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COLLECTION
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William Schaus
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ÉTUDES
DE
LÉPIDOPTÉROLOGIE
COMPARÉE
Charles OBERTHUR
Fascicule
RENNES
IMPRIMERIE OBERTHUR
Mars 1904
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LÉPIDOPTÈROLOGIE COMPARÉE
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DE
LÉPIDOPTÉROLOGIE
COMPARÉE,
PAR
Charles OBERTHUR
Fascicule
RENNES
IMPRIMERIE OBERTHUR
Mars 1904
PRÉFACE
En achevant la XX P livraison des Etudes d'Ento-
mologie^ je formais le projet de clore ainsi la série de
mes publications illustrées sur les Lépidoptères. Je dési-
rais consacrer les loisirs de mes dernières années au
rangement définitif de ma collection.
Mon vœu serait en effet de laisser les documents ento-
mologiques que j'ai amassés, classés dans un ordre tel
qu'aucun renseignement en mon pouvoir ne ferait défaut,
et que mes successeurs trouveraient toute facilité de
faire servir ma collection au progrès de la science qui
nous est chère.
Mais, en dépit de mes résolutions, je ne puis me sous-
traire à l'entraînement de l'activité entomologique con-
temporaine, et je cède à l'attrait que l'étude de certaines
questions exerce irrésistiblement sur mon esprit.
Je publie donc, sous le titre : Lcpidoptérologie comparée,
une série d'articles sur les hybridations, les variations
géographiques et les lois qui régissent la formation des
aberrations. J'espère que ces observations appelleront
de nouveaux travaux. En effet, mon premier fascicule
n'a pas encore vu le jour; les planches sont à peine
achevées de colorier; je viens seulement de corriger les
dernières épreuves du texte et déjà des documents nou-
veaux et du plus haut intérêt me parviennent. Il faudrait
PREFACE
dès maintenant publier les figures coloriées de Celerio
Eugeni, vraisemblablement issu à^ Epilohii cS et de Ves-
periilio 9, par conséquent hybride au second degré, dans
l'état de nature, trouve à Huningue, au cours de ces
dernières années.
Quel magnifique champ d'observations sur les hybri-
dations des Sphingides, les environs d'Huningue ont
offert aux entomologistes alsaciens et bàlois ! Qu'il me
soit permis de leur adresser l'expression la plus cordiale
de mon salut sympathique et confraternel. Sur la terre
d'x^lsace, vers laquelle me reportent tant de chers sou-
venirs, comme aussi dans le noble pays de Bcàle, uni à
l'Alsace par les liens d'une si généreuse amitié, toutes
les sciences et tous les arts ont toujours magnifiquement
fleuri. Depuis près de deux siècles, la faune et la flore
y ont été étudiées avec le zèle le plus persévérant, par
une foule de savants des plus distingués. Peu de régions,
en Europe, ont donné naissance à autant de Curieux de
la Nature, comme on les appelait au XVIIP siècle, et
jusqu'à nos jours la bonne tradition n'y a point dégénéré.
Aussi les chasseurs n'ont pas manqué pour rechercher
et recueillir les chenilles hybrides qui se nourrissent de
l'épilobe. Il a été publié à leur sujet d'excellentes obser-
vations ; il en sera publié d'autres encore. Mais il était
temps d'agir, car il paraît que des exigences industrielles
mettent en péril le sol même où se développaient les
plantes nourricières des Sphingides, et dès lors il est pro-
bable qu'avant peu la mine sera épuisée.
Cependant des hybridations analogues à celles d'Hu-
ningue ont été constatées à Vienne en Autriche, à
Grenoble, à Lyon ; sans doute elles s'y reproduisent
encore.
PREFACE g
Je considère donc comme ébauchée la question qui a
pour objet les hybridations de Sphingides, de même que
celle des hybridations de Zygcnes.
Je remercie principalement MM. le chanoine Favre,
de l'ordre des Religieux Augustins du Grand-Saint-Ber-
nard, auteur d'un consciencieux catalogue des Lépidop-
tères du Valais, Arnold Wullschlegel, de Martigny,
Léonhart et docteur Courvoisier, de Bâle, des intéres-
sants renseignements et documents qu'ils m'ont si obli-
geamment fournis.
Dans le premier fascicule de la Lépidoptérologie com-
parée, il est souvent traité de la faune valaisane. C'est
que pendant l'été 1902, lorsque j'avais le bonheur de
parcourir le Valais en compagnie de mon vénérable ami
M. le chanoine Favre, il fut souvent question, entre nous,
d'illustrer quelques-unes des races valaisanes de Lépi-
doptères. Sur la route du Simplon, comme aux environs
de Ryffelalp, quand nous prenions un peu de repos au
cours de nos chasses, nous dissertions sur tel ou tel sujet
relaté dans le présent ouvrage. Avant peu de jours, le
projet conçu, il y a près de deux années, dans les Alpes
du Valais, deviendra une réalité. Puisse cette publication
en susciter d'autres et un supplément de lumière être
ainsi apporté à la science que nous aimons ! Puissent
aussi M. le chanoine Favre et mes amis en Alsace et en
Suisse accueillir mon travail comme un souvenir fidèle
et un témoignage de bien affectueuse estime.
Rennes, 10 mars 1904.
Charles OBERTHÛR.
LÈPIDOPTÉROLOGIE
COMPARÉE
I. — Melitaaa Dejone-Berisali, Ruehl (PI. I, fig. 5, 6
et aberr., fig. 7) ;
Melitsea Dejone-Nevadensis, Ch. Obthr,
et Melitaea Parthenie-varia, Mey D. (PL I,
aberr., fig. 8).
Il y a des genres de Lépidoptères où les espèces, pourtant
certainement distinctes entre elles, présentent une telle similitude
de caractères à l'état parfait que la perception de leurs différences
spécifiques serait, pour certains exemplaires au moins fort difficile,
si on manquait des connaissances biologiques qui les concernent
à leurs différents états.
I.e genre Melitœa est de ce nombre.
En effet, les espèces de Melitœa de la faune palasarctique, con-
nues sous les noms de Dejone, Athalia, Par thème, Aurélia offrent
une analogie de dessins et de coloration d'où naîtrait peut-être
quelque confusion, si on les étudiait d'après leurs caractères exté-
rieurs seuls et sans tenir compte de toutes les circonstances de
leur vie évolutive, en un mot : de leurs mœurs. Lorsque, recueillant
l'une ou l'autre de ces Melitœa, à l'état de chenille ou de papillon
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE
vivant, on est à même d'observer des particularités fort importantes,
sinon concluantes, quant à leurs identification et distinction spéci-
fiques, il est aisé de constater combien difficile et problématique (*)
est la séparation, dans beaucoup d'autres genres, de certaines
espèces très voisines les unes des autres, mais qu'on n'a pu étudier
vivantes et sous leurs divers états.
Ces réflexions se produisent assez naturellement à l'esprit, à
propos de la Melitrea Berisalt et des discussions qu'a déjà occa-
sionnées sa place dans la Nomenclature.
Cette Melitœa, de découverte relativement récente, paraît
habiter exclusivement le Valais. M. le chanoine Favre qui, avec
M. Wullschlegel, a capturé de nombreux exemplaires de Melitœa
Berisali aux environs de Martigny et qui a écrit à ce sujet des
observations fort judicieuses, rectifie en Berisalensis le nom de
Berisali, primitivement imposé par M. Rùhl. L'appellation Beri-
salensis serait en effet plus correcte; mais la loi de priorité ne
permet pas de modifier la désignation la plus ancienne, même si
elle paraît grammaticalement fautive; dès lors le nom Berisali
doit être conservé.
MM. Favre et Wullschlegel pensent que la Melitœa Berisali est
une espèce à part et distincte de toutes celles antérieurement con-
nues; M. Seebold {Bulletin Soc. ent. France, 1896, p. 6/ et 68)
exprime la même opinion.
MM. Staudinger et Rebel (Catal. 1901, p. 32) attribuent Berisali
comme variété à Athalia.
Je ne saurais partager cette dernière manière de voir; la chenille
de Berisali vit exclusivement sur les linaria; celle <^ Athalia se
nourrit de melampynim et de plantage. Berisali éclôt deux fois
par an, au printemps et en été; Athalia éclôt une seule fois, à peu
(*) Feu mon ami Constant Bar m'a plusieurs fois entretenu des deux-
espèces de (hiiKvcia : Dirce et Dircmidcs, très différentes dans leur état
larvaire, mais tellement pareilles à l'état parfait qu'il ne put distinguer
à Rennes les papillons de ces deux espèces que lui-même avait élevées
à l'ile Portai, en Guyane, et qu'il m'avait envoyées; mais sans avoir pris
soin de les étiqueter séparément. Voir à l'égard de ces Giiiurcia, Sepp;
papillons de Surinam, pi. CXLIX et texte correspondant.
LÉPIDOPTEROLOGIE COMPAREE
près entre les deux apparitions de Berisali, absolument comme au
Vernet, entre les deux éclosions de Dejone, et aux environs de
Rennes, entre celles de Parthcnie. De plus les caractères de l'insecte
parfait rapprochent beaucoup plus Berisali de Dejone que ô!Alha-
lia.
Comment se fait-il donc que MM. Staudinger et Rebel, à qui
ces circonstances des mœurs de la Melitœa Berisali étaient bien
connues, aient tranché la question dans le sens opposé à l'opinion
de MM. Favre, Wullschlegel et Seebold, dont les écrits établissent
péremptoirement la distinction spécifique d'Athalia et de Berisali?
Certes, feu Staudinger était un savant de premier ordre et sa
perte est toujours vivement ressentie; mais on m'excusera, en vue
de donner l'explication de bien des erreurs, de rappeler que son
caractère, surtout vers la fin de sa vie, avait une tendance marquée
vers l'obstination. Son opiniâtreté semblait s'accentuer d'autant
plus que les arguments adverses prenaient plus de force et méri-
taient plus de considération.
Le Caîalog der Lepidopleren des palœarctischen Faunengebie-
les, édition mai 1901, contient ainsi de trop nombreuses fautes
qu'il eût été facile d'éviter. Longtemps j'ai correspondu avec feu
Staudinger à propos de cet ouvrage, en lui fournissant tous les
types qu'il m'a demandés et qu'il était en mon pouvoir de mettre
à sa disposition et en les accompagnant, suivant son désir, des
observations utiles. Du moment qu'on lui ouvrait les yeux sur une
erreur dont une recherche impartiale et sans parti-pris lui eût
démontré l'évidence, il semblait que tous les efforts du D"" Stau-
dinger tendaient plutôt à empêcher la vérité de se faire jour.
Bizarre disposition d'esprit chez un homme de pareille valeur,
cause d'imperfections quasi-volontaires, dans Un ouvrage consi-
dérable et pour lequel il a été dépensé tant de travail, de savoir
et d'expérience !
Donc Berisali n'est point une variété d'Ai/ialia. Mais est-ce une
espèce propre, ou une forme géographique de Dejone?
Je ne crois pas à la première hypothèse. Je me rallie à la
seconde et je me demande, en lisant la note précitée de M. Seebold,
14 LEPIDOPTEROLOGIE COMPARÉE
dans le Bulletin de la Société entoniologique de France, si, malgré
son affirmation au début de son article, M. Seebold ne penche pas,
comme conclusion, au rattachement de Bcrisali à Dejone. Les
chenilles de Berisali et Dejone ne présentent pas de caractères
différentiels extérieurs; mais Athalia, à l'état larvaire, ne se dis-
tingue pas davantage de Dejone et de Berisali. Seulement Berisali,
comme Dejone, vit exclusivement sur les linaria et éclôt deux fois
par an, au printemps et en été. Bcrisali a les ailes plus allongées
que Dejone; le bord marginal des niférieures en dessus est plus
noir; mais les ailes inférieures, en dessous, ne diffèrent réellement
pas de Dejone.
La Melitœa Dejone a son aire de dispersion limitée au sud, en
Oranie, à Tlemcen et Sebdou; à l'ouest, dans les Hautes-Pyrénées,
à Gèdre; à l'est, aux Alpes-Maritimes et aux Basses-Alpes; elle
remonte tout le long de la Méditerranée, de l'Andalousie au Rous-
sillon, s'étend dans la Provence, habite encore l'Ardèche et envoie
sa colonie la plus septentrionale jusque dans la haute vallée du
Rhône, en Valais.
Dejone reste semblable à elle-même à peu près partout où elle
s'est fixée. Aussi bien en Algérie qu'en Espagne et que dans le
sud de la France, la forme de Dejone est la même. Je ne connais
que deux variétés géographiques : Berisali et Nevadensis, dont on
-trouvera la description plus loin.
J'ai sous les yeux plus de 200 exemplaires de Dejone, provenant
de Sebdou (D-- H. Codet), Tlemcen (G. Allard), Grenade ( !),
vallée de Ronda( !), Montserrat( !), Pyrénées-Orientales ( !), Gèdre
(Rondou), Provence, Alpes-Maritimes ( !), Ardèche (P. Chrétien).
Je ne trouve aucune différence de faciès correspondant aux diffé-
rences d'habitat. Dejone est donc une espèce remarquablement
constante; ses deux seules variétés géographiques actuellement
connues paraissent être chacune très constantes également.
Il est bien intéressant de constater, avec M. le Chanoine Favre,
que de nombreuses espèces méridionales se sont avancées dans la
haute vallée du Rhône, en Valais, jusqu'au Simplon. Dejone,
espèce du bassin méditerranéen occidental, a remonté jusqu'à Mar-
LÉPIDOPTEROLOGIE COMPAREE
tigny et même jusqu'à Bérisal; mais dans cette région la forme
de son imago s'est un peu modifi.ee et présente la variété qu'à
cause de sa constance on pourrait appeler sous-espèce, et que les
figures 5 et 6 de la planche I du présent travail représentent fidè-
lement.
La Melitœa Dejone-Berisali aberre comme les autres Melitœa
et suivant les mêmes lois. La fig. 7 de la pi. I donne la figure
d'une aberration de Berisali prise à Martigny, par M. Wullschle-
gel. A côté, sous le n" 8, est représentée une aberration de Melitœa
Parthenie-varia prise par moi, en juillet 1866, dans une prairie
située un peu plus bas que l'hôtel actuel de Ryffelalp. Le dessous
des ailes, dans ces deux aberrations d'espèces différentes de
Melitœa, est analogue. Les deux aberrations en question émanent
donc d'une même loi de variation atteignant les espèces d'un même
genre.
Je possède quelques aberrations de Dejone provenant de Saint-
Martin-de-Vésubie ( !), Digne, La Voulte-sur-Rhône (P. Chrétien),
Vernet-les-Bains (R. Obthr.). Chez tous ces papillons aberrants,
l'aile supérieure en dessus est fortement atteinte de mélanisme,
tandis que dans l'aberration figurée sous le n° 7 de la pi. I, l'aile
inférieure seule est mélanisée, l'aile supérieure étant au contraire
moins chargée de noir que dans les exemplaires normaux.
J'ai désigné ci-dessus sous le nom de Nevadensis une seconde
forma geographica de Dejone. Cette variété, représentée dans ma
collection par 3 cf et 6 Q, a été rencontrée par mon frère, en
juillet 1S75, dans la Sierra-Nevada, côté de Lanjaron. Elle se
distingue du type normal de Dejone par une teinte plus pâle, en
dessus comme en dessous; par les lignes noires transversales
médianes des 4 ailes plus anguleuses; par l'absence, sur les ailes
inférieures en dessous, près de la base, de la coloration fauve qui,
dans tous les autres exemplaires, remplit, du bord costal au bord
anal des ailes, un espace compris entre deux lignes noires et au
centre duquel reste une tache chamois clair, c'est-à-dire de la cou-
leur du fond des ailes. Cette circonstance, jointe à la forme plus
oblique et plus anguleuse de la ligne noire transverse médiane des
l6 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
ailes supérieures en dessus, est cause que considérée sur ses deux
faces, la variété Nevadensis a un aspect distinct et bien spécial.
A Grenade et dans la vallée de Ronda, entre les stations de
Jimera et Benaojan, j'ai pris communément, au mois de mai, la
Melitœa Dejone, de la forme normale; mais l'altitude de ces
localités est faible. Dans la Sierra-Nevada, du côté de Lanjaron,
outre la différence de hauteur, il convient de tenir compte de
l'influence possible de la saison. J'ignore cependant quelle est la
forme d'été de la Melitœa Dejone à Grenade et quelle est la forme
printanière du côté de Lanjaron. De nouvelles explorations sont
nécessaires pour que la connaissance de cette question soit com-
plète.
II. — Lycsena Zephyrus, Herr. Schaeff. (PI. 46,
fig. 208-1 1).
Form. geograph. Akbesiaiia, Obthr. (PI. II, cf,
fig. 21 ; Q, fig. 22);
Hesperica, Ramb. (PI. II, cf,
fig. 23; Q, fig. 24);
et Lycidas, Trapp. (PI. II, cf, fig. i;;
g, fig. 18).
La Lycœna Zephyrus paraît répandue en Bulgarie, Turquie,
Grèce, Caucasie et Asie-Mineure. Elle offre une certaine quantité
de variétés géographiques; d'abord vers l'Orient : Askhabad, Sa-
markand, Fergana, Boukarie, oii se trouve la forme appelée
Zephyrinus et figurée dans les Mémoires sur les Lépidoptères du
grand-duc N.-M. Romanoff, sous les n"' 3^ et 3'' de la planche VI
du vol. I. J'ai devant les yeux 3 cf et 4 O de cette forme, la plupart
envoyés par M. Groum.
Puis, aux environs d'Akbès, en Syrie, on rencontre une variété
constante et spéciale que j'ai appelée Akbesiana. J'en ai reçu de
nombreux exemplaires. Cette forme encore inédite a pour carac-
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE i;
tères distinctifs : i" chez le cf, en dessus, le rétrécissement de la
bordure marginale noire qui se trouve réduite à un très mmce
liséré; la couleur bleu-lilas clair avec un aspect un peu transparent;
et en dessous, le développement de la bordure submarginale des
taches rouge-orangé. Cette bordure est commune aux quatre ailes.
2" Chez la g, aussi bien en dessus qu'en dessous, l'agrandissement
des taches submarginales rouge-orangé. Vers l'Ouest, à une grande
distance de la région habitée par la Lycccna Zcphynis, on a trouvé
deux colonies de Lycœna dont le rattachement à Zephyrus est
généralement admis; ce sont : Lycidas, dans le Valais, et Hespe-
rica, en Andalousie. Comment se fait-il qu'aucune localité inter-
médiaire ne semble habitée par ces Lycccna? Lycidas vit, ma appris
M. le chanoine Favre, sur Yastiagalns cxscapits; mais le genre
astragalus, de la famille des Papilionacées, est très nombreux en
espèces et il ne manque point dastragalus entre le Simplon et la
Sierra-Nevada. Or, tous ceux qui se sont occupés d'élever des che-
nilles savent que si beaucoup d'espèces de papillons, à l'état lar-
vaire, se nourrissent exclusivement d'une plante et meurent de
faim lorsqu'elles manquent de la plante qui leur est nécessaire,
cependant elles ne poussent généralement point cet exclusivisme
jusqu'à refuser de manger des plantes du même genre. C'est ainsi
que j'ai pu nourrir à Rennes, avec une linaria génériquement con-
forme à celle des Pyrénées-Orientales, mais spécifiquement très
différente, une certaine quantité de chenilles de Meliiœa Dejone
recueillies aux environs du Vernet. Je pourrais multiplier ces
exemples.
Quoi qu'il en soit, il en est de Lycœna Zephyrus et de ses formes
géographiques Lycidas et Hesperica, formant des colonies si éloi-
gnées les unes des autres, comme de Zegris Eupheme, Satyrus
Hippolyte et Heliothis Incarnata, dont les individus espagnols
restent séparés par une énorme distance de leurs similaires orien-
taux.
Lycidas paraît donc habiter exclusivement le Valais. Je l'avais
prise à la fin de juin 1866, aux environs de Viège, me trouvant
alors en compagnie de feu mes amis Guenée, Fallou et Constant.
l8 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
Guidé par M. le chanoine Favre, je capturai de nouveau
Lycidas, sur la route du Simplon, entre Briggue et Bérisal, du i8
au 23 juillet 1902; mais la saison était trop avancée, beaucoup
d'exemplaires étaient passés. Lycidas éclôt surtout dès la fin de
juin et dans les premiers jours de juillet.
La forme Lycidas se distingue ainsi : le cf est, en dessus, d'un
bleu-violet assez foncé, avec une bordure marginale noire assez
prononcée; en dessous, ses ailes ont le fond gris-perle sur lequel
les points noirs et fauves et les parties blanches ressortent vive-
ment. La Q, en dessus, est d'un brun-noir profond, avec quelques
points fauves marginaux aux ailes inférieures. En dessous, le fond
des ailes est plus brun que chez le cf. La forme de Lycidas paraît
assez constante; tous les cf que j'ai vus sont de la même teinte
bleu-violette, sauf un exemplaire aberrant qui est gris foncé; les Q
sont du même brun-noirâtre; seulement les points fauves margi-
naux des ailes inférieures en dessus sont plus ou moins accentués.
Lycidas vole dans d'autres localités valaisannes citées dans le
Catalogue de AL le chanoine Favre; mais ce n'est nulle part un
Lépidoptère très commun; Lycidas semble partout localisée à
quelques stations, dans une région relativement peu étendue. Sa
destruction partielle serait à craindre.
Quant à Hesperica, si en dessous elle ne diffère guère de Lyci-
das, elle s'en distingue en dessus par sa teinte d'un bleu céleste
clair chez le cf et par la tendance au développement des taches
orangées submarginales chez la Q. Il y avait dans les collections
Boisduval et de Graslin, quelques Hesperica que j'ai tout lieu de
considérer comme des co-types. En effet, les uns ont été donnés
à Boisduval par Rambur et les autres pris à Alfacar, près Grenade,
par de Graslin, qui fut le compagnon de Rambur dans son expé-
dition en Andalousie. Ce sont des papillons d'âge déjà ancien,
puisqu'ils ont été recueillis en 1835; ils sont cependant encore en
bon état de conservation. Le cf et la Q figurés dans ce travail
faisaient partie de la collection de feu de Graslin.
Il est à remarquer que Rambur dit qu'il a trouvé la Lycœna
Hesperica dans la même localité que \Agestor ; un peu auparavant,
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE 19
il indique comme localité d'Ages^or les collines près d'Alfacar,
dans des lieux remplis de Genis/a cïnerea. Sur la route du Simplon,
comme au voisinage d'Alfacar, la Lycœna Agestor {Escherï) vole
non loin de Lycidas.
Les deux Lycœna Agestor et Lycidas se distinguent aisément,
en comparant les ailes inférieures en dessous. Chez L^ycidas, il y
a toujours une ligne blanche allant du bord costal au bord anal,
comprise entre la série submarginale des points fauves surmontés
d'un chevron noir et la série médiane de points noirs parallèles
au bord extérieur. Chez Agestor, on remarque seulement une petite
éclaircie blanche, à peu près au milieu de l'espace compris entre
le bord costal et le bord anal des ailes inférieures.
III. — Lycaena Argyrogfnoinon, Bergstr., var.
Calliopis-Valesiaca, Obthr., g (PI. II,
fig. 15 et 16).
La Lycœna Argyro gnomon (Argus, Hùbner, 316, 317, 318) est
une espèce variable suivant l'altitude et la latitude des lieux qu'elle
habite.
J'ai remarqué dans les chasses faites autour de Martigny, par
M. Arnold Wullschlegel, une forme de Q alis supra cœruleis qui
m'a paru assez spéciale. Je crois devoir la rapporter comme variété
géographique que j'appelle Valesiaca, à la forme Calliopis, Bdv
(Icônes, pi. 15, fig. 4, 5), et j'en ai fait représenter deux échantil-
lons sous les n"" 15 et 16 de la planche II de ce travail.
J'ai sous les yeux 12 exemplaires, tous récoltés en août, offrant,
les uns par rapport aux autres, des variations individuelles assez
sensibles, mais présentant une similitude de caractères dans le
semis épais et serré d'écaillés d'un bleu brillant qui recouvre le
disque des ailes en dessus, avec le dessous des ailes plutôt brun
ochracé clair que gris et les points bleu d'argent du bord marginal
des inférieures très éclatants. De plus, certains exemplaires
20 LEPIDOPTEROLOGIE COMPARÉE
montrent une tendance à une macule noire extracellulaire aux
supérieures, ainsi que l'indique la figure lô de notre planche IL
Les points noirs du dessous des ailes sont assez accentués chez
la Q Calliopis-V alesiaca. Mais dans le cf de Martigny, ce carac-
tère essentiel de Calliopis, c'est-à-dire la petitesse des points noirs
ocellés, se remarque presque aussi bien que chez les exemplaires
de Grenoble et de Digne.
En Provence et en Dauphiné, on trouve, entre autres formes
d'Argyrognonion, celle que Boisduval a distinguée sous le nom de
Calliopis. La g de cette Calliopis, aux environs de Grenoble et
de Digne, est supra cœnilea comme la g de Martigny; mais les
atomes bleus qui sont semés sur le disque de ses ailes, en dessus,
produisent un effet plus pâle; le dessous des ailes paraît aussi
plus terne et plus gris.
La dernière expression de Calliopis, mais d'aspect plus chau-
dement coloré que dans la partie française du bassin du Rhône,
se trouverait donc vers le Nord-Est, aux environs de Martigny,
en Valais, tandis que Calliopis, conforme au type de Boisduval,
est répandue vers le Sud jusqu'auprès de Marseille.
Calliopis est cantonnée dans les basses altitudes, en Dauphiné
et en Provence. Elle se plaît sur les pelouses rases, au voisinage
des grèves et sur les berges des cours d'eau; tandis que dans les
hauteurs, vers 1.500 mètres environ, se rencontre la forme J^gidion
de la même Lycœna Argyrognornon.
Dans leur Catalog, édit. 1901, Staudinger et Rebel portent en
deux endroits différents Calliopis, Bdv., Icônes; d'abord fig. 5,
dans le même article quArgj'rognoîuon, puis fig. 4, dans l'article
suivant : a) ab. Q Callarga, Stgr. Mais la fig. 4 et la fig. 5 repré-
sentent en dessus et en dessous le même papillon qui fait encore
partie de l'ancienne collection Boisduval. N'est-il pas bizarre de
comprendre le dessus du même spécimen dans un article de la
Nomenclature différent de celui où est inscrit le dessous? Enfin,
pourquoi ce nom nouveau de Callarga, pour remplacer celui de
Calliopis plus vieux de 70 ans ? Si Callarga ( Q supra caerula)
désigne une forme géographique spéciale d'Argyro gnomon, il eût
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE 21
été nécessaire de le dire pour la justification du nom nouveau;
mais si Callarga désigne la même Lycœna que Calliopis, quelle
raison y a-t-il de mettre le nom imposé par Roisduval, appuyé
sur une bonne description et une figure très exacte, en synonymie
derrière un nom nouveau simplement expliqué, par les mots :
Q supra ccsrula. C'est bien le cas de Calliopis Q.
Je vois sur l'autre page 79 du même Calalog, Lycœna Allardii,
Obthr., placée après Sephyrus, sous le n° 553 et suivie de la men-
tion : prœc. forma darwiniana? Rien ne peut justifier cette opinion
même interrogative. Allardi est une espèce à part qu'il est impos-
siple de rattacher en quelque façon à Sephyrus. Allardi me paraît
être, par son dessous, une des espèces les plus tranchées dans le
genre Lycœna. Je ne me rappelle pas que feu Staudinger m'ait
demandé communication du type de Lycœna Allardi. Ayant
ignoré l'espèce, il a hasardé cet inadmissible rapprochement de
Sephyrus.
IV. — Erebia Christî, Raetzer (PI. II, g, fig. 13, 14;
cf, fig. 19, 20).
Jamais encore il n'a été publié de figure de cette Erebia, de
découverte relativement récente, paraissant jusqu'ici localisée à la
petite vallée de Laquin, sur le versant sud de la route du Simplon
et un peu plus bas que le village même du Simplon. Guidé par
M. le chanoine Favre, j'ai visité la vallée de Laquin, dans la
seconde moitié de juillet 1902. Quoique la saison fût trop avancée
d'au moins 15 jours, M. Favre réussit à capturer en ma présence
un cf encore frais de VErebia Christi et voulut bien me l'offrir.
Lui et moi, nous en primes quelques autres en débris. Le soleil,
ce jour-là, avait tardivement dissipé le brouillard et les papillons
ne prirent un peu d'activité que vers 1 1 heures du matin. La vallée
de Laquin est étroite et reserrée; les pentes en sont fort raides;
un sentier parcourt à mi-côte le flanc nord de la vallée; les papil-
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
Ions le traversent sans cesse, montant et descendant le long des
gazons fleuris au milieu des pierres, depuis les bords du torrent
qui bouillonne au fond, jusque vers les très hautes crêtes des
rochers. D'autres Erebia, notamment Melampus, volent dans ces
parages, où la faune lépidoptérologique paraît riche et abondante.
UErebia Christi participe du faciès de Cassiope, Mnesira, Mê-
lant pus, etc. ; mais elle semble bien spéciale et sans caractère exté-
rieur saillant, elle ne peut en somme se confondre avec aucune
autre. Dans les Transactions of the entomol. Society of London,
1808, pi. VIII, fig. lia, b, c, d, M. Elwes figure les Genitalia de
YErebia Christi; je reproduis ici les paroles de cet auteur (p. 187).
« The position of this newly discovered species is at présent
a little doubtfoul. It looks so near to some spécimens of E. Mnes-
tra that I should hâve been doubtfoul as to its spécifie distinction
if it were not for the genitalia, which show it to be différent from
ail European species; while its occurrence in quantity proves that
it cannot be a hybrid between E. Cassiope and Mnestra of which
it seems to combine the characters. »
Je dois à M. le professeur Courvoisier, de Bâle, la connaissance
et la possession de la Q. M. Bang-Haas a bien voulu aussi me
communiquer quelques exemplaires de sa collection. J'exprime à
ces Messieurs mes meilleurs sentiments de gratitude.
J'espère que les figures 13, 14, 19 et 20 de la planche II de cet
ouvrage, très soigneusement gravées d'après les photographies et
la nature elle-même, serviront à compléter les descriptions déjà
parues et à permettre de plus facilement reconnaître VErebia
Christi. Sa localisation exclusive dans la vallée de Laquin paraît
un peu surprenante. Je pense que VErebia Christi pourra être ren-
contrée dans d'autres vallées des Alpes non encore visitées par un
entomologiste, au moment de l'éclosion.
UErebia -flai'O-fasciata du Tessin est aussi de découverte récente;
le dessous de cette dernière est très caractéristique. Je partage
l'opinion de M. Elwes qui trouve presque incroyable, bien que ce
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE 23
soit pourtant vrai, qu'une Erebia aussi distincte en apparence ait
été découverte seulement si récemment (1893) dans une partie des
Alpes que tant de collecteurs d'histoire naturelle ont visitée aupa-
ravant.
V. — Erebia Pharte, ab Phartina, Stgr. (PI IV,
fig- 45)-
Feu Staudinger décrit dans 17m (VII, p. 245), sous le nom de
Phartina, une variété de Pharte dont lui-même dit avoir pris, dans
le Valais, un cf chez qui les taches ordinaires manquent complè-
tement sur le dessus des ailes. L'auteur ajoute : 0 Solche Stuecke
die vermuthlich (fast ausschliesslich) in grœsserer Hœhe als die
typischen Pharte vorkommen, verdienen mit demselben Rechte
einen besonderen Namen als ein solcher aus gleichen Gruenden
bei anderen Erebia-Arten gegeben ist (z. B., Er. Manto, Esp. ab.
Cœcilia, Hb.), sie kœnnten als ab. oder gar ziar. Phartina bezeich-
net werden, wenn sie sich als eine ziemlich konstante Hœhenform
erweisen sollten. Ich besitze sogar ein Q zu dieser Form, bei dem
die bei typischen Q Q sehr breite braune Binde nur durch fuenf
rundliche braune Fleckchen vertreten ist. »
Je rapporte à cette forme d'altitude de Pharte deux g bien
semblables entre elles que M. Wullschlegel a capturées au glacier
de Trient, le 24 juillet 1895. Le dessus des ailes est d'un brun
foncé uni, avec seulement une petite éclaircie rougeâtre près de
l'apex des supérieures. Le dessous des ailes est comme dans le
type, d'un brun plus pâle que le dessus; la petite tache apicale
rougeâtre du dessus s'y reproduit exactement. Cette petite tache
est l'unique vestige de la bande rougeâtre qui, dans les exemplaires
ordinaires du type Pharte, descend du bord costal des supérieures
jusqu'assez près du bord anal des inférieures. La petite tache en
question est traversée par la nervure qui la divise en deux parties
à peu près égales.
24 LEPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
La forme Phartina se trouve en Savoie; la coll. Bellier en con-
tient un cf très caractérisé. Le D*" J. Oberthiir l'a récoltée aux envi-
rons de Lanslebourg-, où des exemplaires sont presque uniformé-
ment bruns en dessus, tandis que d'autres se rapprochent davantage
du type normal. Je n'ai cependant jamais vu jusqu'ici des Q Q
aussi unicolores que celles capturées au glacier de Trient. Ces Q Q
me paraissent être l'expression la plus accentuée de la forme
d'altitude phartina.
VI. — Cœnonympha Arcanïa, L , var. insubrica,
Frey. (PI. I, Q fig. 12).
La Cœnonympha Arcania est répandue dans une grande partie
de l'Europe; elle manque en Angleterre. Elle est généralement
commune en Erance, où elle éclôt dans les mois de juin et de
juillet. Je la possède des environs de Paris (Sèvres, Lardy, Monti-
gny-Beauchamp, Ozoir-la-Ferrière (*), d'Evreux, Rennes, Angou-
lême, Digne, Elorac, Cauterets, Vernet-les-Bains, Grenoble. La
forme, en Erance, est assez constante; cependant les exemplaires
des Pyrénées-Orientales ont la teinte fauve plus claire que ceux
des autres localités. La variation porte principalement sur le
nombre des taches ocellées du dessous des ailes. Assez souvent
l'ocelle apical des supérieures fait défaut. Il doit nécessairement
y avoir des exemplaires entièrement dépourvus d'ocelles aux ailes
inférieures, ainsi que cela se remarque chez Bonis {Etudes (TEn-
tonu, XX* liv., pi. 6; fig. 102). Mais je n'en ai point encore vu. Je
possède un cf pris à Montigny-Beauchamp, en juin 1894, par
R. Oberthiir, et n'ayant plus que l'ocelle costal et deux très petits
ocelles submarginaux des ailes inférieures en dessous, tandis que
les exemplaires normaux ont 5 ocelles.
(*) Dernière localité où Cœnonympha Eero paraît s'avancer actuellement
vers l'Ouest.
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE 25
L'albinisme atteint Arcania, comme tous les êtres créés. Je dois
à la générosité de M. Gabriel Dupuy, d'Angoulême, 2 cf chez qui
la couleur fauve normale est remplacée par du blanc jaunâtre,
tant en dessus qu'en dessous. Inversement, la couleur fauve peut
être beaucoup plus foncée que dans les sujets normaux et la bor-
dure noire des supérieures peut s'élargir au détriment de cette
teinte fauve du fond des supérieures. C'est à Rennes que le type
d! Arcania paraît tendre davantage vers le mélanisme.
Dans les Alpes, mais à une assez grande hauteur, Philca rem-
place Arcania. Cette variété d'altitude n'a pas été trouvée dans les
Pyrénées.
La C œnonynipha Darzviniana, de la route du Simplon, est une
forme qui fait bien la transition entre Arcania, des plaines de
France, et Philea, de Zermatt, de Chamonix et de l'Oberland
bernois.
A Enchastrayes (Basses-Alpes), il y a également une forme
tout à fait transitionnelle entre Arcania et Philea. Cette variété
Philca est surtout caractérisée par sa taille réduite et par ses ailes
en dessus uniformément brunes chez le cf. La tache fauve persiste
chez la Q et aussi chez certains cf Philea; cependant la tendance
à l'uniformité mélanienne des ailes en dessus est générale chez
cette variété alpine.
A l'inverse de Philea est la forme insubrica, de Crévola, sur le
versant méridional du Simplon. La taille à^insiibrica est plus
grande que celle ai! Arcania des plaines françaises; sa teinte rou-
geâtre, tant en dessus qu'en dessous, est vive et généralement plus
accentuée.
Si l'on voulait établir par graduation l'échelle des formes ai Ar-
cania, il faudrait mettre Insubrica en tête, comme étant la plus
grande, continuer par Arcania de nos plaines françaises, placer
ensuite Darwiniana du Simplon et d'Enchastrayes et finir par
Philea de Ryffelalp.
La forme algérienne Arcanioides est plus petite et plus rou-
geâtre en dessous, avec l'espace blanc des ailes inférieures très
réduit. C'est peut-être une espèce à part.
26 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
En Grèce et en Asie-Mineure, Arcania ne me paraît guère diffé-
rer de la forme des Pyrénées-Orientales; mais il est intéressant
de constater chez Arcania de Suisse, ces variations si différentes
et même opposées, Philea minor et Insubrica major, avec Darwi-
niana submedia, vivant dans des localités d'altitude diverse, mais
cependant relativement très voisines les unes des autres.
VIL — Celerio Dahlii, Huebner, ab. lutescens,
Obthr. (PI. VI, % 6i).
Les ailes inférieures en dessus sont jaunes, au lieu d'être rouges.
Les ailes supérieures sont plus claires que dans la forme nor-
male. La couleur vert-olive y est remplacée par une teinte d'un
ochre-jaune un peu verdâtre.
Le dessous du corps et des ailes n'est pas d'un rose vineux plus
ou moins vif, mais d'un gris-jaunâtre.
Je possède un seul exemplaire Q venant de Corse; il était dans
l'ancienne collection Bellier. J'ai entendu dire qu'il existait un
autre exemplaire tout semblable dans la collection de feu Berce.
VIII. — Celerio Mauretanica-deserticola,
Bartel, ab. flaveola, Obthr. (PL VI, fig. 60).
Un (j analogue à l'aberration hitescens de DaliUi, mais plus
pâle; le thorax est, en dessus, d'un jaune d'ochre clair.
Est éclos à Rennes en mai 1894, de chrysalides envoyées de
Biskra par J. Merkl.
J'ai fait figurer ces deux aberrations jaunes de Dahlii et de
Maureianica pour donner un supplément de preuves à la loi qui
atteint tous les êtres organisés normalement colorés en rouge et
d'après laquelle ils peuvent albiniser en jaune. Je suis maintenant
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE 2/
fondé à croire que la loi de variation, d'après laquelle toute cou-
leur rouge peut, d'une part, albiniser en jaune et en blanc, et,
d'autre part, mélaniser en brun et en noir, ne comporte pas d'excep-
tion. J'ai multiplié dans ma collection les documents à cet égard,
et je ne connais point de génie qui soit réfractaire à cette loi
générale. Seulement il y a des lieux où, pour des circonstances
encore inconnues, la variation jaune, par exemple, est pour telle
ou telle espèce plus fréquente, alors qu'ailleurs elle paraît nulle,
tant elle y est raremv nt observée. Je ne crois pas que les expé-
riences de Zurich, si habilement et heureusement poursuivies par
MM. Standfus et Fischer (froid et chaud), aient rien donné quant
à la question des divers stages de variation xanthique : blanc,
jaune, rouge, brun et noir. Les causes qui produisent les variations
de couleur rouge soit en jaune par albinisme, soit en brun par
mélanisme, sont encore inconnues.
IX — Celerio Vespertilio, Esp., ab. Salmonea,
Obthr. (PI. V, fig. 5/).
Jolie aberration albinisante en dessus comme en dessous de
V espertilio. Les ailes intérieures sont, en dessus, d'une couleur
roc2 saumon pâle et un peu jaunâtre, au lieu d'être d'un rose fleur
c'e pêcher, comme dans la forme normale. Sabnonea fait la tran-
sition de la forme ordinaire rose-carminé de V espertilio à la forme
jaune qui doit nécessairement exister pour V espertilio comme pour
EuphorhicF, mais que je n'ai pas encore eu occasion de voir. En
dessous, le disque des ailes supérieures et les ailes inférieures sont
colorées en nankin un peu rosé très pâle.
J'ai un seul et très bel individu de l'aberration Salmonea obtenu
de la chenille par M. Léonhart, de Bâle.
28 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
X. — Celerio hybrides Vespertilioides, Bdv. (PI. V,
% 54. 55)-
Epilobii, Bdv. (PL VI, fig. 58).
Epilobii, Bdv. (PI. VI, % 59).
Burckhardti, Mory (PL V, fig. 56).
Je ne crois pas que personne ait encore rencontré dans la nature
un accouplement de Vespertilio avec Hippopha'és ou Euphorbiœ.
Mais on a trouvé assez fréquemment en France, spécialement dans
le Dauphiné et la région lyonnaise, et plus récemment en Alsace,
aux environs d'Huningue, des chenilles paraissant hybrides soit
de Vespertilio et Hippopha'és, soit de Vespertilio et Euphorbiœ.
De ces chenilles sont sortis des papillons connus sous le nom
de Vespertilioides, quand ils sont le produit supposé de Vesper-
tilio et Hippopha'és, et à'Epilobii, lorsqu'ils sont prétendus issus
de Vespertilio et Euphorbiœ.
Boisduval, dans les Annales de la Société linnéenne de Paris,
en 1827, a, pour la première fois, parlé du Sphinx Vespertilioides;
plus tard, dans la Collection iconographique et historique des
chenilles (1832), dans VI cônes historique des Lépidoptères (1834)
et enfin dans le Species général des Lépidoptères Sphingides
(1874), ce savant auteur a publié des observations sur le même
sujet.
Il paraît très probable que Vespertilio cf et Hippophaës Q
s'accouplent dans la nature, mais je crois que l'accouplement de
Hippophaés cf et Vespertilio Q semble beaucoup plus certain.
On s'appuie, pour prouver ces deux sortes d'accouplement
hybride, sur la constatation suivante :
Chacun sait que les Q de Lépidoptères pondent leurs œufs à
portée de la plante qui doit nourrir les jeunes chenilles. Un instinct
merveilleux guide les papillons et les empêche de commettre dans
le choix de la plante nourricière une erreur qui serait la perte de
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE 29
toute une postérité. Or les chenilles hybrides ayant été le plus
souvent rencontrées sur Yepïlobinni angustïfoliuin [^), il a été
raisonnable d'en conclure que la g ayant pondu les œufs, a appar-
tenu à l'espèce Vespertilio dont la chenille vit sur \ epilobium.
Plus rarement, et moins authentiquement, des chenilles hybrides
ayant été observées sur XHippophaé rhaninoides, cet arbuste épi-
neux, au feuillage grisâtre dont sont fréquemment couvertes les
grèves du Rhône et de ses aftiuents, on a été fondé à penser que,
dans cette circonstance, ce devait être la Q Hippophaés, fécondée
par Vespertilio çS qui avait pondu sur Vhippopha'é rhamnoides (**),
nourriture exclusive de son espèce.
Il existe dans la collection Boisduval deux exemplaires Vesper-
tilioides. Ce sont les types ayant servi à la description de Bois-
duval. Ils sont très anciens, mais encore assez bien conservés. Je
ne connais pas la figure publiée en 1827 dans les Annales de la
Société linnéennc de Paris. J'ai sous les yeux seulement la figure 3
de la planche 49 de VIconcs. Cette figure a été grossièrement colo-
riée. Possédant la collection des peintures originales exécutées
par Duménil et E. Blanchard pour servir de modèles à la gravure
et au coloriage des planches de VIcones et de VIconographie des
chenilles, je puis faire la comparaison entre ces modèles et la
reproduction. Malheureusement, je constate une telle absence de
soins dans le coloriage qu'il en résulte une véritable défiguration
aussi bien pour la représentation de Vespertilioides (PI. 4g), que
pour celle d'Epilobii (PI. 51).
Quoi qu'il en soit, j'ai fait figurer de nouveau sous le n" 54 de
cet ouvrage, le Vespertilioides qui a déjà servi pour la figure 3 de
la planche 49 de VIcones. Quant au n° 55, c'est un Vespertilioides
de la collection Bellier, beaucoup moins ancien assurément que le
type de Boisduval, par conséquent d'une coloration plus vive et
(*) Epilobium angustifolium, Lamk. ; synonyme rosmarinifolium,
Haencke; var. à feuilles plus larges Fleischiri, Hochst (famille des Ona-
grariées).
(**) Hippophaë rhamnoides, Linn., vulg. argousier faux-nerprun
(famille des Eléagnées).
30 LEPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
plus fraîche, mais ne différant guère du type. Autant que je puis
en juger par les 3 exemplaires de ma collection, dont un récolté
plus récemment que les deux autres, V espertïLioides serait donc
assez régulièrement semblable à lui-même. D'après Boisduval
{Sp. gén., p. 176), cet entomologiste a personnellement trouvé sur
[epilobmni angustifolium, au bord du Drac, près de Grenoble,
la chenille de V espertilïoides hgurée dans son Iconographie des
chenilles. On peut donc supposer qu'au moins l'un des exemplaires
de la collection Boisduval a pu être obtenu d'éclosion par Bois-
duval lui-même et dès lors provenir de l'accouplement d'Hippo-
phaës cf avec V esperiilïo g, puisque c'est sur \ epilobiimi que les
chenilles ont été récoltées.
Boisduval ajoute (5/. gén., p. 176) : « Il paraît que le Vesper-
» tilio mâle s'accouple aussi quelquefois avec VHippophaés
» femelle, car on a trouvé des chenilles hybrides sur Vhippophaé
» rharnnoides qui différaient un peu de celles que nous avons
» trouvées sur Vépilobe. C'est une de ces chenilles de Vhippophaé
» qui a produit à Feisthamel le Sphinx Amelia qui, à l'état
» d'insecte parfait, est complètement semblable à notre Vesper-
» tilioides. »
Que le produit hybride de V es per tilio cf et Hippophaës g
soit égal à celui de Hippophaës çS et Vespertilio g, je le crois
probable, puisque l'expérience a démontré que les produits de
Biston histaria cf et Biston pomonaria g étaient tout à fait ana-
logues à ceux de Biston pomonaria cf et Biston histaria g (Pilzii,
Stndf. et Hûnii, Obthr.); le produit ne changeant pas plus qu'en
arithmétique, lorsqu'on change l'ordre des facteurs.
Mais je suis porté à croire que Boisduval commet une erreur à
propos d'A}nelia.
Je ne connais cependant pas ce que Feisthamel a publié dans le
Bulletin des Sciences naturelles de iSzy. Je sais seulement ce que,
d'après cette notice même, rapporte Duponchel {Hist. nat. Pap.
France, suppl. au tome III; Deilephila Amelia, p. 11-14 et
p. 125-6) et je tran.scris le texte de Duponchel comme suit (p. 11-
14) : « Cette espèce (^Amelia) a été l'objet d'une notice rédigée
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE 3I
» par M. le baron Feisthaniel et insérée dans le Bulletin des
» Sciences naturelles de 18 2j, tome 2, page 162. Voici les faits
» qu'elle contient. La chenille du Sphinx dont il s'agit vit soli-
» tairement sur l'épilobe à feuilles de romarin {epilobiuni angus-
» tifoliunï). Elle fut trouvée pour la première fois le 1 1 juillet
» 1825, sur les bords du Drac, près Grenoble, par M"" Amélie
» Vattier. Le mari de cette dame ("• ) en retrouva plusieurs l'année
» suivante à la même époque et les donna à M. Feisthamel, qui
» continua de les élever; mais une seule lui réussit, et il en obtint
» le Sphinx que nous venons de décrire et dont l'éclosion eut lieu
» vers la fin d'août. »
Contrairement à ce que dit Boisduval, dans le Species général,
la chenille d'Aniclia aurait donc vécu sur Xepilobiuni, non sur
Vhippophaé.
Cependant Duponchel termine son article sur Amelia en disant :
(( Amelia ressemble en effet beaucoup à Vespertilioides Boisduval ;
» mais sa chenille est très différente, de sorte que nous avons dû
» lui conserver le nom que lui a donné M. Feisthamel, d'autant
» mieux que ce nom a pour lui l'antériorité. »
Les 2 chenilles à! Amelia et Vespertilioides seraient donc très
différentes, quoique toutes deux se nourrissant à'epilobiuni. Mais
la figure donnée par Duponchel de V Amelia Feisthamel (suppl.
Sphingides, pi. I, fig. 2) me paraît représenter un papillon égale-
ment assez différent du Vespertilioides, Bdv. En effet, la figure
précitée de V Amelia présente, sur le disque des ailes supérieures,
une raie obscure, descendant du bord costal où elle est plus large,
vers le bord interne où elle finit en pointe. Cette raie manque dans
Vespertilioides. J'en aperçois bien un vestige dans le Vesperti-
lioides cf de la collection Boisduval, mais la trace en est bien peu
apparente, tandis que Duponchel en fait état dans sa description
(p. Il) : a Du côté interne, elle (la ligne descendant de l'apex,
» bordée sur son côté externe par une bande olivâtre dentée exté-
(*) M. Vattier, capitaine adjudant-major au 25*' de ligne, membre fon-
dateur de la Société entomologique de France.
32 LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE
» rieurement) est longée par une autre ligne de la même couleur
» que cette bande et qui s'éteint avant d'arriver à l'angle supé-
» rieur. »
Mais il n'y a pas que ce premier Anielia, Feisthamel.
il y en a un autre également décrit et figuré par Duponchel
(p. 125-6, et pi. XI, fig. 2).
