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EAUX
THERMALES OU MINÉRALES
DELA. GAULE
A l'iPOgCB ROMAINB.
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TIRÉ A 200' EXEMPLAIRES ,
DOHT LA HOITIÉ SKDUUEIIT B8T MISE EN ^
ÉIWJDES
AHCHÉOLOGIQUES
EAUX THERMALES
ou HINÈRALEB
DE LA GAULE
PAR J. G. H. gREPPO,
LTON.ITC., DSI^iaaiTi iontHME, ITC
P^RIS.
LELEVX, LIBRAIRE ÉDITEUR.
Ri» PieirfSvruIn , B.
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4
pC63
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315938
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DES
EAUX THERMALES
OU MINÉRALES
DE LA GAULE
A l'époque romaine.
INTRODUCTION.
C*EST dans le plus ancien des livres, le Pentateuque ,
dans la Vulgaie , du moins , que nous trouvons les
eaux thermales mentionnées pour la première fois. II y
est dit que l'Iduméen Ana, antérieur de beaucoup à Tâge
de Moyse , rencontra dans le désert une source d'eaux
chaudes : Isie est Ana qui invenit aquas calidas in
solitudine, cumpasceret asinas Sebeonpairis sui (1).
Je ne vois pas qu'il soit parlé d'autres sources sem-
blables dans les livres saints, quoique Josephe signale
celles A'Emmatis , bourg de Galilée (2) célèbre dans
l'Evangile (3) , et celles de Callirhoe , auxquelles Hé-
(1) Gènes, XXXVI , 24. C^e yersion a été controrersée à cause
de l'obscurité du terme hébreu qu'elle rend par aquas calidas : elle
a eu toutefois de savants défenseurs.
(2) De BeL Jud. IV, 1, 3 ; cf. Plin. , Nat. hisl. V, 15.
(3) Xwc.XXlV, 13.
I
(2)
rode-le-Grand essaya de recourir , peu de temps ayant
sa mort (1).
Dans les âges anciens de la Grèce , Homère décrit
les sources du Scamandre : Tune chaude , exhalant une
fumée comparable à celle d'un feu ardent ; l'autre ,
aussi froide que la grêle, la neige ou Teau durcie par
la gelée (2). A une époque ancienne aussi , mais indé-
terminée, la connaissance de ce phénomène naturel
nous est révélée chez les Hellènes, par le nom de ce
défilé des montagnes thessaliennes sur lequel le dé-
vouement des héros de Sparte répandit tant de gloire :
les Thermopyles le devaient à une source chaude qui
coulait en ce lieu (3). Dans la suite, des sources de
même nature sont mentionnées par les écrivains grecs ,
et quelquefois aussi leurs vertus médicales. Hippocrate
désapprouve comnoe boisson certaines eaux métalliques
ou minérales (4). Aristote pose diverses questions gé-
nérales sur ce sujet (5) ; et ailleurs il indique, à Scoiussa
(1) Antiquit, XVII ,6,5. C'est de cette source que Pline a dit
( y , 16 (15) ) : Calidus fons medicœ saitibritatis Callirhoe, aquarum
gloriam ipso nomine prœf&rens,
(2) niad. XXn, T. 147. Pline arait oublié ces cinq vers du
ebantre d'Achille , lorsqu'il disait (XXXI , 6 (32) ) : Homerum
talidorum fontium mentûmem non fecisie demiror, guum alioqui
davari ealida fréquenter induceret, etc.
(3) Je ne citerai que Tite-Llye (XXVI, il\). Hœc una militaris
via est, dit- il , qua redtici exercitus , si non impediantur , possint,
Ideo Pylœ, et ab aliis, quia calidœ aquœ in ipsis faucibus sunt,
Thermopylœ locus appeUattiS, nobili Lcltxidaimoniorum adversus Persas
morte magis memorabili, quam pugtm.
(4) De aère, lod» et aquis ; edit. Gêner. 1657, tom. I, p. 284.
(5) Problem. XXUI edit. Paris. 1619, tom. II, p. 791.
( 3 )
en Thessalie ^ une source qui guérissait les blessures (1 ) .
Enfin Pindare lui-même ^ chantant un vainqueur sici-
lien , a célébré les eaux thermales d'Himera (2).
Les Romains dépassèrent dé beaucoup les Grecs dans
la connaissance et l'usage des sources médicinales.
Parmi leurs écrivains , Sénèque (3) et Vitruve (4) en
ont traité avec quelque détail ; mais Pline est celui qui
s'en est occupé de la manière la plus suivie et la plus
étendue ; car il leur a consacré presque tout le livre xxxi
de son ouvrage. Il faut que j*en donne ici une sorte
d'analyse , avant de passer à quelques particularités plus
intéressantes , que j'emprunterai soit à lui , soit à beau-
coup d'autres écrivains de l'époque romaine.
Pline reconnaît une grande variété d*eaux minérales ,
sans employer , on le pense bien , les nomenclatures
de la science moderne. Il en distingue de froides j de
tièdes , de chaudes à divers degrés ; de sulfureuses ,
d^alumineuses , de salines , de nitreuses , de bitumi-
neuses, d'acidulés, de ferrugineuses , de gazeuses, etc ;
^autres où se combinent ces divers éléments. Quant
à leurs vertus, médicales ou autres, on le trouve plus
varié encore ; mais on a lieu de sourire plus d'une fois
de la crédule bonhommie avec laquelle il raconte cer-
tains effets merveilleux, dont je ne parlerai pas. Il
indique des eaux purgatives ou dépuratives, de stoma-
chiques , de fortifiantes ; d'autres efficaces dans les cas
de goutte, de sciaiiques, de paralysie, de fractures,
(1) De mirabiL auscult, tom. I, p. 1162.
(2) Olymp. XII , v. 27.
(3) Nat. quœst. HI.
(4) De ArehUect. VIII , 3,
(4)
(le luxations , de blessures , d'ulcères ; d'autres puis-
santes contre les fièvres , les douleurs de tête , les affec-
tions des yeux, des oreilles, la pierre, la gravelle, les
maladies cutanées, la stérilité des femmes, la dé-
mence, etc.
Les Romains paraissent avoir préféré de beaucoup
les eaux thermales à celles qui étaient simplement mi-
nérales , ce qui doit tenir à l'usage fréquent des bains
chauds , qui faisait partie de leur vie domestiqué. Ce
fait complexe, je ne vise pas à l'établir ici ; mais il ré-
sulte , si je ne me trompe , de l'ensemble d'une foule
de données , et notamment de tout ce qu'on verra dans
le cours des présentes recherches. Ils savaient utiliser
les eaux de diverses manières. Ainsi nous voyons qu'ils
connaissaient les douches , celles du moins que l'on
appelle descendantes; etsiquelques textes, que j'omets
à dessein , ne paraissent pas aussi probants qu'on
pourrait le désirer , du moins il n'est pas possible de
les méconnaître dans ces deux vers d'Horace sur les
eaux de Clusium, aujourd'hui San-Cassiano près de
Chiusi (1) :
Qui caput et stomdchum supponere fontibus audent
Clusinis , Gabiosque petunt et firigida rura.
Ils savaient également tirer parti de la vapeur qu'ex-
halent les sources chaudes : Vapore quoque ipso aliquœ
prosunly dit Pline (2). Celse, qui est moins concis sur
ce moyen thérapeutique, nousuapprend qu'il était em-
ployé notamment dans un établissement thermal de
(1) EpisU 1 , 15 , V. 8.
(2) JSaU hist. XXXI, 2.
(S)
Baies dont le nom nous est connu d'ailleurs. Siccus
calor est et arenœ calidœ, et laconici, et clibani, et
quarumdam naturalium sudationum , ubi a terra pro-
fusus calidus vapor œdificio includitur , sicut super
Baias in murtetis (sic) habemus (1). Nous voyons enfin
que chez les anciens , comme de nos jours , la méde-
cine trouvait un remède salutaire dans les boues que
forment certaines eaux minérales : Utuntur, lisons-nous
encore chez le naturaliste romain^ et cœno fontitmip-
sorum utilitery sed ita, si illitum sole inarescat (2).
C'est le cas de rappeler une phrase de Pline , qui n'est
pas ici sans importance^ à raison des faits variés qu'elle
résume^ et qui demande quelques développements. 11
dit des eaux minérales^ qu'elles ont peuplé l'Olympe de
nouveaux dieux , et la terre de villes nouvelles : Augent
numerum deonim nominibus variis, urbesque con-
dunt, sicut Puteolos in Campania, Slatyellas in Li-
guria, Sextias inNarbonensi provincia(^).
Pour commenter la première de ces deux observa-
tions, reconnaissons d'abord le caractère essentielle-
ment religieux que l'antiquité attribuait à ces eaux. Selon
Aristote , on regardait comme sacrées toutes les sources
thermales (4) ; et Sénèque dit aussi : coluntur aquarum
calentium fontes (S). Athénée nous apprend qu'elles
étaient consacrées à Hercule (6) ; et Strabon le dit en
(1) De medic» II, 17 ; cf. Horat. Epist, 1, 15, v. 5 ; Senec. EpisL LI.
(2) Nat. kist. XXXI, 6 f32).
(3) Ibid. 2. •
(4) Problem. XXIII, p. 791.
(5) EpisL XL.
(6) ncipn. XII, 512(6).
(6)
paitieulîer de celle qui donna son nom aux Thermo*
pyles (1). Cette consécration est attestée encore par des
inscriptions assez nombreuses (2). Quelquefois elles
étaient consacrées à Apollon , comme il parait par un
passage d'Euméne (3) ^ ainsi que par les noms A'Aquœ
Apollinares (4) et A'Aquœ Solis (5). Les nympbes que
leur nature attachait aux eaux n'en conservaient pas
moins leurs droits :. c'est à elles que s'adressent le plus
souvent les vœux des malades guéris, exprimés par
des inscriptions qu'ils leur consacraient ; j'en aurai plus
d'une à signaler : les noms des lieux y forment quel-
quefois un surnom donné à ces nymphes (6). On peut
rapporter au même culte les autels votifs dont la dédi-
cace est ainsi formulée : aqyis, ou fontibvs , quelquefois
avec des indications plus précises (7). Enfin, à une
époque où le droit de divinité était accordé aussi faci-
lement, au moins, que celui de bourgeoisie, la su-
perstition avait singulièrement multiplié les dieux
(1) Rer. geogr, IX , 428 , edît. ÀlmeloTeen , p. 655.
(2) Comme ceUe-ci (Carjophili, De thermis HereulanU, etc. p. 29 ;
OreUi> inseripU sel. , n. 1360 , tom. I, p. 304) : hbrctli. genio ||
LOCI. FONTIBVS || CALIDIS. GALPYR H NITS. IVLIAMVS || ▼. C. LSG. LBO.
V. MAC. II LBG. ATG , PR. PR. MOES. i| Y. L. S.
(3) Panegyr. veU, Orat. VI, 21.
(4) Vet, Roman» itinerar,, ed Wesselîng., pp. 300 , 486.
(5) Ibid.
(6) Inf, à Griselum.
(7) On connaît des inscriptions TOtiyes aux eaux qu'on appe-
laitÂlbulœ, aqvis. albvlis. En Toîci une (Orelll, n. 1641, tom. I,
p. 313 ; cf. 1642) : AQVIS ALBVLIS || sanc^^simis || vlpia. athbnais ||
H. VLPII. AVG. LIB. AB. EPISTV || LIS. VXOR || LIBENS || D. D. On Crott
aussi pouvoir interpréter par À.quis Aponi les sigles A. a. d'inscrip-
tions flbid. 1643, 1644, p. 313) trouvées à Padoue ; c'est-à-dire près
des eaux de ce nom.
(7)
locaux, dont quelques-uns , sous divers noms , étaient
les protecteurs spéciaux des sources chaudes. On en
connaît plusieurs dans les Gaules^ par des inscriptions
découvertes auprès de nos eaux thermales (1) ; et peut-
être ailleurs beaucoup d'autres, révélés également par
des marbres antiques , avaient-ils aussi de semblables
attributions. Tout cela justifie pleinement l'assertion de
Pline : Augent numerum deorum nominibus vuriis.
Quant à ce qu'il ajoute, de villes que les eaux
avaient fondées , les trois qu'il nomme à l'appui de ce
fait ne sont assurément pas les seules. Dans cette belle
Italie, 9i riche en ce genre encore aujourd'hui, les
écrivains de Rome en ont mentionné un grand nombre
où affluaient les baigneurs , et qui leur devaient au
moins leur prospérité , peut-être leur existence. A la
tête de ces lieux , il faut d'abord mettre Baïes , où , plus
que nulle autre part , dit Pline , la nature se montrait
libérale de tells dons : nusquam autem largius quam
in Baiano sinu (2). Horace, qui aimait ce séjour, et
se plaignait quand le médecin d'Auguste, Antonius
Musa , l'adressait à d'autres nymphes (3) , avait exprimé
la même pensée dans ce vers (4) :
Nullus in orbe sinus Baiis prœlucet amcmis,
et dans cet autre si pittoresque (5) :
Seu liquidœ plcLcuere Baiœ
(1) Inf. à Aquœ Borvonis^quœ Nisinm , Aquœ Onesiœ , etc.
(2) mt. hist. XXXI , 2.
(3) Epist. I, 15.
(4) iWd. I, 1, V.83.
(5) Carm. UI,4, y. 24.
(8)
Martial a dit principesque Baiœ (l), et ailleurs (2) :
Littus beatœ Fenerîs aureum BaiaSj
Baias superbœ blanda dona naturcBy etc.
An dire de Pline , Baies possédait des eaux de na-
tures fort diverses (3). Les auteurs anciens abondent en
détails sur ses bains , ses palais , ses maisons de cam-
pagne ^ sa magnificence et le concours immense de
visiteurs qu'elle réunissait (4). Mais Strabon nous
apprend 9 et cela s*accorde. avec une infinité d'autres
données moins précises , que le plus grand nombre y
étaient attirés bien plus par l'amour du luxe et des
jouissances , l'habitude de l'imitation , le désir d'une
vie molle et douce , que par les besoins de leur santé (5)*
Naples avait les mêmes avantages naturels, dit
Strabon ; mais avec moins de diversité, et le voisinage
de Baies lui faisait tort à cet égard (6). Il n'en était pas
ainsi de Pouzzoles que nous avons vu citée par Pline,
.parmi les lieux qui devaient tout à leurs eaux ther-
males; elle en possédait aussi une grande abondance,
et son nom, Puteoli, semble venir des puits par lesquels
sortaient les sources. On peut lui appliquer une grande
partie de ce qui vient d'être A\i de Baies.
Nous voyons souvent nommées les eaux Cutiliœ
(l)JBptflfr. VI,42,T.7-
(2) Ibid.Xl, 80, V. 1.
(2;)Nai.hi8i.XXXl,2.
(4) Strabon. Rer, geogr, V , 246 , edU. Àïmeloy., p. 378.— Dion.
Cass. , Hwl. rom. XLVIII, 388 (51). — iose^fh. , Antiquit XVUI,
7,2. — Senec. , EpisL LI , etc , etc.
(5) Rer. geogr, V, 243, 246., edit. Almelor., pp. 373, 378»
(ft)l6««.V, a46., p. 378.
(9)
près de Reate , aujourd'hui Rieti. Strabm) dit qu'on les
prenait en bains et en boisson (1) ; Vitruye les range
paraii les eaux nitreuses (2) ; Pline leur attribue uii froid
aigu et mordant : Cutiliœ in Sabinis gelidissimœ, suctu
quodam corpora itwadunt , ut prope morm» tideri.
po8sit{Z). C'est par là qu'elles hâtèrent la mort de Ves-
pasien^ qui les prit inopportunément^ et non pour
la première fois, semble dire Suétone, dont le texte
mérite d'être rapporté : ConstUatu suo nom, tent($tus
inCampania motiunculis levibus(J^), ac proHnus Vrbe
repetita, Cutylias (sic) ac Reaiina rura, ubi œstivare
guotcmnis solebat, petiit. Hic, cum super urgentem
valetudinem creberrimo frigidœ aquœ usu etiam in^
iesiina vitiassetj nec eo minus mùneribus imperatth
riis ex consuetudine fungeretur, ut etiam legationes
audiret cubans, alvo repente usque ad defectionem
soMa, imper atorem ait stantem mori opportere. Dum-
que eonsurgit ac nititur, ihter manus sublevantium ex*
stihetus est, etc. (5).
Capoue avait à ses portes des eaux célèbres , sortant
de la montagne qui portait le nom pluriel de Tifaia,
et près desquelles était un temple de Diane. Sylla vic-
torieux y célébra solennellement un acte religieux rap-
porté par Velleius Paterculus , le seul ancien qui parle
de ces eaux. Post victoriam, dit-il, qua descendens
(1) Rer.geogr. V , 228 , p. 349.
(2) De architect. VIH, ^M
(3)iVa<. Aw£. XXXI,2(6).
(4) C'était apparemment de la goutte à larquelle il était sujet, au
rapport de Dion , Bist. rom, LXVI , 753 (17).
(5) Vespas. 24 ; cf. Dion. , loc, laud.
( 10)
■v
moniem Tïfaia cum C. Norbano concurrerai SuUa,
graies Dianœ , cujus numini regio illa sacrata est y
êolvii ; aquus $alid>rUate medendisque corporibus no-
biie^, agrosque omnes addixit Deœ. Hujus gratœ reli-
gwnis menwriam et inscriptio templi adfixa posti
hodieque, et tabtda testatur œrea intra œdem (1). Sur
Ift carte de Peutinger^ on retrouve ce temple figuré par
un petit édifice avec la légende Ad Diana (sic)^ et près
de là un autre temple, à côté duquel on lit : Jovis Ti-
fatinus (2). Des inscriptions découvertes à Capoue sont
aussi relaiii^es à ce temple de Diane (3).
Martial , qu'il faut citer souvent quand on traite de
la vie domestique de ses contemporains , célèbre di-
verses sources minérales de la Péninsule italique. Telles
sont les eaux ô^Anxur, près desquelles il semble placer
le séjour favori de Domitien (4) ; la {onidiine Apotius (5),
aujourd'hui Abano près de Padoue, que le roi Théo-
doric orna plus tard de somptueux édifices (6) , et qui
sous les premiers empereurs n'était pas moins célèbre
comme moyen de divination (7) ; les eaux qu'on appelait
Albulœ, à présent Bagni di livoli, lesquelles guéris-
(l) Hist. rom. II , 25.
(2)Segmm.V, f; VI, d.
{$) L'une (Orellî, ii.3053^ tom. U, p. 8) l'indique ainsi :ha6.
FAN. DiAN. TiFAT. L'autre, plus importante (Ibid. n. 1460 , tom. I ,
p. 292] rappelle la donation de Sylla, sanctionnée par Auguste , et
reconnue parVespasien : imp. cjssar. vespasiants || avg. cos. viii ||
FINES. LOCORVBI. DICATOR || DIAN^. TlFATINiB || COBNBLIO. SYLLA. BX||
FORMA. DIVl. AVG. ||RESTITVIT. ^
(4) Epigr.y, 1, v. 6 ; VI, 42, t. 7.
(5) i6t<2.VI, 42, V. 7; cf. Claudian, EidyL VI.
(6) Cassiodor., Variar. II, 39.
(7) Sueton., Tiber. 14; Lucan.,ffear«a.VII, v. 202.
( 11 )
saient les blessures (1), et qu'Auguste fréquentait pour
soulager unie affection nerveuse (2). D'autreslieux meth
tiennes par le poète sont plus difficiles à reooiiiiahre
sous les périphrases qui pat^issent voiler leurs tioms^
On n'a rien dit de satisfaisant, que je sache, sur les fer-
vidi fluctus Passeris (3) ; quant au Phœbi vada (4), on
a pensé que ce pouvaient être les Aquœ Apollinare^ de
l'itinéraire d'Antonin (5)«
Sinuessa, aujourd'hui Mondragone, ville Campa*-
nienne, qt^il appelle Sinmsm molli» (&), est moini»
connue pour la puissance de ses eaux contre la stéri*
lité (7), que pour des événements qui appartiennent à
l'histoire. C'est là qu'Agrippine donna le poison au
misérable Claude , qui se sentant fort malade , avait
voulu recourir aux eaux* In tanta mole curommi, dit
Tacite, Claudius valetudine adversa corripitur, refô-
vendisque viribus mollitie cœli et salubritàte aquarum,
Sinuessam pergit. Tum Agrippina sceleris olim certa,
et oblatœ occasionis propera , nec ministrqrum egens,
de génère veneni conêultavit, etc.(8). Suivant le même
historien , c'est encore à ces eaux que Tigellin , appre-
nant que le cri du peuple avait enfin obtenu l'arrêt de
sa mort , se la donna lui-même , à l'aide d'un rasoir.
(1) Epigr. 1 , 13 , V. 1.— Plin., Nat. hi$t. XXXI , 2 (6) — Vitruv.
De archiîect. VIII , 3.
(2) Sueton., AugusU 82.
(3) JEpt|fr. VI,42,Y. 6.
(4) Ihid.y T. 7. #
(3) Vet, Roman, itinerar. , éd. Wessehng , p. 300.
(6) Epigr. \l, 42, v. 5.
(7) Ibid. XI , 7, T. 11. — Plin. mt. hisl. XXXI , 2 (6).
(8) Annal. XU, 66.
Tigellinm, accepta apud Sinuessanas aquas supremœ
necessitatis nuntio , inter stupra concubinarum , ei
oscula, et déformes moras, sectis novacula famibus,
infamem vitamfœdavit etiamexitu sero et ihhonesto^l) •
Un grand nom attache un Vif intérêt aux eaux qu'on
appela Ciceronianœ, parce qu'on les vit sourdre dans
cette villa près de Pouzzoles, que Ciceron avait illustrée
du nom d'Académie. Il ne vivait plus alors ^ et son ha-
bitation était possédée par Ântistius Vêtus ; mais TuUius
Laurea , affranchi du grand orateur > célébra dans une
pièce de dix vers ces eaux nouvelles , qu'on avait re-
connu salutaires pour les yeux. Pline nous l'a conservée
avec le récit dont j'extrais la substance (2). Je la donne
ici sans hésitation, pensant avec lui quelle est bonne à
lire, même loin de la source.
Quod tua, romancB vhideœ clarissime linguœ,
Sylva loco melius surgere jussa viret , *
Mque Academiœ celebratam nomîne villam
Nunc réparât cultu subpotiore Fétus ;
Hic etiam apparent lymphœ non ante repertœ ,
Languida quœ tnfuso lumina rore levant»
Nimirum locus if se sui Ciceronis konori
Hoe dédit, hac fontes quum patefecit ope.
Ut , quoniam totum legitur sine fine per orbem ,
Sint plures , oculis quœ medeantur aquœ.
Je ne me suis point proposé de faire un tableau com-
plet des sources minérales ou thermales de l'Italie an-
cienne, je veux seulement kn mentionnner encore
(1) Éist. î , 72.
(2) Nat. hist. XXXI , 2.
( 13 )
quelques-unes qui ont été moins souvent indiquées par
les auteurs les plus connus ^ et qui cependant nous
rappellent des souvenirs intéressants. Commençons
par la ville de Gumes ; ses bains naturels l'ont rendue
bien moins célèbre que sa Sibylle, chantée par le prince
des poètes latins (1). Ils reçurent toutefois un consul
dont le nom n'est pas sans éclat dans l'histoire , mais
en faveur duquel leurs eaux furent impuissantes, et qui
n'y arriva que pour mourir. Cn. Cornélius consul (2),
dit Tite-Iive , ex monte Albano rediens concidit : el
parte membrorum captus , ad Aquas Cumanas pro-
feetuSy ingravescente morbo Cumis decessit (3). L'an-
tique viUe étrusque de Cœre, aujourd'hui Cervetri
avait aussi des thermes réputés fort salutaires. Jadis cé-
lèbre et brillante, elle était déchue et presque ruinée au
temps deStrabon, uniquement visitée, dit-il, parles
malades qui venaient y chercher la santé (4). En Etrurie
aussi , un taureau , disait-on , avait fait clécouvrir des
sources chaudes excellentes , qui furent appelées pour
cela Aquœ Tauri , et qui figurent sous ce nom sur la
cane de Peutînger (5). Pline les indique en quelque
sorte, quand il appelle les habitants de ce lieu Aquenses
faurini (6). Le poète voyageur Rutilius leur a consa-
cré quelques vers, et a vanté la pureté de leur goût. Je
(i) JEneid. W,
(2) L'an de Rome 576. arec Q. Petilius.
(3) HisL XU , 16. •
(4) Rer. geogr. V, 220 , edit. Almelor. , p. 337.
(5) Segm. IV. f.
( i4)
ne citerai que ees quatre » où il rappelle l'histoire du
taureau (1) :
Credere sidignum famà , fragrantia iaurus y
Invêstigato fonte , lavtura dédit;
Vtwlet eûpctuitspugnamprœiudere glebis,
StipUe ewm figtdo eomua prana terit.
On peut placer encore dans la classe des eaux mi-
nérales celles de la maison de campagne d'Horace. Lui
seul en a parlé ; mais les expressions qu'il emploie leur
attribuent évidemment des propriétés médicales. Qu'on
en juge d'après ces vers (2) : •
Fon$ etiam riw dare nomen idaneus, ut nec
Frigidior JJiracmn, neepuriùr ambiat JBebrus*
Jnfirmo capiti fluit wtUiê^ utili$ alvo.
Cest apparemment la même fontaine qu'il nomme
ailleurs Digentia (3) ; mais elle n'a rien de commun
r
avec celle de Bandusia (4) , laquelle coulait loin de là
et dans la patrie du poète (5).
H faut aussi que je cite Pline le jeune, et ce qu'il dit
du lac appelé Vadimonisy aujourd'hui BagnacciOy dont
les eaux étaient salutaires pour les fractures. iJac^^em/
prosocer wiews, écrivait- il, ut Amerind prœdia ma
ihspicerem. Hœc perambulanti mihi ôstenditur sut-
(1) lUnerar. I , v. 255.
(2) Episi. 1 , 16 , V. 12.
(3)/6id. 18, T. 104. ^
(4) Carm. IH , 13.
(5) C'est le résultat de soigneuses recherches faites par le savant
et modeste abbé Capmartin de Chaupy. On peut voir sa Découverte
de la maUoH de campagne d* Horace, tom. II, p. 360 ; toin. m, p. 359.
( i» )
jacens tacus nomine Vadimanis ; simut quœdam in-
eredibilia narrantur.... Cotor coeruleo albidior, viri--
dior etpressior; siUphuris odor saporque medieainé;
vis qtia frac ta 8olidai}tur,,eic. (1). Mais ces eaux n'eu-
rent pas pour elles ce hasard capricieux qu'on appelle
la mode , lequel n'est point exclusirement moderne et
français : elles étaient, pour ainsi dire , inconnues aux
habitants de la ville reine , comme elles l'avaient été
k Pline lui-même, qui s'en étonne (2).
Nous avons entendu Strabon dire que parmi les
habitués des thermes de Baies, beaucoup recherchaient
moins la santé que la mollesse et les plaisirs. J'ai du
que cette assertion était confirmée par d'autres faits ;
H j'aurais pu ajouter que tel est le résultat des nom-
breuses données que nous possédons d'ailleurs, «tque
cette (Nervation était assez applicable, alors aussi bien
qu'aujourd'hui , à la plupart des eaux minérales ou
thermales. Si l'on se rappelle ce qu'étaient les mœurs
romaines à l'époque si corrompue et si corruptrice des
empereurs , on pourra aisément se faire une juste idée
de la vie qu'on menait dans ces lieux de réunion , où se
rassemblaient les riches , les oisiCs , les hommes volup-
tueux de la capitale de l'univers , et l'on n'hésitera pas
à leur appliquer le jugement de Sénèque, qui rie parait
jpas trop sévère lorsqu'il appelle la ville voluptueuse de
la Gampanie un rendez-vous de tous les vices : Diverso^
(i)Epist.ym,20. •
(2) Ibid, Ce lac avait cependant été nommé par Polybe {Hist. U,
20) etpar Tite-Live {Hist. IX , 39) , à Toccasion de combats liyrés
snrMS bord»; et ensuite par Sénèque (NaU qitœst. lU, 25)» etpar
l'oncle même de Pline le jeune (Nat. hist, U, 95 (96) ).
( 16 )
rium viliorum (1). Des mémoires du temps sur Iles
thermes de l'Italie les plus fréquentés du beau monde de
Rome eussent été bien curiieux, et nous auraient con-
servé bien des anecdotes scandaleuses , tragiques ou
ridicules.
Ailleurs qu'à Baies, ils eussent pu dire, sans doute,
avec le philosophe que je viens de citer : Illia sibi plu-
rimum Ivxuria permittit ; illiCy tanquam licentia de-
beaturloco, magis solvitur . . . . Videre ebrios per tittora
errantes, et commissationes navigantium, etsympho-
niarum cantibus perstrepentes lacusetalia,quœvelut
soluta legibus luxuria non tantum peccat , sed pu-
blicat (2). Ailleurs peut-être qu'à Sinuessa, ils nous
auraient montré quelque gastronome peu soigneux du
régime, arrosant sa chère délicate d'une boisson plus
enivrante que les eaux , puis rentrant attardé et chan-
celant, pour subir dans toute sa rigueur le sort auquel
échappa le Philostrate de Martial (3) :
A Simiessanis conmva Philostratus undis
Conductum repetens , noctejubente larem ,
Pœne imitatus obit sœvis Elpenora fatis,
Prœceps per longos dum mit usque gradus (k) .
Non esset , Nymphœ , tam magna pericula passus
Si potius vestras ille hibisset aquas.
Enfin , plus d'une fois aussi ils nous auraient fait voir
la fidélité d'une épouse, l'union d'un ménage, l'avenir
(1) EpitU LI. •
(2) Ihid,
(3) Epigr. XI, 82.
(4) Dans TOdyssée (X» y. 559), Elpenor iyre se brise la tète en
tombant d'un toit.
( 17 )
d'une famille heureuse détruits par une liaison cou-
pable ^ que facilitait la licence de ces lieux ; car , à coup
sûr, on ne peut regarder, comme chose bien rare,
Taventure racontée dans cette petite pièce d'un poète
trop souvent licencieux, mais toujours observateur
et quelquefois moral, que j'ai déjà cité bien souvent (!)•
Costa, nec antiquis cedens Lcevina Sabinis,
Et quaravii tetrico tristior ipsa viro,
Dummodo Lucrino, modo sepermittit Avemo,
Et dum Bâtants sœpe fovetur aquis,
Ineidit in'flammas, juvenemque secuta^ relicto
Conjuge, Pénélope venit, abit Hélène.
Voilà de bien longs détails , sans que j'aie encore
abordé précisément le sujet essentiel de mes recherches .
Il m'a paru que ces notions formeraient une introduction
convenable à ce qui me reste à dire maintenant , sur
les eatix minérales et thermales de notre patrie, à l'épo-
que qui la vit une des provinces les plus distinguées
du grand Empire.
(1) Martial, JE:pt^r. 1,63.
PREMIÈRE PARTIE.
Lorsque les Romains étendirent leurs conquêtes après
la ruine de Garthage , ils étaient loin d'avoir dépouillé
la rudesse de leur caractère primitif, et en Asie, comme
en Europe, ils avaient tout à gagner au contact de
peuples plus polis et plus éclairés. Alors eut lieu ce qui
s'est vu plus d'une fois dans des conditions semblables.
Les peuples vaincus réagirent dans la paix sur ceux
dont les armes les avaient soumis , et ceux-ci , par la
force des choses et sans résistance possible , subirent à
leur tour le joug intellectuel et moral de leurs nouveaux
sujets. Plus tard, et sur un autre sol, les rôles étaient
changés. Les habitants du nord de FEurope n'avaient
pas, comme les Hellènes, pour compensation à la con-
quête , l'ascendant d'une civilisation ancienne et supé-
rieure. Ici les hommes civilisés étaient les conquérants ;
et désormais, ils étaient appelés à devenir civilisateurs.
Telle fut la mission des Rouahis dans notre patrie.
Car, tandis que dans le midi de la Gaule le génie de la
Grèce jetait un certain éclat sur les colonies des
Phocéens et de leurs fils les Massaliotes, tout le reste
( 19)
des Gaulois végétait encore dans une sorte d'enfance
sociale , lorsque ce peuple eut à subir les représailles
du vœ victis de ses ancêtres. Mais aussi, une fois la
soumission consommée, nulle part la civilisation ro-
maine ne poussa en peu de temps d'aussi profondes,
d'aussi vivaces racines : on eut dit que les enfants des
vieux Celtes avaient senti que chez eux tout était à créer.
En Grèce il y eut toujours des Grecs ; bientôt dans les
Gaules il ne resta plus de Gaulois (1). Devenus Ro-
mains , ils commencèrent de bonne heure à se faire
aux habitudes, aux mœurs, à l'état social de leurs do-
minateurs ; et , comme il est ordinaire dans un pareil
progrès, les choses purement matérielles, le comfortable
de la vie, dirions -nous aujourd'hui, le luxe même
prirent le pas sur les lettres, les sciences et les arts.
Il n'est pas facile, d'apprécier a quel point les Gaulois
avaient su connaître et utiliser les sources minérales et
thermales de leur patrie. Quelques indices de haute
antiquité , observés près des sources de cette nature,
dans des fouilles à une très grande profondeur, don-
neraient lieu de soupçonner que ce moyen thérapeuti-
que ne leur fut pas totalement inconnu. Quoi qu'il en
soit, les Romains devaient être leurs maîtres à cet égard,
eux pour qui l'usage de ces bains naturels était devenu
un besoin. Aussi, et peu après la conquête, voyons-
nous un grand nombre de sources fréquentées dans
(1) Il faat excepter qoelcf^ss populations, et ceUes surtout du
nord-ouest des Gaules , plus isolées dans leurs rastes forêts. Les
habitants de la Celtique paraissent avoir été les plus saurages des
Gfaulois^ et les plus opiniâtres dans leur résistance morale : le cbris-*
tianisme seul devait les arracher à la barbarie.
(20)
totitei» les parties de ia Gaule ^ principalement dans les
Pyrénées, les Vosges, les montagnes deSilnjerm^etc.
Des restes d'antiquités romaines , et qui supposent par-
fois une grande magnificence, attestent encore l'impor-
tance qu'attachèrent les maîtres du monde , non-seule-
ment à nos thermes les plus renommés aujourd'hui,
mais à d'autres encore qui sont à peine connus.
Des écrivains anciens , les itinéraires , la Carte de
Peutinger , quelques inscriptions nous ont révélé les
noms antiques d'un certain nombre de lieux désignés
comme possédant alors de tels établissements , et par-
fois aussi de rares données sur leur histoire. C'est de
ceux-ci que je dois m'occuper d'abord, et cette première
partie leur sera consacrée. Avec des éléments plus mul-
tipliés pour la formation de cet ensemble , il eût été
convenable et rationnel de s'astreindre à un classement
régulièrement géographique. Mais dans l'état des don-
nées acquises, la disposition par ordre alphabétique des
noms m'a paru la plus naturelle, comme la plus facile.
Au commencement de la Carte de Peutinger, c'est-à-
dire à son extrémité occidentale , si l'on peut employer
ici cette expression qui conviendrait ailleurs , on lit ce
nom (1) accompagné d'un signe que je dois faire re-
marquer, parce qu'il en sera#[uestion plus d'une fois.
Cest un grand édifice de forme quadrangulaire qui ren-
ferme une cour intérieure ; or , ce signe est joint à peu
(1) Segm. 1 , d.
(21 )
près constamment sur cette carte aux noms des lieux
qui possédaient un établissement thennal , et il est censé
en être la représentation.
Quant au nom que le signe indicateur accompagne
en cet endroit , il est difficile , ou plutôt impossiUe ,
d'en faire une application certaine à quelque lieu mo-
derne. M. Walckenacr croit que ces eaux ne s(mt pas
différentes des Aquœ Tarbellicee de Tltinéraire d'An-
lonin (1) ; d'Anville préférait y reconnaître les Aquœ
Conwnarum (2). Tout cela est peu satisfaisant^ ce me
semUe , ces thermes antiques ayant leur dénomination
spéciale^ qui leur est constamment donnée ailleurs. Il
serait donc plus juste de penser que ces Aquœ ne por-
taient pas d'autre nom (3), peut-être de les identifier
avec des Aquœ Calidœ mentionnées dans ces contrées
par le seul anonyme de Ravenne , qui les nomme après
Huscinone (4). L'épithète Calidœ peut être ici un mot
générique, et ne saurait faire une difficulté.
Quoi qu'il en soit, une grande liberté sur la détermi-
nation de leur emplacement est autorisée par la confor-
mation si vicieuse de la carte antique qui a inscrit ce
nom, laquelle ne pouvait être, comme on sait, qu'une
sorte d'itinéraire. Avec sa forme si démesurément al-
longée , on ne saurait fixer une position , même d'une
manière approximative, toutes les fois qu'on n'y trouve
(1) Géographie ancienne des GatUes, tom. I , p.^297.
(2] Notice de Vancienne Gaule , p. 73.
(3) Outre que la Carte dePeutinger est incomplète du commence-
ment, il existe en cet endrffi une déchirure bien marquée i mais
il ne parait pas qu'elle ait pu faire disparaître la seconde partie
de ce nom , s'il y en avait une.
(4) Degeogr.y, 8.
i
( 22 )
aucune indication de distances par rapport à d'autres
lieux déjà connus ; or c'est le cas de ces Aquœ^ qui ne
paraissent pas avoir été une mansion. Sans émettre ici
une opinion positive , je puis dire que je n'oserais re-
jeter celle d'un homme fort versé dans la topographie
comparée des contrée3 pyrénéennes, qui pense retrouver
ce lieu antique aux eaux d'Ax, dans l'Arriège. On y
trouve, dit-on, des restes d'antiquité, sur lesquels, à
mon grand regret , je ne possède aucune indication dé-
taillée ; et l'antique dénomination Aquœ doit avoir été
l'origine du nom moderne qui s'écrivait Aqs, à une
époque où les oracles de notre langue n'avaient pas pour
ses origines le dédain qu'ils professent maintenant.
AQUJE.
Nous retrouvons de nouveau ce nom dans une contrée
fort différente. On le lit sur des pierres milliaires, con-
servées encore sur les lieux même où elles furent dé-
couvertes ; pour mieux dire , il y est inscrit en abrégé :
AQ., KQuœ; ou c. A. AQ. , ce qu'on a suppléé par dvitas
Qu colonia, xugusta ou xurelia AQuensis (1). Cest à
Steinbach , dans le grand duché de Bade , que ces mo-
numents ont été trouvés , et l'un deux indique une dis-
tance de XVII lieues gauloises avec Strasbourg, ARcen-
toratum : tel parait être le sens le plus naturel de
l'inscription singulièrement construite, qui a été dis-
(1) Freret, Mem, de V Académie âfê Inscript., tom. XIV, hist.
p. 157.— Schœpflin, Alsat. illustrai,, tom. I, pp. 558-560.— OreUi,
Inscript, lat, seL, tom. I, pp. 248, 249 ; nn, 949, 957.— Walckenaer,
Géographie ancienne des Gaules, tom. II, p. 293.
(23)
cutée par Frèret (1). Ces indications conduisent à re-
coïinaitre cette station Romaine à Baden, ville qui donne
son nom au grand duchés et dont les eaux sont toujours
en vogue. Un autre monument aurait suffi à lui seul
pour constater cette identité : c'est une inscription qui
existait dans le clocher de l'église paroissiale à l'époque
où elle fut publiée pour la première fois , c'est-à-dire en
1534 (2). Elle porte le nom de Caracalla et qualifie
cette ville de vESvpublica AQwensis.
M. AVBELIO. ANTONINO. GAES.
IMP. DESTINATO. IMP. L. SEPTImI
SEYERl. PERTINAGIS. AV6. FILIO. RESP
AQV
L'ancien collecteur qui donna le premier cette ins-
cription y en ajouta une autre , en l'honneur de Sévère
Alexandre (3) , laquelle pourrait bien être une portion
de celle qui a été rapportée par Orelli (4). J'ignore
quelles autres antiquités ont été retrouvées à Baden, et
s'il y existe quelques restes de son ancien édifice ther-
mal. A la rigueur 9 cette ville ne devait pas entrer dans
le cadre de mes recherches , puisqu'elle appartenait à
la Germanie; mais elle est si voisine du Rhin^ que l'éta-
(1) Op. /atid., p. 158.
(2) P. Apiani, JnacripU sacrosancUB vetustat,,^. 455.— OreUi,
MmeripU lat. sel. , tom. l, p. 130 , n® 452. Ce sayant , après Freret
(lœ. laud.J, signale Ferrear de beaucoup d'érudits, des Suisses sur»
tout/ qui ont donné ce moi^ment à Baden en Àrgoyie ; chez nous,
d'ÀnTÎlle (NoL de la Gaule, p. 76^) a partagé cette erreur, et de plus
il a nommé Marc-Ànrèle an Ueu de Caracalla.
(3) Ijoc. laud.
(4) Op. laud., tom. I , p. 249, n» 957.
(24)
blissement formé en ce lieu par les maîtres du mmide
peut être regardé comme une sorte de poste avancé de
la Gaule ; et^ par exception, j'ai cru pouvoir en parler ici.
AQVM AUSClOKVIdf
Ce n'est qu'après une longue hésitation que je me
détermine à inscrire ici ce nom , qui permet quelque
doute. Il désignerait assez convenablement, à défaut
de nom plus précis , des eaux que Strabon parait avoir
mentionnées sur le territoire des. 4 wsc/L C'est ainsi, du
moins, que des interprètes entendent ce que dit le géo-
graphe, après qu'il a parlé des thermes et des eaux po-
tables des Onesii : xaXyi ^à jcai vi tôv Àudxiwv (1); et
cette interprétation parait en effet la plus naturelle, si
Ton a égard aux antécédents (2). Toutefois, et dans ce
sens même, il ne serait pas absolument certain qu'il
fût ici question d'eaux minérales , quoique Strabon en
parle à Toccasion de sources qui le sont évidemment.
Si j'ai cru devoir indiquer ici ces Aquœ Ausciorum,
comme pour mémoire , du moins je n'essayerai pas
d'aborder à leur sujet le vaste champ des conjectures.
La donnée première ne me parait pas assez certaine ;
et puis c'est aux savants du pays qu'il appartient, de
rechercher à qudle localité serait applicable cette in-
(1) Rer. geogr, IV, 190; edît. ÀlmekT.> p. 290.
(2) D'autres commentateurs Teulenl que ceci se rapporte au soU
comme dans une phrase précédente, et qu'il s'agisse en cet endroit,
de la fertilité des terres que possédaient les Àuscii, Ce rapport se-
rait bien éloigné , et le sens fort peu clair.
(28)
dication du géographe grec : ils peuvent avoir des
donntées que je ne possède point (I).
AQUJE BtmMoms.
Si je maintiens cette leçon de la Carte de Peutinger
contre les doutes de d'Anville , qui cependant ne l'a pas
rejetée , ce n'est point pour les raisons qu'il propose ,
lesqueBes ne sauraient avoir aujourd'hui la moindre
valeur (2); mais parce que cette leçon étant autorisée
par les n[K)numents , il n'y a pas lieu d'y rien changeri
Sur cette isarte , les Aquœ Bormonis figurent avec
rédifice carré que f ai signalé plus haut , et comme sta-
tion d'une voie qui tend d'Augustodunum , Autun , à
Avaricum, Bourges : elles y sont placées entre Siîillia
ou Suillia, Thiel, eiDegena, Dédse(3). Sans entrer
dans le co^iput et la comparaison des distances itiné-
raires entre ces divers lieux , je me borne à constater
le |ug!8m^t unanime de tous ceux qui ont traité de la
géographie comparée des Gaules , jugement qui recon-
naît f identité de cette antique mansion avec la petite
vîile de Bourbon l'Ârchambault , Allier , dont les eaux
diiermales sont encore fréquentées de nos jours (4). Son
tiom moderne, sur lequel j'aurai occasion de revenir,
(1) Je n'ai aucune indication archéologique sur les eaux de Bar-
botan , et de Castera-Viyent , les seules dont je connaisse i'esistence
'dans le département tlu Gers.
(2) Ibid. #
(3) Segm. I, c.
(4) Valois , NotiL Galliarum , p. 104 , a. — D'ÀnyiUe , Notice de
l'ancienne Gaule, p. 74. — Walckenaer , Géographie ancienne des
Gaules, tom. I , p. 372 ; tom. III , p. 67.
(26)
dérive évidemment de celui que la Carte lui donne , et
qui de bonne heure , au moyen-âge passa par une autre
forme latine, Burbonium. On le trouve, en effet, chez
un historien du roi Pépin cité par Sirmond (1), lequel
dit de ce prince : Aquiîaniam ingressus, quœdam op-
pida et castella manu cepit, in quibus, prœcipua
fuere Burbonium , Cantillia, Clarusmons (2).
Il paraît que Bourbon-rArchambault a conservé bien
peu de monuments antiques , et que là, comme ailleurs,
l'ignorance et l'incurie ont favorisé la destruction. Nous
savons, du moins, qu'on y a retrouvé à diverses époques
des indices marqués de la splendeur que ce lieu dut
autrefois à la civilisation romaine. Voici ce qu'on peut
recueillir à ce §ujet des historiens de la province , et des
renseignements plus récents pris sur les lieux.
Aux xYu"** et xviir* siècles , on y découvrit des restes
d'aqueducs , ceux d'un amphithéâtre (3) , des colonnes
en marbre ; des bains revêtus de la même matière ,
comblés de terre et de débris , mais bien conservés ;
des tuyaux de plomb pour la conduite des eaux , et qui
avaient sans doute appartenu à l'ancien établissement
thermal : le nombre et la longueur de ces tuyaux étaient
si considérables que leur poids total dépassait 400 livres.
Il était arrivé plusieurs fois , dit-on , que des particu-
liers avaient pu faire reconstruire leur maison avec les
(i) Àd Sidonitmi. noU, p. 48.
(2) Cette TÎlle fut surnommée FÀrcbambault , du nom de Fun de
ses seigneurs. À son tour , elle donna #n nom à la plus illustre des
branches de la famille de saint Louis , celle qui a fait le plus pour
le bonheur, oo pour la gloire de notre patrie.
(3) Ou peut-être d'un théâtre , car on a souvent confondu ce&
deux genres d'édifices si différents.
( 27 )
seules pierres de taille provenant d'antiques édifices^
qu'ils avaient trouvés sous le sol. Des murs entiers fu-
rent reconnus, dont la démolition ne fut pas facile, et
des pavés en marbre, tellement adhérents au staîumen
qui leur servait de base, qu'on jugea plus simple de les
briser que de les détacher. En général les marbres et le
porphyre avaient été prodigués dans les édifices.
Au commencement de notre siècle aussi, on a re-
trouvé des bains en marbre et les traces d'une voie ro-
maine. Je n'ai pu savoir ce qu'on fit des bains ; quant
à la voie foulée par le peuple conquérant, elle est deve-
nue sur plusieurs points la base d'un chemin de grande
vicinalité. Il ne parait pas cju'on ait trouvé d'inscriptions
à Bourbon-l'Ârchambault, ou qu'on ait su les conserver.
AQUM BORVOmS.
Non loin d'une voie conduisant $ Andomatunum ,
Langres , à Tullum , Toul , la Carte de Peutinger nous
fait voir l'édifice indicateur des eaux thermales (1);
mais ici aucun nom ne l'accompagne , et aucune éva-
luation de distance ne tend à établir les rapports de ce
lieu avec d'autres. Toutefois, on reconnaît, avec d'An-
ville (2) , que ces eaux , si vaguement désignées , ne
sauraient se retrouver qu'en Bourbonne-les-Bains, ville
de la Haute-Marne, renommée encore pour son établis-
sement thermal. Le nom &Aquœ Borvonis ne se lit chez
aucun auteur ancien ; et s'il est regardé comme le nom
(1) Segin. II, a.
(2) Notice de la Gaule , p. 75.
( 28)
romain de Bourbonne , ce n'est que par une conjecture
fort plausible , fondée sur deux monuments antiques
découverts dans cette ville , qui ont fourni à M. Berger
de Xivrey, le thème d'un ouvrage important , et d'une
érudition consciencieuse (1).
Le premier de ces monuments , déjà connu au xvi*"
siècle, se voit aujourd'hui dans l'intérieur de la fontaine
de la place. C'est un bloc fort mutilé , reste d'un autel
votif, qui porte une inscription attestant la reconnais-
sance d'un père pour la guérison de sa fille, inscrip-
tion long-temps et diversement tourmentée par tous
ceux , à peu près , qui essayèrent de la reproduire ou
de la commenter. M. Berger de Xivrey, en donnant un
dessin fidèle du monument, nous a mis à même de la
lire avec exactitude : en voici la vraie leçon , où deux
lettres seulement sont rétablies (2) :
[B]ORVONI. T[A] (3)
SIONÀE. C. U
TINIVS. BO
MANVS. IN (4)
. G. PRO. SALV
TE. COCILLÀE (»)
FIL. EX. VOTO
(1) Lettre à M» Hase, sur une inscription latine du second siècle,
trouvée à Bourhonne-les-Bains, etc. Pairis, 1833, in-^<>.€etoaTrage,
que je citerai souTent , m'a épargné des recherches pénibles.
(2) Op, laud. , pi. II , p. 127.
(3) Pour DA , comme dans Tinscription suiyanic.
(4) iNGenutM.
(5) Le T me parait lié à Te , au commencement de la ligne.
(29 )
Cette autre inscription ftit découverte en 1 833 , et
sd conservation parfaite ne permet aucune hésitation ( 1 ) .
DEO. APOL
LÏNI.BORVONl
ET. DAMONAE
C. DAMINIVS
FEROX.CIVIS
LINGONVS.EX
VOTO
Comme on voit, c'est encore un monument votif;
mais le nom d'Apollon y précède ceux qu'on a déjà re-
marqués dans l'autre inscription (2) : ce monument est
conservé avec soin chez M. le docteur Ath. Renard.
Je ne dirai rien des dissertations sans fin auxquelles
ont donné lieu les noms de Borvo et de Damona. Des
savants, qui avaient la prétention de posséder la langue
celtique, comme celle de leurs mères, ne se sont pas
feit faute de triturer et manipuler des syllabes, sans
obtenir autre chose que des résultats chimériques ou
ridicules (3). Les hommes sensés et positifs se sont
bornés à voir ici deux divinités protectrices des eaux :
d'autres inscriptions qui passeront bientôt sous les yeux
du lecteur, et le nom A'Aquœ Bormonis qu'il a déjà vu,
donnent à cette conjecture un caractère de certitude (4).
Le sol antique de Bourbonne parait avoir restitué de
tout temps un grand nombre de monuments, ou de dé-
(1) Op. laud., pi. I , p. ffiT.
(2) À moins qu'on ne fasse de borvoni un surnom d'Apollon ,
ce qui me parait moins naturel.
(3) Op. laud. , pp. 73—100.
(4) Inf. à Aquœ Nisineii.
(30)
bris romains ; mais rarement ils ont été recueillis par
des mains conservatrices, plus rarement décrits avec
quelque exactitude archéologique. Les ouvrages publiés
sur les eaux de cette ville, depuis bientôt trois siècles,
indiquent vaguement, comme produits de fouilles suc-
cessives, des pierres de taille, quelquefois ornées,
des briques et tuiles romaines, des traces de pavés ou
de chaussées, des médailles, des inscriptions, des bas-
reliefs, des statues, dont quelques-unes en marbre
blanc, etc. (1). Pour ce qurest des constructions qui
peuvent avoir fait partie des thermes antiques, je laisse
parler M. Ath. Renard cité par M. Berger de Xivrey.
« Ce qu'il y a de certain , c'est qu'à l'occasion des
» fouilles exécutées en 1763 jusqu'en 1783, au voisi-
» nage de ses sources, on a trouvé certains vestiges
» de travaux dont les plus anciens étaient situés à plus
» de 1 5 mètres au-dessous du sol actuel. Une si grande
» profondeur , qui ne peut être que le résultat des atté-
» rissements produits par une longue suite de siècles,
» autorise à penser que les eaux de Bourbonne étaient
» connues et employées long-temps même avant l'in-
» vasion des Romains. Cest à ces derniers que Ton
» attribue la construction postérieure d'un aqueduc,
» et de certains ouvrages en pierre et en briques , dé-
» couverts à l'occasion des înêmes fouilles, et plus
» élevés de 9 mètres environ. Du reste le nom du Bain
» Patrice y sous lequel on désigne encore aujourd'hui
» la source de l'hôpital militaS^ , et les débris d'un
» ancien pavé de marbre que l'on a trouvé à 5 où 6
(1) Op. laud.y pp. 128—136.
(31 )
» pieds de profondeur, assis sur une couche épaisse
» de ciment; permettent de supposer que les Romains
» possédaient autrefois dans cet emplacement des ther-
» mes dignes de leur magnificence (1). »
Deux monuments plus récemment découverts peu-
vent être signalés ici avec confiance, grâce à M. Renard,
qui les a recueillis, et au savant académicien qui en a
donné les dessins et la description (2). L'un, peu im-
portant, mais bien conservé, est un petit bouc en bronze,
comme on en connaît beaucoup. L'autre est un débris
mutilé d'un monument orné de sculptures, qui fut le
tombeau d'un acteur nommé Maronus , et surnommé
RocabaiuSy peut-être de l'un de ses rôles. C'est ce que
nous apprend l'épitaphe inscrite dans le tympan d'un
fronton de mauvais goût : M. Berger de Xivrey la lit
ainsi, en suppléant quelques lettres frustes ou in-
complètes (3).
MARONV[S]
HISTRIO.ROCÀBÀ
IVS.Dic[T.VIXï]T. 4NN.XXX
Ce comédieii était-il venu en ce lieu pour y rétablir sa
santé, ou pour y donner des réprésentations théâtrales?
Cette deniière supposition est aussi vraisemblable que
l'autre ; on sait d'ailleurs que les malades et les oisifs ,
réunis dans la saison des eaux, étaient fort avides de
spectacles, comme d'autres plaisirs. Nous aurons bientôt
(1) Bourhonne et ses eaux thermales. Vdxls , 1826, iii-18, pp.
159,160.
(2) Op. laud., pi. IV. et V, pp. 133—136.
(3) Op. laud., p. 136.
( 32 )
à remarquer un théâtre romain , dans un simple viens
qui possédait des sources thermales; et déjà, dans
Farticle précédent, j*ai répété une vague indication sur
quelque chose de semblable.
AQU^ CÂLTDAS,
Ce nom est inscrit sur la Carte de Peutinger auprès
du signe destiné à distinguer les eaux thermales (1).
Mais la place qu'il y occupe, sans indication de dis-
tance par rapport à d'autres lieux, a fait douter s'il se
rattache à la voie de Segodunum, Rhodez, à Lugdu-
nuniy Lyon; ou bien à celle qui tend aussi à la colonie
dePlancus, en partant d'Augustonemeium, Clermont.
De là deux opinions sur l'emplacement moderne
qu'il faut assigner aux Aquœ Calidœ ; et ce sont les
seules qui ne soient pas arbitraires. L'une, les rappor-
tant à la première de ces voies romaines , prétend les
retrouver à Chaudes-Âigues , Cantal , sur les confins du
Rouergue : ainsi en ont jugé Savaron(2), Sirmond (3),
Valois (4), et récemment M. Walckenaer (5). L'autre
est celle de d'Anville , qui , adoptant une direction fort
différente, pense que ces thermes romains apparte-
naient à la voie d'Augusionemetum , et qu'il faut les re-
(1) Segm. l, c.
(2) Àd Sidon. uoU, p. 337.
(3) Àd Sidon. not., p. 60.
(4) Noiit. Galliar, p. 47 > b. ^
(5) Géographie des Gaules, tom. 111, p. 100. Par inadrertance, sans
doute > le sayant académicien a écrit Àigaes-Chaudes , nom d'un
TÎUage des Basses- Pyrénées , ayec des eaux thermales , qui s'écrit
plus exactement Àigues-Caudes.
(35)
connaître au bourg de Yicliy, département de l'Allier (1 ) .
Cette opinion, comme on voit, ne tient aucun compte
des rapports de signification entre le nom ancien donne
par la Carte, et Fappellation moderne de Chaudes-Aiguës;
rapports qui ne furent peut-être pas sans influence sur
l'esprit des devanciers de d'Anville, mais qui, au fait^
manquent ici de portée (2).
Obligé d'adopter un sentiment sur cette question , je
me range à celui du prince des géographes français , et
cela pour plusieurs motifs. 1** A la simple inspection
de la Carte de Peutinger, ces eaux par leur position ,
toute inexacte qu'elle doit être, paraissent se rapprocher
de la voie d'Augustonemetum : à mes yeux , l'édifice
thermal est même évidemment à cheval sur cette voie.
2** Si je suis bien informé, dans les montagnes abruptes
de la Haute-Auvergne , où , généralement parlant , les
Romains ont laissé peu de traces de leur passage , les
abords de Chaudes-Aigues , en particulier , ont toujours
été fort difficiles , et l'on n'y a rien retrouvé qui ressem-
blât au moindre vestige d'une voie romaine. 3** A peine
ce lieu a-t-il produit quelque pauvre débris d'antiquité,
tandis que Vichy, riche sous ce rapport, peut représenter
dignement un établissement thermal qui devait être
considérable et fréquenté, puisqu'il figure sur une carte
itinéraire, quoiqu'il ne fût pas une mansion. Avec ces
motifs, j'en ferais valoir un autre , s'il était plus certain
que Vichy au moyen-âge se nommait Vicus Calidus :
(1) Notice de la Gaule, p. 7'5^
, (2) Les anciens monuments géographiques indiquent d'autres
lieux portant ce nom, qui convenait > du plus au moins, à toutes
les eaux thermales.
(34)
il y aurait là une transition du nom romain au nom
moderne. Mais j'ignore si cette indication , qui m'est
communiquée, repose réellement sur des titres, ou s'il
ne faut y voir qu'une conjecture ingénieuse.
Je crois qu'on a peu écrit ex professa sur les anti-
quités de Vichy, et que rien n'a été fait sur ce sujet par
des hommes spéciaux : mon ignorance à/ leur égard
serait complète , sans les notions dont je suis redevable
à l'obligeance de M. le docteur Prunelle, inspecteur
actuel de cet établissement thermal. Les connaissances
ifort étendues qu'il possède, hors du cercle de sa profes-
sion, me font regarder ses communications comme di-
gnes de toute confiance ; et je leur emprunte, avec gra-
titude, la plus grande partie des détails dans lesquels
je vais entrer maintenant.
Ce n'est point précisément au bourg moderne de
Vichy qu'il faut chercher l'antique vicus , détruit fort
anciennement par un incendie, dont les indices sont
palpables : c'est en dehors de son enceinte , et dans les
deux champs qui portent les noms de la Ville-aux-Juifs,
et du Moùtiers. Là, le sol recèle et rend fréquemment,
quand le fer le soulève, une multitude de fragments an-
tiques et de petits monuments, presque toujours enlevés
aussitôt qu'ils sont découverts , dans un pays où les
étrangers passent en si grand nombre. On y rencontre
communément des briques et des tuiles romaines (1) ,
des poteries , des médailles , partni lesquelles celles de
Claude et de Néron sont les^nlus anciennes ; on y a
(1) Ces débris sont si communs , qu*on les asouyent employés
comme matériaux dans les constructions modernes.
(35)
découvert aussi de ces meules géminées en lave qu'on
croit avoir servi de moulins domestiques , des lampes
et des figurines en terre cuite , des statuettes en bronze,
et , ce qui est le plus rare , des fragments de stuc ornés
de pemtures, à la manière de Pompei. Mais l'existence du
viens romain sur cet emplacement est indiqué plus po-
sitivement par des débris que les voyageurs n'enlèvent
pas : de -nombreuses substructions, des assises de co-
lonnes , des blocs de pierre qui durent appartenir à
des édifices considérables , des sépultures chrétiennes,
dont l'âge paraît remonter aux premiers siècles de
l'Eglise dans les Gaules.
Je ne puis omettre la découverte d'une voie romaine,
près de laquelle on retrouva des portions d'une mo-
saïque : cette donnée n'est pas sans intérêt par rapport
à la question de géographie comparée. Ce n'est pas à
Vichy que les traces de cette voie ont été observées ,
mais sur la rive gauche de l'Allier , au delà du village
de Vaisse : on les a reconnues sur plusieurs points ,
dans la forêt de Montpensier, et sur tout le trajet de
Vaisse à Effiat, où le béton romain sert de fondement
à la route moderne. On peut croire que c'est bien 1^ la
voie marquée sur la Carte de Peutinger, qui condui-
sait d'Augustonemetum à Lugdunum. Elle devait tra-
verser YElaver, l'Allier, à Aquœ Calidœ, et une tradi-
tion populaire parle d'un pont de César , qu'on y re-
connaissait, dit-on, il n'y a pas encore un fort grand
nombre d'années, ma j§ dont il ne subsiste plus rien
aujourd'hui.
Cest aussi à l'extrémité de ce même champ de la Villo-
aux-Juifs , et vers la source Lucas , ainsi appelée du
(36)
nom d'un médecin inspecteur des eaux, qu'ont été re-
trouvés les seuls restes conservés jusqu'à nos jours de
Tantique établissement thermal ; ilâ ne consistent qu'en
un seul puits en béton , sans aucun revêtement, mais^
qui est indubitablement de construction romaine. Ce
puits fut reconnu, et l'on descendit même au-dessous
en 1844, lorsque l'on exécuta des travaux entrepris
pour dégager le passage de cette source , dont le'volume
s'est accru considérablement depuis lors. Comme rien
de semblable ne saurait exister aux autres sources do
Vichy, qui sont au nombre de six, on pourrait en con-
clure , ce semble , que celle-ci est la seule dont on au-
rait fait usage à l'époque romaine (1).
J'ai parlé de terres cuites recueillies dans cette loca-
lité. Plusieurs représentaient Vénus- Anadyomène, et
peut-être le culte de cette divinité n'était-il pas sans re-
lation avec celui des eaux. Quelques autres figuraient
des bras humains j et celles-ci méritent surtout d'être
mentionnées. Outre les notions que nous pouvons glaner
chez les auteurs anciens , une foule de petits monuments
nous apprend encore mieux que les païens avaient cou-
tume de consacrer à leurs dieux des têtes , des mem-
bres , des figures entières en argile (2), semblables aux
m
(1) C'est Topinion vers laqueUe penche M. Prunelle , obserrateur
attentif et judicieux de tous les détails topographiques : il réserve
toutefois la possibilité que d'autres sources aient été comblées
dans la suite , par l'incendie dont j'ai fait mention.
(2) On peut voir l'ouvrage de Toisasini , De donariis et kMUs
voiiviS'Viiol, 1639, in-4^.— Dansle tome I. de la Revue archéologique,
pp. 458-461 , pi. 13, M. de Longpérier a donné le dessin et la des-
cription d'un ex voto plus curieux que tout ce qui était connu en ce
genre , et que j'indique volontiers ici. C'est une figurine en bronze
( 37 )
offrandes en cire que .l'on voit appendues dans nos
églises j près de quelque chapelle objet d'une dévotion
plus populaire. Gomme celles-ci , c'étaient les ex vota
des pauvres , tandis que des autels en marbre ou en
pierre étaient ceux des personnes plus favorisée de la
fortune. Trouvés près des sources minérales , les uns
et les autres peuvent être des monuments de la recon-
naissance des malades , qui avaient été guéris ou sou-
lagés par leurs eaux.
Je n'ai à citer qu'une inscription de Vichy , la seule
peut-être que les fouilles y aient fait retrouver ; encore
n'existe-t-elle pas sur les lieux mêmes , mais àCusset^
près de là , dans le cabinet d'un curieux dont j'ignore
le nom. Elle n'appartient pas à la classe des autels
votifs dont je viens de parler, mais à celle des pierres
sépulcrales , bien qu'elle n'exprime aucune des formules
funéraires. En voici la copie que je dois à M. Prunelle :
D.ANTONIO
D. F. TER
VHBICO
ARELAT
Ce monument, inédit je crois, d'un habitant d'Arles
d'un travail fortsoîgné> avec les jeux en argent, qui représente un
borome assis sur un siège , les cuisses et les jambes enveloppées
d'une longue draperie : la tète exprime la souffrance, le torse et
les membres sont dans un ét|^ d'amaigrissement qui ne peut être
que le résultat d'une longue et cruelle maladie. Ce petit monument
d'origine grecque, ainsi que l'atteste Finscription gravée sur la
draperie, a été trouvé dans l'Aisne. Le même savant rappelle à cette
occasion un autre ex voio rapporté de la Grèce et fort singulier >
une jambe de plomb suspendue à une chaine d'or.
(3«)
me parait offrir auprès de ces tliermes un intérêt qu'il
n'aurait pas ailleurs, tl est permis de conjecturer que
l'espérance de rétablir sa santé avait conduit aux eaux
cet étranger, destiné à s'éteindre loin de sa belle pa-
trie, laissant un cippe funèbre au lieu d'un autel aux
nymphes.
AQUuE CONVENARVM.
Ces eaux prenaient leur nom d'un peuple qui habi--
tait le pays, appelé plus tard Comté de Comminges (1),
Elles ne sont pas marquées sur la. Carte de Peutinger j
mais elles n'ont pas été omises dans l'Itinéraire d'An-
tonin , qui les place sur une voie tendant des Aquœ
TarbellicoBy Dax, à Tolosa, Toulouse. Ce lieu y forme
une station entre Oppidum novum, qui parait être
Naye ou Nai^^, eiLugdunum Convenarum^ dont la posi-
tion à saint Bertrand de Comminges ne saurait être
l'objet d'un doute (2).
M. Walckenaer croit reconnaître l'emplacement des
Aquœ Convenarum à Bagnères-de-Bigorre (3). D'Anville
(1) Les Convenœ paraissent avoir été appelé ainsi du yerbe
cQUvenire , parce qu'ils s'^étaient formés de diverses populations de
l'Espagne , réunies dans leur nouveau pays par Pompée. Voici ce
qu'en dit saint Jérôme (Opp. tom. IV, part. 2, col. 232)» qui en fait
un sujet de reproche à Vigilance, né dans ces cantons, à Calagorris .«
yimirum respondet generi siu) , ut qui de latronum et Convenarum
nattts est semine , quos Gn. Pompeius edomiia Hispania , et ad triumr'
phum redire festinans, de Pyrenceijugif deposuit et m unum oppidum
congregavH, unde et Convenarum urbs nomen accepii. Hucusque
latrocinetur contra Ecchsiam Dei , et de Vectonihus , Arrebacis Cet-,
tiberisque descendens , incurset Galliarum Ecclesias , etc.
