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SARCOME DE LA CHOROÏDE
M£LàNO$ë (JNTftA4)CULAtHË
PUBUCATIONS DU MEME AUTEUR.
io Atlas fie plaies par armes de tc^K^rrc : 22 planches lithographiques
dessinées îi la fin do la guem; de 1870-1871, sur les préparations analomiqiies du
D*" Vaslin, d'Angers; publié dans la thèse de cet auteur. Paris, 1872.
2^ Xotc sur un cas de cysticerque ladrique sous-cou joue ti val.
{Gazette des hôpitaux, juillet 19 et 20, 187:J).
3® De rinoculation blennorrhéique comme moyen caratif du
pannus fi^ranuleuK [Bulletin de thérapeutique, septembre 1873).
4° Des parapicflfics. Mémoire couronné par la Faculté de médecine du Paris
{Sous presse).
De €|uel€iues syphilides ulcéreuses tardives et de leur traite-
ment {Gazette des hôpitaux, septembre 1873).
G^* L'n cas de kératite bulleuse. Nombreuses récidives; guérison fiar les
courants continus et par Tiridectomie {Union médicale, novembre 17 et 19, 1873}.
A« Pauë>;t, imprimeur delà Faculté de Méd( ci'ie, ruo M -le-Prince, ^1.
ÉTUDE
CLINIQUE ET ANATOMIQUE
SUR LE
sàrgomë dë la choroïde
KT SUR LA
MÉLANOSE INTEA-OGULAIRE
PAR
Le D' Léon J^IËRE
Chef de clinique du D"^ Sichel,
Lauréat de la Faculté (Prix Corvisart 1872, Médaille d'or),
Ex-aide chirurgien aux armées de Metz et de la Loire (Médaille d'argent),
Interne provisoire des hôpitaux de Paris.
PRINCIPIIS OBSTA.
Onvrage orné de A Planches lithographiques dessinées par l'auteur
et de 5 Tahleauz statistiques.
: ^ : ; r . . i - . • ' v v \
PARIS
ADRIEN DELAHAYE, LIBRAIRE- EDITEUR
PLACK DE l'ÉCOLE-DG-MÉ DECINl::
1874
INTRODUCTION.
Dans les premiers mois de 1872, j'eus Toccasion d'observer
avec mon maître, M. le D' Siebel, un fait clinique extrême-
ment intéressant de sarcôme de la choroïde. Cette affection
avait d'abord été prise pour un décollement simple de la ré-
tine. Mais, en se basant sur quelqi'es symptômes qui seront
détaillés plus loin , le diagnostic fut bientôt posé d'une façon
plus rigoureuse, après un examen ophthalmoscopique pro-
longé et minutieux ; on prévint le malade du danger qui le
menaçait : une tumeur existait dans son œil, et celle-ci néces-
siterait l'ablation de l'organe ,^ car des symptômes alarmants
ne tarderaient pas à se montrer. Dix mois après , il revint
tourmenté par des douleurs épouvantables: son œil présen-
tait tous les symptômes d'une attaque de glaucome suraigu.
Devant ces phénomènes il n'y avait pas à hésiter ; Ténucléa-
tion de nouveau proposée fut enfin acceptée, et Texamen de
la pièce anatomique, qui eut lieu ultérieurement, confirma,
d'une façon évidente, le diagnostic porté depuis un an. Une
fois de plus Tophthalmoscope avait rendu un signalé service.
Il est regrettable que ce moyen d'exploration, d'une impor-
tance tellement capitale, soit d'un maniement si délicat, car,
tel que nous le possédons, il restera le privilège des spécia-
listes et de quelques médecins. Il faut, en effet, examiner
souvent avec Tophthalmoscope pour bien voir, pour inter-
préter sagement. Il est plus que probable que sans son secours,
l'attaque glaucomateuse dont nous avons parlé aurait pu être
prise pour un glaucome aigu simple , et que l'affection , sui-
vant son cours, n'aurait été reconnue qu'après l'envahisse-
48493
— 6 -
ment de Torbite par la tumeur, ou du moins longtemps après
avoir pratiqué une iridectomie dont le résultat eût élé de
hâter la marche du néoplasme. Une opération pratiquée alors
aurait été de nul effet, et Taffection serait rapidement arrivée
à la période de généralisation ou de métastase.
Pendant que j'observais ce malade, je cherchai dans les
auteurs la relation de cas analogues à celui qu'il présentait, ou
une description délaillée des twneurs sarcomateuses de la cho-
roïde. Dans deux ou trois livres classiques d'ophthalmologie
les plus modernes , quelques pages à peine sont consacrées à
leur étude. D'autres ouvrages en font à peine mention ou ne
citent que le nom du sarcôme , sans exposer les symptômes
cliniques. Aucune thèse n'a été soutenue à la Faculté de mé-
decine de Paris sur cette question ou sur une autre qui s'en
rapproche. Je dus, pour étudier cette maladie d'une façon
plus complète, recourir aux grandes revues d'ophthalmologie,
où je rencontrai des observations détachées , dont les pre«
mières datent d'une vingtaine d'années, des faits isolés, quel-
ques leçons cliniques , mais aucun travail de longue haleine ,
sauf dans le livre de Knapp sur les tumeurs intra-oculaires ,
publié à Carlsruhe en 1868. Le 18 janvier 1873, M. le Si-
ebel consacra à l'étude de ces tumeurs intra-oculaires l'une de
ses leçons cliniques, sur laquelle j'ai pris quelques notes que
je mettrai aujourd'hui à profit. Enfin, il y a quelques mois, deux
autres malades atteints également de sarcôme de la choroïde fu
rent opérés sous mes yeux parM. le D"^ Siebel, et l'examen ana-
tomique vint de nouveau justifier le diagnostic et la nécessité de
l'intervention chirurgicale. Je résolus alors d'utiliser ces trois
observations cliniques, de recueillir et de grouper celles que
j'avais rencontrées dans les livres de littérature ophthalmo lo-
gique, et de faire rhistoire de cette terrible affection.
Dès le début de mes recherches je reconnus qu'elle se rat-
tachait par beaucoup de points à la grande question de la mé-
lanose intra-oculaire décrite surtout depuis une quarantaine
d'années. J'ai donné alors plus d'étendue à mon travail , en
m'appliquant à réunir, en même temps que les cas de sar-
come de la choroïde, tous les cas de mélanose intra-oculaire
afin de connaître la fréquence, la marche et la gravité : 1® des
faits décrits comme mélanoses , nom sous lequel on confon-
dait d'abord toutes les tumeurs de Tceil présentant une colo-
ration noire, et qui, avant l'ophthalmoscope , n'étaient diag-
nostiquées le plus souvent qu'après la rupture du globe ; par
conséquent, à une période où la généralisation est, pour ainsi
dire , infaillible ; 2'' des observations mieux étudiées depuis
l'immense découverte de Helmholtz et qui ont été décrites
sous le nom de sarcome, de mélano-sarcôme de la choroïde,
observations dans lesquelles le diagnostic porté à une période
plus près du début a permis d'enlever Torgane, alors que
ses enveloppes sont encore intactes; ce qui donne lieu d'es-
pérer qu'on a mis obstacle à la dissémination du néoplasme.
C'est cette étude que je soumets aujourd'hui à l'appréciation
de mes juges. Je les prie d'excuser les défauts qu'ils pour-
ront rencontrer dans l'exécution de la tâche que je me suis
imposée, en considérant que les premières descriptions du
sarcome de la choroïde sont de date encore récente, et qu'un
jeune observateur n'a pas eu l'occasion d'examiner beaucoup
de ces faits par lui-même.
Je ne me dissimule pas l'importance du sujet. Le sarcome
de la choroïde est assez fréquent, et il est capital pour te mé-
decin qui s'occupe d'ophthalmiatrie de savoir le reconnaître à
temps, car d'un diagnostic bien ou mal assis, d'une indica-
tion comprise et remplie au moment opportun, ou méconnue
et différée , peut dépendre la vie ou la mort d'un malade.
Tenant à donner aux observations qui me sont personnelles
une authenticité absolue, je n'ai pas voulu les publier sans
- 8 —
que les examens histologiques faits d*abord par M. le D' Si-
ebel, puis par son chef de clinique, fussent de nouveau véri-
fiés par une personne n'ayant aucun intérêt aux faits cliniques
et pouvant par conséquent donner des diagnostics anatomo-
pathologiques d'une valeur incontestable. M. le D' Poncet,
professeur agrégré au Val-de-Gràce, et dont l'expérience en
micrographie est bien connue, a bien voulu se charger de ces
examens histologiques et me remettre une note détaillée et
conflrmativo sur chaque cas. Je le prie d'agréer ici, pour le
concours si précieux qu'il m'a prêté, l'expression de ma sin-
cère gratitude.
Avant d'écrire ce travail, je me fais un devoir de remercier
M. le D' Siebel de l'extrême obligeance qu'il a eue envers
moi en mettant à ma disposition les rares collections de sa
bibliothèque, véritable trésor scientifique qui m'a permis
d'établir une bibliographie complète de la question et de con-
sulter des ouvrages, soit anciens, soit modernes, que je n'au-
rais pu me procurer autrement. Je garderai également un
excellent souvenir de toutes ses leçons cliniques , dont il sait
doubler la valeur en alliant à la voix du maître qui enseigne,
celle de l'ami qui conseille.
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§ 2. Mélanose intra-ocidaire (1).
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Gaz. des hôp., p. 651, et Annales d'oculist., t. LXVIII,
p. 183.
Après avoir parcouru du regard un index bibliographique
aussi étendu, il pourrait venir à l'idée que la question du
sarcome de la choroïde a déjà été l'objet de nombreux et
longs travaux. Il est bienloin cependantd'en être ainsi, comme
va rétablir l'historique de cette question . Seulement nous avons
cité, dans le § 1** Sarcome, ainsi que nous devions le faire, le
nom de tous les auteurs qui ont publié des observations, même
d'une valeur relative, concernant cette variété de tumeurs, sauf
à désigner plus tard ceux qui ont plus étudié le sujet que nous
traitons.
ÉTUDE CLINIQUE ET ANATOMIQUE
SUR LK
SARCOME DE LA CHOROÏDE
ET SUR LA
MÉLANOSE INTRA-OCULAIRE.
Principiis obsta...
CHAPITRE PREMIER.
HISTORIQUE.
L étude du sarcôme de la choroïde est de date beaucoup
plus récente que celle de la mélanose intra-oculaire. Aussi,
bien que celle-ci ne soit pas le but direct de notre étude,
croyons-nous devoir donner d'abord au lecteur un aperçu
rapide des principaux travaux qui ont été publiés sur sa
pathologie, parce qu'ils ont conduit peu à peu les observateurs
et les micrographes à l'examen des mélano-sarcômes de la
choroïde. Nous ferons ainsi, en même temps, la première
partie de l'historique de cette dernière affection, puisque les
mélano-sarcômes ont été autrefois confondus sous le nom
général de mélanose intra-oculaire.
Les auteurs des mémoires qui ont paru avant 1820 sur le
fongus médullaire et sur le fongus hématode ont réuni, sous
— 22 —
l'un de ces noms, les affections malignes de Tœil qui ont leur
point de départ dans la rétine et dans la choroïde.
En 1804, Abernethy (1) avait donné le nom de sarcôme
médullaire à ce que nous appelons aujourd'hui gliôme de la
rétine. Les malades qu'il a observés, ainsi que ceux dont parle
Wardrop quelques années plus tard (1815), sont des enfants ;
les symptômes cliniques que nous retrouvons dans ces obser-
vations de sarcomes médullaires, et dans celles qui ont été
désigaées par la suite sous la dénomination de fongus médul-
laire, se rapportent entièrement à Tépouvantable affection que
nous venons de nommer. Si nous avons mentionné ces tra-
vaux dans l'indication bibliographique, c'est que, dans la
plupart, on trouve quelques phrases qui désignent assez net-
tement quelques caractères, et notamment la couleur noire
présentée par plusieurs tumeurs intra-oculaires atteignant les
adultes ou les vieillards, couleur comparée à celle de la rate
{lieni similis, fuscuSy nigrior fungus). On comprend qu'ils ont
enlrevu la mélanose intra-oculaire ; mais leur attention se
porte principalement sur le fongus médullaire des enfants. De
plus, cette dernière affection a été confondue par eux avec les
sarcomes blancs, leuco-sarcômes et flbro-sarcômes. Nous
devons donc les mentionner en commençant Thistorique de
ces tumeurs. Mais comme beaucoup n'offrent, pour le but que
nous nous proposons, qu'un intérêt très-relatif, nous avons in-
diqué par le signe * les auteurs qui ont plus particulièrement
parlé de la mélanose intra-oculaire jusqu'à 1850. Depuis cette
date, tous les noms qui se trouvent cités ont directement traité,
les uns de la mélanose simple, les autres du cancer mêla-
nique; distinction qui produisit une grande discussion, comme
nous le verrons plus loin.
En 1820 parut le Mémoire (2) de Maunoir de Genève, lequel
(1) Abernethy, Chir. observât., 4804, p. 99.
(2) Maunoir, Sur le fongus médullaire et hématode, Paris, 1820.
— 23 —
fit faire un grand pas à la question des tumeurs intra-ocu-
laires, en distinguant le fongus hématode» dont il plaça Tori-
gine dans la membrane vasculaire, dans la choroïde, et le
fongus médullaire naissant comme ses prédécesseurs Tavaient
établi, dans le tissu nerveux : « Fungi meduUaris in syste-
« mate nervoso, fungi autem hœmatodis in vasculo posuil » (1).
Cette division fut vivement attaquée (multis disputationibus
«ansam praebuit). » Dès Tannée suivante, Scarpa, Walther,
Schayer Eliason, n'acceptèrent pas cette idée. Breschet (2)
établit bientôt quatre variétés : rie carcinôme encéphaloïde
ou cérébriformë ; 2** le carcinôme mélané, avec une masse
noire tuberculeuse; 3° le carcinôme hémaiode, coagulation
'sanguine ressemblant à la rate et au placenta ; 4** le carci-
nôme fongoïde, formé par une substance fongueuse et aréo-
laire. Pour expliquer la coloration sombre des tumeurs ocu-
laires, Laënnec disait que le fongus médullaire de l'œil
ressemblait d'abord à de la matière cérébrale, puis, qu'à me-
sure qu'il grandissait, du sang s'extravasant dans son tissu, il
prenait une teinte rouge ou noire. Quelle que soit la valeur
de ces hypothèses et des opinions plus ou moins justes qui
ont été émises pendant les années suivantes, nous devons
reconnaître que la division de Maunoir était excellente et que
le fongm hématode^ naissant dans la choroïde j répond par f ai"
tement au sarcôme actuel de cette membrane; de même, le
fongus médullaire au gliôme actuel de la rétine. Car les mots
changent avec les hommes, mais les maladies restent.
En 1824, le Mémoire de Gunther (3) contenait des cas très-
nettement exposés de mélanose intra-oculaire accompagnés
de l'examen anatomique. Nous avons surtout remarqué les
obs. 17, 39 et 54. La généralisation d'un cancer mélané de
(1) L. c, J. Schayer Eliason, thèse inaug., Berlin, 1827, p. 22.
(2) Breschet, Considérât, sur la mélanose. Paris, 1821.
(3) Gunther, Analecta ad anatomiam fungi medullaris, Lipsiœ, 1824.
— t4 -
rœil est exposée dans Tobs. 39 : c Aûho ono et dimidio post
c bolbi extirpaiîonem dilapso, non solum novos tntnor in
« orbita, sed tomores eiîam in ploribos corporis regionibos
'« crodelissimos dolores iaurentes apparebant. » L'obs. 34
nous donne également nn exemple de cachexie cancérense
après l'extirpation d'ane mélanose ocolaire. Dans la cavité
ocolaire on avait trouvé, en efiet : « massam obscnram
c pigmento nigro similiimam. »
Nous avons cité ces observations parce qu'elles sont les
premières que nous ayons rencontrées, et qu'en cette qualité
elles méritaient d'être connues.
A dater de 1838, un grand nombre d'auteurs ont écrit sur
la mélanose oculaire.
Dans le premier volume des Annales d'oculistique de Cunier
se trouve un Mémoire de Lawrence (1) sur cette question.
L'étude des symptômes cliniques se complète ; les indications
deviennent plus précises. L'auteur comprend la gravité de
l'affection dont il s'occupe; il conclut qu'il feut opérer, et que
Ton a d'autant plus de chances de succès que Tintervention
est plus prompte. Le pronostic est toujours douteux, dit-il :
dans la plupart des cas, le malade meurt après l'opération
des suites d'une maladie secondaire du foie. Les cas de
Prael(2) et de Malgaigne, publiés en 1839 et en 1841 (3), et
quelques autres, vinrent confirmer l'opinion, alors accréditée,
que la ménalose oculaire était une affection irès-maligne.
Velpeau la partageait complètement, et contribua à la répandre
en disant que le cancer mélané de l'œil était le pire de tous les
cancers. Il les opérait néanmoins, alléguant pour raisons* que
Ton compte quelques exemples de guérison et qu'on ne risque
(1) Lawrence, Annales d'ocolistique, t. I, p. 33. 4838.
(2) Prael. Schmidl JahAûcher, B. XXII, p. 338.
(3) Malgaigne, Gazette deshôpit., t. III, p. 219 et Revue méd. chir.,
t. XII, p. 371. I85i.
— 25 -
rien à opérer, puisque la maladie ue fait jamais grâce et tue
tôt ou tard (1). »
Foltz, de Lyon (2), attribue, en 1849, la mélanose aux ma-
tières grasses du sang incomplètement élaborées et se dépo-
sant dans leurs émonctoires naturels; il admet un état diathé-
sique du sang et conseille l'ablation complète de Tœil atteint
de mélanose. Nous retrouvons cette dernière opinion dans les
conclusions du professeur Stœber (3), qui se repent d'avoir
cru un instant, en 1830, à la bénignité de la mélanose et de
l'avoir laissée progresser sans intervenir ferro et igni, et se
prononce très-franchement en faveur de l'extirpation.
Au milieu de ce consensus général sur la gravité de la méla-
nose^ des opinions contradictoires finissent par surgir. J. Si-
ebel et Pamard (d'Avignon) (4) élèvent bientôt leur voix, et,
en 1853, publient différentes observations tendant à prouver
que cette affection n'est pas aussi maligne que leurs prédéces-
seurs Tout déclaré.
Le premier de ces auteurs fait paraître, vers cette époque,
une observation de mélanose intra-oculaire chez une femme
de notaire qui aurait guéri sous l'influence d'une médication
énergiquement révulsive, et se serait terminée par l'atrophie
du globe. Sans préjuger en ce moment de la valeur de ce fait,
qui sera critiquée quelques années plus tard par \. von Graefe,
nous dirons qu'il appartient à l'exception, au milieu de la
règle générale.
Le second avait eu la main^encore plus heureuse en rencon-
trant 2 ou 3 cas de mélanose simple, comme les observateurs
suivants reconnaîtront qu'il en existe, bien qu'en très-petit
nombre. Mais tous les médecins n'avaient pas le même bon-
(1) Velpeau, Journal des conn. méd. chir., t. X, p. 179.
(2) Foltz, Ann. d'oculistique, 4849, p. 430.
(3) De la nat. cancéreuse de la ménalose. Strasbourg, 1853.
(4) Pamard, d'Avignon, Ann. d'oculistique, t. XXXIX. p. 25, 4853.
26 -
heur, et, quelques mois plus tard, Tavignot (1) venait contre-
dire Tavis de Pamard et augmenter le nombre des partisans
de la malignité, en avouant qu'il n'a observé que des réci-
dives; il admet toutefois, sur le témoignage de Fauteur
d'Avignon (une guérison qui se maintenait depuis vingt ans),
qu'on peut rencontrer quelques dàs isolés de mélanose béni-
gne. J. Siebel distingua de même, en 1857 (2), deux espèces
de mélanoses. Tune simple^ dont la marche est régulière,
l'œil se remplissant peu à peu de matière mélanée déposée
entre la choroïde et la rétine; l'autre cancéreuse, dont la marche
est généralement irréguHère et produit finalement la dégéné-
rescence de tout le globe.
Citons encore l'opinion de Lebert (3), qui reconnaît que
derrière la mélanose se cache très-souvent le cancer, et que
cette variété de carcinôme mélané a une tendance très-marquée
à la généralisation.
Au chapitre du pronostic, nous aurons l'occasion d'étudier
ces différentes opinions.
C^est au milieu de ces avis un peu opposés sur la nature de
la mélanose, qui, pour les uns, était toujours cancéreuse, et,
pour les autres, souvent cancéreuse, mais parfois bénigne,
c'est, dis-je, au milieu de ces publications qu'apparurent les
premières observations de sarcome de la choroïde. Nous
laisserons donc maintenant au second plan les observations
de mélanose publiées dans les années suivantes, et qui seront
du reste consignées dans le tableau général que nous en avons
dressé. La plupart des cas publiés de 18S5 jusqu'à nos jours
sont désignés sous le nom de mélano-carcinômes. Parmi eux
se trouvent encore, sans aucun doute, des faits de sarcomes;
mais nous ferons un choix et nous n'accepterons que ceux qui
(i) Tavignot, Ann. d'ooulist., t. XXXK, p. 279.
% J. Siebel, Gazette hebdom. de méd. et de chir., 22 mai <857.
(3) Lebert, Traité d'anat. pathol. génér. et spéciale, t. I. p. 120.
— 27 —
présentent incontestablement la structure histologique du
sarcôme. Celui de Gluge (i) est de ce nombre, et c'est le pre-
mier que nous avons à mentionner.
Bien que Tauteur ne prononce pas le mot de sarcôme,
l'examen histologique qui mentionne explicitement, dans la
tumeur intra-oculaire, une structure se rapprochant de celle
du tissu cellulaire, ne peut laisser de doute sur sa véritable
nature. Dans les années qui suivent nous entrevoyons de
nouveau le sarcôme dans les examens histologiques de Le-
bert, où il est fait mention à chaque ligne des fameuses cel-
lules dites cancéreuses, cellules fusiformes, à gros noyau,
pigmentées ou incolores, du sarcôme des auteurs modernes.
Sichel père battait en brèche et non sans raison la théorie de
Lebert sur ces cellules cancéreuses, mais il tombait dans un
excès contraire en accordant à la mélanose plus de bénignité
qu'elle n'en possède en réalité.
La première observation bien détaillée de sarcôme de la
choroïde que nous avons trouvée est celle que contient l'ar-
ticle de Graefe(2), paru en 1858 dans ses Archives, sur le dia-
gnostic des cancers intra-oculaires; l'examen histologique est
de Virchow. La malade était une femme âgée de 28 ans.
Gomme il nous arrivera souvent de le constater, le fait est
publié peu de temps après qu'il a été étudié, et les détails sur
la marche ultérieure de la maladie, après l'opération, font ab-
solument défaut. Lacune regrettable, car une bonne obser-
vation devient ainsi d'une valeur très-relative pour ceux qui
l'étudient par la suite, puisqu'on ne peut établir avec elle de
données précises sur la question du pronostic.
Dans le courant de la même année parut le cas de Dor, pu-
bUé peu de temps après, et qui a été reproduit dans les Traités
(1) Gluge, Archives de la médecine belge, t. VI, p. 525.
(2) A. von Graefe, Archiv fûrOphthal., 1858, Abth, II, p. 218.
de Mackenzie (1) en 1865, de Wecker(2) en 1867 et de Fano{3)
en 1866.
Vinrent ensuite les observations de Graefe en 1860 et de
cette année à 1864, celles de Hulke, de Niessl, de Klebs, de
Jacobi, de Schiess Gemuseus et de Knapp.
Jusqu'à cette époque il était admis que le sarcôme de la
choroïde n'atteignait qu'un seul œil; mais, en 1865, Lands-
berg.(4), Schiess Gemuseus et Virchow (5) publièrent à peu de
temps d'intervalle la relation de deux cas de mélano-sar-
côme qui compromirent d'abord un œil , puis le second. Ces
faits sont d'autant plus instructifs qu'ils plaident en faveur
de la généralisation avant l'opération.
Dans sa pathologie des tumeurs , Virchow (6) fait une étude
très-longue des sarcomes considérés en général et dans les
différentes régions de l'organisme humain. Arrivé au mé-
lano-sarcôme de l'œil et de Torbite, il établit trois variétés
dans la mélanose oculaire : 1^ des sarcomes simples ; 2** des
carcinôiues ; 3* des sarcomes carcinomateux , ou formes
mixtes. Cette division est basée sur une observation rigou-
reuse des faits anatomiques. Au point de vue clinique, on
pourrait supposer que les sarcômes simples ne sont pas ma-
lins comme les carcinomes. Virchow leur reconnaît , au con-
traire*, une grande malignité, et l'on peut dire, avec Lawson,
que la distinction est beaucoup plus histologique que pra-
tique.
Après quelques observations de Hulke , de Hart , de J. et
A. Sichel et de Wecker, dont nous reparlerons en temps et
(1) Mackenzie, Maladie des yeux, traduit par Testelin.
(2) De Wecker, t. 1, p. 547.
(3) Fano, t. II, p. 388.
(4) Archiv fur Ophthal. B. XI, Abth. I. p. 58, 1865.
(5) Archives de Virchow, t. XXXIII, p. 495.
(6) Pathologie des tumeurs, trad. par Arronssohn, 1866-4869, t. II
p. !27!2.
— 29 —
lieu , nous arrivons en 1868 au traité de Knapp (1) qui étudie
la question des sarcômes de la choroïde, en se basant sur huit
observations qui lui sont personnelles. Nous avons noté les
points qui nous ont paru offrir le plus d'importance dans cet
intéressant travail et nous les signalerons au lecteur quand le
moment en sera venu.
Billroth (2) (1868), dans sa Pathologie chirurgicale, ne
parle que d'une façon tout à fait incidente du sarcome de
rœil. En disant que les sarcômes deviennent rarement infec-
tieux, bien que se présentant souvent d'une manière multiple,
il donne au sarcome , suivant nous , une bénignité qui ne lui
appartient pas.
Durant cette même année (1868) parurent de nouvelles
observations dues à von Graefe,Demarquay, Hirschberg, Leber
et Landesberg.
En 1870^ Becker, professeur à Heidelberg, avançait beau-
coup l'étude des sarcômes choroïdiens , en faisant paraître (3)
dans le journal de H. Knapp et S. Moos un article sur le
diagnostic à la première période de ces tumeurs intra-ocu-
laires, alors qu'aucun symptôme ne fait supposer une affec-
tion oculaire sérieuse et que Tophthalmoscope seul peut nous
éclairer sur sa véritable nature. Les faits, rassemblés et cités
par Fauteur de ce travail, sont au nombre de 7. Les phéno-
mènes ophthalmoscopiques sont exposés avec netteté , et il
ressort de leur lecture que le diagnostic des sarcômes à la
première période est possible beaucoup plus souvent que ne
le pensait A. von Graefe. Becker croit qu'au début le sarcôme
peut, suivant son siège , tantôt être distingué d'une façon po-
sitive d'avec le décollement simple, tantôt rester confondu
(1) Die intraocularen Geschwûlste, p. 152 à 210.
(-2) Billroth, trad. par Colmann et Sengel, 1868, 47* et 50« leçons,
p. 730 et 803.
(3) Archiv fûr Augen und Ohrenheilkunde, B. II, Abth. IL p, 214.
— 30 —
avec lui. Ainsi, aux environs du corps ciliaire.ef près de la
macula, le décollement qui masquerait le néoplasme fait assez
souvent défaut pendant tout le temps de la première période.
Dans ces trois dernières années, l'attention des microgra-
phes a été appelée sur l'étude de cette variété de tumeurs, et
nous avons relevé une vingtaine de faits nouveaux.
Nous avons recueilli nous - même quelques observations
inédites qui nous sont personnelles ou qui nous ont été com-
muniquées par M. le D'A. Siebel, par M. leD** Poucet, pro-
fesseur agrégé du Val-de-Grâce , et par notre collègue et ami
le D' Gbirié. C'est avec tous ces faits que nous entreprendrons
la description des tumeurs sarcomateuses de la choroïde.
Afin de compléter cet aperçu historique , ouvrons mainte-
nant quelques traités généraux d'ophthalmologie parus depuis
une vingtaine d'années, depuis que la question des sarcômes
de la choroïde est à Tordre du jour; nous y trouverons quel-
ques détails instructifs, maistrès-restreints. Dans de Wecker,
1. 1, p. 546 à 551, dans Meyer, p. 252 à 255, et dans Stell-
wag de Carion, p. 616 à 628, la question est traitée d'une
façon élémentaire, en résumé, mais dans un résumé qui
donne parfaitement connaissance des faits. Galezowski, p. 707
et 708, no parle pas du pronostic des sarcômes de la choroïde,
ni des récidives possibles.
En 1860 le même auteur blâmait Dot déplacer ces tumeurs
dans la membrane vasculaire et leur donnait une origine sclé-
roticale. Nous dirons plus loin ce qu'il faut penser de cet avis
un peu prématuré. Les ouvrages de Schôn, de Sœmisch
(1861), de Pelz (1862), de Hasner(l866), de Stelwag de Carion
(1870), sont de même extrêmement sobres de détails sur les
tumeurs sarcomateuses choroïdiennes , quelques-uns même
n'en disent pas un mot; c'est ainsi que nous avons trouvé un
desideratum complet dans le traité de Rheindorf paru en 1871 ,
où l'auteur ne parle que du cancer mélané.
-31-
Si nous parcourons enfin les travaux de littérature ophthal-
mologique anglaise : Dixon (1855), Tyrrell (1860), Haynes
Walton (1861), Wharton Jones (1862), Bader (1868), Lawson
(1869) H. Power et Macnamara, il nous est facile de retrouver la
même concision, la même sobriété dans la description, parfois
le même silence, quant à la question du sarcômechoroïdien.
Lawson (1), p. 169 et 170, et Macnamara, p. 366, en disent
néanmoins quelques mots , et le traité de Soelberg Wells (2) ,
paru au commencement de cette année, contient une descrip-
tion assez détaillée des tumeurs sarcomateuses de la cho-
roïde , sur laquelle nous reviendrons. Il est facile de com-
prendre que les auteurs d*ophthalmologie n'aient pas insisté
sur les sarcômes de la choroïde dont ils ne pouvaient con-
naître que quelques observations (lesquelles suffisent pour
donner au lecteur une idée de l'affection ) , à moins de se
livrer, comme nous Tavonsfait, à une recherche longue et
minutieuse, difficile à faire pour toutes les questions, quand on
écrit un traité général.
Nous donnons de suite , dressé par ordre chronologique ,
le tableau des cas de sarcôme de la choroïde et de mélanose
intra-oculaire que nous avons relevés. Le lecteur pourra de
la sorte se donner une idée de l'âge des malades , des noms
d'auteurs, des principaux symptômes et des résultats obte-
nus; il embrassera ainsi dans un seul coup d'œil le terrain
sur lequel nous lui proposons de nous suivre. Toutes les ob-
servations portent un numéro d'ordre auquel nous aurons
recours, quand nous citerons telle ou telle particularité offerte
par un ou plusieurs de ces cas.
Nos recherches ont porté sur un grand nombre de revues
médicales modernes, parmi lesquelles la Gazette hebdoma-
daire de médecine et de chirurgie : la Gazette médicale de Paris,
(1) Lawson, Diseases and injuries of the eye, London, 4869.
(2) Soelberg Wells, Traité pratique des maladies des yeux, p. 470.
— 32 —
la Gazette des hôpitaux, rUnion médicale, la Revue médico-
chirurgicale de Malgaigne , le Journal des connaissances mé-
dico-chirurgicales, le Journal des connaissances médicales-pra-
tiques, TExpérience, la France médicale, les Archives de
médecine, les Mémoires de l'Académie de médecine, de TAcs^-
démie de chirurgie et de la Société de chirurgie, de la Société
anatomique et de la Société de biologie, le Bulletin de théra-
peutique, les thèses de Paris, Strasbourg et Montpellier, etc.,
les Archives d'ophtbalmologie de Jamain, le Journal d'ophthal-
mologie et les traités spéciaux cités plus haut. Mais c'est dans
les journaux étrangers que nous avons trouvé la plus grande
partie des observations ayant trait à la question du sarcôme
de la choroïde. Nous nommerons entre autres ouvrages les
Archives d'ophtbalmologie de A. de Graefe, les Archives de
Virchow, les Archives de Knapp et Moos, la revue de
Schmidt, le journal de Zehender, les thèses de Berlin, etc.,
sur le fongus hématode, Knapp, et différents traités de litté-
rature ophthalmologique allemande, le Wien. med. Wo-
chenschrift, les Annales d'oculistique de Gunier, de Warlomont
etTestelin, le Journal des connaissances médicales belges,
rOphthalmic hospital reports, l'Ophthalmic Review, le Médi-
cal Times and Gazette, The Lancet, divers traités de littérature
ophthalmologique anglaise, Boston médical, etc., The Mon-
thly Journal, les Annali di ottalmologiae, le Journal d'ophtbal-
mologie italienne et plusieurs autres ouvrages de pathologie
générale ou spéciale dont l'index bibliographique a fait men-
tion.
En résumé , les auteurs qui se sont le plus occupés de la
question des sarcômes de la choroïde sont : Poland, A, de Graefe,
Dor, Hulke, Jacobi, Schiess Gemuseus, Virchow, Knapp,
Landsberg, Hirschberg, Leber, Soelberg Wells, Otto Becker,
Berthold, Socin, Hasket Derby, Stellwag de Carion et A. Qua-
glino, Demarquay, de Wecker. J. etA. Siebel.
CHAPITRE II.
Nous commencerons Tétude du sarcome de la choroïde en
donnant :
1" La description du sarcôme envisagé à un point de vue gé-
néral, afin de faire connaître la variété de tumeurs que les
histologistes modernes désignent sous ce nom. Il n'est pas
sans importance, en effet, de bien déterminer ce point de dé-
part; car d'un côté, le mot sarcôme a été successivement ap-
pliqué à des tumeurs de nature très-différente, et, de l'autre,
ce que nous entendons actuellement sous le nom de sarcôme
a reçu des chirurgiens et des micrographes les dénominations
les plus diverses. Ne pas établir cette définition serait s'expo-
ser à n'être pas compris par quelques lecteurs.
2** Il sera utile de rappeler ensuite succinctement l'anatomie
do la choroïde; comment pourrions nous faire un pas vers
l'anatomie pathologique des tumeurs de cette membrane sans
connaître le sol dans lequel elles germent, croissent et se dé-
veloppent, et les rapports que celui-ci présente avec les diffé-
rentes parties du globe oculaire ?
S l•^ — Du sarcôme envisagé à un point de vue général.
Le nom de sarcôme^ dérivé de ak^i (chair), employé égale-
ment par les Allemands (Sarkoma), par les Anglais (sarcoma),
par les Italiens et par les Espagnols (sarcome), est une expres-
sion ancienne, dont les observateurs se servaient autrefois
pour désigner toute excroissance qui présentait quelque ana-
logie d'aspect, de structure macroscopique et de consistance
avec la chair musculaire. Il faut avouer que, si les sarcomes
observés par nos ancêtres ressemblaient au tissu d'un biceps
ou d'un muscle cardiaque, ces tumeurs ont singulièrement
Brière. 3
- 34 —
changé de physionomie, car rien ne ressemble moins aux
muscles de la vie organique ou végétative, qu'un sarcome tel
que nous l'entendons aujourd'hui, ou du moins Fanalogie est
loin d'être frappante. Cette comparaison, comme toute autre,
est donc défectueuse.
MM. Gornil et Ranvier(l) résument dans les termes suivants
l'historique des tumeurs sarcomateuses : aJ. Millier les a dé-
rites en partie sous le nom de tumeurs fibreuses albumiiioîdes.
— Lebert ayant remarqué que plusieurs de ces tumeurs con-
tiennent en abondance des cellules fusiformes, les appela
tumeurs fibro-plastigues. — Ch. Robin crut devoir séparer des
tumeurs fîbro-plastiques certaines tumeurs ayant avec elles
de nombreuses analogies, mais en différant par la forme
arrondie de leurs cellules, et il les nomma tumeurs embryo-
plastiques, d
«Paget donna aux tumeurs fibro-plastiqueslenom de recurr-
ing fibroid et en rapprocha certaines tumeurs ayant une
structure analogue à la moelle des os, et qu'il nomma myeloid
tumors. — Ces dernières furent appelées par Ch. Robin tKr-
meurs à medullocèks et tumeurs à myéloplaxes. — Enfin, Vir-
chow sépard des sarcomes quelques tumeurs qui, jusque-là
leur étaient réunies, et leur donna les noms de gliômes et de
psammâmes. »
Ces auteurs comprennent sous le nom de sarcome t des
■ tumeurs constituées par du tissu embryonnaire pur ou su-
t bissant une des premières modifications qu'il présente pour
« devenir un tissu adulte. » Ainsi, un tissu embryonnaire
dont les cellules s'allongent et forment un tissu fibreux avec
une substance fondamentale amorphe, nous représente un
sarcôme. De même, les bourgeons charnus, développés aux
dépens du tissu conjonctif et marchant vers la guérison, mon-
(1) Cornil et Ranvier, Manuel d'histologie pathologique, Paris, 1869,
p.li3,l.c.
— 35 —
trent toutes les phases embryonnaires du tissu conjonctif, et
certains sarcomes ont une structure semblable. Lés seules
différences qull nous soit donné d'observer entre le sarcôme
et le tissu inflammatoire, c'est qu'on peut saisir une origine
et une fin différente dans les deux cas. Lorsque le tissu in-
flammatoire a pour origine une plaie ou une maladie chro-
nique des os ou des articulations, sa fin sera Télimination ou
sa constitution à l'état de tissu normal permanent, une guéri-
son en unmot, tandis que le sarcôme continuera à croître indéfi-
niment. Quant aux éléments de ces deux néoplasios, ils sont
les mêmes d'habitude, quelquefois seulement plus gros dans
les sarcômes que dans les néoplasmes inflammatoires.
Billrolh venait d'exprimer la même idée dans des termes un
peu différents (1). Pour lui, également, la structure microsco-
pique du tissu sarcomateux appartient à la série des tissus qu'on
rencontre dans la néoplasie inflammatoire. Le tissu sarcoma-
teux, dit-il, ne correspond pas complètement à un tissu achevé
du corps, mais le plus souvent à la dégénération, pendant une
de ses périodes d'évolution, d'une espèce de tissu qui appar-
tient à la série des substances conjonctives, et se rapproche
tantôt du tissu conjonctif lui-même, tantôt du cartilage et de
l'os, quelquefois même du tissu musculaire, sans être pourtant
' du tissu conjonctif, cartilagineux, osseux ou musculaire, com-
plètement achevé.
Virchow (2) trouve que, pour lui, le sarcôme est une pro-
duction très-bien définissable. Il entend par cette expression
une néoplasie dont « le tissu appartient à la série des tissus
« connectifs et qui ne se distingue des espèces nettement tran*
(1) Billroth, trad. parColmann, p. 131, 1868.
{i) Virchow, Pathologie des tumeurs, tmd. par Aronssohn t. II,
p. 407, 4869.
JurnL jiremHir« uissmcunis rœ mus svbef nrâes
'û'xu Cîilî*-a iriiria.^. -sl -bSsl. oee^ nos feins otstur sccîs
i'îiirj^ "i*: î3Çf§ ^fTÇ^icif. v-'ig: :»5Îîâe is ûfâcs^âoŒB des
ô^r -^p^s riMyii fttf Wilde DencMi-
r*;?d^SL:jXjfoh^ ôtr Ili-aiiLé -z^i'r!^ <^3:>k:î avec les sar-
#3to^^ înr^ ies ±î?r:*-satr50c<ii€s des lis^ôirtdîte laodenies;
'.:J^c:jéa >J:fz^^^ ©eLii^rers \ z.- i-ya.-. iDèz«> corps fo^formes,
L n'y a iozi^ ;i2ls iieji de nmlùpîieri llnfim
1*?* Tiinér^ de$ i^îinieîiTS. Foliia appelle ésalfmeat àbno-plas-
t^r i^A iers V^^^ï^ Ti'Àifi^iTzieihj njinziîdî s3Li\>>3Des. Toal eo
i^csï^iUir-i que îa tumeur fibrc^-fuasifqise n'est aotne chose
*}ti*: le samVsue à ceîliiles fiisîformes, ou le sirctd^ne&scîcolé.
Vlreîiow rejette Teipressloa de fibi\>-fTlasûqne, sous pré-
texte qu elle a fait présomer qùe la lameur coicpûsée d'ua
iimx eoimectif ordinaire, non arrivé encore à maturité, n'en-
trainait a^jcune idée de gravité, et devait même être consi-
dérée comme une formation de bonne nature, tandis que le
^:aractére constitutionnel et malin de beaucoup de sarcomes
éUit connu depuis longtemps. Personne n'avait nié cependant
q*je le» tumeurs fibro-plastiquesn*ontaucunetendanceàguérir
d'elle^y-mémes, et qu'elles peuvent fréquemment récidiver et
pro'luire une véritable cachexie cancéreuse en se généralisant.
- 37 -
En résumé, nous avons vu que les tumeurs décrites actuel-
lement sous le nom de sarcôme ont « une structure qui pré-
« sente divers états intermédiaires entre le tissu embryon-
« naire et le tissu fibreux complètement organisé, et qu'au
<( lieu d'atteindre cette constitution définitive comme le fait
« un tissu de nature inflammatoire, elle suit toujours une
€c marche progressive, grâce à la production continuelle et
« exagérée d'éléments cellulaires. »
Les éléments constitutifs du sarcôme sont les cellules^ les-
quelles nous apparaissent avec des formes très-différentes, de-
puis la cellule sphérique nouvellement formée, jusqu'à la
cellule effilée en forme de fuseau présentant une partie mé-
diane renflée et deux extrémités, le plus souvent très-déliées,
uniques ou ramifiées, isolées ou présentant des anastomoses.
Ces cellules sont incolores ou pigmentées et offrent un ou plu-
sieurs noyaux ovoïdes à contours bien limités. Elles sônt jux-
taposées par faisceaux plus ou moins larges, plus ou moins
épais. Entre ces groupes d'éléments fusiformes, on aperçoit
des cellules rondes. Parfois celles-ci sont figurées par la sec-
tion de cellules allongées, section passant perpendiculairement
à leur axe.
A côté de ces cellules, il existe des éléments que l'on peut
regarder comme des fragments de cellules. Ils possèdent la
grosseur d'un globule blanc. Au centre, ils sont homogènes et
plus ou moins pointillés. Ils se présentent plus ou moins colo-
rés aussi bien que non çolorés (Knapp).
Quand, dans un sarcôme, on constate un grand nombre de
cellules fusiformes, on dit qu'on a affaire à un fibro-sarcôme
ou à une tumeur fibro-plastique.
Si, au contraire, les cellules rondes prédominent, on peut être
induit en erreur et prendre une tumeur ainsi constituée pour un
carcinôme. En nous occupant de l'anatomie pathologique des
sarcômes de la choroïde, nous verrons comment, dans ces
- 38 -
cas, on peut arriver^ par l'examen des rapports de situation
des éléments morbides (Virchow), à distinguer sous le champ
du microscope, si on a affaire à un sarcome ou à un carcinôme
proprement dit. Nous n'insisterons pas davantage sur la struc*
ture morphologique des cellules, sur la marche et sur le
diagnostic clinique du sarcôme ; tous ces points se présen-
teront successivement à notre examen dans le courant de ce
travail. Un mot seulement sur le pronostic des sarcomes.
Si vous distinguez le sarcôme du carcinôme, medira-t-on^en
faites-vous néanmoins unei tumeur maligne comme celui-ci,
mais distincte seulement par la forme de ses parties consti-
tuantes, ou lui accorderez-vous un caractère bénin comme le
veulent quelques auteurs qui le rapprochent des adénomes,
notamment Billroth, lequel dit que leur tendance infectieuse
doit être considérée comme une exception à la règle, bien
qu'elles puissent se présenter souvent d'une manière multiple?
Virchow (1) est d'un avis différent, et s'exprime d'une façon
très-précise sur la question du pronostic, t Les sarcomes ne
sont pas, dit-il, comme plusieurs auteurs le pensaient, des
tumeurs bénignes qui reviennent tout au plus localement, elles
se généraliseut et peuvent offrir toute la malignité des formes
carcinomateuses. A ceux qui seraient tentés d'attribuer cette
gravité à l'intervention chirurgicale, il répond qu'il ne connaît
pas un seul cas bien constaté de guérison spontanée d'un sar-
côme. » Mais il y a des degrés dans cette malignité des sarcômes ;
plus ils sont élevés en organisation, moins ils offrent de dan-
ger; réciproquement, plus l'organisation d'un sarcôme est
embryonnaire, plus terribles sont les conséquences qu'il en-
traîne pour le patient.
Somme toute, le sarcôme, différent comme structure his-
tologique du véritable carcinôme, lui ressemble beaucoup par
(1) Virchow, Pathologie des tumeurs, p. 482 et 254.
- 39 —
sa manière d'être ou du moins dans ses résultais. Celui-ci
peut être plus destructeur et plus envahissant, mais Fun et
l'autre entraînent la mort, souvent dans le même espace de
temps. La plupart des auteurs sont unanimes à reconnaître la
nature maligne du sarcôme, et, sous ce rapport, Tassimilent
presque complètement au carcinôme. Ainsi le juge Arnott (1),
qui dit formellement que le sarcôme est plus malin que Tépi-
théliôme, et, au point de vue clinique, le plus voisin du car-
cinôme. Suivant le même auteur, le plus grand nombre de cas
rapportés dans les journaux anglais, comme des cancers mous,
sont de vrais sarcômes.
S'il fallait limiter le terme cancer au carcinôme, suivant sa
structure anatomique, on serait surpris de voir combien il est
rare de rencontrer le véritable cancer médullaire primitif.
Nous verrons effectivement que les sarcômes ne se présentent
pas autrement par leurs symptômes que la véritable tumeur
maligne clinique, c'est-à-dire celle qui récidive, entraînant,
dans uu espace de temps assez restreint, un empoisonnement
de toute l'économie et une cachexie qui a toujours une termi-
naison funeste.
§ 2. 'Anatomie de la choroïde.
Nous prendrons pour guides dans Tétude de cette mem-
brane, ce qu'en ont écrit Kœlliker et Manz, comptant insister
principalement sur la structure histologique qui nous inté-
resse au plus haut point, car, dans les examens de nos pièces
anatomiques, il sera souvent question des différentes couches
et des éléments normaux du tissu choroïdien, ainsi que des
rapports affectés par le néoplasme avec telle ou telle partie de
ce tissu.
La choroïde est la membrane vasculaire et riche en pigment
({) H. Arnott, The médical Times, 13 janvier 1872. p. 34, 1. c.
— 40 —
qui se trouve entre la rétine et la sclérotique. Sa coloration,
extrêmement foncée, tranche entre la teinte claire des deux
autres membranes qui lui sont accolées. Perforée en arrière
pour laisser pénétrer le nerf optique jusqu'à la rétine, elle
est intimement unie à son névrilème et forme une sorte de
lame criblée que traverse perpendiculairement ce nerf. Son
épaisseur est à la partie postérieure de 0""",4 à 5; elle dimi-
nue au niveau de la région équatoriale, où Sappey ne lui
donne que 0"",3, pour augmenter de nouveau en se rap-
prochant des procès ciliaires (Imillim. suivant les uns, t^^jS
suivant les autres). La choroïde se continue en avant avec le
tissu des procès ciliaires et de Tiris, de sorte que ces trois
parties ne forment, pour ainsi dire, qu'une seule membrane,
laquelle a été désignée sous le nom de tractus uvéal. Si Ton
cherche à isoler le tissu choroïdien, on constate que sa face
interne est lâchement unie à la rétine qui s'en laisse détacher
avec une facilité surprenante, du moins dans ses deux tiers
postérieurs ; car, au niveau de Tora serrata, l'adhérence est
aussi intime qu'elle était faible dans les autres parties. Par sa
face externe, des vaisseaux et des filets nerveux et un tissu
connectif à larges mailles lui constituent des attaches assez
solides à la sclérotique, si bien, dit Kœlliker, qu'en séparant
les deux membranes, on laisse toujours sur la sclérotique
une portion plus ou moins épaisse de la choroïde, laquelle
est brune et a reçu le nom de lamina fusca ou tissu supra-
choroïdien.
Mais, comme on le verra bientôt, c'est à tort que quelques
auteurs en ont fait une membrane à part, intermédiaire à la
sclérotique et à la choroïde ; car cette division est purement
artificielle, la lamina fùsca appartenant, à tous égards, au
tissu choroïdien et n'en étant pas indépendante.
Celui-ci comprend 4 couches qui sont de dehors en de-
dans :
— 41 -
1^ La lamina fusca ou couche celluleuse ;
2^» La couche des gros vaisseaux ; artères et veines ;
3®. La membrane ruyschienne ou chorio-capillaire ;
4® La lamelle vitrée ou pigmentaire (tapetum).
Si Ton réunit la chorio-capillaire à la couche des artères et
des veines, la choroïde présente 3 couches (Sappey) :
1** Une couche externe celluleuse :
2® » moyenne vasculaire;
3® » interne pigmentaire.
Kœlliker divise la choroïde en deux parties :
1*" Une couche externe vasculaire, épaisse, qu'il subdivise
en trois couches secondaires: lamina fusca; couche vascu-
laire; chorio-capillaire.
2° Une couche interne pigmentaire (le pigment noir de
l'œil).
De travaux récents sur la physiologie de la choroïde il ré-
sulte que ce tissu connectif lâche, situé entre la choroïde et la
sclérotique, joue un rôle important et qu'on doit le considérer
comme un endothélium analogue à celui des plèvres, de Tara-
chnoïde, etc., et favorisant le glissement de la choroïde sur la
sclérotique.
L'hydropisie de ces lacunes analogues à celles d'une sé-
reuse très-petite, serait cause de l'exagération de pression
intra-oculaire et des phénomènes du glaucôme. Si, d'un autre
côté, on détache la lame vitrée de Tépithélium polygonal, on
aura dans la choroïde les couches suivantes : 1° tissu supra-
choroïdien, 2® vasa vorticosa, 3"* lamina fusca, 4® chorio-ca-
pillaire, S** lame vitrée et 6*" épithélium.
On le voit, toutes ces divisions, différentes en apparence,
se ressemblent beaucoup. Nous réunirons, comme le •fait
Sappey, les capillaires aux artères et aux veines, sous le nom
de couche vasculaire, et nous admettrons, comme lui, trois
couches dans la choroïde. En supposant, ainsi que le pense
Kœlliker, que la couche pigmejitée provenant (d'après ses re-
cherches embryologiques ■ de la lame externe de la vésicule
oculaire, appartient à la rétine et doit lui être rattadiée,
comme son feuillet le plus externe, la choroïde ne contiendrait
plus que deux feuillets :
Une couche externe celhdeuse,
> interne rûscf/îoÔY.
Jusqu'à ce que de nouvelles recherches soient venues éta-
blir ou détruire cette opinion de KœUiker sur le pigment
oculaire, nous continuerons à décrire, ainsi qu'il le fait du
reste, la couche pigmentaire comme Msant partie de la cho-
roïde.
1"* Couche celluleuse (lamina fusca et supra- choroïdea). Elle
est constituée (1) par un tissu cellulaire à grandes mailles, en-
tremêlées de fibres élastiques et d'un grand nombre de cellules
pigmentaires, tantôt arrondies, tantôt pourvues de prolon-
gements multiples qui s'anastomosent entre eux. Le lout est
réuni par une substance intercellulaire très-mince, homo-
gène, et tout à fait dépourvue de structure. Cette couche est
traversée par les vaisseaux et par les nerfs qui se rendent
à l'iris.
Il arrive parfois, suivant Manz, que celte couche externe
offre l'apparence d'une membrane continue et non celle d'une
simple couche de tissu cellulaire lâche.
KœUiker avait également décrit, dans le stroma de ia cho-
roïde, une substance homogène interstitielle qu'il considéra
ensuite comme de la substance conjonctive.
Il avait signalé, dans la choroïde des animaux, la présence
de véritable tissu conjonctif, et, plusîlard, H. Muller reconnut
que» la nôtre contient également du tissu cellulaire type
particulièrement développé dans le corps ciliaire. Il l'avait
rencontré sous la forme habituelle de faisceaux entrelacés et
(1) Mcyer, 1. c. p. 463.
— 43 -
présentant les réactions caractéristiques. De son côté Manz
•reconnut qu'on le trouve ordinairement auprès des gros vais
seaux, à la tunique adventice desquels il parait s'appliquer.
Dans la lamina fusca, les cellules du stroma choroïdien, dont
nous parlerons bientôt, deviennent un peu plus rares; les
fibres sont plus longues, plus fines et résistent moins à l'action
des réactifs (1)
Les cellules pigmentaires de la couche externe choroï-
dienne ont fait donner à celle-ci le nom de lamina fusca.
Elles sont extrêmement nombreuses et se distinguent sur-
tout par leur grande irrégularité et par leurs variétés presque
infinies (Sappey). Lesunes sont remplies de granulations noires
et fines, d'autres en présentent beaucoup moins et quelques-
unes en sont totalement dépourvues : d'où il résulte que
celles-là sont très-fortement colorées et que la teinte de celles-
ci est beaucoup plus claire.
Les ramifications de ces cellules pigmentées affectent des
formes diverses, tantôt droites, tantôt sinueuses, cylindriques
ou présentant, çà et là, des nodosités sur leur parcours, la
plupart se soudent les unes aux autres, et d'autres restent
isolées ou se terminent par une extrémité effilée ou renflée
en massue.
Ces divers éléments, tissu conjonctif et cellules pigmen-
taires, constituent une charpente au milieu de laquelle se
trouvent soutenus et cheminent des vaisseaux et des nerfs
destinés au traclus uvéal et souvent à l'iris.
2** La couche vasculaire est, sans contredit, la portion fon-
damentale de la choroïde; mais elle n'est pas exclusivement
composée de ramifications vasculaires, ainsi que son nom sem-
blerait l'indiquer. Les artères et les veines sont reliées (Sap-
pey) par des fibres lamineuses qui offrent une. disposition ré-
(l) Manz, Anatomie de la choroïde, de Wecker, 1. 1, p. 233.
- 44 -
' tiforme, fibres que nous avons vues se prolonger dans la cou-
che la plus externe de la choroïde et qui constituent le stroma
choroldien.
En faisant abstraction (1) des vaisseaux et des nerfs, la cho-
roïde proprement dite est constituée par un tissu de nature
spéciale qu'on peut ranger à c6té de la substance conjonctive
simple. Dans les parties externes de la membrane, la couche
fondamentale (stroma) est formée de cellules à noyau, fusi-
formes ou étoilées, très-irréguliéres, incolores ou d'un brun
plus ou moins foncé, et mesurant 0"",18 à 0"",45. Ces
cellules s'anastomosent entre olles par des prolongements
pâles, en général très-fins ; elles sont tellement nombreuses
qu'elles constituent un tissu membraneux lâche qui ne man-
que pas d'analogie avec les membranes élastiques à fibres
fines. Ces réseaux de cellules, qui paraissent comparables aux
réseaux des corpuscules de tissu conjonctif des autres régions,
se continuent insensiblement dans les couches internes de la
choroïde et surtout dans la membrane chorio-capillaire.
C'est au milieu de ce tissu propre ou stroma que sont situées
les veines en dehors , les artères au milieu et les capillaires
en dedans. La tunique adventice des vaisseaux est très-forte;
les cellules pigmentaires y sont moins nombreuses, plus
petites, à prolongements très-courts, et mêlées d'autres
cellules sans pigment (Meyer). Le système vasculaire de la
choroïde est développé à tel point que , suivant le calcul de
Rognetta, elle reçoit à elle seule vingt fois plus de sang que
toutes les autres parties de l'œil. On connaît les détails de
cette circulation, surtout depuis les travaux de Leber (2). Les
artères de la choroïde viennent : 1* des ciliaires courtes posté-
rieures^ branches de l'artère ophthalmique, qui, au nombre
(\) Kolliker, 1. c. p. 853.
(2) Voir au musée Orfila les belles préparations du professeur Dolbeau.
^ 43 -
de 18 à 20, traversent la sclérotique auprès du nerf opti-
que et gagnent la couche la plus extérieure de la choroïde
en s'anastomosant entre elles pour former un réseau très*
riche. Elles donnent un grand nombre de petites branches
collatérales , lesquelles se dirigent entre les ramifications vei-
neuses, situées un peu plus en dehors, jusqu'à la partie dé-
crite sous le nom de membrane ruyschienne, où elles for-
ment le réseau si abondant de la chorio- capillaire. Les
ramuscules les plus antérieurs s anastomosent, au niveau de
Tora serrata et du corps ciliaire, avec les divisions des cihaires
longues postérieures et celles des ciliaires courtes antérieures;
artères qui se distribuent dans la portion choroïdienne voi-
sine de Tora serrata. 2^ Les ciliaires longues postérieures ont à
travers la sclérotique un trajet très-oblique situé près du nerf
optique, et courent dans la lamina fusca jusqu'à l'ora ser-
rata, où elles présentent quelques rameaux récurrents anasto-
motiques avec les ciliaires courtes postérieures. Sur toutes les
injections artérielles de la choroïde on voit que le réseau est
beaucoup plus serré dans le segment postérieur de Tœil.
3" Les ciliaires courtes antérieures se distribuent en partie au
corps ciliaire et s'abouchent naturellement par de fines rami-
fications avec les artères déjà décrites; mais elles offrent
pour nous moins d'intérêt , et nous n'insisterons pas sur leur
description.
Manz et d'autres anatomistes ont remarqué qu'on ne peut
constater sur les artères choroïdiennes la transformation di-
recte, en veines.
Le sang veineux de la choroïde sort du globe de l'œil par les
veines étoilées ou vasa vorticosa , vaisseaux tourbillonnés qui
reçoivent également une grande partie du sang noir de l'iris
et du corps ciliaire.
Ces vaisseaux tourbillonnés sont au nombre de 4 ou 6;
ils sont situés vers l'équateur du globe, communiquent en-
— 46
tre eux dans leurs parties périphériques et se composent de
veines convergentes et curvilignes dont le tronc commun
constitue les quatre grosses veines émissaires. Nom les ver-
rons jouer un rôle très-important dans les tumeurs de la ch(h
roïde, qui, en les comprimant, produisent des hydropisies
intra-bulbaires, ou les gorgent parfois de matière noire et de
matériaux du néoplasme. Mais tout le sang de la choroïde ne
sort pas exclusivement par ces veines. Une partie gagne le
réseau veineux du corps ciliaire qui se dirige vers le plexus
ciliaire veineux (canal de Schlemm) , ou se réunit aux veines
ciliaires antérieures du tissu sous-conjonctival. Il existe donc
deux voies par lesquelles le sang veineux du corps ciliaire et
de la choroïde est ramené au dehors : une voie postérieure
par les veines étoiléqs, laquelle est de beaucoup la plus consi-
dérable , et une voie antérieure dont nous venons de parler.
En cas d'hyperémie ou de pression inlra-oculaire , telle que
les veines étoilées se trouvent comprimées à l'endroit où elles
perforent la sclérotique, le sang suit de préférence la voie an-
térieure^ et nous voyons alors les veines ciliaires antérieures
augmenter de nombre et de volume (Meyer). C'est ce qui arrive
dans presque tous les cas de sarcome de la choroïde, qui compri-
ment ou obturent une ou plusieurs de ces veines émissaires.
Les capillaires de la choroïde, fournis par les dernières rami-
fications des artères ciliaires courtes postérieures et par quel-
ques rameaux récurrents des ciliaires longues postérieures et
des ciliaires courtes antérieures, sont situées immédiatement
au-dessus du pigment et de la membrane vitrée de la choroïde,
dans la membrane appelée chorio-capillaire ou ruyschienne.
Ce réseau capillaire (1) forme la portion la plus interne de la
couche moyenne de la choroïde ; il est des plus élégants et des
plus serrés qui existent (surtout dans l'hémisphère posté-
(i) Kôlliker, Éléments d'hist., p. 857, 1. c*
- 47 -
rieur). Ses mailles n'ont que 45 à 11 |a de largeur; tandis
que les capillaires qui les circonscrivent ont un diamètre de
9 et naissent des vaisseaux plus volumineux comme des
rayons d'une étoile. Chez les animaux pourvus d'un tapis, ce
réseau est situé en dedans de ce dernier et peut être isolé
comme couche distincte; chez Thomme, cette séparation
réussit aussi, partiellement, sur des pièces fraîches et injec-
tées. Au pourtour du nerf optique, ce réseau se continue di-
rectement avec le réseau capillaire de ce nerf. En outre, on
voit là des ramuscules artériels et veineux appartenant au do-
maine des ciliaires courtes postérieures et des vasa vorticosa
s'unir directement à des ramifications de l'artère centrale de
la rétine. (Leber, pl. iv, fig. 2.)
3® LdL couche pigmentaire ou interne de la choroïde est for-
mée, ainsi que son nom l'indique, par une couche de pigmeut
noir et par une lamelle hyaline ou finement striée, facile à
isoler, et de 3 h* d'épaisseur, lame élastique de la choroïde
(Kœlliker), formée par la partie interne du stroma choroïdien.
Elle est intimement unie à la chorio-capillaire et se montre
comme une pellicule fine , que l'on peut comparer à la mem-
brane de Descemet (Meyer). Elle est munie à sa face interne,
qui touche la rétine, d'une couche épithéliale composée de cel-
lules aplaties et très-riches en pigment (tapetum). Celui-ci
constitue un seul plan de belles cellules hexaédriques de 10 à
18 \L de hauteur et 9 d'épaisseur (4). Ces cellules sont
remplies de granulations noires de pigment, lequel cache en
grande partie le noyau. Celui-ci est placé dans la moitié ex-
terne de la cellule. Le choc le plus léger suffit pour rompre la
paroi très-fragile de ces cellules dont les granules pigmentées
s'échappent aussitôt et présentent le mouvement moléculaire .
Ce pigment manque dans les yeux d'albinos , et au niveau du
(1) Kollîker, p. 854, 1. c.
- 48 -
tapis chez les animaux (Kœlliker). On retrouve bien les cel-
lules, mais elles sont dépourvues de pigment. Les extrémités
des bâtonnets se logent dans une légère dépression qui se
trouve à la face externe, des cellules de pigment. Babuchin (1)
a trouvé dans ses recherches embryologiques que ce feuillet
pigmenté serait plus justement décrit avec le tissu rétinien,
puisqu'il provient, comme le disent aussi Kœlliker et Manz,
de la lame externe de la vésicule oculaire.