Voici ce qu'écrit Duponchel à ce sujet : « Depuis que nous
» avons décrit et ûguré, page 1 1 et pi. I de ce vol., le Sphinx
» Amelia de M. Feisthamel, nous avons reçu en communication
» de M. Chardiny, de Lyon, le Sphinx V espertilioides de M. Bois-
» duval, et, par la comparaison minutieuse que nous avons faite
» de l'un avec l'autre, nous avons été à même de nous convaincre
» de leur identité, quoique chacun d'eux provienne d'une chenille
» différente, du moins pour le fond de la couleur, car elles
» se ressemblent pour la forme et la disposition des taches, excepté
» pourtant que celle de M. Boisduval a la corne beaucoup plus
» courte que celle de M. Feisthamel. »
Si l'on considère la figure, paraissant très soignée dans l'ouvrage
de Duponchel, qui d'ailleurs ne décrit pas autrement le papillon
communiqué par M. Chardiny, on trouve que ce second Amelia
n'est nullement identique à V espertilioides de Boisduval, mais se
rapprocherait plutôt de XEpilobii du même auteur.
Du reste ce n'est plus un papillon de Grenoble, c'est un papillon
lyonnais que Duponchel a reçu en communication, et tout me porte
à croire qu'au lieu d'être un V espertilioides, \ Amelia de M. Char-
diny est un Epilobii, tout comme XEpilobii communiqué par
M. Donzel, également de Lyon, et dont Duponchel donne la
figure sous le n° i de la même planche XI du Supplément Sphin-
gides et Sésides.
UEpilobii de Boisduval venait aussi de Lyon, où il avait été
obtenu par Merk. On le trouve du reste à Lyon de temps en temps.
Je lis en effet dans le Bidletin de la Société entoni. de France,
1877, p. LXXXIV, le renseignenent suivant : « MM. G. Rouast et
» Regnaud, de Lyon, adressent une 'iiote sur deux Lépidoptères
» rares pour la faune française :
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE 33
» 1° Deilephila epiloblï. La chenille de cet hybride des Dcile-
» phila Vesperlilio et Eiiph orbite a été trouvée par nos collègues
» vers la fin de juillet 1876 au sud de Lyon, à Pierre-Bénite, près
» de Chapoly, dans des carrières où abonde Xepilobhnn rosrna-
» rinifoliiDu, et l'insecte parfait est éclos au mois d'août.
» Ce rare Sphingide n'avait encore été signalé qu'au nord-
» ouest de Lyon, à Saint-Fortunat, par Merk, et d'après M. Ma-
» bille, M. Poulin, de Genève, en avait pris la chenille en i8;o, au
» pied du Salève, sur la même espèce d'epilobium. »
Mais cet Epilobii, de Lyon, semble avoir quelquefois une parti-
cularité signalée par Boisduval, dans sa description d'EpiLobii et
bien indiquée dans la figure 2 de la planche XI du Supplément
par Duponchel. 11 s'agit de la raie oblique brune des ailes supé-
rieures, descendant de la côte au bord interne, contiguë au côté
externe de la tache irrégulière, mal écrite, brun olivâtre et qui se
trouve dans la cellule discoïdale. Le papillon figuré sous le n" 58
de cet ouvrage, très ancien, mais encore très bien conservé, por-
tant, sur une étiquette de papier que le temps a jaunie, ce rensei-
gnement : « éclos le 23 août », offre cette raie oblique, parallèle
à celle qui descend de l'angle apical et sur le côté externe de
laquelle se trouve la tache triangulaire submarginale, d'un brun
olivâtre, extérieurement sinuée, plus large à la base, au contact
ciu bord interne, qu'à son sommet, vers l'apex.
Les Epilobii que je possède de Grenoble et d'Huningue n'ont
point cette raie (*).
Sans doute VEuphorbiœ qui a participé à la création de cet
Epilobii, en compte-à-demi avec une Vesperlilio, avait cette raie
et sa descendance hybride a conservé ce caractère héréditaire. On
trouve en effet, mais assez rarement, des Euphorbiœ avec cette
raie très accentuée.
Je rapporte donc à VEpilobii, Bdv., le second Anielia, Dup.
(PI. XI, fig. 2). Je ne sais pourquoi cette raie, parfaitement figurée
(*) Depuis que ces lig-nes ont été écrites, j'ai reçu de M. Léonhart,
de Bâle, un Epilobii, d'Huningue, offrant précisément ce caractère.
3
34 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
dans la peinture originale de Duménil, pour VIcones, n'a pas été
reproduite à la gravure et au coloriage des planches de l'édition.
J'ignore d'ailleurs ce qu'est devenu le papillon Epilobu type
Boisduval. Communiqué par Merk, de Lyon (voir VIcones), il a
probablement été rendu à son propriétaire lyonnais par Boisduval
qui, dans son Specics général, p. 177-178, s'exprime comme suit :
« Nous en avons reçu un exemplaire de feu Merk », mais ne dit
point si c'était en don et n'ajoute d'ailleurs pas la mention ordi-
naire : coll. Bd.
UEpilobii, figuré sous le n" 58, appartenait à de Graslin. Il est
fort probable que Boisduval l'a vu, car sa description dans
VIcones et le Species général lui convient parfaitement. Il ne faut
pas oublier que de Graslin fut, avec Rambur, le collaborateur de
Boisduval pour l'Iconographie des chenilles et que les relations
de ces trois entomologistes devaient être très fréquentes. Rambur,
ami intime de de Graslin et son proche voisin, s'intéressait vive-
ment à la question des Deilephila hybrides, ainsi que le démontre
la notice qu'il fit insérer dans les Annales de la Société entoniolo-
gique de France (1832, p. 426), et dont je transcris ci-dessous les
termes :
« M. Rambur rapporte les observations qu'il a faites sur les
» nouveaux Sphinx V espertilioides et Epilobii et pense que le
» premier est un hybride du Sphinx VespertiUo et du Sphinx
» Hippophaés, vu que, bien qu'on trouve ordinairement la chenille
» du Sphinx V espertilioides sur Vepilobiinn angustifolium, il en
» a vu des chenilles sur VHippophaés (sic) où elles avaient été
» pondues sans doute par une g de ce Sphinx. De même il pense
» que la nouvelle espèce désignée sous le nom à'Epilobii n'est
» également qu'un hybride des S. VespertiUo et Euphorbiœ. »
Tout me porte à croire que Rambur avait en vue VEpilobii de
M. de Graslin, lorsqu'il écrivait ces lignes. Il serait possible que
cet Epilobii, paraissant semblable au type de Boisduval, venant
de Merk, fût ce type même. Je n'oserais cependant l'affirmer. Je
me souviens d'avoir vu au musée de Grenoble plusieurs V esper-
tilioides; mais je n'ai pas retenu leurs particularités.
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE 35
Je me suis attaché à reconstituer, autant que c'est possible quand
les témoins ne sont plus, mais avec les documents qu'ils ont
laissés, l'histoire déjà ancienne des hybrides V esperiilioides et
Epilobii du Dauphiné et de la région lyonnaise, avant de passer
à l'examen des hybrides nouvellement observés en Alsace. Je
dois toutefois rappeler, pour l'intelligence de la question, que
Duponchel et Boisduval travaillaient à part l'un de l'autre et en
rivalité assez aiguë, comme le témoigne une circulaire pour Ylcones
intitulée : Avis de ïauteur, et signée : Le Docteur Boisduval, rue
Mouffetard, n" yô, dans laquelle Boisduval traite assez aigrement
Duponchel son concurrent {sic). Cette observation me paraît
nécessaire pour expliquer comment, bien que Boisduval et Dupon-
chel habitassent tous deux Paris, des questions fort intéressantes
et auxquelles leur union eût donné une solution si aisée, devaient
rester incomplètement traitées par l'un agissant isolément et en
dehors de l'autre. Boisduval n'a certainement pas dû voir les
spécimens d'Ainelia et à! Epilobii de MM. Chardiny et Donzel,
dont Duponchel seul a reçu communication, et Duponchel, de son
côté, n'a pas vu les documents que Boisduval avait entre les
mains.
On m'excusera d'avoir, pour aider à produire la vérité scienti-
fique, rappelé, en fouillant dans l'histoire des temps passés de
notre Entomologie française, un côté malheureux des relations de
deux illustres Lépidoptéristes. Hunianuni est!
Avant de passer à l'étude des découvertes récentes, je dois parler
des figures de Vespertilioides et Epilobii données par Herrich-
Schaeffer, sous les n°^ g et lo de la planche 3 des Sphingidcs
EuropŒ. Ces deux figures ne sont point faites d'après des origi-
naux mais simplement copiées d'après \ Icônes, tout comme celles
de Dejeani et Dahurica (n°^ go et 91, tab. 18, Bombycides Eîiropœ).
Je dois dire, du reste, qu'avec une sincérité à laquelle il est toujours
juste de rendre hommage, Herrich-Schœffer, dans son texte expli-
catif, II, p. 8g, indique pour Epilobii, n" g, comme pour Vesperti-
lioides, n° 10, qu'il a copié les figures de VI cônes. Il n'en est pas
de même pour Vespertilioides, n" 13, dont la couleur générale
36 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
paraît un peu foncée, mais qui, à part cet excès probable de colo-
ration, représente bien exactement un cf très analogue à la Q n" 55
de mon ouvrage.
M. Eric Mory {Mittheil. der schweiz. entoni. Gesellsch., Bd. 10,
Heft 8), a publié sous le titre : Ueber cinige neue schweizerische
Bastarde des Sphïn gïden-G enus Deilephila, etc., un travail du plus
haut intérêt sur les hybrides Epilobii et leurs dérivés trouvés dans
la nature à Huningue (Haute-Alsace).
Il paraît démontré que les produits hybrides de Vespertilio et
Euphorbiœ seraient féconds. M. Mory appelle Eugeni le produit
d'un bâtard naturel secondaire, issu sans doute d'un Epilobii çS
et d'un Vespertilio Q.
Expérimentalement le professeur Standfuss a obtenu un pro-
duit résultant d'un Eugeni et d'un Vespertilio, et il est résulté de
cette expérience qu'on a cru pouvoir reconnaître dans la nature
l'existence de bâtards au 3'' degré.
D'après la planche photographique publiée par M. Mory, plus
on s'éloigne du premier hybride Epilobii, plus la ressemblance est
grande avec Vespertilio qui paraît être, dans toutes ces hybrida-
tions, l'agent le plus actif, à qui en appartient peut-être l'initiative
et à qui semble revenir graduellement et définitivement le type
par la succession des accouplements hybrides.
Mais l'hybride du i" degré Epilobii est très différent à Hu-
ningue de celui de Lyon, et si j'en juge par trois exemplaires que
j'ai devant les yeux et dont le plus foncé est représenté sous le
n° 59 de mon ouvrage, on peut dire Q^nEpilobii d'Huningue a
l'aspect d'un Euphorbiœ atténué, plus gris et plus pâle, dans tout
son ensemble.
J'ai reçu de Al Léonhart, de Bâle, une notice détaillée sur tout
ce qu'il a observé lui-même au sujet des hybridations de Vesper-
tilio et Euphorbiœ. Je le remercie cordialement d'avoir déféré avec
tant de bonne grâce à mon désir de posséder des renseignements
précis sur une question d'un si grand intérêt. Je publie donc
dans leur intégralité les observations que m'a communiquées
M. Léonhart, à qui tout le mérite en revient légitimement.
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE 37
i" Deilephila hybride Epilobïi, Bd., provenant d'un croisement
entre Euphorbiœ cf et Vespertilio Q .
Les chenilles de cet hybride sont très variables. En général,
elles se présentent dans les couleurs et le dessin de YEitphorbiœ.
Parvenues à leur taille, ces chenilles sont noires ou d'un noir-ver-
dâtre, finement pointillées de jaune ou de rose, ou encore de jaune-
rosé, avec deux taches rondes ou ovales qui sont blanches ou d'un
jaune-rosé de chaque côté et sur chaque anneau. En plus, il y a
une raie dorsale rouge ou jaune-rosé qui s'étend tout le long du
dos. Quelquefois, cependant, cette ligne s'arrête vers le 4" anneau.
La tête et les pattes sont rouges; les pattes écailleuses de devant
ont la pointe noire. La corne est moins forte et à peine moitié
aussi longue que celle de YEuphQrbiœ; elle est à sa base, et pour
près d'un tiers de sa longueur, rouge, tandis que le reste, jusqu'à
l'extrémité, est noir. Dans cette forme, la chenille ^Epilobii res-
semble tellement à celle de XEuphorbiœ que si on ne la trouvait
pas sur Vepilobiinn rosmannifolium et si elle ne faisait pas de
cette plante son unique nourriture, on prendrait la chenille d'Epi-
lobii pour celle d'Eiiphorbiœ.
C'est principalement par le raccourcissement de sa corne que la
chenille à'Epilobn diffère, pour ses caractères extérieurs, de celle
dEiiphorbiœ.
Mais on a rencontré aussi des chenilles qui étaient de couleur
rouge-brique presque uniforme. Quelques chenilles de cette forme
avaient sur les côtés, entre les taches ovales, de légères taches trian-
gulaires formées par un assemblage de petits points noirâtres ou
grisâtres.
Cette forme de chenille très intéressante a été trouvée pendant
les mois de juillet et août 1900, et les papillons en sont éclos
l'année suivante.
Cependant, d'après les observations auxquelles elles ont donné
lieu, la coloration si différente de ces chenilles n'a eu aucune
influence sur les papillons dont la forme est restée normale.
Toutes les chenilles d^Ep'dobn ont été trouvées près d'Huningue,
pendant les mois de juillet, août et septembre, sur VEpilobium
38 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
rosmannifoUum, et nourries avec cette plante, dont elle paraît
vivre exclusivement.
Le papillon varie beaucoup pour la couleur du fond des ailes
supérieures, c'est-à-dire pour la couleur grise de : i" la partie
médiane comprise entre la tache basilaire et la bande oblique
et 2" la partie extérieure entre cette bande oblique et le bord exté-
rieur. Cette teinte grise du fond des ailes est plus ou moins claire
ou foncée. Quelquefois la bande oblique transversale est sur son
côté interne nuancée de rose. Une fois, il est éclos un exemplaire
d'Epilobii, à ailes supérieures rougeâtres, par conséquent analogue
à lab. riibescens d'Euphorbiœ. Il semble que chez Epilobii, la bor-
dure noire marginale des ailes inférieures est plus rapprochée du
bord extérieur de ces mêmes ailes que chez Eiiphorb'iœ et que leur
couleur rose est plus vive et moins nuancée de brun chez Epilobii
que chez Eiiphorbiœ.
Depuis 1896, à l'exception de 1897, jusqu'en 1902, la chenille
de l'hybride Epilobii a fait tous les ans apparition près d'Hu-
ningue. En 1897, elle n'aura probablement pas été observée.
4 chenilles trouvées par M. Léonhart, pour la première fois en
août et septembre 1896, près d'Huningue, lui ont donné deux
exemplaires : le premier, cf, l'année suivante, en juillet; le second,
Q, après deux hivernages de la chrysalide, en septembre 1898.
D'autres collectionneurs avaient trouvé des chenilles d'Epilobii,
dans la même année et au même endroit; mais ces chenilles avaient
péri. M. Léonhart fils eut aussi plusieurs fois le plaisir de trouver
la chenille d!Epilobii et de voir éclore le papillon.
Les éclosions d'Epilobii se font tantôt avant et tantôt après
l'hivernage de la chrysalide. Il se peut aussi que la chrysalide
passe deux hivers avant de donner le papillon.
2° Deilcphila hybrid. secund. ordinis Eiigeni, Mory.
Un assez grand nombre de chenilles de cet hybride secondaire,
issu d'un croisement supposé entre Epilobii cf et Vespertilio Q , a
été trouvé en juin, juillet et août 1900 et 190 1, par M. Mory, par
MM. Léonhart père et fils, et par d'autres entomologistes, sur
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE 39
Xepilobium rosmarmifoluwi, près d'Huningue, aux mêmes endroits
où avait été trouvée la chenille d'Epilobn.
Les chenilles d'Eiigeni sont très variables pour la couleur et le
dessin; celles trouvées par MM. Léonhart ressemblaient à la che-
nille d'Epilobii, à fond noir ou noir-verdâtre; elles avaient éga-
lement la corne très petite, sauf une chenille qui avait la corne très
développée et aussi longue que celle dUEiiphorbiœ. M. Mory dit
avoir eu des chenilles 6!Eugeni absolument sans corne, une, entre
autres, qui, sur le 1 1" anneau, avait une proéminence, en place de la
corne.
M. Mory parle aussi de deux chenilles qui ne différaient en rien
de celle de Yespertilio et qui auraient fourni l'hybride Eugeni.
Y aurait-il eu quelque confusion dans les boîtes à élevage? ou bien
la variabilité de la chenille n'aurait-elle aucun rapport avec celle
du papillon dans le même individu; ce qui paraît tout d'abord
extraordinaire ?
Les papillons qui varient beaucoup, comme les chenilles elles-
mêmes, sont éclos en partie la même année, c'est-à-dire en août et
septembre, avant l'hivernage des chr3^salides; le plus grand nombre
cependant, après l'hivernage des chrysalides, en juin et juillet
igoo, igoi et 1902, et non certainement en avril, comme l'indique
par erreur sans doute le D"" Arnold Spuler {Die. Schmetterlinge
Euro pas; dritte Auflage von E. Hofmanns gleichnamigen Werke,
p. 85). Il aurait fallu pour cela que la chrysalide eût été tenue dans
une température chauffée.
M. Mory en distingue 3 formes :
/■■^ forme. — Exemplaires à dessins, bandes et taches des ailes
supérieures de coloration verdâtre, au lieu d'être gris.
2^ forme intermédiaire et principale. — Ailes supérieures à fond
gris; bandes et taches grises plus foncées.
Cette forme varie en ce que la bande grise transversale peut se
présenter dans une coloration rougeâtre. Toute la surface des ailes
supérieures peut être même rouge ou rougeâtre.
f forme. — Exemplaires d'un gris uniforme, chez lesquels la
bande transversale des ailes supérieures disparaît. Les exemplaires
40 LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE
de cette forme ressemblent beaucoup à Vespertilio. Ils sont cepen-
dant d'un gris plus foncé.
Les ailes inférieures d'Eîigrni n'offrent d'autre particularité que
d'avoir la bande noire en général un peu plus rapprochée du bord
extérieur que chez Epilobii. Quelquefois la tache blanche, dans
l'angle anal, a une légère teinte roussâtre.
3" Deilephîla, hybrid. tertiae ordinis Burckhardti, Mory.
Cet hybride est supposé issu d'un croisement entre D. Engen'i cf
(hybrid. secund. ordinis) et Vespertilio g. Depuis 1898 jusqu'en
1902, MM. Léonhart père et fils, ainsi que M. Mory et divers autres
entomologistes, en ont élevé un certain nombre de chenilles trou-
vées en juillet, août et septembre sur Yepilobiinn rosmarinifolium,
aux mêmes endroits, près d'Huningue, où furent trouvés Epilobii
et Eîigeni.
Les chenilles ne diffèrent pas sensiblement de celles de Vesper-
tilio; elles sont cependant d'un gris enfumé plus foncé. C'est sur-
tout le long du dos et aux incisions des anneaux qu'elles sont plus
noirâtres. Elles paraissent aussi plus élancées, moins boursouflées
que les chenille de Vespertilio. Elles n'ont pas d'analogie avec les
chenilles d'Enphorbiœ et elles manquent de cette proéminence
sur le 11^ anneau que signale M. Mory.
Quant au papillon, c'est principalement la ligne transversale
secondaire des ailes supérieures, ligne que l'on rencontre aussi
parfois chez les hybrides Eiigeni et Epilobii et même chez Euphor-
biœ, qui fait supposer que Burckhardii est le produit d'un accou-
plement hybride.
La ligne secondaire qui est quelquefois très large et bien accusée,
s'étend du bord antérieur au bord inférieur des ailes supérieures,
en longeant la ligne normale, plus ou moins apparente selon les
individus, de Vespertilio. En haut, au bord antérieur des ailes,
elle est largement séparée ou espacée de la ligne normale; mais
vers le bas, elle se rapproche toujours davantage de celle-ci, pour
se joindre à elle, au bord inférieur des ailes.
Les papillons sont éclos, les uns avant l'hivernage de la chry-
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE 4I
salide, c'est-à-dire en août et septembre; les autres l'année sui-
vante, après l'hivernage de la chrysalide, en juin et juillet.
J'avoue que la différence entre les papillons Biirckhardti et
Vespertilio me paraît difficile à percevoir. Si je compare les Ves-
pertilio de ma collection provenant de diverses localités de France,
de Suisse et d'Autriche avec 30 Buckhardti que m'a envoyés
M. Léonhart, je ne trouve pas d'exemplaire Buckhardti possible
à distinguer nettement par les caractères extérieurs de son imago,
de Vespertilio. J'ai fait figurer, sous le n° 56, le Burckhardti le
plus différent des autres, bien qu'il n'ait pas sur les ailes supé-
rieures la ligne secondaire oblique dont parle M. Léonhart et que
signale aussi M. Mory. Seulement ce Burckhardti a la ligne prin-
cipale ordinaire très bien écrite en brun, et cette ligne traverse une
partie d'un gris plus foncé qui présente, le long du bord marginal
et par conséquent sur le côté externe de la ligne, une sinuosité
terminale assez analogue à celle d'Euphorbiœ. En outre il y a sur
ses ailes supérieures une tache costale et une tache subbasilaire
d'un gris plus foncé et enfin une éclaircie cellulaire plus accentuée
que dans la plupart des autres échantillons.
Ce serait donc plutôt à l'état ûe chenille que se trouveraient
constatées des différences suffisantes pour justifier, relativement à
Burckhardti, la supposition que ce Burckhardti serait un hybride
au 3® degré.
Toujours est-il que les faits observés jusqu'ici et tenus comme
valablement acquis sont bien étranges. Laissant de côté, malgré
les affirmations de Boisduval et de Rambur, mais faute de preuves
assez certaines, le fait de l'hybridation de Vespertilio cf avec
Hippophaës q, il reste comme à peu près indiscutable l'union
naturelle de Vespertilio Q, tantôt avec Hippophaës cf, d'oii naît
V espertilioides, Bdv., tantôt avec Euphorbiœ cf, d'où naît Epi-
lobii, Bdv.
Ces faits, contraires à la loi naturelle conservatrice de la fixité
et de la pureté des espèces, se passent à peu près partout où
Vespertilio vit avec des espèces congénères. De plus l'hybride
42 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
résultant de ces unions entre la g V espertilio et le cf Euphorbiœ
ne serait pas infécond, ainsi qu'il arrive le plus généralement
lorsqu'artificiellement une hybridation a été produite; mais les
papillons Epilobii cf, nés de Vespertilio Q et ^Euphorbiœ cf,
pourraient encore, avec Vespertilio Q, créer un hybride nouveau
Eugeni, et les entomologistes qui ont vu, plusieurs années de
suite, les chenilles dans la nature à Huningue, sont persuadés que
Burckhardti serait le résultat d'une nouvelle union hybride ^Eu-
geni cf avec Vespertilio q.
Que deviennent cependant les Q Epilobii et Eugeni? Seraient-
elles fécondes elles-mêmes?
Il y a là une série d'études qui peuvent se poursuivre concur-
remment dans la nature et dans le laboratoire. Un aide précieux
sera donné par les expériences d'hybridation artificielle, pour par-
venir à la connaissance exacte de tous les phénomènes dont
quelques-uns restent encore mystérieux.
Il convient encore de remarquer que si les organes sexuels sont
différents dans la plupart des espèces de Sphingides, ils ne dif-
fèrent pas dans toutes. Lorsque les organes sont très différents,
l'hybridation est à peu près impossible. Mais il y a des espèces
nombreuses chez lesquelles les différences dans les organes sexuels
sont presque nulles. M. le D"" Karl Jordan n'a pas trouvé de diffé-
rences importantes, ni dans les mâles, ni dans les femelles des
espèces du genre Celerio {Euphorbiœ, Hippophaës, Vespertilio,
etc.). L'hybridation se trouve donc facile à effectuer entre les diffé-
rentes espèces du genre Celerio.
Les observations de M. Delahaye, d'Angers, sur les Sesia chry-
sidiformis et ichneumoniformis, indiqueraient que ce ne sont pas
seulement les Celerio Vespertilio, Hippophaës et Euphorbiœ dont
les tendances à l'hybridation sont contraires aux lois naturelles.
Les Zygœna se laisseraient également volontiers aller à des
unions illégitimes. Cependant les espèces en cause sont restées
conformes à elles-mêmes, et il ne semble pas o^\! Euphorbiœ. de
race pure, comme cela doit être dans les pays où Euphorbiœ habite
seul de son genre, soit différent des Euphorbiœ. de Lyon, de Gre-
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE 43
noble ou d'Huningue, qui s'hybrident volontiers avec Vesperiilio.
Les recherches ultérieures nous permettront sans doute de
résoudre quelques-unes des questions maintenant soulevées. Il
serait bien désirable que les entomologistes de Lyon et de Grenoble
joignissent leurs efforts à ceux de nos confrères suisses et alsaciens
pour fournir un supplément de lumière. En Autriche aussi, on a
observé Epilobn. Je regrette de n'avoir vu jusqu'ici aucun Eptlobii
viennois, et dès lors de ne pouvoir en faire la comparaison à ceux
qui ont fait l'objet de la présente étude.
XL — Zyg-aena Ephialtes, Linn, ab Sophiœ,
Favre (PI. III, fig. 25, 26, 2;).
Une des plus intéressantes Zygœna pour ses multiples varia-
tions est certainement Ephialtes.
Rouge aux ailes inférieures, avec 3 taches rouges aux supé-
rieures, en plus des taches basilaires, c'est XAthamanthœ. En
France, je l'ai prise à Vizille, au mois de juin. Je la possède aussi
des environs de Paris, de la Charente-Inférieure et de la Saxe.
Egalement rouge aux ailes inférieures, mais avec 4 taches
rouges aux supérieures, en plus de l'espace basilaire rouge, c'est la
Peucedani; je l'ai trouvée au Pont-du-Gard, où elle volait en
compagnie (^Ephialles, dans les premiers jours de juillet. Je l'ai
aussi rencontrée en Isère, mais sans être accompagnée d'Ephialtes,
et en Haute-Savoie (val du Fier) dans les mêmes conditions. Elle
habite aussi les environs de Paris, notamment Lardy, d'où j'en
possède une Q trouvée in copiila avec h'ïUpendiilœ çS, par feu
Lhotte, en 1896.
On rencontre, plus particulièrement aux environs de Digne et
de Vienne, en Autriche, une aberration roseo-albescens de Peuce-
dani, chez laquelle les taches des ailes supérieures, au lieu d'être
rouges, sont d'un blanc-rosé; les ailes inférieures restent rouges.
L^ne autre aberration dite ALaciis, semble assez fréquente en
Autriche. Chez cette aberration /Eaciis, la couleur jaune remplace
44 LEPIDOPTEROLOGIE COMPARÉE
la couleur rouge sur les 4 ailes et à l'anneau abdominal; elle
existe aussi bien pour la forme à 3 taches (5 taches, si l'on compte
les basilaires) Athamanthœ et pour la forme à 4 taches (6 avec les
basilaires) Peucedani.
Il y a un salins un peu large entre les formes Athamanthœ,
Peucedani, leurs aberrations normales : roseo-albescens et ALaciis
et les formes dont les 4 ailes sont indigo avec taches blanches sur
les supérieures, sauf les basilaires restant rouges ou jaunes,
Ephialtes, Falcatœ, Coronillœ et Trigonellœ.
J'ai remarqué maintes fois que les échantillons formant le tran-
situs egregins sont plus rares que ceux des formes extrêmes. Ainsi
l'aberration Saturnina, à ailes orangées, faisant le passage le plus
insensible entre la forme rouge de Callimorpha hera et la forme
jaune liitescens, est-elle bien peu fréquente, puisque c'est à peine
si, dans près d'un demi-siècle, je suis parvenu à en capturer une
vingtaine d'exemplaires.
Sans doute la forme transitionelle de Peucedani à Ephialtes est
fort rare également. Cependant elle existe; il y en avait deux
exemplaires dans la collection de feu Kuwert, de Berlin, dont je
fis l'acquisition en 1891. L'un de ces échantillons de transition a
été récolté très fraîchement éclos; il porte l'étiquette de localité :
Gallizien. L'anneau abdominal et les taches basilaires de ses ailes
supérieures sont rouges; les 3 autres taches sont assez fortement
pupillées de carmin; les ailes inférieures ont la base largement
semée d'atomes carmin et la teinte rouge qui en résulte se fond
insensiblement dans la couleur bleu d'acier, au milieu de laquelle
apparaît en rouge le point qu'on remarque blanc dans Falcatœ.
En somme, cette Zygœna peut se définir une Falcatœ, ayant la
base et le point ordinaire des ailes inférieures rouges, et les taches
des supérieures pupillées de rouge. L'autre échantillon paraissant
ancien se rattache à Peucedani, à cause de son anneau abdominal
rouge; autrement il a l'aspect d'une Stœchadis.
Mais la Zygœna de Gallicie, appartenant presque aussi bien
comme aberration à Athamanthœ qu'à Falcatœ, établit un passage
excellent entre ces deux formes.
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPAREE 45
Ephialtes, avec les taches basilaires rouges, 4 taches blanches
aux ailes supérieures et un seul point blanc aux ailes inférieures,
vole en France, au Pont-du-Gard, en compagnie de Peucedani. Je
la possède aussi de Grèce et du Piémont.
Cette Ephialtes varie par la suppression de la tache blanche
extrême des ailes supérieures. C'est alors avec 3 taches blanches,
au lieu de 4, la forme Falcatcc. Celle-ci est commune en France
aux environs de l'ancien monastère ruiné de Saint-Martin-du-
Canigou (Pyrénées-Orientales). Jamais nous n'avons trouvé dans
cette localité une des formes Peucedani, Athamanthœ ou Ephialtes.
Seule Falcatœ paraît être la forme locale au-dessus de Vernet-les-
Bains. Mais Falcatœ y présente assez souvent une aberration chez
laquelle les taches blanches, surtout aux ailes supérieures, sont
plus ou moins fortement pupillées de rouge, j'ai fait figurer cette
aberration dans la XX' livraison des Etudes d'Entomologie
(PI. VIT, fig. 113). On trouve aussi Falcatœ à Ax (Ariège) et à
Digne.
A Martigny, en Valais, on trouve Ephialtes semblable à celle
du Pont-du-Gard et Falcatœ semblable à celle des Pyrénées-
Orientales. Ainsi pour la Zygœna, dont il est cas, tantôt on trouve
dans une localité une seule de ses multiples formes, tantôt, au
contraire, plusieurs des formes cohabitant. Combien de pourquoi
restent encore sans solution dans l'étude de la nature !
U Ephialtes et la Falcatœ aberrent communément en jaune,
tant pour les 2 taches de la base des ailes supérieures que pour
l'anneau abdominal ; l'aberration jaune correspondant à Ephialtes
a été appelée Coronillœ; elle se trouve surtout du côté oriental
des Alpes, en Autriche et en Grèce; celle qui correspond à Falcatœ
et qui porte le nom de Trigonellœ, vole en Piémont et en Autriche.
Je les ai trouvées aux environs de Trieste, non loin du château
de Miramar, propriété de feu l'infortuné empereur du Mexique,
Maximilien, et à Chivasso, dans la vallée italienne, lors d'un pas-
sage par le col de Saint-Théodule, de Zermatt à Novare.
Il reste deux autres aberrations jusqu'ici propres au Valais;
l'une : Sophiœ, Favre, à 4 taches blanches aux ailes supérieures,
46 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
avec taches basilaires et anneau abdominal rouges, mais avec
2 taches blanches aux inférieures; l'autre : /Eînilïï, Favre, à
3 taches blanches aux supérieures seulement, par ailleurs comme
Sophiœ.
Si on classe ces Zygœna, par rapport à la quantité des taches
des ailes supérieures, on établit les 2 séries parallèles suivantes :
A 3 taches : Athanianthœ, A 4 taches : Peucedani,
Roseo albescens,
Aiaciis, Macus,
Transiens,
Falcatœ, Ephialtes,
Trigonellœ, Coronillœ,
jEmilii, Sophiœ.
Mais ce qui est intéressant pour Sophiœ, c'est qu'elle est, d'après
M. Arnold Wullschlegel, le produit de l'union à l'état libre de
Filipendidœ cf avec Ephialtes Q. 11 paraît que l'on ne trouve pas
la réciproque, c'est-à-dire l'accouplement de Ephialtes cf avec
Filipendidœ Q.
Voici d'ailleurs ce que M. Wullschlegel, sollicité par moi, a bien
voulu m'écrire. Sa communication étant en allemand, je la livre
telle quelle à la connaissance du public; mais je la fais suivre de
la traduction française que j'ai faite aussi littérale que possible :
« Einige Notizen ueber Zygœna Ephialtes, var. Sophiœ, E.
Favre; hybride : Filipendidœ çj — Ephialtes Q.
Schon seit einigen lahren, fand Ich im Freien, von Ende Juni
bis Mitte August, die oben genannten Zygœnen in copulâ und aus
der Zucht bezueglicher Eierablage erhielt Ich dièse schœnen
Zygœnen Varietaeten.
Die Raupen naehrten sich von Coronilla l'aria und zwar erreich-
ten dieselben erst im dritten lahre ihre vollstaendige Groesse.
Yerwandlung im Juni in weissen Cocon und lieferten den Falter
von Ende Juli an bis Mitte August.
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPAREE 4/
Bei guenstigen lahren kommt es vor dass schon im ersten oder
zweiten lahr ein gewisser Prozentsatz circa 3-8 % den Falter
liefert, aber das Gros erscheint erst im dritten Sommer.
Zum Vergleich fuegte noch ein Paar hiesiger Ephialtes typische
Form bei.
Die Folgen der Verbindung zwischen Filipendidœ cf Ephialtes
Q manifestirt sich speciell in der Bildung von einem zweiten
weissen Flecken, auf den Hinterfiuegeln manchmal noch mit
einem rothen oder weisslichen Fleck nur unterhalb sichtbar.
Saemmtlich Flecken haben die Tendenz zur Vergroesserung oder
werden bei einigen Exemplaeren auf den Oberfluegeln ganz roth.
Einen Anfang von rother Fleckbildung bemerkt man auch bei
einzelnen Stuecken an der Basis der Hinterlluegel.
Die var. l'Ernilii, Favre ist sehr selten ebenso die gleiche Form
bei var. Coronillœ.
Merkwuerdiger Weise trift man im Freien nie eine Copula von
Filipendidœ Q mit Ephialtes cf ebenso wenig mit anderen
Zygœna-h.x\.ç.n welche gleichzeitig mit Ephialtes erscheinen.
TRADUCTION FRANÇAISE
Quelques renseignements sur Zygœna Ephialtes, var. Sophiœ,
L. Favre, hybride : Filipendidœ çS x Ephialtes Q .
Il y a déjà quelques années, j'ai trouvé à l'état libre, de la fin de
juin jusqu'à la fin de juillet, les Zygœna ci-dessus nommées ijt
copidâ et de l'éducation de la ponte j'ai obtenu ces belles variétés
de Zygœna.
Les chenilles se nourrissaient de Coronilla varia et elles n'attei-
gnaient réellement pas leur complète grandeur avant la troisième
année.
La transformation en un cocon blanc avait lieu en juin et l'éclo-
sion des papillons se faisait de fin juin jusqu'à la mi-août.
Dans les années favorables, il arrive que déjà dans la première
ou la seconde année, il se fait une production de papillons pour
48 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
une proportion d'environ 3-8 % ; mais le gros ne paraît que dans
le troisième été.
Pour la comparaison, j'ai joint une paire d'Ephitultes de forme
typique d'ici.
Les conséquences de l'accouplement entre Filïfendidœ çS et
Ephialtes Q se manifestent spécialement dans l'apparition d'une
deuxième tache blanche sur les ailes inférieures, souvent encore
avec une tache rouge ou blanchâtre visible seulement en dessous.
En général, les taches ont une tendance à l'agrandissement ou
deviennent chez certains exemplaires tout à fait rouges sur les
ailes supérieures.
On remarque un commencement d'apparition de tache rouge
chez quelques exemplaires à la base des ailes inférieures. La
variété /Eniilii Favre est très rare, aussi bien que la forme sem-
blable dans la variété Coronïllœ.
Ce qui est remarquable, c'est qu'on ne rencontre jamais en liberté
un accouplement de Filipendulce Q avec Ephialtes cf, également
peu d'accouplements avec les autres espèces de Zygœna qui
paraissent en même temps o^Ephialtes.
Les figures 25, 26 et 27 de la planche III représentent des
Zygœna Sophiœ, donc des produits hybrides de Filïpendidœ cf et
Ephialtes Q éclos en aoiit, à Martigny; ma collection en contient
45 exemplaires variant pour la grosseur et le coloris des taches des
ailes supérieures; le n" 25 est l'échantillon avec pupillation rouge
sur les taches blanches des ailes supérieures, offrant la plus grande
tache; le n° 27 est conforme à la normalité.
Maintenant il y a un problème auquel je ne puis encore répondre.
Les Falcatœ de Vernet, à taches pupillées de rouge, sont-elles
elles-mêmes des produits hybrides d'un accouplement de Diibia,
si abondante aux environs de Saint-Martin-du-Canigou, avec
Falcatœ? Je n'ai jamais vu cet accouplement; mais de ce que je ne
l'ai pas vu, on ne peut évidemment conclure que cela n'a pas
pu avoir lieu. Il y a donc des investigations à faire dans ce sens
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE 49
et j'en signale l'intérêt à ceux qui aiment à étudier la nature sur le
vivant.
Au sujet de ces hybridations de Zygœna à l'état libre, j'ai signalé
dans les Etudes d'Entomologie (XX*^ liv., p. 53), l'union constatée
par feu Achille Guenée d'une Filipendidœ cf (toujours Filipen-
didce cf) et d'une Achilleœ Q. Ces 2 papillons étaient dans la col-
lection Guenée et je crois devoir transcrire ici textuellement la
longue étiquette écrite par Guenée en caractères si uns qu'il faut
presque une loupe pour les lire. Je n'avais relaté qu'une partie de
l'étiquette manuscrite de Guenée dans les Etudes d'Entomologie
(loc. citât.).
« Hybride — Genève. J'ai pris au pied du Salève les 2 Zygènes
ci-dessous accouplées : (^Achilleœ et Filipendidœ). Les quelques
Achilleœ que j'ai prises dans la même localité étaient toutes sem-
blables aux n"" I, 2, 3 qui ont, comme on peut le voir, les antennes
d'une autre forme que les Achilleœ ordinaires. Je suppose donc
qu'elles-mêmes sont des hybrides, comme au reste la Q elle-même
accouplée. Celle-ci m'a pondu des œufs et les chenilles sont écloses;
mais je n'ai pu les élever. Je remarque la forme de la dernière
tache; mais elle n'est pas exclusive à cette hybride. »
Il résulte de toutes ces observations que la Zygœna Filipendu-
lœ cf recherche volontiers, à l'état libre, les Q de différentes espèces
congénères et que cette même Filipendidœ crée des hybrides natu-
rels variés. Je pense que ces produits hybrides sont généralement
inféconds, car il ne semble pas que les espèces soient pour cela
atteintes dans leur stabilité et que la pureté de leur personnalité
spécifique en soit compromise. Cependant les produits hybrides
de Celerio Euphorbiœ cf et Vespertilio Q sont considérés comme
féconds. Il serait donc fort utile à la Science que les cas d'hybri-
dation entre Zygœna, plus faciles à constater que ceux entre Cele-
rio, fussent portés à la connaissance du public par les entomolo-
gistes à qui les circonstances permettent de constater des unions
authentiques entre papillons de deux espèces distinctes. La ques-
tion n'a pas encore été étudiée complètement et il y aura d'inté-
ressants résultats à obtenir au moyen des observations ultérieures.
50 LEPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
A ce sujet, il me paraît utile de rappeler une notice qu'on peut
lire dans les Annales de la Société entonwlogique de France, 1832,
p. 232, et d'après laquelle ce ne serait pas toujours la Zygœna Fili-
pendidœ cf, mais aussi bien la Q qui serait rendue responsable
d'un accouplement avec une espèce étrangère : « M. Lefebvre pré-
» sente une remarque curieuse que lui communiqua, à son passage
» à Vienne, M. Treitschke : c'est l'accouplement de la Zygœna
» Filipendidœ Q avec la Zygœna Fphialtes cf jaune, hybridisme
» dont il eut souvent la preuve.
» M. Lefebvre en vit 2 paires se tenant encore ensemble dans
» sa collection sur 5 qu'il avait prises en 18 17. M. Treitschke pense
» que la Zygœna Ephialtes rouge doit naissance à cet accouple-
» ment hybride, vu que, d'après ses observations, il n'y a jamais
» d'accouplement soit entre la Zygœna Ephialtes jaune et rouge,
» ou bien entre les Ephialtes rouges, soit enfin entre VEphialtes
» rouge et la Filipendidœ »
Il y a certainement dans cette note une part de vérité et sans
doute aussi une part d'erreur; je ne puis croire, en effet, que les
Zygœna Ephialtes rouges ne s'accouplent pas entre elles et c'est
précisément l'accouplement à'Ephialtes rouge et de Filipendidœ,
mais de Filipendidœ cf, qu'a constaté M. Wullschlegel.
Dans le même numéro des Annales (année 1832), M. de Villiers
de Chartres (p. 421) constate qu'il a trouvé dans le lit du canal
construit par Louis XIV pour conduire les eaux de la rivière d'Eure
à Versailles (canal qui n'a jamais été achevé) une Q de Zygœna
Minos accouplée à un cf de Zygœna Filipendidœ. Ici, comme dans
l'observation de Guenée relative à l'accouplement de Filipendidœ
et Achilleœ, et dans la note de M. Wullschlegel par rapport à
Filipendidœ et Ephialtes, c'est le cf Filipendidœ qui intervient
comme auteur de l'hybridation.
Boisduval n'accepta cependant pas comme indiscutable l'obser-
vation précitée de M. de Villiers, transmise à la Société entomol.
de France par Duponchel; car dans les Annales de la même année
1832, on peut lire : « Notice sur un accouplement de deux Zygènes
» d'espèces différentes (la Zygœna Filipendidœ cf avec la Zyg.
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE 5Ï
» Minos q) observé par M. de Villiers, de Cheirtres. M. Boisduval
» pense qu il peut y avoir erreur et que J\I. de Villiers aura pris
» sans doute une Zygwna Filipendidce Q à taches confluentes
» pour une Zygœna Minos Q avec laquelle cette variété de la
» tïlïpendulœ a quelques rapports. »
Il y avait donc chez les entomologistes de ce temps-là quelque
défiance à l'endroit des observations concernant les unions hybrides
des Lépidoptères, à l'état de liberté. Pourtant Boisduval lui-même,
dans la Monographie des Zygénides (1829, p. 5), déclare qu'il lui
est arrivé quelquefois de trouver des espèces différentes de Zygœna
accouplées ensemble; ainsi : la FiLipcndidœ accouplée avec la
Peucedani et la TrifoUi avec VHippocrepidis. Mais ce qu'il consta-
tait lui-même, il le jugeait sans doute mieux observé et plus sûre-
ment acquis que ce c]ue pouvaient observer les entomologistes ses
contemporains ?
Quoi qu'il en soit, depuis 1832 et les observations de feu Le-
febvre en suite de celles de Treitschke, les entomologistes autri-
chiens qui ont la chance de trouver dans leur pays réunies presque
toutes les formes de P eiicedani-Rphialtes, doivent être parfaite-
ment fixés sur tout ce qui intéresse la biologie de cette Zygœna.
Je serais donc heureux si ce modeste travail pouvait avoir comme
résultat de provoquer de la part de nos confrères viennois la publi-
cation de leurs observations. Nous connaîtrions certainement, par
l'exposé de leurs instructives constatations, ce qu'il peut y avoir
de fondé dans le récit que fit Alexandre Lefebvre à notre Société
entomologique de France, d'après les souvenirs de son voyage. En
France, je ne crois pas que la forme jaune d'Ephialtes : Coronillœ
ou Trigoncllœ, ait été rencontrée autrement qu'à l'état d'aberration
fort rare. De l'autre côté des Alpes, au contraire, et en Autriche
notamment, les circonstances naturelles sont plus favorables.
J'espère donc un peu de lumière et d'avance je remercie les obli-
geants Lépidoptéristes qui voudront bien me faire participer à la
Science qu'il leur a été donné d'acquérir.
52 LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE
XII. — Zygsena Fausta, Linn., ab. tricolor, Obthr.
(PI. III, ûg. 28 et 29).
Si l'on veut bien se reporter à la planche VII de la XX** livraison
des Etudes d'Entomologie et comparer l'aberration de Zygœna
Hilaris qui y est figurée sous le n° 130 aux figures 28 et 29 de la
planche III du présent ouvrage, représentant des aberrations de la
Zygœna Fausta, on constatera que la Fausta n° 29 varie confor-
mément à la loi de variation subie par V Hilaris vf 130; c'est-à-dire
élargissement du liséré jaune qui borde les taches rouges ordi-
naires et envahissement de la couleur bleu d'acier qui fait le fond
des ailes, par ce liséré jaune élargi.
Chez la Fausta n° 28, c'est le même ordre d'aberration; mais les
parties rouges s'élargissent aussi et ont un peu réduit les espaces
jaunes; le fond bleu des ailes persistant d'ailleurs en un petit
point subapical et en un liséré costal et marginal qui se remarque
aussi dans la Zygœna Hilaris n° 130.
Les 2 Zygœna Fausta-Tricolor proviennent des environs de
Digne, 011 elles ont été prises en 1900.
XIII. — Zygraena Carniolica, Se. :
Ab. Weileri, Stgr. (PI. III, fig 31).
Ab. Tricolor, Obthr. (PI. III, fig. 30).
Transitus inter Weileri et Tricolor (PI. III,
fig- 32).
Suivant la loi de variation qui atteint les Zygœna F austa-Tri-
color (PI. III, fig. 28 et 29) et Hilaris {Etud. d'Etit., XX" livr.,
pi. VII, ûg. 130) et qui consiste dans l'élargissement du liséré
blanc ou jaune entourant les taches rouges des ailes supérieures
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE 53
de certaines espèces du genre Zygœna, la Carniolica tend assez
fréquemment à présenter cette aberration à laquelle je maintien-
drai le nom de Tricolor. J'ai sous les yeux plusieurs exemplaires
pris en juillet, aux environs de Martigny, par M. Wullschlegel ;
l'un d'eux, figuré sous le n° 30, a le fond des ailes blanchâtre dans
le genre de l'aberration andalouse Albicans, mais d'une teinte
blanche moins pure et moins éclatante; il reste dans tous les exem-
plaires de Carniolica-Tricolor que j'ai vus, des traces grisâtres,
vestige de la teinte bleu d'acier du fond des ailes qui n'est pas
absolument recouverte ou remplacée (*). Comme dans la Zygœna
Fausta n" 28 de la planche III, la Carniolica n" 32 de la même
planche présente le développement des taches rouges combiné
avec celui du liséré blanchâtre qui les borde, pour absorber la
teinte bleu d'acier du fond des ailes. L'exemplaire figuré sous le
n° 32, pris à Martigny comme le n'' 30, fait le passage au n° 31,
chez qui les taches rouges ordinaires confluent en une longue tache
bilobée vers son extrémité extérieure et appartenant à l'aberration
Weileri Stgr. L'échantillon qui a servi de modèle à la figure 31 a
été récolté aux environs de Carlsruhe, dans le grand-duché de
Bade. Chez toutes les espèces de Zygœna, les taches rouges des
ailes supérieures peuvent confluer; c'est encore là une des lois de
variation du genre Zygœna.
XIV. — Chondrostegra Constantina, Aurivil-
LIUS (PI. IV, Cf fig. 46, Q fig. 53).
Fidèle à la doctrine : « Pas de bonne figure à l'appui d'une
description, pas de nom valable », je profite de la publication de
cet ouvrage pour donner la figure des deux sexes de Chondrostega
Constantina, dont j'ai publié la description dans le Bulletin de la
{*) Le P. Engramelle figure (pi. XCIX, 140, gr, h; Papillons d'Europe)
la même aberration tricolor d'après un cf appartenant à M. le professeur
Hermann, à Strasbourg-.
54 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
Société entomologique de France, 189S, p. 230 et 231. C'est à
M. Al. Olivier que je dois la possession de ces intéressants docu-
ments. Les 2 papillons qui ont servi de modèle aux figures 46 et 53
de la planche TV proviennent de la province de Constantine.
XV. — Nemeophila Cervîni, Fallou, var. Hna-
tecki, Frey (PL I, fig. i, 2, 3, 4).
Après avoir choisi la Lozère pour but de son excursion provin-
ciale annuelle de 1863, ce fut vers les Alpes du Valais que la
Société entomologique de France dirigea son exploration estivale
de 1864.
La raison de cette décision était que dans les premiers jours
d'août 1863, notre excellent compagnon du Vernet et de Florac,
feu Jules Fallou, s'était rendu à Zermatt et y avait exceptionnel-
lement réussi dans ses captures.
En ce temps-là, Zermatt était un village relativement peu connu.
