, fut, sui- 
vant l'opinion commune, le premier, après Khadîdja, 
qui crut à sa parole. 

Souvent Mahomet allait faire ses prières dans les 
vallons solitaires voisins de la Mekke. Ali , à l'insu 



I SinU'-errafoul, f. 37 et f •. 
a Sirat-errafoulf 36 v*, 37 r*. 



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358 LIVRB JII. 

desoD père et de ses oucles, i'y accptnpagnaît, et priait 
avec lui, imitant ses mouvements et ses attitudes^^Un 
jour, Âbou-Tâlib les surprit dans cette occupation. 
« Que fidtes^vous? leur dit-il ^et quelle religion sui- 
te vez-vous donc ? — La religion de Dieu , de ses 
<c anges , de ses prophètes, répondit Mahomet, la re- 
« ligion d'Abraham. Dieu m'a envoyé aux hommes 
« pour la leur faire connaître, et les inviter à l'em- 
« brasser. Nul n'est plus digne que toi, ô mon oncle, 
« d'entendre cet appel, d'adopter la vraie foi, et de 
« m'aider à la répandre. — Fils de mon frère, ré- 
« pliqua Abou-Tâlib , je ne puis abjurer la religion 
a de mes ancêtres; mais si l'on t'attaque, je te dé- 
a fendrai. » Pais, se tournant vers son fils, il ajouta : 
ce Mahomet ne saurait t'entraîner dans une mauvaise 
ce voie; sois donc toujours docile à ses avis '. » 

Après Ali, Mahomet gagna à l'islamisme Zayd , 
fils de Hâritha ^, son affranchi et son fils adoptif. Zayd 
reconnut avec joie pour prophète un bienfaiteur au- 
quel il était dévoua. 

Une conquête plus importante que Mahomet fit 
ensuite fut celle d'un personnage très-considéré , de 
la famille de Taym-ibn-Mourra , appelé Abdelcàba , 
fils d'Abou-G>hâfa , et surnommé El-Àttk^ à cause 
de la beauté et de la noblesse de sa figure. C'était 
l'homme de la Mekke le mieux instruit des généalo- 
gies coraychites, des anecdotes et de toutes les par- 
ticularités relatives aux diverses familles de Coraych ^ 

I Sirat'erraçoulf f, 37 v*. 

3 Sirat., ibid. 

3 Sirat-^rrofoui f f. 38. 



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L\ MSKKE. 359 

Il exerçait une sorte de magistrature criminelle, et 
prononçait les amendes dues pour les meurtres j 
Dijrdt. On s'adressait aussi à lui pour l'interprétation 
des songes 9 art dans lequel il passait pour très-ha- 
bile ^ Il avait acquis de Taisance dans le commerce» 
Ses connaissances^ son humeur affable, les agréments 
de sa conversation, attiraient chez lui beaucoup de 
monde. Il était généralement aimé et estimé ^. 

En se faisant musulman, il changea son nom en 
celui d'Abdallah ^; et dans la suite, lorsqu'il eut marié 
à Mahomet sa 611e Aicha, il fut appelé Aboa^Becr^ 
le père de la vierge. Je le désignerai dès à présent 
sous ce dernier nom, qui a prévalu sur les autres. 

Plein de ferveur pour la religion qu'il venait d'em- 
brasser, Abou-Becr travailla activement à la servir. 
11 sut inspirer ses sentiments à plusieurs de ses amis. 
Othmân, fils d'Affân, de la famille d'Omeyya; Abd- 
errahman, fils d'Auf, et Sàd , fils d'Abou-Waccâs , 
l'un et l'autre de la branche de Zohra ; Zobayr , fils 
d'Avrwâm , issu d'Açad et neveu de Khadidja; Talha, 
fils d'Obaydallah, de la famille de Taym, tous hom- 
mes notables parmi les Coraychites, successivement 
persuadés par Abou-Becr, se présentèrent au pro- 
phète, et firent profession de foi entre ses mains 4. 

Mahomet acquit peu à peu de nouveaux prosé- 
lytes. Croire à un Dieu unique, aux récompenses des 
justes, et aux châtiments des méchants dans une autre u cortn. 



X Chadhardt-eddhahab, 
a Sirat-erraçoul, f. 38. 

3 Al-Codhâî, cité par Gagnier, Vita Mohammedis^ p. i8. 

4 Sirat-erraçoul, f. 38. 



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36o LIVRE m. 

vie; le recouiiaître lui-même comme envoyé de Dieu, 
et lui obéir à ce titre ; se purifier avec de Teau, et faire 
la prière suivant un mode déterminé, telles étaient 
les obligations fondamentales qu'il leur imposait. Ce 
n'était point une religion nouvelle qu'il leur annon- 
çait, mais l'antique religion d'Abraham rendue à sa 
pureté primitive. Les enseignements qu'il leur don- 
nait , il ne les avait puisés ni dans son propre fonds y 
ni à aucune source humaine; il ne les devait qu'aux 
révélations divines. Les instructions du ciel lui étaient 
apportées écrites, et lui étaient lues par l'ange Gabriel. 
Il ne faisait ensuite que réciter aux fidèles ce que 
fange lui avait appris *. Telle est l'origine du nom de 
Cordn , qui désigne l'ensemble de ces révélations ; ce 
mot signifie récitation ou lecture, et, avec l'article 
.4l-(Jordnj la lecture, la récitation par excellence. 



Temps depuis la mission de Mahomet jusqu'à l'hégire. 

Mahomet cpm- L'appcl de Mahomct à l'islamisme fut secret pen- 
^^' dant trois années. Le nombre croissant des initiés 

commença à trahir le mystère dont ils se couvraient '. 
Alors Mahomet leur fit part de révélations nouvelles, 
qui lui prescrivaient de prêcher hautement la parole 
de Dieu ^. Voulant adresser d'abord ses exhortations 
à ses oncles et cousins, encore étrangers à la foi mu- 

I Cordn, sour. LXXV, 17; LXXXVn, 6 ; XCVI, i et suiv. Rei- 
naud, Mon, musul,^ I, 196. 
a Sirat^erraçoul, f. $9. 
3 Cordn, XV, 94 ; XXVI, ai4 ; LXXIV, a. 



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LA M£Kft£. 36l 

sulmane, il envoya Ali inviter à diuer tous les des- 
cendants d'Abdelniottalib, qui formaient une fanille 
d'environ quarante individus mâles. Ils se réunirent , 
et on leur servit un gigot de brebis sur du froment 
cuit, et un vase de lait. 

Ce repas, à peine suffisant pour une ou deux per- 
sonnes y suivant ce qu'Ali racontait depuis, rassasia 
les quarante convives. Ils en furent surpris, et Abou- 
lahab, l'un des oncles de Mahomet, s'écria : « Il faut 
et que notre hôte ait usé envers nous d'un charme 
« bien puissant ! d A ces mots, qui jetaient sur Maho* 
met un soupçon de magie, toute l'assemblée se leva et 
se dispersa , avant que le prophète eût pu s'expliquer. 

Le lendemain, Mahomet ayant réitéré son invita- 
tion , les mêmes convives se rendirent chez lui. Après 
le repas, il s'empressa de prendre la parole, et dit : 
- a Jamais aucun Arabe n'offrit à sa nation des avan- 
a tages plus précieux que ceux que je vous apporte. 
« Je vous offre le bonheur de cette vie et le bonheur 
« de la vie future. Dieu m'a ordonné d'appeler les 
a hommes à lui. Qui de vous veut me seconder dans 
a cette œuvre , et devenir mon frère, mon délégué, 
« mon vicaire ? » Tout le monde gardait le silence. 
Ali , qui était le plus jeune des assistants et touchait 
à peine à l'adolescence, s'écria avec feu : « Moi, pro- 
« phète de Dieu , je te seconderai. » Mahomet em- 
brassa AH, et dit : «Voici mon frère, mon délégué, 
tf mon vicaire '; écoutez-le, et obéissez-lui. «Une risée 

I En arabe khalCfa , calife. Ces paroles du prophète sont un des argu- 
ments sur lesquels les musulmaos Chiites fondent Topinion du droit qu'a- 
fait Ali d'être le successeur immédiat de Mahomet. Il est à remarquer que 



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36a LIVRE III. 

générale accueillît ces mots. « Désormais , dit-on à 
« Abou-Tâliby ce sera donc à toi de recevoir les ordres 
« de ton fils. » Chacun se retira en plaisantant sur 
cette scène ^ 

Un début si peu favorable n'arrêta pas Mahomet; 
il continua d'exhorter ses parents à embrasser l'isla- 
misme. Il ne réussit qu'auprès de ses cousins Obayda, 
fils de Hârith, fils d'Abdelmottalib , et Djàfar, fils 
d'Abou-Tâlib. Eu même temps il proclamait publi- 
quement sa mission prophétique, et s'adressant in- 
distinctement à tous les Coraychites , il cherchait à 
les attirer à lui. 

Dans les commencements; il se bornait à dire qu'il 
n'y avait point d'autre Dieu qu'Allah , et qu'il était 
l'envoyé d'Allah *. Ses paroles n'excitaient que Téton- 
nement. Mais ensuite , lorsqu'on l'entendit déclamer 
contre les idoles , démontrer l'impuissance de ces di- 
vinités de pierre et de bois, prouver l'absurdité du 
culte qu'on leur rendait , le zèle pour une religion 
qu'on professait depuis tant de siècles se réveilla ^ 
l'indignation se souleva contre le novateur, et oa 
voulut lui imposer silence ^. 
^ pwntMportéct Protégé par son oncle Abou-Tâlib^ chef de tous 
tre Miiioinec. |^ descendants de Hâchim, Mahomet brava les me- 
naces et persista dans ses prédications. Quelques hom- 
mes des plus considérables d'entre les Coraychites se 

ce Utiit parait n*étre rapporté que d'après le témoignage d'Ali lui-mèiDe , 
qui avait un intérêt personnel manifeste à le publier. Les auteurs du Sirat- 
erraçoul et du Tarikh-el-Uhamicy n'en font pas mention. 

I Aboulféda, Fie de Mahomet, traduct. de Desvergers, p. i5, i6. 

a D'Ohasofly TaU, de Cemp. ott,^ 1, 164. 

3 Sirat-^rrofouly f. 39. Tarikh'ci'Ktuimicyj f. 126, 



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LA M£KKE. 363 

réunirent alors, et vinrent trouver Abou«Tâlib. Parmi 

eux étaient Otba et Chayba, tous deux fils de Rabîa, 

fils d'Abdchams, fils d'Abdmanàf, fils de Cossay; 

Abou-1-Bakhtari , fils de Hichâm , fils de Hârith, fils 

d^Açad ; £l-Asv^ad j fils de Mottalib j fils d'Açad ; 

Abou-Djahl, fils de Hichâm, fils de Moghayra ; son 

oncle Walîd, fils de Moghayra; Noubayh et Mou- 

nabbeh, l'un et l'autre fils de Haddjâdj , de la famille 

de Sahm ; et £1-As , fils de Wâïl, de la même &mille, 

ce dernier père d'Amr-ibn«el-As. Ils dirent à Abou- 

Tâlib : «( Le fils de ton frère déverse le blâme sur notre 

« religion; il accuse nos sages de folie, nos ancêtres 

« d'erreur et d'impiété. Empêche-le de nous outrager, 

« ou reste neutre entre nous et lui ; et puisque tu 

ce n'as pas adopté ses croyances , laisse-nous réprimer 

« son audace à attaquer un culte qui est aussi le tien. » 

Abou*Tâlib opposa à leur demande un refus adouci 

par des paroles honnêtes '. 

Le peu de succès de cette démarche, le zèle opi- 
niâtre de Mahomet à persévérer dans la voie où il 
était entré, le dépit de voir l'impression produite par 
ses discours sur quelques individus qu'il arrachait à 
l'idolâtrie, exaspérèrent les esprits. Les mêmes per- 
sonnages vinrent une seconde fois en députation chez 
Abou-Tâlib , et lui dirent : <( Nous respectons ton 
« âge , ta noblesse et ton rang ; mais ce respect a des 
« bornes. Nous t'avons prié de fermer la bouche au 
« fils de ton fi^ère; tu ne l'as pas fait. Nous ne pou- 
« vous souffrir les outrages qu'il débite contre nos 

I .sirat-^rra^oidy f. 39 v". Aboulféda» trad. de Desvergers, p. 17. 



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364 LIVRE IIÎ. 

(c pères, nos sages, nos dieux. Oblige-le donc à se 
a laire, ou nous prenons les armes contre lui et contre 
a toi-même; nous vous combattrons jusqu'à ce que 
c périsse l'un des deux partis. » Après cette déclara* 
tion , ils se retirèrent. 

Abou-Tàlib alarmé envoya chercher Mahomet, lui 
répéta ce qu'avaient dit les députés, et ajouta : « Évite 
c donc d'attirer des malheurs sur toi et sur toute ta 
« famille. » Mahomet répondit : « O mon oncle! 
« quand on ferait descendre le soleil à ma droite , 
c la lune à ma gauche, et qu'on me présenterait l'ai- 
« ternative de renoncer à cette œuvre ou de périr en 
« l'accomplissant, je ne la déserterais pas. »£n ache- 
vant ces mots y Mahomet, pensant qu'il allait être 
abandonné par son oncle, sentit ses yeux se mouiller 
de larmes. Il s'éloignait. Abou-Tâlib , touché de son 
émotion , lui cria : ce Reviens , fils de mon frère ! » 
Mahomet se rapprocha, et Abou-Tâlib lui dit : «Tiens 
« les discours que tu voudras. Jamais, je te le jure, 
« je ne te livrerai à tes ennemis ^ » 

Les Coraychites firent une dernière tentative au- 
près d'Abou-Tâlib. Us lui amenèrent Omâra , fils de 
Walîd, fils de Moghayra, et lui dirent : « Voici Omâra, 
« fils de Walîd , le plus beau jeune homme de la 
« Mekke. Prends-le, qu'il devienne ton fils, et livre- 
ce nous Mahomet en échange. » Abou-Tâlib répon- 
dit avec mépris : « Quel marché venez -vous me 
« proposer ! Vous voulez que je vous nourrisse votre 
« jeune homme, et que je vous laisse tuer mon 

I Sirat., k>c. cit. Aboulféda» loc. cit. 



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LA MEKKR. 365 

^ neveu! Non, non, jamais je ny consentirai \ » 

L'intention déclarée d'Abou*Tâlib de protéger Abon-Ttub^aTM 

les descendaDts ût 

Mahomet excita la fureur des Coraychites ; ils renou- u1fb/?oatiert mÎI 
vêlèrent leurs menaces de violence. En ce moment ****"*'' 
critique, Abou-Tâlib convoqua tous les descendants 
de Hâchim et de Mottalib, et les engagea , dans l'in- 
térêt de leur honneur, à se joindre à lui pour empê- 
cher qu'un membre distingué de leur famille ne devînt 
victime de la haine de familles rivales. Abou-Lahab, 
seul panni les Hâchimites et les Mottalibites , fut 
sourd à cet appel. Tous les autres se crurent obligés 
de défendre le prophète, que néanmoins presque au- 
cun d'eux ne reconnaissait pour tel ; et ils promirent 
d'être fidèles à ce devoir*. 

La division éclata alors à la Mekke. M dis on entrait 
dans la période sacrée qui précédait le pèlerinage. 
Les ennemis de Mahomet n'osèrent violer ce temps 
de trêve générale , et se porter à des voies de fait. Ils 
ajournèrent leurs projets hostiles , et résolurent de se 
borner pour l'instant à décrier l'apôtre, en attendant 
qu'ils pussent l'écraser. 

Walîd , fils de Moghayra , chef de la famille de MÎhîœT*?!}!©*- 
Makhzoûm, les reunit chez lui, et leur dit : « Voici *^'****'**'^- 
(c l'époque du pèlerinage qui approche. Nous allons 
K voir arriver à la Mekke des Arabes de toutes les 
c tribus du dehors. L'affaire de Mahomet a fait du 
« bruit. Ces Arabes en auront entendu parler; ils ne 
« manqueront pas de nous adresser des questions sur 
«f ce personnage, qui se prétend prophète. Mettons- 

I Sirat'erraçouit f. 39 v°. 
a Sirai-erraçonl , f. 40. 



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366 LIVRE m. 

« les en garde contre ses séductions, et prévenons-ies 
ce contre lui. Pour cela^ il faut nous concerter sur ce 
ce que nous dirons^ afin qu'il ne se trouve pas entre nos 
« discours de contradiction qui les rendrait suspects, i» 

Cette idée fut approuvée, et on commença à pro- 
poser, pour la mettre à exécution , divers avis qui 
étaient successivement rejetés. « Dirons-nous que c'est 
« un devin? — Non ; il n'a ni le ton emphatique et 
(c saccadé, ni le langage rimé des devins. — Dirons- 
«I nous que c'est un fou? — Il n'en a pas l'apparence, 
«c — Que c'est un poète inspiré du démon ? — Il ne 
« s'exprime pas en vers. — L'appellerons-nous un 
« magicien ? — Mais il ne fait point de choses surna- 
(c turelles; il ne pratique aucune opération de magie. 
tt Son art consiste dans sa parole habile et insinuante. 2» 
Néanmoins, tout considéré, on s'arrêta à ce dernier 
parti : on convint de dire que Mahomet était un ma- 
gicien qui connaissait des charmes, au moyen des- 
quels il jetait la désunion dans les familles , et séparait 
le frère du frère, le fils du père, le mari de la femme. 

Quand les Arabes du dehors commencèrent à ar- 
river, Walîd et les Coraychites , qui étaient d'accord 
avec lui , allèrent se poster sur les diverses routes 
aboutissant à la Mekke. Ils engageaient conversation 
avec tous les Arabes qui passaient, et leur recom- 
mandaient d'éviter Mahomet, le dépeignant comme 
le magicien le plus dangereux. Ces propos effrayaient 
les uns , et ne faisaient qu'exciter la curiosité du plus 
grand nombre. 

Après le pèlerinage et la foire de la Mekke, les 
Arabes retournèrent dans leurs tribus, et s'empressè- 



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LA MEKKK. 867 

rcnt d y répéter ce qu'ils avaient entendu. Le résultat de 
ce complot de médisance fut de répandre dans toutes 
les parties de l'Arabie la réputation dé Mahomet '. 
En réponse aux détracteurs de son neveu , Abou- 
Tâlib publia alors une pièce devers dans laquelle , se 
plaignant vivement de Tanimosité de ses compatrio- 
tes , il rappelait aux tribus arabes les droits de la 
maison de Hâcliim à leur estime, les engageait à ne 
point épouser la haine des autres familles coray- 
chites contre cette illustre maison, célébrait les vertus 
de Mahomet, qu'il nommait le bienfaiteur des veuves 
et des orphelins, et déclarait que , pour le défendre, 
les enfants de Hâchim et de Mottalib étaient prêts à 
sacrifier leur vie. Il apostrophait ainsi les Coraychites : 

' « Vous mentez, j'en jure par le saint temple, si vous dites 
que nous laisserons verser le sang de Mahomet sans avoir com- 
battu avec l'arc et la lance ; 

« Si vous dites que nous Tabandonnerons avant d'être tom- 
bés autour de lui, avant d'avoir abandonné nos enfants et nos 
femmes. » 

La nouvelle de la dissension qui régnait à la Mekke jje^^gJuf^^'J^J^ 
et menaçait de devenir sanglante, n'avait pas tardé '*'^**''**' 
à être connue à Yathrib. Cette ville venait d'être dé- 
chirée par une guerre civile entre les Aus et les 
Khazradj, ses habitants. Un poète de la race d'Aus, 

X Sirat-erra^aul, f. 40 et v^. 