Les nerfs de la membrane vasculaire de l'œil sont four-
nis par le ganglion ophthalmique et par le nerf naso-ci-
liaire. Ils sont nombreux; 15 à 18 se distribuent sur tout
le corps ciliaire et dans Tiris. Après avoir franchi le tissu
sclérotical non loin du nerf optique, ils se dirigent d'ar-
rière en avant, accolés à la face interne de la membrane
fibreuse, dans laquelle ils se creusent même de légers sillons.
Au niveau du corps ciliaire, ils donnent lieu à un plexus
riche, circulaire, désigné autrefois sous le nom de orbiculus
^ang'foosw^, duquel s'échappent des filets nerveux, d'un côté
pour l'iris et pour la cornée, deTautre, pour le muscle ciliaire.
Quant à ce qui concerne le système nerveux de la choroïde
proprement dite, H. MuUer a démontré que des nerfs se ré-
pandaient également dans cette membrane. Selon lui (2), les
nerfs cihaires , dont nous venons de parler , émettent dans
leur trajet un ou plusieurs petits rameaux qui pénètrent dans
la choroïde et qui y produisent, à la superficie et dans la pro-
fondeur, un réseau délicat, visible surtout dans la moitié pos-
térieure de l'œil; ce réseau, dont les nerfs sont formés, soit de
fibres à contours foncés, soit de fibres pâle.'?, fournil très-
probablement aux fibres musculaires de la choroïde et de ses
vaisseaux. Schweigger et Kœlliker ont confirmé l'exislence
de ce réseau nerveux.
(1) Wurtzb., Zeitschrift, IV, 1863.
(2) Kôlliker, p. 860, 1. c.
- 49 -
H. MuUer a constaté , en outre , sur les fibres nerveuses à
bords foncés du plexus ciliaire, des nodosités particulières.
W. Krause (1 j a confirmé cette observation et a donné à ces
cellules ganglionnaires le nom de ganglions de Muller.
Ayant ainsi déterminé ce que l'on entend sous le nom de
sarcôme et donné une courte description de la choroïde> nous
pouvons. maintenant passer de suite à Tétude des tumeurs
sarcomateuses qu'on y a rencontrées. Mais, comme il peut se
faire que parmi les lecteurs qui parcourront ce travail,
il y en ait qui n'aient pas encore eu Toccasion d'observer de
faits analogues, nous ferons suivre ce chapitre d'une observa-
tion de sarcôme de la choroïde prise dès le début de Taffec-
tion, continuée jusqu'après l'opération et suivie de l'examen
histologique de la tumeur. L'étude anatomo-pathologique et
celle des symptômes pourront de la sorte offrir plus d'intérêt.
CHAPITRE III.
Observation d'un mélano-sarcôme de la choroïde diagnosti-
qué A LA première période, AU MOYEN DE l'oPHTHALMOS-
COPE. — Énucléation a la période glaucomateuse. —
Vingt et un mois après pas de récidive.
Observation I (70e de la statistique).
R... Tourneur, âgé de 57 ans, se présente, le 17 février 1872, à
la clinique de M. le D''Sichel, accusant un trouble très-notable de
la vue de l'œil gauehe.
Antécédents. — Interrogé sur le début des premiers symptômes,
il nous donne les renseignements suivants :
(1) Anat. Unters., 93, pl, ii, fig. 4.
Brière.
4
- 50 -
Sa vue a été bonne jusqpi'au mois d'avril 4871. A cette époque il
remarqua qu'il avait Yonl gauche sombre (suivant son expression)
du côté interne, en même temps que le champ visuel se rétrécis-
sait de ce côté. Aucune douleur ne lui avait signalé le commence-
ment de son affection ou n'était apparue depuis qu'il s'en était
aperçu. Il resta ainsi pendant trois mois sans demander l'avis de
son médecin.
Du mois de juillet 1871 au mois de janvier 1872 il consulta plu-
sieurs spécialistes en renom ; on constata un décollement de la ré-
tine, contre lequel on essaya d'agir. Mais les traitements prescrits
furent très-mal sui\is, et Taffection, au lieu de diminuer, ne fit
qu'aller en augmentant.
De temps en temps, quand le malade prolongeait un peu plus
que d'habitude sa journée de travail, il éprouvait alors de légères
douleurs dans les paupières ; mais ces douleurs étaient passagères,
nullement lancinantes et parfaitement supportables. Elles parais-
saient liées à de l'asthénopie accommodative en relation avec une
hjTpermétropie ancienne et très-forte.
L'état général est satisfaisant. Dans les antécédents on ne
trouve aucune trace de maladie grave. Rien ne peut faire supposer,
chez lui ou dans ses ascendants directs, l'existence d'un élément
diathésique cancéreux ou autre.
Il a eu de temps en temps quelques indispositions, des courba-
tures assez fréquemment, mais jamais de perte de connaissance
ni d'attaques. L'appétit et les digestions ne laissent rien à désirer.
En un mot cet homme est très-bien portant, sauf qu'il a, dit-il,
quelqpies bourrelets hémorrhoïdaux internes qui donnent lieu à
un suintement presque continuel et occasionnent parfois une fa-
tigue assez grande.
Pendant le mois de janvier 1872 la vue de 10. G. diminua sensi-
blement. Cet affaiblissement se produisit progressivement et sans
poussées inflammatoires, sans douleurs ni dans le globe oculaire
gauche ni autour de cet œil. Ce fut à cette époque qu'alarmé de
voir la vue de l'O. G., diminuer de jour en jour, il vint de-
mander l'avis de M. le D*" Siebel.
Etat actuel, — Les membranes antérieures sont saines. Rien
dans l'hémisphère antérieur de cet œil ne peut donner l'explication
de l'amblyopie signalée.
La cornée, l'iris^ la pupille et l'appareil cristallinien apparaissent
— 51
parfaitement normaux. C'est donc dans les parties profondes de
l'œil qu'il faut chercher la clef du diagnostic.
Examen opihalmoscopique et réfraction. — L'examen opthalmos-
1 1
copique révèle d'abord "jj p" très -forts. Le malade nous ap-
prend qu'en effet, il a commencé à porter des verres convexes à
Pâge de 38 ans et qu'il a été obligé successivement d'en augmenter
le numéro; il le pouvait d'autant plus facilement qu'il était contre-
maître dans une fabrique de verres pour Toptique. Actuellement il
1
porte + — devant les deux yeux, or à 60 ans il faut d'ordinaire
o
1
-f- 77: pour les yeux emmétropes.
10
Cette amétropie est de suite examinée par les procédés habi-
tuels; le résultat de l'examen justifie l'emploi des lunettes
1
-h -T- niais il permet de constater une diminution manifeste dans
o
l'acuité visuelle d'O. G. pour la vue de près et pour la vue à dis-
20
tance S =^'^ tandis qu'O. D. jouit d'une acuité sensiblement nor-
20
maleSin— •
25
L'ophthalmoscope donne de suite l'explication de cette amblyopie
en faisant reconnaître dans l'O. G. un décollement de la rétine sié-
geant dans la partie externe et un peu inférieure (image droite) ;
donc décollement réel également en bas et en dehors. La papille de
cet œil, ainsi que celle de TO D est normale, de môme la macula et
la partie centrale de la rétine. Si l'on revient sur les caractères du
décollement rétinien constaté, on voit qu'indépendamment des
signes bien connus de cette lésion, coloration grise, mouvement
de flottement, etc., il en offre quelques-uns de particuliers, de
tout à fait spéciaux. D'abord le décollement n'occupe pas la
portion la plus déclive du fond de l'œil, comme il arrive d'ordi-
naire; il est limité, ainsi qu'il a été dit, à la partie externe et
inférieure, remontant plus haut en dehors qu'il ne descend en bas.
Bien que cette notion du siège du décollement ait une valeur rela-
tive dans l'espèce, c'est-à-dire qu'il peut exister des décollements
simples et partiels de la rétine qui ne soient pas strictement limités
— 52 —
à la partie inférieure ; dans le cas particulier cette exception à la
règle générale acquiert une importance assez sérieuse. De plus, le
mouvement de flottement désigné par quelques auteurs sous le
nom de mouvement de drapeau, n'existe que sur la pénphén'e du
décollement ; dans la partie qui se rapproche le plus de Taxe
optique , mais là seulement, on voit une bande grise de 2 à 3
millimètres de largeur, ondoyante et offrant tous les carac-
tères du décollement ordinaire de la rétine, tandis que les parties
voisines en diffèrent notablement. (Voir pl. 1, fig. 4.)
La portion centrale de la zone rétinienne ainsi décollée paraît
moins mobile et beaucoup plus adhérente aux pai*ois du globe
oculaire. On distingue de plus en ce point une teinte rosée^ jau-
nâtre et chatoyante, qui rappelle ïœil de chat amaurotique de Beer^
dont la coloration est bien imitée dans l'Iconographie opthalmo-
logique (1). Chaque fois qu'il s'agit de rendre compte d'une
teinte, aucune expression n'est assez fidèle pour en donner une
idée bien précise, à moins que celle-ci ne soit Tune des couleurs
fondamentales. La dénomination d œil amaurotique de Beer étant
sufOsamment connue de tous les ophthalmologistes, nous n'aurons
recours à aucun autre artifice de langage.
Cette partie chatoyante se trouve sur un plan beaucoup plus an-
térieur que celui de la papille, et si l'on suit les vaisseaux rétiniens
depuis leur émergence jusqu'à la périphérie du globe, dans la di-
rection delà lésion, on les voit manifestement disparaître derrière
la portion de la rétine qui est décollée pour reparaître un peu plus
bas ou un peu plus haut suivant leur situation par rapport à l'œil
de l'observateur, mais nulle part suivant leur direction habituelle
Ils traversent ensuite obliquement ou transversalement la partie
malade, offrant des sinuosités suivant deux plans, suivant le plan
vertical et suivant les plans méridionaux, antéro-postérieurs.
Toute la partie centrale de la région que nous observons est en
outre le siège d'un réseau vasculav^e très-fm; par les mouvements
parallactiques il est facile de voir que ces petits vaisseaux ténus et
déliés se déplacent plus que les gros vaisseaux rétiniens, c'est-à-dire
que ces derniers sont situés sur un plan antérieur^ tandis que les
premiers viennent tapisser des espèces de saillies papilliformes
(l) J. Siebel, Icon. Opbthal., pl. xvi, iig. 1 et 2.
- 53 -
situées derrière le plan de la rétine. Ces ramuscules affectent des di-
rections tout à fait anormales ; il est impossible de les considérer
comme dépendants du réseau vasculaire de la rétine, car plusieurs
sont contournés d'une façon tout à fait bizarre, au point que l'un
d'eux représente une petite spirale.
Il existe entre les ramifications vasculaires que nous venons de
décrire quelques petits agrégats noirâtres, à contours irréguliers
et de dimension variable, au milieu desquels on distingue quelques
points blanchâtres plus petits.
Champ visueL — L'examen du champ visuel de PO. G. vient com-
pléter tous ces renseignements en montrant une restriction consi-
dérable en haut et en dedans (la lésion siégeant en bas et en dehors).
Voici du reste les chiffres qui indiquent cette altération du
champ visuel pris à 1 pied de distance. Du point de fixation :
A la limite supérieure du champ visuel, 7 centimètres;
A la limite interne du champ visuel, 34 centimètres;
A la limite oblique inféro-interne, 4-4 centimètres;
A la limite inférieure, 36 centimètres ;
A la limite oblique inféro-externe, 38 centimètres ;
A la limite externe, 39 centimètres;
Parmi ces mesures, nous devons surtout noter la diminution
très-prononcée en haut et en dedans. La limite supérieure est inté-
ressante en ceci, qu'il existe une zone de 16 centimètres de lar-
geur en un point, de 5 centimètres dans l'autre, dans laquelle le
malade perçoit encore un peu, mais très-faiblement, tandis que par-
tout ailleurs la transition est nettement tranchée. Il est permis de
supposer que cette zone correspond à la portion de rétine qui com-
mence à être soulevée par Texsudat choroïdien. Nous avons fi-
guré (voyez pl. I, fîg. 2) cet espace dans Jequel la vision existe
encore, mais considérablement altérée.
Un nouvel examen ophthalmoscopique fait de la façon suivante,
en mettant une lentille convexe assez forte derrière l'instrument et
en plaçant l'œil de l'observateur aux environs du foyer antérieur
de l'appareil dioptrique de Toeil, après dilatation de la pupille par
l'atropine, fournit une image du fond de l'œil notablement ampli-
fiée et montre d'une façon encore plus nette ce que nous venons de
décrire. Tel est le résumé des notes qui ont été prises séance
— 54 -
tenante par le chef de cliniqué pendant que M. le D' Sichel faisait
cet examen.
Interprétation des signes ophthalmoscopiques. — En présence de
ces symptômes on songea à l'existence d'une tumeur intra-oculaire
qui s'était développée entre la rétine et la choroïde, et qui avait
amené consécutivement un décollement partiel de la première de
ces deux membranes. Comme le réseau vasculaire de nouvelle for-
mation appartenait à un plan rétro-rétinien, le siège de la tumeur
fui attribué à la choroïde.
On réserva pour un examen ultérieur, et afin de ne pas fatiguer
le malade assez impressionnable, de préciser la nature de cette tu-
meur et de déterminer la conduite à tenir à son égard.
Suites de r observation, — Du 17 février au 8 mars le malade est
examiné trois fois. Chacun de ces examens confirme ce que l'on a
noté dès le premier jour. A cette dernière date, on constate de nou-
veau la présence delà tumeur dans le même point, mais elle paraît
un peu plus volumineuse.
Nouvel examen ophthalmoscopique, — Par l'examen à l'image
droite pratiqué à 2 centimètres de la surface de la cornée avec
1
un miroir de Coccius muni en arrière d'une lentille -f — ou avec
10
une lentille -|- entre l'œil et le miroir on retrouve très -nette-
ment V arc grisâtre indice du décollement qui limite la tumeur.
Celle-ci est d'une teinte plus claire et 7'osée en quelques endroits.
Elle offre toujours çà et là des agrégats irréguliers de pigment et,
ce qui n'a pas encore été aussi bien vu, des petits points blancs,
cette fois très-nombreux, les uns striés, les autres radiés et parais-
sant ceux-ci faire saillie, ceux-là donner lieu à une dépression
sur le niveau de la tumeur. De plus le vaisseau principal qui tra-
verse à peu près horizontalement le plan de celle-ci présente à sa
partie inférieure une branche de nouvelle formation qui certaine-
ment n'existait pas au moment des premiers examens ophthalmos-
copiques. Ce ramuscule et deux ou trois autres de moindre impor-
tance affectent des directions tout à fait anormales; il est impos-
sible de les considérer comme dépendants du réseau vasculaire de
la rétine, car le principal d'entre eux est contourné d'une façon tout
à fait particulière, étant replié deux fois sur lui-même.
Diagnostic. Nous avons déjà laissé soupçonner que l'on pensa,
- 55 —
dès ce moment, à la présence d'une tumeur choroïdienne. Or,
après Texamen que l'on vient dô lire, le doute n'est plus possible.
Le malade est atteint d'un néoplasme întra-oculaire qui prolifère.
Le champ visuel, pris à différentes reprises, avec une précision pour
ainsi dire mathématique, Tceil à la même distance du plan de vi-
sion, et le point de fixation sur l'axe horizontal de l'œil à la même
hauteur du sol que précédemment, le champ visuel, dis-je, dispa-
raît un peu en haut (4 à 5 cent.), tandis qu'il reste stationnaire en
bas.
M. le Dr Sichel s'était donc arrêté à l'idée de tumeur, ayant son
siège entre la rétine et la choroïde, ou mieux dans la choroïde elle-
même. Or, quelles sont les tumeurs de la choroïde le plus fré-
quentes, sinon les tumeurs décrites aujourd'hui sous le nom de
sarcàme"}
Pronostic, Ces tumeurs commandent une grande réserve quant
au pronostic. Elles se comportent, à peu de chose près, comme le
vrai carcinôme. Le pronostic porté fut donc très-mauvais, et l'on
conseilla l'énucléation.
Le malade est perdu de vue pendant huit mois. Le malade se flt si
peu à l'idée d'une énucléation qu'on le perdit de vue pendant huit
mois. Il finit néanmoins par comprendre l'avis sérieux qui lui avait
été donné, et, le 15 janvier 1873, nous le revoyions à la Clinique.
Etat glauqomateux. Il nous apprend, cette fois, que son œil est
devenu rouge il y a quinze jours et que, depuis le 31 décem-
bre 1872, il lui a causé une souffrance horrible. On constate effec-
tivement une injection très-vive de la conjonctive bulbaire et de
l'épisclère, avec dureté considérable du globe (T -f- 3). La pupille
est irrégulièrement dilatée; le bord externe est presque vertical. Le
sphincter de l'iris occupe ici son siège normal, tandis que les par-
ties supérieures, inférieures et internes sont dilatées ad maximum.
Pas de synéchies postérieures appréciables par l'éclairage latéral,
mais trouble très-grand du fond de l'œil, qu'on ne peut plus exa-
miner à l'ophthalmoscope. Perception très-faible et centrale de la
lumière; champ visuel impossible à prendre, même avec une lu-
mière intense. L'éclairage latéral, seule ressource qui reste, permet
de reconnaître, dans la partie externe de la cavité du globe, une
masse d'un Jaune rougeâti^e encore chdiioysiïiie^ paraissant adhérente
au côté externe de la coque oculaire, immobile, ne recevant aucun
mouvement lorsque le globe se déplace. Nulle part on ne voit de
• 56 -
reflet franchement rouge indiquant la présence d'un épanchement
sanguin.
Douleurs; leur nature parfois rémittente. Depuis deux jours les
douleurs qui, les jours précédents, avaient pris les caractères d'une
yénlsAAQ el violente hémicrânie^ ont diminué. Malgré cette rémission,
peut-être même en raison de cette rémission, qui peut indiquer
que la sclérotique est près de céder ou a déjà cédé à l'effort de la
pression intra-oculaire, et en raison aussideTacuitédes s\iiiptômes
glaucomateux, lesquels pourraient produire rapidement des phé-
nomènes sympathiques sur l'O D actuellement sain, Ténuclation
est de nouveau proposée et cette fois, enfln, acceptée.
Opération. Elle est pratiquée le 46 janvier ^872 en présence de
M. le D*" Desjardins, professeur d'oph thaï mol ogie à Montréal. On
emploie la méthode ordinaire, décrite par Bonnet. Le nerf optique
est sectionné aussi loin que possible à H millimètres de la scléro-
tique; la perte sanguine est insignifiante et immédiatement arrêtée
par un bandage compressif régulier, sans tamponnement de la
cavité laissée par l'ablation du globe.
Examen macroscopique de F œil énucléé. L'examen à l'œil nu de
l'organe enlevé a donné les résultats suivants : la section du nerf
optique parait saine ; Tceil, vu par transparence, en le plaçant entre
le pouce et l'index recourbés en forme d'anneau, la pupille tournée
du côte de la lumière d'une lampe à gaz, dans une chambre
obscure, est perméable aux rayons lumineux dans les trois quarts
de sa circonférence, mais dans le quart externe, on distingue
nettement une masse présentant à peu près les dimensions d'un
gros pois.
Défaut absolu de transparence dam le quart externe. Cette masse qu'é-
claire la lumière diffuse se divise en deux parties : l'une centrale,
complètement opaque et qui s^étend jusqu'au niveau de la sclérotique,
l'autre, périphérique à la première, plus rapprochée du centre de la
cavité oculaire et qui est demi-transparente. Il est donc évident que la
partie la plus opaque est la tumeur proprement dite, tandis que la
zone qui l'entoure doit être rattachée au décollement rétinien que
l'ophthalmoscope a montré sur la moitié interne de la tumeur, La
veine émissaire de la partie infero-externe est plus visible que les
autres et paraît remplie d'une matière noire qui lui donne une co-
loration plus sombre que ne la produit dans les autres le peu de
sang qu'elles renferment.
-57-
Par ce premier examen se trouve confirmé, séance tenante, le
diagnostic porté presque dès le début de l'observation.
Le globe est ensuite déposé dans la liqueur de Muller, pour un
examen histologique ultérieur.
Suites de ropération. Comme il arrive généralement, les suites
immédiates de cette opération furent des plus simples. Quelques
jours après, les lambeaux de la conjonctive étaient cicatrisés, et le
malade sortait guéri de la Clinique.
Le 10 avril, l'orbite paraît absolument sain. Le malade porte de-
puis quelque temps un œil artificiel sanseij éprouver aucune gêne.
Description de la tumeur intra- oculaire. Six mois après l'opération,
le globe est ouvert par une section antéro-postérieure, passant par
le plan horizontal, en remontant, toutefois, un peu en arrière, pour
laisser momentanément le nerf optique parfaitement intact. La
coupe que forme ainsi le rasoir passe par le siège de la tumeur
qu'elle sectionne, à l'union de son quart supérieur avec les trois
quarts inférieurs de sa masse. La figure que l'observateur a sous
les yeux est absolument concluante et corrobore le premier examen
macroscopique. Fig. i ,
Coupe passant parle méridien horizontiil (1). A Cristallin contre la face
postérieure de la cornée. B Rétine complètement décollée et plissée au
milieu du globe. G Sarcome. D Reste du corps vitré. E Exsudât sous-
rétinien. F Cellule fusiforme renfermant un gros noyau à nucléole et
des granulations pigmentaires. G Masse de pigment. H Section d'un
faisceau de cellules fusiformes.
(l) Le dessin représente la coupe de la moitié supérieure* de l'œil
gauche, la moitié inférieure ayant été détruite par les examens mi-
croscopiques.
- 58
On y voit la sclérotique qui, à Tœil nu, paradt intacte ; l'iris et
le cristallin accolés à la face postérieure de la cornée, celui-ci offrant,
à peu de chose près, son volume et sa forme normaux. Le couteau
a sectionné, dans la partie médiane du globe, une membrane re-
pliée sur elle-même, adhérente d'un côté au pourtour du nerf op-
tique et de l'autre à Fora serrata, c'est la rétine qui n'a conservé
que ses deux points d'attache le plus solides, au niveau de la pa-
pille et à sa limite la plus antérieure où elle s'unit, comme ron
sait, d'une façon si intime à la membrane vasculaire. Dans les
plans horizontaux inférieurs à celui de la coupe, il est facile de dis-
tinguer deux lignes, qui partent d'un même point, au côté externe
du nerf optique, et forment en se dirigeant en avant un angle ou-
vert ver^ le cristallin. Elles sont également dues à deux replis de
la rétine repliée en forme d'entonnoir, disposition déjà décrite
dans des observations analogues.
Entre la face antérieure de la rétine et la face postérieure du
cristallin, sur la moitié gauche de la figure, on trouve une petite
loge de 2 millimètres de large sur 5 millimètres de long. EUe est
remplie par un liquide coagulé, vestige du corps vitré. De la lace
interne de la choroïde jusqu'aux replis rétiniens existe un
espace beaucoup plus considérable que le premier, indiqué par une
teinte claire, et qui est rempli par une masse gélatineuse, laquelle
a été vraisemblablement liquide autrefois, puis solidifiée par la
liqueur de Muller.
Enfin, dans la moitié postérieure et externe, on reconnaît de
suite une masse sombre se prolongeant dans le fond de l'hémi-
sphère oculaire : c'est la tumeur que le rasoir a divisée très-nette-
ment; la surface de sa section mesure 14 millimètres dans sa plus
grande longueur et 7 millimètres d'épaisseur maximum; elle pré-
sente une coloration très-foncée, brune, tirant sur le noir; le tissu
en est consistant et dense.
Sur une autre coupe, perpendiculaire à la première et dirigée
sur réquateur de l'œil, le rasoir rencontre encore la tumeur. La
Pl. fig. 15 donne de cette coupe une idée assez juste pour que nous
n'ayons pas besoin d'insister plus longuement sur ses détails. La
ligne sinueuse que l'on voit au milieu représente encore la rétine.
Premm examen liistoloyique, (Kait par M. le Sichal), une pre-
mière préparation de la tumeur, provenant de sa partie centrale
sur la coupe horizontale de l'œil, montre de suite que l'on a affaire
— o9 —
è un sarcôme typique de la variété mélanotique : cellules fusiformes à
gros noyau, juxtaposées par groupes ou isolées, et séparées par une
substance intermédiaire striée, dans laquelle sont des cellules nom-
breuses, la plupart rondes, d'autres irrégulières dans leurs con-
tours, uni ou multi-polaires, les unes incolores, d'autres chargées de
pigment. Celui-ci apparaît également en grosses masses granuleuses,
isolées ou envahissant le contenu des cellules sphériques et fusi-
formes.
Sur la coupe verticale, on fait une seconde préparation vers le
bord choroïdien delà tumeur. Mêmes éléments fondamentaux. En-
fin, dans une troisième préparation prise au sommet de la tumeur,
on constate des cellules fusiformes à extrémités effilées, et qui pré-
sentent 0°"",20 de longueur; les autres varient de 0""",03 à 0""",10
de longueur sur 0""",02 à O'^^jOS de largeur (ocul. 3 obj, 7). Les
cellules rondes ont, en moyenne, 0^^,05 de diamètre.
Cet examen micrographique était suffisamment probant. Néan-
moins, pour que la nature de la tumeur fût de nouveau dûment con-
statée, nous avons prié M. le Dr Poncet, professeur agrégé au Val-
de-Grâce, de bien vouloir nous remettre une note sur cette pièce
anatomique, que nous lui avons confiée. Voici la description qu'il
nous a remise le 9 novembre d873 , et dont nous nous empressons
de le remercier.
Second examen histologique . La tumeur est presque exclusivement
formée cellules fusiformes^ formant un tissu très-dense, peu riche
en vaisseaux. Ces éléments mesurent, quelques-uns, ^ de milli-
mètre en longueur et ^ en largeur, et possèdent un ou plusieurs
noyaux. Leurs prolongements sont simples pour la plupart, quel-
ques-uns s'anastomosent pour constituer un véritable tissu fibreux,
La dissociation fait retrouver des éléments embryonnaires sans pro-
longements et d^une organisation moins avancée.
Si Ton prend un point central de la tumeur, on ne trouve pas de
pigment dans les cellules nouvelles, mais celui-ci apparaît quand
on touche aux parties voisines de la choroïde.
Le néoplasme siège exclusivement dans la choroïde. En dehors, la
sclérotique est restée saine. En dedans, le liséré ankyste sous-épithé-
lial n'est point franchi^ mais toute l'épaisseur de la choroïde a subi la
dégénérescence sarcomateuse.
- 60 ^
Le liquide épanché entre la choroïde et la rétine, coagulé en une
masse gélatineuse, contient : 1* des cellules épithéliales détachées
de la choroïde et passant par tous les degrés de la dégénérescence
colloïde; ^ des amas considérables de larges cellules rondes à noyaux
souvent multiples. Elles mesurent de ^ de millimètre à i de mil-
limètre, n'ont pas de prolongements comme les cellules du tissu
muqueux, et constituent, en un mot, le sarcôme pur, sans mélange
d'organisation flbreuse. Notons que cette prolifération cellulaire ne
s'accompagne pas de vaisseaux, comme dansTinflammation franche
du tissu muqueux. Elle est tout à fait localisée dans le liquide nou«
veau, compris entre la rétine et la choroïde.
La rétine^ repliée en décollement au 3« degré (pédicule), et main-
tenue au milieu de la substance gélatineuse qui Fétreint de toute
part, a conservé sa structure presque normale sauf sur une couche.
Ainsi, entre deux replis adossés, nous constatons, entre les deux
feuillets rétiniens, un amas de cellules sarcomateuses embryonnaires;
mais la couche du nerf optique est intacte et les cellules sympathi-
ques (ditliciles à voir ?ur Thomme) sont ici très-bien conservées.
Les couches ganglionnaires et granulées sont nettes. La couche des
bâtonnets et des cônes est seule profondément altérée. Dans le liquide
voisin, ailleui s transparent et amorphe, existe sur une épaisseur
à celle de la rétine, un amas considérable de petites vésicules grais^
seuses sans structure. Puis, sur la limitante externe, sont restées
adhérentes quelques gouttelettes conoldes, derniers vestiges des
cônes et de l'élément intime du bâtonnet. En dehors de la rangée
des vésicules colloïdes apparaît, en abondance, la prolifération sar-
comateuse mélangée de masses pigmentaiires. Ces cellules, détachées
de la choroïde, paraissent jouer le rôle de corps étranger et activer
la formation du sarcôme.
Etat du nerf optique. Le nerf optique n'a pas diminué de volume.
La section montre que la rétine se replie immédiatementau-dessus
de la lame criblée; par conséquent, plus de papille.
Des coupes sur le nerf optique montrent de la façon la plu&—
nette une névrite optique, caractérisée par Tatrophie des tubes ner
veux primitifs réduits au cylindre-axe, lequel est même très-diflî —
cile à suivre. Les tubes à myéline distincte sont excessivement:^
rares. Dans les loges propres des faisceaux ner\'eux, les coupes Ion —
gitudinales ou perpendiculaires démontrent une prolifération très-
— 61 —
abondante des fibres- cellules de la névroglie, qui remplissent les
espaces intra-tubulaires et étranglent le tissu nerveux.
Le tissu connectif intra-fasciculaire ne présente pas d'altération.
Il y a donc là un type d'atrophie du tissu nerveux par névrite
aiguë, et ce malade a dû présenter les symptômes de sensations
subjectives par irritation propre du nerf optique.
Derniers reiiseigneinents sur le malade. A la date du 10 novembre
i873, c'est-à-dire deux ans et sept mois depuis le début de sa ma-
ladie et vingt et un mois après l'énucléation, le malade se porte bien
et ne présente pas de récidive locale ou à distance.
Telles sont les notes que nous avons successivement recueillies
sur ce fait intéressant, et que nous sommes heureux de communi-
quer à nos lecteurs, car elles leur donneront le résumé de l'histoire
des sarcômes de la choroïde, la plupart des cas observés se rappro-
chant de celui-là sous plusieurs rapports. Ayant ainsi exposé l'une
de nos observations cliniques, caria médecine doit être une science
d'observation avant d'être une science théorique, nous passerons
maintenant à une étude plus étendue de notre question.
CHAPITRE IV.
ANATOMIE PATHOLOGIQUE DES SARCÔMES DE LA CHOROÏDE.
§1. Division et classification.
On peut se demander d'abord, pour juger de l'étendue de ce
sujet, quelle est la proportion des tumeurs sarcomateuses dans
le chiffre total des tumeurs intra-oculaires d'origine choroï-
dienne. Or, en compulsant toutes les observations que nous avons
recueillies depuis quinze à vingt ans , il est facile de constater
rapidement que leur nombre est considérable. Une tumeur de la
choroïde étant donnée, on a beaucoup de chances de ne pas se
tromper en disaot qu'elle est sarcomateuse. Les vrais carci-
nômes à structure uniquement alvéolaire y sont extrêmement
rares, si tant est qu'il eu existe. Le plus souvent ils ne font que
s'additionner au tissu du sarcome, doublant, pour ainsi dire,
la malignité de la masse totale en se développant collatéra-
lement comme deux branches sur un même tronc , sui^'aIlt
Texpression de Virchow. Et nous pouvons ajouter de suite que
les mélano-sarcômes occupent une place presque aussi consi-
dérable dans riiistoire des sarcomes de la choroïde que ceux-
ci dans l'histoire de toutes les tumeurs de cette membrane.
On a décrit néanmoins, outre les sarcômes et les carcin6mes,
quelques cas de tumeurs verruqueuses choroïdiennes con-
stituées par une hypertrophie simple de la lame vitrée ou
lame élastique de la choroïde, et qu'on a rencontrées surtout
chez des personnes très-âgées. Mais, nous le répétons, c^tte
variété de tumeurs est une très-petite exception à côté du
grand nombre des tumeurs sarcomateuses.
On remarquera que nous ne parlons que des tumeurs de la •
choroïde, faisant naturellement abstraction de celles recon-
naissant une origine rétinienne, et qui sont connues sous le
nom de gliômes. Veut-on connaître de suite un des ca-
ractères différentiels j)rincipaux entre ces deux genres de tu-
meurs? On peut dire, d'une façon générale, quelegliôme pur
n'attaque que les enfants, tandis que le sarcome se rencontre
pour ainsi dire exclusivement chez les adultes et chez les
vieillards. La division générale que nous venons d'établir
pour les tumeurs intra-oculaires :
En 1» Gliôme de la rétine,
i"" Sarcôme de la choroïde,
3" Carcinôme alvéolaire ou encéphaloïde,
est celle qui a été admise par le professeur A. de Graefe et par la
plupart des ophthalmologistes au congrès de Paris en 1867 (1)»
Le professeur Knapp réunissant ensemble les deux dernières
(1) Klirtischo Monatablaitcr fûr An^^enheilkunde, Bd. V, p. 264*.
- 63 -
espèces divise de la façon suivante les tumeurs intra-ocu-
laires :
l** Gliôme de la rétine,
2^ Sarcome de la choroïde.
§ 2. Variétés de sarcâmes.
Il existe un grand nombre d'espèces et de variétés du sar-
come. MM. Gornil et Ranvier (1), se basant sur la forme des
cellules, sur leur substance unissante, sur les vaisseaux et sur
les ébauches d'organisation de la tumeur, divisent les sarcô-
me§, envisagés à un point de vue général, en :
1** Sarcome encéphaloïde, constitué par un tissu uniqu(^.ment
embryonnaire (tumeur à cellules embryoplastiques de Ch.
Robin).
2® Le sarcôme fasciculé, constitué par un grand nombre de
cellules fusiformes (tumeur à cellules flbro-plastiques de Le-
bert).
3** Le sarcôme myéloïde, se rencontrant surtout dans le tissu
osseux.
4® Le sarcôme ossifiant, que son nom définit suffisamment.
S* "Lq sarcôme névroglique, qui tend à prendre la forme de la
névroglie fgliôme de Virchow).
6** Le sarcôme angiolithique^ observé surtout dans les plexus
choroïdes et formé par une hyperplasie indurative et papil-
laire (psammômes de Virchow).
7® Le sarcôme muqueux, où les cellules ont subi la transfor-
mation muqueuse.
8® Le sarcôme lipomateux^ qui présente dans ses cellules de
nombreuses goutelettes de graisse (lipo-sarcôme de Virchow}*
9* Le sarcôme mélanique, dont les cellules sont imprégnées
de granulations pigmentaires*
(ij L. c.
- 64 —
En 1868, Virchow avait donné pour les mêmes tomeorsla
classification suivante :
1* Sarcome fibreux^ fibre sarcome •/2* variété de Comil
et Ranvier;.
2* Sarcome muqueux ^ izélatineux ou colloïde, myxo-sar-
côme (7' varié lé de Cornil et Ranvier).
3* Le sarcome glieur^ giio-sarcome :.V variété de Comil et
Itanvier* ; mais Virchow a distingué le gliôme pur pour en
faire une classe séparée de tumeurs, division légitimée par les
tumeurs de la rétine chez les enfants.
4* Sarcome mclanotique, mélano -sarcome, sarcôme pigmen-
taire {9* variété de Cornil et Raovier).
3* Sarcome cartilagineux, chondro- sarcôme.
6* Sarcome ostéoîde, ostéo-sarcô:ne, sarcôme ossifiant (4* \'a-
riété de Cornil et Ranvier).
Telles sont les divisions le plus généralement admises pour
les tumeurs sarcomateuses.
§ 3. Variétés des sarcômes de la choraide.
Si nous cherchons maintenant à faire rentrer les sarcômes
choroldiens dans ces classifications générales, quelles espèces
devons-nous éliminer? quelles autres faut-il maintenir?
Nous dirons de suite que la plupart de ces variétés se ren-
contrent dans les tumeurs sarcomateuses de la choroïde.
1® On a décrit parmi celles-ci des faits incontestables de
sarcôme mélangé de carcinôme alvéolaire ou encéphalolde.
li est donc possible de conserver la 1" variété de Cornil et
Ranvier sous le nom de sarcôme encéphalolde de la choroïde
(sarc<!^nie carcinomateux de Virchow).
2® li en est de même de la deuxième variété de Cornil et
Ranvier et de la première de Virchow. Les fibro-sarcdmes de la
choroïde sont, en effet, assez fréquents et il y a lieu d'en
faire une espèce à part.
- 65 -
Nous ne ferons pas une variété des tumeurs myéloïdes (à
myéloplaxçs de Robin) dont les éléments se rencontrent par-
fois , il est vrai , au milieu des tumeurs sarcomateuses de la
ctoroïde, mais non d'une ftiçon prédominante, et toujours
mélangées au tissu fondamental encépbalolde, fasciculé, etc.,
des autres espèces.
3* Les sarcômes de la choroïde montrent parfois une ten*
dance du tissu embryonnaire à s'organiser en un tissu osseux
plus ou moins parfait. On désignera donc cette variété sohs le
nom de sarcôme ossifiant de la choroïde (analogue à la 4® va-
riété de Cornil et Ranvier et à la 6' de Virchow).
4* Rencontre-t-on dans la choroïde le sarcôme névroglique
de Cornil et Ranvier (3* de Virchow)? Sans aucun doute; il
existe des cas authentiques où les deux membranes/ choroïde
et rétine , présentaient chacune une altération qui , dans la
première de ces membranes , ressemblait par exemple au
fibro-sarcôme ; tandis qu'elle affectait au milieu (Je la seconde
la forme connue sous le nom de gliôme. Il existe donc des
faits de gUo-sarcâmes intra-oculaires. Ces tumeurs, ainsi que
le sarc6me carcinomateux^ étaient décrites autrefois sous le
nom de sarcôme médullaii'e de l'œil par Àbernethy et par les
auteurs anglais ; de fongus 'médullaire par les auteurs alle-
mands» et d'encéphalolde par les auteurs français. Bien que
nous en fassions une classe à part , nous convenons que si
ellœi'constituent une espèce de tumeurs intra-oculaires, elles
ne forment pas, à proprement parler, une variété de tumeurs
de la choroïde; ncftis pourrons donc la décrire dans un cha-
pitre consacré aux formes mixtes de sarcôme. A côté du sar-
côme carcinomateux figurera le sarcôme glieux.
On ne rencontre pas dans la choroïde de tumeurs sarcoma-
teuses analogues au sarcôme angiolithique des histologistes
français (psammômes de Virchow) ou ressemblant aù sarcôme
Brière. 5
• 56 -
reflet franchement rouge indiquant la présence d'un épanchement
sanguin.
Douleurs ; leur nature parfois rémittente. Depuis deux jours les
douleurs qui, les jours précédents, avaient pris les caractères d'une
yév\i^h\Q e[, violente hémicrànie^ ont diminué. Malgré cette rémission,
peut-être môme eu raison de cette rémission, qui peut indiquer
que la sclérotique est près de céder ou a déjà cédé à l'effort de la
pression intra-oculaire, et en raison aussi de l'acuité des symptômes
glaucomateux, lesquels pourraient produire rapidement des phé-
nomènes sympathiques sur l'O D actuellement sain, l'énuclation
est de nouveau proposée et cette fois, enûn, acceptée.
Opération, Elle est pratiquée le 16 janvier ^872 en présence de
M. le D** Desjardins, professeur d'ophthalmologie à Montréal. On
emploie la méthode ordinaire, décrite par Bonnet. Le nerf optique
est sectionné aussi loin que possible à 6 millimètres de la scléro-
tique; la perte sanguine est insignifiante et immédiatement arrêtée
par un bandage compressif régulier, sans tamponnement de la
cavité laissée par l'ablation du globe.
Examen macroscopique de VœU énucléé. L'examen à l'œil nu de
l'organe enlevé a donné les résultats suivants : la section du nerf
optique paraît saine ; l'œil, vu par transparence, en le plaçant entre
le pouce et l'index recourbés en forme d'anneau, la pupille tournée
du côté de la lumière d'une lampe à gaz, dans une chambre
obscure, est perméable aux rayons lumineux dans les trois quarts
de sa circonférence, mais dans le quart externe, on distingue
nettement une masse présentant à peu près les dimensions d'un
gros pois.
Défaut absolu de transparence dans le quart externe. Cette masse qu'é-
claire la lumière diff'use se divise en deux parties : l'une centrale,
complètement opaque et qui s^ étend jusqu'au niveau de la sclérotique,
l'autre, périphérique à la première, plus rapprochée du centre de la
cavité oculaire et ({m n^^i demi-transparente. Il est donc évident que la
partie la plus opaque est la tumeur proprement dite, tandis que la
zone qui l'entoure doit être rattachée au décollement rétinien que
l'ophthalmoscope a montré sur la moitié interne de la tumeur, La
veine émissaire de la partie infero-externe est plus visible que les
autres et paraît remplie d'une matière noire qui lui donne une co-
loration plus sombre que ne la produit dans les autres le peu de
sang qu'elles renferment.
-57 —
Par ce premier examen se trouve confirmé, séance tenante, le
diagnostic porté presque dès le début de Tobservation.
Le globe est ensuite déposé dans la liqueur de Muller, pour un
examen histologique ultérieur.
Suiies de Vopération. Comme il arrive généralement, les suites
immédiates de cette opération furent des plus simples. Quelques
jours après, les lambeaux de la conjonctive étaient cicatrisés, et le
malade sortait guéri de la Clinique.
Le 10 avril, Torbite paraît absolument sain. Le malade porte de-
puis quelque temps un œil artificiel sanseij éprouver aucune gêne.
Description de la tumeur intra- oculaire. Six mois après l'opération,
le globe est ouvert par une section antéro-postérieure, passant par
le plan horizontal, en remontant, toutefois, un peu en arrière, pour
laisser momentanément le nerf optique parfaitement intact. La
coupe que forme ainsi le rasoir passe par le siège de la tumeur
qu'elle sectionne, à Tunion de son quart supérieur avec les trois
quarts inférieurs de sa masse. La figure que l'observateur a sous
les yeux est absolument concluante et corrobore le premier examen
macroscopique. Fig. \ ,
Coupe passant parle méridien horizontiil (1). A Cristallin contre la face
postérieure de la cornée. B Rétine complètement décollée et plissée au
milieu du globe. G Sarcome. D Reste du corps vitré. E Exsudât sous-
rétinien. F Cellule fusiforme renfermant un gros noyau à nucléole et
des granulations pigmentaires. G Masse de pigment. H Section d'un
faisceau de cellules fusiformes.
(l) Le dessin représente la coupe de la moitié supérieure^ de l'œil
gauche, la moitié inférieure ayant été détruite par les examens mi-
f croscopiques.
— 68 —
Sarcômes de la choroïde :
Espèces
simples : ( 2» Pibro-sarcôme . / Fibreux. . . 2o Sarcôme fibreux;
Toute division peut être critiquée, et nous nous empressons
de dire, qu'au point de vue pratique, les sarcômes de la cho-
roïde ne sont pas aussi nettement divisables; car Tune des va-
riétés peut se rencontrer avec une ou plusieurs autres. Ainsi
le sarcôme f,breux peut être mélane\ osiéoïde^ caverneux ^ caret-
nomateuxy etc. ; il en est de même pour les autres variétés.
Dans un sarcôme de la choroïde, on trouvera toujours que ces
espèces se mélangent et se confondent. La classificcUion
n'exprime donc qu^ une prédominance de tissus.
En se plaçant à un point de vue différent, on peut classer
autrement les sarcômes intra-oculaires et distinguer les sar-
cômes de la choroïde, du corps ciliaire, de Tiris ; ou, ne con-
sidérant que la forme et la grandeur de leurs éléments cellu-
laires, dire que ces sarcômes de Toeil se divisent : 1° en sar-
cômes globo-cellulaires, fuso- cellulaires, globo et fuso-ceilu-
laires, suivant que le microscope y aura fait découvrir un
excès de cellules sphériques ou fusiformes ou les unes et les
autres en quantité à peu près égale ; 2** sarcômes parvi-cellu-
laires ou giganto -cellulaires, selon la présence de petites ou
de grandes cellules, division utile à conserver, car la re*
marque a été faite que les sarcômes parvi-cellulaires ont un
degré de malignité supérieur aux sarcômes giganto-cellu-
Espèces
mixtes :
\ autre tumeur,
— 69 —
laires. Cette division trouvera son application au moment où
nous aurons à parler du pronostic.
Knapp a divisé les sarcômes de la choroïde en leuco-sar-
cômes ou sarcômes blancs, fibro-sarcômes, mélano-sarcômes,
sarcômes inflammatoires. Cette classification qui ne repose
que sur 8 cas tous personnels, est, à notre avis, incx)mplète et
fautive en ce sens que le sarcôme inflammatoire, d'origine
traumatique, doit être étudié tout à fait à part et ne peut être
comparé aux vrais sarcômes.
Dans l'étude anatomo-pathologique qui va suivre, les par-
ties constituantes du sarcôme seront étudiées dans Tordre
suivant :
Cellules;
2® Substance intercellulaire ;
3* Vaisseaux, leur nombre ou leur volume ;
4® Le pigment, s'il existe ou s'il fait défaut ;
5** Les produits de métamorphose régressive, gouttelettes
de graisse, etc.
Cette division du travail, empruntée à Knapp, (1) permettra
de faire un exposé aussi clair que possible des différentes va-
riétés de sarcôme de la choroïde.
§4. — Etîide anatomthpathologiqtie des différentes variétés du
sarcôme de la choroïde.
1* Du sarcôme blanc ou letœo-sarcôme. — Cette variété est
ainsi nommée parce qu'elle est moins noire que les autres,
car elle n'est pas incolore : on y trouve, au contraire, quand
elle date de quelque temps, des éléments brunâtres.
Composée essentiellement de cellules rondes et fusiformes
et d'une quanlité minime de tissu de soutien, de tissu fibreux,
(i) Die intraocularen Geschwûlste in Garlsruhe. 1868, p. iîiS.
— 70 —
eUe ofie une consistance très-£aible, ce qui la rapproche très*
sensiblement de la forme encépbaloïde du cancer.
VobH nu ne pourrait distinguer le sarcome blanc du fon-
gus médullaire (encépbaloïde) ; sa mollesse , qui permet
d'exprimer les cellules sous la forme d'un suc ^is, comme on
le fait pour le gliôme (Knapp), entraine dans cette erreur.
Or, comme les anciens observateurs ne pouvaient établir
d'autres divisions que celles basées sur Texamen macrosoo*
pique et sur la marche clinique des tumeurs, les formes moUes
du sarcôme, le gliôme et le carcinôme, étaient confondus,
ainsi qu'il a déjà été établi, sous le nom générique de fongus
médullaire.
Les éléments de ce sarcome peuvent être ronds ou fusi-
formes ; en d'autres termes on peut trouver des sarcômes
blancs globo ou fuso*cellulaires ou globo et fuso-cellulaires
tout à la fois. Leur caractère essentiel est d'être constitués par
des cellules à noyaux volumineux remplissant presque tota-
lement la cavité cellulaire au détriment du protoplasma, sur-
tout quand la cellule est récente. La substance intercellulaire
est hyaline ou légèrement striée, peu abondante, manquant
même en quelques points.
La tumeur peut d'elle-même se désagréger en petites par-
celles quand elle a été le siège d'un ramollissement simple
graisseux ou dû à une inflammation. Quand les points ainsi
atteints siègent à la surface, l'exubérance nous donne le
même aspect que le gliôme ou le carcinflme (1). Lesarcôme
blanc contient surtout beaucoup de vaisseaux, lesquels se di-
latent en certains points et produisent de petits extravasatâ
qui donnent, çà et là, la teinte brune dont il a été parlé. Ils
affectent même parfois la forme tèléangiectasique. Ainsi, l'ob-
servation 41 de notre tableau montre un sarcôme blanc et
(1) Knapp, 1. c, p. i53.
— 71 -
vasculaire tout à la fois. (Voir cette observation au paragraphe
sarcôme téléangiectasique.) Nulle part on ne trouve de pigment,
particularité qui leur a valu le nom de leuco-sarcôme. Néan-
moins ces tumeurs peuvent se colorer par la suite; cela dépend
du point de la choroïde dans lequel elles ont pris naissance.
Si elles partent de la chorio-capillaire qui est peu riche en
pigment, on n'y trouvera que rarement du pigment. Au con-
traire, si la tumeur envahit les couches voisines, les éléments
pigmentés du tissu mère sont compris dans la maladie et
fournissent Toccasion de la pigmentation (1). Un sarcôme
blanc peut ainsi se transformer peu à peu en mélano-sarcôme.
Mais dans ces cas le pigment se trouve réuni en îlots et
amorphe, tandis que dans les autres tumeurs il envahit les
cellules. On peut donc reconnaîtrey d après la façon dont un
sarcôme est piffmmtéy le point de la choroïde yui lui a donné
naissance.
Les observations de cette vaHété de tumeurs ëoiit assez
rares, le tissu choroidien déterminant une direction parti-
culière que présentent ses sarcomes à renfermer du pigment,
a II y a pourtant, dit Virchow (2), des cas de sarcôme incolore
qui ont paru primitivement dans la choroïde. J'ai examiné
moi-même un cas de ce genre, qui ne pouvait être douteux,
puisquVn y voyait essentiellement des cellules fusiformes.
Hulke (3) décrit un cas tout à fait analogue comme cancer mé-
dullaire. Il est possible que dans ces cas la partie interne
moins pigmentée de la choroïde soit le point de départ
de la tumeur. En attendant, il y a aussi des sarcômes
incolores, notamment des sarcômes à cellules multinuclé-
aires qui se trouvent à des endroits où normalement il
^ (1) Knapp, p. 165
(2) Virchow, Pathol. de? tumeurs, t. II, p. 278, 1. c.
(3) Hulke, Ophth. hosp. Rep., voL IV, p. 84.
— 72 —
n'existe gue du tissu pigmenté. J'ai vu un sarcôoie de ce genre
sur l'iris (1). Hulke décrit ua autre cas qui partait probable-
ment de la choroïde (2). Je ne doute pas que ce phénomène
n'ait une cause locale, quoique je ne sois pas dans le cas de
pouvoir indiquer celle-ci. »
Nous résumerons ici quatre de ces faits :
OBSBRYiLTiON II (40® de la statistique. . — Sarcome incolore simple et fu-
siforme de la choroïde. Guérison par énucléation à la période glauco-
mateuse (3). (Voir pl. i, iig. 6 à 9).
S..., âgé de 52 ans, éprouva, il y a trois ans, une sensation de
pression dans l'O. D., sans changement dans la vue de cet œil. Mais
peu àpeu celle-ci s'altéra progressivement. La partie interne du champ
visuel se perdit. On constata un décollement rétinien. En 1865, S=0,
douleurs violentes ; œil dur et larmoyant^ cornée insensible ; pupille
immobile et irrégulière; chémosis; fièvre, anorexie, faiblesse.
Iridectomie. Soulagement, puis réapparition des douleurs. Refus d'é-
nucléation. Ponction, puis énucléation suivie d'irido-choroïdite à
gauche qui guérit.
Sur la paroi postérieure du globe existe une tumeur cause du
décollement de la rétine. Section antéro-postérieure. Décollement
rétinien en forme d'entonnoir. Dans le milieu de l'espace postérieur
du globe, tumeur de la grosseur d'une noisçtte, recouverte sur
toute sa surface par la rétine présentant en arrière l'aspect d'une
corde et accompagnant cette membrane jusqu'au point où la cho-
roïde s'épaissit. Celle-ci est adhérente partout à la sclérotique.
On peut facilement enlever la rétine de la tumeur, dont la sur-
face présente de petites taches noires pénétrant un peu dans l'épais-
seur de la masse. La sclérotique est fermement unie à la choroïde;
celle-ci est mince à cet endroit.
La structure de la tumeur indique un sarcôme à cellules fusifor-
mes fineSj lesquelles sont allongées, et offrent de 3 à 6 {«. de lar-
geur, avec noyaux allongés. Substance cellulaire pointillée, entou-
rée d'un tissu hyalin plus nombreux là où les cellules sont paral-
(1) Archiv fiir Ophtbal., B. VII, 2 p., p. 38.
(2) Hulke, Ophthalmichosp. Rep., t. III. p. 284.
(3) Knapp. p. 126.
-73 —
lèles, plus rares là où elles ont une direction irrégulière. La plus
gn*ande partie des cellules est incolore^ sauf à la périphérie où l'on
rencontre des éléments ronds et ovales destinés à former des cel-
lules fusiformes.
La tumeur sort assez nettement de la choroïde, et sur les limites
(ie sa b£Lse on voit la couche vasculaire de Haller et le bord de la
chorio-capillaire.
Les cellules granuleuses se transforment directement en cellules fusi-
formes en s'* allongeant. On y voit encore deux espècès de cellules
fusiformes, les unes courtes à noyau visible et à granulations bril-
lantes, les autres plus allongées et plus étroites, à noyau plus petit
et ovale. A certains endroits de la périphérie, il se môle à Vélément
incolore un autre élément coloré en noir et formé de cellules pig-
mentées, mais la tumeur en elle-même est privée de pigment.
La formation et le développement de la tumeur depuis la péri-
phérie était facile à démontrer. Les limites n'en sont pas nettes.
D'ailleurs le sarcôme n'est bien limité qu'à son début.
Deux ans et neuf mois après, pas de récidive. Santé générale
bonne. Si on ne peut pas écarter complètement l'idée d'une méta-
stase possible, elle paraît néanmoins invraisemblable à cause du peu
d'espace occupé par la tumeur et du temps écoulé depuis l'opération.
Observation III (44® de la statistiqua). — Leuco-sarcôme de la
choroïde (i).
Un homme d'une cinquantaine d'années se présenta à la clinique
de Graefe avec une névralgie ciliaire des plus intenses et une amau-
rose complète. L'examen du fond de l'œil étdt impossible par suite
de l'opacité des milieux. On diagnostiqua l'existence d'une tumeur
intra-oculaire et le bulbe fut extirpé. Le diagnostic fut confirmé par
l'examen anatomique, qui révéla l'existence d'un sarcôme de la
choroïde sam la moindre trace de pigment à (intérieur.
Observation IV. (58e de la statistique). — Sarcôme de la tunique vascu-
laire avec noyaux secondaires dans la rétine et près du bord scléro-
coméen (^).
La fille A. B . . , , âgée de j 2 ans, est présentée en \ 868 par sa mère,
(1) A. de Graefe, Annales d'oculistique, t. LXIII, p. 157, 1870.
(2) Hirschberg et L. Happe, Archiv. fur OphthaL, B. XVI, p. 302 et
Annales d'oculis. (871, t, LXIV, p. 50.
qui a trouvé que depuis trois semaines l'œil gauche de son enfant
offre une expression étrange : cet œil est tout à fait aveugle. La fiUe
elle-même ne s'était aperçue de rien avant œtte époque. LcbU ett
(/wr (T+3), sans douleurs, Tiris en est foncé et h\'perémié, la pupille
très-étroite, de manière quon fie peut rien apercevwr à FapkihiUnuh
scope. L'apparence extérieure de l'œil est normak, L'énucléation pnh
posée est réfusée. Un an plus tard, bosselures au bord supérieur et
externe de la cornée dans la région ciliaire; pas de douleurs.
Énucléation au commencement de juillet 1869; le nerf optiqqei
paraissant gris sur la section, est coupé plus loin. Quatre mots
pas de récidive.
L'œil durci dans le liquide de Muller présente une tumeur peo
convexe, composée d'élevures lenticulaires peu distinctes les unes
des autres et entourant le quart supérieur et externe de la Gornée,
Sur la section méridienne verticale on remarque comme altérations :
une turneur diffuse dans la tunique vasculaire^ un petit foyer secon-
daire dans la rétine, dont le niveau est peu différent de Tétat nor«>
mal, et un noyau plus gros, extra-bulbaire. Le microscope fait voir
la structure d'un sarcôme à petites cellules rondes.
Cette observation est remarquable par :
i"" La présence d'un sarcôme de la tunique vasculaire ciex tau
enfant de \2ans. Le gliôme ne survient que chez les enfants, et
constitue chez eux la plupart des néoplasies oculaires. Le sarcôme
du tractus uvéal appartient à l'âge adulte, mais non sans excep-
tion.
2^ La constitution leucotigue de la néoplasie. Les sarcômes aani
pigment sont rares.
3* Les noyaux secondaires de la rétine avec tumeiir primaire dans
la tunique vasculaire. Ces sarcômes produisent le décollement de
la rétine, ou, co qui est plus rare, percent la rétine sans la décoller.
Il est très-exceptionnel de voir la production d'un petit noyau
dans la rétine par infection locale, à la suite du sarcôme delà tu-
nique vasculaire; ce cas même paraît jusqu'ici le seul bien connu.
L'infection secondaire de l'uvée, à la suite d'affections rétiniennes
primaires, est par contre très-fréquente.
75 —
Obseevition V (66« de la statistique). — Sarcôme de la choroïde à cel-
lules fusîformes, énucléation, pronostic (1).
Un Canadien de 58 ans ne voyait pas la partie inférieure des
objets avec l'O G.
Aspect extérieur de l'œil, normal. Môme acuité des deux yeux
pour la lecture Se?—. Restriction de la partie inférieure du champ
vistiel de Î'O. G. Après dilatation de la pupille, l'ophthalmoscope
fait voir très-nettement une tumeur arrondie prenant son point de
départ à la partie supérieure du nerf optique (lequel paraissait hors
de cause) et avançant vers Tora serrata. Le fond de l'œil est sain
autour. Lajumeur est presque recouverte par la rétine, dont les
vaisseaux sont visibles sur sa surface.
On inclina fortement pour une tumeur sarcomateuse. Aucun coup
sur l'œil ne pouvait faire songer à un décollement séreux ou hé-
morrhagique. La seule planche de salut pour le malade était Ténu-
cléalion. Je luttai avec moi-même avant de conseiller une inter-
vention immédiate, la vision étant aussi bonne que cette de Poutre osil^
sauf la restriction du champ visuel. Le malade lui-môme ne pou-
vait dire si son mal était stationnaire ou non.
On décida d'attendre un peu; le moindre accroissement de là tu-
meur forcerait à une opération immédiate.
J'ai fait un examen ophthalmoscopique très-prolongé, pour im-
primer dans ma mémoire, aussi nettement que possible, l'aspect
de la tumeur. Champ visuel pris avec l'instrument de Porster
de Breslau le 27 septembre et le 18 octobre (voir pl. I, fig. 12). —
A cette dernière date, on constate un acct^oissement de la tumeur.
Le 18 octobre, la surface du nerf optique n'était plus visible. Énu-
cléation. Examen par le D' Pitz : a La tumeur occupe presque le
quart du globe et s'étend en avant jusqu'à une courte distance del'ora
serrata. Elle est irrégulière, globuleuse^ formée de deux noyaux ar-
rondis; on voit dans la flg. 10, pl. I, qui représente la section du globe,
la partie supérieure et son contenu. Décollement partiel. L'espace
entre l'enveloppe de Fœil et la tumeur est occupé par une substance
(1) Hasket*Derby, Boston médical and surgical journal, 1872, n« 6,
p. 85.
— 76 —
ferme. Le liquide albumineux et coagulé existait probablement pen-
dant la vie. La portion libre de la tumeur dépassait l'axe de TcBil,
Pas d'altération du nerf visible à l'œil nu. La rétine monte sur la
surface de la tumeur, dont elle est séparée par une couche de pig-
ment épithélial. Absence du tissu granuleux. Les groupes de cel-
Iules arrotidies de différentes grandeurs avec noyaux distincts et
volumineux, arrondis et ovales, contenant d'autres nucléoles, sont
disposés en forme alvéolaire. Chacun contient de 4 à 12 cellules,
et est entouré par un bord fibreux irès-déliéy et au milieu d'un groupe
on retrouve çà et là des tracius fibreux disséminés. Des cellules fusi-
formes avec noyaux longs et ovales existent de place en place, de
sorte qu'il est possible et même probable que la disposition alvéolaire
,des cellules tient aux sections transversales et obliques des cellules
fusiformes.
Les vaisseaux sanguins de la choroïde ou plutôt de la tumeur, sont
très-grands en un point et entourés par une enveloppe relativement
mince, ils sont aussi p/ws nombreux que dans les autres parties delà
néoplasie. Là où on trouvait une accumulation de cellules dans la
choroïde, elle prenait une forme plus ou moins alvéolaire.
On n'a trouvé nulle part de cellules graisseuses ou pigmeniaires.
Sur le dessin (voir pl. I, fig. 11 ), on voit des cellules qui pa-
raissent rondes : elles ont cet aspect parce qu'on a sous les yeux
leur section transversale, mais ce sont néanmoins des cellules fu-
siformes.
On voit aussi la coupe d'un vaisseau qui contient des globules
sanguins. Accolés aux vaisseaux sont deux tractus fibreux, formant
la charpente du tissu cellulaire. Ces tractus irrégulièrement dissém"
nés s'avancent en forme d'éventail vers la surface libre de la tumeur,
au-dessus du corps vitré. La substance intercellulaire proprement
dite est peu abondante et formée de fibres délicates et de granula*
tions fines.
Auprès de la sclérotique, la tumeur contient encore du tissu
fibreux formé de faisceaux de cellules plus petits; les cellules iso-
ées sont également plus petites.
Au bord de la tumeur, en ce point, des lignes de cellules petites et
arrondies sont trouvées entre des fibres délicates et plus ou moins
parallèles ; l'on ne peut affirmer que ces fibres appartiennent à
la sclérotique ou à la choroïde. D'une manière générale, on peut
dire que tumeur iCa pas franchi le tissu de la sclérotique.
Les vaisseaux sanguins de la tumeur étaient nombreux\ei petits,
leurs parois très-minces. En certains points on voyait une struc-^
ture rappelant celk du gliôme. Cette déviation de la tumeur était
limitée à la rétine. Aucun détail sur les suites de cette affection.
2® Du fibro'sarcôme. - Le flbro-sarcôme de la choroïde ne
diffère du leuco-sarcôme que par la quantité de fibres de tissu
conjonctif qui est beaucoup plus considérable dans la variété
dont nous nous occupons en ce moment. Les cellules, au
contraire, et surtout les cellules rondes, sont en plus petit
nombre. Le microscope y fait constater une prédominance no-
table de cellules ftmf ormes de toutes dimensions depuis les
plus jeunes, très-petites, jusqu'aux plus âgées, gigantesques.
C'est dans cette espèce de tumeurs que le tissu embryon-
naire montre véritablement un commencement d'organisation
en tissu fibreux ou conjonctif : d'où résulte une trame et une
charpente qui donne à la masse beaucoup plus de consistance
que dans le sarcôme blanc. Lebert décrivait ces tumeursi sous
le nom de fibro-plastiques. Plus tard les observateurs remar-
quèrent qu'elles étaient assez translucides, qu'elles offraient
un aspect fasciculé et ressemblaient, grossièrement il est vrai,
à la chair d'un muscle. Rajeunissant alors le vieux mot de
sarcôme, ils l'appliquèrent à toutes les tumeurs offrant, de
près ou de loin, le même aspect. Telle est l'origine de la dé-
nomination des tumeurs au groupe desquelles appartien-
nent celles que nous étudions.