Aujourd'hui des milliers de touristes parcourent chaque été la
vallée de la Viège; un train direct amène de Paris les voyageurs
jusqu'à Zermatt. Us peuvent s'arrêter en ce charmant séjour où de
nombreux hôtels les attendent; ils peuvent aussi se servir immé-
diatement du tramway électrique grâce auquel les stations de
Ryffelalp, Ryffelberg et Gornergrat deviennent très facilement et
rapidement accessibles. Il y a 40 ans, ce n'était point ainsi; un
sentier très pittoresque, mais étroit, plutôt fait pour les piétons
que pour les mules, reliait Viège à Zermatt. On louait des porteurs
qui se chargeaient des bagages et on parcourait en un ou deux
jours le chemin d'ailleurs jalonné d'une succession de villages 011
l'on recevait la plus accueillante hospitalité.
Jules Fallou, en quittant les Cévennes, à la fin de juillet 1863,
avait l'intention d'aller respirer l'air des glaciers; il arriva un peu
tard à Zermatt pour faire une ample moisson de papillons encore
frais; l'année avait été chaude et les Diurnes qui volaient cepen-
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE 55
dant en grand nombre étaient sur le déclin de leur courte existence.
Il en captura néanmoins beaucoup et de fort intéressants; mais
ce fut en faisant l'ascension du Gornergrat, d'où la vue s'étend
sur une si prodigieuse ceinture de neiges et de glaces, que Jules
Fallou, soulevant des pierres, eut le bonheur de trouver la première
femelle de Nenieophila Cervini.
Cette découverte est déjà vieille de plus de 40 années; à coup
sûr l'Entomologie s'est considérablement développée depuis cette
date et d'immenses progrès ont été réalisés dans la connaissance
de faunes alors complètement ignorées. Cependant la découverte
d'une Chélonide jusquedà inconnue est toujours un événement
entomologique important, surtout quand c'est en Suisse, pays si
fréquenté par les naturalistes. Aussi je me souviens de l'émotion
générale, lorsque Jules Fallou produisit sa Nenieophila Cervini à
la Société entomologique de France.
En 1863, personne encore n'avait pu arriver jusqu'à la pointe
du Mont-Cervin ou Matterhorn (*) dont la pyramide singulière,
dressée au-dessus du plateau élevé qui lui sert d'assise, frappe et
attire les regards, dès qu'on est parvenu à Zermatt. Bien que la
Nenieophila Cervini ait été trouvée tout près du Gornergrat et
nullement au pied du Cervin même, Fallou voulut que son papil-
lon portât le nom de cette gigantesque pierre qui lui sembla la
montagne insigne, parmi toute cette série de pics et de pointes qui
bornent au sud la vallée de Zermatt, la bordent à l'est et à l'ouest
et vers le nord limitent le cours du Rhône.
Feu Jules Fallou, animé des sentiments d'excellente camara-
derie qui rendait si agréables les relations entomologiques de
cette époque, ne se borna point à nous faire part de son heureuse
trouvaille; il nous convia à venir, l'été suivant, avec lui, au lieu
même où il avait recueilli la première femelle de Nenieophila
Cervini.
(*) Je crois me rappeler que des Ang-Iais firent la première ascension du
Cervin en 1865 et que la conquête de cette cime coûta la vie à plusieurs
hommes, touristes et guides. Maintenant l'escalade du Mont-Cervin est
chose assez fréquente; elle a d'ailleurs été facilitée par quelques travaux.
56 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
Nous nous trouvâmes donc à Genève, à la fin de juin 1864,
MM. Fallou, Guenée, Constant, Jourdheuil et moi. A Zermatt, où
nous arrivâmes après deux jours d'une marche très fructueuse
pour nos collections, nous eûmes le vif plaisir de trouver M. Gaston
Allard, arrivé un jour avant nous, du fond de l'Algérie dont il
avait entrepris l'exploration entomologique.
Donc, nous étions réunis à Zermatt, six Lépidoptéristes unis par
des liens d'affection et d'estime, ayant déjà exploré ensemble les
Pyrénées ou les Cévennes, et nous passâmes d'excellents et inou-
bliables jours, du commencement de juillet au commencement
d'août, favorisés par le beau temps et dans une région qui était
alors exceptionnellement riche en Lépidoptères.
Je me souviens encore d'une prairie, là oi^i s'élève maintenant
l'hôtel Ryffelalp. Sans doute étant amateur de mes aises, je le
confesse humblement, je me trouve heureux qu'une si belle et
confortable construction ait été élevée dans un site à tous égards
si propice et dont je profite bien volontiers à l'occasion. Néan-
moins je regrette la bonne localité disparue. Tous ensemble, nous
y pouvions constamment capturer des papillons intéressants et
nous nous y trouvions sans cesse agréablement et utilement occu-
pés, sans qu'aucim pût causer la moindre gêne à ses compagnons.
Nous ne tardâmes du reste point à retrouver la Nemeophila
Cervini, dont la chenille et la chrysalide n'étaient pas rares sous
les pierres, à une demi-heure de marche du sommet du Gornergrat,
et j'eus l'honneur d'écrire en notre nom collectif, à la Société ento-
mologique de France, une lettre qui fut insérée au Bulletin (1864,
p. XXIX et XXX), et où se trouve relatée notre réussite. C'était alors
que nous résidions à l'hôtel Ryffelberg, où nous fîmes quelques
stations assez prolongées, que le premier mâle de Cervini vint à
éclore dans ma boîte. Voir pour la première fois vivante une
espèce remarquable dont jusqu'alors une seule femelle était con-
nue, est une jouissance que tous les Entomologistes comprendront
et qu'on ne savoure pas assez souvent au cours de sa carrière pour
en perdre jamais le souvenir.
En 1866, nous retournâmes à Zermatt; nous y demeurâmes
LÉPIDOPTEROLOGIE COMPAREE 57
environ cinq semaines, faisant toujours les chasses les plus fruc-
tueuses; puis M. et M"^^ Alexandre Constant, M. le capitaine
Constant et moi, nous quittâmes Zermatt où restèrent M. et
M"^ Fallou et M. Guenée, à qui était venu tardivement s'adjoindre
un entomologiste de Versailles, M. Delorme; nous franchîmes le
col du Saint-Théodule, nous descendîmes à Novare par Châtillon
et Ivrée; nous revînmes en Suisse par le Lac Majeur et le Simplon
et nous rejoignîmes à Viège nos amis avec qui nous rentrâmes en
France, chargés du plus précieux butin.
Beaux jours d'autrefois, vous avez fui rapides, me laissant
cependant l'impérissable souvenir d'une joie douce et pure, dans
le commerce si aimable de l'amitié et au milieu des plus belles
scènes de la nature alpestre. Si les Pyrénées sont comme un aimant
pour moi, Zermatt conserve aussi l'attrait que la chère mémoire
des hommes et le charme toujours renouvelé du paysage exercent
sur l'esprit et le cœui
En 1892 et en 1898, je retournai à Zermatt; nous séjournâmes
à Ryffelalp et à Ryffelberg. Mes vieux compagnons n'étaient plus
avec moi; mais j'évoquais de chers souvenirs en montrant à ma
famille les lieux où jadis je m'étais trouvé en la société de mes
amis. Avec ma femme et mes fils, en juillet 1892, je reconnus la
place où vit la Nemeophila Cervini. Nous ne pûmes pas chasser
longtemps, l'inclémence persistante du ciel, pendant une partie de
juillet, rendant, cette année-là, toute excursion presque impossible.
Pourtant il y avait encore des Cervini en 1892; nous prîmes
3 femelles posées sur les pierres où elles avaient déjà déposé leurs
œufs et nous rapportâmes quelques chrysalides d'où sortirent
3 mâles et i femelle. Je ne reverrai plus sans doute un pareil
résultat, bien que notre courte exploration d'un seul jour, en 1892,
soit restée limitée aux plus proches environs du sentier qui mène
au Gornergrat et n'ait presque point pu s'étendre sur les pentes
rocailleuses voisines. En juillet 1898, la neige recouvrait les lieux
où habite Cervini; jamais on n'avait vu une couche de neige aussi
épaisse. Pour aller au Gornergrat, il fallait suivre, entre des murs
de neige de deux mètres de hauteur, un étroit chemin tracé de
58 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
main d'homme. Cette fois, l'hivernage fut de longue durée pour
Cervini.
Mais depuis cette époque, il semble que des recherches aient été
entreprises, comme pour arriver à produire l'extinction de Nemeo-
phila Cervini, aux lieux mêmes oii la découverte en avait été faite.
En juillet 1902, voyant toutes les pierres déjà méthodiquement
relevées et trouvant à peine çà et là et de loin en loin une chenille
ou une chrysalide, je me demandais si la Suisse était destinée à
voir sa faune lépidoptérologique menacée de diminution par le
zèle immodéré des amateurs.
Cervini aurait-elle bientôt au Gornergrat le sort de Polyom-
7natus dispar et Noctua subrosea en Angleterre?
La chose est, hélas ! probable.
Mais il y a une réserve, c'est Hnatecki qui nous la donne, puisque
la localité semble être encore inconnue, tout au moins du plus
grand nombre.
Anderreg a découvert dans le massif du Simplon la place où
vit Hnatecki. Jaloux de son secret, le vieux chasseur valaisan en a
fait part à bien peu de confrères, si même il a favorisé quel-
qu'un de sa confidence. Au milieu de l'inextricable réseau de
cornes qui forment les sommets du Simplon, sans parler des
autres montagnes voisines de Briggue et de Gamsen, on peut
longtemps ascensionner au-dessus de 2.500 mètres, avant de ren-
contrer la place, peut-être assez limitée en surface, où se propage
Hnatecki. Elle semble une forme tendant à faire pour Cervini ce
que Falloui, Jourdheuil, fait pour Quenseli. Ses ailes peuvent être
à peu près totalement dépourvues des dessins noirâtres et presque
uniformément colorées de la teinte ochre-jaune du fond. Mais
Hnatecki est fort variable. Les 4 exemplaires que j'ai fait repré-
senter sous les n°^ i. 2, 3 et 4 de la planche I de cet ouvrage ren-
seignent à ce sujet. Depuis que la gravure de la pi. I est achevée,
j'ai reçu une Q Hnatecki encore beaucoup moins marquée de
noirâtre que la g n" 4; on peut donc obtenir Hnatecki tout à fait
unicolore. Au Gornergrat, au contraire, la forme Cervini semble
tendre au mélanisme et les Hnatecki n"^ 2 et 3 de la planche I
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE 59
sont encore beaucoup moins obscurcies par les dessins bruns que
la plupart des exemplaires de Cervini, du Gornergrat. De plus,
chez Cervini la teinte ochre du fond des ailes est plus pâle et moins
jaune que chez Hnatecki; mais il convient d'observer que les
exemplaires rencontrés parfaits dans la nature, par exemple les
g écloses sous les pierres, ont toujours la teinte ochre du fond
plus pâle que les individus éclos dans des boîtes et piqués dès que
leurs ailes sont convenablement séchées et durcies. Il semble que
le contact des Cervini avec l'atmosphère de leur patrie les blan-
chisse très rapidement. Il en arrive de même, je crois, pour les
Fasciata qui sont écloses dans la nature. VilUca, cependant, ne
paraît pas subir cette influence blanchissante de l'air extérieur;
sa nuance nankin est sans doute moins délicate que celle de ses
congénères.
XVI — Bryophila Simulatricula, Guenée (PI IV,
fig- 52).
La figure donnée par Guenée dans le Spccies général (PI. III,
fig. 4) est à tort coloriée en brun. C'est en gris qu'il eût fallu colorier
S'nnnlatricula. D'ailleurs la description de Guenée (Sp. g., Noctué-
lites I, p. 26) est formelle : « ailes supérieures d'un gris cendré,
très légèrement nuancé de verdâtre, surtout au bord interne. »
Peut-être Guenée a-t-il par erreur remis au peintre, pour modèle,
une Frnudatricida?
Le type (ex coll. Boisduval) est encore très bien conservé. Il
est conforme à la Bryophila que M. le chanoine Favre prend de
temps en temps, à Martigny, au commencement d'août, dans les
bâtiments mêmes du couvent des religieux Augustins du Grand-
Saint-Bernard. J'ai fait figurer un cf que M. le chanoine Favre
captura dans les premiers jours d'août igo2, alors que nous étions
ensemble à Martigny et qu'il voulut bien m'offrir. Les dessins et
surtout les lignes noires sont moins distinctement écrites que chez
6o LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
Shnulatricula type; mais il n'y a pour moi aucun doute quant à
l'exacte identification de cet exemplaire valaisan.
J'avais communiqué le type Sinuilatricula à Staudinger, ainsi
que l'atteste l'étiquette « vu par Stgr pour le Catal. 1900 » que
portent, dans ma collection, tous les papillons qui furent soumis
à l'examen de cet auteur.
Je ne crois pas que Simidatricula soit une variété de Frauda-
Crïcîda, comme Staudinger l'a jugé, mais avec doute; je crois que
Simidatricula est une espèce distincte. Les ailes inférieures sont
bien d'un blanc sale bordées de noirâtre et non brunes comme
celles de Fraudatricula; je possède un exemplaire de Sebdou
(D"" Codet) assez fruste, mais qui me paraît être aussi Simidatri-
ada.
XVII. — Pachnobia Hyperborea, Zett., var. Al-
pina, HUMPHREY et Westwood (PI. I, fig. 9 et
10) et var. Ryffelensis, Ch. Obthr. (PL I,
% II)-
En juillet 1902, un éclairage électrique fut installé devant les
hôtels Ryffelalp. Des lampes à arc répandaient une vive lueur
et attiraient souvent beaucoup de papillons, surtout lorsque le
temps était humide et même pluvieux. L'abondance des Noctuelles
était, certains soirs, considérable; mais les Pliisia Gamma, à partir
de 10 heures, devenaient extrêmement gênantes, se trouvant
mélangées en trop grande quantité aux autres espèces. Difficiles à
reconnaître au vol, elles absorbaient un temps qui eût été bien
mieux employé à capturer les Noctuelles alpines tourbillonnant
en compagnie des Gamma, autour des lampes. Parmi les meilleures
espèces, je citerai Pachnobia Hyperborea dont les mœurs étaient
assez particulières. Tandis que la plupart des Agrotis, Triphœtia,
Mamcslra voltigeaient sans arrêt près des lumières, Hyperborea,
après avoir décrit quelques évolutions, s'abattait sur le sol mouillé
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE 6l
et y restait quelquefois jusqu'au matin suivant. La pluie, tombant
à verse, ne l'impressionnait pas. Cette Fachnobia Hyperborea est
fort intéressante, notamment pour le fait suivant.
Dans le nord de l'Angleterre, la forme à^ Hyperborea {Alpma,
H. et W.) a les dessins rougeâtres, tandis qu'en Laponie et en
Suisse, une teinte gris-violâtre ou gris-ardoisé remplace cette colo-
ration rougeâtre.
Il en est exactement de même pour la Nociua Siibrosea Ste-
phens, d'un gris violâtre en Russie et rougeâtre en Angleterre où
elle est actuellement malheureusement éteinte. Une même cause a
donc agi sur la coloration de Pachnobia Hyperborea et de Nociua
Snbrosea. Quelle est-elle? Je l'ignore. Seulement la constatation
n'en est pas contestable.
Je juge sur 20 Snbrosea anglaises et sur 29 Subrosea-Subcœrulea
de Russie septentrionale. Toutes les Snbrosea appartiennent à une
même forme qui ne se dément pas. Il en est de même pour les
Subcœrulea.
Pareillement 25 Hyperborea des îles Shetland (Meek) et
d'Ecosse (Perthshire-Salvage et Rannoch-Reid) sont parfaitement
rougeâtres, quoique variant individuellement, ainsi que le dé-
montrent comparativement le n° g de la planche I (Rannock) et le
n° 10 (Shetland).
En face, dans ma collection, 11 Hyperborea de Laponie sont
du même gris un peu violâtre que les Subcœrulea de Saint-Péters-
bourg. Je dois dire cependant que Hyperborea-Carnica de Carin-
thie a le fond des ailes lavé de rougeâtre, tandis que je ne connais
encore aucune forme continentale rouge de Snbrosea.
La forme Hyperborea de Ryffelalp est différente de la forme
de Laponie. Elle est d'un gris ardoisé plus sombre et paraît géné-
ralement plus grande; je la distingue sous le nom de Ryffelensis.
Le n° 1 1 de la planche I représente Hyperborea-Ryffelensis.
62 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
XVIII — Dasycampa Rubig:inea, Fab (PI IV, var.
fig. 40, 41, 42, 43), et Dasycatnpa Stau-
d'tngerl, de Graslin (PI. IV, var. ûg. 47, 48,
49. 50, 5 0-
J'ai publié dans le Btilletin de la Société enlom. de France, 1900,
p. 352-57, une Notice sur divers Cer astis français et sur les Dasy-
campa Rubiginea et Staiidingeri qui avaient fait l'objet d'une
étude en commun par le D'' Staudinger et moi. Mais Staudinger
était mort le 13 octobre 1900; nos discussions entomologiques
avaient donc été brusquement interrompues avant la publication
du Catalog qui porte la date de mai igoi. La notice précitée
signale déjà les divergences d'opinion, cependant non résolues
définitivement, qui existaient entre nous, au sujet du classement
des variétés dont j'avais présenté de nombreux spécimens à l'appré-
ciation de Staudinger; elle ne prévoyait pas la façon dont M. Rebel
trancherait les questions pendantes.
Je crois que bien des corrections, dans l'intérêt de la vérité
scientifique, sont à faire au Catalog de 1901, mais notamment au
genre Orrhodia, tel qu'il est ordonné dans cet important ouvrage.
Tout d'abord, je persiste à croire que le genre Dasycampa doit
être maintenu pour les deux : Rubiginea et Staudingeri. Les che-
nilles sont velues; ce caractère, exception peut-être unique dans le
groupe des Orthosidœ, a une valeur générique très suffisante ;
aussi je partage de plus en plus, d'accord avec l'émment lépidop-
tériste anglais Charles Barrett, l'opinion émise par Guenée, au
sujet du genre Dasycampa, créé par cet auteur et maintenu au
moyen d'excellents arguments, à la page 387 du V^ volume du
Species général.
Je ne sais pas encore exactement si Rubiginea et Staudingeri
forment, ou non, deux espèces distinctes. La preuve, encore à
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE 63
faire (*), résultera de la comparaison des premiers états de Riibi-
ginea et Staiidïngeri. Jusqu'à plus ample informé, je pense qu'il y
a deux espèces séparées et je les range, comme suit, avec leurs
nombreuses variétés :
I . Dasycampa rubiginea, Fabr., etc. Angleterre, Europe centrale.
a. Form. geogr. Fornax, Butler (lllustr. Lep. Het. Brit.
Mus. III, pi. 44, fig. Il) Japon.
b. Ab. alis anticis brunneis vel castaneis, albido pictis, Gras-
liniy Stgr. Catalog, 1901, n" 2167, p. 210); Obthr (Lépid.
comp., pi. IV, fig. 40 exempl. de Martigny; ûg. 41 exempl.
de Digne) Valais, Basses-Alpes.
c. Ab. alis anticis brunneis, ochraceo-flavescenti pictis, Mo-
desta, Obthr. (Lépid. comp., pi. IV, fig. 42, exempl. de
Martigny) Valais, Basses-Alpes.
• d. Ab. alis anticis obscure castaneis, fere unicoloribus, niten-
tibus, Compléta (Stgr. in litteris), Obthr. (Lépid. comp.,
pi. IV, fig. 43) Valais, Basses-Alpes.
e. Ab alis anticis unicoloribus, rufo-brunneis, non nigro-punc-
tatis, Unicolor, Tutt; Stgr. (Cat. 1901, n° 2167, p. 210).
Angleterre, Basses-Alpes.
/. Ab. Alis anticis rufo-brunneis, fere non nigro-punctatis; alis
infer. late ochraceo-flavescenti marginatis. Banetti, Obthr.,
var. 2^ Barrett (the Lepidoptera of the british Islands,
pi. 233, fig. 2*") Angleterre.
2. Dasycampa Siandingcri, de Graslin (Annales Soc. ent. France,
1863, pi. 8, fig. 4, exempl. de Grenade; fig. 5, exempl. de
Vernet-les-Bains) ; Obthr. (Lépidopt. comparée, pi. IV,
fig. 49, exempl. de Digne).
Andalousie, Pyrénées-Orientales, Basses-Alpes.
(*) La composition typographique de cet article était achevée avant
la publication de la notice de M. Daniel Lucas, dans les Annales de la
Société eiitomoJogique de France (3e trimestre 1903, p. 403, 404; distribué
fin février 1904).
64 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
a. Ab. alis anticis, cmereo-griseis, plus minusve nigro sparsis,
Polita, Stgr. (Catalog 1901, n" 2165, p. 209); Obthr.
(Lépid. comparée, pi. IV, 'h.^. 48, exempl. de Digne).
Basses-Alpes.
b. Ab. alis anticis cinereis, rubro-anrantiaco-ochraceo fimbriatis
et sparsis, paullum obscure signatis, Livina, Stgr. (Catalog
1901, n° 2165, p. 209); Obthr. (Lépid. comparée, pi. IV,
fig. 47, exempl. de Digne) Basses-Alpes.
c. Ab. alis anticis fulvo-griseis vel ligneis, plus minusve fusco
signatis, Scortina, Stgr. (Catalog 1901, n° 2165, p. 209);
Obthr. (Lépid. comparée, pi. IV, fig. 50, exempl. de Digne).
Basses-Alpes.
d. Ab. alis anticis fere unicoloribus, rubrescenti-ochraceis,
paucissime signatis, Uniformis., Stgr. (Catalog 1901,
n" 2165, p. 209); de Graslin (Ann. Soc. ent. France, 1863,
p. 318, 319) Pyrénées-Orientales, Basses-Alpes.
e. Ab. alis anticis ut suprà, sed minus uniformis, magis signata,
Unkolor, Stgr. (Catalog 1901, n° 2167, p. 210); Obthr.
(Lépid. comparée, pi. IV, fig. 51, exempl. de Digne).
Basses-Alpes.
/. Ab. alis anticis obscure nitideque rubro-castaneis, bene
signatis, e larva pilosa educat. Vaccinioides. Obthr.
Pyrénées-Orientales.
De tout ceci, il résulte que je ne suis point d'accord avec Stau-
dinger et Rebel, lorsqu'ils rattachent à Ligida les formes Scortina,
Uniformis, Livina et Polita, dont je possède les co-types étiquetés
de la main même de Staudinger et par conséquent ne pouvant
prêter à aucun malentendu ni confusion. Polita, Stgr. (fig. 48 du
présent ouvrage), est tout à fait une autre espèce que Polita,
Huebner, 178, laquelle Polita est une forme de Vaccinii, tout
comme Spadicea, Huebner, 179.
Il ne faut pas oublier que Uniformis, Stgr., rattachée à Ligida
par Staudinger, est issue d'une chenille velue à reflets, trouvée par
de Graslin, dans un bois taillis auprès du Vernet; la même espèce
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE O5
de chenille velue, sans doute, d'où est née chez nous, à Rennes, le
5 novembre icS85, lab. f. Vaccïnïoïdes. J'ai encore sous les yeux,
dans ma collection, la chrysalide, la coque dans laquelle elle repo-
sait et l'extrémité velue à reflets mordorés de la dépouille laissée
par la chenille en se chrysalidant. Cette circonstance est décisive.
Car il n'y a pas d'autres espèces à avoir une chenille velue que
Rubiginea et Staiidingcn.
Je n'ai malheureusement aucune note précise sur la chenille d'oii
est né Staudingeri-V accinioides, me permettant une comparaison
avec la chenille de Rubiginea, ce qui assurerait la solution, quant
à la distinction spécifique de Staiidingeri et Rubiginea. Je crois
cependant, d'après les documents que je possède, à savoir : une
chenille desséchée de Staudingeri, de Vernet-les-Bains (in coll. de
Graslin) et la chrysalide dont il est question plus haut, que la
larve de Staudingeri a une pilosité plus forte, plus épaisse et plus
serrée, d'une couleur plus dorée que Rubiginea. Il faut cependant
d'autres observations pour obtenir la certitude. Mais aucun doute
ne peut exister quant au rattachement des variétés Scortina, Uni-
formis, Livina, Polita, Stgr. (nec Huebner) à Ligida, comme Stau-
dinger et Rebel l'ont fait assurément à tort.
De deux choses l'une : ou Staudingeri et Rubiginea sont deux
espèces valablement distinctes, ou elles ne le sont pas. Dans ce
dernier cas, Staudingeri serait une forme à ailes d'un gris ardoisé
obscur de Rubiginea (alis anticis obscuris, griseo-casruleo nigres-
centibus), et Scortina, Uniforviis, Unicolor, Livina, Polita, Vacci-
nioides seraient des formes de Rubiginea, comme Staudingeri, au
lieu d'être des formes de Staudingeri, ce qui aurait lieu, s'il est
démontré que celle-ci est une espèce distincte. Mais en aucune façon
Ligida, dont la chenille est lisse, ne peut être liée à toutes ces
formes de Rubiginea ou Staudingeri dont la chenille est velue.
Par ailleurs, je prie le lecteur de vouloir bien se reporter, pour
complément d'informations, à la notice insérée dans le Bulletin de
la Soc. eut OUI. de France, année igoo. Une nouvelle étude de la
question n'a pas modifié l'opinion que je croyais devoir exprimer
à cette époque.
5
56 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
Il me reste à fournir deux explications.
J'ai cité, au cours de cette notice, le nom Compléta Stgr (in
litteris) et ce nom ne ûgure pas dans le Catalog 1901. C'est assu-
rément par une omission involontaire que ce nom en est absent,
car dès 1898, Staudinger l'avait appliqué et avait répandu parmi
ses clients YOrrhodia compléta, Stgr.
D'autre part, je me suis attaché à différencier Polita Hbn 178,
qui est une aberration de Vaccini, de Polita, selon Staudinger, qui
est bien exactement une aberration de Staiidingeri, c'est-à-dire très
distinct du précédent. Une étiquette Polita écrite de la main de
Staudinger et fixée par lui-même à l'épingle d'un Staiidingeri-
Polita dans ma collection, indique quelle était dans l'esprit de
Staudinger l'identification au véritable Polita Huebner. Cette iden-
tification était erronée. Assurément, le Polita que j'ai figuré sous
le n° 48 de ce travail qui est exactement conforme au Polita, sec.
Staudinger, n'est pas la même espèce que le Polita Huebner 178,
que je possède également et en grand nombre, et qu'on trouve fré-
quemment à Digne en automne, avec beaucoup de variétés de
Vaccinii.
XIX — Psodos Alticolaria, var. Faucium, Favre
(PI. IV, fig. 44).
La Psodos Alticolaria est une phalène des grandes hauteurs.
Elle habite les Alpes du Tyrol, de la Suisse et de la France, et
les Hautes-Pyrénées. Dans le Tyrol, au Stelvio, Alticolaria est de
plus grande taille que dans les autres montagnes; le fond de ses
ailes est noirâtre tirant sur le brun d'acier traversé par des lignes
noires, avec des bandes et des éclaircies d'un blanc grisâtre et
un peu argenté. La forme tyrolienne est le type de l'espèce; elle a
été figurée par Millière (Jconogr., pi. 153, fig. 7, 8, 9), et avant lui
par Herrich-Schaeffer (Neue Schmetterlinge aus Europa, n°^ 64,
65, 66 et 67). Aucune des figures précitées ne rend cependant bien
LÉPIDOPÏÉROLOGIE COMPARÉE 6/
exactement la forme tyrolienne d'AUicoIarhi; les bandes et éclair-
cies d'un blanc argenté grisâtre n'y étant pas assez accentuées.
La meilleure figure d'ALticoLaria type me paraît être sous le
n" lô de la planche LXIII de l'ouvrage en cours de publication
actuellement : Die Schmellerlinge Europas von D"" Arnold Spuler.
Du Tyrol aux Pyrénées, la forme <X AUicolaria subit une modi-
fication mélanienne qui va toujours en s'accentuant vers le Sud-
Ouest. La variété Gedrensis, Rondou, est la plus assombrie ; la
variété Faucium, Favre, est la transition entre les deux formes
extrêmes, Alticolaria t}'rolienne et Gedrensïs des Hautes-Pyrénées.
En Valais, Faiiciiini vole en juillet et commencement d'août;
elle affectionne les cols des montagnes, mais de nature schisteuse
et non gazonnés. Elle a été rencontrée aux cols de Sorrebois, d'Or-
zival, de Torrent, des Bossous, au pas de Lona, le tout dans le Val
d'Anniviers, près Sierre.
Dans les Alpes françaises, la Psodos faucium a été prise à
Enchastrayes, dans les Basses-Alpes, et au-dessus de Lanslebourg,
en Savoie, par mon second fils, le docteur J. Oberthiir.
La variété Faucium diffère surtout du type tyrolien par sa taille
plus petite et l'atténuation des parties blanchâtres des ailes.
Quant à la variété Gedrensis, Rondou, ses ailes sont, en dessus,
encore plus obscures que chez Faucium, offrent, sous certaine inci-
dence, un reflet ardoisé un peu bleuâtre.
Très probablement, on doit prendre dans les Hautes-Pyrénées
des Alticolaria Gedrensis identiques à Faucium. D'ailleurs M. Ron-
dou ayant vu dans les Pyrénées un individu se rapprochant beau-
coup du type Alticolaria, on peut en conclure qu'il n'y a qu'une
fixité relative dans la forme plus spécialement afférente à la race
pyrénéenne dH Alticolaria.
Peut-être trouve-t-on aussi dans les Alpes françaises et valai-
sannes des Alticolaria très voisines de celles du Tyrol et d'autres
semblables à celles des Hautes-Pyrénées. Quoi qu'il en soit, com-
parativement aux exemplaires ordinaires dH Alticolaria du Tyrol,
pris comme type de l'espèce, on peut dire que Faucium est une
68 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPAREE
race géographique plus petite et plus obscure et que Gedrensis en
est l'exagération.
XX. — Larentia Cyanata, Huebner (PL III, % 38
et 39), et Larentia Infidaria, Delaharpe
(PI. III, fig. 33. 34 et 35)-
Plusieurs fois déjà j'ai appelé l'attention des Naturalistes sur
les Lois qui régissent les variations en général et aussi sur celles
qui sont plus particulières à un même genre de Lépidoptères. On
peut voir à la 8^ livraison des Etudes d'Entomologie les figures
de Larentia cœruleata, forme pyrénéenne de Flavicinctata. Les
n'" I et 3 de la planche I de cette 8" livraison représentent des
exemplaires moins obscurs, avec un assez grand développement
des linéaments jaunes sur les ailes supérieures. Il y a par opposition
des échantillons d'un gris bleu d'ardoise où les linéaments jaunes
sont très réduits. On peut dire que ces Larentia cœruleata imitent
parfaitement les rochers de granit sur lesquels elles se posent
durant le jour. Tantôt, en effet, des lichens ras, colorés en jaune
absolument comme certaines Cœrideata, tapissent plus ou moins
abondamment les parois de ces rochers; tantôt, au contraire,
dépourvues de ces lichens, les pierres semblent être du même ton
gris que certaines autres Cœrideata aux ailes plus obscures, d'un
gris un peu bleuâtre et presque sans linéaments jaunes. Je trouve
fort intéressant d'inspecter les rochers des montagnes pour y
découvrir les Phalènes ou les Noctuelles qui s'y tiennent pour ainsi
dire collées pendant le jour; j'ai d'ailleurs cherché à me rendre
compte si les Cœruleata se posaient préférablement sur les rochers
de leur couleur et s'il était possible de conclure en faveur de l'ins-
tinct de ces Phalènes qui les porterait à discerner les pierres d'une
teinte qui leur serait protectrice. Dans ce but, j'ai consacré bien des
heures à ce genre d'observations. J'ai, en effet, remarqué des Cœru-
leata posées sur des roches avec lesquelles elles se confondaient
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE 69
absolument et j'ai interrogé quelquefois des passants, lorsque mes
yeux avaient découvert un papillon bien dissimulé par la confor-
mité de sa couleur avec celle du rocher, pour savoir jusqu'à quel
point ces papillons se trouvaient réellement protégés contre les
regards. Je me souviens d'un cas oi^i une personne prévenue par
moi qu'il y avait une Phalène sur une roche et dans un périmètre
que j'indiquais, déclarait qu'elle n'apercevait nullement la Phalène
grise sur laquelle je me permettais d'appeler son attention; mais
par contre elle aperçut sur la même pierre une Cœriileata qui avait
échappé à mon investigation.
Cependant j'ai observé bien des fois des Cœndeata gris-bleu sans
linéaments jaunes reposées sur des rochers couverts de lichens
jaunes et inversement des Cœndeata avec linéaments jaunes sur des
morceaux de granit tout gris, où elles étaient fort apparentes. J'ai
même vu des Phalènes posées sur des clôtures ou des palissades,
sans doute très confortablement exposées au point de vue de
l'orientation par rapport au vent ou au soleil, mais peintes en
blanc ou en noir, par conséquent colorées tout autrement que les
papillons eux-mêmes. Dans ces conditions, les Phalènes ne s'étaient
nullement préoccupées de se dissimuler aux yeux et elles appa-
raissaient d'assez loin et sans qu'il fût besoin d'aucune recherche
attentive pour les découvrir. C'est à Cauterets que j'ai fait les
observations relatées ci-dessus, quant à Cœruleata; certains faits
sont contradictoires; néanmoins, d'une manière générale, on peut
dire que Cœruleata se dissimule bien pendant le jour.
Les Larentia Infidaria et Cyanata présentent des variations
d'après le même principe qui préside à celles de Flazncinctata-
Cœndeata, c'est-à-dire absence de couleur jaune sur les ailes supé-
rieures, ou inversement développement plus ou moins important
de cette couleur jaune. Toutes les transitions existent d'ailleurs
entre les exemplaires extrêmes chez Infidaria et Cyanata aussi bien
que chez Flavicinctata-C œndeata.
L'exemplaire de Cyanata, figuré sous le n" 39 de la planche III
de cet ouvrage, a été pris en juin, au Gottra, dans le Valais. C'est
la forme appelée Gotfrensis par M. le chanoine Favre {Catal,
;0 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
p. 292). Cette forme se distingue par sa bande médiane très foncée.
Le n° 38 a été également pris au Gottra, le 10 août 1897; il appar-
tient à la variété Flavomixta, Hirschke. C'est cette même variété
qu'on voit figurée dans Mittheiliingen des Mtienchener entomoL,
Vereins, 18/9, pi. III, fig. 4, à l'occasion de la découverte de la
chenille par M. von Guppenberg. La chenille et la chrysalide de
Cyanata sont figurées (loc. citât., fig. a et b). La chenille a été
trouvée sur Arabis cïliata.
Quant à Infidaria, le n° 35 appartient à la variété Primordiata
Raetz, caractérisée (Favre, Catal., p. 292) par sa taille générale-
ment plus petite, sa bande médiane des ailes supérieures plus noi-
râtre et son aspect plus sombre, ce qui la met en parallèle avec
certaines Cœruleata.
Cet exemplaire n" 35 a été pris aux environs de Martigny, en
juin, comme le papillon n" 33, qui me paraît représenter, par sa
bande médiane presque entièrement jaunâtre, la variété Flavocin-
gulata, Stgr et Rebel (Catalog 1901, n" 338).
Le papillon n" 34, récolté à Larche (Basses-Alpes), en août
1896, représente une forme où la bande médiane ressort sur un
fond gris plus clair; mais j'ai déjà dit qu'il y a des passages insen-
sibles entre toutes les variétés.
J'ai pris Infidaria aux environs de Chamonix, en juillet 1892;
je possède des exemplaires de l'Isère (Uriage, Grande-Chartreuse),
des Hautes et Basses-Alpes, de l'Oberland bernois, du Valais
(Martigny, Zermatt). Ainsi que le dit très bien Delaharpe {Faune
suisse des Lépid., Phalénides, Lausanne, 1852, p. 126, n° 280), le
caractère saillant à'Infidaria est le sinus profond du bord interne
de la bande médiane des ailes supérieures.
Comment se fait-il donc que Staudinger et Rebel, malgré ce
caractère bien connu et si facile à observer, se soient obstinés à
classer Cœruleata Guenée-Obthr comme variété b d'Infidaria, dans
le Catalog 1901, n° 3388? En vain, dans la 8« livraison des Etudes
d'Entomologie, j'avais pris soin (p. 43 et 44) de corriger, avec
détails et raisons à l'appui, l'erreur que Staudinger avait déjà
commise dans la 2' édition de son Catalog. Plus tard, j'avais
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE 71
communiqué à Staudinger une série probante d'exemplaires de
Cœrnlecxta. Rien n'a pu venir à bout d'une résistance obstinée contre
l'évidence même.
Cœruleata Guenée-Obthr est cependant bien certainement la
forme pyrénéenne d&Flavicinctata et nullement une variété d'Infi-
daria; car pas un exemplaire de Cœruleata (j'en ai 150 sous les
yeux) n'offre ce sinus profond du bord interne de la bande mé-
diane des ailes supérieures.
XXI. — Lai-entia Lœtaria, Delaharpe (PI. III, fig. 36),
et Larentia Larentiarîa, Bruand (PI. III,
%• 37)-
On s'accorde à considérer Lœtaria comme une variété de Kolla-
riaria; je ne discute pas cette proposition; je me borne à constater
que si Lœtaria, dans le Valais, a le fond de la bande médiane des
ailes supérieures d'un vert gai, ainsi que Delaharpe le représente
sous le n" 6 de la planche jointe à son premier travail sur les Pha-
lénides de la Suisse, il en est tout autrement chez les exemplaires
de la même Lœtaria qu'on récolte en France, dans les montagnes
autour d'Uriage (forêt de l'Oursière) et au mont Revard, au-dessus
d'Aix-les-Bains, en Savoie. J'ai pris plusieurs fois, aux localités
précitées, la forme à bande médiane des ailes supérieures, non pas
verte, mais brune, bien conforme à celle que Bruand a appelée
Larcntiaria et que je possède également des montagnes du dépar-
tement du Doubs. Il convient donc de conserver ce nom de Larcn-
tiaria qui désigne une forme très constante et différente par sa
couleur brune de la Lœtaria Delaharpe, à couleur verte.
Les figures de Lœtaria et Larcntiaria publiées sous les n"*" 36 et
37 de cet ouvrage font bien ressortir les différences de coloration
entre les deux variétés suisse et française. Larcntiaria ne paraît
pas rare dans la forêt de l'Oursière, au-dessous de la Cascade;
mais elle éclôt en juin, comme Lœtaria d'ailleurs, et sa rareté
72 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
relative provient de cette précocité d'apparition; les chasses dans
les montagnes alpines commençant rarement d'aussi bonne heure.
L'exemplaire de Lœtaria qui a servi de modèle à la figure 36
vient du Gottra, près Martirny; il a été pris par M. Wullschlegel;
l'exemplaire de Larentiarïa a été récolté par moi, en juin 1878,
dans la forêt de l'Oursière, au-dessus d'Uriage. J'ai pris Kolla-
riaria aux environs de Zermatt, où elle paraît moins obscure que
dans les Alpes autrichiennes. Ma collection contient des Alpes
d'Autriche une paire d'une aberration curieuse de Kollariaria; les
ailes sont blanches avec la base, la bande médiane et deux ou trois
petits points subapicaux bruns; les atomes grisâtres qui, dans les
exemplaires normaux, obscurcissent l'espace entre la base et l'espace
médian d'une part, entre l'espace médian et le bord terminal
d'autre part, ont disparu.
TABLE DES MATIÈRES
PAGES
I. — MELn\î:A Dejone-Berisali, Ruehl;
Melit.'Ea Dejone-Nevadensis Obthr.;
Melit.ea Parthenie-varia, Mey-D 1 1
II. — Lyc.î:na Zephvrus-Akbesiana, Obthr.;
Lyc^NA Zephyrus-Hesperica, Rambur;
Lyc^na Zephyrus-Lycidas, Trapp i6
III. — Lyc.ïna Calliopis-Valesiaca, Obthr ly
IV. — Erebia Christi, Raetzer 21
V. — Erebia Pharte-Phartina, Stgr 23
VI. — Cœnonympha Arcania-insubrica, Frey 24
VII — Celerio Dahlii-lutescens, Obthr 26
VIII. — Celerio Deserticola-flaveola, Obthr 26
IX. — Celerio Vespertilio-Salmonea, Obthr 27
X. — Celerio Vespertilioide.s, Bdv.;
Celerio Epilobii, Bdv.;
Celerio Burckhardti, Mory 28
XI. — Zyg.ena Ephialtes-Sophlï, Favre 43
XII. — Zyg.ena fausta-tricolor, Obthr 52
XIII. — Zyg.î:na Carxiolica-Weileri, Stgr.;
Zyg.ena Carniolica-tricolor, Obthr 52
XIV. — Chondrostega Constantixa, Aurivillius 53
XV. — Nemeophila Cervini-Hxatecki, Frey 54
XVI. — Bryophila simulatricula, Gucnée 5g
;4 TABLE DES MATIÈRES
PAGES
XVII. — Pachnobia Hvperborea-Alpina, Humphr. et Westw.;
Pachnobia Hvperborea-Ryffelensis, Obthr ôo
XVIII. — Dasycampa rubigi\ea, Fab.;
Dasvcampa Staudixgeri, de Graslin 62
XIX. — PSODOS alticolaria-faucium, Favre 06
XX. — Larentia Cyanata, Huebner;
Larentia Infidaria, Delaharpe 68
XXI. — Larentia L.etaria, Delaharpe;
Larentia Larentiaria, Bruand 71
EXPLICATION DES PLANCHES
PLANCHE I
Fig.
— Nemeophila Cervixi-Hnatecki, Frey, cf, du Valais.
— Nemeophila Cervixi-Hnatecki, Frey, cf, du Valais.
— Nemeophila Cervini-Hxatecki, Frey, ç, du Valais.
— Nemeophila Cervixi-Hxatecki, Frey, g, du Valais.
— Melit^A Dejoxe-Berisali, Ruehl, cf (dessus), de Martigny.
— Melit.ea Dejoxe-Berisali, Ruehl, Q (dessous), de Martigny.
— Melit.EA Dejone-Berisali, ab. cf, de Martigny.
— Meutjea Parthexie-varia, Mey-D., ab. cf, de Zermatt.
— Pachxobia Hvperrorea-Alpixa, h. et Westw., d'Ecosse.
— Pachxobia Hyperborea-Alpixa, H. et Westw., d'Ecosse.
— Pachxobia Hyperborea-Rvffelensis, Obthr., de Ryffelalp.
— Cœxoxvmpha Arcaxia-ixsubrica, Frey, Q, de Crévola.
PLANCHE II
— 14
— 15'
— 16
— 17
— 18
— 19,
— 20,
— 21
— 22
— 23
— ^4
— Erebia Christi, Raetzer, Q (dessus), vallée de Faquin.
— Erebia Christi, Raetzer, Q (dessous), vallée de Laquin.
— Lvc-EXA Calliopis-Valesiaca, Obthr., Q, de Martigny.
— Lyc.ïxa Calliopis-Valesiaca, Obthr., Q, de Martigny.
— Lyc.EXA Zephyrus-Lycidas, Trapp., cf, route du Simplun.
— Lyc.ex.a. Zephyrus-Lycidas, Trapp., 0, route du Simplon.
— Erebia Christi, Raetzer, cf (dessus), vallée de Laquin.
— Erebia Christi, Raetzer, cf (dessous), vallée de Laquin.
— Lyc^xa Zephyrus-Akbesiana, Obthr., cf, Akbès.
— Lyc.EXA Zephyrus-Akbesiaxa, Obthr., Q, Akbès.
— Lyc-EXA Zephyrus-Hesperica, Ramb., cf, Grenade.
— Lyc.ïxa Zephyrus-Hesperica, Ramb., o, Grenade.
/6
EXPLICATION DES PLANCHES
PLANCHE III
Fig-. 25. — Zyg.ena Ephialtes-Sophle, Favre, de Martigny.
— 26. — ZVG.EXA Ephialtes-Sophlî;, Favre, de Martigny.
— 27. — ZVG-EXA Ephialtes-Sophi.ï, Favre, de Martigny.
— 28. — Zyg-'ENA fausta-tricolor, Obthr., de Digne.
— 2g. — Zyg.ïNA fausta-tricolor, Obthr., de Digne.
— 30. — Zyg.ENA Carniolica-TRICOLOR, Obthr., de Martigny.
— 31. — Zyg.ena Carniolica-VVeileri, Stgr., de Carlsruhe.
— 32. — Zyg.ena Carniolica (transition entre Weileri et tricolor),
de Martigny.
— 33. — Larextia Ixfidaria-Flavocingulata, Stgr. et Reb., de
Martigny.
— 34. — Larentia Ixfidaria, Delaharpe, de Larche.
— 35- — Larentia Infidaria-Primordiata, Raetzer, de Martigny.
— 36. — Larentia L.etaria, Delaharpe, de Martigny.
— 37- — Larentia L^taria-Larentiaria, Bruand, de la forêt de
l'Oursière (Isère).
— 38. — Larentia Cyanata-Flavomixta, Hirschke, de Gottra.
— 39. — Larentia Cyanata-Gottrensis, Favre, de Gottra (Valais).
PLANCHE IV
Fig. 40. — Dasycampa rubigixea-Graslixi, Stgr., de Martigny.
— 41. — Dasycampa rubigixea-Graslixi, Stgr., de Digne.
— 42. — DA.SYCAMPA RUBIGIXEA-MODESTA, Obthr., de Martigny.
— 43- — Dasycampa rubiginea-completa, Obthr., de Martig-ny.
— 44- — PSODOS alticolaria-faucium, Favre, du Valais.
— 45- — Erebia Pharte-Phartina, Stgr., ç, glacier de Trient.
— 46. — Choxdrostega Coxstaxtixa, Aurivillius, Cf, de Constantinc.
— 47. — Dasycampa Staudixgeri-livixa, Stgr., de Digne.
— 48. — Dasycampa Staudingeri-polita, Stgr., de Digne.
— 49- — Dasycampa Staudixgeri, de Graslin, de Digne.
— 50. — Dasycampa Staudixgeri-scortixa, Stgr., de Digne.
— 51 — Dasycampa Staudingeri-uxicolor, Stgr., de Digne.
— 52. — Bryophila simulatricula, Guenée, de Martigny.
— 53- — Choxdrostega Coxstaxtixa, Aurivillius, ç, de Constantinc.
EXPLICATION DES PLANCHES ;/
PLANCHE V
Fig. 54. — Celerio Vespertilioides, Bdv. (l'un des types), du Dau-
phiné.
— 55. — Celerio Vespertilioides, Bdv. (de la collection Bellier),
du Dauphiné.
— 56. — Celerio Burckhardti, Mory, d'Huningue.
— 57. — Celerio Vespertilio-Salmoxea, Obthr., de Bàle.
PLANCHE VI
Fig. 58. — Celerio Epilobii, Bdv. (de la collection de Graslin), de la
région lyonnaise.
— 5Q. — Celerio Epilobii, Bdv., d'Huningue.
— 60. — Celerio Deserticola-flaveola, Obthr., de Biskra.
— 61. ^ Celerio Dahlii-lutescens, Obthr., de Corse.
IMPRIMERIE OBERTHUR, RENNES
Lépidoptérologie compar'ée
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ÉTUDES
DE
LÊPIDOPTÊROLOGIE
COMPARÉE
PAR
Charles OBERTHUR
Fascicule
RENNES
IMPRIMERIE OBERTHUR
Octobre 1906
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
ÉTUDES
DE
LÉPIDOPTÉROLOGIE
COMPARÉE
PAR
Charles OBERTHUR
Fascicule
RENNES
IMPRIMERIE OBERTHUR
Octobre 1906
Observations sur les NEPTIS à taches jaunes
de la région sino-thibétaine.
Depuis plus de 25 ans, chaque année, les Missionnaires du
Thibet établis à Tâ-Tsien-Loû (Latitude Nord 30"03'58" — alti-
tude 3,200^"), Bathang (Lat. 29°59'49" — ait. 2,459'"), Yerkalo
(Lat. 29"02'3o" — ait. 2,;6i"'), Yarégong (ait. 3,480'"), Atentse-
en-Yunnan (ait. 3,360), Lou-Tse-Kiang-en-Yunnan (ait. 2,193),
Tse-Kou-en-Yunnan (Lat. environ 26°8o' — long. 98 — ait.
1,993'"), Etc., nous ont envoyé les papillons récoltés par les
chasseurs indigènes chinois et thibétains, la plupart chrétiens,
qu'ils emploient pour notre compte, dans les environs de leurs
résidences et un peu plus loin même, dans des régions où l'insé-
curité n'est pas un obstacle trop grand au.x recherches entomo-
logiques (*).
Nous avons ainsi reçu un nombre considérable de papillons
sino-thibétains. Mais on comprendra aisément quel énorme déchet
(*) Ces lig^ncs ont été écrites en 1904 et le travail de la mise sur
pierre des figures en a retardé l'impression. Depuis 1904, la mission
catholique du Thibet a été éprouvée cruellement. Six missionnaires
ont trouvé la mort ; les chrétientés du Tsé-Kou, Bathang-, Yarégong-, etc.,
ont été dispersées ; les églises détruites. Il est impossible actuellement
(août IQ06) de savoir si les recherches entomologiques ont pu être
continuées, en quelque localité moins troublée, durant la saison 1906
et si elles pourront être poursuivies à l'avenir.
