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Full text of "Etudes de lépidoptérologie comparée"

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COLLECTION 

OF 

William  Schaus 

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PRESENTED 
TOTHE 

National  Muséum 

MCMV 


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ÉTUDES 


DE 


LÉPIDOPTÉROLOGIE 

COMPARÉE 


Charles    OBERTHUR 


Fascicule 


RENNES 

IMPRIMERIE    OBERTHUR 
Mars  1904 


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LÉPIDOPTÈROLOGIE  COMPARÉE 


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DE 


LÉPIDOPTÉROLOGIE 

COMPARÉE, 


PAR 


Charles    OBERTHUR 


Fascicule 


RENNES 

IMPRIMERIE     OBERTHUR 
Mars  1904 


PRÉFACE 


En  achevant  la  XX P  livraison  des  Etudes  d'Ento- 
mologie^ je  formais  le  projet  de  clore  ainsi  la  série  de 
mes  publications  illustrées  sur  les  Lépidoptères.  Je  dési- 
rais consacrer  les  loisirs  de  mes  dernières  années  au 
rangement  définitif  de  ma  collection. 

Mon  vœu  serait  en  effet  de  laisser  les  documents  ento- 
mologiques  que  j'ai  amassés,  classés  dans  un  ordre  tel 
qu'aucun  renseignement  en  mon  pouvoir  ne  ferait  défaut, 
et  que  mes  successeurs  trouveraient  toute  facilité  de 
faire  servir  ma  collection  au  progrès  de  la  science  qui 
nous  est  chère. 

Mais,  en  dépit  de  mes  résolutions,  je  ne  puis  me  sous- 
traire à  l'entraînement  de  l'activité  entomologique  con- 
temporaine, et  je  cède  à  l'attrait  que  l'étude  de  certaines 
questions  exerce  irrésistiblement  sur  mon  esprit. 

Je  publie  donc,  sous  le  titre  :  Lcpidoptérologie  comparée, 
une  série  d'articles  sur  les  hybridations,  les  variations 
géographiques  et  les  lois  qui  régissent  la  formation  des 
aberrations.  J'espère  que  ces  observations  appelleront 
de  nouveaux  travaux.  En  effet,  mon  premier  fascicule 
n'a  pas  encore  vu  le  jour;  les  planches  sont  à  peine 
achevées  de  colorier;  je  viens  seulement  de  corriger  les 
dernières  épreuves  du  texte  et  déjà  des  documents  nou- 
veaux et  du  plus  haut  intérêt  me  parviennent.  Il  faudrait 


PREFACE 


dès  maintenant  publier  les  figures  coloriées  de  Celerio 
Eugeni,  vraisemblablement  issu  à^ Epilohii  cS  et  de  Ves- 
periilio  9,  par  conséquent  hybride  au  second  degré,  dans 
l'état  de  nature,  trouve  à  Huningue,  au  cours  de  ces 
dernières  années. 

Quel  magnifique  champ  d'observations  sur  les  hybri- 
dations des  Sphingides,  les  environs  d'Huningue  ont 
offert  aux  entomologistes  alsaciens  et  bàlois  !  Qu'il  me 
soit  permis  de  leur  adresser  l'expression  la  plus  cordiale 
de  mon  salut  sympathique  et  confraternel.  Sur  la  terre 
d'x^lsace,  vers  laquelle  me  reportent  tant  de  chers  sou- 
venirs, comme  aussi  dans  le  noble  pays  de  Bcàle,  uni  à 
l'Alsace  par  les  liens  d'une  si  généreuse  amitié,  toutes 
les  sciences  et  tous  les  arts  ont  toujours  magnifiquement 
fleuri.  Depuis  près  de  deux  siècles,  la  faune  et  la  flore 
y  ont  été  étudiées  avec  le  zèle  le  plus  persévérant,  par 
une  foule  de  savants  des  plus  distingués.  Peu  de  régions, 
en  Europe,  ont  donné  naissance  à  autant  de  Curieux  de 
la  Nature,  comme  on  les  appelait  au  XVIIP  siècle,  et 
jusqu'à  nos  jours  la  bonne  tradition  n'y  a  point  dégénéré. 
Aussi  les  chasseurs  n'ont  pas  manqué  pour  rechercher 
et  recueillir  les  chenilles  hybrides  qui  se  nourrissent  de 
l'épilobe.  Il  a  été  publié  à  leur  sujet  d'excellentes  obser- 
vations ;  il  en  sera  publié  d'autres  encore.  Mais  il  était 
temps  d'agir,  car  il  paraît  que  des  exigences  industrielles 
mettent  en  péril  le  sol  même  où  se  développaient  les 
plantes  nourricières  des  Sphingides,  et  dès  lors  il  est  pro- 
bable qu'avant  peu  la  mine  sera  épuisée. 

Cependant  des  hybridations  analogues  à  celles  d'Hu- 
ningue ont  été  constatées  à  Vienne  en  Autriche,  à 
Grenoble,  à  Lyon  ;  sans  doute  elles  s'y  reproduisent 
encore. 


PREFACE  g 

Je  considère  donc  comme  ébauchée  la  question  qui  a 
pour  objet  les  hybridations  de  Sphingides,  de  même  que 
celle  des  hybridations  de  Zygcnes. 

Je  remercie  principalement  MM.  le  chanoine  Favre, 
de  l'ordre  des  Religieux  Augustins  du  Grand-Saint-Ber- 
nard, auteur  d'un  consciencieux  catalogue  des  Lépidop- 
tères du  Valais,  Arnold  Wullschlegel,  de  Martigny, 
Léonhart  et  docteur  Courvoisier,  de  Bâle,  des  intéres- 
sants renseignements  et  documents  qu'ils  m'ont  si  obli- 
geamment fournis. 

Dans  le  premier  fascicule  de  la  Lépidoptérologie  com- 
parée, il  est  souvent  traité  de  la  faune  valaisane.  C'est 
que  pendant  l'été  1902,  lorsque  j'avais  le  bonheur  de 
parcourir  le  Valais  en  compagnie  de  mon  vénérable  ami 
M.  le  chanoine  Favre,  il  fut  souvent  question,  entre  nous, 
d'illustrer  quelques-unes  des  races  valaisanes  de  Lépi- 
doptères. Sur  la  route  du  Simplon,  comme  aux  environs 
de  Ryffelalp,  quand  nous  prenions  un  peu  de  repos  au 
cours  de  nos  chasses,  nous  dissertions  sur  tel  ou  tel  sujet 
relaté  dans  le  présent  ouvrage.  Avant  peu  de  jours,  le 
projet  conçu,  il  y  a  près  de  deux  années,  dans  les  Alpes 
du  Valais,  deviendra  une  réalité.  Puisse  cette  publication 
en  susciter  d'autres  et  un  supplément  de  lumière  être 
ainsi  apporté  à  la  science  que  nous  aimons  !  Puissent 
aussi  M.  le  chanoine  Favre  et  mes  amis  en  Alsace  et  en 
Suisse  accueillir  mon  travail  comme  un  souvenir  fidèle 
et  un  témoignage  de  bien  affectueuse  estime. 

Rennes,   10  mars   1904. 

Charles  OBERTHÛR. 


LÈPIDOPTÉROLOGIE 

COMPARÉE 


I.  —  Melitaaa  Dejone-Berisali,  Ruehl  (PI.  I,  fig.  5,  6 

et  aberr.,  fig.  7)  ; 

Melitsea  Dejone-Nevadensis,  Ch.  Obthr, 
et  Melitaea  Parthenie-varia,   Mey  D.  (PL  I, 

aberr.,  fig.  8). 

Il  y  a  des  genres  de  Lépidoptères  où  les  espèces,  pourtant 
certainement  distinctes  entre  elles,  présentent  une  telle  similitude 
de  caractères  à  l'état  parfait  que  la  perception  de  leurs  différences 
spécifiques  serait,  pour  certains  exemplaires  au  moins  fort  difficile, 
si  on  manquait  des  connaissances  biologiques  qui  les  concernent 
à  leurs  différents  états. 

I.e  genre  Melitœa  est  de  ce  nombre. 

En  effet,  les  espèces  de  Melitœa  de  la  faune  palasarctique,  con- 
nues sous  les  noms  de  Dejone,  Athalia,  Par  thème,  Aurélia  offrent 
une  analogie  de  dessins  et  de  coloration  d'où  naîtrait  peut-être 
quelque  confusion,  si  on  les  étudiait  d'après  leurs  caractères  exté- 
rieurs seuls  et  sans  tenir  compte  de  toutes  les  circonstances  de 
leur  vie  évolutive,  en  un  mot  :  de  leurs  mœurs.  Lorsque,  recueillant 
l'une  ou  l'autre  de  ces  Melitœa,  à  l'état  de  chenille  ou  de  papillon 


LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE 


vivant,  on  est  à  même  d'observer  des  particularités  fort  importantes, 
sinon  concluantes,  quant  à  leurs  identification  et  distinction  spéci- 
fiques, il  est  aisé  de  constater  combien  difficile  et  problématique  (*) 
est  la  séparation,  dans  beaucoup  d'autres  genres,  de  certaines 
espèces  très  voisines  les  unes  des  autres,  mais  qu'on  n'a  pu  étudier 
vivantes  et  sous  leurs  divers  états. 

Ces  réflexions  se  produisent  assez  naturellement  à  l'esprit,  à 
propos  de  la  Melitrea  Berisalt  et  des  discussions  qu'a  déjà  occa- 
sionnées sa  place  dans  la  Nomenclature. 

Cette  Melitœa,  de  découverte  relativement  récente,  paraît 
habiter  exclusivement  le  Valais.  M.  le  chanoine  Favre  qui,  avec 
M.  Wullschlegel,  a  capturé  de  nombreux  exemplaires  de  Melitœa 
Berisali  aux  environs  de  Martigny  et  qui  a  écrit  à  ce  sujet  des 
observations  fort  judicieuses,  rectifie  en  Berisalensis  le  nom  de 
Berisali,  primitivement  imposé  par  M.  Rùhl.  L'appellation  Beri- 
salensis serait  en  effet  plus  correcte;  mais  la  loi  de  priorité  ne 
permet  pas  de  modifier  la  désignation  la  plus  ancienne,  même  si 
elle  paraît  grammaticalement  fautive;  dès  lors  le  nom  Berisali 
doit  être  conservé. 

MM.  Favre  et  Wullschlegel  pensent  que  la  Melitœa  Berisali  est 
une  espèce  à  part  et  distincte  de  toutes  celles  antérieurement  con- 
nues; M.  Seebold  {Bulletin  Soc.  ent.  France,  1896,  p.  6/  et  68) 
exprime  la  même  opinion. 

MM.  Staudinger  et  Rebel  (Catal.  1901,  p.  32)  attribuent  Berisali 
comme  variété  à  Athalia. 

Je  ne  saurais  partager  cette  dernière  manière  de  voir;  la  chenille 
de  Berisali  vit  exclusivement  sur  les  linaria;  celle  <^ Athalia  se 
nourrit  de  melampynim  et  de  plantage.  Berisali  éclôt  deux  fois 
par  an,  au  printemps  et  en  été;  Athalia  éclôt  une  seule  fois,  à  peu 


(*)  Feu  mon  ami  Constant  Bar  m'a  plusieurs  fois  entretenu  des  deux- 
espèces  de  (hiiKvcia  :  Dirce  et  Dircmidcs,  très  différentes  dans  leur  état 
larvaire,  mais  tellement  pareilles  à  l'état  parfait  qu'il  ne  put  distinguer 
à  Rennes  les  papillons  de  ces  deux  espèces  que  lui-même  avait  élevées 
à  l'ile  Portai,  en  Guyane,  et  qu'il  m'avait  envoyées;  mais  sans  avoir  pris 
soin  de  les  étiqueter  séparément.  Voir  à  l'égard  de  ces  Giiiurcia,  Sepp; 
papillons  de  Surinam,  pi.  CXLIX  et  texte  correspondant. 


LÉPIDOPTEROLOGIE    COMPAREE 


près  entre  les  deux  apparitions  de  Berisali,  absolument  comme  au 
Vernet,  entre  les  deux  éclosions  de  Dejone,  et  aux  environs  de 
Rennes,  entre  celles  de  Parthcnie.  De  plus  les  caractères  de  l'insecte 
parfait  rapprochent  beaucoup  plus  Berisali  de  Dejone  que  ô!Alha- 
lia. 

Comment  se  fait-il  donc  que  MM.  Staudinger  et  Rebel,  à  qui 
ces  circonstances  des  mœurs  de  la  Melitœa  Berisali  étaient  bien 
connues,  aient  tranché  la  question  dans  le  sens  opposé  à  l'opinion 
de  MM.  Favre,  Wullschlegel  et  Seebold,  dont  les  écrits  établissent 
péremptoirement  la  distinction  spécifique  d'Athalia  et  de  Berisali? 

Certes,  feu  Staudinger  était  un  savant  de  premier  ordre  et  sa 
perte  est  toujours  vivement  ressentie;  mais  on  m'excusera,  en  vue 
de  donner  l'explication  de  bien  des  erreurs,  de  rappeler  que  son 
caractère,  surtout  vers  la  fin  de  sa  vie,  avait  une  tendance  marquée 
vers  l'obstination.  Son  opiniâtreté  semblait  s'accentuer  d'autant 
plus  que  les  arguments  adverses  prenaient  plus  de  force  et  méri- 
taient plus  de  considération. 

Le  Caîalog  der  Lepidopleren  des  palœarctischen  Faunengebie- 
les,  édition  mai  1901,  contient  ainsi  de  trop  nombreuses  fautes 
qu'il  eût  été  facile  d'éviter.  Longtemps  j'ai  correspondu  avec  feu 
Staudinger  à  propos  de  cet  ouvrage,  en  lui  fournissant  tous  les 
types  qu'il  m'a  demandés  et  qu'il  était  en  mon  pouvoir  de  mettre 
à  sa  disposition  et  en  les  accompagnant,  suivant  son  désir,  des 
observations  utiles.  Du  moment  qu'on  lui  ouvrait  les  yeux  sur  une 
erreur  dont  une  recherche  impartiale  et  sans  parti-pris  lui  eût 
démontré  l'évidence,  il  semblait  que  tous  les  efforts  du  D""  Stau- 
dinger tendaient  plutôt  à  empêcher  la  vérité  de  se  faire  jour. 
Bizarre  disposition  d'esprit  chez  un  homme  de  pareille  valeur, 
cause  d'imperfections  quasi-volontaires,  dans  Un  ouvrage  consi- 
dérable et  pour  lequel  il  a  été  dépensé  tant  de  travail,  de  savoir 
et  d'expérience  ! 

Donc  Berisali  n'est  point  une  variété  d'Ai/ialia.  Mais  est-ce  une 
espèce  propre,  ou  une  forme  géographique  de  Dejone? 

Je  ne  crois  pas  à  la  première  hypothèse.  Je  me  rallie  à  la 
seconde  et  je  me  demande,  en  lisant  la  note  précitée  de  M.  Seebold, 


14  LEPIDOPTEROLOGIE    COMPARÉE 

dans  le  Bulletin  de  la  Société  entoniologique  de  France,  si,  malgré 
son  affirmation  au  début  de  son  article,  M.  Seebold  ne  penche  pas, 
comme  conclusion,  au  rattachement  de  Bcrisali  à  Dejone.  Les 
chenilles  de  Berisali  et  Dejone  ne  présentent  pas  de  caractères 
différentiels  extérieurs;  mais  Athalia,  à  l'état  larvaire,  ne  se  dis- 
tingue pas  davantage  de  Dejone  et  de  Berisali.  Seulement  Berisali, 
comme  Dejone,  vit  exclusivement  sur  les  linaria  et  éclôt  deux  fois 
par  an,  au  printemps  et  en  été.  Bcrisali  a  les  ailes  plus  allongées 
que  Dejone;  le  bord  marginal  des  niférieures  en  dessus  est  plus 
noir;  mais  les  ailes  inférieures,  en  dessous,  ne  diffèrent  réellement 
pas  de  Dejone. 

La  Melitœa  Dejone  a  son  aire  de  dispersion  limitée  au  sud,  en 
Oranie,  à  Tlemcen  et  Sebdou;  à  l'ouest,  dans  les  Hautes-Pyrénées, 
à  Gèdre;  à  l'est,  aux  Alpes-Maritimes  et  aux  Basses-Alpes;  elle 
remonte  tout  le  long  de  la  Méditerranée,  de  l'Andalousie  au  Rous- 
sillon,  s'étend  dans  la  Provence,  habite  encore  l'Ardèche  et  envoie 
sa  colonie  la  plus  septentrionale  jusque  dans  la  haute  vallée  du 
Rhône,  en  Valais. 

Dejone  reste  semblable  à  elle-même  à  peu  près  partout  où  elle 
s'est  fixée.  Aussi  bien  en  Algérie  qu'en  Espagne  et  que  dans  le 
sud  de  la  France,  la  forme  de  Dejone  est  la  même.  Je  ne  connais 
que  deux  variétés  géographiques  :  Berisali  et  Nevadensis,  dont  on 
-trouvera  la  description  plus  loin. 

J'ai  sous  les  yeux  plus  de  200  exemplaires  de  Dejone,  provenant 
de  Sebdou  (D--  H.  Codet),  Tlemcen  (G.  Allard),  Grenade  (  !), 
vallée  de  Ronda(  !),  Montserrat(  !),  Pyrénées-Orientales  (  !),  Gèdre 
(Rondou),  Provence,  Alpes-Maritimes  (  !),  Ardèche  (P.  Chrétien). 
Je  ne  trouve  aucune  différence  de  faciès  correspondant  aux  diffé- 
rences d'habitat.  Dejone  est  donc  une  espèce  remarquablement 
constante;  ses  deux  seules  variétés  géographiques  actuellement 
connues  paraissent  être  chacune  très  constantes  également. 

Il  est  bien  intéressant  de  constater,  avec  M.  le  Chanoine  Favre, 
que  de  nombreuses  espèces  méridionales  se  sont  avancées  dans  la 
haute  vallée  du  Rhône,  en  Valais,  jusqu'au  Simplon.  Dejone, 
espèce  du  bassin  méditerranéen  occidental,  a  remonté  jusqu'à  Mar- 


LÉPIDOPTEROLOGIE    COMPAREE 


tigny  et  même  jusqu'à  Bérisal;  mais  dans  cette  région  la  forme 
de  son  imago  s'est  un  peu  modifi.ee  et  présente  la  variété  qu'à 
cause  de  sa  constance  on  pourrait  appeler  sous-espèce,  et  que  les 
figures  5  et  6  de  la  planche  I  du  présent  travail  représentent  fidè- 
lement. 

La  Melitœa  Dejone-Berisali  aberre  comme  les  autres  Melitœa 
et  suivant  les  mêmes  lois.  La  fig.  7  de  la  pi.  I  donne  la  figure 
d'une  aberration  de  Berisali  prise  à  Martigny,  par  M.  Wullschle- 
gel.  A  côté,  sous  le  n"  8,  est  représentée  une  aberration  de  Melitœa 
Parthenie-varia  prise  par  moi,  en  juillet  1866,  dans  une  prairie 
située  un  peu  plus  bas  que  l'hôtel  actuel  de  Ryffelalp.  Le  dessous 
des  ailes,  dans  ces  deux  aberrations  d'espèces  différentes  de 
Melitœa,  est  analogue.  Les  deux  aberrations  en  question  émanent 
donc  d'une  même  loi  de  variation  atteignant  les  espèces  d'un  même 
genre. 

Je  possède  quelques  aberrations  de  Dejone  provenant  de  Saint- 
Martin-de-Vésubie  (  !),  Digne,  La  Voulte-sur-Rhône  (P.  Chrétien), 
Vernet-les-Bains  (R.  Obthr.).  Chez  tous  ces  papillons  aberrants, 
l'aile  supérieure  en  dessus  est  fortement  atteinte  de  mélanisme, 
tandis  que  dans  l'aberration  figurée  sous  le  n°  7  de  la  pi.  I,  l'aile 
inférieure  seule  est  mélanisée,  l'aile  supérieure  étant  au  contraire 
moins  chargée  de  noir  que  dans  les  exemplaires  normaux. 

J'ai  désigné  ci-dessus  sous  le  nom  de  Nevadensis  une  seconde 
forma  geographica  de  Dejone.  Cette  variété,  représentée  dans  ma 
collection  par  3  cf  et  6  Q,  a  été  rencontrée  par  mon  frère,  en 
juillet  1S75,  dans  la  Sierra-Nevada,  côté  de  Lanjaron.  Elle  se 
distingue  du  type  normal  de  Dejone  par  une  teinte  plus  pâle,  en 
dessus  comme  en  dessous;  par  les  lignes  noires  transversales 
médianes  des  4  ailes  plus  anguleuses;  par  l'absence,  sur  les  ailes 
inférieures  en  dessous,  près  de  la  base,  de  la  coloration  fauve  qui, 
dans  tous  les  autres  exemplaires,  remplit,  du  bord  costal  au  bord 
anal  des  ailes,  un  espace  compris  entre  deux  lignes  noires  et  au 
centre  duquel  reste  une  tache  chamois  clair,  c'est-à-dire  de  la  cou- 
leur du  fond  des  ailes.  Cette  circonstance,  jointe  à  la  forme  plus 
oblique  et  plus  anguleuse  de  la  ligne  noire  transverse  médiane  des 


l6  LÉPIDOPTÉROLOGIE    COMPARÉE 

ailes  supérieures  en  dessus,  est  cause  que  considérée  sur  ses  deux 
faces,  la  variété  Nevadensis  a  un  aspect  distinct  et  bien  spécial. 
A  Grenade  et  dans  la  vallée  de  Ronda,  entre  les  stations  de 
Jimera  et  Benaojan,  j'ai  pris  communément,  au  mois  de  mai,  la 
Melitœa  Dejone,  de  la  forme  normale;  mais  l'altitude  de  ces 
localités  est  faible.  Dans  la  Sierra-Nevada,  du  côté  de  Lanjaron, 
outre  la  différence  de  hauteur,  il  convient  de  tenir  compte  de 
l'influence  possible  de  la  saison.  J'ignore  cependant  quelle  est  la 
forme  d'été  de  la  Melitœa  Dejone  à  Grenade  et  quelle  est  la  forme 
printanière  du  côté  de  Lanjaron.  De  nouvelles  explorations  sont 
nécessaires  pour  que  la  connaissance  de  cette  question  soit  com- 
plète. 


II.  —  Lycsena  Zephyrus,    Herr.  Schaeff.   (PI.  46, 
fig.  208-1 1). 
Form.   geograph.    Akbesiaiia,    Obthr.   (PI.   II,   cf, 
fig.  21  ;    Q,  fig.  22); 

Hesperica,    Ramb.   (PI.   II,   cf, 

fig.  23;  Q,  fig.  24); 

et  Lycidas,  Trapp.  (PI.  II,  cf,  fig.  i;; 
g,  fig.  18). 

La  Lycœna  Zephyrus  paraît  répandue  en  Bulgarie,  Turquie, 
Grèce,  Caucasie  et  Asie-Mineure.  Elle  offre  une  certaine  quantité 
de  variétés  géographiques;  d'abord  vers  l'Orient  :  Askhabad,  Sa- 
markand, Fergana,  Boukarie,  oii  se  trouve  la  forme  appelée 
Zephyrinus  et  figurée  dans  les  Mémoires  sur  les  Lépidoptères  du 
grand-duc  N.-M.  Romanoff,  sous  les  n"'  3^  et  3''  de  la  planche  VI 
du  vol.  I.  J'ai  devant  les  yeux  3  cf  et  4  O  de  cette  forme,  la  plupart 
envoyés  par  M.  Groum. 

Puis,  aux  environs  d'Akbès,  en  Syrie,  on  rencontre  une  variété 
constante  et  spéciale  que  j'ai  appelée  Akbesiana.  J'en  ai  reçu  de 
nombreux  exemplaires.  Cette  forme  encore  inédite  a  pour  carac- 


LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE  i; 

tères  distinctifs  :  i"  chez  le  cf,  en  dessus,  le  rétrécissement  de  la 
bordure  marginale  noire  qui  se  trouve  réduite  à  un  très  mmce 
liséré;  la  couleur  bleu-lilas  clair  avec  un  aspect  un  peu  transparent; 
et  en  dessous,  le  développement  de  la  bordure  submarginale  des 
taches  rouge-orangé.  Cette  bordure  est  commune  aux  quatre  ailes. 
2"  Chez  la  g,  aussi  bien  en  dessus  qu'en  dessous,  l'agrandissement 
des  taches  submarginales  rouge-orangé.  Vers  l'Ouest,  à  une  grande 
distance  de  la  région  habitée  par  la  Lycccna  Zcphynis,  on  a  trouvé 
deux  colonies  de  Lycœna  dont  le  rattachement  à  Zephyrus  est 
généralement  admis;  ce  sont  :  Lycidas,  dans  le  Valais,  et  Hespe- 
rica,  en  Andalousie.  Comment  se  fait-il  qu'aucune  localité  inter- 
médiaire ne  semble  habitée  par  ces  Lycccna?  Lycidas  vit,  ma  appris 
M.  le  chanoine  Favre,  sur  Yastiagalns  cxscapits;  mais  le  genre 
astragalus,  de  la  famille  des  Papilionacées,  est  très  nombreux  en 
espèces  et  il  ne  manque  point  dastragalus  entre  le  Simplon  et  la 
Sierra-Nevada.  Or,  tous  ceux  qui  se  sont  occupés  d'élever  des  che- 
nilles savent  que  si  beaucoup  d'espèces  de  papillons,  à  l'état  lar- 
vaire, se  nourrissent  exclusivement  d'une  plante  et  meurent  de 
faim  lorsqu'elles  manquent  de  la  plante  qui  leur  est  nécessaire, 
cependant  elles  ne  poussent  généralement  point  cet  exclusivisme 
jusqu'à  refuser  de  manger  des  plantes  du  même  genre.  C'est  ainsi 
que  j'ai  pu  nourrir  à  Rennes,  avec  une  linaria  génériquement  con- 
forme à  celle  des  Pyrénées-Orientales,  mais  spécifiquement  très 
différente,  une  certaine  quantité  de  chenilles  de  Meliiœa  Dejone 
recueillies  aux  environs  du  Vernet.  Je  pourrais  multiplier  ces 
exemples. 

Quoi  qu'il  en  soit,  il  en  est  de  Lycœna  Zephyrus  et  de  ses  formes 
géographiques  Lycidas  et  Hesperica,  formant  des  colonies  si  éloi- 
gnées les  unes  des  autres,  comme  de  Zegris  Eupheme,  Satyrus 
Hippolyte  et  Heliothis  Incarnata,  dont  les  individus  espagnols 
restent  séparés  par  une  énorme  distance  de  leurs  similaires  orien- 
taux. 

Lycidas  paraît  donc  habiter  exclusivement  le  Valais.  Je  l'avais 
prise  à  la  fin  de  juin  1866,  aux  environs  de  Viège,  me  trouvant 
alors  en  compagnie  de  feu  mes  amis  Guenée,  Fallou  et  Constant. 


l8  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

Guidé  par  M.  le  chanoine  Favre,  je  capturai  de  nouveau 
Lycidas,  sur  la  route  du  Simplon,  entre  Briggue  et  Bérisal,  du  i8 
au  23  juillet  1902;  mais  la  saison  était  trop  avancée,  beaucoup 
d'exemplaires  étaient  passés.  Lycidas  éclôt  surtout  dès  la  fin  de 
juin  et  dans  les  premiers  jours  de  juillet. 

La  forme  Lycidas  se  distingue  ainsi  :  le  cf  est,  en  dessus,  d'un 
bleu-violet  assez  foncé,  avec  une  bordure  marginale  noire  assez 
prononcée;  en  dessous,  ses  ailes  ont  le  fond  gris-perle  sur  lequel 
les  points  noirs  et  fauves  et  les  parties  blanches  ressortent  vive- 
ment. La  Q,  en  dessus,  est  d'un  brun-noir  profond,  avec  quelques 
points  fauves  marginaux  aux  ailes  inférieures.  En  dessous,  le  fond 
des  ailes  est  plus  brun  que  chez  le  cf.  La  forme  de  Lycidas  paraît 
assez  constante;  tous  les  cf  que  j'ai  vus  sont  de  la  même  teinte 
bleu-violette,  sauf  un  exemplaire  aberrant  qui  est  gris  foncé;  les  Q 
sont  du  même  brun-noirâtre;  seulement  les  points  fauves  margi- 
naux des  ailes  inférieures  en  dessus  sont  plus  ou  moins  accentués. 

Lycidas  vole  dans  d'autres  localités  valaisannes  citées  dans  le 
Catalogue  de  AL  le  chanoine  Favre;  mais  ce  n'est  nulle  part  un 
Lépidoptère  très  commun;  Lycidas  semble  partout  localisée  à 
quelques  stations,  dans  une  région  relativement  peu  étendue.  Sa 
destruction  partielle  serait  à  craindre. 

Quant  à  Hesperica,  si  en  dessous  elle  ne  diffère  guère  de  Lyci- 
das, elle  s'en  distingue  en  dessus  par  sa  teinte  d'un  bleu  céleste 
clair  chez  le  cf  et  par  la  tendance  au  développement  des  taches 
orangées  submarginales  chez  la  Q.  Il  y  avait  dans  les  collections 
Boisduval  et  de  Graslin,  quelques  Hesperica  que  j'ai  tout  lieu  de 
considérer  comme  des  co-types.  En  effet,  les  uns  ont  été  donnés 
à  Boisduval  par  Rambur  et  les  autres  pris  à  Alfacar,  près  Grenade, 
par  de  Graslin,  qui  fut  le  compagnon  de  Rambur  dans  son  expé- 
dition en  Andalousie.  Ce  sont  des  papillons  d'âge  déjà  ancien, 
puisqu'ils  ont  été  recueillis  en  1835;  ils  sont  cependant  encore  en 
bon  état  de  conservation.  Le  cf  et  la  Q  figurés  dans  ce  travail 
faisaient  partie  de  la  collection  de  feu  de  Graslin. 

Il  est  à  remarquer  que  Rambur  dit  qu'il  a  trouvé  la  Lycœna 
Hesperica  dans  la  même  localité  que  \Agestor ;  un  peu  auparavant, 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE  19 

il  indique  comme  localité  d'Ages^or  les  collines  près  d'Alfacar, 
dans  des  lieux  remplis  de  Genis/a  cïnerea.  Sur  la  route  du  Simplon, 
comme  au  voisinage  d'Alfacar,  la  Lycœna  Agestor  {Escherï)  vole 
non  loin  de  Lycidas. 

Les  deux  Lycœna  Agestor  et  Lycidas  se  distinguent  aisément, 
en  comparant  les  ailes  inférieures  en  dessous.  Chez  L^ycidas,  il  y 
a  toujours  une  ligne  blanche  allant  du  bord  costal  au  bord  anal, 
comprise  entre  la  série  submarginale  des  points  fauves  surmontés 
d'un  chevron  noir  et  la  série  médiane  de  points  noirs  parallèles 
au  bord  extérieur.  Chez  Agestor,  on  remarque  seulement  une  petite 
éclaircie  blanche,  à  peu  près  au  milieu  de  l'espace  compris  entre 
le  bord  costal  et  le  bord  anal  des  ailes  inférieures. 


III.   —   Lycaena    Argyrogfnoinon,    Bergstr.,   var. 

Calliopis-Valesiaca,    Obthr.,   g    (PI.    II, 
fig.  15  et  16). 

La  Lycœna  Argyro gnomon  (Argus,  Hùbner,  316,  317,  318)  est 
une  espèce  variable  suivant  l'altitude  et  la  latitude  des  lieux  qu'elle 
habite. 

J'ai  remarqué  dans  les  chasses  faites  autour  de  Martigny,  par 
M.  Arnold  Wullschlegel,  une  forme  de  Q  alis  supra  cœruleis  qui 
m'a  paru  assez  spéciale.  Je  crois  devoir  la  rapporter  comme  variété 
géographique  que  j'appelle  Valesiaca,  à  la  forme  Calliopis,  Bdv 
(Icônes,  pi.  15,  fig.  4,  5),  et  j'en  ai  fait  représenter  deux  échantil- 
lons sous  les  n""  15  et  16  de  la  planche  II  de  ce  travail. 

J'ai  sous  les  yeux  12  exemplaires,  tous  récoltés  en  août,  offrant, 
les  uns  par  rapport  aux  autres,  des  variations  individuelles  assez 
sensibles,  mais  présentant  une  similitude  de  caractères  dans  le 
semis  épais  et  serré  d'écaillés  d'un  bleu  brillant  qui  recouvre  le 
disque  des  ailes  en  dessus,  avec  le  dessous  des  ailes  plutôt  brun 
ochracé  clair  que  gris  et  les  points  bleu  d'argent  du  bord  marginal 
des    inférieures    très    éclatants.    De    plus,    certains    exemplaires 


20  LEPIDOPTEROLOGIE   COMPARÉE 

montrent  une  tendance  à  une  macule  noire  extracellulaire  aux 
supérieures,  ainsi  que  l'indique  la  figure  lô  de  notre  planche  IL 
Les  points  noirs  du  dessous  des  ailes  sont  assez  accentués  chez 
la  Q  Calliopis-V alesiaca.  Mais  dans  le  cf  de  Martigny,  ce  carac- 
tère essentiel  de  Calliopis,  c'est-à-dire  la  petitesse  des  points  noirs 
ocellés,  se  remarque  presque  aussi  bien  que  chez  les  exemplaires 
de  Grenoble  et  de  Digne. 

En  Provence  et  en  Dauphiné,  on  trouve,  entre  autres  formes 
d'Argyrognonion,  celle  que  Boisduval  a  distinguée  sous  le  nom  de 
Calliopis.  La  g  de  cette  Calliopis,  aux  environs  de  Grenoble  et 
de  Digne,  est  supra  cœnilea  comme  la  g  de  Martigny;  mais  les 
atomes  bleus  qui  sont  semés  sur  le  disque  de  ses  ailes,  en  dessus, 
produisent  un  effet  plus  pâle;  le  dessous  des  ailes  paraît  aussi 
plus  terne  et  plus  gris. 

La  dernière  expression  de  Calliopis,  mais  d'aspect  plus  chau- 
dement coloré  que  dans  la  partie  française  du  bassin  du  Rhône, 
se  trouverait  donc  vers  le  Nord-Est,  aux  environs  de  Martigny, 
en  Valais,  tandis  que  Calliopis,  conforme  au  type  de  Boisduval, 
est  répandue  vers  le  Sud  jusqu'auprès  de  Marseille. 

Calliopis  est  cantonnée  dans  les  basses  altitudes,  en  Dauphiné 
et  en  Provence.  Elle  se  plaît  sur  les  pelouses  rases,  au  voisinage 
des  grèves  et  sur  les  berges  des  cours  d'eau;  tandis  que  dans  les 
hauteurs,  vers  1.500  mètres  environ,  se  rencontre  la  forme  J^gidion 
de  la  même  Lycœna  Argyrognornon. 

Dans  leur  Catalog,  édit.  1901,  Staudinger  et  Rebel  portent  en 
deux  endroits  différents  Calliopis,  Bdv.,  Icônes;  d'abord  fig.  5, 
dans  le  même  article  quArgj'rognoîuon,  puis  fig.  4,  dans  l'article 
suivant  :  a)  ab.  Q  Callarga,  Stgr.  Mais  la  fig.  4  et  la  fig.  5  repré- 
sentent en  dessus  et  en  dessous  le  même  papillon  qui  fait  encore 
partie  de  l'ancienne  collection  Boisduval.  N'est-il  pas  bizarre  de 
comprendre  le  dessus  du  même  spécimen  dans  un  article  de  la 
Nomenclature  différent  de  celui  où  est  inscrit  le  dessous?  Enfin, 
pourquoi  ce  nom  nouveau  de  Callarga,  pour  remplacer  celui  de 
Calliopis  plus  vieux  de  70  ans  ?  Si  Callarga  (  Q  supra  caerula) 
désigne  une  forme  géographique  spéciale  d'Argyro gnomon,  il  eût 


LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE  21 

été  nécessaire  de  le  dire  pour  la  justification  du  nom  nouveau; 
mais  si  Callarga  désigne  la  même  Lycœna  que  Calliopis,  quelle 
raison  y  a-t-il  de  mettre  le  nom  imposé  par  Roisduval,  appuyé 
sur  une  bonne  description  et  une  figure  très  exacte,  en  synonymie 
derrière  un  nom  nouveau  simplement  expliqué,  par  les  mots  : 
Q  supra  ccsrula.  C'est  bien  le  cas  de  Calliopis  Q. 

Je  vois  sur  l'autre  page  79  du  même  Calalog,  Lycœna  Allardii, 
Obthr.,  placée  après  Sephyrus,  sous  le  n°  553  et  suivie  de  la  men- 
tion :  prœc.  forma  darwiniana?  Rien  ne  peut  justifier  cette  opinion 
même  interrogative.  Allardi  est  une  espèce  à  part  qu'il  est  impos- 
siple  de  rattacher  en  quelque  façon  à  Sephyrus.  Allardi  me  paraît 
être,  par  son  dessous,  une  des  espèces  les  plus  tranchées  dans  le 
genre  Lycœna.  Je  ne  me  rappelle  pas  que  feu  Staudinger  m'ait 
demandé  communication  du  type  de  Lycœna  Allardi.  Ayant 
ignoré  l'espèce,  il  a  hasardé  cet  inadmissible  rapprochement  de 
Sephyrus. 


IV.  —  Erebia   Christî,  Raetzer  (PI.  II,  g,  fig.  13,  14; 
cf,  fig.  19,  20). 

Jamais  encore  il  n'a  été  publié  de  figure  de  cette  Erebia,  de 
découverte  relativement  récente,  paraissant  jusqu'ici  localisée  à  la 
petite  vallée  de  Laquin,  sur  le  versant  sud  de  la  route  du  Simplon 
et  un  peu  plus  bas  que  le  village  même  du  Simplon.  Guidé  par 
M.  le  chanoine  Favre,  j'ai  visité  la  vallée  de  Laquin,  dans  la 
seconde  moitié  de  juillet  1902.  Quoique  la  saison  fût  trop  avancée 
d'au  moins  15  jours,  M.  Favre  réussit  à  capturer  en  ma  présence 
un  cf  encore  frais  de  VErebia  Christi  et  voulut  bien  me  l'offrir. 
Lui  et  moi,  nous  en  primes  quelques  autres  en  débris.  Le  soleil, 
ce  jour-là,  avait  tardivement  dissipé  le  brouillard  et  les  papillons 
ne  prirent  un  peu  d'activité  que  vers  1 1  heures  du  matin.  La  vallée 
de  Laquin  est  étroite  et  reserrée;  les  pentes  en  sont  fort  raides; 
un  sentier  parcourt  à  mi-côte  le  flanc  nord  de  la  vallée;  les  papil- 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 


Ions  le  traversent  sans  cesse,  montant  et  descendant  le  long  des 
gazons  fleuris  au  milieu  des  pierres,  depuis  les  bords  du  torrent 
qui  bouillonne  au  fond,  jusque  vers  les  très  hautes  crêtes  des 
rochers.  D'autres  Erebia,  notamment  Melampus,  volent  dans  ces 
parages,  où  la  faune  lépidoptérologique  paraît  riche  et  abondante. 
UErebia  Christi  participe  du  faciès  de  Cassiope,  Mnesira,  Mê- 
lant pus,  etc.  ;  mais  elle  semble  bien  spéciale  et  sans  caractère  exté- 
rieur saillant,  elle  ne  peut  en  somme  se  confondre  avec  aucune 
autre.  Dans  les  Transactions  of  the  entomol.  Society  of  London, 
1808,  pi.  VIII,  fig.  lia,  b,  c,  d,  M.  Elwes  figure  les  Genitalia  de 
YErebia  Christi;  je  reproduis  ici  les  paroles  de  cet  auteur  (p.  187). 

«  The  position  of  this  newly  discovered  species  is  at  présent 
a  little  doubtfoul.  It  looks  so  near  to  some  spécimens  of  E.  Mnes- 
tra  that  I  should  hâve  been  doubtfoul  as  to  its  spécifie  distinction 
if  it  were  not  for  the  genitalia,  which  show  it  to  be  différent  from 
ail  European  species;  while  its  occurrence  in  quantity  proves  that 
it  cannot  be  a  hybrid  between  E.  Cassiope  and  Mnestra  of  which 
it  seems  to  combine  the  characters.  » 

Je  dois  à  M.  le  professeur  Courvoisier,  de  Bâle,  la  connaissance 
et  la  possession  de  la  Q.  M.  Bang-Haas  a  bien  voulu  aussi  me 
communiquer  quelques  exemplaires  de  sa  collection.  J'exprime  à 
ces  Messieurs  mes  meilleurs  sentiments  de  gratitude. 

J'espère  que  les  figures  13,  14,  19  et  20  de  la  planche  II  de  cet 
ouvrage,  très  soigneusement  gravées  d'après  les  photographies  et 
la  nature  elle-même,  serviront  à  compléter  les  descriptions  déjà 
parues  et  à  permettre  de  plus  facilement  reconnaître  VErebia 
Christi.  Sa  localisation  exclusive  dans  la  vallée  de  Laquin  paraît 
un  peu  surprenante.  Je  pense  que  VErebia  Christi  pourra  être  ren- 
contrée dans  d'autres  vallées  des  Alpes  non  encore  visitées  par  un 
entomologiste,  au  moment  de  l'éclosion. 

UErebia  -flai'O-fasciata  du  Tessin  est  aussi  de  découverte  récente; 
le  dessous  de  cette  dernière  est  très  caractéristique.  Je  partage 
l'opinion  de  M.  Elwes  qui  trouve  presque  incroyable,  bien  que  ce 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE  23 

soit  pourtant  vrai,  qu'une  Erebia  aussi  distincte  en  apparence  ait 
été  découverte  seulement  si  récemment  (1893)  dans  une  partie  des 
Alpes  que  tant  de  collecteurs  d'histoire  naturelle  ont  visitée  aupa- 
ravant. 


V.  —  Erebia  Pharte,  ab   Phartina,  Stgr.  (PI   IV, 
fig-  45)- 

Feu  Staudinger  décrit  dans  17m  (VII,  p.  245),  sous  le  nom  de 
Phartina,  une  variété  de  Pharte  dont  lui-même  dit  avoir  pris,  dans 
le  Valais,  un  cf  chez  qui  les  taches  ordinaires  manquent  complè- 
tement sur  le  dessus  des  ailes.  L'auteur  ajoute  :  0  Solche  Stuecke 
die  vermuthlich  (fast  ausschliesslich)  in  grœsserer  Hœhe  als  die 
typischen  Pharte  vorkommen,  verdienen  mit  demselben  Rechte 
einen  besonderen  Namen  als  ein  solcher  aus  gleichen  Gruenden 
bei  anderen  Erebia-Arten  gegeben  ist  (z.  B.,  Er.  Manto,  Esp.  ab. 
Cœcilia,  Hb.),  sie  kœnnten  als  ab.  oder  gar  ziar.  Phartina  bezeich- 
net  werden,  wenn  sie  sich  als  eine  ziemlich  konstante  Hœhenform 
erweisen  sollten.  Ich  besitze  sogar  ein  Q  zu  dieser  Form,  bei  dem 
die  bei  typischen  Q  Q  sehr  breite  braune  Binde  nur  durch  fuenf 
rundliche  braune  Fleckchen  vertreten  ist.   » 

Je  rapporte  à  cette  forme  d'altitude  de  Pharte  deux  g  bien 
semblables  entre  elles  que  M.  Wullschlegel  a  capturées  au  glacier 
de  Trient,  le  24  juillet  1895.  Le  dessus  des  ailes  est  d'un  brun 
foncé  uni,  avec  seulement  une  petite  éclaircie  rougeâtre  près  de 
l'apex  des  supérieures.  Le  dessous  des  ailes  est  comme  dans  le 
type,  d'un  brun  plus  pâle  que  le  dessus;  la  petite  tache  apicale 
rougeâtre  du  dessus  s'y  reproduit  exactement.  Cette  petite  tache 
est  l'unique  vestige  de  la  bande  rougeâtre  qui,  dans  les  exemplaires 
ordinaires  du  type  Pharte,  descend  du  bord  costal  des  supérieures 
jusqu'assez  près  du  bord  anal  des  inférieures.  La  petite  tache  en 
question  est  traversée  par  la  nervure  qui  la  divise  en  deux  parties 
à  peu  près  égales. 


24  LEPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

La  forme  Phartina  se  trouve  en  Savoie;  la  coll.  Bellier  en  con- 
tient un  cf  très  caractérisé.  Le  D*"  J.  Oberthiir  l'a  récoltée  aux  envi- 
rons de  Lanslebourg-,  où  des  exemplaires  sont  presque  uniformé- 
ment bruns  en  dessus,  tandis  que  d'autres  se  rapprochent  davantage 
du  type  normal.  Je  n'ai  cependant  jamais  vu  jusqu'ici  des  Q  Q 
aussi  unicolores  que  celles  capturées  au  glacier  de  Trient.  Ces  Q  Q 
me  paraissent  être  l'expression  la  plus  accentuée  de  la  forme 
d'altitude  phartina. 


VI. —  Cœnonympha  Arcanïa,  L ,  var.  insubrica, 
Frey.  (PI.  I,   Q  fig.  12). 

La  Cœnonympha  Arcania  est  répandue  dans  une  grande  partie 
de  l'Europe;  elle  manque  en  Angleterre.  Elle  est  généralement 
commune  en  Erance,  où  elle  éclôt  dans  les  mois  de  juin  et  de 
juillet.  Je  la  possède  des  environs  de  Paris  (Sèvres,  Lardy,  Monti- 
gny-Beauchamp,  Ozoir-la-Ferrière  (*),  d'Evreux,  Rennes,  Angou- 
lême,  Digne,  Elorac,  Cauterets,  Vernet-les-Bains,  Grenoble.  La 
forme,  en  Erance,  est  assez  constante;  cependant  les  exemplaires 
des  Pyrénées-Orientales  ont  la  teinte  fauve  plus  claire  que  ceux 
des  autres  localités.  La  variation  porte  principalement  sur  le 
nombre  des  taches  ocellées  du  dessous  des  ailes.  Assez  souvent 
l'ocelle  apical  des  supérieures  fait  défaut.  Il  doit  nécessairement 
y  avoir  des  exemplaires  entièrement  dépourvus  d'ocelles  aux  ailes 
inférieures,  ainsi  que  cela  se  remarque  chez  Bonis  {Etudes  (TEn- 
tonu,  XX*  liv.,  pi.  6;  fig.  102).  Mais  je  n'en  ai  point  encore  vu.  Je 
possède  un  cf  pris  à  Montigny-Beauchamp,  en  juin  1894,  par 
R.  Oberthiir,  et  n'ayant  plus  que  l'ocelle  costal  et  deux  très  petits 
ocelles  submarginaux  des  ailes  inférieures  en  dessous,  tandis  que 
les  exemplaires  normaux  ont  5  ocelles. 


(*)  Dernière  localité  où  Cœnonympha  Eero  paraît  s'avancer  actuellement 
vers  l'Ouest. 


LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE  25 

L'albinisme  atteint  Arcania,  comme  tous  les  êtres  créés.  Je  dois 
à  la  générosité  de  M.  Gabriel  Dupuy,  d'Angoulême,  2  cf  chez  qui 
la  couleur  fauve  normale  est  remplacée  par  du  blanc  jaunâtre, 
tant  en  dessus  qu'en  dessous.  Inversement,  la  couleur  fauve  peut 
être  beaucoup  plus  foncée  que  dans  les  sujets  normaux  et  la  bor- 
dure noire  des  supérieures  peut  s'élargir  au  détriment  de  cette 
teinte  fauve  du  fond  des  supérieures.  C'est  à  Rennes  que  le  type 
d! Arcania  paraît  tendre  davantage  vers  le  mélanisme. 

Dans  les  Alpes,  mais  à  une  assez  grande  hauteur,  Philca  rem- 
place Arcania.  Cette  variété  d'altitude  n'a  pas  été  trouvée  dans  les 
Pyrénées. 

La  C œnonynipha  Darzviniana,  de  la  route  du  Simplon,  est  une 
forme  qui  fait  bien  la  transition  entre  Arcania,  des  plaines  de 
France,  et  Philea,  de  Zermatt,  de  Chamonix  et  de  l'Oberland 
bernois. 

A  Enchastrayes  (Basses-Alpes),  il  y  a  également  une  forme 
tout  à  fait  transitionnelle  entre  Arcania  et  Philea.  Cette  variété 
Philca  est  surtout  caractérisée  par  sa  taille  réduite  et  par  ses  ailes 
en  dessus  uniformément  brunes  chez  le  cf.  La  tache  fauve  persiste 
chez  la  Q  et  aussi  chez  certains  cf  Philea;  cependant  la  tendance 
à  l'uniformité  mélanienne  des  ailes  en  dessus  est  générale  chez 
cette  variété  alpine. 

A  l'inverse  de  Philea  est  la  forme  insubrica,  de  Crévola,  sur  le 
versant  méridional  du  Simplon.  La  taille  à^insiibrica  est  plus 
grande  que  celle  ai! Arcania  des  plaines  françaises;  sa  teinte  rou- 
geâtre,  tant  en  dessus  qu'en  dessous,  est  vive  et  généralement  plus 
accentuée. 

Si  l'on  voulait  établir  par  graduation  l'échelle  des  formes  ai  Ar- 
cania, il  faudrait  mettre  Insubrica  en  tête,  comme  étant  la  plus 
grande,  continuer  par  Arcania  de  nos  plaines  françaises,  placer 
ensuite  Darwiniana  du  Simplon  et  d'Enchastrayes  et  finir  par 
Philea  de  Ryffelalp. 

La  forme  algérienne  Arcanioides  est  plus  petite  et  plus  rou- 
geâtre  en  dessous,  avec  l'espace  blanc  des  ailes  inférieures  très 
réduit.  C'est  peut-être  une  espèce  à  part. 


26  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

En  Grèce  et  en  Asie-Mineure,  Arcania  ne  me  paraît  guère  diffé- 
rer de  la  forme  des  Pyrénées-Orientales;  mais  il  est  intéressant 
de  constater  chez  Arcania  de  Suisse,  ces  variations  si  différentes 
et  même  opposées,  Philea  minor  et  Insubrica  major,  avec  Darwi- 
niana  submedia,  vivant  dans  des  localités  d'altitude  diverse,  mais 
cependant  relativement  très  voisines  les  unes  des  autres. 


VIL  —  Celerio  Dahlii,   Huebner,  ab.  lutescens, 

Obthr.  (PI.  VI,  %  6i). 

Les  ailes  inférieures  en  dessus  sont  jaunes,  au  lieu  d'être  rouges. 

Les  ailes  supérieures  sont  plus  claires  que  dans  la  forme  nor- 
male. La  couleur  vert-olive  y  est  remplacée  par  une  teinte  d'un 
ochre-jaune  un  peu  verdâtre. 

Le  dessous  du  corps  et  des  ailes  n'est  pas  d'un  rose  vineux  plus 
ou  moins  vif,  mais  d'un  gris-jaunâtre. 

Je  possède  un  seul  exemplaire  Q  venant  de  Corse;  il  était  dans 
l'ancienne  collection  Bellier.  J'ai  entendu  dire  qu'il  existait  un 
autre  exemplaire  tout  semblable  dans  la  collection  de  feu  Berce. 


VIII.    —    Celerio    Mauretanica-deserticola, 

Bartel,  ab.  flaveola,  Obthr.  (PL  VI,  fig.  60). 

Un  (j  analogue  à  l'aberration  hitescens  de  DaliUi,  mais  plus 
pâle;  le  thorax  est,  en  dessus,  d'un  jaune  d'ochre  clair. 

Est  éclos  à  Rennes  en  mai  1894,  de  chrysalides  envoyées  de 
Biskra  par  J.  Merkl. 

J'ai  fait  figurer  ces  deux  aberrations  jaunes  de  Dahlii  et  de 
Maureianica  pour  donner  un  supplément  de  preuves  à  la  loi  qui 
atteint  tous  les  êtres  organisés  normalement  colorés  en  rouge  et 
d'après  laquelle  ils  peuvent  albiniser  en  jaune.  Je  suis  maintenant 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE  2/ 

fondé  à  croire  que  la  loi  de  variation,  d'après  laquelle  toute  cou- 
leur rouge  peut,  d'une  part,  albiniser  en  jaune  et  en  blanc,  et, 
d'autre  part,  mélaniser  en  brun  et  en  noir,  ne  comporte  pas  d'excep- 
tion. J'ai  multiplié  dans  ma  collection  les  documents  à  cet  égard, 
et  je  ne  connais  point  de  génie  qui  soit  réfractaire  à  cette  loi 
générale.  Seulement  il  y  a  des  lieux  où,  pour  des  circonstances 
encore  inconnues,  la  variation  jaune,  par  exemple,  est  pour  telle 
ou  telle  espèce  plus  fréquente,  alors  qu'ailleurs  elle  paraît  nulle, 
tant  elle  y  est  raremv  nt  observée.  Je  ne  crois  pas  que  les  expé- 
riences de  Zurich,  si  habilement  et  heureusement  poursuivies  par 
MM.  Standfus  et  Fischer  (froid  et  chaud),  aient  rien  donné  quant 
à  la  question  des  divers  stages  de  variation  xanthique  :  blanc, 
jaune,  rouge,  brun  et  noir.  Les  causes  qui  produisent  les  variations 
de  couleur  rouge  soit  en  jaune  par  albinisme,  soit  en  brun  par 
mélanisme,  sont  encore  inconnues. 


IX  —  Celerio  Vespertilio,  Esp.,  ab.  Salmonea, 

Obthr.  (PI.  V,  fig.  5/). 

Jolie  aberration  albinisante  en  dessus  comme  en  dessous  de 
V espertilio.  Les  ailes  intérieures  sont,  en  dessus,  d'une  couleur 
roc2  saumon  pâle  et  un  peu  jaunâtre,  au  lieu  d'être  d'un  rose  fleur 
c'e  pêcher,  comme  dans  la  forme  normale.  Sabnonea  fait  la  tran- 
sition de  la  forme  ordinaire  rose-carminé  de  V espertilio  à  la  forme 
jaune  qui  doit  nécessairement  exister  pour  V espertilio  comme  pour 
EuphorhicF,  mais  que  je  n'ai  pas  encore  eu  occasion  de  voir.  En 
dessous,  le  disque  des  ailes  supérieures  et  les  ailes  inférieures  sont 
colorées  en  nankin  un  peu  rosé  très  pâle. 

J'ai  un  seul  et  très  bel  individu  de  l'aberration  Salmonea  obtenu 
de  la  chenille  par  M.  Léonhart,  de  Bâle. 


28  LÉPIDOPTÉROLOGIE    COMPARÉE 


X.  —  Celerio  hybrides  Vespertilioides,  Bdv.  (PI.  V, 

%  54.  55)- 
Epilobii,  Bdv.  (PL  VI,  fig.  58). 
Epilobii,  Bdv.  (PI.  VI,  %  59). 
Burckhardti,  Mory  (PL  V,  fig.  56). 


Je  ne  crois  pas  que  personne  ait  encore  rencontré  dans  la  nature 
un  accouplement  de  Vespertilio  avec  Hippopha'és  ou  Euphorbiœ. 
Mais  on  a  trouvé  assez  fréquemment  en  France,  spécialement  dans 
le  Dauphiné  et  la  région  lyonnaise,  et  plus  récemment  en  Alsace, 
aux  environs  d'Huningue,  des  chenilles  paraissant  hybrides  soit 
de  Vespertilio  et  Hippopha'és,  soit  de  Vespertilio  et  Euphorbiœ. 

De  ces  chenilles  sont  sortis  des  papillons  connus  sous  le  nom 
de  Vespertilioides,  quand  ils  sont  le  produit  supposé  de  Vesper- 
tilio et  Hippopha'és,  et  à'Epilobii,  lorsqu'ils  sont  prétendus  issus 
de  Vespertilio  et  Euphorbiœ. 

Boisduval,  dans  les  Annales  de  la  Société  linnéenne  de  Paris, 
en  1827,  a,  pour  la  première  fois,  parlé  du  Sphinx  Vespertilioides; 
plus  tard,  dans  la  Collection  iconographique  et  historique  des 
chenilles  (1832),  dans  VI cônes  historique  des  Lépidoptères  (1834) 
et  enfin  dans  le  Species  général  des  Lépidoptères  Sphingides 
(1874),  ce  savant  auteur  a  publié  des  observations  sur  le  même 
sujet. 

Il  paraît  très  probable  que  Vespertilio  cf  et  Hippophaës  Q 
s'accouplent  dans  la  nature,  mais  je  crois  que  l'accouplement  de 
Hippophaés  cf  et   Vespertilio    Q    semble  beaucoup  plus  certain. 

On  s'appuie,  pour  prouver  ces  deux  sortes  d'accouplement 
hybride,  sur  la  constatation  suivante  : 

Chacun  sait  que  les  Q  de  Lépidoptères  pondent  leurs  œufs  à 
portée  de  la  plante  qui  doit  nourrir  les  jeunes  chenilles.  Un  instinct 
merveilleux  guide  les  papillons  et  les  empêche  de  commettre  dans 
le  choix  de  la  plante  nourricière  une  erreur  qui  serait  la  perte  de 


LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE  29 

toute  une  postérité.  Or  les  chenilles  hybrides  ayant  été  le  plus 
souvent  rencontrées  sur  Yepïlobinni  angustïfoliuin  [^),  il  a  été 
raisonnable  d'en  conclure  que  la  g  ayant  pondu  les  œufs,  a  appar- 
tenu à  l'espèce  Vespertilio  dont  la  chenille  vit  sur  \ epilobium. 
Plus  rarement,  et  moins  authentiquement,  des  chenilles  hybrides 
ayant  été  observées  sur  XHippophaé  rhaninoides,  cet  arbuste  épi- 
neux, au  feuillage  grisâtre  dont  sont  fréquemment  couvertes  les 
grèves  du  Rhône  et  de  ses  aftiuents,  on  a  été  fondé  à  penser  que, 
dans  cette  circonstance,  ce  devait  être  la  Q  Hippophaés,  fécondée 
par  Vespertilio  çS  qui  avait  pondu  sur  Vhippopha'é  rhamnoides  (**), 
nourriture  exclusive  de  son  espèce. 

Il  existe  dans  la  collection  Boisduval  deux  exemplaires  Vesper- 
tilioides.  Ce  sont  les  types  ayant  servi  à  la  description  de  Bois- 
duval.  Ils  sont  très  anciens,  mais  encore  assez  bien  conservés.  Je 
ne  connais  pas  la  figure  publiée  en  1827  dans  les  Annales  de  la 
Société  linnéennc  de  Paris.  J'ai  sous  les  yeux  seulement  la  figure  3 
de  la  planche  49  de  VIconcs.  Cette  figure  a  été  grossièrement  colo- 
riée. Possédant  la  collection  des  peintures  originales  exécutées 
par  Duménil  et  E.  Blanchard  pour  servir  de  modèles  à  la  gravure 
et  au  coloriage  des  planches  de  VIcones  et  de  VIconographie  des 
chenilles,  je  puis  faire  la  comparaison  entre  ces  modèles  et  la 
reproduction.  Malheureusement,  je  constate  une  telle  absence  de 
soins  dans  le  coloriage  qu'il  en  résulte  une  véritable  défiguration 
aussi  bien  pour  la  représentation  de  Vespertilioides  (PI.  4g),  que 
pour  celle  d'Epilobii  (PI.  51). 

Quoi  qu'il  en  soit,  j'ai  fait  figurer  de  nouveau  sous  le  n"  54  de 
cet  ouvrage,  le  Vespertilioides  qui  a  déjà  servi  pour  la  figure  3  de 
la  planche  49  de  VIcones.  Quant  au  n°  55,  c'est  un  Vespertilioides 
de  la  collection  Bellier,  beaucoup  moins  ancien  assurément  que  le 
type  de  Boisduval,  par  conséquent  d'une  coloration  plus  vive  et 


(*)  Epilobium  angustifolium,  Lamk.  ;  synonyme  rosmarinifolium, 
Haencke;  var.  à  feuilles  plus  larges  Fleischiri,  Hochst  (famille  des  Ona- 
grariées). 

(**)  Hippophaë  rhamnoides,  Linn.,  vulg.  argousier  faux-nerprun 
(famille  des  Eléagnées). 


30  LEPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

plus  fraîche,  mais  ne  différant  guère  du  type.  Autant  que  je  puis 
en  juger  par  les  3  exemplaires  de  ma  collection,  dont  un  récolté 
plus  récemment  que  les  deux  autres,  V espertïLioides  serait  donc 
assez  régulièrement  semblable  à  lui-même.  D'après  Boisduval 
{Sp.  gén.,  p.  176),  cet  entomologiste  a  personnellement  trouvé  sur 
[epilobmni  angustifolium,  au  bord  du  Drac,  près  de  Grenoble, 
la  chenille  de  V espertilïoides  hgurée  dans  son  Iconographie  des 
chenilles.  On  peut  donc  supposer  qu'au  moins  l'un  des  exemplaires 
de  la  collection  Boisduval  a  pu  être  obtenu  d'éclosion  par  Bois- 
duval  lui-même  et  dès  lors  provenir  de  l'accouplement  d'Hippo- 
phaës  cf  avec  V esperiilïo  g,  puisque  c'est  sur  \ epilobiimi  que  les 
chenilles  ont  été  récoltées. 

Boisduval  ajoute  (5/.  gén.,  p.  176)  :  «  Il  paraît  que  le  Vesper- 
»  tilio  mâle  s'accouple  aussi  quelquefois  avec  VHippophaés 
»  femelle,  car  on  a  trouvé  des  chenilles  hybrides  sur  Vhippophaé 
»  rharnnoides  qui  différaient  un  peu  de  celles  que  nous  avons 
»  trouvées  sur  Vépilobe.  C'est  une  de  ces  chenilles  de  Vhippophaé 
»  qui  a  produit  à  Feisthamel  le  Sphinx  Amelia  qui,  à  l'état 
»  d'insecte  parfait,  est  complètement  semblable  à  notre  Vesper- 
»  tilioides.    » 

Que  le  produit  hybride  de  V es per tilio  cf  et  Hippophaës  g 
soit  égal  à  celui  de  Hippophaës  çS  et  Vespertilio  g,  je  le  crois 
probable,  puisque  l'expérience  a  démontré  que  les  produits  de 
Biston  histaria  cf  et  Biston  pomonaria  g  étaient  tout  à  fait  ana- 
logues à  ceux  de  Biston  pomonaria  cf  et  Biston  histaria  g  (Pilzii, 
Stndf.  et  Hûnii,  Obthr.);  le  produit  ne  changeant  pas  plus  qu'en 
arithmétique,  lorsqu'on  change  l'ordre  des  facteurs. 

Mais  je  suis  porté  à  croire  que  Boisduval  commet  une  erreur  à 
propos  d'A}nelia. 

Je  ne  connais  cependant  pas  ce  que  Feisthamel  a  publié  dans  le 
Bulletin  des  Sciences  naturelles  de  iSzy.  Je  sais  seulement  ce  que, 
d'après  cette  notice  même,  rapporte  Duponchel  {Hist.  nat.  Pap. 
France,  suppl.  au  tome  III;  Deilephila  Amelia,  p.  11-14  et 
p.  125-6)  et  je  tran.scris  le  texte  de  Duponchel  comme  suit  (p.  11- 
14)  :  «    Cette  espèce  (^Amelia)  a  été  l'objet  d'une  notice  rédigée 


LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE  3I 

»  par  M.  le  baron  Feisthaniel  et  insérée  dans  le  Bulletin  des 
»  Sciences  naturelles  de  18 2j,  tome  2,  page  162.  Voici  les  faits 
»  qu'elle  contient.  La  chenille  du  Sphinx  dont  il  s'agit  vit  soli- 
»  tairement  sur  l'épilobe  à  feuilles  de  romarin  {epilobiuni  angus- 
»  tifoliunï).  Elle  fut  trouvée  pour  la  première  fois  le  1 1  juillet 
»  1825,  sur  les  bords  du  Drac,  près  Grenoble,  par  M""  Amélie 
»  Vattier.  Le  mari  de  cette  dame  ("•  )  en  retrouva  plusieurs  l'année 
»  suivante  à  la  même  époque  et  les  donna  à  M.  Feisthamel,  qui 
»  continua  de  les  élever;  mais  une  seule  lui  réussit,  et  il  en  obtint 
»  le  Sphinx  que  nous  venons  de  décrire  et  dont  l'éclosion  eut  lieu 
»  vers  la  fin  d'août.    » 

Contrairement  à  ce  que  dit  Boisduval,  dans  le  Species  général, 
la  chenille  d'Aniclia  aurait  donc  vécu  sur  Xepilobiuni,  non  sur 
Vhippophaé. 

Cependant  Duponchel  termine  son  article  sur  Amelia  en  disant  : 
((  Amelia  ressemble  en  effet  beaucoup  à  Vespertilioides  Boisduval  ; 
»  mais  sa  chenille  est  très  différente,  de  sorte  que  nous  avons  dû 
»  lui  conserver  le  nom  que  lui  a  donné  M.  Feisthamel,  d'autant 
»  mieux  que  ce  nom  a  pour  lui  l'antériorité.    » 

Les  2  chenilles  à! Amelia  et  Vespertilioides  seraient  donc  très 
différentes,  quoique  toutes  deux  se  nourrissant  à'epilobiuni.  Mais 
la  figure  donnée  par  Duponchel  de  V Amelia  Feisthamel  (suppl. 
Sphingides,  pi.  I,  fig.  2)  me  paraît  représenter  un  papillon  égale- 
ment assez  différent  du  Vespertilioides,  Bdv.  En  effet,  la  figure 
précitée  de  V Amelia  présente,  sur  le  disque  des  ailes  supérieures, 
une  raie  obscure,  descendant  du  bord  costal  où  elle  est  plus  large, 
vers  le  bord  interne  où  elle  finit  en  pointe.  Cette  raie  manque  dans 
Vespertilioides.  J'en  aperçois  bien  un  vestige  dans  le  Vesperti- 
lioides cf  de  la  collection  Boisduval,  mais  la  trace  en  est  bien  peu 
apparente,  tandis  que  Duponchel  en  fait  état  dans  sa  description 
(p.  Il)  :  a  Du  côté  interne,  elle  (la  ligne  descendant  de  l'apex, 
»  bordée  sur  son  côté  externe  par  une  bande  olivâtre  dentée  exté- 


(*)  M.  Vattier,  capitaine  adjudant-major  au  25*'  de  ligne,  membre  fon- 
dateur de  la  Société  entomologique  de  France. 


32  LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE 

»  rieurement)  est  longée  par  une  autre  ligne  de  la  même  couleur 
»  que  cette  bande  et  qui  s'éteint  avant  d'arriver  à  l'angle  supé- 
»  rieur.   » 

Mais  il  n'y  a  pas  que  ce  premier  Anielia,  Feisthamel. 

il  y  en  a  un  autre  également  décrit  et  figuré  par  Duponchel 
(p.  125-6,  et  pi.  XI,  fig.  2). 

Voici  ce  qu'écrit  Duponchel  à  ce  sujet  :  «  Depuis  que  nous 
»  avons  décrit  et  ûguré,  page  1 1  et  pi.  I  de  ce  vol.,  le  Sphinx 
»  Amelia  de  M.  Feisthamel,  nous  avons  reçu  en  communication 
»  de  M.  Chardiny,  de  Lyon,  le  Sphinx  V espertilioides  de  M.  Bois- 
»  duval,  et,  par  la  comparaison  minutieuse  que  nous  avons  faite 
»  de  l'un  avec  l'autre,  nous  avons  été  à  même  de  nous  convaincre 
»  de  leur  identité,  quoique  chacun  d'eux  provienne  d'une  chenille 
»  différente,  du  moins  pour  le  fond  de  la  couleur,  car  elles 
»  se  ressemblent  pour  la  forme  et  la  disposition  des  taches,  excepté 
»  pourtant  que  celle  de  M.  Boisduval  a  la  corne  beaucoup  plus 
»  courte  que  celle  de  M.  Feisthamel.   » 

Si  l'on  considère  la  figure,  paraissant  très  soignée  dans  l'ouvrage 
de  Duponchel,  qui  d'ailleurs  ne  décrit  pas  autrement  le  papillon 
communiqué  par  M.  Chardiny,  on  trouve  que  ce  second  Amelia 
n'est  nullement  identique  à  V espertilioides  de  Boisduval,  mais  se 
rapprocherait  plutôt  de  XEpilobii  du  même  auteur. 

Du  reste  ce  n'est  plus  un  papillon  de  Grenoble,  c'est  un  papillon 
lyonnais  que  Duponchel  a  reçu  en  communication,  et  tout  me  porte 
à  croire  qu'au  lieu  d'être  un  V espertilioides,  \ Amelia  de  M.  Char- 
diny est  un  Epilobii,  tout  comme  XEpilobii  communiqué  par 
M.  Donzel,  également  de  Lyon,  et  dont  Duponchel  donne  la 
figure  sous  le  n°  i  de  la  même  planche  XI  du  Supplément  Sphin- 
gides  et  Sésides. 

UEpilobii  de  Boisduval  venait  aussi  de  Lyon,  où  il  avait  été 
obtenu  par  Merk.  On  le  trouve  du  reste  à  Lyon  de  temps  en  temps. 
Je  lis  en  effet  dans  le  Bidletin  de  la  Société  entoni.  de  France, 
1877,  p.  LXXXIV,  le  renseignenent  suivant  :  «  MM.  G.  Rouast  et 
»  Regnaud,  de  Lyon,  adressent  une  'iiote  sur  deux  Lépidoptères 
»  rares  pour  la  faune  française  : 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE  33 

»  1°  Deilephila  epiloblï.  La  chenille  de  cet  hybride  des  Dcile- 
»  phila  Vesperlilio  et  Eiiph orbite  a  été  trouvée  par  nos  collègues 
»  vers  la  fin  de  juillet  1876  au  sud  de  Lyon,  à  Pierre-Bénite,  près 
»  de  Chapoly,  dans  des  carrières  où  abonde  Xepilobhnn  rosrna- 
»  rinifoliiDu,  et  l'insecte  parfait  est  éclos  au  mois  d'août. 

»  Ce  rare  Sphingide  n'avait  encore  été  signalé  qu'au  nord- 
»  ouest  de  Lyon,  à  Saint-Fortunat,  par  Merk,  et  d'après  M.  Ma- 
»  bille,  M.  Poulin,  de  Genève,  en  avait  pris  la  chenille  en  i8;o,  au 
»  pied  du  Salève,  sur  la  même  espèce  d'epilobium.   » 

Mais  cet  Epilobii,  de  Lyon,  semble  avoir  quelquefois  une  parti- 
cularité signalée  par  Boisduval,  dans  sa  description  d'EpiLobii  et 
bien  indiquée  dans  la  figure  2  de  la  planche  XI  du  Supplément 
par  Duponchel.  11  s'agit  de  la  raie  oblique  brune  des  ailes  supé- 
rieures, descendant  de  la  côte  au  bord  interne,  contiguë  au  côté 
externe  de  la  tache  irrégulière,  mal  écrite,  brun  olivâtre  et  qui  se 
trouve  dans  la  cellule  discoïdale.  Le  papillon  figuré  sous  le  n"  58 
de  cet  ouvrage,  très  ancien,  mais  encore  très  bien  conservé,  por- 
tant, sur  une  étiquette  de  papier  que  le  temps  a  jaunie,  ce  rensei- 
gnement :  «  éclos  le  23  août  »,  offre  cette  raie  oblique,  parallèle 
à  celle  qui  descend  de  l'angle  apical  et  sur  le  côté  externe  de 
laquelle  se  trouve  la  tache  triangulaire  submarginale,  d'un  brun 
olivâtre,  extérieurement  sinuée,  plus  large  à  la  base,  au  contact 
ciu  bord  interne,  qu'à  son  sommet,  vers  l'apex. 

Les  Epilobii  que  je  possède  de  Grenoble  et  d'Huningue  n'ont 
point  cette  raie  (*). 

Sans  doute  VEuphorbiœ  qui  a  participé  à  la  création  de  cet 
Epilobii,  en  compte-à-demi  avec  une  Vesperlilio,  avait  cette  raie 
et  sa  descendance  hybride  a  conservé  ce  caractère  héréditaire.  On 
trouve  en  effet,  mais  assez  rarement,  des  Euphorbiœ  avec  cette 
raie  très  accentuée. 

Je  rapporte  donc  à  VEpilobii,  Bdv.,  le  second  Anielia,  Dup. 
(PI.  XI,  fig.  2).  Je  ne  sais  pourquoi  cette  raie,  parfaitement  figurée 

(*)  Depuis  que  ces  lig-nes  ont  été  écrites,  j'ai  reçu  de  M.  Léonhart, 
de  Bâle,  un  Epilobii,  d'Huningue,  offrant  précisément  ce  caractère. 

3 


34  LÉPIDOPTÉROLOGIE    COMPARÉE 

dans  la  peinture  originale  de  Duménil,  pour  VIcones,  n'a  pas  été 
reproduite  à  la  gravure  et  au  coloriage  des  planches  de  l'édition. 

J'ignore  d'ailleurs  ce  qu'est  devenu  le  papillon  Epilobu  type 
Boisduval.  Communiqué  par  Merk,  de  Lyon  (voir  VIcones),  il  a 
probablement  été  rendu  à  son  propriétaire  lyonnais  par  Boisduval 
qui,  dans  son  Specics  général,  p.  177-178,  s'exprime  comme  suit  : 
«  Nous  en  avons  reçu  un  exemplaire  de  feu  Merk  »,  mais  ne  dit 
point  si  c'était  en  don  et  n'ajoute  d'ailleurs  pas  la  mention  ordi- 
naire :  coll.  Bd. 

UEpilobii,  figuré  sous  le  n"  58,  appartenait  à  de  Graslin.  Il  est 
fort  probable  que  Boisduval  l'a  vu,  car  sa  description  dans 
VIcones  et  le  Species  général  lui  convient  parfaitement.  Il  ne  faut 
pas  oublier  que  de  Graslin  fut,  avec  Rambur,  le  collaborateur  de 
Boisduval  pour  l'Iconographie  des  chenilles  et  que  les  relations 
de  ces  trois  entomologistes  devaient  être  très  fréquentes.  Rambur, 
ami  intime  de  de  Graslin  et  son  proche  voisin,  s'intéressait  vive- 
ment à  la  question  des  Deilephila  hybrides,  ainsi  que  le  démontre 
la  notice  qu'il  fit  insérer  dans  les  Annales  de  la  Société  entoniolo- 
gique  de  France  (1832,  p.  426),  et  dont  je  transcris  ci-dessous  les 
termes  : 

«  M.  Rambur  rapporte  les  observations  qu'il  a  faites  sur  les 
»  nouveaux  Sphinx  V espertilioides  et  Epilobii  et  pense  que  le 
»  premier  est  un  hybride  du  Sphinx  VespertiUo  et  du  Sphinx 
»  Hippophaés,  vu  que,  bien  qu'on  trouve  ordinairement  la  chenille 
»  du  Sphinx  V espertilioides  sur  Vepilobiinn  angustifolium,  il  en 
»  a  vu  des  chenilles  sur  VHippophaés  (sic)  où  elles  avaient  été 
»  pondues  sans  doute  par  une  g  de  ce  Sphinx.  De  même  il  pense 
»  que  la  nouvelle  espèce  désignée  sous  le  nom  à'Epilobii  n'est 
»  également  qu'un  hybride  des  S.  VespertiUo  et  Euphorbiœ.   » 

Tout  me  porte  à  croire  que  Rambur  avait  en  vue  VEpilobii  de 
M.  de  Graslin,  lorsqu'il  écrivait  ces  lignes.  Il  serait  possible  que 
cet  Epilobii,  paraissant  semblable  au  type  de  Boisduval,  venant 
de  Merk,  fût  ce  type  même.  Je  n'oserais  cependant  l'affirmer.  Je 
me  souviens  d'avoir  vu  au  musée  de  Grenoble  plusieurs  V esper- 
tilioides; mais  je  n'ai  pas  retenu  leurs  particularités. 


LÉPIDOPTÉROLOGIE    COMPARÉE  35 

Je  me  suis  attaché  à  reconstituer,  autant  que  c'est  possible  quand 
les  témoins  ne  sont  plus,  mais  avec  les  documents  qu'ils  ont 
laissés,  l'histoire  déjà  ancienne  des  hybrides  V esperiilioides  et 
Epilobii  du  Dauphiné  et  de  la  région  lyonnaise,  avant  de  passer 
à  l'examen  des  hybrides  nouvellement  observés  en  Alsace.  Je 
dois  toutefois  rappeler,  pour  l'intelligence  de  la  question,  que 
Duponchel  et  Boisduval  travaillaient  à  part  l'un  de  l'autre  et  en 
rivalité  assez  aiguë,  comme  le  témoigne  une  circulaire  pour  Ylcones 
intitulée  :  Avis  de  ïauteur,  et  signée  :  Le  Docteur  Boisduval,  rue 
Mouffetard,  n"  yô,  dans  laquelle  Boisduval  traite  assez  aigrement 
Duponchel  son  concurrent  {sic).  Cette  observation  me  paraît 
nécessaire  pour  expliquer  comment,  bien  que  Boisduval  et  Dupon- 
chel habitassent  tous  deux  Paris,  des  questions  fort  intéressantes 
et  auxquelles  leur  union  eût  donné  une  solution  si  aisée,  devaient 
rester  incomplètement  traitées  par  l'un  agissant  isolément  et  en 
dehors  de  l'autre.  Boisduval  n'a  certainement  pas  dû  voir  les 
spécimens  d'Ainelia  et  à! Epilobii  de  MM.  Chardiny  et  Donzel, 
dont  Duponchel  seul  a  reçu  communication,  et  Duponchel,  de  son 
côté,  n'a  pas  vu  les  documents  que  Boisduval  avait  entre  les 
mains. 

On  m'excusera  d'avoir,  pour  aider  à  produire  la  vérité  scienti- 
fique, rappelé,  en  fouillant  dans  l'histoire  des  temps  passés  de 
notre  Entomologie  française,  un  côté  malheureux  des  relations  de 
deux  illustres  Lépidoptéristes.  Hunianuni  est! 

Avant  de  passer  à  l'étude  des  découvertes  récentes,  je  dois  parler 
des  figures  de  Vespertilioides  et  Epilobii  données  par  Herrich- 
Schaeffer,  sous  les  n°^  g  et  lo  de  la  planche  3  des  Sphingidcs 
EuropŒ.  Ces  deux  figures  ne  sont  point  faites  d'après  des  origi- 
naux mais  simplement  copiées  d'après  \ Icônes,  tout  comme  celles 
de  Dejeani  et  Dahurica  (n°^  go  et  91,  tab.  18,  Bombycides  Eîiropœ). 
Je  dois  dire,  du  reste,  qu'avec  une  sincérité  à  laquelle  il  est  toujours 
juste  de  rendre  hommage,  Herrich-Schœffer,  dans  son  texte  expli- 
catif, II,  p.  8g,  indique  pour  Epilobii,  n"  g,  comme  pour  Vesperti- 
lioides, n°  10,  qu'il  a  copié  les  figures  de  VI cônes.  Il  n'en  est  pas 
de  même  pour  Vespertilioides,  n"   13,  dont  la  couleur  générale 


36  LÉPIDOPTÉROLOGIE    COMPARÉE 

paraît  un  peu  foncée,  mais  qui,  à  part  cet  excès  probable  de  colo- 
ration, représente  bien  exactement  un  cf  très  analogue  à  la  Q  n"  55 
de  mon  ouvrage. 

M.  Eric  Mory  {Mittheil.  der  schweiz.  entoni.  Gesellsch.,  Bd.  10, 
Heft  8),  a  publié  sous  le  titre  :  Ueber  cinige  neue  schweizerische 
Bastarde  des  Sphïn gïden-G enus  Deilephila,  etc.,  un  travail  du  plus 
haut  intérêt  sur  les  hybrides  Epilobii  et  leurs  dérivés  trouvés  dans 
la  nature  à  Huningue  (Haute-Alsace). 

Il  paraît  démontré  que  les  produits  hybrides  de  Vespertilio  et 
Euphorbiœ  seraient  féconds.  M.  Mory  appelle  Eugeni  le  produit 
d'un  bâtard  naturel  secondaire,  issu  sans  doute  d'un  Epilobii  çS 
et  d'un  Vespertilio   Q. 

Expérimentalement  le  professeur  Standfuss  a  obtenu  un  pro- 
duit résultant  d'un  Eugeni  et  d'un  Vespertilio,  et  il  est  résulté  de 
cette  expérience  qu'on  a  cru  pouvoir  reconnaître  dans  la  nature 
l'existence  de  bâtards  au  3''  degré. 

D'après  la  planche  photographique  publiée  par  M.  Mory,  plus 
on  s'éloigne  du  premier  hybride  Epilobii,  plus  la  ressemblance  est 
grande  avec  Vespertilio  qui  paraît  être,  dans  toutes  ces  hybrida- 
tions, l'agent  le  plus  actif,  à  qui  en  appartient  peut-être  l'initiative 
et  à  qui  semble  revenir  graduellement  et  définitivement  le  type 
par  la  succession  des  accouplements  hybrides. 

Mais  l'hybride  du  i"  degré  Epilobii  est  très  différent  à  Hu- 
ningue de  celui  de  Lyon,  et  si  j'en  juge  par  trois  exemplaires  que 
j'ai  devant  les  yeux  et  dont  le  plus  foncé  est  représenté  sous  le 
n°  59  de  mon  ouvrage,  on  peut  dire  Q^nEpilobii  d'Huningue  a 
l'aspect  d'un  Euphorbiœ  atténué,  plus  gris  et  plus  pâle,  dans  tout 
son  ensemble. 

J'ai  reçu  de  Al  Léonhart,  de  Bâle,  une  notice  détaillée  sur  tout 
ce  qu'il  a  observé  lui-même  au  sujet  des  hybridations  de  Vesper- 
tilio et  Euphorbiœ.  Je  le  remercie  cordialement  d'avoir  déféré  avec 
tant  de  bonne  grâce  à  mon  désir  de  posséder  des  renseignements 
précis  sur  une  question  d'un  si  grand  intérêt.  Je  publie  donc 
dans  leur  intégralité  les  observations  que  m'a  communiquées 
M.  Léonhart,  à  qui  tout  le  mérite  en  revient  légitimement. 


LÉPIDOPTÉROLOGIE    COMPARÉE  37 

i"  Deilephila  hybride  Epilobïi,  Bd.,  provenant  d'un  croisement 
entre  Euphorbiœ  cf  et  Vespertilio   Q . 

Les  chenilles  de  cet  hybride  sont  très  variables.  En  général, 
elles  se  présentent  dans  les  couleurs  et  le  dessin  de  YEitphorbiœ. 
Parvenues  à  leur  taille,  ces  chenilles  sont  noires  ou  d'un  noir-ver- 
dâtre,  finement  pointillées  de  jaune  ou  de  rose,  ou  encore  de  jaune- 
rosé,  avec  deux  taches  rondes  ou  ovales  qui  sont  blanches  ou  d'un 
jaune-rosé  de  chaque  côté  et  sur  chaque  anneau.  En  plus,  il  y  a 
une  raie  dorsale  rouge  ou  jaune-rosé  qui  s'étend  tout  le  long  du 
dos.  Quelquefois,  cependant,  cette  ligne  s'arrête  vers  le  4"  anneau. 
La  tête  et  les  pattes  sont  rouges;  les  pattes  écailleuses  de  devant 
ont  la  pointe  noire.  La  corne  est  moins  forte  et  à  peine  moitié 
aussi  longue  que  celle  de  YEuphQrbiœ;  elle  est  à  sa  base,  et  pour 
près  d'un  tiers  de  sa  longueur,  rouge,  tandis  que  le  reste,  jusqu'à 
l'extrémité,  est  noir.  Dans  cette  forme,  la  chenille  ^Epilobii  res- 
semble tellement  à  celle  de  XEuphorbiœ  que  si  on  ne  la  trouvait 
pas  sur  Vepilobiinn  rosmannifolium  et  si  elle  ne  faisait  pas  de 
cette  plante  son  unique  nourriture,  on  prendrait  la  chenille  d'Epi- 
lobii  pour  celle  d'Eiiphorbiœ. 

C'est  principalement  par  le  raccourcissement  de  sa  corne  que  la 
chenille  à'Epilobn  diffère,  pour  ses  caractères  extérieurs,  de  celle 
dEiiphorbiœ. 

Mais  on  a  rencontré  aussi  des  chenilles  qui  étaient  de  couleur 
rouge-brique  presque  uniforme.  Quelques  chenilles  de  cette  forme 
avaient  sur  les  côtés,  entre  les  taches  ovales,  de  légères  taches  trian- 
gulaires formées  par  un  assemblage  de  petits  points  noirâtres  ou 
grisâtres. 

Cette  forme  de  chenille  très  intéressante  a  été  trouvée  pendant 
les  mois  de  juillet  et  août  1900,  et  les  papillons  en  sont  éclos 
l'année  suivante. 

Cependant,  d'après  les  observations  auxquelles  elles  ont  donné 
lieu,  la  coloration  si  différente  de  ces  chenilles  n'a  eu  aucune 
influence  sur  les  papillons  dont  la  forme  est  restée  normale. 

Toutes  les  chenilles  d^Ep'dobn  ont  été  trouvées  près  d'Huningue, 
pendant  les  mois  de  juillet,  août  et  septembre,  sur  VEpilobium 


38  LÉPIDOPTÉROLOGIE    COMPARÉE 

rosmannifoUum,  et  nourries  avec  cette  plante,  dont  elle  paraît 
vivre  exclusivement. 

Le  papillon  varie  beaucoup  pour  la  couleur  du  fond  des  ailes 
supérieures,  c'est-à-dire  pour  la  couleur  grise  de  :  i"  la  partie 
médiane  comprise  entre  la  tache  basilaire  et  la  bande  oblique 
et  2"  la  partie  extérieure  entre  cette  bande  oblique  et  le  bord  exté- 
rieur. Cette  teinte  grise  du  fond  des  ailes  est  plus  ou  moins  claire 
ou  foncée.  Quelquefois  la  bande  oblique  transversale  est  sur  son 
côté  interne  nuancée  de  rose.  Une  fois,  il  est  éclos  un  exemplaire 
d'Epilobii,  à  ailes  supérieures  rougeâtres,  par  conséquent  analogue 
à  lab.  riibescens  d'Euphorbiœ.  Il  semble  que  chez  Epilobii,  la  bor- 
dure noire  marginale  des  ailes  inférieures  est  plus  rapprochée  du 
bord  extérieur  de  ces  mêmes  ailes  que  chez  Eiiphorb'iœ  et  que  leur 
couleur  rose  est  plus  vive  et  moins  nuancée  de  brun  chez  Epilobii 
que  chez  Eiiphorbiœ. 

Depuis  1896,  à  l'exception  de  1897,  jusqu'en  1902,  la  chenille 
de  l'hybride  Epilobii  a  fait  tous  les  ans  apparition  près  d'Hu- 
ningue.  En  1897,  elle  n'aura  probablement  pas  été  observée. 
4  chenilles  trouvées  par  M.  Léonhart,  pour  la  première  fois  en 
août  et  septembre  1896,  près  d'Huningue,  lui  ont  donné  deux 
exemplaires  :  le  premier,  cf,  l'année  suivante,  en  juillet;  le  second, 
Q,  après  deux  hivernages  de  la  chrysalide,  en  septembre  1898. 

D'autres  collectionneurs  avaient  trouvé  des  chenilles  d'Epilobii, 
dans  la  même  année  et  au  même  endroit;  mais  ces  chenilles  avaient 
péri.  M.  Léonhart  fils  eut  aussi  plusieurs  fois  le  plaisir  de  trouver 
la  chenille  d!Epilobii  et  de  voir  éclore  le  papillon. 

Les  éclosions  d'Epilobii  se  font  tantôt  avant  et  tantôt  après 
l'hivernage  de  la  chrysalide.  Il  se  peut  aussi  que  la  chrysalide 
passe  deux  hivers  avant  de  donner  le  papillon. 

2°  Deilcphila  hybrid.  secund.  ordinis  Eiigeni,  Mory. 

Un  assez  grand  nombre  de  chenilles  de  cet  hybride  secondaire, 
issu  d'un  croisement  supposé  entre  Epilobii  cf  et  Vespertilio  Q ,  a 
été  trouvé  en  juin,  juillet  et  août  1900  et  190 1,  par  M.  Mory,  par 
MM.  Léonhart  père  et  fils,  et  par  d'autres  entomologistes,  sur 


LÉPIDOPTÉROLOGIE    COMPARÉE  39 

Xepilobium  rosmarmifoluwi,  près  d'Huningue,  aux  mêmes  endroits 
où  avait  été  trouvée  la  chenille  d'Epilobn. 

Les  chenilles  d'Eiigeni  sont  très  variables  pour  la  couleur  et  le 
dessin;  celles  trouvées  par  MM.  Léonhart  ressemblaient  à  la  che- 
nille d'Epilobii,  à  fond  noir  ou  noir-verdâtre;  elles  avaient  éga- 
lement la  corne  très  petite,  sauf  une  chenille  qui  avait  la  corne  très 
développée  et  aussi  longue  que  celle  dUEiiphorbiœ.  M.  Mory  dit 
avoir  eu  des  chenilles  6!Eugeni  absolument  sans  corne,  une,  entre 
autres,  qui,  sur  le  1 1"  anneau,  avait  une  proéminence,  en  place  de  la 
corne. 

M.  Mory  parle  aussi  de  deux  chenilles  qui  ne  différaient  en  rien 
de  celle  de  Yespertilio  et  qui  auraient  fourni  l'hybride  Eugeni. 
Y  aurait-il  eu  quelque  confusion  dans  les  boîtes  à  élevage?  ou  bien 
la  variabilité  de  la  chenille  n'aurait-elle  aucun  rapport  avec  celle 
du  papillon  dans  le  même  individu;  ce  qui  paraît  tout  d'abord 
extraordinaire  ? 

Les  papillons  qui  varient  beaucoup,  comme  les  chenilles  elles- 
mêmes,  sont  éclos  en  partie  la  même  année,  c'est-à-dire  en  août  et 
septembre,  avant  l'hivernage  des  chr3^salides;  le  plus  grand  nombre 
cependant,  après  l'hivernage  des  chrysalides,  en  juin  et  juillet 
igoo,  igoi  et  1902,  et  non  certainement  en  avril,  comme  l'indique 
par  erreur  sans  doute  le  D""  Arnold  Spuler  {Die.  Schmetterlinge 
Euro  pas;  dritte  Auflage  von  E.  Hofmanns  gleichnamigen  Werke, 
p.  85).  Il  aurait  fallu  pour  cela  que  la  chrysalide  eût  été  tenue  dans 
une  température  chauffée. 

M.  Mory  en  distingue  3  formes  : 

/■■^  forme.  —  Exemplaires  à  dessins,  bandes  et  taches  des  ailes 
supérieures  de  coloration  verdâtre,  au  lieu  d'être  gris. 

2^  forme  intermédiaire  et  principale.  —  Ailes  supérieures  à  fond 
gris;  bandes  et  taches  grises  plus  foncées. 

Cette  forme  varie  en  ce  que  la  bande  grise  transversale  peut  se 
présenter  dans  une  coloration  rougeâtre.  Toute  la  surface  des  ailes 
supérieures  peut  être  même  rouge  ou  rougeâtre. 

f  forme.  —  Exemplaires  d'un  gris  uniforme,  chez  lesquels  la 
bande  transversale  des  ailes  supérieures  disparaît.  Les  exemplaires 


40  LEPIDOPTEROLOGIE    COMPAREE 

de  cette  forme  ressemblent  beaucoup  à  Vespertilio.  Ils  sont  cepen- 
dant d'un  gris  plus  foncé. 

Les  ailes  inférieures  d'Eîigrni  n'offrent  d'autre  particularité  que 
d'avoir  la  bande  noire  en  général  un  peu  plus  rapprochée  du  bord 
extérieur  que  chez  Epilobii.  Quelquefois  la  tache  blanche,  dans 
l'angle  anal,  a  une  légère  teinte  roussâtre. 

3"  Deilephîla,  hybrid.  tertiae  ordinis  Burckhardti,  Mory. 

Cet  hybride  est  supposé  issu  d'un  croisement  entre  D.  Engen'i  cf 
(hybrid.  secund.  ordinis)  et  Vespertilio  g.  Depuis  1898  jusqu'en 
1902,  MM.  Léonhart  père  et  fils,  ainsi  que  M.  Mory  et  divers  autres 
entomologistes,  en  ont  élevé  un  certain  nombre  de  chenilles  trou- 
vées en  juillet,  août  et  septembre  sur  Yepilobiinn  rosmarinifolium, 
aux  mêmes  endroits,  près  d'Huningue,  où  furent  trouvés  Epilobii 
et  Eîigeni. 

Les  chenilles  ne  diffèrent  pas  sensiblement  de  celles  de  Vesper- 
tilio; elles  sont  cependant  d'un  gris  enfumé  plus  foncé.  C'est  sur- 
tout le  long  du  dos  et  aux  incisions  des  anneaux  qu'elles  sont  plus 
noirâtres.  Elles  paraissent  aussi  plus  élancées,  moins  boursouflées 
que  les  chenille  de  Vespertilio.  Elles  n'ont  pas  d'analogie  avec  les 
chenilles  d'Enphorbiœ  et  elles  manquent  de  cette  proéminence 
sur  le  11^  anneau  que  signale  M.  Mory. 

Quant  au  papillon,  c'est  principalement  la  ligne  transversale 
secondaire  des  ailes  supérieures,  ligne  que  l'on  rencontre  aussi 
parfois  chez  les  hybrides  Eiigeni  et  Epilobii  et  même  chez  Euphor- 
biœ,  qui  fait  supposer  que  Burckhardii  est  le  produit  d'un  accou- 
plement hybride. 

La  ligne  secondaire  qui  est  quelquefois  très  large  et  bien  accusée, 
s'étend  du  bord  antérieur  au  bord  inférieur  des  ailes  supérieures, 
en  longeant  la  ligne  normale,  plus  ou  moins  apparente  selon  les 
individus,  de  Vespertilio.  En  haut,  au  bord  antérieur  des  ailes, 
elle  est  largement  séparée  ou  espacée  de  la  ligne  normale;  mais 
vers  le  bas,  elle  se  rapproche  toujours  davantage  de  celle-ci,  pour 
se  joindre  à  elle,  au  bord  inférieur  des  ailes. 

Les  papillons  sont  éclos,  les  uns  avant  l'hivernage  de  la  chry- 


LEPIDOPTEROLOGIE    COMPAREE  4I 

salide,  c'est-à-dire  en  août  et  septembre;   les  autres  l'année  sui- 
vante, après  l'hivernage  de  la  chrysalide,  en  juin  et  juillet. 

J'avoue  que  la  différence  entre  les  papillons  Biirckhardti  et 
Vespertilio  me  paraît  difficile  à  percevoir.  Si  je  compare  les  Ves- 
pertilio  de  ma  collection  provenant  de  diverses  localités  de  France, 
de  Suisse  et  d'Autriche  avec  30  Buckhardti  que  m'a  envoyés 
M.  Léonhart,  je  ne  trouve  pas  d'exemplaire  Buckhardti  possible 
à  distinguer  nettement  par  les  caractères  extérieurs  de  son  imago, 
de  Vespertilio.  J'ai  fait  figurer,  sous  le  n°  56,  le  Burckhardti  le 
plus  différent  des  autres,  bien  qu'il  n'ait  pas  sur  les  ailes  supé- 
rieures la  ligne  secondaire  oblique  dont  parle  M.  Léonhart  et  que 
signale  aussi  M.  Mory.  Seulement  ce  Burckhardti  a  la  ligne  prin- 
cipale ordinaire  très  bien  écrite  en  brun,  et  cette  ligne  traverse  une 
partie  d'un  gris  plus  foncé  qui  présente,  le  long  du  bord  marginal 
et  par  conséquent  sur  le  côté  externe  de  la  ligne,  une  sinuosité 
terminale  assez  analogue  à  celle  d'Euphorbiœ.  En  outre  il  y  a  sur 
ses  ailes  supérieures  une  tache  costale  et  une  tache  subbasilaire 
d'un  gris  plus  foncé  et  enfin  une  éclaircie  cellulaire  plus  accentuée 
que  dans  la  plupart  des  autres  échantillons. 

Ce  serait  donc  plutôt  à  l'état  ûe  chenille  que  se  trouveraient 
constatées  des  différences  suffisantes  pour  justifier,  relativement  à 
Burckhardti,  la  supposition  que  ce  Burckhardti  serait  un  hybride 
au  3®  degré. 

Toujours  est-il  que  les  faits  observés  jusqu'ici  et  tenus  comme 
valablement  acquis  sont  bien  étranges.  Laissant  de  côté,  malgré 
les  affirmations  de  Boisduval  et  de  Rambur,  mais  faute  de  preuves 
assez  certaines,  le  fait  de  l'hybridation  de  Vespertilio  cf  avec 
Hippophaës  q,  il  reste  comme  à  peu  près  indiscutable  l'union 
naturelle  de  Vespertilio  Q,  tantôt  avec  Hippophaës  cf,  d'oii  naît 
V espertilioides,  Bdv.,  tantôt  avec  Euphorbiœ  cf,  d'où  naît  Epi- 
lobii,  Bdv. 

Ces  faits,  contraires  à  la  loi  naturelle  conservatrice  de  la  fixité 
et  de  la  pureté  des  espèces,  se  passent  à  peu  près  partout  où 
Vespertilio   vit  avec  des  espèces  congénères.  De  plus   l'hybride 


42  LÉPIDOPTÉROLOGIE    COMPARÉE 

résultant  de  ces  unions  entre  la  g  V espertilio  et  le  cf  Euphorbiœ 
ne  serait  pas  infécond,  ainsi  qu'il  arrive  le  plus  généralement 
lorsqu'artificiellement  une  hybridation  a  été  produite;  mais  les 
papillons  Epilobii  cf,  nés  de  Vespertilio  Q  et  ^Euphorbiœ  cf, 
pourraient  encore,  avec  Vespertilio  Q,  créer  un  hybride  nouveau 
Eugeni,  et  les  entomologistes  qui  ont  vu,  plusieurs  années  de 
suite,  les  chenilles  dans  la  nature  à  Huningue,  sont  persuadés  que 
Burckhardti  serait  le  résultat  d'une  nouvelle  union  hybride  ^Eu- 
geni cf  avec  Vespertilio   q. 

Que  deviennent  cependant  les  Q  Epilobii  et  Eugeni?  Seraient- 
elles  fécondes  elles-mêmes? 

Il  y  a  là  une  série  d'études  qui  peuvent  se  poursuivre  concur- 
remment dans  la  nature  et  dans  le  laboratoire.  Un  aide  précieux 
sera  donné  par  les  expériences  d'hybridation  artificielle,  pour  par- 
venir à  la  connaissance  exacte  de  tous  les  phénomènes  dont 
quelques-uns  restent  encore  mystérieux. 

Il  convient  encore  de  remarquer  que  si  les  organes  sexuels  sont 
différents  dans  la  plupart  des  espèces  de  Sphingides,  ils  ne  dif- 
fèrent pas  dans  toutes.  Lorsque  les  organes  sont  très  différents, 
l'hybridation  est  à  peu  près  impossible.  Mais  il  y  a  des  espèces 
nombreuses  chez  lesquelles  les  différences  dans  les  organes  sexuels 
sont  presque  nulles.  M.  le  D""  Karl  Jordan  n'a  pas  trouvé  de  diffé- 
rences importantes,  ni  dans  les  mâles,  ni  dans  les  femelles  des 
espèces  du  genre  Celerio  {Euphorbiœ,  Hippophaës,  Vespertilio, 
etc.).  L'hybridation  se  trouve  donc  facile  à  effectuer  entre  les  diffé- 
rentes espèces  du  genre  Celerio. 

Les  observations  de  M.  Delahaye,  d'Angers,  sur  les  Sesia  chry- 
sidiformis  et  ichneumoniformis,  indiqueraient  que  ce  ne  sont  pas 
seulement  les  Celerio  Vespertilio,  Hippophaës  et  Euphorbiœ  dont 
les  tendances  à  l'hybridation  sont  contraires  aux  lois  naturelles. 

Les  Zygœna  se  laisseraient  également  volontiers  aller  à  des 
unions  illégitimes.  Cependant  les  espèces  en  cause  sont  restées 
conformes  à  elles-mêmes,  et  il  ne  semble  pas  o^\! Euphorbiœ.  de 
race  pure,  comme  cela  doit  être  dans  les  pays  où  Euphorbiœ  habite 
seul  de  son  genre,  soit  différent  des  Euphorbiœ.  de  Lyon,  de  Gre- 


LEPIDOPTEROLOGIE    COMPAREE  43 

noble  ou  d'Huningue,  qui  s'hybrident  volontiers  avec  Vesperiilio. 
Les  recherches  ultérieures  nous  permettront  sans  doute  de 
résoudre  quelques-unes  des  questions  maintenant  soulevées.  Il 
serait  bien  désirable  que  les  entomologistes  de  Lyon  et  de  Grenoble 
joignissent  leurs  efforts  à  ceux  de  nos  confrères  suisses  et  alsaciens 
pour  fournir  un  supplément  de  lumière.  En  Autriche  aussi,  on  a 
observé  Epilobn.  Je  regrette  de  n'avoir  vu  jusqu'ici  aucun  Eptlobii 
viennois,  et  dès  lors  de  ne  pouvoir  en  faire  la  comparaison  à  ceux 
qui  ont  fait  l'objet  de  la  présente  étude. 


XL  —   Zyg-aena    Ephialtes,   Linn,  ab    Sophiœ, 

Favre  (PI.  III,  fig.  25,  26,  2;). 

Une  des  plus  intéressantes  Zygœna  pour  ses  multiples  varia- 
tions est  certainement  Ephialtes. 

Rouge  aux  ailes  inférieures,  avec  3  taches  rouges  aux  supé- 
rieures, en  plus  des  taches  basilaires,  c'est  XAthamanthœ.  En 
France,  je  l'ai  prise  à  Vizille,  au  mois  de  juin.  Je  la  possède  aussi 
des  environs  de  Paris,  de  la  Charente-Inférieure  et  de  la  Saxe. 

Egalement  rouge  aux  ailes  inférieures,  mais  avec  4  taches 
rouges  aux  supérieures,  en  plus  de  l'espace  basilaire  rouge,  c'est  la 
Peucedani;  je  l'ai  trouvée  au  Pont-du-Gard,  où  elle  volait  en 
compagnie  (^Ephialles,  dans  les  premiers  jours  de  juillet.  Je  l'ai 
aussi  rencontrée  en  Isère,  mais  sans  être  accompagnée  d'Ephialtes, 
et  en  Haute-Savoie  (val  du  Fier)  dans  les  mêmes  conditions.  Elle 
habite  aussi  les  environs  de  Paris,  notamment  Lardy,  d'où  j'en 
possède  une  Q  trouvée  in  copiila  avec  h'ïUpendiilœ  çS,  par  feu 
Lhotte,  en  1896. 

On  rencontre,  plus  particulièrement  aux  environs  de  Digne  et 
de  Vienne,  en  Autriche,  une  aberration  roseo-albescens  de  Peuce- 
dani, chez  laquelle  les  taches  des  ailes  supérieures,  au  lieu  d'être 
rouges,  sont  d'un  blanc-rosé;  les  ailes  inférieures  restent  rouges. 

L^ne  autre  aberration  dite  ALaciis,  semble  assez  fréquente  en 
Autriche.  Chez  cette  aberration  /Eaciis,  la  couleur  jaune  remplace 


44  LEPIDOPTEROLOGIE   COMPARÉE 

la  couleur  rouge  sur  les  4  ailes  et  à  l'anneau  abdominal;  elle 
existe  aussi  bien  pour  la  forme  à  3  taches  (5  taches,  si  l'on  compte 
les  basilaires)  Athamanthœ  et  pour  la  forme  à  4  taches  (6  avec  les 
basilaires)  Peucedani. 

Il  y  a  un  salins  un  peu  large  entre  les  formes  Athamanthœ, 
Peucedani,  leurs  aberrations  normales  :  roseo-albescens  et  ALaciis 
et  les  formes  dont  les  4  ailes  sont  indigo  avec  taches  blanches  sur 
les  supérieures,  sauf  les  basilaires  restant  rouges  ou  jaunes, 
Ephialtes,  Falcatœ,  Coronillœ  et  Trigonellœ. 

J'ai  remarqué  maintes  fois  que  les  échantillons  formant  le  tran- 
situs  egregins  sont  plus  rares  que  ceux  des  formes  extrêmes.  Ainsi 
l'aberration  Saturnina,  à  ailes  orangées,  faisant  le  passage  le  plus 
insensible  entre  la  forme  rouge  de  Callimorpha  hera  et  la  forme 
jaune  liitescens,  est-elle  bien  peu  fréquente,  puisque  c'est  à  peine 
si,  dans  près  d'un  demi-siècle,  je  suis  parvenu  à  en  capturer  une 
vingtaine  d'exemplaires. 

Sans  doute  la  forme  transitionelle  de  Peucedani  à  Ephialtes  est 
fort  rare  également.  Cependant  elle  existe;  il  y  en  avait  deux 
exemplaires  dans  la  collection  de  feu  Kuwert,  de  Berlin,  dont  je 
fis  l'acquisition  en  1891.  L'un  de  ces  échantillons  de  transition  a 
été  récolté  très  fraîchement  éclos;  il  porte  l'étiquette  de  localité  : 
Gallizien.  L'anneau  abdominal  et  les  taches  basilaires  de  ses  ailes 
supérieures  sont  rouges;  les  3  autres  taches  sont  assez  fortement 
pupillées  de  carmin;  les  ailes  inférieures  ont  la  base  largement 
semée  d'atomes  carmin  et  la  teinte  rouge  qui  en  résulte  se  fond 
insensiblement  dans  la  couleur  bleu  d'acier,  au  milieu  de  laquelle 
apparaît  en  rouge  le  point  qu'on  remarque  blanc  dans  Falcatœ. 
En  somme,  cette  Zygœna  peut  se  définir  une  Falcatœ,  ayant  la 
base  et  le  point  ordinaire  des  ailes  inférieures  rouges,  et  les  taches 
des  supérieures  pupillées  de  rouge.  L'autre  échantillon  paraissant 
ancien  se  rattache  à  Peucedani,  à  cause  de  son  anneau  abdominal 
rouge;  autrement  il  a  l'aspect  d'une  Stœchadis. 

Mais  la  Zygœna  de  Gallicie,  appartenant  presque  aussi  bien 
comme  aberration  à  Athamanthœ  qu'à  Falcatœ,  établit  un  passage 
excellent  entre  ces  deux  formes. 


LÉPIDOPTÉROLOGIE    COMPAREE  45 

Ephialtes,  avec  les  taches  basilaires  rouges,  4  taches  blanches 
aux  ailes  supérieures  et  un  seul  point  blanc  aux  ailes  inférieures, 
vole  en  France,  au  Pont-du-Gard,  en  compagnie  de  Peucedani.  Je 
la  possède  aussi  de  Grèce  et  du  Piémont. 

Cette  Ephialtes  varie  par  la  suppression  de  la  tache  blanche 
extrême  des  ailes  supérieures.  C'est  alors  avec  3  taches  blanches, 
au  lieu  de  4,  la  forme  Falcatcc.  Celle-ci  est  commune  en  France 
aux  environs  de  l'ancien  monastère  ruiné  de  Saint-Martin-du- 
Canigou  (Pyrénées-Orientales).  Jamais  nous  n'avons  trouvé  dans 
cette  localité  une  des  formes  Peucedani,  Athamanthœ  ou  Ephialtes. 
Seule  Falcatœ  paraît  être  la  forme  locale  au-dessus  de  Vernet-les- 
Bains.  Mais  Falcatœ  y  présente  assez  souvent  une  aberration  chez 
laquelle  les  taches  blanches,  surtout  aux  ailes  supérieures,  sont 
plus  ou  moins  fortement  pupillées  de  rouge,  j'ai  fait  figurer  cette 
aberration  dans  la  XX'  livraison  des  Etudes  d'Entomologie 
(PI.  VIT,  fig.  113).  On  trouve  aussi  Falcatœ  à  Ax  (Ariège)  et  à 
Digne. 

A  Martigny,  en  Valais,  on  trouve  Ephialtes  semblable  à  celle 
du  Pont-du-Gard  et  Falcatœ  semblable  à  celle  des  Pyrénées- 
Orientales.  Ainsi  pour  la  Zygœna,  dont  il  est  cas,  tantôt  on  trouve 
dans  une  localité  une  seule  de  ses  multiples  formes,  tantôt,  au 
contraire,  plusieurs  des  formes  cohabitant.  Combien  de  pourquoi 
restent  encore  sans  solution  dans  l'étude  de  la  nature  ! 

U Ephialtes  et  la  Falcatœ  aberrent  communément  en  jaune, 
tant  pour  les  2  taches  de  la  base  des  ailes  supérieures  que  pour 
l'anneau  abdominal  ;  l'aberration  jaune  correspondant  à  Ephialtes 
a  été  appelée  Coronillœ;  elle  se  trouve  surtout  du  côté  oriental 
des  Alpes,  en  Autriche  et  en  Grèce;  celle  qui  correspond  à  Falcatœ 
et  qui  porte  le  nom  de  Trigonellœ,  vole  en  Piémont  et  en  Autriche. 

Je  les  ai  trouvées  aux  environs  de  Trieste,  non  loin  du  château 
de  Miramar,  propriété  de  feu  l'infortuné  empereur  du  Mexique, 
Maximilien,  et  à  Chivasso,  dans  la  vallée  italienne,  lors  d'un  pas- 
sage par  le  col  de  Saint-Théodule,  de  Zermatt  à  Novare. 

Il  reste  deux  autres  aberrations  jusqu'ici  propres  au  Valais; 
l'une  :  Sophiœ,  Favre,  à  4  taches  blanches  aux  ailes  supérieures, 


46  LÉPIDOPTÉROLOGIE    COMPARÉE 

avec   taches   basilaires   et    anneau    abdominal    rouges,   mais   avec 

2  taches   blanches   aux   inférieures;    l'autre  :    /Eînilïï,    Favre,    à 

3  taches  blanches  aux  supérieures  seulement,  par  ailleurs  comme 
Sophiœ. 

Si  on  classe  ces  Zygœna,  par  rapport  à  la  quantité  des  taches 
des  ailes  supérieures,  on  établit  les  2  séries  parallèles  suivantes  : 

A  3  taches  :  Athanianthœ,  A  4  taches  :  Peucedani, 

Roseo  albescens, 

Aiaciis,  Macus, 
Transiens, 

Falcatœ,  Ephialtes, 

Trigonellœ,  Coronillœ, 

jEmilii,  Sophiœ. 

Mais  ce  qui  est  intéressant  pour  Sophiœ,  c'est  qu'elle  est,  d'après 
M.  Arnold  Wullschlegel,  le  produit  de  l'union  à  l'état  libre  de 
Filipendidœ  cf  avec  Ephialtes  Q.  11  paraît  que  l'on  ne  trouve  pas 
la  réciproque,  c'est-à-dire  l'accouplement  de  Ephialtes  cf  avec 
Filipendidœ  Q. 

Voici  d'ailleurs  ce  que  M.  Wullschlegel,  sollicité  par  moi,  a  bien 
voulu  m'écrire.  Sa  communication  étant  en  allemand,  je  la  livre 
telle  quelle  à  la  connaissance  du  public;  mais  je  la  fais  suivre  de 
la  traduction  française  que  j'ai  faite  aussi  littérale  que  possible  : 

«  Einige  Notizen  ueber  Zygœna  Ephialtes,  var.  Sophiœ,  E. 
Favre;  hybride  :  Filipendidœ  çj — Ephialtes   Q. 

Schon  seit  einigen  lahren,  fand  Ich  im  Freien,  von  Ende  Juni 
bis  Mitte  August,  die  oben  genannten  Zygœnen  in  copulâ  und  aus 
der  Zucht  bezueglicher  Eierablage  erhielt  Ich  dièse  schœnen 
Zygœnen  Varietaeten. 

Die  Raupen  naehrten  sich  von  Coronilla  l'aria  und  zwar  erreich- 
ten  dieselben  erst  im  dritten  lahre  ihre  vollstaendige  Groesse. 

Yerwandlung  im  Juni  in  weissen  Cocon  und  lieferten  den  Falter 
von  Ende  Juli  an  bis  Mitte  August. 


LÉPIDOPTÉROLOGIE    COMPAREE  4/ 

Bei  guenstigen  lahren  kommt  es  vor  dass  schon  im  ersten  oder 
zweiten  lahr  ein  gewisser  Prozentsatz  circa  3-8  %  den  Falter 
liefert,  aber  das  Gros  erscheint  erst  im  dritten  Sommer. 

Zum  Vergleich  fuegte  noch  ein  Paar  hiesiger  Ephialtes  typische 
Form  bei. 

Die  Folgen  der  Verbindung  zwischen  Filipendidœ  cf  Ephialtes 
Q  manifestirt  sich  speciell  in  der  Bildung  von  einem  zweiten 
weissen  Flecken,  auf  den  Hinterfiuegeln  manchmal  noch  mit 
einem  rothen  oder  weisslichen  Fleck  nur  unterhalb  sichtbar. 
Saemmtlich  Flecken  haben  die  Tendenz  zur  Vergroesserung  oder 
werden  bei  einigen  Exemplaeren  auf  den  Oberfluegeln  ganz  roth. 

Einen  Anfang  von  rother  Fleckbildung  bemerkt  man  auch  bei 
einzelnen  Stuecken  an  der  Basis  der  Hinterlluegel. 

Die  var.  l'Ernilii,  Favre  ist  sehr  selten  ebenso  die  gleiche  Form 
bei  var.  Coronillœ. 

Merkwuerdiger  Weise  trift  man  im  Freien  nie  eine  Copula  von 
Filipendidœ  Q  mit  Ephialtes  cf  ebenso  wenig  mit  anderen 
Zygœna-h.x\.ç.n  welche  gleichzeitig  mit  Ephialtes  erscheinen. 


TRADUCTION    FRANÇAISE 

Quelques  renseignements  sur  Zygœna  Ephialtes,  var.  Sophiœ, 
L.  Favre,  hybride  :  Filipendidœ  çS  x  Ephialtes    Q . 

Il  y  a  déjà  quelques  années,  j'ai  trouvé  à  l'état  libre,  de  la  fin  de 
juin  jusqu'à  la  fin  de  juillet,  les  Zygœna  ci-dessus  nommées  ijt 
copidâ  et  de  l'éducation  de  la  ponte  j'ai  obtenu  ces  belles  variétés 
de  Zygœna. 

Les  chenilles  se  nourrissaient  de  Coronilla  varia  et  elles  n'attei- 
gnaient réellement  pas  leur  complète  grandeur  avant  la  troisième 
année. 

La  transformation  en  un  cocon  blanc  avait  lieu  en  juin  et  l'éclo- 
sion  des  papillons  se  faisait  de  fin  juin  jusqu'à  la  mi-août. 

Dans  les  années  favorables,  il  arrive  que  déjà  dans  la  première 
ou  la  seconde  année,  il  se  fait  une  production  de  papillons  pour 


48  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

une  proportion  d'environ  3-8  %  ;  mais  le  gros  ne  paraît  que  dans 
le  troisième  été. 

Pour  la  comparaison,  j'ai  joint  une  paire  d'Ephitultes  de  forme 
typique  d'ici. 

Les  conséquences  de  l'accouplement  entre  Filïfendidœ  çS  et 
Ephialtes  Q  se  manifestent  spécialement  dans  l'apparition  d'une 
deuxième  tache  blanche  sur  les  ailes  inférieures,  souvent  encore 
avec  une  tache  rouge  ou  blanchâtre  visible  seulement  en  dessous. 

En  général,  les  taches  ont  une  tendance  à  l'agrandissement  ou 
deviennent  chez  certains  exemplaires  tout  à  fait  rouges  sur  les 
ailes  supérieures. 

On  remarque  un  commencement  d'apparition  de  tache  rouge 
chez  quelques  exemplaires  à  la  base  des  ailes  inférieures.  La 
variété  /Eniilii  Favre  est  très  rare,  aussi  bien  que  la  forme  sem- 
blable dans  la  variété  Coronïllœ. 

Ce  qui  est  remarquable,  c'est  qu'on  ne  rencontre  jamais  en  liberté 
un  accouplement  de  Filipendulce  Q  avec  Ephialtes  cf,  également 
peu  d'accouplements  avec  les  autres  espèces  de  Zygœna  qui 
paraissent  en  même  temps  o^Ephialtes. 


Les  figures  25,  26  et  27  de  la  planche  III  représentent  des 
Zygœna  Sophiœ,  donc  des  produits  hybrides  de  Filïpendidœ  cf  et 
Ephialtes  Q  éclos  en  aoiit,  à  Martigny;  ma  collection  en  contient 
45  exemplaires  variant  pour  la  grosseur  et  le  coloris  des  taches  des 
ailes  supérieures;  le  n"  25  est  l'échantillon  avec  pupillation  rouge 
sur  les  taches  blanches  des  ailes  supérieures,  offrant  la  plus  grande 
tache;  le  n°  27  est  conforme  à  la  normalité. 

Maintenant  il  y  a  un  problème  auquel  je  ne  puis  encore  répondre. 
Les  Falcatœ  de  Vernet,  à  taches  pupillées  de  rouge,  sont-elles 
elles-mêmes  des  produits  hybrides  d'un  accouplement  de  Diibia, 
si  abondante  aux  environs  de  Saint-Martin-du-Canigou,  avec 
Falcatœ?  Je  n'ai  jamais  vu  cet  accouplement;  mais  de  ce  que  je  ne 
l'ai  pas  vu,  on  ne  peut  évidemment  conclure  que  cela  n'a  pas 
pu  avoir  lieu.  Il  y  a  donc  des  investigations  à  faire  dans  ce  sens 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE  49 

et  j'en  signale  l'intérêt  à  ceux  qui  aiment  à  étudier  la  nature  sur  le 
vivant. 

Au  sujet  de  ces  hybridations  de  Zygœna  à  l'état  libre,  j'ai  signalé 
dans  les  Etudes  d'Entomologie  (XX*^  liv.,  p.  53),  l'union  constatée 
par  feu  Achille  Guenée  d'une  Filipendidœ  cf  (toujours  Filipen- 
didce  cf)  et  d'une  Achilleœ  Q.  Ces  2  papillons  étaient  dans  la  col- 
lection Guenée  et  je  crois  devoir  transcrire  ici  textuellement  la 
longue  étiquette  écrite  par  Guenée  en  caractères  si  uns  qu'il  faut 
presque  une  loupe  pour  les  lire.  Je  n'avais  relaté  qu'une  partie  de 
l'étiquette  manuscrite  de  Guenée  dans  les  Etudes  d'Entomologie 
(loc.  citât.). 

«  Hybride  —  Genève.  J'ai  pris  au  pied  du  Salève  les  2  Zygènes 
ci-dessous  accouplées  :  (^Achilleœ  et  Filipendidœ).  Les  quelques 
Achilleœ  que  j'ai  prises  dans  la  même  localité  étaient  toutes  sem- 
blables aux  n""  I,  2,  3  qui  ont,  comme  on  peut  le  voir,  les  antennes 
d'une  autre  forme  que  les  Achilleœ  ordinaires.  Je  suppose  donc 
qu'elles-mêmes  sont  des  hybrides,  comme  au  reste  la  Q  elle-même 
accouplée.  Celle-ci  m'a  pondu  des  œufs  et  les  chenilles  sont  écloses; 
mais  je  n'ai  pu  les  élever.  Je  remarque  la  forme  de  la  dernière 
tache;  mais  elle  n'est  pas  exclusive  à  cette  hybride.    » 

Il  résulte  de  toutes  ces  observations  que  la  Zygœna  Filipendu- 
lœ  cf  recherche  volontiers,  à  l'état  libre,  les  Q  de  différentes  espèces 
congénères  et  que  cette  même  Filipendidœ  crée  des  hybrides  natu- 
rels variés.  Je  pense  que  ces  produits  hybrides  sont  généralement 
inféconds,  car  il  ne  semble  pas  que  les  espèces  soient  pour  cela 
atteintes  dans  leur  stabilité  et  que  la  pureté  de  leur  personnalité 
spécifique  en  soit  compromise.  Cependant  les  produits  hybrides 
de  Celerio  Euphorbiœ  cf  et  Vespertilio  Q  sont  considérés  comme 
féconds.  Il  serait  donc  fort  utile  à  la  Science  que  les  cas  d'hybri- 
dation entre  Zygœna,  plus  faciles  à  constater  que  ceux  entre  Cele- 
rio, fussent  portés  à  la  connaissance  du  public  par  les  entomolo- 
gistes à  qui  les  circonstances  permettent  de  constater  des  unions 
authentiques  entre  papillons  de  deux  espèces  distinctes.  La  ques- 
tion n'a  pas  encore  été  étudiée  complètement  et  il  y  aura  d'inté- 
ressants résultats  à  obtenir  au  moyen  des  observations  ultérieures. 


50  LEPIDOPTÉROLOGIE    COMPARÉE 

A  ce  sujet,  il  me  paraît  utile  de  rappeler  une  notice  qu'on  peut 
lire  dans  les  Annales  de  la  Société  entonwlogique  de  France,  1832, 
p.  232,  et  d'après  laquelle  ce  ne  serait  pas  toujours  la  Zygœna  Fili- 
pendidœ  cf,  mais  aussi  bien  la  Q  qui  serait  rendue  responsable 
d'un  accouplement  avec  une  espèce  étrangère  :  «  M.  Lefebvre  pré- 
»  sente  une  remarque  curieuse  que  lui  communiqua,  à  son  passage 
»  à  Vienne,  M.  Treitschke  :  c'est  l'accouplement  de  la  Zygœna 
»  Filipendidœ  Q  avec  la  Zygœna  Fphialtes  cf  jaune,  hybridisme 
»  dont  il  eut  souvent  la  preuve. 

»  M.  Lefebvre  en  vit  2  paires  se  tenant  encore  ensemble  dans 
»  sa  collection  sur  5  qu'il  avait  prises  en  18 17.  M.  Treitschke  pense 
»  que  la  Zygœna  Ephialtes  rouge  doit  naissance  à  cet  accouple- 
»  ment  hybride,  vu  que,  d'après  ses  observations,  il  n'y  a  jamais 
»  d'accouplement  soit  entre  la  Zygœna  Ephialtes  jaune  et  rouge, 
»  ou  bien  entre  les  Ephialtes  rouges,  soit  enfin  entre  VEphialtes 
»  rouge  et  la  Filipendidœ » 

Il  y  a  certainement  dans  cette  note  une  part  de  vérité  et  sans 
doute  aussi  une  part  d'erreur;  je  ne  puis  croire,  en  effet,  que  les 
Zygœna  Ephialtes  rouges  ne  s'accouplent  pas  entre  elles  et  c'est 
précisément  l'accouplement  à'Ephialtes  rouge  et  de  Filipendidœ, 
mais  de  Filipendidœ  cf,  qu'a  constaté  M.  Wullschlegel. 

Dans  le  même  numéro  des  Annales  (année  1832),  M.  de  Villiers 
de  Chartres  (p.  421)  constate  qu'il  a  trouvé  dans  le  lit  du  canal 
construit  par  Louis  XIV  pour  conduire  les  eaux  de  la  rivière  d'Eure 
à  Versailles  (canal  qui  n'a  jamais  été  achevé)  une  Q  de  Zygœna 
Minos  accouplée  à  un  cf  de  Zygœna  Filipendidœ.  Ici,  comme  dans 
l'observation  de  Guenée  relative  à  l'accouplement  de  Filipendidœ 
et  Achilleœ,  et  dans  la  note  de  M.  Wullschlegel  par  rapport  à 
Filipendidœ  et  Ephialtes,  c'est  le  cf  Filipendidœ  qui  intervient 
comme  auteur  de  l'hybridation. 

Boisduval  n'accepta  cependant  pas  comme  indiscutable  l'obser- 
vation précitée  de  M.  de  Villiers,  transmise  à  la  Société  entomol. 
de  France  par  Duponchel;  car  dans  les  Annales  de  la  même  année 
1832,  on  peut  lire  :  «  Notice  sur  un  accouplement  de  deux  Zygènes 
»  d'espèces  différentes  (la  Zygœna  Filipendidœ  cf  avec  la  Zyg. 


LÉPIDOPTÉROLOGIE    COMPARÉE  5Ï 

»  Minos  q)  observé  par  M.  de  Villiers,  de  Cheirtres.  M.  Boisduval 
»  pense  qu  il  peut  y  avoir  erreur  et  que  J\I.  de  Villiers  aura  pris 
»  sans  doute  une  Zygwna  Filipendidce  Q  à  taches  confluentes 
»  pour  une  Zygœna  Minos  Q  avec  laquelle  cette  variété  de  la 
»  tïlïpendulœ  a  quelques  rapports.  » 

Il  y  avait  donc  chez  les  entomologistes  de  ce  temps-là  quelque 
défiance  à  l'endroit  des  observations  concernant  les  unions  hybrides 
des  Lépidoptères,  à  l'état  de  liberté.  Pourtant  Boisduval  lui-même, 
dans  la  Monographie  des  Zygénides  (1829,  p.  5),  déclare  qu'il  lui 
est  arrivé  quelquefois  de  trouver  des  espèces  différentes  de  Zygœna 
accouplées  ensemble;  ainsi  :  la  FiLipcndidœ  accouplée  avec  la 
Peucedani  et  la  TrifoUi  avec  VHippocrepidis.  Mais  ce  qu'il  consta- 
tait lui-même,  il  le  jugeait  sans  doute  mieux  observé  et  plus  sûre- 
ment acquis  que  ce  c]ue  pouvaient  observer  les  entomologistes  ses 
contemporains  ? 

Quoi  qu'il  en  soit,  depuis  1832  et  les  observations  de  feu  Le- 
febvre  en  suite  de  celles  de  Treitschke,  les  entomologistes  autri- 
chiens qui  ont  la  chance  de  trouver  dans  leur  pays  réunies  presque 
toutes  les  formes  de  P eiicedani-Rphialtes,  doivent  être  parfaite- 
ment fixés  sur  tout  ce  qui  intéresse  la  biologie  de  cette  Zygœna. 
Je  serais  donc  heureux  si  ce  modeste  travail  pouvait  avoir  comme 
résultat  de  provoquer  de  la  part  de  nos  confrères  viennois  la  publi- 
cation de  leurs  observations.  Nous  connaîtrions  certainement,  par 
l'exposé  de  leurs  instructives  constatations,  ce  qu'il  peut  y  avoir 
de  fondé  dans  le  récit  que  fit  Alexandre  Lefebvre  à  notre  Société 
entomologique  de  France,  d'après  les  souvenirs  de  son  voyage.  En 
France,  je  ne  crois  pas  que  la  forme  jaune  d'Ephialtes  :  Coronillœ 
ou  Trigoncllœ,  ait  été  rencontrée  autrement  qu'à  l'état  d'aberration 
fort  rare.  De  l'autre  côté  des  Alpes,  au  contraire,  et  en  Autriche 
notamment,  les  circonstances  naturelles  sont  plus  favorables. 
J'espère  donc  un  peu  de  lumière  et  d'avance  je  remercie  les  obli- 
geants Lépidoptéristes  qui  voudront  bien  me  faire  participer  à  la 
Science  qu'il  leur  a  été  donné  d'acquérir. 


52  LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE 


XII.  —  Zygsena  Fausta,  Linn.,  ab.  tricolor,  Obthr. 
(PI.  III,  ûg.  28  et  29). 

Si  l'on  veut  bien  se  reporter  à  la  planche  VII  de  la  XX**  livraison 
des  Etudes  d'Entomologie  et  comparer  l'aberration  de  Zygœna 
Hilaris  qui  y  est  figurée  sous  le  n°  130  aux  figures  28  et  29  de  la 
planche  III  du  présent  ouvrage,  représentant  des  aberrations  de  la 
Zygœna  Fausta,  on  constatera  que  la  Fausta  n°  29  varie  confor- 
mément à  la  loi  de  variation  subie  par  V Hilaris  vf  130;  c'est-à-dire 
élargissement  du  liséré  jaune  qui  borde  les  taches  rouges  ordi- 
naires et  envahissement  de  la  couleur  bleu  d'acier  qui  fait  le  fond 
des  ailes,  par  ce  liséré  jaune  élargi. 

Chez  la  Fausta  n°  28,  c'est  le  même  ordre  d'aberration;  mais  les 
parties  rouges  s'élargissent  aussi  et  ont  un  peu  réduit  les  espaces 
jaunes;  le  fond  bleu  des  ailes  persistant  d'ailleurs  en  un  petit 
point  subapical  et  en  un  liséré  costal  et  marginal  qui  se  remarque 
aussi  dans  la  Zygœna  Hilaris  n°  130. 

Les  2  Zygœna  Fausta-Tricolor  proviennent  des  environs  de 
Digne,  011  elles  ont  été  prises  en  1900. 


XIII.  —  Zygraena  Carniolica,  Se.  : 

Ab.  Weileri,  Stgr.  (PI.  III,  fig  31). 
Ab.  Tricolor,  Obthr.  (PI.  III,  fig.  30). 
Transitus    inter    Weileri    et    Tricolor    (PI.    III, 
fig-  32). 

Suivant  la  loi  de  variation  qui  atteint  les  Zygœna  F austa-Tri- 
color  (PI.  III,  fig.  28  et  29)  et  Hilaris  {Etud.  d'Etit.,  XX"  livr., 
pi.  VII,  ûg.  130)  et  qui  consiste  dans  l'élargissement  du  liséré 
blanc  ou  jaune  entourant  les  taches  rouges  des  ailes  supérieures 


LEPIDOPTEROLOGIE    COMPAREE  53 

de  certaines  espèces  du  genre  Zygœna,  la  Carniolica  tend  assez 
fréquemment  à  présenter  cette  aberration  à  laquelle  je  maintien- 
drai le  nom  de  Tricolor.  J'ai  sous  les  yeux  plusieurs  exemplaires 
pris  en  juillet,  aux  environs  de  Martigny,  par  M.  Wullschlegel  ; 
l'un  d'eux,  figuré  sous  le  n°  30,  a  le  fond  des  ailes  blanchâtre  dans 
le  genre  de  l'aberration  andalouse  Albicans,  mais  d'une  teinte 
blanche  moins  pure  et  moins  éclatante;  il  reste  dans  tous  les  exem- 
plaires de  Carniolica-Tricolor  que  j'ai  vus,  des  traces  grisâtres, 
vestige  de  la  teinte  bleu  d'acier  du  fond  des  ailes  qui  n'est  pas 
absolument  recouverte  ou  remplacée  (*).  Comme  dans  la  Zygœna 
Fausta  n"  28  de  la  planche  III,  la  Carniolica  n"  32  de  la  même 
planche  présente  le  développement  des  taches  rouges  combiné 
avec  celui  du  liséré  blanchâtre  qui  les  borde,  pour  absorber  la 
teinte  bleu  d'acier  du  fond  des  ailes.  L'exemplaire  figuré  sous  le 
n°  32,  pris  à  Martigny  comme  le  n''  30,  fait  le  passage  au  n°  31, 
chez  qui  les  taches  rouges  ordinaires  confluent  en  une  longue  tache 
bilobée  vers  son  extrémité  extérieure  et  appartenant  à  l'aberration 
Weileri  Stgr.  L'échantillon  qui  a  servi  de  modèle  à  la  figure  31  a 
été  récolté  aux  environs  de  Carlsruhe,  dans  le  grand-duché  de 
Bade.  Chez  toutes  les  espèces  de  Zygœna,  les  taches  rouges  des 
ailes  supérieures  peuvent  confluer;  c'est  encore  là  une  des  lois  de 
variation  du  genre  Zygœna. 


XIV.  —    Chondrostegra    Constantina,  Aurivil- 

LIUS  (PI.  IV,  Cf  fig.  46,    Q    fig.  53). 

Fidèle  à  la  doctrine  :  «  Pas  de  bonne  figure  à  l'appui  d'une 
description,  pas  de  nom  valable  »,  je  profite  de  la  publication  de 
cet  ouvrage  pour  donner  la  figure  des  deux  sexes  de  Chondrostega 
Constantina,  dont  j'ai  publié  la  description  dans  le  Bulletin  de  la 


{*)  Le  P.  Engramelle  figure  (pi.  XCIX,  140,  gr,  h;  Papillons  d'Europe) 
la  même  aberration  tricolor  d'après  un  cf  appartenant  à  M.  le  professeur 
Hermann,  à  Strasbourg-. 


54  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

Société  entomologique  de  France,  189S,  p.  230  et  231.  C'est  à 
M.  Al.  Olivier  que  je  dois  la  possession  de  ces  intéressants  docu- 
ments. Les  2  papillons  qui  ont  servi  de  modèle  aux  figures  46  et  53 
de  la  planche  TV  proviennent  de  la  province  de  Constantine. 


XV.  —  Nemeophila  Cervîni,   Fallou,  var.   Hna- 
tecki,  Frey  (PL  I,  fig.  i,  2,  3,  4). 

Après  avoir  choisi  la  Lozère  pour  but  de  son  excursion  provin- 
ciale annuelle  de  1863,  ce  fut  vers  les  Alpes  du  Valais  que  la 
Société  entomologique  de  France  dirigea  son  exploration  estivale 
de  1864. 

La  raison  de  cette  décision  était  que  dans  les  premiers  jours 
d'août  1863,  notre  excellent  compagnon  du  Vernet  et  de  Florac, 
feu  Jules  Fallou,  s'était  rendu  à  Zermatt  et  y  avait  exceptionnel- 
lement réussi  dans  ses  captures. 

En  ce  temps-là,  Zermatt  était  un  village  relativement  peu  connu. 
Aujourd'hui  des  milliers  de  touristes  parcourent  chaque  été  la 
vallée  de  la  Viège;  un  train  direct  amène  de  Paris  les  voyageurs 
jusqu'à  Zermatt.  Us  peuvent  s'arrêter  en  ce  charmant  séjour  où  de 
nombreux  hôtels  les  attendent;  ils  peuvent  aussi  se  servir  immé- 
diatement du  tramway  électrique  grâce  auquel  les  stations  de 
Ryffelalp,  Ryffelberg  et  Gornergrat  deviennent  très  facilement  et 
rapidement  accessibles.  Il  y  a  40  ans,  ce  n'était  point  ainsi;  un 
sentier  très  pittoresque,  mais  étroit,  plutôt  fait  pour  les  piétons 
que  pour  les  mules,  reliait  Viège  à  Zermatt.  On  louait  des  porteurs 
qui  se  chargeaient  des  bagages  et  on  parcourait  en  un  ou  deux 
jours  le  chemin  d'ailleurs  jalonné  d'une  succession  de  villages  011 
l'on  recevait  la  plus  accueillante  hospitalité. 

Jules  Fallou,  en  quittant  les  Cévennes,  à  la  fin  de  juillet  1863, 
avait  l'intention  d'aller  respirer  l'air  des  glaciers;  il  arriva  un  peu 
tard  à  Zermatt  pour  faire  une  ample  moisson  de  papillons  encore 
frais;  l'année  avait  été  chaude  et  les  Diurnes  qui  volaient  cepen- 


LEPIDOPTEROLOGIE    COMPAREE  55 

dant  en  grand  nombre  étaient  sur  le  déclin  de  leur  courte  existence. 

Il  en  captura  néanmoins  beaucoup  et  de  fort  intéressants;  mais 
ce  fut  en  faisant  l'ascension  du  Gornergrat,  d'où  la  vue  s'étend 
sur  une  si  prodigieuse  ceinture  de  neiges  et  de  glaces,  que  Jules 
Fallou,  soulevant  des  pierres,  eut  le  bonheur  de  trouver  la  première 
femelle  de  Nenieophila  Cervini. 

Cette  découverte  est  déjà  vieille  de  plus  de  40  années;  à  coup 
sûr  l'Entomologie  s'est  considérablement  développée  depuis  cette 
date  et  d'immenses  progrès  ont  été  réalisés  dans  la  connaissance 
de  faunes  alors  complètement  ignorées.  Cependant  la  découverte 
d'une  Chélonide  jusquedà  inconnue  est  toujours  un  événement 
entomologique  important,  surtout  quand  c'est  en  Suisse,  pays  si 
fréquenté  par  les  naturalistes.  Aussi  je  me  souviens  de  l'émotion 
générale,  lorsque  Jules  Fallou  produisit  sa  Nenieophila  Cervini  à 
la  Société  entomologique  de  France. 

En  1863,  personne  encore  n'avait  pu  arriver  jusqu'à  la  pointe 
du  Mont-Cervin  ou  Matterhorn  (*)  dont  la  pyramide  singulière, 
dressée  au-dessus  du  plateau  élevé  qui  lui  sert  d'assise,  frappe  et 
attire  les  regards,  dès  qu'on  est  parvenu  à  Zermatt.  Bien  que  la 
Nenieophila  Cervini  ait  été  trouvée  tout  près  du  Gornergrat  et 
nullement  au  pied  du  Cervin  même,  Fallou  voulut  que  son  papil- 
lon portât  le  nom  de  cette  gigantesque  pierre  qui  lui  sembla  la 
montagne  insigne,  parmi  toute  cette  série  de  pics  et  de  pointes  qui 
bornent  au  sud  la  vallée  de  Zermatt,  la  bordent  à  l'est  et  à  l'ouest 
et  vers  le  nord  limitent  le  cours  du  Rhône. 

Feu  Jules  Fallou,  animé  des  sentiments  d'excellente  camara- 
derie qui  rendait  si  agréables  les  relations  entomologiques  de 
cette  époque,  ne  se  borna  point  à  nous  faire  part  de  son  heureuse 
trouvaille;  il  nous  convia  à  venir,  l'été  suivant,  avec  lui,  au  lieu 
même  où  il  avait  recueilli  la  première  femelle  de  Nenieophila 
Cervini. 


(*)  Je  crois  me  rappeler  que  des  Ang-Iais  firent  la  première  ascension  du 
Cervin  en  1865  et  que  la  conquête  de  cette  cime  coûta  la  vie  à  plusieurs 
hommes,  touristes  et  guides.  Maintenant  l'escalade  du  Mont-Cervin  est 
chose  assez  fréquente;  elle  a  d'ailleurs  été  facilitée  par  quelques  travaux. 


56  LÉPIDOPTÉROLOGIE    COMPARÉE 

Nous  nous  trouvâmes  donc  à  Genève,  à  la  fin  de  juin  1864, 
MM.  Fallou,  Guenée,  Constant,  Jourdheuil  et  moi.  A  Zermatt,  où 
nous  arrivâmes  après  deux  jours  d'une  marche  très  fructueuse 
pour  nos  collections,  nous  eûmes  le  vif  plaisir  de  trouver  M.  Gaston 
Allard,  arrivé  un  jour  avant  nous,  du  fond  de  l'Algérie  dont  il 
avait  entrepris  l'exploration  entomologique. 

Donc,  nous  étions  réunis  à  Zermatt,  six  Lépidoptéristes  unis  par 
des  liens  d'affection  et  d'estime,  ayant  déjà  exploré  ensemble  les 
Pyrénées  ou  les  Cévennes,  et  nous  passâmes  d'excellents  et  inou- 
bliables jours,  du  commencement  de  juillet  au  commencement 
d'août,  favorisés  par  le  beau  temps  et  dans  une  région  qui  était 
alors  exceptionnellement  riche  en  Lépidoptères. 

Je  me  souviens  encore  d'une  prairie,  là  oi^i  s'élève  maintenant 
l'hôtel  Ryffelalp.  Sans  doute  étant  amateur  de  mes  aises,  je  le 
confesse  humblement,  je  me  trouve  heureux  qu'une  si  belle  et 
confortable  construction  ait  été  élevée  dans  un  site  à  tous  égards 
si  propice  et  dont  je  profite  bien  volontiers  à  l'occasion.  Néan- 
moins je  regrette  la  bonne  localité  disparue.  Tous  ensemble,  nous 
y  pouvions  constamment  capturer  des  papillons  intéressants  et 
nous  nous  y  trouvions  sans  cesse  agréablement  et  utilement  occu- 
pés, sans  qu'aucim  pût  causer  la  moindre  gêne  à  ses  compagnons. 

Nous  ne  tardâmes  du  reste  point  à  retrouver  la  Nemeophila 
Cervini,  dont  la  chenille  et  la  chrysalide  n'étaient  pas  rares  sous 
les  pierres,  à  une  demi-heure  de  marche  du  sommet  du  Gornergrat, 
et  j'eus  l'honneur  d'écrire  en  notre  nom  collectif,  à  la  Société  ento- 
mologique de  France,  une  lettre  qui  fut  insérée  au  Bulletin  (1864, 
p.  XXIX  et  XXX),  et  où  se  trouve  relatée  notre  réussite.  C'était  alors 
que  nous  résidions  à  l'hôtel  Ryffelberg,  où  nous  fîmes  quelques 
stations  assez  prolongées,  que  le  premier  mâle  de  Cervini  vint  à 
éclore  dans  ma  boîte.  Voir  pour  la  première  fois  vivante  une 
espèce  remarquable  dont  jusqu'alors  une  seule  femelle  était  con- 
nue, est  une  jouissance  que  tous  les  Entomologistes  comprendront 
et  qu'on  ne  savoure  pas  assez  souvent  au  cours  de  sa  carrière  pour 
en  perdre  jamais  le  souvenir. 

En    1866,  nous  retournâmes  à  Zermatt;   nous  y   demeurâmes 


LÉPIDOPTEROLOGIE    COMPAREE  57 

environ  cinq  semaines,  faisant  toujours  les  chasses  les  plus  fruc- 
tueuses; puis  M.  et  M"^^  Alexandre  Constant,  M.  le  capitaine 
Constant  et  moi,  nous  quittâmes  Zermatt  où  restèrent  M.  et 
M"^  Fallou  et  M.  Guenée,  à  qui  était  venu  tardivement  s'adjoindre 
un  entomologiste  de  Versailles,  M.  Delorme;  nous  franchîmes  le 
col  du  Saint-Théodule,  nous  descendîmes  à  Novare  par  Châtillon 
et  Ivrée;  nous  revînmes  en  Suisse  par  le  Lac  Majeur  et  le  Simplon 
et  nous  rejoignîmes  à  Viège  nos  amis  avec  qui  nous  rentrâmes  en 
France,  chargés  du  plus  précieux  butin. 

Beaux  jours  d'autrefois,  vous  avez  fui  rapides,  me  laissant 
cependant  l'impérissable  souvenir  d'une  joie  douce  et  pure,  dans 
le  commerce  si  aimable  de  l'amitié  et  au  milieu  des  plus  belles 
scènes  de  la  nature  alpestre.  Si  les  Pyrénées  sont  comme  un  aimant 
pour  moi,  Zermatt  conserve  aussi  l'attrait  que  la  chère  mémoire 
des  hommes  et  le  charme  toujours  renouvelé  du  paysage  exercent 
sur  l'esprit  et  le  cœui 

En  1892  et  en  1898,  je  retournai  à  Zermatt;  nous  séjournâmes 
à  Ryffelalp  et  à  Ryffelberg.  Mes  vieux  compagnons  n'étaient  plus 
avec  moi;  mais  j'évoquais  de  chers  souvenirs  en  montrant  à  ma 
famille  les  lieux  où  jadis  je  m'étais  trouvé  en  la  société  de  mes 
amis.  Avec  ma  femme  et  mes  fils,  en  juillet  1892,  je  reconnus  la 
place  où  vit  la  Nemeophila  Cervini.  Nous  ne  pûmes  pas  chasser 
longtemps,  l'inclémence  persistante  du  ciel,  pendant  une  partie  de 
juillet,  rendant,  cette  année-là,  toute  excursion  presque  impossible. 

Pourtant  il  y  avait  encore  des  Cervini  en  1892;  nous  prîmes 
3  femelles  posées  sur  les  pierres  où  elles  avaient  déjà  déposé  leurs 
œufs  et  nous  rapportâmes  quelques  chrysalides  d'où  sortirent 
3  mâles  et  i  femelle.  Je  ne  reverrai  plus  sans  doute  un  pareil 
résultat,  bien  que  notre  courte  exploration  d'un  seul  jour,  en  1892, 
soit  restée  limitée  aux  plus  proches  environs  du  sentier  qui  mène 
au  Gornergrat  et  n'ait  presque  point  pu  s'étendre  sur  les  pentes 
rocailleuses  voisines.  En  juillet  1898,  la  neige  recouvrait  les  lieux 
où  habite  Cervini;  jamais  on  n'avait  vu  une  couche  de  neige  aussi 
épaisse.  Pour  aller  au  Gornergrat,  il  fallait  suivre,  entre  des  murs 
de  neige  de  deux  mètres  de  hauteur,  un  étroit  chemin  tracé  de 


58  LÉPIDOPTÉROLOGIE    COMPARÉE 

main  d'homme.  Cette  fois,  l'hivernage  fut  de  longue  durée  pour 
Cervini. 

Mais  depuis  cette  époque,  il  semble  que  des  recherches  aient  été 
entreprises,  comme  pour  arriver  à  produire  l'extinction  de  Nemeo- 
phila  Cervini,  aux  lieux  mêmes  oii  la  découverte  en  avait  été  faite. 

En  juillet  1902,  voyant  toutes  les  pierres  déjà  méthodiquement 
relevées  et  trouvant  à  peine  çà  et  là  et  de  loin  en  loin  une  chenille 
ou  une  chrysalide,  je  me  demandais  si  la  Suisse  était  destinée  à 
voir  sa  faune  lépidoptérologique  menacée  de  diminution  par  le 
zèle  immodéré  des  amateurs. 

Cervini  aurait-elle  bientôt  au  Gornergrat  le  sort  de  Polyom- 
7natus  dispar  et  Noctua  subrosea  en  Angleterre? 

La  chose  est,  hélas  !  probable. 

Mais  il  y  a  une  réserve,  c'est  Hnatecki  qui  nous  la  donne,  puisque 
la  localité  semble  être  encore  inconnue,  tout  au  moins  du  plus 
grand  nombre. 

Anderreg  a  découvert  dans  le  massif  du  Simplon  la  place  où 
vit  Hnatecki.  Jaloux  de  son  secret,  le  vieux  chasseur  valaisan  en  a 
fait  part  à  bien  peu  de  confrères,  si  même  il  a  favorisé  quel- 
qu'un de  sa  confidence.  Au  milieu  de  l'inextricable  réseau  de 
cornes  qui  forment  les  sommets  du  Simplon,  sans  parler  des 
autres  montagnes  voisines  de  Briggue  et  de  Gamsen,  on  peut 
longtemps  ascensionner  au-dessus  de  2.500  mètres,  avant  de  ren- 
contrer la  place,  peut-être  assez  limitée  en  surface,  où  se  propage 
Hnatecki.  Elle  semble  une  forme  tendant  à  faire  pour  Cervini  ce 
que  Falloui,  Jourdheuil,  fait  pour  Quenseli.  Ses  ailes  peuvent  être 
à  peu  près  totalement  dépourvues  des  dessins  noirâtres  et  presque 
uniformément  colorées  de  la  teinte  ochre-jaune  du  fond.  Mais 
Hnatecki  est  fort  variable.  Les  4  exemplaires  que  j'ai  fait  repré- 
senter sous  les  n°^  i.  2,  3  et  4  de  la  planche  I  de  cet  ouvrage  ren- 
seignent à  ce  sujet.  Depuis  que  la  gravure  de  la  pi.  I  est  achevée, 
j'ai  reçu  une  Q  Hnatecki  encore  beaucoup  moins  marquée  de 
noirâtre  que  la  g  n"  4;  on  peut  donc  obtenir  Hnatecki  tout  à  fait 
unicolore.  Au  Gornergrat,  au  contraire,  la  forme  Cervini  semble 
tendre  au  mélanisme  et  les  Hnatecki  n"^  2  et  3  de  la  planche  I 


LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE  59 

sont  encore  beaucoup  moins  obscurcies  par  les  dessins  bruns  que 
la  plupart  des  exemplaires  de  Cervini,  du  Gornergrat.  De  plus, 
chez  Cervini  la  teinte  ochre  du  fond  des  ailes  est  plus  pâle  et  moins 
jaune  que  chez  Hnatecki;  mais  il  convient  d'observer  que  les 
exemplaires  rencontrés  parfaits  dans  la  nature,  par  exemple  les 
g  écloses  sous  les  pierres,  ont  toujours  la  teinte  ochre  du  fond 
plus  pâle  que  les  individus  éclos  dans  des  boîtes  et  piqués  dès  que 
leurs  ailes  sont  convenablement  séchées  et  durcies.  Il  semble  que 
le  contact  des  Cervini  avec  l'atmosphère  de  leur  patrie  les  blan- 
chisse très  rapidement.  Il  en  arrive  de  même,  je  crois,  pour  les 
Fasciata  qui  sont  écloses  dans  la  nature.  VilUca,  cependant,  ne 
paraît  pas  subir  cette  influence  blanchissante  de  l'air  extérieur; 
sa  nuance  nankin  est  sans  doute  moins  délicate  que  celle  de  ses 
congénères. 


XVI  —  Bryophila  Simulatricula,  Guenée  (PI  IV, 
fig-  52). 

La  figure  donnée  par  Guenée  dans  le  Spccies  général  (PI.  III, 
fig.  4)  est  à  tort  coloriée  en  brun.  C'est  en  gris  qu'il  eût  fallu  colorier 
S'nnnlatricula.  D'ailleurs  la  description  de  Guenée  (Sp.  g.,  Noctué- 
lites  I,  p.  26)  est  formelle  :  «  ailes  supérieures  d'un  gris  cendré, 
très  légèrement  nuancé  de  verdâtre,  surtout  au  bord  interne.  » 
Peut-être  Guenée  a-t-il  par  erreur  remis  au  peintre,  pour  modèle, 
une  Frnudatricida? 

Le  type  (ex  coll.  Boisduval)  est  encore  très  bien  conservé.  Il 
est  conforme  à  la  Bryophila  que  M.  le  chanoine  Favre  prend  de 
temps  en  temps,  à  Martigny,  au  commencement  d'août,  dans  les 
bâtiments  mêmes  du  couvent  des  religieux  Augustins  du  Grand- 
Saint-Bernard.  J'ai  fait  figurer  un  cf  que  M.  le  chanoine  Favre 
captura  dans  les  premiers  jours  d'août  igo2,  alors  que  nous  étions 
ensemble  à  Martigny  et  qu'il  voulut  bien  m'offrir.  Les  dessins  et 
surtout  les  lignes  noires  sont  moins  distinctement  écrites  que  chez 


6o  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

Shnulatricula  type;  mais  il  n'y  a  pour  moi  aucun  doute  quant  à 
l'exacte  identification  de  cet  exemplaire  valaisan. 

J'avais  communiqué  le  type  Sinuilatricula  à  Staudinger,  ainsi 
que  l'atteste  l'étiquette  «  vu  par  Stgr  pour  le  Catal.  1900  »  que 
portent,  dans  ma  collection,  tous  les  papillons  qui  furent  soumis 
à  l'examen  de  cet  auteur. 

Je  ne  crois  pas  que  Simidatricula  soit  une  variété  de  Frauda- 
Crïcîda,  comme  Staudinger  l'a  jugé,  mais  avec  doute;  je  crois  que 
Simidatricula  est  une  espèce  distincte.  Les  ailes  inférieures  sont 
bien  d'un  blanc  sale  bordées  de  noirâtre  et  non  brunes  comme 
celles  de  Fraudatricula;  je  possède  un  exemplaire  de  Sebdou 
(D""  Codet)  assez  fruste,  mais  qui  me  paraît  être  aussi  Simidatri- 
ada. 


XVII.  —  Pachnobia  Hyperborea,  Zett.,  var.  Al- 

pina,  HUMPHREY  et  Westwood  (PI.  I,  fig.  9  et 
10)  et  var.  Ryffelensis,   Ch.  Obthr.  (PL  I, 

%  II)- 

En  juillet  1902,  un  éclairage  électrique  fut  installé  devant  les 
hôtels  Ryffelalp.  Des  lampes  à  arc  répandaient  une  vive  lueur 
et  attiraient  souvent  beaucoup  de  papillons,  surtout  lorsque  le 
temps  était  humide  et  même  pluvieux.  L'abondance  des  Noctuelles 
était,  certains  soirs,  considérable;  mais  les  Pliisia  Gamma,  à  partir 
de  10  heures,  devenaient  extrêmement  gênantes,  se  trouvant 
mélangées  en  trop  grande  quantité  aux  autres  espèces.  Difficiles  à 
reconnaître  au  vol,  elles  absorbaient  un  temps  qui  eût  été  bien 
mieux  employé  à  capturer  les  Noctuelles  alpines  tourbillonnant 
en  compagnie  des  Gamma,  autour  des  lampes.  Parmi  les  meilleures 
espèces,  je  citerai  Pachnobia  Hyperborea  dont  les  mœurs  étaient 
assez  particulières.  Tandis  que  la  plupart  des  Agrotis,  Triphœtia, 
Mamcslra  voltigeaient  sans  arrêt  près  des  lumières,  Hyperborea, 
après  avoir  décrit  quelques  évolutions,  s'abattait  sur  le  sol  mouillé 


LÉPIDOPTÉROLOGIE    COMPARÉE  6l 

et  y  restait  quelquefois  jusqu'au  matin  suivant.  La  pluie,  tombant 
à  verse,  ne  l'impressionnait  pas.  Cette  Fachnobia  Hyperborea  est 
fort  intéressante,  notamment  pour  le  fait  suivant. 

Dans  le  nord  de  l'Angleterre,  la  forme  à^ Hyperborea  {Alpma, 
H.  et  W.)  a  les  dessins  rougeâtres,  tandis  qu'en  Laponie  et  en 
Suisse,  une  teinte  gris-violâtre  ou  gris-ardoisé  remplace  cette  colo- 
ration rougeâtre. 

Il  en  est  exactement  de  même  pour  la  Nociua  Siibrosea  Ste- 
phens,  d'un  gris  violâtre  en  Russie  et  rougeâtre  en  Angleterre  où 
elle  est  actuellement  malheureusement  éteinte.  Une  même  cause  a 
donc  agi  sur  la  coloration  de  Pachnobia  Hyperborea  et  de  Nociua 
Snbrosea.  Quelle  est-elle?  Je  l'ignore.  Seulement  la  constatation 
n'en  est  pas  contestable. 

Je  juge  sur  20  Snbrosea  anglaises  et  sur  29  Subrosea-Subcœrulea 
de  Russie  septentrionale.  Toutes  les  Snbrosea  appartiennent  à  une 
même  forme  qui  ne  se  dément  pas.  Il  en  est  de  même  pour  les 
Subcœrulea. 

Pareillement  25  Hyperborea  des  îles  Shetland  (Meek)  et 
d'Ecosse  (Perthshire-Salvage  et  Rannoch-Reid)  sont  parfaitement 
rougeâtres,  quoique  variant  individuellement,  ainsi  que  le  dé- 
montrent comparativement  le  n°  g  de  la  planche  I  (Rannock)  et  le 
n°  10  (Shetland). 

En  face,  dans  ma  collection,  11  Hyperborea  de  Laponie  sont 
du  même  gris  un  peu  violâtre  que  les  Subcœrulea  de  Saint-Péters- 
bourg. Je  dois  dire  cependant  que  Hyperborea-Carnica  de  Carin- 
thie  a  le  fond  des  ailes  lavé  de  rougeâtre,  tandis  que  je  ne  connais 
encore  aucune  forme  continentale  rouge  de  Snbrosea. 

La  forme  Hyperborea  de  Ryffelalp  est  différente  de  la  forme 
de  Laponie.  Elle  est  d'un  gris  ardoisé  plus  sombre  et  paraît  géné- 
ralement plus  grande;  je  la  distingue  sous  le  nom  de  Ryffelensis. 
Le  n°  1 1  de  la  planche  I  représente  Hyperborea-Ryffelensis. 


62  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 


XVIII  —  Dasycampa  Rubig:inea,  Fab  (PI  IV,  var. 
fig.  40,  41,  42,  43),  et  Dasycatnpa  Stau- 

d'tngerl,  de  Graslin  (PI.  IV,  var.  ûg.  47,  48, 
49.  50,  5  0- 


J'ai  publié  dans  le  Btilletin  de  la  Société  enlom.  de  France,  1900, 
p.  352-57,  une  Notice  sur  divers  Cer astis  français  et  sur  les  Dasy- 
campa Rubiginea  et  Staiidingeri  qui  avaient  fait  l'objet  d'une 
étude  en  commun  par  le  D''  Staudinger  et  moi.  Mais  Staudinger 
était  mort  le  13  octobre  1900;  nos  discussions  entomologiques 
avaient  donc  été  brusquement  interrompues  avant  la  publication 
du  Catalog  qui  porte  la  date  de  mai  igoi.  La  notice  précitée 
signale  déjà  les  divergences  d'opinion,  cependant  non  résolues 
définitivement,  qui  existaient  entre  nous,  au  sujet  du  classement 
des  variétés  dont  j'avais  présenté  de  nombreux  spécimens  à  l'appré- 
ciation de  Staudinger;  elle  ne  prévoyait  pas  la  façon  dont  M.  Rebel 
trancherait  les  questions  pendantes. 

Je  crois  que  bien  des  corrections,  dans  l'intérêt  de  la  vérité 
scientifique,  sont  à  faire  au  Catalog  de  1901,  mais  notamment  au 
genre  Orrhodia,  tel  qu'il  est  ordonné  dans  cet  important  ouvrage. 
Tout  d'abord,  je  persiste  à  croire  que  le  genre  Dasycampa  doit 
être  maintenu  pour  les  deux  :  Rubiginea  et  Staudingeri.  Les  che- 
nilles sont  velues;  ce  caractère,  exception  peut-être  unique  dans  le 
groupe  des  Orthosidœ,  a  une  valeur  générique  très  suffisante  ; 
aussi  je  partage  de  plus  en  plus,  d'accord  avec  l'émment  lépidop- 
tériste  anglais  Charles  Barrett,  l'opinion  émise  par  Guenée,  au 
sujet  du  genre  Dasycampa,  créé  par  cet  auteur  et  maintenu  au 
moyen  d'excellents  arguments,  à  la  page  387  du  V^  volume  du 
Species  général. 

Je  ne  sais  pas  encore  exactement  si  Rubiginea  et  Staudingeri 
forment,   ou   non,   deux   espèces   distinctes.   La   preuve,   encore   à 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE  63 

faire  (*),  résultera  de  la  comparaison  des  premiers  états  de  Riibi- 
ginea  et  Staiidïngeri.  Jusqu'à  plus  ample  informé,  je  pense  qu'il  y 
a  deux  espèces  séparées  et  je  les  range,  comme  suit,  avec  leurs 
nombreuses  variétés  : 

I  .    Dasycampa  rubiginea,  Fabr.,  etc.    Angleterre,  Europe  centrale. 

a.  Form.    geogr.    Fornax,    Butler    (lllustr.    Lep.    Het.    Brit. 

Mus.  III,  pi.  44,  fig.  Il) Japon. 

b.  Ab.  alis  anticis  brunneis  vel  castaneis,  albido  pictis,  Gras- 

liniy  Stgr.  Catalog,  1901,  n"  2167,  p.  210);  Obthr  (Lépid. 
comp.,  pi.  IV,  fig.  40  exempl.  de  Martigny;  ûg.  41  exempl. 
de  Digne) Valais,  Basses-Alpes. 

c.  Ab.   alis   anticis  brunneis,   ochraceo-flavescenti   pictis,  Mo- 

desta,  Obthr.  (Lépid.  comp.,  pi.  IV,  fig.  42,  exempl.  de 

Martigny) Valais,  Basses-Alpes. 

•  d.  Ab.  alis  anticis  obscure  castaneis,  fere  unicoloribus,  niten- 
tibus,  Compléta  (Stgr.  in  litteris),  Obthr.  (Lépid.  comp., 
pi.  IV,  fig.  43) Valais,  Basses-Alpes. 

e.  Ab  alis  anticis  unicoloribus,  rufo-brunneis,  non  nigro-punc- 
tatis,  Unicolor,  Tutt;  Stgr.  (Cat.   1901,  n°  2167,  p.  210). 

Angleterre,  Basses-Alpes. 

/.  Ab.  Alis  anticis  rufo-brunneis,  fere  non  nigro-punctatis;  alis 
infer.  late  ochraceo-flavescenti  marginatis.  Banetti,  Obthr., 
var.  2^  Barrett  (the  Lepidoptera  of  the  british  Islands, 
pi.  233,  fig.  2*") Angleterre. 

2.  Dasycampa  Siandingcri,  de  Graslin  (Annales  Soc.  ent.  France, 
1863,  pi.  8,  fig.  4,  exempl.  de  Grenade;  fig.  5,  exempl.  de 
Vernet-les-Bains)  ;  Obthr.  (Lépidopt.  comparée,  pi.  IV, 
fig.  49,  exempl.  de  Digne). 

Andalousie,  Pyrénées-Orientales,  Basses-Alpes. 


(*)  La  composition  typographique  de  cet  article  était  achevée  avant 
la  publication  de  la  notice  de  M.  Daniel  Lucas,  dans  les  Annales  de  la 
Société  eiitomoJogique  de  France  (3e  trimestre  1903,  p.  403,  404;  distribué 
fin  février  1904). 


64  LÉPIDOPTÉROLOGIE    COMPARÉE 

a.  Ab.  alis  anticis,  cmereo-griseis,  plus  minusve  nigro  sparsis, 

Polita,  Stgr.  (Catalog  1901,  n"  2165,  p.  209);  Obthr. 
(Lépid.  comparée,  pi.  IV,  'h.^.  48,  exempl.  de  Digne). 

Basses-Alpes. 

b.  Ab.  alis  anticis  cinereis,  rubro-anrantiaco-ochraceo  fimbriatis 

et  sparsis,  paullum  obscure  signatis,  Livina,  Stgr.  (Catalog 
1901,  n°  2165,  p.  209);  Obthr.  (Lépid.  comparée,  pi.  IV, 
fig.  47,  exempl.  de  Digne) Basses-Alpes. 

c.  Ab.  alis  anticis  fulvo-griseis  vel  ligneis,  plus  minusve  fusco 

signatis,  Scortina,  Stgr.  (Catalog  1901,  n°  2165,  p.  209); 
Obthr.  (Lépid.  comparée,  pi.  IV,  fig.  50,  exempl.  de  Digne). 

Basses-Alpes. 

d.  Ab.    alis    anticis    fere    unicoloribus,    rubrescenti-ochraceis, 

paucissime  signatis,  Uniformis.,  Stgr.  (Catalog  1901, 
n"  2165,  p.  209);  de  Graslin  (Ann.  Soc.  ent.  France,  1863, 
p.  318,  319) Pyrénées-Orientales,  Basses-Alpes. 

e.  Ab.  alis  anticis  ut  suprà,  sed  minus  uniformis,  magis  signata, 

Unkolor,  Stgr.  (Catalog  1901,  n°  2167,  p.  210);  Obthr. 
(Lépid.  comparée,  pi.  IV,  fig.  51,  exempl.  de  Digne). 

Basses-Alpes. 
/.  Ab.    alis    anticis    obscure    nitideque    rubro-castaneis,    bene 
signatis,  e  larva  pilosa  educat.  Vaccinioides.  Obthr. 

Pyrénées-Orientales. 

De  tout  ceci,  il  résulte  que  je  ne  suis  point  d'accord  avec  Stau- 
dinger  et  Rebel,  lorsqu'ils  rattachent  à  Ligida  les  formes  Scortina, 
Uniformis,  Livina  et  Polita,  dont  je  possède  les  co-types  étiquetés 
de  la  main  même  de  Staudinger  et  par  conséquent  ne  pouvant 
prêter  à  aucun  malentendu  ni  confusion.  Polita,  Stgr.  (fig.  48  du 
présent  ouvrage),  est  tout  à  fait  une  autre  espèce  que  Polita, 
Huebner,  178,  laquelle  Polita  est  une  forme  de  Vaccinii,  tout 
comme  Spadicea,  Huebner,  179. 

Il  ne  faut  pas  oublier  que  Uniformis,  Stgr.,  rattachée  à  Ligida 
par  Staudinger,  est  issue  d'une  chenille  velue  à  reflets,  trouvée  par 
de  Graslin,  dans  un  bois  taillis  auprès  du  Vernet;  la  même  espèce 


LEPIDOPTEROLOGIE    COMPAREE  O5 

de  chenille  velue,  sans  doute,  d'où  est  née  chez  nous,  à  Rennes,  le 
5  novembre  icS85,  lab.  f.  Vaccïnïoïdes.  J'ai  encore  sous  les  yeux, 
dans  ma  collection,  la  chrysalide,  la  coque  dans  laquelle  elle  repo- 
sait et  l'extrémité  velue  à  reflets  mordorés  de  la  dépouille  laissée 
par  la  chenille  en  se  chrysalidant.  Cette  circonstance  est  décisive. 
Car  il  n'y  a  pas  d'autres  espèces  à  avoir  une  chenille  velue  que 
Rubiginea  et  Staiidingcn. 

Je  n'ai  malheureusement  aucune  note  précise  sur  la  chenille  d'oii 
est  né  Staudingeri-V accinioides,  me  permettant  une  comparaison 
avec  la  chenille  de  Rubiginea,  ce  qui  assurerait  la  solution,  quant 
à  la  distinction  spécifique  de  Staiidingeri  et  Rubiginea.  Je  crois 
cependant,  d'après  les  documents  que  je  possède,  à  savoir  :  une 
chenille  desséchée  de  Staudingeri,  de  Vernet-les-Bains  (in  coll.  de 
Graslin)  et  la  chrysalide  dont  il  est  question  plus  haut,  que  la 
larve  de  Staudingeri  a  une  pilosité  plus  forte,  plus  épaisse  et  plus 
serrée,  d'une  couleur  plus  dorée  que  Rubiginea.  Il  faut  cependant 
d'autres  observations  pour  obtenir  la  certitude.  Mais  aucun  doute 
ne  peut  exister  quant  au  rattachement  des  variétés  Scortina,  Uni- 
formis,  Livina,  Polita,  Stgr.  (nec  Huebner)  à  Ligida,  comme  Stau- 
dinger  et  Rebel  l'ont  fait  assurément  à  tort. 

De  deux  choses  l'une  :  ou  Staudingeri  et  Rubiginea  sont  deux 
espèces  valablement  distinctes,  ou  elles  ne  le  sont  pas.  Dans  ce 
dernier  cas,  Staudingeri  serait  une  forme  à  ailes  d'un  gris  ardoisé 
obscur  de  Rubiginea  (alis  anticis  obscuris,  griseo-casruleo  nigres- 
centibus),  et  Scortina,  Uniforviis,  Unicolor,  Livina,  Polita,  Vacci- 
nioides  seraient  des  formes  de  Rubiginea,  comme  Staudingeri,  au 
lieu  d'être  des  formes  de  Staudingeri,  ce  qui  aurait  lieu,  s'il  est 
démontré  que  celle-ci  est  une  espèce  distincte.  Mais  en  aucune  façon 
Ligida,  dont  la  chenille  est  lisse,  ne  peut  être  liée  à  toutes  ces 
formes  de  Rubiginea  ou  Staudingeri  dont  la  chenille  est  velue. 

Par  ailleurs,  je  prie  le  lecteur  de  vouloir  bien  se  reporter,  pour 
complément  d'informations,  à  la  notice  insérée  dans  le  Bulletin  de 
la  Soc.  eut  OUI.  de  France,  année  igoo.  Une  nouvelle  étude  de  la 
question  n'a  pas  modifié  l'opinion  que  je  croyais  devoir  exprimer 
à  cette  époque. 

5 


56  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 


Il  me  reste  à  fournir  deux  explications. 

J'ai  cité,  au  cours  de  cette  notice,  le  nom  Compléta  Stgr  (in 
litteris)  et  ce  nom  ne  ûgure  pas  dans  le  Catalog  1901.  C'est  assu- 
rément par  une  omission  involontaire  que  ce  nom  en  est  absent, 
car  dès  1898,  Staudinger  l'avait  appliqué  et  avait  répandu  parmi 
ses  clients  YOrrhodia  compléta,  Stgr. 

D'autre  part,  je  me  suis  attaché  à  différencier  Polita  Hbn  178, 
qui  est  une  aberration  de  Vaccini,  de  Polita,  selon  Staudinger,  qui 
est  bien  exactement  une  aberration  de  Staiidingeri,  c'est-à-dire  très 
distinct  du  précédent.  Une  étiquette  Polita  écrite  de  la  main  de 
Staudinger  et  fixée  par  lui-même  à  l'épingle  d'un  Staiidingeri- 
Polita  dans  ma  collection,  indique  quelle  était  dans  l'esprit  de 
Staudinger  l'identification  au  véritable  Polita  Huebner.  Cette  iden- 
tification était  erronée.  Assurément,  le  Polita  que  j'ai  figuré  sous 
le  n°  48  de  ce  travail  qui  est  exactement  conforme  au  Polita,  sec. 
Staudinger,  n'est  pas  la  même  espèce  que  le  Polita  Huebner  178, 
que  je  possède  également  et  en  grand  nombre,  et  qu'on  trouve  fré- 
quemment à  Digne  en  automne,  avec  beaucoup  de  variétés  de 
Vaccinii. 


XIX  —  Psodos  Alticolaria,  var.  Faucium,  Favre 
(PI.  IV,  fig.  44). 

La  Psodos  Alticolaria  est  une  phalène  des  grandes  hauteurs. 
Elle  habite  les  Alpes  du  Tyrol,  de  la  Suisse  et  de  la  France,  et 
les  Hautes-Pyrénées.  Dans  le  Tyrol,  au  Stelvio,  Alticolaria  est  de 
plus  grande  taille  que  dans  les  autres  montagnes;  le  fond  de  ses 
ailes  est  noirâtre  tirant  sur  le  brun  d'acier  traversé  par  des  lignes 
noires,  avec  des  bandes  et  des  éclaircies  d'un  blanc  grisâtre  et 
un  peu  argenté.  La  forme  tyrolienne  est  le  type  de  l'espèce;  elle  a 
été  figurée  par  Millière  (Jconogr.,  pi.  153,  fig.  7,  8,  9),  et  avant  lui 
par  Herrich-Schaeffer  (Neue  Schmetterlinge  aus  Europa,  n°^  64, 
65,  66  et  67).  Aucune  des  figures  précitées  ne  rend  cependant  bien 


LÉPIDOPÏÉROLOGIE   COMPARÉE  6/ 

exactement  la  forme  tyrolienne  d'AUicoIarhi;  les  bandes  et  éclair- 
cies  d'un  blanc  argenté  grisâtre  n'y  étant  pas  assez  accentuées. 

La  meilleure  figure  d'ALticoLaria  type  me  paraît  être  sous  le 
n"  lô  de  la  planche  LXIII  de  l'ouvrage  en  cours  de  publication 
actuellement  :  Die  Schmellerlinge  Europas  von  D""  Arnold  Spuler. 

Du  Tyrol  aux  Pyrénées,  la  forme  <X AUicolaria  subit  une  modi- 
fication mélanienne  qui  va  toujours  en  s'accentuant  vers  le  Sud- 
Ouest.  La  variété  Gedrensis,  Rondou,  est  la  plus  assombrie  ;  la 
variété  Faucium,  Favre,  est  la  transition  entre  les  deux  formes 
extrêmes,  Alticolaria  t}'rolienne  et  Gedrensïs  des  Hautes-Pyrénées. 

En  Valais,  Faiiciiini  vole  en  juillet  et  commencement  d'août; 
elle  affectionne  les  cols  des  montagnes,  mais  de  nature  schisteuse 
et  non  gazonnés.  Elle  a  été  rencontrée  aux  cols  de  Sorrebois,  d'Or- 
zival,  de  Torrent,  des  Bossous,  au  pas  de  Lona,  le  tout  dans  le  Val 
d'Anniviers,  près  Sierre. 

Dans  les  Alpes  françaises,  la  Psodos  faucium  a  été  prise  à 
Enchastrayes,  dans  les  Basses-Alpes,  et  au-dessus  de  Lanslebourg, 
en  Savoie,  par  mon  second  fils,  le  docteur  J.  Oberthiir. 

La  variété  Faucium  diffère  surtout  du  type  tyrolien  par  sa  taille 
plus  petite  et  l'atténuation  des  parties  blanchâtres  des  ailes. 

Quant  à  la  variété  Gedrensis,  Rondou,  ses  ailes  sont,  en  dessus, 
encore  plus  obscures  que  chez  Faucium,  offrent,  sous  certaine  inci- 
dence, un  reflet  ardoisé  un  peu  bleuâtre. 

Très  probablement,  on  doit  prendre  dans  les  Hautes-Pyrénées 
des  Alticolaria  Gedrensis  identiques  à  Faucium.  D'ailleurs  M.  Ron- 
dou ayant  vu  dans  les  Pyrénées  un  individu  se  rapprochant  beau- 
coup du  type  Alticolaria,  on  peut  en  conclure  qu'il  n'y  a  qu'une 
fixité  relative  dans  la  forme  plus  spécialement  afférente  à  la  race 
pyrénéenne  dH Alticolaria. 

Peut-être  trouve-t-on  aussi  dans  les  Alpes  françaises  et  valai- 
sannes  des  Alticolaria  très  voisines  de  celles  du  Tyrol  et  d'autres 
semblables  à  celles  des  Hautes-Pyrénées.  Quoi  qu'il  en  soit,  com- 
parativement aux  exemplaires  ordinaires  dH Alticolaria  du  Tyrol, 
pris  comme  type  de  l'espèce,  on  peut  dire  que  Faucium  est  une 


68  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPAREE 

race  géographique  plus  petite  et  plus  obscure  et  que  Gedrensis  en 
est  l'exagération. 


XX.  —  Larentia  Cyanata,  Huebner  (PL  III,  %  38 
et  39),  et  Larentia  Infidaria,  Delaharpe 
(PI.  III,  fig.  33.  34  et  35)- 

Plusieurs  fois  déjà  j'ai  appelé  l'attention  des  Naturalistes  sur 
les  Lois  qui  régissent  les  variations  en  général  et  aussi  sur  celles 
qui  sont  plus  particulières  à  un  même  genre  de  Lépidoptères.  On 
peut  voir  à  la  8^  livraison  des  Etudes  d'Entomologie  les  figures 
de  Larentia  cœruleata,  forme  pyrénéenne  de  Flavicinctata.  Les 
n'"  I  et  3  de  la  planche  I  de  cette  8"  livraison  représentent  des 
exemplaires  moins  obscurs,  avec  un  assez  grand  développement 
des  linéaments  jaunes  sur  les  ailes  supérieures.  Il  y  a  par  opposition 
des  échantillons  d'un  gris  bleu  d'ardoise  où  les  linéaments  jaunes 
sont  très  réduits.  On  peut  dire  que  ces  Larentia  cœruleata  imitent 
parfaitement  les  rochers  de  granit  sur  lesquels  elles  se  posent 
durant  le  jour.  Tantôt,  en  effet,  des  lichens  ras,  colorés  en  jaune 
absolument  comme  certaines  Cœrideata,  tapissent  plus  ou  moins 
abondamment  les  parois  de  ces  rochers;  tantôt,  au  contraire, 
dépourvues  de  ces  lichens,  les  pierres  semblent  être  du  même  ton 
gris  que  certaines  autres  Cœrideata  aux  ailes  plus  obscures,  d'un 
gris  un  peu  bleuâtre  et  presque  sans  linéaments  jaunes.  Je  trouve 
fort  intéressant  d'inspecter  les  rochers  des  montagnes  pour  y 
découvrir  les  Phalènes  ou  les  Noctuelles  qui  s'y  tiennent  pour  ainsi 
dire  collées  pendant  le  jour;  j'ai  d'ailleurs  cherché  à  me  rendre 
compte  si  les  Cœruleata  se  posaient  préférablement  sur  les  rochers 
de  leur  couleur  et  s'il  était  possible  de  conclure  en  faveur  de  l'ins- 
tinct de  ces  Phalènes  qui  les  porterait  à  discerner  les  pierres  d'une 
teinte  qui  leur  serait  protectrice.  Dans  ce  but,  j'ai  consacré  bien  des 
heures  à  ce  genre  d'observations.  J'ai,  en  effet,  remarqué  des  Cœru- 
leata posées  sur  des  roches  avec  lesquelles  elles  se  confondaient 


LÉPIDOPTÉROLOGIE    COMPARÉE  69 

absolument  et  j'ai  interrogé  quelquefois  des  passants,  lorsque  mes 
yeux  avaient  découvert  un  papillon  bien  dissimulé  par  la  confor- 
mité de  sa  couleur  avec  celle  du  rocher,  pour  savoir  jusqu'à  quel 
point  ces  papillons  se  trouvaient  réellement  protégés  contre  les 
regards.  Je  me  souviens  d'un  cas  oi^i  une  personne  prévenue  par 
moi  qu'il  y  avait  une  Phalène  sur  une  roche  et  dans  un  périmètre 
que  j'indiquais,  déclarait  qu'elle  n'apercevait  nullement  la  Phalène 
grise  sur  laquelle  je  me  permettais  d'appeler  son  attention;  mais 
par  contre  elle  aperçut  sur  la  même  pierre  une  Cœriileata  qui  avait 
échappé  à  mon  investigation. 

Cependant  j'ai  observé  bien  des  fois  des  Cœndeata  gris-bleu  sans 
linéaments  jaunes  reposées  sur  des  rochers  couverts  de  lichens 
jaunes  et  inversement  des  Cœndeata  avec  linéaments  jaunes  sur  des 
morceaux  de  granit  tout  gris,  où  elles  étaient  fort  apparentes.  J'ai 
même  vu  des  Phalènes  posées  sur  des  clôtures  ou  des  palissades, 
sans  doute  très  confortablement  exposées  au  point  de  vue  de 
l'orientation  par  rapport  au  vent  ou  au  soleil,  mais  peintes  en 
blanc  ou  en  noir,  par  conséquent  colorées  tout  autrement  que  les 
papillons  eux-mêmes.  Dans  ces  conditions,  les  Phalènes  ne  s'étaient 
nullement  préoccupées  de  se  dissimuler  aux  yeux  et  elles  appa- 
raissaient d'assez  loin  et  sans  qu'il  fût  besoin  d'aucune  recherche 
attentive  pour  les  découvrir.  C'est  à  Cauterets  que  j'ai  fait  les 
observations  relatées  ci-dessus,  quant  à  Cœruleata;  certains  faits 
sont  contradictoires;  néanmoins,  d'une  manière  générale,  on  peut 
dire  que  Cœruleata  se  dissimule  bien  pendant  le  jour. 

Les  Larentia  Infidaria  et  Cyanata  présentent  des  variations 
d'après  le  même  principe  qui  préside  à  celles  de  Flazncinctata- 
Cœndeata,  c'est-à-dire  absence  de  couleur  jaune  sur  les  ailes  supé- 
rieures, ou  inversement  développement  plus  ou  moins  important 
de  cette  couleur  jaune.  Toutes  les  transitions  existent  d'ailleurs 
entre  les  exemplaires  extrêmes  chez  Infidaria  et  Cyanata  aussi  bien 
que  chez  Flavicinctata-C œndeata. 

L'exemplaire  de  Cyanata,  figuré  sous  le  n"  39  de  la  planche  III 
de  cet  ouvrage,  a  été  pris  en  juin,  au  Gottra,  dans  le  Valais.  C'est 
la  forme  appelée  Gotfrensis  par  M.  le  chanoine  Favre  {Catal, 


;0  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 


p.  292).  Cette  forme  se  distingue  par  sa  bande  médiane  très  foncée. 
Le  n°  38  a  été  également  pris  au  Gottra,  le  10  août  1897;  il  appar- 
tient à  la  variété  Flavomixta,  Hirschke.  C'est  cette  même  variété 
qu'on  voit  figurée  dans  Mittheiliingen  des  Mtienchener  entomoL, 
Vereins,  18/9,  pi.  III,  fig.  4,  à  l'occasion  de  la  découverte  de  la 
chenille  par  M.  von  Guppenberg.  La  chenille  et  la  chrysalide  de 
Cyanata  sont  figurées  (loc.  citât.,  fig.  a  et  b).  La  chenille  a  été 
trouvée  sur  Arabis  cïliata. 

Quant  à  Infidaria,  le  n°  35  appartient  à  la  variété  Primordiata 
Raetz,  caractérisée  (Favre,  Catal.,  p.  292)  par  sa  taille  générale- 
ment plus  petite,  sa  bande  médiane  des  ailes  supérieures  plus  noi- 
râtre et  son  aspect  plus  sombre,  ce  qui  la  met  en  parallèle  avec 
certaines  Cœruleata. 

Cet  exemplaire  n"  35  a  été  pris  aux  environs  de  Martigny,  en 
juin,  comme  le  papillon  n"  33,  qui  me  paraît  représenter,  par  sa 
bande  médiane  presque  entièrement  jaunâtre,  la  variété  Flavocin- 
gulata,  Stgr  et  Rebel  (Catalog  1901,  n"  338). 

Le  papillon  n"  34,  récolté  à  Larche  (Basses-Alpes),  en  août 
1896,  représente  une  forme  où  la  bande  médiane  ressort  sur  un 
fond  gris  plus  clair;  mais  j'ai  déjà  dit  qu'il  y  a  des  passages  insen- 
sibles entre  toutes  les  variétés. 

J'ai  pris  Infidaria  aux  environs  de  Chamonix,  en  juillet  1892; 
je  possède  des  exemplaires  de  l'Isère  (Uriage,  Grande-Chartreuse), 
des  Hautes  et  Basses-Alpes,  de  l'Oberland  bernois,  du  Valais 
(Martigny,  Zermatt).  Ainsi  que  le  dit  très  bien  Delaharpe  {Faune 
suisse  des  Lépid.,  Phalénides,  Lausanne,  1852,  p.  126,  n°  280),  le 
caractère  saillant  à'Infidaria  est  le  sinus  profond  du  bord  interne 
de  la  bande  médiane  des  ailes  supérieures. 

Comment  se  fait-il  donc  que  Staudinger  et  Rebel,  malgré  ce 
caractère  bien  connu  et  si  facile  à  observer,  se  soient  obstinés  à 
classer  Cœruleata  Guenée-Obthr  comme  variété  b  d'Infidaria,  dans 
le  Catalog  1901,  n°  3388?  En  vain,  dans  la  8«  livraison  des  Etudes 
d'Entomologie,  j'avais  pris  soin  (p.  43  et  44)  de  corriger,  avec 
détails  et  raisons  à  l'appui,  l'erreur  que  Staudinger  avait  déjà 
commise  dans  la  2'  édition  de  son  Catalog.  Plus  tard,  j'avais 


LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE  71 

communiqué  à  Staudinger  une  série  probante  d'exemplaires  de 
Cœrnlecxta.  Rien  n'a  pu  venir  à  bout  d'une  résistance  obstinée  contre 
l'évidence  même. 