S'trat-erraçoul, f. 40 v*», ^i. 



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368 LIVRE III. 

nommé Âbou-Cays, (ils d*El-AsIat, vieillard qui avait 
commandé sa tribu dans le principal combat de cette 
guerre, adressa une épître aux Coraychites, à l'occa- 
sion de ce qui se passait chez eux. Abou-Cays était 
souvent venu à la Mekke; il y avait épousé une petite- 
fille d'Açad, fils d'Abdelozza, tante de Khadidja, et 
s'était lié avec plusieurs hommes marquants parmi les 
Coraychites. Le but de son épître était de les exhorter 
à la modération et à la paix. 

'«Gardez-vous de la discorde, leur disait-il; éloignez- 
vous d'un bassin dont Teau est amère et pernicieuse. . . 

<i Ne savez -vous pas quels maux a engendrés la gnerre de 
Dâhis'? Que cet exemple vous serve de leçon. Et la guerre 
de Hâtîb ^, ignorez-vous donc ce qu'elle a été? 

« Combien elle a fait périr de personnages de noble nais- 
sance , de haut rang * célèbres par leur généreuse hospita- 
lité? 

n Celui qui vous en parle est un homme qui n'en a connu 
que trop bien les tristes scènes. La science est le fruit de l'ex- 
périence. »» 

w^-jL-cL j-^ '^V^ «^I-va)^ J^J^ 

aJL^ ijr^ Ir^^ ^"^^ f^yf^ 

a Oo en trouvera le récit dans rhbtoire des Arabes issus de Ghatafin , 
voj, liv. VI. 

3 Cétait la guerre des Aus et des Khazradj, dans laquelle avait figuré 
Ab^u-Cays. Il en sera parlé dans Thistoire de Tathrib ; voy. livre VII. 



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hk MEKKE. 369 

Il ajoutait y en leur recommandant la tolérance 
envers Mahomet : 

' « Uo hooime honorable a adopté certaines croyances. 
Cest an maître seul des cieax à inspecter les consciences. 

« Pratiquez la véritable religion ; nos yeux sont fixés sur 
vous ; on se guide en regardant les sommités. 

« Adorez votre seigneur, sancHfiez'<vous par le contact des 
pierres angulaires du temple auguste qu'environnent vos 
montagnes. 

« Votre seigneur ne vous a-t-il pas donné une preuve ma- 
nifeste de sa puissance , le jour où parut à vos portes Abou- 
Yacsoum *, à la tête de sa nombreuse armée? » 

Les conseils d'Abou-Cays firent quelque irapres-^^ng^ijjjjn*» 
sien. Les principaux d'entre les Coraychites sentirent BpiSî"'* *** ***** 
qu'ils ne pouvaient attaquer à main armée leurs com- 
patriotes et leurs frères^ une des plus illustres familles 
de la Mekke, sans perdre de la considération dont 
ils jouissaient parmi les Arabes. Ils changèrent donc 
de dessein; et pour étouffer la secte naissante, dont 



Sirat'erraçoulf f. ao ▼•. 
a Le roi abyssin Abraha , père de Yacsoum. 

a4 



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370 LIVRE IIJ. 

ils n'osaient frapper le chef, ils persécutèrent ceux 
de ses disciples qui laissaient pénétrer leurs senti'- 
ments et n'avaient point de protection. En même 
temps, ils cherchaient à prévenir les Nouveaux effets 
que réloquence de Mahomet pouvait produire, en 
répandant contre lui les bruits les plus propres à éloi- 
gner le peuple de voir en lui un envoyé de Dieu. On 
le représentait tantôt comme un magicien, tantôt 
comme un fou, un devin, un poète inspiré par un 
démon. 

L'on s'efforçait de le dégoûter lui-même de son 
œuvre par des railleries et des outrages. Lorsqu'il fai- 
sait sa prière ou qu'il prenait son repas dans la cour 
de sa maison, ses voisins Âbou-Lahab, Ocba, fils 
d'Abou-Mouayt , Hakem, fils d'£l-As,fils d'Omeyya, 
jetaient sur lui des ordures. Quand il sortait de chez 
lui , il trouvait son chemin couvert de branches d'é- 
pines. C'était Oumm Djémil % femme d'Abou-Lahab, 
qui les y déposait. Cet acte de méchanceté , dont elle 
s'était fait une habitude, lui valut le surnom de 
Hammàlat-el-Hatab y porteuse de fagots, qui lui est 
donné dans le Coran ^. Sans cesse Mahomet s'enten- 
dait adresser des menaces ou des malédictions. Les 
épithètes de fourbe et d'imposteur lui étaient prodi- 
guées en face. Les enfants et les mauvais sujets de 
la Mekke, excités par ses ennemis, le poursuivaient 
en l'insultant. Il n'en continuait pas moins à se 
montrer en public, à faire entendre ses prédica- 

I Oumm-Djémil était fille de Harb, fils d^Omeyya, et soeur d'Aboa- 
Sofyâo. 

a Coran ^ sour. CXI , v. 4. 



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LA MfcKKE. 371 

tioQS, et à combattre les superstitions idolâtres'. 

Un jour, plusieurs nobles coraychites étaient à con- 
verser ensemble dans la partie du parvis du temple 
nommée El-Hidjr. Mahomet vint accomplir les tour- 
nées pieuses autour de la Càba , iawdf^ dont Tinsti- 
tution était rapportée à Abraham. Chaque fois qu'il 
passait près du groupe des Coraychites, ils lui lan- 
çaient quelque mot piquant ou menaçant. Quand il 
eut fini son tawâf , il s'arrêta devant eux, et leur dit : 
« Je vous présente une victime à immoler. » Sa con- 
tenance et ses paroles imposèrent. On lui répondit 
avec douceur : « Retire-toi , père de Cacim * ; nous 
« savons t'apprécier. » 

Le lendemaiu, les mêmes personnes , étant encore 
réunies au même endroit , se reprochaient entre elles 
de s'être laissé subjuguer parla fermeté de Mahomet. 
Il parut. On s'élança vers lui, et on l'entoura. «C'est 
« toi , lui dit-on, qui prétends que nos pères étaient 
« dans l'erreur, que notre religion est fausse, que 
a nos dieux sont impuissants? — Oui, répliqua Ma- 
te homet^ c'est moi qui dis cela. » Aussitôt on l'acca- 
bla d'injures; quelques-uns portèrent même la main 
sur lui. L'un d'eux, Ocba, fils d'Àbou-Mouàyt, lui 
serra violemment la gorge. Abou-Becr survint, et prit 
sa défense. Insulté lui-même et tiré par la barbe , il 
parvint pourtant à dégager le prophète ^. 



1 Sirai-erraçoul, f. 43 t«, 55 v«, 67 v«. 

2 Appeler qoelqu^un par son préDom, Kindjraf c'ett-à-dire, employer 
reaprevion père d'un tel, au Ueii du nom propre, a été de tout temps, 
parmi les Arabes, une marqne de politesse et de bienTeillanee. 

3 Âghàniy I, 5. Sirat-erroçottiy f. 43 ▼•. 



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372 LIVRE III. 

Le danger que Mahomet avait couru en cette cir- 
constance TafFecta moins que le concert d'affronts 
qu'il subit dans une autre occasion. Il avait passé la 
journée hors de sa maison , occupé à vaquer aux soins 
de son ministère d'apôtve. Il rentra chez lui sur le 
soir, sans avoir rencontré un seul individu, homme 
ou femme, libre ou esclave, qui ne l'eût traité de 
menteur, et n'eût repoussé avec mépris ses exhorta- 
tions. Abattu par le chagrin, il s'enveloppa d'un man- 
teau ^ et se jeta sur une natte. Une révélation céleste, 
dit Ibn-Ishâk , le tira de cet accablement. Gabriel lui 
apporta ces paroles du Seigneur : O toi qui es enve^ 
loppé dun manteau , lève-toi et prêche ( G>râQ , 
chap. Lxxiv). Mahomet, ranimé bientôt, recom- 
mença le lendemain à prêcher avec un nouveau 
courage \ 
^<*"J|JU2J •*« La violence même des injures dont il était l'objet 
fut cause d*une conversion qui devint pour lui un se- 
cours important. Un de ses plus ardents adversaires, 
Aboudjahl ', fils de Hichâm, fils de Moghayra, l'ayant 
trouvé seul une fois sur la colline de Safa , le char- 
gea des plus sanglantes invectives. Mahomet ne ré- 
pondit pas un mot. Aboudjahl s'en alla ensuite s'as- 
seoir près de la Càba, dans le lieu où les principaux 
Coraychites tenaient leur cercle habituel. Une femme, 
affranchie d'Abdallah^ fils de Djodhân, avait entendu 



I Sirat-trraqoul, loc. cit. 

a Le Térilable nom de ce personnage était Anr; ta famille le surnonuDait 
Abou-l'kkcam ( le père des maximes de sagesse ). Blahoraet lui donna le 
sobriquet ^ Abou'Djakl (le père de Fignorance), sous lequel il fut depuis 
Ion communément dési{;né par les musulmans. 



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LA MVKKE. 373 

de sa maison tous les outrages qu'il avait adressés à 
Mahomet. 

Peodaut ce temps, Hamza, fils d'Abdelmottalib , 
l'un des oncles de Mahomet , était à la chasse. Il se 
livrait fréquemment à cet exercice, et lorsqu'il en 
revenait, il avait coutume , avant de rentrer dans sa 
maison 9 d'aller faire sept fois le tour de la Càba , de 
saluer les différents groupes, de Coraychites qui 
étaient à causer dans le parvis , et de s'entretenir un 
moment avec quelques-uns d'entre eux. Ce jour- 
là, comme il se rendait à la Càba, au retour de 
la chasse, il fut accosté par l'affranchie d'Abdallah, 
fils de Djodhân, qui lui raconta la scène dont elle 
avait été témoin, et lui répéta les propos d'Abou- 
djahl. 

Hamza était le plus fier et le plus bouillant des 
Coraychites. La colère s'empare de lui à ce récit. Il 
arrive au parvis du temple, aperçoit Aboudjahl au 
milieu d'une société nombreuse, et s'avançant droit 
à lui, sans faire attention à personne : a Tu injuries 
«Mahomet, lui dit-il, quand moi je suis de sa reli- 
«gion! Tiens, rends-moi cela, si tu l'oses;» et il 
lui décharge sur le front un vigoureux coup de 
l'arc qu'il tenait à la main. A l'instant tous les mem- 
bres présents de la famille de Makhzoûm s'élancent 
contre Hamza , pour venger leur parent. Aboudjahl 
les arrête, a Laissez- le, dit-il; ne le touchez pas. 
« J'ai eu le tort d'injurier gravement le fils de son 
a frère *. » 

I Sirat-erra^oulf f. 44- 



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374 LIVRE III. 

Depuis lors Uainza professa hautement rislainisne '. 
L'énergie bien connue de son caractère ^ la leçon 
qu'il avait donnée à Aboudjahl , rendirent les enne- 
mis de Mahomet plus circonspects. On cessa pendant 
quelque temps d'insuUer le prophète ^ ; on tenta 
même d'entrer en accommodement avec lui. 
propoittioDsfai- Il était assis un jour dans le Hidir, à peii de dis- 

tM à Mahomet par i /. / i • i r 

tcaadTcnairet. taucc d uu ccrclc forme par plusieurs chefs coray- 
chites j tous opposés à ses doctrines. L'un de ces per- 
sonnages, Otba, fils de Babîa^ dont le plus jeune 
fils, Âbou«Hodhay£i , avait embrassé la foi musul- 
mane, s'approcha de lui, prit place à son côté, et, lui 
parlant au nom des autres , il lui dit : « Fils de mon 
«c ami , tu es un homme distingué par tes qualités et 
<c ta naissance. Bien que tu mettes la perturbation 
c dans ta patrie, la division dans les familles, que 
« tu outrages nos dieux, que tu taxes d'impiété et 
c d'erreur nos ancêtres et nos sages, nous voulons 
« user de ménagements avec toi. Ecoute des propo- 
se sitions que j'ai à te faire , et réfléchis s'il ne te 
«f convient pas d'en accepter quelqu'une. — Parle ^ 
tf dit Mahomet, je t'écoute. — Fils de mon ami, reprit 
« Otba , si le but de ta conduite est d'acquérir des 
fc richesses, nous nous cotiserons tous pour te faire 
« une fortune plus considérable que celle d'aucun 
« Coraychite. Si tu vises aux honneurs, nous te crée- 

I L'auteur du Tarikh-el-Kkamicy place la conversation de Hamza quel- 
ques jours seulement avant celle d'Omar, et postérieurement à l'émigration 
d'une partie des disciples^de Mahomet en Abyssinie. Je n*ai pas cra devoir 
adopter cet ordre des faits; je me conforme à Tordre indiqué par le Sirat- 
erraçotd. 

a Sirat'erraçoul, f. 44. 



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Là MEKKE. 375 

ce rons notre Sayyidj et nous ne prendrons aucune 

c résolution sans ton avis. Si Tesprit qui t'apparait 

c s'attache à toi et te domine , de manière à ce que 

« tu ne puisses te soustraire à son influence , nous 

ff ferons venir des médecins habiles ^ et nous leur 

c prodiguerons Tor pour qu'ils te guérissent. — Est-ce 

« tout? demanda Mahomet. — Oui, répliqua Otba. 

« — Ëb bien, dit Mahomet, écoute à ton tour : 

a Au nom de Dieu clément et miséricordieux ! 

« Ha. Mjm. Foici ce ^u*a réuéié le clément y le 
« miséricordieux : un lii^re dont les versets distincts 
« forment un Cordn arabe , pour les hommes qui 
« ont de ^intelligence ; un Cordn qui contient des 
« promesses et des menaces; mais la plupart s* en 
<c éloignent^ et ne veulent pas V entendre. Nos cœurs ^ 
a disent-ils y sont fermés y nos oreilles sourdes à tes 
«f paroles ; un voile s'élève entre nous et toi; fais à 
o ta guise , nous à la nôtre. Dis-leur : Je suis un 
« homme comme vous, mais un homme à qui il a 
« été réifélé que le Dieu votre maître est un Dieu 
« unique; marchez droit à lui^ implorez son par- 
« don. Malheur à ceux qui lui associent d autres 
« dieux] malheur à ceux qui rejettent le précepte 
« de t aumône et nient la vie future l Ceux qui au-- 
« ront eu la foi et auront pratiqué la vertu^ jouiront 
« dime récompense éternelle. Refuserez-vous de 
« croire au Dieu qui a créé la terre en deux jours ? 
(c Lui donnerez-^ous des égaux? Il est le souverain 
a de t univers.. ..lia dit au ciel et à la terre : Fenez, 
« obéissez à ma voix. Le ciel et la terre ont ré-^ 



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376 LIVRE III. 

« pondu: Nous obéissons,.,. Nous ferons subir aux 
« infidèles un châtiment terrible. Nous leur ren- 
a drons le mal qu^ib ont fait, La récompense des 
« ennemis de Dieu , c^est le feu. Ils y demeureront 
« éternellement y parce qu^ils ont nié nos signes. 
« Seigneur! s* écrieront les réprouifésj montre-nous 
a ceux qui nous ont égarés ; hommes ou génies , 
« nous les jetterons sous nos pieds y nous les char- 
« gérons d opprobres..,. Des anges portent à tado^ 
i( rateur du Dieu unique, au juste mourant, ces 
« paroles consolantes : Bannis la crainte et le chu' 
« grin. Nous t* annonçons le jardin de délices. Nous 
« fûmes tes protecteurs sur la terre j nous le serons 
« dans le ciel. Fa goûter des plaisirs étemels; 
m forme des vœux , ils seront accomplis. Le misé- 
ce ricordieux a préparé ce séjour pour ses élus, etc. » 
(Coran, chap. xli.) 

Tandis que Mahomet récitait ces passages du G>* 
rân , Otba attentif l'écoutait avec étonnement. Ma- 
homet, lorsqu'il eut fini , se prosterna, puis, se rele- 
vant^ il dit à Otba : <c Tu as entendu ; prends le parti 
« qui te conviendra. >> 

Otba retourna vers ses amis, a Qu'y a-t-il ? lui de- 
ce mandèrent-ils en remarquant son air ébahi. — 
<c Ma foi ! répondit Otba , il m'a tenu un discours tel 
ce que je n'en ai jamais entendu de semblable. Ce 
n n'est ni de la poésie ni du langage magique, mais 
ce c'est quelque chose de pénétrant. Croyez-moi , 
ce laissez-le travailler librement à persuader les Ara- 
ee bes de sa mission. Quelque individu d'une tribu 
<e étrangère vous en débarrassera peut-être; et si 



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LA MRKKE. 377 

« Mahomet réussit, sa puissance deviendra la vôtre, 
« et fera la gloire de notre tribu. — Il t'a ensorcelé! 
a s'ëcria-t-on. — Je vous dis franchenoent ma pen- 
« sée, » reprit Otba '. 

A quelque temps de là , les mêmes chefs coray- 
chites , Otba y son frère Chayba , Abou-Sofyâu , fils 
de Harb, Walîd, fils deMoghayra, ses deux neveux, 
Aboudjahl et Abou-I-Bakhtari, fils de Hichâm, fils 
de Moghayra, El-As, fils de Wâïl, Omeyya, fils de 
Klialaf , et autres , envoyèrent engager Mahomet à 
venir les trouver à leur cercle dans le parvis. Il se 
rendit avec empressement à leur invitation, pensant 
que la grâce les avait touchés , et qu'ils étaient dis- 
posés à se faire musulmans. Ils lui répétèrent seule- 
ment les propositions de richesses, d'honneurs, ou de 
traitement par Tart médical, qu'Otba lui avait déjà 
faites. Mahomet répondit : a Je ne suis ni avide de 
« biens , ni ambitieux de dignités , ni possédé du 
u malin esprit ^. Je suis envoyé par Allah , qui m'a 
« révélé un livre, et m'a ordonné de vous annoncer 
« des récompenses ou des châtiments qui vous at- 
a teudent. Je vous transmets les paroles de mon 
« Seigneur; je vous avertis. Si vous acceptez ce que 
« je vous apporte, ce sera votre félicité dans ce monde 
« et dans l'autre; si vous repoussez mes exhorta- 
« tions , je patienterai , j'attendrai que Dieu juge 
«c entre nous. » 

c £h bien! Mahomet, dirent-ils, puisque tu n'a- 
c( grées pas nos propositions, et que tu persistes à te 

X Siratrerra^oui, f. 44- 

a Voy. Cordtty sour. XXXIV, v. 4.>, 46. 



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378 LIVRE III. 