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE
résulte des difficultés de la récolte, de l'humidité souvent excessive
du climat, de la longueur du voyage depuis les frontières du
Thibet jusqu'à Chang-Haï, des accidents inévitables de la route
et aussi de l'inexpérience des chasseurs indigènes.
En cours de transport, principalement de Tâ-Tsien-Lovi à
Tchong-Kin, les risques sont nombreux. Si une caisse tombe à
l'eau, son contenu devient inutilisable, c'est ainsi que nous avons
reçu des milliers de papillons ayant été mouillés, ne formant plus
qu'une masse compacte avec les papiers qui les enveloppaient.
Les écailles des ailes des papillons s'étaient décalquées sur les
papiers de soie auxquels elles adhéraient. Cette fois, rien de ce
qui était tombé à l'eau, n'a pu être sauvé.
Quoi qu'il en soit, nous nous sommes trouvé en possession de
documents considérables sur la faune lépidoptérologique d'une
contrée peu accessible, d'ailleurs très lointaine et qui, sans le zèle
scientifique des Missionnaires catholiques et leur obligeance sans
bornes, serait restée très longtemps « terra ïgnota ».
De tous les documents qui nous ont passé sous les yeux pendant
ce dernier quart de siècle, a résulté une lumière, mais aussi un
trouble.
Nous avons pu voir la constance de différences spécifiques peu
saillantes et qui n'auraient pas appelé suffisamment l'attention,
si nous avions seulement disposé d'un petit nombre d'exemplaires.
Mais inversement nous nous sommes trouvé embarrassé par des
exemplaires de transition, venant parfois rendre moins certaine
la distinction spécifique que les exemplaires extrêmes et même
normaux semblaient assez clairement indiquer.
Nous avons cependant essayé de classer toutes les Neptis à
taches jaunes sino-thibétaines, reçues des Missionnaires catho-
liques. A l'aide de bonnes figures dont les modèles sont dus à
l'habile pinceau de M"'' Marcelle Trottet et qui sont indispen-
sables pour faire apprécier les différences spécifiques ou les
distinctions de race, nous espérons fournir quelques renseigne-
ments exacts sur le sujet dont nous avons entrepris l'étude.
LEPIDOrTEROLOGIE COMPAREE
Ménétriès a, le premier, fait connaître une Neptis à taches
jaunes de la faune paléarctique. Il lui a donné le nom de thïsbe.
Boisduval et Guenée avaient reçu, chacun, de Ménétriès, une
collection des espèces nouvelles de papillons qu'il avait décrites
de l'Amour. On peut considérer ces Lépidoptères comme des
co-types de Ménétriès. Ils sont sous nos yeux. Nous prenons donc
thisbe envoyée par Ménétriès, comme terme de comparaison.
Thisbc n'habite pas seulement le pays de l'Amour, l'île Askold,
la Corée; elle est aussi réi)andue dans la Chine centrale et occi-
dentale.
Nous l'avons reçue de Siao-Lou et de Tsekou.
A Tsekou, elle présente une forme constante, caractérisée par
l'élargissement de toutes les taches jaunes. Le bord marginal des
ailes inférieures est lui-même assez largement semé d'écaillés
jaunes. En dessus le faciès est particulier; et, à cause de la plus
grande dimension de leurs taches jaunes, les exemplaires de
Tsekou se distinguent nettement de ceux des autres localités. Le
dessous des ailes diffère de la race-type de l'Amour par la couleur
])lus claire des taches jaunes ordinaires qui, chez tJiïsbe, ont la
même conformation des deux côtés des ailes.
Nous avons désigné la race de Tsekou sous le nom de diliitïor
(PI. IX, fig. 2).
Dans la région de Siao-Lou, il y a deux formes de thisbe,
l'une très analogue à la race-type de l'Amour, l'autre sensiblement
plus obscure sur le dessous des ailes. Toutes les parties brunes
sont plus foncées et la bande maculaire médiane jaune des ailes
inférieures est, depuis le bord anal jusqu'à la 5'' macule qui reste
blanchâtre, d'un jaune un peu roux. Il y a des exemplaires transi-
tionnels entre la forme-type de thïsbe et cette forme obscure;
mais cette dernière forme nous paraît assez constante, étant
représentée dans notre collection par un grand nombre d'exem-
plaires assez semblables entre eux. Nous avons distingué cette
variation par le nom : obscnrior (PI. IX, fig. i).
Leech, dans son ouvrage : Biitterflies'from China, etc., établit
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE
2 variétés de thisbe qu'il appelle tJicmïs (PI. XVIII; Q, ûg. 8)
^^thetis (PI. XVIII; çS, ûg. lo).
Staudinger et Rebel, dans le Catalog der Lepid. des palœ-
arctischen Faunengebieles, 1901, ajoutent à \-à.]Slcptïs thisbe-thetis,
cette mention aussi mal fondée que possible : « major, vix nom.
conserv. ». De plus les mêmes auteurs font précéder la désignation
thetïs de : ab. (v.), comme si cette thetïs était un simple accident.
MM. Staudinger et Rebel réunis ont, selon leur mauvaise
habitude, inexactement traité la question; d'ailleurs ils ne la
connaissaient point et c'est là leur excuse.
Theniis Leech et îhetis Leech ne sont pas seulement des
variétés de thisbe, comme Leech l'a représenté, n'osant pas aller
jusqu'à la séparation spécifique, ce qui est pourtant la vérité.
Nous avons sous les yeux un grand nombre de tJietis et de
îhcmïs. Ce sont certainement deux unités spécifiques distinctes.
Elles ont des caractères parfaitement constants et leur différence
est admirableinent écrite sur le dessous de leurs ailes inférieures
particulièrement.
Chez thisbe, la bande jaune, maculaire médiane des ailes infé-
rieures, en dessous, se termine toujours par 2 taches plus ou moins
violacées et qui sortent de la direction rectiligne pour décrire un
mouvement de courbe, en remontant vers le bord costal des ailes
inférieures. Ces taches supplémentaires de thisbe manquent chez
thetis et themis, de sorte qu'il y a chez thetis et chez themis,
2 taches de moins à composer la bande maculaire médiane jaune
des ailes inférieures, en dessous, que chez thisbe. De plus thetis
offre un caractère très personnel, c'est la tache violacée de forme
rectangulaire, située près du bord costal, entre la première et la
seconde nervure de ses ailes inférieures, en dessous.
Thetis habite la région Siao-Loû, comme la région Tsekou et
même Lou-tse-Kiang. Elle varie un peu pour l'accentuation des
lignes et dessins, principalement entre la bande maculaire jaune
médiane des ailes inférieures, en dessous, et le bord terminal de
ces mêmes ailes; mais cette variation n'intéresse en rien la question
de distinction spécifique qui la concerne.
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE
Quant à tkemis, il nous paraît certain qu'elle s'étend jusqu'au
Sikkim où elle est représentée par la forme blanche Nycteus, de
Nicéville. Les chasseurs Lepchas du Père Breteaudeau captu-
rèrent pendant l'été 1894, à Lachin-Lachoong, entre 8,000 et
16,000 pieds, un certain nombre de Nyclcns, tous cf, dont 11
exemplaires sont encore dans notre collection. Nycteus varie pour
la teinte blanche de ses taches, en dessus. La couleur blanche est
plus ou moins pure, généralement un peu jaunie, tandis que le
dessous est d'un blanc très vif.
Tkemis vole dans la région de Siao-Loû, comme dans celle de
Tsekou; mais à Tsekou, elle est constamment distincte par le
rembrunissement profond de la teinte brun chocolat du dessous
des ailes. Nous avons donc distingué, sous le nom de theodora
(PI. IX, ûg. 3), la race géographique de la Neptis themis à
Tsekou. Outre que le fond des ailes est beaucoup plus obscur, en
dessous, les parties violacées sont beaucoup moins bleuâtres que
dans la forme de Siao-Loû. Il convient d'ajouter que chez la Q
themis-theodora, les taches ordinaires sont plutôt blanchâtres que
jaunes; le mélanisme du f(md des ailes contrastant avec l'albi-
nisme des macules.
Aux espèces que Leech a connues : ihisbc, thcmh, fhefis, il
convient d'ajouter, dans le même groupe, deux nouvelles espèces
de Tsekou. Nous les avons appelées : Yunnana et ncmonim.
Yîinnaiia (PI. VIII, hg. i), a les taches jaunes du dessus des
ailes un peu élargies. En dessous, la bande maculaire médiane
jaune des ailes inférieures est large, d'un canari vif, surmontée
d'un espace teinté de brun rouge et parsemé de plusieurs taches
lilas. Le bord costal, près de la base, est jaune d'ocre. Au-dessous
de la bande maculaire médiane jaune, il y a un large espace ocre
jaune traversé par plusieurs lignes sinueuses d'un brun rouge,
commençant au bord anal, suivant d'abord une direction assez
droite et presque parallèle au bord marginal, iniis remontant à
peu près à angle droit, vers le bord costal.
Nous ne connaissons pas la Q ; mais notre collcrlion contient
20 cf bien semblables entre eux.
12 LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE
Quant à nemorum (PL VIII, fig. 3), elle est très caractérisée par
le bord marginal de ses ailes inférieures en dessous, largement et
uniformément jaune, d'une teinte un peu plus orangée au contact
d'une ligne lilas, allant du bord marginal au bord costal, au
voisinage duquel elle remonte, en formant un angle. Cette ligne
lilas est surmontée d'une bande brun rouge, traversée elle-même
par un filet plus clair et limitant le bord inférieur de la ligne
ordinaire médiane maculaire jaune.
Nous avons dans notre collection 7 cf de Tsekou.
Nous en possédons 7 autres, également de Tsekou, que nous
n'osons rapporter à nemorum et que nous n'osons pas non plus
ériger en espèce distincte. Cependant les différences, quoique
portant sur des détails peu importants des dessins des ailes
inférieures en dessous, sont tellement constantes que la séparation
en 2 espèces pourrait paraître raisonnable. Nous nous contentons
pour le moment de considérer ces 7 Neplis comme une variété
sylvanim de nemorum. Sylvarum a le fond des ailes plus obscur
en dessous; la bande maculaire jaune médiane des ailes infé-
rieures manque du dernier espace intranervural lilas qui se
remarque chez nemorum; de plus l'espace jaune marginal est
moins large, parce que, au-dessous de la bande jaune maculaire
médiane, il y a 2 lignes brun rouge plus espacées l'une de l'autre
que chez nemorum. Au-dessous de ces 2 lignes, vers le bord
marginal, se trouve une bande d'un violet grisâtre analogue à la
bande lilas de nemorum, mais d'un ton plus gris et avec un reflet
un peu argenté. Chez toutes ces Neplis, les ailes, en dessus, sont
à peu près semblables.
Leech a figuré sous le nom de thestias (Butt. fr. China, etc.,
pi. XVIII, fig. 3) une Neptis dont nous possédons un petit nombre
d'exemplaires recueillis à Mou-Pin. Nous avons reçu une espèce
voisine de Tien-tsuen, Siao-Lou et Tchang-Kou. Nous l'avons
appelée Meloria. Cette Melorïa (PI. VIII, fig. 5), en dessus, ne
diffère presque point de thestias; mais en dessous, on remarque les
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE 13
caractères distinctifs suivants : aux ailes supérieures, les taches
subapicales transparaissant du dessus sont d'un blanc un peu
bleucître, au lieu d'être jaunâtres. Aux ailes inférieures, la bande
médiane également d'un blanc bleuâtre est moins large et plus
courte, en ce sens que la dernière macule intranervurale, près du
bord costal, manque. La bande submarginale blanchâtre est, chez
Meloria, composée de macules intranervurales, moins larges et
suivie de deux bandes lilas séparées par une bande d'un brun
rougeâtre. L'espace roux entre les deux bandes blanchâtres, la
médiane et la submarginale, est plus large chez Melorïa. Enfin les
taches d'un brun rougeâtre qui, chez i/ieslias, sont contiguës au
bord costal des ailes inférieures et aux 2 dernières taches jaunâtres
de la bande médiane, manquent chez Melorïa.
De Siao-Lou et de Tien-tsuen, nous possédons 14 exemplaires
d'une Neptis alliée à thestias, mais plus différente encore que
meloria. Nous l'avons appelée : noyala (PI. VIII, fig. 7). Celle-ci
est plus obscure en dessus que tJicstias et melorïa ; de plus le trait
jaune cellulaire y est divisé en deux parties, comme chez
inaJicndra, adïpala et autres espèces à taches blanches. En dessous,
noyala a le fond des ailes d'un brun roux obscur; les taches ordi-
naires des ailes supérieures sont d'un blanc un peu jaunâtre,
centralement plus claires; la côte des ailes inférieures est blanc
jaunâtre depuis la base; les bandes ordinaires, la médiane et la
submarginale, sont d'un blanc un peu bleuâtre ou violacé; une
ligne lilas se trouve placée parallèlement au bord terminal, entre
la bande submarginale et le bord terminal qui est assez sensi-
blement dentelé.
Une autre belle et grande Neptïs de Mou-Pin et de Siao-Loû
est annaïka (PI. VIII, fig. 4), semblable en dessus à thestïas, mais
variant pour la teinte jaune des taches ordinaires, qui est tantôt
claire et tantôt aussi foncée que celle du jaune d'œuf. Notre
collection en contient 12 beaux spécimens. En dessous, le fond
des ailes est d'un gris jaunâtre pâle, avec les bandes ordinaires
d'un blanc jaunâtre, une ou deux ombres brun roux aux ailes
inférieures, près de la côte, au-dessus de la bande médiane ordi-
14 LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE
naire jaunâtre, puis une série de taches également d'un brun roux
entre la bande médiane et la bande submarginale jaunâtres et
enfin quelques atomes bruns le long du bord terminal. Aux ailes
supérieures, tout est comme chez thcstïas, mais plus pâle.
Nous nous sommes demandé si tlicstias, niclorïa et annaika
étaient des formes d'une même unité spécifique et nous en serions
probablement venu à conclure ainsi, sans la fixité des caractères
distinctifs des ailes inférieures en dessous. Après avoir minutieu-
sement examiné tous nos exemplaires, nous n'avons trouvé aucun
spécimen de transition. Les exemplaires varient entre eux, mais
sans que les caractères qui distinguent à notre avis les espèces,
soient atteints par ces variations mêmes.
A côté de noyala, près à'antonin, mais bien nettement différente
des autres Ne plis sino-thibétaines, se place l'espèce dont nous ne
possédons malheureusement qu'un seul cf, désignée sous le nom
de -Patricia (PL VIII, fig. 6).
En dessus, plus pâle que noyala, la tache jaune cellulaire n'est
pas divisée en 2 parties, mais elle est entamée vers son extrémité
par un faible trait noirâtre. En dessous, les ailes sont traversées
par des bandes et des taches très uniformément blanc un peu rosé,
sur un fond brun clair, avec les ombres brun roux. L'espace costal
basilaire des ailes inférieures est largement teinté de blanc rosé.
Il semble que les deux bandes ordinaires blanc rosé (la médiane
et la submarginale), comme aussi la ligne subterminale lilas,
tendent à se joindre, le long du bord costal, au prolongement de
l'espace costal basilaire blanc.
La frange est très régulièrement marquée de taches noirâtres
alternant avec la couleur blanche.
Le spécimen décrit a été pris à Siao-Loû, en 1896. Il est bien
étonnant que nous n'ayons pas reçu d'autres exemplaires de cette
espèce, car les Neplis sont généralement assez abondantes dans les
lieux qu'elles habitent.
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE 15
Dans le groupe de manasa-zaïda, nous signalons deux espèces
nouvelles.
I" narcissiihi, voisine de nnuiasa;
2" sylvana, que nous plaçons non loni de zaïda.
La Ncpiis manassa est restée fort rare dans les collections.
M. le lieutenant-colonel Bingham {The faune of british India;
Bullerfl. vol. I, p. 336), dit. à propos de cette espèce : « This forni
is at présent (1905) known only from a single spécimen of a cf,
the type, now in the British Muséum. The précise locality where
it was taken is unknown ». Nous avons reçu quelques exemplaires
de Lachin-Lachoong, au Sikkim, où ils furent recueillis par les
chasseurs lepchas du Père Breteaudeau, pendant l'été 1894. Notre
collection contient actuellement 3 cf Mniiasa, irréprochables. Ces
Manasa furent capturés en même temps que des Zaïda et aux
mêmes lieux; mais Zaida vole en une foule d'autres localités et
nous l'avons aussi reçue des environs de Darjeeling, sans pouvoir
dire cependant à quelle distance de cette ville ils avaient été
rencontrés.
Quoi qu'il en soit, Manasa existe ailleurs que dans hi collection
du British Muséum et la Neplis nyclcns, de Nicéville, donnée par
le lieutenant-colonel Bingham, comme une race de Manasa, n'a
avec cette dernière espèce qu'un rapport générique. Ainsi que nous
l'avons exposé plus haut, Nycteus est une race de thïsbc et par
conséquent se réfère à une tout autre unité spécifique.
Narcissina (PI. VIII, ïig. 2) a été prise clans la région Lou-tse-
Kiang par le Père Genestier, en même temps que la Picris Gcnes-
tieri, Ch. Obthr, décrite et figurée par nous, dans VHistoire de la
Mission du Tliibct écrite par le Père Adrien Launay, de la Société
des Missions étrangères (Vol. II, p. 411, fig. 2).
En dessus, Narcissina diffère de Manasa, parce que toutes les
parties jaunes sont de couleur jaune d'œuf et non jaune chamois
très pâle comme chez Manasa. En dessous, le fond des ailes est
d'un jaune clair assez uniforme, sur lequel les taches et bandes
jaunes ordinaires transparaissent du dessus en plus clair. Les
parties lilas sont à peu près comme chez Manasa, ainsi que la
l6 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
tache noire, au-dessous de la cellule de l'aile supérieure et un peu
au-dessus du bord inférieur. La forme des ailes supérieures est un
peu différente de Manasa, en ce sens que l'apex est plus aigu et
moins arrondi.
Il est possible que Narcissina soit une forme de manasa, un peu
plus grande, d'aspect plus robuste et à taches jaunes plutôt que
blanc jaunâtre.
Sylvana (PL IX, fig. 6), est une espèce distincte de Zaida. Elle
en diffère en dessus par la couleur jaune d'œuf de toutes ses
taches ordinaires; Zaida ayant les taches du même blanc jaunâtre
que Manasa. En dessous, les différences sont caractéristiques. Aux
ailes supérieures, chez sylvana, l'espace cellulaire et tout le bord
marginal sont lavés de jaune pâle; les taches ordinaires sont
blanc jaunâtre; l'espace médian, du bord costal au bord inférieur,
est d'un brun noirâtre.
Aux ailes inférieures, l'espace basilaire, avant la bande médiane
ordinaire, est uniformément lavé de jaune; la bande médiane
blanchâtre est plus étroite que chez Zaida; elle est inférieurement
soulignée par une ombre noirâtre assez large. Tout l'espace, entre
la bande médiane blanchâtre et le bord terminal, est jaune,
traversé par une seule ligne blanche étroite, sinueuse et une ligne
lilas qui se fond, avant d'arriver au bord anal.
Nous avons dans notre collection 6 cf sylvana, provenant tous
de Tsekou.
Près de Neplis Arachne, Leech (Buit. fr. China, pi. XVIII,
fig. 7), espèce dont nous avons reçu un nombre très grand d'exem-
plaires, principalement de Mou-Pin et Siao-Loû, et de Giddenemc,
Ch. Obthr, qui est peut-être une race àWrachnc spéciale à Tsekou,
nous possédons une Nepiis que nous avons appelée neniorosa et
qui provient de Siao-Loil et de Lou-tse-Kiang. Nemorosa (PI. IX,
fig. 5), diffère d'Arachne et de Giddencmc parce que quelques-
unes de ses taches ordinaires, en dessous, sont blanchâtres plutôt
que jaunes et parce que la bande médiane ordinaire des ailes
inférieures est plus droite, que les trois lignes parallèles au bord
marginal affectent elles-mêmes une direction plus droite et plus
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE i;
régulière, étant formées d'une série de croissants intranervuraux
d'un brun rougeâtre. Nous possédons 6 exemplaires de nemorosa,
bien semblables entre eux, présentant un aspect différent
à! Arachne dont notre collection contient 85 exemplaires et de
Giddeneme, forme bien constante, dont nous avons 19 individus
sous les yeux.
Arachne offre sur ses ailes inférieures, en dessous, une ombre
s'étendant à l'extrémité de la bande médiane ordinaire, vers le
bord costal. Nemorosa manque de ce caractère. De plus la couleur
jaune des taches du dessus est plus pâle chez nemorosa que chez
arachne.
Nous n'oserions cependant nous prononcer formellement sur la
séparation spécifique de nemorosa, bien que son faciès la distingue
parfaitement fWnacJine et surtout de giddenane, race plus petite,
d'un jaune plus uniforme en dessous, avec tous les dessins rou-
geâtres moins épais.
Nous possédons les 2 sexes de nemorosa et à'arachne et les
caractères distinctifs, quoique difficiles à définir avec précision,
sont pourtant aussi bien les mêmes chez les cf que chez les Q.
Dans ces conditions nous restons incertain sur la question de
séparation spécifique d'arackne et nemorosa, celle-ci restant, en
tout état de cause, une variété stable cVaraehne.
Nous signalons une dernière 'Ne plis de Siao-Loû à qui nous
avons donné le nom de syhna et que nous considérons connue une
race géographique de narayana, Moore.
Nous avons reçu de feu notre ami Lionel de Nicéville quelques
narayana, à taches blanches, qu'il avait obtenues du nord-ouest
de l'Himalaya.
Les chasseurs lepchas du Père Breteaudeau ont trouvé à Lachin-
Lachoong un seul cf de la forme nana, de Nicéville, à taches
jaunes, et nous reçûmes des environs de Darjeeling un autre cT
de cette même forme nana, mais plus obscur en dessous.
A Tsekou, on trouve une Nepiis nana tout à fait semblable à
celle des environs de Darjeeling. Mais à Siao-Loû, à Tien-tsuen,
vole une forme plus grande; en dessus, à taches jaunes rétrécies
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE
et d'aspect général plus obscur; en dessous, plus rembrunie, à
taches ordinaires moins saillantes, ressortant moins vivement sur
un fond qui paraît d'un brun plus atténué. Nous avons désigné
cette race géographique chinoise sous le nom de sylvia (PL IX,
fig- 4)-
La Ne pus Radha, Moore, se trouve aussi au Su-tchuen; elle
ne paraît pas rare à Siao-Loû et à Mou-Pin. Notre collection
contient 30 spécimens, tous cf, différant de la forme du Sikkim
par le ton plus obscur du dessus de leurs ailes. Les taches jaunes
ordinaires sont rétrécies, plus pâles et un peu rembrunies. Nous
avons donné à cette race géographique constante le nom de
sincnsis.
Nous n'avons jamais vu la Neptis antigone, Leech {Butt. fr.
China, pi. XVIII, fig. 6); cette antigonc est la seule des espèces
de Neplis chinoises à taches jaunes décrites par Leech qui nous
soit restée inconnue. Il est vrai que Leech possédait un seul exem-
plaire Q d'anùgone, pris à Ichang, en mai. Ichang est dans le
Hou-Pé, presque à mi-distance entre la mer et le Thibet.
Il reste certainement beaucoup d'espèces de Rhopalocères à
découvrir dans les vastes régions encore si peu connues au point
de vue entomologique, de la Chine centrale, occidentale et méri-
dionale.
Beaucoup d'espèces semblables se rencontrent dans des localités
relativement très éloignées les unes des autres et constituent un
fonds f aunique assez homogène ; mais par contre, les familles des
Lycœnïdœ, Nymphalidœ et Satyridœ présentent, dans des
régions même très voisines, des espèces du même groupe et de
même apparence, cependant spécifiquement distinctes et offrant
des différences qui peuvent quelquefois paraître peu saillantes,
mais qui sont le plus souvent d'une constance presque invariable.
M. Leech et nous-même, nous avons fait connaître déjà
beaucoup d'espèces de la Chine occidentale; notre collection en
contient plusieurs encore inédites; nous nous proposons de les
publier aussi promptement que l'exécution des figures le per-
mettra.
Il
Description d'une nouvelle espèce d^Apatura.
Apatiira modcsta, Ch. Obthr. (PL VII, &g. 4).
Décrite d'après 5 cf provenant de Siao-Loû, Mou-Pin et Tien-
tsuen.
M 0(1 es ta se place près de Plucacia, Hew., dont nous possédons
2 cf de Tsekou, 5 cf et i Q de Sikkim (Lachin-Lachoong et
environs de Darjeeling).
Diffère de Phœacia, par la forme plus pointue de l'angle anal
de ses ailes inférieures, l'absence, en dessus et en dessous, de la
bande maculaire blanche subapicale. Cette bande est remplacée,
chez modesta, par 4 ou 5 petits points blanchâtres peu apparents.
En dessous, la ligne commune qui part du milieu du bord costal
de l'aile supérieure pour se diriger vers le bord anal de l'aile
inférieure, a, chez modesta, notamment à l'aile supérieure, une
direction tout autre que chez PJucacia.
Au stijet des Apahira sino-thibétaines, il convient d'observer
que fulva, Leech {Biitt. fr. China, pi. XV, fig. 2) est le cf de
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE
subcœntlca, Leech (loc. cit., pi. XV, fig. i). Nous n'avons jamais
vu Apatura Pallas, Leech {loc. cit., pi. XV, fig. 5).
Nous pensons que Bieti, Obthr., est une espèce à part, différente
d'Iris et non une variété de celle-ci, ainsi que nous le supposions
d'abord.
\J Apatura Schrenckii, Ménétriès, se trouve à Tsekou où elle
présente une forme constante, plus petite, avec un développement
très accentué des taches blanches, fauves et bleuâtres du dessus
des ailes; nous avons désigné cette race sous le nom de lœta.
Schrenckii se trouve aussi à Siao-I^oû et Tien-tsuen; elle y est
intermédiaire entre la forme type et la race lesta, de Tsekou.
'L' Apatura Iris, Linn., est très commune dans les régions voisines
du Thibet. Elle y offre une variété où les taches, en dessus, sont
d'un jaune chamois un peu orangé, au lieu d'être blanches. Il y
a d'ailleurs toutes les transitions entre la forme type à taches
blanches et la variété à taches jaunes. Quelquefois aussi, les taches
s'oblitèrent comme dans l'aberration lole. La Q Iris, de Chine
occidentale, a presque toujours les taches jaunes; mais nous
possédons i Q blanche et 2 Q de transition. La Q figurée dans
l'ouvrage de Leech (PI. XV, fig. 4) nous semble être une Q d'Iris
et non de Bieti. La Q Bieti est beaucoup plus obscure et le cf
Bieti très distinct de la variété à taches jaunes d'Iris.
III
Dimorphisme et Mimétisme de la femelle de
Paromia melania.
La Paromia melania Q présente à la fois un remarquable
exemple de dimorphisme sexuel, par rapport au cf de son espèce,
et de mimétisme limité au dessus de ses ailes, comparativement
à certaines espèces de Catagramma dont les deux sexes sont sensi-
blement analogues entre eux.
Déjà, en IQOI, dans le Bulletin de la Société entomologique
de France (p. 42), nous avions publié quelques observations sur
cette question de dimorphisme et de mimétisme simultanés.
Mais nous avons acquis la conviction qu'il ne nous a pas sufft
d'exposer le fait dont nous étions témoin, pour le rendre clair et
intelligible aux nombreuses personnes qui dirigent actuellement
leurs études, de préférence vers le côté philosophique de l'ento-
ujologie.
Une fois de plus, nous avons constaté que sans de bonnes
figures parlant aux yeux, il est bien difficile de parler utilement à
l'esprit.
Voilà pourquoi nous avons cru devoir revenir, avec des figures
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE
à l'appui, sur le sujet des Paromia dont, comme nous l'exposons
plus haut, la Q dimorphique est en outre mimétique des Cata-
gramnia du groupe àeMionina, Lyca, Aegina, Denina, Brome, etc.
La Paromia représentée sur la planche VII de cet ouvrage
(cf, fig. I ; Q fig. 2) provient de Cananche, dans l'état de Cundi-
namarca, en Nouvelle-Grenade, oii M. de Mathan en récolta 4 cf
et 2 Q, pendant le premier semestre de l'année 1900.
Les Paromia sont des papillons assez rares; les Q surtout
semblent très difficiles à obtenir. Depuis 1901, nous avons reçu
une petite série de Paromia prises à Chanchamayo (Pérou) par
Oswald Schuncke; mais tous les exemplaires de cette récolte
étaient des mâles. Dès lors, nos connaissances, quant aux femelles,
n'ont pas avancé.
Nous possédons donc toujours une Q du Para à peu près
semblable au cf, mais dépourvue de reflet bleu en dessous; une
autre Q de l'Equateur appartenant à une espèce dont le cf paraît
encore inconnu et probablement identique à celle dont Staudinger
parle en ces termes (Jixol. Tagfalter, p. 114): « Das Q hat
blauschwarze Htfl. mit einer breiten blauen Halbbinde vor dem
Analwinkel » ; enfin les 2 Q prises par M. de Mathan, à Cananche.
Nous avons appelé (equatorialïs la Paromia provenant de
l'Equateur, et à cause de la notable différence entre le dessous des
ailes des Paromia cf récoltés à Chanchamayo, Cavallo-Cocho,
Iquitos, Pebas, Cochabamba et ceux recueillis à Cananche, nous
avons distingué les Paromia péruviennes, boliviennes et amazo-
niennes, sous le nom de palliclior. De même que pour œquatorialis,
il y a lieu de séparer -palUdior de fidchra. Mais les 4 cf reçus par
nous de Cananche sont-ils identifiables à l'espèce provenant éga-
lement de Nouvelle-Grenade et figurée par Hewitson sous le nom
de pulchra (Vol. II; E-pifhile II et Paromia)} Nous n'en avons
pas la certitude et encore une fois apparaît la difficulté de la
détermination exacte des espèces de Lépidoptères.
La Paromia pulchra figurée par Hewitson présente en dessus un
reflet bleu aussi accentué que chez pallidior de Cavallo-Cocho,
tandis que les exemplaires cf pris à Cananche ont ce reflet bleu
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPAREE
beaucoup moins intense. En effet ils ont, en dessous, le fond des
ailes noir avec un très faible reflet bleu. Toutefois, il est sur-
prenant que dans sa description, Hewitson ne parle pas de ce
reflet bleu que la figure donnée par lui-même accuse cependant
si fortement.
Voici les termes dont s'est servi Hewitson : « Upperside. Maie
black. Anterior vving, with the base and a broad oblique trans-
verse band sinuated inwardly scarlet. Posterior wing with a large
oblong central scarlet spot ».
En dessous, il y a aussi des différences. La base des supérieures
est rose carmin dans la figure faite par Hewitson, tandis que dans
nos exemplaires de Cananche, elle est obscurcie de gris. De plus
nos 4 cf ont, aux ailes inférieures, au-dessus de la seule « minute
spot, half black, half light-blue », suivant les termes de Hewitson,
une semblable petite tache supplémentaire, moitié noire et moitié
bleu brillant, surmontée d'une autre uniquement bleu brillant. Les
autres caractères concordent mieux.
Les différences que nous constatons ainsi entre nos exemplaires
de Cananche et la fuie lira d' Hewitson suffîsent-ils pour permettre
de séparer spécifiquement les 2 Paromïa de Nouvelle-Grenade?
Avec les documents insuffisants dont nous disposons présen-
tement et en tenant compte du désaccord existant entre la des-
cription et la figure de l'ouvrage de Hewitson, nous n'oserions
l'aflîrmer. Mais Staudinger {Exot. Ttxgf aller, p. 115) ayant
désigné sous le nom de melania, la Q de la Paromïa qu'il avait
reçue de Rio-San-Juan (Colombie) et qui paraît se rapporter à
celle de Cananche, nous croyons devoir appliquer à notre Paromïa
ce nom de melanïa imposé par Staudinger, d'autant plus que
Hewitson n'a pas connu la Q de sa pulchra, laquelle Ç peut
différer de celles que nous possédons. Notons cependant que
Staudinger n'a pas adopté le nom générique Paromïa et a préféré
celui de Icrnenïs. Quant à nous, nous nous référons au nom de
genre choisi par Hewitson et ne prêtant à aucun malentendu.
Voici comment Staudinger décrit la Q Tcmenis melanïa :
« Dièses ç hat vollig schwarze Vdf. mit ciner breiten, sich in
24 LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE
der Mitte etwas erweiternden, gelben schràgbinde hinter der
Mittelzelle. Die Htfl. sind auch schwarz, mit der blauen Halbbinde
im Analwinkel. Auch die Unterseite der Htfi. mit 2 schwarzen,
blau umgebenen Flecken, ist dunkler als bei der gewohnlichen
pdchra. Sollte dièses Q einer neuen Art angehoren, so mag sie
melania heissen ».
C'est donc sous ce nom melania que nous désignons notre
Paromia de Cananche, pensant qu'il peut plus exactement lui
convenir. En dessous, les 2 sexes de melania ont les ailes infé-
rieures tout à fait analogues. Ils ont un caractère commun très
particulier; c'est celui que fournissent leurs pattes d'un joli rose
carminé vif. Il ne nous semble pas que cet important organe ait
appelé l'attention d'aucun des auteurs qui se sont occupés des
Paromia. Les pattes sont également roses chez Paromia pallidior,
mais d'un ton plus clair. De plus chez pallidior, les palpes et le
dessous du thorax sont blancs, tandis que ces parties sont d'un
gris obscur chez melania.
Nous avons fait figurer, pour établir nettement la comparaison
avec Paromia melania Q , un Catagramma mionina cf , Hev/. pro-
venant des mines de Muzo, en Nouvelle-Grenade. Mionina fait
partie d'un groupe bien homogène, comprenant plusieurs espèces
à fond noir en dessus, ornées d'une tache jaune aux ailes supé-
rieures et d'une tache bleu brillant aux inférieures. Ces espèces de
Catagramma ont, en dessus, un faciès analogue et la Paromia
melania Q placée dans la boîte où sont rangés les Catagramma
en question semble bien faire partie du même groupe de Lépi-
doptères. L'aspect général est assurément bien conforme et on ne
peut contester que la Paromia melania Q n'imite d'une manière
générale tout ce groupe d'espèces de Catagramma, mais en dessus
seulement. Le dessous de ses ailes n'offre évidemment pas le
même mimétisme que le dessus.
Pourquoi ce mimétisme? Quelle en est l'explication?
Nous sommes obligé de déclarer notre ignorance absolue.
Nous nous trouvons en présence d'un fait de mimétisme et de
dimorphisme indiscutables; mais pour en expliquer la raison
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPAREE
d'être, il est impossible d'invoquer le motif de mimétisme pro-
tecteur qu'on a inventé au sujet d'autres cas de mimétisme
d'ailleurs bien différents de celui-ci. Nous voulons parler de la
ressemblance à un objet non comestible, d'insectes pouvant servir
d'aliment, par exemple d'un papillon à un lichen ou à un
morceau de rocher et d'une chenille à une petite branche d'arbre.
Dans la circonstance qui concerne la Paromia melania Q, la viva-
cité des couleurs éloigne toute idée de protection due à l'imitation
d'un objet étranger. Wallace a prétendu que certains insectes
parés de couleurs brillantes, ce qui est le cas pour les Catagnxmma
et la Paromia melania Q, émettaient une odeur répugnante aux
oiseaux et les informaient ainsi par leurs couleurs elles-mêmes du
mauvais goût qu'ils pouvaient avoir. Nous ignorons si les Caia-
gramma émettent une odeur quelconque. Mais nous avons déjà
fait connaître que nous avions vu une hirondelle manger une
Callimorpha Hera, espèce à couleurs brillantes et à odeur musquée
très forte et très tenace ; et depuis cette observation, nous avons vu
se reproduire le même fait, ce qui prouverait que ce n'est point un
accident isolé! Nous croyons que Wallace n'a pas raisonné juste
et s'est laissé entraîner à ériger en une quasi certitude des hypo-
thèses dont le seul mérite est d'être le fruit d'une imagination
nigénieuse.
D'ailleurs le mimétisme dit : protecteur, celui qui résulte de la
ressemblance d'un insecte à un objet matériel quelconque, n'est-il
pas lui-même une hérésie scientifique et le produit de l'imagi-
nation des entomologistes de cabinet plutôt que le résultat d'ob-
servations et d'études soigneusement accomplies dans la nature?
Tout ce que nous avons constaté nous-même dans les chasses
que nous poursuivons aussi fréquemment que possible, contredit
absolument cette théorie de la protection par le mimétisme à
laquelle, dans l'intérêt de la vérité, qui définitivement est seule
en cause, il nous semble nécessaire de renoncer.
Nous ignorons la raison d'être des divers modes de mimétisme,
comme de beaucoup d'autres phénomènes dont nous constatons
cependant la réalité. Il nous paraît donc plus raisonnable de
26 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
reconnaître notre ignorance et d'éviter de nous aventurer dans des
explications hasardées et dépourvues de toute preuve.
Les véritables ennemis des Lépidoptères, c'est-à-dire ceux qui
en vivent, ne sont nullement le jouet de l'illusion que pourrait
produire le mimétisme réputé protecteur des victimes ordinaires
de leur espèce. Il suffit de faire l'examen des garde-manger de
certains Hyménoptères pour constater la puissance et la sûreté de
l'instinct qui dirige ces insectes dans la recherche de leurs proies.
En ce monde, tout être sert à l'alimentation d'un autre être, ou bien
inversement, certains êtres poursuivent d'autres êtres en vue de
leur aliment personnel ou de celui de leur progéniture. Si le mimé-
tisme protégeait efficacement un Lépidoptère, à l'état de chenille
ou de papillon, contre les êtres qui doivent vivre à ses dépens, ce
serait la victime désignée qui cesserait de remplir son rôle et
l'entomophage périrait d'inanition, faute de sa nourriture néces-
saire, du moment qu'il serait impuissant à la découvrir, parce
qu'elle lui serait trop bien dissimulée. Mais nous savons bien qu'il
n'en est point ainsi dans la nature. Si nous-mêmes, nous avons de
la peine à découvrir tel papillon qui ressemble à un morceau de
lichen ou telle chenille qui a l'aspect d'une petite brindille
ligneuse, nous devons cependant nous garder de tout raison-
nement fallacieux, en jugeant toutes choses de la nature, comme
si elles avaient été créées pour nous seuls. Les chenilles qui
imitent le mieux une petite branche, n'échappent point aux para-
sites qui les recherchent pour en faire le véhicule et l'aliment
vivant de leur petite larve dont ils savent, avec un instinct si sûr,
déposer l'œuf sur la chenille, au bon endroit. Lorsque l'Homme
apparaît comme destructeur de la faune et de la flore, c'est quand,
pour les besoins de son industrie, avec le fer ou même avec le feu,
il abat une forêt, transforme une contrée, construit des usines,
des routes, des jardins, à la place où les plantes naturelles
poussaient librement et faisaient vivre les insectes à la nourriture
desquels elles sont indispensables. Dans ces destructions, ce n'est
point le mimétisme qui protège et conserve quelqu'espèce dont la
livrée est en quoi que ce soit imitatrice. Tout périt à la fois et c'est
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE 27
à peine si quelques graines enfouies dans la terre survivent à la
révolution dont l'Homme a été l'auteur.
Mais lorsque l'ordre naturel n'est pas troublé par l'intervention
violente de l'Homme ou par quelque cataclysme extraordinaire,
nous constatons que chaque espèce pourvue, ou non, de mimétisme,
même privée en apparence des plus élémentaires moyens de
défense, se conserve et résiste, depuis des siècles, à ses ennemis
primordiaux, toujours les mêmes et armés des mêmes moyens.
Des quantités innombrables d'individus peuvent succomber;
mais quelques sujets continuateurs de leur race, échappent tou-
jours aux hécatombes et engendrent de nouveau une descen-
dance qui empêche l'espèce d'être annihilée. Il semble que dans la
nature, si le sacrifice d'un nombre immense d'individus est chose
commune, l'espèce cependant se trouve indéfiniment conservée et
sa reproduction assurée, tant que la flore et la faune d'une contrée
ne sont pas détruites par un événement qui la transforme brus-
quement et dont l'Homme est le plus souvent la cause. Dans toutes
ces circonstances, le mimétisme ne paraît faire jouir d'aucune
immunité les êtres qui en sont l'objet.
Nous croyons donc que la théorie du mimétisme -protecteur ne
résiste pas à l'observation qu'il est aisé de faire dans la nature.
Chaque être vivant semble doué d'un instinct de conservation
individuelle au moyen duquel il lutte pour prolonger la durée
de sa vie. Mais dans la recherche ardemment poursuivie par les
espèces carnassières, de la pâture qui leur est nécessaire, pas plus
le dimorphisme que le mimétisme ne protège bien longtemps la
victime contre ceux dont elle est l'aliment.
Bien que nous soyons impuissants à connaître la raison véri-
table du dimorphisme sexuel et du mimétisme simultané chez la
ParomiiX melania Q, il n'en est pas moins vrai que la constatation
du fait lui-même constitue une réalité scientifique digne d'intérêt.
Nous espérons que les planches accompagnant cet ouvrage
faciliteront l'intelligence du fait en question qu'il nous a paru
bon de mettre en lumière.
IV
Dimorphisme de 2 espèces de Précis africaines.
J'ai la plus grande reconnaissance à M. Henri-A. Junod,
missionnaire à Shilouvane (Nord du Transvaal), pour l'envoi
d'observations pleines d'intérêt sur les Lépidoptères du pays où
il réside.
M. Henri Junod a déjà publié dans le Bulletin de la Société
Neuchâteloise des Sciences Naturelles (Tome XXVII ; année
1898-99) une notice très documentée sur la Faune entomologique
de Delagoa; quatre planches en couleurs illustrent ce travail.
De retour en Afrique, après un court séjour en Europe,
M. Junod a repris ses études entomologiques et a bien voulu m'en
faire profiter. Qu'il veuille bien me permettre de le féliciter très
vivement de son zèle scientifique !
Je suis convaincu que la lecture de la notice écrite par M. Junod
sera fort appréciée de toutes les personnes qui s'intéressent aux
Sciences Naturelles.
L'explication complète du phénomène de dimorphisme des
Précis si exactement observé par M. Junod, reste à découvrir.
Espérons que pour prix de tant d'efforts déjà faits et de ceux
qui vont s'y ajouter encore, nous finirons par obtenir le rayon
définitif de lumière et de vérité.
Ch. O.
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE
ShiLoHvanc, 5/ juillet iço6.
Depuis plusieurs années, j'étudie la Faune des Lépidoptères
du Sud de l'Afrique. La station de Shilouvane est dans une
situation favorable. Elle se trouve aux confins de la grande plaine
qui s'étend du Lebombo aux montagnes du Drakensberg, au
pied de la chaîne du Drakensberg, à environ 700 mètres d'altitude.
Elle est adossée contre une petite colline de 100 mètres de haut,
très exposée au soleil. Cette petite colline, comme c'est toujours
le cas dans cette contrée, attire certaines espèces de Lépidoptères.
Son sommet est une véritable localité où l'on rencontre des
papillons que l'on ne voit pour ainsi dire jamais dans la plaine.
J'y ai capturé un certain nombre de fois Aphnaeus Hiitchinsonii,
Trimen {S. Afr. Biitt., Il, p. i-|8, 149), admirable Lycénide qui
porte sous ses ailes comme vingt perles d'argent incrustées;
] olans alienîis qui n'avait encore été trouvé qu'une fois au
Mashonaland, ] olaus Trimeni, Silas; Charaxes Saturnus, Achœ-
menes, Jahhcsa, Ethalion; Précis Sophia; Pamphila Ayresii,
Morantii, etc. Ce sommet de colline, pierreux, aride, brûlé, avec
deux ou trois arbustes chauffés par le soleil de midi à deux heures
de l'après-midi, est un paradis pour l'Entomologue, surtout au
premier printemps, en Septembre, au moment le plus sec de l'année.
C'est alors qu'on trouve ces superbes Lycœnidœ.
L'an passé, j'ai exploré une localité différente. A cause de la
malaria qui règne dans la plaine, je me suis établi pour la mau-
vaise saison, à notre sanatorium, au beau milieu des montagnes du
Drakensberg, à environ 1.200 mètres d'altitude.
Ce sanatorium est un endroit d'une rare beauté; petit plateau
suspendu entre ciel et terre, dominant à l'Est la vallée du Bokaha,
à l'Ouest celle de Thabina; c'est une localité vraiment alpestre.
Au Sud se dresse une pyramide de 1.700 mètres, l'un des plus
beaux sommets de cette partie du Drakensberg. C'est de ce sommet
que part un petit chaînon dont fait partie notre plateau et qui
aboutit au Marovougne, grand rocher de 1.250 mètres d'altitude
qui retombe à pic dans la plaine.
30 I.EPIDOPTEROLOGIE COMPAREE
Le sanatorium est à mi-distance entre la pyramide de
1.700 mètres et le rocher terminal de Marovougne.
Sur le plateau s'étend une vaste prairie d'herbe de 50 à
75 centimètres de haut, où volent Acrœa violarum, Cydopidcs
Tsita, Aphnœus natalensis, des Terias, Précis Octavia, etc.
Deux petites forêts circulaires se dressent au milieu de la
plaine et recèlent, à la saison d'automne, de superbes Salamis
Anacardii, le Cyclopides Métis et beaucoup plus rarement les
Papilio Echcrioidcs et Cenea.
Mais outre la plaine ouverte, le sanatorium présente encore au
point de vue entomologique deux éléments de richesse qui sont
deux régions différentes. C'est d'abord le rocher. Le plateau se
rétrécit et aboutit à ce que les Boers appellent un Kopje, tête
rocheuse qui le domine et qui, étant élevée au-dessus du pays
environnant, joue le rôle de pôle attracteur sur beaucoup de
papillons. On y retrouve certaines espèces de la colline du Bas-
Shilouvane : Aphnœus Masïlikasi; Char axes Saturnus et Achœ-
niencs ; Aboutis venosa; rarement Abantis paradisea, Capys
Alphœiis, que je n'ai jamais rencontré dans le bas pays. Cette
tête rocheuse est, à un moment donné, couverte de fleurs de Selago
natalensis, verbenacée qui porte des capitules de petites fleurs
violettes très appréciées par les papillons. Le coteau est alors
fréquenté par de nombreuses Acrœa natalica, A car a, violarum,
Buxtoni, Aglaonice; les Jiinonia Clelia et Cebrene; par les Hes-
peria Florestan et Pisistratus ; mais surtout par la fameuse Précis
Octavia à laquelle succède la Sesamus et par la Précis Pelasgis
bientôt remplacée par la Précis Archcsia.
L'abondance des individus de ces deux espèces m'a décidé à
entreprendre l'étude de leurs rapports et j'y reviendrai tout à
l'heure.
La seconde région intéressante que présente le sanatorium, outre
la prairie et le rocher, c'est la grande forêt. Elle occupe une
dépression du chaînon du Marovougne, environ 100 mètres plus
bas que le plateau.
Ce bois superbe d'arbres s'élevant à une hauteur de 15 à
20 mètres et quelquefois même davantage, avec un sous-bois très
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPAREE
épais d'arbustes toujours verts, souvent épineux, abrite de nom-
breuses espèces sylvestres qui, chose curieuse, semblent plutôt
appartenir à la faune du Cap qu'à celle de l'Afrique subtropicale.
J'y ai découvert avec plaisir la Lctlic Indosa se collant pares-
seusement contre les troncs d'arbre au soleil et la Pieris Zochalia
voletant sur les feuilles brillantes et marchant sur elles, comme
si elle voulait y frotter son abdomen.
Ces deux espèces apparaissent en Mars.
La Leptoneiira Ayres'ù vole très haut dans les ramures et
daigne trop rarement descendre à portée du filet. Des Pamphila,
le Cyclopidcs Beiis s'étalent sur les tiges d'iris blanc; dans les
énormes labiées violettes, volent Eurytcla Hiarba et Papilio
Nireus. Ici aussi, les Salamis Anacardii, avec leurs ailes nacrées
aux riches reflets, se suspendent aux branchettes ou se déplacent
lentement. La Précis Elgiva remplace ici ses congénères du
Rocher. Elle n'est pas rare dans les buissons, à la lisière du bois.
En Mars, apparaît Précis Tiigcla qui est beaucoup moins fré-
quente cependant.
Le sanatorium n'est pas très riche en Tcracoliis. Cependant en
Janvier, des centaines de Tcracolus lone, allant tous dans le
même sens, c'est-à-dire vers le Sud-Ouest, ont passé au sanatorium.
J'ai vu un vol de Pieris Mesentina (ou SeverinaP) encore plus
considérable, sur une des sommités voisines, à 1.600 mètres de
haut, allant dans la direction contraire, vers le Nord-Est.
Ces phénomènes de migration posent à l'esprit certains pro-
blèmes. Mais il en est d'autres plus curieux encore, qui se
présentent devant nous, ici, au Sud de l'Afrique, et qui sont bien
difficiles à expliquer; ce sont les phénomènes de Dimorphisme
qui se produisent spécialement dans le genre Précis et que
M. Marshall, de Salisbury, a étudiés avec tant d'intelligence (*).
(*) In Transnct. Eut. Soc. London, 1902 : XVII ; Five Years' Obser-
vations and Experimcnts (i<Sq6-iooi) on thc Bionoiuics of South African
Insects chiefly directed to the Investig-ations of Mimicry and Warning:
Colnurs, by Guy A.-K. Marshall ; with a Discussion of the Results and
other Subjects sugrg-ested by them, by Edward B. Poulton, Hope Pro-
fessor of Zoologry in the Univesity of Oxford, etc., etc. (p. 287-584,
pi. IX-XXIII).