(2) Vet, Roman, itinerar. , ed Wesseling , p. 457.
(3) Géographie anc. des Gauhs, tom lU, pp. lOS et 101>.
(39)
aussi parait avoir incliné d'abord vers celte identité ;
mais il y avait renoncé, trouvant les eaux de Bagnères
trop avancées dans l'intérieur de la Bigorre , ce sont
ses expressions. Il s'était donc rejeté sur Capbem ou
Capvern , village des Hautes - Pyrénées , qui a encore
de nos jours des sources chaudes et un établissement
de bains (1) ; toutefois il jugeait exagéré le chiffre de
XVI , marqué dans l'Itinéraire comme évaluation de la
Aisisjïce entre Lugdunum et les Aquœ Convenarum{^).
Mais d'Anville se trompait , pour avoir vu des lieues
gauloises dans les milles de l'Itinéraire. M. du Mège,
qui a sur les géographes de cabinet l'avantage que peut
donner une parfaite connaissance des lieux, avait admis
il y a long-temps l'identité des Aquœ Convenarum avec
Capvern , et justifié l'Itinéraire des reproches de d'An-
ville (3). Des années d'études à ce sujet n'ont en rien
modifié l'opinion du fondateur du musée de Toulouse,
et dans une lettre qu'il a bien voulu m'adresser récem-
ment pour quelques indications de localités, il termine
ainsi ce qu'il me dit de Capvern : « Comme point géo-
» graphique , on ne saurait rechercher ailleurs les
» Aquœ Convenarum. »
Toute cette contrée est une des plus riches en mo-
numents romains. D'après ce que m'écrit M. du Mège,
les environs de ce lieu conservent des vestiges de voies
antiques et de retranchements ; à Capvern même on a
(1) Notice de l'ancienne Gavle , p. 76 ; et encore p. 206 , au mot
Casifwmagus.
(2) Ibid.
(3) Monuments religiettxdes Volces-Tectosages, Paris» 1814, iii-8<)«
p. 99.
(40)
trouvé beaucoup de médailles romaines. Mais il ne
parait pas qu'on y ait découvert dès inscriptions y non
plus que des traces, des thermes antiques. Ces bains
furent long-temps négligés, et il n'y a pas un grand nom-
bre d'années qu'ils ont repris quelque faveur : on peut
croire que tout ce qui appartenait à l'époque romaine
a été complètement détruit.
AQVM HELYBTICJE.
A l'occasion de l'expédition de Cœcina contre les
Helvétiens, Tacite mentionne, sans le nommer, un lieu
de ces contrées très fréquenté et devenu considérable,
à cause de ses eaux salutaires à la santé : Direptus
tonga pace in modum municipii extructus locus
amœno salubrium aquarum u$u frequens (1). Cesi
celui que d'Anville a placé sur sa carte des Gaules avec
le nom d^Aquœ Helveticœ (2). Mais cette désignation,
que j'ai conservée ici pour éviter toute confusion , ne
peut être considérée comme le nom authentique de ces
(1) Hisi. i , 67.
(2) Notice delà Gaule, p. 76.— D'autres l'ont appelé ÀquœUrlfigenœ,
oa VerbigewB; étendant ainsi outre mesure , ce me semble , le terri,
toîre du Pagia auquel César donne ce nom {De Bell. GalLl, 27) ;
Ritter (Antiqtdtés de la Suisse, p. {f et non pas 3), cité mal à propos
par Oberlin sur'cet endroit de César, a employé en effet passagère-
ment cette désignation , mais sans la discuter , et surtout sans la
justifier par des inscriptions , ainsi qi|^n Ta allégué. La chose eût
été difficile. Un autel antique a bien été découvert à Soleure, avec
la consécration : genio : : : yrbig. (Orelli » Inscript. HetveU, n.210y
p. 67) ; et cela suppose que ce canton faisait partie àxkpagtts Vrbi-
gmus; mais on ne connaît jusqu'à présent aucune inscription où
se lise le nom des prétendues A^tœ Urbigenœ.
(41 )
eaox dans l'âge romain ; un monument, le seul qui
puisse nous instruire à cet égard , nous donne lieu de
penser que ce nom était "simflemeni Aquœ, puisque
les habitants y sont appelés Aqtienses. Ce nom se re-
trouve traduit dans celiii du lieu moderne où l'on re-
connaît généralement ces thermes antiques, Baden
sur la Limât, dans le canton d'Argovie (1); car le mot
Bdden en allemand désigne des baitis , de même que
fa/Â en anglais (2^). -
C'est en effet aux environs de cette ville , à WeUingen,
qu'on a découvert l'inscription où se lit l'adjectif ethni-
que aqvensi^. Celle-ci est de plus d'un grand intérêt >
en ce qu'elle rappelle l'érection d'un temple à Isis par
un magistrat de l'antique Baden, et la participation de
sa femme et de sa fille à la décoration de cet édifice , pour
une somme de cent deniers. Elle est ainsi conçue (3) :
D£A£. ISmi. TEMPLV1I.À. SOLO
L. ANNVSIVS. MAGIANVS
DE. svo. posyrr. vm. ÀQVENs. B
AD.CVIVS.TEMPLI. ORNAMEISTA
ALPINIA. AIPINULA. CONÎVNX
ET. PEtŒGRINA. FUL. XC. DEDE
RVNT. L. D. D. Vie ANORVM (4) .
(1) D'Anyille, loe. laud, — Walckenaer, (iéograpkie des Gauler ,
tom. I, p. 313.
(2) Les eaux de Bath, rendez-rous célèbre du monde fashîonable
de la Grande-Bretagne^ son^niyant toute apparence lesAqwpSolis
de ritinéraire d'Antonin (éd. Wesseling^ p. 486) : on y a retrouvé
de nombreuses antiquités romaines.
(3) Orellî, Inscript, HelveU, p. 83, n^ 264 ; Inscript, sel,, tom. I^
p. 131 , nO 457,
(4) Le savant et judicieux collecteur que j'ai cité propose à la
(42)
J'ignore si cette ville possède encore quelques restes
reconnaissablesde ses anciens thermes, les seuls de l'Hel-
vétie qui paraissent avoir été connus des Romains (1) ;
mais on sait que beaucoup de monuments et de débris
y ont été retrouvés. L'inscription que je viens de trans-
crire n'est pas la seule qu'on y connaisse : on peut
indiquer aussi une colonne milliaire qui porte le nom
de Trajan , une inscription votive à Mithra , une autre
où se lit le mot mercvrio , qui paraît être là le nom d'un
homme, plutôt que celui du dieu fils de Maia (2). En
fait de monuments d'une autre nature, Altmann men-
tionne des patères , des figurines en bronze représen-
tant divers animaux , des monnaies romaines , des
pierres gravées, etc. (3). La découverte la plus singu-
lière est celle d'un nombre prodigieux de ces dès à
jouer qu'on appelait tesserœ lusoriœ, tous en os, mais
la plupart fort au-dessous de la grosseur des nôtres,
et de ceux que l'on trouve communément. Ces petits
objets, qui ne s'étaient jamais vus en si grande quan-
tité, ont fort occupé la curiosité des érudits de la
Suisse (4). On ne peut s'étonner que les jeux de hasard
servissent à occuper les loisirs de tant d'oisifs qui fré-
3^ ligne rintercalation de vi avant tir , ce qui donnerait le titre
d'un de ces magistrats locanx appelés seviri ; le b , fort usité en ce
sens sur les médailles grecques, indiquerait.que Magianus en exerçait
les foncjtions pour la seconde fois.
(1) Àltmann , De Tesseris Badœ HelvéOùrum erutis, dans le JUtueum
HelvetUmm, part. XXVI , p. 832.
(2) Orelli , Jnscript. Helvet,, nn. 256-258., pp. 80 et 82 ; Inscript.
seL, tom. I. p. 130, nn. 449—451.
(3) Op. laud. , p. 333,
(4) Altmann , op. laud.
(43)
quentaient les bains , et cela semble s'expliquer encore
mieux dans des contrées qui touchaient à la Germanie
par le territoire j et sans doute aussi par les mœurs (1).
ÀQVM MATTIACjE.
La nation' germaine des Catti avait pour capitale la
ville de Mattium, dit Tacite : Cœsar incenso Mattiç
(idgenti caput) aperta populatus vertit ad Rhenum(^).
Ptolémée l'appelle MaTTtaxov (3) , et on lit dans une
inscription civitatis, mattiacobvm (4). De là sans doute
est venu le nom des Mattiaci, nommés plusieurs fois
par le même historien (5), et dont le territoire parait
s'être étendu depuis cette ville jusqu'au Rhin , vis-à-vis
Moguntiacum , Mayence.
Il existait chez ces peuples des eaux minérales , AqUœ
Mattia^cœ comme les appelle Âmmien Marcellin (6).
Mais cet historien ne donne aucun indice qui puisse
nous aider à en déterminer la position précise. On ne
trouve rien de plus à cet égard chez Pline, quoiqu'il
(1) D'après Tacite {Germ,1\) les Germains paraissent le peuple de
l'antiquité le plus adonné à la passion du jeu , maladie des sociétés
modernes, et de notre siècle surtout. Aleam fquod mirerej , dit^il,
sobrii inter séria exercent, tanta Ittcrandi perdendive temeritate, ut
cum omnia defecerunt , extremo ac novissimo jactu de libertate et de
corpore contendant,
(2) 4nnaL 1 , 56. U parle de Gerraanicus.
(3) Geograph. Il, ±0 (^.
(4) Orelli, Inscript, lat, sel, tom. 11, p. 426, n. 4983, Les uns
croient que c'est Marpurg ; d'autres ^ Kassel,
(5) Hi«MV, 7; Germ. 20.
(6) Rer. Gest.XXlX,^.
( 44 )
parle avec quelque détail de ces sources thermales, des
pierres ponces qui s'y formaient , et de la propriété
singulière dont les eaux qu'on y puisaient étaient douées,
celle de conserver leur chaleur trois jours durant : Sunt
et Mattiaci in Germania fontes calidi trans Rhenum ,
quorum haustus triduo fervet. Cire a margines ver a
pumicerfi faciunt aquœ (1). Les géographes modernes
s'accordent assez à regarder ces eaux comme étant celles
de Wisbaden dans l'état de Nassau (2) ; le principal
motif de cette détermination est peut-être la difQculté
de leur assigner une autre place.
Si l'on en croit Fréret, cette ville serait entièrement
dépourvue de monuments romains , ce qui lui parais-
sait un motif pour ne pas admettre l'opinion commune
sur la position des Aquœ Mattiacœ(^). J'ignore com-
plètement si depuis la première moitié du xvnr® siècle,
on y a fait des découvertes de quelque importance , et
notamment quelques vestiges d'un antique édifice ther-
mal. Seulement je rencontre dans un recueil une ins-
cription exhumée à Wisbaden même , en 1778, et qui
parait relative à des travaux d'utilité publique exécutés
par la vnr* légion. Je la donne ici telle que je la trouve,
sans aborder les difficultés que présentent les cinq pre-
mières lettres, dont peut-être il faudrait accuser, en
partie , l'inexactitude du copiste (4) :
(1) iVal. Aw<. XXXI,2(17).
(2) D'Ànville, Notice delà Gaule, ^. 21%rWalckenaer, Géographie
des Gaules, tom. II , p. 294.
(3) Mém, de V Académie des Inscriptions, tom. XIV. hist., p.l5S.
(4) De Hupsch , Epigrammatograph,, part. I , p. 52, n. 28.
(45)
PEDNT. TBEYEROR
VM. P. LXXXVI
SVBCVR. AGENTE. CRES
CENTINO. RESBECTO. C
LEG. VUI. AVG
D'Anville a mentionné ces eaux (1), bien qu'elles
n'appartinssent pas proprement à la Gaule, mais aux
établissements que les Romains avaient formés sur la^
rive orientale du Rhin , et qu'on ne sait guère comment
classer. J'ai cru que je pouvais suivre en cela l'illustre
géographe.
AQUjE neriomàgienses.
\
La Carte de Peutinger désigne ce lieu par l'abrévia-
tion Aquœ Neri, et sans l'adjonction de l'édifice carré (2);
circonstance exceptionnelle dont le manque d'espace
peut seul rendre raison , puisque nous savons , et par
ce nom même /et d'ailleurs encore, qu'il possédait des
eaux minérales.
Cette mansion y figure sur la voie qui conduisait
(TAvaricum y Bourges, k Augustonemetum , Clermont,
entre Mediolanum , que l'on croit être Chàteau-Meillant ,
et Canlilia, nommée par saint Sidoine Apollinaire (3),
laquelle est bien certainement Chantelle-la-Vieille. Je
ne suivrai pas. d'An vUle dans l'examen des mesures as-
signées aux intervallespqui séparent ces diverses sta-
(1) Notice de la Gaule , p . 211 .
(2) Segm. I , b.
(3) EpwMV, 13.
(46)
lions (1). J'aime mieux rapporter une inscription iti-
néraire qu'il n'a fait qu'indiquer , et qui nous donne
plusieurs noms locaux. Elle se lisait sur une colonne
milliaire découverte à Alichamps, qui paraît avoir été
un point intermédiaire de cette route romaine ; la voici
telle que la donne Caylus (2) , incomplète de la première
ligne, où se trouvaient les noms de l'empereur régnant :
FEUCI.ÀVG.TRIB.P.COSJII
P»P»PROCOS»AVAR.L.Xmi (3)
MEDI.XILNERI.XXV
De la direction de cette voie , des distances marquées ,
bien qu'elles présentent plus d'une difficulté, on a
conclu que l'emplacement de cette mansion romaine se
retrouve, comme son nom, àNeris, bourg du dépar-
tement de TAllier, dont les eaux thermales conservent
encore de nos jours leur ancienne célébrité (4).
je reviens au nom antique de ce lieu. D'Anville a
cru pouvoir substituer Aquœ Nerœ à YAquœ Neri de
la Carte (5) : c'est à tort (6) , et de plus sans autorité ,
(1) Notice dé la Gaule, p. 77.
(2) Recueil éH antiquités , tom. III ^ p. 371. Il mentionne encore
(p. 374) une autre colonne trourée au même endroit, et qui avait
dû être placée une lieue plus près de Bourges , mais dont Tinscrip-
tion plus maltraitée ne laissait lire que ces mots : ayar. l.xiii.
(3) Le mol procos doit avoir été mal lu.
(4) D'Anville, Notice de la Gaule, loc. laud.^Walckenaer, Géa^
graphie ancienne des Gaules, tom. I , p. 372 ; tom. III, p. 66, etc.
(5) Loc, laud* ^
(6) Il aurait dû dire au moins Neriœ , le nom de Nerius qui appar-
tenait à une famille romaine , dont nous avons des médailles consu-
laires, pouvant être celui du fondateur, du restaurateur ou du patron
des thermes qui existaient en ce lieu.
(47)
puisque le nom de ce lieu ne se lit chez aucun auteur
ancien. Seulement saint Grégoire de Tours nous donne
plus tard Tadjectif ethnique : ad vicum Nereensem. . .
Arehipresbyter Nereensîs vici (1); mais il était déjà
altéré à cette époque. Il est certain que les habitants de
ce lieu au temps de la domination romaine furent ap-
pelés Neriomagienses , d'où Ton doit conclure que le
vrai nom de ce viens était Neriomagus, ou Aquœ,
Neriomagienses , et que le mot Neri de la Carte n'est
qu'une abréviation, ainsi que je l'ai supposé. Tout cela
résulte de cette importante inscription trouvée à Néris
même , et qu'on y conserve encore
" NVMINIBVS
AVGVSTORVM
ET.IVNONIBVS
VICANI
NERIOMAGIENSES
(1) Vit. pair. IX , 2 et 3.
(2) Baraîlon avait donné cette inscription, p. 142 de ses Recherches
sur Vandenne ville romaine de Neris, qnî font partie (pp. 115—197)
des Recherches sur plusieurs monuments celtiques et romains, Paris,
,1806, in-8^. Ayant peu de confiance en cetéoriyain, celtomane,
systématique et inexact dans ses citations , j'ai demandé des in-
formations sur les lieux , et j'ai appris que ce monument trouré
en 1776, et placé alors dans un mur du Prieuré, puis transporté au
presbytère du lieu , existe aujourd'hui dans une petite yilla appelée
lesBilloux, à quelques minutes du bourg de Neris. Plusieurs copies
m'en sont parvenues de divers cotés : dans la plus soignée , que je
dois à l'obligeance de M* le curé actuel de Neris , je vois que le t
d'AVGVSTORVU dépasse en auteur les autres caractères et que les
lettres ha de neriomagienses forment une ligature que la typo-
graphie ne peut reproduire.
(48)
Ce monument ne doit pas être antérieur aux Àntonins ,
et plus vraisemblablement il appartient à l'époque de
Septime Sévère. Quant au culte des Junones, qui étaient
une sorte de génies femelles (1), attachés spécialement
à certaines localités (2) , il se peut qu'il ne soit pas ici
sans quelque l'apport avec celui des sources thermales.
Ce lieu témoigne de son ancienne splendeur par le
grand nombre et la variété des monuments, ou débris
romains qu'il a restitué à diverses époques. Vers Kmi-
lieu du siècle dernier , Caylus en a signalé plusieurs :
des aqueducs , des médailles , des lampes , des urnes ,
des statuettes en bronze, des traces dévoies romaines,
etc. (3). Mais le plus remarquable était un théâtre, à
peu près ruiné de fond en comble, les pierres même
des gradins ayant été enlevées pour servir de matériaux
aux maisons du voisinage. Les restes, toutefois en
étaient encore fort reconnaissables , ainsi qu'on peut en
juger d'après le plan qu'en a donné l'illustre anti-
quaire, et son hémicycle avait, suivant ses mesures,
20 toises de rayon (4). Un tel édifice , dans un simple
viens f devait surtout être destiné aux plaisirs des
étrangers que ses thermes y réunissaient.
Barailon, au commencement de ce siècle, a parlé des
monuments de Néris avec plus de détails. On y avait
trouvé , et l'on y trouvait fréquemment , dit-il , des
(1) Gomme les Maires , Matronœ , Suleviœ , Campestres,
(2) On lit dans quelques inscriptions : ivnonibu^ montanû —
iVNONi. PAGi. FORTVNENSis ; etc. (Ore|^, Inscript. seL, nn. 1324,
1325, lom.I, p. 277.)
(3) Recueil tt antiquités , tora. IV, p. 369.
(4) Jbid. pi. ex. , p. 367.
( 49 )
tombeaux, des vases d'argile ou de verre, des médailles,
des terres cuites , des meules de moulins domestiques ,
des ustensiles et des fragments en bronze, et, ce qui
est plus rare , des morceaux de verres à vitres ,
etc. (1). Il indique aussi divers ouvrages de Tart anti-
que : une mosaïque , des débris de peintures murales
et des vases peints ; des pierres gravées , des figurines
en bronze, notamment une Diane d'un mètre de hau-
teur, et une autre statue assise représentant Flore , ou
l'Abondance, mais en pierre et d'un travail grossier (2).
Comme Caylus , il a signalé des vestiges de voies ro-
maines; et de plus, quantité de débris de construction,
des briques , des tuiles , des fragments de colonnes , de
chapiteaux , de pilastres ornés , des naarbres de diverses
espèces , et des restes de bâtiments , répandus sur un
terrain dont l'étendue peut faire juger de l'importance
de ce lieu (3). Tels sont ceux d'une tour, ceux d'un
monument découvert en 1780', qu'on jugea être un
temple , une cour entière pavée en pierres de taille ,
ceux enfin d'un édifice formé de deux rangs de petites
cellules , avec un large passage qui les séparait : celui-
ci paraît avoir appartenu à l'établissement thermal,
quoique Barailon veuille en faire une caserne (4).
En fait d'inscriptions, il a donné, je crois, tout ce qui
existait à Neris ; c'est-à-dire , celle que j'ai rapportée
(1) OpAaud.y nn. 2, 6, 37, 39, 43 , 46 , 63 , etc.
(2) ibid,, nn. 6, 18, 46, a», 53.
(3)i&trf., nn.84— 92.
(4) Ihid,, nn.7, 21, 22, 23, 27, 33, U, 36, 87, 62, elc.
(50)
ci-dessus ; cette autre qui parait en être la répétition
en sigles (1) :
NBS. AGM. ET. IBS. VNL. NGS.
et enfin quelques fragments , qu'on lisait sur des pierres
trouvées dans les fouilles , et employées depuis à cou-
vrir le grand aqueduc. Tout ce qu'on a pu déchiffrer
sur ces débris, sans liaison apparente entre eux, con-
siste dans ces mots , qu'il croit être des noms de divi-
nités topiques : nennerio. — ovh. — vissv(2).
Depuis cette époque, en 1820, si je ne me trompe,
des découvertes fort importantes ont été faites à Nerîs.
Comme on déblayait le sol pour la construction d'un
nouvel établissement thermal , sous des atterrissements
qui s'étaient singulièrement élevés depuis des siècles,
on rencontra les anciens thermes revêtus de dalles en
marbre blanc , des bains de vapeur semblables à ceux
qu'on voit encore à Aix en Savoie , enfin tous les tra-
vaux exécutés autrefois, par les dominateurs de la
Gaule , pour l'utilité de ces eaux et l'embellissement des
lieux. On crut même reconnaître une naumachie , ce qui
n'était peut-être qu'un vaste bassin destiné pour la na-
tation , comme on en voit auprès d'autres eaux therma-
les (3). Il eut été facile, dit-on, de restaurer ces thermes
romains, avec des frais bien inférieurs à ceux que coûte
l'établissement moderne, qui n'est pas achevé. On aima
mieux les détruire, ou les enfouir de nouveau sous le
(1) Op. Laud,,, n. 57.
(2) Bid., n. 58. On peut remarquer toutefois que les dernières
lettres du premier fragment sont le commencement du nom du lieu.
(3) Inf, à Aqiiœ Nisineii,
( 51 )
bâtiment qu'on élevait. Cependant des restes assez nom-
breux de ces richesses archéologiques échappèrent à
la destruction : ce sont des fragments de statues, des
portions de colonnes, des chapiteaux et autres orne-
ments d'architecture , conservés aujourd'hui, soit dans
l'édifice des nouveaux bains, soit au lieu appelé les
Billoux, que j'ai déjà mentionné.
AQUuE mSlNElL
L'édifice carré se voit sur la Carte de Peutinger auprès
de ce nom, qui peut être celui de quelque personnage
distingué : il y désigne la première mansion après De-
gêna y la Decelia ou Décida de l'Itinéraire, aujourd'hui
Décise, sur une voie partant (TAvaricum , Bourges, pour
arriver à Augustodunum y Autun (1). Quoique les éva-
luations des distances puissent souffrir ici quelques
difficultés dans leur application aux lieux modernes,
les Aquœ Nisineii sont regardées généralement comme
n'étant autres que les bains de Bourbon-Lancy , Saône-
ct-Loire (2).
Autun n'ayant point d'eaux thermales dans son en-
ceinte ou ses alentours , c'est apparemment des sources
de Nisineius qu'il faut entendre ce qu'Eumène disait à
Constantin, en lui signalant chez les JEdui des eaux
chaudes d'une pureté admirable : Miraberis profecio
illam quoque numinis tuisedeiriy et calentes aquas sine
m
(1) Segm. I, d.
(2) Valois, Nolii» Galliar,, p. 104, a.— D'Anville, Notice fie la
Gaule, p. 78. — Walckenaer, Géographie des Gaules, toni. I , p. 372 ;
tom. m, p. 68.
(52)
tdlo soli ardentis indiciOy quarum nulla tristitia est
saporis aut halitus , sed talis hauslu et odore sinceri-
tas y qualis fontium frigidorum (1). Dans un passage
précédent , dont l'intention me semble une leçon assez
impertinente au jeime prince , le rhéteur fait supposer
qu'elles étaient consacrées à Apollon , qui par leur vertu
punissait 9 disait-on, les parjures : Jam omnia te vocare
ad se templa videantur , prœcipueque Apollo nos ter ^
cujus ferventibus aquis perjuria puniuntur , quœ te
maxime opportet odisse (2).
Des fouilles exécutées à Bourbon -Lancy en 1580,
1602, 1608 et 1680 avaient fait reconnaître de nom-
breuses traces des maîtres du monde, et des restes im-
portants de l'établissement thermal dont ils avaient doté
ce lieu .Voici quelques renseignements donnés parMorêri
à ce sujet. « Les eaux sortent d'un rocher sur lequel
» la ville est assise (3), et tombent dans des bassins dont
» la structure est un ouvrage des Romains, qui fai-
» saient grand cas des eaux minérales de Bourbon.
» Quelque désordre que la suite des années ait pu ap-
» porter aux édifices des fontaines et des bains de ce
» lieu , on y voit encore de beaux restes qui font connaî-
» vre la richesse de la matière et les ornements de l'ar-
» chitecture romaine. Les bassins sont composés de gros
(1) Panegyr. vei, , Oral. VI , 22.
(2) Ibid. , 21. Il est à regretter qu'il ne donne aucun détail snr
cette croyance superstitieuse , qui semble indiquer quelque chose
de semblable à nos épréUves du moye||;âge. Ses commentateurs ont
réuni quelques autres faits analogues.
(3) Il s'agit de la yille moderne : la yîlle romaine était dans un
vallon , et se fait reconnaître par des débris de tuiles , de briques ,
de pierres, etc., qu'on ne rencontre point à Bourbon même.
(53)
» quartiers de marbre blanc ; et leur pavé , aussi bien
» que celui des bains ^ est de marbre gris. Toutes les
» statues qui ornaient ces bains étaient aussi de marbre
» blanc. Les murs, les marches, les niches et les autres
» ouvrages d'architecture étaient revêtus de tables de
» marbres de différentes couleurs Des cinq bains
» qui sont à Bourbon , on en a déterré trois depuis peu
» de temps, et parmi ces ruines, ainsi que dans celles
» des bains qu'on avait fouillés auparavant, on a trouvé
» plusieurs fragments de colonnes , de corniches , de
ï» statues, de pavé à la mosaïque, et quantitt^ de mor-
» ceaux de jaspe , de porphyre, de bronze et d'airain.
» On eh a retiré une statue entière que le Roi a fait por-
» ter au JLouvre , dans la salle des Antiques. Il s'y est
» aussi trouvé diverses médailles d'or , d'argent et de
» bronze , qui représentent les effigies de Jules-César ,
» d'Auguste et d'autres empereurs (1). »
A ces données , je puis en ajouter de plus précises
et plus récentes, dont je suis redevable à l'obligeance
de M. le docteur Auguste Robert, qui, établi à Bourbon-
Lancy depuis quelques années, s'occupe avec zèle et
sagacité des monuments antiques de cette ville. Je citerai
aussi, ou par extrait, ou par analyse, les lettres qu'il a
bien voulu m'adresser. « Des trois bassins de construc-
» tion romaine , me dit-il , découverts aux époques de
» Catherine de Médicis et de Henri iv, il n'en reste
» plus qu'un de forme ronde, pavé en marbre et servant
» de réservoir pour #Rmenier les cabinets de bains.
» Autrefois , il était couvert d'une voûte en forme de
(1) Dict, hisL , au mot Bourbon-Lancy. *
( U ) ■
» dôme , percée de plusieurs ouvertures , et entièrement
» en marbres, porphyre, granit, etc. ; dans son intérieur
» étaient douze niches à gradins, sur lesquels étaient di-
» rigés des filets d'eau thermale formant douche. Les
» deux autres bassins étaient de forme quadrangulaire
D allongée , plaqués en marbre de diverses couleurs, re-
» posant sur un béton fort épais: ils servaient aux bains
» et à la natation. Sur leur emplacement , on a construit
» les bâtiments qui existent aujourd'hui. Près du grand
y> bassin sont plusieurs puits : le principal qui est cir-
» culaire , de 4 m. environ de diamètre, est construit en
» gros moellons de marbre et de granit disposés en gra-
» dins, de sorte qu'à 4 m. de profondeur, l'ouverture
» qui donne accès à la source n'a plus que 50 c. de
» diamètre. . . Les autres fontaines sont carrées et moins
» profondes. Les aqueducs de décharge méritent une
» mention particulière à raison de leur hauteur , lar-
» geur et longueur : la pierre avec laquelle ils ont été
» construits ne se trouve pas dans le pays , et semble
» provenir des carrières de Nevers : il y a des blocs de
» près de 3 m. de longueur. . . On sait que douze statues
» en marbre furent enlevées par Richelieu ; d'autres
» furent envoyées plus tard aux musées de Paris et
» d'Autun. Les marbres, les colonnes, les chapiteaux,
» furent transportés à Màcon en 1804 , etc. »
M. Robert m'indique un aqueduc encore subsistant
dans la campagne et parfaitement conservé sur une
longueur de près de 100 mètrcS^: il servait à conduire
à Bourbon des eaux potables, et l'on a songé à lui
rendre cette première destination. Il mentionne aussi,
parmi les débris ou monuments que l'on trouve, plus
(55)
OU moins fréquemment, à Bourbon , des fragments de
mosaïques en pierres variées, ou en pâte de verre, dont
il a recueilli en une année plus de quarante échantillons
différents ; des médailles nombreuses , des poteries si-
gillées en terre rouge avec les noms des potiers , dont
l'un est gravé à la pointe, particularité rare sur les vases
romains ; des figurines en terre cuite , une statue en
bronze de Mercure , de 2 à 5 pieds de hauteur , qui a
été envoyée à Autun ; enfin un phallus en pierre dé-
couvert tout récemment.
Si les inscriptions exhumées à Bourbon ne paraissent
pas avoir été bien nombreuses , celles que Ton connaît
sont des plus intéressantes , et se rattachent au culte des
eaux thermales, comme celles de Bourbonne avec les-
quelles elles ont une parfaite analogie : deux seulement
ont été puWiées. La première, depuis long-temps con-
nue , ayant servi de seuil à une porte , est aujourd'hui
dans le plus triste état de dégradation (1) : on n'y peut
plus lire que les deux lignes du commencement, et
quelques lettres isolées apparaissent seules aux deux
suivantes. Mais Courtépée dit avoir lu très-bien ces deux
lignes en 1774. La fin de l'inscription ayant déjà dis-
paru alors avec la partie inférieure de la pierre , il sup-
pléa une cinquième ligne d'après des analogies, par
conséquent avec une extrême vraisemblance (2) ; et si
l'on veut ajouter la formule la plus ordinaire, on pourra
trouver l'inscription complètement restituée dans la
(1) En 1833, ce monument venait d'être mis à l'abri de nouveaux
outrages; j'apprends que depuis lors il a été transporté à Paris.
(2) Descript, du duché de Bourgogt^e, lom. IV, p. 380.
(56)
leçon suivante, adoptée , avec quelques légères différen-
ces, par^M. Bei^er deXivrey que j'ai cité plus haut(l).
PORVONI. ET. DAMONÀE
T. SEVERIVS. MO
DESTVS. OMNIB
HONORIBVS.ET.OFFICnS
ÀPVD.AEDVOS.FVNCTVS
V^ S. L. M
L'autre, trouvée en 1792 dans les fondations du
château , restait ignorée depuis dix ans , quand Millin
la publia (2) : aujourd'hui elle n'existe plus sur les lieux.
A en juger d'après la gravure qui accompagne cette pu-
blication , les caractères , maigres et peu agréables à la
vue , sont trop bien conservés pour qu'on puisse hésiter
sur l'exactitude de sa copie que je transcris :
C. ÏVLIVS. EPOREDmiGIS. F. MAGIWS
PRO. L. IVLIO. CALENO. FIUO
BORMONIEEDAMONAE (3)
VOT. SOL
Millin veut que cet Eporedirix soit le Gaulois célèbre
des Commentaires de César (4). La chose n'est pas im-
possible, mais seulement incertaine, car ses desccn-
(1) Lettre à JKf. Hase, pi. ni, p. 112. L'auteur jugeant trop grands
les înteryalles aux lignes 3 et 4 » met après modestts la letttre f
i^ilius) précédée de celle qui indiquerait le prénom supposé du père ,
et il substitue atqye à et. ^
(2) Explication éCune inscription du fils d* Eporedirix, dans ses Mo-
numents antiques inédits, tom. I> pp* 146—1^6.
(3) EE pour ET.
(4) Op. laud., pp. 151—153.
(57)
dants purent conserver ce nom illustre ^ alors même
qu'ils prenaient le nom de famille et le prénom du con-
quérant des Gaules. Dans cette hypothèse, le fils de
Magnus pouvait être ce Julius Galenus, tribun dans
une légion qui , d'après Tacite , avait suivi lé parti de
Yitellius , et appartenait par sa naissance à la cité des
Mdui (1). Quoi qu'il en soit, nous retrouvons ici deux
noms déjà observés sur les monuments de Bourbonne,
et que nous avons jugé être ceux de divinités tutélaires
des eaux thermales. Mais dans la dernière inscription
nous lisons la variante de borhoni, au lieu de borvoni,
de même que dans le nom de Bourbon-l'Archambault
sur la Carte de Peutinger , Aquœ Bormonis. Ces don-
nées se confirment et s'expliquent réciproquement.
-En 1835, c'esî-à-dire depuis la lettre de M. Berger
de Xivrey, on a découvert à Bourbon-Lancy une troi-
sième inscription fort tronquée, où plutôt un court
fragment d'une inscription 'qui devait être longue , à en
juger par l'absence d€ tout ce qui paraîtrait nécessaire
pour lier entr'elles les lignes mutilées qui subsistent.
Voici ce fragment lapidaire , que M. Robert a bien voulu
me communiquer :
• • . • A.» EjSt* sac ■ • . •
SILICA. V
. . . RVONI. ET
Je ne tenterai pas la restitution de ce monument épi-
graphique : elle serait^ifficile et hasardée. Je ne vois
guère ce qu'on pourrait tirer de la première ligne ; la
(l)HwMII,3S.
(58)
seconde parait mentionner une basilique, car il est
assez naturel qu'on y lise [ba]silica. Quant à la troi-
sième, je ne saurais hésiter un seul instant à lire [bo]r-
voNi, de même qu'à suppléer après la conjonction et
le nom de damonae : les notions fournies par des mo-
numents analogues justifient assez une telle conjecture.
Ce fragment, où se reproduisent pour la cinquième fois
les noms des deux divinités thermales, est loin, comme
on voit, d'être dépourvu d'intérêt , d'autant qu'il forme
à lui seul la somme de ce que Bourbon possède main-
tenant de monuments écrits. Peut-être serait-il la plus
curieuse des inscriptions de ce genre , si l'on parvenait
quelque jour à retrouver les morceaux qui le complé-
teraient : on ne doit pas en désespérer , et je souhaite
cette bonne fortune à M. le docteur Robert.
C'est le cas de remarquer que pour ce lieu , comme
pour son homonyme du département de l'Allier (1),
comme pour Bourbonne-les-Bains (2), l'étymologie des
noms se trouve évidemment dans celui de la divinité
ihermsle Bormo f on Borvo : il serait ridicule d'en cher-
cher une autre. Je veux aussi rappeler à mes lecteurs
l'explication donnée par Millin au surnom de Lancy ,
laquelle est bien préférable à celle que d'Anville avait
proposée (5). « Ce nom , dit Millin, ne pourrait-il pas
(1) Sup., p. 25.
(2) Sup., p. 29.
(3) ce On croit, dit l'illustre Géographe {Op, laud,, p. 78), qu'il en
» est du surnom qui sert à distinguer^Bourbon-rAnci , comme de
» celui qui distingue Bourboir-rArcbembaut , et que c'est le nom
» d'un seigneur , d'un côté comme de l'autre ; Ancellus , ou Anceau,
» à Bourbon-l'Anci , de même qu'Erchmbaldus , à Bourbon , qui
» est surnommé l'Arcbembaut. »
(59)
» venir de Nisineius, dont ce lieu avait pris le nom
» A'Aquœ JSisineii ? Je le croirais d'autant plus volon-
» tiers que Rabelais écrit Bourbonnensy (1), et que
» Pasquier dit Bourbon-Nansy (2). Il a été facile de
» faire Nansi de Nisineii, et de prononcer ensuite
» Lancy » (3).
AQVjE onesim.
Telle est , je crois , la version la plus convenable du
grec de Strabon , rà tôv Ovyiguov 0gp[x.à, puisque dans
des noms analogues^ donnés à des lieux qui possédaient
des eaux thermales , les écrivains latins disent cons-
tamment Aquœ , jamais Thermœ (4). C'est chez les
Convenœ , et après leur capitale Lugdunum , que le
géographe fait mention de ces beaux thermes , qui four-
nissaient aussi une eau excellente à boire (5).
Des critiques ont voulu , bien légèrement , que le .
texte fut fautif en cet endroit, et au mot Ovtigiwv, qu'on
ne lit point chez d'autres auteurs , ils ont proposé de
substituer le nom des Convenœ, que Strabon avait
écrit quelques lignes plus haut, Kovouévwv. Valois s'est
empressé d'admettre cette prétendue correction , et en
conséquence , il n'a vu ici que les Aquœ Convenarum
4
(1) Rabelais, II, 33.
(2) Pasquier, Lettres, l,^\,
(3) Op. ;au(2., p. 156.
(4) Il existe , si je ne me trompe , une obseryalion de Varron à
ce sujet : je n'ai pas su la retrouver.
(5) Rer.geogr,, IV, 190, edit. Àlmelor., p. 290.
(60)
de ritinéraire (1). Je ne saurais reconnaître aucun
motif pour rien changer au texte, que les éditeurs les
plus recommandables ont respecté , qui d'ailleurs n'est
démenti, que je sache, par aucun manuscrit; et tenant
pour bien légitime le nom ^Aquœ Onesiœ, je dois
chercher maintenant à en faire l'application à des
thermes connus dans les contrées pyrénéennes. Privés
que nous sommes des indications que fournissent le
plus souvent la Carte de Peutinger , ou les autres itiné-
raires, il faut ici procéder d'une manière différente,
pour arriver à un résultat, si non absolument certain,
au moins d'une extrême probabilité.
Ce que dit Strabon de l'excellence des eaux des
Onesii , et de la grande beauté de leur établissement
thermal, car tel paraît-être le sens de l'épithète xàXXicrTa,
peut nous faire juger que ces bains jouissaient à son
époque d'une réputation fort répandue , et qu'ils étaient
des plus fréquentés parmi ceux de la Gaule romaine.
Ainsi , naturellement on doit chercher à les reconnaître
dans quelqu'un des lieux de ces contrées , dont l'état
actuel présente les traces les plus évidentes et les plus
nombreuses, soit d'habitations romaines, soit d'une
affluence considérable de visiteurs auprès des sources
thermales qu'on y connaît encore. Nulle part, assuré-
ment, ces conditions ne sauraient mieux se rencontrer
(1) Notit. Galliar,, p. 159, a. — Une autre correction a été pro-
posée : la seule addition de la lettre h au commencement de ce nom,
en Féloignant peu du texte , reproduisit celui des Monesi de Pline
(IV. 19). Mais pourquoi ne ferait-on pas serrir plutôt la leçon de
Strabon à corriger celle du naturaliste, dont le texte, générale-
ment , a été bien autrement maltraité par les copistes que celui
du géographe grec?
(61 )
qu'à Bagnères-de-Luchon , petite ville du département
de la Haute-Garonne , qui a dû appartenir au territoire
des Convenœ , et dont les eaux thermales ont retrouvé
de nos jours une brillante célébrité. C'est donc là que
je crois devoir placer les Aquœ Onesiœ du -géographe
grec. Cette opinion n'est pas nouvelle : Valois la men-
tionnait déjà y mais pour la repousser du tgn le plus
décisif et le plus méprisant (1). On va voir qu'elle est
fondée sur les indications monumentales les plus frap-
pantes , et qu'il y aurait lieu de s'étonner , si le nom de
thermes aussi fréquentés que ceux-ci le furent incon-
testablement, avait pu échapper à tous les auteurs an-
ciens dont nous possédons les écrits.
Tout le pays qu'habitèrent autrefois les Convenœ est
semé encore d'antiquités romaines , à commencer par
leur Lugdunum , Saint-Bertrand, qui a enrichi le musée
de Toulouse d'un grand nombre d'inscriptions et autres
monuments. La vallée pittoresque de Luchon a eu aussi
une grande part à ce trésor antique ; et la portio n de
Bagnères eût été bien plus considérable , si ce lieu , ses
édifices , ses sources même, n'avaient été ensevelis sous
un de ces éboulements de terre et de rochers, fréquents
dans ces pays, que les habitants appellent lavanges.
Ce fait a été conjecturé par le président d'Orbessan ,
(1) Loc, laud, — M. Walckenaer n'a pas suiyî Valois à tous égards,
car il admet le textfB de Strabon et reconnaît un peuple nommé
Onesii ( Géogr, des Gaules , toni. I , p^ 306 ; tom. II , p. 239 ) ; mais
il les place aux enyirons d Aagnères-de-Bigorre, et yeut que leurs
thermes soit les mêmes que lès Aquœ Convenarum, Quant à Ba-
gnères-de-Luchon , les marbres antiques qu'on y a trouyés ne lui
paraissent rien prouyer, pas même « l'existence d'un établissement
» thermal antique dans cet endroit » !
(62)
académicien de Toulouse (1) : je n'ai aucun motif de le
^évoquer en doute ^ et il expliquerait l'oubli dans le-
quel restèrent long-temps les eaux de Luehon. Mais à
l'époque où il écrivait , elles avaient attiré depuis quel-
ques années l'attention de personnages distingués, et
alors commença pour elles une ère nouvelle, qui les vit
sortir de leur obscurité, et fît connaître la célébrité dont
elles avaient joui anciennement. L'auteur que je viens
de citer semble indiquer vaguement des restes de l'an-
tique établissement thermal (2). Il est certain qu'en
construisant celui qui existe aujourd'hui, on en trouva
des traces fort reconnaissables, notamment des bassins
revêtus en marbre. M. du Mège, qui me confirme ces
faits, dans une lettre toute récente, ajoute : « il y a peu
» de mois que l'on a découvert en ce lieu un vaste
» bassin , une baignoire revêtue en plaques de marbre
» qui faisait partie des thermes romains. »
Mais ce qui distingue surtout ces thermes antiques
de tous ceux qui ont été reconnus dans notre Gaule et
ailleurs, ce qui prouve, mieux que ne le ferait aucune
autre donnée, à quel point ils furent fréquentés aux
jours si brillants de la domination romaine, c'est le
nombre surprenant des inscriptions votives qu'on y a
découvertes , gravées sur la face antérieure d'autels en
marbre blanc, ou en pierre plus commune, et dont
plusieurs sont ornés, sur les faces latérales, de la patère
et du prœfericulum ^ vases sacrés en usage dans les li-
bations et les offrandes. Je conifois douze monuments
(1) Dissertation sur les Bains de Bagnères-de-Ltichon , dans ses
Mélanges historiques, critiques, eic, tom. II « p. 290.
(2) Ktc{., pp. 289,29^.
(63)
de cette nature ; et je ne crois pas que ce soit la totalité
de ceux qui ont revu le jour dans des fouilles succes-
sives. D'Orbessan en avait fait connaître huit en 1768
dans le mémoire que j'ai cité , et qu'il avait lu quatre
ans auparavant à l'Académie de Toulouse (1) ; de ce
nombre, six furent transportés à Auch, et placés dans
la salle de l'Athénée , où Millin en copia cinq au com«
mencement de notre siècle (2). Plus tard , M. du Mège,
en reproduisant les huit inscriptions de d'Orbessan , en
publia quatre nouvelles (3). Un de ces autels est dédié
aux montagnes, un second à un Dieu topique, les autres
aux nymphes. Tous sans exception peuvent être regardés
comme appartenant à l'histoire de ces thermes ; car ce
sont autant de témoignages solennels de reconnaissance
envers les divinités des eaux secourables aux malades.
Aussi je vais transcrire toutes leurs inscriptions , quoi-
que la plupart ne diffèrent entr'elles que par les noms
des personnes qui les leur consacrèrent.
Voici d'abord celle que fait lire le plus grand des
autels publiés par d'Orbessan (4) , le seul qui subsiste
aujourd'hui sur les lieux, où on le voit dans le mo-
derne établissement :
NYiMPHIS
AVG
SACRVM
(1) Op, laud., pp. 292— ^.
(2) Voyage dans les départements du midi de la France^ tom. IV ,
pp. 470—473.
(3) Monuments des Volces Tectosages , pp. 362 et 363 , nn. 78 , 80 ,
81 et 82.
(4) O/). laud., p. 292; Du Mège, Op, laud,, p. 361, ii.75.
(64 J
Cest le seul aussi qui ne porte aucun nom , peut-être
parce que c'était un/nonument public (1). Les quatre
qui suivent sont à Auch (2) :
2
NYMPfflS
C. RVTONIVS
DEXTER
V. S. L.
3
NYMPfflS
AVG
VALERIA
HELLAS
V.S.L.M
k
NYMPfflS
LVCANUS
ET. EROTIS
V. S. L. M
5
NVMI. . .
MANl . , »
SACR/. .
RVTAEN . .
V. S, L
Le n** 5 est mutilé à la fin de toutes les lignes; mais
je ne doute pas qu'on ne dût lire nympAîs à la première ,
et que RVTAENa, à la quatrième, ne soit un adjectif
ethnique , bien qu'il ne soit pas d'usage d'écrire de la
sorte le nom des Ruteni.
Une autre inscription est ainsi rapportée par d'Or-
bessan (3) , et par Millin (4) :
(1) Peut-être aussi était-ce un de ces monuments qu'on tenait
d'avance à la disposition des acheteurs , sauf à y ajouter leurs noms
et la formule Totiye. Cela serait d'autant plus probable qu'un autre
autel sans inscription a été trouvé au même lieu , au rapport de
M. du Mège (p. 343, n. 58] : on en connaît ailleurs de sembla-
bles, et l'on a expliqué de même cette narticularité.
(2) D'Orbessan, pp. 293 et 295 ; — iffillin , pp. 470—472 ; — Du
Mège, pp. 336 et 362, nn. 49, 76, 77, 79. Millin n'a pas donné
le nO 2.
(3) Op. 2au(i., p. 294.
(4) Op» laud., p. 471.
(65)
6
NYMPHIS
T, CAVDVS
RVFVS
V. S. L. M
M. du Mège pense qu^il faut lire c/ayd^vs à la seconde
ligne (1), leçon bien plus satisfaisante en effet, pour
peu qu'elle soit autorisée par quelque apparence de
ligature. Il conjecture encore que le rhéteur Ru fus,
contre lequel Ausone décochait tant d'épigrammes (2),
pourrait être le personnage qui consacra cet autel aux
nymphes : ce rapprochement ne serait pas sans intérêt
s'il était motivé par quelque donnée un peu positive (3).
L'inscription suivante attache un intérêt plus positif
à l'un des autels publiés par le même savant, et qui
appartient à l'Académie de Toulouse (4) :
(1) Op. lami., p. 363, n. 83.
(2) Epigr, 45—52. Il lui reproche fréquemment un défaut peu
ordinaire aux rhéteurs , celui d'être muet , comme dans celle-ci (46) :
Elinguem quis te dicentis imagine pinxit?
JH4i mihd, Rufe, iaces : nil tibi tam simile est.
(3) Op. laitd,, p* 364, et not. 1. Ce sayant cite cette phrase d'un
ouvrage écrit par un curé du pays , fort peu antiquaire à ce qu'il
parait : a J'y ris encore (à Bagnères-de-Luchon ) un buste sur son
» piédestal... avec cette inscription :cLAy dits, rtffys. » 11 me pa*
ralt yraisemblable que ce buste , trouyé à Luchon , aura été placé
alors sur l'autel dont il s'ajj^, et que le bon curé Vanra pris pour
son piédestal, quoique les deux monuments n'eussent entr'enx au-
cun rapport réel.
(4) Op. îaud., p. 362 , n. 78.
5
(GG)
7
NYMPHIS
CASSIA
TOVTA
SEGVSIAVUN
V. S. L. M
Le nom de tovta nous fait voir l'emploi de la syllabe
ov, bien rare, hors le nom de la tribu owfentina qu'on
lit sur un assez grand nombre de monuments (1). A la
ligne suivante , je trouve un nom ethnique rare aussi ;
car, autant qu'on peut faire une conjecture sur un
marbre qu'on n'a pas vu , je crois qu'il faudrait y lire
SEGvsiANA ; ce serait une malade venue de loin aux
thermes des Onesii , bien qu'elle eût dans sa patrie les
Aquœ Segete. C'est encore M. du Mège qui a fait con-
naitre deux autels semblables provenant des mêmes
thermes , et ponant des inscriptions fort maltraitées ;
il les donne ainsi , avec quelque doute toutefois (2) :
8 9
NYMPHI NYM . . •
EBEIO ANDEM . .
FAB NAMRONI
y.S.L.M
V. S. L. M
(1) Les médaHles nous la font lire anssi dans le nom de la famille
Clotdia , et souyent encore dans celui de la famille Furia, On troure
également chez Spon (MisceL erud, antiquit, , pp. 97 et 169 ) une
inscription yotiye marti. olloydio , eiune autre qui porte le nom
de CLOYSTRIA. SYAyiS.
(2) Op. laud., p. 363 , nn. 80 et 82.
( 67 )
J'ai dit que tous les monuments votifs de Luehon
étaient relatifs au culte des eaux thermales : je n'en
excepterai point l'autel qui est aujourd'hui à Auch, et qui
fut dédié aux montagnes , comme nous l'apprend l'ins-
cription suivante (1):
10
MONTI
BVS. Q. G
AMOBNVS
S. V, s. L* M (2)
Il paraît assez naturel , en effet , que l'on ait associé au
culte des nymphes des eaux, les divinités des montagnes
qui présidaient au berceau de ces sources salutaires.
On pourrait trouver ailleurs plus d'une indication d'un
culte semblable; mais ici même, c'est-à-dire à Luehon,
nous en avons un témoignage certain, si je ne me
trompe, sur un autre aiutel votif découvert par M. du
Mège, et qui fait lire cette inscription (3):
11
NYMPfflS
MONTAN
MONTAN
Ce savant pense que la dédicace de ce petit monument
aux nymphes fut faite par un montants montan/ , c'est-
à-dire fils d'un autre montants (4). Je ne saurais par-
(1) D'Orbessan, p. 295 ;— MUlin, p. 473 ;— Du Mège, p. 307, n. 35.
(2) Les sigles de cette^ormule Totîye» moins commune que
d'autres , signifient : Stisceptum Yotum Solvit Libens Merito»
(3] Op. laud., p. 363 , n. 81.
(4) Loc, laud.
(68)
lager son opinion ; car , outre qu'on n'omettait pas or-
dinairement l'abréviation fiuws, ou au moins la lettre f . ,
ainsi que faisaient les Grecs y qui indiquaient la filiation
par le seul génitif, l'usage constant en pareil cas n'était
pas de répéter le nom de famille, mais de faire précéder
la lettre f du prénom du père. Ici je reconnais bien à la
troisième ligne le nom de montants , qui était vraisem-
blablement un surnom; mais à la seconde, je ne puis
voir que l'épithètc montan/8 , donnée aux nymphes , et
une nouvelle preuve de ce culte des divinités des monta-
gnes, culte tout-à-fait en rapport d'ailleurs avec la loca-
lité , et lié essentiellement à celui des nymphes des eaux.
Je serais aussi tenté de soupçonner que celui qui consa-
cra le monument ne fut pas fâché de jouer sur une allu-
sion à son nom , et que, peut-être par ce motif, il sup-
prima ceux qui auraient pu le précéder.
Un autre autel avait été trouvé à Bagnères-de-Luchon,
lors des premières fouilles dont les résultats furent pu-
bliés par d'Orbessan : l'inscription de celui-ci était im-
portante , comme révélant le nom d'une de ces divinités
topiques que le paganisme avait multipliées à l'infini.
Ce monument ne demeura pas long-temps sur les lieux
où il avait revu le jour : il fut emporté par un cha-
noine de Chartres , nommé Seguin (1) , et passa ensuite
dans le cabinet du respectable et modeste abbé de
Tersan . Beaucoup de personnes se souviennent encore
de l'y avoir vu , et d'avoir pu relever l'erreur commise
par d'Orbessan qui avait lu à la première ligne lixoni,
pour iLixoNi (2). De ce nombre sont M. Walckenaer (5),
(1) D'Orbessan, op, laud,, p. 295.
{2)Ibid.
(3) Géographie des Gaules, tom. II , p. 240.
(69)
et M, de Grazanncs^ qui me dit en avoir pris un dessin
du vivant de son possesseur (3), Je ne puis doue faire
mieux que de transcrire la copie qu'il a bien voulu me ^
communiquer :
12
ILIXONI
DEC
FÀB. FESTA
V. S. L. M
Ce dieu présidait-il spécialement aux sources thermales
auprès desquelles son autel a été retrouvé ? Il me sem-
ble qu'on peut le présumer fort vraisemblablement , ne
fût-ce que par analogie avec ce qui a été dit du dieu
Borvq ou Bormo , dont nous avons vu le nom répété
bien des fois dans des lieux qui possèdent également des
eaux thermales (4). Il est même naturel de conjecturer
encore que le nom de ce nouveau dieu devint Torigine
d'un nom nouveau , imposé plus tard aux thermes des
Onesii. Cette origine paraissait mieux marquée, il est
vrai , dans la leçon lixoni qu'on avait long-temps ad-
mise ; toutefois elle est toujours reconnaissable dans le
vrai nom ilixoni, et M. Walckenaer lui-même n'a pu
(1) Bans le Catalogue des objets d* antiquités , etc.> defeuMA*abhé
Campion de Tersan, Paris , 1819, ce monument est ainsi décrit,
p. 12 , n. 61 : (c Autel votif sur lequel on lit : lixoni. deo. vJLnius
» FesTÎNt^ Yotum solvit hibens uerito, etc. » On peut s'étonner d'une
pareille erreur de la part de Grirand de la Vincelle, antiquaire
qui n'était pas sans mérite , intimement lié arec l'arcbidiâcre de
Lectoure, et chargé par lui de rédiger ce Catalogue. On ignore, je
crois , où a passé le monument.
(2) Sup,, pp. 25, 28, 29, 56, 57, clc.
(70)
se refuser à ce rapprochement (1), bien qu'il soit peu
favorable , comme on a vu , à l'importance de ces bains
antiques 9 dont il ne paraît pas avoir connu, à beau-
coup près, tous les monuments.
J'ai présumé que les douze inscriptions qui m'étaient
connues, et que je viens de reproduire, ne composaient
pas la totalité des monuments écrits qui avaient dû être
retrouvés à Bagnères-de-Luchon. Je ne me trompais point
en faisant cette conjecture ; seulement je n'avais qu'une
faible idée de l'étendue des richesses en ce genre que
les fouilles successives ont fait découvrir dans cette
localité , et j'étais loin de me figurer que ce qui avait
été publié jusqu'ici , ce que je connaissais du moins ,
n'en formait encore que la moindre partie. M. du Mège
me frappe de surprise et d'admiration, en m'apprenant
que le nombre des inscriptions votives qu'on a exhu-
mées de ces thermes antiques dépasse le chiffre de 50.
J'aurais désiré pouvoir en faire connaître quelques-unes
encore à mes lecteurs. Mais ne pouvant suspendre l'im-
pression de mon travail tout le temps nécessaire pour
en obtenir des copies, je suis réduit à n'exprimer ici
que mes regrets. Je puis du moins répéter avec une
nouvelle intensité de conviction , s'il m'est permis de
parler ainsi , ce que j'ai déjà dit des bains de Luchon :
qu*ils durent avoir dans la Gaule romaine une bien
grande célébrité; et que cet ensemble inoui de marbres
épigraphiques , de vœux adressés aux nymphes des
eaux, est un motif bien puissant, selon moi, pour qulon
reconnaisse en ce lieu les thermes des Onesiiy vantés
(1) Géographie des Gaules, tom. Il , p. 2^0.
(71 )
par le géographe grec qui seul nous en a révélé Texis-
lence et le nom.
En 1814, après avoir exprimé cette opinion, qu'il
ne tenait encore, toutefois, que pour une conjecture
plausible , M. du Mège ajoutait : « On aurait même à
» ce sujet des présomptions tris-fortes , s'il était bien
» prouvé que la rivière qui coule dans la vallée de
» Luchon portait anciennement le nom d'Owe ou
» d'Onne (1), dénomination qui paraîtrait avoir un
» rapport très marqué avec celui des T/iermes Oné-^
» siens (2). » Cette particularité philologique, sur la-
quelle il hésitait encore à cette époque, parait avoir
acquis depuis lors une entière certitude à ses yeux, et
il m'écrit tout-à-fait dans ce sens. M. le baron de Cra-
zanncs m'affirme également que le nom d'One est bien
positivement celui de cette petite rivière, et il y re-
trouve , comme M. du Mège , celui des Onesii de
Sirabon.
AQUjE segeste.
Sur la Carte de Peutinger est tracée une voie qui
part ^ Autissiodorum y Auxerre, pour aboutira Gend-
hum y Orléans. C'est sur cette voie qu'est inscrit le nom
iSiAquœ Segeste, auprès de l'édifice qui indique com-
munément les eaux minérales, et entre les stations
A'Agedincum, d'une part, de Fines , de l'autre, à la
distance de xxn lieues gauloises de chacune d'elles (3).
(1) Le savant archéologue citait en note à ce sujet Y Annuaire du
département delà Haute-Garonne, par M. Faillon , p. 112.
(2) Monuments des Volces-Tectosages , p. 103.
(3) Segm., 1, c.
-:^
(72)
La ville de Sens représente incontestablement l'antique
Agedincum. Quant au lieu appelé Fines, nom que Ton
retrouve sur divers autres points de la Gaule, cette po-
sition peut laisser quelque doute. D'Anville paraissait
croire qu'il n'est pas loin du village de Sury-aux-Bois ,
aux limites de l'ancien diocèse d'Orléans, comme son
nom latin l'indique (1) ; M. Walckenaer pense le re-
trouver dans la forêt d'Orléans', entre les lieux peu
connus qui portent aujourd'hui les noms de Cour-Dieu,
et de Philissanet (2).
J'ai fait tout ce que j'ai pu pour obtenir des rensei-
gnements précis sur les localités de ces contrées qui
possèdent encore des eaux minérales, ou thermales, es-
pérant, à l'aide des données archéologiques, arriver à
une détermination plus certaine de l'emplacement des
Aquœ Segeste. Ces renseignements m'ont fait défaut,
mécompte que j'ai éprouvé plus d'une fois aussi ailleurs,
et je dois me borner à relater ici les principales opinions
que je vois émises par les savants , sur cette question
de géographie comparée : j'en remarque trois. D'Anville
avait jugé en premier lieu que les Aquœ Segeste pou-
vaient être Montbouis, village situé entre Châtillon-sur-
Loing et Moniargis (5). Plus tard , il préféra la position
de Ferrières, qui est aujourd'hui du même arrondis-
(1) Notice de la Gaule, p. 79.— Il n'est pas inutile de rappeler que,
d'après les obserrations de sarants géographes, notamment de
M. Guerard (Essai sur le système des divisions territoriales de la Gaule,
p. 87), nos anciens diocèses représente^^t , presque toujours avec
exactitude, les antiques cités auxquelles ils succédèrent.
(2) Géographie des Gaules, tom. III, p. 57.
(3) Op. laud,y p. 78 ; Eclaircissements géographiques sur l'ancienne
GaM/e,p.l90, 191.
(73)
sèment, celui de Montargis (1). Enfin, M. Walckenaer
met cette station dans un lieu qu'il ne désigne que
comme des ruines au nord de Sceaux (2).
Aucune de ces trois opinions n'a été exposée avec
assez de détails sur les conditions que réclament les
indications fournies par la Carte : je veux dire la réu-
nion d'eaux minérales et de vestiges d'antiquités. Ainsi,
pour ce qui concerne Ferrières , d'Anville n'a pas man-
qué de remarquer que ce lieu possède des eaux miné-
rales ferrugineuses , qui ont pu être l'origine de son
nom moderne (3) ; mais il ne fait point mention d'an-
tiquités. Je n'ai rien pu découvrir à ce sujet dans tous
les ouvrages que j'ai été à même de consulter, et, comme
je l'ai dit, je n'ai point obtenu les renseignements que
j'attendais des lieux même. Les ruines près de Sceaux,
adoptées par M, Walckenaer comme emplacement de la
station îi^Aquœ Segeste , sont apparemment romaines ;
du moins ce savant m'apprend , que , l'an passé , un
sous-préfet adressa au ministère un mémoire sur des
médailles antiques , des débris de vases , et des frag-
ments d'antiquités retrouvés en ce lieu. Resterait à sa-
voir si l'on y connaît des eaux thermales , ou au moins
minérales , comme sur beaucoup d'autres points de ces .
contrées ; M. Walckenaer n'en a rien dit, et je n'ai pu
l'apprendre d'ailleurs.
Pour Montbouis, les antiquités ne manquent pas à
ce village peu connu. Le P. Guillaume Morin, historien
(1) Notice de la Gaule, p. 79.
(2) Géographie des Gaules, tom. III , p. ^7.
(3) Loc. laud.
(74)
de cette province, cité par d'Anville (1) et Caylus (2)>
parle de découvertes importantes qu'on y fit en 1608,
lorsqu'on travaillait au canal de Briare : « En creusant
» les tranchées, dit-il, entre Montboui et Montcresson,
» sur la rivière de Loing, en un lieu appelé Sévinière,
» furent trouvés sur une colline plusieurs vestiges de
» vieux bâtiments à la romaine, avec les ruines d'un
» Amphithéâtre; et fouillant plus bas, furent trouvés
» dans un champ, des pilr très et quantité de vieux
» fondements ; et encore en ce champ se trouva un
» lavoir à la mosaïque, et une très grande quantité
» de médailles : Antonius Aug.Pius Cos. III, et d'autres,
» Ani. Imperator (sic), et d'autres, Faustina Antonini
» Imp. Uxor (sic), etc. (3). » Caylus a donné le plan et
les coupes de cet amphithéâtre (4); Expilly est entré sur
ce sujet dans de plus longs détails , auxquels je renvoie
mes lecteurs (5). Enfin, Caylus a donné une lettre de
l'auteur du plan qu'il a fait graver, et j'en citerai encore
ce court passage : a A une très-petite distance de cet Am-
» phi théâtre, on voit les ruines d'un château qui paraît
» avoir été considérable , et dont la bâtisse est pareille
» à celle de ce monument (6). »
Ces restes importants de la grandeur romaine sem-
bleraient tendre à étayer la première conjecture de
d'Anville, adoptée aussi par Caylus (7). Le lavoir,
i) Op. latid,y p. 78,
2) Recueil d'antiquités , tom. III , p. 413.
3) Histoire du pays du Gatinois, Serymois, etc, p. Hi.
4) Recueil ^antiquités , tom. III , pi. CXIII.
5) Dictionnaire géographique des Gaules^ au motMoNTBOUv.
6) Op, laud., p. 414.
7) Ibid., p. 412; cf. tom. IV, p. 369.
(75)
comme l'appelle le P. Morin, pourrait avoir appartenu
à un établissement thermal ; et Famphithéâtre eût été
très convenablement placé dans un lieu de réunion pour
les étrangers. Je regrette d'ignorer s'il existe sur ce point
quelques sources minérales. Peut-être serait-il permis
de supposer que les travaux pour l'exécution du canal
les auraient comblées, ou que leurs eaux auraient alors
pris leur écoulement dans ce même canal .
AQUJE SEGETE.
Sur la Carte de Peutinger, on lit ce nom, inconnu
d'ailleurs, auprès de l'édifice carré observé si souvent.
Il y désigne une station de la voie tendant de Segodu-
nuniy Rhodez, à Lugdunum, Lyon, station intermédiaire
entre celles d'Icidmagus , et d'un Forum fautivement
appelé Segustavarum (1). Ce lieu appartenait donc au
territoire des Segusiani, et l'on ne peut le chercher
aujourd'hui que dans le département de la Loire, qui
représente le Forez. Il me paraît également certain que
la petite ville de Saint -Galmier est la seule position
moderne où l'on puisse le reconnaître.
Tel n'est pas le sentiment de M. Walckenaer. Ce
savant place les Aquœ Segete à Saint-Etienne, ville que
l'industrie a porté de nos jours à un accroissement ra-
pide, à une grande prospérité, mais qui ne fut long-
temps qu'un pauvre lillage, dans un pays perdu, sans
voies de communication, sans le moindre vestige d'an-
tiquités, et dont les eaux, excellentes pour la trempe de
(1) Segmm. , I, f; n, d.
(76)
Tacier, sont dépourvues de propriétés médicinales (1).
Cette opinion tient à un système qui bouleverse la géo-
graphie comparée de l'antique pays des Segusiani et
de notre Forez, telle qu'on l'avait comprise jusqu'à ce
jour, non sans motifs, pensait-on. Il provient de deux
erreurs fondamentales. La première est d'avoir placé
Icidmagus à Issingeaux (2) , erreur commise avant lui
par d'Anville (3). L'autre, d'avoir voulu trouver le pré-
tendu Forum Segustavarum à Farnay , village situé
près de Rive-de-Gier, fort peu digne, à tous égards, de
l'honneur dont on l'investit, au détriment de Feurs (4).
Tout ceci m'impose la nécessité d'entrer ici dans les
discussions géographiques plus avant que je ne l'ai fait
jusqu'à présent, lorsqu'il a été question d'autres loca-
lités, qui devaient m'être bien moins connues que la
province où je suis né (5).
(1) Géographie des Gaules f tom. III, p. 100. -—Nicolas Samson
plaçait les Aquœ Segele à Saint-Jean-de-Bonnefond , près de Saint-
Etienne. Je troure cette indication dans le Dictionnaire géographi-
que de Bruzen de la Hartînière , qui cite des notes manuscrites da
P. Sanadon.
(2) Ibid., tom. I, p. 334; tom. III, p. 100.
(3) Notice de la Gaule , pp. 80 et 377.