<c prétendre envoyé d'Allah, donne-nous des preuves 
a évidentes de ta qualité. Notre vallée est étroite et 
« stérile; obtiens de Dieu qu'il l'élargisse, qu'il éloi- 
«c gne l'une de l'autre ces chaînes de montagnes qui 
a la resserrent; qu'il y fasse couler des fleuves pareils 
c aux fleuves de la Syrie ou de l'Irak , ou bien qu'il 
« Ëisse sortir du tombeau quelques-uns de nos anoé- 
a très, et parmi eux Cossay, fils de Kilàb, cet homme 
fi dont la parole avait tant d'autorité ; que ces iilus- 
« très morts, ressuscites, te reconnaissent pourpro^ 
« phète, et nous te reconnaîtrons aussi. » 

« Dieu , répondit -Mahomet , ne m'a pas envoyé 
tt vers vous pour cela. Il m'a envoyé seulement poar 
tf prêcher sa loi. Je remplis ma mission, et je vous ré- 
<c pète : Si vous acceptez ce que je vous apporte, ce 
« sera votre félicité dans ce monde et dans l'autre. 
« Si vous rejetez mes avis, Dieu nous jugera. » 

ce Au moins, reprirent-ils, demande à ton Seigneur 
« qu'il fasse paraître un de ses anges pour témoigner 
« de ta véracité, et nous ordonner de te croire. De- 
A mande-lui aussi qu'il montre ostensiblement le 
a choix qu'il a fait de toi, en te dispensant du besoin 
a de chercher ta subsistance journalière dans les 
« marchés, comme le moindre de tes compatriotes \ » 
« Non, dit Mahomet , je ne lui adresserai pas ces 
« demandes. Mon devoir est seulement de vous prê- 
a cher. — Eh bien ! que ton Seigneur fesse donc 
tt tomber le ciel sur nous , comme tu prétends qu'il 
« est capable de le faire ; car nous ne te croirons 

1 Voy. Cordit, iour. XXV, v. 8 et suiv. 



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LA MRKKE. 379 

« pas il fera tomber le ciel sur vous^ s'il Itti phiit. 

« — Tout ce que tu débites t'a été appris, dit-on, 
« par un certain Errahmân, qui est un bomme du 
a Yémâma. Jamais nous ne croirons à cet Errahmân. 
« Te voilà bien averti. Sache que nous ne cesserons 
tf de repousser tes attaques contre notre religion. 11 
« Êiudra que ton parti ou le nôtre périsse dans la 
« lutte. » 

Mahomet se retira plein de tristesse, de se voir 
irustré dans Tespoir qu'il avait d'abord conçu de les 
convertir '. 

Errahmân y c'est-à-dire, le miséricordieux , est un 
des noms sous lesquels Dieu est le plus souvent dési- 
gné dans le Coran. La nouveauté de cette expression, 
jusqu'alors inconnue dans cette acception , et la cir- 
constance fortuite de l'existence d'un Arabe du Yé- 
mâma qui portait ce nom , avaient fourni à quelques 
railleurs de Mahomet l'idée de publier que ce qu'il 
donnait comme des révélations du ciel lui avait été 
suggéré par cet Arabe *. 

D'autres disaient que ses prétendues révélations lui ^oii^<e,i^^.j,^j^ 
étaient dictées par un chrétien, appelé Djabr, quiS^uS!"'*""* 
tenait une boutique d'orfèvrerie à la Mekke, sur la 
colline de Marwa. On voyait en effet Mahomet aller 
fréquemment s'entretenir avec cet homme. C'était un 
esclave de la famille d'El-Hadhrami ; il était Grec, et 
ne parlait l'arabe qu'imparfaitement. Aussi Mahomet 
repoussait le reproche de n'être que l'écho de Djabr , 

I Sirat-erra^oul^ f. 44 v', 45. 

3 Plusieurs passages du Corâu, leb que les versets i79,chap. VU; aS, 
cbap. Xni, conlienneiU des allusions à ceci. 



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38o LiVAL III. 

en répétant ce verset du Coran : Un hommey disent- 
ils^ endoctrine Mohammed. Le langage de celui 
qu'ils insinuent être t auteur du Cordn est un lan- 
gage barbare , et le Coran est de V arabe le plus 
pur (Coran, xvi, io5) '. 
"** Hâr'itî!* *** Aucun des adversaires de Mahomet ne le combat- 
tait avec autant d'avantage que Nadhr, fils de Hârith, 
personnage marquant de la tige d'Abdeddâr^. Nadlir 
avait séjourné à Hira, et parcouru diverses parties de 
riràk. 11 s'y était instruit des traditions et légendes 
conservées par les Persans sur l'histoire de leurs an- 
ciens rois. 

Lorsque Mahomet, réunissant autour de lui un 
cercle d'auditeurs qu'il cherchait à toucher , leur pré- 
sentait des traits de la vie des patriarches et des pro- 
phètes, des exemples de la vengeance divine tombée 
sur des nations impies, restées sourdes aux avertis* 
sements des envoyés du ciel ; lorsqu'il déclarait que 
Dieu même lui avait révélé ces grands enseignements, 
Nadhr prenait la parole après lui, et disait : ce Ecoutez 
(c maintenant des choses qui valent bien celles dont 
tf Mahomet vous a entretenus. » Il racontait alors les 
faits les plus étonnants de l'histoire primitive de la 
monarchie des Perses, les merveilleux exploits des 
héros Roustem et Esfendiâr; puis il ajoutait : ce Les 
<c narrations de Mahomet sont-elles plus belles que 
« les miennes? Il vous débite d'anciennes légendes 
« qu'ila recueillies de la bouche d'hommes plus savants 
(c que lui, et qu'il a mises par écrit, comme j'ai moi- 

I Sirat-erraçoul^ f. fia v«, 63. Maracci, Be/at. alcor.^ p. 400. 
3 Voy. Tableau VIII. 



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LA MEKKi:. 38l 

« même recueilli dans mes voyages et mis par écrit 
« les récits que je vous fais'. » Nadhr détruisait 
souvent ainsi Timpression que Mahomet avait pu pro- 
duire sur l'esprit de ses auditeurs. 

Soit pourtant que la persévérance de l'apôtre à "•£; J^p^SJI!?' * 
soutenir son rôle, malgré les railleries, les insultes, 
les obstacles de tout genre , ébranlât quelquefois l'in- 
crédulité des chefs idolâtres ; soit qu'ils voulussent se 
faire une arme contre lui de l'opinion des docteurs 
jui&, dont les Arabes reconnaissaient la supériorité 
d'instruction , deux députés furent envoyés à Yatbrib 
pour consulter les rabbins de cette ville. 

Ces députés étaient Nadhr, fils de Hârith, et Ocba, 
fils d'Abou-Mouàyt. Us dépeignirent aux docteurs la 
personne de Mahomet, leur exposèrent quels étaient 
ses discours , et ajoutèrent : « Vous êtes des savants 
« qui lisez des livres. Que pensez-vous de cet homme? » 
Les docteurs répondirent : a Demandez-lui : Qu'est- 
a ce que certains jeunes gens des siècles passés, dont 
« l'aventure est une merveille? Qu'est-ce qu'un per- 
ff sonnage qui a atteint les bornes de la terre à To- 
« rient et à l'occident ? Qu'est-ce que lame ? S'il ré- 
(c pond à ces trois questions de telle et telle manière, 
a c'est véritablement un prophète. S'il répond autre- 
« ment, ou s'il ne peut répondre, c'est un charlatan. » 

Nadhr et Ocba, de retour à la Mekke, ayant rendu 
compte de ce que les rabbins avaient dit, on s'em- 
pressa de proposer à Mahomet les trois questions. Il 



X Sirat-erraçoul , f. 45 v<*, 56. Il est fait Dieution plusieurs fois dans 
le Coréo de ces discours de Nadhr , notamment sour. XXV , v. 6. 



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38u LIVRE III. 

répliqua : « J'y répondrai demain. » Il oublia d'a- 
jouter : a in^ha-llah , s'il plaît à Dieu. » 

Cette omission , disent les auteurs musulmans, fut 
cause qu'il n'obtint pas la révélation qu'il attendait 
pour l'éclairer à ce sujet ; en sorte que le lendemain, 
n'ayant rien à répondre , il ne se présenta point au 
rendez«vous qu'on lui avait donné pour l'entendre. 
Quinze jours se passèrent sans qu'il reçût de révéla- 
tion. Ses ennemis triomphaient de -son silence. Enfin 
Gabriel lui apporta les passages du Coran qui con- 
tiennent l'histoire des sept dormants et de Dbou*l- 
Carnayn * , et cet autre passage où il est dit : Vdme 
est une chose dont la connaissance est réservée au 
Seigneur. Il n^est accordé à t homme de posséder 
qu^une bien faible part de science ( Coran, ch. xvii, 

V.87)». 

Lorsque Mahomet eut récité ces morceaux aux 
Coraychites, on reconnut les réponses que les doc- 
teurs juifs avaient indiquées. Mais, suivant ce qu'as- 
sure Ibn-Ishâk ^ , le dépit et l'envie empêchèrent les 
chefs idolâtres de se rendre. Prévoyant que toute dis- 
cussion qu'ils engageraient avec le prophète , toute 
épreuve à laquelle ils voudraient le soumettre, tour- 
nerait à son avantage , ils convinrent entre eux de ne 
plus lui parler que pour se moquer de lui et de son 
Coran. Us sentaient malgré eux la séduction puissante 
du langage élégant, énergique et sublime, qui sortait 

I Cordn, sour. XYIII. Voy., sur les sept dormants, ReiiMud , itfmt. 
musul.f I, 184, tf/II, 60. 
• a Sirai-erraçoulf f. 45 ▼•. 

3 Sirttt'errafouif f. 47 ▼*. 



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LA mek&e:. 



383 



de la bouche de Mahomet; ils défendirent qu'on l'é- wfeMejr*»ai« 
coûtât, et menacèrent de mauvais traitements tous 
ceux qui contreviendraient à cette défense. 

Alors, quand Mahomet venait faire sa prière dans 
le parvis de la Càba , et récitait à haute voix quel- 
que chapitre du Coran , tous les Coraychites qui se 
trouvaient là s'éloignaient de lui à Tinstant. , 

Quelques-uns cependant cherchaient souvent à 
Tentendre à la dérobée, lorsqu'ils pouvaient lui prêter 
attention sans être remarqués de leurs compatriotes. 
Pour seconder cette curiosité, qui lui offrait une 
chance de jeter dans quelques âmes le germe de l'is- 
lamisme, Mahomet prit le parti de faire ses prières à 
demi-voix, de manière que des personnes placées près 
de lui pouvaient l'entendre, sans que d'autres, plus 
éloignées, se doutassent qu'il parlait, et que ses pa- 
roles étaient recueillies par des oreilles attentives *. 
Plusieurs des chefs, auteurs de la prohibition, cé- 
daient eux-mêmes quelquefois au désir de l'enfreindre. 
Il arriva qu'une nuit Aboudjahl, Abou-Sofyân, fils 
de Harb, et Akhnas, fils de Charîk , homme de la 
race de Thaktf , qui vivait à la Mekke comme allié 
des Benou-Zohra, étant allés se poster, à l'insu les 
uns des autres, près de la maison de Mahomet, pour 
l'écouter prononcer ses prières , se rencontrèrent tous 
trois face à face , au moment où ils sortaient de leurs 
cachettes. Ils s'adressèrent mutuellement des repro- 
ches sur leur curiosité, et se promirent de n'y plus 
succomber. Néanmoins, les deux nuits suivantes, la 

1 Sirat-erraçoiiiy f. 47 v®. Coran j sour. XVII, v. iio. 



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384 LIVRE 111. 

même aventure se renouvela. Ils s'engagèrent alors 
par serment à ne plus s'exposer à la séduction , et à 
se garder les uns aux autres le plus profond secret. 

Akhnas avait été ému. Il voulut savoir quelle im- 
pression avaient éprouvée ses compagnons. Il se ren- 
dît chez Âbou-Sofyân, et lui dit : a Père de Hanzhala,- 
<c que penses-tu de ce que tu as entendu ? — J'ai com- 
te 'pris certaines choses , répondit Abou-Sofyân; j'en 
<x ai trouvé d'autres au-dessus de ma portée. » Akhnas 
passa ensuite au logis d'Aboudjahl ^ et fit à celui-ci 
la même question. Aboudjahl répliqua avec humeur : 
« Jusqu'ici nous luttions de gloire avec les enfants 
«c d'Abdmanâf , à armes égales; ils nourrissaient les 
<c pauvres, nous les nourrissions; ils payaient les 
« amendes des autres , et nous les payions; ils répan- 
M daient des largesses, et nous en répandions; nos 
« familles étaient comme des chevaux de course ga- 
« lopant de front. Et maintenant nous leur reconnaî- 
<c trions l'avantage d'avoir parmi eux un prophète 
« auquel le ciel dicte des révélations! Non, jamais 
a nous ne croirons à Mahomet '. » 

Ocba^ fils d'Abou-Mouàyt, se laissa aussi entraîner 
une fois à prêter l'oreille aux discours de Mahomet. 
On le sut. Obay, fils de Khalaf, qui était lié d'une 
étroite amitié avec Ocba, vint l'accabler de reproches, 
et lui jura qu'il romprait tout commerce avec lui s'il 
n'allait cracher au visage de Mahomet. Ocba promit 
de satisfaire son ami. Il tint parole ^; mais un auteur 



1 Sirat'trrafoutf f. 48. 
n Sirat-erraçoul^ f. 56 v«. 



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LA MEKKE. 385 

assure que le crachat ^ qu'il voulait lancer au visage 
du prophète, retourna tomber sur le sien '. 

Dans le temps que la défense d'écouter Mahomet iuhiici 
était maintenue avec le plus de sévérité , et que. la 
plupart de ses disciples , persécutés sans relâche, se 
cachaient pour prier, quelques zélés musulmans for- 
mèrent le projet de braver la masse des Coraychites 
idolâtres par une manifestation hardie. Us se dirent 
entre eux : « Les Coraychites ferment leurs oreilles au 
« Coran; il faut les forcer à Tenteudre. Qui de nous 
« se dévouera à cette entreprise? — Moi, » dit Abd- 
allah, fils de Maçoud. Cet Abdallah était un Arabe 
de la tribu de Hodhayl, domicilié à la Mekke, et client 
des Benou-Zohra. On lui répondit : «c Nous craignons 
« qu'il ne t'arrive malheur. Nous voudrions un autre 
« que toi , un homme qui eût ici des parents puis* 
« sants pour mettre au moins sa vie à couvert. — 
« Laissez-moi faire, dit Abdallah : Dieu me proté- 
« géra. » 

Au milieu du jour, il se rendit au parvis de la 
Càba, et, se plaçant près du Macdm-lbrahim^ à côté 
de l'endroit où les chefe coraychites étaient réunis 
selon leur coutume, il entonna d'une voix éclatante 
ces versets : 

Au nom dUUah le clément et le miséricordieux ! 

Le miséricordieux a enseigné le Cordn ; 

lia créé t homme; 

Il lui a appris à exprimer ses pensées par la 
parole; 

I L'auteurdu Uaélim»€Henzil t'iXt à%n%\t Tarfkh'tUKhamiefy f. laS, 



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3d6 LITEIC lit. 

Le soleil et la lune patvourent le cercle qu'il leur 
a tracé; 

Les plantes et les arbres F adorent ^ etc. '. 

(I Que dëbîte4ril là ? s'écria-t-mi; des passages du 
a Coran de Mahouiet ! » Oo se précipita sur Abdal- 
lah, OA le frappa au visage. Malgré les. coups dont 
on l'accablait, il coatiaua de réciter , toujours d'uiM 
voix retentissante qui dominait les cris et les injures 
de la foule. Quand il eut fini , il revint vers ses com- 
pagnons, la figure ensanglantée, le corps meurtri , 
mais le cœur satisfiût d'avoir forcé les id<^tres à en« 
tendre le Coran ^. 
pmécatioM 11- Le résultat de cet acte d^audace ftit d'irriter les 

(oureuset cootre 

Tes muMUmiu. Corajchîtes, et d'augmenter les rigueurs de la peraé- 
culioo. Elle était régurièrement organisée. Chaque 
fiunille j pow ne point violer les droits des autres et 
ne pas attirer sur elle de vengeance , tourmentait ses 
propres membres, ou ses clients et ses esclaves, dont 
l'attachement à l'islamisme était connu. Mahomet , 
grâce à la protection d'Abou^Tâlib et de ses paredts ; 
Abou*Becr et quelques autres musulmans distingues 
par leur rang , ou qui avaient su conserver quelque 
ami et protecteur parim les idolâtres , étaient seuls à 
l'abri des violences personnelles. Les autres étaient 
jetés en prison, déchirés par le fouet ^ roués. de coups 
de bâton. On les tenait exposés à la plus viire ardeur 
du soleil sur la colline appelée Ramdhdy ou dans le 
vallon nommé Bathd. On leur faisait souffrir la faim, 
la soif; et quand ils étaient réduits au dernier degré 

I Cordn, sour. LV, 



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LA MEKKE. 387 

de faiblesse 9 on leur proposait d'adorer les idoles. 

Qitelque»*uns cédaient aux douleurs, et rendaient 
bommage aux Êiux dieux. La plupart persistaient 
dans leur foL Tel fut Belâl^ fils de Riâh, mulâtre es- 
clave de la famille de Djoumah. Son maître Omeyja^ 
fils de Khalaf^ le conduisait chaque jour au Batbâ, 
dans le moment de la plus grande chaleur. Là, on Fé- 
teodak sur le dos, la face au soleil; on lui plaçait 
sur la poitrine un énorme bloc de pierre, et Omeyya 
lui disait : a Tu resteras dans cette position jusqu^à 
a ce que tu meures , ou que tu renies Mahomet et que 
« tu adores Lât et Ozza. » Belâl répondait : « ^^Aa- 
or doan! jékcuhunl (Il n'y a qu^un Dieu! il n'y a 
ff qu'un Dieu ! ) » 

Abou-Becr, passant un jour dans l'endroit où l'on 
torturait ainsi Belâl , dit à Omeyya , fils de Khalaf : 
« Ne crains-'tu pas que le ciel ne te punisse de ta 
« barbarie envers ce malheureux ? — C'est toi qui 
« l'as séduit, répliqua Omeyya; tire-le de peine. — 
« th bien , reprit Abou-Becr, j'ai un esclave noir, 
« plus jeune et plus robuste que Belâl, et tout dé* 
fc voué à ta religion; je te le donne en échange. » Le 
marché fut accepté. Abou-Becr, devenu maître de Be- 
lâl , l'affraBchit aussitôt. 

Abou-Becr acheta de même, pour les arracher à la 
persécution , six autres esclaves qui professaient l'is- 
lamisme, savoir: Amir, fils de Fohayra, et cinq fem- 
mes. Il leur rendit ensnite la liberté '. 

Parmi les musulmans dont les tortures ne purent 
ébranler la constance, on cite encore Ammâr, son 

I Sirat-erraçoui, f. 48 v», 49. 



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388 LIVRE m. 

père Yâcer, et sa mère. Ils étaient d origine yama- 
nique % et clients de la maison de Makhzoûm. La 
colline Ramdhâ était le théâtre ordinaira des supplices 
qu'on leur faisait subir. Mahomet quelquefois passait 
près d'eux dans ces moments d'épreuve^ et leur 
disait : « Courage, famille de Yàcer! le paradis vous 
« attend. » Ces mots les consolaient, et soutenaient 
leur fermeté. La mère d'Ammâr mourut dans les tour- 
ments*. 
_ Cependant Mahomet, profondément affligé des 

de'^^c'**' *" *** maux que souffraient la plupart de ses disciples, et 
de l'impuissance où il se voyait de les protéger , les 
engagea à se soustraire par la fuite aux dangers qui 
menaçaient leur religion et leur vie. Il leur indiqua 
l'Abyssinie, dont la population était chrétienne, 
comme la contrée qui leur offrirait l'asile le plus 
convenable. « C'est une terre pure du culte idolâtre, 
1 leur dit-il; un prince juste et bienfaisant y règne; 
ce Toppression y est inconnue. Allez-y demeurer, jus- 
a qu'à ce que Dieu opère en notre faveur quelque 
ff heureux changement dans notre patrie, p 

Plusieurs musulmans se décidèrent aussitôt à quit- 
ter la Mekke. I^es premiers qui prirent ce parti étaient 
au nombre de douze hommes et de quatre femmes. 
Parmi eux se trouvaient Othmân, fils d'Affân, et son 
épouse Rocayya , fille de Mahomet , à laquelle il était 
uni depuis peu; Zobayr, fils d'Awwâm, fils de Khou- 
waylid , neveu de Khadîdja ; Othmân , fils de Mazh- 
oun, de la famille de Djoumah; Abou-Hodhayfa , 

I Ils apparteoaient à la tribu d*Aiis , branche de Madhidj. 
a Sirat-erraçouif f. 49» 



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LA MKKKE. *^'*^ SSg 

fils d'Otba ; Abderrahmàn, fils d'Auf^ issu de Zohra; 
Abdallah , fils de Maçoud. Ils partirent à pied et se- 
crètement , gagnèrent le rivage de la mer Rouge , et 
ayant nolisë une barque moyennant un quart de di- 
nar , ils passèrent dans les États du Nëdjâchî, ou sou- 
verain d'Abyssinie , qui leur fit un accueil favorable. 