32 LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE
Sur mon coteau tout couvert de Sclago natalensis, j'ai tâché,
ces derniers mois, de réunir quelques autres éléments du problème.
Je n'ai pas réussi à obtenir des œufs d'une forme qui
donnassent naissance à des exemplaires de l'autre, comme
M. Marshall a eu la bonne fortune de le faire. Je me suis contenté
de deux séries d'observations : élevage des larves et statistique
journalière des individus volant sur le coteau.
Le résultat de ces observations confirme absolument la décou-
verte pour la première fois scientifiquement prouvée par l'Ento-
mologue de Salisbury, à savoir que : quelle que soit la différence
des formes, des couleurs, des habitudes qui sépare Précis Octavia
de Précis Sesamus, ces deux papillons sont une seule et même
espèce, laquelle possède deux phases successives : la phase d'été
et la phase d'hiver.
Quant à l'élevage des larves, il n'est pas difficile de le faire.
Les chenilles de cette Précis abondent sur une sorte de labiée
aux fleurs blanc rosé qui croit dans tous les rochers de la mon-
tagne. Elle a de larges feuilles triangulaires, sans pétiole,
opposées deux par deux, celles du dessus ayant leur axe à angle
droit de celles de la paire de dessous.
Mon premier élevage fait au milieu de la saison humide n'a
donné pour résultat que des Octavia.
Le second a été entrepris au commencement de Mars. Les
chenilles se sont mises en chrysalide du lo au 20 Mars. Elles
étaient exactement identiques aux premières. Les œufs dont elles
étaient sorties avaient certainement été déposés par des Octavia,
dans le courant de Février, car pas un Sesamus n'a paru avant
le 6 Mars. Or 12 des exemplaires obtenus de ces larves-là furent
des Sesamus typiques et un seul, éclos le 13 Avril, fut un Octavia.
Il n'y a aucun doute, les Sesamus de Mars et Avril sont produits
par des chenilles sorties d'œufs pondus par des Octavia, en
Janvier-Février.
La même conclusion s'impose quand on suit avec soin l'appa-
rition des deux espèces, au cours de l'année. Dès le mois de
Novembre, Octavia était très commune sur mon coteau, volant de
roc en roc. Le 6 Mars, parut le premier Sesamus.
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPAREE 33
Voici ce que dit mon Journal : Dès le 6 Mars, un, deux, trois
Sesamits par jour; les Octavia demeurant la majorité, à raison
de vingt à trente chaque jour.
D'autre part, Précis Pelas gis abonde aussi dès Novembre; le
10 Mars, paraît le premier exemplaire d'Archesia qui doit être
sa forme hivernale.
Sesamus est plus craintif q(\\ Octavia. Une fois effrayé, il part
et ne revient plus.
13 Mars; vu aujourd'hui Octavia, Sesamus et la superbe forme
intermédiaire que malheureusement je n'ai pu attraper.
14 Mars; observé 15 à 20 Octavia et i Sesamus.
15 Mars; 15 Octavia, 2 Sesamus; plusieurs Pelasgis, 2 Arckesia
{Sesamus se pose contre les troncs à l'ombre).
17-22 Mars; pluie.
18 Mars; capturé même jour Octavia, Sesamus et la forme inter-
médiaire.
22 Mars; 15 à 20 Octavia, 3 à 4 Sesamus, 2 Archcsia.
23 Mars; 15 Octavia (plusieurs gâtés); 5 Sesamus (très frais);
3 à 4 Pelasgis (fripés); i Archesia.
24 Mars; 10-12 Octavia; 5 à 6 Sesamus; très peu de Pelasgis;
3 Archesia.
26 Mars; 12 Octavia volant surtout au sommet des pierres (un
seul frais) ; 6 beaux Sesamus; 3 ou 4 vieux Pelasgis;
2 Archesia.
29 Mars; 4-5 Octavia (un seul frais); 3-4 Sesamus; 2-3 vieux
Pelasgis; 2 beaux Archesia; pris l'intermédiaire entre
Archesia et Pelasgis.
31 Mars; 10 Octavia; 2 Sesamus; plusieurs Pelasgis; aucun
Archesia.
8 Avril; 3 Octavia; 4 Sesamus; 3 Pelasgis; 2 Archesia.
II Avril; 2 Octavia; 2 Sesamus.
3
34 LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE
Dès lors les Octavia ne sont plus que l'exception et sont en
général affreusement gâtés; mais les Scsanms ne deviennent pas
plus nombreux. La statistique n'offrant plus grand intérêt, je
l'abandonne.
Le tableau que je joins à ces lignes aidera à se faire une idée
claire de l'apparition successive des formes estivale et automnale
de ces 2 Précis.
Quant à l'explication à donner de cet étrange phénomène, elle
a été discutée tout au long par M. le Professeur Poulton, dans
ses commentaires aux observations de M. Marshall. Les causes
de ce changement de formes d'une seule espèce paraissent être
de deux ordres : la cause vitaliste, si l'on peut s'exprimer ainsi;
et la cause climatérigue.
J'appelle cause vitaliste cette merveilleuse faculté que l'Espèce
possède de s'accommoder à l'environnement pour mieux préserver
son existence. Sous cette rubrique, on peut mentionner la colo-
ration foncée, la forme imitatrice des feuilles mortes, les habitudes
cryptiques de la forme automnale.
Quant à la cause climatérigue, elle consiste dans la différence
considérable de chaleur, de lumière et d'humidité qui existe entre
les deux saisons de l'année africaine.
M. Poulton a mentionné cette cause-là et insiste de plus en plus
sur son importance. Il a raison. Les expériences de Standfuss ont
démontré quels extraordinaires changements de formes et de
couleurs une chaleur supérieure pouvait déterminer dans les
papillons européens, lorsque cette chaleur était appliquée à l'état
larvaire de ces espèces-là. Mais, chose curieuse, même cette expli-
cation n'apporte pas à l'esprit une satisfaction complète. Pour
qu'elle fût tout à fait satisfaisante, il faudrait que la Précis
Sesamus et la Précis Archesia n'apparussent qu'en Mai ! Mes
exemplaires obtenus par larve dans le courant d'Avril s'étaient
mis en chrysalide du 15 au 20 Mars. Comme le développement
de la larve dure, du moment où l'œuf est pondu jusqu'à la
chrysalide, environ 6 semaines, ces Sesamus avaient été pondus
par des Octavia au commencement de Février. Les Sesamus éclos
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE 35
un mois auparavant, le 6 Mars, avaient donc été pondus déjà en
Janvier, ou même fin Décembre. Donc tous ces Sesamiis se sont
développés (j'entends leurs larves) au beau milieu de la saison
pluvieuse qui va du commencement de Novembre à la fin de
Mars. D'autre part, on peut en dire autant des nombreux Octavia
qui se sont succédé en Décembre, Janvier, Février. Ce n'est que
vers le milieu de Mars qu'ils ont diminué en nombre. Les 30
exemplaires que je voyais chaque jour fin Décembre, Janvier et
Février avaient aussi été pondus en Novembre, mois qui fut
passablement pluvieux, en Décembre, où nous eûmes en une seule
fois une chute de pluie de plus de 120 millimètres et plusieurs
autres moindres, et même en Janvier où il tomba près de
200 millimètres. En Février, nous eûmes 250 millimètres environ,
en Mars 162 millimètres et en Avril plus que 46 millimètres. Dès
lors plus de pluie pendant presque 6 mois.
Les éléments chaleur et lumière qui diffèrent aussi beaucoup
d'une saison à l'autre, influencent-ils les Précis dans leur curieux
dimorphisme et comment ? Il faudra encore beaucoup d'obser-
vations pour résoudre la difficulté que la variation des Précis
suscite. Il ne me paraît pas que le problème soit encore pleinement
élucidé.
Henri-A. JUNOD.
36
LEPIDOPTEROLOGIE COMPARÉE
Tableau indiquant l'apparition successive des Précis Octavia-Sesamus
et Pelasgis-Archesia au sanatorium de Shilouvane de décembre à
juillet 1906.
PRECIS
PRECIS
MOIS
JOUR
Octavia
Sesamus
Pelasgis
Archesia
1905 Décembre
26
1
_
_
_
28
1
_
_
_
29
2
—
1906 Janvier
6
2
9
3
_
1
_
16
1
30
1
_
3
_
Février
7
8
1
1
—
3
—
15
2
_
_
16
3
2
21
1
2
22
2
2
23
2
ï
24
—
_
2
_
25
3
28
—
_
1
_
Mars
3
6
2
30
1
z
—
7
20
1
1
._
10
20
5
4
1
12
30
1
13
20
3
10
2
14
20
1
4
15
10
18
—
î
—
22
1
4
10
3
25
10
8
4
2
27
—
3
28
15
2
29
5
7
4
1
30
—
_
—
6
31
6
Avril
2
3
—
1
3
—
4
_
2
_
_
5
—
2
4
6
—
2
_
7
—
2
—
8
7
1
9
5
1
10
2
_
13
1
~2
15
15
16
1
_
20
2
1
1
23
2
4
_
28
_
1
29
1
30
5
5
Mai
5
8
5
11
11
—
—
10
3
23
2
5
—
_
Juin
9
-
1
-
1
Juillet
Découverte de la Lijcœna Donzelii,
dans les Pyrénées-Orientales
et de la Chelonia Flavia, dans les Hautes-Alpes
Peu de régions en France ont été l'objet d'explorations ento-
mologiques aussi suivies et aussi répétées que les Pyrénées-
Orientales et spécialement les environs de Vernet-les-Bains.
L'agrément du site, la variété de la flore et de la faune offrant
d'un côté les espèces méditerranéennes et de l'autre les espèces
alpines, ont depuis longtemps exercé sur les Naturalistes un
puissant attrait. Feu Donzel, l'infatigable explorateur dont le
zèle entomologique fut si rarement égalé, De Graslin, Bellier de
la Chavignerie, Guenée se sont livrés à d'activés recherches dans
les Pyrénées-Orientales.
En 1862, la Société entomologique de France choisit ce dépar-
tement comme but de son excursion annuelle et beaucoup de ses
membres répondirent à son appel. Des Lépidoptéristes anglais
et allemands, entre autres feu Struve, ont aussi visité les mon-
tagnes autour de Vernet-les-Bains. Enfin mon frère et moi,
souvent accompagnés de quelques amis, nous avons maintes fois
chassé, en diverses saisons, dans différentes localités des Pyrénées-
38 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
Orientales, au bord de la mer, dans la plaine si chaude et
jusqu'aux derniers sommets des montagnes.
Nous ne pensions pas qu'une espèce de Rhofalocere eût pu
échapper à tant d'investigations poursuivies depuis si longtemps
et par tant d'Entomologistes, avec les méthodes variées, spéciales
à chacun d'eux.
Cependant cette année 1906, au mois de Juillet, MM. P. Chrétien,
Fabresse et R. Oberthiir chassant ensemble au-dessus de Vernet,
dans la forêt de Randai, les pelouses sylvatiques de Mariailles
et jusqu'à l'entrée de la haute vallée de Lipaudère, eurent
l'agréable surprise de trouver sur les parties humides des chemins,
quelques exemplaires cT de la Lycœtia Donselii, espèce des Alpes
que jamais encore on n'avait observée dans les Pyrénées.
Au même moment, je chassais moi-même dans les Hautes-
Alpes et je prenais la même Lycœna Donzelïï à la Grave et sur
la route du Mont-Genèvre, au-dessus de Briançon, non loin de
la colonne élevée à la gloire de Napoléon.
La forme de la Lycœna Donzelïï paraît être la même dans les
Alpes et dans les Pyrénées-Orientales.
La Lycœna Donzelïï n'est jamais bien abondante et toujours
localisée. Elle habite surtout dans les forêts où il y a des mélèzes,
entre 1.500 et 2.000 mètres d'altitude, et elle aime à se reposer sur
les fleurs violettes du Geranïum sylvestre.
Je l'ai souvent capturée dans les mêmes lieux que Lycœna
Eumeclon et voltigeant avec cette espèce sur les mêmes touffes
fleuries. Cependant Donzelïï éclôt lorsque Eumedon finit et il
est rare de trouver des Eumedon frais en même temps que les
Donzelïï. D'ailleurs Donzelïï ne se rencontre pas nécessairement
partout où vit Eumedon; mais si je n'ai pas trouvé Donzelïï
dans toutes les localités où je prenais Eumedon, je me souviens
d'avoir toujours observé Eumedon, là où je voyais Donzelïï.
Il en est notamment ainsi dans la forêt de pins et de mélèzes
qui s'étend au-dessous de Ryffelalp, dans le Valais. C'est au
milieu de cette forêt que j'ai capturé Donzelïï en plus grand
nombre, jadis en Juillet 1864 et 1866, comme plus récemment
en 1902.
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE 39
Dans les Pyrénées-Orientales, la Lyccena Eumedon se ren-
contre dès la fin de Juin, dans la forêt de Randai où fut
découverte en Juillet 1906, une station encore inconnue de
Donzelii.
Cette année, au col du Mont-Gencvre et vers le village italien
de Clavières, j'ai vu des quantités considérables de Lycœna posées
sur la terre humide, principalement le long des fossés et sur les
talus en bordure du chemin. Les Lycœna se trouvaient par
groupes; les papillons presque tous cf serrés très près les uns
des autres, en compagnie de SyrïcJithus et d'Hesperia.
Différentes espèces de Lycœna étaient ainsi mélangées et
lorsqu'on faisait envoler ces petits papillons quelquefois réunis
en nombre relativement considérable, on se trouvait, pour un
instant, comme entouré d'un léger nuage gris bleuâtre formé par
les diverses Lycœna.
Souvent je prenais ainsi : Donzelii, au milieu de ses congénères :
Argus (nec Aigon), Orbitulus, Corydon, Damon, Acis (Se-
miargiis), Alsiis (niinima), Dorylas (Hylas), A gesiis- Allons
(Asirarche), Alexis (1 car us), Es cher i, Eres.
La Lycœna Donzelii çS venait assurément des forêts de
mélèzes qui couvraient de leur agréable verdure les pentes des
montagnes voisines, attirée, comme les autres Lycœna, par la
séduction que la fraîcheur de la terre humide exerce sur beaucoup
de papillons, pendant les matinées si chaudes de l'été.
\JErebia Euryale abondait également sur les parties mouillées
de la route. Les Erebia se groupaient en nombre quelquefois très
grand, serrées les unes contre les autres autour d'une flaque d'eau
ou d'un excrément de cheval. Déjà j'avais observé cette espèce,
dans des conditions analogues, sur le chemin de Laquinthal, au
Valais, mais en quantité infiniment moins considérable. J'ai vu
plusieurs groupes de plus de cent Euryale, à diverses places,
avant d'arriver à Clavières. Tous les exemplaires étaient des
mâles fraîchement éclos. Ils formaient, lorsqu'on les faisait
envoler, des tourbillons noirs qui se reposaient de nouveau sur
le sol même d'où on les avait momentanément dérangés.
40 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPAREE
Très rarement une Erebia Goante se trouvait mélangée aux
Euryale. Presque toujours le groupe était composé d'individus de
la même espèce. Vers midi, les nuages obscurcirent le soleil; les
Euryale disparurent presque complètement et devinrent invisibles.
Nos Alpes françaises sont très riches en Lépidoptères et l'on
peut espérer y trouver bien des espèces qui n'ont encore été ren-
contrées que dans les montagnes voisines de la Suisse, d'ailleurs
visitées et explorées chaque année par un bien plus grand nombre
de naturalistes de diverses Nations.
Lorsque j'étais à la Grave, à l'Hôtel Juge, je chassais, chaque
soir, autour des lampes électriques qui éclairaient le petit jardin
de l'Hôtel. La récolte n'était pas abondante; mais je recueillais
tous les jours quelque pièce intéressante. Une fois un gros
papillon pénétra dans une chambre de l'Hôtel occupée par une
dame qui s'empressa de se débarrasser violemment d'un visiteur
qu'elle considérait comme importun.
Elle le rejeta au dehors après l'avoir écrasé et le lendemain
je retrouvais sur le sol les débris de la Chelonia Flavïa, superbe
Arctïide jusqu'ici regardée comme spéciale aux Grisons et à
l'Engadine, mais qu'on peut désormais considérer comme
habitant également les Alpes françaises. Je fis des recherches en
vue de trouver des exemplaires dans de meilleures conditions;
mais je dus quitter la Grave avant d'avoir réussi dans mon
entreprise. Je souhaite qu'un Entomologiste soit, à la saison
prochaine, plus heureux. D'après les débris que j'ai rapportés,
notamment à en juger par une aile supérieure presque intacte,
la forme de la Chelonia Flavïa serait la même dans les Alpes
françaises et dans les Alpes de la Suisse.
TABLE DES MATIÈRES
PAGES
I. — Observations sur les Neptis à taches jaunes de la région
sino-thibétaine 7-18
II. — Description d'une nouvelle espèce à''Apatura 19-20
III. — Dimorphisme et Mimétisme de la femelle de Paromia
nielania 21-27
IV. — Dimorphisme de 2 espèces de Précis africaines 28-36
V. — Découverte de la I.yccrna Donzein dans les Pyrénées-
Orientales et de la Chelonia Flavia dans les Hautes-
Alpes 37-40
I
REPERTOIRE DES PLANCHES
PLANCHE VII
PAGES
Fig. I. — Paromia melania cf, Stgr 22
— 2. — Paromia melania g, Stgr 21
— 3. — Catagramma Mionina cf, Hew 22, 24
— 4. — Apatura modesta cf, Obthr 19
Fig. I
Fig.
PLANCHE VIII
Neptis Yunnana, Obthr 11
Neptis Narcissina, Obthr 15
Neptis nemorum, Obthr 12
Neptis Annaika, Obthr 13
Neptis Meloria, Obthr 12
Neptis Patricia, Obthr 14
Neptis Noyala, Obthr 13
PLANCHE IX
Neptis Thisbe-obscurior, Obthr 9
Neptis Thishe-dilutior, Obthr 9
Neptis Themis-Theodora, Obthr 11
Neptis Sylvia, Obthr 18
Neptis nemorosa, Obthr 16
Neptis sylvana, Obthr 16
Lépidoptérologie comparéf
PL VII
II
1 Paromia melania ô, Stgr.
2 Paromia melania 9, Stgr.
3 Catagramma mionina 6, He
4 Apaturamodesta ô.ûbthr.
Lépidoptérologie co
mparee
PI, VIII
1 Neptis Yunnana^Ch.Obthr-
2 Neptis Narcissina, Ch.Obthr
3 Neptis nemorum.Ch.Obihr.
4 Neptis Annaïka, Ch.Obthr.
5 Neptis Meloria, Ch.Obthr.
6 Neptis Patricia, Ch.Obihr.
7 Neptis Noyala, Ch.Obthr
Lèpidoptérologie compî
PL IX
1 Neplis thisbe obscurior, Ch.Obihr.
2, Heptis thisbe dilutior.Ch.Obthr.
3 Neptis themis Theodora AObthr.
4 Neplis Svlvia^ChObthr.
5 Neptis nemorosa.ChObthr.
6 Neptis Sylvana,Ch.Obthr.
ÉTUDES
DE
LÉPIDOPTÉROLOGIE
COMPARÉE
PAR
Charles OBERTHUR
Fascicule III
RENNES
IMPRIMERIE OBERTHUR
Juin 1909
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
ÉTUDES
DE
LÉPIDOPTÉROLOGIE
COMPARÉE
Charles OBERTHUR
Fascicule III
RENNES
IMPRIMERIE OBERTHUR
Juin 1909
PRÉFACE
Il est maintenant bien démontré que toutes les espèces
animales et végétales varient et que les variations se
produisent conformément à des Lois.
On peut considérer ces Lois comme faisant partie
intégrante des caractères génériques.
Le même mode de variation s'applique en effet si
généralement à toutes les Espèces d'un même Genre
qu'on peut exactement prévoir et par conséquent définir
d'avance, c'est-à-dire avant même de les connaître en
nature, les variations auxquelles sont soumises les Espèces
de certains Genres actuellement suffisamment étudiés, en
se fondant sur des analogies déjà connues.
C'est ainsi que le Docteur Courvoisier, de Baie, a pu
dresser graphiquement le tableau des variations dans
lesquelles peuvent se mouvoir toutes les Espèces du
Genre Lycœna (Lép. Rhop.).
On pourrait aisément établir des tableaux semblables
pour une foule d'autres Groupes dont les Espèces, au
point de vue des variations, ont été soigneusement obser-
vées; ainsi : les Zygœna et les Arciia (Lép. Hét.).
Bientôt, sans doute, nous arriverons à être assez bien
fixés sur les Lois de variations pour être en état, d'après
l'examen d'un échantillon normal d'une Espèce quel-
conque, d'indiquer avec certitude l'ensemble des variations
« PREFACE
auxquelles est soumise l'Espèce à laquelle appartient cet
échantillon.
D'ailleurs, il est bien évident que la connaissance d'un
Genre ou d'une Espèce ne devient entière qu'après
constatation des diverses variations dans lesquelles ce
Genre ou cette Espèce peuvent se mouvoir suivant les
circonstances de saison et de lieu, ou encore en conformité
de ces causes actuellement partiellement ignorées, mais
sur la nature desquelles les expériences des D''" Max
Standfuss et Fischer, de Zurich, ont commencé de projeter
un très suggestif rayon de lumière.
Cependant on sent que l'étude des variations atteignant
tous les êtres organisés, ne peut se faire utilement qu'au
moyen de multiples comparaisons, et on comprend
aisément combien il importe, pour entrer en possession de
la vérité, de présenter les faits observés avec la plus
rigoureuse exactitude, comme aussi d'éclairer toutes les
observations relatées, au moyen de figures susceptibles
d'éviter toute confusion et tout malentendu.
Je suis présentement privé du concours entendu et
intelligent de M. Dallongeville, graveur-lithographe,
désormais obligé au repos ; mais j'ai rencontré en
M. J. Culot, de Genève, un collaborateur artistique aussi
compétent en matière d'Entomologie que dessinateur
habile et coloriste expérimenté. Il a dessiné, mis sur pierre
et colorié les papillons d'après nature, en les éclairant
toujours de gauche à droite, ce dont il est nécessaire de tenir
compte pour l'appréciation des ombres et des reflets, et son
travail est très consciencieusement exécuté.
Dès lors, j'espère pouvoir rendre clairement tangibles
les résultats de mes récentes observations sur la Faune
comparée des Lépidoptères de France, d'Algérie et de
PREFACE
l'Europe occidentale, et sur divers autres sujets qui sont
traités dans le présent ouvrage.
J'ai émis, il y a longtemps, cette proposition : Pas de
bonne figure à Vappni d'une description, pas de nom
valable. ))
Plus, en avançant dans l'étude de l'Entomologie, je
crois acquérir d'expérience en cette spécialité scientifique,
plus je considère comme indispensable d'accompagner
toute description d'une bonne figure, afin de rendre la
description intelligible.
Ceux qui, invoquant le prix trop élevé des figures et le
retard qu'apporterait à la publication de leurs écrits le
temps indispensable pour la production des planches,
s'obstinent à accumuler dans les périodiques les plus divers
d'indigestes descriptions que n'éclaire aucune figure, font
plus qu'une œuvre stérile. Ils créent des obscurités et des
embarras qui sont et resteront une véritable obstruction
aux progrès de la Science qui nous est chère.
Maintes fois déjà, dans l'intérêt de l'Entomologie, j'ai
cru devoir protester contre le fléau des descriptions sans
figures. Au cours de ces dernières années, j'ai interrogé
à ce sujet de nombreux Entomologistes, tant en France
qu'à l'Etranger.
Je puis afïîrmer qu'actuellement, à part les intéressés,
c'est-à-dire les écrivains qui, pour l'économie d'une dépense
pourtant nécessaire, se passent, de parti-pris, du concours
des dessinateurs, personne n'ose prétendre que la des-
cription suffit pour déterminer avec certitude.
Aux entêtés descripteurs sans figures, j'opposerai une
note écrite par feu Guenée, épinglée à l'un des Papillons
de sa collection, et dans laquelle l'Auteur du Species
général des Lépid. Hétér. {Suites à Buffon), déclare que
10 PREFACE
n'ayant plus sous les yeux le type précédemment décrit
par lui-même et dont il a négligé de conserver le dessin,
il lui est devenu impossible de dire si l'Espèce qu'il s'agit
de déterminer doit être, ou non, identifiée à celle qu'il a
décrite jadis dans son grand Ouvrage.
Guenée a toujours eu le mérite de la sincérité.
Or, si le descripteur d'une Espèce avoue lui-même son
impuissance à la reconnaître exactement, du moment que
le dessin indispensable lui fait défaut, comment pourront
faire les autres qui, n'ayant jamais vu le type, ne peuvent
évidemment en avoir aucun souvenir.
On restera forcément dans la probabilité et on ne
s'élèvera pas au-dessus de l'a peu près. Or le doute n'est
pas la Science.
Traitant donc le présent ouvrage d'après les principes
qui m'animent, je m'efforcerai de montrer, par des figures
nombreuses et bien dessinées, ce que sont réellement
certaines formes nouvellement découvertes, par rapport à
d'autres anciennement connues. J'établirai ainsi une série
de comparaisons qui compléteront nos connaissances
actuelles, notamment dans la faune des Lépidoptères de
France et d'Algérie. J'estime en effet que c'est pour nous.
Entomologistes français, un devoir de nous intéresser
avant tout à ce qui regarde l'Entomologie de notre Pays.
Je trouve parfaitement naturel que ce soit des Ento-
mologistes anglais qui nous initient à la connaissance de
la faune de leurs Iles et de leurs Colonies. Mieux que
d'autres, sans doute, les Anglais sont à même de disserter
sur les productions naturelles des régions oii ils sont
établis.
Mais nous autres. Français, nous serions tout au moins
coupables de négligence si nous réservions à des Etrangers
PREFACE I I
le soin de faire connaître au Monde scientifique l'histoire
des animaux qui naissent sur le sol de notre Patrie et des
Contrées devenues nôtres. En 1876, lorsque, dans la
i" livraison des Etudes d'Entomologie, je dressai l'in-
ventaire des Lépidoptères d'Algérie, je crus accomplir un
devoir envers notre Science aussi bien qu'envers mon
Pays.
Dans maintes livraisons successives des Etudes d'En-
tomologie, j'ai ajouté à la faune des Lépidoptères d'Algérie
des renseignements complémentaires, m'efforçant ainsi de
conserver aux Entomologistes français une situation
prépondérante quant à la connaissance des Espèces et
des Formes des Papillons qui vivent aujourd'hui en
Algérie.
Poursuivant le même but avec persévérance depuis plus
d'un tiers de siècle, j'ai demandé en 1907 à M. Harold
Powell d'explorer entomologiquement, pour moi, les envi-
rons de Sebdou, dans la province d'Oran. Entre temps,
M. Dayrem chassait de son côté dans la province de
Constantine et en Kabylie.
Cette année 1908, M. H. Powell a recommencé, au
mois de Mai, de recueillir les Lépidoptères dans la région
de Khenchela, à l'Est-Algérien. Mais, devenu malade en
Juin 1908, M. H. Powell a dû interrompre son explo-
ration, qui s'annonçait fructueuse, et rentrer en France.
M. Holl, officier d'administration de i'" classe du Génie,
maintenant en retraite à Hussein-Dey, lépidoptériste
plein d'ardeur, m'a communiqué à plusieurs reprises
d'intéressants documents, dont je tire parti dans cet
ouvrage. Je le remercie cordialement de sa parfaite
obligeance.
Pour les pays avoisinant la France et dont la faune s'y
12 PREFACE
trouve intimement liée, j'ai été heureux de recevoir de
M. Arnold Wullschlegel, de Martigny, en Valais, quelques
variétés qu'on verra représentées dans le présent ouvrage.
Je le remercie vivement de l'intérêt qu'il porte à mes
publications illustrées et des services qu'il rend ainsi à
notre Science.
En Italie, M. Zickert, de Naples, et M. Giuseppe
Leoni, de Cerchio (xA-brazzes), ont fait des envois qui
m'ont beaucoup instruit sur la faune lépidoptérologique
des belles contrées oii ils résident.
Moi-même j'ai chassé assez fructueusement en Italie,
au printemps de 1907, profitant, aux environs de Florence,
de l'aimable compagnie de M. Roger Verity.
Cette année 1908, M. Fabresse a exploré pendant
plusieurs semaines quelques-unes des localités de l'Italie
méridionale citées par Achille Costa, dans son bel ouvrage
consacré à la faune générale du Royaume de Naples ;
mais, depuis un demi-siècle, des changements considé-
rables sont survenus dans l'état du sol et les mêmes
espèces ne semblent plus se retrouver dans la plupart des
lieux où elles furent jadis rencontrées.
En France, les chasseurs-naturalistes de Digne, princi-
palement MM. Victor Cotte et Augustin Coulet, m'ont
fourni des documents très intéressants. Je leur en exprime
toute ma gratitude.
Je dois aussi d'importantes et très obligeantes commu-
nications à M. Balestre et à M. Decoster, tous deux
chassant, avec beaucoup de zèle et de compétence, dans
le département si riche des Alpes-Maritimes.
M. H. Powell a exploré pour moi, avec succès, diverses
localités de Provence, de Mai à Novembre 1906; à son
retour d'Algérie, depuis Juin 1908, il a chassé activement
PREFACE 13
dans les Pyrénées-Orientales et il y a trouvé plusieurs
espèces insoupçonnées.
M. Gédéon Foulquier, lépidoptériste zélé, résidant à
Marseille, m'a gratifié de plusieurs belles pièces récoltées
par lui dans le Var et les Bouches-du-Rhône, notamment
d'une variété jaune de Zygœna hilaris qu'en son honneur
j'ai appelée : Foulquïen. Je ne saurais lui être assez
reconnaissant de sa très gracieuse générosité.
M. le D"" Siépi a bien voulu se dessaisir en ma faveur
de quelques belles aberrations qu'il avait capturées aux
environs de Marseille et dont il est fait mention dans le
Catalogue des Lépidoptères des Bouches-du-Rhône.
Je remplis enhn le plus agréable devoir en exprimant
ici ma plus affectueuse gratitude à MM. Gabriel Dupuy,
d'Angoulême, Vigé, de Dompierre-sur-Mer (Charente-
Inférieure), et Rondou, de Gèdre (Hautes-Pyrénées).
Toujours prêts à me rendre service, ces entomologistes
si ardemment dévoués au progrès de notre Science se
sont intéressés à l'accroissement des documents nécessaires
à mes études, avec un zèle et une générosité dont je ne
saurais leur être assez reconnaissant.
Aussi est-ce avec une satisfaction toujours plus douce
que je retourne, le plus souvent possible, chasser avec mes
amis, dans leur si attrayant pays.
Angoulême est pour les papillons une localité incom-
parable.
La Ville est bâtie sur une hauteur qui, considérée du
côté du Nord, s'élève assez brusquement au-dessus d'une
vaste plaine. Le magnifique panorama que l'on domine du
haut de cette pittoresque Cité est d'un aspect riant et varié.
D'épais bouquets d'arbres d'une magnifique verdure, de
belles eaux, de riches moissons et des fabriques nom-
14 PRÉFACE
breuses montrent la fécondité du sol et l'activité indus-
trieuse et intelligente des habitants.
Du côté du Sud, une succession de fraîches vallées,
bien arrosées, largement ouvertes dans le sens de l'Est à
l'Ouest, séparées par des collines calcaires généralement
boisées de chênes, offrent aux Lépidoptéristes les plus
précieuses localités.
En quittant Angoulême, la première de ces vallées
qu'on rencontre est celle dite : des Eaux-Claires. La
pente, au-dessous de la route conduisant au village de
Puymoyen, est couverte de chênes-verts au milieu des-
quels vole, comme si c'était en Provence, la Rhodocera
Cleopatra. Dans le fond de la vallée, au miHeu de prés
humides dont la faux a, depuis plusieurs années, respecté
les herbes, la Lycœna Euphemzts, qui est pour moi un
cher et déjà bien lointain souvenir d'Alsace, abonde vers
la fin du mois de Juillet; tandis que sur la colline qui
s'élève au Midi de cette joHe vallée des Eaux-Claires, une
quantité d'espèces de Lépidoptères se succèdent avec les
saisons.
C'est là qu'on peut aisément récolter une foule de
Rhopalocères, parmi lesquels les Q cœlesûs de Lycœna
Adonis et syngrapha de Corydon, et dans la nombreuse
famille des Hétérocères, les Zygœna hippocrepïdis et
fausta, assez fréquemment accouplées l'une à l'autre.
Un peu plus loin, dans la forêt accidentée de Livernant,
les Cœnonympha Œdipîis voltigent dans les fonds maré-
cageux, en compagnie d'une quantité d'espèces qui ne
cessent de solliciter l'attention et l'activité du chasseur.
Combien il serait désirable que M. Gabriel Dupuy
publiât ses observations personnelles sur la faune des
PRÉFACE I 5
Lépidoptères d'Angoulcme et fît profiter notre Science de
sa longue expérience et de ses fructueuses explorations!
A Dompierre-sur-Mer, comme à Angoulême, le sol est
calcaire ; c'est une plaine. Mais j'y ai connu un très vaste
espace de terrain non cultivé et oii l'on ne coupait géné-
ralement pas les herbes. La flore naturelle et la faune
dont elle est l'aliment échappaient donc jusqu'ici à ces
destructions périodiques qui sont la règle générale partout
ailleurs, et les Papillons pouvaient se développer à Dom-
pierre dans des conditions particulièrement favorisées. Les
Lycœna et les Zygcsna y sont nombreuses et présentent
de fréquentes et intéressantes variations.
La région calcaire qui s'étend au Sud de la Loire
jusqu'aux bords de la Garonne est extrêmement riche au
point de vue entomologique.
Dans les départements de la Charente et de la Charente-
Inférieure, comme aussi dans les Deux-Sèvres et dans la
Vendée, il y a une grande variété d'espèces, et c'est un
plaisir charmant de chasser dans des bois et des champs
oii les Papillons d'espèce intéressante abondent.
Deux Entomologistes très expérimentés, M. Daniel
Lucas, d'Auzay, près de Fontenay-le-Comte, et M. Gelin,
de Niort, ont fait dans la Vendée et les Deux-Sèvres, et
jusque vers La Rochelle et Royan, dans la Charente-
Inférieure, des découvertes du plus haut intérêt. Comme
je n'ignore pas qu'ils préparent la pubHcation d'un ouvrage
où seront mises en lumière les richesses des pays qu'ils
ont si fructueusement explorés, je forme le vœu de voir
le plus tôt possible se réaliser le projet scientifique qu'ils
ont si utilement conçu.
Un chasseur de grand mérite, feu de Graslin, dont j'ai
acquis la collection, il y a déjà un certain nombre d'années,
PREFACE
avait, le premier, fréquemment exploré le littoral vendéen
et y avait réalisé des découvertes sensationnelles, mon-
trant ainsi tout l'intérêt que présente la faune entomolo-
gique de la région qui s étend au Sud de la Loire.
Mais de Graslin ne s'était pas borné à l'étude des
Papillons vivant dans les environs des lieux qu'il habitait
et où se trouvaient ses propriétés : le château de Mali-
tourne, près Château-du-Loir (Sarthe), et les dunes de
Bretignoles, les prés salés de Gâchères, la Baraudière et
les marais salants sur le littoral vendéen.
Entomologiste plein de zèle, il avait entrepris des
voyages plus lointains. En outre de l'Andalousie, qu'il
explora avec son ami et compatriote Rambur, en 1835,
de Graslin ht des chasses excellentes dans les Pyrénées-
Orientales, contrée exceptionnellement favorisée au point
de vue de ses productions naturelles.
Des bords de la Loire jusqu'aux Pyrénées, la distance
aujourd'hui ne semble pas bien longue, grâce aux moyens
de locomotion rapide dont nous disposons. Mais jadis,
quand il fallait accomplir en voiture des trajets de plusieurs
centaines de kilomètres, combien de temps devait-on
consacrer au voyage et quelles fatigues il était nécessaire
de s'imposer!
De Graslin, qui visita pour la première fois, en 1847, le
Roussillon, le Gonflent, la Cerdagne et les Albères, aussi
bien que Pierret explorant, vers la même époque, les
environs de Gavarnie, étaient animés pour les progrès de
notre Science de la plus généreuse ardeur.
Les vieux maîtres français de la Lépidoptérologie, au
siècle dernier, les Rambur et les Duponchel, les Pierret
et les Donzel, les Lefebvre et les Bellier de la Chavignerie,
tous intrépides voyageurs, à qui nous sommes redevables
PREFACE 1/
de si éclatantes découvertes et de si importants travaux,
parcouraient des contrées encore généralement neuves au
point de vue entomologique. Ils avaient donc un champ
d'exploration exceptionnellement propice. Mais il est juste
de reconnaître les qualités de sagacité, de patience et le
zèle infatigable qui les distinguaient.
Si les Entomologistes qui sont venus après eux ont
réussi à ajouter de nouveaux et brillants Heurons à la
nomenclature déjà si nombreuse et si variée des Papillons
français dans le Catalogue publié par Duponchel en 1844,
peuvent-ils cependant prétendre qu'ils ont retrouvé toutes
les espèces capturées par leurs devanciers et qu'ils sont
en possession de toute leur expérience et des connaissances
qu'ils avaient acquises au prix de tant de laborieux et
persévérants efforts.'^
Lorsque, me dirigeant vers les montagnes des Pyrénées
et venant d'atteindre les plaines du Languedoc ou du
Béarn, je commence d'apercevoir à l'horizon, telle une
ligne de nuages, la longue chaîne aux cimes argentées,
se profilant sur le bleu profond du Ciel, tout naturellement
ma pensée se reporte vers les Entomologistes qui nous
ont précédés, le lilet à la main, dans l'exploration de ces
sommets superbes et de ces vallées enchanteresses.
Relisant, dans les Annales de la Société entomologique
de France, les Observations faites par Pierret pendant les
mois de Juillet et Août 1848 sur les Lépidoptères qui se
trouvent aux environs de Gavarnie, ou bien les Résultats
des chasses faites par de Graslin dans les Pyrénées-
Orientales en 1847 et en 1857, j'ose à peine espérer des
succès comparables aux leurs.
Cependant, si l'on n'est pas assez heureux pour
retrouver toutes les espèces jadis capturées, une décou-
2
l8 PRÉFACE
verte inattendue procure une satisfaction dont le charme
est toujours délicieux.
Les Pyrénées n'ont pas encore livré tous les trésors de
leur faune. Depuis le jour lointain oii j'eus pour la pre-
mière fois la joie d'apercevoir la masse si imposante du
Canigou et d'en gravir les pentes, en compagnie d'amis
lépidoptéristes à qui seul je survis aujourd'hui, j'ai bien
des fois refait le même voyage et de nouveau parcouru
les mêmes sentiers. Si les hommes ont changé et si de
nouveaux visages remplacent ceux que jadis j'avais
connus, la nature est restée la même et sa beauté ne s'est
pas amoindrie.
Dans les Pyrénées-Orientales, c'est toujours avec
l'atmosphère chaude et sereine de la région méditerra-
néenne, le sol calciné par un soleil de feu ; mais grâce aux
neiges éternelles, ce sont aussi toujours les mêmes eaux
qui descendent claires et fraîches des hautes altitudes.
Ces eaux tumultueuses produisent l'association féconde
de la chaleur et de l'humidité. Aussi non loin des pentes
sèches, tout embaumées par le parfum des cistes et des
lavandes, il y a les forêts verdoyantes, les champs fertiles
et les prairies incessamment arrosées.
Les Pyrénées-Orientales sont un Eldorado où les
Entomologistes réalisent sans cesse de nouvelles et inté-
ressantes captures. Le Roussillon ne paraît-il pas comme
une sentinelle avancée de l'Andalousie à laquelle sa faune
lépidoptérologique ressemble sous plus d'un rapport?
J'ai traversé trop rapidement l'Ariège et la Haute-
Garonne, et je n'y ai guère séjourné. Je le regrette, car
il y aurait certainement beaucoup d'espèces précieuses et
des formes géographiques spéciales à recueillir dans ces
départements.
PREFACE 19
La faune des Hautes-Pyrénées est mieux connue. Le
climat y est plus humide qu'à l'Est de la chaîne pyré-
néenne. Les vents du Golfe de Gascogne poussent fré-
quemment les vapeurs marines vers le Vignemale et le
Pic du Midi. Il faut donc s'attendre à de brusques
variations de température et s'armer de patience quand le
Ciel reste trop longtemps couvert de brouillards moroses.
Mais la sérénité revient toujours, ne serait-ce que pour
une courte durée. Je ne connais alors rien de plus délicieux
qu'une belle journée d'été à Gavarnie ou à Cauterets.
Lorsque le soleil du matin inonde les vallées pyré-
néennes de sa joyeuse lumière, les Papillons volent de
toutes parts. Heureux l'Entomologiste dont les jambes ont
assez de vigueur pour aborder rapidement les hauts
sommets par un jour serein. Il semble que les espèces des
grandes altitudes jouissent d'une sorte de noblesse qui
nous les rend plus précieuses. Certes, il est charmant de
recueiUir sans fatigue, sur le beau sentier qui conduit des
bains de la Raillère vers Cauterets, ou bien encore sur la
route forestière de la montagne du Péguère qui mène à
la Glacière, les nombreuses espèces de Papillons qui se
présentent de toutes parts au chasseur ; mais le plaisir de
capturer presque sans efforts : Lyccena Icarms, Erebia
Œ}ne, Cœcilia, Satynis Alcyone, Melitœa Dyctinna,
Zygcena scabïosœ, meliloii, hippocrepidis, achilleœ,
Psyché Leschenaidii, Cidaria cœruleata, Acronycta my-
ricœ, même Leucania Anderreggi, n'est point comparable
à la satisfaction de voir voltiger dans les places qu'elles
affectionnent, vers une altitude d'environ 2.000 mètres,
les Lycœna pyrenaica, Eros, Erebia Lefebvrei, Gorgone,
Sthcnnyo, Hepialus alticola, Dasydia septaria, Cleo gène
Peletieraria, Zygœna Coniaminei, Antkyllidis, et tant
20 PREFACE
d'autres Lépidoptères de la faune des sommets pyrénéens.
Il faut donc s'élever le plus haut possible, tout au moins
jusqu'aux pelouses alpestres et aux éboulis de pierres, là
où croissent les plantes de la flore alpine. Comme les
Papillons qui habitent avec elles, ces plantes exquises
sont fidèles aux hauteurs et ne se rencontrent que bien
accidentellement au-dessous de la limite de leur altitude.
Mon ami Rondou a le bonheur d'avoir conservé toutes
ses forces ; l'âge n'a point diminué ses moyens, ni refroidi
son énergie. Aussi, en vrai montagnard, escalade-t-il rapi-
dement et aisément les plus hautes cimes pyrénéennes.
Il se sent pénétré d'admiration en présence de la ma-
jestueuse splendeur de tous les pics et de toutes les crêtes
qui, de toutes parts, — telles les hautes vagues figées d'un
Océan, — se dressent et se développent devant ses yeux,
lorsqu'il est parvenu aux sommets élevés. N'est-ce pas un
plaisir de l'entendre exprimer le charme de la Nature sur
les grandes hauteurs pyrénéennes.'^ Ecoutons-le :
({ Le 4 Août 1908, m'écrit-il, j'ai joui de la plus belle
journée qu'il soit possible de désirer en montagne. Sur
le sommet des Salettes, j'ai passé un moment bien
agréable. Pas un nuage ne voilait aucune partie de
l'horizon. J'avais à mes pieds le joli vallon de Héas et
la chapelle de Notre-Dame ; devant moi, le Vignemale
et le Mont- Perdu, visibles comme si j'y étais. Par la
brèche de la Hourguette du Campbieil, le Néthou et ses
glaciers barraient la vue du côté de l'Est. J'étais baigné
de lumière ; il faisait chaud, mais pas trop. Le plateau
sur lequel je me trouvais, entouré de tous côtés d'escar-
pements formidables, formait une pelouse gazonnée 011,
sur les plantes les plus rares, volaient les papillons
pyrénéens les plus recherchés : Erch'ia Stkennyo, Gorge,
PREFACE 21
» Lefehvreu Zygœna Anthyllidis, Eiuydia Ripperiiî,
)) Psodos Gedrcusis, Dasyd'ia innnf)!aria, Crauihus peiri-
» ficellus, etc., etc. Je suis resté là de i heure à 4 heures ;
)) je ne pouvais quitter ce séjour enchanteur. '•>
La pensée immédiatement entraînée par le récit de
M. Rondou s'est élancée vers les cimes où étincellent les
neiges éternelles. Du haut du belvédère 011 nous ont
conduit nos souvenirs, nous nous sommes représenté la
vallée profonde avec ses villages, son gave, ses prés, ses
moissons. Mais les illusions de ce monde, si douces et si
pures qu'elles puissent être, ont toujours une durée bien
éphémère. La vision qui nous a charmé s'est envolée.
Remettons donc à un prochain été, s'il plaît à Dieu de
nous en réserver encore une fois la joie, l'ascension du
haut pic d'où l'on aperçoit toutes les basses montagnes
et la plaine immense enveloppée dans une atmosphère
d'un bleu si doux, finissant par se confondre avec le Ciel,
dans les brumes vagues de l'horizon lointain.
Venons retrouver mon cher pays breton, « la terre de
granit recouverte de chênes ».
Une mer souvent courroucée livre un perpétuel assaut
aux côtes rocheuses de la péninsule armoricaine, tandis
que sur les falaises, la couleur rose et violette des bruyères
se mêle à l'or des ajoncs.
Les collines qui s'élèvent de l'Est à l'Ouest, comme
l'épine dorsale de la presqu'île, malgré leur faible altitude,
offrent parfois des aspects de montagne ; et du haut des
rochers des landes bretonnes, se déroulent souvent de
vastes et superbes panoramas. Mais la flore et la faune
sont peu variées, le sol armoricain étant presque unifor-
mément granitique ou schisteux.
Cependant ne trouve-t-on pas partout une vie entomo-
PREFACE
logique intense et chaque région n'offre-t-elle pas au
Naturaliste un champ d'études qu'il ne parvient jamais à
épuiser?
En Bretagne, comme ailleurs, nous avons fait d'inté-
ressantes captures, tant comme aberrations curieuses
qu'au point de vue comparatif des Formes et des Espèces.
Je suis redevable de la plus vive reconnaissance à
M. P. Boulé, naturaliste de Rennes, qui a rencontré dans
ses chasses plusieurs pièces très remarquables et en a
enrichi ma collection. Les excursions de mon frère et les
miennes ont été quelquefois heureuses, et dans nos
recherches aux environs de notre ville natale, nous avons
connu quelques succès.
De diverses parties de l'Allemagne, enfin, pays oii les
Lépidoptéristes sont si nombreux et où les chasses sont
si actives, me sont parvenus des documents dont j'ai
également tiré profit.
J'ai cru devoir en outre publier la description et la
figure de quelques Espèces nouvelles de la faune
tropicale.
Ce sont donc des récoltes entomologiques poursuivies
dans des Contrées bien diverses et sous des Cieux bien
différents qui ont fourni les éléments du présent travail.
Puisse-t-il apporter une contribution utile au progrès
de la Science lépidoptérologiquc et mériter le précieux
suffrage des Amis de l'étude de la Nature, pour qui les
plus humbles Insectes, créatures du Dieu tout-puissant,
ne restent pas dédaignés et indifférents.
Charles OBERTHÛR.
Monterfil, 31 Août 1908.
LÉPIDOPTÉROLOGIE
COMPARÉE
I
Les SPHINGID^ Hybrides
(PI. XIV et XV).
Dans la première livraison des Etudes de Lépidoptérologïe
comparée, j'ai écrit (p. 28-43) une notice historique sur les produits
hybrides de Celerio Vespertilio s'accouplant dans la Nature avec
les Celerio hippopha'ès et euphorbiœ.
Le produit hybride de Vespertilio et hippopha'ès a reçu le nom
dAmelia, Feisth. = Vespertilioides, Bdv. Je crois que cet hybride
est resté rare et je n'ai pas entendu dire qu'on ait réussi à le renou-
veler récemment dans les expériences de Laboratoire.
Au contraire, le nombre des papillons hybrides de Vespertilio et
euphorbiœ est devenu relativement assez considérable. On appelle
epilobii, Bdv. le produit hybride dont le cf est euphorbiœ et la Q
Vespertilio. Lorsque l'ascendance est inverse, c'est-à-dire si, dans
l'accouplement hybride, Vespertilio est le cf et euphorbiœ la Q, le
produit hybride s'appelle Densoi, Musch.
M. Denso, docteur en philosophie, résidant au Grand-Lancy, près
Genève, a fait sur les hybridations des Sphingidœ des travaux
26 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
d'une grande importance et a obtenu, le premier, dans des condi-
tions spécialement difficiles, puisque lëclosion des papillons des
deux espèces ne se fait pas normalement à la même époque, le
produit hybride de elpenor cf et hippopha'és Q, qu'il a appelé
Irène.