Donc, faisceaux de tissu fibreux formés par des groupes de
cellules fusiformes à extrémités effilées simples ou ramifiées,
8* entrecroisant en tous sens, île telle sorte que sur une pré-
paration au milieu de tractus constitués par des faisceaux
accolés les uns aux autres, existent des Ilots plus ou moins
arrondis, semblant remplis de cellules rondes, mais qui ne
sont autre chose que des faisceaux de cellules fusiformes per-
- 78 -
pendiculaires à ceux gui ont été vus sur le plan de la prépa-
ration et que le rasoir a coupés, soit perpendiculairement, soit
obliquement, à leur plus grande longueur.
Les flbro-sarcômes de la choroïde, composés d'un tissu
dense, ont des limites assez précises^ rarement diffuses et dif-
ficiles à apprécier. Ils renferment peu de vaisseaux, et leur
évolution est beaucoup plus lente que celle des sarcômes à
cellules rondes, parce qu'ils se maintiennent plus longtemps
dans leur point de déparl. Donc les malades atteints de ces
tumeurs présenteront des symptômes plus tardifs de généra-
lisation.
Il est rare que les fibro-sarcôraes soient dépourvus de pig-
ment, le plus souvent on a affaire à des fibro-sarcômes mêla- i
niques. Le micrographe y constate plus rarement que dans les
tumeurs ù tissu mou les produits de régression, gouttelettes
de graisse, etc.
L'observation suivante présente un fait assez rare de fibro-
sarcôme double, sur le même malade.
Observation VI (38e de la statistique). — Fibro-sarcôme des deux yeuxt
Un homme de 61 ans (1) vint, eu juin 1867, consulter pour des
douleurs intolérables que ToBil droit lui causait depvi$ huit jours.
Surexcitation extrômc. Absence de sommeil depuis le début de ces
douleurs intra-oculaires avec irradiations vers la fosse temporale,
plus intenm le soir et provoquant des syncopes. Œil droit dur comme
la pierre (il trôs-douloureux au toucher. Injection conjonctivale et
sous-conjonclivale très-vive. Chambre antérieure presque disparue.
Humeur aqueuse, trouble ; mydriase. Quelques synéchies en bas.
Impossibilité de voir le fond de l'œil. Sensibilité à la lumière très-
faible. — OEil gaucho, scotôme central, vision périphérique difficile
h déterminer. A rophthalmoscope, les milieux en sont transparents.
Au niveau de la macula lutea on a un reflet jaune blanchâtre^ terne.
Les parties environnantes de la rétine sont soulevées et parsemées
(l) Landcsborg, Archiv. tui» Ophth., B. XV, Abth., 1 p„ p, 2(0, 1869.
— 79 -
de taches blanchâtres. Début il y a cinq ans, marqué par une taxîhe
noire qui l'empêchait de voir clairement et de viser quand il chassait.
Asthénopie accommodative. On diagnostiqua un décollement delà
rétine progressif à gauche, stationnaire à droite. Progrès lents, mais
continus, la vue se perdit de haut en bas. En 1865, chute de che-
val,après laquelle la vuedisparaît. L'œil devint douloureux. Névral-
gie ciliaire interne.
Diagnostic précis impossible à faire. On soupçonne une tumeur.
Enucléation. Après la guérison, Tamblyopie de l'œil gauche
augmente sensiblement, le scotôme central persistant. Le soupçon
d*une tumeur de la choroïde dans cet œil parut se justifier par
l'examen de l'œil énucléé. Nous avons le môme processus morbide
du côté des deux yeux : à gauche, il est resté stationnaire, tandis
qu'à droite il a eu une marche sourde suivie d'issue funeste. L'œil
gauche passerà-t-il pas la même phase? on ne peut que le coiyec-
turer et le craindre.
Les dernières nouvelles que j'ai eues du malade sont très -tristes.
Le scotôme central a énormément augmenté. Pression dans l'œil et
douleurs tntra-^culaires avec irradiations vers la tempe.
Examen microscopique par le D' Haase : Diamètre antéro-posté-
rieur, â5 millimètres; vertical, 22 millimètres. La tumeur a un
diamètre de 5 millimètres et les autres de 3 et demi. Décollement
total de la rétine ; celle-ci n'est fixée en avant que par sa partie
ciliaire et en arrière par le nerf optique. A la partie externe du
globe, tumeur coupée par son milieu, s'engageant dansJa cavité du
globe et partant de la choroïde. Elle est un peu étranglée à son
insertion^ de sorte qu'elle esc comme pédiculée sur la scléro-
tique (voir Pl. I, fig. 13). Les tissus de la choroïde ont complète-
ment disparu à l'insertion de la tumeur. Oh n'y trouve que quel-
ques masses de pigment qui n'est plus contenu dans des cellules,
maid répandu dans du tissu conjonctif qui relie la tumeur à la
sclérotique. Au bord de la tumeur la choroïde se divise en deux
feuillets, le plus externe contient le tissu supra-choroïdien, l'in-
terne, la lamelle vitrée et la couche pigmentée. Celle-ci disparaît
gfraduellement. La tumeur part des cellules incolores de la choroïde
et est un sarcôme fasdculé, sarcôme à grandes cellules. D\i centre de la
tumeur partent des rayons vers la périphérie. Les cellules fusiformes
sont représentées pi . fig.l4. Entrecelles-ci se trouvent des cellules
sphériques et anguleuses. A la périphérie on trouve également des
cellules rondes plus jeunes, sans doute, que les cellules fusiformes.
Observation VII (11* de la statistique).
Une femme de 44 ans (1) dit qu'il y a sept ans, après avoir souf-
fert de la partie gauche de la tête, elle remarqua une diminution de
la vue de Tœil gauche sans inflammation. Photophobie, larmoie-
ment, douleurs; puis formation dune tumeur rouge, pigmentée^ assez
consistante, qui avait traversé la sclérotique. Sur cette tumeur s'en
trouvait une autre pigmentée, ronde, mais molle. Enucléation.
L'orbite parut sain. Quatre semaines après, guérison. La tumeur
du globe de l'œil était formée d'un tissu très-dense avec des fibres
rayonnantes et entrelacées. Les vides*étaient remplis de cellules, de
sorte que la tumeur avait les caractères donnés par Hokitansky au
sarcôme fasciculé.
Observation VIII (64« de la statistique).
Un enfant de 13 ans présentait déjà en naissant une- proéminence
de rœil droit (2).
Cette exophthalmie était restée stationnaire jusqu'à 9 ans. À cet
âge, chute sur l'œil ; léger écoulement aqueux. A partir de ce mo-
ment Vceil s'atrophia et rentra dans l'orbite. De temps en temps
douleurs dans l'œil phthisique.
État actuel. — L'œil droit est rentré profondément dans l'orbite.
Ouverture des paupières étroite. Sécrétion catarrhale assez abon*
dante. Cornée grande en proportion de l'œil. Pupille dilatée. Le
cristallin semble manquer. On voit un reflet jaune au fond cle C oeil.
Légère perception de la lumière. A gauche, inflammation catar-
rhale. Enucléation.
Examen microscopique. — Le globe a la forme d'une boule aplatie
aux deux pôles. Diamètres, 16 et 13 millimètres .Six mois après,
section perpendiculaire au diamètre antérieur. Sa sclérotique est
parsemée de petites élevures. La choroïde en est séparée par un
canal circulaire. En prolongeant la coupe sur la partie dure du
(1) Cari, Nîessl., AUg. Wien. med., ztg VIII, 17, 1861 etSchmidt
Jahrbûcher, B. CXVII, 1863, p. 320.
(2) E. Berthold, Archiv. fur Ophth., B. XVII, abth. 1, p. 185.
globe, on rencontre une masse jaunâtre parsemée de petites masses
de pigment j dont les diamètres [(horizontal et vertical) sont de
9 millimètres environ. Chambre antérieure profonde et séparée de
la partie postérieure par une membrane très-pigmentée. A la place
du corps vitré, on trouve une tumeur jaunâtre entièrement pig-
mentée. On ne voit plus la rétine.
La tumeur est formée par de nombreuses fibres entrecroisées de
tissu conjonctif^ au milieu desquelles sont quelques cellules rondes. An
centre, la tumeur est plus pauvre en cellules qu'à la périphérie
et ressemble en ce point à du tissu cicatriciel. Çà et là des cellules
de pigment et des masses de noyaux de pigment. La rétine a com-
plètement disparu. Quant à la choroïde, on ne reconnaît que des
vestiges de la lamina fusca. Le tissu qui forme la paroi de la cavité
qui se trouve entre la sclérotique et la tumeur contient, outre de
belles cellules de pigment, qui paraissent être les restes du corps
vitré, des cellules grandes et petites à un ou plusieurs noyaux, ainsi
que les plus jeunes cellules de la tumeur avec une vascularisation
récente. Les fibres nerveuses du nerf optique sont atrophiées. La
charpente en est épaissie.
D'après ces constatations, on devrait appeler cette tumeur un
fihro-mélano-sarcôme (1).
3® Des mélanosarcômes. — Les mélano-sarcômes doivent,
sans contredit, tenir la première place parmi les sarcomes de
la choroïde, vu leur nombre considérable, vu également leur
gravité toute particulière. La présence de pigment en grande
quantité leur donne un aspect tout différent de celui des tu-
nnieurs qui ont été étudiées jusqu'à présent. Elles sont tantôt
grises, mais le plus souvent brunes ou d'un noir sale, s*il y a
abondance de matière pigmentée. Celle ci se mêle à Teau
comme le ferait de l'encre de Chine, lui donne une ternie
(1) Vu: i« l'âge de Tenfant; 2o Tétiologie, un traumatisme; 3» la
marche de raffection ; 4o la nature de la tumeur ressemblant à un tissu
de cicatrice, il est permis de penser qu'on a ici affaire à un de ces cas
décrits par Knapp sous le nom de sarcôme inflammatoire. Voir au
§ Sarcôme inflamm.
Brière. 6
82 -
sépia et tache les doigts en noir. Quelquefois on distingue, à
la coupe, de petites stries blanchâtres très-fines qui ont fait
comparer à une truffe l'apparence de ces tumeurs, ou des
taches blanchâtres irrégulières qui' leur donnent un aspect
marbré. Mais le plus souvent leur teinte est uniformément
sombre.
Le mélano-sarcôme est constitué fréquemment par des cel-
lules fusiformes dont la disposition répond à celle du flbro-
sarcôme; mais on y rencontre aussi quelquefois des cellules
rondes et ovales à grand noyau. Il est plu^ consistant que le
sarcome blanc, et moins que le fibro-sarcôme; du reste, la
densité de son tissu peut offrir de grandes variétés, suivant
qiie la tumeur mélanique est plus riche en faisceaux de cel-
lules fusiformes ou en cellules sphériques.
Sa vascularisation est moins développée que celle du sar-
come blanc, surtout du sarcome blanc à cellules rondes. Sauf
l'élément pigmenté qui donne à cette tumeur son véritable
caractère distinctif, les autres parties constituantes n'offrent
donc rien de bien particulier, et il est inutile de s'y arrêter
plus longtemps. La mélanose, c'est-à-dire Tenvahissement
des tumeurs choroïdiennes par la prolifération des cellules de
pigment ou par la présence de matière colorante du sang, se
retrouve très-fréquemment, bien qu'à des degrés différents,
dans toutes les variétés de tumeurs qu'il nous reste à étudier.
Il n'y a, en un mot, que les leuco-sarcômes et les fibro-sar-
cômes purs qui en soient exempts. Il est donc facile de com-
prendre maintenant comment les tumeurs intra-oculaires se
sont trouvées divisées, il y a une trentaine d'années, en :
1® mélanoses comprenant toutes les tumeur^ pigmentées,
sans autre distinction, et 2** les fongus médullaires compre-
nant toutes les tumeurs non pigmentées : gliôme de la rétine,
leuco-sarcôme, carcinôme proprement dit. Nous ne revien-
drons pas, du reste, sur Thistorique de la mélanose (voir
— 83 —
ch. ni sur ce qu'on doit penser de la division des anciens
auteurs en méianose bénigne et mélanose maligne. Toutes
ces questions seront examinées au chapitre Pronostic,
On a naturellement recherché la cause de cette énorme
pigmentation des tumeurs de la choroïde. La plupart des au-
teurs l'ont d'abord attribuée à la combustion incomplète des
substances carbonées du sang (Foltz) et à la présence de la
matière colorante du sang. Des hémorrhagies, disait- on,
avaient lieu de temps en temps dans l'intérieur de la masse,
qui peu à peu prenait, par cette raison, une couleur de plus
en plus foncée. Une hémorrhagie peut effectivement modifier
la nuance d'un sarcôme. On a vu dans quelques leuco-sar-
cômes des taches brunes qui ne reconnaissent pas d'autre
cause qu'un léger extravasat sanguin; mais, d'une pigmenta-
tion légère et locale à la coloration complètement noire et
générale des mélano-sarcômes il y a loin, et comment expli-
quer les cas de tumeurs absolument mélaniques qui n'ont
qu'une vascularisation intrinsèque tout à fait rudimentaire ou
dont le système vasculaire est trouvé intact sur toutes les
préparations; force a été de trouver une autre explication. Le
microscope a fait reconnaître une hypergénèse des cellules
p^pientaires de la choroïde qui pénètrent dans les cellules
sarcômateuses ou forment de gros agrégats isolés.
La substance colorante se présente souvent sous le même
aspect que celle des cellules pigmentées de la choroïde. Ces
granulations se trouvent dans le contenu des cellules, de telle
façon que la zone autour du noyau se trouve le plus chargée
(Knapp). Il est possible qu'un senl côté, en un point isolé de
la cellule, soit envahi par les granules pigmentés. D'après les
préparations, on voit que les formes cellulaires les plus jeunes
n'ont pas un caractère pigmenté bien défini. Quand ces cel-
(i) Breschet et Barruel, Cazenave, art. Mélanose, Dict. en 30 vol.,
t. XÎX, p. 343.
— w —
Iules augmentent de Tolome, la matière colorante y augmente
également; elle devient plus granuleuse et l'on remarque que
des cellules, blanches à rorigicie, ont été pigmentées après
leur complet développement (1). Mais, outre cette substance
colorante, il sea présente une autre sons forme de masses
isolées, et que Ton doit considérer comme la substance colo-
rante da sang métamorphosée. On en rencontre infiniment
moins que de groupes de cellules colorées par les granulations
pigmentaîres, et, ce qui permet encore de supposer que ces
gros agrégaiâ sont des résidus sanguins, c'est qu'on les ren-
contre surtout dans le tissu des sarcomes blancs, c'est-à-dire
précisément où le pigment proprement dit fait défaut. En
outre, la nuance de ces îlots n'est pas uniforme comme celle
du pigment choroldien; elle offre divers degrés du jaune au
jaune rougeâlre, au rouge foncé puis au noir, absolument
comme les dépôts de matière colorante dans les hémorrha-
gies.
Les granulations du sarcôme mélanique sont noires dès l'o-
rigine,, arrondies et réfringentes (Cornil et Ranvier). Si Ton
rompt une ou plusieurs des cellules chargées de pigment, de
fines granulations noires s'échappent aussitôt et sont animées
du mouvement brownien. Cette variété de tumeurs a une
tendance très-grande à la généralisation, et celle-ci se montre
presque toujours sur le foie. On a trouvé des tumeurs méta-
statiques dans tous les organes possibles, même dans le cœur,
dans les os, dans le canal rachidien, etc. Ën un mot, aucun
point de l'économie ne parait à l'abri des métastases. Mais
celles-ci apparaissent de préférence sur les viscères, sur les
organes le plus vasculaires, et notamment sur le foie, qui
s'hypertrophie au point de remplir toute la cavité abdomi-
nale. A Tautopsie, on y trouve, dans ces cas, des tumeurs
(1) Knapp, p. 161, 1. c.
- 85 —
mélaniques à la surface et dans Tintérieur, presque toujours
multiples, bosselées et dont la structure rappelle complète-
ment celle de l'œil. Cette généralisation des tumeurs mélani-
ques oculaires ne fait plus de doute aujourd'hui pour per-
sonne. Il est même très- surprenant que Poland (p. 170) ait
désigné la mélanose de Tœil comme une maladie secondaire
à celle des autres organes. Notre statistique montre la fré-
quence de ces métastases sur le foie^ fréquence qui était plus
marquée dans les observations anciennes de mélanose oculaire^
parce qu'avant r ophthalmoscope on ne reconnaissait la tumeur
maligne quau moment où le reste de t économie était déjà
atteint. Le parallèle des tumeurs mélaniques intra-oculaires
de la période pré-ophthalmoscopique avec celles de la pé •
riode post-ophthalmoscopique sera, du reste, établi lorsque
nous aurons à préciser la nature des sarcômes de la choroïde,
leur degré de malignité et le pronostic que Ton doit porter
en présence d'une semblable tumeur. Il est fréquent de trou-
ver dans les sarcômes mélaniques des produits de dégéné-
rescence graisseuse; comme ceux-ci existent également dans
d'autres variétés de sarcôme, il en sera question dans un
chapitre à part.
Si nous voulions reproduire toutes les observations de
mélano-sarcômes de la choroïde que nous avons sous les
yeux, Tattention du lecteur serait fatiguée inutilement. Nous
en choisirons donc quelques-unes parmi celles qui ont paru
le plus intéressantes. Les autres seront résumées en quel-
ques mots.
L'observation I, n. 70, de notre statistique est un des plus
beaux cas de mélano-sarcômes observé dès le début et suivi
pendant vingt et un mois après l'opération.
— «6 -
OdseBVATXOx K (4* de ia sUiistiqueV. — Mé'.anoise de rintèrieur de l'œil,
avec extension r^ipide sui\ie d'une attaque glaacomatease. Douleurs
vires. Exophlhalmie. Énacléaûon. Amélioraiion.
Un homme, âgé de 40 ans, se présente le 10 février 1858 à
Moorfields, souffrant beaucoup de TO. D. On prit Taffection pour
une ophthalmie aiguë. La vue étant perdue et les doulsurs extrê-
mement prononcées, on Gt l'énucléation. Guérison rapide. La
santé générale devint meilleure. Le début de raflection remonte à
cinq ans. A chaque attaque glaucomate^ue la vue avait baissé; au
bout d'un an elle était perdue. Augmentation de volume dans la
dernière année. Le diagnostic n'a\-ait pu être précisé.
Le D' Bader examine Tœil : l'affection consiste en une masse
mélanotique dans l'intérieur de l'œil. Le point de départ était dan»
la choroïde ^ans aucun doute ^ près la tache jaune, et de là elle avait
progressé, décollé et détruit la réline, ainsi que les procès ciliaires.
La masse mélanotique était molle, de couleur chocolat^ composée
d'une matière transparente radiée de cellules fusiformes à noyau.
L'enveloppe contenait des granules graisseux, des globules san-
guins altérés et des débris de pigment.
Obskrvation X (61e de la statistique). — MélaDO-sarcôme de la
choroïde (2).
A. S..., 46 ans, ressentit des douleurs au mois d'août 4870, dans
l'œil droit. Depuis^ peu de douleurs.
3
Le 8 octobre 1870, rien à l'extérieur de l'œil ; S = — En éclai-
200
rant mieux, on vit derrière le cristallin une tumeur gris blanchâtre
qui couvrait complètement la pupille dans le regard horizontal.
Elle était nettement limitée. Les parties de la t^étine qui s'fw rappro-
chaient étaient décollées par un liquide, sans altérer la couleur
rouge de la choroïde. Du champ visuel il n'existe que le quart in-
terne. Le cristallin et le corps vitré sont transparents. La tumeur
s'avance jusque près du cristallin. Chambre antérieure aplatie.
Pupille normale, T. augmentée.
(i) Poland, Ophthalmie hosp. rep., avril 1858, p. 468.
(i) B. Socin, Archiv. de Virchow, t. LU, p. 556, 1871.
- 87 -
Énucléalion le 10 octobre. Douze jours après, guérison.
Le globe a ses dimensions normales. La partie supérieure et pos-
térieure de sa cavité est remplie par une masse brune noirâtre,
marbrée^ un peu molle, qui- vers le dehors touche à la sclérotique,
avec laquelle elle a quelques connexions.
Par une légère pression du couteau on râcle un liquide louche
qui se compose en grande partie de liquide parenchymateux, et
surtout de cellules ovales qui contiennent beaucoup de graisse et de
pigment granulé,
La largeur moyenne des cellules varie entre O^'^jOOS et0,""'015;
la longueur moyenne entre 2 et 4 centièmes de millimètre. Cepen-
dant on rencontre quelques cellules fusif ormes allongées. L'épi thélium
pigmenté de la choroïde limite plus ou moins la partie interne de
la tumeur. Le corps vitré est liquéfié en partie.
Nous avons donc affaire à un sarcôme mélanotique de la choroïde
en voie de dégénérescence graisseuse, encore limité à cette der-
nière, bien qu'il ait rempli la moitié de l'espace du corps vitré. Les
douleurs et la rougeur ne dataient que de six semaines, étaient
modérées et avaient disparu.
Obsehvation XI (17« et 18© de la statistique). — Mélano-sarcôme,
à petites cellules, de la choroïde des deux yeux (1).
V..., âgée de 59 ans, d'une constitution robuste, sentit, en août
4863, une douleur dans les yeux. Un mois après, conjonctivite ca-
tarrhale.
En mars 1864, l'œil gauche ressemble à une masse charnue,
cornée sale et trouble, parsemée de points blanchâtres. Boukurvive
dans ron/etdans toute la tête. O.D., trouble léger de la cornée avec
points blancs; hyperémie de la conjonctive. 0. G., vue abolie.
Énucléation de cet œil en avril. En septembre suivant, l'autre œil
perd également la vue et devient plus petit; l'état de la malade est
tel qu'on s'attend à la voir mourir sous peu.
Examen de VcsiL Diamètre antéro-postérieur, 24 millimètres,
vertical, 28 millimètres (au niveau de la tumeur).
Une masse consistante remplit la cavité de l'œil. Elle a d'abord
ra.spect du corps vitré enflammé; mais en examinant de plus près,
(l)Schies8 Gemuseus et Virchow, t. XXXIII, p. 495, 1865.
— 90 —
plus consistantes. Un examen plus minutieux montre qu'il s'agit
d'une tumeur fibreuse dans laquelle on rencontre des éléments eeiiu'
laires mêlés à du pigment: ces trijis parties constitutives, fibres,
cellules et pigment, se comportent différemment suivant les en-
droits. Toute la tumeur est recouverte à l'intérieur par une la-
melle vitrée et un épithélium pigmenté dont les cellules ont perdu
l'aspect polygonal et forment une couche irréguUère.
La structure primitive est celle d'un fihr&me; un tissu à fibres pa-
rallèles s'entrecroisant avec de toutes petites cellules visibles seu-
lement à un fort grossissement. On troux'e également des places où
il existe des cellules plus grandes, mais partout le stroma prédo-
mine. En quelques points, les cellules sont en voie de dégénéres-
cence graisseuse.
Malgré l'épaisseur considérable de la tumeur, il est facile de
rechercher dans quelle couche de la choroide elle a pris son point
de départ. Le fait que partout où il se trouve des cellules plus
grandes on rencontre une dégénérescence graisseuse permet de
supposer que dans la suite la tumeur ne se serait pas étendue
davantage. Le pigment semble avoir son origine dans le pigment du
stroma*
OBSBavATioir XII (47* de la statistique). — MélaDO-sarcôme, parvi-cella-
laire et partiellement fuso-oellulaire de la choroïde (1).
Un homme de 49 ans se présenta avec un scotôme central.
L'examen ophthalmoscopique fit constater une infiltration de la
rétine à la partie interne du nerf optique. L'infiltration était ré-
gulièrement circulaire ; les vaisseaux rétiniens, môme les plus
petits, restaient apparents. Le diagnostic était difficile : les carac»
tères de l'affection appartenaient aussi bien à un cysticerque qu'à
un néoplasme sous-rétinien. Huit mois après, le malade se repré-
senta avec un glaucome inflammatoire suraigu. L'énucjéation de
l'œil fut faite aussitôt, et l'examen microscopique permit de con-
stater l'existence d'un mélano-sarcôme parvi-cellulaire de la cho-
roïde présentant, dans certaines de ses parties, im caractère fuso«
cellulaire. Cinq ans après, le malade restait parfaitement guéri
sans trace de récidive.
(I) Alf. Graefe, Ann. d'oculis., t. LXIII, p. 427.
- 89 -
mètres d'épaisseur. Dans les parties antérieures de la choroïde,
on trouve beaucoup de petites cellules entremêlées de pigment et des
fibres de tissu conjonctif.
Ces cellules et ces fibres prédominent alternativement. Les capil-
laires de la choroïde paraissent avoir été étouffés par la proliféra-
tion des cellules non pigmentées du stroma.
Pendant longtemps l'observateur était indécis pour classer cette
tumeur. L'examen de l'autre œil lui fit reconnaître définitivement
un sarcôme celluleux se rapprochant du fibrôme. La quantité de
pigment, dans les parties sarcomateuses, n'est considérable nulle
part et dépasse à peine celle d'une choroïde normale. ^
Une transsudation et une extravasation ont eu lieu de l'intérieur
delà choroïde à sa surface et ont occasionné un décollement complet
de la rétine et une destruction du corps vitré. Il s'est fait égale-
ment des extravasations dans. le tissu même de la choroïde, mais il
y eut en même temps une excitation qui conduisit à une proliféra-
tion des parties élémentaires. Au lieu que cette excitation ait occa-
sionné une formation de pus, les éléments nouveaux qui se forment
vivent plus longtemps, détruisent les cellules non pigmentées du
stroma et donnent lieu à un tissu plus ferme amenant un épaississe-
ment et la formation d'une tumeur.
Le cas qui nous occupe a encore un intérêt tout particulier, par
le fait que dans les parties équatoriales, là où la choroïde est le
plus épaisse, le processus a également atteint la sclérotique. Il me
paraît très-vraisemblable que c'est le même processus qui a atteint
la choroïde, et cela à cause de la réunion intime des deux tumeurs
équatoriales, de l'existence des petits noyaux et des cellules, et de la
grande friabilité de cette partie de la sclérotique. Ce qui nous
montre que le processus est parti de la choroïde, c'est le degré
d'altération de la sclérotique juste au point voisin de la choroïde,
tandis que son aspect se rapproche partout ailleurs de l'état nor-
mal. Il est facile de comprendre que dans une membrane comme
la sclérotique, la vitalité du processus soit beaucoup moindre que
celle de la choroïde, qui est plus riche en cellules. On n'a pas pu
signaler de formation de tumeur dans les autres parties du corps.
En décembre i864, Virchow reçut l'œil droit de la môme ma-
lade, et apprit en même temps sa mort.
La choroïde de cet œil a une épaisseur de 2 à 3 millimètres ; elle
est d'un gris noir et présente plusieurs petites masses blanches
— 90 —
pluH conBiâtantes. Un examen plus minutieux montre quil s'agit
d'uno hmeur fibreuse dans laquelle on rencontre des éléments cellu'
laires mêlés à du pigment: ces trois parties constitutives, fibres,
rolIuh^H et pigment, se comportent différemment suivant les en-
droits, Timto la tumeur est recouverte à l'intérieur par une lar
intOltt vitivo et un épithélium pigmenté dont les cellules ont perda
Ttinpi^ct polygfonal et forment une couche irrégulière.
La Htt uvtuf^ primitive est celle cT im fihréme; un tissu à fibres pt-
mllMt^H »Vnliwi\Ù8ant aw de toutes petites cellules visibles seu-
Itunout À un tbrt gix>$$i$sement. On trouve également des places où
il t'xistt^ dos cellules plus grandes, mais partout le stroma prédo-
mina. Kn quelques points^ les cellules sont en voie de dégénéres-
oonoo graisseuse,
MalgiH^ r^paisseur considérable de la tumeur, il est facile de
n'chercher dans quelle couche de la choroïde elle a pris son point
de départ. \jd fait que partout où il se trouve des cellules plus
grandes on i^eneontre une dégénérescence graisseuse permet de
supposer que dans la suite la tumeur ne se serait pas étendue
davantage. Le pigment semble avoir son origine dans le pigment du
stroma.
Obskryàtiûn XII (47* de la statistique). — Mélano-sarcôme, parvi^oellor
laire et partiellement fùso-cellulaire de la choroïde (1).
Un homme de 49 ans se présenta avec im scotôme central.
L'axamen ophthalmoscopique fit constater une infiltration de la
rétine à la partie interne du nerf optique. L'infiltration était ré-
gulièrement circulaire ; les vaisseaux rétiniens, même les plus
petits, restaient apparents. Le diagnostic était difficile : les carac-
tères de l'affection appartenaient aussi bien à un cysticerque qu'à
un néoplasme sous- rétinien. Huit mois après, le malade se repré-
senta avec un glaucome inflammatoire suraigu. L'énucjéation de
l'œil fut faite aussitôt, et l'examen microscopique permit de con-
stater l'existence d'un mélano-sarcôme parvi-cellulaire de la cho-
roïde présentant, dans certaines de ses parties, un caractère fuso«
cellulaire. Cinq ans après, le malade restait parfaitement guéri
sans trace de récidive.
(I) Alf. Graefe, Ann. d'oculis., t. LXIII, p. 427.
— 91 -
Observation XIII (48* de la statistique). Saroôme mélanique fuso-
cellulaire de la région ciliaire (i),
•
Femme de 45 ans. Tumeur de lu région ciliaire, brune et arron-
die, située derrière le cristallin ets'étendant dans le champ pupil-
laire. Pas de luxation du cristallin. L*énucléation de l'œil fut pro-
posée et acceptée. Les caractères de la tumeur étaient ceux d'un
saroôme mélanique fuso-cellulaire et le néoplasme avait son siège
dans la région ciliaire.
Deux ans et demi après l'opération, la malade était morte;
d'après une lettre de son médecin traitant, une récidive s'était pro-
duite dans les organes internes (estomac ou foie), ainsi que dans la
l^eau et le tissu cellulaire sous-jacent. Le médecin de la malade ne
signal* point de récidive locale.
Ces deux cas, ajoute Alf. Graefe, montrent la difficulté du pro-
nostic dans les cas de sarcôme, principalement si l'on veut prendre
pour guides les caractères anatomiques. Dans le premier des cas,
(obs. XII) l'examen histologique de la tumeur devait faire conclure
à un sarcôme malin, et cependant, cinq ans après, aucune réci-
dive n'était encore survenue. Dans le second cas, la tumeur, par ses
caractères fibro-plastiques, avait plutôt une, apparence bénigne,
et cependant, deux ans après, le néoplasme s'était généralisé.
Observation XIV (30* de la statistique). — Mélano-sarcôme de la cho-
roïde, des corps ciliaîres et de l'iris. Énucléation de Tœil à la période
glaucomateuse. Mort 9 mois après par métastase sur le foie (2).
Homme de 65 ans, ayant la vue basse; toujours bien portant.
Depuis un an et demi, il voit devant l'œil gauche un léger nuage
qui augmenta peu à peu. Il y a six semaines, injection vive du globe
et douleurs très-fortes^ surtout la nuit.
Œil mobile, pas d'exophlhalmie. Tension modérée, un peu aug-
mentée depuis deux jours. Cornée normale, mais sensible cepen-
dant.
Iris jaune, grisâtre et épaissi. Pupille mobile. L'iris est décollé
à sa périphérie en dedans et en bas par une tumeur de la grosseur
d'un pois, gris noirâtre, hémisphérique (fig. 2 et 3, pl. n;.
(i) Alf. Graefe, Annales d'oculistique, t. LXIII. p. 127.
("i) Knapp, Die intraocularen Gcschwûlste, 1868, p. 87.
— 92
Avecrophthalmoscope, on éclaire la partie supérieure du fond de
l'œil, mais on n'y distingue plus rien; la partie inférieure est cPun
gris noirâtre.
A la lumière solaire, on remarque derrière l'iris, à côté de la
tumeur qui pénètre dans la chambre antérieure, une autre tumeur
grosse comme une cerise, grise et jaunâtre (fîg. 4, B, pl. n).
f Énucléation le 23 juillet 4867. Aspect extérieur normal, sauf
trois taches de pigment, probablement le début autres mélanâmet,
La rétine est accolée au fond de l'œil et recouvre des tumeurs
mélanotiques tachetées de blanc. Même dans les parties où la rétine
recouvre le plus la tumeur, on ne remarque pas sur des coupes
transversales d'union intime de cette membrane avec elle.
Une coupe équatoriale à travers la tumeur montre que celle-ci
est partie de la choroïde, des deux côtés normale, puis s'étendant
subitement dans la tumeur.
L'examen microscopique très-détaillé me fît voir un tissu homo-
gène. Cellules rondes, ovales, fusiformes, étoilées;les unes colorées, les
autres pâles. Tissu interstitiel homogène, assez rare, et inche en vais-
seaux. Par conséquent, un sarcôme mélanotique bien caractérisé. Les
cellules fusiformes forment la masse principale de la tumeur.
La partie blanche de la tumeur est composée surtout de petites
cellules rondes avec une ou plusieurs granulations.
Le point de départ de la tumeur était dans la couche périphérique
du stroma de la choroïde; elle a gagné peu à peu le corps ciliaire
et l'iris ; ce que démontre plusieurs préparations.
Le malade ne se remit jamais entièrement. OEdème des extrémi-
tés. Six mois après amélioration. Mais, deux mois après, cachexie,
et mort neuf mois après l'opération.
Les symptômes permirent d'affirmer l'existence de métastases
sur le foie, le poumon et l'estomac. Pas de récidive locale.
Observation XV (7e de la statistique)- ~ Sarcôme de la choroïde avec
mélanose et décollement (hémorrhagique) complet de la rétine (i).
M. T..., âgé de 58 ans, s'aperçut, en septembre 1858, quMn
rideau noir, situé obliquement et en dedans, couvrait une partie du
champ visuel de son œil droit. Trois mois après, attaques de dou-
leurs nocturnes qui devinrent continues. Un mois après, énucléation,
(1) H.Dor Archiv fûrOphthal., Bd. VI, Abth. 2, p. 244.
— 93 -
pour prévenir une irritation sympathique de l'autre œil. A la par-
tie inférieure et externe de la choroïde se trouvait une tumeur qui
proéminait dans l'intérieur de l'œil; hauteur, 14 millimètres; lar-
geur, 17 millimètres. La rétine, complètement décollée et réduite à
une bandelette qui s'élargissait vers la face postérieure du cristal-
lin, circonscrivait une petite cavité infandibuliforme contenant
une masse gélatineuse, reste du corps vitré. Le cristallin, opacifié,
n'était séparé de la cornée que par Tiris.
Examen microscopique. — La tumeur siège dans la choroïde^ dont
la couche épithéliale la recouvre. Coloration mêlée de gris, de brun
et de noir. Au microscope, tissu cellulaire composé de nombreuses
cellules fusiformes (avec un noyau distinct et souvent des prolonge-
ments multiples); tissu cellulaire où s'aperçoivent beaucoup de
cellules pigmentaires allongées ou inondes. Au centre de la tumeur,
dégénérescence graisseuse. Différentes particularités font supposer
que la tumeur flbro-plastique, le sarcôme, a préexisté rux éléments
mélanotiques. La masse sarcomateuse elle-même est probablement
due à une simple hypergénèse (hyperplasie) des éléments du tissu
cellulaire de la choroïde. Rien dans la tumeur ne rappelle la struc-
ture aréolaire de la dégénérescence cancéreuse. La portion de nerf
optique extirpée avec l'œil renferme, comme la tumeur décrite, des
masses mélanotiques et sarcomateuses. Il est impossible de distin-
guer la moindre fibre nerveuse.
Observation XVI (31« de la statistique). — Mélano-sarcôme des corps ,
ciliaires et de la choroïde, perforation de la sclérotique au niveau de
la région ciliaire, guérison par l'énucléation (!). PJ. n, lîg.11-13.
Femme de 62 ans, ayant perdu subitement la vueàl'O.G.
depuis dix semaines, sans douleurs. Elle pouvait compter les doigts
à deux pas. Léger trouble du cristallin; avec l'ophthalmoscope, on
voit en bas et du côté externe, une masse occupant un quart du
champ ophthalmoscopique. Pond de l'œil méconnaissable dans ses
détails. Diagnostic : E)écollement rétinien. Trois mois après, dou-
leurs depuis quatre semaines, d'abord dans 0. G., puis gagnant
O. D. Chambre antérieure diminuée, pupille assez dilatée et
paresseuse (T = -H 2). Cornée transparente, cristallin transparent.
Au moyen de la lumière focale, on voit une masse à la partie infé-
(I) Kûapp, Die intraocularen Geschwûlste, p. 95, 4868.
— à4 —
rieune ci exieme de ia régioa ciîiaire. Diagnostic : Saroôme mâa-
noliqoe et décoliement coasécuiif . Enucléaiioa. Guérison dix jours
après. Trois ans après, pas de récidiTe.
Dimensions da glcbe normales. L'iris et le cristallin sont acco-
lés à la cornée. cristallin ne présente rien de particulier. La
rétine est décollée en enionncur. Pas de corps \itré. Tumeur de la
gro^^ur d'une noisette, pédiculée, 9 millimètres de large, li milli-
mètres de haut. Sa coupe est noire à la superficie et pâk au ceiUre.
En face de la tumeur, on remarque trois petites boules situées sur
hi sclérotique (pl. u, Cg. 13). Cette membrane, qui les sépare, fMh
raît normale.
Tissu sarcomateux homogène. Cellules fusifonneSj rondes^ avec sub-
stance amorphe et vitreuse intermédiaire. Vaisseaux Romfcmr. La
tumeur avait son siège dans les couches externes de la chorwdtm Elle
englobe tout le corps et les procès ciliaires. Au niveau des petitfiB
masses externes, on rencontre des cellules pigmentées dans l'épais-
seur de la sclérotique. On voit, par le faible dé\'eloppement des élé-
ments sarcomateux dans la sclérotique, que cette membrane est
peu favorable aux néoplasies de ce genre. Il est souvent difficile
dans le cas de tumeur extérieure de montrer la voie de transmis-
sion. Les petites tumeurs ont la même constitution que la tumeur
primaire.
Observation XVII (13« de la statistique).
Un homme robuste (1), dans la cinquantaine, a remarqué que la
vue de Toeil droit s'obscurcit périodiquement. Douleurs cdiaires assez
intenses, augmentation de tensirm, rétrécissement du champ visuel en
dehors et en bas^ avec une presbytie progressive. A rophthalmosoope,
on constate une légère excavation du bord de la papille. Diagnostic:
Glaucome. Iridectomie. Les douleurs ciliaires cessent peu après
Topérution; mais il survient un rétrécissement notable du champ
visuel. L'ophthalmoscope permet alors de constater un décollement
qu'on rapporte à l'existence d'une tumeur. La rapidité avec laquelle
celle-ci s'accrott engage à pratiquer Ténucléation de Toeil, et la
dissection démontre un sarcâme en partie pigmenté^ qui avait pris
son point de départ dans la choroïde.
(l) Jacobi, Klinischo Monatablatter, 1853.
— 95 -
Observation XVIII (!29» de la statistique). — .Sarcôme mélanotîque avec
perforation de la sclérotique. Récidives après l'extirpation. Mort par
des métastases dans les organes internes. Autopsie (1).
N..., âgé de 44 ans, se présente, pour la première fois, le 30 juil-
let 1865. Vue de Tœil gauche perdue depuis sept ans. Depuis quel-
ques années, douleura dans cet œil amaurotique. T = + 2. Injec-
tion de la conjonctive. Pupille voilée, iris fauve. Diagnostic :
Irido ' choroîdite glaucomateuse , Iridectomie. En mars 1867, exo-
pkthalmie. Œil mou au toucher, immobile. En dedans et en haut,
tumeur qui paraît remplir l'orbite. Diagnostic : Sarcôme de la
choroïde.
Probablement l'iridectomie a hâté le développement de la tumeur
et occasionné la perforation de la sclérotique.
La coule.ur de la tumeur lui fait supposer un caractère mélano-
tique. Guérison rapide. Sortie de l'hôpital neuf Jours après.
Sur une section antéro-postérieure faite immédiatement, on voit
la sclérotique perforée en arrière, et l'intérieur du globe rempli
par une masse uniformément noire, granuleuse et molle, communi-
quant avec une tumeur extrabulbaire de la grosseur d'un œuf. (Voir
pl. n, flg. 14.) Celle-ci avait le même aspect. La masse intra ocu-
laire était composée de tissu sarcomateux mélanotique. Cellules de
6 à 10 Cellules fusiformes de 5 à 9 fx. Pas de tissu glio-
mateux.^ En résumé, mélano-sarcôme médullaire, avec prédomi-
nance de cellules rondes. Trois mois après, récidive locale qui rem-
plit tout l'orbite. Extirpation. Guérison rapide. Deux mois après,
amaigrissement, fièvre, hypertrophie du foie, douleurs épigastri-
ques, ascite, œdème des jambes, dyspnée.
Mort le 7 janvier 1867. Dans les poumons, nombreuses tumeurs
cancéreuses. Foie trois fois plus gros qu'à l'état normal. Surface
bosselée. La plus grosse de ces tumeurs avait le volume d'une tête
d'enfant. Orbite perforé en arrière. La masse avait détruit en
grande partie le chiasma des nerfs optiques.
Le tissu du foie était sclérosé et dissocié par les masses sarco-
mateuses infiltrées.
(1) Knapp) Die intraocularen Geschwûlste, p« 118.
- 96 -
Observation XIX ^59« de la statistique}.
Au moment où Louise K... (1), âgée de 33 ans, se présente, en
juin 1870, on constate une tumeur extra-oculaire saillante entre
les paupières, non ulcérée, dont la première apparition remontait
à deux ans. Vue perdue de cet œil depuis quatre ans. Énueléation,
pendant laquelle le bistouri laisse dans l'orbite une partie de la
tumeur extérieure au globe de l'œil. Structure : mélano-sarcôme à
petites cellules.
Obseryatio3( XX (lie de la statistique).
Un fermier se heurte le côté gauche de la face. Quelque temps
après, le champ visuel d'O. G. s'obscurcit. Douleurs sourdes. Dans
le corps vitré, masse volumineuse et foncée. Énucléation. -Sarcome
mélanciigue, de la grosseur d'une noisette, issu des parties latérales
de la choroïde. Quelques stries pigmentaires le long des vaisseaux de
la sclérotique. Dans le corps vitré, beaucoup de cellules fusiformes
et étoilées (2).
OesERVATrox XXI (9« de la statistique).
Homme d'un âge mûr (3), S = 0. Douleurs vives.' Aspect glaur
comateux. T augmentée. Examen ophthalmoscopique impossible.
Iridectomie. Amélioration. L'humeur aqueuse s'éclaircit suflisam-
ment pour laisser constater un décollement de la rétine. Or, un dé-
collement simple de la rétine, sans autre complication, ne pèut expli-
quer Vattaque glaucomateuse. Les douleurs reparaissent peu de jours
après. — T augmente de nouveau. Enucléation. Tumeur partant de
la choroïde. Mélano-sarcôme ressemblant à l'obs. XIV, ci-dessus.
Observation XXII (36«: de la statistique) ('»;.
B.., âgé de 15 ans, pâle et lymphatique, oflre à l'O. D. un
staphylôme delà sclérotique, S = 0. Reflet grisâtre dansle fond de
l'œil. Début,4 mai. Photophobie et asthénopie accommodative.Dou-
(l) B. Socin, Archives de Virchow, t. LU, 1871, p. S5o.
(-2; Klebs, Virchow's archiv furpathol. Anat., B. XXV. Berlin, -I86i.
(3) A. Graefc, Archiv fur Ophth. 1860, Bd. Vil, Abth. 2, p. 4L
(4) Dcmarquay et Caudelli, Ann. d'oculist., t. LX, 'p. 126-186.
— 97 —
leur vive à laquelle succède la perte subite de la vue. Énucléation.
Tout l'espace occupé par le corps vitré est rempli par une masse
(Tun gris jaunâtre^ dont le siège d'évolution est la choroïde divisée en
deux loges, d'oîi s*écoule un liquide citrin. Cellules fusiformes.
Stroma d'apparence fibreuse. Nombreux granules de pigment à
la périphérie. Le malade quitte l'hôpital sous le coup d'une affection
généraJe d'une gravité très-sérieuse.
Observadon XXIII (21« de la statistique).
Un monsieur âgé de 50 ans, d'une constitution athlétique et d'une
excellente santé, vint consulter Bowman pour son œil droit ;
46 août 4857. Veines épisclérales remarquablement dilatées.
Pupille large, légère perception quantitative de la lumière.
L'examen ophthalmoscopique fit découvrir une tumeur vasculaire
dans la partie inférieure et externe du fond de l'œil. L'organe fut
excisé. En quelques jours, l'opéré fut guéri et retourna chez lui.
Il mourut trois ans après, en juillet 4860; tubercules dans le foie
regardés comme cancéreux.
En regard des veines épisclérales variqueuses se trouvait une tu-
meur mélanique reconnue à l'ophthalmoscope.
Sa base s'étendait du foramen opticum à la région ciliaire. Ré-
tine indépendante de la tumeur, simplement refoulée par elle. La
tumeur était strictement bornée à la choroïde.
Grandes cellules circulaires chargées de pigment brun abondant.
Minces cellules ovales et fusiformes. Noyaux libres et granulés.
Les observations qui viennent d'être citées suffiront ample-
ment à établir la fréquence relative desmélano-sarcômes avec
les sarcomes non pigmentés de la choroïde. Nous possédons
encore d autres faits analogues, dont plusieurs offrent un réel
intérêt; mais ils trouveront mieux leur place ailleurs, dans la
description des autres variétés de sarcômes ou lorsqu'il sera
question, soit des symptômes, soit du diagnostic des tumeurs
de la choroïde.
4* Sarcôme ossifiant (sarcome ostéoïde de la choroïde). Dans
cette variété, on rencontre toujours les éléments fondamen-
(1) J.-W. Hulke, Opthalmic hosp. rep., t. IV, p. 81. 1866.
Brièrc.
7
— 88 -
on voit quHl ne reste de celui-ci qu'une petite partie dans C entonnoir
formé par la rétine.
La structure de la tumeur montre qu'elle se compose, en partie
de fibres fines qui s'entrecroisent, en partie de membranes super-
posées très-friables et transparentes, entre lesquelles se trouve
une masse moléculaire facilement divisible composée d'une plus ou
moins grande quantité de cellules rondes sans contenu, et qui parais-
saient avoir renfermé des globules sanguins. La masse est adhérente
à la choroïde, qui présente le changement le plus considérable.
La sclérotique est épaissie comme elle, de sorte qu'il y a une
protubérance aussi bien à l'extérieur qu'à l'intérieur du globe. Ces
deux membranes présentent un diamètre de 6 millimètres.
Quand on examine la choroïde, on constate qu'elle est générale-
ment friable; on n'arrive que difUcilement à en détacher des par-
ties membraneuses, ce qu'on fait facilement sur une choroïde nor-
male.
L'épitbélium pigmenté est modifié, on y trouve des masses 7'onde$
amorphes graisseuses et brillantes. Sous l'épithélium on voit une
membrane vitrée, et ensuite, dans un tissu réticulé, de petites cellules
rondes et des noyaux de cellules se réunissant pour former de
petites masses ou des agglomérations avec les cellules pigmentées
du stroma. Les diamètres des masses de cellules ou des noyaux de
cellules entre lesquelles on rencontre des parties du tissu conjonctif
du stroma mesurent jusqu'à 25 centièmes de millimètre.
On pourrait songer à une choroïdite purulente avec une grande
quantité de pus dans le stroma, sans issue du côté du corps vitré ;
mais le stroma est trop bien conservé précisément dans la partie
la plus épaisse, et dans une formation de pus qui occasionnerait un
gonflement pareil de la choroïde il ne pourrait être question d'un
stroma à l'état normal, et surtout au niveau de l'épaississement.
On ne peut pas non plus confondre avec un carcinôme, parce qu'on
ne peut pas nier le caractère homologue de la tumeur. La sclérotique
est intimement unie à la choroïde; ses fibres sont moins apparentes
et parsemées de petites cellules rondes semblables à celles trouvées
dans la choroïde. En outre, on trouve dans les deux membranes de
petits gâteaux graisseux de grandeur variable, qui dénotent une
désorganisation.
En avant, la sclérotique est plus atteinte que la choroïde.
Celle-ci, à sa jonction avec les procès ciliaires, a encore 2 milli-
- 89 -
mètres d'épaisseur. Dans les parties antérieures de la choroïde,
on trouve beaucoup de petites cellules entremêlées de pigment et des
fibres de tissu conjonctif.
Ces cellules et ces fibres prédominent alternativement. Les capil-
laires de la choroïde paraissent avoir été étouffés par la proliféra-
tion des cellules non pigmentées du stroma.
Pendant longtemps l'observateur était indécis pour classer cette
tumeur. L'examen de l'autre œil lui fit reconnaître définitivement
un sarcôme celluleux se rapprochant du fibrôme, La quantité de
pigment, dans les parties sarcomateuses, n'est considérable nulle
part et dépasse à peine celle d'une choroïde normale.
Une transsudation et une extravasation ont eu lieu de l'intérieur
delà choroïde à sa surface etont occasionné un décollement complet
de la rétine et une destruction du corps vitré. Il s'est fait égale-
ment des extravasations dans. le tissu même de la choroïde, mais il
y eut en même temps une excitation qui conduisit à une proliféra-
tion des parties élémentaires. Au lieu que cette excitation ait occa-
sionné une formation de pus, les éléments nouveaux qui se forment
vivent plus longtemps, détruisent les cellules non pigmentées du
stroma et donnent lieu a un tissu plus ferme amenant un épaississe-
ment et la formation d'une tumeur.
Le cas qui nous occupe a encore un intérêt tout particulier, par
le fait que dans les parties équatoriales, là où la choroïde est le
plus épaisse, le processus a également atteint la sclérotique. Il me
parait très-vraisemblable que c'est le mêmè processus qui a atteint
la choroïde, et cela à cause de la réunion intime des deux tumeurs
équatoriales, de l'existence des petits noyaux et des cellules, et de la
grande friabilité de cette partie de la sclérotique. Ce qui nous
montre que le processus est parti de la choroïde, c'est le degré
d'altération de la sclérotique juste au point voisin de la choroïde,
tandis que son aspect se rapproche partout ailleurs de l'état nor-
mal. Il est facile de comprendre que dans une membrane comme
la sclérotique, la vitalité du processus soit beaucoup moindre que
celle de la choroïde, qui est plus riche en cellules. On n'a pas pu
signaler de formation de tumeur dans les autres parties du corps.
En décembre i864, Virchow reçut Tœil droit de la même ma-
lade, et apprit en même temps sa mort.
La choroïde de cet œil a une épaisseur de 2 à 3 millimètres ; elle
est d'un gris noir et présente plusieurs petites masses blanches
— 100 —
analogues, hil par MM. Ranvier et Malassez, venait confirmer
l'opinion que les ossifications siègent presque toujours dans
la choroïde.
Il est important de les distinguer avec soin des parties sim-
plement incrustées de sels calcaires (1). Celles-ci ne peuvent
pas être différenciées à rœil nu. Mais au microscope on recon-
naît, en les isolant, que la substance fondamentale est incrus-
tée de sels calcaires, qu'elle est grenue et opaque, et présente,
rapprochées les unes des autres, de petites cavités ovoïdes
ou rondes sans prolongements. Ces petites cavités servent de
loges aux cellules du sarcôme. Il n'y a rien là qui puisse si-
muler les corpuscules osseux ni leurs canaux anastomo tiques.
Ce que ces auteurs disent des sarcomes ossifiants, en général,
peut s'appliquer à ceux de l'œil en particulier. Nous citerons
comme type de sarcôme ossifiant de la choroïde les observa-
tions suivantes, intéressantes à ce double titre de sarcôme et
d'ossification de la choroïde.
Observation XXIV {45e de la statistique). — OEil phthîsique, avec saN
côme de la choroïde en partie mou, en partie ossifié (2).
On ne possède que peu de détails sur la marche du début de cette
affection. Le malade, ouvrier âgé 45 ans, se présenta après que son
cnl gauche fut devenu phthîsique, et parce qu'il était tourmenté par
des douleurs intolérables. Aucun diagnostic n'était possible parroph-
thalmoscope, le fait seul de la douleur existant dans Pceil atrophié per-
mettait de supposer une tumeur intra-oculaire. On fit Textirpation.
L'œil a la forme du cerveau. Son diamètre antéro -postérieur est de
17 millimètres, les diamètres vertical et horizontal ont dans la
moitié antérieure 19 millimètres, et dans la partie postérieure
15 millimètres. La cornée est aplatie. La sclérotique présente à sa
face interne, surtout à sa jonction avec la cornée, des dépressions
se dirigeant dans le sens des méridiens et qui font saillie à la face
(1) Cornil et Ranvier, 1. c, Hist. path.,p, 131.
(2) H. Berthold, Klinische Monatsblâtter fur augenheilkunde, B. Vlll,
p. 19.1870.
— 101 —
interne. Sur une coupe horizontale, la cornée et la sclérotique sem-
blent épaissies. La cavité oculaire postérieure est remplie par une
tumeur, dont le diamètre antéro-postérieur est de 17 millimètres,
tandis que la face antérieure de cette tumeur est séparée de la face
postérieure de la cornée de 5 millimètres. La couleur de la tumeur
est dans beaucoup d'endroits celle de la choroïde, dans d'autres elle
tire davantage sur le blanc. Au milieu de celle-ci on remarque
deux lacunes. Une plus petite à gauche, une autre de la grosseur
d'un pois à droite. Cavités qui sont remplies par une masse gluante
et blanchâtre; sur les bords on remarque, çà et là, des stries
bleuâtres qui présentent la dureté de l'os. La choroïde est partout vi-
sible, sauf à un endroit situé à droite de l'équateur. On ne trouve
pas, à ce niveau, de limite bien distincte entre la tumeur et la choroïde ,
et cette dernière envoie à gauche dans la sclérotique, au niveau de
l'équateur, un prolongement de 2 millimètres de long sur 1 milli-
mètre de large. En général, la choroïde est d'une épaisseur nor-
male, mais d'une couleur plus claire qu'à l'état sain ; on peut pour-
suivre la rétine depuis le nerf optique sur une longueur de 3 mil-
limètres, sous la forme d'une ligne qui traverse la tumeur; mais, à
partir de là, elle n'est plus reconnaissable. Elle apparaît de nou-
veau à la face antérieure de la tumeur, à laquelle elle adhère inti-
mement. A gauche elle se confond avec les procès ciliaires...
Examen microscopique. La tumeur contient partout des matières
calcaires et offre une structure confuse, méconnaissable en certains
points. Il n'y a qu'à la périphérie qu'elle est bien conservée, et elle
présente là un beau sarcôme à cellules fusi formes. Le type pur de ce
sarcôme n'est modifié qu'à quelques endroits par la présence de
cellules de pigment de formes diverses et de Cellules de différentes gran-
deurs. Ces dernières se présentent comme cellules mères avec 2 ou
4 cellules filles. Les traces bleuâtres notées à l'oeil nu montrent
que ce sont de vrais tractus osseux. Les corpuscules osseux ont la
forme caractéristique^ et présentent de nombreuses ramifications
qui s'anastamosent entre elles. Le système des lamelles est déjà
indiqué. Ces dépôts osseux sont bien plus nombreux qu'on le
croyait à l'œil nu, et sont surtout situés à la partie périphérique.
Leur limite externe est marquée par plusieurs couches de cellules
fusiformes, tandis que, plus profondément, les cellules rondes pré-
dominent. Ici on rencontre également les cellules mères déjà si-
gnalées. Les cellules filles sont souvent très-grosses et prennent
— 102 —
quelquefois une forme angulaire. Là où se trouvent réunis de» pomis
oueux, on trouve une vascularisation riche du tissu interstiHeL Au cen*
tre, la tumeur présente des points durs; et en traitant par Facide
chlorhydrique, on y découvre quelques cellules atrophiées et un
assez grand nombre de noyaux. On y trouve aussi des cavités qui
étaient probablement remplies par des masses molles. Gelles-ei
sont tombées pendant la préparation. Le contenu des cavités vi-
sibles à Tceil nu est opaque et ne laisse, après avoir été traité par
un sel 8x^ide, que des noyaux seuls reconnaissables*
La choroïde a perdu plus ou moins son pigment. EUe est traver-
sée par des éléments sarcomateux et par des cellules fusiformes et rondes.
La lame élastique est conservée en grande partie. Elle manque
seulement dans la région équatoriale droite, là où la choroïde elle-*
môme est mangée par les éléments de la tumeur. L^épithélium pig-
menté existe en grande partie, mais groupé par masses irrégu-
lières.
La rétine est dégénérée en un tissu réticulé dans les mailles du-
quel on rencontre de rares cellules rondes et des noyaux ainsi que
des granulations calcaires. Le corps vitré montre un tissu à fibres
fines renfermant des cellules de forme et de taille variées : les unes
longues, munies de prolongements, les autres fusiformes, celles-ci
rondes, celles-là étoilées. En outre, on voit dans les parties qui
avoisinent la rétine des vaisseaux autour desquels les dépôts cal-
caires, dont tout le corps vitré est atteint, sont plus considérables.
La sclérotique montre en certains endroits, entre ses fibres, des
celluks qui sont situées sur le passage des vaisseaux; Elles sont
rondes et fusiformes. Les premières se rencontrent surtout dans les
couches le plus rapprochées de la face interne. Elles sont très*
nombreuses à la région équatoriale. Les cellules fusiformes se trou-
vent surtout dans les couches moyennes de la sclérotique. Ces cel*
Iules ont un protoplasma tendre, laissant visiblement voir un noyau
et ont très-peu de substance intermédiaire, de sorte qu'il faut les
envisager comme les plus jeunes des éléments sarcomateux.
J'insiste surtout sur ce fait que dans ce cas il y a eu une
greffe du sarcôme choroîdien sur la sclérotique.
On trouve, quand on parcourt les ouvrages qui traitent de
la formation osseuse dans Tœil, plusieurs cas semblables au
- 103 -
nôtre. On considérait la masse épaisse, située entre la choroïde
et la rétine décollée, comme un exsudât organisé. Mais les
cellules que ton rencontre dans ce dernier cas concordent aussi
bien, par leur description et par leur façon de se grouper que
par leur forme, avec celles que Ton trouve généralement dans
kê sarcômes de la choroïde^ de sorte que je suis obligé de sup-
poser que ces masses épaisses d'exsudats étaient des sarcômes
de la choroïde (Berthold).
Observation XXV (71e de la statistique). — Mélano-sarcôme de la cho-
roïde, en partie mou, en partie ossifié (1).
Dans un œil enlevé pour une tumeur maligne, nous avons rencon-
tré la disposition suivante, sur une coupe verticale. La sclérotique
est rétractée sur elle-même, et forme des plis profonds qui dimi-
nuent de beaucoup le volume de l'œil. Un tissu fongueux est accolé
à la sclérotique et remplit la cavité oculaire, épais de plusieurs
millimètres. Il forme une loge remplie d'un liquide beaucoup plus
fluide que le corps vitré à Tétat normal. Au milieu de cette cavité,
la rétine forme une tige mince, adhérente d'une part h, la papille et
de l'autre & l'hémisphère antérieur.
Examen micrographique, La sclérotique ne présente rien d'anormal.
Passant rapidement sur la description de la cornée, de l'iris et du
cristallin, nous dirons seulement qu*au milieu des désordres pro-
fonds de leur structure, on trouve la membrane de Bowmann et
celle de Descemet repliées sur elles-mêmes. La masse de la lentille
a disparu ; les deux cristalloïdes sont conservées.
Le nerf optique est profondément altéré, et on peut à peine re-
connaître, au milieu de la dégénérescence granulo-graisseuse géné-
rale, quelques minces cylindre*axes très-rares et ne dépassant pas
la masse criblée. Ij épaisseur du tissu sarcomateux formé dans la cho-
roïde est considérable. Sa limite d'avec la sclérotique est rendue
très-visible par une zone pigmentée qui sépare les deux membranes.
En dedans et dans les deux tiers postérieurs, le sarcôme est limité
pai^ la membrane anhyste de la choroïde privée de son épithélium
( 1) Nous devons cette observation à robligeance de M. le Poncet,
prof, agrégé du Val-de-Grâce.
- m —
polygonal. La lame vasculaire riche en vaisseaux, est bourrée de cel-
lules sarcomateuses^ sans qu*ences points la tumeur prenne le carac-
tère fibreux.
Le sarcôme recouvre toute la face interne de la sclérotique;
mais la tige nerveuse, vestige de la rétine, est aussi enveloppée
par la tumeur mélanique qui Tétreint depuis la papille jus-
qu'aux procès ciliaires. Vers la papille le pédicule nerveux est
englobé dans une formation osseuse, où l'on distingue des corpuscules
médullocèles et des canalicules de ffavers. Les corpuscules osseux se
rencontrent encore près de la zone ciliaire dans les mêmes condi-
tions.
C/n examen attentif montre que cette production osseuse est située ex-
clusivement darJLS le sarcôme pigmentaire.hd picrc-carminate d'ammo-
niaque que noms employons pour colorer la préparation, donne une
teinte différente au tissu du sarcôme et à celui du tissu nerveux. En cer-
tains points, la séparation est rendue beaucoup plus évidente encore
par la présence d'une série de petites vésicules colloïdes, disposées
en ligne régulière derrière les traces des bâtonnets.
La rétine a perdu presque totalement sa structure normale. Elle
est réduite à une masse connective composée de fibres longues,
anastomosées entre elles, formant des mailles allongées, disposées
en replis au milieu du sarcôme. Nous avons retrouvé, néanmoins,
en quelques endroits, des cellules ganglionnaires, éléments très-
réfractaires à la compression, et qui se conservent pendant très-
longtemps au milieu des altérations voisines. Nous avons pu re-
connaître sur certaines pièces la membrane limitante interne,
repliée au centre et formant de fines sinuosités transparentes. Au
centre de ces replis de la rétine altérée existe un tissu connectif
tout différent, durci et dense, coloré en rouge par le carmin. Entre
les bandes fines rouges du tissu nerveux, on voit le corps vitré
transformé allant se continuer derrière la cristalloïde avec le sar-
côme de la choroïde.
Près des procès ciliaires le sarcôme opère sa jonction en venant
des parties latérales de la sclérotique. Il envahit l'iris et même la
conjonctive bulbaire. Nulle part, C2 qui fut la rétine n'a subi cette
dégénérescence maligne et ne présente les cellules à noyau incolores
ou pigmentées caractéristiques du sarcôme.