Les écrivains arabes pensent que cette émigration 
eut lieu au mois de Radjab de la cinquième année 
depuis l'époque oii Mahomet avait reçu du ciel sa 
mission ^ , c'est-à-dire, selon mon calcul , vers le mois 
de novembre 61 5 de notre ère. 

Les réfugiés virent, quelque temps après, arriver 
de nouveaux frères sur la terre hospitalière d'Abys- 
sinie : d'abord Djàfar , fils d'Abou-Tàlib , avec sa 
femme Esmâ , fille d'Omays, qui lui donna dans cette 
contrée son fils Abdallah ; puis successivement Amr, 
fils de Sa!d , fils d'Eu As % et son frère Khâlid , fils de 
Said; Abdallah, fils de Djahch, et son frère Obay- 
dallah , fils de Djahch , accompagné de sa femme 
Oumm-Habibé , fille d'Abou-Sofyâo , fils de Harb ; 
Abou-Mouça £I-Achàri ; Mossàb, fils d'Omayr; Firâs, 
fils de Nadhr, fils de Hârith ; Abou-Obayda , fils de 
Djarrâh^, et autres. Leur nombre se monta enfin 
à quatre-vingt-trois hommes et dix-huit femmes^. 



I Gagnicr , F'ita Mohammedis , p. a3 , note a. Tarikh-el-Khcmicy, 
f. ia6 ▼•. 
9 Fik d'Omeyya > fils d*Abdchains. 

3 On appelle ainsi communément ce personnage» qui devint célèbre 
dans la suite ; mais il était réellement petit- fiU de Djarràh. Son véritable 
nom était Amir, fils d'Abdallah /fiU de Djarràh. 

4 Sirût-trraçoulf f. 49 > 5o. Abouiféda, Irad. de Desvergers, p. ao, 
Tarfkh^l'Khami'cy, f. ia6 v*. 



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390 uytiE m. 

Aai»MMMie ce L^ Coraychites , pour priver ée cet asile tes par» 
^mSSEli^ tisans de Mahomet , envoyèrent use ambassade en 
fogiés. Abyssinie. Ils chargèreat deux habiles négociateurs , 

Abdallah, fils d'Abou-Babîa , et Amr, fils d'fiUAs, 
fils de Wiîly de porter au Nédjâchi et à ses officiers 
des présents eonwtaut ea peaui^ préparées à la 
Mekke , et de redemander les fugitifs. 

Ces députés 9 parvenus à la résidenoe du roi j qui 
se nommait Adhmakha, fils de Ghari, comiaeacè- 
rent par expliquer l'objet de leur missioa à ses princi- 
paux courtisans. Ils leur remirent les cadeaux qui leur 
étaient destinés, et obtinrent d'eux la promesse d'ap- 
puyer la demande d'extradition. S'étant fait introduûre 
ensuite devant le monarque, ils lui offrirent le préseM 
des che& mekkois, et lui parlèrent ainsi : «c Quelques- 
« uns de nos compatriotes sont venus demeurer dans 
« tes États. Ce sont de jeunes écervelés qui mit abjure 
« le culte professé par leur nation , sans embrasser 
« ni la religion chrétienne ni aucune religion connue. 
« Ils s'en sont créé une nouvelle, en opposition avec 
« tontes les autres. Nous sommes chargés de te prier 
ic de rendre ces transfuges à leurs familles. Nous te 
« les redemandons au noiQ des cheft de leur nation, 
« au nom de leurs pères, de leurs oncles, de leurs 
<c parents, de tous ceux enfin qui connaissent ce qu'il 
« y a de répréhensible dans leur conduite , et qui ont 
« droit de les châtier. » 

c( Il est vrai, dirent les courtisans, que les chefs 
« de leur nation et leurs parents doivent parfaite* 
« ment connaître ce qu'il y a de répréhensible dans 
'ç leur conduite, et ont droit de les châtier. Il coi|- 



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« vient de remeltre ces transfuges à leurs oompa- 
« trîoteft. 9 

«Corameiit! dit le roi ^ je livrerais ainsi, s&ns 
« examen , des hommes qui ont recherché ma pro- 
« tection et sont devenus mes hôtes? Non; H faut 
<t d^nbord que je les iatarroge ; il faut que je juge si 
a Ton a des reproofaes fondés à leur ùAve. Dans ce 
« cas seidement, je consentirai à les renvoyer. 
« Qu'on les amène devant moi^ Je veux les entoidre 
« en présence même de ces députés* » 

Âmr et Abdallah ne redoutaient riett tant qu'une 
semblable explication. Ils (tirent oUigés de s'y rési- 
gner. Gomme l'interrogatoire devait rouler sur une 
question rdigieuse , le roi voulut q«te ses évéques y 
assistassent U les manda près de lui. Ils viorent 
prendre place à ses cotés, tenant en main leurs Uvres 
saints. Puis on introduisit les musufana&s. 

« Qu'est^e, leur dit le Nédjâchi, que cette nouvelle nii*iîte,î4ï^ 
« religion pour laquelle vous avez abandonné le culte usâ{t^è?em ^- 
a dominant dans votre patrie , religion qui n'est ni 
a celle de mon peuple et la mienne, ni celle d'au- 
« cune autre nation ? )» Djàfar , fils d'Âbou-Tâlib , 
prenant la parole , répondit : a Nous étions plongés 
« dans les ténèbres de l'ignorance; nous adorions 
a des idoles. Livrés à toutes nos passions, nous ne 
« connaissions de loi que celle du plus fort, quand 
« Dieu a suscité parmi nous un homme de notre 
« race, illustre par sa naissance, depuis longtemps 
« estimé pour ses vertus. Cet apôtre nous a appelés 
a à professer l'unité de Dieu, à n'adorer que Dieu, à 
a rejeter les superstitions de nos pères, à méprise^ 



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39^ LITAE III. 

« l«s divinités de pierre et de bois. Il nous a ordonné 
« de fuir le vice, d'être sincères dans nos discours , 

< fidèles à nos engagements, affectueux et bien&i- 
« sants envers nos parents et nos voisins. Il nous a 

< défendu d'attaquer l'honneur des femmes, de dé- 
« pouîller les orphelins. Il nous a recommandé la 
A prière , l'aumône , le jeûne. Nous avons cru à sa 
n mission; nous avons accepté les dogmes et la mo- 

< raie qu'il nous apportait de la part de Dieu. Nos 
« compatriotes cependant se sont élevés contre nous : 
« ils nous ont persécutés pour nous faire renoncer à 
« notre foi, et nous forcer de revenir au culte idolâtre. 
«( Alors, ne trouvant point de sûreté dans notre pajrs, 

< nous avons cherché un refuge dans le tien. Gon- 
M fiants en ton équité , nous espérons que tu nous 
« sauveras de l'oppression. — Pourrais-tu , dit le roi , 

< me répéter quelques-unes des paroles mêmes de 
tf l'apôtre qui vous a enseigné cette religion? — 
« Oui , » répliqua Djàfar ; et il récita ces passages 
du Coran : 

Bonté du Seigneur em^ers son serviteur Zacharie. 

Un Jour Zacharie im^oqua Dieu dans le secret de 
son cœur, 

et dit : Seigneur j mes os sont débiles, les çhe- 
i^eux blancs coulèrent ma tête. 

Je n* m jamais été malheureux dans les vœux 
que je t^m adressés. 

Ma femme est stérile. Je crains que mes net^ux, 
destinés à me succéder, ne s^ éloignent de ton culte. 
Donne-^moi donc un fils , 

qui soit mon héritier ^ t héritier de lafiuniUe de 



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LÀ MKtiKE. 393 

Jacob; et fais ^ 6 mon DieUj qu'il te soit agréable l 

— Zacharie , nous t'annonçons un fils; son nom 
sera Yakjra (Jean). Personne aidant lui n'a porté ce 
nom. 

— Seigneur, élit Zacharie j comment aurai-je ce 
fils? Ma femme est stérile y et je touche à la dé- 
crépitude. 

— Tu auras ce fils. Ce prodige nfiestfacUe, dit 
le Seigneur. Ne /W-yV pas créé toi-même et tiré du 
néant? 

— Seigneur, donne^moi un signe pour garant de 
ta promesse. — Ton signe sera d'être muet pendant 
trois jours. 

Zacharie sortit du sanctuaire, et, s'ai^ançant vers 
le peuple j il J^ invitait par gestes à louer le Seigneur 
le matin et le soir '. 

Le Nëdjàchî était attendri au «poiot que les larmes 
mouillaient sa barbe. Ses ëvêques partageaient son 
émotion. « Voilà des paroles^ s'écria le roi, qui cou- 
« lent de la même source d'où émanaient celles de 
« Jésus. » Puis se tournant vers les deux députés co- 
raychites : « Non, leur dit-il, je ne vous livrerai point 
«r ces hommes, d 

Amr et Abdallah se retirèrent confus. Le lendemain 
cependant, croyant avoir trouvé un moyen d'indis- 
poser le roi contre les musulmans, ils se présçntèrent 
de nouveau devant lui, et lui dirent: « Tu ne proté- 
« gérais peut-être pas nos transfuges, si tu savais ce 
« qu'ils pensent de la personne de Jésus. Interroge- 
« les à ce sujet. » Le Nédjâchi envoya chercher les 

I Coran y sour. XIX. 



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394 LIVAB III. 

iiNifuhn»!», et leur fosa oettt «fuestion : « QuWtNde 
4c 4fue J^sug? 9 
iiietpfotéfe^ Dià&r, fils d'ÀboQ-Tàtib. répondît, «q citMtA, ^ 

adopte eo secret J ' 7 r ^ 

icarreUfioD. expressioDs mêmes du Coran, que Jésus était un 
serviteur de Dieuy un homme ^ Penifoyé da Très- 
Haut^ son esprit, son verbe quHl isumt fait de^ 
cendre dans le sein de la vierge Marie *. « Bien ! » 
s^écria le Nédjachî; et, ramassant k teive une petite 
bagaette, il ajouta : « Entre ce «pi« tu viens de dire 
<x de Jésus, et ce qu'en dit notre religion , il n'y a pas 
« l'«pat8seur<le cette iMiguette de diCfêreace. » A ces 
mots, les officiers présents firent entendre quelques 
murmures. «Vous avez beau murmurer, reprit te 
a Nédjâohi avec force; oui, c'est bien cela. » Et s'a- 
dressant à Djàfiir et à ses compagnons : « Allez , lew 
tf dit-il ; vivez ici en toute sécurité. Quiconque vous 
« injuriara sera puni. Je ne voudrais pas , pour une 
« montagne d'or , permettre qu'il soit &it le moinchre 
« mal à aucun de vous» Qu'on rende à ces députa 
a leur présent , je ne l'accepte pas ; et qu'ils retour- 
« neut dans leur pays *. » 

Au rapport des auteurs arabes , le Kédjâchi ne se 
contenta pas de protéger les musulmans réfugiés, il 

I Coran, sour. IV, v. 169, 170. 

a Sirai~errafoui, f. 5i, 5a. Tarîkhrel-Khamicy^ f. 127 et v». Ce récit 
e*t dona^ d'après am suite <le léinoiga«get ^ui retaontent I Oudim Sh- 
lana, Tiine des femmes musulmanes réfugiées en Abi^siaie, et ^ui fiit plas 
tard épousée par Mahomet. Il semble résulter du texte que Ton prétend 
citer les propres paroles du NédjÀcbi , lequel se serait exprimé dans U 
langne arabe en y mêlant seulement qtielqi^ termes pattiouliersmi lan- 
gage des Abyssius» tels que le mot Chayoïtm ou Sajoûm, dans le sens 
de Aminoûn (en sécurilé), cl le mot Dahr, dans le sens de Djabal (monn 
tagnc). 



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LA MC&CE. 395 

adopta méiBa leiftrs cmyaMes, et reeoûmit Mahomet 
comme prophèle. Qnoiqu'îl cachât ses sentîmepts à 
cet égard, rapprohatîon publûfoe qu'il avtk doonée 
à la doctriae exposée par DjàÊur sur la personne de 
Jésus suffit pour exciter un soulèYement parmi ses 
sttîets. On Taecusaît d'avoir renié le chnstianisme en 
adoptant que lesus était un homme. Le peuple s'a- 
meiita,etvint l'assiéger dans son palais. 

Le roi écrivit sur un papier ces mots : Jésus est 
im homme ^ un serviteur de Dieu, Perwajré du Très^ 
Haut , jon esprit , son verbe qu'il a fait descendre 
dan^ le sein de la vierge Marie. Puis , ayant placé 
ce papier sur sa poitiûne par*dessoas son vé(»ement, 
il se présenta aux insurgés , et leur dit : « Abyssins , 
« ne fuis-je pas monté sur le trône par le droit légi- 
te liflie de ma naissance? — Oui, répondit-on. — 
« — Ne vous ai-je pas gouvernés avec douceur et 
« avec justice? — C'est vrai. ~ Pourquoi donc vous 
a soulever contre moi? -^ Parce «pie tu as abjuré le 
« chrîstîanisme, et que tu dis que Jésus était un 
« homme. — Mais vous, que dites^ous donc? — 
<x Nous disons qu'il est le fils de Dieu. -^ Eh bien, je 
« coi^esse que Jésus est eda , » dit le roi en posant 
la main sur sa poitrine. 

Cette déclaration, interprétée par les insurgés dans 
un sens conforme à leur opinion , calma l'efferves- 
cence des esprits. La foule se dispersa, et rentra dans 
l'obéissance. Le Nédjâchi continua de régner tran-* 
quiUement, et les réfugiés demeurèrent dans ses 
États sans avoir à craindre aucune insulte '. 

I Sirai-erraçoulf f. 5a v<», 53. 



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CoavenlM 
4rOm»r. 



3gi6 uvRE III. 

Tandis qu'Amr et AbdalUh s'acquittaient sans 
succès de leur ambassade en Abyssinie, les musul- 
mans restés à la Mekke avec Mahomet voyaient leur 
parti se fortifier par I adhésion d'un homme puissant 
par Ténergie de son caractère. 

Omar, membre distingué de la famille d'Adi-ibn- 
Càb, était fils de ce Khattâb qui avait persécuté au- 
trefois son neveu et frère utérin Zayd y fils d'Amr, 
pour avoir renoncé à Tidolâtrie. Non moins attadié 
que son père au culte ancien de sa nation, Omar était 
un des ennemis les plus ardents de Mahomet, un 
des persécuteurs les plus acharnés des musulmans. 
La crainte qu'il inspirait à tous ceux qui Tentouraient 
n'avait pu empêcher cependant que l'islamisme ne 
s'insinuât dans sa famille. Fâtima , sa sœur , mariée à 
Saïd , fils de Zayd , fils d'Amr , avait adopté secrète* 
ment, ainsi que son mari^ les nouvelles croyances; 
l'un et l'autre recevaient des instructions d'un disciple 
de Mahomet, nommé Khabbâb, fils d'El-Aratt, qui 
venait souvent , à la dérobée , leur faire lire des frag- 
ments du Coran. 

Un jour Omar, dans un moment d'exaltation con- 
tre le prophète, sortit pour le chercher et le tuer. Il 
rencontra en chemin un de ses parents, Noàym, fils 
d'Abdallah-Ennahhâm , qui, le voyant armé de son 
sabre, lui demanda oii il allait et ce qu'il voulait 
faire. « Je veux, répondit Omar^ trouver Mahomet, 
<x et tuer cet infâme qui met le trouble et la division 
ic parmi ses concitoyens , qui a insulté nos dieux , 
r< outragé la mémoire de nos ancêtres. » 

Noàym était musulman au fond du cœur. Il voulut 



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LA MKKKE. 397 

détourner le coup qui menaçait le prophète, et es- 
saya de calmer Omar , ou du moins de diriger sa co- 
lère sur un autre objet, «c La passion t'emporte , lui 
c dit-il. Ne sais-tu pas que si tu ôtes la yie à Maho* 
« met y tu ne pourras échapper à la vengeance des 
« enfants de Hâchim et de Mottalib, et des autres 
« descendants d'Abdmanâf ? Que ne penses-tu plutôt 
<i à donner une correction aux personnes de ta propre 
« fiimille qui ont abjuré à ton insu la religion de nos 
« pères ? — Et ces personnes de ma famille , quelles 
« sont-elles? dit Omar. — Ton beau-frère Saïd et ta 
c sœur Fâtima, » reprit Noàym. 

Omar volé aussitôt à la maison de sa sœur. Rhab- 
bâb était en ce moment avec Fâtima et son mari Saîd ; 
il leur faisait lire un chapitre du Coran écrit sur un 
feuillet de parchemin. Au bruit des pas d'Omar, 
Rhabbâb se cache dans un réduit obscur; Fâtima 
glisse le feuillet sous ses vêtements. Omar entre. 
H Qu'est-ce , dit-il , que je vous ai entendu psalmo- 
« dier à voix basse? — Rien ; tu t'es trompé. — Vous 
a lisiez quelque chose, et j'ai appris que vous êtes 
a affîUés à la secte de Mahomet. » En parlant ainsi , 
Omar se jette sur son beau-frère Saîd , et le frappe. 
Fâtima s'élance pour faire un rempart de son corps 
à son mari, et tous deux s'écrient : a Oui, nous som- 
c mes musulmans. Nous croyons à Dieu et à son pro- 
ie phète. Massacre-nous , si tu veux. » 

Fâtima est blessée. A la vue du sang de sa sœur , 
Omar, honteux de sa violence, s'adoucit tout à coup, 
et dit avec calme : « Montre-moi l'écrit que vous li- 
ce sicz. — Je crains , répond Fâtima , que lu ne le dé- 



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398 LIVRE III. 

a truises. » Omar jure qu'il le rendra intact, el qu'il 
n'a d'autre intention que d'en prendre connaissanee. 
Sa sœur conçoit l'espoir que cette lecture pourra le 
toucher, et l'attirer à l'islamisme. Elle lui présente le 
feuillet qui contenait le diapitre du Goraa intitulé 
Tit*ha. Omar le lit, et s'écrîe : « Que cela est beau ! 
a que cela est sublime ! » 

K^bbâb, entendant cette exeiavMtioa , sort de sa 
cachette, et dit à Omar : « Mahomet adressait hier 
« cette invocation au Seigneur : a Mon Dieu ! fortifiez 
« l'islamisme par la conversion d'Omar , fils de Rhat- 
cc tâb, ou d'Âbou-1-Hieam ' , fils de Hicham ! » C'est 
« toi sans doute que le ciel a choisi pour être un des 
« soutiens d>^ sa cause. Cède donc au sentiment que 
« tu éprouves, el embrasse la vraie foi. — Je cède, 
« dit Omar. ludique-moi où est le prophète, je vais 
« à l'instant me donner à lui. 1» 

Mahomet se trouvait alors dans une maison située 
sur la colline de Safii, avec une quarantaine de ses 
disciples, tant hoRMveB que femmes, auxquels il ex- 
pliquait ses doctrines. On frappe à la porte. Un des 
musulmans regarde par une fente, et dit avec inquié* 
tude : « C'est Omar, le sabre au coté. » Mahomet or- 
donne que Ton ouvre. Il s'avance vers Omar, le prend 
pw son manteau, et l'attirant au miHeu du cercle : 
a Quel motif t'amèae, fils de Khattidb? lui dit-il. 
<c Persisteras-tu dans ton impiété jusqu'à ce que le 
« ehâliment dti ciel tombe sur toi ? — Je viens , ré- 

t L« même qu*Abou-<ljahl. Voy. la note 3, p. 37a. 