Depuis la publication de mon premier travail, qui se fit en
mars 1904, je n'ai pas cessé de poursuivre attentivement l'étude de
la question si intéressante des Sfhingidœ hybrides dans l'état de
nature, aussi bien que dans les expériences de Laboratoire.
Mais je dois observer que, pour posséder la vérité entière et si
désirable sur les questions d'hybridation, il faudrait un peu moins
de discrétion de la part de certains Entomologistes-obtenteurs qui,
trop souvent, croient devoir taire des circonstances très intéres-
santes, notamment sur l'origine naturelle ou artificielle de leurs
hybrides.
Quoi qu'il en soit, pour n'être pas aussi complète et d'une pro-
gression aussi rapide que nous pourrions le souhaiter, la connais-
sance générale des hybridations chez les Sphingidœ s'est augmentée,
depuis peu d'années, d'un certain nombre de faits curieux et de
documents remarquables dont l'illustration en couleurs paraît, pour
la première fois, dans le présent ouvrage.
De Vienne, en Autriche, j'ai reçu g epilobii, dont 4 obtenus par
M. H. Locke en 1906, et 5 autres portant la mention : issus de
enphorbiœ cf et Vespertilio Q ; l'un en mai 1902, les autres en août
et en septembre 1905. Du moment que l'ascendance de ces papillons
est exactement connue, j'ai lieu de croire qu'ils ne proviennent pas
d'accouplements libres, comme les epilobn jadis trouvés à Lyon et
à Huningue, mais qu'ils sont le fruit d'unions obtenues en Labo-
ratoire.
En effet, l'ancienne opinion que les chenilles mangent la plante
nourricière de leur mère à l'exclusion de celle du père n'est plus
une indication certaine du sexe de l'un des ascendants, depuis
que M. Denso a eu la preuve que les hybrides Irène, issus
â^ elpenor cf et hippophnës o, refusaient de manger VMppophaë
rhamnoides et se nourrissaient d'epllobium. Ces hybrides, au cas
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE 2;
OÙ ils auraient été produits dans la Nature et où la Q hïppopha'és^
fécondée par elpenor cf, aurait pondu ses œufs sur Yhippophaë,
seraient donc morts de faim à l'état larvaire, dès la sortie de l'œuf,
puisque les jeunes chenilles ne pouvaient s'accommoder de la plante
nourricière de leur mère et exigeaient celle qui avait nourri leur
père.
Les epilobii viennois sont généralement plus grands et d'aspect
plus robuste que les epilobii de Lyon et d'Huningue. Ils sont aussi
de teinte moins grise et la couleur olive y est plus accentuée. Sous
le n" 34 de la planche XV se trouve représenté un epilobii que je
tiens de M. H. Locke, de Vienne.
Je possède actuellement dans ma collection 17 epilobii. Je
remarque chez presque tous ces hybrides, produits par l'accouple-
ment de euphorbiœ cf et Vespertilio q, l'existence, sur les ailes
supérieures en dessus, d'une ligne ou d'une ombre grisâtre plus ou
moins accentuée, parallèle au bord intérieur de la grande tache
submarginale triangulaire de couleur gris olivâtre, dont elle est
séparée par un espace clair. Cette ligne ou ombre est nettement
perceptible sur les 2 ailes supérieures de 16 exemplaires; le seul
papillon qui n'en offre qu'une très légère trace, et sur la base de
l'aile droite seulement, est une Q provenant de Grenoble. Chez les
ciip/iorbict' purs, on a rarement occasion de constater la présence
de cette ligne ou ombre qui devient au contraire une règle presque
constante chez epilobii.
On a obtenu des produits féconds au moyen de epilobii cf
accouplés à euphorbirs Q. Ce genre d'hybrides du second degré a
reçu le nom de Pernoldinna, Aust., en l'honneur du « Zuechter »
Aï. Pernold, de Vienne, qui, le 19 septembre 1907, a obtenu l'exem-
plaire figuré sous le n" 33 de la PI. XV.
Mais j'ai fait figurer aussi sous le n° 32 de la même planche un
autre hybride que m'a envoyé, il y a plusieurs années, M. Léonhard,
de Baie, sous le nom ^Eng^eni, Mory, avec cette indication : éclos
en été 1901 ; provenant d'une chenille trouvée dans la Nature, à
Himingue, sur Vepilobium rosmarinifolium. Cet hybride est un cf
dont les ailes supérieures sont de coloration grisâtre avec la tache
28 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
basilaire visible, mais très atténuée. La longue et grande tache
submarginale triangulaire, de couleur olivâtre, dont la base, dans
eptlobii comme dans euphorbïœ, repose sur le bord inférieur de
l'aile supérieure, tandis que son sommet aboutit à l'angle apical,
n'existe pas dans l'hybride en question; à la place de cette tache
se développe un espace clair, de teinte un peu rosée, dont le bord
extérieur est irrégulièrement limité par une large bordure grise. On
perçoit à peine la tache ronde médiane et la ligne secondaire
oblique. Les ailes inférieures sont comme chez Vespertilïo. Le
dessous des supérieures est d'un rose pâle, avec un trait cellulaire
gris foncé, l'apex et le bord marginal gris. D'après Mory, Eugenî
serait l'hybride secondaire issu de efïlobiï cf et Y espertïlio Q.
Cependant ce n'est pas seulement avec Vesperiilio o^ euphorbiœ
peut s'accoupler. On connaît le produit hybride Ôl euphorbtœ Q et
de gain cf, appelé phileuphorbia, Miitzell, et dont un cf, obtenu à
Vienne en 1906, est figuré sous le n" 31 de la PI. XIV du présent
ouvrage. Je possède une Q de même provenance. L'hybride inverse
produit par l'accouplement de galii cf et de eiiphorbiœ Q, a été
obtenu; il s'appelle : Kindervateri, Kysela.
On connaît encore les hybrides ^euphorbiœ c? et de elpenor Q
appelé Harnmthi Kordesch, et inversement ^ euphorbiœ Q et
^elpenor cf désignés sous le nom de Pernoldi, Jacobs. C'est un
Harmutht qui est figuré sous le n" 2g de la PI. XIV. L'exemplaire
figuré vient de Vienne, où il est éclos le 25 août igo6. Je possède
un Pernoldi semblable (le produit ne semblant pas changer quand
on change l'ordre des facteurs), également obtenu à Vienne le
II août 1905, et un autre dont les ailes supérieures sont beaucoup
plus obscurcies, portant la date du i^ août igo6.
Pour le moment, je crois qu'on connaît le produit de 5 accou-
plements hybrides dans lesquels l'intervention à'elpenor avec
d'autres espèces est dûment constatée, savoir :
elpenor cf x eiipkorbiœ Q = Pernoldi, Jacobs ;
elpenor Q y^euphorbïœ ç^ = Hannjithz, Kordesch;
2 elpenor Q x galii (S =Gschiuandneri,'Kordç.sçh;
LEPIDOrTEROLOGIE COMPAREE 29
Îelpcnor çS >^ porcelLus g ^Luciani, Denso;
elpenor Q x porcelLus çS ^Standfussi, Bartel;
4 elpenor cf x V espertilïo Q ^Gillyi, Kysela;
5 elpenor çS x hippophaés g =^ Irène, Denso.
Je ne possède ni Gillyi, ni Irène; mais Gschwandneri, dont un
exemplaire, qui m'a été envoyé de Vienne par M. Locke, est âguré
sous le n" 30 de la PI. XIV; Lucianï et Standfussï, celui-ci éga-
lement figuré sous le n" 28 de la même planche.
Standfussï a été obtenu « aus einer Anzahl Elpenor-raupen von
Sudtyrol, 1907 » suivant le renseignement de M. W. Maus,
Postsekretaer à Wiesbaden, de qui je tiens l'exemplaire figuré.
Slandfussi est synonyme de Elpenorellus, Stgr. ; ce serait donc un
Elpenor clliis, .Stgr. trouvé dans la Nature.
M. Denso m'a signalé l'hybride de Dahlii cf et de euphorbiœ Q ,
appelé Walteri, Turati. J'ai vu cet hybride dans la collection spé-
ciale d'Hybrides et extrêmement intéressante de M. Denso, à
Grand-Lancy. 11 paraît que l'hybride réciproque appelé Giesekingi
a été aussi obtenu par M. Turati.
Nul doute que notre euphorbiœ ne s'accouplerait avec tithymali,
des Canaries, desertïcola, d'Algérie désertique, et Maiiretamcci,
d'Algérie non désertique, qui sont sans doute des formes géogra-
phiques d'euphorbice; de même avec nicaea, de la France méridio-
nale et d'Algérie.
Mais un hybride plus extraordinaire que tous ceux déjà signalés
ici est celui qui résulte de l'accouplement des Snierinthus tiliœ cf
et Ocellata Q. Cet hybride, appelé Leoniœ, a été obtenu par mon
ami Max Standfuss, qui eut l'extrême obligeance de m'en offrir
une paire. J'ai fait figurer la Q sous le n° 35 de la PI. XV.
Où s'arrêtera-t-on dans la voie des hybridations en Laboratoire?
Nul ne peut le prévoir; et de même qu'en Botanique oii l'hybri-
dation permet de créer avec continuité un nombre de nouveautés
toujours plus grand, il est possible qu'en Entomologie des surprises
multiples nous soient réservées dans un prochain avenir.
30 LEPIDOPTEROLOGIE COMPARÉE
Cependant l'intervention de l'Homme est le plus souvent néces-
saire, et bien rares sont les cas où la Nature est l'unique artisan.
Les Zygœiia sont le seul genre de Lépidoptères qui présente
dans l'état libre des accouplements hybrides relativement fréquents;
mais les résultats de ces accouplements hybrides dans la Nature,
s'ils sont féconds pour les Celer io Vespeiiilio x euphorbiœ et
Vesperiilio x hippophaès, semblent stériles pour les Zygœna. C est
ainsi qu'à notre connaissance, depuis ces dernières années, une
vingtaine d'accouplements hybrides des Zygœna fausta x hippo-
crepidis ont été constatés non seulement dans les Charentes, mais
à Vernet-les-Bains (septembre igo8).
Cependant les recherches les plus attentives, notamment aux
environs d'Angoulême où les accouplements de Zygœna fausta x
hippocrepidis ont été plus fréquemment rencontrés, n'ont pas encore
fait découvrir dans la Nature un seul papillon paraissant issu de
la copulation des deux espèces.
Avec MM. Vigé, D. Lucas et moi-même, mon frère trouva, en
août 1907, un accouplement hybride de fausta x hippocrepidis à
Dompierre-sur-Mer (Charente-Inférieure). Nous conservâmes les
2 Zygœna d'espèce différente accouplées pendant 18 heures. La
Q hippocrepidis pondit très peu d'œufs; mais ils étaient clairs et
aucune larve n'est éclose.
M. Harold Powell, plus heureux, a obtenu des larves d'une ponte
hybride des mêmes Zygœna trouvées, cette année igoS, à Vernet-
les-Bains; mais ces larves délicates avaient bien des chances de
mortalité jusqu'au moment où elles pourraient se chrysalider,
après l'hiver. Nous venons d'apprendre que presque toutes ont déjà
succombé.
Voici l'explication détaillée des Planches XIV et XV :
La Planche XIV représente, sous le n° 28, l'hybride Standfussi,
Bartel, dont la chenille a été trouvée dans la Nature; probablement
issu d'Elpenor Q x porcellus cf;
Sous le n° 29, l'hybride Harmuthi, Kordesch, issu ô'Euphor-
biœ cf et d'Elpenor Q ;
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE 3I
Sous le n" 30, l'hybride Gschivandnerï, Kordesch, issu de
galïï cf et Elpenor Q ;
Et sous le n" 31, l'hybride fhïlcuphorbia, Muetzell, issu de
gain cf et eufhorbiœ Q.
La Planche XV représente, sous le n" 32, l'hybride Engeni,
Mory, issu probablement d'epilobii cf et vespertïlïo Q ;
Sous le n° 33, l'hybride Pernoldiana, Austaut, issu ô!Epilobii cf
et de ciipJiorbïœ Q ;
Sous le n" 34, l'hybride epilobn, Bdv., issu de vespcrtilïo cf et
euphorbiœ Q, provenant de Vienne;
Sous le n" 35, l'hybride Leonïœ Q, Standfuss, issu de SnienU'
thîis tiliœ cf et Ocellata ç.
Rennes, décembre 1908.
Ch. obthr.
II
Einige Ergebnisse aus Zuchtexperimenten
mit Lepidopteren-Mutationen
(Aberrationen pro parte),
von der Basis der Mendelschen Gesetze und der Muta-
tionstheorie von Hugo de Vries aus betrachtet.
(Taf. XXXI et XXXII).
Unter den im Pilanzen-und Tierreich sich nicht selten finden-
den Aberrationen gibt es eine Anzahl, welche, gewisser Eigentum-
lichkeiten zufolge, nach der jetzt allgemein fiir dièse Formen
angenommenen Benennung unter die Mutationen zu rechnen sind.
Man bezeichnet als Mutationen unter einem Typus sich findende,
oder plotzlich unter diesem auftretende, relativ konstante Abwei-
chungen von meist charakteristischem Gepràge. Mit dem Aus-
gangstypus gepaart, verschmelzen sie nicht zu Ubergangs-und
Mischformen mit diesem, sondem es zerfàllt die Nachkommens-
chaft hier stets wieder scharf geschieden in den Ausgangstypus
und in die Aberration. Dièse Mutationen haben durch die Arbeiten
der Botaniker : De Vries, Correns, Tschermak, Noll und der
Zoologen : Bateson, Lang, Davenport, Hacker nebst vicier Anderer,
sowie die wiederaufgefundenen Mendelschen Arbeiten ein hohes
aktuelles Interesse gewonnen.
Wie ermittelt wurde, erfolgt die Scheidung der Nachkommen
der Mutation in die beiden Formen, der Individuenzahl nach, in
durchaus gesetzmàssiger Weise. Zu Ehren ihres Entdeckers, des
Pater Mendel, werden dièse die " Mendelschen Gesetze " genannt.
3
34 LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE
Man spricht in dem Falle der Mutation von antagonistischen
Eigenschaften der betreffenden beiden Typen, das heisst Eigen-
schaften, welche sich gegenseitig ausschliessen, also nicht an einem
und demselben Individuum nebeneinander vorkommen.
Gehen wir zur Erlàuterung von einem besonders einfach lie-
genden, speziellen Falle aus : Wir haben zwei Individuen gepaart,
das eine mit der antagonistischen Eigenschaft A, das andere mit
der antagonistischen Eigenschaft B. Weiter sei angenommen, es
besitze jedes der beiden Individuen seine antagonistischen Eigen-
schaften rein, das heisst in seinem gesammten Keimzellen-Material,
dann besteht erfahrungsgemàss die aus dieser Paarung hervor-
gehende Brut durchweg aus Individuen, welche àusserlich nur die
eine der beiden antagonistischen Eigenschaften aufweisen; es sei
dies die Eigenschaft A. Von der Eigenschaft B ist an der Brut in
diesem Falle àusserlich nichts zu bemerken. Allein die Eigen-
schaft B ging darum diesen Individuen nicht verloren, sie blieb
latent erhalten, nàmlich in ihrem Keimzellen-Material. Die Eigen-
schaft B tritt infolgedessen tatsàchlich bei der Fortpflanzung und
Weiterzucht der erhaltenen Individuen auch v^ieder àusserlich zur
Erscheinung und zwar, wie bereits gesagt v^urde, ganz bestimmten
Gesetzen folgend. Die in ihrem Verhalten eben characterisierte
Eigenschaft A wird die dominante, die Eigenschaft B die récessive
genannt. Bringen wir diesen speziellen Fall auf eine allgemein
anwendbare Formel, so konnen wir die Sache, wie folgt, ans-
driicken :
cf* 9 *
A B
gepaart mit
Nehmen wir an, dass die nach erfolgter Paarung moglichen
4 Combinationen der Keimzellen aile in etwa gleicher Anzahl
* Anm. — wiirde die Ablcunft und damit das von dem vàterlichen und mûtter-
lichen Elter lierriihrende Keimzellen-Material des Individuums A, also des
Mânnchens, bezeichnen. Ebenso ware — entsprechend von dem Weibchen zu
verstehen.
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE
eintreten, so erhalten wir, wenn vvir das Ergebniss ausfiihrlich
hinschreiben, folgendes Résultat :
I A I A I A I A
■ 4"b4B" 7b"4B
Wir dùrfen dièse Annahme machen, denn die Spaltung der
Brut in verschiedene Formen auf Grund der Kombination der
verschiedenen Keimzellen ihrer elterlichen Individuen erfolgt
erfahrungsgemàss prinzipiell im Sinne einer solchen Gleichheit,
wenn im Speziellen dann und wann auch mancherlei Unregelmàs-
sigkeiten auftreten. Aile dièse Individuen der Série I unter-
scheiden sich àusserlich von den Individuen A " rein " in keiner
Weise, denn A ist dominant und gibt darum allen diesen Indivi-
duen ihr àusseres Gepràge, allein aile dièse Individuen enthalten
samtlich gleichwohl auch die Eigenschaft B " recessiv, " nàmlich
in ihrem Keimzellen-Material. Paaren wir daher weiter zwei Indi-
A A
viduen aus dieser Série I miteinander, also : — x — -, so erhalten
A r A I A I B
r A I A I hS , ,
+ + — 17 + — — Q. h.
4A 4B 4B 4B
I A .
== A rein,
4 A
I A
— — = A dominant, B recessiv,
4 (also mit dem àusseren Kleide von A,
aber auch mit Keimzellen von B.)
I A
= A dominant, B recessiv.
4 B
— — = B rein.
4 B
Im weiteren ist ja nun einleuchtend : Individuen aus der
Reihe — miteinander gepaart geben in der ersten wie in allen
36 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
folgenden Bruten stets nur Individuen A. Die Reihe ist rasserein.
wie wir sagen kônnen.
A A
Individuen der Reihe -r x -^ geben :
_._-. lA. lA. lA lA
4A 4A 4B 4B
A A
Individuen der Reihe — gepaart mit -— geben das vorher in
Série II bereits genannte Résultat.
Individuen der Reihe — gepaart mit — geben :
B a
I A I A I B I B
7b'"*'7b"4b'"^7b'
Individuen der Reihe — gepaart mit — liefern das vorher in
Série I besprochene Ergebniss.
Endlich Individuen der Série — miteinander gepaart geben in
der ersten Brut, wie in allen folgenden, stets nur Individuen B,
also auch dièse Reihe ist rasserein, sie ist samenbestàndig, wie der
Botaniker sagt.
Damit hàtten wir das Prinzip der Mendelschen Gesetze erortert.
Meinen schon bis dahin sehr umfangreichen Zuchtversuchen mit
Lepidopteren folgten vom Jahre 1885 ab Zuchtexperimente mit
der Mutation Aglia tau ab. fere-nigra Th. Mg. {lugens Stdfs) (A)
von Thiiringen (Miilhausen), welche teils mit der Normalform (B)
gepaart, teils in sich weitergezùchtet wurde. In dem Handbucke der
palaearctischen Grossschmetterlinge von 1896 sind auf Seite 312
oben unter I und II, die Ergebnisse von Zuchten angegeben, welche
vollkommen unserer Formel -^ x — entsprechen, also :
A I A I B I B _ I A
¥4b'4b'4B'~7b"'^
das heisst in unserem Falle :
= Agita tau ab. fere-mgra dommant
2 B .
mit tau normal recessiv.
= Aglia tau normal rein.
2 B ^
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE 37
Zucht I lieferte nàinlich :
Aglia iau ab. fere-nigra 31 cfcT, 13 Q Q- 5=^44 Exem pi are.
Aglia tau normal 14 cTcf, 28 Q g. S»' 42 Exemplare.
Zucht II lieferte :
Aglia tau 2h. fere-nigra 26 cf CT, ^^ Q Q ■ S^ 37 Exemplare.
Aglia tau normal 13 Cfcf, 25 g g. S'*' 38 Exemplare.
Dièse beiden Zuchten zeigten mithin erstens : das zahlreiche
Auftreten der Mutation schon in der ersten Génération, also die
Dominanz dieser Mutation, und zweitens die Spaltung dieser
Brut ziemlich genau zur Hâlfte in die Mutation und zur Hàlfte
in die Normal form. Viel schwankendere Resultate mit Bezug-
nahme auf die Verhàltnisse zwischen Mutation und Normal form
wiesen die Zuchten aus der Paarung von ab. fere-nigra cf und g
auf, welche damais mehrere Jahre nacheinander zahlreich von mir
wiederholt wurden. Dièse schwankenden Ergebnisse waren es,
welche mich làngere Zeit hindurch gegenùber der weitgehenden
Giltigkeit der Mendelschen Spaltungsregeln skeptisch sein liessen.
Heute bin ich nach mehrjàhriger Durchfiihrung weiterer Zuchtex-
perimente mit Mutationen von dieser Giltigkeit fest ùberzeugt.
Fiir jenes starke Schwanken bei den in den Jahren 188 5- 1893
ausgefûhrten Ziichtungen mit Aglia tau ab. fere-nigra Th. Mg.
speziell in den Fàllen, in welchen es sich um eine Paarung dieser
Mutation in sich handelte, diirfte der Grund in erster Linie in dem
meist wenig giinstigen Ausfall jener Zuchten zu suchen sein;
wahrscheinlich eine Folge der nicht geniigend oft wiederholten
Auffrischung des Blutes (cfr. Stand fuss Handbuch, 1896, p. 50-
51), zweitens dann aber auch in tiefer liegenden Ursachen, welche
zu erôrtern, uns hier zu weit fùhren wiirde.
Schliesslich lieferte jene Experimentreihe in ihren letzten Gene-
rationen auch rassereine Bruten, wiederum in Uebereinstimmung
mit den von Mendel zuerst nachgewiesenen Regeln. Ich legte aber
auf dièses Résultat damais kein hohes Gewicht, weil der Ausfall
gerade jener Zuchten zu den liickenhaftesten zàhlte (cfr. /. c,
P- 313)-
38 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
Seit einem Dezennium habe ich mich neuerdings, neben den bis
zur Gegenwart weiter getriebenen Temperatur Experimenten, auch
der Frage der Mutation wieder zugewendet. Das grôsste Interesse
nehmen wohl die Ergebnisse der Zuchten von Aglia tau L. mit
ihren Mutationen fere-nigra Th. Mg. und melaina Gross fiir sich
in Anspruch. In Nachfolgendem seien die hauptsàchlichsten bis
zur Stunde erzielten Resultate wiedergegeben :
p^
1906. Aglia tau ab. fere-nigra Th. Mg. cf d* (O* "Tj"
tau L. Q r* —
48 Eier, 46 Puppen.
1907. 45 Falter, wovon :
23 Aglia tau L.
22 Aglia tau ab. fere-nigra Th. Mg.
Nach der Formel :
d* Q i — — ^S^^'^ i^^^ ab. fere-nigra Th. M{
A ^^ B _ ] 2 B j^-^. ^^^ recessiv**.
i 2 B
Aglia tau L. rasserein.
1906. Aglia tau ab. fere-nigra Th. Mg. Cf d (r) — -
'• Â"
tau ab. fere-nigra Th. Mg. Q d (r) — -
40 Eier, 38 Puppen.
1907. 36 Falter, wovon :
27 Aglia tau ab. fere-nigra.
9 Aglia tau normal.
* Anm. d bedeutet " dominant ", mit beigefiigtem eingeklammerten {r) will
sagen : auch mit Keimzellen der recessiven Form, neben solchen der dominanten.
r heisst recessiv.
**Anm. Alsomit dem iiusseren Kleide von A, aber auch mit Keimzellen-Material
von B.
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE 39
Nach der Formel :
I A
Aglia tau ab. fere-nigra rasserein.
4 A
A \ 1 I \
— X — = < - — Aglia tau ab. fere-nigra mit tau recessiv.
I B . ,.
Aglia tau rasserein.
4 B
1907. Aglia tau ab. fere-nigra cf.
tau ab. fere-nigra q
115 Eier, log Puppen.
igo8 . 108 Falter olme jede Ausnahme Aglia tau ab. fere-nigra
Th. Mg. In diesem Falle ist nicht zu sagen, ob die Paarung der
Formel — x — oder der Formel — x — entsprach, denn beide
A A A B
ergeben dem âusseren Kleide nach das Gleiche, ausschliesslich
Individuen der Mutation, also Aglia tau ab. fere-nigra.
Neben den vorstehend angefiihrten, den Mendelschen Regeln
auch dem prozentualen Auftreten der verschiedenen Typen nach
in hohem Grade oder vollkommen entsprechenden Ergebnissen
meiner Zuchten, denen aus den ùbrigen Versuchen noch eine Reihe
gleichsinniger Resultate hinzugefiigt werden konnte, finden sich
unter meinen Experimenten auch solche, bei denen die erhaltene
Brut wohl den Formen nach jenen Spaltungsregeln genau folgt,
nicht scharf aber hinsichtlich der fiir jede dieser Formen zu erwar-
tenden Individuenzahl nach. Hierin zeigen sich sogar gelegentlich
ziemlich erhebliche Abweichungen von den Mendelschen Gesetzen.
Seit dem Erscheinen der bahnbrechenden Arbeiten des hollàn-
dischen Botanikers De Vries : Die Mutationstheorie, Versuche und
Beobachtungen ùber die Entstehung der Arten im Pflanzenreich.
I. Band. Die Entstehung der Arten durch Mutation. Leipzig,
Veit & C°, 1901 ; II. Band. Elementare Bastardlehre, Leipzig,
Veit & C°, 1903, sind die Mutationen bei allen Biologen in den
Vordergrund des Interesses gerûckt worden. De Vries betrachtet
40 LEPIDOPTEROLOGIE COMPARÉE
die Mutationen als elementare Arten. Um die Berechtigung dieser
Auffassung zu priifen, wurden vor etwa lo Jahren Zuchtexperi-
mente mit Mutationen in grôsserem Umfange neuerdings von mir
wieder aufgenommen, denn abgesehen von den hier genannten sind
noch eine ganze Reihe weiterer Ziichtungen mit anderen Muta-
tionen von mir ausgefiihrt worden. — Es galt zu untersuchen, ob
sich irgend welche erste Anzeichen einer die Zeugung betreffenden
Divergenz zwischen Mutation, zumal nachdem dieselbe rasserein
herangeziichtet war, und deren Ausgangstypus nachweisen liessen.
Bisher ist es mir bei keinem einzigen dieser Expérimente gelungen,
auch nur die bescheidensten Anfànge einer solchen physiologi-
schen Divergenz und Differenz, w^elche auf den Beginn einer speci-
fischen Scheidung zwischen Mutation und ihrem Ausgangstypus
hingedeutet hàtte, zu ermittehi. Weder versagten jemals Eier bei
einer Paarung zwischen der rasserein geziichteten Mutation und
ihrem Ausgangstypus, noch erwies sich die erhaltene Nachkom-
menschaft weniger fruchtbar als die elterlichen Formen. Dièse
beiden charakteristischen Tatsachen treten aber bei der Hybrida-
tion distinkter Arten ausnahmslos in Erscheinung. Selbst dann,
wenn nàchstverwandte Spezies, wie z. B. Pygœra pigra Hfn. und
acrtida L., oder Drefana curvatida Bkh. und falcaiana L. gekreuzt
wurden, schliipften niemals aile nach dieser Paarung gelegten Eier
aus, und der durchschnittliche Eierschatz der Bastardweibchen
bleibt hinter dem ihrer Ursprungsarten konstant zuriick. Mit den
Spermatozoen steht es auf Grund der Zuchtversuche mit den
B'astardmàrmchen sicher entsprechend, aber eine Controlle ihrer
Anzahl stosst auf die grôssten Schwierigkeiten.
Noch in einer dritten weiteren, sehr auffàlligen Weise zeigt sich
die physiologische Divergenz distinkter Arten im Falle ihrer
Kreuzung, nàmlich durch ôfteres Auftreten sexuell atypischer,
oder ausgesprochen gynandromorpher Individuen unter den Bas-
tarden. Gewiss ist dies nur eine andere Seite der in den beiden
bereits genannten Tatsachen ebenfalls zum Ausdruck gelangenden
unvollkommenen, inneren Wahlverwandtschaft zwischen den
Keimzellen distinkter Arten.
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE
Wir haben in die diesen Erscheinungen zu Grunde liegenden,
den feinsten inneren Bau der Keimzellen betreffenden Dinge,
zumal dlirch die bahnbrechenden Forschungen von Th. Boveri
und V. Hacker, sowie durch die vorziiglichen Arbeiten von
J. Gross, H. Henking, C. E. Me. Clung, T. H. Montgomeri,
N. M. Stevens, W. S. Sutton, G. B. Wilson und Anderer, eine
etwas tiefer gehende Einsicht gewonnen. Seines grossen Interesses
halber wollen wir auf den Gegenstand kurz eingehen. Neuere
hierhergehôrende Untersuchungen der letztgenannten Forscher-
reihe, welche gerade an den Spermatozoen und Eiern von Insekten
aus den Ordnungen der Orthoptera, Hcmiptera und Coleoptera
vorgenommen wurden, fiihrten zu der Erkenntnis, dass sowohl
die von den mânnlichen, wie die von den weiblichen Individuen
produzierten Keimzellen sich in je zwei Kategorien teilen liessen,
welche minutiôse, aber konstante Unterschiede aufweisen. Der
l^nterschied der beiden Keimzellen-Kategorien gelangt in gewissen
Verschiedenheiten bestimmter Chromosomen zum Ausdruck. Bis-
weilen besitzt die eine Kategorie ein Chromosom weniger
als die andere. Die Chromosomen sind bekanntlich kleine
Teilstiicke, die sich bei Teilungsvorgângen aus dem Zellkern
absondern. Sie werden gegenwàrtig von den Botanikern und Zoo-
logen fast ohne jede Ausnahme als Trâger der Vererbungssubstanz
angesehen. Aus den vorgenannten direkten Beobachtungen zogen
die amerikanischen Forscher den Schiuss, dass die jene beiden
Kategorien der Keimzellen unterscheidenden Chromosomen die
das Geschlecht bestimmenden seien, so zwar, dass der eine Typus
der Spermatozoen und Eier dazu berufen sei, mànnliche Indivi-
duen zu ergeben, der andere aber weibliche. Der Herausgestaltung
sexuel 1 typischer Einzelwesen wiirde mithin eine Sélection zu
Grunde liegen, indem die gleichgeschlechtigen Keimzellen einan-
der wâhlen miissten. Ein in diesem Sinne erfolgendes Zusammen-
finden diirfte ein zeitweiliges Auftreten besonderer chemischer
Substanzen durch " Chemotaxis, " wie der dafiir gebràuchliche
Ausdruck lautet, vielleicht wesentlich begunstigen, âhnlich, wie
nach den Untersuchungen Pfeffers bei gewissen Farnen, Laub-
42 LEPIDOPTEROLOGIE COMPARÉE
moosen und Lebermoosen, und zwar bei jeder dieser Kryptoga-
men-Gruppe durch Hervorbringung einer anderen chemischen
Substanz, die Befruchtungsvorgânge fôrdernd beeinflusst werden.
Dièse Neuerrungenschaften der Forschung sind darum hôchst
bedeutungsvoll, weil analoge Verhàltnisse der Hauptsache nach
fiir breite Schichten der getrennt geschlechtlichen Organismen-
Welt bis zum Menschen hinauf der Herausgestaltung der beiden
' Geschlechter sehr wohl zu Grunde liegend gedacht werden kônnen.
Handelt es sich nun aber nicht um die Paarung artgleicher Indi-
viduen, denn gerade von diesem Falle schweiften wir ja auf die
soeben kurz beriihrten Ergebnisse und aus diesen gezogenen
Schliisse neuester Forschungen ab, so ist die innere Wahlver-
wandtschaft zwischen den Spermatozoen und Eiern eine unvoll-
kommene und die ein Zusammentreffen gleichgeschlechtiger
Keimzellen begùnstigenden Hilfsmittel werden dann mangel-
hafter Natur sein, oder etwa ganz fehlen, sodass hier leichter ofter
auch nicht gleichgeschlechtige Keimzellen sich vereinigen kônnen.
Sicher ist das unter den Artbastarden erfolgende mehr oder
weniger zahlreiche Auftreten geschlechtlich durchaus unscharf
gepràgter oder ausgesprochen mannweiblicher Individuen eine
feststehende Tatsache, wahrend dergleichen Einzelwesen aus
artgleicher Paarung zu den grossten Seltenheiten zàhlen. Wie jenes
zahlreiche Auftreten einerseits durch die skizzierten Forschungser-
gebnisse und die damit zusammenhângenden Theorien dem Ver-
stàndniss entschieden nàher geriickt wird, so vermag dièse Tatsache
andererseits natùrlich auch die Wahrscheinlichkeit jener Theorien
in erheblichem Masse zu stiitzen.
Wie steht es nun beziiglich dièses dritten Punktes mit den
Mutationen? Treten bei den Zuchtexperimenten mit diesen etwa
ôfter gynandromorphe Individuen auf ? In der Tat habe ich im
Jahre 1886 aus einer Paarung von :
Aglïa tau ab. fere-nigra Th. Mg. cf
tau L. Q normal
vier gynandromorphe Individuen erhalten (cfr. Stctt. cnt. Zeits-
LÉPIDOPTEROLOGIE COMPAREE 43
chrïft, 1886, p. 320-22, und Exper. Zool. Stud. Denkschr. der
Schweizer natiirf. Gesellsch., i8g8, p. 57).
Wàhrend der dann bis zum Jahre 1893 noch weitergefiihrten
Zuchten mit dieser Mutation resultierte auch nicht ein einziges
gynandromorphes Individuum mehr und ebensowenig be' allen
meinen anderen Zuchtexperimenten mit Mutationen. So erschien
die Annahme geboten, jene 4 gynandromorphen Individuen seien
rein zufâllig aufgetreten, wie dergleichen Monstrositâten erfah-
rungsgemàss dann und wann aus genuinen Paarungen hervor-
gehen, ohne dass wir hier mit Sicherheit annehmbare Ursachen
ihrer Entstehung angeben kônnten (cfr. Standfuss, Exper. zool.
Stud. Denkschr. der ScJnveiz. naturf. Gesellsch., 1898, p. 53-67).
Im Jahre igo8 ging neuerdings ein ausgepràgt gynandro-
morphes Individuum aus der Paarung von :
Aglïa tau ab. melaina Gross cf
tau L. Q normal
hervor. Man kann darum gespannt darauf sein, was die weiteren
Zuchtexperimente mit Mutationen hinsichtlich dièses Punktes
ergeben werden ?
Ein weiterer Schritt in dieser Versuchsreihe war nun offenbar
der, zwei im Rahmen der gleichen Art stehende Mutationen mit
einander zu paaren. Vielleicht war es môglich, auf diesem Wege
Individuen zu erziehen, welche die Charaktere der beiden Muta-
tionen auf sich vereinigten. Dergleichen Individuen mussten ja
notwendigerweise einen grôsseren Abstand dem Ausgangstypus
gegenùber besitzen als jede der Mutationen fur sich allein. Dies
gilt indess nur un ter der Voraussetzung, dass die Keimzellen
dieser neu gewonnenen Form oder doch wenigstens ein Teil der-
selben, gleichfalls eine innige und vollkommene Verschnielzung
der Charaktere der beiden Mutationen darstellt, also nicht jede
Keimzelle dieser Form nur je einer der beiden Mutationen
entspricht.
So einf ach und elementar dieser Gedankengang erscheinen mag,
seine Verwirklichung ist nicht gai- so leicht. Zwei verschiedene
44 LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE
charakteristische Mutationen im Rahmen der gleichen Art, das
gehôrt in unserer mitteleuropaeischen Falterwelt durchaus zu den
seltenen Erscheinungen. Fur mich kam nur eine einzige Art in
Frage : Aglùr tau L. Eine Mutation von ihr, ab. fere-nigra Th. Mg.
ist von Saint-Germain-en-Laye, aus dem Elsass, von Thùringen
(Miilhausen) und von der Insel Rùgen nachgewiesen. Schon 1780
wird sie in Ernst et Engramell, Papillons d'Ettrope, PI. 129,
fig. 175 h und i abgebildet (cfr. Standfuss, Stett. ent. Zeitung,
1886, p. 318. Berl. ent. Zeitsckr., 1888, p. 319 ff.)- Ich batte mir
bereits vor einigen Jahren Eier der ab. fere-îugra von Thiiringen
beschafft und durch wiederholte Erneuerung des Blutes bis 1907
kràftiges Brutmaterial herangeziichtet. Eine zweite, sehr eigenar-
tige Mutation von Aglia tau hatte der verstorbene tuchtige Lepi-
dopterophile H. Gross, mit dem ich viele Jahre im angenehmsten
Verkehr stand, im Jahre 1897 aus Ober-Œsterreich als ab melaïna
beschrieben. Das Verdienst, sie entdeckt zu haben, gebiihrt Herrn
Lehrer Franz Hauder aus Linz a/D. Gross hatte auch bereits ihren
Charakter als Mutation durch Zucht festgestellt (/m, 1897, p. 396-
399), sowie ihre Dominanz der Grundform gegeniiber.
Durch meinen Assistenten, Herrn Hans Wagner, war es mir
môglich, die Paarung
Aglia tau ab. melaina Gross cf
ab. fere-nigra Th. Mg. Q
zu erreichen und deren Nachkommen aufzuziichten. Bezeichnen
wir nun :
Aglia tau L. mit B,
Aglia tau ab. melaina Gross mit A,
Aglia tau ab. fere-nigra Th. Mg. mit G,
so wiirde dièse Paarung auf das bei den vorher besprochenen
Mutations-Experimenten angewendete Schéma gebracht zu schrei-
ben sein :
Aglia tau ab. mclairui cf d (r) —
tau ab. fere-nigra Q d (r) —
53 Eier, 5 i Puppen.
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE 45
1908. 51 Falter wovon :
14 Aglia tau L. normal,
13 Aglia tau ab. melaina Gross,
1 1 Aglia tau ab. fere-nigra Th. Mg.,
13 Aglia tau forma nova.
Aglia tau L. normal.
4
A
Aglia tau ab. melaina Gross.
mit tau recessiv.
£ Aglia tau ab. fere-nigra Th. Mg.
4 C
mit tau recessiv.
I A
— •— Aglia tau ab. melaina + fere-nigra.
4 c
Eine zweite Paarung von
Aglia tau ab. melaina cf d (r) —
tau ab. fere-nigra Q d (r) —
lieferte von 51 Eiern 47 Puppen. Dièse Puppen wurden vom
7. August bis zum 19. November im Eiskeller gehalten une" dann
in das warme Zimmer gebracht. Es schliipften 47 Falter aus,
wovon :
10 Aglia tau normal,
11 Aglia tau ab. melaina,
14 Aglia tau ab. fere-nigra,
12 Aglia tau ab. forma-nova.
Wiederum entfiel also nahezu 1/4 der Gesamtmenge auf jede
der vier verschiedenen Formen. Dièse Falter entwickelten sich von
Ende Dezember 1907 ab bis tief in das Friihjahr 1908 hinein.
In der Ueberzahl waren sie stark kriippelhaft und unbrauchbar.
Ich nannte die erhaltene forma-nova nach dem beriihmten Col-
legen Herrn Geheimrat Prof. D"" Aug. Weismann in Freiburg
i/Brsg. ab. Weismanni Stdfs.
Wâhrend sich also ab. melaina sowohl, als auch ab. fere-nigra
der Grundform tau gegenùber antagonistisch verhalten, stehen sich
46 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
ab. melaina und fcre-nïgra selbst nicht antagonistisch gegeiniber,
sondern verschmelzen zu einen Typus, welcher die Charaktere
beider Mutationen harmonisch auf sich vereinigt, nàmlich zu der
forma-nova ab. W eismanni Stdfs. Dièse Annahme scheint geboten,
da bisher Individuen von ab. melaina weder gef angen, noch durch
Zuchterhalten worden sind, welche ài&s&r forma-nova entspràchen.
Auch stùtzt die im Einklang mit den Mendelschen Gesetzen einer
Gleichheit nahekommende Anzahl der vier verschiedenen aus
unserem Zuchtexperiment hervorgegangenen Formen dièse Auf-
fassung des neuen Typus. Wir werden die ab. W eismanni als
ganz speziellen Abkômmling der Paarung zwischen ab. melaina
und ab. fere-nigra auffassen miissen.
Zu den drei verschiedenen in der freien Natur vorkommenden
Typen von Aglia tau ist nun noch eine vierte weitere, durch Zucht
erhaltene, hinzugetreten. Damit sind sofort wieder vier neue Com-
binationen fur Paarungen gegeben, nàmlich die Copula der ab.
W eismanni mit jeder der drei Naturformen und mit Individuen
ihres Gleichen. Besonderes Interesse beansprucht offenbar zunàchst
der letzte Fall, infolge des uns beschàftigenden De Vries'schen
Standpunktes. Dièse Paarung hàtte die Formel :
A ^lia tau ab. melaina
4 A ^
rasserem.
A A
c ><
— ■=:) — — Aglia tau ab. W eismanni.
Aglia tau ab. fere-nigra rasserein.
L —
4 C
Dièses Résultat wàre zu erwarten, wenn jede Keimzelle der
ab. W eismanni nur je einer ihrer elterlichen Formen entspricht.
Erwiese sich dièses Ergebnis nun auch in allen weiteren Zuchten
als ein konstantes, dann hâtten w^ir offenbar keinen Schritt
vorwàrts gemacht und das angestrebte Ziel nicht erreicht. Es ist
leicht zu ûbersehen, dass v^ir dann nur stets wieder rassereine
ab. melaina^ rassereine ab. fere-nigra und ab. W eismanni erhalten
wiirden, welche sich ihrerseits immer von neuem in der gleichen
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE 47
Weise, wie oben gezeigt, spaltet, wenn sie in sich weitergezùchtet
wird. Moglich, dass es so kommt. Allein das Kleid scheint zu der
Hoffnung zu berechtigen, dass, wenn auch nicht aile, so doch ein
Teil der Keimzellen ihrer inneren Konstitution nach dem elterli-
chen Typus entspricht, also gleichfalls eine innige und vollkom-
mene Verschmelzung der Charaktere der beiden Mutationen
melaina und fere-nïgra potentiell darstellt. Erfùllt sich dièse
Hoffnung, dann ist es zunâchst moglich, eine rassereine Zucht der
neuen Form zu erreichen und weiter dann auch moglich, das
Verhalten dièses neu geziichteten Typus, der nunmehr rasserein
ist, der Normal form tau gegenùber durch eine Reihe von Paa-
rungen zu priifen, das Endziel, auf welches wir bei diesen Expe-
rimenten der Paarung zwischen zwei verschiedenen Mutationen
der gleichen Art hinsteuerten.
Es ist mir eine angenehme Pflicht, am Schlusse dieser kleinen
Mitteilung aus meinen nun 33 Jahre hindurch fortgefùhrten Hybri-
dations-Experimenten, meinem liebenswùrdigen Freunde Herrn
Charles Oberthiir den herzlichsten Dank auszusprechen. Mit
seinem giitigen Anerbieten, die vier verschiedenen, aus der Paarung
von
Aglia tau ab. melaina Gross cf
tau ab. fere-nigra Th. Mg. Q
hervorgegangenen Formen in seinem vorziiglichen Werke " Etudes
de Lépidoptérologie comparée " abbilden zu lassen, hat er mir
eine ausserordentliche Freude gemacht.
Zurich, im Januar 1909.
Prof. D-- M. STANDFUSS.
Quelques résultats d'expériences
de reproduction par mutations de Lépidoptères
(Aberrations pro parte),
reposant sur les Lois de Mendel et la Théorie
de la Mutation de Hugo de Vries.
Par le D' Professeur Max STANDFUSS, de Zurich.
Traduit de l'allemand par M. Baumann, Professeur au Lycée de Rennes.
(PI. XXXI et XXXII).
Parmi les Aberrations qui se rencontrent assez fréquemment
dans le règne végétal et animal, il en est un certain nombre qui,
par suite de certaines particularités, doivent être, d'après la déno-
mination généralement admise pour ces formes, comptées parmi
les mutations. On désigne sous le nom de mutations des écarts
d'une fixité relativement constante, de faciès très caractérisé, qui
se rencontrent dans un type, ou qui y apparaissent soudain.
Accouplées au type normal, au type-origine, elles ne se fondent
pas en formes transitoires et mélangées dans ce type, mais, au
contraire, la progéniture, ici, se différencie constamment en le
type-origine et Vaberration. Ces mutations, grâce aux travaux des
botanistes : De Vries, Correns, Tschermak, Noll, et des zoolo-
gistes : Bateson, Lang, Davenport, Hacker, sans compter beaucoup
d'autres, grâce, aussi, aux travaux remis au jour de Mendel, ont
conquis un haut intérêt d'actualité.
Ainsi qu'il a été constaté, la différenciation des descendants de
la mutation en les deux formes s'opère, quant au nombre des indi-
vidus, selon des lois fixes. En l'honneur de celui qui les a décou-
vertes, ces lois s'appellent : Lois de Mendel.
50 LEPIDOPTEROLOCxIE COMPARÉE
On parle, dans le cas de mutation, de propriétés antagonistes
des deux types en question, c'est-à-dire de propriétés s'excluant
réciproquement, qui, par conséquent, ne coexistent pas dans un seul
et même individu.
Pour plus de clarté, considérons un cas particulier, d'une sim-
plicité remarquable : nous avons accouplé deux individus, l'un
ayant la propriété antagoniste A, l'autre la propriété antagoniste B.
Si nous admettons, en outre, que chacun des deux individus pos-
sède ses propriétés antagonistes à l'état pur, c'est-à-dire dans la
totalité des matériaux de ses cellules germinatives, alors la progé-
niture issue de cet accouplement se compose, — l'expérience nous
l'apprend, — exclusivement d'individus qui, extérieurement, ne
présentent que l'une des deux propriétés antagonistes. Supposons
que ce soit la propriété A. De la propriété B rien, en ce cas, ne sera
visible extérieurement chez la progéniture. Mais la propriété B
n'en a pas été pour cela perdue pour ces individus, elle a été
conservée à l'état latent, à savoir dans leurs matériaux de cellules
germinatives. En conséquence, si on poursuit les expériences de
reproduction avec les individus obtenus, effectivement la pro-
priété B réapparaît extérieurement, et, comme il a été dit, en obéis-
sant à des lois tout à fait déterminées. La propriété A, telle que
nous venons de la caractériser, est appelée la dominante; la pro-
priété B la récessive. Si nous exprimons ce cas particulier dans
une formule d'un emploi général, nous pouvons écrire :
cf* 9*
A B
r ><. T
accouplé avec
Supposons que les 4 combinaisons de cellules germinatives, pos-
sibles après accouplement, se présentent toutes en nombre sensi-
* Rem. : — désignerait la descendance et, partant, les matériaux des cellules
germinatives de l'individu, qui proviennent du parent paternel et maternel, par
conséquent du mâle. De même — devrait respectivement s'entendre de la femelle.
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE 5I
blement égal, nous obtiendrons, si nous le consignons en détail,
le résultat suivant :
A r A I A 2. A.
B 4B4B4B
Nous sommes autorisés à faire cette hypothèse, car la différen-
ciation de la lignée en formes différentes, en vertu de la combi-
naison des différentes cellules germinatives des individus père et
mère, se réalise toujours expérimentalement dans le sens d'une telle
égalité, quand même, dans ce cas particulier, apparaîtraient de
temps à autre quelques irrégularités. Tous les individus de cette
série I ne se distinguent, en aucune façon extérieurement, des
individus A « pur », car A est dominant et donne par conséquent
à tous ces individus leur empreinte extérieure ; mais ces individus,
dans leur totalité, contiennent néanmoins la qualité B à l'état
récessifs c'est-à-dire dans les matériaux de leurs cellules germina-
tives. Si donc, en continuant les expériences, nous accouplons deux
individus de cette série I, c'est-à-dire — x — -, nous obtenon? :
B B
I A 1 A I A I B , ,.
-— -i--— + -— -f-— c est-a-dire
4A 4B 4B 4B
77= A P"^-
I A
— — = A dominant, B récessif,
^ (par conséquent avec la robe extérieure de A,
mais aussi avec des cellules germinatives de B).
— — = A dominant, B récessif.
4 ^
- - = B pur.
A
Il est clair que des individus de la série —, accouplés ensemble,
ne donneront, dans la première lignée comme dans toutes les
52 LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE
lignées ultérieures, exclusivement que des individus A. La série
est race pure, pouvons-nous dire.
A A
Des individus de la série — x — • donnent :
A B
-r-TT lA lA lA lA
ni. __ + __ + __ + __
4A 4A 4B 4B
A A
Des individus de la série -— , accouplés à —, donnent le résultat
B B
indiqué ci-dessus dans la série IL
A B
Des individus de la série -— , accouplés à —, donnent :
I A I A I B I B
' 7b"'^7"b4b"'^7b'
Des individus de la série —, accouplés entre eux, donnent dans
la première lignée comme dans toutes les suivantes, constamment
et exclusivement des individus B ; par conséquent, cette série, éga-
lement, est race pure, elle est constante en matière séminale, selon
l'expression des botanistes.
Telles sont, exposées dans leur principe, les lois de Mendel,
Mes essais de reproduction avec les Lépidoptères, essais déjà
fort nombreux jusqu'en 1885, furent suivis, à partir de cette date,
d'expériences de reproduction avec la mutation Aglia tau Ab. fere-
nigra Th. Mg. {liigens Stdfs) (A) de Thiiringe (Mulhausen).