Cette observation nous montre : 1" un sarcôme mélané de la
choroïde allant du nerf optique aux procès ciliaires; 2*" une
ossification très-nette d'une partie du sarcôme de la choroïde;
3® la rétine, repliée en parapluie, entourée de toute part par
le sarcôme, et entourant elle-même le corps vitré devenu
flbro-sarcomateux. (Voirie dessin, pl. II, fig. 18.)
Obsebyation XXVI (26* de la statistique). — - Mélano-sarcôme, en partie
ossifié, de la choroïde (i).
U s'agit, en résumé, d'une mélanose cancéreuse , j'mz après avoir
pris naissance à l'intérieur du globe, s'est fait jour au dehors^ puis a
embrassé dans une grande étendue et comprimé violemment cet
organe. Par suite, un liquide épanché entre la choroïde et la rétine,
après avoir complètement décollé celle-ci , Ta refoulée de la circon-
férence vers le centre et d'arrière en avant sous forme de cône. En
outre, le corps vitré et une partie de la choroïde étaient ossifiés^ ce qui a
souvent lieu dans l'atrophie du globe; seulement le volume de l'os-
sification était ici plus réduit que d'ordinaire.
L'examen microscopique montre : 1*» la section du nerf optique
saine, sauf la présence de nombreux agrégats de pigment; i2® abon-
dance de cellules rondes pourvues d'un ou de plusieurs noyaux.
D'autres cellules oblongues à extrémité fusiforme se trouvent
réunies par faisceaux. Un grand nombre de cellules sont envahies
par un pigment très-fin. Bien que nous n'ayons pu nous procurer
de .renseignements sur cette malade, il est plus que probable qu'elle
a dû succomber, peu de temps après, à la généralisation du mé-
. ano-sarcôme déjà arrivé à la troisième période.
5® Du myo'sarcôme. — Le myo-sarcôme, c'est-à dire le
sarcôme présentant, au milieu de sa structure fondamentale,
celle du myôme, a été signalé pour la première fois, dans
rœil, par de Wecker et Ivanoff (2). L'observation qu'on va lire
(1) J. et A. Sichel, Gazette médicale, 1867, no 27, 6 juillet, p, 416,
et Schmidt Jahrbticher, B. CXXXV, p. 204. 4867.
(2) De Wecker. Maladies des yeux, 1867, t. I,p. 54S ; Klinische Monats-
blAtter, B. V, p. 292, 1867; et Ivanoff, Congrès ophthalmologique de
Paris, 1867.
— 106 -
ne rentre paS; à la rigueur, dans le oadreque nous nous sommes
tracé, car elle se rapporte à un sarcôme du corps ciliaire et
non de la choroïde ; mais, comme les parties les plus anté-
rieures de celles-ci participaient également à la dégénéres-
cence, on nous permettra, vu Tintérèt du cas, de le rapporter
ici.
Dans cette variété de sarcôme, on trouve, indépendamment
de nombreuses cellules rondes, étoilées ou fusiformes, que la
masse générale est constituée par des cellules allongées et
rangées en faisceaux, présentant un nucléole en forme
de bâtonnet, et offrant exactement la structure des fibres mus-
culaires du muscle ciliaire. Cependant, ce genre de tumeur
n'ayant été observé qu'une seule fois, on ne peut se baser sur
sa description pour faire un exposé complet de Tanatomie pa-
thologique de leur structure. On peut dire, néanmoins, que
l'hypertrophie et Thyperplasie des fibres du corps ciliaire pa-
raissent bien établies et l'on doit, pour cette raison, appeler sur
ce point l'attention des histologistes, d'autant plus que les
sarcômes du corps ciliaire ne sont pas absolument rares. Dans
nos recherches, nous en avons rencontré plusieurs, mais non
suivis d'examen micrographique. Il est donc permis de sup-
poser, (ju'un sarcôme du corps ciliaire étant donné, si on
l'examine avec soin, on pourra y trouver un pendant au cas
décrit par MM. de Wecker et Ivanoff.
Observation XXVII (28« de la statistique).
M. Chasserez, âgé de 41 ans, se présente le 22 avril 1865 à
notre clinique (voir pl. III, fig. 5).
Œil gauche dur au toucher; derrière Piris tumeur qui refoule la
moitié interne de cette membrane vers la cornée. A l'image droite
bosselures lisses et brunâtres. Début six mois. Les accès glaucoma-
teux devinrent de plus en plus fréquents, et la tumeur augmenta
peu à peu; on la considéra comme un sarcôme du corps ciliaire.
— 107 -
42 juin 1865, énucléation. Guérison cinq jours EpvèB. Deux an»
aprèi, satUé excellente.
Une tumeur de la grosseur d'une noisette adhère à toute la sec-
tion transversale du muscle ciliaire. Coloration rose et pigmenta-
tion faible à sa périphérie. La portion de l'iris qui avoisine la tu-
meur est un peu épaissie par la présence de tissu cellulaire dans
le stroma indien. Les cellules sont les unes rondes, les autres fusi-
formes et étoilées. La moitié postérieure de la choroïde est saine,
La tumeur est formée essentiellement de fibres musculaires lisses.
Toute la portion externe qui regarde vers la sclérotique (épaisse de
4 à 5 millim.) est composée de cellules fusiformes avec des noyaux
très-distincts en forme de bâtonnets. La partie moyenne des fibres
musculaires affecte une direction longitudinale. Ce n'est que dans
la partie antérieure de la tumeur qu'on trouve quelques faisceaux
circulaires. Entre les fibres musculaires bien développées, on ren-
contre des cellules de tissu cellulaire de plus en plus nombreuses; à
mesure qu'on se rapproche des parties qui avoisinent le cristallin et
le<5orps vitré, des cellules de tissu cellulaire fusiformes et étoilées
prédominent. Ces sortes de cellules constituent presque la totalité
de cette partie interne de la tumeur. De ce qui précède nous con-
cluons que la néoplasie est un mydmeoumieux encore, un myO'Sarcàme.
Ce diagnostic est encore confirmé par ce fait que plus de deux ans
après l'opération, aucune récidive n'est survenue.
6* Sarcôme téléangiectasique. — Le nom de téléangiectasie
(de -rtixi, loin, a^^Mov, vaisseau, et fitracnç, dilatation; angl. et esp.
telangîectasis) a été donné par quelques auteurs au fongus
hématode. Il a été appliqué par Knapp, Leber, Socin et par
quelques autres auteurs, au sarcôme de la choroïde présen-
tant une vascularisation exagérée et tout à fait particulière de
leur tissu, rappelant celle des tumeurs décrites sous le nom
de tumeurs variqueuses érectiles, fongueuses, sanguines ou
anévrysmes par anastomose, des autres régions de réconomie.
Cette variété dans la structure des tumeurs intra-oculaires
appartient aux espèces molles et richement pourvues de vais-
seaux, et en particulier aux sarcômes blancs ou médullaires
et aux sarcômes carcinomateux ou encéphaloïdes. On aurait
— 108 ^
tort de la confondre complètement avec le fongus hématode
de l'œil des anciens ophthalmologistes, nom par lequel on dé*-
signail toute tumeur oculaire, le plus souvent maligne, qui
donnait lieu à des hémorrhagies fréquentes, et dont le tissu
paraissait, à Fœil nu, rempli de vaisseaux dilatés, mais qui
servait également à désigner les tumeurs sanguines orbitaires
(anévrysmales, variqueuses, érectiles) qui sont tout à fait dif-
férentes de celles que nous étudions en ce moment.
Le sarcùme téléangiectasique ou caverneux, dont on peut
voir un dessin Irès-explicite (pl. III, fig. 2), lequel vaut à lui
seul une description, est nettement caractérisé parla présence
de nombreux ^'aisseaux capillaires présentant, sur leur trajet,
des dilatations ampuUaires ou monilifôrmes, des diverticula
qui se remplissent de sang et peuvent faire supposer de nom-
breux extra vasats; mais en examinant de plus près ces vais-
seaux, on constate que leurs parois ne sont pas rompues, mais
seulement distendues par les cellules sarcomateuses qui les
remplissent, autant que par Teffort de l'ondée sanguine, et
aussi grâce au défaut de résistance du tissu médullaire de la
tumeur sarcomateuse. Celte intégrité des parois vasculaires
est loin, cependant, d'être générale, et Ton comprend aisé-
ment que la distension de ces vaisseaux fragiles et déliés a
une limite, et que dès que celle-ci est franchie, le sang se ré-
pand au milieu du stroma de la tumeur, ce qui donne lieu à
de petits îlots jaunes rougeâtres, à contours moins réguliers
que les parties dilatées des vaisseaux, et sans parois distinctes.
Observation XXVIII (42«de la statistique). — Sarcôme caverneux de la
tunique vasoulaire(!).
Un homme d'âge moyen avait perdu la vue d'un œil depuis
quatre ans, insensiblement et sans douleurs. Trois ans et demi après
(I) Tb. Leber, Archiv fûr Ophthal., 1868, B. XIV, p. 221 , et annales
d'oculls., t. LXI, p. 86, 1869.
— i09 —
ce début, état glaucomateux; iridectomie. Etat actuel : Œil dur et in-
jecté. Trouble dû cristallin. Les douleurs qui continuent font soup-
çonner l'existence d'une tumeur intra-oculaire et l'énucléation est
pratiquée. L'œil contenait une tumeur de structure caverneuse
prenant son origine dans la tunique vasculaire. La rétine était
totalement décollée et séparée de la choroïde par un liquide séreux,
un peu poisseux. La papille était excavée. La tumeur, d'un diamètre
de 12 millimètres, de couleur rougeâtre, consistait en cavités conte-
nant encore en partie du sang fluide. Le tissu intermédiaire était
composé de cellules fusiformes^ la plupart à un noyau et munies de
plusieurs prolongements. Des espaces caverneux ne paraissaient
pas avoir de parois propres distinctes (voir pl. III, fig. 2).
Les parties le plus voisines sont également remplies de pigment
et on y rencontre de petites masses rondes, irrégulières, aussi ri-
chement pourvues de pigment très-analogue à celui de la choroïde.
Cependant la masse principale de la tumeur est sans pigment. La sec-
tion passant par sa base indique clairement qu'elle a son origine
dans la choroïde. Les vaisseaux de cette dernière sont élargis. Entre
ces vaisseaux et les cellules pigmentées du stroma, oîi trouve des
cellules fusiformes. Les vaisseaux se dilatent encore davantage en
quelques endroits et leurs parois sont distendues par le nombre
des cellules fusiformes qui augmentent jusqu'à ce que le tissu
prenne la forme caverneuse dont on a parlé plus haut.
Les cellules pigmentées du stroma au niveau de la tumeur ne
paraissent pas en voie de prolifération. Au contraire, la plupart
renferment beaucoup de gouttelettes graisseuses. On trouve aussi
dans la choroïde un certain nombre de cellules de pigment rondes
et multipolaires comme au niveau des vaisseaux de la tumeur.
Ces cellules se distinguent par leur forme des cellules pigmentées
du stroma.
La surface intérieure de la choroïde est, en de certains endroits,
couverte d'un épithélium pigmenté très-noir et tout à fait normal.
Observation XXIX (41 de la statistique). — Sarcôme blanc et vasculaire
(téléangiectasique) de la choroïde (i).
J. V..., 30 ans, se présente le 2 janvier J867 se plaignant de
(1) Knapp, IJ^e intraocularen geschwûlsif, 1868, p. 134.
— 110 —
voir beaucoup moins bien de Vœil droit depuis cinq à six semaines^
i
S ru — (compte les doigts à 2 pieds) ; champ visuel diminué en
iOO
haut et en dehors; flocons noirâtres dans le corps vitré. Au fond de
l'œil, surface jaunâtre de la largeur de 4 diamètres de la papille,
traversée par des stries rougeâtres et recouvertes par 6 à 8 taches
allongées, formée par des extravasats. Les contours se perdaient
insensiblement, de sorte que Ton était indécis entre un exsudât
plastique de la rétine et entre une tumeur sous-rétinienne. Le
trouble du corps vitré faisait supposer des inflammations ou des
hémorrhagies dans cette partie.
Le champ visuel diminua de plus en plus en haut et en dehors.
La forme bosselée j la délimitation exacte de la tumeur que Ton
remarqua ensuite, Taspect/aMn^^re des vaisseaux et les hémorrhagies j
la croissance continuelle firent supposer une tumeur.
Enucléation le 5 juin 1867. Guérison complète le 25 juin.
Examen anatomique de l'œil. La tumeur est située dans la moitié
interne et a une forme hémisphérique; elle est recouverte par une
membrane fine et transparente, au-dessous de laquelle on voit de
nombreux vaisseaux étoilés avec des bifurcations nombreuses. A la
coupe la tumeur est blanche^ molle^ assez riche en sang. Elle contient
des cellules rondes en grand nombre, de» cellules fusiformes h gros
noyaux avec des granulations brillantes (voir pl. III, fig. 6).
La tumeur a la forme d'un bouton, elle repose sur la sclérotique
par un pédicule court et mince séparé de cette membrane par une
couche pigmentée.
Le néoplasme est accolé à la face interne de la couche de Haller,
et est limité en dehors par le tissu supra-choroïdien et par la scléro-
tique ; en dedans par la couche chorio-capillaire, par la membrane
vitrée et par la couche pigmentée au-dessus desquelles s'étendait
la rétine bien conservée.
La rétine formait un pont par-dessus; mais ses couches normales
disparaissaient au niveau de la tumeur et étaient réduites à une
couche externe granuleuse et à une autre interne fibreuse. Au
milieu du néoplasme on trouve des vaisseaux nombreux et consi-
dérables.
Une particularité remarquable était fournie par les vaisseaux
des parties voisines^ ceux-ci étaient considérablement dilatés du côté
— 111 —
du nerf optique. Ils avaient comprimé le stroma et formé des extra-
vasats nombreux.
La structure intime de la tumeur montra que c'était un sarcôme
iéléangiectagique remarquable, composé de cylindres tubuleux arté-
riels et veineux avec un réseau capillaire intercellulaire.
En 1868, aucune récidive; mais le malade, déjà chétif, au mo-
ment de Topération meurt d'épuisement. La nature de la tumeur
ne permet pas de compter ce cas au nombre des guérisons radi-
cales parce qu'il ne s'est écoulé que sept mois entre l'extirpation et
la mort.
Observation XXX (60® de la statistique),, — Sarcôme caverneux de
la choroïde.
P. M., 28 ans, ouvrière, a remarqué, en 1869, devant son œil
droit, un nuage qui a augmenté beaucoup dans les derniers temps.
A travers la pupille dilatée on nota quelque chose qui s'avançait
dans l'intérieur du globe jusqu'au cristallin. Cette tumeur était
recouverte par la rétine. Plus tard, celle-ci se décoUajâans toute
la moitié inférieure de l'œil. La partie profonde était voilée, les
. veines dilatées et les artères tortueuses, les contours papillaires
4
effacés. — S = ^tt- T := jamais augmentée.
Enucléation le 3 février ; le 3 mars, la malade sort guérie ; six
mois après, santé bonne.
Tumeur assez dure, légèrement pigmentée, et présentant un cer-
tain nombre de petites cavités qui sont les vides laissés par les vais-
seaux ou dus à la résorption.
Elle sort immédiatement du stroma de la choroïde de façon que
celui-ci se fond rapidement dans la tumeur; d'ailleurs, au point de
jonction, le tissu supra-choroïdien est bien conservé et Von voit des
cellules du stroma changées, il est vrai, mais encore reconnais-
sablés. Là où la choroïde touche à la tumeur on ne voit que la lu-
mière de vaisseaux assez rares, de sorte que la choroïde a P aspect
d'un tissu caverneux» La couche supérieure ou pigmentée de la cho-
roïde recouvre la tumeur. De l'autre côté on trouve du tissu con-
jonctif, avec un grand nombre de cellules rondes, intimement uni
à la rétine. La structure du néoplasme est, sauf les vacuoles et les
(1) B. Socin, i^bives de Virchow, 1871, t4fill, p. 555.
^ 112 —
vides de résopptioa, un sarcome à cellules fusiformes. Partout les
cellules sont tassées. La tumeur en avançant dans Tintérieur du
globe a dû occasionner une excitation considérable du tissu super-
ficiel de la choroïde et de la couche externe , de la rétine, ce qui
explique la formation de la couche du tissu conjonctif signalée plus
haut.
7® Sarcôme carcinomateux. — Si Ton prenait l'expression
carcinomateux comme synonyme de cancéreux, on pourrait
supposer que cette variété de sarcomes choroïdieus est seule
maligne et sujette à récidiver. Il est important, par consé-
quent, de bien définir ici les expressions cancer et carcinôme.
Le premier de ces mots est souvent employé indistinctement
par les médecins et par les personnes étrangères à notre art,
pour désigner l'ensemble de symptômes d'une tumeur mali-
gne quelconque, c'est-à-dire de celle qui s étend rapidement et
qui se généralise. Pris dans ce sens, il n'a qu'une signification
purement clinique, et aucune valeur au point de vue histolo-
gique; il ne définit, en effet, aucun tissu, ni le sarcôme, ni le
gliômOt ni le carcinôme, etc., qui tous sont des cancers, mais
des cancers à structure différente, et qui peuvent se trouver
réunis dans une même tumeur. Le mot de carcinôme a une
signification très-nette et tout à fait spéciale. Employé (1) d'a-
bord en Allemagne dans le même sens vague que celui de
cancer, il a reçu depuis une définition plus précise, basée sur
des notious histologiques. Il désigne aujourd'hui une tumeur
composée d'un stroma fibreux limitant des alvéoles qui for*
ment, par leurs communications^ un système caverneux; ces
alvéoles sont remplies de cellules libres les unes par rapport
aux autres, dans un liquide plus ou moins abondant. Ceci
étant posé, nous appliquerons ces définitions à notre sujet, en
disant que, un grand nombre de sarcomes de la choroïde,
cancéreux au point de vue clinique, ne sont pas carcinomateux
(1) Cornil et Ranvier, m^tologie pathologique, p. 16(
— m —
pour Tanatomiste, parce qu'ils ne renferment pas dans leur
tissu la structure alvéolaire du carcinôme. Quelques tumeurs
choroïdiennes présentent, au contraire, le stroma du sarcome
uni à celui du carcinôme ; c'est-à-dire qu'à une tumeur cancé-
reuse s'est ajoutée une autre tumeur cancéreuse. Il est donc
légitime que nous établissions une distinction pour ces sar-
cômes différents des autres par la somme de leurs éléments
histologiques et les plus malins de tous ceux qu'on observe,
puisqu'ils sont la résultante de deux forces qui concourent au
même but : d'abord à la destruction de la partie primitivemen t
atteinte, puis à Tenvahissement de tout l'organisme. On pour-
rait rendre cette idée par des chiffres, et dire que si le sar -
côme simple a une malignité m 1 , le sarcôme carcinomateux
a une malignité = 2, Cette notion de la présence de deux élé-
ments de tumeur maligne diins une seule, est acceptée par
la plupart des histologistes. Nous avons déjà cité l'opinion de
Virchow, qui compare les deux tumeurs aux branches d'un
arbre portées sur un même tronc et pouvant, suivant la
greffe, donner des produits un peu différents.
Par conséquent, lorsque après avoir examiné la structure
do la tumeur, on y aura reconnu à côté des éléments du sar-
côme déjà décrits ceux du carcinôme sufiBsamment connus de
tous et qu'il est inutile de rappeler, on sera en droit de porter
un pronostic extrêmement fâcheux. L'observation suivante va
nous en donner la preuve.
Observation XXXI (19« de la statistique), — Mélano-Sarcôme carcino-
mateux des deux yeux, cachexie consécutive (d).
Un homme de 46 ans, d'une famille saine, bien portant lui-même,
avait la vue de l'œil droit faible depuis son enfance. Strabisme in-
terne de ce côté. En novembre 1862, il reçoit un morceau de bois
sur cet œil, et commence alors à se plaindre de douleurs. Injection
(1) Laùdsberg,*rchiv fûr Ophthal., B.XI, rfbth. I, p. b8, 1865.
Brière. H
du globe et larmoiement. La vue déjà faible se perd. Un an après,
exagération de la tension. La vue baissant on peu de l'œil gauche,
on se décide à énucléer l'œil droiL Le segment postérieur est
constitué par une masse irrégulière grossièrement carrée et arrondie
aux angles, s'é tendant obliquenîent en bas et en dedans et rem-
vrant en partie le nerf optiq^te. EZIe s'avcnce sur la face interne de
la choroïde jusqu*à une distance de 10 millimètres de Toraserrata.
Dans les autres points ia tumeur qui part de la choroïde est adhé-
rente à la sclérotique. En arrière, les fibres de la sclérotique sont
séparées par la mas$e, de telle sjrle que celle-ci semble être traver-
sée par des veines. La sclérotique ne disparaît totalement en aucun
point. La moitié externe de la tumeur et la plus grande partie de
sa section présentent des faekes de pigment^ tandis que les autres
points offrent un aspect gris^bkmchâtre.
Au microscope, on y trouve un tissu fibreux fin, au milieu duquel
on remarque des cellules fusi formes, juxtaposées suivant leur lon-
gueur et présentant des filamieats qui s'anastomosent. Ces cellules
ont un noyau et un contenu gQnuleux. A côté on voit des cellule
rondes, polygonales, munies également de filaments et remplies
très-fines granulations. Enfin, on y trouve des cellules defigmet^^
qui varient beaucoup selon leur forme et selon leur grosseur. Ta^^'
dis que les parties que nous venons de décrire présentent plus
moins le ty/^e du carcinônie de la choroïde, les parties plus dures
la tumeur oflrent une structure toute diflTérente. A la partie post.^^
rieure le tissu de la sclérotique est rempli par des cellules rond^^^
fusiformes et polygonales, munies de filaments, et qui devienne
beaucoup plus denses dans les parties centrales de la tumeur. ^^^^
contraire, à la périphérie, ce tissu fibreux est beaucoup plr
I
£
1
P
raréfié et étouffé par les cellules plus avàncées dans leur 4^
veîoppf^ment, comme le montre la charpente qui forme la paroi d^— ^
alvéoles. Les autres parties, plus dures, montrent absolume^:^^^^^-^^
la môme structure alvéolaire de ce carcinôme qui se développe
la périphérie au centre. La connexion de la tumeuravecla choroïd^^^^
évidente à l'œil nu, est confirmée par les recherches microscc::^^^
piques.
La formation hyperplastique du stroma choroïdien, formatio
qui commence au delà du bord de la tumeur et qui au fur et à m
HUHi qu'elle se développe et que les éléments à myéloplaxes se moiu
Irent en détruisant les autres éléments de la choroïdfc, ne laisse aucu-i
- 145 -
doute sur le terrain où la tumeur sarcomateuse a pris naissance ,
c'est-à-dire le tissu conjonctif de la choroïde.
Le résultat donné par les recherches microscopiques et qui ne
laissait aucun doute sur la malignité de la tumeur, fut confirmé
par la suite. Le 24. avril, cinq mois après l'opération, douleurs at^
tribuées à la pression de l'œil artificiel et disparaissant quand on
enlève ce dernier. Récidive locale. L'acuité de l'autre œil reste
2
bonne, S =-^* Ablation de petites tumeurs dont la nature car-
cinomateuse ne pouvait être contestée.
Le malade ne revient que sept semaines après la guérison de la
plaie, offrant un orbite atteint de récidive et rempli de telle façon,
que le petit doigt ne peut pas constater de vides dans cet orbite.
Le 20 juillet, troisième opération. Môme tumeur molle et sem-
blable à de la moelle composée de plusieurs foyers réunis et qui
présenta au microscope une prolifération cellulaire molle, riche
en capillaires^ partant également du tissu conjonctif. Le malade
guérit de nouveau, bien que tout le contenu de l'orbite, môme le
périoste, dût être enlevé.
Mais déjà au mois d'août, la plaie étant dans un état satisfaisant,
le malade accusa des douleurs dans Pceil gauche avec irradiations
hémicrâniennes et qui rendaient tout travail impossible.Etat général
bon, absence de ganglions. L'acuité visuelle, diminuée, n'était
plus que de un demi. Le champ visuel un peu rétréci ; tandis que
le nerf optique paraissait trouble et diffus, les parties voisines de
la rétine étaient plus louches que les parties périphériques. Ces
symptômes augmentèrent de jour en jour et furent suivis d'alté-
rations fonctionnelles progressives. Le 15 août, S ==-— •;lel6,
S 3 2
S == ~ ; le 17, S ; le champ visuel diminue ; lel8, S
zu 20
1
(commencement de récidive dans l'œil droit) ; le 22, S = -— ;le24,
1 1
S = ; le 26,S == . Le champ visuel manque en dehors et en
bas ; il est également rétréci à la partie inférieure et du côté ex-
terne. Deux mois après^ cécité absolue sans changement de l'œil
droit. Récidive à gauche avec fortes douleurs. Cachexie.
— Ii6 —
11 faut enregistrer, au point de vue de la statistique, cette tu-
meur maligne et non homogène^ dernier caractère qui ici se montre
d'une façon tout à fait caractéristique (môme à l'œil nu). On pour-
rait peut-être y trouver des points de repère anatomiques pour les
formes indiquées par Virchow à propos d'un cas cité par Graefe, et
dans lesquelles il ne s'agit pas, comme on l'avait admis jusqu'à
présent, de transformations de sarcômes en carcinômes. Car, si l'on
compare l'endroit où se développent ces deuxtumeurs, le terrain sur
lequel elles prennent naissance, et si l'on songe que lesportions sarco*
mateuses^ dont le point de départ est dans les parties e>^ternes,s/é^ew^
danslesivoma.choroïdien,iandis queles parties carcinomateuses parient,
au contraire, des portions plus dures et plus résistantes de la sclé-
rotique^ et qu'en outre les éléments les plus jeunes sont le plus sou-
vent situés au centre, tandis que les parties qui se trouvent le plus
rapprochées de la sclérotique montrent un tissu de support lâche,
on pourrait admettre^ sans difficulté, la formation simultanée et au
moins isolée de chacune de ces deux variétés de tumeurs^ sarcôme et
carcinôme.
11 faut encore rappeler la marche centripète du néoplasme du
foyer primitif vers le centre du sens visuel, vers le chiasma, car on
a trouvé dans le nerf optique gauche un conducteur 'trop fa'dèle et
trop exact.
Le chemin qu'a pris la maladie se laisse suivre assez exactement,
et il est permis de considérer le chiasma comme l'intermédiairq de
la maladie qui a atteint les deux nerfs optiques. Naturellement les
parties qui furent atteintes plus tard et la localisation des lésions
cérébrales ne doivent pas être précisées par là, mais dans Tamblyo-
pie gauche, dont il a été question plus haut, le trouble du nerf op-
tique et de la rétine, ainsi que l'intégrité complète des nerfs céré-
braux sous le rapport de la motilité et de la sensibilité, et enfin les
derniers symptômes de la maladie indiquent un foyer circonscrit
au centre de la chaîne des nerfs optiques, foyer qui ne se présente
pas sous la forme d'une tumeur qu'on peut isoler.
Ce qui montre d'ailleurs qu'il ne s'agissait pas ici d'une tumeur
siégeant au niveau du chiasma, c'est l'absence de toute espèce de
phénomène de compression dans le nerf optique gauche (pas de
changement au niveau de la papille, les artères normales, veines
non tortueuses).
%
— il7 —
Observation XXXII (14« de la statistique). — Mélano-sarcôme et carci-
nôme réunis dans la môme tumeur (1).
Il s'agit d'un malade d'un Age mûr. Autour d'un de ses yeux on
trouve deux grandes tumeurs; la plus petite à la périphérie supé-
rieure du globe, la plus grande recouvrant la partie antérieure.
Celle-là a son origine dans la sclérotique, sans cependant la per-
forer ; celle-ci, au contraire, siège dans la conjonctive. Les deux
sont constituées par une paroi qui forme écorce et par un contenu
liquide renfermant des cellules en suspension, séparé de l'enve-
loppe, dans la petite tumeur par un stroma de tissu conjonctif et
dans la grande par un stroma formé de cellules tassées et accolées
les unes aux autres. Ce dernier se distingue par son grand nombre
de vaisseaux^ sa richesse en pigment et une dégénérescence graisseuse
notable des éléments qui le composent.
Dans l'intérieur du globe on trouve une troisième tumeur qui
a aucun rapport apparent avec les deux précédentes. Toute la choroïde^
sauf quelques petites parties, a rfwî/)arw, absorbée par cette tumeur.
Celle-ci est rmde et blanche^ granuleuse du côté de la sclérotique,
fibreuse au contraire du côté du corps vitré. Le tissu est si friable que
ces parties se séparent facilement les unes des autres. En avant il
prend une couleur beaucoup plus foncée et est couvert d'une niem-
brane pigmentée, tandis que la partie blanche n'offre pas cette en-
veloppe. Sur les régions latérales, fragments de la tumeur plus
gris et plus consistants.
La partie supérieure de la tumeur semble être le point de départ
de la maladie et d'après sa structure indique une métamorphose ré-
gressive. C'est un tissu auparavant carcinomateux en voie de dégéné-
ration tuberculeuse, he tissu pigmenté s'étend jusqu'à la sclérotique.
Les cellules pigmentées du stroma choroïdien périssent, le pig-
ment s'échappe et entre en dissolution, de sorte qu'en passant entre
les cellules fusiformes il les imprègne, de façon cependant que quel-
ques grosses granulations restent libres.
L'auteur a surtout insisté sur la façon dont se sont compor-
tées les cellules choroïdiennes; il considère comme point de
(I) Scbîess Gemuseus, Archiv de Virchow, B. X, Abth. 2, p. 109, 186'*
et Klinische Monatsblâtter, B. III, p. 188, 1865;
— 118 —
départ de cette formation sarcomateuse les cellules rondes ou
ovales, sans pigment, du stroma de la choroïde ; tandis que,
d'après son observation, les cellules pigmentées du stroma se
décomposent et donnent leur contenu pigmenté aux cellules de
la tumeur. Nous avons donc un passage du cancer au tuber-
cule et pour l'étude des tumeurs une observation importante,
parce que à côté de tumeurs choroîdiennes il se développe
des tumeurs extra-bulbaires, sans que la membrane intermé-
diaire montre j par les changements qu'elle présente, les traces
de la transmissvm (do la tumeur interne à la tumeur externe).
Partout nous trouvons un stroma de tissu conjonctif (1) au
milieu duquel se trouvent des cellules, mais dans une quantité
telle, en comparaison du stroma, que nous sommes forcé de
parler de cardnôme. D'après leur position, les différentes
parties de la tumeur peuvent se diviser en trois groupes :
Le groupe de la partie inférieure de la tumeur, dans la-
quelle il y a un processus florissant ;
2** Le groupe de la moitié supérieure du globe, où Ton trouve
une métamorphose en partie graisseuse, en partie tubercu-
leuse, à laquelle serait venue s'ajouter une métamorphose du
stroma conjonctif, toutes les trois bien accentuées;
3^ Le groupe extra-oculaire, qui se divise lui-même en deux
parties; Dans la première partie de la tumeur située à la par-
tie postérieure, le pigment a presque complètement disparu.
Là les formes ceiluleuses atteignent, surtout en longueur, le
plus grand développement, et le stroma ne joue quun rôle
secondaire. Puis vient la partie noire, riche en pigment, avec
ses cellules fusiformes. Ici le stroma est plus résistant. Enfin
vient la partie latérale et pigmentée avec ses cellules libres,
à longs prolongements, et dans laquelle le stroma est réduit à
la ténuité d^un fil. Dans les tumeurs extra-oculaires, on trouve
(1) Scheiss Gemuseus 1. c.
- 119 -
un tissu plus lâche et plus villeux pour la tumeur postérieure.
Quant à celui de l'antérieure, il est plus serré et plus mou,
tandis que l'élément celluleux est plus petit et rond. D'ailleurs
les cellules sont.dans la troisième partieduglobe,toutes rondes.
Dans toute la partie supérieure de la tumeur intra-oculaire,
on ne peut plus reconnaître la structure primitive, parce que
de la graisse intra-cellulaire et cristallisée forme la masse
principale de la tumeur. Je considère cet endroit comme le ^
point de départ de tout le processus, tandis que les parties
extra-oculaires ne sont arrivées qu'en second lieu.
Observation XXXIII (15e de la statistique). — Mélano-sarcôme et carci-
nôme (1).
H s'agit d'un homme de 30 à 4.0 ans, aveugle de POG. Œil
glancomateux, tendu. Pupille très-dilatée. Au travers on voit la ré-
tine décollée et dégénérée. A cause de la tension, je soupçonnai
une tumeur. Cependcmt j'abandonnai cette idée quand je vis, dans
les années suivantes, rafFection rester stationnaire. Ce ne fut que
l'année passée, après avoir perdu la vue depuis douze ans, que la
névrose ciliaire augmentant, et l'autre œil commençant à faire
défaut, le malade vint me consulter. En 1863, son état n'avait pas
subi d'autre changement qu'une diminution de la chambre anté-
rieure et un trouble du cristallin. Je conseillai Ténucléation plutôt
dans l'intérêt de l'autre œil que parce que je supposais une tumeur
après une marche aussi lente.
La partie postérieure du globe était remplie par une masse mé-
lanotique qui partait de la choroïde. Comme je n'avais jamais vu de
formation aussi lente de mélanose intra-oculaire, je me posai la
question pour savoir si le contact de cette tumeur avait occasionné
la cécité, ou bien si la tumeur s'était développée dans un œil privé
de sa vue. Si, il y a six ans, le malade n'avait pas présenté un dé-
collement de la rétine et une dureté du globe, je pencherais pour
cette dernière hypothèse. Mais tandis que la préexistence de la tu-
meur explique complètement l'état dans lequel le malade se trou-
vait et qu'il n'existe aucun autre signe commémoratif donnant
l'étiologie de la tumeur, il me semblait que c'eût été vouloir être
(1) A. von Graefe, Archiv fûr Ophthal., B. X, Abth. I, p. 176, 1864.
- m -
trop subtil que de douter de la préexistence de la tumeur. Quelque
parties de celles-ci furent examinées par le professeur Reckling-
hausen, et déclarées être un sarcôme dense, Hche en tissu fibreux
Cependant le pronostic pourrait ne pas être très-favorable, parcaae
qu'on rencontre aussi dans les parties fibreuses les mômes cellule^ŒS
à noyaux gros et qu'en outre il y a une pigmentation assez fort^^ =e
entre les flbres du tissu conjonctif qui se laissent désunir et isole^E^r
en un plus ou moins grand nombre de cellules fusiformes.
Malgré une extirpation qui paraissait complète, il se présenta — a,
après six mois, une nouvelle récidive.
La tumeur qui fut extraite en janvier 4864 était beaucoup moin» Jis
dense que la première; fluctuante au centre, elle devenait de pluar m!&
en plus consistante à mesure qu'on se rapprochait des bords. Un^r n
foyer de ramollissement ne pouvait pas être exactement délimité
La couleur est noire presque comme de l'encre, tandis que la pré— ^
cédente était brune et presque claire à certains endroits. Vircho\^^i^
déclara cette tumeur de nature franchement carcinomateuse.
On croyait d'abord avoir affaire à un sarcôme à évolution lent^-:*te
et qui paraissait avoir été extirpé complètement, mais l'examec^r^n
anatomique fit voir qu'il s'agissait au contraire (Tun vrai carcinôms. ^^^>
sous la forme d'une récidive de tumeur. Ce fait me parut, pouK
Tétude des tumeurs, assez important pour exiger un nouvel cxamecra*^^
de la tumeur extraite l'été passé. Pour éviter toute conclusionrr=*i
fausse qu'aurait pu produire un point commun des deux tumeurs^ — ^
elle fut examinée à fond dans toutes ses parties par Virchow
Celui-ci me répondit : Dans cette tumeur il y a un grand nombre d/^^
parties qui présentent complètement le caractère du sarcôme^ surtoutr::^
une certaine masse plus claire qui a son siège sur la sclérotique,
tout près du nerf optique, et qui est totalement sarcomateuse. A Tin-
térieur aussi, et principalement à la partie antérieure de la tumeur^
choroïdienne, on trouve la même structure. Il en est tout autre-
ment avec les masses qui adhèrent à la face interne de la scléro-
tique et d'une partie plus grande de la partie principale de la tu-
meur qui remplit en partie l'intérieur dii globe. Ici on rencontre
la même structure alvéolaire avec un contenu identique, avec des
cellules tassées, grandes, rondes ou polygonales, tantôt incolores,
tantôt colorées, comme dans la tumeur de la récidive. Ces portions,
d'après nous, ne peuvent être appelées autrement que carcinâme.
Il s'agit donc d'une tumeur non homogène, car on ne peut pas dire
— 121 -
qu'un sarcôme devient oarcinomatenx, et il peut être démontré
clairement que l'évolution carcinomateuse part du tissu coiyonctif,
sans qu'il existe un état sarcomateux intermédiaire entre l'état
primitif du tissu conjonctif et l'état consécutif du carcinôme.Ya-t-il
par là une parenté plus étroite entre la tumeur primitive et celle
de la récidive? Le cas reste instructif sous plusieurs rapports :
i** par la marche extrêmement lente dune tumeur carcinomateuse fiai
après treize ans est loin de remplir l'intérieur de l'œil. Supposer
que la structure n'était pas la même dès le début, a sa raison d'être
et se trouve confirmé par le fait que la tumeur de la récidive mon-
trait la tumeur carcinomateuse sur une étendue beaucoup plus
grande que la tumeur primitive.
20 A cause de la grande difficulté d'apprécier par le microscope,
lequel au début donnait un résultat contraire, et qu'enfin la pre-
mière fois on avait examiné différentes parties, mais pas toutes.
S^Myxo-sarcôme. — Les myxômes (dep.u?a, mucosité) sont des
tumeurs dont le tissu ressemble au tissu muqueux analogue
à celui du cordon ombilical et du corps vitré. On les rangeait
autrefois dans le groupe complexe des tumeurs colloïdes (Gor-
nil et Ranvier). Celte variété et celle du glio-sarcôme, dont il
sera bientôt question, appartiennent à la classe des sarcômes
globo' cellulaires de Virchow. Leur diagnostic anatoçiique est
beaucoup plus difficile à établir que celui des sarcômes fuso-
celIulaires.La plupart des auteurs(l)les identifient avec le fon-
gus médullaire dans le sens de carcinôme médullaire. Il n'y a,
en effet, aucun problème plus difficile à résoudre que
celui de distinguer dans certaines circonstances le sarcôme
médullaire globo-cellulaire et le carcinôme. Le rapport
avec la substance intercellulaire en forme le critérium dé-
cisif. Tant qu'on aperçoit encore dans les cellules la faculté de
laisser exsuder la substance intercellulaire, on est sûr de n'a-
voir pas affaire à un carcinôme, car celui-ci se distingue en ce
(1) Virchow, 1. c. Path. des tumeurs, trad. par Aronssohn, t. II,
p. 197.
/
\
- m —
que ses cellules se conservent comme telles, pour ainsi dire
également pures^ et ne présentant de rapport intime quavec
d'autres cellules. C'est donc avec raison qu'on s'appesantit
sur la structure alvéolaire du carcinome et la réplétion des
alvéoles par des amas condensés de cellules épithéliales.
Les cellules'rondes n'appartiennent pas exclusivement au
myxo-sarcôme et auglio-sarcôme, nous les avons rencontrées
dans les autres variétés, mais ici elles n'ont plus la faculté
de produire de la substance intercellulaire flbrillaire ou os-
seuse (1).
Nous n'insisterons pas sur l'auatomie pathologique des
tumeurs myxomateuses ; elles affectent le nerf optique beau-
coup plus souvent que la choroïde et ont déjà été décrites par
Graefe, Virchow, Mackensie, Jacobson, de Wecker, A. Sichel
et par plusieurs autres auteurs. Bien qu'elles offrent un réel
intérêt, il suffit que nous sachions qu'on rencontre très fré-
quemment des ilôts plus ou moins considérables de tissu mu-
queux mélangés au tissu propre des sarcômes de la choroïde.
Dans plusieurs des observations qui précèdent, la présence
de ce tissu muqueux a été notée d'une façon positive.
Notre travail ayant surtout pour but Tétude clinique de^^—
tumeurs choroïdiennes, nous ne croyons pas utile d'étendre^
davantage le chapitre de leur anatomie pathologique, déjà très-
long parla nécessité où nous nous sommes trouvé de donner le
résumé d'observations intéressantes disséminées dans divers
recueils^ et qui n'acquièrent une réelle valeur que lorsqu'elles
sont groupées et mises en parallèle. On connaît, du reste, les
belles pages que Virchow a consacrées à l'étude histologique
de toutes ces tumeurs, envisagées en général, dans sa dix-
neuvième leçon, et nous ne pourrions que reproduire en
partie ce qui s'y trouve.
(i) Virchow, 1. c.
— 123 —
serons également très-bref sur Tanatomie des
y^o^sarcâmes, autre variété de sarcômes globo- cellu-
lites ainsi nommée par les histologistes allemands,
^Our désigner les tumeurs intra-oculaires qui se rapprochent
hurleur structure histologique du système nerveux, sans être
ïierveuses elles-mêmes, étant parties de la névroglie sans que
les éléments nerveux proprement dits aient participé à leur
formation. La flg. 10, pl. III, montre l'aspect des éléments
du gliôme ; on voit qu'ils diffèrent essentiellement de ceux
du sarcôme pur. Il est assez fréquent dans les tumeurs de la
choroïde de trouver la rétine tout à fait intacte, formant des
replis au milieu du liquide qui la sépare du néoplasme et iso-
lée de ce dernier. Mais il n'est pas rare également qu'une
portion de la membrane nerveuse contracte avec la tumeur
une union hâtive, qui a pour conséquence de produire, plus
ou moins rapidement et à des degrés différents, une dégéné-
rescence de son tissu, laquelle se produit surtout dans le
sens d'un gliôme, bien que plus ou moins envahi par les
éléments fusiformes du sarcôme voisin, tumeur primitive.
L'observation V de Basket Derby, au § Leuco-sarcôme, est un
type mixte de sarcôme blanc et de glio- sarcôme (voir la fin
dQ cette observation. On trouvera également dans le cas sui-
vant (1) une notion très-suffisante delà structure histologique
d'un glio-sarcôme.
Observation XXXIV (33« de la statistique). — Glio-sarcôme mélanotique
avec deux perforations de la sclérotique. Mort par métastase dans le
foie.
C. H..., 63 ans, se présente le 15 mai 1867, se plaignant d'une
diminution de la vue de l'œil gauche ayant débuté il y a trois ans.
Plus tard, l'œil devint 7'ouge et douloureux.
Etat actuel. — Une tumeur rouge, bosselée, est saillante entre
les paupières écartées, etc.
(1) Knapp, Die întra gesch., p. 110.
Diagnostic. — Sarcôme mélanotique de la choroïde ayant per-
foré la sclérotique du côté interne et s'étant étendu aussi bien en
arrière qu'en avant, l'orbite en paraissant rempli. Extirpation le
27 mai 1867.
Examen de la tumeur. — Elle a le volume d'un œuf de poule et
présente des tubérosités. La sclérotique ratatinée ofïre des masses
noirâtres. L'intérieur de l'œil est rempli par une substance résis-
tante de couleur grisâtre et jaunâtre. La masse noire montre, sous le
microscope, en certains points, des traces de la choroïde, du tissu
fibreux^ des cellules fusifonnes et étoilées. La couche épithéliale
n'existait plus. Tous ces tissus étaient friables. La masse qui rem-
plissait la partie centrale du globe fut reconnue pour un gliôm.
Ses éléments ressemblaient aux granulations de la rétine; celle-ci
et le corps vitré n'existaient plus
A l'équateur, perforation de la sclérotique dont les fibres sont
dissociées par l'élément gliomateux. La tumeur externe est formée
de cellules de gliôme remplies de graisse; celles-ci grandissent à
mesure qu'elles s'éloignent de la sclérotique.
Le nerf optique est séparé de son enveloppe par un tissu mou
anormal. 11 est d'un gris blanc; quelques fibres nerveuses sont
enveloppées de cellules de graisse et de cellules gliomateuses.
• En résumé, on pourrait croire, quant à la structure, que certaines
parties de la tumeur sont du carcinôme, mais celles-ci sont peu
étendues.
Ce qui prouve que l'on n'avait pas affaire à un carcinôme, c'est le
manque du caractère épithélial des cellules et la présence de substance
intermédiaire qui les séparait plus ou moins.
Jetons un regard sur la structure anatomique des néoplasmes et
nous verrons que nous avons affaire à un gliôme et à un sarcôme mé-
lanotique à cellules rondes. D'ailleurs les différents endroits d'où
partent ces tumeurs, militent en faveur de ce que j'avance ; car la
première de ces tumeurs part de la choroïde^ c'est le sarcôme^ la se-
conde de la rétine, c'est le gliôme. Ici nous avons affaire à une tumeur
complexe, à un glio-sarcôme (voir pl. llî, fig. 7 à 10).
La plus grande partie était gliomateuse, mais cela ne veut pas
dire que le gliôme était l'élément le plus ancien ; il a pu se dévelop-
per en même temps, même après le sa ccôme, mais sa croissance a
été plus rapide. CeUe hypothèse est très-probable à cause de la
grande richesse du gliôme en petites cellules^ car les formes médtdlaires
— 125 —
de tumeurs que Virchow identifle anatomiquement avec les tu-
meurs mulli-cellulaires se développent plus rapidement que les tumeurs
pltis dures.
Le malade guérit facilement de son opération. Il y eut récidive
locale et dans le bas-ventre.
§ 3- — Remarques générales sur la structure du sarcôme
choroîdien et sur son développement.
Les divisions que nous venons d'établir entre les différents
sarcômes de la choroïde^ envisagés au point de vue de leur
constitution élémentaire, étaient indispensables pour mettre
de Tordre dans leur étude et pour classer par groupes les
observations qui étaient entre nos mains: mais on comprend
£3icilement que, devant la pratique, toutes ces classifications
disparaissent en grande partie; parce qu'il importe peu qu'on
ait affaire à un sarcôme ostéoïde ou téléanglectasique, et que la
conduite à tenir est toujours la même. On peut néanmoins
tirer quelques conclusions générales de l'examen anatomique
ainsi détaillé des sarcômes, et se demander si, étant donné
tel ou tel sarcôme de la choroïde, on doit porter un pronostic
plus ou moins fâcheux, suivant les conclusions de l'examen
histologique qu'on en aura fait. Or, en se plaçant à ce point
de vue, on doit diviser les tumeurs sarcomateuses de la cho-
roïde en deux groupes principaux :
!• Sarcômes avec prédominance de cellules fusiformes
(sarcômes durs).
2* Sarcômes avec prédominance de cellules rondes (sarcômes
mous).
Nous avons déjà fait entrevoir cette différence dans leur
manière de se développer, différence qui trouve son expli-
cation dans leur structure; mais il n'est pas inutile d'insister
de nouveau sur ce point.
Les premiers, comprenant presque exclusivement les flbro-
— 126 —
sarcômes mélaaés ou incolores, étant plus consistants, proli-
fèrent moins vite et se maintiennent plus longtemps à la
période d'état; leur marche, en un mot, est beaucoup plus '
lente, et il est rare que l'on voie leurs éléments se ramollir
et présenter les différentes métamorphoses régressives qui
caractérisent ceux du second groupe. Les sarcômes, au con-
traire, qui sont abondamment pourvus de cellules rondes,
glio-sarcômes, myxo-sarcômes, sarcômes carcinomateux, ont
une évolution le plus souvent rapide, et leurs éléments mon-
trent, après un laps de temps beaucoup plus court, la dégéné-
rescence granulo-graisseuse : Tenvahissement des tissus voi-
sins et de l'économie tout entière est également plus jprompU,
Car c'est une règle établie dans la pathologie des tumeurs,
que les formes solides et consistantes sont moins graves et
moins pernicieuses que les formes caséeuses et qui présentent
à la coupe un suc abondant. Cette dureté ou cette mollesse
des sarcômes provient non-seulement des cellules rondes,
mais aussi de la richesse en vaisseaux du tissu qui leur donne
origine. Si, par exemple, leur point de départ réside dans les
couches les plus internes de la choroïde, dans le stroma pro-
prement dit, leur système vasculaire est assez pauvre et leur
tissu plus ferme que dans les cas où la chorio-capiÙaire leur
a donné naissance. Donc, la notion précise du siège anato-
mique de la tumeur a do la valeur, comme celle de leur con-
sistance. D'une manière générale, les sarcômes nés dans la
chorio- capillaire sont donc plus mous, et, par conséquent,
plus dangereux que ceux provenant de la lamina fusca et du
stroma voisin.
Les sarcômes prennent le plus souvent naissance dans
rhémisphère postérieur du globe, précisément dans la partie
la plus vasculaire de la choroïde.
La coloration générale d'un sarcôme de la choroïde est
également d'une importance capitale. Si son asoect est pâle
— 127 -
et (jue le microscope ait permis d'exclure de sa composition
le myxôme, le gliôme et le carcinôme, on sera en droit de por-
ter un pronostic moins grave que lorsqu'on a affaire à une
tumeur pigmentaire, quand la couleur noire est due à une
prolifération du pigment et non à de simples résidus sanguins.
Malgré l'opinion de Pamard et de Sichel père(l), nous devons
reconnaître que le mélano-sarcôme est le pire des cancers,
vu sa tendance à la généralisation. Il suffit de jeter un coup
d'œil sur nos statistiques pour s'en rendre compte.
Ejnapp (2) résume de la façon suivante le mode de dévelop-
pement des tumeurs de la choroïde. Il y a, suivant lui, deux
modes de développement :
!• Celui par les cellules de formation qui ont leur origine
dans le système sanguin ;
2*^ Le développement par accroissement (1) du tissu physio-
logique et de l'élément propre de la tumeur en voie de for-
mation cellulaire.
Le premier mode de développement résulte d'un dépôt de
cellules formées de toute pièce et qui étant exsudées par le
système des vaisseaux sanguins ou lympathiques se sont
agglomérées dans le point où la tumeur se développe. Le se-
cond mode de développement résulte d'un accroissement du
nombre des cellules du tissu mère et des éléments propres de
la tumeur par développement endogène et segmentation des
noyaux. Si on cherche les conditions spéciales par suite des-
quelles se développe, dans la choroïde : tantôt un sarcôme à
cellules rondes, tantôt un sarcôme à cellules fusiformes, ou,
{{) Icon. opbthal., 657, p. S36. Sichel admet deux variétés de méla^
fwse, la mélanose simple dans laquelle on ne trouve pas de cellules can-^
céreuses, mais seulement des granules ou globules de pigment, et la
méUmGse cancéreuse ou cancer mélanique qui renferme des cellules can-
céreuses associées aux éléments pigmenteux.
(i) Knapp) 1. c,, Die intraocularen gescbwûlste, 1868, p. ili.
— 128 —
encore, tantôt un sarcôme mélanique, tantôt un sarcôine in-
colore, enfin, en troisième lieu, pourquoi parfois on est en
présence d'une tumeur ricbe en vaisseaux, et, d'autres fois,
en présence d'une tumeur qui en est plus dépourvue, il est
difficile de rien dire de précis à cet égard. Peut-être Tàge du
malade y est il pour quelque chose; car on remarque généra-
lement les formes le moins riches en vaisseaux chez les per-
sonnes avancées en âge. On voit, du reste, que les néoplasmes
de nature squirrheuse se rencontrent de préférence chez les
vieillards, tandis que chez les jeunes gens s'observent, les
formes médullaires.
Observation XXXV (32* de la statistique).
Les différents modes de développement exposés par Knapp se
rencontrent rarement, d'une façon évidente, réunis dans la môme
tumeur. Cet auteur eut néanmoins Toccasion de les observer dans
l'examen de l'œil d'un homme de 73 ans, qui présentait un sarcôme
de la choroïde et des corps ciliaires avec passage à travers la sclé-
rotique. Dans cette tumeur il vit en effet :
1** A la base, les éléments hyperpl^stiques de la région mère pas-
sant immédiatement dans le néoplasme;
2® Dans l'intérieur de la tumeur, augmentation des éléments
propres par une formation cellulaire endogène;
3° A la périphérie, la formation d'und couche de cellules granu-
leuses et d'éléments conjonctifs comme dans le tissu germînatif de
l'embryon.
§ 6. — Etat des parties voisines de la tumeur.
Après avoir examiné la tumeur en elle-même, il est inté-
ressant de connaître comment se comportent les différentes
parties du globe oculaire envahi par un sarcôme chorQjdien.
Celles-ci présentent des modifications remarquables. Le pre-
mier effet d'une tumeur qui apparaît dans Tœil est de compri-
mer les petits vaisseaux qui lui sont contigus; peu à peu un
— iâ9 —
plus grand nombre de divisions vasculaires se ressentent
du voisinage de la tumeur ; les veines sont aplaties et il se
fait une congestion choroldienne considérable dans le seg-
ment postérieur^ lorsque la tiimeur siège aux environs du
nerf optique, comme c'est le cas le plusïréquent.
La rétine est donc soulevée par un liquide qui transsude
peu à peu des veines comprimées, et la tumeur qui se déve-
loppe la rejette de plus en plus vers les parties centrales jus*
qu'au moment où, le liquide sous-rétinien augmentant, il se
produit un décollement total. La position qu'occupe alors la
rétine est tout à fait particulière, et la même dans la plupart
des cas. Cette membrane conserve ses points d'attache autour
du nerf optique et au niveau de Tora serrata. Il en résulte
que, sur une coupe passant par un méridien, elle se présente
sous Taspecl d'un cône dont le sommet touche à l'extrémité
du nerf optique, et que, sur une coupe équaloriale, elle forme,
au milieu de la figure, un dessin irrégulier dû à ses replis, le
cône rétinien étant alors coupé perpendiculairement à son
axe. Â un degré plus avancé de la maladie, lorsque tout le
globe est rempli par le néoplasme, la rétine chassée par
celui-ci, se rompt, se dissocie et disparaît parfois totalement;
si bien qu'on retrouve à peine ses attaches antérieures et pos-
lérieures. Grâce au décollement qui se produit de bonne
heure, le tissu rétinien reste longtemps indemne. Mais quand
la tumeur le gagne, il devient sarcomateux à son tour ou
offre une structure gliomateuse avec des noyaux secondaires
de sarcôme (voir notamment, obs. 3, Leuco-sarcôme). De tous
les éléments de la rétine, ceux qui se conservent le mieux
sont généralement la membrane limitante interne et les fibres
radiées. La couche des fibres nerveuses et la couche granulée
interne se retrouvent également sur beaucoup de prépara-
tions. En somme, l'atrophie va généralement de dehors en
dedans.
Brière. 9
— m —
Parfois on ne trouve à la place de la rétine qu'une mem-
brane mince et fibreuse ou un tissu atrophié qui ne contient
que des restes d'éléments nerveux. Les cônes et les bâtonnets
résistent longtemps; les cellules ganglionnaires se déforment
et se ratatinent.
Le nerf optique^ tantôt de couleur et d'épaisseur normales^
tantôt plus ou moins envahi et altéré par le tissu du sarcôme^
présente généralement une atrophie très-avancée de ses tubes
nerveux parla substance conjonctive hyperplasiée, qui les
étouffe. On y trouve, en un mot, les traces plus ou moins
évidentes d'une névrite, et parfois des cellules sarcomateuses
incolores ou pigmentées. Le nerf optique peut enfin présenter
les caractères de la dégénérescence myxomateuse.
Le corps vitré devient d'abord opaque; puis, lorsque la
rétine se décolle, il est comprimé par elle et se résorbe peu à
peu; si bien qu'au moment où le décollement est total, il
n'occupe plus qu'un espace, extrêmement restreint, n'offrant
souvent pas plus de 3 à 4 millimètres de long sur i à 2 de large
(voir le dessin, obs. d, fig. 1). Le tissu muqueux embryonnaire
disparait souvent, et l'on ne constate sous le microscope qu'une
matière amorphe chargée de globules sanguins altérés.
Le liquida situé entre la rétine et la choroïde peut s'organi-
ser jusqu'au moment où la tumeur le chasse en se développant
et finit par le faire disparaître par résorption ou à travers une
éraillure de la membrane fibreuse* Cette organisation de Tex*
sudat sous-rétinien est surtout manifeste quand des cellules
épithéliales pigmentées de la couche interne de la choroïde
se sont détachées et flottent dans le liquide nouvellement sé«
crété» On voit alors des travées fibreuses fvoir pl. iV, fig. 1 /
partir de la tumeur et s*étendre dans différentes directions.
(1) H. Berthold, ArcMv fûr Ophthal., 4869 j et Annales d'oculîs.,
t. LXIII, 1870.
- 131 —
n n'est pas rare de rencontrer l'organisation simultanée du
liquide sous-rétinien et des restes du corps vitré.
Dès le début de la période glaucomateuse, le cristallin est
chassé en avant contre la face postérieure de la cornée; il
s'opacifie presque toujours en conservant son volume ou en
s'atrophiant légèrement; ce qui est le cas le plus fréquent. On
a cité quelques faits dans lesquels il avait disparu par résorp-
tion; mais cette particularité est extrêmement rare. On a dit
également qu'il reste accolé à la cornée comme un corps étran-
ger et qu'il ne montre pas d'altération de structure digne
de remarque. L'observation suivante fera voir qu'il est loin
d'en être toujours ainsi, et que le cristallin peut offrir cette
particularité intéressante d'un tissu, d'une vitalité extrême^
ment restreinte, qui a suhi les phénomènes histologiques de
Vinflammation.
Obsbrvâtion XXXVI (72e de la statistique) (1).
Dans un œil enlevé par M. le de Wecker pour une affectioil
maligne, on trouve une tumeur ayant les caractères histologiques
du sarcôme de la choroïde. Sa disposition n'offre dans ce cas rien de
bien particulier, et pour abréger, nous n'en parlerons pas; mais le
cristallin montre des altérations d'une nature singulière. La cap-
sule est intacte en avant, un peu plissée en arrière. Au pôle posté-
rieur elle est tellement mince qu'en quelques points il est difflcile
de la suivre au milieu des modifications de ses plis. Nulle part on
n'a trouvé de prolifération épithéliale sur la capsule postérieure.
En dehors, celle-ci est en contact immédiat avec la masse du sar-
côme. Avec de forts grossissements nous n'avons rencontré aucun
de ses éléments dans l'intérieur du cristallin. Vers les points où le
iMircôme touche à la capsule, on constate l'état graisseux de l'épithé-
lium capsulaire et la formation de gros corpuscules de Gluge en grand
nombre dans les couches corticales du cristallin (voir fig. 1 1 et 1 2, J)l . 111) .
(i) Nous devons cette note à l'obligeance de M. le û** Poncet, profess*
agrégé du Val-de-GrAce;
— 132 —
Quelquefois la capsule se déchire, la substance propre s'échappe
en j)artie et Ton trouve de la substance connective dans la lentille,
ce qui est probablement dû à Tiritis concomitante (Berthold) (4).
Les corps dliaires prennent quelquefois part à la dégénères*
cence sarcomateuse soit primitivement (voir robservation de
myo-sarcome, deWecker et Ivanoff), soit d'une façon secondaire
comme plusieurs de nos observations en font mention. Quand
ils ne sont pas envahis directement par la tumeur, celle-ci les
comprime et les aplatit contre la sclérotique, de telle sorte
qu'il est parfois dilfflcile d'en retrouver les traces. Si la tumeur
a perforé la sclérotique au niveau du canal du Schlemm, les
procès ciliaires ont naturellement disparu au niveau de la
rupture.
Uiris se trouve peu à peu aplati entre la face postérieure de
la cornée et la cristalloïde antérieure, où il n'offre rien de bien
intéressant à noter. La sclérotique résiste, au début, à la pres-
sion de la tumeur de dedans en dehors. Nous savons déjà que
les sarcômes de la choroïde ont, d'une façon constante, une
période glaucomateuse. Or, jusqu'à cette période la membrane
fibreuse s'oppose à la croissance de la tumeur. Il en résulte
une exagération de la pression intra-oculaire notée dans beau-
coup d'observations. Puis le sarcôme finit par l'emporter sur
la résistance de la sclérotique qui cède, mais dans des points
déterminés, au niveau des parties les plus faibles.
Nous devons noter que, si on pratique Ténucléation pendant
la période glaucomateuse, ce qui est le cas le plus ordinaire,
puisque les malades ne veulent généralement pas y consentir
avant, et si on observe bien l'aspect du globe ainsi enlevé, on
remarquera fréquemment, au niveau d'un ou de plusieurs
sinus, une traînée noire dans tépaisseur de là sclérotique.
(i) Archîv fûr Ophthal., 1869.
— 133 —
Celle-ci est due à Tengorgement d'un vas vorticosum par la
matière du sarcômemélanique intra-oculaîre. Rien d'étonnant
qu'alors les granules pigmentés ne se soient déjà trouvés
charriés par ces veines émissaires dans le torrent circulatoire
et qu'après l'opération on ne voie des métastases sur le foie ou
dans d'autres viscères.
Les points dans lesquels la sclérotique se rompt sont :
!• Au niveau de ses sinus équatoriaux;
2* En arrière, au niveau de l'entrée du nerf optique, le long
de la gaine du nerf, dans le névrilème interne et dans la né-
vroglie des faisceaux secondaires;
3* Au-dessous des muscles droits;
4* Dans le sillon de séparation de la cornée. D'autres fois
celle-ci s'ulcère par suite de l'absence d'influx nerveux et
alors la marche de la tumeur n'est plus entravée. Elle reste
cependant encore un certain temps à l'intérieur de la capsule
do Tenon. Mais celle-ci cède promptement et la tumeur enva-
hissant l'orbite se généralise dans l'économie au bout d'un
laps de temps assez restreint.
lia &çon dont se comporte le tissu scléral le plus voisin
du sarcôme est très-intéressante à étudier. On peut la résumer
en disant qu'il se laisse difficilement infiltrer et désunir par
les éléments cellulaires qui se forment; cette résistance de la
sclérotique est notée dans beaucoup d'observations (voir
notamment les observations 15, 17 et 18 de la statistique).
A l'œil nu la coupe de la sclérotique, au niveau de la tumeur,
parait saine dans presque tous les cas où la tumeur est restée
limitée à l'intérieur du globe. Il n'est pas rare même, quand
il existe une tumeur secondaire séparée de la tumeur ohorôï-
dienne par la membrane fibreuse, de trouver celle-ci très-bien
conservée et paraissant saine à l'œil nu. Si la rupture du globe
s'est opérée et que les tumeurs extra et intra-oculaires com-
muniquent, on peut constater, sur une coupe, que les lam-
- 134 -
beaux de la gclérotique déchirée ne sont pas détruits par la
dégénérescence. Cette immunité non pas absolue, mais très-
fréquente de la sclérotique, a été remarquée par différents
auteurs.