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LA. MflLK^E. 399 

c ffmd OnMir , pour déclarer que je crois en Dieu et 
tf en soQ prophète '. » 

Cette conversion remplit de joie M alH>iiiet et tous 
les oMisuiHians. Omar prouva auAutot le zèle dont il 
ét»it animé. En quittant le prophète, il alla droit à 
la maison d'un certain Djéroîl^ Bis deMàmar, homme 
de la famille de I>jûumah^ qui avait la réputation 
méritée àtêtre le plus grand bavard de la Mekke. 
« Djémîl, lui dit-il , apprends une nouvelle : je suis 
«t musulman , j'ai adopté la religion de Mahomet. » 
Ces mots achevés^ il sortit. Djémîl s'empressa de cou- 
rir au parvis de la Càba , où les Coraychites étaient 
rassemblés, selon leur usage journalier. Il arriva en 
criant : « Le filsdeKJiattâb est perverti ! -^ Tu men^, 
(c dit Omar qui l'avait suivi; je ne suis point perverti, 
« je suis musulman. Je confesse qu'il n'y a d'autre 
s Dieu qu'Allah^ et que Mahomet est son prophète. » 
Les idolâtres furieux entourent Omar^ et l'attaquent 
de toutes parts. Omar soutient le choc, et^ son sabre 
à la main ^ il écarte les assaillants : a Ah! s'écriait-il, 
<i si nous étions trois cents musulmans , nous vous 
« disputerions ce temple par la force. Nous verrions 
« qui en resterait maître ! » 

En ce moment survint El-As , fils de Wâïl, vieil- 
lard vénérable, chef de la famille de Sahm. « Qu'est- 
c ce que ce tumulte ? » demanda-t-il. On lui répondit : 
« Omar est perverti. — Eh bien, qu'importe s'il a 
« choisi une religion différente de la votre ? Croyez- 
« vous d'ailleurs que ses parents , les enfants d'Adt , 

I Sirat-erracotU, f. 53 et v«. Aboulféda, traducl. de Desrergers; 
p. 18, 19. 



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40O LIVRE 111. 

. a VOUS ie laisseraient tuer impunément ? Éloignez- 
« vous de lui. » On obéit à la voix du vieillard » et la 
foule menaçante s'écoula lentement '. 
«enda- Jusque-là Mahomet, seul entre les musulmans, 
avait osé faire sa prière près de la Càba. Il avait 
coutume de se placer , pour accomplir cet acte, entre 
l'angle du temple où était enchâssée la pierre noire 
et l'angle appelé Erroukn-el^Yamâni y le visage 
tourné vers la Syrie'. Omar, bravant le courroux des 
idolâtres , vint chaque jour prier publiquement au 
même endroit que le prophète. Plusieurs musulmans, 
encouragés par son exemple, imitèrent cette hardiesse ; 
et leurs ennemis la souffrirent , intimidés par la ré- 
solution d'Omar , toujours prêt à tirer le sabre pour 
défendre la cause qu'il avait embrassée ^. 

Le nouveau culte , malgré le petit nombre de ses 
sectateurs, commençait ainsi à rivaliser ostensible- 
ment avec l'ancien , lorsque les deux députés envoyés 



I Sirat-erra^oui ^ f. 54. 

9 Sirai-errafoul , f.-54. Sekm le témoignage de BareUiardt (f^of. em 
Arabie^ trad. d'Eyrièt, I, i8a, i83), Tangle du Taman, Rrrottht^ 
ramàmi, est l'angle S. E. de la Càba, et la pierre noire eat i l'aogle N. E. 
de l'édifice; mais peut-être nVt-elle pu toujours occupé cet endroit. 
Niebubr (m, 3i3) la met à l'angle S. G. Djihàni , cité par M. de Sacj 
dans son commentaire sur Hariri (p. SB'j), paraît qualifier également de 
roukn'famdni les angles S. G. et S. E. de la Càba, et placer la pierre noire 
à Tangle S. G. Les auteurs musulmans, d'après lesquels d'Gbssoo a rédigé 
son code religieux de la nation ottomane , distinguent les quatre angles de 
la Càba par les noms suifants : angle de llrAk, érroukm'tt^lréki (N. E.) ; 
angle de Syrie, errookH-tl^Chémi (N. G.); angle du Taman, erroah^' 
Ymném (ils paraissent entendre l'angle S. G.); et angle de la pierre noire, 
rûukn^l'Hadjar'€l'USwttd{jknfji^ S.E.). Voy. TabL de temp. ott.^ toI. III, 
p. 77. 7««t ai9. 

3 Sirat-erra^oulff, 5S. 



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LA MEKKE. 4^1 

en AbyssiDie pour rëclamer l'extradition des émigrés^ 
revinrent à la Mekke, et annoncèrent le refîis du 
Nédjâchi. La nouvelle de ce mauvais succès irrita les 
Coraychites. Leur animositë contre Mahomet, loin de 
se radoucir avec le temps, s'accrut par le dépit que 
leur causaient incessamment les progrès lents, mais 
continus , de l'islamisme. Ils se déterminèrent enfin à 
prendre une mesure qu'ils crurent décisive, pour obli- 
ger Abou-Tâlib et ses parents à leur abandonner le 
novateur. 

En la septième année depuis la mission de Maho- ^ii^SSét& 
met « , c est-à-dire, à la fin de l'an 6i6 de J. C. , on T\m.X'£'rc. 
forma j contre les descendants de Hâchim et de Mot- 
talib , une ligue dont l'objet était de les mettre en 
dehors de toute relation civile et commerciale : on 
s'engagea à ne contracter avec eux aucune alliance 
par mariage, à ne rien leur vendre, à ne rien acheter 
d'eux. Pour imprimer plus de force et de solennité à 
ces engagements , on en dressa un acte écrit sur par- 
chemin, qui fut déposé dans l'intérieur de la Càba. 

Les Hâchimites et les Mottalibites, tant musulmans 
qu'idolâtres, frappés de cette espèce d'anathème ; et 
craignant que ce ne fût le prélude de quelque attaque, 
jugèrent à propos de quitter leurs maisons dissémi- 
nées dans la ville, et de se concentrer sur un 'seul 
point. Ils se rassemblèrent autour d'Abou-Tâltb, et 
s'établirent avec lui dans une gorge de montagne 
voisine de la Mekke. Un seul d'entre eux, Aboulahab, 



1 Tarikh-^l-K/iamfefy f, i3o vo. Fie de Mahomet^ parGagnier, t. I, 
p. i3i. 

26 






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402 LIYBK lif. 

oncle de Mahomet, se sépara de sa fiunilie, ei te ran- 
gea dans le parti ennemi ^. 

ils demeurèrent dans cette position défiensÎT^, 
ayant Mahomet au milieu d'eux, pendant près de 
trois années. Les provisions qu'ils avaient emportées 
avec eux s'étant bientôt épaisses, ils souffraient de 
la disette, et eussent peut-être été réduits aux abois, 
si des musulmans de la Mekke , et même quelques 
idolâtres , moins hostiles contre eux que le reste de 
leurs compatriotes, ne les eussent secourus en eecret. 
Hakîm, fils de Hezâm, fit passer plusieurs fois des 
vivres à* sa tante Kiia^dja. De temps en temps un 
noble coraychite, nommé Hicham, fils d'Amr, diar- 
geait de blé un chameau, le conduisait pendant la 
nurt à rentrée du défilé, le diassait en avant, et se 
retirait sans faire connaître l'auteur du bienfait^. 
T^SS^T^^'Sbt C!ependant le brait se répandit, parmi les musul- 
îi^Mekke'*""*" nwm* réfugiés en Abyssinie, que les Mekkois s'étaient 
convertis à l'islamisme. Trente-trois des émigrés s'en- 
barquèrent aussitôt pour retourner dans leur patrie. 
Mais lorsqu'ils furent proches de la Mekke, ayant 
appris que la nouvelle était fausse, la plupart se 
dispersèrent, ou regagnèrent TAbyssiitie; um petit 
nombre seulement se hasarda à entrer dans la ville. 
Parmi ceux-ci élaievt Otfamân , fils d'iffân , et sa 
femme Rocayya, fille de MalKnxiet; Abderrahmân, 
fils d'Auf ; Abdallah, fils de Djahch ; Abou-Hodhay£i, 
iils d'Otba; Zobayr, fils d'Awwâm; Othmàn, fils de 



X Sirat-erra^oul ^ f. 54 T^ Aboulfeda, trad. de Desvergers , p. ai. 
2 Strat-erraçoui , '. 55, 5g. 



i 



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LA MEKKE. 4^3 

Mazhouo; Moasàb, fils d'Omayr. Les uns se tinrent 
cachés; les autres, ayant obtenu la protection de quel- 
que ancien ami^ purent se montrer librement. 

Le chef de la famille de Makhzoum , Walîd , fils de 
Moghayra , avait consenti à protéger Othman , fils de 
Mazhoun. Celui-ci trouva bientôt que la sécurité 
qu*il devait à un idolâtre, tandis que d'autres musul- 
mans étaient en butte à la persécution ou vivaient 
dans de continuelles alarmes, était un fardeau trop 
pesant pour sa conscience. Il dit à Walîd qu'il lui ren- 
dait sa parole, et ne voulait plus désormais d'autre 
protection que celle de Dieu, Walîd lui fit quelques 
représentations sur le danger auquel il allait rester 
exposé. Mais Othmân persistant dans sa résolution , 
Walidlui dit enfin : ce Viens donc avec moi au temple, 
« et dégage-moi publiquement de ma promesse, de 
« même que je te l'ai donnée publiquement. » Tous 
deux se transportèrent au parvis de la Càba , et là 
Walîd dit aux Coraychites présents : a Voici Othmân, 
« fils de Mazhoun, qui vient annoncer qu'il renonce 
ff à ma protection. — Oui, j'y renoncé spontané- 
« ment, dit Othmân à haute voix; j'ai trouvé en 
« Walîd un homme d'honneur, un protecteur sûr et 
« zélé ; mais je ne veux plus d'autre protection que 
« celle d'Allah , et je rends à Walîd sa parole. » 

Après cette déclaration, Othmân s'approcha d'un 
cercle de Coraychites, au milieu desquels était le 
poète Labîd , qui leur récitait quelques-unes de ses 
compositions. Labîd prononçait œ vers : 

« Toute chose est vaine, excepté la Divinité 

26. 



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4o4 LIVRE III. 

c Cest vrai, » dit Othmân. Labid continua: 

« Et toutes les félicités sont passagères ' ** 

«( Ce n'est pas vrai ! s'écria Othmân ; la félicité du 
« paradis est étemelle. » 

Le poëte s'arrêta, et se plaignit de cette interruption 
impolie. Un des G>raychites lui dit : a Cet homme 
« est un sot qui , à l'exemple d'autres sots y a quitté 
« la religion de ses pères. Ne fais pas attention à son 
« impertinence. » Othmân ne laissa pas ce propos 
sans réplique. Le Coraychite riposta à son tour, et 
finit par s'emporter jusqu'à donner à Othmân un 
coup qui lui meurtrit gravement un œil. 

Walîd était témoin de cette scène. « Fils de mon 
ce ami, dit-il à Othmân, voilà ce qui t'arrive pour 
u avoir renoncé à ma protection. La veux-tu de nou- 
er veau ? — Non , dit Othmân ; et puisse mon autre 
« œil recevoir un coup semblable pour la cause de 
« Dieu ! * » 
DtaMiuuon de ta Vcrs la dixième année depuis le commencement de 

ligae contre les Hi- , ,. . ■ -m-, i /i in/» 

uiiblSf.** '******'" '* prédication de Mahomet (dans le cours de 1 an 619 
de J. C), Hichâm, fils d'Amr, qui portait un vif 
intérêt aux Hâchimites parce que son père était frère 
utérin de Nadhia , fils de Hâchim , entreprit d'opérer 
une réconciliation entre les Coraychites et les deux 
familles de Hâchim et de Mottalib. Il gagna d'abord 
Zohayr, fils d'Abou-Omeyya , fils deMoghayra, dont 
la mère était Atica, fille d'Abdelmottalib ; puis suc- 

I Sirat-erraçoul , f. 67 ▼', 68. ' 



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Lk ME&RE. 4^5 

cessivement Moutim, fils d'Adi, Abou-I-Bakhtari, fils 
de Hichâm, et Zamà , fils d'El-Aswad , qui lui pro- 
mirent de concourir avec lui à faire abolir l'arrêt 
prononcé contre les protecteurs de Mahomet. 

Tandis que ces cinq personnages étaient dans ces 
dispositions , Abou-Tâlib vint se présenter aux Co- 
raychites, et leur parla ainsi : <c Le fils de mon frère 
ff m'a dit avoir appris, par une révélation, que Dieu 
« a livré aux vers l'écrit dicté par votre haine; qu'ils 
« en ont rongé tout ce qui était l'expression de sen- 
ti timents injustes et hostiles, et n'ont respecté que 
M son auguste nom, placé en tête de l'acte. Si la chose 
« est vraie, levez l'anathèroe lancé contre nous; si 
« c'est une imposture, je consens à remettre mon 
« neveu entre vos mains. » 

On agréa cette proposition. Quelques personnes 
entrèrent dans la Càba pour vérifier le fait. L^acte 
était effectivement rongé par les vers, à l'exception 
de la formule initiale : En ion nom , d Dieu ! Mais , 
dans leur dépit, les ennemis de Mahomet refusaient 
de remplir la condition acceptée. Alors Zohayr , fils 
d'Âbou-Omeyya, prenant la parole : ce Coraychites, 
« dit-il, jusques à quand laisserez-vous vos frères, les 
« descendants de Hâchim et de Mottalib , exclus de 
« tout commerce avec vous , souffrir tant de priva- 
« tions, taudis que vous vivez au sein de l'abondance ? 
« Il faut que cet inique et odieux anathème soit an- 
« nulé. — Il ne le sera pas! s'écria Aboudjahl. — 
'< Si, il le sera, dit Zamà, fils d'El-Aswad; ui moi 
« ni bien d'autres nous n'avons jamais donne notre 
« assentiment à cet acte. — Je l'ai toujours désap- 



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4o6 LITKK III. 

<« prouvé^ i^outa Abou^l-Bakhtari^ et je ne 1« i 
<c mis pas. — Qu'on l'ânnule! qu'oa Tannille! crit- 
« rent Mouûm el Hicbim^ fils d'Amr^ notts le dé* 
ce savouons , nous n'en touIods plos. » 

Malgré la résistance d'Aboudjahl et de quelques 
autres 9 Tarrét fîit réroqué; les deux familles de Hâ^ 
cliim et de Mottalib^ rentrées dans le droit commini^ 
revinrent aussitôt à la Mekke aveo Mahomet, et re- 
prirent possession de leurs demeures ^ 
iibïdî Ehïïîîî: P™ ^* ™^'S ^P**^ j Abou-Tâlib mourut, âgé d'en- 
An êt^^m ëe j. c ^^^^ quatrc-viugts ans. Quelques-uns croient qu'a- 
vant d'expirer, cédant aux instances de Mahonet, 
il prononça la profession de foi musulmane. Mais 
cette opinion est rejetée par le plut grand nombre *. 
Khadîdja ne tarda pas à le suivre au tombeau. 

Ces deux pertes plongèrent Mahomet dans une 
afBiction profonde, et furent pour lui le signal de 
nouvelles disgrâces. Sa famille, privée de son chef, ne 
lui offrit plus qu'une protection moins efficace^ Les 
injures et les outrages dont il avait déjà été l'objet 
recommencèrent avec tant de violence , qu'il résolut 
d'aller chercher des appuis au dehors. 
Maiu»«eireoiier- U partit scul, et 96 dirifrea vers Tâif, Les Tbakif, 
^'' qui occupaient cette ville et son territoire, étaient 

d'anciens rivaux du peuple de la Mekke. Mahomet 
espéra trouver en eux des protecteurs, et leur faire 
goûter sa religion. Il se présenta devant une assem- 
blée composée des principaux chefs do cette tribu, 



1 Sirat^rraçoul t f. 59 et v". 

a AboutfMa , trad. de Desvergers , p. 



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LA MEKKJB. 4^7 

leor exposa le dogme de l'uBÎté de Dieu, kur dit 
qo'îl était eoYoyé du ciel pour leur prêcher la yraie 
fioi, et les ioTita à le reconnaitre en cette qualité, et 
à le défendre contre les persécutions de ses coaspai- 
triotes. Il ne recueillit que des railleries et des mé- 
pris. «Dieu n'a?ait-il d'autre apôtre que toi à nous 
c envoyer? lui dît Tua. — Je ne Yeux pas discourir 
« arec toi, ajouta un autre. Si tu es un prophète, 
« comme tu le prétends, tu es un trop grand person- 
c nage pour que j'ose te répondre; si tu es un impoa- 
« teur, tu ne mérites pas que je te parle. » 

Mahomet, ainsi rebuté, sortit de rassemblée. Bientôt u tu rdNit«. 
la populace, ameutée contre lui par les chefs, le pour- 
suivit de cris et d'injures. Des esclaves, des jeunes gens 
le poussaient devant eux, en lui lançant des pierres 
dans les jambes. Si parfois il s'arrêtait et voulait s'ac- 
croupir , pour mettre à couvert ses jambes meurtries 
et saignantes , on le forçait à se relever, et on conti- 
nuait à lui donner la chasse de la même manière. 
Enfin il se réfîigia dans un enclos , où la pitié des 
propriétaires lui permit de prendre un instant de 
repos et de manger quelques raisins. La foule, lasse 
de le maltraiter, s'était retirée. Il se remit en çhemiu, 
et regagna la Mekke V 

Bfais n'osant y rentrer sans défense , il s'arrêta d'à- MdLkéfMSiArï^ 
bord sur le mont Hirâ. De là il fit parvenir un mes- **^^" * 
sage à Akhnas, fils de Charik, pour lui demander sa 
protection. Akhnas allégua qu'il était à la Mekke 
eomme halif^ allié ou protégé , position qui lui in- 

i Tarikh^lKhamicy^ \, i3a v». Sirat-trra^otU ^ f 68 v". 