Cœruleata  Guenée-Obthr  est  cependant  bien  certainement  la 
forme  pyrénéenne  d&Flavicinctata  et  nullement  une  variété  d'Infi- 
daria;  car  pas  un  exemplaire  de  Cœruleata  (j'en  ai  150  sous  les 
yeux)  n'offre  ce  sinus  profond  du  bord  interne  de  la  bande  mé- 
diane des  ailes  supérieures. 


XXI.  —  Lai-entia  Lœtaria,  Delaharpe  (PI.  III,  fig.  36), 
et  Larentia  Larentiarîa,  Bruand  (PI.  III, 
%•  37)- 

On  s'accorde  à  considérer  Lœtaria  comme  une  variété  de  Kolla- 
riaria;  je  ne  discute  pas  cette  proposition;  je  me  borne  à  constater 
que  si  Lœtaria,  dans  le  Valais,  a  le  fond  de  la  bande  médiane  des 
ailes  supérieures  d'un  vert  gai,  ainsi  que  Delaharpe  le  représente 
sous  le  n"  6  de  la  planche  jointe  à  son  premier  travail  sur  les  Pha- 
lénides  de  la  Suisse,  il  en  est  tout  autrement  chez  les  exemplaires 
de  la  même  Lœtaria  qu'on  récolte  en  France,  dans  les  montagnes 
autour  d'Uriage  (forêt  de  l'Oursière)  et  au  mont  Revard,  au-dessus 
d'Aix-les-Bains,  en  Savoie.  J'ai  pris  plusieurs  fois,  aux  localités 
précitées,  la  forme  à  bande  médiane  des  ailes  supérieures,  non  pas 
verte,  mais  brune,  bien  conforme  à  celle  que  Bruand  a  appelée 
Larcntiaria  et  que  je  possède  également  des  montagnes  du  dépar- 
tement du  Doubs.  Il  convient  donc  de  conserver  ce  nom  de  Larcn- 
tiaria qui  désigne  une  forme  très  constante  et  différente  par  sa 
couleur  brune  de  la  Lœtaria  Delaharpe,  à  couleur  verte. 

Les  figures  de  Lœtaria  et  Larcntiaria  publiées  sous  les  n"*"  36  et 
37  de  cet  ouvrage  font  bien  ressortir  les  différences  de  coloration 
entre  les  deux  variétés  suisse  et  française.  Larcntiaria  ne  paraît 
pas  rare  dans  la  forêt  de  l'Oursière,  au-dessous  de  la  Cascade; 
mais  elle  éclôt  en  juin,  comme  Lœtaria  d'ailleurs,  et  sa  rareté 


72  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

relative  provient  de  cette  précocité  d'apparition;  les  chasses  dans 
les  montagnes  alpines  commençant  rarement  d'aussi  bonne  heure. 
L'exemplaire  de  Lœtaria  qui  a  servi  de  modèle  à  la  figure  36 
vient  du  Gottra,  près  Martirny;  il  a  été  pris  par  M.  Wullschlegel; 
l'exemplaire  de  Larentiarïa  a  été  récolté  par  moi,  en  juin  1878, 
dans  la  forêt  de  l'Oursière,  au-dessus  d'Uriage.  J'ai  pris  Kolla- 
riaria  aux  environs  de  Zermatt,  où  elle  paraît  moins  obscure  que 
dans  les  Alpes  autrichiennes.  Ma  collection  contient  des  Alpes 
d'Autriche  une  paire  d'une  aberration  curieuse  de  Kollariaria;  les 
ailes  sont  blanches  avec  la  base,  la  bande  médiane  et  deux  ou  trois 
petits  points  subapicaux  bruns;  les  atomes  grisâtres  qui,  dans  les 
exemplaires  normaux,  obscurcissent  l'espace  entre  la  base  et  l'espace 
médian  d'une  part,  entre  l'espace  médian  et  le  bord  terminal 
d'autre  part,  ont  disparu. 


TABLE  DES  MATIÈRES 


PAGES 

I.  —  MELn\î:A  Dejone-Berisali,  Ruehl; 

Melit.'Ea  Dejone-Nevadensis  Obthr.; 

Melit.ea  Parthenie-varia,  Mey-D 1 1 

II.  —  Lyc.î:na  Zephvrus-Akbesiana,  Obthr.; 
Lyc^NA  Zephyrus-Hesperica,  Rambur; 

Lyc^na  Zephyrus-Lycidas,  Trapp i6 

III.  —  Lyc.ïna  Calliopis-Valesiaca,  Obthr ly 

IV.  —  Erebia  Christi,  Raetzer 21 

V.  —  Erebia  Pharte-Phartina,  Stgr 23 

VI.  —  Cœnonympha  Arcania-insubrica,  Frey 24 

VII    —  Celerio  Dahlii-lutescens,  Obthr 26 

VIII.  —  Celerio  Deserticola-flaveola,  Obthr 26 

IX.  —  Celerio  Vespertilio-Salmonea,  Obthr 27 

X.  —  Celerio  Vespertilioide.s,  Bdv.; 
Celerio  Epilobii,  Bdv.; 

Celerio  Burckhardti,  Mory 28 

XI.  —  Zyg.ena  Ephialtes-Sophlï,  Favre 43 

XII.  —  Zyg.ena  fausta-tricolor,  Obthr 52 

XIII.  —  Zyg.î:na  Carxiolica-Weileri,  Stgr.; 

Zyg.ena  Carniolica-tricolor,  Obthr 52 

XIV.  —  Chondrostega  Constantixa,  Aurivillius 53 

XV.  —  Nemeophila  Cervini-Hxatecki,  Frey 54 

XVI.  —  Bryophila  simulatricula,  Gucnée 5g 


;4  TABLE  DES  MATIÈRES 

PAGES 

XVII.  —  Pachnobia  Hvperborea-Alpina,  Humphr.  et  Westw.; 

Pachnobia  Hvperborea-Ryffelensis,  Obthr ôo 

XVIII.  —  Dasycampa  rubigi\ea,  Fab.; 

Dasvcampa  Staudixgeri,  de  Graslin 62 

XIX.  —  PSODOS  alticolaria-faucium,  Favre 06 

XX.  —  Larentia  Cyanata,  Huebner; 

Larentia  Infidaria,  Delaharpe 68 

XXI.  —  Larentia  L.etaria,  Delaharpe; 

Larentia  Larentiaria,  Bruand 71 


EXPLICATION  DES  PLANCHES 


PLANCHE   I 


Fig. 


—  Nemeophila  Cervixi-Hnatecki,  Frey,  cf,  du  Valais. 

—  Nemeophila  Cervixi-Hnatecki,  Frey,  cf,  du  Valais. 

—  Nemeophila  Cervini-Hxatecki,  Frey,   ç,  du  Valais. 

—  Nemeophila  Cervixi-Hxatecki,  Frey,   g,  du  Valais. 

—  Melit^A  Dejoxe-Berisali,  Ruehl,  cf  (dessus),  de  Martigny. 

—  Melit.ea  Dejoxe-Berisali,  Ruehl,  Q  (dessous),  de  Martigny. 

—  Melit.EA  Dejone-Berisali,  ab.   cf,  de  Martigny. 

—  Meutjea  Parthexie-varia,  Mey-D.,  ab.  cf,  de  Zermatt. 

—  Pachxobia  Hvperrorea-Alpixa,  h.  et  Westw.,  d'Ecosse. 

—  Pachxobia  Hyperborea-Alpixa,  H.  et  Westw.,  d'Ecosse. 

—  Pachxobia  Hyperborea-Rvffelensis,  Obthr.,  de  Ryffelalp. 

—  Cœxoxvmpha  Arcaxia-ixsubrica,  Frey,   Q,  de  Crévola. 


PLANCHE   II 


—  14 

—  15' 

—  16 

—  17 

—  18 

—  19, 

—  20, 

—  21 

—  22 

—  23 

—  ^4 


—  Erebia  Christi,  Raetzer,    Q    (dessus),  vallée  de  Faquin. 

—  Erebia  Christi,  Raetzer,    Q    (dessous),  vallée  de  Laquin. 

—  Lvc-EXA  Calliopis-Valesiaca,  Obthr.,   Q,  de  Martigny. 

—  Lyc.ïxa  Calliopis-Valesiaca,  Obthr.,  Q,  de  Martigny. 

—  Lyc.EXA  Zephyrus-Lycidas,   Trapp.,   cf,   route  du   Simplun. 

—  Lyc.ex.a.  Zephyrus-Lycidas,  Trapp.,   0,  route  du  Simplon. 

—  Erebia  Christi,  Raetzer,  cf  (dessus),  vallée  de  Laquin. 

—  Erebia  Christi,  Raetzer,  cf  (dessous),  vallée  de  Laquin. 

—  Lyc^xa  Zephyrus-Akbesiana,  Obthr.,  cf,  Akbès. 

—  Lyc.EXA  Zephyrus-Akbesiaxa,  Obthr.,   Q,  Akbès. 

—  Lyc-EXA  Zephyrus-Hesperica,  Ramb.,  cf,   Grenade. 

—  Lyc.ïxa  Zephyrus-Hesperica,  Ramb.,  o,  Grenade. 


/6 


EXPLICATION  DES  PLANCHES 


PLANCHE   III 

Fig-.  25.  —  Zyg.ena  Ephialtes-Sophle,  Favre,  de  Martigny. 

—  26.  —  ZVG.EXA  Ephialtes-Sophlî;,  Favre,  de  Martigny. 

—  27.  —  ZVG-EXA  Ephialtes-Sophi.ï,  Favre,  de  Martigny. 

—  28.  —  Zyg-'ENA  fausta-tricolor,  Obthr.,  de  Digne. 

—  2g.  —  Zyg.ïNA  fausta-tricolor,  Obthr.,  de  Digne. 

—  30.  —  Zyg.ENA  Carniolica-TRICOLOR,  Obthr.,  de  Martigny. 

—  31.  —  Zyg.ena  Carniolica-VVeileri,  Stgr.,  de  Carlsruhe. 

—  32.  —  Zyg.ena  Carniolica  (transition  entre  Weileri  et  tricolor), 

de  Martigny. 

—  33.  —  Larextia    Ixfidaria-Flavocingulata,    Stgr.    et    Reb.,    de 

Martigny. 

—  34.  —  Larentia  Ixfidaria,  Delaharpe,  de  Larche. 

—  35-  —  Larentia  Infidaria-Primordiata,  Raetzer,  de  Martigny. 

—  36.  —  Larentia  L.etaria,  Delaharpe,  de  Martigny. 

—  37-  —  Larentia    L^taria-Larentiaria,    Bruand,    de   la   forêt   de 

l'Oursière  (Isère). 

—  38.  —  Larentia  Cyanata-Flavomixta,  Hirschke,  de  Gottra. 

—  39.  —  Larentia  Cyanata-Gottrensis,  Favre,  de  Gottra  (Valais). 


PLANCHE   IV 

Fig.  40.  —  Dasycampa  rubigixea-Graslixi,  Stgr.,  de  Martigny. 

—  41.  —  Dasycampa  rubigixea-Graslixi,  Stgr.,  de  Digne. 

—  42.  —  DA.SYCAMPA  RUBIGIXEA-MODESTA,  Obthr.,  de  Martigny. 

—  43-  —  Dasycampa  rubiginea-completa,  Obthr.,  de  Martig-ny. 

—  44-  —  PSODOS  alticolaria-faucium,  Favre,  du  Valais. 

—  45-  —  Erebia  Pharte-Phartina,  Stgr.,    ç,  glacier  de  Trient. 

—  46.   —  Choxdrostega  Coxstaxtixa,  Aurivillius,  Cf,  de  Constantinc. 

—  47.  —  Dasycampa  Staudixgeri-livixa,  Stgr.,  de  Digne. 

—  48.  —  Dasycampa  Staudingeri-polita,  Stgr.,  de  Digne. 

—  49-  —  Dasycampa  Staudixgeri,  de  Graslin,  de  Digne. 

—  50.  —  Dasycampa  Staudixgeri-scortixa,  Stgr.,  de  Digne. 

—  51    —  Dasycampa  Staudingeri-uxicolor,  Stgr.,  de  Digne. 

—  52.  —  Bryophila  simulatricula,  Guenée,  de  Martigny. 

—  53-  —  Choxdrostega  Coxstaxtixa,  Aurivillius,  ç,  de  Constantinc. 


EXPLICATION  DES  PLANCHES  ;/ 


PLANCHE   V 

Fig.  54.  —  Celerio  Vespertilioides,   Bdv.    (l'un   des   types),   du   Dau- 
phiné. 

—  55.  —  Celerio  Vespertilioides,   Bdv.    (de   la  collection   Bellier), 

du  Dauphiné. 

—  56.  —  Celerio  Burckhardti,  Mory,  d'Huningue. 

—  57.  —  Celerio  Vespertilio-Salmoxea,  Obthr.,  de  Bàle. 


PLANCHE   VI 

Fig.  58.  —  Celerio  Epilobii,  Bdv.    (de  la  collection  de  Graslin),  de  la 
région  lyonnaise. 

—  5Q.  —  Celerio  Epilobii,  Bdv.,  d'Huningue. 

—  60.  —  Celerio  Deserticola-flaveola,  Obthr.,  de  Biskra. 

—  61.  ^  Celerio  Dahlii-lutescens,  Obthr.,  de  Corse. 


IMPRIMERIE    OBERTHUR,    RENNES 


Lépidoptérologie     compar'ée 


PLI. 


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Lépidopterologie     comparée. 


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ÉTUDES 


DE 


LÊPIDOPTÊROLOGIE 

COMPARÉE 


PAR 


Charles    OBERTHUR 


Fascicule 


RENNES 

IMPRIMERIE  OBERTHUR 
Octobre  1906 


LÉPIDOPTÉROLOGIE  COMPARÉE 


ÉTUDES 


DE 


LÉPIDOPTÉROLOGIE 

COMPARÉE 


PAR 


Charles    OBERTHUR 


Fascicule 


RENNES 

IMPRIMERIE  OBERTHUR 
Octobre  1906 


Observations  sur  les  NEPTIS  à  taches  jaunes 
de  la  région  sino-thibétaine. 


Depuis  plus  de  25  ans,  chaque  année,  les  Missionnaires  du 
Thibet  établis  à  Tâ-Tsien-Loû  (Latitude  Nord  30"03'58"  —  alti- 
tude 3,200^"),  Bathang  (Lat.  29°59'49"  —  ait.  2,459'"),  Yerkalo 
(Lat.  29"02'3o"  —  ait.  2,;6i"'),  Yarégong  (ait.  3,480'"),  Atentse- 
en-Yunnan  (ait.  3,360),  Lou-Tse-Kiang-en-Yunnan  (ait.  2,193), 
Tse-Kou-en-Yunnan  (Lat.  environ  26°8o'  —  long.  98  —  ait. 
1,993'"),  Etc.,  nous  ont  envoyé  les  papillons  récoltés  par  les 
chasseurs  indigènes  chinois  et  thibétains,  la  plupart  chrétiens, 
qu'ils  emploient  pour  notre  compte,  dans  les  environs  de  leurs 
résidences  et  un  peu  plus  loin  même,  dans  des  régions  où  l'insé- 
curité n'est  pas  un  obstacle  trop  grand  au.x  recherches  entomo- 
logiques  (*). 

Nous  avons  ainsi  reçu  un  nombre  considérable  de  papillons 
sino-thibétains.  Mais  on  comprendra  aisément  quel  énorme  déchet 


(*)  Ces  lig^ncs  ont  été  écrites  en  1904  et  le  travail  de  la  mise  sur 
pierre  des  figures  en  a  retardé  l'impression.  Depuis  1904,  la  mission 
catholique  du  Thibet  a  été  éprouvée  cruellement.  Six  missionnaires 
ont  trouvé  la  mort  ;  les  chrétientés  du  Tsé-Kou,  Bathang-,  Yarégong-,  etc., 
ont  été  dispersées  ;  les  églises  détruites.  Il  est  impossible  actuellement 
(août  IQ06)  de  savoir  si  les  recherches  entomologiques  ont  pu  être 
continuées,  en  quelque  localité  moins  troublée,  durant  la  saison  1906 
et  si  elles  pourront  être  poursuivies  à  l'avenir. 


LEPIDOPTEROLOGIE    COMPAREE 


résulte  des  difficultés  de  la  récolte,  de  l'humidité  souvent  excessive 
du  climat,  de  la  longueur  du  voyage  depuis  les  frontières  du 
Thibet  jusqu'à  Chang-Haï,  des  accidents  inévitables  de  la  route 
et  aussi  de  l'inexpérience  des  chasseurs  indigènes. 

En  cours  de  transport,  principalement  de  Tâ-Tsien-Lovi  à 
Tchong-Kin,  les  risques  sont  nombreux.  Si  une  caisse  tombe  à 
l'eau,  son  contenu  devient  inutilisable,  c'est  ainsi  que  nous  avons 
reçu  des  milliers  de  papillons  ayant  été  mouillés,  ne  formant  plus 
qu'une  masse  compacte  avec  les  papiers  qui  les  enveloppaient. 
Les  écailles  des  ailes  des  papillons  s'étaient  décalquées  sur  les 
papiers  de  soie  auxquels  elles  adhéraient.  Cette  fois,  rien  de  ce 
qui  était  tombé  à  l'eau,  n'a  pu  être  sauvé. 

Quoi  qu'il  en  soit,  nous  nous  sommes  trouvé  en  possession  de 
documents  considérables  sur  la  faune  lépidoptérologique  d'une 
contrée  peu  accessible,  d'ailleurs  très  lointaine  et  qui,  sans  le  zèle 
scientifique  des  Missionnaires  catholiques  et  leur  obligeance  sans 
bornes,  serait  restée  très  longtemps  «  terra  ïgnota  ». 

De  tous  les  documents  qui  nous  ont  passé  sous  les  yeux  pendant 
ce  dernier  quart  de  siècle,  a  résulté  une  lumière,  mais  aussi  un 
trouble. 

Nous  avons  pu  voir  la  constance  de  différences  spécifiques  peu 
saillantes  et  qui  n'auraient  pas  appelé  suffisamment  l'attention, 
si  nous  avions  seulement  disposé  d'un  petit  nombre  d'exemplaires. 
Mais  inversement  nous  nous  sommes  trouvé  embarrassé  par  des 
exemplaires  de  transition,  venant  parfois  rendre  moins  certaine 
la  distinction  spécifique  que  les  exemplaires  extrêmes  et  même 
normaux  semblaient  assez  clairement  indiquer. 

Nous  avons  cependant  essayé  de  classer  toutes  les  Neptis  à 
taches  jaunes  sino-thibétaines,  reçues  des  Missionnaires  catho- 
liques. A  l'aide  de  bonnes  figures  dont  les  modèles  sont  dus  à 
l'habile  pinceau  de  M"''  Marcelle  Trottet  et  qui  sont  indispen- 
sables pour  faire  apprécier  les  différences  spécifiques  ou  les 
distinctions  de  race,  nous  espérons  fournir  quelques  renseigne- 
ments exacts  sur  le  sujet  dont  nous  avons  entrepris  l'étude. 


LEPIDOrTEROLOGIE    COMPAREE 


Ménétriès  a,  le  premier,  fait  connaître  une  Neptis  à  taches 
jaunes  de  la  faune  paléarctique.  Il  lui  a  donné  le  nom  de  thïsbe. 
Boisduval  et  Guenée  avaient  reçu,  chacun,  de  Ménétriès,  une 
collection  des  espèces  nouvelles  de  papillons  qu'il  avait  décrites 
de  l'Amour.  On  peut  considérer  ces  Lépidoptères  comme  des 
co-types  de  Ménétriès.  Ils  sont  sous  nos  yeux.  Nous  prenons  donc 
thisbe  envoyée  par  Ménétriès,  comme  terme  de  comparaison. 

Thisbc  n'habite  pas  seulement  le  pays  de  l'Amour,  l'île  Askold, 
la  Corée;  elle  est  aussi  réi)andue  dans  la  Chine  centrale  et  occi- 
dentale. 

Nous  l'avons  reçue  de  Siao-Lou  et  de  Tsekou. 

A  Tsekou,  elle  présente  une  forme  constante,  caractérisée  par 
l'élargissement  de  toutes  les  taches  jaunes.  Le  bord  marginal  des 
ailes  inférieures  est  lui-même  assez  largement  semé  d'écaillés 
jaunes.  En  dessus  le  faciès  est  particulier;  et,  à  cause  de  la  plus 
grande  dimension  de  leurs  taches  jaunes,  les  exemplaires  de 
Tsekou  se  distinguent  nettement  de  ceux  des  autres  localités.  Le 
dessous  des  ailes  diffère  de  la  race-type  de  l'Amour  par  la  couleur 
])lus  claire  des  taches  jaunes  ordinaires  qui,  chez  tJiïsbe,  ont  la 
même  conformation  des  deux  côtés  des  ailes. 

Nous  avons  désigné  la  race  de  Tsekou  sous  le  nom  de  diliitïor 

(PI.   IX,  fig.   2). 

Dans  la  région  de  Siao-Lou,  il  y  a  deux  formes  de  thisbe, 
l'une  très  analogue  à  la  race-type  de  l'Amour,  l'autre  sensiblement 
plus  obscure  sur  le  dessous  des  ailes.  Toutes  les  parties  brunes 
sont  plus  foncées  et  la  bande  maculaire  médiane  jaune  des  ailes 
inférieures  est,  depuis  le  bord  anal  jusqu'à  la  5''  macule  qui  reste 
blanchâtre,  d'un  jaune  un  peu  roux.  Il  y  a  des  exemplaires  transi- 
tionnels  entre  la  forme-type  de  thïsbe  et  cette  forme  obscure; 
mais  cette  dernière  forme  nous  paraît  assez  constante,  étant 
représentée  dans  notre  collection  par  un  grand  nombre  d'exem- 
plaires assez  semblables  entre  eux.  Nous  avons  distingué  cette 
variation  par  le  nom  :  obscnrior  (PI.  IX,  fig.  i). 

Leech,  dans  son  ouvrage  :  Biitterflies'from  China,  etc.,  établit 


LEPIDOPTEROLOGIE    COMPAREE 


2  variétés  de  thisbe  qu'il  appelle  tJicmïs  (PI.  XVIII;  Q,  ûg.  8) 
^^thetis  (PI.  XVIII;  çS,  ûg.  lo). 

Staudinger  et  Rebel,  dans  le  Catalog  der  Lepid.  des  palœ- 
arctischen  Faunengebieles,  1901,  ajoutent  à  \-à.]Slcptïs  thisbe-thetis, 
cette  mention  aussi  mal  fondée  que  possible  :  «  major,  vix  nom. 
conserv.  ».  De  plus  les  mêmes  auteurs  font  précéder  la  désignation 
thetïs  de  :  ab.  (v.),  comme  si  cette  thetïs  était  un  simple  accident. 

MM.  Staudinger  et  Rebel  réunis  ont,  selon  leur  mauvaise 
habitude,  inexactement  traité  la  question;  d'ailleurs  ils  ne  la 
connaissaient  point  et  c'est  là  leur  excuse. 

Theniis  Leech  et  îhetis  Leech  ne  sont  pas  seulement  des 
variétés  de  thisbe,  comme  Leech  l'a  représenté,  n'osant  pas  aller 
jusqu'à  la  séparation  spécifique,  ce  qui  est  pourtant  la  vérité. 

Nous  avons  sous  les  yeux  un  grand  nombre  de  tJietis  et  de 
îhcmïs.  Ce  sont  certainement  deux  unités  spécifiques  distinctes. 
Elles  ont  des  caractères  parfaitement  constants  et  leur  différence 
est  admirableinent  écrite  sur  le  dessous  de  leurs  ailes  inférieures 
particulièrement. 

Chez  thisbe,  la  bande  jaune,  maculaire  médiane  des  ailes  infé- 
rieures, en  dessous,  se  termine  toujours  par  2  taches  plus  ou  moins 
violacées  et  qui  sortent  de  la  direction  rectiligne  pour  décrire  un 
mouvement  de  courbe,  en  remontant  vers  le  bord  costal  des  ailes 
inférieures.  Ces  taches  supplémentaires  de  thisbe  manquent  chez 
thetis  et  themis,  de  sorte  qu'il  y  a  chez  thetis  et  chez  themis, 
2  taches  de  moins  à  composer  la  bande  maculaire  médiane  jaune 
des  ailes  inférieures,  en  dessous,  que  chez  thisbe.  De  plus  thetis 
offre  un  caractère  très  personnel,  c'est  la  tache  violacée  de  forme 
rectangulaire,  située  près  du  bord  costal,  entre  la  première  et  la 
seconde  nervure  de  ses  ailes  inférieures,  en  dessous. 

Thetis  habite  la  région  Siao-Loû,  comme  la  région  Tsekou  et 
même  Lou-tse-Kiang.  Elle  varie  un  peu  pour  l'accentuation  des 
lignes  et  dessins,  principalement  entre  la  bande  maculaire  jaune 
médiane  des  ailes  inférieures,  en  dessous,  et  le  bord  terminal  de 
ces  mêmes  ailes;  mais  cette  variation  n'intéresse  en  rien  la  question 
de  distinction  spécifique  qui  la  concerne. 


LEPIDOPTEROLOGIE    COMPAREE 


Quant  à  tkemis,  il  nous  paraît  certain  qu'elle  s'étend  jusqu'au 
Sikkim  où  elle  est  représentée  par  la  forme  blanche  Nycteus,  de 
Nicéville.  Les  chasseurs  Lepchas  du  Père  Breteaudeau  captu- 
rèrent pendant  l'été  1894,  à  Lachin-Lachoong,  entre  8,000  et 
16,000  pieds,  un  certain  nombre  de  Nyclcns,  tous  cf,  dont  11 
exemplaires  sont  encore  dans  notre  collection.  Nycteus  varie  pour 
la  teinte  blanche  de  ses  taches,  en  dessus.  La  couleur  blanche  est 
plus  ou  moins  pure,  généralement  un  peu  jaunie,  tandis  que  le 
dessous  est  d'un  blanc  très  vif. 

Tkemis  vole  dans  la  région  de  Siao-Loû,  comme  dans  celle  de 
Tsekou;  mais  à  Tsekou,  elle  est  constamment  distincte  par  le 
rembrunissement  profond  de  la  teinte  brun  chocolat  du  dessous 
des  ailes.  Nous  avons  donc  distingué,  sous  le  nom  de  theodora 
(PI.  IX,  ûg.  3),  la  race  géographique  de  la  Neptis  themis  à 
Tsekou.  Outre  que  le  fond  des  ailes  est  beaucoup  plus  obscur,  en 
dessous,  les  parties  violacées  sont  beaucoup  moins  bleuâtres  que 
dans  la  forme  de  Siao-Loû.  Il  convient  d'ajouter  que  chez  la  Q 
themis-theodora,  les  taches  ordinaires  sont  plutôt  blanchâtres  que 
jaunes;  le  mélanisme  du  f(md  des  ailes  contrastant  avec  l'albi- 
nisme des  macules. 

Aux  espèces  que  Leech  a  connues  :  ihisbc,  thcmh,  fhefis,  il 
convient  d'ajouter,  dans  le  même  groupe,  deux  nouvelles  espèces 
de  Tsekou.  Nous  les  avons  appelées  :  Yunnana  et  ncmonim. 

Yîinnaiia  (PI.  VIII,  hg.  i),  a  les  taches  jaunes  du  dessus  des 
ailes  un  peu  élargies.  En  dessous,  la  bande  maculaire  médiane 
jaune  des  ailes  inférieures  est  large,  d'un  canari  vif,  surmontée 
d'un  espace  teinté  de  brun  rouge  et  parsemé  de  plusieurs  taches 
lilas.  Le  bord  costal,  près  de  la  base,  est  jaune  d'ocre.  Au-dessous 
de  la  bande  maculaire  médiane  jaune,  il  y  a  un  large  espace  ocre 
jaune  traversé  par  plusieurs  lignes  sinueuses  d'un  brun  rouge, 
commençant  au  bord  anal,  suivant  d'abord  une  direction  assez 
droite  et  presque  parallèle  au  bord  marginal,  iniis  remontant  à 
peu  près  à  angle  droit,  vers  le  bord  costal. 

Nous  ne  connaissons  pas  la  Q  ;  mais  notre  collcrlion  contient 
20  cf  bien  semblables  entre  eux. 


12  LEPIDOPTEROLOGIE    COMPAREE 

Quant  à  nemorum  (PL  VIII,  fig.  3),  elle  est  très  caractérisée  par 
le  bord  marginal  de  ses  ailes  inférieures  en  dessous,  largement  et 
uniformément  jaune,  d'une  teinte  un  peu  plus  orangée  au  contact 
d'une  ligne  lilas,  allant  du  bord  marginal  au  bord  costal,  au 
voisinage  duquel  elle  remonte,  en  formant  un  angle.  Cette  ligne 
lilas  est  surmontée  d'une  bande  brun  rouge,  traversée  elle-même 
par  un  filet  plus  clair  et  limitant  le  bord  inférieur  de  la  ligne 
ordinaire  médiane  maculaire  jaune. 

Nous  avons  dans  notre  collection  7  cf  de  Tsekou. 

Nous  en  possédons  7  autres,  également  de  Tsekou,  que  nous 
n'osons  rapporter  à  nemorum  et  que  nous  n'osons  pas  non  plus 
ériger  en  espèce  distincte.  Cependant  les  différences,  quoique 
portant  sur  des  détails  peu  importants  des  dessins  des  ailes 
inférieures  en  dessous,  sont  tellement  constantes  que  la  séparation 
en  2  espèces  pourrait  paraître  raisonnable.  Nous  nous  contentons 
pour  le  moment  de  considérer  ces  7  Neplis  comme  une  variété 
sylvanim  de  nemorum.  Sylvarum  a  le  fond  des  ailes  plus  obscur 
en  dessous;  la  bande  maculaire  jaune  médiane  des  ailes  infé- 
rieures manque  du  dernier  espace  intranervural  lilas  qui  se 
remarque  chez  nemorum;  de  plus  l'espace  jaune  marginal  est 
moins  large,  parce  que,  au-dessous  de  la  bande  jaune  maculaire 
médiane,  il  y  a  2  lignes  brun  rouge  plus  espacées  l'une  de  l'autre 
que  chez  nemorum.  Au-dessous  de  ces  2  lignes,  vers  le  bord 
marginal,  se  trouve  une  bande  d'un  violet  grisâtre  analogue  à  la 
bande  lilas  de  nemorum,  mais  d'un  ton  plus  gris  et  avec  un  reflet 
un  peu  argenté.  Chez  toutes  ces  Neplis,  les  ailes,  en  dessus,  sont 
à  peu  près  semblables. 


Leech  a  figuré  sous  le  nom  de  thestias  (Butt.  fr.  China,  etc., 
pi.  XVIII,  fig.  3)  une  Neptis  dont  nous  possédons  un  petit  nombre 
d'exemplaires  recueillis  à  Mou-Pin.  Nous  avons  reçu  une  espèce 
voisine  de  Tien-tsuen,  Siao-Lou  et  Tchang-Kou.  Nous  l'avons 
appelée  Meloria.  Cette  Melorïa  (PI.  VIII,  fig.  5),  en  dessus,  ne 
diffère  presque  point  de  thestias;  mais  en  dessous,  on  remarque  les 


LEPIDOPTEROLOGIE    COMPAREE  13 

caractères  distinctifs  suivants  :  aux  ailes  supérieures,  les  taches 
subapicales  transparaissant  du  dessus  sont  d'un  blanc  un  peu 
bleucître,  au  lieu  d'être  jaunâtres.  Aux  ailes  inférieures,  la  bande 
médiane  également  d'un  blanc  bleuâtre  est  moins  large  et  plus 
courte,  en  ce  sens  que  la  dernière  macule  intranervurale,  près  du 
bord  costal,  manque.  La  bande  submarginale  blanchâtre  est,  chez 
Meloria,  composée  de  macules  intranervurales,  moins  larges  et 
suivie  de  deux  bandes  lilas  séparées  par  une  bande  d'un  brun 
rougeâtre.  L'espace  roux  entre  les  deux  bandes  blanchâtres,  la 
médiane  et  la  submarginale,  est  plus  large  chez  Melorïa.  Enfin  les 
taches  d'un  brun  rougeâtre  qui,  chez  i/ieslias,  sont  contiguës  au 
bord  costal  des  ailes  inférieures  et  aux  2  dernières  taches  jaunâtres 
de  la  bande  médiane,  manquent  chez  Melorïa. 

De  Siao-Lou  et  de  Tien-tsuen,  nous  possédons  14  exemplaires 
d'une  Neptis  alliée  à  thestias,  mais  plus  différente  encore  que 
meloria.  Nous  l'avons  appelée  :  noyala  (PI.  VIII,  fig.  7).  Celle-ci 
est  plus  obscure  en  dessus  que  tJicstias  et  melorïa  ;  de  plus  le  trait 
jaune  cellulaire  y  est  divisé  en  deux  parties,  comme  chez 
inaJicndra,  adïpala  et  autres  espèces  à  taches  blanches.  En  dessous, 
noyala  a  le  fond  des  ailes  d'un  brun  roux  obscur;  les  taches  ordi- 
naires des  ailes  supérieures  sont  d'un  blanc  un  peu  jaunâtre, 
centralement  plus  claires;  la  côte  des  ailes  inférieures  est  blanc 
jaunâtre  depuis  la  base;  les  bandes  ordinaires,  la  médiane  et  la 
submarginale,  sont  d'un  blanc  un  peu  bleuâtre  ou  violacé;  une 
ligne  lilas  se  trouve  placée  parallèlement  au  bord  terminal,  entre 
la  bande  submarginale  et  le  bord  terminal  qui  est  assez  sensi- 
blement dentelé. 

Une  autre  belle  et  grande  Neptïs  de  Mou-Pin  et  de  Siao-Loû 
est  annaïka  (PI.  VIII,  fig.  4),  semblable  en  dessus  à  thestïas,  mais 
variant  pour  la  teinte  jaune  des  taches  ordinaires,  qui  est  tantôt 
claire  et  tantôt  aussi  foncée  que  celle  du  jaune  d'œuf.  Notre 
collection  en  contient  12  beaux  spécimens.  En  dessous,  le  fond 
des  ailes  est  d'un  gris  jaunâtre  pâle,  avec  les  bandes  ordinaires 
d'un  blanc  jaunâtre,  une  ou  deux  ombres  brun  roux  aux  ailes 
inférieures,  près  de  la  côte,  au-dessus  de  la  bande  médiane  ordi- 


14  LEPIDOPTEROLOGIE    COMPAREE 

naire  jaunâtre,  puis  une  série  de  taches  également  d'un  brun  roux 
entre  la  bande  médiane  et  la  bande  submarginale  jaunâtres  et 
enfin  quelques  atomes  bruns  le  long  du  bord  terminal.  Aux  ailes 
supérieures,  tout  est  comme  chez  thcstïas,  mais  plus  pâle. 

Nous  nous  sommes  demandé  si  tlicstias,  niclorïa  et  annaika 
étaient  des  formes  d'une  même  unité  spécifique  et  nous  en  serions 
probablement  venu  à  conclure  ainsi,  sans  la  fixité  des  caractères 
distinctifs  des  ailes  inférieures  en  dessous.  Après  avoir  minutieu- 
sement examiné  tous  nos  exemplaires,  nous  n'avons  trouvé  aucun 
spécimen  de  transition.  Les  exemplaires  varient  entre  eux,  mais 
sans  que  les  caractères  qui  distinguent  à  notre  avis  les  espèces, 
soient  atteints  par  ces  variations  mêmes. 

A  côté  de  noyala,  près  à'antonin,  mais  bien  nettement  différente 
des  autres  Ne  plis  sino-thibétaines,  se  place  l'espèce  dont  nous  ne 
possédons  malheureusement  qu'un  seul  cf,  désignée  sous  le  nom 
de  -Patricia  (PL  VIII,  fig.  6). 

En  dessus,  plus  pâle  que  noyala,  la  tache  jaune  cellulaire  n'est 
pas  divisée  en  2  parties,  mais  elle  est  entamée  vers  son  extrémité 
par  un  faible  trait  noirâtre.  En  dessous,  les  ailes  sont  traversées 
par  des  bandes  et  des  taches  très  uniformément  blanc  un  peu  rosé, 
sur  un  fond  brun  clair,  avec  les  ombres  brun  roux.  L'espace  costal 
basilaire  des  ailes  inférieures  est  largement  teinté  de  blanc  rosé. 
Il  semble  que  les  deux  bandes  ordinaires  blanc  rosé  (la  médiane 
et  la  submarginale),  comme  aussi  la  ligne  subterminale  lilas, 
tendent  à  se  joindre,  le  long  du  bord  costal,  au  prolongement  de 
l'espace  costal  basilaire  blanc. 

La  frange  est  très  régulièrement  marquée  de  taches  noirâtres 
alternant  avec  la  couleur  blanche. 

Le  spécimen  décrit  a  été  pris  à  Siao-Loû,  en  1896.  Il  est  bien 
étonnant  que  nous  n'ayons  pas  reçu  d'autres  exemplaires  de  cette 
espèce,  car  les  Neplis  sont  généralement  assez  abondantes  dans  les 
lieux  qu'elles  habitent. 


LEPIDOPTEROLOGIE    COMPAREE  15 

Dans  le  groupe  de  manasa-zaïda,  nous  signalons  deux  espèces 
nouvelles. 

I"  narcissiihi,  voisine  de  nnuiasa; 

2"  sylvana,  que  nous  plaçons  non  loni  de  zaïda. 

La  Ncpiis  manassa  est  restée  fort  rare  dans  les  collections. 
M.  le  lieutenant-colonel  Bingham  {The  faune  of  british  India; 
Bullerfl.  vol.  I,  p.  336),  dit.  à  propos  de  cette  espèce  :  «  This  forni 
is  at  présent  (1905)  known  only  from  a  single  spécimen  of  a  cf, 
the  type,  now  in  the  British  Muséum.  The  précise  locality  where 
it  was  taken  is  unknown  ».  Nous  avons  reçu  quelques  exemplaires 
de  Lachin-Lachoong,  au  Sikkim,  où  ils  furent  recueillis  par  les 
chasseurs  lepchas  du  Père  Breteaudeau,  pendant  l'été  1894.  Notre 
collection  contient  actuellement  3  cf  Mniiasa,  irréprochables.  Ces 
Manasa  furent  capturés  en  même  temps  que  des  Zaïda  et  aux 
mêmes  lieux;  mais  Zaida  vole  en  une  foule  d'autres  localités  et 
nous  l'avons  aussi  reçue  des  environs  de  Darjeeling,  sans  pouvoir 
dire  cependant  à  quelle  distance  de  cette  ville  ils  avaient  été 
rencontrés. 

Quoi  qu'il  en  soit,  Manasa  existe  ailleurs  que  dans  hi  collection 
du  British  Muséum  et  la  Neplis  nyclcns,  de  Nicéville,  donnée  par 
le  lieutenant-colonel  Bingham,  comme  une  race  de  Manasa,  n'a 
avec  cette  dernière  espèce  qu'un  rapport  générique.  Ainsi  que  nous 
l'avons  exposé  plus  haut,  Nycteus  est  une  race  de  thïsbc  et  par 
conséquent  se  réfère  à  une  tout  autre  unité  spécifique. 

Narcissina  (PI.  VIII,  ïig.  2)  a  été  prise  clans  la  région  Lou-tse- 
Kiang  par  le  Père  Genestier,  en  même  temps  que  la  Picris  Gcnes- 
tieri,  Ch.  Obthr,  décrite  et  figurée  par  nous,  dans  VHistoire  de  la 
Mission  du  Tliibct  écrite  par  le  Père  Adrien  Launay,  de  la  Société 
des  Missions  étrangères  (Vol.  II,  p.  411,  fig.  2). 

En  dessus,  Narcissina  diffère  de  Manasa,  parce  que  toutes  les 
parties  jaunes  sont  de  couleur  jaune  d'œuf  et  non  jaune  chamois 
très  pâle  comme  chez  Manasa.  En  dessous,  le  fond  des  ailes  est 
d'un  jaune  clair  assez  uniforme,  sur  lequel  les  taches  et  bandes 
jaunes  ordinaires  transparaissent  du  dessus  en  plus  clair.  Les 
parties  lilas  sont  à  peu  près  comme  chez  Manasa,  ainsi  que  la 


l6  LÉPIDOPTÉROLOGIE    COMPARÉE 

tache  noire,  au-dessous  de  la  cellule  de  l'aile  supérieure  et  un  peu 
au-dessus  du  bord  inférieur.  La  forme  des  ailes  supérieures  est  un 
peu  différente  de  Manasa,  en  ce  sens  que  l'apex  est  plus  aigu  et 
moins  arrondi. 

Il  est  possible  que  Narcissina  soit  une  forme  de  manasa,  un  peu 
plus  grande,  d'aspect  plus  robuste  et  à  taches  jaunes  plutôt  que 
blanc  jaunâtre. 

Sylvana  (PL  IX,  fig.  6),  est  une  espèce  distincte  de  Zaida.  Elle 
en  diffère  en  dessus  par  la  couleur  jaune  d'œuf  de  toutes  ses 
taches  ordinaires;  Zaida  ayant  les  taches  du  même  blanc  jaunâtre 
que  Manasa.  En  dessous,  les  différences  sont  caractéristiques.  Aux 
ailes  supérieures,  chez  sylvana,  l'espace  cellulaire  et  tout  le  bord 
marginal  sont  lavés  de  jaune  pâle;  les  taches  ordinaires  sont 
blanc  jaunâtre;  l'espace  médian,  du  bord  costal  au  bord  inférieur, 
est  d'un  brun  noirâtre. 

Aux  ailes  inférieures,  l'espace  basilaire,  avant  la  bande  médiane 
ordinaire,  est  uniformément  lavé  de  jaune;  la  bande  médiane 
blanchâtre  est  plus  étroite  que  chez  Zaida;  elle  est  inférieurement 
soulignée  par  une  ombre  noirâtre  assez  large.  Tout  l'espace,  entre 
la  bande  médiane  blanchâtre  et  le  bord  terminal,  est  jaune, 
traversé  par  une  seule  ligne  blanche  étroite,  sinueuse  et  une  ligne 
lilas  qui  se  fond,  avant  d'arriver  au  bord  anal. 

Nous  avons  dans  notre  collection  6  cf  sylvana,  provenant  tous 
de  Tsekou. 

Près  de  Neplis  Arachne,  Leech  (Buit.  fr.  China,  pi.  XVIII, 
fig.  7),  espèce  dont  nous  avons  reçu  un  nombre  très  grand  d'exem- 
plaires, principalement  de  Mou-Pin  et  Siao-Loû,  et  de  Giddenemc, 
Ch.  Obthr,  qui  est  peut-être  une  race  àWrachnc  spéciale  à  Tsekou, 
nous  possédons  une  Nepiis  que  nous  avons  appelée  neniorosa  et 
qui  provient  de  Siao-Loil  et  de  Lou-tse-Kiang.  Nemorosa  (PI.  IX, 
fig.  5),  diffère  d'Arachne  et  de  Giddencmc  parce  que  quelques- 
unes  de  ses  taches  ordinaires,  en  dessous,  sont  blanchâtres  plutôt 
que  jaunes  et  parce  que  la  bande  médiane  ordinaire  des  ailes 
inférieures  est  plus  droite,  que  les  trois  lignes  parallèles  au  bord 
marginal  affectent  elles-mêmes  une  direction  plus  droite  et  plus 


LEPIDOPTEROLOGIE    COMPAREE  i; 

régulière,  étant  formées  d'une  série  de  croissants  intranervuraux 
d'un  brun  rougeâtre.  Nous  possédons  6  exemplaires  de  nemorosa, 
bien  semblables  entre  eux,  présentant  un  aspect  différent 
à! Arachne  dont  notre  collection  contient  85  exemplaires  et  de 
Giddeneme,  forme  bien  constante,  dont  nous  avons  19  individus 
sous  les  yeux. 

Arachne  offre  sur  ses  ailes  inférieures,  en  dessous,  une  ombre 
s'étendant  à  l'extrémité  de  la  bande  médiane  ordinaire,  vers  le 
bord  costal.  Nemorosa  manque  de  ce  caractère.  De  plus  la  couleur 
jaune  des  taches  du  dessus  est  plus  pâle  chez  nemorosa  que  chez 
arachne. 

Nous  n'oserions  cependant  nous  prononcer  formellement  sur  la 
séparation  spécifique  de  nemorosa,  bien  que  son  faciès  la  distingue 
parfaitement  fWnacJine  et  surtout  de  giddenane,  race  plus  petite, 
d'un  jaune  plus  uniforme  en  dessous,  avec  tous  les  dessins  rou- 
geâtres  moins  épais. 

Nous  possédons  les  2  sexes  de  nemorosa  et  à'arachne  et  les 
caractères  distinctifs,  quoique  difficiles  à  définir  avec  précision, 
sont  pourtant  aussi  bien  les  mêmes  chez  les  cf  que  chez  les  Q. 
Dans  ces  conditions  nous  restons  incertain  sur  la  question  de 
séparation  spécifique  d'arackne  et  nemorosa,  celle-ci  restant,  en 
tout  état  de  cause,  une  variété  stable  cVaraehne. 

Nous  signalons  une  dernière  'Ne plis  de  Siao-Loû  à  qui  nous 
avons  donné  le  nom  de  syhna  et  que  nous  considérons  connue  une 
race  géographique  de  narayana,  Moore. 

Nous  avons  reçu  de  feu  notre  ami  Lionel  de  Nicéville  quelques 
narayana,  à  taches  blanches,  qu'il  avait  obtenues  du  nord-ouest 
de  l'Himalaya. 

Les  chasseurs  lepchas  du  Père  Breteaudeau  ont  trouvé  à  Lachin- 
Lachoong  un  seul  cf  de  la  forme  nana,  de  Nicéville,  à  taches 
jaunes,  et  nous  reçûmes  des  environs  de  Darjeeling  un  autre  cT 
de  cette  même  forme  nana,  mais  plus  obscur  en  dessous. 

A  Tsekou,  on  trouve  une  Nepiis  nana  tout  à  fait  semblable  à 
celle  des  environs  de  Darjeeling.  Mais  à  Siao-Loû,  à  Tien-tsuen, 
vole  une  forme  plus  grande;  en  dessus,  à  taches  jaunes  rétrécies 


LEPIDOPTEROLOGIE    COMPAREE 


et  d'aspect  général  plus  obscur;  en  dessous,  plus  rembrunie,  à 
taches  ordinaires  moins  saillantes,  ressortant  moins  vivement  sur 
un  fond  qui  paraît  d'un  brun  plus  atténué.  Nous  avons  désigné 
cette  race  géographique  chinoise  sous  le  nom  de  sylvia  (PL  IX, 

fig-  4)- 

La  Ne  pus  Radha,  Moore,  se  trouve  aussi  au  Su-tchuen;  elle 
ne  paraît  pas  rare  à  Siao-Loû  et  à  Mou-Pin.  Notre  collection 
contient  30  spécimens,  tous  cf,  différant  de  la  forme  du  Sikkim 
par  le  ton  plus  obscur  du  dessus  de  leurs  ailes.  Les  taches  jaunes 
ordinaires  sont  rétrécies,  plus  pâles  et  un  peu  rembrunies.  Nous 
avons  donné  à  cette  race  géographique  constante  le  nom  de 
sincnsis. 

Nous  n'avons  jamais  vu  la  Neptis  antigone,  Leech  {Butt.  fr. 
China,  pi.  XVIII,  fig.  6);  cette  antigonc  est  la  seule  des  espèces 
de  Neplis  chinoises  à  taches  jaunes  décrites  par  Leech  qui  nous 
soit  restée  inconnue.  Il  est  vrai  que  Leech  possédait  un  seul  exem- 
plaire Q  d'anùgone,  pris  à  Ichang,  en  mai.  Ichang  est  dans  le 
Hou-Pé,  presque  à  mi-distance  entre  la  mer  et  le  Thibet. 

Il  reste  certainement  beaucoup  d'espèces  de  Rhopalocères  à 
découvrir  dans  les  vastes  régions  encore  si  peu  connues  au  point 
de  vue  entomologique,  de  la  Chine  centrale,  occidentale  et  méri- 
dionale. 

Beaucoup  d'espèces  semblables  se  rencontrent  dans  des  localités 
relativement  très  éloignées  les  unes  des  autres  et  constituent  un 
fonds  f aunique  assez  homogène  ;  mais  par  contre,  les  familles  des 
Lycœnïdœ,  Nymphalidœ  et  Satyridœ  présentent,  dans  des 
régions  même  très  voisines,  des  espèces  du  même  groupe  et  de 
même  apparence,  cependant  spécifiquement  distinctes  et  offrant 
des  différences  qui  peuvent  quelquefois  paraître  peu  saillantes, 
mais  qui  sont  le  plus  souvent  d'une  constance  presque  invariable. 

M.  Leech  et  nous-même,  nous  avons  fait  connaître  déjà 
beaucoup  d'espèces  de  la  Chine  occidentale;  notre  collection  en 
contient  plusieurs  encore  inédites;  nous  nous  proposons  de  les 
publier  aussi  promptement  que  l'exécution  des  figures  le  per- 
mettra. 


Il 


Description  d'une  nouvelle  espèce  d^Apatura. 


Apatiira  modcsta,  Ch.  Obthr.  (PL  VII,  &g.  4). 

Décrite  d'après  5  cf  provenant  de  Siao-Loû,  Mou-Pin  et  Tien- 
tsuen. 

M  0(1  es  ta  se  place  près  de  Plucacia,  Hew.,  dont  nous  possédons 
2  cf  de  Tsekou,  5  cf  et  i  Q  de  Sikkim  (Lachin-Lachoong  et 
environs  de  Darjeeling). 

Diffère  de  Phœacia,  par  la  forme  plus  pointue  de  l'angle  anal 
de  ses  ailes  inférieures,  l'absence,  en  dessus  et  en  dessous,  de  la 
bande  maculaire  blanche  subapicale.  Cette  bande  est  remplacée, 
chez  modesta,  par  4  ou  5  petits  points  blanchâtres  peu  apparents. 
En  dessous,  la  ligne  commune  qui  part  du  milieu  du  bord  costal 
de  l'aile  supérieure  pour  se  diriger  vers  le  bord  anal  de  l'aile 
inférieure,  a,  chez  modesta,  notamment  à  l'aile  supérieure,  une 
direction  tout  autre  que  chez  PJucacia. 

Au  stijet  des  Apahira  sino-thibétaines,  il  convient  d'observer 
que  fulva,  Leech  {Biitt.  fr.  China,  pi.   XV,  fig.  2)  est  le  cf  de 


LEPIDOPTEROLOGIE    COMPAREE 


subcœntlca,  Leech  (loc.  cit.,  pi.  XV,  fig.  i).  Nous  n'avons  jamais 
vu  Apatura  Pallas,  Leech  {loc.  cit.,  pi.  XV,  fig.  5). 

Nous  pensons  que  Bieti,  Obthr.,  est  une  espèce  à  part,  différente 
d'Iris  et  non  une  variété  de  celle-ci,  ainsi  que  nous  le  supposions 
d'abord. 

\J Apatura  Schrenckii,  Ménétriès,  se  trouve  à  Tsekou  où  elle 
présente  une  forme  constante,  plus  petite,  avec  un  développement 
très  accentué  des  taches  blanches,  fauves  et  bleuâtres  du  dessus 
des  ailes;  nous  avons  désigné  cette  race  sous  le  nom  de  lœta. 

Schrenckii  se  trouve  aussi  à  Siao-I^oû  et  Tien-tsuen;  elle  y  est 
intermédiaire  entre  la  forme  type  et  la  race  lesta,  de  Tsekou. 

'L' Apatura  Iris,  Linn.,  est  très  commune  dans  les  régions  voisines 
du  Thibet.  Elle  y  offre  une  variété  où  les  taches,  en  dessus,  sont 
d'un  jaune  chamois  un  peu  orangé,  au  lieu  d'être  blanches.  Il  y 
a  d'ailleurs  toutes  les  transitions  entre  la  forme  type  à  taches 
blanches  et  la  variété  à  taches  jaunes.  Quelquefois  aussi,  les  taches 
s'oblitèrent  comme  dans  l'aberration  lole.  La  Q  Iris,  de  Chine 
occidentale,  a  presque  toujours  les  taches  jaunes;  mais  nous 
possédons  i  Q  blanche  et  2  Q  de  transition.  La  Q  figurée  dans 
l'ouvrage  de  Leech  (PI.  XV,  fig.  4)  nous  semble  être  une  Q  d'Iris 
et  non  de  Bieti.  La  Q  Bieti  est  beaucoup  plus  obscure  et  le  cf 
Bieti  très  distinct  de  la  variété  à  taches  jaunes  d'Iris. 


III 


Dimorphisme  et  Mimétisme  de  la  femelle  de 

Paromia   melania. 


La  Paromia  melania  Q  présente  à  la  fois  un  remarquable 
exemple  de  dimorphisme  sexuel,  par  rapport  au  cf  de  son  espèce, 
et  de  mimétisme  limité  au  dessus  de  ses  ailes,  comparativement 
à  certaines  espèces  de  Catagramma  dont  les  deux  sexes  sont  sensi- 
blement analogues  entre  eux. 

Déjà,  en  IQOI,  dans  le  Bulletin  de  la  Société  entomologique 
de  France  (p.  42),  nous  avions  publié  quelques  observations  sur 
cette  question  de  dimorphisme  et  de  mimétisme  simultanés. 

Mais  nous  avons  acquis  la  conviction  qu'il  ne  nous  a  pas  sufft 
d'exposer  le  fait  dont  nous  étions  témoin,  pour  le  rendre  clair  et 
intelligible  aux  nombreuses  personnes  qui  dirigent  actuellement 
leurs  études,  de  préférence  vers  le  côté  philosophique  de  l'ento- 
ujologie. 

Une  fois  de  plus,  nous  avons  constaté  que  sans  de  bonnes 
figures  parlant  aux  yeux,  il  est  bien  difficile  de  parler  utilement  à 
l'esprit. 

Voilà  pourquoi  nous  avons  cru  devoir  revenir,  avec  des  figures 


LEPIDOPTEROLOGIE    COMPAREE 


à  l'appui,  sur  le  sujet  des  Paromia  dont,  comme  nous  l'exposons 
plus  haut,  la  Q  dimorphique  est  en  outre  mimétique  des  Cata- 
gramnia  du  groupe  àeMionina,  Lyca,  Aegina,  Denina,  Brome,  etc. 

La  Paromia  représentée  sur  la  planche  VII  de  cet  ouvrage 
(cf,  fig.  I  ;  Q  fig.  2)  provient  de  Cananche,  dans  l'état  de  Cundi- 
namarca,  en  Nouvelle-Grenade,  oii  M.  de  Mathan  en  récolta  4  cf 
et  2  Q,  pendant  le  premier  semestre  de  l'année  1900. 

Les  Paromia  sont  des  papillons  assez  rares;  les  Q  surtout 
semblent  très  difficiles  à  obtenir.  Depuis  1901,  nous  avons  reçu 
une  petite  série  de  Paromia  prises  à  Chanchamayo  (Pérou)  par 
Oswald  Schuncke;  mais  tous  les  exemplaires  de  cette  récolte 
étaient  des  mâles.  Dès  lors,  nos  connaissances,  quant  aux  femelles, 
n'ont  pas  avancé. 

Nous  possédons  donc  toujours  une  Q  du  Para  à  peu  près 
semblable  au  cf,  mais  dépourvue  de  reflet  bleu  en  dessous;  une 
autre  Q  de  l'Equateur  appartenant  à  une  espèce  dont  le  cf  paraît 
encore  inconnu  et  probablement  identique  à  celle  dont  Staudinger 
parle  en  ces  termes  (Jixol.  Tagfalter,  p.  114):  «  Das  Q  hat 
blauschwarze  Htfl.  mit  einer  breiten  blauen  Halbbinde  vor  dem 
Analwinkel  »  ;  enfin  les  2  Q  prises  par  M.  de  Mathan,  à  Cananche. 

Nous  avons  appelé  (equatorialïs  la  Paromia  provenant  de 
l'Equateur,  et  à  cause  de  la  notable  différence  entre  le  dessous  des 
ailes  des  Paromia  cf  récoltés  à  Chanchamayo,  Cavallo-Cocho, 
Iquitos,  Pebas,  Cochabamba  et  ceux  recueillis  à  Cananche,  nous 
avons  distingué  les  Paromia  péruviennes,  boliviennes  et  amazo- 
niennes, sous  le  nom  de  palliclior.  De  même  que  pour  œquatorialis, 
il  y  a  lieu  de  séparer  -palUdior  de  fidchra.  Mais  les  4  cf  reçus  par 
nous  de  Cananche  sont-ils  identifiables  à  l'espèce  provenant  éga- 
lement de  Nouvelle-Grenade  et  figurée  par  Hewitson  sous  le  nom 
de  pulchra  (Vol.  II;  E-pifhile  II  et  Paromia)}  Nous  n'en  avons 
pas  la  certitude  et  encore  une  fois  apparaît  la  difficulté  de  la 
détermination  exacte  des  espèces  de  Lépidoptères. 

La  Paromia  pulchra  figurée  par  Hewitson  présente  en  dessus  un 
reflet  bleu  aussi  accentué  que  chez  pallidior  de  Cavallo-Cocho, 
tandis  que  les  exemplaires  cf  pris  à  Cananche  ont  ce  reflet  bleu 


LÉPIDOPTÉROLOGIE    COMPAREE 


beaucoup  moins  intense.  En  effet  ils  ont,  en  dessous,  le  fond  des 
ailes  noir  avec  un  très  faible  reflet  bleu.  Toutefois,  il  est  sur- 
prenant que  dans  sa  description,  Hewitson  ne  parle  pas  de  ce 
reflet  bleu  que  la  figure  donnée  par  lui-même  accuse  cependant 
si  fortement. 

Voici  les  termes  dont  s'est  servi  Hewitson  :  «  Upperside.  Maie 
black.  Anterior  vving,  with  the  base  and  a  broad  oblique  trans- 
verse band  sinuated  inwardly  scarlet.  Posterior  wing  with  a  large 
oblong  central  scarlet  spot  ». 

En  dessous,  il  y  a  aussi  des  différences.  La  base  des  supérieures 
est  rose  carmin  dans  la  figure  faite  par  Hewitson,  tandis  que  dans 
nos  exemplaires  de  Cananche,  elle  est  obscurcie  de  gris.  De  plus 
nos  4  cf  ont,  aux  ailes  inférieures,  au-dessus  de  la  seule  «  minute 
spot,  half  black,  half  light-blue  »,  suivant  les  termes  de  Hewitson, 
une  semblable  petite  tache  supplémentaire,  moitié  noire  et  moitié 
bleu  brillant,  surmontée  d'une  autre  uniquement  bleu  brillant.  Les 
autres  caractères  concordent  mieux. 

Les  différences  que  nous  constatons  ainsi  entre  nos  exemplaires 
de  Cananche  et  la  fuie  lira  d' Hewitson  suffîsent-ils  pour  permettre 
de  séparer  spécifiquement  les  2  Paromïa  de  Nouvelle-Grenade? 

Avec  les  documents  insuffisants  dont  nous  disposons  présen- 
tement et  en  tenant  compte  du  désaccord  existant  entre  la  des- 
cription et  la  figure  de  l'ouvrage  de  Hewitson,  nous  n'oserions 
l'aflîrmer.  Mais  Staudinger  {Exot.  Ttxgf aller,  p.  115)  ayant 
désigné  sous  le  nom  de  melania,  la  Q  de  la  Paromïa  qu'il  avait 
reçue  de  Rio-San-Juan  (Colombie)  et  qui  paraît  se  rapporter  à 
celle  de  Cananche,  nous  croyons  devoir  appliquer  à  notre  Paromïa 
ce  nom  de  melanïa  imposé  par  Staudinger,  d'autant  plus  que 
Hewitson  n'a  pas  connu  la  Q  de  sa  pulchra,  laquelle  Ç  peut 
différer  de  celles  que  nous  possédons.  Notons  cependant  que 
Staudinger  n'a  pas  adopté  le  nom  générique  Paromïa  et  a  préféré 
celui  de  Icrnenïs.  Quant  à  nous,  nous  nous  référons  au  nom  de 
genre  choisi  par  Hewitson  et  ne  prêtant  à  aucun  malentendu. 

Voici  comment  Staudinger  décrit  la  Q  Tcmenis  melanïa  : 
«   Dièses   ç    hat  vollig  schwarze  Vdf.  mit  ciner  breiten,  sich  in 


24  LEPIDOPTEROLOGIE    COMPAREE 

der  Mitte  etwas  erweiternden,  gelben  schràgbinde  hinter  der 
Mittelzelle.  Die  Htfl.  sind  auch  schwarz,  mit  der  blauen  Halbbinde 
im  Analwinkel.  Auch  die  Unterseite  der  Htfi.  mit  2  schwarzen, 
blau  umgebenen  Flecken,  ist  dunkler  als  bei  der  gewohnlichen 
pdchra.  Sollte  dièses  Q  einer  neuen  Art  angehoren,  so  mag  sie 
melania  heissen  ». 

C'est  donc  sous  ce  nom  melania  que  nous  désignons  notre 
Paromia  de  Cananche,  pensant  qu'il  peut  plus  exactement  lui 
convenir.  En  dessous,  les  2  sexes  de  melania  ont  les  ailes  infé- 
rieures tout  à  fait  analogues.  Ils  ont  un  caractère  commun  très 
particulier;  c'est  celui  que  fournissent  leurs  pattes  d'un  joli  rose 
carminé  vif.  Il  ne  nous  semble  pas  que  cet  important  organe  ait 
appelé  l'attention  d'aucun  des  auteurs  qui  se  sont  occupés  des 
Paromia.  Les  pattes  sont  également  roses  chez  Paromia  pallidior, 
mais  d'un  ton  plus  clair.  De  plus  chez  pallidior,  les  palpes  et  le 
dessous  du  thorax  sont  blancs,  tandis  que  ces  parties  sont  d'un 
gris  obscur  chez  melania. 

Nous  avons  fait  figurer,  pour  établir  nettement  la  comparaison 
avec  Paromia  melania  Q ,  un  Catagramma  mionina  cf ,  Hev/.  pro- 
venant des  mines  de  Muzo,  en  Nouvelle-Grenade.  Mionina  fait 
partie  d'un  groupe  bien  homogène,  comprenant  plusieurs  espèces 
à  fond  noir  en  dessus,  ornées  d'une  tache  jaune  aux  ailes  supé- 
rieures et  d'une  tache  bleu  brillant  aux  inférieures.  Ces  espèces  de 
Catagramma  ont,  en  dessus,  un  faciès  analogue  et  la  Paromia 
melania  Q  placée  dans  la  boîte  où  sont  rangés  les  Catagramma 
en  question  semble  bien  faire  partie  du  même  groupe  de  Lépi- 
doptères. L'aspect  général  est  assurément  bien  conforme  et  on  ne 
peut  contester  que  la  Paromia  melania  Q  n'imite  d'une  manière 
générale  tout  ce  groupe  d'espèces  de  Catagramma,  mais  en  dessus 
seulement.  Le  dessous  de  ses  ailes  n'offre  évidemment  pas  le 
même  mimétisme  que  le  dessus. 

Pourquoi  ce  mimétisme?  Quelle  en  est  l'explication? 

Nous  sommes  obligé  de  déclarer  notre  ignorance  absolue. 

Nous  nous  trouvons  en  présence  d'un  fait  de  mimétisme  et  de 
dimorphisme   indiscutables;   mais   pour   en   expliquer   la   raison 


LÉPIDOPTÉROLOGIE    COMPAREE 


d'être,  il  est  impossible  d'invoquer  le  motif  de  mimétisme  pro- 
tecteur qu'on  a  inventé  au  sujet  d'autres  cas  de  mimétisme 
d'ailleurs  bien  différents  de  celui-ci.  Nous  voulons  parler  de  la 
ressemblance  à  un  objet  non  comestible,  d'insectes  pouvant  servir 
d'aliment,  par  exemple  d'un  papillon  à  un  lichen  ou  à  un 
morceau  de  rocher  et  d'une  chenille  à  une  petite  branche  d'arbre. 
Dans  la  circonstance  qui  concerne  la  Paromia  melania  Q,  la  viva- 
cité des  couleurs  éloigne  toute  idée  de  protection  due  à  l'imitation 
d'un  objet  étranger.  Wallace  a  prétendu  que  certains  insectes 
parés  de  couleurs  brillantes,  ce  qui  est  le  cas  pour  les  Catagnxmma 
et  la  Paromia  melania  Q,  émettaient  une  odeur  répugnante  aux 
oiseaux  et  les  informaient  ainsi  par  leurs  couleurs  elles-mêmes  du 
mauvais  goût  qu'ils  pouvaient  avoir.  Nous  ignorons  si  les  Caia- 
gramma  émettent  une  odeur  quelconque.  Mais  nous  avons  déjà 
fait  connaître  que  nous  avions  vu  une  hirondelle  manger  une 
Callimorpha  Hera,  espèce  à  couleurs  brillantes  et  à  odeur  musquée 
très  forte  et  très  tenace  ;  et  depuis  cette  observation,  nous  avons  vu 
se  reproduire  le  même  fait,  ce  qui  prouverait  que  ce  n'est  point  un 
accident  isolé!  Nous  croyons  que  Wallace  n'a  pas  raisonné  juste 
et  s'est  laissé  entraîner  à  ériger  en  une  quasi  certitude  des  hypo- 
thèses dont  le  seul  mérite  est  d'être  le  fruit  d'une  imagination 
nigénieuse. 

D'ailleurs  le  mimétisme  dit  :  protecteur,  celui  qui  résulte  de  la 
ressemblance  d'un  insecte  à  un  objet  matériel  quelconque,  n'est-il 
pas  lui-même  une  hérésie  scientifique  et  le  produit  de  l'imagi- 
nation des  entomologistes  de  cabinet  plutôt  que  le  résultat  d'ob- 
servations et  d'études  soigneusement  accomplies  dans  la  nature? 

Tout  ce  que  nous  avons  constaté  nous-même  dans  les  chasses 
que  nous  poursuivons  aussi  fréquemment  que  possible,  contredit 
absolument  cette  théorie  de  la  protection  par  le  mimétisme  à 
laquelle,  dans  l'intérêt  de  la  vérité,  qui  définitivement  est  seule 
en  cause,  il  nous  semble  nécessaire  de  renoncer. 

Nous  ignorons  la  raison  d'être  des  divers  modes  de  mimétisme, 
comme  de  beaucoup  d'autres  phénomènes  dont  nous  constatons 
cependant   la   réalité.    Il   nous   paraît   donc   plus  raisonnable  de 


26  LÉPIDOPTÉROLOGIE    COMPARÉE 

reconnaître  notre  ignorance  et  d'éviter  de  nous  aventurer  dans  des 
explications  hasardées  et  dépourvues  de  toute  preuve. 

Les  véritables  ennemis  des  Lépidoptères,  c'est-à-dire  ceux  qui 
en  vivent,  ne  sont  nullement  le  jouet  de  l'illusion  que  pourrait 
produire  le  mimétisme  réputé  protecteur  des  victimes  ordinaires 
de  leur  espèce.  Il  suffit  de  faire  l'examen  des  garde-manger  de 
certains  Hyménoptères  pour  constater  la  puissance  et  la  sûreté  de 
l'instinct  qui  dirige  ces  insectes  dans  la  recherche  de  leurs  proies. 
En  ce  monde,  tout  être  sert  à  l'alimentation  d'un  autre  être,  ou  bien 
inversement,  certains  êtres  poursuivent  d'autres  êtres  en  vue  de 
leur  aliment  personnel  ou  de  celui  de  leur  progéniture.  Si  le  mimé- 
tisme protégeait  efficacement  un  Lépidoptère,  à  l'état  de  chenille 
ou  de  papillon,  contre  les  êtres  qui  doivent  vivre  à  ses  dépens,  ce 
serait  la  victime  désignée  qui  cesserait  de  remplir  son  rôle  et 
l'entomophage  périrait  d'inanition,  faute  de  sa  nourriture  néces- 
saire, du  moment  qu'il  serait  impuissant  à  la  découvrir,  parce 
qu'elle  lui  serait  trop  bien  dissimulée.  Mais  nous  savons  bien  qu'il 
n'en  est  point  ainsi  dans  la  nature.  Si  nous-mêmes,  nous  avons  de 
la  peine  à  découvrir  tel  papillon  qui  ressemble  à  un  morceau  de 
lichen  ou  telle  chenille  qui  a  l'aspect  d'une  petite  brindille 
ligneuse,  nous  devons  cependant  nous  garder  de  tout  raison- 
nement fallacieux,  en  jugeant  toutes  choses  de  la  nature,  comme 
si  elles  avaient  été  créées  pour  nous  seuls.  Les  chenilles  qui 
imitent  le  mieux  une  petite  branche,  n'échappent  point  aux  para- 
sites qui  les  recherchent  pour  en  faire  le  véhicule  et  l'aliment 
vivant  de  leur  petite  larve  dont  ils  savent,  avec  un  instinct  si  sûr, 
déposer  l'œuf  sur  la  chenille,  au  bon  endroit.  Lorsque  l'Homme 
apparaît  comme  destructeur  de  la  faune  et  de  la  flore,  c'est  quand, 
pour  les  besoins  de  son  industrie,  avec  le  fer  ou  même  avec  le  feu, 
il  abat  une  forêt,  transforme  une  contrée,  construit  des  usines, 
des  routes,  des  jardins,  à  la  place  où  les  plantes  naturelles 
poussaient  librement  et  faisaient  vivre  les  insectes  à  la  nourriture 
desquels  elles  sont  indispensables.  Dans  ces  destructions,  ce  n'est 
point  le  mimétisme  qui  protège  et  conserve  quelqu'espèce  dont  la 
livrée  est  en  quoi  que  ce  soit  imitatrice.  Tout  périt  à  la  fois  et  c'est 


LEPIDOPTEROLOGIE    COMPAREE  27 

à  peine  si  quelques  graines  enfouies  dans  la  terre  survivent  à  la 
révolution  dont  l'Homme  a  été  l'auteur. 

Mais  lorsque  l'ordre  naturel  n'est  pas  troublé  par  l'intervention 
violente  de  l'Homme  ou  par  quelque  cataclysme  extraordinaire, 
nous  constatons  que  chaque  espèce  pourvue,  ou  non,  de  mimétisme, 
même  privée  en  apparence  des  plus  élémentaires  moyens  de 
défense,  se  conserve  et  résiste,  depuis  des  siècles,  à  ses  ennemis 
primordiaux,  toujours  les  mêmes  et  armés  des  mêmes  moyens. 

Des  quantités  innombrables  d'individus  peuvent  succomber; 
mais  quelques  sujets  continuateurs  de  leur  race,  échappent  tou- 
jours aux  hécatombes  et  engendrent  de  nouveau  une  descen- 
dance qui  empêche  l'espèce  d'être  annihilée.  Il  semble  que  dans  la 
nature,  si  le  sacrifice  d'un  nombre  immense  d'individus  est  chose 
commune,  l'espèce  cependant  se  trouve  indéfiniment  conservée  et 
sa  reproduction  assurée,  tant  que  la  flore  et  la  faune  d'une  contrée 
ne  sont  pas  détruites  par  un  événement  qui  la  transforme  brus- 
quement et  dont  l'Homme  est  le  plus  souvent  la  cause.  Dans  toutes 
ces  circonstances,  le  mimétisme  ne  paraît  faire  jouir  d'aucune 
immunité  les  êtres  qui  en  sont  l'objet. 

Nous  croyons  donc  que  la  théorie  du  mimétisme  -protecteur  ne 
résiste  pas  à  l'observation  qu'il  est  aisé  de  faire  dans  la  nature. 
Chaque  être  vivant  semble  doué  d'un  instinct  de  conservation 
individuelle  au  moyen  duquel  il  lutte  pour  prolonger  la  durée 
de  sa  vie.  Mais  dans  la  recherche  ardemment  poursuivie  par  les 
espèces  carnassières,  de  la  pâture  qui  leur  est  nécessaire,  pas  plus 
le  dimorphisme  que  le  mimétisme  ne  protège  bien  longtemps  la 
victime  contre  ceux  dont  elle  est  l'aliment. 

Bien  que  nous  soyons  impuissants  à  connaître  la  raison  véri- 
table du  dimorphisme  sexuel  et  du  mimétisme  simultané  chez  la 
ParomiiX  melania  Q,  il  n'en  est  pas  moins  vrai  que  la  constatation 
du  fait  lui-même  constitue  une  réalité  scientifique  digne  d'intérêt. 

Nous  espérons  que  les  planches  accompagnant  cet  ouvrage 
faciliteront  l'intelligence  du  fait  en  question  qu'il  nous  a  paru 
bon  de  mettre  en  lumière. 


IV 


Dimorphisme  de  2  espèces  de  Précis  africaines. 


J'ai  la  plus  grande  reconnaissance  à  M.  Henri-A.  Junod, 
missionnaire  à  Shilouvane  (Nord  du  Transvaal),  pour  l'envoi 
d'observations  pleines  d'intérêt  sur  les  Lépidoptères  du  pays  où 
il  réside. 

M.  Henri  Junod  a  déjà  publié  dans  le  Bulletin  de  la  Société 
Neuchâteloise  des  Sciences  Naturelles  (Tome  XXVII  ;  année 
1898-99)  une  notice  très  documentée  sur  la  Faune  entomologique 
de  Delagoa;  quatre  planches  en  couleurs  illustrent  ce  travail. 

De  retour  en  Afrique,  après  un  court  séjour  en  Europe, 
M.  Junod  a  repris  ses  études  entomologiques  et  a  bien  voulu  m'en 
faire  profiter.  Qu'il  veuille  bien  me  permettre  de  le  féliciter  très 
vivement  de  son  zèle  scientifique  ! 

Je  suis  convaincu  que  la  lecture  de  la  notice  écrite  par  M.  Junod 
sera  fort  appréciée  de  toutes  les  personnes  qui  s'intéressent  aux 
Sciences  Naturelles. 

L'explication  complète  du  phénomène  de  dimorphisme  des 
Précis  si  exactement  observé  par  M.  Junod,  reste  à  découvrir. 
Espérons  que  pour  prix  de  tant  d'efforts  déjà  faits  et  de  ceux 
qui  vont  s'y  ajouter  encore,  nous  finirons  par  obtenir  le  rayon 
définitif  de  lumière  et  de  vérité. 

Ch.  O. 


LEPIDOPTEROLOGIE    COMPAREE 


ShiLoHvanc,  5/  juillet  iço6. 

Depuis  plusieurs  années,  j'étudie  la  Faune  des  Lépidoptères 
du  Sud  de  l'Afrique.  La  station  de  Shilouvane  est  dans  une 
situation  favorable.  Elle  se  trouve  aux  confins  de  la  grande  plaine 
qui  s'étend  du  Lebombo  aux  montagnes  du  Drakensberg,  au 
pied  de  la  chaîne  du  Drakensberg,  à  environ  700  mètres  d'altitude. 
Elle  est  adossée  contre  une  petite  colline  de  100  mètres  de  haut, 
très  exposée  au  soleil.  Cette  petite  colline,  comme  c'est  toujours 
le  cas  dans  cette  contrée,  attire  certaines  espèces  de  Lépidoptères. 
Son  sommet  est  une  véritable  localité  où  l'on  rencontre  des 
papillons  que  l'on  ne  voit  pour  ainsi  dire  jamais  dans  la  plaine. 
J'y  ai  capturé  un  certain  nombre  de  fois  Aphnaeus  Hiitchinsonii, 
Trimen  {S.  Afr.  Biitt.,  Il,  p.  i-|8,  149),  admirable  Lycénide  qui 
porte  sous  ses  ailes  comme  vingt  perles  d'argent  incrustées; 
] olans  alienîis  qui  n'avait  encore  été  trouvé  qu'une  fois  au 
Mashonaland,  ] olaus  Trimeni,  Silas;  Charaxes  Saturnus,  Achœ- 
menes,  Jahhcsa,  Ethalion;  Précis  Sophia;  Pamphila  Ayresii, 
Morantii,  etc.  Ce  sommet  de  colline,  pierreux,  aride,  brûlé,  avec 
deux  ou  trois  arbustes  chauffés  par  le  soleil  de  midi  à  deux  heures 
de  l'après-midi,  est  un  paradis  pour  l'Entomologue,  surtout  au 
premier  printemps,  en  Septembre,  au  moment  le  plus  sec  de  l'année. 
C'est  alors  qu'on  trouve  ces  superbes  Lycœnidœ. 

L'an  passé,  j'ai  exploré  une  localité  différente.  A  cause  de  la 
malaria  qui  règne  dans  la  plaine,  je  me  suis  établi  pour  la  mau- 
vaise saison,  à  notre  sanatorium,  au  beau  milieu  des  montagnes  du 
Drakensberg,  à  environ  1.200  mètres  d'altitude. 

Ce  sanatorium  est  un  endroit  d'une  rare  beauté;  petit  plateau 
suspendu  entre  ciel  et  terre,  dominant  à  l'Est  la  vallée  du  Bokaha, 
à  l'Ouest  celle  de  Thabina;  c'est  une  localité  vraiment  alpestre. 

Au  Sud  se  dresse  une  pyramide  de  1.700  mètres,  l'un  des  plus 
beaux  sommets  de  cette  partie  du  Drakensberg.  C'est  de  ce  sommet 
que  part  un  petit  chaînon  dont  fait  partie  notre  plateau  et  qui 
aboutit  au  Marovougne,  grand  rocher  de  1.250  mètres  d'altitude 
qui  retombe  à  pic  dans  la  plaine. 


30  I.EPIDOPTEROLOGIE    COMPAREE 

Le  sanatorium  est  à  mi-distance  entre  la  pyramide  de 
1.700  mètres  et  le  rocher  terminal  de  Marovougne. 

Sur  le  plateau  s'étend  une  vaste  prairie  d'herbe  de  50  à 
75  centimètres  de  haut,  où  volent  Acrœa  violarum,  Cydopidcs 
Tsita,  Aphnœus  natalensis,  des  Terias,  Précis  Octavia,  etc. 

Deux  petites  forêts  circulaires  se  dressent  au  milieu  de  la 
plaine  et  recèlent,  à  la  saison  d'automne,  de  superbes  Salamis 
Anacardii,  le  Cyclopides  Métis  et  beaucoup  plus  rarement  les 
Papilio  Echcrioidcs  et  Cenea. 

Mais  outre  la  plaine  ouverte,  le  sanatorium  présente  encore  au 
point  de  vue  entomologique  deux  éléments  de  richesse  qui  sont 
deux  régions  différentes.  C'est  d'abord  le  rocher.  Le  plateau  se 
rétrécit  et  aboutit  à  ce  que  les  Boers  appellent  un  Kopje,  tête 
rocheuse  qui  le  domine  et  qui,  étant  élevée  au-dessus  du  pays 
environnant,  joue  le  rôle  de  pôle  attracteur  sur  beaucoup  de 
papillons.  On  y  retrouve  certaines  espèces  de  la  colline  du  Bas- 
Shilouvane  :  Aphnœus  Masïlikasi;  Char  axes  Saturnus  et  Achœ- 
niencs ;  Aboutis  venosa;  rarement  Abantis  paradisea,  Capys 
Alphœiis,  que  je  n'ai  jamais  rencontré  dans  le  bas  pays.  Cette 
tête  rocheuse  est,  à  un  moment  donné,  couverte  de  fleurs  de  Selago 
natalensis,  verbenacée  qui  porte  des  capitules  de  petites  fleurs 
violettes  très  appréciées  par  les  papillons.  Le  coteau  est  alors 
fréquenté  par  de  nombreuses  Acrœa  natalica,  A  car  a,  violarum, 
Buxtoni,  Aglaonice;  les  Jiinonia  Clelia  et  Cebrene;  par  les  Hes- 
peria  Florestan  et  Pisistratus ;  mais  surtout  par  la  fameuse  Précis 
Octavia  à  laquelle  succède  la  Sesamus  et  par  la  Précis  Pelasgis 
bientôt  remplacée  par  la  Précis  Archcsia. 

L'abondance  des  individus  de  ces  deux  espèces  m'a  décidé  à 
entreprendre  l'étude  de  leurs  rapports  et  j'y  reviendrai  tout  à 
l'heure. 

La  seconde  région  intéressante  que  présente  le  sanatorium,  outre 
la  prairie  et  le  rocher,  c'est  la  grande  forêt.  Elle  occupe  une 
dépression  du  chaînon  du  Marovougne,  environ  100  mètres  plus 
bas  que  le  plateau. 

Ce  bois  superbe  d'arbres  s'élevant  à  une  hauteur  de  15  à 
20  mètres  et  quelquefois  même  davantage,  avec  un  sous-bois  très 


LÉPIDOPTÉROLOGIE    COMPAREE 


épais  d'arbustes  toujours  verts,  souvent  épineux,  abrite  de  nom- 
breuses espèces  sylvestres  qui,  chose  curieuse,  semblent  plutôt 
appartenir  à  la  faune  du  Cap  qu'à  celle  de  l'Afrique  subtropicale. 

J'y  ai  découvert  avec  plaisir  la  Lctlic  Indosa  se  collant  pares- 
seusement contre  les  troncs  d'arbre  au  soleil  et  la  Pieris  Zochalia 
voletant  sur  les  feuilles  brillantes  et  marchant  sur  elles,  comme 
si  elle  voulait  y  frotter  son  abdomen. 

Ces  deux  espèces  apparaissent  en  Mars. 

La  Leptoneiira  Ayres'ù  vole  très  haut  dans  les  ramures  et 
daigne  trop  rarement  descendre  à  portée  du  filet.  Des  Pamphila, 
le  Cyclopidcs  Beiis  s'étalent  sur  les  tiges  d'iris  blanc;  dans  les 
énormes  labiées  violettes,  volent  Eurytcla  Hiarba  et  Papilio 
Nireus.  Ici  aussi,  les  Salamis  Anacardii,  avec  leurs  ailes  nacrées 
aux  riches  reflets,  se  suspendent  aux  branchettes  ou  se  déplacent 
lentement.  La  Précis  Elgiva  remplace  ici  ses  congénères  du 
Rocher.  Elle  n'est  pas  rare  dans  les  buissons,  à  la  lisière  du  bois. 
En  Mars,  apparaît  Précis  Tiigcla  qui  est  beaucoup  moins  fré- 
quente cependant. 

Le  sanatorium  n'est  pas  très  riche  en  Tcracoliis.  Cependant  en 
Janvier,  des  centaines  de  Tcracolus  lone,  allant  tous  dans  le 
même  sens,  c'est-à-dire  vers  le  Sud-Ouest,  ont  passé  au  sanatorium. 
J'ai  vu  un  vol  de  Pieris  Mesentina  (ou  SeverinaP)  encore  plus 
considérable,  sur  une  des  sommités  voisines,  à  1.600  mètres  de 
haut,  allant  dans  la  direction  contraire,  vers  le  Nord-Est. 

Ces  phénomènes  de  migration  posent  à  l'esprit  certains  pro- 
blèmes. Mais  il  en  est  d'autres  plus  curieux  encore,  qui  se 
présentent  devant  nous,  ici,  au  Sud  de  l'Afrique,  et  qui  sont  bien 
difficiles  à  expliquer;  ce  sont  les  phénomènes  de  Dimorphisme 
qui  se  produisent  spécialement  dans  le  genre  Précis  et  que 
M.  Marshall,  de  Salisbury,  a  étudiés  avec  tant  d'intelligence  (*). 


(*)  In  Transnct.  Eut.  Soc.  London,  1902  :  XVII  ;  Five  Years'  Obser- 
vations and  Experimcnts  (i<Sq6-iooi)  on  thc  Bionoiuics  of  South  African 
Insects  chiefly  directed  to  the  Investig-ations  of  Mimicry  and  Warning: 
Colnurs,  by  Guy  A.-K.  Marshall  ;  with  a  Discussion  of  the  Results  and 
other  Subjects  sugrg-ested  by  them,  by  Edward  B.  Poulton,  Hope  Pro- 
fessor  of  Zoologry  in  the  Univesity  of  Oxford,  etc.,  etc.  (p.  287-584, 
pi.    IX-XXIII). 


32  LEPIDOPTEROLOGIE    COMPAREE 


Sur  mon  coteau  tout  couvert  de  Sclago  natalensis,  j'ai  tâché, 
ces  derniers  mois,  de  réunir  quelques  autres  éléments  du  problème. 

Je  n'ai  pas  réussi  à  obtenir  des  œufs  d'une  forme  qui 
donnassent  naissance  à  des  exemplaires  de  l'autre,  comme 
M.  Marshall  a  eu  la  bonne  fortune  de  le  faire.  Je  me  suis  contenté 
de  deux  séries  d'observations  :  élevage  des  larves  et  statistique 
journalière  des  individus  volant  sur  le  coteau. 

Le  résultat  de  ces  observations  confirme  absolument  la  décou- 
verte pour  la  première  fois  scientifiquement  prouvée  par  l'Ento- 
mologue  de  Salisbury,  à  savoir  que  :  quelle  que  soit  la  différence 
des  formes,  des  couleurs,  des  habitudes  qui  sépare  Précis  Octavia 
de  Précis  Sesamus,  ces  deux  papillons  sont  une  seule  et  même 
espèce,  laquelle  possède  deux  phases  successives  :  la  phase  d'été 
et  la  phase  d'hiver. 

Quant  à  l'élevage  des  larves,  il  n'est  pas  difficile  de  le  faire. 
Les  chenilles  de  cette  Précis  abondent  sur  une  sorte  de  labiée 
aux  fleurs  blanc  rosé  qui  croit  dans  tous  les  rochers  de  la  mon- 
tagne. Elle  a  de  larges  feuilles  triangulaires,  sans  pétiole, 
opposées  deux  par  deux,  celles  du  dessus  ayant  leur  axe  à  angle 
droit  de  celles  de  la  paire  de  dessous. 

Mon  premier  élevage  fait  au  milieu  de  la  saison  humide  n'a 
donné  pour  résultat  que  des  Octavia. 

Le  second  a  été  entrepris  au  commencement  de  Mars.  Les 
chenilles  se  sont  mises  en  chrysalide  du  lo  au  20  Mars.  Elles 
étaient  exactement  identiques  aux  premières.  Les  œufs  dont  elles 
étaient  sorties  avaient  certainement  été  déposés  par  des  Octavia, 
dans  le  courant  de  Février,  car  pas  un  Sesamus  n'a  paru  avant 
le  6  Mars.  Or  12  des  exemplaires  obtenus  de  ces  larves-là  furent 
des  Sesamus  typiques  et  un  seul,  éclos  le  13  Avril,  fut  un  Octavia. 

Il  n'y  a  aucun  doute,  les  Sesamus  de  Mars  et  Avril  sont  produits 
par  des  chenilles  sorties  d'œufs  pondus  par  des  Octavia,  en 
Janvier-Février. 

La  même  conclusion  s'impose  quand  on  suit  avec  soin  l'appa- 
rition des  deux  espèces,  au  cours  de  l'année.  Dès  le  mois  de 
Novembre,  Octavia  était  très  commune  sur  mon  coteau,  volant  de 
roc  en  roc.  Le  6  Mars,  parut  le  premier  Sesamus. 


LÉPIDOPTÉROLOGIE    COMPAREE  33 

Voici  ce  que  dit  mon  Journal  :  Dès  le  6  Mars,  un,  deux,  trois 
Sesamits  par  jour;  les  Octavia  demeurant  la  majorité,  à  raison 
de  vingt  à  trente  chaque  jour. 

D'autre  part,  Précis  Pelas  gis  abonde  aussi  dès  Novembre;  le 
10  Mars,  paraît  le  premier  exemplaire  d'Archesia  qui  doit  être 
sa  forme  hivernale. 

Sesamus  est  plus  craintif  q(\\  Octavia.  Une  fois  effrayé,  il  part 
et  ne  revient  plus. 

13  Mars;  vu  aujourd'hui  Octavia,  Sesamus  et  la  superbe  forme 

intermédiaire  que  malheureusement  je  n'ai  pu  attraper. 

14  Mars;  observé  15  à  20  Octavia  et  i  Sesamus. 

15  Mars;    15  Octavia,  2  Sesamus;  plusieurs  Pelasgis,  2  Arckesia 

{Sesamus  se  pose  contre  les  troncs  à  l'ombre). 

17-22  Mars;  pluie. 

18  Mars;  capturé  même  jour  Octavia,  Sesamus  et  la  forme  inter- 
médiaire. 

22  Mars;    15  à  20  Octavia,  3  à  4  Sesamus,  2  Archcsia. 

23  Mars;   15   Octavia  (plusieurs  gâtés);  5  Sesamus  (très  frais); 

3  à  4  Pelasgis  (fripés);   i  Archesia. 

24  Mars;    10-12  Octavia;  5  à  6  Sesamus;  très  peu  de  Pelasgis; 

3  Archesia. 

26  Mars;  12  Octavia  volant  surtout  au  sommet  des  pierres  (un 
seul  frais)  ;  6  beaux  Sesamus;  3  ou  4  vieux  Pelasgis; 
2  Archesia. 

29  Mars;  4-5  Octavia  (un  seul  frais);  3-4  Sesamus;  2-3  vieux 
Pelasgis;  2  beaux  Archesia;  pris  l'intermédiaire  entre 
Archesia  et  Pelasgis. 

31  Mars;  10  Octavia;  2  Sesamus;  plusieurs  Pelasgis;  aucun 
Archesia. 

8  Avril;  3  Octavia;  4  Sesamus;  3  Pelasgis;  2  Archesia. 
II  Avril;  2  Octavia;  2  Sesamus. 

3 


34  LEPIDOPTEROLOGIE    COMPAREE 

Dès  lors  les  Octavia  ne  sont  plus  que  l'exception  et  sont  en 
général  affreusement  gâtés;  mais  les  Scsanms  ne  deviennent  pas 
plus  nombreux.  La  statistique  n'offrant  plus  grand  intérêt,  je 
l'abandonne. 

Le  tableau  que  je  joins  à  ces  lignes  aidera  à  se  faire  une  idée 
claire  de  l'apparition  successive  des  formes  estivale  et  automnale 
de  ces  2  Précis. 

Quant  à  l'explication  à  donner  de  cet  étrange  phénomène,  elle 
a  été  discutée  tout  au  long  par  M.  le  Professeur  Poulton,  dans 
ses  commentaires  aux  observations  de  M.  Marshall.  Les  causes 
de  ce  changement  de  formes  d'une  seule  espèce  paraissent  être 
de  deux  ordres  :  la  cause  vitaliste,  si  l'on  peut  s'exprimer  ainsi; 
et  la  cause  climatérigue. 

J'appelle  cause  vitaliste  cette  merveilleuse  faculté  que  l'Espèce 
possède  de  s'accommoder  à  l'environnement  pour  mieux  préserver 
son  existence.  Sous  cette  rubrique,  on  peut  mentionner  la  colo- 
ration foncée,  la  forme  imitatrice  des  feuilles  mortes,  les  habitudes 
cryptiques  de  la  forme  automnale. 

Quant  à  la  cause  climatérigue,  elle  consiste  dans  la  différence 
considérable  de  chaleur,  de  lumière  et  d'humidité  qui  existe  entre 
les  deux  saisons  de  l'année  africaine. 

M.  Poulton  a  mentionné  cette  cause-là  et  insiste  de  plus  en  plus 
sur  son  importance.  Il  a  raison.  Les  expériences  de  Standfuss  ont 
démontré  quels  extraordinaires  changements  de  formes  et  de 
couleurs  une  chaleur  supérieure  pouvait  déterminer  dans  les 
papillons  européens,  lorsque  cette  chaleur  était  appliquée  à  l'état 
larvaire  de  ces  espèces-là.  Mais,  chose  curieuse,  même  cette  expli- 
cation n'apporte  pas  à  l'esprit  une  satisfaction  complète.  Pour 
qu'elle  fût  tout  à  fait  satisfaisante,  il  faudrait  que  la  Précis 
Sesamus  et  la  Précis  Archesia  n'apparussent  qu'en  Mai  !  Mes 
exemplaires  obtenus  par  larve  dans  le  courant  d'Avril  s'étaient 
mis  en  chrysalide  du  15  au  20  Mars.  Comme  le  développement 
de  la  larve  dure,  du  moment  où  l'œuf  est  pondu  jusqu'à  la 
chrysalide,  environ  6  semaines,  ces  Sesamus  avaient  été  pondus 
par  des  Octavia  au  commencement  de  Février.  Les  Sesamus  éclos 


LEPIDOPTEROLOGIE    COMPAREE  35 

un  mois  auparavant,  le  6  Mars,  avaient  donc  été  pondus  déjà  en 
Janvier,  ou  même  fin  Décembre.  Donc  tous  ces  Sesamiis  se  sont 
développés  (j'entends  leurs  larves)  au  beau  milieu  de  la  saison 
pluvieuse  qui  va  du  commencement  de  Novembre  à  la  fin  de 
Mars.  D'autre  part,  on  peut  en  dire  autant  des  nombreux  Octavia 
qui  se  sont  succédé  en  Décembre,  Janvier,  Février.  Ce  n'est  que 
vers  le  milieu  de  Mars  qu'ils  ont  diminué  en  nombre.  Les  30 
exemplaires  que  je  voyais  chaque  jour  fin  Décembre,  Janvier  et 
Février  avaient  aussi  été  pondus  en  Novembre,  mois  qui  fut 
passablement  pluvieux,  en  Décembre,  où  nous  eûmes  en  une  seule 
fois  une  chute  de  pluie  de  plus  de  120  millimètres  et  plusieurs 
autres  moindres,  et  même  en  Janvier  où  il  tomba  près  de 
200  millimètres.  En  Février,  nous  eûmes  250  millimètres  environ, 
en  Mars  162  millimètres  et  en  Avril  plus  que  46  millimètres.  Dès 
lors  plus  de  pluie  pendant  presque  6  mois. 

Les  éléments  chaleur  et  lumière  qui  diffèrent  aussi  beaucoup 
d'une  saison  à  l'autre,  influencent-ils  les  Précis  dans  leur  curieux 
dimorphisme  et  comment  ?  Il  faudra  encore  beaucoup  d'obser- 
vations pour  résoudre  la  difficulté  que  la  variation  des  Précis 
suscite.  Il  ne  me  paraît  pas  que  le  problème  soit  encore  pleinement 
élucidé. 


Henri-A.  JUNOD. 


36 


LEPIDOPTEROLOGIE    COMPARÉE 


Tableau  indiquant  l'apparition  successive  des  Précis  Octavia-Sesamus 
et  Pelasgis-Archesia  au  sanatorium  de  Shilouvane  de  décembre  à 
juillet  1906. 


PRECIS 

PRECIS 

MOIS 

JOUR 

Octavia 

Sesamus 

Pelasgis 

Archesia 

1905  Décembre 

26 

1 

_ 

_ 

_ 

28 

1 

_ 

_ 

_ 

29 

2 



— 



1906  Janvier 

6 

2 





9 

3 

_ 

1 

_ 

16 

1 





30 

1 

_ 

3 

_ 

Février 

7 
8 

1 
1 

— 

3 

— 

15 

2 

_ 

_ 

16 

3 



2 



21 

1 



2 



22 

2 



2 



23 

2 



ï 



24 

— 

_ 

2 

_ 

25 





3 



28 

— 

_ 

1 

_ 

Mars 

3 
6 

2 
30 

1 

z 

— 

7 

20 

1 

1 

._ 

10 

20 

5 

4 

1 

12 

30 

1 



13 

20 

3 

10 

2 

14 

20 

1 



4 

15 

10 

18 

— 

î 

— 



22 

1 

4 

10 

3 

25 

10 

8 

4 

2 

27 

— 





3 

28 

15 

2 



29 

5 

7 

4 

1 

30 

— 

_ 

— 

6 

31 







6 

Avril 

2 
3 

— 

1 
3 

— 

4 

_ 

2 

_ 

_ 

5 

— 

2 



4 

6 

— 

2 

_ 

7 

— 

2 

— 



8 



7 



1 

9 



5 



1 

10 

2 

_ 

13 

1 

~2 





15 

15 





16 

1 

_ 



20 

2 

1 



1 

23 

2 

4 

_ 

28 

_ 

1 





29 



1 





30 

5 

5 





Mai 

5 

8 

5 

11 
11 

— 

— 

10 



3 





23 

2 

5 

— 

_ 

Juin 

9 

- 

1 

- 

1 

Juillet 

Découverte  de  la  Lijcœna  Donzelii, 

dans  les  Pyrénées-Orientales 

et  de  la  Chelonia  Flavia,  dans  les  Hautes-Alpes 


Peu  de  régions  en  France  ont  été  l'objet  d'explorations  ento- 
mologiques  aussi  suivies  et  aussi  répétées  que  les  Pyrénées- 
Orientales  et  spécialement  les  environs  de  Vernet-les-Bains. 
L'agrément  du  site,  la  variété  de  la  flore  et  de  la  faune  offrant 
d'un  côté  les  espèces  méditerranéennes  et  de  l'autre  les  espèces 
alpines,  ont  depuis  longtemps  exercé  sur  les  Naturalistes  un 
puissant  attrait.  Feu  Donzel,  l'infatigable  explorateur  dont  le 
zèle  entomologique  fut  si  rarement  égalé,  De  Graslin,  Bellier  de 
la  Chavignerie,  Guenée  se  sont  livrés  à  d'activés  recherches  dans 
les  Pyrénées-Orientales. 

En  1862,  la  Société  entomologique  de  France  choisit  ce  dépar- 
tement comme  but  de  son  excursion  annuelle  et  beaucoup  de  ses 
membres  répondirent  à  son  appel.  Des  Lépidoptéristes  anglais 
et  allemands,  entre  autres  feu  Struve,  ont  aussi  visité  les  mon- 
tagnes autour  de  Vernet-les-Bains.  Enfin  mon  frère  et  moi, 
souvent  accompagnés  de  quelques  amis,  nous  avons  maintes  fois 
chassé,  en  diverses  saisons,  dans  différentes  localités  des  Pyrénées- 


38  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

Orientales,  au  bord  de  la  mer,  dans  la  plaine  si  chaude  et 
jusqu'aux  derniers  sommets  des  montagnes. 

Nous  ne  pensions  pas  qu'une  espèce  de  Rhofalocere  eût  pu 
échapper  à  tant  d'investigations  poursuivies  depuis  si  longtemps 
et  par  tant  d'Entomologistes,  avec  les  méthodes  variées,  spéciales 
à  chacun  d'eux. 

Cependant  cette  année  1906,  au  mois  de  Juillet,  MM.  P.  Chrétien, 
Fabresse  et  R.  Oberthiir  chassant  ensemble  au-dessus  de  Vernet, 
dans  la  forêt  de  Randai,  les  pelouses  sylvatiques  de  Mariailles 
et  jusqu'à  l'entrée  de  la  haute  vallée  de  Lipaudère,  eurent 
l'agréable  surprise  de  trouver  sur  les  parties  humides  des  chemins, 
quelques  exemplaires  cT  de  la  Lycœtia  Donselii,  espèce  des  Alpes 
que  jamais  encore  on  n'avait  observée  dans  les  Pyrénées. 

Au  même  moment,  je  chassais  moi-même  dans  les  Hautes- 
Alpes  et  je  prenais  la  même  Lycœna  Donzelïï  à  la  Grave  et  sur 
la  route  du  Mont-Genèvre,  au-dessus  de  Briançon,  non  loin  de 
la  colonne  élevée  à  la  gloire  de  Napoléon. 

La  forme  de  la  Lycœna  Donzelïï  paraît  être  la  même  dans  les 
Alpes  et  dans  les  Pyrénées-Orientales. 

La  Lycœna  Donzelïï  n'est  jamais  bien  abondante  et  toujours 
localisée.  Elle  habite  surtout  dans  les  forêts  où  il  y  a  des  mélèzes, 
entre  1.500  et  2.000  mètres  d'altitude,  et  elle  aime  à  se  reposer  sur 
les  fleurs  violettes  du  Geranïum  sylvestre. 

Je  l'ai  souvent  capturée  dans  les  mêmes  lieux  que  Lycœna 
Eumeclon  et  voltigeant  avec  cette  espèce  sur  les  mêmes  touffes 
fleuries.  Cependant  Donzelïï  éclôt  lorsque  Eumedon  finit  et  il 
est  rare  de  trouver  des  Eumedon  frais  en  même  temps  que  les 
Donzelïï.  D'ailleurs  Donzelïï  ne  se  rencontre  pas  nécessairement 
partout  où  vit  Eumedon;  mais  si  je  n'ai  pas  trouvé  Donzelïï 
dans  toutes  les  localités  où  je  prenais  Eumedon,  je  me  souviens 
d'avoir  toujours  observé  Eumedon,  là  où  je  voyais  Donzelïï. 
Il  en  est  notamment  ainsi  dans  la  forêt  de  pins  et  de  mélèzes 
qui  s'étend  au-dessous  de  Ryffelalp,  dans  le  Valais.  C'est  au 
milieu  de  cette  forêt  que  j'ai  capturé  Donzelïï  en  plus  grand 
nombre,  jadis  en  Juillet  1864  et  1866,  comme  plus  récemment 
en  1902. 


LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE  39 

Dans  les  Pyrénées-Orientales,  la  Lyccena  Eumedon  se  ren- 
contre dès  la  fin  de  Juin,  dans  la  forêt  de  Randai  où  fut 
découverte  en  Juillet  1906,  une  station  encore  inconnue  de 
Donzelii. 

Cette  année,  au  col  du  Mont-Gencvre  et  vers  le  village  italien 
de  Clavières,  j'ai  vu  des  quantités  considérables  de  Lycœna  posées 
sur  la  terre  humide,  principalement  le  long  des  fossés  et  sur  les 
talus  en  bordure  du  chemin.  Les  Lycœna  se  trouvaient  par 
groupes;  les  papillons  presque  tous  cf  serrés  très  près  les  uns 
des  autres,  en  compagnie  de  SyrïcJithus  et  d'Hesperia. 

Différentes  espèces  de  Lycœna  étaient  ainsi  mélangées  et 
lorsqu'on  faisait  envoler  ces  petits  papillons  quelquefois  réunis 
en  nombre  relativement  considérable,  on  se  trouvait,  pour  un 
instant,  comme  entouré  d'un  léger  nuage  gris  bleuâtre  formé  par 
les  diverses  Lycœna. 

Souvent  je  prenais  ainsi  :  Donzelii,  au  milieu  de  ses  congénères  : 
Argus  (nec  Aigon),  Orbitulus,  Corydon,  Damon,  Acis  (Se- 
miargiis),  Alsiis  (niinima),  Dorylas  (Hylas),  A gesiis- Allons 
(Asirarche),  Alexis  (1  car  us),  Es  cher  i,  Eres. 

La  Lycœna  Donzelii  çS  venait  assurément  des  forêts  de 
mélèzes  qui  couvraient  de  leur  agréable  verdure  les  pentes  des 
montagnes  voisines,  attirée,  comme  les  autres  Lycœna,  par  la 
séduction  que  la  fraîcheur  de  la  terre  humide  exerce  sur  beaucoup 
de  papillons,  pendant  les  matinées  si  chaudes  de  l'été. 

\JErebia  Euryale  abondait  également  sur  les  parties  mouillées 
de  la  route.  Les  Erebia  se  groupaient  en  nombre  quelquefois  très 
grand,  serrées  les  unes  contre  les  autres  autour  d'une  flaque  d'eau 
ou  d'un  excrément  de  cheval.  Déjà  j'avais  observé  cette  espèce, 
dans  des  conditions  analogues,  sur  le  chemin  de  Laquinthal,  au 
Valais,  mais  en  quantité  infiniment  moins  considérable.  J'ai  vu 
plusieurs  groupes  de  plus  de  cent  Euryale,  à  diverses  places, 
avant  d'arriver  à  Clavières.  Tous  les  exemplaires  étaient  des 
mâles  fraîchement  éclos.  Ils  formaient,  lorsqu'on  les  faisait 
envoler,  des  tourbillons  noirs  qui  se  reposaient  de  nouveau  sur 
le  sol  même  d'où  on  les  avait  momentanément  dérangés. 


40  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPAREE 

Très  rarement  une  Erebia  Goante  se  trouvait  mélangée  aux 
Euryale.  Presque  toujours  le  groupe  était  composé  d'individus  de 
la  même  espèce.  Vers  midi,  les  nuages  obscurcirent  le  soleil;  les 
Euryale  disparurent  presque  complètement  et  devinrent  invisibles. 

Nos  Alpes  françaises  sont  très  riches  en  Lépidoptères  et  l'on 
peut  espérer  y  trouver  bien  des  espèces  qui  n'ont  encore  été  ren- 
contrées que  dans  les  montagnes  voisines  de  la  Suisse,  d'ailleurs 
visitées  et  explorées  chaque  année  par  un  bien  plus  grand  nombre 
de  naturalistes  de  diverses  Nations. 

Lorsque  j'étais  à  la  Grave,  à  l'Hôtel  Juge,  je  chassais,  chaque 
soir,  autour  des  lampes  électriques  qui  éclairaient  le  petit  jardin 
de  l'Hôtel.  La  récolte  n'était  pas  abondante;  mais  je  recueillais 
tous  les  jours  quelque  pièce  intéressante.  Une  fois  un  gros 
papillon  pénétra  dans  une  chambre  de  l'Hôtel  occupée  par  une 
dame  qui  s'empressa  de  se  débarrasser  violemment  d'un  visiteur 
qu'elle  considérait  comme  importun. 

Elle  le  rejeta  au  dehors  après  l'avoir  écrasé  et  le  lendemain 
je  retrouvais  sur  le  sol  les  débris  de  la  Chelonia  Flavïa,  superbe 
Arctïide  jusqu'ici  regardée  comme  spéciale  aux  Grisons  et  à 
l'Engadine,  mais  qu'on  peut  désormais  considérer  comme 
habitant  également  les  Alpes  françaises.  Je  fis  des  recherches  en 
vue  de  trouver  des  exemplaires  dans  de  meilleures  conditions; 
mais  je  dus  quitter  la  Grave  avant  d'avoir  réussi  dans  mon 
entreprise.  Je  souhaite  qu'un  Entomologiste  soit,  à  la  saison 
prochaine,  plus  heureux.  D'après  les  débris  que  j'ai  rapportés, 
notamment  à  en  juger  par  une  aile  supérieure  presque  intacte, 
la  forme  de  la  Chelonia  Flavïa  serait  la  même  dans  les  Alpes 
françaises  et  dans  les  Alpes  de  la  Suisse. 


TABLE  DES  MATIÈRES 


PAGES 

I.  —  Observations  sur  les  Neptis  à  taches  jaunes  de  la  région 

sino-thibétaine    7-18 

II.  —  Description  d'une  nouvelle  espèce  à''Apatura 19-20 

III.  —  Dimorphisme    et    Mimétisme    de    la    femelle    de    Paromia 

nielania    21-27 

IV.  —  Dimorphisme  de  2  espèces  de  Précis  africaines 28-36 

V.  —  Découverte  de  la  I.yccrna  Donzein  dans  les  Pyrénées- 
Orientales  et  de  la  Chelonia  Flavia  dans  les  Hautes- 
Alpes    37-40 


I 


REPERTOIRE   DES  PLANCHES 


PLANCHE    VII 

PAGES 

Fig.  I.  —  Paromia  melania  cf,   Stgr 22 

—  2.  —  Paromia  melania  g,   Stgr 21 

—  3.  —  Catagramma  Mionina  cf,  Hew 22,  24 

—  4.  —  Apatura  modesta  cf,  Obthr 19 


Fig.   I 


Fig. 


PLANCHE    VIII 

Neptis  Yunnana,  Obthr 11 

Neptis  Narcissina,   Obthr 15 

Neptis  nemorum,  Obthr 12 

Neptis  Annaika,    Obthr 13 

Neptis  Meloria,    Obthr 12 

Neptis  Patricia,   Obthr 14 

Neptis  Noyala,   Obthr 13 

PLANCHE    IX 

Neptis  Thisbe-obscurior,   Obthr 9 

Neptis  Thishe-dilutior,    Obthr 9 

Neptis  Themis-Theodora,   Obthr 11 

Neptis  Sylvia,   Obthr 18 

Neptis  nemorosa,    Obthr 16 

Neptis  sylvana,   Obthr 16 


Lépidoptérologie     comparéf 


PL  VII 


II 


1  Paromia  melania  ô,  Stgr. 

2  Paromia  melania  9,  Stgr. 


3  Catagramma  mionina  6,  He 

4  Apaturamodesta  ô.ûbthr. 


Lépidoptérologie     co 


mparee 


PI, VIII 


1  Neptis  Yunnana^Ch.Obthr- 

2  Neptis  Narcissina,  Ch.Obthr 

3  Neptis  nemorum.Ch.Obihr. 


4  Neptis  Annaïka,  Ch.Obthr. 

5  Neptis  Meloria, Ch.Obthr. 

6  Neptis  Patricia,  Ch.Obihr. 


7    Neptis  Noyala,  Ch.Obthr 


Lèpidoptérologie     compî 


PL  IX 


1  Neplis  thisbe  obscurior,  Ch.Obihr. 
2,  Heptis  thisbe  dilutior.Ch.Obthr. 
3  Neptis  themis  Theodora  AObthr. 


4  Neplis  Svlvia^ChObthr. 

5  Neptis  nemorosa.ChObthr. 

6  Neptis  Sylvana,Ch.Obthr. 


ÉTUDES 


DE 


LÉPIDOPTÉROLOGIE 

COMPARÉE 


PAR 


Charles    OBERTHUR 


Fascicule  III 


RENNES 

IMPRIMERIE   OBERTHUR 
Juin    1909 


LÉPIDOPTÉROLOGIE  COMPARÉE 


ÉTUDES 


DE 


LÉPIDOPTÉROLOGIE 

COMPARÉE 


Charles    OBERTHUR 


Fascicule  III 


RENNES 

IMPRIMERIE   OBERTHUR 
Juin    1909 


PRÉFACE 


Il  est  maintenant  bien  démontré  que  toutes  les  espèces 
animales  et  végétales  varient  et  que  les  variations  se 
produisent  conformément  à  des  Lois. 

On  peut  considérer  ces  Lois  comme  faisant  partie 
intégrante  des  caractères  génériques. 

Le  même  mode  de  variation  s'applique  en  effet  si 
généralement  à  toutes  les  Espèces  d'un  même  Genre 
qu'on  peut  exactement  prévoir  et  par  conséquent  définir 
d'avance,  c'est-à-dire  avant  même  de  les  connaître  en 
nature,  les  variations  auxquelles  sont  soumises  les  Espèces 
de  certains  Genres  actuellement  suffisamment  étudiés,  en 
se  fondant  sur  des  analogies  déjà  connues. 

C'est  ainsi  que  le  Docteur  Courvoisier,  de  Baie,  a  pu 
dresser  graphiquement  le  tableau  des  variations  dans 
lesquelles  peuvent  se  mouvoir  toutes  les  Espèces  du 
Genre  Lycœna  (Lép.  Rhop.). 

On  pourrait  aisément  établir  des  tableaux  semblables 
pour  une  foule  d'autres  Groupes  dont  les  Espèces,  au 
point  de  vue  des  variations,  ont  été  soigneusement  obser- 
vées; ainsi  :  les  Zygœna  et  les  Arciia  (Lép.  Hét.). 

Bientôt,  sans  doute,  nous  arriverons  à  être  assez  bien 
fixés  sur  les  Lois  de  variations  pour  être  en  état,  d'après 
l'examen  d'un  échantillon  normal  d'une  Espèce  quel- 
conque, d'indiquer  avec  certitude  l'ensemble  des  variations 


«  PREFACE 

auxquelles  est  soumise  l'Espèce  à  laquelle  appartient  cet 
échantillon. 

D'ailleurs,  il  est  bien  évident  que  la  connaissance  d'un 
Genre  ou  d'une  Espèce  ne  devient  entière  qu'après 
constatation  des  diverses  variations  dans  lesquelles  ce 
Genre  ou  cette  Espèce  peuvent  se  mouvoir  suivant  les 
circonstances  de  saison  et  de  lieu,  ou  encore  en  conformité 
de  ces  causes  actuellement  partiellement  ignorées,  mais 
sur  la  nature  desquelles  les  expériences  des  D''"  Max 
Standfuss  et  Fischer,  de  Zurich,  ont  commencé  de  projeter 
un  très  suggestif  rayon  de  lumière. 

Cependant  on  sent  que  l'étude  des  variations  atteignant 
tous  les  êtres  organisés,  ne  peut  se  faire  utilement  qu'au 
moyen  de  multiples  comparaisons,  et  on  comprend 
aisément  combien  il  importe,  pour  entrer  en  possession  de 
la  vérité,  de  présenter  les  faits  observés  avec  la  plus 
rigoureuse  exactitude,  comme  aussi  d'éclairer  toutes  les 
observations  relatées,  au  moyen  de  figures  susceptibles 
d'éviter  toute  confusion  et  tout  malentendu. 

Je  suis  présentement  privé  du  concours  entendu  et 
intelligent  de  M.  Dallongeville,  graveur-lithographe, 
désormais  obligé  au  repos  ;  mais  j'ai  rencontré  en 
M.  J.  Culot,  de  Genève,  un  collaborateur  artistique  aussi 
compétent  en  matière  d'Entomologie  que  dessinateur 
habile  et  coloriste  expérimenté.  Il  a  dessiné,  mis  sur  pierre 
et  colorié  les  papillons  d'après  nature,  en  les  éclairant 
toujours  de  gauche  à  droite,  ce  dont  il  est  nécessaire  de  tenir 
compte  pour  l'appréciation  des  ombres  et  des  reflets,  et  son 
travail  est  très  consciencieusement  exécuté. 

Dès  lors,  j'espère  pouvoir  rendre  clairement  tangibles 
les  résultats  de  mes  récentes  observations  sur  la  Faune 
comparée  des   Lépidoptères  de  France,   d'Algérie  et  de 


PREFACE 


l'Europe  occidentale,  et  sur  divers  autres  sujets  qui  sont 
traités  dans  le  présent  ouvrage. 

J'ai  émis,  il  y  a  longtemps,  cette  proposition  :  Pas  de 
bonne  figure  à  Vappni  d'une  description,  pas  de  nom 
valable.  )) 

Plus,  en  avançant  dans  l'étude  de  l'Entomologie,  je 
crois  acquérir  d'expérience  en  cette  spécialité  scientifique, 
plus  je  considère  comme  indispensable  d'accompagner 
toute  description  d'une  bonne  figure,  afin  de  rendre  la 
description  intelligible. 

Ceux  qui,  invoquant  le  prix  trop  élevé  des  figures  et  le 
retard  qu'apporterait  à  la  publication  de  leurs  écrits  le 
temps  indispensable  pour  la  production  des  planches, 
s'obstinent  à  accumuler  dans  les  périodiques  les  plus  divers 
d'indigestes  descriptions  que  n'éclaire  aucune  figure,  font 
plus  qu'une  œuvre  stérile.  Ils  créent  des  obscurités  et  des 
embarras  qui  sont  et  resteront  une  véritable  obstruction 
aux  progrès  de  la  Science  qui  nous  est  chère. 

Maintes  fois  déjà,  dans  l'intérêt  de  l'Entomologie,  j'ai 
cru  devoir  protester  contre  le  fléau  des  descriptions  sans 
figures.  Au  cours  de  ces  dernières  années,  j'ai  interrogé 
à  ce  sujet  de  nombreux  Entomologistes,  tant  en  France 
qu'à  l'Etranger. 

Je  puis  afïîrmer  qu'actuellement,  à  part  les  intéressés, 
c'est-à-dire  les  écrivains  qui,  pour  l'économie  d'une  dépense 
pourtant  nécessaire,  se  passent,  de  parti-pris,  du  concours 
des  dessinateurs,  personne  n'ose  prétendre  que  la  des- 
cription suffit  pour  déterminer  avec  certitude. 

Aux  entêtés  descripteurs  sans  figures,  j'opposerai  une 
note  écrite  par  feu  Guenée,  épinglée  à  l'un  des  Papillons 
de  sa  collection,  et  dans  laquelle  l'Auteur  du  Species 
général  des  Lépid.  Hétér.  {Suites  à  Buffon),  déclare  que 


10  PREFACE 


n'ayant  plus  sous  les  yeux  le  type  précédemment  décrit 
par  lui-même  et  dont  il  a  négligé  de  conserver  le  dessin, 
il  lui  est  devenu  impossible  de  dire  si  l'Espèce  qu'il  s'agit 
de  déterminer  doit  être,  ou  non,  identifiée  à  celle  qu'il  a 
décrite  jadis  dans  son  grand  Ouvrage. 

Guenée  a  toujours  eu  le  mérite  de  la  sincérité. 

Or,  si  le  descripteur  d'une  Espèce  avoue  lui-même  son 
impuissance  à  la  reconnaître  exactement,  du  moment  que 
le  dessin  indispensable  lui  fait  défaut,  comment  pourront 
faire  les  autres  qui,  n'ayant  jamais  vu  le  type,  ne  peuvent 
évidemment  en  avoir  aucun  souvenir. 

On  restera  forcément  dans  la  probabilité  et  on  ne 
s'élèvera  pas  au-dessus  de  l'a  peu  près.  Or  le  doute  n'est 
pas  la  Science. 

Traitant  donc  le  présent  ouvrage  d'après  les  principes 
qui  m'animent,  je  m'efforcerai  de  montrer,  par  des  figures 
nombreuses  et  bien  dessinées,  ce  que  sont  réellement 
certaines  formes  nouvellement  découvertes,  par  rapport  à 
d'autres  anciennement  connues.  J'établirai  ainsi  une  série 
de  comparaisons  qui  compléteront  nos  connaissances 
actuelles,  notamment  dans  la  faune  des  Lépidoptères  de 
France  et  d'Algérie.  J'estime  en  effet  que  c'est  pour  nous. 
Entomologistes  français,  un  devoir  de  nous  intéresser 
avant  tout  à  ce  qui  regarde  l'Entomologie  de  notre  Pays. 

Je  trouve  parfaitement  naturel  que  ce  soit  des  Ento- 
mologistes anglais  qui  nous  initient  à  la  connaissance  de 
la  faune  de  leurs  Iles  et  de  leurs  Colonies.  Mieux  que 
d'autres,  sans  doute,  les  Anglais  sont  à  même  de  disserter 
sur  les  productions  naturelles  des  régions  oii  ils  sont 
établis. 

Mais  nous  autres.  Français,  nous  serions  tout  au  moins 
coupables  de  négligence  si  nous  réservions  à  des  Etrangers 


PREFACE  I I 

le  soin  de  faire  connaître  au  Monde  scientifique  l'histoire 
des  animaux  qui  naissent  sur  le  sol  de  notre  Patrie  et  des 
Contrées  devenues  nôtres.  En  1876,  lorsque,  dans  la 
i"  livraison  des  Etudes  d'Entomologie,  je  dressai  l'in- 
ventaire des  Lépidoptères  d'Algérie,  je  crus  accomplir  un 
devoir  envers  notre  Science  aussi  bien  qu'envers  mon 
Pays. 

Dans  maintes  livraisons  successives  des  Etudes  d'En- 
tomologie, j'ai  ajouté  à  la  faune  des  Lépidoptères  d'Algérie 
des  renseignements  complémentaires,  m'efforçant  ainsi  de 
conserver  aux  Entomologistes  français  une  situation 
prépondérante  quant  à  la  connaissance  des  Espèces  et 
des  Formes  des  Papillons  qui  vivent  aujourd'hui  en 
Algérie. 

Poursuivant  le  même  but  avec  persévérance  depuis  plus 
d'un  tiers  de  siècle,  j'ai  demandé  en  1907  à  M.  Harold 
Powell  d'explorer  entomologiquement,  pour  moi,  les  envi- 
rons de  Sebdou,  dans  la  province  d'Oran.  Entre  temps, 
M.  Dayrem  chassait  de  son  côté  dans  la  province  de 
Constantine  et  en  Kabylie. 

Cette  année  1908,  M.  H.  Powell  a  recommencé,  au 
mois  de  Mai,  de  recueillir  les  Lépidoptères  dans  la  région 
de  Khenchela,  à  l'Est-Algérien.  Mais,  devenu  malade  en 
Juin  1908,  M.  H.  Powell  a  dû  interrompre  son  explo- 
ration, qui  s'annonçait  fructueuse,  et  rentrer  en  France. 

M.  Holl,  officier  d'administration  de  i'"  classe  du  Génie, 
maintenant  en  retraite  à  Hussein-Dey,  lépidoptériste 
plein  d'ardeur,  m'a  communiqué  à  plusieurs  reprises 
d'intéressants  documents,  dont  je  tire  parti  dans  cet 
ouvrage.  Je  le  remercie  cordialement  de  sa  parfaite 
obligeance. 

Pour  les  pays  avoisinant  la  France  et  dont  la  faune  s'y 


12  PREFACE 


trouve  intimement  liée,  j'ai  été  heureux  de  recevoir  de 
M.  Arnold  Wullschlegel,  de  Martigny,  en  Valais,  quelques 
variétés  qu'on  verra  représentées  dans  le  présent  ouvrage. 
Je  le  remercie  vivement  de  l'intérêt  qu'il  porte  à  mes 
publications  illustrées  et  des  services  qu'il  rend  ainsi  à 
notre  Science. 

En  Italie,  M.  Zickert,  de  Naples,  et  M.  Giuseppe 
Leoni,  de  Cerchio  (xA-brazzes),  ont  fait  des  envois  qui 
m'ont  beaucoup  instruit  sur  la  faune  lépidoptérologique 
des  belles  contrées  oii  ils  résident. 

Moi-même  j'ai  chassé  assez  fructueusement  en  Italie, 
au  printemps  de  1907,  profitant,  aux  environs  de  Florence, 
de  l'aimable  compagnie  de  M.  Roger  Verity. 

Cette  année  1908,  M.  Fabresse  a  exploré  pendant 
plusieurs  semaines  quelques-unes  des  localités  de  l'Italie 
méridionale  citées  par  Achille  Costa,  dans  son  bel  ouvrage 
consacré  à  la  faune  générale  du  Royaume  de  Naples  ; 
mais,  depuis  un  demi-siècle,  des  changements  considé- 
rables sont  survenus  dans  l'état  du  sol  et  les  mêmes 
espèces  ne  semblent  plus  se  retrouver  dans  la  plupart  des 
lieux  où  elles  furent  jadis  rencontrées. 

En  France,  les  chasseurs-naturalistes  de  Digne,  princi- 
palement MM.  Victor  Cotte  et  Augustin  Coulet,  m'ont 
fourni  des  documents  très  intéressants.  Je  leur  en  exprime 
toute  ma  gratitude. 

Je  dois  aussi  d'importantes  et  très  obligeantes  commu- 
nications à  M.  Balestre  et  à  M.  Decoster,  tous  deux 
chassant,  avec  beaucoup  de  zèle  et  de  compétence,  dans 
le  département  si  riche  des  Alpes-Maritimes. 

M.  H.  Powell  a  exploré  pour  moi,  avec  succès,  diverses 
localités  de  Provence,  de  Mai  à  Novembre  1906;  à  son 
retour  d'Algérie,  depuis  Juin  1908,  il  a  chassé  activement 


PREFACE  13 


dans  les  Pyrénées-Orientales  et  il  y  a  trouvé  plusieurs 
espèces  insoupçonnées. 

M.  Gédéon  Foulquier,  lépidoptériste  zélé,  résidant  à 
Marseille,  m'a  gratifié  de  plusieurs  belles  pièces  récoltées 
par  lui  dans  le  Var  et  les  Bouches-du-Rhône,  notamment 
d'une  variété  jaune  de  Zygœna  hilaris  qu'en  son  honneur 
j'ai  appelée  :  Foulquïen.  Je  ne  saurais  lui  être  assez 
reconnaissant  de  sa  très  gracieuse  générosité. 

M.  le  D""  Siépi  a  bien  voulu  se  dessaisir  en  ma  faveur 
de  quelques  belles  aberrations  qu'il  avait  capturées  aux 
environs  de  Marseille  et  dont  il  est  fait  mention  dans  le 
Catalogue  des  Lépidoptères  des  Bouches-du-Rhône. 

Je  remplis  enhn  le  plus  agréable  devoir  en  exprimant 
ici  ma  plus  affectueuse  gratitude  à  MM.  Gabriel  Dupuy, 
d'Angoulême,  Vigé,  de  Dompierre-sur-Mer  (Charente- 
Inférieure),  et  Rondou,  de  Gèdre  (Hautes-Pyrénées). 

Toujours  prêts  à  me  rendre  service,  ces  entomologistes 
si  ardemment  dévoués  au  progrès  de  notre  Science  se 
sont  intéressés  à  l'accroissement  des  documents  nécessaires 
à  mes  études,  avec  un  zèle  et  une  générosité  dont  je  ne 
saurais  leur  être  assez  reconnaissant. 

Aussi  est-ce  avec  une  satisfaction  toujours  plus  douce 
que  je  retourne,  le  plus  souvent  possible,  chasser  avec  mes 
amis,  dans  leur  si  attrayant  pays. 

Angoulême  est  pour  les  papillons  une  localité  incom- 
parable. 

La  Ville  est  bâtie  sur  une  hauteur  qui,  considérée  du 
côté  du  Nord,  s'élève  assez  brusquement  au-dessus  d'une 
vaste  plaine.  Le  magnifique  panorama  que  l'on  domine  du 
haut  de  cette  pittoresque  Cité  est  d'un  aspect  riant  et  varié. 
D'épais  bouquets  d'arbres  d'une  magnifique  verdure,  de 
belles  eaux,   de  riches  moissons   et  des   fabriques  nom- 


14  PRÉFACE 


breuses  montrent  la  fécondité  du  sol  et  l'activité  indus- 
trieuse et  intelligente  des  habitants. 

Du  côté  du  Sud,  une  succession  de  fraîches  vallées, 
bien  arrosées,  largement  ouvertes  dans  le  sens  de  l'Est  à 
l'Ouest,  séparées  par  des  collines  calcaires  généralement 
boisées  de  chênes,  offrent  aux  Lépidoptéristes  les  plus 
précieuses  localités. 

En  quittant  Angoulême,  la  première  de  ces  vallées 
qu'on  rencontre  est  celle  dite  :  des  Eaux-Claires.  La 
pente,  au-dessous  de  la  route  conduisant  au  village  de 
Puymoyen,  est  couverte  de  chênes-verts  au  milieu  des- 
quels vole,  comme  si  c'était  en  Provence,  la  Rhodocera 
Cleopatra.  Dans  le  fond  de  la  vallée,  au  miHeu  de  prés 
humides  dont  la  faux  a,  depuis  plusieurs  années,  respecté 
les  herbes,  la  Lycœna  Euphemzts,  qui  est  pour  moi  un 
cher  et  déjà  bien  lointain  souvenir  d'Alsace,  abonde  vers 
la  fin  du  mois  de  Juillet;  tandis  que  sur  la  colline  qui 
s'élève  au  Midi  de  cette  joHe  vallée  des  Eaux-Claires,  une 
quantité  d'espèces  de  Lépidoptères  se  succèdent  avec  les 
saisons. 

C'est  là  qu'on  peut  aisément  récolter  une  foule  de 
Rhopalocères,  parmi  lesquels  les  Q  cœlesûs  de  Lycœna 
Adonis  et  syngrapha  de  Corydon,  et  dans  la  nombreuse 
famille  des  Hétérocères,  les  Zygœna  hippocrepïdis  et 
fausta,  assez  fréquemment  accouplées  l'une  à  l'autre. 

Un  peu  plus  loin,  dans  la  forêt  accidentée  de  Livernant, 
les  Cœnonympha  Œdipîis  voltigent  dans  les  fonds  maré- 
cageux, en  compagnie  d'une  quantité  d'espèces  qui  ne 
cessent  de  solliciter  l'attention  et  l'activité  du  chasseur. 

Combien  il  serait  désirable  que  M.  Gabriel  Dupuy 
publiât   ses   observations   personnelles   sur   la   faune   des 


PRÉFACE  I 5 


Lépidoptères  d'Angoulcme  et  fît  profiter  notre  Science  de 
sa  longue  expérience  et  de  ses  fructueuses  explorations! 

A  Dompierre-sur-Mer,  comme  à  Angoulême,  le  sol  est 
calcaire  ;  c'est  une  plaine.  Mais  j'y  ai  connu  un  très  vaste 
espace  de  terrain  non  cultivé  et  oii  l'on  ne  coupait  géné- 
ralement pas  les  herbes.  La  flore  naturelle  et  la  faune 
dont  elle  est  l'aliment  échappaient  donc  jusqu'ici  à  ces 
destructions  périodiques  qui  sont  la  règle  générale  partout 
ailleurs,  et  les  Papillons  pouvaient  se  développer  à  Dom- 
pierre  dans  des  conditions  particulièrement  favorisées.  Les 
Lycœna  et  les  Zygcsna  y  sont  nombreuses  et  présentent 
de  fréquentes  et  intéressantes  variations. 

La  région  calcaire  qui  s'étend  au  Sud  de  la  Loire 
jusqu'aux  bords  de  la  Garonne  est  extrêmement  riche  au 
point  de  vue  entomologique. 

Dans  les  départements  de  la  Charente  et  de  la  Charente- 
Inférieure,  comme  aussi  dans  les  Deux-Sèvres  et  dans  la 
Vendée,  il  y  a  une  grande  variété  d'espèces,  et  c'est  un 
plaisir  charmant  de  chasser  dans  des  bois  et  des  champs 
oii  les  Papillons  d'espèce  intéressante  abondent. 

Deux  Entomologistes  très  expérimentés,  M.  Daniel 
Lucas,  d'Auzay,  près  de  Fontenay-le-Comte,  et  M.  Gelin, 
de  Niort,  ont  fait  dans  la  Vendée  et  les  Deux-Sèvres,  et 
jusque  vers  La  Rochelle  et  Royan,  dans  la  Charente- 
Inférieure,  des  découvertes  du  plus  haut  intérêt.  Comme 
je  n'ignore  pas  qu'ils  préparent  la  pubHcation  d'un  ouvrage 
où  seront  mises  en  lumière  les  richesses  des  pays  qu'ils 
ont  si  fructueusement  explorés,  je  forme  le  vœu  de  voir 
le  plus  tôt  possible  se  réaliser  le  projet  scientifique  qu'ils 
ont  si  utilement  conçu. 

Un  chasseur  de  grand  mérite,  feu  de  Graslin,  dont  j'ai 
acquis  la  collection,  il  y  a  déjà  un  certain  nombre  d'années, 


PREFACE 


avait,  le  premier,  fréquemment  exploré  le  littoral  vendéen 
et  y  avait  réalisé  des  découvertes  sensationnelles,  mon- 
trant ainsi  tout  l'intérêt  que  présente  la  faune  entomolo- 
gique  de  la  région  qui  s  étend  au  Sud  de  la  Loire. 

Mais  de  Graslin  ne  s'était  pas  borné  à  l'étude  des 
Papillons  vivant  dans  les  environs  des  lieux  qu'il  habitait 
et  où  se  trouvaient  ses  propriétés  :  le  château  de  Mali- 
tourne,  près  Château-du-Loir  (Sarthe),  et  les  dunes  de 
Bretignoles,  les  prés  salés  de  Gâchères,  la  Baraudière  et 
les  marais  salants  sur  le  littoral  vendéen. 

Entomologiste  plein  de  zèle,  il  avait  entrepris  des 
voyages  plus  lointains.  En  outre  de  l'Andalousie,  qu'il 
explora  avec  son  ami  et  compatriote  Rambur,  en  1835, 
de  Graslin  ht  des  chasses  excellentes  dans  les  Pyrénées- 
Orientales,  contrée  exceptionnellement  favorisée  au  point 
de  vue  de  ses  productions  naturelles. 

Des  bords  de  la  Loire  jusqu'aux  Pyrénées,  la  distance 
aujourd'hui  ne  semble  pas  bien  longue,  grâce  aux  moyens 
de  locomotion  rapide  dont  nous  disposons.  Mais  jadis, 
quand  il  fallait  accomplir  en  voiture  des  trajets  de  plusieurs 
centaines  de  kilomètres,  combien  de  temps  devait-on 
consacrer  au  voyage  et  quelles  fatigues  il  était  nécessaire 
de  s'imposer! 

De  Graslin,  qui  visita  pour  la  première  fois,  en  1847,  le 
Roussillon,  le  Gonflent,  la  Cerdagne  et  les  Albères,  aussi 
bien  que  Pierret  explorant,  vers  la  même  époque,  les 
environs  de  Gavarnie,  étaient  animés  pour  les  progrès  de 
notre  Science  de  la  plus  généreuse  ardeur. 

Les  vieux  maîtres  français  de  la  Lépidoptérologie,  au 
siècle  dernier,  les  Rambur  et  les  Duponchel,  les  Pierret 
et  les  Donzel,  les  Lefebvre  et  les  Bellier  de  la  Chavignerie, 
tous  intrépides  voyageurs,  à  qui  nous  sommes  redevables 


PREFACE  1/ 

de  si  éclatantes  découvertes  et  de  si  importants  travaux, 
parcouraient  des  contrées  encore  généralement  neuves  au 
point  de  vue  entomologique.  Ils  avaient  donc  un  champ 
d'exploration  exceptionnellement  propice.  Mais  il  est  juste 
de  reconnaître  les  qualités  de  sagacité,  de  patience  et  le 
zèle  infatigable  qui  les  distinguaient. 

Si  les  Entomologistes  qui  sont  venus  après  eux  ont 
réussi  à  ajouter  de  nouveaux  et  brillants  Heurons  à  la 
nomenclature  déjà  si  nombreuse  et  si  variée  des  Papillons 
français  dans  le  Catalogue  publié  par  Duponchel  en  1844, 
peuvent-ils  cependant  prétendre  qu'ils  ont  retrouvé  toutes 
les  espèces  capturées  par  leurs  devanciers  et  qu'ils  sont 
en  possession  de  toute  leur  expérience  et  des  connaissances 
qu'ils  avaient  acquises  au  prix  de  tant  de  laborieux  et 
persévérants  efforts.'^ 

Lorsque,  me  dirigeant  vers  les  montagnes  des  Pyrénées 
et  venant  d'atteindre  les  plaines  du  Languedoc  ou  du 
Béarn,  je  commence  d'apercevoir  à  l'horizon,  telle  une 
ligne  de  nuages,  la  longue  chaîne  aux  cimes  argentées, 
se  profilant  sur  le  bleu  profond  du  Ciel,  tout  naturellement 
ma  pensée  se  reporte  vers  les  Entomologistes  qui  nous 
ont  précédés,  le  lilet  à  la  main,  dans  l'exploration  de  ces 
sommets  superbes  et  de  ces  vallées  enchanteresses. 

Relisant,  dans  les  Annales  de  la  Société  entomologique 
de  France,  les  Observations  faites  par  Pierret  pendant  les 
mois  de  Juillet  et  Août  1848  sur  les  Lépidoptères  qui  se 
trouvent  aux  environs  de  Gavarnie,  ou  bien  les  Résultats 
des  chasses  faites  par  de  Graslin  dans  les  Pyrénées- 
Orientales  en  1847  et  en  1857,  j'ose  à  peine  espérer  des 
succès  comparables  aux  leurs. 

Cependant,  si  l'on  n'est  pas  assez  heureux  pour 
retrouver  toutes  les  espèces  jadis  capturées,  une  décou- 

2 


l8  PRÉFACE 

verte  inattendue  procure  une  satisfaction  dont  le  charme 
est  toujours  délicieux. 

Les  Pyrénées  n'ont  pas  encore  livré  tous  les  trésors  de 
leur  faune.  Depuis  le  jour  lointain  oii  j'eus  pour  la  pre- 
mière fois  la  joie  d'apercevoir  la  masse  si  imposante  du 
Canigou  et  d'en  gravir  les  pentes,  en  compagnie  d'amis 
lépidoptéristes  à  qui  seul  je  survis  aujourd'hui,  j'ai  bien 
des  fois  refait  le  même  voyage  et  de  nouveau  parcouru 
les  mêmes  sentiers.  Si  les  hommes  ont  changé  et  si  de 
nouveaux  visages  remplacent  ceux  que  jadis  j'avais 
connus,  la  nature  est  restée  la  même  et  sa  beauté  ne  s'est 
pas  amoindrie. 

Dans  les  Pyrénées-Orientales,  c'est  toujours  avec 
l'atmosphère  chaude  et  sereine  de  la  région  méditerra- 
néenne, le  sol  calciné  par  un  soleil  de  feu  ;  mais  grâce  aux 
neiges  éternelles,  ce  sont  aussi  toujours  les  mêmes  eaux 
qui  descendent  claires  et  fraîches  des  hautes  altitudes. 

Ces  eaux  tumultueuses  produisent  l'association  féconde 
de  la  chaleur  et  de  l'humidité.  Aussi  non  loin  des  pentes 
sèches,  tout  embaumées  par  le  parfum  des  cistes  et  des 
lavandes,  il  y  a  les  forêts  verdoyantes,  les  champs  fertiles 
et  les  prairies  incessamment  arrosées. 

Les  Pyrénées-Orientales  sont  un  Eldorado  où  les 
Entomologistes  réalisent  sans  cesse  de  nouvelles  et  inté- 
ressantes captures.  Le  Roussillon  ne  paraît-il  pas  comme 
une  sentinelle  avancée  de  l'Andalousie  à  laquelle  sa  faune 
lépidoptérologique  ressemble  sous  plus  d'un  rapport? 

J'ai  traversé  trop  rapidement  l'Ariège  et  la  Haute- 
Garonne,  et  je  n'y  ai  guère  séjourné.  Je  le  regrette,  car 
il  y  aurait  certainement  beaucoup  d'espèces  précieuses  et 
des  formes  géographiques  spéciales  à  recueillir  dans  ces 
départements. 


PREFACE  19 


La  faune  des  Hautes-Pyrénées  est  mieux  connue.  Le 
climat  y  est  plus  humide  qu'à  l'Est  de  la  chaîne  pyré- 
néenne. Les  vents  du  Golfe  de  Gascogne  poussent  fré- 
quemment les  vapeurs  marines  vers  le  Vignemale  et  le 
Pic  du  Midi.  Il  faut  donc  s'attendre  à  de  brusques 
variations  de  température  et  s'armer  de  patience  quand  le 
Ciel  reste  trop  longtemps  couvert  de  brouillards  moroses. 

Mais  la  sérénité  revient  toujours,  ne  serait-ce  que  pour 
une  courte  durée.  Je  ne  connais  alors  rien  de  plus  délicieux 
qu'une  belle  journée  d'été  à  Gavarnie  ou  à  Cauterets. 

Lorsque  le  soleil  du  matin  inonde  les  vallées  pyré- 
néennes de  sa  joyeuse  lumière,  les  Papillons  volent  de 
toutes  parts.  Heureux  l'Entomologiste  dont  les  jambes  ont 
assez  de  vigueur  pour  aborder  rapidement  les  hauts 
sommets  par  un  jour  serein.  Il  semble  que  les  espèces  des 
grandes  altitudes  jouissent  d'une  sorte  de  noblesse  qui 
nous  les  rend  plus  précieuses.  Certes,  il  est  charmant  de 
recueiUir  sans  fatigue,  sur  le  beau  sentier  qui  conduit  des 
bains  de  la  Raillère  vers  Cauterets,  ou  bien  encore  sur  la 
route  forestière  de  la  montagne  du  Péguère  qui  mène  à 
la  Glacière,  les  nombreuses  espèces  de  Papillons  qui  se 
présentent  de  toutes  parts  au  chasseur  ;  mais  le  plaisir  de 
capturer  presque  sans  efforts  :  Lyccena  Icarms,  Erebia 
Œ}ne,  Cœcilia,  Satynis  Alcyone,  Melitœa  Dyctinna, 
Zygcena  scabïosœ,  meliloii,  hippocrepidis,  achilleœ, 
Psyché  Leschenaidii,  Cidaria  cœruleata,  Acronycta  my- 
ricœ,  même  Leucania  Anderreggi,  n'est  point  comparable 
à  la  satisfaction  de  voir  voltiger  dans  les  places  qu'elles 
affectionnent,  vers  une  altitude  d'environ  2.000  mètres, 
les  Lycœna  pyrenaica,  Eros,  Erebia  Lefebvrei,  Gorgone, 
Sthcnnyo,  Hepialus  alticola,  Dasydia  septaria,  Cleo  gène 
Peletieraria,    Zygœna   Coniaminei,   Antkyllidis,   et   tant 


20  PREFACE 


d'autres  Lépidoptères  de  la  faune  des  sommets  pyrénéens. 
Il  faut  donc  s'élever  le  plus  haut  possible,  tout  au  moins 
jusqu'aux  pelouses  alpestres  et  aux  éboulis  de  pierres,  là 
où  croissent  les  plantes  de  la  flore  alpine.  Comme  les 
Papillons  qui  habitent  avec  elles,  ces  plantes  exquises 
sont  fidèles  aux  hauteurs  et  ne  se  rencontrent  que  bien 
accidentellement  au-dessous  de  la  limite  de  leur  altitude. 

Mon  ami  Rondou  a  le  bonheur  d'avoir  conservé  toutes 
ses  forces  ;  l'âge  n'a  point  diminué  ses  moyens,  ni  refroidi 
son  énergie.  Aussi,  en  vrai  montagnard,  escalade-t-il  rapi- 
dement et  aisément  les  plus  hautes  cimes  pyrénéennes. 

Il  se  sent  pénétré  d'admiration  en  présence  de  la  ma- 
jestueuse splendeur  de  tous  les  pics  et  de  toutes  les  crêtes 
qui,  de  toutes  parts,  —  telles  les  hautes  vagues  figées  d'un 
Océan,  —  se  dressent  et  se  développent  devant  ses  yeux, 
lorsqu'il  est  parvenu  aux  sommets  élevés.  N'est-ce  pas  un 
plaisir  de  l'entendre  exprimer  le  charme  de  la  Nature  sur 
les  grandes  hauteurs  pyrénéennes.'^  Ecoutons-le  : 

({  Le  4  Août  1908,  m'écrit-il,  j'ai  joui  de  la  plus  belle 
journée  qu'il  soit  possible  de  désirer  en  montagne.  Sur 
le  sommet  des  Salettes,  j'ai  passé  un  moment  bien 
agréable.  Pas  un  nuage  ne  voilait  aucune  partie  de 
l'horizon.  J'avais  à  mes  pieds  le  joli  vallon  de  Héas  et 
la  chapelle  de  Notre-Dame  ;  devant  moi,  le  Vignemale 
et  le  Mont- Perdu,  visibles  comme  si  j'y  étais.  Par  la 
brèche  de  la  Hourguette  du  Campbieil,  le  Néthou  et  ses 
glaciers  barraient  la  vue  du  côté  de  l'Est.  J'étais  baigné 
de  lumière  ;  il  faisait  chaud,  mais  pas  trop.  Le  plateau 
sur  lequel  je  me  trouvais,  entouré  de  tous  côtés  d'escar- 
pements formidables,  formait  une  pelouse  gazonnée  011, 
sur  les  plantes  les  plus  rares,  volaient  les  papillons 
pyrénéens  les  plus  recherchés  :  Erch'ia  Stkennyo,  Gorge, 


PREFACE  21 

»  Lefehvreu  Zygœna  Anthyllidis,  Eiuydia  Ripperiiî, 
))  Psodos  Gedrcusis,  Dasyd'ia  innnf)!aria,  Crauihus  peiri- 
»  ficellus,  etc.,  etc.  Je  suis  resté  là  de  i  heure  à  4  heures  ; 
))  je  ne  pouvais  quitter  ce  séjour  enchanteur.  '•> 

La  pensée  immédiatement  entraînée  par  le  récit  de 
M.  Rondou  s'est  élancée  vers  les  cimes  où  étincellent  les 
neiges  éternelles.  Du  haut  du  belvédère  011  nous  ont 
conduit  nos  souvenirs,  nous  nous  sommes  représenté  la 
vallée  profonde  avec  ses  villages,  son  gave,  ses  prés,  ses 
moissons.  Mais  les  illusions  de  ce  monde,  si  douces  et  si 
pures  qu'elles  puissent  être,  ont  toujours  une  durée  bien 
éphémère.  La  vision  qui  nous  a  charmé  s'est  envolée. 
Remettons  donc  à  un  prochain  été,  s'il  plaît  à  Dieu  de 
nous  en  réserver  encore  une  fois  la  joie,  l'ascension  du 
haut  pic  d'où  l'on  aperçoit  toutes  les  basses  montagnes 
et  la  plaine  immense  enveloppée  dans  une  atmosphère 
d'un  bleu  si  doux,  finissant  par  se  confondre  avec  le  Ciel, 
dans  les  brumes  vagues  de  l'horizon  lointain. 

Venons  retrouver  mon  cher  pays  breton,  «  la  terre  de 
granit  recouverte  de  chênes  ». 

Une  mer  souvent  courroucée  livre  un  perpétuel  assaut 
aux  côtes  rocheuses  de  la  péninsule  armoricaine,  tandis 
que  sur  les  falaises,  la  couleur  rose  et  violette  des  bruyères 
se  mêle  à  l'or  des  ajoncs. 

Les  collines  qui  s'élèvent  de  l'Est  à  l'Ouest,  comme 
l'épine  dorsale  de  la  presqu'île,  malgré  leur  faible  altitude, 
offrent  parfois  des  aspects  de  montagne  ;  et  du  haut  des 
rochers  des  landes  bretonnes,  se  déroulent  souvent  de 
vastes  et  superbes  panoramas.  Mais  la  flore  et  la  faune 
sont  peu  variées,  le  sol  armoricain  étant  presque  unifor- 
mément granitique  ou  schisteux. 

Cependant  ne  trouve-t-on  pas  partout  une  vie  entomo- 


PREFACE 


logique  intense  et  chaque  région  n'offre-t-elle  pas  au 
Naturaliste  un  champ  d'études  qu'il  ne  parvient  jamais  à 
épuiser? 

En  Bretagne,  comme  ailleurs,  nous  avons  fait  d'inté- 
ressantes captures,  tant  comme  aberrations  curieuses 
qu'au  point  de  vue  comparatif  des  Formes  et  des  Espèces. 
Je  suis  redevable  de  la  plus  vive  reconnaissance  à 
M.  P.  Boulé,  naturaliste  de  Rennes,  qui  a  rencontré  dans 
ses  chasses  plusieurs  pièces  très  remarquables  et  en  a 
enrichi  ma  collection.  Les  excursions  de  mon  frère  et  les 
miennes  ont  été  quelquefois  heureuses,  et  dans  nos 
recherches  aux  environs  de  notre  ville  natale,  nous  avons 
connu  quelques  succès. 

De  diverses  parties  de  l'Allemagne,  enfin,  pays  oii  les 
Lépidoptéristes  sont  si  nombreux  et  où  les  chasses  sont 
si  actives,  me  sont  parvenus  des  documents  dont  j'ai 
également  tiré  profit. 

J'ai  cru  devoir  en  outre  publier  la  description  et  la 
figure  de  quelques  Espèces  nouvelles  de  la  faune 
tropicale. 

Ce  sont  donc  des  récoltes  entomologiques  poursuivies 
dans  des  Contrées  bien  diverses  et  sous  des  Cieux  bien 
différents  qui  ont  fourni  les  éléments  du  présent  travail. 

Puisse-t-il  apporter  une  contribution  utile  au  progrès 
de  la  Science  lépidoptérologiquc  et  mériter  le  précieux 
suffrage  des  Amis  de  l'étude  de  la  Nature,  pour  qui  les 
plus  humbles  Insectes,  créatures  du  Dieu  tout-puissant, 
ne  restent  pas  dédaignés  et  indifférents. 

Charles  OBERTHÛR. 
Monterfil,  31  Août  1908. 


LÉPIDOPTÉROLOGIE 

COMPARÉE 


I 
Les    SPHINGID^   Hybrides 

(PI.  XIV  et  XV). 


Dans  la  première  livraison  des  Etudes  de  Lépidoptérologïe 
comparée,  j'ai  écrit  (p.  28-43)  une  notice  historique  sur  les  produits 
hybrides  de  Celerio  Vespertilio  s'accouplant  dans  la  Nature  avec 
les  Celerio  hippopha'ès  et  euphorbiœ. 

Le  produit  hybride  de  Vespertilio  et  hippopha'ès  a  reçu  le  nom 
dAmelia,  Feisth.  =  Vespertilioides,  Bdv.  Je  crois  que  cet  hybride 
est  resté  rare  et  je  n'ai  pas  entendu  dire  qu'on  ait  réussi  à  le  renou- 
veler récemment  dans  les  expériences  de  Laboratoire. 

Au  contraire,  le  nombre  des  papillons  hybrides  de  Vespertilio  et 
euphorbiœ  est  devenu  relativement  assez  considérable.  On  appelle 
epilobii,  Bdv.  le  produit  hybride  dont  le  cf  est  euphorbiœ  et  la  Q 
Vespertilio.  Lorsque  l'ascendance  est  inverse,  c'est-à-dire  si,  dans 
l'accouplement  hybride,  Vespertilio  est  le  cf  et  euphorbiœ  la  Q,  le 
produit  hybride  s'appelle  Densoi,  Musch. 

M.  Denso,  docteur  en  philosophie,  résidant  au  Grand-Lancy,  près 
Genève,  a  fait  sur  les  hybridations  des  Sphingidœ  des  travaux 


26  LÉPIDOPTÉROLOGIE    COMPARÉE 

d'une  grande  importance  et  a  obtenu,  le  premier,  dans  des  condi- 
tions spécialement  difficiles,  puisque  lëclosion  des  papillons  des 
deux  espèces  ne  se  fait  pas  normalement  à  la  même  époque,  le 
produit  hybride  de  elpenor  cf  et  hippopha'és  Q,  qu'il  a  appelé 
Irène. 

Depuis  la  publication  de  mon  premier  travail,  qui  se  fit  en 
mars  1904,  je  n'ai  pas  cessé  de  poursuivre  attentivement  l'étude  de 
la  question  si  intéressante  des  Sfhingidœ  hybrides  dans  l'état  de 
nature,  aussi  bien  que  dans  les  expériences  de  Laboratoire. 

Mais  je  dois  observer  que,  pour  posséder  la  vérité  entière  et  si 
désirable  sur  les  questions  d'hybridation,  il  faudrait  un  peu  moins 
de  discrétion  de  la  part  de  certains  Entomologistes-obtenteurs  qui, 
trop  souvent,  croient  devoir  taire  des  circonstances  très  intéres- 
santes, notamment  sur  l'origine  naturelle  ou  artificielle  de  leurs 
hybrides. 

Quoi  qu'il  en  soit,  pour  n'être  pas  aussi  complète  et  d'une  pro- 
gression aussi  rapide  que  nous  pourrions  le  souhaiter,  la  connais- 
sance générale  des  hybridations  chez  les  Sphingidœ  s'est  augmentée, 
depuis  peu  d'années,  d'un  certain  nombre  de  faits  curieux  et  de 
documents  remarquables  dont  l'illustration  en  couleurs  paraît,  pour 
la  première  fois,  dans  le  présent  ouvrage. 

De  Vienne,  en  Autriche,  j'ai  reçu  g  epilobii,  dont  4  obtenus  par 
M.  H.  Locke  en  1906,  et  5  autres  portant  la  mention  :  issus  de 
enphorbiœ  cf  et  Vespertilio  Q  ;  l'un  en  mai  1902,  les  autres  en  août 
et  en  septembre  1905.  Du  moment  que  l'ascendance  de  ces  papillons 
est  exactement  connue,  j'ai  lieu  de  croire  qu'ils  ne  proviennent  pas 
d'accouplements  libres,  comme  les  epilobn  jadis  trouvés  à  Lyon  et 
à  Huningue,  mais  qu'ils  sont  le  fruit  d'unions  obtenues  en  Labo- 
ratoire. 

En  effet,  l'ancienne  opinion  que  les  chenilles  mangent  la  plante 
nourricière  de  leur  mère  à  l'exclusion  de  celle  du  père  n'est  plus 
une  indication  certaine  du  sexe  de  l'un  des  ascendants,  depuis 
que  M.  Denso  a  eu  la  preuve  que  les  hybrides  Irène,  issus 
â^ elpenor  cf  et  hippophnës  o,  refusaient  de  manger  VMppophaë 
rhamnoides  et  se  nourrissaient  d'epllobium.   Ces  hybrides,  au  cas 


LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE  2; 

OÙ  ils  auraient  été  produits  dans  la  Nature  et  où  la  Q  hïppopha'és^ 
fécondée  par  elpenor  cf,  aurait  pondu  ses  œufs  sur  Yhippophaë, 
seraient  donc  morts  de  faim  à  l'état  larvaire,  dès  la  sortie  de  l'œuf, 
puisque  les  jeunes  chenilles  ne  pouvaient  s'accommoder  de  la  plante 
nourricière  de  leur  mère  et  exigeaient  celle  qui  avait  nourri  leur 
père. 

Les  epilobii  viennois  sont  généralement  plus  grands  et  d'aspect 
plus  robuste  que  les  epilobii  de  Lyon  et  d'Huningue.  Ils  sont  aussi 
de  teinte  moins  grise  et  la  couleur  olive  y  est  plus  accentuée.  Sous 
le  n"  34  de  la  planche  XV  se  trouve  représenté  un  epilobii  que  je 
tiens  de  M.  H.  Locke,  de  Vienne. 

Je  possède  actuellement  dans  ma  collection  17  epilobii.  Je 
remarque  chez  presque  tous  ces  hybrides,  produits  par  l'accouple- 
ment de  euphorbiœ  cf  et  Vespertilio  q,  l'existence,  sur  les  ailes 
supérieures  en  dessus,  d'une  ligne  ou  d'une  ombre  grisâtre  plus  ou 
moins  accentuée,  parallèle  au  bord  intérieur  de  la  grande  tache 
submarginale  triangulaire  de  couleur  gris  olivâtre,  dont  elle  est 
séparée  par  un  espace  clair.  Cette  ligne  ou  ombre  est  nettement 
perceptible  sur  les  2  ailes  supérieures  de  16  exemplaires;  le  seul 
papillon  qui  n'en  offre  qu'une  très  légère  trace,  et  sur  la  base  de 
l'aile  droite  seulement,  est  une  Q  provenant  de  Grenoble.  Chez  les 
ciip/iorbict'  purs,  on  a  rarement  occasion  de  constater  la  présence 
de  cette  ligne  ou  ombre  qui  devient  au  contraire  une  règle  presque 
constante  chez  epilobii. 

On  a  obtenu  des  produits  féconds  au  moyen  de  epilobii  cf 
accouplés  à  euphorbirs  Q.  Ce  genre  d'hybrides  du  second  degré  a 
reçu  le  nom  de  Pernoldinna,  Aust.,  en  l'honneur  du  «  Zuechter  » 
Aï.  Pernold,  de  Vienne,  qui,  le  19  septembre  1907,  a  obtenu  l'exem- 
plaire figuré  sous  le  n"  33  de  la  PI.  XV. 

Mais  j'ai  fait  figurer  aussi  sous  le  n°  32  de  la  même  planche  un 
autre  hybride  que  m'a  envoyé,  il  y  a  plusieurs  années,  M.  Léonhard, 
de  Baie,  sous  le  nom  ^Eng^eni,  Mory,  avec  cette  indication  :  éclos 
en  été  1901  ;  provenant  d'une  chenille  trouvée  dans  la  Nature,  à 
Himingue,  sur  Vepilobium  rosmarinifolium.  Cet  hybride  est  un  cf 
dont  les  ailes  supérieures  sont  de  coloration  grisâtre  avec  la  tache 


28  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

basilaire  visible,  mais  très  atténuée.  La  longue  et  grande  tache 
submarginale  triangulaire,  de  couleur  olivâtre,  dont  la  base,  dans 
eptlobii  comme  dans  euphorbïœ,  repose  sur  le  bord  inférieur  de 
l'aile  supérieure,  tandis  que  son  sommet  aboutit  à  l'angle  apical, 
n'existe  pas  dans  l'hybride  en  question;  à  la  place  de  cette  tache 
se  développe  un  espace  clair,  de  teinte  un  peu  rosée,  dont  le  bord 
extérieur  est  irrégulièrement  limité  par  une  large  bordure  grise.  On 
perçoit  à  peine  la  tache  ronde  médiane  et  la  ligne  secondaire 
oblique.  Les  ailes  inférieures  sont  comme  chez  Vespertilïo.  Le 
dessous  des  supérieures  est  d'un  rose  pâle,  avec  un  trait  cellulaire 
gris  foncé,  l'apex  et  le  bord  marginal  gris.  D'après  Mory,  Eugenî 
serait  l'hybride  secondaire  issu  de  efïlobiï  cf  et  Y espertïlio   Q. 

Cependant  ce  n'est  pas  seulement  avec  Vesperiilio  o^ euphorbiœ 
peut  s'accoupler.  On  connaît  le  produit  hybride  Ôl  euphorbtœ  Q  et 
de  gain  cf,  appelé  phileuphorbia,  Miitzell,  et  dont  un  cf,  obtenu  à 
Vienne  en  1906,  est  figuré  sous  le  n"  31  de  la  PI.  XIV  du  présent 
ouvrage.  Je  possède  une  Q  de  même  provenance.  L'hybride  inverse 
produit  par  l'accouplement  de  galii  cf  et  de  eiiphorbiœ  Q,  a  été 
obtenu;  il  s'appelle  :  Kindervateri,  Kysela. 

On  connaît  encore  les  hybrides  ^euphorbiœ  c?  et  de  elpenor  Q 
appelé  Harnmthi  Kordesch,  et  inversement  ^ euphorbiœ  Q  et 
^elpenor  cf  désignés  sous  le  nom  de  Pernoldi,  Jacobs.  C'est  un 
Harmutht  qui  est  figuré  sous  le  n"  2g  de  la  PI.  XIV.  L'exemplaire 
figuré  vient  de  Vienne,  où  il  est  éclos  le  25  août  igo6.  Je  possède 
un  Pernoldi  semblable  (le  produit  ne  semblant  pas  changer  quand 
on  change  l'ordre  des  facteurs),  également  obtenu  à  Vienne  le 
II  août  1905,  et  un  autre  dont  les  ailes  supérieures  sont  beaucoup 
plus  obscurcies,  portant  la  date  du  i^  août  igo6. 

Pour  le  moment,  je  crois  qu'on  connaît  le  produit  de  5  accou- 
plements hybrides  dans  lesquels  l'intervention  à'elpenor  avec 
d'autres  espèces  est  dûment  constatée,  savoir  : 

elpenor  cf  x  eiipkorbiœ  Q  =  Pernoldi,  Jacobs  ; 
elpenor  Q  y^euphorbïœ  ç^  =  Hannjithz,  Kordesch; 
2     elpenor  Q  x  galii  (S  =Gschiuandneri,'Kordç.sçh; 


LEPIDOrTEROLOGIE   COMPAREE  29 

Îelpcnor  çS  >^  porcelLus  g  ^Luciani,  Denso; 
elpenor  Q  x  porcelLus  çS  ^Standfussi,  Bartel; 

4  elpenor  cf  x  V espertilïo   Q  ^Gillyi,  Kysela; 

5  elpenor  çS  x  hippophaés  g  =^  Irène,  Denso. 

Je  ne  possède  ni  Gillyi,  ni  Irène;  mais  Gschwandneri,  dont  un 
exemplaire,  qui  m'a  été  envoyé  de  Vienne  par  M.  Locke,  est  âguré 
sous  le  n"  30  de  la  PI.  XIV;  Lucianï  et  Standfussï,  celui-ci  éga- 
lement figuré  sous  le  n"  28  de  la  même  planche. 

Standfussï  a  été  obtenu  «  aus  einer  Anzahl  Elpenor-raupen  von 
Sudtyrol,  1907  »  suivant  le  renseignement  de  M.  W.  Maus, 
Postsekretaer  à  Wiesbaden,  de  qui  je  tiens  l'exemplaire  figuré. 
Slandfussi  est  synonyme  de  Elpenorellus,  Stgr.  ;  ce  serait  donc  un 
Elpenor clliis,  .Stgr.  trouvé  dans  la  Nature. 

M.  Denso  m'a  signalé  l'hybride  de  Dahlii  cf  et  de  euphorbiœ  Q , 
appelé  Walteri,  Turati.  J'ai  vu  cet  hybride  dans  la  collection  spé- 
ciale d'Hybrides  et  extrêmement  intéressante  de  M.  Denso,  à 
Grand-Lancy.  11  paraît  que  l'hybride  réciproque  appelé  Giesekingi 
a  été  aussi  obtenu  par  M.  Turati. 

Nul  doute  que  notre  euphorbiœ  ne  s'accouplerait  avec  tithymali, 
des  Canaries,  desertïcola,  d'Algérie  désertique,  et  Maiiretamcci, 
d'Algérie  non  désertique,  qui  sont  sans  doute  des  formes  géogra- 
phiques d'euphorbice;  de  même  avec  nicaea,  de  la  France  méridio- 
nale et  d'Algérie. 

Mais  un  hybride  plus  extraordinaire  que  tous  ceux  déjà  signalés 
ici  est  celui  qui  résulte  de  l'accouplement  des  Snierinthus  tiliœ  cf 
et  Ocellata  Q.  Cet  hybride,  appelé  Leoniœ,  a  été  obtenu  par  mon 
ami  Max  Standfuss,  qui  eut  l'extrême  obligeance  de  m'en  offrir 
une  paire.  J'ai  fait  figurer  la  Q  sous  le  n°  35  de  la  PI.  XV. 

Où  s'arrêtera-t-on  dans  la  voie  des  hybridations  en  Laboratoire? 
Nul  ne  peut  le  prévoir;  et  de  même  qu'en  Botanique  oii  l'hybri- 
dation permet  de  créer  avec  continuité  un  nombre  de  nouveautés 
toujours  plus  grand,  il  est  possible  qu'en  Entomologie  des  surprises 
multiples  nous  soient  réservées  dans  un  prochain  avenir. 


30  LEPIDOPTEROLOGIE   COMPARÉE 

Cependant  l'intervention  de  l'Homme  est  le  plus  souvent  néces- 
saire, et  bien  rares  sont  les  cas  où  la  Nature  est  l'unique  artisan. 

Les  Zygœiia  sont  le  seul  genre  de  Lépidoptères  qui  présente 
dans  l'état  libre  des  accouplements  hybrides  relativement  fréquents; 
mais  les  résultats  de  ces  accouplements  hybrides  dans  la  Nature, 
s'ils  sont  féconds  pour  les  Celer io  Vespeiiilio  x  euphorbiœ  et 
Vesperiilio  x  hippophaès,  semblent  stériles  pour  les  Zygœna.  C  est 
ainsi  qu'à  notre  connaissance,  depuis  ces  dernières  années,  une 
vingtaine  d'accouplements  hybrides  des  Zygœna  fausta  x  hippo- 
crepidis  ont  été  constatés  non  seulement  dans  les  Charentes,  mais 
à  Vernet-les-Bains  (septembre  igo8). 

Cependant  les  recherches  les  plus  attentives,  notamment  aux 
environs  d'Angoulême  où  les  accouplements  de  Zygœna  fausta  x 
hippocrepidis  ont  été  plus  fréquemment  rencontrés,  n'ont  pas  encore 
fait  découvrir  dans  la  Nature  un  seul  papillon  paraissant  issu  de 
la  copulation  des  deux  espèces. 

Avec  MM.  Vigé,  D.  Lucas  et  moi-même,  mon  frère  trouva,  en 
août  1907,  un  accouplement  hybride  de  fausta  x  hippocrepidis  à 
Dompierre-sur-Mer  (Charente-Inférieure).  Nous  conservâmes  les 
2  Zygœna  d'espèce  différente  accouplées  pendant  18  heures.  La 
Q  hippocrepidis  pondit  très  peu  d'œufs;  mais  ils  étaient  clairs  et 
aucune  larve  n'est  éclose. 

M.  Harold  Powell,  plus  heureux,  a  obtenu  des  larves  d'une  ponte 
hybride  des  mêmes  Zygœna  trouvées,  cette  année  igoS,  à  Vernet- 
les-Bains;  mais  ces  larves  délicates  avaient  bien  des  chances  de 
mortalité  jusqu'au  moment  où  elles  pourraient  se  chrysalider, 
après  l'hiver.  Nous  venons  d'apprendre  que  presque  toutes  ont  déjà 
succombé. 

Voici  l'explication  détaillée  des  Planches  XIV  et  XV  : 

La  Planche  XIV  représente,  sous  le  n°  28,  l'hybride  Standfussi, 

Bartel,  dont  la  chenille  a  été  trouvée  dans  la  Nature;  probablement 

issu  d'Elpenor   Q  x  porcellus  cf; 

Sous  le  n°  29,  l'hybride  Harmuthi,  Kordesch,  issu  ô'Euphor- 

biœ  cf  et  d'Elpenor  Q  ; 


LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE  3I 


Sous  le  n"  30,  l'hybride  Gschivandnerï,  Kordesch,  issu  de 
galïï  cf  et  Elpenor  Q  ; 

Et  sous  le  n"  31,  l'hybride  fhïlcuphorbia,  Muetzell,  issu  de 
gain  cf  et  eufhorbiœ  Q. 

La  Planche  XV  représente,  sous  le  n"  32,  l'hybride  Engeni, 
Mory,  issu  probablement  d'epilobii  cf  et  vespertïlïo  Q  ; 

Sous  le  n°  33,  l'hybride  Pernoldiana,  Austaut,  issu  ô!Epilobii  cf 
et  de  ciipJiorbïœ  Q  ; 

Sous  le  n"  34,  l'hybride  epilobn,  Bdv.,  issu  de  vespcrtilïo  cf  et 
euphorbiœ  Q,  provenant  de  Vienne; 

Sous  le  n"  35,  l'hybride  Leonïœ  Q,  Standfuss,  issu  de  SnienU' 
thîis  tiliœ  cf  et  Ocellata  ç. 


Rennes,  décembre  1908. 


Ch.  obthr. 


II 


Einige  Ergebnisse  aus  Zuchtexperimenten 
mit  Lepidopteren-Mutationen 

(Aberrationen  pro  parte), 

von  der  Basis  der  Mendelschen  Gesetze  und  der  Muta- 

tionstheorie  von  Hugo  de  Vries  aus  betrachtet. 

(Taf.  XXXI  et  XXXII). 

Unter  den  im  Pilanzen-und  Tierreich  sich  nicht  selten  finden- 
den  Aberrationen  gibt  es  eine  Anzahl,  welche,  gewisser  Eigentum- 
lichkeiten  zufolge,  nach  der  jetzt  allgemein  fiir  dièse  Formen 
angenommenen  Benennung  unter  die  Mutationen  zu  rechnen  sind. 
Man  bezeichnet  als  Mutationen  unter  einem  Typus  sich  findende, 
oder  plotzlich  unter  diesem  auftretende,  relativ  konstante  Abwei- 
chungen  von  meist  charakteristischem  Gepràge.  Mit  dem  Aus- 
gangstypus  gepaart,  verschmelzen  sie  nicht  zu  Ubergangs-und 
Mischformen  mit  diesem,  sondem  es  zerfàllt  die  Nachkommens- 
chaft  hier  stets  wieder  scharf  geschieden  in  den  Ausgangstypus 
und  in  die  Aberration.  Dièse  Mutationen  haben  durch  die  Arbeiten 
der  Botaniker  :  De  Vries,  Correns,  Tschermak,  Noll  und  der 
Zoologen  :  Bateson,  Lang,  Davenport,  Hacker  nebst  vicier  Anderer, 
sowie  die  wiederaufgefundenen  Mendelschen  Arbeiten  ein  hohes 
aktuelles  Interesse  gewonnen. 

Wie  ermittelt  wurde,  erfolgt  die  Scheidung  der  Nachkommen 
der  Mutation  in  die  beiden  Formen,  der  Individuenzahl  nach,  in 
durchaus  gesetzmàssiger  Weise.  Zu  Ehren  ihres  Entdeckers,  des 
Pater  Mendel,  werden  dièse  die  "  Mendelschen  Gesetze  "  genannt. 

3 


34  LEPIDOPTEROLOGIE    COMPAREE 

Man  spricht  in  dem  Falle  der  Mutation  von  antagonistischen 
Eigenschaften  der  betreffenden  beiden  Typen,  das  heisst  Eigen- 
schaften,  welche  sich  gegenseitig  ausschliessen,  also  nicht  an  einem 
und  demselben  Individuum  nebeneinander  vorkommen. 

Gehen  wir  zur  Erlàuterung  von  einem  besonders  einfach  lie- 
genden,  speziellen  Falle  aus  :  Wir  haben  zwei  Individuen  gepaart, 
das  eine  mit  der  antagonistischen  Eigenschaft  A,  das  andere  mit 
der  antagonistischen  Eigenschaft  B.  Weiter  sei  angenommen,  es 
besitze  jedes  der  beiden  Individuen  seine  antagonistischen  Eigen- 
schaften rein,  das  heisst  in  seinem  gesammten  Keimzellen-Material, 
dann  besteht  erfahrungsgemàss  die  aus  dieser  Paarung  hervor- 
gehende  Brut  durchweg  aus  Individuen,  welche  àusserlich  nur  die 
eine  der  beiden  antagonistischen  Eigenschaften  aufweisen;  es  sei 
dies  die  Eigenschaft  A.  Von  der  Eigenschaft  B  ist  an  der  Brut  in 
diesem  Falle  àusserlich  nichts  zu  bemerken.  Allein  die  Eigen- 
schaft B  ging  darum  diesen  Individuen  nicht  verloren,  sie  blieb 
latent  erhalten,  nàmlich  in  ihrem  Keimzellen-Material.  Die  Eigen- 
schaft B  tritt  infolgedessen  tatsàchlich  bei  der  Fortpflanzung  und 
Weiterzucht  der  erhaltenen  Individuen  auch  v^ieder  àusserlich  zur 
Erscheinung  und  zwar,  wie  bereits  gesagt  v^urde,  ganz  bestimmten 
Gesetzen  folgend.  Die  in  ihrem  Verhalten  eben  characterisierte 
Eigenschaft  A  wird  die  dominante,  die  Eigenschaft  B  die  récessive 
genannt.  Bringen  wir  diesen  speziellen  Fall  auf  eine  allgemein 
anwendbare  Formel,  so  konnen  wir  die  Sache,  wie  folgt,  ans- 
driicken  : 

cf*  9  * 

A  B 

gepaart  mit 

Nehmen  wir  an,  dass  die  nach  erfolgter  Paarung  moglichen 
4  Combinationen  der  Keimzellen  aile  in  etwa  gleicher  Anzahl 


*  Anm.  —  wiirde  die  Ablcunft  und  damit  das  von  dem  vàterlichen  und  mûtter- 
lichen  Elter  lierriihrende  Keimzellen-Material  des  Individuums  A,  also  des 
Mânnchens,  bezeichnen.  Ebenso  ware  —  entsprechend  von  dem  Weibchen  zu 
verstehen. 


LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE 


eintreten,   so  erhalten  wir,  wenn  vvir   das   Ergebniss  ausfiihrlich 
hinschreiben,  folgendes  Résultat  : 


I     A  I     A  I     A  I     A 

■       4"b4B"  7b"4B 


Wir  dùrfen  dièse  Annahme  machen,  denn  die  Spaltung  der 
Brut  in  verschiedene  Formen  auf  Grund  der  Kombination  der 
verschiedenen  Keimzellen  ihrer  elterlichen  Individuen  erfolgt 
erfahrungsgemàss  prinzipiell  im  Sinne  einer  solchen  Gleichheit, 
wenn  im  Speziellen  dann  und  wann  auch  mancherlei  Unregelmàs- 
sigkeiten  auftreten.  Aile  dièse  Individuen  der  Série  I  unter- 
scheiden  sich  àusserlich  von  den  Individuen  A  "  rein  "  in  keiner 
Weise,  denn  A  ist  dominant  und  gibt  darum  allen  diesen  Indivi- 
duen ihr  àusseres  Gepràge,  allein  aile  dièse  Individuen  enthalten 
samtlich  gleichwohl  auch  die  Eigenschaft  B  "  recessiv,  "  nàmlich 
in  ihrem  Keimzellen-Material.  Paaren  wir  daher  weiter  zwei  Indi- 

A  A 

viduen  aus  dieser  Série  I  miteinander,  also  :  —  x  — -,  so  erhalten 


A  r    A  I     A  I     B 


r     A  I     A  I     hS       ,      , 

+ +    —  17    +    — —    Q.   h. 

4A  4B  4B  4B 


I    A  . 

==  A  rein, 

4  A 


I    A 

—  —  =  A  dominant,  B  recessiv, 

4  (also  mit  dem  àusseren  Kleide  von  A, 

aber  auch  mit  Keimzellen  von  B.) 

I    A 

=  A  dominant,  B  recessiv. 

4   B 


—  —  =  B  rein. 

4    B 


Im   weiteren   ist   ja   nun   einleuchtend    :    Individuen    aus    der 
Reihe  —  miteinander  gepaart  geben  in  der  ersten  wie  in  allen 


36  LÉPIDOPTÉROLOGIE    COMPARÉE 

folgenden  Bruten  stets  nur  Individuen  A.  Die  Reihe  ist  rasserein. 
wie  wir  sagen  kônnen. 

A  A 

Individuen  der  Reihe  -r  x  -^  geben  : 

_._-.  lA.  lA.  lA  lA 

4A  4A  4B  4B 

A  A 

Individuen  der  Reihe  —  gepaart  mit  -—  geben  das  vorher  in 

Série  II  bereits  genannte  Résultat. 

Individuen  der  Reihe  —  gepaart  mit  —  geben  : 
B  a 

I    A  I    A  I    B  I     B 

7b'"*'7b"4b'"^7b' 

Individuen  der  Reihe  —  gepaart  mit  —  liefern  das  vorher  in 
Série  I  besprochene  Ergebniss. 

Endlich  Individuen  der  Série  —  miteinander  gepaart  geben  in 
der  ersten  Brut,  wie  in  allen  folgenden,  stets  nur  Individuen  B, 
also  auch  dièse  Reihe  ist  rasserein,  sie  ist  samenbestàndig,  wie  der 
Botaniker  sagt. 

Damit  hàtten  wir  das  Prinzip  der  Mendelschen  Gesetze  erortert. 

Meinen  schon  bis  dahin  sehr  umfangreichen  Zuchtversuchen  mit 
Lepidopteren  folgten  vom  Jahre  1885  ab  Zuchtexperimente  mit 
der  Mutation  Aglia  tau  ab.  fere-nigra  Th.  Mg.  {lugens  Stdfs)  (A) 
von  Thiiringen  (Miilhausen),  welche  teils  mit  der  Normalform  (B) 
gepaart,  teils  in  sich  weitergezùchtet  wurde.  In  dem  Handbucke  der 
palaearctischen  Grossschmetterlinge  von  1896  sind  auf  Seite  312 
oben  unter  I  und  II,  die  Ergebnisse  von  Zuchten  angegeben,  welche 
vollkommen  unserer  Formel  -^  x  —  entsprechen,  also  : 


A  I    A  I    B  I     B     _      I    A 

¥4b'4b'4B'~7b"'^ 


das  heisst  in  unserem  Falle  : 


=  Agita  tau  ab.  fere-mgra  dommant 

2    B  . 

mit  tau  normal  recessiv. 

=  Aglia  tau  normal  rein. 

2    B  ^ 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE  37 

Zucht  I  lieferte  nàinlich  : 

Aglia  iau  ab.  fere-nigra 31  cfcT,   13  Q  Q-  5=^44  Exem  pi  are. 

Aglia  tau  normal 14  cTcf,  28  Q  g.  S»' 42  Exemplare. 

Zucht  II  lieferte  : 

Aglia  tau  2h.  fere-nigra 26  cf CT,   ^^  Q  Q ■  S^  37  Exemplare. 

Aglia  tau  normal 13  Cfcf,  25  g  g.  S'*' 38  Exemplare. 

Dièse  beiden  Zuchten  zeigten  mithin  erstens  :  das  zahlreiche 
Auftreten  der  Mutation  schon  in  der  ersten  Génération,  also  die 
Dominanz  dieser  Mutation,  und  zweitens  die  Spaltung  dieser 
Brut  ziemlich  genau  zur  Hâlfte  in  die  Mutation  und  zur  Hàlfte 
in  die  Normal  form.  Viel  schwankendere  Resultate  mit  Bezug- 
nahme  auf  die  Verhàltnisse  zwischen  Mutation  und  Normal  form 
wiesen  die  Zuchten  aus  der  Paarung  von  ab.  fere-nigra  cf  und  g 
auf,  welche  damais  mehrere  Jahre  nacheinander  zahlreich  von  mir 
wiederholt  wurden.  Dièse  schwankenden  Ergebnisse  waren  es, 
welche  mich  làngere  Zeit  hindurch  gegenùber  der  weitgehenden 
Giltigkeit  der  Mendelschen  Spaltungsregeln  skeptisch  sein  liessen. 
Heute  bin  ich  nach  mehrjàhriger  Durchfiihrung  weiterer  Zuchtex- 
perimente  mit  Mutationen  von  dieser  Giltigkeit  fest  ùberzeugt. 
Fiir  jenes  starke  Schwanken  bei  den  in  den  Jahren  188 5- 1893 
ausgefûhrten  Ziichtungen  mit  Aglia  tau  ab.  fere-nigra  Th.  Mg. 
speziell  in  den  Fàllen,  in  welchen  es  sich  um  eine  Paarung  dieser 
Mutation  in  sich  handelte,  diirfte  der  Grund  in  erster  Linie  in  dem 
meist  wenig  giinstigen  Ausfall  jener  Zuchten  zu  suchen  sein; 
wahrscheinlich  eine  Folge  der  nicht  geniigend  oft  wiederholten 
Auffrischung  des  Blutes  (cfr.  Stand fuss  Handbuch,  1896,  p.  50- 
51),  zweitens  dann  aber  auch  in  tiefer  liegenden  Ursachen,  welche 
zu  erôrtern,  uns  hier  zu  weit  fùhren  wiirde. 

Schliesslich  lieferte  jene  Experimentreihe  in  ihren  letzten  Gene- 
rationen  auch  rassereine  Bruten,  wiederum  in  Uebereinstimmung 
mit  den  von  Mendel  zuerst  nachgewiesenen  Regeln.  Ich  legte  aber 
auf  dièses  Résultat  damais  kein  hohes  Gewicht,  weil  der  Ausfall 
gerade  jener  Zuchten  zu  den  liickenhaftesten  zàhlte  (cfr.  /.  c, 
P-  313)- 


38  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

Seit  einem  Dezennium  habe  ich  mich  neuerdings,  neben  den  bis 
zur  Gegenwart  weiter  getriebenen  Temperatur  Experimenten,  auch 
der  Frage  der  Mutation  wieder  zugewendet.  Das  grôsste  Interesse 
nehmen  wohl  die  Ergebnisse  der  Zuchten  von  Aglia  tau  L.  mit 
ihren  Mutationen  fere-nigra  Th.  Mg.  und  melaina  Gross  fiir  sich 
in  Anspruch.  In  Nachfolgendem  seien  die  hauptsàchlichsten  bis 
zur  Stunde  erzielten  Resultate  wiedergegeben  : 

p^ 

1906.   Aglia  tau  ab.  fere-nigra  Th.  Mg.  cf  d*  (O*  "Tj" 


tau  L.  Q  r*  — 
48  Eier,  46  Puppen. 

1907.   45  Falter,  wovon  : 

23  Aglia  tau  L. 

22  Aglia  tau  ab.  fere-nigra  Th.  Mg. 

Nach  der  Formel  : 


d*        Q       i  —  —    ^S^^'^  i^^^  ab.  fere-nigra  Th.  M{ 
A  ^^   B  _  ]  2    B    j^-^.  ^^^  recessiv**. 


i     2     B 


Aglia  tau  L.  rasserein. 


1906.  Aglia  tau  ab.  fere-nigra  Th.  Mg.  Cf  d  (r)  — - 

'•  Â" 

tau  ab.  fere-nigra  Th.  Mg.  Q  d  (r)  — - 

40  Eier,  38  Puppen. 

1907.  36  Falter,  wovon  : 

27  Aglia  tau  ab.  fere-nigra. 
9  Aglia  tau  normal. 


*  Anm.  d  bedeutet  "  dominant  ",  mit  beigefiigtem  eingeklammerten  {r)  will 
sagen  :  auch  mit  Keimzellen  der  recessiven  Form,  neben  solchen  der  dominanten. 
r  heisst  recessiv. 

**Anm.  Alsomit  dem  iiusseren  Kleide  von  A,  aber  auch  mit  Keimzellen-Material 
von  B. 


LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE  39 


Nach  der  Formel  : 

I     A 

Aglia  tau  ab.  fere-nigra  rasserein. 

4  A 

A  \  1    I     \ 

—  X  —  =  <  -  —    Aglia  tau  ab.  fere-nigra  mit  tau  recessiv. 


I    B       .     ,. 

Aglia  tau  rasserein. 

4   B 


1907.   Aglia  tau  ab.  fere-nigra  cf. 


tau  ab.  fere-nigra  q 
115  Eier,  log  Puppen. 


igo8  .  108  Falter  olme  jede  Ausnahme  Aglia  tau  ab.  fere-nigra 
Th.  Mg.  In  diesem  Falle  ist  nicht  zu  sagen,  ob  die  Paarung  der 
Formel  —  x  —  oder  der  Formel  —  x  —  entsprach,   denn  beide 

A  A  A  B 

ergeben  dem  âusseren  Kleide  nach  das  Gleiche,  ausschliesslich 
Individuen  der  Mutation,  also  Aglia  tau  ab.  fere-nigra. 

Neben  den  vorstehend  angefiihrten,  den  Mendelschen  Regeln 
auch  dem  prozentualen  Auftreten  der  verschiedenen  Typen  nach 
in  hohem  Grade  oder  vollkommen  entsprechenden  Ergebnissen 
meiner  Zuchten,  denen  aus  den  ùbrigen  Versuchen  noch  eine  Reihe 
gleichsinniger  Resultate  hinzugefiigt  werden  konnte,  finden  sich 
unter  meinen  Experimenten  auch  solche,  bei  denen  die  erhaltene 
Brut  wohl  den  Formen  nach  jenen  Spaltungsregeln  genau  folgt, 
nicht  scharf  aber  hinsichtlich  der  fiir  jede  dieser  Formen  zu  erwar- 
tenden  Individuenzahl  nach.  Hierin  zeigen  sich  sogar  gelegentlich 
ziemlich  erhebliche  Abweichungen  von  den  Mendelschen  Gesetzen. 