Quand on rencontre une tumeur extra-bulbaire en rapport
avec un sarc6me choroxdien et que le tissu intermédiaire
parait sain, il est intéressant d'étudier comment la première a
pris naissance. En 1864 Schiess Gemuseus (1) reconnaissait, à
propos d'un cas analogue, qu'il était difficile do dire si cette
procréation avait lieu par un simple échange des sucs des cel*
Iules ou parles vaisseaux sanguins ou lymphatiques, Graefe (2)
avait aussi fait la remarque que parfois on ne peut pas con-
staler la genèse de la tumeur secondaire par le changement
de cellules juxtaposées. Cette observation concorde avec
celle que Yirchow a établie dans une étude sur les tumeurs du
péritoine.
Néanmoins, à coté des examens qui n'ont pas démontré la
transmission directe d'une tumeur à l'autre, on en possède
où la migration de cellules est évidente. A priori, il paraît lo-
gique d'admettre qu'une tumeur qui va s'adosser à une autre
plus ancienne et se développer en ce point, n'en étant séparée
que par une membrane d'un millimètre d'épaisseur, est pro-
duite par la première. Dans un cas, Berthold (ohs. XXIII,
45* de la statistique) (3) a démontré, d'une façon très-posi-
tive, qu'il y avait eu greffe dû sarcôme sur la sclérotique, et
dans le 15* volume des Archives d'ophthalmologie, le même
auteur dit que cette façon de progresser est très -ordinaire et
qu'elle a lieu chaque fois qu'il y a des tumeurs extrà-ocu-
laires.
Hirschberg a publié également deux cas empruntés à Graefe
(l) Archiv fûr Ophthal., B. X, Abth. 2, p. 109. .
(î) Archiv fur Ophthal., B. II, Abth. 2, p. 244.
(3) Klinische Monatsblâtter fûr Augenheilkunde, Bd. VIII, p. 19,1870.
- 135 —
dans lesquels le sarcôme choroïdien et épisoléral se trouvaient
réunis. Dans les deux cas la solérotigue à l'endroit où elle
séparait les deux tumeurs avait subi un changement sarcoma-
teux. Nous avons trouvé la même altération notée dans plu-
sieurs autres observations ; mais dans les cas où la sclérotique
est atteinte, on reconnaît facilement que les couches le plus al-
térées sont celles qui avoisinent la tumeur choroïdienne. Il
est important de distinguer les points où existent les éléments
jeunes de ceux qui sont le siège de métamorphoses régres-
sives, car par cela seul, on peut souvent préciser l'origine
d'une tumeur intra-oculaire.
Donc, en résumé, la sclérotique est très-tardivement atta-
quée par la dégénérescence sarcomateuse ; mais dans le cas
dejtumeur extra-oculaire, celle-ci,est produite par transmission
des éléments morbides, migration de cellules ou de sucs de
cellules à travers la sclérotique, bienque l'altération de cette
membrane soit loin d'être toujours évidente.
L'observation suivante confirmera ce que nous venons de
dirô.
Observation XXXVII (27o de la statistique).
M. S..., âgé de 42 ans, maçon, se présente au commencement de
juin -1866 (l) avec une tumeur noirâtre de la grosseur d'une noi-
sette, occupant la partie supérieure du globe de TO G. Le malade
•avait perdu cet œil plus de huit ans auparavant, h la suite d'une
contusion violente; à partir de cette époque, l'œil avait toujours été
plus petit, et ce n'était que depuis deux mois et demi que la tumeur
avait apparu.
Un an après, récidive. La tumeur, examinée par M. Cornil,
est un sarcôme mélanique. Masse noire, solide, ayant la forme ocu-
laire et présentant, conservés et visibles à Vceil nuy la coque fibreuse
de la sclérotique et de la cornée. A l'examen microscopique, ces tissus
fibreux étaient conservés normaux dans leur plus grande étendue
et seulement envahis à leur partie interne par le tissu de nouvelle
(1) De Wecker, Maladies des yeux, t. I, p. 49, 4867.
— 136 —
formation. Ce dernier consistait en éléments fibro-plastiques et
embryoplastiques, en cellules fusi formes et en noyaux ovoïdes plus
ou moins infiltrés de pigment noir et disposés les uns auprès des
autres en faisceaux séparés seulement par des vaisseaux, mais sans
stroma de tissu conjonctif. Ce n'était pas un carcinôme, mats simple-
ment un sarcôme à cellules rondes, ovalatres et fusiformes. On doit
penser que la tumeur développée d'abord dans Tceil donnait nais-
sance à des bourgeons externes; mais il n'y avait pas eu destruction
de Venveloppe fibreuse, ni perforation de l'œil. Ainsi un bourgeon
extérieur naît de la sclérotique sous conjonctivale, mais il est sé-
paré de la masse mélanique intérieure par le tissu à peu de chose
près normal de la sclérotique.
Cette sorte d'aversion des sarcômes pour la sclérotique où
ils ne se développent qu'à la longue et péniblement est tout
à fait évidente; aussi il y a lieu de s'élonner que, en 1860 (1),
M. Galezowski, publiant une observation de tumeur intra-
oculaire qu'il assimilait aux deux faits de Dor et de Graefe
(sarcômes de la choroïde), ait attribué à ces tumeurs une
origine scléroticale. Notre surprise a été d'autant plus grande
que le malade de M. Galezowski n'a pas été opéré. On peut
donc se demander, en lisant cette observation incomplète, sur
quoi se fondait cet auteur pour placer dans la sclérotique ce
qui appartient en propre à la choroïde.
Douze ans plus tard, M. Galezowski dit que les sarcômes de
la choroïde ont été décrits t par Dor, par Graefe et par lui (voir
Moniteur des Hôpitaux, Paris, 1860), ))(2) oubliant, nous aimons*
à le supposer, qu'en 1860 il avait parlé de tumeur de la sclé-
rotique, et qu'en 1872 il parle de sarcôme de la choroïde.
Or chacun sait que la pathologie de la sclérotique est essen-
tiellement différente de celle de la choroïde.
Le tissu de la cornée se conserve aussi, pendant longtemps,
mais on finit par trouver, en certains points, au milieu de
(1) Moniteur des hôpitaux, Paris, 1860, no 136.
(2) Galezowski, Maladies des yeux, p. 107, 1. c.
-137-
son stroma et mêlées aux cellules normales, des granulations
de pigment ou de petites cellules rondes, ainsi que des granu-
lations calcaires. Enfin, quand la tumeur comprime par trop
les vaisseaux et les nerfs de l'enveloppe de Toeil, celle-ci finit
par s*ulcérer à son centre. Tombant alors en putrilage, elle
est envahie et remplacée par les bourgeons sarcomateux.
§ 7. — Ow sarcome de la choroïde désigné sous le nom de sar-
côme inflammatoire.
Au congrès ophthalmologique de Heidelberg de 1865 (1),
Knapp communiqua à ses collègues le cas d'un enfant de 6
ans qui avait reçu un coup aux environs de Torbite. L'œil
devint amaurotique après ce traumatisme. Puis un staphy-
lôme équatorial et Taugmentation de la tension déterminèrent
à énucléer l'œil. Au niveau de Tectasie on trouva deux tumeurs
dans l'œil, Tune saillante en dedans, bosselée et recouverte
parla rétine, Tautre formant le slaphylôme scléral.. Cette der-
nière était une poche de pus ordinaire provenant de la cho-
roïde. La tumeur interne contenait aussi du pus. Au micros*
cope on trouva un grand nombre de cellules fusiformes, une
hyperplasie des cellules du stroma de la choroïde, ce qui
décida Knapp à désigner cette maladie sous le nom de sarcôme
de la choroïde avec foyers purulents. Ses collègues n'accep-
tèrent pas cette expression, Kreitmair (2) admit celle de cho«
roïditehyperplastique, rejetant le mot de choroïdite sarcoma-
teuse parce qu'il fait penser à l'existence d'une tumeur. Nagel
et Graefe furent du même avis, considérant ce cas, avec juste
raison, comme un fait de choroïdite purulente.
Bien que Ton retrouve cette même observation reproduite
dans le livre sur les tumeurs intra-oculaires de Knapp (3) nous
(1) Klinische Monatsblâtter fûr Augenheilkunde, Bd. III, p. 375.
(2) Klini8che Monatsblatter..., Bd. III, p. 384.
(3) Knapp. p. 149, 1868.
- i38 —
devons sons ranger à Tavis de Graefe et de Kreitmair et ne
pas la considérer comme un véritable sarcôme de la choroïde.
L'auteur comprit lui-même qu'il ne pouvait l'assimiler complè-
tement aux autres tumeurs sarcomateuses de cette membrane,
et quelques pages plus loin (1), il considéra cette choroîdite
hyperplastique comme un moyen terme qui reliait la sar-
côme et le fibrome. Nous avons figuré (pl. rv, fig. 4) Tas-
pect de cette tumeur, afin que le lecteur puisse se rendre
compte de la physionomie toute différente présentée par cette
formation de nature purement inflammatoire. Ce que nous
venons do dire de cette observation de Knapp, nous le dirons
également de celle publiée par Quaglino de Milan, dans le pi'e-
mier fascicule des Annali di ottalmologia^ Il s'agit en effet
dans ce cas, d'un fait tout à fait analogue, d'un enfant de 8
ans qui est victime d'un traumatisme violent de l'œil droit.
Le docteur Giudici y trouva une tumeur qu'il qualifia de sar-
comateuse mais que Tétiologie, l'âge du malade et même l'exa*
men anatomique doivent assimiler à la choroîdite hyperplas-
tique de Knapp. L'observation 6 (§ Fibro-sarcôme) est vrai*
semblablement une tumeur de cette nature. Nous n'accepte-
rons donc pas, jusqu'à nouvel ordre, le nom de sarcôme
inflammatoire, parce qu'entre un bourgeon charnu, entre le
tissu vraiment inflammatoire et le véritable sarcôme il y a une
différence que l'on saisit facilement (voir ch. n, § 1®*").
CHAPITRE V.
SYMPTÔMES ET DIAGNOSTIC DU SAECÔME DE LA CHOROÏDE.
Le développement et la marche des tumeurs sarcomateuses
de la choroïde peuvent être divisés en quatre périodes^ sépa-
(1) Knapp, p. 167.
- 139 —
rées les unes des autres par les symptômes prédominants de
. Taffection :
1® Développement de la tumeur choroïdienne primitive, sans
»igne apparent extérieur du côté de l'œil.
2® Développement de symptômes d'irritation du globe à
forme glaucomateuse.
3** Apparition de petites tumeurs dans les parties environ-
nantes du globe oculaire.
4"* Généralisation du sarcôme par métastase sur des oignes
éloignés.
Celte division 9 qui est aussi celle de Knapp^ répond par-
faitement aux données cliniques et nous permettra d'exposer
avec méthode les différents symptômes du sarcôme de la
dioroîde. *
Nous pourrions, comme on le fait dans beaucoup d'ouvrages
de pathologie, décrire d'abord tous les phénomènes morbides
offerts par ces tumeurs depuis leur début jusqu'à la période
ultime de la maladie, et les analyser ensuite pour établir leur
diagnostic d'avec les autres affections oculaires, suivant les
périodes ou la tumeur s'est présentée à notre observation.
Mais il nous semble que ce plan exposerait fréquemment à
des redites et qu'il sera plus utile de décrire :
1® Les symptômes de chaque période ;
2^ Le diagnostic du sarcôme à chacune de ces périodes.
L'exposé en sera plus facile et pourra présenter plus d'inté-
rêt pour le lecteur.
Les différentes variétés du sarcôme de la choroïde n'étant
bien établies que par l'examen histologique, il ne sera ques-
tion dans ce chapitre que du sarcôme proprement dit , sans
autre distinction. Si tels ou tels symptômes peuvent donner
l'éveil sur la nature plus précise (molle ou dure, mélanée ou
incolore, etc.) de latumeurintra-oculaire, ils seront indiqués,
chemin faisant. Sauf cette exception, la description générale
- 140 -
se rapportera donc à toutes les espèces décrites dans le cha-
pitre IV.
S 1. Symptômes et diagnostic du sarcôme de la choroïde
à la première période.
lo Symptômes.
A. Symptômes fonctionnels ou subjectifs. — Cette période
s'étend depuis le début de l'affection jusqu'à rapparition des
phénomènes d'exagération de la pression intra-oculaîre ou
période glaucomateuse. Le début est souvent obscur. Sauf
les cas dans lesquels la cause de la maladie est attribuée à un
traumatisme ou à un état inflammatoire dont la date est pré-
sente à la mémoire, et qui ont été suivis de quelques sym-
ptômes particuliers , les malades n'ont généralement que des
souvenirs très-vagues sur la manière dont le sarcôme s'est
signalé à leur attention. Assez fréquemment il y a absence
complète de douleurs, et c'est d'une façon tout à fait fortuite
qu'une amblyopie monoculaire est remarquée. Il en est de
môme, du reste, pour les opacités qui n'atteignent qu'un seul
cristallin et qui échappent souvent à celui qui les présente
jusqu'au moment où, en fermant par hasard Tautre œil, il
s'aperçoit que le premier est défectueux. Les premières
particularités qui éveillent l'attention des malades sont des
lacunes dans le champ visuel, scotôme central ou rétrécisse-
ment périphérique localisé, des sensations lumineuses suh»
jeciives et une amblyopie , laquelle peut être très-légère ou
considérable, suivant le siège de l'état morbide intra-oculaire;
souvent on observe la disparition d'une partie du champ vi*
suël, dépendant d'un décollement rétinien qui se développe
tout à coup devant la petite tumeur; mais ce décollement
compliqué ne présente, à vrai dire, rien qui puisse le faire
différencier d'un décollement simple , surtout quand il se
— m —
forme dans les parties le plus déclives. Nous faisons bien en
tendu abstraction des symptômes objectifs qui mettent sou-
vent à même de reconnaître ce qui appartient au premier (dé-
collement compliqué), de ce qui doit être attribué au second
(décollement simple), et dont il sera bientôt question. Des
sensations lumineuses se produisent parfois dans Toeil vers
les premiers temps de Tafifection, vision d'éclairs, d'étincelles,
de feux jaunes et rougeâtres, et d'auréoles de différentes cou-
leurs. Ces phénomènes ont été observés sur le dernier de nos
malades, et il en est fait mention dans plusieurs autres obser-
vations (1). Ils sont dus vraisemblablement aux premières ir-
ritations que produit sur la rétine le petit nodule de la tumeur
qui se forme. On sait, en effet, que quelle que soit la cause qui
met en jeu la sensibilité rétinienne, piqûre de la rétine (Ma-
gendie), .pression sur l'œil (phosphènes) , chute d'un lieu
élevé sur les talons, ou soufflet produisant une compres-
sion brusque de Tœil, celle-ci répond toujours par une sensa-
tion lumineuse, comme phénomène subjectif. On peut suppo-
ser que ces sensations lumineuses apparaissent surtout dans
les cas oii la tumeur, soulevant peu à peu la rétine, produit
le tiraillement et la compression de ses fibres jusqu'au mo-
ment où le décollement a lieu. La perceptivité rétinienne ces-
sant alors, par suite des nouveaux rapports et de la nouvelle
position qu'occupe la membrane nerveuse, les éclairs et les
visions de couleurs disparaissent. Dans les cas où le décolle-
ment accompagne, pour ainsi dire, le début réel de la tumeur,
ces phénomènes subjectifs n'existent pas. Bien qu'ils soient
loin d'être constants, il était bon néanmoins d'en parler, car,
hors le cas de glaucôme, il n'y a guère que les causes méca-
niques, tout à fait accidentelles, et les tumeurs solides intra
(1) Préd. TyrrelljA practical Work ou tlie Diseascs of the eye, London,
1860, t. II, p. 16^. « Chez l'adulte le début est marqué par des scintille-
« ments. »
— 142 —
oculaires qui les occasionnent. Les douleurs sont un des sym-
ptômes le plus irréguliers de cette période du début. Elles
peuvent se montrer longtemps avant Tapparition des pre-
miers phénomènes du côté de la vue; si bien que ceux-ci pa-
raissent, d'après le dire des malades, eu être la conséquence.
Affectant le plus souvent la forme hémicrànienne, elles revien-
nent par accès irréguliers, et fréquemment nocturnes. Mais,
nous le répétons, les douleurs constituent une exception pen«
dant la première période, tandis qu'elles signalent toujours le
commencement de la deuxième.
On a noté parfois des inflammations catarrhales de courte
durée; mais nous ne faisons que les signaler, sans y attacher
actuellement une grande importance (voir § Ëtiologie).
La formation de nuage devant la vue a un peu plus de va-
leur, parce que celui-ci peut occuper une position déterminée
du champ visuel, la partie centrale par exemple, et indiquer
une altération également localisée de Torgane de la vue, sié-
geant soit dans les milieux antérieurs , soit dans les parties
profondes de l'œil. Mais on sait tout ce qu'a de vague cette
notion de nuage, de brouillards, qu'accusent les malades dans
beaucoup d'affections du fond de l'œil ou dans celles qui se
rattachent à un défaut de réfraction ou à de Tasthénopie ao-
commodative , et nous passons rapidement sur ce point. Ces
deux dernières particularités, défaut de réfraction et asthé*
nopie accommodative, se rencontrent assez fréquemment dans
les tumeurs intra-oculaîres au début.
Les malades, étant presque toujours âgés de plus de 40 ans,
présentent généralement Tamétropie bien connue sous le
nom de presbytie. Or, il n'est pas rare de voir celle-ci devenir
hrmquement progressive quand une tumeur se développe
dans l'œil. Ge phénomène est causé vraisemblablement par
l'exagération de la tension de la choroïde , laquelle entrave
plus ou moins le fonctionnement du muscle ciliairc;
- 143 ^
Tous ces symptômes fonctionnels n'ont qu'une valeur rela-
tive et tout à fait secondaire; le seul point important à consi-
dérer pendant la première période est Tensemble des signes
physiques ou objecti£si fournis par le malade.
B. Symptômes physiquesonohjectifs.^l'' U aspect extérieur
n'indique rien de particuUor au début. L'amblyopie peut exis*
ter depuis longtemps; le cbamp visuel peut présenter une
restriction plus ou moins étendue, sans qu'il soit possible de
rien distinguer à l'œil nu. Les membranes antérieures parais-
sent absolument saines, et rien ne peut donner l'éveil. Autre-
fois on aurait réuni tous les symptômes déjà énoncés sur Thy-»
pothèse d'une amaurose.
Ge n'est que lorsque la tumeur intra-oculaire a déjà pris un
certain développement et que la rétine est assez fortement
projetée en avant, qu'apparaît un symptôme physique auquel
on a attaché, il y a quelques années, une importance capitale,
je veux parler de :
2® Uœil de chat amaurotique, décrit par Beer, et considéré
comme symptôme pathognomonique du fongus médullaire.
Tout le monde connaît l'aspect des yeux du chat vu dans
une demi-obscurité, quand ils sont fixés sur la personne qui
les observe. Ils présentent un aspect lumineux tout à fait
particulier, dû, comme on le sait, à la présence, dans l'oeil de
ces animaux, d'un tapis qui réfléchît la totalité de la lumière,
en augmentant l'impression lumineuse, de sorte que c'est
précisément cette lumière de retour qui vient impressionner
nos rétines et produire ce phénomène chatoyant si bizarre.
Or un reflet miroitant analogue se rencontre dans l'œil hu-
main atteint de choroldite purulente hyperplastique, de gliôme
delà rétine ou de sarcôme de la choroïde , toutefois avec quel-
ques difTérenceSy suivant Tune ou l'autre de ces maladies. Ge
symptôme a été noté dans plusieurs mémoires d'ophthalmo-
logie de la première moitié de ce siècle (1). Beer en fit l'objet
d'une étude particulière et le considéra comme un signe indu-
bitable de cancer de la rétine; si bien que c'est sous son nom
que nous le connaissons encore aujourd'hui •
Mais le diagnostic du cancer intra-oculaire, d'après Vœïi de
chat amauro tique de Beer, a été peu à peu, et non sans raison,
ébranlé par divers observateurs (2). « Aujourd'hui il est éta-
bli que cette apparence se présente dans tous les processus
exsudatifs qui occasionnent un décollement de la rétine (3).
Cette révélation, que Ton dut à Tanatomie pathologique, fit
tomber le seul point auquel se rattachait le diagnostic du
cancer de l'œil au début. La question de savoir de quelle na-
ture étaient les produits qui se développaient entre la rétinci.
et la choroïde resta longtemps indécise, et le diagnostic da
cancer intra-oculaire ne put être précisé que longtemps aprft g=a>>
son début et souvent après Tapparition de tumeurs extra-ocu^:^-
laires (4). On discuta alors sur la valeur de l'augmentation ow
de la diminution de tension du globe, sur la marche en avanfmt
(1) Sichel père, Lettre à Camtatt dans la thèse de Canstatt sur le fon
gus médullaire, Wurzbourg, 1831, p. 69.
(2) Des erreurs ont été émises sur la valeur des reflets lumineux da
les cas de tumeur de la choroïde. Nous notons, entre autres, la suivante
(Wien med. Wochenschr., 1864, p. 161-177, et Ophthalmic Review,t.
p. 175) Stellwag de Garion, il y a neuf ans, disaitque dans la mélanose c
rintérieur de l'œil et dans les tumeurs sarcomateuses de la choroïde q"
contiennent beaucoup de pigment, il n'y a pas de reflet lumineux. Poi
que celui-ci existe dans les tumeurs de la choroïde, ajoute l'auteur,
faut que la rétine soit déchirée ou soit tendue comme une membrane.
11 y a sans doute des tumeurs de la choroïde où il peut ne pas se pr
duire de reflet, mais dans la majorité des cas il existe, môme dans 1 ^
tumeurs mélaniques; il est produit par la rétine soulevée et altérée.
(3) En 1835, Rosas prit une irido-choroïdite suppurée pour un fong
médullaire de la rétine (Schmidt's Jahrbûcher, Bd. IX, p. 333). Dans l
années suivantes de nouveaux faits vinrent prouver que l'œil chatoyc
n'appartenait pas exclusivement au fongus médullaire.
(4) Von Graefe, Archiv fur Ophthal., 1858, Abth. 2, p. 218, 1. c.
— 145 —
du reflet métallique sous forme de bosses fortes et solides.
Enfin on voulut encore tenir compte de l'âge et de la constitu-
tion du malade, symptômes assez trompeurs (<).»
3** Signes ophthalmoscopiques. — Après la découverte do
Helmholtz, l'attention se concentra naturellement sur l'exa-
men ophthalmoscopique, et Ton crut que l'on arriverait rapi-
dement au diagnostic par ce nouveau et admirable moyen
d'exploration. Dans une leçon clinique sur le diagnostic des
cancers intra-oculaires au début, Graefe fit part en 1858 de
son expérience déjà considérable sur cette question, et dissipa
en partie les illusions qu'on pouvait avoir à cet égard; mais il
tomba dans Terreur opposée, et conclut qu'il était rarement
possible de constater autre chose qu'un décollement pur et
simple de la rétine. Je ne puis pas garantir, disait-il, que dans
la première période des tumeurs intra-oculaires, il existe tou-
jours un décollement, mais je puis affirmer qu'il a lieu très-
souvent de façon même à masquer le diagnostic, et mon affir-
mation se base sur trois cas de ce genre, que j'ai observés
dans ces dernières années. Le soupçon d'une tumeur située
derrière la rétine serait fondé, à mon avis, dans des cas de dé-
collement qui, tout en chassant la rétine très-fortement en
avant, s'accompagnent en outre d'une exagération de tension
intra-oculaire (2). Nous reviendrons sur ce dernier signe que
signale Graefe, signe excellent et qui lui fut d'un grand se-
cours dans l'observation qu'on va lire.
(1) Macnamara, A manual of tho Diseascs of the cyc. London, 1868,
p. 366, résume dans les termes suivants cette incertitude du diagnostic
du cancer intra-oculaire au début, pendant la période prc-ophtbalmosco-
pique. « Dans les temps anciens l'aspect du fond d'un œil atteint de
choroïdite diffuse cxsudative pouvait ôtre pris pour une affection ma-
ligne ; quand l'affection se terminait par la perte de l'œil et la vie du
malade, on l'attribuait à la l'orme tuberculeuse ou fibreuse. »
(2) Von Graefe, Arcbiv fur Ophthal., 4858, Abth, 2, p. 218.
Brière. 10
— 146 —
Obsebvation XXXVIII (o« de la statistique).
Une femme de 28 ans vint me consulter il y a deux ans, ^
cause d'une cécité de i'œil gauche. Cet organe ne possédait plixs
qu'une légère perception en bas et en dehors. Décollement presque cotr^"
pletdela rétine^ mais de la forme la plus ordinaire.
La lumière réfléchie par la rétine est bleuâtre, plissée, la crét^
des saillies est plus brillante que le reste et très-mobile. Je déclarai
l'œil perdu et je conseillai de ménager l'autre. Quinze mois plu^
tard la malade revint à cause de névrose ciliaire qu'elle éprouvait à
gauche. Iris hyperémié, injection sous-conjonctivale; mêmes signes
ophthalmoscopiques sauf que la rétine s'est avancée beaucoup et pré-
sente la forme d'entonnoir avec des éminences flottantes sur sa sur-
face. Je crus devoir attribuer les douleurs à une irido-choroïdite
comme on en rencontre consécutivement au décollement de la rétine.
La seule chose qui me frappait c'était que le globe loin d'avoir rien
perdu de sa consistance comme cela arrive à cette période du décollement
simple, présentait au contraire une tension plus accentuée. Après avoir
employé un traitement antiphlogistique, on fît Tiridectomie. Amé-
lioration momentanée, puis retour des premiers accidents. La eoMis-
tance du globe au lieu de diminua'^ augmenta. L'iris fut projeté en
avant, le cristallin s'opacifla peu à peu, les douleurs devinrent si
vives et si préjudiciables pour la santé qu'il fallut intervenir rapi-
dement.
Enucléaiion. — La marche de l'affection m'avait suggéré de plus
en plus le soupçon d'une tumeur intra-oculaire et je déclarai qu'il y
avait dix chances contre une en faveur de cette hypothèse.
Si je n'avais pas été déjà familiarisé avec ces faits, j'aurais main-
tenu ma première manière de voir, mais deux cas semblables me
servaient de guide, car pour tous les deux j'avais inscrit sur mon
registre : décollement simple de ia rétine, et je fus surpris de voir
les malades revenir un an après avec des signes évidents de tumeur
intra-oculaire. Cette supposition se basait surtout sur ce fait que
dans ce décollement la rétine était réellement chassée en avant, et que
la pression intra-oculaire avait augmenté au lieu de diminuer même
après riridectomie.
Dimensions du globe normales. Derrière le cristallin cataracté on
trouva dans l'entonnoir formé par la rétine les restes du corps
Vitré, quelques taches apoplectiques sur la rétine; entre la rétine
et la choroïde se trouvait un liquide séreux et jaunâtre qui rem-
plissait la majeure partie de la cavité postérieure de l'œil et qui
:renfermait quelques cellules de pigment. La face externe de la
choroïde adhère partout à la sclérotique. Dans la choroïde se trouve
du côté externe du nerf optique une tumeur franchement limitée^
xonde, d'une longueur de 17 millimètres, large de 15 millimètres
et épaisse de 9 millimètres. La face interne de cette tumeur est
recouverte par la couche pigmentée et par la couche vasculairo de
la choroïde et soudée par un exsudât avec la rétine qui est attirée
en arrière. A l'extérieur, la tumeur est couverte par le feuillet
externe atrophié de la choroïde et se détache facilement de la sclé-
rotique sauf en un point bien circonscrit où l'on note une union
très-lâche. La tumeur montre à la coupe une texture uniforme et
assez molle. Point de liquide à la pression, ni de structure alvéolaire
sous le microscope, mais partout cellules allongées h gros noyaux.
Virchow déclara que cette turheur était un sarcôme.
Etait-il possible dans ce cas de reconnaître par l'ophthalmoscope
la présence d'une tumeur? Môme si la partie circonscrite de la rétine
quiétïEiit adhérente au nerf optique et à la face interne de la tumeur
avait pu être examinée, examen qui fut rendu impossible par les
éminences de la rétine, nous n'aurions pas remarqué à cet endroit
le moindre signe pathognomonique parce que la rétine en ce point
n'était pas à proprement parler infiltrée et ne présentait pas de dé-
générescence graisseuse. Le fait que la rétine n'était pas rétrac-
tée au niveau de l'entrée du nerf optique mais dans un autre
endroit plus large nous aurait tout au plus permis de supposer une
cause d'une affection tout à fait locale. Môme quand on eut
enlevé l'hémisphère antérieur de l'œil, et que l'on put voir le fond
de l'œil, il était impossible de constater la présence d'une tumeur.
On ne peut guère douter que le développement de la tumeur a
précédé le décollement de la rétine.
Celui-ci s'explique facilement parla pression que la tumeur exer-
çait sur les veines émissaires. On serait môme étonné s'il en était
autrement, surtout à cause du siège de la tumeur qui est dans la
choroïde ou entre la choroïde et la sclérotique.
De Graefe n'admettait donc pas, en 1858, que Ton pût faire
le diagnostic des tumeurs rétro-rétiniennes avec Tophthalmo-
scope, sauf dans le cas où partant, soit du nerf optique^soit
— 148 —
de la face interne de la rétine, elles détruisaient cette mem-
brane et se laissaient alors apercevoir. Mais il se passe long-
temps avant que ce phénomène se produise, et d'autres sym-
ptômes viennent s'ajouter aux soupçons que Ton peut avoir.
Le même auteur pensait qu'il fallait être très-réservé dans
son diagnostic, même quand on apercevait directement une
tumeur; il avait été trompé dans plusieurs faits qu'il exposa
de la manière suivante :
Observation XXXXI.
Si Texistence d'un décollement nous cache quelquefois une
tumeur, je puis signaler un autre fait qui peut donner lieu
à des erreurs en sens contraire. En effet, il y a quatre ans, jeconsta-
tai chez un malade une proéminence située à côté du pôle postérieur
et qui s'étendait vers le milieu du corps \itré. Cette saillie chassait
avec elle la rétine et la choroïde. Le sommet s'éloignait du fond de
rœiljde 4'", ainsi que l'indiquaient les images ophthalmoscopiques,
et était visible à la lumière solaire, quand la pupille était dilatée;
on y distinguait également les vaisseaux rétiniens serpentant avec
une teinte jaune grisâtre. A l'ophthalmoscope la rétine semblait
un peu trouble au sommet, de sorte que le tissu choroïdien, malgré
une faible pigmentation, n'était nettement visible qu'à la base de la
proéminence, point où il se continuait avec le fond de l'œil.
Comme il n'y avait pas de flottement dans le mouvement des
yeux, je crus à l'existence d*une masse solide entre la choroïde et
la sclérotique et je craignis la formation d'une tumeur maligne. Je
continuai donc à observer le malade. L'aspect de la proéminence
resta la même et plus tard il s'ajouta un décollement de la rétine
autour de la tumeur. L'œil devint atrophique. J'observai, un an
plus tard, un cas semblable; le malade prétendait que les troubles
fonctionnels étaient survenus tout à coup après une vive émotion.
Dans ce fait également il y eut décollement autour de la proémi-
nence el phthisie du globe. Tout récemment, je vis un autre cas de
ce genre. 11 m'est impossible de donner des renseignements sur la
cause de cet état pathologique parce que l'examen anatomique n'a pu
Ot?o fait, mais il est certain que la rétine et la choroïde étaient dé-
'îolléus de la sclérotique. On peut attribuer à une origine apoplec-
— 149 -
tique le début brusque noté dans le second cas parce que le malade
était officier et fermait alternativement et souvent les yeux. Un
épanchement sanguin aussi considérable ne peut presque pas avoir
lieu sans teinte hémorrhagique ; j'ai, il est vrai, remarque dans
l'un des cas des modifications ecchymotiques, très-peu étendues
cependant, à la base de la proéminence. Il est possible qu'un épan-
chement séreux entre la choroïde et la sclérotique soit la cause de
C5et aspect avec lequel concorde le décollement consécutif et l'atro-
phie du globe. Mais d'oîi provient cette forme fixe pour un certain
temps qui simule si bien une tumeur? Y aurait-il du liquide même
lorsque les mouvements du globe ne provoquent pas de mouve-
ments de flottement? C'est bien possible, mais on ne peut pas tran-
cher cette question parce qu'il manque encore des expériences sur
les caractères ophthalmoscopiques du décollement de la choroïde.
Cet état est facile à reconnaître pour qui Ta vu une fois (1).
4" Le symptôme physique delà tension du globe, dont il
vient d'être question, et qui, dans plusieurs cas difficiles, ser-
vit à Graefe à diagnostiquer une tumeur où rophthalmoscope
ne lui avait révélé qu'un décollement de la rétine, 'ce sym-
ptôme, dis-je, est un bon signe ; car, dans le cas de tumeur,
la tension reste normale ou se trouve plus ou moins augmen-
tée (2), tandis qu'un œil atteint de décollement simple est
généralement ramolli. Voilà la règle générale, mais elle pré-
sente comme les autres des exceptions. Si, comme il ar-
rive parfois, et comme nous en citerons un exemple bientôt,
la tumeur se fraie rapidement une issue au dehors de la
coque oculaire, par exemple vers la gaine du nerf optique,
(1) Von Graefe, Archiv fur Ophthal., 1858, Abth. 2, p. 218.
(2) Soelberg Wells est du môme avis. The Lancet, sept, 23, i871,
p. 423.
(3) « Lorsqu'il y a un décollement de la rétine, la tension diminue et
Tœil devient de plus en plus mou. Ce n'est que lorsque le décollement
rétinien résulte d'une tumeur de la choroïde qu'il survient une augmen-
tation de la pression intra-oculaire et que le globe devient plus dur. »
Meyer, Manuel des maladies des yeux. Paris, 4873, p. 303, 1. c.
— 150 -
l'œil pont être moins consistant, mais ces faits sont rares. Par
contre, on sait que dans un décollement simple la tension aug-
mente quelquefois quand il se produit une exsudation nao-
mentanéo plus notable dans l'intérieur de Tœil; mais ces faits
se présentent rarement, et Ton peut dire qu'en règle géné^
raie la tension est diminuée dans les décollements simples de
la rétine. Donc, si l'on vient à constater le contraire, il y aura
lieu do faire un nouvel examen ophthalmoscopique très-mi-
nutieux, après atropinisation, afin d'être bien certain que les
symptômes de tumeurs rétro-rétiniennes, dontnousparlerons,
no se voient pas dans ces cas (1). Quelques années plus tard>
riraofo constatait de nouveau la difficulté qu'il avait encore
rencontrée dans le diagnostic des sarcômes de la choroïde à
leur début. « Je suis de plus en plus convaincu, disait-il (2),
que le développement de ces tumeurs est presque toujours ac-
compagné à son début par une inflammation séreuse de la ré-
tine. A pari les tumeurs du corps ciliaire. Usera donc presque
impossible, d'après cela, de constater avec Tophthalmoscope
Us premiers commencements d'un sarcome de la choroïde.
Nous verrons bien plutôt, au commencement de la maladie,
un simple décollement de la réline» el ce ne sera que par Vah-
s^nce des causes ordinaires de cette affection^ que nous pour-
rons soupçonner la tumeur, car il ne peut être question de
reconnaître sûrement celle-ci à celle époque de son dévelop-
pement Lorsqu eile a pris ua certain volume, et que le li-
quide sous-îv!inien se trouve de plus en plus repoussé avec
le c^^rps viU\\ la m:isse de la tumeur atteint de nouveau la
(H * A»?w -ik éftoi^linw.'i^S p^^n-H'^^ dtc ki rr^iw oh kt pression in-
9r4Mtn9kt9if*r m^'m.'nSt t<^ïu ti^t^toc l^niyks qïïi<e 5»? noontitpiit les sym-
pKVnM^ ^^atl î7 far^i rrai^'Sfr f •rjtiffmct ««« fumatr sous-ré-
mifmifit. t. Arv^hn f^r 07*it:h.. R. IK Abth, L p« 211, et R n\ Ablh. 2,
rétine ; alors seulement on aperçoit des bosselures abruptes,
présentant parfois des couleurs pigmentées, à côté desquelles
on voit des portions de rétine flottante. La supposition d'une
tumeur choroïdiennepeut venir à Tesprit, surtout si en môme
temps que ces bosselures se développent, la tension intra^
oculaire augmente progressivement et rapidement ».
Malgré l'opinion de Graefe, on doit dire que la présence d'un
décollement rétinien et du liquide qui l'accompagne n'est
pas toujours un obstacle à la vue d'un ou de plusieurs points
de la tumeur rétro-rétinienne. Si celle-ci siège dans Tbémi-
sphère inférieur du globe, le liquide, toujours peu abondant
dans ce cas, comme le montre du reste Texamen des pièces
anatomiques de sarcôme au début, subit l'influence de la pe-
santeur et se réunit autour de la base du néoplasme, laissant
le sommet libre. Il faut, bien entendu, pour que ce phéno-
mène se produise, que la tumeur soit déjà un peu développée.
De même, si elle siège au pôle postérieur, le liquide sous-
rétinien se réunit dans les parties déclives et laisse libre la
majeure partie de la tumeur. Alors l'ophthalmoscope peut
réellement devenir d'un grand secours et suffire pour porter
le diagnostic. L'observation I (70* de la statistique citée en
tête de ce travail) est très-concluante sous ce rapport (voir les
détails de ces examens ophthalmoscopiques, ch. iri).Nous les
résumerons ici, en insistant surtout sur les points suivants :
1* Siège de la lésion ;
2"* Aspect particulier du décollement, peu de flottement;
Présence de deux réseaux vasculaires et de taches blan-
ches et noires ;
4* Nécessité des mouvements parallactiques pour se ren-
driB bien compte de la position relative antérieure et posté-'
rieure de ces réseaux et de ces taches.
Siège de la lésion. — Tout décollement de la rétine qui ne
siège pas au lieu d'élection des décollements, c'est-à-dire à la
partie inférieure de la rétine, doit être regardé comme sus-
pect, et peut ne pas être un décollement simple mais un dé-
collement compliqué de tumeur intra-oculaire.
Il peut certainement exister des décollements simples qui,
au début de l'affection, siègent dans les parties latérales ou
même supérieures ; nous avons eu, il y a un an, l'occasion
d'en observer un cas remarquable cbez un homme d'une
trentaine d'années, très-myope, et dont Tautre œil s'était
déjà perdu après une affection semblable; mais ces faits sont
rares, et presque toujours le décollement siège en bas. Lors
même que la rétine aurait été d'abord détachée en haut, le
liquide sous-rétinien fuse entre cette membrane et la choroïde
et finit par atteindre les parties inférieures (Meyer). Nous
avons donc raison d'appeler l'attention sur tous ceux qui siè-
gent ailleurs, surtout quand on ne trouve j)as chez ces ma-
lades les causes prédisposantes du décollement ordinaire de la
rétine, traumatisme, chute, myopie élevée, produits patholo-
giques tels que brides fibreuses, etc., dans le corps vitré.
Indépendamment de son siège, le décollement^ dans le cas
de tumeur, offre un aspect tout différent de l'hydropisie sous*
rétinenne ordinaire. Dans celle-ci on observe le reflet particu-
lier grisâtre ou bleu verdâtre bien connu, les plissements et
les ondulations de la membrane nerveuse aussitôt que le ma-
lade change la direction de son regard, parce que le liquide
sous -rétinien est abondant et se déplace au moindre mouve-
ment de rœil, de telle sorte que les saillies et les dépressions
formées par la rétine se modifient à chaque instant, pour re-
prendre leur premier aspect quand l'œil revient au repos.
A-t-on affaire, au contraire, à une tumeur de la choroïde? La
quantité de liquide est diminuée d'autant derrière la rétine ;
et, comme le déficit est remplacé par une masse solide, il est
facile de comprendre que les ondulations seront moins pro-
noncées et pourront même manquer ; surtout si, comme il
- i53 —
arrive encore assez fréquemment, le sommet de la tumeur
contracte des adhérences avec la face postérieure de la rétine
(voir chap. III, obs. ^) ; alors toute la portion centrale est abso-
lument fixe. On n'observe qu'une légère zone à la périphérie de
la région malade; qui a conservé le reflet bleuâtre et le flotte-
ment du décollement simple. Suivant Becker, ce sont surtout
les tumeurs siégeant au niveau de la macula et du corps ciliaire
qui né sont pas accompagnées de décollement de la rétine. On
a, dans ce cas, le contraste de la teinte donnée par un liquide
séreux et celle que produit le néoplasme sous-rétinien. Le
premier offre une certaine transparence, tandis que le second
absorbe beaucoup plus la lumière et est plus opaque. A côté
d'un liseré bleuâtre ou gris clair on trouve une surface rosée
ou rosée et jaunâtre. Cette différence de teinte est un indice
précieux pour un observateur exercé, bien qu'elle ne révèle
pas d'une façon absolue la présence d'une tumeur.
Ces variétés de coloration peuvent, en effet, se retrouver
dans les choroïdites suppurées; mais, quand celles-ci sont ar-
rivées à la période d'état, elles donnent généralement lieu à
des phénomènes qui n'existent pas dans le cas de tumeur
intra-oculaire au début.
En faisant abstraction de la teinte rosée et jaunâtre, que
nous avons constatée tout dernièrement encore chez le ma-
lade qui a subi l'énucléation le 16 septembre dernier (obs. 73*
de la statistique), un dernier signe ophthalmoscopique a une
valeur absolue quand on le constate, c'est la présence en un
point du fond de l'œil d'un double réseau vasculaire, dont Vun
est de nouvelle formation, et Vapparition successive de points
blancs et noirs au niveau de cette vascularisation anormale
(voir les obs. I, chap. IH, XLII, p. 161 etXLIV, p. 163). Il
est difficile de voir nettement ces détails à l'image renversée.
Mais, en examinant à l'image droite, après avoir placé der-
rière le miroir une lentille convexe qui corrige l'amétropie
— 154 —
factice, on s'en rend conopte avec beaucoup plus de facilité*
Alors, si Ton dirige son observation sur un ou plusieurs vais-
seaux rétiniens du côté de la lésion, on les voit manifestement
disparaître derrière un repli bleuâtre et se montrer de nou-
veau, mais cette fois, au sommet de la tumeur qu'ils tra-
versent, en formant des sinuosités , non-seulement dans le
sens du plan vertical^ mais aussi dans un plan antéro pos*
térieur, si bien qu'on n'aperçoit nettement que des tron-
çons de ce vaisseau : quand on voit bien les uns, les partias
voisines deviennent diffuses et réciproquement. Ce point, qui
prouve déjà une différence de niveau dans ce réseau vasca-
laire, sera vérifié par les mouvements parallactiques ainsi que
par remploi de ropbthalmoscope binoculaire dont l'usage
est ici nettement indiqué. Ce qui rend ces deux modes
d'exploration réellement indispensables, dans le cas actud,
c'est la présence du réseau vasculaire anormal derrière la
rétine. Il ne s'agit plus ici des vasa-vorticosa; ceux-ci ont
disparu au niveau de la tumeur. A leur place, on constate, en
faisant toujours l'examen à l'image droite, de petits vaisseaux
très-fins qui ont une direction tout à fait irrégulière et anor-
male (voir obs. 1 et flg. l, pl. I). Si, en même temps qu'on
les examine, on porte la tète légèrement dans un sens on
dans l'autre, on peut remarquer qu'ils se déplacent plus que
les gros vaisseaux rétiniens vus simultanément. Ce phéno-
mène donne toujours une notion très-nette des différences de
niveau les plus légères, et il prouve, pour le fait qui nous oc-
cupe, que les vaisseaux de la rétine sont situés sur un pian
antérieur^ tandis que les autres tapissent la surface d'une
tumeur située derrière le plan de la rétine. On arrive donc,
par ce moyen, à une notion précise du siège de la lésion. A
ce signe nous ajouterons le suivant. Quand, par des examens
successifs, et faits, par exemple, tous les huit ou dix jours,
l'observateur a constaté qu'un point de la lésion, uni et d'une
— 155 —
seule teinte, au moment des examens antérieurs, est devenu
le siège de ces petites taches blanches exsudatives, de fines
hémorrhagies ou de taches noirâtres, il n'est plus possible de
douter qu'on est en présence d'une tumeur qui prolifère, et
les taches noirâtres peuvent même donner , une idée de la na-
ture de la tumeur. Ne sait -on pas, d'ailleurs, que la plupart
des tumeurs choroldiennes sont des mélano-sarcômes?
5® Si parallèlement à ces symptômes, on a vérifié que le
champ visuel se rétrécit encore dans la partie qui présentait
déjà une restriction (voir obs. I et V), l'hésitation ne sera
plus possible et on devra se prononcer pour Texistence d'une
tumeur intra-oculaire.
Mais il est important de faire l'examen du champ visuel
d'une façon très-rigoureuse. Pour déterminer l'étendue de la
périphérique, le regard restant fixé sur un même point,
on met le malade en face un tableau noir placé verticalement
devant ses yeux à la distance de 1 ou de 2 pieds; le point im-
portant c'est que tous les examens du champ visuel soient
pris à la même distance, car à 2 pieds (66 centimètres) le
champ visuel est naturellement plus étendu qu'à 33 centi*
niètres ou 1 pied; le point de fixation doit être à la même
hauteur que les yeux du malade, afin que le regard soit hori-
zontal. On trace alors une croix blanche sur le centre du
tableau, afin de donner à l'œil du malade un point de repère
qu'on lui recommande de ne pas perdre de vue.
Veut-on prendre le champ visuel de l'O. G., par exemple ? Le
malade cache l'autre œil avec sa main ou avec un mouchoir,
mais en ayant soin que celui-ci ne dépasse pas la saillie du
nez, ce qui donnerait une restriction en dedans et pourrait
induire en erreur. Toutes ces précautions étant prises, la dis-
tance de l'œil au tableau étant de nouveau vérifiée (si l'on n'a
pas de mentonnière pour fixer la tête), on promène un mor-
coau de craie depuis la croix blanche jusqu'au moment où le
— i56 —
malade qui la fixe toujours, avertit qu'il ne voit plus la craie.
A cet endroit on marque un trait. Ainsi de suite pour toutes
les directions cardinales et intermédiaires. Le malade ayant
toujours de la tendance à suivre la craie que l'observateur
tient en main, en diminue la difficulté en la promenant de la
périphérie du tableau vers le point de fixation, ayant toute-
fois averti le malade d'indiquer dès que son œil apercevra le
morceau de craie. Les deux procédés sont bons, mais quel que
soit celui qu'on adopte, il faut employer le même pour le
même malade.
Tous les points marqués sur le tableau sont réunis ensuite
par une ligne qui indique Tétendue du champ visuel, la régu-
larité ou les échancrures de ses limites. Il peut se présenter
des interruptions, des lacunes fixes centrales ou périphé-
riques, ce sont ces points où la réline ne perçoit plus qu'on
nomme scotômes.
Quand Tacuité visuelle de Tœil malade est trop défectueuse,
pour que la croix blanche et le morceau de craie soient assez
nettement aperçus,on prend le champ visuel avec une lumière,
dans une chambre obseure,en procédant d'une façon analogue.
Mais il ne faut pas oublier de bien masquer la lumière avec un
écran, quand on la déplace du point de fixation centrale vers
les parties périphériques, sans quoi l'œil qui cherche la lu-
mière qu'on veut lui faire voir trouve plus facile de suivre
celle-ci et l'observateur prend toujours la perception centrale
quand il croit prendre la perception périphérique. Tous ces dé-
tails sont absolument indispensables à mettre en pratique, si
l'on veut avoir un tracé exact du champ visuel. Dessiné delà
sorte, celui-ci acquiert une grande valeur dans la question qui
nous occupejorsqu'il se rétrécit de plus en plus au même point.
Nous ne sommes donc pas complètement de l'avis du prof,
de Graefe qui n'admettait, tout au plus, la possibilité d'un
semblable diagnostic que pour quelques tumeurs situées au
- 157 -
niveau du pôle postérieur^ près de la macula ou du nerf optique
et qui devenaient de suite adhérentes à la rétine. Ce qui prouve
que cette opinion était trop absolue c'est que dans notre obser-
vation I, la tumeur siégeait tout à fait à la partie externe de
l'œil (voir fig. l, chap. III, et pl. I, flg. 1).
En résumé, il est donc possible, au moyen de Tophthalmo-
scope, de faire le diagnostic d'un sarcome de la choroïde
puisque ce diagnostic a été fait dans deux des trois cas que
nous avons observés. Rien ne dit que dans le troisième il
n'aurait pu être également établi, car le malada n'a été vu,
pour la première fois, qu'à la période glaucomateuse. Le dia-
gnoatic se base sur les données suivantes :
Siège anormal du décollement en haut ou en dehors , ou
même obliquement en bas et en dehors.
2' Immobilité ou mobilité très-restreinte de la partie cen-
trale et supérieure de la lésion.
S*' Réseau vasculairo de nouvelle formation, situé derrière
la rétioe.
4' Apparition successive, sur la surface de la tumeur,
d'îlots diversement colorés du blanc au noir , ou de petits
foyers hémorrhagiques.
5» Restriction progressive de la même partie du champ vi-
suel.
Nous pourrions paraître optimiste, si cet avis était émis
pour la première fois par nous. Mais d'autres observateurs ont
déjà cité la possibilité d'un diagnostic analogue , dès la pre-
mière période du sarcome. Nous citerons, entre autres, Knapp
et Otto Becker, d'Heidelberg.
Au congrès d'ophthalmologie qui eut lieu dans cette ville
en 4868 (1), la question du diagaostic des sarcomes fut de
(i) Congrès' de Hcidclbcrg, Klinischc Mouatsblîittcr fur Augcnheil-
kundc, Hd. VI, p. 348; Archiv fur Augeu nndohrenh., B. I, Abth. '2
p. 214 à 230, 1870, et Annales rt'oculistiquo, t. LXVII, p. 20! , 1872.
— 158 —
nouveau agitée à propos du travail de Knapp sur les tumeurs
intra-oculaires.
Le D' de Wecker fit connaître à ce sujet l'opinion que nous
trouvons énoncée dans son livrç, à l'article Gliôme : « Tout ce
qu'il est possible d'avancer à cet égard au point de vue pra-
tique, dit cet auteur, c'est qu'on voit le gliôme à rophthal-
moscope donner à la rétine, dans une étendue variable, un
éclat chatoyant et métallique (œil de chat amaurotique), tandis
que le sarcdme est généralement masqué sous un décolle-
ment de la rétine d'aspect ordinaire » (1).
Le professeur Knapp inclinait, au contraire, à admettre que
ces tumeurs peuvent, dans leur développement, rester appli-
quées contre la face externe de la rétine, et que le diagnostic
des sarcomes à la première période était, par conséquent, dans
les choses possibles (2). Graefe, de son côté, tenait pour
établi tant l'absence que l'existence du décollement pendant
le premier stade des tumeurs sous-rétiniennes; quoique, d'a-
près son expérience, le décollement fût plus fréquent. Outre
l'autorité du nom de Knapp que nous venons de citer, nous
mentionnerons, d'une façon tout à fait spéciale, celle du pro-
fesseur 0. Becker d'Heidelberg, qui a publié en 1870, dans les
Archives de H. Knapp et de S. Moos, un article sur le diagnos-
tic du sarcôme. Sur seize pièces pathologiques de sarcômé de
la choroïde que possédait Becker, il en a cité trois surtout qui,
sous le rapport de leur apparition comme sous celui de leur
développement tout entier, méritent une attention particu-
lière. Ce sont des sarcômes qui ont pris leur point de départ
exactement dans la région de la macula lutea, et qui à un
certain moment ont pu être reconnus et observés à l'opbthal-
moscope à une époque où ils étaient encore au premier degré
(1) De Weckerj Maladie des yenx, t. II, p. 370. Paris, 1868.
(2) Cette opinion va trouver encore sa confirmation dans les obs. 37,
88 et 39 qu'en va lire.
— 459 —
de leur développement, et pouvaient être sûrement regardés
comme complètement intra-oculaires.
Observation XL (49^ de la statistique) (i).
La malade était une femme de 40 ans, bien constitudc. Milieux
réfringents transparents ; dans la région de la macula du côté gau-
che^ place blanche f arrondie, environ quatre fois aussi grande que la
papille , ne présentant pas de bords tranchés, parcourue par des
vameaux dilatés et tellement proéminents que l'on pouvait voir fa-
cilement le sommet de Pélovure à Taide d'un verre convexe nP 10,
tandis que le restant du fond de l'œil était vu facilement sans cor-
rection par un œil emmétrope. Les vaisseaux présentaient exacte-
ment les dispositions qu'on voit sur les injections de la rétine.
Ainsi, dans cet endroit où à l'état normal il n'y a pas de vais-
seaux on rema,Tqasii\in système vasculaire très-bien développé. Mais,
comme on ne voyait derrière la rétine ni les contours d'une vési-
cule, ni aucun mouvement, ni aucun signe réel d'accroissement, on
*arta la pensée d'un cysticerque et on réserva le diagnostic.
Scotùme central qui correspondait exactement à l'image ophthal-
toOBCopique ; vision excentrique presque aussi bonne que celle de
^'cLxitre œil.
IDeux ans plus tard j'assistais, dit Becker, le professeur Arit
P^^Tir une énucléation d'un œil à cause d'une tumeur de l'orbite en
^^•^ »nexion avec celui-ci. Je reconnus ma malade que Arlt avait vue
^^^ns ces derniers temps seulement. On enleva le globe et la tumeur
entier sans entamer celle-ci.
3ien que l'opération eût parfaitement réussi, la malade mourut
*^-»s récidive locale, mais Vautopsie montra de nombreux mélano-
^cômes dans presque tous les viscères et notamment dans le foie.
examen microscopique montra un remarquable sarcôme à cellules
f^^^formes très-grandes. La tumeur présentait, sur la coupe, des
P^-Tties très-pigmentées d'un noir foncé et d'autres d'un jaune
P^^^e. Dans ces derniers points il n'y avait presque pas de pigment.
^ le globe on trouva de nombreuses membranes dans le corps
^^tjé. La 7'étine était partout adhérente à la choroïde^ mais au ni-
O Otto Becker, Zur Diagnoso intraocularcr Sarkome ; Archiv fiirAu-
ffQri und Ohrenheilkunde. Garlsruhe, 1870, p. 215 à 229.
— 16i —
développement qu*ils compromettaient déjà notablement la
vision, et cependant il ny avait pas décollement de la rétine.
Bien au contraire, l'examen ophthalmoscopique , aussi bien
que les pièces anatomiques, montrèrent que la rétine était
restée en contact intime avec la masse de la tumeur.
Pour ce qui est de Texamen ophthalmoscopique, il faut re-
connaître que celui-ci ne fut possible que pendant un temps
très-court du développement des tumeurs. '
Dans le premier et le troisième cas la rétine repose immé-
diatement sur le sarcôme de la choroïde, bien que dans le
troisième cas nous ayons à faire à un sarcôme récent, tandis
que dans le premier, il s'agit d'un sarcôme qui a subsisté
plusieurs années.
Le sarcôme, lorsqu'il a existé assez longtemps et qu'il se
développe du côté du corps vitré, prend de bonne heure une
forme sphéroîdale, — Il arrive parfois que, durant tout le
temps de leur développement, les sarcômes de la choroïde ne
sont accompagnés que de peu ou pas de liquide entre la sur-
face de la tumeur et la rétine avoisinante; de sorte que, par
la forme seule du déplacement de la rétine vers le corps m-
tré, on peut faire le diagnostic d'un sarcôme.
Observation XLIII. (5:2e de la statistique).
En 1866, se présente au professeur Arlt un homme opéré par lui,
de cataracte, avec succès, trois ans auparavant. Il se plaignait de
voir mal depuis quelque temps. Vision centrale bonne, mais en bas
et en dedans, lacunes dans le champ visuel. Conformément à cela, à
rophthalmoscope, masse arrondie, recouverte par la rétine, qui
proéminait dans le champ pupillaire et n'avait pas la teinte
bleuâtre ordinaire dans les décollements de la rétine ; de plus, les
vaisseaux n'étaient pas bruns ou noirâtres, mais avaient leur colo-
ration normale au voisinage de la tumeur. Pond de Tœil normal.
On y reconnaissait facilement la papille, mais on constatait qu'à
une certaine étendue d'elle, vers la base de la tumeur, la rétine était
— 161
L'examen mici*oscopique montre un sarcotm à cellules rondes et
petites.
En i869, deux ans après, le malade présente une récidive dans
l'orbite.
OsERVATiON XLII (51« de la statistique).
En 1869, la sœur X... prétendait avoir perdu depuis plusieurs
semaines la vue centrale deTœil droit. Le scotôme avait été primi-
tivement très-petit, mais depuis il s'agrandissait et gênait, même
les deux yeux ouverts. Intégrité parfaite des portions antérieures
du globe. Dans la région de la macula, on voyait une proéminence
transversalement ovalaire, composée de deux mamelons, et présen-
tant une couleur blanchâtre. Vaisseaux rétiniens dilatés, notamment
une veine qui avançait jusqu'au centre de la macula et semblait là
s'enfoncer dans la profondeur, place dans laquelle on ne voit cer-
tainement pas de vaisseaux à tétat normal. Vers les limites, la tu-
meur se perdait insensiblement dans le niveau de la rétine, de sorte
qu'on voyait les vaisseaux monter sur elle sans interruption. Sco-
tôme nettement circonscrit, vision périphérique conservée. On
diagnostiqua immédiatement un sarcôme de la choroïde, mais l'opé-
ration ne fut décidée que lorsque des examens réitérés firent recon-
naître dans la masse de la tumeur de nombreux vaisseaux très-pâles^
serrés les uns contre les autres, qn'il fallut reconnaître de suite
pour des vaisseaux de nouvelle formation^ parce que lors des examens
antérieurs aussi attentifs, je ne les avais pas aperçus. Un autre
point était encore à noter, c'était que leur arrangemeiit ne coïncidait
ni avec celui des vaisseaux rétiniens^ ni avec celui des vaisseaux cho*
rotdiens.
Aussitôt après l'énucléation, je fis la section du globe dans la
région de l'équateur. Outre la tumeur que j'avais reconnue à Toph-
^ thalmoscope dans la région de la macula, la coupe passa à travers
un autre noyau sarcomateux situé dans l'équateur et auquel la
rétine était intimement unie.
Dans ces trois cas, ajoute Becker (1), où il a été possible
d'observer à Tophthalmoscope , tout à fait à leur début, des
sarcomes do la choroïde, ceux-ci avaient déjà atteint un tel
(1) Becker, Archîv de Knapp et Moos. 1870, p. 8i7, 1, c.
Brièrc. i I
— 164 ^
Une fumeur ronde, étranglée à sa base, située immédiate-
ment derrière le cristallin et recouverte par la rétine s'étend
dait vers Taxe visuel de Tœil, de sorte que le regard la rasait
quand on examinait la macula lutea ; papille et parties avoisi-
nantes normales. Sur le sommet de la tumeur, les plus gros vais-
seaux de la rétine se reconnaissaient facilement et étaient entourés
d'extravasats. Quand on examinait le centre de la tumeur, elle
semblait être blanchâtre, d'un rouge mat. Ce n'est que du côté du
bord externe qu'elle prenait une couleur bleuâtre. Au moyen de
l'ophthalmoscope on put constater que derrière la rétine il existait un
second contour, parce qu'à ce niveau, elle était séparée de la tu-
meur par une couche liquide.
Dans ce cas, j'ai employé une méthode d'investigation dont
les traités d'ophthalmoscopie n'ont pas parlé jusqu'à présent,
et par laquelle on peut atteindre avec rophthalmoscope les
grossissements les plus considérables. Dans un cas d'hyper-
métropie très-forte, l'image est d'autant plus grande que la
lentille placée derrière l'ophthalmoscope est plus forte, et Ton
peut, dans ce cas, se servir de lentilles d'autant plus fortes
que Ton se rapproche davantage de Toeil. Aussi longtemps que
l'on place la lentille derrière le miroir, il faudra toujours
s'écarter au moins de 2 pouces de Tceil. Cette distance peut
être diminuée quand on place la lentille entre l'œil et le mi-
roir.
En examinant par ce procédé , on peut arriver à voir dans
la rétine et derrière elle des transformations , qui sans cela
eussent échappé à l'œil.
C'est ainsi qu'on vit les hémorrhagies de la rétine se résorber
petit à petit, mais on vit apparaître dans la profondeur, derrière
elles, (.'à et là, des lignes rougeâtres à contours nets et précis, qui
bientôt, par leurs anastomoses, furent reconnues pour des vais-
seaux. Ils étaient sensiblement plus larges que les vaisseaux de la
rétine qui étaient au contraire étroits et filiformes. Ils présentaient
une teinte rouge uniforme et de nombreuses anastomoses . Gomme
dans leur parcours ils ne présentaient a^/cî/ri^ ressemblance^ soit avec
— 465 —
les vatsseaiix rétiniens, soit avec ceux de la choroïde^ il l'allait les con-
sidérer comme des vaisseaux de nouvelle formation appartenant à un
néoplasme.
Le diagnostic était donc fixé et on savait quelle conduite tenir;
mais le malade refusa de se soumettre à l'énucléation. Au mois de
décembre suivant, des douleurs intolérables étant survenues, le
malade décidé à l'opération, vint à nous ; l'œi] présentait les sym-
ptômes du glaucome.
L'énucléation, suivie de l'examen microscopique, montra qu'on
avait afîaire à un sarcôme de la choroïde. Depuis lors, deux ans
après l'opération, il n'y a pas eu de récidive et le malade se porte
bien.
Observation XLVI (55» de la statistique).
Le même cas a été examiné par Becker sur un homme de 58 ans.
L'œil droit présente absolument le même aspect que dans les trois
cas précédents; il .existe également une petite tuineur ronde recou-
verte aussi, par la rétine présentant également un pédicule. On con-
state en rapprochant la lentille aussi près que possible, non-seu-
lement les capillaires de la rétine, mais encore ceux de la tumeur.
Le bord externe est bleuâtre^ de sorte qu'il faut admettre qu'une
mince couche de sérosité est interposée entre la rétine et la tumeur.
Le diagnostic, dans ce cas où Von observe les vaisseaux mêmes de la
tumeur y n'est pas douteux. Mais sans la vue de ces vaisseaux la forme
particulière de la saillie m'aurait suffi pour diagnostiquer une tu-
meur de la rétine.
D'après ce que Becker a observé (1), et d'après l'expérience
d'autres auteurs, il résulte donc que c'est le siège du sarcôme
choroïdien qui fera qu'au début on pourra le distinguer sûre-
ment d'un décollement simple de la rétine.
« 1*^ Si le sarcôme se développe dans le corps ciliaire, Knapp
a prétendu, et Graefe a admis, que la rétine peut rester en
(1) Ces sept observations du prof. Becker qu'on vient de lire sont ac-
compagnées de deux pages de réflexions qui résument la question du
diagnostic des sarcômes de la choroïde au début. Nous en donnons la
traduction aussi exacte que possible.