(4) Géographie des Gaules , tom. I , p. 333-337 ; tom. m , pp. 100
et 101. M. Walckenaerdit à ce sujet (p. 336) : «On obserrevSur toute
» cette route directe tracée par la Table , entre Icidmagus , Issen-
» geaux, et Lyon, des débris d'antiquités, etc. » L'auteur a eu ici des
renseignements fort erronés. Si Ton en excepte la ligne d'acqueducs
qui aboutit à £u^(2tinum, je ne connais pas de pays plus dépourvu de
monuments romains que tout celui qui ^t traversé par cette route ,
depuis Briguais jusqu'à Saint-Etienne, et au-delà. Je doute qu'à
Farnay , notamment , on ait jamais trouvé la plus mauvaise mé-
daille de petit bronze.
(5) Plusieurs données de détail , relatives à ces questions de géo-
graphie, m*ont été fournies par une Lettre à iRf. Dossier, ancien maire
(77)
Pour établir, avec toute la certitude qu'on peut espé-
rer, la position que j'assigne aux Aquœ Segeste, il
importe de constater d'abord celles des deux stations les
plus voisines, Icidmagus et Forum, au sujet desquelles
j'ai le regret de ne pouvoir admettre les opinions de
M. Walckenaer. Pour procéder logiquement, je crois de-
voir partir de deux points opposés , mais aussi peu dis-
tants que possible, dont l'identité avec tel et tel lieu
moderne ne puisse faire l'objet d'un doute, et auxquels
conviennent exactement les mesures itinéraires qu'on
trouve indiquées sur la Carte de Peutinger, Le premier
de ces deux points sera Revessio , qui fut une ville des
Velauni ou Vellavi, dont Ptolemée a fait mention (1),
et {[v^ Anicium , Le Puy , priva plus tard du premier
rang (2) : nos géographes les plus célèbres, Valois (3),
d'Anville (4-) , M, Walckenaer lui-même (5), la recon-
naissent dans le lieu, fort déchu depuis des siècles , qui
d'un apôtre de ces contrées a pris le nom de Saint-Pau-
lien, qu'il porte aujourd'hui. Lugdunum, Lyon , où ve-
nait aboutir la voie romaine dont il est question , sera
le second de ces points ; et celui-ci est bien mieux en-
core à l'abri de toute contestation.
de Feurs^ insérée dans le Journal de Montbrison (23 et 30 mars 1844)
et tirée aussi à part, ainsi que par ma correspondance avec son
auteur > M. Aug. Bernard , jeune savant né dans le pays, qui en a
étudié avec soin la géographie et les antiquités , et qui prépare sur
ce sujet une publication importante,
(1) Geo^r., II. 6 (7).
(2) On peut voir sur ce lieu ce qu'a dit Valois (Notit, Galïiar.,
p. 589, 590) , qui est entré aans quelques détails sur son histoire.
(3) Loc. latid,
(4) Notice de la Gaule, p. 545.
(5) Géographie des Gaules , tom. lïl , p. 100.
(7S)
Si maintenant , opérant de ces deux points , nous nous
dirigeons d'abord vers Lyon , en partant de Saint-Pau-
lien , le compas , ouvert autant que l'exige la première
des distances évaluées par la Carte , nous conduira bien
près d'Usson, sur les confins du Forez et de l'Auvergne.
C'est là que dut être Icidmagus y suivant M. Bernard ;
car la distance de ce lieu à Saint-Paulien peut être éva-
luée entre le chiffre xvii, que donne l'édition de Scheyb,
et celui de xiv , marqué dans la nouvelle édition de
Leipsick (1); et l'identité des positions me paraît tout-
à-fait justifiée par les antiquités trouvées en ce lieu ,
les restes d'un temple, des monuments funéraires, et
principalement une borne milliaire, sur laquelle on lit
une inscription fort mal traitée et mal interprétée par
La Mure (2) , ainsi que dans un ancien Almanach de
Lyon (3); mais dont cette restitution, que je hasarde ,
me paraît devoir exprimer parfaitement le sens :
IMP.GÀESÀR
[C. IVL. VER]VS. MÀXra[INVS]
[PIVS] . Ï-ELIX. ÀVG. P. P. (4)
PROCOS. Pttm
ET. F.E. IVL. VERV[S. MÀXIMVS]
NOBILISSIMVS. [CAES]
PRINGEPS. IWENTV[T]
V[IÀ]&. VETVSTÀT[E]. CON[LÀPS] (5)
[i] Lettre à M. Dossier , p. 14.
(2) Hist, du pays de Forez , pp. 130, 131.
(3) Pour Fannée 17C0, p. 203.
(4) L'Àlmanach de Lyon porte à la fl#de cette ligne p. u», au lieu
de p. p. donné par La Mure , et qui est plus conforme à Tusage.
(5) Je pense que les lettres vs peuvent être liées de manière à
exprimer le mot vias, qui doit nécessairement se trouver ici.
(79)
RESTITVERVNT
M. xim (1)
Il faut remarquer que la distance indiquée par le
chiffre XIV est précisément la leçon de la Carte que
M. Walckenaer a ici préférée (2). Cette inscription itiné-
raire serait donc précieuse et concluante , si ce chiffre
y était appliqué à des lieues , et non à des milles , que
désigne la lettre m qui le précède (3). Mais si l'on ad-
mettait le chiffre xxini, que porte la copie donnée par
TAlmanach de Lyon , ce nombre de milles ne différerait
pas considérablement des xiv lieues romaines. Il est à
regretter que nos copies soit si défectueuses, et qu'il
règne tant d'incertitude sur le sort actuel de ce monu-
ment, lequel, m'assure-t-on , n'est plus sur les lieux.
Quant au Forum qui est la première station sur cette
voie , lorsqu'on la remonte de Lugdunum , notre second
point de départ bien certain , je ne saurais hésiter un
seul instant à voir une erreur de copiste , bien facile à
expliquer, dans le nom de Segustavarum que lui donne
la Carte, à lire Segusianorum , et à reconnaître en ce
lieu la ville principale des Segusiani, avant que la
Bergier a donné (Histoire des grands chemins, tom. I, p. 71) une
inscription quia quelque rapport ayec celliB-cî , et qu'on a jugé être
la même. S'il en est ainsi , il n'en a connu que la fin , avec les lignes
tout autrement disposées , Taddition de ponteh ayant tias , et au-
tres variantes. La Mure et rAImanach de Lyon donnent cette
absurde restitution : y^sonium iempîum tettstat6 cojisumpium,
(1) D'après rAImanach (ib Ljon, on lirait bir. (peut-être u.P. ]
XXIIII.
(2) Géographie des Gaules, tom. UI , p. 100.
(3) On lit sur la Carte de Peutinger à Lugdunum ( Segm. Il , a ) :
Lugdune (sic) caput Galliarum, wqiie hic (sic) legas; cequîyeut
( 80 )
tïolonîe de Ltigdunum fût établie sur leur territoire (1).
€ette ville , dont Ptolemée a fait mention (2) , ne peut
se retrouver qu'à Feurs , qui possède des restes impor-
tants et nombreux d'antiquités romaines (3) , qui con-
serve dans son nom moderne les traces les mieux
marquées de celui qu'elle portait sous les conquérants
de la Gaule , lequel , au reste , se lit encore , plus ou
moins intégralement , sur quelques-uns de ses monu-
ments écrits (4). Telle était, sur cette question de géo-
dire que les milles Hsités dans le midi de la Gaale cessaient à Lug-
dunum, et que de là on comptait par lieues gauloises. Les pierres
milliaires que FonyoitàFeurs portent encore Findication de lieoes
gauloises. Mais il parait que leur usage ne commentait qu'aux li-
mites des Segusiani , et que , dans le cours de la roie depuis Revessio
jusqu'à Icidmagus, on comptait toujours par milles.
(1) Pline a dit fNaU hist,, IV, 18 (32) ) : Secusiani (sic) libeti , in
quorum agro colonia Lugdunum. Cf. Strabon. jRer. geogr^, IV, 192 ;
edit. Almeloy., p. 292.
(2) Géogr, II , 7 (8). Les manuscrits présentent sur ce nom de
nombreuses variantes.
(3) Ces antiquités seront bientôt publiées par un jeune ecclé'^
siastique plein de talents > M* Tabbé Roux , vicaire de Feurs , qui
a fait des découvertes intéressantes sur cette ville romaine.
(4) On connaît depuis long-temps un poids de dix livres romaines
trouvé à Feurs, avec cette inscription, dont les caractères sont in-
crustés en argent : deae« seg^ p. x. (Spon. MisceU erud, antiquit,
p. 109. — Catalogue des antiq, de Tersan. p. 26, n. 200). Une autre
inscription d'un plus grand intérêt est celle qu'on voit encore strr
les lieux , au chevet de Téglise , et dont je donne une copie prise
récemment, sur l'exactitude de laquelle je puis entièrement comp-
ter : NYMINI. AVgIIdEO.SILYANOIIfABRI. TIGNVARJJQVK FORO, SEGVS.
||gonsistynt|{d.s.p.p. Mais je regarde comme plus importante en-
core celle d^une tablette de bronze , tf^uvée -^ il y a quelques mois
seulement , au village de Marclop près de Feurs» Il y aurait J3eau-
coup à dire sur la forme du monument , sur la quatrième ligne ,
oubliée en premier lieu , et rétablie hors de sa place assez mala-
<lroitement« Je laisse ces détails à M. Roux , qui s'en occupera ex
(81 )
graphie comparée, l'opinion de Valois (1), celle de
d'Anvillc (2), de Spon (3), etc. ; telle est encore, malgré
l'autorité qui s'attache au nom de M. Walckenaer, celle
de M. Aug. Bernard (4), et généralement, dans nos
contrées , celle de tous les hommes qui ont fait une
étude sérieuse des localités. Il est vrai que la distance
marquée par la Carte de Peutinger entre Forum et
Lugduniim est trop faible de beaucoup, si on l'appli-
que à la route de Lyon à Feurs. Mais ici l'on doit re-
connaître une de ces erreurs de chiffres , comme on
en trouve bien d'autres dans les divers itinéraires,
comme le savant secrétaire de l'Académie des Inscrip-
tions en a signalé plus d'une. Un copiste aura mis un v
pour un X ; et en rétablissant le chiffre de xxi lieues
gauloises, au lieu de xvi, on retrouvera la distance
exacte de Lyon à Feurs.
Ces deux points ainsi déterminés, nous arrivons
professa, et je me borne à Ggurer ici rinscription, en faisant remar-
quer que le grayeur n'a pas terminé la lettre n du nom de se&y-
SIANORMm :
SEX. IVL. LVCANO. IIVIR
CIVITAT. SEGVSIAYOR
TITTIVS APPARITORKS. LIB. CETTINVS
COCILLVS SACERDOTALl CASVRINVS
ARDA ATTICVS
Enfin , je ne dois pas omettre les médailles d'argent qui portent la
Icgendok segysia. :leur attribution dM-s. Segusiani est généralement
admise ; elle ne me parait pascependant entièrement certaine.
(1) Notit, GalUar., p. 200.
(2) Notice de la Gaule , p. 226.
(3) Miscel. erud, antiquit,,!^, 109.
(4) Lettre à M. Dossier, p. 13.
6
(82)
tout naturellement à reconnaître les Aquœ Segesie à
Saînt-Galmier. D'abord cette petite ville possède des
eaux minérales, condition indispensable ici, comme
l'indiquent le mot Aquœ et l'édifice thermal ; et de tous
les lieux du Forez qui jouissent d'un tel avantage , c'est
évidemment le seul auquel on puisse penser avec quel-
que vraisemblance. De plus les mesures itinéraires peu-
vent justifier positivement cette détermination ; car les
xvii lieues gauloises que la Carte compte d'Icidmagm à
Aquœ Segete, d'une part, les ix qu'elle marque entre
Aquœ Segete et Forum Segusianorum , de l'autre, con-
viennent tout-à-fait à Saint-Galmier, par rapport à Usson
et à Feurs(l).
Long-temps on n'avait connu à Saint-Galmier aucun
reste d'antiquité , qui indiquât le moins du monde que
ses eaux étaient connues des Romains. Tout doute à cet
égard, s'il avait pu en exister, serait levé aujourd'hui
par les découvertes importantes qu'on y a faites depuis
quelques mois , et qui ont mis au jour, pour quelques
moments, une portion des antiques bains. Je dis pour
quelques moments , parce que le propriétaire du fonds
a conçu et exécuté la malheureuse pensée de faire com-
bler de nouveau les endroits fouillés, avant qu'on ait pu
en lever un plan exact et satisfaisant. On avait décou-
vert d'abord une seule piscine. Plus tard, on en retrouva
(1) M. Bernard fait cette obserration importante (p. 14), que cette
Yoie romaine passait la Loire à Saint-Rambert, où Ton foit encore des
reçtes d'un pont antique. Ainsi faisaît^l n'y a pas fort long-temps
encore, la route de Toulouse. Le nom d'un lieu entre Saint-Paulien
et Usson , Pontimperat , semble réyéler aussi un pont romain , P(ms
imperatoris. La route de ForumkAqtuB Segeste longeait la Loire, et
l'on en a retrouvé des traces.
(85)
deux autres, et une portion dliypocauste , qui montrait
assez que les Romains chaufîaient les eaux simplement
minérales , pour les rendre artificiellement thermales ,
et que ce procédé avait été employé pour les Aquœ Se-
geste (I). Le premier de ces bassins fut visité et mesuré
par M. l'abbé Roux, que j'ai déjà nommé, et qui a eu
l'obligeance de me donner les détails suivants :
« La première piscine découverte est un réservoir en
» parallélogramme, ayant une longueur de 4 m. et 1/2,
» sur une largeur de 3 m . 40 c . ; sa profondeur sur deux
» côtés est de 90 c. , et sur les deux autres de 56 c.
» Au point de réunion des angles est placé un tore , ou
» colonnette en ciment , ayant pour but , je pense ,
» d'empêcher l'action de l'eau sur les parois. Trois
») marches, ayant 30 c. de largeur, sont inscrites
» dans l'un des angles ; et les deux parois seulement
» qui partent de ces degrés sont disposées en gradins.
» La couche de ciment romain qui les revêt n'a guères
» que 3 c. d'épaisseur : elle est formée de chaux vive et
» de carreaux concassés. On a trouvé , en déblayant ce
» réservoir , un aftias considérable de briques striées
» dont les parois extrêmement minces , et les angles
» rabattus indiquent des tuyaux de chaleur* Cette pis-
» cine fut découverte à 1 m. à peu-près de profondeur.
» Les murs ont approximativement 50 c. d'épaisseur :
» il sont construits en petites pierres, et dans ceux qui
» forment'gradins j'ai trouvé des tuiles à crochets. La
» source de la Fontfoi#est à une vingtaine de mètres;
» à SIX mètres plus loin est le pouvcau puits dont la
(1) La source connue jusqu'à ce jour à Saint-Galmîer est froide,
et celle qui vient d*étre découverte ne Test pruères moins.
(84)
» source est à une température plus élevée de deux
» degrés, etc. »
M. Roux n'avait point pu voir les trois bassins plus
récemment découverts , et presqu'aussitôt comblés de
terre. Je lui dois cependant quelques indications à leur
sujet. « Voici maintenant, m'écrit-il, ce que j'ai pu re-
» cueillir oralement touchant les piscines. Elles étaient
» contiguës , et communiquaient entre elles par une
» sorte de corridor : on,a cru se rappeler qu'elles avaient
» toutes des marches aux angles. Dans la seconde appa-
» raissait le reste d'un tuyau en plomb, dont on n'a pu
» étudier la direction faute de temps. Après la quatrième
» piscine, on a découvert une salle interrompue par un
» mur de clôture , et sur l'aire de cette salle, des piliers
» en briques au nombre de cinq : un conduit paraissait
» en sortir, et se diriger sous le mur de séparation
» entre la première piscine et la seconde. Enfin , au
» dessus de toutes ces salles , et presque à fleur de terre ,
» un banc de sable peu profond semblait indiquer que
» la destruction de ces bains antiques fut le résultat
» d'une inondation de la Coise , petite rivière qui passe
» à Saint-Galmier. »
Si les travaux qui avaient donné lieu à cette impor-
tante découverte eussent été continués, on pouvait
espérer de nouveaux résultats, plus intéressants peut-
être , plus riches surtout ; car , il faut bien le reconnaî-
tre , les restes des thermes factices établis en ce lieu par
ies Romains sont tout ce qu'on a^ouvé dans ce genre de
plus simple, et même de plus pauvre, sur la surface de
notre Gaule. Nul autre objet antique n'a été exhumé de
ces excavations , si ce n'est un petit nombre de médailles
( 83 )
romaines de divers âges , parmi lesquelles on m'en
signale une d'Antonin , et une autre de Licinius.
Je voudrais au moins pouvoir placer ici une réponse
quelque peu satisfaisante à une question qui m'a été
adressée sur le nom de Segete, lequel pourrait bien être
le même que celui de Segeste ; je n'espère pas y réussir
complètement, et je me bornerai à quelques faits, sans
hasarder aucune conjecture. Il est évident que ces noms
ne sont point des adjectifs féminins au pluriel : la preuve
en est dans la manière dont ils sont construits sur la
Carte de Peutinger , laquelle mettant souvent les noms
des stations au datif, ne dit pas ici Aquis Segetis ou
Aquis Segestis , comme elle a dit Aquis Calidis , par
exemple ; mais Aquis Segete , Aquis Segeste , ainsi
qu'elle fait lire ailleurs Aquis Nisineii, Aquis Bor mords.
Ces génitifs, qui s'écriraient plus correctement Segetœ et
Segestœ (I), à quelle sorte de noms propres doivent-ils
appartenir? On connaît une déesse Segestaon Segetia,
mentionnée par plusieurs écrivains anciens (2) , et qu'on
A'oit figurée dans un temple, au revers d'une médaille
d'argent de Salonine, avec la légende deae. segetïae.
Mais elle présidait aux moissons, comme son nom l'in-
dique ; et Ton n'aperçoit pas le rapport qu'elle pourrait
avoir avec des eaux minérales (3). Peut-être serait-il
(1) On sait que les inscriptions et les manuscrits offrent égale-
ment de nombreux exemples de la diphtongue ae , négligée ainsi ,
et remplacée simplement par un e.
(2) Plin. , NaL. hisL^Ylll, 2; — Macrob. , Satum. I, 16; —
Augustin. , De Civit, Dei , IV , 8.
(3) Si ma mémoire ne me trompe pas , des historiens de Lyon, ou
du Forez ont touIu faire un rapprochement de la médaille de Sa-
lonine avec le nom des Segusiani, C'est peut-être sur cela que s'est
(8G)
plus naturel de reconnaître ici une nouvelle divinité
topique, protectrice des eaux médicinales, telle qu'on
en connaît bien d'autres , et dont le nom , comme celui
de Bormo ou Borvo, aurait admis des variantes.
ÂQUJS SEXTL^.
Sextius n'est pas pour nous un personnage obscur ,
comme Nerius et Nîsineius ; son nom, mentionné dans
rhîstoire, ainsi que ses conquêtes dans les Gaules (I),
est aussi gravé sur le marbre des Fastes, dans ces deux
lignes tout-à-fait monumentales (2) :
C. SEXTIUS. C. F. CALVIN. PRO COS
DE. LIGVRIS. VOCONTIEIS. SÀLLWDEIS Q
Quant à la ville qui fut comme un trophée de ces
victoires, elle paraît avoir été la première ville romaine
de notre patrie, la première qui porta le titre de co-
lonie, qu'on trouve joint à son nom sur plusieurs mo-
numents épigraphiques (3). Je ne citerai que l'inscrip-
tion suivante, peu connue, et qui existe à Rome (4) :
fondée TopinioD, fort incertaine, qui donne à Cérès un temple anti-
qae dont les ruines subsistent encore près de Montbrison.
(1) Liy., HisL , epit. lib. LXI ; — Patercul. , Hist, rom, I > 15 ; —
Flor. EpiL m, 2 ;— Strabon. , Rer,geogr ; IV, 180 ; edil. Àlmelor.,
p. 272 ; — Diodor., Excerpt, de Virtut. et vit,, 377, edil. W^esseling.,
p. 603 , etc.
(2) Gruler., Inscript, antiq, CCXCVIII, 3.
(3) Orelli,' JtMcrtp^ lat. sel., tom. I, Jk. 370, n. 2156; tom. II,
p. 59, n. 3217. — Estrangin , Descript. de la ville et Arles y p. 24.
— Mérimée, Notes d'un voyage dans le midi de Idfrance, p. 333.; etc .
(4) Rouard , Rapport sur le4 fouilles d^antiquités faites à Aix , en
1843 et 1844, p. 61.
(87)
D. M.
M. IVNTO. RVFO
PYTfflONl
AQMS. SEXTIS
PÀTRONO. COLONIAE
HOMINI. BONO
ET. DISSERTO (1)
La défaite des Teutons et des Cimbres sous les murs
de la nouvelle colonie fut bientôt pour elle une autre
illustration (2), dont un mont de ses alentours semble
perpétuer le souvenir dans son nom de Sainte-Victoire*
Un poète de la Gaule Ta célébrée dans ces vers, qui met-
tent la Baies gauloise sur la même ligne , en quelque
sorte , que l'antique Massilia (3) :
Nuper quadrupedante cum citato
Ires Phocida, Sexiiasque Baias ,
Illustres titulisque prœliisque
Urbes , per duo consulum tropœa,
Nam Martem tulit ista Julianum ,
Et Bruto duce nauticum furorem;
Mt hœc Teutonicas cruenta pugnas,
Erectum et Marium cddente Cimhro,
Placée sur la voie Aurélia qui tendait de Rome à
Arelate^ Arles (4), et d*oii partaient divers embranche-
ments, la ville de Sextius est indiquée sur la Carte
(1) Sic.
(2) Plularcb., Jlfan./^dil. , Paris, 1624, tom. 1, p. 41{^.— Lîv.^
Hist. , epit. lib. LXVII. — Patercul. , Hist, rom. Il, 12. — Flor.,
Epit.lll, 3.
(3) Sidon. Apollîn., Carm. XXUI, v. 13.
(4) Vet. Roman, itinerar., éd. Wesseling., pp. 289, 296.
(88)
de Peutinger par le signe ordinaire des sources ther-
males (1). Il en devait être ainsi , car Pline Ta comptée
parmi celles dont l'existence était due aux eaux de
leur territoire : Urbes condiint , disait-il des eaux mi-
nérales, sicut... Sextias in Narbonensi provincia (2).
Elles sont mentionnées en effet par la plupart des au-
teurs qui ont rappelé la fondation de cette colonie , et
ils semblent en faire la cause de la préférence que le
vainqueur donna à cet emplacement, entre les autres
sites du territoire des Salyes. Je ne citerai que Tite-
Live : C Sextius proconsul, vicia Salluviorum génie ,
coloniam Aquas Sextias condidil, ob aquarum copiam
e calidis frigidisque fonlibus , alqiie a nomine suo ita
adpellalas (3).
Ces eaux eurent de la réputation , peut-être avant la
conquête , car ces contrées , voisines de la Phocée des
Gaules , étaient bien plus avancées que les autres en
civilisation ; et l'établissement thermal que les Romains
y fondèrent fut assez long-temps célèbre. Mais Strabon
nous apprend que, de son temps déjà, plusieurs de ces
sources chaudes s'étaient refroidies (4), et Solin con-
firme en ces termes l'observation du géographe grec :
Aquœ qtioque Sexliliœ eo loco clanierunt , quondam
hiberna consulîs , postea excultœ mœnibus; quarum
calor olim acrior, exhalalus per tempora ev aporavil y
necjam par est famœ priori (5). Ainsi le discrédit qui
(1) Segm.II, d. , ^
(2) Nat.hist.,XXXl, 2
(3) Hist, LXI, epit.
(4) Rer. geogr, IV, 180; cdit. Almelov., p. 272.
(5) Polyhist., 2.
(8»)
a fait délaisser les eaux d'Aix en Provence , moins
heureuse à cet égard que son homonyme de Savoie ,
paraît remonter à une époque bien ancienne.
Je n'entreprendrai pas Ténumération des restes de
son antique splendeur que la ville d'Aix a conservés ,
et d'autres , bien dignes de regrets , qui ont été détruits
par les architectes, les plus barbares de tous les Van-
dales modernes. Ce serait un travail trop étendu pour
l'objet de cet ouvrage ; car Aix a possédé beaucoup de mp"
numents romains, protégés et recueillis autrefois par des
hommes distingués, dont elle s'honore d'avoir été le ber-
ceau , les Peiresc , les Le Bret , les Saint- Vincens , les
Méjanes, etc. (1) : son musée intéressant s'accroît cha-
que jour , et de nombreux vestiges de constructions an-
tiques subsistent encore dans les édifices modernes.
Je renverrai pour ces objets aux ouvrages spéciaux qui
en ont traité (2) : je dois me borner ici à rechercher les
(1) lis ont laissé dans leur patrie des successeurs quicultÎTentayec
un zèle couronné de succès l'étude de Tantiquité. M. le marquis de
Lagoy, correspondant de l'Institut, a fait connaître ou attribué
plusieurs pièces de sa riche collection numismatique, notamment
des médailles importantes de yilles ou de peuples qui habitaient les
contrées environnantes : celles des Ccenicenses et de Glanum , uni-
ques jusqu'à ce jour , celles des Samnages, dont la légende corrige
une fausse leçon de Pline , etc. Le savant conservateur de la biblio-
thèque fondée par Mejanes , M. Rouard , a commenté les inscrip-
tions métriques du Musée, et il rédige des rapports intéressants sur
les fouilles faites à Aix, qui se publient depuis quelques années, par
les soins d'une commission spéciale dont il est le secrétaire. Userait
à souhaiter que de tels %emples trouvassent des imitateurs dans
(les villes plus considérables , et non moins riches en antiquités.
(2) On peut consulter le Voyage de Millin dans les départements du
midi ; la Lettre de Gibelin sur les tours antiques qu'on a démolies à
Aix; divers ouvrages de Saint-Vincens ; les Rapports de M. Rouard
( 90 )
monuments qui se attachent à l'antique établissement
thermal de la colonie de Sextius.
On a dit que, pour utiliser de nos jours les thermes
romains de cette ville , on n'avait eu qu'à changer les
robinets. L'expression peut être piquante ; mais malheu-
reusement, il s'en faut de beaucoup que le fait soit
exact , et ce qui reste d'antique dans le moderne éta-
blissement n'est qu'une portion bien minime de ce qui
exista jadis. Les bâtiments actuels furent, dit -on,
élevés sur des ruines anciennes qu'on ne peut plus
apercevoir aujourd'hui: on n'a conservé que le réservoir
d'où sortent les eaux , ouvrage évidemment romain , et
qui paraît se rattacher à d'autres constiiictions situées
de l'autre côté des remparts, dans l'intérieur de la ville.
Suivant le président de Saint- Vincens, ce sont « les
» restes de plusieurs bains bâtis par les Romains. La
» bâtisse des murs et des voûtes en est considérable ,
» et peut faire juger de la manière solide dont les bâ-
» timents étaient construits dans les i" , u"^ et in"® siè-
» clés (1). »
Des restes de même nature se rencontrent encore
fréquemment dans des maisons particulières , et surtout
dans la rue appelée des Etuves. « J'y ai vu il y a deux
» ans, me dit M. le marquis de Lagoy dans une lettre
» toute récente, une salle voûtée , sorte de piscine par-
» faitement conservée , ayant tout autour des gradins
» ( deux au moins, je crois ). Des traces laissées sur
» les murs font juger que l'eau tli^rmale devait monter
qae j'ai cités, etc., etc. Une notice da musée de cette yiUe est un
ouvrage qui manque, et que Ton doit désirer.
(1) Description des antiquités de la ville d^Aix, 1818 > p. 13.
(91 )
» jusqu'au cou des personnes assises sur le dernier gra-
» din. L'eau thermale n'y est plus amenée par des
» conduites entretenues , elle s'échappe par des fis-
» sures ; aussi fait-il très-chaud dans cette salle , qui
» ne sert plus à aucun usage actuellement. Dans une
» autre maison de la même rue , il y a d'autres cons-
» tructions thermales antiques qui sont employées par
» un teinturier. Dans d'autres quartiers de la ville, il
» existe des ruines qu'on croit avoir fait partie de ther-
mes, etc. » Parmi les vestiges que mon savant confrère
indique dans cette dernière phrase, il faut compter
ceux qui furent reconnus sur la place aux Herbes en
1843 , et qui se composaient principalement de restes
d'aqueducs et d'une salle voûtée (1). Ces constructions
pouvaient avoir appartenu à un monument important ,
qu'on avait espéré de retrouver sur cette indication d'un
ancien historien d'Aix cité par M. Rouard : « On n'a
» pas fait la place aux fruits avec des degrés et on ne
» l'a pas élevée par dessus la rue sans raison ; ça esté
» pour conserver une cave faite en rond , laquelle est
» au-dessous de la fontaine, et autour de laquelle il y a
» seize sièges de marbre faits en forme de niches , et à
» côté deux tuyaux, etc. (2). » On peut conclure de
toutes ces données que la ville de Sextius possédait de
nombreux établissements, publics ou particuliers, dans
lesquels ses eaux chaudes étaient utilisées pour des
bains.
J'attache une certiine importance à tous les monu-
(1) Rouard , Rapport sur les fouilles de 1843 et 1844, p. 22.
(2) Pitton, Hist. de la ville â^Aix, p. 24. La salle antique décrite
ici par cet auteur parait avoir été destinée à Tusage des douches.
(92)
inents votifs, qui peuvent aAoir été recueillis auprès de
sources minérales ; et pour connaître les objets de cette
nature qu'on aurait découverts à Aix, je m'étais adressé
à l'obligeance de M. de Lagoy. Voici ce qu'il m'a ré-
pondu sur ce point : « Je ne connais aucune inscription
» votive qu'on puisse rapporter à nos eaux. On con-
» serve dans le musée de la ville un assez bon nombre
» à' ex voto en terre cuite , provenant du cabinet Saint-
» Vincens. Il y a quelques figures entières, un enfant
» au maillot, et des membres séparés, tels que tètes,
» pieds, mains, oreilles, phallus, etc. Il est probable
» que tout cela a été découvert dans le pays , mais ce-
» pendant rien, que je sache, ne saurait établir aujour-
» d'hui d'une manière certaine l'origine de ces petits
» monuments. »
irfaut bien que je parle encore, en finissant, d'objets
dont la reproduction^ si fréquente aux époques païennes,
'sans avoir eu toujours le but immoral qu'on lui attri-
buerait aujourd'hui , blesse nos yeux, et fait rougir une
pudeur chrétienne. Ce sont deux phallus sculptés sur
la pierre , provenant de fouilles faites à Aix , et dans le
voisinage des bains antiques. Le premier, qui se voit
encore à l'intérieur des thermes actuels, mais très mu-
tilé, et inscrit des lettres i. h. c, fut trouvé en 1705 (I).
C'est en 1818 qu'on découvrit l'autre , conservé der-
rière ces mêmes thermes, et au-dedans des murs de la
ville (2). Je crois que ces bas-reliefs priapiques étaient
(1) Lettre à Vahhé de Tricaud, à la suite de V Histoire naturelle
des eaux chaudes d*Aix, par Lauthîer. — Rouard, Notice sur la Bi-^
bliothèque d*Aix, pp. 237, 238.
(^ Saint-Vincens> Descript, des antiquités d^Aix, p. 12.
(93)
des monuments votifs ; et comme il ne parait pas que
les anciens aient connu la maladie honteuse dont la
Providence semble avoir fait plus tard le châtiment
terrestre du libertinage, ils pourraient faire supposer
aux sources thermales de Sextius quelque vertu sem-
blable à celle dont les eaux de Sinuessa étaient douées,
selon Pfine et Martial (1). Cest aussi la pensée du dis-
tique, en latin moderne, qu'on lit à l'intérieur des bains,
sous le phallus mutilé.
ÂQU^ SICCM.
L'Itinéraire d'Antonin établit ainsi l'emplacement de
cette station, sur la voie qui conduisait A'Aqtiœ Tarbel-
Hcœ, Dax, à Tolosa, Toulouse (2) :
Calagorris
•
*
Jquis Siccis
M. P. XVI.
Fernosole
M. P. XV.
Tolosa
M. P. XV.
Valois (3) , Wesseling (4), d'Anville (5) retrouvent la
position comme le nom d'Aquœ Siccœ, dans un lieu
peu considérable des environs de Toulouse qu'ils appel-
lent Seiches, pour Seysses-Tolosanes qui serait plus
exact (6). Mais d'Anville a fait le premier cette obser-
vation, que ce lieu est bien plus rapproché de Toulouse
(1) Sup., p. 11.
(2) Vet, Roman, itinen^f,, éd. W^esseling, pp. 457, 458.
(3) NotiL Galiiar,, pp. 158, b., 595, a.
(4) Ia)c. laud., not. ad h. voc.
(5) Notice de la Gaule, pp. 81, 82.
(6) Du Mège, Monum. des Volces-Tectosages , pp. 83 et 111.
(94)
que La-Vernose (il dit mal Vernose), position dans la-
quelle on i*econnaît généralement l'antique Vernosol ;
que, par conséquent, l'Itinéraire intervertit ici l'ordre des
mansions ; enfin , que l'une des distances est répétée
mal-à-propos, et forme double emploi (I). L'identité
des lieux et l'exactitude des rectifications qu'a proposées
l'illustre géographe , me paraissent puissamment con-
firmées par le témoignage de MM. du Mège et de Cra-
zannes, qui ont étudié à fond la topographie de ces con-
trées, et qui m'écrivent à ce sujet tout-à-fait dans le sens
de d'Anville (2). Je ne saurais donc adopter l'opinion
de M. Valckenaer, qui maintient toutes les dispositions
de l'Itinéraire, et place les Aquœ Siccœ dans un lieu
qu'il nomme Ayguas-Sec (3). Quelques détails topogra-
phiques, que je dois à mes savants correspondants du
Languedoc, sont pour moi un nouveau motif de m'en
tenir à l'opinion qui reconnaît les Aquœ Siccœ dans le
lieu modertie de Seysses.
Leur nom ne se lisant que dans l'Itinéraire d'Antonin,
cette circonstance laisse naturellement subsister un
doute, que l'absence ou la présence de l'édifice qua-
drangulaire aurait pu lever, si ce lieu eut été marqué
sur la Carte de Peutinger. La dénomination d'Aquœ
Siccœ présente, en effet, une réunion d'idées assez ex-
traordhiaire pour qu'on soit porté à se demander quelle
a pu être son origine ? Cette question en engendre plu-
(1) Loc, laud,
(2) On peut voir ce qu'a imprimé sur cfta M. du Mège, loc, laud.
(8) Géographie des Gaules, tom. III , p. 108. — Ce nom , qui a la
' même signification que celui de Seiches ou Seysses , pourrait bien
désigner le même lieu. M. de Crazannes me dit qu'il est ainsi ap-
pelé dans le patois du pays.
(95 )
sieurs autres : y avait-il en ce lieu des eaux thermales
ou minérales, dont les sources auraient été taries par
quelqu'une de ces révolutions de la nature , qui ne sont
pas rares près des grandes chaînes de montagnes ; au-
rait-on exécuté en cet endroit de grands travaux de
dessèchement, comme les Romains savaient en faire;
enfin , le nom A'Aquœ Siccœ proviendrait-il d'un éta-
blissement antique pour l'usage des douches , ou des
boues minérales ? Telles étaient les questions que je
m'adressais, étonné qu'aucun critique ne s'en fut oc-
cupé, bien qu'elles ne soient pas sans intérêt. M. du
Mège, à qui je les avais communiquées, a bien voulu
y répondre en partie. Voici le plus essentiel de ce qu'il
m'écrit à ce sujet :
« Le lieu de Seysses ou Seiches n'a point d'eaux ther-
» malcs ; mais de nombreuses fontaines sourdent de
» son territoire. La pente jusqu'à la rive gauche de la
» Garonne étant peu rapide, elles devaient ff former
» autrefois des amas d'eaux assez considérables ; aussi
» l'on y voit encore , à droite de la route actuelle , des
» restes de travaux faits pour dessécher le sol. Un
» bassin assez vaste , qui peut-être même a été réparé
» lors de la construction de la nouvelle route du Com-
» minges , et les restes d'un canal profond qui se dirige
» vers la Garonne, et qui sert à l'écoulement des eaux,
» telles sont les circonstances locales qui indiquent To-
» rigine de la dénomination , en apparence contradic-
» toire, de cette manmo. » M. de Crazannes qui a ob-
servé les mêmes traces d'anciens travaux de dessèche-
ment, me dit qu'on n'a trouvé en ce lieu aucun autre
reste d'antiquités, bien moins encore des traces d'un
(96)
établissement iliernial , ou de fontaines minérales.
M. du Mègc pense néanmoins que les Romains y avaient
établi des thermes artificiels.
Pour moi, j'en reviendrais volontiers à ma première
idée de boues minérales , autant qu'il peut être sage de
s'attacher à une conjecture fort incertaine encore. Mais
nous savons que ce moyen curatif fut connu des maîtres
du monde (1); et l'écoulement même des eaux, pro-
curé par les travaux qu'on me signale , pouvait favoriser
la formation de ces boues dans un lieu naturellement
marécageux. 11 ne serait point étonnant que les sources
qui leur communiquaient quelque propriété médicale ,
à un degré fort médiocre peut-être, aient vu plus tard
leurs vertus s'affaiblir et s'annihiler : tel a été le sort de
beaucoup d'autres.
ÂQUyE TARBELLlCyE,
Les Tarbelli ont été mentionnés par César, mais fort
passagèrement , et sans qu'il ait rien dit de leurs eaux
thermales (2). Beaucoup plus tard, nous trouvons leur
capitale marquée dans l'Itinéraire d'Antonin sous le
nom A'Aquœ Tarbellicœ^ comme une station commune
à plusieurs voies qui s'y croisaient, en partaient, ou
venaient y aboutir (3). D'An ville a discuté assez lon-
guement les évaluations que donne l'Itinéraire, poui*
les distances de cette ville à quelques-unes des man-
(1) Plin., Nai. hist. XXXl, 6 (32).
(2) De Bel, GalL, lll, 27.
(3) VeL Rom, itinerar., od Wesselînjç, pp. 455, 430, 457.
(97)
sions voisines (I) ; M. Walkenaer est plus succinct (2).
Mais ces deux illustres géographes, souvent divisés
d'opinion , s'accordent ici à reconnaître que ces thermes
antiques ne peuvent être retrouvés qu'à Dax , une des
villes principales du département des Landes , dont les
eaux chaudes, encore utilisées aujourd'hui pour divers
besoins domestiques , sont à peu près délaissées par les
baigneurs (3). Valois, avant eux (4), et bien d'autres
encore en avaient porté le même jugement. Cette identité
paraît en effet incontestable , et l'analogie du nom mo-^
derne avec l'ancien pourrait paraître à plusieurs un
argument suffisant pour la constater. Il n'y a pas encore
un fort grand nombre d'années que le nom altéré de
Dax a prévalu exclusivement sur celui d'Aqs , qui con-
servait bien mieux les traces du primitif latin Aquœ ;
et celui-ci est plus reconnaissable encore dans le nom
A'Aquise, que l'idiome des Basques continue de donner
à cette ville.
Sans la nommer précisément, Pline avait fait mention
de ses eaux thermales et froides , parmi les sources
nombreuses et variées que l'on connaissait de son temps
dans les montagnes des Pyrénées. Emicant bénigne ^
disait-il , passimque in pluribus terris , alibi frigidœ ,
alibi calidœ y alibi junctœ , sicut in Tarbellis Aquita-
nica gente , et in Pyrenœis montibus , te?iui intervallo
discernente (5). Le naturaliste, on vient de le voir,
(1) Notice de la Gaule, ja, 78; cf. id. ad vv. Carasa, p. 200;
Benehamum , p. 149.
(2) Géographie des Gaules, tom. I, pp. 290, 296, etc.
(3) Locc. laudd,
(4) mtit. Galliajr. , p. 31 , b.
(5) Nat, hist,, XXXI, 2.
7
(98)
comptait ,les Tarbelli dans la nation des AquUani ; et
il avait dit ailleurs que celle-ci avait donné son nom à
toute cette province de la Gaule : Aquitani y unde no-
men provinciœ (1). D'Anville partant de là , juge pro-
bable que le nom de la ville d'Aquœ Tarbellicœ , qui
était une capitale , fut l'origine de cette dénomination
A' Aquitani (2). Je croirais plutôt qu'elle provenait, en
général, des eaux minérales et thermales de toute nature,
dont l'abondance en ces contrées n'avait d'iégale nulle
part dans les Gaules; et je vois que cette opinion était
celle de Valois (3) .
Strabon , qui nomme les Tarbelli , et mentionne les
mines d'or de leur territoire (4) , ne dit rien de leurs
sources thermales. Mais Ptolemée leur donne une ville
dont le nom , t Jara AÙYou<yTa, est la traduction littérale
du latin Aquœ Augustes (5). Cest bien évidemment la
même ({M'Aquœ Tarbellicœ , qui ayant reçfi , comme
bien d'autres villes, de notre Gaule, ce titre honorifique,
devait ainsi s'appeler Aquœ Augustœ Tarbellicœ. Dans
quelle circonstance lui fut donné ce titre, qu'on peut re-
garder sans doute comme un témoignage de son impor-
tance (6), et delà réputation de ses sources? Le géographe
ne nous l'apprend pas ; et nous ne pouvons le savoir d'ail-
leurs, puisqu'il est le seul qui en ait parlé. On peut toute-
{i) Nai.hisL, lY, 19(33).
(2) Loc. latid.
(3) Notit, Galliar.y p. 31 , b.
(4) Rer, geogr,, IV, 190, edit. Almeftv., p. 290.
(5) Geoyr., Il, 6. (7).
(6) Après la colonie de Sextius, la ville des Tarbelli parait avoir
été le lieu le plus considérable de la Gaule, parmi ceux qui possèdent
des eaux minérales.
(99)
fois le conjecturer avec quelque vraisemblance, d'après
une donnée un peu vague, et rarement citée ce me sem-
ble, sur laquelle je pense que se sont fondés les premiers
des modernes qui ont rapporté, comme un fait positif^ le
voyage d'Auguste dans cette ville.
Nous avons en effet dans l'Anthologie grecque une
épigramme qui porte le nom de Grinagoras de Mytilène ,
laquelle donnerait à entendre que ce prince visita quel-
qu'une des sources thermales de ces contrées , peut-être
même qu'il s'y baigna. Après avoir exprimé cette pensée,
que la renommée suit Auguste en quelque lieu qu'il
porte ses pas, le poète ajoute : « Les eaux des Pyrénées
» en sont témoins (nupTfvviç S^ata (xapTupia) : les bu-
» cherons du voisinage dédaignaient de s'y laver ; Au-
»' guste en a fait les bains des deux continents (1)./
Quoique nous ne trouvions pas ici le nom des sources
qui furent ainsi favorisées de la visite impériale, et lui
durent cette grande vogue , il s'en faut que la donnée
fournie par cette petite pièce soit pour nous sans intérêt
et sans valeur. Car, si on les rapproche de cette nouvelle
indication , le titre A'Augmtœ, que nous avons vu donné
par Ptolemée aux eaux des Tarbelli, et la dénomination
de Tarbella Pyrene, que Tibulle parait appliquer à leur
capitale (2), deviennent autant de motifs plausibles de
soupçonner , pour ne rien dire de plus positif, que
(1) Hostein est le premier qui ait fait connaître cette épigramme,
alors inédite [Not, et castigaB in Stepkan, ByzanL, p. 110, b. ) On
la trouve aujourd'hui dans l'Anthologie de Cephalas, sous le n. 664,
p. 117 de l'édition de Reiske. dans les Analecta de Bmnck, tom. H,
p. 145 , etc.
(2) Carm., l, 7, v. 9.
•. ( 102 )
et répithète Caiemes pourrait à la rigueur se justifier (1 ) .
Aper, à..(îui-la lettre de saint Sidoine est adressée,
tenait par sît mère à une famille honorable parmi les
Arwrnij quoiqu'il appartint aux ^dui par celle de son
père', et que long-temps il eût délaissé la patrie mater-
'• nelle, où il avait passé ses plus belles années : nous
apprenons tout cela d'une lettre précédente de saint
Sidoine, où il se faisait l'interprète des Arverni, pour
rappeler le fugitif au séjour de son enfance (2). On peut
supposer que leur voix ne s'était pas fait entendre vai-
nement, car, à l'époque de la seconde lettre, celle qui
donne lieu à ces recherches , l'ami du pieux pontife
semble avoir résidé habituellement dans son diocèse,
et même dans sa ville épiscopale ; c'est , du moins , ce
qui mé parait indiqué dans la suite de cette lettre , où
saint Sidoine exprime l'espoir de son prochain retour
à la ville, pour la solennité des Rogations, alors nou-
vellement instituée. Quicquid illud est, quod vel oiio ,
velnegotio vacas, inurbem tamen, ni fallimur, Ro-
gationum contemplatione revocabere (3).
Sirmond, 1614 et 1696, ainsi qae dans le recaeil de D. Bouquet.
La seconde édition du savant jésuite , 1652 , porte Caienses , quoique
dans sa noie il semble adopter la leçon Calentes; Caienses se lit aussi
dans l'édition qui fait partie de la Biblioiheea maxima patrum , de
Lyon 1677. Enfin on trouve Cdgienses dans un manuscrit de la bi*
bîiotbèque de Glermont, du XI™® au XUJ^^ siècle, dont je dois la
connaissance à son savant conservateur , M. Gonod.
(1) Ce nom pourrait être formé du prénom Caitis , et pour peu
qu'on voulût se livrer aux conjectures, il serait facile de lui sup-
poser quelque rapport avec le monstre onuronné qui fut surnommé
Caligula , mais que Thistoire et les médailles ne désignent que par
son prénom et son titre , Caitu CcBsar.
{fj EpisL iy.,2i.
(3) Ibid.y, J4.
( *os )
Je me suis arrêté à ces détails , parce qu'ils foumis-
sent une première indication locale, et rendent pro-
bable que les Calentes Aqtiœ ne doivent pas être cher-
chées hors du pays des Arverni. Mais devant le silence
des antiques monuments de la géographie /cette donnée
reste bien vague, dans une contrée aussi riche que
TAuvergne en eaux thermales (1). On pourrait donc
s'attendre à rencontrer un grand nombre d'opinions di-
verses sur l'emplacement moderne de ces thermes.
Toutefois je n'en vois que deux qui puissent invoquer
des autorités respectables. La première, la plus an-
cienne , qui me paraît aussi la plus répandue , est celle
de Valois (2) , de Savaron (3), et de Sirmond (4), qui
mettent les Calentes Aquœ à Chaudes -Aiguës, et les
identifient avec les Aquœ Calidœ. D'Anville n'a point
confondu ces deux noms antiques. On a vu qu'ail re-
connaît les eaux de Vichy pour les Aquœ Calidœ de la
Carte (5) ; mais, ainsi que Valois et les éditeurs de saint
Sidoine , c'est à Chaudes-Aiguës qu'il place les Calentes
Aquœ (6). Il parait s'autoriser de ces expressions du
texte cité, montana circum, etc. , lesquelles, suivant
lui , ne conviennent qu'à la Haute-Auvergne : c'est un
bien faible argument, ce me semble (7).
(1) ccDansle seul département du Puy-de-Dôme, m'écrîtHI. Gonod»
» il y a 54 communes qui possèdent des eaux minérales , et le
nombre des sources dépasse 208.
^ (2) Nota. Galliar., p. 47 , b.
(3) Àd Sidon, not. , p. 337.
(4) Àd Sidon, not. , p. 6^
(5) Sup. p. 32.
(6) Notice de la Gaule , p. 191.
(7) La forme de la phrase étant disjonetÎTe , le second membro
fait opposition au premier bien plus qu'il n'en est la suite. £n deux
( 104 )
Une autre opinion plus récente regarde les eaux du
Mont-d'Or comme les anciens thermes dont parle saint
Sidoine. Elle a été émise dans une monographie estimée
sur ces eaux (1) ; et ce jugement d'un savant médecin
connaissant bien les localités y a été pour moi la confir-
mation de conjectures que je formais depuis long-temps.
M. le docteur Bertrand déduit ses raisons du texte
même de saint Sidoine. « Il suffit, dit-il, d'avoir vu
» avec quelque attention les eaux du Mont-d'Or, pour
» convenir que cette description caractéristique leur est
» tout-à-fait applicable. Ainsi , en se dégageant de la
» coulée , elles font entendre un bruit souterrain et en-
» trecoupé, très-fort surtout au temps des orages; elles
» naissent à travers des prismes dont les angles sont
» aigus et la surface polie ; elles jouissent d'une an-
» eienne célébrité contre les maladies de poitrine ; et
» enfin, elles se trouvent dans un pays montagneux, où
» de nombreuses cîmes sont couronnées de vieilles
» ruines de châteaux (2). » Et plus loin : « Sous les
» mêmes influences (atmosphériques), la source des
» bains de César débouche avec un bruit plus fort que
» de coutume, et fait entendre une sorte d'éructation
» que l'on distingue à plus d'une vingtaine de pas. On
» dirait qu'alors les colonnes d'eau sont entrecoupées
» par de grosses bulles de gaz, qui font explosion dès
» qu'elles cessent d'être comprimées dans les conduits
mots , Fécrivain demande à son ami s'il prend les eaux , ou s'il yî-
site les châteaux des montagnes. Le second mot de ce passage devait
être num , plutôt que nunc,
(1) Bertrand, Recherches sur les propriétés physiques , chimiques
et médicinales des eaxAx du Mont-d'Or, Clermont , 1823 , in-S^.
(2) Op. hud. p. 73.
( 105 )
» souterrains. C'est VAqua... ructata cavernatim de
» Sidoine Apollinaire (1). »
Voilà des arguments fort plausibles, pour ne pas
dire décisifs, et il en résulte qu'on peut, avec toute
raison , reconnaître au Mont-d'Or les sources thermales
fréqtientées par Aper, bien que depuis lors elles aient
changé plusieurs fois de nom (2). On pourrait objecter
sans doute que ces eaux ne sont point sulfureuses , et
que les substances, volcaniques à la vérité, mais com-
pactes et polies , qui leur donnent passage n'admettent
guère, dans sa rigueur, Vespression pumicibus. Il y a
à cela une simple réponse. Le saint évéque des Arverni,
homme d'esprit et lettré , n'était vraisemblablement ni
chimiste , ni géologue , et ses expressions peuvent bien
manquer ici de l'exactitude scientifique. Mais il n'a pu
se tromper de même sur la nature des maux pour les-
quelles ces eaux étaiei^t alors recommandées ; et si l'on
considère combien peu d'eaux minérales sont salutaires
(1) Op, laud., p. 107.
(2) Ayant qae ces eaux, long-temps oubliées, eussent recouyré
leur renommée antique , ce qui est assez récent , le yîllage portait le
nom de Saint-Pardonx; puis il futappelé snccessiyement : Les Bains ,
Les Bains-du-Mont-d'Or , et simplement Le Mont-d'Or. On a ayancé
que dans l'antiquité le Mont-d'Or s'appelait DuramW; mais les deux
seuls auteurs qui aient fait usage de ce nom, Ausone (Mosel, y.
464), et saint Sidoine (Carm. XXll , v. 103), paraissent ne l'appliquer
qu'au fleuye qui y prend sa source , et non à la montagne même.
Aimoin est Fauteur le plus ancien chez qui Ton trouye le nom
moderne ; il dit (Prœfat.H), en parlant de la Dordogne : Dordonia
etiam qui ex monte qui Doj^diciiur, etc. Il résulte de tout cela qu'on
peut regarder comme fort rationnelle l'orthographe de ceux qui
écrivent Mont-Dor, ou Mont-Dore. Mais l'usage ne l'ayant pas
encore consacrée , je n'ai pas osé l'adopter.
( 106 )
dans les affections de poitrine, son phtisiscentibus
languidis est ici une spécialité tout-à-fait caractéristi-
que, comme vient de le dire Fauteur que j'ai cité (I).
Les découvertes d'antiquités faites en ce lieu, à di-
verses époques, paraissent justifier l'opinion qui place
au Mont -d'Or les Calentes Aquœ, et font voir surtout
que ces sources thermales étaient fréquentées plusieurs
siècles avant l'écrivain ecclésiastique qui, seul, nous
les a fait connaître. On y a trouvé, en effet, des débris
splendides d'édifices romains, et, ce qui est ici plus, im-
portant , des restes bien reconnaissables de thermes an-
tiques appartenant à différents âges.
A la fin du dernier siècle, Pasumot, savant estimable,
décrivit ce qu'on connaissait alors des monuments an-
tiques de ce lieu (2). Ce n'était guères que quelques par-
ties des thermes romains , conservées dans l'édifice qui
les remplaçait alors, et des débris d'architecture, char-
gés d'une profusion d'ornements à laquelle l'art des
bonnes époques antiques ne nous a point accoutumés. On
peut juger ainsi des portions de colonnes, plus ou moins
[i) M. Bertrand est moins heureusement inspiré lorsqu'il yeut
appliquer également au Mont-d'Or le nom des Aquœ Calidœ de lu
Carte de Peutinger ; il n'a pas réfléchi à la contradiction manifeste
que cette synonymie impliquerait dans son système. On a bien pu
en effet confondre ces deux dénominations pour les appliquer à
Chaudes-Aiguës , ou à Vichy ; mais cela n'est pas possible pour le
Hont-d'Or , ce lieu étant à l'ouest de Clermont , tandis que les Aquœ
Calidœ sont dans des directions fort différentes , au midi ou à l'est ,
selon qu'on adoptera l'opinion de M. Walchenaer , ou qu'on s'en
tiendra , comme je l'ai fait {sup. 33.) , à'Ielle de d'AnvîUe.
(2) Son mémoire inséré dans les Annales des Voyages, tom. XII^
n. 36 , et dont il y a un tiré à part , a pour titre : Description de
quelques monuments antiques qui existaient aux Bains du Mont-dOr.
( 107 )
considérables, dessinées sur la planche de son opuscule,
et dont les fûts, divisés en compartiments par des méan-
dres, sont décorés de boucliers, de la louve romaine,
de figures de génies , d'enfants , d'oiseaux et d'autres
animaux, etc. (1). Le morceau le mieux conservé se
voyait alors dans la cave d'une maison , et dans cette
partie de construction on reconnaissait la naissance
d'un arc ; des assises de semblables colonnes existaient
sur divers points du village, où ils servaient de piédes-
taux à des croix. On pense que ces débris sont des restes
d'un vaste et magnifique édifice, sur lequel on a rien
de positif, mais qui porte le nom de Panthéon dans les
anciennes traditions du lieu, et dans quelques titres du
xv*"* siècle (2).
Des excavations pratiquées pour la construction d'un
nouvel édifice thermal, en 1817 et 1818, firent dé-
couvrir d'autres antiquités , qui furent publiées par M. le
docteur Bertrand dans une notice spéciale (3) , et qui
formaient l'ensemble presque complet des bains ro-
mains. On découvrit d'abord à peu de profondeur une
piscine , dont l'époque ne peut paraître que fort incer-
taine ; puis , au-dessous de son pavé , des constructions
évidemment exécutées à l'époque romaine. Elles consis-
taient d'abord en une galerie spacieuse , et une grande
salle quadrangulaire qui lui était contiguë, et dont les
murs , revêtus d'une sorte ^opus reticulatum , étaient
coloriés à l'intérieur d'une teinte rouge sur un crépis
très-épais, et remarquable par son poli et son éclat. Le
(1) Op. laud., pp. 6—11, pi., nn. VI, Vil et VIII.
(2) Ibid., pp. 3 , 6 et 11 ; ef. Bertrand , Mémoire etc. , p. 26.
(3) Mémoire sur l'établissement thermcU duMont-ct Or, et les antiquités
que l'on vient d'y découvrir, Clermonl- Fèrrand , 1819 , in-8°.
( 108 )
pavé en dalles de pierre qui s'inclinaient légèrement
vers le milieu de la salle , et les gradins, aussi en pierre,
qui régnaient sur les deux grands côtés la désignaient
assez comme ayant servi de piscine. Une division pra-
tiquée dans la cage d'un des escaliers , particularité di-
gne d'attention , a fait penser à M. Bertrand que chaque
sexe avait son passage réservé pour y descendre (I).
Plus loin, on trouva une seconde galerie, avec deux salles
pavées en briques et beaucoup moins grandes, où
aboutissait un aqueduc : l'une d'elles était divisée dans
sa longueur, et bordée en outre, des quatre côtés, par
des rangées de petites colonnes, ou , pour mieux dire,
de petits cylindres de 40 c. de hauteur sur une circon-
férence du double, et construits en briques superpo-
sées ; on l'a jugé destinée aux bains de vapeur (2) . Deux
nouvelles sources furent découvertes alors ^l'une arri-
vait par le milieu de la grande piscine ; l'autre , par un
puits de forme octogone, qui a été conservé (3). De
nombreux tuyaux en plomb , retrouvés au travers des
ruines, durent servir à conduire dans la piscine princi-
pale les eaux des diverses sources , et d'autres canaux
encore s'étendaient sous des maisons qui ne furent pas
fouillées (4).
Toute celte portion des thermes des Romains, soli-
dement établie et bien distribuée , était dépourvue tou-
tefois des ornements et du luxe qu'on observe ailleurs
dans les édifices destinés aux mêmes Usages qu'ils ont
laissés sur le sol de notre Gaule. Mais bientôt des fouilles
(1) Op. /atKi., pp. 18 et 19.
(2) Ihid. pp. 20 , 21.
(3) /Wrf. p. 23.
Ihid. p. 24.
( 109 )
ultérieures, décrites dans un autre mémoire de M. le
docteur Bertrand (I) , ont fait voir qu'au Mont-d'Or
aussi , les conquérants n'avaient pas mis en oubli leur
magnificence habituelle. C'est ce qu'indiquent les riches
débris d'architecture qu'on en a exhumés, notamment
une frjse ornée de sculpture dont on parle avec admi-
ration , et une mosaïque qui n'a pu être reconnue que
dans une faible portion, le reste se trouvant engagé sous
les maisons voisines (2). Là encore, on reconnut de
nouveaux bains de vapeur, ainsi qu'une vaste salle,
gous le pavé de laquelle était un réservoir revêtu en
béton : l'absence de toute incrustation, de toute trace de
dépôt sur les parois du réservoir et de son aqueduc ,
paraît indiquer que des eaux froides seulement y étaient
amenées, et dans un but de réfrigération (3).
Au-dessous de ces constructions romaines, qui occu-
paient un vaste terrain, et, suivant toute apparence le
dépassaient encore de beaucoup, on fit une autre dé-
couverte importante, à laquelle on était loin de s'at-
tendre, car rien n'avait pu la faire pressentir. Pour
achever les travaux de l'établissement qtfon édifiait, il
fut nécessaire d'extirper une masse rocheuse , d'un vo-
lume considérable, sur laquelle existaient quelques por-
tions des ouvrages romains. Attaquée et enlevée ,^ « elle
» mit à découvert, dit M. Bertrand, une piscine qua-
» drangulaire en madriers de sapins équarris, pouvant
» admettre une quinzaine de personnes à la fois, et si
(1) Note sur des antiquités découvertes au Mon^Or , Clermonl-
Ferrand, l'844,.in-8*'.
(2) Op. laud, , p. 12.
(3) Op, laud. , pp. 12 et 13.
( 110 )
» bien conservée qu'on aurait encore pu s'ybaigner(l).»
Evidemment , le dépôt d'une des sources avait formé,
couche par couche, cette masse, qui s'était moulée sur
la piscine , en l'entourant d'abord dans sa partie infé-
rieure, puis en s'élevant, et finissant par la combler et
la couvrir. Même en se basant sur des phénomènes
semblables dont on a pu observer la marche sur les
lieux , il n'est pas possible de calculer quel laps de temps
fut nécessaire pour une telle formation , que bien des
causes accidentelles pouvaient accélérer ou ralentir.
Mais du moins , il en résulte que cette piscine était de
beaucoup antérieure aux thermes construits par les Ro-
mains, puisque ceux-ci bâtirent sur la masse du dépôt
qui l'avait ensevelie : c'est un puissant argument en fa-
veur de l'usage des eaux thermales chez les Gaulois ,
avant l'invasion de leur patrie.
Divers objets antiques ont été exhumés au Mont-d'Or
lors des fouilles successives. Telles sont une intaille re-
présentant un faune, un anneau d'or, des chaînettes
de même métal , des fibules , des pinces à épiler , une
quarantaine de monnaies romaines appartenant à plu-
sieurs règnes , depuis les Vespasiens jusqu'aux Anto-
nins (2). Plus tard on retira des décombres, un aigle
aux ailes éployées à demi, une tête bien conservée,
des fragments de la statue à laquelle elle avait appar-
tenu, et une jambe de cheval qui indiquait une fîgun»
équestre (3) ; enfin, à côté d'une nierre percée pour le
passage d'une des sources, on trouva réunies douze
(1) Op> laud. , pp. 4—7.
(2) Bertrand , Mémoire , pp. 22 et 23.
(3) Bertrand , Note, etc., p. 10.
( *** )
médailles, d'une parfaite conservation, de la colonie de
Nemaususy aux effigies d'Auguste et de son gendre.
Agrippa. Si , comme le présume M. Bertrand , cette réu-
nion n'était pas fortuite, si les médailles avaient été dé-
posées en ce lieu , avec l'intention qui nous en fait placer
encore dans les fondations des édifices publics, une
date ancienne serait assignées par elles aux premiers
ouvrages dont les Romains embellirent les thermes du
Mont-d'Or(I).
Ces thermes ont aussi restitué aux archéologues deux
inscriptions qui ne sont pas sans intérêt. M. Gonod, à qui
j'ai bien d'autres obligations, pour tout ce qui concerne
les eaux minérales de l'Auvergne , m'a adressé une copie
fidèle de la suivante, découverte en 1823 (2), et que des
lettres liées rendent assez difficile à lire, quant au nom
de la divinité à laquelle fut consacré cet autel votif :
rVLIA. SEVE
RÀ. SILV4NN[0]
V. s. L. M.
Cette autre était connue antérieurement : elle a été pu-
bliée par Gault de Saint-Germain (3), et reproduite par
M. Gonod (4) :
(1) Note , etc. , p. 15.
(2) Ibid. , p. 10.
(3) Tableau de la ci-devant province d* Auvergne, p. 171.
(4) Description statistique du Puy-de-Dôme, p. 59.— Gruter a doané
(1,4) une inscription tout-à-fait identique , ayec ces indications :
Castilione prope Mediolant^ , in templi fomice antiquo, marmoreo
quadro , et au-dessous : Pighius a Studioso quodam accepit. Il y a eu
sans doute ici quelque confusion de feuilles yolantes ; mais il en
résulte que cette inscription était connue, au moins dès le com-
mencement du XVII® siècle.
(112)
HERCVLl. MERCVRTO
ET. SILVANO
SACRVM. ET
DIVO. PANTEO. EX. V
Hercule, on Fa déjà vu, était une des divinités protec-
trices des thermes (I). Il pouvait en être de même de
Sylvain dans certaines localités. Mais ce qui est plus
extraordinaire que la réunion de ces dieux et de Mercure
dans un culte commun, ce sont les deux mots divo. pan-
TEO (sic) que nous lisons ici (2); et je ne doute pas que
cette inscription n'ait quelque rapport avec le nom de
Panthéon, donné par la tradition à l'édifice religieux
des Romains dont le Mont -d'Or possède encore des
débris . «
Je ne puis omettre, en terminant cet article, d'indi-
quer encore des traces de voies antiques , qui existent
sur plusieurs points de ces environs. Elleâ ont été re-
connues par Pasumot (3) et par M. Bertrand (4) , aux-
quels je renvoie. Ce dernier seulement à le tort de vou-
loir les rattacher à la voie d'Augustonemetum à Lugdii-
num tracée sur la Carte de Peutinger; et cela parce
qu'il identifie, comme on l'a vu, les Calentes Aquœ de
saint Sidoine avec les Aquœ Calidœ de la Carte.
(1) Sup., p, 5.
(2) On connait des dîyinités Panthées , c'est-à-dire portant les
attributs de plusieurs dieux ; des statuettes et des médailles les re-
présentent assez fréquemment ; une inscription de Gruter (1,6)
mentionne la consécration d'une figure de ce genre signym. pan-
THEYM. Mais il est rare de Yoîr une divinité spéciale désignée ,
comme ici , par ce nom. Deux inscriptions de Gruter (1 , 2 et 3 )
font lire : pantheo. sacrym. — pantheo. avg. sacryih , et une troi-
sième (1,5) siGNYM. PANTHEi : Ici , uous BYons de plus le titre diyo.
(3) Op, laud. p. 12.
(4) Mémoire, p. 34 et 3S.
(' H5 )
DIVONA.
C'est le nom d'une fontaine qui coulait à Burdigald,
et qui a été célébrée pompeusement par Ausone , danîi
la petite pièce qu'il a consacrée à sa patrie, parmi les
autres villes célèbres. Le poète l'élève aU-dessùs des
sources les plus renommées, lui reconnaît un caractère
sacré, comme au génie tutélaire de la cité, la divinise
même, et vante surtout les vertus médicinales de la
boisson pure que âes eaux fournissaient. C'est donc à
juste titre, ce me semble, que j'ai cru devoir la compter
parmi les eaux. minérales de la Gaule. Voici les vers
qu'il lui adresse (I):
Salve fons ighote ortu , saceTy aime , perennis ,
Fitree , glauce , profonde , sonore , illimis , opace.
Salve urbis genius , medico potabilis hausiu ,
Divona Celtamm lingua, fons addite divis.
Non Aponus potUy vitrea non luce Nemausttë
Purior , œquoreo non plenior amne lïmavus^
Aujourd'hui , on ne saurait reconnaître à Bordeaux
la fontaine qui inspirait Ausone : il est vraisemblable
qu'elle aura disparu par quelque événement naturel ou
fortuit , ce qui n'est pas rare , comme on sait , ou bien
elle aura pris une autre direction (2). Au xvr* siècle
on- crut retrouver une portion des ouvrages de cons-
(1) Clar.urb. XIV, v. Jb.
(2) Dans une des notes qui correspondent à ce passage, l'abbé
Jaubert, traducteur d'Àusone » dit que presque toutes les fontaines
des enyirons sont minérales.