Seit  dem  Erscheinen  der  bahnbrechenden  Arbeiten  des  hollàn- 
dischen  Botanikers  De  Vries  :  Die  Mutationstheorie,  Versuche  und 
Beobachtungen  ùber  die  Entstehung  der  Arten  im  Pflanzenreich. 
I.  Band.  Die  Entstehung  der  Arten  durch  Mutation.  Leipzig, 
Veit  &  C°,  1901  ;  II.  Band.  Elementare  Bastardlehre,  Leipzig, 
Veit  &  C°,  1903,  sind  die  Mutationen  bei  allen  Biologen  in  den 
Vordergrund  des  Interesses  gerûckt  worden.  De  Vries  betrachtet 


40  LEPIDOPTEROLOGIE   COMPARÉE 

die  Mutationen  als  elementare  Arten.  Um  die  Berechtigung  dieser 
Auffassung  zu  priifen,  wurden  vor  etwa  lo  Jahren  Zuchtexperi- 
mente  mit  Mutationen  in  grôsserem  Umfange  neuerdings  von  mir 
wieder  aufgenommen,  denn  abgesehen  von  den  hier  genannten  sind 
noch  eine  ganze  Reihe  weiterer  Ziichtungen  mit  anderen  Muta- 
tionen von  mir  ausgefiihrt  worden.  —  Es  galt  zu  untersuchen,  ob 
sich  irgend  welche  erste  Anzeichen  einer  die  Zeugung  betreffenden 
Divergenz  zwischen  Mutation,  zumal  nachdem  dieselbe  rasserein 
herangeziichtet  war,  und  deren  Ausgangstypus  nachweisen  liessen. 
Bisher  ist  es  mir  bei  keinem  einzigen  dieser  Expérimente  gelungen, 
auch  nur  die  bescheidensten  Anfànge  einer  solchen  physiologi- 
schen  Divergenz  und  Differenz,  w^elche  auf  den  Beginn  einer  speci- 
fischen  Scheidung  zwischen  Mutation  und  ihrem  Ausgangstypus 
hingedeutet  hàtte,  zu  ermittehi.  Weder  versagten  jemals  Eier  bei 
einer  Paarung  zwischen  der  rasserein  geziichteten  Mutation  und 
ihrem  Ausgangstypus,  noch  erwies  sich  die  erhaltene  Nachkom- 
menschaft  weniger  fruchtbar  als  die  elterlichen  Formen.  Dièse 
beiden  charakteristischen  Tatsachen  treten  aber  bei  der  Hybrida- 
tion distinkter  Arten  ausnahmslos  in  Erscheinung.  Selbst  dann, 
wenn  nàchstverwandte  Spezies,  wie  z.  B.  Pygœra  pigra  Hfn.  und 
acrtida  L.,  oder  Drefana  curvatida  Bkh.  und  falcaiana  L.  gekreuzt 
wurden,  schliipften  niemals  aile  nach  dieser  Paarung  gelegten  Eier 
aus,  und  der  durchschnittliche  Eierschatz  der  Bastardweibchen 
bleibt  hinter  dem  ihrer  Ursprungsarten  konstant  zuriick.  Mit  den 
Spermatozoen  steht  es  auf  Grund  der  Zuchtversuche  mit  den 
B'astardmàrmchen  sicher  entsprechend,  aber  eine  Controlle  ihrer 
Anzahl  stosst  auf  die  grôssten  Schwierigkeiten. 

Noch  in  einer  dritten  weiteren,  sehr  auffàlligen  Weise  zeigt  sich 
die  physiologische  Divergenz  distinkter  Arten  im  Falle  ihrer 
Kreuzung,  nàmlich  durch  ôfteres  Auftreten  sexuell  atypischer, 
oder  ausgesprochen  gynandromorpher  Individuen  unter  den  Bas- 
tarden.  Gewiss  ist  dies  nur  eine  andere  Seite  der  in  den  beiden 
bereits  genannten  Tatsachen  ebenfalls  zum  Ausdruck  gelangenden 
unvollkommenen,  inneren  Wahlverwandtschaft  zwischen  den 
Keimzellen  distinkter  Arten. 


LEPIDOPTEROLOGIE    COMPAREE 


Wir  haben  in  die  diesen  Erscheinungen  zu  Grunde  liegenden, 
den  feinsten  inneren  Bau  der  Keimzellen  betreffenden  Dinge, 
zumal  dlirch  die  bahnbrechenden  Forschungen  von  Th.  Boveri 
und  V.  Hacker,  sowie  durch  die  vorziiglichen  Arbeiten  von 
J.  Gross,  H.  Henking,  C.  E.  Me.  Clung,  T.  H.  Montgomeri, 
N.  M.  Stevens,  W.  S.  Sutton,  G.  B.  Wilson  und  Anderer,  eine 
etwas  tiefer  gehende  Einsicht  gewonnen.  Seines  grossen  Interesses 
halber  wollen  wir  auf  den  Gegenstand  kurz  eingehen.  Neuere 
hierhergehôrende  Untersuchungen  der  letztgenannten  Forscher- 
reihe,  welche  gerade  an  den  Spermatozoen  und  Eiern  von  Insekten 
aus  den  Ordnungen  der  Orthoptera,  Hcmiptera  und  Coleoptera 
vorgenommen  wurden,  fiihrten  zu  der  Erkenntnis,  dass  sowohl 
die  von  den  mânnlichen,  wie  die  von  den  weiblichen  Individuen 
produzierten  Keimzellen  sich  in  je  zwei  Kategorien  teilen  liessen, 
welche  minutiôse,  aber  konstante  Unterschiede  aufweisen.  Der 
l^nterschied  der  beiden  Keimzellen-Kategorien  gelangt  in  gewissen 
Verschiedenheiten  bestimmter  Chromosomen  zum  Ausdruck.  Bis- 
weilen  besitzt  die  eine  Kategorie  ein  Chromosom  weniger 
als  die  andere.  Die  Chromosomen  sind  bekanntlich  kleine 
Teilstiicke,  die  sich  bei  Teilungsvorgângen  aus  dem  Zellkern 
absondern.  Sie  werden  gegenwàrtig  von  den  Botanikern  und  Zoo- 
logen  fast  ohne  jede  Ausnahme  als  Trâger  der  Vererbungssubstanz 
angesehen.  Aus  den  vorgenannten  direkten  Beobachtungen  zogen 
die  amerikanischen  Forscher  den  Schiuss,  dass  die  jene  beiden 
Kategorien  der  Keimzellen  unterscheidenden  Chromosomen  die 
das  Geschlecht  bestimmenden  seien,  so  zwar,  dass  der  eine  Typus 
der  Spermatozoen  und  Eier  dazu  berufen  sei,  mànnliche  Indivi- 
duen zu  ergeben,  der  andere  aber  weibliche.  Der  Herausgestaltung 
sexuel  1  typischer  Einzelwesen  wiirde  mithin  eine  Sélection  zu 
Grunde  liegen,  indem  die  gleichgeschlechtigen  Keimzellen  einan- 
der  wâhlen  miissten.  Ein  in  diesem  Sinne  erfolgendes  Zusammen- 
finden  diirfte  ein  zeitweiliges  Auftreten  besonderer  chemischer 
Substanzen  durch  "  Chemotaxis,  "  wie  der  dafiir  gebràuchliche 
Ausdruck  lautet,  vielleicht  wesentlich  begunstigen,  âhnlich,  wie 
nach  den  Untersuchungen  Pfeffers  bei  gewissen  Farnen,  Laub- 


42  LEPIDOPTEROLOGIE    COMPARÉE 

moosen  und  Lebermoosen,  und  zwar  bei  jeder  dieser  Kryptoga- 
men-Gruppe  durch  Hervorbringung  einer  anderen  chemischen 
Substanz,  die  Befruchtungsvorgânge  fôrdernd  beeinflusst  werden. 
Dièse  Neuerrungenschaften  der  Forschung  sind  darum  hôchst 
bedeutungsvoll,  weil  analoge  Verhàltnisse  der  Hauptsache  nach 
fiir  breite  Schichten  der  getrennt  geschlechtlichen  Organismen- 
Welt  bis  zum  Menschen  hinauf  der  Herausgestaltung  der  beiden 
'  Geschlechter  sehr  wohl  zu  Grunde  liegend  gedacht  werden  kônnen. 

Handelt  es  sich  nun  aber  nicht  um  die  Paarung  artgleicher  Indi- 
viduen,  denn  gerade  von  diesem  Falle  schweiften  wir  ja  auf  die 
soeben  kurz  beriihrten  Ergebnisse  und  aus  diesen  gezogenen 
Schliisse  neuester  Forschungen  ab,  so  ist  die  innere  Wahlver- 
wandtschaft  zwischen  den  Spermatozoen  und  Eiern  eine  unvoll- 
kommene  und  die  ein  Zusammentreffen  gleichgeschlechtiger 
Keimzellen  begùnstigenden  Hilfsmittel  werden  dann  mangel- 
hafter  Natur  sein,  oder  etwa  ganz  fehlen,  sodass  hier  leichter  ofter 
auch  nicht  gleichgeschlechtige  Keimzellen  sich  vereinigen  kônnen. 
Sicher  ist  das  unter  den  Artbastarden  erfolgende  mehr  oder 
weniger  zahlreiche  Auftreten  geschlechtlich  durchaus  unscharf 
gepràgter  oder  ausgesprochen  mannweiblicher  Individuen  eine 
feststehende  Tatsache,  wahrend  dergleichen  Einzelwesen  aus 
artgleicher  Paarung  zu  den  grossten  Seltenheiten  zàhlen.  Wie  jenes 
zahlreiche  Auftreten  einerseits  durch  die  skizzierten  Forschungser- 
gebnisse  und  die  damit  zusammenhângenden  Theorien  dem  Ver- 
stàndniss  entschieden  nàher  geriickt  wird,  so  vermag  dièse  Tatsache 
andererseits  natùrlich  auch  die  Wahrscheinlichkeit  jener  Theorien 
in  erheblichem  Masse  zu  stiitzen. 

Wie  steht  es  nun  beziiglich  dièses  dritten  Punktes  mit  den 
Mutationen?  Treten  bei  den  Zuchtexperimenten  mit  diesen  etwa 
ôfter  gynandromorphe  Individuen  auf  ?  In  der  Tat  habe  ich  im 
Jahre  1886  aus  einer  Paarung  von  : 

Aglïa  tau  ab.  fere-nigra  Th.  Mg.  cf 


tau  L.  Q  normal 
vier  gynandromorphe  Individuen  erhalten  (cfr.  Stctt.  cnt.  Zeits- 


LÉPIDOPTEROLOGIE    COMPAREE  43 

chrïft,   1886,  p.   320-22,  und  Exper.  Zool.  Stud.  Denkschr.  der 
Schweizer  natiirf.  Gesellsch.,  i8g8,  p.  57). 

Wàhrend  der  dann  bis  zum  Jahre  1893  noch  weitergefiihrten 
Zuchten  mit  dieser  Mutation  resultierte  auch  nicht  ein  einziges 
gynandromorphes  Individuum  mehr  und  ebensowenig  be'  allen 
meinen  anderen  Zuchtexperimenten  mit  Mutationen.  So  erschien 
die  Annahme  geboten,  jene  4  gynandromorphen  Individuen  seien 
rein  zufâllig  aufgetreten,  wie  dergleichen  Monstrositâten  erfah- 
rungsgemàss  dann  und  wann  aus  genuinen  Paarungen  hervor- 
gehen,  ohne  dass  wir  hier  mit  Sicherheit  annehmbare  Ursachen 
ihrer  Entstehung  angeben  kônnten  (cfr.  Standfuss,  Exper.  zool. 
Stud.  Denkschr.  der  ScJnveiz.  naturf.  Gesellsch.,  1898,  p.  53-67). 

Im   Jahre    igo8    ging   neuerdings    ein    ausgepràgt    gynandro- 
morphes Individuum  aus  der  Paarung  von  : 
Aglïa  tau  ab.  melaina  Gross  cf 


tau  L.  Q  normal 

hervor.  Man  kann  darum  gespannt  darauf  sein,  was  die  weiteren 
Zuchtexperimente  mit  Mutationen  hinsichtlich  dièses  Punktes 
ergeben  werden  ? 

Ein  weiterer  Schritt  in  dieser  Versuchsreihe  war  nun  offenbar 
der,  zwei  im  Rahmen  der  gleichen  Art  stehende  Mutationen  mit 
einander  zu  paaren.  Vielleicht  war  es  môglich,  auf  diesem  Wege 
Individuen  zu  erziehen,  welche  die  Charaktere  der  beiden  Muta- 
tionen auf  sich  vereinigten.  Dergleichen  Individuen  mussten  ja 
notwendigerweise  einen  grôsseren  Abstand  dem  Ausgangstypus 
gegenùber  besitzen  als  jede  der  Mutationen  fur  sich  allein.  Dies 
gilt  indess  nur  un  ter  der  Voraussetzung,  dass  die  Keimzellen 
dieser  neu  gewonnenen  Form  oder  doch  wenigstens  ein  Teil  der- 
selben,  gleichfalls  eine  innige  und  vollkommene  Verschnielzung 
der  Charaktere  der  beiden  Mutationen  darstellt,  also  nicht  jede 
Keimzelle  dieser  Form  nur  je  einer  der  beiden  Mutationen 
entspricht. 

So  einf  ach  und  elementar  dieser  Gedankengang  erscheinen  mag, 
seine  Verwirklichung  ist  nicht  gai-  so  leicht.   Zwei  verschiedene 


44  LEPIDOPTEROLOGIE    COMPAREE 

charakteristische  Mutationen  im  Rahmen  der  gleichen  Art,  das 
gehôrt  in  unserer  mitteleuropaeischen  Falterwelt  durchaus  zu  den 
seltenen  Erscheinungen.  Fur  mich  kam  nur  eine  einzige  Art  in 
Frage  :  Aglùr  tau  L.  Eine  Mutation  von  ihr,  ab.  fere-nigra  Th.  Mg. 
ist  von  Saint-Germain-en-Laye,  aus  dem  Elsass,  von  Thùringen 
(Miilhausen)  und  von  der  Insel  Rùgen  nachgewiesen.  Schon  1780 
wird  sie  in  Ernst  et  Engramell,  Papillons  d'Ettrope,  PI.  129, 
fig.  175  h  und  i  abgebildet  (cfr.  Standfuss,  Stett.  ent.  Zeitung, 
1886,  p.  318.  Berl.  ent.  Zeitsckr.,  1888,  p.  319  ff.)-  Ich  batte  mir 
bereits  vor  einigen  Jahren  Eier  der  ab.  fere-îugra  von  Thiiringen 
beschafft  und  durch  wiederholte  Erneuerung  des  Blutes  bis  1907 
kràftiges  Brutmaterial  herangeziichtet.  Eine  zweite,  sehr  eigenar- 
tige  Mutation  von  Aglia  tau  hatte  der  verstorbene  tuchtige  Lepi- 
dopterophile  H.  Gross,  mit  dem  ich  viele  Jahre  im  angenehmsten 
Verkehr  stand,  im  Jahre  1897  aus  Ober-Œsterreich  als  ab  melaïna 
beschrieben.  Das  Verdienst,  sie  entdeckt  zu  haben,  gebiihrt  Herrn 
Lehrer  Franz  Hauder  aus  Linz  a/D.  Gross  hatte  auch  bereits  ihren 
Charakter  als  Mutation  durch  Zucht  festgestellt  (/m,  1897,  p.  396- 
399),  sowie  ihre  Dominanz  der  Grundform  gegeniiber. 

Durch  meinen  Assistenten,   Herrn  Hans  Wagner,  war  es  mir 
môglich,  die  Paarung 

Aglia  tau  ab.  melaina  Gross  cf 

ab.  fere-nigra  Th.  Mg.  Q 
zu  erreichen  und  deren  Nachkommen  aufzuziichten.   Bezeichnen 
wir  nun  : 

Aglia  tau  L.  mit  B, 

Aglia  tau  ab.  melaina  Gross  mit  A, 

Aglia  tau  ab.  fere-nigra  Th.  Mg.  mit  G, 
so  wiirde   dièse  Paarung  auf   das  bei   den  vorher  besprochenen 
Mutations-Experimenten  angewendete  Schéma  gebracht  zu  schrei- 
ben  sein  : 

Aglia  tau  ab.  mclairui  cf  d  (r)  — 


tau  ab.  fere-nigra  Q  d  (r)  — 


53  Eier,  5  i  Puppen. 


LEPIDOPTEROLOGIE    COMPAREE  45 

1908.    51   Falter  wovon  : 

14  Aglia  tau  L.  normal, 

13  Aglia  tau  ab.  melaina  Gross, 

1 1  Aglia  tau  ab.  fere-nigra  Th.  Mg., 

13  Aglia  tau  forma  nova. 

Aglia  tau  L.  normal. 


4 

A 


Aglia  tau  ab.  melaina  Gross. 
mit  tau  recessiv. 


£    Aglia  tau  ab.  fere-nigra  Th.  Mg. 


4   C 


mit  tau  recessiv. 


I    A 

—  •—    Aglia  tau  ab.  melaina  +  fere-nigra. 
4   c 

Eine  zweite  Paarung  von 

Aglia  tau  ab.  melaina  cf  d  (r)  — 

tau  ab.  fere-nigra  Q  d  (r)  — 

lieferte  von  51  Eiern  47  Puppen.  Dièse  Puppen  wurden  vom 
7.  August  bis  zum  19.  November  im  Eiskeller  gehalten  une"  dann 
in  das  warme  Zimmer  gebracht.  Es  schliipften  47  Falter  aus, 
wovon  : 

10  Aglia  tau  normal, 

11  Aglia  tau  ab.  melaina, 
14  Aglia  tau  ab.  fere-nigra, 

12  Aglia  tau  ab.  forma-nova. 

Wiederum  entfiel  also  nahezu  1/4  der  Gesamtmenge  auf  jede 
der  vier  verschiedenen  Formen.  Dièse  Falter  entwickelten  sich  von 
Ende  Dezember  1907  ab  bis  tief  in  das  Friihjahr  1908  hinein. 
In  der  Ueberzahl  waren  sie  stark  kriippelhaft  und  unbrauchbar. 

Ich  nannte  die  erhaltene  forma-nova  nach  dem  beriihmten  Col- 
legen  Herrn  Geheimrat  Prof.  D""  Aug.  Weismann  in  Freiburg 
i/Brsg.  ab.  Weismanni  Stdfs. 

Wâhrend  sich  also  ab.  melaina  sowohl,  als  auch  ab.  fere-nigra 
der  Grundform  tau  gegenùber  antagonistisch  verhalten,  stehen  sich 


46  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

ab.  melaina  und  fcre-nïgra  selbst  nicht  antagonistisch  gegeiniber, 
sondern  verschmelzen  zu  einen  Typus,  welcher  die  Charaktere 
beider  Mutationen  harmonisch  auf  sich  vereinigt,  nàmlich  zu  der 
forma-nova  ab.  W eismanni  Stdfs.  Dièse  Annahme  scheint  geboten, 
da  bisher  Individuen  von  ab.  melaina  weder  gef angen,  noch  durch 
Zuchterhalten  worden  sind,  welche  ài&s&r  forma-nova  entspràchen. 
Auch  stùtzt  die  im  Einklang  mit  den  Mendelschen  Gesetzen  einer 
Gleichheit  nahekommende  Anzahl  der  vier  verschiedenen  aus 
unserem  Zuchtexperiment  hervorgegangenen  Formen  dièse  Auf- 
fassung  des  neuen  Typus.  Wir  werden  die  ab.  W  eismanni  als 
ganz  speziellen  Abkômmling  der  Paarung  zwischen  ab.  melaina 
und  ab.  fere-nigra  auffassen  miissen. 

Zu  den  drei  verschiedenen  in  der  freien  Natur  vorkommenden 
Typen  von  Aglia  tau  ist  nun  noch  eine  vierte  weitere,  durch  Zucht 
erhaltene,  hinzugetreten.  Damit  sind  sofort  wieder  vier  neue  Com- 
binationen  fur  Paarungen  gegeben,  nàmlich  die  Copula  der  ab. 
W  eismanni  mit  jeder  der  drei  Naturformen  und  mit  Individuen 
ihres  Gleichen.  Besonderes  Interesse  beansprucht  offenbar  zunàchst 
der  letzte  Fall,  infolge  des  uns  beschàftigenden  De  Vries'schen 
Standpunktes.  Dièse  Paarung  hàtte  die  Formel  : 


A  ^lia  tau  ab.  melaina 

4   A        ^ 


rasserem. 


A  A 

c  >< 


—  ■=:)  —  —    Aglia  tau  ab.  W  eismanni. 

Aglia  tau  ab.  fere-nigra  rasserein. 


L  — 

4     C 


Dièses  Résultat  wàre  zu  erwarten,  wenn  jede  Keimzelle  der 
ab.  W  eismanni  nur  je  einer  ihrer  elterlichen  Formen  entspricht. 
Erwiese  sich  dièses  Ergebnis  nun  auch  in  allen  weiteren  Zuchten 
als  ein  konstantes,  dann  hâtten  w^ir  offenbar  keinen  Schritt 
vorwàrts  gemacht  und  das  angestrebte  Ziel  nicht  erreicht.  Es  ist 
leicht  zu  ûbersehen,  dass  v^ir  dann  nur  stets  wieder  rassereine 
ab.  melaina^  rassereine  ab.  fere-nigra  und  ab.  W  eismanni  erhalten 
wiirden,  welche  sich  ihrerseits  immer  von  neuem  in  der  gleichen 


LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE  47 

Weise,  wie  oben  gezeigt,  spaltet,  wenn  sie  in  sich  weitergezùchtet 
wird.  Moglich,  dass  es  so  kommt.  Allein  das  Kleid  scheint  zu  der 
Hoffnung  zu  berechtigen,  dass,  wenn  auch  nicht  aile,  so  doch  ein 
Teil  der  Keimzellen  ihrer  inneren  Konstitution  nach  dem  elterli- 
chen  Typus  entspricht,  also  gleichfalls  eine  innige  und  vollkom- 
mene  Verschmelzung  der  Charaktere  der  beiden  Mutationen 
melaina  und  fere-nïgra  potentiell  darstellt.  Erfùllt  sich  dièse 
Hoffnung,  dann  ist  es  zunâchst  moglich,  eine  rassereine  Zucht  der 
neuen  Form  zu  erreichen  und  weiter  dann  auch  moglich,  das 
Verhalten  dièses  neu  geziichteten  Typus,  der  nunmehr  rasserein 
ist,  der  Normal  form  tau  gegenùber  durch  eine  Reihe  von  Paa- 
rungen  zu  priifen,  das  Endziel,  auf  welches  wir  bei  diesen  Expe- 
rimenten  der  Paarung  zwischen  zwei  verschiedenen  Mutationen 
der  gleichen  Art  hinsteuerten. 

Es  ist  mir  eine  angenehme  Pflicht,  am  Schlusse  dieser  kleinen 
Mitteilung  aus  meinen  nun  33  Jahre  hindurch  fortgefùhrten  Hybri- 
dations-Experimenten,  meinem  liebenswùrdigen  Freunde  Herrn 
Charles  Oberthiir  den  herzlichsten  Dank  auszusprechen.  Mit 
seinem  giitigen  Anerbieten,  die  vier  verschiedenen,  aus  der  Paarung 
von 

Aglia  tau  ab.  melaina  Gross  cf 


tau  ab.  fere-nigra  Th.  Mg.  Q 


hervorgegangenen  Formen  in  seinem  vorziiglichen  Werke  "  Etudes 
de  Lépidoptérologie  comparée  "  abbilden  zu  lassen,  hat  er  mir 
eine  ausserordentliche  Freude  gemacht. 

Zurich,  im  Januar   1909. 

Prof.  D--  M.  STANDFUSS. 


Quelques  résultats  d'expériences 
de  reproduction  par  mutations  de  Lépidoptères 

(Aberrations  pro  parte), 

reposant  sur  les  Lois  de  Mendel  et  la  Théorie 

de  la  Mutation  de  Hugo  de  Vries. 

Par  le  D'  Professeur  Max  STANDFUSS,  de  Zurich. 

Traduit  de  l'allemand  par  M.  Baumann,  Professeur  au  Lycée  de  Rennes. 

(PI.  XXXI  et  XXXII). 


Parmi  les  Aberrations  qui  se  rencontrent  assez  fréquemment 
dans  le  règne  végétal  et  animal,  il  en  est  un  certain  nombre  qui, 
par  suite  de  certaines  particularités,  doivent  être,  d'après  la  déno- 
mination généralement  admise  pour  ces  formes,  comptées  parmi 
les  mutations.  On  désigne  sous  le  nom  de  mutations  des  écarts 
d'une  fixité  relativement  constante,  de  faciès  très  caractérisé,  qui 
se  rencontrent  dans  un  type,  ou  qui  y  apparaissent  soudain. 
Accouplées  au  type  normal,  au  type-origine,  elles  ne  se  fondent 
pas  en  formes  transitoires  et  mélangées  dans  ce  type,  mais,  au 
contraire,  la  progéniture,  ici,  se  différencie  constamment  en  le 
type-origine  et  Vaberration.  Ces  mutations,  grâce  aux  travaux  des 
botanistes  :  De  Vries,  Correns,  Tschermak,  Noll,  et  des  zoolo- 
gistes :  Bateson,  Lang,  Davenport,  Hacker,  sans  compter  beaucoup 
d'autres,  grâce,  aussi,  aux  travaux  remis  au  jour  de  Mendel,  ont 
conquis  un  haut  intérêt  d'actualité. 

Ainsi  qu'il  a  été  constaté,  la  différenciation  des  descendants  de 
la  mutation  en  les  deux  formes  s'opère,  quant  au  nombre  des  indi- 
vidus, selon  des  lois  fixes.  En  l'honneur  de  celui  qui  les  a  décou- 
vertes, ces  lois  s'appellent  :  Lois  de  Mendel. 


50  LEPIDOPTEROLOCxIE   COMPARÉE 

On  parle,  dans  le  cas  de  mutation,  de  propriétés  antagonistes 
des  deux  types  en  question,  c'est-à-dire  de  propriétés  s'excluant 
réciproquement,  qui,  par  conséquent,  ne  coexistent  pas  dans  un  seul 
et  même  individu. 

Pour  plus  de  clarté,  considérons  un  cas  particulier,  d'une  sim- 
plicité remarquable  :  nous  avons  accouplé  deux  individus,  l'un 
ayant  la  propriété  antagoniste  A,  l'autre  la  propriété  antagoniste  B. 
Si  nous  admettons,  en  outre,  que  chacun  des  deux  individus  pos- 
sède ses  propriétés  antagonistes  à  l'état  pur,  c'est-à-dire  dans  la 
totalité  des  matériaux  de  ses  cellules  germinatives,  alors  la  progé- 
niture issue  de  cet  accouplement  se  compose,  —  l'expérience  nous 
l'apprend,  —  exclusivement  d'individus  qui,  extérieurement,  ne 
présentent  que  l'une  des  deux  propriétés  antagonistes.  Supposons 
que  ce  soit  la  propriété  A.  De  la  propriété  B  rien,  en  ce  cas,  ne  sera 
visible  extérieurement  chez  la  progéniture.  Mais  la  propriété  B 
n'en  a  pas  été  pour  cela  perdue  pour  ces  individus,  elle  a  été 
conservée  à  l'état  latent,  à  savoir  dans  leurs  matériaux  de  cellules 
germinatives.  En  conséquence,  si  on  poursuit  les  expériences  de 
reproduction  avec  les  individus  obtenus,  effectivement  la  pro- 
priété B  réapparaît  extérieurement,  et,  comme  il  a  été  dit,  en  obéis- 
sant à  des  lois  tout  à  fait  déterminées.  La  propriété  A,  telle  que 
nous  venons  de  la  caractériser,  est  appelée  la  dominante;  la  pro- 
priété B  la  récessive.  Si  nous  exprimons  ce  cas  particulier  dans 
une  formule  d'un  emploi  général,  nous  pouvons  écrire  : 

cf*  9* 

A  B 

r     ><.    T 

accouplé  avec 

Supposons  que  les  4  combinaisons  de  cellules  germinatives,  pos- 
sibles après  accouplement,  se  présentent  toutes  en  nombre  sensi- 


*  Rem.  :  —  désignerait  la  descendance  et,  partant,  les  matériaux  des  cellules 
germinatives  de  l'individu,  qui  proviennent  du  parent  paternel  et  maternel,  par 
conséquent  du  mâle.  De  même  —  devrait  respectivement  s'entendre  de  la  femelle. 


LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE  5I 

blement  égal,  nous  obtiendrons,  si  nous  le  consignons  en  détail, 
le  résultat  suivant  : 


A  r    A  I    A  2.   A. 

B  4B4B4B 


Nous  sommes  autorisés  à  faire  cette  hypothèse,  car  la  différen- 
ciation de  la  lignée  en  formes  différentes,  en  vertu  de  la  combi- 
naison des  différentes  cellules  germinatives  des  individus  père  et 
mère,  se  réalise  toujours  expérimentalement  dans  le  sens  d'une  telle 
égalité,  quand  même,  dans  ce  cas  particulier,  apparaîtraient  de 
temps  à  autre  quelques  irrégularités.  Tous  les  individus  de  cette 
série  I  ne  se  distinguent,  en  aucune  façon  extérieurement,  des 
individus  A  «  pur  »,  car  A  est  dominant  et  donne  par  conséquent 
à  tous  ces  individus  leur  empreinte  extérieure  ;  mais  ces  individus, 
dans  leur  totalité,  contiennent  néanmoins  la  qualité  B  à  l'état 
récessifs  c'est-à-dire  dans  les  matériaux  de  leurs  cellules  germina- 
tives. Si  donc,  en  continuant  les  expériences,  nous  accouplons  deux 
individus  de  cette  série  I,  c'est-à-dire  —  x  — -,  nous  obtenon?  : 

B  B 


I     A  1     A  I     A  I     B         ,  ,. 

-—  -i--—    +    -—   -f-—    c  est-a-dire 
4A  4B  4B  4B 


77=  A  P"^- 


I     A 

—  —  =  A  dominant,  B  récessif, 

^  (par  conséquent  avec  la  robe  extérieure  de  A, 

mais  aussi  avec  des  cellules  germinatives  de  B). 


—  —  =  A  dominant,  B  récessif. 
4  ^ 

-  -  =  B  pur. 


A 


Il  est  clair  que  des  individus  de  la  série  —,  accouplés  ensemble, 
ne  donneront,   dans  la  première  lignée  comme  dans  toutes  les 


52  LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE 

lignées  ultérieures,  exclusivement  que  des  individus  A.  La  série 
est  race  pure,  pouvons-nous  dire. 

A  A 

Des  individus  de  la  série  —  x  — •  donnent  : 

A  B 

-r-TT  lA  lA  lA  lA 

ni.   __  +  __  +  __  +  __ 
4A      4A      4B      4B 

A  A 

Des  individus  de  la  série  -— ,  accouplés  à  —,  donnent  le  résultat 

B  B 

indiqué  ci-dessus  dans  la  série  IL 

A  B 

Des  individus  de  la  série  -— ,  accouplés  à  —,  donnent  : 

I    A  I    A  I    B  I    B 

'   7b"'^7"b4b"'^7b' 

Des  individus  de  la  série  —,  accouplés  entre  eux,  donnent  dans 
la  première  lignée  comme  dans  toutes  les  suivantes,  constamment 
et  exclusivement  des  individus  B  ;  par  conséquent,  cette  série,  éga- 
lement, est  race  pure,  elle  est  constante  en  matière  séminale,  selon 
l'expression  des  botanistes. 

Telles  sont,  exposées  dans  leur  principe,  les  lois  de  Mendel, 
Mes  essais  de  reproduction  avec  les  Lépidoptères,  essais  déjà 
fort  nombreux  jusqu'en  1885,  furent  suivis,  à  partir  de  cette  date, 
d'expériences  de  reproduction  avec  la  mutation  Aglia  tau  Ab.  fere- 
nigra  Th.  Mg.  {liigens  Stdfs)  (A)  de  Thiiringe  (Mulhausen). 
Celle-ci  fut,  en  partie,  accouplée  à  la  forme  normale  (B),  en  partie 
cultivée  par  reproductions  répétées  avec  elle-même.  Dans  le  Manuel 
des  Macrolépidoptères  Paléarctiques  de  iSç6  sont  consignés, 
page  312,  en  haut,  sous  I  et  II,  les  résultats  d'expériences  de  repro- 
ducti( 
donc 


duction,  qui  correspondent  absolument  à  notre  formule  —  x  — -; 

B  B 


I    A  I     A  I 

7  6*  ~~^  7 


c'est-à-dire  dans  notre  cas  particulier  : 

—  —  =  Aglia  tau  ab.  fere-nigra  dominant. 

avec  tau  normal  récessif. 

—  — -  =  Aglia  tau  normal  pur. 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPAREE  53 

L'essai  de  reproduction  I  fournit  : 
Aglia  tau  ab.  fere-nigra.    31  cfcf,   13  Q  Q-  Total  :  44  exemplaires. 
Agita  tau  normdà 14  cfcf,  28  Q  Q.  Total  :  42  exemplaires. 

L'essai  de  reproduction  II  fournit  : 
Aglia  tau  ab.  fere-tugra.    26  cTcf,   '^'^  Q  Q-  Total  :  37  exemplaires. 
Aglia  tau  normal 13  cfd',  25  Q  Q.  Total  :  38  exemplaires. 

Ces  deux  essais  montrèrent  par  conséquent  :  l°  l'apparition  en 
très  grand  nombre  de  la  mutation  dès  la  première  génération,  donc 
la  dominance  de  cette  mutation;  et  2°  la  différenciation  de  cette 
progéniture,  sensiblement  par  moitié  en  la  mutation,  et  par  moitié 
en  la  forme  normale.  Si  on  tient  compte  des  rapports  qui  existent 
entre  la  mutation  et  la  forme  normale,  les  résultats  que  donnèrent 
les  reproductions  provenant  de  l'accouplement  de  ab.  fere-nigra  cf 
et  Q  furent  beaucoup  plus  flottants,  expériences  que  je  poursuivis 
alors,  nombreuses  et  répétées,  pendant  plusieurs  années  consécu- 
tives. Et  ce  sont  ces  résultats  flottants  qui,  pendant  un  temps  assez 
long,  me  laissèrent  sceptique  quant  à  la  signification,  à  la  portée 
générales  des  règles  de  différenciation  de  Mendel.  Aujourd'hui, 
après  avoir  pendant  plusieurs  années  exécuté  d'autres  expériences 
de  reproduction  par  mutations,  je  suis  fermement  convaincu  de 
cette  portée,  de  cette  signification.  Pour  ces  fortes  oscillations  dans 
les  essais  de  reproduction  exécutés  dans  les  années  1885- 1893  avec 
Aglia  tau  ab.  fere-nigra  Th.  Mg.,  spécialement  dans  les  cas  ovi 
il  s'agissait  d'un  accouplement  de  cette  mutation  avec  elle-même, 
la  raison,  en  première  ligne,  en  pourrait  bien  être  cherchée  dans  la 
réussite  le  plus  souvent  peu  heureuse  de  ces  reproductions,  consé- 
quence probable  d'un  rajeunissement  de  sang  pas  assez  fréquem- 
ment répété  (Cf.  Standfuss,  Manuel  i8ç6,  p.  50-51);  en  second 
lieu,  elle  pourrait  bien  aussi  résider  dans  des  causes  plus  pro- 
fondes, dont  l'explication,  ici,  nous  mènerait  trop  loin. 

Finalement,  cette  série  d'expériences,  dans  ses  dernières  généra- 
tions, fournit  aussi  des  lignées  race  pure,  encore  une  fois  en  accord 
avec  les  règles  dont  Mendel  le  premier  avait  fait  la  démonstration. 
Mais  à  cette  époque  je  n'attachai  pas  grande  importance  à  ce 


54  LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE 

résultat,  parce  que  la  réussite  de  ces  reproductions  comptait  pré- 
cisément parmi  les  moins  probantes  (Cf.  /.  c,  p.  313). 

Depuis  une  dizaine  d'années,  outre  les  expériences  sur  l'influence 
de  la  température  poursuivies  jusqu'à  ce  jour,  la  question  de  la 
mutation  a  de  nouveau  sollicité  mon  attention,  et  ce  sont  les 
résultats  des  reproductions  de  Aglia  tau  L.  avec  ses  mutations 
fere-nigra  Th.  Mg.  et  melaina  Gross,  qui  captivent  au  plus  haut 
point  notre  intérêt.  Voici  les  principaux  résultats  obtenus  jusqu'à 
cette  heure  : 

1906.  Aglia  tau  ab.  fere-nigra  Th.  Mg.  cf  d*  (r)*  — 

tau  L.  Q  r*  — 
48  œufs,  46  chrysalides. 

1907.  45  papillons,  dont  : 

23  Aglia  tau  L. 

22  Aglia  tau  ab.  fere-nigra  Th.  Mg. 

D'après  la  formule  : 

cT        9       (  —  —    ^g^^'^  tau  ab.  fere-nigra  Th.  Mg. 
A  ,,   ^        )  ^         avec  tau  récessif**. 


\      2       B 


—  Aglia  tau  L.  race  pure. 

1906.  Aglia  tau  ab.  fere-nigra  Th.  Mg.  cf  d  (r)  — 

tau  ab.  fere-nigra  Th.  Mg.  Q  d  (r)  — 
40  œufs,  38  chrysalides. 

1907.  ^jÇi  papillons,  dont  : 

27  Aglia  tau  ab.  fere-nigra. 
9  Aglia  tau  normal. 

*  Rem.  :  d  signifie  «  dominant  »  ;  avec,  en  plus,  {r)  entre  parenthèses,  signifie: 
avec,  aussi,  des  cellules  germinatives  de  la  forme  récessive,  à  côté  des  cellules 
germinatives  de  la  dominante.  ;'  veut  dire  «   récessif.   » 

**  Rem.  :  Par  conséquent  avec  la  robe  extérieure  de  A,  mais  aussi  avec  des 
matériau.x  de  cellules  germinatives  de  B. 


LÉPIDOPTÉROLOGIE    COMPARÉE  55 


D'après  la  formule  : 


I Agl^a  tau  ab.  fere-nigra  race  pin 


1" 

A  A  I    A 

— -  X  — -  =  {  —  —   Aglia  tau  ab.  fere-nigra  avec  tau  récessif. 


I     iJ       .     ,. 
Agua  tau  race  pure. 

igo/.    Aglia  tau  ab.  fere-nigra  cf. 
tau  ab.  fere-nigra  Q. 
115  œufs,  109  chrysalides. 

igo8.  108  papillons,  sans  exception  aucune,  Aglia  tau  ab.  fere- 
nigra  Th.  Mg.  Dans  ce  cas,  il  n'est  pas  possible  de  dire  si  l'accou- 
plement correspondait  à  la  formule  —  x  -—  ou  à  la  formule 
A         A  .  -^         ^ 

—  X  —,  car  toutes  deux  produisent,  quant  à  la  robe  extérieure, 

le  même  effet  :  exclusivement  des  individus  de  mutation,  par 
conséquent  des  Aglia  tau  ab.  fere-nigra. 

Les  résultats  énumérés  correspondent  aussi  dans  la  plus  large 
mesure  aux  règles  de  Mendel  ou  sont  en  parfait  accord  avec  elles, 
quant  au  pourcentage  dans  le  nombre  des  différents  types.  Nous 
pourrions  y  ajouter  une  série  de  résultats  identiques  provenant 
des  autres  essais.  A  côté  de  ces  résultats,  il  est  telles  de  mes  expé- 
riences oti  la  lignée  obtenue  obéit  rigoureusement,  quant  aux 
formes,  à  ces  règles  de  différenciation,  mais  pas  nettement  quant 
au  nombre  d'individus  prévus  pour  chacune  de  ces  formes.  Bien 
plus,  il  s'y  rencontre  incidemment  des  écarts  assez  marqués  aux 
lois  de  Mendel. 

Depuis  l'apparition  des  travaux  si  nouveaux  et  si  originaux  du 
botaniste  hollandais  De  Vries  :  La  Théorie  de  la  Mutation,  expé- 
riences et  observations  sur  la  formation  des  espèces  dans  le  règne 
végétal,  tome  I  ;  La  Formation  des  Espèces  par  mutation,  Leipzig, 
Veit  et  C'^  1901,  tome  II;  Hybridologie  élémentaire,  Leipzig, 
Veit  et  C'",  1903,  les  mutations  ont  passé  au  premier  plan  chez  tous 
les  biologistes.  De  Vries  considère  les  mutations  comme  des  espèces 
élémentaires.  Pour  vérifier  la  valeur  de  cette  conception,  j'ai,  pour 


56  LÉPIDOPTÉROLOGIE    COMPARÉE 

la  seconde  fois,  entrepris,  il  y  a  quelque  dix  ans,  des  expériences 
de  reproduction  par  mutations  sur  une  grande  échelle,  —  car,  abs- 
traction faite  des  reproductions  dont  il  est  question  ici,  j'ai  exécuté 
également  toute  une  série  d'autres  reproductions  par  d'autres  muta- 
tions. —  Il  s'agissait  de  rechercher  s'il  était  possible  de  déterminer 
quelques  premiers  indices  d'une  divergence  concernant  la  géné- 
ration entre  la  mutation  d'une  part,  surtout  si  celle-ci  par  repro- 
duction a  été  amenée  à  l'état  race  pure,  et  entre  son  type-origine, 
d'autre  part.  Jusqu'à  présent,  dans  pas  une  seule  de  ces  expériences, 
je  ne  suis  parvenu  à  découvrir  même  les  plus  modestes  signes  d'une 
telle  divergence  et  différence  physiologiques,  qui  eût  été  l'indice 
d'un  commencement  de  différenciation  spécifique  entre  la  mutation 
et  son  type-origine.  Toujours  les  œufs  se  sont  montrés  fertiles 
dans  un  accouplement  entre  la  mutation  amenée  à  l'état  race  pure 
et  son  type-origine,  et  jamais  la  descendance  obtenue  ne  s'est 
montrée  moins  féconde  que  les  formes  des  père  et  mère.  Or,  ces 
deux  faits  caractéristiques  apparaissent  sans  exception  dans  l'hy- 
bridation d'espèces  distinctes.  Alors  même  que  des  espèces  très 
proches  parentes,  comme,  par  exemple,  Pygcsra  fïgra  Hfn.  et 
curtula  L.,  ou  Drepana  curvatula  Bkhs.  et  falcataria  L.  furent 
croisées,  jamais  les  œufs  pondus  après  cet  accouplement  ne  sont 
tous  éclos,  et  la  richesse  moyenne  des  œufs  des  hybrides  femelles 
est  constamment  inférieure  à  celle  des  espèces  dont  elles  sont 
issues.  Chez  les  mâles  provenant  de  mes  essais  d'hybridation,  le 
nombre  des  spermatozoïdes  est  certainement  conforme  à  ce  qu'on 
observe  dans  la  nature,  mais  le  contrôle  de  ce  nombre  se  heurte 
aux  plus  grosses  difficultés. 

Il  est  enfin  un  troisième  aspect,  et  très  surprenant,  sous  lequel 
apparaît  la  divergence  physiologique  d'espèces  distinctes  en  cas 
de  croisement,  à  savoir  la  fréquente  apparition,  parmi  les  hybrides, 
d'individus  sexuellement  atypiques  ou  nettement  gynandro- 
morphes.  Certainement,  ce  n'est  là  qu'un  autre  aspect  de  l'incom- 
plète affinité  élective  intime  entre  les  cellules  germinatives  d'es- 
pèces distinctes,  qui  apparaît  également  dans  les  deux  faits  déjà 
constatés. 


LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE  57 

Sur  les  faits  qui  sont  à  la  base  de  ces  phénomènes,  et  qui  ont 
trait  à  la  structure  intime  la  plus  délicate  des  cellules  germinatives, 
nous  avons  aujourd'hui  des  lumières,  des  vues  un  peu  plus  pro- 
fondes, grâce  surtout  aux  recherches  originales  de  Th.  Boveri 
et  V.  Hacker,  qui  ont  frayé  la  voie,  grâce,  aussi,  aux  excellents 
travaux  de  J.  Gross,  H.  Henking,  C.  E.  Me.  Clung,  T.  H.  Mont- 
gomeri,  N.  M.  Stevens,  W.  S.  Sutton,  G.  B.  Wilson  et  d'autres 
encore.  Le  sujet  étant  d'un  très  haut  intérêt,  nous  y  insisterons  en 
quelques  mots.  Des  recherches  récentes  dans  cet  ordre  d'idées  par 
la  seconde  série  de  ces  savants  chercheurs,  qui  furent  précisément 
instituées  sur  les  spermatozoïdes  et  les  œufs  des  insectes  appar- 
tenant aux  ordres  des  Orthoftera,  Hemiptera  et  Coleoptera,  ont 
conduit  à  la  découverte  que  les  cellules  germinatives  produites  par 
les  individus  mâles  aussi  bien  que  par  les  individus  femelles,  pou- 
vaient, les  unes  comme  les  autres,  se  diviser  en  deux  catégories 
qui  offrent  des  différences  minutieuses,  mais  constantes.  La  diffé- 
rence des  deux  catégories  de  cellules  germinatives  se  manifeste 
dans  certaines  particularités  distinctives  de  chromosomes.  Parfois 
l'une  des  catégories  possède  un  chromosome  de  moins  que 
l'autre.  Les  chromosomes  sont,  comme  on  sait,  de  petites  parti- 
cules qui,  dans  les  processus  de  division  cellulaire,  se  séparent 
du  noyau  de  la  cellule.  Ils  sont  aujourd'hui,  par  la  presque  una- 
nimité des  botanistes  et  des  zoologistes,  considérés  comme  les 
véhicules  de  la  substance  héréditaire.  De  ces  observations  directes, 
les  Savants  Américains  ont  tiré  la  conclusion  que  les  chromo- 
somes différenciant  ces  deux  catégories  de  cellules  germinatives 
étaient  déterminants  du  sexe,  et  de  telle  sorte  que  l'un  des  types 
de  spennatozoïdes  et  d'œufs  était  appelé  à  produire  des  individus 
mâles  et  l'autre  des  femelles.  La  formation  d'individus  sexuelle- 
ment typique  serait  donc  basée  sur  une  sélection,  les  cellules  ger- 
minatives homosexuelles  devant  s'entre-chercher.  Une  rencontre 
dans  ces  conditions,  l'intervention  temporaire  par  chimiotaxie 
(pour  employer  le  terme  consacré,)  de  certaines  substances  chi- 
miques la  favoriserait  peut-être  sensiblement,  de  même  que,  d'après 
les  expériences  de  Pfeffer,  chez  certaines  fougères,  mousses  et  hépa- 


58  LÉPIDOPTÉROLOGIE    COMPARÉE 

tiques,  et  cela  dans  chacun  de  ces  groupes  de  Cryptogames,  les 
processus  de  la  fécondation  sont  favorablement  influencés  par  la 
production  d'une  autre  substance  chimique.  Ces  conquêtes  récentes 
de  la  science  sont  d'une  extrême  importance,  parce  qu'on  pourrait 
bien  supposer  que  des  relations  analogues  en  substance  président, 
pour  de  vastes  groupements  du  monde  des  organismes  à  sexe 
distinct,  en  remontant  jusqu'à  l'homme,  à  la  différenciation  des 
deux  sexes. 

Mais  s'il  ne  s'agit  plus  de  l'accouplement  d'individus  de  même 
espèce,  —  or,  c'est  précisément  à  propos  de  ce  cas  qu'en  une  digres- 
sion nous  venons  d'effleurer  les  résultats  des  recherches  les  plus 
récentes  et  les  conclusions  qu'on  en  a  tirées,  —  alors  l'affinité 
élective  intime  entre  les  spermatozoïdes  et  les  œufs  est  incomplète, 
et  les  adjuvants,  favorisant  une  rencontre  de  cellules  germinatives 
de  même  sexe,  seront  ou  insuffisants  ou  même  échoueront  complè- 
tement, de  sorte  que  la  fréquence  de  la  rencontre  de  cellules 
germinatives  de  même  sexe,  ici,  n'est  pas  davantage  facilitée.  Cer- 
tainement, l'apparition  en  plus  ou  moins  grand  nombre,  parmi  les 
hybrides  d'espèce,  d'individus  de  sexe  nettement  indécis  ou  d'indi- 
vidus franchement  androgynes,  est  un  fait  incontestable,  tandis 
que  des  individus  similaires  provenant  d'un  accouplement  de 
mêmes  espèces  comptent  parmi  les  plus  grandes  raretés.  De  même 
que,  d'une  part,  cette  apparition  en  grand  nombre  est  véritablement 
rendue  plus  intelligible  grâce  aux  résultats  esquissés  des  recherches 
et  des  théories  qui  s'y  rattachent,  de  même,  d'autre  part,  ce  fait  est 
naturellement  capable  d'étayer,  dans  une  large  mesure,  la  vraisem- 
blance de  ces  théories. 

Comment  les  mutations  se  comportent-elles  en  ce  qui  concerne 
ce  dernier  point?  Dans  les  expériences  de  reproduction  avec  ces 
mutations,  apparaîtrait-il  plus  souvent  des  individus  gynandro- 
morphes?  En  fait,  j'ai  eu,  en  1886,  d'un  accouplement  de  : 
Aglia  tau  ab.  fere-nïgra  Th.  Mg.  c? 

tmi  L.  Q  normal 
quatre  individus  gynandromorphes   (Cf.   Stett.   ent.   Zeitschrift, 


LÉPIDOPTÉROLOGIE    COMPAREE  59 

1886,  p.  320-22,  et  Exper.  sool.  Stiid.  Denkschr.  dcr  Schweïzer 
naturf.  Gesellsch.,  1898,  p.  57). 

Pendant  les  reproductions  poursuivies  jusqu'en  1893  avec  cette 
mutation,  il  ne  se  produisit  plus  un  seul  individu  gynandromorphe, 
non  plus  que  dans  toutes  mes  autres  expériences  de  reproduction 
par  mutations.  L'hypothèse  s'imposait  donc  que  ces  quatre  indi- 
vidus gynandromorphes  étaient  de  simples  accidents,  du  genre  de 
ces  monstruosités  que  nous  observons  de  temps  à  autre  expérimen- 
talement dans  des  accouplements  purs,  sans  que  nous  puissions 
avec  certitude  donner  les  causes  plausibles  de  leur  genèse  (Cf. 
Standfuss,  Expcr.  zool.  Stud.  Denkschr.  der  Schweïzer  naturf. 
Gesellsch.,  1898,  p.  53-67). 

En  1908,  naquit  à  nouveau  un  individu  nettement  gynandro- 
morphe de  l'accouplement  de  : 

Aglia  tau  ab.  melaina  Gross  ç3 
tau  L.  Q  normal. 

On  peut,  dès  lors,  se  demander  avec  une  impatience  légitime, 
quels  résultats  donneront  à  cet  égard  les  expériences  de  reproduc- 
tion futures  par  mutations  ? 

Un  nouveau  pas  en  avant  dans  cette  série  d'expériences,  c'était, 
manifestement,  d'accoupler  entre  elles  deux  mutations  qui  existent 
dans  le  cadre  de  la  même  espèce.  Peut-être  était-il  possible,  dans 
cette  voie,  d'élever  des  individus  qui  réunissent  en  soi  les  caractères 
des  deux  mutations.  Aussi  bien,  de  tels  individus  devaient  néces- 
sairement présenter,  comparés  au  type-origine,  une  différence  plus 
grande  que  chacune  des  mutations  en  soi.  Ceci,  cependant,  n'est 
vrai  que  dans  l'hypothèse  oii  les  cellules  germinatives  de  cette 
forme  nouvellement  obtenue,  ou  du  moins  une  partie  de  ces  cellules, 
représentent  également  une  fusion  intime  et  complète  des  carac- 
tères des  deux  mutations,  c'est-à-dire  qu'il  ne  suffit  pas  que  chaque 
cellule  germinative  de  cette  forme  corresponde  respectivement  à 
une  cellule  des  deux  mutations. 

Si  simple  et  si  élémentaire  que  puisse  paraître  l'enchaînement 


6o  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

de  ces  idées,  sa  réalisation  n'est  pas  des  plus  aisées.  Deux  muta- 
tions caractéristiques  différentes  dans  le  cadre  de  la  même  espèce, 
voilà  qui,  dans  le  monde  des  papillons  de  notre  Europe  Centrale, 
compte  certes  parmi  les  phénomènes  rares.  Pour  moi,  une  espèce 
unique  était  seule  en  cause  :  Aglia  tau  L.  Une  mutation  de  celle-ci, 
ab.  ferc-nïgra  Th.  Mg.,  est  signalée  à  Saint-Germain-en-Laye,  en 
Alsace,  en  Thiiringe  (Miilhausen)  et  dans  l'île  de  Rûgen.  Déjà, 
en  1780,  elle  est  reproduite  dans  Ernst  et  Engramelle,  Papillons 
d'Europe,  PI.  129,  fig.  175  .^  et  i  (Cf.  Standfuss,  Stett.  ent.  Zeitung, 
1886,  p.  318.  Berl.  ent.  Zeitschr.,  1888,  p.  319  ff).  Je  m'étais,  il  y  a 
quelques  années  déjà,  procuré  des  œufs  de  ab.  fere-nigra  de  Thii- 
ringe, et,  par  rajeunissement  répété  du  sang  jusqu'en  1907,  je 
m'étais  façonné  de  vigoureux  sujets  de  reproduction.  Une  seconde 
mutation,  très  caractéristique  ^Aglïa  tau,  a  été  décrite,  en  1897, 
comme  ab.  nielaina  originaire  de  la  Haute- Autriche,  par  feu 
H.  Gross,  fin  connaisseur  en  Lépidoptérologie,  avec  qui  j'ai,  pen- 
dant de  nombreuses  années,  entretenu  les  relations  les  plus 
agréables.  Le  mérite  de  l'avoir  découverte  en  revient  à  M.  l'insti- 
tuteur Franz  Hauder,  de  Linz  s/D.  Gross  avait  également  déter- 
miné son  caractère  en  tant  que  mutation  par  reproduction  {Iris, 
1897,  p.  396-399),  ainsi  que  sa  dominance  par  rapport  à  la  forme 
fondamentale. 

Grâce  à  mon  assistant,  M.  Hans  Wagner,  il  m'a  été  possible  de 
réaliser  l'accouplement 

Aglia  tau  ab.  melaina  Gross  cf 
ab.  fere-nigra  Th.  Mg.  Q 
et  d'en  élever  les  descendants. 

Si  nous  désignons  : 

Aglia  tau  L.,  par  B, 

Aglia  tau  ab.  melaina  Gross,  par  A, 

Aglia  tau  ab.  fere-nigra  Th.  Mg.,  par  C, 


LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE 


cet  accouplement,  ramené  au  schéma  employé  dans  les  expériences 
de  mutation  mentionnées,  pourrait  se  formuler  ainsi  : 

Aglia  tau  ab.  melaina  cf  d  (r)  — 
tau  ab.  fere-nigra  Q  d  (r)  — 

53  œufs,  $1  chrysalides. 

1908.    51  papillons,  dont  : 

14  Aglia  tau  L.  normal, 

13  Aglia  tau  ab.  melaina  Gross. 

II  Aglia  tau  ab.  fere-nigra  Th.  Mg., 

13  Aglia  tau  forma  nova. 


B 


Aglia  tau  normal. 


—  —   Aglia  tau  ab.  melaina  Gross. 
'^         avec  tau  récessif. 

i,  .L    ^'^glici  to,u  ab.  fere-nigra  Th.  Mg. 
^   ^    avec  tau  récessif. 

I     A 

—  —    Aglia  tau  ab.  melaina  +  fere-nigra. 

Un  second  accouplement  de 

Aglia  tau  ab.  melaina  cf  d  (r)  -— 

tau  ab.  fere-nigra  Q  d  (r)  — 
produisit  sur  5 1  œufs  47  chrysalides.  Ces  chrysalides  furent  main- 
tenues du  7  Août  jusqu'au  19  Novembre  dans  la  glacière,  puis 
amenées  dans  Fétuve.  47  papillons  sont  éclos,  dont  : 

10  Aglia  tau  normal, 

1 1  Aglia  tau  ab.  melaina, 
14  Aglia  tau  ab.  fere-nigra, 

12  Aglia  tau  ab.  forma-nova. 

Derechef,  1/4  à  peu  près  de  la  masse  totale  se  répartit  donc  sur 
chacune  des  quatre  formes  différentes.  Ces  papillons  se  dévelop- 
pèrent de  fin  Décembre  1907  jusque  fort  avant  dans  le  printemps 
de  1908.  En  majorité,  ils  étaient  fortement  avortés  et  inutilisables. 


62  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

J'ai  dénommé  la  forma-nova  obtenue  ab.  Weismanni,  d'après 
mon  éminent  collègue  M.  le  Conseiller  intime,  Prof.  D""  Aug. 
Weismann,  à  Fribourg-en-Brisgau. 

Ainsi,  tandis  que  ab.  melaina,  aussi  bien  que  ab.  fere-nigra,  se 
comportent  par  antagonisme  vis-à-vis  la  forme-type  tau,  les  ab. 
melaina  et  fere-nigra  ne  s'opposent  point  par  antagonisme,  mais, 
au  contraire,  se  fusionnent  en  un  type  qui  réunit  harmonieusement 
en  soi  les  caractères  des  deux  mutations,  à  savoir  la  forma-nova 
ab.  W eismanni  Stdfs. 

Cette  interprétation  semble  s'imposer,  puisque,  jusqu'à  ce  jour, 
on  n'a  ni  capturé  ni  obtenu  par  reproduction  des  individus  de 
ab.  melaina  qui  correspondissent  à  cette  forma-nova.  Cette  con- 
ception du  nouveau  type  est  également  étayée  par  le  nombre  des 
quatre  formes  différentes  issues  de  notre  expérience  de  reproduc- 
tion, nombre  qui,  en  accord  avec  les  lois  de  Mendel,  se  répartit 
sensiblement  en  quantités  égales.  Il  nous  faudra  concevoir  ab. 
Weismanni  comme  un  descendant  tout  à  fait  spécial  de  l'accou- 
plement de  ab.  melaina  avec  ab.  fere-nigra. 

Aux  trois  types  différents  ^Aglia  tau  existant  en  liberté  dans 
la  nature  est  donc  venue  s'ajouter  une  autre  Aglia  tau,  une  qua- 
trième, obtenue  par  reproduction.  De  ce  fait  il  se  présente  donc  un 
groupe  de  quatre  combinaisons  nouvelles  à  accoupler,  à  savoir  la 
Copula  de  ab.  Weismanni  avec  chacune  des  trois  formes  naturelles 
ou  avec  des  individus  similaires.  Il  est  clair  que  ce  dernier  cas  doit 
particulièrement  retenir  notre  attention,  par  suite  du  point  de  vue 
de  De  Vries,  qui  nous  préoccupe  ici.  Cet  accouplement  aurait  pour 
formule  : 


I     A 

—  —  Aglia  tau  ab.  melaina  race  pure. 


A  A  1    I    A 

—  X  — -  =  <  —  —   Aglia  tau  ab.  W  eismanni. 

I    c 

—  —   Aglia  tau  ab.  fere-nigra  race  pure. 

Ce  résultat  serait  à  prévoir  à  condition  que  chaque  cellule  ger- 
minative  de  ab.  W  eismanni  correspondît  seulement  à  une  cellule 


LÉPIDOPTÉROLOGIE    COMPARÉE  63 

respective  de  ses  formes  père  et  mère.  Et  si  ce  résultat,  dans  toutes 
les  reproductions  ultérieures,  apparaissait  comme  une  constante, 
il  est  évident  que  nous  n'aurions  point  avancé  d'un  pas  et  que  nous 
n'aurions  pas  atteint  le  but  que  nous  poursuivions.  Il  est  facile  de 
voir  que  nous  n'obtiendrions  encore  et  toujours  que  ab.  melaïna 
race  pure,  ab.  fere-nigra  race  pure  et  ab.  W eismanni,  et  l'une  de  ces 
aberrations,  cultivée  par  reproduction  avec  elle-même,  se  rediffé- 
renciera toujours,  comme  il  a  été  montré  ci-dessus.  Il  est  possible 
qu'il  en  soit  ainsi.  Mais  la  robe  semble  autoriser  l'espoir  que,  sinon 
toutes,  du  moins  une  partie  des  cellules  germinatives  correspondent, 
d'après  leur  constitution  intime,  à  leur  type  ancestral,  c'est-à-dire 
présentent  à  un  très  haut  degré  la  fusion  intime  et  parfaite  des 
caractères  des  deux  mutations  melaïna  et  fere-nigra.  Si  cet  espoir 
se  réalise,  alors  il  sera  d'abord  possible  d'obtenir  une  reproduction 
race  pure  de  la  nouvelle  forme,  et  ensuite  de  vérifier,  par  une  série 
d'accouplements,  la  manière  dont  se  comporte  ce  type  nouvelle- 
ment élevé,  qui  est  désormais  race  pure,  par  rapport  à  la  forme 
normale  tau  :  objectif  constant  de  nos  efforts,  que  nous  ne  per- 
dîmes jamais  de  vue  au  cours  de  ces  expériences  d'accouplement 
entre  deux  mutations  différentes  de  la  même  espèce. 

En  terminant  cette  brève  communication  sur  mes  expériences 
d'hybridation,  poursuivies  pendant  33  ans,  ce  m'est  un  devoir  bien 
agréable  d'exprimer  ma  plus  cordiale  gratitude  à  mon  aimable 
ami,  M.  Charles  Oberthiir.  En  m'offrant  gracieusement  de  faire 
reproduire  dans  son  excellent  ouvrage  «  Etudes  de  Lépidopté- 
rologie  comparée  »  les  quatre  formes  différentes  issues  de  l'accou- 
plement 

Aglïa  tau  ab.  melaïna  Gross  d* 

tau  ab.  fere-nigra  Th.  Mg.  Q 
il  m'a  procuré  une  joie  des  plus  vives. 

Zurich,  Janvier  1909. 

Prof.  D--  Max  STANDFUSS. 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE  65 

TAFELERKLAERUNG 

(Explication  des  Planches) 


Taf.  XXXI. 

Fig.  208.  —  Agita  Ta2t  cf,  Linné,  forma  typica. 

■ —    20g.  —  Agita  Tati  Q,  Linné,  forma  typica. 

—  210.  —  Agita  Tau-melaina  cf,  Gross. 

—  211.  —  Aglia  Tau-melaina  Q,  Gross. 

Taf.  XXXIL 

Fig.  212.  —  Aglia  Taii-fere-nigra  cf,  Th.  Mg. 

—  213.  —  Aglia  Tau-fere-nigra  Q,  Th.  M. 

—  214.  —  Aglia  Tau-Weissmanni  çS,  Standfuss. 

—  215.  —  Aglia  Tau-Weissmanni  Q,  Standfuss. 


III 


Les  Variations  de  TAglia  Tau 

(PL  XXXIII  et  XXXIV). 


A  la  partie  II  du  présent  ouvrage  se  trouve  imprimé  un  travail 
dû  à  la  haute  science  de  mon  très  honorable  et  cher  ami  le  D''  P" 
Max  Stand fuss,  de  Zurich. 

Je  le  remercie  cordialement  de  sa  précieuse  collaboration. 

Tous  les  Naturalistes  connaissent  les  résultats  si  intéressants 
des  expériences  conçues,  conduites  et  réalisées  par  M.  Stand  fuss, 
avec  une  habileté  supérieure  et  une  science  consommée,  en  vue 
d'augmenter  nos  connaissances  relativement  aux  causes  et  aux  lois 
de  la  variabilité  de  l'Espèce  chez  les  Lépidoptères. 

M.  Stand  fuss  a  le  mérite  très  grand  d'avoir  ouvert  des  voies 
nouvelles  pour  la  recherche  des  plus  hauts  problèmes  de  philo- 
sophie scientifique  concernant  l'histoire  de  l'Espèce  et  de  ses 
Variations. 

Souhaitons  que  Dieu,  maître  de  la  vie,  laisse  au  savant  pro- 
fesseur la:  jouissance  de  très  longs  jours  et  lui  permette  de  continuer 
pendant  de  nombreuses  années  à  faire  profiter  la  science  de  ses 
excellents  travaux. 

J'avais  l'intention  d'écrire  à  son  rang,  c'est-à-dire  lorsque  j'aurais 
entrepris  l'étude  de  la  famille  des  Saturnïidœ,  la  notice  sur  Aglia 
Tau,  conforme  à  celles  qui  sont  imprimées  plus  loin,  sur  les  Rho- 
palocera,  à  la  partie  VI,  sous  le  titre  de  Notes  pour  servir  à  établir 
la  Faîinc  française  et  algérienne  des  Lépidoptères. 


68  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

Mais  il  me  semble  qu'après  le  remarquable  exposé,  par 
M.  Standfuss,  des  résultats  de  ses  expériences  de  reproduction 
d'A^lia  Tau-melaïna  croisé  avec  fere-nigra,  le  moment  était  venu 
pour  moi  de  traiter,  quoique  par  avance,  l'histoire  de  \ Agita  Tau, 
avec  les  variations  dont  j'ai  pu  acquérir  la  connaissance.  Je  puis 
présenter  ainsi  un  ensemble  plus  complet  de  renseignements  et  de 
figures  concernant  cette  espèce  de  Saturniide. 

Les  Planches  XXXI  et  XXXIl  sont  consacrées  à  l'illustration 
du  savant  travail  de  M.  Standf uss  ;  les  n"'  208  et  209  représentent 
la  forma  iypica  de  VAglia  Tau;  les  n""*  210  et  21 1  figurent  l'Aber- 
ration melaina;  les  n°^  212  et  213  s'appliquent  à  l'Aberration 
fere-nigra;  enfin  les  n"*"  214  et  215  présentent  la  nouvelle  forme 
W  eissmanni. 

J'ai  donc  ajouté  à  ces  Planches  XXXI  et  XXXII  les  deux 
Planches  XXXIII  et  XXXIV  qui  achèvent  le  présent  ouvrage, 
afin  de  représenter,  depuis  le  n°  216  jusqu'au  n°  223,  une  série  de 
variétés  diverses  qui  sont  l'objet  du  commentaire  qu'on  trouvera 
plus  loin. 

M.  J.  Culot  a  exécuté  avec  un  remarquable  talent  toutes  ces 
Planches.  Je  crois  que  les  Entomologistes  apprécieront  le  soin 
consciencieux  que  cet  habile  artiste  a  apporté  à  l'exécution  de  la 
partie  iconographique  de  cet  ouvrage.  Je  remplis  un  devoir  de 
justice  en  lui  exprimant  ici  ma  satisfaction  et  en  lui  offrant  mes 
félicitations  bien  sincères. 

Sans  bonnes  figures  à  l'appui  d'une  description,  il  n'y  a  pas  de 
travail  entomologique  utile.  Aussi  me  fais-je  un  devoir  de  donner 
à  mes  écrits  le  secours  du  dessin,  pour  en  assurer  la  clarté;  mais 
je  suis  heureux  lorsque  la  collaboration  artistique  répond  à  mes 
espérances,  et  c'est  un  plaisir  pour  moi  de  le  publier. 

UAglia  Tau  a  été  décrit  par  Linné  {Syslcma  Natnrœ,  édit.  X, 
1760,  p.  497),  dans  les  termes  suivants  :  «  Tau.  Bombyx  elinguis, 
alis  patulis  testaceis  :  Ocello  subviolaceo  pupilla  hastata  alba. 
Habitat  in  Betula.  Ocellus  in  singulis  alis  pupilla  T  albo,  sed 
opaca  nec  diaphano  fenestrata  ».  L'espèce  a  été  reconnue  par  tout 
le  monde  et  je  ne  lui  connais  pas  de  synonymie. 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE  6g 

C'est  un  papillon  répandu  dans  une  grande  partie  de  l'Europe 
et  de  l'Asie.  h'Aglia  Tau  éclôt  au  premier  printemps,  mais  un 
peu  après  VEndromis  vcrsicolora  qui  est  encore  plus  précoce  que 
lui.  Les  cf  des  deux  Bombycides  :  Tau  et  vcrsicolora,  volent  le 
matin,  au  soleil,  à  la  recherche  de  la  Q  ;  généralement  les  deux 
espèces  habitent  les  mêmes  régions  et  souvent  les  mêmes  forêts; 
cependant  Aglia  Tau  manque  en  Angleterre,  quoique  Endromis 
vcrsicolora,  autrefois  répandu  dans  de  nombreuses  localités  de  la 
grande  Ile,  mais  actuellement  partiellement  éteint,  s'y  trouve 
encore  en  certaine  abondance,  surtout  dans  la  région  boréale,  en 
Ecosse. 

\J Aglia  Tau  vole  des  rives  de  l'Océan  Atlantique  jusqu'aux 
bords  de  la  mer  du  Japon. 

Il  éclôt  en  avril  dans  les  bois  des  environs  de  Huelgoat,  c'est- 
à-dire  au  centre  du  Finistère;  à  la  forêt  de  Rennes  et  à  Monterfil, 
en  Ille-et -Vilaine;  à  Chantilly  et  à  Saint-Germain-en-Laye,  près 
Paris;  on  le  trouve  aussi  dans  le  département  du  Doubs;  en 
Limousin;  en  Auvergne;  en  Alsace;  en  Suisse;  en  Allemagne; 
en  Autriche;  en  Mandchourie;  aux  frontières  du  Thibet  et  de  la 
Chine  et  au  Japon. 

\J Aglia  Tau  offre  de  remarquables  Aberrations  mélaniennes  : 
1°  fcre-nigra,  Thierry-Mieg,  qu'on  trouve  en  France,  notamment 
à  Saint-Germain-en-Laye  et  à  Besançon,  ainsi  qu'à  l'île  de  Rugen 
et  dans  la  Thuringe,  en  Allemagne.  Bellier  a  fait  figurer  sous  le 
n"  8  de  la  PL  14,  dans  les  Annales  de  la  Société  entom.  de  France, 
1858,  un  cf  fere-nigra  pris  à  Saint-Germain.  Ce  papillon  se  trouve 
dans  ma  collection  et  je  le  fais  de  nouveau  représenter  sous  le 
n°  221  de  la  PI.  XXXIV  du  présent  ouvrage.  Bellier  {Annal. 
France,  p.  707)  dit  que  cette  curieuse  Aberration  fut  prise  en  sa 
présence  et  devant  plusieurs  de  ses  collègues,  dans  la  forêt  de 
Saint-Germain,  par  M.  le  comte  de  Wallicourt,  qui  eut  l'extrême 
obligeance  de  lui  en  faire  présent. 

La  forêt  de  Saint-Germain  semble  favorable  au  développement 
de  l'Aberration  fere-nigra;  car  notre  aimable  collègue,  M.  H. 
Brown,  chassant  avec  mon  frère,  le  18  avril  de  la  présente  année 


/O  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

1909,  dans  la  même  forêt  de  Saint-Germain,  y  captura  un  Agliû 
Tau  cf  bien  plus  mélanisant  que  ceux  de  la  forêt  de  Rennes  où 
mon  frère,  M.  P.  Boulé  et  moi  nous  en  capturâmes  un  assez  grand 
nombre  d'échantillons,  les  22  et  23  avril  1909.  Les  plus  mélaniens 
des  Aglïa  Tau  de  Rennes  n'approchent  pas,  pour  le  noircissement 
des  ailes,  de  l'exemplaire  de  Saint-Germain  que  M.  H.  Brown  eut 
l'obligeance  de  nous  offrir. 

Ainsi  que  je  le  dis  plus  haut,  l'Ab.  fere-nigra  se  rencontre  aussi 
aux  environs  de  Besançon  où  l'a  prise  M.  François  Jeunet,  qui  a 
eu  l'extrême  bienveillance  de  m'en  offrir  une  paire.  La  Q  de 
Besançon  est  surtout  très  caractérisée. 

Il  y  a  longtemps  que  cette  Ab.  fere-nigra  est  connue  des  Ento- 
mologistes, qui  avaient  cependant  négligé  de  la  distinguer  par  un 
nom. 

En  effet  le  R.  P.  Engramelle  figure,  sous  les  n"'  175  h  et  175  i 
de  la  PI.  CXXIX,  une  Q  fere-nigra  prise  en  avril  1780,  dans  la 
forêt  de  Francfort-sur-le-Mein,  par  M.  Gerning.  Le  R.  P.  Engra- 
melle dit  que  la  chenille  de  la  Hachette-du-Soissonnais,  nom 
vulgaire  français  de  VAglia  Tau,  vit  aux  environs  de  Bruxelles 
et  de  Strasbourg  sur  le  saule  marceau  (Salix  caprea),  tandis  qu'en 
Dauphiné,  dans  la  forêt  de  Francfort-sur-le-Mein  et  près  de 
Vienne,  en  Autriche,  on  la  trouve  sur  le  fagtts  sylvatica.  Il  ne  fait 
pas  mention  de  l'indication  de  Linné  «  Habitat  in  Betula  ». 
Mais  il  ajoute  qu'Esper  assure  qu'elle  se  nourrit  indifféremment 
de  feuilles  de  chêne,  de  charme,  de  pommier  et  de  poirier  sauvage. 
Le  même  Esper  représente  d'ailleurs,  sous  le  n"  8  de  la  Tab.  V 
du  Tom.  III,  une  Q  fere-nigra  qui  est  vraisemblablement  une 
nouvelle  reproduction  du  papillon  figuré  par  Engramelle,  puisque 
c'est  une  rareté  unique  appartenant  au  même  M.  Gerning  :  «  eine 
einzelne  Seltenheit  der  beruehmten  Sammlung  des  Herrn  Ger- 
ning  ». 

Le  nom  allemand  vulgaire  de  XAglia  Tau  est  :  der  Nagelfleck 
ou  der  T  Vogel,  c'est-à-dire  la  tache  en  forme  de  clou  ou  \ oiseau 
T,  d'après  Esper  (Tom.  III,  p.  40). 


LÉPIDOPTÉROLOGIE    COMPAREE  71 

J'ai  fait  figurer  sous  le  n"  220  de  la  PL  XXXIV  un  cf  d'Aj^/ir? 
Tau  asymétrique,  ayant  l'aile  gauche  inférieure  largement  noircie. 
Ce  papillon  vient  de  Thuringe,  comme  la  Q  également  asymé- 
trique figurée  sous  le  n"  222  et  montrant  un  point  noir,  centra- 
lement  pupille  de  blanc,  au-dessus  de  l'ocelle  normal,  à  l'aile 
supérieure  droite,  en  dessus  seulement. 

D'après  ce  que  me  mande  M.  Max  Standfuss,  l'Ab.  fcrc-nïgra, 
Th.  Mg.  ilugens,  Stdfss)  est  en  Thuringe  une  Aberration  rare; 
ainsi  à  Mûlhausen,  en  Thuringe,  sur  100  exemplaires  de  l'espèce, 
il  ne  vient  que  des  individus  tout  à  fait  isolés  de  fere-nigra  ;  tous 
Ifô  autres  appartiennent  à  la  forme  normale.  «  Aglia  Taii-ferc- 
iiigra  ist  in  Thtiringen  eine  seltene  Aberration,  genau  so  wie  in 
Frankreich;  auch  bei  Miilhausen  in  Thtiringen  kommen  auf  je 
100  Exemplare  der  Art  nur  ganz  einzelne  Individuen  der  Ab.  fere- 
nigra;  Aile  iibrige  gehoren  der  Normalform  an.   » 

Quant  à  l'Aberration  melaina,  Gross,  elle  se  rencontre  dans  la 
Haute- Autriche,  en  Styrie,  comme  Aberration  constante  parmi  les' 
Aglia  Tau  normaux,  exactement  de  même  que  près  de  Digne, 
l'Ab.  Honnoraiii,  Bdv.,  se  trouve,  mais  très  rarement,  parmi  les 
T/iais  Medcsicaste.  Sur  100  papillons  cf,  l'assistant  du  D""  pro- 
fesseur Standfuss  a  constaté  la  présence  de  i  à  3  spécimens  au 
maximum  de  l'Ab.  mclaina.  Tous  les  autres  étaient  des  Aglia 
Tau  cf,  de  forme  normale.  loo  exemplaires  de  Styrie  se  décom- 
ix)scnt  donc  pour  la  moyenne,  en  98  Tan  normal  et  2  mclaina. 

Outre  les  formes  appelées  :  fere-nigra  et  mclaina,  \ Aglia  Tau 
peut  encore  varier  comme  suit  : 

1°  cf.  en  dessus,  suppression  presque  totale  de  la  tache  ocellée 
aux  ailes  supérieures;  cette  tache  est  remplacée  par  un  simple  trait 
noir  aux  inférieures;  en  dessous,  aucune  trace  du  T  blanc  aux 
inférieures;  un  petit  point  noir  remplace  l'ocelle  aux  supérieures; 
j'ai  appelé  cette  variété  presque  aveugle  :  ferc-cœca;  elle  est 
figurée  sous  le  n°  216  de  la  PI.  XXXIII. 

2°  cf,  en  dessus,  les  4  ailes  sont  d'un  fauve  clair,  sans  la  bande 
submarginale  noirâtre;  des  ocelles,  il  ne  reste  qu'un  orbe  grisâtre!  et 


LEPIDOPTEROLOGIE   COMPARÉE 


le  T  blanc  très  atténué;  en  dessous,  les  dessins  ordinaires  sont 
également  très  atténués.  Je  possède  un  cf  de  Bohême  ;  je  le  désigne 
sous  le  nom  de  :  uniformis;  il  est  figuré  sous  le  n°  217  de  la 
PI.  XXXIII. 

Je  citerai  aussi  2  Q  hermaphrodites  à  la  façon  des  Rhodocera 
Cleofatra  Q,  dont  les  ailes  sont  irrégulièrement  parsemées  des 
couleurs  du  cf.  Ces  2  Q  ont  sur  les  ailes,  dont  le  fond  est  d'une 
teinte  fauve  pâle,  des  lavis  irréguliers  et  dissymétriques  de  fauve 
orangé  vif.  Elles  proviennent  d'Allemagne;  elles  sont  figurées 
sous  les  n°^  218  et  219  de  la  PI.  XXXIII. 

Je  dois  parler  enfin  de  la  forme  thibétaine  d'Aglia  Tan  y  encore 
inconnue  et  dont  j'ai  reçu  jusqu'ici  la  seule  Ç)  qui  est  figurée 
sous  le  n"  223  de  la  PI.  XXXIV. 

Elle  me  fut  envoyée  avec  la  curieuse  Endromidc  voisine  de 
versicolora,  mais  bien  plus  petite  et  d'un  aspect  très  spécial,  que 
Staudinger  a  fait  connaître  sous  le  nom  de  Dalaïlama  bïfiirca. 

Leech  a  décrit  dans  les  P.  Z.  S.,  1888  (p.  632).  sous  le  nom  de 
jafonica,  une  variété  géographique  âiAglia  Tau,  d'après  une 
paire  d'Hakodate,  ayant  fait  partie  de  la  collection  Pryer,  dont 
Leech  avait  fait  l'acquisition. 

Jamais   Leech  n'a  fourni   de  figure   de  VAglia   Taii-japomca. 

D'après  la  description  seule,  il  est  difficile  de  se  rendre  exac- 
tement compte  de  cette  Agita  Tau-japonica,  comparativement  à 
celle  du  Thibet  qui  est  représentée  dans  cet  ouvrage.  Pourtant  on 
lit,  dans  la  description,  des  détails  autorisant  à  penser  que  VAglia 
Tau-japonica  n'est  pas  sans  analogie  avec  celle  du  Thibet,  dont 
je  ne  connais  d'ailleurs  qu'un  sexe.  Dès  lors,  je  m'abstiens  de 
donner  un  nom  spécial  à  la  forme  d'Aglia  Tau  des  frontières 
occidentales  de  la  Chine  et  orientales  du  Thibet,  et  je  lui  main- 
tiens provisoirement  le  nom  de  japonica  imposé  par  Leech. 

Elle  se  distingue  de  la  nôtre  par  sa  taille  presque  double, 
l'extrémité  apicale  des  ailes  supérieures  plus  aiguë,  l'oblitération 
en  dessus  de  la  tache  ocellée  normale  où  se  trouve  la  lettre 
grecque  T.  Cette  tache  est  réduite  dans  japonica  thibétaine  à  un 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPAREE 


simple  petit  point  grisâtre  dans  une  ombre  plus  foncée  que  le  fond 
des  ailes.  Les  ailes  supérieures  de  jafomcci  thibétaine,  en  dessus, 
sont  saupoudrées,  surtout  vers  l'apex,  les  bords  costal,  anal  et 
marginal,  d'atomes  noirâtres  de  forme  irrégulière.  En  dessous,  la 
tache  blanche  en  forme  de  T,  dans  les  ocelles  médians,  est  beau- 
coup moins  accentuée  que  dans  les  exemplaires  européens. 

De  quelle  faune  superbe  et  variée  se  trouve  favorisée  la  région 
limitrophe  de  la  Chine  et  du  Thibet,  aux  sources  de  ces  nombreux 
cours  d'eau  qui  alimentent  le  Yang-tse-Kiang,  tributaire  de  la  mer 
de  Chine,  et  les  autres  fleuves  qui  coulent  vers  le  sud,  tels  le 
Salouen  ou  Lu-tse-Kiang  et  le  Mékong  ou  Lang-tse-Kiang  !  Feu 
Mgr  Biet,  vicaire  apostolique  du  Thibet,  m'a  dit  maintes  fois  que 
l'un  de  ses  dignes  et  savants  collaborateurs,  le  Père  Soulié,  bota- 
niste du  plus  haut  mérite,  lui  avait  signalé  l'extraordinaire 
développement  en  Asie,  comparativement  à  l'Europe,  de  beaucoup 
d'espèces  de  plantes  alpines  habitant  les  montagnes  chinoises  et 
thibétaines,  ainsi  que  les  Alpes  de  France  et  de  Suisse.  Peut-être 
en  est-il  de  l'agrandissement  de  V Agita  Tan  en  Asie,  par  rapport 
à  l'Europe,  comme  du  plus  grand  développement  des  plantes.  En 
effet,  certains  échantillons  sino-thibétains  de  Papilio  Machaon, 
Collas  Polio graphus,  Tkecla  betulœ,  Melïtœa  Phœbe,  Argynnis 
Adippe  sont  plus  grands  en  Asie  qu'en  Europe;  mais  cela  ne  peut 
pas  être  considéré  comme  une  règle  générale  pour  les  Lépidoptères; 
car  Apatnra  Iris,  Anthocharis  Cardamines,  Argynnis  Aglaja  ne 
présentent  point  en  Asie  de  dimensions  supérieures. 

D'ailleurs  VAglia  Tau  de  l'île  Askold  et  de  Sidemi,  en  Mand- 
chourie,  ne  diffère  pas  beaucoup  de  la  forme  normale  d'Europe, 
pour  la  taille  et  pour  la  couleur,  du  moins  si  j'en  juge  par  les 
documents  que  je  possède. 

Quoi  qu'il  en  soit,  on  connaît  en  Europe  3  races  différentes 
â'Aglia  Tau  se  développant  dans  la  Nature  :  la  forme  dont  le 
fond  des  ailes  est  d'un  jaune  fauve  orangé  vif  et  qui  est  normale; 
la  forme  très  obscurcie  :  fere-nigra,  et  la  forme  très  noircie  : 
melaina. 


/4  LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE 

I,e  D'  professeur  Max  Stand fuss  s'est  proposé  de  réaliser  des 
accouplements  entre  ces  races,  afin  de  voir  si  les  produits 
obéissent  dans  la  forme  de  leur  descendance  à  la  Loi  de  Mendel. 

Cette  Loi  de  Mendel  résulte  d'expériences  faites  par  le  croi- 
sement de  souris  grises  et  de  souris  blanches,  c'est-à-dire  de  deux 
formes,  l'une  normale  et  l'autre  albine  de  la  même  espèce  de 
souris. 

Si  on  accouple  un  cf  de  souris  grise  à  une  Q  de  souris  blanche, 
on  constate  que  les  produits  de  cette  copulation  sont  tous  exclu- 
sivement gris.  Dès  lors  on  dit  que  le  caractère  gris  est  dominant 
et  le  caractère  blanc  récessif.  Du  fait  de  l'accouplement  de  la 
souris  grise  cf  et  de  la  souris  blanche  Q,  les  produits  cf  de  cet 
accouplement  sont  pourtant  nés  avec  un  mélange  de  spermato- 
zoïdes du  type  paternel  pur  gris  et  du  type  maternel  pur  blanc 
et  les  produits  Q  avec  des  ovules  du  type  paternel  pur  gris  et  du 
type  maternel  pur  blanc;  mais  si  on  croise  un  cf  hybride  provenant 
de  l'union  de  la  souris  grise  cf  et  de  la  souris  blanche  Q,  avec 
une  Q  grise,  dont  la  race  grise  est  dominante,  comme  nous  l'avons 
dit  plus  haut,  les  produits  seront  toujours  et  tous  gris.  Pour  que 
des  produits  blancs  interviennent,  il  faut  croiser  le  cf  hybride  issu 
de  la  souris  grise  cf  et  de  la  souris  blanche  Q  avec  une  Q  blanche 
de  la  race  maternelle  pure  et  l'on  obtiendra  alors  une  moitié  de 
types  gris  paternels  et  l'autre  moitié  de  types  blancs  maternels. 
La  proportion  du  produit  sera  toujours  conforme. 

\J Aglia  Tau  normal  a  été  croisé  avec  fere-nigra.  Les  produits 
directs  sont  fere-nigra.  Donc  fere-nigra  est  dominant  par  rapport 
à  Tan  normal. 

Ces  produits  hybrides  sont  accouplés  entre  eux.  C'est  alors  la 
dissociation  des  formes  Tau  pures,  des  formes  fere-nigra  pures 
et  des  fere-nigra  impures  oi^i  Taii  est  dominé  par  fere-nigra. 

L'expérience  est  continuée  avec  les  formes  fere-nigra.  impures; 
la  dissociation  se  continue  selon  la  Loi  de  Mendel. 

D'autre  part,  VAglia  Tau  normal  est  croisé  avec  melaina;  les 
résultats  sont  les  mêmes  que  ci-dessus;  Taii-melaina  étant  domi- 
nant par  rapport  à  Tau  normal  qui  est  récessif. 


LÉPIDOPTÉROLOGIE    COMPARÉE 


Enfin  Agita  Tau-fcre-nigra  est  croisé  avec  Taii-mclama. 
Ici  la  Loi  de  Mendel  ne  s'applique  plus. 

M.  Standfuss  obtient,  dans  plusieurs  expériences,  et  par  parties 
numériques  égales,  quatre  formes  différentes  qui  naissent  chacune 
dans  la  proportion  d'un  quart  du  total. 

Ces  quatre  formes  sont  :  Tau  normal,  fcre-nigra,  inclaina  et 
une  forme  nouvelle  Wcissmanni.  Or,  cette  forme  W cïsxmannï  ne 
s'est  jamais  rencontrée  dans  la  Nature.  Elle  tient  à  la  fois  de 
fcre-ntgra  et  de  melaina  et  elle  est  plus  mélanienne  encore  que 
melaina. 

Mais  il  y  a  une  circonstance  qu'il  faut  envisager  avec  toute 
l'attention  qu'elle  mérite. 

On  doit  en  effet  considérer,  dans  l'expérience  de  reproduction 
accomplie  par  le  D'"  professeur  Max  Standfuss,  l'origine  des 
parents  qui  ont  donné  naissance  à  cette  descendance  des  quatre 
formes  :  Tau  normal,  fere-nigra,  melaina  et  Weissmanni,  répartie 
en  quatre  parties  égales. 

Le  melaina  cf  qui  s'est  croisé  avec  fere-nigra  Q  était  lui-même 
sans  doute  issu  de  l'accouplement  d'un  Tau  normal  cf  et  d'une 
melaina  Q,  tandis  que  la  fere-nigra  Q  qui  s'est  croisée  avec 
fjtelaina  cf  avait  pour  père  un  Tau  normal  et  pour  mère  une  fere- 
nigra. 

Ce  melaina  cf  et  cette  fere-nigra  Q  qui  se  sont  ainsi  accouplés 
et  qui  ont  donné  naissance  à  quatre  races  différentes  de  leur 
espèce  contenaient  donc  dans  leur  corps,  tous  les  deux  pour  moitié, 
des  cellules  germinatives  de  Tau  normal.  Pour  la  seconde  moitié, 
melaina  cf  possédait  des  cellules  germinatives  de  melaina  et  fere- 
nigra  de  fere-nigra. 

Il  est  donc  nécessaire  de  tenir  compte  de  l'origine  des  individus 
père  et  mère  pour  la  détermination  de  la  constitution  de  leurs 
descendants. 

Comme,  dans  les  essais  de  reproduction  qui  ont  donné  des 
résultats  identiques,  la  totalité  des  descendants  se  répartit  cons- 


LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE 


tamment  avec  une  précision  assez  rigoureuse,  par  quart,  entre  les 
quatre  formes  d' Agita  Tau  :  normale,  fere-nigra,  mclaina  et 
Weissmanni,  on  peut  dire  que  cela  indique  et  signifie  une  division 
d'une  exactitude  numérique  parfaite  des  cellules  germinatives  de 
l'individu,  en  accord  avec  la  constitution  du  couple  père  et  mère 
dont  cet  individu  est  issu. 


Rennes,  avril  1909. 


Ch.  OBTHR. 


LÉPIDOPTEROLOGIE    COMPAREE 


EXPLICATION   DES   PLANCHES 


PL.  XXXIII. 

Fig.  216.  —  Aglia  Tau-fere-cœca  cf,  Obthr. 

—  217.  —  Aglia  Tan-uniformïs  cf,  Obthr. 

—  218 


—    219. 


PL.  XXXIV. 


Aglia  Tau  Q,  part,  hermaphrodites. 


Fig.   220.  —  Aglia  Tau  cf,  Ab.  asymétrique. 

—  221.  —  Aglia  Tau  fere-nigra  cT,  Th.  Mg.,  pris  dans  la 

forêt  de  Saint-Germain-en-Laye. 

—  222.  —  Aglia  Tau   Q,  Ab.  asymétrique. 

—  223.  —  Aglia  Tau-japonica  ?  Q,  Leech. 


IV 


Les   PSYCHID^   pyrénéennes 

(Spécialement  des  Hautes-Pyrénées) 
Par  P.  RONDOU,  de  Gèdre. 


Pachytelia  unicolor,  Hufn.  {graminella,  Schiff.), 

Commune;  fourreaux  un  peu  partout,  contre  les  vieux  murs,  les 
rochers,  les  troncs  d'arbres,  les  tiges  des  graminées,  jusqu'à 
1,100  mètres  d'altitude;  je  n'en  ai  jamais  rencontré  plus  haut;  mai 
et  juin. 

Eclosion  de  juin  à  juillet. 

Fourreau  du  cf  atteignant  38-40  millimètres,  recouvert  de  frag- 
ments de  feuilles  brunâtres  ou  brun  noirâtre,  avec,  à  la  partie 
supérieure,  des  pailles  placées  longitudinalement  avec  de  petits 
grains  de  sable. 

Fourreau  de  la  Q  semblable,  mais  plus  gros,  et  presque  toujours 
dépourvu  de  pailles. 

La  chenille  est  polyphage;  on  la  trouve  sur  la  ronce,  l'ortie,  mais 
surtout  sur  les  graminées,  Poa  annua  et  perennis. 

cf.  Envergure  26-30  millimètres.  Ailes  larges,  d'un  noir  un  peu 
transparent,  frange  à  reflets  blanchâtres,  pattes  roussâtres.  Antennes 
de  5  millimètres  environ,  avec  des  barbules  assez  longues  vers  la 
base  de  la  tige,  et  allant  en  décroissant  vers  le  sommet.  Corps  ne 
dépassant  pas  les  ailes  inférieures,  assez  grêle,  velu,  aplati  posté- 
rieurement, noir  avec  les  ptérygodes  cendrés,  le  dessous  de  l'ab- 


8o  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

domen  blanchâtre;  celui-ci  est  terminé  par  une  touffe  ,de  poils 
légèrement  divergents.  La  chrysalide  est  cylindro-conique,  un  peu 
aplatie  vers  la  tête;  dos  légèrement  caréné  à  la  partie  supérieure; 
pointe  anale  assez  obtuse. 

La  Ç  est  d'un  blanc  sale  tirant  sur  le  jaune,  tête  brune,  ainsi 
que  les  plaques  cornées  qui  occupent  la  partie  supérieure  des  pre- 
miers anneaux.  La  loupe  fait  apercevoir  deux  petits  appendices 
charnus  qui  semblent  être  les  rudiments  des  antennes.  Sa  chrysalide 
est  de  forme  ovoïde  et  semblable  aux  deux  extrémités. 

Pachytelia  Villosella,  O. 

Rare.  Collioure  (de  Gr.),  Saint-Béat,  Bagnères-de-Luchon, 
Ardiège  (Car.),  Gèdre.  S'élève  jusqu'à  i,8oo  mètres  (plateau  de 
Souberpeyre,  près  de  Gèdre);  fourreau  sur  le  prunellier,  sur  la 
bruyère,  CalLuna  vidgaris  surtout,  et  sur  certaines  graminées  jus- 
qu'en juillet.  Ce  fourreau,  sur  les  hauteurs,  se  rencontre  parfois  dans 
les  sommités  du  Poa  alpina,  dont  la  chenille  fait  sa  nourriture,  et 
alors  il  mime  si  bien  les  épillets  qu'il  serait  impossible  de  le  dis- 
tinguer SI  quelques  mouvements  ne  trahissaient  sa  présence. 

Eclosion  juin  et  juillet,  selon  les  altitudes,  le  soir. 

Fourreau  atteignant  40  millimètres,  ressemblant  à  celui  de 
iinicolor,  mais  plus  gros,  recouvert  de  bûchettes  de  bruyère,  de 
pailles  assez  longues  et  divergentes,  de  fragments  de  feuilles  sèches 
et  de  grains  de  sable. 

cf.  Envergure  26-27  millimètres.  Corps  plus  robuste  que  unicolor, 
ailes  beaucoup  plus  étroites,  les  supérieures  légèrement  déprimées 
vers  le  milieu,  antennes  plus  longues  et  plus  brièvement  pectinées; 
ailes  d'un  brun  fuligineux,  chatoyant  légèrement  en  violâtre;  lunule 
discoïdale  assez  apparente;  corps  recouvert  de  poils  abondants  d'un 
brun  roux,  brosse  anale  divergente.  Bord  des  4  ailes  avec  une 
légère  inflexion  rentrante,  nervures  plus  nettement  indiquées  vers 
l'extrémité  de  l'aile  qu'à  la  naissance. 

Q  semblable  à  celle  de  unicolor,  avec  le  dessus  des  premiers 
segments  plus  foncé. 


LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE 


Amicta  febretta,  Boyer. 

Fourreau  assez  commun  en  juillet  et  au  commencement  d'août, 
le  long  des  sentiers  arides,  dans  les  prés  récemment  fauchés  exposés 
au  soleil,  sur  les  rochers,  dans  les  pelouses  des  montagnes;  on  le 
rencontre  depuis  les  plus  basses  altitudes  jusque  sur  les  sommets. 

La  chenille  vit  sur  les  scorsonères  surtout. 

Eclosion  en  aoîit,  dans  la  matinée. 

Fourreau  des  deux  sexes  à  peu  près  de  la  même  longueur  que 
chez  unicolor,  mais  beaucoup  plus  volumineux;  les  brins  de  gra- 
minées ou  de  bruyères  sont  placés  plus  longitudinalement,  d'une 
façon  parallèle  et  presque  de  même  dimension;  le  diamètre  et  la 
couleur  de  ces  brins  varient  selon  l'altitude  :  gros  et  d'un  jaune 
brunâtre,  à  cause  du  mélange  de  brindilles  de  bruyères,  dans  les 
parties  basses,  ils  sont  très  ténus  et  d'un  jaune  clair  sur  les  hauteurs, 
et  alors  uniquement  composés  de  graminées. 

cf.  25-26  millimètres  d'envergure;  ailes  inférieures  totalement 
arrondies  et  n'offrant  pas  au  bord  inférieur  cette  légère  échancrure 
que  l'on  observe  sur  Villosella;  couleur  plus  foncée  que  cette  der- 
nière, les  nervures  saillantes  à  la  base,  frange  d'un  roux  clair.  Les 
poils  qui  recouvrent  le  corps  sont  d'un  brun  roussâtre,  chatoyant 
en  blond,  tirant  au  blanchâtre  sur  la  tête  et  le  corselet.  Abdomen 
moins  velu  que  chez  Villosella  et  se  terminant  un  peu  en  pointe. 
Antennes  rousses,  longuement  et  fortement  pectinées,  atténuées  à 
l'extrémité  qui  est  très  pointue. 

g  d'un  blanc  sale  ou  d'un  jaune  pâle  ocreux,  molle  comme  celle 
de  unicolor,  mais  plus  grosse.  Les  premiers  et  les  derniers  segments 
de  l'abdomen  sont  garnis  sur  le  bord  d'un  léger  duvet  cotonneux, 
ainsi  que  le  dessous  du  corselet. 

Oreopsyche  Pyrenaella,  H.  S.  (Tabanella,  Brd.). 

Fourreau  commun  en  juillet,  entre  1,000  mètres  (environs  de  La 
Raillère,  près  Cauterets),  jusqu'à  2,200  mètres  (Soumaoute,  près 
de  Gèdre). 


82  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

La  chenille  est  polyphage;  elle  se  nourrit  de  Juniper  us  Coin- 
munis,  Calluna  vuLgaris,  mais  surtout  sur  Y accinium  uliginosum 
et  niyrtïLlum.  Elle  vit  deux  ans,  elle  atteint  toute  sa  taille  fin  juin, 
premiers  jours  de  juillet  de  la  seconde  année;  elle  se  chrysalide 
alors  en  fixant  le  fourreau  par  une  ceinture  soyeuse  aux  branches 
de  genévriers,  de  bruyères,  et  aussi  dans  les  anfractuosités  des 
rochers,  toujours  en  choisissant  la  meilleure  exposition  au  soleil. 
Parfois  plusieurs  fourreaux  sont  accolés  dans  le  même  endroit  et 
réunis  par  leur  enveloppe  soyeuse. 

Avant  la  chrysalidation,  le  fourreau  a  une  forme  presque  cylin- 
drique, un  peu  atténuée  aux  extrémités;  il  devient  presque  globu- 
laire à  la  chrysalidation;  il  est  formé  de  pailles  très  grêles,  im- 
plantées presque  à  angle  droit  et  formant  pelote;  la  base  est  garnie 
d'un  léger  tube  de  soie. 

Eclosion  fin  juillet  pendant  la  partie  la  plus  chaude  du  jour, 
de  1 1  heures  du  matin  à  2  heures  ou  3  heures  du  soir. 

Les  fourreaux  de  0.  Pyrenœlla  sont  parasités  dans  la  proportion 
de  50  %,  presque  toujours  par  des  hyménoptères^  parfois  par  un 
diptère;  il  m'est  même  éclos  de  l'un  d'eux  un  coléoptère. 

Envergure  du  c?  15-17  millimètres.  Ailes  entièrement  diaphanes 
et  trèsi  brillantes,  mais  avec  une  légère  teinte  de  suie;  les  supérieures 
légèrement  arrondies  au  sommet,  les  inférieures  allongées  et  de 
forme  ovalaire;  la  côte  des  premières  est  noire,  la  frange  noirâtre, 
les  nervures  brunes  et  très  fines;  les  antennes,  qui  sont  d'un  noir 
brunâtre,  ont  les  barbules  allongées  et  en  panache.  Le  corps  est 
couvert  de  poils  longs  et  fins,  noirs  sur  la  partie  antérieure,  d'un 
brun  noirâtre  à  l'extrémité  de  l'abdomen,  oii  ils  forment  deux 
touffes  divergentes;  les  palpes  ne  sont  pas  visibles  et  sont  rem- 
placés par  un  bouquet  de  poils  longs  et  fins  de  couleur  brune.  Le 
corps  est  aussi  velu  en  dessous  qu'en  dessus,  et  les  poils  y  sont  plus 
noirs  encore. 

Var.  Albescens  Heyiaerts.  Cette  variété  est  caractérisée  par  une 
taille  plus  grande,  le-  ton  plus  laiteux  des  ailes,  la  frange  plus 
courte,  grise  au  lieu  d'être  noire. 

Assez  rare  dans  la  partie  orientale  et  centrale  des  Pyrénées,  cette 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE  83 

variété  appartient   surtout   à   la   partie  occidentale,    aux  Picos  de 
Eiiropa  (Obthr.). 


Oreopsyche  tabanivicinella,  Brd. 

Fourreau  en  septembre,  entre  1,000  mètres  (Gèdre)  et  1,500  mètres 
(entrée  du  cirque  de  Gavarnie;  environs  de  la  chapelle  de  Héas)  ; 
assez  rare. 

La  chenille  est  polyphage,  mais  se  rencontre  le  plus  souvent  dans 
les  feuilles  de  la  Carlïna  acaulis.  Elle  arrive  à  toute  sa  taille  vers 
la  fin  de  septembre;  mais  la  chrysalidation  ne  s'effectue  qu'aux 
premiers  jours  du  printemps  de  l'année  suivante.  Eclosion  un  mai 
et  juin,  dans  la  matinée^  entre  9  et  1 1  heures. 

Fourreau  22-24  millimètres.  Il  est  cylindrique,  avec  une  petite 
calotte  sphérique  à  chaque  extrémité.  Comme  celui  de  Pyrenœlla, 
il  est  formé  de  pailles  très  courtes,  grêles,  mais  entrelacées  plutôt 
qu'miplantées  à  angle  droit.  Au  moment  de  la  chrysalidation,  la 
chenille  l'entoure  d'une  large  ceinture  soyeuse  et  le  hxe  contre  les 
pierres,  les  rochers,  la  base  de  certaines  plantes,  jamais  à  une  grande 
hauteur  et  toujours  dans  un  endroit  abrité. 

Envergure  du  cf,  20-22  millimètres.  Ailes  assez  allongées,  d'un 
aspect  un  peu  vitreux,  très  légèrement  teintées  de  brun  roux,  avec 
la  frange  brune  et  très  étroite.  Antennes  relativement  courtes,  d'un 
noir  brunâtre  et  pectinées  jusqu'à  l'extrémité.  Le  corps  est  brun 
foncé,  très  velu;  les  poils  nombreux  qui  le  recouvrent  sont  très 
foncés  à  leur  naissance  et  d'un  fauve  grisâtre  à  l'extrémité.  L'extré- 
mité anale  forme  deux  touffes  divergentes. 


Oreopsyche  Leschenaulti,  Stgr. 

Fourreau  assez  commun,  fin  juin,  depuis  les  parties  basses  des 
vallées  (800  mètres  en  amont  de  Saint-Sauveur,  au  pont  Napoléon), 
jusqu'à  2,200  mètres  (Canaus  de  Saugué). 


84  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

Fourreau  du  cf,  12-14  millimètres,  tubuli  forme,  légèrement  renflé 
au  milieu  et  un  peu  courbé  à  la  partie  supérieure. 

Fourreau  de  la  g,  20-22  millimètres,  très  renflé  aux  deux  tiers 
de  la  partie  supérieure,  légèrement  atténué  à  la  partie  inférieure, 
qui  est  un  peu  courbe. 

Ces  fourreaux  sont  composés  de  terre  et  de  sable  agglutinés,  très 
durs.  Leur  couleur  varie  selon  la  nature  du  terrain  oii  ils  se  trouvent. 
Ainsi,  aux  environs  de  Cauterets,  ils  sont  franchement  grisâtres  et 
renferment  à  l'extérieur  de  minces  paillettes  de  mica,  ce  qui  les  fait 
facilement  confondre  avec  les  quartiers  de  roches  granitiques  oii 
ils  sont  fixés;  dans  la  vallée  d'Estaubé,  dont  le  terrain  est  calcaire, 
ils  sont  d'un  gris  terreux  bleuâtre;  et  enfln,  dans  le  crétacé  noirâtre 
du  fond  du  cirque  de  Gavarnie,  ils  sont  presque  noirs.  Dans  cette 
dernière  localité,  il  y  en  a  parfois  jusqu'à  une  douzaine,  rangés  les 
uns  à  côté  des  autres  sur  la  même  pierre. 

La  ponte  s'effectue  vers  le  mois  de  juillet;  les  petites  chenilles 
se  fabriquent  immédiatement  de  petits  fourreaux  avec  les  débris 
de  celui  de  la  mère.  Elles  vivent  deux  ans,  ne  s'éloignant  guère  de 
la  base  des  rochers  où  elles  sont  nées;  elles  se  nourrissent  de  gra- 
minées, mais  aussi  de  Helianthemum  vulgare  dans  les  parties 
moyennes  des  vallées,  et  de  Alchemilla  alpina  plus  haut.  Elles 
atteignent  toute  leur  taille  vers  la  fin  de  juin;  elles  se  fixent  alors 
solidement  sur  les  rochers,  toujours  du  côté  le  plus  exposé  au  soleil, 
jamais  au  nord.  L'éclosion  a  lieu  quelques  jours  après,  jusqu'à  la 
fin  juillet,  de  8  à  10  heures  du  matin.  Le  cf  vole  au  soleil  d'un  vol 
assez  soutenu;  mais,  passé  11  heures,  on  n'en  voit  plus. 

La  chrysalide  du  cf  est  brunâtre,  légèrement  déprimée  vers 
l'extrémité  anale;  après  l'éclosion,  elle  reste  à  demi  engagée  dans 
le  fourreau.  La  Q  ne  quitte  jamais  son  fourreau. 

Comme  ceux  de  0.  Pyrenœlla,  ces  fourreaux  sont  parasités  dans 
de  fortes  proportions  par  des  hyménoptères,  rarement  par  des 
diptères. 

Envergure  du  cf,  15-1/  millimètres;  ressemblant  à  0.  Pyrenœlla 
pour  la  coupe  des  ailes;  celles-ci  sont  hyalines,  d'un  joli  blanc 
laiteux,  avec  la  frange  grise  et  assez  courte.  Le  corps  est  noir;  mais 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   CO.MPARÉE  85 

ce  qui  le  caractérise,  ce  sont  les  longs  poils  d'un  blanc  brillant  qui 
le  recouvrent  partout;  ces  poils,  assez  clairsemés  sur  la  partie  anté- 
rieure, deviennent  très  denses  et  floconneux  dans  l'abdomen,  et 
forment  une  belle  houppe  divergente  à  l'extrémité  anale.  Ce  sont 
ces  poils  blancs  qui  permettent  de  suivre  le  cf  au  vol  dans  toutes 
ses  évolutions.  Les  pattes  sont  d'un  noir  légèrement  brunâtre;  les 
antennes,  assez  courtes  et  noirâtres,  ont  les  barbules  plus  courtes 
que  dans  0.  Pyrenœlla,  et,  comme  dans  cette  espèce,  forment 
panache. 

Var.  Nigricans,  Stgr.  —  Cette  variété  diffère  du  type  par  la 
couleur  hyalin  noirâtre  de  ses  ailes;  les  poils,  au  lieu  d'être  blancs, 
sont  d'un  noir  roussâtre.  Très  rare  sur  le  versant  français,  où  je 
ne  l'ai  rencontrée  que  dans  les  Canaous  de  Saugué.  J'ai  recueilli  de 
grandes  quantités  de  fourreaux  au  cirque  de  Gavarnie  et  dans  la 
vallée  d'Estaubé;  leur  éclosion  ne  m'a  jamais  donné  la  variété  noire. 


Oreopsyche  Sicheliella,  Brd. 

C'est  très  probablement  à  Sicheliella,  Brd.,  qu'il  faut  rapporter 
une  Psyché  que  je  capture  assez  souvent  dans  les  mêmes  localités 
et  aux  mêmes  époques  que  0.  Tahanivicinella. 

Le  cf  a  les  ailes  supérieures  allongées,  les  inférieures  un  peu 
courtes,  vitrées  et  comme  glacées,  luisantes,  tout  en  ayant  une  teinte 
enfumée;  leur  surface  est  très  pelucheuse,  surtout  dans  le  premier 
tiers  des  supérieures,  avoisinant  le  corselet.  C'est  à  la  fois  la  plus 
glacée  et  la  plus  pelucheuse  des  Psychides.  On  remarque  de  petits 
cils  cotonneux  sur  la  totalité  des  ailes;  mais  ils  sont  moins  épais 
au  bord  qu'à  la  base;  la  frange  est  noire,  assez  longue,  principa- 
lement vers  l'angle  inférieur;  elle  est  courte  vers  l'angle  supérieur 
des  deux  ailes;  les  antennes  sont  très  longuement  pectinées,  avec 
les  barbules  peu  serrées.  Le  corps  est  recouvert  de  poils  noirs  et 
longs,  formant  une  très  large  brosse  divergente  à  l'extrémité  anale. 

Cette  Psyché  ne  peut  se  confondre  avec  T abanrAcinella,  dont 
elle  diffère  par  la  taille  plus  petite,  la  coupe  des  ailes  plus  allongée, 


86  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

la  frange  plus  longue,  les  poils  du  corps  entièrement  noirs,  beau- 
coup plus  longs,  et  sans  aucun  reflet  grisâtre  à  l'extrémité. 

Elle  ne  peut  non  plus  être  confondue  avec  Atra;  d'abord,  les 
localités  de  capture  ne  sont  pas  les  mêmes  et  s'excluent  presque 
toujours;  puis  Atra  est  plus  petite,  les  ailes  moins  allongées,  moins 
noires  et  entièrement  dépourvues  de  cils  cotonneux  dans  les  deux 
tiers  extérieurs;  le  corps  de  celle-ci  est  plus  court,  et  les  poils  qui 
le  recouvrent  beaucoup  moins  longs  que  chez  Sicheliella. 

Oreopsyche  Atra,  L.  {Phimifera,  O.). 

Fourreau  assez  difficile  à  trouver  entre  les  tiges  basses  des  gra- 
minées et  les  racines  dénudées  du  thym,  dans  les  endroits  arides, 
bien  exposés  au  soleil,  depuis  les  plus  basses  altitudes  des  vallées 
jusqu'à  2,100  mètres  (Cirque  de  Troumouse). 

Fourreau,  11-13  millimètres;  mince,  revêtu  de  fragments  de 
lichen,  de  petits  brins  de  Hypnum,  de  parcelles  de  feuilles. 

Eclosion  dans  la  matinée,  dès  la  fin  de  février;  parfois  la  neige 
n'a  pas  encore  complètement  disparu;  on  voit,  sur  la  blancheur  de 
cette  neige,  de  petites  taches  noires  :  c'est  Atra  qui  a  été  arrêtée 
par  cet  obstacle  et  engourdie  au  point  de  ne  plus  pouvoir  bouger. 
Aux  hautes  altitudes,  l'éclosion  n'a  lieu  que  vers  la  mi-juin.  Parfois 
le  papillon  est  si  commun  qu'un  coup  de  filet  peut  en  capturer  une 
dizaine.  Le  vol  du  cf  est  court;  il  s'élève  très  peu  au-dessus  du  sol, 
sauf  lorsqu'il  se  sent  poursuivi. 

Envergure  du  cf,  10-12  millimètres.  C'est  une  des  plus  petites 
espèces  du  genre.  Ailes  noires,  passablement  transparentes,  mais 
non  vitrées;  la  côte  et  la  frange  sont  d'un  brun  noirâtre  foncé. 
Le  corps  est  assez  grêle,  recouvert  de  poils  nombreux,  noirs,  longs 
et  hérissés.  Les  antennes  sont  fortement  et  longuement  pectinées, 
formant  un  beau  panache;  les  palpes  sont  très  fournis  et  allongés. 

Apterona  pusilla,  Spr. 

Cette  espèce  a  été  capturée  pour  la  première  fois  aux  environs 
de  Blida  par  M,  Speyer,  qui  l'a  décrite  en  1886  dans  Entomolo- 


LÉriDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE  87 

gische  V crcin  zu  Stettin.  Je  l'ai  retrouvée  dans  la  haute  vallée  du 
Gave  de  Pau,  où  elle  n'est  pas  rare  dans  les  schistes  et  les  calcaires, 
aux  environs  de  Gèdre  et  de  Gavarnie,  depuis  1,000  mètres  (Gèdre) 
à  1,600  mètres  (au-dessus  de  l'hôtel  du  Cirque  de  Gavarnie). 

Fourreau  du  cf,  ^-7  millimètres,  enroulé  en  spirale  comme  une 
hélice,  assez  résistant,  composé  de  grains  de  sable  et  de  terre;  vers 
le  milieu  du  fourreau,  on  remarque  un  petit  orifice  circulaire  :  c'est 
par  là  que  sortira  l'insecte  parfait. 

Fourreau  de  la  Q  semblable,  mais  plus  gros,  plus  ovoïde,  avec 
les  spires  moins  distinctes. 

Ces  fourreaux  se  trouvent  toujours  contre  les  rochers,  dans  la 
face  la  plus  exposée  au  soleil,  rarement  sur  une  surface  lisse, 
presque  toujours  dans  une  fente  ou  au  fond  d'une  anfractuosité 
d'oii  l'on  ne  peut  guère  les  extraire  qu'avec  des  pinces. 

La  ponte  s'effectue  en  août;  les  chenilles  éclosent  fin  août  ou 
dans  les  premiers  jours  de  septembre;  à  peine  sorties  de  l'œuf, 
elles  se  bâtissent  une  petite  hélice  aux  dépens  de  l'habitation  de 
la  mère;  elles  se  cachent,  pour  passer  l'hiver,  dans  le  sable  ou  la 
terre  friable  qui  garnit  les  crevasses  des  rochers,  ou  leurs  environs. 
Elles  vivent  deux  ans  et  n'atteignent  toute  leur  taille  que  vers  la 
première  quinzaine  de  juillet;  elles  se  fixent  alors  pour  la  chrysa- 
lidation.  L'éclosion  a  lieu  fin  juillet  ou  premiers  jours  d'août,  entre 
10  heures  du  matin  et  midi. 

La  chenille  se  nourrit  principalement  de  H elïanthemimi  vulgare, 
Satureia  nwntana,  Teucrium  chamœdrys,  Thymus  serpyllum. 

Chrysalide  brunâtre,  contournée  en  spirale,  légèrement  renflée  à 
la  partie  antérieure. 

cf.  Envergure  10-12  millimètres;  ailes  médiocrement  allongées; 
supérieures  un  peu  incurvées  à  la  côte,  inférieures  d'un  ovale  très 
court;  surface  unie;  leur  couleur  est  d'un  brun  noirâtre  intense, 
mat  et  uniforme;  nervures  noires,  un  peu  saillantes;  frange  de 
même  couleur  que  le  corps,  assez  longue,  mais  peu  fournie;  dessous 
semblable  au  dessus.  Le  corps  est  grêle,  presque  glabre  et  complè- 
tement noir.  Les  antennes  sont  noires;  les  barbules,  allongées  à  la 


88  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 


naissance,  vont  en  diminuant  vers  l'extrémité,  qui  se  termine  en 
pointe  aiguë. 

g  larvaire,  corps  légèrement  contourné,  blanchâtre,  mou,  atténué 
à  l'extrémité  anale;  tête  brune  et  cornée.  Elle  sort  du  fourreau  au 
moment  de  la  fécondation  et  s'en  éloigne  parfois,  pour  y  revenir 
une  fois  la  fécondation  opérée. 


Epichnopterix  puUa,  Esp. 

Espèce  assez  répandue  en  montagne,  sans  atteindre  cependant 
les  hautes  altitudes,  entre  loo  et  2,000  mètres. 

Le  fourreau  est  revêtu  de  fragments  de  paille  plats  (ce  sont 
plutôt  des  fragments  de  feuilles  de  graminées),  au  lieu  de  frag- 
ments de  tiges  cylindriques,  comme  chez  Crassiorella,  d'une  couleur 
jaunâtre  clair,  placées  longitudinalement  d'une  manière  régulière. 
Forme  cylindrique,  diamètre  presque  uniforme;  quelques-unes  des 
pailles  dépassent  un  peu  l'extrémité  inférieure  du  fourreau. 

La  chenille  éclôt  en  été  et  passe  l'hiver;  elle  vit  de  graminées; 
elle  n'est  pas  rare  dans  les  pelouses  des  montagnes,  mais  elle  n'est 
pas  facile  à  apercevoir,  car  elle  se  tient  dans  l'herbe,  à  cinq  ou 
six  centimètres  du  sol;  il  faut  une  attention  soutenue  pour  la 
découvrir. 

Eclosion  fin  juin  ou  première  quinzaine  de  juillet. 

cf.  Envergure,  14-16  millimètres;  ailes  entièrement  d'un  noir  peu 
intense,  opaques,  paraissant  légèrement  pelucheuses  et  non  lui- 
santes. La  frange  est  de  la  même  couleur  et  assez  longue;  elle 
s'étend  jusque  vers  le  milieu  de  la  côte  aux  ailes  supérieures;  le 
corps  est  noir  aussi,  peu  fort  et  peu  velu.  Les  antennes  sont  pec- 
tinées  jusqu'à  l'extrémité  par  des  barbules  fines  et  non  serrées. 

Q  vermiforme.  Elle  est  grosse,  courte,  avec  la  tête  très  petite  et 
recourbée,  les  pattes  peu  distinctes,  l'oviducte  très  peu  saillant.  La 
couleur  générale  est  un  jaune  brun,  tirant  sur  la  rouille,  un  peu 
plus  foncé  à  la  partie  antérieure;  le  sommet  des  trois  premiers 
segments  est  blanchâtre  et  comme  cotonneux. 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE  89 

Chrysalide  du  cf  brunâtre,  ovoïde,  légèrement  atténuée  à  l'extré- 
mité anale.  Chrysalide  de  la  Q  semblable,  mais  beaucoup  plus 
grosse. 

La  chrysalidation  s'effectue  du  commencement  à  la  fin  de  juin, 
selon  les  altitudes;  pour  la  transformation,  la  chenille  fixe  son 
fourreau  après  quelque  tige  un  peu  élevée,  après  un  tronc  d'arbre 
s'il  s'en  trouve  dans  les  environs,  contre  les  rochers,  mais  jamais 
à  une  grande  hauteur,  30  à  40  centimètres  au  plus. 

Var.  Sieboldii  Reutti.  Souvent  plus  petite,  ailes  plus  courtes, 
écailles  plus  clairsemées,  un  peu  plus  roussâtre.  Environ  de  Cau- 
terets  (Oberthiir). 


Fumea  crassiorella,   Brd.  {affinis  Reutti). 

Fourreau,  12-14  millimètres,  composé  de  brins  de  paille  ou  de 
tiges  d'herbes  sèches  placées  longitudinalement  et  à  peu  près 
parallèlement;  assez  gros  pour  sa  longueur. 

On  ne  le  rencontre  jamais  à  une  grande  hauteur;  rarement  il 
dépasse  1,300  mètres;  je  n'en  ai  jamais  trouvé  au-dessus  de 
1,500  mètres. 

Les  petites  chenilles  éclosent  fin  juillet,  première  quinzaine 
d'août.  Après  avoir  hiverné,  elles  paraissent  dès  les  premiers  beaux 
jours  du  printemps.  Elles  vivent  sur  les  graminées  et  sur  la  ronce 
commune.  La  chrysalidation  s'effectue  en  mai-juin. 

On  trouve  les  fourreaux  au  pied  des  rochers  tournés  au  levant 
ou  au  midi,  contre  les  vieux  murs  couverts  d'herbes  et  de  ronces, 
contre  les  poteaux  télégraphiques. 

L'éclosion  a  lieu  en  juin-juillet. 

Cf,  15-16  millimètres  d'envergure,  d'un  brun  assez  intense  et  très 
luisant;  antennes  pectinées;  ailes  oblongues,  assez  étroites;  corps 
à  peine  plus  foncé  que  les  ailes. 

Q  aptère,  courte,  courbée  en  demi-cercle.  La  partie  antérieure 
est  atténuée,  la  tête  très  petite,  cornée  et  luisante.  Le  corps,  qui 
paraît  légèrement  soyeux,  est  de  couleur  vineuse  avec  six  chevrons 


go  LEPIDOPTEROLOGIE   COMPARÉE 

d'un  brun  noirâtre,  en  forme  de  parallélogrammes,  qui  occupent 
toute  la  partie  dorsale,  à  partir  du  quatrième  anneau.  Il  existe  un 
écusson  noirâtre  et  corné  sur  la  portion  supérieure  des  trois  pre- 
miers anneaux,  qui  sont  très  resserrés.  Les  pattes  sont  longues. 

La  partie  anale,  fort  obtuse,  est  terminée  par  un  bouquet  de 
poils  bruns  en  dessous,  gris  blanchâtre  en  dessus,  d'oii  part  l'ovi- 
ducte,  long  d'environ  5  millimètres,  et  composé  de  tuyaux  qui 
rentrent  l'un  dans  l'autre. 

La  ponte  s'effectue  au  fond  du  fourreau,  où  l'oviducte  de  la  Q 
permet  de  pénétrer;  l'accouplement  a  lieu  au  dehors,  mais  la  Q  ne 
quitte  son  fourreau  qu'avec  la  vie. 

Fumea  casta,   Pall.  {intermediella,  Brd.). 

Fourreau,  10-12  millimètres,  ressemblant  à  celui  de  Crassiorellay 
mais  plus  petit;  les  pailles  sont  aussi  nombreuses  et  disposées  de 
la  même  façon,  mais  d'une  taille  bien  moindre. 

On  le  trouve  contre  les  troncs  d'arbres,  les  vieux  murs,  les  rochers, 
dans  les  expositions  au  soleil. 

La  chenille  vit  sur  les  graminées  et  sur  les  chênes;  on  peut 
l'obtenir  en  battant  ceux-ci  au  mois  'de  juin.  Elle  ne  s'élève  pas  si 
haut  que  Crassïorelle;  on  ne  la  trouve  pas  au-dessus  de 
1,200  mètres.  La  chrysalidation  a  lieu  à  peu  près  à  la  même  époque 
que  celle  de  Crassiorella,  l'éclosion  aussi. 

cf.  Envergure,  12-13  nîillimètres,  d'un  brun  noirâtre,  avec  les 
ailes  moins  oblongues  que  chez  Crassiorella. 

Q  ressemblant  à  celle  de  Crassiorella,  dont  elle  se  distingue 
par  la  touffe  de  poils  anale,  qui  est  entièrement  blanche,  au  lieu 
d'être  d'un  gris  blanchâtre. 

Gèdre,  novembre  1908. 

P.  RONDOU. 


V 

Description  de  Lépidoptères  Africains 

(PI.  X). 


Zeritis  Rougemonti,  Obtlir  (PI.  X,  ûg.  9). 

Décrit  d'après  plusieurs  exemplaires  capturés  dans  le  pays  de 
Shilouvane  (Zoutpansberg,  Nord-Transvaal),  par  M.  le  mission- 
naire Jmiod,  et  dédié  à  M.  le  pasteur  Frédéric  de  Rougemont, 
auteur  du  Catalogue  des  Lépïd.  du  Jura  neuchâtelois,  excellent 
ouvrage  très  justement  estimé  par  les  Entomologistes. 

Espèce  voisine  à'Aranda,  Wallengren,  mais  paraissant  bien 
distincte  par  la  forme  un  peu  interrompue  de  la  bordure  noire 
des  ailes  supérieures  en  dessus;  chez  Rougemonti,  la  côte,  près  de 
la  base,  est  de  la  couleur  du  fond  des  ailes,  c'est-à-dire  d'un  jaune 
orangé;  puis  il  y  a  un  gros  trait  costal  noir,  contigu  à  la  bordure 
noire  du  bord  extérieur,  mais  pénétré,  avant  l'angle  apical^  par 
une  sorte  de  pointe  que  forme  la  couleur  fauve  orangé  du  fond. 
Ce  caractère  paraît  très  constant.  La  tache  noire  costale  des  ailes 
inférieures  est  aussi  plus  petite;  mais  ce  caractère  différentiel  a 
beaucoup  moins  d'importance  que  celui  des  ailes  supérieures. 

Pamphila  Junodi,  Oblhr  (PI.  X,  fig.  4). 

Dédiée  à  M.  le  missionnaire  Junod,  qui  a  récemment  trouvé 
cette  Hespéride  dans  l'Afrique  du  Sud,  près  de  la  région  de 
Lourenço- M  arquez.  Ma  collection  contient  2  exemplaires,  dont 
l'un  m'a  été  envoyé  de  M'pala,  près  du  lac  Tanganika,   par  le 


94  LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE 

R.  P.  Guillemé.  L'espèce  est  donc  répandue  dans  une  aire  de 
dispersion  assez  vaste,  en  Afrique  orientale. 

L'aspect  est  robuste  et  la  taille  est  celle  de  la  Moritili,  Wal- 
lengren,  à  qui  \^.  Junodi  ressemble  beaucoup  en  dessus;  cependant, 
en  dessous^  la  Junodi  se  distingue  par  une  très  large  bande  d'un 
blanc  jaunâtre  partant  du  bord  costal  des  ailes  inférieures,  tra- 
versant le  milieu  de  ces  ailes  et  aboutissant  au  bord  anal;  mais 
après  une  uiterruption  due  à  la  couleur  brune  du  fond  des  ailes 
qui,  un  peu  avant  le  bord  anal,  coupe  la  bande  blanc  jaunâtre  en 
deux  parties. 

Le  dessous  de  la  tête  et  de  la  poitrine  sont  blanc  jaunâtre, 
comme  chez  Moritili. 

Nadia  Maria,  Obthr  (PI.  X;  cf,  ûg.  6;   9,  fig.  7). 

Décrit  d'après  60  individus  des  deux  sexes,  pris  à  Sainte-Marie 
de  Madagascar,  par  les  frères  Perrot,  d'octobre  à  décembre  1896. 

Plus  grande  que  mïmita,  Bdv.,  espèce  également  commune  à 
Sainte-Marie  de  Madagascar;  fond  des  ailes  noir;  les  supérieures 
avec  une  tache  jaune  près  de  la  base,  mais  non  contiguë  au  corps, 
plus  petite  chez  le  cf,  plus  grande  chez  la  Q  011  elle  occupe 
l'espace  entre  le  bord  antérieur  et  le  bord  inférieur  des  ailes. 

De  plus,  il  y  a  au  milieu  des  ailes  une  grande  tache  que  les 
nervures  divisent  en  3  parties;  cette  tache,  hyaline  chez  le  cf,  plus 
ou  moins  lavée  de  jaune  chez  la  Q,  est  comprise  entre  le  bord 
costal  qui  est  jaune  liséré  de  noir,  et  le  bord  inférieur  qui  reste 
liséré  de  noir.  Au  delà,  il  y  a  une  tache  hyaline  chez  le  cf,  jaune 
chez  la  Q,  dans  l'angle  apical,  et  une  autre  tache  hyaline  plu3  ou 
moins  bordée  de  jaune,  au-dessous  de  la  tache  apicale,  divisée,  en 
deux,  par  les  nervures.  Les  ailes  inférieures  forment  un  cuilleron 
jaune,  bordé  de  noir,  surtout  vers  l'extrémité,  avec  un  point  costal  noir. 

Le  corps  est  noir  en  dessus;  l'abdomen  est  jaune,  annelé  de 
noir  en  dessus,  avec  l'extrémité  anale  centralement  noire.  Les 
antennes  sont  noires  à  la  base;  jaunes  ensuite.  Chez  le  cf,  l'extré- 
mité des  antennes  est  noire,  ainsi  que  les  poils  qui  s'étendent  en 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE  95 

brosse  au  bout  de  l'abdomen.  Le  dessous  du  corps,  ainsi  que  les 
pattes,  sont  jaunes.  Je  possède  une  Aberration  Q  où  la  base  des 
ailes,  l'abdomen,  en  dessus,  sont  entièrement  jaunes.  Les  parties 
noires  normales  sont  envahies  par  la  couleur  jaune,  même  à 
l'extrémité  marginale  des  ailes  inférieures. 

Naciia  Marietta,   Obthr  (PI.  X,  fig.  8). 

Je  possède  un  seul  cT  pris  à  Sainte-Marie  de  Madagascar  par 
les  frères  Perrot,  en  même  temps  que  les  Nadia  Maria  et  minuta. 

Petite  espèce  à  fond  des  ailes  noir;  ayant  une  tache  jaune, 
ronde,  contiguë  au  bord  inférieur  des  ailes  supérieures,  près  de 
la  base;  une  tache  médiane,  hyaline  et  jaune,  divisée  en  deux  par 
la  nervure,  placée  dans  l'espace  cellulaire  et  au-dessous;  enfin  une 
tache  petite,  subapicale,  jaune. 

Les  ailes  inférieures  en  cuilleron  sont  jaunes,  largement  bordées 
de  noir. 

En  dessous,  le  corps  et  les  pattes  sont  jaunes.  En  dessus,  le 
thorax  est  noir,  avec  les  épaulettes  jaunes;  le  i""  anneau  abdominal 
reste  jaune;  le  dessus  de  l'abdomen  est  noir;  les  antennes  sont 
noires  et  épaisses. 

Pseudapiconoma  vitrina,  Obthr  (PI.  XI,  fig.  5). 

Décrit  d'après  un  seul  çS  très  pur,  pris  en  Kamerun,  en  1898, 
par  L.  Conradt. 

Corps  blanc;  ailes  supérieures  centralement  vitreuses,  extérieu- 
rement bordées  de  blanc  mat,  avec  la  base,  l'au  delà  de  l'espace 
cellulaire  et  le  bord  de  la  marge  blanche  teintés  de  brun  clair; 
les  ailes  inférieures  composées  d'un  petit  cuilleron  blanc  centra- 
lement ponctué  de  brun.  Les  pattes,  dépourvues  de  poils,  ont  au 
3''  article  de  la  première  paire  un  renflement  brun.  Le  dessous 
des  ailes  supérieures  est  d'aspect  vitreux  avec  l'apex  et  le  bord 
marginal  blanc  mat,  souligné  de  brun  pâle.  Les  antennes  sont 
pectinées,  brun  clair,  avec  l'extrémité  blanchâtre. 


QÔ  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

Anaphela  Holli,  Obthr  (PL  X,  fig.  i). 

Dédiée  à  M.  Eugène  Holl,  oihcier  d'administration  de  i'"  classe 
du  génie  en  retraite,  à  Hussein-Dey  (Alger),  en  témoignage 
d'allectueuse  estime. 

Un  seul  cf  a  été  trouvé  à  Fianarantsoa,  pendant  le  2*"  semestre 
1892,  par  feu  les  frères  Perrot,  au  cours  des  chasses  qu'ils  firent 
pour  nous  dans  l'île  de  Madagascar. 

Fond  des  ailes  noir  en  dessus;  les  supérieures  avec  2  petites 
taches  cellulaires  jaune  crème  et  une  tache  médiane,  plus  grande, 
allongée,  divisée  par  les  nervures,  également  jaune  crème.  De  plus, 
il  y  a  quelques  traits  couleur  de  plomb,  le  long  de  la  côte,  en 
arrière  de  la  plus  grande  tache  jaune  crème  et  le  long  du  bord 
inférieur.  Ces  traits,  faiblement  indiqués  par  quelques  atomes 
brillants,  ne  sont  malheureusement  pas  reproduits  dans  le 
coloriage. 

Les  ailes  inférieures  ont  le  disque  rouge  entouré  de  noir  partout, 
sauf  en  une  partie,  le  long  du  bord  anal. 

Le  dessous  reproduit  le  dessus,  avec  atténuation  de  l'éclat  de 
la  couleur  noire;  le  bord  anal,  le  bord  basilaire  et  une  petite  partie 
du  bord  costal  sont  dépourvus  de  noir;  la  base  des  ailes  supé- 
rieures est  marquée  d'un  peu  de  jaune. 

Les  antennes  sont  noires. 

En  dessus,  le  thorax  est  couvert  de  poils  noirs,  avec  2  points 
jaune  primevère  à  la  base  des  antennes,  2  points  de  même  couleur 
sur  le  cou  et  2  autres  plus  gros  sur  les  épaulettes;  en  dessous,  le 
thorax  est  jaune  d'or,  ainsi  que  les  poils  des  pattes;  les  pattes 
elles-mêmes  sont  noires. 

L'abdomen  est  jaune  d'or;  en  dessus,  il  est  fortement  annelé 
de  noir  et  le  pinceau  anal  est  tout  noir. 

Anaphela  Dayremi,  Obthr  (PI.  X,  fig.  2). 

Dédiée  à  M.  Dayrem,  de  Lectoure,  qui  a  chassé  pour  nous  en 
Algérie  et  dans  le  Midi  de  la  France,  en  témoignage  d'amicale 
gratitude. 


LÉPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE  9/ 

Un  seul  (S  a  été  trouvé  dans  l'Antsianaka,  par  feu  les  frères 
Perrot,  durant  les  chasses  qu'ils  firent  à  Madagascar  (2"^  semestre 

1893)- 

Dayremi  est  plus  petite  que  Hollï  et  a  la  forme  des  ailes  moins 
allongée.  De  plus,  elle  a  les  ailes  inférieures  jaune  d'or  et  non 
rouges.  Le  fond  des  4  ailes  est  noir;  aux  supérieures,  il  y  a  deux 
taches  cellulaires  jaune  crème  et  deux  plus  grosses  au  delà;  on 
aperçoit  quelques  atomes  couleur  de  plomb,  assez  brillants,  semés 
près  de  la  base  et  le  long  du  bord  inférieur.  Le  bord  extérieur 
et  le  bord  marginal  des  ailes  inférieures  sont  entièrement  noirs. 

Le  dessous  des  ailes  reproduit  le  dessus;  mais  le  bord  apical 
des  supérieures  et  le  bord  extérieur  des  inférieures  sont  d'un  brun 
rouge. 

Les  antennes  sont  noires. 

Le  thorax  est  couvert  de  poils  noirs,  avec  quelques  points 
jaunes  extrêmement  petits  sur  la  tête  et  un  point  jaunâtre  sur 
chaque  épaulette.  Bien  que  le  papillon  soit  très  frais,  le  dessus 
du  thorax  ayant  été  un  peu  défloré,  je  ne  puis  en  donner  une 
description  très  complète. 

Les  pattes  sont  noires;  mais  le  poil  qui  les  recouvre  est  jaune 
d'or;  l'abdomen  est  jaune  d'or;  en  dessus,  il  est  fortement  annelé 
de  noir;  le  pinceau  anal  est  centralement  noir  et  latéralement 
jaune. 

Anaphela  Powelli,  Obthr  (PI.  X,  fig.  3). 

Dédiée,  en  souvenir  de  cordiale  gratitude,  à  M.  Harold  Powell, 
de  Hyères,  l'habile  chasseur  et  distingué  naturaliste  qui  a  exploré 
pour  nous  avec  succès  diverses  parties  de  la  France  méridionale 
et  de  l'Algérie. 

Décrite  d'après  un  seul  exemplaire  Q  trouvé  à  Fianarantsoa, 
par  feu  les  frères  Perrot,  pendant  le  2^  semestre  1892. 

Me  paraît  ressembler  à  Rothia  VVes/woodi,  Butler,  espèce 
malheureusement  non  figurée  et  seulement  décrite  dans  Ann.  et 
Mag.  of  Nalur.  Hist.,  1879,  p.  235. 


LEPIDOPTEROLOGIE   COMPARÉE 


J'ai  cru  devoir  attribuer  à  Rothïa  Westwuodi,  Butler,  une  longue 
série  d'exemplaires  bien  semblables  entre  eux,  capturés  dans 
l'Antsianaka,  par  les  frères  Perrot,  pendant  le  i'''"  semestre  de 
l'année  1892. 

En  dessous,  l'espèce  que  je  rapporte  à  Westwoodi  ressemble 
tout  à  fait  au  dessus;  elle  a  les  ailes  noires  avec  une  tache 
allongée  jaune  crème,  vers  le  milieu  des  supérieures,  et  une  large 
tache  arrondie  blanc  jaunâtre,  sur  le  milieu  des  inférieures. 

Powellï  a  la  tache  des  ailes  supérieures  plus  petite  et  la  tache 
des  inférieures  un  peu  plus  rapprochée  du  bord  anal;  mais  en 
dessous,  tandis  que  Westwoodi  ne  diffère  du  dessus  que  par  un 
lavis  jaunâtre  peu  étendu  à  la  base  des  ailes  et  par  une  atténuation 
de  la  couleur  noire  du  fond,  Powellï  a  la  base  des  ailes  supé- 
rieures plus  largement  teintée  de  jaune  d'or  et  l'aile  inférieure 
entièrement  lavée  de  jaune  d'or,  depuis  la  base  jusqu'à  la  moitié 
au  moins  de  la  surface  totale,  dont  le  bord  est  entièrement  noir  ; 
chez  Powellï,  l'apex  des  ailes  est  blanc;  le  dessous  du  corps  est 
entièrement  jaune  avec  les  pattes  noires;  le  dessus  du  thorax  est 
noir  avec  quelques  points  blancs  extrêmement  uns  au  collier;  le 
dessus  de  l'abdomen  est  également  noir. 

Il  y  a  à  Madagascar  beaucoup  d'espèces  d'Anaphela  ou 
Rothïa;  la  plupart  sont  très  belles;  toutes  paraissent  être  très 
localisées;  quelques-unes  sont  abondantes  là  où  elles  habitent; 
d'autres  semblent  être  d'une  extrême  rareté.  Ma  collection  contient 
un  certain  nombre  d'espèces  encore  inédites  dans  la  famille  des 
Agarïstïdes,  spécialement  parmi  les  Anaphela.  Je  compte  en 
publier  la  description,  en  l'accompagnant  de  bonnes  figures,  sans 
quoi  je  ne  ferais  qu'ajouter  des  éléments  de  désordre  et  de  chaos 
dans  la  Nomenclature  des  Lépidoptères. 

Rennes,  décembre  1908. 

Ch.  OBTHR. 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 


99 


EXPLICATION   DE   LA   PL.  X 


Fig-.  I.  —  Anaphda  Holli,  Obthr. 

—  2.  —  Anaphela  Dayremi,  Obthr. 

—  3.  —  Anaphela  Powelli,  Obthr. 

—  4.  — •  Pamphila  fiinodi,  Obthr. 

—  5.  —  Pseudapïconoma  Vitrina,  Obthr. 

—  6.  —  Nadia  Maria  cf,  Obthr. 

—  7.  —  Nadia  Maria   Q,  Obthr. 

—  8.  —  Nadia  Marictta,  Obthr. 

—  9.  —  Zeritis  R021  ge.monti,  Obthr. 


VI 


Notes  pour  servir  à  établir  la  Faune  Française 
et  Algérienne  des  Lépidoptères 

(PL  XI,  XVI,  XVII,  XVIII,  XIX,  XX,  XXIII,  XXIV, 
XXV,  XXVI). 


RHOPALOCERA 


Papilio  Machaon,   Lin.  (PI.  XXIV,  fig.  125.  126). 

Espèce  superbe,  connue  de  tous  et  présentant  de  bien  intéres- 
santes variations;  très  répandue  en  Algérie,  en  France  et  dans  le 
reste  de  l'Europe,  en  Asie  jusqu'au  Kamschatka;  généralement 
assez  abondante  partout  011  elle  habite. 

Cependant  Machaon  paraît  se  raréfier  vers  l'extrémité  occidentale 
de  la  péninsule  armoricaine.  M.  de  Lauzanne,  de  Morlaix,  m'écrit 
l'avoir  pris  seulement  en  1901,  dans  le  Nord-Finistère.  J'ai  pris 
moi-même  Machaon  une  seule  fois,  dans  ce  département,  au  sommet 
du  Mont  Saint-Michel,  entre  la  Feuillée  et  Brasparts.  En  Ille-et- 
Vilaine,  Machaon  se  rencontre  dans  les  lieux  les  plus  variés  :  piés, 
bois,  champs,  jardins.  Mais,  comme  dans  le  Finistère,  il  semble 
affectionner  les  sites  élevés.  Aussi  je  trouve  grand  plaisir  à  voir 
une  petite  réunion  de  Machaon  s'ébattre,  pendant  l'été,  autour  des 
rochers  qui  couronnent  le  sommet  de  certaines  landes  à  Monter  fil. 
Quelquefois  les  Machaon  se  posent  sur  les  fleurs  des  sedum  formant 
des  touffes  autour  des  pierres  qui  émergent  du  sol.  Si  alors  on 
effraie  ce  beau  Papillon,  il  s'éloigne  avec  rapidité;  mais  on  l'aperçoit 


102  LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE 

bientôt  revenant  de  nouveau  voltiger  sur  les  hauteurs  qui  lui  sont 
chères. 

Le  P.  Engramelle  figure  (PI.  LXX,  fig.  68  /)  une  variété  à  fond 
des  ailes  orangé  du  Grand  Porte-Queue.  «  Elle  ne  se  distingue,  dit 
cet  Auteur,  des  Papillons  de  son  espèce  que  par  la  couleur  de  son 
fond;  mais  il  est  singulier  qu'étant  aussi  foncé  en  dessus,  il  soit 
en  dessous  aussi  pâle  que  celui  68  e,  dont  il  ne  diffère  nullement.  » 

Cette  variété  a  été  appelée  Aurantiaca,  Spr.  1858;  mais  Tri- 
moulet,  dans  le  Catalogue  des  Lépidoptères  de  la  Gironde,  paru 
également  en  1858,  a  désigné  la  forme  de  Machaon  à  fond  des 
ailes  jaune  orangé  foncé,  sous  le  nom  de  burdigalensis. 

Ma  collection  renferme  quelques  exemplaires  authentiques  de 
burdigalensis  :  une  Q  très  grande»  provenant  de  l'ancienne  collection 
Auguste,  de  Bordeaux;  un  cf  de  Bordeaux,  de  l'ancienne  collection 
Guenée;  un  cf  d'Orléans  extrêmement  foncé  en  dessus,  comme  en 
dessous;  un  autre  cf  du  Nord  de  l'Allemagne,  d'un  jaune  un  peu 
moins  orangé;  enfin  2  très  grandes  Q  d'Auvergne,  de  l'ancienne 
collection  Bellier,  dont  le  fond  des  ailes  est  encore  jaune  orangé, 
mais  sensiblement  moins  foncé  que  le  cf  d'Orléans,  pareil,  sous  le 
rapport  de  la  teinte,  à  la  figure  donnée  par  le  P.  Engramelle.  Il 
paraît  que  des  Machaon  normaux  peuvent  devenir  de  couleur 
orangée  par  des  procédés  artificiels.  Il  y  a  longtemps  que  des  gens 
sans  scrupules  ont  commencé  d'abuser  de  la  confiance  publique. 

Le  D""  Spengel  a  publié  un  travail  très  intéressant,  JJeber  einige 
Aberrationen  von  Papilio  Machaon  (Jena,  1899). 

Je  n'ai  jamais  vu  en  nature  les  superbes  aberrations  inverses  : 
evittata  et  nigra  {loc.  cit.,  pi.  I,  fig.  2  et  9),  de  la  coll.  Rothschild. 
D'après  feu  le  Chanoine  Favre,  un  autre  exemplaire  de  l'aberration 
niger,  Reutti,  a  été  pris  à  Zermatt  par  M.  Piingeler;  mais  des 
Entomologistes  se  prétendant  bien  informés  m'ont  assuré  que  ce 
Machaon  niger  provenait  plutôt  des  montagnes  voisines  de  la 
Jungfrau,  où  il  avait  été  capturé  par  un  Ingénieur,  au  cours  des 
travaux  de  la  construction  du  chemin  de  fer  spécial.  Il  y  avait  aussi 
de  cette  rareté  insigne  un  exemplaire  dans  la  collection  Mutzell, 
de  Berlin,  qui  fut  achetée  par  Leech.  Ce  Machaon  niger  est  figuré 


LÉPIDOPTÉROLOGIE  CO.MPARÉE  IO3 

SOUS  le  n''  12  de  la  PI.  II  du  Catalogue  of  the  Collection  of 
palœartic  Buttcrfflies  of  John  Henry  Leech,  par  Richard  South. 

Ma  collection  contient  4  exempl.  de  l'Ab.  nigrofasciata,  Spengel 
{lac.  cit.,  pi.  I;  fig.  4,  5,  6,  7  et  8)  dans  laquelle  la  tache  ocellée 
anale,  normalement  rouge,  est  devenue  bleue.  Ces  4  nigrofasciata 
proviennent  de  Fùrth,  Crefeld,  Allemagne  du  Nord  et  Zurich. 
Les  3  premiers  ont  été  capturés  dans  la  Nature;  le  4®  a  été  obtenu 
expérimentalement  au  moyen  de  la  chaleur  par  le  D""  Fischer,  avec 
beaucoup  d'autres  exemplaires  variés  dont  je  lui  suis  redevable; 
notamment  plusieurs  spécimens  ayant  la  bande  des  ailes  inférieures 
entièrement  noire,  sans  aucun  vestige  du  semis  d'atomes  bleus 
ordinaires  (*). 

Je  possède  aussi  3  exempl.  de  l'Ab.  elunata  (loc.  cit.,  pi.  I;  fig.  3 
et  pi.  II;  fig.  Il)  provenant  de  Madrid,  Franc fort-sur-le-Mein  et 
Fùrth,  en  Bavière. 

J'ai  appelé  seminigra  une  Aberration  de  Silésie  et  cellularis  une 
autre  Ab.  de  Berlin  figurées  dans  le  présent  ouvrage  (PI.  XXIV; 
fig.  126  et  125). 

La  chenille  du  Machaon  de  Biskra,  ainsi  que  je  l'ai  déjà  fait 
connaître,  ressemble  plutôt  à  la  chenille  ô!Hospiton  qu'à  celle  de 
Machaon;  mais  le  papillon  qui  sort  de  cette  chenille  est  semblable 
à  Machaon.  J'ai  appelé  cette  variété  larvaire  :  hospitonides. 

Une  très  curieuse  forme  de  Machaon  est  une  race  lilliputienne 
trouvée  à  Larnaca  (Ile  de  Chypre),  dont  j'ai  reçu  plusieurs  exem- 
plaires. M.  Verity  {Rhop.  palœarctica,  pi.  II;  fig.  i)  a  reproduit 
cette  variété. 

Papilio  Hospiton,  Gêné. 

II  est  possible  qu'il  se  fasse  des  hybridations  naturelles  entre 
Hospiton  spécial  aux  îles  de  Corse  et  de  Sardaigne  et  Machaon 
qui  habite  aussi  ces  deux  îles.  Je  possède  un  Machaon  de  Corse 


(*)  Une  nouvelle  série  d'aberrations  obtenues  par  le  D'  Fisher,  de  Zurich, 
vient  de  me  parvenir  (février  1909).  Dans  le  nombre  se  trouve  evittata,  très 
caractérisée. 


104  LEPIDOPTEROLOGIE   CO^^IPARÉE 

ressemblant  sous  certains  rapports  à  Hospiton,  et  un  Hospïton  de 
Sardaigne  présentant  inversement  une  ressemblance  avec  Machaon. 
Ce  que  nous  connaissons  des  hybridations  naturelles  chez  les 
Sphingidœ  du  genre  Celerïo  {hippophaès,  vespcrtiUo,  euphorbiœ) 
et  chez  les  Zygœna,  nous  amène  à  considérer  comme  vraisemblable 
l'hybridation  entre  les  deux  espèces  voisines  de  Papilio  -.  Machaon 
et  Hospiton,  d'autant  plus  que  le  faciès  des  2  sujets  que  j'ai  sous 
les  yeux  est  très  suggestif;  mais  ceci  n'est  qu'une  hypothèse,  puisque 
nous  n'avons  jusqu'ici  aucune  certitude  de  l'hybridation  naturelle 
réelle  entre  Machaon  et  Hospiton. 

Le  D'  Fischer,  de  Zurich,  a  obtenu  une  Aberr.  d'Hospiton  qu'il 
appelle  :  solaris.  Cette  Ab.  solaris  n'est  pas  sans  analogie  avec  le 
supposé  Hybride  de  Sardaigne. 

Papilio  Alexanor,  Esp.  (PI.  XXIII,  fig.  121,  122). 

En  France,  Alexanor  n'a  encore  été  rencontré  authentiquement 
qu'en  Provence,  dans  la  région  sud-alpine,  oii  il  est  très  abondant. 
Il  varie  beaucoup  pour  la  teinte  jaune  du  fond  des  ailes  et  pour 
la  taille,  sans  que  cependant  la  dimension  des  ailes,  chez  les  plus 
grands  exemplaires  français,  atteigne  l'envergure  des  individus  de 
Dalmatie  ou  de  Syrie. 

Donzel  rapporte,  dans  la  Notice  entomol.  sur  les  environs  de 
Digne,  parue  en  1851,  «  qu'à  Saint-Benoît,  en  remontant  la  Bléonne 
sur  la  rive  droite,  M.  Honnorat  a  eu  le  bonheur  de  prendre 
l'extraordinaire  variété  à! Alexanor  qui  peut  compter  au  nombre  des 
plus  belles  raretés  de  sa  collection.  » 

Sans  doute  cette  collection  Honnorat  est  maintenant  détruite, 
comme  celle  de  Donzel  dont  les  restes,  malheureusement  devenus 
insignifiants,  m'a-t-on  dit,  sont  déposés  au  Musée  de  Lyon.  Pourtant 
la  collection  Donzel  devait  contenir  une  foule  de  papillons  du 
plus  haut  intérêt,  car  Hugues  Donzel,  de  Lyon,  fut  un  des  plus 
intrépides  chasseurs  de  la  première  moitié  du  dernier  siècle,  et  je 
ne  pense  pas  qu'à  part  Pierret  et  Bellier  de  la  Chavignerie,  aucun 
amateur  de  Lépidoptères  ait  jamais  égalé  son  ardeur. 


LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE  I05 

Les  Aberrations  d'Alexanor  paraissent  être  fort  rares.  Je  dois 
à  M.  Augustin  Coulet,  de  Digne,  la  connaissance  de  deux  varia- 
tions qui  sont  figurées  dans  le  présent  ouvrage  :  i°  Coiilcti, 
Q  remarquable  par  la  confluence  de  la  tache  cellulaire  noire  des 
ailes  supérieures  avec  la  bande  submarginale  noire,  saupoudrée 
d'atomes  jaunes,  qui  descend  du  bord  costal  au  bord  terminal,  et 
2°  Augîisiimis,  dont  je  possède  les  deux  sexes  et  qui  se  distingue 
par  l'adjonction  d'une  tache  noire  au  côté  extérieur  de  la  seconde 
bande  noire  traversant,  au  delà  de  leur  base,  les  ailes  supérieures, 
depuis  le  bord  costal  jusqu'au  bord  inférieur.  Les  Aberrations  sont 
figurées  sous  les  n°^  121  et  122  de  la  PI.  XXIII. 

Papilio   Podalirius,   Lin.  (PI.  XXIII,  fig.  123,  et  PI.  XXIV, 
fig.  124). 

Le  Flambé,  comme  l'appelle  le  P.  Engramelle,  ne  se  rencontre 
pas  en  Angleterre.  Il  semble  bien  plus  abondant  dans  le  centre  et 
le  sud  de  la  France,  moins  toutefois  les  Pyrénées-Orientales,  oh  il 
est  remplacé  par  F eisthamelii,  que  dans  le  nord  de  notre  pays,  et 
j'ai  lieu  de  croire  que  Podalirius  manque  dans  les  départements 
de  la  Manche,  des  Côtes-du-Nord  et  dans  la  partie  septentrionale 
du  Finistère. 

D'après  feu  de  Rocquigny-Adanson  qui  essaya,  dans  un  travail 
imprimé  à  Moulins,  en  1901,  de  fixer  la  délimitation  de  la  zone 
habitée  par  Podalirius,  ce  beau  Lépidoptère  ne  dépasserait  guère, 
en  aucun  point  de  l'Europe,  le  parallèle  de  55°- 

Podalirius  a  été  trouvé  en  Belgique,  dans  l'Allemagne  centrale  et 
méridionale,  l'Autriche-Hongrie,  la  Russie  méridionale,  la  Suisse, 
l'Italie,  la  Corse,  la  Sardaigne,  la  Sicile,  l'Asie-Mineure. 

Dans  le  département  des  Pyrénées-Orientales,  en  Catalogne,  en 
Andalousie,  en  Algérie  et  en  Tunisie,  Podalirius  est  remplacé  par 
F  eisthamelii  ;  au  Thibet,  par  le  magnifique  Podalirinus. 

Au  point  de  vue  de  l'altitude,  Podalirius  n'est  pas  considéré 
comme  s'élevant  très  haut.  Cependant  M.  Seebold,  se  trouvant,  il 
y  a  quelques  années,  avec  moi  à  Cauterets,  me  rapporta  qu'il  avait 


I06  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

vu  PodaUîius  voltigeant  au  sommet  du  Mont  Caballiros,  au-dessus 
de  Cauterets,  sur  la  plate-forme  même  d'où  l'on  découvre  un  si  vaste 
panorama. 

En  Bretagne,  nous  prenons  presque  chaque  année  Podalirius,  au 
mois  de  mai  et  même  de  juin,  à  la  forêt  de  Rennes,  à  la  forêt  de 
Paimpont  et  à  Monterfil.  Je  ne  crois  cependant  pas  qu'il  s'avance 
beaucoup  plus  loin  vers  l'ouest;  mais  comme  fort  peu  d'Entomo- 
logistes ont  exploré  jusqu'ici  la  péninsule  armoricaine,  et  que  j'y 
suis  moi-même  allé  chasser  seulement  un  petit  nombre  de  fois,  je 
ne  sais  pas  exactement  à  quoi  m'en  tenir  sur  la  présence  de  Poda- 
lirius dans  le  nord  du  Morbihan. 

Jamais  je  n'ai  vu  en  Ille-et-Vilaine  la  forme  estivale  de  Poda- 
lirius ;  il  est  possible  qu'elle  y  existe  cependant  et  que  l'espèce  y  ait 
deux  apparitions  par  an,  comme  dans  la  plupart  des  lieux  où  habite 
Podalirius,  et  notamment  dans  le  nord  de  la  Loire-Inférieure,  près 
Châteaubriant,  où  mon  frère  a  vu  voler  Podalirius  au  mois 
d'août  igo8. 

Les  aberrations  de  Podalirius  sont  rares.  Cependant,  comme 
toutes  les  espèces  de  Papillons,  Podalirius  peut  varier  par  albinisme 
ou  par  mélanisme;  les  flammes  noires  peuvent  être  rétrécies  ou 
amplifiées.  Je  fais  figurer  dans  cette  livraison  des  Etudes  de  Lépi- 
doptèrologie  comparée  un  spécimen  aberrant  venant  de  Thuringe, 
remarquable,  en  dessus  comme  en  dessous,  par  la  confusion  des 
flammes  noires  des  ailes  supérieures  et  la  modification  de  la  forme 
des  croissants  bleus  aux  ailes  inférieures.  Il  convient  d'observ-er, 
toutefois,  que  les  exemplaires  aberrants  de  Podalirius,  ainsi  d'ail- 
leurs que  de  beaucoup  d'autres  espèces,  présentent  souvent  des 
défauts  de  conformation  qui  les  rangent  plus  ou  moins  dans  la  série 
des  cas  pathologiques.  Le  P.  Engramelle  figure  sous  le  n°  69  c  de 
la  PI.  LXX,  un  fianibé  très  aberrant,  provenant  de  Francfort-sur- 
le-Mein  et  faisant  partie  de  la  coll.  Gerning.  C'est  évidemment  une 
très  curieuse  modification,  mais  l'aspect  de  ses  ailes  inférieures  fait 
pressentir  plutôt  une  sorte  de  difformité  qu'une  variation  dérivant 
des  lois  naturelles  chez  un  sujet  vigoureux. 

Une  question  s'est  souvent  posée  à  mon  esprit.  Quelle  peut  être 


LÉPIDOPTÉROLOGIE    COMPAREE  10/ 

la  cause  de  la  transformation  de  Podalirius  en  Feisihamelii,  si 
F eisthamelh  est  réellement  une  forme  de  Podalirius  plutôt  qu'une 
espèce  séparée,  ainsi  que  je  suis  quelquefois  tenté  de  le  croire?  La 
chaleur  du  climat  ne  peut  être  invoquée.  Il  fait  aussi  chaud  à 
Montpellier,  à  Marseille  ou  à  Palerme,  où  vole  exclusivement 
Podalirius,  qu'à  Perpignan,  Barcelone  ou  Alger,  oii  l'on  ne  rencontre 
que  F eisthamelii. 

J'ai  vu  un  nombre  considérable  de  F  eisthamelii  et  de  Podalirius  ; 
je  n'ai  jamais  trouvé  d'exemplaire  dont  l'identification  prêtait  à 
hésitation,  ni  qu'il  fût  embarrassant  d'attribuer  à  l'une  plutôt  qu'à 
l'autre  des  deux  formes,  sinon  peut-être  des  deux  espèces,  suivant 
la  façon  dont  on  envisage  la  valeur  des  différences  qui  les  dis- 
tinguent. Il  semble  que  F  eisthamelii  et  Podalirius  s'excluent  l'un 
l'autre.  Pourtant  mon  ami  Rondou  a  capturé  sur  la  route,  à  Gèdre, 
un  F  eisthamelii  authentique  et  semblant  fraîchement  éclos.  Dans 
le  même  pays  de  Gèdre,  Podalirius  est  assez  abondant.  Gèdre  est 
donc  un  point  où  les  deux  races  se  rencontrent. 

Dans  les  Pyrénées-Orientales,  F  eisthamelii  est  très  répandu;  je 
l'ai  observée  à  Amélie-les-Bains  et  à  Corsavy,  dès  le  mois  de  mars; 
à  Vernet-les-Bains,  il  vole  depuis  avril  jusqu'à  septembre;  la  forme 
d'été  diffère  de  la  forme  du  printemps  par  la  blancheur  de  son 
abdomen,  l'absence  de  pilosité  sur  le  corps,  tout  comme  chez 
Podalirius  estival.  En  juin,  on  peut  rencontrer  à  Vernet  les  deux 
formes  :  vernale  et  estivale  du  Pafilio  Feisihamelii.  Il  vit,  à  ma 
connaissance,  à  Saint-Martin-du-Canigou;  mais  dépasse-t-il  cette 
altitude? 

Dans  la  plaine  du  Roussillon,  F  eisthamelii  est  un  insecte  très 
abondant  qui  réjouit  la  vue,  en  animant  de  son  vol  les  vergers  et 
jardins,  et  qu'on  aperçoit  un  peu  partout  dans  les  villes  et  sur  les 
chemins.  Je  n'ai  cependant  pas  assez  d'exemplaires  de  la  plaine 
pour  les  comparer  à  ceux  du  Vernet  et  disserter  sur  leurs  caractères 
réciproques. 

En  Algérie,  la  forme  est  différente  de  celle  d'Europe;  les  ailes 
inférieures  sont  plus  profondément  dentelées  et  les  queues  sont  plus 
longues.  La  race  d'été  a  reçu  le  nom  de  Lotteri,  Austaut. 


I08  LÉPIDOPTÉROLOGIE    COMPARÉE 

Feu  le  Chanoine  Favre,  faute  d'éléments  suffisants  de  compa- 
raison, avait  rapporté  à  F eisthamelïï  une  forme  d'été,  dont  la  Q 
est  quelquefois  très  blanche  et  qui  vole  à  Martigny,  en  Valais.  Cette 
race  géographique  estivale  présente  en  effet  des  Q  ayant  le  fond 
des  ailes  plus  blanc  que  dans  les  autres  localités;  mais  l'ocelle  bleu 
anal  surmonté  de  la  tache  orangée  reste  bien  caractéristique  de 
Podalirhis,  à  Martigny,  chez  tous  les  exemplaires. 

Mon  frère  a  pris  au  vol,  à  Vemet,  en  août  igo8,  un  spécimen  de 
Feisthamelii,  dont  l'aile  inférieure  droite  a  subi  un  curieux  avor- 
tement.  L'ocelle  anal  bleu  et  la  tache  orangée  qui  le  surmonte  se 
trouvent  doublés.  Je  fais  figurer  ce  cas  pathologique  intéressant 
(PI.  XXIV;  fig.  124). 

En  Algérie,  on  trouve  quelquefois  des  exemplaires  ayant  sur  les 
ailes  supérieures  8  bandes  noires  au  lieu  de  7. 

La  chenille  de  Feisthamelii  vit  au  Vernet  sur  beaucoup  d'arbres 
fruitiers  et  d'arbustes,  surtout  sur  le  prunellier;  mais  elle  semble 
particulièrement  friande  des  jeunes  poiriers  dont  elle  dévore  entiè- 
rement les  feuilles,  si  bien  qu'à  Saint-Martin-du-Canigou,  dans  le 
jardin  de  l'ancien  monastère  récemment  restauré  par  les  soins  de 
Mgr  de  Carsalade  du  Pont,  évêque  de  Perpignan,  on  considérait, 
il  y  a  deux  ans,  la  chenille  de  F eisthanielii  comme  un  véritable 
fléau  des  poiriers  qui  s'y  trouvaient  nouvellement  plantés. 

La  Q  de  Feisthamelii  a  quelquefois  à  Vernet  le  fond  des  ailes 
jaunâtre;  mais  la  tache  ocellée  de  l'angle  anal  des  ailes  inférieures 
reste  toujours  parfaitement  caractéristique. 

Comme  on  le  sait,  le  Papilio  F eisthamelii  doit  son  nom  au 
colonel  Feisthamel,  commandant  en  1833  la  garde  municipale  de 
Paris,  devenu  plus  tard  maréchal  de  camp,  amateur  passionné  de 
Lépidoptères.  Le  colonel  Feisthamel  avait  reçu  le  Papilio,  qui  lui 
fut  dédié  par  Duponchel,  de  M.  le  capitaine  Caillaud,  du 
16®  Régiment  d'infanterie  de  Ligne,  faisant  partie  de  la  division 
française  d'occupation  de  Barcelone,  en  1826.  C'est  donc  la  forme 
de  Barcelone  qui  est  typique.  Cette  race  géographique  fut  très 
répandue  dans  les  collections  d'Europe  par  feu  Himmighofen, 
entomologiste  allemand  jadis  établi   à  Barcelone  et   se  livrant   à 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE  lOQ 

l'élevage  des  chenilles  et  au  commerce  des  Lépidoptères.  Bellier 
de  la  Chavignerie  et  Millière  étaient  en  relations  suivies  avec 
Hiramighofen.  La  collection  Bellier  contient  de  superbes  exem- 
plaires de  F eisthanielu,  envoyés  par  ce  chasseur. 

Je  crois  la  race  de  Vernet-les-Bains  un  peu  différente  de  celle  de 
Barcelone.  Les  cf  semblent  un  peu  plus  petits  et  les  Q  ont  une 
tendance  plus  jaunâtre.  Cependant  des  deux  côtés  des  Pyrénées, 
en  Roussillon  et  en  Catalogne,  on  trouve  des  exemplaires  de 
F eisthamelïi  bien  semblables  entre  eux,  et  il  me  semble  que  ce 
serait  abusif  de  les  distinguer  par  un  nom.  Il  ne  faut  pas,  sans 
raison  suffisamment  sérieuse,  surcharger  la  Nomenclature. 

Le  D*"  Fischer,  de  Zurich,  m'a  envoyé  une  série  d'Aberr.  de 
Podaliriiis,  permettant  de  présumer  qu'on  obtiendra  des  exemplaires 
presque  entièrement  dépourvus  de  noir,  tandis  qu'inversement 
d'autres  seront  extrêmement  rembrunis.  L'un  des  Podalirius  a  la 
tache  anale  orangée  entièrement  recouverte  d'atomes  noirs.  LTn 
autre  montre  un  développement  singulier  de  cette  tache  anale 
orangée  qui  remonte  en  un  long  trait  orangé,  jusqu'au  bord  costal 
des  ailes  inférieures,  en  dessus.  Pour  être  obtenues  en  laboratoire, 
ces  Aberrations  n'en  sont  pas  moins  instructives  et  remarquables. 


Thais  Polyxena,  Schiff. 

En  France,  la  forme  Cassandra,  Hùbn.  de  Polyxena  se  trouve 
sur  le  littoral  méditerranéen,  depuis  Hyères  jusqu'aux  Alpes- 
Maritimes.  Donzel  dit  l'avoir  trouvé  à  Digne  (Château-fort).  Je 
n'ai  jamais  appris  que  Polyxena  ait  été  rencontré  de  nouveau  dans 
les  Basses-Alpes.  M.  Verity  {Rhop.  palœarct.,  pi.  VII,  fig.  i8)  cite 
à  tort  la  collection  Stefanelli  comme  contenant  l'exemplaire  aber- 
rant de  Polyxena  {Hypermnestra,  Scop.)  que  je  lui  avais  commu- 
niqué et  qui  a  bien  retrouvé  sa  place  dans  ma  boîte  d'où  je  l'avais 
extrait  pour  l'envoyer  à  Florence.  J'avais  reçu  ce  Polyxena  aberrant 
de  M.  W.  Maus,  de  Wiesbaden,  avec  beaucoup  d'autres  aberrations 
notables  provenant,  je  crois,  de  la  célèbre  collection  Wiskott,  de 


no  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

Breslau.  Il  convient  d'observer  que  la  photographie  en  couleurs 
faite  par  M.  Verity  représente  à  droite  ce  qui  est  à  gauche,  et 
vice-versâ.  Ainsi  les  deux  ailes  de  l'Ab.  Polyxena  ne  sont  pas 
symétriques.  La  base  des  supérieures  est  marquée  de  deux  points 
noirs,  à  droite,  dans  la  réalité,  et  à  gauche  dans  l'image;  l'autre 
côté  ne  porte  aucune  trace  de  ces  points. 


Thais  Rumina,  Lin. 

Dans  la  forme  Rumina,  les  taches  rouge  carmin  des  ailes  infé- 
rieures sont  toujours  alignées  sur  un  fond  noir,  tandis  que  dans  la 
forme  Medesicaste,  les  mêmes  taches  rouges  submarginales  se 
détachent  sur  un  fond  plus  ou  moins  mélangé  de  jaune,  et  non  pas 
noir,  avec  une  pupillation  blanche  peu  serrée,  ainsi  que  cela  est  la 
règle  chez  Rumina. 

Rumina  se  trouve  en  Andalousie  (Malaga!  en  mars;  Sierra  de 
Ronda!  en  mai;  Almodovar!;  Chiclana).  La  var.  Canteneri,  Stgr., 
à  fond  des  ailes  orangé,  de  même  teinte  que  l'Ab.  Bmdigalensis 
de  Machaon,  se  rencontre  à  Malaga  et  aussi  en  Algérie,  avec  la 
forme  normale,  j'ai  pris  une  très  grande  forme  de  Rumina  à  Tanger, 
en  mai  1894.  J'en  ai  admiré  de  superbes  exemplaires  dans  la  col- 
lection Vaucher,  à  Genève.  Ma  collection  contient  une  série  d'exem- 
plaires récoltés  à  Sebdou,  Alger,  Tlemcen,  Géryville,  Aïn-Seur  et 
Yakouren. 

En  France  la  forme  Medesicaste  se  trouve  dans  les  Pyrénées- 
Orientales,  au  Pont-du-Gard  près  Nîmes,  dans  les  environs  de 
Digne,  à  Florac  (Lozère),  à  Montpellier,  c'est-à-dire  dans  le 
Roussillon,  le  Languedoc  méditerranéen  et  la  Provence.  L'éclosion 
principale  a  lieu  au  mois  de  Mai;  mais  mon  frère  a  observé  une 
éclosion  d'été,  à  Vernet-les-Bains,  à  la  fin  de  Juillet;  celle-ci  est 
fort  rare. 

Jusqu'ici,  c'est  à  Digne  seulement  que  s'est  rencontrée  la  char- 
mante var.  Honnoratii,  Bdv.  Vu  l'ardeur  avec  laquelle  est  recherchée 
cette  précieuse  variété,  il  est  peut-être  à  craindre  que  la  race  n'en 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPAREE 


soit  détruite  et  que,  comme  le  Polyonimatus  dispar  anglais,  le 
Thais  Honnoratii,  à  Digne,  ne  devienne  bientôt  une  forme  éteinte. 
D'après  ce  que  j'ai  appris,  5  H onnorntii  auraient  été  récoltés  à 
Digne  en  1908.  En  1907,  il  n'a  dû  être  pris  que  3  Honnoratii. 
L'extinction  n'est  donc  pas  encore  accomplie;  mais  les  chasseurs 
de  Digne  seraient  prudents  en  ne  recueillant  pas  trop  de  chenilles, 
en  ne  détruisant  pas  la  forme  normale  Medesicaste  et  en  rejetant, 
sans  les  tuer,  les  exemplaires  à^Honnoratii  trouvés  défectueux  ou 
usés  au  moment  de  leur  capture. 

Ma  collection  contient  exactement  48  exemplaires  à! H onnoraiii, 
dont  plusieurs  de  la  collection  Bellier  sont  presque  des  aberrations 
de  la  forme  normale  Honnoratii.  Les  Honnoratii  semblent  en  effet 
assez  variables;  on  peut  s'en  rendre  compte  en  comparant  les  deux 
spécimens  figurés  dans  les  Rhop.  palœarctica  de  Verity  (PI.  VII, 
fig.  25  normale  et  26  aberr.). 

Il  sort  trop  souvent  de  la  chrysalide  de  Medesicaste  un  Ichneumon 
assez  grand,  à  longues  antennes  rousses,  à  pattes  fauves  et  à 
abdomen  long,  fin,  roux  avec  l'extrémité  anale  noire.  La  chenille 
porte  sur  le  cou,  tout  près  de  la  tête,  un  appareil  corné,  en  forme 
de  joug.  On  trouve  des  Medesicaste  à  peu  près  dépourvus  des 
taches  rouge-carmin  aux  ailes  supérieures;  mais  je  n'ai  jamais  vu 
de  variété  ayant  le  fond  des  ailes  ochracé,  comme  chez  Rumina. 


Parnassius  ApoUo,  Linn. 

On  n'a  pas  encore  rencontré  de  Parnassius  en  Barbarie.  Peut-être 
existe-t-il  cependant  dans  l'Altas  marocain  une  forme  de  Mnevio- 
syne  et  même  d'Apollo,  comme  en  Sicile  et  en  Andalousie? 

L'Apollo  est  en  France  répandu  dans  les  Pyrénées,  les  Cévennes, 
la  région  alpine  et  jusqu'à  la  Franche-Comté  oi^i  se  trouve  d'ailleurs 
la  plus  belle  forme  française  de  l'Espèce. 

Il  me  paraît  difficile  de  fixer,  d'après  des  caractères  constants, 
une  forme  de  VApollo  spéciale  à  chacune  de  nos  régions  monta- 
gneuses. J'ai  sous  les  yeux  un  grand  nombre  d'Apollo  provenant 


LEPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 


de  localités  diverses.  Je  constate  chez  les  papillons  des  différentes 
provenances  des  variations  analogues.  Ainsi,  tantôt  les  taches 
rouges  des  ailes  inférieures  sont  pupillées  de  blanc  et  tantôt  ces 
taches  sont  entièrement  rouges.  Je  vois  encore  dans  chaque  localité 
des  exemplaires  plus  grands  et  des  exemplaires  plus  petits  et 
un  développement  variable  des  taches  noires;  mais  tout  cela 
constitue  des  variations  individuelles  et  non  une  variété  géogra- 
phique stable. 

Dans  les  Alpes,  il  y  a  des  exemplaires  semblables  à  ceux  des 
Pyrénées  et  j'éprouve  quelque  répugnance  à  suivre  certains  Ento- 
mologistes contemporains  dans  la  voie  d'analyse  à  outrance  où  ils 
se  sont  engagés.  Pour  distinguer  par  un  nom  une  forme  géogra- 
phique, il  faut,  à  mon  avis,  que  Vensemble  des  individus  de  cette 
race  présente  un  faciès  ou  des  particularités  justifiant  cette  addition 
à  la  Nomenclature.  C'est  donc  avec  ce  sentiment  que  je  passe  en 
revue  les  AfoUons  français. 

1°  Franche-Comté  :  Le  cf  a  le  fond  des  ailes  très  blanc;  chez 
certaines  Q,  les  taches  rouges  des  ailes  inférieures  sont  très  déve- 
loppées, absolument  comme  dans  l'Ab.  Wiskottï,  Obthr.  L'Ab. 
Pseudonomion,  Christ,  avec  pupillation  rouge  dans  la  tache  noire 
inférieure  et  arrondie  des  ailes  supérieures  en  dessus  et  dans  les 
taches  noires  extracellulaires  des  mêmes  ailes,  paraît  être  moins 
rare  qu'ailleurs.  Le  plus  souvent,  ce  sont  seulement  les  taches  noires 
extracellulaires  souscostales  ou  bien  la  tache  inférieure  arrondie 
noire  des  ailes  supérieures  qui  sont  pupillées  de  rouge;  plus  rare- 
ment la  pupillation  rouge  atteint  toutes  ces  taches  chez  un  même 
individu.  En  Franche-Comté,  il  est  à  ma  connaissance  que  VApollo 
a  été  capturé  à  la  Roche-du-Mont,  à  Lods,  à  Mouthier,  dans  le 
canton  d'Ornans;  à  Morteau;  aux  Taillards,  Saut-du-Doubs;  à  la 
frontière  suisse  entre  les  Brenets  et  le  Col  des  Roches.  Il  vole 
certainement  dans  d'autres  localités  du  Doubs  et  dans  le  dépar- 
tement du  Jura.  M.  Jeunet,  de  Besançon,  a  eu  la  bonté  de  m'offrir 
une  très  intéressante  série  d'Apollons  capturés  par  lui-même  dans 
le  département  du  Doubs  et  présentant  toute  une  suite  de  variations, 


LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE  II3 

tant  pour  l'élargissement  ou  le  rétrécissement  des  taches  noires  que 
pour  la  pupillation  rouge  partielle  ou  totale,  ou  bien  l'absence  ou 
la  présence  de  l'éclaircie  centrale  blanche  dans  les  taches  rouges 
des  ailes  inférieures.  La  O  a  plus  de  tendance  que  le  cf  à  la 
pupillation  rouge  partielle  ou  totale  des  taches  noires  des  ailes 
supérieures,  en  dessus. 

2°  Alpes  françaises  :  La  taille  est  généralement  moyenne,  souvent 
petite;  cependant  on  trouve  aussi  de  grands  exemplaires.  Les 
taches  rouges  des  ailes  inférieures  sont  généralement  réduites. 
L'aberration  Pseudonomion  paraît  très  rare.  Les  Q  ne  sont  pas 
mélanisantes. 

U Apollon  vole  dans  toutes  les  montagnes  alpines.  Je  possède 
des  individus  pris  en  Savoie,  dans  les  Basses-Alpes  (Larche,  Allos, 
Digne,  le  Lauzet);  en  Isère;  dans  les  Alpes-Maritimes  (un  peu 
au-dessus  de  Saint-Martin-de-Vésubie)  ;  en  Vaucluse  (Mont  Ven- 
toux,  par  1.500  mètres  d'altitude  environ). 

3"  Pyrénées-Orientales  :  Le  cf  diffère  peu  de  celui  des  Alpes 
françaises;  la  Q  est  cependant  souvent  plus  mélanisante.  U  Apollon 
est  commun  au-dessus  de  Vernet-les-Bains,  depuis  Casteil  jusqu'à 
Saint-Martin-du-Canigou  et  dans  beaucoup  de  localités  d'altitude 
égale  et  supérieure.  La  forme  à  taches  jaunâtres,  Nevadensis,  semble 
rare,  et  nous  n'en  avons  encore  rencontré  que  deux  exemplaires. 
Cette  variété  jusqu'ici  n'a  été  observée  que  chez  les  cT- 

4°  Hautes-Pyrénées  :  J'ai  vu  dans  les  Pyrénées  centrales  des  Q 
beaucoup  plus  mélanisantes  que  dans  les  Pyrénées-Orientales;  telle 
est  celle  qui  est  figurée  par  Verity  (Rhop.  palœarct.,  pi.  IX,  fig.  13) 
sous  le  nom  d'ailleurs  fautif  de  Briitingeri. 

La  Q  Brittingeri,  selon  Verity,  des  Pyrénées,  est  en  effet  très 
différente  de  la  véritable  Brittingeri,  Gross,  figurée  dans  lahres- 
bericht  des  Wiener  entom.  Vereines,  1892;  pi.  I,  fig.  i.  La  vraie 
Brittingeri  est  la  forme  de  Schoberstein,  en  Haute-Autriche.  C'est 
une  race  très  obscure;  en  dessus,  les  taches  noires  des  supérieures 
sont  très  grosses  et  les  taches  rouges  des  inférieures  très  déve- 


114  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 


loppées;  celle  de  ces  taches  rouges  qui  est  située  près  de  l'extrémité 
de  la  cellule  est  doublée  et  cordiforme;  les  taches  noires  qui  avoi- 
sinent  le  bord  anal  ont  le  centre  pupille  de  rouge.  La  fausse 
Brittingen  pyrénéenne  a  les  ailes  inférieures  tout  à  fait  autrement 
maculées  que  la  véritable.  Les  taches  rouges  sont  plutôt  petites 
dans  la  Brittingen  pyrénéenne;  la  médiane  y  est  simple  et  non 
doublée  o  verdoppelt  »  (Voir  la  description  de  Brittingeri;  loc. 
cit.,  p.  59).  De  plus,  les  taches  anales  n'ont  pas  le  noyau  rouge, 
«t  die  Analflecke  roth  gekernt  ». 

Verity  n'a  pas  connu  en  nature  la  véritable  Brittingen  et  il  n'a 
pas  vu  l'ouvrage  où  elle  est  décrite  et  figurée.  Telle  est  la  cause 
de  son  erreur  de  détermination.  Il  est  cependant  fort  possible  qu'on 
trouve  dans  les  Pyrénées,  à  titre  exceptionnel,  une  Q:  d'Apollo 
présentant  les  caractères  de  la  vraie  Brittingeri. 

Mon  ami  Gabriel  Dupuy  a  trouvé  aux  environs  de  Luz,  en 
août  1908,  un  exemplaire  Q  qui  diffère  de  Brittingeri  surtout  par 
le  plus  faible  développement  des  taches  noires  des  ailes  supérieures. 
Comme  la  Q  figurée  dans  lahresbericht  sous  le  nom  de  Brittingeri 
représente  très  probablement  un  exemplaire  extrêmement  caractérisé 
de  cette  variété  locale  autrichienne,  je  suis  convaincu  qu'on  peut 
trouver  dans  les  Pyrénées  centrales  des  Q  Apollo  mélanisantes 
tout  à  fait  analogues  à  certaines  Q  Brittingeri  de  Haute-Autriche 
et  peut-être  même  semblables  à  l'exemplaire  figuré  comme  type. 
Mais,  à  mon  sens,  le  nom  Brittingeri  concerne  une  race  géographique 
d'Apollo  nettement  définie,  et  il  ne  peut  convenir  à  la  race  pyré- 
néenne, bien  que  des  exemplaires  des  deux  races  puissent  occasion- 
nellement se  rencontrer  à  peu  près  semblables  entre  eux,  les  uns  en 
Haute- Autriche,  les  autres  dans  les  Pyrénées  centrales.  Ceci 
démontre  combien  les  caractères  de  race  sont  peu  constants  chez 
V Apollo  et  quelle  prudence  il  conviendrait  d'apporter  à  la  création 
de  noms  nouveaux  qui,  au  lieu  d'aider  au  progrès  de  la  Science, 
deviennent  une  source  de  confusion. 

M.  Rondou  a  pris  à  Gèdre  et  a  bien  voulu  m'offrir  une  Q  moins 
fumeuse  que  l'Ab.  fnmosa,  de  Rougement  {Lépid.  du  Jura,  pi.  I, 
fig.  i),  qui  fut  trouvée  aux  Brenets  et  qui  figure  actuellement  dans 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE  II5 

l'ancienne  collection  Couleru,  au  musée  de  Neuchâtel.  La  Q 
pyrénéenne  est  une  aberration  par  mélanisme  qui  semble  appartenir 
au  même  ordre  de  variation  que  fumosa;  mais  outre  qu'elle  est 
d'une  teinte  générale  moins  obscure,  elle  a  conservé  un  espace  blanc 
vers  le  milieu  de  chacune  des  quatre  ailes. 

Dans  l'ancienne  collection  Bellier  se  trouve  aussi  une  très  belle 
Ç)  Pseudonojiiion,  des  Pyrénées,  avec  pupillation  rouge  dans  les 
taches  noires  des  supérieures. 

U Apollon  est  très  répandu  vers  Gavarnie  et  à  Cauterets,  surtout 
dans  la  vallée  de  Marcadau,  où  mon  frère  captura  les  3  spécimens 
à  aile  gauche  falquée  que  j'ai  fait  représenter  dans  les  Etudes 
d'Entomologie.  M.  Gabriel  Dupuy,  d'Angoulême,  m'a  offert  un 
exemplaire  semblablement  falqué  pris  à  Luz,  et  je  dois  à  l'obli- 
geance de  M.  Rondou  un  autre  cf  falqué  pris  à  Gèdre. 

5°  Cévennes  et  Auvergne. 

J'ai  devant  moi  deux  boîtes  :  l'une  contenant  43  Apollons  pris 
à  Florac  (Lozère)  par  M.  Dayrem,  en  Juin  et  Juillet  1908;  l'autre 
renfermant  46  Apollons  pris  dans  les  Basses-Alpes.  Je  compare 
attentivement  les  deux  séries  :  cévenole  et  alpine.  U  Apollon  de 
Florac  est  généralement  plus  grand  que  celui  des  Basses-Alpes; 
le  cf  a  le  fond  blanc  des  ailes  légèrement  jaune  crème;  les  Q  de 
Florac  sont  plus  largement  et  plus  vigoureusement  tachetées  que 
celles  des  Alpes.  La  race  de  Florac  est  certainement  dans  son 
ensemble,  en  ce  qui  concerne  le  cf,  d'une  teinte  plus  jaune  crème 
que  toutes  les  autres  races  françaises  connues.  Lorsque  je  la  pris 
pour  la  première  fois  à  Florac,  en  1863,  elle  présentait  bien  ce 
même  caractère  qu'aujourd'hui,  et  mes  spécimens,  vieux  de  45  ans, 
en  font  foi.  Les  exemplaires  pris  par  mon  frère  à  Lioran  (Cantal) 
et  ceux  que  je  possède  d'Auvergne  (Gravenoire,  près  Clermont), 
sont  grands  et  ornés  de  belles  et  larges  taches;  mais  ils  ne 
paraissent  pas  avoir  le  fond  des  ailes  aussi  jaune  crème  que  la  race 
lozérienne. 