Celle-ci fut, en partie, accouplée à la forme normale (B), en partie
cultivée par reproductions répétées avec elle-même. Dans le Manuel
des Macrolépidoptères Paléarctiques de iSç6 sont consignés,
page 312, en haut, sous I et II, les résultats d'expériences de repro-
ducti(
donc
duction, qui correspondent absolument à notre formule — x — -;
B B
I A I A I
7 6* ~~^ 7
c'est-à-dire dans notre cas particulier :
— — = Aglia tau ab. fere-nigra dominant.
avec tau normal récessif.
— — - = Aglia tau normal pur.
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPAREE 53
L'essai de reproduction I fournit :
Aglia tau ab. fere-nigra. 31 cfcf, 13 Q Q- Total : 44 exemplaires.
Agita tau normdà 14 cfcf, 28 Q Q. Total : 42 exemplaires.
L'essai de reproduction II fournit :
Aglia tau ab. fere-tugra. 26 cTcf, '^'^ Q Q- Total : 37 exemplaires.
Aglia tau normal 13 cfd', 25 Q Q. Total : 38 exemplaires.
Ces deux essais montrèrent par conséquent : l° l'apparition en
très grand nombre de la mutation dès la première génération, donc
la dominance de cette mutation; et 2° la différenciation de cette
progéniture, sensiblement par moitié en la mutation, et par moitié
en la forme normale. Si on tient compte des rapports qui existent
entre la mutation et la forme normale, les résultats que donnèrent
les reproductions provenant de l'accouplement de ab. fere-nigra cf
et Q furent beaucoup plus flottants, expériences que je poursuivis
alors, nombreuses et répétées, pendant plusieurs années consécu-
tives. Et ce sont ces résultats flottants qui, pendant un temps assez
long, me laissèrent sceptique quant à la signification, à la portée
générales des règles de différenciation de Mendel. Aujourd'hui,
après avoir pendant plusieurs années exécuté d'autres expériences
de reproduction par mutations, je suis fermement convaincu de
cette portée, de cette signification. Pour ces fortes oscillations dans
les essais de reproduction exécutés dans les années 1885- 1893 avec
Aglia tau ab. fere-nigra Th. Mg., spécialement dans les cas ovi
il s'agissait d'un accouplement de cette mutation avec elle-même,
la raison, en première ligne, en pourrait bien être cherchée dans la
réussite le plus souvent peu heureuse de ces reproductions, consé-
quence probable d'un rajeunissement de sang pas assez fréquem-
ment répété (Cf. Standfuss, Manuel i8ç6, p. 50-51); en second
lieu, elle pourrait bien aussi résider dans des causes plus pro-
fondes, dont l'explication, ici, nous mènerait trop loin.
Finalement, cette série d'expériences, dans ses dernières généra-
tions, fournit aussi des lignées race pure, encore une fois en accord
avec les règles dont Mendel le premier avait fait la démonstration.
Mais à cette époque je n'attachai pas grande importance à ce
54 LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE
résultat, parce que la réussite de ces reproductions comptait pré-
cisément parmi les moins probantes (Cf. /. c, p. 313).
Depuis une dizaine d'années, outre les expériences sur l'influence
de la température poursuivies jusqu'à ce jour, la question de la
mutation a de nouveau sollicité mon attention, et ce sont les
résultats des reproductions de Aglia tau L. avec ses mutations
fere-nigra Th. Mg. et melaina Gross, qui captivent au plus haut
point notre intérêt. Voici les principaux résultats obtenus jusqu'à
cette heure :
1906. Aglia tau ab. fere-nigra Th. Mg. cf d* (r)* —
tau L. Q r* —
48 œufs, 46 chrysalides.
1907. 45 papillons, dont :
23 Aglia tau L.
22 Aglia tau ab. fere-nigra Th. Mg.
D'après la formule :
cT 9 ( — — ^g^^'^ tau ab. fere-nigra Th. Mg.
A ,, ^ ) ^ avec tau récessif**.
\ 2 B
— Aglia tau L. race pure.
1906. Aglia tau ab. fere-nigra Th. Mg. cf d (r) —
tau ab. fere-nigra Th. Mg. Q d (r) —
40 œufs, 38 chrysalides.
1907. ^jÇi papillons, dont :
27 Aglia tau ab. fere-nigra.
9 Aglia tau normal.
* Rem. : d signifie « dominant » ; avec, en plus, {r) entre parenthèses, signifie:
avec, aussi, des cellules germinatives de la forme récessive, à côté des cellules
germinatives de la dominante. ;' veut dire « récessif. »
** Rem. : Par conséquent avec la robe extérieure de A, mais aussi avec des
matériau.x de cellules germinatives de B.
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE 55
D'après la formule :
I Agl^a tau ab. fere-nigra race pin
1"
A A I A
— - X — - = { — — Aglia tau ab. fere-nigra avec tau récessif.
I iJ . ,.
Agua tau race pure.
igo/. Aglia tau ab. fere-nigra cf.
tau ab. fere-nigra Q.
115 œufs, 109 chrysalides.
igo8. 108 papillons, sans exception aucune, Aglia tau ab. fere-
nigra Th. Mg. Dans ce cas, il n'est pas possible de dire si l'accou-
plement correspondait à la formule — x -— ou à la formule
A A . -^ ^
— X —, car toutes deux produisent, quant à la robe extérieure,
le même effet : exclusivement des individus de mutation, par
conséquent des Aglia tau ab. fere-nigra.
Les résultats énumérés correspondent aussi dans la plus large
mesure aux règles de Mendel ou sont en parfait accord avec elles,
quant au pourcentage dans le nombre des différents types. Nous
pourrions y ajouter une série de résultats identiques provenant
des autres essais. A côté de ces résultats, il est telles de mes expé-
riences oti la lignée obtenue obéit rigoureusement, quant aux
formes, à ces règles de différenciation, mais pas nettement quant
au nombre d'individus prévus pour chacune de ces formes. Bien
plus, il s'y rencontre incidemment des écarts assez marqués aux
lois de Mendel.
Depuis l'apparition des travaux si nouveaux et si originaux du
botaniste hollandais De Vries : La Théorie de la Mutation, expé-
riences et observations sur la formation des espèces dans le règne
végétal, tome I ; La Formation des Espèces par mutation, Leipzig,
Veit et C'^ 1901, tome II; Hybridologie élémentaire, Leipzig,
Veit et C'", 1903, les mutations ont passé au premier plan chez tous
les biologistes. De Vries considère les mutations comme des espèces
élémentaires. Pour vérifier la valeur de cette conception, j'ai, pour
56 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
la seconde fois, entrepris, il y a quelque dix ans, des expériences
de reproduction par mutations sur une grande échelle, — car, abs-
traction faite des reproductions dont il est question ici, j'ai exécuté
également toute une série d'autres reproductions par d'autres muta-
tions. — Il s'agissait de rechercher s'il était possible de déterminer
quelques premiers indices d'une divergence concernant la géné-
ration entre la mutation d'une part, surtout si celle-ci par repro-
duction a été amenée à l'état race pure, et entre son type-origine,
d'autre part. Jusqu'à présent, dans pas une seule de ces expériences,
je ne suis parvenu à découvrir même les plus modestes signes d'une
telle divergence et différence physiologiques, qui eût été l'indice
d'un commencement de différenciation spécifique entre la mutation
et son type-origine. Toujours les œufs se sont montrés fertiles
dans un accouplement entre la mutation amenée à l'état race pure
et son type-origine, et jamais la descendance obtenue ne s'est
montrée moins féconde que les formes des père et mère. Or, ces
deux faits caractéristiques apparaissent sans exception dans l'hy-
bridation d'espèces distinctes. Alors même que des espèces très
proches parentes, comme, par exemple, Pygcsra fïgra Hfn. et
curtula L., ou Drepana curvatula Bkhs. et falcataria L. furent
croisées, jamais les œufs pondus après cet accouplement ne sont
tous éclos, et la richesse moyenne des œufs des hybrides femelles
est constamment inférieure à celle des espèces dont elles sont
issues. Chez les mâles provenant de mes essais d'hybridation, le
nombre des spermatozoïdes est certainement conforme à ce qu'on
observe dans la nature, mais le contrôle de ce nombre se heurte
aux plus grosses difficultés.
Il est enfin un troisième aspect, et très surprenant, sous lequel
apparaît la divergence physiologique d'espèces distinctes en cas
de croisement, à savoir la fréquente apparition, parmi les hybrides,
d'individus sexuellement atypiques ou nettement gynandro-
morphes. Certainement, ce n'est là qu'un autre aspect de l'incom-
plète affinité élective intime entre les cellules germinatives d'es-
pèces distinctes, qui apparaît également dans les deux faits déjà
constatés.
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE 57
Sur les faits qui sont à la base de ces phénomènes, et qui ont
trait à la structure intime la plus délicate des cellules germinatives,
nous avons aujourd'hui des lumières, des vues un peu plus pro-
fondes, grâce surtout aux recherches originales de Th. Boveri
et V. Hacker, qui ont frayé la voie, grâce, aussi, aux excellents
travaux de J. Gross, H. Henking, C. E. Me. Clung, T. H. Mont-
gomeri, N. M. Stevens, W. S. Sutton, G. B. Wilson et d'autres
encore. Le sujet étant d'un très haut intérêt, nous y insisterons en
quelques mots. Des recherches récentes dans cet ordre d'idées par
la seconde série de ces savants chercheurs, qui furent précisément
instituées sur les spermatozoïdes et les œufs des insectes appar-
tenant aux ordres des Orthoftera, Hemiptera et Coleoptera, ont
conduit à la découverte que les cellules germinatives produites par
les individus mâles aussi bien que par les individus femelles, pou-
vaient, les unes comme les autres, se diviser en deux catégories
qui offrent des différences minutieuses, mais constantes. La diffé-
rence des deux catégories de cellules germinatives se manifeste
dans certaines particularités distinctives de chromosomes. Parfois
l'une des catégories possède un chromosome de moins que
l'autre. Les chromosomes sont, comme on sait, de petites parti-
cules qui, dans les processus de division cellulaire, se séparent
du noyau de la cellule. Ils sont aujourd'hui, par la presque una-
nimité des botanistes et des zoologistes, considérés comme les
véhicules de la substance héréditaire. De ces observations directes,
les Savants Américains ont tiré la conclusion que les chromo-
somes différenciant ces deux catégories de cellules germinatives
étaient déterminants du sexe, et de telle sorte que l'un des types
de spennatozoïdes et d'œufs était appelé à produire des individus
mâles et l'autre des femelles. La formation d'individus sexuelle-
ment typique serait donc basée sur une sélection, les cellules ger-
minatives homosexuelles devant s'entre-chercher. Une rencontre
dans ces conditions, l'intervention temporaire par chimiotaxie
(pour employer le terme consacré,) de certaines substances chi-
miques la favoriserait peut-être sensiblement, de même que, d'après
les expériences de Pfeffer, chez certaines fougères, mousses et hépa-
58 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
tiques, et cela dans chacun de ces groupes de Cryptogames, les
processus de la fécondation sont favorablement influencés par la
production d'une autre substance chimique. Ces conquêtes récentes
de la science sont d'une extrême importance, parce qu'on pourrait
bien supposer que des relations analogues en substance président,
pour de vastes groupements du monde des organismes à sexe
distinct, en remontant jusqu'à l'homme, à la différenciation des
deux sexes.
Mais s'il ne s'agit plus de l'accouplement d'individus de même
espèce, — or, c'est précisément à propos de ce cas qu'en une digres-
sion nous venons d'effleurer les résultats des recherches les plus
récentes et les conclusions qu'on en a tirées, — alors l'affinité
élective intime entre les spermatozoïdes et les œufs est incomplète,
et les adjuvants, favorisant une rencontre de cellules germinatives
de même sexe, seront ou insuffisants ou même échoueront complè-
tement, de sorte que la fréquence de la rencontre de cellules
germinatives de même sexe, ici, n'est pas davantage facilitée. Cer-
tainement, l'apparition en plus ou moins grand nombre, parmi les
hybrides d'espèce, d'individus de sexe nettement indécis ou d'indi-
vidus franchement androgynes, est un fait incontestable, tandis
que des individus similaires provenant d'un accouplement de
mêmes espèces comptent parmi les plus grandes raretés. De même
que, d'une part, cette apparition en grand nombre est véritablement
rendue plus intelligible grâce aux résultats esquissés des recherches
et des théories qui s'y rattachent, de même, d'autre part, ce fait est
naturellement capable d'étayer, dans une large mesure, la vraisem-
blance de ces théories.
Comment les mutations se comportent-elles en ce qui concerne
ce dernier point? Dans les expériences de reproduction avec ces
mutations, apparaîtrait-il plus souvent des individus gynandro-
morphes? En fait, j'ai eu, en 1886, d'un accouplement de :
Aglia tau ab. fere-nïgra Th. Mg. c?
tmi L. Q normal
quatre individus gynandromorphes (Cf. Stett. ent. Zeitschrift,
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPAREE 59
1886, p. 320-22, et Exper. sool. Stiid. Denkschr. dcr Schweïzer
naturf. Gesellsch., 1898, p. 57).
Pendant les reproductions poursuivies jusqu'en 1893 avec cette
mutation, il ne se produisit plus un seul individu gynandromorphe,
non plus que dans toutes mes autres expériences de reproduction
par mutations. L'hypothèse s'imposait donc que ces quatre indi-
vidus gynandromorphes étaient de simples accidents, du genre de
ces monstruosités que nous observons de temps à autre expérimen-
talement dans des accouplements purs, sans que nous puissions
avec certitude donner les causes plausibles de leur genèse (Cf.
Standfuss, Expcr. zool. Stud. Denkschr. der Schweïzer naturf.
Gesellsch., 1898, p. 53-67).
En 1908, naquit à nouveau un individu nettement gynandro-
morphe de l'accouplement de :
Aglia tau ab. melaina Gross ç3
tau L. Q normal.
On peut, dès lors, se demander avec une impatience légitime,
quels résultats donneront à cet égard les expériences de reproduc-
tion futures par mutations ?
Un nouveau pas en avant dans cette série d'expériences, c'était,
manifestement, d'accoupler entre elles deux mutations qui existent
dans le cadre de la même espèce. Peut-être était-il possible, dans
cette voie, d'élever des individus qui réunissent en soi les caractères
des deux mutations. Aussi bien, de tels individus devaient néces-
sairement présenter, comparés au type-origine, une différence plus
grande que chacune des mutations en soi. Ceci, cependant, n'est
vrai que dans l'hypothèse oii les cellules germinatives de cette
forme nouvellement obtenue, ou du moins une partie de ces cellules,
représentent également une fusion intime et complète des carac-
tères des deux mutations, c'est-à-dire qu'il ne suffit pas que chaque
cellule germinative de cette forme corresponde respectivement à
une cellule des deux mutations.
Si simple et si élémentaire que puisse paraître l'enchaînement
6o LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
de ces idées, sa réalisation n'est pas des plus aisées. Deux muta-
tions caractéristiques différentes dans le cadre de la même espèce,
voilà qui, dans le monde des papillons de notre Europe Centrale,
compte certes parmi les phénomènes rares. Pour moi, une espèce
unique était seule en cause : Aglia tau L. Une mutation de celle-ci,
ab. ferc-nïgra Th. Mg., est signalée à Saint-Germain-en-Laye, en
Alsace, en Thiiringe (Miilhausen) et dans l'île de Rûgen. Déjà,
en 1780, elle est reproduite dans Ernst et Engramelle, Papillons
d'Europe, PI. 129, fig. 175 .^ et i (Cf. Standfuss, Stett. ent. Zeitung,
1886, p. 318. Berl. ent. Zeitschr., 1888, p. 319 ff). Je m'étais, il y a
quelques années déjà, procuré des œufs de ab. fere-nigra de Thii-
ringe, et, par rajeunissement répété du sang jusqu'en 1907, je
m'étais façonné de vigoureux sujets de reproduction. Une seconde
mutation, très caractéristique ^Aglïa tau, a été décrite, en 1897,
comme ab. nielaina originaire de la Haute- Autriche, par feu
H. Gross, fin connaisseur en Lépidoptérologie, avec qui j'ai, pen-
dant de nombreuses années, entretenu les relations les plus
agréables. Le mérite de l'avoir découverte en revient à M. l'insti-
tuteur Franz Hauder, de Linz s/D. Gross avait également déter-
miné son caractère en tant que mutation par reproduction {Iris,
1897, p. 396-399), ainsi que sa dominance par rapport à la forme
fondamentale.
Grâce à mon assistant, M. Hans Wagner, il m'a été possible de
réaliser l'accouplement
Aglia tau ab. melaina Gross cf
ab. fere-nigra Th. Mg. Q
et d'en élever les descendants.
Si nous désignons :
Aglia tau L., par B,
Aglia tau ab. melaina Gross, par A,
Aglia tau ab. fere-nigra Th. Mg., par C,
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE
cet accouplement, ramené au schéma employé dans les expériences
de mutation mentionnées, pourrait se formuler ainsi :
Aglia tau ab. melaina cf d (r) —
tau ab. fere-nigra Q d (r) —
53 œufs, $1 chrysalides.
1908. 51 papillons, dont :
14 Aglia tau L. normal,
13 Aglia tau ab. melaina Gross.
II Aglia tau ab. fere-nigra Th. Mg.,
13 Aglia tau forma nova.
B
Aglia tau normal.
— — Aglia tau ab. melaina Gross.
'^ avec tau récessif.
i, .L ^'^glici to,u ab. fere-nigra Th. Mg.
^ ^ avec tau récessif.
I A
— — Aglia tau ab. melaina + fere-nigra.
Un second accouplement de
Aglia tau ab. melaina cf d (r) -—
tau ab. fere-nigra Q d (r) —
produisit sur 5 1 œufs 47 chrysalides. Ces chrysalides furent main-
tenues du 7 Août jusqu'au 19 Novembre dans la glacière, puis
amenées dans Fétuve. 47 papillons sont éclos, dont :
10 Aglia tau normal,
1 1 Aglia tau ab. melaina,
14 Aglia tau ab. fere-nigra,
12 Aglia tau ab. forma-nova.
Derechef, 1/4 à peu près de la masse totale se répartit donc sur
chacune des quatre formes différentes. Ces papillons se dévelop-
pèrent de fin Décembre 1907 jusque fort avant dans le printemps
de 1908. En majorité, ils étaient fortement avortés et inutilisables.
62 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
J'ai dénommé la forma-nova obtenue ab. Weismanni, d'après
mon éminent collègue M. le Conseiller intime, Prof. D"" Aug.
Weismann, à Fribourg-en-Brisgau.
Ainsi, tandis que ab. melaina, aussi bien que ab. fere-nigra, se
comportent par antagonisme vis-à-vis la forme-type tau, les ab.
melaina et fere-nigra ne s'opposent point par antagonisme, mais,
au contraire, se fusionnent en un type qui réunit harmonieusement
en soi les caractères des deux mutations, à savoir la forma-nova
ab. W eismanni Stdfs.
Cette interprétation semble s'imposer, puisque, jusqu'à ce jour,
on n'a ni capturé ni obtenu par reproduction des individus de
ab. melaina qui correspondissent à cette forma-nova. Cette con-
ception du nouveau type est également étayée par le nombre des
quatre formes différentes issues de notre expérience de reproduc-
tion, nombre qui, en accord avec les lois de Mendel, se répartit
sensiblement en quantités égales. Il nous faudra concevoir ab.
Weismanni comme un descendant tout à fait spécial de l'accou-
plement de ab. melaina avec ab. fere-nigra.
Aux trois types différents ^Aglia tau existant en liberté dans
la nature est donc venue s'ajouter une autre Aglia tau, une qua-
trième, obtenue par reproduction. De ce fait il se présente donc un
groupe de quatre combinaisons nouvelles à accoupler, à savoir la
Copula de ab. Weismanni avec chacune des trois formes naturelles
ou avec des individus similaires. Il est clair que ce dernier cas doit
particulièrement retenir notre attention, par suite du point de vue
de De Vries, qui nous préoccupe ici. Cet accouplement aurait pour
formule :
I A
— — Aglia tau ab. melaina race pure.
A A 1 I A
— X — - = < — — Aglia tau ab. W eismanni.
I c
— — Aglia tau ab. fere-nigra race pure.
Ce résultat serait à prévoir à condition que chaque cellule ger-
minative de ab. W eismanni correspondît seulement à une cellule
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE 63
respective de ses formes père et mère. Et si ce résultat, dans toutes
les reproductions ultérieures, apparaissait comme une constante,
il est évident que nous n'aurions point avancé d'un pas et que nous
n'aurions pas atteint le but que nous poursuivions. Il est facile de
voir que nous n'obtiendrions encore et toujours que ab. melaïna
race pure, ab. fere-nigra race pure et ab. W eismanni, et l'une de ces
aberrations, cultivée par reproduction avec elle-même, se rediffé-
renciera toujours, comme il a été montré ci-dessus. Il est possible
qu'il en soit ainsi. Mais la robe semble autoriser l'espoir que, sinon
toutes, du moins une partie des cellules germinatives correspondent,
d'après leur constitution intime, à leur type ancestral, c'est-à-dire
présentent à un très haut degré la fusion intime et parfaite des
caractères des deux mutations melaïna et fere-nigra. Si cet espoir
se réalise, alors il sera d'abord possible d'obtenir une reproduction
race pure de la nouvelle forme, et ensuite de vérifier, par une série
d'accouplements, la manière dont se comporte ce type nouvelle-
ment élevé, qui est désormais race pure, par rapport à la forme
normale tau : objectif constant de nos efforts, que nous ne per-
dîmes jamais de vue au cours de ces expériences d'accouplement
entre deux mutations différentes de la même espèce.
En terminant cette brève communication sur mes expériences
d'hybridation, poursuivies pendant 33 ans, ce m'est un devoir bien
agréable d'exprimer ma plus cordiale gratitude à mon aimable
ami, M. Charles Oberthiir. En m'offrant gracieusement de faire
reproduire dans son excellent ouvrage « Etudes de Lépidopté-
rologie comparée » les quatre formes différentes issues de l'accou-
plement
Aglïa tau ab. melaïna Gross d*
tau ab. fere-nigra Th. Mg. Q
il m'a procuré une joie des plus vives.
Zurich, Janvier 1909.
Prof. D-- Max STANDFUSS.
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE 65
TAFELERKLAERUNG
(Explication des Planches)
Taf. XXXI.
Fig. 208. — Agita Ta2t cf, Linné, forma typica.
■ — 20g. — Agita Tati Q, Linné, forma typica.
— 210. — Agita Tau-melaina cf, Gross.
— 211. — Aglia Tau-melaina Q, Gross.
Taf. XXXIL
Fig. 212. — Aglia Taii-fere-nigra cf, Th. Mg.
— 213. — Aglia Tau-fere-nigra Q, Th. M.
— 214. — Aglia Tau-Weissmanni çS, Standfuss.
— 215. — Aglia Tau-Weissmanni Q, Standfuss.
III
Les Variations de TAglia Tau
(PL XXXIII et XXXIV).
A la partie II du présent ouvrage se trouve imprimé un travail
dû à la haute science de mon très honorable et cher ami le D'' P"
Max Stand fuss, de Zurich.
Je le remercie cordialement de sa précieuse collaboration.
Tous les Naturalistes connaissent les résultats si intéressants
des expériences conçues, conduites et réalisées par M. Stand fuss,
avec une habileté supérieure et une science consommée, en vue
d'augmenter nos connaissances relativement aux causes et aux lois
de la variabilité de l'Espèce chez les Lépidoptères.
M. Stand fuss a le mérite très grand d'avoir ouvert des voies
nouvelles pour la recherche des plus hauts problèmes de philo-
sophie scientifique concernant l'histoire de l'Espèce et de ses
Variations.
Souhaitons que Dieu, maître de la vie, laisse au savant pro-
fesseur la: jouissance de très longs jours et lui permette de continuer
pendant de nombreuses années à faire profiter la science de ses
excellents travaux.
J'avais l'intention d'écrire à son rang, c'est-à-dire lorsque j'aurais
entrepris l'étude de la famille des Saturnïidœ, la notice sur Aglia
Tau, conforme à celles qui sont imprimées plus loin, sur les Rho-
palocera, à la partie VI, sous le titre de Notes pour servir à établir
la Faîinc française et algérienne des Lépidoptères.
68 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
Mais il me semble qu'après le remarquable exposé, par
M. Standfuss, des résultats de ses expériences de reproduction
d'A^lia Tau-melaïna croisé avec fere-nigra, le moment était venu
pour moi de traiter, quoique par avance, l'histoire de \ Agita Tau,
avec les variations dont j'ai pu acquérir la connaissance. Je puis
présenter ainsi un ensemble plus complet de renseignements et de
figures concernant cette espèce de Saturniide.
Les Planches XXXI et XXXIl sont consacrées à l'illustration
du savant travail de M. Standf uss ; les n"' 208 et 209 représentent
la forma iypica de VAglia Tau; les n""* 210 et 21 1 figurent l'Aber-
ration melaina; les n°^ 212 et 213 s'appliquent à l'Aberration
fere-nigra; enfin les n"*" 214 et 215 présentent la nouvelle forme
W eissmanni.
J'ai donc ajouté à ces Planches XXXI et XXXII les deux
Planches XXXIII et XXXIV qui achèvent le présent ouvrage,
afin de représenter, depuis le n° 216 jusqu'au n° 223, une série de
variétés diverses qui sont l'objet du commentaire qu'on trouvera
plus loin.
M. J. Culot a exécuté avec un remarquable talent toutes ces
Planches. Je crois que les Entomologistes apprécieront le soin
consciencieux que cet habile artiste a apporté à l'exécution de la
partie iconographique de cet ouvrage. Je remplis un devoir de
justice en lui exprimant ici ma satisfaction et en lui offrant mes
félicitations bien sincères.
Sans bonnes figures à l'appui d'une description, il n'y a pas de
travail entomologique utile. Aussi me fais-je un devoir de donner
à mes écrits le secours du dessin, pour en assurer la clarté; mais
je suis heureux lorsque la collaboration artistique répond à mes
espérances, et c'est un plaisir pour moi de le publier.
UAglia Tau a été décrit par Linné {Syslcma Natnrœ, édit. X,
1760, p. 497), dans les termes suivants : « Tau. Bombyx elinguis,
alis patulis testaceis : Ocello subviolaceo pupilla hastata alba.
Habitat in Betula. Ocellus in singulis alis pupilla T albo, sed
opaca nec diaphano fenestrata ». L'espèce a été reconnue par tout
le monde et je ne lui connais pas de synonymie.
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE 6g
C'est un papillon répandu dans une grande partie de l'Europe
et de l'Asie. h'Aglia Tau éclôt au premier printemps, mais un
peu après VEndromis vcrsicolora qui est encore plus précoce que
lui. Les cf des deux Bombycides : Tau et vcrsicolora, volent le
matin, au soleil, à la recherche de la Q ; généralement les deux
espèces habitent les mêmes régions et souvent les mêmes forêts;
cependant Aglia Tau manque en Angleterre, quoique Endromis
vcrsicolora, autrefois répandu dans de nombreuses localités de la
grande Ile, mais actuellement partiellement éteint, s'y trouve
encore en certaine abondance, surtout dans la région boréale, en
Ecosse.
\J Aglia Tau vole des rives de l'Océan Atlantique jusqu'aux
bords de la mer du Japon.
Il éclôt en avril dans les bois des environs de Huelgoat, c'est-
à-dire au centre du Finistère; à la forêt de Rennes et à Monterfil,
en Ille-et -Vilaine; à Chantilly et à Saint-Germain-en-Laye, près
Paris; on le trouve aussi dans le département du Doubs; en
Limousin; en Auvergne; en Alsace; en Suisse; en Allemagne;
en Autriche; en Mandchourie; aux frontières du Thibet et de la
Chine et au Japon.
\J Aglia Tau offre de remarquables Aberrations mélaniennes :
1° fcre-nigra, Thierry-Mieg, qu'on trouve en France, notamment
à Saint-Germain-en-Laye et à Besançon, ainsi qu'à l'île de Rugen
et dans la Thuringe, en Allemagne. Bellier a fait figurer sous le
n" 8 de la PL 14, dans les Annales de la Société entom. de France,
1858, un cf fere-nigra pris à Saint-Germain. Ce papillon se trouve
dans ma collection et je le fais de nouveau représenter sous le
n° 221 de la PI. XXXIV du présent ouvrage. Bellier {Annal.
France, p. 707) dit que cette curieuse Aberration fut prise en sa
présence et devant plusieurs de ses collègues, dans la forêt de
Saint-Germain, par M. le comte de Wallicourt, qui eut l'extrême
obligeance de lui en faire présent.
La forêt de Saint-Germain semble favorable au développement
de l'Aberration fere-nigra; car notre aimable collègue, M. H.
Brown, chassant avec mon frère, le 18 avril de la présente année
/O LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
1909, dans la même forêt de Saint-Germain, y captura un Agliû
Tau cf bien plus mélanisant que ceux de la forêt de Rennes où
mon frère, M. P. Boulé et moi nous en capturâmes un assez grand
nombre d'échantillons, les 22 et 23 avril 1909. Les plus mélaniens
des Aglïa Tau de Rennes n'approchent pas, pour le noircissement
des ailes, de l'exemplaire de Saint-Germain que M. H. Brown eut
l'obligeance de nous offrir.
Ainsi que je le dis plus haut, l'Ab. fere-nigra se rencontre aussi
aux environs de Besançon où l'a prise M. François Jeunet, qui a
eu l'extrême bienveillance de m'en offrir une paire. La Q de
Besançon est surtout très caractérisée.
Il y a longtemps que cette Ab. fere-nigra est connue des Ento-
mologistes, qui avaient cependant négligé de la distinguer par un
nom.
En effet le R. P. Engramelle figure, sous les n"' 175 h et 175 i
de la PI. CXXIX, une Q fere-nigra prise en avril 1780, dans la
forêt de Francfort-sur-le-Mein, par M. Gerning. Le R. P. Engra-
melle dit que la chenille de la Hachette-du-Soissonnais, nom
vulgaire français de VAglia Tau, vit aux environs de Bruxelles
et de Strasbourg sur le saule marceau (Salix caprea), tandis qu'en
Dauphiné, dans la forêt de Francfort-sur-le-Mein et près de
Vienne, en Autriche, on la trouve sur le fagtts sylvatica. Il ne fait
pas mention de l'indication de Linné « Habitat in Betula ».
Mais il ajoute qu'Esper assure qu'elle se nourrit indifféremment
de feuilles de chêne, de charme, de pommier et de poirier sauvage.
Le même Esper représente d'ailleurs, sous le n" 8 de la Tab. V
du Tom. III, une Q fere-nigra qui est vraisemblablement une
nouvelle reproduction du papillon figuré par Engramelle, puisque
c'est une rareté unique appartenant au même M. Gerning : « eine
einzelne Seltenheit der beruehmten Sammlung des Herrn Ger-
ning ».
Le nom allemand vulgaire de XAglia Tau est : der Nagelfleck
ou der T Vogel, c'est-à-dire la tache en forme de clou ou \ oiseau
T, d'après Esper (Tom. III, p. 40).
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPAREE 71
J'ai fait figurer sous le n" 220 de la PL XXXIV un cf d'Aj^/ir?
Tau asymétrique, ayant l'aile gauche inférieure largement noircie.
Ce papillon vient de Thuringe, comme la Q également asymé-
trique figurée sous le n" 222 et montrant un point noir, centra-
lement pupille de blanc, au-dessus de l'ocelle normal, à l'aile
supérieure droite, en dessus seulement.
D'après ce que me mande M. Max Standfuss, l'Ab. fcrc-nïgra,
Th. Mg. ilugens, Stdfss) est en Thuringe une Aberration rare;
ainsi à Mûlhausen, en Thuringe, sur 100 exemplaires de l'espèce,
il ne vient que des individus tout à fait isolés de fere-nigra ; tous
Ifô autres appartiennent à la forme normale. « Aglia Taii-ferc-
iiigra ist in Thtiringen eine seltene Aberration, genau so wie in
Frankreich; auch bei Miilhausen in Thtiringen kommen auf je
100 Exemplare der Art nur ganz einzelne Individuen der Ab. fere-
nigra; Aile iibrige gehoren der Normalform an. »
Quant à l'Aberration melaina, Gross, elle se rencontre dans la
Haute- Autriche, en Styrie, comme Aberration constante parmi les'
Aglia Tau normaux, exactement de même que près de Digne,
l'Ab. Honnoraiii, Bdv., se trouve, mais très rarement, parmi les
T/iais Medcsicaste. Sur 100 papillons cf, l'assistant du D"" pro-
fesseur Standfuss a constaté la présence de i à 3 spécimens au
maximum de l'Ab. mclaina. Tous les autres étaient des Aglia
Tau cf, de forme normale. loo exemplaires de Styrie se décom-
ix)scnt donc pour la moyenne, en 98 Tan normal et 2 mclaina.
Outre les formes appelées : fere-nigra et mclaina, \ Aglia Tau
peut encore varier comme suit :
1° cf. en dessus, suppression presque totale de la tache ocellée
aux ailes supérieures; cette tache est remplacée par un simple trait
noir aux inférieures; en dessous, aucune trace du T blanc aux
inférieures; un petit point noir remplace l'ocelle aux supérieures;
j'ai appelé cette variété presque aveugle : ferc-cœca; elle est
figurée sous le n° 216 de la PI. XXXIII.
2° cf, en dessus, les 4 ailes sont d'un fauve clair, sans la bande
submarginale noirâtre; des ocelles, il ne reste qu'un orbe grisâtre! et
LEPIDOPTEROLOGIE COMPARÉE
le T blanc très atténué; en dessous, les dessins ordinaires sont
également très atténués. Je possède un cf de Bohême ; je le désigne
sous le nom de : uniformis; il est figuré sous le n° 217 de la
PI. XXXIII.
Je citerai aussi 2 Q hermaphrodites à la façon des Rhodocera
Cleofatra Q, dont les ailes sont irrégulièrement parsemées des
couleurs du cf. Ces 2 Q ont sur les ailes, dont le fond est d'une
teinte fauve pâle, des lavis irréguliers et dissymétriques de fauve
orangé vif. Elles proviennent d'Allemagne; elles sont figurées
sous les n°^ 218 et 219 de la PI. XXXIII.
Je dois parler enfin de la forme thibétaine d'Aglia Tan y encore
inconnue et dont j'ai reçu jusqu'ici la seule Ç) qui est figurée
sous le n" 223 de la PI. XXXIV.
Elle me fut envoyée avec la curieuse Endromidc voisine de
versicolora, mais bien plus petite et d'un aspect très spécial, que
Staudinger a fait connaître sous le nom de Dalaïlama bïfiirca.
Leech a décrit dans les P. Z. S., 1888 (p. 632). sous le nom de
jafonica, une variété géographique âiAglia Tau, d'après une
paire d'Hakodate, ayant fait partie de la collection Pryer, dont
Leech avait fait l'acquisition.
Jamais Leech n'a fourni de figure de VAglia Taii-japomca.
D'après la description seule, il est difficile de se rendre exac-
tement compte de cette Agita Tau-japonica, comparativement à
celle du Thibet qui est représentée dans cet ouvrage. Pourtant on
lit, dans la description, des détails autorisant à penser que VAglia
Tau-japonica n'est pas sans analogie avec celle du Thibet, dont
je ne connais d'ailleurs qu'un sexe. Dès lors, je m'abstiens de
donner un nom spécial à la forme d'Aglia Tau des frontières
occidentales de la Chine et orientales du Thibet, et je lui main-
tiens provisoirement le nom de japonica imposé par Leech.
Elle se distingue de la nôtre par sa taille presque double,
l'extrémité apicale des ailes supérieures plus aiguë, l'oblitération
en dessus de la tache ocellée normale où se trouve la lettre
grecque T. Cette tache est réduite dans japonica thibétaine à un
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPAREE
simple petit point grisâtre dans une ombre plus foncée que le fond
des ailes. Les ailes supérieures de jafomcci thibétaine, en dessus,
sont saupoudrées, surtout vers l'apex, les bords costal, anal et
marginal, d'atomes noirâtres de forme irrégulière. En dessous, la
tache blanche en forme de T, dans les ocelles médians, est beau-
coup moins accentuée que dans les exemplaires européens.
De quelle faune superbe et variée se trouve favorisée la région
limitrophe de la Chine et du Thibet, aux sources de ces nombreux
cours d'eau qui alimentent le Yang-tse-Kiang, tributaire de la mer
de Chine, et les autres fleuves qui coulent vers le sud, tels le
Salouen ou Lu-tse-Kiang et le Mékong ou Lang-tse-Kiang ! Feu
Mgr Biet, vicaire apostolique du Thibet, m'a dit maintes fois que
l'un de ses dignes et savants collaborateurs, le Père Soulié, bota-
niste du plus haut mérite, lui avait signalé l'extraordinaire
développement en Asie, comparativement à l'Europe, de beaucoup
d'espèces de plantes alpines habitant les montagnes chinoises et
thibétaines, ainsi que les Alpes de France et de Suisse. Peut-être
en est-il de l'agrandissement de V Agita Tan en Asie, par rapport
à l'Europe, comme du plus grand développement des plantes. En
effet, certains échantillons sino-thibétains de Papilio Machaon,
Collas Polio graphus, Tkecla betulœ, Melïtœa Phœbe, Argynnis
Adippe sont plus grands en Asie qu'en Europe; mais cela ne peut
pas être considéré comme une règle générale pour les Lépidoptères;
car Apatnra Iris, Anthocharis Cardamines, Argynnis Aglaja ne
présentent point en Asie de dimensions supérieures.
D'ailleurs VAglia Tau de l'île Askold et de Sidemi, en Mand-
chourie, ne diffère pas beaucoup de la forme normale d'Europe,
pour la taille et pour la couleur, du moins si j'en juge par les
documents que je possède.
Quoi qu'il en soit, on connaît en Europe 3 races différentes
â'Aglia Tau se développant dans la Nature : la forme dont le
fond des ailes est d'un jaune fauve orangé vif et qui est normale;
la forme très obscurcie : fere-nigra, et la forme très noircie :
melaina.
/4 LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE
I,e D' professeur Max Stand fuss s'est proposé de réaliser des
accouplements entre ces races, afin de voir si les produits
obéissent dans la forme de leur descendance à la Loi de Mendel.
Cette Loi de Mendel résulte d'expériences faites par le croi-
sement de souris grises et de souris blanches, c'est-à-dire de deux
formes, l'une normale et l'autre albine de la même espèce de
souris.
Si on accouple un cf de souris grise à une Q de souris blanche,
on constate que les produits de cette copulation sont tous exclu-
sivement gris. Dès lors on dit que le caractère gris est dominant
et le caractère blanc récessif. Du fait de l'accouplement de la
souris grise cf et de la souris blanche Q, les produits cf de cet
accouplement sont pourtant nés avec un mélange de spermato-
zoïdes du type paternel pur gris et du type maternel pur blanc
et les produits Q avec des ovules du type paternel pur gris et du
type maternel pur blanc; mais si on croise un cf hybride provenant
de l'union de la souris grise cf et de la souris blanche Q, avec
une Q grise, dont la race grise est dominante, comme nous l'avons
dit plus haut, les produits seront toujours et tous gris. Pour que
des produits blancs interviennent, il faut croiser le cf hybride issu
de la souris grise cf et de la souris blanche Q avec une Q blanche
de la race maternelle pure et l'on obtiendra alors une moitié de
types gris paternels et l'autre moitié de types blancs maternels.
La proportion du produit sera toujours conforme.
\J Aglia Tau normal a été croisé avec fere-nigra. Les produits
directs sont fere-nigra. Donc fere-nigra est dominant par rapport
à Tan normal.
Ces produits hybrides sont accouplés entre eux. C'est alors la
dissociation des formes Tau pures, des formes fere-nigra pures
et des fere-nigra impures oi^i Taii est dominé par fere-nigra.
L'expérience est continuée avec les formes fere-nigra. impures;
la dissociation se continue selon la Loi de Mendel.
D'autre part, VAglia Tau normal est croisé avec melaina; les
résultats sont les mêmes que ci-dessus; Taii-melaina étant domi-
nant par rapport à Tau normal qui est récessif.
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
Enfin Agita Tau-fcre-nigra est croisé avec Taii-mclama.
Ici la Loi de Mendel ne s'applique plus.
M. Standfuss obtient, dans plusieurs expériences, et par parties
numériques égales, quatre formes différentes qui naissent chacune
dans la proportion d'un quart du total.
Ces quatre formes sont : Tau normal, fcre-nigra, inclaina et
une forme nouvelle Wcissmanni. Or, cette forme W cïsxmannï ne
s'est jamais rencontrée dans la Nature. Elle tient à la fois de
fcre-ntgra et de melaina et elle est plus mélanienne encore que
melaina.
Mais il y a une circonstance qu'il faut envisager avec toute
l'attention qu'elle mérite.
On doit en effet considérer, dans l'expérience de reproduction
accomplie par le D'" professeur Max Standfuss, l'origine des
parents qui ont donné naissance à cette descendance des quatre
formes : Tau normal, fere-nigra, melaina et Weissmanni, répartie
en quatre parties égales.
Le melaina cf qui s'est croisé avec fere-nigra Q était lui-même
sans doute issu de l'accouplement d'un Tau normal cf et d'une
melaina Q, tandis que la fere-nigra Q qui s'est croisée avec
fjtelaina cf avait pour père un Tau normal et pour mère une fere-
nigra.
Ce melaina cf et cette fere-nigra Q qui se sont ainsi accouplés
et qui ont donné naissance à quatre races différentes de leur
espèce contenaient donc dans leur corps, tous les deux pour moitié,
des cellules germinatives de Tau normal. Pour la seconde moitié,
melaina cf possédait des cellules germinatives de melaina et fere-
nigra de fere-nigra.
Il est donc nécessaire de tenir compte de l'origine des individus
père et mère pour la détermination de la constitution de leurs
descendants.
Comme, dans les essais de reproduction qui ont donné des
résultats identiques, la totalité des descendants se répartit cons-
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE
tamment avec une précision assez rigoureuse, par quart, entre les
quatre formes d' Agita Tau : normale, fere-nigra, mclaina et
Weissmanni, on peut dire que cela indique et signifie une division
d'une exactitude numérique parfaite des cellules germinatives de
l'individu, en accord avec la constitution du couple père et mère
dont cet individu est issu.
Rennes, avril 1909.
Ch. OBTHR.
LÉPIDOPTEROLOGIE COMPAREE
EXPLICATION DES PLANCHES
PL. XXXIII.
Fig. 216. — Aglia Tau-fere-cœca cf, Obthr.
— 217. — Aglia Tan-uniformïs cf, Obthr.
— 218
— 219.
PL. XXXIV.
Aglia Tau Q, part, hermaphrodites.
Fig. 220. — Aglia Tau cf, Ab. asymétrique.
— 221. — Aglia Tau fere-nigra cT, Th. Mg., pris dans la
forêt de Saint-Germain-en-Laye.
— 222. — Aglia Tau Q, Ab. asymétrique.
— 223. — Aglia Tau-japonica ? Q, Leech.
IV
Les PSYCHID^ pyrénéennes
(Spécialement des Hautes-Pyrénées)
Par P. RONDOU, de Gèdre.
Pachytelia unicolor, Hufn. {graminella, Schiff.),
Commune; fourreaux un peu partout, contre les vieux murs, les
rochers, les troncs d'arbres, les tiges des graminées, jusqu'à
1,100 mètres d'altitude; je n'en ai jamais rencontré plus haut; mai
et juin.
Eclosion de juin à juillet.
Fourreau du cf atteignant 38-40 millimètres, recouvert de frag-
ments de feuilles brunâtres ou brun noirâtre, avec, à la partie
supérieure, des pailles placées longitudinalement avec de petits
grains de sable.
Fourreau de la Q semblable, mais plus gros, et presque toujours
dépourvu de pailles.
La chenille est polyphage; on la trouve sur la ronce, l'ortie, mais
surtout sur les graminées, Poa annua et perennis.
cf. Envergure 26-30 millimètres. Ailes larges, d'un noir un peu
transparent, frange à reflets blanchâtres, pattes roussâtres. Antennes
de 5 millimètres environ, avec des barbules assez longues vers la
base de la tige, et allant en décroissant vers le sommet. Corps ne
dépassant pas les ailes inférieures, assez grêle, velu, aplati posté-
rieurement, noir avec les ptérygodes cendrés, le dessous de l'ab-
8o LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
domen blanchâtre; celui-ci est terminé par une touffe ,de poils
légèrement divergents. La chrysalide est cylindro-conique, un peu
aplatie vers la tête; dos légèrement caréné à la partie supérieure;
pointe anale assez obtuse.
La Ç est d'un blanc sale tirant sur le jaune, tête brune, ainsi
que les plaques cornées qui occupent la partie supérieure des pre-
miers anneaux. La loupe fait apercevoir deux petits appendices
charnus qui semblent être les rudiments des antennes. Sa chrysalide
est de forme ovoïde et semblable aux deux extrémités.
Pachytelia Villosella, O.
Rare. Collioure (de Gr.), Saint-Béat, Bagnères-de-Luchon,
Ardiège (Car.), Gèdre. S'élève jusqu'à i,8oo mètres (plateau de
Souberpeyre, près de Gèdre); fourreau sur le prunellier, sur la
bruyère, CalLuna vidgaris surtout, et sur certaines graminées jus-
qu'en juillet. Ce fourreau, sur les hauteurs, se rencontre parfois dans
les sommités du Poa alpina, dont la chenille fait sa nourriture, et
alors il mime si bien les épillets qu'il serait impossible de le dis-
tinguer SI quelques mouvements ne trahissaient sa présence.
Eclosion juin et juillet, selon les altitudes, le soir.
Fourreau atteignant 40 millimètres, ressemblant à celui de
iinicolor, mais plus gros, recouvert de bûchettes de bruyère, de
pailles assez longues et divergentes, de fragments de feuilles sèches
et de grains de sable.
cf. Envergure 26-27 millimètres. Corps plus robuste que unicolor,
ailes beaucoup plus étroites, les supérieures légèrement déprimées
vers le milieu, antennes plus longues et plus brièvement pectinées;
ailes d'un brun fuligineux, chatoyant légèrement en violâtre; lunule
discoïdale assez apparente; corps recouvert de poils abondants d'un
brun roux, brosse anale divergente. Bord des 4 ailes avec une
légère inflexion rentrante, nervures plus nettement indiquées vers
l'extrémité de l'aile qu'à la naissance.
Q semblable à celle de unicolor, avec le dessus des premiers
segments plus foncé.
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE
Amicta febretta, Boyer.
Fourreau assez commun en juillet et au commencement d'août,
le long des sentiers arides, dans les prés récemment fauchés exposés
au soleil, sur les rochers, dans les pelouses des montagnes; on le
rencontre depuis les plus basses altitudes jusque sur les sommets.
La chenille vit sur les scorsonères surtout.
Eclosion en aoîit, dans la matinée.
Fourreau des deux sexes à peu près de la même longueur que
chez unicolor, mais beaucoup plus volumineux; les brins de gra-
minées ou de bruyères sont placés plus longitudinalement, d'une
façon parallèle et presque de même dimension; le diamètre et la
couleur de ces brins varient selon l'altitude : gros et d'un jaune
brunâtre, à cause du mélange de brindilles de bruyères, dans les
parties basses, ils sont très ténus et d'un jaune clair sur les hauteurs,
et alors uniquement composés de graminées.
cf. 25-26 millimètres d'envergure; ailes inférieures totalement
arrondies et n'offrant pas au bord inférieur cette légère échancrure
que l'on observe sur Villosella; couleur plus foncée que cette der-
nière, les nervures saillantes à la base, frange d'un roux clair. Les
poils qui recouvrent le corps sont d'un brun roussâtre, chatoyant
en blond, tirant au blanchâtre sur la tête et le corselet. Abdomen
moins velu que chez Villosella et se terminant un peu en pointe.
Antennes rousses, longuement et fortement pectinées, atténuées à
l'extrémité qui est très pointue.
g d'un blanc sale ou d'un jaune pâle ocreux, molle comme celle
de unicolor, mais plus grosse. Les premiers et les derniers segments
de l'abdomen sont garnis sur le bord d'un léger duvet cotonneux,
ainsi que le dessous du corselet.
Oreopsyche Pyrenaella, H. S. (Tabanella, Brd.).
Fourreau commun en juillet, entre 1,000 mètres (environs de La
Raillère, près Cauterets), jusqu'à 2,200 mètres (Soumaoute, près
de Gèdre).
82 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
La chenille est polyphage; elle se nourrit de Juniper us Coin-
munis, Calluna vuLgaris, mais surtout sur Y accinium uliginosum
et niyrtïLlum. Elle vit deux ans, elle atteint toute sa taille fin juin,
premiers jours de juillet de la seconde année; elle se chrysalide
alors en fixant le fourreau par une ceinture soyeuse aux branches
de genévriers, de bruyères, et aussi dans les anfractuosités des
rochers, toujours en choisissant la meilleure exposition au soleil.
Parfois plusieurs fourreaux sont accolés dans le même endroit et
réunis par leur enveloppe soyeuse.
Avant la chrysalidation, le fourreau a une forme presque cylin-
drique, un peu atténuée aux extrémités; il devient presque globu-
laire à la chrysalidation; il est formé de pailles très grêles, im-
plantées presque à angle droit et formant pelote; la base est garnie
d'un léger tube de soie.