— 466 —
contact avec la surface de la tumeur pendant toute la durée
de développement, mais que ce n'est pas du tout une raison
pour qu'on puisse faire le diagnostic d'une tumeur, parce
qu'un décollement de la rétine proprement dit, dans le point
en question, est absolument impossible à cause de runion
intime qui existe entre la partie la plus antérieure de la rétine
et Fora serrata. Dans de certains cas, on peut faire le diagnos-
tic d'un sarcôme de la choroïde, parce que la tumeur décolle
l'iris de ses attaches ciliaires. C'est ce qui est arrivé à Enapp
et à de Wecker.
2** Si le sarcôme de la choroïde se développe, dès l'abord,
dans la région de la macula lutea, il semble acquérir par là
une plus grande tendance à se développer en arrière vers
l'orbite, plutôt qu'en avant vers le corps vitré. C'est probable»
ment aussi à cause des particularités anatomiques qu'il arrive
que, dans ce cas, il ne se présente pas de décollement de la
rétine par de la sérosité. Ce point semble prouver que des tu-
meurs de la chocoïde peuvent exister pendant longtemps sans
qu'il s'y associe de décollement de la rétine.
3* Une différence toute particulière, dans la manière dont se
présentent des sarcômes de la choroïde plus développés,
résulte de ce que ceux-ci naissent de la moitié supérieure ou
de la portion inférieure el des côtés du globe. On ne peut
cependant pas nier que, même dans ces cas, la rétine est
presque toujours séparée de la tumeur en voie d'accroisse-
ment par un épanchement séreux.
Il est rare, du reste, que l'on puisse apercevoir, dès leur
début, ces petites tumeurs choroïdiennes périphériques, à
cause du peu de troubles fonctionnels qu'elles provoquent;
en outre, on ne les découvre souvent que par hasard. Si donc
une semblable tumeur existe dans la moitié inférieure du
globe, l'épanchement séreux s'étendra vers les côtés, et la
rétine restera appliquée sur son sommet. Le tout aura, par
— 167 ^
conséquent, l'apparence d'un décollement do la rétine plus ou
moins proéminent, à base lai^.
âi alors, à cause des troubles fonctionnels qu'il provoque,
le décollement se présente à l'observation, il dépendra des
phénomènes concomitants '(trouble du corps vitré, etc.) qu'on
puisse apercevoir le point où la rétine repose sur la tu-
meur, et y découvrir les vaisseaux. Sans ce dernier point,
il sera impossible, dans la première période de développe-
ment, de distinguer un décollement de la rétine d'une
tumeur.
Si, au contraire, un sarcôme de la choroïde se développe
sur la partie supérieure du globe, il n'y aura qu'une seule
circonstance qui pourra en permettre l'observation. Là aussi
la tumeur s'accompagne de transsudation séreuse; mais,
conformément aux lois de la pesanteur, V exsudât se réunira^
d*une tout autre façon^ en foyer autour de la tumeur. La
rétine, poussée de haut en bas vers le corps vitré, formera
une poche pendant, verticalement, et il est facile de concevoir
que, dans cette position, il se fera peu ou pas de décollement
de la rétine vers la hase de la tumeur, tandis que le liquide
séreux se rassemble dans un sac rétinien qui entoure le corps
proprement dit du néoplasme, et reproduit en somme la con-
formation particulière de la tumeur. De la quantité de liquide
épanché entre la tumeur et la rétine décollée dépend alors
que Ton puisse apercevoir ou non la tumeur à travers la rétine.
Dans le premier cas, le diagnostic n'est pas douteux. Mais
même, si on ne peut pas reconnaître derrière la rétine décol-
lée de vaisseaux et de doubles contours, on peut, par la dis-
position du décollement rétinien qui reproduit la forme de la
tiAneur, affirmer V existence d*un sarcôme de la choroïde.
Enfin, il ne faut pas oublier que, dans les sarcômes de la
choroïde qui ont acquis assez de développement pour que leur
sommet arrive jusqu'au voisinage de l'axe optique, on peut
parfois reconnaître à leur surface le développement de vais^
seaux (1). On pourrait expliquer ce fait à l'aide de cetie opi-
nion de Graefe que, lorsque le sarcôme se développe davan-
tage, il atteint de nouveau la rétine^ par suite de la résorp-
tion du liquide épanché. Mais il me semble plutôt que les
vaisseaux situés à la surface ne se développent qu'alors d'une
façon notable.
Il arrive en effet, parfois, qu'à cette période de développe-
ment la tumeur cesse de s'accroître, tandis que pendant ce
temps Inorganisation intérieure de la tumeur s affirme da*
vantage, et que c'est avec celle-ci que coïncide le développe-
ment des vaisseaux superficiels.
Car on peut constater, dans le 6" cas, que, de même que
les vaisseaux embryonnaires, ceux de la tumeur ont un con-
tour peu net, et qu'ils ne forment que plus tard un réseau
vasculaire régulier avec des contours précis. A un endroit,
il semblait même que des vaisseaux se formaient peu à peu
dans une tache rouge qui ressemblait à un extravasat. Par
cet examen minutieux, facilité par le rapprochement de l'ob-
jectif de la partie postérieure du globe, on aurait pu constater
que la séparation existant entre la rétine et la surface de la
tumeur diminuait par la marche progressive de la résorption
du liquide. Cependant je n'ai jamais pu observer ce fait. ^
Diagnostic.
11 nous reste peu de choses à dire sur le diagnostic, en
général, des sarcômes de la choroïde à la première période,
ayant déjà fait celui de chacun des symptômes qu'on rencontre
pendant ce premier stade de leur développement.
Notre opinion est que les faits démontrent aujourd'hui
(1) Deux des observations qui nous sont personnelles (les obs. 70 et
74) ont confirmé cette opinion de Becker.
- m —
qu'on peut, dans un assez grand nombre de cas (1), recon-
naître la nature des tumeurs avant l'apparition des symptômes
d'irritation du globe à forme glaucomateuse, et avant la for-
mation de tumeurs extra-oculaires; c est-à-dire que, grâce aux
progrès de rophthalmologie, le médecin est souvent à même
de ne pas se retrancher derrière Texpression d'amaurose, et
d'affirmer, au contraire, la cause précise de Tamblyopie. Il
peut donc éclairer le malade sur ce qui l'attend, ou du moins
faire de grandes réserves et donner l'éveil, si le résultat de
son exploration n'a fait naître dans son esprit que des pré-
somptions et non une certitude absolue.
En un mot, dans une série de cas, l'ophthalmogiste sera en
droit d'affirmer qu'il existe une tumeur de mauvaise nature
dans l'œil et de conseiller l'opération, laquelle n'est réelle-
ment utile que dans les deux premières périodes de la mala-
die, comme nous le prouverons dans le chapitre suivant.
Dans les autres cas, il pourra être presque aussi utile au ma-
lade, en lui indiquant la marche probable de l'affection qu'il
vient d'observer. Si celui-ci voit les prévisions du médecin
se réaliser, il se décidera, avec moins de difficulté, à l'énu-
cléation dès le début de la période glaucomateuse : ou, s'il la
refuse, la responsabilité du médecin aura été complètement
dégagée.
Il n'est pas sans importance de résumer ici cette grande
cjuestion du diagnostic du sarcôme de la choroïde à sa pre-
axiière période, en se posant les deux questions suivantes :
Premièrement : Quels sont les signes indiquant, d'une façon
jpositive, lexistence d'une tumeur choroïdienne? et quelle est
ila nature de cette tumeur ainsi diagnostiquée ?
(1) Notre conviction est que !e nombre de ces diagnostics à la pé-
riode augmentera si Tattention des observateurs est appelée de ce
— 170 —
Secondement: Quels sont les signes rationnels ou probables
de l'existence d'une tumeur de la choroïde?
l^IiE réponse à la première question sera courte. Il n'y a
qu'un signe d'une valeur réelle, mais vraiment palhognomO'
nique, de la présence d'une tumeur située derrière la rétine,
c'est celui de deux réseaux vasculaires : dont l'un, le plus
voisin de l'observateur, est celui formé par les gros vaisseaux
de la rétine, et qui est aisément reconnu comme tel par les
observateurs le moins exercés ; tandis que le second, situé
derrière le premier et plus difficile à voir, formé par de fins
ramuscules fréquemment anastomosés, diffère complètement
des vasa vorticosa. Ce lacis vasculaire, tout à fait anormal, qui
tapisse de petites élevures et qui n'appartient ni au réseau
normal de la rétine ni à celui de la choroïde, est, sans contre*
dit, de nouvelle formation. En admettant que Ton puisse
avoir un moment de doute, celui-ci disparaîtra évidemment si,
pendant un examen ultérieur, on reconnaît la présence d'au-
tres ramuscules développés depuis les premières explorations.
Pour être certain de ee dernier fait, et afin d'éviter toute
confusion, il est bon d'établir un petit dessin schématique de
chaque exploration du fond de l'œil. Ni un cysticerque, ni un
choroïdite parenchymateuse, ni un décollement simple de la
rétine ne peuvent donner lieu à cette production vraiment
remarquable de petits vaisseaux irréguliers sous rétiniens,
Lescysticerques que l'on a observés entre la choroïde et la
rétine s'y enveloppent d'une poche qui, s'oi^anisant rapide**
ment,ne prolifère pas comme la masse d'une tumeur maligne
et ne donne pas lieu à la formation de nombreux vaisseaux
derrière la rétine. Ils y sont l'occasion de douleurs intra-ocu-
laires très- vives, tandis que celles-ci n'apparaissent, dans le
cas de tumeur intra-oculaire, que longtemps après le début,
au moment de la période glaucomateuse. Le cysticerque altère
souvent et perfore même le tissu de la rétine ; parfois celui-ci
- 174 —
se déchire et Tentozoaire tombe brusquemeat dans le corps
vitré, où l'observateur a pu assez souvent le voir progresser
dans différentes directions (1). Rien de semblable ne s'observe
dans les sarcômesde la choroïde; ceux-ci peuvent bien contrac-
ter des adhérences avec la rétine, mais il est rare qu'ils la dé-
truisent. Le plus souvent il ne font que la décoller et en la re-
foulant en avant ils lui donnent la forme d'un cône à som-
met postérieur ; ce n'est que longtemps après le début, et
quand la tumeur est déjà très-développée que le tissu de la
rétine est englobé au milieu du néoplasme et finit par dispa-
rattre*
Enfin le cysticerque présente, pendant les premiers temps
de son séjour dans l'ooil, une allure plus bruyante que les sar«
cômes dont la formation n'est assez souvent remarquée que
par la diminution de la vue.
Nous en dirons autant de la choroïditeparenchymateusequi,
lorsqu'elle suppure, provoque une réaction très-vive et no
donne lieu à la formation d'une tumeur sous rétinienne
qu'après les douleurs lancinantes qui accompagnent toujours
la formation de pus dans un espace aussi bien fermé que l'œil.
Eu admettant que cette suppuration s'établisse plus lentement
et sans symptômes extérieurs manifestes, la poche de pus ne
donnera jamais la même impression à l'ophthalmoscope que
la présence d'un sarcome delà choroïde. D'abord la teinte est
jaune ou jaune blanchâtre dans le premier cas, tandis que dans
le second, elle est rosée; de plus le réseau vasculaire de nouvelle
formation ne se rencontre jamais dans une choroïdite suppurée,
tandis qu'il est le meilleur symptôme d'une tumeur sarcoma-
teuse.
Nous avons assez insisté sur le diagnostic différentiel du
décollement de la rétine simple d'avec le décollement cora-
{{) Ces différents phénomènes ont eu lieu dans un cas de cysticerque
ladrique intra-oculaire abservé en iSll à la clinique de M. le D^Sichel.
Gazette hebd. de méd. et de chir., 14 janvier 1872.
pliqué pour que nous soyons dispensé d'en parler ici. On peut
voir, plus haut, ce qui a été dit sur cette question.
2* Les signes rationnels du sarcôme de la choroïde sont
plus nombreux que les premiers ; mais, par contre, ils sont
loin d'avoir la même valeur.
Le meilleur de tous est, sans contredit, Voeil de chat aman-
rotique de Beer (voir page 143). Bien qu'il soit loin d'avoir
une valeur absolue et qu'on puisse le retrouver dans une
choroïdite profonde suppurée eldansun décollement de la ré-
tine : bien qu'il se rencontre également dans le gliôme delà ré-
tine,on peut dire que l'aspect chatoyant,dont il est question, est
un bon signe de sarcôme de la choroïde. Dès qu'on l'a observé,
l'attention doit être appelée sur la possibilité d'une tumeur
maligne et il y a nécessité de procéder à un examen ophthal-
moscopique très-minutieux, pour la recherche d'un réseau vas-
culaire' de nouvelle formation ou des autres caractères du
décollement de la rétine qui peuvent faire songer à une tumeur
de la choroïde.
Pris de la sorte, le symptôme décrit par Beer conserve
une assez grande valeur. La tension plutôt augmentée que
diminuée, alors qu'on a constaté un décollement de la rétine
et que Toeil devrait être plutôt ramolli que dur : l'existence
d'un scotôme central ou périphérique qui augmente sans que
l'état du corps vitré et des membranes antérieures puisse en
donner l'explication : Yabsence des causes ordinaires du décol-
lement de la rétine (myopie, chute, etc.) et les sensations lumi-
neuses subjectives : tous ces symptômes déjà décrits plus haut
augmenteront les probabilités en faveur d'une tumeur de la
choroïde. Mais isolément, ils perdent toute leur valeur,et,nous
le répétons en terminant, les meilleurs signes d'une tumeur de
la choroïde qui débute sont;
1® L'existence du réseau vasculaire de nouvelle ^orm^tion
Sous-rétinien,
— 173 —
2" Les conditions extraordinaires du décoUeraenl de la ré-
tine (siège anormal et absence de flottement) ;
3® L'œil de chatamaurotique;
4® La tension conservée au légèrement exagérée du globe.
Après avoir reconnu l'existence d'une tumeur de la choroïde
on doit naturellement se demander quelle est sa nature. Or on
a vu (chapitre IV) qu'il y a deux grandes classes de tumeurs
intra-oculaires :
1® Le gliôme de la ré line .
2* Le sarcôme de la choroïde.
Ces deux classes de tumeurs ont un signe différentiel d'une
grande, valeur et qui permet de reconnaître immédiatement
si l'on est en présence d*un gliôme ou d'un sarcôme. Ce signe,
nous le trouvons dans l'âge du malade. Le gliôme ne se ren-
contre pas après 15 ans ; le sarcôme, au contraire, est
pour ainsi dire inconnu avant cet âge. En jetant un coup
d'œil sur notre tableau statistique, on peut voir en effet que,
si Ton fait abstraction des cas de sarcôme inflammatoire de
Knapp et de Quaglino (obs. 16 et 56), tous les autres malades
sont âgés en moyenne de 40 à 50 ans. Les plus jeunes avaient
l'un 12 ans (obs. 58), l'autre 15 ans (obs. 36). On sait, d'un
autre côté, que les gliômes de la rétine sont le terrible apanage
de la première enfance. Le malade le plus âgé qui a présenté
cette affection avait 7 ans (Hirschberg). Par conséquent si notre
malade a dépassé 15 ou 20 ans, nous éliminerons l'hypo-
thèse d'une tumeur primitive de la rétine et avec d'autant
plus de certitude qu'il sera plus avancé en âge (1). Il ne nous
(l) On trouve dans la Gazette médicale du 14 janvier 1869, p. 36, la
relation d'un sarcôme à petites cellules du globe oculaire sur un enfant de
2 on5. Il y eut énucléation, répull ulatioa intra-orbitairc et mort un
mois après l'opération. Cette observation publiée par M. Joffroy est évi-
demment un gliôme de la réline et non un sarcôme ; l'examen histologique
le démontre ainsi que la phrase suivante : « Le fond de l'œil était oc-
- 174 -
reste donc plus que les tumeurs de la choroïde. Or parn::^
celles-ci nous n'avons pas beaucoup de choix. On a vu
Tarticle Anatomie pathologique, que presque toutes les tc^,
meurs de la choroïde sont des sarcômes tantôt purs, c'e^/-
à-dire offrant le tissu du sarcôme proprement dit, tantôt
mixtes, c'est-à-dire sarcôme et carcinôme ou sarcôme et
gliôme. Mais dans ces dernières tumeurs encore, le tissu da
sarcôme est toujours reconnu comme étant plus ancien que
celui du carcinôme ou du gliôme. Par conséquent, quand nous
aurons diagnostiqué une tumeur de la choroïde, nous pourrons
ajouter tumeur sarcomateuse, sans toutefois en préciser la
variété (1). Il y a des chances néanmoins, dès qu'on aura
observé de nombreux petits points noirs à la surface du néo-
plasme de tomberjuste en disant qu'on adevant soi unmélano-
sarcôme, d'autant plus que cette variété est de beaucoup la
plus fréquente. On inclinera plutôt pour une forme molle
(leuco-sarcôme, myxo sarcôme, glio-sarcôme) si le malade est
jeune, tandis que, devant un vieillard,*on pensera de préférence
auflbro-sarcôme ou au sarcôme ossifiant. Mais lediagnctstic de
la variété n'offre qu'un intérêt tout à fait secondaire. Le point
important c'est de reconnaître la nature maligne d'une tumeur
de la choroïde.
On a pu remarquer que nous ne venons de parler que des tu-
meurs de la choroïde et non de celles du corps ciliaire auquel
cupé par une tumeur en forme de champignon, semblant être l'expan-
sion du nerf optique. »
(1) Dans les Annales d'oculistique de 1850, t. XXIV, p. 39, il est fwt
mention du cas suivant : Cancer de l'œil au début ; extirpation ; examen
microscopique, encéphaloïde de la rétine (homme de 48 ans), la cho-
roïde étant intacte (D' Boëns, Je Liège). Ce fait parait nous donner contra-
diction. C'est du reste le seul que nous ayons trouvé de ce genre ; nous
maintenons donc notre opinion, que dans toutes nos recherches sur le
cancer de Tccil, chez l'adulte et chez le vieillard, presque toutes le»
tumeurs intra- oculaires partent de la choroïde*
— 175 —
elles se propagent parfois. Ces dernières sont d'un diagnostic
beaucoup moins difficile, car elles deviennent visibles à Fœil nu
presque toujours assez rapidement, soit en se montrant direcle-
men t dans lechamp de la pupille soit en indiquant leur présence
par des symptômes d'une grande valeur, tels que refoulement
de l'iris en un point déterminé d'où résulte une abolition par-
tielle de la chambre antérieure, ou arrachement partiel du
grand cercle de l'iris par la tumeur qui s* est accolée à sa face
postérieure. Les obs. 34, 35 et 46 de notre statistique et
notamment la dernière (voir page 105 article Mi/o-sarcdme,
donneront une bonne idée des symptômes cliniques des tu-
meurs du corps ciliaire, sur lesquels nous ne pouvons nous
étendre sans sortir de notre sujet et sans dépasser les limites
dqjà trop grandes de ce travail (voir Pl. II, fig. 2 à 19).
§2. — Symptômes et diagnostic du sarcôme de la choroïde
à la seconde période.
A mesure que la tumeur gagne du côté du corps vitré, Tiris
et le cristallin sont peu à peu poussés en avant. Ce phénomène
ne se produit que lentement. Pendant ce temps, le corps vitré
se trouble de plus en plus. Le décollement de la rétine a aug-
menté, et si on a pu suivre le malade jusqu'au début de la
seconde période, il est rare que Texamen ophthalmoscopique
soit resté praticable jusqu'à la fin de la première.
On ne constate souvent, à ce dégré de la maladie, qu'un dé-
collement de la rétine, en forme d'entonnoir et derrière lequel
on n'aperçoit plus les vaisseaux du néoplasme, parce que le
trouble du corps vitré s'interpose comme un écran entre eux
et l'observateur.
Le début de la seconde période d'un sarcôme de la choroïde
est marqué par un cortège de symptômes souvent des plus
alarmants.
Nous commencerons la description par Texposé des symp-
tômes physiques qui frappent tout d'abord l'observateur, nous
réservant de parler ensuite des symptômes fonctionnels les-
quels ont, comme les premiers, une grande valeur.
lo Symptômes de la seconde période.
A. Symptômes physiques ou objectifs. — Ils peuvent se ré-
sumer en deux mots : l'œil malade prend à ce moment Yha-
bitus glaucomateux. Ce syndrôme a été trouvé noté par
nous dans tant de cas que nous pouvons dire qu'il est la règle.
Analysons donc d'abord cet appareil symptomalique.
La cornée, souvent transparente, est parfois légèrement
trouble, et si la période glaucomateuse est plus avancée, on peut
observer à son centre une exfoliation de Tépithélium. Ce sym-
ptôme est l'indice d'un défaut de nutrition dû à la compression,
de dedans en dehors, des vaisseaux et des filets nerveux entre
la sclérotique qui se distend moins que la tumeur dont le
volume augmente de plus en plus. On peut noter toutes les
altérations de la sensibilité coméenne, depuis Fanes thésie légère
jusqu'à Tabolition complète de la sensation du contact. La
quantité de ïhumeur aqueuse est notablement diminuée; la
chambre antérieure est rétrécie, Tiris étant fortement pro-
pulsé. La coloration de cette membrane est notablement mo-
difiée. Le plus souvent Tiris prend la teinte fauve, jaune rou-
geâtre qu'il présente dans les cas d'iritis chroniques. Parfois
on a noté la présence d'un léger hyphœma. Ce symptôme qui
n'est pas fréquent ne doit pas nous surprendre, car pendant
que Tiris est ainsi tiraillé d'arrière en avant, il peut se pro-
duire quelques ruptures vasculaires, dont le produit vieot se
collecter à la partie inférieure de la chambre de rœil.
\jdL pupille est presque toujours très dilatée, comn^edans
les cas de glaucome aigu. Quand il s'agit d'un glaucome sym-
ptomatique d'une tumeur, la dilatation pupillaire est mêmes
^ 177 —
souvent plus prononcée et portée parfois au point qu'on
n'aperçoit derrière le pourtour do la cornée qu'une zône
foncée très-mince indiquant la présence de Tiris. Il est assez
rare que les synéchies qui ont pu se produire pendant le pre-
mier stade du développement, résistentàTeffort de la pression
intr a- oculaire qui propulse l'iris en avant et ne se rompent
pas pendant le commencement de la période glaucomateuse.
Il n'est pas rare même, quand on examine alors à l'éclairage
latéral un œil qui présente tous les symptômes extérieurs
du glaucome aigu, de retrouver sur la cristalloïde antérieure
de petits dépôts pointillés de pigment, dont la disposition cir-
culaire indique que la pupille a été autrefois agglutinée avec
la cristalloïde antérieure. Ces petits agrégats de pigment sont
même souvent l'indication d'une phlegmasie chronique de
l'iris. En recherchant avec Tophthalmoscope la cause de celle-
ci on sera ainsi amené à rejeter l'hypothèse d'un glaucome
aigu franc, si l'on trouve au fond de l'œil les symptômes d'une
tumeur choroïdienne. Ce dernier examen est toujours indis-
pensable quand l'état des milieux de l'œil le rend possible.
n est donc rare de constater une pupille irrégulière par la
dilatation inégale des divers secteurs de l'iris, dont le jeu est
entravé en certains endroits. Néanmoins cette irrégularité de
la pupille a été notée dans quelques observations de sarcôme
de la choroïde (voir obs. ï").
Le cristallin présente la teinte glauque ordinaire au glau-
come aigu ; rarement il est le siège d'opacités périphériques
sauf dans les cas où la tumeur ayant gagné les procès ciliaires
en un point, a produit une subluxation de la lentille, ou une
atteinte trop considérable à sa nutrition. La conjonctive bul-
baire est très- hyperémiée; ses vaisseaux distendus et vari-
queux recouvrent une injection plus fine de l'épisclère égale-
ment très-prononcée. Celle-ci disparaît par place sous
Brière. .. 12
- 178 -
répaississement du tissu conjonctival qui devient le siège d'un
chémosis séreux assez abondant.
Comme dans une attaque de glaucome aigu il survient ici
un larmoiement considérable et c'est à peine si au milieu des
larmes qui coulent sur les joues on voit quelques mucosités.
A ces symptômes physiques dans lesquels le lecteur a pu
reconnaître tous ceux du glaucome s'ajoute la notion de la
tenèion intra-oculaire qui déjà vient en donner Texplication.
car elle est exagérée, souvent d'une façon très-notable. Cette
augmentation de la tension de l'œil est notée en termes expli-
cites dans le quart environ des observations de notre statis*
tiques t
T augmentée (obs. 5, 9, 13, 15, 16, 28, 40, 42, 43, 61, 69)*
T + 2 (obs. 29, 31, 63, 73). T + 3 (obs. 88, 70, 74). T trè^
augmentée (obs. 38).
Chez les trois malades que nôus avons observés à la Clinique
de M. le D* Sichel cette exagération de la tension était on ne
peut plus manifeste.
Dans quelques observations elle a été trouvée normale dans
d'autres on a noté : œil ramolli. Cette différence trouve une
explication plausible dans les remarques suivantes :
A. L'œil à la période glaucomateuse est plus dur quand la
sclérotique résiste encore à l'excès dépression produite parla
tumeur et tant que celle-ci n'a pas encore franchi l'enveloppe
oculaire.
B. La tension de Tœil est normale quand l'équilibre s'établit
entre la distension de la sclérotique et l'accroissement de la
tumeur ; la membrane fibreuse cédant à la tumeur autant de
place qu'exige sa croissance*
C. L'œil est trouvé ramolli à une époque avancée du status
glaucomateux lorsque la pression intra-oculaire Ta emporté
sur la résistance de la sclérotique. Les fibres de cette mem-
brane s'étant dissociées, en un ou plusieurs points, il est
— 479 —
naturel que la lumeur trouvant, devant elle, pour s'accroître,
es parties molles de Torbite, ne produise pas du côté du globe
une sensation de grande rénitence.
Donc de Tétat de la tension intra-oculaire on pourra faire
au point de vue du pronostic, les déductions suivantes :
T 1 à 4- 3 : les enveFoppes de rœil sont intactes. T nor-
male : les enveloppes de Toeil sont près de se rompre ou déjà
rompues. T — 1 à — 3 : les enveloppes de l'œil ne sont plus
intactes ; la tumeur a gagné la loge de la capsule de Tenon ou
l'orbite. On pourra se tromper quelquefois dans cette appré-
ciation et après avoir constaté T ^1 ,T -f 1 , ou+ 2, trouver que
la tumeur a déjà franchi le globe, mais, en règle générale, l'état
de la tension indique l'état des enveloppes de rœil; en d'au-
tres termes :
Si on intervient au moment où la tension intra-oculaire
est exagérée, il y a de grandes chances pour que la tumeur
soit encore tout entière à l'intérieur de l'œil.
2* Si on intervient au moment où la tension intra-oculaire
est diminuée notablement, il est fort à craindre que les parties
molles de l'orbite soient envahies par le néoplasme- Gomme
on le voit, l'état de la tension est un symptôme précieux dont
il ne faut jamais négliger de s'enquérir.
Un dernier signe physique qui diffère essentiellement de
ceux qu'on observe dans le glaucome aigu simple , c'est, der-
rière la pupille , le reflet chatoyant de l'œil de chat amauro-
tique de Beer, observé souvent dès la première période, mais
qui devient de plus en plus prononcé à mesure que l'on se
rapproche de la seconde. S'il ne prouve pas d'une façon abso-
lue la présence d'une tumeur maligne , il a néanmoins de la
valeur et il est bon d'en tenir compte.
B. Symptômes fonctionnels ou subjectifs. Le plus im-
portant de tous, celui qui relie la première à la seconde pé-
riode des tumeurs de la choroïde, et qui met^ pour ainsi dire^
180 —
sur la scène le faciès glaucomateux , c'est sans contredit le
symptôme douleur. D'exceptionnel qu'il était au début du
sarcôme; il est devenu maintenant la règle et même la règle
absolue. C'est-à-dire que la tumeur ne produit jamais la rup-
ture de la sclérotique sans occasionner auparavant des dou-
leurs extrêmement vives. Les observations 1, 2, 4, 5, 7, 9, 1 1,
12, 13, 15, 16, 17, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 29, 30, 31, 33, 36,
38, 40, 42, 43, 44, 45, 47, 54, 55, 56, 57, 61, 63, 61, 63, 69,
70, 73, 74, parlent de l'intensité de ces douleurs, qui sont in-
diquées tantôt sous la dénomination de névrose ciliaire in-
tense, tantôt sous celle de douleurs intra-oculaires, orbilaires,
hômicrâniennes, etc. Plusieurs malades interrogés sur le dé-
but de leur affection oculaire l'attribuent à des migraines.
Nous examinerons à l'article Etiologie si cette cause a quel-
que valeur. En ce moment nous nous tornons à faire connaî-
tre leur existence constante au moment de la période glauco-
mateuse et aussi leur nature. Ces douleurs sont fulgurantes
ou lancinantes; parfois elles donnent au malade la sensation
de tiraillement. Il croit que son œil est violemment chassé
hors de l'orbite, et plusieurs racontent qu'il leur est arrivé
de placer leur main sur l'œil pour le maintenir en place et
l'empêcher de tomber à terre. Cette illusion est due vraisem-
blablement à la distension du globe, qui augmente réellement
de volume et commence à écarter les paupières.
Les souffrances prennent souvent un caractère réellement
effrayant. Continuelles ou rémittentes, elles laissent rarement
un instant de repos au malade, et augmentent d'intensité aux
approches de la nuit. Elles affectent même , assez souvent, le
caractère nocturne des douleurs ostéocopes de la syphilis; ce
qui peut être attribué à la fatigue de la journée ou, mieux en-
core, au décubitus horizontal.
La névrose ciliaire de la seconde période du développement
des sarcômes de la choroïde peut être considérée comme un
— 181 —
]3ienfait de la nature, qui nous avertit par elle des change -
xnents terribles qui vont se produire dans le globe oculaire,
Xie malade auquel on a conseillé l'énucléation depuis plusieurs
mois s'est toujours dérobé à cette funeste perspective , mais
îl y revient de lui-même,quand il est intelligent, et il finit par
consentir à ce qu'on le d^arrasse d'un organe devenu inu-
tile et qui le tortura à ce point.
Les sensations lumineuses subjectives et les scotômes de
la première période n'existent plus. La rétine est maintenant
trop altérée, et généralement elle est totalement décollée;
si une faible partie est encore appliquée sur la surface concave
de la choroïde, elle perçoit difficilement à travers le trouble
de rhumeur aqueuse et du cristallin. Aussi le champ visuel
ne peut plus être tracé exactement et Ton n'a que la ressource
de constater la perception quantitative de la lumière dans les
principales directions. Dans les cas exceptionnels où le ma-
lade a encore conservé une^ acuité visuelle suffisante, on a la
faculté de constater de nouveau la présence et Tagrandisse-
ment du scotôme ou de la restriction périphérique du champ
visuel.
2^ Diagnostic.
A cette période, le sarcôme de la choroïde ne peut être con-
fondu qu'avec une attaque de glaucome aigu simple ou avec
une choroidite suppurée.
Tous les symptômes extérieurs, sauf l'aspect chatoyant de
l'œil de chat amaurotiquç de Beer (lequel n'est mémo pas con-
stant dans le cas de tumeur), simulent à s'y méprendre une
attaque de glaucome , et si l'état des milieux de Tœil ne per-
met pas dé trancher la question en constatant dans le premier
cas la présence d'un décollement particulier de la rétine ou
l'existence positive d'une tumeur , et dans le second l'exca-
vation de la papille et la déviation des vaisseaux sur son côté
- m —
externe; si ce moyen nous est ôté, la confusion entre une tu-
meur de la choroïde et un glaucome aigu est inévitable. Tous
les symptômes se ressemblent ; aucun ne fait défaut (1). Aussi,
dans plusieurs de nos observations, on voit que pareille mé-
prise a été faîte (notamment dans les obs. 9, 13, 21, 22, 29,
40 et 63).
Il suffit de savoir que Graefe, Jacobi, Hulke, Schiffer»»
Knapp, Hasket Derby, et d'autres observateurs scrupu
leux y ont été pris pour se tenir sur ses gardes; car, méme^^^
en se défiant, on pourra se tromper.
La conséquence inévitable de ces erreurs a été celle-ci : \&^^
tumeur méconnue avant l'iridectomie a continué de croîtrer
^ et avec d'autant plus de vigueur qu'on lui a, pour ainsi dire^ ^3B,
donné un coup de fouet, et en la diagnostiquant quelques
temps après, on a cru plus sage de mettre la cause de son dé — ^dé-
veloppement sur le compte de Tiridectomie {post hoc, ergcc^
propter hoc). Ce qui a d'abord paru donner raison à cette er^
reur, c'est que l'iridectomie, même dans le cas de tumeur in——
tra-oculaire, produit une légère rémission dans les douleurg-J^"^
et dans les autres symptômes, comme dans le glaucome sim
pie. Mais si l'on est plus sévère observateur, on remarquera
,que la tension intra-oculaire revient généralement à l'état -^^
normal après l'iridectomie, dans le cas de glaucôrae simple; ^ '
tandis qu'elle reste élevée ou ne diminue que d'une façon in- '
signifiante, si l'on a affaire à une tumeur intra-oculaire. De
plus, si après un laps de temps indéterminé, parfois . assez
(1) La présence assez fréquente de tumeurs dans des yeux qu'on avait ^ ^
crus atteints de glaucome simple a été signalée par plusieurs observa-
teurs. Ainsi nous trouvons dans le compte-rendu du congrès ophthal-
mologiquo de Paris, en 1867 : « Critchett fait part à ses collègues que
dans des cas de glaucome on rencontre très-souvent des tumeurs, et ^
qu'en règle générale il faut extirper les yeux glaucomateux. Il prétend
avoir trouvé dans un œil glaucomateux, après huit ans de céoitô, une
tumeur de la grosseur d'une cerise. »
— 183 -
court, on observe la réapparition de la névrose ciliaire (ob-
serv. 4, 9, 19, 25, 38, 61, 64} , il ne sera plus permis de s'ar-
rêter exclusivement à l'idée d'un glaucome, surtout si la ten-
sion reste toujours Irès-élevée^ et l'on devra songer à la
possibilité d'une tumeur in tra-oculaire. En résumé, lediagnos-*
tic d'un sarcôme de la choroïde, à la période dite glaucoma-
teuse, d'avec un glaucome aigu simple, est souvent des plus
difficiles. Si l'on se base sur tous les symptômes objectifs et
sur le seul symptôme subjectif douZeur, on ne pourra guère
éviter Terreur quand l'examen ophthalmoscopique sera rendu
impraticable par le trouble des milieux de l'œil , et si l'aspect
chatoyant indiqué par Beer fait défaut.
Le seul moyen qui nous reste, c'est, dans les cas, où toute
la rétine n'est pas encore décollée , de faire l'examen de la
perception périphérique. Si elle ne fait défaut que dans une
portion centrale bien limitée du champ visuel , il y a plus de
chances pour que l'affection soit une tumeur; mais il faut con-
venir que ce dernier signe différentiel est très-douteux,
J'ai observé, dans les hôpitaux de Paris, deux cas de chorol-
dile suppurée, qui ont été pris pour des tumeurs malignes
intra-oculaires. Il vaut mieux, à tout prendre, se tromper
dans ce sens que de faire l'erreur inverse. En effet, comme un
orgune qui va être atteint de panophthalmite pourra parfois
devenir un voisin dangereux pour l'autre œil, et que, d'aile
leurs, il est définitivement perdu au point de vue de la vision,
il n'est pas préjudiciable pour le malade qu'on en fasse l'abla-
tion, dans la pensée d'une tumeur maligne. Tandis que si l'on
prend une tumeur de mauvaise nature pour une choroïdite
suppurée, on peut favoriser la généralisation de cette tumeur,
en la laissant croître et perforer le globe. Il est vrai qu'on a
préconisé comme méthode générale de traitement de favoriser
l'atrophie des yeux atteints de tumeur maligne ; mais, sans
juger ici cette question qui sera examinée quand le momens
— 184 —
on sera venu (voir le traitement), on peut dire de suite qu'elle
est loin d'être acceptée par la majorité des oculistes.
Nous terminerons ce chapitre du diagnostic des tumeurs
de la choroïde à la période glaucomateuse , en reproduisant
l'opinion de Graefe sur les glaucomes compliqués (1).
« En terminant la description des glaucomes secondaires,
nous appellerons l'attention sur ceux qui dépendent de tu-
meurs intra-oculaires. On a déjà parlé de cette forme de pa-
thogénèse. Les gliômes qui se développent dans Tenfance
peuvent produire une exagération de la pression et des sym-
ptômes glaucomateux ; cependant cela n'arrive que lorsque la
néoplasie a atteint un volume assez grand pour qu'on ne puisse
la confondre avec un glaucome. D'ailleurs , le glaucome con-
sécutif au gliôme est beaucoup plus rare que .celui qui vient
après l'irido-choroïdite parenchymateuse , accompagné de
phthisie transitoire du globe au moment de la régression de
la tumeur. Au contraire , les sarcômes de la choroïde et du
corps ciliaire, après leur période de débuts occasionnent des
glaucomes qui peuvent donner lieu à de réelles difficultés de
diagnostic. Quand il y a décollement de la rétine, cela n'em*-
pêche pas de soupçonner le glaucome. Le glaucome secondaire
peut apparaître subitement avec des symptômes inflamma*-
toires, la pression n'ayant pas changé. Le plus souvent, dès
que la tumeur commence à croftre, il y a augmentation de la
pression intra-oculaire. Si celle-ci devient exagérée, elle st-
mule le glaucome aigu ou subaigu.
Obsxrtation XLVII (74* de la statistique).
M. v* R..., âgée de 56 ans, demeurant au Port-Marly, remar*
qua, pendant le mois de juillet 1872, que la vue de Tœil droit com-
mençait à se troubler. Elle baissa graduellement, sans provoquer
(l) Von Graefe, Archiv fûr Ophth., B. XV, Abth. 3, p. i%.
—485 —
la moindre BoufTrance. Le i3 janvier 1873 M. le Dr Sichel, consulté
pour la première fois par cette malade, constata un décollement de
la rétine. Mais le peu <k flottement de cette lésion et la teinte diffé-
renie qu'elle ofihtit à son centre et sur les bords, fit naître le soup-
çon d'une tumeur sarcomateuse. LoLmalside fut prévenue des craintes
que cet examen avait fait naître. Pendant les premiers mois de
1873, les soupçons se transformèrent peu à peu en certitude, après
l'observation de phénomènes analogues à ceux de l'observation I,
et l'énucléation fut conseillée.
Le 3 juin M"** R... commença à souffrir de son œil et celui-ci de-
vint rouge. M. le Sichel, consulté de nouveau le 9 juin, constata
tous les symptômes de la période glaucomateuse des tumeurs de la
choroïde et insista de nouveau sur la néôessité de l'ablation immé-
diate de l'organe. Cette opération eut lieu le 12 juin. Quatre jours
après la malade retournait guérie chez elle.
Examen anatomique. — Les enveloppes de l'œil étaient près de
se rompre, car un des sinus équatoriaux est rempli d'une ma-
tière noire. Néanmoins, il n'y a pas encore d'ectasie à ce niveau.
Comme dans l'observation I, on constate, par transparence, la
présence d'un corps opaque en un point de l'intérieur du globe;
cette partie opaque correspondant précisément au niveau du sinus
dont la lumière est obturée par du pigment. L'œil déposé dans la
liqueur de Muller n'a été ouvert que quatre mois après l'opération.
Nous avons représenté, pl. IV, fig. 14, J'aspect, à l'œil nu, de la tu-
meur intra-oculaire. Un premier examen histologique, fait par M. le
D' Sichel, a confirmé le diagnostic de sarcôme, porté six mois au-
paravant.
Avant de publier celle observation dans notre travail, nous
avons constaté nous-même au microscope la présence des di-
vers éléments sarcomateux.
Enfin, M. le Poncet, professeur agrégé au Val-de-Grâce,
auquel la pièce anatomique a été remise avec prière d'en faire
un examen plus détaillé, nous a remis la note suivante :
a La tumeur est entièrement constituée par un tissu mélanique fibro-
sarcomateux. Eléments ronds et fusiformes et abondance de méla-
nose. Il n'existe peut-être pas un seul élément qui ne soit envahi
par des granulations pigmentaires. La mélanose est constituée soit
— 188 —
dans des conditions qui doivent fixer l'attention. 11 est peu orga-
nisé, ne contient pas de cellules muqueuses embryonnaires à pro-
longement, comme on en rencontre souvent dans ces circonstances,
mais aussi il ne renferme pas de cellules épithéliales noires qui sont
dans le fibro-sarcôme et paraissent avoir été absorbées par la tu-
meur. La rétine a subi la transformation fibreuse en totalité. La
névroglie seule est visible, elle constitue un réseau à larges mailles
et dans ces mailles existent des vésicules colloïdes. Nulle trace des
couches ganglionnaires ni des bâtonnets. Le nerf optique est dan&
un état de dégénérescence granulo-graisseuse complète. Les espaces
occupés par la substance nerveuse, réduite à de fines molécule^*
graisseuses, occupent à peine la cinquième partie de la surface d ~A
nerf. Le reste est occupé par le tissu connectif interstitiel. LeseiB — -
virons de la lame criblée présentent seuls une prolifération abooM^'
dante de petites cellules de la névroglie. Plus bas cette névri^^^
n'existait pas (voir Pl. IV, fig. 9).
Ce malade s'est bien porté pendant l'année qui a suivi Ténucléa — ^-
tion. Vers le milieu de 1872, il a commencé à s'affaiblir. 'Son mC
decin constata une affection hépatique qui fut bientôt reconnu^^ ©
pour un cancer. M. G.. . est mort peu de temps après, il a présenta — é
tous les symptômes de la cachexie cancéreuse. Pas de récidive duz— *
côté de l'orbite.
§ 3. — Symptômes et diagnostic du [sarcôme de la choroïde
à la troisième période.
La troisième période des tumeurs sarcomateuses de la cho^ — -
roïde est constituée par l'extension de la tumeur aux parties
avoisinantes du globe. Le status glaucomateux a pris fin aic-^
moment où les enveloppes de Tœil se sont perforées dans ua::^
point quelconque de la sclérotique ou delà cornée. Il s'est pro
doit un amendement considérable dans tous les symptômes >
mais l'observateur ne doit pas s'y laisser tromper. Ce mieuj^^
indique que la masse du néoplasme gagne Torbite et que le^^
moment d'une intervention chirurgicale réellement efficaces
est passé.
Les symptômes qui se présentent alors varient suivant lai.
— 187 -
1871 pour un trouble de la vue de l'œil gauche, qui était apparu pro<«
greafiivement et sans cause connue. Le résultat de cet examen fut
qu'il existait dans la partie inférieure de cet œil un décollement de
la rétine. Le traitement fut dirigé dans ce sens pendant quelque
temps. Mais, outre Tabsence de toutes les causes ordinaires du dé*
collement de la rétine, on remarqua que celui-ci augmentait légère-
ment et offrait pas la fluctuation ordinaire aux décollements sim-
ples de la rétine. U était impossible de constater derrière la mem^
brane décollée rien qui permît d'affirmer l'existence positive d'une
tumeur. Le malade fut suivi néanmoins avec beaucoup de soin.
Deux mois après les premiers examens, apparition de phénomènes
glaucomaieux des plus manifestes. Vu l'intensité de ces symptômes
apparus brusquement, vu les particularités offertes par le décolle-
ment rétinien, on diagnostiqua un sarcôme de la choroïde, et l'on
conseilla Ténucléation. Le malade, de plus en plus tourmenté par
des douleurs extrêmement vives, finit par l'accepter. Elle eut Ûeu
à son domicile le 20 juillet 1871 . Guérison huit jours après.
La tumeur est constituée par des éléments fusi formes mélangés de
cellules rondes. Les premières forment un tissu assez dense conte-
nant des vaisseaux nombreux, et au milieu de ces cellules incolores
abondent des cellules plgmentaires fusiformes à prolongements
anastomosés. Les corps noirs forment un réseau répandu dans le
fîbrôme. Celui-ci acquiert par places une densité telle, que la tu-
meur se présente alors sous l'aspect d'une plaque noire tout à fait
opaque. Outre les éléments plgmentaires à prolongements, cer-
taines cavités dans le tissu du flbrôme renferment des globes épi-
théliaux noirs qui paraissent provenir de l'épithélium choroïdien
détaché. Çà et là les granules de pigment, isolés, colorent aussi les
différentes cellules sarcomateuses.
En résumé ;
1" Éléments sphériques, incolores et à noyau du sarcôme ;
2° Éléments fusiformes incolores anastomosés formant tissu ;
3* Éléments fusiformes noirs pigmentés, mélangés au tissu du
flbrôme;
Épithélium polygonal migrateur noir, pigmenté.
La sclérotique est saine. La choroïde, dans les environs de la tu-
meur, a subi la transformation fibreuse, et d'elle naissent directe-
ment des travées de fibro-sarcôme qui plongent dans le liquide
nouveau sécrété et rejoignent la tumeur principale. Cet exsudât est
- 190 —
taquo le globe lui-même, elle apparaît presque toujours à un
moment oii Toeil lui-même et la vue sont encore intacts,
tandis qu'au contraire, si la tumeur est d'origine intra-ocu-
aire, celle-ci n apparaît qu'alors que le malade a perdu plus
ou moins complètement la vue de cet œil (1).
Avant Tophtalmoscope , les chirurgiens ne diagnosti-
quaient la plupart des affections malignes de Tœil que lo:
qu'elles étaient arrivées à la troisième période, et les déch-
vaiont sous les noms de fongus hématode, de mé
d'encôphaloîde de Toeil ; aussi quelques-unes des observatioi
que nous citerons maintenant se rapportent à des &its
mélanoso.
Nous savons que la plupart des cas de mélanose oculaL^i^
sont des mélano-sarcômes de la choroïde. Ces observatio^xxs
seront donc la place qu'elles doivent occuper. Âuraient-dX^^
rapport à des carcinomes mélanéspurs (variété de cancer
rare dans Tœil), elles montreraient néanmoins les
manières dont la rupture du globe oculaire se produit dans
les cas de [sarcomes^ car celles-ci ne différent pas dans Time
ou l'autre de ces affèctions.
Observation XUX. — Tumeur mélanotîqae de la cornée;
extirpation.
Un homme de 30 ans entre le 20 septembre 1^ dans le sern^ff
de M. Pétrequin, à Lyon, pour se faire opérer d'une tumeur ûixB^
entre les lames do la cornée. U y a trois ans il s'aperçât, pour b
premit^re fois, d*un changement survenu dans Toeil droit. Aa mo-
ment de son entrée à TtiOpital une tumeur noire occupe Ih* k
surface de la coméey formant un relief d'un centimètre et demi; Is
kétmrrkagies y sont fréquentes. Absence de dauleiers. Le mabjdedfr
tingue le jour de la nuit. Pétrequin fait Vamputatiam du ie^memi 1
iérieur de ToeiL Cette masse noire ofErait à peu prés le ra^Barcft ii
/*rr#i<? d^u/ie mà/v. Ses élevures étaient d'une couleur noîre et tfiinit V \ji
(l) Kaapp, Die iatraocularen GesciiwQl*te. Garlsnihe, 186^ t35 I "pr
ikvie
— 191 —
mollesse extrême; au contraire, les dépressions-blanchâtres étaient
formées par un tissu compacte, à travers lequel une bouillie noire
semblait faire hernie. Le tissu blanc était constitué par des débris
de la cortiée perforée, tiraillée, distendue, et considérablement mo-
difiée dans sa couleur et èa consistance. Quant à la substance qui
faisait hernie, elle ressemblait parfaitement à la mélanose. Fendait-
on la tumeur, on la trouvait dure, résistante, infiltrée de matière
mélanique et ofirant une masse fibreuse qui s'étendait, d'une part,
entre les lames antérieures de la cornée, éraillées, comme nous
l'avons dit plus hdut, et reposait, de l'autre, sur les lames posté-
rieures.
Ces dernières lames étaient épaissies, blanchâtres, et s'éteur
daient en arrière jusqu'à l'iris. D'après cet examen, on pouvait penser
que la tumeur, s^ étant développée de dedans en dehors, avait la choroïde
pour point de départ.
Dans ce cas, ce n'était pas le segment antérieur, mais Tor-
gane entier qu'il fallait enlever. L'observation ne donne, du
reste, p^s d'autres renseignements sur le malade que sa gué-
rison quelques jours après Topération, ce qui n'empêche pas
de supposer que les suites ont dû être mauvaises.
2* Au lieu de se perforer à son centre, là cornée peut céder
à sa périphérie en plusieurs endroits à la fois, d'où résulte la
formation de tumeurs multiples péri-cornéennes. Le cas suivant
en est un exemple :
Observation L.
Un malade, âgé de Ai ans, entre le 9 mars 1852 à la Charité pour
une tumeur de l'œil qui lui cause des douleurs atroces. Début en
janvier 1831. Larmoiement, photophobie. La vision diminue de plus
en plus et s'éteint tout à fait. Six mois avant son entrée, de petites
tumeurs noirâtres ont apparu autour de la cornée, formant comme un
chapelet de grains noirs avec un reflet bleuâtre. Extirpation 15 mars
1852. Le malade sort guéri quelque temps après*
Les petites tumeurs péricoméennes font saillie dans tinténeur du
globe oculaire, en arrière de l'iris ; elles renferment une matière demi-
molle noire. La choroïde est épaissie. Lebert y trouve des noyaux can-
— 492 -
céreux mêlés à de nombreux grains mélanotiques. Velpeau pense que
la mélanose est cancéreuse (1).
3** Il est plus fréquent d'observer une rupture unique au
niveau du canal de Schlemm. Alors la masse extra*>oculaire
forme une tumeur plus ou moins volumineuse, située en un
point quelconque de la périphérie de la cornée, le plus sou-
vent en haut ou en bas. Gomme exemple de rupture à la joac-
tion de la sclérotique et de la cornée, on peut voir la Pl. 111,
fig. 3, représentant la coupe d'une semblable tumeur, prove-
nant de la collection de M. le D"" Sichel.
Observation U.
Une femme de 48 ans (2) avait eu des douleurs névralgiques tr^^'
fortes pendant sa jeunesse. Perte graduelle de la vue depuis 40 a
Douleurs lancinantes dans r orbite et le globe ; puis une petite tvm^^
noire, du volume d'un grain de millet, se forma en dedans de la e^^'
née. Les douleurs augmentèrent, et à 47 ans, la tumeur, devem.
volumineuse, s'était ouverte et avait donné issue à une gran^
quantité de sang.
Il s'élevait entre les paupières une tumeur du volume d'un '^^
de poule au moment où elle vint à Prague. Cette tumeur, peu sc^ ^
Bible au toucher, d'un aspect bleu rougeâtre, offrait à son mili^^^
une cicatrice, et sur ses côtés deux petites ouvertures par ou s'écha^^t'
pait de temps à autre du sang; sa surface était lisse, humide, ®^
recouverte par la conjonctive. La partie inférieure offrait beaucoi^-^P
de vaisseaux variqueux, était bridée par la paupière inférieure ®^
laissait suinter un liquide jaunâtre, âcre et sans odeur. Mouvemen^—
du globe libres, comee transparente et ovale regardant vers la glancr^e
lacrymale, cristallin tombé au devant de l'iris devenu brun fonc-^ — ^'
On diagnostiqua une tumeur mélanotique et Ton pratiqua rextij^**'
pation. Guérison rapide. La dissection de l'œil extirpé donna 1^^^
(1) Velpeau et Bauchet (Soct. anat,, Revue médico-chir. cdte
Malgaigne, t. XIIÏ, p. 306, i853; Schmidt JahrbOcher, B. LXXXItT,
p. 344, 1854.
(2) Lawrence, Annales d'oculis, t. I, p. 33, 1838; extrait des Teai.
anat. pathol. de Melanosi, Aug. Reuss, Pragœ, 4833.
— 193 —
résultats suivants : la membrane extérieure, rouge et tissée de vais-
seaux, était mince et transparente vers le haut, épaisse de
3 lignes à sa partie inférieure. Lorsqu'elle eut été enlevée, on vit la
mélanose renfermée dans un sac mince et divisée en plusieurs cellu-
les; la masse que celles-ci renfermaient ressemblait à de la bouillie,
et offrait des fibres très-déliées, entre lesquelles se trouvait une
matière d'un noir brun. La tumeur traversait la sclérotique. Le vo-
lume du globe n'était pas augmenté ; il contenait à sa partie anté-
rieure et interne une masse mélanotique qui paraissait provenir de la
choroïde, La sclérotique épaissie semblait, en divers endroits, divi-
sée en deux feuillets entre lesquels se trouvait une masse mélanotique.
4'' Les vaisseaux ciliaires antérieurs qui traversent le
globe au niveau des insertions des nauscles droits sont
également une des voies par lesquelles les néoplasmes intra-
oculaires ont de la tendance à gagner Textérieur du globe.
Parfois, en effet on a observé que Tune de ces inser-
tions musculaires était rompue ou très-distendue par le déve-
loppement d'une tumeur sous-jacente. Néanmoins, cette voie
de. progression des sarcômes n'est pas la plus ordinaire.
Dans les différents modes de rupture que nous venons d'ob-
server, Yexophthalmie n'est considérable que lorsque la tu-
meur a déjà pris un grand volume et dilaté le globe oculaire.
Nous la verrons être beaucoup plus prononcée chez les ma-
lades dont la tumeur choroïdienne s'est dirigée vers les par-
ties molles de l'orbite, au lieu de faire saillie entre les
paupières.
Lorsque les fibres de la sclérotique ont été résorbées ou
dissociées par suite do la pression, et que la substance méla-
nique est venue se loger sous la conjonctive en un point quel-
conque de l'hémisphère antérieur du globe, on pourrait par-
fois confondre la tumeur ainsi formée avec un staphylôme de
la choroïde, car elle s'en distingue à peine par une consis-
tance plus dure et une couleur plus foncée. Lorsque la tumeur
apparaît à l'extérieur, elle est encore recouverte, rà et là, de
Brière. 13
- 194 -
certaines parties des membranes externes de l'œil, surtout de
la conjonctive, qui s'enflamme, s'ulcère et pousse des bour-
geons charnus. On sait que la conjonctive ulcérée, lorsque
Fœil est désorganisé, produit rapidement des bourgeons qui
dégénèrent. Bientôt tous les tissus se confondent. Le contact
de Fair accélère la marche de l'ulcération et de la dégénères —
cence. C'est dans cette période que la matière mélanique, lorgs»r
qu'elle n'a pu se développer rapidement au dehors en trave^HK-
sant la cornée ou la sclérotique, remplit peu à peu tout Tespac^ie
entre la choroïde et la rétine, en refoulant cette dernière (
avant, et en finissant même par Tarracher de la papille o^HIP*
tique, comme dans les épanchements sous-choroïdiens, n»- -O-
larament dans ceux de consistance ferme (i).
B. — La rupture se produit au niveau de Véquateur (Voi^CDir
Qg. 6, pl. IV). Dans la description de la choroïde, il a é- té
question du l'ôle que jouent souvent les veines émissairu»
dans la propagation des tumeurs intra-oculaires aux partifc=-*îs
molles de Torbite. Elles sont effectivement, dans un gran^^^
nombre de cas, le trait d'union entre les tumeurs internes
externes. Les pièces anatomiques de la collection de M. ^®
D"' Siebel, se rapportant aux observations 73 et 74 de la Stati^^^'
tique, sont très-démonstratives sur ce point (voir fig. IS^^»
pl. IV). On y voit au niveau de Tun des vasa vorticosa uru^^
traînée noire manifeste^ et le microscope montre dans
lumière du vaisseau de nombreux granules de pigment. A uc
degré plus avancé de Taffection, celui-ci est dilaté de plus eM^
plus par les produits sarcomateux, s'insinuant dans ces pointSK^»
où ils trouvent moins de résistance, et, à un moment donné^==V
les fibres de la sclérotique se dissocient, et la perforation d ^
l'enveloppe oculaire est désormais achevée. La fig. 12, plC •
{\) J. Siebel) 1. c, Iconogr. Ophthal.^ et Gazette bebd. de aéd. etiftf
chir., 22 mai 1857.
— 195 —
IV (1) montre Tétat d'une des veines émissaires quelque
temps après la rupture. On y retrouve le tissu scléral très-
bien conservé, bien qu'il ait été en contact depuis longtemps
avec les deux tumeurs.
L'observation suivante, que nous prenons dans notre Sta-
tistique sur les mélanoses, montre une de ces perforations de
la sclérotique bien limitée et située au niveau de sa partie
équatoriale.
Obsbeyation lu (8e de la statistique de la Môlanose).
Un homme de 57 ans éprouva, à l'âge de 55 ans, un larmoiement
et des douleurs de tête du côté gauche. On crut à une ophthalmie.
Dix-huit mois après (janvier 184^1) le malade présentait, entre les
paupières, une tumeur saillante de 2 centimètres, dont la surface
noirâtre et fongueuse laissait suinter du sang. Elle avait apparu
après des douleurs vives et plus intenses la nuit. Diagnostic :
tumeur mélanique de l'œil. Énucléation et extirpation de toutes
les parties molles de Torbite, qui contenaient plusieurs petites tu-
meurs noires (2).
La tumeur s'était fait jour au dehors par la sclérotique, dont le
tiers supérieur avait disparu comme coupé par un emporte-pièce. Il
ne restait point de trace des membranes internes de rϔl. Le foyer
mélanique adhérait si fortement à la sclérotique, qu'il fallait grat
ter fortement pour l'en détacher. Le cristallin accolé à la cornée et
transparent est rapetissé. A la place du nerf optique on trouve une
masse mélanique.
Huit jours après le malade va très-bien, et rien ne peut encore
faire présager de récidive.
En 1843 (3) rentre à l'hôpital et meurt après avoir présenté pen-
dant les derniers jours de sa vie les symptômes de la généralisation
de la mélanose. On trouva des mélanômes dans le foie, le mésen-
tère, etc.
(1) Cette figure est empruntée à l'ouvrage de Stellwag de Garion,
Traité des maladies des yeux, p. 626. Vienne, 1870.
[î) Malgaigne et Roussel, Gazette des hôpitaux, 1841, t. III, no 5o,
p. «19.
(3) Ruvue môdicoochîrurgicale deMalgaigne, t. XII, p. 37i, 185!2.
— 11)6 —
G. La rupture se fait au niveau du pôle postérieur. — Il n'est
pas rare d'observer, vers les parties postérieures du globe
oculaire, des néoplasmes orbitaires communiquant directe-
tement avec une tumeur choroïdienne. Différentes observa-
tions, citées dans le chapitre de TAnatomie pathologique, of-
fraient cette particularité, laquelle s'explique : i'^par la richesse
en vaisseaux de cette région, les ciliaires postérieures perfo-
rant la sclérotique auprès du nerf optique et formant une
vingtaine de petits pertuis qui diminuent évidemment la ré-
sistance de la membrane qu'elles traversent; 2^renveloppe
de Toeil est, en outre, moins solide au niveau de la papille,
puisque les fibres de la sclérotique s'y divisent pour former,
les plus externes, une gaine au nerf optique, et les faisceaux
internes une lame criblée et un tissu de soutien pour les tubes
nerveux. Aussi, dans les cas où des tumeurs ont été vues en
voie de formation en cet endroit, elles siégeaient dans la gaine
même du nerf optique, où elles s'étendaient parfois assez loin.
Un assez grand nombre d'opérateurs ont noté des îlôts noi^
râtres dans la section du nerf optique, et ont été contraints,
dans ces cas, d'enlever une nouvelle partie du nerf, afin de
rencontrer un tissu paraissant dans les conditions normales.
En augmentant davantage de volume, la tumeur finit par
perforer la gaine du nerf optique, et il devient difficile, à un
degré plus avancé de la maladie, de reconnaître l'endroit pré-
cis qui lui a donné issue.
Observation LUI (78« de la statistique).
M. S..., âgé de 49 ans, demeurant au Palgaux (Cantal), se pré-
sente à la clinique de M. le Siebel, le 16 janvier 1869, offrant à
première vue tous les symptômes d'une attaque de glaucôme aigu
à l'œil droit; mais en examinant à l'éclairage latéral, on reconnaît
derrière la pupille la présence d'une tumeur jaunâtre, bien mani-
feste. Diagnostic: Sarcôme de la choroïde. Énucléation le 19 janvier
1869. Examen histologique par M. le Poucet: « L'œil entier est
envahi par la dégénérescence. La choroïck, décuplée d'épaisseur, a
perdu toute structure normale pour devenir tissu de fibro-sarcùme
mélanique^ à éléments fusiformes, denses, constituant un tissu serré,
peu vaâculaire, chargé de pigment (Voir l'aspect à l'œil nu, pl. IV,
fig. 10). Le liquide placé entre la membrane nerveuse séparée et la
choroïde devenue sarcomateuse est organisé^ fibreux, rempli de cel-
lules mélaniques ou de grains pigmentaires. Il a aussi subi la dé-
générescence sarcomateuse et fibreuse, comme la choroïde. La
rétine décollée, suivant les règles habituelles, est seulement privée
des-éléments nerveux dans la majorité des points examinés, mais
elle n'est pas sarcomateuse. Au niveau de la papille, au-dessus de
la lame criblée, la transformation du nerf optique en tissu fibreux
est complète. Au-dessus de la lame criblée, on constate une dégé-
nérescence graisseuse du nerf dans de nombreuses loges et une pro-
lifération active de la névroglie, d'où une atrophie par compression
des tubes nerveux. En dehors de la sclérotique et du globe oculaire
par conséquent, nous trouvons trois ou quatre petites tumeurs de 2 à
3 millimètres d'épaisseur; elles sont formées par du tissu sarcoma-
teux et non fibreux, n'offrant pas néanmoins la structure alvéolaire
du carcinôme. Deux de ces petites formations sarcomateuses existent
encore dans la gaîne du nerf optique, entre la gaine vaginale et la
tunique propre du nerf. Il y a donc généralisation extra-oculaire de
Ce sarcôme. Il est à noter que les productions en dehors du globe
n'étaient pas mélaniques, comme le tissu morbide de l'œil lui-
môme.
Tous les éléments des parties internes sont en voie de dégénéres-
oence granulo-graisseuse, ce qui rend leur isolement difficile et
leurs contours moins nets.
Diagnostic : Fibro-sarcùme mélanique de la choroïde en voie de ré-
^^ession graisseuse. Généralisation sarcomateuse en dehors de la sclc-
x^otique. » Quatre ans après, santé bonne.
Observation LIV (10*^ de la statistique des Sarcomes).