8
( **4 )
iruction dont l'antiquité l'avait entourée et protégée» ;
mais il parait qu'ils ne contenaient plus d'eau. Dans son
savant commentaire sur Ausone, Vinet, qui avait habite
long-temps Bordeaux, rapporte que vers 1 544, comme
on creusait le sol près d'une porte de la ville , pour y
établir des fortifications , on découvrit un canal de forme
quadrangulaire (dans sa coupe apparemment), et d'un
trjftvail évidemment romain (1). A son avis, il devait
avoir été le lit de la fontaine d'Ausone ; et ces expres-
sions du poète, fons ignote or tu lui paraissent trouver
leur explication dans la nature même de ce conduit
qui, mettant les eaux à couvert, les cachait ainsi mysté-
rieusement, depuis leur source jusqu'au point où elles
se répandaient dans la ville (2).
Je crois devoir faire grâce à mes lecteurs de toutes
les belles choses que les prétendus celtologues ont dé-
bitées, avec une assurance merveilleuse, au sujet du
mot Divona, qui se lit Duiona dans quelques manus-
crits, et qui fut aussi le nom de l'antique capitale des
Cadurci.
FONS TUNGBOnUM.
Les Tungri , peuple d'origine germaine , ou dont quel-
que branché s'était établie en Germanie, habitaient cette
partie de la Gaule Belgique, que les Eburones avaient
(1) Not. ad h. loc, -^ L*abbé Jaubert , qai parle plus brièTement
encore qae Vinet, de ce ciinal antique, indique la localité d'une
manière plus précise rc an Sablonnât près le moulin des Arcs. »
(2) Loc, laud.
( H5 )
occupée précédemment. Sur leur territoire existaient
des eaux ferrugineuses et gazeuses , dont on vantait Tef*
fieacité pour la guérison des fièvres tierces et des maladies
ealculeuses. C'est à Pline que nous sommes redevables
de ces notions , et H est le seul auteur ancien chez qui
il soit question de cette source. Tungri, dit-il, civiias
Galliœ fontem habet insignem, plurimis bullis stil^
lantem , ferruginei saporis > quod (psum nonnisi in fine
poius intelligitur . Purgat hic corpora ^ tertianus febres
discutit y calculorumqiie vida ( 1 ) .
Le mot civitas étant évidemment ici pour désigner
le peuple , non sa capitale , et toute indication plus précise
nousmanquantd'ailleurs au sujet de la localité qui possé-
dait cette source , on conçoit qu'il n'est pas facile de résou-
dre avec certitude la question de géographie comparée que
soulève le texte de Pline. D'Anville met à Spa le Fqm
Tungrorum (2), opinion, du reste , bien antérieure au sa-
vantgéographe français (3). C'est aussi cellequi me parait
admise le plus généralement, et que semblerait autoriser
la nature d'ujie des sources de Spa , à laquelle les carac-
tères attribués par le naturaliste à celle des Tungri con-
viennent, dit-on, avec la plus parfaite exactitude.
Mais un lieu si célèbre et si fréquenté à l'époque ro-
maine devrait, ce semble, montrer encore au moins
quelques débris antiques , iraces du passage du grand
peuple. Si, comme je le crois, nulle antiquité romaine
n'a été découverte à Sna, ne serait-on pas mieux fondé à
(1) NaLhistXKXl, 2(8).
(2) Notice de la Gaule, p. 317.
(3). Ortelius, Itinerar, in fionntdlas Belgicœ partes , Antuerpîap,
1584, în-8", p. 23.
( 116 )
chercher le Fons Tungrorum dans cette petite ville qui ,
privée depuis long-temps de son antique siège épiscopal y
et fort déchue à tous égards, a toujours conservé, et
porte encore , comme une protestation , le nom de Ton-
gres? Elle a des eaux minérales, aussi bien que Spa, et si
elles ont moins de réputation , les caprices du monde
qui donne le ton y ont peut-être plus de part que Tin-
fériorité de leurs vertus. Elle possède aussi, de plus que
Spa , elle possédait du nK)ins vers les dernières années
du xvr* siècle, des restes de s(hi antique splendeur, si
tristement éclipsée. On y voyait alors des ruines d'édi-
fices considérables, sur une grande étendue de terrain ^
on y trouvait fréquemment des poteries , des médailles,
des pierres gravées; on y avait même découvert, plus
rarement, des statues, des bas-reliefs, et des inscrip-
tions, monuments sur lesquels je voudrais pouvoir
donner des détails plus précis (1). Aussi, remarque
Ortelius, à qui ceux-ci sont empruntés, les habitants de
Tongres regardaient-ils la source qui coulait parmi ces
ruinés comme étant celle dont le savant romain avait
décrit les propriétés physiques et médicales (2).
Telle est l'opinion qui me parait la plus vraisemblable ,
du moins tant que la découverte de quelques objets
romains ne justifiera point les prétentions de Spa à pos-
séder cette source , qu'un nom trop vagué ne nous dé-
signe que comme le Fons Tungrorum.
(1) OpAaud. p. 22. ^
(2) Ihid.
( H7)
GniSELUM»
On connaissait depuis long-temps un fragment lapi-
daire, partie inférieure d'un autel antique, sur lequel
était gravé un reste d'inscription , qui avait été lu comme
il suit, par Peiresc, dit-on, puis par Spon (1) et par
beaucoup d'autres :
XI
NYMPHIS
ORTSEUCIS
La leçon était erronée , quant aux caractères qu'on avait
pris pour le chiffre xi, exprimant, pensait-on, le nom-
bre des nymphes honorées jadis au lieu où l'on avait
découvert l'autel votif qui leur était dédié. Ce lieu était
Gréoulx , village appartenant aujourd'hui au départe-
ment des Basses'-Alpes, dont les eaux thermales jouis-
sent encore de quelque réputation (2). Dans l'adjectif
ethnique gbiselicis, on retrouvait donc son nom ro-
main , qui devait être , ou Griselum , comme on le
suppose communément , ou , mieux peut-être , Grise--
Hcum. C'était une découverte intéressante pour la géo-
graphie ancienne de la Gaule ; car ce nom , dont les
éléments sont assez reconnaissables dans l'appellation
moderne, ne se lisait ni sur la Carte de Peutinger, ni
dans les autres itinéraires , ni enfin chez aucun écri-
vain de l'antiquité.
(1) Miscel, erud. antitftit. , p. 94.
(2) Récemment , elles ont été honorées de la visile d'un illustre
exilé : le roi Charles V y a séjourné quelques semaines , pour en
prendre les hains.
( H8)
En 1806 , on retrouva par hasard d'autres fragirïents
qui venaient compléter, à peu de chose près, le monu-
ment votif avec son inscription , remplacer par le mot
vxoR les caractères dans lesquels on avait cru voir le
chiffre xi , et nous apprendre que cet autel fut consacré
aux nymphes de ces thermes , vers la fin du II"'' siècle,
par une matrone romaine distinguée, femme de Vitra-
sius Pollio, consul jwur la seconde fois (1). Ce témoi-
gnage de reconnaissance envers les divinités thermales,
pour une santé recouvrée apparemment par la vertu
de leurs sources, prouverait que ces eaux d'un petit
lieu de la Gaule n'étaient pas alors sans renommée,
puisque de Rome même, des personnages illustrés et
puissants, venaient leur demander la guérîson, que les
thermes nombreux et célèbres de l'Italie n'avaient pas
été jugés dignes, ou capables, de leur procurer.
Peu d'années après cette nouvelle découverte, M. Mar-
cellin de Fonscolombe d'Aix publia et commenta l'ins-
cription dans le recueil périodique rédigé par Millin,
dont les colonnes étaient toujours ouvertes à de sem-
blables travaux d'érudition (2). Dans la même année,
ce journal avait déjà donné un rapport sur ce sujet, fait
à l'Académie de Marseille, par M. Rostan (3). Depuis
lor^ M. Henry en a donné le dessin, dans un ouvrage
intéressant sur l'archéologie de cette partie de la Pro^ "
vence (4) ; et M. le docteur Honnorat , de Digne, ï'a fait
(1) Avec M. Flavius Aper , l'an de Rome 920 » 176 de notre èr«.
(2) Notice sur une inscription découverte à Gréoulx , d ans le Magasin
encyclopédique , septembre 1811 , tom , V ,^. 56 — 81 , et tiré aussi
à part.
(3) Ihid. , 1811 , juin , tom . Ill , pp. 257 -- 261.
(4) Recherches sur la géographie ancienne et les antiquités du dé-
\ 119 ) .
graver de nouveau sur une feuille isolée. Entre ces co-
pies , il existe des variantes , Tinscription , plutôt ébau-
* chée que gravée, sur une pierre de mauvaise nature,
écornée , mutilée et brisée en quatre morceaux , présen-
tant plus d'une lacune, et donnant lieu à plus d'un doute.
Cependant , confrontation faite avec soin de ces leçons
diverses , je pense que je hasarderai peu en la rétablis-
sant comme il suit, après avoir fait observer à mes lec-
teurs que je regarde Finscription comme incomplète de
la première ligne , laquelle devait être tracée sur une
pierre superposée, formant la corniche de l'autel. Je
place entre crochets les lettres absentes ou douteuses :
FJL. FÀVSTINI
T. VITRASI. POLL
[l](]^NIS. COS.n. PRAE
fTORlS]II. IMP. PONTI[F]
[PROGjOS. ÂSIAE
VXOR
NYMPHIS
GRISËLIGIS
On voit que je ne saurais admettre l'opinion de MM. de
Fonscolombe, Rostan, Henry (1) et autres, qui veu-
lent trouver dans la première des lignes conservées le
nom de la personne qui consacra cet autel , et lisent
EiLia ou EEua, pour AEua, et même par une extrême
licence A^ma, en ajoutant le nom de favstina, quand
le monument porte intbntestablement faystini. Je pense
partement des Basses-Alpes , Deuxième édition, Digne 1842, pi.
IV, n. 7,pp, 162 — 167.
# (1) Locc, laudd.
( 120 )
qu'on ne peut voir dans cette ligne que le nom de son
père et le degré de filiation , filî» favstini (1) : les noms
de la femme de Pollion devaient remplir la ligne qui ,
par cette raison même, m*a paru manquer, et qu'on ne
pourrait entreprendre de suppléer que par une suppo-
sition entièrement gratuite.
M. Henry m'apprend qu'on a trouvé à Gréoulx quel-
ques autres débris romains. Tels sont des restes^ de
constructions antiques , mis à découvert à la suite dhin
éboulement de terres , et qu'on croit avoir appartenu à
l'antique édifice thermal (2). Tel est encore ce court
fragment d'inscription , exhumé de ces mêmes ruines :
BALIVEÀ. VI
CORPORÀ. SA
Cest, dit M. Henry, « la première partie d'une inscrip-
» tion que les Romains avaient l'habitude de placer
» dans tous les établissements thermaux ; » et il pro-
pose de suppléer ainsi ce qui manque (3) :
BALNEA. vma, \enus corrumpunV corpora noslra.
CORPORA. sAwa dabunt, balnea, vina. Venus.
Je ne saurais dire jusqu'à quel point est fondée l'as-
sertion, bien générale, de M. Henry, ni s'il lui serait fa-
cile d'en apporter un seul exemple. Toutefois, et en
supposant le monument tout-à-fait authentique , je suis
loin de rejeter cette interprétation ingénieuse ; car je
(1) C'est aussi l'opinion de Millin , dans une noie ajoutée au
rapport de M. Rostan , p. 264 ; et celle d'Orelli , Imcript laU seL :
tom. II» n. 3421, p. 94.
(2) Op. laud., p. 167.
(3) Tfttrf.
( 121 )
trouve quelque chose de peu différent dans une inscrip-
tion funéraire, en partie métrique, où le premier vers
se lit en entier (1).
INDESINA ?
•
C'est comme simple indication que je mets ici ce nom
douteux, qui nous est fourni par la seule Carte de Peu-
tinger (2). Il a été lu ainsi par Scheyb, comme on le voit
dans la table alphabétique des noms de lieux qu'il a
jointe à son édition de la Carte ; on pourrait encore le
lire autrement , et c'est évidemment un nom tronqué.
Nous n'avons rien de plus certain relativement au
chiffre xvi , marqué près de là, comme évaluation d'une
distance itinéraire, sans qu'on puisse reconnaître à
quelles stations il se rattache. Mais je ne saurais omettre
de signaler l'édifice thermal figuré à peu près en cet en-
droit de la Carte, c'est-à-dire au-dessus de Tullum, et se-
lon toute apparence dans le territoire des Leuci. Il nous
révèle des sources médicinales , auxquelles on a donné
jusqu'ici peu d'attention, et c'est une singulière fatalité
que nous ignorions tout à la fois , et le nom antique du
lieu, et ses i*apports avec d'autres, qui auraient pu nous
aider à en retrouver la position sous un nom moderne (3) .
(1) Gruter., Inscript. aniiqu,, dcxv. ii. Ferreti, JMTw*. lapid., p, 106.
Voici la partie qui rappelle Tinscriptionde Gréoulx; je supplée ce qui
complète trois sicles. baigne a tinta, vents || corrthptnt corpora ||
NosTRA. SET (sic) TiTAH. •ACiYNTl|Ba/nea Vtfui Venti«.
(2)Segm., II, a.
(3) Je n'ai pu étudier l'édition de la Carte donnée à Munich , sur
laquelle M. Walckenaer me dit que les choses sont moins confuses ;
mais il reste toujours la difficulté de rendre compte de la distance
marquée XTi.
( 122 )
L uxo vimi ou LIXO vil M.
m
Le nom de ce lieu , qui dut appartenir aux Sequani
ne se lit ni dans les itinéraires , ni chez aucun écrivain
dé l'antiquité. Le plus ancien auteur qui, sous ce nom,
ait fait mention de Luxeuil et de ses eaux thermales est
l'abbé Jonas , à qui nous devons Une vie de saint Co-
lomban , moine Irlandais , qui vint établir sur le conti-
nent plusieurs monastères , dont les plus célèbres fu-
rent : dans les Gaules, celui de Luxeuil, et en Italie , celui
de Bobbio , bien plus renommé encore, pour les trésors
littéraires qu'il nous a conservés (I). Ce biographe qui
fut un des premiers successeurs du saint abbé , à peu
près son contemporain, et qui écrivait au commence-
ment du vu"* siècle , parle ainsi du lieu ou Colomban
vint former cet établissement religieux : Invènit autem
castrum olim fuisse munimine cultum ... : quem lo-
cum Luxovium prise a tempora nuncupaverant. Ibi
aquœ calidœ cul tu eximio constructœ habebantur, ibi
imaginum lapideanim densitas vicina -saltus densa-
bat y qua& cultu miserabili rituque prophano, vetusta
paganorum tempora honorabant, quibusque exécra- '
biles cœremomas litabant (2).
Mais le nom de Luxovium ou Lixovium avait été
gravé sur la pierre à des époques de beaucoup anté-
rieures à celles de saint Colomban , et lorsque ce lieu
étalait au sein de la Gaule toute la splendeur romaine :
(1) Notamment, plusieurs des palimpsestes publiés, dans ces
derniers temps , par le Cardinal Àngelo Mai.
(2) Vit. S. Columbani , IX ; ap. Surium ad. 21 novembr. , p. 270.
(-123)
c'est ce qu'attestent plusieurs inscriptions historiques
ou votives, qu'on y a retrouvées en divers temps. Les
deux plus connUes^sont celles qui ont été données par
Caylus, et sur lesquelles l'illustre antiquaire a jeté quel-
que discrédit,. pçir les doutes qu'il a exprimés sur l'au-
thenticité de ces monuments (1). Ces doutes pouvaient
être réellement fondés par rapport à la seconde de ces
inscriptions, que personne aujourd'hui ne se souvient •
d'avoir jamais vue , et qui n'est connue , m'écritron de
cette ville, que pour avoir été transcrite dans un anciai
manuscrit de l'abbaye : il faut convenir aussi que le
mélange bisarre de caractères qu'on avait- adressé à
Caylus n'était pas de nature à inspirer pour cette copie
une bien grande confiance (2). Mais je pense, après un
mur examen , et des informations recueillies avec soin ,
qu'il ne peut en. être de même de la première qui est
ainsi conçue :
LIXOVII. THJIRM.
REPAK. LABIENVS
IVSSV. C. IVL. CAES
IMP.
La découverte de celle-ci est constatée dans les ar-
chives de Luxeuil par un procès-verbal régulier signé
d'honorables citoyens (3) ; et le monument est. conservé
•
(1) Recueil étanHq,, tom. III, pp, 362— 368, pi. XCIX.
(2) D'après la copie informe envoyée à Caylus (Op.laud., pi. XCIX ,
2) , je ne puis la reprodnire aue de cette manière et sans divisions
de lignes : lvxotio. et. brixiab. C. ivl. firman. v. s. l. m.
(3) Ce procès-verbal encore existant aujourd'hui , me dit-on^ doit
être celui que mentionne Caylus {Op. laud,, p. 363) , etdont il donne
le précis. • ^
( 124 .)
encore à l'hôtel-de-ville , où aacun des savants qui Foin
vu n'a eu la pensée , m'écrit-on , d'en suspecter l'authen-
ticité. On a jugé peu vraisemblable qile César, occupé
dans les Gaules à une guerre sérieuse qui réclamait tous
ses soins, ait eu iassez de loisirs pour songer à un
établissement thermal. Mais si l'on veut bien faire la part
de l'importance des bains dans la vie romaine , si l'on
• suppose , comme il est fort naturel , que des thermes
pouvaient être utiles à la santé des soldats malades ou
blessés , peut-être une telle pensée de la part du conqué-
rant de la Gaule paraîtra plus simple qu'on ne le jugerait
de prime abord, et au point de vue moderne. Quant à
la forme littéraire de l'inscription , et au mot lŒVAnatis
censuré par Caylus , on peut citer plusieurs exemples
analogues des meilleurs temps de la langue latine, soit
chez des auteurs estimés , soit dans les inscriptions des
monuments publics (1).
Cette inscription , ainsi justifiée contre les soupçons
de l'illustre antiquaire , reste donc , ce me semble , un
nxonument d'une grande importance , non pas seulement
comme la plus ancienne mention du nom romain de
Luxeuil , mais surtout comme preuve nouvelle de ce
fait, que les Gaulois surent utiliser les sources chaudes,
sans l'avoir appris des Romains. Cela résulte en effet du
texte de inscription , qui signale ici , à l'époque même
de la conquête , l'établissement thermal de ce lieu , non
(1) Je me borne à rappeler une inscription de Gruter, (cliii , 9 )»
ou celle-ci, qui est peut être la même ,%ais qui était à Montpellier
du temps de Bergier qui la donne {HisL des grands chemins, tom. I ,
p. 50] : IMP. DIVYS. CLAYDITS || DRTSI. F. CAES. AyG 1| GERM. PONT..
MAX II TRIB. POT. X. COS. IIII. IMP ll XI. ITER. REPARAYIT^
.{ 125 )
comme une création de César , mais comme une simple
restauration. Cette donnée est tout-à-fait en rapport avec
les découvertes faites à Bourbonne et au Mont-d'Or (1).
Le nom de cette ville parait avoir été aussi celui d'une;
divinité locale avec une différence dans la terminaison ,
car le dieu devait s'appeler Lixovius ou Luxovius, et
c'est de lui sans doute qu'un nom semblable avait été
donné à la localité. Cette double application du nom ré-
sulterait de l'inscription réprouvée par Caylus , et que
j'ai rapportée dans une note précédente. Le marbre rela-
tif à la restauration des bains par Labienus admettrait
sans difficulté une telle interprétation , et dans ces mots
Lixovii. therm/^^ on pourrait entendre les thermes du
dieu Lixovius , aussi bien et mieux peut-être que les
thermes de Lixovîum. Des indications, ou plus sures
ou plus évidentes, sont fournies par deux autres monu-
ments épigraphiques découverts aussi à Luxeuil , sur
lesquels ce même nom se présente de nouveau , avec
des formes un peu variées, mais toujours reconnaissable.
Le premier de ces monuments est l'inscription suivante
qui n'existe plus sur les lieux , mais que l'on me com-
munique comme très légitime , et citée dans un mé-
moire de M. Guin , qu'on ne me fait pas connaître
autrement (2) :
(!) Sup.f pp. 30 et 109.
(2) D'après les notes de Fantlquaire que l'on me cite, Tinscrip-
tion aurait été décourert^n 1780. C'est alors, peut-être, qu'on
trouya aussi une inscription, à laquelle quelques' Habitants de
Luxeuil paraissent avoir attaché une grande importance ; elle por-
tait seulement ces sigles en deux lignes :c. o. s H c. i. c. Je ne sau-
rais y mettre le même intérêt , regardant ici toute interprétation
comme gratuite et hasardée.
( 126 ).
D. NICARINO
D. UXVl.
Je cite Tautre inscription plus volontiers, et avec une
confiance plus entière , parce qu'elle existe encore au-
jourd'hui à Luxeuil , où on peut la voir chez M. le colonel
de Fabert habitant de cette ville , possesseur d'un cabinet
d'antiquités formé dans le pays même , qui se conserve
et s'accroît depuis trois générations. Mais je dois faire
observer que les premières lettres pourraient laisser
quelque doute , à en juger d'après la copie qui m'est
adressée, la syllabe li, que j'ai placée pour cela entre
crochets , aurait peut être disparu par suite d'une brè-
che de la pierre, et le caractère s qui suit, ponctué
dans cette transcription, doit être peu apparent sur le
monument original :
[LI]SS010
ET. BRICIAE
DIVIXTI
VS.CONS
TANS
V. S. L. M
11 serait difficile de rien dire de satisfaisant au sujet
de NicarinuSy nom qui se présente ici pour la première
fois , et qui doit être celui d'un dieu topique. Quant au
nom de Bricia, qui est écrit Brixia dans l'inscription
communiquée à Caylus, on peut penser, avec d'An-
ville (1), et les hommes éclairés llu pays, qu'il désigne,
en le divinisant, un ruisseau nommé aujourd'hui Breu-
•
(1) Dans une note communiquée à Caylus qui la rapporte , Op»
laud, , p. 366 ; cf. Notice de la Gaule , p. 420.
( i270
ehin^ et que le biographe de saint Coloniban appelle
Brisca (1). Lixovius, Luxovius, Lissovius, etc., doit
avoir été une divinité des eaux thermales, comme Bormo
on Borvo, Damona, Ilixo. Ce dernier" nom semblerait
avoir quelque affinité avec celui de Lixovius ; mais
bornés, comme nous le sommes, à un nombre infini-
ment petit de données positives sur les idiomes des
Gaulois, il serait tout-à-fait gratuit et extravagant de
prétendre en rendre compte. •
Luxovium parait avoir éprouvé de grandes dévasta-
tions dans les siècles malheureux du Bas-Empire. On
les attribue généralement au farouche Attila^ sans qu'on
ait à cet égard des données contemporaines. Ihi moins,
je pense qu'on doit entendre des résultats de quelque
invasion des Barbares ce que dit Jonas , en termes un
peu poétiques peut-être, de la dépopulation des lieux ,
lorsque saint Colomban y arriva : Solœ ibi bestiœ et
ferœ ursorum, bubcdorum, luporum multorum fre--
quentabant (2). Toutefois les dévastateurs ne purent dé-
truire entièrement tout ce que les Romains avaient laissé
de traces de leur magnificence; et Luxeuil serait encore
une des villes de notre France les plus importantes sous
le rapport archéologique, si l'on avait conservé ou
laissé à découvert tout ce qu'on y a retrouvé de restes
des thermes antiques. Voici ce que me dit à ce sujet
un obligeant correspondant, M. l'abbé Brésarol, pro-
fesseur de géologie au petit séminaire de cette ville :
« Le canal d'égout d^ eaux des bains est encore en
» grande partie le travail des Romains. Une très-grande
(1) Op, laud,, X, ap. Sur. p. 471.
(2) /6td.. IX, p. 470.
( 128 )
» partie de l'ouvrage souterrain de nos bains modernes
» est aussi de construction romaine. On a trouvé
» même, à différentes époques, cinq belles salles de
» bains, pavées en albâtre (1) et voûtées en tuf. Plu-
» sieurs d'entre elles ont sans doute été détruites par
» les architectes modernes. Les autres sont encore en-
» fouies sous le sol , et les constructions nouvelles ne
» permettent pas de faire les fouilles nécessaires pour
» les mettre au jour. »
Ces restes de bains, si maladroitement enfouis, au
lieu d'être utilisés pour l'établissement moderne , ne
sont pas les seules constructions romaines qu'on ait
retrouvées à Luxeuil. On a cru y reconnaître les vestiges
de temples et d'autres édifices publics ; et bien plus
ordinairement , on a eu à observer des débris d'habi-
tations privées. Des ornements d'architecture, des tron-
çons de colonnes, des chapiteaux, des morceaux de
frises, etc. appartenaient sans doute aux premières de
ces constructions, et de nombreux débris de briques et
de tuiles romaines ont pu faire partie des unes et des
autres. Nous avons vu que Jonas parle de statues en
grand nombre : plusieurs, me dit-on, ontété retrouvées,
qui devaient appartenir à la décoration des bains anti-
ques, ou des autres édifices; maisjenepuis donner aucun
détail à cet égard. La seule que je connaisse est la statue
équestre , ou pour mieux dire , le groupe dont le dessin
fut envoyé à Caylus (2) , ouvrage des bas temps , si j'en
(1) Ce paré en albâtre, substance fon tendre, me paraît une cir-
constance singulière ; mais je ne puis rien objecter contre un fait >
s'il est certain.
(2) necuaU cTantiquiUs, t. ÏO, pi. XCIX, 3, p. 367.
( iW )
sdtiÉimales cte là pr^iène fwpl^tion , fft cette p^te me
parait {leu re^ttable 4
Dé plus petits ^et$ d'a^tiqu^é pwt été reistitu^ ))m
plÉ6 fréquemii^ent par h^ lE^uUl^ f^tes à luxem) ^ oif
l'Ofi Be peut Érmiâev le leftniD 4?^ J'e^ç^iotç de la vi)Ie
antique sans raBseqeràlft^mrfeeQ qpi^qif^STaQPume^
on fragments romaîtls. Xels soiat 4is$ yikfie9 et u^tiBnsiles
en bronze (1)-, des staitiaeiUeâ 4jQ même v^é^l , en as^^
graad tiombre et {dtis o» mc^ins remçtf i(}ii9^1ei^ , des fa-
rines en terrç cuite , dopt qi|6lqiues-unes ont pu être de^
ex voto, comm6.on en yoit dqins tous )es cabinets ^ mai^s
auxquelles une telle provenance attache ici un ifx^rèi
spécial. Quant aux m^afDes gauloises op romiaines ^ en
or , en argent , m bronzée de iOQs jk^ modules , ce sol
fertile les a rq[>roduites eo grande quantité* Des col-
lections con^dérables en avaient été formas avant la
révolution^ sok à l'abbayë, smt dbez des particuliers :
elles sont aujourd'hui presque entièrement dispersées.
J'ai encore à signaler quelques traces de voies anti-
ques, constatées sur divers points aux environs de cette
ville : s^s doutée x^'étaient cdles qui aboutissaient à ces
thermes i*pma^^ fréqp^entésj, lesquelles ne sont point
indiquées d^n^ 1^ diivers itinéraires. Enfui le sol de
r^que lj^09)ium renferme a^ssi un grand nombre
de mopfuApnts fu^è^re^, pj^in^einent chargés d'ins-
(1) M. le cololiél <ie Fâbérf , qc^ aieia Tobligeance de me foor-
nir divers renseignementi^ m'indique^ dans cette classe de petits
monumeuts , une patèrë fort curiënàe à raison de l'inscriptton yo-
tive gravée ànr son manche, et qu'il tiëdotme ainsi rv. nv [| mv-
piLLA. iNOc.. Il T. s. t. it. n est à regretter que la première ligne
soit à peu près inintelligible pour nous.
( 130 ).
criptions^ et souvent ornés de sculptures. li serait trop
long de rapporter ici le petit nombre de ces épitaphes
romaines qui sont venues à ma connaissance ; je me
contente^ pour donner une idée de ce genre de ri-
chesses , de citer encore ce passage fl'une lettre de H. Bré-
sarol : « Les monuments funéraires abondent dans cette
» ville. Au mois de novembre 1 845 , un coup de pioche,
» donné au hasard dans la cave d'une maison, amena
» la découverte de plus de vingt monuments de ce
» genre, et du plus haut intérêt. Ces objets, dessinés
» par M. le colonel de Fabert, paraîtront probablemem
» bientôt , accompagnés d'une notice historique et des<-
V criptive (1). »
Tout ceci fait voir quelle importance les Romains atta-
chaient aux bains de Luxeuil. Cet établissement aurait
conservé sans doute sa réputation et sa vogue, si le voi-
sinage des eaux de Plombières, préconisées par la mode,,
n'avait constitué une rivalité redoutaUe.
NEHÊAVSVS.
Ce nom, inscrit dans l'histoire, mentionné par les
géographes, gravé sur les marbres antiques, et sur des
médailles nombreuses et variées de différentes époques,
fut celui d'une des villes romaines de notre Gaule qui
portèrent avec le plus d'éclat le titre de colonie. II est
trop célèbre pour qu'il puisse être nécessaire de rap-
(1) M. de Fabert me dit que la plupart de ces monuments fu-
nèbres portent simplement les noms des défants , amints, censo-
siNi> TAsciLLA, etc. grarés au bas de leurs eflSgies sculptées en
relief.
' ( 131 )
peler ici les écrivains et les moQUineats qui nous Tont
fait connaître. L^ ville moderne de Nîmes, la {dus riche
de notre patrie en édifices roniiains bien conservés ,
montre encore avec orgueil les tén^ins de son antique
magnificence ; sa maison carrée , ses arènes, sontemirie
de Diane , sa tour Magne , et à quelque distance de son
enceinte, Taqueduc imposant qui venait ajouter de
nouvelles eaux à celles de son territoire (!)• Son musée
riche surtout en inscriptions , s'accroît chaque jour par
de nouvelles découvertes , et chaque maison , pour ainsi
dire, renferme ou étale quelque débris de Page romain.
Il existe à Nîmes des eaux nnnérales qui ne sont pas
exploitées , à ce que je crois , sans doute parce qu'elles
ne possèdent que de médiocres vertus. Aucun auteur
ancien n'en a fait mention d'une manière précise, et en
termes qui ne puissent être contestés. Ausone seul pa-
raîtrait les avoir indiquées dans ce vers (2) :
Non Jponuè poiu, vitrea non luce Nemausus
Purior, etc.
Il serait peu vraisemblable que dans une ville embellie
par tant de travaux des Romains , des eaux douées de
quelque vertu médicinale eussent été méconnues, où né-
gligées par ces maîtres du monde, que nous voyons par
tout si soigneux de les rechercher, et d'en faire usage.
Nous ne connaissons pas toui ce qui se rattachait aux
réservoirs qu'on appelle aujourd'hui à Nîmes, la Fon-
taine, et dont la d«tination serait difficile à com-
(1) Le Pont-du-Gard n'était primitivement qu'un aqueduc à
triple étage : la partie qui sert de pont pour traverser la vallée a
été ajoutée en avant dans les temps modernes.
(2) Clar. «ré., XIV, v. 33.
X 132 )
prendre : on a beaucoup détruit pour en exécuter à
grands fraiâ les ouvrages modernes^ dont le résultat
est assez peu satisfaisant. Mais des monuments romains
découverts dans cette ville pourraient, avec vraisem-
blance , être considérés comme des indiceâ de l'emploi
de ces eaux sous la domination des conquérants.
Le premier est lin autel portant cette inscription
qu'on a jugé consacrée à trois divinités aquatiques ,
dont l'une pouvait avoir sous sa garde tutélaire quelque
source minérale. Ce monumetit fut trouvé au commen-
cement du dernier siècle, près des restes d'un ancien
aqueduc, et publié par Maffei (1) et Bimard de la
Bâtie (2). Je me borne à faire remarquer que la première
ligne, en plus petits caractères, a été ajoutée après coup.
SYLIG. COSMVS. REST
LÀRIBVS. AVG
SACRVM. ET
MINERVAE
NEMAVSO
VRNIAE #
AVICANTO
T. CASSIVS. T. L
/ FELICIO. EX S
VOT
Le. vers d'Ausone semblerait autoriser à re^rder le
Dieu Nemaususy connu par d'autres inscriptions (3),
(1) Galliœ antiquit., p. 27.
(2) In Murât. Prolegom., col. 54.
(3) OrelU, InscripU laU sel,, tom. I, p. 356, n9 2032 ; toin< II,
p. 255, n^ 4220. Ce collecteur a aussi donné la première (tom. I ,
p. 356, nO 2033).
( 133 )
comme le protecteur d'une fontaine minérale ou autre ;
et c'était l'opinion du commentateur Vinet (1). S'il y
avait erreur de la part du poète bordelais , comme le
pense Bimard (2), Urnia et AvicantuSy noms inconnus
avant la découverte de cet autel , laisseraient encore aux
conjectures un assez vaste champ.
Ménard a parlé de thermes trouvés à Nîmes lorsque
Ton construisit l'hôpital : il en restait des vestiges des
murs qui entouraient les salles, des pavés en mosaïque,
et cette courte inscription indiquant l'âge et l'auteur de
cet établissement (3) :
M. AGRIPPA. L. F. C.
Des bains furent aussi reconnus dans l'emplacement de
la fontaine. On en a conservé un fragment de frise or-
née de rinceaux , une colonne , des chapiteaux et des
bases ; et en 1 840 , on exhuma cette inscription (4) :
NYMPHIS
AVGVSTIS
^ACRVM
TERTIVS. BAEBI. F
L. DECVMIVS. DECVMANVS
L. POMPIENVS. MARTIAUS
L. ANNIVS. AIXOBROX
DE. SVO
Je laisse mes lecteurs juger jusqu'à quel point ces
(1) Not. adh.vers.
(2) £oc. laud*
(3) JETûf. de JSimes, ci^ par M. Perrot , p. 122 de son extrait.
(4) Perrot, Histoire des antiq. de NUnes, p. 121. — Une antre
inscription donnée dans le même ouvrage ( p. 146, n0 38) , consiste
en ce seul mot, ntbiphis.
( 134 )
décottVBi'tes pourraient se rattacher à des sources mi-
nérales eonnues des Romains; et je termine cet article ,
he m'étant pas proposé de m'étendre sans nécessité sur
les monuments de cet âge qui sont restés en si grand
nombre dans l'antique Nemausus.
VCETIA,
Cest l'ancien nom d'une autre ville des Volcœ Are-
comiciy dans laquelle les géographes modernes recon-
naissent Uzès (1); quoique tous n'admettent pas , comme
Valois, l'identité de ce lieu avec le Vindomagus de Pto-
lemée(2). Le$ Notices de l'Empire ne sont pas le seul
monument géographique qui nous ait conservé ce nom ;
il se fait remarquer à une époque bien antérieure sur
un marbre écrit , d'une haute importance pour la géo-
graphie de ces contrées, qui fut publié d'abord par
Ménard (3) , et que Ton voit aujourd'hui au musée de
Nimes (4). Voici ce qui reste de cette inscription qui
ne se compose que de noms de lieux : M. Walckenaer
la regarde comme une sorte d'Itinéraire gravé sur une
borne (5).
(1) Valois, NoiiL Galliar. . p. 611. — D'Anvîlle, Notice de la
Gaule, p. 681. — Walckenaer, Géographie des GatUeSy tom. II,
p. 183.
(2) Geogr., Ih9{i0).
(3) HisL de Nimes , tom. I , p. 22.
(4) PeiTOt, Mist. des êntiq. de Ntme^Q^, 147, n. 41.
(â) Plasîettfs de ces noms étaient déjà eonniis d'ailleurs : pour
lef autres» on peut consulter M. Walckenaer, op, Imtd., iam, II ,
pp. 183--185.
(155)
ANDVSIA
BRVGETIA
TEDVSIÀ
VÀTRVTE
VGERNI
SEXTANT
BRIGINN
STATVMÀE
VIRINN
VCETIAE
SEGVSTVM
Uzès possède aujourd'hui des eaux minérales à peine
connues. Le furent-elles davantage à Tépoque romaine?
Aucun écrivain ancien ne nous mettrait à même de
résoudre cette question , puisque tous ont gardé le si-
lence et sur ces eaux, et même sur ce lieu. Je crois
cependant ne pas me hasarder inconsidérément en y
répondant par l'affirmative. La preuve en est à me&
yeux dans une inscription en vers fort curieuse, décou-
verte à Uzès , qui mentionne une édicule élevée aux
nymphes par le propriétaire d'un fonds sur lequel cou-
laient des eaux bienfaisantes , salutaires à la vieillesse
comme au jeune âge. Ce marbre a souffert des mutila-
tions qui ont atteint l'inscription rapportée par Gruter ( 1),
etparBimard (2). Je supplée quelques lettres , évidem-
ment indiquées, que je place entre crochets : vouloir res-
tituer la lacune de la première ligne serait une entreprise
plus arbitraire. ,
(1) Inseript,antiq,,X(M\, 9.
(2) In Murât. Prolegom,, col. 88. — Lancelot (Mémoires de r Aca-
démie des Inscriptions , tom. VII , bist. pp. 238—243, donne beau-
coup d'autres inscriptions trourées à Uzès.
' ( l''>c )
[SE]X. POMPEIVS COGNOMINE. PÀNDVS
QVOIVS. ET. HOC. AB. AVIS. CONTIGIT. ESSE. SOLVM
[AE]DICVLAM,HANC.NYMPfflS,POSVIT.QVIA.SAEPIVS,VSSVS
HOC. SVM, FONTE. SENEX. TAM, BENE, QVAM, ï WENIS {%) ,
VICUS ÂQUENSIS,
Nî la Carte de Peutinger, ni les autres itinéraires
romains ; ni enfin aucun des auteurs dont l'antiquité
nous a légué les écrits ne mentionnent le nom de ce
lieu; et U nous serait demeuré totalement inconnu s'il
ne nous eût été révélé par un marbre antique ^ devenu
ainsi important, comme beaucoup d'autres, pour la
géographie de la Gaule. Il nous donne, sinon précisé-
ment le nom antique de ce lieu, du moins, ce qui est
ici tout-à-fait équivalent , l'appellation ethnique vicani
AQVENses, par laquelle étaient alors désignés ses habi-
tants, au nom desquels le monument fut érigé. Déplus
la localité où il a été découvert a fait reconnnaitre sans
contestation que ce vicus romain occupait alors le site ,
pittoresque et sévère tout à la fois , ou s'élève aujour-
d'hui, dans le département des Hautes-Pyrénées, la pe-
tite ville de Bagnères-Adour, ou Bagnères-de-Bigorre ,
célèbre encore de nos jours pour ses sources therma-
les (2). C'est là, en effet, qu'existe l'inscription sui-
(i) l\ faat remarquer à la fin de la ligne 3 , vssvs, pour tsts , et
surtout au commencement de la ligne fi qtoits , pour cvits^
(2) D'AnyilIe , Notice de la Gaule , p. 82,— Walckenaer > Géogra-
phie des Goulet, tom. I, p. 293.
( 157 )
vante , connut^ depuis plus de deux siècles (1) ^ que
Millin y copia de nouveau au commencement de celui-
ci (2) : elle est gravée en beaux caractères sur un cippe
en forme d'autel y surmontant le massif de la fontaine
de construction moderne , qui fournit d'eau commune
toute la ville de Bagnères :
■ s
NVMINI. AVGVSTl
SACRVM
SECVNDVS, SEMBEDO
ms. m. NOBfmE
VICANORVM. AQVEN
SIVM. ET. SVO. POSVIT
Si dans le mot avgvsti de cette inscription, on était
suffisamment autorisé à reconnaître le nom du premier
des empereurs , plutôt que le titre qui devint commun
aux successeurs de sa puissance , nous aurions ici la
preuve que cet établissement thermal remonterait à upe
époque assez voisine de la conquête des Gaules , à supr
poser qu'il n'eût pas existé sous les habitants indigènes.
On pourrait alors supposer que ce prince l'aurait em-
belli de constructions ,plus splendides, s'il ne l'avait
pas créé ; et le monument religieux élevé par les mcani
pourrait être regardé comme un témoignage public et
solennel de leur reconnaissance. Tout cela peut pa-
raître incertain , mais n'a rien que de vraisemblable en
3oi : le voyage d'Auguste mentionné dans l'épigramme
grecque de Crinagoras , et le nom A'Augustœ donné aux
(1) Gruter, inscript, aniiq. CXU, 7. — Maratori, Nov.thes^^
tom. I« cm, 7, etc.
(2) Voyage dans le midi de la France , tom. IV, p. 490.
(140)
Onê8iœ(l), comme à Luxbvium (2), etc., les sources
thermales reconnaissaient spécialement , outre les nym-
phes, une divihité tutélaire qui leur était propre ; c'est
ce qu'on peut présumer, d'après des inscriptions votives
à un dieu évidemment topique, dont le nom était A^Ao^
lesquelles furent découvertes auprès de Bagnères. Il y
a lieu de croire aujourd'hui qu'elles ont disparu de leur
terre natale ; mais elles nous ont été conservées par
Oihenart (3) , et reproduites par Dom JMartin (4) , et
Bimard de la Bâtie (5). Voici le texte de la première cpii
était intacte :
AGHONI
DEC
LABVSIVS
V. s. L. M
La seconde au contraire est fort mutilée , mais on y
reconnaît aisément le nom du même dieu, incomplet
d'une seule lettre, que la donnée précédemment acquise
nous met à même de suppléer ; voici ce qui en est resté :
•
DEC
. . GHONI
. . AVLINI
. . AVRim
V. S. L. M
Bimard a pensé qu'il faut voir ici une divinité thermale ;
et la vraisemblance de cette opinion ne saurait être
(1) Sup., p. 69.
(2) i&ûl., p. 123,126. ^
(3) Op. laud,, p. 507.
(4) Religion dei Gaulois , tom. Il ^ p. 36.
(5) Op. laud. , col. 56.
( Ul )
compromise par la pauvreté des arguments , et le peu
de valeur des étymologies auxquels il a recours , pour
Tappuyer (1). J'en ferai grâce à mes lecteurs, me bor-
nant à leur rappeler avec lui.ce mot de Pline déjà cité ,
et que nous avons vu justifié dans la Gaule seule par des
faits analogues asse2 nombreux : Augent numerum deo-
mm nominibus variis (2).
tîSSUBWM.
L'Itinéraire d'Antonin fait de ce lieu une station sur
la voie de Burdigala, Bordeaux, à Aginnum, Agen ,
entre Sirione d'une part, et Fines de l'autre (5). Le
même emplacement lui est assigné sur la Carte de Peu-
tinger , mais sous le nom altéré de Vesubio (4-) , et avec
quelque différence de chiffres dans l'évaluation des dis-
tances (5). Je ne m'arrêterai pas à les discuter : la ques-
tion n'est pas là pour moi. Je puis de même me dispen-
ser de prendre parti entre d'Anville , qui met Ussubium
à Urs, près de la Réole (6), et M* Walckenaer, qui le
reconnaît à Useste dans le même département de la Gi-
ronde (7) ; je remarque seulement que , dans un ouvrage
(1) Loc. tattd,
(2) Nat. hist. , XXXI, 2*
(3) Vet» RomJan, itinerar., éd. Wesseling, p. 461.
(4) L'inscription que je apporterai bientôt jastiGe la leçon de
l'Itinéraire , contre celle de la Carte , si soureat fautive > comme on
sait , pour les noms des lieux.
(5) Segm. I , a.
{&) Notice de ta Gaule, y. t2li.
(7) Géographie des Gaules, tom. III > p. 96.
( 142 )
dont je vais pariep, H. de Crazannes^ qui a beaucoiip
étudié ces contrées , se proiK)nce pour le sentino^aAt de
d'Anville.
Cest à cet hmorable confrère que je dois la connais-
sance du mmument d'un haui intérêt qui me fait mettre
ici le nom d' UsstAium , et qui lui a fourni le sujet d'une
intéressante notice (1). Mais ce m(Hmment , qui provient
certainement d'Ussubium, ne se trouve ni à Urs, ni à
Useste , où il aurait tranché la question de géographie
comparée relative à cette station romaine. Il existe, il
existait du moins il y a peu d'années, à une certaine dis-
tance de là , au Mas-d'Agenais , département de Lot-et-
Garonne , servant de support à un cadran solaire dans
le jardin de la maison curiale. Cest un joli autel de
forme cylindrique , sur lequel l'inscription suivante est
gravée dans un encadrement , en caractères d'un beau
style , mais avec quelques ligatures :
TVTELÀE. AVG.
VSSVBIO. LABRVM
SILVINVS. SCI
PIONIS. F. AN
TISTES.D.
Nous avons ici un nouveau dieu topique , vssvbivs ,
comme nous avons vu ailleurs ilixo , uxovivs , etc ; et
ici, comme ailleurs encore, nous remarquons une com-
munauté de nom entre la divinûé et le lieu. Je crois,
de plus, que cette divinité avait spécialement sous sa
(1) pissertation sur un autel votif et sur son inscription , dans les
Mémoires de la Société archéologique du midi de la France, lom. I ,
P[K 253—267.
(143 )
protection quelque source thermale , minérale , médi-
cinale en un mot ^ dont ce monument me parait constater
l'existence dans le lieu appelé de son nom Ussubium.
Cest en effet, ce me semble , la seule explication plau-
sible qu'on puisse donner à cette consécration d'un bain ,
lABRYM , dont cet autel était destiné à perpétuer le sou-
venir. Ne serait-elle pas étrangère à tout ce que nous
connaissons des usages des anciens , si Ton n'admet pas
que le dieu Ussubius avait, par ses attributions recon-
nues , un rapport intime avec les eaux qui étaient des-
tinées à l'emploi du bain qu'on lui consacrait ainsi? Il
en sera tout autrement dans l'hypothèse que je viens
d'établir; et c'est dans la persuasion qu'elle est fondée,
que je place la station d' Ussubium parmi les lieux de la
Gaule dont les sources furent exploitées sous la domi»
nation des conquérants. Si j'avais été aitratné trop loin
par une préoccupation naturelle, peut-être quelques-uns
de mes lecteurs me sauraient gré encore de leur avoir
signalé un monument curieux et peu connu.
SECONDE PARTIE.
Je crois avoir mentionné tous les lieux de la Gaule ou
des autorités écrites» géographes, historiens, poètes,
marbres anûques , ont pu constater Texistence de sources
n^inérali^s fréquentées au temps de la domination ro-
maine. Il en est d'autres dont les noms anciens nous sont
connus également par de semblables témoignages , et
que nous voyons encore aujourd'hui en possession d'eaux
minérales , mais sans que des autorités de même nature
nous apprennent qu'elles aient été exploitées dans les
siècles antiques. Ceux-ci doivent à leur tour être men-
tionnés dans cet ouvrage, quand cette supposition est
rendue probable , soit par d'autres indicés , soit simple-
ment par leurs noms anciens, et par la certitude qu'ils
ont été habités par les conquérants de la Gaule. Ils
occuperont cette seconde partie, bien moins étendue que
la première, et toujours dans l'onlre alphabétique, que
j'ai suivi jusqu'à présent.
( **5 )
ALBA.
C'était le nom de la capitale des Helvii, peuple de la
Gaule mentionné par César (1) , et qui occupait dans la
province romaine le territoire montagneux dont s'est
formé le Vivarais : à cet égard , il n'y a pas de contesta-
tion. Pline la nomme simplement Alba (2) ; mais d'après
un passage de Ptolemée, erroné du reste sous d'autres
rapports, il paraîtrait qu'elle avait reçu un surnom em-
prunté au nom d'Auguste, et qu'elle s'appelait ainsi Alba
Augusta (3).
Je crois que cette ville antique est celle qui prit plus
tard le nom de Vivariay ou Vivarium (4-) , Viviers ; nom
dont se forma aussi celui de la contrée , Pagus Viva-
riensis, mais dont l'origine nous est demeurée inconnue.
Cette opinion était celle de- Valois, à qui je renvoie pour
de plus amples détails (5) ; et long-temps elle a été gé-
néralement admise. Aujourd'hui elle a contre elle l'au-
torité de Lancelot (6), de d'Anville (7), de M. Walcke-
naer (8) , et de bien d'autres , qui prétendent recon-
(1) De bel. GaW., VII,8. •
(2) Nat. hist, , m y Ji (5).
(3) Geogr., Il, 9(10).
(4) EUe portait déjà ce nom au VI™° siècle : Saint Grégoire de
Tours [Hisi, Franc, , X, 23) l'appeUe Vivariensem urbem,
(5) Notit. Galliar., pp. %i4 , 245.
(6) ilfem. de l'Académie des JnscriptUmSj tom. VU , hlsU, pp. 235—
237.
(7) Notice de la Gaule , p. 44.
(8) Géographie des Gaules, tom. I, p. 275.
10
( 146 )
naître Alla dans un petit village appelé Aps, et situé à
trois lieues de Viviers. Lancelot , qui s'est le plus étendu
sur ce point , et dont le témoignage est invoqué par les
savants géographes qui l'ont suivi, se fonde en premier
lieu sur des restes considérables de constructions ro-
maines , d'aqueducs , de mosaïques , sur des colonnes de
marbre , des frises , de nombreuses médailles et deux
inscriptions funéraires qu'il reproduit (1); il s'appuye
encore sur les traditions conservées chez les habitants
du pays , qui racontent sur tout cela mille choses sin-
gulières (2). On sait ce que valent de telles traditions,
lorsqu'on ne leur connaît aucun fondement positif. Quant
aux antiquités de ce lieu, elles prouvent assurément
que les Helvii eurent sur son emplacement une ville de
quelque importance ; mais il ne s'ensuit pas que cette
ville dût être Alba Augusla.
Viviers possède aussi des restes d'antiquités, dont
Lancelot n'a pas fait mentjion, mais dont Millin a si-
gnalé les plus importants. Il y fait connaître plusieurs
inscriptions : non seulement des épitaphes chrétiennes
des bas temps, dont l'une d'un lecteur, lectvr (sic),
est intéressante pour l'histoire de la discipline ecclésias-
tique (3) ; mais d'autres encore d'un âge bien antérieur,
notamment celle-ci (4) :
(1) Millin qui les a rapportées ( Voyage dans le midi de la Ffance ,
tom. 11^ pp. 110 et 114) y en donne aussi (p. 112) une troisième
qui était inédite.
(2) Loc, laud,
(3) Op, laud. , p. 106 ; cf. , p. 107. ^
(4) iWd.,pp. 106, 111.
( 147 )
D. M
CASTRIGIAE
SECVNDÀE
DOMITIVS
LICINIANVS
MÀTRI
KARISSIMÀE
Il donne aussi les inscriptions de plusieurs colonnes
milliaires ^ que Seguier avait copiées dans les environs
de Viviers^ et qui offriraient plus d'intérêt si l'on connais-
sait les lieux dont elles indiquent les distances (1). Enfin
le même voyageur mentionne d'autres objets antiques
découverts sur les lieux ^ deux petits vases de bronze^
et une mosaïque , qui représente un faune tenant le
pedum et couronné de lierre (2).
le me suis arrêté à ees détails pour en venir enfin à
des ^aux minérales qui coulent h Viviers , mais qui soDt
à peine connues , et encore moins fréquentées. Les mor
numei^ts antiques dont je viens de parler, etx[ui nous
révèljE^t à Viviers une ville romame, tendent ajmssi ^
faire présumer qu'elles ne furent pas û^connues aux do-
minateurs des Gaules , bien qu'ils n'y aient pas laissé
d'ouvrages de construction qui puissent le constater
d'une manière plus positive. Je n'ai pas besoin de faire
observer que cette conclusion ne subsisterait pas moîna,
avec toute sa vraisemblance , quand même on recon-
naîtrait Aps pour l'antiflue Alba des Helvii, puisqu'il
resterait toujours prouvé que Viviers était alors un lieu
d'habitation romaine.
(1) Op. laud. , pp. 108 et 109.
(2) Ibid. p. 105.
( 148 )
ÂLESIÂ.
Le bourg de Sainte-Reine sur le penchant du Mont-
AuxoiS; dans le département de la Côte-d'Or, possède
• des eaux minérales qui ont dû fort probablement êtte
connues au temps de la domination romaine. Car le
lieu peu considérable, qui porte aujourd'hui ce nom (f ),
et le village d'Alise qui en dépend , occupent incontesta-
blement la place de l'antique Alesia , sur le territoire
des Mandubii (^) . Or, Alesia ne fut pas sans importance
aiix. époques gauloise et romaine.
On sait assez que César en a fait mention plus d'une
fois, et que la relation du sié*ge de cette place, défendue
. par Vercingetorix, remplit plusieurs pages dans les mé-
moires dd conquérant (3) . Il ne dit pas qu'il l'ait détruite ;
et son silence sur ce point peut être opposé à l'assertion
de Florus (4) , qui écrivait deux siècles plus tard , et
. qui a commis plus d'une erreur en ce qui concerne cette
guerre.* Si ce qu'A rapporte est vrai, du moins elle ne
(1) Ce nom est celui d'une yierge chrétienne qui souffrît le martyre
sur les lieux mèm^s. On ne s'aurait en préciser l'époque , les actes
de sa passion qui nous ont été conservés étant , dit-on , peu dignes
dexonfiance. Mais elle est nommée dans les plus anciens marty-
rologes > et son culte dans le pays est attesté par des titres plus an-
ciens peut-être.
(2) Tous les géographes sont d'accoijf sur cette identité. On peut
Yoîr surtout VExplication topographique du siège d* Alesia , par d'An-
yille et l'àbbé Belley , dans les Eclaircissements géographiques sur
Vandenne Gaule , pp. 466—497.
(3) De bel. Gall. VII , 68—77.
(4) Epit, rer. rom. III , JO.
( 149 )
larda pas à se relever de ses ruines. Pline , avant Florus,
Tavait citée pour son industrie dans Fart d'argenter au
feû (1) ; et c'est , je pense , la seule fois qu'on la trouve
nommée après la guerre des Gaules. Mais les monu-
ments qu'on y a retrouvés en grand nombre attestent son
existence à diverses époques de l'âge romain, et l'im-
portance dont elle jouissait. J'emprunte quelques détails ,
archéologiques à un travail très-bien fait de M. Mail-
lard de Chambure , qui m'en fournirait bien d'autres
encore, si je pouvais en faire usage (2).
L'enceinte de l'antique Alesia a été étudiée avec soin,
et reconnue en grande partie : elleétait fort étendue. On
a retrouvé des portions considérables de ses murs, une
porte; et dans Fintérieur, parmi des masses énormes
de débris , des restes plus ou moins conservés d'édifices
publics ou privés. Les plus remarquables «sont : un
temple tetrastyle (3), des vestiges de constructions
demi-circulaires, qui paraissent révéler un théâtre (4),
(1) NaU hist. XXXÏV, 17 (48). Voici le passage de Pline, notion
intéressante pour Thistoirei des arts dans la Gaule. Deinde , dit-il ,
après avoir parlé des étamures qui se fabriquaient chez X^sBitu-
riges, argentum incoquere simili modo ecepere, equorum mcucime or^
namentis, jumsniorumque jugis inÂlesia oppido : etc.
(2) Rapport sur les fouilles faites à Alise en 1839 , dans les Jlfê-
moires de la commission des antiquités du département de la Côte-d'Or ,
1839 , pp. 101—127. En 1813 , M. Baudot aine avait inséré dans le
Magasin encyclopédique, n<> de juin, une Notice sur quelques objets
d^ antiquités , trouvés dans l'emplacement d*Âksia Hiandtùnorum.
Les objets les plus curieux décrits dans ce mémoire étaient en fer ;
l'un paraissait avoir été un ustensile de cuisine ; d'autres , au juge-
ment de l'auteur, pouvaiRit avoir servi de ferrure , ou, pour mieux
dire , de chaussure à des mulets.
(3) /6»d. , p. 126.
(4) Ibid, , p. 124.
( 150 )
uti columbarium y dont malheureusement les niches
étarent vides ; et les inscriptions enlevées (1), etc. Le^
mëdâilles romaines^ dont on y a trouvé une quantité
prodigieuse (2)^ formaient une suite sans interruption
notable depuis Tibère jusqu'à Théodose et au delà ;
seulement; leur rareté après les Antonins et la position
de celles de Sévère-Alexandre, découvertes au-dessus
d^une couche de charbon, font supposer un incendie
viers cette époque (3).
Des ornements d'architecture , des frises sculptées ,
des chapiteaux, des bas-reliefs, des statues en mart)re
ou en pierre , des portions de pavés en mosaïque , des
débris nombreux de placages en marbres variés, etc. ,
peuvent donner une idée de la richesse des édifices. On
y a retrouvé encore d'autres objets d'art ou de luxe de
moindre dimensions, des bustes, des statuettes en
^nze, quelques bijoux en or, une coupe aussi en or,
avec un vâse en argent, et de plus un grand nombre
d'ustensiles de tout genre dont un des plus remar-
q^bles était un beau candélabre en bronze , et ce qui
est digne d'une attention spéciale , divers ornements en
fer plaqués en argent, dont quelques-uns avaient du
être destinés pour un char , découverte qui justifiait
complètement le passage de Pline que j'ai cité (4).
. À différentes époques, et sur plusieurs points, les
fouilles ont fait reconnaître des ouvrages d'une autre
nature attestant aussi à leur manière l'importance de ce
•
(1) Op. laud., p. 12«. ^
(2) On trouya en une seule fois ( 1804 ) des médailles en or de Va-
lentînien à Justînien, pour une râleur de 45000 francs ; ibid. p. 114.
(3) Ihid. , p. 107,
(4) /6«, , p. 118.
( 151 )
lieu. Je veux parler de portions bien conservées de voies
romaines qui se croisaient à Alesia. On a pu étudier le
tracé et la direction de ces routes , qui ne sont indiquées
ni sur la Carte de Peutinger, ni dans les autres itiné-
m
raires : elles paraissent avoir été au nombre de quatre.
M. de Chambure en a signalé quelques parties (1) ; plus
de notions sur leur ensemble avaient été recueillies
par d'Anville et Belley, en premier lieu (2) , puis par
Grivaud de la Vincelle (3).
Je ne vois indiqué qu'un petit nombre d'inscriptions,
mais toutes singulières ou intéressantes. Telle est
d'abord celle qui fut trouvée en 1652, et qui fait lire
le nom unique ici de Moritasgus, nouvelle divinité
locale (4) ; en voici le texte d'après M. de Chambure (5) :
TI. (X. PROFESSVS. NIOEB. OMNIBVS
HONORIBVS. APVB. ÀEDVOS. ET
LINGONAS. FVNCTVS. DEO. MORITASGO
PORTICVM. TESTAMENTO. PONI
IVSSIT. SVO. NOMINE. IVLIAE
VIRGVLINAE. VXORIS. ET. FILIARVM. CLAVDIAE
PROFESSAE. ET. IVLïANAE. VIRGVLINAE
«
IVUA. VIRGVLA, FILÏA. HOERENS. POSVIT
(1) Op. laud. , pp. 103 , 104, 113.
(2) Eclaircissements géographiques , pp. 482— 485.
(3) BectteU de monuments antiques, tom. I, pp. 241 — 247.
(4) Reines., Syntag. 189. GLXXVI.. — Spon, J^IisceUan. erud, qntiq,
p. 109.— MoDgault, JUém.c^a VAcad, des Inscript, tom. I^ p. 459, etc.
(5) Op. /atid.,p.lll. Il donne nnehuitième ligne queje ne lis point
ailleurs. Je conclus de fl que le monument existe encore, et qu'il
Ta eu sous les jeux. Je regrette de n'aroir pu consulter la dissertation
spéciale que M. de Chambure a publiée en 1822 , in-8^ , sons ce
titre : Mémoire sur le dim Moritasgus , et Vinscription trouvée en 1652,
dans les ruines é^ Alise,
( iS2 )
En 1784, on découvrit cette inscription votive (1)
[D]EAE. VIÇTORIAE
ARGVTVS
SÀBINII
LVPI.SEPT
V. S. L. M
et en 1 822 , cette autre gravée sur Une pierre qui avait
appartenu à un grand monument (2) :'la formule votive
en est singulière , et je ne connais rien d'analogue : -
MARTI. Et. BELLONAE
SBSTIVS. NIGRINVS
V.S.ViV.E
Enfin les fouilles ont produit en 1839 une inscrip-
tion qui semblait promettre un grand intérêt^ mais
dont des ligatures et des signes insolites rendent l'étude
bien difficile, et que je ne saurais reproduire avec les
seuls caractères de la typographie : on peut voir le des-
sin que M. de Chambure en a donné (3). La plupart
des noms dont elle se compose me paraissent être géo-
graphiques, comme par exemple le mot vcvete, et
vcvETiN., qui doit en être le dérivé ethnique. Un autre
nom qui a ici plus d'intérêt est celui ^Alesia même :
on lit fort distinctement à la dernière des ûH lignes du
monument : m. . . . alisua.
Je ne vois pas qu'on ait trouvé à Alise aucun reste
d'antiquité qui présente un rap]urt certain avec la
(1) Op. ktud. , p. 112.
(2) Ibid. , p. 118.
^ (3) Ibid,, p. 126^ et plan B, n. 6.
• ( 153 .)
source minérale , à moins qu'on ne veuille y rattacher
quelque partie des aqueducs , ou des tuyaux en terre ou
en plomb qu'on y a signalé en assez grand nombre (1);
ce qu'une étude approfondie des localités permettrait
peut-être de faire.
ÂQU^ ALLOBROGVM.
m
Le second mot de ce nom composé n'est mis ici que
subsidiairement; si je puis m'exprimer ainsi, et comme
d'Anville et autres ont employé YépiiheieHelveticœ^ pour
distinguer les Aquœ que nous avons retrouvées à Ba-
den (2) . Le mot Aquœ me paraît fournir l'origine évidente*
du nom moderne d'Aix-les-Bains dans leduchédeSavoie>
et avoir formé au moins une partie de son nom anti-
que (3). Cette dérivation n'est pas moins marquée ici
que dans les noms successifs d'Aix en Provence ; mais là
s'arrête toute conformité entre ces thermes homonymes. .
Nous connaissons l'origine de l'épithète illustre de Sex-
tiœ y et les faits historiques nous rendent compte de la
fondation d'une colonie romaine auprès des eaux des
(1) Op. lauà. , pp. 112 , 120 , 121.
(2) Stfp.,p.40.
(3) Suivant M. C. Despine ( Manuel de ¥ étranger aux eaux étÂix\
p. 41 , Dût. 1 ) , de Pingon aurait publié une inscription qui don-
nerait aux habitants d'Aix le nom d*Âquenses. Si le fait est exact ,
il serait une donnée intCTessante. Il est fâcheux que M. Despine
n'ait pas rapporté l'inscription , ou mieux cité sa source : je l'ai
cherchée vainement dans ce que je possède des ouvrages de cet
écrivain sans critique et sans exactitude. Au reste , on verra quelque
chose d'équivalent dans une inscription que je donnerai bientôt*
( *^* )
Salyes (1). On n'a rien de semblable relativement à
celles des Allobroges : ni le nom du lieu, ni l'existence
de ces sources thermales ne sont mentionnés dans les
documents historiques, ou géographiques, que nous te-
nons des anciens ; et Ton ne saurait à cet égard former
une conjecture ultérieure qui ne fût complètement ar-
bitraire (2).
Mais si les écrivains de l'antiquité ont gardé le silence,
les monuments parlent ; et ces témoins en grand nombre
attestent hautement l'importance dont la petite ville
d'Aix a joui sous les conquérants des Gaules. On a dé-
couvert, en effet, soit aux environs, soit dans la ville
même, des restes fort variés d'antiquités romaines, dont
quelques-uns méritent une attention spéciale. Tels sont
d'abord deux édifices d'un ordre à part, et d'un grand
intérêt. Le premier, fort maltraité par le temps, mais
dont la masse et quelques détails sont encore recon-
naissables, est une construction d'assez bon goût, qui
parait avoir été , non un temple comme on l'appelle
(1) Sup, , p. 86.
(2) On a fait plus cependant à ce sujet , et bien des conjectures
sans fondement ont été débitées» et reçues comme des Caits certains.
Ainsi, pour ne citer que la plus accréditée, l'empereur Gratîen, dont
le nom donné à la yille de Cularo forma celui de Graiianopolis ,
aurait construit les tbermes antiques d'Âix , qui auraient été ap-^
pelés pour cela AqiuB GratUmœ, Suivant Millîn ( Voyage en Savoie ,
etc. tom. I, p. 35 )> cette fable pourrait être l'effet d'une fausse
lecture du nom de clarianys , qui se lit fréquemment sur de grandes
briques à Àix , comme à Lyon , et sur dlNrers points du midi de la
France. Cette explication est assez probable. Aujourd'hui peut-être
un partisan de cette tradition chercherait à l'étajer de ce fragment
d'inscription donné par M. C. Despine ( Op. laud, , p. 24 de l'appen-
dice) : VAL. «r.IIav.
( 155 )
pompeusement ûmÈ h pays (1)^ ïnm une édicule ou
chapelle > eomme m dirait aujourd'hui : les propor^
lions de ce petit édifice ne permettent pas de lui donner
un autre nom. Dans un ouvrage aussi dépourvu d'exac-
titude que dé bcmne érudition , et dont les planches
foftt à peu près tout le mérite, Albanis de Beaumont à
donné le deissiti de cet édifice et de la tour, appartenant
au château des Marquis d'Aix, dont il formait le sou-
bassement (2).
L'autre édifice plus apparent et plus connu est celui
qu'on appelle Arc de Campanus du lïom de celui qui
le fit élever et que rappelle cette inscription gravée sous
l'ar^trâve :
L. POMPEIVS. CAMPANVS. VIWS. FECIT.
Ce monument^ bien mieux conservé que l'édicule, est
aussi représenté sur u«e planche d'Aibanis de Beau-
mont (5) , et Millin l'a illustré dans une dissertation
spéciale (4). On a fort diss^té sur sa desiina«km, sur
laquelle, -eependtot, je »6 vois pas qu'il puisse y avoir
de doute fmdé : quelque étrange ^e cela puisse pa-
raître à raison de te ferme 4e l'édîficè, il dût être un
monument funéraire. Cela est assez démontré par ces
mots de l'inscription que je viens de citer ,.viws fecit,
de même que par les petites niches de la frise, qui rap-
(1) On i*appeUe Tempfe ite Biane : fl it'ést ^às besoin de^lnre^ue
cette attribution est toat-à4ait basardée.