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4o8 LIVAB 11 L 

terdisait de s'y déclarer protecteur d'un autre. Ma- 
homet adressa la même demande à Sohayl, fils d'Amr, 
issu d'Amir, fils de Loway. Sohayl répondit que les 
descendants d'Amir , fils de Loway , ne protégeaient 
personne contre les descendants de Càb, fils de 
Loway : ces derniers formaient la branche la plus 
considérable de la tribu de G>raych. Sollicite à son 
tour, Moutim, fils d'Â.di, consentit enfin à garantir 
la sûreté du prophète. Il s'arma, fit armer ses gens, 
se rendit avec eux au parvis de la Càba, et envoya 
dire à Mahomet de venir sans crainte. Mahomet ar- 
riva , fit sept fois le tour du sanctuaire , et retourna 
ensuite à sa maison '. 
Il «Me d'ai^ Il vécut depuis lors plus retiré, sans néanmoins 
iitfoiÉtrie. cesser de paraître en public de tanps en temps, et de 
prêcher sa doctrine. Il mit plus de ménagement dans 
ses discours, afin d'éviter les insultes. Il s'abstint de 
déclamer ouvertement contre les idoles ', et se borna 
à parler de la puissance du Dieu unique, d'Allah, 
qui l'avait choisi pour être son apôtre. Il rechercha 
surtout les étrangers qui venaient à la Mekke , pour 
tâcher de faire parmi eux des prosélytes. 

Déjà depuis longtemps il avait coutume, à l'épo- 
que du pèlerinage, d aller se présenter aux difféVeutes 
troupes d'Arabes attirés par cette solennité , et par les 
foires qui se tenaient à la Mekke et aux environs. 
« Enfants d'un tel , disait-il snccessivement à chaque 
« famille, je suis l'envoyé d'Allah vers vous. Il vous 
<Y commande de n'adorer que lui, de rejeter tout 

I Sirat'er rajout ^ f. 60. 

a Sirat-erra^ouit f. 56. Cordn^ sour. VI , v. 108. 



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LA M£K&E. 4^9 

« autre cuhe que le sien , de croire à ma mission j et 
« de m'aider à la remplir. Vous aurez le paradis pour 
« récompense. » 

Dans ces circonstances , son oncle Abou-Lahab , 
s'attachant à ses pas j criait à haute voix : « C'est un 
« imposteur qui voudrait vous faire abandonner le 
c culte de Làt et d'Ozza, la religion de vos pères, 
c pour les faux dogmes qu'il vous apporte. Ne Té- 
c coûtez pas , éloignez-vous de lui. — Qui pourrait 
a mieux te connaître que tes compatriotes? disait-on 
« à Mahomet. Persuade-les d'abord \ » 

Sans se laisser décourager par ses mauvais succès ",hïSy5Jîi,i1S 
antérieurs, il continua ses tentatives, et réussit enfin tnïSdtJ*c!^ 
à gagner quelques partisans parmi des Arabes de Ya- 
thrib. Dans cette ville et sur son territoire habitaient 
deux tribus idolâtres, les Aus 'et les Khazradj, et 
deux tribus juives, les Corayzha et lesVladhîr. Celles- 
ci avaient été réduites par les premières à un état de 
sujétion. Les Aus et les Khazradj avaient souvent 
entendu les juifs leurs compatriotes parler de l'appa- 
rition prochaine d'un prophète qui soumettrait le 
monde à son empire , et s'écrier, dans les moments 
où ils se sentaient opprimés : ce Qu'il vienne, ce Mes- 
« sie! nous serons les premiers à le suivre. Avec son 
« aide puissante, nous secouerons votre joug et nous 
« vous détruirons. » 

Pendant les fêtes du pèlerinage de la dixième 
année * depuis sa mission (fin de mars 620 de J. C.) , 

X Sirat-erraçoul, f. 69. Tarikh^el-Khamicy^ f. i34. 
a La première année de la mission ayant commencé au a 3 décembre 
610 de J. C. , i«r de Ramadhàn de Tannée 19g du Naci (Toy. p. 354 > 



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4lO LIVRE 111. 

Mahomet rencontra on jour, wr la coUme noimnëe 
Âcaba^ un groupe de six individus qui conversaient 
ensemble. Il s'approcha d'eux , et leur demanda qui 
ils éuûent. Ils répondirent qu'ils étaient de la tribu 
de Khazradj. Mahomet les ayant invités à s'asseoir et 
à l'écouter^ les appela à la connaissance de Dieu, leur 
développa les principes de l'islamisme , et leur recita 
(les fragments du Coran. Ils furent frappés d'admi- 
ration. 

H Cet homme, se dirent-ils entre eux^ est vraisem- 
ce blablement l'envoyé du ciel , dont les Juifs nous 
<e menacent. Il faut nous le concilier, par notre em- 
<E pressement à nous donner à lui. » Sous l'impres- 
sion de cette idée, ils déclarèrent à Mahomet qa'ils 
croyaient à son apostolat, et qu'ils se faisaient musul- 
mans. Ils lui dirent ensuite : c< Il existe entre nous et 
t% nos frères , les Aus , des rivalités qui noos ont mis 
n souvent les armes à la nuiin les uns contre les au- 



aMe 3) y la dizièna année de la mission avak dû oatnmeiicer le 14 décem- 
bre 6f 9 de J. G. , 1"' de Ramadhân de Tan aoS du NacL En cette année 
308 du Naciy laquelle s'était ouverte le aa avril 619 de J. C, le jour des 
Mcrifices du pèlerinage tombait le 22 mars 620. 

Lei faits que je rapporte aiix années 10^, 11' et ia« de la nisaion de 
Mahomet, sont attribués par quelques historiens, notamment par Aboul- 
réda, aux années xi«y ia« et x3*'. Ces historiens ont adopté Topinion 
que Mahomet avait prêché sa doctrine à la Mekke pendant treize ans , 
avant de se retirer à Médiue. D'autres, au contraire, eMuMnt à dit ans 
fteulement la durée du séjour de Mahomet à la Mekke , depuis le com- 
mencement de sa prédication jusqu'à Thégire (voy. le Tarikh-el-Khamicy^ 
t 143, 148 et 3o4). D'après mes calculs particuliers, cette durée aurait 
été de onze ans et six mois, comptés suivant le calendrier arabe avec em- 
liolisme triennal. Cette évaluation se trouve précisément le terme moyen 
f être les deux avis ; elle sera justifiée , dans le livre VIII de cet ouvrage , 
par la manière dont je déterminerai la date véritable de Kbcgire. 



^ 



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LA MBKKK. 4 < > 

<N 1res. Ce0t à toi san» doate, et à la rdigion que tu 
c nous enseignes 9 qu'il est réservé de rétablir la coo- 
« corde entre nous* Nous allons retourner dans notre 
« ville y travailler à pi*opager notre croyai^e parmi 
fit nos frères, et les engager à te reconnaître pour 
« prophète et pour chef. Si nous parvenons à ce bttf, 
« tu viendras habiter au milieu de nous, et ta n'aiH 
« ras rien à redouter de personne au monde. » 

Après cet entretien , ils partirent , laissant Maho- 
met plein d'espoir \ 

Vers la fin de cette année, Mahomet épousa Sauda, " ^^%^!^ ^^ 
fille de Zamà, fils de Cays, fils d'Abdchams, et Aidia, 
fille d'Abou-^Becr, toutes deux musulmanes. La pre* 
mtère était veuve d'un certain Socràn , la seconde à 
peine âgée de sept ou huit ans : il ne consomma son 
mariage aved celle-ci que plusieurs années après *. 

Plusieurs historiens placent dans les commence- Ascemiofl nw- 

^ YeUleoM de Maho- 

lâents de l'année suivante, onzième de la mission"^ 
(621 de J. C.)^, un merveilleux voyage noctnrne 
do prophète, connu sous le nom à'Isra , voyage que 
les phis judicieux regardent comme une vision, mais 
que Mahomet annonça comme un fait réel, un pro- 
dige opéré par le ciel en sa faveur. Il raconta un 
matin à quelques^ns de ses disciples que, pendant 
la nuit , monté sur l'animal céleste appelé le Borde , 
que lui avdit amené l'ange Gabriel, il avait été trans- 

I Sirat'^rraçoutf f. 70. 

a TarM-ei'Khamtcjr , f. i33 v°, i34. 

3 Cette onzième année de la mission eommençait au i**" janvier Sai de 
J. C, correspondant au i*' du mois de Ramadhâu de Tannée ao9.du Naci, 
qui s'était ouveiie le 10 mai 6ao de J. C. , et dans laquelle le jour des sacri- 
fices du pèlerinage tombait le 10 avril 6a t. 



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4l2 LIVRE III. 

porté en un instant dans le temple de Jérusalem , oii 
il avait fait sa prière ; que de là , enlevé par le Borâc 
dans les cieux , il s'y était entretenu avec les anciens 
patriarches et prophètes, et avec Dieu lui-même; 
qu'après cette ascension y lUirddj, le Borâc l'avait re- 
descendu vers la terre, et déposé au lieu où il l'avait 
pris quelques heures auparavant '. 

Les premiers de ses amis qui entendirent ce récit 
le trouvèrent si incroyable , qu'ils engagèrent Ma- 
homet à ne point le publier. Il repoussa ce conseil 
d'une prudence qui lui sembla de la faiblesse, et ré- 
péta les détails de son voyage et de son ascension 
devant les musulmans et devant les Coraychites ido- 
lâtres. Il se vit aussitôt assailli , de la part de ceux-ci, 
par une tempête de railleries auxquelles il opposa 
une assurance imperturbable. Mais quelques-uns de 
ses disciples, ne pouvant résister aux traits du ri- 
dictile lancés de tous cotés, renièrent leur prophète, 
et abjurèrent l'islamisme. D'autres étaient tombés 
dans le doute, quand Abou-Becr s'écria : « Mahomet 
c( ne saurait mentir. Je crois à tout ce qu'il a dit , et 
« j'en atteste la vérité. » Ce témoignage raffermit les 
convictions ébranlées, et mérita à Abou-Becr le sur- 
nom de Siddiky c'est-à-dire, l'homme de foi sincère '. 

Cette époque est celle où le nombre des prières 
que les musulmans devaient faire chaque jour fut 
définitivement fixé à cinq, d'après un ordre que Ma- 
homet déclara avoir reçu, pendant sou ascension, 
de la bouche même de Dieu ^. 

I V. pour plus de détails la Fie de Mahomet^ par Gagnier, 1. Il, c. I-XIV. 
a Gagnier, ibid. Tarikh-el-Khamicry f. i38 et v". 
3 Tarikh-ei-Khamicy, f. 1 3/» v**. 



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LA MEKKE. 4^3 

Le temps du pèlerinage de cette onzième année de ^^St?iSaS!b^' 
la mission (avril 6a i de J. C.) ramena à la Mekke 
cinq des Arabes de Yathrib qui avaient embrassé 
l'islamisme l'année précédente, accompagnés de sept 
de leurs compatriotes qu'ils avaient convertis. On 
verra ailleurs (livre VIII) quelles furent les suites 
de la conférence que ces douze personnages eurent 
avec Mahomet, auquel ils prêtèrent serment de fidélité 
sur la colline Acaba. 

L'histoire de Mahomet et des Coraychites com- 
mence ici à se fondre avec celle des tribus de Ya- 
thrib ; et, quelques années plus tard, elle se mêle aussi 
à l'histoire de la plupart des autres tribus arabes. Je 
ferai connaître ces différentes tribus , et conduirai 
chacune de leurs histoires particulières à peu près 
au point où je m'arrête en ce moment, avant de con- 
tinuer l'exposé des progrès de l'islamisme. 



Addition aux détails donnés sur le calendrier y 
livre III y page 241 et suii^antes. 

L'année du pèlerinage dans lequel Mahomet abolit le Naci, 
e'est-à-dire, la dixième année de Thégire, comme on le verra 
dans le livre YIII, est un point fixe duquel on peut partir 
pour calculer les années arabes antérieures. Cette dixième an- 
née de rhégire était la deux cent vingtième depuis Tinstitu- 
tton du Naci, selon le témoignage de Mohammed Djarcaei, 
d'Ël-Birouni» et de Macrizi. 

Or, la dixième année de l'hégire, postérieure de 219 ans à 
l'adoption du système d'embolisme triennal , avait commencé 
le 9 avril 631 de J. G. Il s'était écoulé, entre cette année et 
celle où le Naci, ou embolisrae, avait été pratiqué pour la 



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4l4 UVRE III. 

pmnière foto , jmtiemmt notxmkVà-tgtàu séries de troi$ «os. 
Si Tavanoe du calendrier arabe sur le calendrier solaire cAt 
été ei^actement de trois Jours an bout de chaque série de 
trois ans , l'année où le Naci avait été institué aurait dû com- 
mencer 319 jours plus tard^ dans Tannée solaire, que le I 
avril, c'est-à-dhre, It 14 noyembre. Mais favtact éiait m 
réalité de trofe Jours, et uae ftnction de deux hewnos, viiàgL 
minotes quinze secondes (voy. p. 34)). Cette fraction, m 
bout de soixante-treize séries de trois ans, donne sept jeun 
deux heures trente-huit minutes quinze secondes. Il ftnt 
donc jBjouter sept Jours à la date du 14 novembre, c'est-à-dire 
que Tannée arabe où tut institué le Ifael dut conmeacer es 
elfet le 31 novembre 413 de J. C. 

Cette année ayant été de treize mois, la suivants dst 
commencer le 9 décembre 413 de J. C; la troisième, le 
38 novembre 414 ; et la quatrième, le 18 novembre 415, 
trois Jours plus lot que la première. Cette quatrième année, 
succédant à deux autres composées chacune de douze lonsl- 
sons, en aura eu trefse; et ainsi de suite. 

La fraction de deux heures vingt minutes quinze seooa- 
des, qui s'ajoute aux trois Jours d'avance de l'année arabe sur 
l'année solaire après chaque série de trois ans, donne, après 
trente-trois ans , autrement après onze séries de trois ans, un 
jour une heure quarante^eux minutes quarante-clnq secon- 
des. Si l'on veut dresser le tableau de la concordance des 
années arabes avec les années solaires, il fondra donc avoir 
sofai, après chaque période de onze séries de trois ans, de 
compter toiijours quatre jours au lieu de trois, pour Tavmoe 
de t'année arabe. 

C'est ce que j'ai fiadt dans le tableau suivant, où J'ai marqué 
le commencement de toutes les années aral>es que jecroii 
avoir été embolismlques, et Vépoque du pèlerinage pour cha- 
cune de ces années. J'y ai donné les mêmes indications pour 
quelques-unes seulement des années Intermédiaires, notam- 
ment pour les années de la mfesion de Mahomet et les dix pre- 
mières de l'hégire. 



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LA Mn.EE. 



4l5 



AiiaéMde 

llnalttotioB 

daiud. 


dn mois de Moahtm 




An ie J. c. 


i" 


ai nov. 4ia. 


Naei. 


lo nov. 4i3. 


a« 


9 déc. 4iS. 


3« 


a8 noY. 4i4. 


4' 


i8 nov. 4i5. 


7* 


i5 DOY. 4i8. 


io« 


la nov. 4ai. 


i3« 


9 nov. 4*4. 


i6« 


6 nov. 4a7. 


19* 


3 nov. 43o. 


.a* 


3i oct. 433. 


a5« 


aS oct. 436. 


a8« 


a5 oct. 439. 


3i« 


aa oct. 44a. 


34« 


18 oct. 445. 


37* 


i5 oct. 448. 


40* 


la oct. 45i. 


43" 


9 oci. 454. 
6 oct. 457. 


46* 


49« 


3 oct. 460. 


Ifaci, 


aa sept. 461. 


5o« 


ai oct. 461. 


5i« 


11 oct. 46a. 


5a« 


3o sept. 463. 


55» 


37 sept. 466. 


58* 


a4 sept. 469. 


6i« 


ai sept. 47a. 


64* 


17 sept. 475. 


67« 


14 sept. 473. 


7o« 


11 sept. 481. 


73* 


8 sept. 484. 


'^! 


5 sept. 487. 


79* 


a sept. 490. 


8a« 


ao août 493. 


85* 


a7 août 496. 


88« 


a4 août 499- 


9»' 


ai août 5oa. 


94" 


17 août 5o5. 


91' 


14 août 5o8. 


lOO* 


II août 5ii. 


103" 


8 août 5 14. 



Pèlerinage. 

ADt de J. C. 

ai oct. 4i3. 



414. 
4i5. 
41^. 

419- 
4aa. 
4aS. 
4a8. 
43i. 
434. 



9 nov. 
a9 oct. 
19 oct. 
16 oct. 
i3 oct. 

10 oct. 
7 oct. 
4 oct. 
t oct. ^^_,. 

a8 sept. 437. 
a 5 sept. 44«. 
aa sept. 443. 
18 sept. 446. 
i5 sept. 449. 
la sept. 45a. 

9 sept. 4S5. 

6 sept. 4Sd. 

3 sept. 461. 

ai sept. 46a. 

11 sept. 4^3. 
3i août 464. 
a8 août 467. 
aS août 470. 
aa août 473. 
18 août 476. 
i5 août 479. 
la août 48a. 

9 août 485. 

6 août 488. 

3 août 491. 
3i juin. 494* 
a8 juill. 497. 
a5 juill. 5oo. 
aa juill. 5o3. 
18 juill. 5o6. 
i5 juill. 509. 
la juill. 5ia. 

9 juill. Si5. 



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4i6 



Annéet de 

rinstitutioB 

du Nid. 



io6* 
109* 
lia* 

ii8* 

ia4' 
127* 
Naci. 

ia8* 
lao* 
i3o^ 
i33* 
i36* 
i39* 
i4a« 
145* 
.48* 
i5i* 
i54* 

Naci. 

i58* 
i59« 
i6o* 
i63' 

169* 
17a* 

Naci. 

173* 

174* 
175" 
178* 
i8i« 
184* 
187» 
.90« 

196» 
Naci. 





LIVRE III. 






Pèlerinage. 


AM de J. C. 


AM de J. c 


5 août 517. 


6 juin. 5i8. 
3 juUL 5ai. 


a août 5ao. 


3o juin. 


5a3. 


3o juin 5a4. 


a7 juin. 


5a6. 


a7 juin 5a7. 


a4 juin. 5a9. 


a4 juin 53o. 


ai juin. 


53a. 


ai juin 533. 


17 juin. 


535. 


17 juin 536. 


14 jmn. 


538. 


14 juin 539. 


3 juin. 539. 




I août 


539. 


a juin. 540. 


ai juin. 540. 


ai juin 541. 


Il juUI. 541. 


II juin 54a. 


8 juin. 


544. 


8 juin 545. 


5 juin. 547. 


5 juin 548. 


a juin. 


55o. 


a juin 55 1. 


a9 juin 


553. 


3o mai 554. 


a6 juin 


556. 


a7 mai 557. 


a3 juin 


559. 


a4 mai 56o. 


ao juin 


56a. 


ai mai 563. 


16 juin 


565. 


17 mai 566. 


i3 juin 


568. 


14 mai 569. 


a juin 


569. 




1 juin. 569. 


I juin 570. 


ao juin 


570. 


ai mai 571. 


10 juin 


571. 


II mai 57a. 


7 juin 


574. 


8 mai 575. 


4 juin 


577. 


5 mai 578. 


I juin 


58o. 


* a mai 58i. 


39 mai 


583. 


a9 avr. 584. 


18 mai 


584. 




16 juin 


584. 


17 mai 585. 


5 juin 


585. 


6 mai 586. 


a6 mai 


586. 


a6 avr. 587. 


a3 mai 


589. 


a3 avr. 590. 


ao mai 


59a. 


ao avr. SgZ. 


16 mai 


595. 


16 avr. 596. 


i3 mai 


598. 


i3 avr. 599. 


10 mai 


601. 


10 avr. 6oa. 


7 mai 


604. 


7 avr. 6u5. 


4 mai 


607. 


4 avr. 608. 


aa avr. 


608. 





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LA MEKKE. 