En  résumé,  la  forme  de  Franche-Comté  peut  probablement  se 
rattacher  à  la  nivata,  Fruhst.  Harcourt-Bath  a  cru  devoir  désigner 


Il6  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

SOUS  le  nom  de  pyrenaica  la  forme  des  Pyrénées,  bien  que  notam- 
ment la  race  des  Pyrénées-Orientales  ne  se  distingue  guère  de  celle 
des  Alpes.  Dans  ces  conditions,  la  race  de  Florac  mérite  plus  encore 
que  les  autres  un  nom  :  Lozerœ,  sous  lequel  je  la  désigne,  cédant 
ainsi  à  un  usage  qui  se  généralise,  quelquefois  abusivement,  mais 
qui,  pour  Lozerœ,  peut  paraître  suffisamment  justifié. 

Je  possède  2  çS  albinos  d'Apollo.  Ils  sont  petits;  la  tache  rouge 
des  ailes  inférieures  reste  d'une  teinte  vive;  toutes  les  taches  noires 
ordinaires  sont  effacées  et  d'un  gris  très  pâle.  Le  fond  des  ailes 
est  blanc  crème,  ainsi  que  le  corps.  Ces  deux  papillons  m'ont  été 
envoyés  du  Wurttemberg,  par  M.  Adolf  Peter,  de  Stuttgart;  l'un 
fut  pris  en  1907,  à  Neufer  près  d'Urach,  par  800  mètres  d'altitude, 
et  l'autre  fut  trouvé  en  1908. 

M.  Fabresse  a  trouvé  en  juillet  1907,  à  la  Sierra- Alta,  près 
Albarracin,  dans  l'Espagne  centrale,  une  race  d'Apollo  caractérisée 
par  sa  grande  taille,  son  aspect  très  blanc,  le  peu  de  développement 
relatif  de  ses  taches  noires  et  rouges  ainsi  que  de  la  partie  hyaline 
de  l'apex  et  du  bord  marginal  des  ailes  supérieures  chez  le  (S. 
La  Q  est  un  peu  plus  mélanisante.  Ce  qui  est  remarquable,  c'est 
l'analogie  de  la  race  de  YApollo  de  la  Sierra-Alta  avec  celle  de 
Kentei.  Je  rattache  donc  la  race  espagnole  à  celle  de  Sibérie  et  je 
la  désigne  sous  le  nom  purement  géographique  de  :  hispayiuus 
ajouté  à  celui  de  Hesebolus. 

Le  même  M.  Fabresse  a  pris  en  août  igo8,  au  Mont  Majeîla,  ' 
en  Italie,  une  race  à'Apollo  conforme  à  celle  des  Basses-Alpes  et 
des  Alpes-Maritimes,  mais  plus  petite  généralement.  UApollo  du 
Mont  Majella  n'a  aucune  analogie  avec  la  race  Siciliœ;  c'est  à  la 
race  des  Alpes  françaises  qu'il  convient  de  le  rattacher,  avec  la 
désignation  purement  géographique  également  :  italiens. 

Une  des  plus  belles  races  européennes  d' A  polio  est  sans  doute 
celle  de  Bavière.  MM.  Schiller  et  Kiessling,  de  Fùrth,  m'ont 
enrichi  d'une  assez  longue  série  d' A  polio  pris  à  Happurg,  près 
Hersbruck,  et  à  Lichtenstein,  près  Pommelsbrunn.  Le  fond  des 
ailes  est  très  blanc  dans  les  deux  sexes;  les  taches  rouges  sont 
d'un  carmin  très  vif;  elles  sont  parfois  très  grandes  et  elles  se 


LEPIDOPTEROLOGIE    COMPAREE 


remarquent  souvent  au  milieu  des  taches  noires  anales.  La  race 
de  Coburg  et  d'Ansbach  (coll.  Kuwert)  paraît  être  la  même. 

Parnassius  Delius. 

Manque  dans  les  Pyrénées.  En  France,  je  l'ai  pris  abondamment 
en  juillet  1892,  à  Tréleschamps,  au-dessus  de  Largentière.  près  de 
la  route  qui  mène  à  Martigny.  Deluis^  volait  rapidement  dans  des 
prairies  humides,  qui  sont  presque  des  marécages,  autour  de  gros 
blocs  de  rochers  d'où  la  Larentia  cœsiata  s'envolait  en  nuage. 
M.  Harold  Powell  a  recueilli  Delius  autour  du  lac  d'Allos,  dans 
les  Basses-Alpes,  et  dans  la  prairie  du  Mont-Pelat,  depuis  le 
20  juillet  au  2  août  1906.  Je  l'ai  aussi  reçu  de  Larche  oii  l'ont  pris 
les  chasseurs  Coulet,  de  Digne. 

Ddiits  varie  pour  l'absence  ou  la  présence  et  le  nombre  des  taches 
rouges  dans  les  macules  noires  précostales  et  inférieure  des  ailes 
supérieures,  dans  l'absence  ou  la  présence  de  pupillation  blanche 
au  milieu  des  taches  rouges  des  ailes  inférieures.  La  forme  de 
Delius  dans  les  Alpes  françaises  semble  de  taille  relativement 
moyenne  ou  même  petite  plutôt  que  grande  et  les  taches  diverses 
sont  généralement  d'un  faible  développement. 

Parnassius  Mnemosyne,  Linné. 

Abondant  dans  les  Alpes  et  les  Pyrénées;  éclôt  de  bonne  heure, 
notamment  dans  les  environs  de  Saint-Martin-du-Canigou  où  je 
l'ai  trouvé  dès  la  fin  de  mai  et  les  premiers  jours  de  juin;  vole 
à  Cauterets,  à  la  fin  de  juin  et  au  commencement  de  juillet,  sur 
la  montagne  du  Péguère;  ressemble,  pour  le  vol  et  les  allures,  à  la 
Lcuconea  cratœgi\  est  excessivement  commun,  en  mai  et  juin,  dans 
certaines  localités  près  de  Digne,  d'où  j'en  ai  reçu  des  centaines 
d'échantillons.  Ma  collection  contient  des  exemplaires  pris  à  Akbès 
et  dans  le  Turkestan,  où  Mnemosyne  présente  la  race  dite  : 
nubilosus;  en  Russie,  en  Sicile,  dans  les  Monts  Madonie,  en  Grèce, 
en  Autriche,  en  Roumanie,  en  Bavière  et  à  Salzbourg,  où  il  offre 


Il8  LÊPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

une  variété  mélanienne  :  Hartmanni,  quelquefois  poussée  à 
l'extrême  et  prenant  alors  le  nom  de  melaina.  Je  possède  une  Q 
melaïna  de  Salzbourg  dont  le  fond  des  4  ailes  est  entièrement 
noirâtre,  avec  les  deux  taches  cellulaires  des  ailes  supérieures  d'un 
noir  vif  et  une  ombre  extra-cellulaire  aux  inférieures,  plus  obscure 
que  le  fond. 

Comparativement  à  la  forme  de  Digne,  la  race  pyrénéenne  est 
plus  obscure.  Dans  les  Pyrénées,  la  partie  vitreuse  apicale  et  mar- 
ginale, aux  ailes  supérieures  des  cf,  est  étendue  et  rarement  traversée 
dans  son  milieu  par  de  petites  lunules  blanches;  les  Q  pyrénéennes 
sont  généralement  plus,  grandes  et  plus  mélaniennes  que  celles  des 
Basses-Alpes.  La  race  pyrenaica,  Turati,  d'après  les  documents  que 
je  possède,  est  aussi  accentuée  dans  les  Pyrénées-Orientales  que 
dans  les  Hautes-Pyrénées,  contrairement  à  ce  qui  se  passe  pour  la 
généralité  des  espèces  de  Lépidoptères. 

En  effet,  dans  l'est  de  la  chaîne  pyrénéenne,  beaucoup  de 
papillons  conservent  une  forme  analogue  à  celle  des  Alpes;  ainsi 
en  est-il  pour  Erebia  lappona;  mais,  dans  les  Hautes-Pyrénées,  les 
formes  changent  ordinairement  et  lappona  se  transforme  en 
Sthennyo,  sur  les  montagnes  qui  s'élèvent  au-dessus  de  Cauterets 
et  de  Gèdre. 

La  forme  de  Sicile  a  reçu  le  nom  de  nebrodejisis;  elle  est  plus 
petite  que  la  forme  pyrénéenne. 

Il  est  surprenant  que  Mneuiosyne  ne  se  trouve  pas  en  Algérie. 
La  faune  sicilienne  et  la  faune  algérienne  des  Lépidoptères  ne  sont 
pas  sans  analogie.  Espérant  que  VErebia  Dronms  et  le  Parnassïus 
Mnemosyne  pourraient  être  rencontrés  en  Algérie,  j'avais  chargé 
Merkl,  pendant  l'été  1884,  d'explorer  les  plus  hauts  sommets  du 
Djurjura  auxquels  il  pourrait  atteindre.  Il  ne  trouva  ni  Erebia,  ni 
Parnassïus  \  mais  je  n'ai  pas  perdu  l'espérance  de  quelque  décou- 
verte dans  ces  genres,  lorsqu'on  pourra  s'élever  sur  les  hauts 
sommets  de  l'Atlas  marocain.  Les  plus  hautes  montagnes  d'Algérie 
sont  elles-mêmes  à  peine  connues,  au  point  de  vue  de  leur  faune 
entomologique,  et  je  pense  qu'une  exploration  un  peu  prolongée 
fournirait  quelques  intéressantes  surprises. 


LEPIDOPTEROLOGIE    CO.MPAREE  IIQ 

Dans  Intern.  entomol.  Zeitschnft  (2  lahrg.,  n°  3,  p.  17;  Guben, 
18  Avril  1908),  M.  H.  Fruhstorfer  s'empare  des  figures  de  Par- 
nassius  Mnemosync  publiées  par  Verit)-,  sur  la  PI.  XXIII  de  Rhop. 
palœarct.,  pour  émettre  toute  une  série  de  noms  nouveaux  qu'il 
applique  aux  Mnemosyne  de  Digne  (diniamis)  ;  de  Vernet-les- 
Bains  {vernetanus)\  de  Gèdre  (Turaiiï);  d'Oberaudorf  et  de 
Kœnigssee  (wnbratilis)  ;  de  Silésie  {sïlcsiaciis)  ;  des  Alpes  autri- 
chiennes (mesoleucus). 

Je  crois  que  dans  l'état  actuel  de  la  Science,  il  est  utile  de  dis- 
tinguer des  autres  races,  par  un  nom  particulier,  une  race  non 
encore  observée,  réellement  spéciale  et  distincte  pour  des  caractères 
constants,  tangibles  et  de  quelque  importance.  Mais  de  là  à  créer 
des  noms  nouveaux  pour  tous  les  papillons  dont  la  provenance  est 
différente,  il  y  a  réellement  exagération  et  abus.  Cette  multitude 
de  noms  engendre  l'anarchie  dans  la  Nomenclature;  elle  est  dom- 
mageable, loin  d'être  avantageuse  et  utile. 

Vcrnetanns  et  Tiiratii,  sec.  Fruhstorfer,  s'appliquent,  ainsi  que 
je  l'explique  ci-dessus,  à  une  même  forme  pyrenaicus,  et  de  ce  que 
ce  nom  pyrcnaiciis  ait  déjà  été  appliqué  à  la  forme  pyrénéenne 
d'Apollo,  il  ne  s'en  suit  nullement  qu'il  soit  interdit  de  l'appliquer 
à  Mnemosyne.  Dans  les  conditions  où  le  nom  pyrenaicus  est 
employé,  c'est  pour  désigner  la  forme  pyrénéenne  d'une  Espèce, 
comparativement  aux  formes  non  pyrénéennes  de  la  même  Espèce. 
Dès  lors  on  peut  avoir  dans  les  genres  Parnassius,  Erebia,  etc., 
autant  de  pyrenaicus  ou  de  pyrenaica  qu'on  voudra,  attendu  qu'il 
faudra  toujours,  pour  rendre  son  langage  intelligible,  faire  précéder 
le  nom  pyrenaicus  ou  pyrenaica  du  nom  de  l'Espèce  dont  il  qualifie 
et  distingue  la  race.  Apollo  pyrenaicus  n'exclut  donc  nullement 
Mnemosyne  pyrenaicus,  tandis  que  pyrenaicus,  employé  comme 
nom  d'Espèce,  exclurait,  sous  peine  de  confusion,  tout  autre  sem- 
blable nom  d'Espèce,  dans  le  même  Genre.  Mais  ce  n'est  pas  le 
cas  ici.  Il  s'agit  d'un  qualificatif  de  race  et  de  rien  de  plus.  Verne- 
tanus  et  Turatii  qualifient  une  même  forme  et  ne  sont  pas  des 
noms  admissibles;  pyrenaicus  seul  doit  être  maintenu,  étant  suffi- 
samment rendu  valable  par  la  citation  qu'en  fait  Verity. 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 


Aporia  Crataegi,  Linné. 

Paraît  avoir  complètement  disparu  de  l'Angleterre  depuis 
l'année  1890;  est  commune  aux  environs  de  Rennes,  oii  les  chenilles 
dévorent  quelquefois  toutes  les  feuilles  des  jeunes  greffes  de 
pommier  et  occasionnent  ainsi  un  dommage  assez  sérieux  à  l'agri- 
culture; également  abondante  dans  les  Pyrénées-Orientales,  où 
nous  avons  trouvé  la  chenille  sur  le  prunellier.  Vers  1,600  à 
1,800  mètres  d'altitude,  entre  la  forêt  de  Randai  et  les  pelouses 
de  Mariailles,  au-dessus  de  Vernet-les-Bains,  nous  avons  capturé 
à  plusieurs  reprises  des  individus  très  petits  dont  Verity  a  Êguré 
une  paire  dans  son  ouvrage  :  Rhopalocera  falœarctica,  sous  le  nom 
de  mïnor  (PI.  XXVI;  fig.  8,  9). 

\J Aporia  cratœgi  est  répandue  depuis  la  Bretagne  jusqu'au 
Japon;  elle  est  commune  au  Thibet,  oti  elle  présente  une  race 
appelée  :  atoînosa  par  Verity.  Je  l'ai  reçue  en  grande  quantité  du 
Turkestan  oriental  (Fort  Naryne),  oii  elle  appartient  également  à 
la  race  atomosa;  ma  collection  contient  des  exemplaires  de  Syrie; 
de  Sicile,  où  elle  appartient  à  la  race  aiigusta,  Turati;  d'Algérie 
(Sebdou,  mai  1907);  de  l'Escurial,  où  elle  fut  prise  fin  juillet;  des 
environs  de  Paris;  du  Poitou  et  des  Hautes-Pyrénées. 

La  race  algérienne  à' Aporia  cratœgi  présente  un  aspect  parti- 
culier. La  taille  est  très  grande;  le  cf  est  d'un  blanc  éclatant  avec 
les  nervures  très  finement  tracées.  Le  plus  souvent  les  nervures  ne 
sont  accompagnées  d'aucun  triangle  grisâtre,  lorsqu'elles  aboutissent 
au  bord  marginal.  En  dessous,  la  surface  des  ailes  inférieures  est 
légèrement  saupoudrée  d'atomes  gris.  La  Q  est  jaunâtre.  J'ai 
désigné  la  race  algérienne  de  cratœgi  sous  le  nom  de  maiiritanica. 

En  Bretagne,  \ Aporia  cratœgi  vole  en  juillet  et  jusqu'aux  pre- 
miers jours  du  mois  d'août. 

Pieris  Callidice,  Esper. 

C'est  la  Piéride  des  hauts  sommets.  Elle  ne  descend  point  dans 
les  vallées  et,  pour  la  rencontrer,  il    faut  atteindre  les   altitudes 


LÉPIDOPTÉROLOGIE    COMPARÉE 


élevées  où  elle  vole  rapide  sur  les  pelouses  alpestres,  ou  bien  autour 
des  sommets  rocheux  d'où  elle  disparaît,  pour  s'élancer  au-dessus 
des  abîmes  et  tournoyer  sur  les  précipices.  Je  l'ai  prise  dans  les 
Pyrénées,  à  la  Cheminée  du  Mont  Canigou  et  au-dessus  de  Cau- 
terets,  sur  le  chemin  du  Vignemale.  Dans  les  Alpes,  je  l'ai  capturée 
à  Champrousse,  au-dessus  d'Uriage,  en  juin,  dans  les  hauteurs  qui 
dominent  Chamounix,  mais  surtout  à  Ryffelberg,  dans  le  Valais, 
en  juillet.  Je  l'ai  reçue  du  Fort  Naryne,  dans  le  Turkestan  oriental, 
du  Nord-Kaschmir,  du  Sikkin  et  du  Taurus  (Berut-Dagh),  où 
M.  Ch.  Delagrange,  chassant  pour  nous,  la  captura  en  juillet  i8go. 
Au  Taurus,  Callidice  offre  la  race  géographique  Chrysidice. 

Je  possède  de  l'Engadine  un  cf  et  une  O  saupoudrés  d'atomes 
noirs.  Je  les  ai  confiés,  pour  les  figurer,  à  M.  Verity,  en  le  priant 
de  les  distinguer  sous  le  nom  de  Rondoià  {Rhof.  palœarct.; 
pi.  XVII,  fig.  42,  43). 


Pieris  Daplîdice,   Linné. 

Répandue  depuis  la  péninsule  armoricaine  jusqu'au  Thibet;  très 
rare  en  Angleterre,  où  elle  paraît  être  accidentelle  et  seulement  dans 
la  région  méridionale  de  cette  île;  abondante  dans  le  midi  de  la 
France,  l'Espagne,  l'Algérie,  l'Italie  et  les  îles  de  la  Méditerranée. 

En  Bretagne,  j'ai  trouvé  DapUdicc  volant  au  mois  d'août  1904 
sur  les  dunes  gazonnées  et  fleuries  de  Miel-Pot,  entre  Saint-Malo 
et  Cancale.  Daplîdice  n'est  pas  rare  à  Monterfil,  dans  l'arrondis- 
sement de  Mont  fort-sur- Meu,  où  elle  affectionne  les  massifs  de 
rochers  au  milieu  des  landes;  elle  est  commune  à  Bourg-des- 
Comptes,  où  elle  donne  quelquefois  en  Mars,  lorsque  la  saison  est 
favorable,  la  variété  Bellidice  très  caractérisée. 

En  Chine,  Daplîdice  est  quelquefois  de  taille  beaucoup  plus 
grande  qu'en  Europe.  D'ailleurs  cette  Pieris  varie  considérablement 
pour  la  dimension  des  ailes,  et  on  peut  trouver  au  même  lieu  des 
exemplaires  très  petits,  comparativement  à  d'autres  beaucoup  plus 
développés. 


LEPIDOPTÉROLOGIE    COMPARÉE 


J'ai  fait  connaître  la  variété  siilphurca  d'après  deux  cf  dont  les 
4  ailes  sont  d'un  beau  jaune  soufre  en  dessus,  au  lieu  d'être  blanches. 
L'un  de  ces  Daflidice  sulfhurea  a  été  pris  à  Biskra,  en  mai  1884, 
par  Merkl,  et  l'autre,  appartenant  à  la  forme  Bellidke,  fut  capturé 
à  Chartres  et  faisait  partie  de  la  collection  Bellier.  Comme  CalUdice, 
Daplidice  peut  avoir  sa  variété  mélanienne  Rondoui;  je  possède 
de  Daplidice  Rondoui  4  exemplaires  provenant  de  Hongrie  et  de 
Vienne.  M.  Verity  en  a  figuré  2  sous  les  n°'  12  et  13  de  la  PI.  XXX 
des  Rhop.  palœarctica. 

Esper  figure  sous"  le  n°  i  de  la  PL  CXVIII  une  Ab.  obscure 
de  Daplidice,  conforme  aux  exemplaires  que  je  possède  et  pro- 
venant aussi  de  Hongrie. 

Le  dessous  des  ailes  inférieures  est  très  variable  chez  Daplidice 
pour  la  teinte,  la  confluence  et  l'accentuation  des  taches  verdâlres. 
J'ai  donné  le  nom  d'Albidice  à  la  forme  chez  laquelle  ces  taches 
sont  les  moins  accentuées  et  plutôt  jaunâtres  que  verdâtres.  C'est 
surtout  dans  l'Europe  méridionale  et  en  Algérie  que  se  rencontre, 
en  été,  la  variété  Albidice. 

Staudinger  et  Rebel,  dans  leur  Cntalog,  édit.  1901,  ont  cru 
devoir  (p.  12,  n°  57  b),  faire  tomber  Albidice  comme  synonyme  de 
raphani,  Esp.  et  Freyer.  Tout  le  monde  ayant  l'habitude  de  consi- 
dérer le  Catalog  de  Staudinger  et  Rebel  à  l'égal  de  l'expression 
infaillible  de  la  Science  et  bien  peu  nombreux  étant  ceux  qui  osent 
contrôler  les  assertions  émises  dans  ledit  Catalog,  Verity  et  Scitz 
ont  suivi  avec  une  égale  docilité  la  coutume  si  généralement  adoptée. 
En  conséquence,  ils  se  sont,  l'un  comme  l'autre,  bien  gardé  d'ouvrir 
les  ouvrages  d'Esper  et  de  Freyer,  où  ils  auraient  pourtant  acquis 
la  conviction  que  la  Pieris  raphani  de  ces  auteurs  est  synonyme, 
non  point  de  Albidice,  mais  de  Hellica,  espèce  répandue  dans 
l'Afrique  australe  et  orientale. 

Verity  a  donc  accepté,  sans  aucune  discussion,  la  synonymie  — 
d'ailleurs  parfaitement  erronée  —  telle  qu'elle  est  imprimée  dans 
le  Catalog,  et  Seitz  s'est  borné  à  dire  (p.  49)  :  «  raphani,  Esper, 
du  sud  de  l'Europe,  l'Asie-Mineure  et  Asie  occidentale,  est  une 
forme  estivale  avec  les   dessins  du   dessous  de  l'aile  postérieure 


LÉPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE  I23 

jaunâtres  au  lieu  de  verts.   »  La  figure  de  la  PI.  21  de  Seitz  est 
dans  le  sens  de  l'indication  que  je  viens  de  transcrire. 

On  me  permettra,  à  l'occasion  de  ces  erreurs  qui,  une  fois  com- 
mises par  une  Autorité  scientifique,  courent  le  Monde  indéfiniment 
sans  être  contestées  ni  corrigées  par  personne,  de  faire  remarquer 
que  si  quelques  amateurs  de  papillons  veulent  bien  recourir  aux 
livres  pour  déterminer  les  espèces  exotiques  de  leur  collection,  ce 
n'est  pas  l'usage  de  traiter  les  espèces  européennes  d'après  la  môme 
méthode.  Les  noms  des  espèces  européennes  se  transmettent  et 
s'acceptent  par  pure  tradition,  tels  qu'on  les  reçoit  d'un  corres- 
pondant quelconque. 

Lorsque  c'était  d'un  savant  aussi  qualifié  que  feu  Otto  Staudinger 
qu'on  tenait  un  papillon  pourvu  de  sa  détermination  spécifique, 
chacun  se  trouvait  pénétré  d'une  telle  confiance  qu'il  eût  cru  pour 
le  moins  perdre  son  tem.ps  s'il  avait  essayé  de  vérifier  l'exactitude 
de  la  détermination  communiquée. 

Cependant  il  faut  bien  reconnaître  que  rien  ne  se  faisait  plus 
légèrement  que  les  déterminations,  dans  le  cabinet  de  feu  Otto 
Staudinger.  Les  erreurs  commises  par  cet  Entomologiste,  si  univer- 
sellement connu,  étaient  aussi  considérables  par  la  qualité  que  par 
la  quantité,  et  si  on  étudie  le  Catalog  de  igoi  en  'contrôlant  la 
source  de  chacune  des  assertions  qui  y  sont  imprimées,  on  reste 
confondu  par  le  nombre  et  l'énormité  des  fautes  qu'il  est  si  facile 
de  constater  et  qu'il  eût  été  si  aisé  d'éviter. 

Pour  connaître  la  vérité  au  sujet  de  la  question  raphani,  que 
faut-il  donc  faire?  Consulter  d'abord  l'ouvrage  d'Esper,  c'est-à-dire 
examiner  la  figure  publiée  sous  le  n"  3  de  la  Tab.  LXXXIV. 
Cont.  XXXIV;  puis  lire  le  texte  imprimé  à  la  page  163  de  l'article  : 
Rîissische  Schmetterlinge,  et  enfin  ouvrir  l'ouvrage  de  Freyer,  lire 
l'article  de  la  page  43  et  comparer  à  un  exemplaire  de  la  Pieiis 
africaine  Hellica  le  cf  et  la  Q  représentés  sous  les  n°'  i  et  2  de 
la  Tab.  121,  sous  le  nom  de  raphani. 

Ces  vérifications  étant  faites,  on  partagera  nécessairement  ma 
conviction  que  raphani  est  synonyme  de  Hellica  et  n'a  rien  à  faire 
avec  Da-blidice,  au  titre  de  variété  de  cette  dernière  Piéride. 


124  LEPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

Qu'on  me  permette  de  transcrire  ici  la  fin  de  l'article  très  suggestif 
de  Freyer  concernant  ra-phani  -. 

«  Das  Vaterland  solî  Sibirien  und  das  suedliche  Russland  seyn. 
Die  Exemplare  wornach  ich  Abbildung  gebe,  erhielt  Hr.  Bueringer 
mit  mehreren  suedafrikanischen  Schmetterlingen,  jedoch  ohne 
besondere  Angabe  ihrer  Heimath,  zugesendet.  Huebner  hat  diescn 
Falter  bloss  unter  seinen  exotischen  Lepidopteren  mit  dem  Nanien 
Hellica  abgebildet.   » 

Voici  la  traduction  littérale  :  La  Patrie  doit  être  la  Sibérie  et  le 
sud  de  la  Russie.  I.es  exemplaires  d'après  quoi  je  donne  la  figure, 
M.  Bueringer  les  a  reçus  avec  plusieurs  papillons  sudafricains, 
pourtant  envoyés  sans  meilleure  indication  de  leur  Patrie.  Huebner 
a  figuré  ce  papillon  uniquement  parmi  ses  Lépidoptères  exotiques, 
avec  le  nom  Hellica. 

Freyer  n'avait  pas  lui-même  une  conviction  bien  sérieuse  quant 
à  la  provenance  européenne  de  raphani  et,  sans  hésitation,  il  identifie 
sa  Pieris  raphani  à  Hellica,  Huebner,  ce  qui  est  d'ailleurs  parfai- 
tement exact. 

La  synonymie  imprimée  dans  le  Catalog  1901  sous  le  n°  57  b, 
concernant  Daplidice  Albidice,  est  donc  absolument  fausse,  et  les 
Entomologistes  soucieux  de  la  vérité  scientifique  et  de  l'exactitude 
de  la  Nomenclature  doivent  rejeter  toute  intrusion  spécifique  de 
raphani  dans  ce  qui  est  spécial  à  Daplidice. 

Comme  conséquence,  l'article  où  Verity  a  copié  le  Catalog  doit 
être  corrigé  aussi  bien  que  l'assertion  erronée  de  Seitz. 

Je  possède  Albidice  très  caractérisée  de  diverses  localités 
d'Algérie,  de  Hussein-Dey  (Holl),  de  Sebdou,  surtout  de  l'extrême 
sud,  de  Beyrouth,  de  Chypre  et  même  de  Vernet-les-Bains.  La  Q 
devient  plus  rarement  que  le  cf  une  Albidice  très  caractérisée. 
Cependant,  en  aoiit  1907,  M.  H.  Powell  a  pris,  avec  quelques  cf, 
la  Ç)  AAbidice  aux  environs  de  Sebdou.  En  Sicile,  Bellier  avait 
pris  la  Daplidice  nitida,  figurée  par  Verity  sous  le  n°  9  de  la 
PI.  XXX. 


LÉPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE  125 

La  forme  Q  fiavescens,  Obthr.,  se  trouve  en  Algérie  et  parfois 
jusqu'aux  environs  de  Paris.  Feu  Lhotte  avait  capturé  à  Lardy 
une  Ç)  -fiavescens  très  belle  qui  se  trouve  maintenant  dans  ma 
collection. 


Pieris  Glauconome,  Klug. 

Lors  d'un  voyage  qu'il  fit  jadis  en  Algérie,  M.  Roland  Trimen, 
l'auteur  de  travaux  entomologiques  si  appréciés  sur  la  faune  sad- 
africaine,  trouva  aux  environs  de  Constantine  un  Glauconome  çS 
qu'il  voulut  bien  m'offrir  avec  toute  sa  récolte  lépidoptérologique. 
Glauconome  est  donc  une  espèce  authentiquement  algérienne.  J'ai 
confié  à  M.  Verity,  qui  l'a  figuré  sous  le  n"  32  de  la  PI.  XXX, 
l'échantillon  de  Glauconome  dont  je  suis  redevable  à  l'obligeance 
de  M.  Roland  Trimen. 


Pieris   napi,    Linné. 

Verity  a  figuré  un  certain  nombre  d'exemplaires  de  la  Piens 
napi,  en  vue  de  parfaitement  faire  connaître  cette  espèce,  et  il  s'est 
assez  longuement  étendu  sur  cette  Piéride  très  communément 
répandue  en  Angleterre,  en  France,  en  Suisse,  en  Allemagne,  en 
Italie,  en  Syrie;  mais  elle  est  beaucoup  plus  rare  en  Algérie  qu'en 
Europe.  Je  possède  un  seul  exemplaire  algérien  :  c'est  une  Q  prise 
au  Djurjura,  en  juillet  1884,  par  Merkl.  M.  Holl  ne  relate  pas  napi 
dans  sa  collection  de  Lépidoptères  algériens.  M.  Daniel  Lucas  a 
reçu  la  Pieris  napi  du  Tarf.  Deux  exemplaires  de  cette  provenance 
sont  figurés  sous  les  n''"  7  et  17  de  la  PI.  XXXII  des  Rhopaloc. 
palœarctica. 

En  Bretagne,  napi  vole  dès  le  premier  printemps  et  donne  en 
été  une  seconde  éclosion  qui  se  prolonge  jusqu'aux  premiers  jours 
de  l'automne.  Il  en  est  de  même  dans  presque  toute  la  France.  La 
génération  de  printemps  est  très  distincte  de  celle  de  l'été  et  de 
l'arrière-saison. 


126  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

Le  Papillon  blanc  veiné  de  vert,  ainsi  que  le  désigne  le 
R.  P.  Engramelle  qui  figure  dans  son  ouvrage,  sous  les  n°'  104  a 
et  104.  b  de  la  PI.  L,  la  race  du  printemps,  est  caractérisé  comme 
suit,  dans  ses  deux  époques  d'apparition  : 

1°  Napi;  éclosion  de  mars  à  mai;  taille  plus  petite  qu'en  été; 
le  cf  a  les  ailes  aiguës,  sans  aucun  point  noir,  ou  avec  les  traces 
plus  ou  moins  accentuées  d'un  seul  point,  entre  les  nervules  2  et  3. 
Le  dessous  des  inférieures  est  toujours  fortement  veiné  de  vert 
grisâtre  jusqu'au  bord  terminal,  avec  l'origine  de  la  côte  safranée; 
le  fond  des  ailes  est  généralement  d'un  jaune  verdâtre  pâle.  La  Q 
est  plus  obscure  en  dessus  que  le  cf. 

2°  Napœœ,  Esper;  éclosion  en  août  et  septembre;  taille  plus 
grande  qu'au  printemps;  ailes  arrondies;  le  point  noir  des  supé- 
rieures et  la  liture  costale  noirâtre  des  inférieures  sont  constants 
chez  les  cf;  les  veines  noires  du  dessous  sont  plus  pâles  et  se 
perdent  avant  d'arriver  au  bord  terminal.  La  Ç)  est  plus  obscure 
que  le  cf  et  se  rapproche  de  rapœ. 

J'ai  pris  à  Cauterets,  en  juillet  1899,  une  g  dont  les  4  ailes,  en 
dessus  et  en  dessous,  sont  d'un  jaune  soufre  clair. 

La  collection  Bellier  contenait  un  singulier  cf  ayant  à  l'aile 
supérieure  droite  des  taches  noires  en  forme  de  bande,  ressemblant 
un  peu  à  un  hermaphroditisme  partiel.  Cet  exemplaire  aberrant  est 
figuré  sous  le  n"  4  de  la  PI.  14,  dans  les  Ann.  de  la  Soc.  eut.  de 
France,  1858.  Il  a  été  pris  aux  environs  de  Paris,  par  M.  Debonnelle, 
en   1857. 

Dans  les  montagnes  alpines  et  en  Angleterre,  la  g  napi  offre 
une  variété  très  obscure,  avec  le  fond  des  ailes  jaunâtre,  qui  a  été 
appelée  bryoniœ.  Je  l'ai  prise  dans  l'Isère,  au  dessus  de  St-Martin- 
d'Uriage,  aux  environs  de  Zermatt  et  dans  l'Oberland  bernois.  Je 
n'ai  jamais  vu  bryoniœ  dans  les  Pyrénées. 

La  variété  meta,  sorte  de  bryoniœ  dont  les  ailes  supérieures  sont 
seules  obscurcies,  alors  que  les  inférieures  restent  blanches,  a  été 
trouvée  aux  environs  de  Besançon  et  est  figurée  par  Verity  sous 
le  n"  48  de  la  PI.  XXXII. 


LEPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE  12/ 

Les  Q  peuvent  aussi  avoir  le  fond  des  ailes  jaune,  sans  être 
obscurci  d'atomes  noirs,  comme  chez  bryoniœ.  Ce  sont  les  variétés 
fLava  et  flavescens,  provenant  suitout  d'Allemagne  et  d'Autriche. 

Verity  a  appelé  Carnca  une  Q  que  j'ai  reçue  de  l'île  Lewis;  et 
il  a  désigné  sous  le  nom  de  nïgrans  un  cf  de  Silésie  entièrement 
grisâtre.  Ces  deux  papillons  sont  ligures  sous  les  n°^  49  et  50  de 
la  PI.  XXXII  des  Rhop.  palœarctica.  De  même,  cet  auteur  a 
figuré  sous  les  n'"*  ig  et  20  la  variété  meridionalis  d'Italie  et  de 
Syrie,  et  par  ailleurs  les  formes  du  Caucase,  du  Turkestan,  de 
Norwège,  de  Kamtchatka,  d'Alaska,  de  l'Amérique  boréale,  de 
Yesso  au  Japon,  de  telle  sorte  que  ses  photographies  en  couleurs 
représentent  d'une  façon  très  complète  l'histoire  de  la  Pieris  napi. 

Dans  ces  conditions,  je  ne  puis  qu'inviter  le  lecteur  à  se  reporter 
à  l'ouvrage  RhopaLocera  palœarctica  pour  y  trouver  un  ensemble 
de  documents  tel  qu'il  n'en  a  encore  jamais  été  publié  de  semblables 
sur  nos  Piérides  paléarctiques. 

Pour  être  réputées  vulgaires,  les  Piérides  du  chou,  du  navet  et 
de  la  rave  n'en  sont  pas  moins  très  dignes  d'intérêt.  Nous  sommes 
redevables  à  M.  Verity  d'observations  très  judicieuses  sur  toutes 
ces  Piérides,  et  c'est  justice  de  reconnaître  sa  compétence,  en  ce  qui 
concerne  ces  Lépidoptères. 


Pieris  Manni,  Mayer. 

En  France,  la  présence  de  la  Pieris  Manni  a  été  jusqu'à  présent 
constatée  par  moi  à  Angoulême;  Charroux  (Vienne);  Villeneuve- 
de-BIaye  (Gironde)  ;  Vernet-les-Bains  (Pyrénées-Orientales)  ;  Pont- 
du-Gard  (Gard);  Hyères  (Var)  ;  Digne,  Entrevaux  (Basses- 
Alpes),  et  Nice. 

Verity  a  eu  raison  d'écrire  (p.  159)  que  «  les  collectionneurs  ont 
malheureusement  une  tendance  à  dédaigner  de  récolter  le  vulgaire 
Papillon  du  chou,  ce  qui  fait  que  nous  n'avons  pas  de  connaissances 
suffisantes  sur  la  distribution  des  formes  pourtant  si  variées  et 
intéressantes  de  P.  rapce   ».  Je  confesse  que  jusqu'à  présent  nous 


128  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

ne  nous  sommes  pas  assez  préoccupés  en  France  de  nous  vulgaires 
Piérides,  et  c'est  à  cette  négligence  dont  nous  sommes  tous  plus  ou 
moins  coupables  qu'est  due  notre  ignorance  si  prolongée  de  l'exis- 
tence de  la  Picîis  Manni  dans  notre  faune. 

Bien  qu'ayant  moi-même  capturé  la  Piens  Manni  à  Raguse  et 
à  Florence,  je  restais  assez  sceptique  sur  la  valeur  de  cette  Manni, 
même  considérée  comme  variété  de  rapœ,  et  il  a  fallu  l'intervention 
de  Verity  pour  nous  faire  jouir  du  rayon  de  lumière  dont  il  est 
juste  de  lui  faire  honneur  et  de  lui  savoir  gré. 

Lorsque  je  reçus  à  Rennes,  vers  la  un  de  l'année  1907,  l'agréable 
visite  de  mon  jeune  ami  Roger  Verity,  je  profitai  des  enseignements 
qu'il  me  donna  sur  la  Fieris  Manni,  dont  quelques  individus  pris 
en  France  se  trouvaient  confondus  dans  ma  collection  avec  la 
Pieris  rapœ.  Nous  demandâmes  aussitôt  à  M.  Gabriel  Dupuy  s'il 
avait  trouvé  Manni  dans  la  campagne  d'iVngoulême,  si  favorisée 
au  point  de  vue  de  la  faune  entomologique.  La  réponse  ne  se  ût 
pas  attendre,  et  nous  pûmes  communiquer  à  M.  Verity  un  assez 
grand  nombre  de  Manni  qui  figuraient  au  titre  de  rapœ  dans  la 
collection  de  notre  ami  Dupuy,  tout  comme  il  en  existait  au  même 
titre  dans  la  nôtre. 

De  plus,  en  juillet  et  août  igo8,  mon  frère,  assisté  de 
MM.  Dayrem  et  H.  Powell,  se  livra,  aux  environs  de  Vernet-ies- 
Bains,  à  une  recherche  spéciale  de  la  Pieris  Manni,  dont  quelques 
échantillons  précédemment  récoltés  dans  les  Pyrénées-Orientales 
avaient  été  reconnus  dans  ma  collection. 

Les  recherches  de  mon  frère  et  de  ses  zélés  compagnons  de 
chasse  furent  couronnées  de  succès.  La  Pieris  Manni  peut  se  ren- 
contrer partout  aux  environs  de  Vernet,  à  l'état  isolé  et  pour  ainsi 
dire  erratique  ;  mais  il  y  a  une  pente  de  montagne  escarpée,  au  delà 
du  village  de  Castell,  en  remontant  le  cours  du  torrent  de  Cadi, 
oii  la  Pieris  Manni  a  fait  élection  de  domicile  et  où  elle  abonde. 
Son  vol  est  comparable  à  celui  de  VErebia  neoridas,  qui  habite 
dans  la  même  localité.  Le  cf  se  plaît  à  parcourir  d'un  vol  inter- 
mittent les  pentes  raides  des  montagnes  arides  où  pousse  la  cru- 
cifère qui  nourrit  sa  larve;  aussitôt  qu'un  nuage  voile  les  rayons 


LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE  I29 

du  soleil,  les  Pieris  Manni  se  cachent  et  cessent  de  voltiger.  La 
chenille  de  Manni  est  différente  de  celle  de  rafœ.  M.  H.  Powell 
l'a  élevée  cib  ovo.  La  jeune  chenille  a  toujours  la  tête  noire,  tandis 
que  rapœ,  de  la  même  période  évolutive,  a  la  tête  jaune  paille,  et 
elle  est  horriblement  cannibale.  Non  contentes  de  se  dévorer  entre 
elles,  les  chenilles  de  Manni  dévorent  même  les  œufs  de  leur  espèce. 
Si  on  nourrit  ensemble  des  chenilles  de  différente  taille,  les  grosses 
mangent  volontiers  les  petites.  Notamment,  lorsque  les  chenilles 
changent  de  peau  et  sont  incapables  de  se  défendre,  les  autres  les 
attaquent  et  les  dévorent  rapidement.  Dans  la  nature,  les  choses 
se  passent  sans  doute  ainsi;  les  chenilles  pouvant  se  trouver  grou- 
pées en  certain  nombre,  sur  une  même  touffe  d'iâeris  sempervirens. 

Les  papillons  éclosaient  à  Vernet-les-Bains,  à  la  fin  de 
juillet  1908,  pendant  tout  le  mois  d'août  et  encore  on  en  trouvait 
de  très  frais  dans  les  premiers  jours  de  septembre.  D'après  les 
observations  de  Verity,  la  forme  Manni  d'Angoulême  se  distingue 
de  la  race  italienne,  qui  a  le  revers  des  ailes  inférieures  d'un  blanc 
jaunâtre,  par  la  couleur  d'un  beau  jaune  très  vif  du  revers  de  ces 
mêmes  ailes. 

La  Pieris  Manni  a  deux  formes  saisonnières  :  la  première  vernale 
garde  le  nom  Manni;  la  seconde  estivale  a  été  appelée  Rossii. 

C'est  surtout  la  forme  estivale  de  Vernet-les-Bains  que  nous 
connaissons.  J'en  ai  sous  les  yeux  une  centaine  d'exemplaires  des 
deux  sexes  et  je  remarque  chez  plusieurs  d'entre  eux  une  particu- 
larité que  Verity  a  déjà  signalée,  chez  les  Manni  Rossii  d'Italie; 
c'est  une  tache  noirâtre  plus  ou  moins  accentuée  sur  l'aile  inférieure 
en  dessus,  située  entre  la  cellule  et  le  bord  marginal.  Cette  tache 
pourrait,  dans  certains  échantillons,  se  trouver  reliée  à  la  tache 
noire  costale  de  l'aile  inférieure  par  une  série  continue  d'atomes 
noirs;  car  je  remarque  chez  quelques  exemplaires  de  Vernet  une 
tendance  au  prolongement  de  la  tache  noire  costale  vers  cette  tache 
sous-médiane,  de  telle  façon  qu'il  ne  reste  plus  que  l'espace  intra- 
nervural  central  à  traverser  pour  que  la  jonction  soit  établie  entre 
les  deux  taches. 

M.  II.  Powell,  qui  a  étudié  très  attentivement  les  premiers  états 


130  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

de  la  Pieris  Manni,  a  écrit  à  ce  sujet  une  notice  qui  doit  paraître 
bientôt  dans  une  publication  entomologique  anglaise  (*). 

Je  pense  que  la  race  française  de  Manni,  tout  au  moins  celle  qui 
habite  les  Pyrénées-Orientales,  mérite  d'être  distinguée  par  un  nom  ; 
mais  j'attends  pour  cela  à  mieux  connaître  la  forme  printanière 
de  Vernet,  dont  je  ne  possède  que  trop  peu  d'exemplaires,  et  aussi 
les  autres  formes  françaises  aussi  bien  vernales  qu'estivales,  aiin 
d'avoir  des  éléments  suffisants  de  comparaison  avec  les  races 
d'Italie  et  de  Grèce.  Quoi  qu'il  en  soit,  la  Pieris  Manni  est  une 
espèce  séparée  et  non  une  variété  de  rapœ,  et  elle  est  bien  authen- 
tiquement  française. 

La  Pieris  Manni  se  trouve  au  Japon  (île  Shikoku)  et  en  Chine 
d'oij  je  ne  crois  pas  qu'on  l'ait  encore  signalée. 


Pieris  rapae,  Linné. 

Verity  a  copieusement  illustré  l'histoire  de  la  Pieris  ra-pœ,  en 
reproduisant  par  la  photographie  en  couleurs  un  très  grand 
nombre  d'échantillons,  de  provenance  variée,  de  cette  espèce.  C'est 
à  l'ouvrage  Rhopalocera  palœarciica  qu'il  faut  donc  recourir  pour 
l'étude  des  formes  diverses  rendues  par  la  photographie  avec  une 
exactitude  que  rien  ne  saurait  dépasser.  Il  y  a  cependant  une 
réserve  à  faire  à  propos  de  la  figure  de  novangliœ,  Scudder. 

La  Pieris  rapœ  habite  toute  l'Europe,  l'Algérie,  une  partie  de 
l'Asie  et  elle  s'est  répandue,  il  y  a  une  cinquantaine  d'années,  en 
Amérique  où  a  été  trouvée  cette  forme  novangliœ,  Scudder,  dont 
j'ai  fait  figurer  un  cf  dans  la  XX^  livraison  des  Etudes  d'Ento- 
mologie (PI.  I,  fig.  7).  Cet  exemplaire,  envoyé  par  Scudder  à  feu 
le  D""  Boisduval,  est  d'un  jaune  canari  vif,  en  dessus  comme  en 


(*)  La  publication  a  eu  lieu  dans  The  Entomologisf s  Record  and  Journal 
of  Variation  edited  by  J.  W.  Tutt,  15  mars  1909,  sous  le  titre:  Notes  on  the 
early  stages  and  habits  of  Pieris  Manni,  Mayer  (vvith  plate)  by  II.  Powell, 
F.  E.  S.    {p.  66-72). 


LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE  I3I 

dessous.  La  Q  figurée  comme  jtovangliœ  par  Verity,  sous  le  n"  42 
de  la  PI.  XXXIII,  et  prise  en  Italie,  n'a  aucun  rapport  de  couleur 
avec  le  (S  américain,  et  je  me  demande  comment  Verity  a  pu  com- 
mettre la  faute  d'appeler  novangliœ  cet  échantillon  italien.  11  est 
vrai  que  l'ayant  déjà  fait  exactement  représenter,  j'ai  jugé  inutile 
d'exposer  un  papillon  précieux  et  historique  à  un  voyage  plein  de 
périls,  et  c'est  pourquoi  Verity  a  manqué,  dans  cette  circonstance, 
du  document  authentique  dont  la  publication  avait  déjà  été  assurée 
par  mes  soins. 

La  Pieris  napi  est  très  commune  dans  les  Iles  Britanniques,  en 
France  et  en  Algérie.  Elle  paraît  dès  le  premier  printemps  et  a  une 
éclosion  de  fin  d'été,  de  telle  sorte  qu'on  la  voit  voltiger  depuis  le 
mois  de  mars  jusqu'à  la  Toussaint.  Cependant,  dans  les  régions 
montagneuses,  la  durée  de  son  apparition  est  plus  courte;  elle 
commence  plus  tard  et  finit  plus  tôt. 

Il  y  a  deux  formes  saisonnières  :  celle  du  printemps,  avec  l'apex 
plus  gris,  les  taches  noires  moins  accentuées  et  la  pilosité  thoracique 
plus  développée;  celle  d'été,  avec  les  taches  noires  plus  nettes,  le 
thorax  et  l'abdomen  plus  ras  et  plus  blancs. 

Je  possède  un  hermaphrodite  côté  gauche  g,  côté  droit  cf,  pris 
par  M.  l'iVbbé  Mège,  dans  son  jardin,  à  Villeneuve-de-Blaye,  le 
12  mai  1893. 

Les  O  de  l'arrière-saison  ont  souvent  le  fond  des  ailes,  en  dessus, 
coloré  de  jaune  safrané  pâle.  Les  taches  des  ailes  supérieures 
peuvent  aussi  confluer  et  former  une  bande  continue,  comme  le 
n°  41  de  la  PI.  XXXIII  des  Rhopalocera  palœarctica.  Cette  Aber- 
ration se  rencontre  plus  fréquemment  en  Chine  que  chez  nous. 

Pieris  brassicae,  Linné. 

La  Piéride  du  Chou  est  commune  certaines  années,  au  point  que 
sa  chenille  est  un  fléau  pour  les  jardins  potagers;  d'autres  années, 
elle  se  raréfie.  Elle  se  trouve  dans  une  grande  partie  de  l'Europe, 
en  Algérie  et  au  Sikkim. 

Le  Papillon  éclôt  deux  fois  par  an,  au  printemps  et  en  été. 


132  LEPIDOPTEROLOGIE   COMPARÉE 

Ma  collection  contient  des  exemplaires  de  :  C^  de  Kerry,  en 
Irlande;  Rennes;  Dunes  de  Vendée;  Angoulême;  Vernet-les-Bains; 
Digne;  Nice,  Villefranche  et  Menton;  Chamounix;  Sicile;  Cadix; 
Villaviciosa-de-Odon,  en  Castille;  Philippeville  et  Sebdou,  en 
Algérie;  Larnaca,  dans  l'île  de  Chypre;  Namangan;  Kurseong, 
Senchal  et  Lachin-Lachoong,  au  Sikkim;  Ta-pin-tze,  au  Yunnan. 

Je  possède  une  Aberration  obscurata,  Obthr.,  tout  à  fait  nigri- 
cante,  prise  à  Paris  et  que  j'ai  fait  figurer  sous  le  n°  5  de  la  PI.  I 
de  la  XX^  livraison  des  Etudes  d'Entomologie. 

Dans  l'île  de  Chypre,  il  y  a  une  forme  lilliputienne  de  la  Pleris 
brassicœ;  certaines  Q  ne  sont  pas  de  taille  égale  aux  individus 
ordinaires  de  rapœ.  Verity  a  désigné  cette  forme  sous  le  nom  de 
cypia. 

Aux  îles  Canaries,  la  Pieris  brassicœ  offre  la  superbe  race 
cheiranthi,  chez  laquelle  les  taches  noires  confluent  en  dessus, 
comme  en  dessous,  en  une  épaisse  macule. 

La  forme  de  printemps  de  la  Fieris  brassicœ,  là  011  cette  espèce 
éclôt  deux  fois,  a  reçu  le  nom  de  chariclea. 


Zegris  Eupheme,  Esper. 

Cette  brillante  Piéride,  pendant  les  heures  chaudes  du  jour,  a  le 
vol  extrêmement  vif  et  rapide  et  sa  poursuite  constitue  un  sport 
des  plus  intéressants. 

Lors  du  premier  voyage  que  je  fis  en  Espagne,  au  printemps  de 
l'année  1867,  ayant  mon  excellent  ami  Gaston  Allard  pour  com- 
pagnon, j'éprouvai  une  joie  entomologique  dont  j'évoque  toujours 
avec  plaisir  l'agréable  souvenir,  lorsque,  pour  la  première  fois,  je 
capturai  la  Zegris  Eupheme. 

C'était  dans  le  beau  pays  de  Grenade,  le  31  mars  1867.  Nous 
avions  pour  guide  un  vieil  Andalous  nommé  Agustin  Arguelies. 
Nos  amis  D.  L.  Perez-Arcas  et  Serafin  de  Uhagon,  dont  les 
recherches  et  les  travaux  ont  tant  profité  au  progrès  de  la  connais- 
sance de  la  faune  entomologique  espagnole,  nous  avaient  mis  en 


LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE  I33 

relation  avec  ce  chasseur  de  papillons.  Jadis,  nous  dit-il,  il  avait 
connu  Rambur  et  plus  récemment  Otto  Staudinger.  Argiielles  ne 
quittait  point  son  ample  et  long  manteau  de  couleur  brune,  qui 
pourtant  gênait  considérablement  ses  mouvements.  Je  le  vois 
encore,  lorsque  ma  pensée  se  reporte  vers  ce  passé  lointain,  sec  et 
droit,  avec  son  teint  basané,  s' appuyant  sur  un  filet  longuement 
emmanché  et  coiffé  d'un  chapeau  à  haute  forme.  Ensemble  nous 
parcourions  ces  champs  très  peu  cultivés,  çà  et  là  bordés  de  cactus 
épineux,  s'étendant  en  pente  plus  ou  moins  rapide,  au-dessus  de 
la  Fonda  de  los  siete  Suelos,  non  loin  du  Palais  merveilleux  de 
l'Alhambra.  C'est  dans  ces  parages  que  nous  voyions  les  Zegris 
Eupheme,  emportés  par  leur  vol  puissant,  passer  à  tire  d'aile  devant 
nous.  Argiielles  était  le  témoin  des  belles  courses  que  nous  four- 
nissions, Gaston  Allard  et  moi,  à  la  poursuite  des  Zegris.  Mais 
lui-même  se  déplaçait  fort  peu.  Pourtant  il  prit  une  Q  qui  existe 
encore  dans  ma  collection,  pourvue  d'une  étiquette  oii  sont  résumés 
tous  ces  souvenirs.  Argiielles  nous  appelait,  en  criant  :  «  He  cogido 
la  Zcgri  !  una  hembra  !  una  hembra  !  »  Ce  fut  d'ailleurs  sa  seule 
capture,  ce  jour-là;  mais  il  en  paraissait  bien  fier. 

En  avril  et  mai  1867,  nous  réussîmes  à  capturer  quelques  Zegris, 
tant  à  Grenade  qu'à  Madrid,  où  l'espèce  n'est  pas  très  rare  sur  les 
côtés  de  la  route  qui  conduit  au  Pardo.  Plus  tard,  en  mai  1894, 
m'étant  de  nouveau  rendu  en  Andalousie  avec  deux  de  mes  fils, 
je  capturai  une  vingtaine  de  Zegris,  aussi  bien  à  Grenade,  aux 
mêmes  lieux  011  je  les  avais  poursuivies  27  ans  auparavant,  que  dans 
la  vallée  de  Ronda,  entre  les  stations  de  Jimera  et  Benoajan. 

L'espèce  varie  pour  la  taille;  je  possède  un  çS  de  Madrid,  dont 
les  ailes  inférieures,  en  dessus,  sont  lavées  de  jaune  orangé,  et  une 
Q  de  Rivas,  appelée  liictifua  par  Verity,  ayant  l'apex  des  i.iles 
noir  et  dépourvu  de  couleur  aurore. 

Par  un  temps  très  calme,  vers  le  soir  d'un  beau  jour,  si  l'on  peut 
trouver  une  localité  o\x  croît  quelqu'une  des  espèces  de  crucifères 
qu'affectionne  la  Zegris  Eupheme,  par  exemple  un  champ  de 
céréales  dans  lequel,  au  milieu  des  tiges  de  blé,  se  sont  développés 
des  Sinapis,  raphanus,  lepidium  ou  sisymbriitm,  on  peut  avoir  la 


134  LEPIDOPTEROLOCxIE   COMPARÉE 

chance  de  voir  les  Zegris  cf  arriver  en  voletant  au-dessus  de  ces 
plantes,  en  attendant  de  s'y  reposer.  Déjà  des  Q  peuvent  s'y  être 
fixées  et  les  Zegris  cf  produisent  alors  des  mouvements  de  vol 
extrêmement  gracieux;  en  outre,  ils  sont  bien  plus  faciles  à  prendre 
que  pendant  l'ardeur  du  soleil. 

Une  fois,  à  Carthagène,  mon  frère  se  trouva  en  présence  d'une 
assez  grande  quantité  de  Zegris  arrivant  ensemble  pour  se  reposer 
sur  leurs  plantes  préférées.  Il  pouvait  cueillir  des  exemplaires  à  la 
main  et  sans  s'aider  du  filet.  Je  crois  que  dans  la  vallée  dite  de 
Ronda,  entre  cette  ville  et  Algésiras,  il  y  a  de  nombreuses  localités 
où  la  Zegris  Eupheme  doit  être  très  abondante.  J'ai  toujours 
regretté  que  le  temps  ayant  cessé  d'être  favorable  au  mois  de 
mai  1894,  lorsque  j'étais  dans  ces  parages,  et  la  pluie  s'étant  mis 
à  tomber  à  torrents,  cette  circonstance  m'ait  empêché  d'y  faire  une 
récolte  plus  abondante  de  cette  belle  Piéride,  dont  il  me  semble 
qu'il  eût  été  possible  de  recueillir  une  intéressante  série. 

On  n'a  pas  encore  rencontré  la  Zegris  Eupheme  en  Algérie. 

L'espèce  se  trouve  dans  la  Russie  méridionale  et  la  Turquie 
d'Asie;  mais  elle  manque  dans  les  contrées  d'Italie  et  de  Turquie 
d'Europe,  pourtant  situées  entre  la  péninsule  ibérique  et  la  région 
orientale  également  habitée  par  la  Zegris  Eupheme. 

La  forme  espagnole  est  différente  des  formes  de  Russie  et 
d'Asie-Mineure;  elle  est  distinguée  sous  le  nom  de  meridionalis. 

C'est  Rambur  qui  découvrit  en  Andalousie  la  Zegris  Eupheme, 
lors  du  voyage  entomologique  qu'il  effectua  dans  cette  contrée, 
durant  les  années  1834  et  1835.  De  Graslin,  ami  de  Rambur,  alla 
le  retrouver  en  1835;  mais  il  fut  privé  du  plaisir  de  pouvoir 
capturer  la  Zegris  Eupheme. 

«  J'aperçus,  dit-il  {^Ann.  Soc.  ent.  France,  1836,  p.  550),  une  ou 
deux  fois,  parmi  les  Pieris  Daplidice,  une  espèce  nouvelle  déjà 
découverte  par  M.  Rambur  et  qui,  voisine  des  Anthocharis,  doit 
cependant  former  un  genre,  d'après  les  observations  de  cet  Ento- 
mologiste; elle  vole  avec  une  rapidité  désolante.  Malgré  l'ardeur 
avec  laquelle  je  me  précipitai  après  elle,  à  travers  les  rochers  et  les 


LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE  135 

buissons,  j'eus  le  chagrin  de  la  voir  disparaître,  sans  pouvoir  en 
saisir  un  seul  individu   ». 

Rambur  a  donné  d'excellentes  figures  de  la  Zegris  Eiipheme.  -. 
chenille,  chrysalide  et  papillons,  sur  la  PI.  XI  de  la  Faune  de 
V Andalousie,  publiée  en  1839.  La  description  est  'tout  au  long 
imprimée  sur  les  pages  247  à  250  de  cet  ouvrage  qui  entreprend 
plusieurs  ordres  d'Insectes  et,  après  les  avoir  effleurés,  n'en  achève 
aucun.  L'exemplaire  de  ma  bibliothèque  porte  une  dédicace  de 
Rambur  à  son  ami  Graslin.  Ces  Entomologistes  si  zélés,  et  qui 
restèrent  toujours  unis  par  les  liens  d'une  fidèle  amitié,  firent  en 
Andalousie  de  belles  découvertes.  Rambur  mourut  à  Genève,  le 
10  août  1870,  et  de  Graslin  écrivit  son  éloge  funèbre  qui  fut 
imprimé  dans  les  Annales  de  la  Société  entomologique  de  France 
de  l'année  1872  (p.  297-306).  A  son  tour,  de  Graslin  succomba  le 
31  mai  1882,  au  château  de  Malitourne,  près  Château-du-Loir.  Je 
pus  acquérir  son  intéressante  collection  et  la  joindre  à  celles  des 
Lépidoptéristes  français,  les  Boisduval,  les  Guenée  et  les  Bellier 
de  la  Chavignerie,  qui  se  sont  consacrés  avec  tant  d'ardeur  à  l'étude 
de  l'Entomologie  et  dont  nous  honorerons  toujours  la  mémoire. 


Anthocharis  Euphenoides,  Stgr. 

Les  Anthocharis  justifient  parfaitement  leur  vocable,  car  ils  ont 
vraiment  une  grâce  égale  à  celle  des  fleurs.  Ce  sont  des  papillons 
légers  et  agiles  qui  chez  nous  commencent  à  éclore  au  printemps  et 
qui  nous  charment  toujours,  lorsque  nous  les  voyons  voltiger  au 
milieu  des  campagnes  fleuries. 

\J Euphenoides,  ou  aurore  de  Provence,  est  répandue  dans  les 
départements  de  la  Provence  et  du  Languedoc  qui  bordent  la 
Méditerranée,  ainsi  que  dans  les  Pyrénées-Orientales.  Elle  habite 
aussi  les  Basses-Alpes;  nous  l'avons  prise  à  la  fontaine  de  Vaucluse 
et  en  divers  lieux  de  l'Andalousie  et  de  la  Castille.  De  Sélys- 
Longchamps  l'a  trouvée  dans  la  vallée  de  Luz.  Il  est  bien  possible 
qu'accidentellement  on  voie  des   cf  voler  très   loin   de  leur  lieu 


136  LÉPIDOPTÉROLOGIE    CO^IPARÉE 

d'origine.  J'ai  souvent  remarqué  des  Euphenoîdes  çS  montant 
d'Olette  vers  Mont-Louis  et  suivant  les  sinuosités  de  la  route  pen- 
dant assez  longtemps.  Ils  parvenaient  ainsi  à  une  altitude  très 
élevée  d'oii  un  coup  de  vent  pouvait  les  emporter  plus  loin  encore; 
mais  la  patrie  de  \ Anthocharis  Eîiphenoides  ne  paraît  guère 
s'étendre  en  France  au  delà  des  départements  des  Alpes-Maritimes, 
du  Var,  des  Bouches-du-Rhône,  de  Vaucluse,  des  Basses-Alpes, 
du  Gard,  de  l'Hérault,  de  l'Aude  et  des  Pyrénées-Orientales.  Je 
crois  que  les  exemplaires  observés  en  dehors  de  ces  limites  n'y 
paraissent  qu'à  l'état  erratique  et  accidentel. 

J'ai  pris  plusieurs  intéressantes  variétés  d'Enphenoides  -.  un  cf, 
à  Vernet-les-Bains,  en  juin  1887,  dont  la  tache  apicale  est  d'un 
orangé  pâle;  un  autre  cf,  la  même  année  et  au  même  lieu,  généra- 
lement pâle  et  ayant  l'apex  des  supérieures  gris;  un  cf,  quadri- 
punctata,  au  Pont-du-Gard,  localité  entomologique  superbe  et  trop 
peu  fréquentée,  ayant  un  point  discoïdal  noir  sur  les  ailes  infé- 
rieures et  le  bord  des  mêmes  ailes  inférieures,  en  dessus,  bordé  de 
rouge.  La  collection  Bellier  contenait  un  cf,  de  Montpellier,  très 
mélanisant  et  chez  qui  la  tache  orangée  est  intérieurement  limitée 
par  un  trait  noir  très  épais  qui  absorbe  le  croissant  noir  cellulaire. 
Dans  la  même  collection  se  trouvait  un  cf  de  Digne  dont  la  partie 
principale  médiane  de  la  tache  aurore  est  absente  en  dessus  comme 
en  dessous.  L'espace  normalement  aurore  reste  hyalin.  La  collection 
Boisduval  renfermait  un  hermaphrodite  côté  gauche  Q  et  coté 
droit  cf,  et  un  cf  aberrant  par  suppression,  autour  de  la  tache 
aurore  apicale,  de  toutes  les  parties  noirâtres.  M.  Fabresse  a  pris 
dans  la  vallée  de  Ronda,  en  juin  igo6,  un  cf  dont  le  bord  marginal 
apical  est  de  couleur  aurore  un  peu  plus  pâle  que  la  tache  elle- 
même,  mais  non  obscurcie  comme  chez  les  individus  normaux.  La  Q 
est  également  très  variable;  sur  les  ailes  supérieures,  en  dessus,  sa 
tache  apicale  d'un  fauve  orangé  bruni  est  de  teinte  plus  ou  moins 
foncée;  un  la^vis  safrané  s'étend  parfois  entre  cette  tache  apicale 
et  le  croissant  cellulaire  noir;  les  ailes  inférieures,  en  dessus,  sont 
blanches,  ou  jaunes,  ou  même  couvertes  d'un  lavis  orangé  pâle. 

Dans  la  région  montagneuse   des  Pyrénées-Orientales,   Eiiphe- 


LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE  137 

noides  vole  du  mois  d'avril  au  mois  d'août.  Le  papillon  ne  cesse 
d'éclore  pendant  4  à  5  mois  consécutifs  et  on  trouve  en  même 
temps  que  l'insecte  parfait,  la  chenille  vivant  sur  la  biscutella 
didyma,  crucifère  à  fleurs  jaunes.  Les  chenilles  sont  cannibales  et 
se  dévorent  entre  elles.  Le  papillon  posé  sur  la  biscutella  didyma 
se  confond  facilement,  une  fois  ses  ailes  fermées,  avec  la  fleur 
jaune  de  sa  plante  nourricière. 

Dans  la  collection  Boisduval  se  trouvait  un  Euphenoides  avec 
l'étiquette  :  Crimée;  cet  individu  est  petit  et  constituerait  une  race 
spéciale  si  tous  les  Euphenoides  de  Crimée  sont  analogues.  Bois- 
duval l'avait  distingué  sous  le  nom  de  btsaitcllœ. 

Les  Euphenoides  c?  ont  tantôt  la  tache  orangée  intérieurement 
soulignée  de  noir,  comme  chez  certains  Cardamines  d'Asie-Mineure, 
tantôt,  au  contraire,  dépourvue  de  toute  séparation  noirâtre  d'avec 
le  fond  jaune  des  ailes.  Cette  dernière  forme  est  plus  rare  que 
l'autre;  j'en  possède  seulement  des  exemplaires  pris  à  Vemet-les- 
Bains  et  je  l'ai  appelée  :  vernetensis.  J'ignore  ce  qu'est  exactement 
la  var.  lecithosa,  Turati.  Il  semble  qu'elle  réside  dans  la  nuance 
de  la  tache  apicale;  et  malheureusement  la  figure  n'est  pas  coloriée. 


Anthocharîs  Eupheno,  Linné. 

Exclusivement  répandue  en  Barbarie;  ne  se  trouve  point  en 
Europe,  où  elle  est  remplacée  par  Euphenoides.  Assez  commune 
à  Lambèze,  Alger,  Sebdou,  Mecheria,  Aïn-Khala,  en  Tunisie  et  à 
Tanger,  depuis  le  mois  de  mars  jusqu'en  mai,  suivant  les  localités. 
La  Q  est  très  variable.  Certains  exemplaires  Q  ont  le  fond  des 
4  ailes  entièrement  blanc  en  dessus;  d'autres  ont  les  ailes  inférieures 
plus  ou  moins  lavées  jaune  ou  de  safrané.  La  tache  apicale  des 
ailes  supérieures  est  aussi  très  variable;  tantôt  elle  se  trouve  limitée 
à  une  forme  nettement  triangulaire,  tantôt  elle  se  développe  en  un 
lavis  orangé  jusqu'au  croissant  d'un  gris  noirâtre  qui  clôt  la  cellule. 
De  plus,  cette  tache  apicale  est,  chez  certaines  Q,  plus  ou  moins 
rembrunie,  tandis  que  chez  d'autres  exemplaires    Q,  elle  est  d'une 


138  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

teinte  orangée  très  vive.  A  Mogador  (Maroc),  Leech  avait  trouvé 
une  race  qu'il  a  appelée  Androgyne,  de  grande  taille,  chez  qui  la 
tache  apicale  orangée  de  la  Q  est  très  développée. 

Pierret  et  Boisduval,  considérant  YAîirore  de  Provence  comme 
VEîipheno,  de  Linné,  avaient  appelé  Douei  VEupheno  véritable, 
qui  est  spécial  à  la  Barbarie.  La  description  du  Systema  Natures 
ne  laisse  aucun  doute.  C'est  Staudinger  qui  a  eu  le  mérite  de  cor- 
riger une  erreur  qui  s'était  accréditée  très  longtemps,  sur  la  foi  des 
figures  et  de  la  description  d'Esper,  qui  cependant  relate  (p.  321, 
en  note)  le  texte  même  du  Systema  Naturœ  commençant  par  ce? 
mots  :  Hab.  in  Barbaria. 


Anthocharis  cardamines,  Linné. 

Habite  l'Irlande  et  l'Angleterre;  se  rencontre  depuis  la  Péninsule 
armoricaine  jusqu'au  Su-tchuen,  sur  les  frontières  orientales  du 
Thibet;  a  été  récoltée  en  Corse  et  en  Sicile;  n'a  pas  été  observée 
en  Algérie;  fréquente  les  plaines,  oh  elle  éclôt  au  printemps,  et  les 
montagnes,  où  elle  paraît  en  été;  s'élève  dans  les  Pyrénées- 
Orientales  jusqu'à  la  prairie  de  Mariailles  vers  1,800  mètres  d'alti- 
tude; est  généralement  abondante  et  présente  quelques  variations 
géographiques  remarquables. 

Il  faut  citer  d'abord  la  forme  tiirritis,  surtout  répandue  en  Italie 
méridionale  et  en  Asie-Mineure,  chez  laquelle  la  tache  aurore  du  cf 
s'arrête  à  la  cellule  discoïdale  et  ne  la  dépasse  pas. 

Mais  la  plus  caractérisée  des  races  géographiques  me  paraît  être 
celle  que  j'ai  appelée  thibetana;  elle  est  généralement  grande;  le  cf, 
en  dessus,  a  les  ailes  plus  ou  moins  lavées  de  jaune;  la  tache  aurore 
est  d'une  teinte  plus  orangée  et  moins  rouge  que  chez  les  exemplaires 
européens.  La  Q  a  la  tache  apicale  grise  et  très  faiblement  accentuée. 
Je  possède  un  çS  pris  par  feu  l'abbé  Armand  David,  à  3,000  mètres 
d'altitude,  en  juin,  dans  le  Thibet  oriental.  Cardamines  thibetana 
est  abondant  à  Tà-tsien-Lou,  localité  dont  la  faune  est  tout  à  fait 
paléarctique. 


LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE  139 

Une  autre  race  est  celle  d'Asie-Mineure,  appelée  Phœnissa,  Kbg. 
{lahresbericht  d.  Wien.  ent.  Ver.,  i8g6;  PI.  I,  fig.  3,  4).  Elle  est 
presque  toujours  iuniiis,  c'est-à-dire  que  la  tache  aurore  du  cf  s'ar- 
rête au  point  noir  discoïdal.  Ce  point  noir  est  gros;  chez  quelques 
exemplaires,  la  tache  aurore  est  soulignée  de  noir  comme  chez 
Euphenoides,  et  elle  se  trouve  alors  entièrement  entourée  de  noi- 
râtre; c'est  cette  forme  qui  est  figurée  (loc.  cit.)  par  A.  V.  Kalchberg. 
La  g  Phœnissa  a  l'apex  gris  traversé  par  des  rayons  blancs,  au 
contact  du  bord  terminal,  à  peu  près  comme  chez  thibetana,  de 
sorte  que  l'apex  est  beaucoup  moins  obscur  chez  Phœnissa  que  dans 
nos  cardamines  d'Europe. 

Au  Fort-Naryne,  dans  le  Turkestan  oriental,  M.  S.  Akulin  a 
recueilli  une  race  grande,  à  tache  aurore  très  vive  et  s'étendant,  au 
contraire  de  tnrrilis,  bien  au  delà  du  point  noir  cellulaire  des  ailes 
supérieures.  Je  crois  que  c'est  la  forme  orientalis  dont  parle  Verity 
{Rhop.  falœarct.,  p.  190). 

Dans  la  région  du  Baïkal,  aux  environs  d'Irkoust,  M.  Chaffanjon 
a  trouvé  et  envoyé  au  Muséum  National  de  Paris,  qui  a  eu  l'obli- 
geance de  m'en  faire  part,  une  race  de  cardamines,  sans  doute  très 
analogue  à  Sajana,  Bang-Haas,  in  litt.,  citée  par  Verity  dans  la 
revision  des  formes  géographiques  de  cardamines.  Sajana  des 
environs  d'Irkoust  a  le  point  cellulaire  très  petit  et  la  tache  aurore 
très  prolongée  et  se  fondant  pour  ainsi  dire  en  une  nuance  d'un 
blanc  un  peu  jaunâtre  à  la  base  des  ailes  supérieures. 

Ces  variations  sont  d'ailleurs,  avec  les  autres  que  cite  Verity, 
mentionnées  dans  l'ouvrage  de  Seitz  :  Les  Macrolépidoptères  du 
Globe,  à  la  page  54  de  l'édition  en  langue  française. 

En  Bretagne,  nous  trouvons  quelquefois  la  forme  C?  britamnca, 
Verity,  chez  laquelle  le  limbe  apical  noirâtre  descend  jusqu'à  l'angle 
interne.  Dans  ces  exemplaires,  le  point  noir  est  gros  et  la  tache 
aurore  s'arrête  au  point  noir,  comme  dans  la  variété  turritis. 

Les  Aberrations  sont  assez  nombreuses. 

Verity  signale  :  imniaculata,  chez  laquelle  le  trait  discoïdal  des 
supérieures  est  presque  nul.  Je  possède  plusieurs  cT  des  Basses- 
Alpes  appartenant  "à  cette  aberration. 


140  LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE 

Je  n'ai  jamais  vu  quadripimctaia  avec  un  trait  noir  discoïdal  sur 
les  4  ailes;  je  ne  connais  cette  Aberration  que  chez  un  Euphenoides 
pris  par  moi  au  Pont-du-Gard. 

Les  exemplaires  citronea,  dont  la  base  des  ailes  supérieures  est 
lavée  de  jaune,  en  dessous,  sont  très  fréquents. 

Quant  à  l'Aberration  lutea,  oii  la  tache  orangée  est  remplacée 
par  du  jaune  pur,  je  possède  3  cf  qui  s'en  rapprochent,  mais  ne 
sont  cependant  pas  lutea\  l'un,  provenant  de  la  Prusse  orientale 
(ex-collection  Wiskott),  a  la  tache  apicale  d'un  jaune  citron  clair 
et  tendant  au  verdâtre.  Ce  qui  est  curieux,  c'est  qu'un  Zegris 
Pyrotho'é  cf,  de  la  même  collection  et  qui  est  maintenant  joint  à 
la  mienne,  présente  exactement  la  même  Aberration  ;  la  tache  apicale 
normalement  rouge  étant  remplacée  par  une  tache  d'un  jaune  citron 
verdâtre  semblable,  j'appelle  ces  deux  Aberrations  :  flavido 
virescens. 

Un  autre  cf,  d'Angleterre,  a  la  tache  apicale  rose  saumon,  et 
enfin  le  3®  çS,  pris  à  Chantilly,  par  mon  frère,  le  24  mai  1903, 
exemplaire  très  grand  et  superbe,  a  la  tache  apicale  d'un  jaune 
safrané  très  pâle.  L'Aberration  anglaise  pourrait  être  assez  juste- 
ment appelée  :  salmonea  et  celle  de  Chantilly  :  sassafrana. 

L'Aberration  g  ochrea  est  fréquente;  elle  désigne  les  Q  dont 
le  disque  des  ailes  inférieures,  en  dessus,  est  lavé  de  jaune  plus 
ou  moins  fauve  ou  orangé. 

Enfin  l'hermaphrodite  coinniaculata  se  rencontre  parfois  dans 
cardamincs  aussi  bien  que  chez  Rhodocera  Cleopatra;  ce  sont  des 
Q  dont  les  ailes  supérieures  sont  plus  ou  moins  maculées  à  l'apex 
de  la  teinte  rouge  aurore  qui  caractérise  les  cf.  Chez  Cardaniines, 
l'hermaphrodite  complet  a  été  plusieurs  fois  observé.  J'en  possède 
un  exemplaire  côté  gauche  cf,  côté  droit  Q,  pris  à  Chartres.  Du 
côté  Q ,  en  dessous,  on  voit  quelques  taches  rougeâtres  entre  le  point 
discoïdal  noirâtre  et  l'apex. 

Mon  frère  eut  un  jour  le  regret  de  voir  passer  devant  lui,  sans 
pouvoir  le  saisir,  un  cardamincs  hermaphrodite.  C'était  dans  la 
forêt  de  Randai,  au-dessus  de  Vernet-les-Bains,  à  une  altitude  de 
1,600  à  1,700  mètres.  Le  site  était  impossible  à  parcourir,  le  sol 


LEPIDOPTEROLOGIE   COMPARÉE  I4I 

étant  en  pente  rapide  et  couvert  d'un  épais  tapis  de  rhododendron 
ferrugineiun.  Le  cardajuines  hermaphrodite  volait  rapidement  et 
disparut,  mais  non  sans  avoir  été  l'objet  d'une  observation  qui  ne 
laisse  place  à  aucun  doute. 

A  Rennes  même,  M.  Danzanvilliers,  horticulteur,  nous  infoima, 
il  y  a  quelques  années,  qu'il  avait  été  surpris  de  voir  dans  son 
jardin  un  papillon  dont  les  ailes  n'étaient  pas  symétriques.  Ce 
Lépidoptère  avait  une  tache  aurore  sur  une  aile,  tandis  que  l'aile 
opposée  en  était  dépourvue.  Cette  singularité  l'ayant  frappé,  il 
voulut  bien  nous  en  faire  part.  Evidemment  ce  papillon  singulier 
était  un  cardamines  hermaphrodite. 

Je  possède  une  Q  provenant  de  l'ancienne  collection  Reynauld, 
de  Lyon.  Aux  2  ailes  supérieures,  le  point  discoïdal  noir  est  trans- 
formé en  une  tache  longue  et  épaisse,  en  dessus  comme  en  dessous, 
et  tendant  vers  la  tache  apicale  noirâtre  qu'elle  n'est  pas  bien  lom 
d'atteindre  (Ab.  nigrocellularis). 

Le  Papillon  Aurore,  comme  l'appelle  le  R.  P.  Engramelle,  est 
un  des  plus  gracieux  Lépidoptères  de  la  faune  européenne.  Sa  vue 
réjouit  toujours  les  yeux,  lorsqu' après  les  rigueurs  de  l'hiver,  il 
paraît,  tel  un  ûdèle  messager  du  printemps,  au  milieu  des  prés  en 
fleurs  ou  dans  les  allées  des  bois,  sous  les  frondaisons  nouvelles. 

En  Bretagne,  il  y  a  encore  des  chemins  creux,  tracés  entre  les 
champs,  assez  larges  pour  y  laisser  passer  les  voitures  chargées  des 
produits  de  la  campagne,  mais  semblant  être  quelquefois  un  véri- 
table couloir  de  verdure,  aussi  bien  grâce  aux  plaques  de  gazons 
ras  qui  recouvrent  le  sol  qu'à  cause  de  la  végétation  très  variée  dont 
sont  ornés  les  talus  qui  bordent  ces  sentiers.  Je  connais  tout  près 
de  Rennes  et  à  l'Est  de  la  ville,  un  de  ces  chemins  creux.  Il  se 
profile  sur  le  flanc  d'un  coteau,  au-dessus  de  la  route  de  Paris, 
parallèlement  à  cette  grande  voie,  presque  jusqu'au  bourg  de  Cesson. 

Au  printemps,  le  flanc  du  talus  qui,  par  la  pente  naturelle  du 
sol,  est  le  plus  haut  et  se  trouve  exposé  au  midi,  est  rempli  de 
primevères  et  de  violettes  en  fleurs,  de  genêts,  de  rosiers  sauvages, 
de  ronces,  de  digitales,  d'épines  blanches  et  de  prunelliers.  Sur  les 
bords  des  champs,  des  deux  côtés  du  chemin  creux,  les  chênes 


142  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

s'élèvent,  mélangés  aux  merisiers,  et  ombragent  le  sentier,  tout  en 
laissant  filtrer  les  rayons  du  soleil.  C'est  là  que  j'aime  à  revoir, 
chaque  année,  voltiger  VAnthocharis  cardmnines.  Lorsque  le  soleil 
ne  fait  pas  défaut,  quelques  Aurores  ne  cessent  d'aller  et  de  venir 
le  long  de  ce  chemin  rustique,  animant  le  paysage  printanier  de 
leur  vol  rapide  et  pressé.  En  même  temps,  la  Lycœna  Argiolus, 
d'un  bleu  si  clair,  vole  à  une  certaine  hauteur,  semblant  se  mêler 
parfois  aux  légers  pétales  détachés  des  fleurs  de  cerisier  sauvage 
que  le  zéphyr  balance  et  retient  dans  l'air,  avant  qu'ils  ne  retombent 
à  terre.  La  Thecla  rubi,  paraissant  verte  comme  les  feuilles  d'au- 
bépine, est  souvent  posée  sur  les  buissons,  autour  desquels  voltige 
le  Satyrus  JEgerïa,  tandis  que  des  Rhodocera  rhamni,  aux  ailes 
jaunes  comme  les  primevères,  se  reposent  sur  les  fleurs  basses,  dans 
les  parties  les  mieux  exposées  du  talus  qui  offre  un  abri  pareil  à 
celui  d'une  muraille. 

Quelles  que  soient  les  passions  qui,  sur  cette  terre,  agitent  et 
divisent  les  hommes,  quels  que  soient  les  événements  dont  notre 
Monde  est  le  théâtre,  là  où  la  Nature  est  restée  respectée  par  la 
hache  ou  par  le  feu,  les  papillons  que  Dieu  a  créés,  comme  l'un 
des  témoignages  de  sa  puissance  infinie,  naissent  aux  mêmes  lieux 
et  aux  mêmes  saisons  que  ceux  de  leur  espèce  l'ont  toujours  fait. 

Quel  charme  puissant  et  délicieux  ces  êtres  exquis,  si  fragiles  et 
si  gracieux  dans  leur  variété,  n'apportent-ils  pas  aux  modernes 
Curieux  de  la  Nature,  à  ceux  qui  savent  trouver  tant  d'apaisement 
et  de  consolation  dans  la  contemplation  et  l'observation  des  œuvres 
du  Très-ïlaut  ! 

Pour  ma  part,  l'Entomologie  m'a  procuré  trop  de  jouissances  ne 
laissant  après  elles  aucun  regret,  pour  que  je  ne  remercie  pas  du 
meilleur  de  mon  cœur  Dieu,  source  de  tout  bien,  à  qui  je  suis  tout 
d'abord  redevable  d'un  goût  si  précieux,  et  feu  mon  cher  grand-père 
François-Jacques  Oberthùr,  mon  initiateur  et  mon  premier  maître. 
Lorsque  jadis,  de  Strasbourg,  sa  ville  natale  et  la  patrie  de  mon 
père,  il  venait  à  Rennes  nous  rendre  une  aimable  visite  qui  me 
comblait  toujours  de  joie,  nous  allions  ensemble  vers  ces  sentiers 


LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE  I43 

où  j'ai  fait  tout  enfant  mes  premières  chasses.  On  conçoit  le  charme 
qu'ils  ont  conservé  pour  moi. 


Anthocharis  Charlonia,  Donzel 

Jolie  et  brillante  Piéride,  habitant  la  région  désertique  algérienne 
et  quelques  parties  de  l'Asie.  Elle  vole  rapidement  en  mars,  avril 
et  mai,  à  l'ardeur  du  soleil.  On  la  trouve  dans  une  foule  de  localités. 
Ma  collection  contient  des  exemplaires  d'El-Kantara,  011  je  la  vis 
pour  la  première  fois  en  1868;  de  Biskra,  de  Bou-Saada,  de  Mé- 
cheria,  de  Lambèze,  d'Aïn-Sefra,  de  Sebdou  et  même  des  environs 
d'Alcrer. 


Anthocharis  Tagis,  Huebner. 

Habite  l'Espagne,  le  Portugal,  l'Algérie,  la  Provence,  la  Corse 
et  la  Sardaigne,  et  offre  des  races  géographiques  très  constantes  et 
très  distinctes.  Le  D""  Boisduval  a  apporté  une  certaine  confusion 
dans  la  nomenclature,  parce  qu'il  a  redressé  à  tort  une  erreur  qu'il 
n'avait  point  commise. 

Huebner  a  très  bien  figuré  sous  les  n"'  565  et  566,  d'après  un 
exemplaire  de  la  collection  Franck,  de  Strasbourg,  une  Anthocharis 
Tagis  semblant  appartenir  à  la  race  de  Chiclana,  en  Andalousie. 
Le  dessous  des  ailes  inférieures,  dans  cette  race  andalouse,  est  d'un 
gris  verdâtre  très  particulier,  ainsi  que  la  figure  donnée  par  Huebner 
le  représente  très  exactement. 

Boisduval  décrivit  en  1829,  dans  son  premier  Index  methodicus 
(p.  9),  sous  le  nom  de  Bellezina,  une  Anthocharis  découverte  par 
le  comte  de  Saporta,  en  Provence. 

Puis  dans  son  Icônes,  en  1832,  en  donnant,  sous  les  n°'  i,  2  et  3 
de  la  PI.  5,  avec  le  nom  Tagis,  la  figure  de  Bellezina,  Boisduval 
prétendit,  à  tort,  avoir  commis  une  faute  en  publiant  auparavant, 
sous  le  nom  de  Bellezina,  une  Piéride  qu'il  attribue  à  Tagis,  .rejetant 


144  LEPIDOPTEROLOGIE   COMPARÉE 

la  cause  de  l'erreur  sur  Huebner,  qu'il  accuse  faussement  d'avoir 
donné  de  Tagïs  une  si  mauvaise  et  méconnaissable  ûgure,  sans 
doute  parce  qu'il  n'avait  eu  qu'un  individu  gâté  à  sa  disposition. 

Quant  à  Duponchel,  qui  publiait  son  Su-ppUment  en  1832,  très 
peu  après  que  Boisduval  eut  publié  son  Icônes,  il  avait  parfaitement 
mis  les  choses  au  point.  Les  n°^  i  et  2  de  la  PI.  4  du  Supplément 
à  l'ouvrage  de  Godart  représentent  très  bien  la  Tagis  de  Portugal 
et  les  n"'  5  et  6  de  la  PI.  3  rendent  très  exactement  aussi  Bellezina 
de  Provence.  Le  texte  est  d'acord  avec  les  figures  et  on  peut  lire, 
à  la  page  321  du  même  volume,  un  article  sur  les  Bellezina  et  Tagis 
qui  redresse  très  justement  l'erreur  commise  par  Boisduval,  lorsqu'il 
entreprit  de  se  corriger  lui-même 

Cependant  Boisduval  ne  voulut  pas  se  rendre  à  l'évidence  et 
dans  le  Species  général,  écrit  en  1836,  il  publia  de  nouveau  sous 
le  nom  de  Tagis  la  Bellezina,  dont  il  donna  une  nouvelle  figure 
(PI.  6,  2  B,  fig.  3). 

Quant  à  Freyer,  la  figure  de  Tagis  donnée  par  cet  auteur  sur  la 
PI.  464  de  son  ouvrage  .-  Neuere  Beïtrœge  zur  Schmetterlings  Kunde, 
en  1845,  est  grossièrement  dessinée  et  surtout  coloriée.  Il  est  difficile, 
dès  lors,  de  préjuger  d'après  cette  figure  la  provenance  du  papillon. 
Freyer  donne  sa  Tagis  comme  lui  ayant  été  communiquée  par 
M.  de  Weissenborn,  avec  la  remarque  que  ce  papillon  était  la  vraie 
Tagis,  qui  fut  seulement  trouvée  par  le  comte  de  Hofmannsegg, 
en  Portugal,  et  qui  n'a  pas  été  retrouvée  de  nouveau.  La  Tagis 
figurée  par  Freyer  viendrait  donc  plutôt  du  Portugal  que  de  Gre- 
nade, comme  elle  en  avait  l'air.  Cependant  les  Entomologistes  du 
temps  de  Freyer  tenaient  très  peu  soin  de  noter  l'indication  exacte 
des  provenances  de  leurs  papillons,  et  il  y  a  dans  cette  négligence, 
si  générale  à  cette  époque,  pour  une  documentation  si  importante, 
une  source  d'incertitudes  et  d'erreurs  qui  pèsera  toujours  lourdement 
sur  les  travaux  des.Lépidoptéristes  de  l'époque  actuelle.  Je  considère 
donc  que  la  Tagis  figurée  par  Freyer,  pour  toutes  ces  raisons,  ne 
peut  être  considérée  comme  représentant  une  forme  géographique 
certaine,  et  je  n'en  fais  nul  état. 


LÉPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE  I45 

En  résumé,  je  connais  les  formes  suivantes  de  Tagis  -. 

1°  Celle  du  Portugal,  que  j'appelle  lusiianica.  La  collection 
Boisduval  contenait  un  cf  rapporté  sans  doute  par  Hofmannsegg, 
cadrant  avec  la  description  et  la  figure  données  par  Duponchel; 

2°  La  race  de  Chiclana,  figurée  par  Huebner,  et  qui  est  la  forme 
type  de  Tagis; 

3"  La  forme  de  Grenade,  appelée  jadis  Alhambrœ  par  Staudinger, 
différant  de  celle  de  Chiclana  par  le  dessous  de  ses  ailes  inférieures 
qui  est  d'un  vert  gai  et  clair,  et  non  d'un  gris  verdâtre  terne; 

4°  La  forme  d'Aranjuez,  dont  je  dois  quelques  exemplaires  à 
l'obligeance  de  feu  M.  le  colonel  d'artillerie  Duro,  et  qui  est  très 
voisine  de  Bellezina,  à  laquelle  elle  peut  être  jointe; 

5°  La  variété  provençale  Bellezina,  qui  se  trouve  aux  environs 
de  Marseille,  Aix  et  Digne; 

6°  La  variété  Gallica,  des  Hautes- Alpes; 

7°  La  variété  Insulans,  de  Corse,  bien  figurée  par  Rambur,  dans 
les  Annales  delà  Société  entomolog.  de  France,  1832;  PL  7,  fig.  1,2; 

8°  La  variété  Sardoa,  de  Sardaigne; 

9°  La  variété  Algirica,  de  Mécheria,  où  l'a  prise  M.  le  lieutenant 
Lahaye,  chassant  dans  cette  localité,  du  19  au  30  mars  1886. 

La  race  d'Algérie  présente  une  forme  d'ailes  très  différente,  à 
peu  près  comme  la  race  de  Sardaigne,  c'est-à-dire  que  les  ailes 
supérieures  ne  sont  pas  élancées  et  que  l'apex  n'est  pas  aigu  et 
proéminent;  dans  Algirica,  le  fond  des  ailes  inférieures,  en  dessous, 
est  vert  olive,  avec  des  taches  blanches  très  nettes. 

Je  pense  que  la  forme  de  Sardaigne,  dont  feu  Damry  m'avait 
envoyé  24  beaux  exemplaires,  alors  qu'il  résidait  à  Sassari,  est 
différente  de  la  forme  de  Corse;  elle  a  les  ailes  beaucoup  moins 
élancées  et  la  tache  noirâtre  cellulaire  plus  grosse  en  dessus.  Je 
lui  ai  donné  le  nom  de  sardoa,  attendu  que  le  nom  insularis,  qui 
désigne  la  race  de  Corse,  ne  saurait  lui  être  également  attribué.  Je 
crois  que  Vinsularis  est  rare.  Quant  à  Vinsidaris  œstivalis  que  j'ai 
communiqué  à  Verity,  j'ignore  si  c'est  une  seconde  génération 
^insîdaris;  mais  j'ai  tout  lieu  de  le  supposer. 

10 


146  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

Bellezina,  entre  autres  caractères  distinctifs  de  Belia,  n'a  jamais 
les  taches  blanches  du  dessous  des  ailes  inférieures  argentées  ou 
brillantes,  comme  si  elles  avaient  un  reflet  de  porcelaine.  Chez 
Bellezina,  les  taches  blanches  en  question  sont  toujours  tout  à  fait 
mates. 

Je  n'ai  jusqu'ici  aucune  preuve  de  l'existence  de  Bellezina  dans 
les  Pyrénées-Orientales.  Maurice  Sand,  dans  le  Catalogue  des 
Lépidoptères  du  Ben  y  et  de  V  Auvergne,  publié  en  1880,  prétend 
que  3  exemplaires  de  Bellezina  ont  été  pris  à  Gargilesse  (Indre), 
le  5  mai,  dans  un  ravin  schisteux,  au  sud.  Je  livre  ce  renseignement 
dont  j'indique  la  source,  mais  en  observant  qu'il  n'a  été,  à  ma  con- 
naissance du  moins,  l'objet  d'aucun  contrôle.  En  principe,  je  ne 
soupçonne  nullement  la  bonne  foi  des  auteurs  de  catalogues 
régionaux;  mais  l'expérience  m'a  démontré  qu'il  s'était  glissé  dans 
certains  travaux  de  telles  erreurs  de  détermination  et  d'appréciation 
que  je  ne  saurais  assez  mettre  en  garde  contre  des  assertions  quel- 
quefois hasardées. 


Anthocharis  Belia,  Cramer. 

Cramer  figure  la  Belia  de  Smyrne.  L'espèce,  avec  ses  variétés 
principales  :  Ausonia,  Simplonia,  Ausonides,  est  répandue  en 
Europe,  en  Algérie,  en  Asie  et  dans  l'Amérique  du  Nord.  Elle 
habite  les  plaines  et  les  montagnes.  Vers  le  nord,  en  France,  elle 
ne  dépasse  guère  les  limites  du  bassin  de  la  Loire;  c'est,  en  effet, 
plutôt  une  espèce  du  midi  que  du  nord;  elle  manque  absolument 
en  Angleterre. 

En  France,  nous  avons  obtenu  Belia  des  localités  suivantes  : 
Charente  et  Charente-Inférieure,  Gironde,  Landes,  Gers,  Hautes- 
Pyrénées,  Pyrénées-Orientales,  Gard,  Bouches-du-Rhône,  Var, 
Alpes-Maritimes,  Basses-Alpes,  Isère,  Cantal,  Allier.  Je  crois  que 
Belia  Ausonia  existe  en  Bretagne,  dans  l'arrondissement  de  Redon 
et  dans  le  Morbihan,  sur  la  côte;  mais  je  n'en  ai  pas  la  complète 
certitude. 


LEPIDOPTEROLOGIE    COMPAREE  I4; 

En  Espagne,  nous  l'avons  prise  à  Carthagène,  Malaga,  Grenade, 
dans  la  vallée  de  Ronda,  aux  environs  de  Madrid,  à  Navacerrada. 
Elle  a  été  capturée  à  Faro  et  à  Lagos,  en  Portugal,  au  mois  de 
mai  1907,  par  M.  Fabresse. 

En  Italie,  je  l'ai  rencontrée  à  Castellamare-di-Stabia;  Bellier 
l'avait  prise  en  Sicile;  je  la  possède  de  Dalmatie  et  de  Suisse, 
notamment  de  Ryffelalp,  où  je  l'ai  capturée  à  diverses  reprises;  de 
Grèce  et  de  l'île  de  Chypre. 

Elle  se  trouve  dans  presque  toute  l'Algérie;  ma  collection  contient 
des  exemplaires  de  Mécheria,  Géryville,  Sebdou,  Lambèze,  El- 
Kantara,  Bou-Saada,  Biskra. 

Je  l'ai  reçue  d'Akbès,  de  Tokat  en  Asie-Mineure,  du  Caucase, 
d'Askhabad,  du  Fort-Naryne  dans  le  Turkestan  oriental,  de  Cali- 
fornie, de  l'Arizona,  de  l'Utah,  du  Colorado. 

On  conçoit  aisément  qu'une  espèce  répandue  dans  un  si  grand 
nombre  de  régions  aussi  diverses  doive  produire  de  nombreuses 
variétés  géographiques.  De  plus,  comme  elle  présente  dans  les 
plaines  et  les  basses  montagnes  une  forme  vernale  communément 
appelée  :  Belia,  et  une  forme  estivale  :  Ausonia;  qu'en  outre  il  y  a 
des  exemplaires  de  transition  entre  les  deux  formes;  qu'enfin,  dans 
les  montagnes  élevées,  elle  donne  la  forme  alpine  :  simplonia,  il  en 
résulte  que  dans  chaque  région  habitée  par  V Anlhocharis  Belia 
Aîisonia,  on  doit,  pour  l'examen  comparatif  de  la  race,  tenir  compte 
des  formes  saisonnières  très  différentes  qui  affectent  l'espèce  en 
certaines  localités.  Il  convient  d'ajouter  que  la  forme  estivale 
Ausonia  est  particulièrement  variable  dans  le  même  lieu  et  qu'il 
est  souvent  difficile,  à  cause  de  cette  variabilité,  de  fixer  exactement 
les  caractères  de  localité  de  cette  race  estivale. 

Entreprenant  donc  principalement  l'étude  des  Belia  Ausonia 
françaises  et  jugeant  d'après  les  documents  de  ma  collection,  qui 
se  composent  en  tout  d'environ  600  exemplaires,  je  me  crois  fondé 
à  dire  que,  d'une  manière  générale,  les  Belia  et  les  Ausonia  de 
France,  d'Espagne  et  d'Algérie,  ou  du  moins  les  papillons 
communément   appelés  Belia,   appartiennent   à   une  même   forme. 


148  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

Il  y  a  des  exemplaires  aberrants  dans  toutes  les  localités;  mais  ce 
sont  des  cas  purement  individuels.  En  France,  les  Q  Belia  ont 
tantôt  les  ailes  inférieures  blanches  en  dessus,  tantôt  lavées  de 
fauve  clair.  Les  cf  Atisonia  peuvent  avoir  l'apex  des  ailes  supé- 
rieures presque  tout  blanc;  ainsi  :  à  Commentry  (Allier)  et  à 
Villeneuve-de-Blaye  (Gironde),  où  M.  l'abbé  Mège  et  nous-même 
nous  prîmes  ensemble,  le  2  août  1882,  des  exemplaires  dont  l'apex 
est  très  pâle;  mais  il  est  juste  de  dire  qu'ils  volaient  avec  d'autres 
qui  avaient  l'apex  très  obscur.  Le  dessous  des  deux  ailes  inférieures 
ne  paraît  pas  rigoureusement  symétrique  chez  le  même  individu  et 
on  constate  en  outre  de  notables  différences,  si  on  compare  les 
individus  entre  eux 

Les  Belia  Aiisonia  espagnoles  appartiennent  bien  à  la  même 
forme  que  les  françaises;  mais  les  Q  ont  quelquefois,  dans  le  sud 
de  l'Espagne  surtout,  la  tache  cellulaire  des  ailes  supérieures,  en 
dessus,  extrêmement  grosse  et  rectangulaire,  aussi  bien  chez  cer- 
taines Belia  de  Malaga  que  chez  des  Ausonia  de  Grenade. 

Verity  désigne  cette  variété  sous  le  nom  de  qiiadra  {Rhop. 
palœarct.,  p.  175).  Boisduval  l'avait  parfaitement  remarquée,  et 
dans  le  Species  général,  aux  pages  559  pour  Belia  et  561  pour 
Ausonia,  il  en  fait  état  d'après  des  exemplaires  rapportés  par 
M.  Rambur.  Dans  le  Gênera  et  Index  methodicits  de  1840,  Bois- 
duval qualifie  ces  deux  variétés  du  mot  :  obscurior.  M.  Martinez 
de  la  Escalera  a  recueilli  à  Villaviciosa-de-Odon,  en  Castille,  des 
Q  Belia  ayant  la  tache  noire  cellulaire  au  moins  aussi  grosse  que 
les   Ç)   de  l'Andalousie. 

Quant  à  la  Belia  Ausonia  d'Algérie,  elle  ne  me  paraît  pas  différer 
de  la  forme  française  et  espagnole.  Je  possède  des  Q  Belia,  de 
Sebdou,  dont  la  tache  noire,  grosse  et  quadrangulaire,  équivaut  à 
la  tache  de  l'Aberr.  espagnole  quadra. 

En  ce  qui  concerne  la  forme  des  montagnes  connue  sous  le  nom 
de  Simplonia,  il  y  a  en  France  une  superbe  race  paraissant  spéciale 
aux  Hautes-Pyrénées  (environs  de  Gèdre  et  de  Cauterets)  et  que 
Verity  a  appelée   Oberthiiri.   De  cette  race,   mon  ami   Rondou   a 


LÉPIDOPTÉROLOGIE    COMPARÉE  14g 

capturé  un  cf  extrêmement  mélanien  auquel  a  été  donné  son  nom, 
comme  aux  Aberr.  mélanisantes  de  CalUdicc  et  Daplidice.  Je  l'ai 
prêté  à  Verity  pour  reproduction. 

Dans  les  Hautes-Pyrénées,  d'après  ce  que  nous  mande  mon  ami 
Rondou,  on  trouve  Siniflonia  dans  la  vallée  de  Luz,  depuis  une 
altitude  d'environ  600  mètres  et  jusqu'à  2.000  mètres.  Simplonia 
est  localisée;  elle  habite  seulement  les  régions  où  pousse  Sisym- 
brhim  erucastritm,  la  seule  plante  où  le  papillon  aime  à  butiner. 
Parfois,  on  voit  voler  Simplonia,  dans  la  vallée  de  Luz,  dès  le 
mois  de  mai,  et  l'apparition  dure  jusqu'en  juillet. 

Dans  les  Pyrénées-Orientales,  la  race  Simplonia  n'est  pas  sem- 
blable à  celle  des  Hautes-Pyrénées;  elle  est  plutôt  analogue  à  celle 
de  Suisse.  Dans  les  Basses-Alpes,  à  Larche,  Bellier  avait  élevé  de 
chenille  une  superbe  forme  de  Simplonia.  Le  dessus  des  ailes 
inférieures  de  la  Q  est  lavé  de  fauve  safrané  et  la  tache  cellulaire 
noirâtre  est  très  grosse. 

\J Anthocharis  Simplonia  affectionne  dans  les  montagnes  certains 
passages;  mais  elle  semble  bien  plus  abondante  certaines  années, 
tandis  que  dans  d'autres,  on  la  voit  à  peine.  On  trouve  dans  les 
Alpes,  en  même  temps,  de  fin  juin  au  mois  d'août,  la  chenille  et 
le  papillon.  Celui-ci  vole  rapidement  et  il  est  doué  d'une  extrême 
vivacité.  De  plus,  dans  les  lieux  qu'il  affectionne,  la  course  n'est 
pas  toujours  facile.  Quand  on  monte  de  Zermatt  à  l'Hôtel  Ryffe- 
lalp,  on  trouve,  dans  la  forêt  de  pins  et  de  mélèzes  qu'il  faut 
traverser  par  un  sentier  dont  la  pente  est  si  raide,  un  peu  avant 
d'atteindre  l'hôtel,  une  prairie  parsemée  de  rochers,  entourée  par 
les  arbres  de  trois  côtés  et  limitée  au  sud  par  le  précipice.  C'est 
aux  abords  de  cette  prairie,  où  les  Lépidoptères  en  général 
abondent,  que  se  fait  un  passage  assez  constant  de  VAnthocharis 
Simplonia. 

Je  l'ai  prise  aussi  aux  environs  de  Chamounix,  sur  le  chemin 
du  Montanvers.  La  Simplonia  varie  beaucoup  pour  les  dessins  ver- 
dâtres  du  dessous  des  ailes  inférieures  et,  pas  plus  que  les  Belia 


I50  LEPIDOPTEROLOGIE    COMPARÉE 

et  Aîisonia  des  plaines,  elle  n'offre  une  symétrie  exacte  de  ces 
dessins  verdâtres  chez  le  même  individu. 

Les  races  italienne  et  sicilienne  sont  intéressantes  et  différentes 
des  nôtres.  M.  le  comte  Turati  a  appelé  Matiiûa  la  Belia  printanière 
de  la  Ligurie  occidentale;  c'est  une  forme  de  San-Remo;  elle  ne 
me  paraît  pas  très  caractérisée.  Les  formes  de  l'Italie  centrale  et 
méridionale  et  de  la  Sicile  sont  plus  distinctes  des  autres.  M.  Turati 
a  donné  le  nom  de  Kniegeri  à  la  forme  vernale  sicilienne;  elle  vole 
de  mars  à  mai;  Trinacrice  est  la  génération  suivante.  Bellier  en 
avait  récolté  une  certaine  quantité  d'exemplaires,  lorsqu'en  1859,  il 
explora  la  Sicile.  Mais  bien  qu'il  fût  un  Entomologiste  très  sagace 
et  très  avisé,  il  ne  crut  même  pas  devoir  signaler  les  Ausonia  sici- 
liennes dans  la  Notice  qu'il  publia  sur  ses  chasses  en  Sicile,  dans 
les  Annales  de  la  Soc.  eut.  de  France,  1860;  il  se  borna  à  l'inscrire 
dans  la  liste  de  ses  captures. 

Enfin,  dans  l'Italie  continentale,  se  trouve  la  forme  rornana,  que 
j'ai  capturée  près  de  Castellamare-di-Stabia,  au  lieu  même  où  je 
chassais  la  Melanargia  Ani-phitrite.  C'était  sur  le  bord  de  la  route 
en  corniche  qui  longe  la  mer  et  conduit  à  Sorrente.  Au  fond  d'une 
des  nombreuses  sinuosités  du  chemin,  à  2  ou  3  kilomètres  de  Castel- 
lamare,  se  trouve  une  très  grande  pierre  plate,  couchée  au  pied  de 
la  montagne,  dans  une  propriété  partiellement  enclose.  Un  Christ 
en  croix,  presque  de  taille  naturelle,  a  été  peint  sur  cette  pierre 
par  un  artiste  dont  le  naïf  talent  ne  manque  pas  d'intérêt.  C'est  aux 
proches  environs  de  cette  place  très  escarpée,  mais  très  fleurie  et 
offrant,  au  fur  et  à  mesure  qu'on  l'explore,  les  sites  les  plus  pitto- 
resques et  les  plus  variés,  que  j'ai  vu  voler  \ Anthochans  roinana, 
en  même  temps  que  le  blanc  Satyre  Ani-phiirite,  vers  la  mi-mai  1907. 
Il  semble  que  les  formes  sicilienne  et  italienne  se  rapprochent  plus 
de  la  montagnarde  Simplonia  que  des  Belia  de  nos  plaines. 

La  forme  de  Dalmatie  et  celle  de  Grèce  me  semblent  très 
analogues  à  la  forme  romana;  sans  vouloir  entrer  dans  la  discussion 
détaillée  des  formes  orientales  et  américaines,  ce  qui,  d'ailleurs,  ne 
peut  se  faire  utilement  qu'avec  le  concours  de  nombreuses  figures, 
et  me  bornant  à  l'étude  comparative  des  races  de  l'Europe  occi- 


LÉPIDOPTÉROLOGIE    COMPARÉE  15I 

dentale  et  de  l'Algérie,  je  déclare  partager  la  manière  de  voir  de 
Verity  qui  classe  les  Belia  en  deux  groupes  principaux  :  1°  le 
groupe  qu'il  appelle  Alhambra,  dans  lequel  se  rangent  les  Belia 
françaises,  espagnoles  et  algériennes,  et  2°  le  groupe  dit  romana, 
comprenant  les  formes  d'Italie  centrale  et  méridionale,  de  Sicile, 
de  Grèce,  du  Turkestan  et  d'Asie-Mineure. 

Les  Belia  (race  vernale)  de  France,  Espagne  et  Algérie  consti- 
tuent une  forme  bien  spéciale,  caractérisée  autant  par  la  forme  de 
leurs  ailes  étroites  et  élancées  que  par  le  dessous  des  ailes  infé- 
rieures d'un  vert  assez  foncé,  avec  très  peu  de  parties  jaunes  et  les 
taches  blanches  du  dessous  des  ailes  inférieures  nacrées,  ayant  un 
aspect  de  porcelaine. 

Les  Romana  (race  vernale  également)  d'Italie  et  d'Orient  ont 
les  ailes  plus  élargies  et  plus  arrondies;  le  dessous  des  ailes  infé- 
rieures d'un  vert  moins  foncé  et  avec  des  linéaments  jaunes;  les 
taches  blanches  des  mêmes  ailes  plus  larges,  plus  mates  et  ayant 
moins  de  brillant  porcelané. 

Les  Aîisonia  de  France,  Espagne  et  Algérie  (race  estivale) 
diffèrent  moins  que  les  Belia  du  même  pays  des  Trinacrics  ou 
Romana  d'été.  Le  fond  des  ailes  inférieures,  en  dessous,  chez  les 
unes  et  les  autres,  est  plus  jaune,  avec  les  réserves  blanches  très  peu 
nacrées.  D'ailleurs  la  taille  des  Aîisonia  et  des  Trinacriœ  est  plus 
grande  que  celle  des  Belia  et  des  Romana,  et  les  parties  noires 
apicales  du  dessus  des  ailes  supérieures  sont  moins  foncées  et  moins 
accentuées  chez  les  Ausonia  et  les  Trinacrice  que  chez  les  Belia  et 
les  Romana. 

Mais  le  nom  de  Belia,  Cramer,  appliqué  jusqu'ici,  sans  conteste 
et  par  tout  le  monde,  aux  races  printanières  française,  espagnole 
et  algérienne,  devient  impropre.  Il  doit  être  réservé  à  la  race  prin- 
tanière  orientale  et  italienne  Romana,  et  alors  c'est  le  nom  AUiambra, 
Ribbe,  qui  devrait  remplacer  Belia  pour  désigner  la  race  printanière 
française,  espagnole  et  algérienne. 

Voici  donc  comment  il  y  aurait  lieu,  me  semble-t-il,  d'établir 
sommairement  la  nomenclature  actuelle  de  Belia  et  de  ses  diverses 


152  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

races  de  localité,  de  saison  et  d'altitude  pour  l'Europe  occidentale 
et  méridionale,  ainsi  que  pour  le  bassin  méditerranéen. 

1°  Forma  orientalis  : 

Belia,  Cramer  {Pap.  exot.,  PI.  CCCXCVII,  fig.  A,  B)  {vernalis).  — 

Smyrne. 
Romana,    Calberla    {Iris,   I,   p.    123;    Die   Macrolepïd.    der 

rœmischen  Camfagna)  ;  Turati  {Natm.  Sictl.  Anno  XVIII, 

Tav.   HT,   fig.  7,  8,  9,   10).  —  Italie  centrale,   Dalmatie, 

Grèce,  Asie- Mineure. 
Kruegeri    (vernalis),    Turati    {Natur.    Sicil.    Anno    XVIII; 

Tav.  III,  fig.  I,  2,  3,  4,  5,  6).  —  Sicile. 
Trinacriœ   {œstivalis),  Turati  {Natiir.   Sicil.   Anno  XVIII; 

Tav.  IV,  fig.  3,  4,  5,  6).  —  Sicile. 

2°  Forma  alpina  : 
Simplonia,  Duponchel  {SuppL,  PL  5,  fig.  3,  4).  Boisduval  {Icônes, 

PI.  5,  fig.  4.  5.  6). 
Ausonia,  Huebner  (582,  583). 
(Alpes,  Pyrénées). 

3°  Forma  occidentalis  : 

1 .  Alhambra  {vernalis),  Ribbe. 

Belia,  Huebner  (417,  418,  nec  416).  Godard  (PI.  VI,  fig.  i,  2). 
Lang  (PI.  VIII,  fig.  5,  5). 

2.  Ausonia  {œstivalis),  Godart  (PI.  VI,  fig.  3,  4).  Lang  (PI.  VIII, 

fig.  6,  6). 
Belia,  Huebner,  (416,  nec  582-583). 

(Andalousie,  Algérie,  France  centrale  et  méridionale). 

Anthocharis  Pechi,  Stgr. 

J'ai  fait  figurer  sous  le  nom  de  Pechi,  dans  les  Etudes  d'Ento- 
mologie (XIP  Liv.,  PI.  5,  fig.  Il),  une  Anthocharis  dont  Merkl 
avait  pris  un  seul  exemplaire  à  Lambèze.  J'ai  prêté  ce  papillon. 


LEPIDOPTEROLOGIE    COMPAREE  153 

unique  dans  ma  collection,  à  Verity,  qui  le  détient  encore  au  moment 
où  j'écris  ces  lignes.  Seul,  jusqu'ici,  j'ai  publié  la  figure  de  Pechi. 
Staudinger  s'est  borné  à  écrire  une  description.  Son  Anthochans 
Pechi  est-elle  semblable  à  la  mienne?  Je  l'ignore.  Toujours  est-il 
que,  d'après  la  figure  que  j'ai  donnée,  Staudinger  a  assimilé  ma 
Pechi  à  la  sienne.  Selon  Verity,  la  Pechi,  Stgr.  serait  différente. 

J'attends  à  voir  la  figure  de  Pechi,  Stgr.,  pour  émettre  une  opinion. 
En  tout  cas,  je  ne  crois  pas  qu'il  soit  raisonnable  de  regarder  ma 
Pechi  comme  une  variété  de  Belia,  et  je  pense  que  Verity  s'est 
trompé  dans  les  considérations  qu'il  écrit  à  cet  égard  à  la  page  1 76 
du  R  ho  pal.  pnlœarclica.  Je  devrai  sans  doute  plus  tard  revenir 
sur  cette  question  et  la  traiter  au  moyen  de  documents  plus  amples 
et  qui  me  font  actuellement  défaut. 


Anthocharis  Belemia,  Esper. 

Habite  les  provinces  méridionales  de  l'Espagne  et  du  Portugal, 
ainsi  que  l'Algérie;  offre  deux  formes  saisonnières  dont  les  indi- 
vidus extrêmes  sont  nettement  tranchés,  mais  qui  sont  reliées  entre 
elles  par  des  exemplaires  de  transition  telle  qu'il  me  paraît  bien 
difficile  d'attribuer  certains  de  ces  échantillons  intermédiaires  à 
l'une  plutôt  qu'à  l'autre  des  deux  formes. 

La  forme  Belemia  éclôt  la  première.  Certaines  années,  on  peut 
la  voir  voler  dès  la  fin  de  décembre;  elle  continue  jusqu'en  avril, 
suivant  les  localités.  Glauce  paraît  ordinairement  plus  tard  que 
Belemia;  mais  dans  les  mois  de  mars  et  d'avril,  on  peut  trouver 
les  deux  formes  ensemble,  en  Andalousie  aussi  bien  qu'en  Algérie. 
Glauce  vole  jusque  vers  la  fin  mai;  mais  alors  seule.  Les  Belemia 
qu'on  pourrait  encore  rencontrer  à  cette  époque  seraient  tout  à  fait 
fanées. 

Je  relève  dans  ma  collection,  pour  Belemia  Glauce  et  pour  la 
forme  intermedia,  les  localités  suivantes  :  1°  Espagne  :  Malaga 
(mars  1867),  Grenade,  Carthagène,  Vallée  de  Ronda;  2°  Portugal  : 
Faro   et   Lagos    (mai    1907);    3"   Algérie  :   Lambèze,   Khenchela, 


154  LEPIDOPTEROLOGIE   COMPARÉE 

Biskra,  Bou-Saacla,  Hussein-Dey,  Alger,  Sebdou,  Mécheria, 
Géryville. 

Maurice  Sand  prétend  que  Belemia  aurait  été  trouvée  à  Murât 
(Cantal),  par  MM.  Barretier  et  Séguy.  Cette  Anthocharis  a  même 
été  prise  à  Morlaix  (Finistère),  par  M.  de  Guernisac,  qui  vit  un 
exemplaire  fraîchement  éclos  dans  sa  chambre  et  s'en  empara 
aisément.  Bel  lier  possédait  dans  sa  collection  cette  Anthocharis 
Belejnia  qui  vit  le  jour  à  Morlaix,  et  j'ai  sous  les  yeux  l'exemplaire 
en  question;  il  est  d'une  parfaite  fraîcheur.  Mais  j'ai  tout  lieu  de 
penser  que  M.  de  Guernisac,  qui  avait  fait  un  voyage  en  Tunisie 
où  vit  Belemia,  en  aura  rapporté  quelque  chrysalide.  C'est  ainsi 
que  j'explique  la  présence  d'une  unique  Belemia  à  Morlaix.  Pour 
les  individus  de  Murât,  je  n'en  puis  rien  dire. 

Belemia  et  Glauce  ont  été  figurées  assez  médiocrement  jusqu'ici; 
Belemia,  par  Huebner  (n°^  412,  413);  par  Boisduval  {Icônes,  PI.  6, 
fig.  I,  2);  par  Duponchel  {Suppl,  PI.  III,  fig.  i,  2);  —  Glauce, 
par  Huebner  (n"'  546,  547);  par  Boisduval  {Icônes,  PI.  6,  fig.  3,  4); 
par  Duponchel  {Suppl,  PI.  III,  fig.  3,  4).  Comme  le  dit  très  jus- 
tement Boisduval  {Icônes,  page  2g),  Glauce  est  à  Belemia  ce 
quAusonia  est  à  Glauce;  dans  l'une  comme  dans  l'autre  {Glauce 
et  Ausonia),  le  blanc  nacré  est  remplacé  par  du  blanc  qui  est  de 
la  couleur  du  fond  de  l'aile. 

Le  comte  Turati  a  distingué  deux  races  de  Belemia;  il  appelle  : 
desertorum,  une  Belemia  plus  petite  qu'il  prit  à  Biskra,  en 
février  1904.  Cette  desertorum  est  figurée  dans  Naturalista  Siciliano, 
sous  les  n°M,  2  et  3  de  la  pi.  II.  Cette  petite  forme  ne  se  trouve 
pas  exclusivement  dans  la  région  désertique,  car  elle  vole  aussi  bien 
à  Lambèze,  où  je  l'ai  prise  au  mois  d'avril  1868,  qu'à  Biskra.  Je  la 
possède  aussi  de  Mécheria  (mars  1886)  et  de  Sebdou.  D'ailleurs, 
la  vraie  Belemia  algérienne  me  paraît  généralement  plus  petite  que 
celle  d'Espagne;  mais  en  Algérie,  on  peut  trouver  çà  et  là  des 
exemplaires  plus  grands  et  en  Espagne  de  plus  petits.  Glauce  est 
presque  toujours  de  plus  grande  taille  que  Belemia  et  la  forme 
intermédiaire,  avec  ses  grands  et  ses  petits  exemplaires  et  avec  ses 
individus  moyens,  fait,  pour  la  grandeur  des  ailes,  aussi  bien  la 


LEPIDOPTEROLOGIE    COMPAREE  155 

transition  entre  Belemia  et  Glaitce  que  pour  les  dessins  verts  des 
ailes  inférieures,  en  dessous,  plus  ou  moins  nettement  limités  et 
accompagnés  d'un  lavis  jaune. 


Anthocharis  Falloui,  Allard. 

Une  des  plus  intéressantes  découvertes  réalisées  en  Algérie  par 
Gaston  Allard.  Falloui  vole  à  Biskra  et  à  Ain-Sefra  de  très  bonne 
heure  dans  la  saison.  Elle  est  relativement  rare.  Il  paraît  que 
Falloui  habite  aussi  le  pays  de  Somalis  et  sans  doute  la  région 
désertique  comprise  entre  le  Sud-Algérien  et  la  côte  orientale 
d'Afrique. 


Calicharis  Nouna,  Lucas. 

Le  genre  Calicharis,  appliqué  par  Boisduval  à  toutes  les  Antho- 
charis de  l'Afrique  tropicale  et  de  l'Arabie,  comprend  un  assez 
grand  nombre  d'espèces  très  variables,  aussi  bien  pour  la  taille  et 
l'accentuation  des  taches  noires  chez  les  (3,  que  pour  la  couleur 
blanche  ou  jaune  du  fond  des  ailes  chez  les  g,  ainsi  que  pour 
l'existence  ou  l'absence  d'une  macule  apicale  orangée  dans  les  exem- 
plaires de  ce  sexe. 

Il  est  très  difficile  de  fixer  exactement  la  limite  de  plusieurs 
espèces  de  Calicharis  et,  dans  l'état  actuel  de  la  Science,  de  rattacher 
avec  quelque  certitude  à  une  même  unité  spécifique,  d'où  nous 
pressentons  cependant  qu'elles  dépendent,  des  formes  locales  ou 
saisonnières. 

En  Algérie,  dans  la  province  d'Oran,  le  colonel  Levaillant  avait 
capturé  jadis  une  certaine  quantité  de  Calicharis  appartenant  à 
une  même  espèce  qui  fut  décrite  et  figurée  sous  le  nom  de  Nouna, 
par  Lucas,  dans  VExploration  scientifiqiie  de  V Algérie  {Lépid., 
Pi.  I,  fig.  2,  2  a,  2  b). 

Depuis  cette  époque,  je  ne  crois  pas  que  Nouna  ait  été  retrouvée 
en  Oranie.  Il  est  vrai  de  dire  que  le  sud  de  cette  province  a  été 


156  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

relativement  peu  exploré  au  point  de  vue  entomologique.  Mais  dans 
l'Est-Algérien,  plusieurs  fois,  dans  ces  derniers  temps,  des  Cali- 
charïs  ont  été  capturés. 

C'est  ainsi  qu'en  mai  1875,  Gaston  Allard  et  mon  frère  prirent 
chacun  un  exemplaire  cf  dans  le  Djebel-Aurès,  près  de  Menah, 
alors  qu'ils  se  rendaient  à  Lambèze,  par  la  montagne  qui  s'étend 
à  l'est  d'El-Kantara. 

En  mai  1884,  Merkl  captura  un  cf  à  Biskra,  et  l'année  suivante, 
en  mai  également,  au  même  lieu,  Bleuse  trouva  une  Q.  Un  mar- 
chand allemand  m'a  vendu  une  série  d'exemplaires  qui  furent 
capturés  plus  récemment  encore  au  Col  de  S  fa. 

Je  pense  que  ces  Calicharis  de  l'Est-Algérien  peuvent  être  spéci- 
fiquement identifiés  à  Nonna,  de  l'Oranie.  Cependant  Nouna  a  un 
autre  faciès  que  lui  vaut  la  forme  plus  arrondie  de  ses  ailes. 

Pour  permettre  de  se  faire  une  opinion  sur  l'état  actuel  de 
confusion  où  se  trouve  la  Nomenclature,  relativement  aux  Cali- 
charis {Teracoliis,  suivant  d'autres  auteurs),  je  citerai  un  travail  de 
Guy  A.  K.  Marshall  {On  the  Synonymy  of  the  Biitterflies  of  thc 
Geniis  Teracolus),  paru  dans  les  Proceedings  of  the  Zool.  Soc.  of 
London  de  1897.  La  Synonymie  ^Evagore,  Klug,  espèce  à  laquelle 
Marshall  rattache  Nonna,  ne  comprend  pas  moins  de  trente  noms 
différents  d'espèces  de  Teracolus  réunis  sous  un  même  vocable  et 
dans  une  même  unité  spécifique!  J'applique  le  nom  de  Teracolus 
à  des  espèces,  suivant  moi,  génériquement  différentes  des  Calicharis 
que  je  sépare  aussi  des  Idniais. 


Leucophasia  Duponcheli,  Stgr. 

Offre  deux  formes  saisonnières;  l'une  :  vernale,  qui  éclôt  en  avril 
et  mai  et  a  été  décrite  sous  le  nom  de  lathyri  par  Duponchel  {Suppl., 
pages  274  et  325,  PI.  XLIII,  fig.  4,  5),  et  l'autre  d'été  :  œstivalis, 
Bellier,  qui  paraît  en  juillet. 

Duponchel  se  trompe  lorsqu'il  dit  qu'Huebner  a  eu  raison  de 
distinguer  cette  Piéride  de  la  sinapis.  Huebner  n'a  jamais  connu  la 


LÉPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE  15/ 

Leucophasia  que  décrit  Duponchel  et  la  lathyri,  secundum  Huebner 
(n"'  797  et  798),  est  une  forme  de  sinapis. 

Duponcheli  se  trouve  aux  environs  d'Aix  (Tour  de  César)  et 
dans  le  vallon  de  Saint-Pons  (Bouches-du-Rhône)  ;  à  la  Sainte- 
Baume  (Var);  dans  les  Alpes-Maritimes,  notamment  à  la  Turbie, 
au  Col  de  Castillon,  à  Vence,  à  Tourettes,  à  Dalnis  et  à  Puget- 
Théniers;  dans  les  Basses-A.lpes,  où  elle  a  été  prise  à  Digne,  à 
Garamagne  (M'  Gourdon)  ;  à  Entrevaux,  au-dessus  de  Neigeas,  en 
avril  et  mai,  puis  en  juillet.  Certains  exemplaires  ont  été  trouvés 
aussi  en  juin  dans  les  Alpes-Maritimes  et  appartiennent  à  la  forme 
œstivalis.  En  outre  des  localités  de  Provence  précitées,  j'ai  reçu 
Duponcheli  de  Tokat,  en  Asie-Mmeure;  de  Malatia,  en  Mésopo- 
tamie; d'Akbès  et  de  Berut-Dagh,  dans  le  Taurus. 

L'espèce,  sans  être  rare,  n'est  jamais  extrêmement  commune.  La 
sinapis  vole  avec  Duponcheli  et  celle-ci  n'exclut  nullement  sa 
congénère;  mais  le  vol  de  Duponcheli  est  très  particulier  et  on 
distingue  très  bien  les  deux  Leucophasia,  d'après  leur  vol.  Herrich- 
Schaeffer  a  figuré  Duponcheli,  avec  le  nom  lathyri,  sous  les  n°^  407 
et  408.  Bellier  de  la  Chavignerie  {Annal.  Soc.  ent.  France,  1869, 
pages  513-514)  a  consacré  à  la  Leucophasia  lathyri,  Duponchel 
{Duponcheli,  Stgr.),  une  intéressante  notice  où  il  constate  l'existence 
d'une  forme  d'été  qu'il  appelle  :  œstivalis.  Staudinger  et  Rebel 
citent  cet  article  de  Bellier  dans  leur  Catalog  1901  ;  mais  ils  ne 
l'ont  certainement  pas  lu,  puisque  Staudinger  a  inventé  le  nom 
^œstiva,  postérieurement  à  œstivalis,  Bellier.  Mon  ami  Verity  s'est 
borné  à  copier  textuellement  la  synonymie  donnée  par  Staudinger 
et  Rebel,  et  il  admet  le  nom  œstiva,  tout  en  citant,  comme  Stau- 
dinger et  Rebel  le  font  eux-mêmes,  l'article  de  Bellier  qui  a  pourtant 
créé  le  nom  œstivalis  auquel  est  incontestablement  due  la  priorité 
sur  œstiva.  Mais  pas  plus  que  Staudinger  et  Rebel,  il  n'a  pris  la 
peine  de  consulter  les  sources  synonymiques,  considérant  d'ailleurs 
comme  infaillibles  et  n'ayant  nul  besoin  d'être  contrôlées,  les 
assertions  du  maître  allemand. 

La  notice  de  Bellier  résume  toute  l'histoire  de  Leucophasia 
lathyri,  avec  une  entière  exactitude. 


158  LÉPIDOPTÉROLOGIE    COMPARÉE 


Dans  la  collection  Boisduval  se  trouve  un  cT  Duponcheli,  avec 
l'étiquette  Atlas.  Je  n'ai  cependant  jamais  reçu  cette  espèce  de 
l'Algérie. 

Duponcheli  varie  pour  la  taille;  quelques  exemplaires  ont  le 
disque  des  inférieures  lavé  de  jaune  verdâtre;  d'autres  ont  les  ailes 
supérieures  très  obscurcies  par  l'extension  de  la  tache  apicale  noi- 
râtre qui  descend  jusqu'à  l'angle  interne;  les  ailes  inférieures 
peuvent  aussi  paraître  grises,  sauf  pour  les  deux  réserves  cellulaire 
et  marginale  qui,  par  transparence  du  dessous,  restent  toujours 
blanches. 


Leucophasia  sinapis,  Linn. 

Répandue  depuis  la  Péninsule  armoricaine  jusqu'au  Japon; 
existe  en  Irlande  et  en  Angleterre,  ainsi  qu'en  Barbarie;  offre, 
dans  les  plaines  et  les  basses  montagnes,  deux  races  saisonnières; 
l'une  :  vernale,  chez  laquelle  l'apex  des  ailes  supérieures  du  cf  est 
marqué  d'une  tache  grise,  le  dessous  étant  d'ailleurs  plus  ou  moins 
nuancé  de  vert  et  de  gris;  l'autre  :  estivale,  ayant  la  tache  apicale 
d'une  teinte  noire  vive  et  le  dessous  des  ailes  dépourvu  de  dessins 
et  d'un  blanc  jaunâtre. 

Ma  collection  contient  des  sinapis  provenant  des  contrées  sui- 
vantes :  Alpes-Maritimes,  Var,  Bouches-du-Rhône,  Basses-Alpes, 
Corse,  Pyrénées-Orientales,  Charente,  Vienne,  Hérault,  Landes, 
Gironde,  environs  de  Paris,  Hautes- Pyrénées,  Lozère,  Gard,  Ille- 
et-Vilaine,  Locarno,  Fusio,  Italie  centrale,  Piémont,  Sicile,  Autriche 
(Fiume),  Grèce,  Castille,  Algérie  {in  coll.  Boisduval),  Tunisie, 
Syrie,  Asie-Mineure,  Chine,  Mandchourie,  Japon. 

Au  Japon  et  à  l'île  Askold,  sinapis  présente  une  race  géogra- 
phique appelée  :  amurcnsis,  ayant  les  ailes  plus  allongées  et 
acuminées. 

Principalement  dans  le  sud  de  la  France,  sinapis  donne,  au  prin- 
temps, la  forme  cf  lathyri,  Huebner  (n°'  797  et  798). 

Boisduval  {Gênera  et  Index  nieth.,  1840,  p.  6)  appelle  :  erysimi, 


LÉPIDOPÏÉROLOGIE    COMPARÉE  159 

la  variété  blanche  de  part  et  d'autre  «  utrinque  albida  »  ;  mais  il 
oublie  de  dire  que  cette  variété  est  exclusivement  Q. 

Le  même  auteur  désigne  sous  le  nom  de  diniensis  la  race  d'été 
dont  les  ailes,  en  dessous,  sont  dépourvues  de  taches  «  alis  omnibus 
subtus  immaculatis  »,  mais  nullement  blanches,  comme  Staudinger 
et  Rebel  le  prétendent,  à  tort,  lorsqu'ils  disent  dans  le  Catalog 
1901  :  «  ai.  omn.  subtus  albidis  ». 

A  Fusio  et  dans  les  Hautes-Pyrénées,  à  Cauterets,  la  sinapïs 
qui  vole  en  juin  et  juillet  appartient  à  la  race  de  printemps. 

Je  crois  que  les  Entomologistes  anglais  ont  remarqué  que  la 
Leucophasia  sinapïs  se  raréfie  en  Angleterre,  tout  au  moins  dans 
certaines  localités  où  on  la  trouvait  jadis  en  abondance.  En  Bre- 
tagne, je  remarque  que  sïnapis  tend  également  à  se  raréfier;  je  vois 
voler  très  peu  d'exemplaires  en  été;  dans  mes  chasses  de  printemps, 
le  nombre  des  individus  que  je  me  suis  trouvé  à  même  de  capturer, 
ces  dernières  années,  à  la  forêt  de  Rennes,  ou  dans  les  chemins 
ombragés  et  le  long  des  haies,  me  semble  en  voie  de  réduction, 
comparativement  au  temps  passé.  Cependant  l'espèce  existe  encore 
en  certaine  quantité  d'exemplaires  dans  notre  pays. 

J'ai  reçu  de  AI.  H.  Powell  quelques  notes  contenant  des  obser- 
vations sur  les  mœurs  des  Insectes  et  les  particularités  qu'il  était 
à  même  de  constater,  lorsqu'il  chassait  pour  nous  en  1906,  1907 
et  1908.  Voici  une  notice  relative  aux  procédés  galants  de  la 
Leucophasia  sinapïs  -. 

Le  5  septembre  1908,  à  Vernet-les-Bains,  M.  H.  Powell  aperçut 
une  Leucophasia  sïnapis  Q  assez  fraîche  qui  avait  l'allure  d'une 
pondeuse.  Il  la  suivit  pour  obtenir  l'œuf,  si  possible.  Elle  volait 
bien  bas,  en  cherchant  une  plante  convenable,  et  finit  par  trouver 
une  onobrychïs,  à  côté  d'un  rocher.  Au'  même  instant,  un  cf  l'aperçut 
et  descendit  lentement  vers  la  Q,  en  battant  des  ailes.  Sans  doute 
la  Ç)  vit  également  le  cf,  parce  qu'étant  posée,  elle  se  mit  aussi  à 
battre  des  ailes;  mais  cela  ne  l'empêcha  point  de  pondre  son  œuf 
au-dessous  d'une  foliole.  Le  cf  l'attendait  tout  près,  sur  le  rocher. 
Elle  s'envola  aussitôt  après  avoir  pondu  et  le  cf  la  suivit.  Ils  se 
posèrent  alors  sur  une  feuille,  le  cf  s'étant  placé  en  face  de  la  Q, 


l6o  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

ce  qui  rapprochait  les  deux  têtes  des  papillons.  Lorsqu'une  Q  de 
Pieris  et  de  bien  d'autres  genres  de  papillons  ne  veut  pas  du  cf, 
elle  ouvre  ses  ailes  en  grand  et  redresse  son  abdomen;  mais  la  Q 
de  sinapis  n'a  point  agi  ainsi.  Elle  gardait  les  ailes  redressées  et 
fermées,  produisant  seulement  un  petit  battement  intermittent.  De 
son  côté,  le  cf  donnait  de  petits  battements  irréguliers  et  par 
moments  développait  sa  trompe  et  en  frappait  l'antenne  gauche  de 
la  Q.  Il  donnait  6  ou  8  coups  successifs,  en  remuant  vigoureu- 
sement sa  tête,  puis  il  se  reposait  durant  une  vingtaine  de  secondes 
et  recommençait.  A  chaque  coup  reçu  sur  son  antenne,  la  Q 
répondait  par  un  petit  battement  d'ailes.  Ce  manège  a  continué 
pendant  4  ou  5  minutes,  sans  que  le  cf  ait  essayé  de  s'accoupler; 
puis  il  s'est  envolé,  laissant  la  Q   au  repos. 

L'œuf  qui  fut  recueilli  par  M.  K.  Powell  est  relativement  grand. 
Il  ressemble  par  sa  couleur  et  sa  surface  à  celui  de  rapce  et  de  Manni, 
mais  n'a  pas  la  même  forme,  étant  pointu  des  deux  bouts  et  renflé 
au  milieu. 

J'ai  cité  toute  cette  observation  dont,  comme  je  le  dis  plus  haut, 
je  suis  redevable  à  M.  Powell,  pour  appeler  l'attention  des  Ento- 
mologistes sur  le  haut  intérêt  que  présenterait  la  photographie 
d'événements  souvent  très  curieux  de  la  vie  des  Insectes.  J'ai  vu 
des  chenilles  aux  prises  avec  la  mouche  qui  cherchait  à  leur  inoculer 
le  virus,  en  vue  de  les  engourdir  et  de  les  conserver  à  l'état  de 
viande  fraîche  pour  la  nourriture  de  leur  postérité.  La  chenille 
s'efforçait  d'éloigner  et  de  contrarier  son  ennemi  en  se  donnant  avec 
la  tête  des  coups  extrêmement  brusques  sur  les  flancs.  Le  drame 
s'accomplissait  ainsi  sous  les  yeux  de  l'observateur,  avec  le  regret 
pour  celui-ci  de  ne  pouvoir  en  dépeindre  assez  exactement  toutes 
les  rapides  péripéties.  La  photographie  des  Insectes  vivants,  dans 
les  phases  variées  de  leur  existence,  sera  l'un  des  progrès  de  l'avenir. 

Colias  Palaeno,  Linné. 

La  Colias,  que  l'on  a  coutume  de  désigner  sous  le  nom  de 
Palœno,  présente  3  races  européennes  : 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE  l6l 


1°  La  race  Palceno,  de  Laponie  et  de  Russie,  caractérisée  par  la 
teinte  généralement  d'un  jaune  verdâtre  très  pâle  qui  recouvre  les 
ailes  du  cf,  en  dessus. 

Cette  race  est  d'ailleurs  variable,  et  je  possède  des  cf  pris  à  la 
limite  des  gouvernements  Wiadimir  et  Kostroma,  dans  la  Russie 
centrale,  qui  sont  beaucoup  plus  clairs  que  d'autres  pris  à  Saint- 
Pétersbourg  et  dont  je  suis  redevable  à  M.  de  Hedemann. 

2°  La  race  Europome,  Esper  et  Huebner,  de  l'Allemagne  centrale; 
c'est  la  plus  grande  forme  connue;  le  cf  a  le  fond  des  ailes  en 
dessus  d'un  jaune  verdâtre  vif  et  le  dessous  des  inférieures  paraît 
moins  obscur  et  moins  sablé  d'atomes  grisâtres  que  dans  les  autres 
formes.  Esper  l'a  âguré  sous  les  n°'  i  et  2  de  la  PI.  XLII  et  Huebner 
sous  les  n°^  434  et  435.  Esper  croit  que  sa  «  Danaïde  blanche  » 
est  nouvelle  et  il  dit  :  «  Ein  neuer  Papilio  hat  nun  wohl  eines 
ganz  neuen  Namens  nœthig  gehabt.  »  Il  faut  en  effet  un  nom  nou- 
veau à  un  papillon  nouveau.  Esper  ajoute  que  son  Europome  est 
de  Saxe.  «  Beede  Papilionen  (cf  et  Q  )  wurden  in  einer  saechsischen 
Gegend  gefangen.   » 

3°  La  race  Europomene,  sec.  Stgr.  ;  c'est  celle  qui  intéresse  la 
faune  française;  elle  est  caractérisée  par  une  taille  plus  petite  que 
celle  d'Europonie,  la  teinte  jaune  verdâtre  très  vive  du  fond  des 
ailes  du  cf  en  dessus,  et  le  ton  plus  obscur  du  dessous  des  ailes 
inférieures.  Mais  il  est  juste  d'observer  que  certains  Europome 
doivent  être  bien  difficiles  à  distinguer  d'Eîiropomene  et  vice-versâ. 
C'est  sur  un  ensemble  et  une  généralité  que  se  fait  la  distinction. 

Europomene  se  trouve  dans  les  Alpes;  je  l'ai  prise  en  certaine 
quantité  à  Ryffelalp,  par  une  altitude  d'environ  2,200  mètres.  Elle 
vole  rapidement  et  c'est  un  plaisir  de  la  voir,  avec  sa  belle  couleur 
vive  et  claire,  évoluer  capricieusement  sur  les  pentes  des  montagnes. 
Il  y  a,  à  côté  de  l'Hôtel  Ryffelalp,  çà  et  là,  au  milieu  de  la  forêt 
de  vieux  et  superbes  pins  qui,  malheureusement,  ne  se  resèment 
presque  plus  et  se  raréfient  d'année  en  année,  des  sortes  de  ravins 
ou  d'entonnoirs  dont  le  fond  est  souvent  assez  large  et  dont  les 
côtés   sont   tapissés    d'une    végétation   buissonneuse   et   courte   de 

11 


102  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

vaccinium  et  de  rhododendron;  la  couleur  en  paraît  très  foncée. 
Quelques  troncs  gigantesques  de  pins  aroles  s'élèvent  parmi  ces 
buissons  bas  et  obscurs.  Lorsque,  se  trouvant  sur  le  sentier  d'où 
l'œil  domine  un  de  ces  bas-fonds,  on  aperçoit  quelques  Collas 
voltigeant  avec  activité,  montant  et  descendant  les  pentes,  se  repo- 
sant un  moment  pour  reprendre  un  vol  extrêmement  rapide  et 
vigoureux,  on  jouit  d'un  spectacle  qui  m'a  toujours  charmé.  Les 
Collas  ressortent  si  vivement  sur  le  fond  vert  sombre  des  buissons 
qu'elles  semblent  des  points  lumineux,  bien  plus  brillants  encore 
qu'elles  ne  sont  réellement,  une  fois  saisies  et  piquées  dans  la  boîte. 
Cependant  ce  sont  des  papillons  joliment  parés  avec  leurs  ailes 
d'un  jaune  si  gai  et  si  vif  cerclées  de  noir  et  frangées  d'un  rose  plus 
pur  que  celui  des  fleurs  de  rhododendron. 

Mes  fils  Charles  et  Joseph  ont  capturé  la  Collas  Europomene 
au  col  de  la  Balme,  entre  Chamounix  et  Martigny,  au  mois  de 
juillet  1892,  et  au-dessus  de  Lanslebourg,  en  juillet  1894.  Plus 
récemment,  M.  Hustache  a  trouvé,  en  nombre,  la  même  Collas  à 
Russey  (Doubs).  Malheureusement  c'était  en  août  et  il  était  trop 
tard  pour  pouvoir  récolter  des  exemplaires  bien  frais.  Cependant 
ma  collection  contient  de  cette  localité  7  cf  et  12  Q  assez  bien 
conservés  et  qui  semblent  fort  intéressants.  En  effet,  les  cf  ont  tous 
la  bande  marginale  noire  des  ailes  supérieures  prolongée  en  une 
pointe  aiguë  et  quelquefois  très  longue,  le  long  du  bord  interne, 
et  certaines  Q  sont  d'une  teinte  verdâtre  pâle  presque  égale  à  celle 
des  cf  de  Russie. 

Ces  Collas  appartiennent  à  la  var.  jurasslca,  Verity  {Rhop. 
palœarct.,  p.  216).  En  outre  des  localités  précitées,  je  possède 
Europomene  du  Jura  bernois,  des  Grisons,  de  Willaringen  (Baden), 
du  Lautaret  (Hautes-Alpes),  011  je  l'ai  prise  en  juillet  1905,  et  des 
Basses-Alpes.  Je  sais  aussi  qu'elle  se  trouve  dans  les  Vosges. 

La  Q  d'EuropOînene  est  généralement  blanche.  Il  y  a  cependant 
une  forme  dont  les  ailes  sont  de  la  couleur  jaune  du  cf-  Cette  Q 
se  trouve  dans  les  Basses-Alpes,  à  Larche.  C'est  la  var.  Phllomene, 
Duponchel,  très  bien  figurée  par  cet  auteur  sous  les  n°'  3,  4  et  5 
de  la  PI.  XLVII. 


LÉPIDOPTÉROLOGIE    COMPARÉE  163 

Aristicles  von  Caradja,  qui  a  publié  dans  VIris  (Band.  VII,  1894) 
un  Catalogue  raisonné  des  Macrolépidoptères  de  la  Haute-Garonne, 
cite  Euro-pomene  parmi  les  espèces  pyrénéennes  dans  les  termes 
suivants  : 

«  Mai,  juli,  Aug.  Bei  S*-  Béat,  Mont  Cagire  (im  mai),  Cierp, 
Bagnères-de-Luchon  und  thalaufwaerts;  i  Stueck  vom  Port-de- 
Venasque  (2,417  m.)  im  August.  Es  sind  aile  typische  Stuecke, 
wie  sie  genau  so  in  der  Schweiz  und  den  Basses-Alpes  vorkommen. 
Zone  II  (mittlerer  Theil  des  Département)  ;  Zone  III  (das  Gebirge 
von  i.ocx)  m.  an.   » 

Ces  renseignements  sont  très  précis  et  je  n'ose  y  contredire;  mais 
je  déclare  n'avoir  jamais  vu  Europomene  dans  les  diverses  parties 
des  Pyrénées  que  j'ai  parcourues,  et  aucun  Entomologiste,  parmi 
ceux  que  j'ai  l'honneur  de  connaître,  n'a  pris  cette  Colzas  dans  un 
lieu  quelconque  de  ces  montagnes. 

M.  Léon  Frédericq,  Directeur  de  la  classe  des  Sciences  de 
l'Académie  royale  de  Belgique,  a  publié  en  1904  un  travail  du  plus 
grand  intérêt  sur  la  faune  et  la  flore  glaciaires  du  plateau  de  la 
Baraque-Michel  (point  culminant  de  l'Ardenne)  où  vole  la  Colias 
Europemene.  Une  étude  très  approfondie  est  faite  de  l'aire  de  dis- 
persion de  cette  Colias,  en  même  temps  que  des  renseignements  sont 
donnés  sur  la  faune  et  la  flore  de  la  partie  montagnarde  du  territoire 
belge  confinant  à  l'Allemagne.  C'est  un  document  de  haute  éru- 
dition et  dont  la  lecture  est  pleine  d'attrait. 

Colias  Phicomone,  Esper. 

Une  Colias  des  hautes  altitudes  qu'on  ne  voit  généralement  pas 
au-dessous  de  1,800  à  2,000  mètres.  Répandue  dans  les  Pyrénées 
françaises  et  espagnoles,  depuis  le  Pla-Guilhem,  au-dessus  de 
Vernet-les-Bains,  jusqu'aux  Picos-de-Europa,  dans  les  Asturies; 
habite  aussi  les  Alpes.  Très  variable;  mais  les  variations  atteignent 
les  individus  dans  les  diverses  montagnes  où  ils  habitent  et  non 
pas  une  race  locale,  comparativement  à  une  autre. 


164  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

On  trouve  la  chrysalide  de  Phicomone  sous  les  pierres  avec  celle 
de  la  Pïeris  Callidice;  elle  est  d'un  joli  vert  tendre  avec  un  point 
rouge. 

Le  cf  a  le  fond  des  ailes  d'un  vert  clair  plus  ou  moins  parsemé 
d'atomes  noirâtres.  La  Q  est  d'un  blanc  quelquefois  verdâtre,  avec 
une  frange  d'un  rose  pur,  sur  le  bord  margmal  des  4  ailes.  La 
frange  du  cf  est  également  rose,  mais  souvent  à  son  extrémité 
seulement.  J'ai  pris  dans  les  Asturies  un  cT  figuré  par  Verity  (Rhop. 
pal.,  PI.  XIII,  fig.  3),  dépourvu  du  point  discoïdal  noir  aux  ailes 
supérieures.  J'ai  réuni  dans  ma  collection  environ  300  exemplaires 
de  diverses  localités  des  Alpes  et  des  Pyrénées.  Je  ne  crois  pas 
qu'il  y  ait  dans  cette  quantité  deux  exemplaires  semblables. 

Au-dessus  de  l'Hôtel  Ryffelalp,  dans  le  Valais,  Phicomone  vole 
quelquefois  abondamment  sur  les  pelouses  rases  oii  paissent 
quelques  troupeaux.  Là,  elle  est  facile  à  prendre,  le  plateau  étant 
dans  son  ensemble  assez  plan  et  seulement  légèrement  ondulé.  Dans 
les  Pyrénées,  autour  du  lac  de  Gaube,  Phicomone  est  beaucoup 
moins  aisée  à  capturer;  elle  vole  sur  des  raillères  dont  la  pente  est 
extrêmement  raide  et  beaucoup  d'exemplaires  passent,  absolument 
inabordables. 

Au  Pla-Guilhem,  vaste  solitude  couverte  d'un  gazon  assez  ras, 
où  la  course  est  relativement  facile,  la  capture  de  Phicomone  peut 
être  très  abondante  et  la  chasse  y  est  très  intéressante,  à  cause  de 
la  variabilité  de  l'espèce. 


Collas  Hyale,  Linné. 

Se  trouve  en  Angleterre;  mais  comme  dit  Charles  Barrett  (The 
Lepidoptera  of  the  british  Islands,  p.  34),  «  The  butterfly  is  extre- 
mely  uncertain  in  its  appearences.  At  long  intervais  it  occurs  in 
numbers  on  the  South  Coast,  and  even,  in  decreasing  numbers,  over 
a  large  portion  of  the  Kingdom.  Perhaps  its  most  abundant  year 
v^as  1868  and  it  appeared  in  considérable  numbers  in  some  localities 
in  1835,  1842,  1857-58  and  1875;  but  in  many  years  hardly  more 


LÉPIDOPTÉROLOGIE    COMPARÉE  165 

than  a  spécimen  or  tvvo  is  seen,  in  others  not  one;  and  much 
research  has  been  expended  upon  the  perplexing  question  of  its 
retreat  during  thèse  long  intervais...   » 

En  Bretagne,  Hynlc  n'est  généralement  pas  beaucoup  plus  abon- 
dante qu'en  Angleterre,  sauf  en  quelques  années  exceptionnelles. 
Je  vois  cette  Colias  à  peu  près  tous  les  ans,  aux  environs  de  Rennes, 
mais  en  petit  nombre.  Je  l'ai  rencontrée  au  bord  de  la  mer  de  la 
Manche,  à  Cancale  et  à  Saint-Malo.  Je  ne  l'ai  pas  vue  à  l'ouest  de 
Rennes,  dans  la  région  de  Monterfil;  je  la  crois  cependant  assez 
nombreuse  au  sud  de  Rennes,  sur  les  bords  de  la  Vilaine,  vers 
Bourg-des-Comptes,  localité  plus  méridionale  que  Rennes.  Je  ne 
me  souviens  pas  d'avoir  observé  Hyale,  en  Bretagne,  au  printemps. 
C'est  toujours  à  la  fin  de  l'été  ou  au  commencement  de  l'automne 
que  j'ai  constaté  la  présence  de  cette  espèce  dans  notre  région. 

Je  crois  que  Hyale  est,  en  Bretagne  comme  en  Angleterre,  une 
Colias  qui  ne  paraît  qu'à  la  suite  de  migrations  venant  du  sud-est. 

Hyale  est  très  abondante  au  midi  de  la  Loire  et  aux  environs 
de  Paris.  Je  l'ai  vue  très  commune  dans  certains  jardins  publics 
de  Paris,  en  août  et  septembre.  Au  sud  de  la  Loire,  elle  paraît  deux 
fois  par  an,  d'abord  en  mai,  puis  en  été.  Je  ne  l'ai  jamais  reçue 
d'Algérie,  oii  M.  Holl  ne  l'a  pas  trouvée,  quoique  chassant  depuis 
longtemps,  et  avec  beaucoup  de  soin,  aux  environs  d'Alger.  Mais 
M.  Seriziat  dit  l'avoir  prise  à  Collo,  et  elle  me  fut  jadis  signalée 
d'El-Haçaiba,  en  juin.  Au  contraire,  Hyale,  avec  sa  forme  gigan- 
tesque Polïographus  {Simoda),  abonde  dans  toute  l'Asie  orientale. 

Voici  les  localités  d'oii  je  possède  Hyale,  en  faisant  abstraction 
de  la  forme  asiatique  Poliographns  et  en  me  bornant  à  relever  les 
étiquettes  indiquant  la  provenance  des  Hyale  appartenant  à  la 
forme  européenne  de  l'espèce  :  Mésopotamie,  Transalaï,  Turkestan 
oriental,  Asie-Mineure  (Broussa),  Autriche,  Allemagne,  Valais, 
Basses-Alpes,  Alpes-Maritimes,  Var,  Bouches-du-Rhône,  Gers 
(Lectoure),  Pyrénées-Orientales,  Gironde,  Charente  et  Charente- 
Inférieure,  Vendée,  Vienne,  Ille-et-Vilaine,  Paris,  Doubs,  Cantal, 
et  en  Afrique,  Abyssinie. 


l66  UÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

La  Colzas  Hyale  est  variable.  J'ai  observé  les  Aberrations  sui- 
vantes : 

Ab.  Siever soldes,  Verity  (PI.  XL,  fig.  34).  i  cf  de  Wurtemberg, 
chez  qui  l'apex  des  supérieures  est  entièrement  dépourvu  de  noir. 
Entre  le  point  noir  discoïdal  et  le  bord  marginal  des  ailes  supé- 
rieures, il  ne  reste  que  la  première  tache  noire,  celle  au  delà  de 
laquelle  se  trouve  normalement  la  série  de  points  jaune  clair  qui 
sépare  ordinairement  la  première  macule  noire  de  la  seconde  avec 
laquelle  elle  se  confond  ordinairement.  Cette  dernière  macule  noire 
manque  dans  Sieversoides  sur  tout  l'espace  apical  et  marginal  qui 
reste  entièrement  jaune  liséré  de  rose. 

Ab.  intermédiaire  entre  Sieversoides  et  la  forme  normale;  les 
taches  jaunes  submarginales  se  confondent  en  une  bande  qui  sépare 
l'espace  noir  apical-marginal  en  deux  taches  bien  distinctes.  Plu- 
sieurs exemplaires  cf  d'Autriche,  de  Paris,  de  Digne,  de  Villeneuve- 
de-Blaye  (Gironde). 

Ab.  Uhli,  Verity  (PI.  XL,  fig.  33);  c'est  l'Aberration  inverse  où 
l'espace  apical  marginal  est  entièrement  noir  et  absorbe  les  taches 
jaunes  normales.  Plusieurs  c?  de  Villeneuve-de-Blaye,  de  Cadolz- 
burg  (D''  Kiessling)  et  de  Lectoure  (Gers),  et  d'autres,  de  diverses 
localités,  faisant  la  transition  entre  cette  Aberration  et  la  forme 
normale. 

Ab.  nigrofasciata,  Verity  (PI.  XL,  fig.  38),  oi^i  le  point  noir  dis- 
coïdal est  relié  par  un  épais  semis  d'atomes  noirs  à  la  tache  noire 
apicale.  Barrett  figure  (PI.  V,  fig.  2  F)  un  cf  de  cette  Aberration 
faisant  partie  de  la  collection  Robson.  Mosley  représente  un  cf  de 
cette  Aberration  appartenant  à  M.  Robson,  mais  ne  semblant  pas 
être  le  même  exemplaire  dont  Barrett  a  donné  la  figure.  Je  possède 
de  cette  Ab.  nigrofasciata  un  cf  de  Besançon;  j'en  suis  redevable 
à  l'obligeance  de  M.  Jeunet;  un  cf  et  une  g  de  Brandenburg,  et 
une  Q  de  Paris. 

En  outre,  la  Colias  Hyale  varie  pour  la  vivacité  et  l'accentuation 
de  la  teinte  des  ailes  chez  le  cf  et  chez  la  Q  ;  pour  le  développement 
ou  l'oblitération  de  la  bordure  maculaire  noire  des  ailes  inférieures, 


LÉPIDOPTÉROLOGIE    COMPARÉE  167 

en  dessus;  pour  la  tache  orbiculaire  du  milieu  des  ailes  inférieures 
en  dessous,  généralement  double,  mais  qui  peut  être  simple. 

En  Bretagne,  et  sans  doute  partout  ailleurs,  la  Colias  Hyale  affec- 
tionne les  champs  de  trèfle  et  de  luzerne.  Dans  l'ouest  de  la  France, 
au  sud  de  la  Loire,  Hyale  vole  fréquemment  sur  les  banquettes  des 
grandes  routes,  qui  sont  ordinairement  gazonnées  et  remplies  de 
fleurs  variées.  J'ai  vu  une  foule  de  papillons  :  Colias,  Lycœna, 
Satyres,  H  es-pênes,  voltiger  sur  ces  banquettes  où  les  plantes  natu- 
relles croissaient  avec  assez  de  vigueur,  surtout  dans  la  Vienne  et 
dans  les  Charentes.  Les  routes  devenaient  alors  d'intéressantes 
localités  entomologiques. 

Colias  Edusa,  Fabr. 

On  trouve  la  Colias  Edusa  en  Barbarie,  que  je  crois  être  son 
pays  d'origine;  dans  presque  toute  l'Europe,  en  Asie-Mineure  et 
jusqu'au  Yunnan  d'où  feu  le  P.  Delavay,  Missionnaire  apostolique, 
me  l'a  jadis  envoyée.  Dans  le  midi  et  le  centre  de  la  France,  il 
semble  (\vi  Edusa  est  actuellement  une  espèce  parfaitement  stable, 
accomplissant  son  évolution  avec  la  plus  régulière  continuité  et  ne 
disparaissant  pas  momentanément  du  pays,  tandis  que  dans  la 
Péninsule  armoricaine  et  en  Angleterre,  je  suis  porté  à  croire  qu'il 
en  est  tout  autrement.  En  Ille-et-Vilaine,  je  vois  Edusa  tous  les 
étés  depuis  le  mois  d'août,  et  elle  vole  encore  chez  nous  en  automne, 
souvent  jusqu'à  la  Toussaint;  mais  je  l'ai  bien  rarement  observée 
au  printemps  dans  les  environs  de  Rennes,  et  si,  en  juin,  je  vois 
une  Edusa,  c'est  un  échantillon  généralement  usé.  Je  pense  donc 
que  les  Edusa  qui  voltigent  dans  nos  jardins,  sur  les  champs  de 
trèfle  et  de  luzerne  et  le  long  de  nos  routes,  depuis  le  mois  d'août 
à  la  fin  d'octobre,  sont  la  descendance  de  quelques  papillons  mi- 
grateurs venant  du  sud,  probablement  du  Maroc,  et  produisant  chez 
nous,  à  la  fin  du  printemps  ou  au  commencement  de  l'été,  des  œufs 
dont  les  chenilles  se  développent  en  juillet  et  donnent  leurs 
papillons  vers  le  milieu  d'août.  Ces  papillons  produisent  à  leur  tour 
une  descendance  dont  nous  voyons  les  représentants  voltiger  en 


l68  LÊPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

octobre.  Mais  la  ponte  de  ceux-ci,  malgré  la  douceur  relative  de 
nos  hivers  bretons,  périt  presque  totalement.  L'espèce  est  alors 
renouvelée  en  Bretagne  par  quelques  individus  ayant  hiverné,  ou 
bien  par  des  migrations.  Au  mois  de  juin  1879,  j'ai  observé  à  Rennes 
un  nombreux  passage  d'Edusa.  Les  papillons  venaient  du  sud  et 
se  dirigeaient  directement  vers  le  nord.  Les  Entomologistes  anglais 
qui,  depuis  de  longues  années,  étudient  si  attentivement  la  faune 
de  leurs  Iles,  croient  aussi  que  les  larves  d'Ediisa  périssent  pendant" 
l'hiver  dans  leur  pays. 

Je  traduis  ci-dessous  une  notice  extrêmement  intéressante  consa- 
crée à  l'histoire  d'Edusa  en  Angleterre,  dans  le  bel  ouvrage  de 
M.  Charles  Barrett  :  The  Lefidoftera  of  the  briûsh  Islands.  C'est 
aux  pages  37,  38  et  3g  du  Vol.  I  que  l'auteur  expose  les  circons- 
tances de  la  vie  évolutive  de  la  Colias  Edusa  dans  la  Grande- 
Bretagne,  et  comme  suit  : 

«  Ce  beau  papillon  est  peut-être,  de  toutes  les  espèces  anglaises, 
la  plus  erratique.  C'est  à  peine  si,  dans  certaines  années,  on  a  pu 
en  voir  un  seul  échantillon,  même  sur  la  côte  sud  de  l'Angleterre, 
tandis  que  dans  d'autres  années,  Edusa  traverse,  en  nombre  modéré, 
tout  le  pays,  voyageant  régulièrement  le  long  des  routes,  se  délectant 
par  occasion  d'une  fleur  —  ordinairement  une  composée  de  couleur 
jaune,  —  puis  continuant  son  voyage,  mais  sans  vouloir  retourner 
en  arrière,  ni  se  fixer  dans  les  environs. 

»  Cependant  vienne  par  hasard  une  saison  favorable,  alors 
Edusa  devient  plus  stable,  abonde  même'  dans  les  champs  de  trèfle, 
et  la  quantité  des  exemplaires  de  l'espèce  augmente  rapidement. 

»  Sur  le  Continent,  il  est  notoire  o^Ediisa  hiverne.  Dans  le  sud 
de  l'Europe,  elle  vole  pendant  la  plus  grande  partie  de  l'hiver;  en 
Angleterre,  elle  a  été  trouvée  sous  des  lierres,  en  train  d'hiverner 
(in  the  act  of  hybernation)  ;  dans  de  rares  occasions,  des  femelles 
usées,  ayant  évidemment  hiverné,  ont  été  observées  au  commen- 
cement de  l'été,  pondant  leurs  œufs.  A  plusieurs  reprises,  des 
chenilles  provenant  d'œufs  déposés  à  l'automne  ont  mangé  assi- 
dûment en  pleine  saison  d'hiver;  elles  se  sont  même  chrysalidées ; 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE  lôg 

mais,  malgré  tous  les  soins  possibles,  elles  sont  mortes.  Bien  que 
les  Colzas  Edusa  soient  arrivées  dans  certains  cas  à  l'état  parfait 
et  complètement  colorées,  au  mois  de  décembre,  dans  l'intérieur  de 
la  chrysalide,  elles  sont  restées  incapables  d'éclore  (unable  to 
émerge).  Il  y  a  cependant,  dans  VEntomologist,  un  récit  de 
M.  Jobson  qui  expose  que  d'une  ponte  d'hiver,  une  chenille  a  sur- 
vécu, s'est  transformée  en  chrysalide  le  1 1  avril  et  que  le  papillon 
est  éclos  le  2  mai. 

»  En  1875,  on  vit  quelques  spécimens  d'Ednsa  en  automne;  en 
juin  1876,  on  en  vit  aussi,  mais  très  peu;  cependant,  dans  l'automne 
de  cette  même  année  1876,  le  nombre  des  exemplaires  s'était  beau- 
coup augmenté  et  toutes  les  Q  voltigeaient  près  des  côtés  gazonnés 
des  routes,  sur  les  lotus  cornicidatus,  déposant  évidemment  leurs 
œufs.  La  dernière  Q    fut  observée  le  7  octobre. 

»  L'hiver  fut  si  doux  dans  le  Pembrokeshire  que  les  fjichsia 
continuèrent  à  fleurir  jusqu'au  printemps.  Les  chenilles  durent 
pouvoir  manger  tranquillement  pendant  l'hiver  et  le  printemps, 
relativement  plus  froid.  Aux  premiers  beaux  jours  (4  juin),  des 
spécimens  purent  naître  à  la  vie,  plus  grands  qu'aucun  de  ceux 
du  précédent  automne,  frais  et  brillants,  évidemment  fraîchement 
éclos  et  n'ayant  pas  hiverné.  De  plus,  on  en  voyait  en  plus  grand 
nombre  qu'à  l'automne  précédent. 

»  D'après  des  informations,  on  apprit  que  des  Edusa  avaient 
été  observées  à  Gravesend,  à  la  même  date.  Elles  volèrent  jusqu'au 
4  juillet;  mais  elles  étaient  usées  et  les  g,  déchirées  et  en  loques, 
ne  cessaient  de  voltiger  auprès  du  gazon  et  des  lotus.  Le  1 1  août, 
une  autre  éclosion  se  mit  à  paraître  et,  en  peu  de  jours,  chaque 
champ  de  trèfle,  chaque  sentier  et  chaque  relais  de  route  se  trouva 
animé  et  embelli  par  la  présence  de  ces  jolies  créatures.  Il  restera 
toujours  douteux  de  savoir  si  les  multitudes  d'échantillons  qui 
furent  observés  dans  tout  le  pays  constituaient  seulement  la  descen- 
dance de  la  première  éclosion,  ou  bien  si  elles  furent  renforcées 
par  une  vaste  immigration  venue  du  dehors. 

»  Quoique  l'espèce  ait  réalisé  un  vigoureux  effort  pour  se  main- 
tenir au  cours  de  cette  même  année  et  qu'elle  ait  réussi  à  produire 


I/o  LEPIDOPTEROLOGIE    COMPAREE 

une  autre  généi-ation  sur  la  côte  de  Kent,  sa  rencontre  dans  le  pays 
n'a  jamais  été  qu'occasionnelle  et  sporadique.  On  a  supposé  que 
les  œufs  ont  été  déposés,  mais  que  l'hiver  plus  inclément  a  détruit 
les  larves  qui  en  sont  sorties...   » 

Je  pense  qu'en  Bretagne  où  souvent,  pendant  plusieurs  années 
dé  suite,  les  hivers  se  succèdent  très  doux,  la  température  ne  peut 
pas  être  accusée  d'être  la  cause  de  la  destruction  périodique  des 
Edusa. 

Quoi  qu'il  en  soit,  il  semble  démontré  que  dans  la  partie  de 
l'ouest  de  la  France  située  au  nord  de  la  Loire,  aussi  bien  qu'en 
Angleterre,  les  Colins  Edusa  qui  volent  dans  ces  contrées,  en  parfait 
état  de  fraîcheur,  à  la  fin  de  l'été  et  au  commencement  de  l'automne, 
doivent  être  la  descendance  d'individus  migrateurs.  Une  nouvelle 
et  régulière  immigration  annuelle  est  donc  nécessaire  pour  que  la 
Collas  Edusa  reparaisse  à  chaque  saison  d'été,  en  Bretagne  et  en 
Angleterre,  où  l'espèce  manque  au  printemps. 

La  Collas  Edusa  a  été  observée  aux  îles  Orcades,  mais  pas  aux 
Shetland;  sa  migration  vers  le  nord  se  trouve  donc  limitée. 

U Ackerontia  atropos,  les  Chœro campa  Celerio  et  lineata,  le 
Daphnis  Nerii,  le  Protoparcc  convohndi,  la  Vanessa  Cardui,  même 
la  Plusia  gamma,  sont  des  espèces  de  Lépidoptères  également 
migrateurs.  Elles  se  reproduisent  régulièrement  dans  nos  dépar- 
tements méridionaux;  mais  en  Bretagne  et  en  Angleterre,  tous  les 
Sphïngidœ  dont  je  viens  de  citer  les  noms  ne  paraissent  qu'à  l'état 
erratique.  La  Plusia  gamma  est  sans  doute  mieux  fixée;  cependant 
c'est  une  espèce  qui  se  trouve  souvent  entraînée  loin  de  son  lieu 
d'origine.  Je  me  souviens  que  jadis,  passant  de  Zermatt  à  Valtor- 
nanche  par  le  Col  de  Saint-Théodule,  je  vis,  un  peu  avant  d'arriver 
au  Breuil,  les  vastes  champs  de  neige  que  nous  traversions  couverts 
de  points  grisâtres.  C'étaient  des  Plusia  gamma  qui  jonchaient  la 
neige  éternelle  où  elles  étaient  légèrement  enfoncées.  Un  vol  de 
ces  noctuelles,  passant  à  de  hautes  altitudes,  avait  sans  doute  été 
précipité  sur  la  neige  par  une  tempête  de  vent  et  les  papillons, 
projetés  avec  force,  avaient  été  tués  sur  place. 


LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE 


II  y  a  des  phénomènes  entomologiques  bien  inexplicables.  J'ai 
vu  en  mai  1 870,  au  sommet  du  Vésuve,  une  invasion  de  Coléoptères 
appartenant  aux  groupes  les  plus  variés.  Ces  insectes  étaient 
innombrables  autour  du  cratère;  les  I.hia  fopiilï  notamment  abon- 
daient, ainsi  que  des  Nebria  qui  marchaient  rapidement,  semblant 
poussées  par  une  force  irrésistible  vers  le  soufre  secoulant  liquide 
à  travers  les  fissures  les  plus  voisines  des  bords  de  la  couronne 
pierreuse  du  cratère.  Ces  Nebria  se  trouvaient  immédiatement 
noyées  dans  le  soufre,  qui  se  figeait  sur  elles,  et  ressemblaient  alors 
à  des  grains  de  raisins  secs  dans  un  gâteau  au  safran. 

Jamais,  depuis  1870,  je  ne  me  suis  retrouvé  en  présence  d'un 
pareil  phénomène.  Le  lendemain  de  mon  ascension  au  Vésuve, 
beaucoup  de  Coléoptères  que  nous  avions  rapportés  à  notre  hôtel, 
à  Naples,  dans  nos  vêtements  oii  ils  s'étaient  insinués,  s'étaient 
dirigés  dès  le  matin  vers  la  lumière  et  garnissaient  les  rideaux  des 
fenêtres.  Je  pouvais  encore  récolter  ainsi  de  nombreux  échantillons. 

Dans  certaines  occasions,  la  quantité  des  Insectes  paraît  immense, 
tandis  que  dans  d'autres  circonstances,  pour  des  causes  le  plus 
souvent  inconnues,  les  mêmes  espèces  semblent  très  raréfiées. 
C'est  ainsi  qu'en  Angleterre  on  a  conservé  le  souvenir  de  l'année 
1877,  la  grande  année  des  Edusa,  comparativement  aux  autres 
années  où  l'espèce  semble  quelquefois  faire  presque  complètement 
défaut.  Pendant  l'été  de  cette  année  1877,  je  me  trouvais  à  Cancale. 
au  bord  de  la  mer  de  la  Manche.  Les  falaises,  dont  la  base  rocheuse 
est  constamment  battue  par  les  flots,  mais  dont  les  pentes  sont 
couvertes  d'une  végétation  assez  variée,  forment  les  assises  d'un 
plateau  dominant  la  mer  et  sur  lequel  sont  construites  de  nom- 
breuses habitations.  Tout  près  de  l'agglomération  urbaine,  des 
champs  cultivés,  entourés  de  haies  vives,  alternent  avec  des  landes 
d'ajonc.  Il  y  a  surtout  des  cultures  de  blé  noir,  de  blé,  de  luzerne, 
de  trèfle  et  de  pommes  de  terre.  Sur  les  trèfles  et  les  luzernes,  les 
Collas  Edusa  étaient  en  nombre  immense,  et  des  deux  côtés  de 
la  mer  de  la  Manche,  en  Bretagne  comme  en  Angleterre,  le  même 
phénomène  entomologique  se  produisait. 

Je  pouvais  donc  choisir  à  mon  gré  les  exemplaires  intéressants 


LÉPIDOPTÉROLOGIE    COMPARÉE 


de  la  Colias  Edusa  qu'on  voyait  voltiger  partout  et  dont  les  ailes 
jaunes  tranchaient  si  bien  sur  la  couleur  rosée  des  trèfles,  ou  violet 
bleu  des  luzernes  en  fleurs. 

C'est  ainsi  que  je  vis  un  cf  tout  frais  éclos  et  n'ayant  point  encore 
volé.  Je  le  piquai  avant  qu'il  ait  pu  se  débattre.  Souvent  les 
Edîisa  cf  ont  la  bordure  noire  de  leurs  ailes  saupoudrée  d'atomes 
jaunes;  mais  chez  cet  exemplaire,  le  semis  des  atomes  jaunes  sur 
la  bordure  noire  des  ailes  supérieures  est  tellement  épais  et  serré 
que  l'aspect  général  du  papillon  s'en  trouve  un  peu  modifié.  Je 
pense  que  ces  écailles  jaunes  très  fines  sont  très  fugaces  et  qu'il 
suffit  d'un  vol  très  peu  prolongé  pour  qu'elles  soient  plus  ou  moins 
absentes. 

Verity  figure  avec  le  nom  é'obsoleta.  sous  le  n°  30  de  la  PI.  XLVI 
des  Rhop.  palcearcL,  une  Q  Edusa  anglaise,  provenant  de  la  col- 
lection Howard-Vaughan.  Chez  cette  Q,  la  bordure  noire  est 
presqu'entièrement  dépourvue  des  taches  jaunes  qui  distinguent  la 
Q  Edusa  de  l'autre  sexe.  Je  possède  d'Angleterre  3  autres  Q 
analogues,  dont  2  portent  à  leur  étiquette  la  date  :  1877.  En  1877 
également,  je  trouvai  à  Cancale  cette  même  variété  Q  obsoleta, 
que  je  n'ai  pas  rencontrée  depuis. 

Howard-Vaughan  possédait  une  fort  belle  collection  de  papillons 
exclusivement  anglais.  Cette  collection  fut  vendue  à  la  salle  Stevens, 
à  Londres,  les  22  et  23  avril  1890.  Je  me  suis  toujours  vivement 
intéressé  aux  papillons  anglais  et,  à  cette  vente,  j'avais  donné 
commission  d'acheter  pour  moi,  sans  prendre  la  précaution  de  fixer 
une  limite  maximum  de  prix,  un  hermaphrodite  Edusa  -.  cf.  aile 
supérieure  gauche;  1/2  cf  et  1/2  Q,  aile  inférieure  gauche;  entiè- 
rement Q,  les  2  ailes  du  côté  droit.  Il  avait  été  pris  à  Folkestone, 
le  12  août  1871,  et  je  l'ai  fait  représenter  en  photographie  dans 
le  n°  28  de  la  Feuille  des  Jeunes  Naturalistes  de  l'année  igoo. 
Ce  papillon  me  coûta  fort  cher,  attendu  qu'il  fut  poussé  également 
à  un  très  haut  prix  pour  le  compte  de  l'Hon.  Walter  Rothschild, 
qui  commençait  en  1890  la  formation  de  la  collection  dont  il  a 
réussi  à  faire  en  si  peu  d'années  la  première  du  Monde. 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE  I73 

C'est  cette  circonstance  qui  me  révéla  le  nouvel  Entomologiste 
dont  le  Musée,  à  Tring,  est  si  promptement  devenu  illustre. 

La  Collas  Edusa  est  fertile  en  xVberrations.  Je  connais  les  sui- 
vantes : 

i"  Cf  et  Q  ;  la  bande  noire  des  ailes  supérieures  se  trouve  réunie 
au  point  noir  cellulaire  par  un  semis  d'atomes  noirs,  comme  cela 
a  lieu  dans  la  Hyale  nigrofasàata.  Verity  a  figuré  un  çS  de  cette 
Aberration  sous  le  n°  8  de  la  PI.  XLVII.  Mon  exemplaire  vient, 
je  crois,  de  Sarepta,  et  une  Q ,  de  Sorrente,  sous  le  n°  g  de  la  même 
Planche. 

2°  cf;  le  point  noir  cellulaire  manque,  ainsi  que  dans  la  Phico- 
inone  des  Asturies  figurée  par  Verity,  sous  le  n°  3  de  la  PI.  XLII, 
et   la  Myrmidone,  représentée   sous  le  n°   34   de  la  PI.   XLVII. 

3"  cf;  les  parties  noires,  atteintes  d'albinisme,  sont  devenues 
d'un  gris  très  pâle  {Rhop.  palœarct.,  PI.  XLVII,  n°  10).  Cette 
même  Ab.  est  figurée  sous  le  n°  i  de  la  PI.  I  de  lahresbericht  d. 
Wien.  ent.  Ver.,  1903,  d'après  un  exemplaire  pris  le  17  sep- 
tembre 1898,  par  Schneck,  près  de  Huetteldorf,  en  Autriche. 

4°  C?;  la  couleur  jaune  du  fond  des  ailes  est  très  pâle. 

De  plus,  la  partie  marginale  noire  est  plus  ou  moins  traversée 
par  des  traits  jaunes  en  prolongement  des  nervures;  la  tache 
discoïdale  des  ailes  inférieures,  généralement  double,  peut  être 
simple;  la  taille  peut  varier  de  moitié  dans  le  même  pays.  J'ai  des 
exemplaires  de  Sicile  également  exceptionnellement  petits  et  excep- 
tionnellement grands.  Je  possède  une  paire  venant  de  Corse  dont 
la  taille  égale  celle  d'Aurora. 

5°  Q  Ab.  obsoleta,  dépourvue  des  taches  jaunes  dans  la  bordure 
noire  des  ailes  supérieures.  Je  la  possède  non  seulement  d'Angle- 
terre et  de  Cancale,  mais  de  Vernet-les-Bains,  de  Sebdou  et 
d'Hyères  (Var),  en  grand  nombre. 

6°  Ç)  Ab.  Hélice;  le  fond  des  ailes  est  blanc  au  lieu  d'être  jaune. 
Les  exemplaires  sont  quelquefois  très  obscurcis  par  les  atomes 
noirs.  L'Aberr.  Hélice  se  trouve  dans  presque  toutes  les  localités 
où  paraît  Edusa. 

7°   Q  Ab.  Helicina;  le  fond  des  ailes  est  de  couleur  jaune  très 


1/4  LEPIDOPTEROLOGIE    COMPARÉE 

pâle,  avec  un  léger  reflet  safrané  ou  rosé;  Helidna  est  intermédiaire 
entre  la  forme  à  ailes  jaunes  et  celle  à  ailes  blanches.  Le  speciuien 
typïcwn  Helïcina  fut  trouvé  éclosant  dans  notre  jardin  et  posé  sur 
une  fleur,  par  mon  fils  Joseph,  en  présence  d'Otto  Staudinger,  qui 
me  favorisait  d'une  visite  à  Rennes  ce  jour-là. 

Je  possède  2  Helicina  de  la  collection  Howard-Vaughan  :  l'une 
prise  à  New-Forest,  en  1877,  par  Bartlett;  l'autre  à  Folkestone, 
également  en  1877,  et  obtenue  de  M.  Austin.  M.  Gelin,  de  Niort, 
en  a  capturé  un  superbe  exemplaire,  le  20  septembre  1908; 
M.  Dupuy  a  trouvé  à  Angoulême  l'Ab.  Helicina  et  M.  Faroult  m'a 
envoyé  de  Tunis  une  Helicina  dont  les  ailes  inférieures  sont  très 
obscures,  avec  la  tache  orbiculaire  jaune  clair  en  dessus,  tandis 
que  dans  les  autres  Helicina,  cette  même  tache  est  d'un  beau  rouge 
orange.  J'ai  aussi  Helicina  de  Sicile,  de  Dompierre-sur-Mer  (Cha- 
rente-Inférieure), de  Charroux  (Vienne),  de  la  Sierra-Nevada 
d'Andalousie,  de  Lambèze,  de  Biskra,  de  Sebdou,  de  Hussein-Dey, 
d'Hyères. 

8°  Ç)  Hélice,  avec  la  tache  orbiculaire  des  ailes  inférieures,  en 
dessus,  blanche,  comme  dans  le  n°  31  de  la  PL  XL VI  de  Rhop. 
palœarci.;  je  possède  un  exemplaire  pris  au  Palais  de  Longchamp, 
à  Marseille;  un  2"  capturé  par  moi  à  Cauterets  en  juillet  1890; 
un  3''  trouvé  à  Besançon;  un  4''  que  je  rencontrai  sur  la  plage  de 
Tanger,  en  mai  1894;  un  5''  que  M.  Vigé  a  bien  voulu  m'envoyer 
de  Dompierre-sur-Mer  (Charente-Inférieure),  où  il  le  trouva  le 
24  juillet  1899;  enfin  un  &"  de  Hussein-Dey,  dont  je  suis  redevable 
à  l'obligeance  de  M.  LIoll. 

9°  Q,  le  fond  des  ailes  d'un  jaune  orange  très  vif  et  les  taches 
dans  la  bordure  noire  d'un  jaune  canari  clair;  ma  collection  contient 
un  exemplaire  pris  à  Villeneuve-de-Blaye  (Gironde)  par  M.  l'abbé 
Mège,  et  quelques  autres  de  Vernet-les-Bains  et  Charroux,  chez 
lesquels  la  différence  des  tons  jaunes  dans  les  ailes  supérieures  est 
plus  ou  moins  accentuée.  Je  vis  une  fois  à  Monterfil  (Ille-et- Vilaine), 
mais  sans  pouvoir  la  saisir,  une  Q  dont  le  fond  des  ailes  était 
jaune,  tandis  que  les  taches  dans  la  bordure  noire  me  parurent 
être  blanches. 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE  1/5 

10"  Ç)  surtout,  chez  lesquelles  le  contour  intérieur  de  la  bande 
marginale  noire  forme  la  tète  de  chien  dont  le  point  cellulaire 
noir  serait  l'œil.  La  Collas  américaine  Cœsonia  doit  son  nom  à  cette 
particularité  dont  elle  présente  la  plus  constante  expression. 

M.  H.  Powell  éleva,  en  1901,  à  Hyères,  deux  pontes  données  : 
l'une,  par  une  Edusa  à  ailes  jaunes;  l'autre,  par  une  Hélice. 
L'éclosion  des  papillons  se  fit  en  février  et  mars  1902.  Les  Q 
issues  ôlEdîisa  jaune  ont  toutes  été  jaunes;  environ  la  moitié,  soit 
14,  appartiennent  à  l'Ab.  obsoleta,  sans  taches  jaunes  dans  la  bor- 
dure noire;  5  Q  ont  l'apex  des  ailes  supérieures  recouvert  d'atomes 
jaunes,  comme  dans  le  n"  35  de  la  PL  XLVI  de  Rhop.  palœarct. 
{earinica,  Verity).  11  cf  sur  40  sont  d'un  jaune  très  clair.  Les  Q 
issues  à^Hclice  sont  Edusa  jaune  au  nombre  de  15  dont  8  obsoleta; 
1 1  autres  sont  Helicina  faisant  la  transition  presque  parfaite  à  la 
forme  jaune,  mais  pas  à  la  forme  blanche.  Aucun  exemplaire  n'y 
parvient  exactement,  la  plupart  restant  Helicina.  Tous  les  1 1  Heli- 
cina ont  la  tache  cellulaire  des  ailes  inférieures  très  élargie  d'un 
rouge  orangé  très  vif. 

La  taille  est  normale  pour  les  exemplaires  de  ces  deux  édu- 
cations; seul  un  (S,  issu  de  la  Q  Hélice,  est  d'une  taille  analogue 
à  celle  de  Polyoniniatus  virgaureœ.  Sur  25  cf  sortis  à^ Hélice,  un 
seul  est  de  couleur  claire.  Tous  les  exemplaires  ont  la  tache  cellu- 
laire double  en  dessous;  quelques-uns  montrent  même  une  tache 
triple,  en  ce  sens  qu'un  supplément  centralement  argenté  sur  un 
fond  brun  se  développe  en  dessous  de  l'orbe  principal.  Je  pense 
que  le  n°  11  de  la  PI.  XLVII  des  Rhop.  palœarct.  est  une  des  Q 
Helicina,  issues  ^Hélice,  obtenues  par  Powell  et  que  j'ai  prêtées 
à  Verity.  Mais  je  n'ai  pas  encore  la  légende  de  la  PI.  XLVII  au 
moment  oij  j'écris  ces  lignes,  et  tous  les  papillons  que  j'ai  prêtés 
à  Verity  sont  loin  d'être  rentrés  dans  ma  collection. 

Les  Colias  Chrysotheme  et  Myrmidone  n'ont  jamais  été  trouvées 
en  France  jusqu'ici.  Dans  les  Pyrénées,  on  ne  rencontre  o^Ediisa, 
en  fait  de  Colias  à  ailes  jaune  souci. 

Dans  lahresbericht  d.  Wien.  ent.  Ver.,  1903,  on  voit,  sous  le 
n"   2   de  la  PI.   I,   représenté  un  Edusa  hermaphrodite  :    Q    côté 


1/6  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

gauche  Helicina  et  cf  côté  droit.  Leopold  Semansky,  de  Vienne, 
possesseur  de  cette  pièce  merveilleuse  qui  fut  prise  le  20  août  1902, 
«  in  den  Donau-Auen  bei  Albern  unterhalb  Wien  »,  c'est-à-dire  : 
dans  les  prairies  du  Danube,  près  Albern,  en  dessous  de  Vienne, 
dit  qu'un  hermaphrodite  analogue  se  trouve  dans  la  collection 
Staudinger,  mais  c'est  le  côté  droit  qui  est  g  Hélice  et  le  côté 
gauche  qui  est  cf;  par  conséquent,  l'inverse  de  l'hermaphrodite  de 
L.  Semansky. 

Mosley  ûgure  sous  le  n"  3  de  la  PI.  2  des  variétés  de  Colias 
anglaises,  un  hermaphrodite  absolument  analogue  à  celui  de 
Semansky,  pris  à  Douvres  le  i'"  septembre  1877,  et  dans  la  pos- 
session de  M.  Briggs. 