(2) Description des Alpe^grecques et cottiennes, atlas, -pi. VIC.
(3) J6td. , pi. VI.
(4) Observations sur le monument sépnkkrai'êefompeiiss Campanus,
à Aix en Savoie, dans le Magasin enJDyeh>pédiqi»e , tnaf 1814 : Il y a
un tiré à part.
( 136)
pellent celles des Columbaria^ et par ce qu'on peut lire
des autres inscriptions gravées au-dessous^ et dans l'at-
tique (1).
Je ne m'étendrai pas sur les poteries ^ les fragments
d'architecture, les médailles , etc., qu'on a trouvés en
grand nombre à Aix. Je ne ferai qu'indiquer quelques
ouvrages d'art, des mosaïques, des fragments de bas-
reliefs et de statues , un gnomon ou cadran solaire fort
curieux. Je m'arrêterai davantage aux inscriptions, dont
je ne rapporterai toutefois que quelques-unes des plus
intéressantes. Je commence par celle qu'on voit près
des bains romains , et qui est importante, "parce qu'elle
doniie l'adjectif ethnique dans lequel se révèle l'ancien
nom du lieu (2) :
D. M
D. T. DOMITIANT. POSSESSOR. AQVENSIS
ET. TITIVS, DOMITIVS. PÀTRI
Cette autre se voit au bain royal (3). Elle est votive,
et le premier mot de la dernière ligne exprime sans
doute le nom de la divinité. Je crains que les noms
n'aient pas été transcrits avec exactitude (4) :
GVLILIVS
CVRÏCVS
BOMV. V. S. L. M
(1) M. C. Despine les a données ( Op. laud. , pp. 35 et 36 ) , appa-
remment d'après des notes anciennes , car elles sont peu lisibles
aojoard'hai. ^
(2) Despine, Ibid,, append., p. 24.
(3) C. Despine > Jbid., p. 1.
(4) AJbanis de Beaumoot (pi. XIX, 9 ) lit : qvrmiv8||cviicvs||
BONUH. M. A mon grand regret , je n'ai pu yériûer par moi-même.
(157)
Une autre, votive également, qui était à l'entrée du
château, a été transportée en Piémont depuis peu d'an-
nées. Fort curieuse, comme témoignage d'un culte qui
nous est peu connu , elle avait été donnée par Spon (1),
qui l'avait copiée lui - même ; et sa copie est plus
exacte , pour la disposition des lignes , que celle de
M. Despine (2) :
COMEDOVIS
AVGVSHS
M. HELVIVS. SEVERI
FIL. IVVENTIVS
EX. VOTO
Enfin je rapporte cette inscription funéraire, quoiqu'elle
ne provienne pas de la ville d'Aix, mais de ses environs :
elle me parait intéressante à cause de l'éloge exprimé
par la dernière ligne (3) :
T.ÀTnivs
PRISCIANVS
RVFINVS
MÀTRI
PIISSIMAE. ET
VNICI. EXEMPLT
Les restes des thermes antiques sont ici l'objet le plus
important par rapport au but de mon travail. Ils sont
en fort grand nombre dans la ville, et sont dispersés sur
(1) Miscellan. erud. antiquité , p. 97. — Qn peut croire qu'il s'agît
ici d'une sorte de génié^» d'une nature seçiblable à celle des SiUe-
vice , des Campesires , etc.
(2) Op, ktiid. , p. 25. Àlbanis de Beaumont, qui a mal lu (pi. yi ,
27 ) , a disposé les lignes comme Spon. •
(3)J6»d.,pl. V,f^.
( iS8 )
plusieurs points, ce qui tendrait à prouver^ ou Ym-
mense étendue de ces ouvrages , ou la muhiplioité d^
bains, soit publics, soit privés* Mais um descripiiw
complète de ce qu'on en connaît dépasserait de \^m^
coup les bornes que je dois me prescrire , et des plsm$
seraient nécessaires pour la rondre parfaitem^t mV^h
ligible (1). Je m'en tiendrai aux indications qui mep^
raissent les plus essentielles.
Il faut mentionner d'abord le bain auquel on donne
vulgairement le nom de César , et qui est assurément
le plus remarquable. De forme octc^one, il parait avoir
servi de piscine ; et son pourtour est garni de gradins
revêtus en marbre blanc, qui servaient de sièges au^ie
baigneurs. Une sorte de piédestal orné d'un pareil re-
vêtement, et placé contre la paroi orientale, peut avoir
supporté une statue, ou quelque vase richemejit sculpté.
Le sol s'incline sensiblement dans cette direction, et
une ouverture pratiquée au bas du piédestal doit avoir
servi pour l'écoulement des eaux. Toute cette salle est
soutenue par de nombreux piliers, autour desquels rè-
gne un corridor, dont le plafond donne passage à des
conduits en terre cuite de forme rectangulaire, destinés
à introduire la chaleur, ou la vapeur, dans la partie
supérieure (2). Plusieurs autres bains, moins bien con-
servés ou moins considérables , ont été reconnus dans
les environs du premier > sous la maison Périer , et
ailleurs (3).
(1) Albanis de Beaumont ( pi. XVII) a donné un plan général ; un
autre plus réduit est grayé dans l'ouycage de M* C. Despine , pi. IX.
(2) C. Despine, Op. laud, , pp. 30 et 31 , pi. IX , 63.
•(3) Jbid. , pi. IX , 64 , 65.
< 159 )
Je dois indiquer encore les bains de vapeur dont
Albanis de Beaumont a donné le dessin (1) : ils sont
fort remarquables par leur solidité^ comme par Tintel*
ligence qui a présidé à leur construction ^ et assez bien
conservés pour qu'on puisse se former une juste idée de
ce qu'ils furent autrefois. On trouve chez le même au-
teur le plan d'une grande piscine romaine , et d'une
portion du canal qui devait y conduire les eaux (2) :
J'ignore si tout cela subsiste encore aujourd'hui ; mais
le travail des Romains se reconnaît dans d'autres con-
duits souterrains qui ont servie ou servent aictuellement,
au même usage. Des tuyaux de plomb^ ayant eu évidem-
ment une destination semblable , ont été retrouvés éga-
lement sur divers points : l'un deux, signalé par M. le
docteur Despine, faisait lire le nom du fabricant,
NioNis (3). En général, la magnificence romaine s'était
déployée dans toutes ces parties des thermes antiques,
comme l'annoncent le nombre et la variété des frag-
ments de marbres qu'on y retrouve partout. C'est une
nouvelle preuve de l'importance que les Romains atta-
chaient aux eaux thermales , même dans des lieux obs-
curs dont l'antiquité ne nous a pas conservé le nom.
AQUAH GRANNI.
Aix-la-Chapelle ne joue un certain rôle dans l'histoire
qu'à répoque des emj^reurs français , et sa splendeur
(1) Op. ktud., pK XIX.
(2) Op. laud. , pi. XVIll.
(3) Op. laud,, append.^ p. 25.
( 160 )
commence au règne de Charlemagne , qui lui accorda de
grandes faveurs , et Torna d'édifices magnifiques sur
lesquels les historiens se sont étendus avec admiration.
Mais ce n'est pas à lui que cette ville dut son existence.
Un chroniqueur cité par Valois (1) en fait mention au
temps du roi Pépin , et je ne doute pas que son origine ne
soit beaucoup plus ancienne ^ et qu'elle n'ait été un lieu
habité à l'époque romaine.
Son nom , en effet , qui doit avoir subi une légère
altération quand il devint Aquisgramm, me parait
évidemment romain ; et quoique j'aime peu les étymo-
logies, telles que de prétendus savants les imaginent et
les exploitent , je suis fort porté à croire avec Valois (2) ,
avecEckhart (3), avec Bimard de la Bâtie(4), que ce nom
dérive , non point de celui de ce fabuleux Granus^ qu'un
poète légendaire du moyen âge donne pour frère à Néron,
mais du surnom de Grannm donné au dieu Apollon par
quelques inscriptions de . la Germanie , de la Gaule
Belgique, etc. (5). Je ne rapporterai que la suivante qui
a été trouvée en Alsace (6) :
APOLLINI
GRÀN
NO. MOGOVNO. ARÂM
Q. LÏCINIVS. TRIO. D. S. H.
(1) Notit. Galliar, , p. 28« a.
(2) Op, laud., p. 27, b.
(3) Je regrette de ne poayoîr citer arec connaissance de cause la
dissertation in-4^ de cet auteur : eUe ^"t intitulée : Dissettatio de
Apolline Granno Mogouno. Viceburgi. , s. ^.
(4) In Murât. , Prolegom. , col. 59.
(5) Orelli, Inscript, lat. sel. , tom. I , p. 353 ; nn. 1997—2001.
(6) Ibid. , n. 200.
( 161 )
Bimard cite le savant allemand^ qui yoitici Apollon
vénéré comme divinité protectrice des eaux thermales de
ce lieu, et de celles de Moffuntiacum, Mayence : pour lui
tout en doutant , avec raison, de cette manière d'inter-
préter le dernier nom , dans* lequel il préfère voir celui
d'un nouveau dieu , il adopte pleinement celle du mot
GRANNo par rapporx aux eaux d'Aix-la-Chapelle (1). Nous
voyons que celles-ci , qui sont encore fréquentées de nos
jours, étaient connues du temps de Charlemagne, que ce
prince en faisait ses délices , et qu'elles furent la cause
déterminante de tout ce qu'il exécuta en faveur de ce
lieu (2). Il est peu vraisemblable qu'elles aient été incon-
nues aux conquérants de la Gaule Belgique. Des monu-
ments romains reconnys à Aix-la-Chapelle donneraient à
cette conjecture un caractère de certitude. Je crois qu'on
y en a découvert, notamment des inscriptions, si ma
mémoire ne me trompe pas ; mais , privé des rensei-
gnements que j'espérais obtenir sur les lieux mêmes, je
ne puis rien dire de plus positif et de plus précis.
ARELATE.
Connaissait-on sous la domination romaine la fon-
taine minérale peu célèbre qui coule aux portes d'Arles,
(1) Loc. laud.
(2) Delectabatur etiam, Ait Eginhard, vaporibusciqtiarumnatura-
liter calentium , frequenti nataiu corpus exercens , cuju% adeo peritus
fuit , ut nuUus ei juste potuerit prœferri : ob hoc etiam Aquisgrani
regiam extruxit , ibique extremis vitœ anr^istuquecut obitum continua
habitavit : etc.
n
( 162 )
à l'entrée de la plaine de la Crau (1)? L'opinion affir-
mative peut paraître probable, quand on a obserfé le
goût marqué des conquérants , non pas seulement pour
les sources thermales , mais aussi pour les eaux miné-
rales froides , qu'ils prenaient comme nous en boisson ,
et qu'ils savaient utiliser encore d'une autre manière en
les chauffant pour les bains. On peut croire en général ,
ce me semble, que fort peu d'eaux minérales de notre
Gaule leur demeurèrent inconnues , et il y a plus d'un
motif pour penser que celles SArelate ne furent pas de
ce nombre.
Je ne prendrai pas occasion de cette source pour
retracer un tableau de l'histoire et des antiquités de cette
ville : le sujet serait trop vaste pour les bornes étroites
dans lesquelles je dois ici me restreindre. Mais tout ce
que nous lisons chez les anciens sur cette illustre colo-
nie (2), qui fut le siège du Prétoire des Gaules-, et joua
surtout un si grand rôle dans les derniers siècles de
l'empire en Occident, tout ce qu'Arles possède aujour-
d'hui de monuments antiques , ses vastes arènes si bien
conservées , les ruines si riches encore de son magnifi-
que théâtre , ce qu'on a retrouvé de son hippodrome ,
(1) Millln, Voyage dans le midi de là France, tom. III , p. 641.
(2) Cette colonie était surnommée lYLia paterna. Sur un cippe
donné par Millin fibid,, 494) , on lit : col. itl. pat, ar. ; une ins-
cription publiée d'abord par Caylus (Recueil d^antiq, , tom. VIT ,
p. 263 ) et reproduite par M. de Lagoy fDescripL de q. med. inédites
deMàssilia, etc., p. 19 )> le seul monument épigraphique qui
donne le nom de Tantique Glanum , faiftire : c. i. patbr. arbl. ;
enfin une troisième inscription que Spon donna le premier (MisceL
erttd. antiq,, p. 16tf ), contient le dernier surnom en toutes lettres :
COL. lYLw PATERNA. ARELATB.
' ( *63 )
de son palais impérial^ de son forum, de ses thermes^
son cimetière des Champs-Elysées si fertile en tombeaux
de tous les âges , les débris de constructions dont son sol
est semé sur tous les points^ les nombreuses inscrip-
tions , les ouvrages de Fart antique qu'on y a recueillis ,
tout cela prouve assez que cette riche et puissante ville
était en quelque sorte une seconde Ronie , GalMa Roma
Arelas y comme Fappelle Aumône (1); tout cela rend
probable que ses citoyens, habitués au genre de vie des
maîtres du monde, ne durent pas négliger chez eux un
bienfait de la nature que ceux-ci exploitaient partout
ailleurs avec tant de soins.
Il est à regretter qu'aucune découverte archéologique
quelque peu imjportante, auprès de la fontaine de la
Grau, ne vienne donner plus de consistance à ces pré-
somptions. Après tant de conjectures seniblables que j'ai
proposées, c'est à peine ^i j'ose émettre le soupçon qu'on
a retrouvé peut-être le nom de cette fontaine divinisée
dans celui d'une divinité locale gailabvs, mentionné
ainsi sur un monument votif conservé à Arles (2) , et
qui est curieux à tous égards :
EX. IMPERIO
T. ATTIVS. QVARTVS
CAILARO. V. S. L. M
(1) Clar. trrô., Vni , V. 2.
(2) MiUîn , Op, laud., tom. III, p. 2(6$.
( 164 )
AMGENTORÀTVM.
Cette ville est mentionnée par Ptolemée (1); et plus
tard, à l'occasion d'une victoire de Julien l'apostat sur
les. Allemanni, elle est nommée par ce prince lui-
même (2), et par AmmienMarcellin (3). Elle figure aussi
dans l'Itinéraire d'Ântonin (4) , et sur la Carte de Peu-
tinger (5), comme centre de plusieurs voies. Quoiqu'elle
né paraisse pas avoir été la capitale des Tribocci (6) ,
eHe fut considérable, surtout dans les derniers temps de
l'Empire , époque où les Notices y placent une manu-
facture d'armes , fabrica armorum omnium , et lui
donnent un comte qu'on appelait Cornes Argentora-
iensis. On peut juger encore de son importance par les
traces d'antiquités qu'on a reconnues à Strasbourg, dont
l'identité avec Argentoratum n'a pas besoin d'être dis-
cutée après un témoignage aussi positif que celui de
Saint Grégoire de Tours, qui lui donne eii même temps
les deux Qoms : ad Argentoratensem urbem, quam nunc
Strateburgum vocant (7).
(1) Geogr., Il, 8 (9). ,
(2) Ad, 5. P. Q, Athen.; éd. Spanheim, p. 279.
(3) Rer. gesL, XV, 11; XVI, 12.
(4) VeL Roman, itiner,; éd. Wesselîng., pp. 3S0, 354, 372, 374.
(5) Segm. ir, c.
(6) n semble qu'on pourrait le conclure avec d'ÀuTÎHe [fwt,
p. 96) de ce qu'elle ne prit pas, par la »uite, le nom du peuple, comme
les autres capitales. ^
(7) HisL Franc, , X , 19. Ce nouveau nom , radicalement latin
avec une terminaison barbare , venait évidemment de Strata , et
rappelait une des grandes voies de Tempire. Il y avait peu de là
à celui de Strazburg , qu'on trouve déjà au IX™® siècle.
( 165 )
J'ai peu de données nouvelles sur les antiquités de
Strasbourg. On peut citer comme importantes une figure
militaire en bas-relief avec le nom de le[p]ontivs, sui-
vant Oberlin qui l'a donnée après Schoepflin (1), et
une statue d'Hercule mentionnée parM. Schweighseuser,
et qu'on voit encore à l'extérieur de la cathédrale près
de la tour (2). Un bronze remarquable à plus d'un égard
est. sans doute la grande patère que Grivaud de la Vin-
celle a publiée, sur laquelle est représenté Hercule com-
battant le lion de Némée (3). En fait d'inscriptions je
n'ai à citer que la suivante accompagnée d'ornements
d'assez bon goût, et donnée encore par Oberlin (4).v
T. FLAVIVS. T. F
OFFENTINA
PEREGRINVS
HEDIOLAI^I
MIL. LEG. Vni ,
AVG.CENTVKU
M. I. GELERINI
VIX. AN. XXV
STIPENDIO. ira
F.H,F.C.
Un monument curieux pour sa singularité, était un
tombeau que Schoepflin a illustré (5) : il se composait
de huit belles briques à rebords, formant une sorte de
toit incliné des deux côtés , sous lequel était abritée
(1) Mtis, Schoepflin, ^,2i.
(2) Ménwire sur les arMquités ro^naines de la vUlede Strasbourg ,
p. 32.
(3) Recueils de monuments antiques, pi. VIU , 4, tom. II, p. 72i
(4) Mus. Schoepflin, , tab. II , 2 , p. 31.
{H) Mém, de l'Àcad. des inscriptions, tom. X, p. 457—464.
( 166 )
l'tirne funéraire^ accompagnée de lampes et d'autres
vases de verre ou d'argile. Ces briques étaient l'ouvrage
de la vm'' légion^ que nous savons d'ailleurs avoir été
oantonnée près d'Argenloratum (l) ; car on y lisait,
comme sur d'autres; retrouvées aussi dans le pays : LECé
VIII. AVG.
Mais ce qu'on a retrouvé le plus fréquemm,ent à
Strasbourg ce sont des ruines considérables de cons*
tractions romaines, dans lesquelles se trouvaient mêlés
dés débris d'architecture indiquant quelque luxe, des
briques portant des noms de légions, des médailles en
grande quantité, et de tous les âges de l'Empire, des
débris d'inscriptions ayant servi de matériaux à bâtir,
des tombeaux, des urnes. On a découvert plusieurs
cimetières, des murs d'enceinte, des ouvrages de forti-
fication , et ce qu'on a jugé être des vestiges de l'anti-
que fabrique d'armes. D'après un calcul donné par
M. Schweighseuser, à qui j'emprante ces détails, le ré-
sultat de leur ensemble serait, que Vwncien Argentora-
/t/m pourrait avoir eu de superficie environ 240,000
mètres carrés (2).
Je ne vois mentionnée à Strasbourg aucune décou-
verte d'antiquités qui , paraissant se rattacher aux eaux
minérales que l'on connaît dans cette ville , tende par
là à prouver qu'elles furent aussi connues et employéeé
au temps de la domination romaine. Une grande con-
naissance de la localité et le souvenir, s'il s'est conservé
en détail, des divers points qul^ ont été fouillés avec
succès, pourraient conduire à ce résultat. On conçoit
(1) Plolem., Geogr., II, 8 (9).
(2) Op. laud.,^. i2.
( 167 )
que je dois être privé de ces moyens d'étude, et néan->
moins le fait dont ils pourraient fournir la preuve me
parait fort vraisemblable.
AVARICUM^
Cette ville , la principale des Bituriges, dont elle finit
par prendre le nom , joue un rôle dans Thistoire dès le
temps de César, qui la nomme plusieurs fois (1), et en
parle comme d'une place très-forte (2). Elle avait alors
ses médailles en bronze avec la légende avarico (3). Plus
tard Piolemée est le seul écrivain connu qui en ait fait
mention (4). Mais elle est nommée aussi dans l'Itinéraire
d'Antonin (5), ainsi que sur la Carte dePeutinger (6) ;
et l'on peut observer qu'elle s'y trouve placée sur un
grand nombre dévoies militaires, plus ou moins im-
portantes.
Mes notions sur les antiquités de Bourges , qui est
bien incontestablement VAvaricum Gaulois et romain ,
sont trop bornées pour que je puisse citer quelque dé-
couverte en rapport avec l'exploitation , dès l'âge romain,
des eaux minérales peu renommées que je vois indiquées
à Bourges (7). Le fait du moins me parait des plus
vraisemblable, ici comme en bien d'autres lieux, par cela
(1) De bel, GalL^Yll, 29—32, 47.
(2) Ibid. , 13.
(3) Mionnet, Desciipt^de médailles, etc., tom. I, p. 63.
(4) Geo^rr., 11,6(7).
(t5) VeU Roman, itinerar, , p. 460.
(6) Segm.I,b.
(7) Pâtissier , Manwl des eaux minérales, p. HM,
( *68 )
seul que je vois une ville romaine considérable , où les
jouissances de la vie étaient devenues partie nécessaire
des mœurs de ses habitants. Cest moins ^ peut-être,
pour appuyer cette vraisemblance que pour ôter quel-
que chose de sa sécheresse à une observation déjà ré-
pétée, et devenant une sorte de lieu commun, que je
rappellerai ici un petit nombre de monuments romains
découverts à Bourges.
Reinesius a donné cette inscription votive, gravée sur
le piédestal d'une statue, et que rendent intéressante un
nom ethnique , et le nom d'une divinité qu'on ne trouve
pas ailleurs (1) :
FLAVIA. CVBA. FIRMANI. FILIA
COSOSO. DEC. MARTI. SVO. HOC
SIGNUM. WCAVIT. AVGVSTO (2)
C'est, je crois, au P. Chamillart qu'on doit la première
publication d'un monument funéraire fort remarquable
par sa décoration , formant une niche cintrée soutenue
par deux pilastres que surmonte un fronton , dans la-
quelle était debout une statue de femme drapée, versant
l'encens sur un autel allumé, et tenant de la main gauche
un vase, ou Yacerra. Aux deux côtés de la niche étaient
représentés quelques objets d'usage domestique , autant
qu'on peut en juger d'après la gravure ; au dessus on
lisait cette inscription (3) :
(1) Syntag. inscript., 121, LXXXIV.
(2) CososYS était apparemment un nom local donné à Mars. Celui
de CYBA rappelle que deux peuples de la Gaule portaient le nom de
Biturige^, et qu'on les distinguait comme Bituriges Cubi, ou ft-
iurigès Vihisd : ces derniers avaient pour capitale Burdigala,.
Bordeaux.
(3) Dissertation sur plusieurs médaUîes, etc., p. 77 «
( i69 ) .
I
D. M.
ET. MEMORUE. IVLUE. PAVLLINAE
TENAT. MARTIN VS. CONIVGI. AN. L
Une troisième inscription, qui fut découverte dans
la même ville en 1687, mérite aussi d'être citée; car
elle est curieuse en ce qu'elle donne le nom d'une nou-
velle divinité locale, soumara. Elle serait plus intéres-
sante encore si quelqu'autre donnée venait appuyer
cette conjecture , assez probable, que la divinité qu'elle
nous révèle pourrait être une de celles qui présidaient
aux sources minérales. Elle est ainsi ct)nçue (1) :
SOLIMARAE
SACRVM
AEDEM. CVM. 8VIS
ORNAMENTIS
FIRMANA- C. ORRICI. F
MATER
D. S. D.
Si j'indique encore un petit sanglier en bronzé dessiné
et décrit par Caylus (2), ce n'est pas pour l'importance
de cet objet fort ordinaire, mais parce qu'il rappelle un
type des médailles A'Avaricum. On. peut citer coSmme
remarquable un monument d'un âge postérieur, que
l'on conservait avant la première révolution dans le"^
riche trésor de l'église métropolitaine de Bourges. Je
veux parler du beau diptyque consulaire en ivoire, qui
avait été sans doute par la suite un diptyque ecclésias-
(1) Rimard, In Murat^ Prolegiym.y col. 64; — Orelli, Jnseript.
lat, seL, tom. 1, p. 358, n. 2050.
(2) Recueil ctantiquités , lom. I , pi. XCIII , 2, p. 237.
( 170 )
tique 9 et qu'on regardait comme la pièce la plus in-
téressante de ce trésor (1).
AVGVSTÀ.
Le bourg d'Âouste^ dans le département de la Drôme,
a des eaux minérales (2) ; et l'on peut présumer qu'elles
étaient connues à l'époque romaine. Ce lieu parait en
effet avoir été assez considérable alors , et on le trouve
mentionné comme station dans les itinéraires romains ,
qui le mettent entre Valentia, Valence, et Dea Vocon-
Horum, Die. L'Itinéraire d'Antonin lui donne le nom
d'Augusta (3) , de même que celui de Bordeaux à Jéru-
salem (4) : mais il est appelé Augustum sur la Carte de
Peutinger (5) , et l'anonyme de Ravenne en a fait An-
gmton (6).
Âouste avait conservé quelques restes d'antiqujtés
romaines , mais dont la plupart ont été enlevés à leur
patrie, ainsi qu'il arrive trop souvent. Le seul, je
crois , qui soit resté sur les lieux est une inscription
sépulchrale , que je transcris ici , comme sorf titre
principal (7) :
(1) Voyage littér, de deux religieux bénédictins , tom. I , p. 24.
(2) Pâtissier, Manuel des eaux minérales, p. 555. La Statistique
delaJDrôme n'en parle pas> mais Fauteur avait dit (p. 240) qu'il ne
mentionnait que les eaux qui ont le plus de réputation.
{3) Vet. Bomfm, itinerar, , ed, W^esselnîg , p. 358.
(4)/6id.,p. 354.
(5) Segm. U , d.
(6) De Gco^fr. , IV ; 26 , 27.
(7) Statistique de fa Drôme, p. 426.
(171 )
D. Mf.
ET. QVIETI. AETER
SEGYDIAE. MAXI
MILLAE. FRONTIA
MARGUNA. FIL
ET. CL. PRIMA
NYS. GÊNER
PONENDVM
CVRAVERVNT
ET. SYR. ASGIA
DEDICAVERVNT
ÀUGVSTODUnUS.
Ce lieu marqué sur la Carte de Peutinger (1) est re-
gardé par M. Walckenaer comme ayant occupé l'em-
placement de Bayeux (2) , dont le nom moderne vient
assez évidemment de celui du peuple de ces contrées
mentionné par Pline, Baiocasses, Badiocasses, etc. (5),
nom qui devint plus tard celui de la ville même. J'i-
gnore si Bayeux a conservé des monuments de l'âge
romain, ou si l'on y a découvert des restes de construc-
tions appartenant à cette époque. Je n'ai remarqué dans
les recueils d'inscriptions ou d'antiquité aucun objet
saillant qui provint de ce lieu ; et je ne saurais indi-
(1) Segm. I, b. '
(2) Géographie des Gaules , tom. I , pp. 385 , 395 ; tom. III, p. 61 .
(3) Nat hisL, IV, 18 (32) : les maouscrits offireitt de nombreuses
Tariantes.
( 172 )
quer qu'une figurine en albâtre , avec un vase de même
matière, publiés par Gaylus (1), et une découverte de
sépultures faite dans les environs , laquelle mit au jour
divers ornements antiques à l'usage des défunts : celle-
ci est mentionnée par dom Martin (2).
Si l'on admet la détermination géographique adoptée
par M. Walckenaer , qui parait la mieux fondée (3) ,
ces indications archéologiques, quelque bornées qu'elles
soient, peuvent suffire pour faire conjecturer que l'on
connut à l'époque romaine les eaux minérales qui exis-
tent aujourd'hui à Bayeux (4).
AVGVSTOMAGVS.
Suivant d'Ânville, ce serait à Senlis, capitale du pays
des Sylvanectes, dont elle avait pris le nom, qu'il fau-
drait placer la station d'Augustomagus (5), mentionnée
,par l'Itinéraire d'Ântonin (6). M- Walckenaer est peut-
être mieux fondé à la reconnaître chez les Bellovaci ,
et dans le village moderne de Verberie , près de Com-
(1) ttecueil â^ antiquités , tom. III, pi. CV, pp. 382-386.
(2) Religion des Gaulois , tom. II « p. 343.
(3) C'est aussi ropînion de M. Aug. Leprevost^ qui a étudié spé-
cialement la géographie et les antiquités de cette prorince. Je la
troQTe exprimée brièvement dans les Mémoires de la société des ar^
tiqtuiiresde Normandie , 11™^ série « tom. I , p. !• D'Ânville , qui est
fort obscnt sur ce nom (Not., p. 123) , fartant, ce me semble , de
fausses données , met Bayeux à Àrœgenus ( p. 82 ).
(4) Pâtissier, Manuel des eaux minérales, p. tfM.
(5) Notice de la Gaule, p. 124.
(6) Vet. Roman, itinerar,, éd. Wesseling., p. 380.
' ( 175 )
piègne^ dans le département de TOise (1) ^où il y a
des eaux minérales ^ assez célèbres à Paris, dit- on,
avant la découverte des eaux de Passy (2). En admet-
tant cette dernière opinion , je puis ici donner place à
ce lieu , me fondant uniquement sur ce qu'il était une
station romaine ; car j'ignoise complètement si l'on y
conserve, pu si l'on y a découvert quelques restes
d'antiquités.
, ÀUGUSTONEMETUM.
Cette ville , capitale des Arverni , tient un rang impor-
tant dans la géogi*aphie de la Gaule sous la domination
romaine ; et il serait bien inutile , je pense , d'entrer dans
les détails qui peuvent constater sa position , c'est-à-dire
son identité avec Clermont-Ferrand , laquelle est recon-
nue sans conteste (3). Je ne vois rien de positif sur l'ori-
gine du nom qu'elle porta long-temps à cette époque ;
mais il est évident qu'il lui venait d'Auguste , comme
ceux de bien d'autres lieux dans les Gaules.
Clermont a conservé quelques restes matériels de sa
splendeur ancienne. Des ruines de constructions romai-
nes considérables ont été retrouvées sur divers points de
la ville, et dans ses alentours les plus rapprochés : il en
est qu'on a jugé avoir pu appartenir à des temples. On y
a découvert également plusieurs mosaïques d'une bonne
(1) Géographie des GatdSf, tom. III , pp. 55 et 56.
(2) Pâtissier , Op, laud,, p. 372.
(3) D'Ànyille, Notice de la Gaule, p. 125. ^ Walckenaer , Géo^
graphie des Gaules , toin. I , p. 53.
( 174 )
exécatioQ , ei d'autres ouvrages d'an moins importants ;
peut-être exlmmera-^t-on quelque jour la fameuse statue
colossale de Mercure, exécutée en bronze, à ce qu'il
paratt, par Zénodore, statuaire qui florissait sous le
règne de Néron , et que Pline a mentionné (1). Enfin des
fouilles entreprises au point culminant de la ville ont
rendu au jour d'énormes blocs de granit, dont plusieurs
portaient des inscriptions. Pour ne pas pousser trop
loin ces détails, dont je suis redevable à l'obligeance de
M. Gonod , je ne rapporterai que celle qui est la plus
entière, et aussi remarquable par la beauté de ses ca-
ractères que par leurs dimensions. Elle présente d'au-
tant plus d'intérêt que l'emplacement où ces fouilles
furent exécutées était présumé, avec quelque apparence,
être celui du temple célèbre appelé Vasso par saint Gré-
goire de Tours (2) , et que le nom du Mars gaulois ,
(1) NaU hist, , XXXIV, 7 (18). Celte donnée , intéressante pour
l'histoire de Fart antique dans notre Gaule, m'autorise à citer au
moins une partie du texte de Pline. Verum , dit-il , omnem amplttu-
dinem stattiarùm eji*s gmeris vicit œtate nostra Zenodonts , MereUrio
facto in dvitate Galliœ Arvemis per annos decem, H-S.CGCC mani-
pretio, etc. Ce dieu paraîtrait avoir été vénéré aussi ailleurs , à en
juger d'après cette inscription, trouvée, ditGruter (LUI,, 11), in
ditione Juliaeenai : mekcvbio. ABVBaNo|I vicim. v. v...
(2) HisL Franc. , 1 , 30. Voici le paSsage curieux qui fait mention
de cet édifice , à l'occasion des ravages exercés dans les Gaules par
Chrocus, roi ou chef des Àlamanni , au III»»® siècle. VeniensveroAr-
vertiôs^ ddubrum illudqttod Gallica lingua Vasso Galatœ vocant in-
cendit , diruii , atqw subvertit. Miro enim opère factùm fuit atque fir-
matum, eujus paries duplex erat.Ab intus enim de minute lapide ;
a foris vero quadris scalptis fabriçatum^it. Habuit enim paries ille
crassitudinem pedes triginta, Jntrinsecus vero marmore ac musivo
variatum$rat. Pavimentum quoquê œdis marmore stratum , desuper
vero plumho tectum.
( *78 ).
Camulusy qu'elle fait lire, pourrait appuyer ia œnjee-
lure de ceux qui ont regardé Vasso comme un autre
nom du même dieu (1). L'inscription , telle qu'cm Ta re-
trouvée j ne se compose que de ces deux lignes , de ces
deux mots :
CAMVLO • •
VIROMANDVO
Glermont possède plusieurs sources minérales, no-
tamment celle de Sâint-Allyre , que des travaux faits en
1789, pour une route nouvelle, ont rejeté plus au nord
delà porte Saint-Pierre, près de laquelle elle coulait
auparavant. Nous n'avops pas la preuve que les eaux
A' AugustonemetumdXeîni été employées par les Romains,
dont tous les écrivains se taisent à ce sujet. Mais on
peut présumer fort naturellement qu'elles ne leurs furent
pas inconnues ; et cette conjecture est peut-être devenue
plus probable depuis une découverte faite il y a vingt
ans, celle de bains de construction évidemment ro-
maine, retrouvés à peu de distance du lieu où coulait
alors la fontaine de Saint-Allyre.
AVTRICVM.
On a vu déjà dans cette seconde partie plusieurs noms
de lieux figurer seulement par suite d'assez vagues con-
jectures, et en quel^lie sorte comme pour mémoire.
Celui-ci se trouve encore dans les mêmes conditions.
. ' ■ ■. . . , ^
(1 ) D. Martin , Religion des GaïUois , tom. I , p. 502.
N
.(176 )
Nous le voyons mentionné par Ptolemée , comme l'une
des deux villes principales desCamutes (1) , desquels
plus tard elle emprunta un nouveau nom. Il y a grande
apparence encore, ainsi que le pense M. Walckenaer (2),
qu'il faut lire sur la Carte de Peutinger le nom A'Autri-
eum y au lieu de celui de Mitricum , inscrit par erreur
comme station , ou pour mieux dire point de départ ,
d'une voie qui passait immédiatement à Durocasses,
Dreux (3) . Il est certain aussi , de l'aveu des plus savants
géographes, que Chartres est l'ancien Carnutum, le plus
ancien Autricum (4). Des eaux minérales sont connues
encore dans cette ville, quoiqu'elles aient ailleurs fort
peu de célébrité (5). A cela se borne tout ce que je puis
dire de Chartres, l'une des villes de France qui ont con-
servé le moins de monuments antiques , parmi celles qui
jouissaient d'une certaine importance dans l'âge romain .
BELICENSIS VICVS.
Ce nom, qu'on ne trouve chez aucun des auteurs
anciens, parait avoir été le nom antique de Belley (6) ,
(1) Geogr., Il, T [s).
(2) Géographie des Gaules, tom.I, p. 400.
(3) Segm. I, b.
(4) J)'ÀiiTÎlle, Notice de la Gaule, p. 132. — Walckenaer , Op.
laud., tom. I, pp. 57, 58, 398—400 ; tom. III, p. 60, etc.
(5) Pâtissier, manuel des eaux minérq^esy p. 400.
(6) Mon exemplaire du Muséum Veronense est celui de d'Ansse
de ViUo^n , qui Ta enrichi de notes autographes. Dans Tune d'elles,
à l'occasion de i'arc de Suze , il cite un manuscrit du président
Bouhier , où le Myant dijonnaîs reconnaît les peuples de Belley sous
(177) -
ancienne ville épiscopale (1), et aujourd'hui chef4ieu
d'arrondissement <ians le département de l'Ain. On le
voit indiqué dans une inscription connue depuis long-
temps (i), et qui existe encore sur les lieux. Elle n'en
donne, il est vrai, que les initiales ; mais les noms de
Belica, de Civitas Belicensium, d'Ecclesia Belicenr
sis, que l'on trouve constamment au moyen-àge (S),
peuvent faire adopter avec quelque confiance l'interpré-
tation de M. Orelli , qui supplée ainsi la fin de cette
inscription : TEStamentoi:RGavitYicanisBELicensibus{if).
Voici le texte entier de la consécration gravée sur un
autel votif ; ayant pu la copier moi-même , je la donne
plus exactement que ceux qui m'ont précédé :
MÀTRI. BEVM
ET.ATTINI
CVPIDINES
II. APRONIVS
GEMELLINVS
TES. LEG
Vie. BEL
HER. PON. C
le nom des bblaci mentionnés, arec d'autres cités, dans Tinscription
de ce monument célèbre. M. Walckenaer (Géogr, des Gaules, tom. n,
p. 29] 7 Toît des habitants d'un lieu de la yallée de Suze.
(1] On fait remonterauIV"^®'siècle rétablissement do siège épis-
copal de Bellej.
(2) Guichenon , Hist, de Bresse et de Bugey, p. 9. — Reines. ,
SyfUag. Inseript.; 208, CCXVI.— OreUi, InsetipU laUsel,, tom. I,
p. 340, no 1898.
(3) Valois, qu'on peut consulter (NotiU âlo/^r., p. 79, b.], cite
notamment ce passage singulier d'une ancienne Notice de la Gaule :
Civitas Belicensium, qt*œ antea Castrum Argentariense vœabatur
{ut faUo additur, obsenre Valois).
(4) Loc. laud,
12
( 178 )
Beitey û^éiiievMfkfmi unlieil antique dont l'existence
doit remonter^ pour le moins^ aux premiers empereurs.
L'occfupdtion romaine y a laissé des traces marquées^ de
même que dans tous les environs , et notamment des
monuments épigraphiques en grand nombre. Telle est
en particulier rinscription suivante également votive, et
consacrée aussi à la mère des dieux ; on ignore aujour-
d'hui ce qu'elle est devenue , et je ne puis la rapporter
que d'après Cuichenon, qui n'est pas toujours très-
exact (1), et qui a été copié ici par Reinesius (2) :
MÂTRI. DEVM. [ET. ÀTTINl]
TALBIVS. ATTIVS. ÀRAM
CREPIDINES. COLVMNAS
TECTVrt. PRO
Quoique simplement funéraire , une autre inscription
mérite aussi d'être citée , non pour son importance ,
mais pour la beauté des caractères qui me semblent in-
diquer une bonne époque. Donnée par Guichenon (3),
par Reinesius (4) , et , plus exactement depuis , par
M. de Moyria (5), elle est aujourd'hui au petit sémi-
naire de Belley :
(1) Op, lavid,, p. 9. L'inscription n'est pas entière : les mots et.
ATTiNi, que j'ai restitués, sont assez indiqués par l'inscription pré-
cédente , et par beaucoup d'autres.
(2) Syniag., inscript. 209^ CCXVI.
(3) îbid.
(4) Op. lattd*, 209 , C€XVn.
(5) Monument» romaine du départemmt de fAin ; Bourg , 1836 ,
in.4®, p. 21.
(179)
D. m
MEMORIAE
AETERNÀE
MARCELLINAE
* FTPI.FilXUK
SEXTILIYS
œmvGi, IN
ÇOM?ARÀ«l
LI, FAÇIEND
VM. CVRAVIX
ET. SVB. ASÇIA
DEDIÇÀVIT
Je rapporterai encore irois fragments d'inscriptions^
peu importants par eux-mêmes ^ mais plus remarqua-
bles par Félégance et la grandeur des lettres, qui accu-
sent aussi les beaux jours de l'art ; ils semblent d'ailleurs
se rapporter à des édifices considérables dont les inscrip-
tions devaient orner la frise. Celui-ci se voyait encore,
il y a peu de temps, dans le cloître de la cathédrale, ser-
vant de jambage à une porte ; il a été donné inexacte^
ment par Guichenon (1) :
EX . TESTAMENTO . F AC .
Deux autres furent exhumés, il y a quelques années,
lorsque l'on creusait les fondations pour les construç^
tions nouvelles de la cathédrale, et malheureusement
replacés presque aussitôt dans la maçonneriç , au mé-
pris de recommandations réitérées. On lisait sur l'un,
CLAVDIA.
(1) Op, laud,, p. 9.
( t80 )
sur l'autre ,
REGINAE.
Gomhie les deux blocs de pierre , portant les mêmes
moulures , avaient évidemment fait partie (f une même
frise, ils pourraient faire supposer l'existence d'un
temple consacré à Junon, qu'on voit assez souvent
nommée avec l'épithète de regina sur les médailles des
^impératrices, et même dans les inscriptions (1). Les
colonnes antiques de pouding conservées dans l'an-
cienne architecture de la cathédrale pourraient avoir
appartenues à ce temple, aussi bien qu'à celui de Cy-
bèle qu'on prétend avoir existé à Belley, tradition qui
n'a peut-être d'autre fondement que les deux inscrip-
tions rapportées en premier lieu.
Des monuments d'un autre ordre ont été fréquem-
ment retrouvés à Belley, mais bien souvent dispersés
presqu'aussitôt, personne alors ne s'attachant à les re-
cueillir. Depuis plus de vingt ans que j'habite cette ville ,
j'ai vu déterrer , et j'ai conservé un certain nombre
d'objets de ce genre. Je puis citer de nombreuses mé-
dailles romaines de tous les âges et de tous les métaux,
des débris de poteries et quelques vases entiers, des
tuiles, des briques, des figurines en terre cuite, une
pierre gravée, dés meules domestiques en lave, des
fragments et de petits ustensiles en bronze , la jambe
d'une statuette de même métal qui parait avoir été un
pocillator, et dont la hauteur d^ait s'élever de deux
à trois pieds.
(1) On peut voir Orelli , Inscript, laU sel. tora. I , pp. 116 , 218 ,
232, 272, 275, 276, nn. 339 , 947, 1046, 1276, 1306 — 1309,
1315.
( 181 )
Tout ceci constate Texistence d'une habitation ro-
maine assez florissante^ sur le sol qu'occupe aujour-
d'hui la petite ville de Belley. Tout ceci encore peut
rendre vraisemblable cette conjecture , que les maîtres
du monde auraient connu les sources minérales dont
les eaux coulent sur le territoire de l'ancien vicus ro-
main^ mais qui sont aujourd'hui peu connues^ même
sur les lieux ^ et dont on peut croire que les anciennes
vertus se seraient fort affaiblies, ainsi qu'il est arrivé à
beaucoup d'autres, notamment à celles d'Aix en Pro-
vence (1).
La première de ces sources n'était guères connue
que des Ursulines qui avaient un couvent à Belley , sur
les dépendances duquel elle s'était fait un passage. Lors
du tremblement de terre de 1 822 , qui fut très-sensible
dans cette ville , on la vit sourdre subitement dans le
puits de l'acquéreur d'une portion de l'emplacement de
cette maison religieuse, mais mêlée d'eau commune,
et perdant ainsi de ses propriétés naturelles. Aujour-
d'hui ses eaux sulfureuses sortent sans mélange connu,
par un puits ancien, mais non antique, dont le proprié-
taire a retrouvé l'ouverture. A défaut de constructions
qui indiquent son emploi dans l'âge romain, on pour-
rait être tenté de chercher dans cette source l'expKca-
tion d'un monument unique conservé dans la cour de
la sous-préfecture, et de reconnaître sa divinité tutélaire
sous le nom de la déesse blanda, qui se lit sur un joli
autel , avec cette ia§cription votive que Guichenon n'a
pas donnée (2) :
(1) Sup, , p. 88.
(2) Je crois bien me rappeler que cet autel a été découTert
( 182 )
t). blÀNDE
tlÀESIÂ* RV
TiSk. î»RO. SA
EX. V.
 trois kilomètres àe Belley, maïs tôiqours sur àôlft
territoire, une source ferrugineuse coule d'une élévation
qu'on appelle la côte de €hâtillon, nom qui a été donné
aussi à ces eaux, de même que celui d'eaux de Thoy
emprunté à un village dont elles ne sont séparées que
par un pont jeté sur la rivière de Purens (1). Je ne crois
pas qu'on ait trouvé aucun vestige d'antiquités lorsque
Ton construisit le bâtiment mesquin destiné aux buveuf S,
durant la faveur éphémère dont cette source jouît , il y a
quelques années. Mais les environs de ce lieu> du côté
opposé à Belley, ont reproduit des traces fort marquées
du séjour des dominateurs de la Gaule. Dans la icotn-
mune d'Arbignieux , dont le village de Thoy fait partie,
on a reconnu plus d'une fois des masses considérables
de briques et de tuiles antiques , annonçant des cons*-
tructions considérables; on y trouve assez fréquemment
des médailles romaines , et des fragments ou de petits
Bellej ; mais je û^ai pu , comme je l'aurais désiré pour m'en assurer
darantage^ retrourer sous ma main lesnotes de M. Bruant, ancien
sous-préfet, qui avait commencé la formation, au chef-lieu, d'un
it/àsée lapidaire. S'il y avait erreur de ma part, toes lecteurs tee
sfiurkiient gré toujours de leur feîre'con||^tre<mi monument inté-
ressant.
(1) La Statistique de l'Ain publiée en 1808 leur donne ce nom :
p. 49, et vante leurs qualités d'après un rapport de Guy ton de
Morrau.
( 185 )
usiensites en bvmze^ il y a yin^*€inq ms, myééem-
vrit plusieurs tombeaux en pieite^ ,et des yases 4e ^'lerre
de Qouleiir^ qui furent brisés par les paysans. Eiifin ., iee
fui est plus intéressant que tout le reste, ony a netreiiyé
lies années dernières un bloc ayant service flaudelion^ans
un mur, et portant la moitié d'une insc^riptim «qui men-^
tionne un temple en ce lieu. On lit ce qui suit sur ce
fragment, que je possède :
C. SVLP. I
AEDEM. ....
S. P. .
Ces trois Kgnes pourraient, je cmis, isi fffles étaient
complètes, im)us donner la totalité de rins<»ip^Soii. H
manque à la fin de la première 'le surnom de #v*Lp/ctws ;
à la seconde, après le mot aedem , devait se lire le nom
de la divinité ; enfin, latroièième se terminait parla^ettre
R on par la lettre p. , indiquant avec les deux autres to
formule connue : ma vecimiu ^e&tiHità,im9osgiivi.
BmOWERA.
Ce nom jie se trouve que A^m des^aotes dont le plus
ancien est du vr^ :siècle : il y désigne ]a .petite yilleîdu
département de la Manche qui porte depuis long-temps
le nom de Saint-Lô (1). M. Walckenaer, qui cite Tacte
(1) c'est réyèquë saint Lô, lui-même, qni s'exprime, ainsi dans
cette pièce recueillie par les savants auteurs du GaUia ChrisUana
(tom. XI, col. 864] : Laulo, in Christi nomine episcopus eoâlmœ
Conslantinœ , seu Brioverensis»
( 184 )
en question , parait regarder ce lieu comme déjà ancien
à cette époque (1) : s'il en est ainsi ^ ce que la tournure
même du nom semble rendre probable , il peut avec
vraisemblance être placé ici. Saint-Lo possède en effet
des eaux minérales (2) ; mais je ne saurais dire si Ton
y a découvert quelques restes d'antiquités.
CjESÀROMAGUS.
Â-t-on ^ connu dans l'âge romain les sources miné-
rales que possède aujourd'hui la ville de Beauvais(3)?
Les données suivantes , sans le démontrer positivement,
tendent du moins à le rendre fort probable.
Beauvais est bien certainement l'antique Cœsaro-
magusy mentionné par l'Itinéraire d'Antonin (4), et
marqué sur la Carte de Peutinger (5) : sur ce point de
géographie comparée^ il n'y a pas deux opinions. Cette
ville avait assurément une certaine importance; car
elle était la capitale des Bellovaci, bien avant qu'elle
prit leur nom, et c'est la seule ville que Ptolemée
mentionne chez ce peuple (6). Beauvais a aussi ses
monuments de l'antiquité romaine, mais peu nom-
breux, si je ne me trompe. Je ne puis citer qu'un bas-
relieC singulier et curieux, bien qu'il ne fut pas entier,
(1) Géographie de$ Gauler ^ tom. l, p. 387.
(2) Pâtissier, Manuel des eattx minéraiêi , p. 5tf6»
(3) Ibid. , p. 3tt8.
(4) VeL Roman, itinerar., éd. WesseliDg, p. 380.
(tf) Segm.IyC.
(6) G^gr.,U,S(9).
( 185 )
qu'on y découvrit en 1 695 , et dont la description et le
dessin ont été donnés par dom Martin (1 ) . H représente ,
dans une niche, ou édicule, un Mercure à mi-corps , vêtu
d'une sorte de sagum, barbu, et remarquable encore
pour quelques autres particularités. La partie supérieure
du monument se termine par une espèce de fronton ,
dans lequel on lit cette inscription votive :
SACRVM
BfERCVRIO. AVGVSTO.
C. IVLIVS. HEÂLISSVS. V. S. L. M
CONSTANTIÂ.
Ce nom, qui parait ancien, quoiqu'il ne commence à
se montrer que dans les actes ecclésiastiques, est bien
certainement le nom de Goutances : on a supposé qu'il
venait de Constance Chlore, ou de quelque membre de
sa famille (2). Peut-être ne doit-on pas regarder comme*
également certaine l'identité de cette ville du dépar-
tement de la Manche avec Fantique Cossedia, mentionné
par ritinéraire (3) et par la Carte de Peutinger (4). Du
moins elle n'est pas reconnue par M-. Walckenaer (5),
contrairement à l'opinion de Belley (6). Qiioi qu'il en
soit , Coutances est incontestablement une ancienne
(1) Religion des Gaulois, tom. I, p. 343.
(2) Fontena , Mém, dA'Acad, des Inscriptions, tom. XVI . p. 126.
(3) Vet, Roman, itinerar. , éd. Wesseling, p. 386.
(4) Segin.I,a. ^
(5) Géographie des Gaules, tom. , I, p. 184.
(6) Mém, de V Académie des Inscriptions, tom. XLI , pp. 568> 579.
( 186 )
habitauon romaine , qui fut ^ ou plutôt y ou plus tard ,
la capitale des ViMi (1). Elle a conservé quelques
antiquités, notamment un aqueduc décrit par Fon*
tenu (2). Sms examiner si ee monument à quekpe
rappmt aux eaux minérales qui existent dans cette
ville (3) 9 ee qu'une étude sérieuse des localités pourrait
seule mettre à même de recœmaitre , on peut, je crois >
présumer fort vraisemblablement qu'elles furentconnues
des conquérants de la Gaule.
CORIALLUM.
Les eaux connues aujourd'hui à Cherbourg (4) ne
durent pas être inconnues à l'époque romaine. Car cette
ville , qui dans le cours des âges a changé plusieurs fois
d'aspect , parait avoir été un lieu romain , l'antique
Coriallum de la Carte de Peutinger (5) : ainsi en ont
' jugé Belley (6), M. Walckenaer (7), etc. On y a découvert
quelques antiquités, notamment un tombeau creusé
dans le roc, qui renfermait une urne de forme singulière,
remplie de cendres et de médailles des Ântonins , une
ceinture en or, etc. (8).
(1) W^alckenaer, Géographie des Gaules, loc. laud.
(2) Mém. de V Académie des Inscriptions ,iom, XVI, pp. 122-130.
(3) Pâtissier , Manuel des eaux miriércUes., p. 556.
{A)lbid. m
(5) Segm. I, a.
(6) Mém, de l'Àcad, des Inscriptions, tom. XLÏ, p. 579.
(7) Géographie des Gaules, tom. I , p. 385 ,396 ; tom. il, p. 259.
(iB) AXem, de VÀcad. des Inscriptions y tom. H^VI, hist. p. 131.
( 187 )
DEA vocoNTiomm.
Cette antique ville romaine^ que remplace aiyourd'hui
un cheWieu d'arrondissement de la Drôme^ Die(l),
est mentionnée par la Carte de Peutinger (2), ritinéraire
d'Ant(Miin (3)^ et celui du pèlerin de Jérusalem (î):
elle formsôi une station sur la voie de Vapincvm, Gap^
à Valentia, Valence. Mais aucun autre écrivain ancien
n'en a parlé ; et Ton est d'autant mieux fondé à s'en
étonner, qu'elle parait avoir été un lieu considérable.
On peut en juger d'après le surnom d'Augusta dont
elle fut honorée, comme nous l'a^pprend l'inscription sui-
vante, qui a été souvent reproduite (5) : Je la donne
d'après Bimard, qui l'avait copiée lui-même (6), et qui a
été suivi par M . Orelli (7) :
BIS. htaNib.
Q. caêtroivÏ.q.filI
VOLT. iTItVLLI. VETER
COfl.VT. PR. LOCO.Îf.Vm. PON
(1) Valois, NoHt. Gàlliat., p. 169.— D'Anville, Notice de la Ùaule ,
p. 263.— W^alckenaer , Géographie des Gaules, tom. I, p. 256.
(2)Segiii. lï, d.
(8) VeL Roman, ^inercar. , éd. Wesselîng. , p. 857.
(4) IWrf. , p. «54. ^
(5) Spon, M^eel.trud, antiquiU,^. 1^.— Mémoires de l*Aead. des
InscripL, tom. VII , p. 267 , etc.
(6) Ad Murator. Prolegom,, col. 15.
(7) InscripU laU sel* , tom. II, p. 215 , n. 4025.
( i88)
TIF. COL. AVG. ARIM. PRAEF
PAGI . EPOT . FLAM . AVG . ET
MYNER. PVBLIGI. GYRA
AD.DEAM. AYG.VOG
HERED. EX. TEST (1)
Les monuments antiques découverts à Die dans tous
•
les temps prouvent encore mieux son importance à Té-'
poque romaine. Ils ne se bornent points comme dans
d'autres villes plus célèbres, à quelques médailles, et
à ces débris de diverse nature qu'on recueille partout
sous les pas du grand peuple ; ils sont fort nombreux
et d'un haut intérêt. De riches fragments d'architecture,
des chapiteaux, des frises, des colonnes entières, no-
tamment celles en granit employées à la décoration du
clocher de la cathédrale et à son péristyle , annoncent
la magnificence des antiques édifices de la capitale des
Vocontii ; une des portes de la ville moderne est un
arc triomphal d'un bon style ; une autre est formée des
restes de bâtiments romains ; et des constructions près
d'un rempart, révèlent parleur forme demi-circulaire
l'existence, en cet endroit, d'un antique théâtre (2). En
creusant des fondations , on a reconnu plus d'une fois
des mosaïques d'un beau travail, qui malheureusement
n'ont pas été conservées; et des bas-reliefs , ou autres
(1) Il j aurait bien des choses à signaler dans cette curieuse ins-
cription. Je ferai observer seulement qu'elle enrichit la géographie
ancienne de la Gaule : on croît que le nom abrégé bpot. , qui se Ht
à la ligne 6 , désigne Upois, lieu distant d'une lieue de Yentayon
près de Gap , où le monument a été trouré.
(2) Statistique de la Drame, pp. 479 > 480.
(189)
sculptures 9 dans un état plus ou moins entier se voient
à Textérieur de plusieurs maisons (1).
C'est surtout par ses monuments écrits que Die
appelle Tattention et Fintérêl des archéologues. Je ne
dirai rien des inscriptions sépulcrales gravées sur des
• tablettes ou sur des cippes , dont plus de trente sont
données comme existant encore dans cette ville (2) ,
outre bien d'autres qui ont été publiées ; mais|e signalerai
un petit nombre de monuments votifs qui me paraissent
plus importants. De cinq autels^ avec les insignes tau-
roboliques ^ qui sont encore à Die ^ deux portent des
inscriptions : la plus remarquable est bien connue : je
la reproduis néanmoins (3).
D. M.
PRO. VAL. IMPER. TÀVR. FEC. TIT. L. MAR
CELLIN. ET. VAL. DECVMILLA. LV. VOLO
SACERB. LV. ATTIO. ATTIANI. FIL. D[EN]
Voici un vœu à Mercure , une des divinités dont le culte
fut le plus répandu dans les Gaules (4) :
MERGVRIO
N0VELLV3
lOVINCATI
V. 8. L. M
(1) Op, laud. , p. 480.
(2) ièû;., pp. 483— 493.
(3) Ibid, y p. 477. Je ne jaîs s'il ne faudrait pas lire au commen-
cement PRO. SAL : ce serait du moins plus conforme à Fnsage.
(4) Ihid, , p. 484.
(190)
Les trois incriptions suivantes sont consacrées à une
divinité locale (1) :
DEAB. AV6
ANDARTAE
M« FOMP
PRIMITIWS
EX. YOTO
BEAE. AV6
ANDARTAE
h. GARISIVS
àERENYS
IlUlI. YIR, AYG
V* S« L« M
DEAlg. AVG
ANDARTAK
T. DEXIVS
ZSOZIMVS
Deux autres inscriptions votives à la même divinité
existaient autrefois à Die^ au rapport de Gruierj, qui
les a données d'après Scaliger (2), Les voici :
DE. AVG
ANDARTAE
M. IVL. ANTO
wmvs
DE. AVG
ANDARTAE
M. IVLIVS
THEODORVS
Il est fâcheux que nous manquions de données au sujet
de cette déesse Andarta. Rien n'est plus hasardé que
l'opinion de dom Martin, qui veut qu'elle ne soit autre
que la Victoire (3). Cet ensemble de monuments en
son honneur dans le même lieu atteste du moins un
culte fort répandu ; et je serais porté à croire qu'elle
était la divinité protectrice des Vocontii, et que de là
serait venu le nom de Dca donné à leur capitale , plutôt
que du culte de Livie, comme l'a pensé Valois (4), ou
(1) Op. laud. , pp. 488 , 489 ,491, *
(2) inscripU antiq., LXXXVTO, 9, 10.
(3) Religioti des Gaulois., tom. II , p. 12.
(4) Nota. Galliar., p. 169, a.
( *9* )
de cehii de la mère dés dieux, aii^i que d'antres. l'ont
présumé, se fondant sur le grand nombre de monu-
ments tauroboliques retrouvés sur ce territoirei
On pourrait même la regarder comme présidant aux
eaux minérales ; car, pour en venir à la particularité
locale qui motive la place donnée ici à la ville des Yo-
coniii, je lis qu'il y a des eaux minérales à Die (1 ) ; et tout
ce que j'ai dit de ses antiquités, rend fort probable queces
eaux étaient connues à une époque où les usages gaulois,
devenus tout-à-fait romains,, attachaient un grand prix
à de tels bienfaits de la nature. Mais le fait semble tirer
une sorte de certitude de monuments dont on voit en-
core hors de la ville des vestiges fort reconnaissables .
Ce sont évidemment des aqueducs ; et leur direction a
fait juger qu'ils étaient destinés à conduire à Die les,
eaux de Romeyer, qui sont sulfureuses et que l'on em-
ploie, dit-on, avec succès dans les maladies cutanées (2) .
DimA.
Nous savons que Digne fut une ville romaine. C'est
une donnée certaine qui nous est fournie par Pline et
par Ptolemée, à cela près, que celui-ci la donne aux
Sentit (3) ; et Pline aux Bodiontici : Adjecity dit ce der-
nier, formulée Galba imper ator ex Inalpinis Avanticos,
è
(1) Pâtissier, Manuel des eaux minérales , p. 555.
(2) Statistique de la Drame, p. 4S0 ; tf. p. 240.
(3) Geogr. U, 9 {iO).
( 192 )
atqtêe Bodionticos , qtunrum oppidum Dinia (1). C'était
donc une capitale ^ et lin lieu considérable ; mais il lui
reste aujourd'hui bien peu de souvenirs de son impor-
tance ancienne. < La disette en ce genre est même telle ,.
» dit M. Henry^ que si Pline ne constatait aussi positive-
» ment son ancienneté , on ne pourrait jamais soupçon-
» ner qu'il y ait eu dans ces quartiers une ville connue
> des Romains (2). > D'après le même auteur , tout ce
qu'on peut reconnaître d'antiquités romaines dans cette
ville ne consiste qu'en un autel sans inscription appa-
rente , et en un tronçon de colonne en granit gris (3).
Il n'est pas nécessaire d'ajouter qu'on ne voit rien
d'antique dans le vallon où sont les thermes modernes^
qui attirent encore à Digne quelques baigneurs , et que
rien n'a été découvert auprès des sources , qui puisse
indiquer, même d'une manière éloignée, l'existence d'un
établissement thermal en ce lieu durant l'époque ro-
maine. Le nom ancien de la ville des Bodiontici autorise
donc presque seul cette conjecture, que ses eaux chaudes
ne furent pas inconnues aux conquérants de la Gaule.
DVROCORTORUM^
I
Cette capitale des Rémi, qui plus tard prit le nom du
peuple , suivant l'usage d'alors , a été mentionnée en
(1) NaU hiiU » III , 4 (5) ; cf. , Walckenaer , Géogr, des Gaules ,
tom. II, p. 42. <-
(2) Recherches sur la géographie et les antiquités du département des
Basses-Alpes, p. 94.
(3) Ihid. , p. 9tt.
( *93 )
premier lieu par César (1)^ puis par plusieurs géographes
anciens (2) ; elle figure aussi'dans ritinérairé d'Anttv
nin (3), et sur la Carte de Peutinger (4). C'est le cas de
rappeler la remarque de d'Anville. « On lie voit point de
» ville dans la Gaule , où il se rende uh plus grand
» nombre de voies militaires (5). » Ajoutons que lés
lettres étaient cultivées dans cette ville, et qu'on la
regardait comme une seconde Athènes , suivant ce mot
de Fronton, le grand orateur, rappelé par un ancien
grammairien , P. Consentius , qui altère le nom du lieu :
et illœ vestrœ Aihenœ Dorocorthoro (6).
Reims a conservé des restes d'antiquités romaines >
dont plusieurs modernes font mention. On y connaît
deux arcs de triomphe richetnent décorés , qui étaient
encore dans un état satisfaisant lorsqu'ils furent décrits
par Bergier (7) : ils ont servi de portes à la ville, et
deux voies antiques y avaient leur point de départ (8).
On cite encore comme monuments d'une certaine impor-
tance un bas-relief représentant une chasse, appelé
communément tombeau de Jovin, ou de Jovien (9) , et
une frise en marbre ornée de rinceaux d'un effet assez
(i)DeheL GalLyi,U.
(2) Strabon. , Rer. geogr. , IV, 194; éd. Almelor. , p, 297, —
Ptolem« , Geogr, ,8(9).
(3) Vet, Roman, itinerar, , ed« Wesselîng, pp< 362, 379, 381.
(4)Segiii.I, c.
(5) Notice de la Gaule , p. 280. Bergier , qui a fait la même obser^
vation, en ayait reconQu neuf (Hist. des grands chemins, tom. I,
pp. 518—529.) dont deA. ne sont pas indiquées parles itinéraires*
(6) Fragm., éd. Ang. Mai, Rom», p. 334.
(7) Hisi, des grands chemins , tom. I , pp. 301 — 305.
(8) Ibid.
(9) Caylus, Recueil d'antiq, , tom ÏV, p. 390, pi. CXÏX, 1.
13
C «94 ) .
agréable 9 avec des figures de génies et d'animaux (1).
Enfin , Gaylus a donné ciivers ustensiles , et de petits
objets en bronze qu'oii y avait trouvés , entr'autres des
couteaux, un buste, etc. (2).
Reims a des eaux minérales, qui sont bien peu
réputées (3) ; l'antiquité de cette ville , et les données
archéologiques que je viens de mentionner permet-
traient de les compter, avec beaucoup de vraisemblance,
au nombre des sources de cette nature que l'on connut
dans tes Gaules au temps de la domination romaine «
Cette conjecture me semble singulièrement confirmée,
pour ne rien dire de plus, par une belle et curieuse ins-
cription relative à des thermes construits par Constan-
tin II, dans la ville des Rémi. Je la rapporte intégra-
lement , quoiqu'elle soit un peu longue (4) :
IMP. CAES. FL. CONSTANTINVS. MAX, AVG. SEMPÏ
TERNVS . DIVI . CONSTANTINI . AVG . F . TOTO
ORBE, YIGTORIIS. SVIS. SEMPER. AC. FELICITER. CELEBRANDVS
THERMAS . F16CI . SVÏ , SVMPTV
A , F VNDAMENTIS . CEPTAS . AC . PERACTAS
CI VITATI . SVAE . REMORVM . PRO . SOLITA
LIBERALITATE. LARGÏTVS. EST
•
(1) Caylus, Recueil d^antiq., tom. III , p. 432 , pi. CXIX , 1.
(2) Ibid. pp. 432 —435 , pi. CIX et CXX.
(3) Pâtissier , Manuel des eaux minérales, p. 369.
(4) OreUi , Inscript. laU sel. , tom. I , p. 241 , n. 1096. Les collec-
teurs qui Tout publiée en premier lieu donnent quelque sujet de
douter si ce marbre existait à Reims, on à Rome» ce qui serait a»
reste peu important ici. Mais dans ce dernier cas , il est clair que
le monument aurait été enlevé à sa patrie.
( 195 )
IIS GENA.
Cest le nom que donne Ptolemëe à la capitale des
Abrincatui (1); et^ette donnée assurément n'est pas à
mépriser, quoique le géographe ait commis une erreur
fort grave par rapport à la position de ce peuple , en le
rejetant beaucoup trop vers l'intérieur (2). L'aM)é Belley
identifie ce nom avec celui de Legedia (3) , inscrit dans
ces cantons sur la Carte de Peutinger (<4), nom dans
lequel M. Walckenaer croit reconnaître celui de Le-
zeau (5). Quoi qu'il en soit de cette identité, on pourrait
difficilement, ce me semble, se refuser à admettre,
avec d'Anville (6), avec Belley (7), etc. , que cette ville
des Abrincatui n'est autre qu'Avranches , dont le nom
moderne révèle assez positivement son ancienne origine.
Je ne saurais dire quelles antiquités elle peut posséder^
toutes mes recherches sur ce point ayant été vaines ;
mais sa seule exil^tence , comme ville et capitale dans
l'âge romain, permet, je crois, de présumer avec quelque
probabilité qu'on connut à cette époque les eaux miné-
rales que j'y vois signalées aujourd'hui (8).
(1) Geogr.îï,7[S).
(2)md.
(3) Mém, de VAcad, des Inscript. , tom. XLl, p. 376.