417 



Années 


Années dé 








de 


nnstitndon 
do Naci. 


du mois de Moubarratn. 


Pèlerinage. 






Am de J. c. 




An» de J. C. 




t97* 


aa mai 608. 


aa 


avr. 609. 




198^ 


la mai 609. 


la 


avr. 610. 




199* 


I mai 610 *. 


1 


avr. 611. 




Naci. 


ai avr. 611. 








aoo* 


19 mai 611. 


»9 


avr. 61a. 




aoi*" 


8 mai 6ia. 


8 


avr. 61 3. 




aoa* 


a8 avr. 61 3. 


a8 


mars 614. 




Naci. 


16 avr. 614. 








aoB*' 


16 mai 614. 


16 


avr. 61 5. 




204*^ 


5 mai 6i5. 


5 


avr. 616. 




ao5« 


a5 avr. 616. 


a5 


mars 617. 




Naci. 


iS avr. 617. 








aoô*^ 


i3 mai 617. 


i3 


avr. 618. 




ao7* 


a mai 618. 


a 


avr. 619. 




ao8* 


aa avr. 619. 


aa 


mars 6ao. 




Naci. 


10 avr. 6ao. 








209*^ 


10 mai 6ao. 


10 


avr. 621. 




aïo*^ 


3o avr. 6a i. 


3o 


mars 622. 


. 


an* 


19* avr. 6aa. 


>9 


mars 623. 




Naci, 


8 avr. 6a3. 






n. 


aia*^ 


7 mai 6a3. 


7 


avr. 624. 


m. 


ai3^ 


a6 avr. 624. 


a6 


mars 62$. 


IV. 


ai4* 
Naci. 


i5 avr. 6a5. 
4 avr. 6a6. 


i5 


mars 626. 


V. 


ai5* 


H mai 6a6. 


3 


avr. 627 


VI. 


aiG- 


a3 avr. 627. 


a3 


mars 628, 


vn. 


ai7* 
Naci. 


la avr. 6a8. 
2 avr. 629. 


la 


mars 629. 


vm. 


ai8* 


I mai 629. 


I 


avr. 63o. 


IX. 


ai9* 


ao avr. 63o. 


ao 


mars 63 1 


X. 


aao* 


9 avr. 63i. 


9 


mars 632 



* Mission de Maliomet commencée an mois de Ramadliân, 23 décembre 
610 de J. C. 



FIN DU TOME PRBMIKB. 



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TABLE DES MATIERES 

CONTENUES »ANS US TOME l*' DE L*BSSAI 8UB L'HinOWE DES ARABES. 



LIVRE I. 
OKIOIITES, RACES ÉTBlIfTES. 

Coup d'œil sur les divisious géographiques de 1* Arabie. . Page i 

Races et langage 4 

Origines des Arabes , p. 4. — Division des races , p. 6. — Ariba , 
p. 7. — Moutéarriba , ibid, — Moustariba , p. 8. — Langue arabe , 
ibid. — Himyarique, p. 9. — Arabe proprement dit, ibid. — Mousta- 
djema, p. xo. — Races éteintes, ibid, 

Adites ou peuple d' Ad < 11 

Premiers Adites, p. la. — Cheddâd, p. x3. — Iram, p. 14. — Houd, 
destruction des premiers Adites, p. x5. — Locmân, p. x6. — Se- 
conds Adites, ibid. 

Amâlica. : 18 

Amélica en Arabie, en Syrie y en Egypte, p. x8. — Pharaons Ami- 
lica, p. 19. — Les Gatoura, p. ao. — Amàlica de Yatbrib , ibid. — 
Les Arcam , ibid. — Les Samaydà , p. ai. — Les Djebâbera , ibid. 
— Amila-el-Amàlik, p. a 3. 

Tbamoudites ou peuple de Thamoud a4 

Tasm et Djadîs 28 

Tribus de Hadhoura, de Wabar 3o 

Les Djorhom 33 

Nabatéens, Nabat ou Anbât 35 

LIVRE IL 



Yeclanides ou Cabtauides 39 

Cahtân, p. 39. — SabéenSy p. 41. — Sabéens yectanides distincts 
des Sabéens coucbites, p. 4a. — Royaume d^Abyssinie fondé peut- 
être par les Sabéens coucbites, p. 44. — Rapprochements entre les 
Sabéens coucbites et les Adites, p. 45. 

Dynastie sabéenne yectanide ou cahtanide 47 

Conjecture sur l'âge de Yàrob, p. 49. — YJLrob, ibid. — Yacbxmob, 
p. 5a. — Abdcbaks-Saba , ibid, — Fondation de Mareb , p. 53. — 



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TABLE DES MATIÈRES. 4<9 

HiifTÀB, p. 54. — CoiiJLh, YflrttL, Chammir, p. 55. — Foodatioo 
de Zhafàr, iàul, — Langue himyarique, p. 56. — SacsIc» p. 58. — 
TIfah, iSid, — DBOu-RxÂcfl, i6id, — NàMlxr-EL-MoÂPiR, iéid, — 
AsTAir, p. 59. — YiUe d'Aden, ibid, — Djebbâr, p. 60. — NaojrXit, 
▼flle de Nadjrân, ibûi, — Abotbams, fils de Wàlhil, iâid, — HJLssav- 
si«-Catl y i6Ui. — CBAOij» ou Cbeddâd , i^id, — Locmak , fils de 
Matât, ihid, — Dbou-Gbadao, p. 6x. 

Dynastie himyarite. Les Tobba 6r 

HJLarrB-EaRÂïcB , p. 6x. — Conjecture sur Tâge de Hàrith , p. 63. 

— Tobbà, p. 64. — Essàb-Dbou-l-Caritayn, p. 65.— Sedd Yadjoudj 
oua Madjoudj, ihid. — Abraba DBou-L-MiiflR, p. 67. — Aprxcous , 
i^id, — Conjecture sur Africous , sur son âge , et son expédition 
contre les Berbères, p. 69. — Dbou-]>Aj>bar, p. 70. — Expédition 
d*JE1ius Gallus sous le règne de Dhou-1-Adhâr, p. 73. — Caou- 
aABMX., p. 74. — Château de GhoumdâQ,p. 75. — Hoobâd, ièid. — 
BaïAis, iSid, — TÂcBR-YouirÎM, p. 77. — Écriture himyarique ou 
aKHisnad, p. 78. — Gbammir-Yeràcb, p. 80. — Abou-MIlik, p. 8a. 

— Tobbà Erw-AcRAK, ibtd. — Omrân et Amr, fik d'Amir, de la tribu 
d*Azd, ièîd, — Les descendants de Cahlân en possession de Mareb, 
p. 83. — Amr-Mozaykiya émigré du Yaroan avec plusieurs fomilles 
d'Azd, vers 118-120 de J. C, ibid» — Seyl-el^Arim, rupture de 
la digue de Mareb , vers lao de J. C. , p. 85. — Dhou-Habcbân, 
p. 89. — Tobbà , fils d'El-Acran , ibid. — Calay-Cariba , p. 90. — 
TibbIk-Açàd-Abou-Carib , ibid, -~ Expédition d'Abou-Carib en 
Perse, etc., vers ao6 de J. C, p. 91. — Il assiège Yathrib et em- 
brasse le judaïsme, p. 9a. — Il visite la Càba, p. 93. — Il introduit 
le judaïsme dans le Yaman, p. 94. — Babla, fib de Nasr, envoie ses 
enfants en Irak, vers ao5 de J. C, p. 96. — Hassan Tobbà, p. 100. 

— Il détrait la tribu de Djadîs, vers Tan a 38 de J. C, ibid, — Les 
Uanifa s*établissent dans le Yemâma longtemps après les Djadicites, 
p. loa. — Les Tay émigrent du Yaman, et se fixent dans les mon- 
tagnes Adja et Selroa, ibid, — Hassan tué par son frère Amr, p. 104. 

— Alfa Dbou-l-AwXd , p. ro5. — Les quatre rois, p. 106. — 
Abohaà, p. 107. — ABDEâLÀL, il était chrétien, ibid, — Tobbà, pils 
DE Hassan, p. 108. — On lui attribue aussi l'importation du ju- 
daïsme dans le Yaman, p. 109. — Pacte entre les Yamaniies et les . 
Arabes Maaddiques, p. x 10. — Hàrith, fils d*Amr, p. m. — Mar- 
THAD, ibid. — Théophile envoyé par l'empereur Constance en am- 
bassade dans le Yaman, ibid. — Religions diverses; idolâtrie domi- 
nante dans le Yaman, p. 113. — WatJa ou Warîa , troubles dan ■ 
le Yaman , p. x 14. — Abraba , fils de Sabbâh , p. x i5. — Sabbàn, 
p. 1 16. — Sabbàh , ibid. — AMR-Daor-KÎPjtN , p. 117. — Hassài» 



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4^0 TABL£ ras M ATlàMS. 

( Dbov MoXbm ) , iiid, — LAKairU-TAVoov-Daoo-CanilTnL , il 
uMirpe la puuniieê, p. i rg. — Ses débauches, ihUl, — Dbov-NowIs, 
p. xat. — Zélé partÎMB da Judaïsme, ièid, — H va à Tatbrib» 
p. laa. — Notions sur la population de Nadjrlny p. xa3. — Ori- 
gine da ehristianisBe à Nadjrân, p. ia4. — Les chrétiens de NadjrAa 
OMssacrés par Dhou-Nowàs, fin d'octobre 5«3 de J. C, p. xsS. — 
Dous Ta demander vengeance à rempereur romain, p. i3o. — Une 
année d* Abyssins envahit le Yaman, p. i3f. — Défoite et mort da 
Ohou-Mowâs, an 5ik5 de J. C, ibid, — Als Dhou-I>ju>ah, p. x3a. 
— Établissement de la domination des Abyssins dans le Taman , 
p. i33. 

Hadhramaat , i35 

Le Hadhramant principauté particulière, p. x36. — Liste des prinees 
de Hadhramaat, ibid. 

Domination des Abyssins et ensuite des Persans dans le Yaman. i38 

Dissentiment rdatif au premier viœ^roi abyssin dans le Yaman, 
p. ii8. — AktXt, p. t4o. — Il est tué par Abraha, iiid, — Aa- 
EAHiL-iL-AoBRAM , il apaîsc le roi d*Abyssinie, p. 14 1* — L^évéqne 
Grégentitts, p. 142. — Église construite par Abraha, p. x43. — Elle 
est souillée par un Arabe du Hidjàz, p. 14 4* — Mort d^Abraha, 
i&i^. — Yacsoom , p. 145. — Masaook, p. 146.— Sayf, fils de 
Dhou-Yazan, se rend à ConsUittiuople, ièid. — Il passe en Perae, et 
sollicite Kesra de délivrer le Yaman , p. 147. — Midicarib , fils de 
Sayfy obtient une armée de Kesra, p. x49- — Les Persans défont les 
Abyssins , aimée 5^5 de J. C, p. i5x. — BiÀnicâ&iB , fils de Sayf, 
régne coomie vassal du Toi de Perse , p. x54. — U est tué par les 
Abyssins, p. i56. — Waheaz, premier vice-roi persan dans le 
Yaman, an 597 de J. C, p.x57. — Suocessiues os Wabaax. 
BaobIh, p. xSp. — L'orateur Coas, fils de Sàïda, iètd. — Eamille 
d*Abdelmadin , p. 160. 

LIVRE III. 

X^ MEK.&I. 

Abraham et Ismaêl 16 c 

Abraham, p. x6i. — Il connaît et adore le vrai Dieu, p. x6a. — Son 
aventure avec Nemrod , p. i63. -> Ismaël , p. 164. — Il est aban- 
donné a^ec Agar dans la vallée déserte de U Mekke, p. x65. — Des 
Amâlica s'établissent près de lui , p. x66. — Commeneement des 
Djorhom et des Catoura. Les Amàlica expulsés du territoire de la 
Mekke, p. 168. — Allianee dlsmaël avee les Djorhom, iéid, — 



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TABLE DES MATlàltES. 4^> 

CoostitKtiott de la Càba , p. 170. — La pierre noire , p. 171. — 
Mmàm IbrakiflD, iHd. 

Postérité dlsmaêl fjB 

Combat entre Modbâdh , roi de Djorhom*, et Ssmaydà, roi de Ga- 
toara , p. 177. — Documents tirés de la Bible, p. 179. — Docu- 
ments arabes. Adoân et Maàdd, p. 181. 

Descendants d'Adnân i85 

Akk et MiIdd, p. x86. — Conos et Nizla, ièid. — Anecdote des 
eafints de Nîzàr^.p. 187. — Anmàr, p. 189. — lyâd, p. 190. — 
Rabia , ibid, — Modhar , p. 19a. — EltIs , iBid, — Movdricâ , 
p. 193. — Khozatma , ibid. — KihXna , iBid. — Nabbr , MÂcn , . 

Kma-CoRATCH, p. 194. 

Dynastie des seconds Djorbom à la Mekke 194 

Liste des princes de Djorhom, p. igS. — Commencements de Fido- 
lâtrie chez les Arabes du Hîdjàz, p. 197. — La Càba détruite par un 
torrent et reconstruite, vers iSo de J. G., p. 199. — Içâf et Nlila, 
U»d. 

Les Azdites émigrés de Mareb ; leur établissement près de ta 

Tallée de la Mekke aoi 

Marche des Azdites depuis Mareb, p. aoi. — Us séjournent dans le 
{kajs d'Akk, p. ao4. — Us arrivent dans le Hidjâz et s'établissent à 
Batn-Marr, vers 1 80 de J. C, p. ao5. — Ils sont en hostilité avec les 
Djorhom, p. ao6. 

Codhâa et ses descendants ao? 

Origine de Codhâa, p. 207. — Les Codhaïtes passent du Yaman 
dans le Hidjàz^ p. 209. — Aventure de Khozayma et de Tadhcor, 
p. aïo. — Guerre entre les Codhaïtes et les descendants de Nizàr, 
p. an. — Dispersion des Codhaïtes ; les Asiam vont à Wadilcora, 
p. 2 1 a. — Les Salihites en Syrie , an 1 90 de J. C, ilid. — Les 
Taym- Allât dans le Bahrayn , et de là en Irak , ihid. — Les Benou- 
Tazkl et les Bahrâ en Mésopotamie , p. a 1 3. — Les Benou-Kelb à 
Daumat-Djaodal, et plus tard à Semâwa, îBid. 

Les Khozâa ; leur domination à la Mekke ai4 

Dissolution de la colonie azdite de Batn-Marr, p. a 1 4. — Les fa- 
milles de Djalna, d*Aus et de Khazradj vont en Sjrrie , an ao5 de 
J. C, p. ai 5. — Les Khozâa restent près de la Mekke, iiUL — Ezr 
pulsion des Djorhom , an ao6 de J. C, p. a x 8. — Les descendants 
dlyâd se retirent vers Hrâk, an ao6 de J. C., iéid, — Les Khozâa 
obtiennent la garde de la Càba, p. 319. — Prérogatives réservées 



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4^a TABLE DES MATI^BES. 

aux enfiints de Modhir, ibid, — Idjâit, Ifâdha, p. aao. — Amr, fib 
de Lohay, premier prince khozaîte, an 307-240 de J. C, p. sai. 

— Amr, fils de Lohaj, introduit à la Mekke le calte de Hobal » 
p. !k23. — r Usages superstitieux, p. aa5. — SAIba , Bahira , Hâmi, 
Wacila, ibid, ~~ Successeurs d*Ainr, inconnus jusqu'à Holayl, de 
a4o à 4o5 de J. C, p. 2!k8 . — Holayl, de 4o5 à 440 de J. C, iiid. 

Commencements des Coraychites. Us enlèvent le pouvoir aux 
Khozâa 339 

Fihr-Coraych et sa postérité , p. aag. — Fihr , p. aSo. — GhjLi.ib, 
ses enfants , ibid, — Lowat , ses enfants , ihid. — Càb , ses en&nts, 
p. a3 1. — Mourra, ses enfants, ihUf, — KilXb, ses enfants, ilfid, — 
GossAT, ibid. — Noms des fils de Cossay; son ambition, p. a 3a. — 
n s*empare do pouvoir, an 440 de J. C, p. a33. 

Gouvernement de Cossay a35 

La ville de la Mekke construite, vers Tan 445 de J. C, p. a36. — 
Institutions diverses, p. a37. — Nadwa, Liwa, ibid. — BifAda, a38. 

— Sicâya, Hidjâba, p. a39. — Naçaa, Calémis, p. a4o. — Notions 
sur le calendrier arabe. Pèlerinage; mob sacrés, p. a4i. — Embo- 
lisme, Naci, p. a4a. — Bemise de Tobservation de Mouharram à 
Safar, autre Naci , p. 346. — Liste des Naçaa jusqu'à Tabolition 
du Nad, p. a47. — La Càba reconstruite par Cossay, vers 45o de 
J. C, p. a49. — Cossay résigne le pouvoir à son fik aîné Ab- 
deddàr, p. a5o. 

Successeurs de Cossay a5 1 

An 480 de J. C, p. a5 1. — Les fils d'ABOMAirXF disputent le pou- 
voir aux petits-fils d'Abdeddâr, vers 5oo de J. C, ibid, — Factions 
des Moutayyiboun et des Aiilàf, p. a54. — Le gouvernement devient 
oligarchique , p. a55. — UXcbim, p. a56. — Mottalib, au 5xo de 
J. G.,p. a58. — Abdelmottalib, année 5ao de J. C, p. aSQ. — 
Puits de Zamzam, an 540 de J. C, p. a6o. — Fils et filles d'Abdel- 
mottalib , p. a64. — Manière de consulter le sort , p. a65. — Ma- 
riage d'Abdallah et d'Ajnioa , p. 367. — Année de Téléphant , 570 
de J. G. Invasion des Abyssins, p. a68. — Divers temples d'idoles , 
p. 269. — La Càba, Panthéon des Arabes, p. 370. — Les Abyssins à 
TebAla , p. 371. — A Tâtf , p. 373. — A Moghammes , près de la 
Mekke, p. 373. — Entrevue d'Abdefanottalib et du roi abyssin Ab- 
raha, p. 375. — Destruction de l'armée des Abyssins, p. 377. — 
Usages institués par les Coraychites à cette occasion, p. a8o. — Nais- 
sance de Mahomet, p. a8 1. — Son enfance, p. a86. — Mort d'Abdel- 
mottalib, an 579 de J. C, p. 390. 



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TABLE DES MATlàBES. 4^3 

Écriture arabe , nommée Djazm , connue à la Mekke an temps 

d'Abdelmottalib agi 

Guerrea de Fidjâr 396 

Foire d*Ocâzh , p. 396. — Première guerre de Fidjâr, an 5 80 de 
J. C, p. 397. — Deuxième guerre de FidjAr, p. 3oi. — Orwal- 
Errahhàl assassiné par Barrâdh , an 585 de J. C. , p. 3oa. — Jour- 
née de Nakhla , p. 3o6. — Journée de Samta , an 586 de J. C, 
p. 3 10. — Journée d^Ablâ, p. 3ix. — Jownée d*Ocâzh , p. 3ia. 

— Jonrnée de Horayra, p. 3x4. — Conclusion de la paix , an 589 
de J. C, p. 3 1 5. — Voyage de Mabomet en Syrie avec Abou- 
Tâlib,p. 319. 

Temps depuis les guerres de Fidjâr jusqu a la mission de Ma- 
homet 321 

Arabes cherchant la véritable religion , p. 3tx i . — Waraca , p. 3a9. 