Mosley  ajoute  qu'il  existe  dans  les  collections  anglaises  d'autres 
Ediisa  offrant  un  mélange  des  caractères  cT  et  g  ;  ainsi  M.  Bond 
possède  un  hermaphrodite  pris  à  Kent,  avec  le  côté  droit  cf  et  le 
côté  gauche  Q.  Le  même  Mosley  cite  aussi  1872  comme  étant  une 
autre  grande  année  dEdnsa,  en  Angleterre,  et  il  figure  sur  la  PL  I 
une  Ç)  Edusa  au  contour  extérieur  des  ailes  dentelé  et  2  Helicina 
a  taken  in  the  great  Edusa  year  1872   ». 


Rhodocera  rhamni,  Linné. 

Tout  le  monde  connaît  le  Papillon  citron  que  l'on  voit  voler 
dès  les  premiers  beaux  jours,  chez  nous  quelquefois  en  février, 
lorsque  le  soleil  brille  dans  une  journée  calme.  Le  long  des  talus 
abrités,  quelques  Citrons,  sortis  de  leur  léthargie  hivernale,  voltigent 
et  annoncent  le  prochain  renouveau.  Mais  un  peu  plus  tard,  les 
Citrons  deviennent  plus  nombreux;  et  lors  de  son  apparition 
estivale,  la  Rhodocera  rhamni  est  dans  certains  bois  l'espèce  la  plus 
abondante.  Il  y  environ  45  ans,  il  fit  dans  la  région  de  Rennes  un 
temps  chaud  et  ensoleillé,  le  i"''  novembre.  Je  n'ai  jamais  vu  autant 
de  Citrons  voler  dans  les  landes  de  Monterai,  partout  sur  les 
bruyères  et  les  ajoncs,  que  dans  cette  journée  d'automne  011  le 
soleil  était  si  éclatant. 


LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE  l"]"] 

J'ai  trouvé  en  Ille-et-Vilaine  une  variété  Q  très  intéressante;  je 
l'ai  appelée  :  britannica;  elle  est  presque  de  la  couleur  du  cf  et  je 
l'ai  communiquée  à  Verity,  afin  qu'il  la  fasse  figurer  dans  son 
ouvrage.  La  Rhodocera  rhamnï  se  trouve  en  Angleterre,  en  France, 
en  Allemagne,  en  Algérie,  en  Italie,  en  Andalousie,  en  Syrie;  elle 
est  de  'beaucoup  plus  grande  taille  dans  le  midi  que  dans  le  nord. 
Je  possède  des  exemplaires  très  grands  de  Tunisie,  du  Djurjura, 
de  Tivoli  et  d'Akbès.  Les  hermaphrodites  partiels  ne  sont  pas  très 
rares.  Ma  collection  en  contient  quelques  exemplaires.  Cleopatni 
et  rhamni  ne  s'excluent  pas  l'une  l'autre  et  elles  habitent  dans  le 
même  pays  (*). 

Rhodocera  Cleopatra,  Linné. 

Espèce  surtout  méridionale,  s'avançant  vers  le  nord  jusqu'au  côté 
sud  de  la  ville  d'Angoulême  oii  je  l'ai  vue  plusieurs  fois  voler  et 
où  je  l'ai  capturée  à  la  fin  de  juillet  1908,  chassant  en  compagnie 
de  mon  ami  Gabriel  Dupuy.  Elle  est  plus  chaudement  colorée  dans 


(*)  Dans  la  collection  Maddison  qui  a  été  vendue  à  Londres,  à  la  salle 
Stevens,  les  23  et  24  février  1909,  se  trouvait  un  curieux  Rhodocera  rhamni, 
avec  taches  orangées  sur  chacune  des  4  ailes,  aux  inférieures,  ce  qui  n'a  jamais 
lieu  chez  Cîeofatra,  comme  aux  supérieures.  Voici  la  copie  de  l'étiquette  qui 
était  attachée  à  l'épingle  de  ce  curieux  rhavini.  «  Bread  by  M.  James  Weir, 
on  July  9  1904  from  larva  taken  by  him  aht  Butts  Lawn,  Brockenhurst,  June  2  1904. 
Teste  E.  Morice  ».  Il  arrive  que  dans  les  collections  anglaises  de  papillons 
soi-disant  exclusivement  anglais,  bien  des  supercheries  se  constatent,  soTt  par 
collage  d'ailes  qui  constituent  de  faux  hermaphrodites,  soit  par  coloration 
chimique,  soit  par  introduction  de  papillons  provenant  de  tout  autre  pays  que 
les  Iles  Britanniques.  Je  pourrais  en  citer  de  nombreux  et  curieux  exemples. 
Mais  le  rhamni  que  j'appelle  décora,  est  parfaitement  vrai  et  il  doit  être 
analogue  à  un  autre  rhamni  cité  par  M.  de  Rougemont,  à  la  page  16  du  Catalogue 
des  Léfidofières  du  Jura  neuchâtelois,  dans  les  termes  suivants  :  M.  Girod, 
de  Moutier-Grandval,  a  élevé,  pendant  l'été  si  remarquablement  chaud  de  1S93, 
une  famille  de  chenilles  de  R.  rhamni.  Une  d'entre  elles  lui  a  donné  un  papillon 
présentant  la  même  coloration  que  le  R.  Cleofatra,  L.,  avec  cette  différence 
<jue  la  tache  orangée  s'étendait  sur  les  4  ailes.  La  forme  des  ailes  restait 
néanmoins  bien  celle  du  R.  rhamni.  Cet  exemplaire  si  curieux  que  M.  Girod 
avait  donné  à  M.  de  Rougemont  fut  cédé  par  ce  dernier  à  M.  Standfuss, 
directeur  du  Musée  entomologique  de  Zurich,  qui  s'occupe  spécialement  de  la 
coloration  des  papillons.   » 

12 


1/8  LÉPIDOPTÉROLOGIE  COMPARÉE 

le  sud  de  la  France,  et  la  tache  orangée  des  ailes  supérieures  est 
plus  développée  dans  l'Aveyron  que  dans  les  environs  de  Sebdou 
et  d'Akbès.  Cleofaira  présente  une  variété  cT  d'été  :  massiliensis, 
Foulquier,  caractérisée  par  la  teinte  uniformément  d'un  jaune  ver- 
dâtre,  et  non  blanchâtre,  du  dessous  de  ses  ailes. 

Jusqu'ici,  j'ai  réuni  dans  ma  collection  13  hermaphrodites  de 
Cleopatra.  J'en  ai  fait  figurer  plusieurs  dans  la  XX^  livraison  des 
Etudes  d'Entomologie.  Ces  hermaphrodites,  tous  différents  les  uns 
des  autres,  sont  généralement  des  Q  qui,  sous  forme  de  «  coups 
de  pinceau  »  irréguliers  et  asymétriques,  ont  eu  les  ailes  marquées 
de  traits  ou  de  taches  jaune  citron  et  rouge  orangé,  couleurs  qui 
sont  l'apanage  du  sexe  mâle.  Mais  il  me  semble  que  les  cf  peuvent 
inversement  recevoir  sur  leurs  belles  et  vives  couleurs  jaune  et 
orange  des  a  coups  de  pinceau  »  de  la  teinte  Q  blanc  verdâtre, 
en  taches  ou  en  stries  variées,  ce  qui  produit  sur  le  même  individu 
un  mélange,  quelquefois  très  agréable  à  l'œil,  des  trois  couleurs  : 
le  blanc  verdâtre  de  la  Q,  le  jaune  citron  et  le  rouge  orangé  du  cT- 

2  de  ces  hermaphrodites  ont  été  pris  à  Khenchela  (Est-Algérien) 
par  H.  Powell,  en  juin  1908;  ce  sont  des  cT  marqués  des  couleurs 
de  la  Ç) .  Les  1 1  autres  sont  des  Q  plus  ou  moins  décorées  sur  une, 
deux,  trois  ailes,  ou  même  sur  les  quatre,  de  jaune  et  d'orange,  ou 
seulement  d'orange. 

Voici  les  lieux  de  provenance  de  ces  Q  hermaphrodites  : 
Dalmatie;  Tunisie;  Marseille,  trois  exemplaires  pris  par  MM.  Gé- 
déon  Foulquier,  Baudouin  et  Siépi;  Beaurech,  près  Bordeaux; 
Castillon,  dans  les  Alpes-Maritimes;  Vernet-les-Bains  (Pyrénées- 
Orientales),  deux  exemplaires  pris  les  5  et  6  juillet  1886;  enfin, 
deux  existaient  dans  la  collection  Bellier. 

Esper  figure  sous  le  n°  i  de  la  PI.  CXI  une  Cleopatra  g,  ayant 
reçu  des  coups  de  pinceau  du  cf,  prise  à  Nîmes,  en  Languedoc,  et 
faisant  partie  de  la  célèbre  collection  Gerning. 

Cleopatra  varie  pour  la  taille.  Elle  est  répandue  dans  la  France 
méridionale,  l'Espagne,  l'Italie,  le  Maroc,  l'Algérie,  la  Tunisie, 
l'Asie-Mineure  et  l'île  de  Madère  où  elle  présente  une  race  spéciale. 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE  170 

Aux  Canaries,  se  trouve  la  Rhodocera  Cleobide,  dont  les  ailes 
supérieures  chez  le  \S  sont  entièrement  d'un  rouge  orange.  Aux 
frontières  orientales  du  Thibet,  dans  le  Su-Tchuen,  les  Rhodocera 
abondent.  Deux  espèces  furent  découvertes  dans  ce  pays  par  feu 
l'abbé  Armand  David  :  la  belle,  grande  et  vivement  colorée 
Amintha,  Blanchard,  et  la  plus  petite  et  moins  brillante  Alvinda, 
Blanchard.  Mais  il  y  a  d'autres  espèces  encore  inédites,  et  certaines 
de  ces  Rhodocera  chinoises  offrent  la  même  particularité  que  la 
rhamnï  à  Rennes,  c'est  d'avoir  deux  formes  de  Q,  dont  l'une  res- 
semble au  (S. 


Charaxes  Jasius,  Linn. 

Magnifique  papillon  assez  répandu  dans  la  région  voisine  des 
côtes  de  la  Méditerranée.  La  chenille  vit  sur  Xarbutus  nnedo  à 
Cannes,  Hyères,  Marseille.  M.  H.  Powell  en  a  trouvé,  en  sep- 
tembre 1908,  une  trentaine  sur  un  arbousier  isolé,  dans  les  Pyrénées- 
Orientales,  aux  environs  d'IUe-sur-Tet.  Le  Charaxes  Jasius  n'avait 
pas  encore  été  signalé  dans  le  Roussillon.  Il  doit  se  rencontrer  des 
Aberrations  de  Jasius,  par  confusion  des  dessins  compliqués  du 
dessous  des  ailes;  mais  je  n'en  ai  encore  jamais  observé.  Le  docteur 
Fischer,  de  Zurich,  cite  deux  Aberr.  de  Jasius,  sous  les  noms  de 
Bachinetjevi  et  Hagerd;  mais  je  ne  les  ai  jamais  vues. 

Les  feuilles  de  l'arbousier  étant  glissantes,  la  chenille  ne  peut 
s'y  tenir  solide  qu'en  tissant  sur  la  feuille  oii  elle  fait  élection  de 
domicile  un  réseau  soyeux  au  moyen  duquel  elle  s'accroche.  Il  y  a 
deux  éclosions  du  papillon  :  en  mai-juin  et  en  septembre-octobre. 
Lorsqu'il  fait  exceptionnellement  froid,  l'hiver,  dans  la  région 
méditerranéenne,  les  chenilles  de  Jasius  gèlent  et  périssent  en  grand 
nombre.  Les  arbousiers  sont  nombreux  dans  la  forêt  de  Cap-Breton 
(Landes).  Feu  Lafaury  a  essayé  d'y  acclimater  le  Jasius.  J'ignore 
si  son  entreprise  a  réussi.  Le  Charaxes  Jasius  se  trouve  en  Algérie; 
mais  je  n'ai  encore  jamais  vu  d'exemplaire  authentique  de  cette 
provenance. 


l80  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 


Apatura  Iris,  Linn. 

Le  Grand  Mars  changeant  est  plus  rare  et  moins  répandu  dans 
l'ouest  que  dans  l'est  de  la  France.  J'ai  pris  une  seule  fois  la  Q ,  à 
Rennes,  mais  je  crois  \lris  assez  abondant  dans  quelques  localités 
du  Morbihan.  Je  l'ai  capturé  à  Bagnères-de-Luchon  et  aux  gorges 
de  la  Diosaz,  près  Chamounix.  Il  se  trouve  à  la  Granja,  en  Espagne, 
et  en  Angleterre.  Mais  c'est  surtout  dans  les  forêts  de  la  Lorraine 
que  le  Grand  Mars  vole  en  grand  nombre,  présentant  assez  fré- 
quemment la  variété  unicolore  lole  sans  taches  blanches.  Autrefois, 
M.  Deschange  recueillait  chaque  année  plusieurs  exemplaires  de 
lole  aux  environs  de  Longuyon  (Meurthe-et-Moselle). 

Ulris  est  une  espèce  très  commune  aux  environs  de  Tâ-tsien-Lou, 
Siao-Lou,  Tien-Tsuen,  dans  le  Su-Tchuen,  aux  frontières  orientales 
du  Thibet.  J'ai  reçu  de  ce  pays  un  nombre  considérable  d'Iris.  La 
forme  du  cf  est  le  plus  généralement  conforme  à  celle  d'Europe; 
mais  il  y  a  à  Siao-Lou  et  lieux  voisins  une  variété  d'Iris  ayant  les 
fascies  d'un  fauve  doré,  et  depuis  cette  forme  extrême  que  j'ai 
appelée  chrysina  jusqu'à  la  forme  normale  à  fascies  blanches,  on 
trouve  tous  les  passages  et  toutes  les  transitions. 

La  Q  à  Tâ-tsien-Lou,  Siao-Lou,  etc.,  est  tantôt  à  fascies  blanches, 
comme  en  France,  et  tantôt  à  fascies  d'un  jaune  nankin.  Je  possède 
également  les  transitions  de  la  forme  normale  dont  les  fascies  sont 
blanches,  à  la  forme  jaune  nankin  que  j'ai  appelée  xanthina. 

L'Ab.  lole  existe  sur  les  frontières  du  Thibet,  avec  ses  diverses 
expressions  plus  ou  moins  accentuées,  et  cette  Aberration  affecte 
aussi  bien  la  forme  à  fascies  blanches  que  la  chrysina.  Dans  les 
exemplaires  lole  de  chrysina,  il  reste  sur  le  dessus  des  ailes  quelques 
vestiges  de  taches  d'un  fauve  doré  et  comme  un  lavis  brun  doré, 
principalement  dans  les  espaces  intranervuraux  des  ailes  inférieures, 
le  long  du  bord  marginal. 

UApatîira  Bieti,  de  Tâ-tsien-Lou,  est  une  espèce  à  part  et  nulle- 
ment une  variété  d'Iris,  ainsi  que  je  l'ai  pensé  à  tort. 

Il  y  a  plusieurs  espèces  d'Apatnra  sur  la  frontière  sino-thibétaine. 
Leech,  dans  son  ouvrage  Buiterfiies  from  China,  etc.,  figure  dans 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE  l8l 

la  PI.  XV  le  cf  et  la  Q  d'une  même  espèce  sous  deux  noms  diffé- 
rents. Cet  auteur  publie  le  cf  sous  le  nom  de  fulva  (ûg.  2)  et  la  Q 
de  la  même  Apatnra  sous  le  nom  de  subcœrulea  (fig.   i). 

Il  convient  de  recti&er  cette  erreur.  Le  même  auteur  représente 
sous  le  n°  4  de  la  même  PI.  XV,  sous  le  nom  erroné  de  Bicti  g, 
la   Q  xanthina  d'Iris. 

La  véritable  Q  Bicli  est  beaucoup  plus  sombre  et  la  couleur  de 
ses  fascies  est  non  pas  d'un  jaune  nankin,  comme  Iris  xanthina, 
mais  fauve.  Bieii  est  beaucoup  plus  rare  qu'/m.  J'en  possède  une 
cinquantaine  d'exemplaires  qui  varient  entre  eux,  seulement  par 
l'extension  plus  ou  moins  grande  des  bandes  fauves.  Bicti  a  été 
rencontré  à  Tâ-tsien-Lou  et  à  Tse-Kou. 


Apatura   Ilia,  liiibn.  et  var.  Clytie,   Hiibn.,  et  Ab.  Laura, 

Lep.  St-Farg.  (PL  XXV,  fig.  12;). 

Commune  à  la  forêt  de  Rennes,  oi:  elle  éclôt  vers  le  5  juillet. 
On  y  trouve  également  les  deux  formes,  celle  à  fascies  blanches  : 
Ilia,  et  celle  à  fascies  jaune  orangé  :  Clytie.  Il  y  a  des  individus 
plus  ou  moins  intermédiaires  ayant  la  fascie  médiane  blanche  et 
les  taches  submarginales  orangées,  sauf  le  petit  groupe  des  taches 
subapicales  des  ailes  supérieures  qui  reste  blanc,  même  dans  Clytie. 
A  Saint-Sauveur  (Hautes-Pyrénées),  j'ai  seulement  trouvé  Clytie. 
M.  Deschange  m'a  envoyé  de  Longuyon  (Meurthe-et-Moselle)  de 
belles  Aberrations  qui  sont  à  Ilia  ce  qu'est  lole  par  rapport  à  Iris. 
M.  Fritsch,  de  Besançon,  en  a  aussi  rencontré  de  semblables  dans 
le  département  du  Doubs.  Ces  Aberrations  portent  le  nom  (ïAsta- 
sioides,  Stgr.,  et  on  peut  en  voir  une  figure  dans  le  lahresbericht 
des  Wien.  ent.  Vereines,  iSg8,  PI.   i,  fig.  4  a,  4  â. 

On  obtient  par  le  traitement  des  chrysalides  au  moyen  de  la 
méthode  du  froid  et  du  chaud,  des  Aberrations  qui  sont  repré- 
sentées par  Heinrich  von  Mittis  (loc.  cit.,  fig.  2  et  3). 

Un  mot  d'explication  au  sujet  de  ces  Aberrations  artificiellement 
obtenues  me  paraît  nécessaire. 


l82  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

Il  y  a  lieu  de  considérer  que  les  procédés  de  chaleur  et  de  gelée 
appliqués  aux  chrysalides  produisent  des  éclosions  où  la  Nature 
se  trouve  pour  ainsi  dire  forcée;  mais  ces  procédés  ne  donnent 
finalement  que  des  sujets  conformes  à'  ce  que  peut  produire  la 
Nature,  agissant  sans  l'aide  d'aucun  artifice  employé  par  l'Homme. 
Seulement  la  Nature  semble  donner  généralement  trcs  rarement 
ce  que  les  méthodes  usitées  pour  le  traitement  des  chrysalides  par 
la  température  produisent  beaucoup  plus  souvent. 

Quoi  qu'il  en  soit,  les  Aberrations  et  variations  diverses  ont 
actuellement  deux  sources  :  d'une  part,  la  provenance  naturelle. 
J'indique,  autant  que  je  le  puis,  les  circonstances  de  la  capture 
susceptibles  d'authentiquer  l'origine  des  variations  trouvées  dans 
la  Nature.  D'autre  part,  il  y  a  les  sujets  aberrants  obtenus  par  les 
méthodes  expérimentales  des  savants  naturalistes  à  qui  la  Science 
est  redevable  d'observations  d'une  si  haute  valeur  et  d'un  si  puissant 
intérêt.  J'en  fais  l'état  qui  me  paraît  utile  pour  l'étude  des  pro- 
blèmes concernant  les  lois  présidant  aux  variations  des  espèces; 
mais  je  ne  manquerai  jamais  de  faire  connaître  l'exacte  origine  des 
papillons  dont  il  sera  fait  mention  au  présent  ouvrage. 

Je  dois  ajouter  que  dans  les  collections  il  existe,  depuis  l'emploi 
des  méthodes  expérimentales  de  traitement  des  chrysalides  par  la 
température,  de  nombreux  spécimens  aberrants  considérés  à  tort 
comme  recueillis  dans  la  Nature  et  réellement  obtenus  d'éclosion 
dans  les  Laboratoires.  C'est  évidemment  une  cause  de  sérieux 
malentendus.  Mais  on  ne  pourra  jamais  empêcher  qu'il  y  ait  tou- 
jours des  erreurs,  même  volontaires,  commises  par  des  gens  peu 
soucieux  de  la  vérité  scientifique;  cependant,  pour  atténuer  tout 
au  moins  le  dommage  résultant  d'observations  fausses,  il  est  pos- 
sible, avec  l'expérience,  de  discerner  certaines  supercheries,  et  il  est 
facile,  avec  la  bonne  foi  et  la  sincérité  scrupuleuse,  de  ne  jamais 
se  rendre  complice  d'aucune  faute  dont  on  pourrait  concevoir  le 
soupçon. 

M.  Fritsch  a  pris  en  1903,  dans  la  Nature,  à  Besançon,  oi^i 
l'espèce  est  fort  abondante,  comme  du  reste  dans  le  Jura  et  à 
Ecclepens,  en  Suisse,  un  Clytie  (S  dont  les  ailes  supérieures  sont 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE  183 

tout  à  fait  semblables  en  dessus  à  la  variété  obtenue  par  le  froid 
(Kaelte-Form)  figurée  sous  le  n°  t,  a  de  la  PI.  I,  dans  Jahresbericht 
des  Wiener  entom.  Vereines,  i8g8.  Je  possède  un  autre  exemplaire 
semblant  pris  au  vol  et  ayant  les  4  ailes  semblables  en  dessus  à 
ce  n°  3  rt';  il  vient  de  Hongrie,  contrée  où  il  paraît  qu'il  a  été  capturé 
un  nombre  relativement  considérable  d'Aberrations  de  \  A  pat  lira 
llia  et  var.  Clytie. 

Les  g  llia  sont  généralement  assez  difficiles  à  obtenir.  Mon  fils 
Joseph  a  capturé  en  mai  1893,  dans  l'intérieur  de  la  ville  de 
Rennes,  au  boulevard  Sévigné,  dont  les  trottoirs  étaient  alors 
plantés  de  peupliers  d'Italie,  une  Q  llia  à  bandes  blanches,  fraî- 
chement éclose.  Déjà  il  avait  pris  à  Cancale,  au  mois  d'août  1879, 
une  Q  llia  également  blanche. 

Dans  le  midi  de  la  France,  llia  éclôt  deux  fois  par  an;  on  y 
trouve,  surtout  dans  la  2®  génération,  une  Q  Clytie  dont  le  fond 
des  ailes  est  d'un  jaune  orangé  assez  uni.  Je  fais  figurer  dans  le 
présent  ouvrage  un  exemplaire  venant  de  Montpellier;  j'en  possède 
un  second  exactement  semblable.  Lepelletier  de  Saint-Fargeau  a 
décrit  et  figuré  cette  forme  sous  le  nom  de  Laiira,  dans  son  ouvrage 
resté  inachevé  sur  les  Papillons  de  France.  Les  figures  (PI.  1 1,  n°  3, 
et  PI.  12,  n°  i)  sont  très  mal  coloriées.  Peut-être  aussi  le  coloriage 
a-t-il  été  altéré  avec  le  temps?  L'exemplaire  Q  figuré  par  Esper 
(tab.  LXXL  cont.  XXL  fig.  3)  sous  le  nom  dVm  riibescens  et 
rapporté  par  Staudinger  et  Rebel,  dans  le  Catalog  1901,  comme 
Aberr.  Eos  à' llia,  représente  tout  à  fait  la  forme  normale  de 
Clytie  Q  dans  la  France  centrale.  J'ai  sous  les  yeux  plusieurs 
exemplaires  semblables.  Quelques-uns  d'entre  eux  font  partie  de 
l'ancienne  collection  de  feu  Guenée;  il  avait  pourvu  la  boîte  011 
ils  étaient  renfermés  de  l'étiquette  suivante  :  «  Je  l'ai  prise  en 
grande  quantité  à  la  glacière  de  Gentilly,  près  Paris,  en  1829;  elle 
descendait  vers  3  à  4  heures  du  soir  sur  le  tronc  des  peupliers; 
depuis,  je  ne  l'ni  plus  revue  que  de  loin  en  loin.  »  Il  y  a  des  Q 
Clytie  très  obscures;  j'en  possède  plusieurs  exemplaires  pris  à 
Berlin,  en  Bavière,  dans  le  sud-est  de  la  Hongrie,  en  Wurttemberg, 
conformes   à   la   figure   donnée   par  Esper,   sous  le  n°    i    de   la 


l84  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

Tab.  XLIII,  Supp].  XIX,  et  à  celle  publiée  par  Huebner  sous  les 
n°^  812,  813,  et  appelée  Asiasia. 

Les  Apatura  llia  et  Iris  sont  des  papillons  superbes  dont  la  vue 
réjouit  toujours  les  yeux. 


Limenitis  Populi,  Linn. 

Le  Grand  Silvain,  d'Engramelle,  se  trouve  depuis  les  environs 
de  Tâ-tsien-Lou  jusqu'au  département  de  la  Sarthe,  où  feu  de 
Graslin  recueillit  plusieurs  cf  et  une  magnifique  Q,  les  10  et  23  juin, 
sans  toutefois  que  l'année  de  la  capture  soit  inscrite  sur  l'étiquette, 
et  probablement  au  lieu  dit  :  Beauchêne,  seulement  indiqué  sur 
l'étiquette  par  la  lettre  B.  Feu  Gallée,  qui  fut  à  Rennes  un  natu- 
raliste distingué  et  qui,  comme  entomologiste  et  surtout  comme 
botaniste,  avait  réalisé  de  très  intéressantes  trouvailles,  m'a  affirmé 
que  le  Grand  Sih'ain  se  rencontrait  à  la  forêt  de  Rennes.  Je  ne 
l'y  ai  pas  vu.  La  Limenitis  popîdi  n'est  pas  rare  dans  l'est  de  la 
France,  à  Besançon,  en  Lorraine;  elle  est  très  répandue  en  Alsace. 
Je  l'ai  capturée  au-dessus  d'Uriage  (Isère),  vers  900  mètres  d'alti- 
tude; je  l'ai  observée  au  plateau  du  Mont-Revard,  qui  domine  Aix- 
en-Savoie.  Je  ne  l'ai  jamais  vue  dans  les  Pyrénées.  Je  possède 
plusieurs  Aberrations  de  Limenitis  populi  provenant  toutes  d'Alle- 
magne. 

Les  exemplaires  les  plus  caractérisés  sont  presque  entièrement 
noirs  en  dessus,  avec  le  fond  des  ailes  d'un  fauve  vif  en  dessous. 
Les  ailes  restent  en  dessous  bordées  de  gris  bleuâtre  et  elles  con- 
servent plus  ou  moins  de  taches  noires.  Cette  Aberration  est  figurée 
dans  le  Jahresbericht  d.  Wien.  ent.  Ver.,  1900,  sous  le  n"  g  de  la 
planche  I,  d'après  un  exemplaire  pris  à  Lemberg,  en  Gallicie,  et 
appartenant  à  M.  von  Mittis,  qui  n'avait  jamais  vu  un  autre  individu 
semblable.  Ma  collection  contient  2  cf  et  i  Q  de  cette  Aberration 
que  je  désigne  sous  le  nom  de  Mittisi. 

Tous  les  exemplaires  cf  de  Tâ-tsien-Lou,  Siao-Lou  et  Tse-Kou 
que  j'ai  vus  appartiennent  à  la  forme  trenndœ,  qui  est  privée  de 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE  185 

la  fascie  blanche  en  dessus.  Les  Q  de  Chine  occidentale  sont,  au 
contraire,  largement  maculées  de  blanc.  IMM.  Robach  et  Jeunet 
mont  envoyé  des  environs  de  Besançon  des  Lhiieniùs  populi 
trcmulœ  semblables  à  certains  exemplaires  de  Tâ-tsien-Lou.  Dans 
la  région  du  Baïkal,  au  contraire,  M.  Chaffanjon  a  pris  la  forme 
populi,  chez  laquelle  les  taches  blanches  sont  très  développées  et 
qui  est  le  contraire  de  ircuiiiUc. 

Limenitis  Camilla,   llucbn. 

Etait  autrefois  commune  à  Rennes  et  volait  dans  les  jardins 
autour  de  la  ville.  Après  un  hiver  exceptionnellement  froid,  elle 
s'est  raréfiée  et  je  fus  plusieurs  années  sans  la  revoir.  Elle  semble 
maintenant  redevenir  assez  abondante.  Je  l'ai  prise  à  la  forêt  de 
Rennes,  à  Monterfil,  à  Bourg-des-Comptes.  Je  n'ai  jamais  vu 
Cmnilla  sur  la  côte  malouine  et  je  suis  porté  à  croire  qu'elle  ne 
s'avance  pas  vers  le  nord,  beaucoup  au-dessus  de  Rennes.  Chez 
nous,  on  peut  la  trouver  depuis  le  commencement  de  juin  jusqu'en 
août.  C'est  plaisir  de  voir  le  Sylvain  azuré  planer  avec  grâce  et,  si 
j'ose  m'exprimer  ainsi,  avec  noblesse,  dans  les  vallons  frais  et 
boisés,  se  poser  parfois  sur  les  feuilles  des  arbres  ou  sur  les  grandes 
fougères,  fermer  ou  ouvrir  au  soleil  ses  ailes  noires,  parées  d'un 
beau  reflet  bleuâtre  et  traversées  par  une  bande  maculaire  blanche. 
La  Camilla  n'est  pas  rare  en  Toscane,  dans  les  environs  de  Fiesole, 
au-dessus  de  Florence  et  à  Castellamare-di-Stabia.  Elle  se  trouve 
assez  communément  dans  tout  le  midi  de  la  France  et  sa  première 
éclosion  s'y  fait  en  mai.  Je  l'ai  prise  à  Vernet-les-Bains  (Pyrénées- 
Orientales)  en  juillet  et  août;  elle  est  abondante  aux  environs  de 
Digne.  Ma  collection  contient  des  exemplaires  de  Paris,  Corse  (coll. 
Bellier),  d'Akbès  en  Asie-Mineure,  de  la  Granja  (Espagne  centrale), 
de  la  Sarthe  (coll.  de  Graslin),  de  la  France  méridionale. 

L'Aberr.  Pythonissa,  Millière,  sans  aucune  trace  de  la  bande 
maculaire  blanche  en  dessus  et  avec  le  dessous  des  ailes  d'un  brun 
rouge  ou  noirâtre  uni,  alors  que  seulement  l'espace  basilaire  et  une 
tache  près  le  bord  externe  des  ailes  supérieures  restent  d'un  blanc 


l86  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

légèrement  bleuâtre,  se  trouve  dans  ma  collection.  L'exemplaire  qui 
a  servi  à  la  figure  publiée  par  Millière  fut  pris  à  Florac,  par  feu 
Antoine  Guillemot,  de  Thiers,  qui  s'en  dessaisit  en  faveur  de  feu 
Emmanuel  Martin,  de  Creil,  à  l'obligeance  de  qui  j'en  suis  rede- 
vable. Un  cf  analogue,  pris  aussi  à  Florac,  je  crois,  existe  dans 
l'ancienne  collection  Bellier.  J'ai  acquis  un  cf  d'Alsace,  différant 
de  Pythomssa,  parce  qu'en  dessus,  comme  en  dessous,  il  a  5  taches 
blanches  aux  ailes  inférieures.  Enfin  M.  Siepi  m'a  cédé  le  beau  (3 
pris  à  Draguignan  (Var),  en  juillet  1898,  et  dont  il  est  fait  mention 
à  la  page  25  du  Catalogue  raisonné  des  Lépidoptères  des  Bouches- 
dîi-Rhône,  etc.  Les  taches  ordinaires  sont  très  faiblement  indiquées, 
très  réduites  et  couvertes  en  grande  partie  par  des  atomes  noirâtres. 
C'est  un  transitiis  egregius  entre  la  forme  normale  de  Camilla  et 
l'Ab.  Pythonissa. 

Limenitis  Sibylla,  Linn. 

Le  Petit  Silvain,  plus  répandu  dans  le  nord  de  l'Europe  que 
dans  le  midi,  se  trouve  en  Angleterre,  en  France,  en  Allemagne, 
et  jusqu'au  Japon.  Il  est  généralement  très  abondant  en  Bretagne, 
dans  les  bois;  je  l'ai  pris  à  Iluelgoat  (Finistère),  le  10  juillet  igoo. 
Il  est  très  commun  à  la  forêt  de  Rennes  et  dans  le  bois  de  Monterfil, 
en  juin.  Mon  frère  l'a  pris  aux  environs  de  Charroux  (Vienne)  et 
à  Sèvres,  près  Paris,  en  juin.  Mon  fils,  le  D""  J.  Oberthiir,  a  capturé 
Sibylla  à  Montmorency,  en  juillet  1901.  L'Aberr.  nigrina,  tout  à 
fait  noire  en  dessus,  se  rencontre  dans  les  lieux  les  plus  divers. 
Nous  la  possédons  d'Angleterre,  de  Rennes,  de  Chartres,  de 
Donautal  (îlohenzollern),  de  Berlin,  de  Géra,  de  Baden.  Il  y  a 
toutes  les  transitions  entre  la  forme  normale  et  l'Ab.  nigrijia  com- 
plète. Souvent  les  deux  côtés  des  ailes  de  l'Ab.  nigrina  ne  sont 
pas  symétriques. 

Il  en  est  ainsi  de  l'exemplaire  figuré  par  le  P.  Engramelle 
(PI.  XI,  fig.  13^,  13/).  Ce  papillon  existait  dans  la  collection  de 
M'"°  de  Mutigny;  «  c'est  dans  son  cabinet  qu'elle  a  été  copiée;  elle 
lui  vient  d'x\ngleterre  »,  dit  le  P.  Engramelle. 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE  187 

Si   l'on   songe  que  le   premier  volume   des  Papillons  d'Europe 
peints  (V après  nature  porte  la  date  de  1779,  on  reconnaît  qu'à  cette 
époque  déjà  bien  éloignée  de  la  nôtre,  les  «  Curieux  de  la  'Nature  » 
et   ceux   qui   encourageaient   les    publications    scientifiques   étaient 
probablement  plus  nombreux  en  France  qu'aujourd'hui,  au  moins 
pour  la  spécialité  entomologique  ;  et  on  est  étonné,  en  parcourant 
la  liste  des  souscripteurs,  du  nombre,  de  la  qualité  et  de  la  diversité 
des  personnages  qui  s'intéressaient  à  l'ouvrage  du  R.  P.  Engramelle. 
Cette  liste  de  souscription,  qui  parut  en  1782,  et  fut  imprimée  en 
tête  du  tome  III,  contient  227  noms,  parmi  lesquels  je  relève  les 
suivants  :  Le  Roi  de  France,  Monsieur,  Madame,  Monseigneur  le 
Comte  d'Artois,  Madame  la  Comtesse  d'Artois,  Messeigneurs  les 
Ducs  d'Orléans,  de  Chartres,  de  Condé,  de  Conty,  de  Soubise;  le 
Roi  d'Espagne,  Madame  la  Margrave  d'Anspach  et  de  Bareith, 
Messeigneurs  les  Ducs-régnant  des  Deux-Ponts  et  de  Wurtemberg, 
Monseigneur  le  Prince  de  Œttingen-Wallerstein,  Madame  la  Prin- 
cesse héréditaire  de  Saxe-Cobourg-Saalfeld,  Monseigneur  le  Prince 
de  Furstenberg,  à  Prague;  le  Roi  de  Suède,  Madame  la  Princesse 
de  Ligne,  à  Bruxelles;   M.  de  Badier,  grand-voyer  de  la  Guade- 
loupe;   MM.   Barbaut   de   Glatigny,   de   Beaujon,   de   Bondy,    de 
Chalandray,  Gigot  d'Orcy,  Marquet,  Mel  de  Saint-Ceran,  Ménage 
de  Pressigny,  de  Meulan,  Mil  lin  du  Perreux,  Parseval  des  Chênes, 
Richard  de  la  Breteche,  Vassal,  Le  Normant  d'Etiolles,  tous  les 
quatorze   receveurs    généraux   des   Finances    ou    des    Fermes;    de 
nombreux  libraires  de  France  et  de  l'Etranger,  souscrivant  chacun 
pour  2,  3  et  même  20  exemplaires;  des  magistrats;   des  adminis- 
trateurs; des  militaires,  tels  que  :  le  chevalier  de  Bargeton,  capitaine 
de  grenadiers  au  Régiment  royal;  de  Boisaujeu,  ancien  mousque- 
taire; le  Comte  de  Brienne,  lieutenant-général  des  Armées  du  Roi; 
le  comte  de  Brivasac.  capitaine  au  Régiment  de  la  Reine  Dragons 
à  Bordeaux;  le  Marquis  de    Champignelle,  mestre  de  camp,  capi- 
taine des  Gardes  du  corps;  le  Marquis  de  Courtenvaux,  capitaine- 
colonel  des  Cent-Suisses;  le  Marquis  de  Dampierre,  maréchal  des 
Camps  et  Armées  du  Roi;  le  Baron  H.-W.  Rengers,  président  du 
haut-conseil   de  guerre  des  Provinces-LTnies,   à  La   Ilaye,   lieute- 


LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE 


nant-général  de  la  Cavalerie,  chambellan  de  S.  A.  R.  Madame  la 
Princesse  d'Orange,  «  de  la  belle  collection  de  laquelle,  dit  Cramer 
{Préface,  p.  15),  Son  Excellence  a  daigné  seconder  et  soutenir  mes 
efforts,  en  m'envoyant  un  nombre  considérable  des  pièces  les  plus 
belles  et  les  plus  rares  de  son  magnifique  et  riche  Cabinet,  pour  les 
faire  dessiner  en  couleurs...  »;  M.  le  Comte  de  Razomouschi,  bri- 
gadier des  Armées  de  S.  M.  I.  de  toutes  les  Russies,  etc.;  des 
peintres;  des  académiciens;  des  négociants,  tel  :  M.  Christian  Ger- 
ning,  de  Francfort-sur-le-Mein,  qui  possédait  une  magnifique 
collection  de  papillons;  des  consuls;  des  professeurs;  des  médecins; 
des  prêtres;  des  pasteurs;  des  dames,  ainsi  :  M™®  de  Libour,  à 
Laval;  M"""  de  I.uynes,  à  Nantes;  M'"'  la  Marquise  de  Franqueville, 
M""  Eggendwsser,  à  Fribourg;  IM"*^  Clairon,  pensionnaire  du  Roi; 
M'""  de  Montreuil,  etc.,  etc. 

Pierre  Cramer,  contemporain  du  P.  Engramelle,  qui  dédie  son 
beau  livre  :  Papillons  exotiques  des  trois  Parties  du  Monde 
(Amsterdam  et  Utrecht,  1779)  à  Messieurs  les  Membres  de  la 
Société  :  Concordia  et  Libertate,  et  qui  comme  Engramelle  et  sui- 
vant la  mode  du  temps,  enjolive  son  œuvre  par  des  frontispices 
gravés  avec  une  finesse  exquise,  est  encore  mieux  partagé  pour  le 
nombre  des  «  Messieurs  qui  ont  bien  voulu  honorer  cet  ouvrage 
de  leur  souscription  »,  puisque  la  liste  de  ses  souscripteurs,  imprimée 
en  1782,  la  même  année  que  celle  du  P.  Engramelle,  atteint 
284  noms. 

Lorsqu'on  étudie  les  travaux  si  consciencieux  et  si  admirablement 
illustrés  de  tous  ces  Anciens,  on  acquiert  bien  vite  la  conviction 
qu'ils  étaient  infiniment  mieux  et  plus  documentés  que  nous  ne 
serions  portés  à  le  croire  aujourd'hui.  La  Révolution  française  et 
les  guerres  du  Premier  Empire  arrêtèrent  pendant  près  de  25  années 
le  merveilleux  essor  entomologique  de  la  fin  du  XVIIP  siècle. 

Ce  ne  fut  guère  que  sous  le  Gouvernement  de  la  Restauration 
que  se  fit  une  renaissance  entomologique  très  féconde,  d'abord  en 
France  qui,  jusque  vers  1850,  tint,  dans  le  Monde,  la  tête  du  mou- 
vement, puis  chez  toutes  les  nations  civilisées  de  l'Univers. 


LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE 


Neptis  Lucilla. 

Espèce  paraissant  venir  de  l'Extrême-Orient  et  arrêtée  à  l'est 
des  Alpes.  Je  l'ai  prise  à  Siresa,  au  bord  du  lac  Majeur,  au  com- 
mencement de  juin  1870.  Je  n'ai  pas  entendu  dire  qu'on  l'ait  encore 
vue  du  côté  occidental  des  Alpes,  dans  la  Savoie  ou  dans  quelque 
partie  de  la  Provence.  En  Chine,  sur  la  frontière  thibétaine,  Lucilla 
est  très  abondante;  la  forme,  dans  cette  région,  a  les  taches  blanches 
rétrécies  et  appartient  à  la  variété  Ludinilla.  Dans  la  région  du 
lac  Baïkal,  M.  Chaffanjon  a  trouvé  une  race  de  Ludiuilla  sensi- 
blement plus  petite  qu'au  Su-Tchuen.  Au  Japon  et  dans  le  nord 
de  la  Chine,  on  rencontre  des  Lucilla  semblables  à  ceux  d'Autriche 
et  d'Italie.  L'abbé  David  avait  capturé  dans  le  nord  de  la  Chine 
une  Aberration  de  Liicilla  remarquable  par  le  prolongement  des 
taches  normales  blanches  en  un  large  trait  allongé  jusqu'au  bord 
marginal.  Cet  exemplaire  curieux  est  dans  ma  collection. 

Aucune  espèce  à'Apainra  de  Limenitis  et  de  Nepiis  n'a  encore 
été  signalée  en  Algérie,  du  moins  à  ma  connaissance. 


Vanessa  Atalanta,  Linn. 

Rien  n'est  agréable  comme  de  voir,  à  la  fin  de  l'été  ou  au  com- 
mencement de  l'automne,  quelques  beaux  Vulcains^  voltigeant  autour 
des  fruits  mûrs,  ou  bien  posés,  en  ouvrant  leurs  ailes  dont  ils 
montrent  tout  l'éclat,  sur  des  fleurs  d'arrière-saison  :  telles  o;p! aster 
ou  escallonia,  sur  des  raisins,  des  poires  qui  ont  déjà  été  partiel- 
lement dévorées  par  les  frelons  et  les  guêpes,  ou  encore  sur  des 
flgues  détachées  de  l'arbre  et  tombées  à  terre. 

Les  Vulcains  sont  souvent  familiers  avec  l'homme  et  il  n'est  pas 
rare  de  voir  ce  papillon  superbe  posé  sur  la  coiffure  de  quelqu'un. 
Il  y  a  des  places  où,  pendant  presque  toute  la  belle  saison,  un 
Vulcain  fait  élection  de  domicile.  Alors,  c'est  à  terre,  au  milieu 
d'une  allée  de  jardin,  sur  un  tronc  d'arbre  ou  un  arbuste,  dans  un 
lieu  très   circonscrit,   qu'on   voit   presque  constamment   le    Vulcain 


LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE 


animer  et  embellir  de  sa  présence  l'endroit  où  il  se  plaît  et  dont 
il  ne  s  éloigne  généralement  pas  longtemps. 

La  Vanessa  Atalania,  comme  les  autres  Vanessa,  a  été  l'objet  de 
travaux  d'expérimentation  considérables  et  pour  lesquels  je  renvoie 
aux  ouvrages  originaux  de  leurs  auteurs,  notamment  à  :  Expert- 
mentelLe  Zoologische  Studien  mit  Lepidopteren,  von  D""  Max 
Standfuss  (1898),  et  Gesmnmthild  der  bis  Ende  i8ç8  an  Lepi- 
dopteren vorgenommenen  Ternperatiir  ùnd  Hybridations-Expéri- 
menté du  même  auteur  (1899). 

Je  compte  parler  ici  seulement  des  variations  rencontrées  dans 
la  Nature.  Les  livres  des  anciens  auteurs  contiennent  la  reproduction 
d'Aberrations  extraordinaires;  ainsi  Mosley  figure  dans  l'ouvrage 
Illustrations  of  Varieties  of  british  Lepidoptera,  sur  la  PI.  VII,  de 
superbes  variétés,  sous  les  n°'  i,  3  et  4. 

J'ai  pris  moi-même  dans  notre  jardin  du  faubourg  de  Paris,  à 
Rennes,  sur  une  treille,  à  l'arrière-saison,  l'Aberration  curieuse  que 
feu  Minière  a  figurée  sous  la  figure  3  de  la  PI.  88  de  son  Icono- 
graphie. Les  parties  rouges  normales  sont  absentes  et  remplacées 
par  une  teinte  blanc  ochracé.  La  bande  des  ailes  supérieures  est, 
dans  la  partie  médiane,  dépourvue  d'écaillés. 

Le  21  octobre  de  la  présente  année  1908,  par  une  belle  journée 
ensoleillée,  quelques  Atalanta  voltigeaient  vivement  dans  le  jardin 
de  mon  frère,  à  Rennes.  Avec  quelques  exemplaires  normaux,  il 
captura  un  cf  de  l'Aberr.  Klemensiewiczi,  chez  laquelle  le  groupe 
de  taches  blanches  costales,  situées  entre  la  bande  rouge  et  le 
dernier  groupe  maculaire  blanc  des  ailes  supérieures,  est  absent  et 
recouvert  par  des  atomes  noirs  qui  ont  un  reflet  bleuâtre;  en  outre, 
nous  saisîmes  un  autre  exemplaire  chez  qui  toutes  les  parties  norma- 
lement rouge  orangé  vif  sont  remplacées  par  une  teinte  jaune  fauve, 
sans  aucun  vestige  de  la  couleur  rouge. 

En  France,  je  crois  qu' A talajit a  est  répandu  dans  tous  les  dépar- 
tements, aussi  bien  au  nord  qu'au  midi.  J'ai  pris  Atalanta,  en 
août,  dans  les  Iles  Chausey  (Manche).  M.  le  lieutenant  Mathieu  a 
recueilli  Atalanta  à  Alger;  J.  Merkl  l'a  prise  à  Philippeville,  en 
avril  1884,  et  E.  Bac  l'a  trouvée  à  Lambèze,  en  été.  En  outre  des 


LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE  ICI 

localités  précédemment  citées,  ma  collection  contient  des  Atalanta 
des  localités  suivantes  (non  compris  les  variétés  par  refroidissement 
que  j'ai  reçues  de  MM.  les  D'"^  Stand fuss  et  Fischer,  de  Zurich)  : 
Angleterre,  Cancale,  Corse,  Vernet-les-Bains,  Paris,  Etats-Unis. 

Vanessa  Cardui,  Linn. 

La  Belle  Dame  habite,  je  pense,  les  cinq  parties  du  Monde. 
Contrairement  à  l'opinion  de  Staudinger,  la  Vayiessa  Cardui  se 
trouve  dans  l'Amérique  méridionale  où  feu  C.  Bar  l'avait  capturée 
à  l'île  Portai,  au  Maroni,  dans  la  Guyane  française. 

En  juin  1879,  la  Bretagne  fut  traversée  par  une  migration  consi- 
dérable de  Belles  Dames  venant  du  sud.  Le  bord  de  la  mer,  à 
Cancale,  en  était  comme  frangé.  De  nombreux  papillons  vivant 
encore,  tombés  à  la  mer,  mais  portés  par  le  flot,  étaient  ramenés  au 
rivage  par  la  marée.  On  les  cueillait  à  volonté  et  nous  les  mettions 
à  sécher  sur  la  terre  ferme  où  ils  ne  tardaient  quelquefois  pas  à 
recommencer  leur  vol. 

Dans  ma  collection,  la  Vanessa  Cardui  est  représentée  par  des 
exemplaires  dont  voici  les  provenances  :  Irlande;  Angleterre; 
Cancale;  Vendée;  Evreux;  Rennes;  Gironde;  Sierra-Nevada 
d'Andalousie;  Escorial;  Hautes-Pyrénées;  Pyrénées-Orientales; 
Paris;  îles  Comores;  Tamatave;  île  Bourbon;  Bagamoyo,  Mrogoro, 
Nguru  et  Tabora,  dans  le  Zanguebar;  bords  du  fleuve  Quango; 
Boké,  sur  le  Rio-Nunez;  Natal;  Abyssinie;  Biskra,  Bou-Saada, 
Sebdou,  Lambèze,  en  Algérie;  Akbès;  Taurus;  Java;  Menado; 
diverses  parties  de  la  Chine;  Thibet;  Australie;  Haute-Birmanie; 
île  Askold;  Sikkim;  Japon;  îles  Canaries;  Amérique  du  Nord; 
Guyane  française. 

Abstraction  faite  des  Aberrations  obtenues  par  voie  expérimen- 
tale, je  possède  :  r  l'Ab.  pallida,  à  fond  des  ailes  blanc  très  légè- 
rement rosé,  dont  un  exemplaire  très  caractérisé  et  très  frais  fut 
pris  par  mon  frère  dans  les  Pyrénées-Orientales  et  un  autre  un 
peu  moins  blanc  recueilli  à  Rouen,  par  feu  Lhotte,  lors  de  la  grande 
migration  de  1879. 


192  LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE 

Quant  aux  Ab.  Elynii,  j'ai  sous  les  yeux  i  cf  de  la  collection 
de  Graslin;  i  autre  cf,  de  Paris,  de  la  collection  Bellier;  4  autres 
de  la  collection  Wiskott,  pris  en  Silésie,  à  Pesth,  Troppau  et 
Mittewald.  Ce  dernier  est  très  remarquable  avec  la  série  submar- 
ginale de  points  blanc  rosé  qui  se  détache  sur  ses  ailes  inférieures, 
en  dessus.  De  Biskra,  j'ai  une  Q  dont  la  plus  grande  partie  des 
taches  et  dessins  des  ailes  inférieures,  en  dessous,  est  effacée. 


Vanessa  lo,  Linn. 

J'ai  pris  à  Cancale,  en  1889,  la  variété  que  j'ai  désignée  sous  le 
nom  de  Belisaria;  l'exemplaire  Q  que  je  capturai  était  posé  sur 
une  fleur  de  Veryngium  manlimum,  dans  l'anse  de  Port-Mer,  très 
près  des  sables  que  le  flot  recouvre  à  chaque  marée.  Je  possède 
un  cf  pris  à  Pontarlier,  en  1894.  La  collection  Bellier  contenait 
2  cf  Belisaria  paraissant  anciens  et  il  y  en  avait  un  autre  dans  la 
collection  Sheppard,  qui  fut  vendue  à  Londres,  à  la  salle  Stevens, 
les  25  et  26  mars  1889. 

Ces  5  papillons,  qui  me  semblent  avoir  été  tous  pris  dans  la 
Nature,  sont  semblables  à  ceux  qui  ont  été  obtenus  à  Zurich  par 
mon  ami  Standfuss,  «  durch  Hitze;  nur  einmalige  3  stundige 
Exposition,  bei  +  42°''   ». 

Je  possède  une  autre  Aberration  prise  dans  la  Nature  à  Stral- 
sund;  la  tache  oculée  des  ailes  inférieures  est  devenue  entièrement 
noire. 

Mosley  figure,  sous  le  n°  5  de  la  planche  8,  une  belle  Aberration 
de  la  collection  Bond,  élevée  d'une  larve  trouvée  aux  environs  de 
Londres.  La  côte  et  le  bord  marginal  des  ailes  supérieures,  ainsi 
que  le  croissant  normalement  noir  qui  accompagne  l'œil  de  paon 
aux  ailes  inférieures,  sont  devenus  blancs. 

La  Vanessa  lo  existe  dans  ma  collection,  provenant  des  localités 
suivantes  :  Sud-Irlande,  Angleterre  (North-Devon),  Rennes,  Can- 
cale, Pyrénées-Orientales,  Paris,  Allemagne,  île  de  Sardaigne, 
Sicile,  île  Askold,  Japon. 


LEPIDOPTEROLOGIE    COMPAREE  I93 


Vanessa  Antiopa,  Linn. 

Répandue  depuis  la  Bretagne  jusqu'aux  frontières  orientales  du 
Thibet  et  dans  l'Amérique  du  Nord,  mais  non  signalée  en  Algérie, 
la  Vanessa  Antiopa  varie  beaucoup  pour  la  taille.  Elle  a  été  l'objet 
d'expériences  très  curieuses  au  moyen  des  différentes  températures 
auxquelles  les  chrysalides  ont  été  soumises.  Le  D''  Max  Standfuss 
figure  dans  son  ouvrage  :  Exper'nnentelle  zoologische  Studien  mit 
Lepidopteren,  sous  le  n°  5  de  la  PI.  III,  une  Aberr.  Hygiœa  pro- 
venant de  l'expérience  par  la  gelée  (Frost-Experiment)  ;  sous  le 
n°  3  de  la  PI.  IV,  une  Aberr.  semblable  prise  dans  la  Nature  (in 
der  f  reien  Natur  gef  angen)  ;  enfin,  sous  le  n°  4  de  la  même  planche, 
une  autre  Hygiœa  obtenue  par  la  grande  chaleur  (Hitze-Expe- 
riment). 

La  curieuse  Aberration  représentée  sous  le  n°  i  de  la  PL  V  est 
due  au  froid  (Kaslte-Experiment),  et  l'autre,  n°  2  de  la  même 
planche,  transition  à  Hygiœa,  a  été  obtenue  par  la  chaleur  (Wasrme- 
Experiment). 

Les  Aberrations  Hygiœa  avaient  été  trouvées  jadis  en  certain 
nombre  à  Bordeaux,  dans  la  Nature,  et  il  y  en  avait  plusieurs  exem- 
plaires dans  la  collection  de  feu  Auguste,  laquelle  fut  achetée  par 
Christ.  Ward,  d'Halifax.  A  la  mort  de  Ward,  j'achetai  sa  collection, 
ce  qui  fit  rentrer  en  France  les  papillons  d'Auguste.  En  réunissant 
les  Hygiœa  que  contenaient  les  collections  Boisduval,  Ward,  Bellier, 
de  Graslin  et  Wiskott,  j'ai  sous  les  yeux  une  douzaine  ô^Hygiœa 
antérieurs  aux  expériences  de  variation. 

Ces  expériences  ont  produit  beaucoup  de  variétés  Hygiœa  et 
aussi  la  variété  inverse,  chez  laquelle  la  bande  marginale  jaunâtre 
est  très  rétrécie  et  les  taches  bleues  submarginales  agrandies.  Il  y  a 
en  outre  des  variétés  présentant  un  mélanisme  très  accentué,  con- 
sistant en  un  semis  épais  d'atomes  noirs  sur  la  bande  marginale 
jaunâtre,  en  dessus  comme  en  dessous. 

Je  possède  un  exemplaire  paraissant  pris  au  vol,  portant  l'éti- 
quette :  Mombach,  et  ayant  la  bande  marginale  d'un  fauve  enfumé 
et  non  jaune  clair.  En  dessous,  la  bande  est  restée  blanche,  et  le 

13 


194  LEPIDOPTEROLOGIE   COMPARÉE 

long  du  bord  marginal  des  ailes  inférieures,  en  dessus,  la  bande 
jaune  enfumé  montre  une  éclaircie  très  nette,  ce  qui  empêche  de 
croire  à  une  altération  artificielle  de  la  couleur  jaunâtre  normale. 

J'ai  d'ailleurs  reçu  de  mon  ami  Standfuss  deux  individus  de 
l'Ab.  Hygiœa  ayant  la  bande  jaunâtre  marginale  très  large  et  très 
enfumée,  dans  le  genre  de  nuance  de  VAntiopa  de  Mombach,  ce 
qui  indique  que  la  variété  enfumée  peut  exister  sans  supercherie. 
Ces  exemplaires  portent  l'étiquette  suivante  :  «  Puppen  von  Zurich, 
durch  Frost  experiment  ».  C'est  donc  par  le  froid  qu'elles  ont  été 
traitées. 

Antiopa  se  trouve  en  Angleterre,  mais  très  rarement;  Charles 
Barrett,  dans  Lepid.  of  the  British  Islands,  dit  (page  142)  : 
a  Many  old  Entomologists  hâve  never  captured,  or  even  seen,  a 
living  example  ».  Antiopa  a  été  observé  plus  communément  dans 
la  Grande-Bretagne,  en  1846,  «  wich  used  to  be  called  the  Antiopa 
year  ». 

Durant  l'année  1872,  on  trouva  aussi  dans  diverses  parties  de 
l'Angleterre  une  assez  grande  quantité  à^ Antiopa. 

Je  vois  ce  beau  papillon  presque  tous  les  ans  en  Bretagne;  mais 
je  ne  l'y  ai  jamais  observé  en  nombre.  Il  est  bien  plus  abondant 
dans  certaines  parties  du  centre  et  du  sud  de  la  France. 

Dans  VAid  to  the  identification  of  Insects,  la  figure  i  de  la 
planche  178  représente,  sous  le  nom  de  Vanessa  Thomsonii,  Butler, 
une  Aberr.  Hygiœa  de  l'américaine  Antiopa.  La  légende  donne 
comme  lieu  de  provenance  :  Brit.  Honduras,  mais  avec  un  point  de 
doute.  Cette  Thomsonii  a  le  bord  des  ailes  plus  sablé  d'atomes 
noirs  que  notre  ordinaire  Hygiœa. 

Les  Antiopa  de  Tâ-tsien-Lou  ont  la  bordure  jaune  des  ailes  un 
peu  plus  foncée  et  plus  sablée  d'atomes  noirs  que  les  Antiopa 
français.  Cependant  un  exemplaire  de  Vernet-les-Bains  est,  sous 
ce  rapport,  semblable  à  ceux  de  Tâ-tsien-Lou,  ce  qui  justifie  la 
proposition  suivante  :  Quand  il  y  a  imité  d^Espece  en  des  lieux 
différents,  la  forme  ordinaire  d'un  lieu,  distincte  de  celle  des  autres 
lieux,  peut  cependant  y  être  rencontrée  à  titre  de  variation  plus  ou 
moins  exceptionnelle. 


LÉPIDOrXEROLOGIE   COMPAREE  195 

Vanessa  Polychloros,  Linn.,  et  vai.  Erythromelas,  Austaut 

(PL  XI,  ûg.  12). 

La  Grande  Tortue  est  assez  répandue  en  France,  en  Angleterre, 
en  Allemagne,  en  Italie,  en  Corse,  en  Algérie  et  en  Asie-Mineure. 
En  ce  qui  concerne  la  France,  ma  collection  contient  des  individus 
récoltés  à  Rennes,  à  Cancale,  à  Châteaudun,  à  la  Sainte-Baume 
(Var),  dans  les  Pyrénées-Orientales,  à  Digne,  à  la  Bourboule  (Puy- 
de-Dôme).  La  chenille  vit  sur  l'ormeau  {jihnus  camfestris)  ;  on  la 
trouve  aussi  sur  divers  arbres  et  arbustes.  C'est  une  espèce  com- 
mune; mais  les  Aberrations,  dans  la  Nature,  sont  très  rares.  Je 
possède  un  exemplaire  pris  à  Breslau,  remarquablement  albinos. 
En  dessus,  le  fond  fauve  des  ailes  est  resté  presque  normal,  cepen- 
dant plus  clair;  mais  toutes  les  taches  noires  ordinaires  sont  d'un 
blanc  grisâtre,  ainsi  que  les  taches  bleues  marginales.  Les  antennes 
et  le  corps  sont  de  couleur  blonde  et  le  dessous  des  ailes  est  d'un 
jaune  d'ocre  pâle. 

Esper  figure  (tab.  LXXIII,  cont.  XXIII),  sous  les  n°'  i  et  2,  de 
magnifiques  Aberrations  de  Polychloros  qu'il  appelle  testudo.  «  On 
a  trouvé,  dit-il,  ce  papillon  en  différents  lieux  de  la  Hongrie,  et 
l'exemplaire  figuré  sous  le  n°  i  vient  d'Ofen.  D'après  certains  rap- 
ports, ajoute  Esper,  la  chenille  et  la  plante  nourricière  sont  aussi 
différentes  de  celles  de  Polychloros.  On  a  aussi  trouvé  récemment 
ce  papillon  dans  le  Palatinat,  et  l'exemplaire  figuré  sous  le  n"  2 
aurait  été  pris  dans  les  environs  de  Neuwied.  Les  deux  sont  conte- 
nues dans  la  célèbre  collection  de  M.  Gerning.  »  Huebner  figure 
de  son  côté,  sous  le  nom  de  Pyrrhonielcena  (n°^  845,  846),  une 
magnifique  Aberration  de  Polychloros,  très  différente  de  testudo. 

Enfin  le  Père  Engramelle  figure,  dans  ses  Papillons  d'Europe, 
plusieurs  Aberrations  de  Polychloros;  mais,  de  même  qu'Esper,  il 
a  une  tendance  à  considérer  ces  Aberrations  comme  spécifiquement 
différentes  de  la  Grande  Tortue.  Cependant  il  ne  paraît  pas  vouloir 
être  à  ce  sujet  très  affirmatif.  Les  Aberrations  que  représente 
Engramelle  (PI.  IV,  Suppl.  i,  n"''  3  /^  et  3  /;  —  PI.  LXXX, 
IP  Suppl.,  pi.  I,  n"^  3  ;;/  et  3  «;  -^-  PI.  VIII,  IIP  Suppl..  n"^  3  ^,  3  /) 


igÔ  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

sont  toutes  magnifiques  et  proviennent  :  la  i''*'  de  Bude-Offen,  en 
Hongrie,  coll.  Gerning;  la  2''  de  Neuvied,  coll.  Gerning,  et  'la  der- 
nière est  également  de  la  coll.  Gerning.  Aucune  de  ces  variétés, 
dit  Engramelle,  n'a  été  élevée  de  la  chenille;  à  cause  ide  cela  il  ne 
peut  former  que  des  doutes  sur  l'identification  spécifique  avec 
Polychloros. 

Les  figures  données  par  Esper  sont  plus  grossières  que  celles 
fournies  par  le  P.  Engramelle.  Cependant  les  papillons  appar- 
tiennent tous  à  la  même  collection  Gerning,  la  plus  belle  de  la  fin 
du  XVIIP  siècle,  et  telle  que  bien  peu  de  collections  modernes 
puissent  revendiquer  une  supériorité  sur  cette  ancienne  collection. 
Que  sont  devenues  les  merveilles  qu'elle  contenait  ?  Tous  ces  sujets 
si  remarquables,  mais  heureusement  reproduits  par  la  peinture,  ont- 
ils  été  détmits  avec  le  temps  ?  Les  Entomologistes  allemands  pour- 
raient peut-être  nous  renseigner  sur  cette  intéressante  question. 

La  collection  Bellier  renfermait  un  Pynhomelœna,  sans  indi- 
cation de  localité,  d'aspect  ancien,  quoique  très  bien  conservé.  Les 
collections  Boisduval,  Guenée  et  de  Graslin  ne  possédaient  aucune 
aberration  de  Polychloros. 

MM.  Standfuss  et  Fischer  ont  obtenu,  en  traitant  les  chrysalides 
par  la  chaleur,  les  Aberrations  Pyrrhomelœna  et  testudo. 

Les  exemplaires  de  testudo  dont  je  suis  redevable  au  D""  Fischer 
ont  subi  -f-  43°'=. 

Mais  le  traitement  des  chrysalides  par  la  chaleur,  même  de  -\-  43 
ou  44  °°,  ne  semble  pas  modifier  la  teinte  fauve  du  fond  des  ailes 
en  dessus,  et,  jusqu'ici,  n'a  pas  produit  la  variété  algérienne 
erythromelas,  Austaut.  Celle-ci,  dont  j'ai  sous  les  yeux  plus  de 
100  exemplaires  très  caractérisés  provenant  de  Sebdou,  Tlemcen, 
Khenchela,  Lambèze,  Djurjura,  se  distingue  de  tous  les  exemplaires 
européens  par  la  couleur  extraordinairement  vive  et  chaude  du  fond 
des  ailes,  en  dessus.  Presque  tous  les  exemplaires  algériens  montrent 
cette  belle  couleur  d'un  fauve  rouge  à  laquelle  ne  parviennent  point 
les  individus  de  Syrie,  d'Asie-Mineure  et  de  Corse,  pourtant  un 
peu  plus  foncés  que  les  nôtres.  Cependant  je  dois  faire  connaître 
que  je  possède  deux  spécimens  de  Tlemcen,  recueillis  par  M.  le 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPAREE  197 

curé  Brevet,  et  dont  la  couleur  fauve  du  fond  des  ailes  en  dessus 
diffère  de  celle  des  crythromelas  et  se  trouve  conforme  à  des  échan- 
tillons de  Sicile  et  Corse  que  j'ai  sous  les  yeux;  on  ne  peut  donc 
pas  dire  que  tous  les  Polychloros  d'Algérie  sont  des  erythrovielas. 

J'ai  fait  figurer  sous  le  n°  12  de  la  PI.  XI,  un  erythromdas 
normal.  Erythronielas,  en  Algérie,  éclôt  d'abord  en  mai  et  juin, 
puis  en  juillet  et  aoiàt. 

Chez  une  quarantaine  d'exemplaires  dont  les  chrysalides  ont  été 
soumises  par  le  D""  Fischer,  pendant  trois  semaines,  à  une  tempé- 
rature de  -I-  5°°,  les  couleurs  sont  généralement  pâlies,  les  taches 
bleues  marginales  des  ailes  inférieures  en  dessus  sont  surmontées 
d'un  chevron  noir  très  aigu  et  la  dentelure  des  ailes  est  quelquefois 
moins  accentuée. 


Vanessa  urticae,  Linn. 

Manque  en  Algérie,  ou  du  moins  n'y  a  pas  encore  été  rencontrée. 
Répandue,  au  contraire,  en  Asie  et  dans  toute  l'Europe,  depuis  les 
régions  polaires;  présente  en  Corse  et  en  Sardaigne  une  variété 
géographique  appelée  :  ichnusa,  chez  laquelle  la  couleur  rouge  du 
fond  est  plus  vive  et  où  les  deux  taches  noires  médianes  normales 
font  défaut;  a  été  l'objet  de  travaux  considérables  d'expérience 
concernant  le  traitement  des  chrysalides  par  le  froid  et  le  chaud. 
D'après  les  très  intéressants  renseignements  dont  nous  fit  part 
M.  Arnold  Pictet,  à  la  séance  de  la  Société  lépidoptérologique  de 
Genève  qui  eut  lieu  le  12  novembre  1908  et  à  laquelle  j'avais  le 
plaisir  d'assister,  la  modification  des  couleurs  par  la  température, 
dans  la  chrysalide,  se  fait  entre  la  8"  et  la  13'  heure  après  la  trans- 
formation de  la  chenille  en  chrysalide.  Beaucoup  de  chrysalides 
ne  donnent  pas  de  papillons;  d'autres  fournissent  des  exemplaires 
normaux;  quelques-unes  présentent  des  Aberrations  plus  ou  moins 
remarquables. 

Au  Japon,  la  var.  Butlcrï,  Fenton,  offre  la  particularité  suivante  : 
une  bande  noire  formée  aux  ailes  supérieures,  en  dessus,  par  la 


LEPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 


confluence  de  la  tache  costale  médiane  et  de  la  tache  qui  se  trouve 
assise  sur  le  bord  interne  des  ailes,  descend  du  bord  costal  au  bord 
interne,  laissant  en  dehors  les  deux  points  noirs  médians  normaux. 
Cette  variété  a  été  bien  figurée  par  Pryer  {RJiop.  Nihonica,  PI.  VI, 
fig.  8)  et  indiquée  :  commune  à  Yezo.  On  la  remarque,  mais  ordi- 
nairement bien  moins  accentuée  qu'au  Japon,  dans  les  rirticœ  du 
nord  de  la  Norwège  et  dans  certains  exemplaires  des  Iles  Britan- 
niques, qui  peuvent  se  rattacher  à  la  var.  polaris.  Mosley  figure 
(PI.  I,  n°  6),  une  de  ces  Vanessa  îirticœ,  prise  à  Norfolk. 

Déjà  j'ai  eu  l'occasion  de  rappeler  les  indications  données  dans 
les  termes  suivants  sur  une  forme  à^urticœ  polaris  parisienne,  par 
Bel  lier  de  la  Chavignerie  {Ann.  Soc.  cnt.  France,  1858,  p.  301)  : 
«  Un  jour,  écrit-il,  un  de  mes  amis  m'apporta  plusieurs  Vanessa 
iirticœ,  dont  les  ailes,  prodigieusement  assombries  et  ornées  de 
larges  taches  d'un  noir  intense,  excitèrent  tout  d'abord  mon  admi- 
ration. Il  m'avoua  que  ces  remarquables  exemplaires,  dont  il  voulut 
bien  me  faire  présent,  provenaient  de  chenilles  retardataires 
recueillies  par  lui  à  l'arrière-saison  et  dont  il  n'avait  obtenu  que 
fort  tard  les  papillons,  en  conservant  les  chrysalides  dans  une  gla- 
cière » 

J'ai  encore  aujourd'hui  3  de  ces  Vanessa  itrûcœ  sous  les  yeux; 
elles  sont  bien  conformes  à  ce  qu'en  dit  Bel  lier  et  elles  se  rattachent 
évidemment  à  la  var.  polaris  dont  Fentoni  paraît  être  l'extrême 
expression.  Mais  il  n'est  pas  nécessaire  de  soumettre  les  chrysalides 
au  traitement  de  la  glacière  pour  obtenir  des  polaris  ou  des  tran- 
sitions à  polaris.  Feu  Lhotte  avait  obtenu  à  Clamart  toute  une  série 
de  Vanessa  urticœ  polarisant,  et  moi-même  j'ai  pris  en  juin  i8go, 
à  Monterfil,  posée  sur  un  buisson  de  troëne,  au  milieu  d^nrticœ 
normales,  une  variété  polarisante  qui  appela  de  loin  mon  attention 
par  son  rembrunissement  dû  à  la  presque  confluence  des  deux 
taches  médianes  des  ailes  supérieures,  la  costale  et  celle  qui  est 
contiguë  au  bord  interne.  J'ai  pris  la  même  variété  à  Cancale,  vol- 
tigeant librement.  On  peut  donc  conclure  que,  dans  la  Nature,  les 
urticœ  du  nord-ouest  de  la  France  peuvent  être  atteintes  des  carac- 
tères qui  distinguent  la  var.  polaris.  De  même  nous  avons  capturé 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE  I99 

à  l'état  libre,  à  Cauterets,  des  urticœ  d'un  rouge  moins  vif 
o^ichnusa  de  Corse  et  Sardaigne,  mais  à  peu  près  complètement 
dépourvues  des  deux  points  noirs  médians  qui  sont  un  des  carac- 
tères de  la  forme  géographique  ichnusa. 

Il  y  a  encore  dans  la  Vanessa  urticœ  une  Aberration  fort  remar- 
quable dont  le  fond  des  ailes  est  d'un  blanc  rosé.  J'ai  reçu  d'Alle- 
magne 3  exemplaires,  sans  doute  obtenus  en  Laboratoire,  de  cette 
Aberr.  récemment  appelée  :  Herjnanni,  mais  que  Mosley  a  figurée 
sous  le  nom  plus  ancien  de  pallida  (Vanessa,  pi.  4,  n*'  2).  Bellier 
en  possédait  un  exemplaire  qui  fut  pris  dans  la  forêt  de  Bondy,  et 
moi-même  j'en  ai  vu  un  autre  à  Cancale,  voltigeant  tout  près  de 
la  mer,  au  lieu  dit  :  Plage  du  Verger.  J'eus  le  regret  de  ne  pouvoir 
le  saisir. 

Restent  maintenant  les  Aberrations  par  confluence  des  taches 
noires  costales,  par  développement  de  la  tache  subapicale  blanche 
et  par  transformation  des  taches  bleues  submarginales  en  taches 
ovalaires  allongées.  Ces  Aberrations  sont  bien  rares  dans  la  Nature, 
tandis  que  les  expériences  de  Laboratoire  en  produisent  assez 
fréquemment. 

M.  Gadeau  de  Kerville  a  pris,  le  i*""  septembre  1880,  à  Petit- 
Couronne,  un  exemplaire,  qui  est  maintenant  dans  ma  collection, 
assez  analogue,  si  on  le  compare  à  urticœ  normal,  à  l'Ab.  testiido 
de  Polychloros.  Pour  les  ailes  supérieures,  il  ressemble  à  celui  qui 
est  figuré  par  Mosley  (Vanessa,  PI.  II,  n°  4).  Sans  doute  il  existe, 
dans  les  collections  diverses,  bien  d'autres  Aberrations  dCurticœ 
prises  dans  la  Nature;  mais  les  résultats  dus  aux  expériences  par 
la  température  sont  bien  remarquables  et  font  grand  honneur  à 
l'habileté  des  savants  qui  ont  réussi  à  les  obtenir. 

Grâce  à  mon  ami  Stand fuss,  ma  collection  a  été  pourvue  de 
documents  très  intéressants  concernant  les  variétés  expérimentales 
d' urticœ.  Je  suis  heureux  de  lui  en  exprimer  ma  meilleure  gratitude. 
Urticœ  se  trouve  aux  frontières  occidentales  du  Thibet,  au  Yunnan 
et  au  Kouy-Tchéou,  et  y  donne  la  forme  grande,  d'un  rouge  uni- 
forme que  Leech  a  appelée  :  chinensis. 

Au  Nord-Cachemire,  urticœ  a  un  peu  l'aspect  de  Butleri  de  Yeso, 


LEPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 


mais  le  bord  extérieur  des  ailes  est  uni,  presque  sans  dentelures; 
cette  forme  s'appelle  :  ladakkensis,  Moore. 

Enfin  au  Sikkim,  Kaschmirensis,  Kollar  paraît  être  aussi  une 
forme  d'iirtkce,  comme  peut-être  Milberli,  Godart,  aux  Etats-Unis. 

Il  est  curieux  qu'une  espèce  si  répandue  dans  l'ancien  Monde 
n'ait  pas  encore  été  rencontrée  en  Algérie  oii  paraissent  manquer 
également,  d'ailleurs,  les  Vanessa  lo  et  Antiopa. 

Au  point  de  vue  de  l'altitude,  la  Vanessa  urticœ,  en  France  du 
moins,  se  trouve  partout  où  croissent  les  orties  dont  se  nourrit  sa 
chenille.  On  trouve  ^ntkœ  dans  toute  la  France,  au  bord  de  la 
mer,  aussi  bien  qu'au  sommet  des  hautes  montagnes,  tel  le  Mont 
Canigou,  oii  je  l'ai  observée  jadis. 


Vanessa  C.  Album,  Linn. 

On  trouve  le  Robert  le  Diable,  ou  Gamma,  comme  l'appelait  le 
P.  Engramelle,  en  Europe,  en  Asie  et  en  Algérie.  Dans  ma  col- 
lection, il  y  a  des  exemplaires  de  Besançon,  des  Pyrénées-Orientales, 
de  Rennes,  de  Gèdre,  de  la  Gironde,  de  Châteaudun,  de  Digne, 
d'Evreux,  de  Corse,  de  Grèce,  de  Grenade,  d'Angleterre,  de  Rome, 
de  Sicile,  de  Broussa  en  Asie-Mineure,  d'Akbès,  d'Alger,  du  Djur- 
jura,  de  Bône,  de  l'île  Askold,  du  Japon,  de  Tâ-tsien-Lou,  de 
Lachin-Lachong  au  Sikkim. 

L'espèce  varie  pour  la  taille  et  pour  l'accentuation  des  taches 
sur  le  dessus  des  ailes;  surtout  pour  la  coloration  plus  claire  ou 
plus  foncée  du  dessous  et  pour  la  forme  du  C  blanc.  Je  ne  constate 
pas  qu'une  variété  en  général  soit  plus  spéciale  à  un  pays  qu'à  un 
autre.  Cependant  les  individus  du  Sikkim,  du  Japon  et  du  Thibet 
semblent  plus  grands  et  plus  vivement  colores  en  dessus.  Ils  appar- 
tiennent à  la  forme  thibetana,  Elwes.  Un  exemplaire  pris  à  Bône, 
par  Merkl,  en  juin  1884,  ne  diffère  point  des  échantillons  pris  en 
France,  sauf  pour  le  C  blanc  (var.  ïinferfecta,  Blachier).  Je  ne 
connais  pas  d'Aberration  de  C  Album  due  au  traitement  des  chry- 
salides par  la  température,  mais  je  possède  7  individus  de  l'Aberr. 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE  201 

F  Album,  Esp.  (PI.  LXXXVir.  Cont.  XXXVII.  fig-  0-  Cette 
Aberr.  a  été  aussi  figurée  par  Engramelle  (PI.  LV,  Suppl.  I), 
d'abord  d'après  un  exemplaire  du  cabinet  de  M.  Ernst  père,  à 
Strasbourg,  et  une  seconde  fois  (PI.  LXXX,  II''  Suppl.,  PI.  I, 
fig-  5  ^'  5  ^''  d'après  un  échantillon  pris  à  Mayence. 

Les  exemplaires  de  l'Ab.  F  Album  contenus  dans  ma  collection 
proviennent  de  Besançon  (mai  1891),  de  Saxe,  de  Silésie  et  de 
l'ancienne  collection  Bellier,  sans  indication  de  localité. 

Feu  mon  ami  Emmanuel  Martin  m'a  souvent  raconté  que,  se 
promenant  dans  la  forêt  de  Compiègne,  il  avait  aperçu  posé  sur 
une  feuille  d'arbre  un  superbe  exemplaire  de  l'Ab.  F  Album. 
Malheureusement  son  filet  était  démonté;  il  se  hâta  de  le  visser  à 
son  bâton,  puis,  lorsque  tout  fut  prêt  pour  saisir  le  papillon  désiré, 
celui-ci  s'envola  pour  ne  plus  reparaître.  En  vain  Martin,  qui  avait 
remarqué  maintes  fois  combien  les  Robert  le  Diable  revenaient 
volontiers  au  lieu  oii  ils  s'étaient  une  fois  établis,  attendit,  inter- 
rogeant l'espace  et  inspectant  les  branches.  Il  dut  s'en  aller,  sans 
avoir  revu  le  papillon  aberrant.  Le  regret  de  cette  disgrâce  le 
poursuivit  longtemps,  car  je  me  souviens  d'avoir  entendu  plusieurs 
fois  le  même  récit  attristé  de  cette  fâcheuse  aventure. 


Vanessa  Egea,  Cram.  (Z  Album,  Illibn.). 

En  France,  VEgea  habite  seulement  la  partie  sud-orientale  : 
Digne,  Nice,  La  Turbie,  oh  je  l'ai  capturée  au  mois  de  juin.  Jamais 
je  n'ai  vu  Egea  dans  les  Pyrénées-Orientales.  Ma  collection  contient 
des  exemplaires  de  Zara,  en  Dalmatie;  de  Raguse,  où  je  l'ai  prise 
en  juin  1 865  ;  de  Frascati  et  de  Rome  (R.  Oberthiir)  ;  de  Berud- 
Dagh  (Taurus),  de  Grèce,  d'Akbès,  de  Beyrouth. 

L'espèce  varie  assez  pour  la  teinte  du  dessous  des  ailes,  qui  est 
plus  ou  moins  grise  ou  brune,  et  pour  l'accentuation  des  points 
bruns  du  dessus  des  ailes.  Il  y  a  des  exemplaires  dont  le  fond  des 
ailes  est  d'un  fauve  doré  clair  et  d'autres  qui  sont  d'un  fauve  rouge 
et  même  un  peu  brunâtre.  Je  n'ai  pas  vu  d'Aberration,  mais  il  doit 


202  LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE 

en  exister  comme  pour  C  Album.  M.  Holl  a  pris  Egea  à  Maison- 
Carrée,  en  juillet.  Je  ne  possède  pas,  pour  ma  part,  d'exemplaire 
de  cette  espèce  récolté  en  Algérie. 


Araschnia  Levana,  Linn. 

Présente  l'un  des  cas  les  plus  curieux  de  dimorphisme  saisonnier. 
La  forme  Levana,  à  fond  des  ailes  fauve  en  dessus  avec  des  dessins 
noirs,  éclôt  au  printemps;  la  forme  Prorsa,  noire  avec  des  taches 
blanches,  paraît  en  été. 

U Araschnia  Levana  Prorsa  est  abondante  dans  plusieurs  loca- 
lités aux  environs  de  Paris;  on  la  trouve  aussi  dans  la  Haute- 
Vienne.  J'ai  pris  la  forme  estivale  Prorsa  dans  les  ruines  du  château 
de  Plochkœnigsburg,  en  compagnie  de  feu  mon  digne  ami  l'abbé 
Fettig,  alors  curé  de  la  Vancelle,  village  alsacien  situé  en  face  du 
Hochkœnigsburg,  sur  la  pente  septentrionale  de  la  vallée  de 
Lièpvre,  il  y  a  plus  de  45  ans,  à  la  un  de  juin  1863.  Y! Araschnia 
Levana  paraît  manquer  dans  les  Charentes,  l'Auvergne,  la  Pro- 
vence; elle  n'a  jamais  été  trouvée  en  Angleterre,  ni  en  Bretagne; 
mais  il  paraît  qu'on  vient  de  la  rencontrer  dans  les  Basses-Pyrénées. 
C'est  une  espèce  qui  paraît  plus  généralement  répandue  en  Alle- 
magne qu'en  France. 

On  trouve  une  forme  Porima,  intermédiaire  entre  Levana  et 
Prorsa.  L'ancienne  collection  Wiskott  contenait  des  Aberrations 
fort  remarquables  des  deux  formes  printanière  et  estivale;  une 
partie  de  ces  Aberrations  figure  maintenant  dans  ma  collection. 

Je  me  propose  de  faire  figurer  les  plus  notables  de  ces  Aber- 
rations, en  même  temps  que  je  reviserai  les  Rhopalocères  chinois; 
ce  que  je  me  propose  de  faire  bientôt. 

Dans  le  Catalogue  par  Richard  South  de  la  collection  formée 
par  feu  Leech,  il  y  a  (PI.  I,  fig.  14  et  15)  la  représentation  de 
deux  Aberrations  mélaniennes  en  dessus,  albinisantes  en  dessous, 
de  Prorsa  et  Levana.  Ces  deux  Aberrations  proviennent  d'Alle- 
magne. Le  même  Catalogue  signale  7  autres  Aberrations  de  la 


LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE  203 

même  Araschnia  Levana;  mais  elles  n'y  sont  ni  décrites,  ni  figurées. 
Le  genre  Arascknia  est  nettement  palasarctique,  mais  bien  plus 
asiatique  qu'européen.  Les  diverses  espèces  qui  le  composent,  en 
dehors  de  Levana  Prorsa,  sont  :  fallax,  Janson,  du  Japon;  Leva- 
noidcs  Py  or  soldes,  Blanchard,  de  Chine  occidentale;  Boris,  Leech; 
Dai'idh,  Poujade  et  sa  variété;  Or  cas,  Leech;  toutes  des  frontières 
orientales  du  Thibet;  enfin  Biircjana,  Bremer,  de  l'Amour  et  de 
Chine.  Cette  dernière  espèce  mérite  une  étude  particulière.  La  forme 
(ou  espèce  distincte)  figurée  par  Leech  sous  les  n"^  13  et  14  de  la 
PI.  XXVI,  méritant  d'être  désignée  par  un  nom,  je  l'ai  appelée 
Lccchi.  La  forme  ordinaire  du  Su-Tchuen  occidental  ne  peut  être 
rapportée  à  strigosa,  Butler,  ni  à  Burejana,  de  l'Amour.  C'est  une 
race  peu  variable  et  qui  jusqu'ici  ne  semble  pas  avoir  été  distinguée. 
Il  est  nécessaire  d'en  donner  la  figure  pour  en  faire  apprécier  les 
caractères  différentiels.  Je  compte,  en  'dressant  l'inventaire  de  la 
faune  chinoise  des  Rhopalocères,  en  publier  la  reproduction  sous 
le  nom  de  chine.nsis.  J'en  possède  une  cinquantaine  d'exemplaires 
bien  semblables  entre  eux  récoltés  par  les  chasseurs  indigènes  que 
dirigent  les  Missionnaires  catholiques  de  Tâ-tsien-Lou.  \JAraschwa 
pr  or  soldes  levanoides  ne  paraît  pas  rare;  mais  les  autres  espèces 
semblent  être  beaucoup  moins  abondamment  représentées,  et  je  ne 
reçois  chaque  année  de  chacune  qu'un  très  petit  nombre  d'individus. 

Argynnis  Pandora,  Esper. 

Superbe  espèce  très  répandue  en  Algérie  où  elle  est  très  vivement 
colorée,  en  Asie-Mineure,  dans  toute  l'Europe  méridionale  et  dans 
la  France  occidentale  011  elle  remonte,  en  suivant  les  côtes  de 
l'Océan,  jusque  dans  le  Morbihan.  Elle  est  très  commune  dans 
certaines  localités  de  la  Loire-Inférieure  et  de  la  Vendée,  et  je  l'ai 
prise  aux  environs  de  Rennes,  à  Mesneuf,  dans  la  commune  de 
Bourgbarré,  le  2  août  1874,  voltigeant  sur  les  fleurs  de  trèfle. 

Je  possède  un  hermaphrodite  de  Pandora,  côté  gauche  Q  et 
côté  droit  cf,  pris  à  Saint-Georges,  près  Royan  (Charente-Infé- 
rieure), en  1870. 


204  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

Ma  collection  contient  des  exemplaires  de  Corse;  Sicile;  Cartha- 
gène,  Vittoria,  Escorial,  La  Granja  et  Grenade,  en  Espagne; 
Calabre  et  Mont  Cassin,  en  Italie;  Pyrénées-Orientales,  Vendée, 
Ille-et-Vilaine,  Morbihan;  Broussa,  Akbès,  Taurus,  en  Asie- 
Mineure;  Lambèze,  Sebdou,  Magenta,  Djurjura,  Yakouren,  en 
Algérie. 

Pandora  varie  beaucoup  par  la  taille  et  l'éclat  des  couleurs.  Dans 
les  Pyrénées-Orientales,  les  cf  sont  généralement  petits;  mais  en 
Corse  et  en  Algérie,  ils  sont  le  plus  ordinairement  très  grands.  J'ai 
vu  jusqu'ici  une  seule  Aberration  de  Pandora;  c'est  un  cf  qui  fut 
pris  le  15  juillet  1905  par  M.  Decoster,  sur  la  route  de  Corte  à 
Saint-Pierre,  en  Corse.  Cet  exemplaire,  qui  est  maintenant  dans  ma 
collection,  est  remarquable  par  le  ton  foncé  de  ses  ailes,  notamment 
de  ses  inférieures,  qui  sont  vertes  en  'dessus,  avec  confluence  des 
lignes  de  points  noirs  submarginaux,  de  façon  que  l'espace  compris 
entre  la  ligne  maculaire  extracellulaire  sinueuse  et  le  liséré  fauve 
qui  descend  du  bord  costal  au  bord  anal,  le  long  de  la  ligne  mar- 
ginale noire,  est  devenu  presque  entièrement  noir  par  la  confluence 
et  l'empâtement  des  deux  lignes  ordinaires  de  points  noirs. 


Argynnis    Paphia,    Linn.,   et  Var.   dives,    Obthr.    (PI.   XI; 
Cf,  fig.  10;   Q,  fig.  II). 

Répandue  en  Irlande,  Angleterre,  France,  Espagne,  Allemagne, 
en  x'\lgérie,  en  Asie-Mineure  et  jusqu'aux  frontières  orientales  du 
Thibet  et  du  Japon. 

En  Angleterre,  on  trouve  les  deux  formes  de  Q,  celle  qui  a  le 
fond  des  ailes  fauve  et  l'autre  chez  laquelle,  sur  un  fond  très 
sombre,  ressortent  des  parties  d'ailes  blanches  et  non  fauves. 

Esper  a  figuré  cette  Ab.  exclusivement  Q,  et  dont  il  prétend  à 
tort  représenter  les  deux  sexes,  sous  le  nom  de  Valesïna  (tab.  CVII, 
Cont.  LXII,  fig.  I,  2).  Paphia  est  très  commune  en  Bretagne  pen- 
dant le  mois  de  juillet;  mais  je  n'y  ai  jamais  vu  l'Ab.  Q  Valesina. 
On  a  trouvé  assez   fréquemment  çà  et  là  des  hermaphrodites  de 


LEPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE  205 

Paphia.  Ma  collection  contient  un  exemplaire  Q  côté  gauche  et  cT 
côté  droit,  comme  l'hermaphrodite  Pandora,  signalé  plus  haut,  que 
j'ai  reçu  de  M.  W.  Maus,  de  Wiesbaden.  J'ai  fait  figurer  dans  le 
n°  12  de  la  Feuille  des  Jeunes  Naturalistes  de  l'année  1900  une 
Aberr.  cf  prise  à  New-Forest,  en  1893,  remarquable  par  le  méla- 
nisme  de  ses  ailes  supérieures;  une  Q  également  mélanienne  de 
l'ancienne  collection  Howard- Waughan  (qui  fut  vendue  à  Londres, 
à  la  salle  Stevens,  les  22  et  23  avril  1890),  prise  en  Angleterre  par 
H.  Pryer,  en  1873;  enfin  une  autre  Ab.  Q  de  la  collection  William 
Machin  (vendue  à  la  salle  Stevens,  à  Londres,  le  20  février  1895), 
remarquable  par  la  confluence  en  une  seule  grosse  tache  noire  des 
taches  normalement  séparées  des  ailes  supérieures  en  dessous.  J'ai 
reçu  assez  récemment  de  M.  Janson  un  cf  extraordinairement  mé- 
lanien,  obtenu  de  l'éducation  d'une  chenille  en  Angleterre,  et  un 
autre  cf  également  anglais,  ayant  les  deux  rangs  submarginaux  de 
taches  noires  des  ailes  en  dessus  réunis,  de  façon  que  chaque  paire 
de  taches  n'en  forme  qu'une  allongée  dans  l'espace  intranervural. 
Sur  les  ailes  inférieures,  en  dessous,  les  taches  d'argent  sont  brouil- 
lées. Ces  Aberrations  par  mélanisme,  c'est-à-dire  par  extension  et 
confluence  des  taches  ordinaires  noires  qui  absorbent  une  partie  plus 
ou  moins  considérable  du  fond  orangé  fauve  des  ailes  en  dessus, 
ne  semblent  pas  fort  rares.  En  outre  des  exemplaires  anglais  pré- 
cités, ma  collection  contient  5  cf  et  5  Q  aberrant  provenant  de 
diverses  parties  de  l'Allemagne,  semblant  tous  récoltés  dans  la 
Nature,  et  i  cf  des  Pyrénées-Orientales.  Quelques-uns  sont  extra- 
ordinairement mélanisants.  Sous  les  n"^  15  i,  k,  l  de  la  PI.  LVII, 
SuppL  III,  le  P.  Engramelle  figure  des  variétés  du  Tabac  d'Espagne, 
d'après  la  collection  Gerning;  le  cf  dessus  15  i  et  dessous  15  k 
ayant  été  pris  dans  la  forêt  de  Francfort,  vers  les  frontières  de 
celles  de  Darmstadt,  et  la  Q  dessous  15  /  ayant  été  reçue  de  Ratis- 
bonne.  Il  est  rare  que  deux  sujets  aberrants  soient  exactement 
pareils  entre  eux;  mais  ils  peuvent  dériver  d'un  même  principe 
de  variation;  c'est  ce  qui  arrive  pour  les  Aberrations  de  Paphia  cf 
que  je  possède  et  celle  que  le  P.  Engramelle  a  figurée.  Ces  Aber- 
rations émanent  d'une  même  loi.  On  obtient  des  variétés  analogues 


2o6  LÉPIDOPTÈROLOGIE   COMPARÉE 

au  moyen  du  traitement  des  chrysalides  par  la  température,  ainsi 
que  je  puis  en  juger  par  2  cf  et  2  Q  que  m'a  envoyés  le  D'"  Fischer, 
de  Zurich. 

De  Tsekou,  sur  les  frontières  du  Thibet  et  du  Yunnan,  j'ai  reçu 
une  magnifique  Ab.  Q  de  Paphia,  avec  le  dessus  des  ailes  presque 
tout  noir;  le  dessous  des  supérieures  présentant  la  confluence  en 
une  seule  tache  des  taches  noires  ordinairement  séparées  les  unes 
des  autres,  et  les  ailes  inférieures,  en  dessous,  offrant  un  mélange 
extraordinaire  de  la  teinte  vert  d'or  et  lilas  argenté. 

Leech  figure  une  Ab.  Q  analogue  sous  le  n"  2  de  la  PI.  XXIII 
de  son  bel  ouvrage  Butterfiies  from  China,  etc. 

En  Corse,  aux  environs  de  Marseille  et  à  la  Granja,  en  Castille, 
on  trouve  une  variété  appelée  :  immaciilata  par  Bel  lier.  Les  deux 
sexes,  chez  inimaculata,  ont  le  dessous  des  ailes  inférieures  entiè- 
rement d'un  verdâtre  doré,  sans  bandes  argentées.  En  Corse,  il  y  a 
les  deux  formes  Ç),  celle  à  fond  des  ailes  fauve  en  dessus  et  la 
valesina.  Mais  toutes  les  Paphia,  dans  cette  île,  n'appartiennent  pas 
à  la  variété  immaculata,  et  on  y  trouve  des  Paphia  ayant  des  bandes 
argentées  sur  les  ailes  inférieures,  en  dessous. 

En  Algérie  vole  une  magnifique  race  que  j'ai  décrite  sous  le  nom 
de  dives  dans  le  Bulletin  de  la  Soc.  ent.  France,  1908,  p.  26-27, 
d'après  des  exemplaires  pris  à  Yakouren,  en  Kabylie,  pendant  le 
mois  de  juillet  1907,  par  M.  Dayrém.  J'ai  fait  figurer  un  cf  et  i  Q 
dives  sous  les  n°^  10  et  11  de  la  PI.  XI  du  présent  ouvrage;  mais 
le  coloriage  est  impuissant  à  rendre  exactement  la  délicate  et  riche 
couleur  dorée  du  dessous  des  ailes  inférieures  de  cette  belle  race 
algérienne  de  Paphia. 

Voici  l'indication  des  localités  d'où  j'ai  reçu  Paphia  -.  Japon;  île 
Askold  ;  Kiang-Si  ;  Tâ-tsien-Lou  (  g  Valesina  et  transition  au  type 
fauve);  Tsekou;  Grèce;  Broussa  et  Akbès,  en  Asie-Mineure; 
Hautes-Pyrénées;  Pyrénées-Orientales;  Digne;  Rennes;  Marseille; 
Fontainebleau  (q  Valesina);  Paris;  Châteaudun;  Charroux,  dans 
la  Vienne;  Chamonix,  dans  la  Haute-Savoie;  Bavière;  Baden; 
Dresde  et  Braunsdorf,  en  Saxe;  Sud-Irlande;  New-Forest,  en 
Angleterre;  Suisse;  Corse;  Castille;  Algérie. 


LEPIDOPTEROLOGIE   COMPARÉE  207 

Argynnis  Aglaja,  Linn. 

Le  Nacré,  comme  l'appelle  le  P.  Engramelle,  habite  les  montagnes 
et  les  plaines,  vole  aussi  bien  dans  les  prairies  élevées  des  Alpes 
et  des  Pyrénées  que  sur  les  falaises  dont  le  pied  est  battu  par  les 
flots  de  la  mer  de  la  Manche;  il  se  rencontre  depuis  la  Péninsule 
armoricaine  jusqu'en  Chine  et  offre  de  curieuses  et  magnifiques 
variations  dont  les  divers  auteurs  ont  publié  de  nombreuses  figures. 

Richard  South,  idans  le  Catalogne  de  la  collection  Leech,  repré- 
sente 4  Aberrations  venant  toutes  de  l'Engadine,  sous  les  n°^  6,  15, 
lô  et  21  de  la  Planche  II.  Ces  Aberrations  appartiennent  à  deux 
catégories  distinctes  :  i"  les  n°'  15  et  21,  avec  les  3  grosses  taches 
argentées  réunies  à  la  base  des  ailes  inférieures  en  dessous;  2"  les 
n°^  6  et  16,  en  dessus,  très  obscurs  et  presque  entièrement  noirs;  en 
dessous,  avec  les  taches  argentées  dont  l'éclat  est  plus  ou  moins 
atténué,  réduites  de  taille  et  parsemées  sur  le  fond  très  assombri 
des  ailes  inférieures.  Ma  collection  contient  12  cf  et  2  g  se  ratta- 
chant aux  n"^  6  et  16  et  formant  pour  ainsi  dire  la  transition  depuis 
la  forme  normale  à  l'expression  la  plus  accentuée  de  ce  genre 
d'Aberration.  Ces  14  papillons  proviennent  d'Albula,  d'Angleterre 
(coll.  Briggs),  des  Pyrénées-Orientales,  de  l'Engadine,  de  Reichen- 
bach  en  Silésie,  de  Prague  et  de  Vienne.  Je  possède  4  cf  et  i  Q 
de  l'Aberration  représentée  sous  les  n"^  15  et  21,  venant  de  Savoie, 
midi  de  la  France,  Saxe  et  Angleterre  (coll.  Ward).  Toutes  ces 
Aberrations  ont  été  prises  dans  la  Nature. 

Mais  ma  collection  renferme  en  outre  trois  spécimens  aberrants 
offrant  cette  particularité  qu'ils  ont'  été  pris  par  mon  frère  au  même 
lieu  et  en  deux  jours  successifs,  à  Saint-Martin-du-Canigou,  dans 
les  Pyrénées-Orientales,  en  été  1896.  Sans  doute,  ces  3  papillons 
faisaient  partie  de  la  descendance  d'un  même  couple  et  c'est  de 
leurs  parents  qu'ils  tenaient  la  variation  dont  ils  étaient  atteints. 

Les  2  cf  sont  semblables  entre  eux;  aux  4  ailes,  depuis  la  base 
jusqu'à  la  rencontre  de  la  ligne  sinueuse  de  taches  noires,  traversant 
le  milieu  des  ailes,  depuis  le  bord  costal  jusque  près  du  bord  anal, 
presque  tout  l'espace  est  devenu  d'un  noir  vif  par  la  confluence  de 


2o8  LÊPIDOPTÉRÛLOGIE   COMPARÉE 

toutes  les  taches  ordinaires  en  un  large  lavis  noir  sur  lequel  restent 
très  peu  declaircies  fauves.  La  Q  est  également  mélanisante;  mais 
c'est  en  dehors  de  cette  ligne  sinueuse  médiane  de  taches  noires 
que  ses  ailes  supérieures  sont  surtout  lavées  de  noir,  de  sorte  que 
la  partie  qui  reste  fauve  dans  l'espace  basilaire  donne  assez  bien 
l'aspect  de  la  tête  de  chien  dont  la  Colzas  américaine  Cœsonia, 
exemple  bien  connu,  montre  le  proâl  et  l'œil  noir. 

Herrich-Schaeffer  ûgure,  sous  les  n"''  140  et  141,  des  Aberrations 
d'Aglaja  analogues  aux  n°'  6  et  16  de  la  collection  Leech,  et  Mil- 
lière,  sous  les  n°'  i  et  2  de  la  PI.  4  de  la  4^  livraison  de  sa  belle 
Iconographie,  donne  la  figure  d'une  Aglaja  presqu'entièrement  noire 
en  dessus,  et  combinant  dans  ses  ailes  inférieures  en  dessous  rem- 
brunies et  ayant  les  3  taches  d'argent  basilaires  confluentes  et 
agrandies,  pendant  que  les  taches  argentées  submarginales  sont 
réduites  et  assombries,  les  deux  ordres  de  variation  n°^  6  et  16  d'une 
part  et  n°'  15  et  21  d'autre  part,  du  Catalogue  de  la  collection  Leech. 
L'Aberration  insigne  figurée  par  M  il  Hère  avait  été  obtenue  d'une 
chenille  trouvée  au  Mont  Pilat  (Loire)  par  Donzel. 

Il  y  a  d'autres  variations  d'Aglaja,  par  exemple  celle  qui  a  le 
fond  des  ailes  inférieures  en  dessous  plutôt  jaune  d'or  que  verdâtre; 
et  d'autres  encore  dont  le  dessus  des  ailes  est  d'un  fauve  plus  ou 
moins  vif,  avec  les  taches  noires  plus  ou  moins  accentuées  et  d'un 
dessin  plus  ou  moins  normal;  mais  je  ne  trouve  pas  de  différence 
pouvant  constituer  des  races  géographiques  distinctes  entre  les 
Aglaja  d'Europe.  Les  exemplaires  que  j'ai  sous  les  yeux,  provenant 
d'Angleterre,  Rennes,  Digne,  Larche,  Besançon,  Vernet-les-Bains, 
Chamonix,  Cauterets,  Barèges,  Sierra-de-Alfakar  et  Sierra-Nevada 
d'Andalousie,  ne  me  paraissent  pas  offrir,  les  uns  par  rapport  aux 
autres,  de  caractères  différentiels.  Je  possède  aussi  d'assez  impor- 
tantes séries  d'Aglaja  recueillies  à  Akbès,  à  Tâ-tsien-Lou,  au 
Yunnan,  à  l'île  Askold. 

Les  exemplaires  d' Akbès  ont  un  faciès  un  peu  particulier;  mais 
certains  échantillons  de  Vernet-les-Bains  sont  semblables  à  certains 
autres  d' Akbès,  et  il  ne  me  semble  pas  qu'il  y  ait  lieu  de  distinguer 
ceux  d'Akbès  par  un  nom.   La  var.   Fortuna,  de   Corée,  est   plus 


LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE  209 

grande  et  plus  claire.  Les  Aglaja  d'Askold  me  semblent  un  peu 
plus  petits  que  les  Aglaja  de  Corée,  mais  ils  forment  la  transition, 
étant  eux-mêmes  clairs,  avec  cette  variété  coréenne. 

Leech  figure  sous  le  n°  6  de  la  Planche  XXII  des  Biilterflics 
froni  China,  etc.,  et  avec  le  nom  :  Argynnis  Aglaja,  var.  fortuna  Ç), 
une  espèce  tout  à  fait  différente  d'Aglaja  et  qui  n'est  nullement 
reférable  à  la  var.  fortuna.  Je  possède  quelques  exemplaires  de 
cette  espèce  très  distincte  à  laquelle  j'ai  donné  le  nom  de  Plutiis. 
Elle  se  trouve  aux  environs  de  Tâ-tsien-Lou  et  de  Ta-pin-Tze, 
dans  le  Yunnan;  mais  je  la  considère  comme  extrêmement  rare. 

Il  y  a  beaucoup  d'espèces  ô^ Argynnis  dans  la  Chine  occidentale, 
et  la  plupart  semblent  représentées  par  de  très  nombreux  exem- 
plaires. Pliitns  me  paraît  être  l'une  des  plus  brillantes,  mais  la  moins 
abondante  de  toutes. 

M.  Holl  signale  une  variété  d' Aglaja  trouvée  en  Algérie,  à  Lalla- 
Khedidja,  en  juillet;  mais  je  ne  puis  en  décrire  les  particularités, 
ne  l'ayant  jamais  vue. 


Argynnis  Adippe,  Linn. 

Le  Grand  Nacré  est,  comme  Aglaja,  très  répandu  dans  toute 
l'Europe  et  en  Asie;  de  même  que  son  congénère,  il  éclôt  une  seule 
fois  dans  l'année,  au  commencement  de  l'été;  il  vit  dans  les  mon- 
tagnes et  dans  les  forêts  de  plaine;  on  le  rencontre  au  bord  de  la 
mer,  mais  moins  fréquemment  c^^ Aglaja.  Chez  nous,  Adippe  est 
plutôt  sylvatique. 

Il  offre  une  variété  bien  connue  sous  le  nom  de  Cleodoxa,  Ochs., 
chez  laquelle  les  taches  argentées  des  ailes  inférieures  en  dessous 
sont  plus  ou  moins  atténuées  et  quelquefois  entièrement  éteintes. 
Seul  leur  contour  subsiste  sur  le  fond  des  ailes  uniformément  jaune 
d'or. 

Adippe  habite  l'Angleterre,  la  France  (Ille-et-Vilaine,  Doubs, 
Isère,  Basses-Alpes,  Bouches-du-Rhône,  Hautes-Pyrénées,  Pyrénées- 
Orientales,  Haute-Savoie),  la  Suisse,  l'yMlemagne,  l'Autriche,  l'Asie- 

14 


2IO  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPAREE 

Mineure,  la  Grèce,  la  Sicile,  l'Espagne.  On  ne  l'a  pas  trouvé  en 
Algérie. 

En  Angleterre,  en  France,  en  Allemagne,  VArgpmis  Adïppe 
n'offre  pas,  dans  sa  forme  normale,  de  particularités  intéressantes. 
En  Espagne,  le  fond  des  ailes  inférieures  en  dessous  est  verdâtre, 
mais  très  différent  à^Aglaja;  on  a  distingué  la  forme  espagnole 
sous  le  nom  de  Chlorodippe;  elle  est  commune  en  Andalousie, 
notamment  à  la  Sierra-de-Alfakar,  près  Grenade,  oii  mon  frère  l'a 
récoltée  au  mois  de  juillet  1879;  elle  vole  aussi  à  la  Granja  et,  sans 
doute,  dans  beaucoup  d'autres  localités  de  la  Péninsule  Ibérique. 
En  Sicile,  feu  Bel  lier  a  trouvé  dans  les  monts  Madonie  une  forme 
de  Cleodoxa  superbe,  d'une  coloration  extrêmement  vive,  analogue 
d'ailleurs  à  la  race  qui  se  rencontre  en  Grèce.  Autant  les  Cleodoxa 
de  Sicile  ont  le  dessus  des  ailes  d'un  fauve  vif  et  gai,  avec  les 
taches  noires  petites,  autant  les  Adippe  d'Akbès,  très  richement 
colorés  aussi,  montrent  le  dessus  de  leurs  ailes  assombri  par  l'élar- 
gissement des  taches  noires  et  le  dessous  enrichi  de  belles  et  grandes 
macules  argentées. 

Adippe,  comme  Aglaja,  aberre,  en  présentant  à  la  base  des  ailes 
inférieures,  en  dessous,  une  grosse  tache  d'argent  trilobée,  et  en  mon- 
trant des  ailes  en  dessus  envahies  par  le  mélanisme  et  aussi  les  ailes 
supérieures  en  dessous  partiellement  couvertes  d'une  grosse  tache 
noire. 

Le  P.  Engramelle  représente,  sous  les  n"""  lô  ^  et  16  /  de  la 
Planche  XIII,  une  Aberration  mélanienne  superbe,  trouvée  à  Franc- 
fort et  appartenant  à  M.  Gerning.  J'ai  fait  figurer  dans  le  n°  10  de 
la  Feuille  des  Jeunes  Naturalistes,  en  1900,  une  Aberration  superbe 
^Adippe,  prise  par  M.  Frank  Richards,  le  15  juin  1893,  près  de 
Brackenhurst,  à  New-Forest,  en  Angleterre. 

Je  possède  une  Aberration  très  mélanienne,  mais  en  dessus  seu- 
lement, prise  en  Valais;  un  cf,  de  Bavière,  et  une  Q  trouvée  à 
Vienne,  en  Autriche,  analogues  aux  Aglaja  de  la  collection  Leech, 
figurés  sous  les  n°M5  et  21  de  la  PI.  II  du  Catalogue  dressé  par 
R.  South. 

Au  Japon  et  en  Chine,  Adippe  se  développe  en  races  grandes 


LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE 


cl  richement  décorées  dont  j'aurai  lien  de  ni'occuper  en  détail, 
lorsque  je  consacrerai  une  étude  spéciale  aux  Rhopalocères  de 
l'Extrême-Orient. 


Argynnis  Niobe,  Linn. 

Niobe  a  deux  formes  :  i"  avec  les  taches  argentées  sur  les  ailes 
inférieures,  en  dessous;  2°  sans  les  taches  argentées;  c'est  cette 
forme  que  Huebner  figure  sous  les  n"""  61  et  62  et  qui,  analogue  à 
la  variété  Cleodoxa  'à!Adippe,  a  été  appelée  Eris. 

Niobe,  suivant  le  P.  Engramelle,  se  trouve  dans  les  montagnes 
et  jamais  dans  les  forêts,  ni  en  plaine.  Engramelle  ignorait  que 
Niobe  vole  dans  les  environs  d'Angoulême  et  dans  plusieurs  autres 
localités  de  plaine.  J'ai  entendu  dire  qu'on  avait  trouvé  Niobe  dans 
le  Finistère.  Ne  l'ayant  pas  vue  de  cette  localité,  j'attends  à  être  en 
mesure  de  me  prononcer  avec  certitude. 

Dans  ma  collection  se  trouvent  des  Niobe  provenant  des  localités 
suivantes  :  Florac;  Chamonix;  Lanslebourg;  Larche;  environs  de 
Marseille;  Vernet-les-Bains;  Auvergne;  Zermatt,  Chaumont,  près 
Neuchatel,  et  Righi,  en  Suisse;  Allemagne;  Grèce;  Monts  Madonie, 
en  Sicile;  La  Granja;  Sierra-Nevada  d'Andalousie;  Akbès; 
Kuldja;  Astrabad,  où  se  trouve  la  magnifique  variété  gigantea, 
Stgr. 

Dans  certaines  localités,  il  semble  que  l'une  des  formes,  celle  à 
taches  argentées  ou  l'autre  à  fond  des  ailes  uni,  se  trouve  seule. 
Dans  d'autres  lieux,  les  deux  formes  volent  ensemble.  Niobe  est 
fertile  en  Aberrations.  Huebner  figure  sous  les  n*""  961  et  962  une 
Aberration  dite  :  pelopia,  dont  ma  collection  contient  un  beau  d 
pris  à  Brigue,  en  Valais.  R.  South  représente,  sous  les  n"'  i,  2  et  7 
de  la  Planche  II  du  Catalogue  de  la  collection  Leech,  des  Aber- 
rations dont  je  possède  quelques  exemplaires  analogues  provenant 
de  diverses  localités  d'Allemagne,  avec  les  ailes  très  rembrunies  en 
dessus,  ou  les  taches  des  ailes  inférieures  en  dessous  confluant  entre 
elles. 


LEPIDOPTEROLOGIE   COMPARÉE 


Herrich-Schaeffer  figure  aussi  de  belles  Aberrations  sous  les 
n"'  142,  143,  144,  145  et  146.  Toutes  ces  Aberrations  ont  été  prises 
dans  la  Nature;  mais,  jugeant  par  analogie,  je  ne  doute  point  que 
le  traitement  des  chrysalides  par  la  température  ne  produise  de 
surprenantes  variations.  En  Angleterre  et  en  Algérie,  IsSiobe  n'ont 
pas  été  rencontrés.  On  m'a  affirmé  que  Niobe  était  abondante  dans 
le  département  du  Finistère.  Je  n'ai  pu  jusqu'ici  vérifier  le  fait. 


Argynnis  Lathonia,  Linn. 

Le  Petit  Nacré  est  très  rare  en  Angleterre,  et  c'est  à  peine  si, 
depuis  ces  vingt  dernières  années,  il  a  été  rencontré  dans  la  Grande- 
Bretagne.  Aux  environs  de  Rennes,  V Argynnis  Lathonia  n'est  géné- 
ralement pas  très  commune;  cependant,  d'aoïit  à  octobre,  j'en  vois, 
presque  tous  les  ans,  quelques  exemplaires  dans  mon  jardin  et  à 
la  campagne,  sur  le  bord  des  chemins.  Lathonia  aime  à  se  poser 
sur'  la  terre  battue  des  routes  et  des  sentiers  exposés  au  soleil  ;  je 
l'ai  rencontrée  une  fois,  en  très  grand  nombre,  au  commencement 
de  l'automne,  sur  la  voie  du  chemin  de  fer  de  l'Ouest,  à  Acigné, 
près  de  Rennes. 

Ma  collection  contient  des  Lathonia  d'Akbès,  de  Lambèze,  de 
Sebdou,  de  la  Granja,  des  Pyrénées-Orientales,  de  Cauterets,  de  la 
Gironde,  de  la  Vienne,  des  Basses-Alpes,  de  la  Corse,  d'Evreux, 
de  Châteaudun,  de  Limoges,  de  Rennes,  d'Angleterre  (coll.  Prest 
d'York),  de  Suisse,  d'Allemagne,  du  Fort-Naryne  (dans  le  Tur- 
kestan  oriental),  d'Italie  et  de  Grèce. 

Herrich-Schaeffer  figure  des  Aberrations  sous  les  n°'  152,  153, 
154.  Chez  le  n"  152,  les  taches  argentées  du  dessous  sont  confluentes, 
formant  des  taches  d'argent  partant  de  la  base  et  occupant  tous 
les  espaces  intranervuraux  jusqu'aux  deux  tiers  environ  de  la  sur- 
face des  ailes.  C'est  l'Ab.  Valdensis,  Esper.  Je  possède  5  exem- 
plaires appartenant  à  cette  Aberration.  Ils  proviennent  de  Bordeaux 
(ancienne  collection  Auguste),  de  Suisse,  de  Grèce,  de  Cologne  et 
de  Plauen,  en  Allemagne.  Quant  aux  n"'  153  et  154,  dont  les  4  ailes 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE  213 

en  dessus  et  les  supérieures  en  dessous  sont  envahies  par  le  noir, 
j'en  possède  10  exemplaires  venant  des  Grisons,  de  Gèdre  où  un  (S 
a  été  pris  le  20  avril  1891  par  M.  Rondou,  qui  eut  l'obligeance  de 
me  l'offrir,  de  Ziegenhals,  de  Liebnitz,  de  Munich,  de  Silésie,  de 
Prague,  de  la  Teste  de  Buch  (ancienne  collection  Auguste),  de 
Cologne,  enfin  de  Brindisi  (Italie  méridionale)  où  M.  Fabresse 
captura  un  très  beau  cf,  en  mai  igo8.  Cette  Aberration,  également 
figurée  sous  le  n°  13  de  la  PI.  I  du  Catalogue  de  la  collection 
Leech,  n'a  pas  encore  reçu  de  nom,  quoiqu'elle  se  reproduise  avec 
continuité  et  toujours  à  peu  près  semblable  à  elle-même.  Je  l'ai 
appelée  erebina,  à  cause  de  son  mélanisme. 

Mon  frère  a  pris  à  Saint-Martin-du-Canigou,  en  août  1904,  une 
Argynnis  Lathonia  à  laquelle  s'était  accroché  un  Hémiptère  appelé 
Picromerus  bidens.  Cet  Hémiptère  tua  le  Papillon  dans  le  filet  où 
il  se  trouvait  saisi. 

La  forme  Issœa,  Moore,  du  Thibet,  du  Yunnan,  du  Kaschmir  et 
du  Sikkim,  présente  un  faciès  très  différent  de  Lathonia.  Peut-être 
est-ce  une  espèce  distincte  ? 

J'ai  entendu  dire  que  les  expériences  du  traitement  des  chrysa- 
lides par  la  température  avaient  produit  de  superbes  Aberrations 
de  Lathonia;  mais  je  n'ai  pas  encore  eu  l'occasion  de  voir  des  varia- 
tions de  Lathonia  autrement  que  naturelles  (*). 


Argynnis  Elysa,  Godart. 

Une  spécialité  de  la  Corse  et  de  la  Sardaigne.  J'en  possède  une 
seule  Aberration  provenant  de  la  collection  Bellier.  Sur  les  ailes 
supérieures  en  dessus,  il  y  a  confluence  et  élargissement  des  taches 
noires  médianes,  depuis  celles  qui  sont  contiguës  au  bord  costal  et 
qui  descendent,  en  s'atténuant,  vers  le  bord  interne. 


(*)    Un   envoi    récent  du   D'  Fislier,   de  Zurich,   m'a   apporte   une   série   de  ces 
Aberrations  ;  elles  sont  en  effet   fort  belles. 


214  LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE 

Argynnis  Hécate. 

Peu  répandue  en  France,  où  elle  semble  très  localisée;  a  été 
trouvée  à  Digne,  par  Bellier;  mon  frère  l'a  prise  en  juin  dans  les 
environs  de  Gourdon  (Lot).  Hécate  est  commune  à  Cuenca,  en 
Espagne.  Elle  se  rencontre  aussi  dans  diverses  localités  de  l'Au- 
triche, du  Piémont,  du  Caucase  et  de  l'Alaï.  M.  Roger  Verity  m'a 
dit  qu  Hécate  se  trouvait  aux  environs  de  Florence;  mais  elle  n'était 
pas  encore  éclose  au  moment  oii  je  m'y  trouvais  (premiers  jours  de 
juin  1907). 

Argynnis  Ino,  Esper. 

La  Grande  Violette  du  P.  Engramelle  se  trouve  en  France,  vers 
la  saint  Jean,  aux  environs  de  Compiègne;  à  Villers-Cotterets,  oii 
mon  frère  l'a  prise  en  igo8;  à  Luxeuil,  suivant  Guenée,  et  au  Russey 
(Doubs).  Je  l'ai  trouvée  abondante  dans  les  prairies  de  Saint-Pierre, 
près  de  La  Cabanasse  (Pyrénées-Orientales);  V Argynnis  Ino  volait 
en  même  temps  que  le  Polyaniniatiis  Chryseis.  Je  crois  qu'il  en  est 
de  même  dans  les  forêts  de  l'Aisne  et  de  l'Oise.  J'ai  aussi  capturé 
la  Grande  Violette  dans  la  vallée  du  Lys  (Haute-Garonne)  et  dans 
les  prés  autour  de  la  Chartreuse  de  Prémolles  (Isère),  le  i^'"  juillet 
187g.  Ma  collection  contient  2  cj*  de  l'Engadine  ayant  tout  autour 
des  ailes,  en  dessus,  un  rayonnement  de  longues  taches  noires,  par 
la  confluence  dans  le  sens  intranervural  des  deux  rangs  de  points 
noirs  extracellulaire  et  submarginal;  et  une  Q  de  la  même  localité 
tout  à  fait  mélanienne.  Je  possède  de  Thuringe  un  cf  Ino,  dont  le 
fond  des  ailes  est  en  dessus  blanc,  et  en  dessous  d'un  jaune  chamois 
très  clair. 

Argynnis  Daphne,  Schiff. 

En  France,  Daphne  vole  dans  la  Lozère;  les  Pyrénées-Orientides; 
l'Isère,  où  je  l'ai  prise  à  Vizille  et  dans  les  montagnes  autour 
d'Uriage;  à  la  vallée  du  Lys  (Haute-Garonne)  et  à  Digne. 


LÉPIDOPTÉROLOGIE    COMPARÉE  215 

Ma  collection  contient  des  exemplaires  du  Piémont;  de  la  vallée 
de  IJèpvre,  en  Alsace;  de  Sîdemi  et  de  l'île  Askold,  en  Mand- 
chourie.  et  d'Akhès.  Dans  cette  dernière  localité,  la  couleur  fauve 
des  ailes  en  dessus  est  très  vive  et  plus  foncée  qu'ailleurs.  Il  y  avait 
dans  la  collection  Kuwert,  maintenant  jointe  à  la  mienne,  un  exem- 
plaire provenant  d'Allemagne  et  ayant  les  taches  noires  rayonnées 
autour  des  ailes  comme  les  Aberrations  précitées  d'Ino,  de  l'En- 
gadine.  Deux  exemplaires  de  cette  Aberration  sont  figurés  avec 
le  nom  obscura,  sous  les  fig.  15  et  16  de  la  notice  publiée  par 
Aigner-Abafi,  dans  Annales  Musei  nation.  Hungarici,  sous  le  titre 
Schmetterlings-Aberrationen  der  Sammlung  des  ungarischen  Na- 
tional Muséums,  p.  484-531,  de  l'année  1906. 

Les  Daphne  de  Mandchourie  sont  souvent  d'un  fauve  très  clair 
et  se  rapportent  à  la  forme  japonaise  Rabdïa,  Butler.  Mais  Daphne, 
qui,  au  Japon,  est  commune  à  Nikko  et  à  Yeso,  varie  beaucoup  de 
taille  et  de  couleur,  et  pas  plus  dans  les  îles  japonaises  qu'en  Mand- 
chourie, les  Argynnis  Daphne  ne  sont  toutes  d'une  teinte  fauve 
aussi  claire  que  les  exemplaires  appelés  Rabdïa  par  Butler. 


Argynnis  Amathusia,  Esper. 

Commune  dans  les  prairies  des  Alpes;  n'a  pas  été  trouvée  dans 
les  Pyrénées.  En  France,  je  l'ai  prise  dans  l'Isère,  près  des  ruines 
de  la  Chartreuse  de  Prémolles;  à  la  Madone  de  la  Fenestre  (Alpes- 
Maritimes)  ;  aux  environs  de  Chamonix  (Haute-Savoie)  et  d'Aix- 
les-Bains  (Savoie),  au  commencement  de  juillet.  Guenée  avait 
trouvé  Amathusia  à  la  Grande-Chartreuse  et  dans  le  Valais,  où  je 
l'ai  moi-même  récoltée  à  Zermatt  et  à  Bérisal.  La  collection  Bellier 
contenait  une  belle  Aberration  par  confluence  des  taches  noires 
formant  comme  un  rayonnement  tout  autour  des  ailes. 

U Argynnis  Thore,  Huebner,  n'a  pas  été  trouvée  en  France  jus- 
qu'ici. De  même  que  la  Neptis  Lîccilla,  elle  est  restée  du  côté  oriental 
des  Alpes. 


LEPIDOPTEROLOGIE   COMPARÉE 


Argynnis  Dia,  Linn. 

Ni  V Argynnis  Ino,  ni  Daphne,  ni  Aniathiisia  ne  se  trouvent  dans 
l'ouest  de  la  France;  mais  la  Petite  Violette,  ou  Dia,  est  commune 
dans  les  landes  de  Bretagne  oii  elle  éclôt  deux  fois  par  an,  en  mai- 
juin,  puis  en  juillet  et  août.  Je  la  prends  chaque  année  à  Monterfil, 
où  elle  se  plaît  dans  les  bruyères  un  peu  hautes,  dans  les  prés  arides 
et  dans  les  vallons  que  parcourt  un  ruisseau.  Elle  est  assez  abon- 
dante dans  les  Pyrénées-Orientales,  à  Charroux  (Vienne)  et  dans 
les  Basses-Alpes. 

Ma  collection  contient  en  outre  des  exemplaires  d'Eure-et-Loir 
(Guenée),  de  Fontainebleau  (Bellier),  de  Besançon  (Fritsch);  je 
l'ai  recueillie  aux  environs  d'Uriage  (Isère)  et  de  Chamounix 
(Haute-Savoie).  Je  possède  une  superbe  Aberration  mélanienne 
venant  de  Saxe.  Les  4  ailes,  en  dessus,  sont  entièrement  noires,  sauf 
l'apex  des  ailes  supérieures  et  un  petit  feston  intranervural  marginal 
restés  de  couleur  fauve.  Chez  un  cf  de  Digne,  le  milieu  des  ailes 
supérieures  est  largement  noir,  ainsi  que  la  base  des  inférieures  en 
dessus;  d'autres  exemplaires  ont  les  ailes  inférieures  entièrement 
noires,  ou  bien  présentent  un  mélanisme  général  ou  partiel  plus  ou 
moins  accentué.  A  Rennes  et  à  Charroux,  nous  avons  trouvé  des 
spécimens  mélanisants.  Dia  est  un  papillon  délicat,  généralement 
très  facile  à  prendre.  L'espèce  manque  en  Angleterre.  Dans  les 
Basses-Alpes,  à  Annot  et  à  Digne,  on  trouve  en  août  une  race  très 
claire,  dont  le  fond  des  ailes  est  d'un  fauve  orangé  vif,  très  différent 
du  type  normal  des  autres  contrées  de  la  France.  J'ai  désigné  cette 
race  sous  le  nom  de  Diniensis.  Aigner-Abafi  figure  sous  le  nom 
de  Hîidaki,  une  Ab.  dont  les  ailes  inférieures  sont  entièrement 
noires  en  dessus. 


Argynnis  Pales,  Huebner. 

Paraît  dans  toutes  les  montagnes  des  Alpes  et  des  Pyrénées,  en 
juillet,  et  se  rencontre  jusqu'au  Thibet,  où  elle  vole  sur  les  pelouses 
alpestres  des  hautes  altitudes.  Dans  les  Pyrénées,  on  commence  à 


LÉPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE  21/ 


trouver  Pales  vers  1,700  mètres.  Nous  avons  capturé  Pales  dans 
les  Asturies,  aux  Picos  de  Europa,  en  juillet  1882,  vers  2,000  mètres; 
elle  n'est  pas  rare,  en  juillet,  au-dessus  de  Cauterets,  un  peu  plus 
haut  que  le  lac  de  Gaube  et  dans  les  lacets  élevés  du  Péguère.  Aux 
environs  du  cirque  de  Gavarnie,  elle  paraissait  dès  la  fin  de 
juin  1893;  je  l'ai  récoltée  au  Cambrès-d'Ase,  en  face  de  Mont- 
Louis-sur-Tet  et  dans  les  prairies  élevées  du  massif  du  Canigou. 
Dans  les  Alpes  françaises.  Pales  est  encore  plus  abondante  que 
dans  les  Pyrénées  et  on  peut  aisément  la  recueillir  depuis  la  Savoie 
jusqu'aux  Alpes-Maritimes,  pourvu  qu'on  atteigne  l'altitude  au- 
dessous  de  laquelle  elle  ne  descend  pas.  M.  Groum-Grgimaïlo 
m'en  a  envoyé  des  individus  pris  à  Amdo  et  les  Missionnaires  du 
Thibet  la  capturent  facilement  aux  environs  de  Tâ-tsien-Lou.  Je 
l'ai  reçue  du  Fort-Naryne,  dans  le  Turkestan  oriental;  du  Kasch- 
mir,  de  la  Grèce  et  de  la  Laponie. 

Pales  présente  des  variations  nombreuses  et  quelquefois  magni- 
fiques, par  mélanisme  partiel  ou  total,  par  confluence  des  taches 
noires,  ou  inversement  par  suppression  desdites  taches.  Il  y  a  aussi 
des  formes  locales  très  intéressantes,  ainsi  celle  du  Fort-Naryne, 
avec  le  fond  des  ailes  du  cf  d'un  fauve  rouge  en  dessus,  presque 
dépourvu  des  taches  noires  normales. 

La  Ç)  est  souvent  d'un  gris  verdâtre,  en  dessus;  c'est  la  var. 
Nap(ca,  Huebn.,  757-75S. 

Comme  les  mêmes  modes  d'Aberration  se  retrouvent  chez  toutes 
les  espèces  d'un  même  genre,  il  y  a  des  exemplaires  de  Pales  ana- 
logues en  dessous  à  l'Ab.  Valdensis  de  Lathonia,  c'est-à-dire  avec 
une  grande  tache  argentée  trilobée  à  la  base  des  ailes  inférieures. 


Argynnis  Euphrosyne,  Linn. 

Espèce  de  plaine  et  de  montagne;  commune  dans  certaines 
parties  de  l'Angleterre;  assez  abondante  dans  les  forêts  des  environs 
de  Rennes;  pas  rare  dans  les  Pyrénées-Orientales  et  les  Hautes- 
Pyrénées,  lorsqu'on  atteint  la  région  des  rhododendrons;  répandue 


2l8  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

aux  environs  de  Paris,  dans  le  département  d'Eure-et-Loir,  en 
Auvergne,  à  Marseille,  à  la  Sainte-Baume,  en  Allemagne,  auprès 
de  Saint-Pétersbourg  et  en  Laponie. 

A  la  forêt  de  Rennes  et  dans  les  bois  des  environs  de  Rennes, 
Euphrosytie  éclôt  vers  la  mi-mai  ou  la  fin  de  mai,  suivant  les 
années;  elle  affectionne  les  allées  forestières,  les  clairières  herbues 
et  les  routes  qui  traversent  les  grands  bois.  Je  ne  l'ai  jamais  trouvée 
sur  la  côte  de  la  Manche.  Elle  ne  paraît  pas  habiter  l'Algérie.  Dans 
les  plaines,  Eufhrosyne  cf  a  les  ailes,  en  dessus,  d'un  fauve  orangé 
vif  et  généralement  sans  atteinte  de  mélanisme.  Au  contraire,  les 
exemplaires  des  montagnes  et  des  régions  septentrionales  sont 
généralement  plus  sombres  et  plus  enfumés. 

Les  Aberrations  d'Euphrosyjie  sont  nombreuses.  J'en  ai  fait 
figurer  quelques-unes  dans  les  n°'  8  et  g  de  l'année  igoo  de  la 
Feuille  des  Jeunes  NaturaUstes. 

Le  Catalogue  de  la  collection  Leech  figure,  sous  les  n°^  13,  14 
et  19  de  la  PI.  II,  3  Aberrations  d'Eiiphrosyuc  provenant  d'Alle- 
magne et  des  Alpes.  Le  n°  14  reproduit  une  variation  fréquente 
chez  toutes  les  Argynnis,  où  le  milieu  des  4  ailes  est  plus  ou  moins 
envahi  par  le  noir.  Mosley  figure  une  Aberration  analogue  sous 
le  n°  6  de  la  PI.  3  des  Aberrations  d' Argynnis.  Je  possède  plusieurs 
exemplaires  de  cette  Aberration,  venant  de  l'ancienne  collection 
Atiguste,  de  Bordeaux;  d'Angleterre,  de  Leignitz  et  des  Pyrénées- 
Orientales.  La  collection  Bel  lier  contenait  un  cf  assez  conforme 
au  n"  13  de  Leech.  Mosley,  dans  son  curieux  ouvrage  :  Illustrations 
of  British  Lepidoptera,  figure  d'intéressantes  Aberrations  d^Eu- 
phrosyne,  notamment  le  n°  5  de  la  PI.  III,  ayant  le  fond  des  ailes 
blanc;  le  n°  2  grisâtre  pâle  et  le  n°  4  fauve  très  pâle. 

Je  possède  3  cf  et  i  Q,  provenant  d'Angleterre  et  de  Silésie,  à 
peu  près  de  la  même  nuance  que  le  n°  4. 

Mosley  représente  une  Q  dont  les  taches  normales  noires  en 
dessus  sont  remplacées  par  des  taches  argentées.  Je  n'ai  pas  vu 
cette  Aberration  en  nature  pour  Euphrosyne;  mais  je  la  possède 
pour  Selene.  Il  est  possible  que  la  Thalia  figurée  par  Huebner, 
sous  les  n°'  57  et  58,  soit  une  Aberration  d^ Euphrosyne  plutôt  que 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE  219 

de  Sclcnc,  ainsi  que  Staudiiijjjcr  et  Rebel  rindiquent  dans  le 
Catalog  iQoi.  D'après  une  figure  même  très  bonne,  il  est  difficile 
d'apprécier  une  question  aussi  délicate,  pour  deux  espèces  aussi 
voisines,  avec  une  absolue  certitude;  mais  je  possède  2  cf  d'authen- 
tiques Euphrosyne  tout  à  fait  semblables  en  dessous  au  n°  58  de 
Huebner,  et  je  trouve  que  les  Aberrations  analogues  de  Selciic, 
dont  je  possède  plusieurs  exemplaires,  ont  un  autre  aspect  et 
offrent,  notamment  sur  les  ailes  inférieures,  une  teinte  d'un  brun 
plus  noir  et  moins  rougeâtre. 

xA.  Rennes,  nous  n'avons  jamais  rencontré  une  seule  Aberration 
d'Euphrosync;  mais  dans  les  Pyrénées-Orientales,  il  semblé  qu'il 
est  plus  aisé  de  trouver  des  variétés  de  cette  Argynnis. 

Lorsqu'en  s'élevant  au-dessus  du  village  de  Castell,  sur  l'une 
des  routes  qui  conduit  de  Vernet-les-Bains  au  Canigou,  on  a  franchi 
la  montagne  si  aride  et  si  désolée  *du  Cheval-Mort,  et  qu'ayant 
gravi  le  lacet  très  dur  qui  se  développe  à  partir  de  la  fontaine  dite  : 
Fonfrède,  on  arrive  enfin  au  joli  sentier  forestier  qui  traverse  la 
forêt  de  Randai,  on  voit  très  fréquemment  les  Argynnis  Euphrosync 
voltiger  au  milieu  des  buissons  de  rhododendrons  et  traverser  le 
chemin  qui  serpente  au  milieu  des  sapins  argentés  et  des  bouleaux. 
L' Argynnis  Euphrosyne  dite  :  le  Grand  Collier  argenté  par  le  P.  En- 
gramelle,  a  le  vol  rapide  et  ne  se  repose  pas  très  souvent;  cependant 
il  est  aisé  d'en  récolter  un  assez  grand  nombre  d'exemplaires  depuis 
le  commencement  de  la  forêt  de  Randai  fusqu'à  la  prairie  alpestre 
de  Mariailles.  C'est  dans  cette  localité  sylvatique,  où  les  yeux  se 
trouvent  réjouis  par  une  si  grande  abondance  de  fleurs,  là  surtout 
où  un  ruisseau  descendant  du  haut  de  la  montagne  creuse  un  petit 
ravin  plein  de  fraîcheur,  que  mon  frère  captura  2  Euphrosyne  C? 
ressemblant  au  n°  6  de  la  figure  .donnée  par  Mosley  et  un  autre 
très  pâle  et  ayant  les  points  noirs  submarginaux  des  ailes  inférieures 
rayonnant  par  confluence  avec  les  croissants  noirs  marginaux.  Je 
crois  pouvoir  signaler  cette  localité  comme  très  digne  d'intérêt  pour 
les  Lépidoptéristes. 


220  LEPIDOPTEROLOGIE   COMPARÉE 


Argynnis  Selene,  Huebn. 

Nous  trouvons  à  Rennes  Selene  et  Euphrosyne  dans  les  mêmes 
forêts,  habitant  ensemble  et  éclosant  en  mai,  toutes  les  deux;  mais 
nous  rencontrons  en  outre  Selene  dans  les  landes  où  ne  se  voit 
point  Euphrosyne,  et  au  bord  de  la  mer  de  la  Manche,  sur  les 
falaises  de  Cancale,  dans  les  champs  et  les  lieux  incultes  de  la 
côte  malouine,  là  où  je  n'ai  jamais  aperçu  aucune  Euphrosyne. 
De  plus,  Selene  a  chez  nous  une  seconde  éclosion  en  août,  alors 
Qj}^ Euphrosyne,  à  ma  connaissance,  paraît  en  Bretagne  seulement 
une  fois  par  an,  au  printemps. 

Le  P.  Engramelle,  qui  appelle  Euphrosyne  le  Grand  Collier 
argenté,  donne  à  Selene  le  nom  de  :  Petit  Collier  argenté,  et,  comme 
nous  l'avons  remarqué  nous-mêmes,  cet  auteur  constate  qnEuphro- 
syne  éclôt  une  fois  par  an.  Cependant  je  dois  dire  que  dans  beau- 
coup de  Catalogues  départementaux,  on  indique  deux  éclosions 
annuelles  pour  Euphrosyne  comme  pour  Selene;  il  serait  donc  fort 
intéressant  de  vérifier  l'exactitude  de  ce  renseignement  pour  des 
localités  de  plaine;  car  en  montagne  il  paraît  assez  certain  que  le 
Grand  Collier  argenté  n'éclôt  qu'une  fois,  au  commencement  de 
l'été.  Je  crois  qu'en  Angleterre,  Euphrosyne  éclôt  comme  en  Bre- 
tagne, seulement  une  fois,  au  printemps.  M.  Barrett  en  a  cependant 
pris  un  spécimen,  le  15  juillet  1868,  près  de  Haslemere,  en  Surrey; 
mais  il  considère  cette  capture  comme  absolument  exceptionnelle. 
Au  contraire,  Selene  se  rencontre  en  Angleterre  en  juin  et  en  août, 
au  bord  de  la  mer,  près  Hastings,  tout  comme  chez  nous  à  Cancale. 

Selene  est  fertile  en  Aberrations. 

D'abord  celle  où  le  fond  des  ailes  est  blanc  en  dessus  et  jaune 
très  clair  en  dessous;  tel  l'exemplaire  figuré  par  le  P.  Engramelle 
sous  les  n°^  23  /?  et  23  /  de  la  PI.  III,  IIP  suppl.,  d'après  un  exem- 
plaire pris  très  frais  à  Erlangen  et  faisant  partie  de  la  collection 
Gerning.  Je  possède  d'Angleterre  un  cf  moins  blanc  en  dessus  et 
un  autre  de  Haute-Silésie  également  jaune  très  clair  en  dessus  et 
en  dessous.  Ce  dernier  exemplaire  est  en  outre  privé  d'une  grande 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE  221 

partie  des  taches  noires  normales;  puis,  inversement  pour  ainsi  dire, 
il  y  a  l'Aberration  où  les  taches  noires  deviennent  argentées;  tel 
YEuphrosyne  n"  i  de  Mosley.  Ce  dernier  auteur  figure  (Argynttis, 
plate  4)  3  Selene,  n°^  i,  2,  3,  à  fond  des  ailes  blanc,  grisâtre  et 
jaune  clair,  comme  les  3  Euphrosyne  de  la  PI.  3.  Il  est  donc  bien 
vrai  de  dire  que  toutes  les  espèces  d'un  même  genre  sont  soumises 
à  une  même  Loi  de  variation.  Ma  collection  contient  environ 
40  Aberrations  insignes  de  Selene,  toutes  prises  dans  la  Nature. 
Je  remarque  qu'après  les  deux  mondes  de  variation  précités,  le  fond 
des  ailes,  en  dessus,  restant  de  la  couleur  fauve  normale,  il  y  a, 
d'une  part,  l'absence  plus  ou  moins  complète  des  taches  normales 
noires  des  ailes,  surtout  des  supérieures,  et,  d'autre  part,  le  rembru- 
nissement  de  la  surface  des  ailes  s'étendant  par  degrés  jusqu'au 
brun  noir  total.  De  plus,  on  remarque  quelquefois  la  combinaison 
sur  un  même  individu  des  deux  ordres  de  variation  différents;  par 
exemple,  les  ailes  supérieures  privées  de  taches  noires  et  les  ailes 
inférieures,  au  contraire,  tout  à  fait  mélanisées. 

Aux  environs  de  Rennes,  nous  avons  pris  deux  exemplaires  çS 
absolument  conformes  à  un  cT  d'Angleterre,  mélanisants  en  dessus 
et  en  dessous,  figurés  sous  les  n"''  i,  2  et  3  de  la  Feuille  des  Jeunes 
Naturalistes  de  1900.  A  Monterfil,  je  capturai  en  1892  une  Q  ayant 
les  ailes  supérieures  mélaniennes  et  les  ailes  inférieures  normales 
{loc.  cit.,  n"  4).  A  cette  occasion,  je  remarquai  combien  un  papillon 
aberrant,  vu  vivant  dans  la  Nature,  paraît  ainsi  offrir  un  degré  de 
variation  supérieur  à  la  réalité.  De  loin,  lorsque  j'aperçus  ce  Petit 
Collier  argenté,  il  me  parut  extrêmement  noir;  il  voltigeait  sur  un 
gazon  ras  parsemé  de  quelques  touffes  d'ajonc  et  de  fougère,  au 
bord  d'un  étang  qui  se  trouve  encaissé  entre  des  collines  rocheuses; 
le  site  est  très  agreste  et  le  paysage  est  rendu  très  agréable  par  la 
nappe  d'eau  qui  occupe  le  fond  de  la  vallée.  Je  capturai  sans  peine 
cet  Argymîis  Selene  mélanisant  et  je  fus  surpris  de  constater  que 
seules  les  ailes  supérieures  étaient  sensiblement  plus  noires  que  la 
forme  normale,  les  inférieures  n'étant  point  variées. 

De  la  collection  Wiskott,  je  possède  une  Q  de  Dusseldorf,  sem- 
blable en  dessus  au  cf  figuré  sous  le  n"  151  par  Herrich-Schaeffer, 


LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE 


et  un  cf  de  Berlin,  conforme  en  dessus  comme  en  dessous  à  ce 
n"  151;  de  Chemnitz,  je  possède  un  cf  semblable  à  celui  figuré 
sous  le  n°  150. 

Il  y  avait  dans  l'ancienne  collection  Bellier  un  cS  assez  conforme 
à  celui  figuré  par  Huebner  sous  les  n°'  732  et  736. 

Richard  South  figure  dans  le  Catalogue  de  la  collection  Leech 
4  Aberrations  de  Selene,  sous  les  n°^  3,  5,  17  et  18.  Je  possède  le 
n**  3  de  Guben  et  une  Aberration  voisine  du  n°  17  de  Leignitz. 

Je  regrette  de  ne  pas  avoir  dans  ma  collection  une  série  de  Selene 
des  montagnes  pour  comparer  aux  exemplaires  de  Bretagne,  d'An- 
gleterre et  d'Allemagne  que  j'ai  exclusivement  sous  les  yeux.  Je  ne 
puis  donc  comparer  à  la  forme  des  plaines  celle  des  Pyrénées  et 
des  Alpes.  Je  ne  me  souviens  pas  d'avoir  rencontré  Selene  au  cours 
des  nombreuses  excursions  que  j'ai  faites,  depuis  46  ans,  dans 
aucune  des  montagnes  de  France,  de  Suisse,  d'Espagne  et  d'Italie. 


Melitaea  Cynthia,  Huebner. 

Espèce  très  jolie,  à  cause  des  réserves  blanches  qui  produisent 
un  effet  très  décoratif  sur  les  ailes  supérieures  du  cf  ;  exclusivement 
alpine  et  habitant  seulement  les  pelouses  des  hautes  altitudes. 
Commune,  certaines  années,  sur  le  plateau  du  Ryffel,  dans  le  Valais; 
assez  abondante  dans  la  prairie  dite  :  du  Jardin,  au  fond  de  la 
mer  de  glace  de  Chamouny;  répandue  dans  les  Basses-Alpes, 
notamment  aux  environs  du  Lac  d'Allos,  et  dans  les  Hautes-Alpes, 
au  Lautaret. 

Je  fus  une  fois  témoin,  dans  cette  localité  bien  connue  des  tou- 
ristes, d'une  abondance  extraordinaire  des  chenilles  de  Melitœa  Cyn- 
thia. C'était  en  juin  1895.  Je  montais  de  la  Grave  à  l'hôtel  du  Lau- 
taret; il  faisait  un  froid  très  vif  et,  quoique  bien  des  fleurs  alpestres 
fussent  déjà  près  d'épanouir,  la  neige  se  mit  à  tomber.  Le  conducteur 
de    la    voiture,    qui    avait    aperçu    mon    outillage    entomologique, 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE  223 


m'adressa  ses  compliments  de  condoléance  sur  la  disgrâce  que  le 
mauvais  temps  me  réservait  quant  aux  papillons;  mais  il  m'apprit 
qu'il  avait  vu,  quelques  jours  auparavant,  une  quantité  si  grande 
de  petites  chenilles  noirâtres,  marchant  sur  le  chemin  devant  l'hôtel, 
qu'un  moment  les  chevaux  avaient  dû  produire  un  effort  pour  faire 
tourner  les  roues  de  la  voiture,  au  milieu  de  ces  innombrables  che- 
nilles qu'elles  écrasaient.  Le  lendemain  17  juin,  sous  la  neige  qui 
tombait  encore,  je  vis  un  nombre  extraordhiaire  de  chenilles  de 
Melitœa  Cynthia  se  pressant  sur  la  boue  presque  glacée  de  la  route 
et  je  rapportai  quelques-unes  des  plus  grosses  chenilles  qui  se  chry- 
salidèrent  sans  délai  et  me  donnèrent,  à  Rennes,  en  juillet,  une 
trentaine  de  papillons  et  un  joli  Hyménoptère  parasite  noir  à  pattes 
rouges. 

On  sera  peut-être  longtemps  avant  de  retrouver  au  Lautaret  une 
aussi  extraordinaire  abondance  de  chenilles  de  Melitœa  Cynthia. 
Retourné  en  1906  dans  cette  localité,  qui  est  charmante  lorsque  le 
soleil  y  brille  de  tout  son  éclat,  je  ne  revis  qu'un  seul  exemplaire 
de  Melitœa.  Cynthia,  tandis  qu'en  1895  il  a  dil  en  éclore  des  millions. 

Je  possède  2  Aberrations  notables  de  Cynthia  :  i  cf  de  la  col- 
lection Boisduval,  presque  tout  noir  en  dessus,  mais  un  peu  moins 
mélanisant  que  le  n"  566  d'Herrich-Schaeffer,  et  une  Q  du  Tyrol, 
à  peu  près  sans  dessins  aux  ailes  supérieures  en  dessus,  comme  en 
dessous;  avec  un  gros  point  cellulaire  noirâtre  et  deux  bandes  noi- 
râtres sur  les  inférieures  en  dessus,  l'une  de  ces  bandes  noirâtres 
étant  extracellulaire  et  l'autre  marginale.  En  dessous,  la  base  des 
inférieures  est  uniformément  rouge  brique  avec  un  gros  point  cellu- 
laire noir;  le  bord  marginal  est  largement  liséré  de  rouge  brique  et 
l'espace  entre  l'extrémité  de  la  cellule  et  le  bord  marginal  est  d'un 
blanc  jaunâtre  finement  coupé  par  les  nervures.  Ma  collection 
contient  aussi  un  cf  des  Basses-Alpes  ayant  l'aile  supérieure  droite 
partiellement  colorée  en  rouge  orangé  comme  la  Q.  Ce  genre 
d'hermaphroditisme  me  paraît  plus  rare  chez  les  (j  que  chez  les  Q . 
Celles-ci  ont,  en  effet,  plus  de  tendance  à  ressembler  aux  cf  que 
les  cf  ne  semblent  portés  à  emprunter  les  caractères  extérieurs  dis- 
tinctifs  de  la  Q. 


224  LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE 

iVLelitasa  Maturna,  Linn. 

Espèce  de  la  faune  orientale  s'avançant  jusqu'aux  environs  de 
Paris,  mais  ne  semblant  pas,  vers  l'ouest,  dépasser  la  zone  parisienne. 
La  collection  Bellier  contenait  plusieurs  individus  pris  dans  la 
forêt  de  Bondy.  M.  Demaison  a  capturé  la  Melitœa  Maturna  auprès 
de  Reims,  et  je  dois  à  son  obligeance  2  Q  prises  en  juin  1890  au 
lieu  dit  :  Germaine,  assez  semblables  à  la  forme  des  environs  de 
Paris,  c'est-à-dire  avec  la  partie  fauve  du  dessus  des  ailes  d'une 
teinte  orangé  vif  et  presque  unicolore;,  différant  par  conséquent  de 
la  race  autrichienne,  figurée  par  le  P.  Engramelle  sous  le  n°  27  de 
la  PI.  XVII,  qui  présente  sur  le  milieu  des  ailes,  en  dessus,  un 
mélange  de  taches  jaune  clair  et  orange,  produisant  un  effet  beau- 
coup moins  uniforme  que  chez  les  individus  parisiens  et  champenois. 

Je  possède  une  Aberration  cT  venant  de  Bregenz,  ayant  le  dessus 
des  ailes  très  assombri  et,  en  dessous,  montrant  l'espace  basilaire 
des  ailes  inférieures,  jusqu'au  delà  de  la  cellule,  couvert  d'un  lavis 
de  couleur  rouge  brique,  avec  une  bande  blanc  jaunâtre  coupée 
finement  par  les  nervures;  une  autre  bande  maculaire  rouge  brique 
et  une  série  de  lunules  submarginales  blanc  jaunâtre  précède  le 
bord  marginal  qui  est  de  la  même  couleur  rouge  que  le  reste. 

Je  n'ai  encore  jamais  vu  cette  espèce  vivante.  Elle  manque  abso- 
lument à  la  Bretagne  et  à  l'Algérie.  Maurice  Sand  la  signale  du 
Cher  et  du  Loiret. 


Melit£ea  Desfontainii,  Godait. 

Cette  Melïtœa  se  trouve  à  Sebdou  et  à  Daya,  en  mai  et  au  com- 
mencement de  juin;  c'est  une  très  belle  espèce  vivement  colorée  et 
agréablement  panachée  de  rouge  brique,  de  fauve  clair,  de  blan- 
châtre et  de  noir.  Elle  n'est  pas  commune. 

En  Espagne,  on  trouve  une  forme  moins  brillante,  appelée  Bcetica 
par  Rambur;  je  l'ai  capturée  dans  la  vallée  entre  Ronda  et  Almo- 
rahina,  aux  lieux  dits  :  Jimera  et  Benoajan,  les  12  et  13  mai  1894; 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   COAIPARÉE  225 

mon  frère  l'a  prise  en  juin  1879  de  Vittoria  au  Mont  Gorbea;  je 
l'ai  reçue  de  Cuenca  (Korb)  et  de  Grenade  (Ribbe). 

La  forme  de  la  vallée  de  Ronda  est  beaucoup  plus  vivement 
colorée  que  celle  de  Cuenca  et  même  de  Grenade.  Elle  est  presque 
semblable  à  la  Desfontainu  de  l'Oranie.  La  Melitœa  Desfontainu, 
transitus  ad  Bœticam,  voltigeait  sur  les  terrains  accidentés  que  coupe 
la  ligne  du  chemin  de  fer  de  Ronda  à  Algésiras,  avec  sa  congénère 
Ar ternis  Iberica,  Melanargia  Inès,  Zegris  Euphenie,  Einydia  Chry- 
socephala,  etc.  La  ligne  ferrée  traverse  la  partie  supérieure  d'une 
vallée  profonde  au  fond  de  laquelle  coule  un  cours  d'eau.  A  droite 
et  à  gauche  s'élèvent  des  montagnes  assez  hautes  dont  le  sommet 
semble  former  un  plateau.  Il  y  a  des  villages  au  niveau  du  chemin 
de  fer;  des  habitations  sont  aussi  bâties  plus  haut,  sur  le  flanc  de 
la  montagne.  La  contrée  semble  fiévreuse,  attendu  que  nombre 
d'habitants  nous  demandaient  des  remèdes  contre  la  calentura; 
mais  dans  certains  endroits,  les  sites  sont  extrêmement  pittoresques 
et  les  papillons  intéressants  sont  nombreux.  J'ai  tout  lieu  de  croire 
que  le  pays  de  Ronda  à  Algésiras  est  une  des  meilleures  localités 
entomologiques  de  l'Espagne. 

Jusqu'ici  la  Melitœa  DesfontaiuH  et  sa  variété  géographique 
Bœtica  n'ont  pas  été  rencontrées  ailleurs  que  dans  la  province 
d'Oran  et  dans  la  Péninsule  espagnole. 

Melitaea  Artemis,  Huebn.  (Aurinia,  Rott.). 

Je  n'ai  jamais  vu  un  exemplaire  d' Artemis  pris  en  Algérie;  mais 
c'est  une  espèce  répandue  en  Espagne,  où  elle  offre  une  magnifique 
forme  que  j'ai  appelée  Iberica,  pour  la  distinguer  spécifiquement 
de  la  Desfontdinii,  avec  laquelle  elle  a  été  longtemps  confondue. 
rierrich-Schaeffer  a  figuré,  sous  les  n"'  i  et  2,  le  çS  qu'il  désigne 
sous  le  nom  d' Artemis  var.  Desfontaine  si.  Le  même  auteur  a  repré- 
senté sous  les  n"*  569  et  570  et  comme  Desfontainesii,  la  Q  de  la 
véritable  Desfontainii,  et  sous  les  n°'  586  et  587,  une  jolie  Aber- 
ration toujours  de  la  véritable  Desfontainii,  Godart.  Les  papillons 
figurés  sous  les  n°'  569  et  570,  586  et  587,  sous  le  nom  de  Desfon- 

,15 


226  LÉPIDOPTÉROLOGlE   COMPARÉE 

tainesi,  par  Herrich-Schaeffer,  n'ont  donc  aucun  rapport  spécifique 
avec  le  Desfontainesi  représenté  sous  les  n*"^  i  et  2  par  le  mêma 
auteur. 

J'ai  pris,  en  même  temps  que  Desfontainii,  de  superbes  Iberica, 
entre  Jimera  et  Benoajan;  j'ai  observé  la  même  forme  ^Iberica  à 
Gibraltar  et  j'ai  trouvé  dans  la  collection  Bellier  une  longue  série 
â! Iberica,  aussi  belles  que  celles  d'Andalousie,  provenant  de  Bar- 
celone et  presque  certainement  récoltés  par  Himmighofen.  Boisduval 
possédait  une  belle  Aberration  d'iberica,  ayant  la  base  des  ailes 
inférieures,  en  dessous,  entièrement  rouge,  et  tout  l'espace  au  delà 
de  la  cellule  d'un  blanc  jaunâtre  uniforme. 

Il  y  a  en  Espagne,  à  la  Granja  et  aux  environs  immédiats  de 
Madrid,  à  Casa-de-Campo,  une  forme  d'Ar ternis  beaucoup  moins 
brillante  qu'en  Catalogne  et  qu'en  Andalousie.  J'ai  sous  les  yeux 
une  soixantaine  d'exemplaires  pris  par  mon  frère  du  15  au 
18  juin  1880,  en  Castille,  et  je  ne  crois  pas  qu'ils  puissent  partager 
la  dénomination  d'Iberica.  Ils  sont  plus  petits,  moins  vivement 
colorés  et,  tout  en  conservant  un  aspect  différent  des  races  méri- 
dionales françaises,  telle  :  'provincialis,  les  spécimens  de  cette  race 
espagnole  d'Art  émis  méritent  le  nom  spécial  de  Castillana. 

Par  opposition  à  la  race  de  si  grande  taille  et  si  chaudement 
colorée  Iberica,  on  trouve  dans  les  montagnes  pyrénéennes  et  alpines 
une  forme  très  petite  et  très  peu  vivement  colorée,  connue  sous  le 
nom  de  Mer  ope,  de  Prunn.  Il  y  a  deux  races  de  Mer  ope  distinctes 
l'une  de  l'autre  :  i°  la  race  alpine  suisse,  à  laquelle  le  nom  de 
Mer  ope  doit  être  attribué;  Herrich-Schaeffer  l'a  figurée  sous  les 
n°'  134  et  135;  Lang  {Rhop.  Eitropœ)  l'a  figurée  également  sous 
le  n°  3  de  la  PI.  XLIII;  2"  la  race  pyrénéenne  et  la  race  alpine 
française,  d'un  aspect  beaucoup  plus  rougeâtre  que  la  race  alpine 
suisse  et  semblant  être  une  Arteuiis  bretonne  plus  petite  et  un  peu 
étiolée,  comme  on  en  trouve  parfois  aux  environs  de  Rennes.  Mon 
frère  a  trouvé  cette  Art  émis  en  abondance  au  Pla-Guilhem,  à  une 
altitude  de  2,300  mètres,  dans  les  Pyrénées-Orientales. 

A  Larche  (Basses-Alpes),  on  rencontre  une  forme  analogue  par 
son  aspect  rougeâtre  et  non  d'un  jaune  chamois  pâle,  ainsi  que  la 


LÈPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE  22/ 

presque  totalité  des  Mditœa  Artoiiis  Merope  qu'on  voit  voltiger 
en  juillet  sur  les  pelouses  d'herbe  courte  et  rase,  un  peu  au-dessus 
de  l'hôtel  de  Ryffelalp,  vers  2,300  à  2,400  mètres,  et  même  un  peu 
plus  haut  jusqu'au  Lac-Noir  et  au  Ryffelberg,  ainsi  qu'au  dessus 
de  Fusio,  dans  le  canton  du  Tessin. 

La  Merope  des  Pyrénées-Orientales  ressemble  donc  à  celle  des 
Basses-Alpes,  et  je  crois  utile  de  faire  remarquer  une  fois  de  plus, 
à  l'occasion  des  Melitœa  Merope,  cette  analogie  générale  entre  les 
formes  des  papillons  de  haute  altitude  dans  les  Alpes  françaises 
et  les  Pyrénées-Orientales,  tandis  que  dans  les  Hautes- Pyrénées, 
cette  analogie  disparaît.  C'est  ainsi  que  VErebia  Lappona  (Manto) 
est  la  même  dans  les  Alpes  et  dans  les  Pyrénées-Orientales,  et 
qu'au  contraire  dans  les  Hautes-Pyrénées  elle  devient  Sthennyo; 
la  Lycœna  Orbitulus,  dans  les  Alpes  françaises  et  les  Pyrénées- 
Orientales,  semble  présenter  la  même  forme;  mais  autour  du  lac 
de  Gaube,  c'est  la  race  plus  grande  Oberthùri,  etc. 

Il  me  semble  donc  que  la  vraie  Merope  reste  cantonnée  dans  les 
hautes  montagnes  à  l'est  de  la  France,  tandis  que  dans  nos  mon- 
tagnes alpines  et  pyrénéennes,  VArteniis  y  est,  à  2,300  mètres  d'al- 
titude, absolument  semblable  aux  exemplaires  de  petite  taille  que 
nous  trouvons  à  la  forêt  de  Rennes,  à  une  altitude  d'à  peine  50  à 
60  mètres.  Je  dois  dire  toutefois  qu'il  y  avait  dans  la  collection 
Bellier  3  Artemis  déterminées  Merope  et  provenant  des  Pyrénées- 
Orientales.  Sur  ces  3  exemplaires,  l'un  est  analogue  à  ceux  pris  par 
mon  frère  à  Pla-Guilhem,  c'est-à-dire  d'aspect  rougeâtre;  les  deux 
autres,  très  mélanisants,  sont  au  contraire  beaucoup  plus  voisins 
des  Merope  de  Ryffelalp,  de  sorte  que  ces  deux  exemplaires  sont 
une  affirmation  contraire  aux  observations  ci-dessus  exposées.  Mais 
il  n'y  a  que  ces  deux  échantillons,  alors  que  sur  plus  de  80  spécimens 
capturés  par  mon  frère  à  Pla-Guilhem,  à  différentes  années  de 
distance,  pas  un  ne  cadre  avec  les  Merope  du  Valais.  J'avais  cepen- 
dant le  devoir  de  signaler  les  documents  de  la  collection  Bellier. 
Ils  prouvent  que  toute  théorie,  si  bien  fondée  qu'elle  paraisse,  pré- 
sente souvent  une  lacune,  et  ces  lacunes-là,  la  probité  scientifique 
défend  de  les  dissimuler. 


228  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

La  Merope  des  Pyrénées-Orientales,  des  Basses-Alpes  et  de  la 
forêt  de  Rennes  est  distinguée  par  moi  sous  le  nom  de  debïlis.  La 
debilis  ne  paraît  pas  rare  à  Rennes,  où  elle  vole  en  compagnie  des 
Art  émis  normales. 

Dans  le  midi  de  la  France,  à  Hyères,  à  la  Turbie,  à  Digne,  vole 
au  printemps  une  forme  âlArteinïs  grande,  d'une  coloration  assez 
uniformément  rougeâtre  et  que  Boisduval  a  désignée  sous  le  nom 
de  provincialis.  Cette  même  forme  provincialis  se  trouve  en  Dal- 
matie  (Zara)  et  en  Asie-Mineure  (Broussa).  Les  Q  sont  d'une  taille 
remarquable  et  les  croissants  marginaux  des  ailes  inférieures,  en 
dessus,  se  distinguent  généralement  par  leur  teinte  beaucoup  plus 
pâle  que  le  fond  des  ailes.  En  Provence,  Bellier  et  Emmanuel 
Martin  ont  capturé  de  belles  Aberrations,  l'une  notamment  prise 
à  Hyères,  dont  tout  le  disque  des  ailes  supérieures  et  la  surface  des 
inférieures,  en  dessus,  sont  d'un  fauve  rosé  très  pâle;  d'autres  ren- 
contrés à  Digne  et  plus  ou  moins  mélanisantes. 

Au  centre  de  l'Europe,  depuis  la  Péninsule  armoricaine  jusqu'à 
la  Mandchourie,  la  M  élites  a  Art  émis  se  montre  en  mai  et  juin,  géné- 
ralement en  abondance,  dans  les  allées  des  bois  et  dans  les  prairies 
maigres  et  marécageuses.  Artemis,  très  commune  en  Ille-et-Vilaine, 
y  montre  la  même  forme  qu'aux  environs  de  Paris.  En  Prusse, 
d'après  les  documents  peu  nombreux  que  je  possède  de  ce  pays,  le 
faciès  de  la  race  d' Artemis  serait  un  peu  différent;  mais  je  ne  puis 
rien  dire  de  précis,  n'ayant  qu'un  trop  petit  nombre  d'exemplaires 
sous  les  yeux. 

Qu'il  me  soit  permis  de  faire  remarquer  ici  combien  l'étude  de 
l'Entomologie  a  changé  de  direction,  depuis  quelques  années.  J'ai 
connu  une  époque  oii  quiconque  trouvait  Artemis  dans  son  pays  se 
souciait  bien  peu  d'obtenir  ladite  Artemis  de  ses  correspondants 
divers  et,  dédaignant  une  espèce  aussi  vulgaire,  concentrait  son 
attention  sur  la  recherche  d'espèces  considérées  comme  plus  rares 
ou  manquant  à  la  faune  de  sa  contrée.  Actuellement  on  poursuit 
l'analyse  dans  des  détails  naguère  insoupçonnés  et  le  champ  ouvert 
aux  investigations  des  Lépidoptéristes  a  pris  une  ampleur  telle  que 
les  moyens  d'un  seul  homme,  même  spécialisé  à  un  objet  restreint, 


LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE  229 

deviennent  bien  vite  insuffisants.  Mnis  chacun,  en  faisant  connaître 
avec  précision  ce  qu'il  connaît,  apporte  son  contingent  de  documents 
à  ledifice  scientifique  en  voie  de  formation  pour  l'ensemble  du 
Monde,  et  c'est  déjà  quelque  mérite  pour  un  seul  homme  que 
d'apporter  une  contribution  de  faits  scrupuleusement  observés  et 
relatés  avec  une  parfaite  exactitude. 

Je  conseille  aux  Entomologistes  curieux  de  se  rendre  compte  de 
l'évolution  qui  s'est  produite  dans  la  méthode  appliquée  à  l'étude 
de  notre  Science,  de  lire  dans  les  Annales  de  la  Société  entomolo- 
giqjie  de  France  ce  que  Bellier  de  la  Chavignerie  écrit  (1858,  p.  125), 
en  rendant  compte  des  chasses  qu'il  a  faites  en  1857  dans  les 
Pyrénées-Orientales.  «  Si  on  ne  voit  pas  figurer  sur  ma  liste,  dit 
cet  auteur,  des  Lépidoptères  tels  que  Colias  Edusa,  Lycœna  Cory- 
don,  Adonis  et  bien  d'autres,  il  ne  faut  pas  en  conclure  que  ces 
espèces  n'existent  pas  au  Vernet,  mais  seulement  qu'il  m'a  paru 
inutile  d'en  parler,  parce  qu'elles  sont  sans  intérêt  et  qu'elles  appar- 
tiennent à  la  Faune  générale  de  la  France.  »  Quel  changement  s'est 
opéré  dans  les  idées  depuis  1858,  c'est-à-dire  depuis  un  demi-siècle! 

En  Irlande  et  en  Ecosse,  Ar ternis  fournit  une  race  appelée 
Hibernica,  Birchall,  et  me  paraissant  très  différente  de  la  race  du 
sud  de  l'Angleterre.  Ea  variété  Hibernica  se  distingue  par  le  milieu 
des  ailes,  en  dessus,  généralement  largement  marqué  de  blanc  jau- 
nâtre. Il  en  résulte  une  opposition  de  couleurs  produisant  un  très 
agréable  effet.  J'ai  reçu  un  assez  grand  nombre  d'exemplaires  pris, 
d'une  part,  dans  le  sud  de  l'Irlande,  par  Mac-Arthur,  en  1893,  et, 
d'autre  part,  récoltés  par  Ried  de  Pitcaple,  en  1891  et   1892. 

Mais  c'est  vers  l'extrême  Orient  qn  Art  ends  produit  des  modifi- 
cations plus  profondes. 

A  Sarepta,  la  forme  des  ailes  commence  à  s'allonger;  mais  surtout 
le  fond  des  ailes,  en  dessus,  cesse  d'être  uniformément  coloré  et 
les  croissants  marginaux  des  ailes  inférieures  se  détachent  en  blanc 
assez  vif. 

A  Malatia,  le  faciès  des  Art  émis  oricntalis  offre  une  exagération 
des  caractères  de  la  forme  Sareftana.  En  Mandchourie,  aussi  bien 


230  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

que  dans  la  partie  du  nord  de  la  Chine  que  visita  l'abbé  Armand 
David,  la  forme  géographique  que  j'ai  appelée  Davidi  se  caractérise, 
au  contraire  des  races  Sareptana  et  Onentalïs  dont  les  ailes,  en 
dessus,  présentent  un  agréable  mélange  de  nuances  fauves  diffé- 
rentes, par  le  ton  uniformément  fauve  rouge  des  ailes  et  par  l'em- 
pâtement des  parties  noires;  de  plus,  les  ailes  sont  très  allongées 
et  devenues  plus  étroites. 

Au  sujet  de  Davidi,  qu'on  me  permette  de  rectifier  une  erreur 
parmi  celles  dont  fourmille  le  Catalog  Staudinger  et  Rebel  1901. 

Ce  Catalog  donne  Davidi,  à  tort,  comme  synonyme  de  la  variété 
G.  Sibirica;  Davidi  est  la  même  que  la  variété  H.  Mandschurica, 
mais  par  ordre  de  date  de  publication,  garde  la  priorité  sur  cette 
var.  H.  Mandschurica  qui  tombe  en  synonyme  avec  Davidi. 

La  var.  H.  Sibirica  que  je  possède  de  Kentei,  d'où  me  l'a  fournie 
feu  Staudinger,  est  tout  à  fait  différente  de  Davidi.  Sibirica  a  les 
ailes  moins  allongées  et  moins  unicolores. 

Il  y  a  une  autre  var.  que  j'ai  appelée  Narina  et  qui  provient  de 
Fort-Naryne,  dans  le  Turkestan  oriental,  d'oii  me  l'a  envoyée 
M.  Akulin.  Cette  variété  Narina  se  caractérise,  comparativement  à 
Sibirica,  comme  suit  :  Minor,  signaturis  nigris  obscurioribus,  dis- 
tinctius  variegata. 

Ar ternis  est  fertile  en  Aberrations. 

Dans  le  Catalogue  de  la  collection  Leech,  3  Aberrations  sont 
figurées  sous  les  n°^  3,  4,  5  de  la  PI.  I.  Les  n"'  4  et  5  se  rencontrent 
à  Rennes,  où  nous  en  avons  capturé  plusieurs  exemplaires,  en 
Alsace,  à  Angoulême,  à  Paris,  d'où  notre  collection  en  contient 
quelques  spécimens.  Je  possède  l'individu  de  la  collection  Stevens 
figuré  par  Mosley,  sous  le  n"*  5.  Mosley  imprime  dans  sa  Notice  : 
«  Locality  not  known  ».  Voici  ce  qui  est  écrit  sur  l'étiquette  du 
papillon  :  «  Bred  by  C.  J.  Biggs  of  old  Brand  S.,  from  larva 
received  from  M.  Dawson  of  Carlisle  1875.  »  La  collection  Stevens 
fut  vendue  à  Londres  les  27  et  28  mars  igoo. 

J'ai  sous  les  yeux  une  trentaine  d'Aberrations  remarquables 
à' Ar teints.  Je  signalerai  un  petit  cf,  en  dessus  noir,  avec  2  macules 
rouges  seulement   aux   supérieures;    mais   je   dois   dire   que   l'aile 


LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE 


gauche  inférieure  est  décolorée,  surtout  vers  l'extrémité.  Le  dessous 
est  également  très  aberrant.  Ce  sujet  intéressant  a  été  trouvé  à 
Besançon,  par  M.  Fritsch,  entomologiste  très  zélé  qui  a  fait  en 
Franche- Comté  des  captures  fort  remarquables. 

La  collection  Boisduval  contenait  un  (S  dont  toutes  les  parties 
rouges  des  ailes  sont  restées  normales,  tan'dis  que  toutes  les  parties 
noires  sont  devenues  d'un  blanc  argenté  hyalin.  Je  possède  une  Q 
semblable  prise  à  Meran;  cependant,  chez  cette  Q,  le  côté  droit  des 
ailes  est  un  peu  moins  caractérisé  que  l'autre  côté. 


Melitaea  Cinxia,  Linn. 

Vient  d'être  rencontrée  à  Sebdou,  en  Algérie,  où  elle  a  été  prise 
par  M.  H.  Powell,  en  mai  1007;  est  très  répandue  dans  presque 
toute  l'Europe  tempérée  et  en  Asie-Mineure;  semble  sur  le  point 
de  disparaître  de  l'Angleterre  011,  d'après  Charles  Barrett,  elle 
n'existerait  plus  qu'en  quelques  colonies  confinées  dans  l'île  de 
Wight.  Voici  ce  que  cet  auteur  écrivait  à  ce  sujet,  en  1893,  à  la 
page  195  du  volume  I  de  l'ouvrage  :  TÂe  Le.pidoptera  of  britisk 
Islands  -.  «  The  only  localities  now  known  for  it  are  on  the  cliff 
slopes  and  the  sheltered  valleys:  of  the  Isle  of  Wight,  and  the  only 
hope  of  its  préservation  there  lies  in  the  comparatively  inaccessible 
nature  of  some  of  the  localities  which  it  loves.   » 

En  Bretagne,  Cinxia  est  très  commune;  elle  éclôt  deux  fois  par 
an,  au  printemps  et  en  été.  On  peut  trouver  Cinxia  aussi  bien  au 
bord  de  la  mer  de  la  Manche,  sur  les  falaises  de  Cancale,  où  il  ne 
paraît  pas  que  l'espèce  soit  menacée  d'extinction,  que  dans  l'inté- 
rieur du  pays  où  elle  préfère  les  sites  incultes,  les  pâtures,  les 
landes  et  les  prairies. 

En  1907,  la  chenille  de  Cinxia,  noire  à  tête  rouge,  fut  d'une 
abondance  extraordinaire  à  Pleuville  (Charente),  localité  très  voi- 
sine du  canton  de  Charroux  (Vienne).  Mon  frère  reçut  de  Pleuville 
un  grand  nombre  de  chenilles  qui  furent  déposées  sur*  des  plantains 


232  LEPIDOPTEROLOGIE   COMPARÉE 

lancéolés  cultivés  dans  une  très  grande  cage  fermée  au  moyen  de 
toile  métallique  et  construite  dans  son  jardin,  à  Rennes. 

Nous  fûmes  surpris  de  l'allure  inquiète  de  ces  chenilles,  qui  cher- 
chaient toujours  à  fuir  et  périssaient  en  assez  grande  quantité, 
étranglées  entre  les  mailles  étroites  de  la  toile  métallique  par  les- 
quelles elles  s'efforçaient  de  sortir  de  leur  prison.  Pourtant  ni  l'air, 
ni  le  soleil,  ni  l'humidité  ambiante,  ni  l'espace,  ni  la  plante  préférée 
ne  leur  manquaient  dans  la  cage  où  elles  avaient  été  déposées.  Nous 
fûmes  amenés  à  croire  que  ces  chenilles  si  avides  de  mouvement  et 
de  liberté  étaient  parasitées  par  des  larves  de  mouches,  dans  une 
proportion  considérable,  et  il  nous  parut  naturel  d'attribuer  à  ces 
terribles  parasites  l'inquiétude  qui  rendait  les  chenilles  de  Cinxia 
si  vagabondes.  D'ailleurs  elles  ne  grossissaient  pas. 

A  une  abondance  insolite  de  chenilles  de  Cinxia  à  Pleuville, 
en  1907,  a  succédé,  en  1908,  une  raréfaction  telle  que  c'est  à  peine 
si  on  aurait  pu  récolter  100  chenilles  là  oii,  l'année  précédente,  il 
y  en  avait  des  quantités  innombrables. 

J'ai  déjà  eu  plusieurs  fois  l'occasion  d'exposer  comment  les 
théories  de  protection  de  certaines  espèces  de  Lépidoptères,  par  le 
mimétisme,  par  leurs  sucs  nauséabonds  ou  toute  autre  cause,  étaient 
peu  soutenables  en  présence  du  parasitisme  des  mouches  à  laquelle 
il  ne  semble  pas  qu'une  seule  espèce  de  Lépidoptère  puisse  échapper. 

Le  nombre  des  chenilles  de  Lépidoptères  parasitées  par  des 
larves  de  Diptères  ou  d'Hyménoptères  est  énorme  et  la  diminution 
des  imago  est,  du  fait  de  ce  parasitisme,  quelquefois  considérable. 

Le  jour,  beaucoup  de  chenilles  se  cachent  sous  les  pierres,  les 
feuilles,  dans  les  herbes,  en  terre  même,  et  échappent  ainsi  partiel- 
lement aux  mouches  qui,  pendant  le  jour,  cherchent  leur  proie.  Ces 
chenilles,  véritables  nocturnes,  mangent  la  nuit,  et  on  les  trouve, 
en  chassant  à  la  lanterne,  quelquefois  en  grande  abondance  sur  les 
plantes  dont  elles  se  nourrissent.  Mais  elles  ont  alors  des  ennemis 
tout  aussi  dangereux  pour  elles  que  les  parasites  Diptères  ou  Hymé- 
noptères dont  les  larves  les  dévorent  lentement  toutes  vives.  Ces 
ennemis  sont,  entre  autres,  les  vipères  et  les  crapauds.  Ainsi  les 
chenilles  de  VAgrotis  Valesiaca,  dans  le  Valais,  sont  recherchées 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPAREE  233 

par  les  vipères  qui  leur  font  la  chasse  assidûment.  M.  et 
j^jrae  "Wullschlegel,  de  Martigny,  ont  souvent  constaté  la  concurrence 
que  leur  faisaient  les  vipères,  lorsqu'ils  se  livraient,  pendant  la  nuit, 
à  la  recherche  des  chenilles  de  VAgroiis  Valesiaca,  et  il  est  arrivé 
à  M"^  Wullschlegel  de  saisir  une  chenille  devant  le  nez  de  la 
vipère,  avant  que  celle-ci,  immobile  en  regardant  sa  proie,  se  soit 
encore  décidée  à  la  saisir. 

Ici-bas,  toute  espèce  sert  d'aliment  à  plusieurs  autres,  et  la  pro- 
tection qui  couvrirait  l'une  des  espèces  amènerait  forcément  la 
famine  chez  l'espèce  parasite,  créée  pour  vivre  aux  dépens  d'une 
autre  et  ayant  elle-même  ses  ennemis. 

Si  on  trouve  quelquefois,  le  jour,  errant  sur  les  chemins,  des 
chenilles  dont  les  habitudes  sont  nocturnes,  c'est  que  presque  tou- 
jours ces  chenilles  souffrent  d'un  parasite  qui  aura  pu  les  atteindre 
et  une  mouche  sort  plus  tard  de  leur  chrysalide  au  lieu  d'un 
papillon. 

Le  fait  pour  certaines  chenilles  d'être  parasitées  modifie  même 
leurs  couleurs.  Ainsi,  à  Montpellier-le-Vieux,  mon  frère  observa  en 
grand  nombre  les  chenilles  d'un  Sphingide  :  Celerio  eiifhorbhr, 
diurnes,  tandis  que  ses  congénères  :  Vesperiilio,  œnotherœ,  elpenor 
sont  plutôt  nocturnes.  Ces  chenilles  du  Sphinx  de  V euphorbe  étaient, 
les  unes  ornées  de  lignes  rouges,  les  autres  de  lignes  jaunes.  Mon 
frère  recueillit  un  certain  nombre  des  chenilles  à  lignes  jaunes,  afin 
de  voir  si  les  papillons  auraient  eux-mêmes  la  couleur  normale  des 
ailes  inférieures  modifiée.  Il  n'obtint  que  des  mouches.  Les  chenilles 
à  bandes  jaunes  étaient  la  proie  de  parasites. 

Les  mouches,  nous  semble-t-il,  se  rendent  compte  de  l'état  des 
chenilles  au  point  de  vue  du  parasitisme  et  elles  ne  pondent  pas 
leurs  œufs  sur  le  dos  des  chenilles  déjà  parasitées,  mais  exclusi- 
vement sur  celles  qui  sont  encore  indemnes.  De  quels  drames  on 
peut  être  témoin  pour  peu  qu'on  puisse  consacrer  une  partie  de  son 
temps  à  l'observation  dans  la  Nature  de  la  lutte  pour  la  vie  ! 

Partout  où  j'ai  chassé  en  France,  j'ai  trouvé  la  Melitœa  Cinxia. 
Aux  environs  de  Paris,  dans  les  Alpes,  dans  les  Pyrénées-Orientales, 
dans  la  France  centrale,  nous  avons  rencontré  Cinxia,  comme  en 


234  LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE 

Bretagne,  présentant  la  même  forme  et  ne  semblant  varier  que  par 
aberrations. 

En  Angleterre,  d'où  je  possède  une  trentaine  de  Cinxia  qui  fai- 
saient partie  de  l'ancienne  collection  Howard- Vaughan,  la  forme 
est  semblable  à  celle  de  France,  et  il  n'y  a  pas  de  race  géographique 
spéciale  pouvant  être  signalée  et  distinguée  dans  l'Europe  occiden- 
tale, tandis  qu'en  Algérie,  Cinxia  paraît  présenter  une  forme  petite, 
aux  ailes  supérieures  allongées,  avec  les  dessins  noirs  très  accentués 
sur  le  dessous  des  4  ailes.  Cependant,  comme  je  possède  un  très 
petit  nombre  d'exemplaires,  j'estime  que  les  documents  dont  je 
dispose  sont  insuffisants  pour  me  permettre  de  désigner  par  un  nom 
spécial  la  race  algérienne.  Il  convient  d'attendre  à  savoir  si  la  géné- 
ralité des  exemplaires  algériens  de  Cinxia  offre  une  forme  assez 
constamment  distincte  des  formes  européennes  pour  être  valablement 
distinguée. 

A  Vernet-les-Bains,  Cinxia  ne  s'élève  pas  très  haut  dans  les 
montagnes;  nous  l'avons  surtout  vue  abondante  aux  environs  de 
Villefranche-de-Conflent  et  nous  ne  nous  souvenons  pas  de  l'avoir 
observée  au-dessus  de  Saint-Martin-du-Canigou. 

Cinxia  aberre  assez  souvent  et  généralement  comme  suit  :  aux 
ailes  inférieures,  en  dessous,  la  base  est  uniformément  fauve,  avec 
oblitération  des  taches  normales;  au  delà  de  la  cellule  et  jusqu'à  la 
bordure  maculaire  subterminale  qui  est  oblitérée,  l'espace  est  blan- 
châtre. Les  ailes  supérieures  ou  inférieures  peuvent  être,  en  dessus, 
plus  ou  moins  envahies  par  le  noir;  inversement,  les  dessins  noirs 
des  ailes  peuvent  être  partiellement  oblitérés;  le  dessous  des  ailes 
inférieures  est  quelquefois  mélanisé  dans  l'espace  blanc  extra- 
cellulaire. Le  Catalogue  de  la  collection  Leech  figure,  sous  les 
n"^  19  et  20  de  la  PI.  I,  des  Aberrations  conformes  à  celles  que  je 
signale  ci-dessus  et  dont  ma  collection  contient  plusieurs  exem- 
plaires analogues. 

Dans  les  Alpes,  il  arrive  aussi  que  les  Cinxia  sont  d'un  fauve 
très  clair,  avec  les  parties  noires  très  développées,  surtout  chez  les  Q , 
et  un  semis  d'atomes  noirs  obscurcissant  plus  ou  moins  les  ailes. 
Je  possède  6  exemplaires  de  cette  Aberration  pallidior,  Obthr. 


LÉPIDOPTÉROLOGIE    COMPAREE  235 

Une  paire  provient  du  Col  de  la  Madone  de  la  Fenestre,  près 
Saint-Martin-Lantosque  (Alpes-Maritimes);  un  cf  a  été  trouvé  au 
lac  d'Allos,  en  juillet  1906.  par  M.  H.  Powell,  et  3  g,  dont  l'une 
extrêmement  obscure  et  ayant  en  dessus  l'aspect  d'une  Parthenie, 
mais  indiscutablement  Cinxia  par  le  dessous  de  ses  ailes,  m'ont  été 
envoyées  de  Digne,  en  1904,  par  le  naturaliste  Victor  Cotte.  Cette  Q 
obscure  ressemble  beaucoup  à  l'individu  figuré  sous  le  n°  269  par 
Herrich-Schaeffer. 


Melitaea  ^therie,  Huebner. 

Dans  le  Caialog  Staudinger  et  Rebel  1901,  ^therie  est  désignée 
à  tort  comme  ayant  été  figurée  par  Huebner  sous  les  n°^  5 75 '5/8- 
C'est  effectivement  sous  les  n"'  875-8/8  c\n\Etheric  a  été  figurée 
par  Huebner. 

Cet  auteur  représente  la  race  d'Andalousie,  qui  est  de  taille  rela- 
tivement supérieure  à  celle  des  autres  races,  et  idont  la  Q  paraît 
être  généralement  de  couleur  fauve,  en  dessus,  comme  le  cf,  mais 
d'une  teinte  seulement  un  peu  moins  vive.  Elle  a  été  trouvée  notam- 
ment à  Chiclana. 

Mtherie  n'est  pas  rare  en  Algérie,  aussi  bien  à  Sebdou,  dans  la 
province  d'Oran,  et  à  Bainen,  dans  la  province  d'Alger,  qu'à  Lam- 
bèze,  dans  la  province  de  Constantine. 

La  race  algirka,  Rùhl,  paraît  être  de  taille  un  peu  plus  petite 
que  la  race  andalouse.  En  Algérie,  il  y  a  deux  formes  de  g  :  1°  celle 
dont  le  dessus  des  ailes  est  fauve,  comme  le  cf,  mais  seulement  plus 
clair;  2"  l'autre,  dont  le  fond  des  ailes  supérieures  est  d'un  fauve 
très  clair  ou  même  blanchâtre,  avec  un  notable  épaississement  des 
dessins  noirs;  cette  forme  est  figurée  sous  les  n°'  2  &V  2  a  de  la 
PI.  2  des  Lépidoptères  de  XExfloration  scientifique  de  l Algérie. 

La  Melitœa  JEtheric  habite  aussi  la  Sicile;  notamment  elle  a  été 
trouvée  par  Krùger  à  Ficuzza,  dans  la  province  de  Palerme,  en 
juin  1907,  et  le  comte  Turati  a  distingué  la  race  sicilienne  ^ Altherie 
sous  le  nom  de  PerUnii.  Les  cf  ne  diffèrent  guère  de  ceux  d'Algérie, 


236  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

et  les  Q  que  j'ai  sous  les  yeux  appartiennent  à  la  forme  dont  les 
ailes  supérieures  ont  le  fond  blanchâtre  avec  épaississement  des 
parties  noires. 