Un homme de 50 ans, admis dans le King's Collège Hospital,
s^^rvice de Bowmann, dit qu'il y a vingt ans l'œil droit a été atteint
^^'une inflammation aiguë, à la suite de laquelle la vue fut perdue.
(4) Hulke, Ophthalmic hosp. reports, 1861, p. 279.
Depuis ce t"mps, plusieurs poussées inflammatoires. Récemment, ce
moignon a augmenté, et on a vu paraître comme deux grains de
cassis au niveau de la cornée. Mouvements du globe limités. Pas de
cachexie apparente. Extirpation. La tumeur avait envahi dahord
rceily puis Torbite si loin en arrière qu'on ne put tout enlever.
Guérison rapide. Six mois après^ mort. Tumeurs mélanotiques et en-
céphaloïdes du foie très-hypertrophié.
L'intérieur de l'œil était rempli par une masse cancéreuse. Noyaux
libres et grandes cellules fusi formes et sphétnqves, cellules multipo-
laires. Dans les portions noires seulement, ces éléments étaient
chargés de pigment. La sclérotique est presque intacte^ mais auprès
du nerf optique elle était détruite. Au niveau de Vinsertion du muscle
droit interne^ couches mélanotiquos dans la sclérotique. On pourrait
reconnaître une mince couche de choroïde. Pas de trace de la ré-
tine. Le nerf optique était infiltré de cellules du néoplasme.
La sclérotique peut encore se dissocier dans d'autres en-
droits intermédiaires à ceux dont il vient d'être question. Ces
perforations de la membrane fibreuse n'ont donc rien d'abso-
lument fixe. Mais, en résumé, il est plus fréquent de les ren-
contrer au niveau : 1® du canal de Schlemm; 2" des sinus
équatoriaux ; 3® du nerf optique. Le point où elles se produi-
sent dépend : 1** du siège du sarcome ;2' de sa croissance plus
ou moins rapide ; 3" de la position des vaisseaux émissaires
par rapport à la tumeur.
Nous avons déjà dit quelques mots dos symptômes offerts
par les sarcomes de la choroïde arrivés à la troisième période,
et qui se sont fait jour au dehors dans un point quelconque
de l'hémisphère antérieur. Dans ces cas, les parties contenues
dans le globe s'échappent au dehors en soulevant la conjonc-
tive. Les parois fibreuses se ratatinent, et la tumeur s'étend
vers l'orbite en repoussant le globe en avant, et généralement
de côté ; de sorte qu'il faut souvent le chercher sous les pau-
pières. Ces dernières finissent par être fortement tendnes^
rouges et gonflées, et la tumeur qui fait saillie parleur ouver-
— 199 —
ture présente une surface bosselée , rugueuse , rougeâtro et
bleuâtre, tachetée de noir, et dont l'aspect varie avec la pro-
portion des éléments incolores ou pigmentés que renferme la
tumeur (1). Bientôt le néoplasme envahit Torbite et les parties
voisines, et il en résulte les désordres les plus variés et les
plus épouvantables des organes environnants.
Voici quelques observations qui montrent l'affection sarco-
mateuse arrivée à un pareil degré.
Obsbrvatcon LV (69® do la statistique du Sarcômej.
Une femme de 51 ans avait perdu la vue de l'œil droit. Elle
prétendait avoir éprouvé au début des sensations lumineuses jaunes.
Depuis six mois la tumeur était sortie de l'œil. La malade avait
perdu toutes ses forces à la suite des douleurs. Émaciation, pouls
rapide, vomissements continuels. La tumeur extra-oculaire a le volume
d'une pomme. Elle offre des points mous, d'autres fermes; elle
est mobile, saigne facilement et est lisse à sa surface. Pendant
quinze jours, régime tonique. Extirpation. Le périoste était sain.
Au microscope la tumeur offrait un tissu fibreux pigmenté çà et /«,
contenant un suc cancéreux. Le nerf optique était sain ; la scléro-
tique seule était reconnaissable. Après l'opération, les vomissements
cessèrent, Pappétit revint et la fièvre disparut après dix jours.
Quérison en trois semaines. Un ganglion se trouvant à l'angle de
la màiîhoire disparut, et Torbite se remplit de bourgeons de bonne
nature. (2)
Obskryation LVI (60® de la statistique du Sarcôme).
Une femme, âgée de 60 ans (3) entre à l'hôpital des Cliniques, le
28 août 1862, avec une énorme tumeur faisant issue entre les pau-
pières écartées de rO.G. Aucun antécédent diathésique.Z>^6w^,17 ans,
(1) Knapp, L. c. Die intraocularen Ge9ch^vûlste. Carlaruhe, 1868,
p. 483.
(2) Sitz. Ber. d. Ver. d. Acrzte in Steiermack, VII. p. 37, 1869-1870.
Analyse dans Schmidt Jahrbûcher, B. CL, p. 77, 4871.
(3) Gillette. Tumeurs fibro-plastiques de l'œil et de l'orbite. Gaz. des
hôp., 14, 17 et 19 sept. 187Î,
— 200 —
signalé par des papillons lumineux et par une abolition complète (L«
la vue; douleurs vives peu après, Exoplithalmie» Il y a quinze moi^^^
formation d'une tumeur ext7'a-oculaire et diminution des douleurs,
Hémorrhagies assez abondantes. Large tumeur en forme de croL s-
sant, formées de bosselures nombreuses séparées par des silloi j^s
Plaques d'un noir foncé.
Diagnostic : tumeur sarcomateuse de l'œil et de l'orbite. Extirpa na-
tion de toute la masse. Un mois après, exeat ; guérison. La tumei-^^ ur
est formée par une multitude de noyaux embryo-plastiques rempl-KT lis
de granulations très-serrées. Grand nombre de petits corps fibr^^-^^o-
plastiques. Le segment de la tumeur représente les divers élémen -^nts
de Vceil considérablement atrophié. Beaucoup de corps flbro-plas — ms-
tiques, quelques noyaux embryo-plastiques et un peii de tis^^ssu
fibreux. On ne trouve plus les belles cellules polygonales régulière — es
et pigmentaireis de la lame interne de la choroïde; on n'y voit qi »e
les éléments de la lame interne ou lamina fusca^ et quelques ce
Iules arrondies.
Observation LYII (67<' de la statistique du Sarcôme) (1).
S..., âgé de 32 ans. Début dix-huit mois après un traumatisme.
Douleurs puis exophthalmie. Au moment où le malade se présente,
les membranes de l'œil sont rompues. Tumeur extra-oculaire fo^
mée de bosselures de couleur violacée. Extirpation. ^Guérison un mois
après. La tumeur est formée par une matière pulpeuse d'tin brun
violet ou rougeâtre, renfermant des noyaux embryo-plastiques et des
granulations hématiques. L'une des bosselures, d'aspect mélanique^
ne contient que du sang, des noyaux embryo-plastiques et quelques
corps fusiformes, La choroïde est détachée, on ne retrouve que la la-
mina fusca.
Nous avons cherché, mais sans résultat, à savoir ce qu'é-
taient devenus ces deux malades opérés, Tun en i862, l'autre
en 1863. Tout porte à croire que leur guérison immédiate n'a
pas été de longue durée; car, dans ces cas, la généralisation
rapide du sarcôme est la règle.
i l) Gillette, Gaz. des bôp., 1-4, 17, 19 sept. 1872.
— m -
§4. Symptômes et diagnostic du sarcôme de la choroïde
à la quatrième période.
La quatrième période du sarcôme de la choroïde, c'est-à-
dire celle de la généralisation et des métastases, peut empiéter
sur la troisième période et se produire même au moment du
status glaucomateux. Elle se manifeste presque toujours sur
le foie (1); il n'est pas difficile alors de reconnaître sous la
paroi abdominale les nodosités plus ou moins volumineuses
dont cet organe est le siège. Bientôt ces métastases se généra-
lisent, et le malade ne tarde pas à succomber, après avoir pré-
senté les symptômes de la cachexie cancéreuse.
Si, comme il vient d'être dit, cette terminaison du sarcôme,
dont rien n*a pu entraver révolution complète , est la règle
générale, il paraîtrait démontré néanmoins par plusieurs ob-
servations que la troisième période , c'est-à-dire celle de rup-
ture du globe, peut se terminer par Tatrophie de l'organe et
l'arrêt momentané ou définitif de la maladie. Ce mode de ter-
minaison est des plus intéressants, car, s'il venait à être con-
firmé par de nouvelles observations, il établirait une différence
bien faible, il est vrai, mais réelle, entre la malignité du sar-
côme et celle du véritable carcinôme. Malheureusement les
faits de sarcôme déterminant l'atrophie du globe sont aujour-
d'hui extrêmement rares, en comparaison de ceux que l'on
voit se terminer par la mort du malade. Dans tous les ouvrages
que nous avons consultés , il n'en est fait mention que dans
les termes suivants :
Œil phthisique avec sarcôme de la choroïde, en partie mou, en
(1) De toutes les métastases qui surviennent après des extirpations
môme prématurées de sarcôme de la choroïde, les métastases du foie
sont relativement les plus fréquentes. Graefe, Archiv fur ophth. B. XII,
Abth. 2, p. 287.
- 20â —
partie ossifié (1). — L'observation clinique que le sarcôme de
choroïde conduit à la phthisie du globe n*a été établie d'une façon po-
sitive que par un petit nombre d'examens anatomiques; aussi,
description d'un œil atteint de cette affection présente pour moi
plus vif intérêt, d'autant plus qu'il s'agit en outre de l'ossiflcaticnD^
d'un sarcôme.
Tandis que l'évolution générale ordinaire du sarcôme de la oh
roïde est le suivant, c'est-à-dire que la tension du globe augmen^K=ite
avec la croissance de la tumeur, et qu'il survient un état glauc=30-
mateux, il arrive exceptionnellement que la tumeur, encore d'i—
volume très-restreint, occasionne des inflammations plastiques h Vimr -in-
térieur, lesquelles ont pour résultat une phthisie temporaire du glohrzi:i>e*
Ces phénomènes peuvent conduire à des erreurs de diagnostic. P ^^a-
reille méprise eut lieu dans le cas d'un homme qui vint me demar -*n-
der des soulagements pour une douleur insupportable, siégea -^^nt
4ans l'œil gauche, diminué de volume (2).
tes antécédents no fournirent d'autre renseignement que ceLKI lui
d'une inflammation, survenue après un trouble de la vue datant p de
plusieurs mois. L'état inflammatoire durait depuis six mois. — ^
L'œil était aplati, douloureux à la pression. Cataracte aride siEI — J^-
queuse. Je ne pouvais diagnostiquer qu'une choroïdite consécuti
à un décollement de la rétine ou à un cysticerque. Pendant réni*:-^*
cléation, je fus surpris de voir une tumeur longue de plusieurs lign^^,
qui était accolée aunèrf optique. En ouvrant l'œil, on trouva un
câme mélanotiqué delà choroïde, qui remplissait à peu près la moitié j
du globe, et des produits régressifs, restes d'une ancienne choroïdite. 1
Pans l'Iconographie ûphthalmo]ogique(3) oji Ut également
Tobservation d'une molanose commençante de Tintérieur de
Vœil qui s'est terminée par Tatrophie de l'organe, après
un traitement dérivatif et antiphlogistique énergique?? Il
(1) Extrait de Tobs. XXIII (45« de la statistique). H. Bertbold, KUniache
Monatsblâtter fûr Augenheilkunde, B. VIII, p. 49, 1S70 (Voir cette obser-
vation au chap, IV).
(2) Graefe, Archiv fur Opbth., B, XII, abth. 2, Analyi© par BiervUet
dans les Annales d'oculis. de 1868.
^3) J. Sichcl, Iconographie ophthalmologique.
— ^03 —
faut, selon nous, accepter cetle observation avec d'autant
plus de réserve que le diagnostic fait en 1835, àTosil nu,
manquait des données précises qui permettent de diagnos-
tiquer une mélaaose intra-oculaire. Nous examinerons, au
chapitre Traitement ce qu'il faut penser de ces atrophies pro-
voquées dan3 la mélanose au début.
En résumé^ on voit que la terminaison du sarcome par
l'atrophie de l'œil ast un fait très-rare. Il peut se produire évi-
demment une atrophie momentanée, lorsque le globe s'ouvre
en arrière, mais celle-ci est de courte durée. Si le segment pos-
térieur est déjà rempli par la tumeur, alors l'œil s'aplatit seu-
lement, sans diminuer dans les mêmes proportions dans ses
dianaètres Iransverses : l'impression des muscles droits est
plus visible; plus tard Tœil est quelquefois porté en avant par
des tumeurs rétro-bulbaires (1). La propulsion est peu mar-
quée; mais, en tenant bien compte de l'aplatissement^de l'œil,
du changement du point de rotation, on peut la reconnaître
et par suite prévoir l'existence d'une tumeur dans un œil
phthisique. 11 est beaucoup plus fréquent, en un mot, d'obser-
ver des tumeurs sarcomateuses développées dans des yeux
atrophi^ que de voir des tumeurs sarcomateuses déterminer
Vatrophie de Vœil. Dans les choroïdites suppurées de nature
purement inflammatoire, celle-ci se produit, mais dans ces cas
il ne s'agit plus de sarcôme,
§ 5. Marche y durée et terminaisons du sarçôme de la choroïde.
Les sarcômes de la choroïde se développent plus ou moins
rapidement, suivant que leur tissu est plus ou moins riche en
cellules rondes et en vaisseaux , ou en cellules fusiformes et
en substance intercellulaire. Il existe une règle générale dans
(1) Graefe, 1. c, Archiv. fûr Ophth., B. XIV, Abth. 2, p. 403, Ana-
lyse par gcbobbens, Annales d'oculietique, 1869.
— 204 —
la pathologie des tumeurs, c'est que celles à structure molle,
contenant beaucoup de sucs, ont une croissance plus prompte
que les néoplasmes à tissu dense et serré , sans liquide inler-
cellulaire. Gomme les sarcômes les plus mous sont précisé-
ment les sarcômes presque uniquement constitués par des
cellules rondes et petites et par des vaisseaux, leuco-sarcômes,
sarcômes-caverneux, glio-sarcômes et myxo-sarcômes, nous
devrons nous attendre à voir ces variétés offrir une évolution
plus rapide que les fibro- sarcômes , dont la trame est très-
ferme. L'observation clinique confirme-t-elle ces données
générales ?
Si nous consultons notre statistique à ce point de vue et à
celui de la durée relative de chaque période de la maladie,
nous voyons d'abord que la marche des sarcômes de la cho-
roïde, pris en général, sans distinction de variété, est très-
variable. C'est surtout sur la première et sur la quatrième
période que portent les différences. La deuxième et la troi-
sième période sont, en effet, de courte durée dans la plupart
des cas, et l'attention des observateurs se porte surtout sur le
temps qui s'est écoulé depuis le début jusqu'au moment oii
l'intervention chirurgicale a été jugée nécessaire, el sur celui
qui sépare l'opération de la récidive. Dans un grand nombre
de cas les observations ont été publiées peu de temps après
l'opération; par conséquent, le dernier renseignement nous
fait souvent défaut, lacune que nous avons déjà eu l'occasion
de regretter, et qui sera encore plus préjudiciable quand nous
traiterons du pronostic. Cette manière d'apprécier la durée
des sarcômes en deux périodes séparées par la date de Tinter-
vention chirurgicale a pour résultat que, dans une série de
faits, le temps marqué s'applique à la première période seule,
et que, dans les autres, il correspond à la première et à la
seconde période, parfois même à la troisième, suivant que
l'opération a été faite dès le début du status glaucomateux
(2® période), ou après la production de tumeurs extra-ocu-
laires (3« période). Gomme ces deux étapes des sarcomes sont
généralement courtes, et que l'opération a lieu presque tou-
jours, soit au début, soit à la fin de la période glaucomateuse,
on peut néanmoins obtenir de la sorte un renseignement suf-
fisant sur le temps nécessaire au développement de la tumeur.
Résumé des observations de saroôme de la choroïde envisagées
au point de vue de leur durée.
1® Durée depuis le début jusqu'au ropération (1).
A. — Le sarcôme a débuté six semaines avant ropération. Trois
cas. Ubs. 41. — H., 30 ans. Sarcome blanc et téléangiectasique.
Sept mois après Topéralion, cachexie, mort. — Obs. 46. — F.,
73 ans. Mélano-sarcôme. Rien sur les suites de l'opération. —
— Obs. 51. — P., âge mûr. Sarcôme. Rien sur les suites de
l'opération.
B. — Début deux mois avant l'opération. De?ix cas. — Obs. 1.
H., 48 ans. Rien sur les suites de l'opération. — Obs. 10. — H.,
50 ans. Mélano-sarcôme oculaire et orbitaire; six mois après, géné-
ralisation, mort. — Obs. 3i. — F., 62 ans. Mélano-sarcôme. Trois
ans après, pas de récidive.
C. — Début qmtre mois avant l'opération. Deux cas. — Obs. 7.
— H., 58 ans. Mélano-sarcôme. Rien sur les suites de Topération.
— Obs. 36, — H., 15 ans. Mélano-sarcôme. Un mois après, santé
très-mauvaise.
D. — Début cinq mois avant l'opération. Deux cas, Obs. 32. —
H., 73 ans. Mélano-sarcôme. Mort six mois après. — Obs. 69. —
H., 35 ans. Mélano-sarcôme. Rien sur les suites de l'opération.
E. — Début six mois avant l'opération. Deux cas. Obs. 28. —
H., 41 ans. Myo- sarcôme. Deux ans après, santé bonne, —
Obs. 73. — H., 40 ans. Mélano-sarcôme. Trois mois après, santé
bonne.
F. — Début neuf mois avant l'opération. Deux cas. Obs. 43. —
H., 49 ans. Mélano-sarcôme parvi-cellulaire. Cinq ans après, pas
de récidive. — Obs. 70. — H., 57 ans. Vingt et un mois après, santé
bonne.
(I) Les lettres II et F indiquent le sexe, H : homme, F : femme.
G. — - Début un an avant Topération. Six cas. Obs. 13. — H., |
50 ans. Mélano-sarcôme. Rien sur les suites. — Obs. 22. — H., 1
ans. Sarcôme. Généralisation. — Obs. 35. — H., 35 ans* Ssr- I
côme. Rien sur les suites. — Obs. 58. — F., 12 ans. Sarcôme blanc.
Quatre mois après, pas de récidive. — Obs. 61. — H., 46 ans.
Mélano-sarcôme. Rien sur les suites de l'opération. — Obs. 1^*
— P., 56 ans. Mélano-sarcôme. Un an après, santé bonne.
H. — Début. Un an et demi avant Topération. Quatre cas. —
Obs. 30. — H., 65 ans. Mélano-sarcôme. Mort neuf mois apr^^s.
Généralisation. — Obs. 63. — 48 ans. Mélano-sarcôme-carcinorrma-
teux. Mort dix-huit mois après, récidive. — Obs. 67. — 31.,
32 ans. Fibro-sarcôme. Rien sur les suites de l'opération. —
Obs. 76. — H., 45 ans. Mélano-sarcôme. Rien sur les suites de
l'opération.
I. Début. Deux ans avant l'opération. Six cas. Obs. 6. — J-»
28 ans. Sarcôme. Rien sur les suites de l'opération. — Obs. 17—
H., 59 ans. Mélano-sarcôme parvi cellulaire. Neuf mois apr^ès,
mort. — Obs. 23. — P., 56 ans. Sarcôme. Rien sur les Buitei^ de
l'opération. — Obs. 49. P., 40 ans. Mélano-sarcôme. Mort peu de
temps après l'opération. Métastases. — Obs. 57. — F.,
moyen. Mélano-sarcôme-carcinomateux. Rien sur les suites de l'o-
pération. — Obs. 65. — P., 20 ans. Mélano-sarcôme. Rien sur les
suites.
J. — Début t7*ois ans avant l'opération. Six cas, — Obs. 2. —
F., 50 ans. Mélano-sarcôme. Rien sur les suites de l'opération. —
Obs. 19. — H., 46 ans. Mélano-sarcôme et carcinôme. Cinq mois
après, récidive. — Obs. 33. — H., 63 ans. Glio-sarcôme. Guérison
immédiate, rapide. Récidive locale et abdominale peu après.
Obs. 40» — H., 52 ans. Sarcôme blanc. Deux ans et demi après,
santé bonne. — • Obs. 52 — H., âge moyen* Sarcôme peu pigmenté
à grandes cellules. Récidives trois mois après. — • Obs» 54. — H.,
28 ans. Sarcôme. Rien sur les suites.
K. — Début qmtre ans avant l'opération. Deux cas. ^ Obs. M»
— Malade d'un âge mûr. Sarcôme caverneux. Rien sur les suites.
— Obs. 43. — P., 39 ans. Mélano-sarcôme. Neuf mois après, santé
bonne.
L. — Début cinq ans avant l'opération. Quati^ cas. — * Obs. 4.
H., 40 ans. Mélano-sarcôme. Rien sur les suites. — Obs. 6. — F.^
40 ans. Mélano-sarcôme. Six mois après ^ généralisation»
Obs. 38. — H., 61 ans. Fibro-sarcôme. Rien sur les suites de To-
pération. — Obs. 59. — P., 33 ans. Mélano-sarcôme. Rien sur les
suites de l'opération.
M. — Début sêpt ans avant l'opération. Deux cas. — Obs. il.
— P., 44 ans. Sarcôme fasciculé. Rien sur les suites. —Obs. 29. —
H.| 44 ans. Mélano-sarcôme. Rien sur les suites.
N. — Début huit ans avant l'opération. Un cas, — Obs 27. —
H., 42 ans. Mélano-sarcôme. Un an après, récidive.
0. — Début neuf ans avant l'opération. Un cas. — Obs. 21, —
H., 50 ans. Mélano-sarcôme. Mort trois ans après, généralisation.
P. — Début dix ans avant l'opération. Deux cas. — Obs. 25. —
H.^ 68 ans. Mélano-sarcôme et carcinôme. Rien sur les suites. —
Obs. 26. — P., 20 ans. Mélano-sarcôme. Un an et demi après,
santé bonne.
Q. — Début. Douze ans avant l'opération. Un cas. — Obs. 15. —
H. , 45 ans. Mélano-sarcôme - carcinomateux. Six mois après ,
récidive.
R. — Début quinze ans avant l'opération. Un 'cas. — Obs. 8. —
P., 50 ans. Sarcôme. Rien sur les suites.
S. — Début dix-sept ans avant l'opération. Un cas. — Obs. 68.
— P., 60 ans. Pibro-sarcôme. Rien sur les suites.
T. — Dans vingt et un cas, la date du début avant l'opération est
inconnue. 13 hommes, 5 femmes, 3 dont le sexe n'est pas noté.
Dans dix-huit cas, les suites de l'opération ne sont pas indiquées.
Dans deux cas^ récidive deux ans après. Dans un cas, santé bonne
deux après.
Ces 50 cas offrent un total de 171 ans, soit donc en moyenne
une durée de 41 mois 16 pour chaque cas, ou de 3 ans 43
pour cha(iue cas*
43 cas sur 50 se sont développés dans une période de 1 à
7 ans. Si nous faisons abstraction des 7 autres dans lesquels
le souvenir des malades peut avoir été moins précis, vu la
longue durée de l'affection, ou dans lesquels la cause peut
avoir été attribuée à un accident ou à une affection légère de
la vue tout à fait indépendante, on obtient, pour ces 43 casj
une durée totale de 1086 mois depuis le début jusqu'à Topé*
ration, soit une durée moyenne de 25 mois 25 ou 2 ans 1 -JCi
pour chaque cas. En reprenant les deux moyennes qui vien .-
nent d'être établies, on peut dire que la durée des sarcômea œs
de la choroïde, considérés en masse, sans distinction de va- ^isa-
riété, depuis le début jusqu'à l'opération, a oscillé entr»rare
deux et trois ans pour les 50 observations dans lesquelles ^^es
cette durée est indiquée.
Si maintenant on désire savoir quelle a été la durée JLWe
celte même période suivant telle ou telle variété de sarcômec:^ -ae,
voici le résultat qu'on obtient pour les principales de ces va- va-
riétés, pour les mélano-sarcôraes, pour les fibro-sarcômes e^^ ^t
pour les leuco-sarcômes.
l"" Pour 32 cas indiqués comme mélano-sarcômes , nou; xix us
avons trouvé une durée moyenne, avant l'opération , de 4 an;
75 pour chacun d'eux.
2** Pour 5 cas indiqués comme fibro-sarcômes, nous avon: M^s
trouvé une durée moyenne, avant l'opération, de 6 ans, 17 pou:
chacun d'eux.
3<> Pour 3 cas indiqués comme leuco-sarcômes, nous avon^^
trouvé une durée moyenne, avant Topération, de 1 an 36.
Il est urgent de faire remarquer de suite combien ces chif-
fres sont approximatifs et qu'ils pourraient fort bien nous
conduire à une erreur, car il suffit d'un ou de deux cas de leuco-
sarcômes indiqués à tort par les observateurs comme fibro-sar-
cômes, et comptés par conséquent avec les flbro-sarcômes,
tandis qu'en réalité ils devraient être ajoutés aux leuco-sar-
cômes ou réciproquement, pour que le chiffre de la durée
moyenne de la période qui précède l'opération soit totalement
changé. Néanmoins, et en faisant ces réserves, nos chiffres pa-
raissent donner raison à cette observation clinique que les
leuco'Sarcômes croissent plus vite que les mélano-^ar eûmes ^
et ces dernierSy plus rapidement que les fibro^sarcâmes^ dont
la marche est le plus lente.
— 209 -
D'un autre côté^ noire statistique de 56 cas désignés dans
les auteurs sous les noms de mélanose, de cancer mélané
intra-oculaire, etc., donne un total de 24 cas dans lesquels la
durée, avant Topération, n'est pas indiquée , et 31 cas où il
est fait mention de celle-ci. Or ces 31 cas montrent une durée
moyenne de 5 ans, 38, depuis les premiers symptômes
jusqu'au moment de l'opération. Or, si l'on rapproche ce chif-
fre des 32 cas de mélano-sarcôme dont il a été parlé plus
haut, on trouve :
1'* Statistique : sarcôme de la choroïde, 32
cas mélano*sarcôme ont eu une durée moyenne
de. 4 ans 75
2* Statistique : mélanose intra-oculaire> 31
cas ont eu une durée moyenne de. . • • 5 ans 38
Puisque nous savons qu'un grand nombre de ces derniers
étaient des mélano-sarcômes> nous obtenons, en les réunissant
aux premiers une durée moyenne de 4 ans et demi à 5 am,
depuis le début jusqu'au moment de l'opération pour 63 cas
de mélano-sarcôme et de mélanose intra-oculaire.
2* Durée depuis V opération jusqu^ à la mort des malades
ou jusqu'au moment de la publication des observations,
La durée de cette seconde période offrirait un grand intérêt
si nous pouvions donner un chiffre assez élevé de résultats,
pris à une époque éloignée de l'opération et les comparer aux
faits dans lesquels Taffection suit son cours sans être modifiée,
soit hâtée, soit retardée par une opération (ce sera précisé-
ment une des grandes questions du traitement).
Le total de ces résultats n'aura qu'une valeur tout à fait
relative, vu le grand nombre d'observations dans lesquelles
les derniers renseignements sur le malade font absolument
défaut. D'un autre côté, pour juger la question que nous venons
Brière. 14
de laisser pressentir, c'est-à-dire y a-t-il avantage ou danger
d'énuclôer les yeux atteints de sarcomes ? Ou, en d'autres
termes, est-il préférable d'abandonner l'affection à elle-même?
il iaudrait posséder un nombre assez élevé de cas non opérés;
savoir comment ils se sont terminés et les mettre en parallèle
à coté des cas dans lesquels on a opéré. Or il existe dans la
science autant de ceux-ci que peu de ceux-là ; parce que les
malades qui ne se laissent pas^ opérer, sont suivis de moins
près et offrent moins d'intérêt immédiat pour le chirurgien.
Voyons néanmoins s'il est possible d'élucider cette question
en étudiant : 1^ les cas dans lesquels on a opéré ; 2^ ceux
qu'on a abandonnés à eux-mênaes.
Â. Of» a opéré.
Durée des sareômes depuis l'opération jusqu^à la mort des
malades oujmqu'à la publication des observations.
1^ Dans. une première série de faits, la statistique d^s sar-
côme^ donne les résultats suivants :
(Obs. 1, 2, 3, 4, 5, 7, 8, 9, 11, 12, 13, 14, 16, 23, 24, 25,
29, 34, 35, 37, 42, 44, 45, 46, 51, 53, 54, 55, 56, 57, 59, 60,
61, 62, 64, 65, 66, 67, 68, 69, 71, 72, 76, 78, 79, 81, 82), les
malades ont guéri de l'opération. Ce qui n'a pas lieu d'étonner
puisque c'èst la règle. Cette guérison s'est produite, tantôt en
quelques j ours, tantôt en trois semaines ou un mois, suivant qu e
le malade a été plus ou moins bien soigné ou qu'il a subi
Ténucléation ou l'extirpation du globe et de tumeurs extra-
oculaires répandues dans l'orbite. Mais les suites de ropération
ne sont pas indiquées. Voilà donc un total effrayant de47cas
sur 82 dans lesquels il est impossible d'indiquer la marche
ultérieure du sarcôme. Ce manque de résultats n'est pas tou-
jours imputable aux observateurs; rien n'est plus difficile que
de suivre un malade pendant longtemps. De plus, une partie
de ces faits a été publiée par des micrographes qui n'avaient
- 2H -
que peu de détgils.sur les malades et m pouvaient savoir ce
qu'ils étaient devenus, ou par des personnes qui n'avaient pas
pris elles-mêmes les observations. Dans ces 47 cas sur lesquels
on ne possède pas les derniers détails, Topération, énucléation
ou extirpation, avait été laite 42 ou 43 fois.
Il est important de noter parmi ces 37 cas les obs. 2, 3, 25,
37, 45, 62, 67, 68 et 76 (soit 9 obs.) dans lesquelles l'opéra-
tion a ëté pratiquée pendant la troisième période, c'est-à-dire
après la rupture du globe, alors qu'il y avait des tumeurs
extra-oculaires et que l'orbite était envahi ; comme dans ces
cas» il est de règle que la généralisation se produise tôt ou
tard, mais souvent assez rapidement, nous pouvons dire que
le résultat de ces neuf observations est entrevu et que nous
ne sommes totalement dépourvu de renseignements que
pour 38 observations.
2^ Dans les 35 cas qui nous restent, il va sans dire que
Topération a toujours été pratiquée, puisque nous possédons
l'examen bislologiqùe des tumeurs intra-oculaires. Les résul*-
tats obtenus ont été les suivants :
V CAxiooBiE. Faits dans lesquels on a mentionné des réci^
dîves ou la mort après généralisation du sarcôme,
tf, — La date de la r^dive ou de la znort e»t indiquée*
Un mois après l'opératioa, état général très-mauvais. — Obs, 36.
— H., 15 ans. Mélano-sarcàme. — Trois mm h'pvh&Vo^vGXion^récidive
et tmrt, — Obs. SS. — H,, Age mûr. Sarcàme peu pigmenté et à
grandes cellules. — Cinq moûaprès l'opération, récidive et cacheme.
— Obs. 19 et 20. H., 46 ans. Mélmo-sarcdme et carcinôme, réci-^
dive sur Fautre œil.
Six mois après l'opération,— Obs. 6. — F., 40 ans. Mélano-sar-
côme. Géfèéralisaiim. ^ OhB. 40.— H., 50 ans* Mélano sarcàme de
Posil et de torbiie. Généralisation. —Ohs. 15. — H., 40 à 50 ans.
Nêta. H et F indiquent^ comme précédemment, homme ou fèmme.
— «2 —
Mélano'fibro-sarcdme-i^arcinomateux, Récidive, — Obs. 32. — H.,
73 ans. Mélano-sarcôme. Mort. — Métastases très-probables.
Sept mois après l'opération. — Obs. 41. — H., 30 ans. Sarcôme
blanc et téléangiectasique. Cachexie. Mort, sans récidive appa-
rente.
Neuf mois après l'opération. — Obs. 17 et 48. — H., 59 ans. ife-
lanosarcôme h petites cellules des deux yeux. Mort. — Obs. 30. —
H., 65 ans. Mélano-sarcôme. Généralisation.
on après l'opération. — Obs. 27. — H„ 42 ans. Récidive
un an et demi apiès l'opération.
Obs. 63. — H., 48 ans. Mélano sarcôme et carcinôme. Métastases
au foie. Mort. Obs. 77. — H., 60 ans. Mélano-sarcôme . Métastases
au foie. Mort.
Deux ans après l'opération. — Obs. 48. — F., 45 ans. Mélanch
sarcôme. Généralisation. Mort. — Obs. 50. — H., âge mûr. Sar-
côme à cellules rondes et petites. Récidive.
Trois ans après l'opération. — Obs. 21. H., 50 ans. Mélano-sar-
càme. Récidive. Foie cancéreux.
En BÉsuMé, la récidive la plus prompte a été celle d'un mois
après V opération, sur un jeune homme de 13 ans, atteint de
mélano-sarcôme (cette récidive n'était que problable néan-
moins), et celle de trois mois après l'opération (obs. 52). Celle
qui a été la plus lente à se produire est apparue trois ans après
V opération {ohs. 21).
b. La date de la récidive ou de la mort n'est pas indiquée.
Obs. 22. — H., 24 ans. Sarcôme de l'orbite. Généralisation. (Ce
malade n'a pas été opéré.)
Obs. 49. — P., 40 ans. Mélano-sarcôme. Mort peu de temps
après l'opération, avec généralisation,
Obs. 33. — H., 63 ans. Mélano-glio-sarcome. Récidive locale et
dans le ventre.
Obs. 38 et 39. — H., 61 ans. Sarcôme fasciculé et à grandes
cellules. — Soupçon de tumeur de même nature dans Vmtre <bU.
De ces faits il y a lieu de défalquer l'observation 22 (Sarcôme
de la base du crâne ayant fusé dans l'orbite) dans laquelle le
— 2i3 —
malade n'a pas subi et ne pouvait pas subir d'opération, et
l'observation 38-39 où la récidive tfest indiquée que par le
soupçon de tumeur de même nature dans 0. G. En conser-
vant Tobservation 36, dans laquelle la récidive probable n'est
indiquée que par un état général très-mauvais, il reste 18 cas
de récidives après énucléation à la première, à la deuxième et
à la troisième période du sarcôme de la choroïde sur un total
de 32 cas, dans lesquels les suites de l'opération sont indiquées
c'est-à-dire 53,24 pour 0/0 de récidive. Sur ces 18 cas, on avait
affaire : 13 fois à des mélano-sarcômes, 2 fois à des sarcômes
peu pigmentés et à grandes cellules, i fois à un sarcôme blanc,
1 fois à un sarcôme à cellules rondes et petites. Bien que ce
soit empiéter, en ce moment, sur le chapitre Pronostic^ on doit
noter le chiffre élevé des mélano-sarcômes parmi les réci-
dives. Mais, remarque capitale, dans les deux tiers de ces cas le
résultat devait être prévu d'avance, car il y avait des tumeurs
extra-oculaires ou un sarcôme des deux yeux au moment de
ropération (Voiries obs. 6, 10, 17, 18, 19, 20, 27, 32, 33, 36,
48, 49, 50, 82 de la statistique). Dans les obs. IS, 21, 30, 41,
63 et 77, il n'est pas fait mention de tumeur extra -oculaire au
moment de l'opération. Nous devons dire que sur 34 cas dans
lesquels les suites de l'opération sont notées et qui ont fourni
un total de 18 récidives, il y a 12 de ces récidives qui ne doi-
vent pas étonner et 6 seulement qui nous prouvent que même
en opérant de bonne heure, on n'est pas à Vabri de voir les
malades offrir des récidives ou une généralisation. Somme
toute, 35,29 0/0 de récidive sur les cas opérés à la troisième
période et 17,91 0/0 de récidive sur le cas opérés à la pre-
mière ou à la seconde période.
2* CATÉGORIE. FaiU dans lesquels on na pas mentionné
de récidives.
Il nous reste 12 observations dans lesquelles on a suivi les
malades après l'opération, sans observer de récidives.
- «4 -
Deux mois après Topépation, le malade se porte bien. — Obs 73.
— H., 40 ans. Mélano-sarcâme.
Quatre mois après l'opération, pas de récidive. — Obs. 58. — F.,
12 ans. Sarcôme blanc.
Cinq mois après l'opération, santé bonne. — Obs. 74. — P.,
56 ans. Mélaruhsarcôme.
Neuf mois après l'opération, pas de récidive. — Obs. 43. — P.,
39 ans. Mélano-sarc6me.
Un an après l'opération. — Obs. 75. — H., 57 ans. Mékmhsar*
cùme^ Santé bonne.
Un an et demi après l'opération. — Obs. 26. — F., 20 ans. Mélano-
sarcôme (tumeur extra-oculaire). Santé bonne.
Deux ans après l'opération. — Obs. 28, — H., 41 ans, Myo-sar-
e&me. Santé excellente. — Obs. 70. — H., 57 ans. Mélano^rcôme.
Santé bonne.
Deiuc ans et demi après l'opération. — Obs. 40. H., 52 ans.
Sarcôme blanc. Santé excellente.
Trois ans après l'opération. — Obs. 31. — F., 62 ans. Mélano-
sarcôme. Santé bonne.
Cinq ans après l'opération. — Obs. 47. — H., 49 ans. Mfktno^
sarcôme-parvi-^ellulaire. Santé bonne.
Six ans après Topération. Obs. 80. — H., &ge mûr. MélanO"
sartôme. Santé bonne.
En résumé, dans dix cas, Tabsence de récidive est notée
dans un laps de temps qui varie de deux mois à trois ans.
Dans les deux autres, la santé était excellente cinq à six ans
après l'opération et, particularité intéressante, ces dôux cas
étaient l'un un sarcôme mélanéparvi -cellulaire, l'autre un sar-
côme blanc, c'est-à-dire deux des variétés les plus malignes.
n est certain qu'il y a lieu de faire des réserves surtout pour
les quatre premiers de ces 12 malades. L'absence de récidives
dans une période de quelques mois à une année ne prouve pas
que celles-ci n'aient pu se produire par la suite. On en a vu
apparaître 2, 3, 5 ou même 9 ans après l'opération. Mais il
faut également se demander ce qu'il serait advena de ces
mêmes malades si le chirurgien n'était pas intervenu. Or la
-215 -
réponse est ici plus facile. On les a tous opérés au moment de
la période glaucomateuse. Après colle-ci vient à bref délais la
rupture du globe, renvahissement de l'orbite^ puis la cachexie
et les métastases. Notre recueil d'observations de mélanoses
est très-instructif sur ce point. En effet, consultons mainte*
nant l^Lstatistiquedelamélanose intra-oculaire qui se compose
de 56 cas. Dans 20 observations, les suites de l'opération ne
sont pas indiquées ; mais il y avait chez 14 de ces 20 malades
des tumeurs extra-oculaires au moment de l'opération. On
peut donc dire que, sur ces 20 malades, il y en avait plus des
deux tiers de voués à une mort presque certaine.
n nous reste 36 autres &its. Dans 32 de ces observations, il
y a eu opération (énucléation ou extirpation) mais 22 fois à la
troisième période, o'est-à-dire avec la présence de tumeurs
extra-oculaires. Aussi trouve-t-on vingt-deux récidives la plu-
part avec généralisation sur le foie, dont 17 se produisent dans
Tespace de 10 jours à quelques mois ou une année et S seule-
ment entre 18 mois et 9 ans.
' Huit fois la santé est marquée bonne, mais, dans 4 cas, de un
à six mois seulement après l'opération. Dans les 4 autres cas,
les malades se portaient bien 10 mois, 1 ou 3 ans et 5 ans
après l'opération. Total 8 cas où la récidive s*est fait attendre^
nous disons s'est feit attendre, parce que 6 de ces malades pré-
sentaient des tumeurs extra-oculaires au moment de l'opéra-
tion et ont dû succomber dans un délai assez court. La malade
de Pamard, d'Avignon (obs. 26) 1883, présentait notamment,
outre une mélanose intra-oculaire, des tumeurs de même na-
ture dans la glande lacrymale et dans le tissu cellulaire de l'or-
bite.
Ce qui explique pourquoi cette statistique de la mélanose
oculaire est si mauvaise, c'est que 42 fois, sur 52 cas qui ont été
opérés, l'opération a eu lieu pendant la troisième période de
la mélanose.
B. On pa9 opéré.
Nous possédons 4 observations de mélanoses dans les-
quelles le malade n'a pas voulu se laisser opérer ou le chirur-
gien n'a pas cru devoir intervenir.
Obs. 19. — H..., 62 ans. On note en décembre 1830 une tumeur
intra- oculaire à la partie inférieure de la chambre antérieure. En
avril 1833, névrose ciliaire intense, rupture du globe, tûm. extra-
oculaire. Un an et cinq mois après, mort après des douleurs
longues et prolongées produites par la propagation de la mélanose
à l'encéphale.
Obs. 31. — Quatre mois après le début des accidents oculaires,
exophthalmie, injection du globe. Tumeurs abdominales, œdème
deè extrémités inférieures, mort rapide dans le coma; mélanose
dans presque tous les viscères abdominaux.
Obs. 40. — H., âge mur. Il s'agit du professeur Guilbert, nous
savons peu de détails sur ce malade. Son foie mélanique est des-
siné dans Tatlas de Cruveilhier (pl. I, 22* livraison).
Obs. 48. — H., 42 ans. Masse cancéreuse sortant de l'orbite et
cancer énorme du foie, lequel présenta à l'autopsie de nombreuses
masses mélanotiques.
Telle a été dans quatre cas la marche naturelle de la méla-
nose intra-oculaire, marche terrible et plus rapide que dans les
cas où Ton a opéré.
n n'est pas sans intérêt de connaître maintenant la durée
moyenne du tenaps qui a séparé l'opération de la mort : 1^ dans
les cas mélanose intra-oculaire qui ont été opérés è la 3°**
période; 2** dans les cas de sarcome opérés à la première ou à la
seconde période. Mais il est difficile d'établir un parallèle exact
par une statistique en chiffres. La raison en est toute naturelle.
En faisant ces deux relevés, ou reconnaît une fois de plus que
la plupart des cas de sarcômes dans lesquels la terminaison
fatale est notée sont ceux où il y avait tumeur extra-oculaire
au moment de l'opération, de même pour les cas de mélanose ;
taudis que dans les faits de sarcômes opérés de bonne heure
• Î17 -
nous trouvons fréquemment la mention : rien sur les suites de
l'opéralion (donc ces faits sont à mettre de côté), ou bien le
malade se porte bien quelques mois, un an, deux ans, cinq ans
aprèsTopération.Les observations 15,21, 30, 48, 63, 41,71, de
sarcômes opérés à la première ou à la seconde période font
mention de récidives, trois fois dans l'espace de dix-huit mois
à deux ans, une fois après trois ans. Soit une moyenne de dix-
sept mois pour chacun de ces sept cas.
L'autre terme du problème est inconnu, car la date précise
de la mort n*est pas notée dans tous les cas. Ainsi nous trou-
vons dans plusieurs observations : métastase rapide: le malade
est mort quelque temps après, offrant tous les symptômes de
la généralisation de la mélanose. Il est clair que si on avait
noté à la place de cette notion vague Tépoque précise du décès,
nous pourrions établir la durée de la dernière période des cas
de mélanose intra-oculaîre opérés alors qu'il y avait des
tumeurs extra-oculaires. Cette cause énorme d'erreur étant
indiquée on trouve pour dix-sept cas de mélanose opérés à la
troisième période une durée moyenne de quatorze mois pour
chaque cas. Ce chiffre est donc presque aussi élevé que celui
des sarcômes opérés de bonne heure. Mais,si nous rétablissons
les faits en ajoutant à ces dix-sept cas de mélanose ceux où
la récidive est indiquée comme rapide (4 cas) la différence
augmente et elle augmente en faveur des sarcômes opérés de
bonne heure, c est-à-dire qu'au lieu de 14 mois pour les cas de
mélanose opérés à la troisième période, on ne trouverait plus
que 10 mois à un an. Mais nous ferons remarquer de nou-
veau que les chiffres de 47 cas de sarcômes (dont 42 ou 43
ont été opérés soit à la première et à la deuxième période
soit à la troisième) et de 19 cas de mélanose (presque tous
opérés à la troisième période) donc en totalité 62 cas dans
lesquels les suites de l'opération ne sont pas indiquées : ces
chiffres, disons-nous, empêchent d'ajouter quelque valeur à la
- 218 —
dernière moyenne qui vient d*ôtre établie, puisque les cas dans
lesquels les suites de l'opération ont été notés ne s'élèvent
qu*à 58 cas (34 de sarcôme, 24 de mélanose.)
Conclusions. De l'examen de nos statistiques nous pouvons»
tirer les conclusions suivantes :
La durée moyenne de la période qui a précédé lopération.
a été, pour les sarcômes de 3 à 4 ans^ et pour les mélanose&
intra-oculaires de 4 ans 5 ans.
2* Les sarcômes blancs et les sarcômes mixtes (carcînoma-
teux, glieux et myxomateux), en un mot toutes les formes»
molles, croissent plus vite que les mélano-sarcômes dont la
stroma est plus ferme.
3* La durée de la seconde période des sarcômes ne peut
être aussi bien appréciée, puisque,dans les cas où le malade est
indiqué comme se portant bien quelques mois ou quelques
années après Topérailtion, ce renseignement prouve que la se-
conde période se prolonge et que l'inconnu est au delà, c'est-
à-dire qu'elle peut encore durer longtemps ou se terminer
peu après par une récidive. On arrive à un résultat analogue
quand on cherche à préciser la dernière période des mélanoses.
4® Mais de l'étude des statistiques il ressort ce fait important
c'est que dans les 2/3 des cas de sarcômes^ où la récidwe est
notée,il y ctvait tumeur extra-oculaire au moment de Vopéra'
tion. Dans 7 cas de sarcômes opérés à la première ou à la
seconde période, et qui ont récidivé, la durée moyenne de la
dernière période a été de 17 mois.
En déduisant Tobservation 22 et en comptant les 3 cas de
sarcôme double (obs. 17, 18, 19, 20, 38, 39) comme 3 cas
simples, il nous reste un chiffre total de 78 observations, qui
nous a donné 18 cas de récidive après l'opération, soit 23,07
0/0. Mais, sur ces 18 cas,il y en avait 12 qui avaient été opérés
à la troisième période; il reste donc 7,690/0 de récidives tndt-
quées pour les cas opérés à la deuxième période.
Le tableau des mélanoses dans lequel 42 malades sur 52
ont été opérés à la troisième période (tumeurs extra-oculaires)
nous fournit un chiffre de récidives beaucoup plus effrayant :
4 cas non opérés, 4 généralisations dans un délai assez courl.
Sur les 32 cas opérés, 24 récidives, soit 46,17 0/0.
Ainsi statistique des sarcômes, récidives 22,07 0/0.
Statistique des mélanoses idem 46,17 0/0.
Les suites de Topéraiion n'étant pas connues: dans 44 cas
de sarcômes, soit dans 56,41 0/0 des cas, ni dans 19 cas de
mélanoses soit dans36,S30/^> des cas. — La statistique des
mélanoses renfenne moins d*inconnues que celle des sar-
cômes. mais aussi que de récidives : 46,17 0/0 au lieu de
23,07 0/0 !
5^ Si Ton observe plus de récidives rapides dans la statisti-
que des mélanoses que dans celle des sarcômes, c'est que dans
la première on a opéré beaucoup plus souvent à la troisième
période qu'à la première et à la seconde, le diagnostic ne se
faisant autrefois qu'après la présence des tumeurs extra-ocu-
laires.
6® Si, en considérant que les trois quarts des sarcômes sont
des mélano-sarcômes, on réunit les deux statistiques, on arrive
au résidtat suivant, (les trois cas de sarcôme binoculaire
étant comptés comme trois cas simples et le cas de sarcôme
secondaire de l'orbite (obs. 22) étant mis de côté).
Sarcômes. 30 résultats indiqués sur. ... 78 cas
Mélanoses 32 — — sur. ... 52
62 — — ... 130 cas
Soit 47,69 0/0 de récidives sans distinction de la période dans
laquelle on a opéré.
CHAPITRE VI
ETIOLOGIE, PRONOSTIC ET TRAITEMENT DU SARCÔME
DE LA CHOROÏDE.
§ 1 . — Étiologie.
On a remarqué, avec justesse^ que la connexion de
rophthalmologie avec la médecine générale est surtout mar-
quée dans le département des tumeurs intra-oculaires, parce
que c'est dans l'œil qu'on peut étudier avec le plus d'avan-
tages la croissance d'une tumeur et en saisir les moindres pro-
grès (1). Ces rapports de la pathologie oculaire avec la patho-
logie générale, en ce qui concerne la question des tumeurs,
ont déjà été exposés dans le chapitre IV, consacré à Tétude
anatomique des sarcomes de la choroïde ; mais ils apparaîtront
de nouveau dans ce paragraphe, car Tétiologie des tumeurs
que nous étudions se rapproche considérablement de celle du
cancer en général. Celle-ci peut être divisée en causes pré-
disposantes et causes occasionnelles.
A. Causes prédisposantes. — Sous cette désignation, nous
comprendrons les diverses considérations relatives à Tâge, aa
sexe et à la constitution des malades, aux antécédents diathé-
siques et à la structure particulière de l'organe dans lequel se
développent les sarcomes :
1® L*âge est un excellent critérium pour différencier la na-
ture des tumeurs intra- oculaires. Nous pouvons poser en
principe que, depuis la naissance jusqu'à iO ou 12 ans, on est
exposé au gliôme de la rétine, et jamais au sarcôme de la
choroïde; et 2** à partir de 10 ou 12 ans jusqu'à la fin de la
(1) Hasket Derby, Boston Médical and surgical journal, 4872, 6,
p. 85.
— m —
vie, on est exposé au sarcome de la choroïde, et jamais au
giiôme dela rétine.
On paraît souvent téméraire quand on emploie le mot jamais
en médecine; car il n'y a rien de vraiment absolu dans cette
science; demain on peut, en effet, nous opposer un ou plu-
sieurs faits, lesquels ne sont pas arrivés à notre connaissance
et qui .viendront contredire notre assertion. Voici, néanmoins,
sur quelles données nous nous basons pour dire que l'enfant,
exposé au gliôme, ne l'est pas au sarcôme, et que l'adulte et le
vieillard, exposés au sarcôme, ne le sont pas au gliôme.
Dans toutes nos recherches, nous n'avons pas rencontré un
seul cas de gliôme primitif de la rétine chez des adultes ou
chez des personnes plus âgées. Chez ces derniers, la rétine
peut certainement subir la dégénérescence glioraateuse (voir
le S Glio-sarcôme); consécutivement à un sarcôme de la cho-
roïde; mais elle ne se prend pas priinitivement (1); chaque
fois, au contraire, que nous avons vu des cas de gliôme, les
malades étaient toujours Agés de quelques mois à quelques
années. Aussi, plus nom avancions dans nos recherches, plus
nous arrivions à cette conviction que le cancer de l'œil appa-
raît, chez l'enfant, dans la rétine^ tandis que, chez l'adulte, il
affecte de préférence la choroïde. Cette remarque confirmait,
du reste, l'observation que plusieurs auteurs avaient déjà faite,
mais en se basant sur un nombre beaucoup moins élevé de
cas (2).
(1) Nous.avons cité un fait ou il est dit que. sur un homme de 45 ans,
la rétine seule avait • subi la dégénérescence encéplialoïde, la choroïde
étant restée intacte ; mais dans. cette observation on n'a fait que Texa-
men macroscopique d'un œil dont toutes les membranes étaient déjà
désorganisées. Il n'y a pas eu d'examen histologique ; et nous ne croyons
pas qu'il doive infirmer le principe qui a été posé plus haut.
(2) « Les tumeurs de la choroïde ne se voient pas dans l'enfance,
moins encore les sarcômes de l'orbite. On peut regarder comme une
rareté un cas au-dessous de 15 ans. » (Graefe).
Voici les résultats que doonent nos statistiques, examiaées
au point de vue de l'âge des malades. Eu . faisant abstractioa
des observations 16 et 56 de Knapp et de Ooaglino, qui sonl
relatives à des cas de sarcomes purement inflammatoires dut
à un traumatisme, chez des enfants de 6 à 8 ans, et qui ne soot
pas, à proprement parler, des tumeurs sarcomateuses (1) Tage
des malades est noté, d'une façon précise, dans 64 cas:
!• Malades âgés de 12 à 15 ans, troh. — Obs. 58, 64 et 36.
Malades âgés de 15 à 90 ans, irais. — Obs. 26, 34 et 65.
3* Malades âgés de SOàdO ans, irm^. — Obs. 4, 22, 41, 54 et 60.
4* Malades âgés de 30 â 40 ans, /mie. — Obs. 5, 6, 14 , 15, 27,
29, 37, 43, 49, 59, 67, 69 et 73.
5* Malades âgés de 40 à 50 ans, vingt, — Obs. 1 , 2, 3, 8, 10, 13,
19, 20, 21, 28, 35, 44, 45, 47, 48, 61, 63, 76, 78 et 79.
6o Malades âgés de 50 à 00 ans, treize. — Obs. 7, 17, 18, 23, 40,
55, 62, 66, 68, 70, 74, 75et 77.
7o Malades âgés de 60 à 70 ans, fûr. ~ Obs. 21, 30, 31, 33, 38
et 39.
8o Malades âgés de 70 à 80 ans, deux. —Obs. 32 et 46.
StaHstique é» Sarcome :
4«fSà 4»»k éêfk d0«Oà 4»Mà êm99h UT k
M aM. 30 aas. 40 ans. 50 ans. âf e unir 60 ans. 70 ans. 80 ans.
6 5 43 20 iO 13 6 2
Statistique de la Milanose :
1 3 7 45 » IS 6 >
TT1Ô33 TôâTîïT
C'est-à-dire que, sur 125 cas, on en trouve 76,80 0/0 entre
30 et 60 ans, et 96,80 0/0 après la puberté. 11 y a lieu même
d'augmenter un peu cette proportion ; car il est plus que pro-
bable que l'obs. 64, H., 13 ans, citée plus haut, était un sar-
côme de nature inflammatoire. Les sarcômes qui attaquent les
jeunes gens sont surtout les formes moUes. Ainsi, Tobs. 58,
(!) Voir § Sarcôme inflammatoire, chap. IV.
— 243 —
F.» 12 ans, était qq sarcôme blanc, et l'obs. 65, F., 20 ans,
était un mélanoHsarcôme à petites calloles rondes.
La prédisposition différente des individus à contracter tel
ou tel cancer, suivant leur ftge, est donc évidente en ce qui
concerne les ciyacers de TcbU. Assez fréquents chez Tenfanl,
ceux-ci afisctent une structure très-peu élevée en organisa-
tion (gliôme); ils diminuent de fréquence vers la puberté, où
ils se montrent encore avec une structure le plus souvent om-
bryonnaire ; mais, à mesure qu'on avance en âge, leur struc-
ture devient plus élevée, et ils augmentent rapidement 'de
fréquence dès que Torganisme est arrivé à son complet déve^
loppement.
L'ftge qui fournit le plus de sarcômes de la choroïde est ce-
lui de 40 à 60 ans.
2^ Sexe. — Sur 78 cas de sarcôme, dans lesquels il est fait
mention du sexe, on compte 24 femmes, c'est-à-dire 30,76 0/0,
et 54 hommes, c'est-à-dire 69,24 0/0.
Dans 54 observations de mélanose, où Ton parle du sexe
des malades, on compte 36 femmes, c'est-à-dire 48,14 0/0, et
28 hommes, c'est-à^ire 51 ,86 0/0.
En réunissant les deux statistiques, la proportion est donc
de 82 hommes sur 132 cas de sarcôme et de mélanose, soit
63 0/0, et de 50 femmes sur 132 cas, soit 37 0/0. Les hommes
parattraient donc plus prédisposés que les femmes aux tu-
meurs choroïdienues. Dans Tâge de 30 à 60 ans, même pro-
portions, 51 hommes sur 85 cas, soit 60 0/0, et 34 femmes,
soit 40 0/0. Ainsi, ces dernières, qui sont plus sujettes que les
hommes au cancer des autres r^ons (1), paraissent, au con-
traire, moins exposées qu'eux au cancer de l'œil. La cause de
(t) Lea cancers du sein et de Tutéras, qui sont de beacoup les plus
fréquents chez la femme, remportent en nombre sur les cancers du foie
et de Testomac qui sont les affections organiques qu'on rencontre le
plusBouyent chez Phomme.
•
— m —
cette différence est peut-être celle-ci : que la femme présente
deux organes essentiellement exposés aux affections organi-
niques, à cause des congestions répétées dont ils sont le siège,
le sein et l'utérus, et que les germes dialhésiques ont plus
de tendance à se porter sur ces régions que dans l'œil, tandis
que l'homme ne possède pas d'organe plus particulièrement
prédisposé au développement du cancer; chez lui, les affec-
tions organiques peuvent donc se porter indistinctement sur
l'œil comme sur d'autres organes.
3** Mais pourquoi les sarcômes aflfectent-ils la choroïde de
préférence à la sclérotique ou à la rétine. Nous pensons qu'on
peut en trouver la raison dans la structure de ces membranes.
L'une est essentiellement vasculaire et spongieuse, l'autre, au
contraire, très-pauvre en vaisseaux et constituée par un tissu
dense. Or sur quels organes les cancers se développent-ils
surtout dans l'organisme? Les voit- on souvent dans les liga-
ments, dans les tendons, dans les aponévroses, dans les tissus
en un mot formés par des éléments fibreux? Il suffit d'avoir
soulevé cette question pour savoir qu'on doit y répondre par
la négative. Quelle est, au contraire, la terre promise des can-
cers, leur lieu d'élection, sinon les viscères et les organes
le plus abondamment pourvus de vaisseaux ? Nous avons cité
le sein, Tutérus, le foie, Festomac, la vessie, les méninges, le
poumon, etc. Or, n'est-il pas naturel que l'élément morbide,
désigné en pathologie sous le nom de cancer, choisisse, en
se développant dans Torgane de la vue, le terrain qu'il préfère
dans le reste de l'oi^anisme, c'est-à-dire celui qui est le plus
vasculaire ? Il naîtra donc dans la choroïde, dans le tractus
uvéal, et non dans la sclérotique. L'observation confirme du
reste ces vues théoriques sur la genèse et sur le développe-
ment des cancers de l'œil. Car aussi nombreux sont ceux de
la choroïde, aussi rares sont ceux de ia sclérotique. De plus, les
sarcômes de la choroïde se développent de préférence près du
- ^225 -
pôle postérieur et dans le corps ciliaire, c'est-à-dire dans les
régions choroïdicnnes les plus vasculaires.
Si Tune seulement de ces membranes renfermait des fibres
de tissu conjonctif on pourrait y voir un motif pour le déve-
loppement du sarcome, mais toutes les deux en contiennent,
bien que différemment disposées.
4^ Le tempérament et la constitution n'ont aucune action
connue sur le développement des sarcomes de la choroïde.
5* Nous avions pensé trouver dans les observations des
traces d'/iérédiïé; mais,détail assez singulier, aucune n'en fait
mention. Dans plusieurs, il est dit que le malade est né de
parents sains, dans aucune on ne parle d'antécédents diathé-
siques héréditaires.
6^ Sur un total de i 38 cas, les sarcomes et les mélanoses ont
porté 80 fois sur G et 49 fois sur D ; le côté atteint n'est
pas indiqué dans 39 cas.
Causes occasionnelles. — On désigne sous ce nom celles qui
ont pour résultat de développer et de localiser la diathèse qui
est près d'éclater en un point quelconque de l'organisme,
mais qui sont incapables à elles seules de produire un cancer.
Nous devons citer en premier lieu les violences exté-
rieures. Les yeux sont par leur situation beaucoup plus exposés
aux traumatismes directs que la plupart des autres organes
de l'économie. Aussi trouve-t-on dans plusieurs observations
que la cause des sarcomes est rapportée par les malades à des
coups qui ont porté sur l'œil ou sur les parois de l'orbite. Bien
que cette étiologie soit illusoire et banale dans un assez grand
nombre de cancers, on doit lui accorder quelque valeur en ce
qui concerne l'œil. Dans les obs. 12, 16, 19, 24, 27, 64, 73,
elle est notée d'une façon assez précise. Les traumatismes
peuvent avoir sur Tœil deux effets : soit de produire la rupture
puis la phthisie du globe, soit de provoquer une inflammation
Brière. .15
aiguë ou chronique dans ses milieux. Dans le premier cas
l'œil atrophié peut, après un temps plus ou mois long, aug-
menter de volume et devenir sarcomateux ; dans Tautre une
choroïdite ou une panophthalmite peuvent également dégé-
nérer et donner lieu à une production cellulaire qui^ au lieu
de s'arrêter et de s'organiser comme dans les tissus inflamma-
toires, continue à proliférer et devient une véritable tumeur
de mauvaise nature, du type sarcôme. On en a vu un exemple
dans Tobs. XXXI (19 et 20 de la statistique). Mélano-sarcôme
et carciiiôme des deux yeux,dont Tétiologie est ainsi résumée :
Pour ce qui concerne le développement de la tumeur, nous avons
une forme maligne consécutive à un traumatisme ; elle mérite d'être
rappelée à ceux qui combattent pour l'origine dyscrasique des tu-
meurs; les causes traumatiques ne sont pas aussi rares qu'ils le
croient. Sans vouloir décider si l'amblyopie préexistante au trau-
matisme a été pour quelque chose dans la marche de cette affection,
je crois pouvoir rejeter l'avis qu'il s'agissait, dans ce cas, d'un
processus malin intra-oculaire ancien, simplement activé par une
excitation violente. Les assertions du malade et les récidives nous
ont montré suffisamment que la vue n'avait pas diminué à l'œil
droit avant d'avoir reçu le coup fatal, et que la diminution progres-
sive de la vue n'a commencé qu'avec des douleurs, lesquelles trou-
vent leurexplication dans les symptômes cliniques et anatomiques de
la pression intra-oculaire. Une durée de quarante-cinq ans etenfln la
constitution anatomique de la tumeur seraient contraires à l'hypo-
thèse d'une tumeur antérieure au traumatisme, car on ne peut pas
trouver des points de repère pour un processus ancien, ni dans la
partie sarcomateuse, ni dans la partie carcinomateuse. L'état de la
rétine et celui de la partie libre de la choroïde ne permettent pas
non plus de le supposer (1).
2*^ Glaucome. Au congrès ophthalmologique deHeidelberg(2)
Gritchett communiqua à ses collègues le cas d'un œil glauco-
mateux dans lequel il avait trouvé, quelque temps après, une
(1) Landsberg, Archîv fûr Ophth., B. XT, Abth. 4, p. 58 (Voir Observa-
tion XXXI,- chap. 4).