— Olhmân, fils de Houwayrilb, ihid, — Obaydallab, fils de Djahch , 
ihid. — Zayd, fils d'Amr, p. 323. — Mahomet épouse Khadidja , an 
de J. C. 595, p. 3a6. < — Enfants de Mahomet et de Khadidja, p. 339. 

— Association nommée Hilf-el-Fodhoul , an de J. C. 595, p. 33o. 

— Tentative d*Othmân, fils de Houwayrith, pour faire passer la 
Mekke sous la domination romaine y au de J. C. (>oo-6o5, p. 335. 

— Mouçâfir. Hind , fille d'Otba. Nabsance de Moâwia , au 6o3 de 
J. C, p. 336. — Reconstruction de la Càba par les Corayebites, an 
6o5 de J. Cy p. 338. — Expédition commerciale en h>âk ; aventure 
de Ghaylân avec K^ra, an 606 de J. G., p. 342. — Mabomet se 
charge de l'éducation d*Ali , p. 345. — Adoption de Zayd , fils de 
Hâritha, par Mahomet, p. 346. — Coup d'oui sur l'état de la nation 
arabe, p. 347. — Religions, ibid, — Superstitions, p. 349. — Amour 
du jeu et du vin, p. 35o. — Polygamie; mariages entre beaux-fils et 
belles-mères, p. 35 1. — Inhumation de filles vivantes, iàid, — Goût 
pour la poésie, p. 352. — Mission de Mahomet , janvier 6ix de 
J. C, p. 354. — Islamisme, p. 357. — Premiers prosélytes, ibid, — 
Le Corâu, p. 36o. 

Temps depuis la mission de Mahomet jusqu'à l'hégire 36o 

Mahomet commence sa prédication , p. 36o. — Plaintes portées à 
Abou-TAlib contre Mahomet, p. 362. — Abou-Tâlib, avec les des- 
cendants de Hâchim et de Muttalib , soutient Mahomet , p. 365. — 
Les ennemis de Mahomet s'efforcent de le décrier, ihid, — Épitre 
adressée de Tathrib aux Coraychiles,' p. 367. — On raille, ou outrage 
Mahomet, on persécute ses disciples, p. 369. — Conversion de 
Hamza, p. 37a. — Propositions faites à Mahomet par ses adversaiiies, 
p. 374. — On le soupçonne de se foire dicter ses discours |uir uu 



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4^4 TABLK DES MATIÈAKS. 

cbrélien, p. ^79. — Nadhr, fili deUArUh, p. 3<o. — Bldioaiet soa- 
■lis à une épreuve» p. 38 1. — Défense d'écouter Mahomet, p. 3S3. 
**- Hardiesse d*UQ musulman , p. 385. — Persécutioni rigoureitaes 
contre les musulmans , p. 386. — Plusieurs musulmans émigrent en 
Abyssinie, an 61 5 de J. C, p. 388. — Ambassade coraychite envoyée 
en Abyssinie pour redemander les réfugiés, p. 390. — Le roi d*Abys- 
siuie interroge les réfugiés, et est satisCut de leurs réponses, p. 391. 
— Il les protège, et adopte eu secret leur religion» p. 394. — Conver- 
sion d^Omar, p. 396. — Progrès de Tislamisme , p. 400. — Ligue 
contre les descendants de Hâchim et de Mnitalib, an 616 de J. C, 
p. 40 X. — Quelques-uns des réfugiés en Abyssinie reviennent à la 
Mekke , p. 40a. — Dissolution de la ligue coutre les Uéchimites et 
les Moltalibites , p. 404. — Mort d*Abou-Tâlib et de Kbadidja , an 
6 19-620 de J. C p. 406. — Mahomet recherche Tappui des Thakîf, 
ibid. — Il est rebuté, p. 407. — U rentre à la Mekke, sous la pro- 
tection de Mouiim, ibid, — Il cesse d^attaquer ouverteiaent Tidolà- 
trie, p. 408. — Il acquiert des partisans parmi les Arabes de Yathrib, 
an 6ao de J. C, p. 409. — Il épouse Sauda et Aîcha , p. 4ii> — 
Ascension merveilleuse de Blahomet, ihid, — Nouveaui prosélytes de 
Tathrib, p. 41 3. 

Addition aux détails donnés sur le calendrier 413 

Tableau des années arabes, depuis l'instilutiou du Naci, p. 41 5. 



FIN DE LA TABLE DU TOME PBSMIBB. 



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anal 

"'a 

tucol 

lent pour w prc an crc iH. 
rites (Homérltes) à roc<j 
pédlUon d'OBHiu OaUoi 
l'ère chrétienne . 



33. Chtnmir-Tei^ch. ... a 
34. Abou-M&lik 3 1 aprèt J. C. 



35. Zajd-el-Acnin 64 

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ÉmégratkmC 



MȏU,/U$a4 



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lyâs, fils de Cabissa.. 55o 6o5 

roy. le tabl. FI 



rois ou gouverneurs persans. 

ilawayli ^M 

^rA'Iouba 63i 

Hutulmans^ en Van deJ.C «u. 



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tdjMd, mm d'Jidpar Mdiin. 



àUba règne tcts l'ao %g%. 



Monodhir I . 



jémr,, 



NdniAnlI. 



Ndmân m*. 



tbn. 



Aboo-Cbainmir-HArith > 
Hârith V-cl-i 



ndn^AboU'Hodjr . 
I 



Amr ly-Àbot 



IjrU*. AmrV* 



« Hàrith Vn, 1 ir lU 



Néf vers Tan 

167 chef de famille en aoSdeJ.C 



aoo 




Id, 248 


!i33 




chefdefiiiiiiUeen!i63 
roi de Ghassan en 3oo 


a66 




règne vers 3o3 


*99 




Id. 330 


33i 




Id, 360 




34o 


id. 373 



365 



. { régnent de 38o i 420 



398 



390 règne ?ers 49^0 
394 td, 4^0 

400 



• règne vers 45 1 

43i ••et*" régnent de 466 à 47« 

•••• règne vers 47» 



;| 464 
• • 497 
;| 53o 



régnent de 490 i 53o 
règne de 49^ ^ ^^ 

régne de 5a9 à 57a 



Id. 
Id. 



573 i 587 
687 à 597 



•I 
:( 



563 



« de 597 à 600 
590 à 6i5 
600 à 63o 



5 9 



* * de 
< << « /de 

s * de 



63o à 633 



596 



régne de 633 à 6S7 

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l dé J. C. 637- 



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L 



I 



(•*) El-Aehàlh ^98 

(•••) Moharaiiied 633 

I 

. (••••) AlhliiTahnià'i ^o 



(*) Celle gën^logie de 1 
i*^) Bl-Acbèlh moariit ef 

(***) Sa mèraëUitOutniKui lur ilan» r.iiiu«V ««c J. C 0*6, cii cuiubaliani «l«n» l'aruiéo 
de Mossib cootrv Mokblir. 
("*"'*) Il se tua luliséa 



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'^kiya. 



es vers Tan de J.C. 
68 



^^ncd r. 



i34 



167 



.«urra. . . a33 



1 



.jnir . . . a66 



MJaucal * . . . . «99 

i 



.lays.. .. 53a 



.MoÂwia * . . / . 365 



.Omeyya Dfeayd ... 398 









43o 



.Hàrith :.*.... 43i 



460 



. Haycha Wâfl... 464 



490 



. Cays Ijocbam. 497 



.HAriib ^-Aslat. 53o 



Hâtib ou-Cays. 563 



5io 



55o 



manda , 
Au» 
lodth, 
\'an «14. 



58o 



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^u vni. 



CORATCHITES. AlfCÊI 



Nés vers ran 

xSo 
avant J. C. 



Akk.. 97 



.MODBAR. 



64 



3i 



i* 



e 

a 

e 
S 

«s 

H 
P 



1 



après J. C. 



"I 



MoDmic aàm. .Badjila.. 



.Khozatma. 

I 



35 



68 



^t Nadhr. . H 

jnia0,toM.X.A. 



KnrinA. 



r 



.MÀLOL. 

_l_ 



Dhamra. . . KiBa-GoaATca 
Hâritli..GBlLiB.. 



T 



MouM.< 



LOWAT. 

> 



Amir. 



.Cà6 



Mourr , 



Ktidâ 



Cossay . 



i34 
167 

aoo 
a33 
166 

299 
33a 

365 
398 

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J 



lyâs, fils de Cabissa.. 55o 

rov. le U»bl. Il 



rois ou gouTeraeun perstns. 



6o5 



^.xA'iouba. 



614 
63i 



MusHlmanSy en l'an de J. C •». 



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r 



Moudjàlid, issu d'Azdpar Mdzin. 



^mr. 



Thàlaba règne vers Tan aga. 



ahu. 



Néf^ 


irersl 


an 




167 




chef de famille en 


aoSdeJ.C 


aoa 




Id. 


248 


233 




chefdefamiUeen 


a63 






roi de Ghassan en 


3oo 


a66 




règne vers 


3o3 


^99 




id. 


330 


33a 




id. 


360 




34o 


id. 


373 



Moundhir I « 365 



Amr.y 



Nômânn. 



370 ( >^^' ^^ 38o à 4ao 



398 



390 
394 

400 



règne vers 420 
id. 45o 



* règne vers 45 1 

Nômân ni* 43i **ef*règnenlde 466 a 47a 

**•• règne Ters 47a 



Abou-Ghammir-HAri ih \ ',' ..'.!} *^* 
Hârith Vd'M • • • • • 497 



NbmâH'jiboU'Hodjr 

I 



AninV-Al>o' 



HodjrII*.AmrV* 



:i/.-.;| 



5do 



« Hârith VIÏ, ^ 



ir in. . . I 563 



^ 9 



596 



ite y. c. «37. 



régnent de 49^1 à 5 3o 
règne de 49^ ^ ^^9 

règne de 5^g à 571 



/rf. 


571 à 517 


M 


537 â 597 


- de 


5g7 i 600 


* * de 


590 h 6i5 


" • /de 


600 à d3o 


s * de 


r>3o à 633 


ted^?y^d%t^^/ 




^ 



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(•*) ElAcliàlh 598 

(•••) Mohainmed ^35 

(••••) AIhIi rrahniàfi ^^ 



(*) Celle généalogie da t 
C*) El-Achilh moariit e| 

(***) Sa mère était Ouinij fui tu*- ilan» l^iiuiV «le J. C 0>6, en coiuballani clain l'araiéo 
(le Alouib contre Mokhiàr. | 
i^***) Il se tua luimémel 



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Càb. 



Sàïda. 



'kiya. 



es vers Tan de J.C. 
68 



Àncà. 



i34 



167 



.lUira. . . a33 



-Cai 



ucal 



. .jnir . . . a66 
...*.... 299 
.lîlays.... 33a 



.Moâwia «../. 365 



.Omeyya DKayd. . . 398 



Fei 

pi 

d' i 



|hn cl 



43o 



.Hârith î.*.... 43i 



460 



.Haycha IWâil... 464 

. Cays (jocbam. 497 



530 



.Hàrilh ^.Àslat. 53o 



55o 



Hâlib iou-Cays. 563 

itM-ndé 58o 



Vati €14. 



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lU viu. 



CORATCHITES. ANCÊl 



:2k. 



.MODBAR. 



1 



1 



1 

MoDRicA Bàm. .Badjilt. 



.Kboxatma. 

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Nés vers Taii 

x3o 
avant J. C. 

97 
64 
3i 

après J. C. 
35 
08 



KnrinA. 



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/mité, toM. X. A. 



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.MÂLOL. 
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i34 



167 



Dhamra. . . FiBa-GoaATca. .4 aoo 

Hâritk..GHl] 



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LOWAT. 

> 



I Amir. 



...Cà6 . 
Mottnî . 



Ktm 



Cossay , 



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299 
33a 

365 
398 

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u vm. 



Nés 
3ao 



35o. 



38o 






410. 



Hoçnjrs. 



fiés vers Tan 
deJ. C. 

«99 



33a 



365 



•ah. .Sabm 39» 



440 



470 



5oo. 



.Abi. 



silib. 470* 



53o. 



Howayrilh..W 
Othmàa. 540 



56''. 

Hamza. 569/ 



43i 



464 



497 



53o 



563 



596 



g) Aboa-Becr, né s ans e^ 
h) Omar, mort en l'an »3 
>) KhftUd. mort en l'an si 
j) Djàfar, mort à Monta | 
il) AU avait de 9 à 11 aiisl, , || ,, ms lorsqu'il 
éponsa Fàtima, fille d^ 



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lA. 



i54 



ail 



>4( 



5o» 



331- • 



. CbatbIh. 



36| 



.Dhohl. 

I 



39l 



Mouhallim Chaybin . 



Auf Sadous 

/^^fompagnom de Hodér-ÀkU-el-Morâ/t. 

Oamm-Iy&s 43o 

% thalabanienne de 
éophane, mère de 
ârith^wnt tabl.yî. 



45J 



p. 475. 



Nés vers l'an 
deJ.C. 

.. 3«5 



4«< 



5ci- 






Djessââ. 475. 
Meurtrier de Colomb. 



.W\ 



410 



440 



470 



5o4} 



54<' 



5701 



.jcân. 



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Utscn, p. 13, édit. deGolIwaldt. p. 107). 



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AU IX, F 



Né$ vers Vi 
i5o 

x8o. , 



.Djoch4 



Zohai 

I 



Nés vers l'an de J. G» 
. . . . 375 



Cdthoam. . .na. . . . 
Jfégoeié\ Taçhlib 



taguerre 



quitepttamiê, 
— e<f 



400 

495 

45o 

476 

5oo 
6a5 



lefftra, 
eUUut, 



léftlofia d'Amr, fi^tboum f 
l'afut Ttinoi. 



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ÎAU X, 



Nés vJ 
dei 



Nés vers Tan de J. C. 
68 



I 



"H 

Amr. 



^5q 

I 

i83Î 

I I Zharib a66 

^%4 MotuMbbeh 



AdwJUi i34 

Tachcor. ... 167 

Bacr 30O 

Amr 333 



3 15^ TiiAKiF-Kaciy. 



a99 



34^. 



.Auf. 



I » 

38Î Mourra. .Sàd. 



n 

^ lomayr .Saloul . . Amr. 



447 



48o|câ) ,diayr Mélik. 



5i3 



546 



579 



.Càb. 



Ahwas.5o6..Jama Moàttib 5io 



Auf. 53a. I 1 

Oi^ir Abou-Amir-Maçôud . . Saïama 54o 

Ôlàtha.sïs!" I 

I I 1 

a3rra..Orwa. . . .Choba.. .Ghaylàn. . . 570 



Alcama.584. 

Kirra Moghayra 600 



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u vm. 



CORATCmTES. AlfCÈH 



2k. 



kt Nadhr. . 



.MODHAR. 



.AuniAr. 



MODRICÀ. 



.KBOZATlfA 

I 



làm. .Btdjila. 



Nés vers Taii 

i3o 
avant J. C. 

97 
64 
3i 

2 

après J. C. 
35 

r>8 



KnrliTA. 

L_ 



.MIlul. . i 



Dhamra. . .KiBa-CoRATca. 



tuite, tabt. X. A. 



i34 



167 



Hâritli 



Aniir. 



— I r 



LOWAT. 

I 



.Cà6 



Mourr 



Kim, 



Cossay . 



a33 
a66 

33a 

365 
398 

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u vni. 



Nés 
3ao 



35o. 



CtLlB ,Aiiir. 



38o. 



4x0 



440 



470 



5oo. 



53o. 



Nés vers Tau 
deJ. C. 

«99 



Hoçiys 33a 



Abi. 



i\ib, 470. 



56". 



Howayrith..^ 
OthmAo. 540 



Hamza. 569^ . . 



-u 



g) Âbou-Becr, né a «os e^ 
h) Omar, mort en l'an a3' 
) KhAlid, mort en l'an a| 
J ) Djjàfar, mort à Monta | 
i) Ali aTait de 9 à i x aii^. 
époasa FitioM, fille d< 



365 



•ph. .Sabin. ... ZgÈ 



43i 



464 



497 



53o 



563 



596 



a I è aa ani lorsqu'il 



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A. 



iSI 

an 

a4l 



î>7« 



3o< 



33r' 



.ChatbIit. 



361 



.Dhohl. 

I 



' Mouhallim ..... Chuybào . 



M 



Auf Sadous 

^^^fûmpagnotu de Ho^iff^Akil-el-Morâr. 

Oumin-Iyàs 43o 






^ thalabanienne de 
èophane, mère de 



. 475. 



Nés vers Tan 
de J. G. 

.. 385 



ifft. 



Djessâs. 475. 
Meurtrier de Colmtb. 



410 



440 



470 



5ij. 



,m\ 



5oo 



544. 



570I 



.jzân. 
^hemrCdr. 



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UMen, p. la, édit. de GoUwaMt. p. 107). 



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AU IX, Il 



Nés vers fi 
i5o 

x8o. 



— I 

.DJ0CH4 



Zoha] 



Odthoam. 



1 Néoooié 



UUut, 
I. 



néâlofia d'Amr, 
l'tTUt TaincQ. 



TùQkiib 



fiMtboiBf 



Nés vers l'an de J. G» 
375 



400 

49& 

45o 

476 

5oo 
5a5 



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ÎAU X, 



Nés vers l'an de J. C. 
68 



I 
Ainr. 



lOl 



ADWiUf i34 

Tachcor. ... 167 

Bacr aoo 

Amr a33 



I Zbarib a66 

•Mouiiabbeh 



.ToAÛF-Kaciy. 
...... Auf. 



Amir. 



«99 



1 

.Biourra..Sàd. 



. |omayr.Sak>ul. . Amr. 
Càb. 



câ). 



. jdiayr Mélik. 



I 

Ahwas.5o(}. . lama Moàttib. 

Auf. 53a. 



OrHir 



Dlàtha.558. 



X 



. . .Aboo-Amb-Maçôud. .SaUma 



I 



5io 



540 



ayra..Orwa. . . .Choba.. .Ghaylâo. . . 570 



Alcama.584. 



mrra. 



.Moghayra 600 



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rtie A et tableau riIL 



Nés vers l'an 

de J. C. 
. . . i8o 



.Abdallah, aïo 



a4o 



.tlàrith. 



.Cotaya. . 



3oo 



33o 



36o 



390 



4«o 



5a5. 



. .EowAha. 
Dja 



. Zohayr. 



ChAs. 535. 



55. 

<atttUI$ 

585. 



outre 



)45. 



lawàfi. 675 



MU lu calUtt rojld. 



.Cayi. 



45o 
480 

5io 

540 
570 



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Vét vert l'an de J. C. 
xio 



.Zayd-Monàt. 



i5o 



1 



. .SÀD*^ JLC4T8. 180 



radj. 



. iya. . . a5o 



.nir.... a8o 
./ouf.. 3io 



..Zayd. 



.Odas. 



. Zorâra . 



. jub.... 340 

d'Ans, 
tUldm. 

370 

d 3:8 



r 

.Mourrai 4oo 



.4o<> 



.Nizâl. 43o 



.439 



.Olwd^ 46(» 

nâr 47a 



.Hafs^f 



490 



ïà. 



. Hoça4 • 



fi 538 

Hâdjib....Màbad L^J.g- 



Olàrid:..£l-irakâ. 



pretente à • 
lomef en «io. , 



. Cavs 



Dhirâr. 

El-Ahj- ... 610 

Mort entre h 
«7-71 de l 
9M-9»ode 
Cayj. 



Le poète Karir^ 

/ns d^AUya, 

fait une élégie sur sa mort 

{BamUça,p.\9a.} 



580 



640 



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