Cette  var.  Perlinn  est  décrite  dans  Naturalista  siciliano,  1905, 
et  figurée  en  photographie,  sans  couleurs,  sous  les  n°^  i,  2,  3  (cf), 
et  5,  6,  ;,  8  (Q)  de  la  PI.  V. 

Cependant,  dans  sa  description,  le  comte  Turati  signale  aussi 
qu'une  forme  de  Q  à  ailes  fauves,  mais  d'une  teinte  plus  claire 
que  le  cf,  se  rencontre  avec  l'autre  forme.  Il  en  est  alors  en  Sicile 
exactement  comme  en  Algérie.  La  différence  entre  Perlinn  et 
alginca  serait  donc  surtout  appréciable  en  comparant  le  dessous 
des  ailes  inférieures  :  «  Nelle  ali  inferiori  a  differenza  dell'  Alginca 
Stgr.,  che  Staudinger  (albido-fasciatis)  e  Riihl  (rein-weiss)  indi- 
cano  colle  fascie  di  bianco  puro,  la  Perlinii,  Turati,  ha  le  fascie  di 
color  giallo-solfo,  spesso  assai  vivo.   » 

Je  dois  à  l'obligeance  du  comte  Turati  deux  paires  de  Mtheric 
Perlinii;  ma  collection  contient  environ  150  JEtherie  algirica.  Les 
cf  algirica  et  Perlinii  ont  les  fascies,  en  dessous,  exactement  de  la 
même  teinte  jaune  soufre.  Seules  les  Q  algirica,  à  qui  Staudinger 
applique  d'ailleurs,  à  l'exclusion  du  cf,  la  mention  :  subius  albido- 
fasciatis,  ont  tantôt  les  fascies  blanches  et  tantôt  les  fascies  jaune 
soufre.  Mais  une  des  Q  Perlinii  a  elle-même  ces  fascies  plutôt 
blanchâtres  que  jaunes.  J'en  conclus  donc  que  la  race  sicilienne  et 
la  race  algérienne  d'A^therie  se  ressemblent  beaucoup  et  qu'un 
grand  nombre  d'exemplaires  des  deux  provenances  ne  sauraient 
être  distingués  les  uns  des  autres. 

Duponchel  {Siippl,  p.  278,  PI.  44,  fig.  4,  5)  représente  une 
JEtherie  venant  de  la  Russie  méridionale,  d'après  un  individu 
communiqué  par  M.  Chardiny,  de  Lyon.  Ma  collection  contient 
aussi  un  exemplaire  de  cette  provenance.  Cependant  Staudinger  et 
Rebel  n'en  font  pas  mention  dans  leur  Catalog  içoi.  Il  y  a  une 
remarquable  analogie  d'espèces  entre  l'Andalousie  et  la  Russie 
méridionale.  C'est  ainsi  que  Zegris  Eupheme,  Satyrus  Hippolytc, 
Helioihis  incarnata,  Orgyia  diibia  splendida  se  rencontrent  à  la 
fois  dans  la  péninsule  ibérique  et  dans  le  sud  de  la  Russie,  sans 


LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE 


qu'on  ait  encore  observé  ces  espèces  dans  la  région  intermédiaire 
de  l'Italie.  Il  n'y  aurait  donc  rien  d'anormal  à  ce  ç^Mtherie  habitât 
en  Russie  comme  en  Espagne;  mais  n'ayant  jamais  reçu  Mtherie 
directement  de  Russie,  je  crois  devoir,  en  présence  de  la  non-indi- 
cation de  cette  localité  dans  le  Catalog  Staudinger  et  Rebel  1901, 
poser  ici  la  question,  espérant  obtenir  un  supplément  d'informations 
qui  nous  fixerait  définitivement. 


Melitsea  Phœbe,  Huebner. 

Manque  en  Angleterre;  répandue  dans  une  grande  partie  de  la 
France,  en  Espagne,  en  Algérie,  en  Sicile,  en  Autriche,  dans  la 
Russie  méridionale,  l'Asie-Mineure,  le  Turkestan,  le  nord  de  la 
Chine.  Offre  des  variétés  géographiques  remarquables  et  est,  ainsi 
que  ses  congénères  du  genre  Melitœa,  fertile  en  Aberrations.  Les  Q 
surtout  varient  beaucoup,  tantôt  se  rapprochant  du  faciès  des  C?, 
tantôt  devenant  très  mélanisantes. 

A  Rennes,  la  Melitœa  Phœbe  est  assez  commune  dans  les  premiers 
jours  du  mois  de  juin;  mais  je  ne  l'ai  pas  observée  sur  la  côte 
malouine.  Elle  est  surtout  abondante  au  sud  de  Rennes,  vers  Bourg- 
des-Comptes.  Nous  l'avons  aussi  rencontrée  à  Monterfil,  oii  mon 
frère  a  capturé  en  1893  un  <3  dont  les  ailes  supérieures  sont  presque 
entièrement  lavées  de  noir.  Dans  cet  exemplaire,  il  ne  reste  de  fauve 
que  le  fascie  submarginal  et  quelques  macules  près  de  la  base  et 
dans  la  cellule.  Je  ne  pense  pas  que  la  Melitœa  Phœbe  habite  les 
Côtes-du-Nord  et  le  nor'd  du  Finistère.  Au  contraire,  Phœbe  est 
très  commune  dans  les  Pyrénées-Orientales,  où  nous  l'avons  vue 
voler  dans  les  localités  chaudes,  à  Villefranche-de-Conflent  et  à 
Vernet-les-Bains,  sans  s'élever  à  une  altitude  supérieure  à  Saint- 
Martin-du-Canigou. 

Nous  possédons  des  Phœbe  prises  à  Etampes;  Chartres;  Châ- 
teaudun;  Charroux  (Vienne);  Villeneuve-de-Blaye  (Gironde),  en 
août;  Digne;  Larche;  La  Voulte-sur-Rhône  (Ardèche);  dans  les 
Pyrénées;  à  Mende  (Lozère);  à  Montpellier;  à  Uriage  (Isère);  à 


23S  LÈPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

Aix  et  au  Pas-des-Lanciers  (Bouches-du-Rhône)  ;  dans  les  Alpes- 
Maritimes. 

Il  ne  semble  pas  qu'en  France,  les  Phœbe  d'aucune  région  pré- 
sentent un  caractère  spécial  et  distinctif,  comparativement  à  celles 
des  autres  provinces.  C'est  ainsi  que  les  exemplaires  normaux  de 
Phœbe  pris  aux  environs  de  Rennes  ne  semblent  point  différents 
de  ceux  des  autres  localités  françaises.  Mais,  en  Espagne,  il  y  a 
une  tendance  à  ce  que  les  fascies  fauves  du  dessus  des  ailes  soient 
les  unes  plus  claires  et  les  autres  de  teinte  plus  vive.  J'ai  trouvé  des 
Phœbe  de  cette  forme  appelée  occitanica  près  de  Grenade,  en 
Andalousie,  au  commencement  de  mai  1894,  et  la  collection  Bellier 
contenait  des  individus  très  caractérisés  de  cette  variété  occitanica 
(magis  variegata)  récoltés  à  Barcelone.  Je  possède  quelques  jolies 
Aberrations  de  Phœbe  capturées  en  Espagne,  notamment  un  cf  de 
la  Sierra-Nevada,  chez  qui  les  taches  normalement  noires  en  dessus 
sont  remplacées  par  du  gris  argenté. 

En  Algérie,  il  y  a  une  race  de  Phœbe  que  j'ai  distinguée  sous  le 
nom  de  punica  et  qui  est  caractérisée  par  sa  taille  plus  petite  et  la 
teinte  fauve  plus  claire  de  ses  ailes.  Cette  variété  punica  semble 
être  plus  caractérisée  dans  la  province  de  Constantine  (Lambèze, 
Khenchela)  que  dans  l'Ouest-Algérien;  mais  je  ne  possède  qu'un 
seul  cf  trouvé  à  Sebdou  par  M.  H.  Powell,  en  mai  1907,  et  je  suis 
insuffisamment  documenté  pour  émettre  une  opinion  certaine. 

A  Palerme,  en  Hongrie,  à  Beyrouth,  à  Akbès,  en  Grèce,  Phœbe 
semble  très  répandue.  Elle  se  trouve  aussi  à  Sarepta,  dans  l'Oural, 
dans  le  Turkestan  oriental  (Fort-Naryne),  ainsi  qu'en  Mongolie. 
Dans  ce  dernier  pays,  Phœbe  est  d'une  taille  très  grande;  elle  a 
reçu  le  nom  de  Scotosia,  Leech  (PI.  XXIV,  fig.  10,  11,  12).  En 
Hongrie,  il  semble  que  la  race  de  Phœbe  soit  au  contraire  de  très 
petite  taille,  comme  la  punica  d'Algérie.  En  Sicile,  la  couleur  fauve 
paraît  terne  et  très  uniforme;  mais  il  y  a  dans  chaque  localité  des 
échantillons  qui  se  rapprochent  de  la  forme  normale  française,  à 
côté  d'autres  qui  en  semblent  très  distinctes,  comme  aussi  par 
Aberration,  on  peut  rencontrer  en  France  des  échantillons  très  ana- 
logues par  exemple  à  la  variété  espagnole  occitanica.  A  Vernet- 


LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE  239 

les-Bains,  notamment,  des  PJiœbc  très  voisines  docci/ûnica  se 
trouvent  assez  fréquemment.  Il  en  est  de  même  jusqu'aux  environs 
de  Paris.  Ma  collection  contient  quelques  superbes  Aberrations 
mélaniennes  et  albinisantes  provenant  des  collections  Wiskott, 
Bellier  et  Boisduval,  affectant  le  dessus  et  le  dessous  des  ailes,  mais 
conformes  aux  règles  générales  d'Aberration  du  genre  Melilcea. 


Melitaea  Didyma,  Ochs.  (PI.  XXVI,  fig.  136-145). 

Le  Damier  première  espèce,  ainsi  que  l'appelle  le  R.  P.  Engra- 
melle,  ne  se  rencontre  pas  en  Angleterre.  Je  crois  que  dans  le  nord- 
ouest  de  la  France,  la  station  la  plus  avancée  de  la  Melitœa  Didyma 
se  trouve  sur  la  ligne  du  chemin  de  fer  de  Rennes  à  Redon,  vers 
la  station  de  Guichen-Bourg-des-Comptes.  La  rivière  de  Vilaine 
coule  à  cet  endroit  dans  une  vallée  très  pittoresque  dont  les  côtés 
sont  formés  de  collines  agrestes,  aux  pentes  et  aux  sommets  assez 
souvent  incultes,  de  façon  que  la  flore  naturelle  s'y  développe 
librement.  La  voie  ferrée  et  un  chemin  de  halage  côtoient  la  rivière 
canalisée.  Jusqu'à  ces  derniers  temps,  le  voisinage  de  la  gare  de 
Guichen-Bourg-des-Comptes  était  une  localité  où  Didyma  abondait. 
Les  plantains,  dont  se  nourrit  la  chenille,  poussaient  le  long  des 
clôtures  de  la  voie  ferrée  et  sur  la  voie  ferrée  elle-même.  Didyma 
se  trouvait  également,  avec  sa  plante  nourricière,  en  grande  abon- 
dance sur  le  côté  nord  de  la  berge  de  la  rivière  de  Vilaine,  spécia- 
lement entre  le  pont  du  chemin  de  fer,  près  le  village  de  la  Haute- 
Bouexière,  et  l'écluse  du  même  nom,  sur  une  longueur  d'environ 
un  kilomètre.  Cette  localité  ayant  malheureusement  été  livrée  au 
pâturage,  les  vaches  ont  peu  à  peu  tout  détruit;  et,  d'autre  part, 
l'Administration  des  chemins  de  fer  ayant  assez  récemment  donné 
l'ordre  d'incendier,  sur  presque  toutes  les  lignes  de  son  réseau,  les 
herbes  et  les  plantes  qui  croissaient  spontanément  sur  la  voie  ferrée 
et  sur  ses  abords,  le  feu  a  fait  périr  un  nombre  considérable  de 
Lépidoptères. 

Depuis  ces  événements,  nous  n'avons  pas  revu  Didyma  à  Guichen- 


240  LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE 

Bourg-des- Comptes.  J'espère  toutefois  qu'en  des  lieux  où  les  bes- 
tiaux n'auront  pas  trouvé  accès,  aussi  bien  que  là  où  l'incendie 
n'aura  pu  atteindre,  quelques  colonies  de  Dïdyma  auront  survécu 
au  désastre  et  que  l'espèce,  dans  la  région,  n'a  pas  été  entièrement 
détruite. 

A  Guichen-Bourg-des-Comptes,  nous  avons  observé  la  Didynia 
paraissant  deux  fois  par  an,  .d'abord  à  la  fin  de  mai,  puis  en  août. 
En  examinant  soigneusement  les  papillons  qui  voltigeaient  le  long 
de  la  rivière  et  sur  la  voie  ferrée,  on  pouvait  capturer  des  échan- 
tillons remarquablement  aberrants.  C'est  ainsi  que  M.  P.  Boulé, 
entomologiste  de  Rennes,  ayant  chassé  pour  nous  à  diverses  reprises 
dans  le  pays  de  Guichen-Bourg-des-Comptes,  récolta  en  mai  1896 
un  superbe  exemplaire  hermaphrodite  ayant  le  côté  gauche  Q  et 
le  côté  droit  cf,  ainsi  que  des  Aberrations  singulières  par  leur 
conformité  entre  elles,  signalées  par  moi  dans  le  Bulletin  de  la 
Société  entomologiqiie  de  France,  année  igoo,  aux  pages  276  et  277. 
Une  planche  imprimée  en  phototypographie  représente  l'hermaphro- 
dite et  3  des  Aberrations  précitées.  Ces  3  sujets  aberrants,  tous  cf, 
Varient  exactement  de  la  même  façon  par  l'oblitération  des  taches 
et  dessins  noirs  des  ailes  inférieures  en  dessous.  Le  second  exem- 
plaire, qui  se  trouve  figuré  dans  la  colonne  de  gauche  de  la  Planche 
phototypographiée,  fait  la  transition  entre  la  forme  normale  et 
l'exemplaire  suivant  n°  3  qui  est  lui-même  parfaitement  conforme  au 
dernier  n°  4.  Le  n"  3  a  été  capturé  en  août  1892;  les  n°'  2  et  4  en 
août  1893,  de  sorte  que  ces  Aberrations,  si  remarquablement  ana- 
logues entre  elles,  ont  paru  à  un  an  de  distance  au  même  lieu 
(PI.  XXVI,  fig.  136). 

Il  existe  donc  une  cause  de  cette  continuité  dans  la  tendance  à 
produire,  en  une  place  déterminée  de  Bretagne,  une  forme  de 
variation  que  je  n'ai  jamais  été  à  même  d'observer  jusqu'ici  chez 
d'autres  Didyina  de  provenance  différente.  Mais  cette  cause  demeure 
inconnue  et  rien  ne  permet  jusqu'à  présent  même  d'en  préjuger  la 
nature. 

Une  autre  Aberration  se  reproduisait  fréquemment  à  Guichen- 
Bourg-des-Comptes;  c'est  celle  dont  le  dessus,  comme  le  dessous 


LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE  24I 

des  ailes,  au  lieu  d'être  d'un  fauve  rou^e  vif,  est  d'un  fauve  chamois 
très  pâle.  Presque  tous  les  ans,  nous  obtenions  quelques  exemplaires 
Cf  et  g  de  cette  variété  qui  est  constante  et  que  j'ai  appelée  Boiilei 
(PL  XXVI,  fig.  144). 

J'ai  lieu  de  croire  que,  dans  le  genre  Melitœa,  Didyina  est  l'espèce 
dont  les  Aberrations  sont  plus  remarquables.  J'ai  donc  consacré  une 
Planche  du  présent  ouvrage  à  la  figuration  de  quelques  exemplaires 
choisis  parmi  les  Aberrations  les  plus  distinguées  de  ma  collection. 
Deux  Aberrations  bretonnes  en  font  partie  (fig.  136  et  144). 

On  trouvera  à  l'Explication  des  Planches  les  renseignements  de 
localité  concernant  les  fi.g.  137  à  143  et  145. 

La  Melitœa  Dïdyma  ne  s'avance  pas  vers  le  nord  jusqu'à  la  ville 
de  Rennes  et,  par  conséquent,  elle  fait  défaut  sur  la  côte  septen- 
trionale de  la  Bretagne.  Mais,  vers  le  sud,  elle  est  commune  depuis 
les  Charcutes  jusqu'aux  Pyrénées;  elle  est  répandue  dans  le  centre 
de  la  France  et  vers  l'est;  elle  est  abondante  en  Franche-Comté  et 
tout  le  long  de  la  frontière  des  Alpes. 

Je  crois  qu'il  y  a  lieu  de  distinguer  de  toutes  les  autres  races  de 
Dïdyma  celle  de  Guichen-Bourg-des-Comptes,  que  je  désigne  sous 
le  nom  dCArmoricana.  Cette  race,  dont  j'ai  sous  les  yeux  plusieurs 
centaines  d'exemplaires,  présente  des  individus  conformes  à  ceux 
du  Poitou,  de  la  Charente  et  de  beaucoup  d'autres  lieux,  mais  à  titre 
assez  exceptionnel.  La  grande  majorité  des  échantillons  bretons  de 
Dïdyma  diffère  de  tous  les  autres  par  la  plus  petite  taille  des  çS  et 
des  Q  et  par  l'allongement  des  ailes  supérieures  des  cT,  dont  la 
teinte  fauve  est  normalement  aussi  vive  que  dans  aucune  autre 
région.  Les  Q  ont  généralement  le  fond  des  ailes  d'un  fauve  rouge 
plus  ou  moins  rembruni  par  les  atomes  noirs  quelquefois  répandus 
en  semis  très  serré  sur  les  ailes  supérieures  et  la  base  des  inférieures. 
Lorsqu'on  compare  une  réunion  nombreuse  de  Didyma  bretonnes 
à  d'autres  réunions  de  localités  diverses,  on  constate  une  différence 
générale  de  faciès  tout  à  fait  probante  et  justifiant  amplement,  pour 
une  race  spéciale,  un  nom  également  spécial.  Je  regrette  qu'il  soit 
si  difftcile  d'exprimer  clairement  avec  des  paroles  ce  que  les  yeux 
perçoivent  si  aisément.  Cependant,  considérant  comme  forme  nor- 

16 


242  LEPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

maie  de  Didyma  celle  qui  vole  ordinairement  dans  la  France  centrale 
et  méridionale,  dans  le  Valais  et  certaines  parties  de  l'Allemagne,  je 
trouve  qu'il  y  a  lieu  de  distinguer  un  assez  grand  nombre  de  races 
effectivement  très  caractérisées,  si  on  les  compare  à  la  forme  normale 
précitée.  Mais  pour  faire  ces  comparaisons  avec  exactitude  et  agir 
en  connaissance  de  cause,  il  est  indispensable  de  disposer  de  séries 
d'exemplaires  très  nombreux  pour  chaque  localité. 

La  Melitœa  Didyma  est  répandue  sur  une  énorme  surface  de 
l'Europe,  de  l'Afrique  et  de  l'Asie.  Si  je  relève  dans  ma  collection 
les  séries  plus  ou  moins  considérables  de  Didyma  qui  y  sont  con- 
tenues, je  trouve,  en  outre  de  la  France,  de  la  Suisse  et  de  l'Alle- 
magne, les  provenances  suivantes  :  Abyssinie;  Algérie  désertique 
(Biskra,  Mécheria);  Algérie  non  désertique  (Yakouren,  Djurjura, 
Constantine,  Sebdou,  Daya,  Magenta);  Sierra-Nevada  d'Andalou- 
sie; Italie  (Rome,  Naples,  Palerme,  Monts  Madonie);  Grèce; 
Balkan;  Macédoine;  Sarepta;  Caucase;  Transcaucasie  (Bakurian); 
Asie  centrale  (Osch,  Namangan,  Margelan)  ;  Asie-Mineure  (Akbès, 
Beyrouth,  Broussa);  nord  de  la  Chine;  Chitral;  Pamir;  Kentei; 
Amour;  Thian-Chan;  Côte  mérid.  de  Crimée. 

Pour  certaines  localités  asiatiques,  j'ai  sous  les  yeux  de  longues 
séries;  mais  pour  d'autres,  je  ne  dispose  que  de  peu  d'exemplaires; 
dès  lors  je  me  juge  insuffisamment  documenté  pour  disserter  uti- 
lement sur  le  classement  des  Didyma  orientales  et  je  me  borne  à 
l'étude  des  formes  occidentales. 

En  Andalousie,  Didyma  paraît  être  conforme  à  celle  de  l'Algérie 
non  désertique.  La  couleur  des  cf,  en  dessus,  est  d'un  fauve  vif 
plutôt  jaunâtre  que  rougeâtre;  les  taches  noires  sont  vives  et  assez 
grosses;  les  Q  ne  sont  pas  verdâtres,*  ni  grises,  ni  obscures,  mais 
plutôt  de  la  teinte  des  cf,  seulement  un  peu  pâlie.  En  dessous,  les 
dessins  sont  nets  et  la  fascie  extracellulaire  orangée  des  ailes  infé- 
rieures est  continue,  c'est-à-dire  qu'il  n'y  a  pas  d'interruption  sensible 
occasionnée  par  les  nervures  et  produisant,  -comme  chez  deserticola, 
une  série  de  taches  orangées  séparées  les  unes  des  autres.  De  plus, 
cette  fascie  orangée  est  limitée,  en  haut  comme  en  bas,  par  une  ligne 
unique  de  croissants  noirs.  Bien  que  la  Didyma  d'Espagne  méri- 


LEPIDOPTEROLOGIE   COMPARÉE  243 

dionale  et  d'Algérie  non  désertique  ressemble  beaucoup  à  des 
formes  asiatiques,  je  ne  puis  l'identifier  strictement  à  aucune  de 
ces  formes  et  je  crois  devoir  la  désigner  sous  le  nom  de  maure- 
tanica.  J'ai  devant  moi  plus  de  loo  échantillons  algériens,  mais 
seulement  4  d'Espagne.  Les  dénominations  occidentalis  et  nieridio- 
nalis  données  par  Staudinger  à  tout  un  ensemble  de  races  géogra- 
phiques différentes  de  Didyma  ne  me  paraissent  pas  répondre  à 
une  analyse  bien  conçue,  et  il  faudrait  évidemment  une  nouvelle 
nomenclature  pour  qu'un  nom  fût  appliqué  à  chaque  race  asiatique 
distinctement  caractérisée. 

Quant  à  deserticola,  elle  se  trouve  à  Mécheria  dès  la  fin  de  mars, 
à  Laghouat  en  avril,  à  Biskra  en  avril  et  mai.  Elle  est  très  remar- 
quable par  la  teinte  d'un  fauve  orangé  clair  uni  qui  couvre  ses  ailes, 
en  dessus,  et  par  le  dessous  de  ses  inférieures,  dont  les  parties 
orangées  sont  réduites  et  moins  régulières.  Notamment,  la  fascie 
extracellulaire  est  composée  de  taches  orangées  isolées  les  unes  des 
autres,  et  ces  taches  sont  surmontées  d'une  double  rangée  de  crois- 
sants noirs.  Herrich-Schaeffer  figure  sous  les  n"''  133  et  327  (le  n"327, 
avec  le  nom  de  Trivia  var.  ?)  des  Didyma  qui  présentent  ce  carac- 
tère. Les  taches  des  ailes  supérieures,  en  dessous,  sont  aussi  plus 
punctiformes.  Le  n"  327  vient  de  la  pente  sud  du  mont  Ararat, 
selon  l'indication  d'Herrich-Schaeffer. 

Une  race  de  Didyma  du  Thian-Chan,  que  Grum-Grshaimaïlo  a 
répandue  dans  certaines  collections  sous  le  nom  de  Dschnngarica, 
paraît  faire  une  transition  entre  Didyma  deserticola  et  Didyma 
mametanica. 

Une  très  intéressante  forme  que  je  crois  encore  inédite  est 
Xabyssinica,  Obthr.  En  dessus,  le  cf  est  d'un  jaune  ochracé  clair, 
avec  les  points  noirs  gros  et  confluents.  En  dessous,  les  ailes  sont 
d'une  teinte  encore  moins  foncée  qu'en  dessus;  l'apex  des  supérieures 
et  le  fond  des  inférieures  est  d'un  blanc  jaunâtre;  les  points  noirs 
sont  gros,  mais  non  confluents;  les  fascies  jaune  légèrement  orangé 
des  ailes  inférieures,  près  de  la  base  et  au  delà  de  la  cellule,  sont 
formées  par  un  lavis  continu  et  non  point  par  des  taches  séparées 
comme  chez  deserticola.  Je  ne  connais  pas  la   Q.  Je  possède  2  cT 


244  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

qui  se  trouvaient  dans  la  collection  du  docteur  Boisduval,  avec 
l'étiquette  .-  Abyssinie. 

Ma  collection  contient  3  Didyina  (S  du  nord  de  la  Chine 
(Armand  David);  cette  race  paraît  être  d'un  jaune  orangé  clair. 
De  Broussa  (Asie-Mineure),  j'ai  reçu  de  Merkl  beaucoup  de  cf  et 
13  Q  remarquablement  grises  en  dessus.  Chez  certaines  Q  le  fond 
des  ailes  inférieures  est  rougeâtre.  A  Akbès,  il  y  a  des  Q  tantôt 
d'une  couleur  fauve  simplement  plus  claire  que  les  cf,  tantôt  aussi 
grises  que  certaines  Q  de  Broussa.  En  Sicile,  Bellier  avait  pris  à 
Palerme  une  petite  race  de  Didyma  dont  les  Q  sont  de  la  couleur 
des  cf,  seulement  un  peu  moins  vive,  tandis  qu'il  avait  trouvé  dans 
les  monts  Madonie  une  Q  excessivement  sombre,  d'un  gris  très 
obscur,  avec  la  base  et  le  bord  costal  des  inférieures  rougeâtre.  On 
voit  combien  Didyma  est  changeante  dans  la  même  contrée,  mais 
sous  des  influences  différentes  d'altitude.  A  Naples  et  à  Rome,  mon 
frère  a  pris  des  Didyma  dont  les  Q  ont  le  fond  des  ailes  d'une 
teinte  rouge  très  vive,  avec  un  semis  épais  d'atomes  noirs  qui  les 
obscurcit. 

A  Beyrouth,  Balint  a  pris  jadis  une  race  de  Didyina  excessi- 
vement petite;  certains  cf  ne  sont  pas  plus  grands  que  des  Lycœna 
Agestis.  Delagrange  avait  capturé  à  Akbès,  pendant  l'été  1890,  une 
vingtaine  de  Didyma  également  très  petites,  mais  avec  les  fascies 
orangées  des  ailes  inférieures,  en  dessous,  extrêmement  larges  et 
développées.  J'ai  désigné  cette  race  d'été  sous  le  nom  de  lilLiputana. 
Dans  cette  race,  la  g  paraît  être  de  la  couleur  du  cf- 

Staudinger  a  appelé  alpina  la  race  des  Alpes  et  des  Pyrénées, 
dont  la  Q  est  ainsi  caractérisée  :  alis  ant.  virescentibiis;  poslicis 
rufis. 

Cette  Didyma  alpina  est  très  variable.  Aux  environs  de  Digne 
et  de  Vernet-les-Bains,  elle  donne  des  Q  superbes  variant  du  fauve 
très  clair  au  gris  verdâtre  et  offrant  presqu'autant  de  variétés  que 
d'échantillons.  Mais  dans  les  Charentes,  le  Poitou,  la  Lozère,  on 
trouve  des  variations  analogues  à  celles  de  Digne  et  des  Pyrénées- 
Orientales,  et  partout  on  peut  rencontrer  des  Aberrations  superbes. 
Mon  frère  a  eu  la  satisfaction  d'en  recueillir  quelques-unes  à  Saint- 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE  2  |5 

Marlin-du-Canigou,  localité  qui  paraît  être,  dans  les  Pyrénées- 
Orientales,  à  peu  près  la  dernière  station  d'altitude  pour  D'idynna, 
laquelle  est  plutôt  une  espèce  de  plaines  et  de  basses  montagnes, 
et  qu'on  rencontre  plus  ordinairement  au  fond  des  vallées  chaudes 
que  dans  la  région  des  rhododendrons. 

Nous  avons  maintes  fois  chassé  dans  les  Pyrénées-Orientales, 
région  séduisante  entre  toutes  par  ses  attraits  naturels  si  variés; 
mais  nous  connaissons  beaucoup  moins  bien  la  faune  des  Lépidop- 
tères de  la  plaine  du  Roussillon  que  celle  des  montagnes  du 
Gonflent  et  de  la  Cerdagne,  où  la  fraîcheur  et  la  pureté  de  l'air  et 
des  eaux  rendent  en  été  le  séjour  infiniment  agréable.  Au  contraire, 
dans  le  bas  pays,  la  température,  en  juillet  et  août,  est  quelquefois 
torride.  Cependant  la  faune  estivale  de  la  plaine  roussillonnaise 
et  des  petites  collines  aux  herbes  parfumées,  mais  dès  la  fin  du 
jirintemps  desséchées  et  comme  calcinées  par  un  soleil  brûlant, 
présente  des  formes  de  papillons  d'un  très  grand  intérêt.  J'ai  sous 
les  yeux  un  petit  nombre  de  Didyma  prises  à  Millas,  en  juillet  1891  ; 
les  g  paraissent  être  dans  cette  localité  extrêmement  remarquables. 
Sur  le  dessus  des  ailes,  l'une  d'elles  offre  un  très  agréable  mélange 
de  taches  fauve  clair  ressortant  sur  un  fond  fauve  plus  foncé.  Je 
n'ai  pas  vu  d'autre  Didyma  avec  cette  particularité.  Dans  les  der- 
nières chasses  d'automne  que  M.  H.  Powell  fit  pour  nous  tant  à 
Vernet-les-Bains  qu'à  Ille-sur-Têt  (octobre  1908),  nous  reconnûmes 
que  la  faune  de  la  plaine  du  Roussillon  et  de  ses  collines  arides 
permettait  encore  d'espérer  d'intéressantes  découvertes.  Puisse  le 
présent  travail,  surtout  consacré  à  l'étude  comparative  des  papillons 
français,  faire  naître  de  nouvelles  ardeurs  parmi  les  Entomologistes 
et  occasionner  des  recherches  dans  un  si  grand  nombre  de  cantons 
français  où  personne  ne  s'est  encore  livré  à  la  chasse  des  Lépidop- 
tères. Avant  que  l'activité  industrieuse  des  hommes,  qui  transforme 
sans  cesse  la  surface  du  sol,  n'ait  achevé  d'abattre  les  forêts  et  de 
détruire  la  flore  naturelle  sur  les  localités  où  elle  subsiste  encore, 
n'est-il  pas  urgent  d'essayer  de  connaître  la  faune  entomologique 
vouée  au  même  sort  que  les  plantes  auxquelles  elle  se  trouve  si 
intimement  associée.  Le  journal  des  chasses  de  feu  Pierret  a  été 


246  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

conservé.  Ce  journal  relate  les  captures  faites  principalement  dans 
les  environs  de,  Paris  et  s'arrête  vers  1848.  Si  on  retournait 
aujourd'hui  dans  les  endroits  où  Pierret  trouvait  tant  d'intéressantes 
espèces,  on  constaterait  aisément  les  progrès  accomplis  dans  la 
destruction  de  la  flore  et  de  la  faune  naturelles  des  lieux  depuis 
un  demi-siècle.  Que  sera-ce  lorsqu'un  autre  demi-siècle  aura  encore 
passé  ! 


Melitaea  Dictynna,  Esper. 

La  Dictynna  n'est  presque  nulle  part  une  espèce  très  abondante; 
de  plus,  elle  semble  très  localisée.  Elle  n'existe  pas  en  Angleterre; 
nous  ne  l'avons  jamais  vue  en  Bretagne;  elle  n'a  pas  été  trouvée 
en  Algérie. 

Ma  collection  renferme  des  échantillons  de  Dictynna  recueillis 
aux  environs  de  Paris,  Saint-Quentin,  Besançon,  Limoges,  Angou- 
lême,  Mende,  Florac,  Uriage,  Cauterets;  dans  le  Valais  (Martigny, 
route  du  Simplon  et  Ryffelalp);  dans  les  Alpes  (La  Grave, 
Briançon  au  Mont  Genèvre,  Monetier-de-Briançon,  Lautaret,  En- 
chastrayes,  Larche,  Chamouny,  Lanslebourg)  ;  à  Ecclepans,  en 
Suisse;  en  Autriche;  en  Prusse;  enfin  .dans  les  Pyrénées-Orientales, 
où  vole  l'intéressante  variété  Vernetensis,  Obthr. 

Dictynna  est  donc  une  espèce  de  plaine  et  de  montagne;  mais 
dans  les  plaines,  je  la  crois  surtout  sylvatique.  Elle  est  très  distincte 
d'Athalia  et  de  toutes  les  autres  Melitœa  par  la  teinte  chocolat  dans 
les  parties  fauves  du  dessous  de  ses  ailes.  Elle  offre,  comme  ses 
congénères,  des  Aberrations  qui  dérivent  des  mêmes  principes.  C'est 
ainsi  que  je  possède  des  exemplaires  de  Dictynna  tout  à  fait 
analogues  à  la  Pyronia,  Huebner  (Aberr.  d'AtAalia,  figurée  sous 
les  n"^  585  à  58S). 

Auprès  d'Angoulême,  Dictynna  est  de  petite  taille;  les  plus 
grands  exemplaires  que  j'ai  vus  ont  été  capturés  à  Limoges.  La 
variation  générale  chez  Dictynna  porte  sur  le  degré  d'absorption 
des  parties  fauves  par  la  teinte  noire,  en  dessus,  qui  reste  prédo- 


LEPIDOPTEROLOGIE   COAIPAREE  247 

minante.  A  part  la  race  spéciale  de  Vernet-les-Bains,  où  c'est 
l'inverse,  il  n'existe  réellement  pas,  à  ma  connaissance  du  moins, 
de  forme  offrant  des  différences  tangibles  et  constantes  dans  les 
diverses  localités  de  l'Europe  centrale  où  l'on  rencontre  Dictynna. 

Dans  les  Hautes-Pyrénées,  j'ai  observé  Dictynna  depuis  Cau- 
terets,  où  elle  vole  en  petite  quantité  relative,  sur  les  flancs  du 
Péguère,  jusqu'au  delà  du  lac  de  Gaube.  Dictynna  paraît  une  seule 
fois  dans  l'année,  à  la  fin  de  juin  et  en  juillet.  C'est  une  espèce 
délicate  et  facile  à  déflorer.  T.es  Q  ont  quelquefois  sur  le  disque 
des  ailes  supérieures,  en  dessus,  les  taches  d'un  fauve  très  clair  et 
presque  blanchâtre;  elles  m'ont  semblé  moins  nombreuses  que  les  cf 
et  éclosant  quelques  jours  plus  tard. 

J'ai  désigné  sous  le  nom  de  Vernetensis  la  race  spéciale  que  nous 
avons  capturée  dans  les  Pyrénées-Orientales,  un  peu  au-dessus  de 
Vernet-les-Bains,  notamment  à  Saint-Martin-du-Canigou.  M.  Ron- 
dou  signale  cette  variété  Vernetensis  dans  son  Catalogîie  des  Lépi- 
doptères des  Pyrénées  (p.  24)  ;  peu  de  races  locales,  en  effet,  méritent 
davantage  d'être  distinguées  de  la  forme  normale. 

J'ai  sous  les  yeux  exactement  130  exemplaires,  tous  pris  par  mon 
frère  ou  par  moi  aux  environs  de  Vernet-les-Bains.  Naturellement, 
sur  un  pareil  nombre,  il  y  a  des  variations,  et  je  constate  que  certains 
exemplaires  ressemblent  beaucoup  à  ceux  des  autres  localités;  mais 
la  grande  majorité  est  caractérisée  par  le  rétrécissement  des  parties 
noires  au  profit  des  parties  fauves,  sur  le  dessus  des  ailes,  de  telle 
façon  que  la  plupart  des  échantillons  de  Dictynna  Vernetensis  sont 
aussi  clairs  en  dessus  que  les  exemplaires  normaux  d'Atkalia.  Cette 
dernière  espèce  vole  avec  Dictynna  et  dans  les  mêmes  lieux;  en 
dessus,  elle  est  parfois  à  peine  distinguable;  mais  en  dessous, 
Dictynna  Vernetensis,  comme  toutes  les  Dictynna,  en  France  et  en 
Suisse,  se  reconnaît  aisément  par  la  teinte  chocolat  dans  les  parties 
fauves.  Je  n'ai  jamais  vu  Dictynna  Vernetensis  voltigeant  en  grand 
nombre.  Pour  réunir  la  quantité  qui  figure  dans  ma  collection,  il  a 
fallu  des  chasses  répétées  pendant  un  grand  nombre  d'années.  Les 
g  de  Dictynna  Vernetensis  sont  grandes,  remarquablement  claires 
en  dessus;  aux  ailes  inférieures,  comme  aux  supérieures,  les  parties 


248  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

noires  sont  encore  plus  rétrécies  peut-être  que  chez  les  cf  et  les 
fascies  fauves  s'élargissent  quelquefois  considérablement  au  détri- 
ment des  parties  noires. 


Melitaea  Aurélia,  Nick. 

Il  me  semble  que  VAureliû  est  bien  le  papillon  figuré  comme 
Athnlia,  sous  les  n"'  ig  et  20,  par  Huebner.  Freyer  représente  dans 
la  PI.  641,  sous  les  n°^  2  et  3  et  avec  le  nom  â! Aurélia,  cette  petite 
Melitœa,  encore  assez  peu  connue  des  Entomologistes  français, 
parce  que  les  localités  011  on  rencontre  cette  espèce  dans  notre  pays 
paraissent  très  clairsemées  jusqu'à  présent.  Maurice  Sand,  dans  son 
Catalogne  raisonné  des  Lépidoptères  du  Berry  et  de  ï Auvergne, 
signale  la  Melitœa  Aurélia  comme  habitant  les  bois  de  St-Florent 
(Cher)  et  de  Nohant  (Tndre),  avec  sa  variété  Britoniartis.  Pour  ma 
part,  je  n'ai  jamais  trouvé  Aurélia  en  France;  je  l'ai  seulement  prise 
dans  la  vallée  de  la  Viège,  en  Valais,  et  auprès  du  Refuge  n"  2, 
sur  la  route  du  Simplon,  un  peu  au-dessous  de  Bérisal.  Mais  feu 
mon  ami  Emmanuel  Martin  m'avait  assuré  l'avoir  trouvée  dans  la 
forêt  de  Compiègne  et  je  la  remarque  dans  l'ancienne  collection 
Guenée,  avec  la  notice  suivante  que  je  transcris  textuellement  : 
«  Mel.  Serotina,  Gn.  (nomen  in  Mus.),  prise  dans  la  forêt  de 
Vibraye,  en  1865.  Ne  vole  que  dans  des  parties  très  restreintes  de 
la  forêt  et  quand  Athalia  est  déjà  finie.  Ses  caractères  sont  :  palpes 
noirs;  taches  de  la  2'  bande  différant  d' Athalia.  Elle  ressemble 
presque  en  dessous  à  la  plantaginis  dont  elle  diffère  complètement 
en  dessus.  Les  deux  sexes  sont  semblables.  Il  est  difficile  de  dire 
si  \A_7irelia  de  Meyer-Dùrr  (PI.  I,  fig.  6)  ne  se  rapporterait  pas 
aussi  bien  ici  qu'à  la  Parthenic.  Mais  le  texte  ne  laisse  aucun  doute. 
Dans  la  coll.  Poulin,  à  Genève,  elle  figure,  envoyée  par  Staudinger, 
sous  le  nom  de  Partkenie  vraie.   » 

Pour  l'intelligence  de  la  notice  écrite  par  Guenée,  il  faut  savoir 
que  cet  auteur  appelait  plantaginis  la  Parthenie  Herrich-Schaeffer 
(136,  13;)- 


LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE  249 


Quoi  qu'il  en  soit,  les  scrot'nia  Guenée  {jn  Mus.),  dont  j'ai  sous 
les  yeux  3  exemplaires  pris  à  Vibraye,  sont  bien  des  Aîirdia,  et 
Aurélia  est  une  espèce  française  qui  a  pu  être  trouvée  dans  d'autres 
localités,  mais  confondue  aver  Athalia.  Mon  fils,  le  D""  J.  Oberthiir, 
m'a  envoyé  des  Melitcca  prises  par  lui  dans  la  forêt  de  Saint- 
Germain;  je  considérerais  volontiers  que  certains  exemplaires  sont 
des  Aurélia;  mais  comme  ils  ont  été  trouvés  mélangés  à  d'authen- 
tiques Athalia  voltigeant  en  même  temps  à  Saint-Germain,  je  crains 
que  les  supposées  Aurélia  de  cette  localité  ne  soient  de  petits  exem- 
plaires ^Athalia,  à  teinte  un  peu  plus  obscure.  Dans  le  doute,  je 
me  garde  donc  d'une  affirmation  positive.  Je  possède  de  Berlin, 
Osnabriick  et  Hochstedt  de  très  belles  Aberrations  ai! Aurélia  plus 
ou  moins  voisines  de  Pyronia,  Huebner. 

Melitaea  Athalia,  Esper. 

C'est,  avec  Ariemis,  la  Melitœa  la  plus  répandue  en  Europe.  Elle 
habite  l'Irlande,  l'Angleterre,  toute  la  France,  l'Allemagne,  l'Italie, 
r Asie-Mineure;  mais  elle  n'a  jamais  été  observée  en  Algérie. 

En  Bretagne,  j'ai  trouvé  Athalia  dans  le  département  du  Finistère, 
aux  environs  de  Huelgoat.  C'était  avant  la  mi-juillet.  Athalia  est 
très  commune  aux  environs  de  Rennes,  au  mois  de  juin.  Il  me 
semble  que  chez  nous,  elle  n'éclôt  qu'une  fois  par  an,  tandis  que 
dans  la  Loire-Inférieure,  nous  l'avons  rencontrée  au  mois  d'août, 
ce  qui  fait  supposer  une  première  génération  de  printemps.  Athalia 
se  plaît  surtout  dans  les  allées  des  bois,  et  lorsque  le  ciel  est  un 
peu  couvert,  elle  cesse  d'avoir  le  vol  très  actif  et  elle  reste  volontiers 
posée  sur  les  plantes.  Il  est  alors  facile  de  passer  l'inspection  d'un 
grand  nombre  d'exemplaires,  qu'on  aperçoit  étendant  tranquillement 
leurs  ailes,  ce  qui  permet  de  reconnaître  aisément  les  Aberrations. 
Ma  collection  en  contient  un  assez  grand  nombre.  Certaines  Aber- 
rations très  mélaniennes  en  dessus  sont  sur  cette  face  presque  entiè- 
rement lavées  de  brun  noir;  les  autres  ne  sont  que  partiellement 
mélanisantes  et  généralement  plutôt  aux  ailes  inférieures  qu'aux 
supérieures. 


250  LEPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

Chez  certains  échantillons,  au  contraire,  le  noir  est  comme  éliminé 
et  la  teinte  fauve  prédomine,  aux  ailes  supérieures  surtout.  En 
dessous,  il  arrive  fréquemment  que  la  base  des  inférieures  reste 
fauve,  tandis  que  tout  l'espace  extracellulaire,  jusqu'au  bord  mar- 
ginal, devient  à  peu  près  uniformément  blanc;  les  ailes  supérieures 
sont  quelquefois  très  noircies,  d'autres  fois  elles  restent  plus  ou 
moins  normales.  Beaucoup  d'auteurs  ont  figuré  des  Aberrations 
notables  à'Alhalia.  Huebner,  sous  les  n°'  585  et  586,  587  et  588,  a 
représenté  avec  le  nom  de  Pyronia  deux  Aberrations  qui  se  repro- 
duisent assez  souvent  et  probablement  dans  la  plupart  des  localités 
oii  vole  Athalia.  Le  Catalogue  de  la  collection  Leech  offre,  sous 
les  n"'  22,  23  et  24,  la  figure  d'Aberrations  rentrant  dans'  l'ordre 
des  Pyronia.  Je  crois  que  le  n"  25,  attribué  par  l'auteur  du  Catalogue 
de  la  collection  Leech  à  Dictynna,  appartiendrait  plutôt  à  Athalia. 
Les  Aberrations  en  question,  individuellement  très  différentes, 
dérivent  cependant  d'une  même  loi,  et  cette  loi  est  commune  à  toutes 
les  espèces  du  genre.  Ainsi,  il  est  bien  évident  que  sur  la  PI.  I  du 
Catalogue  de  Leech,  les  Melitœa  Artemis  n°^  4  et  5,  Didyma  n"  8, 
Parthenie  n°  10,  Cinxia  n°  20,  Athalia  n°'  22,  23,  24  et  25  sont  des 
Aberrations  ayant  beaucoup  d'analogie  entre  elles.  Mosley  consacre 
la  Planche  3  des  Melitœa  à  la  représentation  des  Aberrations 
à^ Athalia  anglaises;  elles  pourraient  rentrer  dans  la  catégorie  des 
Pyronia. 

En  France,  les  Athalia  ne  m'ont  pas  paru  offrir  de  races  locales 
bien  distinctes;  elles  sont  seulement  plus  claires  dans  la  partie  très 
chaude  du  sud-est  que  dans  nos  régions.  Dans  l'Italie  méridionale 
(Naples-Solfatare,  où  l'espèce  n'est  pas  bien  rare),  la  forme  est 
encore  plus  claire  que  dans  le  midi  de  notre  pays.  Les  parties  noires 
du  dessus  des  ailes  sont  très  rétrécies  et  le  fond  est  quelquefois 
d'un  fauve  orangé  vif.  En  Sicile,  dans  les  Monts  Madonie,  Bellier 
a  capturé  une  race  dont  les  Q  sont  très  pâles,  avec  un  semis 
d'atomes  noirs  produisant  un  aspect  un  peu  verdâtre,  comme  chez 
les  Parthenie  des  montagnes. 

En  Angleterre,  la  forme  ai  Athalia  possède  un  faciès  assez  spé- 
cial, surtout  chez  les  O,  de  telle  sorte  que  les  Athalia  anglaises  et 


LEPIDOPTEROLOGIE    COMPAREE 


irlandaises  ne  sont  pas  semblables  aux  Athalta  du  Continent;  mais 
il  en  est  ainsi  pour  à  peu  près  toutes  les  espèces  de  papillons  anglais 
qui  conservent  un  aspect  particulier,  de  telle  sorte  que  presque  toutes 
les  espèces  vivant  encore  sur  le  sol  de  la  Grande-Bretagne  méri- 
teraient un  nom  de  variété  géographique,  comparativement  aux 
formes  qu'affectent  ces  mêmes  espèces  sur  le  Continent. 

La  Melitœa  Athalia  est  une  espèce  de  plaine  et  de  basse  mon- 
tagne. Elle  se  plaît  dans  les  parties  sylvatiques  un  peu  fraîches  et 
s'élève  rarement  très  haut,  au  contraire  de  Parihenie  qui  habite,  en 
nombreuses  colonies,  non  seulement  les  régions  à  peine  élevées  de 
quelques  mètres  au-dessus  du  niveau  de  la  mer,  mais  aussi  les 
grandes  altitudes  jusqu'à  2,500  mètres  environ. 

Dans  tous  les  départements  de  France  où  j'ai  chassé,  j'ai  trouvé 
Athalia;  néanmoins,  je  ne  l'ai  pas  rencontrée  au  bord  de  la  Manche, 
sur  la  côte  malouine,  où  j'ai  cependant  remarqué  maintes  places 
dont  l'aspect  me  semblait  pouvoir  convenir  à  Athalia. 

En  France,  Athalia  est  généralement  plus  grande  que  Parthenie 
et  d'une  taille  à  peu  près  égale  à  Dejone  et  à  Dictynna.  Cependant, 
aux  environs  d'Angoulême,  Dictynna  paraît  être  le  plus  souvent 
sensiblement  plus  petite  qu'Athalia  normale,  alors  qu'Athalia 
semble  plus  développée  à  Angoulême  que  dans  les  autres  localités. 

C'est  dans  les  bois  de  Livernant,  là  où  vole  dans  une  prairie 
marécageuse  du  fond  de  la  forêt  le  C œnonymfha  Œdipus,  qu'à 
la  fin  de  juin  igo8,  chassant  en  compagnie  de  mon  excellent  ami 
M.  Gabriel  Dupuy,  je  capturai  cette  grande  forme  de  Melitœa 
Athalia,  qui  contraste  avec  la  petite  race  charentaise  de  Dictynna. 

Dans  la  T^  livraison  des  Etudes  de  Lépidoptérologie  comparée, 
j'ai  décrit  sous  le  nom  de  nevadensis  une  Melitœa  que  j'ai  rattachée 
à  tort  à  Dejone,  à  titre  de  forma  geographica  de  cette  espèce.  Un 
nouvel  examen  de  cette  nevadensis  et  une  comparaison  minutieuse 
avec  tous  les  documents  que  j'ai  pu  recueillir  sur  les  Melitœa 
Athalia,  Dejone,  Parthenie  m'ont  convaincu  que  j'avais  affaire  sinon 
à  une  espèce  spéciale,  du  moins  plutôt  à  une  race  d' Athalia  que 
de  Dejone. 


252  LEPIDOPTEROLOGIE   COMPARÉE 

C'est  peut-être  la  même  Melïtœa  que  Rambur  a  considérée  comme 
Parthenïe  dans  le  Catalogue  systématique  des  Lépidoptères  de 
V Andalousie  (p.  5  et  6)  ?  Cependant  la  vraie  Partkenie  se  trouve 
aussi  effectivement  dans  la  Sierra-Nevada.  Je  possède  3  cf  et  6  Q 
de  nevadensis  parfaitement  frais  recueillis  par  mon  frère  dans  la 
Sierra-Nevada,  du  côté  de  Lanjaron,  à  une  grande  altitude,  en 
juillet  1875.  C'était  dans  une  localité  très  sèche  que  volait  en  grand 
nombre  cette  Melitœa.  Elle  est  de  la  taille  de  Dejone  et  à'Athalia, 
par  conséquent  plus  grande  que  Parthenie.  Le  fond  des  ailes  en 
dessus  est  d'une  teinte  fauve  assez  uniforme,  plus  pâle  que  Dejone 
et  que  Parthenie;  donc  très  différente  de  VAthalia  normale.  Les 
dessins  noirs  qui  traversent  le  dessus  des  ailes  sont  sensiblement 
les  mêmes  dans  Athalia,  Parthenie,  Dejone  et  nevadensis;  mais, 
chez  cette  dernière,  la  ligne  noire  médiane  qui  descend,  sur  les  ailes 
supérieures,  du  bord  costal  au  bord  inférieur,  est  bien  plus  fulgurée 
et  plus  anguleuse.  En  outre,  à  la  base  des  ailes  supérieures,  dans 
l'espace  cellulaire,  on  voit  une  pointe  cunéiforme  dont  l'extrémité 
est  très  aiguë  et  les  contours  écrits  en  noir  vif,  le  centre  restant  de 
la  couleur  du  fond.  Immédiatement  au-dessous  de  cette  pointe  de 
glaive,  il  y  en  a  une  autre  analogue  comprise  entre  la  nervure  mé- 
diane et  la  sous-médiane.  Quelquefois  l'extrémité  de  cette  tache 
allongée  et  pointue  se  continue  en  une  ligne  noire,  droite,  plus  ou 
moins  épaisse  et  longue.  Cette  pointe  d'épée  se  remarque  également 
dans  l'intérieur  de  la  cellule  de  VAthalia  napolitaine. 

Le  dessous  des  ailes  est  relativement  très  pâle.  Les  lignes  des 
inférieures  se  rapprochent  plus  par  leur  disposition  de  Dejone  que 
des  autres  espèces;  mais  le  bord  marginal  des  ailes  inférieures  de 
nevadensis  présente  généralement  un  liséré  noir  unique  et  non  un 
double  liséré,  ainsi  qu'on  le  remarque  constamment  chez  les  autres 
espèces.  Il  y  a  encore  l'absence,  chez  nevadensis,  près  de  la  base 
des  ailes  inférieures,  en  dessous,  de  la  coloration  fauve  qui  remplit, 
chez  Dejone,  Athalia  et  Parthenie,  du  bord  costal  au  bord  anal 
des  ailes,  un  espace  compris  entre  deux  lignes  noires  et  au  centre 
duquel  reste  une  tache  d'un  blanc  jaunâtre,  c'est-à-dire  de  la  même 
couleur  que  les  séries  de  taches  claires  des  ailes. 


LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE  2.53 

En  résumé,  nevadcnsïs  est  une  Melitœa  différente  des  autres  et 
je  ne  puis  définitivement  la  rapporter  comme  forma  geographica, 
m  à  Déjoue,  ni  à  Parthenic.  Nevadcnsïs  oscille  cependant  plutôt 
entre  Dejone,  à  laquelle  j'ai  eu  tort  de  l'identifier  une  première  fois 
et  dont  il  me  paraît  actuellement  qu'elle  est  spécifiquement  dis- 
tincte, et  surtout  Athalia.  Peut-être  constitue-t-elle  une  espèce  à  part? 
Je  considère  cela  comme  très  probable,  car  nevadcnsïs  me  semble 
autant  mériter  d'être  spécifiquement  distinguée  de  toute  autre 
Melitœa  o^Aiirclia,  par  exemple,  comparativement  à  Athalia.  Mais, 
en  présence  des  documents  relativement  peu  importants  dont  je 
dispose,  je  ne  me  crois  pas  en  état  d'émettre  une  opinion  absolument 
précise  sur  la  question.  Je  ferai  figurer  nevadensis  dans  la  IV  livrai- 
son des  Etudes  de  Lépidoptérologie  comparée,  la  composition  de 
toutes  les  planches  de  la  III''  étant  depuis  déjà  longtemps  arrêtée 
et  ne  pouvant  plus  être  modifiée  sans  perte  de  temps  et  trouble 
dans  l'exécution,  au  moment  oii  j'écris  ces  lignes. 


Melitœa  Dejone,  Huebner. 

J'ai  déjà  publié  des  observations  sur  cette  espèce  dans  la 
i""^  livraison  des  Et.  de  Lépid.  comparée.  En  outre  de  l'erreur  que 
j'ai  commise  en  identifiant  spécifiquement  nevadensis  à  Dejone  — 
erreur  que  je  reconnais  et  signale  à  propos  di  Athalia,  —  je  dois 
ajouter  quelques  considérations  à  ce  que  j'ai  déjà  rapporté.  Dejone 
se  trouve  en  Oranie,  où  M.  H.  Powell  l'a  recueillie  en  abondance 
aux  environs  de  Sebdou  (mai  1907);  en  Andalousie,  en  Catalogne, 
dans  les  Pyrénées-Orientales  et  jusque  dans  les  Plautes-Pyrénées. 
En  effet  M.  Rondou  a  découvert  une  très  belle  colonie  de  Dejone 
répandue  dans  les  environs  de  sa  résidence  et  à  Saint-Sauveur.  De 
plus,  Dejone  est  assez  abondante  en  Provence,  où  elle  fut  découverte 
par  M.  de  Saporta,  vers  1826,  dans  la  vallée  du  Rhône  et  jusqu'au 
Valais,  où  elle  présente  la  forma  geographica  Berisali,  Ruehl. 

J'ai  sous  les  yeux  exactement  79  Dejone  algériennes.  J'étais  loin 
de  posséder  des  documents  aussi  considérables  lorsque  j'écrivis  mes 


2^4  LÉPIDOPTEROLOGIE   COMPARÉE 


premières  observations,  en  1904.  Dejone,  de  Sebdou,  présente  une 
forme  sensiblement  plus  grande  et  beaucoup  plus  vivement  colorée 
en  fauve  orangé  que  la  race  des  environs  de  Marseille  et  de  Vernet- 
les-Bains.  La  forme  d'Andalousie  et  des  Alpes-Maritimes  fait  la 
transition  entre  la  race  d'Afrique  et  celle  des  Bouches-du-Rhône  et 
des  Pyrénées-Orientales.  Mais  la  race  andaloùse  ressemble  surtout 
à  la  race  algérienne. 

Quant  à  la  race  de  Gèdre,  il  me  semble  qu'elle  présente  une 
particularité  assez  curieuse,  c'est  un  plus  grand  élargissement  relatif 
de  l'avant-dernière  bande  fauve  qui  descend,  sur  le  dessus  des  ailes, 
du  bord  costal  des  supérieures  au  bord  anal  des  inférieures,  et,  par 
contre,  un  rétrécissement  de  la  bande  fauve  extracellulaire  qui 
précède  immédiatement  l'avant-dernière  bande.  Chez  les  exem- 
plaires d'Algérie  et  des  Pyrénées-Orientales,  c'est  la  bande  fauve 
extracellulaire  qui  est  plus  large  et  l'avant-dernière  qui  est  plus 
étroite,  quand  il  y  a  différence  de  largeur;  car  dans  beaucoup 
d'échantillons  algériens  la  largeur  des  deux  bandes  fauves  est  égale. 
Cependant  la  race  de  Dejone  établie  dans  la  vallée  de  Luz-Saint- 
Sauveur  a  un  aspect  spécial  que  lui  vaut  la  forme  de  ses  ailes  moins 
allongées  et  la  disposition  des  taches  noires  près  de  la  base  des 
ailes  inférieures.  De  plus,  les  lunules  jaunâtres  formant  la  bordure 
du  dessous  des  ailes  inférieures  ont  souvent,  du  côté  interne,  leur 
arc  très  aplati,  tandis  qu'il  est  en  ogive  allongée  chez  les  Dejone 
des  localités  autres  que  la  vallée  de  Saint-Sauveur. 

J'ai  donc  distingué  la  forme  algérienne  de  Dejone  sous  le  nom 
de  niiida;  celle  de  Gèdre,  sous  le  nom  de  Rondouï.  La  forme-type, 
c'est  celle  d'Aix-en-Provence;  on  peut  lui  rattacher  celle  des 
Pyrénées-Orientales,  bien  que  celle-ci  ait  la  couleur  fauve  des  ailes, 
en  dessus,  plus  foncée;  la  race  andaloùse  peut  être  jointe  à  celle 
de  rOranie.  Il  faut  beaucoup  de  documents  pour  apprécier  une 
question  comparative  de  races,  chez  la  même  espèce  de  Lépidoptères, 
et  l'opinion  peut  se  modifier,  dans  bien  des  cas,  sous  l'influence 
d'une  documentation  nouvelle  et  plus  abondante. 


LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE  255 


Melît£ea  Parthenie,  Godart. 

Espèce  généralement  de  taille  plus  petite  que  les  autres  Melitœa 
françaises;  d'un  fauve  plus  clair,  en  dessus,  ç^Athalia,  de  Bretagne 
et  de  Paris;  répandue  en  colonies  plus  ou  moins  nombreuses  et 
stables  dans  une  grande  partie  des  départements  français;  s' accom- 
modant aussi  bien  des  plaines  que  des  hautes  montagnes;  fertile 
en  Aberrations;  manquant  en  Angleterre  et  en  Algérie;  éclosant 
deux  fois  par  an,  en  mai  et  au  commencement  de  juin,  puis  en  août. 

Parthenie  n'a  pas  été  observée  au  nord  de  Rennes;  elle  a  été 
très  commune  pendant  quelques  années  dans  le  fond  des  carrières 
de  schiste  dites  de  Pince-Poches,  en  la  commune  de  Cesson,  à 
5  kilomètres  est  de  Rennes;  puis  des  vaches  ayant  été  amenées 
pacager  dans  ce  fond  de  carrière  011  ne  poussaient  guère  que  des 
plantains,  des  genêts  et  la  grande  marguerite  {Leucanthemuni 
vulgare,  Lamk.),  toutes  les  Melitœa  Parthenie  ont  été  rapidement 
détruites.  Au  sud  de  Rennes,  j'ai  trouvé  Parthenie  à  l'état  isolé, 
voltigeant  en  août,  sur  les  prairies  sèches  de  Mesneuf,  dans  la 
commune  de  Bourgbarré;  mais  Parthenie  était  surtout  abondante 
avec  Didyma  à  Guichen-Bourg-des-Comptes,  sur  les  bords  de  la 
rivière,  le  long  de  la  voie  ferrée,  et  çà  et  là  sur  les  collines  au  pied 
desquelles  passe  le  chemin  de  fer  et  coule  la  Vilaine.  Je  pense  que 
Parthenie,  plus  généralement  répandue  que  Didyma,  résistera  mieux 
que  sa  congénère  aux  diverses  causes  de  destruction  qui  menacent 
la  continuité  de  l'existence  même  de  Didyma  dans  notre  pays  et 
que  j'ai  exposées  dans  la  notice  relative  à  cette  espèce.  Je  n'ai  jamais 
observé  Parthenie  dans  les  forêts  humides  de  notre  région,  pas  plus 
qu'à  l'ouest  de  Rennes;  mais  elle  existe  dans  la  Loire-Inférieure, 
les  Charentes,  la  Vienne  (Asnois,  près  Charroux),  les  Pyrénées,  la 
Savoie,  les  Alpes  françaises,  l'Isère,  la  forêt  de  Fontainebleau,  le 
Doubs  (Russey,  Saint-Witt),  le  Lot-et-Garonne,  le  Gers,  le  Cantal, 
la  Gironde,  la  Sologne,  la  Sierra-Nevada  d'Andalousie,  le  Valais, 
oii  je  l'ai  trouvée  en  abondance  sur  les  pelouses  alpestres,  au-dessus 
de  l'hôtel  Ryffelalp. 

Dans  les  Alpes,  les  Q  ont  le  fond  des  ailes  plus  clair  et  moins 


256  LÉPIDOPTÊROLOGIE   COMPAREE 

fauve  que  dans  les  plaines.  Les  ailes  ont  un  aspect  un  peu  verdâtre. 
En  Ille-et- Vilaine,  les  Q  Parthenie  ont  quelquefois  les  bandes 
fauves  médianes  des  ailes  supérieures  d'une  teinte  plus  claire  que 
le  fond,  ainsi  que  cela  se  remarque  chez  Dejone. 

La  race  des  Alpes-Maritimes  est  grande  et  vivement  colorée; 
mais  je  ne  crois  pas  qu'on  puisse  distinguer  par  des  .caractères  bien 
constants  et  suffisamment  tangibles  aucune  forme  géographique 
française  des  autres  formes,  sauf  la  Q  des  montagnes,  connue  sous 
le  nom  de  varia. 

J'ai  fait  représenter  par  la  phototypographie  9  Aberrations  notables 
de  Parthenie,  prises  aux  environs  de  Rennes,  dans  le  Bulletin  de 
la  Soc.  entom.  de  France,  1900,  PI.  L  Ces  Aberrations  se  rencontrent 
aussi  bien  dans  l'éclosion  de  printemps  que  dans  celle  d'été,  et 
lorsque  je  m'occupais  de  les  rechercher  un  peu  attentivement,  il  ne 
se  passait  pour  ainsi  dire  pas  un  seul  jour  de  chasse  sans  que  j'aie 
pu  jouir  du  plaisir  d'en  capturer  quelqu'exemplaire.  Les  Aberrations, 
dans  Parthenie,  ne  paraissent  donc  pas  être  d'une  bien  grande 
rareté. 

Je  crois  que  dans  bien  des  collections  françaises  et  même  étran- 
gères, les  Melitœa  Athalia,  Dictynna,  Parthenie,  Aurélia,  Dejone 
peuvent  se  trouver  plus  ou  moins  confondues  et  méconnues,  les  unes 
par  rapport  aux  autres.  Ces  espèces  sont  pourtant  relativement 
faciles  à  distinguer  entre  elles.  Evidemment,  il  peut  se  rencontrer 
des  exemplaires  embarrassants;  mais  pour  la  généralité  des  indi- 
vidus, on  peut  reconnaître  avec  certitude  l'espèce  à  laquelle  ils 
appartiennent. 

La  même  confusion  existe,  ainsi  que  j'ai  pu  m'en  rendre  compte, 
pour  les  Lycœna  Argus  et  Mgon. 

J'ai  cherché  à  définir  des  caractères  qui  soient  nettement  dis- 
tinctifs  et  auxquels  il  serait  aisé  de  se  rapporter  en  toute  sécurité 
pour  identifier  exactement  les  Melitœa,  dont  la  détermination  reste 
trop  souvent  douteuse.  J'avoue  que  je  n'ai  pas  réussi  à  découvrir 
ces  caractères  précis  et  constants.  De  plus,  je  reconnais  que  je  ne 
dispose  pas  du  moyen  de  représenter  clairement,  par  des  explications 
écrites,   ce  que   mes   yeux  perçoivent   cependant    assez   nettement, 


LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE  257 

lorsque  des  boîtes  sont  rangées  devant  moi,  contenant,  chacune,  les 
Mclïtœa  d'une  seule  espèce,  que  j'ai  étudiées  et  classées  avec  toute 
l'attention  possible  et  de  façon  à  obtenir  pour  moi-même  la  satis- 
faction du  travail  que  j'ai  accompli. 

Si  je  suis  impuissant  à  trouver  et  à  définir  un  caractère  spécifique 
ou  même  un  détail  distinctif  assez  fixe  pour  que  je  puisse  le  signaler 
avec  confiance,  c'est  que,  en  vérité,  les  différences  spécifiques  — 
que  je  sens  pourtant  très  certaines  et  très  réelles  —  résident  plutôt 
dans  une  impression  qui  résulte  pour  moi  autant  d'observations 
maintes  fois  renouvelées  sur  la  nature  vivante  et  fidèlement  con- 
servées dans  ma  mémoire,  que  du  faciès  ou  aspect  général  très 
probant,  mais  intelligible  à  la  condition  d'avoir  devant  les  yeux 
une  quantité  considérable  d'exemplaires  de  chaque  espèce  séparés 
et  mis  en  ordre  et  dont  la  comparaison  est  ainsi  facile  à  opérer. 
Seules,  des  figures  très  exactes  et  suffisamment  nombreuses,  avec  un 
coloriage  parfait,  sont  susceptibles  de  fournir  le  rayon  de  lumière. 
J'espère  que  les  procédés  photographiques  en  couleurs,  utilisés  par 
M.  Verity  et  en  voie  de  perfectionnement  continuel,  permettront 
de  réaliser  une  reproduction  fidèle  et  démonstrative  de  la  différence 
spécifique  comparative  des  Melitœa.  Je  serai  heureux  de  continuer 
à  donner  tout  mon  concours  à  l'entreprise  scientifique  et  artistique 
dont  M.  Verity  a  tout  l'honneur,  afin  de  contribuer  à  mettre  très 
au  clair  la  distinction  spécifique  qui  existe  entre  les  Melitœa 
Athalia,  Dictynna,  Parthenie,  Aurélia,  Dejone,  la  nouvelle  tieva- 
densis,  considérées,  chacune,  avec  toutes  les  races  et  variétés  qu'elles 
présentent  dans  leur  aire  de  dispersion  paléarctique. 

J'attends  donc,  non  sans  impatience,  l'achèvement  de  la  publi- 
cation des  Papilionidœ  et  Pieridœ,  dans  les  Rhopalocera  palœarctica 
de  M.  Verity,  afin  de  voir  paraître  à  son  tour  la  prochaine  partie 
de  l'ouvrage  illustré  consacrée  à  l'intéressante  et  importante  famille 
des  Nymphalidœ. 

Chionobas  Aëllo,  Huebner. 

Ce  papillon,  amateur  de  la  promenade  sur  la  neige,  ainsi  que 
l'indique  le  mot  Chionobas,  vole  au  mois  de  juin  dans  les  plus 

17 


258  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

hautes  Alpes  de  la  Savoie,  de  la  Suisse  et  du  Tyrol.  Il  n'a  jamais 
été  trouvé  dans  les  Pyrénées.  Je  l'ai  observé  près  de  l'hôtel  Ryffelalp 
et  plus  haut  dans  les  parages  du  Gornergrat.  Il  paraissait  se  reposer 
volontiers  sur  les  rochers.  Il  varie  pour  le  nombre  et  le  dévelop- 
pement des  taches  noires  sur  le  dessus  des  ailes.  J'ai  sous  les  yeux 
une  Q  ayant  aux  ailes  supérieures  une  série  assez  droite  de  5  taches 
noires,  toutes  centralement  pupillées  de  blanc;  par  contre,  j'en  ai 
une  autre  n'ayant  que  2  taches  sans  pupille  blanche. 

Je  possède  quelques  Aberrations  intéressantes  :  un  cf  du  Tyrol, 
atteint  d'albinisme;  ses  ailes  sont  en  dessus  d'un  gris  très  pâle; 
un  autre  cf  du  Valais,  très  sombre,  et  ayant  aux  ailes  inférieures 
les  deux  points  noirs  normaux,  situés  près  du  bord  marginal, 
pourvus  d'un  épais  prolongement  noir  qui  remonte  jusqu'auprès  de 
la  nervure  médiane;  une  Q  également  du  Valais,  ayant  une  rangée 
de  5  ocelles  noirs,  dont  4  pupilles  de  blanc  aux  ailes  inférieures, 
et  5  ocelles  noirs  aux  supérieures,  disposés  en  deux  groupes,  dont 
le  plus  bas  forme  une  croix,  à  cause  de  l'élargissement  latéral  de 
la  tache  médiane  pupillée  de  blanc,  contiguë  aux  deux  autres  plus 
petites,  situées  l'une  au-dessus,  l'autre  au-dessous;  une  autre  Q 
ayant  aux  ailes  supérieures  5  taches  noires,  dont  3  très  grosses, 
non  pupillées,  et  une  seule  tache  aux  inférieures. 

Le  Jardin,  au  fond  de  la  mer  de  glace  de  Chamounix,  est,  dit-on, 
une  bonne  localité  pour  Aéllo;  mais  ce  Satyride  éclôt  de  bonne 
heure  dans  la  saison  et  généralement  les  chasseurs  arrivent  à  Cha- 
mounix lorsque  l'espèce  est  passée.  Ayant  fait  en  1864,  dans  les 
premiers  jours  d'août,  l'excursion  dite  du  Jardin,  en  compagnie  de 
mon  ami  Gaston  Allard,  nous  ne  vîmes  pas  d'Aëllo  dans  cette 
oasis  verte  et  fleurie  au  milieu  des  glaciers.  Nous  rapportâmes  seu- 
lement la  Melitœa  Cynthia.  Il  y  avait  autrefois  à  Chamounix  des 
guides  chasseurs 'de  papillons  qui  prenaient  abondamment  Aéllo; 
mais  il  y  a  de  cela  au  moins  50  ou  60  ans  et  je  ne  crois  pas  qu'ils 
aient  laissé  de  continuateurs.  Pourtant  la  localité  est  très  intéres- 
sante pour  l'Entomologie. 

Le  genre  Chionobas  répandu  dans  les  régions  boréales,  en 
Laponie  et  en  Sibérie,  en  Asie  et  en  Amérique  du  Nord,  se  lie 


LEPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE  259 

intimement  au  groupe  des  Satyrns  Circe  par  les  espèces  sino-thibé- 
taines  Piimilus  lole,  Leech,  et  Sybillina,  Obthr. 

Satyrus  Circe,  Fabr. 

Le  Silène,  suivant  l'appellation  du  P.  Engramelle,  ne  paraît 
qu'une  fois  l'an,  à  la  fin  de  juin  et  au  commencement  de  juillet. 
C'est  une  espèce  méridionale  qui  ne  s'avance  pas  vers  le  nord  au 
delà  de  la  Loire.  Il  est  répandu  en  Charente,  dans  la  Vienne, 
la  Dordogne,  l'Aveyron,  la  Lozère,  l'Hérault,  les  Pyrénées-Orien- 
tales, les  Bouches-du-Rhône,  les  Alpes-Maritimes,  les  Basses-Alpes; 
en  Hongrie;  en  Espagne,  à  l'Escorial  et  à  Albarracin;  dans  l'île 
de  Sardaigne,  en  Corse  et  à  Akbès.  Telles  sont  du  moins  les  localités 
des  divers  Circe  qui  figurent  dans  ma  collection.  Je  possède  un  cf 
pris  à  Florac,  en  1908,  ayant  un  trait  blanc  sur  chaque  nervure  des 
ailes  supérieures,  entre  la  bande  maculaire  blanche  et  le  bord  ter- 
minal, et  un  cf  de  Hongrie  chez  qui  la  bande  maculaire  blanche, 
commune  aux  deux  ailes,  est  très  réduite  en  dessus  aussi  bien  qu'en 
dessous,  par  un  obscurcissement  que  cause  un  épais  semis  d'atomes 
noirs  sur  ces  taches  blanches.  C'est  l'Aberr.  Silcna,  Stgr. 

Le  Silène  est  un  magnifique  Lépidoptère  qui  vole  communément 
le  long  des  routes  et  dans  les  bois  de  chênes  de  la  France  centrale 
et  méridionale.  Les  automobiles,  qui  détruisent  sur  la  route  de 
Bourg-d'Oisans  à  la  Grave  beaucoup  d'Ereôia,  lorsqu'elles  sont 
posées  sur  le  milieu  du  chemin,  doivent  causer  la  perte  de  nombreux 
Silènes  qui  fréquentent  les  routes  parcourues  par  ces  rapides 
véhicules.  Je  l'ai  constaté  plusieurs  fois  en  juin  et  en  juillet  1908, 
notamment  dans  le  département  de  la  Dordogne,  au  cours  de  mon 
voyage  d'Angoulême  aux  Pyrénées. 

Le  Satyrus  Circe  manque  en  Algérie. 

Satyrus  EUena,  Obthr. 

Au  sens  que  la  plupart  des  Naturalistes  attribuent  actuellement  au 
mot  :  Espèce,  je  suis  convaincu  c^EUena  est  une  espèce  distincte 


26o  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

^Hennione,  aussi  bien  que  â:Alcyone.  Les  types  d'Ellena  viennent 
de  Bône;  c'est  le  docteur  Vallantin  qui  y  découvrit  l'espèce. 
M.  Dayrem  l'a  retrouvée  à  Yakouren  où  elle  volait  en  juillet  et 
août  1907.  M.  Holl  l'a  capturée  à  la  Glacière  de  Blidah  et  je  dois 
à  sa  générosité  un  cf  trouvé  le  22  juillet   1905  dans  cette  localité. 

Jugeant  sur  une  cinquantaine  d'exemplaires  de  Yakouren  qui 
figurent  dans  ma  collection,  comparativement  à  cinq  jadis  recueillis 
par  le  D'"  Vallantin,  je  trouve  que  la  forme  de  Yakouren  est  sensi- 
blement de  plus  petite  taille  que  celle  de  Bône.  De  même  le  cf  pris 
à  la  Glacière  de  Blidah  est  petit,  comparativement  aux  types  de 
Bône.  Mais  par  ailleurs  il  ne  me  semble  pas  qu'il  y  ait  de  différence 
méritant  d'être  signalée. 

Sans  doute,  certains  Entomologistes  de  l'école  de  Fruhstorfer 
n'hésiteraient  pas  à  considérer  Ellena  de  Yakouren  et  Blidah 
comme  une  nouvelle  forme  et  créeraient  pour  elle  un  nom  .-  niïnor; 
mais  je  crois  que  la  création  d'un  nouveau  nom  ne  serait  pas,  dans 
la  circonstance,  suffisamment  justifiée,  et  je  tiens  à  ne  pas  dépasser 
la  juste  mesure.  Cette  observation  m'est  suggérée  par  l'article  : 
Lepidoplerologisches  Charivari  que  M.  H.  Fruhstorfer  a  publié, 
en  igo8,  dans  VInsekten  Bœrse  (Entomol.  W ochenblatt).  Le  chef 
de  la  «  Subspeziesfabrik  »,  comme  l'appelle  plaisamment  un  Ento- 
mologiste de  Moldavie,  expose  que  l'Allemagne  est  zoogéographi- 
quement  un  des  pays  les  plus  inconnus  de  la  Terre  et  il  se  croit  le 
devoir  de  dire  que  les  Teutons  ne  connaissent  pas  leurs  papillons 
de  jour,  parce  qu'ils  ne  possèdent  pas  de  séries  dans  leurs  collections. 
Fruhstorfer  s'en  prend  au  Satyriis  Hermione  —  (à  qui  il  attribue 
Ellena  comme  variété)  —  pour  développer  sa  thèse  et  créer  une 
douzaine  de  nouvelles  sous-espèces  fournies  par  Hermione  et 
Alcyone  réunis. 

Le  nom  de  genre  :  Satyrus  devient  :  Einnenis  et  le  nom  d'espèce  : 
Hermione  devient  :  fagi,  Scopoli. 

Le  dit  Scopoli  aurait  décrit  sous  le  nom  de  fagi,  en  1763,  c'est- 
à-dire  deux  ans  avant  Linné,  un  papillon  qui  doit  être  Alcyone, 
vu  que  le  fagi  en  question  est  originaire  de  Carniole;  mais  comme, 
suivant  Fruhstorfer,  Alcyone  et  Hermione  sont  deux  formes  d'une 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE  26 1 

seule  et  même  espèce  avec  Ellena,  Hermione  tombe  en  synonymie 
comme  Alcyone,  cédant  les  honneurs  et  les  privilèges  du  nom  spéci- 
fique à  fagi  et  descendant  au  rang  modeste  des  sous-espèces  que 
Fruhstorfer  énumère  au  nombre  de  21.  L'article  de  Fruhstorfer 
justifie  parfaitement  son  titre  :  Charivari  lépidoplérologique. 

Je  signale  ces  élucubrations,  sans  les  approuver;  car  je  vois  le 
trouble  qu'elles  pourraient  causer  et  je  ne  discerne  pas  le  bien 
qu'elles  produisent;  mais  il  y  a  un  vieux  proverbe  :  summum  jus, 
S7imina  injuria,  qui  me  paraît  applicable  dans  cette  circonstance.  Si 
fagi  a  2  ans  de  date  de  plus  que  Hermione,  le  siimmiim  jus  est  de 
le  mettre  avant  Hermione;  mais  faire  tomber  Hermione  dans 
l'océan  des  synonymes,  alors  que  tous  les  Entomologistes  le  con- 
naissent depuis  près  d'un  siècle  et  demi  et  ignorent  fagi,  c'est  la 
summa  injuria.  Je  ne  commettrai  pas  plus  cette  summa  injuria, 
après  l'article  charivaresque  de  Fruhstorfer,  que  les  autres  Ento- 
mologues  ne  le  firent,  après  la  publication  du  Catalogue  of  diurnal 
Lepidoptera  of  the  Family  of  Satyridœ  iit  the  collection  of  the 
british  Muséum,  en  1868,  par  Arthur  Gardiner  Butler.  C'est  Butler 
qui,  dès  1868,  ayant  déniché  ce  nom  de  fagi,  crut  devoir  l'appliquer 
de  préférence  à  celui  dHermione.  Chacun  sait  quel  compte  on  a 
tenu  de  l'exhumation  d'un  nom  antérieur  au  Systema  Naturœ  de 
Linné.  C'est  Linné,  l'immortel  auteur,  qui  a  réellement  posé  les 
bases  de  la  Science,  en  la  faisant  sortir  du  chaos,  et  c'est  de  son 
Systema  Natures  que  date  réellement  notre  Nomenclature.  Ainsi 
que  tous  les  autres,  je  reste  donc  fidèle  au  nom  linnéen  et  je  conti- 
nuerai à  parler  du  Satyrus  Hermione  plutôt  que  de  VEumenis  fagi. 


Satyrus  Hermione,  Linné. 

Dans  le  Bulletin  de  la  Soc.  ent.  de  France  (1908,  p.  151-153)- 
j'ai  écrit  ce  que  je  savais  au  sujet  d' Hermione  et  d'Alcyone.  Depuis 
quelques  mois,  ma  collection  s'est  accrue  de  quelques  documents 
concernant  surtout  les  faunes  lozérienne,  italienne  et  espagnole  de 
ces  deux  espèces.  Hermione  éclôt  une  seule  fois  dans  l'année,  comme 


202  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

CircCy  et  à  la  même  époque.  Le  Grand  Sylvandre  se  trouve  assez 
communément  dans  certaines  localités  du  centre  et  du  sud  de  la 
France;  je  ne  crois  pas  que  dans  l'ouest,  on  ait  jamais  trouvé  Her- 
mïone  au  nord  de  la  Loire.  Il  habite  seul,  sans  Alcyone,  ou  bien 
on  le  trouve  avec  cette  dernière  espèce.  Les  contrées  où  Hermione 
a  été  observé  seul,  sans  Alcyone,  sont,  à  ma  connaissance,  les  sui- 
vantes :  Doubs,  Aveyron,  Lozère,  Charente,  Lot,  Ardèche,  Cantal, 
Puy-de-Dôme,  pentes  du  Monte-Generoso,  Italie  méridionale 
(Avellino),  Bosnie,  Turquie  d'Europe,  Akbès,  Beyrouth,  Liban, 
Tokat  en  Asie-Mineure. 

Hermione  a  été  observé  avec  Alcyone  en  Hongrie,  dans  les  Alpes- 
Maritimes,  les  Bouches-.du-Rhône,  les  Basses-Alpes. 

En  France,  Hermione  se  plaît  dans  les  petits  bois  de  chênes 
dont  le  sol  calcaire  est  parsemé  de  rochers;  il  se  pose  volontiers 
sur  le  tronc  des  arbres,  sur  les  pierres  et  les  sentiers.  C'est  un  beau 
et  grand  papillon,  généralement  abondant  et  dont  le  vol  donne 
au  paysage  une  sensible  et  agréable  animation. 


Satyrus  Alcyone,  Schiff. 

Le  Petil  Sylvandre  paraît  être  chez  nous  une  espèce  plus  méri- 
dionale que  Hermione.  Il  est  répandu  en  Espagne,  dans  la  France 
méridionale,  en  Italie,  en  Suisse,  en  Autriche  et  dans  le  sud  de  la 
Norwège;  je  n'ai  jamais  vu  la  forme  de  ce  dernier  pays.  Les  loca- 
lités d'oti  je  possède  Alcyone  sont  les  suivantes  :  Pyrénées-Orientales 
(Vernet-les-Bains)  ;  Hautes-Pyrénées  (chemins  de  la  Raillère  à 
Cauterets  et  Barèges);  Alpes-Maritimes;  Savoie  (Aix-les-Bains  et 
Val  du  Fier)  ;  Hautes-Alpes  (La  Grave)  ;  Valais  (route  du  Sim- 
plon);  Italie  (Mont  Majella)  ;  Autriche;  Andalousie  (Sierra-de- 
Alfakar)  ;  Castille  (Sierra-Alta)  ;  Albarracin,  d'où  j'ai  reçu  le  plus 
petit  exemplaire  cf;  Asturies  (Potes).  J'ai  appelé  la  forme  anda- 
louse  :  vandaliisica  et  celle  des  Hautes-Pyrénées  :  pyrcncca. 

Je  possède  quelques  Aberrations,  notamment  de  Vernet-les-Bains 
et  d'Autriche.  Je  prie   le  lecteur   de  vouloir  bien  se  reporter  au 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE  263 

Bulletin  de  la  Société   entoni.   de  France,    igo8,   pour   toutes   les 
observations  qui  s'y  trouvent  déjà  publiées. 

Alcyone  aime  à  se  poser  sur  les  fleurs  de  ronces,  les  rochers,  les 
pentes  des  collines  arides  et  chaudes  et  les  sentiers  pierreux;  il  vole 
en  juillet.  Dans  le  nord  de  l'Italie,  près  du  lac  de  Corne,  il  a  une 
seconde  éclosion  en  septembre. 


Satyrus  Neomyris,  Godart. 

Espèce  exclusivement  insulaire  et  dont  l'habitat  est  limité  aux 
îles  de  Corse,  de  Sardaigne  et  d'Elbe.  Je  ne  possède  que  2  cf  de 
l'île  d'Elbe;  mais  j'ai  reçu  d'importantes  séries  de  Sardaigne,  au 
temps  où  Damry  chassait  à  Sassari,  et  de  Corse.  L'espèce  varie 
un  peu  pour  le  développement  et  l'accentuation  des  parties  fauves, 
sur  le  dessus  des  ailes.  A  mon  sens,  Neomyris  appartient  au 
groupe  de  VHermione,  auquel  il  ressemble  assez  bien;  à  la  taille 
et  aux  couleurs  près,  bien  entendu.  Il  vole  en  juillet,  notamment 
à  Vizzavona,  en  Corse. 


Satyrus  Briseis,  Linné. 

Spécial  aux  pays  calcaires;  aime  à  se  reposer  sur  le  sol  sec  et 
pierreux;  éclôt  une  seule  fois  par  an,  à  la  fin  de  juillet  et  au  com- 
mencement d'août;  manque  en  Bretagne  et  en  Angleterre;  se  trouve 
dans  une  grande  partie  de  la  France,  en  Allemagne,  en  Autriche, 
en  Italie,  en  Suisse,  en  Espagne,  en  Algérie,  en  Asie-Mineure,  à  l'île 
de  Chypre,  où  vole  une  race  spéciale,  la  plus  belle  que  je  connaisse  : 
Larnacana,  Obthr.  Briseis  varie  beaucoup  pour  la  taille.  La  Q  pré- 
sente une  variété  méridionale  appelée  :  pirata,  chez  laquelle  la  bande 
normalement  blanchâtre  qui  traverse  les  ailes,  en  dessus,  est  d'un 
fauve  brunâtre. 

En  France,  le  Satyrus  Briseis,  vulgairement  appelé  ÏHermite 
par  le  P.  Engramelle,  est  une  espèce  commune  dans  les  lieux  qu'elle 


264  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

habite;  mais  les  terrains  calcaires  paraissent  être  les  seuls  où  l'on 
puisse  la  rencontrer. 

Aux  environs  d'Angoulême,  de  Florac,  d'Aguessac  (Aveyron), 
de  Besançon,  de  Charroux  (Vienne),  de  Vernet-les-Bains,  de  Ville- 
neuve-sur-Lot (Lot-et-Garonne),  en  Dordogne;  à  Ecclepens,  en 
Suisse;  à  Sulmona,  Roccaroso  et  Palena,  en  Italie,  Briseis  cf  est 
de  petite  taille,  avec  deux  taches  noires  ocellées,  pupi liées  de  blanc 
aux  ailes  supérieures,  en  dessus.  Les  deux  ocelles  se  confondent 
parfois  avec  la  couleur  brun  noirâtre  du  fond.  Un  beau  reflet  vert 
d'or  se  joue  sur  les  ailes  supérieures,  en  dessus.  Chez  certains  cf  de 
teinte  générale  un  peu  claire,  on  voit,  dans  l'espace  cellulaire  des 
ailes  supérieures,  en  dessus,  une  tache  assez  large  d'un  fauve  grisâtre, 
analogue  à  celle  qui  caractérise  Prieuri  cf-  Quelquefois  la  fascie 
blanchâtre  qui  traverse,  en  dessus,  les  ailes,  du  bord  costal  des 
supérieures  au  bord  anal  des  inférieures,  est  très  rétrécie  par  l'en- 
vahissement de  la  teinte  noire  mordorée  du  fond. 

La  Q  est  généralement  plus  grande  que  le  cf;  elle  a  la  fascie 
transversale  blanchâtre  des  ailes,  en  dessus,  plus  large,  plus  claire, 
et  souvent  cette  fascie  blanche  est  marquée  de  3  ocelles  pupilles 
de  blanc,  au  lieu  de  2  comme  chez  le  cf.  Dans  les  Alpes-Maritimes, 
au  Moulinet,  à  Castillon,  dans  les  environs  de  Alenton,  Briseis 
présente  une  forme  spéciale,  beaucoup  plus  grande  que  la  forme 
normale  de  France,  de  Suisse  et  d'Italie,  plus  foncée  que  la  race 
major  d'Algérie,  ayant  chez  le  cf  la  fascie  blanchâtre  transversale 
plus  obscurcie  que  dans  cette  dernière  par  un  semis  d'atomes  bruns^ 
tout  en  présentant  aux  ailes  supérieures  un  plus  grand  dévelop- 
pement de  ces  taches  blanchâtres.  Cette  forme  géographique  remar- 
quable sera  distinguée  sous  le  nom  de  mantima.  La  race  des  Basses- 
Alpes  fait  la  transition  entre  la  forme  de  la  France  centrale  et 
méri/dionale-occidentale  et  celle  des  Alpes-Maritimes. 

La  race  major  est  commune  en  Algérie  (Sebdou,  Khenchela, 
Boghari),  au  Maroc,  en  Andalousie  (Grenade  et  Sierra-Nevada), 
à  Uclès,  en  Catalogne,  en  Sicile,  en  Asie-Mineure  (Broussa,  Beruth- 
Dagh,  dans  le  Taurus,  Tokat). 

Je  n'ai  jamais  vu  qu'une  seule  Q  pirata  de  la  race  major.  Cette  Q , 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE  2C5 

malheureusement  dépourvue  de  toute  indication  de  localité,  faisait 
partie  de  la  collection  Boisduval.  La  fascie  transversale  des  ailes 
est  très  large  et  d'un  fauve  plus  vif  que  chez  les  pirata  de  la  France 
méridionale. 

Nous  avons  trouvé  la  g  pirata  dans  les  Pyrénées-Orientales; 
elle  est  variable  pour  la  teinte  qui  est  plus  ou  moins  brune.  Cette 
g  pirata  est  rare  aux  environs  de  Vernet-les-Bains  ;  nous  n'y  avons 
capturé  qu'un  petit  nombre  d'exemplaires.  Dans  la  collection  Bellier, 
il  y  avait  un  certain  nombre  de  pirata  provenant  de  Marseille. 

J'ai  dit  plus  haut  que  la  plus  belle  des  formes  de  Briseis,  à  ma 
connaissance,  était  celle  de  Chypre,  que  j'ai  appelée  Larnacana. 
C'est  par  le  dessous  des  ailes  que  Larnacana  est  caractérisée.  Les 
dessins  y  sont  bien  plus  accentués  que  dans  aucune  autre  forme  et 
aux  ailes  inférieures,  la  tache  brunâtre  contiguë  au  bord  costal,  assez 
près  de  la  base,  tend,  chez  Larnacana,  à  se  relier  à  l'autre  tache 
brune  qui  est  elle-même  contiguë  à  la  nervure  médiane  et  qui  se 
dirige  vers  le  bord  anal,  sans  toutefois  l'atteindre.  Pour  se  réunir 
à  la  tache  inférieure,  la  tache  supérieure  s'avance  dans  la  cellule 
qu'elle  remplit  entièrement,  et  après  avoir  décrit  une  courbe  assez 
allongée,  conflue  avec  l'autre  tache.  Chez  la  g  Larnacana,  les 
dessins  sont  aussi  beaucoup  plus  accentués  que  dans  la  forme  major, 
et  dans  les  deux  sexes,  les  parties  blanches  des  ailes  inférieures, 
en  dessous,  sont  très  agréablement  mélangées  de  fauve  orangé. 


Satyrus  Prieuri,  Pierret. 

Je  possède  le  type  de  Pierret  que  Guenée  avait  acheté  lorsque  la 
collection  Pierret  fut  vendue  en  détail  à  Paris,  par  feu  Depuiset. 
Boisduval  possédait  un  (S  semblant,  par  la  manière  dont  il  a  été 
préparé,  provenir  du  même  chasseur  qui  était  sans  doute  M.  Prieur, 
«  payeur  à  Bugie  {sic),  armée  d'Afrique,  naturaliste  distingué  dont 
les  travaux  sur  l'archéologie  ont  obtenu  récemment  une  mention 
honorable  de  l'Institut  »  {Ann.  Soc.  ent.  France,  1837,  p.  305). 


266  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

Je  n'ai  jamais  vu  le  Satyrus  Prïeun  de  la  province  d'Alger,  ni 
de  Constantine.  Tous  les  exemplaires  africains  que  je  possède  ont 
été  pris  en  Oranie  :  à  Sebdou  et  à  Bedeau,  en  juin;  à  Targemout 
(Telagh),  le  25  juillet  1907;  à  Mirzab  et  sur  la  route  de  Sebdou 
à  Mirzab,  les  5  et  6  juillet  1907. 

La  race  espagnole  que  j'ai  distinguée  sous  le  nom  de  iberïca 
{Bulletin  Soc.  ent.  France,  1907,  p.  345)  semble  présenter  seule  la 
variété  Q  Uhagonis,  à  bandes  fauves,  analogue  à  la  variété  Q  pirata 
de  Briseis.  Cette  variété  Q  n'a  pas  été  trouvée  en  Algérie  jusqu'ici. 
Le  Satyrus  Prieuri  iberica  est  surtout  abondant  à  Albarracin  et 
dans  la  Sierra-Alta.  M.  Fabresse,  chassant  dans  l'Espagne  centrale 
en  juillet  et  août  1907,  a  pris  une  Q  absolument  intermédiaire 
entre  la  forme  à  fascies  blanches  et  celle  à  fascies  fauves,  dite  : 
Uhagonis.  Ce  remarquable  exemplaire  n'est  que  partiellement  teinté 
de  fauve.  Je  possède  d'ailleurs  une  série  de  Q  formant  une  très 
intéressante  transition  entre  les  deux  formes. 

La  race  algérienne  est  plus  grande  que  la  race  espagnole,  surtout 
chez  les  g  ;  la  tache  cellulaire  d'un  gris  jaunâtre,  sur  les  ailes 
supérieures,  caractéristique  du  cf,  est  plus  claire,  plus  développée, 
moins  nettement  limitée  dans  les  exemplaires  d'Oranie  que  dans 
ceux  de  l'Espagne  centrale. 


Satyrus  Hippolyte,  Esper. 

Sierra-Nevada  d'Andalousie,  où  mon  frère  la  captura,  du  côté 
de  Lanjaron,  en  juillet  1879.  F^u  de  Graslin  en  avait  recueilli  au 
mois  d'août  1835  plusieurs  exemplaires,  lorsqu'il  chassait  en  com- 
pagnie de  Rambur.  L'abbé  Armand  David  a  capturé  une  race  très 
grande  d'Hippolyic  dans  le  nord  de  la  Chine.  Boisduval,  de 
Graslin  et  Bellier  possédaient  des  échantillons  de  Russie  dont 
quelques-uns,  d'après  les  étiquettes  fixées  aux  épingles,  viennent  de 
Kindermann  et  d'Eversmann.  La  race  andalouse  est  plus  pâle  que 
la  race  orientale  et  le  cS  d'Andalousie  a  la  fascie  chamois  pâle  des 
ailes  supérieures  moins  profondément  pénétrée  par  la  teinte  grise 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE  26; 


du  fond,  entre  les  2  ocelles  noirs.  La  Q  andalouse  a  quelquefois 
3  ocelles  noirs  et  ils  peuvent  être  pupilles  de  blanc.  On  vient  de 
découvrir  dans  la  partie  sud  de  la  Crimée  une  belle  race  d'Hippo- 
lytc  à  taches  d'un  beau  jaune;  cette  race  vient  d'être  décrite  sous 
le  nom  à^euxinus^  par  Kushetzoff.  Je  dois  deux  cf  et  une  Q  à 
l'obligeance  de  M.  P.  Souchkine,  de  Moscou. 


Satyrus  Semele,  Linné. 

Espèce  généralement  très  commune;  éclôt  une  seule  fois  par  an, 
chez  nous  en  juillet  et  août;  répandue  en  Angleterre,  en  Bretagne, 
dans  presque  toute  la  France,  en  Espagne,  en  Italie,  en  Corse,  en 
Sardaigne,  en  Sicile,  en  Algérie,  en  Orient;  présente  des  races 
géographiques  très  caractérisées. 

La  forme  anglaise  semble  plus  petite  que  celle  d'aucun  autre 
pays.  Barrett  dit  que  :  This  butterfly  is  particulary  abundant  on 
chalk  hills,  fond  of  stony-hill-sides,  wide  heaths,  sea  cliffs,  and 
sand-hills  on  the  coast.  »  En  Bretagne,  Semele  se  trouve  dans  un 
grand  nombre  de  localités  arides,  aussi  bien  sur  la  côte  de  la  mer 
de  la  Manche  que  dans  l'intérieur  du  pays.  Je  l'ai  observé  maintes 
fois  en  nombre  considérable,  voltigeant  sur  les  falaises  de  Cancale, 
notamment  à  la  Pointe-du-Grouin,  près  du  Sémaphore  et  jusqu'au 
bout  du  Cap.  Dans  les  landes  qui  s'étendent  surtout  au  centre  de 
la  péninsule  armoricaine,  Semele  peut  être  considéré  comme  le 
papillon  le  plus  abondant  en  été.  Il  aime  à  se  poser  à  terre.  Fré- 
quemment les  coups  de  vent  marin  viennent  frapper  violemment 
les  hauteurs  découvertes  et  stériles  que  Semele  affectionne.  Il  se 
met  alors  à  l'abri  derrière  une  pierre  ou  une  touffe  d'ajonc,  se  tenant 
les  ailes  fermées,  un  peu  incliné  sur  le  sol,  pourvu  qu'il  soit  suffi- 
samment sec.  Le  Satyrus  faiina  lui  tient  souvent  compagnie  autour 
des  sommets  rocheux  de  faible  altitude  qui  s'élèvent  çà  et  là  au 
milieu  des  landes  bretonnes;  mais  fauna  est  beaucoup  moins 
commun  que  Semele  et  surtout  beaucoup  plus  localisé. 


268  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

Dans  le  reste  de  la  France,  Semele  est  également  commun;  mais 
il  a  d'autres  mœurs;  dans  le  midi,,  il  se  pose  volontiers  sur  les  troncs 
d'arbre.  C'était  sur  l'écorce  d'un  chêne  que  se  trouvait  le  Semele  si 
extraordinaire  et  que  mon  frère  aperçut  en  juillet  1906,  dans  les 
Pyrénées-Orientales.  Ce  curieux  Semele  est  une  Q  très  vivement 
colorée,  mais  absolument  dépourvue  sur  le  côté  gauche  des  ailes, 
en  dessus  comme  en  dessous,  des  taches  ocellées,  pupillées  de  blanc, 
qui  se  trouvent  au  nombre  de  deux  sur  le  côté  droit  des  supérieures, 
tandis  qu'il  y  en  a  une  seule  sur  le  côté  droit  des  inférieures,  près 
de  l'angle  anal.  Le  côté  gauche  déjà  anormal  est  en  outre  un  peu 
plus  petit  que  le  côté  droit.  Cette  Aberration  originale  venait 
d'éclore,  et  posé,  comme  l'était  le  papillon,  sur  un  mince  tronc 
d'arbre,  il  était  difficile  de  le  capturer,  ce  qui  fut  cependant  heureu- 
sement réalisé.  Dans  le  nord  de  l'Ecosse  (ex  Ridd),  dans  le  sud  de 
l'Irlande  et  dans  le  North-Devon  (ex  Mac-Arthur),  et  à  Bourne- 
mouth  (ex  coll.  Raynor),  je  trouve  que  Semele  a  le  dessous  des  ailes 
inférieures  généralement  bien  plus  obscur  que  dans  les  races  fran- 
çaises. Un  cf  du  nord  de  l'Ecosse,  reçu  de  Ried,  en  1892,  manque 
du  point  ocellé  près  de  l'angle  anal  des  ailes  inférieures,  en  dessus, 
comme  en  dessous. 

En  Bretagne,  Semele  offre  d'intéressantes  variations;  j'ai  pris  à 
Cancale  un  cf  chez  qui  l'espace  extracellulaire,  généralement  blanc, 
sur  le  revers  des  ailes  inférieures,  est  lavé  de  jaune  chamois;  nous 
avons  rencontré  à  Monterfil  des  Q  dont  les  ailes  inférieures,  très 
obscures  en  dessus,  ne  présentent  plus  qu'un  vestige  des  taches 
fauves  ordinaires.  Par  contre,  nous  avons  trouvé  des  cf  et  des  Q 
de  teinte  extrêmement  claire.  La  Q  présente  quelquefois  3  taches 
noires  ocellées  au  lieu  de  2,  sur  les  ailes  supérieures.  J'ai  pris,  le 
26  juillet  1908,  en  compagnie  de  M.  G.  Dupuy,  aux  environs 
d'Angoulême,  une  Q  dont  les  ailes  inférieures,  en  dessous,  sont 
entièrement  brun  foncé,  sans  aucune  éclaircie  blanchâtre.  Ses  ailes 
supérieures  sont  aussi  obscurcies.  J'aperçus  de  loin  ce  papillon 
mélanien,  alors  qu'il  voltigeait  autour  des  pierres  calcaires.  Il  se 
remarquait  au  milieu  des  autres.  A  Florac  (Lozère),  il  y  a  une 
très  belle  race  de  Semele  dont  les  ailes  inférieures,  en  dessous,  sont 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   60MPARÉE  269 

très  agréablement  traversées  par  une  fascie  large  et  d'un  blanc 
souvent  très  pur. 

Dans  le  Valais  (route  du  Simplon,  entre  le  Refuge  ïf  2  et  Berisal), 
Seiiicle  est  grand,  ressemblant  assez  aux  Semele  de  la  France 
méridionale.  Dans  le  Taurus  et  à  Chypre,  Semele  donne  la  race 
mersïna,  dont  les  ailes,  chez  le  cf  surtout,  sont  d'un  gris  brun  assez 
uniforme.  A  Akbès,  Semele  est  très  grand,  intermédiaire  entre 
mersina  et  la  race  de  Grèce;  on  peut  cependant  rattacher  la  forme 
d'Akbès  à  inersïna.  En  Algérie,  Semele  offre  une  race  spéciale  que 
j'ai  distinguée  sous  le  nom  d'algirica  et  qui  éclôt  dès  le  mois  de  juin. 
Je  l'ai  reçue  en  grand  nombre  de  Bedeau,  Géryville,  Sebdou, 
Magenta,  Lambèze,  Yakouren,  Djurjura. 

Il  y  a  des  g  dont  les  taches  fauves  sont  devenues  d'un  rouge 
acajou  très  vif;  de  plus,  certaines  Q  portent,  dans  le  milieu  des 
ailes  supérieures,  en  dessus,  une  tache  fauve,  arrondie,  divisée  en 
trois  parties  par  les  nervures.  En  dessous,  la  fascie  blanche  des 
ailes  inférieures  manque  parfois,  aussi  bien  chez  les  cf  que  chez 
les  g.  La  race  d'Italie  méridionale  (Avellino)  est  fort  belle, 
grande  et  vivement  colorée;  la  Q  d' Avellino  me  paraît  une  exa- 
gération des  Q  de  la  France  méridionale  et  très  distincte  de  la 
race  sicilienne,  très  grande  aussi,  mais  qui  est  plus  voisine  dç  la 
race  algirica,  qu'elle  surpasse  par  la  taille,  et  à  laquelle  on  peut  la 
rattacher.  Les  Lépidoptères  siciliens  ne  sont  pas  sans  analogie  avec 
ceux  d'Algérie  et  Semele  le  prouve  encore  une  fois.  Donc  Semele 
de  Sicile,  d'après  les  documents  que  je  possède,  serait  joint  à  la 
race  algirica,  et  Semele  du  pays  de  Naples  resterait  une  forme 
agrandie  du  Semele  français. 

C'est  en  Corse  et  en  Sardaigne  que  Semele  revêt  une  forme  plus 
spéciale  et  plus  éloignée  du  type.  Cette  forme  insulaire  est  connue 
sous  le  nom  d\mst(€us,  et  il  semble  que  par  le  ton  chaud  et  le 
développement  de  la  couleur  fauve  chez  les  cf  comme  chez  les  g, 
la  forme  aristceus  soit  l'opposé  de  la  forme  mersina. 

Herrich-Schaeffer  figure  sous  le  n°  182  un  albinos  Semele  très 
curieux.  M.  Dayrem  a  pris  un  Semele  albinisant  à  Florac,  mais 
beaucoup  moins  accentué  et  uniforme  que  celui  d' Herrich-Schaeffer. 


2;o  LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE 

D'ailleurs,  on  rencontre  assez  fréquemment  chez  Semele  des  indi- 
vidus plus  ou  moins  albinisants  et  les  deux  sexes  peuvent  présenter 
un  albinisme  également  caractérisé. 

Satyrus  Arethusa,  Esper. 

N'existe  pas  en  Angleterre,  ni  en  Algérie;  habite  exclusivement 
les  terrains  calcaires;  présente  trois  formes  :  i°  Arethusa,  qui  vole 
dans  le  nord  de  la  France,  à  Creil  (Oise)  et  à  Evreux;  on  le  trouve 
aussi  à  Fontainebleau,  à  Auzay  (Vendée),  dans  la  Charente  et  la 
Charente-Inférieure,  l'Hérault,  l'Aveyron,  les  Basses-Alpes,  les 
Alpes-Maritimes,  les  Pyrénées-Orientales;  2°  dentata,  spécial  aux 
environs  de  Bordeaux,  Dax,  Biarritz,  Bilbao,  Albarracin;  3"  Boabdil, 
des  environs  de  Grenade,  en  Andalousie. 

La  forme  Arethusa  est  celle  qu'Esper  a  représentée  assez  grossiè- 
rement, mais  d'une  manière  très  reconnaissable,  sous  les  n°^  3  et  4 
de  la  PI.  LXIX.  Huebner  a  figuré  avec  le  nom  Erythia,  sous  les 
n°^  591  et  592,  une  variété  à' Arethusa  chez  laquelle  les  taches  fauves 
des  ailes  supérieures  sont  extrêmement  réduites.  Je  possède  des 
Erythia  de  beaucoup  de  localités  où  vole  Arethusa,  notamment 
dAnnot  (Basses- Alpes),  de  Vernet-les-Bains  et  d'Angoulême. 

Quant  à  la  race  géographique  appelée  dentata  par  Staudinger, 
elle  a  été  bien  représentée,  en  dessus  et  en  dessous,  par  Lang,  sous 
le  n°  3  de  la  PI.  LXIX  de  l'ouvrage  Rhopalocera  Europœ.  La 
bande  maculaire  fauve  transverse  qui  descend  du  bord  costal  des 
supérieures  vers  le  bord  anal  des  inférieures,  en  dessous,  est  d'une 
nuance  plus  vive  et  d'un  développement  plus  grand  chez  dentata. 
On  trouve  dentata,  à  la  place  ^Arethusa,  dans  le  sud-ouest  de  la 
France  et  en  Espagne,  dans  les  localités  précitées. 

En  ce  qui  concerne  Boabdil,  Herrich-Schaeffer,  après  Rambur, 
en  a  donné  une  très  bonne  représentation  sous  les  n"^  474,  475  et  476. 
Chez  Boabdil,  les  taches  fauves  sont  encore  plus  réduites  que  dans 
l'Aberration  Erythia.  La  taille  est  un  peu  plus  grande  et  le  dessous 
des  ailes  inférieures  est  traversé  par  des  nervures  saillantes  et  d'un 
blanc  vif  et  pur. 


LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE 


J'ai  fait  figurer  dans  la  XX''  livraison  des  Etudes  irEntomologie 
une  remarquable  Aberration  Q  albuia,  prise  à  Evreux,  en  août  1888, 
par  Mocquerys.  On  trouve  dans  la  Charente  des  Arethusa  Q 
extrêmement  pâles  contrastant  avec  des  exemplaires  très  foncés. 
D'ailleurs  le  Petit  Agreste,  comme  l'appelait  le  P.  Engramelle,  est 
assez  variable,  notamment  pour  le  dessous  de  ses  ailes  inférieures. 


Satyrus  Fauna,  Sulzer  PL  XVII,  fig.  47,  48,  cf;  49,  50,  Q 
Monterfil  (Ille-et-Vilaine)  ;  fig.  51,  cf  Digne.  —  PI.  XVIII, 
fig-  52,  CT  Naples;  53,  Q  Sicile;  54,  g  Escorial  ;  55,  Q 
Sierra-Nevada;  56,   Q  Vernet-les-Bains). 

Satyrus  Fauna-cinereus,  Obthr  (PI.  XVI,  fig.  41,  cf;  42, Q). 

Satyrus  Fauna-Holli,  Obthr  (PL  XVI,  fig.  36,  cf;  37,  Q)- 

Satyrus  Hansii,  Austaut  (PL  XVI,  fig.  40,  g  ;  43,  44,  45,  cf  ; 
46,  larv.). 

Satyrus  Sylvicola,   Austaut  (PL  XVI,  fig.  38.  cf;  39,  ç)- 

L'ouvrage  de  Sulzer  :  Abgekuerste  G  es  chic  ht  e  der  Insecien  nach 
dem  Linnaeischen  System,  a  été  publié  en  1776,  à  Winterthur,  avec 
des  planches  souvent  bien  dessinées,  gravées  sur  cuivre  et  coloriées, 
presque  toujours  parfaitement  reconnaissables. 

Sous  les  n°'  8  et  9  de  la  Tab.  XVII,  Sulzer  représente,  avec  le 
nom  de  F  aima,  la  Q  d'un  Satyrus,  indiquée  comme  venant  d'Alle- 
magne. Je  crois  que  c'est  la  plus  ancienne  figure  qui  ait  été  publiée 
de  cette  espèce  et  voilà  pourquoi  je  conserve  le  nom  de  Fauna  que 
Boisduval  avait  d'ailleurs  adopté. 

Le  Satyrus  Fauna  n'a  jamais  été  observé  en  Angleterre.  Il  me 
semble  que,  vers  le  nord-ouest,  le  point  extrême  où  l'on  ait  rencontré 
Fauna  jusqu'ici,  est  l'épine  dorsale  de  la  péninsule  armoricaine. 
Jamais  je  n'ai  vu  Fauna  sur  la  côte  septentrionale  de  Bretagne,  que 
baigne  la  mer  de  la  Manche;  mais  j'ai  appris  qu'on  l'avait  capturé 
dans  quelques;  localités  de  la  côte  méridionale  bretonne,  aux  environs 


LEPIDOPTEROLOGIE   COMPARÉE 


d'Auray  et  de  Carnac  (Morbihan).  Cependant  je  n'ai  encore  vu 
aucun  exemplaire  de  cette  contrée. 

Le  Satyrus  Faiina  ne  recherche  pas  exclusivement  les  terrains 
calcaires,  comme  ses  congénères  Briseis  et  Arethusa.  Il  paraît  s'ac- 
commoder fort  bien  des  terrains  schisteux  et  granitiques.  Je  l'ai 
trouvé  assez  abondant  dans  les  landes  rocheuses  qui  s'étendent  à 
l'ouest  de  Rennes,  notamment  à  Monterfil,  et  M.  P.  Boulé  l'a 
recueilli  à  Bourg-des-Comptes,  dans  des  sites  analogues. 

A  Monterai,  Faiina  habite  par  petites  colonies,  autour  de  certains 
massifs  pierreux  dont  les  têtes  émergent  du  milieu  des  bruyères  et 
des  ajoncs.  Il  se  plaît  dans  ces  rochers  entre  lesquels  les  lichens 
forment  un  tapis  quelquefois  épais,  tandis  que  parmi  eux  végètent 
quelques  fines  graminées  dont  je  pense  que  se  nourrit  la  chenille 
de  Fauna.  Le  papillon  voltige  assez  bas,  mais  rapidement,  autour 
des  pierres  et  entre  les  touffes  d'ajonc;  il  se  repose  volontiers  sur 
le  sol;  mais  lorsqu'il  fait  chaud,  il  est  actif  et  fréquemment  en 
mouvement.  Avec  Faima  se  trouvent  les  Pàpilio  Machaon,  Pieris 
Daplidice,  Satyrus  Semele,  Lycœna  Hylas  (Bâton),  Emydia  gram- 
mica,  Anaitis  plagiata,  Gnophos  obscurata,  Eubolia  peribolata, 
Sesia  uroceriformis.  Fauna  éclôt  une  seule  fois  par  an.  En  Bretagne, 
il  commence  à  paraître  à  la  fin  de  juillet  et  dure  jusque  vers  le 
20  août. 

Depuis  la  Bretagne  le  Satyrus  Fauna  se  trouve  répandu  en 
France  jusqu'aux  Pyrénées  et  jusqu'aux  Alpes,  en  Espagne,  dans 
le  Valais,  en  Italie,  en  Algérie,  en  Grèce  et  en  Syrie. 

Dans  toute  cette  vaste  étendue,  l'espèce  offre  d'intéressantes 
variations. 

Les  figures  que  je  publie  dans  le  présent  ouvrage  ont  pour  but 
de  faire  connaître  les  diverses  races  géographiques  comparées  du 
Satyrus  Fauna. 

Sous  les  n"^  47,  48,  49  et  50  de  la  PI.  XVII  sont  représentés  des 
Fauna  pris  à  Monterfil.  La  race  y  est  de  petite  taille.  Les  n°^  48 
et  50  donnent  l'image  d'exemplaires  cf  et  g  appartenant  à  la 
forme  bretonne  normale.  Le  n°  47  est  un  cT  "n  peu  aberrant  par 
les  dessins  du  dessous  de  ses  ailes  inférieures  qui  sont  moins  uni- 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE  2/3 

formément  grises,  et  de  ses  ailes  antérieures  où  les  points  orbicu- 
laires  se  trouvent  réduits  sur  un  fond  submarginal  plus  clair  et  plus 
jaune  et  avec  une  ligne  transversale  extracellulaire  moins  anguleuse. 
La  Q  49  est  remarquable  par  l'exagération  de  ses  taches  oculaires 
noires  sur  les  ailes  supérieures,  en  dessous.  En  Vendée,  dans  le 
pays  calcaire  de  Fontenay-le-Comte,  j'ai  pris  le  Satyrus  Faiina, 
lorsque  j'avais  l'avantage  d'être,  au  Prieuré  d'Auzay,  l'hôte  de  M.  le 
colonel  Sabouraud  et  de  M.  Daniel  Lucas.  En  l'aimable  compagnie 
de  ces  Messieurs,  j'ai  observé  les  mœurs  du  Faiina  vendéen.  Il  ne 
m'a  pas  semblé  vivre  groupé  en  colonies,  comme  à  Monter&l;  mais 
j'ai  rencontré  çà  et  là  des  exemplaires  isolés  volant  assez  rapidement 
sur  des  pentes  calcaires  raides  et  escarpées,  recouvertes  par  places 
d'une  végétation  herbacée  très  glissante. 

Le  Satyrus  Fauna  de  Vendée  ne  diffère  guère  de  celui  de  Bre- 
tagne; il  est  seulement  un  peu  plus  grand.  On  trouve  également 
Fauna  dans  le  Limousin  où  la  race  ressemble  beaucoup  à  celle  de 
Vendée. 

Je  ne  crois  pas  que  Fauna  habite  en  Charente;  il  existe  cependant 
dans  la  Charente-Inférieure,  à  Royan.  Il  est  répandu  dans  les 
Landes  de  Gascogne,  où  la  forme,  un  peu  plus  grande  qu'en  Bre- 
tagne, a,  sur  le  dessous  des  ailes  inférieures,  un  large  espace  gris 
clair  au  delà  de  la  ligne  anguleuse,  noire,  extracellulaire.  Le 
long  du  bord  marginal,  une  ombre  noirâtre  assez  large  et  épaisse 
fait  ressortir  la  couleur  gris  clair  de  cet  espace  extracellulaire.  Dans 
l'Aveyron  et  l'Hérault,  le  Satyrus  Fauna  ressemble  à  celui  des 
Landes  de  Gascogne;  mais  dans  les  Pyrénées-Orientales  et  dans 
les  Basses-Alpes,  la  taille  de  l'espèce  augmente  un  peu,  comme  le 
montre  le  Fauna  cf  n°  51  de  la  PI.  XVII,  des  environs  de  Digne, 
et  la  Q  n°  56  de  la  PI.  XVIII,  de  Vernet-les-Bains.  J'ai  sous  les 
yeux  un  très  grand  nombre  d'exemplaires  et  je  constate  des  varia- 
tions individuelles  sensibles  et  nombreuses  ;  toutefois,  d'une  manière 
générale,  on  peut  dire  que  le  dessous  des  ailes  inférieures,  chez  les 
Fauna  de  Digne  aussi  bien  que  chez  ceux  de  Vernet-les-Bains,  est 
d'un  gris  assez  uniforme;  les  lignes  noires  ondulées  qui  descendent 
du  bord  costal  vers  le  bord  anal  étant  nettes  et  non  empâtées  chez 

18 


2/4  LÉPIDOPTÉROLOGlE   COMPAREE 

les  cf.  ainsi  que  cela  se  remarque  le  plus  souvent  dans  les  formes 
moins  méridionales. 

Fauna,  en  Espagne,  se  trouve,  d'après  les  documents  contenus 
dans  ma  collection,  à  l'Escorial,  à  Venta-de-Cardenas,  à  la  Sierra- 
Alta,  à  la  Sierra-Nevada  d'Andalousie,  à  Uclès.  La  race  n'est  pas 
plus  grande  que  dans  les  Pyrénées-Orientales.  La  Q  n°  54  de  l'Es- 
corial et  celle  n"  55  de  la  Sierra-Nevada  (PL  XVIII)  le  démontrent; 
elles  ont  le  dessous  des  ailes  inférieures  d'un  gris  de  souris,  assez 
uni,  et  les  cT  ne  diffèrent  pas  sensiblement  du  n°  51  des  Basses- 
Alpes.  La  forme  des  environs  d'Albarracin  (Sierra-Alta),  d'après 
12  cf  et  2  g  de  ma  collection,  est  de  taille  sensiblement  plus  petite 
que  la  race  de  Vernet-les-Bains.  C'est  la  race  de  l'Andalousie  qui 
paraît  être  la  plus  grande  des  races  espagnoles. 

Dans  le  sud  de  la  France,  du  côté  oriental,  une  modification  de 
race  s'opère  chez  Fauna. 

En  Provence,  la  dentelure  des  ailes  inférieures  devient  plus 
accentuée,  en  même  temps  que  la  taille  s'amplifie.  Dans  les  Alpes- 
Maritimes,  les  Fauna  sont  encore  plus  grands  que  dans  le  pays 
de  Naples;  ils  égalent  au  moins  la  race  de  Sicile,  et  comme  les 
Fauna  cf  de  Sicile,  ceux  des  Alpes-Maritimes  ont  une  tendance  à 
montrer  quelques  points  blancs,  le  long  du  bord  marginal  des  ailes 
inférieures,  en  dessus.  Nous  remarquerons  plus  loin  la  tendance  au 
développement  de  ces  points  blancs,  dans  les  races  algériennes.  Le 
n°  52  de  la  PI.  XVIII  représente  un  Fauna  cf  de  Naples  et  le  n"  53 
représente  une  Q  de  Sicile.  La  dentelure  des  ailes  s'y  trouve  bien 
plus  profonde  que  dans  les  exemplaires  d'Espagne  et  de  Vernet- 
les-Bains. 

Ce  serait  cependant  une  erreur  de  croire  que  les  Fauna  italiens 
ont  tous  plus  ou  moins  les  caractères  de  ceux  de  Naples  et  de  Sicile. 
M.  Fabresse  a  capturé  en  août  1908  une  longue  série  de  Fauna  à 
Sulmona.  Ces  Fauna  sont  de  taille  égale  à  ceux  des  Basses-Alpes 
et  des  Pyrénées-Orientales  et  ils  leur  ressemblent  parfaitement. 

En  Algérie,  il  y  a  une  forme  de  Fauna  que  j'ai  appelée  cinereus 
{Bulletin  Soc.  ent.  France,  1907,  p.  344).  Cette  race  a  été  prise  à 
Yakouren,  par  M.  Dayrem,  en  juillet  et  août  1907.  Elle  est  repré- 


LÉPIDÔPTÉRÛLOGIE   COMPAREE  2/5 

sentée  sous  les  n"""  41  et  42  de  la  PI.  XV'I.  Le  cT  n'est  pas  d'un  noir 
obscur,  mais  d'une  couleur  plus  pâle,  avec  le  disque  soyeux  des 
ailes  supérieures  plus  gris  et  se  détachant  d'une  façon  très  apparente 
sur  le  fond  brun  des  ailes.  Les  points  blancs  submarginaux  sont 
plus  développés  aux  ailes  inférieures  que  dans  la  race  de  Sicile,  et 
les  20  cf  de  ma  collection  en  sont  tous  pourvus,  sans  exception. 
L'éclaircie  jaunâtre  ordinaire  sur  les  ailes  supérieures  de  la  Q,  en 
dessus,  est  très  peu  accentuée.  Les  points  blancs  submarginaux 
sont  très  dilatés  chez  la  Q  et  semblent  avoh  un  reflet  lilas. 

Il  y  a  une  autre  race  algérienne  de  Fauna  découverte  à  la  Gla- 
cière de  Blidah,  par  M.  Holl.  Cette  nouvelle  race  est  figurée  sous 
les  n"'  36  et  37  de  la  PI.  XVI;  elle  vole  à  1,250  mètres  d'altitude 
à  la  fin  d'août.  Je  l'ai  dédiée  à  M.  Holl,  comme  faible  témoignage 
de  mon  affectueuse  estime  et  de  ma  cordiale  gratitude.  Le  Satyrus 
Holli  n'est  presque  pas  plus  grand  que  le  Fauna  de  Bretagne.  Il 
est  de  couleur  gris  brun  plus  pâle  que  cinereus;  il  a  les  ailes  plus 
arrondies.  Comme  cinereus,  Holli  a  les  ailes  inférieures,  en  dessus, 
ornées  d'une  série  de  points  blancs  submarginaux  paraissant  légè- 
rement lilas.  Le  cf  a  les  ocelles  noirs  des  ailes  supérieures  partiel- 
lement et  faiblement  cerclés  de  jaunâtre.  En  dessous,  le  fond  des 
ailes  est,  dans  les  deux  sexes,  d'un  gris  uni,  clair,  mais  un  peu 
plus  jaunâtre  chez  la  Q. 

Dans  la  province  d'Oran  se  trouvent  deux  autres  Satyrus  très 
voisins  de  Fauna,  mais  cependant  très  distincts  et  très  constants  : 
Sylvîcola  et  Hansii.  J'ai  déjà  donné,  dans  les  Etudes  d'Entomo- 
logie, les  figures  de  ces  deux  Satyrus.  Cependant  je  publie  de 
nouveau,  sous  les  n"'  38  et  39  de  la  PI.  XVI,  la  représentation  de 
Sylvicola,  et  sous  les  n°^  40,  43,  44  et  45,  la  représentation  de  Hansii. 

M.  H.  Powell  a  soigneusement  étudié  ces  deux  Satyrus;  il  en  a 
pris  un  grand  nombre  d'exemplaires  en  août  et  septembre  1907,  aux 
environs  de  Sebdou,  et  il  a  élevé  la  chenille  de  Hansii,  ab  ovo. 

Cette  chenille  étant  arrivée  à  sa  5°  livrée,  est  figurée  sous  le  n"  46 
de  la  PI.  XVI.  Je  crois  ç^Hansii  est  une  espèce  tout  à  fait  à  part. 
Elle  est  fort  variable,  ainsi  que  le  prouvent  les  différences  de  l'aile 
inférieure,  en  dessous,  chez  les  3  cf  figurés  sous  les  n"'  43,  44  et  45. 


2/6  LÉPIDOPTÉROLOGIÈ   COMPARÉE 

Hansii,  en  dessus,  comme  en  dessous,  a  un  reflet  spécial  d'un  jaune 
doré,  dont  Sylvicola  se  trouve  toujours  dépourvu.  Quant  à  Sylvi- 
cola,  il  serait  possible  que  ce  fût  une  3"  variété  algérienne  de  Fauna. 
Sylvicola  est  toujours  très  sombre.  Les  ailes  inférieures  en  dessous 
sont  d'un  gris  uni,  traversées  par  une  ligne  noire  ondulée  quel- 
quefois à  peine  visible.  Je  n'ai  jamais  vu  de  Sylvicola  ni  de  Hansii 
pris  ailleurs  que  dans  l'Ouest-Algérien. 

Huebner  a  figuré  sous  les  n"'  507,  508  et  509  une  race  de  Fauna 
qui  est  probablement  celle  d'Allemagne.  Je  ne  la  connais  pas. 
Cependant  Fauna  existe  en  Allemagne;  Hermann  Steinert  la  signale 
parmi  les  Macrolépidoptères  des  environs  de  Dresde  {Iris,  IV, 
p.  193),  dans  les  termes  suivants  :  «  Der  Falter,  welcher  vorzugs- 
weise  in  Norddeutschland  zu  Hause  ist,  liebt  sandige,  trockene 
Stellen,  besonders  Nadelwaldungen.  An  der  Berliner  Bahn  bei 
Coswig  und  Weinboehla;  Meisel  fand  eizelne  Stuecke  auch  am 
Heller.  Flugzeit  :  Juli,  August.   » 

Huebner  figure,  sous  les  n°^  510  et  511,  une  race  plus  grande, 
assez  voisine  de  la  race  des  Bouches-du-Rhône,  appelée  Allionia; 
de  même  la  race  de  Fauna  çS  figurée  par  Huebner  sous  les  n°'  145 
et  146  ressemble  à  celle  de  Sicile.  Je  n'ai  pu  trouver  dans  le  texte 
de  Huebner  la  désignation  de  localité  des  Satynis  figurés  par  cet 
auteur  et  je  me  trouve  réduit  à  des  probabilités,  en  ce  qui  concerne 
ce  détail  important.  Herrich-Schaeffer  figure  sous  les  n'"'  190  et  191, 
et  avec  le  nom  de  Statilinius,  var.  Martianii,  une  Q  originaire  de 
Constantinople. 

Esper  copie  la  figure  de  Sulzer,  sous  le  n°  i  de  la  Tab.  XXIX, 
Suppl.  V,  et  dans  la  Tab.  LU,  il  figure  sous  le  nom  de  Fidia  var. 
(fig.  4)  un  Faiina  que  M.  Devillers  lui  avait  envoyé  de  Provence. 
Esper  ne  connaissait  pas  le  Fauna  d'Allemagne;  car  il  ajoute  : 
a  In  unsern  teutschen  Vaterland  hat  sich  der  Zeit  noch  Keine 
endeckt.  » 

Engramelle  avait  sans  doute  contribué  à  induire  Esper  en  erreur, 
quant  à  la  confusion  entre  Fauna  et  Fidia;  en  effet,  sur  la  PI.  XXI, 
Engramelle  figure  Fauna  cT  (n°^  37  «  et  /?>)  et  Fidia,  comme 
Fauna   Q   (n"^  37  c  et  d^.  Esper  cite  d'ailleurs  en  note  (page  17) 


LEPIDOPTEROLOGIE   COMPARÉE 


le  texte  d'Engramelle.  Le  même  Esper  figure  sous  le  n"  4  de  la 
Tab.  CV,  avec  le  nom  Allionia,  une  grande  forme  de  F  aima  en 
nous  apprenant  (p.  6y)  que  :  «  Herr  Gerning  erhielte  die  Originale 
von  daher,  unter  andern  Seltenheiten,  welche  der  Kœnigin  von 
Sicilien  Majestaet,  ihn  zum  Geschenk  zu  uebersenden  die  Gnade 
hatten.  »  Le  même  Gerning,  qui  fut  ainsi  favorisé  d'un  cadeau 
entomologique  par  Sa  Majesté  la  Reine  de  Sicile,  possédait  du  midi 
de  la  France  une  paire  de  Salyriis  Fauna  dont  Esper  a  donné  avec 
le  nom  âiArachne,  sous  les  n"^  2  et  3  de  la  Tab.  XCV,  de  bien 
médiocres  et  grossières  figures.  Cependant  l'espèce  est  reconnais- 
sable.  Le  Satyrus  Fauna  se  trouve  aussi  en  Grèce,  où  il  se  rapproche 
de  la  forme  Martïanïi,  H.  S. 


Satyrus  Fidia,  Linné. 

Espèce  méridionale;  répandue  en  Provence,  dans  le  Languedoc 
méditerranéen,  les  Pyrénées-Orientales,  l'Espagne  et  l'Algérie.  Je 
considère  comme  bien  problématique  l'existence  de  Fidia  dans  la 
Loire-Inférieure,  où  l'espèce  a  été  signalée  par  M.  Bonjour  (Bull. 
Soc.  Sciences  nat.  Ouest  France,  1897,  p.  175-176).  L'espèce  volerait 
à  La  Chapelle-sur-Erdre  où  M.  Ollivry,  qui  ne  l'a  jamais  rencontrée 
que  dans  un  seul  champ,  la  prendrait  cependant  tous  les  ans.  Il  est 
possible  que  ce  soit  Fauna  qui  aurait  été  pris  pour  Fidia. 

En  France,  Fidia  éclôt  une  seule  fois  par  an,  en  juillet  et  août.  Ce 
Satyrus  habite  les  lieux  les  plus  arides  et  se  pose  sur  le  crottin  de 
cheval,  dans  les  grands  chemins,  sur  le  sol,  au  milieu  des  pierres, 
ou  sur  les  troncs  d'arbres.  Pour  se  reposer,  il  rejette  en  arrière  ses 
ailes  supérieures  qui  se  trouvent  ainsi  cachées  entièrement  par  les 
inférieures.  Il  se  confond  alors  avec  les  pierres  grisâtres  qu'il  affec- 
tionne et  qui,  autour  de  Nîmes,  Montpellier,  Marseille,  se  trouvent 
en  si  grande  quantité  dans  la  campagne. 

En  Espagne,  il  vole  à  l'Escorial,  aux  environs  de  Grenade,  à  la 
Sierra-Alta,  près  d'Albarracin.  Dans  cette  dernière  localité,  la  race 
de  Fidia  est  exceptionnellement  petite  et  pas  plus  grande  que  Fauna. 


2/8  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

J'en  possède  une  série  assez  nombreuse.  J'ai  distingué  cette  race 
sous  le  nom  de  minor. 

Dans  rOuest-Algérien,  sur  le  dessous  des  ailes  inférieures,  les 
nervures  sont  indiquées  en  blanc;  cette  forme  a  été  appelée 
dlbûvenosa.  Elle  me  paraît  générale  à  Sebdou;  elle  est  moins 
accentuée  à  Yakouren  et  feu  le  lieutenant  Mathieu  a  pris  à  Alger 
des  exemplaires  très  grands,  mais  qui  ne  diffèrent  pas  de  ceux 
d'Europe.  De  même,  dans  l'île  de  Galita,  en  Tunisie,  Fidia  est  de 
grande  taille,  mais  nullement  albovenosa,  comme  à  Sebdou,  bien 
qu'il  y  ait  une  légère  indication  de  blanc  sur  les  nervures. 


Satyrus  Abdelkader,  Pierret. 

Superbe  et  grande  espèce  exclusivement  barbaresque.  Il  y  a  deux 
formes  :  celle  de  l'Ouest-Algérien,  qui  est  la  race  premièrement 
décrite,  et  celle  de  l'Est- Algérien,  qui  diffère  un  peu  de  la  forme 
occidentale.  Staudinger  a  distingué  la  forme  orientale  ai  Abdel- 
kader, sous  le  nom  de  Lanibessaniis.  Il  est  difficile  d'obtenir  des 
exemplaires  frais  et  non  déchirés.  D'ailleurs  l'espèce  n'est  point 
commune.  Elle  éclôt  deux  fois  par  an,  en  mai  et  juin  d'abord,  puis 
à  la  un  d'août.  M.  H.  Powell  a  élevé  la  chenille  d^ Abdelkader, 
dont  il  avait  obtenu  une  ponte.  Ma  collection  contient  une  centaine 
de  beaux  exemplaires  récoltés,  en  août  et  septembre  1907,  à  El- 
Aouedji,  à  Zebch  et  à  Sebdou,  dans  l'Oranie.  J'ai  un  cf  curieux; 
il  a  le  dessus  et  le  dessous  des  ailes  supérieures  comme  saupoudré 
de  taches  d'un  brun  plus  clair,  c'est-à-dire  de  la  teinte  de  la  Q. 

Ma  collection  contient  une  certaine  quantité  d'exemplaires  pris 
par  M.  Gaston  Allard  et  par  mon  frère,  à  Lambèze;  d'autres  trouvés 
près  de  Tébessa,  et  enfin  quelques-uns  capturés  à  Khenchela,  en 
juin  1908.  Une  des  Q  de  Khenchela  est  remarquable  par  le  déve- 
loppement des  taches  bleues  sur  le  dessus  des  ailes.  On  trouve  à 
Sebdou  des  Q  très  pâles,  avec  le  bord  des  ailes  largement  coloré 
d'une  teinte  ochracée  presque  blanchâtre.  Dans  l'Est-Algérien,  le 
dessous  des  ailes  du  cf  est  généralement  d'un  brun  velouté  très 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   COAIPARÉE 


riche,  rehaussé  par  hi  fine  bordure  gris  clair  des  ailes,  les  points 
ocellés  d'un  noir  profond  pupilles  de  blanc  pur,  accompagnés  de 
taches  formées  d'un  semis  d'atomes  blanc  lilas,  et  les  lignes  trans- 
verses, anguleuses,  d'un  noir  vif.  Chez  les  exemplaires  de  l'Oranie, 
les  teintes  sont  généralement  moins  accusées  et  les  contrastes  moins 
forts  que  chez  ceux  de  la  province  de  Constantine. 


Satyrus  Actaea,  Esper. 
Satyrus  Cordula,  Fabr. 

Ac/(ea  et  Cordula  sont-ils  deux  espèces  distinctes,  très  voisines 
l'une  de  l'autre  sans  doute,  mais  cependant  différentes?  C'est  une 
question  que  souvent  j'ai  entendu  poser.  Il  est  certain  que  les  Actœa 
très  caractérisés,  ceux  de  l'Aveyron  par  exemple,  sont  bien  différents 
des  Cordula,  du  Valais.  Actœa  est  plus  petit  et  d'aspect  plus 
robuste  à  cause  de  la  contexture  de  ses  ailes  qui  paraît  plus  forte. 
Le  Satyrus  Actœa  cf  a,  vers  l'apex  des  ailes  supérieures  en  dessus, 
une  seule  tache  noire  ocellée,  tandis  que  Cordida  en  a  toujours  deux 
et  quelquefois  quatre  en  série  droite.  Mais  en  dessous,  il  y  a  des 
Actœa  qui  présentent  une  seconde  tache.  Il  y  a  aussi  des  Actœa  cf 
dont  la  tache  ocellée  subapicale  noire  surmonte  deux,  ou  même 
trois  petits  points  blancs,  comme  on  en  remarque  le  plus  souvent 
entre  les  deux  ocelles  ordinaires  de  Cordida.  Les  Q  diffèrent  plus 
peut-être  entre  elles  que  les  cf,  notamment  par  la  teinte  des  ailes 
supérieures  en  dessus  aussi  bien  qu'en  dessous,  et  s'il  y  a  des  exem- 
plaires qui  établissent  presque  la  transition  entre  Actœa  et  Cor- 
dida cf,  les   Ç)  restent  plus  nettement  dissemblables. 

Quant  à  l'habitat,  Actœa  se  rencontre  seul  dans  les  départements 
du  Lot,  de  l'Aveyron,  de  la  Lozère,  du  Gard,  des  Pyrénées-Orien- 
tales, des  Bouches-du-Rhône,  en  Espagne  et  en  Portugal;  et,  de 
son  côté,  Cordula  est  seul  dans  la  vallée  du  Rhône  en  Valais,  dans 
les  départements  de  l'Isère,  de  l'Ardèche  (La  Voulte-sur-Rhône)  et 
dans  les  montagnes  des  Alpes-Maritimes;  mais  dans  les  Basses- 


28o  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

Alpes,  les  deux  :  Actœa  et  Cordiila  se  trouvent  presque  juxtaposés, 
et  dans  les  Hautes- Alpes  (Le  Monetier-de-Br lançon),  ainsi  que  dans 
l'Italie  méridionale  (Mont  Majella,  Roccaroso  et  Palena),  on  trouve 
une  forme  que  j'ai  appelée  Actœma,  qui  est  plus  près  de  Cordiila 
que  ^Actœay  mais  plus  petite  que  le  vrai  Cordida  et  se  rapprochant 
un  peu  ^ Actœa. 

Disposant  d'environ  400  exemplaires  provenant  de  localités 
diverses  et  ayant  pris  Actœa  dans  la  Nature,  aussi  bien  que  Cordida, 
me  remémorant  d'ailleurs  les  mœurs  de  ces  Satyrus,  je  dois  à  la 
vérité  de  dire  que  je  reste  incertain  et  irrésolu,  penchant  cependant 
plutôt  vers  la  réunion  spécifique  que  vers  la  séparation  des  deux 
formes  en  deux  espèces. 

Actœa  et  Cordula  éclosent  chacun  une  fois  par  an,  depuis  la  fin 
de  juin  jusqu'aux  premiers  jours  d'août,  suivant  les  localités. 
Cordida  paraît  cependant  éclore  généralement  un  peu  plus  tôt 
Q^ Actœa,  ce  qui  est  contradictoire  avec  le  climat  des  lieux  habités 
par  l'un  et  l'autre  Satyriis.  Actœa  vivant  dans  des  contrées  plus 
chaudes,  devrait,  semble-t-il,  paraître  avant  Cordida.  Or,  Actœa 
ne  vole  guère  avant  la  seconde  quinzaine  de  juillet  et  on  le  trouve 
encore  frais  jusque  dans  les  premiers  jours  d'août,  tandis  que 
Cordida  se  montre  dès  la  saint  Jean  et  est  généralement  complè- 
tement passé  lorsque  Actœa  est  encore  en  pleine  éclosion.  Toutefois, 
cette  question  de  l'époque  d'apparition  des  Satyrus  Cordida  et 
Actœa  n'a  rien  d'absolu.  En  effet,  Cordida- Actœina  a  été  trouvé 
frais  dans  l'Italie  méridionale,  par  M.  Fabresse,  en  juillet  et  au 
commencement  d'août  1907. 

Actœa  se  rencontre  dans  les  plaines  et  les  basses  montagnes 
chaudes  et  arides,  mais  fleuries.  Actœa  aime  en  effet  à  se  reposer 
sur  les  fleurs  de  chardon  et  d'origan;  je  l'ai  observé  le  long  de  la 
route  poudreuse,  entre  Nîmes  et  le  Pont-du-Gard,  voltigeant  nom- 
breux en  compagnie  de  Rkodocera  Cleopatra,  à  la  fin  de  juillet, 
et  contrastant  curieusement,  par  la  sombre  couleur  de  ses  ailes,  avec 
les  nuances  vives  et  claires  de  Cleopatra.  Je  l'ai  vu  aussi  à  Saint- 
Martin-du-Canigou,  quelquefois  en  quantité  considérable,  faisant 
compagnie  avec  le  Farnassïus  Apollo,   dont  la  blancheur   forme 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE  28 1 

encore  un  contraste  d'un  autre  genre  avec  la  teinte  si  obscure  de 
ses  ailes. 

Cordula  est  plus  montagnard;  mais  il  fréquente  également  le 
bord  des  routes,  dans  les  vallées  alpines.  C'est  ainsi  qu'en  montant 
de  Bourg-d'Oysans  vers  le  Lautaret,  jusqu'aux  abords  de  la  Grave, 
Cordula  sollicite  l'attention  du  voyageur  par  son  vol  saccadé  et  un 
peu  sautillant,  quoique  rapide  et  puissant  à  l'occasion,  et  par  sa 
fréquence.  En  effet,  ce  grand  papillon  tout  noir  est  parfois  très 
abondant  sur  les  pentes  fleuries  des  montagnes;  dans  les  belles 
journées  d'été,  avec  les  autres  espèces  alpines  de  Lépidoptères,  il 
contribue  très  agréablement  par  son  activité  à  l'animation  du 
paysage. 

Aciœa  et  Cordula  sont  très  variables. 

Aciœa,  en  dessus,  a  souvent  la  côte  des  ailes  supérieures  lavée 
de  brun  clair;  en  dessous,  il  présente  tantôt  des  ailes  inférieures 
très  obscures  et  tantôt  ces  mêmes  ailes  sont  traversées  par  une  bande 
blanche  plus  ou  moins  large.  Je  possède  une  Aberration  d'Actœa, 
prise  à  Digne,  chez  qui  les  taches  et  dessins  des  ailes  inférieures, 
en  dessous,  sont  brouillés  et  forment  des  ovales  cerclés  de  noir,  le 
long  du  bord  marginal. 

Dans  les  Pyrénées-Orientales,  Actœa  varie  beaucoup  pour  le 
dessous  de  ses  ailes  inférieures.  D'ailleurs  Cordula  est  tout  aussi 
sujet  à  variation.  Quant  aux  Q,  dans  les  deux  formes,  c'est  par  le 
développement  de  la  teinte  fauve  doré  sur  le  dessus  et  sur  le  dessous 
des  ailes  supérieures  et  aussi  par  l'accentuation  des  dessins  noirâtres 
sur  le  dessous  des  ailes  inférieures  qu'elles  présentent  les  variations 
les  plus  considérables. 


Satyrus  Phaedra,  Linné. 

Manque  en  Angleterre  et  en  Algérie;  se  trouve,  dit-on,  en  Bre- 
tagne, dans  le  département  de  la  Loire-Inférieure;  mais  je  n'ai 
jamais  été  à  même  de  l'y  capturer;  est  commun  dans  les  marais 
et  dans  les  bois  de  la  Charente  et  de  la  Vienne;  habite  les  environs 


282  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

de  Biarritz;  a  été  trouvé  à  Vernet-les-Bains,  à  Entrevaux  (Basses- 
Alpes),  au  Fort-Naryne,  dans  le  Turkestan  oriental,  dans  la  vallée 
de  la  Viège,  en  Valais,  et  est  très  répandu  dans  l'Asie  orientale, 
sur  la  frontière  du  Thibet,  dans  la  Chine  centrale  et  septentrionale 
et  au  Japon.  Il  offre  d'intéressantes  variétés. 

A  Tâ-tsien-Lou,  Phœdra  est  représenté  par  sa  forme  Astrœa, 
Leech,  d'un  brun  roux  opaque  et  un  peu  doré  en  dessus,  avec  les 
taches  ocellées  en  nombre  variable,  très  noires,  cerclées  de  fauve 
doré  et  pupillées  de  blanc. 

A  Vench'uan  et  Traku,  dans  le  Su-tchuen  occidental,  les  native 
collectors  de  Cari  Bock  ont  trouvé,  en  1891,  une  forme  superbe 
que  j'appelle  auraia.  Elle  est  très  grande.  Le  cf,  en  dessus,  est  d'un 
brun  roux  avec  2  grosses  taches  ocellées  aux  ailes  supérieures;  ces 
taches  sont  très  largement  entourées  de  fauve  doré;  on  voit  une 
seule  petite  tache  ocellée  aux  ailes  inférieures;  elle  est  cerclée  de 
fauve.  La  Q,  plus  grande  et  plus  pâle,  a  les  deux  taches  noires 
ocellées  des  ailes  supérieures  encore  plus  largement  entourées  d'un 
lavis  de  fauve  orangé.  En  dessous,  dans  les  deux  sexes,  le  fond 
des  ailes  supérieures  est  d'un  fauve  doré  plus  vif  chez  le  cf  que 
chez  la  Q,  et  les  ailes  inférieures  brun  pâle,  dans  les  deux  sexes, 
sont  traversées  par  les  trois  lignes  ondulées  ordinaires  et  marquées 
d'une  infinité  de  petits  traits  noirâtres.  Il  y  a  une  éclaircie  blan- 
châtre au  delà  de  la  ligne  noire  ondulée,  médiane. 

En  Mandchourie,  dans  la  Chine  du  Nord,  les  abords  du  lac 
Baïkal  et  le  Japon,  la  forme  de  Fhœdra  se  rapproche  beaucoup  de 
la  forme  européenne.  Les  taches  ocellées  sont  pupillées  de  bleu. 
Cette  pupillation  bleue  est  très  étendue  chez  les  Q  du  Japon;  mais 
les  cf  de  Biarritz  me  paraissent  bien  analogues  à  ceux  de  Yokohama. 
Il  y  a  donc  3  formes  :  la  forme  européenne  Fhœdra,  qui  se  continue 
au  Turkestan,  en  Sibérie  et  au  Japon;  la  forme  de  Tâ-tsien-Lou, 
appelée  Astrœa,  et  la  forme  du  vSu-tchuen,  désignée  sous  le  nom 
à^aurata. 

En  France,  le  papillon  vole  dans  les  hautes  herbes  des  marais 
et  dans  les  hautes  bruyères  des  forêts  ou  des  landes.  On  le  fait 
lever  en  marchant.  Une  fois  dérangé  dans  son  repos,  le  Satyrus 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE  283 

Phœdra  produit  un  vol  assez  puissant  et,  après  quelques  bonds,  le 
papillon  va  se  reposer  de  nouveau.  Il  est  facile  de  s'en  emparer;  il 
est  commun  dans  les  lieux  qu'il  habite.  Il  varie  beaucoup  pour  la 
grandeur  des  ailes,  pour  le  développement  des  ocelles  pupilles  de 
bleu  quelquefois  réduits  à  deux  simples  points  noirs  chez  les  cf, 
d'autres  fois  formant  chez  les  Q  des  taches  très  grosses  et  près  de 
se  rejoindre  l'une  l'autre  au  moyen  d'une  tache  supplémentaire  qui 
peut  se  développer  sur  le  sommet  de  la  seconde  macule.  Le  nom 
populaire  du  Satyrus  Phœdra  est  :  le  Grand  Nègre  des  bois;  il 
éclôt  une  seule  fois  par  an,  à  la  fin  de  juillet.  Engramelle  dit  que 
son  accouplement  dure  tout  un  jour. 


Satyrus  Hyperanthus,  Linné. 

Habite  l'Irlande,  l'Angleterre,  la  Bretagne  (Finistère  et  1  Ile-et- 
Vilaine),  presque  toute  la  France,  la  Suisse,  l'Allemagne,  la  Mand- 
chourie,  la  Chine;  n'a  pas  été  observé  en  Algérie. 

C'est  le  Tristan,  selon  le  P.  Engramelle;  il  est  fort  commun 
dans  les  bois  et  même  dans  les  haies,  ainsi  que  je  l'ai  observé  à 
Cancale.  Il  paraît  qu'il  est  très  abondant  dans  la  forêt  de  Cranou 
(Finistère).  Il  est  fort  variable  pour  le  nombre  et  le  développement 
des  taches  ocellées  et  pour  la  taille. 

En  Mandchourie  se  trouve  la  forme  appelée  ocellatus  par  Butler; 
c'est  la  plus  grande  et  celle  dont  les  taches  ocellées  sont  plus 
largement  développées.  L'antithèse  de  cette  forme  est  l'Ab.  Arête, 
chez  qui  les  taches  ocellées  sont  oblitérées  sur  les  ailes  inférieures, 
en  dessous.  Je  possède  cette  Ab.  Arête  d'Angleterre  (ancienne 
collection  Sheppard),  d'Autriche,  de  Thuringe,  du  Jura  français 
(Lons-le-Saunier).  J'ai  pris  aux  environs  du  lac  de  Laffrey  (Isère) 
un  cf  qui  fait  une  transition  excellente  entre  Arête  et  la  forme 
normale  Hyperanthus. 

M.  de  Graslin  avait  trouvé  dans  la  Sarthe  l'Ab.  Arête.  Cette 
Ab.  Arête  est  généralement  symétrique  et  les  deux  sexes  peuvent 
en  être  atteints;  mais  les  exemplaires  sont  plus  ou  moins  accentués. 


284  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

Certains  Arête  ne  présentent  plus  sur  les  quatre  ailes,  en  dessous, 
qu'un  minuscule  point  blanchâtre  à  la  place  des  taches  ocellées; 
d'autres  échantillons,  tantôt  sur  les  ailes  supérieures,  tantôt  sur  les 
ailes  inférieures,  présentent  plus  ou  moins  de  très  petites  macules 
noires  cerclées  de  jaunâtre  et  pupillées  de  blanc. 

Dans  la  plupart  des  exemplaires  normaux,  ks  taches  ocellées 
des  ailes  supérieures  sont  au  nombre  de  deux  ou  trois  et  les  taches 
ocellées  des  inférieures  sont  au  nombre  de  cinq.  En  dessus,  les 
taches  du  dessous  transparaissent  généralement,  surtout  chez  les  Q, 
sauf  les  deux  taches  supérieures  des  ailes  inférieures.  Je  possède 
une  seule  Q  de  la  collection  Kuwert,  de  Berlin,  chez  laquelle  le 
dessus  des  ailes  est  marqué  aux  ailes  supérieures  de  trois  taches 
noires  pupillées  de  blanc  et  cerclées  de  jaune,  comme  en  dessous, 
et  aux  inférieures  de  trois  taches  semblables.  J'ai  pris  à  Chamounix 
(Haute-Savoie)  une  très  petite  race  d'Hyperanthiis,  tandis  que  dans 
les  Pyrénées-Orientales,  à  Vernet-les-Bains,  la  race  est  relativement 
grande. 

La  teinte  du  dessous  des  ailes  inférieures  varie  du  brun  roux 
foncé  au  brun  clair.  M.  Wullschlegel  a  pris  à  Martigny  (Valais) 
une  Q  albinos  dont  les  4  ailes,  en  dessus  et  en  dessous,  sont  d'une 
couleur  café  au  lait.  Le  Satyre  tristan  éclôt  une  fois  par  an,  depuis 
la  fin  de  juin  jusqu'à  la  mi-juillet.  Il  ne  me  semble  pas  qu'il  s'élève 
bien  haut  dans  les  montagnes.  Je  ne  l'ai  jamais  vu  au-dessus  de 
1,200  mètres. 


Erebia  Epiphron,  Knoch;  Herr.  Schaeff.  (92-94);  Cassiope, 
Huebner  (626-629). 

En  Angleterre,  il  y  a  deux  espèces  d'Erebia  :  Epiphron  et  Blan- 
dïna.  En  Bretagne,  il  n'y  a  pas  de  collines  assez  élevées  pour  que 
des  Erebia  puissent  s'y  plaire.  Les  Erebia  ne  se  rencontrent  en 
France  que  dans  les  Vosges,  le  Jura,  les  Alpes,  les  Monts  d'Au- 
vergne et  les  Pyrénées,  à  l'exception  toutefois  de  Médusa  qui,  dans 
le  nord-est,  est  une  espèce  de  plaine. 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE  285 

UErebici  Epiphron  a  les  ailes  allongées  et  d'une  contexture  assez 
délicate;  elle  se  rencontre  dans  les  Pyrénées  à  une  altitude  de  1,000 
à  1,800  mètres,  se  plaisant  dans  les  prairies  alpestres  et  les  jeunes 
reboisements.  Elle  est  très  variable;  les  taches,  d'un  brun  rou- 
geâtre  le  long  du  bord  marginal  des  ailes,  sont  plus  ou  moins 
largement  développées  sur  les  ailes  supérieures  comme  sur  les 
inférieures;  elles  sont  ordinairement  pupillées  de  points  ocellés 
noirs,  généralement  au  nombre  de  quatre  sur  les  supérieures  et  de 
trois  ou  quatre  sur  les  inférieures.  Quelquefois  ces  points  ocellés 
noirs  portent  un  petit  point  central  blanc.  Par  albinisme,  la  fascie 
brun  rouge  peut  devenir  d'un  blanc  jaunâtre;  elle  peut  aussi  dispa- 
raître à  peu  près  complètement. 

J'ai  sous  les  yeux  plus  de  400  exemplaires  de  XErehia  Epiphron, 
provenant  d'Ecosse,  des  Vosges,  de  Silésie,  de  Suisse,  des  Hautes 
et  Basses-Alpes,  des  Alpes-Maritimes,  du  Puy-de-Dôme,  du  Cantal, 
des  Pyrénées-Orientales,  des  Hautes-Pyrénées  et  de  la  Turquie. 
L'examen  des  Epiphron  de  ces  diverses  localités  donne  lieu  aux 
observations  suivantes  : 

Huebner  figure  sous  le  nom  de  Cassiope  (cf  n*""  626,  627; 
Q  n°'  628,  629)  une  Erebia  dont  les  deux  sexes  semblent  appar- 
tenir à  une  seule  et  même  espèce  provenant  de  la  même  localité. 
Ma  collection  contient  une  paire  de  Cassiope,  prise  en  août  1864, 
dans  les  montagnes  des  Vosges,  au  Brezouars,  au-dessus  de  Sainte- 
Marie-aux-Mines,  par  1,300  mètres  d'altitude.  Cette  paire  est  tout 
à  fait  conforme  aux  figures  publiées  par  Huebner.  Pourquoi  Stau- 
dinger  et  Rebel,  dans  le  Catalog  1901,  s'abstiennent-ils  de  citer, 
dans  la  synonymie  de  Cassiope,  les  n°'  628  et  629  concernant 
la   Q? 

De  son  côté,  Herrich-Schaeffer  représente,  sous  les  n"'  92  et  93. 
la  Q  et  non  le  cf  (comme  il  l'indique  par  erreur  sur  la  Planche; 
mais  il  rectifie  dans  le  texte,  p.  65),  et  sous  le  n°  94,  le  cf  (et  non 
la  q)  d'une  Erebia  qu'il  appelle  Epiphron  et  qui  provient  d'une 
forêt  de  sapins  dans  les  environs  d'Oderbriick,  dans  le  Harz  011 
Knoch  en  fit  la  capture  au  mois  d'août. 

En  quoi  Epiphron  diffère-t-elle  donc  réellement  de  Cassiope} 


286  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

D'après  Staudinger  et  Rebel,  parce  que  la  fascie  extracellulaire 
est  rousse  et  que  les  points  ocellés  noirs  sont  pupilles  de  blanc  dans 
\d,QEpiphron;  chez  Cassiope,  les  points  ocellés  noirs  sont  aveugles 
et  la  fascie  rousse  est  obsolète;  mais  dans  les  mêmes  montagnes, 
on  trouve  des  exemplaires  Epiphron  et  des  exemplaires  Cassiope. 
Epiphron  ne  désigne  donc  pas  plus  une  race  locale  que  Cassiope 
n'en  désigne  une  autre.  Il  peut  y  avoir  des  localités  où  Cassiope 
domine,  comme  par  exemple  Les  Grisons;  mais  je  crois  qu'on  peut 
trouver  partout  des  Cassiope,  là  oi:  il  y  a  des  Epiphron  et  vice- 
versâ. 

En  Angleterre  et  en  Ecosse,  Epiphron  est  de  taille  relativement 
grande;  M.  Reid  m'a  envoyé  une  assez  nombreuse  série  provenant 
de  Rannoch;  dans  la  collection  Raynor,  qui  fut  vendue  à  la  salle 
Stevens,  le  27  octobre  1891,  il  y  avait  une  quinzaine  ^Epiphron, 
dont  quelques-uns  portent  l'indication  de  localité  :  Malvern.  Les 
Epiphron  sont  bien  conformes  à  la  figure  publiée  par  Charles 
Barrett  (PI.  XXIX;  fig.  \,  i  a,  i  b).  C'est  aux  exemplaires  des 
Vosges  qu'ils  ressemblent  le  plus,  parce  que  chaque  ocelle  noir,  le 
long  du  bord  marginal  des  ailes  supérieures,  est  entouré  d'une 
sorte  de  cercle  brun  rougeâtre,  au  lieu  de  se  trouver  au  milieu  d'une 
fascie  brun  rougeâtre,  dont  les  contours  extérieurs  sont  irréguliers 
et  ne  forment  pas  un  anneau. 

Dans  les  Pyrénées,  il  y  a  deux  formes  très  différentes  d' Epiphron 
et  toutes  deux  ont  été  figurées  par  Herrich-Schaeffer  sous  le  même 
nom  :  Cassiope  pyrenaica.  La  race  des  Hautes-Pyrénées,  très  sombre 
en  dessus,  comme  en  dessous,  dépourvue  de  brun  rougeâtre  à  la 
base  des  ailes  supérieures,  en  dessous,  et  de  plus  grande  taille,  est 
figurée  sous  les  n°'  537  et  538;  tandis  que  la  race  des  Pyrénées- 
Orientales,  plus  petite,  avec  la  base  des  ailes  supérieures  largement 
lavée  de  brun  rougeâtre  en  dessous  et  la  fascie  rougeâtre  des  quatre 
ailes,  largement  développée  en  dessus,  est  représentée  sous  les 
n-  535  et  536. 

Le  nom  pyrenaica  convient  seul  à  la  race  des  Plautes-Pyrénées 
(Cauterets,  Gavarnie)  ;  la  race  des  Pyrénées-Orientales  ressemblant 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE  28; 


beaucoup  plus  à  celle  des  Alpes   françaises  à  laquelle  elle  peut 
être  identifiée. 

Boisduval  a  créé  une  variété  Nclaiiiiis  des  Alpes  du  Dauphiné 
qu'il  définit  :  siib-cœca  dans  Vlndex  methodiciis.  Les  types  cf  et  Q 
de  N  clan  m  s  sont  sous  mes  yeux.  Le  (S,  en  dessus,  a  une  courte 
fascie  brun  rougeâtre  sur  le  dessus  des  ailes  supérieures  et  deux 
petits  points  noirs  à  peine  perceptibles;  la  Q  a  la  fascie  plus  étendue 
et  plus  accentuée,  avec  les  deux  points  noirs  plus  visibles.  Le  des- 
sous du  cf  est  presque  unicolore,  brun  plus  clair  qu'en  dessus;  le 
dessous  de  la  Q  reproduit  le  dessus,  avec  cette  différence  que,  le 
long  du  bord  des  ailes  inférieures,  on  voit  quatre  petites  taches 
de  couleur  ocre  très  finement  pupillées  de  noir. 

Au  Mont-Dore,  en  Auvergne,  on  rencontre  une  forme  très 
sombre  de  Cassiopc\  mais  elle  n'est  pas  très  fixe  et,  à  côté  d'exem- 
plaires particulièrement  obscurs,  on  en  trouve  d'autres  qui  se  rap- 
prochent beaucoup  de  la  forme  alpine. 

Les  Q  des  Pyrénées-Orientales  ont  parfois  cinq  taches  noires 
ocellées  sur  les  ailes  supérieures,  en  dessus  comme  en  dessous.  La 
fascie  d'un  fauve  rougeâtre,  souvent  d'une  teinte  claire,  est  très 
développée.  Je  possède  des  Q  des  Pyrénées-Orientales  ayant  une 
pupillation  blanche  dans  les  ocelles  noirs,  ainsi  que  le  figure 
Herrich-Schaeffer  (n°'  92  et  93);  dans  la  prairie  du  Mont  Pelât, 
M.  H.  Powell  a  pris  la  Q  également  pupillée  de  blanc,  dans  les 
premiers  jours  d'août  1906.  Au  même  lieu,  M.  Pov^ell  a  capturé 
quelques  cT  et  g  de  l'Ab.  ulbinescens,  caractérisée  par  la  couleur 
très  pâle  de  la  fascie  sur  les  quatre  ailes  en  dessus.  Un  cf  très  frais 
se  trouve  remarquablement  albinisant.  Aux  environs  de  Zermatt, 
j'ai  pris  la  var.  Nelaruiis,  Bdv.  Les  Erebia  ont  une  tendance  à 
perdre  les  ocelles  noirs  sur  la  fascie  rougeâtre,  dans  le  Valais. 
DroniHS  et  Ejiryale  en  fournissent  quelquefois  la  preuve.  On  trouve 
aussi  Nela7iiîis  au  Mont  Pelât. 

J'ai  décrit  et  figuré  dans  la  XX"  livraison  des  Eludes  d'Eiilo- 
mologie  une  Aberration  de  Epiphron  pyrcnaica,  remarquable  par 
l'extension  de  sa  fascie  rougeâtre  aux  ailes  supérieures  en  dessus, 


288  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

presque  sans  ponctuation  noire.  Un  exemplaire  analogue  a  été  ren- 
contré au  Mont  Pelât. 

Erebia  Melampus,  Esper,  103,  i. 

UErebia  Mclanipiis  a  été  figurée  d'une  manière  reconnaissable 
par  Esper,  sous  le  n*"  i  de  la  PI.  CIII,  d'après  un  individu  pris 
dans  les  Alpes  du  Tyrol,  et  que  l'aufeur  considère  comme  une 
variété  de  l'espèce,  mais  qui,  à  part  la  couleur  fauve  des  fascies 
un  peu  plus  claire,  est  bien  conforme  à  la  véritable  Melampus. 
Boisduval,  dans  V Icônes  (PI.  35,  fig.  5  et  6;  p.  i;8,  179)  a  bien 
figuré  et  décrit  VErebia  Melampus. 

Un  des  caractères  qui  distinguent  Melampus  ô!Epiphron,  c'est 
la  forme  plus  arrondie  des  ailes  qui  sont  traversées  très  réguliè- 
rement par  une  fascie  d'un  brun  rougeâtre. 

Melampus  n'a  jamais  été  trouvée  dans  les  Pyrénées;  elle  a  été 
rencontrée  dans  les  Basses-Alpes;  je  l'ai  prise  à  Chamounix 
(Haute-Savoie)  pendant  les  premiers  jours  de  juillet  1892,  dans  le 
Valais,  aux  environs  de  la  route  du  Simplon  et  sur  les  pâturages 
alpestres  de  Ryffelalp,  vers  la  mi-juillet,  en  1864,  1866,  1892,  1898 
et  1902.  Mon  frère  a  pris  Melampus  à  Fusio,  du  10  au  14  juillet 
1907.  Je  l'ai  reçue  des  Grisons. 

L'espèce  paraît  peu  varier;  cependant  les  fascies  brun  rouge  sont 
plus  ou  moins  développées;  elles  sont  généralement  marquées  de 
petits  points  noirs;  mais  ces  points  peuvent  disparaître,  et  j'ai  sous 
les  yeux  des  exemplaires  impunctati,  à  côté  d'autres  qui  portent 
de  un  à  quatre  points  noirs  sur  les  supérieures,  aussi  bien  que  sur 
les  inférieures. 

Erebia  Christi,  Raetzer. 

J'ai  publié  la  figure  de  cette  espèce  dans  la  première  livraison  des 
Etudes  de  Lépidoplérologie  comparée.  On  n'a  point  encore  trouvé 
VErebia  Christi  en  France.  Je  l'ai  chassée,  en  compagnie  de  feu 
le  chanoine  Favre,  dans  la  vallée  de  Laquin,  pendant  la  seconde 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPAREE  289 

quinzaine  de  juillet  1902.  Presque  tous  les  échantillons  que  nous 
prîmes  étaient  usés  par  le  vol.  UErebia  Chnsti  éclôt  au  commen- 
cement de  juillet,  peut-être  même  à  la  fin  de  juin.  Elle  ressemble 
à  EpipJiron  ;  mais  elle  en  est  certainement  spécifiquement  distincte. 
C'est  dans  l'étroite  vallée  de  Laquin  que  XErebia  Christi  a  été 
trouvée  tout  d'abord;  mais  je  crois  qu'elle  a  été  récemment  capturée 
dans  plusieurs  localités  voisines  du  Simplon. 


Erebia  flavofasciata,  Heyne. 

Mon  frère  se  rendit  en  juillet  1907  à  Fusio,  afin  de  pouvoir 
capturer  cette  jolie  Erebia  nouvellement  découverte  et  d'un  aspect 
si  particulier  en  dessous.  Il  réussit  à  prendre  quelques  beaux  exem- 
plaires dans  la  localité  très  spéciale  où  vit  l'espèce^  en  compagnie 
de  la  Psodos  alpinata,  Huebner,  Phalène  noire  à  bandes  jaunes, 
colorée  un  peu  comme  flavofasciata. 

Une  très  intéressante  notice  intitulée  :  Quelques  joîirs  à  Fusio 
en  juillet  iço^,  où  sont  relatés  les  détails  de  la  chasse  à  Y  Erebia 
-jia^iofasciata,  a  été  publiée  par  M.  Muschamp  dans  le  n"  i  du 
Bulletin  de  la  Société  lépidoptérologigue  de  Genève.  UErebia 
flavofasciata  n'a  pas  été  trouvée  dans  les  Alpes  françaises. 


Erebia  Mnestra,  Huebner. 

Les  Erebia  Arête  et  Eriphyle  ont  été  rencontrées  jusqu'à  présent 
dans  les  Alpes  d'Autriche;  mais  personne  ne  les  a  trouvées  dans 
les  montagnes  françaises.  UErebia  Mnestra  n'est  pas  rare  dans 
les  Grisons  et  dans  le  Valais  où  je  l'ai  capturée  en  grand  nombre 
sur  les  pelouses  au-dessus  de  l'hôtel  Ryffelalp;  elle  n'a  jamais  été 
observée  dans  les  Pyrénées,  mais  elle  a  été  prise  dans  les  Hautes- 
Alpes,  au-dessus  de  Monetier-de-Briançon  et  à  Charmoz,  en 
Savoie.  Boisduval  publie  de  bonnes  figures  de  VErebia  Mnestra, 
sous  les  n°'  i,  2,  3  et  4  de  la  PL  35  de  VI canes.  La  Mnestra  a  le 

19 


290  LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE 

dessous  de  l'aile  supérieure  très  largement  lavé  de  rougeâtre,  et 
en  dessus,  la  fascie  rougeâtre  généralement  largement  étendue,  est 
très  fréquemment  dépourvue,  chez  les  cf,  de  toute  ponctuation 
noire.  Les  Q  montrent  généralement  aux  ailes  supérieures  deux 
ocelles  noirs  pupilles  de  blanc.  J'ai  trouvé  Mnestra  au  mois  de 
juillet;  elle  aime  à  voltiger  au-dessus  des  buissons  de  genévriers, 
dans  les  pelouses  alpestres  et,  lorsque  le  soleil  se  cache,  elle  dis- 
paraît dans  ces  buissons. 

Dans  les  Basses-Alpes,  à  Larche,  Bellier  a  découvert  une  très 
intéressante  race  de  Mnestra  qu'il  a  décrite  et  figurée  dans  les 
Annales  de  la  Soc.  ent.  de.  France,  1863,  sous  le  nom  de  Gorgo- 
phone.  Le  dessous  des  ailes  inférieures  est  moins  uniformément 
brun,  mais,  au  contraire,  plus  distinctement  fascié  que  chez  Mnestra. 
Il  est  bien  extraordinaire  que  Bellier,  dans  sa  description  de 
Gorgophone  {loc.  cit.,  p.  419,  420),  s'obstine  à  comparer  sa  nouvelle 
Erebia  à  Gorge,  plutôt  qu'à  Mnestra,  tout  en  constatant  que  Gor- 
gophone n'a  point  les  mêmes  mœurs  que  Gorge.  En  effet,  dit 
Bellier,  Gorgophone  fréquente  plutôt  les  prairies  pastorales,  en 
compagnie  de  Cassiope,  de  Ceto,  de  Melampus,  à  une  moindre 
altitude  que  Gorge  et  son  vol  n'est  pas  aussi  rapide. 

Dans  toute  sa  notice,  Bellier  ne  parle  pas  une  seule  fois  de 
Mnestra,  sans  doute  parce  qu'il  n'avait  jamais  pris  lui-même  cette 
espèce  et  qu'il  en  ignorait  dès  lors  la  manière  de  vivre.  En  effet, 
les  exemplaires  de  Mnestra,  dans  sa  collection,  portent  l'étiquette  : 
Grisons,  région  où  Bellier  n'avait  point  voyagé. 

Quoi  qu'il  en  soit,  Gorgophone  est  une  forme  locale  bien  carac- 
térisée de  Mnestra.  Je  la  crois  peu  connue  des  Entomologistes  en 
général,  car  elle  paraît  être  confinée  aux  environs  de  Larche.  Outre 
les  spechnina  typica  de  la  collection  Bellier,  au  nombre  de  14,  j'ai 
reçu  des  chasseurs  Coulet,  de  Digne,  une  assez  bonne  série  bien 
conforme  aux  exemplaires  de  Bellier;  ils  l'avaient  capturée  à 
Larche,  en  août  1897. 

Mnestra  porte  sur  le  dessous  des  ailes  inférieures  une  bandelette 
claire  qui  est  un  des  caractères  de  l'espèce.  Cette  bandelette  est 
plus  accentuée  dans  Gorgophone,  et  chez  le  cf  de  cette  dernière, 


LÈPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE  SQÎ 

on  })eut  dire  que  les  ailes  inférieures,  en  dessous,  sont  divisées  en 
quatre  parties  bicolores,  presque  égales,  d'une  part  :  la  base  claire 
et  la  bandelette  claire  extracellulaire;  d'autre  part  :  la  bandelette 
médiane  brune  plus  foncée  et  la  bordure  marginale  de  la  même 
couleur  foncée. 


Erebia  Pharte,  Huebner. 

Manque  dans  les  Pyrénées;  habite  les  Alpes  de  Savoie,  notam- 
ment au-dessus  de  Lanslebourg  et  de  Charmoz;  vole  en  juillet; 
répandue  dans  les  Grisons  et  en  Valais  oii  se  trouve  la  forme 
Phartina,  très  obscure,  dont  j'ai  publié  la  figure  dans  la  i"  livraison 
des  Etudes  de  Lépidoptérologie  comparée. 

Mon  fils,  D""  J.  Oberthiir,  a  rencontré  également  la  forme 
Phartina  en  Savoie.  Boisduval  a  figuré  Pharte  dans  Ylcones,  sous 
les  n°^  ;  et  8  de  la  PI.  35 

La  fascie  fauve  chez  Pharte  est  dépourvue  de  ponctuation  noire 
chez  tous  les  exemplaires  que  je  possède.  Mais  cette  absence  de 
points  noirs  ne  peut  être  un  caractère  spécifique  sérieux.  Ce  qui 
distingue  Pharte  de  Melanipus,  avec  laquelle  elle  n'est  pas  sans 
analogie,  c'est  la  forme  plus  oblongue  de  ses  ailes  qui  sont  moins 
arrondies,  la  bande  fauve  des  supérieures  qui,  surtout  chez  la  Q, 
est  coupée  carrément,  les  taches  des  inférieures  plus  grosses  et  plus 
rapprochées  vers  la  côte.  On  trouve  Pharte  dans  les  montagnes 
autrichiennes  où  j'ai  entendu  dire  qu'elle  était  plus  répandue  et 
plus  abondante  que  chez  nous. 


Erebia  Manto,  Esper  (PI.  LXX,  fig.  2-3). 

VEreôia  Manto,  Esper,  est  bien  la  même  espèce  que  Huebner 
a  figurée  sous  les  n°'  235  et  236,  avec  le  nom  Pyrrha,  sous  lequel 
l'ont  désigné  Godart  (PI.  XV,  fig.  3  et  4)  et  Boisduval. 

Manto  varie  beaucoup.  Sa  plus  remarquable  variété  est  Cœcilia, 
Bdv.  {Jcones,  PI.  33,  fig.   5  et  6).  Je  ne  trouve  pas  que  Cœcilia, 


292  LÉPIDOPTEROLOGIE   COMPARÉE 

Huebner  (n"'  213  et  214)  représente  le  même  papillon;  chez 
Cœcilia,  sec.  Boisduval,  l'aile  supérieure,  en  dessous,  est  entiè- 
rement noire  et  n'est  pas  marquée  de  rouge,  comme  dans  la  âgure 
donnée  par  Huebner. 

La  véritable  Cœcilïa,  Bdv.,  habite  l'Auvergne,  o\x  mon  frère  l'a 
trouvée  au  Lioran;  elle  se  rencontre  aussi  dans  les  environs  de 
Cauterets  (Hautes-Pyrénées),  où  je  l'ai  prise  en  juillet  et  août  1890 
et  en  juillet  1908.  M.  de  Guernisac  l'avait  également  trouvée  dans 
les  Hautes-Pyrénées,  il  y  a  nombre  d'années. 

Cœcilia  vole  exclusivement  dans  les  herbes  épaisses  qui  couvrent 
le  sol  de  certaines  parties  de  la  montagne  du  Péguère.  Je  l'ai 
observée  du  côté  sud-est  de  cette  montagne,  dans  une  petite  prairie 
qui  borde  le  torrent,  après  qu'on  a  passé  la  cascade  du  Cerisay,  sur 
la  route  ,du  Pont-d'Espagne,  et  qu'on  a  franchi  le  petit  pont  rus- 
tique qui  donne  accès  au  chemin  forestier  du  Péguère;  mais  j'ai 
surtout  capturé  Cœcilia  sur  la  pente  nord,  tout  près  du  chemin  qui 
conduit  à  la  Raillière,  un  peu  au-dessus  de  la  Maison  hospitalière 
de  Cauterets.  Lorsque  la  matinée  est  ensoleillée,  vers  le  10  juillet, 
VErebia  Cœcilia  çS  commence  à  voler.  Elle  paraît  aussi  noire  que 
sa  congénère  Lefebvrei;  elle  semble  sortir  des  touffes  d'herbes,  oii 
elle  s'enfonce  de  nouveau  très  profondément  dès  qu'elle  pressent 
un  danger,  ou  bien  lorsqu'un  nuage  intercepte  lesi  rayons  du  soleil. 
Je  ne  crois  pas  que  Cœcilia  éclose  tous  les  ans.  J'ai  été  bien  des 
fois  à  Cauterets,  au  moment  de  son  «  émergence  »,  comme  disent 
les  Anglais,  sans  avoir  réussi  à  apercevoir  un  seul  exemplaire; 
tandis  que  dans  d'autres  années,  Cœcilia  se  montre  abondante, 
toujours  aux  mêmes  lieux. 

C'est  un  papillon  superbe  et  trop  peu  connu.  Dans  les  montagnes 
d'Auvergne,  Cœcilia  est  de  plus  petite  taille  qu'à  Cauterets.  La 
forme  des  Hautes-Pyrénées  est  particulièrement  remarquable. 
Cœcilia  cf,  à  Cauterets,  est  entièrement  d'un  noir  profond  et  velouté 
en  dessus,  sans  aucune  tache.  En  dessous,  le  fond  des  ailes  est  d'un 
noir  moins  vif,  plus  mat  et  moins  soyeux.  Quelquefois,  il  y  a  aux 
ailes  supérieures,  en  dessous,  de  faibles  traces  rougeâtres  plus  rap- 
prochées de  l'extrémité  de  la  cellule  que  chez  Manto;  le  plus  ordi- 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE  293 

nairement,  les  quatre  ailes  sont  unicolores.  La  g  est  plus  grande; 
elle  commence  à  éclore  un  peu  plus  tard  que  le  cT  et  elle  s'élève  peu 
au-dessus  des  touffes  d'herbe  où  je  l'ai  vue  maintes  fois  se  laisser 
glisser,  se  blottir,  les  ailes  fermées,  et  devenir  ainsi  très  difficile  à 
découvrir.  Les  Q,  comme  les  d*,  sont  absolument  immaculés  en 
dessus.  En  dessous,  la  Q  est  quelquefois  immaculée,  comme  le  cS; 
d'autres  fois,  elle  présente  quelques  touches  rougeâtres  aux  supé- 
rieures et  trois  ou  quatre  taches  jaunâtres  aux  inférieures. 

Boisduval  possédait  un  seul  cf  Cœcilia  qui  paraît  bien  être 
l'exemplaire  reproduit  dans  VI cônes.  Lorsqu'il  dit  (p.  168)  que 
les  Q  de  l'Auvergne  et  des  Pyrénées  sont  à  peu  près  semblables 
à  celles  des  Alpes,  il  ne  juge  certainement  pas  d'après  des  échan- 
tillons authentiques,  car  son  assertion  est  absolument  erronée. 

Je  dispose  d'un  grand  nombre  d'exemplaires  de  la  Cœcilia  pyré- 
néenne; mais  je  ne  possède  que  6  cT  et  i  g  d'Auvergne.  Dans  ces 
conditions,  je  manque  des  documents  nécessaires  pour  établir  une 
comparaison  sur  des  bases  sérieuses  entre  les  Cœcilia  des  deux 
contrées.  Il  serait  cependant  possible  que  leur  différence  fût  assez 
caractérisée  et  assez  fixe  pour  mériter  qu'un  nom  distinctif  distin- 
guât les  deux  races. 


Erebia  Ceto,  Huebner  (578,  579). 

UErebia  Ceto  éclôt  dès  le  mois  de  juin;  elle  vole  dans  les 
prairies  dont  l'herbe  est  à  peine  mûre,  à  une  altitude  moyenne  de 
1,600  à  1,700  mètres.  Elle  manque  dans  les  Pyrénées. 

\J Erebia  Ceto  est  répandue  dans  les  Alpes,  notamment  au-dessus 
de  Saint-Martin-de-Vésubie  (Alpes-Maritimes),  à  Larche  (Basses- 
Alpes),  en  Savoie,  à  Zermatt  et  à  Fusio,  en  Suisse. 

Elle  varie  pour  le  développement  et  l'accentuation  des  taches 
qui  constituent  la  fascie  fauve  des  ailes  en  dessus,  comme  en 
dessous.  Au  même  lieu,  on  trouve  des  exemplaires  dont  les  macules 
fauves  sont  relativement  très  grandes  et  tirant  plutôt  sur  le  jaune 
et  d'autres  échantillons  avec  les  macules  très  réduites  et  d'un  brun 


294  LEPIDOPTEROLOGIE   COMPARÉE 

rougeâtre.  Il  me  semble  cependant  qu'en  Savoie,  la  forme  de  Ceto 
est  plus  sombre  et  que,  dans  les  Alpes-Maritimes,  elle  a  les  taches 
plus  claires  et  plus  grandes. 

La  Ceto  figurée  par  Huebner,  sous  les  n"'  578  et  57g,  représente 
assez  bien  la  forme  ordinaire  de  l'espèce. 

Je  possède  une  Q  du  Simplon  ayant,  en  dessus  comme  en 
dessous,  toutes  les  taches  des  fascies  normalement  fauves  devenues 
d'un  blanc  livide. 

Freyer  figure  sous  le  n°  2  de  la  PI.  193  et  avec  le  nom  de 
Phorcys,  une  Ceto  dont  les  taches  fauves,  en  dessus,  sont  d'une 
couleur  orangé  vif,  avec  les  ocelles  noirs  pupilles  de  blanc,  et  dont 
les  taches,  sur  le  dessous  des  inférieures,  sont  d'un  blanc  jaunâtre. 
Je  possède  un  cf  pris  entre  la  Madone  de  Fenestre  et  Lantosque, 
en  juin  1904,  qui  me  semble  assez  conforme  à  la  figure  de  Phorcys 
donnée  par  Freyer.  Le  même  Freyer  figure,  sous  les  n"'  i  et  2  de 
la  PI.  37,  la  forme  à  fascies  bien  développées  et  bien  colorées  de 
VErebia  Ceto  normale,  et  sous  le  n"  3,  un  albinos  ayant  le  fond 
des  4  ailes  brun  clair.  Freyer  l'a  reçu  de  MM.  Mieg  et  Meisner, 
de  Bâle,  qui  avaient,  dit-il,  attribué  cet  albinos  à  Pyrrha.  J'avoue 
ne  pas  être  parfaitement  fixé  sur  la  détermination  spécifique  qu'il 
convient  de  donner  à  cette  Aberration;  la  figure  publiée  par  Freyer 
ne  me  paraît  pas  suffisamment  probante.  La  forme  obscurci,  Raetzer, 
se  trouve  en  Savoie. 


Erebia  Œme,  Pluebner  (530-533). 

C'est  une  Erebia  de  prairies,  ne  s'élevant  pas  à  une  grande  alti- 
tude, puisqu'on  la  rencontre  dans  les  prés  autour  de  Cauterets; 
elle  éclôt  à  la  fin  de  juin,  est  très  fragile,  facile  à  détériorer,  et 
quoiqu'elle  soit  abondante  là  où  elle  habite,  il  est  fort  difficile 
d'avoir  en  collection  des  exemplaires  irréprochables.  En  France, 
Œme  se  trouve  dans  les  Alpes,  près  d'Aix-les-Bains,  à  la  Grande- 
Chartreuse  (Isère),  et  dans  les  Hautes-Pyrénées,  à  Cauterets,  où 
elle  est  fort  commune.  La  race  des  Pyrénées  paraît  beaucoup  plus 


LEPIDOPTEROLOGIE   COMPARÉE  295 

largement  ocellée  que  celle  de  l'Isère.  A  Cauterets,  il  y  a  des 
Œïuc  Ç)  dont  les  ocelles  noirs,  dans  les  fascies  fauves,  sont  vive- 
ment et  largement  pupilles  de  blanc,  au  nombre  ordinaire  de  3  aux 
supérieures  et  4  ou  5  aux  inférieures.  Les  Œnic  figurés  par  Bois- 
duval,  sous  les  n"'  5,  6,  7  et  8  de  la  PI.  34  de  VIcones,  n'ont  p:is 
d'étiquette  de  localité  dans  la  collection  Boisduval  ;  mais  j'ai  lieu 
de  croire  qu'ils  viennent  de  la  Grartde-Chartreuse.  J'ai  désigné 
YŒnie  pyrénéenne  sous  le  nom  de  pyrenœa. 


Erebia  Médusa,  Fabr. 

Espèce  répandue  dans  les  plaines  de  la  France  nord-orientale, 
à  Samoussy  (Aisne),  à  Reims  et  à  Epernay  (Marne),  dans  les 
Vosges,  en  Allemagne,  en  Autriche,  en  Hongrie,  en  Suisse,  dans 
le  nord  de  l'Italie  (Monte-Motterone,  près  Stresa),  en  Russie,  en 
Laponie,  au  Colorado,  dans  l'Amérique  du  Nord. 

Médusa  paraît  manquer  dans  les  Pyrénées. 

Elle  offre  de  remarquables  variétés  géographiques  et  des 
Aberrations. 

Une  g  du  Valais,  dans  ma  collection,  a  les  ailes  supérieures 
d'un  gris  clair  avec  un  léger  reflet  un  peu  doré,  au  milieu  duquel 
se  détachent  les  cinq  ocelles  ordinaires  noirs  pupilles  de  blanc. 
Un  cf,  de  Licgnitz,  manque  asymétriquement  d'une  partie  des 
taches  fauves  sur  le  côté  droit  des  ailes,  l'n  autre  cf,  d'Allemagne, 
a  les  taches  fauves  des  ailes  supérieures  et  inférieures  très  faible- 
ment ocellées,  mais  pas  comme  dans  l'Ab.  Hippomcdusa. 

\^ Erebia  Médusa  éclôt  du  15  mai  au  15  juin;  elle  est  abondante 
là  oii  elle  habite.  Elle  s'élève  jusqu'à  environ  1,400  mètres  d'alti- 
tude, notamment  au  Monte-Generoso,  où  je  l'ai  observée  très  nom- 
breuse dans  les  petites  prairies  en  pente,  avant  d'arriver  à  l'Hôtel 
du  Sommet. 