(-2) En 1868.
tumeur. Y voyant une relation de cause à effet, il crut que
la tumeur était consécutive au glaucome. Mais Graefe s'opposa
avec raison à cette manière de voir, en se basant sur les cas
assez fréquents dans lesquels on observe d'abord une tumeur,
puis des phénomènes glaucomateux et sur la difificulté de
faire le diagnostic dans quelques cas de tumeurs qui ne
donnent pendant longtemps d'autres symptômes que le glau-
come. Arlt, de son côté, avait également observé des tumeurs
dans des yeux qui avaient été le siège de phénomènes glau-
comateux; mais il pensait avec Graefe qu'elles étaient préexis-
tantes au glaucome. Ce que nous avons dit de la fréquence du
glaucome aigu dans les cas de sarcome de la choroïde suffit
pour démontrer que, si l'on observe une tumeur dans un œil
qu'on a soigné d'abord pour un glaucome, on peut, en règle
générale, confesser son erreur et avouer qu'on a pris un glau-
come aigu compliqué de tanjeur intra-oculaire pour un glau-
come aigu simple.
3** L'iridectomie a été également incriminée et considérée
comme la cause de tumeurs intra-oculaires parce que après
l'avoir pratiquée dans des cas de glaucome aigu, on a vu par-
fois une tumeur apparaître dans l'œil et franchir ses enve-
loppes par la plaie résultant de Topération. Ce qui vient d'ôtre
dit du glaucome aigu comme cause de tumeur choroïdienne
doit être également appliqué à l'iridectomie. La tumeur existait
dans l'œil glaucomateux, et l'opération n'a été qu'un sujet
d'irritation pour l'œil. Après une rémission momentanée, le
néoplasme s'est développé avec d'autant plus de facilité que
la résistance du globe était moins grande. C'est ainsi qu'il faut
interpréter les deux observations de Hasner, publiées en
1865 (1) et (fui ont paru très- curieuses parce que la marche
(1) Hasner, The Ophthalmic Review, octobre 1865 ; Schmidt
Jahrbûcher^ B* GXXVI, p. 326^ 1865; et Annales d'oculis., t. LV, p. 78,
1866.
— 228 —
des tumeurs intra- oculaires n'était pas encore assez bien
connue.
4* Les choroïditesparenchymateuses peuvent être une cause
déterminante de sarcome de la choroïde en produisant une
hypergénèse des éléments du lissu cellulaire et une augmenta-
tion de la membrane (de Wecker) (i),qui au lieu de se détruire
rapidement et d'être éliminés sous forme de pus, restent à une
des phases de leur évolution et donnent lieu à une tumeur
consistante et durable, laquelle, sous Tinfluence de causes qui
nous échappent, devient un véritable sarcome,
5° Les migraines et les ophthaimies catarrhales signalées
tout à fait au début de plusieurs sarcomes choroïdiens, peuvent
en être une cause déterminantOjen produisant des congestions
dans le réseau vasculaire de la choroïde.
En résumé, les causes prédisposantes des sarcomes de la
choroïde sont : Vâge : ces tumeurs ne se rencontrant que chez
les adultes, dans Tâge mûr et chez les vieillards; le sexe mas-
culin et \di structure éminemment vasculaire de la choroïde.
Ils peuvent naître également sous l'influence de causes déter-
minantes, telles qu'un traumatisme, des phénomènes inflam-
matoires dans un œil atrophié, ou une choroïdite parenchy-
mateuse.
§ 2. — Pronostic du sarcôme de la choroïde.
Le pronostic des tumeurs sarcomateuses de la choroïde est
toujours grave ; mais leur gravité a quelques degrés, suivant
qu'on les observe à leur début ou à une période plus avancée
de leur développement, et aussi suivant la variété du tissu
qui les compose. Les statistiques qui ont été faites au para-
graphe Durée des sarcômes ont déjà laissé entrevoir ce que
Ton doit penser de leur nature bénigne ou maligne. Il n*est
pas inutile de rappeler ici quelques-uns des résultats aux-
quels nous sommes arrivé :
(4) De Wecker, Maladies des yeux. t. I, p. o5(», 1867.
— 229 —
1^ Dans la plupart des cas de sàrcôme où Vopération a été
suivie de récidive, il y avait une tumeur extra-oculaire au
moment de Vopération»
2^ Néanmoins , une intervention prompte à la première
ou à la seconde période d^un sarcôme de la choroïde n'exclut
pas la possibilité d^une récidive. Nos statistiques sont pro-
bantes sur ce point :
Dans le relevé des sarcomes, deux tiers de plus de récidives
quand on a opéré à la troisième période que dans les cas où
Ton a fait l'ablation de l'organe à la première ou à la deuxième
période. Danscelui des mélanoses, chiffre effrayant de récidives,
parce qu'on a presque toujours opéré à la troisième période.
L'analyse de quatre observations, dans lesquelles on n'a
pas opéré, montre de plus que le sarcôme, abandonné à lui-
même, entraîne la mort assez rapidement. Il n'existe pas un
cas de guérison spontanée; aussi est-on fondé à ranger le
sarcôme de la choroïde parmi les tumeurs malignes. Cepen-
dant les sarcômes, vu leur nature homœoplastique, paraissent
avoir un caractère de malignité moindre que les vrais carci-
nômes (Knapp) (2). Il y a également des différences dans cette
malignité, suivant la structure de la tumeur plus ou moins
ferme, plus ou moins riche en cellules rondes et en vaisseaux.
Tous ces points ont déjà été étudiés au chapitre Anatomie
pathologique et à propos de la marche et de la durée des sarcô-
mes. Il suffira de rappeler ici que plus les cellules sont petites,
et plus il y a de cellules rondes , plus le pronostic de la tu-
meur doit être fâcheux. De même les formes mixtes, sarcômes
carcinomateux, glio-sarcômes et myxo-sarcômes, ont un de-
gré de malignité supérieur aux formes simples.
En un mol, quand on aura observé dans un œil énucléé un
(1) Les suites de l'opération n'étant pas indiquées dans 47 cas de sar-
côme et dans 20 cas de mélanose.
(2) Knapp, Die intraoculareu Geschwûlste, p. 205.
— 230 —
leuco-sarcôme, un sarcôme téléangiectasique et Tune des trois
formes mixtes, on devra porter un pronostic des plus funestes.
La coloration des tumeurs est également un bon signe pour
établir Topinion qu'on doit se faire sur le degré de leur gra-
vité. En règle générale , les mélano-sarcômes sont de toutes
les formes,molles ou fermes, Tune des plus malignes. Sur nos
18 cas de récidive de sarcôme, nous avons compté 14 mélano^
sarcômes.
De même, la statistique des mélanoses donne un chiffre
plus élevé de récidives que celle des sarcômes. Graefe dit for-
mellement dans un de ses ouvrages qu'il n'a jamais vu un fait
de ce genre qui n'ait été suivi de mort. On cite pourtant des
cas dans lesquels, vingt ans après Ténucléation d'un œil sar-
comateux, le sujet était encore bien portant (Knapp) (1). Mais
ces faits sont exceptionnels; souvent Topération est impuis-
sante à sauver le malade.
L'opinion des auteurs sur la malignité de la mélanose ocu-
laire est, pour ainsi dire, unanime. Velpeau déclarait que le
pire des cancers était le cancer mélané.
« Il sufiBt, disait Nélaton en parlant d'un néoplasme intra-
oculaire, de nommer la tumeur pour faire comprendre, d'un
seul mot, son affreuse gravité : c'est une tumeur mélanique;
or, les cancers mélaniques sont, peut-être, de toutes les pro-
ductions hétéromorphes celles qui ont la tendance la plus
opiniâtre à la récidive, celles qui tendent le plus à déterminer
une infection générale, caractérisée par des tumeurs dans
tous les points de l'économie » (2). Mais, sous le nom de can-
cer mélané, ces auteurs confondaient ce que l'on décrit au-
jourd'hui sous les noms de mélano-sarcômes et de mélano-
(1) 1° Dans un cas (de Dor) opéré à la période glaucomateuse, pas de
récidive neuf ans après.
2» Le prof. Weber a rapporté deux cas de mélanose de la choroïde
dont la guérison se maintenait 13 et 20 ans après Topération. Notre
statistique mentionne des guérisons de 2, 5 et 6 ans.
- 231 -
carcinôme; leur opinion ne s'appliquerait doncpasau pronostic
des tumeurs sarcomateuses, si Ton ne savait que les derniers
sont en très-petit nombre, et que les premiers constituent
Timmense majorité des tumeurs mélanées (1).
A ces appréciations , que nous pourrions multiplier , sur la
gravité exceptionnelle des mélano-sarcômes , il est consolant
d'avoir à opposer quelques avis moins pessimistes; car, en
parlant de ce principe que les mélano-sarcômes sont, sans
contredit, la variété la plus fréquente des sarcomes de la cho-
roïde, on serait tenté d'abandonner les malades à la marche
naturelle de leur affection, si l'opération doit être toujours
inutile. Sichel père et Pamard furent les premiers qui établi-
rent une distinction dans les observations de mélanose ocu-
laire, en distinguant une mélanose bénigne et une mélanose
(1) Prof. V. Graefe, Archiv fûr Ophthalmologie, 1864, B. X, Abth. 1,
p. 176.
Il n*y a qu'une opinion sur les tumeurs mélanotiques qui arrivent
✓ dans Tceil ou autour de Tœil; moi-môme quand je passe en revue les
faits que j'ai eu l'occasion de voir, je ne me rappelle aucun cas dans
lequel, après une extirpation complète d'une tum'eur de ce genre, il y
ait eu plus de quatre mois de guérison apparente. Dans la plupart des
cas, les récidives se montrent à l'endroit primitif ou bien dans d'autres
organes, déjà au bout de trois mois, six mois, un an.
En règle générale je puis affirmer que la malignité des cas est bien
inégale, parce que, dans l'extirpation de tumeurs très-petites, larécidive
est relativement rapide, et que, dans d'autres cas d'extirpation de tu-
meurs plus volumineuses, la récidive se fait attendre plus longtemps.
Évidemment il s'agit de savoir si ces marches différentes de la ma-
ladie tiennent à la différence anatomique de la tumeur ou à la manière
d'être individuelle des tissus environnants. Nous sommes conduits par
là à saisir les différences les plus délicates de ces tumeurs, afin de ga-
gner plus d'assurance pour le pronostic, dans les cas qui peuvent se
présenter. Cet eflort est d'autant plus nécessaire que de fait la méla-
nose appartient à différents groupes de tumeurs. En nous soumettant à
l'autorité de Virchow, nous admettrons qu'elle a la structure du sarcôme
et exceptionnellement la forms alvéolaire du carcinôme» Cette règle est con-
firmée par les examens faits par Virchow et par Recklinghausen de tu-
meurs que j'avais eu l'occasion d'extirper.
— 532 —
maligne (1). Noos avons déjà donné quelques explications sur
la mélanose bénigne. Elle est beaucoup plus rare que le
croyaient ces auteurs. L'observation n^ 26 de Pamard, les faits
de Dor et du professeur Weber, l'absence de récidive dans un
espace de temps assez long après Topération, établissent ({ue
la mélanose oculaire n'est pas absolument maligne dans tous
les cas, qu'on peut parfois, mais rarement, espérer d'enrayer
sa marche par une prompte intervention chirurgicale. Il ne
faut donc pas désespérer de ces malades et refuser une opéra-
tion qui est leur seule planche de salut.
A côté des faits qui paraissent établir qu'on peut retarder
considérablement ou guérir la mélanose intra-oculaire, nous
devons citer les faits de sarcôme de lachoroîde, relatés comme
s'étant terminés temporairement ou d'une façon définitive par
l'atrophie du globe (voir notamment les cas de E. Berthold) (2),
publiés il y a deux ans dans les Archives de feu le professeur
Graefe.
Nous serions heureux de partager Topinion suivante de cet
auteur : « Ces cas de sarcomes mélanés qui se sont terminés
par l'atrophie me paraissent présenter beaucoup d'intérêt, au
point de vue du pronoslic des sarcômes de la choroïde, car ils
diminuent la gravité de ce pronostic. Les deux enfants opé-
rés par moi sont actuellement (plusieurs années après l'opé-
ration) bien portants. » Mais nous n'acceptons pas ces cas
comme de vrais sarcômes de la choroïde. Tous les détails de
(1) Iconogr. ophth. de J. Sichel, obs. 197, p. 557. Paris, 1857.
(2) H. Meisner (Schmidt Jahrbûcher, B. CXXVI, p. 90, 1865) cherche
à expliquer ces cas de mélanose simple en disant qu'on a considéré à
tort comme des cas de mélanose la formation de masses de pigment qui
partent de la partie concave de la choroïde et qui n'abolissent la vue
que mécaniquement par compression et destruction de la rétine. Il dé-
signe ces faits sous le nom de stéatose de la couche pigmentée avec hyper-
plasie (nom que lui donne TAtlas d'histologie oculaire de Weld^, réser-
vant celui de mélanose pour les faits de cancer pigmenté.
E. Berthold, Archiv fur Ophthal., B. XVII, Abth. i, p. i85, 1871.
— 233 —
robservation indiquent qu'il faut les ranger à côté des sar-
comes inflammatoires de Knapp et de Quaglino. L'œil d'une
de ces malades, âgée de 20 ans au moment de l'opération,
était atrophié et phthisique depuis son enfance. Le sarcome .
de Tautre malade aurait débuté in utero. Or, jamais on n'a
observé de sarcome dans ces conditions. Il y a donc lieu, selon
nous, de faire de grandes réserves sur l'authenticité de ces
deux faits.
L'observation d'un cancer de Toeil, arrivé à sa dernière pé-
riode, et qui s'est terminé par l'atrophie du globe, publiée
parDemme, en 1861 (1), dans laquelle il s'agit d'un homme
de 66 ans, nous laisse également quelque doute. Bien que
l'auteur dise qu'à ce degré de la maladie un diagnostic faux
ne soit pas possible, il nous parait difficile d'admettre ce mode
de terminaison d'un cancer.
Le cas de mélanose oculaire sur une femme de 34 ans,
rapporté par Sichel père {Iconog.-OphthaL, obs. 194, p. S39)
et terminé par l'atrophie, est également loin de nous con-
vaincre, et nous ne croyons pas qu'on puisse espérer de faire
terminer les sarcomes par l'atrophie.
En résumé, le sarcôme de la choroïde est une des affections
les plus graves que l'on puisse observer, et en présence d'un
cas bien constaté, on doit porter un pronostic très-fâcheux,
surtout si le malade est jeune, ce qui est une présomption
pour qu'on ait affaire à une forme molle et si la tumeur se
montre à l'opbthalmoscope très-riche en pigment.
L'atrophie d*yeux dans lesquels on a reconnu la présence
d'un sarcôme n'est souvent qu'illusoire et de courte durée. SI
celle-ci se prolonge, il est plus que probable qu'on a eu affaire
à des cas de choroïdite parenchymateuse inflammatoire sans
présence d'éléments réellement sarcomateux.
H. Demme in Bern. (M emorab VI, 5; mai 1861), et S chmid 's Jahr-
bûcher, B. CXIV, p. 70, 1862.
- ©4-
Une énndéatioa pratiquée de bonne heure (premi^ et
deuxième périodes), permet à' espérer qaele mal ne récidivera
pas; mais, même dans ces cas, il est prudent de ûôre
^ de grandes réserves. Plusieurs observations citées, dans le
courant de ce travail, autorisent à ôbe pessimiste, même dans
ces circonstances. Néanmoins, notre statistique mentionne des
£adts dans lesquels la guérison de sarcomes énndéés à une
période se rapprochant de leur début, s'est maintenue pendant
longtemps. Suivant le dire de E. Berthold (1), Forster na ja-
mais constaté de récidive après Fextirpation d'yeux atteints de
sarcomes de la choroïde; le firère du même auteur, H. Berthold,
a constaté huit de ces cas sans récidives. En ôtani à ces ob*
servations ce qu'elles peuvent présenter de trop brillant, Uya
lieu néanmoins d'en taiir compte. On parait donc autorisé i
dire que le pronostic des sarcomes^ le plus souvent très-mau-
vais, ne Test pas d'une façon absolue dans tous les cas.
§ 3. — Traitement du sarcôme de la choroïde.
Etant donné un malade atteint de sarcôme de la choroïde,
diagnostiqué par les symptômes énoncés au chapitre Y, à la
première ou à la seconde période, quelle conduite doit-on
tenir ? Si le malade ne se présente qu'après la rupture du
globe, y a-t41 encore indication d'agir? Telle est la double et
grave question qu'il importe de résoudre.
Nous avons résumé dans les deux mots latins, principiis
obstaj inscrits en tète de ce travail, Findication générale que
nous jugeons la meilleure dans tous les cas de sarcomes obser-
vés et reconnus avant ou pendant la période glaucomateuse.
S'opposer aux débuts du mal, et chercher à en faire dispa*
raitre tous les germes alors qu'il y a lieu de supposer qu'ils
sont encore circonscrits et isolés du reste de l'organisme
(1) E.'Berihold, Archiv fur Ophihal., t871, B. XVII, Abth. i, p. 185 tt
suivantes, 1. c.
par les enveloppes de l'œil,, telle est la conclusion thérapeu-
tique à laquelle nous sommes arrivé après avoir dépouillé et
analysé toutes les observations que nous avons pu rencontrer
dans les ouvrages français et étrangers. Si cette indication gé-
nérale est jugée un peu trop radicale, on peut se reporter à nos
statistiques et aux déductions qui en ont été tirées dans le
paragraphe de ce chapitre, on se convaincra de nouveau des
funestes résultats auxquels on arrivait autrefois lorsqu'on ne
faisait le diagnostic de la mélanose intra-oculaire qu'à la troi-
sième période de son évolution, auxquels on arrivera encore
fatalement si, sans profiter des enseignements que nous donne
assez souvent Topththalmosope, ou ceux fournis par la pé*
riode glaucomateuse des tumeurs, on laisse ces affections ma-
lignes perforer l'enveloppe oculaire, et se répandre dans Tor-
bite. Mais, pour donner un conseil aussi terrible que Tablation
d'un œil, surtout quand il n'est pas le siège de symptômes
extérieurs alarmants, il est important de s'entourer de Tas-
sentiment des hommes le plus accrédités qui ont écrit sur les
cancers de l'organe de la vue ; aussi croyons-nous utile de
rappeler ici Fopinion de quelques auteurs sur le traitement de
la mélanose et des sarcômes de la choroïde.
Lawrence (1) (voir Historique^ p. 24), est le premier qui,
en 1838, ait bien précisé les indications du traitement de la
mélanose. «Il y a d'autant plus de chances de succès, que Y on
procède plus tôt à l'opération. Mais lorsque l'ulcération s'est
déjà manifestée, il est à craindre que le mal ait déjà envahi le
nerf optique et le cerveau. Toujours dans ces cas le pronostic
est douteux ; le plus souvent, le malade meurt après l'opé-
ration des suites d'une maladie secondaire du foie. i>
a II n'y a pas d'autre moyen curatif, disait Malgaigne en
(1) Annales d'oculistique, 1838, 1. 1, p. 33, 1. c.
— 236 —
I84d (1) que l'extirpation et Textirpalion totale, et Ton a vu par
combien de doutes et d'incertitudes il faut passer pour arriver
au point où elle est bien indiquée, sans que la maladie ait fait
trop de progrès et que l'économie tout entière soit atteinte. »
Ces paroles d'un des professeurs le plus érudits de l'Ecole
de Paris, et celles qu'on va lire sont d'autant plus instructives
qu'elles indiquent le désespoir dans lequel étaient les anciens
chirurgiens de ne pouvoir reconnaître la mélanose qu'au mo-
ment ou l'intervention est à peu près inutile.
En 1843 (2) :€ Les cancers de l'œil, lorsqu'ils ont été enle-
vés, repoussent avec une violence et une opiniâtreté dont
on n'a pas idée; aussi beaucoup de chirurgiens se demandent
si on doit opérer? Velpeau répond par l'affirmative, et il
allègue pour raisons que Von compte quelques exemples de
guérison et que l'on ne risque rien à opérer puisque la maladie
ne fait jamais grâce et qu'elle tue tôt au tard. »
En 1853 Stœber, professeur à Strasbourg (3) ; « Je ne ferais
donc plus en 1853 ce que j'ai fait en 1830, je ne resterais pas
spectateur des progrès d'une affection que je considère comme
maligne. Dans un cas pareil, je pratiquerais sans hésitation
l'extirpation du globe de l'œil. Melius anceps remediumquam
nullum, j»
De Wecker. (4) « Le traitement de ces tumeurs consiste à
les enlever le plus tôt possible. Dès le moment où la présence
d'une tumeur est reconnue et l'œil affecté perdu pour la vue,
tout retard dans l'intervention chirurgicale devient funeste. »
(1) Malgaigne,!. c. De la mélanose oculaire, Gazette des hôp., 184i,
t. III, p. 220.
(2) Journal des connaissances médico-chirurgicales, t. X, 4843, p. 179
(Velpeau, Clinique de l'hôp. de la Charité).
(3) Conclusion de son Mémoire sur la mélanose intra-oculaire. Stras-
bourg, 1853, Gazette de médecine de Paris, no 3, 20 janvier l8o3, et An-
nales d'oculist., t. XXX, p. 264. 1853.
(4) De Wecker, Traité des maladies des yeux, l. I, p. 555. Paris, 1867.
— 237 -
Hasner de Prague et Giraud-Teuloii(l) : « Il importe peu que
l'on ait telle ou telle opinion sur la cure radicale du cancer par
l'opération. Il n'est pas encore parfaitement établi que tout
cancer récidive. Souvent ils ne se reproduisent qu'après un
grand nombre d'années. Mais ne pût-on espérer qu'une année
de répit, Topération serait encore indiquée. » Giraud-Teulon
qui reproduit les paroles de Hasner en faisant l'analyse de la
statistique publiée par cet auteur sur les cancers de l'œil, est
du même avis.
Knapp en 1868 (2) : « Le traitement peut se résumer en
quelques mots ; si le diagnostic est certain, on ne doit pas
tarder de faire l'énucléation pour profiter du moment où la
maladie est encore intra-bulbaire... Quand il existe des foyers
secondaires dans l'orbite ou une récidive locale, l'extirpation
totale du contenu orbitaire est indiquée. »
En 1869, le professeur Graefe (3) se prononce de nou-
veau en faveur de l'opération dans un mémoire sur les tumeurs
intra-oculaires (gliôme et sarcome) et Tannée suivante il énonce
encore ce précepte thérapeutique en termes très-explicites :
« L'énucléation du globe est le seul moyen qui guérit (4). »
Hasket Derby (S), en 1872 : « Il est certainement doulou-
reux pour le médecin de conseiller l'ablation d'un œil, même
quand l'aspect de cet œil paraît normal, et que le malade y
voit pour lire et pour écrire. Mais la certitude qu'il a acquise
sur la nature d'une tumeur qui peut atteindre le foie et d'autres
organes et se terminer fatalement, peut le rendre fier envers
(1) Annales d'oculistique, t. LV, p. 78, 4866, 1. c, the Ophtalmie Re-
view, n« 7, octobre 4865, et Schmidt Jahrbûcher, B. GXXVI, p. 326, 1865.
(2) Die intro-oculairen Geschwûlste Garlsruhe, 1868, p. 210.
(3) Archiv fur Ophthal., B. XIV, Abth. 2, p. 103 à 444, et Annales
d'oculistique, t. LXI, p. 75, 4869.
(4) L. c. Graefe, Archiv fur Ophthal., B. XV, Abth. 197.
(5) Hasket Derby, 1. c. Boston médical du Surgical journal, 6,
p. 85, 1872, et Union médicale, même année.
— 238 —
la science qui a mis entre ses mains le moyen de sauver un
malade. »
Soelberg Wells (1) : a Le traitement à adopter pour ces tu-
meurs est Textirpation de l'œil, aussitôt que le diagnostic est
établi avec certitude. »
En 1873, Simon Duplay (2) : « Le seul traitement consiste à
faire aussi rapidement que possible l'énucléation du globe de
rœil, quand la tumeur est intra-oculaire. »
Il était nécessaire de faire connaître textuellement l'opinion
de quelques auteurs sur le traitement des tumeurs intra-ocu-
laires. On pourrait multiplier ces citations, mais nous croyons
qu'il sufiBt de dire que la majorité des auteurs s'est prononcée
en faveur de l'opération hâtive ; nos statistiques le démontrent.
Elles peuvent même paraître effrayantes aux yeux des per-
sonnes qui conservent quelques doutes sur la possibilité d'un
diagnostic précis à la première ou à la seconde période. Du
reste, si le chirurgien a le moindre doute, il peut tenir le ma-
lade en expectation, et la marche des accidents glaucomateux
confirmant des symptômes physiques antérieurs (décollement
anormal, double réseau vasculaire sur ce décollement, œil de
chat amaurotique deBeer, etc. etc., il peut, s'il a conscience
de son savoir, agir en toute sécurité. C'est alors que le devoir
de la profession médicale s'impose réellement. Le chirurgien
ne doit pas considérer si l'opération a plus ou moins de chances
de réussir ou d'être suivie d'une récidive locale ou d'une géné-
ralisation, accidents qui ne manqueront pas d'être mis sur le
compte de l'intervention, il s'agit de sauver une existence* Il
peut compromettre sa réputation aux yeux des parents et de
l'entourage du malade, dont le décès lui est imputé; mais il a
(1) Traité des maladies des yeux, trad. de l'anglais. Paris, 1873,
p. 476, I. c.
(2) S. Duplay. Traité de Pathologie externe, par E. Pollin et S. Du-
play. T. IV, p. 367.
- 239 -
fait ce que sa conscience lui indiquait de faire. « Fais ce que
dois, advienne que pourra. » Nous ferions injure à nos lecteurs
en insistant sur ce côté de nos devoirs professionnels; si nous
l'avons rappelé, c'est qu'il ne trouve nulle part une application
plus saisissante que dans la question des tumeurs intra-ocu-
laires,
A côté des partisans de l'opération hâtive, érigée en mé-
thode dans les cas de sarcômes de la choroïde, et de l'opéra-
tion à toutes les périodes, se placent ceux qui en sont parti-
sans pendant les deux premiers degrés de l'affection et qui la
repoussent si Ton observe la maladie dans les deux derniers
degrés de son évolution. De ce nombre est Macnamara (1).
« Dans la première période de la maladie nous avons raison
de faire l'ablation de l'oeil; mais, plus tard, je doute beaucoup
que l'extirpation soit bien indiquée. Dans un ou deux cas que
j'ai observés dans ma pratique, j'ai refusé l'opération et je
n'ai pas eu à le regretter. Dans un cas, le malade est mort peu
de temps après m'avoir consulté, et, sans doute, si j'avais fait
l'opération, on aurait dit qu'elle était cause de la mort. »
Nous aimons à croire que le^ malade dont il est ici question
offrait des signes de généralisation, de métastases sur le foie
par exemple; sans quoi, si rien ne faisait supposer la forma-
tion de tumeurs analogues à celles de l'œil dans d'autres or-
ganes; si l'état général, en un mot, était bon, aucune consi-
dération intéressée et personnelle ne devait empêcher d'in-
tervenir.
En un moty si l'examen minutieux de toutes les fondions
des différents viscères abdominaux et thoraciques, etc., n'au-
torise pas à admettre une cachexie ou un état diathésique,
l'œil fût-il rompu depuis longtemps et aurait-on trois chances
contre quatre d'insuccès, on devrait opérer, selon nous, si
(i) Macnamara, 1. c , p. 366.
par le secours de Fart le chirurgien donne au malade une
chance sur cent de guérir, alors qu'il en avait cent sur cent
de mourir à bref délai.
Meyer (1) est également partisan de l'ablation, dans le plus
bref délai, des tumeurs sarcomateuses.de la choroïde. Il ajoute
c( que ce précepte a surtout sa valeur, lorsque la tumeur est
encore restreinte sur l'œil et que l'individu ne montre aucun
symptôme de diathèse générale. En cas contraire , l'opération
est bienlôt suivie de récidive ou de Tapparition de tumeurs
analogues dans d'autres parties du corps, et l'intervention
chirurgicale parait alors accélérer la marche générale de la
maladie. »
Nous sommes de l'avis de cet auteur et nous conseillerons
l'abstention chaque fois qu'on observe des signes évidents et
palpables de métastases ; mais, sauf cette exception, si le chi-
rurgien n'a que des doutes sur l'état général de son patient,
si surtout celui-ci réclame l'ablation d'une tumeur qui est un
sujet d'épuisement par les hémorrhagies dont elle est le siège,
ou par le dégoût qu'elle inspire, il est de son devoir d'agir et
de faire abstraction de toute autre idée qui le porterait à
s'abstenir.
Quelques chirurgiens, mais en petit nombre, érigent en
principe cette abstention; nous citerons J. Fritschi (2), qui,
en 1846, repoussait toute opération avant la fin de la deuxième
période , mais seulement, disait-il, t parce que le diagnostic
n*est pas encore tout à fait sûr. » Cette réserve de Fritschi est
légitimée par l'époque où elle a été émise et par la difficulté
du diagnostic avant l'ophthalmoscope. On ne peut donc l'in-
criminer ; mais elle n'est plus admissible maintenant.
(1) Meyer, Manuel des maladies des yeux. Paris, 1873, p. 255, 1, c.
(2) Des tumeurs spongieuses malignes de rœil, § 65, analysé dans
Schmidt Jahrbûchcr, B. L, p. 2ol, 1846.
— 241 —
Les auteurs qui admettaient la bénignité de certaines méla-
noses intra-oculaires pensaient conséquemment qu'il était
possible d arriver à les guérir par un traitement médical. Nous
trouvons cette opinion émise pour la première fois (1) dans un
travail sur la mélanose, par un médecin anglais, W. Norris.
Pensant qu'elle se formait par excès de carbone dans le sang,
il recommandait le sel marin et Tarsenic comme moyen curatif
de la mélanose. C'est cette idée qui a été reprise par Foltz, de
Lyon, en 1849 (2). Tout en conseillant l'opération appropriée,
cet auteur préconisait les altérants, les dépuratifs, les fondants
et les purgatifs.
« Dans la première période de la mélanose, disait J. Siebel, on
peut espérer de faire atrophier le globe,et aveclui la production
morbide, en employant le traitement antipblogistique, déri-
vatif et résolutif, les émissions sanguines locales et générales,
les purgatifs, les antiplastiques. A ces moyens il faut associer
tous ceux qui peuvent améliorer la constitution et faire cesser
les complications et l'action des causes générales. Parmi ces
dernières se trouvent très-fréquemment la pléthore abdomi-
nale, la dysménorrhée et la disposition hémorrhoïdale , aux-
quelles il convient d'opposer, outre les moyens déjà men-
tionnés, les emménagogues (gommes, féculacées , sabine), les
préparations de soufre et les aloétiques (3j».
« L'atrophie du globe (4) peut être provoquée quelquefois
par la thérapeutique, comme moyen curatif de l'encépha-
loïde et de la mélanose oculaire interne, lorsqu'on arrive à
temps, c'est-à-diré lors de la première période ; dans la se-
conde, il est presque toujours trop tard. »
En rendant hommage au but que se proposait Fauteur de l'/co-
(1) Schmid's Jahrbticher, B. XXI, p. 383, 1847, et B. XCIII, p. -24.
(2) Gazette médicale de Milan, n<> 10, 1849.
(3) Iconogr. ophthalmologique, § 663, p. 548. Paris, 1852-1859.
(4) Iconogr. ophthalmologique, § 683, p. 573.
Brière. 16
— 242 —
nographie ophthalmologiquey et qui serait certainement le meil-
leur moyen, s'il était efficace, nous devons nous inscrire con-
tre tout traitement médical dirigé contre les mélanoses et
contre les sarcômes de la choroïde, parce qu'il fait perdre un
temps précieux et qu'il permet à Taffection d'arriver à la pé-
riode où il n*est plus temps d'agir. La terminaison des sar-
cômes par une atrophie durable et définitive du globe est
trop rare , si tant est qu'on en ait constaté des exemples bien
authentiques, pour qu'il soit permis de la tenter. Quelle serait
notre responsabilité, si après avoir eu quelques chances de
sauver un malade, on reconnaissait son erreur en le voyant
devenir cachectique et mourir victime de notre illusion !
Avant de terminer, nous devons parler d'un moyen pré-
conisé par Graefe (1) pour reconnaître la présence d'une tumeur
intra-oculaire sur laquelle l'observateur n'a que des soupçons;
il consiste à instiller de l'atropine dans l'œil malade. Plusieurs
fois on a réussi par là à confirmer un diagnostic, en transfor-
mant l'absence d'état inflammatoire en accès de glaucome.
Quel que soit le mode d'action de l'atropine sur le dévelop-
pement des accidents glaucomateux dans le cas de tumeur
intra-oculaire, elle a été vérifiée plusieurs fois, et il sera bon
de l'employer lorsqu'on aura des raisons plus ou moins sé-
rieuses de croire à un sarcôme. Car on sèra maître de s'op-
poser immédiatement à l'affection qu'on aura ainsi démasquée.
Lorsque le malade se présente pendant la période glauco-
mateuse et qu'on ne peut franchir les milieux de l'œil (même
avec une lumière intense telle que la lumière Drummont),
pour arriver à découvrir des signes positifs de tumeur que
certains symptômes anamnestiques permettent de soupçonner
(scotôme central, restriction localisée du champ visuel, mar-
che et développement de la maladie, etc.), on peut, sans
(I) Archiv fûr Ophtha)., B. XIV, Abth. 2, p, m à 444, et B. XV,
Abth. 3, p. 196.
- 243 -
crainte, pratiquer Tiridectomie, comme s'il s agissait d'un
cas de glaucome simple. Il peut se faire, par exemple, que la
présence d'un décollement de la réline, reconnu précédem-
ment et venant à se compliquer d'exagération de la pression
intra-oculaire et de névrose ciliaire, donne des soupçons sur
une tumeur; si, dans ce cas, le trouble de la pupille et du corps
vitré est tel que Ton ne puisse examiner le fond de l'œil, on
sera autorisé à pratiquer Tiridectomie; de même, si l'on hésite
entre un glaucome simple ou entre un glaucome consécutif
à une tumeur, puisque Ton sait que Tunique moyen à oppo-
ser au glaucome est l'opération de l'iridectomie. Si donc
on pratique cette dernière, elle pourra souvent produire une
diminution du trouble des milieux, lequel permettra de voir
le fond de Tœil et d'établir définitivement le diagnostic (1).
Mais il est évident que, dans le cas de tumeur, riridectomie
ne sera d'aucun effet, ou ne produira qu'une amélioration pas-
sagère et de courte durée, telle que diminution de la tension
et des douleurs. La paracentèse aura les mêmes effets. L'af-
fection reprend bientôt son cours, et la réapparition rapide
des phénomènes glaucomateux fait voir à ceux qui peuvent
encore douter qu'il ne s'agit plus d'un glaucome simple,
comme on le supposait, mais d'un glaucome secondaire.
Nous n'insisterons pas sur le mode opératoire de Ténucléa-
tion. Il est suffisamment connu de tous les chirurgiens qui
s'occupent d'ophthalmiatrie; la méthode indiquée par Bonnet
est d'une exécution facile et la plus employée. Il n'est jamais
utile, à notre avis, de diviser la commissure palpébrale externe
sur une étendue de 1 centimètre, sous prétexte de rendre
l'opération plus facile. C'est compliquer bien inutilement un
procédé opératoire excellent. Ce débridement n'est indiqué
que dans le cas où la tumeur a envahi l'orbite, et s'il faut en
(1) Graefe, Archiv fur Ophthal., Bd. IV, p. 208, et Knapp, Die intra
ocularen Ges.j p. 186.
— i44 —
nettoyer oa en roginer les parois. Une énudéation par la
méthode de Bonnet doit guérir en deux on trois jonrs, si elle
a été bien faite. L'habitade qn'ont plusieurs chirurgiens de
bourrer le vide laissé par l'ablation du globe avec des tam-
pons de charpie plus ou moins imbibés d'alcool ou de solution
de perchlorure de fer est on ne peut plus blâmable. Agir ainsi
c'est vouloir que le malade ne guérisse qu'en trois semaines
au lieu de guérir en trois jours. L'hémorrhagie, après Ténu-
cléation, d'après la méthode de Bonnet, n'est jamais à
craindre. Des coussinets de charpie appUqués bien régulière-
ment par-dessus les paupières, surtout du côté interne, et
une compression régulière et assez énergique suffisent dans
tous les cas à arrêter le sang. Le bandage est levé vingt-
quatre heures après et renouvelé de la même façon. Deux ou
trois jours après l'opération, on peut se borner aux lotions
de propreté dans la cavité palpébrale. Au lieu de cela, si Ton
tamponne cette cavité, on la fait suppurer bien inutilement,
quand la tumeur est intra-oculaire. Hais si l'on craint Ten*
vahissement de l'orbite, si, sur l'œil enlevé, on a constaté de
petites tumeurs extra-oculaires, il est bon, il est indiqué, dans
ces cas, de faire suppurer les parties molles péribulbaires.
Quand on a affaire à une tumeur orbitaire volumineuse,
rapplication du fer rouge, ou, mieux, des caustiques plus ou
moins fluides, chlorure de zinc, etc., est indispensable. Si le
périoste est atteint, il faut l'enlever avec une rugine. On doit,
en un mot, avoir pour but unique de faire disparaître toutes
les traces de sarcôme.
Ed faisant Ténucléatioa, il est une indication capitale^ et
sur laquelle nous insistons en terminant, c'est de sectionner
le nerf optique le plus loin possible, à 5 ou 6 millimètres au
moins du globe, et de vérifier de suite sa section par un exa-
men au microscope, afin d'en couper un nouveau tronçon,
si celle-ci n'est pas saine.
Parmi les observations inédites de sarcôme de la choroïde
que j'ai recueillies à la clinique deM. le D'' Sichel, ou qui m'ont
été communiquées, plusieurs ont trouvé leur place dans le
courant de ce travail (obs, 70, 71, 72, 74, 77 et 78). Les autres
sont également intéressantes et m*ont servi de guides dans
Tétude que je viens de faire; aussi je crois qu'il n'est pas
inutile de les donner ici en résumé. Elles figureront à titre de
pièces à conviction des indications principales, mais très-
sommaires, contenues dans les statistiques :
Obs. (73* de la statistique). — L..., âgé de 40 ans, employé au
chemin de ier de TEst ; santé antérieure excellente. Depuis quatre
ans cependant, il est sujet à des migraines qui reviennent tous
les mois. Elles l'obligent parfois à garder le lit. Son père est mort
il y a quelque temps, mais il ne sait pas de quelle maladie. Sa
mère se porte bien.
Antécédents. — Le 6 mai i873, Tœil gauche devint rouge et dou-
loureux ; on prit cette affection pour une ophthalmie catarrhale.Le
malade souffrait alors de sa migraine. Application de 10 sangsues
à la tempe. La rougeur et la douleur disparurent peu à peu, mais
en même temps Tœil devint aveugle du jour au lendemain; si bien
qu'il ne pouvait plus distinguer le jour de la nuit.
M. le D*" Cusco, consulté, diagnostiqua un décollement de la ré-
tine. La migraine reparut tous les mois, comme par le passé, mais
il y a huit jours elle a atteint une intensité très-grande, et au lieu
de ne durer que pendant vingt-quatre heures, elle a continué jus-
qu'au moment où nous observons le malade.
Etatactuel, 13 septembre 1873. — Aspect glaucomateux de Tœil
gauche. Injection conjonctivale vive, léger chémosis, sensibilité
cornéenne diminuée. Pupille très-dilatée. (Depuis huit jours, son
médecin lui fait mettre de l'atropine.) Teinte glauque du cristallin.
A la lumière solaire on voit dans la moitié interne du fond de l'œil
un reflet gris jaunâtre qui donne de suite le soupçon d'une tumeur
intra-oculaire. Œil dur, T -|- 2. Impossibilité de voir le fond de
l'œil avec l'ophthalmoscope. La teinte rouge ordinaire des mem-
branes profondes est remplacée en dedans par une surface jaune à
reflet métallique, bosselée et en dehors par une teinte grise plus
uniforme.
- 246 —
Diagnostic : Sarcôme de la choroïde à la période glaucoma-
teuse. Enucléation le 16 septembre. Trois jours après le malade
était guéri. La présence d'uae tumeur intra-oculaire fut vérifiée
après Topération en examinant Tœil par transparence dans une
chambre noire, comme il a été expliqué chap. III, obs. 1.
Le 17 novembre, l'œil qui avait été mis dans la liqueur de Mul-
1er, fut sectionné suivant un de ses méridiens, de manière à couper
la tumeur en son milieu. La fig. 15, pl. lY, représente l'aspect de
cette coupe.
Examen histologique. — Pibro-sarcôme mélanique de la choroïde
avec développement d'une très-grande quantité de vaisseaux et
dégénérescence graisseuse des éléments cellulaires. La rétine et le
nerf optique n'ont pas subi la dégénérescence maligne (D' Ponce t).
Le 15 décembre. Le malade est bien portant, mais il offre un
teint jaune très-prononcé qui doit donner lieu à quelques réserves
quant au pronostic.
Obs. (75* de la statistique). — Le nommé G..., emballeur, âgé
de 57 ans, marié, père d'un enfant, n'a pas eu d'autre maladie
qu'une blennorrhagie vers l'âge de 23 ans. Il y a un an environ, il
a remarqué que son œil droit était plus terne que l'autre œil et que,
petit à petit, il se couvrait dans la moitié interne du champ visuel.
Cette lésion est restée huit mois stationnaire, mais il y a deux mois
le rétrécissement du champ visuel est devenu de plus en plus mar-
qué et enfin la perte de la vision de ce côté est devenue complète.
11 y a huit jours, aux troubles fonctionnels se sont jointes des dou-
leurs poignantes et de l'insomnie qui engagèrent le malade à con-
sulter M. le Sichel.
Etat actuel — 40 novembre 1871. L'œil et les parties avoisinantes
présentent les signes d'une gène notable dans leur circulation ; les
paupières sont œdématiées et recouvrent en partie le globe sur le-
quel on voit du chémosis. La coloration de l'iris est changée. Cette
membrane est propulsée en avant, bosselée et presque en contact
avec la cornée. La pupille est terne, assez semblable à Tœil de chat
amaurotique. A rophthalmoscope, en se servant d'un verre -h
o
qui corrige l'hypermétropie du malade et en se rapprochant tout
près de son œil, on constate une tumeur volumineuse dont la sur-
ace est parcourue par des vaisseaux.
— 247 —
Le lendemain l'œdème des paupières et le chémosis avaient
augmenté outre mesure.
Enucléation. — Quelques jours après, le malade était guéri. La
fig. 8, pl. V, représente l'aspect de la tumeur qui existait dans l'œil.
Diagnostic histologique : sarcôme peu pigmenté de la choroïde.
Un an après, le malade se porte très-bien. Il a travaillé deux jours
après l'énucléation. Depuis il n'a rien éprouvé de fâcheux.
Obs. 76* de la statistique. — Le 13 mars 1873, j'assistais à la cli-
nique de M. le professeur Richet, à l'Hôtel-Dieu. Parmi les ma-
lades qui furent présentés aux élèves, se trouvait un homme de
45 ans, qui offrait une exophthalmie de l'œil gauche et une tumeur
extra-oculaire.
Antécédents. — Dix-huit mois auparavant, douleurs subites et
très- vives dans l'œil gauche; elles durèrent huit jours. Deux mois
après, apparaissait sur le côté conjonctival de la paupière infé-
rieure une petite grosseur ; celle-ci augmenta graduellement en re-
foulant le globe en haut et en dehors. La vue a disparu complète-
ment dans cet œil depuis sept mois.
Etat actuel. — Etat général satisfaisant. Entre les paupières de
l'œil fait saillie une tumeur rouge de la grosseur d'une noix, etc.
En présence de ces symptômes, je fis le diagnostic d'un sarcôme
intra-oculaire qui avait perforé le globe. M. le professeur Richet
conclut à une tumeur fîbro-plastique, et en plaça l'origine dans la
sclérotique.
Extirpation. — La tumeur incisée montre un magnifique mé-
lano-sarcôme qui avait rempli tout le globe, et l'avait perforé au
niveau du canal de Schlemm. Il y avait communication évidente
entre les tumeurs intra et extra-oculaires.
Obs. 79* de la statistique. — M. C..., âgé de 47 ans, a été observé
par M. le D** Siebel, en i 868. Il présenta quelque temps les symptômes
ordinaires d'un décollement de la rétine. Desaccidents glaucomateux
déterminèrent ensuite à énucléer cet œil aveugle et qui pouvait
compromettre la vue de l'autre œil. On n'avait pas assisté au début
de l'affection, de sorte qu'on n'avait pas de raisons pour croire à
l'existence d'une tumeur intra-oculaire. Cet œil, ouvert quelque
temps après, offrait néanmoins une tumeur (voir pl. II. fîg. 16).
— Celle-ci a été reconnue pour un sarcôme à jeunes éléments Irès-
denses et presque sans trame fibreuse. Tumeur née flans la cho-
— 248 —
roïde, formée de cellules mesurant de un 150« à un 200® de millim.,
à nucléoles très-réfringents excessivement serrés. Au milieu de la
tumeur, espaces occupés par du tissu muqueux embryonnaire en
voie d'organisation, et par des travées fibreuses et des vaisseaux.
Peu de granulations pigmentaires. La rétine décollée recouvre la
tumeur de chaque côté (voir pl.- IV, fig. 16), particularité qui ne se
rencontre pas d'ordinaire.
Cette membrane est entièrement fibreuse, et la partie attenante à
la tumeur a subi la métamorphose en petites cellules. La choroïde, à
quelques millimètres de la tumeur même, est saine, sauf Tépithé-
lium-polygonal disparu par places. (Poncet.)
Obs. 80 à 83® de la siatisltque. — Je ne possède pas de rensei-
gnements cliniques sur ces trois malades. Les trois pièces anato-
miques sont sous mes yeux. L'examen histologique y a fait recon-
naître la présence de sarcômes de la choroïde.
EXPLICATION DES PLANCHES.
EXPLICATION PB LA PLANCHE I.
Figures 1 à 5. — Fibro-mélano-sarcôme (obs. I, 70* de la statis-
tique).
PiG, 1. — Aspect du sarcôme vu à sa première période avec
l'ophthalmoscope. A, zone de 2 à 4. millimètres qui offre les
caractères du décollement simple de la rétine ; B, tumeur. Elle
avait une couleur rosée et jaunâtre. De nombreux agrégats
de pigment et des taches blanches s'observaient à sa surface.
Un réseau vasculaire irré^ulier et de nouvelle formation,
situé derrière les vaisseaux rétiniens, recouvrait la tumeur,
FiG. 2. — Champ visuel rétréci en haut et en dedans. La partie
située au-dessus de la ligne ponctuée indique la zone dans
laquelle lîœil voyait encore, bien que d'une façon très-défec-
tueuse .
FiG. 3. — Eléments nouveaux dans le liquide du décollement
(sarcôme). Grossissement 300.
FiQ. A. — Elléments fusiformes constituant en totalité la tu-
meur née dans la choroïde. Fibro-sarcôme.
FiG. 5. — A, cellules de sarcôme embryonnaire; B, globule
de pigment entouré de vésicules graisseuses ; G, couche des
bâtonnets devenus colloïdes; D, couches de la rétine n'off
frant p^s d'altération.
Figures 6 à 9. — Leuco-sarcôme (Knapp, obs. II, 40« de la statis-
tique).
FiG. 6. — A, sarcôme bl^c, à cellules fusiformes; coupe sui-
vant un méridien. La partie grise située de chaque côté de
la tumeur représente la rétine qui la recouvre.
FiG. 7. — Goupe de la tumeur. La rétine lui est accolée. On
— 250 —
observe une légère couche de pigment (reste de la choroïde)
entre la sclérotique et la tumeur.
FiG. 8. — Cellules fusiformes irrégulièrement situées et sépa-
rées par une grande quantité de substance intercellulaire.
Grossissement : 300
FiG. 9. — B, cellules rondes de sarcôme se transformant en
cellules fusiformes. A, grossissement : 300.
FiG. iO à 12. — Fibro-sarcôme (Hasket Derby, obs. V, 66* de la
statistique.
FiG. 10. — Coupe de l'œil montrant la situation de la tumeur
formée de deux lobes A et B. La rétine la recouvre directe-
ment.
FiG. ii . — A, cellules fusiformes formant la tumeur. B, coupe
d'un vaisseau de la tumeur; il est rempli de globules san-
guins. C, cellules fusiformes coupées perpendiculairement à
leur axe. D, travées fibreuses.
FiG.12. — Champ visuel. A, premier examen du champ visuel.
B, second examen. En quelques jours le malade avait perdu
la zone comprise entre 135 et 150.
Fio. 13 à U. — Fibro-sarcôme (Landesberg, obs. VI, 38«dela sta-
tistique).
FiG. 13. — Coupe de l'œil montrant la disposition de la tu-
meur A. B, rétine. C, reste du corps vitré. D, cristallin.
FiG. 14. — Cellules rondes et fusiformes formant la structure
de cette tumeur.
FiG. 15. — Coupe équatoriale de l'œil. Obs. I, ch. III. (J'ai
omis de faire ce dessin, peu important du reste.)
EXPUGATION DE LA PLANCHE II.
FiG. 1. — Mélano-sarcôme (Poland, obs. IX, 4« de la statis-
tique). A,tumeur secondaire extra-oculaire. C, reste du corps
vitré séparé de la sclérotique par la rétine. D, cristallin resté
transparent. E, lymphe plastique.
FiG. 2 à 10. — Mélano-sarcôme (KÉipp, obs. XIV, 30* de la sta-
tistique).
FiG. 2. — A, pupille réniforme. B, tumeur faisant saillie dans
la chambre antérieure et refoulant Tiris vers Taxe du globe
— m —
FiG, 3, — A, pupille envahie par la tumeur. B, tumeur de la
grosseur d'un noyau de cerise et grisâtre.
FiG. 4. — Coupe de l'œil suivant un méridien. A, tumeur dont
il a été parlé fig. 2 et 3. B, autre mélano-sarcôme de la gros-
seur et de l'aspect d'une petite cerise noire. Dans la moitié
opposée du globe, on voit trois petites taches noires, début
d'autres mélanômes.
Fig. 5. — Coupe équatoriale montrant que la tumeur part de
la choroïde. La rétine recouvre la tumeur. Sclérotique
saine.
Fig. 6. — Coupe du muscle ciliaire. Grossissement: 30. C, cel-
lules pigmentaires s'insinuant entre les fibres du muscle
ciliaire. A, la sclérotique est saine.
Fig 7. — Transformation des cellules rondes en ovales et fu-
siformes.
Fig, 8. — Coupe suivant un méridien et montrant l'étendue
de la tumeur jusqu'au cristallin.
Fig. 9. — Cellules fusiformes et multipolaires avec pigment.
Fig. 10. — Masses de pigment limitées par un anneau tran-
sparent.
Fig. il à 13. — Mélano-sarcôme (obs. XVI, 31e de la statistique.
Knapp) .
Fig. 11. — Coupe suivant un méridien. A, noyau sarcomateux
avec masses noires. B, rétine décollée en entonnoir. C. exsu-
dât choroïdien.
Fig. 12. — Coupe équatoriale à travers la tumeur, montrant
l'adhérence intime de celle-ci avec la sclérotique et la dispo-
sition striée de la masse noire.
Fig. J3. — Petites masses mélanotiques sarcomateuses épi-
sclérales.
Fig. 14. — Mélano-sarcôme avec perforation de la sclérotique.
Le dessin représente la massenoire extra-oculaire '^obs. XXIII,
29" de la statistique. Knapp).
Fig. 13. — Mélano-sarcôme de Toeil et de l'orbite s'avançant
jusqu'au voisinage du trou optique. Dans Tœil il fait saillie
jusqu'à la pupille. L'œil, un peu comprimé, est perforé en ar-
rière (B) auprès du nerf optique. C, cornée. A, masse extra-
oculaire. Le nerf optique est entouré d'une couche de méla-
nose placée entre le cordon nerveux propre et lenévrilème.
fV'irchow. Path. des tum. Trad. par Aronssohn, t. II. 274.
FiG. 16. — Obs. 7^ de la statistique. Coupe suivant un méri-
dien. Sarcôme à jeunes éléments très-denses et presque sans
trame fibreuse. Celte tumeur A, née auprès du nerf optique,
est située entre les deux replis de la rétine. B, complète-
ment décollée. G, exsudât choroïdien.
PiG. 17. — Mélano -sarcôme de la choroïde. La tumeur origi-
naire A remplit presque tout le globe et a repoussé jusque
tout près de la cornée le cristallin qui est très-aplati.
B, tumeur mélanotique extra-oculaire qui est sortie par
une perforation entre la cornée et la sclérotique. C, en ar-
rière se trouvent plusieurs petites tumeurs entourées d'un
tissu connectii' très-dur, et sans connexion directe avec la
tumeur intra-bulbaire. (A. v. Graefe et Virchow. Virchow,
Palh des tum., trad. par Aronssohn, t. II, p. 276.)
PiG. 18. — OssiQcation dans un exsudât choroïdien entourant
le pédicule de la rétine et touchant à un sarcôme de la cho-
roïde. A, vaisseau de Havers. B D, sarcôme. C, ostéoplastes.
Grossissement : 90 (obs. XXV, 71® de la statistique).
Explication de la planche III.
FiG. 1. — Lapl.I delà 228livraison de l'Atlas d'anatomie patho-
logique de Cruveilhier représente un foie mélanotique. On
compte environ 150 tumeurs mélanées sur ce dessin qui
représente le foie du professeur Guilbert. « Je fus curieux
dit Cruveilhier, d'ouvrir Tœil pour lequel le malade m'avait
demandé conseil plusieurs années avant sa maladie, et qui
était le siège d'élancements douloureux, et je vis qu'au fond
de l'œil, il y avait deux tumeurs mélaniques striées de blanc
et de noir.Ces tumeurs, du volume d'un gros pois m'ont paru
développées aux dépens de la choroïde. » La planche de
l'Atlas de Cruveilhier a beaucoup d'analogies avec la flg. 1,
de notre pl. III. Celle-ci représente un sarcôme radié méla-
notique métastatique du foie. On voit de nombreuses saillies
A, grandes et petites, de la superficie; la plupart sont rondes
et aplaties, quelques-unes faiblement ombiliquées. En géné-
253 -
rai elles ont au milieu une place plus dure et plus claire, au-
tour de laquelle les masses noires sont disposées en rayons
et sous forme d'arborisations. Sur une coupe faite à travers
le foie on voit la disposition dans Tintérieur de Torgans (ce
dessin est une reproduction de la fig. 45, de Virchow, t. II,
p, 281).
PiG. 2. — Sarcômetéléangiectasique (obs.4.2e de la statistique).
Grossissement : 120. On y voit plusieurs vaisseaux de la tu-
meur coupés soit perpendiculairement, soit parallèlement à
leur axe et offrant des dilatations irrégulières, des varicosités
et des diverticula.
PiG. 3. — Coupe suivant un méridien d*un œil rempli par un
mélano-sarcôme (obs. 26* de la statistique). A, tumeur intra-
oculaire, B, tumeur extra-oculaire sortie par une perforation
du globe au niveau du canal de Schlemm. C, cristallin.
PiG. 4. — ^ême pièce anatomique vue par la face externe du
globe. On voit sur cette figure que la sclérotique est bosselée
en divers points par l'effet d'une tumeur intra-oculaire.
PiG. 5. — Myo-sarcôme du corps ciliaire (de Wecker) (obs.
28* de la statistique). A, tumeur, B, cristalin, dont une
moitié a été détruite par la tumeur, C, rétine décollée, D,
exsudât sous-rétinien.
PiG. 6. — Sarcôme blanc et téléangiectasique de la choroïde,
(obs. 41® de la statistique, Knapp). Coupe suivant un méri-
dien montrant la surface de la tumeur avec des ramifications
vasculairés et de petites taches de sang. Knapp donne, pour
ce cas, un dessin qui ressemble à celui de Leber. (Voir pl. III,
fig. 2.)
FiG. 7 à 10. — Glio-sarcôme (obs. XXIV, 33* de la statistique.
Knapp.)
PiG. 7. — Coupe équatoriale. Tumeur qui faisait saillie entre
les paupières.
Fig. 8. — Coupe suivant un méridien montrant la rupture de
Tœil près du nerf optique. L'œil est atrophié; le cristalin
est accolé à la cornée.
PiG. 9. — Glio-sarcôme, cellules en voie de formation. Cel-
lules rondes et fusiformcs du sarcôme. A la partie inférieure
du dessin on voit de grosses cellules renfermant des globules
sanguins, déjà transformés en granulations pigmentées.
-254 —
PiG. 10, — Passage des cellules du gliôme à travers la scléro-
tique, à Tendroit où celle-ci est perforée.
Pio. 12. — Sarcôme de la choroïde, obs. XXXVI, 72* de la stat.
Poncct. (Voir anatomie pathologique du critallin, p. 131.)
Dégénérescence colloïde du cristallin, A, Glio -sarcôme de
la choroïde et de la rétine; B, capsule postérieure du cristal-
lin ; C, aspect Bbreux du cristallin ; D, globes colloïdes ; E,
Corpuscules de Gluge, La fig. 11 représente une altération
analogue de la partie médiane du cristallin.
EXPUCATION DE LA PLANCHE IV.
FiG. 1 . — Inflammation du corps vitré. (Voir anatomie patho-
logique des parties voisines du sarcôme, p. 130).
PiG. 2. — Coupe, suivant un méridien, de la pièce anatomique
relative à l'observation 80' de la statistique. A, sarcôme rem-
plissant le globe qui est déformé; B, tumeur extra-oculaire;
C, tumeur fusant le long de Ja gaînc du nerf optique.
PiG. 3. — Fibro-sarcôme après la perforation du globe. Tu-
meur saillante entre les paupières (tumeur fibro-plastique,
Gillette).
PiG. 4. — Sarcôme inflammatoire de Knapp, coupe suivant un
méridien. A, tumeur intra-oculaire ; B, collection de pus
dans l'épaisseur de la choroïde. La sclérotique est amincie
et staphyJomateuse. Au milieu de la figure tractus fibreux.
PiG. 5. — Sarcôme de la choroïde ajant perforé l'œil assez
rapidement. Tumeur extra-oculaire volumineuse, bien que
la tumeur intra-oculaire primitive se soit peu développée.
PiG. 6. — Dessin schématique montrant les endroits où la
sclérotique se perfore le plus souvent, quand le sarcôme
l'emporte sur sa résistance. A, dans la gaine du nerf optique;
B, au niveau des sinus veineux; C, au niveau du canal de
Schlemm.
PiQ. 7. — Sarcôme développé dans un œil atrophié.
PiG. 8. — A, fibro-mélano-sarcôme de la choroïde, (obs. 75* de
la statistiquc).L'cnucléation a été faiteà la période glaucoma-
teusc. Coupe suivant un méridien. B, rétine; C, cristallin.
PiG. 9. — Mélano-sarcÔEÛc. OEil énucléé à la période glauco-
mateusc (obs. 77« de la statistique)* Coupe suivant un méri-
dien. A, tumeur. B, rétine.
— —
FiG. 10. — Mélano-sarcôme. OEil énuclcé à la période glauco-
mateuse (obs. 78* de la statistique). Coupe suivant un méri-
dien. A, tumeur; B, rétine; G, cristallin.
FiG. 11 . — Coupe équatoriale du même œil (obs. 78*). A, tu-
meur primitive. A côté est un noyau secondaire.
FiG. 12. — Hémisphère postérieur de l'œil représenté en coupe
fig. 15. Ce dessin montre une des veines émissaires remplie
par la matière noire du sarcôme. Cet œil a été énucléé au
moment de la période glaucomateuse.
FiG. 13. — Eléments fusiformes pigmentés et incolores et
masses de pigment constituant la tumeur représentée, fig.ll-.
FiG. i i, — Mélano-sarcôme de la choroïde. OEil énucléé à la
période glaucomateuse. Coupe suivant un méridien. A, tu-
meur ; B, rétine; C, cristallin. (Obs. 74® delà statistique.)
FiG. i5. — Fibro-sarcôme (obs. 73® de la statistique). A, tu-
meur ; B, rétine ; C, cristallin.
TABLE DESMATIËHKS.
Introuuctujn
lïfDEX BlBÏJOtiBAPRIOUG
CuAPiTiiE L — Historufiie , . ,
Chapitre IL — ^ § i* — Du aurcôme en général , • -
§ — Anatomie de la choroïde ^
Chapitre lll, — Observation d'un mélano-sarcôETie. * . , , . , , ,
Chapitbb IV. — Anatomie pathologique dn sarcôme de la eho-
roide , ,
g 1* — Divisions et classification , . ,
§ S. — Variétés du sarcôme en généraU
g 3* — Variétés du sarcôme de la choroïde. *
§ 4. — Étude anatomo- pathologique des dilTérÊntes variétés
du sareôme de la choroïde
1^ Leuco-sarcômes.
S" Fibri>-sarcAmes .
3" Mélano-sarciimey
4^ SarcûmeS'ûssi fiants i . .
B° Myo-aarcùnies , , , * * .
6** SarcÔmes-télangieelasiques,
7° Sarcômcs-carcinomfiteux . , .
8*» MYXo-sarcÔmeB. ». » . .
9*» GUo-sarcômes. ,
g S. — Remarques générales sur !a structure du sarcûme cho-
roïdicn et sur son développement ,
§ 6. - État des parties voisines do la tumeur
§ 7. — Du sarcéme de la cboroïdc désigné sous le nom de sar-
côme inflammatoire . . * *
Chapitre V, — Symptômes et diagnostic du sarcôme de la cho-
roïde - • , , ,
§ 1, — Symptômes et diagnostic a la première période. . * . . .
§ — Symptômes et diagnostic à la deuxième période . ,
§ 3. — Symptômes et diagnostic à la troisième période
g 4. — Symptômes et diagnostic à la quatrième période
g D, — Marche, durée et terminaisons du sarcôme de la cho-
roïde. p .
Chapitre VL — fitiologie, pronostic et traitement du sarcôme de
la choroïde p
§ 1. — Étiologie,,.
§ % — Pronostic . .
§ 3. — Trgitemcnt.
21
sa
ia
tH
61
m
71
m
98
m
ion
Mi
m
lia
m
m
m
m
140
175
m
m
m
23
Explication oes plakches., - * 549
A. I KW.^i i[rj|»rmieiir' de la PLitiultu d& Miidt-chu-j i cj le Vi hKt* %
LANE MEDICAL LIBRARY
To avoid fine, thîs book shotîld retunied on
or bcfore the date last stamped below.