(4)Segm.I,a. *
(5) Géographie des' Gaules , tom. III, p. 39.
(6) Notice de la Gaule , p. 384.
(7) Loc. laud.
(8) Pâtissier , IHanuel des eaux minérales , p. 336.
( 196 )
LUTEVA,
Je vois des eaux minérales indiquées à Lodève (1)*
Elles purent être connues au temps de la domination
romaine, puisque cette ville de l'Hérault occupe , au ju-
gement des géographes les plus célèbres (2), l'empla-
cement de la ville antique indiquée par Pline dans le nom
de ses habitants , Lutevani (3), et nomméeJjOteva sur
sur la Carte de Peutinger (4). Je regrette de ne pouvoir
citer aucun monument de cette ville, à l'appui de ma
conjecture : un souvenir vague me dit seulement qu'on
y en a trouvé plus d'un.
MEDIOLÀNim.
Plusieurs lieux ont porté ce nom à l'époque romaine ^
eh diverses parties delà Gaule. Celui dont il est ici ques-
tion n'eut jamais, sans doute, l'importance de la ville des
SantoneSf Saintes, ou de celle des Aulerci Eburovices,
Evreux; et cependant il réclame quelque intérêt. Nous le
voyons marqué comme mansion sur la voie qui tendait
d'Augustonemetum , Clermont, à Lugdunum, Lyon;
(1) Pâtissier , Manuel des eaux minéralem, p. 555.
(2) D'Anyille, Notice de la Gaule, p. 429 ;— Walcke»aer, Géogra-
phie des Gaules, tom U , p. 182 , etc.
(^) Nat. hist. , m , 4(5).
(4) Segra.I, e.
( i97 )
mansion que la Carte de Peu tinger place entre Roidumna ^
ou Rhodumna , comme l'appelle Ptolemée (1 ) , et Forum
Segustavarum ^ ou plutôt Segusianorum , dont il a déjà
été question (2). Les distances itinéraires indiquées par
la Carte sont, XXII par rapport à la première de ces
deux stations , et XIV à l'égard de la dernière (3).
D'Anville a cru reconnaître Mediolanum au village
obscur, et sans aucun reste d'antiquité, qui porte aujour-
d'hui le nom de Mey (4). Dans aucun cas cette déter-
mination ne saurait être admise , puisque ce point est
(1) Geogr. Il, 7 (8).
(2) Sup, , p. 75. Je saisis yolontîers Toccasion de reyenîr sor ce
nom, au sujet duquel deux inscriptions que j'ai citées m'ayaient
fiiit long-temps hésiter : ceUe de Cassia Touta trouyée à Bagnères*
de-Lucbon ( Sup, , p. 66 ), et la tablette de bronze déconyerte plus
récemment à Marclop ( Ibid. , p. 81 ). Je deyaîs la connaissance de
celle-ci à M. Au g. Bernard , et en écbange , je lui ayais indiqué la
première. En ayant reçu une empreinte de M. du Mège , conser-
vateur du musée de Toulouse, ce jeune sayant, dans une nouyelle
Lettre à itf. Dossier, insérée dans le Journal de Montbrison ( ayril et
mai derniers) , et dont il a bien voulu m'adresser le tiré à part, n'bésite
pas à prendre le parti devant lequel j'avais reculé , c'est-à dire à
reconnaître ( p. 17 ) que la vraie leçon doit être Forum Segusiavorum,
Il serait bien à désirer qu'une nouvelle inscription vint décider
pleinement ceHe question philologique, tranchée peut-être un peu
prématurément.
(3) Segm. I , f.
(4) Notice de la Gaule, ^. 444. Dans l'article Insubres (p. 384), le
même savant veut que le peuple de ce nom qui fonda Milan fût sorti
du pays des Segusiani, et eût cherché dans le nom de la nouyelle ville
un souvenir de sa patrie. Il fonde cette conjecture , qui serait une
gloire pour notre Mediolanum, sur ce passage de Tite-Live [Hist.
V , 34 ) : Fusisque acie Juscis , haud proctU Ticino flumine , quum in
quo consederant , agrum Insubrium appellari audissent , cognomine
Insubribuspago Mduorum , ibi , omen sequentes loci, condidere urbem :
Mediolanum appellarunt.
( 198 )
plus rapproché de Lyon que Vmrs , et beaucoup trop
éloigné de Roidumna, qui est Roanne. M. Walckenaer
Ta cherché ailleurs, mais toujours en suivant le système
qui met à Farnay le Forum Segustavarum. Le village
de Meylieu-Montrond, aussi dépourvu.que Mey de tout
vestige de monuments romains , satisfait aux distances
marquées, et montre dans son nom moderne, quelque
affinité avec celui deMediolanum : c'est là que M. Wal-
ckenaer a placé cette station (1). Ayant établi ailleurs que
le Forum Segustavarum de la Carte n'est autre que le
Forum Segusianorum de Ptolemée , et qu'on ne peutle re-
trouver qu'à Feurs (2) , je ne saurais admettre une telle dé-
termination, qui change tout-à-fait la direction reconnue
de cette voie romaine. Mais il me parait démontré, ainsi
qu'à M. Aug. Bernard (3), que le bourg de Moingt réunit
toutes les conditions géographiques et archéologiques
qui peuvent nous le désigner comme représentant, dans
le moderne département de la Loire , l'antique Mediû-
lanum des Segusiani.
D'abord, ainsi que cet écrivain l'a remarqué (4),
les XXII lieues gauloises que la Carte compte de Roi-
dumna kMediolanum conviennent parfaitement à la dis-
tance qui sépare Roanne de Moingt. Il n'en est pas de
même, il est vrai, des XIV lieues marquées entre Medio-
lanum et Forum : ce chiffre excéderait de V l'intervalle en
ligne directe entre Moingt et Feurs, qui équivaut à VIIII
lieues gauloises. Pour rendre raison de cette évaluation
(1) Géographie des Gaules, tom. I, p. 334; tom. III, p. 101.
(2) Sup. p. 79.
(3) Lettre à JJf. Dossier , pp. 12 et 13.
(4) Jbid.
( 199 )
fautive, M. Aug* Bernard fait une observatimi essen-
tielle : c'est que les V lieues que nous avons ici de trop sont
précisément ce que nous avons ajouté à une autre éva-
luation de la Carte , quand nous avons changé de XVI
à XXI le chiffre marqué entre Forum et Lugdunum (1) ;
en sorte que^ si on les retranche ici , comme cela doit
être, le chiffre total reste toujours XXX (2). La Carte
et les autres itinéraires offrent plus d'une fois ainsi un
chiffre exact quant au total de plusieurs distances addi-
tionnées , bien qu'il y ait erreur sur quelques-unes des
distances partielles.
Dans le nom moderne de Moingt , on peut reconnaître
quelques traces du nom antique deMediolanum^suriom
si Ton conserve l'orthographe Moindt, qui est, me dit-on,
la plus ancienne. Ce qui a une toute autre importance,
c'est que ce lieu possède encore des ruines romaines
. considérables. On doit regarder comme telles des restes
d'un temple antique, que l'on suppose, assez gratuitement
je pense , avoir été consacré à la déesse des moissons (3),
et bien plus encore , des constructions dont la forme de-
mi-circulaire ne pouvait convenir qu'à un vaste théâtre.
Tout récemment, M. Aug. Bernard, que j'aime à citer
pour ces détails de localité , y a reconnu la scène , une
porte , les trous destinés à recevoir les poutres qui por-
taient la charpente (4), etc. On m'assure que de petits
objets et des fragments antiques ont été trouvés plus
(1) Sup. p. 81.
(2) Lettre à M» Dossier, p. 12.
(3) C'est celui dont j^Sii fait mention plus haut à l'article Aquœ
Segete, ^. S^,noU3.
(4) Seconde Lettre à M. Dossier, p. 15.
( 200 )
d'une fois dans ce sol évidemment romain , mais pas
d'inscriptions.
De même qu'en divers autres lieux du Forés , il y a
à Moingt des sources minérales peu fréquentées , et qui
sont mieux connues, hors du pays, sous le nom de Mont-
brison, cheMieu du département, et dont ce petit bourg
est fort peu distant (1). Quoique parmi les monuments
conservés à Moingt , rien ne paraisse indiquer positive-
ment, comme à St-Galmier, les traces d'un établissement
thermal , l'antique existence de Mediolanum , l'impor-
tance dont il parait avoir joui, les restes de l'époque ro-
maine qu'on y retrouve, et surtout son théâtre, nous au-
torisent assez à présumer que les conquérants des Gaules ,
amateurs si prononcés de toutes les eaux médicinales,
connurent celles-ci et surent en faire usage. C'est la
vraisemblance de cette opinion qui m'a déterminé à placer
ici le nom de cette mansion romaine , -et à discuter en-
core une des questions de géographie comparée qui
intéressent ma province natale.
NOVIOJÏÏÀGUS.
On s'accorde aujourd'hui , contre l'opinion de Va-
lois (2) , à reconnaître Lisieux dans cette ville ro-
maine (3), qui fut la capitale des Lexovii, peuple de la
(1) Pâtissier, Manuel des eaux minérales,, p. 308.
(2) NotiU Gatliar., p. 27», h.
(3) D'Anville, Notice de la Gaule , p. 492 ; — Walckenacr , Géo^
graphie des Gaules , tom. I , p. 394 , etc.
( 201 )
Gaule Lyonnaise^ fréquemment nommé par les auteurs
anciens (1). Il n'est pas aussi souvent question de leur
ville : et sous le nom de Noviomag'us, qui lui est com-i
mun avec d'autres lieux de la Gaule (2), on la trouve
mentionnée seulement par Ptolemée (3) , et dans l'Iti-
néraire d'Antonin (4). Dans les Notices, et plus tard ^
elle est désignée simplement par l'appellation de Civi-
tas Lexoviorum. Cette identité, en effet, ne saurait
être contestée. M. Walckenaer (5) en voit une preuve
très-forte dans « une colonne milliaire trouvée à Fré-
» nouville, à dix kilomètres de la ville de Caen, vers
» l'est, et sur la route de Lisieux, avec le chiffre de
» XXV, qui démontrait, par l'exactitude de ses dis-
» tances avec Lisieux, qu'elle était restée jusqu'alors à
» son ancienne place (6), etc. » Mais il allègue un fait
qui constitue un argument bien autrement démonstra-
tif (7), et sur lequel je dois entrer dans quelques
détails.
Ce que je viens de dire , de l'identité de Noviomagus
avec Lisieux, ne doit pas être pris dans le sens lé plus
rigoureux des termes. Ce n'est pas, en effet, dans l'en-
ceinte même du Lisieux moderne qu'on peut retrouver
(1) Cœsar, DeheL GalLlU, 11 , 17 ; — Plin. , Nat. hisL IV , 18 (32) ;
— Ptolem. , Géogr. H , 7 (8) , etc.
(2) C'est Tancien nom de Nojon , de Nimègue , de Spire , etc.
(3) Loc. laud.
(4) Vei» Roman, ilinerar, ; éd. Wesseling, p. 385.
(o) Op. laud. , p. 396.
(6) Voici cette inscription, teUe qu'elle est donnée par M. deGer*
ville ( Des villes et des voies romaines en Basse-Normandie, p. 64 ) :
HffP.NERYAE.TRAIANO.DlIlTI.NERyAE. F. CAES. ATG. GBR|tP. H. TRB.
POT. P. P. COS. IllJN. M. P. XXV.
(7) Op. laud. y p. 39o.
( 204 )
ROTOMÀGUS,
Cette ville était la capitale des Vellocasses , ou Velio-
casses, peuple connu d'ailleurs (1)^ qui occupait dans la
Gaule Lyonnaise une portion des contrées dont se forma
par la suite la province de Normandie. Dans les temps
anciens de l'occupation romaine , Ptbiemée est le seul
auteur qui en fasse mention (2). Plus tard on retrouve
son nom chez Ammien Marcellin , qui le met au pluriel ,
Rotomagi (3) , comme on fit sous le Bas-Empire pour
beaucoup de villes qui avaient pris les noms des peuples;
il figure aussi dans l'Itinéraire d'Antonin (4)^ et sur la
Carte de Peutinger (5). Au commencement du V"'' siècle,
saint Paulin en parlait comme d'une église illustre entre
celles de la Gaule (6). Chercher à établir l'identité de
l'antique Roiomagus avec la ville de Rouen , si célèbre
au moyen-àge , si florissante dans les temps modernes^
serait ici chose fort inutile : ce point de géographie
comparée n'a jamais , que je sache , été mis en question .
Il est plus important de dire un mot sur les antiquités
de Rouen.
Les plus anciens monuments de cette ville doivent
(1) Caesar. , De bel. GalL II , 4 , — Plin. , Nat. hisU , IV , 18 (32) ;
— Ptolem. , Geogr. II. , T (8).
(2) Loc, laud,
(3) Rer.gest. XV, 11.
(4) VeL Roman, itinerar. ; éd. Wcsseling , p. 382.
(^) Segm. I, a.
(6) EpisU XVIII , 8.
( 205 )
être ses médailles^ qui sont en bronze , avec la légende
RATuiifAGos(l). Mais dans l'âge romain elle porta assuré-
ment l'empreinte du luxe et de la magnificence que te
peuple dominateur de l'univers semait partout sur ses
pas. Aujourd'hui à Rouen, ainsi que dans la plupart des
grandes villes , tant de bouleversements matériels ont
eu lieu dans le laps des siècles , qu'on reconnaîtrait bien
difficilement les traces des édifices qui durent l'embellir
aux jours de la splendeur romaine , et que tout ce qui
n'a pas été détruit est enfoui dans le sein de la terre , pour
être mis à découvert dans de trop rares occasions. On
pourra s'en faire une juste idée en lisant ces lignes que
m'adresse mon savant confrère, M. de Gaumont, corres-
pondant de l'Institut. « Il serait long d'indiquer les objets
» antiques trouvés à Rouen. On en a découvert un assez
» grand nombre depuis un siècle , et la ville actuelle
» recouvre évidemment un sol romain ; mais il n'y a
» plus rien d'apparent , et c'est en fondant des maisons
» que l'on découvre le sol antique . Dernièrement encore,
» on a découvert une chambre ornée de peintures, en
» détruisant des fondations pour te percement d'une rue
» nouvelle. Le musée de la ville renferme des tombeaux,
» des urnes , des objets en bronze provenant de diverses
» trouvailles faites à plusieurs époques, etc. »
Je n'ose citer la colonne milliaire portant le nom, bien
rare sur les marbres, du jeune Tetricus (2). Ce monu-
ment, qu'on voyait, il y a plus d'un siècle, dans le mur
d'une maison de Rouen, avait, dit -on, été envoyé
(1) Mionnet, Descript, de médaillée, tom. I, p. 82, nn. 219 —
223 ; SuppL I, p. 149, n. 154.
(2) Mém,de V Académie des Inscriptions, tom. III, hist. , p. 255.
( 206 )
d'Italie (1). Si le fait est exact; c'est qu'assurément il y
avait été transporté de France ; car son origine est ass^
prouvée y soit par le nom d'un tyran de la Gaule ^ soit
par l'indication de la lieue comme mesure itinéraire (2).
Mais il n'est pas certain que cette borne provint des lo-
calités où elle est revenue par une sorte de restitution à
sa patrie : il est bien plus vraisemblable ^ au contraire,
qu'elle avait été enlevée à quelqu'une des parties méri-
dionales ^es Gaules, où avaient régné les deuxTetricus.
On est fondé à croire que les habitants romains de
Rotomagus ont dû connaître les eaux minérales qui
sourdent encore de nos jours à Rouan (3) ; mais on en a
pas découvert de preuves positives , et l'on ne saurait
s'étonner que toute trace de travaux propres à le cons-
tater ait disparu depuis long - temps , avec les autres
ouvrages romains qui ornèrent jadis cette grande ville.
SÀltiÀROBRIVA,
César a fait mention de cette ville , où il tint une
assemblée générale des Gaulois (4) ; son nom se lit deux
fois dans les lettres de Cicéron (5) ; et Ptolemée en parle
(1) Mémoires de V Académie des Inscriptions, p. 239.
(2) Voici tout ce qu'on lisait de cette inscription , incomplète de
deux lignes et tronquée dans deux autres : c. p.. estbio. tetrigo||
NOBILISSIMO. CAES. || . . . 1| || P. F. AVG . . . I| L. I.
(3) Pâtissier, Manuel des eaux minérales , p. 369.
(4) De 6e/. Gall, V,24. '
(5) Ad. famil. VII , 11 et 16.
( 207 )
comme de sa capitale des Ambiani (1). L'Itinéraire
d'Antonin (2), et la Carte de Peutinger (3) donnent, avec
son nom , l'indication relative de son emplacement.
Âmmien Marcellin, sous sa nouvelle dénomination
d'Ambiant, la désigne comme une ville importante (4) ;
et sous cette même dénomination encore , la Notice de
l'Empire y mentionne une fabrique de diverses armes ,
fabricœ Ambianensis spatariœ et scutariœ. Des actes
du martyre de saint Firmin , évêque d'Amiens , cités
avec confiance par Valois (5) , peuvent l'être ici égale-
ment^ pour quelques détails de localité qui ne sont pas
sans intérêt, à raison de l'époque à laquelle ils se rat-
tachent (6). Ils nous apprennent qu'il y avait dans cette
ville des temples dédiés à Jupiter et à Mercure , un
théâtre, et une porte appelée Clypiana^ nom qui semble
se rapporter à la fabrique de boucliers indiquée par la
Notice.
Tout ceci peut bien autoriser à croire que les Romains
connurent les eaux minérales qu'Amiens possède au-
jourd'hui (7). Des monuments antiques retrouvés dans
cette ville peuvent tendre plus ou moins à confirmer cette
conjecture. Je n'en saurais citer qu'un petit nombre ,
(l)G?%r.n,8(9).
(2) YeU Roman, itinerar» ; éd. Wessding , p. 380.
(3) Segm. I , b.
(4) Huic, dit-il [Rer, Gest. XV, 11 ), parlant de la première Bel-
gique , adnexa secunda est Belgica ,■ qua Ambiani sunt , urbs inter
alias eminens,
{t5>)NotiL Gcdliar., p. 539, a.
(6) Ce premier érêque des Amhiani fat martyrisé , à ce qoe Ton
■croit, vers l'an 287.
(7) Pâtissier, Manuel des eaux minérales , p. 559.
( 208 )
quoiqu'il en existe beaucoup ; et je ne pourrais hésitei'
à mettre en premier lieu une inscription votive fort cu-
rieuse, (^ns laquelle se lit le nom d'une divinité to-
pique , unique ici , et qui peut fort bien n'avoir pas
été sans rapport avec les eaux minérales de Samaro-
briva (1). En voici le texte d'après la leçon qui me
semble la meilleure (2) :
PRO. SALVTE. ET
VICTORIA. L. XX. G (3)
APOLLINI. ET. VER
IVGODVMNO
TRÎBVNALU.DVA (4)
SETVBOGGIVS. ESVGGI
F. D. S. D.
Beaucoup de petits monuments romains ont été trou-
vés à Amiens, dont plusieurs furent publiés dans di-
vers recueils d'antiquités. De ce nombre j'indiquerai
trois gros anneaux d'or massif donnés par Caylus (5) :
dans le premier était enchâssée une médaille quinaire
de Maximin , en or également ; chacun des deux au-
tres , destinés à servir de cachets , était enrichi d'une
intaille sur onyx, l'une représentant un lion, l'autre
(1) On a pu remarquer que beaucoup de monuments épigraphî-
ques où se lisent les noms de diyînités topiques ont été découverts
dans des lieux oà il y a des sources minérales.
(2) Spon, Miscellan, erud. antiquit, , p. 109; — Muratori , Nov,
thés,, tom U, MCMLXXXVI, 7, etc.
(3) Gannegieter , cité par M. Orelli ( tom. I , p. 359 , n. 2062 ) , lit
ainsi» c'est-ànlire hegionis xx. oeminœ, au lieu de exxc , qui n'offre
aucun sens.
(4) Sic.
(5) Becueil tt antiquités , tom. V, pi. CXIl, p. 313.
( 209 )
chargée des trois lettres initiales q. r. h. Cest aussi à
Amiens , ou tout près de cette ville , qu'on découvrit
une figurine en bronze , dessinée et décrite dans la col-
lection de Grivaud de la Vincelle (1). Enfin, la ban-
lieue d'Amiens a restitué aussi à l'archéologie la plus
curieuse de toutes les représentations priapiques con-
nues jusqu'à ce jour, laquelle fut trouvée dans un tom-
beau avec d'autres objets aussi en bronze, des poteries,
un vase de verre, etc. , et sauvée de la destruction par
le chapitre d'Amiens, qui fit l'acquisition de toutes ces
antiquités. Je ne m'arrêterai point sur ce monument
singulier de la licence des mœurs païennes : j'aime
mieux renvoyer mes lecteurs au texte de l'ouvrage de
Grivaud , et aux planches qui représentent, sous tous
ses aspects, ce bronze remarquable (2).
STÀBATIO.
Cette station est marquée sur la Carte de Peutinger
entre Brigantio , Bnw[içon , et Durotincum, le Villard
d'Arène (3). D'Anville la reconnaît à Monestier (4), et
M. Walckenaer, assez près de là , auxFontenils(5). Or,
Monestier a des eaux thermales d'une température assez
élevée^6). On peut donc présumer qu'elles ne furent pas
(1) Reetteil de monuments antiqws, tom. II, p. 69 pi. VIII, 1 et 2.
(2) Op. laud. , tom. II, pp. 86—89, pi. X, 1—5, XI, ».
(3) Segm. II, b.
(4) Notice de la Gaule , pv»613*
(5) Géographie des Gaules , tom. III , p. 43.
(6) Pâtissier , Manuetdes eaux minérales , p. 446.
14
( 210 )
ignorées des Romains, et qu'elles servirent piusd'uile fois
à délasser, de leurs fatigues, les voyageurs qui pas-
saient le sommet des Alpes Ck)ttiennes que nous appelons
le Mont-Genèvre , pour descendre ensuite à Culàra,
Grenoble, ou à Vigenna, ou Vienna^ Vienne, fignore
toutefois si cette conjecture, au moins fort vraisemblable,
peut-être conftPffîée par quelque monument romain re-
trouvé sur les lieux mêmes ; je sais seulement qu'on en
a découvert sur divers points des environs, notam-
ment une inscription à Briançon, élevée à Salonin par les
citoyens notables de cette ville, ordo. vKiGantinus (1),
svim.
Je soupçonne que ce nom n'est pas complet , et qu'il
pourrait avoir quelque rapport avec celui de la déesse
Solimara mentionné dans un article précédent (2), et
avec celui du vicus de Solimariaca que nous connais-
sons ailleurs dans la Gaule romaine (3) ; d'Ahville parait
ravoir regardé comme Faccusatif de Sulis, et c'est sous
cette forme nominative qu'il le reproduit (4). Quoi qu'il
en soit, on le trouve inscrit sur la Carte de Peutin^
(1) Orelli , Inscript, lai. sel. , tom. I , p. 228 , n. it)l2.
(2) Sup. p. 169.
(3) L'Itinéraire d'Àntonin (éd. Wesseling, p. 385) le place
comme station inteiinédiaire entre Mosa et Tullum : on croit (pie
c'est Soulosse , où Ton a troayé cette inscription (Muratori , tome II ,
HLXXXII, 2) : lOYI. Op[tIBI0,HAXIM0] Il YICÀNI. SOLIMARICENSBSllFÂ-
CIENDYM. CYRÀYERYNTllM. ED. EX.' YOTa. GNATYS || ÂTBGNIÀ. V.F. ET.
SBYERYS||SILYANI. LIBBRTYS.
(4) Notice de la Gaule, p. 622.
ger (l)x chez le peuple des Veneii, à ce qu'il parait. 11
ne saurait être déplacé ici, si Ton doit admettre l'opi*
nion de M. Walckenaer, qui retrouve Femplacement
de cette station romaine à Hennebon (2). Ce lieu du
Morbihan possède, en effet, des eaux minérales (S);
mais j'ignore complètement si l'on y à reconnu quel-
ques restes d'antiquités romaines.
TVLLVM.
Les Leuciy peuple de la Gaule Belgique, nommé déjà
par César (4) , et souvent depuis par bien d'autres au-
teurs (5) , avaient deux villes principales , au rapport
de Ptolemée , Tullum et Nasium (6). Celle-ci , dont on
reconnaît à Naix moderne l'emplacement, comme le
nom, est célèbre chez les antiquaires pour le grand
nombre de monuments romains qu'on y a retrouvés,
notamment plusieurs cachets de médecins oculistes (7)^
La première , mentionnée aussi dans l'Itinéraire d'An*
(1) Segm. I , a.
(2) Géographie d^ Crauhs, tom. IH, p. 58.
(3) Pâtissier , Manuel des eaux minérales , p. 5£|7*
l^) De bel, GalL 1,^0.
(5) Strabon> Rer, Geogr. IV, 193 ; edit. Àlmeloy., p. 295 ;— Plin. ,
Nat. hist.iy, 17 (31) ; ^Tacit., HiiM, 63 et64;— Ptolem., Geogr.
11,8(9).
(6) Loc, laud,
(7) Tôchon, Dissertation sur l'inscription grecque iaconoc àtkion,
et sur des pierres antiqiœs qui servaient de cachets aux médecins œu^
listes, pp. 69— -71. Sur 30 monuments de cette classe qui étaient
connus lorsque Tôchon publia son mémoire ( en 1816 ) , 7 ayaient
été trouvés à Naix.
( 212 )
tonin (1)^ et sur la Carte de Peutinger (i), a quelque
droit à figurer ici ; car il est bien reconnu qu'elle n'est
autre que Toul (3), ville fort déchue aujourd'hui, mais
où l'on connaît des eaux minérales (4) ; et l'on peut pré-
sumer , avec beaucoup de vraisemblance , que les Ro-
mains n'eurent garde de les négliger. Je crois me sou-
venir que plus d'une fois des objets antiques ont été re-
trouvés à Toul; mais j'ai à regretter de ne pouvoir don-
ner à ce sujet d'indications plus précises.
URA.
Un monument singulier du musée lapidaire de Lyon
donne lieu à cet article , qui aurait pu être placé dans la
seconde partie de cet ouvrage , si je m'étais déterminé
plutôt à en faire mention ; mais j'avais d'abord hésité ,
n'ayant pas la certitude que la source qu'on y voit nom-
mée fût minérale , et fort entrepris d'ailleurs pour dé-
terminer, même approximativement, son emplacement
géographique.. Je serai peut-être plus heureux aujour-
d'hui par rapport à ce dernier point ; et quant au premier,
s'il reste quelque doute fondé, j'aurai du moins la
satisfaction de faire connaître à mes lecteurs un marbre
antique intéressant , que je regarde comme inédit.
Ce monument , qui provient du cabinet Artaud , est
(1) VeU Roman, Itinerar. , cd. Wesselîng. , p. 365 , 385.
(2) Segm. n,a.
(3) D'Anville, Notice de la Gaule, p. 662.-VV^alckenaer, Géographie
des Gaules , tom. I , p. 532.
{4) Pâtissier, Manuel des eaux minérales, p. 557.
( 213 )
un autel en calcaire blanc sur lequel est représentée une
figure en toge sacrifiant , c'est-à-dire , faisant une liba-
tjon, avec la patère qu'elle tient de la main droite. Au-
dessus de la figure on lit , en caractères d'une exécution
médiocre , ces deux lignes :
AVGVS
LARIBVS
au-dessouS; ces deux autres lignes sont tracées en carac-
tères d'un plus mauvais style , ou pour mieux dire ,
plus petits , plus serrés , et presque cursifs :
CVLTORES. VR4E
rONTIS
Nous trouvons sur ce marbre une particularité re-
marquable par rapport au culte des fontaines , et qu'on
ne connaissait pas, ce me semble, pour d'autres que pour
celle que désigne ici le nom d'vRA. C'est le mot cvltores ,
indiquant que les adorateurs de cette source formaient
un collège, ou ce que nous appellerions aujourd'hui une
confrérie ; car ici on ne saurait entendre d'une autre
manière cette expression consacrée , qu'on trouve sou-
vent ailleurs dans le même sens , bien qu'appliqdée à
d'autres divinités. Ainsi, diverses inscriptions connues
font lire : cvltores. iovis (1); cvltores. silvani (2);
LOCVS. SEPVLTVRAE. CVLTORVM. HERGVLIS. DEFEN80RI8 (5) ;
MEDiGis. TAYKinensibm cvurombus asclepi. et hy-
(1) Donati, Novissim, thés,, tom. t, p. 94 , 4.
(2) Gruter, Inscript, aniiq,, CCXLV, 7.
(3) Ibid. , CCCXV , 7.
(214)
GUB (1) ; cvwreg lAUim vY^corum qoLomee (2) ete« On
trouve même des associations composées de femmes >
sous une semblable qualification : cvltricbs. collbgi.
FTLGINIAE (3),
Si le culte des fontaines fut géfiéralement adopte par-
tout dans les religions païennes , ainsi qu'il a été dit
ailleurs (4) , nous voyons toutefois qu'il eut toujours
quelque chose de plus marqué , de plus solennel pour
les divinités bienfaisantes des sources thermales , miiné-
raies, ou autres dont les eaux pouvaient être de quelque
manière favorables à la santé : de nombreuses données
historiques ou archéologiques nous en ont fourni jus-
qu'ici des preuves assez frappantes. Il est donc assez
naturel de conjecturer que la fontaine Ura^ divinisée
dans notre inscription , possédait quelque vertu de ce
genre, qui lui valut le culte plus spécial, plus assidu
constaté par la même inscription.
Mais quelle était cette fontaine à laquelle ce monument
curieux attache un grand intérêt , et dont le nom ne se
trouve pas , que je sache , chez les écrivains de l'anti-
quité ? La provenance de cet autel pouvait seule fournir
quelque lumière pour répondre h, cette question impor-
tante ici ; et j'ai, du chercher à m'assurer de toutes les
circonstances locales qui pouvaient me conduire à la
reconnaître : j'y ai réussi en partie. Je me suis adressé
à M. Gommarmônd , conservateur du musée où existe
aujourd'hui le monument de M. Artaud , soupçonnant
(1) Maflei , Mus. Veron., CCX , 7.
(2) Orellî , Inscript, lat. seL, tom. I, p. 316, n. 1669.
(3) Muralori , Nov. ihes. , tom. I, CLXXXI, 4.
(4) Sup,, p. tf.
( 215 )
simplement qu'il avait dû être apporté du midi de la
France , mais espérant que son premier possesseur aurait
laissé à ce sujet quelque note écrite. Voici ce que me
répond M. Gommarmond^ après m'avoir assuré que
j'étais exact dans la description que j'ai donnée du mq*
nument. « Maintenant sur le lieu de sa découverte , je
» n'ai point de notes de M. Artaud ; mais je tiens de sa
» propre bouche qu'il vient de Nimes , et qu'il l'acheta de
» l'exécuteur des hautes œuvres , auquel il fit de grandes
9 politesses^ ignorant complètement à qui il avait
» affaire Je ne puis vous dire , si ce cippe a été dé-
» couvert à Uzès ou à Nîmes , etc. »
Il est donc constant , on vient de le voir , que l'autel
votif du musée de Lyon a été transporté de Nlme^ ; il est ^
on ne peut plus probable qu'il a été trouvé dans les en-
virons de cette ville , au moins dans le département du
Gard. Or, cette donnée nous met sur la voie pour arriver
à reconnaître la fontaine désignée sur notre monument.
Il existe en effet dans ce département un ruisseau qui
porte aujourd'hui le nom d'Eure, comme la rivière,
bien éloignée de là, dont l'appellation est devenue celle
de l'un des départements de l'ancienne Normandie ; et ce
nom, mentionné par plusieurs modernes, notamment
par Millin (1), retrace assez littéralement l'antique nom
diUra. On croit que ses eaux étaient autrefois amenées à
Nîmes, avec celles de la fontaine d'Airan, par l'aqueduc
romain dont le Pont-du-Gard était la partie la plus re-
marquable. Elles n'y arrivent plus aujourd'hui, car
rinterrupti(m de ce grand aqueduc, rompu ou détruit
(1) Voyage dans le midi de la France, tom. IV, p. 208.
( 216 )
sur tant de points , a dû nécessairement rendre la liberté
à ces ondes, captives du grand peuple^ et leur permettre
de suivre le cours que les pentes naturelles devaient leur
donner. Voici ce qu!on lit au sujet de ces deux ruisseaux
dans l'ouvrage qui donne le plus de détails, surlePont-
du-Gard et sur son ancienne destination :
« Nous ne pouvons terminer le chapitre relatif à la
» description du Pont-du-Gard , sans dire un mot de
» l'immense aqueduc dont il faisait partie , et qui, par-
» tant du fond de la vallée d'Uzès , allait distribuer aux
» habitants de Nîmes les eaux des fontaines d'Eure et
» d'Airan. Ces deux belles sources coulent aujourd'hui
» dans la vallée d'Uzès , et après avoir alimenté un grand
9 nombre de moulins et d'usines, elles se jettent dans
» le Gardon , au-^dessus du pont du Gard, et fournissent
» en été le plus grand volume des eaux de cette rivière ,
» qui est souvent à sec dans la partie supérieure à
» l'embouchure des eaux du vallon d'Uzès. Un aqueduc
» particulier recevait les eaux de chaque source d'Eure
» et d'Airan , qui se réunissaient bientôt dans le grand
» aqueduc , dont plusieurs parties considérables existent
» encore en très bon état , entre Uzès et le village de
9 Saint-Maximin (1). »
De tout ce qui précède, il résulte, si je ne me trompe,
que la provenance du mwument , les données topogra-
phiques , aussi bien que la conformité presque entière
des noms , autorisent suffisamment à supposer que la
fontaine Ura de l'inscription ne peut-être autre que le
ruisseau d'Eure , et je ne pense pas qu'on puisse se refu-
(1) Grangent, Durand, et Durant, Description des monuments
antiques du midi de la France, tom. I, p. 110.
. ( 217 )
ser à admettre cette identité comme à peu près cer-
taine (1). Quant aux qualit^és de ces eaux^ quoique
j'ignore ce qu'elles sont aujourd'hui^ le culte indiqué par
l'autel du musée de Lyon, avec une particularité qui n'est
pas ordinaire, me porterait à présumer qu'il était fondé
sur l'opinion qu'on avait alors des vertus de cette fon-
taine pour la guérison des maladies. Nous avons vu , et
nous verrons encore dans notre Gaule, des sources qui
Jurent également honorées ou divinisées à l'époque ro-
maine pour leurs vertus curatives, et auxquelles les
modernes ne reconnaissent aucune propriété médici-
nales , soit que réellement elles n'en aient jamais pos-
sédé , soit que le temps , ou des circonstances parti-
culières, qui ne sont pas rares parmi les phénomènes
physiques , en aient sigulièrement modifié la nature.
(1) Bimard de la Bâtie (In Murator. iVo^e^. , col. 54.). prétend
trouTer le nom de TEure dans celui d^yaNiA , qu'on lit dans une. ins-
cription découyerte à Nîmes, et que j'ai rapportée plus haut (p. 132.)
Si sa conjecture était fondée , il faudrait que cette fontaine eût eu
deux noms.
TROISIEME PARTIE.
Je suis arrivé au terme de mes recherches sur les
lieux de notre Gaule qui , avec des noms antiques bien
reconnus^ possèdent encore de nos jours des eaux miné-
râles ou thermales. Là devait s'arrêter mon travail^ tel
qu'il avait été conçu d'abord ; mais je ne tardai pas à
reconnaître que , réduit à ces limites , il demeurerait
beaucoup trop incomplet , et qu'il réclamait encore un
complément indispensable. En effets ces lieux ^ les plus
intéressants sans doute ^ et à tous égards ^ ne sont pas à
beaucoup près les seuls en France dont on puisse re-
garder les sources médicinales comme ayant été connues
et utilisées dans les siècles antiques. Il en est d'alitres^
favorisés par la Providence des mêmes bienfaits , aux-
quels nous ne connaissons d'autres noms que ceux qu'ils
prirent au moyen-âge ou dans les temps modernes , et
( 219 )
dans lesquels y cependant j des débris d'antiquités re^
trouvés fréquemment, indices assurés d'habitations
romaines, rendent extrêmement probable l'exploitation
de leurs eaux minérales sous la domination du grand
peuple qui vint civiliser notre patrie ; il en est d'autres
encore, où des ouvrages de construction auprès des
sources, des inscriptions et divers monuments votife,
surtout les restes plus ou moins conservés d'un antique
établissement thermal, donnent à un tel fait la plus
entière certitude.
Les lieux qui sont dans de telles conditions forment ,
si je ne me trompe , un nombre bien autrement consi-
dérable que ceux dont les noms antiques ont pu nous
être conservés ; et , si l'on avait à leur sujet des indi-
cations aussi complètes qu'il serait désirable , la classe
spéciale qu'ils constituent pourrait assurément occuper
une place fort étendue dans ces recherches. Il est rare,
en effet , et on l'a souvent observé , que des fouilles
sérieusement exécutées auprès de sources minérales
nouvellement reconnues, ou revenant en faveur après
un long oubli , ne mettent à découvert de nombreux
vestiges de l'époque romaine échappés aux ravages de ce
grand destructeur qu'un poète appelait edax rerum (l) ,
et à la barbarie des siècles qui suivirent l'âge romain.
C'est ici que j'ai lieu de reconnaître surtout combien mon
travail laissera a désirer. Beaucoup de lieux possédant
des eaux minérales , les plus intéressants souvent sous
le rapport archéologiques, sont des villages ou de simples
hameaux, qui n'ont pas eu d'historiens, qui n'ont guère
(1) Orid. , mtam. XV , T. 234,
( 220 )
été étudiés que dans un intérêt médical j ou peut-être
sous les rapports pittoresques et artistiques y s'ils ont la
bonne fortune d'être fréquentés par des personnes d'un
monde un peu distingué. Il en est beaucoup aussi dont
les sources , peu renommées , ne sont connues que des
habitants du pays , et dont les noms même ne se lisent
pas sur les tableaux des eaux minérales de France qui
ont été publiés dans quelques ouvrages (1). J'en ai
sans doute ignoré plus d'un; sur d'autres, les rensei-
gnements m'ont fait défaut, et j'ai dû me résigner à de
nombreux mécomptes , à peu près inévitables.
Les documents que les livres ont pu me fournir, ou
que j'ai été assez heureux pour me procurer autrement,
composeront cette troisième et dernière partie , dans
laquelle je continuerai à suivre l'ordre alphabétique, en
l'appliquant d'abord aux départements auxquels appar-
tiennent les eaux dont j'aurais à parler. Ce sera peut-être
un moyen de rendre moins fréquentes certaines répéti-
tions bien difficiles à éviter, et qui, je puis l'assurer, ne
sont pas moins pénibles à l'auteur qu'à ceux qui le lisent.
Ici, pour des lieux devenus étrangers à ce qui nous reste
des écrits de l'antiquité, doivent cesser nécessairement
et les téndoignages des auteurs anciens , et les questions
de géographie comparée , qui ont pu attacher aux re-
cherches précédentes un intérêt spécial pour un certain
nombre de lecteurs. Peut-être en seront-ils dédommagés
par l'importance ou la singularité des monuments dé-
couverts dans quelques-unes de ces localités de notre
Gaule , qui aujourd'hui ont à peine un nom parmi nous,
(1) Nolamment dans celui de M. le docteur Pâtissier, que j'ai
cité souTciit et que je citerai bien des fois encore.
( 221 )
mais qui , à en juger d'après les ruines antiques qu'ils
conservent encore , occupèrent assurément un rang bien
plus distingué aux jours glorieux de la splendeur
romaine.
AIN.
Césèriat. — Ce village du Revermont , cheWieu de
canton dans l'arrondissement de Bourgs est le seul lieu
du département que j'aie à mentionner, aprè? avoir parlé
de Belley sous son nom dinùque de Belicensis vicus (\) ;
mais je ne le fais que par occasion, et parce qu'on a
voulu donner à ce lieu une importance historique et
archéologique , à laquelle ses droits sont on ne peut plus
contestables.il possède des eaux minérales , qui pour-
raient , dit-on , obtenir une certaine renommée si elles
étaient patronées par la mode, reine du monde, en
France, bien plus que l'opinion (2). Mais leur. exploita-
tion à l'époque romaine ne saurait-être prouvée par des
médailles, qui sont de tous les monuments antiques
ceux qui ont le moins d'autorité dans les questions loca-
les, ayant pu si facilement se déplacer, se disperser, ou
se perdre. Quant à l'étymologie du nom de Césèriat,
qu'on a voulu dériver de celui du conquérant des Gaules,
c'est une conjecture gratuite , comme tant d'autres de
même nature ; et je crois qu'il n'en est pas autrement du
(1) Sup,, p. 176.
(2) Statistique de l^Ain, p. 52.
( 222 )
Mont-Juli , et du camp romain , dont on a cru y recon-
naître les traces (1).
ALPES (Basses-).
Manosque. — Ce lieu peut-être considéré comme une
ville romaine , bien qu'il ne soit pas aussi riche en monu-
ments que d'autres lieux de ces contrées. On y a trouvé
des médailles et des objets antiques de petites dimen-
sions. Je puis citer aussi un sarcophage chrétien dans le
même genre que ceux de Rome et d'Arles. Il représente
les Apôtres^ les jeunes hébreux dans la fournaise^ Adam
et Eve auprès de l'arbre autour duquel s'enroule le scr^
peut (2). Ce monument^ qui appartient aux premiers
siècles du christianisme^ est assez ancien pour qu'on
puisse le rattacher à une époque vraiment romaine , et
il tend ainsi à prouver l'antiquité de ce lieu. Je crois
donc qu'on peut avec quelque vraisemblance faire re-
monter . à l'âge romain la connaissance des eaux miné-
rales que possède Manosque (3) • ■ '
(1) On peut Yoîr Delandine» Dissertations historiques sur deranti^
quités de Bresse et de Lyon , pp. 5 — 59, bien que ce soît un paayre
ourrage d'un homme qui n'était nullement antiquaire.
(2) Henry, Recherches sur la géographie et les antiquiitis deê
i^ci#«M~^(pM, pp. 146 — 150.
(3) Pâtissier, Manuel des eauip minérales , p. 553.
( 223 )
ARDÉCHE.
Ce départeinentestricheensoureesminérales(l)^ dont
les plus célèbres sont celles de Vais y auprès desquelles
on ne trouve, me dit-on, aucun objet d'antiquité. Après
ce que j*ai dit de Viviers sous le nom Sklha (2), les lieux
suivants sont les seuls sur lesquels je puisse donner
quelques indications archéologiques.
Bourg-Saint-Andéol.-^ Je vois cette petite ville citée
comme possédant des sources minérales (3) ; et quoique
sur les lieux on les connaisse à peine, et qu'on n'en fasse
aucun usage sous le rapport médical, je crois pouvoir les
mentionner ici, parce que Saint-Andéol a été incontes-
tablement une habitation romaine. On y voit de nos jours
quelques monuments antiques , et l'on y a trouvé des
médailles et d'autres débris. Outre le beau sarcophage,
primitivement païen comme l'atteste l'inscription où
fut déposé le corps du saint martyr qui donna son nom
à ce lieu (4), il conserve encore cette autre inscription
funéraire qui mérite d'être citée pour une expression peu
commune (5) :
(i) Pâtissier , J|fanu«l de* eatio; tntn^alef, pp. 5IS3 , 554.
(2) 5Mp. p. 145.
(3) Pâtissier, Jlfanue/ ({et wxax minérciks , p. 553.
(4) MilUn , Voyage dans le midi de la France, tom. II » pp. 120—
122,pl.XXVin,4et5.
(5) Jbid. , p. 123.
( 224 )
IFÀBIVS. ZOILYS. SIBI. ET
CONSVÀDVLLIÀE. PRI[MITI]
VÀE. MÀRITÀE. CÀRIS[SI]M ^ ^
. . . HÀBEREMVS. FECIT
On y voit aussi un bas-relief mithriaque , représentant
les figures ordinaires (1) ; au-dessous ^ sur une tessère,
est gravée l'inscription suivante, fort peu lisible aujour-
d'hui , mais qtie Millin rétablit d'après une note du
savant Seguier (2) :
D. s. INVf. MITHRÀE. MÀXS
MÀNNI. F.VIS.MON.ET
T. MVRSrVS. MEM. D. S. P. P.
Celles, ou Selles. — Ce village, de la commune
de Rampon , est à peine distant de 2 kilomètres de la
Voulte, lieu célèbre pour ses établissements métallur-
giques y et dont l'église fut élevée , dit-on , sur un temple
antique en grande vénération au temps du paganisme (3) .
Celles a des sources minérales qui prennent faveur
depuis quelques années , mais qui étaient à peine con-
nues précédemment. Cette indifférence, toutefois, n'a-
vait pas toujours existé, et il parait certain que les
(1) Millîn , Voyage dans le midi de la France , p. 116—118 ,
pi. XXVIII , 2.
(2) Ibid. , p. 117.
(3) On cite en preaye.une ouyertare qa'on voyait il n'y a pas en-
core fort long-temps dans les cayes du château^ et qui était destinée,
disait-on , à receyoir les os et les entrailles des yictimes immolées
dans ce temple. Il parait certain , du moins , qu'on y a trouyé une
grande quantité d'ossements , les uns exfoliés en partie , les autres
à demi-pétriGés , et tous appartenant à l'espèce boyine.
( 225 )'
Romains avaient su apprécier les eaux de ces (Sources ^
qui sont aujourd'hui au nombre de six (1) , et qu'ils y
avaient formé un établissement. Des travaux entrepris
il y a peu de temps, pour déblayer Tune .d'elles, ont fourni
la preuve matérielle de ce fait; car, au fond de la vallée,
sous des atterrissements formés successivement, durant
un laps de temps considérable, on a découvert des
restes assez importants de constructions antiques , ruines
des ouvrages romains dont ces sources furent jadis
entourées.
Desaignes.- Cette commune du canton delaMastre, qui
fut, dit-on, une ville de quelque importance au moyen-
âge , possède , avec des eaux minérales (2) , des monu-
ments romains qui attestent leur antique exploitation ,
et notamment les ruines d'un temple qu'on donne con>
munément à Diane , et que d'autres tout aussi sûrs de
leur fait revendiquent pour Hercule. Je laisse les savants
du pays disputer sur ce point : je me contente de cons-
tater une donnée archéologique intéressante, et qui
pourrait suffire pour autoriser à croire que ces eauxî
d'une réputation peu brillante aujourd'hui, furent néan-
moins connues et fréquentées au temps de la domination
des Romains dans les Gaules. Mais la chose est mise hors
de doute par de nouvelles découvertes d'antiquités, qui
orit fait reconnaître les traces bien marquées d'un éta-
blissement de bains d'origine romaine.
J'aurais désiré plus de détails sur ces monuments
antiques , et sur les petits objets que les fouilles ont pu
(1) Pâtissier/ ManueH des eaum minérales ', p. 341.
(2) Ibid. , p. 553.
15
( 226 )
mettre à découvert; j'aurais aimé surtout à pouvoir
donner à mes lecteurs quelques inscriptions : malheu-
reusement; les indications que j'ai pu obtenir ne s'éten-
dent point au delà de ce que je viens de rapporter.
AtDE.
Aleth. — S'il est certain, ainsi qu'on me le dit, ailleurs
que sur le^ lieux il est vrai , qu'pn ait trouvé en divers
temps des objets antiques dans cette ville, dont les
sources minérales et thermales ne sont pas sans répu-
tation (1), son nom n'occupera pas ici une place usur-
pée. Mais je ne crois pas que ses antiquités soient fort
importantes ; et je ne saurais en rien dire de plus.
Retînes-les-Bains. — Les eaux qui portent ce nom sont
toute la vie du village qui les possède ; elles sont au-
jourd'hui en grande faveur (2). 11 est vraisemblable
aussi qu'elles seules, autrefois, avaient attiré dans cette
gorge , d'un aspect fort triste , les conquérants dont les
pas y ont laissé des empreintes marquées.
Les monuments romains qu'on y retrouve le plus
fréquemment, quand le sol est soulevé par les instru-
ments aratoires, sont quelques médailles consulaires
et un grand nombre d'impériales, des fragments de
tuiles, des amphores, des débris de poteries diver-
(1) Pâtissier , Manuel des eaux minéralei , p. 3^6.
(2) Ibid., pp. 319 et 551.
( 227 )
ses (1), etc. On m'indique^ dans une classe d'objets plus
intéressants, deux statuettes représentant Jupiter, et
une autre de Mercure. Cest là aussi que furent décou-
vertes les belles roues en bronze, restes précieux d'un
char antique, qui sont conservées au musée de Tou-
louse (2) ; plus tard , on y a retrouvé un timon qui doit
avoir appartenu au même char. Sur divers points du
village, on a reconnu des restes de constructions évi-
demment romaines qui paraissent avoir fait partie de
maisons privées (3). Enfin, on voyait autrefois, à
Rennes, une inscription qui n'y existe plus aujourd'hui,
mais dont M. Gros , membre de la société des Anti-
quaires du midi de la France , m'a communiqué cette
copie , qu'il me dit avoir puisée à de bonnes sources.
(1) Parmi les objets en- terre cuite, on peut remarquer uue an-
téfixe, et un fragment de lampe dont M. le docteur Louis Pech , de
Narbonne , a bien voulu m'enyojer le dessin. Sur ce joli débrifi
est figuré Hercule enfant^ étouffant deux serpents dans ses mains ;
cet antiquaire croit y voir un symbole de la yertu des eaux mi-
nérales , pensée ingénieuse sans doute , maisquimeparaitdémentie
par la fréquente reproduction de ce même type aiillenrs, notamment
sur des médailles de Crotone, d'Heraclée, de Thèbes, etc.
(2) Mém. de l'acad, de Toulouse, tom. II , p. 180 > pi* V ; — Millin ,
Voyage dans le midi de la France, tom. IV, p. 444, pi. LXXV, 4.
(3) c( J'ai constaté moi-même , en 1841 , sur la rire gancbe
» du torrent > me dit M. Louis Pech, remplacement d'une habi-
)) tation romaine , qu'une énorme table de rochers , détachée de la
» montagne , avait autrefois écrasée , et qu'en glissant plus bas ,
» elle venait alors de montrer comme pulvérisée. Là , parmi des
» cendres, des charbons, des briques, et du verre pilé ; parmi des osse-
» mentsdelapins et de volailles, et au milieu d'un grand tas d'huitres
» de la Méditerranée , j'ai ramassé beaucoup de ces longs clous, de
» fabrique incontestablement antique , et un assez considérable
» fragment de vitre épaisse et verdàtre, pareil à ceux qu'on a
» retirés des fouilles de Pompei. »
Mais ce qui oiïi'e le plus d'intérêt ici, c'est l'aïuiquc
établissement tliernml, dont les restes ont été reconnus
en ce lieu avec la plus entière certitude. On m'avait
parlé avec tant d'exagération de ces thermes romains,
de leur conservation parfaite, de leur magnificence, etc.,
que la réalité est devenue pour moi un désappointement.
Ce qui existe aujourd'hui à Rennes est plus que sulTisant
comme document historique , comme témoignage irré-
cusable de l'antique exploitation de ses sources , mais
n'est pas, à beaucoup près, tout ce qui pourrait flat-
ter l'avide curiosité des archéologues. La partie la plus
considérable de ces bains d'un autre âge est enfouie ,
assure-t-on , sous les bâtiments modernes : il en reste
de visible seulement une grande piscine quadrilatèrf,
située tout près et au-dessus du bain dit de la Reine,
et une muraille qui longe la rivière , destinée , selon
toute apparence , à soutenir un aqueduc, dont on re-
connaît encore les vestiges. Ce bassin paraît avoir été
revêtu en marbre blanc : on y voyait encore quelques
dalles au commencement du siècle dernier,- et plus nj-
ccmment , on en a retrouvé encore des fragments ornés
de moulures.
A cela se bornent les renseignements que je possède
sur les antiques bains de Rennes : j'en suis redevable
à MM. Gros et Pech que j'ai déjà nommés, ainsi qu'à
M. le docteur Cazaintres , inspecteur des eaux , et j'ai
Heu de croire que rien d'essentiel n'a été omis.
( 229 )
AVEYRÔN.
Sylvanès.— On me dit que divers objets antiques ont
été trouvés en ce lieu ; mais je ne consigne point ce fait,
comme en étant parfaitement assuré. S'il était constant
que Ton dût regarder Sylvanè& comme ayant été une
habitation romaine, non-seulement on serait fondé à
croire que ses eaux furent connues dans les temps
antiques ; mais on pourrait conjecturer encore , sans
invraisemblance, que le nom de ce lieu dériverait de
celui du dieu Sylvain, que nous avons vu ailleurs honoré
spécialement auprès de sources minérales (1).
CALVADOS.
Les noms d'un assez grand nombre de lieux de ce
département figui*ent dans les tableaux des eaux miné-
rales delà France (2). Les villes deBayeuxetdeLisieux
occupent une place dans la seconde partie de cet ou-
vrage, sous leurs antiques noms d'Augustodurus et de
Noviomagus (3) ; mais je manque d'indications archéo-
logiques qui puissent m'autoriser à placer ici aucun des
autres noms qui composent cette liste. Les seules eaux
minérales que je puisse indiquer encore comme ayant
(1) Sup„ pp. 111, 112.
(2) Pâtissier , Tableau des eaux f^inérales , p. âo4.
{3) Sup., pp. 171 , 200.
( 230 )
été utilisées dans l'àgc romain, existent dans une localité
qui n'est point ciiée sous ce rapport, et dont je ne con-
nais l'existence que par une publication spéciale sur
ses antiquités (1).
ViTON. — C'est un village qui touche à la [iciiie ville de
Falaise , à laquelle il est antérieur de beaucoup : Falaise
devint la ville normande, Vaton avait éié vraisembla-
blement la ville romaine. Des débris de tuiles à robord,
de briques, de poteries diverses, annonçaient dans ces
quartiers l'existence antique d'un lieu considérable , et
faisaient désirer des fouilles, do nt le réstdtat semblait
devoir être des découvertes intéressantes. Elles furent
entreprises au commencement de 1854, dirigées avec
intelligence, et les espérances que l'on avait conçues ne
furent pas trompées.
Apres avoir découvert successivement sur plusieurs
points des vestiges divers de constructions, appartenant
toutes à l'âge romain , on arriva à reconnaître en ce
lieu de la manière la plus certaine , l'ensemble et les
détails d'une antique villa , telle que nous connaissons
les maisons romaines , soit d'après les descriptions que
les auteurs anciens nous ont laissées, soit d'après les
données plus palpables que nous fournissent les décou-
vertes de Pompeï. Toutes ses parties étaient encore
parfaitement indiquées ; son portique soutenu par des
colonnes, son vestibule, de vastes salles communiquant
entr'clles , les murs d'eneeinie d'un jardin , autaniqu'on
peut le présumer, et tout ce qui constitue l'établisse-
(I) Lstlres lur les antiquiléi romaina trouvées à Vaton en 1834.
rtr. pur M. Fréd. Galeron , Falaise 1S3i. În-S".
( 2,31 )
meHt de bains assez considérables é Les petits objets
exhumés de ces ruines n'étaient pas fort importants ;
c'étaient quelques médailles impériales , de nombreux
fragments en fer ^ entr'autres une lame de poignard /des
débris en verre, des poteries ornées, mais brisées
malheureusement , un ornement de bronze , détaché 9;
suivant toute apparence, de quelque lambris, un sceau
singulier du BaS-Empire , ayant pour type une tête de.
loup, avec cette légende gravée à Fentour : cezàrvs. an. '
Yi. xxn.
« Cette maison , dit M. Galeron , n'offrait point un
» luxe extraordinaire , puisque l'on n'y retrouve ni re-
)» vêtement de marbre, ni mosaïques, ni débris de
» vases riches et recherchés ; mais qe n'était pas non plus
» une habitation commune , comme on peut le recon-
» naître à son développement de plus de 100 pied$ide
» façade , à son large péristyle orné d'une colonade , à
» ses doubles appartements , à sa belle salle de bains, à
» ses enduits si bien conservés encore, à ses restes de,
» délicates peintures, à son parc bien enclos (1). » Ce qui
attache un intérêt spécial à cette découverte, et lui donne
ici une certaine importance, c'est que, non-seulemejit^
il existe dans le vallon des eaux très-belles et très-abon-
dantes , mais qu'une source minérale coule à quelques
pas de la maison romaine (2). On peut présumer avec
une grande vraisemblance que ses eaux furent employées .
à ces bains antiques , soit qu'on ne reconnaisse en ce
lieu qu'une villa privée, soit qu'on veuille y voir un
(1) Op. laud, , p. 8.
(2) /6td. , p. 9.
( 232 )
éiablissement ouvert au public par s|iécuiaiioii , re qui
est fort souienablc.
M. de Caumonime parle de plusieurs i')7/(P semblables
découveries en Normandie, dont quelque- unes ont
renda à la lumière des mosaïques , des débris de dé-
corations en marbre, et d'autres indicesd'une plus grande
magnificence; j'aurais eu lieu de les mentionner en
particulier, sielles avaient offert, comme celle de Vaton,
la circonstance , essentielle ici , de l'exisience de sources
minérales dans leurs alentours (1).
Ghaudeb-Aigues. — Les sources thermales du village
qui poric ce nom sont bien certainement les plus célè-
bres, entre toutes les eaiL\ minérales que ce département
possède en fort grand nombre ; et si l'on voidait arguer
rigoureusemetu et d'une manière exclusive du sens de
ce nom, il pourrait justifier en quelque sorte les opi-
nions des savants qui ont voulu y reconnaître , ou les
Aquœ Calidœ de la Carte de Peutinger, ou les Catenles
Agtiœ de saint Sidoine Apollinaire, ou les unes et les
autres , en identifiant ces deux noms anciens à signi-
fications tout-à-fail équivalentes.
J'ai répondu sufûsammeni, je crois, à ceux qui
soutiennent encore ces déterminations (géographiques.
(1) M. Gflleron (ibid.J
gcaëraux , des dccouvcrlp
( 233 )
Mais si les Aquœ Calidœ doivent être reconnues à Vi-
chy (1), et les Calentes Aquœ, au Mont-d'Or (2) , on n'en
est pas moins fondé d'ailleurs à présumer que les sour-
ces de Chaudes-Aiguës ne furent ni inconnues , ni né-
gligées au temps de la domination romaine. On peut en
trouver un indice dans les débris d'antiquités qui ont
été découverts en ce lieu. Il est vrai que, suivant des
ohservateurs éclairés, ces débris sont peu considérables
et peu nombreux : ils ne consistent guère , disent-ils ,
qu'en restes de tuiles et de briques , en un petit nombre
de médailles , en quelques petits objets ou fragments de
nul intérêt. Mais ces données sont bien suffisantes pour
constater à Chaudes-Aiguës une ancienne habitation
romaine ; et cela posé , il serait peu vraisemblable que
les conquérants eussent mis en oubli des eaux remar-
quables parune des qualités qu'ils semblent avoir le plus
appréciées. Elles sont en effet, si je ne'me trompe, les
plus élevées par leur température des eaux que la France
connaît aujourd'hui , et du nombre de celles dont Pline
disait, obsonia quoque percoquunt (3); c'est ce que savent
fort bien les habitants du village, qui ont soin de les em-
ployer à une foule d'usages industriels et domestiques (4).
Il y aurait plus , et si l'on s'en rapporte à un auteur
qui a écrit sur ce département , et qui semble avoir dû
le connaître , ce lieu aurait conservé des vestiges re-
connaissables d'un établissement thermal d'origine ro-
maine. « Dès qu'on fouille à Chaudes-Aiguës , dit- il ,
(1) Sup,, p. 32 , seq.
(2) Sup,, p. 101, seq.
(3) NaU hUt, , XXXI , 2.
(4) Je lis dans le Manuel des eaux minérales de M. Pâtissier
(23*)
» un reiicoiurc à une petite prorondeiir des ruines roti-
" sidérables, des piscines soni enfouies sous la place
" publique , et on y a trouvé des voùies souterraines ,
" des baignoires et des cabinets d'étuvcs. Ces ruines,
" qui portent toutes un caractère romain , viennent à
Il l'appui d'une tradition populaire, qui voudrait que,
» peu de temps après la conquête des Gaules , une colo-
» nie romaine se fut établie dans ces lieux (1). » 11 n'est
pas nécessaire de faire obser\"er combien peu de valeur
ont de semblables iraditious, lorsque rien ne les con-
lirmc d'une manière plus positive; et celle dont il est
question ici à pour objet un fait si important qu'il devrait
avoir laissé quelques traces dans l'histoire. Quant aux
thermes mentionnés par l'écrivain que j'ai cité, je dois
dire qu'il parait être le seul qui en parle ; ce qui n'est
point toutefois un motif suriisani pour faire rejeter son
témoignage.
( p. 437). «Od se sert des eaux de la gracile source du Par pour
Il tremper la sonpe , pour Ikire cuire les œufs , cl pour préparer les
Il alimenls sans combustible ; elles dégraîisent parrnitcmeni la
» laine, à laquelle elles donnent une blancheur éclalaolej mais
» elles sont principalement employées du i" novembre à la Bn
i> d'avril, à chauffer, au mojen de eanaui înjfénïcu sèment prati-
i> qnés , tes rez-de-chnussées îles maisoui appelées maison eaoudo .
» maisons chaudes..,. M. Uerthier fait remarquer, arec raison ,
i> ijue les eaui thermales de Chaudes-Algues lienncnt lieu à ses
Il habitants d'une Torét de cbéncs qui aurait au moins cinq cents
•> quarante hectares. Ces eaui sont d'aulnnt plus précieuses que le
" combustible est très cher dans le pays. M. Felgérc les a ntiliséea
Il pour produire l'incubation BrliRcielle , et ses résultais ont été si
Il heureux que la Société d'encouragement lui a décerné une mé-
» daille.
(t) £d. I.aforce, Eiiaiiur la slatutîqueda département du Canlal,
p.«M; ■ ■ ■. .. I V
( 235 )
Ides, ou Ydes. — Cest encore un de ces lieux peu
renommés aujourd'hui pour leurs eaux minérales (1),
où nous voyons toutefois que les dominateurs de la Gaulé
n'eurent garde de laisser i^utile ce bienfait de la nature.
Un membre de la société des antiquaires de France,
M. Déribier, après avoir traité une première fois de
quelques antiquités trouvées en ce lieu et dans les en-
virons (2) , nous ai fait connaître dans une seconde notice
des découvertes plus importantes qu'il y a faites, et qui
se rattachent plus essentiellemeat à mes recherches. Je
le citerai textuellement.
« Quoique j'aie déjà donné dans un premier rapport
» divers détails sur les habitations romaines du pays,
» et sur leur construction , les découvertes nouvellement
» faites m'ont fourni d'autres preuves qui me persuade
» de plus en plus que les Romains ont eu, dans ces
» cantons, sous les premiers empereurs, des établis-
» sements en grand nombre et importan ts , vu la solidité
» des murs et ciments. Les vestiges trouvés à Ides dans
» les premières fouilles le prouvent. Je les fii conti-
» nuées , et le résultat de mon travail est indiqué à la
» planche iv, fîg. 1.
» Tout me porte à croire que ce bâtiment , qui se liait
» avec plusieurs autres , dont les vestiges se découvrent
(1) Pâtissier , Manuel des eaux minérales , p. 5I$4.
(2) Mém, de la société des antiquaires de France , tom. V, pp. 309-
326. Les principaux objets décrits dans ce trayail , comme troayés
à Ides même , étaient , outre lés briques et tuiles romaines , quelques
médailles impériales, des poteries^ dont quelques fragments étaient
dorés, des canaux, qui doivent se rattacher aux découyertes posté-
rieures, etc.
( 256 )
" ilniis le hoiirg d'Iiics, c'taitdestiiu'aux bains: l°paivc
" que la rue de t'y Bagneyras, ou des Baignoires, esi
•> un chemin au midi du bourg, qui conduit à ces rui-
)i tics, et aux prés voisins, du même nom ; 2° parles
i> espèces de fourneaux que j'y ai observés, point f, il
> parait qu'un plancher à ciment de 20 centimètres
> d'épaisseur, supporté à la hauteur de deux pïcds ou
B 70 centimètres, par des piles en briques carrées, à la
B distance d'un pied ou 33 centimètres l'une de l'autre,
» était chauffé par dessous, et donnait une chaleur douce
B qui se communiquait à toutl'appartement. J'ai extrait
• des tables fort larges de ce plancher, d'une solidité
« extraordinaire. Les piles étaient encore droites , por-
» tant sur un [Kiyé à ciment , tout couvert d'une terre
» noire, onctueuse, mais sans aucun vestige de char-
. bon (1). .
Un peu plus loin l'auteiu-, après avoir jugé sur ces in-
dices que ce bâtiment devait être fort vaste, mentionne
une découverte semblable « au lieu des Penlons, près
» Cousan (Vebrci) » et entre à ce sujet dans quelques
détails de même nature (2).
Vic-en-Cauladès. — L'auteur que je viens de citer écri-
vait dans un autre ouvrage en 1 824 : « Tout ie monde
connaît les eaiLx minérales de Vie , très-estimées et
B agréables à boire avec le vin Il semlile qu'elles
» étaient coimues des Romains, puisqu'on 1660 on y
(1) AfémoiVei di la locici
pp. 160, 161.
[2)ftirf..pp. ICI, 162.
■s lie Franee, lom. VIII ,
( 237 )
» découvrit dix-huit médailles, et des vestiges d'habi-
» tations romaines (1) ». Je lis ailleurs que les fontaines
de Vie ayant été fouillées et reconstruites eri 1829 , ces
travaux amenèrent de nouvelles découvertes de médailles
impériales (2). Enfin, après avoir mentionné comme
M. Déribier des médailles d'Auguste, de Claude, de
Vespasien , de Dioclétien et de Maximien , ainsi que des
ruines importantes trouvées lorsque Ton découvrit les
eaux dans le seizième siècle (mieux peut-être dans le
dix-septième), un ouvrage publié en 1836 semble indi-
quer d'une manière plus positive Texistence en ce lieu
d'un antique établissement thermal (3).
COTE-D'OR.