L'américaine  Epipsodea  me  paraît  être  indubitablement  une 
Médusa,  tout  comme  \Erebia  Sofia,  du  Colorado,  semble  bien  être 
une  race  de  Kindcrvianni, 


296  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

Erebia  Stygne,  Ochs.,  et  Var.  Gavarnica,  Obthr  (PI.  XXV, 
fig.  130,  cf;  134.  9)- 

Esper  a  figuré  trop  grossièrement,  sous  le  nom  de  Pirene, 
YErcbia  Stygne  cf  (PI.  CXVI,  fig.  3),  pour  que  cette  figure  puisse 
avoir  une  valeur  au  point  de  vue  de  la  connaissance  de  la  race 
géographique  du  papillon  représenté.  Dans  le  texte  (p.  117,  118), 
Esper  dit  que  Pyrene  (au  lieu  de  Pirene,  dans  la  figure)  se  trouve 
dans  les  Alpes  tyroliennes  et  suisses.  Huebner,  sous  les  n'''  223  et 
224,  figure  avec  le  nom  Pirene,  un  cf  assez  conforme  à  celui  qu'on 
trouve  dans  les  Hautes-Pyrénées  et  dans  les  Basses-Alpes. 

J'ignore  de  quelle  contrée  proviennent  les  Stygne  figurées  par 
Lang,  sous  les  trois  n°'  i  de  la  PI.  LX. 

Le  Pyrene  de  Freyer  (PL  43,  fig.  2)  représente  un  cf  pris  par 
l'auteur,  «  auf  der  hœchsten  Spitze  der  Gruentalpe,  in  Gesellschaft 
mit  Œme  ».  Cette  Erehia  manque  de  fascie  rouge  en  dessus  et 
présente  simplement  3  ocelles  noirs,  pupilles  de  blanc  et  cerclés  de 
rouge  aux  ailes  supérieures  et  autant  aux  ailes  inférieures;  de  plus, 
il  y  a,  aux  ailes  supérieures,  une  4"  tache  rouge,  petite,  ovale,  non 
ocellée. 

UErebia  Stygne  est  une  espèce  fort  commune  dans  les  mon- 
tagnes françaises;  je  l'ai  prise  jadis  dans  les  Vosges  avec  feu  mon 
ami  l'abbé  Fettig;  je  la  possède  des  montagnes  d'Auvergne  et  des 
Cévennes  (La  Bourboule;  Lioran,  Florac);  des  Basses-Alpes;  de 
l'Isère;  des  Alpes-Maritimes;  de  Vaucluse  (Mont  Ventoux)  ;  des 
Hautes-Pyrénées;  des  Pyrénées-Orientales;  d'Espagne  (Zumar- 
raga,  Alsasua,  Puerto-de-Pajares)  et  de  diverses  localités  de  Suisse. 

Il  me  semble  que  les  Stygne  françaises,  à  part  la  race  de  Vernet- 
les-Bains,  diffèrent  peu  entre  elles.  Les  exemplaires  normaux  des 
Basses-Alpes  se  distinguent  à  peine  de  ceux  des  Hautes-Pyrénées 
ou  de  la  Lozère;  mais  dans  les  Pyrénées-Orientales,  Stygne  a  un 
faciès  spécial,  tout  à  fait  analogue  à  celui  de  la  Stygne  dejûrensis, 
Chapman. 

Les  Entomologistes  connaissent  l'intéressante  étude  que  le 
D""  Thomas  A.  Chapman  a  publiée,  avec  de  belles  Planches,  dans 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPAREE  297 

les  Transactions  of  the  entoinological  Society  of  London,  1905, 
sous  le  titre  :  On  Erebia  palarica,  n.  s  p.  and  Erebia  Stygne;  chiefly 
in  regard  to  its  association  luith  E.  Evias,  in  S  pain  (p.  9-35; 
PI.  II,  III,  IV,  V,  VI). 

Si  je  compare  les  Stygne  de  Vernet-les-Bains  aux  figures  repré- 
sentant la  Stygne,  de  Bejar)  n^'Mo,  1 1  et  12  de  la  PI.  III).  je  trouve 
en  effet  que  la  race  de  Vernet-les-Bains  peut  être  identifiée  à  celle 
de  Bejar  et  s'appeler  comme  elle  :  Bejarensis.  La  taille  de  la  Stygne 
de  Vernet-les-Bains  est  grande;  la  fascie  rouge  est  très  développée 
chez  le  cf,  qui  a  généralement  3  ou  4  ocelles  noirs  pupilles  de  blanc 
aux  ailes  supérieures,  comme  aux  inférieures;  la  Q  a  souvent 
5  ocelles  noirs  pupilles  de  blanc  sur  chacune  des  4  ailes;  la  fascie 
fauve  est  très  largement  développée  et,  le  plus  souvent,  elle  est 
plutôt  rougeâtre  que  jaunâtre. 

Quant  à  la  race  de  Stygne  des  Hautes-Pyrénées  (Cauterets  et 
Gavarnie),  elle  est  beaucoup  plus  sombre  que  la  race  des  Pyrénées- 
Orientales,  dont  elle  diffère  notablement,  et  si  on  ne  peut  lui 
appliquer  la  désignation  :  pyrenaica,  Ruehl  :  7mniis  rnfo-signata, 
c'est  simplement  parce  que  la  race  des  Hautes-Pyrénées  n'étant 
point  différente  de  celle  des  Alpes  française's  et  des  Cévennes,  il 
n'y  a  pas  lieu  de  la  distinguer. 

Dans  le  nord  de  l'Espagne,  à  Zumarraga  et  à  Alsasua,  mon 
frère  a  trouvé,  en  juin  187g,  une  race  au  moins  aussi  sombre  que 
celle  des  Hautes-Pyrénées,  mais  ne  pouvant,  me  semble-t-il,  en  être 
différenciée. 

Je  dois  à  l'obligeance  de  M.  le  D""  Chapman  4  exemplaires  de 
Stygne  cT  et  g  de  Puerto-Pajares;  ils  sont  bien  conformes  à  ceux 
figurés  sous  les  n°^  5,  6,  7  et  8  de  la  PI.  II,  dans  les  Transactions 
précitées,  et  ils  pourraient  être  considérés  comme  intermédiaires 
entre  bejarensis  et  la  normale  Stygne. 

Cependant  mon  frère  a  trouvé  à  Gavarnie,  à  l'entrée  du  Cirque, 
les  deux  sexes  d'une  variété  de  Stygne  qui  est  représentée  sous 
les  n"'  130  et  134  de  la  PI.  XXV  du  présent  ouvrage.  Cette  variété 
se  distingue  par  la  réduction  du  nombre  des  ocelles  noirs  dans  la 
fascie  rouge  et  leur  rapprochement  relatif  du  bord  marginal  des 


298  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

ailes.  Il  y  a  donc  dans  cette  variété  que  j'ai  appelée  :  Gavarnica, 
outre  la  diminution  de  la  quantité  ordinaire  des  ocelles,  ce  qui 
pourrait  être  considéré  comme  un  accident  ordinaire,  un  dépla- 
cement notable  des  taches  qui  subsistent  sur  les  ailes,  d'où  résulte 
une  modification  plus  sérieuse. 

Jusqu'à  présent  la  vulgarité  de  VErebia  Siygne  a  peut-être  été 
cause  que  la  chasse  en  a  été  trop  négligée  partout.  Sollicité  par 
d'autres  espèces  qu'il  juge  plus  intéressantes,  l'Entomologiste- 
chasseur  dédaigne  facilement  de  consacrer  à  la  capture  de  VErebia 
Stygne  un  temps  qu'il  pense  plus  utilement  employer;  d'autant 
plus  que  les  Erebia  sont  des  papillons  toujours  délicats,  faciles  à 
gâter,  et  qu'il  faut  des  soins  attentifs  pour  les  récolter  sans  leur 
causer  le  moindre  dommage. 

Je  compte  cependant,  à  la  prochaine  occasion,  m'intéresser  plus 
particulièrement  aux  Erebia  Stygne  pyrénéennes,  en  vue  surtout 
de  réunir  des  documents  plus  nombreux  et  susceptibles  de  plus 
amplement  faire  connaître  gavarnica,  dont  je  possède  pourtant 
le  cf  et  la  Q. 

M.  Wullschlegel  a  pris  aux  environs  de  Martigny,  en  Valais, 
un  superbe  cf  de  Stygne\  il  est  plus  grand  que  les  exemplaires 
normaux  de  l'espèce;  surtout  il  est  plus  foncé;  il  paraît  avoir  les 
ailes  d'un  noir  profond  avec  un  beau  reflet,  comme  Lefebvrci;  aux 
ailes  supérieures,  en  dessus,  il  y  a  5  taches  noires  ocellées,  pupillées 
de  blanc,  et  autant  aux  inférieures.  La  fascie  rouge  est  réduite  à 
quelques  faibles  maculatures  du  côté  interne  des  ocelles  et  aux 
supérieures  seulement.  Le  dessous  est  d'un  noir  profond,  mais 
mate;  la  fascie  rouge,  toujours  limitée  au  côté  intérieur  des  ocelles, 
est  pourtant  plus  développée  qu'en  dessus.  Ce  beau  papillon,  par- 
faitement frais  et  intact,  a  été  pris  en  1907;  c'est  sans  doute  la 
var.  valesiaca,  Elwes. 

La  Stygne  éclôt  en  juin  et  vole  jusqu'en  août;  elle  se  trouve 
depuis  les  basses  altitudes  jusqu'aux  grandes  hauteurs,  et  dans 
les  Hautes-Pyrénées,  au  cirque  de  Gavarnie,  il  est  fréquent  de 
saisir  une  Stygne  à  la  place  d'une  Lefebvret,  avec  laquelle  elle 
cohabite  dans  cette  localité  élevée. 


LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE  29g 

Erebia  Lefebvrei,   Dup.  Bdv. 

J'ai  publié  dans  la  X^IIF  livraison  des  Etudes  d'Entomologie, 
aux  pages  19  à  23,  une  notice  sur  \ Erebia  Lefebz'rci  et  ses  diverses 
races  pyrénéennes.  Mon  opinion  ne  s'est"  pas  modifiée  depuis  1883 
et  je  ne  puis  qu'inviter  le  lecteur  à  se  reporter  à  l'ouvrage  en  ques- 
tion. Il  me  semble  que  ce  que  j'ai  écrit  à  cette  époque  est  encore 
exact  aujourd'hui. 

Je  pense  que  la  Lefebvrei,  typique,  des  Hautes-Pyrénées,  peut 
être  rattachée,  comme  forme  géographique,  à  Mêlas,  de  Grèce  et 
de  Hongrie,  ainsi  que  pyrenœa,  des  Pyrénées-Orientales;  inter- 
jiiedia,  des  montagnes  du  Cambrés  d'Ase,  et  astnr,  des  Picos-de- 
Europa. 

Ce  sont  actuellement  les  4  formes  pyrénéennes  connues  d'une 
Erebia  que  l'on  peut  considérer,  me  semble-t-il,  comme  faisant 
partie  des  races  de  Mêlas,  à  moins  qu'on  ne  les  érige  en  espèces 
séparées,  suivant  l'importance  qu'on  juge  à  propos  d'attribuer  aux 
caractères  distinctifs  de  chacune  d'elles. 

Astnr  vole  sur  des  pentes  gazonnées  et  les  éboulis  de  rochers, 
depuis  1,900  mètres  jusqu'aux  derniers  sommets  des  Picos.  Pyre- 
nœa se  trouve  sur  la  mer  de  pierres  qui  couvre  le  flanc  occidental 
du  Canigou  et  sur  les  pentes  les  plus  élevées  de  Pla-Guilhem,  dans 
les  Pyrénées-Orientales.  Interniedia  a  été  trouvée  sur  les  crêtes 
rocheuses  et  les  pentes-  du  Cambrés  d'Ase,  en  face  de  Mont-Louis, 
ainsi  que  dans  les  petits  cirques  qu'on  rencontre  dans  ce  massif 
montagneux  et  qui  forment  comme  un  fond  d'entonnoir,  généra- 
lement couverts  de  gazon  ras,  avec  quelques  flaques  d'eau.  Quant 
à  Lefebvrei,  je  l'ai  observée  en  montant  à  l'observatoire  du  Pic  du 
Midi;  à  Gavarnie,  dans  le  cirque  et  sur  les  pentes  pierreuses  ou 
gazonnées  qui  l'approchent,  et  en  allant  aux  Oulettes  du  Vigne- 
male.  Mon  frère  l'a  prise  au  Mont  Monné. 

Nul  ne  connaît  les  Erebia  Lefebvrei  qui  doivent  habiter  les 
hauts  sommets  restés  jusqu'ici  inexplorés  par  les  Entomologistes, 
dans  l'Andorre,  dans  l'Ariège,  dans  la  El aute- Garonne  et  dans 
presque  toutes  les  Pyrénées  espagnoles. 


300  LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE 

Il  n'est  pas  téméraire  de  penser  qu'il  existe  sans  doute,  çà  et  là, 
des  formes  encore  insoupçonnées  de  VErcbia  Lcfebi<reï,  depuis  le 
Canigou,  sur  le  versant  méditerranéen,  jusqu'au  cap  Finistère,  vers 
l'Atlantique.  Malheureusement,  nous  ne  pouvons  pas  prétendre  à 
une  connaissance  approfondie  de  la  faune  entomologique  pyré- 
néenne, et  à  part  quelques  vallées  fréquentées  par  les  touristes  et 
dont  les  productions  naturelles  ont  été  assez  superficiellement 
étudiées,  la  plus  grande  partie  de  la  chaîne  reste  complètement 
ignorée. 

Il  est  vrai  que  la  chasse  aux  papillons  n'est  pas  très  aisée  dans 
les  grandes  hauteurs.  Généralement,  en  été,  le  temps  est  inconstant 
dans  les  régions  élevées  des  Pyrénées  et  les  orages  y  sont  fréquents. 
Combien  de  fois  me  suis-je  mis  en  route  avec  un  ciel  pur,  aux 
premières  lueurs  du  matin,  et  ai-je  vu  les  nuages  s'amonceler  sur 
les  sommets,  avant  même  d'avoir  pu  parvenir  aux  altitudes  que 
j'ambitionnais  d'atteindre  !  D'autre  part,  la  capture  de  VErcbia 
Lefebvrci  est  souvent  difficile,  à  cause  des  lieux  qu'elle  habite,  et 
la  poursuite  en  est  dangereuse  au  milieu  des  éboulis  de  pierre^s 
tranchantes  et  de  roches  chancelantes  sur  lesquelles  il  faudrait 
pouvoir  courir. 

Dans  ces  conditions,  il  n'est  pas  étonnant  que  bien  des  obscurités 
subsistent  relativement  à  l'histoire  d'une  espèce  semblant  poly- 
morphe, à  moins  peut-être  que  nous  ne  nous  trouvions  en  présence 
d'une  série  d'espèces  distinctes,  cantonnées,  chacune,  dans  un  massif 
montagneux  spécial,  ce  qui  pourrait  bien  être  définitivement  la 
vérité. 

En  réalité,  VErebia  Lefebi'rei  est  encore  relativement  fort  peu 
connue.  Le  nombre  des  exemplaires  renfermés  dans  les  collections 
ne  doit  pas  être  très  considérable,  car,  en  ce  qui  me  concerne,  ayant 
depuis  47  ans  maintes  fois  chassé  Lefebvrei  dans  les  Pyrénées, 
m'étant  trouvé  favorisé  de  dons  très  généreux  de  mon  ami  Rondou, 
faisant  entrer  en  ligne  de  compte  les  séries  d'exemplaires  que 
contenaient  les  collections  françaises  Boisduval,  Guenée,  de  Graslin 
et  Bellier,  je  n'ai  pu  réunir  jusqu'à  présent  plus  de  175  individus 
provenant  des  diverses  localités  pyrénéennes. 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE  30I 

C'est  que  Lefebvrei,  qui  est  une  Erebïa  noble  et  distinguée  entre 
toutes  les  autres,  affectionne  les  hautes  altitudes  et  ne  descend 
jamais  des  sites  élevés  qui  lui  sont  chers.  On  ne  la  rencontre  guère 
avant  d'avoir  atteint  1,700  mètres;  mais  il  faut  arriver  à  des  hau- 
teurs plus  grandes  pour  se  trouver  dans  la  véritable  zone  de  cette 
remarquable  espèce. 

Elle  vole  assez  près  du  sol,  mais  rapidement  et  en  ligne  droite, 
au  milieu  des  raillères  qui  s'étendent,  la  plupart  du  temps,  en  pente 
très  raide,  sur  le  flanc  des  montagnes.  Il  y  a  des  localités  où  la 
chasse  est  moins  difficile,  par  exemple  en  montant  à  l'observatoire 
du  Pic  du  Mi)di;  mais  au-dessus  du  lac  de  Gaube,  où  cependant 
VErebia  Lefebvrei  m'a  paru  superbe,  la  capture  n'en  est  pas  aisée. 

Lorsqu'on  a  traversé  le  lac  et  qu'on  approche  de  la  cascade 
d'Espumouze,  en  montant  vers  le  Vignemale  dont  la  masse  impo- 
sante barre  et  termine  la  haute  vallée,  étant  sur  le  sentier  que  suivent 
les  chevaux  et  les  mulets  et  ayant  à  droite  le  torrent  dont  les  eaux 
tumultueuses  roulent  au  fond  du  ravin,  on  aperçoit  à  gauche, 
beaucoup  plus  haut,  là  où  finit  la  pente  gazonnée  parsemée  de 
rochers  et  de  touffes  de  rhododendrons,  chère  à  la  Zygœna 
Anthyllïdïs,  de  vastes  éboulis  ,de  pierres  qui  semblent  avoir  été 
détachés  des  sommets  et  avoir  roulé  depuis  la  crête,  formant  ainsi 
sur  le  flanc  des  pics  qui,  du  côté  de  l'Orient,  limitent  la  vallée, 
une  traîne  de  roches  et  de  débris  pierreux. 

C'est  en  de  tels  lieux  que  se  plaît  VErebia  Lefebvrei,  et  lorsque 
le  soleil  brille,  elle  y  est  pleine  d'activité.  Tantôt  elle  remonte  et 
tantôt  elle  descend  les  pentes  pierreuses,  dans  un  vol  raide  et 
soutenu.  Il  m'est  arrivé  de  m'établir  dans  un  poste  d'observation, 
posant  les  pieds  sur  quelque  roche  où  je  pouvais  me  maintenir  en 
équilibre.  De  là  je  suivais  des  yeux  les  noires  Lefebvrei  voltigeant 
au-dessus  de  la  mer  de  pierres;  mais  trop  rarement  à  mon  gré,  je 
me  trouvais  dans  une  circonstance  favorable  à  leur  capture. 

De  plus,  il  est  indispensable  que  le  temps  soit  calme  et  que  le 
soleil  brille  au  firmament  pour  que  Lefebvrei  voltige.  Si  un  nuage 
vient,  pour  un  moment,  à  voiler  les  rayons  solaires,  VErebia  dis- 
paraît immédiatement,  semblant  avoir  été  l'objet  d'une  suppression 


302  LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE 

brusque.  L'arrêt  est  subit  et  il  faut  que  le  soleil  éclaire  de  nouveau 
la  montagne  pour  que  Ltfebvrei  sorte  du  chaos  rocheux  où  elle 
s'est  si  rapidement  cachée  et  comme  enfouie. 

Aussi,  comparativement  à  la  quantité  des  Erebïa  qu'on  voit 
voler,  ne  réussit-on  guère,  même  avec  un  temps  favorable,  à  saisir 
une  bonne  quantité  d'exemplaires.  Mais  quel  charme,  lorsqu'on  a 
été  assez  heureux  pour  capturer  un  échantillon  bien  frais  et  bien 
pur  et  qu'on  le  voit  encore  paré  du  magnifique  reflet  vert  d'or  qui 
se  joue  sur  le  noir  profond  des  ailes  ! 

Malheureusement  ce  reflet  mordoré  est  bien  peu  durable  et  il 
s'affaiblit  aussitôt  après  la  mort  du  papillon.  J'aime  à  évoquer  ce 
souvenir  qui  s'est  fidèlement  fixé  dans  mes  yeux. 

Sur  la  mer  de  pierres  qui  s'étend  au-dessous  de  la  cheminée  du 
Canigou,  j'ai  quelquefois  fait  rouler  des  roches  qui  dérangeaient 
les  Erebia  pyrenœa  dans  leur  repos.  Elles  montaient  alors  le  plus 
souvent  droit,  le  long  du  flanc  de  la  montagne,  et  c'était  quelquefois 
une  occasion  de  les  saisir,  si  elles  passaient  à  portée  du  filet. 

Pour  les  amateurs  de  sport,  feu  Leech  recommandait  la  chasse 
au  Parnassius  Charltonius  dans  le  nord-ouest  Himalaya;  sans 
proposer  un  si  lointain  voyage,  je  signale  la  chasse  à  VErebia 
Lefebvrei  dans  les  Pyrénées. 


Erebia  glacialis,  Esper. 

La  figure  publiée  par  Esper  est  très  grossière;  on  peut  cependant 
reconnaître  sous  le  n°  2  de  la  PI.  CXVI  VErebia  glacialis  cf  avec 
les  f  ascies  rouges  sur  le  dessus  des  ailes.  Esper  dit  (p.  1 1 7)  que 
M.  Wallner  trouva,  il  y  a  quatre  ans  (c'est-à-dire  probablement 
vers  1795),  cet  unique  papillon  sur  le  sommet  méridional  d'un 
glacier  à  Chamounix,  à  quelques  heures  de  Genève.  Il  y  a  assu- 
rément tout  autour  de  Chamounix  bien  des  montagnes  où  VErebia 
glacialis  trouve  les  conditions  nécessaires  à  son  existence.  Je  n'ai 
cependant  jamais  observé  glacialis  à  Chamouny;  mais  j'ai  pris 
plusieurs  fois  la  forme  à  fascies  rouges  au  Gornergrat,  au-dessus 


LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE  303 


de  Zermatt,  par  3,000  mètres  d'altitude  environ,  et  je  me  souviens 
qu'un  jour,  ayant  capturé  un  exemplaire  qui  voltigeait  près  d'un 
mur  de  neige,  j'enlevai  avec  le  fer  de  mon  filet  une  tranche  de 
cette  neige  sous  laquelle  le  papillon  se  trouva  comme  enseveli.  Au 
Gornergrat,  à  ma  connaissance,  on  ne  rencontre  que  glacialis  à 
fascies  rouges,  mais  pas  la  forme  entièrement  noire. 

UErebia  glacialis  fréquente  exclusivement  les  hautes  altitudes 
alpestres  et  c'est  dans  les  rochers  et  les  pierres,  à  côté  des  neiges 
éternelles,  vers  2,800  à  3,000  mètres  d'altitude,  qu'on  a  chance  de 
la  rencontrer,  du  commencement  de  juillet  aux  premiers  jours 
d'août. 

La  forme  que  presque  tous  les  auteurs  ont  figurée  est  celle  dont 
le  cf  est  entièrement  noir  en  dessus,  sans  trace  de  fascie  rouge,  ni 
de  points  ocellés.  En  dessous,  les  ailes  supérieures  du  cf  sont 
souvent  entièrement  noires,  mais  avec  une  éclaircie  aux  supérieures, 
le  long  du  bord  marginal.  Quelquefois  on  voit  une  trace  de  fascie 
rougeâtre  dans  cette  éclaircie  submarginale.  La  Q  est  également 
noire  en  dessus,  également  sans  ocelles,  avec  ou  sans  traces  rouges; 
mais  le  dessous  des  ailes  supérieures  est  largement  lavé  de 
rougeâtre. 

C'est  cette  forme  cf  entièrement  noire  en  dessus,  avec  quelques 
traces  rougeâtres  sur  les  supérieures  en  dessous,  que  Huebner  a 
figurée  sous  les  n°'  528  et  529,  avec  le  nom  à'Alecto.  Boisduval, 
dans  l'Icones,  a  figuré,  d'après  des  exemplaires  qu'il  avait  pris  en 
1825,  au  sommet  du  Galibier,  également  avec  le  nom  d'Alec^o, 
sous  les  n°'  4  et  5  de  la  PI.  32,  un  cf  tout  noir  en  dessus  comme 
en  dessous,  et  sous  les  n°'  6  et  7,  une  Q  ayant  en  dessus  des  traces 
de  rouge  et  le  dessous  des  ailes  supérieures  entièrement  lavé  de 
rouge. 

Lang  figure  sur  la  PI.  LXI,  avec  le  nom  de  glacialis,  sous  les 
n"'  2,  2,  le  dessus  et  le  dessous  de  la  forme  dont  les  ailes  supé- 
rieures du  d*  présentent  une  fascie  rouge,  et  sous  les  n""  3,  3,  le 
dessus  et  le  dessous  de  la  forme  cf  entièrement  noirs.  Lang  ne 
figure  pas  la   Q. 


3Û4  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

Herrich-Schaeffer  figure  sous  les  n°'  173  et  174  la  Q  Alecto 
ayant  du  rouge  sur  le  dessus  des  ailes.  Telle  est,  en  effet,  la  Q 
normale  dans  les  Alpes  de  Suisse;  mais  il  y  a  dans  les  Alpes 
françaises  une  petite  forme  dont  la  Q  a  le  dessous  des  ailes  infé- 
rieures comme  doré  ou  argenté,  surtout  dans  l'espace  qui  longe  le 
bord  marginal,  c'est  la  race  que  j'ai  appelée  Ditponcheli  {Bulletin 
Soc.  eut.  France,  1897,  p.  290-292).  Le  cf  Diiponcheli  est  plus  petit 
que  le  cf  de  glacialis  Alecto,  de  Suisse.  La  Q  est  bien  figurée  par 
Duponchel,  sous  les  n°'  3  et  4  de  la  PI.  XXXVIII.  Cette  race 
géographique  très  spéciale  se  trouve  dans  les  Basses-Alpes,  au  Col 
de  Lure,  au  mont  Pelât,  à  Enchastrayes,  au  Cheval-Blanc  et  aussi 
dans  les  Alpes-Maritimes.  Je  prie  le  lecteur  de  se  reporter  à  la 
notice  que  j'ai  écrite  au  sujet  de  VErebia  Duponcheli.  Je  ne  pourrais 
que  répéter  ici  ce  que  j'ai  déjà  publié  à  cet  égard.  UErebia  Dupon- 
cheli n'est  pas  rare  dans  les  localités  qu'elle  habite;  mais  comme 
ces  montagnes  sont  peu  visitées  et  qu'il  faut,  pour  parvenir  aux 
sommets,  s'exposer  à  une  assez  grande  fatigue,  la  Duponcheli  est, 
en  définitive,  très  peu  fréquemment  récoltée.  Ma  collection  en  con- 
tient cependant  une  série  de  plus  de  250  exemplaires  d'une  remar- 
quable conservation.  Le  dessous  de  la  Q  est  absolument  carac- 
téristique. 

Toutes  les  glacialis  de  Suisse,  de  Savoie,  des  Basses-Alpes  que 
je  viens  d'énumérer  sont  dépourvues  de  taches  ocellées.  Huebner 
figure  avec  le  nom  d' Alecto,  sous  les  n°^  515  à  516,  une  g  très 
ocellée  qui  peut,  paraît-il,  se  rapporter  à  VErebia  de  Campiglio 
décrite  par  moi  sous  le  nom  de  Nicholli. 

M.  Calberla  a  consacré  une  étude  assez  longue  à  VErebia 
Nicholli  dans  Vins,  n°  IX,  de  1896,  sous  le  titre  :  Ueber  Erebia 
glacialis,  Esper,  insbesondere  var.  Alecto  Hb.  und  Mêlas  Hbst. 
Je  crois  que  Nicholli  est  une  espèce  spéciale  et  c'est  ainsi  que  je 
la  considère  aujourd'hui.  M.  Calberla  attache  aux  genitalia  une 
importance  que  je  ne  conteste  pas;  mais  je  prétends  que  ce  caractère 
n'est  pas  absolument  invariable  dans  la  même  espèce,  et  il  faut 
bien  reconnaître  que  l'observation  en  est  délicate  et  peut  donner 
lieu  à  des  erreurs.  D'autre  part,  des  espèces  très  différentes  par  des 


LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE  305 

caractères  autres,  peuvent  présenter  des  genitalia  très  analogues  et 
il  n'y  a  pas  lieu  de  les  réunir  en  une  seule  espèce  pour  cela.  Il  me 
semble  que  Nicholli  ne  peut  être  spécifiquement  identifiée  à  gla- 
cialis.  Son  aspect  extérieur  la  rapproche  davantage  de  Mclas,  dont 
il  paraît  que  ses  genitalia  la  séparent.  Dès  lors  Nicholli  ne  peut 
être,  suivant  mon  opinion,  qu'une  unité  spécifique  distincte. 

Il  y  a  lieu  de  se  rendre  compte  que  les  genitalia  sont  un  des 
caractères  distinctifs  pour  l'Espèce,  mais  non  pas  un  caractère 
tellement  absolu  qu'il  dispense  de  considérer  les  autres  caractères. 
Ceux-ci  conservent  toute  leur  valeur.  D'ailleurs,  des  espèces  très 
différentes  entre  elles  peuvent,  comme  je  l'énonçais  plus  haut,  avoir 
des  genitalia  analogues  ou  supposés  tels.  Faudrait-il  donc  réunir 
sous  un  même  vocable  toutes  les  espèces  dont  les  genitalia  se  res- 
semblent? Ce  serait  aboutir  à  l'absurde. 

Glacialis  ne  se  trouve  point  dans  les  Pyrénées.  M.  de  Caradja, 
qui  l'indique  dans  le  Beitrag  zur  Kenntniss  der  Grossschmetterlinge 
des  Département  de  la  Haute-Garonne  {Iris,  VI,  p.  160-240),  n'a 
jamais  vu  glacialis  vivant  sur  les  montagnes  pyrénéennes. 

Son  texte  indique  d'ailleurs  une  supposition,  non  une  affirmation. 
Je  le  copie  textuellement  (p.  183)  -.  a  Er.  ab.  Alecto,  Hb.  Ende 
Juli.  Soll  auf  den  Bergen  bei  Luchon  P.  d'Autecade  etc.  vorkom- 
men.  Zone  III  ».  Il  convient  tout  d'abord  de  remarquer  qu'il  s'agit 
non  pas  d' Alecto  tout  simplement,  mais  d'une  aberration  d'Alecto, 
Huebner.  Quelle  est  cette  aberration  ?  Serait-ce  celle  avec  des  points 
ocellés  figurée  par  Huebner  sous  les  n°'  515  et  516?  L'affaire  eilt 
valu  la  peine  d'être  expliquée;  mais  ce  qui  est  plus  grave,  l'auteur 
ne  dit  pas  :  fai  trouvé,  ce  qui  serait  décisif;  il  dit  :  doit  se  trouver 
sur  les  montagnes  près  Luchon,  etc.  Il  n'y  a  donc  aucune  certitude 
et  seulement  une  présomption.  Je  suis  convaincu  que  VErebia  Alecto 
ne  se  rencontre  pas  plus  dans  la  Haute-Garonne  que  la  Colias 
Palœno.  M.  de  Caradja  a  écrit  son  ouvrage  en  s'aidant  partiel- 
lement des  documents  que  contenait  la  collection  :d'Aubuisson.  Or, 
cette  collection  n'était  point  conçue  d'après  les  exigences  scienti- 
fiques actuelles  et  les  papillons  n'avaient  généralement  point  d'éti- 
quette de  localité.  Lorsque  M.  d'Aubuisson  fut  décédé,  un  natu- 

20 


3o6  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

raliste  de  Toulouse,  chargé  de  vendre  sa  collection,  m'en  fit  l'offre. 
Je  demandai  si  les  papillons  de  la  collection  d'Aubuisson  étaient, 
ou  non,  pourvus  d'étiquettes  sur  lesquelles  se  trouvaient  inscrites 
les  indications  de  lieu  et  de  date  de  capture.  La  réponse  fut  néga- 
tive. Dès  lors  la  collection  d'Aubuisson  était  à  mes  yeux  dépourvue 
de  tout  intérêt  et  je  n'en  devins  point  l'acquéreur.  Tout  porte  à 
croire  que  M.  de  Caradja  aura  inscrit  Alecto  dans  son  Catalogue, 
comme  il  a  inscrit  Palœno,  d'après  une  affirmation  de  M.  d'Au- 
buisson qui  aura  fait  une  confusion  et  donné  un  renseignement 
faux. 

Mon  frère,  qui  prend  un  vif  intérêt  à  la  connaissance  de  la 
faune  lépidoptérologique  des  Pyrénées,  a  voulu  savoir  à  quoi  s'en 
tenir  sur  la  présence  réelle  de  Palœno  dans  les  Pyrénées  et  il  a 
posé  la  question  à  M.  de  Caradja.  Celui-ci,  avec  une  bonne  grâce 
et  une  courtoisie  parfaites,  a  bien  voulu  répondre,  à  la  date  du 
2  février  1909,  que  lui-même  n'a  jamais  pu  chasser  dans  les  Pyré- 
nées à  l'époque  où  M.  d'Aubuisson  disait  avoir  rencontré  Palœno; 
que,  cependant,  il  possède  une  Palœno  Enropomene  provenant  des 
environs  de  Luchon  d'où  M.  d'Aubuisson  l'a  apportée  non  préparée 
à  Toulouse,  à  l'époque  où  M.  de  Caradja  y  poursuivait  ses  études 
de  droit. 

C'est  donc  le  seul  témoignage  de  M.  d'Aubuisson  qui  subsiste 
définitivement.  Je  ne  songe  nullement  à  contester  la  valeur  du 
témoignage  de  M.  d'Aubuisson.  M.  de  Caradja  rend  d'ailleurs 
hommage  à  sa  scrupuleuse  probité;  mais  on  m'excusera  de  dire 
encore  une  fois  combien  l'expérience  m'a  appris  à  me  défier  des 
catalogues  locaux  et  des  renseignements  non  contrôlés.  Souvent, 
en  effet,  pour  allonger  la  liste,  on  y  fait  figurer  des  noms  d'espèces 
qui  n'ont  pas  été  authentiquement  récoltées  dans  le  pays;  ou  bien, 
avec  la  meilleure  foi  du  monde,  on  commet  des  erreurs  considé- 
rables de  détermination. 

Si  M.  de  Caradja  disait  :  J'ai  pris  moi-même  Palœno  et  Alecto 
dans  les  montagnes  de  la  Haute-Garonne,  je  m'inclinerais  devant 
son  affirmation;  mais  il  n'a  ni  pris  ni  vu  ces  espèces  vivantes.  Dès 
lors,  je  crois  devoir  attendre  une  confirmation  pour  admettre  que 


LEPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE  3©; 

ces  deux  Rliopalocères  soient  comptés  parmi  ceux  qui  habitent  les 
Pyrénées;  provisoirement  donc,  je  les  considère  comme  n'y  existant 
point. 

Surtout,  en  ce  qui  concerne  l'existence  d'Alcc/o  dans  les  Pyrénées, 
je  demeure  tout  à  fait  incrédule. 


Erebia  Evias,  Godart. 

A  été  bien  figurée  par  Boisduval  dans  VI cônes  (PL  31; 
Cf,  fig.  4,  5;  Q,  fig.  3)  et  par  Duponchel  (Suppl.,  PI.  XXXVII; 
fig.  I,  2).  Huebner  l'a  également  figurée  avec  le  nom  de  Bonellii, 
sous  les  n°'  892,  893,  894  et  895.  UErebia  Evias  habite  les  Alpes 
du  Valais,  de  France  et  du  Piémont;  les  Pyrénées;  le  nord  et  le 
centre  de  l'Espagne;  elle  varie  beaucoup  de  taille  et  d'aspect; 
mais  le  dessous  de  ses  ailes  inférieures,  quoique  variant  considé- 
rablement lui-même,  caractérise  l'espèce  d'une  façon  bien  certaine. 
Evias  éclôt  de  très  bonne  heure;  ma  collection  contient  plusieurs 
centaines  d'exemplaires  pris  aux  environs  de  Digne  en  juin  et 
même  en  mai.  Dans  les  Pyrénées,  les  Evias  qu'on  voit  voler  en 
juillet  sont  le  plus  souvent  absolument  déflorés.  Cependant  j'ai 
pris  un  cf  encore  frais  à  Gavarnie  le  27  juin  1893,  et  j'ai  capturé 
4  exemplaires  fraîchement  éclos,  au  commencement  de  juillet  1908, 
à  plus  de  1,800  mètres  d'altitude,  au  delà  du  lac  de  G  aube;  mais, 
ensuite,  je  n'ai  plus  observé  un  seul  échantillon  d'Evias.  L'espèce 
était  définitivement  passée. 

Staudinger  énumère,  dans  le  Catalog  1901,  2  variétés  :  1°  pyre- 
naica  :  minor,  ocellis  fasciaqtie  fnlva  minoribus,  alis  fosticis  subt. 
in  cf  magis  variegatis;  Pyr.  c  (Sum.  Pyr.). 

2"  hispanica,  Zapater  :  tninor,  alis  aniicis  fascia  fulvo-ochracea, 
supra  dilatata,  ocellis  minoribus,  alis  posticis  subtus  magis  unico- 
loribus;  Aragon. 

De  son  côté,  le  D""  Chapman  figure  dans  les  Transactions  of  the 
entomologie.  Soc.  of  London,  1905,  Evias  hispanica,  sous  les  n°'  9 
et  10  de  la  PI.  II  et  sous  les  n°^  5  et  6  de  la  PI.  III. 


3o8  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

Il  y  a  dans  les  Pyrénées-Orientales  et  dans  les  Hautes-Pyrénées 
des  échantillons  d'Evias  tout  à  fait  semblables  aux  figures  d'Evias 
hispanica  publiées  par  le  D''  Chapman;  je  possède  2  cf  pris  par 
mon  frère,  en  juin  1879,  entre  Alsasua  et  Zumarraga;  ils  ne  dif- 
fèrent pas  de  certains  exemplaires  des  Hautes-Pyrénées  et  corres- 
pondent bien  aux  figures  d'Evias  hispanica.  A  mon  sens,  pyrenaica 
et  hispanica  s'entremêlent  et  se  confondent  de  façon  que  la  dis- 
tinction est  bien  difficile  à  établir,  non  seulement  comme  race 
géographique  entre  elles,  mais  même  à  titre  individuel.  J'ai  sous 
les  yeux  75  Evias  provenant  des  Pyrénées  françaises  et  espagnoles; 
si  je  les  compare  à  une  boîte  contenant  exactement  1 16  Evias  de 
Digne,  il  est  évident  que  les  Evias  provenant  des  Pyrénées  diffèrent 
dans  leur  ensemble  de  ceux  des  Basses-Alpes;  mais  si  j'examine 
individuellement  les  Envias  des  Pyrénées  et  si  je  compare  les  échan- 
tillons entre  eux,  je  constate  non  seulement  de  très  petits  exem- 
plaires et  de  très  grands,  mais  encore  une  variabilité  notable  dans 
le  nombre  et  la  dimension  des  ocelles  noirs  pupilles  de  blanc,  dans 
l'étendue  et  dans  la  coloration  de  la  fascie  fauve,  comme  dans  la 
teinte  plus  ou  moins  obscure  du  fond  des  ailes  inférieures,  en 
dessous. 

La  seule  race  géographique  qui  me  paraît  spéciale  est  celle  de 
la  Granja,  si  toutefois  je  puis  la  juger  d'après  seulement  5  cf  et 
2  Q  pris  par  mon  frère  du  15  au  19  juin  1880;  j'ajoute  à  ces 
7  exemplaires  un  cT  bien  conforme  de  la  coll.  de  Graslin,  étiqueté  : 
«  de  Madrid;  Graells  ».  Ces  Evias  sont  grandes;  la  fascie  rou- 
geâtre  est  large  et  comme  échancrée  intérieurement,  immédiatement 
au-dessous  du  3''  ocelle  noir;  le  dessous  des  ailes  inférieures  dans 
les  deux  sexes  est  extrêmement  sombre.  Cette  forme  de  la  Granja 
ne  me  paraît  pas  référable  à  Penalarœ  Poult.  dont  je  crois  que  le 
D''  Chapman  publie  la  photographie  sous  le  n°  5  de  la  PI.  IV  des 
Transact.  of  London,  1905.  Je  pense  donc  pouvoir  sans  témérité 
créer  pour  cette  race  le  nom  local  :  Granjana. 

Je  possède  du  Valais,  oij  la  forme  d' Evias  est  fort  belle,  grande, 
vivement  colorée  en  dessus,  très  foncée  en  dessous,  une  Aberration 
cœca,  remarquable  par  l'absolue  disparition  de  toute  tache  ocellée 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE  309 

dans  la  fascie   rouge  des   ailes  supérieures,   tant  en   dessus   qu'en 
dessous. 

Duponchel  dit  {Siippl,  p.  236,  237)  que  VErcbia  Ei'ias  se  trouve 
aussi  dans  les  Vosges.  Je  crois  que  cette  assertion  est  erronée.  C'est 
Stygnc  qu'on  rencontre  dans  les  Vosges;  mais  je  n'ai  jamais 
entendu  dire  qu'on  y  ait  rencontré  Evias. 


Erebia  palarica,  Chapman. 

La  plus  grande  Erebia  de  l'Europe  occidentale;  découverte  en 
1902,  par  Mrs  Nicholl,  aux  Picos  de  Europa,  et  retrouvée  par 
M.  Chapman  à  Puerto  de  Pajares,  en  1904.  Je  dois  à  la  gracieuse 
obligeance  de  M.  Chapman  5  cf  et  2  Q  de  cette  magnifique  Erebia 
palarica,  et  j'invite  le  lecteur  à  se  reporter  à  l'étude  publiée  au 
sujet  de  cette  espèce,  de  Stygne  et  ^ Evias,  par  le  D''  Chapman. 
dans  les  Transactions  of  the  ent.  Soc.  of.  London,  1905.  UErebia 
palarica  est  parfaitement  reproduite  d'après  les  procédés  de  chro- 
mophototypographie,  sous  les  n°^  i,  2,  3  et  4  de  la  PI.  II  des 
Transactions,  1905. 


Erebia  Epistygne,  Iluebner. 

Eclôt  dès  la  fin  de  mars  et  le  commencement  d'avril,  aux  envi- 
rons d'Aix-en-Provence  et  de  Digne;  existe  aussi  à  Albarracin, 
d'où  me  l'a  envoyée  feu  M.  Zapater.  UErebia  Epistygne  n'a  pas 
deux  apparitions  dans  l'année,  mais  une  seule,  au  commencement 
du  printemps.  Comme  le  dit  Donzel,  «  pour  se  procurer  Epistygne 
en  bon  état,  il  faut  se  hâter.  Au  mois  d'avril,  Digne  est  encore 
entouré  de  neige;  tous  les  sommets  un  peu  élevés  en  sont  couverts; 
l'air  du  matin  est  très  mordant,  ce  qui  n'empêche  pas  à  la  végétation 
et  aux  éclosions  de  marcher  dans  le  fond  des  vallées.   » 

Epistygne,  aux  environs  de  Digne,  volait,  au  temps  de  Donzel, 
dans  une  localité  appelée  :  la  Colette,  «  vallon  rapide  et  accidenté, 
sorte  de  demi-entonnoir,  recevant  les  rayons  du  sud-est.    » 


3IO  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

UErebia  Epistygne  a  été  bien  figurée  par  liuebner,  sous  les 
n"'  855,  856,  857  et  858;  par  Boisduval,  dans  VIcones,  sous  les 
n"'  I  et  2  de  la  PI.  31,  et  par  Duponchel  {Siifp.,  PI.  37;  fig.  3,  4, 
5,  6).  C'est  une  espèce  très  reconnaissable  et  impossible  à  confondre 
avec  aucune  autre.  Elle  paraît  très  peu  variable.  Cependant  les 
taches  ocellées  noires,  pupillées  de  blanc,  des  ailes  supérieures,  sont 
tantôt  au  nombre  de  5  et  tantôt  au  nombre  de  6;  l'éclaircie  dans 
la  cellule  discoïdale  des  ailes  supérieures  est  plus  ou  moins  accen- 
tuée et  la  fascie  généralement  très  claire  des  ailes  supérieures,  en 
dessus,  peut  devenir  quelquefois  d'un  fauve  rougeâtre  un  peu  doré. 


Erebia  Scipio,  Bdv. 

Découverte  par  Donzel,  dans  les  Basses-Alpes.  Duponchel 
figure,  sous  les  n°'  5  et  6  de  la  PL  XXXVIII  du  Supplément, 
seulement  la  Q  qui  est  fort  remarquable  par  le  dessous  argenté 
de  ses  ailes  inférieures.  Boisduval,  créateur  de  l'espèce,  représente 
les  deux  sexes,  sous  les  n°^  i  à  6  de  la  PL  30,  qui  est  consacrée 
en  entier  à  la  figuration  de  VErebia  Scipio. 

Dans  la  Notice  entoniologique  sur  les  eiwirons  de  Digne, 
publiée  par  Hugues  Donzel,  de  Lyon,  en  1851,  et  à  laquelle  nous 
avons  déjà  emprunté  quelques  extraits,  l'auteur  expose  qu'il  pense 
bien  que  le  dernier  mot  a  été  dit,  quant  à  la  découverte  des  espèces 
de  Rhopalocères,  dans  les  Basses-Alpes,  lorsqu'en  1831,  il  y 
découvrit  VErebia  Scipio. 

Au  temps  de  Donzel,  il  était  possible  de  prendre  Scipio  sur  la 
route  d'Allos.  On  ne  lira  peut-être  pas  sans  intérêt  la  partie  relative 
à  VErebia  Scipio  dans  l'article  que  Donzel  consacre  au  village 
d'Allos,  qui  figure  comme  le  &,  parmi  les  localités  des  Basses-Alpes 
les  plus  utiles  à  explorer  pour  un  Entomologiste.  Les  autres  loca- 
lités recommandées  sont  :  1°  Digne  et  ses  environs;  2°  la  montagne 
de  Lure;  3°  les  Mées;  4°  les  Dourbes;  5°  Faillefeu,  et  7"  Larche. 

Je  laisse  donc  la  parole  à  Donzel,  qui  fut  un  des  plus  actifs, 
zélés  et  intrépides  chasseurs  français. 


LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE 


«  Allos  est  un  chef-lieu  de  canton,  situé  à  12  ou  14  heures  de 
marche  au  nord-est  de  Digne.  En  voyant  sur  la  carte  la  position 
de  ces  deux  points,  on  ne  se  douterait  pas  qu'ils  soient  si  éloignés 
l'un  de  l'autre;  c'est  que,  dans  ces  énormes  montagnes,  les  distances 
ne  se  mesurent  pas  comme  dans  les  plaines,  comme  dans  les  pays 
légèrement  accidentés. 

»  Si  on  ne  veut  y  faire  qu'une  exploration  superficielle,  c'est- 
à-dire  de  1 5  à  20  jours,  il  convient  de  partir  de  Digne  ,du  1 5  au 
20  juillet,  selon  que  l'année  est  plus  ou  moins  hâtive.  Le  voyage 
ne  pouvant  se  faire  qu'à  dos  de  mulet,  il  est  indispensable  d'en 
avoir  un  pour  soi  et  un  pour  le  matériel.  Il  faut  emporter  tout  ce 
dont  on  peut  avoir  besoin.  Le  lieu  offre  peu  de  ressources  de  tous 
les  genres.  Si  on  espère  être  bien  logé,  bien  nourri,  si  on  tient  au 
confortable,  il  vaut  mieux  rester  chez  soi.  Dans  ce  pays,  les  gens, 
en  moyenne,  vivent  forcément  à  raison  de  25  à  30  centimes;  on 
peut  ainsi  juger  de  la  vie  qu'ils  mènent;  la  sobriété  est  leur  vertu 
la  plus  essentielle.  Leur  nourriture  la  plus  habituelle  se  compose 
de  pain  cuit  souvent  depuis  six  mois  (*)  et,  par  conséquent,  dur 
comme  du  bois;  de  quelque  laitage  et  de  quelques  légumes  dans 
la  saison.  Le  blé  qu'ils  sèment  en  août  n'est  quelquefois  pas  récolté 
en  octobre  de  l'année  suivante.  L'habit  qu'ils  portent  en  janvier, 
ils  le  portent  en  juillet,  et,  pour  se  défendre  des  rigueurs  d'un  hiver 
qui  dure  au  moins  huit  mois,  ils  le  passent  tout  entier  renfermés 
dans  les  écuries  avec  les  bestiaux  de  toute  espèce.  C'est  le  seul 
moyen  de  se  procurer  un  peu  de  chaleur,  une  température  suppor- 
table. Le  bois  y  est  si  rare  qu'on  n'en  brûle  que  pour  apprêter  les 
aliments. 

»  Voilà  ce  qu'est  ce  pays  si  fort  comblé  des  faveurs  de  la  nature 
sous  le  rapport  de  la  Botanique  et  de  l'Entomologie,  mais  si  mal 
traité  sous  tous  les  autres. 

»  La  route  passe  par  Marcoux,  Draix,  le  col  du  Tour,  les 
sources  de  l'Asse,  le  col  de  la  Sine,  Château-Garnier,  Thorame, 
Beauvesert  (sic)  et  Col  mars. 

(*)   Il  en  est  encore  ainsi  aujourd'hui  à  la  Grave,  dans  les  Hautes-Alpes. 


312  LEPIDOPTEROLOGIE    COMPAREE 

»  Il  convient  de  partir  de  grand  matin  parce  que,  chemin  fai- 
sant, on  trouvera  de  la  besogne.  On  ira  déjeuner  à  huit  heures 
environ  à  une  lieue  plus  loin  que  Draix,  au  bas  de  la  Dent;  c'est 
là  que  le  Scipio  se  montre  à  cette  époque  en  grand  nombre,  et,  ce 
qui  n'est  pas  ordinaire,  il  peut  y  être  chassé  sans  danger  et  sans 
fatigues  excessives. 

»  En  1837,  le  22  juillet,  avec  le  secours  d'un  aide,  j'en  piquai 
au  moins  soixante  en  deux  heures;  en  chassant  toute  la  journée, 
nous  eussions  triplé  ce  nombre.  La  g  n'est  pas  commune  et  il  n'est 
pas  aisé  de  la  prendre  en  état  irréprochable. 

»  Ensuite  on  traverse  le  bois  de  Draix,  riche  localité  où  volent 
beaucoup  d'espèces  alpines.  Au  haut  se  trouve  un  beau  gîte  de 
lavandes  en  parfaite  condition  pour  chasser  la  nuit. 

»  Au  col  du  Tour,  à  1,700  mètres,  VEros  commence  à  se  montrer. 
Plus  loin  on  côtoie,  on  contourne  l'affreuse  montagne  du  Cheval- 
Blanc;  puis  on  passe  tout  à  fait  aux  sources  de  l'Asse  où  se  ren- 
contre le  Scipio,  mais  seulement  au  commencement  d'août,  à  cause 
de  l'élévation;  localité  très  scabreuse  qu'il  ne  faut  aborder  qu'avec 
la  plus  grande  réserve. 

»  On  trouve  encore  le  Scipio  au  ravin  qui  descend  sur  Château- 
Garnier;  on  peut  l'y  chasser  sans  danger...   » 

En  1897,  j'organisai  avec  le  concours  des  chasseurs  entomolo- 
gistes de  Digne,  les  Coulet  et  les  Cotte,  une  exploration  lépidop- 
térologique  des  Basses-Alpes.  Les  chasses  furent  entreprises  au 
premier  printemps  et  durèrent  jusqu'en  novembre.  Ces  guides- 
naturalistes  capturèrent  un  très  grand  nombre  de  Scipio.  J'en  pos- 
sède encore  plusieurs  centaines  d'exemplaires  et  je  constate  que 
l'espèce  ne  présente  pour  ainsi  dire  aucune  variation.  Les  taches 
ocellées  pupillées  de  blanc  sont  généralement  au  nombre  de  2  chez 
les  cf  et  de  4  chez  les  Q  ;  mais  j'ai  des  cf  à  3  et  4  ocelles  et  des  Q 
à  3  et  à  2.  La  fascie  rougeâtre  est  plus  ou  moins  claire  ou  foncée 
chez  les  Q  et  plus  ou  moins  développée  chez  les  cf-  En  dehors  de 
ces  différences,  je  ne  vois  rien  à  signaler. 


LEPIDOPTEROLOGIE    COMPAREE  313 


Erebia  Gorgone,  Bdv. 


Les  figures  publiées  par  Boisduval  sous  les  n"'  5,  6,  7  et  8  de  la 
PI.  29  de  VI cônes  sont  assez  bonnes.  J'ai  les  types  sous  les  yeux; 
mais  le  d'  représenté  sous  les  n°^  5  et  6  est  une  variété  chez  laquelle 
la  fascie  rouge  est  moins  développée  que  dans  les  exemplaires 
normaux,  et  il  ne  faut  pas  considérer  le  papillon  représenté  sous 
les  ïf^  5  et  6  comme  appartenant  à  la  forme  ordinaire  de  l'espèce. 
Herrich-Schaeffer  figure  Gorgone  cf,  sous  les  n°'  75  et  jÇ),  et 
Gorgone  g,  sous  les  n°^  469  et  470;  mais  lui  non  plus  ne  figure 
pas  le  dessus  d'un  o*  normal  de  Gorgone.  Cette  Erebia  Gorgone 
paraît  spéciale  aux  Hautes-Pyrénées;  je  l'ai  prise  abondamment  du 
27  juillet  au  15  août  1890,  sur  les  pelouses  herbues  qui  s'étendent 
entre  le  col  de  Riou  et  le  petit  Viscos. 

'L'Erebia  Gorgone  vole  dans  ces  herbes  dures  et  assez  hautes  et 
elle  s'y  enfonce  lorsqu'elle  se  sent  menacée.  On  la  fait  lever  en 
marchant;  elle  fait  alors  une  envolée  rapide  et  souvent  assez  longue 
et  la  poursuite  en  est  difficile  parce  que  la  pente  est  quelquefois 
raide  et  que  l'herbe  est  glissante.  Je  l'ai  prise  aussi  dans  la  vallée 
qui  conduit  du  lac  de  Gaube  au  pied  du  Vignemale  et  dans  les 
environs  du  cirque  de  Gavarnie,  mais  beaucoup  moins  nombreuse 
qu'aux  environs  du  col  de  Riou. 

Mon  ami  Rondou  a  eu  la  gracieuseté  de  m'offrir  une  Gorgone 
hermaphrodite,  côté  gauche  cf,  côté  droit  partie  Q  ;  l'aile  supé- 
rieure droite  est  presqu'entièrement  Q  en  dessus  comme  en  dessous; 
l'aile  inférieure  droite  est  Q  depuis  la  base  jusqu'au  bord  marginal, 
mais  cf  le  long  du  bord  costal  et  aussi  un  peu  vers  le  milieu  de 
l'aile. 

L'abdomen  de  ce  curieux  papillon  est  d'un  cf.  M.  de  Guernisac, 
de  Morlaix,  avait  capturé  un  bon  nombre  de  Gorgone  au  col  du 
Lizey,  entre  Cauterets  et  Saint-Sauveur.  Je  ne  suis  pas  bien  sûr 
que  Gorgone  éclose  tous  les  ans.  Je  suis  porté  à  croire  que  Gorgone, 
comme  Cœcilin,  éclôt  certaines  années  et  pas  d'autres,  à  l'instar 
de  la  Psyché  LeschenaiiUi.  C'est  une  observation  qui,  pour  produire 
un  renseignement  certain,   devrait  être   faite  plusieurs  années  de 


314  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

suite,  à  la  même  époque  et  aux  mêmes  lieux.  Lang  ne  figure  pas 
Gorgone  et  la  considère  à  tort  comme  une  variété  de  Gorge. 
Gorgone  est  une  espèce  à  part  et  tout  à  fait  distincte  de  Gorge. 
Les  cf  ont  généralement  aux  ailes  supérieures  3  petits  ocelles  noirs 
pupilles  de  blanc;  rarement  ils  en  ont  4;  la  fascie  rouge  ressort 
peu  sur  le  fond  des  ailes,  mais  elle  est  cependant  très  visible  et 
ordinairement  non  interrompue;  les  Q  sont  assez  variables  de 
forme  et  de  taille;  leur  fascie  est  d'un  rouge  plus  ou  moins  vif, 
quelquefois  même  un  peu  jaunâtre;  elles  ont,  comme  les  d,  3  ocelles 
aux  supérieures  et  plus  rarement  4.  Aux  ailes  inférieures,  les  ocelles 
sont  ordinairement  au  nombre  de  3;  mais  les  cf,  comme  les  Q, 
peuvent  en  être  dépourvus.  En  dessous,  les  Q  ont  les  nervures 
saillantes  en  blanc  sur  les  ailes  inférieures.  Il  ne  me  semble  pas 
que  Duponchel  ait  connu  VErebia  Gorgone.  Je  ne  crois  pas  que  le 
papillon  figuré  par  Herrich-Schaeffer,  comme  Gorgone  Q,  sous  les 
n"^  283  et  284,  soit  réellement  Gorgone;  je  pense  que  Herrich- 
Schaeffer  a  figuré  Gorge,  et  non  Goante,  comme  il  est  indiqué,  à 
tort,  selon  moi,  dans  le  Catalog  Stgr  et  Rebel  1901. 

Feu  Pierret,  dans  les  Annales  de  la  Société  enioni.  de  France 
(1848,  p.  403),  dit  que  dans  les  premiers  jours  d'août,  VErebia 
Gorgone  volait  en  très  grande  quantité  au-dessus  des  sapins  de 
l'Astazou. 

Je  ne  saurais  assez  recommander  la  lecture  si  intéressante  des 
Observations  faites  pendant  les  mois  de  juillet  et  août  1S4.S  sur 
les  Lépidoptères  qui  se  trouvent  aux  environs  de  Gavarnie.  par 
M.  Pierret.  Il  semble  impossible  ,  d'obtenir  dans  les  Hautes- 
Pyrénées  un  résultat  supérieur  à  celui  dont  Pierret  fait  état,  et  tout 
ce  qu'il  rapporte  m'a  toujours  paru  de  la  plus  scrupuleuse  exac- 
titude. Pierret  était  un  Entomologiste  dont  le  zèle  scientifique  n'a 
jamais  été  surpassé.  Jeune  encore,  il  devait  mourir  le  26  mai  1850. 
Il  a  laissé  à  tous  ceux  qui  l'ont  connu  le  plus  sympathique  souvenir. 
Combien  de  fois  ai-je  entendu  ceux  qui  étaient  mes  amis  et  mes 
maîtres,  au  temps  de  ma  jeunesse,  faire  l'éloge  de  Pierret.  Guenée 
et  Fallou  surtout  m'ont  maintes  fois  entretenu  de  la  superbe  col- 
lection qu'avait  formée  Pierret,  et  du  soin  qu'il  apportait  au  choix 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE  315 

et  à  la  conservation  des  échantillons  qui  la  composaient.  Sur  sa 
tombe,  Amyot  prononça  les  paroles  suivantes  : 

«    La  Science,  comme  l'Amitié,   fait  en  Pierret  une  perte 

également  douloureuse;  cette  Science  à  laquelle  nous  vouons  un 
culte  qui  a  été  celui  de  toute  sa  vie.  Il  est  né  dims  son  sein,  pour 
ainsi  dire;  il  a  été  élevé,  il  a  vécu,  il  est  mort  avec  elle;  elle  a  fait 
le  charme  de  son  existence  et  elle  a  produit  pour  fruit,  dans  ses 
mains,  cette  magnifique  collection  de  Lépidoptères  d'Europe  qui 
fait  l'admiration  de  tous  ceux  qui  l'ont  connue,  la  plus  belle  qui 
existe  dans  le  Monde.  Espérons  qu'en  le  perdant  lui-même,  nous 
ne  la  perdrons  pas  avec  lui;  espérons  que  la  France  n'aura  pas  le 
chagrin  de  la  voir  passer  sur  une  terre  étrangère  et  que,  conservée 
dans  l'établissement  scientifique  qui  présente  le  plus  de  garantie 
pour  les  soins  précieux  qu'elle  mérite,  elle  servira  parmi  nous  à 
l'instruction  et  aux  délices  des  amis  de  la  Science,  en  passant  jus- 
qu'aux générations  les  plus  éloignées  comme  un  monument  digne 
de  conserver  la  mémoire  de  l'ami  que  nous  pleurons » 

Nobles  et  éloquentes  paroles  !  Mais,  ici-bas,  nous  bâtissons  sur 
le  sable,  et  rien  de  ce  que  nous  édifions  avec  tant  de  peine  ne 
semble  destiné  à  conserver  après  nous  une  longue  durée.  La  col- 
lection Pierret,  léguée  par  la  famille  Pierret  à  la  Société  entomo- 
logique  de  France,  ne  fut  pas  longtemps  gardée  par  la  Société 
héritière  de  ce  précieux  dépôt;  chacun  sait  comment  la  collection 
si  célèbre  fut  vendue  et  dispersée. 


Erebia  Gorge,  Esper. 

Très  grossièrement  figurée  par  Esper.  sous  les  n°'  4  et  5  de  la 
Tab.  CXIX;  beaucoup  mieux  représentée  par  Huebner,  sous  les 
n"^  502,  503,  504  et  505.  UBrcbia  Gorge  est  une  espèce  des  hautes 
altitudes;  elle  voltige  autour  des  pics  élevés,  sur  les  pierres  et  les 
rochers,  auprès  des  neiges  éternelles;  ne  descend  jamais  au-dessous 


3l6  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

d'environ  2,000  mètres  et  dépasse  quelquefois  3,000  mètres;  elle 
est  répandue  dans  les  Alpes  et  les  Pyrénées. 

Au  Gornergrat  et  dans  les  Alpes  de  Provence,  Gorge  appartient 
le  plus  ordinairement  à  la  forme  Erynis,  Esper.  La  figure  donnée 
par  cet  auteur  sous  le  n°  3  de  la  Tab.  CXXI  est  bien  grossière; 
cependant  elle  peut  être  admise  comme  reconnaissable.  Esper  dit 
que  M.  Wallner  découvrit  ce  papillon  dans  les  environs  marécageux 
du  glacier  Blaittière,  à  Chamuix;  je  pense  que  c'est  de  Chamounix 
qu'Esper  a  voulu  parler.  La  figure  donnée  par  Herrich-Schaeffer 
sous  le  n°  75,  avec  le  nom  Gorge  var.,  est  infiniment  meilleure. 
Herrich-Schaeffer  représente  les  2  ailes  en  dessus  et  en  dessous, 
sans  le  corps.  Tous  les  échantillons  qu'on  rencontre  dans  les  Basses- 
Alpes  n'appartiennent  pas  à  la  var.  Erynis.  Il  y  a  des  cf  qui  ont 
I  ou  2  taches  ocellées  aux  ailes  supérieures  et  des  Q  qui  ont,  en 
outre,  4  taches  ocellées  pupillées  de  blanc  aux  ailes  inférieures. 
Au  Gornergrat,  on  trouve  aussi  des  exemplaires  dont  les  ailes 
portent  des  taches  ocellées.  En  dessous,  les  ailes  inférieures  de 
Gorge  sont  très  variables;  tantôt  elles  sont  très  obscures;  la  surface 
entière  étant  d'un  brun  noirâtre  foncé,  parsemé  d'un  petit  nombre 
d'éclaircies  grisâtres;  tantôt  elles  sont  traversées  par  une  bande 
obscure,  alors  que  la  base  et  le  bord  marginal  des  ailes  sont  d'un 
gris  argenté;  enfin  elles  sont  quelquefois  entièrement  d'un  gris 
argenté,  avec  simplement  les  deux  lignes  sinueuses  noires  qui  des- 
cendent du  bord  costal  au  bord  anal,  limitant  à  droite  et  à  gauche 
l'espace  médian  généralement  de  couleur  plus  foncée  que  le  fond 
des  ailes  inférieures,  mais  pouvant  être  quelquefois  de  nuance  aussi 
claire  que  les  espaces  basilaire  et  marginal. 

Dans  les  Pyrénées,  au  Canigou  comme  aux  Pics  de  Carlitte  et 
à  Gavarnie,  la  forme  de  Gorge  est  plus  brillante  que  dans  les 
Alpes;  elle  est  plus  vivement  colorée;  les  ailes  sont  d'un  noir 
profond,  avec  les  fascies  rouges  très  intenses.  Les  ailes  supérieures, 
chez  les  deux  sexes,  ont  le  plus  généralement  deux  ocelles  noirs 
pupilles  de  blanc,  et  aux  inférieures,  3  ou  4  ocelles;  mais  aux  supé- 
rieures, les  d*,  aussi  bien  que  les  Q  des  Pyrénées,  peuvent  avoir 
3  ou  4  ocelles  et  se  rapprocher  ainsi  de  la  forme  trio f  es,  plus  ordi- 


LÊPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE  31/ 

nai rement  répandue  dans  les  montagnes  du  Tyrol  méridional  et 
caractérisée  par  3  ocelles  contigus  à  l'apex  des  ailes  supérieures. 

Pierret  {Ann.  Soc.  ent.  France,  1848,  p.  398)  dit  qu'il  a  trouvé 
parfois  dans  les  llautes-Pyrénées,  mais  bien  plus  rarement  que 
XErebia  Lefebvrei,  VErebia  Gorge,  plus  grande  et  plus  caractérisée 
cjue  dans  les  Alpes.  Le  dessous  des  ailes  inférieures  de  cette  variété 
des  Pyrénées  lui  avait  paru  tellement  remarquable  qu'il  fut  un 
moment  tenté  de  la  regarder  comme  espèce  distincte  et  même  de 
la  publier  sous  le  nom  de  Raïuondi;  mais  il  s'abstint,  dans  la 
crainte  de  créer  un  nouveau  nom  sans  nécessité.  Il  est  certain  que 
les  Gorge,  de  Gavarnie,  avec  leurs  ailes  inférieures!  fortement 
ocellées,  même  chez  les  cf,  ont  un  faciès  assez  spécial.  Pierret  s'est 
montré  bien  plus  réservé  que  certains  Lépidoptéristes  contempo- 
rains. Il  est  vrai  qu'au  temps  de  Pierret,  l'analyse  n'était  pas  poussée 
aussi  loin  qu'aujourd'hui.  Je  crois  donc  que  le  nom  de  Raniondï 
proposé  par  Pierret  ne  serait  pas  inutilement  employé  à  désigner 
la  race  pyrénéenne  de  Gorge  et  je  l'applique  sans  hésitation  ni 
scrupule. 

M.  Rondou  me  mande  au  sujet  de  Gorge,  dans  les  Hautes- 
Pyrénées,  ce  qui  suit: 

«  Gorge  Ranwndi  a  des  mœurs  analogues  à  Lefebvrei;  on  la 
trouve  dans  les  mêmes  stations  d'éboulis  pierreux;  mais  elle  ne 
descend  jamais  aussi  bas.  Tandis  qu'on  rencontre  parfois  Lefebvrei 
à  1,400  mètres  d'altitude,  au  fond  de  la  prade  Saint-Jean,  à  l'orée 
du  cirque  de  Gavarnie,  on  ne  trouve  Ramondi  qu'accidentellement 
au-dessous  de  2,000  mètres,  au  fond  du  cirque  de  Gavarnie.  Sa 
véritable  localité  est  au-dessus  de  2,000  mètres,  surtout  au-dessus 
de  2,500  mètres. 

»  On  la  trouve  sur  les  hauts  sommets,  par  exemple  aux  Salettes, 
à  2,960  mètres,  mais  toujours  dans  les  rocailles.  Le  vol  n'est  pas 
aussi  vif  que  celui  de  Lefebvrei;  le  papillon  se  repose  plus  fré- 
quemment; parfois  il  se  cache  sous  de  petites  pierres  formant  abri, 
d'où  il  s'envole  au  moindre  bruit,  ce  qui  permet  de  le  chasser  par 
tous  les  temps,  même  par  les  journées  brumeuses,  tandis  que 
Lefebvrei  ne  vole  qu'au  soleil. 


3l8  LEPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 


»  La  durée  de  cette  espèce  est  très  courte;  alors  que  fin  juin, 
on  voit  déjà  voler  quelques  Lefebvrei,  on  ne  voit  jamais  Ramondï 
que  vers  la  mi-juillet,  et  les  exemplaires  que  l'on  capture  au 
commencement  d'août  sont  déjà  défraîchis.  » 

Aux  Picos  de  Europa,  il  y  a  une  grande  race  de  Gorge  que  j'ai 
appelée  gigantea;  j'en  possède  21  exemplaires  des  deux  sexes,  pris 
par  mon  frère  et  par  moi  entre  les  maisons  où  s'abritent  les  ouvriers 
des  mines  et  le  sommet  de  l'Engotable.  Ils  ont  un  aspect  très 
différent  des  Gorge  des  Alpes.  Tous  les  exemplaires  ont  les  ailes 
supérieures  bi-ocellées;  les  ailes  inférieures  sont  quelquefois  privées 
d'ocelles;  les  fascies  rouges  sont  larges;  le  dessous  des  ailes  infé- 
rieures est  généralement  très  obscur  chez  les  d,  assez  varié  chez 
les  Q.  Ils  ressemblent  beaucoup  aux  figures  données  par  Huebner, 
sous  les  n""  502,  503,  504  et  505;  mais  ces  figures  de  Huebner 
représentent  une  race  dont  l'origine  m'est  inconnue  et  certainement 
très  différente  de  la  Gorge  initiale  figurée  très  mal  assurément, 
mais  d'une  manière  à  peu  près  reconnaissable,  au  moins  quant 
au  cf,  par  Esper  sous  les  n°'  4  et  5  de  la  Tab.  CXIX,  d'après  des 
exemplaires  trouvés  en  nombreuse  quantité  sur  les  Alpes,  près  de 
Genève. 

Ceci  fixe  la  race  qui  doit  être  considérée  comme  le  type  de  l'es- 
pèce et,  dès  lors,  met  hors  de  cause  la  race  asturienne  qu'Esper  a 
certainement  toujours  ignorée.  Huebner  l'aurait-il  connue?  C'est 
fort  peu  probable,  car  les  Asturies  n'ont  guère  été  visitées  par  des 
Entomologistes,  au  temps  de  Huebner.  Quoi  qu'il  en  ^oit,  les  figures 
données  par  cet  admirable  Iconographe,  sous  les  n°^  502  à  505, 
conviennent  à  Gorge  gigantea. 

Quant  à  Triopes,  elle  a  en  supplément  un  ocelle  supérieur,  c'est- 
à-dire  un  ocelle  le  plus  rapproché  de  l'apex,  en  plus  des  deux 
contigus  que  possèdent  les  autres  races  de  Gorge  sur  leurs  ailes 
supérieures.  Millière,  dans  son  Iconographie,  figure,  sous  le  n°  10 
de  la  PI.  153,  le  dessous  de  la  Gorge  triopes  du  Tyrol  méridional. 
La  série  caractéristique  des  3  pointa  subapicaux  contigus  y  est  bien 
représentée. 


LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE  319 


UErebic}  Gorge  est,  de  toutes  nos  Erebia,  celle  (jui  s'avance 
vers  les  \>\\xs  hautes  altitudes.  Il  n'est  pas  rare  de  voir  les  Gorge 
voltiger  au-dessus  des  précipices.  Ainsi,  à  la  cheminée  du  Canigou, 
sur  cette  étroite  plate- forme  élevée  de  2,785  mètres  au-dessus  des 
flots  de  la  mer  dont  on  aperçoit  vers  l'Orient  la  surface  argentée 
brillant  sous  les  rayons  du  soleil,  VErebia  Gorge  voltige  autour 
des  rochers  schisteux  qui  constituent  le  sommet  du  pic,  au-dessus 
des  pentes  vertigineuses  et  presque  verticales  sur  certains  côtés. 
Plusieurs  fois  j'ai  fait  l'ascension  du  Canigou  et  observé  au  sommet 
du  pic  4  espèces  de  Lépidoptères  :  Erebia  Gorge,  Pieris  Callidicc, 
Vanessa  Uriicœ,  De'ilephila  lïneata.  La  première  fois  que  je  montai 
au  Canigou,  en  juillet  1S62,  je  pris  une  très  belle  Erebia  Gorge  qui 
figure  encore  dans  ma  collection. 

En  Herzégovine,  il  y  a  une  race  de  Gorge  assez  spéciale,  sans 
taches  ocellées  aux  supérieures  et  avec  les  ailes  inférieures,  en 
dessous,  d'un  brun  noir  uni  et  simplement  traversé  par  une  ligne 
noire  ondulée,  du  bord  costal  au  bord  anal  des  ailes;  je  crois  qu'elle 
a  été  appelée  :  Herzegovinemis,  par  Rebel. 


Erebia  Goante,  Espar. 

\J Erebia  Goante  est  figurée  par  Esper  sous  le  n"  i  de  la 
Tab.  CXVI,  d'après  un  exemplaire  que  M.  Wallner,  déjà  nommé 
dans  cet  ouvrage,  avait  découvert  dans  les  vallées  des  Alpes  de 
Lucerne  et  auquel  il  avait  donné  le  nom  de  son  ami  Goante,  un 
amateur  de  premier  ordre.  C'est  donc  un  entomologiste  du  nom  de 
Goante  dont  VErebia  en  question  perpétue  le  nom. 

Voici  du  reste  la  phrase  textuelle  d'Esper  (p.  116)  :  «  Diesen 
unter  der  ersten  Figur  vorgestellten  Falter,  hatte  Herr  Wallner  auf 
den  sogenannten  Thalalpen  von  Luzern,  als  eine  einzelne  Seltenheit 
entdeckt,  ùnd  nur  mitzutheilen  die  Guete  gehabt.  Er  hatte  ihn  {sic) 
den  Namen  eines  Freundes  und  so  vorzueglichen  Liebhabers,  der 
Naturkenntnisse  des  srhon  erwaehnten  Herrn  Goante  beygelegt.  » 


320  LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE 

Huebner  représente  très  bien  Goante  çS  sous  les  n"^  233  et  234, 
mais  avec  le  nom  de  Scœa .  Les  figures  données  par  Herrich- 
Schaeffer,  avec  le  nom  de  Goante  (q  77;  cf  78,  79),  sont,  dans  le 
texte,  l'objet  de  la  mention  suivante  :  «  78,  79,  ein  wenig  gezeich- 
neter,  unten  sehr  einfarbiger  Mann;  "j"]  ein  auffallend  Kleines,  unten 
scharf  marmorirtes  Weib.  »  La  provenance  des  papillons  figurés 
n'est  pas  indiquée.  Les  figures  données  par  Lang  sous  les  n°'  5,  5 
de  la  PI.  LXII  ne  sont  pas  satisfaisantes.  Freyer  figure  un  peu 
grossièrement,  suivant  son  habitude,  mais  d'une  façon  cependant 
très  reconnaissable,  Goante,  sous  les  n°^  i  et  2  de  la  Tab.  79.  Il  dit 
qu'on  trouve  Goante  en  juillet  et  août,  sur  les  Alpes  de  Suisse, 
ainsi  qu'en  Piémont  et  en  Savoie;  mais  il  ne  fait  pas  connaître  la 
provenance  exacte  des  échantillons  figurés. 

UErebia  Goante  se  rencontre  en  effet  en  Suisse,  en  Piémont  et 
en  Savoie,  aussi  dans  les  Hautes  et  Basses-Alpes  et  dans  les  Alpes- 
Maritimes;  elle  n'a  pas  été  observée  dans  les  Pyrénées,  du  moins 
à  ma  connaissance.  Ce  n'est  pas  une  espèce  des  grandes  hauteurs. 
Je  l'ai  trouvée  sur  la  route  du  Simplon,  entre  le  Refuge  n°  2  et 
Berisal;  aux  environs  de  Zermatt;  sur  le  chemin  qui  conduit  de 
Martigny  au  Grand  Saint-Bernard;  à  Chamounix  et  un  peu  au- 
dessous  de  la  Grave,  dans  les  Hautes-Alpes. 

Les  Erebia  Goante  se  posent  volontiers  sur  les  grandes  routes, 
et  comme  les  automobiles  les  parcourent  maintenant  très  fréquem- 
ment, aussi  bien  dans  les  montagnes  et  que  dans  les  plaines,  j'ai 
remarqué  que  ces  véhicules  détruisaient  un  assez  grand  nombre 
UErebia,  notamment  sur  le  chemin  qui  va  de  Bourg-d'Oisans  au 
Lautaret. 

\J Erebia  Goante  n'est  ni  rare,  ni  difficile  à  prendre;  mais  c'est 
une  très  jolie  espèce  dont  les  ailes  inférieures,  en  dessous,  pré- 
sentent d'intéressantes  variétés.  Généralement,  dans  les  Hautes  et 
les  Basses-Alpes,  Goante  a  2  ocelles  noirs  pupilles  de  blanc, 
subapicaux,  aux  ailes  supérieures,  et  un  ocelle  un  peu  plus  petit 
au-dessous;  les  ailes  inférieures  ont  ordinairement  3  ou  4  ocelles. 
Quelques  exemplaires  ont  4  ocelles  aux  ailes  supérieures.  A  Cha- 


LEPIDOPTEROLOGIE   COAIPAREE  321 

mounix,  les  ocelles  des  ailes  supérieures  sont   le  plus  souvent  au 
nombre  de  2  seulement. 


Erebia  Pronoë,  Esper. 

Grossièrement  figurée  sous  le  n°  i  de  la  Tab.  LIV,  par  Esper, 
d'après  un  seul  exemplaire  venant  de  Styrie,  et  existant,  à  l'époque 
où  il  a  été  décrit  et  figuré,  dans  la  collection  de  M.  Verlegers,  qui 
l'avait  acheté  à  M.  Welpert.  La  forme  typique  de  l'espèce  est  donc 
celle  de  Styrie.  Esper  a  publié  son  ouvrage  sans  y  imprimer  de 
date,  probablement  de  1777  jusqu'à  1805.  Fabricius,  en  1787,  a 
décrit  vraisemblablement  la  même  Erebia  sous  le  nom  d'Andrachne, 
de  sorte  qu'il  serait  possible  que  la  description  de  Fabricius  eût 
la  priorité  sur  celle  d'Esper;  mais  Fabricius  n'a  point  publié  sa 
figure;  dès  lors,  c'est  Esper  qui  prime  à  cause  de  son  iconographie, 
si  défectueuse  qu'elle  soit.  Huebner  figure  avec  le  nom  d'Arachne, 
sous  les  n°^  216  et  217,  la  Q  très  vivement  colorée;  le  cf,  sous  le 
n"  215,  a  la  fascie  bien  rouge  et  bien  développée  pour  appartenir 
à  cette  espèce.  S'il  représente  exactement  un  papillon  réel,  ce 
papillon  appartient  à  une  race  qui  m'est  inconnue. 

Avec  le  nom  de  Pilho,  Huebner  figure  sous  les  n"""  574,  575  (cT), 
576,  577  (g),  une  Pronoë  très  grande,  avec  très  peu  de  fascies 
rouges  en  dessus.  Chez  le  cT,  les  ocelles  noirs  pupilles  de  blanc 
sont  simplement  cerclés  de  rouge;  la  Q  est  très  obscure.  Dans  les 
montagnes  du  Doubs,  on  trouve  cette  forme  Pitho;  elle  est  aussi 
en  Suisse,  à  Moléson  et  dans  les  Grisons,  ainsi  qu'à  la  Grande- 
Chartreuse. 

1.' Erebia  Pronoë  éclôt  à  la  fin  de  juillet;  elle  vole  à  une  faible 
altitude.  Dans  les  Pyrénées,  je  l'ai  trouvée  très  abondante  à  Cau- 
terets,  où  la  forme  tient  le  milieu  entre  Pitho  et  Pronoë.  Elle  était 
notamment  commune  du  26  juillet  au  15  août  1890,  voltigeant 
tout  près  de  la  ville  de  Cauterets,  dans  tous  les  chemins  et  sentiers 
qui  sont  tracés  du  côté  de  la  Raillère  et  de  Cambasque.  A  Cauterets, 
Pronoë  a  le  plus  généralement  aux  ailes  supérieures  3  ocelles  noirs 

21 


322  LÉPIDOPTÉROLOGlE   COMPARÉE 

pupilles  de  blanc  et  rarement  2  ou  4;  aux  inférieures,  il  y  a  ordi- 
nairement 2  petits  ocelles  et  quelquefois  3;  certains  exemplaires 
en  sont  dépourvus. 


Krebia  Zapateri,  Obthr. 

Je  reçus,  il  y  a  environ  35  ans,  de  M.  l'abbé  Zapater,  quelques 
exemplaires  d'une  hrebia,  voisine  de  l\i  eondaSy  mais  qui  me  parut 
nouvelle  et  que  je  décrivis,  en  1875,  dans  les  Anales  de  la  Sociedad 
espanola  de  Historia  Natural.  Cette  hrebia  habite  les  montagnes 
de  l'Espagne  centrale  :  Albarracm,  hLuelamo,  Sierra-Alta. 

Mrs  M.  de  la  B.  Nicholl  a  publié  dans  les  Transactions  of  the 
entomological  Society  of  London,  1897,  sous  le  titre  :  The  Butter- 
fiies  of  Aragon,  une  notice  très  intéressante  sur  la  faune  lépidop- 
térologique  de  l'Espagne  centrale.  L'intrépide  voyageuse  signale 
dans  cette  notice  VErebia  Zapateri  0  common  in  the  Sierra  Albar- 
ricin  only  ».  Mrs  Nicholl  ajoute  (p.  429),  les  renseignements  sui- 
vants :  0  Then  we  tried  Bronchales  and  Noguera  (in  the  porphyritic 
group  of  mountains)  for  Erebïa  Zapateri,  but  in  vain.  We  could 
only  find  an  isolated  spécimen  hère  and  there,  through  we  quartered 
the  district  as  carefully  as  pointers  do  the  turnips  in  September. 
We  began  to  despair  of  it,  and  our  time  was  running  out,  when, 
at  last,  on  the  29th  of  July,  it  appeared  in  numbers,  and  we  took 
over  a  hundred  spécimens  in  three  days.  It  is  the  most  beautiful 
of  Erebias,  and  rather  peculiar  in  its  habits,  flying  slowly  and 
lazily  about  the  bushes  of  grouseberry  (^Arctostaphylos  uva-ursi), 
wich  form  the  undergrowth  of  the  thin  pine  woods,  and  it  is  very 
shy  of  windy  or  cloudy  weather.  If  by  any  chance  it  gets  bJown 
away  from  the  grouseberry  bushes,  it  seems  completely  lost  and 
will  not  settle  anywhere,  letting  the  wind  carry  it  at  pleasure.  It  is 
then  very  hard  to  catch.  » 

UErebia  Zapateri  est  voisine  de  Neoridas,  dont  elle  se  distingue 
cependant  nettement  par  la  couleur  jaune  orangé  de  la  fascie  sur 
le  dessus  des  ailes.  UErebia  Zapateri  paraît  peu  variable;  presque 


LÉPIDOPTÉROLÙGIE   COMPAREE  p$ 

tous  les  exemplaires  ont  2  ocelles  noirs,  subapicaux,  pupilles  de 
blanc  aux  ailes  supérieures,  et  les  ailes  inférieures  sont  entièrement 
noires.  Quelques  échantillons,  cependant,  présentent  sur  les  ailes 
inférieures  une  trace  plus  ou  moins  accentuée  de  fascie  fauve 
orangé,  tantôt  sans  points  ocellés,  tantôt  avec  i,  2  ou  même  3  ocelles. 
M.  Fabresse  a  trouvé  VErebia  Zapaleri,  depuis  la  fin  de  juillet 
et  pendant  le  commencement  du  mois  d'aoïit  1907,  à  la  Sierra- Alta, 
avec  le  Satyrus  Prïeuri. 


Erebia  Neoridas,  Bdv. 

D'abord  décrite  sommairement  par  Boisduval  dans  VIndex 
methodicus,  1829;  puis  décrite  de  nouveau  et  figurée  par  Boisduval 
dans  Y  Icônes,  aux  pages  148  et  149,  et  sous  les  n°''  i,  2,  3  et  4  de 
la  PI.  29.  Espèce  répandue  dans  les  Pyrénées-Orientales,  les 
Cévennes,  les  montagnes  d'Auvergne,  les  Basses-Alpes,  les  Alpes- 
Maritimes,  le  Dauphiné,  ainsi  que  dans  certaines  parties  de  la 
Toscane.  La  découverte  de  VErebia  Neoridas  est  due  à  Boisduval, 
qui  trouva,  dit-il,  l'espèce  aux  environs  de  Grenoble. 

Duponchel  conteste  cependant  l'assertion  de  Boisduval  à  cet 
égard  et  dit  que  Neoridas  a  été  trouvée  pour  la  première  fois,  par 
M.  de  Villaret,  sur  les  bords  du  Drack  {sic),  aux  portes  de  Grenoble, 
il  y  a  6  ans  (c'est-à-dire  vers  1826  ou  1827).  Duponchel  ajoute 
que  Neoridas  a  été  retrouvée  par  M.  Brun,  de  Lyon,  aux  environs 
de  Rives,  à  cinq  lieues  de  Grenoble. 

En  outre,  Duponchel  déclare  avoir  pris  lui-même  Neoridas,  en 
•1833,  dans  le  département  de  la  Lozère,  oii  il  l'a  vue  voler  sans 
interruption  depuis  les  premiers  jours  de  juillet  jusqu'au  17  août, 
date  de  son  départ  de  ce  pays.  Neoridas  était  assez  rare  aux  envi- 
rons de  Florac,  mais  très  abondante  sur  le  Causse  de  Sauveterre, 
entre  Florac  et  Mende. 

L'éclosion  de  Neoridas  se  fait  généralement  à  la  fin  de  juillet, 
dans  les  Pyrénées-Orientales,  et  on  voit  voler  le  papillon  jusqu'à 
la  fin  d'août  C'est  une  Erebia  fort  commune  dans  les  lieux  qu'elle 


324  LEPIDOPTEROLOGIE   COMPARÉE 

habite  et  facile  à  prendre.  Aux  environs  de  Vernet-les-Bains, 
Neoridas  abonde  dans  la  vallée  de  Saint- Vincent,  à  Saint-Martin- 
du-Canigou  et  plus  haut  dans  la  forêt  de  Randai.  Le  papillon 
s'approche  volontiers  de  l'homme  et  souvent,  étant  assis  sur  quelque 
rocher  dans  les  lieux  que  fréquente  Neoridas,  nous  l'avons  observée 
voltigeant  très  près  de  nous  et  même  se  reposant  sur  nos  vêtements. 
UErebia  Neoridas  est  assez  variable  et  nous  en  avons  recueilli  des 
quantités  considérables,  espérant  retrouver  l'énigmatique  Margarita 
décrite  et  figurée  par  nous  dans  la  XX''  livraison  des  Etudes 
d'Entomologie.  Nous  n'avons  malheureusement  pas  réussi  à 
retrouver  d'autres  exemplaires  de  Margarita,  qui  reste  ainsi  tou- 
jours unique. 

Margarita,  par  la  forme  de  ses  ailes  et  de  ses  fascies  rouges, 
en  dessus,  a  un  aspect  très  spécial.  Si  nous  avions  eu  la  chance  de 
retrouver  quelques  autres  exemplaires  semblables  à  celui  que  mon 
frère  captura,  le  12  août  1895,  près  de  la  fontaine  de  Saint-Martin- 
du-Canigou,  nous  n'aurions  aucun  doute  sur  la  valeur  spécifique 
propre  de  cette  Erebia.  Mais  je  dois  reconnaître  que  les  recherches 
pour  obtenir  de  nouveaux  échantillons  étant  restées  vaines  jusqu'ici, 
ma  conviction  a  été  ébranlée  quant  à  la  validité  de  l'espèce.  Peut- 
être  Margarita  est-elle  une  Aberration  singulière  de  Neoridas} 

Je  possède  une  assez  grande  quantité  d'exemplaires  plus  ou 
moins  aberrants  de  Neoridas,  aussi  bien  provenant  des  Basses-Alpes 
et  des  Alpes-Maritimes  que  des  Pyrénées-Orientales.  Pour  la  taille, 
Neoridas  varie  beaucoup,  ainsi  que  pour  le  développement,  les 
contours  et  la  nuance  de  la  fascie  rougeâtre.  Le  nombre  des  ocelles 
noirs  pupilles  de  blanc  est  également  variable;  il  peut  y  avoir  2,  3, 
4,  5  et  même  6  taches  ocellées  sur  les  ailes  supérieures.  Le  dessous 
des  ailes  inférieures  est  tantôt  d'un  brun  chocolat  uni;  tantôt  une 
bande  gris  clair  sépare  l'espace  médian  toujours  plus  foncé,  du 
bord  marginal  également  plus  obscur.  Les  ailes  inférieures  peuvent 
être  privées  de  toute  fascie  fauve;  mais  elles  en  sont  généralement 
pourvues,  et  cette  fascie  est  ornée  quelquefois  de  3,  4  ou  5  ocelles 
noirs  pupilles  de  blanc.  Une  Q  prise  à  Digne,  en  septembre  1897, 
est  dépourvue  sur  le  dessous  des  ailes  supérieures  de  toute  ocellation 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE  325 

noire.  Le  dessus  des  ailes  montre  seulement  2  petits  points  noirs 
sans  pupille  blanche.  La  couleur  des  fascies  rougeâtres  varie  beau- 
coup pour  les  cf;  quant  aux  Q,  elles  ont  généralement  la  fascie 
d'une  teinte  plutôt  jaunâtre  que  rougeâtre. 

La  forme  de  Neoridas  des  Alpes-Maritimes,  notamment  dû 
Moulinet,  est,  dans  l'ensemble  des  individus,  plus  grande  et  plus 
obscure  que  les  autres  formes  géographiques  de  l'espèce.  Mais  il  y  a 
à  Allos,  dans  les  Basses-Alpes,  comme  à  Vernet-les-Bains,  dans 
les  Pyrénées-Orientales,  des  échantillons  équivalents  à  ceux  du 
Moulinet,  en  même  temps  que  d'autres  plus  petits  et  moins  sombres. 
Je  pense  que  les  Entomologistes  de  l'école  Fruhstorfer  n'hésiteraient 
pas  à  fabriquer  pour  A^eoridns  toute  une  série  de  désignations  que 
l'espèce  en  question  n'a  point  encore  subies.  Je  m'abstiendrai 
cependant  de  les  devancer  dans  une  voie  où  les  matériaux  que  j'ai 
sous  les  yeux  me  permettraient  sans  doute  aussi  bien  qu'à  d'autres 
de  m'engager.  Car  si  je  suis  d'avis  de  distinguer  par  un  nom  une 
race  suffisamment  caractérisée,  je  me  refuse  à  surcharger  la  nomen- 
clature de  noms  qui,  s'appliquant  à  une  espèce  très  variable  dans 
toutes  les  localités  qu'elle  habite,  s'entendraient  seulement  pour  les 
exemplaires  mesurant  plus  ou  moins  d'envergure  que  les  autres, 
ayant  plus  ou  moins  de  taches  ocellées  et  la  couleur  des  fascies 
plus  ou  moins  vive,  ce  qui  constitue  un  ordre  de  variations  banal 
et  commun  à  toutes  les  Espèces  du  Genre. 


Erebia  ^thiops,  Esper. 

Espèce  des  basses  altitudes;  paraît  en  juillet  et  aoiit;  n'est  pas 
rare  dans  certaines  localités  de  l'Ecosse  et  de  l'Angleterre,  telles 
que  :  le  Perthshire,  d'où  me  l'a  envoyée  M.  Ried,  l'Argyleshire, 
diverses  parties  de  Durham,  Yorkshire,  Lancashire,  W'estmoreland. 

En  France,  Mthiops  a  été  observée  en  Franche- Corn  té,  en  Savoie 
(Aix-les-Bains,  Val  du  Fier,  Chamounix),  en  Auvergne,  dans  les 
Basses-Alpes.  Jamais  je  ne  l'ai  trouvée  dans  les  Pyrénées. 


LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE 


Feu  Guenée  et  moi,  nous  avons  capturé  Aithiofs  dans  le  Valais, 
en  1864  et  en  1866,  aux  environs  de  Vernajaz  et  près  de  Viège. 
Feu  mon  ami  Fettig,  lorsqu'il  était  curé  de  la  Vancelle,  récoltait 
^Hthiops  dans  les  environs  de  Lièpvre,  en  Alsace.  L'espèce  se 
trouve  en  Allemagne  et  en  Russie,  notamment  dans  l'Oural 
méridional. 

Généralement  les  cf  ont  3  taches  noires  ocellées  dans  la  fascie 
rougeâtre  des  ailes  supérieures  et  autant  dans  celle  des  ailes  infé- 
rieures. Les  Ç)  qui,  comme  Neoridas,  présentent  la  fascie  plus  jau- 
nâtre que  les  cf,  ont  ordinairement  le  même  nombre  d'ocelles  que 
les  cT  aux  ailes  supérieures;  cependant,  plus  souvent  que  ceux-ci, 
les   Q   ont  4  ocelles  aux  supérieures,  et  presque  toujours  elles  ont 

4  ocelles  pupilles  de  blanc  aux  ailes  inférieures.  Le  dessous  des 
ailes  inférieures  est  assez  variable  pour  la  teinte.  Chez  les  cf.  le 
fond  est  généralement  d'un  brun  rouge  foncé,  avec  une  éclaircie 
grisâtre,  près  la  base,  et  une  autre  éclaircie  semblable  entre  la  grosse 
bande  médiane  transverse  et  la  bordure  marginale.  Chez  les  Q ,  ces 
éclaircies  sont  généralement  d'une  couleur  ocre  jaune;  mais,  quel- 
quefois, elles  sont  d'un  gris  argenté  plus  clair  que  chez  les  cT- 
M.  Fritsch  a  pris  aux  environs  de  Besançon  une  Q  tout  à  fait 
analogue  à  la  Q  Neoridas  que  j'ai  citée  plus  haut  et  dont  la  fascie 
fauve  orangé  des  ailes  supérieures  est  marquée  de  2  très  petits 
points  noirs  en  dessus  et  est  complètement  aveugle  en  dessous.  Je 
possède  en  outre  une  superbe  Ç)  de  Géra,  très  noire  en  dessus,  avec 
la    fascie   réduite   à    des    taches   annulaires   rougeâtres    entourant 

5  ocelles  noirs,  dont  3  très  gros,  tous  très  vivement  pupilles  de  blanc. 
Le  dessous  des  ailes,  dans  cet  exemplaire,  est  également  d'une 
coloration  très  chaude.  Freyer  figure  sous  le  n"  2  de  la  PI.  38  un 
exemplaire  très  analogue  avec  le  nom  de  Meden  var. 

Je  ne  suis  pas  d'accord,  sur  tous  les  points,  avec  la  synonymie 
telle  qu'elle  est  établie  pour  VErebia  ^thiops,  dans  le  Catalog 
Staudinger  et  Rebel  igoi,  ainsi  qu'on  le  verra  plus  loin. 

Esper  a  figuré  le  premier  l'espèce,  avec  le  nom  âiMthiops,  sous 
le  n"  3  de  la  PI.  XXV.  Dans  son  texte  (p.  312  et  313),  Esper  dit 
qu'il  figure  une  Q.  Plus  tard,  il  rectifie  cette  assertion  et  il  figure 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 


une  Ç)  dont  le  dessous  des  ailes  inférieures  est  ocre  jaune,  sous  le 
n^  I  de  la  PI.  LXIII. 

Huebner  a  figuré  a\ec  le  nom  Mcdca,  le  cf  .-Htlùops,  sous  le 
n"  220,  et  la  Q,  sous  les  n"'  221  et  222.  Il  a  représenté  le  dessous 
des  ailes  inférieures  de  la  Q,  où  les  éclaîrcies  sont  grises  et  non 
ocre  jaune;  tandis  que  Charles  Barrett  {The  Lepidoptera  of  the 
british  Islands)  a  figuré  sous  le  n°  2  ^  de  la  PI.  29  la  Q  avec  le 
fond  des  ailes  inférieures  couleur  jaune  sale.  Freyer  a  figuré  sous 
les  n"'  I  et  2  de  la  PI.  55,  avec  le  nom  de  Medca,  une  forme  dont 
la  g  (fig.  2)  est  presque  intermédiaire  entre  la  forme  grise  et  la 
forme  ocre  jaune,  et  sous  les  n"'  3  et  4,  une  grande  race  ^JEthiops 
qu'il  avait  reçue  de  son  ami  Schmidt,  de  Laibach,  comme  Medea, 
var.,  mais  où  il  a  cru  reconnaître  à  tort  la  Ncoridas  de  Boisduval. 
La  Q  de  cette  fausse  Ncoridas  (fig.  4)  a  le  dessous  des  ailes 
inférieures  brun  chocolat  avec  les  éclaircies  grises;  c'est  cette  forme 
que  Staudinger  et  Rebel,  dans  le  Catalog  1901,  ont  appelée 
leucotœnia. 

Mais  sur  la  PI.  i?s,  Freyer  figure  sous  le  n°  3  et  avec  le  nom 
de  Medea  var.,  une  Ereb'ia  qui  est  certainement  Siygne  et  non 
Aithiops.  De  plus,  dans  son  texte  (p.  73),  Freyer  rapporte  au  n°  3 
de  la  PI.  38  ce  qui  regarde  le  n"  2  et  au  rf  2  ce  qui  regarde  le  xf  3. 
La  confusion  est  donc  comi^lètc.  «  Die  Farbe  der  Varietaet  Fig.  2 
isl  isabelgclb.  Die  rostgelbe  Binde  ist  sehr  schwach  sichtbar.  auf 
den  Oberfluegeln  mit  3  auf  den  L^nterfluegeln  ebenfalls  mit 
3  weissgekernten  Augen  ».  Couleur  jaune  isabelle,  3  yeux  pupilles 
de  blanc  aux  supérieures  comme  aux  inférieures,  c'est  bien  conforme 
à  la  fig.  3  qui  est  certainement  une  Stygne  et  non  à  la  fig.  2  qui 
est  une  Medea.  Pour  celle-ci,  Freyer  donne  l'indication  de  localité 
comme  suit  :  «  Dièse  schoene  Varietaet  wurde  im  Bremgarten 
Walde  bei  Bern  gefangen.   » 

Le  Catalog  1901  admet  comme  Mthiops  les  n"^  2  et  3  de  la 
Tab.  38;  seul  le  n"  2,  selon  la  figtire,  et  3,  suivant  le  texte,  doit 
être  admis  comme  Mthiops\  le  n°  3,  selon  la  figure,  et  2,  confor- 
mément au  texte,  doit  être  retranché  et  reporté  à  Stygne. 

De  même  VEiirynle  de  Huebner  (908-909)  rapportée  avec  doute, 


328  LEPIDOPTEROLOGIE   COMPARÉE 

il  est  vrai,  par  Staudinger  et  Rebel  à  .Ethiops,  est  certainement 
une  Euryale  albinisante  dont  je  parlerai  bientôt  et  n'a  spécifique- 
ment rien  à  voir  avec  Mthiops. 

Freyer  figure  encore  comme  Medea,  sous  le  n"  i  de  la  Tab.  68 1, 
une  Ç)  avec  sa  chenille.  Cette  chenille  est  plus  pâle  que  celle  dont 
Barrett  donne  la  représentation;  mais  le  dessin  concorde.  Je  pense 
que  cette  Medea  de  Freyer  est  bien  une  JEthiofs. 


Erebia  Enryale,  Esper. 

En  France,  répandue  dans  les  Pyrénées,  les  Alpes,  le  Jura  et 
en  Auvergne.  Aime  les  sous-bois  un  peu  clairs  dans  les  montagnes 
et  les  prés  sylvatiques,  à  une  altitude  modérée.  Je  l'ai  observée  au 
col  du  mont  Genèvre  et  dans  le  sentier  qui  conduit  de  la  grande 
route  du  Simplon  à  la  vallée  de  Laquin,  en  nombre  considérable 
d'exemplaires  serrés  très  près  les  uns  des  autres  et  posés  sur  le  sol. 
J'ai  pu  prendre  d'un  seul  coup  plus  de  60  échantillons,  en  plaçant 
mon  filet  sur  un  rassemblement  qui  faisait  une  tache  noire  au  milieu 
de  la  route.  Dans  le  Valais,  il  y  avait  dans  chaque  groupe  une  Q , 
autour  de  laquelle  les  <3  se  tenaient  posés;  au  mont  Genèvre,  sur 
le  versant  italien,  je  n'ai  vu  qu'une  agglomération  de  'cf,  sans 
aucune  Q.  Dès  que  les  nuages  cachèrent  les  rayons  du  soleil,  un 
peu  après  midi,  toutes  les  Euryale,  si  abondantes  alors  que  le  ciel 
était  pur,  semblèrent  disparaîtrç  et  demeurèrent  introuvables. 

U Erebia  Euryale  a  très  peu  de  synonymie;  elle  a  été  figurée 
par  Esper  sous  les  n"'  2  et  3  de  la  Tab.  CXVIII,  d'après  des  exem- 
plaires pris  aux  monts  des  Géants  (Riesengebirge)  par  le  maître 
d'école  Koehler,  de  Nieder-Schmideberg,  en  Silésie. 

Euryale  présente  quelquefois  l'Aberr.  albinisante  figurée  par 
Huebner  sous  les  n°'  908  et  90g.  Ma  collection  contient  2  cf  et  2  Q . 
Les  2  cf  sont  bien  conformes  à  la  figure  donnée  par  Huebner; 
l'une  des  Q,  prise  à  Larche  en  août  1896,  par  Augustin  Coulet, 
a  le  fond  des  ailes  d'un  jaune  blond  plus  pâle  que  les  2  cf,  et 
l'autre  Q,  prise  également  à  Larche  par  Bellier,  est  plus  grise,  avec 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE  329 

un  reflet  argentin  très  vif.  J'ai  donné  à  cette  Aberration  constante 
le  nom  de  Hiiebneri. 

Je  possède  une  autre  Aberration  prise  à  Vernet-les-Bains  par 
mon  frère;  elle  a  les  fascies  d'un  brun  pâle  livide,  au  lieu  de  les 
avoir  rouge  de  brique. 

Généralement  les  Euryale  cf  français  ont  3  ocelles  noirs  non 
pupilles  de  blanc  dans  la  fascie  des  ailes  supérieures,  en  dessus; 
mais  il  y  a  des  exemplaires  où  la  pupillation  blanche  existe. 
Cependant  ce  sont  surtout  les  g  qui  présentent  une  pupillation 
blanche  accentuée  et  elles  ont  souvent  4  et  5  ocelles  sur  une  fascie 
tantôt  rouge  comme  celle  du  cf,  tantôt  jaunâtre.  Aux  ailes  infé- 
rieures, les  points  ocellés  chez  les  cf  sont  souvent  fort  réduits  ou 
nuls,  quoiqu'ils  puissent  quelquefois  y  paraître  même  pupilles  de 
blanc;  chez  les  Q,  l'ocellation  est  généralement  plus  accentuée  que 
dans  les  cf;  mais  il  y  a  aussi  des  Q  dont  les  fascies  sont  privées 
de  toute  ocellation  aux  ailes  inférieures.  Le  dessous  des  ailes  infé- 
rieures est  très  variable,  surtout  chez  les  Q. 

Dans  les  Hautes-Pyrénées,  la  race  est  très  obscure;  les  fascies 
rouges  sont  peu  développées  et  la  teinte  générale  est  sombre.  Mon 
frère  et  moi,  nous  avons  souvent  capturé  à  Cauterets  la  forme 
ocellans,  Stgr.,  011  les  fascies  sont  remplacées  par  des  taches  rondes 
rougeâtres,  séparées  les  unes  des  autres,  pupillées  de  noir. 

A  Zermatt,  j'ai  trouvé  l'Ab.  cf  Eiiryaloides,  chez  laquelle  la 
fascie  rouge  ne  porte  aucune  trace  d'ocelle  noir.  En  Finlande  et 
dans  l'Oural  méridional,  c'est  peut-être  la  forme  normale;  mais 
il  y  a  chez  les  Eiiryaloides  de  ces  contrées  de  très  petites  traces 
de  points  noirs  qui  manquent  absolument  dans  certains  échantillons 
de  Zermatt.  L'Ab.  Enryaloides  se  trouve  aussi  dans  les  Pyrénées- 
Orientales,  en  même  temps  que  des  exemplaires  très  ocellés.  Nous 
avons  capturé  2  très  grandes  Q  Euryale,  en  montant  aux  Picos  de 
Europa;  mais  l'espèce  était  presque  passée  et  nous  ne  pûmes,  mon 
frère  et  moi,  récolter  un  assez  grand  nombre  de  beaux  individus 
pour  obtenir  une  idée  exacte  de  la  race  asturienne. 

UErebia  Euryale  est  une  espèce  très  variable  au  même  lieu  et, 


LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE 


par   conséquent,   très   intéressante,   mais   fort   délicate  et    facile   à 
détériorer.  Elle  est  d'ailleurs  très  abondante  et  facile  à  capturer. 

Si  l'on  cherche  à  comparer  entre  elles  les  races  géographiques, 
je  crois  qu'on  peut  faire  les  constatations  suivantes  :  la  forme  de 
Lioran  (Cantal)  est  celle  dont  la  taille  est  plus  grande;  mais  on 
trouve  des  exemplaires  aussi  grands  sur  la  route  du  Simplon,  près 
Bérisal,  volant  avec  d'autres  plus  petits.  A  Enchastrayes,  dans  les 
Basses-Alpes,  la  forme  est  plutôt  petite,  avec  un  mélange  d'échan- 
tillons plus  grands.  Dans  le  nord  de  la  Laponie  (Kvickjock, 
M*  Sutilelma,  Lulea-Lappmarken),  W.  Mau  a  pris,  en  juin  et 
juillet  1908,  une  race  à'Euryale  ayant  le  fond  des  ailes  très  obscur, 
avec  les  fascies  rouges  très  vives.  Certains  exemplaires  semblent 
faire  un  passage  vers  Ligea  que  je  considère  cependant  comme  une 
espèce  bien  distincte.  Généralement  les  Euryale  de  Laponie  ont  les 
fascies  rouges  très  oculées.  Sur  une  soixantaine  d'exemplaires  que 
j'ai  devant  les  yeux,  45  ont  4  ocelles  noirs  plus  ou  moins  pupilles 
de  blanc,  aux  ailes  supérieures.  En  dessous,  les  ailes  inférieures 
sont  plus  ou  moins  décorées  d'une  liture  blanche  et  les  ailes  supé- 
rieures ont  le  lavis  rouge  plus  ou  moins  uniforme  et  étendu. 


Erebia  Ligea,  Linn. 

Grande  Erebia  qui  se  trouve  au  Moulinet,  dans  les  Alpes- 
Maritimes,  à  Chamounix,  à  Aix-les-Bains,  à  Digne,  à  la  Grande- 
Chartreuse,  dans  le  Doubs,  en  Alsace,  en  Allemagne,  en  Autriche, 
en  Sibérie.  Elle  vole  en  juillet  ;  elle  se  plaît  à  des  hauteurs  modérées, 
dans  des  lieux  herbus  et  un  peu  boisés.  C'est  une  espèce  abondante 
et  facile  à  capturer.  Je  n'ai  jamais  vu  Ligea  dans  les  Pyrénées. 
Elle  est  plus  brillante  qu' E^/ryalc;  le  fond  de  ses  ailes  inférieures, 
en  dessous,  est  d'un  brun  plus  noirâtre  et  la  ligne  blanche  est 
souvent  complète  et  bien  indiquée.  Il  peut  même  y  avoir  une  autre 
ligne  blanche  près  de  la  base,  de  sorte  que  la  bande  brune  trans- 
verse médiane  se  trouve  accompagnée,  chez  certains  exemplaires, 
d'une  liture  blanche  des  deux  côtés.  Les  ocelles  noirs  sont  généra- 


LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE 


lement  nombreux,  pupilles  de  l)lanc  et  très  accentués  sur  les  4  ailes, 
en  dessus  et  même  en  dessous.  'LErebia  Ligea  présente  des  variétés 
fort  belles.  Je  possède  une  Q  albinisante  prise  en  Autriche,  entiè- 
rement de  couleur  ocre  jaune  comme  l'Ab.  Hncbnerï  d'Enryalc. 
Cette  Q  albinisante,  à  laquelle  je  donne  le  même  nom  :  Huebncri, 
a  les  pattes,  les  palpes,  les  antennes,  le  corps  de  la  même  couleur 
ocre,  sur  laquelle  ressortent  en  rouge  orangé  les  fascies  ordinaires 
et  les  ocelles  très  réduits  et  très  atténués.  Un  d*  du  Brenner  a  les 
fascies  d'un  ocre  très  pâle  et  livide,  comme  YEiiryale  de  Vernet- 
les-Bains;  2  cf  de  Berlin  sont  très  curieux  :  l'un  par  l'absence 
absolue  de  tout  ocelle  noir  sur  la  fascie  des  ailes  supérieures,  alors 
que  la  fascie  des  inférieures  est  ocellée;  l'autre  ayant  inversement 
la  fascie  des  inférieures  dépourvue  d'ocelles  et  seulement  2  points 
noirs  très  petits  sur  la  fascie  des  supérieures,  près  l'apex. 

A  Bodô,  il  y  a  une  forme  très  petite,  mais  qui  ne  cadre  pas  avec 
VAdyte,  Huebner,  759,  760. 


Erebia  lappona,  Esper. 

C'est  la  M  auto  Q  de  Tluebner  (par  erreur  du  graveur  :  107,  108, 
au  lieu  de  207,  208,  et  512,  513,  514).  La  figure  donnée  par  Esper 
avec  le  nom  de  lappona,  sous  le  n"  3  de  la  Tab.  CVIII,  est  bien 
grossière,  mais  à  peu  près  reconnaissable.  T.c  papillon  figuré  et 
décrit  par  Esper.  aux  pages  80,  81  et  82,  lui  a  été  communiqué  par 
l'avocat  Schneider,  qui,  avec  Quensel  et  Thunberg,  avait  obtenu 
l'espèce  des  montagnes  de  la  Laponie,  pays  d'origine  du  type  de 
l'espèce. 

J'ai  reçu  de  M.  W.  Mau  une  série  d'exemplaires  pris,  en  juin  et 
juillet  1908,  au  mont  Sutilelma,  dans  le  nord  de  la  Laponie;  ils 
cadrent  avec  des  échantillons  de  la  collection  Boisduval,  étiquetés  : 
Norv.  Dowre;  mais  il  est  bien  difficile  de  dire  s'ils  concordent  avec 
l'individu  de  Laponie  figuré  par  Esper,  vu  le  peu  de  soin  apporté 
à  la  gravure  et  au  coloriage  de  l'image. 

Quoi  qu'il  en  soit,  les  individus  de  Sutilelma  ne  sont  guère  diffé- 


332  LEPIDOPTEROLOGIE   COMPARÉE 

rents  de  ceux  que  je  possède  des  localités  suivantes  :  Pentes  et 
Pas-du-Lausson;  Notre-Dame-de-Fenestre  (Alpes-Maritimes);  En- 
chastrayes;  Larche;  Col  de  Lure;  Saint-Martin-d'Entraunes 
(Basses-Alpes)  ;  montagne  de  la  Pra  (Isère)  ;  hauteurs  de  Lansle- 
bourg  (Savoie);  Le  Breuil  (Piémont);  Chamounix  (Hte-Savoie) ; 
Canigou  et  Pla-Guilhem  (Pyrénées-Orientales);  Fusio;  Oberland 
bernois;  Ryffelalp  (Suisse). 

Dans  toutes  les  Alpes,  la  forme  est  sensiblement  la  même  qu'en 
Laponie;  il  y  a  des  variations,  mais  elles  me  paraissent  individuelles 
et  non  pas  géographiques;  telles  sont  les  différences  de  taille  entre 
les  échantillons;  la  grosseur  des  points  noirs  dans  la  fascie  rosée, 
comme  aussi  leur  atténuation;  l'accentuation  et  le  développement 
de  cette  fascie  rosée  et  inversement  sa  disparition  presque  complète; 
l'obscurcissement  du  dessous  des  ailes  inférieures,  leur  ponctuation 
marginale  et  l'épaississement  des  deux  lignes  noirâtres  sinueuses 
transversales. 

Je  possède  une  superbe  Aberration  Q  albinisante  venant  de  Piz 
Umbrail,  au  Tyrol.  Ce  papillon  est,  en  dessus,  d'un  gris  d'argent 
sur  lequel  la  fascie  des  ailes  supérieures,  la  ponctuation  submar- 
ginale des  inférieures  et  un  lavis  qui  occupe  l'espace  cellulaire  des 
supérieures  jusqu'à  la  base,  ressortent  en  un  rose  orangé  extrêmement 
doux.  Les  poils  du  corps  et  les  antennes  sont  gris  d'argent.  En 
dessous,  les  ailes  supérieures  sont  d'un  rose  orangé  vif,  avec  la 
côte  et  le  bord  marginal  gris  argenté;  les  ailes  inférieures  sont 
grises  au  milieu  et  très  pâles  au  delà  de  la  cellule.  Les  pattes  sont 
d'un  gris  blanchâtre.  Cette   Q   alhhia  est  d'un  très  agréable  effet. 

C'est  dans  les  Hautes-Pyrénées  que  \Ercbia  lappona  présente 
une  race  géographique  très  caractérisée.  Elle  a  été  décrite  et  figurée 
par  de  Graslin,  sous  le  nom  de  Sihcnnyo.  Ma  collection  contient 
l'individu  qui  a  servi  de  modèle  pour  la  figure  publiée  dans  les 
Annal.  Soc.  ent.  de  France,  1850;  voici  ce  que  de  Graslin  a  écrit 
sur  l'étiquette  de  ce  papillon  :  «  espèce  distincte  des  Pyrénées,  à 
côté  de  Manto;  Rambur  est  de  mon  avis;  mais  M.  Pierret  croit 
que  ce  n'est  que  Manto  variété.   » 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE  333 

Pierret  avait  évidemment  raison;  mais  la  variété  est  bien  spé- 
ciale; sa  taille  plus  grande,  l'absence  de  fascie  rosée  sur  les  ailes 
supérieures,  en  dessus,  les  cercles  rosés  qui  entourent  les  points 
noirs  donnent  à  Sthennyo  un  aspect  bien  particulier. 

Lappona  vole  haut  dans  les  Alpes  et  dans  les  Pyrénées;  elle 
éclôt  d'assez  bonne  heure;  on  peut  la  voir  dès  le  mois  de  juin.  Dans 
les  Hautes-Pyrénées,  mon  frère  et  moi,  nous  avons  pris  Sthennyo 
au  cirque  de  Gavarnie,  au  mont  Caballiros,  au  col  de  Riou  et  sur 
le  chemin  qui  conduit  aux  Oulettes-du-Vignemale,  au  delà  du  lac 
de  Gaube.  La  Sthennyo  varie  un  peu;  sur  les  92  exemplaires  de 
ma  collection,  je  vois  à  côté  de  Sthennyo  tout  à  fait  caractérisés, 
d'autres  spécimens  qui  se  rapprochent  de  lappona  des  Alpes  et 
des  Pyrénées-Orientales,  et,  par  contre,  si  j'examine  la  série  que 
je  possède  des  Alpes,  j'y  distingue  des  exemplaires  qui  pourraient 
être  joints  à  Sthennyo;  mais  c'est  à  titre  presque  d'Aberration  et 
l'on  constate  une  différence  notable  lorsqu'on  juxtapose  les  deux 
boîtes  :  l'une  qui  contient  les  Sthennyo  et  celle  qui  renferme  les 
lappona. 

La  Castor,  Esper  (Tab.  LXVII,  fig.  2),  est  une  simple  lappona, 
ainsi  que  la  Pollux,  Esper  (loc.  cit.,  fig.  3).  Celle-ci  paraît  avoir 
le  dessous  des  ailes  inférieures  d'un  gris  brun  et  non  argenté,  sans 
dessins  bruns  transversaux.  Je  possède  des  lappona  sans  dessins 
bruns  sur  le  dessous  des  ailes  inférieures;  mais  le  fond  de 
ces  ailes  est  gris  argenté  et  non  brunâtre.  Les  cf  ont  le  dessous 
des  ailes  inférieures  gris  d'argent  et  les  Q  présentent  une  colo- 
ration plutôt  brunâtre,  à  cause  des  lignes  transverses  assez  accen- 
tuées et  d'un  épais  semis  d'atomes  brunâtres  répandu  sur  toute  la 
surface  des  ailes;  mais  Pollux  paraît  être  un  cf,  comme  Castor, 
et  je  n'ai  aucun  cf  de  lappona  pouvant  être  identifié  exactement 
à  Pollux.  Pollux,  d'après  Esper,  aurait  été  pris  en  compagnie  de 
Tyndarus,  par  Gerning,  au  cours  d'un  voyage  en  Suisse,  et  la  patrie 
de  Castor  serait  les  montagnes  de  Styrie. 


334  LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE 

Erebia  Tyndarus,  Esper,  et  Var.  Rondoui,  Obthr  (PI.  XXV, 
ûg.  129.  cf;  133.  Q)- 

C'est  XErebïa  dont  la  dispersion  dans  le  Monde  est  plus  étendue, 
puisqu'on  la  rencontre  dans  la  plupart  des  montagnes  alpines  de 
l'Europe,  en  Asie  et  dans  l'Amérique  du  Nord. 

1J Erebia  Tyndants  existe  en  Andalousie  sous  la  forme  Hispa- 
nia;  mais  il  est  vrai  qu'elle  manque  en  Sicile.  J'avais  toujours 
espéré  qu'on  la  rencontrerait  quelque  part,  ainsi  que  le  Parnassius 
Mnemosyne,  dans  les  montagnes  de  la  Barbarie;  jusqu'ici,  elle  n'a 
pas  été  trouvée  en  Algérie;  mais  il  peut  se  faire  qu'on  la  découvre 
dans  l'Atlas  marocain,  lorsqu'il  deviendra  possible  aux  naturalistes 
de  visiter  cette  région  restée  jusqu'à  présent  inaccessible. 

M.  le  docteur-professeur  Jacques  Reverdin,  de  Genève,  s'est 
vivement  intéressé  à  l'étude  des  races  géographiques  de  Tyndarus 
et  a  publié  d'excellentes  observations  sur  les  Variétés  et  Aberrations 
de  l Erebia  Tyndarus,  dans  les  Alpes  de  la  Suisse  et  de  la  Haute- 
Savoie.  Le  travail  de  M.  Reverdin,  publié  dans  le  numéro  de 
juin  1908  du  Bulletin  de  la  Société  lépidoptérologique  de  Genève, 
mérite  la  plus  sérieuse  attention  et  peut  être  considéré  comme  un 
modèle  d'analyse  pour  une  espèce  envisagée  dans  une  région 
déterminée. 

J'ai  aussi  fourni  quelques  contributions  à  l'histoire  de  X Erebia 
Tyndarus  et  je  prie  le  lecteur  de  vouloir  bien  se  reporter  à  une 
notice  qui  se  trouve  imprimée  dans  le  Bidletin  de  la  Société  ento- 
mologique  de  France,  1908  (p.  267-269),  sous  le  titre  :  Description 
de  deux  variétés  françaises  inédites  de  V Erebia  Tyndarus.  J'appelle 
arvernensis  la  forme  d'Auvergne,  caractérisée  par  le  nombre  et 
l'éclat  des  ocelles  noirs  pupilles  de  blanc  aux  ailes  supérieures  et 
aux  inférieures,  et  je  décris  sous  le  nom  de  Rondoui  une  race  nou- 
velle de  Tyndarus,  habitant  les  Hautes-Pyrénées. 

Cette  variété  Rondoui  est  figurée  sous  les  n°'  129  (cf)  et  133  (  q) 
de  la  PI.  XXV  du  présent  ouvrage.  J'ajoute  aux  renseignements 
que  j'ai  déjà  donnés  en   faisant  connaître  cette  nouvelle  race  de 


LEPIDOPTÉROLOGIE   COMPAREE  335 

Tyndariis,  les  observations  suivantes  que  je  dois  à  l'obligeance  de 
mon  ami  Rondou  : 

a  UEreùia  T yndaïus-Kundoia  forme  la  transition  entre  pyrenœa 
et  Hispania. 

»  Sa  date  d'apparition  est  la  même  que  celle  de  Tyndanis  et 
les  localités  où  je  i'ai  capturée  jusqu'à  ce  jour  sont  celles  où  T yn- 
darus  vole  en  abondance,  c'est-à-dire  les  pelouses  herbeuses  des 
hauteurs  comprises  entre  1,500  et  2,000  mètres.  Rarement  Tyndanis 
descend  au-dessous  de  1,500  mètres;  cependant  on  la  trouve  à  la 
Prade-Saint-Jean,  à  l'entrée  du  cirque  de  Gavarnie,  à  1,400  mètres 
environ.  Jamais  je  ne  l'ai  capturée  au-dessus  de  2,500  mètres. 

»  Au  vol,  la  variété  Rondoui  peut  être  distinguée  de  la  forme 
normale  Tyndanis;  le  dessous  des  ailes  étant  plus  foncé  dans 
celle-ci,  lorsqu'elle  vole  elle  a  un  aspect  gris  noirâtre,  tandis  qu'on 
aperçoit  vite  le  gris  blanchâtre  qui  forme  le  fond  du  dessous  des 
ailes  de  la  variété  Rotidoui. 

»  Pendant  longtemps  je  n'avais  capturé  Rondoui  que  dans  la 
vallée  de  Campbieil,  près  du  lieu  appelé  Saousset;  cette  année  1908, 
ayant  apporté  plus  d'attention  aux  captures  de  Tyndanis,  j'en  ai 
pris  dans  toute  la  vallée  du  Campbieil,  dans  la  montagne  de 
Saugué  et  sur  le  Couméli.  L'aire  de  dispersion  de  Rondoui  est 
donc  très  étendue  et  on  peut  espérer  la  rencontrer  dans  toutes  les 
localités  fréc]uentées  par  Tyndanis  dans  les  Hautes-Pyrénées.   » 

Je  relève  sur  ma  collection  les  provenances  suivantes  pour  les 
Tyndarus  de  l'Europe  occidentale  : 

i''^  Race  :  Hispania,  Butler;  Sierra-Nevada  d'Andalousie,  côté 
de  Lanjaron  (R.  Oberthùr,  juillet  1879;  —  Rosenhauer;  de 
Graslin;  Arguelles). 

Le  cf  a  souvent  2  petits  ocelles  noirs  très  vifs,  pupilles  ou  non, 
situés  inférieurement  aux  2  gros  ocelles  soudés  l'un  à  l'autre,  sub- 
apicaux.  Cette  particularité  se  retrouve  chez  les  Tyndarus 
d'Arménie. 

2"  Race  :  Rondoui,  Obthr;  Hautes-Pyrénées  :  Barcges  (Rellier); 


33^  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

Cauterets  (R.  Oberthiir;  de  Guernisac);  vallée  de  Campbieil,  mon- 
tagne du  Saugué,  Couméli  (Rondou). 

3^  Race  :  -pyrenœa,  Rùhl  {Drovius,  Hernch-Schaeffer,  i68,  169 
Obthr;  Etud.  d'Ent.,  XX;  cf,  155;  Q,  156);  Pyrénées-Orientales 
surtout  prairie  de  Mariailles,  au-dessus  de  la  forêt  de  Randai 
vallée  d'Eyna  (de  Graslin;  Bellier;  Guenée;  Ch.  et  R.  Oberthiir) 
forme  très  caractérisée,  varie  pour  l'ocellation  des  ailes  supérieures 
et  inférieures;  généralement  les  d  et  les  g  ont  2  ocelles  noirs 
subapicaux,  soudés,  pupilles  de  blanc  aux  supérieures,  et  3  ocelles 
noirs,  plus  petits,  séparés,  également  pupilles  de  blanc,  aux  infé- 
rieures; mais  il  y  a  des  exemplaires  qui  présentent  3,  4  et  même 
5  ocelles  aux  supérieures,  4  aux  inférieures,  et  inversement  aux 
inférieures  i  seul  ocelle.  La  fascie  fauve  est  plus  ou  moins  déve- 
loppée; elle  peut  presque  disparaître  aux  inférieures.  Les  Q  surtout 
sont  plus  ou  moins  claires  ou  obscures  en  dessus,  comme  en  dessous, 
oii  les  ailes  inférieures  sont  blanchâtres  ou  jaunâtres,  avec  les  deux 
lignes  transversales,  médianes,  ondulées,  plus  ou  moins  accentuées. 
En  outre,  l'espace  médian  des  ailes  inférieures  compris  entre  ces 
deux  lignes  est  tantôt  de  la  couleur  du  fond,  tantôt  obscurci  par 
un  semis  serré  d'atomes  bruns.  Cependant,  malgré  la  variabilité 
individuelle,  la  race  pyrenœa  reste  tout  à  fait  spéciale,  avec  un 
faciès  constant,  ainsi  que  le  démontrent  les  300  exemplaires  que 
j'ai  sous  les  yeux. 

C'est,  de  toutes  les  variétés  géographiques  de  Tyndarus,  la  plus 
jolie  peut-être  et  la  plus  richement  colorée. 

Guenée  avait  rapporté,  dans  sa  collection,  à  Cassioides,  Esper, 
la  race  de  Tyndarus  que  nous  avions  prise  dans  les  Pyrénées- 
Orientales,  lors  du  voyage  que  nous  fîmes  ensemble  à  Vernet-les- 
Bains  et  à  Mont-Louis,  en  juillet  1862;  mais  c'était  évidemment 
une  erreur  d'appréciation  commise  par  le  savant  lépidoptériste; 
cette  erreur  est  due  vraisemblablement  à  la  figure  de  la  Q  Cas- 
sioides publiée  par  Esper,  sous  le  n°  3  de  la  Tab.  CIII.  Cette  g, 
en  effet,  ressemble  à  certaines  pyrenaica;  mais  le  texte  d'Esper 
(p.   55,   56)  est   formel.  Sa   Cassioides   provient   des  plus  hautes 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE  337 

Alpes  de  Carinlhie,  et  d'ailleurs  le  cT  figuré  sous  le  n"  2  de  la 
Table  ("111  ne  cadre  pas,  surtout  en  dessous,  avec  pyrenaica. 

Godart  a  figuré  sous  le  nom  de  Cleo,  en  dessus  et  en  dessous 
(PI.  XVII,  fig.  5  et  6),  le  (S  des  Pyrénées-Orientales,  et  il  écrit  à 
son  sujet  (p.  124),  cette  phrase  pour  le  moins  singulière  :  «  Les 
individus  que  j'ai  dit  se  rapporter  au  CLco  de  Iluebner,  toujours 
un  peu  plus  grands  et  mieux  caractérisés,  habitent  les  Pyrénées- 
Orientales;  de  sorte  que  ces  dernières  montagnes,  ou  celles  qui  s'en 
rapprochent  par  leur  degré  de  latitude,  peuvent  être  considérées 
comme  le  berceau  de  l'espèce  dont  il  s'agit  ici;  car  on  a  remarqué 
que  les  insectes,  en  général,  dégénèrent  à  mesure  qu'ils  s'éloignent 
de  leur  patrie  primitive.   » 

Je  voudrais  bien  savoir  par  quel  procédé  et  à  quels  caractères 
on  peut  reconnaître  exactement  où  est  le  berceau  d'une  espèce  de 
Lépidoptères  et  quelles  remarques  ont  bien  pu  être  faites  sur  la 
dégénérescence  des  Insectes  qui  s'éloignent  de  leur  patrie  primitive, 
d'ailleurs  inconnue.  En  tout  cas,  les  Tyndarus  les  plus  grands  ne 
sont  point  dans  les  Pyrénées-Orientales;  Godart  ignorait  ceux  qui 
viennent  de  Grèce,  de  l'Andalousie  et  de  certaines  parties  de 
l'Arménie,  lorsqu'il  écrivit  les  considérations  rapportées  ci-dessus. 

Mais  la  Cleo  de  Godart  et  la  Cleo  de  Huebner  ne  se  ressemblent 
guère.  Si  le  cf  Cleo  figuré  par  Huebner,  sous  les  n""*  209  et  210, 
peut  être  considéré  comme  une  Cassioides,  Esper,  et  assimilé  à 
cette  dernière  forme,  la  Q  Cleo,  Huebner,  figurée  sous  les  n"'  211 
et  212,  présente  une  particularité  intéressante  qui  consiste  dans  la 
tache  rouge  et  non  jaunâtre,  au  milieu  de  laquelle  se  détachent, 
sur  le  dessus  des  ailes  supérieures,  les  2  ocelles  noirs,  soudés  l'un 
à  l'autre  et  pupilles  de  blanc.  De  plus,  cette  tache  rouge  s'étend 
vers  l'espace  cellulaire  et  atteint  l'extrémité  de  la  cellule.  Il  y  a 
une  forme  de  Tyndarus  dont  la  Q  est  parfaitement  conforme  à 
cette  g  Cleo  211  et  212;  c'est  celle  qu'on  trouve  au  mont  Majella, 
en  Italie. 

Je  juge  d'après  125  exemplaires  récoltés  pour  nous,  au  mont 
Majella,  par  M.  Fabresse,  les  5  et  6  août  1907.  Les  d  du  mont 
Majella  ne  sont   généralement   pas  semblables  à  la   Cleo   cf   209 

22 


33^  LÉPlDOPTÉROLOGlE   COMPARÉE 

et  210.  En  effet,  si  certains  individus  du  mont  Majella  peuvent 
cadrer  avec  la  Cleo  figurée  par  Huebner,  la  plus  grande  partie 
des  cf  capturés  dans  cette  montagne  italienne  se  distinguent  par 
leur  tache  rouge  subapicale  des  ailes  supérieures,  s'étendant  vers 
l'espace  cellulaire  et  arrivant  jusqu'à  l'extrémité  de  la  cellule. 
Ces  cf  du  mont  Majella  ont  donc  le  même  caractère  que  la  Q 
Cleo  211. 

Il  y  a  bien  au  mont  Majella  des  Q  un  peu  différentes  de  la 
Cleo  211,  212;  par  exemple  ayant  la  tache  rouge  subapicale  plus 
jaunâtre  et  plus  claire;  mais  il  y  a  partout  des  variations  indivi- 
duelles, et  comme  je  possède  au  moins  8  exemplaires  Q  du  mont 
Majella  bien  conformes  à  la  Cleo  211  et  212,  laissant  d'ailleurs 
de  côté  le  cT  Cleo  20g  et  210,  je  désigne  la  race  italienne  de  Tyn- 
darus  comme  suit  : 

4'  Race  :  Cleo,  Huebner  (g  {jiec  cf)  211,  212);  Italie  (Monte 
Majella).  Le  caractère  est  la  couleur  rouge  des  ailes  supérieures 
s'étendant  chez  les  deux  sexes  vers  l'extrémité  de  la  cellule. 

Toutefois,  je  dois  observer  que  j'ignore  non  seulement  d'où 
provient  la  Q  figurée  par  Huebner  avec  le  nom  de  Cleo,  sous  les 
n"'  211  et  212,  mais  encore  si  le  cf  209-210  a  été  pris,  ou  non, 
dans  la  même  localité  que  cette  Q .  J'aurais  pu  créer  un  nom  spécial 
pour  la  Tyndanis  du  mont  Majella  et  laisser  sans  emploi  le  nom 
de  Cleo,  tombant  du  reste  en  synonymie  de  Cassioides  pour  le  cf- 
J'ai  cependant  cru  devoir  le  relever  à  cause  de  la  concordance  des 
figures  211  et  212  de  Cleo  Q  avec  certaines  Q  du  mont  Majella, 
considérant  que,  grâce  à  ces  figures  211  et  212,  il  sera  toujours 
facile  de  se  reporter  exactement  à  la  race  italienne  que  j'ai  voulu 
définir. 

5*^  Race  :  arvemensis,  Obthr  {Bulletin  Soc.  eut.  France,  1908, 
p.  267,  268);  montagnes  d'Auvergne,  notamment  mont  Dore 

Les  ailes  sont  ornées  d'ocelles  noirs  pupilles  de  blanc  d'un  effet 
très  vif;  chez  les  cf,  ces  ocelles,  qui  sont  souvent  au  nombre  de  3, 
sont  faiblement  entourés  de  rougeâtre;  chez  les  Q,  les  ocelles  sont 
entourés  d'un  lavis  peu  étendu  fauve  orangé  pâle.  La  race  arver- 


LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE  339 

jtensis  est  assez  grande  et   rubusle;  la  forme  des  ailes,  chez  le  (J, 
est  très  arrondie. 

0'  Race  :  Cassïoides,  von  iiohenwarth;  vallon  de  TEstrop,  vers 
Estenj^^  dans  les  Alpes-AIaritmies  {ïi.  Powell;  24  et  25  août  190O); 
pentes  du  Lausson,  dans  les  Alpes- Alaritimes  (11.  Powell; 
4  août  1906);  Entragua,  en  Italie  (V.  Cotte;  juillet  1908);  Larche 
(les  3  Coulet;  août  1897);  Digne  (Cotte,  Coulet);  prairie  du  mont 
Pelât,  dans  les  Basses-Alpes  (H.  Powell;  \"  août  1906);  forêt 
d'Entraunes,  dans  les  Basses- Alpes  (H.  Powell;  u,  8,  10  août  190O); 
Monetier-de-Briançon,  dans  les  Hautes-Alpes  (D"'  Siépi);  Caute- 
rets,  Gavarnie,  dans  les  Hautes-Pyrénées  (de  Guernisac,  Ch.  et 
R.  Oberthur,  en  juillet  et  août)  ;  Pics  de  Carlitte,  dans  les  Pyrénées- 
Orientales  et  l'Aude  (juillet  18O9;  Ch.  et  R.  Oberthur,  Michel  Nou 
et  Rendu);  Picos  de  Europa,  dans  les  Asturies  (Ch.  et  R.  Oberthur; 
19  et  20  juillet  1882);  Col  des  Montets,  Moléson  (ex  D"'  Reverdin). 

Les  ailes  inférieures  sont  ornées  d'ocelles  noirs  pupilles  de  blanc 
et  cerclés  de  rougeâtre;  les  2  ocelles  subapicaux  des  supérieures 
sont  assez  gros,  juxtaposés  ou  soudés,  pupilles  de  blanc,  au  milieu 
d'une  tache  rouge  assez  large.  Je  possède  environ  500  exemplaires 
provenant  des  diverses  localités  précitées.  11  y  a  parmi  eux  des 
échantillons  ayant  aux  ailes  des  ocelles  supplémentaires  en  nombre 
variable,  tantôt  avec  symétrie  et  tantôt  avec  asymétrie,  ainsi  que 
le  fait  très  exactement  observer  le  D''  Reverdin.  J'ai  pris  à  Cau- 
terets,  en  juillet  1901,  un  cf  ayant  les  2  ocelles  réglementaires  dans 
l'espace  apical  gauche  des  ailes  supérieures  et  seulement  un  gros 
ocelle  noir  pupille  de  blanc  du  côté  droit;  ce  qui  est  le  contraire 
de  l'observation  faite  par  Ruehl  sur  des  Tyndarns  de  Suisse  et 
rapportée  par  le  D""  Reverdin  dans  les  termes  suivants  (p.  il)  : 
«  Ruehl  avait  remarqué  que  chez  les  Tyndanis  des  Alpes  suisses 
qu'il  avait  sous  les  yeux,  en  rédigeant  son  ouvrage,  quelques-uns 
n'avaient  qu'un  œil  à  la  pointe  de  l'aile  et  que  chez  d'autres  l'œil 
de  la  cellule  4  manquait  à  gauche,  tandis  qu'à  droite  les  deux  yeux 
étaient  présents;  il  se  demande  si  c'est  par  un  effet  du  hasard  qu'il 
n'a  jamais  rencontré  la  disposition  inverse.   » 


340  LÈPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

/'  RACE:  Tyndarus,  Esper  (Tab.  LXVII,  fig.  i);  route  du 
Simplon;  Zermatt  (A.  Guenée,  Ch.  Oberthùr);  Sambucco;  Arolla; 
Grisons;  vallée  de  Saas;  Loëche;  dans  les  Alpes  de  la  Suisse. 

La  taille  est  petite;  la  forme  des  ailes  est  très  arrondie;  aux 
ailes  inférieures,  les  taches  ocellées  font  absolument  défaut;  aux 
ailes  supérieures,  tantôt  les  taches  ocellées  manquent  complètement, 
tantôt  elles  existent,  mais  très  réduites,  assez  rarement  pupillées 
de  blanc,  au  nombre  de  2,  séparées  l'une  de  l'autre.  Les  exemplaires 
qui  n'ont  aucune  tache  ocellée  aux  ailes  supérieures  appartiennent 
à  l'Ab.  Cœcodromus,  Guenée.  Cette  Cœcodromus  et  la  Tyndarus 
dont  Cœcodronms  est  l'expression  extrême  dans  le  sens  à'imponc- 
iuation,  n'est  pas  rare  au-dessous  du  plateau  du  Ryffel,  oii  elle 
voltige  avec  une  grande  vivacité,  mêlée  à  la  Mnestra;  mais  le  vol 
des  deux  espèces  est  bien  différent.  Tyndarus  va  droit  devant  elle, 
rasant  presque  le  sol  et  agitant  ses  ailes  un  peu  comme  les  Hespé- 
rides.  Elle  ne  dépasse  guère  les  pâturages  et  les  pentes  qui  sont 
au-dessous  du  grand  plateau  du  Ryffel,  011  elle  cède  la  place  à 
lappona  et  à  Gorge. 

Il  convient  d'observer  qu'il  y  a  des  exemplaires  de  transition 
entre  Tyndarus  et  Cassioides  et  que,  pour  séparer  les  deux  races, 
c'est  sur  l'ensemble  qu'il  faut  juger.  D'autre  part,  certaines  localités 
présentent  des  échantillons  plus  ou  moins  caractéristiques  de  l'une 
des  deux  races.  Zermatt  serait  un  lieu  où  Tyndarus  est  très  accen- 
tuée; à  Digne,  Cassioides  serait  également  nettement  indiquée; 
mais  à  Lanslebourg  (Savoie),  il  y  a  de  nombreuses  transitions  entre 
Tyndarus  et  Cassioides  et  comme  un  mélange  des  deux  races. 

Je  range  donc  les  races  géographiques  de  l'Europe  occidentale 
de  VErebia  Tyndarus  comme  suit  : 

Tyndarus,  Esper;  Alpes  de  la  Suisse. 

Cassioides,    von    Hohenwarth;    Alpes    françaises;    Pyrénées 

centrales;  Asturies. 
arvernensis,  Obthr;  Auvergne. 
Cleo,  Huebner  (g    211,  212)';   mont  Majella, 


LÉPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE  34I 

(   pyraunca,  Ruehl;   Pyrénées-Orienlales. 
\  Rondoiii,  Obthr;  Hautes-Pyrénées. 
f  Hispanïa,  Butler;  Andalousie. 

Je  connais  en  outre  les  races  orientales  suivantes  : 

DroiHiiliis-,   Stgr   (ex  Stgr)  ;    Arménie   (2    cf )  ; 

sibiricûy  Stgr  (ex  Stgr)  ;  Sibérie  méridionale  (Sajan)  et  Sibérie 

occidentale  (6  cf,  3  Q  )  ; 
otloiuana,  Herrich-Schaeffer;  Grèce;  Bulgarie  (8  cf,  5  Q); 
iranicci,  Groum  (ex  Groum-Grgimailo)  ;  Demavend  (Elbours) 

(I  Cf); 

Liïllias,  Edwards;   Colorado  (5  cf). 

De  plus,  j'ai  reçu  autrefois  de  Bakurian  (ex  Romanoff),  1  cf 
et  I  g  d'une  race  de  T ynclarus,  non  nommée,  intermédiaire  entre 
les  formes  du  groupe  Cass'wides  et  celles  du  groupe  pyrenaica\ 
et  dans  les  collections  Bellier  et  de  Graslin,  j'ai  trouvé  la  Tyndarus 
vraie,  avec  l'étiquette  :  Hongrie  (2  cf),  et  une  forme  analogue  à 
celle  de  Bakurian  étiquetée  :  Bannat  (i  cf  et  i  g).  Je  ne  crois  pas 
devoir,  avec  les  documents  insuffisants  dont  je  dispose,  aborder 
l'étude  critique  des  races  orientales  précitées. 


Melanargia  Galathea,  Linné. 

Le  Demi-Deuil,  comme  l'appelle  le  P.  Engramelle,  est  une  espèce 
très  répandue  en  France,  sauf  dans  les  parties  du  Roussillon  et  du 
Languedoc  où  habite  la  Melanargia  Lachesis,  qui  exclut,  je  crois, 
sa  congénère  Galathea.  Celle-ci  n'a  presque  jamais  été  rencontrée, 
à  ma  connaissance  du  moins,  là  où  se  trouve  Lachesis,  et  récipro- 
quement. 

La  Melanargia  Galathea  existe  en  Angleterre  où  elle  paraît  être 
restée  abondante  dans  certaines  localités,  principalement  de  la  côte 
sud.  Galathea  ne  semble  cependant  pas  vivre  en  Ecosse  et  en 
Irlande.  Les  collections  anglaises  contiennent  de  jolies  variétés  du 


342  LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE 

Demi-Deuil,  comme  d'ailleurs  de  toutes  les  espèces  de  papillons 
britamiiques.  Les  exemplaires  anglais  de  Galathea  que  je  possède, 
provenant  de  la  collection  Raynor,  qui  fut  vendue  à  la  Salle 
Stevens,  le  27  octobre  1891,  sont  de  plus  petite  taille  que  les  exem- 
plaires français;  je  lis  sur  les  étiquettes  fixées  aux  épingles  :  Dover, 
2-8  83;  mais  j'ai  sous  les  yeux  d'autres  exemplaires  anglais  ayant 
fait  partie  de  la  collection  Briggs,  vendue  à  la  Salle  Stevens  les 
27  et  28  octobre  1896,  et  ces  Galathea  sont  de  taille  au  moins  équi- 
valente à  celles  de  France.  Un  cf  portant  la  mention  «  caught  by 
Gray  at  Dover  1890  »  appartient  à  la  forme  Procida,  oii  les  parties 
noires,  en  dessus  comme  en  dessous,  se  montrent  très  envahissantes. 
Je  possède  un  exemplaire  de  la  collection  Briggs,  très  semblable 
à  celui  figuré  par  Mosley,  sous  le  n"  4  de  la  fig.  I  de  ses  Illustrations 
d'Aberrations  de  Papillons  anglais;  mais  malgré  la  reproduction 
faite  par  Mosley  et  l'étiquette  affirmant  qu'il  a  été  pris  à  Douvres, 
par  Gray,  en  1890,  j'aurais  considéré  ce  papillon  comme  indigène 
de  la  Côte  d'Azur  plutôt  que  de  la  côte  méridionale  d'Angleterre; 
toutefois,  Charles  Barrett  nous  apprend  (page  295)  que  «  Spé- 
cimens of  this  variety  (Procida')  exist  in  a  few  of  our  richest 
collections,  but  it  is  extremely  rare  hère,  and  apparently  confined 
to  the  south  coast  ».  Même  turcica  a  été  trouvée,  paraît-il,  une  fois, 
à  Kent,  en  1 871,  et  fait  partie  de  la  collection  de  M.  A.  B.  Farn. 
Dès  lors,  après  l'assertion  de  M.  C.  Barrett,  je  ne  mets  plus  en  doute 
la  présence,  à  titre  d'Aberration  fort  rare,  d'une  forme  très  obscure 
de  Galathea  en  Angleterre. 

«  In  the  opposite  direction  »,  c'est-à-dire  dans  le  sens  des  varia- 
tions par  élimination  des  parties  noires,  on  a  trouvé  en  Angleterre 
des  exemplaires  assez  nombreux  de  variations  claires.  Mosley  figure 
sur  la  PI.  I  à^Arge  Galathea  et  sous  les  n°'  i  et  2,  des  Aberrations  cf 
où  les  parties  blanches  dominent;  elles  sont  fort  remarquables. 
Le  n"  I,  dont  je  possède  un  exemplaire  presque  semblable  venant 
de  Hongrie,  fut  capturé  dans  les  environs  de  Gravesend,  le 
23  juillet  1875  par  J.  P.  Barrett.  Il  est  dépourvu,  aux  ailes  supé- 
rieures comme  aux  inférieures,  de  toute  la  partie  noire  qui,  norma- 
lement, descend  du  bord  costal  et  recouvre  l'espace  cellulaire.  Cette 


LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE  343 

Aberration  se  reproduisant  tout  à  fait  analogue  et  dans  des  pays 
différents,  peut  être  retrouvée  probablement  partout  où  vit  Galathca. 
Elle  mérite  dès  lors  un  nom  et  je  l'ai  appelée  Mosleyi. 

Chez  le  n"  2,  faisant  partie  de  la  collection  S.  Stevens,  le  fond 
des  ailes  est  jaunâtre.  En  fait  de  noir,  il  ne  reste  que  les  bordures 
marginales  et  une  indication  de  la  tache  noire  cellulaire,  aux  ailes 
supérieures.  Je  n'ai  jamais  vu  une  Galathea  aussi  claire. 

Mosley  figure  aussi,  sous  le  n"  0,  l'Aberr.  de  Galathea  entièrement 
noire  que  j'ai  représentée  moi-même  sous  le  n"  16  de  la  PI.  II  de 
la  XX*"  livraison  des  Etudes  d'Entomologie,  avec  le  nom  de  lu  gens. 
L'exemplaire  de  Mosley,  dans  la  collection  de  M.  Farn,  fut  pris 
près  Chattenden,  en  juillet  1871. 

Une  semblable  Aberration  lugens  a  été  trouvée  à  Versoix  par 
M.  le  D""  Reverdin,  de  Genève,  et  elle  est  figurée  sous  les  n"^  4  et  5 
de  la  PI.  6  du  n"  i  du  Bulletin  de  la  Soc.  léfid.  de  Genève. 

Dans  le  département  d'Ille-et-Vilaine,  Galathea  est  très  abon- 
dante en  juillet  et  même  dans  les  premiers  jours  d'août.  Je  l'ai 
observée  en  grand  nombre  sur  les  falaises  de  Cancale  où  mon  fils, 
le  D""  J.  Oberthiir,  a  capturé  l'Ab.  Galène,  sans  taches  ocellées; 
je  possède  aussi  des  exemplaires  pris  à  Moidrey  (Manche),  au  bord 
sud  de  la  baie  du  Mont  Saint-Michel;  à  Rennes,  à  Monterfil,  à 
Bourg~des-Comptes,  etc.  Je  n'ai  jamais  vu  l'Ab.  Q  Leuconielas 
dans  les  environs  de  Rennes;  on  ne  l'a  pas  davantage  trouvée  en 
Angleterre.  J'ignore  si  Galathea  habite  la  côte  sud  du  Finistère. 
Bien  que  j'aie  chassé  à  Ilnelgoat,  dans  la  partie  montagneuse  cen- 
trale du  Finistère,  en  juillet,  à  l'époque  de  l'éclosion  de  Galathea, 
je  n'y  ai  point  trouvé  cette  espèce,  et  je  crois  qu'elle  manque  sur 
la  côte  nord  du  Finistère. 

Galathea  habite  la  Loire-Inférieure,  où  mon  frère  l'a  prise  au 
Pouliguen.  Chez  nous,  comme  je  l'ai  dit  plus  haut,  elle  éclôt  depuis 
la  fin  de  juin  jusqu'aux  premiers  jours  d'août  ;  mais  dans  les 
régions  plus  chaudes,  Galathea  se  montre  dès  les  premiers  jours 
de  juin  et  même  dès  la  fin  de  mai. 

Partout  Galathea  éclôt  une  seule  fois  par  an. 


344  LÉPIDOPTÉROLOGIE   CO.AIPARÉE 

Ma  collection  contient  environ  un  millier  d'exemplaires  prove- 
nant, en  outre  de  l'Angleterre  et  du  département  d'Ille-et-Vilaine, 
des  localités  suivantes  : 

Villers-Cotterets  (Aisne);  environs  de  Paris;  Lardy  (Seine-et- 
Oise);  Dompierre-sur-Mer  (Charente-Inférieure);  Angoulême; 
Souillac  (Lot)  ;  Charroux  (Vienne)  ;  La  Malène  et  Florac  (Lozère)  ; 
Nay  et  Biarritz  (Basses-Pyrénées);  Axât  (Aude);  forêt  de  Bou- 
cheville  (Pyrénées-Orientales);  Cauterets  (Hautes-Pyrénées);  Vi- 
zille  et  LTriage  (Isère)  ;  Aix-les-Bains  (Savoie)  ;  Chamounix 
(Haute-Savoie);  Dôle  (Jura);  Morteau  (Doubs)  ;  Celles-les-Bains 
(Ardèche);  La  Grave  (Hautes-Alpes);  Lectoure  (Gers);  Limoges; 
Marseille,  Saint-Pons  et  Pas-des-Lanciers  (Bouches-du-Rhône); 
Hyères  (Var);  La  Turbie,  Moulinet,  Dalnis,  L'Escarène,  vallée 
du  Roubion,  Puget-Théniers,  col  de  Brans,  Levens,  Madone  de 
Fenestre,  Digne,  Larche,  Le  Lauzet,  Allos,  Entrevaux,  Mont 
Gourdon,  Garamagne,  dans  la  région  des  Alpes-Maritimes  et  des 
Basses-Alpes;  Piémont;  Stresa;  Locarno;  lac  de  Corne;  Florence; 
Rome;  Roccaroso  et  Palena  (Italie  méridionale);  Sicile;  Méran 
(Tyrol);  Carniole;  littoral  autrichien  de  l'Adriatique;  Hongrie; 
Grèce;  Amasia;  Broussa  (Asie-Mineure);  Potes  (Asturies);  Ober- 
land  bernois,  Ecclepens,  Martigny  (Suisse)  ;  Halle-sur-Saale 
(Allemagne). 

Les  variations  sont  nombreuses  et  intéressantes  :  d'une  manière 
générale,  le  fond  des  ailes  peut  être  blanc  ou  jaune  primevère,  avec 
toutes  les  transitions  chromatiques;  les  parties  noires  peuvent  être 
envahissantes  ou  rétrécies;  les  taches  ocellées  manquent  ou  sont 
multipliées;  les  dessins  du  dessous  des  ailes  inférieures  peuvent 
être  atténués  ou  accentués. 

Les  Entomologistes  se  sont  soigneusement  occupés  des  variétés 
présentées  par  Galathea;  c'est  ainsi  que  M.  J.  Culot  a  décrit  et 
figuré  dans  le  Bulletin  de  la  Société  lépidoptér.  de  Genève  (n°  i, 
p.  69,  PI.  I,  fig.  5),  avec  le  nom  de  Nicoleti,  une  Aberration  prise 
aux  environs  de  Tramelan,  chez  laquelle  les  taches  blanches 
manquent   absolument   dans  la  bande   marginale  noire   des  ailes 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPAREE  345 


inférieures.  Je  possède  un  cf  de  cette  Ab.  Nie  oie  ti,  pris  à  Angoulême 
par  mon  ami  Gabriel  Dupuy,  et  i  cf  et  i  Q  capturés  à  Florac, 
par  M.  Dayrem,  en  juin  et  juillet  1908.  Il  y  a  toutes  les  transitions 
entre  le  type  et  l'Ab.  Nuoleii,  et  ces  transitions  sont  surtout  fré- 
quentes chez  la  race  provençale  Procida. 

Dans  le  même  Bulletin  de  Genève,  M.  Jullien  décrit  et  figure, 
sous  le  nom  de  Vis  pardi  (p.  167,  PI.  6,  fig.  i),  un  cf  dont  la  tache 
noire  discoïdale  normale  des  ailes  inférieures  est  indiquée  par  le 
trait  noir  de  son  contour,  laissant  la  partie  centrale  de  la  tache 
plus  ou  moins  envahie  par  la  couleur  blanchâtre  du  fond  des  ailes. 
Je  possède  un  exemplaire  cf  Vispardi,  pris  dans  le  département 
du  Doubs;  plusieurs  autres  plus  ou  moins  accentués  trouvés  dans 
l'Aisne,  le  Poitou,  en  Angleterre,  etc. 

M.  Delahaye,  dans  le  Supplément  tout  récemment  paru  au 
Catalogue  des  Lépidoptères  de  Maine-et-Loire,  fait  connaître 
(p.  12)  une  Ab.  decetnocellata,  d'après  i  cf  pourvu  de  3  ocelles 
aux  ailes  supérieures  en  dessous  et  de  7  ocelles  aux  inférieures. 
J'ai  examiné  un  certain  nombre  des  Galathea  de  ma  collection; 
j'ai  trouvé  une  autre  decemocellata;  c'est  une  Q  de  Digne,  ayant 
\  ocelles  aux  supérieures  et  6  aux  inférieures. 

Normalement  Galathea  présente  aux  ailes  supérieures  en  dessous 
I  ocelle  noir  subapical  pupille  de  blanc,  et  aux  inférieures,  6  ocelles 
noirs  pupilles  de  blanc  et  entourés  d'un  cercle  blanc  ou  jaune,  qui 
est  lui-même  limité  par  un  liséré  noir.  Sur  le  dessous  des  ailes, 
l'espace  compris  entre  les  2  ocelles  supérieurs  et  les  4  inférieurs 
reste  vide  d'ocelle,  par  correspondance  à  la  tache  blanche  du  dessus 
des  ailes,  dont  la  pointe  pénètre  plus  ou  moins  profondément  dans 
la  bordure  marginale  noire  et  crée  ainsi  la  lacune  dans  la  série  des 
ocelles  du  dessous. 

Les  variations  dans  le  nombre  et  la  disposition  normale  des 
taches  ocellées  du  dessous  des  ailes  semblent  être  fort  rares  dans 
Galathea;  cependant  j'ai  trouvé  dans  les  exemplaires  de  ma  col- 
lection plusieurs  exemples  de  2  ocelles  subapicaux  aux  ailes  supé- 
rieures; de  plus,  je  possède  2  cf  de  Digne  montrant,  l'un  :  un  point 


346  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

noir  dans  chaque  espace  nervural  normalement  vide  des  ailes  infé- 
rieures en  dessous;  l'autre  :  une  tache  ocellée  en  voie  de  formation, 
partiellement  constituée,  mais  assez  large  pour  se  trouver  en  contact 
de  chaque  côté  avec  la  série  des  ocelles  et  tout  près  d'établir  la 
continuité  non  interrompue  des  7  grains  de  collier  qui  existe  chez 
la  decernocellata,  Delahaye. 

L'Ab.  inverse  Galène,  sans  yeux,  est  moins  rare;  j'en  possède 
un  certain  nombre  d'exemplaires;  quelques-uns  sont  entièrement 
aveugles;  d'autres  ont  quelques  faibles  traces  d'ocelles,  ou  bien  ne 
présentent  qu'un  ocelle  ou  deux  aux  ailes  inférieures. 

Ces  Galène  proviennent  de  Celles-les-Bains,  i  cf  (P-  Chrétien); 
de  Dompierre-sur-Mer,  4  cf,  2  g  (Vigé  et  P.  Boulé);  Charroux, 
I  Q  (R.  Oberthiir)  ;  Auvergne.  2  cf,  2  Q  (Guillemot,  Bellier)  ; 
Angoulême,  2  cf  (G.  Dupuy)  ;  Lectoure,  i    Q   (Dayrem)  ;  Cancale, 

1  cf  (J.  Oberthiir). 

L'Ab.  Q  Lcnconielas,  dont  les  ailes  inférieures  sont,  en  dessous, 
lavées  uniformément  d'une  teinte  jaune  pâle,  se  trouve  dans  les 
Charentes,  la  Lozère,  la  Provence;  je  n'ai  jamais  vu  Leiicomelas 
à  Cauterets,  ni  à  Uriage;  pas  plus  qu'en  Bretagne.  Aux  environs 
de  Paris,  il  y  a  une  forme  superbe  de  Leucoviclas  que  j'ai  appelée  : 
Intetïana,  chez  laquelle  les  dessins  ordinaires  ressortent  en  jaune 
orangé  sur  le  fond  jaune  crème  des  ailes  inférieures,  en  dessous; 

2  exemplaires  de  cette  forme  se  trouvaient  dans  la  collection  Bellier. 
Je  n'ai  jamais  vu  de  cf  Leucomelas\  aussi,  lorsque  Boisduval  écrivit 
dans  VI cônes  (p.  133)  :  «  On  rencontre  plus  souvent  des  femelles 
que  des  mâles  de  Leuconielas;  cependant  M.  Rambur  a  pris  en  1832 
un  cf  et  une  Q  accouplés  »,  je  suis  porté  à  croire  que  feu  mon 
savant  ami  commit  dans  ce  dernier  membre  de  phrase  une  confusion. 
Je  considère  comme  une  Leiicomelas  de  Proc'ida  la  Q  dont  il  donne 
la  figure  sous  les  n"**  3  et  4  de  la  PI.  25  de  Ylconcs.  En  effet, 
Procida  offre  la  Q  Leuconielas,  concurremment  avec  la  Q  normale. 
En  France,  la  forme  Procida  n'existe  réellement  qu'en  Provence 
et  dans  le  pays  de  Nice,  et  c'est  dans  les  Alpes-Maritimes  qu'elle 
est  plus  grande  et  plus  belle.  La  Procida  de  Huebner  (n°^  658 
et  659)  est  un  cf  dont  le  fond  des  ailes  est  jaune  primevère,  en 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE  347 

dessus,  assez  analogue  à  ceux  qu'on  prend  à  Digne  où  la  race  est 
plus  obscure  que  chez  nous,  mais  où  la  taille  est  généralement  moins 
grande  que  dans  les  Alpes-Maritimes.  Boisduval  représente  sous 
les  n"'  5  et  6  de  la  PI.  25  de  VIco/u's  le  d'  Procida,  comme  on  le 
rencontre  dans  les  Alpes-Maritimes  et  le  Piémont.  Duponchel 
représente  très  probablement  un  Procida  cf  de  même  provenance 
sous  les  n°^  5  et  6  de  la  PI.  XLV,  et  sa  Leiiconielas  figurée  sous 
les  n"^  3  et  4  de  la  même  Planche  pourrait  bien  venir  également 
du  pays  de  Nice. 

La  Procida,  aux  environs  de  la  Turbie  notamment,  est  un  papillon 
superbe,  montrant  un  large  développement  des  taches  noires,  avec 
une  opposition  très  vive  des  parties  blanches  ou  jaunâtres;  sur  le 
dessous  des  cf.  les  dessins  sont  très  accentués.  Il  y  a  des  Q  de 
taille  très  grande  et  très  largement  bordées  de  noir.  C'est  en  Sicile 
que  la  Galathea  est  de  plus  grande  taille;  mais  elle  paraît  moins 
obscure  en  Sicile  que  dans  les  Alpes-Maritimes;  à  Locarno,  la 
Galathea  a  le  fond  des  ailes  très  blanc  et  les  parties  noires  semblent 
assez  développées,  on  peut  lui  donner  le  nom  de  Procida,  ainsi  qu'à 
la  race  de  Méran;  la  race  de  Florence  et  de  Cernobbio,  sur  les 
bords  du  lac  de  Côme,  est  plus  obscure  que  dans  la  France  septen- 
trionale et  centrale;  mais  moins  caractérisée  que  la  Procida  de  Nice 
et  du  Piémont.  Quant  à  la  Galathea  de  l'Italie  méridionale,  elle 
surprend  par  la  modestie  relative  de  sa  taille  et  le  peu  de  dévelop- 
pement de  ses  taches  noires. 

Au  point  de  vue  du  mélanisme,  la  variété  turcica  mérite  la  palme  ; 
c'est  de  Grèce  et  d'Amasia  que  proviennent  les  exemplaires  les  plus 
mélanisants. 

^lillière  a  figuré  sous  le  n°  i  de  la  PI.  III  de  la  3"  livraison  de 
sa  belle  Iconographie,  avec  le  nom  de  turcica,  Bdv.,  une  Ab.  quasi- 
lugens  de  Galathea,  d'après  un  cf  pris  à  Digne  par  feu  Donzel, 
en  se  fondant  sur  la  courte  diagnose  de  Boisduval  «  fere  tota 
nigra  »;  mais  le  papillon  figuré  par  Millière  n'est  pas  turcica, 
quoique  presque  tout  noir;  turcica  désigne  une  race  qui  est  une 
exagération  de  Procida  et  ne  peut  s'appliquer  à  une  Aberration 
telle  que  Donzel  en  captura  un  magnifique  échantillon  bien  digne 


348  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

assurément  d'être  reproduit  dans  l'artistique  Iconographie  de  feu 
mon  ami  Millière.  Ma  collection  contient  un  superbe  cf  de  Marseille 
qui  est  un  peu  moins  noir  que  le  qiiasi-lugens  de  Digne;  il  appar- 
tenait à  feu  Rellier.  En  outre,  j'ai  figuré  sous  le  n°  ly  de  la  PL  II 
de  la  XX*  livraison  des  Etudes  d' Entomologie  une  belle  variété 
mélanisante  venant  de  la  Lozère  et  faisant  également  partie  de  la 
collection  Bellier.  De  plus,  j'ai  reçu  des  Basses-Alpes  (St-Martin- 
d'Entraunes  et  Digne)  2  cf  très  mélanisants  par  le  fait  d'un  semis 
d'atomes  noirs  répandus  sur  une  partie  des  taches  blanches  des 
ailes. 

Esper  figure  sous  les  n°'  4  et  5  de  la  Tab.  CXI  2  magnifiques 
Aberrations  de  Galathca  provenant  de  Carlsstadt,  en  Croatie,  et 
faisant  partie  de  la  fameuse  collection  Gerning;  le  n"  4  est  une 
variété  très  obscure  avec  le  fond  des  ailes  d'un  jaune  vif;  quant 
au  n"  5,  appelé  Galaxœra,  il  ressemble  à  une  tiircica. 

Dans  le  Io.hr esbericht  des  Wiener  entornol.  Vereins,  1897,  se 
trouvent  figurées  sous  les  rf^  i  et  2  de  la  Taf.  I,  avec  le  nom  Antar- 
ginata,  Metzger,  deux  Galathea  aberrantes  cf  et  g ,  qui  sont  décrites 
comme  suit  :  Dieser  bisher  nicht  benannten  Aberrationen  fehlt  auf 
der  Ober-und  Unterseite  die  starke  schwarze  Saumlinie,  welche  bei 
der  typischen  Form  auf  der  Vorderfluegel-Oberseite  meist  in  dem 
schwarzen  Saumfelde  verschwindet.  Auf  der  Unterseite  der  Hin- 
terfluegel  fehlt  hier  auch  die  sonst  scharfe,  schwarze  Begrenzung 
der  Zackenbinde  hinter  der  Augenreihe  ».  Cette  Aberration  amar- 
ginata  a  été  prise  en  Carinthie.  «  und  zwar  in  Wolfsberg  beim 
Wegbauer  Kreuz  (Aufstieg  zur  Koralpe)  und  in  Friesach,  an  den 
westlichen  unteren  Lagen  des  Thaïes.  »  Je  possède  une  Q  aniar- 
ginata  prise  à  Thiers  par  feu  mon  ami  Antoine  Guillemot,  un  des 
habiles  chasseurs  et  zélés  Lépidoptéristes  du  milieu  du  siècle  der- 
nier, auteur  d'un  excellent  Catalogue  des  Lépidoptères  du  Puy- 
de-Dôme,  paru  en  1854.  Dans  le  premier  Supplément  (1858)  se 
trouve  décrite,  mais  sans  nom,  l'Aberration  amar ginata  (p.  6  et  7). 
Comme  le  dit  Guillemot,  à  ne  considérer  que  le  dessous  des  infé- 
rieures, cette  Aberration  est  tout  le  contraire  de  Galène,  où  les  yeux 
n'existent  plus,  tandis  que  le  reste  du  dessin  a  persisté. 


LEPIDOPTEROLOGIE    COMPAREE  349 

Cette  Aberration  Gahiie,  «  absque  ocellis  »,  pourtant  ancien- 
nement connue,  n'est  figurée,  à  ma  connaissance,  que  dans  le 
lahresber.  d.  Wien.  ent.  Vereins,  1897  (Taf.  I,  fig.  3). 


Melanargia  Lachesis,   Huebner. 

C'est  une  espèce  propre  à  l'Espagne  occidentale,  centrale  et 
méridionale,  ainsi  qu'aux  départements  français  limitrophes  de  la 
Méditerranée,  depuis  les  Pyrénées-Orientales  jusqu'aux  Bouches- 
du-Rhône. 

Ma  collection  contient  des  exemplaires  provenant  de  :  Grenade, 
Escorial,  Albarracin,  Sierra-Alta,  en  Espagne;  Marseille,  Pont- 
du-Gard,  Nîmes,  Montpellier,  Millas  et  Vernet-les-Bains,  dans  la 
France  méridionale. 

Toutefois  je  dois  observer  que  par  Marseille,  localité  que 
désigne  Bellier  sur  un  exemplaire  de  sa  collection,  il  faut  entendre 
une  partie  du  département  des  Bouches-du-Rhône  peut-être  assez 
éloignée  de  Marseille,  plutôt  que  les  environs  immédiats  de  cette 
ville. 

Le  docteur  Siépi,  dans  le  Catalogue  raisonné  des  Lépid.  des 
Bouches-du-Rhône,  donne  seulement  le  nord  du  département  pour 
localité  de  Lachesis.  Celle-ci  et  Galaihea,  qui  semblent  généra- 
lement s'exclure,  ont  donc  dans  le  nord  des  Bouches-du-Rhône, 
où  se  trouve  également  Galathea,  un  point  de  réunion,  de  même 
que  Podalirius  et  F eisthamelii  trouvent  à  se  rencontrer  à  Gèdre, 
dans  les  Hautes-Pyrénées,  ainsi  que  nous  l'a  appris  M.  Rondou. 

Lachesis  a  été  d'abord  représentée  par  Huebner,  d'après  un  cT, 
en  dessus  et  en  dessous.  D'où  provient  ce  papillon  qui  a  servi  à 
Huebner  pour  fonder  l'espèce?  Huebner  ne  le  dit  pas;  ou  du 
moins  je  suis  resté  inhabile  à  découvrir  une  indication  que  cet 
auteur  aurait  pu  donner.  Mais  en  examinant  la  figure,  j'ai  lieu 
de  croire  que  la  Lachesis  cf  de  Huebner  est  de  provenance 
espagnole. 


350  LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE 

En  effet,  chez  l'exemplaire  figuré  par  Huebner,  l'ocelle  bleuâtre 
des  ailes  supérieures  est  très  nettement  accentué;  les  5  ocelles 
ordinaires  des  ailes  inférieures  sont  également  très  bien  marqués 
en  dessus  comme  en  dessous  ;  les  dessins  noirs  sont  peu  épais  ;  le 
fond  des  ailes  est  d'un  blanc  très  faiblement  jaunâtre  et  la  liture 
marginale  noire,  si  généralement  accentuée  le  long  du  bord  exté- 
rieur des  ailes  inférieures,  chez  les  Lachesïs  de  France,  et  faisant 
au  contraire  si  fréquemment  défaut  chez  les  Lachesis  des  régions 
chaudes  et  d'une  altitude  modérée  de  l'Espagne,  est  réduite  à  son 
expression  la  plus  simple. 

Pour  toutes  ces  raisons,  je  considère  donc  la  forme  premièrement 
décrite  de  Lachesis  comme  provenant  très  vraisemblablement  de 
l'Espagne,  et  j'ai  sous  les  yeux  des  exemplaires  de  l'Escorial  pris 
les  29  et  30  juillet  1879,  parmi  lesquels  plusieurs  me  paraissent 
bien  conformes  à  la  figure  donnée  par  Huebner.  Le  même  Huebner 
figure,  sous  les  n"*"  188,  189,  une  Q  que  je  ne  puis  cependant 
considérer  comme  espagnole,  ainsi  que  le  cf  186,  187;  mais  plutôt 
comme  languedocienne. 

Je  ne  me  dissimule  pas  le  trouble  qui  résulte  de  cette  circons- 
tance dans  la  question  de  savoir  d'où  peut  provenir  le  type  même 
de  l'Espèce.  Il  y  a  évidemment  des  chances  pour  que  la  Q  (non 
signalée  dans  le  Catalog  Staudinger  et  Rebel  1901)  ait  la  même 
origine  que  le  çj \  ce  qui  ne  s'accorde  cependant  pas  avec  les 
documents  dont  je  dispose.  Dès  lors,  je  considère  le  d"  seul  figuré 
..par  Huebner  comme  pouvant  être  espagnol,  puisque  certains  cf 
Lachesis  de  l'Escorial  concordent  avec  la  figure  donnée  par  cet 
auteur. 

Esper,  sous  les  n°'  i  et  2  de  la  Tab.  XCVI,  a  figuré  avec  le 
nom  nemausiaca,  un  cf  et  une  Q  pris  à  Nîmes  et  représentant 
assez  exactement  la  forme  géographique  du  Languedoc  médi- 
terranéen. Chez  ces  nemausiaca,  la  liture  marginale  noire  des  ailes 
inférieures  du  cf  est  très  accentuée  et  le  dessous  des  ailes  infé- 
rieures de  la  Q  montre  des  taches  et  ocelles  d'une  couleur  ocre 
jaune  se  détachant  nettement  sur  le  fond  jaune  assez  vif  des  ailes. 


LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE  351 

comme  chez  la  Q  figurée  par  Huebner  sous  les  n°'  i88,  189,  ce 
qui  constitue  encore  un  caractère  clistinctif  entre  les  races  espa- 
gnole et  française  de  Lachcsïs.  Chez  la  Lachesis  de  l'Escorial, 
les  g  tendent  à  avoir  les  ailes  inférieures,  en  dessous,  unifor- 
mément lavées  d'une  teinte  crème,  sans  que  les  taches  médianes 
apparaissent.  Cette  Ab.  g,  analogue  à  Leucomelas  de  Galathen, 
a  été  appelée  Cataleuca  par  Stgr;  mais  toutes  les  g  de  Lachesis 
à  l'Escorial  ne  sont  pas  plus  des  Cataleuca  que  nulle  part  les 
Galathea   g   ne  sont  des  Leucomelas. 

Seulement  les  Lachesis  g  de  l'Escorial,  qui  ne  sont  pas  des 
Cataleuca,  semblent  tendre  vers  cette  Aberration,  en  ce  sens  que 
le  fond  des  ailes  inférieures,  en  dessous,  est  lavé  de  la  même  teinte 
crème,  mais  avec  les  taches  médianes  restées  très  apparentes, 
quoique  généralement  atténuées  et  moins  nettement  dessinées  que 
chez  ncuuxusiaca,  Esper,  et  Lachesis   g,  Huebner  (188,   189). 

En  outre  des  deux  formes  signalées  plus  haut  :  Lachesis  de 
l'Escorial  et  nemausiaca  du  Languedoc  méditerranéen,  il  y  a  la 
forme  canigulensis,  Obthr.,  des  basses  montagnes  des  Pyrénées- 
Orientales.  Canigulensis  est  généralement  plus  petite  que  nemau- 
siaca ;  les  parties  noires  y  sont  plus  largement  développées  et 
les  g,  au  lieu  de  tendre  vers 'l'Ab.  Cataleuca,  ont  les  contours 
des  macules  médianes  et  des  ocelles  des  ailes  inférieures,  en 
dessous,  bien  dessinés  et  tranchant  nettement  sur  le  fond  des  ailes. 

Une  exagération  de  la  forme  canigulensis  est  la  race  de  Sierra- 
Alta,  qui  est  encore  plus  petite  et  qui  montre  les  taches  et  ocelles 
des  ailes  inférieures,  en  dessous,  tracées  en  noir  avec  leur  milieu 
largement  pupille  de  noir.  Cette  forme  très  particulière  a  été  prise 
par  M.  Fabresse,  en  juillet  et  commencement  d'août  1907.  J'en  ai 
1 1  exemplaires  des  deux  sexes.  J'ai  distingué  cette  race  sous  le 
nom  de  alta. 

Cette  race  alta  présente  la  particularité  d'avoir  une  Ab.  g 
cataleuca  qui  est  l'antithèse  de  la!  forme  normale  de  la  Sierra-Alta, 
laquelle  est,  de  toutes  celles  que  je  connais,  la  plus  sombre  et  la 
plus  éloignée  de  cataleuca. 


352  LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE 

Enfin,  je  dois  signaler  la  superbe  forme  des  plaines  du  Rous- 
sillon,  notanniient  celle  qui  vole  en  juillet,  à  Millas.  C'est  une  race 
très  grande,  pouvant  être  considérée  comme  faisant  une  transition 
entre  canigulensis  et  nemausiaca.  Certains  exemplaires  de  Millas 
pourraient  être  en  effet  rattachés  à  canigulensis  et  d'autres  à 
nemausiaca.  A  ce  propos,  il  ne  faut  pas  oublier  que,  pour  classiûer 
toutes  ces  races  locales,  il  est  indispensable  de  considérer  un 
ensemble  au  moyen  d'un  grand  nombre  d'exemplaires  et  de  faire 
abstraction  des  individus  aberrants,  susceptibles  d'être  rattachés 
à  une  race  autre  que  celle  à  laquelle  ils  appartiennent  géographi- 
quement. 

On  peut  trouver  dans  toutes  les  localités  quelques  exemplaires 
dissemblables  de  ceux  qu'on  trouve  le  plus  ordinairement  avec  eux 
et,  au  contraire,  ressemblant  davantage  à  la  race  normale  d'un 
autre  pays. 

J'ai  réuni,  pour  comparer  les  races  de  Lachesis,  environ  400  indi- 
vidus provenant  de  diverses  localités  précitées.  Malheureusement 
j'en  possède  6  seulement  de  l'Andalousie,  et  c'est  tout  à  fait 
insuffisant  pour  que  je  puisse  me  former  et  exprimer  une  opinion 
sur  la  forme  de  cette  région  qui  me  semble  pourtant  fort  inté- 
ressante. 

Continuant  donc  l'étude  des  autres  formes  pour  lesquelles  je 
suis  mieux  documenté,  je  signalerai  les  variations  suivantes,  dans 
la  forme  :  canigulensis. 

1°  Galenoîdcs,  Obthr.  ;  analogue  à  l'Ab.  Galène  que  présente 
Galathea;  c'est-à-dire  :  absque  ocellis.  Cette  Aberration  aveugle, 
chez  laquelle  les  taches  ocellées  manquent  en  dessus  comme  en 
dessous,  paraît  fort  rare.  Mon  frère,  en  vingt  années  de  chasse  à 
Vernet-les-Bains,  en  a  pris  seulement  i  cf  et  2   Q. 

Il  me  semble  que  Mil  Hère  a  figuré,  sans  s'en  rendre  compte, 
cette  Ab.  Galenoides  dans  son  Iconographie.  En  effet,  la  Lachesis 
cf  représentée  sous  le  n°  5  de  la  PI.  62  de  cet  artistique  ouvrage 
est  dépourvue  de  la  tache  ocellée  normale  sur  les  ailes  supérieures 
et  on  perçoit  seulement  un  ocelle,  encore  faiblement  indiqué  près 
de  l'angle  anal  des  ailes  inférieures.  Très  probablement,  le  dessous 


LEPIDOPTEROLOGIE  COMPAREE  353 

de  cette  Lac/iesis,  dont  Millicre  a  le  tort  de  ne  pas  indiquer  la 
patrie,  était  :  absquc  occllis\  car  les  Galenoïdes  de  ma  collection, 
sans  ocelles  ou  presque  sans  ocelles  en  dessous,  sont  également 
dépourvus  d'ocelles  en  dessus. 

Inversement  à  l'Ab.  Galenoïdes,  la  Melanargïa  Lachcsis  est 
aussi  susceptible  d'avoir  un  point  noir  ou  même  un  ocelle  supplé- 
mentaire, entre  les  2  ocelles  antérieurs  et  les  4  ocelles  inférieurs 
des  ailes  inférieures,  tout  comme  dans  l'Ab.  décerna cellata  de 
Galathea.  Je  possède  plusieurs  cf  des  Pyrénées-Orientales  pré- 
sentant cette  particularité.  L'un  d'eux  :  novemo cellata,  montre 
2  taches  ocellées  aux  ailes  supérieures,  au  lieu  de  l'unique  tache 
ocellée  qui  est  normale,  et  7  aux  ailes  inférieures.  Je  n'ai  cependant 
jamais  vu  d'exemplaire  de  Lachcsis  ayant  en  même  temps  3  ocelles 
aux  ailes  supérieures  et  7  aux  inférieures,  comme  la  Galathea 
decemo cellata,  Delahaye.  Mais  il  doit  en  exister,  car  ma  collection 
contient  une  Q  Lachesis  novemocellata  avec  6  ocelles  aux  infé- 
rieures (l'espace  restant  libre  et  non  ocellé  entre  les  2  ocelles 
antérieurs  et  la  série  des  4  ocelles  inférieurs)  et  3  ocelles  aux 
supérieures,  alignés  comme  suit  :  l'ocelle  normal,  une  tache  ocellée 
faible  immédiatement  au-dessous,  un  espace  nervural  libre  et  un 
ocelle  très  bien  cerclé  de  jaune,  occupant  tout  l'espace  nervural. 
au-dessous  de  l'espace  libre. 

Enfin  le  fond  des  4  ailes,  au  lieu  d'être  blanc  ou  blanc  légè- 
rement jaunâtre,  peut  se  rencontrer  d'une  couleur  jaune  assez 
caractérisée.  J'ai  appelé  cette  variation  :  jîavescens. 

Je  me  souviens  qu'un  jour  de  juin  1901,  j'aperçus  près  du  sentier 
qui  monte  au  col  de  Feuilla,  entre  Vernet-les-Bains  et  Sahorre, 
une  Lachesis  cf,  d'un  jaune  très  vif,  voltigeant  sur  la  pente  aride 
où  poussent  quelques  touffes  de  cistns,  de  dorycnuim,  etc.,  entre 
de  rares  chênes-verts  et  des  pins  qu'infeste  le  Cnethocamfa  pytio- 
campa.  Ayant  capturé  cette  Lachesis,  je  constatai  qu'une  fois 
morte,  la  couleur  jaune  de  ses  ailes  avait  beaucoup  perdu  de  son 
éclat  et  de  son  intensité.  Je  n'avais  encore  jamais  remarqué  la 
couleur  jaune  pâlissant  aussi  sensiblement  chez  un  papillon  ayant 
perdu  la  vie. 

23 


354  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

Il  me  semble  donc  que  je  puis  établir  le  classement  des  races 
et  variations  de  Lachesis,  présentement  connues  de  moi,  de  la 
manière  suivante  qui  résume  mes  observations  : 

Lachesis,  Huebner  (cf,  i86,  187);  forma  :  Escorialensis. 
—  Escorial  (Espagne), 
Ab.   Ç)   cataleuca,  Stgr.  —  Escorial,  Albarracin. 

forma  :  nemausiaca,  Esper  (Tab.  XCVI  ;  cf ,  fig-  i  ;  Q . 
lig.  2);  Huebner  (ç,  188,  189).  —  Languedoc 
méditerranéen. 

forma  :   canigulensis,  Obthr.   —  Vernet-les-Bains   (Pyré- 
nées-Orientales). 
Ab.  Galenoides,  Obthr, 
Ab.  novemocellata,  Obthr. 
Ab.  flavescens,  Obthr. 

(    forma  :  alla,  Obthr.  —  Sierra-Alta  (Espagne). 
)        Ab.   g  cataleuca,  Stgr. 


Melanargia  Lucasî,  Rambur. 

Lucas,  le  premier,  a  figuré  avec  le  nom  de  Clotho?  Hbn.,  sous 
les  n"**  4  et  4  c7  de  la  PI.  2  de  V Exploration  scientifique  de 
l'Algérie,  la  M elanar gia  si  répandue  en  juin  dans  toute  l'Algérie, 
la  Tunisie  et  même  certaines  parties  du  Maroc,  et  qui  forme  une 
transition  si  intime,  entre  les  M  elanar  gia  Galathea  et  Japygia. 

Lorsque  j'écrivis  la  Faune  des  Lépidoptères  de  l'Algérie,  en 
1876,  dans  la  P"^  Livraison  des  Etudes  d'Entomologie,  je  rapportai 
à  Galathea,  comme  variété  que  j'appelai  :  mauritanica  (p.  26), 
cette  M  elanar  gia  algérienne.  J'ignorais,  à  l'époque  011  j'écrivis  cet 
ouvrage,  que  dans  le  Catalogue  systématique  des  Lépidoptères 
de  V Andalousie  portant  la  date  de  1858,  Rambur,  dissertant  sur 
VArge  algérienne  appelée  Clotho?  par  Lucas,  lui  avait  donné  le 
nom  de  Lîicasi. 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   COAIPARÉE  355 

Les  considérations  d'ailleurs  très  contestables,  pour  une  partie 
au  moins,  exposées  par  Ranibur  au  sujet  de  ce  Satyride,  sont 
imprimées  en  note,  à  la  page  20  du  Catalogue  de  ï Andalousie. 

En  1867,  dans  les  Annales  de  la  Société  ent.  de  France,  mon 
ami  Gaston  Allard,  sous  le  modeste  titre  de  Notes  sur  les  Insectes 
de  l'Algérie,  rapportait  à  ïArge  Clotho,  var.  Atropos,  la  Mela- 
nargia  Lucasi,  Rambur. 

Cette  Atropos  est  la  forme  sicilienne  dont  Bel  lier  {^Annal.  Soc. 
ent.  France,  1860,  p.  677),  parle  dans  les  termes  suivants  :  «  Clotho 
est  remplacée  en  Sicile  par  le  type  Atropos  d'Huebner  ou  Lyssia- 
nassa  de  Dabi.  La  coloration  varie  du  blanc  plus  ou  moins  pur 
au  blanc  jaunâtre  et  les  femelles  sont  quelquefois  très  obscures. 
Cette  Arge  est  assez  localisée,  mais  on  peut  en  prendre  un  grand 
nombre  dans  les  lieux  qu'elle  fréquente.  Elle  affectionne  les  pentes 
très  méridionales  couvertes  de  graminées,  et  se  repose  souvent  sur 
les  fleurs  des  chardons  ».  J'ai  sous  les  yeux  un  certain  nombre 
â^ Atropos  prises  en  Sicile  par  feu  Bellier  et  en  Italie  méridionale 
par  Fabresse,  ainsi  qu'une  quantité  considérable  de  Lucasi  pro- 
venant de  diverses  localités  de  la  Barbarie. 

Il  est  évident  qu'il  y  a  entre  Atropos  de  Sicile  et  d'Italie  méri- 
dionale, dont  le  cf  a  été  bien  figuré  par  Huebner  sous  les  n"^  192 
et  193,  et  Lucasi  de  Mauritanie,  une  bien  grande  analogie;  mais 
Lucasi  a  un  caractère  qui  paraît  constant  et  que  je  ne  trouve  pas 
chez  les  27  Atropos  que  j'ai  sous  les  yeux;  c'est  un  trait  noir  dans 
le  dernier  espace  intranervural  du  dessous  des  ailes  inférieures 
qui  forme  le  bord  abdominal.  Il  résulte  de  ce  trait  noir  chez  Lucasi 
que  la  dernière  nervure  partant  de  la  base  des  ailes  inférieures, 
en  dessous,  et  aboutissant  au  bord  abdominal,  est  doublée  jusqu'à 
la  moitié  de  son  parcours,  formant  ainsi  une  sorte  d'Y,  si  on  la 
considère  de  bas  en  liaut.  Au  contraire,  chez  Atropos,  la  même 
nervure  qui  longe  le  bord  abdominal  consiste  en  un  trait  droit, 
sans  fourche.  Chez  Galathea,  la  nervure  abdominale,  dite  :  interne, 
par  A.  Lefebvre,  forme  la  fourche,  mais  dans  le  sens  interne,  tandis 
que  chez  Lucasi  c'est  dans  le  sens  externe  que  se  fait  la  bifur- 
cation. 


350  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

Ce  caractère  est  représenté  sous  le  n"  4  a  de  la  PI.  2  de  VExplor. 
scient,  de  l'Algérie. 

Il  manque  dans  la  figure  que  Huebner  donne  d'Alropos,  sous 
le  xf  193. 

Feu  Alexandre  Lefebvre  s'était  beaucoup  occupé  de  la  nervu- 
lation  chez  les  Lépidoptères,  et  il  a  fait  imprimer  dans  les  Annales 
de  la  Société  entomologique  de  France,  1832,  une  importante 
Notice  intitulée  :  Caractère  distinctif  entre  quelques  Satyres 
européens  de  la  section  des  Leucomélaniens  (p.  80-90).  Une 
planche  accompagne  ce  travail.  Il  est  assez  bizarre  qu'aucune 
mention  ne  soit  faite  par  A.  Lefebvre  des  caractères  de  la  nervu- 
lation  des  ailes  inférieures,  mais  uniquement  de  ceux  des  ailes 
supérieures.  Lefebvre  ne  connaissait  pas  Lucasi;  mais  il  connaissait 
parfaitement  la  Larissa  et  sa  variété  Herta,  âgurée  par  Huebner 
sous  les  n°^  896  à  899  et  900  à  903;  la  fourche  existe  chez  Larissa 
et  chez  Herta,  comme  chez  Lucasi. 

Je  crois  qu'on  peut  en  ce  moment  considérer  Lucasi  comme  une 
espèce  propre,  tenant  à  la  fois  de  Galathea,  de  Clôt  ho  et  de 
Larissa,  très  commune  dans  les  trois  provinces  algériennes  où  elle 
éclôt  une  seule  fois  par  an,  au  mois  de  juin. 

Il  y  a  une  forme  à  fond  des  ailes  blanc  et  une  autre  forme  à 
fond  jaunâtre,  mais  de  nuance  jaune  peu  accentuée.  La  tendance 
aux  7  ocelles  sur  les  ailes  inférieures,  en  dessus  aussi  bien  qu'en 
dessous,  est  exceptionnellement  fréquente.  Il  y  a  relativement 
beaucoup  d'exemplaires  chez  lesquels  les  ocelles  des  ailes  infé- 
rieures forment  une  série  ininterrompue  de  7  taches.  Souvent,  aux 
ailes  supérieures,  on  constate  2  ocelles,  et  je  possède  quelques 
exemplaires  montrant  3  ocelles  aux  supérieures  et  7  aux  infé- 
rieures, c'est-à-dire  la  variété  decemocellata.  Je  suis  convaincu 
qu'on  doit  trouver  la  variété  undecimocellata,  et  même  duodecim- 
ocellata,  ayant  aux  ailes  supérieures  une  série  droite  et  continue 
de  4  ou  5  ocelles,  en  même  temps  que  les  7  aux  inférieures. 

Chez  les  Lucasi  decemocellata  de  ma  collection  on  remarque 
aux  ailes  supérieures  un  ocelle  qui  se  trouve  dans  l'espace  intra- 
nervural   immédiatement  inférieur  à  l'ocelle  normal;   puis  il  y  a 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE  357 

un  espace  intriinervural  vide  et  un  3°  ocelle  dans  l'espace  intra- 
nervural  suivant  ;  mais  dans  \ luidccimoccllata  que  je  ne  connais 
pas  encore,  l'espace  nervural  intermédiaire  doit  être  ocellé,  et  dans 
la  var.  diiodecimoccllata,  en  outre  des  4  ocelles  formant  une  série 
intranervurale  droite  et  non  interrompue,  il  doit  y  avoir  un 
5"  ocelle  dans  l'espace  intranervural  supérieur  h.  l'ocelle  normal. 

Je  n'ai  jamais  vu  d'Aberration  par  suppression  des  ocelles, 
comme  dans  Galène. 

Les  Q  varient  beaucoup  pour  l'intensité  de  la  couleur  jaune 
des  ailes  inférieures  en  dessous.  Les  deux  sexes  sont  de  taille 
variable,  souvent  très  grands,  comme  les  plus  grandes  Atropos, 
quelquefois  relativement  petits,  tels  nos  Galathea  de  la  France 
boréale.  Les  parties  noires  peuvent  être  plus  ou  moins  envahis- 
santes, et  chez  certains  exemplaires,  elles  sont,  par  albinisme,  plus 
ou  moins  grisâtres. 

Ma  collection  renferme  des  exemplaires  de  Khenchela;  Lam- 
bèze;  Col  de  Chréa  (Alger);  Daya  :  Sebdou  ;  Ourika  (Maroc). 
J'ai  deux  exemplaires  seulement  d'Ourika;  ils  ressemblent  plus  à 
Galathea  que  les  autres. 


Melanargia  Japygia,  Esper. 

Les  Melanargia  Galathea  et  Lachesis  sont  des  espèces  prati- 
coles,  aimant  à  voltiger  assez  mollement  un  peu  au  dessus  du  sol, 
dans  les  lieux  herbus  et  les  moissons.  On  les  capture  aisément 
dans  tous  les  bois  clairs  où  il  y  a  de  hautes  herbes,  tandis  que  la 
Japygia,  tout  au  moins  en  France,  se  plaît  dans  les  sites  calcaires 
les  plus  arides,  volant  très  vite  au  milieu  des  pierres  et  se  reposant 
à  l'occasion  sur  le  sol.  Dans  la  Lozère,  c'est  au  Causse-Méjean, 
vaste  plateau  calcaire  s'étendant  à  l'est  de  la  ville  de  Florac  et 
bien  plus  haut  qu'elle,  qu'on  voit  en  grand  nombre  la  Japygia 
Cleanthe,  pendant  le  mois  de  juillet. 

En  France,  on  trouve  encore  Cleanthe  dans  les  Basses- Alpes, 
entre  Digne  et  le  col  de  Lure;  mais  je  ne  connais  aucune  autre 


358  LÉPIDOPTÉROLOGIE    COMPARÉE 

localité  française  où  cette  Mdnnargia  ait  été  rencontrée  jusqu'ici. 

En  Espagne,  on  trouve  à  Albarracin,  à  l'Escorial  et  à  la  Granja 
une  forme  de  Japygia  assez  spéciale,  surtout  à  l'Escorial,  où  elle 
est  très  claire  et  analogue  à  la  forme  de  Lachcsis,  dans  les  mêmes 
lieux,  comparativement  à  celle  des  autres  contrées.  Les  exemplaires 
de  ma  collection  ont  été  pris  à  la  fin  de  juillet  1879  et  en  juin  1880; 
mais  j'ai  seulement  5  exemplaires  de  la  forme  espagnole,  et  c'est 
tout  à  fait  insuffisant  pour  pouvoir  en  disserter. 

La  Melanargïa  Japygia  est  répandue  en  Hongrie,  d'où  ma 
collection  contient  2  cf  Ab.  Galeniformis,  sans  aucune  tache  ocellée 
sur  le  dessus  des  ailes,  mais  conservant  l'indication  de  quelques 
faibles  ocelles  sur  les  ailes  inférieures  en  dessous;  la  forme  de 
Hongrie  est  plus  grande,  avec  les  parties  noires  beaucoup  moins 
accentuées  que  chez  Cleanthe  de  Digne  et  Florac  et  Atropos  de 
Sicile  et  d'Italie  méridionale. 

Les  chasseurs  de  Digne  ont  pris  entre  cette  ville  et  le  col  de 
Lure  une  belle  Q  Ab.  Galeniformis;  elle  est  presque  complètement 
aveugle,  les  Ab.  novemocellata  ne  semblent  pas  rares  dans  les 
Basses-Alpes,  c'est-à-dire  avec  une  série  continue  et  non  inter- 
rompue de  y  ocelles  aux  inférieures,  tandis  que  les  supérieures  en 
présentent  2.  La  forme  normale  a  i  ocelle  aux  supérieures  et  6 
aux  inférieures  en  2  séries  de  2  et  4  séparées  par  une  lacune. 

L'espèce  est  répandue  vers  l'orient  jusqu'au  Turkestan,  d'où  j'ai 
reçu  une  bonne  série  d'exemplaires  ressemblant  à  ceux  de  Hongrie, 
pris  au  Fort-Naryne,  dans  la  province  Semirechgensee,  par 
G.  S.  Akulin. 

Dans  le  sud  de  l'Italie,  à  Avellino  et  Paternopoli,  la  race 
Atropos,  prise  par  Fabresse  en  juillet  1907,  ne  paraît  pas  différer 
de  la  forme  sicilienne  récoltée  jadis  par  Bellier  et  plus  récemment 
par  Kriiger  pour  le  comte  Turati. 


Melanargia  Arge,  Sulzer. 

J'ai   déjà  parlé  de  l'ouvrage  de  Sulzer  à  propos   du  Satyrus 
Faitna.  C'est  un  très  beau  livre  portant  deux  frontispices  gravés 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE  359 

en  taille-douce,  comme  c'était  la  mode  au  XX^lll"  siècle.  Sur  le 
frontispice  de  la  2''  partie,  le  peintre  Schellenberg  représente  trois 
amours  se  jouant  au  milieu  d'une  quantité  d'Insectes,  parmi  les- 
quels on  distingue  le  GoliatJms  gigantcus,  des  Satiirnulcs,  et  une 
foule  é\iritciilés  de  tous  les  Ordres  qui  sont  figurés  dans  les 
Planches  suivantes.  L'ornementation  est  donc  réalisée  au  moyen 
de  formes  naturelles  et  nullement  de  fantaisie,  selon  la  devise  qui 
devrait  toujours  inspirer  les  peintres  :  Naturel  Artis  magïstra. 

II  y  a  dans  l'ouvrage  de  Sulzer  32  ansgemahltc  Kiipfcrtdfcln, 
et  c'est  sur  la  lô*"  de  ces  Planches  de  cuivre  coloriées  à  la  main 
que  se  trouve  représentée  avec  le  nom  dWrge  (dessus  des  ailes, 
n"  9;  dessous,  n"  8)  l'élégante  Melanargïa  que  Huebner  et  Bois- 
duval  ont  plus  tard  figurée  avec  le  nom  é'Amphitrilc. 

Sulzer  dit  que  son  A  rgc  vient  de  Sicile.  Comme  les  dessins  du 
milieu  des  ailes  inférieures,  en  dessous,  sont  noirs  et  non  d'un  brun 
rosé,  il  est  certain  que  VArge  représentée  par  Sulzer  est  originaire 
de  l'Italie  continentale  et  non  de  la  Sicile,  ainsi  que  le  prétend  à 
tort  le  naturaliste  de  Winterthui-.  Mais  le  royaume  des  Deux- 
Siciles  s'est  entendu  pour  l'Italie  continentale  méridionale  et  pour 
l'île  de  Sicile  réunies;  il  est  dès  lors  probable  que  la  confusion 
commise  par  Sulzer  trouve  son  explication  dans  cette  circonstance. 

La  Melanargïa  Argc  commence  à  voler  vers  le  10  mai  aux 
environs  d'Amalfi,  où  mon  frère  la  trouva  jadis  assez  abondante, 
et  près  de  Castellamare-di-Stabia,  sur  les  bords  de  la  route  en 
corniche  qui  longe  la  mer  depuis  les  dernières  maisons  de  Castel- 
lamare  dans  la  direction  de  Sorrente;  je  la  capturai  en  1907,  dans 
cette  localité. 

La  Melanargïa  Arge  se  trouve  au  milieu  des  herbes  qui  poussent 
drues  et  assez  hautes  entre  les  pierres  calcaires  éparses;  son  vol 
est  vif  et  devient  très  actif  lorsqu'elle  se  sent  poursuivie;  d'ailleurs 
les  lieux  qu'elle  habite  sont  généralement  escarpés  et  difficiles  à 
parcourir.  En  effet  les  pierres,  couvertes  en  partie  par  les  herbes, 
peuvent  être  dangereuses  et  sont  souvent  très  glissantes.  Çà  et  là, 
sur  la  côte,  il  y  a  entre  la  route  et  la  mer,  à  2  ou  3  kilomètres  de 
Castellamare,  des  petits  ravins  herbus  traversés  par  un  sentier  qui 


360  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

sert  aux  pêcheurs  de  communication  avec  la  minuscule  baie  où 
sont  amarrées  leurs  barques.  Dans  ces  parties  de  falaises,  la 
Melanargia  Arge  est  plus  facile  à  prendre;  elle  y  paraît  telle 
Amphïtrïtc  sortant  du  sein  des  flots  méditerranéens.  Souvent,  en 
la  voyant  voltiger  devant  moi,  à  quelques  pas  de  la  mer,  au  milieu 
de  ces  plis  de  terrain  couverts  de  verdure  et  de  fleurs,  je  me  rap- 
pelais ce  nom  si  bien  approprié  que  lui  avait  donné  le  grand 
iconographe  Huebner.  Boisduval  avait  adopté  le  nom  dWmphi- 
trite  et  a  publié  sous  ce  nom,  dans  \ Icônes  (PI.  27,  fig.  i,  2)  de 
bonnes  figures  de  l'Espèce.  M.  P.  Fabresse  a  pris  abondamment 
la  Melanargia  Arge  à  San-Cataldo  et  à  Brindisi,  dans  l'Italie 
méridionale,  en  1907;  il  a  capturé  une  Q  avec  taches  ocellées  très 
réduites,  voisine  de  C œca,  Stgr.  {absqiic  ocellïs).  Dans  la  collec- 
tion de  Graslin  se  trouvait  un  cf  de  Calabre,  demi-aveugle;  mais 
je  n'ai  jamais  vu  la  véritable  Cœca,  qui  est  à  Arge  ce  que  Galène 
est  à  Galathea. 

Arge  semble  avoir  aux  environs  de  Castellamare  une  foniie 
obscure,  très  chargée  d'atomes  noirs.  Zickert  y  a  rencontré  un  cf 
dont  les  ailes  sont  très  envahies  par  le  noir;  il  appartient  main- 
tenant au  comte  Turati  ;  moi-même  j'y  ai  capturé  un  exemplaire  C? 
semblable,  en  mai  1907. 


Melanargia  Pherusa,  Boisduval. 

Il  y  a  entre  Melanargia  Arge  d'une  part  et  les  Melanargia 
Pliernsa  et  Psyché  d'autre  part,  une  affinité  très  grande  et  qui  me 
porte  à  considérer  Pherusa  et  Psyché  comme  des  races  géogra- 
phiques âJArgc.  Cependant  mon  opinion  reste  incertaine,  à  cause 
de  la  particularité  suivante  :  sur  le  dessous  des  ailes  inférieures, 
Arge  a  les  dessins  noirs,  tandis  que  les  mêmes  dessins  chez 
Pherusa  et  Psyché  sont  d'un  brun  rosé.  Par  ailleurs  les  taches  et 
dessins  divers  sont  bien  analogues  entre  les  3  :  Arge,  Pherusa  et 
Psyché;  ils  sont  plus  épais,  plus  complets  ou  plus  minces,  selon 
chaque  race,  et  cette  différence  ne  constitue  pas  un  caractère  spéci- 


I 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE  36 1 

fique  sérieux  ;  mais  je  ne  puis  me  défendre  d'accorder  une  impor- 
tance à  la  différence  de  couleur  entre  les  dessins  du  milieu  des 
ailes  inférieures  en  dessous,  toujours  noirs  chez  Argc,  toujours 
bruns  chez  les  autres. 

Phcrnsa  a  été  figurée  par  Boisduval  dans  VIconcs,  sous  les 
n"^  4,  5  et  6  de  la  PI.  26;  elle  habite  exclusivement  la  Sicile  et 
elle  offre  une  variété  Cœca  que  Bellier  a  appelée  Ples(Uira.  Cette 
Plesaura  ne  semble  pas  fort  rare;  j'en  possède  11  exemplaires  des 
deux  sexes  pris  par  feu  Bellier.  Plesaura  est  à  Pheriisa  ce  que 
Galène  est  à  Galathca. 


Melanargia  Psyché,  Huebner. 

Habite  les  départements  français  méditerranéens,  certaines 
parties  de  l'Espagne  et  de  l'Algérie.  Ma  collection  contient  des 
exemplaires  de  Juan-les-Pins  (Alpes-Maritimes);  Hyères  (Var); 
environs  de  Marseille;  Collioure;  Barcelone,  en  Catalogne;  El 
Pardo,  près  Madrid;  route  de  Jimera  à  Benoajan,  entre  Ronda  et 
Algesiras;  Sebdou. 

L'Aberration  Cœca  Ixora,  Boisduval  (J canes,  pi.  27,  fig.  3,  4) 
est  tout  à  fait  analogue  à  Plesaura,  comparativement  à  PhenLur. 
Je  possède  2  cf  Ixora  dont  le  type  de  Boisduval  qui  fut  proba- 
blement pris  à  Montpellier,  par  Magnol.  Huebner  a  figuré  cette 
même  Ixora,  sous  les  n°'  694  et  695,  mais  sans  lui  donner  de  nom. 

L'Aberration  contraire  Anlixora,  Obthr.  {Etudes  d'entomoL, 
XX^  Livr.,  PI.  n,  fig.  15),  analogue  à  l'Ab.  amarginata  de 
Galathca,  se  trouve  à  Hyères,  d'où  proviennent  le  cf  et  la  Q  de 
ma  collection. 

De  plus,  Huebner  a  figuré  sous  les  n'"  676  et  677,  696  et  697, 
une  race  obscure  dont  j'ai  sous  les  yeux  1 1  exemplaires  des  deux 
sexes,  les  uns  pris  dans  les  Alpes-Maritimes  et  en  Andalousie 
(coll.  Wiskott),  les  autres  faisant  partie  des  anciennes  collections 
Boisduval  et  Bellier,  oi'i  ils  figuraient  sans  indication  de  patrie. 
Ces  papillons  sont  en  très  bon  état,  mais  ils  paraissent  très  anciens, 


362  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

et  je  suis  porté  à  croire  qu'on  a  dû  récolter  autrefois  dans  quelque 
localité  dont  l'indication  précise  a  été  perdue,  une  certaine  quantité 
d'exemplaires  d'une  race  de  Psyché  particulièrement  obscure  et" 
dont  le  dessous  des  ailes  inférieures  est  presque  entièrement  lavé 
de  brun. 

Je  désigne  cette  Aberration  sous  le  nom  de  Hucbneri. 

Je  crois  qu'on  ne  connaissait  pas  encore  la  Mclanargïa  Psyché 
d'Algérie.  M.  H.  Powell  en  a  capturé  2  cf  aux  environs  de  Sebdou, 
en  mai  1907. 

La  race  algérienne  est  plus  petite  et  plus  fine  que  la  race  pro- 
vençale. Elle  est  aussi  moins  obscure,  notamment  sur  le  dessous 
des  ailes  supérieures.  Les  dessins  du  dessous  des  ailes  inférieures 
sont  fins  et  de  nuance  brun  clair.  Les  ocelles  sont  grands,  avec 
le  milieu  largement  bleuâtre  et  un  tout  petit  iris  central  blanc. 

Si  je  possédais  un  plus  grand  nombre  d'exemplaires  et  s'ils 
étaient  semblables  entre  eux,  je  considérerais  sans  doute  comme 
nécessaire  de  distinguer  la  race  algérienne  par  un  nom;  mais  je 
dispose  d'une  quantité  de  documents  insuffisante  pour  apprécier 
la  race  algérienne  comparativement  aux  autres. 

L'une  des  Psyché  de  Sebdou  a  2  ocelles  aux  ailes  supérieures 
et  la  trace  du  f  ocelle  entre  la  série  des  2  et  celle  des  4,  dans 
l'espace  nervural  ordinairement  libre  aux  ailes  inférieures  en 
dessous.  L'Ab.  novcmocellata  et  même  deccmocellata  doit  exister 
dans  toutes  les  localités,  car  j'en  ai  un  cf  deccmocellata,  très 
caractérisé,  des  Alpes-Maritimes. 

U'Arge  Psyché,  fort  bien  figurée  par  Huebner  sous  les  n""*  198 
et  199,  est  un  papillon  charmant,  qui  éclôt  une  seule  fois  par  an, 
au  printemps,  et  vole  dans  les  lieux  herbus,  parmi  les  pierres.  Il 
n'est  généralement  pas  rare  dans  les  endroits  qu'il  habite,  mais 
comme  il  y  règne  quelquefois  un  vent  violent,  les  papillons  sont 
assez  souvent  déchirés  et  obligés  de  s'abriter  parmi  les  roches  et 
les  herbes. 

Les  Q  ont  souvent  la  tendance  à  avoir  le  fond  des  ailes  un 
peu  jaunâtre  en  dessus;  cependant,  le  plus  souvent,  les  Melanargïa 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE  363 

Psychc  sont  d'un  blanc  pur;  mais  dans  presque  toutes  les  localités 
et  notamment  à  Collioure,  il  y  a  des  exemplaires  jaunâtres. 

Minière  a  fait  connaître  les  premiers  états  de  Melanargia 
Psyché  dans  le  Vol.  III  de  VI cono graphie  des  chenilles  et  Lépid. 
inédits  (p.  275-2;;,  PI.  133.  fig.  1-4). 


Melanargia  Inès,  Hoffm. 

T. a  plus  jolie  espèce  du  genre  Melanargia;  répandue  en  Por- 
tugal, en  Espagne  méridionale  et  en  Algérie;  varie  pour  l'épais- 
sissement  ou  le  rétrécissement  des  dessins  noirs  des  ailes;  offre  la 
même  Aberration  mélanienne  que  Psyché.  Je  possède  2  cf  et  2  Q 
de  cette  variation  mélanisante  à  laquelle  j'ai  donné  le  nom  de 
Hiiebncri,  comme  à  la  variation  analogue  de  sa  congénère.  3  de 
ces  Ines-Huebneri  viennent  de  la  collection  Wiskott  et  l'autre  m'a 
été  offert  par  feu  le  colonel  d'artillerie  Duro.  Dans  ma  collection, 
il  y  a  des  Melanargia  Inès  provenant  des  localités  suivantes  : 
Portugal  :  Lagos  (Fabresse,  mai  1906);  Espagne  :  vallée  entre 
Ronda  et  Algesiras  (Fabresse,  mai  igoô;  Charles  Oberthiir,  mai 
1894);  Carthagène  (R.  Oberthur)  ;  Cordoue  (Ch.  Oberthùr,  avril 
186;);  Grenade  (de  Graslin,  Argiielles);  Malaga  (de  Graslin)  ; 
Algérie  :  Mécheria  (L*  Fahayc,  fin  mars  1886);  Oran  (Gaston 
Allard);  Lambcze  (J.  Mcrkl,  juin  1884);  Sebdou  (D'"  Godet; 
H.  Powell,  mai  190;)  ;  Bou-Saada  (Gaston  Allard  et  R.  Oberthiir, 
mai  i8;5). 

L'espèce  n'est  pas  rare;  elle  a  les  mœurs  de  Psyché. 

Il  y  a,  comme  chez  toutes  les  Melanargia,  une  race  à  fond  des 
ailes  blanc  pur  et  une  autre  jaunâtre;  de  plus,  les  ocelles  des  ailes 
inférieures  peuvent  former  une  série  continue  et  la  lacune  ordi- 
naire peut  se  trouver  comblée  par  un  ocelle  supplémentaire  faisant 
ainsi  la  jonction  entre  les  deux  groupes  ordinairement  séparés 
des  ocelles. 


364  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

Pararge  Megaera,  Linné. 

Habite  presque  toute  l'Europe,  y  compris  l'Angleterre;  éclôt 
deux  fois  par  an,  au  printemps  et  en  été,  et  présente  les  variations 
les  plus  intéressantes,  tant  au  point  de  vue  des  formes  géogra- 
phiques que  de  l'albinisme,  du  mélanisme  et  du  nombre  des  taches 
ocellées  qui  décorent  les  ailes. 

Ma  collection  contient  des  exemplaires  des  localités  suivantes  : 
Angleterre  (ex  coll.  Raynor  qui  fut  vendue  à  la  salle  Stevens,  le 
27  octobre  1891);  Hyères;  Vernet-les-Bains  et  Millas  (Pyrénées- 
Orientales);  Lectoure  (  Gers)  ;  Florac  (Lozère);  Besançon;  La 
Turbie  et  Tourettes  (Alpes-Maritimes);  Digne  et  Entrevaux 
(Basses-Alpes);  Cancale  et  Rennes;  Châteaudun;  Paris;  Lagos 
(Portugal)  ;  Grenade,  Sierra-Nevada,  vallée  de  Ronda  (Anda- 
lousie); Brindisi,  Avellino  et  Patcrnopoli  (Italie  mérid.);  Sicile; 
lac  de  Côme;  Saxe;  Silésie;  Autriche;  Corse;  Sardaigne;  Dal- 
matie;  Grèce;  Biskra,  Lambèze,  Khenchela,  Hussein-Dey,  Mé- 
cheria,  Sebdou,  Djebel-Ouargla,  Yakouren,  Magenta  (Algérie)  ; 
Broussa  (Asie-Mineure). 

En  Angleterre,  la  forme  est  analogue  à  celle  de  Bretagne;  la 
couleur  fauve  du  fond  des  ailes,  en  dessus,  n'est  pas  très  vive,  et 
il  semble  y  avoir  tendance  à  un  mélanisme  causé  par  l'élargis- 
sement relatif  des  dessins  noirâtres. 

Dans  la  France  méridionale,  la  teinte  est,  surtout  pour  les  Q, 
d'un  fauve  orangé  plus  vif  que  dans  le  nord,  et  notamment  aux 
environs  de  Lectoure,  la  variation  pour  les  taches  ocellées  est  tout 
à  fait  remarquable.  Le  minimum  et  en  même  temps  la  règle  nor- 
male de  l'ocellation  pour  l'Espèce  paraît  être  une  tache  subapicale 
noire  pupillée  de  blanc  aux  ailes  supérieures  en  dessus,  et  4  taches 
noires  pupillées  de  blanc,  aux  ailes  inférieures  également  en 
dessus;  mais  par  défaut  d'ocellation,  les  ailes  inférieures  peuvent 
être,  en  dessus,  dépourvues  de  toute  tache  ocellée,  alors  que  le 
dessous  des  ailes  reste  ocellé.  Je  possède  un  cf  de  Graz  ne  pré- 
sentant aucune  trace  d'ocellation   sur  le   dessus   des   ailes  infé- 


t 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE  365 

rieures;  je  n'ai  pas  vu  l'absence  d'ocelle  aux  supérieures,  mais  je 
SUIS  convauicu  que  cette  Aberration  doit  exister. 

Quant  au  surcroît  d'ocellation,  on  trouve  fréquemment  des 
Megœra  ayant  aux  ailes  supérieures  un  petit  ocelle  apical  noir, 
pupille  de  blanc,  supérieur  à  l'ocelle  normal,  et  un  autre  petit 
ocelle  semblable,  inférieur  à  l'ocelle  normal  auquel  il  est  parfois 
juxtaposé;  on  trouve  en  outre,  sur  certains  exemplaires  de  Megœra, 
l'ocelle  normal  doublé  d'un  ocelle  presque  égal  à  lui-même  et  avec 
les  2  petits  ocelles  satellites;  l'un  apical,  comme  il  est  dit  ci-dessus, 
l'autre  situé  dans  l'espace  intranervural  un  peu  plus  bas.  C'est 
cette  forme  :  quadriocellata  qui  a  été  appelée  Albertï;  j'en  possède 
de  Lectoure  plusieurs  exemplaires  très  caractérisés. 

Chez  beaucoup  d'espèces  de  Satyridœ,  tous  les  espaces  compris 
entre  les  nervures  sont  susceptibles  de  contenir  une  tache  ocellée; 
comparativement  à  l'ocellation  normale,  il  peut  donc  y  avoir 
surnombre  d'ocelles,  et  inversement,  on  peut  constater  un  manque 
total  ou  partiel  des  taches  ocellées  ordinaires.  C'est  dans  cet  ordre 
d'idées  qu'il  faut  envisager  la  variation  des  ocelles  dans  Megœra, 
en  tenant  compte  aussi  de  l'asymétrie  assez  fréquente  et  d'après 
laquelle  un  côté  des  ailes  peut  se  trouver  plus  richement  ocellé 
que  l'autre. 

La  variation  peut  encore  porter  sur  l'albinisme  ou  le  mélanisme 
de  la  couleur  du  fond. 

Mosley  figure  sous  le  n"  i  de  la  Planche  consacrée  aux  Pararge 
et  Epinephele  anglais,  une  Q  Megœra,  de  la  collection  Robson, 
dont  le  fond  des  ailes  est  d'un  blanc  grisâtre,  et  sous  le  n°  2  de 
la  même  Planche,  une  Q  également  atteinte  d'albinisme.  Je  pos- 
sède une  Ç)  Megœra,  venant  de  Saxe,  ayant  toutes  les  parties 
normalement  noires  remplacées  par  du  blanc  grisâtre,  sauf  les 
ocelles  qui  restent  noirâtres;  les  parties  fauves  subsistent,  mais 
plus  claires.  J'ai  un  cf  de  Silésie,  presque  tout  entier  d'un  gris 
blond  très  pâle,  avec  les  ocelles  restés  noirâtres.  M.  Charles 
Barrett  figure  sous  \^  n"  i  b  de  la  PL  32  de  l'ouvrage  The  Lepi- 
doptera  of  the  Britïsh  Islands,  une  Megœra  cf  dont  le  fond  des 
ailes  est  d'une  couleur   fauve  très   i)âle.   Le  même  auteur  figure 


366  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

SOUS  le  n"  i  c  de  la  même  Planche  une  Q  mélanisante,  à  cause 
de  l'envahissement  de  tout  l'espace  médian  par  la  couleur  noire; 
c'est  sans  doute  l'Aberration  mediolugens,  Fuchs.  Je  possède  un  cf 
et  une  Ç)  de  cette  Aberration  faisant  partie  de  la  collection 
Bellier.  Sous  le  n"  i  c,  Barrett  figure  un  çS  mélanisant,  grâce  au 
développement  excessif  de  la  teinte  brune  sur  les  4  ailes;  j'ai 
ûguré  une  Aberration  analogue,  mais  non  semblable,  sous  le  n°  12 
de  la  PI.  2  de  la  XX''  livraison  des  Etudes  d'Entomologie.  Ma 
collection  renferme  une  Q  de  Reichenbach,  en  Silésie,  mélanisant 
tout  à  fait  comme  le  n°  i  c,  figuré  par  Barrett. 

La  Pararge  Megœra,  en  plus  des  variations  pour  suppression 
ou  développement  d'ocellation,  pour  albinisme  ou  mélanisme, 
offre,  ainsi  que  je  l'exposais  ci-dessus,  des  variétés  géographiques. 
La  plus  accentuée  est  celle  de  Corse  et  de  Sardaigne,  appelée 
Tigelius.  L'aspect  est  tellement  modifié  que  bien  des  entomolo- 
gistes ont  cru  devoir  ériger  Tigelius  en  espèce  distincte;  mais  je 
ne  crois  pas  que  cette  opinion  soit  exacte,  car  il  y  a  de  remar- 
quables transitions  entre  Megœra  et  Tigelius.  Une  des  plus  inté- 
ressantes de  ces  transitions  est  fournie  par  la  forme  sicilienne 
dont  le  cf  diffère  à  peine  de  certains  Tigelius  de  Sardaigne  et 
de  Corse;  la  Q  sicilienne  a  cependant  les  dessins  noirs  plus 
accentués  sur  le  dessus  des  ailes  que  la  Q  Tigelius  dont  certains 
exemplaires  ont  les  dessins  en  question  réduits  à  l'état  de  lignes 
noirâtres  extrêmement  fines. 

Dans  l'Italie  méridionale,  la  forme  est  voisine  de  celle  de 
Sicile,  mais  plus  éloignée  que  celle-ci  de  Tigelius. 

En  Andalousie,  les  Q  sont  quelquefois  très  grandes  et  ont  le 
fond  des  ailes  d'un  fauve  orangé  très  vif    comme  en  Algérie. 

J'ai  sous  les  yeux  de  longues  séries  de  Megœra  provenant  des 
localités  ci-dessus  énoncées.  Evidemment  certains  échantillons 
anglais  ou  bretons  sont  bien  différents  d'autres  spécimens 
d'Algérie  ou  même  de  la  F'rance  méridionale;  mais  il  est  incon- 
testable que  çà  et  là,  et  dans  des  localités  très  éloignées,  on 
rencontre  des  Megœra  tout  à  fait  analogues  les  uns  aux  autres,  et 
qui  pourraient  tout  aussi  bien  figurer  avec  leurs  congénères  d'un 


I 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE  367 

tout  autre  pays.  Dès  lors  je  laisse  à  d'autres  le  soin  de  donner 
des  noms  de  race  qui  ne  reposeront  certainement  pas  sur  un 
nombre  assez  grand  d'exemplaires  présentant  un  aspect  spécial 
pour  mériter  d'être  différenciés  dans  leur  ensemble.  Tigclius  reste 
donc,,  à  mon  avis,  seul  digne  d'un  nom  particulier. 

Quant  à  Lyssa,  Boisduval  {Icônes,  PI.  44,  fig.  4,  5,  6),  elle  se 
distingue  par  le  dessous  de  ses  ailes  inférieures  dont  la  couleur 
du  fond  est  d'un  gris  plus  argenté.  Cette  forme  Lyssa,  que  Bois- 
duval traite  comme  une  sorte  de  transition  à  Mœra,  est,  je  crois, 
spéciale  à  la  Dalmatie;  je  l'ai  prise  à  Raguse,  en  1865.  C'est  par 
erreur  du  graveur  que  le  n"  6  de  la  PI.  44  est  appelé  Xiphhi;  ce 
n°  6  est  évidemment  Lyssa  cf. 

La  Pararge  Megœra  n'est  nulle  part  une  espèce  rare;  cependant 
elle  est  en  Bretagne  assez  localisée;  on  la  trouve  à  la  forêt  de 
Rennes  et  dans  les  jardins  autour  de  la  ville.  Aux  bords  de  la 
Manche,  elle  voltige  dans  les  petites  vallées  qui  aboutissent  à  la 
mer,  quelquefois  sur  les  falaises  et  généralement  à  l'abri  de 
quelque  talus  qui  la  protège  contre  le  vent. 


Pararge  Hiera,  Fabr. 

Espèce  de  montagne,  éclosant  au  commencement  de  l'été,  jamais 
très  abondante,  voltigeant  à  une  altitude  d'environ  1.200  mètres, 
dans  les  Hautes-Pyrénées,  aux  alentours  de  Cauterets  et  de  Gèdre; 
à  Chamounix,  en  Haute-Savoie;  dans  la  forêt  de  l'Oursière,  au- 
dessus  de  Saint-Martin-d'Uriage,  en  Isère;  et  à  la  Grave,  dans 
les  Hautes-Alpes.  Je  parle  seulement  des  localités  françaises  d'où 
je  possède  Hiera;  sans  doute  elle  habite  dans  bien  d'autres  mon- 
tagnes que  celles  précitées.  Souvent  je  l'ai  vue  déflorée,  dès  les 
premiers  jours  de  juillet;  je  l'ai  observée  fraîche  dans  l'Isère,  aux 
environs  du  20  juin,  et  je  pense  que  c'est  à  cause  de  cette  éclosion 
précoce  qu'elle  est  représentée  dans  les  collections  françaises  par 
un  nombre  d'individus  relativement  restreint.  D'ailleurs  nulle 
part  je  ne  l'ai  vue  nombreuse,  et  je  n'ai  jamais  pris  qu'une  petite 


368  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

quantité  d'exemplaires  dans  les  diverses  localités  oii  j'ai  rencontré 
Hiera.  Boisduval  figure  Hiera  dans  Y  Icônes,  sous  les  n"'  i,  2  et  3 
de  la  PI.  44. 

La  variation  chez  Hiera  quant  à  l'ocellation  paraît  être  la  même 
que  chez  Megœra.  Aux  environs  de  Cauterets,  nous  avons  pris  la 
forme  que  j'appelle  Alberti,  par  analogie  à  Megœra,  avec  2  gros 
ponits  noirs  subapicaux,  soudés  l'un  à  l'autre,  aux  ailes  supé- 
rieures, et  l'accompagnement  de  2  petits  ocelles,  l'un  supérieur  et 
apical,  l'autre  inférieur,  noirs,  pupilles  de  blanc.  A  Cauterets  se 
trouve  aussi  la  forme  ayant  tous  les  espaces  intranervuraux  des 
ailes  inférieures  pourvus  d'un  ocelle  noir  pupille  de  blanc  et 
cerclés  de  fauve  orangé.  Par  opposition  à  cette  forme  qui  détient 
le  maximum  de  l'ocellation  aux  ailes  inférieures  et  qui  semble  la 
normale  dans  les  Pyrénées,  il  y  a  une  autre  forme  dont  les  ailes 
inférieures  sont  ornées  de  3  ocelles  seulement.  Tel  est  le  cf  figuré 
par  Boisduval,  sous  le  n°  i  de  la  PI.  44  de  VIcones.  J'ai  encore 
ce  papillon  sous  les  yeux.  Ma  collection  contient  un  certain 
nombre  de  Hiera  venant  de  Baden  et  de  Suisse;  ceux  de  Baden 
m'ont  été  envoyés  comme  Ab.  Schultzi,  Bartel.  J'ignore  où  a  été 
décrite  cette  Aberration  qui  d'ailleurs  ne  me  semble  différer  de 
la  race  des  Hautes-Pyrénées  que  par  le  moins  grand  nombre  des 
ocelles  des  ailes  inférieures.  Le  chanoine  Favre  signale  pour  Hiera 
une  éclosion  d'août  que  je  n'ai  pas  été  à  même  d'observer.  M.  Ron- 
dou  en  a  constaté  l'éclosion  dans  les  Hautes-Pyrénées,  dès  le  mois 
d'avril. 


Pararge  Maera,  Linné. 

Espèce  de  plaine  et  de  basses  montagnes;  manque  en  Angle- 
terre; abondante  en  France  dans  le  Gers,  les  Hautes-Pyrénées, 
les  Pyrénées-Orientales,  les  environs  de  Rennes,  Paris,  Angoulême, 
Besançon,  dans  la  Vienne,  l'Isère,  la  Charente-Inférieure,  la 
Savoie,  le  Var,  les  Basses-Alpes,  les  Alpes-Maritimes;  répandue 
aussi  dans  l'Andalousie,  la  Grèce,  l'Italie,  la  Suisse,  les  provinces 


LEPIDOPTÊROLOGIE   COMPARÉE  369 

baltiques,  la  Syrie,  la  Perse,  le  Kaschmir,  le  Sikkim.  Je  cite  seu- 
lement les  localités  d'où  proviennent  les  Pararge  Mœra  contenus 
dans  ma  collection;  mais  il  n'est  pas  douteux  que  l'Espèce 
n'habite  dans  une  foule  d'autres  régions  européennes  et  asiatiques, 
en  outre  de  celles  que  j'ai  énumérées  ci-dessus. 

La  Pararge  Mœra  affectionne  les  rochers  et  les  murs  de  pierres. 
Dès  que  le  temps  devient  pluvieux  ou  à  l'approche  de  quelque 
orage,  les  Mœra  s'abritent  sous  les  cailloux  et  se  posent,  les  ailes 
fermées,  sur  les  roches  qui  surplombent  et  forment  une  sorte  de 
toit  protecteur. 

Le  papillon  vole  pendant  toute  la  belle  saison;  les  générations 
se  succédant  rapidement  depuis  le  mois  de  mai  jusqu'à  la  fin 
d'août. 

L'espèce  est  très  variable;  d'abord  pour  l'ocellation  :  en  effet, 
certains  exemplaires  ont  une  seule  tache  ocellée  noire,  pupillée  de 
blanc,  près  de  l'apex  des  ailes  supérieures.  D'autres  ont  cette  tache 
plus  grosse  et  doublement  pupillée.  M.  P.  Chrétien  a  obtenu 
d'éclosion  une  Q  dont  il  a  bien  voulu  enrichir  ma  collection  et  qui, 
en  outre  d'une  très  grosse  tache  noire  doublement  pupillée,  a  une 
autre  tache,  assez  grosse,  pupillée  de  blanc,  inférieure  à  la  pre- 
mière, mais  qui  s'y  trouve  étroitement  juxtaposée.  De  plus,  on 
constate  très  fréquemment  la  présence  d'un  petit  ocelle  noir,  pupille 
de  blanc,  au-dessus  du  gros  ocelle  normal  dont  il  paraît  comme 
le  satellite.  Aux  ailes  inférieures,  en  dessus,  il  y  a  généralement 
3  ocelles  noirs  pupilles  de  blanc;  mais  tous  les  espaces  intra- 
nervuraux  peuvent  être  ocellés,  comme  aussi  inversement  ils 
peuvent  être  privés  d'ocelles,  soit  partiellement,  soit  en  totalité, 
de  sorte  qu'on  peut  trouver  des  Pararge  Mœra  ornées  de  i,  2,  3, 
4,  5  ou  6  taches  ocellées  aux  ailes  inférieures,  en  dessus,  et  sans 
doute  tout  à  fait  dépourvues  d'ocelles,  ainsi  que  cela  se  remarque 
chez  une  Megœra  de  ma  collection.  J'ai  fait  figurer  une  Aber- 
ration albinisante  sous  le  n°  14  de  la  Planche  2  de  la  XX°  livraison 
des  Etudes  cT Entomologie.  Ce  remarquable  albinos  est  tout  à  fait 
analogue  aux  2  Megœra  que  j'ai  signalées  ci-dessus. 

Huebner  figure  sous  les  n"^  174  et  175,  et  avec  le  nom  de  Mœra, 

24 


370  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPAREE 

un  papillon  qui  me  paraît  être  une  Q  et  dont  le  fond  des  4  ailes, 
en  dessus,  est  entièrement  brun,  comme  sont  les  cf  dans  les  Alpes- 
Maritimes.  Je  n'ai  vu  aucune  Mœra  française  g  tout  à  fait  pareille 
à  l'exemplaire  figuré  par  Huebner. 

Chez  ÏAdrasid,  représentée  par  le  même  auteur  sous  les  n°'  836, 
'^57>  838,  83g,  la  Ç)  a  le  fond  des  ailes  supérieures  fauve  en 
dessus;  cette  Adrasta  est  tout  à  fait  conforme  à  la  race  qu'on 
trouve  à  Lectoure,  Cauterets,  Rennes,  etc.,  c'est-à-dire  dans  la 
plupart  des  localités  françaises,  et  c'est  cette  Adrasta,  Huebner, 
que  Boisduval  et  Duponchel,  c'est-à-dire  les  auteurs  français,  ont 
appelée  Mœra,  tandis  qu'ils  ont  appelé  Adrasta  la  race  Mœra, 
Huebner,  dont  la  Q  a  le  fond  des  ailes  brun  et  non  fauve. 
Duponchel  figure  d'ailleurs  sous  le  nom  ^Adrasta,  d'après  un 
individu  pris  dans  les  environs  de  Domo  d'Ossola,  par  le  baron 
Feisthamel,  une  Q  à  fond  des  ailes  entièrement  brun,  se  rappor- 
tant donc  à  la  race  Mœra,  Huebner. 

D'ailleurs  Duponchel  dit  en  note  (p.  285)  que  VAdrastns  des 
auteurs  allemands  est  le  Mœra  des  auteurs  français,  et  vice  versa; 
mais  ce  qui  est  bizarre,  c'est  la  suite  de  l'explication  fournie  par 
Duponchel.  Je  cite  son  texte  :  a  La  raison  de  cela  est  que  le  nom 
de  Mœra  donné  par  Linné  à  l'espèce  typique  a  dû  naturellement 
être  appliqué  à  la  variété  la  plus  commune  dans  chaque  pays.  Or, 
il  paraît  que  la  variété  à  fond  brun,  celle  que  nous  donnons 
aujourd'hui  sous  le  nom  ^ Adrastus,  a  été  la  première  connue  en 
Allemagne,  où  elle  est  plus  répandue  que  celle  à  disque  fauve, 
tandis  que  c'est  le  contraire  en  France.  »  Je  ne  saurais  assez  pro- 
tester contre  cette  conception  étrange  d'appliquer  le  nom  de 
l'espèce  à  la  forme  la  plus  commune  dans  chaque  pays.  Quel  chaos 
en  sortirait-il.  La  nomenclature  en  histoire  naturelle  est  internatio- 
nale; elle  est  la  même  pour  tous  les  pays.  11  s'agit  de  savoir  à 
quelle  forme  convient  le  nom  le  plus  anciennement  donné,  et  ce 
renseignement  étant  obtenu,  même  si  cette  forme  est  la  plus  rare, 
du  moment  qu'elle  est  la  plus  anciennement  connue,  elle  est,  de 
par  ce  droit  de  priorité,  la  forme  type  de  l'espèce,  et  les  autres 
formes,  bien  que  beaucoup  plus  communes,  ne  peuvent  être  envi- 


LÉPIDOPTÉROLÔGIE   COMPAREE  37 1 

sagées  que  comme  des  variétés,  races  ou  formes,  comparativement 
à  la  forme  typique  de  l'espèce. 

Dès  lors  la  Mcera  des  entomologistes  français  est  VAdrasta,  et 
notre  A  ciras  la  est  la  Mcera. 

En  France,  on  trouve  Adrasta  (q  à  disque  fauve),  depuis 
l'Océan  jusqu'aux  Alpes.  A  Chamounix,  dans  les  iVipes-Maritimes 
et  en  Italie,  on  rencontre  une  transition  parfaite  entre  Adrasta  et 
Mœra  (Q  à  disque  brun).  A  Digne,  c'est  la  Q  à  disque  fauve  : 
donc  Adrasta,  Huebner.  A  Fusio,  la  forme  est  extrêmement 
sombre,  presque  autant  qu'en  Esthonie  oii  se  trouve  la  plus  brune 
de  toutes  les  races,  désignée  sous  le  nom  de  Monoionia,  Schilde. 

La  Pararge  Mœra  manque  en  Algérie.  Dans  la  Sierra-Nevada 
d'Andalousie,  il  y  a  une  race  grêle  et  très  petite  d' Adrasta  (Q  à 
disque  fauve),  semblant  une  transition  entre  Adrasta  et  Megœra. 
Je  possède  seulement  un  cf  et  une  Q  pris  dans  la  Sierra-Nevada, 
les  25  et  30  aoiàt  1835,  par  de  Graslin.  Si  j'en  possédais  une  série 
d'exemplaires  et  s'ils  étaient  semblables  entre  eux,  je  n'hésiterais 
pas  à  les  distinguer  sous  le  nom  de  ncvadensis. 

A  Akbès  se  trouve  la  race  orientalis;  à  Astrabad,  VAdrastoidcs, 
et  dans  le  nord  de  l'Inde,  la  Schakra,  Kollar.  Ces  formes  orien- 
tales sont  fort  intéressantes;  mais  c'est  plutôt  de  nos  races  occi- 
dentales que  je  dois  m'occuper  ici. 


Pararge  Achine,  Scopoli. 

Ne  se  trouve  pas  en  Angleterre;  je  ne  l'ai  jamais  vue  en  Bre- 
tagne. Ma  collection  contient  des  exemplaires  de  la  forêt  de 
Sénart  et  des  bois  de  Sèvres,  près  Paris  (juin  1872  et  1873);  de 
Charroux  (Vienne),  de  Besançon,  d'Ecclepans  (Suisse;  juillet 
1907),  de  l'île  Askold,  en  Mandchourie,  et  du  Japon.  Les  ocelles 
sont  généralement  au  nombre  de  5,  sur  les  ailes  supérieures,  en 
dessus  aussi  bien  qu'en  dessous,  de  3  en  dessus,  sur  les  ailes  infé- 
rieures, et  de  5  sur  les  mêmes  ailes  en  dessous,  le  dernier,  près 
l'angle  anal,  étant  géminé;  mais  il  y  a  des  exemplaires  ornés  de 


372  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

4  taches  aux  inférieures,  en  dessus,  et  de  6  taches  en  dessous;  la 
tache  complémentaire  restant  plus  petite  que  les  ocelles  normaux. 
Lesdits  ocelles  sont  noirs,  de  forme  ovalaire,  cerclés  de  fauve  pâle^ 
sans  pupille  en  dessus,  avec  pupille  blanche  en  dessous. 

Je  possède  2  cf,  dont  l'un  fut  pris  le  24  juin  1884,  au  mont 
Faucon,  près  Besançon,  chez  lesquels  les  ocelles  normaux  sont,  ou 
bien  complètement  disparus,  ou  réduits  à  des  points  extrêmement 
petits,  en  dessus.  Sur  la  face  inférieure,  il  reste  aux  ailes  supé- 
rieures 3  traces  d'ocelles;  aux  secondes  ailes,  les  5  ocelles  ordi- 
naires subsistent,  mais  de  taille  réduite.  J'ai  appelé  cette  Aber- 
ration :  anophthalma.  Les  exemplaires  de  Mandchourie  et  du 
Japon  sont  plus  grands  que  ceux  d'Europe;  Butler  a  désigné  la 
forme  d'Asie  orientale  sous  le  nom  d'Ac/iinoides. 


Pararge  ^geria,  Linné. 

Charles  Linné,  dans  la  5"  partie  du  tome  I  de  l'immortel 
ouvrage  Systema  Naturœ  (edit.  X,  1760),  décrit  ainsi  Aigeria  -. 
«  Alis  dcntntïs  fiiscis  Uiteo-varïegaiis  :  primorïbus  ocello  utrïnque 
iinïco ;  posiïcïs  supra  tribus.  Habitai  in  Eiiropœ  aiistralioris  gra- 
mme, et  in  Maurïtania.  »  Une  édition  suivante  (XIIP,  1788)  se 
borne  à  donner  comme  localité  :  0  Habitat  in  Europœ  grami- 
nibiis.   » 

Mais  la  description  antérieure  a  été  faite  d'après  des  exem- 
plaires de  l'Europe  la  plus  méridionale  et  de  la  Mauritanie,  et  dès 
lors  c'est  avec  raison  que,  conformément  à  la  loi  de  priorité,  le 
Catalog  1901  de  Staudinger  et  Rebel  institue  la  forme  méridionale 
à'Mgeria  aux  ailes  maculées  de  jaune  comme  type  de  l'espèce. 
La  forme  dite  :  septentrionale,  aux  ailes  marquées  de  taches,  non 
pas  jaunes,  mais  couleur  d'ivoire,  longtemps  considérée  à  tort 
comme  type  de  l'espèce,  parce  qu'elle  est  plus  commune  en  Alle- 
magne, en  Angleterre  et  dans  la  France  septentrionale  où  les 
entomologistes  sont  plus  nombreux,  doit  être  désormais  inscrite 
comme  variété  locale   d^Mgeria.   Dès   lors   le  nom   d'^gerideSy 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPAREE  3/3 

imposé  par  Staudingcr,  doit  ctrc  appliqué  à  la  forme  que  nous 
appelions  jadis  .^geria,  et  le  nom  de  Meoiie  par  lequel  nous 
désignions  la  forme  méridionale  .Tlgeria  tombe  en  synonymie. 

L'espèce  est  répandue  dans  toute  l'Europe  tempérée,  y  compris 
l'Angleterre,  dans  la  Barbarie  et  l'Asie  occidentale.  Chez  nous, 
elle  vole  depuis  le  premier  printemps,  quelquefois  dès  les  mois 
de  février  et  de  mars  et  jusqu'à  l'automne.  Elle  aiïectionne  les 
buissons,  soit  dans  les  jardins,  soit  le  long  des  haies  des  champs 
ou  dans  les  bois.  Quelquefois  on  voit  plusieurs  .'Egeria  voltiger 
ensemble  le  long  d'une  allée  demi-ensoleillée,  puis  se  séparer  pour 
aller  se  reposer  sur  les  feuilles  des  arbustes,  ensuite  reprendre  leur 
vol  un  peu  sautillant,  mais  toujours  ei.utour  des  mêmes  plantes 
buissonneuses,  cratœgiis,  viburmim,  evonymiis,  cerasus,  riibiis,  etc., 
d'où  il  est  rare  que  ces  papillons  s'éloignent  bien  longtemps. 

A  Nantes,  les  deux  formes  méridionale  et  septentrionale  vivent 
ensemble  aux  mêmes  lieux.  M.  Deckert  a  eu  l'obligeance  de 
m'offrir  une  série  d'exemplaires  capturés  dans  le  beau  parc  de 
Yal-Chezine  qui  entoure  son  habitation  de  la  rue  du  Bocage,  en 
pleine  ville  de  Nantes.  Je  constate  à  côté  d'échantillons  à  taches 
d'un  jaune  d'ivoire,  d'autres  spécimens  aussi  vivement  colorés  que 
ceux  du  Midi.  De  son  côté,  mon  vieil  et  excellent  ami  Gaston 
Allard  a  récolté  dans  sa  propriété  de  la  Yergne,  en  Vendée,  par 
conséquent  un  peu  au  sud  de  Nantes,  des  formes  superbes 
à\'Egerïa  dont,  avec  sa  générosité  ordinaire,  il  a  bien  voulu  me 
gratifier.  Les  Q  sont  très  belles,  grandes,  avec  le  dessus  des  ailes 
presque  envahi  par  la  teinte  fauve  qui  réduit  notablement  les 
dessins  bruns  ordinaires.  Les  Jigcria  de  Vendée  font  une  excel- 
lente transition  à  la  race  la  plus  méridionale. 

En  Angleterre  et  en  Irlande,  d'après  les  exemplaires  de  ma 
collection,  la  forme  (i\Egcria  ressemble  à  celle  des  environs  de 
Paris,  c'est-à-dire  que  les  taches  du  dessus  des  ailes  sont  d'un 
jaune  ivoire;  mais  d'après  Barrett,  on  y  trouve  aussi  des  exem- 
plaires plus  colorés.  D'ailleurs,  à  Saint-Germain-en-Laye  et  à 
Etampes,  on  trouve  des  /ligeria  dont  les  taches  sont  d'un  jaune 


374  LEPIDOPTEROLOGIE   COMPARÉE 

plus  foncé  et  se  rapprochant  de  la  forme  bretonne  de  Cancale  et 
de  Rennes,  chez  laquelle  les  macules  sont  généralement  d'un  jaune 
plus  accentué  que  dans  la  France  septentrionale,  sans  cependant 
atteindre  le  degré  de  coloration  auquel  parvient  l'espèce  à  Nantes 
et  surtout  dans  la  Vendée.  En  I Ile-et-Vilaine,  la  race  d'/Egeria 
est  assez  mélanisante  et  nombreux  sont  à  Rennes  les  exemplaires 
à  taches  fauves  relativement  très  réduites  par  l'envahissement  des 
parties  brun  noirâtre.  Barrett  figure  sous  le  n°  i  c  de  la  PI.  31  un 
Cf  très  mélanisant.  Je  connais  les  formes  françaises  de  Besançon, 
Reims  et  Evreux;  elles  ressemblent  à  la  race  parisienne.  Au  sud 
de  la  Loire,  la  couleur  devient  sensiblement  plus  vive  et  les  .-Egeria 
de  Bordeaux,  Biarritz,  Lectoure,  Vernet-les-Bains,  sont  chau- 
dement colorées,  comme  d'ailleurs  celles  d'Espagne,  d'Algérie  et 
du  Maroc.  Ce  qui  est  fort  curieux  encore,  c'est  que  si  à  Akbès,  en 
Syrie,  la  forme  d'JEgeria  est  conforme  à  celle  du  midi  de  la 
France  et  d'Algérie,  c'est-à-dire  avec  les  taches  des  ailes  d'un 
fauve  vif  et  chaud,  au  contraire,  à  Tokat,  en  Asie-Mineure,  la  race 
de  la  même  Pararge.  JEgeria  a  les  macules  ordinaires  d'une  couleur 
d'ivoire,  tout  comme  la  forme  parisienne.  De  même  YTEgena  que 
j'ai  prise  à  Castellamare-di-Stabia,  en  mai  1907,  est  semblable  à 
\ Mgeria  de  Bretagne  et  ne  se  rapproche  nullement  de  celle  des 
provinces  françaises  qui  sont  au  sud  de  la  Loire,  ou  qui  habitent 
l'Espagne  et  l'Algérie.  Pourtant  il  fait  chaud  à  Caste! lamare  et 
la  température  n'est  donc  pas  le  seul  facteur  grâce  auquel  ^-Egeria 
se  trouve  plus  ou  moins  vivement  colorée. 

Considérant  les  exemplaires  de  ma  collection,  je  constate  que 
la  forme  ^Egeria,  à  taches  d'un  jaune  fauve  très  vif,  se  trouve  à 
Nantes,  en  Vendée,  en  Poitou,  dans  la  Gironde,  à  Biarritz,  à  Lec- 
toure (Gers),  à  Digne,  en  Corse,  dans  l'île  de  Sardaigne,  en  Sicile, 
dans  les  Pyrénées-Orientales,  en  Andalousie,  en  Castille,  dans 
toute  l'Algérie  (Khenchela,  Lambèze,  Hussein-Dey,  Kouba,  Phi- 
lippeville,  Yakouren,  Sebdou,  Tlemcen,  Biskra),  à  Tanger;  et  que 
la  forme  ALgerides,  à  taches  couleur  d'ivoire,  se  rencontre  en 
Irlande  (Kerry),  Angleterre  (North-Devon),  à  Paris,  St-Germain- 
en-Laye,    Etampes,    Lardy,    Besançon,    Reims,    Evreux,    Rennes, 


LÉPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE  375 

Cancale,  Nantes,  CaslclIaniarc-di-Stabia  (Italie  mcridioiiale), 
Nice,  Tokat  (Asie-Mineure). 

A  Marseille,  la  forme  me  semble  intermédiaire  entre  Mgcria 
et  .Egerides,  comme  aussi  à  Nice;  mais  j'ai  trop  peu  d'exemplaires 
venant  de  Marseille  pour  pouvoir  émettre  une  opinion  certaine. 

Il  faut  encore  observer  que  la  couleur  des  taches  varie  chez 
.Egerides;  ainsi,  en  Ille-et-Vilaine,  je  trouve  des  exemplaires 
dont  les  macules  sont  d'un  jaune  ivoire  très  pâle  et  d'autres  plus 
foncés,  tout  à  fait  semblables  aux  papillons  pris  à  Nice  et  à 
Castellamare. 

Mais  si  la  couleur  d\Egcridcs  est  variable,  celle  d\Egrna 
parait  bien  plus  fixe,  et  les  longues  séries  que  j'ai  sous  les  yeux, 
provenant  d'Algérie,  des  Pyrénées-Orientales,  du  Gers,  etc.,  ne 
présentent  aucun  échantillon  se  distinguant  des  autres. 

J'ai  fait  figurer  sous  le  n"  i8  de  la  PI.  2  de  la  XX^  livraison 
des  Etudes  d'Entomologie  une  superbe  Aberration  albine  quant 
au  fond  des  ailes  qui  est  devenu  d'un  blond  pâle,  alors  que  les 
taches  jaune  fauve  sont  restées  normales.  Ce  remarquable  spécimen 
a  été  pris  à  Saint-André-de-Cubzac  (Gironde),  et  j'en  suis  rede- 
vable à  l'amicale  générosité  de  l'excellent  abbé  Mège,  jadis  curé 
de  Villeneuve-de-Blaye.  Je  possède  un  c?  semblable  pris  à  Sebdou 
par  le  docteur  Henri  Godet.  Une  Aberration  analogue,  mais 
à'Aigendcs,  se  trouve  figurée  par  Lodeesen,  sous  le  n"  i  de  la 
PI.  II  de  Tijdschrift  voor  Entom.,  1865.  Je  désigne  cette  belle  et 
constante  Aberration  sous  le  nom  de  Megei. 

Je  pense  qu'il  faut  rattacher  à  Mgeria,  comme  variétés  géogra- 
phiques, Xiphioides,  Stgr.,  des  îles  Ganaries,  et  Xifhia,  Linné,  de 
Madère.  Herrich-Schaeffer  a  figuré  Xiphioides  sous  les  rf"  84 
et  85,  et  Xipkia  sous  les  n°"  86  et  8;. 

Xiphia  est  très  grande  et  très  robuste;  son  faciès  est  spécial; 
mais  Xiphioides  paraît  faire  une  bonne  transition  entre  TEgeria 
et  Xiphia. 

Dans  la  notice  que  je  viens  d'écrire  sur  Pararge  .E.geria,  j'ai 
cité  le  Systema  'Naturo'  de  Linné  et  j'ai  dû  consulter  les  œuvres 


3/6  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COAIPARÉE 

du  grand  naturaliste,  imprimées  vers  le  milieu  de  l'avant-dernier 
siècle.  La  X*"  édition  porte  un  cul-de-lampe  ou  frontispice  réduit, 
gravé  sur  cuivre  par  Griindler.  L'artiste  s'est  efforcé  de  présenter 
sur  une  plaquette  d'assez  petite  dimension  une  sorte  de  conspectus 
des  êtres  créés.  Mammifères,  oiseaux,  poissons,  reptiles,  insectes 
se  trouvent  groupés  dans  un  paysage  que  termine  une  étendue 
d'eau  entourée  de  montagnes.  LTne  femme,  paraissant  personnifier 
la  Science,  est  placée  au  milieu  de  cette  collection  d'êtres  vivants, 
étendant  les  deux  mains  et  rendant  des  oracles  recueillis  dans  un 
livre  par  un  adolescent.  L'édition  est  dédiée  par  Linné  au  comte 
Car.  G.  Tessin,  sénateur  du  royaume  de  Suède,  protecteur  de 
Linné,  qui  énumère  les  services  dont  il  est  redevable  à  la  munifi- 
cence d'un  nouveau  Mécène.  Des  invocations  à  la  Divinité  sont 
multipliées  dans  le  Systcnia  Naturœ,  à  différentes  places,  telles 
que  celles-ci  (p.  4)  : 

«    O  Jehova, 
Quam  ampla  sunt  Tua  Opéra  ! 
Quam  sapienter  Ea  fecisti  ! 
Quam  plena  est  Terra  possessione  Tua!    », 

Et  un  peu  plus  loin  : 

«    Magnus  est  DE  US  noster, 

et  magna  est  ptitentia  Eius, 

et  putentia  Eius  non  est  numerus.   » 

Un  savant  professeur,  loannes  loachimus  Langius,  adresse  aux 
Naturalistes  un  discours  au  sujet  de  la  nomenclature  des  êtres 
«  numéros  et  nomina  »,  et  parlant  de  Linné  qu'il  désigne  par  son 
titre  de  chevalier  de  l'Etoile  polaire,  il  dit  :  «  Noster  Eques  de 
Stella  polari,  dum  animalibus,  vegetabilibus,  mineralibus  numéros 
et  nomina  fec'it,  stellarum  quae  videri,  distingui  et  numerari  pos- 
sunt,  numerum  et  nomina  multoties  superavit.    » 

Ainsi  notre  chevalier  de  l'Etoile  polaire,  en  énumérant  et  en 
nommant  les  animaux,  les  végétaux  et  les  minéraux,  a  surpassé 


LEPIDOPTEROLOGIE   CO^IPAREE 


bien  des  fois  le  nombre  et  les  noms  des  étoiles  qui  peuvent  être 
vues,  distinguées  et  comptées. 

L'imprimeur  I.  I.  Curt  (Haine  Magdcburgicae  typis  et  sump- 
tibus  lo.  lac.  Curt;  MDCCLX)  reçoit  aussi  lui  du  professeur 
Langius  sa  part  de  compliments. 

Dans  la  Ratio  editionis  sont  indiqués  les  dates  et  lieux  de 
publication  des  dix  éditions  du  Systema  Naturœ,  de  même  que 
sont  nommés  les  musées  et  établissements  scientifiques  auxquels 
Linné  a  pu  recourir,  et  que  sont  relatés  les  voyages  effectués  par 
l'auteur  surtout  en  Laponie  et  en  Suède,  ainsi  que  les  voyages 
accomplis  par  ceux  qui  furent  ses  disciples  :  Ternstroem.  en  Asie, 
mort  à  Poulicandor,  1745;  Kalm.  en  Pensylvanie  et  Canada,  1747; 
Montin,  en  Laponie,  1749;  Hasselquist,  en  Egypte  et  Palestine, 
1749;  Toren,  à  Alalabar  et  Suratte,  1750;  Osbeck,  en  Chine  et  à 
Java,  1750;  Loefling,  en  Espagne  et  en  Amérique,  1751;  Berg, 
dans  l'île  de  Gotland,  1752;  Kaehler,  en  Italie  et  Apulie,  1752; 
Solandre,  en  Laponie,  1753;  Rolandre,  à  Surinam,  1755.  Au  bas 
de  la  page  où  Linné  exprime  les  résultats  qu'il  ambitionne  comme 
but  de  son  ouvrage,  il  adresse  à  Dieu  cette  invocation  de  recon- 
naissance :  «  Docuisti  me  Deus  a  juventute  mea  et  usque  nunc 
pronunciabo  Mirabilia  Tua.   » 

La  suite  de  l'ouvrage  est  un  honnnagc  continuel  à.  la  gloire  et 
à  la  puissance  de  Dieu  et  la  dernière  ligne  est  l'humble  et  modeste 
expression  de  la  vérité  :  «  Ea  quas  scimus  sunt  pars  minima 
eorum  quas  ignoramus.   » 

Ce  que  nous  savons  n'est  en  effet  qu'une  bien  petite  partie  de 
ce  que  nous  ignorons. 

Il  paraît  cependant  qu'à  l'époque  et  dans  le  pays  où  vivait 
l'illustre  Linné,  on  pouvait,  tout  en  célébrant  les  louanges  du 
Très-Haut,  devenir  chevalier  de  l'Etoile  polaire. 

Si,  de  nos  jours,  un  nouveau  Linné  était  coupable  d'émaillcr 
ses  écrits  d'invocations  glorifiant  Dieu  Créateur  et  Père,  comme 
le  fit  l'auteur  du  Systema  Naturœ,  pourrait-il  être  seulement  jugé 
digne  de  recevoir  les  simples  palmes  académiques? 


LEPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 


Epinephele  Eudora,  Esper. 

C'est  Esper,  le  premier  auteur  qui  a  figuré  avec  le  nom  à'Eiidora, 
sous  le  n"  i  de  la  Tab.  XLV  de  son  ouvrage  :  Die  Schuicttcrlingc, 
Europacïschc  Gattungen,  publié  à  Erlangen,  en  1777,  la  Q  de 
l'espèce  de  Satyride  qui  va  faire  l'objet  de  la  présente  notice. 

Esper  dit  que  l'exemplaire  représenté  par  ses  soins  a  été  trouvé 
dans  le  pays  saxon,  sans  qu'il  lui  soit  possible  de  donner  de  plus 
amples  détails.  «  Dièses  Exemplar  v^ard  in  dem  Saechsischen 
gefunden,  mehr  bin  ich  von  ihm  in  Erfahrung  zu  bringen  nicht 
im  Stande  gewesen.   » 

Mais  un  peu  plus  tard,  sous  les  n"'  i  et  2  de  la  Tab.  LXIX, 
Esper  figure  de  nouveau  Eudora,  et  cette  fois,  il  en  fait  connaître 
les  deux  sexes.  L'espèce,  dit  l'auteur,  a  été  découverte  dans  diverses 
localités  de  notre  Franconie;  elle  n'est  pas  moins  répandue  en 
Thuringe  et  sur  les  montagnes  du  Harz.  «  Er  hat  sich  der  Papilio 
Eudora  in  verschiedenen  Gegenden  unseres  Frankens  wuerklich 
entdeckt.  Er  ist  nicht  minder  in  Thueringen  und  auf  den  Gebuer- 
gen  des  Harzes  vorhanden.  »  Les  originaux  figurés  proviennent, 
dit  Esper,  des  environs  de  Brunswick;  il  en  doit  la  communication 
à  l'obligeance  de  M.  Gerning.  Mais,  ajoute  l'auteur,  on  n'a  pas 
encore  trouvé  Eudora  à  Francfort;  tandis  qu'on  a  rencontré  ce 
papillon  assez  fréquemment,  dans  des  prairies,  aux  environs  de 
Bayreuth.  vSon  vol  est  au  mois  de  juillet. 

«  Die  Originale  der  vorliegenden  Abbildung  sind  aus  der 
Gegend  von  Braunschweig.  Ich  habe  sie  gleichfalls  der  gefaelligen 
Mittheilung  des  Herrn  Gerning  zu  danken.  In  Frankfurt  hat  man 
noch  keinen  derselben  entdeckt.  In  einigen  Gegenden  von  Bayreuth 
hingegen  hat  man  diesen  Falter  auf  Wiesen  oefters  angetroffen. 
Seine  Flugzeit  ist  der  Monat  Julius.  » 

Ce  sont  donc  les  Eudora  d'Allemagne  qui  doivent  être  considérés 
comme  la  race  type  de  l'espèce. 

Huebner  figure  Eudora  sous  les  n""  160,  163  et  164;  mais  il 
donne  à  tort  au  n"  160,  qui  est  pourtant  bien  un  Eudora,  le  nom 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 


de  Jnrlinû,  et  il  l'attribue  comme  çS  à  ]wlïna   Q   figurée  sous  les 
11"'  i6i  et  162. 

Je  connais  la  forme  allemande  d'Eudora,  seulement  d'après 
deux  exemplaires  qui  se  trouvaient  dans  la  collection  Kuwert.  En 
France,  Eudora  est  une  espèce  méridionale,  surtout  de  basse  mon- 
tagne, quoiqu'elle  puisse  s'élever  jusqu'à  1.500  mètres  au  moins; 
elle  manque  dans  les  environs  de  Paris,  en  Bretagne,  en  Poitou, 
dans  les  Charentes;  mais  elle  a  été  rencontrée  en  Auvergne,  dans 
les  Cévennes,  les  Pyrénées,  les  Alpes  et  la  Provence.  On  la  trouve 
aussi  en  Espagne,  en  Algérie,  en  Suisse,  en  Italie,  en  Sicile,  à 
Chypre,  en  Grèce,  dans  la  Russie  méridionale  et  en  Asie-lMineure. 

Les  cf  varient  peu,  sauf  pour  la  taille;  ils  sont  tout  gris  en 
dessus,  avec  généralement  un  seul  petit  ocelle  noir,  subapical  aux 
ailes  supérieures.  Cependant  il  y  a  des  exemplaires  biocellés  et 
d'autres  triocellés,  aussi  bien  sur  le  dessus  que  sur  le  dessous  des 
ailes.  En  dessous,  l'ocelle  subapical  est  quelquefois  pupille  de 
blanc.  Les  ailes  inférieures  sont  dépourvues  d'ocellations;  cepen- 
dant, en  dessous,  on  constate  parfois  la  présence  d'un  ocelle  noir 
près  de  l'angle  anal. 

Les  g  sont  beaucoup  plus  variables  que  les  cf-  Elles  ont  géné- 
ralement sur  chacune  des  ailes  supérieures  deux  gros  ocelles  noirs, 
tantôt  aveugles,  tantôt  unipupillés.  Cette  pupillation,  quand  elle 
existe,  affecte  surtout  l'ocelle  subapical;  mais  chez  les  exemplaires 
français,  elle  est  rare.  Les  deux  ocelles  normaux  peuvent  être  reliés 
entre  eux  au  moyen  d'un  3^  ocelle  intermédiaire  et  former  ainsi 
une  ligne  noire  non  interrompue  d'ocelles  contigus.  Le  dernier 
ocelle  est  assez  fréquemment  accompagné  de  deux  ocelles  plus 
petits,  l'un  supérieur,  l'autre  inférieur;  mais  sans  que  le  petit  ocelle 
supplémentaire  supérieur  atteigne  l'ocelle  subapical.  Alors  le  gros 
ocelle  normal  est  plus  large  que  ses  deux  satellites  et  forme  avec 
eux  une  sorte  de  croix.  Cette  Aberration  se  reproduit  assez  souvent  ; 
j'en  ai  4  Q  des  Pyrénées-Orientales,i  une  de  la  Grave  et  une  autre 
de  la  vallée  de  Féret,  en  Valais,  que  j'ai  appelées  cruciata.  Par 
Aberration,  les  ocelles  noirs  des  ailes  supérieures,  chez  la  g, 
peuvent  disparaître  presque  totalement;  je  possède  un  exemplaire 


LEPIDOPTEROLOGIE    COMPAREE 


de  Digne  dans  ces  conditions.  D'autre  part,  les  Q  en  France  et 
dans  le  Valais  montrent  généralement  les  ocelles  noirs  submar- 
ginaux se  détachant  sur  un  fond  jaune.  Ce  fond  jaune  peut 
s'étendre  jusqu'à  la  base  des  ailes  supérieures;  les  ailes  inférieures 
elles-mêmes  peuvent  être  plus  ou  moins  largement  teintées  de 
jaune.  Cette  couleur  jaune  est  quelquefois  claire;  le  plus  souvent 
elle  est  d'un  jaune  doré. 

Y^Epinephele  Eudora  se  trouve  quelquefois  maladivement 
atteint  d'albinisme  irrégulier  ou  même  symétrique;  mais  c'est  un 
accident  dit  :  albidinc  infecta,  analogue  à  celui  qui  atteint  souvent 
Janira  et  qui  rentre  dans  la  série  des  cas  pathologiques. 

Il  y  a  un  autre  albinisme  qui  affecte  Eudora,  comme  tous  les 
Satyrïdœ;  c'est  celui  qui  transforme  en  une  couleur  générale  blanc 
de  crème,  non  seulement  la  surface  des  4  ailes,  mais  les  antennes, 
la  tête,  le  corps  et  les  pattes  du  papillon.  Je  possède  une  Q  albina 
dans  ces  conditions,  admirablement  fraîche,  venant  de  Sarepta. 

En  France,  comme  je  le  dis  plus  haut,  Eudora  s'élève  assez 
haut  dans  les  montagnes;  je  l'ai  pris  abondamment  à  la  Grave, 
dans  les  Hautes- Alpes,  à  la  fin  de  juillet  1906.  La  Q,  dans  cette 
localité,  offre  des  variations  nombreuses  et  intéressantes.  Au  Vernet, 
Eudora  ne  paraît  pas  atteindre  une  altitude  bien  supérieure  à  celle 
du  Village.  On  le  trouve  principalement  au  delà  du  sentier  du 
Sanatorium,  sur  le  plateau,  le  long  du  chemin  qui  conduit  à  la 
vallée  de  Saint-Vincent. 

M.  Fabresse  a  recueilli,  en  juillet  1907,  une  longue  série  d Eudora 
dans  l'Italie  méridionale  (Roccarosa  et  Palena).  La  forme  ne  me 
paraît  pas  y  différer  de  celle  de  la  France  méridionale,  sauf  par 
sa  taille  un  peu  plus  petite.  Les  Q  sont  bien  lavées  de  jaune  sur 
les  ailes  supérieures  et  même  sur  les  inférieures.  Je  possède  une 
seule  paire  de  Sicile,  dans  la  collection  Bellier;  la  Q  paraît,  dans 
cette  île,  intermédiaire  entre  la  forme  italienne  continentale  et  la 
forme  algérienne  dont  les  ailes,  en  dessus,  sont  presque  entièrement 
dépourvues  de  teinte  jaune.  Mais  avec  une  seule  paire,  je  ne  puis 
avoir  d'opinion  bien  arrêtée. 

En    Espagne    (Grenade,    Albarracin,    Sierra-Alta),    les   Q   sont 


LÊPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE  38 1 

intermédiaires  entre  In  race  franc^aise  et  la  race  algérienne  que  j'ai 
appelée  inauritanïca. 

Costa,  dans  la  Fauna  del  Regno  d'i  Napoli,  figure  sous  les 
jjos  2  et  4  de  la  PI.  IV,  avec  le  nom  lupïnus,  un  Eudora  cf  dont 
les  ailes  supérieures,  en  dessus,  sont  dépourvues  de  tout  ocelle 
apical.  Dans  le  texte  (p.  7),  l'auteur,  par  confusion  avec  Janira, 
indique  que  Lnpinus  est  figuré  sous  les  n""^  i  et  2;  mais  il  rectifie 
dans  l'explication  des  Planches  :  Spiegazione  délie  Tavole.  Bien 
que  la  figure  3  représente  un  Eudora  (Lnpinus)  sans  aucun  ocelle 
subapical,  la  description  commence  par  ces  mots  :  «  Alis  fulvis, 
anticis  supra  lunula  média  brunnea  puncto  ocellari  in  apice  nigro.  » 
Je  possède  des  Eudora  cf  très  faiblement  ocellés  à  l'apex  des  ailes 
supérieures;  mais  on  voit  toujours  l'ocelle,  ne  serait-ce  que  par 
transparence  du  dessous  où  il  paraît  assez  constant. 

En  Algérie,  Eudora  mauritanica  est  très  répandu;  j'en  possède 
environ  240  exemplaires  provenant  des  localités  suivantes  : 
Khenchela,  El  Kantara,  Lambèze,  Timgad,  Djurjura,  Sebdou, 
Sidi  Yahia,  Tagemout  (Telagh),  Mirzab,  Misseghenin.  Ces  quatre 
dernières  localités  sont  aux  environs  de  Sebdou.  En  Algérie, 
Eudora  mauritanica  paraît  une  race  bien  conforme  à  elle-même; 
les  Ç)  varient  moins  entre  elles  que  dans  la  forme  française.  Les  cf 
sont  aussi  bien  pareils,  avec  l'épi  soyeux,  caractéristique  de  leur 
sexe,  aux  ailes  supérieures,  large  et  très  accentué. 

Freyer  figure  avec  le  nom  de  Rhaninusia,  sous  les  n"^  2  et  3  de 
la  PL  457,  une  très  grande  forme  ^Eudora  qu'Herrich-Schaeffer 
représente  avec  le  même  nom  :  la  Q  sous  les  n"^  377  et  378,  le  cf 
sous  les  n"'  427  et  428. 

Freyer  dit  qu'il  a  reçu  Rhamnusia  du  D""  Nickerl,  de  Prague, 
avec  l'indication  que  le  papillon  en  question  aurait  été  pris  en 
Sicile,  au  voisinage  de  l'Etna. 

«  Ich  erhielt  ihn  von  Herrn  Dr.  Nickerl  in  Prag  mit  der 
Nachricht,  dass  er  in  Sicilien  am  Etna  gefangen  wurde.   » 

J'ai  peine  à  croire  à  l'exactitude  de  cette  provenance.  Les  deux 
Eudora  de  Sicile  que  je  possède  sont  de  taille  plutôt  petite,  ainsi 
que  les  30  Eudora  d'Italie  méridionale,  et  ces  papillons  n'ont  aucun 


382  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

rapport  avec  Rhaninusia,  secundum  Freyer.  Quant  à  Herrich- 
Schaeffer,  j'ai  été  inhabile  à  trouver  dans  le  texte  de  son  ouvrage, 
une  mention  relative  à  son  Rhamnusia.  Je  suis  porté  à  croire  que 
le  Rhamnusia,  Freyer,  de  taille  relativement  si  grande,  avec  une 
ligne  noirâtre  submarginale  très  accentuée,  chez  le  cf  comme  chez 
la  Q,  ajDpartient  plutôt  à  une  race  orientale  qu'à  une  race  sicilienne. 
En  tout  cas,  il  n'y  a  pas  lieu  de  l'accoler  comme  synonyme  à 
Liifiniis,  Costa,  de  la  Terre  d'Otrante,  ainsi  que  Staudinger  et 
Rebel  le  font,  absolument  à  tort,  dans  leur  Catalog  1901.  Il  suffît 
d'ailleurs  de  comparer  les  figures  données  par  Costa  et  par  Freyer 
pour  constater  qu'elles  ne  représentent  nullement  une  même  race 
d'Eudora.  De  pareilles  comparaisons  nécessitent  évidemment  des 
recherches  bibliographiques  assez  longues;  mais  elles  s'imposent 
aux  auteurs  consciencieux.  Malheureusement  j'ai  maintes  fois 
acquis  la  preuve  que  certains  classificateurs,  probablement  pressés 
par  le  temps,  font  facilement  l'économie  de  recherches  bibliogra- 
phiques attentives.  Ils  pensent  sans  doute  que  leurs  lecteurs,  en 
admettant  de  parti  pris  comme  valables  les  assertions  pourtant  les 
plus  légères  et  les  plus  audacieuses  et  forcément,  dans  ces  condi- 
tions, trop  souvent  erronées,  leur  font  suffisamment  confiance  pour 
qu'ils  aient  à  prendre  la  peine  de  se  livrer  à  une  étude  soigneuse 
et  nécessairement  prolongée.  Le  fait  est  que  les  Catalogues  semblent 
avoir  leurs  dévots  et  leurs  croyants,  s'abstenant  systématiquement 
d'aucun  contrôle  et  aimant  à  considérer  comme  l'expression  d'une 
vérité  infaillible  ce  qui  est  imprimé  dans  le  Catalogue  de  leur 
choix. 

Quoi  qu'il  en  soit,  les  figures  de  Rhaninusia  H.  S.  représentent 
sous  les  n"'  427  et  428  (cf)  et  377  et  378  (g)  une  race  d'Eudora 
de  très  grande  taille,  avec  l'apex  des  ailes  supérieures  proéminent 
et  la  dentelure  des  ailes  inférieures  très  accentuée,  principalement 
chez  la  Q.  Je  ne  possède  pas  plus  Rhamnusia,  H.-S.  que  Rham- 
nusia, Freyer.  Les  individus  orientaux  d'Eudora  que  renferme  ma 
collection  proviennent  de  Grèce,  Chypre,  Palestine,  Akbès,  Tokat, 
Berut-Dagh,  Samarkand,  Fort  Naryne  (Prov.  Semirechgensee). 
Par  la  dentelure  de  leurs  ailes  inférieures,  par  leur  taille,  certains 


LÊPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE  383 


exemplaires  offrent  quelque  rapport  avec  Rhauinuùa,  Freyer  et 
Rhaiiinusia,  H. -S.,  ce  qui  me  porte  à  croire  que  les  deux  Rhamnusia 
sont  d'origine  orientale,  mais  sans  cadrer  toutefois  d'une  manière 
assez  satisfaisante  avec  aucun  de  ces  deux  Rhamnusia  qui  me 
restent  absolument  inconnus. 


Epiuephele  Janira,  Linné. 

Dans  la  X"  édition  du  Systeaui  Naliirœ,  Linné  décrit  sous  le 
n°  104  de  la  page  475  (et  non  415,  ainsi  qu'il  est  imprimé  à  tort 
dans  le  Caialog  Staudinger  et  Rebel  1901),  avec  le  nom  de  lurtina, 
un  papillon  dans  les  termes  suivants  :  «  Alis  subdentatis  fuscis  : 
primoribus  supra  lituxa  flava  ocello  utrinque  unico.  Habitat  in 
gramine  Europas,  Africae.  » 

A  la  même  page  475  du  même  ouvrage  et  sous  le  n"  106,  Linné 
décrit  lanïra  comme  suit  :  «  Alis  dentatis  fuscis  :  primoribus  subtus 
luteis  ocello  utrinque  unico;  posticis  subtus  punctis  tribus.  Habitat 
in  Europas  sylvis.  Faciès  P.  lurtïnœ  absque  litura  flava  supra 
primores  alas,  sed  puncta  3  fusca  sub  posticis.   » 

Je  ne  vois  pas  bien  ce  que  peut  être  la  liture  jaune  clair  (litura 
flava)  sur  le  dessus  des  ailes  supérieures,  et  je  déclare  ne  pas  bien 
comprendre  ce  que  peut  être  lurtïna.  Si  Linné  avait  voulu  désigner 
la  g  Janira,  il  eût  dit  :  macula  liitea,  au  lieu  de  litura  flava.  Au 
contraire,  la  description  de  lanira  me  semble  applicable  au  cf  du 
Satyride  si  connu  et  si  commun  dans  toute  l'Europe  et  l'Algérie, 
et  je  lui  maintiens  le  nom  de  lanira,  parce  que  je  suis  plus  certain 
de  son  exacte  application. 

Janira  habite  l'Angleterre  et  l'Irlande,  la  France,  la  Suisse, 
l'Allemagne,  l'Espagne,  l'Algérie,  le  Maroc,  les  îles  Canaries,  la 
Corse,  la  Sardaigne,  l'Italie,  la  Sicile,  l'Autriche,  l'île  de  Chypre, 
l'Asie-Mineure,  c'est-à-dire  à  peu  près  toute  l'Europe  et  les  contrées 
voisines  de  la  Méditerranée. 

L'espèce  offre  de  très  intéressantes  variétés  géographiques.  En 
Angleterre,   en    France   septentrionale,    centrale   et   occidentale,   la 


384  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

forme  de  \ Epine phele  Janïra  est  sensiblement  la  même;  il  y  a 
cependant  chez  les  Q  des  variations  très  considérables  pour 
l'étendue  de  la  tache  jaune  sur  les  ailes  supérieures,  en  dessus.  De 
plus,  la  coloration  de  cette  tache  est  d'un  jaune  plus  ou  moins  clair 
ou  rougeâtre  et,  en  dessus,  les  ailes  mférieures  offrent  une  bande 
transversale  généralement  plus  claire  que  la  teinte  brune  du  fond, 
et  quelquefois  même  un  peu  éclairée  de  jaunâtre. 

L'ocelle  noir  subapical,  pupille  de  blanc,  est  assez  fréquemment 
double,  surtout  chez  les  Q  ;  il  peut  aussi  manquer  de  la  pupillation 
blanche  et  être  aveugle;  mais  cette  Aberration  paraît  être  excessi- 
vement rare.  La  collection  Bellier  contenait  une  Q  de  Digne  chez 
laquelle  la  pupillation  blanche  de  chaque  ocelle  subapical  est 
microscopique;  mais  la  pupillation,  si  réduite  qu'elle  soit,  existe 
encore. 

Esper  figure  (Tab.  XC,  fig.  4)  sous  le  nom  ^Erymanthea,  un 
Janira  cf  pris  à  Presbourg  et  offrant  3  ocelles  noirs  aux  ailes 
supérieures  et  6  ocelles  assez  gros  aux  ailes  inférieures  en  dessous. 
Herrich-Schaeffer  représente  de  son  côté,  sous  le  n°  429,  le  dessous 
des  ailes  d'un  Janira  cf  ayant  une  seule  tache  ocellée  aux  ailes 
supérieures,  mais  possédant  6  ocelles  noirs,  cerclés  de  jaune,  de 
diamètre  inégal,  dont  un  seul  est  pupille  de  blanc,  aux  ailes 
inférieures. 

Le  revers  des  ailes  inférieures  peut  donc  avoir,  en  dessous,  plus 
de  3  points  noirs,  comme  l'indique  Linné,  dans  sa  description,  et 
inversement  en  être  tout  à  fait  dépourvu. 

Souvent  VEpinephele  Janira  est  plus  ou  moins  symétriquement 
albidine  infecta.  Cet  albinisme  maladif  qui  se  remarque  chez  tous 
les  Satyridœ  est  particulièrement  fréquent  chez  Janira;  mais  en 
outre  de  ces  taches  blanches  maladives,  parsemées  sur  le  fond  des 
ailes,  on  peut  voir  des  Janira  atteints  d'un  autre  mode  d'albinisme 
et  être  uniformément  d'un  blond  jaunâtre  pâle,  ou  d'un  gris  blan- 
châtre argenté,  sur  lequel  ressortent  les  taches  jaune  orangé  de  la  Q 
et  l'épi  soyeux,  caractéristique  du  cf  sur  le  disque  des  ailes  supé- 
rieures, en  dessus. 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE  385 

Charles  Barrett  figure  sous  le  n"  i  ^  de  la  PI.  33  de  son  bel 
ouvrage  consacré  à  la  monographie  des  papillons  anglais,  une  Q 
de  la  collection  Mason,  atteinte  de  cet  albinisme  général.  Cette  Q 
est  d'un  blanc  jaunâtre  pâle  avec  la  tache  jaune  orange  des  ailes 
supérieures  assez  vivement  colorée. 

Ma  collection  contient  2  cf  et  4  Q  de  cet  albinisme  que  j'appelle 
suivant  la  couleur  :  griseo-argentacea  ou  griseo-aurea.  i  cf  griseo- 
aurea  vient  de  Vienne;  l'autre  cf  griseo-argentacea  se  trouvait  sans 
indication  de  localité  dans  la  collection  Kuwert.  2  Q  griseo- 
argentacea  proviennent,  l'une  des  Brenets,  dans  le  canton  de  Neu- 
châtel,  l'autre  d'Angleterre  (ex  coll.  Briggs,  vendue  à  la  Salle 
Stevens,  les  27  et  28  octobre  1896).  L'étiquette  fixée  à  l'épingle 
de  ce  papillon  est  ainsi  conçue  :  Purdey  Dover  1878.  Entomologist 
Vol.  XL 

Les  2  Ç)  griseo-aurea  étaient,  l'une  dans  la  collection  Bellier, 
l'autre  dans  celle  de  M.  l'abbé  Mège  qui  a  bien  voulu  s'en  désaisir 
en  ma  faveur;  celle-ci  a  été  trouvée  près  de  Bordeaux. 

Herrich-Schaeffer  figure  sous  les  n°'  104  et  105  un  cf  dont  les 
2  ailes  inférieures  me  semblent  atteintes  d'un  albinisme  maladif, 
malgré  la  symétrie  des  2  ailes. 

Je  possède  une  Q  tout  à  fait  semblable,  prise  à  la  forêt  du 
Cellier  (Loire-Inférieure),  en  août   1907. 

Dans  les  Pyrénées-Orientales,  on  rencontre  fréquemment,  avec 
des  Janira  Q  appartenant  à  la  forme  normale,  la  variété  méridionale 
Hispîdla,  figurée  par  Esper,  d'après  des  individus  rapportés  du 
Portugal  par  LIofmannsegg,  sous  les  n"'  i  et  2  de  la  Tab.  CXIX. 
De  son  côté,  Huebner  a  représenté  Hispulla  cf,  sous  les  n°^  593,  594, 
et  la  Ç)  sous  les  n°'  595  et  596.  Cette  variété  Hispulla,  si  chaudement 
colorée,  se  trouve  seule,  en  Algérie  et  en  Espagne.  J'en  ai  reçu  un 
nombre  considérable  d'exemplaires  de  Khenchela,  Lambèze,  Djur- 
jura,  Bône,  Sebdou,  Yakouren,  Tanger,  Daya,  ainsi  que  de  l'Anda- 
lousie (Cordoue,  vallée  de  Ronda)  et  de  la  Castille.  Tous  les 
spécimens  de  Barbarie  et  d'Espagne  appartiennent  à  la  variété 
Hispulla. 

25 


386  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

En  Algérie,  la  taille  semble  généralement  plus  grande  qu'en 
Espagne.  En  Sicile,  d'après  les  exemplaires  pris  par  Bellier,  dans 
cette  île,  c'est  aussi  uniquement  la  forme  Hispidla  qu'on  y  rencontre. 
En  Sardaigne,  d'où  feu  Damry  m'a  envoyé,  alors  qu'il  résidait  à 
Sassari,  un  grand  nombre  d'Epinephele  Nurag,  en  même  temps 
que  9  cf  et  4  Q  Janira,  c'est  encore  Hispulla,  mais  de  taille  moins 
grande  et  de  couleur  moins  vive  qu'en  Espagne  et  surtout  qu'en 
Algérie.  En  Corse,  il  y  a  les  deux  formes  Q,  comme  au  Vernet  : 
c'est-à-dire  Hispulla  et  Janira.  En  Italie  méridionale,  à  Roccarosa 
et  Palena,  Janira  présente  une  forme  analogue  à  celle  qu'on  trouve 
à  Saint-Pons  (Hérault)  et  dans  les  Alpes-Maritimes;  La  Q  Janira 
n'est  pas  nettement  Hispulla;  les  exemplaires  g  ayant  la  partie 
médiane  des  ailes  inférieures  lavée  de  jaune  ne  sont  pas  communs; 
l'aile  supérieure  est  généralement  un  peu  plus  envahie  par  la  couleur 
jaune  que  chez  nous;  mais  j'ai  sous  les  yeux  2i  Janira  Q  rapportés 
de  l'Italie  méridionale  par  M.  Fabresse,  qui  les  récolta  en  juillet  et 
août  1907;  il  y  a  parmi  ces  spécimens  italiens  une  grande  majorité 
d'échantillons  qui  ressemblent  infiniment  à  ceux  des  environs  de 
Rennes  et  de  Paris. 

A  Lectoure  (Gers),  la  forme  est  plus  grande  qu'aux  environs  de 
Paris.  La  tache  ocellée,  apicale  de  la  Q  est  plus  grosse  et  plus 
vive;  la  race  de  Lectoure  a  beaucoup  d'analogie  avec  celle  des 
Alpes-Maritimes  qui  est  de  plus  grande  taille  que  celle  d'Italie 
méridionale;  mais  ni  à  Lectoure,  ni  à  Saint-Pons,  ni  dans  les  Alpes- 
Maritimes,  Janira  ne  peut  s'appeler  Hispulla.  II  en  est  de  même  à 
Tokat  (Asie-Mineure),  où  la  forme  oscille  entre  celle  de  l'Italie 
méridionale  et  des  Alpes-Maritimes. 

A  Marseille  et  à  la  Sainte-Baume,  il  y  a,  avec  des  g  dont  les 
ailes  inférieures  sont  d'un  brun  clair  uni,  d'autres  exemplaires  dont 
les  ailes  inférieures  sont  traversées  par  une  large  bande  jaune  bien 
accentuée  et  dont  les  ailes  supérieures  sont  également  lavées  de 
jaune,  presque  entièrement  depuis  la  base  et  jusqu'au  contact  de 
la  bordure  brune  marginale;  mais  de  même  qu'aux  environs  de 
Vernet,  les  teintes  sont  moins  vives  que  chez  les  vrais  Hispulla 
d'Espagne  et  d'Algérie.  C'est  une  forme  intermédiaire  et  variable 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPAREE  38; 

;i  laquelle  les  entomologistes  de  l'école  de  M.  Fruhstorfer  pourront 
appliquer  une  foule  de  noms,  lorsque  cette  affaire  fera  l'objet  de 
leur  sollicitude. 

De  Larnaca  (île  de  Chypre),  M.  Deschamps  m'a  envoyé,  en  1893, 
une  bonne  série  de  Janira  cf  et  Q.  Ce  sont  des  Hispulla,  mais 
dont  le  faciès  diffère  de  celui  des  Hispulla  andalous  et  algériens 
et  tend  un  peu  vers  Tebnessia. 

La  plus  grande  forme  géographique  de  Janira  que  je  connaisse 
est  celle  d'Akbès.  Elle  est  plus  grande  que  fortunata,  Alphéraky 
(Mémoires  de  Romanoff  V,  PI.  XI,  fig.  4).  Outre  sa  taille,  elle  se 
distingue  par  la  profonde  dentelure  de  ses  ailes  inférieures,  par  le 
coloris  gris  ou  jaune  brun  du  dessous  des  ailes  inférieures  qui, 
chez  la  Q,  est  généralement  assez  sombre,  c'est-à-dire  très  peu 
coloré  de  jaune  en  dessus  et  aussi  par  le  développement  de  la  tache 
noire  subapicale  ocellée,  aux  ailes  supérieures.  Je  possède  7  cf  et 
9  Ç)  ;  un  des  cf  a  5  taches  noires  cerclées  de  jaune,  dont  4  pupillées 
de  blanc,  sur  les  ailes  inférieures,  en  dessous.  Il  lui  manque  le 
3"  ocelle  pour  équivaloir  au  n°  429  d'Herrich-Schaeffer,  mentionné 
ci-dessus,  et  dont  la  localité  m'est  restée  inconnue.  J'ai  donné  à  la 
belle  race  géographique  d'Akbès  le  nom  de  megala. 

Je  crois  que  Telniessia,  qui  se  trouve  aussi  à  Akbès,  est  une 
espèce  à  part  et  non  une  variété  de  Janira. 

J'ai  fait!  figurer  dans  la  XX"  livraison  des  Etudes  (T Entomologie, 
sous  le  n°  9  de  la  PI.  2,  un  hermaphrodite  magnifique,,  chez  lequel 
domine  le  sexe  cf,  pris  à  Vernet-les-Bains  par  mon  frère,  en  1891. 

Janira  éclôt  dès  les  derniers  jours  de  mai  ou  en  juin,  suivant  les 
localités;  il  vole  tout  l'été  et  je  crois  avoir  constaté  aux  environs 
de  Cancale  une  seconde  génération  dont  les  exemplaires  étaient 
très  frais,  durant  la  seconde  quinzaine  d'août. 


Epinephele  Janiroides,  Herrich-Schaeffer. 

Espèce  provenant  exclusivement  de  la  région  voisine  du  littoral 
algérien  et  tunisien;  M.  IIoll  l'a  trouvée  à  Bainen,  de  mai  à  juillet, 


388  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

et  aux  glacières  de  Blidah,  en  juillet.  Med<l  l'a  prise  à  Bône,  en 
juin  1884,  et  dans  le  Djurjura,  en  juillet  de  la  même  année.  Le 
D""  Seriziat  l'avait  récoltée  en  assez  grand  nombre  à  Collo; 
M.  Faroult  l'a  recueillie  près  de  Tunis;  enfin,  en  juillet  et  août  1907, 
M.  Dayrem  l'a  capturé  à  Yakouren.  Je  l'ai  fait  figurer  dans  la 
i''"  livraison  des  EUides  cT Entomologie.  Herrich-Schaeffer  l'a 
représentée,  le  premier,  sous  les  n°^  533  et  534.  Généralement 
Janiroïdes  montre  une  tache  ocellée  noire,  subapicale,  assez  grosse, 
doublement  pupillée  de  blanc,  soit  que  l'ocelle  paraisse  unique,  soit 
qu'il  semble  formé  de  deux  ocelles  plus  petits,  juxtaposés.  Sur 
39  exemplaires  que  renferme  ma  collection,  une  seule  Q  a  l'ocelle 
subapical  pupille  d'un  seul  point  blanc.  Les  deux  sexes  varient  un 
peu  pour  le  degré  d'envahissement  des  parties  brunes,  tant  aux 
ailes  supérieures  qu'aux  ailes  inférieures. 


Epinephele  Nurag,  Ghiliani. 

Satynde  spécial  à  l'île  de  Sardaigne;  n'a  pas  été  trouvé  en  Corse, 
ainsi  que  Lang  le  prétend  à  tort  (p.  209).  D'après  les  documents 
que  contient  ma  collection  (74  exemplaires),  Niirag  est  une  espèce 
assez  variable,  quoique  paraissant  nettement  distincte  de  Janira  et 
de  Tithonus  qui  habitent  tous  deux  la  Sardaigne. 

Le  cf  a  l'éclaircie  fauve  plus  ou  moins  développée  sur  chacune 
des  4  ailes,  en  dessus;  chez  certains  exemplaires,  cette  éclaircie 
fauve  est  nette  dans  sa  couleur  et  dans  ses  contours,  et  elle  couvre 
une  notable  partie  de  chaque  aile;  dans  d'autres,  elle  est  nulle  sur 
les  ailes  inférieures  et  réduite,  sur  les  ailes  supérieures,  à  deux  ou 
trois  traits  au-dessous  de  l'ocelle  subapical.  Les  Ç  ont  parfois  le 
fond  des  ailes  entièrement  jaune,  plus  ou  moins  clair,  ou  rougeâtre, 
sans  autre  vestige  de  brun  que  la  bordure  marginale  et  la  base  des 
ailes  inférieures.  Encore  la  bordure  marginale  peut  devenir  très 
étroite  dans  certains  individus.  L'ocelle  subapical  noir  est  généra- 
lement unique  et  pupille  d'un  seul  point  blanc.  Cette  pupillation 
peut  se  trouver  absente  surtout  chez  les  (S  ;  mais  l'ocelle  varie  pour 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE  389 

la  grosseur,  du  simple  au  double,  et  il  peut  arriver  que  l'ocelle  en 
question  soit  lui-même  doublé  d'un  second  ocelle  inférieur  à 
l'ocelle  normal  et  qui  lui  est  juxtaposé.  En  dessous,  il  semble  qu'il 
y  a  plus  de  tendance  qu'en  dessus,  à  la  présence  de  points  noirs 
inférieurs  à  l'ocelle  subapical,  aux  ailes  supérieures.  Les  ailes  infé- 
rieures sont  assez  variables  en  dessous;  plus  ou  moins  colorées  en 
ocre  jaune,  avec  ou  sans  atténuation  de  grisâtre;  en  outre  les  ailes 
inférieures  ont  quelquefois  des  points  noirs  extrêmement  petits, 
surtout  chez  les  cf,  comme  dans  Janira. 


Epinephele  Tithonus,  Linné. 

Le  Tithonus  a  été  figuré  par  Huebner,  avec  le  nom  de  Herse, 
sous  les  n"^  156,  157;  plus  tard,  il  a  été  largement  représenté  par 
Charles  Barrett,  sur  la  PI.  34  de  son  ouvrage  .-  The  Lcpkloptera 
of  thc  brilish  Islands,  qui  lui  est  entièrement  consacrée.  ISEpine- 
phele  Tithonus  est  une  espèce  extrêmement  commune  dans  la  plus 
grande  partie  de  l'Europe,  mais  susceptible  d'offrir  des  Aberrations 
extrêmement  intéressantes. 

Barrett  figure  sous  les  n""  \  c  ç.\.  \  d,  d'après  la  collection  Webb, 
un  cf  et  une  Q  dont  le  fond  des  ailes  est  blanc;  je  possède  une  Q 
semblable,  venant  de  Baden,  ayant  le  fond  des  ailes  d'un  blanc 
assez  pur;  j'ai  appelé  cette  Aberration  :  virginalïs. 

Je  possède  une  Q  prise  par  l'abbé  Mège,  à  Villeneuve-de-Blaye 
(Gironde),  chez  laquelle  la  couleur  fauve  du  fond  des  ailes  est 
restée  très  vive;  mais  le  bord  des  4  ailes  et  la  base  des  inférieures 
sont  d'une  couleur  blond  pâle,  au  lieu  d'être  brun  noir.  L'ocelle 
subapical  est  resté  noir,  avec  sa  double  pupille  blanche;  mais  la 
teinte  en  est  un  peu  atténuée;  j'ai  appelé  cette  Aberration  :  pallïde- 
luarginata.  Le  bord  des  ailes  n'est  pas  assez  blanc  pour  que  j'aie 
pu  lui  attribuer  le  nom  d\dboniarginatû  donné  par  feu  Fallou,  à 
un  cT  analogue  de  Epinephele  Ida,  qui  fut  pris  par  M.  Dognin,  à 
Roquefavour,  dans  les  Bouches-du-Rhônc,  en  juillet  187S.  Cet  Ida 


390  LEPIDOPTEROLOGIE   COMPARÉE 

alboiiKXVgniata  a  été  figuré  par  Fallou,  dans  les  Annales  Soc.  cnt. 
France,  1883  (PI.  I). 

Une  autre  Q  variant  inversement  par  rapport  à  paUidcmai'guiala, 
fut  prise  par  le  même  abbé  Mège,  qui  eut  l'obligeance  d'en  enrichir 
ma  collection,  à  Gauriac,  près  Blaye  (Gironde),  le  2  août  1885. 
Chez  cette  Q,  que  j'ai  appelée  lugens,  la  bordure  noire  s'étend  vers 
l'intérieur  des  ailes  au  delà  de  la  tache  ocellée  subapicale,  et  l'aile 
inférieure  est  presque  entièrement  d'un  brun  uni;  on  voit  seulement 
sur  le  milieu  des  ailes  inférieures  une  légère  éclaircie  fauve,  sous 
forme  de  3  faibles  traits.  En  dessous,  la  bordure  noirâtre  des  ailes 
supérieures  est  très  élargie  et  les  ailes  inférieures  sont  uniformément 
teintées  d'ocre  jaune  avec  des  stries  noirâtres  très  fines  et  3  petits 
points  blancs. 

L'ocellation  peut  se  trouver  très  multipliée  chez  Titlionits.  C'est 
ainsi  que  Barrett  publie  sous  les  n"'  i  c,  i  /  et  i  ^,  la  figure  d'une  Q 
et  d'un  <3  qui  ont  un  supplément  notable  d'ocelles  noirs  pupilles 
de  blanc  aux  4  ailes.  Je  possède  d'Angleterre  (North  Devon)  un  cf 
pris  par  le  chasseur  Mac-Arthur  dont  j'étais  l'un  des  commandi- 
taires, ayant  4  ocelles  aux  supérieures,  en  dessus  comme  en  dessous, 
3  ocelles  aux  inférieures  en  dessus  et  6  taches  blanches  plus  ou 
moins  cerclées  de  blanc  en  dessous.  Cet  exemplaire  se  rapproche 
de  celui  figuré  par  Barrett  sous  les  n"^  i  /  et  i  ^. 

Je  possède  une  Q  prise  en  Alsace  ayant  aux  supérieures,  sur  les 
deux  faces,  4  ocelles  noirs  pupilles  de  blanc,  tous  les  4  de  taille 
presque  égale,  et  j'ai  pris  à  Cancale,  pendant  l'été  1906,  une  Q 
ayant  également  4  ocelles  aux  supérieures;  mais  leur  disposition 
est  tout  à  fait  analogue  à  la  figure  i  g  de  Barrett.  J'ai  appelé  cette 
Aberration  :  nuiltiocellata.  J'ai  aussi  un  cf  quadri-ocellé  aux  supé- 
rieures pris  en  Corse  et  un  autre  pris  à  Florac  (Lozère)  par 
M.  Dayrem,  en  juillet  1908. 

Les  individus  d'Angleterre  et  de  France  centrale  ne  diffèrent  de 
ceux  du  midi  (Corse,  Sardaigne,  Grèce,  Pyrénées-Orientales,  Basses- 
Alpes,  Lozère,  Abruzzes,  Castille,  etc.)  que  par  leur  taille  généra- 
lement plus  petite  et  le  rembrunissement  plus  grand  de  la  surface 
de  leurs  ailes. 


LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE  39I 

Généralement  la  tache  ocellée  subapicale  noire  est  pupillée  de 
deux  points  blancs;  je  possède  cependant  quelques  exemplaires 
montrant  une  seule  pupillation  blanche;  mais  il  semble  que  cette 
Aberration  est  très  rare.  A  l'angle  anal  des  ailes  inférieures, 
Tithomis  montre  fréquemment  un  ocelle  noir  pupille  de  blanc; 
quelquefois  deux  ocelles;  mais  l'absence  de  tout  ocelle  est  un  cas 
aussi  commun  que  la  présence  d'un  seul  ocelle.  Mosley  figure  sous 
le  n"  2  de  la  PI.  2  des  Satyrits,  une  Aberration  de  Tithonits  que 
je  n'ai  jamais  vue.  Les  ailes  supérieures  sont  uniformément  brunes 
sans  aucune  bordure  plus  foncée;  mais  la  tache  ocellée  noire,  bi- 
pupillée  de  blanc,  est  maintenue. 

UEphicphclc  Tîthonus  éclot  une  seule  fois  par  an,  à  la  fin  de 
juillet  et  au  commencement  d'août.  Il  voltige  en  grand  nombre 
autour  des  buissons  et  des  haies.  C'est  une  espèce  extrêmement 
abondante  là  où  elle  habite,  mais  chez  laquelle  les  Aberrations 
semblent  bien  rares,  en  proportion  du  nombre  énorme  des  individus 
normaux  qui  éclosent  à  la  même  époque. 


Epinephele  Ida,  Esper. 

Le  premier  auteur  qui  ait  fait  connaître  Xlda  est  Esper,  dont  la 
notice  débute  comme  suit  :  Man  hat  diesen  Falter  vor  Kur/.cm 
in  den  pyrenaeischen  Gebiirgen  endeckt.  Mehreres  ist  aber  von 
seiner  Naturgeschichte  noch  nicht  bekannt.  Hr  Gerning  bekam  ihn 
von  Herrn  d'Orcy  aus  Paris,  und  von  daher  habe  ich  denselben 
als  einen  der  schaetzbaresten  Beytraege  mitgetheilt  erhalten  ». 
C'est  donc  des  Pyrénées  —  et  évidemment  de  la  partie  orientale, 
la  seule  où  habite  Ida,  —  que  provient  l'exemplaire  originairement 
décrit.  Il  serait  très  intéressant  de  savoir  la  localité  d'où  provenaient 
les  premiers  exemplaires  décrits  des  Lépidoptères  européens,  pour 
fixer  la  race  ou  forme  qui  doit  être  considérée  comme  le  type  de 
l'espèce.  Mais  il  est  souvent  impossible  de  trouver  ce  renseignement, 
faute  aux  anciens  auteurs  et  même  aux  plus  modernes  d'avoir  soup- 


392  LEPIDOPTEROLOGIE   COMPARÉE 

çonné  son  importance  et  d'en  avoir  fait  part.  Lorsque  je  parviens 
à  en  obtenir  la  connaissance,  je  me  fais  un  devoir  de  le  publier. 

UEpinephele  Ida  habite  la  Provence,  le  Languedoc,  le  Rous- 
sillon  et  le  Gonflent,  l'Espagne,  l'Algérie,  la  Sardaigne,  la  Corse, 
la  Sicile,  l'Italie  méridionale  et,  dit-on,  le  sud  de  l'Allemagne.  En 
France,  nous  avons  pris  Ida  à  Vernet-les-Bains,  à  Port-Vendres, 
au  Pont-du-Gard  près  Nîmes,  à  Nice  et  à  la  Turbie.  Les  localités 
espagnoles  d'oi^i  je  possède  Ida  sont  :  Cordoue  (R.  Oberthiir, 
juin  1880);  Sierra-de-Alfakar  et  Grenade  (R.  Obthr,  juillet  1879); 
vallée  de  Ronda  (Fabresse,  juin  1906);  Escorial  (29  et  30  juillet 
1879). 

Quant  à  l'Algérie  et  au  Maroc,  je  relève  dans  ma  collection  les 
indications  suivantes  .-  Djurjura,  juillet  1884;  Lambèze,  juin  1885; 
Tanger  juin  1880;  Bône,  juin  1884;  El-Kantara,  mai  1908;  Alger, 
mai  1908;  Torny  près  Sebdou,   i''''  juillet  1907;   Nemours. 

Dans  toute  la  région  provençale,  languedocienne  et  roussillo- 
naise,  espagnole,  algérienne,  sicilienne,  sarde  et  corse,  la  forme  est 
assez  sensiblement  la  même.  A  El-Kantara,  où  M.  H.  Powell 
recueillit  un  grand  nombre  de  cf ,  mais  pas  une  Q ,  la  race  est  petite 
et  plusieurs  exemplaires  sont  remarquables  par  l'adjonction  de 
I  ou  2  petits  ocelles  noirs  quelquefois  pupilles  de  blanc,  aux  ailes 
supérieures,  au-dessous  du  gros  ocelle  subapical,  normal,  double- 
ment pupille  de  blanc.  Mais  je  ne  vois  pas  à  la  race  d'El-Kantara 
d'autre  caractère  que  sa  petite  taille,  et  il  y  a  dans  les  autres  localités, 
avec  des  exemplaires  plus  grands,  des  échantillons  qui  sont  aussi 
petits  que  ceux  d'El-Kantara. 

La  race  vraiment  distincte  et  spéciale;  est  celle  du  sud  de  l'Italie 
que  j'ai  appelée  Neapolitana.  Les  cf  pris  à  Pompéi  par  mon  frère, 
en  1876,  sont  grands,  très  peu  dentelés,  aux  ailes  inférieures,  avec 
la  bordure  brune  étroite,  l'ocelle  subapical  presque  ou  totalement 
aveugle,  c'est-à-dire  avec  une  pupillation  blanche  microscopique, 
unique  et  non  double,  ou  même  nulle.  Les  Q  prises  à  Sulmona, 
par  M.  Fabresse,  pendant  l'été  1908,  ont  la  bordure  brune  extrê- 
mement réduite,  ce  qui  donne  à  la  race  italienne  un  faciès  tout 
particulier.  L'ocelle  noir,  subapical,  des  ailes  supérieures  est  petit. 


LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE  393 

mais  bi-pupillé  de  blanc.  En  dessous,  le  cf  Neapoliiana  a  sur  le 
milieu  des  ailes  un  lavis  jaune  plus  étendu  sur  un  fond  plus  foncé 
que  la  race  typique. 

Dans  la  collection  Kuwert,  il  y  avait  une  paire  d'Epinephele  Ida 
avec  la  mention  de  localité  :  Suddeutschland.  Le  cf  est  conforme 
à  ceux  de  France  méridionale;  la  Q  est  très  grande,  plus  pâle  et 
un  peu  moins  largement  bordée  de  brun;  mais  cette  paire  appartient 
à  la  forme  typique  et  nullement  à  la  neapolitana. 


Epinephele  Pasiphaë,  Esper. 

Espèce  volant  abondamment,  principalement  sur  les  buissons  de 
ronces,  dans  beaucoup  de  localités  de  Provence,  du  Languedoc 
méditerranéen,  du  Roussillon,  des  parties  chaudes  du  Confient,  de 
l'Espagne,  du  Portugal,  de  l'Algérie  et  du  Maroc.  L'éclosion  se 
fait  de  mai  à  juillet,  suivant  les  localités. 

Esper  a  figuré  Pnsiphae  sous  le  n"  4  de  la  Tab.  LXYII;  cet 
auteur  s'exprime  en  ces  termes,  au  sujet  de  '  Pasiphaë  (p.  gg)  : 
«  Dieser  Falter  ist  eine  der  neuesten  Entdeckung.  Nach  zuver- 
laessigen  Nachrichten  findet  sich  derseribe  in  der  Gegend  von 
Paris,  obwohl  sehr  selten.  Herr  Gerning  hat  ihn  von  daher  erhalten, 
und  die  Guete  gehabt,  denselben  mir  mitzutheilen.  »  Evidemment 
Gerning  a  commis  une  erreur;  il  a  pu  recevoir  Pasiphaë  de  M.  Gigot 
d'Orcy  ou  d'un  autre  «  Curieux  de  la  Nature  »  de  Paris  avec  qui 
il  était  en  relations;  mais  il  ne  s'en  suit  nullement  que  l'espèce  ait 
été  prise  à  Paris.  Pasiphaë,  à  Paris,  est  plus  que  très  rare;  il  ne  s'y 
trouve  pas  et  ne  s'y  est  jamais  rencontré  dans  la  Nature.  Iluebner 
figure  les  deux  sexes  sous  les  n"'*  167,  168  et  169;  mais  avec  moins 
de  réussite  qu'à  l'ordinaire. 

L'espèce  est  d'ailleurs  parfaitement  connue  et  elle  existe  dans 
toutes  les  collections. 

Elle  présente  deux  races  principales  :  celle  de  la  France  méri- 
dionale et  de  l'Espagne  du  Nord,  où  mon  frère  l'a  prise  abon- 


394  LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE 

damment  en  juin  187g,  de  Vittoria  au  Mont  Gorbea,  et  celle 
d'Algérie. 

La  forme  de  l'Espagne  méridionale  et  du  Portugal  (Carthagène, 
Grenade,  vallée  de  Ronda,  Malaga,  Gibraltar,  Lagos)  fait  entre 
les  deux  races  une  transition  parfaite. 

En  Algérie  et  au  Maroc,  à  Mécheria,  Magenta,  Djurjura,  Sebdou, 
Tanger,  Oran,  Nemours,  c'est  la  race  Philippina,  Austaut,  dont  le 
faciès  est  bien  distinct  en  dessus  de  la  race  française,  mais  dont  les 
ailes  inférieures,  en  dessous,  sont  caractérisées  par  la  réduction  de 
la  bande  médiane  transverse,  d'un  blanc  jaunâtre.  A  Tessala,  les 
ailes  inférieures  du  cf  sont  fréquemment  dépourvues  de  toute 
bande  blanchâtre  et  sont  par  conséquent  d'un  brun  uni.  Deux  d*  de 
l'Ab.  tessalensïs  m'ont  été  donnés  jadis  par  M.  Austaut,  avec 
l'étiquette  :  Monts  Tessala;  Prov.  d'Oran. 

Généralement  Pasïphaë  a  une  tache  noire  ocellée  subapicale,  aux 
ailes  supérieures,  unipupillée  de  blanc  chez  les  cf,  bipupillée  chez 
les  Q.  Quelquefois  on  voit  au-dessous  de  cette  tache  ocellée  un  et, 
plus  rarement,  deux  points  noirs.  Les  ailes  inférieures  sont  généra- 
lement marquées  de  deux  ou  trois  points  noirs  tantôt  pupilles  de 
blanc,  tantôt  aveugles;  je  possède  des  exemplaires  quadriponctués ; 
chez  certains  Pasiphaê  asymétriques,  il  y  a  3  points  noirs  d'un  côté 
des  ailes  et  4  de  l'autre  côté.  En  dessous,  les  ailes  inférieures 
montrent  le  plus  généralement  5  ocelles  noirs,  cerclés  de  jaune, 
pupilles  de  blanc. 

Les  cf  varient  pour  la  base  des  ailes  supérieures,  plus  ou  moins 
envahie  par  la  couleur  brune  ou  éclairée  de  la  teinte  fauve  du  fond 
des  ailes. 

Il  doit  y  avoir  à  l'Escorial  une  forme  très  intéressante  de 
Pasiphaê,  si  j'en  juge  par  2  seules  Q  prises  les  29  et  30  juillet  1879, 
remarquables  par  le  fond  fauve  orangé  vif  de  leurs  4  ailes  et  la 
réduction  des  parties  brunes. 

C'est  à  Marseille  que  Pasiphaê  semble  plus  généralement  tendre 
à  la  multiplication  des  petits  ocelles  noirs  supplémentaires,  aussi 
bien  aux  ailes  supérieures  qu'aux  inférieures. 


LÉPIDOrTÉROLOGIE   COAIPARÉE  395 

Feu  de  Graslin  avait  capture  à  Grenade  un  Pasiphaë  çS  albi- 
nisant  et  chez  lequel  toute  la  bordure  et  la  base  des  ailes,  au  lieu 
d'être  d'un  brun  assez  foncé,  comme  chez  les  exemplaires  normaux, 
présente  une  teinte  d'un  brun  griscâtre  pâle;  les  parties  fauves,  chez 
cet  exemplaire,  sont  restées  normales. 


Cœnonympha  Œdippus,  Fabr. 

Espèce  répandue  des  rives  de  la  mer  du  Japon  jusqu'au  pied 
des  Basses-Pyrénées,  au  bord  de  l'Océan  Atlantique,  mais  avec  des 
lacunes  souvent  considérables  dans  cet  immense  espace.  Esper,  le 
premier,  a  figuré  la  Q,  avec  le  nom  de  Geticus,  sous  le  n"  2  de  la 
Tab.  Cil,  d'après  des  documents  communiqués  par  le  Haushof- 
meister  Rummel  qui  avait  trouvé  ce  nouveau  papillon  de  jour  en 
\"alachie  :  «  Und  zwar  in  der  Gegend  des  Argusflusses  bey  dem 
Lager  zu  Fraschanestje  ».  Esper  représente  de  nouveau  le  Gcticiis, 
mais  cette  fois  le  cf  de  l'espèce,  sous  le  n°  5  de  la  Tab.  CVII. 

Huebner  figure  admirablement  le  cf,  avec  le  nom  de  Pjdargc, 
sous  les  n°'  245  et  246,  et  la  g  sous  les  n°'  702  et  /03. 

En  France,  j'ai  pris  Œdippus  à  Biarritz  où  il  vole  dans  les 
landes  couvertes  de  bruyères  avec  Aracinthus  et  Phœdrn,  deux 
espèces  qui  sont  également  ses  compagnons  dans  la  Charente,  près 
d'Angoulême,  dans  les  marais  de  la  vallée  ])arallèle  à  celle  des 
Eaux-Claires,  mais  située  immédiatement  plus  au  sud.  J'ai  aussi 
trouvé  Œdippus  avec  Lyccena  Argus,  Cœnonyiupha  Arcania,  Stc- 
ropes  Aracinthus  (Hetcropterus  Morphcus),  dans  le  marais  du  fond 
de  la  forêt  de  Livernant  où  m'avait  si  obligeamment  dirigé  mon 
excellent  ami  Gabriel  Dupuy. 

C'était  à  la  fin  de  juin  1908;  le  temps  n'était  pas  très  favorable; 
il  avait  plu  plusieurs  jours  de  suite;  le  ciel  restait  morose  et  le 
soleil  parvenait  à  grand'peine  à  filtrer  à  travers  les  nuages  que 
le  vent  marin  poussait  vers  nous.  Mais  dans  les  intervalles  où  un 
rayon  solaire  venait  éclairer  la  forêt,  on  voyait  une  foule  de 
papillons  variés  sortir  de  l'herbe  épaisse  et  voltiger  dans  le  marais 


396  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

OÙ  souvent  le  chasseur  sent  ses  pieds  s'enfoncer  dans  le  sol 
bourbeux.  En  marchant  dans  ces  herbes,  on  faisait  lever  parfois 
Œdippus  et  c'était  un  plaisir  de  voir  ce  papillon  noir  voltiger  pas 
très  haut  au-dessus  de  terre,  d'une  façon  vive  et  rapide,  un  peu 
sautillante,  mais  se  présenter  assez  facilement  à  nos  filets.  Lorsque 
les  nuages  s'épaississaient,  les  Œdippus  s'enfonçaient,  avec  la 
plupart  des  autres  papillons,  dans  les  touffes  d'herbe,  et  il  ne 
restait  guère  sans  abri  que  l'intrépide  Galathea,  à  laquelle  même 
quelques  gouttes  de  pluie  ne  faisaient  pas  peur.  J'ai  conservé  un 
charmant  souvenir  de  cette  chasse  qui  eût  été  bien  plus  abondante, 
si  le  soleil  nous  avait  souri;  mais  l'ami  Dupuy  et  moi,  nous  étions 
heureux  de  nous  trouver  ensemble  sur  un  terrain  dont  il  me  faisait 
entomologiquement  les  honneurs,  et  j'éprouvais  une  satisfaction 
très  vive  à  capturer  une  espèce  très  intéressante  par  ses  variations. 
Dans  certaines  forêts  de  Bretagne  et  notamment  à  la  forêt  de 
Rennes,  on  trouve  Lycœna  Argus,  C œnonympha  Arcania  et  Steropcs 
Aracinlhus,  comme  à  Livernant,  dans  des  terrains  marécageux 
couverts  d'herbes  et  de  plantes  qui  me  semblent  tout  à  fait  ana- 
logues. Cependant  Œdippus  n'a  jamais  été  rencontrée  en  Bretagne 
jusqu'ici.  Cette  espèce  est  surtout  abondante  dans  les  marais  des 
Deux-Sèvres,  notamment  à  Amure,  près  Epannes,  où  M.  Gelin,  de 
Niort,  a  bien  voulu,  avec  une  obligeance  parfaite  et  dont  je  ne 
saurais  assez  le  remercier,  recueillir  à  mon  intention  un  grand 
nombre  à^ Œdippus,  afin  de  me  permettre  d'étudier  la  variation 
des  taches  ocellées  qui  est  en  effet  fort  remarquable. 

Chez  les  cf,  les  ailes  inférieures  présentent  le  plus  généralement 
6  ocelles  noirs  cerclés  de  jaune,  pupilles  de  blanc,  et  les  ailes 
supérieures  sont  fréquemment  dépourvues  de  toute  ocellation;  mais 
on  trouve  assez  souvent  des  cf  avec  un,  deux  et  trois  ocelles.  Quant 
aux  Q,  elles  ont  comme  les  çS  six  ocelles  aux  ailes  inférieures;  les 
supérieures,  les  mieux  pourvues,  offrent  le  plus  ordinairement  quatre 
ocelles  et  quelquefois  cinq.  Je  suppose  qu'il  doit  y  avoir  des  Q  à 
six  ocelles;  mais  je  n'en  possède  pas. 

Le  fond  des  ailes  des  cf,  en  dessous,  est  souvent  d'un  brun  un 
peu  ochracé  uni;  quelquefois  les  cf  ont  une  liture  jaunâtre  ou  blan- 


LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE  397 

châtre  longeant  intérieurement  la  série  des  cinq  ocelles  des  ailes 
inférieures,  tandis  que  le  côté  extérieur,  à  une  petite  distance  de 
la  série  des  taches  ocellées,  est  liséré  submarginalement  d'argent. 
Les  Q  ont  ordinairement  la  série  des  ocelles  aux  ailes  inférieures 
intérieurement  surmontée  d'une  éclaircie  blanc  d'argent  qui  peut 
devenir  très  large  chez  certains  exemplaires.  A  Epannes,  cette 
éclaircie  est  plus  générale  et  plus  accentuée  qu'à  Angoulême;  c'est 
la  variété  Miris,  Fabr. 

Une  variété  qui  paraît  fort  rare  est  celle  où  les  taches  ocellées 
du  dessous  des  ailes  sont  privées  de  toute  pupillation  blanche.  Les 
ocelles  sont  alors  d'un  noir  de  velours  très  vif,  entourés  de  leur 
cercle  ordinaire  d'un  jaune  pâle.  Je  possède  un  très  beau  cf  de 
cette  Aberration;  il  faisait  partie  de  la  collection  Boisduval  et  je 
l'ai  appelé  Gelini,  en  l'honneur  du  lépidoptériste  zélé  de  Niort  à 
qui  l'Entomologie  est  redevable  de  découvertes  très  intéressantes 
réalisées  dans  la  riche  contrée  oii  il  réside. 

Ma  collection  contient  des  Cœnonympha  Œdippus  des  localités 
suivantes  :  Angoulême  (fin  juin  et  fin  juillet  1908);  Amure,  près 
Epannes,  dans  les  Deux-Sèvres  (mi-juin  1908);  Biarritz  (17  juillet 
1901);  Gironde  (abbé  Mège);  Dax  (Lafaury)  ;  Piémont  (jn  coll. 
Bellier);  Carinthie  {in  coll.  Kuwert);  Chine  du  Nord;  Sidemi,  en 
Mandchourie  (M.  JankowskiJ  ;  Yokohama,  au  Japon. 

La  race  japonaise  a  été  appelée  annulïfer,  par  Butler. 

Œdippus  peut  être  albinos,  comme  tous  les  Satyridœ  ;  je  possède 
un  cf  entièrement  d'un  gris  jaunâtre  clair,  en  dessus  et  en  dessous; 
c'est  l'Aberr.  albina,  analogue  à  celle  ^Eudora. 

La  description  de  Fabricius  {Mantissa  hisectoriun,  I/8/)  est 
ainsi  conçue  :  «  Œdippus;  335.  P.  D.  F.  Alis  integerrimis  supra 
nigris  immaculatis  subtus  fuscis  :  anticis  ocellis  subtribus,  posticis 
quinque.  Habitat  in  Russia  australiori  Dom.  Boeber.  Statura  omnino 
P.  Hyperanthi.  Antenn?e  albo  nigroque  annulatae  clava  ferruginea. 
Alae  omnes  supra  nigras  immaculatac,  subtus  fusca:-.  ocellis  subtribus, 
posticis  quinque  pupilla  argentea,  unico  remoto.  Striga  marginal is 
argentea  fere  obsoleta.    » 

Dans  la  première  phrase,  Fabricius  annonce  cinq  ocelles  aux  ailes 


LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE 


inférieures,  ce  qui  ne  cadre  pas  avec  la  forme  ^Œ clip-pus  que  nous 
trouvons  en  France  et  qui  a  toujours  six  ocelles  aux  inférieures; 
mais  le  complément  de  la  description,  avec  l'expression  iinico 
renwto,  paraît  mettre  les  choses  au  point. 

Quant  à  Miris,  Fabr.  {Supplenientum  Entomologiœ  systema- 
ticœ,  1798),  c'est  évidemment  de  la  variété  d'Œdippus  avec  bande 
blanche  accompagnant  intérieurement  la  rangée  des  cinq  ocelles 
aux  ailes  inférieures  qu'il  s'agit.  Je  la  copie  textuellement  comme 
celle  d'Œdippiis  -.  «  Miris;  693.  P.  S.  Alis  integerrimis  fuscis  : 
posticis  supra  ocellis  duobus  minutis,  subtus  sex;  exteriori  remoto. 
Habitat  in  Germania.  Affînis  certe  P.  Leander  at  distinctus  videtur. 
Alae  anticae  supra  fuscae  immaculatœ;  subtus  flavescentes  ocellis 
tribus  strigaque  terminali,  argentea,  posticas  supra  fuscae  ocellis 
duobus  aut  tribus  minutis  pupilla  alba,  subtus  flavescentes  ocellis 
sex  exteriori  remoto.  Ante  ocelLos  striga  abbreviata  alba,  pone 
striga  argentea  fere  terminalis.   » 

C'est  donc  :  «  ante  ocellos  striga  abbreviata  alba  »  qui  constitue 
la  différence  entre  Œdippiis  et  Miris,  et  on  doit  donner  le  nom  de 
Miris  aux  Œdippns,  particulièrement  nombreux  dans  les  marais 
d'Epannes,  qui  ont  aux  ailes  inférieures,  devant  les  ocelles,  une 
bande  blanche  raccourcie.  Dans  la  Charente,  on  trouve  plutôt 
Œdippns  que  Miris. 

Esper,  sous  le  n"  2  de  la  Tab.  Cil,  a  représenté,  avec  le  nom  de 
GeticHs,  la   Q    Œdippns  et  non  Miris. 

Cette  Ç)  Geticus  a  4  ocelles  aux  supérieures  et  6  aux  inférieures, 
pupilles  de  blanc  et  cerclés  de  jaune,  sur  un  fond  jaunâtre  uni, 
et  sans  aucune  éclaircie  à  l'intérieur  et  le  long  de  la  série  des  ocelles 
aux  inférieures.  Le  <3  (n"  5,  Tab.  CVII)  a  2  ocelles  aux  supérieures 
et  6  aux  inférieures. 

Dans  l'ouvrage  de  Huebner,  Fylargc  cf  (245,  246)  a  3  ocelles 
aux  supérieures  et  6  aux  inférieures,  et  Pylarge  Q  (702,  703)  en  a 
juste  autant,  sur  un  fond  parfaitement  uni  et  sans  aucune  éclaircie 
contiguë  aux  ocelles  des  ailes  inférieures  en  dessous. 

Godart  (PI.  XIX,  fig.  5-6)  représente  le  cf  avec  un  ocelle  aux 
supérieures  et  six  aux  inférieures.  Dans  sa  description  (p.   142),  il 


LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE  399 

dit  :  «  Dans  les  femelles,  il  y  a  avant  les  yeux  des  ailes  inférieures 
un  trait  blanchâtre  ou  une  bande  Iransverse  d'un  blanc  luisant  »  ; 
mais  il  ne  dit  pas  que  cette  forme  a  reçu  le  nom  de  Miris. 

Lang  figure  le  cf  (PI.  LXXIV,  fig.  6,  6),  avec  six  ocelles  z.n'x 
inférieures  et  deux  ou  trois  petits  aux  supérieures.  Dans  sa  des- 
cription (p.  303,  304),  il  ne  fait  pas  mention  de  l'éclaircie,  sur  le 
dessous  des  ailes  de  la  Q,  éclaircie  qui  est  caractéristique  de  Miris. 
Lang  ne  semble  pas  avoir  connu  cette  variété. 

Butler  a  publié  en  1868  le  Catalogue  of  Satyrïdœ  in  the  coll.  of 
the  british  Muséum.  Voici  ce  qu'il  écrit  au  sujet  &Œdippus  et  de 
Geticus  (p.  40)  :  «  C.  Œdippus  appears  to  be  the  Russian  form 
of  Geticus;  it  differs  from  it  chiefly  in  having  less  conspicuous 
ocelli  and  bands  on  the  underside.  The  females  differ  much  more 
than  the  maies;  the  number  of  ocelli  in  the  front  wings  of  thèse 
two  fofms  varies  in  our  spécimens  from  five  to  none.   » 

Quant  à  Staudinger  et  Rebel,  dans  leur  Catalog  1901,  ils  ne 
prennent  pas  soin  d'établir  l'origine  et  la  nature  de  la  variété  Miris, 
dont  ils  ne  citent  même  pas  l'auteur  :  Fabricius;  ils  se  bornent  à 
imprimer  le  nom  de  Ruehl  après  celui  de  Miris,  comme  si  Ruehl 
était  le  fondateur  de  ce  nom.  C'était  pourtant  plus  d'un  siècle  avant 
Ruehl  que  Fabricius  l'avait  créé. 


Cœnonympha  Hero,  Linné. 

Espèce  orientale  répandue  depuis  la  Mandchourie  jusqu'aux 
forêts  à  l'est  de  la  ville  de  Paris. 

M.  Jankowski  m'a  envoyé  de  l'île  Askold  et  de  Sidemi  la  race 
Perseis  qui  est  un  peu  plus  grande  et  plus  pâle,  avec  les  ocelles, 
ainsi  que  les  linéaments  blancs  du  dessous  des  ailes,  plus  déve- 
loppés. En  Sibérie,  aux  environs  du  lac  Baïkal,  Perseis  paraît  être 
de  moins  grande  taille  qu'en  Mandchourie.  Le  Cœnonympha  Hero 
a  été  décrit  par  Linné  et  par  Fabricius,  dans  les  mêmes  termes  que 
je  reproduis  tels  quels  :  Hero;  alis  integerrimis  fulvis,  subtus  ante- 
rioribus  ocello,  posterioribus  senis.  Habitat  in  Europa"  pratis  silva- 


4ÔO  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

ticis.  »  Esper,  le  premier,  a  figuré  Hcro  sous  le  n"  4  de  la  Tab.  XXII. 
Cet  auteur  lui  donne  le  nom  vulgaire  :  Das  Sechsaug;  ce  qui  veut 
dire  :  le  six-yeiix.  En  France,  mon  frère  et  moi,  nous  avons  pris 
Hero  dans  la  forêt  d'Ozoir-la-Ferrière,  située  à  l'est  de  Paris,  les 
3  juin  1895,  27  mai  1899  et  28  mai  1905.  Le  Cœnonympha  Hero 
n'est  pas  rare  dans  cette  forêt;  mais  comme  on  y  fait  l'élevage  du 
gibier  avec  beaucoup  de  soin,  les  gardes  sont  très  vigilants  et  ne 
laissent  guère  circuler  que  dans  les  allées  de  la  forêt.  Hero  se  tient 
dans  les  clairières  des  bois,  au  milieu  des  herbes;  c'est  là  où  il  faut 
pouvoir  le  chercher.  Il  varie  beaucoup  pour  l'ocellation,  mais  je 
n'ai  jamais  vu  l'Aberration  Areteoides,  Fologne,  privée  de  taches 
ocellées  sur  les  4  ailes.  Aux  ailes  supérieures,  l'ocellation  est  quel- 
quefois absente;  m.ais  aux  inférieures,  les  six-yenx  sont  très 
constants;  cependant  le  deuxième  ocelle,  à  partir  de  l'ocelle  costal, 
paraît  être.,  dans  la  série,  le  plus  sujet  à  faire  défaut.  L'espèce  n'est 
pas  rare  dans  certaines  forêts  d'Alsace;  elle  se  trouve  en  Saxe  et 
dans  beaucoup  de  parties  de  l'Allemagne,  oii  on  rencontre  des 
exemplaires  chez  qui  une  partie  des  ocelles  du  dessous  des  ailes 
paraît  plus  fortement  indiquée  en  dessus  que  dans  la  majorité  des 
échantillons  d'Ozoir. 

Rennes,  mai  1909. 

Charles  OBTHR. 


La  suite  paraîtra  prochainement  avec  la  4^  livraison 
des  'Etudes  de  'Lépidoptérologie  comparée;  mais  pour 
l'intelligence  des  figures  128  et  i32,  la  Notice  sur 
les  Cigarih's  se  trouve  imprimée  par  avance  dans  la 
présente  livraison. 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPAREE  40I 

Cigaritis  Syphax,   Lucas  {Explor.  scientïfiq.  Algérie;  Lèpid., 
PI.  I  ;  fig.  8,  8  a). 

Le  genre  Cigaritis  est  propre  aux  régions  africaine  et  asiatique 
voisines  de  la  Méditerranée.  En  Algérie  et  en  Tunisie,  nous 
connaissons  quelques  espècea  dont  l'identification  n'est  pas  toujours 
aisée. 

La  Cigaritis  Syphax  ne  compte  pas  parmi  les  espèces  embarras- 
santes. Elle  est  répandue  sur  le  littoral  011  elle  vole  en  juin  :  Collo, 
Bône,  Tunis.  M.  Merkl  l'a  prise  dans  le  Djurjura,  en  juillet  1884. 
Le  fond  des  ailes  inférieures,  en  dessous,  varie  du  brun  clair  au 
rouge  vineux.  J'ai  figuré  dans  les  Etudes  d'Entomologie  (XX"  liv.> 
PI.  5,  fig.  83)  une  variété  g  capturée  à  Bône  par  feu  le  D'  Val- 
lantin.  Je  lui  ai  donné  le  nom  de  pallcscens;  elle  se  trouve  en  effet 
caractérisée  par  la  nuance  plus  claire  de  ses  ailes  en  dessus,  qui  est 
brun  pâle  au  lieu  d'être  fauve  orangé.  Sous  le  n°  84  (Joe.  cit.),  j'ai 
fait  figurer  une  autre  variété  :  impimctata,  venant  également  de 
Bône  où  elle  fut  trouvée  par  feu  Olivier.  Il  ne  lui  reste  plus  que 
les  points  noirs  cellulaires,  une  petite  tache  costale  et  la  bordure 
noire  crénelée  des  4  ailes. 


Cigaritis   AUardi,   Obthr.  {Zohra,  Donzel  ;  false,  Obthr.  Ettid. 
d'Entow.,  IX"-  liv.,  p.  35  et  36;  PI.  III;  cf,  fig-  8;   g,  fig.  9). 

J'ai  commis  une  erreur  manifeste  en  rapportant  à  Zolira,  Donzel, 
la  Cigaritis  prise  à  Sebdou  par  le  docteur  Codet  pendant  les 
années  1880  à  1882  et  retrouvée  à  la  même  localité,  en  mai  1907, 
par  M.  Harold  Powell. 

Il  s'agit  de  l'espèce  qui  est  figurée  sous  les  n"'  8  et  9  de  la 
Planche  III  de  la  IX"  livraison  des  Etudes  d'Entomologie  et  que 
dans  le  texte  (p.  36)  je  rapporte  à  tort  à  Zohra,  Donzel. 

La  Cigaritis  que  je  nomme  aujourd'hui  AUardi  en  l'honneur  de 
mon  vieil  ami  Gaston  Allard  à  qui  l'entomologie  algérienne  est 
redevable  de  si  importants  progrès,  est  parfaitement  distincte  de 

20 


402  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

toutes  les  autres  Cigaritis  par  la  direction  rectiligne  et  parallèle 
de  ses  3  premières  bandes  brunes  pupillées  d'argent,  ressortant 
vivement  sur  le  fond  blanc  pur  de  ses  ailes  inférieures  en  dessous. 
Les  figures  que  j'ai  publiées  sont  d'ailleurs  excellentes  et  on  peut 
s'y  rapporter  exactement  pour  la  détermination  de  cette  nouvelle 
espèce.  La  Cigaritis  Allardi  paraît  rare.  Ma  collection  contient 
seulement  3  cf  et  7  ç>  bien  frais.  En  dessus,  le  fond  des  4  ailes 
est  d'un  fauve  orangé  vif,  parsemé  de  taches  noires  comme  suit  : 
ailes  supérieures  :  2  taches  dans  l'espace  cellulaire;  quelquefois 
2  autres  qui  leur  sont  inférieurement  contiguës;  une  tache  sub- 
apicale  costale  et  une  grosse  au-dessous  quelquefois  divisée  en  deux 
parties;  une  bande  maculaire  droite  submarginale  et  une  série  de 
points  noirs  marginaux  contigus  à  la  bordure  noire  qui  est  assez 
large.  Ailes  inférieures  :  l'espace  costal  et  basilaire  noirâtre;  une 
bande  maculaire  droite  descendant  du  bord  costal  vers  le  bord  anal 
qu'elle  atteint  presque;  3  points  noirs  juxtaposés  de  façon  à  n'en 
former  souvent  presque  qu'un  seul  long,  descendant  du  bord  costal 
et  s'arrêtant  à  l'extrémité  de  la  cellule;  une  bande  maculaire  paral- 
lèle au  bord  marginal;  le  bord  marginal  liséré  par  une  ligne  noire 
épaisse  et  èrénelée;  2  petites  queues  noires. 

En  dessous,  le  disque  des  supérieures  est  fauve  orangé;  la  côte 
et  le  bord  terminal  sont  blanchâtres.  Le  bord  terminal  est  marqué 
de  6  ou  7  points  noirs.  Depuis  la  base  jusqu'au  bord  terminal,  il 
y  a  un  tout  petit  point  basilaire  brun;  2  autres  taches  encerclées 
de  noir,  dont  la  supérieure  se  lie  à  un  groupe  maculaire  commençant 
à  la  côte  et  descendant,  tels  les  grains  d'un  chapelet,  vers  le  bord 
inférieur;  un  autre  groupe  subapical,  de  4  taches,  dont  2  costales 
dans  la  partie  blanchâtre  et  2  au-dessous  dans  la  partie  fauve  de 
l'aile;  enfin  une  série  de  4  à  5  taches  descendant  en  ligne  droite 
du  bord  costal  parallèlement  au  bord  extérieur,  qui  est  lui-même 
marqué  de  6  ou  7  petits  croissants  intranervuraux  noir  vif.  De  plus, 
un  trait  noirâtre  part  de  la  base  au-dessous  de  l'espace  cellulaire 
et  s'avance  jusqu'au-dessous  de  la  seconde  tache  de  la  cellule. 
Plusieurs  des  taches  sont  ornées  d'un  trait  argenté. 

Le  fond  des  inférieures  est  blanc  pur  traversé  par  5  séries  de 


LÉPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE  403 

taches  brunes  comme  suit  :  i"  4  taches  brunes  absolument  contiguës 
à  la  base;  2"  4  autres  disposées  en  ligne  droite,  subbasilaires ; 
3°  4  plus  grandes,  confluentes,  disposées  en  ligne  droite  jusqu'à  la 
dernière  qui  s'infléchit  un  peu  vers  l'angle  anal;  4°  4  taches  con- 
fluentes également  en  ligne  droite;  enfin,  avant  une  ligne  de  7  ou 
8  points  noirs  marginaux,  une  série  submarginale  maculaire  courbe, 
parallèle  au  bord  marginal.  Toutes  ces  taches  sont  pupillées 
d'argent.  L'abdomen  est  noir,  annelé  de  blanc.  La  frange  est  unie, 
non  entrecoupée,  d'un  gris  blanchâtre  ou  d'un  blond  brunâtre. 

La  Cigaritis  Allardi  est  un  papillon  extrêmement  joli  et  gra- 
cieux. Sol  vol,  comme  celui  des  autres  espèces,  est  vif  et  rapide. 


Cigaritis  Zohra,  Donzel  {Annal.  Soc.  ent.  France,  1847,  PL  8, 
fig.  5.  6). 

C'est  bien  l'espèce  commune  à  Sebdou,  d'où  j'ai  reçu  une  centaine 
d'exemplaires.  Elle  est  variable  pour  la  couleur  plus  ou  moins 
blanchâtre  ou  brune  du  fond  des  ailes  en  dessous;  pour  le  méla- 
nisme  du  dessus  des  ailes;  la  confluence  ou  le  rétrécissement  des 
dessins  du  dessous  des  ailes  inférieures.  J'ai  appelé  fugnrtha,  la 
variété  dont  le  fond  des  ailes  inférieures  en  dessous  est  plus  foncé. 
En  outre  de  Sebdou,  la  Cigaritis  Zohra  a  été  obtenue  de  Saïda 
par  M.  Gaston  Allard  et  de  Kralfallah  par  feu  le  lieutenant 
Lahaye. 


Cigaritis  Massinissa,  Lucas  {Annal.  Soc.  ent.  France,  1850; 
PI.  2,  fig.  2  a,  2  b). 

Qu'est-ce  exactement  que  Massinissa  ?  Lucas  décrit  cette  espèce 
qui  habite  les  vallées  du  Djebel-Amour,  où  elle  a  été  découverte 
par  le  général  Jean  Levaillant,  d'après  une  Q  sans  antennes  ni 
corps  {Expier,  scïentif.  de  V Algérie,  Insectes,  p.  364,  365)  puis 
d'après  une  autre  Q,  intacte  cette  fois  {Ann.  Soc.  ent  France,  1850). 


404  LEPIDOPTEROLOGIE    COMPAREE 

La  figure  qu'il  publie  dans  ce  dernier  recueil  doit  être  assez  exacte. 
Elle  paraît  d'ailleurs  soigneusement  exécutée.  Mais  s'il  y  a  des 
détails  qui  cadrent  avec  une  soixantaine  d'exemplaires  pris  à 
Géryville,  en  mai  1886,  et  que  j'ai  sous  les  yeux,  il  y  a  aussi  des 
différences,  notamment  pour  la  ligne  marginale  de  points  noirs,  si 
accusée  et  si  nettement  distincte,  des  ailes  inférieures  en  dessous, 
dans  la  figure  de  Massinissa.  Je  n'ose  ériger  en  espèce  nouvelle  les 
Cigaritis  de  Géryville  et  je  n'ose  non  plus  les  identifier  au  véritable 
Massinissa.  En  attendant  des  documents  ultérieurs  et  qui  nous 
fixeront  peut-être,  je  fais  figurer  un  cT  et  une  Q  de  la  Cigaritis 
de  Géryville^  provisoirement  rapportée  par  moi  à  Massinissa,  Lucas. 
Le  cf  est  représenté  sous  le  n"  128  et  la  g  sous  le  n"  132  de  la 
PI.  XXV  du  présent  ouvrage. 


EXPLICATION  DES  PLANCHES 


Publiées  dans  la  III^  Livraison  des 


Etudes   de   Lépidoptérologie   comparée 


PLANCHE  X  {Voir  -page  çç). 


PLANCHE  XI. 


Argynnis  Paphia-dives  cf,  Obthr.   Yakouren   (Algérie). 
Argynnis  Paphia-dives    P,  Obthr.   Yakouren  (Algérie). 

{Bulletin  Soc.  ent.  France,  1908;  p.  26,  27). 
Vanessa  Polychloros-Erythromelas,  Austaut.  Scbdou  (Alg'^). 


PLANCHE  XII. 

13.  Catocala    dilecta-Powelli,    Obthr.    rJaya    (Province    d'Oran, 

Algérie)  ;  captur.  27  juillet   1907). 

14.  Catocala  dilecta-Dayremt,   Obthr.    Yakouren    (Algérie). 

15.  Catocala  sponsa-l.-eta,   Obthr.  Yakouren   (Algérie). 

{Bulletin  Soc.  ent.  France,  1907;  p.  345,  346). 

16.  Catocala  SPONSA-OBSCURA,   Obthr.   Yakouren  (Algérie). 


PLANCHE  XIII. 

[7.   Catocala  promissa-hilaris,   Obthr.    Yakouren   (Algérie). 
[8.  Catocala  promissa-ochracea,  Obthr.  Brigg  (Valais). 

{Bulletin  Soc.   ent.  France,   1907;  p.  346). 
19.  Sesia  urocerifqrmis-armoricana   cf,    Obthr.    Monterfil    (Illc- 

et-Vilaine). 


406  LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE 

N*'^  20.    SESIA    UROCERIFORMIS-ARMORlCAiNA     Q  ;     Obtlir.     jMontClfil     (Ille- 

et-Vilaine). 

{Observations   sur  la    Sesia    uroceriformis,    var.    armori- 
CANA,  Ch.  Obthr.  Rennes,  octobre  1Q07). 
^^  î  Sesia  SUPREMA,  Obthr.,  dessus  et  dessous.  Lambèze  (Algérie). 
^       {Bulletin  Soc.  ent.  France,  1907;  p.  331;  captur.  mai  1907). 

23.  Lenyra  Heckmanni.ï:,  Aurivillius.   Tamatave. 

{Voeltskow  Reise  in  Ost-Africa,  1903-1905  ;  Wisscnschaftïiche 
Ergebnisse  ;  Bd.  II;  Taf.  19;  n°  14.  —  ((  Das  stuck  cf  ist 
leider  abgerieben  und  oellig  geworden.   ») 

L'individu  figuré  dans  le  présent  ouvrage  a  été  capturé  par 
le  D""  Charles  Henri-Martin,  au  cours  d'un  voyage  à  Mada- 
gascar; il  est  complet  et  en  parfait  état;  donc  très  différent 
de  l'exemplaire  qui  a  été  figuré  par  Aurivillius. 

24 .  Emydia  Powelli-Haroldi  cf ,  Obthr.         \      ^  ,  ,        /  .  ,    .  .  s 

Scbdou  (Algérie) 


25.  Emydia  Powelli-punctata  cf,  Obthr.       ,  , 
-^                                                                                    \          obtenus   en  sep- 

26.  Emydia  Powelli  cf.  ^^^^^re  1907. 

27.  Emydia  Powelli  q.  ) 

{Bulletin  Soc.  ent.  France,   1907;  p.  ^il^;  330- 


PLANCHES  XIV  et  XV  {Voir  pages  30  et  31). 

PLANCHE  XVI  {Voir  -page  271). 

N°»  36.    Satyrus  Holli  cf,   Obthr.    Glacière  de  Blidah   (Algérie). 
2,7.   Satyrus  Holli   Q,  Obthr.   Glacière  de  Blidah  (Algérie). 

38.  Satyrus  sylvicola  cf,  Austaut.  Sebdou  (Algérie). 

39.  Satyrus  sylvicola  q,  Austaut.  Sebdou  (Algérie). 

40.  Satyrus  Hansii   q,  Austaut.   Sebdou   (Algérie). 

41.  Satyrus  CINEREUS   cf,    Obthr.   Yakouren   (Algérie). 

42.  Satyrus  cinereus   q,  Obthr.  Yakouren  (Algérie). 

43.  Satyrus  Hansii  cf,  Austaut.   Sebdou   (Algérie). 

44.  Satyrus  Hansii  cf,  Austaut.   Sebdou  (Algérie). 

45.  Satyrus  Hansii  cf,  Austaut.  Sebdou  (Algérie). 

PLANCHE  XVII  {Voir  page  271). 

N°^  47.  Satyrus  Fauna  cf,   Sulzer.   INIonterfil    (Illc-et-Vilainc). 

48.  Satyrus  Fauna  cf,   Sulzer.   Monterfil   (Il le-et- Vilaine). 

49.  Satyrus  Fauna   q,  Sulzer.   Monterfil   (Ille-et-Vilaine). 

50.  Satyrus  Fauna   q,  Sulzer.  Monterfil  (Ille-et-Vilaine). 

51.  Satyrus  Fauna  cf,  Sulzer.  Digne  (Basses-Alpes). 


LÉPIDOPTÉROLOGIE    COMPARÉE  407 

PLANCHE  XVIII  {Voir  pui^c  371). 

N°8  52.  Satyrus  Fauna  (3,  Sulzer.   Naples   (Italie). 

53.  Satyrus  Fauna  Q,  Sulzer.  Sicile. 

54.  Satyrus  Fauna  q,  Sulzer.  Escorial  (Espagne). 

55.  Satyrus  Fauna   q,  Sulzer.   Sierra-Nevada  (Andalousie). 

56.  Satyrus  Fauna   g,  Sulzer.  Vernct-les-Bains     (Pyrcn. -Orient.). 


PLANCHE  XIX. 

N"^  57.    Lyc.ena    BELLARGUS-rUNcriGERA     (supra    riihro-maculata)     cf, 
Obthr.  Sebdou  (Algérie)  ;  captur.  septembre  1907. 

58.  Lyc.ena   Bellargus-Ceronus    q,    Esper    (Tab.    XC,    fig.    2). 

Lambèze  (Algérie)  ;  captur.  juin   1884. 

59.  Lyc.ena   Bellargus-Ceronus    q,    Esper.    Sebdou    (Algérie); 

captur.  mai  1907. 

60.  Lyc.ena    Bell.\RGUS-Ceronus     q,    Esper.     Sebdou     (.Algérie); 

captur.  mai  1907. 

61.  Lyc.ena    Bell.^RGUS    q,    Esper    (Tab.    LV,    fig.    4).    Florence 

(Italie)  ;  captur.  juin  1907. 

62.  Lyc.ena  BellaRGUS-RADIATA    q,    Florence;   captur.   juin    1907. 

63.  Lyc.ena  Bellargus-albinismo-rufescens   q,  Vienne. 

64.  Lyc.ena  Bellargus-CERULESCENS  q,  Gèdre  (Hautes-Pyrénées). 

65 .  Lyc.ena    Bellargus-CŒLESTIS     q  ,     Obthr.     Auzay     (Vendée)  ; 

captur.  28  août  1907. 

66.  Lyc.ena  Bellargus-cœlestis  q,  Obihr.  Angoulème. 

67.  Lyc.ena  Bellargus-cœlestis  q,  Obthr.  .Angoulème. 

68.  Lyc/ena  Bellargus-cœlestis  q,    Obthr.    Dompierre-sur-Mer 

(Charente-Inférieure),  captur.    15   mai    iqoS. 
{Bulletin  Soc.   ent.  France,   1908;  p.  23-26). 

69.  Lyc.ena     Bellargus     q,     hermaphrodite.     Dompierre-sur-Mer 

(Charente-Inférieure);  captur.   15  mai   1908. 

70.  Lyc.ena  Bellargus   q,  hermaphrodite.  Digne  (Basses-Alpes); 

captur.   27  mai    1907. 


PLANCHE  XX. 

N°'»7i.   Lyc.ena  Escheri-Rondoui   cf,   Obthr.    Lac  de   Gaube   (Hautes- 
Pyrénées)  ;  captur.  juillet  1905. 
72.   Lyc^NA  Esciieri  d  (transition).   Cauterets  (Hautes-Pyrénées); 
captur.  juilkît  1905, 


4o8  LÉPIDOPTÉROLOGIE    COMPARÉE 

N°^  73.    Lyc.ena   Escheri-Rondoui    Q,    Obthr.    Montagne   du   Péguère 
(Hautes-Pyrénées)  ;   captur.    juillet    1905. 

74.  Lyc^NA  Escheri-Rondoui-radiata  q,  Gèdre  (Htes-Pyrénées). 

[Bulletin  Soc.   ent.   France,   1906;  p.   57,   58). 

75.  Lyc^na  Coretas  cf,   Ochs  {Tircsias,   Huebn.  319).  Vernet-les- 

Bains   (Pyrénées-Orientales)  ;  captur.   juillet   1887. 

76.  Lyc^NA  Coretas  q,  Ochs  {Tiresias,  Huebn.  320,  321).  Vernet- 

les-Bains;  captur.  juillet  1894. 
yy.   Lyc.ïna  Hylas-Gabrielis   q,  Obthr.  Angoulême. 

Forma   Q   cœrulescens  \  dédiée  à  M.   Gabriel  Dupuy. 

78.  LyCvENA   Escheri    cf,    Duponchel    {Suffi.,    PI.    XI;   fig.    3,   4; 

P-  T^-y?))-  ^Marseille. 

79.  Lyc.ena  Escheri    g,    Duponchel    [Suffi.,   PI.    XI;   fig.    5,   6; 

p.  71-73)-  Saint-Pons  (Bouches-du-Rhône). 

80.  Lyc.î:na  Escheri-radiata    q,  Siépi  [Catal.   raisonné  des  Lcfi- 

do-ptères  du  défartement  des  Bouches-du-Rhône  et  de  la  région 
de  la  Sainte-Baume,   p.  40).   Saint-Pons   (Bouches-du-Rhône). 

81.  Lycena  Amyntas  cf,  Huebn.    (322).   Rennes;  captur.   été. 

82.  Lyc^na  Amyntas   q,  Huebn.   (323,  324).  Rennes;  captur.  été. 

83.  Lyc.ïNA  Amyntas-Polysperchox     cf,     Bergstraesser.     Rennes; 

captur.  mai   1908. 

84.  Lyc.ïNA  Amyntas-Polvsperchox  g,  Bgst.  Rennes;  captur.  mai. 


PLANCHE  XXI. 

N^^Ss-    Somabrachys   Mogadorensis  cf,    Obthr.    Mogador    (Maroc). 

86.  Somabrachys    P^EIgrota  cf,    Klug.    Sebdou   (Algérie)  ;   captur. 

octobre  1907. 

87.  Somabrachys  Powelli  cf,  Obthr.  Sebdou  (Algérie). 

[Bulletin  Soc.   cnt.   France,   1908;  p.   48). 

88.  Somabrachys    Pinfuscata  cf,   Klug.   Mogador  (Maroc). 

89.  B1ETIA  [novniii  gcnus)  XAXTHOPUS,  Obthr.   Tâ-tsien-Lou   (fron- 

tière orientale  du  Thibet  et  occidentale  de  la  Chine)  ;  captur. 
en  1905. 

90.  Deborrea  malgassa,  Heylaerts  [C.  R.  Soc.  cnt.  Belg.,  XXVIII, 

1884).  Imerina  (Madagascar). 

91.  Deborrea  malgassa-argentacea,  Obthr.  Imerina. 

92.  Somabrachys    Khenchel.«    g,    Obthr.    Khcnchela    (Algérie); 

éclose  en  août  1908. 

Le    cf    sera    figuré    avec    Somabrachys    Chrétieni,    dans    la 
IV^  livraison  des  Etudes  de  Léfidoftérologie  comfarée). 


LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE  409 

N"^  93.   SOMABRACHYS  spccies  ?  larvc   trouvée   à   Khenchela,   en  mai   et 
juin  1908;  forme  commune  vivant  sur  calycotome  et  genêt. 

94.  SOMABRACHYS  species  ?   larve   trouvée   à   Khenchela,   en   mai   et 

juin   1908  ;  forme  rare  trouvée  deux  fois  seulement. 

95.  SOMABRACHYS  species  ?   larve   trouvée   à   Khenchela,   en  mai   et 

juin   1908;  assez  rare;  prise  sur  genêt,  calycotome  et  plantes 
basses. 

96  ^  Cocons   de    SOMABRACHYS   species  ?  de   Khenchela    (province   de 

97  (      Constantine   (Algérie),   débarrassés  de   la  terre  et  des   débris 

divers  ;  le  cocon  n°  97  est  probablement  de  Khcnchelœ. 

98.  SOMABRACHYS    ALBiNERVis,    Obthr.    Scbdou    (Algérie)  ;    captur. 

septembre  1907. 

99.  SOMABRACHYS     CODETI,     Austaut.     Scbdou     (Algéri(>)  ;     captur. 

septembre  1907. 

100.  SOMABRACHYS  UNICOLOR,  Obthr.   Algérie   (ex  collection   Bellier 

de  la  Chavignerie). 


Amicta  Tedaldh,  Heylaerts.  Khenchela  (Algérie)  ;  fourreau 
et  chrysalide  du  Cf  ;  insecte  parfait  Q  et  Cf  éclos  à  la  fin 
d'août  1908. 

104.   Psyché  Vuilleti,  Obthr.  Podor  (Sénégal)  ;  la  chenille  vit  sur 
Vacacia  tortilis. 

La  figure  du  fourreau  paraîtra  dans  la   IV  livraison  des 
Etudes  de  Lé-pidoftérologie  comparée. 


PLANCHE  XXIL 

ZYG^NA 

N°^  105.    Z.   LOMICER.^i:-INCENDIUM.   Obthr.   Plan-Cerisier,   près   Martigny 

(Valais)  ;  captur.  juin   1907. 

106  ( 

\  Z.   ROSA,   Obthr.   Akbès   (Asie-Mineure);  captur.   été   1890. 

108.  Z.    FAUSTA-MELUSINA,    Obthr.    Angoulème    (Charente)  ;   captur. 

5  juin  1906. 

109.  Z.  FAUSTA-DUPUYI,  Obtlir.  Angoulème;  captur.  6  juin    1906. 

(La  tache   longue  submarginale,   en  forme  de  haricot,   est 
blanche.  —  Annal.  Soc.  cnt.  France^  1907;  p.  45). 
no.   Z.    CARNIOLICA-DUPUYI,    Obthr.   Digne   (Basses-Alpes);   captur. 
juillet   1897. 

(La  tache  longue,  submarginale,  en  forme  de  haricot,  est 
blanche). 


ii6( 
ii/i 


410  LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE 

N°^  m.   Z.  CARNIOLICA-DUPUYI,  Obthr.   Digne;  captur.  juillet   1897. 

(La    tache    longue,    submarginalc,    légèrement    pigmentée 
d'atomes  carmin). 

112.  Z.  CARNIOLICA-Dupmi,  Obthr.  Digne;  captur.  juillet  1897. 

113.  Z.  CARNIOLICA,    transition    entre    la   forme    type    et    la    forme 

DUPUYI.  Digne;  captur.  juillet  1897. 

114.  Z.  CARNIOLICA-BICOLOR,   Obthr.    Digne;  captur.   juillet   1904. 

115.  Z.  CARNIOLICA-DINIENSIS    Q,    H.-S.  ;   fig.    112.    Digne;    captur. 
juillet  1901. 

Z.  CARNIOLICA-DINIENSIS  cf  et    Q .  Digne;  captur.  juillet  1896. 
Forme  où  les  taches  rouges  des  ailes  supérieures  sont  très 
faiblement  entourées  de  blanc  jaunâtre. 
118.    Z.    CARNIOLICA-ASYMETRICA.    Ofcn. 

119  Z.  CARNIOLICA-MELUSINA,  Obthr.  Digne;  captur.  juillet  1904. 
Conformes  à  fmista-melusina  (fig.  iq8)  ;  mais  le  collier  est 
blanc,  tandis  que  chez  fausta,  le  collier  est  rose.  La  variation 
cjui  atteint  les  carniolica,  fig.  119  et  120,  émane  de  la  même 
Loi  qui  atteint  la  fausta  108,  de  même  que  la  fausta-Du-puyi 
(fig.  109)  représente  la  variation  parallèle  à  celle  qu'offre 
carniolica-Dit'pnyi  (fig.    110,   111  et   112). 


PLANCHE  XXIII  {Voir  -pages  104.  et  103). 

Papilio  Alexanor-Couleti    g,   Obthr.  Digne   (Basses-Alpes). 
Papilio  Alexanor-Augustinus  q,  Obthr.  Digne. 
Papilio  Podalirius  q,  Linné.  Thuringe. 


PLANCHE  XXIV  (Voir  pages  103  et  loi). 

N"^  124.    Papilio  Feisthamelii,  Duponchel.  Vcrnet-les-Bains  (Pyrénées- 
Orientales). 

125.  Papilio  Machaon-cellularis,   Obthr.  Berlin. 

126.  Papilio  Machaon-seminigra,  Obthr.  Silésie. 


PLANCHE  XXV. 

N°^  127.   Apatura  Ilia-Laura    q,  Saint-Fargeau.    Montpellier. 

128.  Cigaritis    PMassinissa  cf,  Lucas.   Géryville   (Province  d'Oran, 

Algérie)  ;  captur.  mai   1886. 

129.  Erebia  Tyndarus-Rondoui  cf,  Obthr.  Gèdrc  (Htes-Pyrénées)  ; 

captur.  juillet   1908. 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   COMPARÉE  41  I 

130.  Erebia  Stygne-GAVARNICA  Cf,  Obthr.  Gavarnie   (Hautcs-Pyrc- 

nées)  ;  captur.  23  août  1908. 

131.  Hepialiscus  algeriensis  cf,  J.  de  Joannis.  Constantin^  (Alg**). 

{Bulletin  Soc.  eut.  France,  1903;  p.  223.  —  Annales  Soc. 
ent.  France,  1907;  PI.  2;  fig.  8,  8  a). 

132.  CiGARITIS   FMassinissa   Q,  Lucas.  Gcryville  (Algérie);  captur. 

mai  1886. 

133.  Erebia  Tyndarus-Rondoui   g,  Obthr.  Gcdrc  (Htes-Pyrcnérs). 

134.  Erebia  Stygne-GAV arnica   q,   Obthr.  Gavarnie  (Hautes-Pyrc- 

nées)  ;  captur.   13  juillet  1883. 

135.  HepiaLUS    ARMORICANUS    cf,    Obthr.     Rennes;    Spccics    nova, 

captur.  printemps   1895. 


PLANCHE  XXVI. 

MELIT^A    DIDYMA,   Ochs. 

136.  Forma    armoricana  ;    Ab.     NOMINOË    cf,     Obthr.     Bourg-des- 

Comptes  (Ille-et- Vilaine)  ;  captur.  été  1892. 

{Bulletin  Soc.  ent.  France,  1900;  p.  276;  PI.  I). 

137.  Ab.  RADIATA  çS,  Obthr.  Vienne  (Autriche). 

138.  Ab.  Wullschlegeli-RADIATA  cf,   Obthr.  Thuringe. 

139.  Ab.  RADIATA  cf,   Obthr.   Crimée. 

140.  Ab.  RADIATA    g,  Obthr.   Tyrol. 

141.  Ab.  WULLSCHLEGELI    (S,    Obthr.    Besançon    (Doubs)  ;    cajjtur. 

septembre   1894. 

142.  Ab.    WULLSCHLEGELI    cf,    Obthr.    La    Batiaz,    près    Martigny 

(Valais)  ;  captur.  24  juillet  1907. 

143.  Ab.  RADIATA   g,  Obthr.  Zurich. 

144.  Forma  ARMORICANA,  var.  BOULÉI  cT,  Obthr.  Bourg-des-Compt(-s 

(Ille-et-Vilainc)  ;  captur.   été   1896. 

145.  Ab.  WULLSCHLEGELI   Ç,  Obthr.  Suisse. 


PLANCHE  XXVIL 

N"'  146.   Cerigo  iberica   g,  Obthr.  Barcelone  (Catalogne). 
{Bulletin  Soc.   ent.  France,  1908;  p.  292). 
147.   POLIA  VENUSTA-DELICIOSA  cf,  Obthr.  Sebdou  (Algérie);  captur. 
octobre  1907. 

{Bulletin  Soc.  ent.  France,   1907;  p.  345). 


412  LÉPIDOPTP^ROLOGIE    COMPARÉE 

N°M48.   EuBOLIA    PERIBOLATA    cf,     Huebn.     Cancale     (Ille-ct-Vilaine)  ; 
captur.  août  1895. 

149.  EUBOLIA  BIPUNCTARIA-MARITIMA  Q,  Seebold.  Bilbao  (Espagne). 

150.  Catocala  PUERPERA-POWELLI,  Obthr.  Entievaux  (Bses-Alpes)  ; 

captur.    10  août   1906. 

151.  Catocala  puerpera-Couleti,    Obthr.    Digne    (Basses-Alpes); 

captur.  été  1908. 

152.  Hemerophila  Holli  cT,  Obthr.  Alger;  captur.  20  juillet  1904. 

Dédiée  à  M.  Holl,  d'Hussein-Dey. 

153.  Orrhodia  Sebdouensis  cf,  Austaut.  Sebdou  (Algérie);  captur. 

17  septembre  1907. 

154.  POLIA  VENUSTA-DELICIOSA  cf,  Obthr.  Sebdou   (Algérie). 

155.  EuBOLIA    Cœlinaria-Gerardini    cf,    Obthr.    Larrau    (Basses- 

Pyrénées). 

[Bulletin  Soc.   ent.  France,   1907;  p.  309-310). 

156.  EUBOLIA  peribolata-Chouika   cf,    Obthr.    Lambèze    (Algérie), 


PLANCHE  XXVIII. 

ZYG/ENA 

^57  jz.   MEDICAGINIS  cf,  Duponchel   (Siippl.,  PL   VI;  fig.  6);   Bdv. 
^5°'      [Monogr.  Zygénides,  PI.  4;  fig.  5).  Mont  Pacanaglia  (Alpes- 
Maritimes)  ;  captur.   mi-juin   1907. 

159.  Z.  MEDICAGINIS  Q,  Duponchel.  Nice  (Alpes-Maritimes);  captur. 

commencement  de  mai   1907. 

160.  Z.    MEDICAGINIS-DUBIA   cf,    Stgr.    Moulinet    (Alpes-Maritimes)  ; 

captur.  été  1907. 

161.  Z.    MEDICAGINIS    cf,    Duponchel.     Certosa    di    Pesio    (Italie); 

captur.  juillet  1908;  forme  à  6  taches. 

162.  Z.  LAVANDUL^-SlEPII  cT,  Obthr.  Vallon  de  St-Pons   (Bouches- 

du-Rhônc)  ;  captur.    11   juin   1906. 
163. Z.    TRIFOLII-LUÏESCENS    d,    Cockerell  ;.  Ab.    CONFLUENS,    Tutt. 
Emsworth  (Angleterre)  ;  captur.  par  Christy  en  mai  1893. 

164.  Z.  TRIFGLII-OBSCURA  Cf,  Tutt  {A  Natural  history  of  the  British 

Le-pido-ptera;  vol.  I;  p.  487).  Angleterre.  Faisait  partie  de  la 
collection  Battershell-Gill. 

165.  Z.  PALUSTRIS  cf,  Obthr.  Rennes;  captur.    15  juin   1906. 

166.  Z.  PALUSTRIS-CONFLUENS   cT,    Obthr.    Rennes;    captur.    15    juin 

1906. 

167.  Z.  PALUSTRIS-CONFLUENS    Q,    Obthr.    Rennes;    captur.    15   juin 

1906. 


LEPIDOPTEROLOGIE   COMPAREE  413 

168.  Z.  TRIFOLII  Cf,  Duponchcl  {SuppL,  PI.  VIII;  fig.   i).  Le  Cein- 

turon, près  Hyèrcs  (Var)  ;  captur.  21   mai   igo6. 

169.  Z.     DUBIA    cf,     Stgr.     Vernet-les-Bains     (Pyrénées-Orientales); 

captur.    été    1906.    —    Forme    à    5    taches    rouges    aux    ailes 
supérieures. 

170.  Z.  DUBIA  cf,  Stgr.  Vernet-les-Bains.  —  Forme  à  6  taches  rouges 

aux  ailes  supérieures. 

171.  Z.   DUBIA  cf,   Stgr.  Vernet-les-Bains;  captur.  été   1895. 

172.  Z.  Esc.\LERAl  cf,  Poujade.  Vallée  de  Chindaar,  dans  le  Haut- 

Kharoum,   en   Mésopotamie;  captur.   juin   1899. 

173.  Z.  GALLICA  cf,  Obthr.  Digne  (Basses-Alpes);  captur.  juin  1897. 


PLANCHE  XXIX. 

ZYG.^NA 

174.  Z.  Favonia,  Freyer.  Chemin  du  Col  des  Arzaïls,  près  Sebdou 

(Algérie)  ;  captur.   20  juin   1907. 

175.  Z.     Favonia-Powelli,    Obthr.    Khenchela    (Algérie);    captur. 

15  juin   1908. 

176.  Z.     Ephialtes-Wullschlegeli,     Obthr.     Plan-Cerisier,     près 

JMartigny  (Valais)  ;  captur.   24  juillet  1907. 
lyj.   Z.  FAUSTA-LUGDUNENSIS,  Millière.  Plateau  de  la  Tourette,  près 
Angoulême  (Charente)  ;  captur.    10  septembre  1908. 

178.  Z.   FAUST A-BRUNNEA,  Thuringe. 

179.  Z.     HILARIS-FOULQUIERI,     Obthr.     Saint-Pons,     près    Gémenos 

(Bouches-du-Rhône)  ;  captur.    12  juillet    1903. 

180.  Z.     HILARIS-TRICOLOR,     Obthr.     Moulinet     (Alpes-Maritimes); 

captur.  juillet   1906. 

181.  Z.   Rhadamanthus-Kiesenwetteri,    Herrich-Schacflfer,    n"   96. 

Col  d'Eze   (Alpes-Maritimes)  ;  captur.   9  juin    1907. 

182.  Z.    Rhadamanthus-Kiesenm^etteri,   h. -S.,  n"^  97,   98;  Stœ- 

CHADIS,  Bdv.  {/cônes,  PI.  55;  fig.  4);  Dup.  {Stip-pL,  PI.  VII; 
fig.  2)  ;  TRANSIENS,  Obthr.  Castillon  (Alpes-Marif^^)  ;  captur. 
juin   1906. 

183.  Z.  Rhadamanthus-Kiesenwetteri,  H. -S.,  n"  96.  Mont  Paca- 

naglia  (Alpes-Maritimes)  ;  captur.   8  juin   1906. 

184.  Z.   RHADAMANTHU.S-FLAVA,  Obthr.   Tijola  (Alméria,   Espagne); 

captur.   1900. 

185.  Z.    Rhadamanthus-GuenÉEI,    Obthr.     Digne    (Basses-Alpes); 

captur.  juin   1897. 


414  LEPIDOPTEROLOGIE    COMPAREE 

N°^  i86.   Z.  Rhadamanthus-Guenéei,  Obthr.  Digne;  captur.  juin  1807. 
(Gucncc,  Annal.  Soc.   cnt.   France,   1870;  PI.  7;  fig.    12). 

187.  Z.   Rhadamanthus-GRISEA,    Obthr.,    forma:   cingulata.    Digne; 

captur.  juin  1897. 

188.  Z.  Rhadamanthus,  Esper  (Tab.  XL;  fig.   i,  2).  Vence  (Alpes- 

Maritimes)  ;  captur.   printemps   1906. 


PLANCHE  XXX. 

ZYG^NA    TRANSALPINA,    Esper. 

(Voir  Annales  Soc.    cntorn.   France,   1907;  p.   37-48). 

N°^  189.   Z.  TRANSALPINA-MARITIMA-3  MACULATA,  Obthr.  La  Turbie,  près 
Nice   (Alpes-Maritimes);  captur.    1897. 

{Bulletin  Soc.  ent.  France,   i8g8;  p.  22,  23). 

190.  Z.   TRANSALPINA-MARITIMA,   Obthr.   Alpes-Maritimes. 

(4  taches  rouges  aux  ailes  supérieures,  au  lieu  de  3). 

191.  Z.  TRANSALPINA-MARITIMA,  Obthr.  La  Turbie. 

192  ^  Z.  HIPPOCREPIDIS-PROVINCIALIS,  Obthr.  Montrieux,  pr.  Méounos 
'93  (      (Var)  ;  captur.  fin  septembre   1906. 

194.  Z.  HIPPOCREPIDIS-ALPINA,   Bdv.    {Icones,   p.   66;  note).   Digne; 

captur.  juillet  1897. 

195.  Z.  HIPPOCREPIDIS-ALPINA  Q,  Bdv.  Allos  (Basses-Alpes);  captur. 

juillet  1897. 
ig6.   Z.   HIPPOCREPIDIS-ALPINA  cf,  Bdv.   Allos  ;  captur.  juillet   1897. 

197.  Z.    HIPPOCREPIDIS-ALPINA,    Bdv.    Cauter(>ts    (Hautes-Pyrénées); 

captur.  juillet   1908. 

198.  Z.  HIPPOCREPIDIS-ALPINA  cf,   Bdv.  Vernct-les-Bains   (Pyrénées- 

Orientales);  captur.  été  1891. 

199.  Z.  HIPPOCREPIDIS-ALPINA   Q,  Bdv.  Vernet-les-Bains   (Pyrénées- 

Orientales)  ;  captur.  juillet  1906. 

200.  Z.  HIPPOCREPIDIS-ALPINA-FLAVA.   Digne;  captur.  juillet  1907. 

201.  Z.    HIPPOCREPiDIS-OCCIDENTALIS-ViGÉl,    Obthr.    Dompicrre-sur- 

Mcr  (Charente-Inférieure);  captur.    1896. 

202.  Z.    HIPPOCREPIDIS-OCCIDENTALIS-PALLIDIOR,    Obthr.    Dompierrc- 

sur-Mer;  captur.    17  septembre   1900. 

203.  Z.  HIPPOCREPIDIS-OCCIDENTALIS  Q,  Obthr.   Dompierre-sur-Mcr  ; 

captur.   15  juin  1908. 

204.  Z.  HIPPOCREPIDIS-OCCIDENTALIS-MILTOSA,   Candèz(\    Dompierro- 

sur-Mer;  captur.  27  mai  1899. 


LÉPIDOPTÉROLOGIE   CO^IPARÉE  415 


N°^  205.    Z.  HIPPOCREPIDIS-OCCÎDENTALIS-MILTOSA,  Candèzo.  Auzay  (Ven- 
dée) ;  captur.  30  août   1907. 

206.  Z.  HIPPOCREPIDIS-OCCIDENTALIS,   Obthr.  Auzay  (Vendée)  ;  cap- 

tur. 29  août  1907. 

207.  Z.      HIPPOCREPIDIS-OCCIDENTALIS-MICINGULATA.      Obthr.      Dom- 

pierre-sur-Mer  ;  captur.    12  juin   1907. 


PLANCHES  XXXI-XXXII   {Voir  -page  6^). 
PLANCHES  XXXIII-XXXIV  {Voir  fage  77). 


^Y^ 


IMI'.     OlilKTIlUR,     RENNES      (5136-08) 


I 


Lépidoptérologie     comp; 


t>i^ 


Pl.X. 


%f 


%^ 


^ 


Lnp  Olxrt/uicXennss 


Lépidoptépologie     comparée. 


PI  XI 


hnp  Oherihur  Rennes 


./.  Culot  lilhoscvlps . 


Lépidoptépologie     comparée 


PI  XII 


Imp  Ohfrlliur  AVv 


■/.  (.  ulol.  lilhoscuJps . 


Lépidoptépologie     comparée 


PI  XIII 


Inip.  Oherihur  Rennes 


■J.CuInl.lilhosailps 


Lepidoptépologie     comparée. 


Pl.XlY. 


Imp.  Oherihur  tiennes 


J.  C'ulol .  /illmsculps 


Lépidoptépologie     comparée 


Pl.XY. 


[mp.  Ohcrlbur-Renne-s 


•I  ('ni  1)1  lillmsnilps H piiix 


Lepidoptérologie     compapée. 


PIXYI 


Inip.  Oherlliur.  Kt-niii- 


I.  Ciilnl.  Iithosi  ulps  H  piiix 


Lepidoptépologie     comparée 


PI. XVII, 


Inifi.OhcrlIiiir.Hennes 


■U'iilotjitliusculpsti  jlîllS 


Lépidoptépologie     comparée. 


PI. XVIII. 


Imp  Uberlfiuf  Rennes 


•ICulol.litliosnilps/tpinx 


Lépidoptépologie     compapée 


Pl.XIX. 


Ê  r  '•'> 


e^^ 


Imp.  Ober/hur.  Rennes 


J.  CuloUithosrulps  ii  pi 


Lépidoptépologie     comparée 


Pl.XX. 


V   ^3  / 


■^^ 


Jimp.  Oberihup  Rennes 


./  Cw/o/  lilhosciilps  fi  pinx 


Lépidoptépologie     comparée. 


PI. XXI. 


Imp  OherUmr  Rennes 


•J.  CuloUithonculpsa  phiX 


Lépldoptépologie     comparée 


^ 


PI. XXII. 


115 


/ot/ï.  OberUnir 


J.  CuloUithpsculps  fi  piiix 


Lepidoptépologie     compapée. 


PIXXIII 


Inip.  (Jberl/iiJr  Keniies 


J.  iUjIot  lilliD.'icn/ps  ii/ii/iv 


Lépidoptépologie     comparée. 


PI  .XXIV 


Itnp  Obf//hur  Ue/!/!es 


■I  Culot.lithosnilps  il pmxr 


Lépidoptépologie     com 


papee 


Pl.XXV. 


\"V 


m 


■4» 


M 


•i^:x       ^^ 


Jinp  Obcrlliur. /if/i//cs 


■/-  Ciiliil lilliOMii//).s ,1  pi 


Lépidoptépologie     co 


mpapee 


"  ^ 


^t 


1^' 


# 


;<#^ 


///);£)  Oherihnjf  Rennes 


PI.XX^/I. 


■•;?'/ 


^  Culotlithosruliisttpi. 


Lépidoptépologie     comparée 


Pl.XXVir. 


150 


liii/j.  Ohi;i  ilmr.  kfiiric-. 


•/.  CiiIdI  lillwst  iil/is  fi  jjiiix 


Lépidoptérologie     comparée 


PI.XXYÏÏI 


Imj).  Obci-lliur  Renne:i 


•I  I  .'ll/n/  IllIlDSI  ll/flS  l'i  />i/i\ 


Lepidoptépologie     compa] 


178  ^ 


•L»^; 


Pl.XXIX. 


^    188      _       ^.^ 


/////^,  Obi'Hliiir  A'c 


•ICiilot  lilliosriil[)sl!i>iii\ 


Lépldoptépologie     compapée. 


PI. XXX, 


^92^ 


205 

\  206  / 


/mp.  Oherlhiir. 


J.  Ciiltit.  lithosrulp.s  It  pinx 


Lépidoptépologie     compapée. 


PI.XXXI. 


Imp.  Obfr/hur  /ip/irw. 


./.  C.iihil.liihosciilp.-,  Il  puis 


Lépidoptépologie     comparée. 


Pl.XXXII 


212 


Imp  Obtrihur.  He/ii 


•I.  Ciilol^  lilhuaculp.s  il  pinx 


Lépidoptépologie     compapée. 


pi.xxxm. 


Iirip  (Jbcrlliur:  Hennés 


-/  ('iilol.lilhosiii/fjsi'i furix 


Lépidoptépologie     comparée 


Pl.XXXIV. 


i 


/rnp.  Ûberihur  Rennes 


J.  Culot  lilhosnilps  !i  pinx 


•r{^Hm'^iiT^'^n^2dé 


mm^!^ 


WiSÀrmm 


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