Saint-Seine. — Une découverte dés plus importantes
et qui n'est pas étrangère à l'objet de cet ouvrage, a
été faite récemment en ce lieu, oii sont, comme chacun
sait, les sources du grand fleuve qui, de l'intérieur de la
Bourgogne , va arroser la capitale de la France , avant de
se perdre, au nord de notre patrie, dans l'immense Océan.
JTen trouveàl'instantla première notion dans un excellent
recueil périodique ; et, ne pouvant avoir encore le rap-
port plus étendu dont il fait mention , je ne saurais rien
faire de mieux que de transcrire l'article bien court qu'il
donne à ce sujet.
(i) Dictionnaire statistique du dépt. du Cantal, au mot Vie, p. 388.
(2) Pâtissier y Manuel des eaux minérales, p. 301.
(3) Laforce, Essai sur la statistique du dépt. du Cantal, p. 100.
( 258 )
« Les rcsies (l'un monuincnlgalio-roniaiii ont été mis
" à découvert, près des sources de la Seine, sur la
Il lisière du bois communal de Saint-Seine ; les fouilles
n commencées en 183G, ont été continuées jusqu'en
" 1 843, sous la direciion de la commission desanlîqui-
» tés delaCôte-d'Or. D'après le rapport deM. H. BaudOl,
" président de la commission, ce temple aurait été élevé
» au fleuve de la Seine, dont les eaux passaient pour
u avoir la propriété de guérir certaines maladies (i),
» opinion qui parait démontrée par la nature desobjets
« trouvés au milieu des ruines. Plusieurs ex vota,
« découpés dans des fouilles de bronze et d'argent, et
" représentant, d'une manière grossière, différentes
" parties du corps afTectées de maladies, furent trouvés
>i dans un vase de terre. Le plan des fondations mises
" à jour offre un quadrilatère de 57 mètres de longueur,
1 sur une largeur encore indéterminée. La quantité
» d'objets d'ornement, la dimension des fragments de
" statues et de colonnes, leur perfection de travail peu-
» vent donner une idée de la décoration somptueuse de
l'édifice. Au milieu du temple de la Seine étaitunesalle
» contenanLia source sacrée, qui s'écoulait parune rigole
■) taillée dans la pierre et recouverte de dalles. A droite
" de la souree, tarie aujourd'hui, s'élevaient quatre
1- colonnes d'ordre dorique, dont on a retrouvé des frag-
u ments et les bases encore à leur place. Deux marches
" donnaient entrée à une chapelle, où probablement se
(1] Je ne tronve point cette opinion énoncée chex les auteurs
anciens qui ont parié de la Sequana ; mais, comnie le remarque
fort bien l'auteur de l'article que je cite, elle parait être le résulta I
de la découverte dont il rend compte.
( 259 )
» trouvait la statue de la Seine , assise en face de la source
» principale. Quant à Page du monument, M. Baudot,
» se fondant principalement sur la pureté des chapiteaux
» et des autres fragments retrouvés , croit pouvoir en
» faire remonter la fondation au règne d'Auguste. Pour
» fixer répoque de sa destruction , il fait remarquer que
» la plus récente des médailles trouvées dans les fouilles
» est de Magnus Maximus , mort Tan 388 de notre ère ,
» époque du triomphe de la religion chétienne dans la
» Gaule, et d'où il conclut que le temple de la Seine
» subit le sort de presque tous les monuments du culte
» païen , renversés sur l'ordre des évèques par les néo-
» phytes (1). » ,
CREUSE.
EvAux. — Cette petite ville, dont les eaux, depuis la
création récente d'un établissement thermal bien orga-
nisé, obtiennent une faveur qui ne peut qu'aller en
croissant (2), aurait droit ici à une place distinguée
pour son importance archéologique, et je voudrais bien
ne rien omettre d'intéressant en ce qui concerne ce qui
lui est resté de monuments antiques. Mes démarches
pour obtenir des renseignements à cet égard n'ont pas
eu tout le succès que j'avais Cru pouvoir espérer ; et
mon indigence sur ce point serait extrême, si la bonté
(1) Revtie archéologique IIF année , p. 192.
(2) Pâtissier, Hïanuel des eaux minérales, pp. â^S , 552.
( 240 )
d'une personne qui habile ces contrées, sans s'occuper
d'arcliéologie , ne ni'eûl procurô quelques indicaiions ,
que je suis licureu\ de pouvoir ajouter à ce que j'ai glanc^
ailleurs.
Je ne dirai rien de certaines étymologies , supposées
au nom d'Evaux par ({uelques personnes trop Gdèlcs
au culte de celte malencontreuse langue des Celtes, qu'il
leur plaisait de croire miracuteusemeni retrouvée, sans
livres et sans inscriptions. On peut traiicr plus sérieu-
sement les traditions qui attribuent l'éiablissement des
thermes de ce lieu à Duraiius , gaulois célèbre et puissant
que nous voyons mentionné par César, comme l'ami ei
l'allié des Romains (1). Ce n'est pas , au reste , le seul
édilice antique de cette partie des Gaules dont on ait fait
honneur à sa munificence, ou à ses soins : à Limoges, des
ruines dont il subsistait encore quelque chose , il y a un
siècle et demi , sont désignées par plusieurs historiens
du pays comme le Palais de Duratius , et on lui attri-
buait également la construction d'un théâtre et d'un
arapliiibéàtre (2). Mais malheureusement, toutes ces
traditions, relatives à des faits qui n'offrent en eux-
mêmes rien de naturellement invraisemblable, sont
fondées uniquement sur la foi d'écrivains beaucoup trop
récents pour qu'ils puissent avoir la plus légère autoriuj
relativement aux âges antiques.
Toute la contrée dont Evaux fait partie parait être
semée de restes d'antiquités romaines dans tous les
(1) De bel. Gall. VIU , 26.
(2] Allou, Deicripîion des monumentu obiervii dans h liéparlement
lie la Haule-Vicnne , pp. 49, fil, S2.
( 241 )
genres : en 1 806 , un auteur que j'ai cité ailleurs ,
Barailon, en indiquait un assez grand nombre en di-
verses localités (1) ; et la petite ville d'Evaux n'était pas
oubliée dan§ cet ouvrage , auquel j'ai dû mes premières
notions archéologiques sur ce lieu. Il signalait déjà y
comme trouvés dans ce sol romain , des débris de po-
teries plus ou moins fines ^ des tuiles antiques , de petits
carreaux de marbre, un tombeau en pierre, etc., et, en
fait de constructions, des restes de murailles, des sou-
terrains , des aqueducs, le puits d'eau minérale auquel
on donne le nom de César , quelques traces de voies
romaines > etc. (2).
Mais les travaux exécutés depuis quelques années,
pour l'édification d'un établissement thermal devenu
indispensable , ont mis à découvert de nouvelles par-
ties des thermes romains , et fait connaître bien mieux
tout ce qui en composait l'ensemble. Ici on a eu le
bon esprit de respecter ce que les architectes sont si
pressés de détruire ailleurs ; c'est-à-dire que l'on a su
sauver, en l'utilisant, tout ce qui pouvait entrer dans
les dispositions modernes. Ainsi c'est sur des fonda-
tions romaines qu'on a construit le nouvel édifice. Plu-
sieurs puits également romains servent encore de dé-
bouchés aux sources ; et les portions qui s'élèvent à
l'extérieur reposent sur le béton antique dont avaient
été revêtues les parties intérieures et souterraines : de
ce nombre est le puits de César, qu'on a vu plus haut
indiqué par Barailon. Les piscines, de formes ronde
^ ou quadrilatère, paraissent être ce qui subsiste aujour-
(1) Recherches sur les peuples Càhbioticbnses , pp. 1 — 114.
(2) Ibid. , nn. 75 , 76 , 78 , 106 , 108 , etc.
16
( 242 )
d'hiii de plus entier dans son état primitif : elles re-
çoivent, comme autrefois, le trop plein des puits, et
servent au mélange et au refroidissement des eaux. En
nettoyant ces l)assins antiques, on y trouva des mé-
dailles ; mais elles étaient en fort petit nombre, et ap-
partenaient aux seuls règnes de Vespasien , de Trajan ,
d'Hadrien, d'Antonin le pieux, et de Septime-Sévère.
Près de là aussi, dans un sol formé de remblais, qui
parait recouvrir des constructions antiques fort consi-
dérables, on découvrit deux tuyaux évidemment desti-
nés à la conduite des eaux : Tun était en plomb, comme
on en rencontre communément ; l'autre, en bronze, ce
qui est infiniment plus rare (1).
L'âge romain attacha donc un grand intérêt aux
sources thermales d'Evaux. C'est ce que prouvent aussi
les travaux exécutés dans ce ravin abrupte pour pré-
parer l'établissement des bains qu'on y a retrouvés ;
car il fallut couper et niveler des rochers sur une éten-
due considérable. Cesi ce que prouverait encore mieux
le luxe déployé dans leur, décoration , si le temps avait
conservé aux modernes les mosaïques , les peintures
murales , les revêtements de marbre précieux dont les
édifices reconnu sa Evaux furent jadis embellis. On peut
' du moins s'en former une haute idée, d'après les débris
magnifiques que les fouilles successives ont mis, dit-on,
à découvert. Ces fouilles se continuent, et l'on peut es-
(1) An sujet des détails qae je riens de rapporter , je ne puis
citer que YAncUyse chimique de Veau mimrale naturelle des sources
et Evaux , par M. Ossian Henry ^ Paris, 1843-1844, ouvrage qui
m'a été gracieusement envoyé d'Evaux, mais qui est peu étendu
Sur les antiquités.
; ( 243 )
pérer qu'elles feront retrouver de nombreuses richesses
archéologiques , peut-être des chefs - d'œuvre de Fart
antique, et des monuments de la classe la plus impor-
tante, parce qu'elle est la plus instructive, les inscrip-
tions : j'ai à regretter de n'avoir pu rien en dire ici ,
ignorant même si le sol antique d'Evaux en a restitué
quelqu'une.
DROBlEi
AuRELé— S'il est vrai , comme le dit Chorier , que sur
la montagne de ce nom , les Romains exploitèrent jadis
une mine d'or (1), et, comme d'autres l'assurent, qu'on y
voyait encore , il y a soixante ans , les traces des fosses
ouvertes par eux pour cette exploitation, on pourrait
être fondé à croire qu'ils connurent aussi les eaux mi-
nérales , asse2 estipiées dans le pays , qu'on retrouve
aujourd'hui dans le village nommé de même (2). Mais
je crains fort que le fait admis par Chorier n'ait d'autre
fondement que l'affinité de ce nom avec les mots liatins
aurum et auraria , et qu'il ne soit ainsi qu'une de ces
conjectures auxquelles il n'était pas rare, dii temps de
cet écrivain, qu'on se livrât aisément, sous d'aussi
pauvres indices (3) . Pour ce qui est des traces apparentes
(1) Hist, du Daupkiné, tom. I, pp. 34 > 69.
(2) Statistique de la Drôme, p. 240.
(3) Je lis dans la Statistique de la Drôme ( p. 380 ) , c( qà'il n'j a
)) ni tourbières, ni mines d'or, ni mines d'argent, comme on Tayait
)> cru pendant long-temps dans quelques localités. »
( 244 )
de l'exploitation d'une mine y de quelque nature qu'elle
fût^ je crois que^ dans tout état de chose , il serait
difficile d'en déterminer l'époque y même de la manière
la plus large. Le voisinage rapproché de la ville de Die ^
si riche en monuments romains^ et qui tint autrefois un
rang distingué parmi les cités de la Gaule (1), pourrait
être, ce me semble, un meilleur argument en faveur
d'Aurel.
MoNTELiMAR. -r— Ce u'cst pas sans hésitation que
j'inscris ici le nom de cette ville dauphinoise. Ses eaux
minérales sont connues, bien qu'elles soient peu ce-
lèbres (2) ; mais son origine romaine n'est pas fondée sur
des titres aussi certains qu'on pourrait le désirer. Des
écrivains qui pourraient être suspects, parce qu'ils sont
du pays , ont voulu reconnaître dans cette ville moderne
l'antique station éiAcunumy mentionnée sur la Carte de
Peutinger (3) , et dans l'Itinéraire du pèlerin de Jéru-
salem (4). Cette détermination ne parait fondée en
aucune manière; et il est bien généralement admis
aujourd'hui que l'emplacement A'Acunum doit se re-
trouver, comme son nom , dans le lieu du même dépar-
tement appelé Ancone (5). Toutefois M. Walckenaer
accorde à Montelimar une fiche de consolation (6) , en
(1) Sup.,p. 187.
(2) Pâtissier y ^anu6/ des eaux minérales, p. 555.
(3)Segm.II,d.
(4) VeL Roman. Uinerar, ; éd. Wesseling, p. 553.
(5)D'AjiTiUe, Notice de la Gaule, p. 31 ; — Walckenaer > Géo-
graphie des Gaules , tom. Il, p. 204.
(6) Op. laud. , p. 209.
( 245 )
y reconnaissant rict^^ton^ o\iAcusiumydePuAemée(l);
bien que d'Anville (2) , Holstein (3) et autres placent
aussi ce lieu à Ancone^ Fidentifiant avec Acunum.
Pour ce qui est des monuments antiques qui pour^
raient indiquer à Mohtelimar un lieu d'habitation ro-
maine, j'ignorais jusqu'ici toute découverte faite dans
cette ville ; mais je viens d'y voir mentionnée une
colonne milliaire retrouvée sur les lieux, et trans-
portée depuis à Valence (4) ; je transcris la seule copie
que je connaisse de l'inscription dont elle est chargée (5),
bien qu'elle me laisse quelque doute par rapport à la
dernière ligne, et que je ne puisse y voir ce qui a fait
considérer cette inscription comme itinéraire, si elle a
été donnée exactement.
IMP. GÂES
L. DOMITIO
ÀVRELIÀNO
P.F.I.AVG.P.M
M* S. M*
GARD.
Alais. — Cette ville possède certainement deux sources
d'eaux minérales (6). On m'assure également que son
(1) Geogr. n, 9 [10).
(2) Loc. laud.
(3) Annotât, in Ortel, p. 3.
(4) Statistique de la Drame , p. 554.
(5) Ibid, p. 622.
(6) Pâtissier , Manwl des eaux minérales , p. 356.
( 246 )
sd a reproduit de petits monuments d'antiquités, et
cette assertion est d'accord avec de plus anciens iiou-
venirs , conservés vaguement dans une mémoire qui
était sûre autrefois , mais sur laquelle aujourd'hui je ne
puis compter avec la même confiance. J'inscrirais ici le
nom d^Âlais.avec une confiance plus entière, si des
renseignements obtenus sur les lieux me mettaient à
même d'indiquer quelque chose de plus positif et de
plus précis : toutefois je n'ai pas cru devoir l'omettre.
GARONNE (Haute-),
Encausse. — N'ayant à indiquer aucun resté d'anti-
quité que je puisse rapporter au territoire sur lequel
coulent ces eaux , peu fréquentées de nos jours , quoi-
qu'on y trouve un établissement thermal assez soi-
gné (1) , je me bornerai à citer M. du Mège , à qui je suis
redevable déjà de bien d'autres renseignements plus
positifs , et qui, habitant ces contrées, en a étudié spé-
cialement les localités sous le point de vue archéologique.
Voici ce que me dit, sur Encausse, le savant conservateur
du musée de Toulouse : « Ce lieu a une vieille réputa-
» tion ^ qui n'est plus en rapport avec celle d'aujourd'hui .
» J'ai fait de nombreuses découvertes de monuments
9 antiques dans les lieux voisins , mais je n'y ai point
» trouvé d'inscriptions consacrées aux nymphes ..... Les
» inscriptions , les urnes en marbre trouvées dans les
(1) Pâtissier, Manuel des eaux minérales, p. 276.
. ( 247 )
» lieux qui environnent Encausse me portent à croire
» que ses eaux ont été connues des Romains , etc. »
Labarthe-de-Rivière. — Les eaux thermales que pos-
sède ce village sont bien peu réputées aujourd'hui (1),
comparativement surtout avec d'autres sources de ces
contrées, particulièrement avec celles de Bagnères-de-
Liichon , dont j'ai parlé longuement sous leur nom an-
tique A'Aquœ Onesiœ (2) ; cependant on peut croire
qu'elles furent connues des Romains. Ce fait du moins
peut paraître indiqué suffisamment par des antiquités
qu'on y a découvertes ; non-seulement des médailles et
quelques débris , mais deux autres monuments d'une
nature plus importante, qui ont été signalés par M. du
Mège, et qu'on voyait encore à l'entrée du village, lors-
qu'il écrivait son premier ouvrage sur les antiquités de
ces contrées (3). C'étaient des massifs de constructions
en forme de tours, terminés pyramidalement à leur
sommet , et dans lesquels on avait ménagé des niches
destinées, selon toute apparence, à recevoir des statues.
En creusant au pied d'un de ces monnments , on dé-
couvrit une cuisse et une main en marbre , de propor-
tions colossales et d'un beau travail (4) : il y a lieu
de croire que c'étaient des débris de la statue qui avait
occupé la niche pratiquée dans ce massif.
Le même savant mentionne encore en ce lieu des traces
fort marquées d'une voie romaine, qui devait être vrai-
(1) Pâtissier. Manuel des eaux minérales, p. 488.
(2) Sup, , p. 59.
(3) Monuments des Volces Tectosages, p. 114 , pi. V> 3 el 6.
(4) Ibid.
( 248 )
semblablement celle de Tolosa , Toulouse , à Lugdunum
Convenarum, Saint-Bertrand de Comminges, tracée
dans les itinéraires. Sur plusieurs points de cette voie,
il indique des bornes milliaires , ou d'autres objets
d'antiquité (1).
HÉRAULT.
Balaruç. — On sait que la source thermale de ce
village , d'une température très-élevée , jouit d'une an-
cienne réputation qui tend encore à s'accroître (2) ; et il
serait fort naturel de présumer que les Romains la con-
nurent et l'utilisèrent. Mais les monuments antiques que
l'on y a découvert font de cette conjecture vraisemblable
un fait à peu près certain : car quel autre motif que celui
de recourir à ses vertus salutaires eût pu attirer les
conquérants de la Gaule dans ce lieu d'un aspect si
sauvage , et lui créer ainsi l'importance secondaire que
ces monuments semblent révéler ? On en jugera sur les
détails suivants dont je suis redevable à' Astruc , à la
Statistiqtie du département et aux communications
obligeantes de M. le baron de Grazannes.
On a découvert à Balaruc, on y retrouve fréquem-
ment encore tout ce qui constate l'origine romaine d'une
localité : des médailles nombreuses en argent et en
(1) Op. laud. , pp. 111 et 115.
(2) Pâtissier, Manuel des eaux minérales t p. 378
• (249)
broiize (1) , des vases entiers , et des débris de poteries
diverses (2) , des tombeaux en pierre , des restes bien
marqués de constructions antiques. Ceux-ci se re-
trouvent surtout dans le lieu appelé lous Mazès, ce qui
veut dire les maisons. Plusieurs indiquaient des maisons
particulières, et Tune, plus distinguée, se composait de^
cinq pièces pavées de mosaïques des plus simples , mais
produisant un effet agréable à l'œil : la pièce la plus
grande était un parallélogramme fort allongé , car elle
avait 1 3 mètres en longueur, sur une largeur de 4 et 1/2
seulement. D'autres débris indiquaient une certaine
magnificence dans les édifices de ce lieu : tels sont surr
tout des restes de colonnes, de bases, de chapiteaux, en
marbre ou en pierre , et le bras d'une statue également
en marbre.
Mais les fouilles faites à diverses époques à Balaruc ,
jamais avec beaucoup de soin ni de persévérance , n'ont
pas fourni seulement la preuve que ce lieu était habité
à l'époque romaine ; elles ont mis toutrà-fait hors de doute
un fait plus important , je veux dire l'exploitation des
sources à cette époque, et l'existence d'un établissement
thermal. On doit y rapporter un double canal formé
de trois fortes murailles parallèles, distantes de deux
mètres environ entr'elles : par deux ouvertures basses,
ce canal communique avec un aqueduc d'un mètre de
(1) M. de Crazannes me signale une découyerte de 400 médailles ;
on en trouye de tous les âges depuis Auguste jusqu'à Constantin.
(2] M. le marquis de Lagoy , qui est auprès de moi pendant que
j'écris ces lignes, me dit y ayoir recueilli lui-même de semblables
fragments ayec des noms de potiers , et me communique notamment
celui de silvin.
( 250 )
largeur (1). Cet aqueduc , couvert jadis par une voûte
dont on voit encore les premières aiâsises , se dirigeait
vers un puisard , qu'on a retrouvé à une autre époque
dans le voisinage. Près du canal existe aussi un autre
reste important des anciens thermes romains : c'est un
bassin de forme ellyptique^ autour duquel on a reconnu
des sièges à hauteur d'appui faisant partie des gradins
destinés aux baigneurs. Nul doute qu'il ne faille voir une
indication de thermes antiques , dans la rencontre fré-
quente de conduits en terre cuite de diverses formes,
comme on en trouve pour l'ordinaire dans les lieux où
ont existé des établissements de bains d'origine romaine.
Parmi quelques détails fournis par Astruc et inutiles
à répéter (2) , il est important de rappeler qu'il donne
deux inscriptions. L'une, qui déjà de son temps n'existait
plus sur les lieux, n'était qu'un monument funéraire
peu remarquable. Mais il y a bien plus d'intérêt dans
l'autre, dont malheureusement les lignes supérieures
lâanquent. Voici tout ce qui en reste , et que je rapporte
revu avec soin :
ITEM. TRIB. LEG. H
GEMELLI. PROC
NEPTVNCET.N..
Sans que je m'arrête à des commentaires inutiles, il suffît
de reconnaître ici un monument votif à Neptune, réuni
assez naturellement aux nymphes , ses filles , dont le nom
(1) Des traces d'un aqueduc différent, autant que je puis croire»
me sont signalées sur d'autres points.
(2) Mém, 8. rhist, nat, du Languedoc, pp. 312 et 3i3.
^ ( 251 )
incomplet n'^st plus indiqué aujourd'hui dans Tinscrip-
don que par la lettre n. C'est sans doute un souvenir de
reconnaissance , laissé en ce lieu par le tribun militaire
dont le nom à disparu aussi , et qui croyait leur devoir
la guérison de ses blessures.
ISÈRE
Ce département est riche en eaux minérales dont
l'antique exploitation est prouvée par les monuments
romains retrouvés sur les lieux. Des renseignements
exacts et circonstanciés, dont je suis redevable à Tobli-
geance de M. H. Gariel , bibliothécaire adjoint de la ville
de Grenoble , me mettront à même de rapporter^ d'une
manière bien plus complète que je n'ai pu le faire pour
beaucoup d'autres lieux, tout ce qui recommande ceux-
ci sous le rapport archéologique. Je lui dois même quel-
ques détails sur des établissements de bains romains
observés sur divers points de cette province , dans des
lieux où l'on ne connaît pas aujourd'hui l'existence
d'eaux minérales. Avant d'en venir aux eaux dont les
vertus médicinales sont plus certaines, je donnerai
quelques-unes des notions intéressantes qui me sont
fournies si obligeamment , lesquelles d'ailleurs sont loin
d'être entièrement étrangères au sujet de mes recherches.
M. Gariel m'indique le lieu appelé les Thermes, au
village de la Buisse, près de Grenoble : ainsi que son
nom l'indique, on y a reconnu les ruines d'un établisse-
( 252 )
ment de bains romains , sans toutefois qu'on y connaisse
aujourd'hui des eaux minérales ou thermales. Il en est
de même à Morestel, chef-lieu du canton de l'arrondis-
sement de la Tour-du-Pin : en 1838 on y trouva, avec
diverses antiquités , plusieurs tuyaux en plomb destinés
à conduire les eaux, et sur lesquels était tracée , dit-on ,
cette inscription qui me parait avoir été mal lue : c. sacid.
siLViN. AVG. F. (1). A Barraux , on a trouvé également,
avec des vestiges de bains romains , des conduits sur
lesquels le nom du plombier était inscrit ainsi , me dit-
on, CAivs LiBERTvs? Enfin à la Tronche, commune
située à un kilomètre seulement de Grenoble , on a re-
connu un bassin demi-circtilaire , de dimension à pou-
voir contenir une dizaine de baigneurs , les restes d'un
canal, un fragment de mosaïque, et d'autres objets
antiques, parmi lesqjiels je dois mentionner des médailles
d'argent des II"'' et Iir*" siècles , en nonlbre considé-
rable, car le poids total s'élevait à 7 kilogrammes. II
n'est pas impossible que dans quelques-uns des lieux où
ces restes de bains ont été retrouvés , il y ait eu autrefois
des eaux minérales , quoiqu'on n'y en connaisse point
aujourd'hui : après les avoir mentionnés brièvement,
je passe à ceux dont les sources sont encore connues et
employées de nos jours.
ÂLLEVARD. — Les baîus de ce village jouissent aujour-
d'hui d'une faveur assez marquée, mais fort récente (2),
(1) On a proposé de lire acq. , pour aq. , apparemment au Heu
d'AVG. ; mais cette leçon ne me parait pas. meilleure.
(2) L'établissement thermal actuel ne date , je crois , que de 1821.
( 233 )
ou succédant au moins à un long oubli , si elles furent
connues et utilisées dan& l'antiquité ou dans les âges
subséquents. La chose reste dauteuse ; car les seuls
monuments qu'on y ait découverts sont des médailles
romaines. On pourrait cependant, je crois, tirer quel-
ques conséquences de cette donnée , si de telles décou-
vertes ont été faites fréquemment, sur plusieurs points,
etc. : on ne m'a rien appris à cet égard.
La Motte-les-Bains. — Les bains de ce lieu, qui se
sont élevés depuis quelques années à une grande pros-
périté , sont connus depuis bien plus long-temps , et
l'on peut , sans hésiter , en faire remonter l'usage au
moins à la domination des conquérants de la Gaule ,
dont le passage a laissé des traces dans les ruines
évidemment antiques auxquelles on donne, dans le
pays, le nom de Bains-Romains. Elles ne consistent, il
est vrai , qu'en restes assez mal conservés de cons-
tructions, et leur disposition ancienne serait difficile à
reconnaître aujourd'hui ; « mais, me dit M. Gariel,
» elles suffisent à constater l'exploitation des eaux de
» la Motte par les Romains ; car^ il est impossible de
» supposer qu'ils aient construit, dans le lieu où coulent
» les sources, pour une autre destination. L'aspect de
» cette gorge sauvage est là , pour qu'il ne soit pas be-
» soin d'autres preuves. »
On a voulu rattacher ces eaux thermales, d'une haute
température , à un de ces phénomènes naturels qu'on
appelait autrefois les sept merveilles du Dauphiné , et
que la science juge aujourd'hui beaucoup moins mer-
( 234 )
yeiileux. Je veux parler de celui qui e$t connu sous le
nom de Fontaine ardente (1); et sans prétendre discu-
ter ses relations fort vraisemblables avec les eaux de la
Motte 9 qui n'en sont distantes que de deux lieues , je
saisis volontiers cette occasion de le mentionner ici ,
parce qu'il parait certain qu'il n'était pas ignoré de
l'antiquité.
La Fontaine ardente est , suivant la description de
M. le docteur Eymard , à qui j'emprunte quelques dé-
tails y « un feu de cinq à six pieds de diamètre , dont
» les flammes légères^ bleuâtres et fort vives ^ sortent
» à travers les interstices d'un sol gras et ardoisé. Les
» vieillards du pays disent leur avoir vu former, il y
» a cinquante ou soixante ans, une colonne flam-
» boyante qui s'élevait à plus de six pieds de haut. A
» cette époque , le cratère était placé à une centaine de
» pas au-dessous du lieu où il est situé actuellement.
» Sa surface , naturellement plane et un peu concave ,
» servait de bassin aux eaux pluviales , qui, bouillon-
» nant avec force quoique froides , semblaient être con-
» fondues avec les flammes qui voltigeaient au-dessus
» d'elles. C'est à cette alliance singulière de deux corps
» ordinairement incompatibles, que le volcan en ques-
» tion doit le nom de Fontaine qui brûle ^ ou de Fqn--
» taine ardente,... Les choses étaient encore en cet
» état, il y a dix ou douze ans (2), mais depuis lors, la
» déviation du torrent voisia et l'éboulement des terres
(1) Sylvain Eymard, Album duDauphiné, tom. II, p. 109.
(2) Ceci s'imprimait en 1S37.
( 235 )
» supérieures ont beaucoup changé la disposition des
» lieux, etc. (1). »
J'ai dit que la Fontaine ardente fut connue des an-
ciens; et l'on n'en sera pas surpris si l'on veut bien se
rappeler comme ils recherchaient soigneusement tous
les phénomènes qui leur semblaient merveilleux , et
avec quelle complaisance leurs écrivains aiment à les
signaler. Saint Augustin fait mention d'une fontaine
qui avait la propriété d'éteindre les flambeaux allumés ,
et de les rallumer lorsqu'ils étaient éteints : qui cum sit
contrée tanlibus frigidus , et facèm sicui alii fontes
exstinguat accensam, dissimiliter tamen atque mira-
biliter idem ipse aecendit exstinetam (2). M. le doc-
teur Aymard a pensé que ce devait être la Fontaine qui
brûle (3), et cela un peu légèrement, ce me semble,
car ici le saint évéque d'Hippone n'indique en aucune
façon la Gaule. Mais nous avons une meilleure preuve
que cette fontaine, ou, pour mieux dire, ce volcan
était connu bien avant saint Augustin ; c'est l'inscrip-
tion d'un autel votif découvert sur les lieux, et dédié à
Vulcain, dieu du feu , dont le nom a formé celui des
volcans dans plusieurs des langues modernes : elle est
ainsi conçue (4) :
(1) Op, laud. , p. 87.
(2) De Civii. Dei, XXI, 7, 1.
(3) Op. laud. , p. 88.
(4) Ma mémoire me fait défaut au sujet de la première publication
du monument, et je ne puis citer l'inscription que d'après M. le
docteur Eymard, qui doit l'avoir rapporté exactement ( Op. laud. ,
p. 90. )
( 256 )
L. MATERNVS. OPTATVS
WLCANO. ÀVG
SÀCRVM
P
Pont-de-Be AU VOISIN. — Je vois cette petite ville in-
diquée comme possédant des sources minérales (1);
d'autre part , on me dit sur les lieux mêmes qu'elles ne
consistent que dans quelques filets d'une eau ferrugi-
neuse, qui coulent des coteaux voisins y mais quf sont
sans vertus. Si l'on voulait toutefois donner quelques
indices de leur exploitation aux jours de la domina-
tion romaine ; on les retrouverait dans des monuments
de cette époque, exhumés du sol de cette ville, qui dut
avoir quelque importance. « On voit clairement, ditCay-
» lus, par les médailles et les monuments qu'on y dé-
» couvre tous les jours, que ce lieu a été autrefois
» considérable, ou du moins fort habité (2). » Cependant
il ne donne qu'une petite figurine en bronze assez jolie
et bien conservée , représentant une femme assise, qui
porte des fleurs et des fruits dans un bassin posé sur ses
genoux , et dont il fait une Flore (3) . Je puis citer aussi
l'inscription suivante qu'on me communique, laquelle
fut trouvée en 1818 dans un mur de l'église paroissiale
qu'on démolissait, mais malheureusement brisée pres-
que aussitôt par les ouvriers :
(1) Pâtissier « Manuel des eaux minérales , p. ^5^.
(2) Recueil â^ antiquités, tom. V, p. 134.
(3) Ihid, , p. 133 , pi. CXX , 1 et 2.
( 257 )
MARTI. AVG
C. BETVTIVS. HERMES
Iml.VIR.AVG (1)
T. P. I (2)
Saunay. — Les eaux d'une source qui coule en ce lieu ,
et qui furent long-temps un objet de dévotion pour les
habitants du pays , paraissent avoir des propriétés mi-
nérales , ou de toute autre manière médicinales ; et c'est
comme telles apparemment qu'elles furent employées
dans l'âge romain. Voici ce qu'en dit Chorier dont l'ou-
vrage fut publié en 1661 :
« Le comté d'Anjou est à quatre lieues de Vienne. En
» l'une de ses paroisses qui à le nom de Saunay, naist
» aussi une fontaine que le peuple nomme en son lan-
» gage vulgaire la Saint-Font, à cause des bienfaits et
» des grâces qu'il en reçoit. Ses eaux sont un remède
» efficace à la jaunisse. Les Romains^ qui ne connurent
» jamais d'épargne où il s'agissait de la décoration ou de
» l'utilité publique y les avaient conduites en des bains
» qu'ils avaient dédiés à Hercule. Ils ont laissé à une
» paroisse voisine le nom d'Arcole. Un pavé de mar-
» quéterie, des pièces de marbres blancs , et des degrés
» assez entiers en furent alors arrachés, et aujourd'hui
» rien n'en paraît (3). »
Les eaux de Saunay ne sont point exploitées aujour-
d'hui ; et je ne vois pas qu'on ait retiré de cet emplace-
(1) On me donne la leçon lîûl. tir. , et non Iiiiil. tir , comme il
est ordinaire.
(2) Testamento Pont lussil.
(3) Hist. du Dauphiné , tom. I , p. 36.
17
•
( 258 )
ment aucun objet antique , depuis le temps où Chorier
écrivait les lignes que je viens de citer.
Uriage. — Ces eaux furent long-temps négligée^,
quoiqu'elles fussent bien connues dans la province (1).
Quelques débris de constructions près du lieu où coulent
les sources, et la découverte de conduits, soit en briques,
soit en plomb , y faisaient présumer l'ancienne existence
d'un établissement de bains ; mais par je ne sais quelle
préoccupation, c'est aux Sarrasins qu'il était attribué (2).
En 1820, des guérisons éclatantes opérées sur des ha-
bitants du lieu devinrent l'origine de la réputation
qu'elles ont aquise , et qui est due , en effet , à l'énergie
de leurs vertus. C'est alors que le propriétaire conçut
le projet de former un établissement thermal , et que
commencèrent les fouilles qui, continuées ou reprises en
divers temps , ont amené les découvertes les plus in-
téressantes. C'est sur elles que M. Gariel m'adresse une
notice suivie, que je regrette de ne pouvoir donner en
entier, faute d'espace, mais qui me fournira, par analyse
ou par extraits, de nombreux et importants détails.
a Ces fouilles, me dit-il, mirent d'abord en évidence,
» et la source dispersée par des éboulements (3) , et de
(1) A telles enseignes qu'on a touIu dériyer ce nom d'urentes
aquœ, bien que ces eaux ne soient pas très-chaudes.
(2) Beaucoup de constructions sont attribuées vulgairement aux
Sarrasins, qui sont èyidemment romaines. Je crois quebien souvent
ce nom ne veut dire que païens. Les croisés , les pèlerins de la terre
sainte appelaient communément païens les Sarrasins et les Turcs ,
et réciproquement» ils purent donner aux païens la qualificatioa de
Sarrasins. C'est la seule explication plausible de cette erreur tradi-
tionnelle.
(3) Uriage possède deux sources : l'une est ferrugineuse, l'autre*
( 259 )
» vastes ruines, qui venaient témoigner hautement de
» Tancienne importance de ces eaux . C'est à cette époque,
» en se livrant aux travaux pour réunir les eaux, que
» l'on détrliisit un aqueduc voûté , enduit à l'intérieur
» d'un stuc tellement solide que le marteau le brisait à
» peine. On brisa également plusieurs piscines. Il en
» existe cependant encore une assez bien conservée.
» Elles étaient construites avec un béton composé de
» chaux, de Jbriques pilées et de petits cailloux, et
» avaient environ deux pieds de hauteur , quatre de
» largeur et douze de longueur. Une de ces piscines
» avait son plancher en béton , soutenu par deux rangs
» de petites colonnes , et présentait sur deux de ses faces
» cinq gradins en pouzzolanne d'un beau poli. A cette
» même époque , on trouva un grand nombre d'objets
» romains , des tronçons de colonnes , des fragments
» considérables de tuyaux en terre cuite , non point
» cylindriques, mais de forme parallélipipède , et por-
» tant Je nom de clarianus. . . . (1). J'ajouterai que la
» piscine conservée à Uriage a la plus grande ressem-
» blance avec celle que l'on voit à Aix en Savoie, dans
» la cave de M. Périer. »
Pour compléter ce qui concerne les constructions des
anciens bains d'Uriage, je rapporterai encore une partie
des notions données par le propriétaire actuel de l'éta-
blissement et du château, M. de Saint-Ferrîol , sur une
salfareuse et saline. C'est cette dernière qui a acquis depuis quel-
ques années une si grande réputation.
(1) Parmi ces objets , il faut compter un petit nombre de médailles
en bronze , appartenant à divers règnes , depuis Vespasien jusqu'à
Constantin.
( 260 )
découverte faite en 1 844 , mais en supprimant les détails
qu'on ne pourrait comprendre parfaitement^ sans avoir
sous les yeux le plan dont il a bien voulu me commu-
niquer un calque, par l'entremise de M. Gariel : « Ce
» chauffoir, dit-il, se composait essentiellement d'une
» grande pièce d'environ dix mètres de longueur sur
» huit de largeur, dans le milieu de laquelle était un
» bassin circulaire de 4 mètres 70 centimètres de dia-
» mètre, où l'on descendait par deiix gradins... Ce
» bassin circulaire avait pour fond un plancher en ci-
» ment... encore parfaitement visible sur les bords...
» Le plancher était suspendu au-dessus du vide par des
» piliers en briques . . . , dont quatre seulement subsistent
» en partie... Le vide situé au-dessous de ce plancher
» recevait l'action de la flamme , ainsi que le prouvent
» avec évidence le noircissement des portions encore
» conservées, et les cinq cheminées. . . . L'eau chaude
» s'écoulait par un tuyau en plomb de huit centi-
» mètres de diamètre , placé à un décimètre en contre-
» bas du fond du bassin, et se rendait dans un canal en
» maçonnerie. Ce canal la distribuait dans une série de
» petites piscines revêtues en ciment, dont, comme on
» l'a déjà dit, plusieurs ont été détruites dans les fouilles
» de 1820 à 1823, et dont une seule est actuellement
» visible, etc. » (1),
(1) L'équivalent delà description que j'abrège se trouve dans ce
passage de Vitruve ( V, 10, 74 ), qui donne les principes pour ce genre
de construction : Suspensurœ vellarum ita sunt faciendœ, utipri-
mum sesquipedcUibus teyulis solum stematur , inclinatum ad hypo-
causim , uH pila cum mittatur, non posait intro resistere , sêd rursus
redeat ad prœfurnium ; ipsa per se ita flamrna faciliiis pervagabilur
( 261 )
Après avoir mentionné encore une chambre de bains
de trois mètres de longueur, sur mie larçeur de moitié,
laquelle ne m'est indiquée que fort brièvement, et deux
vases plats en granit, ayant trois pieds environ de dia-
mètre , je passe aux objets plus petits qu'on a découverts
à Uriage, dans diverses fouilles. Ce ne sont pas les moins
curieux, et plusieurs sont d'une nature telle, que leur
singularité et leur nouveauté attachent un intérêt tout
spécial au lieu qui les a restitués à la science archéolo-
gique. Il faut mentionner d'abord trois jolies statuettes
en bronze, adhérentes à des socles de même matière,
et dont la hauteur totale est de 32 à 40 centimètres;
M. de Saint-Ferriol a bien voulu m'en communiquer les
lithographies. La première, légèrement drapée d'un
vêtement court et fort étroit, jeté sur l'épaule, est celle
d'un jeune homme , tenant de la main droite un objet à
peu près globuleux, qui pourrait bien être une éponge,
comme on l'a soupçonné; la gauche, dont une partie
a été cassée , annonce par sa disposition , aussi bien
que le bras, qu'elle s'appuyait sur la haste, et semble
ainsi révéler une divinité. Les deux autres sont entiè-
rement nues. L'une représente un adolescent aux che-
veux bouclés , ayant au sommet du front cette masse
relevée en forme de flamme qu'on voit ordinairement
* aux figures de génies, et quelquefois hEros ouCupidon ;
mais l'objet qu'il tient de la main droite, et qui ne peut
sub sttspensione : supraque laterculis bessalibus pUœ struantur Ua
dispositœ, uii bipedales tegulœ possint supra esse coUocaiœ, Altitudi-
nem autem pilœ habeant pedum duorum , eœque struantur argilla
cura capUlo subacta : supraque collocentur teyulœ bipedales , qu(e
sustineant pavimentum.
( 262 )
être qu'une bourse^ semble le désigner comme un Mer-
cure jeune, bien que, ni sa tète, ni ses talons ne portent
de traces des ailes, qui forment d'ordinaire l'attribut le
plus caractéristique de ce dieu : un pareil type est
assurément rare, s'il n'est pas tout-à'fait nouveau. Tout
l'ensemble de la troisième figure, et notamment ses
longs cheveux , lui donnent un grand rapport avec les
représentations d'Apollon : mais un caractère distinctif
ici est le strigilis qu'il tient de la main droite. Cet
attribut convient on ne peut mieux au dieu tutélaire d'une
source thermale , soit qu'on veuille y voir une divinité
spéciale et topique , soit qu'on y retrouve Apollon lui-
même, que nous avons vu ailleurs reconnu comme
tel (1).
La plupart des autres monuments de petites propor-
tions trouvés dans les fouilles d'Uriage, sont en plotnb,
et Ton sait que les objets antiques en cette matière ne
sont pas très communs ; parmi ceux d'une importance se-
condaire, on ne m'en désigne spécialement qu'un seul,
représentant un cerf. Il y a quelque chose de bien plus
curieux et de tout-à-feit nouveau, si je ne me trompe,
dans la découverte d'un nombre considérable de petits
marteaux, de sept à huit pouces de longueur, également
en plomb, et qui n'ont pu être que des ex voto. La
manière la plus vraisemblable d'expliquer la rencontre
de tels objets, en si grande quantité, auprès des sources
d'Uriage, serait de les considérer comme représentant
un des attributs de Vulcain, le dieu forgeron, le dieu
du feu , le dieu des mines qui pouvait très-naturellement
(1) Sup, , pp. 29 , 82.
( 263 )
aussi être le dieu des sources minérales et thermales^
lesquelles ont tant d'affinité , soit avec les métaux, soit
avec les volcans et le feu. Je ne vois même pas qu'on
pût autrement rendre raison de la présence de ces mar-
teaux, qui ne paraissent pas avoir dû être d'aucune
utilité dans les procédés connus des arts et métiers chez
les anciens.
Le plomb est encore la matière de deux monuments
écrits, retrouvés dans les mêmes lieux, et qui ne re-
semblent à rien de ce que Ton connaît en ce genre : ce
sont deux tablettes de forme très-alIongée et très-étroite ,
dont les inscriptions sont exécutées en relief. La pre-
mière, en une seule ligne, est ainsi conçue :
L. 8CRI. MARTmVS. ÀC. F
Le nom inscrit en abrégé parait être celui d'une famille
romaine bien connue, et devoir se lire ^cmbonius. Les
sigles qui terminent la ligne ne sont pas aussi faciles à
interpréter. On a proposé de les rendre par xcquœductus
récit ; mais une telle orthographe est trop insolite pour
être admise facilement, et toutefois je serais fort embar-
rassé pour proposer quelque chose de mieux.
L'autre tablette porte cette inscription qui n'a aussi
qu'une ligne :
M. RVF. MÂRCIAN. V F
à celle-ci pourrait se rattacher un ornement de même
métal en bas-relief, composé de deux griffons en regard
et séparés par un trépied. Ce sont, comme on sait, des
symbolesassez usités du culte d'Apollon ; etiispourraient
( 264 )
ici confirmer ce que j'ai dit plus baut^ sur rattribution
probable de l'une des statuettes en bronze. Mais Vuleain
aurait eu aussi sa mention tacite sur ce monument. J'ai
sous les yeux les dessins lithographies de l'inscription et
du bas-relief; or, si ces deux objets évidemment frag-
mentés ont été autrefois réunis , ce qui parait vraisem-
blable , c'était assurément par deux marteaux de ceux
que j'ai déjà signalés. La tête de l'un d'eux est fort re-
connaissable au-dessous du bas-relief; et au-dessus de la
bande plus longue et plus étroite où se lit l'inscription, on
retrouve deux parties saillantes assez déformées, mais qui
peuvent avoir été le bas des manches de ces marteaux.
Ainsi 9 l'ornement , superposé autrefois à la tablette
écrite, formait avec elle un monument fort curieux, qui
ptait certainement votif. Cela serait prouvé par les deux
lettres qui terminent l'inscription, et qu'on a rendues par
yoium vecit : je ne vois nulle part cette formule, ni rien
de semblable, et cependant je ne saurais trouver une
autre interprétation. Quant aux deux noms, je n'ai pas
besoin de dire qu'ils ne sont autres que kvyus MARCiANt^^.
J'ajouterai, en finissant cet article, qu'on peut espérer de
retrouver aux mêmes lieux de nouvelles inscriptions
semblables : ce serait pour les études archéologiques une
découverte des plus intéressantes.
LOIR-ET-CHER,
Saint-Denis-sur-Loire. — Si quelque chose peut
autoriser à nomriier ici les eaux„ à peine connues,.
( 265 )
de cette localité (1), ce n'est que sa position fort rap-
prochée de Blois^ qui dut être une ville romaine. Son
nom , il est vrai , est effacé de Thistoire ; mais elle fut
considérable assurément ^ comme l'attestent les restes
qu'elle conserve encore d'un bel aqueduc antique.
LOIRE.
On compte dans ce département un grand nombre de
sources minérales (2) , dont celles de Saint-Alban sont
aujourd'hui les plus fréquentées (3), mais tout-à-fait dé-
pourvues , m'assure-t-on , des moindres vestiges d'an-
tiquités romaines. Celles de Saint-Galmier et de Moingt
ont été mentionnées sous leurs noms antiques ^Aquœ
Segete et de Mediolanum (4). Une source appelée Fon-
taine des Quatre n'a d'autre titre à l'être ici que sa po-
sition à un kilomètre de Feurs , qui fut une ville ro-
maine importante. Sail-sous-Ck)uzan a-t-il des monu-
ments antiques ? les uns me le nient positivement ,
d'autres me parlent de quelques médailles. Les eaux
dont les noms suivent sont les seules sur lesquelles je
puisse donner, avec certitude, de courtes et rares indi-
cations archéologiques.
(1) Pâtissier, Manuel des eaux minérales , p. 5î$6.
(2) Ihid, , p. 556 ; — Richard de la Prade , Analyse et vertus des
eaux minérales du Forée , etc. Lyon, 1778, in-12.
(3) Pâtissier, Op. laud, , pp. 278, 552.
(^)Sup., pp. 75,1%.
( 266 )
Sail-lez^hateaumoiut«d. — Ce lieu situé presque à
l'extrémité du département ^ au delà de Saiiit-Martiii-
d'Estraux, possède deux sources thermales d'une tem-
pérature assez élevée (1), et Ton ne peut douter qu'elles
n'aient été connues et utilisées aux jours de la* domi-
nation romaine. Cest ce qui résulte des fouilles qu'on
y fit, il y a un an, pour l'exécution de quelques travaux.
On y trouva alors divers débris antiques, ainsi que des
médailles aux effigies de Vespasien et de Commode ;
et l'on y constata l'antique existence d'un établissement
thermal , dont on avait découvert des vestiges bien mar-
qués. Il est fâcheux que l'extrême laconisme de mon
correspondant me prive de donner ici à mes lecteurs,
quelques détails un peu plus circonstantiés sur ces
ruines romaines.
Salt-en-Donzy. — Hors de la contrée, on connaît à
peine aujourd'hui le nom de ce lieu, distant de Feurs
de quatre kilomètres , et qui possède une source légè-
rement thermale (2). II est vraisemblable qu'elle l'était
davantage autrefois ; il est certain du moins qu'elle
n'avait pas échappé aux recherches des conquérants de
la Gaule. Voici ce que m'écrit sur cette source, M. l'abbé
Roux, vicaire de Feurs, que j'ai déjà cité plus d'une
fois : a Je l'ai visitée , j'ai bu de ses eaux ; et malgré
» son mélange avec des sources froides , elle a cons-
» tamment une température sensiblement élevée. Non
(1) Pâtissier, Op. laud,, p. 556 ;— Richard de la Prade, Op. laud.,
pp. 94 , 145.
(2) Richard de la Prade , Op. taud. , pp. 96 , 146.
( '267 ) ,
» loin de cette source, sont les ruines d'une enceinte
» romaine constniite en très petit appareil. On a trouvé
» à Sait des poteries, des médailles, des tombeaux. »
LOIRET.
Fontaine-de-l'Etuvée. — Cette fontaine, qui a une
certaine célébrité dans les traditions du pays , et qui
a été chantée par d'anciens poètes français , coule sur
une petite élévation à peu de distance d'Orléans, l'an-
tique Genabum , ville qui tint un rang assez distingue
dans la Gaule romaine (1), et dont le sol a restitué plus
d'un monument antique. Le projet d'amener à Orléans
les eaux de cette source ayant fait faire des fouilles sur
les lieux à diverses reprises, les dernières en 1823 (2) ,
on y découvrit d'abord un grand bassin de forme qua-
drilatère, puis un canal destiné à la conduite des eaux ,
enfin un puisard formé de pièces de charpente, que l'on
retrouva presque toutes charbonnées (3). Il serait dif-
ficile d'assigner une époque précise à l'exécution de ces
anciens travaux ; mais des débris évidemment romains
turent recueillis dans cette même localité , soit dans le
grand bassin , soit aux environs.
C'étaient quelques restes de constructions , une quan-
(1) ])*Anyinc , Notice de la Gaule , p. 345.
(2) Jollois , Notice sur les nouvelles fouilles entreprises dans rem-
placement de la fontaine l'Etuvée, et sur les antiquités qu'on y a dé-
couvertes, Orléans , 1825 , in-4®.
(3) Op, laud, , pp. 4 et 5.
( 268 )
tité considérable de grandes tuiles plates y et aussi
quelques-unes de ces tuiles creuses que les romains
employaient pour en recouvrir la jonction; beaucoup
de fragments de poteries grisâtres , d'une pâte grossière ,
ainsi que d'autres bien plus fines ^ de couleur rouge ^
chargées d'ornements et revêtues d'une couverte d'un
beau poli : quelques vases furent retrouvés à peu près
entiers. A cela il faut ajouter : la meule inférieure en
lave d'un moulin domestique ^ une de ces petites
haches , ou mieux peut-être de ces coins en nlex aux-
quels on attribue communément une origine celtique ,
un crochet en bronze, destiné apparemment à être fiché
dans un mur pour qu'on pût y suspendre quelque chose :
la forme de ce dernier objet était celle d'un bras humain ,
et il était couvert de la plus belle patine (1).
Un autre monument, d'une bien plus grande impor-
tance, était un bloc de pierre qui avait dû faire partie
d'un des murs de quelque édifice ; retourné , il laissa
lire cette inscription (2) :
AVG. ACIONNAE
SACRVM
CAPILLVS. ILLIO
MARI. F. PORTICVM
ÇVM. SVIS. ORNA
MENTIS. V. S. L. M
Le nom gaulois du père, et celui du fils qui parait ro-
main , ont fait penser à M . Jollois , que l'âge de ce marbre
devait être fixé à la transition de l'époque gauloise à l'èpo-
(1) Op, laud,, pp. 9— 13, pi. H.
(2)/6irf. , p. 13, pi. 1,2.
( 269 )
que romaine , c'est-à-^ire à un temps qui suivit defort près
la conquête (1) ; et le style des caractères ne semble pas
exclure une telle détermination , bien qu'ils présentent
quelques ligatures. Mais la particularité la plus remar-
quable est assurément le nom de la déesse acionna , que
Ton ne connaît point ailleurs ; évidemment , c'est celui
d'une divinité topique , et , selon toute apparence , de
celle qui présidait aux eaux de la fontaine , comme bien
d'autres que nous avons rencontrées ailleurs.
Il résulte des découvertes qui viennent d'être men-
tionnées , que cette fontaine était connue dans l'âge ro-
main , peut-être même auparavant ; et le culte qu'on
lui rendait, attesté par l'inscription, et par la construc-
tion de l'édifice religieux qu'elle rappelle, peut faire
présumer , avec beaucoup de vraisemblance , que ces
eaux passaient alors pour être douées de quelque pro-
priété médicinale , bien qu'il ne soit plus question au-
jourd'hui d'une telle vertu ; car elle a pu s'affaiblir ou se
perdre, soit par la dispersion d'une partie de ces eaux,
soit par leur mélange subséquent avec des eaux com-
munes.
LOZÈRE.
Bagnols. — Tout fait croire que les eaux minérales
de ce village, très fréquentées de nos jours (2) , le furent
(1 ) pp. laud. , p. 14.
(2) Pâtissier, Mànwl des eaux minérales , p. 551.
( 270 ).
aussi au temps de la domination romaine. On en a
un premier indice dans la grande quantité de monu-
ments antiques retrouvés sous le sol des lieux environ-
nants. De nombreuses inscriptions de ce pays ont été
publiées par Lancelot (1) , et quelques-unes étaient si
rapprochées de Bagnols qu'on peut les regarder comme
appartenant à ce lieu même. Je ne rapporterai que
celle-ci qui est funéraire , mais qui avait , au dire de ce
savant , le mérite de remonter à une bonne époque (2) :
D. M.
LVCI. LITVCI
SECVNDÏ
LITVCCFA
SECVNDA
FRATRI
PIISSIMO
Au lieu même où sont les eaux, divers monuments
romains ont été découverts, notamment, dans des
fouilles faites pour des réparations aux sources, des
vestiges bien marqués de l'antique établissement ther-
mal. Tout ce qu'on m'écrit à ce sujet, c'est qu'on re-
connut alors des couches de béton romain et les pierres
de taille qui avaient servi à fonder. Je lis ailleurs que,
pour arriver dans le vaste bassin qui les reçoit, les eaux,
qui sourdent au bas du village , ont encore à traverser
des voûtes que l'on croit faire partie des ouvrages exé-
cutés autrefois par les conquérants de la Gaule (3). Je
(1) Mém, de VAcad» des Inscriptions, tom. VII , hist. , pp. 243-245.
(2) Ibid. , p. 245.
(3) Pâtissier^ Manuel des eaux minérales, p. 173.
( 271 )
regrette de n'avoir pas sur ces restes intéressants les
données plus détaillées et plus précises que j'aurais
désirées,
Javols. — Dans cette commune , où coulent des eaux
minérales fort peu connues (1), on découvrit en 1829
des antiquités assez importantes pour fairejuger que ces
eaux ne durent pas être ignorées des anciens ; je ne puis
donner, à mon grand regret, que des indications bien
succinctes. C'étaient, me dit-on, des médailles impé-
riales en grand nombre, depuis Auguste jusqu'à Claude-
le-Gothique ; des poteries en terre grise ou rouge , avec
des ornements en relief; divers ustensiles en bronze,
et quelques figurines de ce même métal , des débris de
marbres variés, et des vestiges de constructions consi-
dérables, évidemment aussi d'origine romaine. Parmi
ces dernières, on avait surtout remarqué les murs d'une
enceinte circulaire assez étendue , dans laquelle on vou-
lut reconnaître un cirque ; peut-être était-ce simplement
un grand bassin, destiné anciennement à recevoir les
eaux minérales. Cependant, je lis que dans cette en-
ceinte, fut trouvée une colonne portant une inscription
en l'honneur de Postume. On ne la donne pas, et je
crains fort qu'il n'y ait erreur sur ce point, comme sur
beaucoup d'autres , dans un ouvrage peu digne d'être
cité, et qu'on n'ait fait confusion avec la colonne mil-
liaire, bien anciennement connue, dont l'inscription fut
publiée par le P. Sirmond (2).
(1) Pâtissier^ Manuel des eaux minérales, p. 556.
(2) Ad Sidon, not., p. 164. Voici le texte de rinscriplîon, d'autant
( 272 )
Ici se présente une question de géographie comparée ,
discutée à une époque déjà ancienne , et qui tirait un
nouvel intérêt de la récente découverte : l'identité de l'an-
tique Anrfm/wm, ville principale des Gabali (1), avec le
lieu subitement illustré par l'apparition de ces monuments
romains. Si d'Anville a cru devoir l'admettre (2), M. Wal-
ckenaer a prouvé surabondamment, ce me semble, dans
un mémoire spécial, qu'AwrfenVwm doit être cherché ail-
leurs (3) . Mais une autre opinion , mitoyenne en quelque
sorte , veut retrouver à Javols la ville qui prit plus tard
son nom de celui des Gabali , et que l'on croit avoir
été différente d'Anderitum (4). Dans un ouvrage pos-
térieur, M. Walckenaer modifiant un peu son opinion
primitive, n'est pas éloigné d'admettre celle-ci (5). J'ai
cru devoir m'abstenir de prendre un parti sur ce der-
nier point , et j'ai préféré inscrire ici cette localité sous
son nom moderne , au lieu de la placer dans ma pre-
mière partie sous un nom romain qu'on peut fort bien
lui contester.
plas intéressante que le nom de Postame est rare sur les monuments
lapidaires : iiip. caes|| m. cas. lat H postybio || p. f. atg. cos || m.
p. GABALL. T.
(1) Ptolem., Géogr. II, 6 (7) ; — Jo6. Peutitiger., segm. I, f.
(2) Notice de la Gaule , p. 67.
(3) Mém, de VAcad. des InscripL (nonreaux), tom. V, pp. 386—
418.
(4) Valois, Nota. Galliar.,p, 214, b.
(5) Géographie des Gaules, tom. I , pp. 347, 348.
( 273 )
MARNE.
Sermaise. — La source minérale de ce lieU (1) porte
le nom vulgaire de Fontaine des Sarrasins , et c'est uni-
quement pour cela que je la mentionne ici. Comme
on ne saurait supposer une invasion des Sarrasins dans
cette contrée, il est naturel de penser que là, comme
ailleurs bien souvent, leur nom est synonyme de païens,
c'est-à-dire de Romains. On peut donc soupçonner que
ceux-ci auraient laissé près de la source quelque cons-
truction , qui aurait perpétué sur les lieux leur souve-
nir. J'ignore toutefois si des découvertes d'antiquités
viendraient appuyer cette présomption.
MEURTHE.
Nancy. — On sait que des eaux minérales coulent
dans cette ville au pied d'un bastion (2). Il est certain
aussi que Nancy a fourni des antiquités , au sujet des-
quelles je ne puis rien préciser ; mais je ne saurais me
tromper quand je me rappelle y avoir vu quelques
objets romains exhumés de ce sol, il y a bien des
années, à une époque où j'habitais la Lorraine. M. Wal-
(1) Pâtissier, Manuel des eaux minérales, p. 556.
(2) Ibid,, p. 366.
18
( 274 )
ckenaer reconnaît cette ville dans YIndesina de la Carte
de Peutinger (1), détermination que je n'avais pas re-
marquée, lorsque j'ai mentionné ce nom avec une com-
plète incertitude , dans la première partie de cet ou-
vrage (2). Au reste le savant géographe, n'exprimant
cette opinion que dans son analyse des itinéraires, n'a
pu en exposer ni discuter les motifs.
PoNT-A-MoussoN. — C'est encore un de ces lieux dont
les eaux minérales sont bien peu connues (3) ; mais
elles peuvent très probablement l'avoir été des Romains,
qui ont laissé dans cette partie de la contrée des Leuci
des traces fort marquées de leur habitation. Les monu-
ments antiques les plus importants de ceux qui ont
été trouvés à Pont-à-Mousson sont, sans contredit, les
deux autels votifs qu'on y consacra autrefois à Hercule ;
il y porte le surnom de Saxanus^ dont je ne yois pas
qu'on ait pu rendre raison jusqu'ici d'une façon positive,
mais que l'on a trouvé aussi ailleurs (4). Lepremiei;de
ces autels, découvert en 1721 , conservé au cabinet des
antiques de la Bibliothèque royale , est en marbre , et
assez remarquable par ses ornements ; on y lit l'inscrip-
tion suivante, rapportée par plusieurs collecteurs (5) :
(1) Géographie des Gaules , tom. ni , p. 90.
(2) 5tip.,p. 121.
(3) Pâtissier . Manuel des eaux minérales , p. 557.
(4) Orelli, InscripU lai. sel.; tom. I, p. 354, nn. 2006-2011, etc.
(5) Montfaucon , Antiq, expliq. , tom. II du suppl. , pi. X ; —
D. Martin , Religion des Gaulois, tom. II , p.- 31 * ; — Caylus , Re-
cueil d^antiq,, tom. V, p. 325 ; — Orelli , Op. laud., n. 2011.
( 275 )
I. O.M.ET.HER
CVLI. SAXA
SACRVM
P. TALPIDIVS
CLEMENS. 7
LEG. VIII. AVG
CVM. MIL. LEG. EIVS
V. S. L L. M
L'autre autel découvert beaucoup plus tard, en 1 749,
fait lire cette inscription plus curieuse, soit par ses
formes , soit par la date que lui assignent les noms des
princes dont elle fait mention (1) :
HERCVU. SAXSANO. ET
IMP. VESPASIANO
AVG. ET. TITO. IMP. ET
DOMITrANO. CAESARI
M. VIBIVS. MARTIALIS
7 LEG. X. GEM. ET. COMMrLI
TONES. VEXILLÏ. LEG. EIVSD
QVI. SVNT. SVB. CVRA. EIVS
V. S. L. M
MOSELLE.
Saint- AvoLD. — Les eaux minérales que possède ce
lieu (2), et dont on ne connaît guère que le nom , fu-
(1) Cajlus, Recueil d'anliq,, tom. V, pi. CXIX, pp. 328^332 ;
-^ OrelU, Op. laud., n. 2008.
(2) Pâtissier, Manwl des eaux minérales, p. 557.
( 276 )
rent-elles plus fréquentées dans l'antiquité ? On peut le
présumer, en se fondant sur des monuments qui pa-
raissent désigner Saint-Avold comme un lieu d'habita-
tion romaine. Je n'indiquerais que d'une manière gé-
nérale des antiquités sur lesquelles j'ai peu de notions,
si je ne pouvais signaler à jnes lecteurs , comme pro-
venant de cette localité , un objet digne d'un intérêt
spécial .
Je veux parler d'un marbre votif qui faisait partie
du cabinet de Schoepflin, et qu'Oberlin a publié (1).
On ne saurait le décrire que comme un parallélipipède,
surmonté d'une sorte de niche de forme très-capri-
cieuse , de même que le buste de la déesse qu'elle con-
tient. Sur la partie qui forme le soubassement qua-
drangulaire du monument , on lit cette inscription
dédicatoire :
DEAE.DEIRONAE
MÀIOR. MA
GIATI. FILIVS
V. S. L. M
C'est le seul monument OÙ se lise le nom de deirona,
déesse qu'on ne trouve mentionnée chez aucun des
auteurs anciens. On a prétendu, il est vrai, qu'elle
n'est point différente de la déesse sirona, nommée assez
souvent sur les monuments écrits (2). Je ne saurais
voir de motifs solides pour reconnaître cette identité ,
et pour confondre deux noms dont la terminaison me
(1) Mus. Schoepflin, p. iïi, tab. I, n. 2.
(2) OTe\\i,InscriptJat.sel., lom. I, pp. 353, 387, 358, n. 2001,
2047—2049.
. ( 277 )
parait former le seul point de ressemblance. Quoi qu'il
en soit , je ne doute pas qu'on ne doive regarder Dei^
rona comme une nouvelle divinité topique ; et de plus,
j'admettrais volontiers qu'elle présidait aux eaux du
lieu où ce monument a été découvert. On a porté , au
reste , le même jugement sur la déesse Sirona (1). On
pourrait répéter ici ce qui est admis dans l'école cel-
tique sur la terminaison ona, désignant de l'eau^ à ce
que disent ces Messieurs : faute de science et de foi , je
dois m'abs tenir.
NIÈVRE.
On sait que ce département possède plusieurs sour-
ces d'eaux minérales (2) : je me félicite de pouvoir
donner quelques notions sur celles auprès desquelles
des antiquités romaines ont été découvertes. Ces notions
m'ont été transmises , sur la recommandation bien-
veillante de Mgr. l'Evéque de Nevers, par M. Crosnier,
ecclésiastique distingué de ce diocèse , qui en a étudié
à fond l'histoire et les antiquités.
Saint-Honoré. — Ces eaux thermales estimées (3)
sont situées sur une des nombreuses voies romaines
qui traversent le Nivernais ; et l'on y a découvert
(1) DaDS le Btdletin monumental, tom. IX, p. 99, on peatroîr
une lettre à ce sujet par M. de Florencourt, de Trêves.
(2) Pâtissier, Manuel des eaux minérales, p. 357.
(3) Ihid, , p. 477.
( 278 )
beaucoup d'antiquités, notamment des restes consi-
dérables d'un établissement de bains élevé par les con-
quérants de la Gaule , mais qui parait avoir subi de
grands ravages à une époque difficile à préciser. Us ont
été reconnus surtout lors des fouilles exécutées en
1 804, pour réunir dans un seul bassin les eaux éparses,
et depuis que le nouveau propriétaire , qui en fit l'ac-
quisition en 1836, s'est occupé, avec un zèle aussi
heureux que constant , à découvrir et à conserver ces
restes précieux de la splendeur romaine. « Les bas-
» sins et les puits, me dit M. Crosnier, sont parfai-
» tement conservés ; lés parois et le dallage sont en
» marbre blanc , qui provient , à ce qu'on pense , des
» carrières de Champrobert, peu distantes de Saint-
» Honoré. Outre quantités de fragments de tuiles ro-
» maines, de briques à rebords, de vases, on y a
» trouvé des statuettes, et des médailles d'or, d'argent
» et de bronze ; les plus nombreuses sont celles d'An-
» tonin-le-Pieux , de (Commode, d'Alexandre -Sévère,
» de Philippe , de Gallien , de Dioclétien , de Ck)nstan-
» tin-le-Grand. »
Saint-Parize. — « Ces eaux minérales sont situées,
» m'écrit M. Crosnier, dans l'angle formé par l'embran-
» chement de la voie romaine allant sur Nevers, et
» joignant à Bug la grande voie d'Autun à Bourges. »
On croit que l'ouverture de la source est le cratère d'un
volcan, et le nom de Fonte-Bouillante, qu'on lui donne
vulgairement, peut faire présumer qu'elle était chaude
autrefois , à moins qu'on ne l'explique par le pétille-
( 279 )
ment de ses eaux qui sont gazeuses. J'apprends encore
que le village le plus voisin s'appelle Puits-de-Meaus ,
nom que l'on croit venir de Puteus malorum (1),
En 1811, le bassin étant obstrué par la vase , on
entreprit de le nettoyer ; et ces travaux , assez mal
conduits , amenèrent cependant une découverte fort
curieuse. A 16 ou 17 pieds de profondeur, on trouva
une grille en bois, et trois bassins , en bois également ,
ayant la forme de baignoires ; aujourd'hui encore , ces
objets sont visibles à certaines époques, lorsque les
eaux ont plus de limpidité. Peut-être aurait-on lieu
d'hésiter sur l'époque probable de ces constructions.
Mais ce que l'on a vu d'analogue découvert aux bains
du Mont-d'Or (2) rendrait rationnelle et vraisemblable,
à mon avis, la conjecture qui les rapporterait à une
haute antiquité, les bois à Saint-Parize, comme au Mont-
d'Or , ayant pu être conservés par suite de quelque
circonstance particulière , qui tiendrait , selon toute
apparence, aux propriétés de la source minérale.
Fontaine-des-Vertus. — Au sujet de cette source , je
transcris textuellement les indications qui me sont four-
nies par M. l'abbé Crosnier.
« La Fontaine-des-Vertus , de même nature que h
y> Fonte-Bouillante , est placée à 3 kilomètres environ
» de la source dont on vient de parler ,. sur la grande
» voie d'Autun à Bourges , nommée Chemin Brunichou
(1) Si l'ancieDoeté de ce nom latin est bien établie, elle peut
indiquer une fort ancienne exploitation des eaux de Sain(-Parize.
(2) Sup., p. i09.
( 280 )
» ( Brunichildis ) . Lorsque j'ai visité cette fontaine ^
9 c'était en été , le bassin était rempli d'une masse de
» vase infecte qui bouillonnait. Depuis cettç époque y
» on y a fait quelques déblais^ et on a découyeit un
» puits en forme d'entonnoir quadrangulaire , ou de
» pyramide renversée (1). Il eut été à désirer qu'on
9 continuât les travaux. Près des deux sources dont on
» vient de parler , sont les bois de Petit-Bourg et de
» Grand-Bourg , où l'on rencontre fréquemment d'an-
» ciennes fondations , et qui semblent confirmer une
» tradition du pays , qui indique ce lieu comme l'em-
» placement d'une ancienne ville qui aurait été brûlée.
» Quand saint Patrice vint évangéliser le pays au vi*
» siècle j il se nommait le Bourg des Gentils y Pagus
» Gentilicus : il est dit dans sa légende qu'il se retira
» dans un lieu peu éloigné de ce bourg, et qu'il y cons-
» truisit une église. Quel était ce Bourg des Gentils ?
» J'ai fait un travail assez étendu pour démontrer que
» c'était la Gergovia Boiorum dont il est parlé dans
» César ; et c'est bien en effet cette contrée que d'Anville
» assigne aux Boiens. i>
Il est surprenant que dans aucun des lieux de la
Nièvre dont il vient d'être question , on n'ait retrouvé
quelque inscription romaine : M. Crosnier m'assure qu'il
n'en connaît aucune.
(1) Ce puits doit être cerlaincmenl d'origine romaine. J'en ai
mentionnés de semblables (Stip*, p. 5i ) à Bourbon-Lancy.
( 281 )
N(mD.
Saint-Amand. — Cette ville, plus célèbre pour ses
boues minérales que pour ses eaux (1) , doit son nom
actuel, comme son existence, à saint Amand, évêque de
Tongres, qui vint au vu™* siècle fonder un monastère de
bénédictins dans ce lieu, sauvage alors et couvert de
bois, auquel on donna d'abord le nom &ElnOy mais qui
prit plus tard celui de son fondateur (2). Rien dans sa
vie n'indique en aucune manière que Ton connût à cette
époque ni les eaux, ni les boues situées auprès de la
ville actuelle , mais à une demi-lieue dans une plaine
marécageuse. Néanmoins ce fait est suffisamment attesté
par des témoins irrécusables, les monuments. Ceux-ci
nous apprennent que les Romains avaient su apprécier
les avantages dont la nature avait doté ce lieu, et que,
pour les mettre à profit, ils y avaient exécuté des travaux
importants et magnifiques. Une notice historique de
M. Bottin me fournit à ce sujet la plupart des indications
que je vais résumer (3).
C'est une chose prodigieuse que la quantité d'objets
antiques retrouvés à Saint-Amand, toutes les fois qu'on
y a ouvert le sol , ou soulevé la vase : il est à regreter
(1) Pâtissier, Manuel des eaux minérales, p. 452.
(2) On peut Yoir sa yie écrite par Baudemond , dans le recueil
de Surîus au 6 féyrier.
(3) Mémoires de la société des antiquaires de France, tom. It
pp. 353—379.
( 282 )
que la plupart aient totalement disparu • On y a mentionné
à diverses époques , des médailles en grand nombre et
de tous les métaux , des poteries portant des noms d'ou-
vriers , et notamment des fragments de vases en terre
très-fine, avec des figures et d'autres ornements en re-
lief ; des statuettes en bronze de Mercure , de Gupidon ,
de Pan ; un petit autel orné de bas-reliefs , également
en bronze; des miroirs de métal, des armes, des
lampes et autres ustensiles ; des tombeaux en pierre ,
et une inscription qu'on ne rapporte pas, et qui peut-être
fut détruite ou employée avec des matériaux à bâtir ,
comme il arrive trop souvent.
Outre une grande quantité de tuiles et de briques
romaines , on a trouvé encore quelques vestiges de cons-
tructions ayant certainement la même origine , et dont
plusieurs attestent éviden^ment l'existence en ce lieu d'un
antique établissement , destiné à l'exploitation des eaux
ou des boues minérales. Telle est en particulier une
suite de constructions , toute composée de petites loges
souterraines en grand nombre. D'après leur diposition
et l'emplacement qu'elles occupaient près de la fontaine,
il ne paraît guère possible de douter que ces substructions
n'aient fait partie d'un édifice thermal , élevé par les
conquérants de la Gaule.
Mais une autre découverte fut bien plus extraordi-
naire ; et l'on n'hésiterait point à la juger fabuleuse ,
si elle n'était pas attestée par plusieurs écrivains qui
disent en avoir été les témoins oculaires , et dont l'un
fut long-temps le médecin inspecteur des eaux. C'est celle
qui eut lieu en 1698, de deux cents statues colossales ,
ensevelies dans le bassin de la fontaine , et dont la p^u-
( 285 )
part avaient été tellement altérées par leur séjour au
sein des eaux, que les traits en étaient presque en-
tièrement déformés. Je renvoie à la notice de M. Bottin ,
pour de plus amples détails sur cette découverte sin-
gulière , dont il ne parait pas qu'aucune trace se soit
conservée jusqu'à nos jours (1). Quoi qu'il en soit,,
on peut présumer que ces statues, si elles étaient
vraiment antiques , avaient fait partie de la décoration
donnée par la magnificence romaine à l'édifice thermal
de ce lieu.
ORNE.
Fontaine-de-la-Herse. — Cette source peu fréquen-
tée (2), située dans la forêt de Belesme , arrondissement
de Mortagne, mérite d'être distinguée sous le rapport
archéologique , à cause des deux inscriptions romaines
qu'on y a découvertes , et dans lesquelles , ce me semble ,
on doit reconnaître la preuve de son antique exploitation.
Connues depuis long-temps , elles ont été illustrées par
Baudelot (3) ; et la première a été cent fois citée (4) ;
en voici le texte :
(1) Op. laud, , pp. 364—368.
(2) Pâtissier^ Manuel des eaux minérales , p. 338.
(3) Mém, de VAcad. des Inscript. , tom. ICI, hist. p. 232.
(4) M. de Caumont m'assure que l'inscription existe encore sur
les lieux.
( 284 )
DUS. INFERIS
VENERl
MARTI. ET
MERCVRIO
SACRVK
Il y aurait à dire beaucoup plus que ne Ta fait Baudelot
au sujet de cette inscription , monument d'un culte spé-
cial dont on en connaît assez peu^ et remarquable d'ail-
leurs par les noms des divinités qu'elle associe aux
dieux infernaux^ et que nous ne sommes point habitués
à mettre de ce nombre, si ce n'est Mercure, considéré
quelquefois comme conducteur des âmes, et surnommé
alors Psychopompe. Mais ce n'est pas ici le lieu d'entrer
dans l'examen de ces détails.
L'autre inscription est beaucoup plus simple , et ne
contient qu'une seule ligne , composée de ce seul mot :
APHRODISIVM
Est-elle entière dans cet état , ou bien ne serait-ce qu'on
fragment ? c'est ce que je ne trouve indiqué nuHe part.
Quoi qu'il en soit, l'inscription est curieuse. On peut
interpréter diversement le mot Aphrodisium, tout
grec dans sa forme, et synonyme de Venereum. Dans
le sens de ce dernier mot, il pourrait désigner un de ces
lieux infâmes , qu'on appelait moins honnêtement lu-
panar , prostibuluniy etc. Mais Aphrodisium , qu'on
trouve ici pour la première fois sur un marbre antique,
parait employé par Pline pour désigner un temple près
A'Aniium consacré à Vénus (1). On peut plus convena-
(1) Nat. hist.,\\l, 5(9).
( 285 )
blement supposer dans la forêt de Belesnie, et aux en-
virons de la source, l'existence d'un temple, d'une
édicule , ou de tout autre monument religieux en l'hon-
neur de cette déesse, déjà nommée, on vient de le voir,
dans l'autre inscription du même lieu.
PUY-DE-DOME.
Ce département est un de ceux qui possèdent le plus
de sources minérales , dont beaucoup n'ont qu'une ré-
putation médiocre , et dont la plupart, à peine connues
dans le pays, ne figurent pas dans les tableaux publiés.
Au point de vue archéologique, aucun des lieux qui les
possèdent ne saurait être comparé au Mont-d'Or, dont
j'ai parlé sous le nom de Calenies aquœ (1). Je ne doute
pas néanmoins que plusieurs de ceux que j'omets n'eu-
sent pu être mentionnés ici , mais les suivants sont les
seuls sur lesquels j'ai obtenu quelques renseignements:
j'en dois une partie encore à l'obligeance du savant bi-
bliothécaire de Glermont.
La BouRBOULE. — Cette appellation , dans laquelle
on croit trouver une onomatopée , donne , me dit-on ,
une idée assez juste du bruit que produisent les eaux
lorsqu'elles sortent des tufs par lesquels elles ont à
passer, et semblerait ainsi rappeler Vaqua... ructata
cavernatim que décrivait saint Sidoine à ses Calentes
(1) 5wjp., p. 101.
N
( 286 )
Baiœ (1). Ce ne serait pas, au reste, un motif suffisant
de les reconnaître ici ; et j'ai donné de meilleures raisons
pour placer ces thermes antiques au Mont-d'Or. Cepen-
dant les eaux de la Bourboule passent pour avoir été
connues au temps de la domination romaine , et sans
doute cette assertion est fondée sur quelque reste d'an-
tiquité retrouvé sur les lieux. Mais rien de spécial n'a
été indiqué ; on m'écrit d'Auvergne qu'on y connaît ni
ruines d'édifices , ni inscriptions, ni monuments votifs
d'aucune sorte , et que les antiquités découvertes sur ce
territoire ne peuvent être que des médailles, ou quelques
débris.
Chateauneuf. — Ce village de l'arrondissement de
Riom possède de nombreuses sources thermales , long-
temps négligées , mais qui prennent faveur .aujour-
d'hui (2). Il paraît qu'elles furent aussi connues et em-
ployées par les Romains. Mes motifs pour le penser se
trouvent dans les lignes suivantes d'une publication ré-
cente : « Il existe peu de documents sur ces thermes ,
» qui sont, à n'en pas douter, d'origine ou de construction
» romaine. Aucune tradition ne fait savoir qu'ils aient
» été connus jadis , et pourtant , en creusant une des pis-
» cines, on a trouvé des médailles, ou des pièces de mon-
» naie de fabrication romaine , provenant des colonies
» d'Aix et de Marseille (3) . La découverte faite récemme n t
(1) Epist. V, 14.
(3) Pâtissier , Manuel des eaux minérales, p. 262.
(3) Tout ceci est on ne peut pas plus inexact» et fait voir avec
queUe réserve il faut accueillir les indications de cette nature ,
quand elles proviennent d'hommes étrangers aux études arebé^o-
( 287 )
» de baignoires de briques parfaitement cimentées,
* prouve qu'ils ont été abandonnés , après avoir été fré-
» quentés pendant un temps plus ou moins long (i). »
PoNT-GiBAUD. — Je n*aî aucune indication archéo-
logique au sujet de cette petite ville , où coulent deux
sources d'eau gazeuse (2). Mais le sol de ce canton est
tellement fécond en débris d'antiquités , qu'il me paraît
difficile de ne pas admettre , comme une conjecture fort
probable , que ces eaux furent connues dans l'âge romain .
Quelques-unes des découvertes sur lesquelles je la fonde
sont mentionnées dans une notice spécialede M. Bouyon,
habitant du pays, sur les antiquités de ce canton (3).
Saint-Mart. — La commune de Royat possédait déjà
depuis long-temps un établissement portant le nom de
Bains de César ; je ne saurais dire jusqu'à quel point
il pourrait avoir droit à ce nom, qui indiquerait une ori-
gîques. Marseille n'était point colonie > mais yille autonome; et la
colonie d'Àix , Aquœ Sextiœ , ne nous a point laissé de médailles.
Je pense qu'il s'agit de médailles de la colonie de Nîmes , arec les
têtes d'Auguste et d'Àgrippa , les plus communes de toutes les co-
loniales dans notre Gaule» et de petites médailles grecques de
Marseille en argent , qui ne sont pas plus rares. Le commerce de
cette yiUe les répandait partout , au point que dans le département
que j'habite , on troura à Bourg » il j a une quarantaine d'années ,
une masse de ces petites pièces pesant plusieurs livres.
(1) Salneure, Essai sur les eatix minérales de Châteauneuf; Gannat»
1834 , p. XII.
(2) Pâtissier, Manuel des eatix thermales, p. 307.
(3) Mémoires de la société des antiquaires de France, tom^ V,
pp. 220—225.
( 2.88 )
gine romaine , ni sur quels monuments antiques un tel
droit serait fondé.
Mais en 1843, au lieu où sont les sources qui por-
tent le nom de Saint-Mart , et que de nombreux débris
romains indiquaient comme un sol antique, des fouilles
amenèrent une découverte assez importante pour démon-
trer que les maîtres du monde connurent autrefois et
utilisèrent ces eaux, car elle mit au jour une partie des
ouvrages dont se composait leur établissement thermal.
Parmi les constructions qu'ont fait reconnaître ces exca-
vations , on trouva d'abord une piscine carrée de quatre
mètres sur chacun de ses côtés, et divisée en deux par
une séparation intérieure. Bientôt on reconnut une
seconde piscine. Celle-ci était plus remarquable par ses
détails : plus grande que la première d'un demi-mètre en
tous sens, elle formait , comme elle , une enceinte qua-
drangulaire ; mais dans cette enceinte était inscrit un
bassin hexagone construit en pierre de grès, formant des
sièges et des gradins. Plus tard on découvrit encore un
canal , que la roule moderne recouvrait , et l'on arriva à
une chambre voûtée , où l'on retrouva des pavés et pla-
cages en marbre de couleur, ainsi qu'un fut de colonne
en marbre blanc.
Les travaux en étaient là lorsque fut publié l'opuscule
intéressant auquel j'emprunte ces données (1). Ils ont
dû être continués, mais j'en ignore les résultats ; sans
doute ils ont donné lieu , ou donneront lieu encore ,
à d'autres découvertes , et l'on peut espérer de reconnaître
(1) E. T. Royat, ses eaux et ses environs; Clermont , 1843> pp. S-
15.
( 289 )
quelque jour^ dans son ensemble, cet établissemem
thermal des Romains au sein des montagnes des Arverni.
Vic*LE-CoMXE. — On me dit que ce lieu, comme son
homonyme du Cantal , possède quelques restes d'anti-
quités j ou du moins en a reproduit. Cette assertion est
d'accord avec quelques souvenirs un peu confus; mais
n'ayant rien de plus précis à donner à mes lecteurs , je
ne la consigne ici qu'en hésitant.
PYRÉNÉES (Hautes-).
Nulle partie du sol de l'ancienne Gaule n'est pFus
abondamment pourvue de sources thermales, ou miné-
rales, que les contrées pyrénéennes. Et cependant, elles
n'occupent pas une grande place dans cette partie de mon
travail, la pénurie des renseignements laissera ici, je le
crains , de nombreuses lacunes. Je manque tout-à-fait de
notions archéologiques sur les eaux des Basses-Pyrénées,
trois noms seulement figureront parmi celles des Pyré-
nées-Orientales, et pour les Hautes-Pyrénées, le peu que
j'ai à dire ne vaudra guères plus que le silence.
Cauterets. — Ces eaux , si réputées de nos jours ,
passent pour très-anciennement connues , et même pour
avoir été exploitées aux jours de la domination romaine.
Les hommes instruits du pays partagent celte opinion
reçue, et l'on m'écrit tout-à-fiit dans ce sens. Je vou-
19
( 290 )
drais qu'où put Tétayer au moins de quelques débris
antiques, nftais on n'indique rien de tel, et je soupçonne
qu'elle n'est fondée que sur la tradition qui donne le
nom de Céssu* à l'un des bains de l'établissement (1).
Le lecteur peut juger si cette base est suffisamment
solide.
PYRÉNÉES-ORIENTALES.
Bains-d'Arles. — Cet établissement qui voit s'accroître
sa prospérité , a aussi une grande distinction au point
de vue archéologique , car il possède des restes fort
considérables des thermes qui furent construits près de
ses sources à l'époque romaine.
Ne connaissant sur ces eaux que le petit nombre de
lignes que leur a consacré M. Mérimée (2) , j'ai eu re-
cours à l'obligeance de M. Jaubert de Passa, corres-
pondant de rinstitut, qui a fait une étude profonde des
monuments de son pays , et je lui suis redevable de la
plupart des indications que je vais mettre sous les yeux
de mes lecteurs. Elles se rapportent presque uniquement
aux antiques constructions thermales ; car, à l'exception
d'une découverte récente et d'un grand intérêt, laquelle
se lie essentiellement au culte des eaux , j'aurai tout dit
sur le reste, en rappelant que ce département possède
d'abondantes richesses en ruines romaines , en inscrip-
(1) Pâtissier, Manuel des eaux minéraleê, p. 126.
(2) Notes éPun voyage dans l&nUdi de la France, p. 417.
( 291 )
tions^ sarcophages et monuments de tout genre , çtqu'à
Arles, en particulier, on trouve fréquemment sous des
constructions modernes , ou dans les champs , divers
débris antiques, et des médailles puniques, celtibé-
riennes, gauloises et romaines. Voici les restes des
thermes antiques qui me sont signalés par mon savant
et respectable correspondant.
1° La grande piscine, bien remarquable encore,
mais qui le serait davantage si les architectes^ modernes
n'avaient point passé par là. « C'est un vaste parallé-
» logramme, me dit M. Jaubert de Passa, avec une
» belle voûte à plein ceintre^ percée vers le milieu
» pour offrir un dégagement à la vapeur. Trois faces
» étaient à demi percées de niches semi- circulaires,
» au pied desquelles étaient des bassins pour les bai-
» gneurs : ils ont été comblés plus tard. Les trois quarts
» de la surface de la salle étaient creusés à 7 ou 8 pieds.
» de , profondeur , et formaient la piscine, pavée de
» briques posées sur champ, opus spicalum; au be-
» soin c'était aussi un bassin de natation. On l'a com-
» blç depuis 1840, on a pavé le sol en mosaïque et
» entouré la salle de 30 à 36 cabinets pour les bai-
» gneurs. La nef de cette piscine est fort belle. Les
» baigneurs l'admirent, mais les artistes regrettent l'an-
» cien bassin. »
2° La petite piscine ,^ que M. Mérimée avait décrite
antérieurement aux travaux exécutés pour les bains
nK)dern6s (1), et que sa destination actuelle a^éservé
des architectes de nos jours. « Elle n'a subi aucune dé-
(1) Loc, laud.
( 292 )
» gradation^ me dit encore 'M. de Passa ^ si ce n'est
» qu'on a enterré la partie que Teau occupait au pied
» des degrés placés sur chaque face du bassin. C'est
» aujourd'hui l'église paroissiale. Elle est dans la di-
» rection du grand aqueduc^ et l'un et l'autre longent
» un petit torrent, qui protégea les thermes au moyen-
» âge. »
y Le grand aqueduc à arcades. « Il est construit en
» briques romaines, continue M. de Passa, avec un
» angle échancré. Il recevait les eaux de la source prin-
» cipale par un aqueduc refait à plusieurs époques , et
» les versait dans les deux piscines, et probablement
» dans d'autres qui sont enfouies sous les maisons du
» village. » Il existe aussi des aqueducs souterrains
destinés à l'évacuation des eaux. Ceux-ci passent sous le
village , et viennent aboutir à la petite rivière de Mon-
doni.
4® On peut encore rapporter aux thermes romains
des cavités taillées dans les rochers qui bordent la rive
gauche de la rivière , et dont l'une forme aujourd'hui un
bassin de natation pour les nouveaux thermes. M. de
Passa pense que ces excavations pouvaient être dans
l'antiquité les bains des pauvres. Il faut mentionner
aussi un fort barrage en maçonnerie placé entre deux
rochers, et en travers de la rivière, pour amener aux
thermes les eaux froides. Aujourd'hui, il sert encore à
alimenter les fontaines publiques. On ne saurait dire
comment cet ouvrage antique est attribué vulgairement
à Hannibal , et appelé de son nom.
On me dit aussi que plusieurs maisons du village
conservent encore des restes de constructions antiques ,
( 293 )
qui ont dû faire partie des thermes romains. De ceci ,
et de tout ce qui précède , on peut donc conclure que
cet établissement 9 dans un petit village des Pyrénées,
couvrait une étendue de terrain considérable , et qu'il
était fort important.
Il me reste à parler de la découverte que j'ai an-
noncée plus haut , laquelle donne à ces bains romains
un caractère tout spécial, en nous révélant diverses
particularités du culte qu'on y rendait aux divinités
des eaux, et nous faisant connaître une classe de mo-
numents votifs auxquels rien de connu ne ressemblait
jusqu'à présent. Je vais donner les détails essentiels sur
l'objet et les circonstances de cette découverte récente ;
j'en suis redevable à l'obligeance de M. Henry, de
Perpignan , archiviste de Toulon , qui a bien voulu me
communiquer aussi les calques des dessins fac simile
pris sur les lieux.
Le propriétaire de l'établissement thermal , voulant
ajouter au volume d'une des sources , eut recours à un
escarpement pratiqué dans la roche granitique d'où elle
s'échappe. Il eut un plein succès, et la force du jet de la
source s'étant accrue, comme la masse de ses eaux,
expulsa de l'intérieur quelques petits objets antiques
qu'il recelait. De ce nombre étaient : des médailles en
bronze , de coin romain , A'Emporium et de la colonie
de Nîmes , mais très frustes et à peine reconnaissables ;
deux objets en plomb, .ayant la forme de boutons
bombés, comme ceux de notre cavalerie légère, et dont
l'un était assez petit pour avoir pu servir à un usage
analogue, de petits disques en» métal couvert de cristaux
grisâtres , qui , des empreintes qu'on croyait y voir, ne
( 294 )
conservèrent , quand on voulut les nettoyer de la couobe
ertstalline, qu'une poussière noire impalpable; enfin 4t
petites lames de plomb très-minces ^ pliées en trois ou en
quatre , comme nous ferions aujoiird'hui d'une feuille
de papier. Ces derniers monuments font tout l'intérêt
de cette découverte , car ils sont chargés de caractères
gravés à la pointe , malheureusement fort altérés en
quelques parties par les plis faits aux feuilles , et par
l'oxidation qu'elles ont subie.
Quoique j'aie entre les mains les calques de toutes ces
inscriptions encore inédites , je n'ai point l'intention de
hasarder l'entreprise difficile de les lire et de les pu-
blier. Ces calques ont été confiés à un de nos savants les
plus distingués , versé spécialement dans ce genre d'é-
tudes.; et l'on est en droit d'attendre de lui qu'il en tiré,
avec la sagacité éclairée qui le distingue , tout le parti
possible (1). Pour moi, je dois me borner ici à quelques
simples observations.
Ces feuilles sont écrites en caractères cursifs fort iné-
galement tracés ; elles présentent quelquefois un singu-
lier mélange des lettres grecques avec les lettres latines.
Dans mes essais de lecture, peu suivis il est vrai, je n'ai
point réussi encore à déchiffrer un certain nombre de
mots que je puisse lier ensemble, pour former un sens.
Néanmoins, au premier aspect, on reconnaît facilement
quelques noms romains : j'ai lu sur la même lame ceux
de NVMENE MAXisfiE et MA. . iMiNA. Une autre inscription ,
(1) M. Henry les a remis entre les mains de M. Letronne , et il
espère que cet habile philologue ne tardera pas à faire paraître, dans
la Rerue archéologique, les résultats de ses études sur ces monu-
ments curieux.
( 295 )
qui présenté beaucoup de caractères grecs , commence
parie mot katîta, et ce pourrait bien être le nom d'une
divinité invoquée : nimfa, si je ne me trompe, est le
commencement d'une troisième. Si je lis bien ailleurs
les mots BOGT. vt, auquel cas on peut voir dans le pre*-
mier Tabbréviation de rogat, cet^e expression me sem-
blerait autoriser ma conjecture, que quelques-unes de
ces feuilles écrites contiennent des prières. Enfin sur
deux de ces plombs, le motRosAH ne saurait être contesté r
je crois qu'il en est de même de lunos sur un autre ;^ et
les trois premières lettres de ce mot apparaissent encore
sur un quatrième. Ceci peut faire présumer qu'on ho-
norait les nymphes, ou leg divinités thcijmales de ce lieu,
par des (Grandes de rameaux et de roses.
Quoi qu'il en soit de ces conjectures , il parait certain ,
du moins, que là on jetait dans le sein des eaux des
inscriptions surplomb, pliées, en quelque sorte, comme
des lettres , et qui ne pouvai^t être que votives : cette
coutume, qui a un côté fort poétique, est pour nous une
chose toute nouvelle (1); et je crois pouvoir en dire
autant de la forme donnée à ces lames de plomb (2). Si
(1) On ne trbure rien de semblable chez les écrivains de Tantî-
quité , quoiqu'ils fassent souvent mention d'offrandes singulières
jetées ainsi dans les eaux de la mer , des lacs, ou des fontaines.
(2) Les auteurs anciens signalent sourent encore des liyrês écrits
sur plomb , dont le plus célèbre est , sans doute , celui d*Hésîode
qu*on Tojait encore du temps de Pausanias , ( Bœot (IX), 31) près
de la source d'Hypocrène. Les modernes ont retrouvé aussi quelques
inscriptions antiques gravées sur ce métal , mais rien de semblable
à ce que nous voyons ici. Ce qui offrirait le plus d^analogie , à* là des-
tination près, serait, sans contredit, celles dont parle Boldetti(Cifnf-
terideiSS. Martiri, p. 324 ) comme trouvées dans des tombeaux des
Catacombes, et que Ton pensait être des actes de martyrs: mais dont
( 296 )
une telle pratique était communément suivie en ce lieu ,
ce que de nouveaux travaux aux débouchés des sources
pourront quelque jour nous mettre à même de mieux
constater 9 il serait curieux de connaître par quelle voie
ces suppliques^ ou ces actions de grâces , étaient adres-
sées aux divinités aquatiques. Il est de toute évidence
qu'on ne pouvait se servir à cette fin de Foriflce par lequel
s'échappent les sources ; leur impulsion eût rejeté toute
oiFrande faite ainsi à leurs nymphes. Il fallait donc qu'on
employât pour cela quelque ouverture, naturelle ou
factice, existant alors sur un poiùt plus élevé du rocher^
et qui aujourd'hui serait inconnue , ou aurait été fermée
après la chute 4p paganisme. Gela étant, je ne serais
pas éloigné de croire qu'ail y avait en ee lieu un puits
sacré, orné convenablement, et renfermé dans un temple
ou dans une édicule , où l'on pouvait arriver par des
chemins praticables aux baigneurs. Des recherches dans
les rochers qui dominent les sources pourraient seules
confirmer cette conjecture ; et il serait désirable queles
archéologues du pays voulussent s'en occuper sérieuse-
ment.
EscALDAs.— Ce village, voisin de la frontière d'Espagne,
a deux établissements pour l'administration de ses eaux
thermales , qui sont assez fréquentées par les habitants
on a jamais pu reconnattre les caractères , parce qu'elles se brisaient
comme du verre , dît Boldetti , lorsqu'on voulait tenter de les dé-
rouler. Car ces feuilles différaient encore de celles d'Arles en ce
qu'elles étaient roulées , comme les rolumes des anciens ; on peut
en juger par le dessin qu'il donne (Tav. H^ 3 ) de Tune d'eUes,
qu'il avait retrouvée lui-même. *
( 297 )
des environs ; et surtout par les Catalans (1). Son nom,
qui a la même signification que celui ^Aqum Calidœ,
lui vient peut-être de Tantiquité. Il est certain , du moins^
que ses eaux ont été connues des Romains , et qu'ils y
avaient formé un établissement. Il n'en existe plus rien
d'apparent : là encore, les architectes ont fait leur métier,
qui semble être de détruire ; et tout ce qui appartenait
à ces thermes antiques a été , ou renversé de fond en
comble , ou enfoui sous l'ouvrage des maçons modernes.
Mais M. Henr}' m'assure avoir vu encore, il y a une tren-
taine d'années , des restes fort bien caractérisés de ces
bains regrettables.
Vernet, — Ce lieu thermal pittoresque, et intéressant ,
dit-on , pour le naturaliste (2) , devra peut-être, à l'en-
gouement de la mode, une vogue nouvelFe, depuis que
ses bains ont reçu la visite d'un grand prince de l'Orient.
11 parait qu'il jouissait d'une certaine splendeur, il y a
quelques siècles. « L'arc gothique de la salle de la piscine,
» me dit M. Henry, moins grande que celle d'Arles, en
D assigne la construction au moyen-àge , et de quelques
» données historiques , j'avais pu déduire que cet éta-
9 blissement devait son origine aux rois de Majorque. »
Cette notion n'est certainement pas dépourvue d'ih-
térêt ; mais, comme elle est par elle-même en dehors de
l'époque dont je m'occupe, je ne l'eusse pas transcrite
ici, si je n'avais pensé y voir un motif assez fort de re^
monter plus haut. Il me parait probable, en effet, que
(1) Pâtissier, ManvLel des eaux minérales, p. 148.
(2) Op. laud. . p. 151.
( 298 )
dans ces siècles où l'on faisait peu de créations en ce
genre , les rois de Majorque durent moins fonder que
restaurer, et qu'un établissement romain existait déjà à
Vemet. J'ignore si cette conjecture pourrait s'appuyw
encore sur quelques débris antiques.
RHIN (Bas-).
NiEDERBRONN. — Dc touic FAlsacc, c'est le seul lieu
dont j'ai à parler ici, quoique les départements formés
de cette province possèdent, l'un et l'autre, des eaux
minérales en assez grand nombre (i) ; pour le reste, les
renseignements m'ont fait défaut, et je crains fort de
commettre quelque omission.
Près de ces eaux, qui sont incontestablenient les plus
célèbres de l'Alsace (2) , on retrouve non-seulement des
débris de peu d'intérêt, indices toutefois d'un lieu d'ha-
bitation romaine, mais des vestiges plus importants et
plus significatifs. Des restes de constructions ont été
observés dans les alentours de ces bains modernes ; deux
bassins hexagones fort remarquables, qui servent encore
aujourd'hui à recueillir les eaux des sources, passent
pour avoir été primitivement l'ouvrage des Romains :
en un mot , me dit-on trop brièvement , tout y respire
l'antiquité , tout annonce qu'il exista autrefois en ce lieu
(1) Pâtissier, Manuel des eaux minérales, p. 558.
(2) Ibid. , p. 488.
( 299 )
un grand établissement thermal y digne des maîtres du
monde.
On a trouvé à Niederbronn, à la fin du xvi"* siècle,
un ancien pavé et une multitude de médailles romaines ;
au commencement du xvni""®, on y découvrit un cha-
piteau de colonne , et un autel quadrilatère , où étaient
représentés Mercure , Apollon, Minerve et Hercule. De
ce sol provenaient encore quelques monuments du ca-
binet de Schoepflin, qui ont été décrits par Oberlin.
Tels sont deux bas-reliefs en pierre , de petites propor-
tions, dont l'un peut représenter une Minerve (1);
l'autre, figure un cavalier entraînant un captif (2). Tel
est encore un fragment, qui fut la partie inférieure d'un
autel votif, consacré, on ne sait à quelle divinité, par
des militaires de Ja vnr^ légion , sous le consulat de
Caracalla et de Geta (3) ; c'est tout ce que nous appren-
nent ces quatre lignes , les seules qui aient été con-
servées (4) :
LEG. Vin. AV. .
V.S.LL.M
IMP. ANTONINO
II. ET. : • : : : C. COS
Ce fragment avait été trouvé sur une montagne , près
du bourg de Niederbronn. C'est là aussi, me dit M. de
Golbery , correspondant de l'Institut , que dut exister
(1) Mus. Schoepflin, p. 20, tabl. I, 4.
(2) Ibid,, p. 22, lab. Il, 1.
(3) Le nom de Geta a été effacé à dessein , comme sur d'antres
monuments , ,méme sur des médailles.
(4) Op. laud. > p. 35 , tab. II > 3.
( 300 )
un édifice en briques eonsacré à Mercure , attbgia te-
GVLiciA (1), que mentionne cette inscription décou-
verte au même lieu (2) :
DEO.MERCVRIO. ATTEGI
AM. TEGVUCLàM. COMP
OSITAM. SEVERimVS
SATVLLINVS. C. F. EX. VO
TO.POSVIT.L.L.M.
RHONE.
.f
Charbonnières. — Le voisinage de la grande ville de
Lugdununiy qui porte sur la Carte de Peutinger le titre de
Capul Galliarum (3) , pourrait faire présumer que l'àgc
romain n'ignora pas ces eaux peu réputées denosjours^
(1) L'adjectif teguliciiu dérivé de teyula , n'est pas connu chez les
< auteurs, ni sur d'autres monuments; mais il n'a pas besoin d'être
expliqué. Quant au mot attegia, qu'on ne trouve peut-être que
dans ce vers de Jurenal ( Sat, XIV, r. 196), *
Dirue Maurorum attegias , cMtella Brigantum ,
il parait sîgniûer une cabane , une hutte , et Forcellini lui donne
une origine arabe. Ces deux mots, appliqués ici à Mercure, doivent
désigner une sorte d'édicule rustique, ou bâtie en tuiles, ou n'ayant
qu'un toit supporté par des piliers, en bois suivant toute apparence.
(2) Schoepflin , Alsat. illiMtr. , tom. I^p. 445 ; — Orelli , Jnscript.
lat. sel.y tom. I , p. 285. » n. 1396.
(3) Segm. II, a.
( 301 )
bien qu'elles aient un médecin inspecteur (1). Je ne
connais pas d'autre argument qui milite pour elles :
quelques médailles sont les seuls monuments antiques
découverts, que je sache, dans ce village.
Quoique lyonnais , j'ignore absolument toute donnée
archéologique concernant les eaux minérales, bien
moins connues encore, qui coulent dans quelques autres
lieux du département du Rhône (2).
SEÏNE-INFÉRIEURE.
Forges. — Les lignes suivantes de M. Fernel, anti-
quaire du pays, donneront tous mes motifs pour inscrire
ici le nom de ces eaux assez peu fréquentées (3). « Près
» du bourg de Forges, le long de la grande route de
» Paris à Dieppe , et seulement à 200 pas de cette route ,
» en face des eaux minérales, on remarque un lieu élevé,
» maintenant planté d'arbres, nommé le Donjon. La
» mémoire n'a rien conservé sur cet établissement. . .
» Je découvris à l'aide de quelques tranchées , et je mis
» au jour en plusieurs endroits , et particulièrement du
» côté du chemin longeant le Donjon , non loin de la
» grande route actuelle , une quantité remarquable de
» fragments de tuiles romaines , même de briques . . . Des
» habitations se grouppaient autour de cet établisse-
(1) Pâtissier, Manuel des eaux minérales ^ p. 549.
(2) Ihid. y p. 558.
(3) Ihid, , p. 327 ,
( 302 )
y» ment. . . Tout fait croire que là fut le premier éiablis-
» sèment romain dans cette contrée, où plus tard, non
» loin de là, s'établirent des forges, qui donnèrent leur
» nom, Forgiœ, au village (1). »
Sainte-Marguerite. — Il y a bien plus de positif dans
les indices que ce lieu fournit, et d'une habitation ro-
maine , et d'un antique établissement destiné à l'exploi-
tation des eaux peu célèbres qui coulent sur son sol (2).
Là , des monuments importants , et d'une nature non
douteuse, attestent le passage du peuple éminemment
civilisateur. Ce sont surtout des constructions de divers
genres, liées entre elles, et composant l'ensemble d'un
vaste édifice , qu'on a regardé comme une villa : il pour-
rait bien avoir fait partie d'un établissement thermal ;
mais dans l'un ou l'autre cas, il aurait toujours un rap-
port plus que probable avec les eaux minérales, ce que
paraissent prouver les restes considérables d'hypocaustes
qu'on y a découverts. De plus on a reconnu des cours,
des portiques, un escalier, des galeries, des salles de
diverse^ grandeurs, dont une en hémicycle, etc. Un
grand nombre de pièces étaient pavées en mosaïques ;
et la richesse des décorations est attestée d'ailleurs par
des bases et des fragments de colonnes , des débris de
peintures murales et de placages en marbres variés. Je
ne dis rien des sépultures fort singulières découvertes à
l'extérieur de l'édifice , et au pied d'un des murs : elles
paraissent d'un âge postérieur, bien certainement du
(1) Mémoires de la société des antiquaires de Normandie , 2™* série ,
tom. I, pp. 175 , 176.
(2) Pâtissier , Manuel des eaux minérales , p. 559.
( 505 )
moins, elles n'appartiennent point à la population ro-
maine, ou gallo-romaine, de Fépoque qui vit élever ces
constructions (1).
SOMME.
ABBEviLLE.-^Quand je place ici le nom de cette ville,
en supposant que les eaux minérales qu'on y connaît de
nos jours (2) purent aussi être connues dès l'âge ro-
main , je n'ai point à citer en preuve quelque construc-
tion importante , thermale ou autre , qu'on puisse faire
valoir pour l'établir avec une entière certitude. Je puis
seulement rappeler à mes lecteurs que de petits monu-
ments recueillis fréquemment, soit dans son enceinte,
soit dans ses environs les plus rapprochés, tendent à
la faire reconnaître comme ville romaine , bien que
son nom ancien soit tombé en oubli. Il serait long de
rechercher , dans les recueils d'antiquités , tous les pe-
tits objets de fabrique romaine que le sol d'Abbeville a
rendus aux études archéologiques. Je me bornerai à
mentionner quelques-uns des plus remarquables, entre
ceux qui ont été publiés par Grivaud de la Vincelle. On
peut assurément qualifier ainsi les deux statuettes en
bronze représentant le dieu des combats , mais , sui-
vant l'opinion de cet antiquaire, avec les traits du ty-
(1) Feret , Lettre sur les fouilles de Sainte-Marguerite , dans le Bul-
letin monumental, tom. IX > p. 92 — 97.
(2) Pâtissier « Manud des eaux minérales, p. 559.
( 304 )
ran Postume^ qui usurpa l'empire des Gaules sous le
règne faible et honteux de Gallien (I). L'une est entiè-
rement nue , à là réserve du casque dont la tête du
dieu est couverte ; l'autre nous le montre complètement
armé du casque, de la cuirasse, et de plus, des cnémi-
des ou jambières, armure qui ne se voit communément
que dans les ouvrages des Grecs. On peut placer plus
haut encore le groupe, également en bronze, de deux
jeunes lutteurs, dans lequel Grivaud , à tort je le croi-
rais , veut reconnaître la lutte d'Hercule avec Antée et
le moment de son triomphe (2) : quelque opinion que
l'on adopte sur la signification de. ce monument, on le
considérera , sans aucun doute , comme un des plus
beaux bronzes qui aient été découverts dans notre
Gaule.
VOSGES.
Sans trop m'écarter de mon sujet, je crois pouvoir
rappeler à mes lecteurs que la chaîne des montagnes
qui ont donné leur nom à ce département est riche en
antiquités romaines , et qu'on y a trouvé notamment
un grand nombre d'autels votifs , élevés à des divi-
nités communes ou locales. Celui qui mérite le plus
d'être cité, le seul que je citerai spécialement ici, est
(1) Rectieil de monuments antiques , tom. II , pp. 164 — 169 ,
pi. XVII, 4, 5 et 6, pi. XVIII, 1 et 2.
(2) Ibid. , p. 188-190, pi. XX, I, pi. XXI, I.
( 305 )
celui qui fut coiisdcré au dieu de ces montagnes ^ appelé
de leur nom Vosegus, et non Vogesus, comme on a Iti
plus d'une fois , notamment dans ce vers deLucain (1) :
Castraque Vosegi curvam super ardua rupem.
Cest la leçon correcte , comme le remarque Orelli , de
l'inscription suivante gravée sur cet autel (2) :
VOSEGO
MAXSII
MINVS
V* s» L* Lk
Je suis persuadé que beaucoup de lieux de ce départe-
ment possèdent aussi des antiquités ^ plus ou moins
importantes, parmi ceux qui figurent sur les tableaux
des eaux minérales de France (3). Mais il n'en est qu'un
dont je sois à même de parler ici.
Plombières^ — Mes démarches pour obtenir des ren-
seignements complets sur les monuments de ces thermes
si renommés , n'ont pas eu à beaucoup près tous les
résultats que j'en attendais ; et les livres ont été à peu
près nuls pour moi sur ce point. On m'a raconté des
traditions fabuleuses sur l'origine de ces bains, qui pa-
raissent admises dans le pays avec une bonne foi admi-
rable ; mais on ne m'a donné que bien peu de notions
positives et précises , soit sur la partie antique de l'éta-
blissement actuel, soit sur les autres antiquités qui
existent à Plombières, ou y ont été retrouvées.
(1) PharscU , I , T. 397.
(2) Inscript. laL seL, tom. I, p. 360, n. 2072.
(3) Pâtissier > Manwl des eaux minérales, p. 559.
20
( 306 )
II parait certain du moins : l"" que des constructions
romaines y ont été reconnues , qu'il en existe des vestiges
sous des maisons particulières, qu'on a trouvé fré-
quemment des débris de briques et de tuiles antiques ;
2** que quelques portions des thermes actuels sont
primitivement un ouvrage romain; 3** enfin que des
monuments de diverse nature, médailles, poteries,
ornements d'architecture, inscriptions, etc. ont été dé-
couverts à différentes époques (1). '
Mais quels sont précisément les restes des thermes
romains qu'on peut reconnaître avec certitude au milieu
des ouvrages modernes ? C'est ce qui parait difficile à
constater, et l'on peut être de l'avis de dom Galmet, qui
regarde comme fort douteuses beaucoup d'opinions
reçues au sujet de ces bains antiques (2). Dans un autre
ouvrage, cependant, il avait donné cette inscription, que
son orthographe bizarre lui paraissait placer aux bas
temps de l'Empire (3) :
DEAEO. NEPTVN
lOVTISSIA
VESTINÀ
V. s. L. M.
On m'indique deux autres inscriptions qui existent en-
core sur les lieux : la première est sépulcrale, et n'offre
rien de saillant ; l'autre ne m'a pas été communiquée.
(1) On me dit que plusieurs monuments troiiTés à Plombières
sont conservés au musée d^pinal.
(2) Notice de la Lorraine , tom. Il , p. 203.
(3) Traité des eaux de Plomhièreê, p. 36.
( 307 )
YONNE.
Ce département a quelques eaux minérales fort peu
connues (!)• Ne possédant aucune indication sur les
antiquités qu'on peut y avoir découvertes, je cherche
à remplir, en quelque sorte, cette lacune , en rapportant
une inscription qui atteste le culte rendu autrefois à la
rivière du pays, ITonne, dont le nom latin était Icath
nus (2). Ce monument fut trouvé à Auxerre, en 1721,
et a été publié par Caylus (3), dont je reproduis la copie ;
ÀVG. SÀCR. DEÀB (4)
ICAVNI
T. TETRICIVS. AFRICAN
D. S. B. B.
On peut présumer, comme je Fai fait ailleurs, comme
des exemples analogues autorisent à le faire (S), que
quelque vertu médicinale était attribuée aux eaux de
cette rivière, qui ne me paraissent pas avoir aujourd'hui
aucune réputation de celte nature.
(1) Pâtissier, Manuel des eaux minérales, p. 559.
(2) Ce nom ne se trouve que dans les écriyains des bas siècles ; le
géographe de Ravenne ( IV, 26 ) donne le nom à*Egona.
(3) Recueil ^antiquités, tom. VII, p. 290, pi. LXXXffl, 1,
(4) Bimard (AdMurator. Prolegotn., col. 58) lîtDEAB, d'Autres,
DEAB.
(5) Notamment ce que j'ai rapporté (Sup., p. 237) sur les décou-
vertes faites aux sources de la Seine.
( 508 )
PRUSSE -RHÉNANE.
RoiSDORFF. — Ces eaux sont situées près de Bonn et du
Rhin, dans l'ancienne seigneurie d'Alfter j appartenant
encore aujourd'hui à M. le prince de Salm-Dyck* Ce lieu
était donc compris à l'époque romaine dans le territoire
de la Gaule Belgique y comme j dans des jours plus
glorieux pour la France , il fit partie de notre départe-
ment de la Rôer.
J'avais lu, sans autres détails, dans un ouvrage du
respectable docteur Allibert, que ces eatix avaient été
connues des Romains. Pour avoir des renseignements
plus positifs, je me suis adressé à M. le Prince de Salm,
et je reproduis littéralement les indications qu'il a bien
voulu me donner à ce sujet , sans omettre les lignes
étrangères à l'objet de cet ouvrage , parce qu'elles peu-
vent intéresser quelques lecteurs : « On n'y a jamais
» trouvé des traces d'anciens thermes , ni de construc-
» tions romaines; mais bien, et encore récemment,
» lorsque la source a été nettoyée jusqu'au fond (elfe
» a près de 20 pieds de profondeur ) , des débris de
» poterie romaine. Il y a dans ce lieu deux sources
» minérales de nature différente, sans compter une
» troisième d'eau non minérale , presqu'à côté de l'une
» et de l'autre. La première (la seule exploitée) est
^ toute semblable à celle de Selters , et à exactement
» les mêmes qualités. La seconde est ferrugineuse. »
(1) N(mveauxfiémmtsdetlUrapmtiqm^XomA\iy^.^92r*
(309 )
SAVOIE.
Menthon. — On m'avait parié vaguement de ce lieu
situé près du lac d'Annecy , de ses eaux minérales , et
des restes de constructions romaines qu'on y voyait
encore. Mgr. l'Evêque d'Annecy, prélat aussi distingué
par sa science que par son zèle, m'a fourni, avec une
extrême bienveillance, tous les renseignements que je
pourrais désirer ; et je ne saurais rien faire de mieux que
de donner à mes lecteurs cet extrait de la lettre qu'il m'a
fait l'honneur de m'adresser.
« Au bord du lac, au pied d'une charmante colline,
» et sous des arbres séculaires , se trouvent des ruines
» qui maintenant dépassent à peine le niveau du sol.
» Heureusement, sur une partie des vieux murs un
» paysan a placé des poutres sur lesquelles repose le
» chaume qui l'abrite. Sans cela peut-être le gazon, qui
» recouvre les neuf dixièmes d'un grand édifice, en
» aurait caché l'existence à la curiosité des archéologues.
» Les murs , les assises , le ciment , tout est romain . Les
» piscines parfaitement dessinées, au nombre de quatre,.
» les aqueducs pour l'arrivage et le départ des eaux,
» tout indique de la manière la plus évidente que
» c'était un établissement de bains. La difficulté est de
» savoir où l'on prenait les eaux. Tout près de là, et au-
» dessus, se trouve une source d'eau fortement sulfu-
» reuse , mais si peu abondante, qu'felle en fournit à peine
» deux ou trois litres par heure. Sa température ne dé-
passe pas celle des sources ordinaires. A moins. que la
( 510 )
» source ne se soit perdue , ce n'est pas elle qui alimentait
» les bains (1). Près de là encore, coule abondamment un
» ruisseau qui descend de la colline. J'aime à croire que
» les Romains , qui comptaient l'usage des bains comme
» l'un des premiers besoins de la vie, se contentaient
> de ces eaux, qui ne sont ni thermales ni minérales.
» Peut-être qu'un habile archéologue saurait retrouver
» dans les masures qui restent, la place où existaient les
)> chauffoirs. »
GRAND DUCHÉ DE BADE.
Badenviller. — Comme je l'ai fait ailleurs pour un
petit nombre de lieux , je crois pouvoir placer ici ces
eaux, quoiqu'elles n'appartinssent point à la Gaule, mais
aux établissements romains de la frontière, sur la rive
droite du Rhin. Au reste, n'ayant pas à ma disposition les
savants ouvrages qui en ont parlé avec détail (1), je ne
fais que mentionner brièvement cette petite ville, située
tout près du grand fleuve et au pied du Blauen. Je me
bornerai à dire qu'on y trouve de nombreuses antiquités,
et qu'elle possède des restes précieux des thermes
élevés par les Romains : les bassins notamment sont
dans un état de conservation qui ne laisse rien à désirer.
(1) Il me parait plus probable que les eaux minérales se seront
dispersées, ou mêlées arec d'autres, ce qui est fort ordinaire ; mais
qu'elles pouTaient autrefois alimenter les bains romains.
(2) Je n'ai pu consulter, ni YHtstoria Nigrœ Sylvœ de Gerbert, ni
le Supplément de M. de Golbery à ses Antiquités de V Alsace,
(SU )
C'est sur la montagne qui domine Badenviller y qu'on
a trouvé un autel consacré à Diane surnommée Aôwofta^
du nom même de la montagne (1) , ainsi que l'atteste
cette inscription qu'on y lisait (2) :
IN. H. D. D.
DEÂNAE. AB
NOBAE. GASSIA
NVS. CASATI
V, S. L. L. M
ET. ATTFANVS
FRATER. FAX
CON. ET. CLARO
CCS
CONCLUSION.
J'arrive enfin au terme d'un travail qui a été plus
d'une fois ingrat et décourageant. Le lecteur sera indul-
gent pour les imperfections que j'y reconnais moi-
même , s'il peut se faire une juste idée des peines et
des désappointements que j'ai éprouvés dans mes dé-
marches , pour obtenir sur les lieux les renseignements
nécessaires. J'eusse été trop heureux de trouver toujours
des correspondants aussi éclairés et aussi bienveillants
que ceux dont j'ai cité les noms, et bien d'autres encore,
(1) Plio. , NaU hisu,\y, 12 (24) ; — Tacit., Grnn., I.
(2) OreUi ^iMcripU laUseL, tom. I, p. 351, n. 1986.
( 312 )
auxquels j'offre ici l'assurance d'une sincère gratitude.
Mais il s'en faut que j'aie rencontré partout ce bon es-
prit et cette obligeance ; et j'ose à peine dire que plus
d'une lettre confiante et polie n'a reçu d'autre accueil
qu'un silence que je m'abstiens de qualifier. De là tant
de notions incomplètes , tant d'incertitudes ^ et sans
doute aussi de nombreuses lacunes. J'aime à espérer
qu'il me sera donné quelque jour de faire mieux.
Après cette apologie de mes fautes , déplacée peut-
être ici, je veux donner encore à mes lecteurs , instar
coronidis , comme aurait dit un ancien , l'inscription
suivante qu'un ami me communique , et qui doit être
peu cQnnue. J'ai lieu de croire qu'elle a été trouvée en
Allemagne , il y a un petit nombre d'années , auprès
de quelque source minérale : du moins elle se rattache
au culte des divinités des eaux , dont j'ai parlé si sou-
vent dans ces études.
NYMPHIS. ÀVG
SACRVM
PRO. SAL. C. IVL.
SVPERI. PROC
AVGG
PROV. SICILIAE
IVL. ARISTIAN
LIBERIA
( 313 )
ADDITIONS.
Page 25. — A ranicle Aquwy j'ai mentionné quelques
inscriptions conservées à Baden. J'ignorais alors ce que
m'apprend un rapport de M. de Gaumont (1) , qu'il existe
en cette ville un petit musée , qui a recueilli un certain
nombre de monuments romains, des bas-reliefs, des
autels, divers fragments, et plusieurs autres inscrip-
tions : je citerai les suivantes qui sont votives , et dont
la première donne à Mercure un surnom inconnu :
IN. H. D. B.
DEO. MERCVR.
ERCPRVSO
IN.H.D.D.
D.NEPTVNN
CONTVBÉRNIO
NAVTARVM
CORNELIVS
AWQVAOTVS
D.S.D
?• 45. — Je n'ai connu qu'une seule inscription
trouvée à Wisbaden , où Frèret dit qu'il n'existe rien
d'antique. Depuis l'impression de l'article Aquœ Mat-
tiacœ, le basard m'a fourni encore celle-ci en l'honneur
d'Apollon , avec un surnom qui paraît gaulois (2) :
(1) Bulletin monufnenial, tom. IX, pp. 257, 258.
(2) OreUi, JnscripL lat. sel , tom. l, p. 359, n. 2059.
( 314 )
« IN.H.B.B.
ÀPOLLINI. TOV
TIORIGI
L. MÀRINIVS
MAEimA
NTS. ^. LEG. VIT. GEH. [ÂL]EXAN
D[RI] ANAE. VO
TI. COMPOS
P. 187. — Dans l'inscription de Junius Rufus à
Rome, j'ai copié une erreur de M. Rouard. M. le mar-,
quis de Lagoy me met à même de la rectifier, en m'ap-
prenant que les sigles funéraires d. m. ne se lisent point
sur le monument. On pourrait donc regarder l'inscrip-
tion comme honorifique, ce qui lui donne plus d'intérêt.
P. 196. — L'article suivant a été complètement ou-
blié à sa place naturelle, qui doit être avant Luteva.
JVLIOMAGUS.
C'était la capitale du peuple de la Gaule Lyonnaise que
César appelle Andes (1), Lucain , Andi (2) , Pline, et
Tacite , Andecavi (3) , et dont les médailles d'argent
et de bronze portent aussi la légende andeg. (4). Elle
est mentionnée comme telle par Ptolemée (5), et sur
la Carte de Peutinger (6). Son identité avec Angers est
(1) De bel. GaîL , n. 35 ; III , 7 ; VH , 4.
(2) Pharsal. , I , t. 439.
(3) Plin., NaL kisL, IV, iS (32) ; — Tacit., Annal. » IH , 41.
(4) Mionnet , Descripi. de médailles , tom. 1 , p. 80 , nn. 204 , 205.
(5) Geogr.Uy7[S).
(6)Segin. I>b.
( 515 )
un point de géographie coïnparée à Tabri de toute con-
testation (1).
Cette ville possède, ou a possédé, de nombreuses anti-
quités, sur lesquelles, à défaut d'histoires locales,
on peut consulter des recherches spéciales faites par
M. Bodin (2). Ce ne sont pas seulement, comme ailleurs,
des médailles, des poteries, des débris peu importants;
mais encore des bijoux d'or, une urne en porphyre , des
fragments de colonnes^ des chapiteaux, des frises, des
sarcophages, des inscriptions funéraires, des restes,
plus ou moins importants, de constructions romaines.
On a mentionné des murs d'enceinte, un amphithéâtre,
un théâtre, des thermes, dont une grande salle , pavée
en mosaïque, fut découverte au commencement du
xvii"** siècle. Il y a assurément, dans tout cela, bien des
motifs pour penser que les eaux minérales qu'on connaît
aujourd'hui à Angers (3) , furent autrefois connues et
exploitées par les habitants romains de Juliomagus.
P. 243. — Mon article d'Evaux venait d'être tiré^
lorsque j'ai reçu de M. le docteur Darchis , inspecteur
adjoint de cet établissement, une lettre pleine de ren-
seignements sur les antiquités romaines de ce lieu,
accompagnée d'un plan pour en faciliter l'intelligence.
Je suis encore à temps de mettre à profit cette obli-
geance , en donnant à mes lecteurs quelques-unes des
notions les plus intéressantes qui me sont fournies par
M. Darchis , et dont voici le résumé.
(1) D'AnTille, Notice de la Gaule , pag. 393 ; — V^alckeiiaer>
Géographie des Gaules, tom. I, p. 375.
(2) Mém. de la société des antiq, de France , tom. III , pp. 219-241.
(3) Pâtissier > Manuel des eaux minérales ^ p. 556*
( 316 )
Jusqu'en 1831^ on n'avait connu à Evaux ique denx
piscines romaines et quelques autres indication^ des
thermes antiques. Depuis la formation d'une société
qui en est devenue propriétaire, les fouilles ont été
poussées beaucoup plus loin , et ont donné lieu à de
nouvelles découvertes. Aujourd'hui le nombre des pis-
cines me parait être au moins de sept, y compris un
grand bassin circulaire, entouré d'une banquette échan-
crée et pourvue de degrés, aux points qui donnent issue
aux sources. Trois de ces piscines sont aussi munies de
sièges en forme de gradins ; trois n'ont pas de sources
propres , mais étaient alimentées par les puits supé-^
rieurs. « Toutes ces piscines, me dit mon correspon-
» dant , sont fondées sur béton et revêtues de marbre
» blanc , ou de calcaire du Berri ; à l'exception de celle
» n*' 19 qui a été taillée dans le roc... Toutes parais-
» sent avoir été voûtées , ainsi que l'indiquent les por-
» tions de murs restées debout , et quelques fragments
» de mosaïques , assez considérables pour faire f econ-
» naître une forme cintrée, devant s'adapter à une
» voûte. » Quant aux puits romains de forme ronde
ou carrée , tous construits en béton , le plan qui m'a
été envoyé parait en indiquer neuf.
On peut mentionner, comme se rattachant aux ther-
mes antiques : deux baignoires en marbre blanc de
forme et de grandeur ordinaire ; un objet en plomb de
forme quadrangulaire, ayant de côté 20 centimètres, et
creux au-dedans , qu'on a présumé avoir servi à une
pompe; l'embouchure d'un conduit en plomb, et plu-
sieurs tuyaux en cuivre ; une salle pavée en marbre , à
l'entrée de laquelle on s'est arrêté , pour ne pas nuire
( 317 )
aux constructions modernes ; des restes d'une voix ro-
maine de 8 à 9 mètres de largeur, bordée dans une
partie de son cours par deux murailles. Je laisse encore
parler M* Darchis pour quelques particularités cu-^
rieuses. « Le n** 15 présente à son extrémité supérieure
» une espèce d'auge , d'une longueur de 3 à 4 mètres ,
» sur un mètre de large , et dont les côtés ont une hau-
» teur de 35 à 40 centimètres : elle portait dans la
» contrée le nom de Bain de César.... La piscine n"" 3
» est entourée de 3 côtés d'un mur où ont été pratiquées
» des embrasures, pareilles à celles que nous laissons
» aujourd'hui pour former les placards, et qui proba-
•» blement avaient la même destination , c'est-à-dire
» servaient de vestiaire... Quant aux eaux froides...,
» on retrouve dans leur distribution le même caractère
» de grandeur et de prévoyance : de larges conduits
» d'un mètre carré , creusés sur les flancs des deux
» côtés , amenaient celles qui étaient nécessaires , et
» qui étaient prises à des distances considérables, ou
» détournaient celles en excès , etc. (1). »
Parmi les débris antiques retrouvés dans ces fouilles^
nul doute que plusieurs avaient servi à la décoration
des antiques thermes, et en annonçaient la magnificence.
Tels sont : des portions de colonnes, de chapiteaux, de
frises en marbre ou en calcaire blancs; un fût de co-
lonne en marbre vert ; des tablettes plus ou moins mu-
tilées en granit bleu, en porphyres vert et rose, en
(1) On a retrouTé iWiOce d^un aqaecïuc à plein cintre, creusé
clans le roc , mais obstraé aujourdliai , et qui ne donne passage qu'à
un mince filet d'eau ; on a reculé devant les fouilles nécessaires pour
le désobstruer, et permettre de le reconnaitre.
(^18 )
marbres de diverses couleurs , ayant été employées
évidemment à des placages ; des fragments de mosaï-
ques grossières^ etc. On peut citer encore : des médailles
frustes^ des vases brisés, un petit mortier à trois anses
en calcaire veiné de bleu , une petite colonne en terre
cuite; deux statuettes en calcaire du Berri, l'une brisée
par le bas , l'autre y dont il ne restait au contraire que
la partie inférieure ; un petit buste de femme en terre
fort blanche , qui pourrait bien avoir été un ex voto de
quelque baigneuse guérie par la vertu des eaux. On
doit regreter une inscription sur marbre , dont on n'a
trouvé que des fragments portant une lettre ou deux, et
qu'il a paru impossible de rajuster et de déchiffrer.
J'ajoute, en finissant, une observation importante de
M. Darchis sur l'ensemble de cet établissement romain,
et sur les travaux considérables qu'il nécessita. « Le plan
» sur lequel s'élevaient les thermes d'Evaux, me dit-il,
» est un carré de plus de 200 pieds, dont les côtés
» sud -est et nord -ouest ont été nivelés et élargis aux
» dépens d'une roche quartzcuse, sur une hauteur
»> moyenne de 6 à 8 mètres. »
TABLE.
INTRODUCTION. Page 1
Augustodurus. Page
171
PREMIÈRE PARTIE.
18
Augustomagus.
172
Aquœ,
20
Augmstonemetum,
173
AqtuB.
22
Autricum,
178
Aquœ Àttsciorum ?
24
Belicetisis Vicus,
176
Aquœ JBormonis. ,
25
Briovera.
183
Aquœ Borvonis.
27
Cœsaromagus,
184
Aquœ Caîidœ.
32
Constantia.
188
Aquœ Convenarum,
38
Coriallum,
186
Aquœ Helveticœ,
40
Dea Vocontiorum,
187
Aquœ Matliacœ.
43
Dinia.
191
Aquœ Neriomagienses»
45
Durocoriorum.
192
Aquœ Nisineiû
81
Ingena.
198
Aquœ Onesiœ.
89
Luteva.
196
Aquœ Segeste»
71
Mediolanum,
ib.
Aquœ Segete.
78
Noviomagus,
200
Aquœ Sextiœ,
86
Rotomagus.
204
Aquœ Siccœ»
93
Samarobriva.
206
Aquœ Tarbeîîicœ»
96
Stahatio.
209
Calentes Aquœ.
101
Sulim,
210
Divona.
113
Tullum.
211
Fons Tungrorum,
114
Ura.
212
Griselum,
117
TROISIÈME PARTIE.
218
Indesina ?
121
Ain.
221
Luxovium ou Lixovium.
122
Césériat.
ib.
Nemausus.
130
Alpes ( Rasses- ).
222
Ucetia.
134
Manosque.
*.
Vicus Aquensis.
136
Ardèche.
223
Ussubium.
141
Rourg-Saint-Andéol
ib.
SECONDE PARTIE.
144
Celles ou Selles.
224
Alba.
14.8
Desaignes.
228
Alesia,
148
Aude.
226
Aquœ Allobrogum.
183
Aleth.
ib.
Aquœ Granni.
189
Rennes-leS'Rains.
ib.
Arelate,
161
AVETRON.
229
Argentoraium
164
Sylyanès
ib.
Avaricum,
167
Calvados.
ib.
Augtuta,
170
VatoD.
230
'AL. Page
232
NiftYREk Page
1 277
^haader-Aîgaéf.
%h.
Saint-Honôréi
ih.
Ides on Ydes.
235
Saînt-Parîze,
278
Vic-en-Carladès.
236
Fontaine-des-Yetiàs .
279
CuTE-D'OR.
237
Nord.
281
Saint-Seiùe.
ih.
Saint-4inand.
ih.
tiatBUSE.
239
Orne.
283
Evaux.
%b.
Fontaine-d&^la-Hetse.
t^.
611E.
243
PuT-DE-DÔME.
28^
Àurel.
ib.
La Bourboule.
ih.
Montelimar^
■ 1
244
Châteauneuf.
386
245
Pont-Gibaud.
287
s.
ih.
Saint-Mart.
ib.
iXE (Haute-).
246
Vic-le-Comté.
289
causse.
ib.
Pyrénées (Hautes-).
ih.
ibarthe-de-RÎTièreb
247
CaatereU.
ib.
^1
.AULT.
248
Pyrénées-Orientales .
290
BalaraCk
ih.
Bains-d' Arles.
ib.
IcËRE.
251
Escaldas.
296
Allerard.
252
Vernet.
297
La Motte-les-BainSé
253
Rhin (Bas-).
298
Pont-de-BeàuToisin»
256
Nierderbronii.
ib.
Saunaj.
257
Rhône.
300
Uriage
258
Charbonnières.
ib.
^.ôir-bt-<]her.
264
Seine-Inférieure .
301
SainUBenis-sur-Loire .
ib.
Forges. *
ib.
lOIRE.
265
Sainte^M argnerite .
302
Sail-lez-Châteaumorand. 266
Somme.
303
Salt-en-Donzj*
ih.^
AbbeTÎUe»
ib.
.OIRET.
267
Vosges.
304
Fontaine-Kle-rEtuTée»
ib.
Plombières»
305
«OZËRE.
269
Yonne.
307
Bagnols.
ib.
Prusse Rhénane»
308
Javols.
271
Roisdorff.
ib.
('Iarne.
273
Satoie.
309
Sermaise.
ib.
Menthon.
t6.
Meurthe.
ib.
Grand duché de Bade.
3ie
Nancy.
ih.
Badenyiller.
ib.
Pont-à-Mousson.
274
Conclusion.
311
^fOSELLE.
275
Additions.
313
Saint-ÀTold.
ih.
Juliomagus.
314
UBRARY
<^7
DATE DUE
STANFORD UNIVERSITY UBRARIES
STANFORD, CAUFORNIA 9430i