Eclosion fin juillet pendant la partie la plus chaude du jour,
de 1 1 heures du matin à 2 heures ou 3 heures du soir.
Les fourreaux de 0. Pyrenœlla sont parasités dans la proportion
de 50 %, presque toujours par des hyménoptères^ parfois par un
diptère; il m'est même éclos de l'un d'eux un coléoptère.
Envergure du c? 15-17 millimètres. Ailes entièrement diaphanes
et trèsi brillantes, mais avec une légère teinte de suie; les supérieures
légèrement arrondies au sommet, les inférieures allongées et de
forme ovalaire; la côte des premières est noire, la frange noirâtre,
les nervures brunes et très fines; les antennes, qui sont d'un noir
brunâtre, ont les barbules allongées et en panache. Le corps est
couvert de poils longs et fins, noirs sur la partie antérieure, d'un
brun noirâtre à l'extrémité de l'abdomen, oii ils forment deux
touffes divergentes; les palpes ne sont pas visibles et sont rem-
placés par un bouquet de poils longs et fins de couleur brune. Le
corps est aussi velu en dessous qu'en dessus, et les poils y sont plus
noirs encore.
Var. Albescens Heyiaerts. Cette variété est caractérisée par une
taille plus grande, le- ton plus laiteux des ailes, la frange plus
courte, grise au lieu d'être noire.
Assez rare dans la partie orientale et centrale des Pyrénées, cette
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE 83
variété appartient surtout à la partie occidentale, aux Picos de
Eiiropa (Obthr.).
Oreopsyche tabanivicinella, Brd.
Fourreau en septembre, entre 1,000 mètres (Gèdre) et 1,500 mètres
(entrée du cirque de Gavarnie; environs de la chapelle de Héas) ;
assez rare.
La chenille est polyphage, mais se rencontre le plus souvent dans
les feuilles de la Carlïna acaulis. Elle arrive à toute sa taille vers
la fin de septembre; mais la chrysalidation ne s'effectue qu'aux
premiers jours du printemps de l'année suivante. Eclosion un mai
et juin, dans la matinée^ entre 9 et 1 1 heures.
Fourreau 22-24 millimètres. Il est cylindrique, avec une petite
calotte sphérique à chaque extrémité. Comme celui de Pyrenœlla,
il est formé de pailles très courtes, grêles, mais entrelacées plutôt
qu'miplantées à angle droit. Au moment de la chrysalidation, la
chenille l'entoure d'une large ceinture soyeuse et le hxe contre les
pierres, les rochers, la base de certaines plantes, jamais à une grande
hauteur et toujours dans un endroit abrité.
Envergure du cf, 20-22 millimètres. Ailes assez allongées, d'un
aspect un peu vitreux, très légèrement teintées de brun roux, avec
la frange brune et très étroite. Antennes relativement courtes, d'un
noir brunâtre et pectinées jusqu'à l'extrémité. Le corps est brun
foncé, très velu; les poils nombreux qui le recouvrent sont très
foncés à leur naissance et d'un fauve grisâtre à l'extrémité. L'extré-
mité anale forme deux touffes divergentes.
Oreopsyche Leschenaulti, Stgr.
Fourreau assez commun, fin juin, depuis les parties basses des
vallées (800 mètres en amont de Saint-Sauveur, au pont Napoléon),
jusqu'à 2,200 mètres (Canaus de Saugué).
84 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
Fourreau du cf, 12-14 millimètres, tubuli forme, légèrement renflé
au milieu et un peu courbé à la partie supérieure.
Fourreau de la g, 20-22 millimètres, très renflé aux deux tiers
de la partie supérieure, légèrement atténué à la partie inférieure,
qui est un peu courbe.
Ces fourreaux sont composés de terre et de sable agglutinés, très
durs. Leur couleur varie selon la nature du terrain oii ils se trouvent.
Ainsi, aux environs de Cauterets, ils sont franchement grisâtres et
renferment à l'extérieur de minces paillettes de mica, ce qui les fait
facilement confondre avec les quartiers de roches granitiques oii
ils sont fixés; dans la vallée d'Estaubé, dont le terrain est calcaire,
ils sont d'un gris terreux bleuâtre; et enfln, dans le crétacé noirâtre
du fond du cirque de Gavarnie, ils sont presque noirs. Dans cette
dernière localité, il y en a parfois jusqu'à une douzaine, rangés les
uns à côté des autres sur la même pierre.
La ponte s'effectue vers le mois de juillet; les petites chenilles
se fabriquent immédiatement de petits fourreaux avec les débris
de celui de la mère. Elles vivent deux ans, ne s'éloignant guère de
la base des rochers où elles sont nées; elles se nourrissent de gra-
minées, mais aussi de Helianthemum vulgare dans les parties
moyennes des vallées, et de Alchemilla alpina plus haut. Elles
atteignent toute leur taille vers la fin de juin; elles se fixent alors
solidement sur les rochers, toujours du côté le plus exposé au soleil,
jamais au nord. L'éclosion a lieu quelques jours après, jusqu'à la
fin juillet, de 8 à 10 heures du matin. Le cf vole au soleil d'un vol
assez soutenu; mais, passé 11 heures, on n'en voit plus.
La chrysalide du cf est brunâtre, légèrement déprimée vers
l'extrémité anale; après l'éclosion, elle reste à demi engagée dans
le fourreau. La Q ne quitte jamais son fourreau.
Comme ceux de 0. Pyrenœlla, ces fourreaux sont parasités dans
de fortes proportions par des hyménoptères, rarement par des
diptères.
Envergure du cf, 15-1/ millimètres; ressemblant à 0. Pyrenœlla
pour la coupe des ailes; celles-ci sont hyalines, d'un joli blanc
laiteux, avec la frange grise et assez courte. Le corps est noir; mais
LÉPIDOPTÉROLOGIE CO.MPARÉE 85
ce qui le caractérise, ce sont les longs poils d'un blanc brillant qui
le recouvrent partout; ces poils, assez clairsemés sur la partie anté-
rieure, deviennent très denses et floconneux dans l'abdomen, et
forment une belle houppe divergente à l'extrémité anale. Ce sont
ces poils blancs qui permettent de suivre le cf au vol dans toutes
ses évolutions. Les pattes sont d'un noir légèrement brunâtre; les
antennes, assez courtes et noirâtres, ont les barbules plus courtes
que dans 0. Pyrenœlla, et, comme dans cette espèce, forment
panache.
Var. Nigricans, Stgr. — Cette variété diffère du type par la
couleur hyalin noirâtre de ses ailes; les poils, au lieu d'être blancs,
sont d'un noir roussâtre. Très rare sur le versant français, où je
ne l'ai rencontrée que dans les Canaous de Saugué. J'ai recueilli de
grandes quantités de fourreaux au cirque de Gavarnie et dans la
vallée d'Estaubé; leur éclosion ne m'a jamais donné la variété noire.
Oreopsyche Sicheliella, Brd.
C'est très probablement à Sicheliella, Brd., qu'il faut rapporter
une Psyché que je capture assez souvent dans les mêmes localités
et aux mêmes époques que 0. Tahanivicinella.
Le cf a les ailes supérieures allongées, les inférieures un peu
courtes, vitrées et comme glacées, luisantes, tout en ayant une teinte
enfumée; leur surface est très pelucheuse, surtout dans le premier
tiers des supérieures, avoisinant le corselet. C'est à la fois la plus
glacée et la plus pelucheuse des Psychides. On remarque de petits
cils cotonneux sur la totalité des ailes; mais ils sont moins épais
au bord qu'à la base; la frange est noire, assez longue, principa-
lement vers l'angle inférieur; elle est courte vers l'angle supérieur
des deux ailes; les antennes sont très longuement pectinées, avec
les barbules peu serrées. Le corps est recouvert de poils noirs et
longs, formant une très large brosse divergente à l'extrémité anale.
Cette Psyché ne peut se confondre avec T abanrAcinella, dont
elle diffère par la taille plus petite, la coupe des ailes plus allongée,
86 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
la frange plus longue, les poils du corps entièrement noirs, beau-
coup plus longs, et sans aucun reflet grisâtre à l'extrémité.
Elle ne peut non plus être confondue avec Atra; d'abord, les
localités de capture ne sont pas les mêmes et s'excluent presque
toujours; puis Atra est plus petite, les ailes moins allongées, moins
noires et entièrement dépourvues de cils cotonneux dans les deux
tiers extérieurs; le corps de celle-ci est plus court, et les poils qui
le recouvrent beaucoup moins longs que chez Sicheliella.
Oreopsyche Atra, L. {Phimifera, O.).
Fourreau assez difficile à trouver entre les tiges basses des gra-
minées et les racines dénudées du thym, dans les endroits arides,
bien exposés au soleil, depuis les plus basses altitudes des vallées
jusqu'à 2,100 mètres (Cirque de Troumouse).
Fourreau, 11-13 millimètres; mince, revêtu de fragments de
lichen, de petits brins de Hypnum, de parcelles de feuilles.
Eclosion dans la matinée, dès la fin de février; parfois la neige
n'a pas encore complètement disparu; on voit, sur la blancheur de
cette neige, de petites taches noires : c'est Atra qui a été arrêtée
par cet obstacle et engourdie au point de ne plus pouvoir bouger.
Aux hautes altitudes, l'éclosion n'a lieu que vers la mi-juin. Parfois
le papillon est si commun qu'un coup de filet peut en capturer une
dizaine. Le vol du cf est court; il s'élève très peu au-dessus du sol,
sauf lorsqu'il se sent poursuivi.
Envergure du cf, 10-12 millimètres. C'est une des plus petites
espèces du genre. Ailes noires, passablement transparentes, mais
non vitrées; la côte et la frange sont d'un brun noirâtre foncé.
Le corps est assez grêle, recouvert de poils nombreux, noirs, longs
et hérissés. Les antennes sont fortement et longuement pectinées,
formant un beau panache; les palpes sont très fournis et allongés.
Apterona pusilla, Spr.
Cette espèce a été capturée pour la première fois aux environs
de Blida par M, Speyer, qui l'a décrite en 1886 dans Entomolo-
LÉriDOPTÉROLOGIE COMPARÉE 87
gische V crcin zu Stettin. Je l'ai retrouvée dans la haute vallée du
Gave de Pau, où elle n'est pas rare dans les schistes et les calcaires,
aux environs de Gèdre et de Gavarnie, depuis 1,000 mètres (Gèdre)
à 1,600 mètres (au-dessus de l'hôtel du Cirque de Gavarnie).
Fourreau du cf, ^-7 millimètres, enroulé en spirale comme une
hélice, assez résistant, composé de grains de sable et de terre; vers
le milieu du fourreau, on remarque un petit orifice circulaire : c'est
par là que sortira l'insecte parfait.
Fourreau de la Q semblable, mais plus gros, plus ovoïde, avec
les spires moins distinctes.
Ces fourreaux se trouvent toujours contre les rochers, dans la
face la plus exposée au soleil, rarement sur une surface lisse,
presque toujours dans une fente ou au fond d'une anfractuosité
d'oii l'on ne peut guère les extraire qu'avec des pinces.
La ponte s'effectue en août; les chenilles éclosent fin août ou
dans les premiers jours de septembre; à peine sorties de l'œuf,
elles se bâtissent une petite hélice aux dépens de l'habitation de
la mère; elles se cachent, pour passer l'hiver, dans le sable ou la
terre friable qui garnit les crevasses des rochers, ou leurs environs.
Elles vivent deux ans et n'atteignent toute leur taille que vers la
première quinzaine de juillet; elles se fixent alors pour la chrysa-
lidation. L'éclosion a lieu fin juillet ou premiers jours d'août, entre
10 heures du matin et midi.
La chenille se nourrit principalement de H elïanthemimi vulgare,
Satureia nwntana, Teucrium chamœdrys, Thymus serpyllum.
Chrysalide brunâtre, contournée en spirale, légèrement renflée à
la partie antérieure.
cf. Envergure 10-12 millimètres; ailes médiocrement allongées;
supérieures un peu incurvées à la côte, inférieures d'un ovale très
court; surface unie; leur couleur est d'un brun noirâtre intense,
mat et uniforme; nervures noires, un peu saillantes; frange de
même couleur que le corps, assez longue, mais peu fournie; dessous
semblable au dessus. Le corps est grêle, presque glabre et complè-
tement noir. Les antennes sont noires; les barbules, allongées à la
88 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
naissance, vont en diminuant vers l'extrémité, qui se termine en
pointe aiguë.
g larvaire, corps légèrement contourné, blanchâtre, mou, atténué
à l'extrémité anale; tête brune et cornée. Elle sort du fourreau au
moment de la fécondation et s'en éloigne parfois, pour y revenir
une fois la fécondation opérée.
Epichnopterix puUa, Esp.
Espèce assez répandue en montagne, sans atteindre cependant
les hautes altitudes, entre loo et 2,000 mètres.
Le fourreau est revêtu de fragments de paille plats (ce sont
plutôt des fragments de feuilles de graminées), au lieu de frag-
ments de tiges cylindriques, comme chez Crassiorella, d'une couleur
jaunâtre clair, placées longitudinalement d'une manière régulière.
Forme cylindrique, diamètre presque uniforme; quelques-unes des
pailles dépassent un peu l'extrémité inférieure du fourreau.
La chenille éclôt en été et passe l'hiver; elle vit de graminées;
elle n'est pas rare dans les pelouses des montagnes, mais elle n'est
pas facile à apercevoir, car elle se tient dans l'herbe, à cinq ou
six centimètres du sol; il faut une attention soutenue pour la
découvrir.
Eclosion fin juin ou première quinzaine de juillet.
cf. Envergure, 14-16 millimètres; ailes entièrement d'un noir peu
intense, opaques, paraissant légèrement pelucheuses et non lui-
santes. La frange est de la même couleur et assez longue; elle
s'étend jusque vers le milieu de la côte aux ailes supérieures; le
corps est noir aussi, peu fort et peu velu. Les antennes sont pec-
tinées jusqu'à l'extrémité par des barbules fines et non serrées.
Q vermiforme. Elle est grosse, courte, avec la tête très petite et
recourbée, les pattes peu distinctes, l'oviducte très peu saillant. La
couleur générale est un jaune brun, tirant sur la rouille, un peu
plus foncé à la partie antérieure; le sommet des trois premiers
segments est blanchâtre et comme cotonneux.
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE 89
Chrysalide du cf brunâtre, ovoïde, légèrement atténuée à l'extré-
mité anale. Chrysalide de la Q semblable, mais beaucoup plus
grosse.
La chrysalidation s'effectue du commencement à la fin de juin,
selon les altitudes; pour la transformation, la chenille fixe son
fourreau après quelque tige un peu élevée, après un tronc d'arbre
s'il s'en trouve dans les environs, contre les rochers, mais jamais
à une grande hauteur, 30 à 40 centimètres au plus.
Var. Sieboldii Reutti. Souvent plus petite, ailes plus courtes,
écailles plus clairsemées, un peu plus roussâtre. Environ de Cau-
terets (Oberthiir).
Fumea crassiorella, Brd. {affinis Reutti).
Fourreau, 12-14 millimètres, composé de brins de paille ou de
tiges d'herbes sèches placées longitudinalement et à peu près
parallèlement; assez gros pour sa longueur.
On ne le rencontre jamais à une grande hauteur; rarement il
dépasse 1,300 mètres; je n'en ai jamais trouvé au-dessus de
1,500 mètres.
Les petites chenilles éclosent fin juillet, première quinzaine
d'août. Après avoir hiverné, elles paraissent dès les premiers beaux
jours du printemps. Elles vivent sur les graminées et sur la ronce
commune. La chrysalidation s'effectue en mai-juin.
On trouve les fourreaux au pied des rochers tournés au levant
ou au midi, contre les vieux murs couverts d'herbes et de ronces,
contre les poteaux télégraphiques.
L'éclosion a lieu en juin-juillet.
Cf, 15-16 millimètres d'envergure, d'un brun assez intense et très
luisant; antennes pectinées; ailes oblongues, assez étroites; corps
à peine plus foncé que les ailes.
Q aptère, courte, courbée en demi-cercle. La partie antérieure
est atténuée, la tête très petite, cornée et luisante. Le corps, qui
paraît légèrement soyeux, est de couleur vineuse avec six chevrons
go LEPIDOPTEROLOGIE COMPARÉE
d'un brun noirâtre, en forme de parallélogrammes, qui occupent
toute la partie dorsale, à partir du quatrième anneau. Il existe un
écusson noirâtre et corné sur la portion supérieure des trois pre-
miers anneaux, qui sont très resserrés. Les pattes sont longues.
La partie anale, fort obtuse, est terminée par un bouquet de
poils bruns en dessous, gris blanchâtre en dessus, d'oii part l'ovi-
ducte, long d'environ 5 millimètres, et composé de tuyaux qui
rentrent l'un dans l'autre.
La ponte s'effectue au fond du fourreau, où l'oviducte de la Q
permet de pénétrer; l'accouplement a lieu au dehors, mais la Q ne
quitte son fourreau qu'avec la vie.
Fumea casta, Pall. {intermediella, Brd.).
Fourreau, 10-12 millimètres, ressemblant à celui de Crassiorellay
mais plus petit; les pailles sont aussi nombreuses et disposées de
la même façon, mais d'une taille bien moindre.
On le trouve contre les troncs d'arbres, les vieux murs, les rochers,
dans les expositions au soleil.
La chenille vit sur les graminées et sur les chênes; on peut
l'obtenir en battant ceux-ci au mois 'de juin. Elle ne s'élève pas si
haut que Crassïorelle; on ne la trouve pas au-dessus de
1,200 mètres. La chrysalidation a lieu à peu près à la même époque
que celle de Crassiorella, l'éclosion aussi.
cf. Envergure, 12-13 nîillimètres, d'un brun noirâtre, avec les
ailes moins oblongues que chez Crassiorella.
Q ressemblant à celle de Crassiorella, dont elle se distingue
par la touffe de poils anale, qui est entièrement blanche, au lieu
d'être d'un gris blanchâtre.
Gèdre, novembre 1908.
P. RONDOU.
V
Description de Lépidoptères Africains
(PI. X).
Zeritis Rougemonti, Obtlir (PI. X, ûg. 9).
Décrit d'après plusieurs exemplaires capturés dans le pays de
Shilouvane (Zoutpansberg, Nord-Transvaal), par M. le mission-
naire Jmiod, et dédié à M. le pasteur Frédéric de Rougemont,
auteur du Catalogue des Lépïd. du Jura neuchâtelois, excellent
ouvrage très justement estimé par les Entomologistes.
Espèce voisine à'Aranda, Wallengren, mais paraissant bien
distincte par la forme un peu interrompue de la bordure noire
des ailes supérieures en dessus; chez Rougemonti, la côte, près de
la base, est de la couleur du fond des ailes, c'est-à-dire d'un jaune
orangé; puis il y a un gros trait costal noir, contigu à la bordure
noire du bord extérieur, mais pénétré, avant l'angle apical^ par
une sorte de pointe que forme la couleur fauve orangé du fond.
Ce caractère paraît très constant. La tache noire costale des ailes
inférieures est aussi plus petite; mais ce caractère différentiel a
beaucoup moins d'importance que celui des ailes supérieures.
Pamphila Junodi, Oblhr (PI. X, fig. 4).
Dédiée à M. le missionnaire Junod, qui a récemment trouvé
cette Hespéride dans l'Afrique du Sud, près de la région de
Lourenço- M arquez. Ma collection contient 2 exemplaires, dont
l'un m'a été envoyé de M'pala, près du lac Tanganika, par le
94 LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE
R. P. Guillemé. L'espèce est donc répandue dans une aire de
dispersion assez vaste, en Afrique orientale.
L'aspect est robuste et la taille est celle de la Moritili, Wal-
lengren, à qui \^. Junodi ressemble beaucoup en dessus; cependant,
en dessous^ la Junodi se distingue par une très large bande d'un
blanc jaunâtre partant du bord costal des ailes inférieures, tra-
versant le milieu de ces ailes et aboutissant au bord anal; mais
après une uiterruption due à la couleur brune du fond des ailes
qui, un peu avant le bord anal, coupe la bande blanc jaunâtre en
deux parties.
Le dessous de la tête et de la poitrine sont blanc jaunâtre,
comme chez Moritili.
Nadia Maria, Obthr (PI. X; cf, ûg. 6; 9, fig. 7).
Décrit d'après 60 individus des deux sexes, pris à Sainte-Marie
de Madagascar, par les frères Perrot, d'octobre à décembre 1896.
Plus grande que mïmita, Bdv., espèce également commune à
Sainte-Marie de Madagascar; fond des ailes noir; les supérieures
avec une tache jaune près de la base, mais non contiguë au corps,
plus petite chez le cf, plus grande chez la Q 011 elle occupe
l'espace entre le bord antérieur et le bord inférieur des ailes.
De plus, il y a au milieu des ailes une grande tache que les
nervures divisent en 3 parties; cette tache, hyaline chez le cf, plus
ou moins lavée de jaune chez la Q, est comprise entre le bord
costal qui est jaune liséré de noir, et le bord inférieur qui reste
liséré de noir. Au delà, il y a une tache hyaline chez le cf, jaune
chez la Q, dans l'angle apical, et une autre tache hyaline plu3 ou
moins bordée de jaune, au-dessous de la tache apicale, divisée, en
deux, par les nervures. Les ailes inférieures forment un cuilleron
jaune, bordé de noir, surtout vers l'extrémité, avec un point costal noir.
Le corps est noir en dessus; l'abdomen est jaune, annelé de
noir en dessus, avec l'extrémité anale centralement noire. Les
antennes sont noires à la base; jaunes ensuite. Chez le cf, l'extré-
mité des antennes est noire, ainsi que les poils qui s'étendent en
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE 95
brosse au bout de l'abdomen. Le dessous du corps, ainsi que les
pattes, sont jaunes. Je possède une Aberration Q où la base des
ailes, l'abdomen, en dessus, sont entièrement jaunes. Les parties
noires normales sont envahies par la couleur jaune, même à
l'extrémité marginale des ailes inférieures.
Naciia Marietta, Obthr (PI. X, fig. 8).
Je possède un seul cT pris à Sainte-Marie de Madagascar par
les frères Perrot, en même temps que les Nadia Maria et minuta.
Petite espèce à fond des ailes noir; ayant une tache jaune,
ronde, contiguë au bord inférieur des ailes supérieures, près de
la base; une tache médiane, hyaline et jaune, divisée en deux par
la nervure, placée dans l'espace cellulaire et au-dessous; enfin une
tache petite, subapicale, jaune.
Les ailes inférieures en cuilleron sont jaunes, largement bordées
de noir.
En dessous, le corps et les pattes sont jaunes. En dessus, le
thorax est noir, avec les épaulettes jaunes; le i"" anneau abdominal
reste jaune; le dessus de l'abdomen est noir; les antennes sont
noires et épaisses.
Pseudapiconoma vitrina, Obthr (PI. XI, fig. 5).
Décrit d'après un seul çS très pur, pris en Kamerun, en 1898,
par L. Conradt.
Corps blanc; ailes supérieures centralement vitreuses, extérieu-
rement bordées de blanc mat, avec la base, l'au delà de l'espace
cellulaire et le bord de la marge blanche teintés de brun clair;
les ailes inférieures composées d'un petit cuilleron blanc centra-
lement ponctué de brun. Les pattes, dépourvues de poils, ont au
3'' article de la première paire un renflement brun. Le dessous
des ailes supérieures est d'aspect vitreux avec l'apex et le bord
marginal blanc mat, souligné de brun pâle. Les antennes sont
pectinées, brun clair, avec l'extrémité blanchâtre.
QÔ LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
Anaphela Holli, Obthr (PL X, fig. i).
Dédiée à M. Eugène Holl, oihcier d'administration de i'" classe
du génie en retraite, à Hussein-Dey (Alger), en témoignage
d'allectueuse estime.
Un seul cf a été trouvé à Fianarantsoa, pendant le 2*" semestre
1892, par feu les frères Perrot, au cours des chasses qu'ils firent
pour nous dans l'île de Madagascar.
Fond des ailes noir en dessus; les supérieures avec 2 petites
taches cellulaires jaune crème et une tache médiane, plus grande,
allongée, divisée par les nervures, également jaune crème. De plus,
il y a quelques traits couleur de plomb, le long de la côte, en
arrière de la plus grande tache jaune crème et le long du bord
inférieur. Ces traits, faiblement indiqués par quelques atomes
brillants, ne sont malheureusement pas reproduits dans le
coloriage.
Les ailes inférieures ont le disque rouge entouré de noir partout,
sauf en une partie, le long du bord anal.
Le dessous reproduit le dessus, avec atténuation de l'éclat de
la couleur noire; le bord anal, le bord basilaire et une petite partie
du bord costal sont dépourvus de noir; la base des ailes supé-
rieures est marquée d'un peu de jaune.
Les antennes sont noires.
En dessus, le thorax est couvert de poils noirs, avec 2 points
jaune primevère à la base des antennes, 2 points de même couleur
sur le cou et 2 autres plus gros sur les épaulettes; en dessous, le
thorax est jaune d'or, ainsi que les poils des pattes; les pattes
elles-mêmes sont noires.
L'abdomen est jaune d'or; en dessus, il est fortement annelé
de noir et le pinceau anal est tout noir.
Anaphela Dayremi, Obthr (PI. X, fig. 2).
Dédiée à M. Dayrem, de Lectoure, qui a chassé pour nous en
Algérie et dans le Midi de la France, en témoignage d'amicale
gratitude.
LÉPIDOPTEROLOGIE COMPAREE 9/
Un seul (S a été trouvé dans l'Antsianaka, par feu les frères
Perrot, durant les chasses qu'ils firent à Madagascar (2"^ semestre
1893)-
Dayremi est plus petite que Hollï et a la forme des ailes moins
allongée. De plus, elle a les ailes inférieures jaune d'or et non
rouges. Le fond des 4 ailes est noir; aux supérieures, il y a deux
taches cellulaires jaune crème et deux plus grosses au delà; on
aperçoit quelques atomes couleur de plomb, assez brillants, semés
près de la base et le long du bord inférieur. Le bord extérieur
et le bord marginal des ailes inférieures sont entièrement noirs.
Le dessous des ailes reproduit le dessus; mais le bord apical
des supérieures et le bord extérieur des inférieures sont d'un brun
rouge.
Les antennes sont noires.
Le thorax est couvert de poils noirs, avec quelques points
jaunes extrêmement petits sur la tête et un point jaunâtre sur
chaque épaulette. Bien que le papillon soit très frais, le dessus
du thorax ayant été un peu défloré, je ne puis en donner une
description très complète.
Les pattes sont noires; mais le poil qui les recouvre est jaune
d'or; l'abdomen est jaune d'or; en dessus, il est fortement annelé
de noir; le pinceau anal est centralement noir et latéralement
jaune.
Anaphela Powelli, Obthr (PI. X, fig. 3).
Dédiée, en souvenir de cordiale gratitude, à M. Harold Powell,
de Hyères, l'habile chasseur et distingué naturaliste qui a exploré
pour nous avec succès diverses parties de la France méridionale
et de l'Algérie.
Décrite d'après un seul exemplaire Q trouvé à Fianarantsoa,
par feu les frères Perrot, pendant le 2^ semestre 1892.
Me paraît ressembler à Rothia VVes/woodi, Butler, espèce
malheureusement non figurée et seulement décrite dans Ann. et
Mag. of Nalur. Hist., 1879, p. 235.
LEPIDOPTEROLOGIE COMPARÉE
J'ai cru devoir attribuer à Rothïa Westwuodi, Butler, une longue
série d'exemplaires bien semblables entre eux, capturés dans
l'Antsianaka, par les frères Perrot, pendant le i'''" semestre de
l'année 1892.
En dessous, l'espèce que je rapporte à Westwoodi ressemble
tout à fait au dessus; elle a les ailes noires avec une tache
allongée jaune crème, vers le milieu des supérieures, et une large
tache arrondie blanc jaunâtre, sur le milieu des inférieures.
Powellï a la tache des ailes supérieures plus petite et la tache
des inférieures un peu plus rapprochée du bord anal; mais en
dessous, tandis que Westwoodi ne diffère du dessus que par un
lavis jaunâtre peu étendu à la base des ailes et par une atténuation
de la couleur noire du fond, Powellï a la base des ailes supé-
rieures plus largement teintée de jaune d'or et l'aile inférieure
entièrement lavée de jaune d'or, depuis la base jusqu'à la moitié
au moins de la surface totale, dont le bord est entièrement noir ;
chez Powellï, l'apex des ailes est blanc; le dessous du corps est
entièrement jaune avec les pattes noires; le dessus du thorax est
noir avec quelques points blancs extrêmement uns au collier; le
dessus de l'abdomen est également noir.
Il y a à Madagascar beaucoup d'espèces d'Anaphela ou
Rothïa; la plupart sont très belles; toutes paraissent être très
localisées; quelques-unes sont abondantes là où elles habitent;
d'autres semblent être d'une extrême rareté. Ma collection contient
un certain nombre d'espèces encore inédites dans la famille des
Agarïstïdes, spécialement parmi les Anaphela. Je compte en
publier la description, en l'accompagnant de bonnes figures, sans
quoi je ne ferais qu'ajouter des éléments de désordre et de chaos
dans la Nomenclature des Lépidoptères.
Rennes, décembre 1908.
Ch. OBTHR.
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
99
EXPLICATION DE LA PL. X
Fig-. I. — Anaphda Holli, Obthr.
— 2. — Anaphela Dayremi, Obthr.
— 3. — Anaphela Powelli, Obthr.
— 4. — • Pamphila fiinodi, Obthr.
— 5. — Pseudapïconoma Vitrina, Obthr.
— 6. — Nadia Maria cf, Obthr.
— 7. — Nadia Maria Q, Obthr.
— 8. — Nadia Marictta, Obthr.
— 9. — Zeritis R021 ge.monti, Obthr.
VI
Notes pour servir à établir la Faune Française
et Algérienne des Lépidoptères
(PL XI, XVI, XVII, XVIII, XIX, XX, XXIII, XXIV,
XXV, XXVI).
RHOPALOCERA
Papilio Machaon, Lin. (PI. XXIV, fig. 125. 126).
Espèce superbe, connue de tous et présentant de bien intéres-
santes variations; très répandue en Algérie, en France et dans le
reste de l'Europe, en Asie jusqu'au Kamschatka; généralement
assez abondante partout 011 elle habite.
Cependant Machaon paraît se raréfier vers l'extrémité occidentale
de la péninsule armoricaine. M. de Lauzanne, de Morlaix, m'écrit
l'avoir pris seulement en 1901, dans le Nord-Finistère. J'ai pris
moi-même Machaon une seule fois, dans ce département, au sommet
du Mont Saint-Michel, entre la Feuillée et Brasparts. En Ille-et-
Vilaine, Machaon se rencontre dans les lieux les plus variés : piés,
bois, champs, jardins. Mais, comme dans le Finistère, il semble
affectionner les sites élevés. Aussi je trouve grand plaisir à voir
une petite réunion de Machaon s'ébattre, pendant l'été, autour des
rochers qui couronnent le sommet de certaines landes à Monter fil.
Quelquefois les Machaon se posent sur les fleurs des sedum formant
des touffes autour des pierres qui émergent du sol. Si alors on
effraie ce beau Papillon, il s'éloigne avec rapidité; mais on l'aperçoit
102 LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE
bientôt revenant de nouveau voltiger sur les hauteurs qui lui sont
chères.
Le P. Engramelle figure (PI. LXX, fig. 68 /) une variété à fond
des ailes orangé du Grand Porte-Queue. « Elle ne se distingue, dit
cet Auteur, des Papillons de son espèce que par la couleur de son
fond; mais il est singulier qu'étant aussi foncé en dessus, il soit
en dessous aussi pâle que celui 68 e, dont il ne diffère nullement. »
Cette variété a été appelée Aurantiaca, Spr. 1858; mais Tri-
moulet, dans le Catalogue des Lépidoptères de la Gironde, paru
également en 1858, a désigné la forme de Machaon à fond des
ailes jaune orangé foncé, sous le nom de burdigalensis.
Ma collection renferme quelques exemplaires authentiques de
burdigalensis : une Q très grande» provenant de l'ancienne collection
Auguste, de Bordeaux; un cf de Bordeaux, de l'ancienne collection
Guenée; un cf d'Orléans extrêmement foncé en dessus, comme en
dessous; un autre cf du Nord de l'Allemagne, d'un jaune un peu
moins orangé; enfin 2 très grandes Q d'Auvergne, de l'ancienne
collection Bellier, dont le fond des ailes est encore jaune orangé,
mais sensiblement moins foncé que le cf d'Orléans, pareil, sous le
rapport de la teinte, à la figure donnée par le P. Engramelle. Il
paraît que des Machaon normaux peuvent devenir de couleur
orangée par des procédés artificiels. Il y a longtemps que des gens
sans scrupules ont commencé d'abuser de la confiance publique.
Le D"" Spengel a publié un travail très intéressant, JJeber einige
Aberrationen von Papilio Machaon (Jena, 1899).
Je n'ai jamais vu en nature les superbes aberrations inverses :
evittata et nigra {loc. cit., pi. I, fig. 2 et 9), de la coll. Rothschild.
D'après feu le Chanoine Favre, un autre exemplaire de l'aberration
niger, Reutti, a été pris à Zermatt par M. Piingeler; mais des
Entomologistes se prétendant bien informés m'ont assuré que ce
Machaon niger provenait plutôt des montagnes voisines de la
Jungfrau, où il avait été capturé par un Ingénieur, au cours des
travaux de la construction du chemin de fer spécial. Il y avait aussi
de cette rareté insigne un exemplaire dans la collection Mutzell,
de Berlin, qui fut achetée par Leech. Ce Machaon niger est figuré
LÉPIDOPTÉROLOGIE CO.MPARÉE IO3
SOUS le n'' 12 de la PI. II du Catalogue of the Collection of
palœartic Buttcrfflies of John Henry Leech, par Richard South.
Ma collection contient 4 exempl. de l'Ab. nigrofasciata, Spengel
{lac. cit., pi. I; fig. 4, 5, 6, 7 et 8) dans laquelle la tache ocellée
anale, normalement rouge, est devenue bleue. Ces 4 nigrofasciata
proviennent de Fùrth, Crefeld, Allemagne du Nord et Zurich.
Les 3 premiers ont été capturés dans la Nature; le 4® a été obtenu
expérimentalement au moyen de la chaleur par le D"" Fischer, avec
beaucoup d'autres exemplaires variés dont je lui suis redevable;
notamment plusieurs spécimens ayant la bande des ailes inférieures
entièrement noire, sans aucun vestige du semis d'atomes bleus
ordinaires (*).
Je possède aussi 3 exempl. de l'Ab. elunata (loc. cit., pi. I; fig. 3
et pi. II; fig. Il) provenant de Madrid, Franc fort-sur-le-Mein et
Fùrth, en Bavière.
J'ai appelé seminigra une Aberration de Silésie et cellularis une
autre Ab. de Berlin figurées dans le présent ouvrage (PI. XXIV;
fig. 126 et 125).
La chenille du Machaon de Biskra, ainsi que je l'ai déjà fait
connaître, ressemble plutôt à la chenille ô!Hospiton qu'à celle de
Machaon; mais le papillon qui sort de cette chenille est semblable
à Machaon. J'ai appelé cette variété larvaire : hospitonides.
Une très curieuse forme de Machaon est une race lilliputienne
trouvée à Larnaca (Ile de Chypre), dont j'ai reçu plusieurs exem-
plaires. M. Verity {Rhop. palœarctica, pi. II; fig. i) a reproduit
cette variété.
Papilio Hospiton, Gêné.
II est possible qu'il se fasse des hybridations naturelles entre
Hospiton spécial aux îles de Corse et de Sardaigne et Machaon
qui habite aussi ces deux îles. Je possède un Machaon de Corse
(*) Une nouvelle série d'aberrations obtenues par le D' Fisher, de Zurich,
vient de me parvenir (février 1909). Dans le nombre se trouve evittata, très
caractérisée.
104 LEPIDOPTEROLOGIE CO^^IPARÉE
ressemblant sous certains rapports à Hospiton, et un Hospïton de
Sardaigne présentant inversement une ressemblance avec Machaon.
Ce que nous connaissons des hybridations naturelles chez les
Sphingidœ du genre Celerïo {hippophaès, vespcrtiUo, euphorbiœ)
et chez les Zygœna, nous amène à considérer comme vraisemblable
l'hybridation entre les deux espèces voisines de Papilio -. Machaon
et Hospiton, d'autant plus que le faciès des 2 sujets que j'ai sous
les yeux est très suggestif; mais ceci n'est qu'une hypothèse, puisque
nous n'avons jusqu'ici aucune certitude de l'hybridation naturelle
réelle entre Machaon et Hospiton.
Le D' Fischer, de Zurich, a obtenu une Aberr. d'Hospiton qu'il
appelle : solaris. Cette Ab. solaris n'est pas sans analogie avec le
supposé Hybride de Sardaigne.
Papilio Alexanor, Esp. (PI. XXIII, fig. 121, 122).
En France, Alexanor n'a encore été rencontré authentiquement
qu'en Provence, dans la région sud-alpine, oii il est très abondant.
Il varie beaucoup pour la teinte jaune du fond des ailes et pour
la taille, sans que cependant la dimension des ailes, chez les plus
grands exemplaires français, atteigne l'envergure des individus de
Dalmatie ou de Syrie.
Donzel rapporte, dans la Notice entomol. sur les environs de
Digne, parue en 1851, « qu'à Saint-Benoît, en remontant la Bléonne
sur la rive droite, M. Honnorat a eu le bonheur de prendre
l'extraordinaire variété à! Alexanor qui peut compter au nombre des
plus belles raretés de sa collection. »
Sans doute cette collection Honnorat est maintenant détruite,
comme celle de Donzel dont les restes, malheureusement devenus
insignifiants, m'a-t-on dit, sont déposés au Musée de Lyon. Pourtant
la collection Donzel devait contenir une foule de papillons du
plus haut intérêt, car Hugues Donzel, de Lyon, fut un des plus
intrépides chasseurs de la première moitié du dernier siècle, et je
ne pense pas qu'à part Pierret et Bellier de la Chavignerie, aucun
amateur de Lépidoptères ait jamais égalé son ardeur.
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE I05
Les Aberrations d'Alexanor paraissent être fort rares. Je dois
à M. Augustin Coulet, de Digne, la connaissance de deux varia-
tions qui sont figurées dans le présent ouvrage : i° Coiilcti,
Q remarquable par la confluence de la tache cellulaire noire des
ailes supérieures avec la bande submarginale noire, saupoudrée
d'atomes jaunes, qui descend du bord costal au bord terminal, et
2° Augîisiimis, dont je possède les deux sexes et qui se distingue
par l'adjonction d'une tache noire au côté extérieur de la seconde
bande noire traversant, au delà de leur base, les ailes supérieures,
depuis le bord costal jusqu'au bord inférieur. Les Aberrations sont
figurées sous les n°^ 121 et 122 de la PI. XXIII.
Papilio Podalirius, Lin. (PI. XXIII, fig. 123, et PI. XXIV,
fig. 124).
Le Flambé, comme l'appelle le P. Engramelle, ne se rencontre
pas en Angleterre. Il semble bien plus abondant dans le centre et
le sud de la France, moins toutefois les Pyrénées-Orientales, oh il
est remplacé par F eisthamelii, que dans le nord de notre pays, et
j'ai lieu de croire que Podalirius manque dans les départements
de la Manche, des Côtes-du-Nord et dans la partie septentrionale
du Finistère.
D'après feu de Rocquigny-Adanson qui essaya, dans un travail
imprimé à Moulins, en 1901, de fixer la délimitation de la zone
habitée par Podalirius, ce beau Lépidoptère ne dépasserait guère,
en aucun point de l'Europe, le parallèle de 55°-
Podalirius a été trouvé en Belgique, dans l'Allemagne centrale et
méridionale, l'Autriche-Hongrie, la Russie méridionale, la Suisse,
l'Italie, la Corse, la Sardaigne, la Sicile, l'Asie-Mineure.
Dans le département des Pyrénées-Orientales, en Catalogne, en
Andalousie, en Algérie et en Tunisie, Podalirius est remplacé par
F eisthamelii ; au Thibet, par le magnifique Podalirinus.
Au point de vue de l'altitude, Podalirius n'est pas considéré
comme s'élevant très haut. Cependant M. Seebold, se trouvant, il
y a quelques années, avec moi à Cauterets, me rapporta qu'il avait
I06 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
vu PodaUîius voltigeant au sommet du Mont Caballiros, au-dessus
de Cauterets, sur la plate-forme même d'où l'on découvre un si vaste
panorama.
En Bretagne, nous prenons presque chaque année Podalirius, au
mois de mai et même de juin, à la forêt de Rennes, à la forêt de
Paimpont et à Monterfil. Je ne crois cependant pas qu'il s'avance
beaucoup plus loin vers l'ouest; mais comme fort peu d'Entomo-
logistes ont exploré jusqu'ici la péninsule armoricaine, et que j'y
suis moi-même allé chasser seulement un petit nombre de fois, je
ne sais pas exactement à quoi m'en tenir sur la présence de Poda-
lirius dans le nord du Morbihan.
Jamais je n'ai vu en Ille-et-Vilaine la forme estivale de Poda-
lirius ; il est possible qu'elle y existe cependant et que l'espèce y ait
deux apparitions par an, comme dans la plupart des lieux où habite
Podalirius, et notamment dans le nord de la Loire-Inférieure, près
Châteaubriant, où mon frère a vu voler Podalirius au mois
d'août igo8.
Les aberrations de Podalirius sont rares. Cependant, comme
toutes les espèces de Papillons, Podalirius peut varier par albinisme
ou par mélanisme; les flammes noires peuvent être rétrécies ou
amplifiées. Je fais figurer dans cette livraison des Etudes de Lépi-
doptèrologie comparée un spécimen aberrant venant de Thuringe,
remarquable, en dessus comme en dessous, par la confusion des
flammes noires des ailes supérieures et la modification de la forme
des croissants bleus aux ailes inférieures. Il convient d'observ-er,
toutefois, que les exemplaires aberrants de Podalirius, ainsi d'ail-
leurs que de beaucoup d'autres espèces, présentent souvent des
défauts de conformation qui les rangent plus ou moins dans la série
des cas pathologiques. Le P. Engramelle figure sous le n° 69 c de
la PI. LXX, un fianibé très aberrant, provenant de Francfort-sur-
le-Mein et faisant partie de la coll. Gerning. C'est évidemment une
très curieuse modification, mais l'aspect de ses ailes inférieures fait
pressentir plutôt une sorte de difformité qu'une variation dérivant
des lois naturelles chez un sujet vigoureux.
Une question s'est souvent posée à mon esprit. Quelle peut être
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPAREE 10/
la cause de la transformation de Podalirius en Feisihamelii, si
F eisthamelh est réellement une forme de Podalirius plutôt qu'une
espèce séparée, ainsi que je suis quelquefois tenté de le croire? La
chaleur du climat ne peut être invoquée. Il fait aussi chaud à
Montpellier, à Marseille ou à Palerme, où vole exclusivement
Podalirius, qu'à Perpignan, Barcelone ou Alger, oii l'on ne rencontre
que F eisthamelii.
J'ai vu un nombre considérable de F eisthamelii et de Podalirius ;
je n'ai jamais trouvé d'exemplaire dont l'identification prêtait à
hésitation, ni qu'il fût embarrassant d'attribuer à l'une plutôt qu'à
l'autre des deux formes, sinon peut-être des deux espèces, suivant
la façon dont on envisage la valeur des différences qui les dis-
tinguent. Il semble que F eisthamelii et Podalirius s'excluent l'un
l'autre. Pourtant mon ami Rondou a capturé sur la route, à Gèdre,
un F eisthamelii authentique et semblant fraîchement éclos. Dans
le même pays de Gèdre, Podalirius est assez abondant. Gèdre est
donc un point où les deux races se rencontrent.
Dans les Pyrénées-Orientales, F eisthamelii est très répandu; je
l'ai observée à Amélie-les-Bains et à Corsavy, dès le mois de mars;
à Vernet-les-Bains, il vole depuis avril jusqu'à septembre; la forme
d'été diffère de la forme du printemps par la blancheur de son
abdomen, l'absence de pilosité sur le corps, tout comme chez
Podalirius estival. En juin, on peut rencontrer à Vernet les deux
formes : vernale et estivale du Pafilio Feisihamelii. Il vit, à ma
connaissance, à Saint-Martin-du-Canigou; mais dépasse-t-il cette
altitude?
Dans la plaine du Roussillon, F eisthamelii est un insecte très
abondant qui réjouit la vue, en animant de son vol les vergers et
jardins, et qu'on aperçoit un peu partout dans les villes et sur les
chemins. Je n'ai cependant pas assez d'exemplaires de la plaine
pour les comparer à ceux du Vernet et disserter sur leurs caractères
réciproques.
En Algérie, la forme est différente de celle d'Europe; les ailes
inférieures sont plus profondément dentelées et les queues sont plus
longues. La race d'été a reçu le nom de Lotteri, Austaut.
I08 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
Feu le Chanoine Favre, faute d'éléments suffisants de compa-
raison, avait rapporté à F eisthamelïï une forme d'été, dont la Q
est quelquefois très blanche et qui vole à Martigny, en Valais. Cette
race géographique estivale présente en effet des Q ayant le fond
des ailes plus blanc que dans les autres localités; mais l'ocelle bleu
anal surmonté de la tache orangée reste bien caractéristique de
Podalirhis, à Martigny, chez tous les exemplaires.
Mon frère a pris au vol, à Vemet, en août igo8, un spécimen de
Feisthamelii, dont l'aile inférieure droite a subi un curieux avor-
tement. L'ocelle anal bleu et la tache orangée qui le surmonte se
trouvent doublés. Je fais figurer ce cas pathologique intéressant
(PI. XXIV; fig. 124).
En Algérie, on trouve quelquefois des exemplaires ayant sur les
ailes supérieures 8 bandes noires au lieu de 7.
La chenille de Feisthamelii vit au Vernet sur beaucoup d'arbres
fruitiers et d'arbustes, surtout sur le prunellier; mais elle semble
particulièrement friande des jeunes poiriers dont elle dévore entiè-
rement les feuilles, si bien qu'à Saint-Martin-du-Canigou, dans le
jardin de l'ancien monastère récemment restauré par les soins de
Mgr de Carsalade du Pont, évêque de Perpignan, on considérait,
il y a deux ans, la chenille de F eisthanielii comme un véritable
fléau des poiriers qui s'y trouvaient nouvellement plantés.
La Q de Feisthamelii a quelquefois à Vernet le fond des ailes
jaunâtre; mais la tache ocellée de l'angle anal des ailes inférieures
reste toujours parfaitement caractéristique.
Comme on le sait, le Papilio F eisthamelii doit son nom au
colonel Feisthamel, commandant en 1833 la garde municipale de
Paris, devenu plus tard maréchal de camp, amateur passionné de
Lépidoptères. Le colonel Feisthamel avait reçu le Papilio, qui lui
fut dédié par Duponchel, de M. le capitaine Caillaud, du
16® Régiment d'infanterie de Ligne, faisant partie de la division
française d'occupation de Barcelone, en 1826. C'est donc la forme
de Barcelone qui est typique. Cette race géographique fut très
répandue dans les collections d'Europe par feu Himmighofen,
entomologiste allemand jadis établi à Barcelone et se livrant à
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE lOQ
l'élevage des chenilles et au commerce des Lépidoptères. Bellier
de la Chavignerie et Millière étaient en relations suivies avec
Hiramighofen. La collection Bellier contient de superbes exem-
plaires de F eisthanielu, envoyés par ce chasseur.
Je crois la race de Vernet-les-Bains un peu différente de celle de
Barcelone. Les cf semblent un peu plus petits et les Q ont une
tendance plus jaunâtre. Cependant des deux côtés des Pyrénées,
en Roussillon et en Catalogne, on trouve des exemplaires de
F eisthamelïi bien semblables entre eux, et il me semble que ce
serait abusif de les distinguer par un nom. Il ne faut pas, sans
raison suffisamment sérieuse, surcharger la Nomenclature.
Le D*" Fischer, de Zurich, m'a envoyé une série d'Aberr. de
Podaliriiis, permettant de présumer qu'on obtiendra des exemplaires
presque entièrement dépourvus de noir, tandis qu'inversement
d'autres seront extrêmement rembrunis. L'un des Podalirius a la
tache anale orangée entièrement recouverte d'atomes noirs. LTn
autre montre un développement singulier de cette tache anale
orangée qui remonte en un long trait orangé, jusqu'au bord costal
des ailes inférieures, en dessus. Pour être obtenues en laboratoire,
ces Aberrations n'en sont pas moins instructives et remarquables.
Thais Polyxena, Schiff.
En France, la forme Cassandra, Hùbn. de Polyxena se trouve
sur le littoral méditerranéen, depuis Hyères jusqu'aux Alpes-
Maritimes. Donzel dit l'avoir trouvé à Digne (Château-fort). Je
n'ai jamais appris que Polyxena ait été rencontré de nouveau dans
les Basses-Alpes. M. Verity {Rhop. palœarct., pi. VII, fig. i8) cite
à tort la collection Stefanelli comme contenant l'exemplaire aber-
rant de Polyxena {Hypermnestra, Scop.) que je lui avais commu-
niqué et qui a bien retrouvé sa place dans ma boîte d'où je l'avais
extrait pour l'envoyer à Florence. J'avais reçu ce Polyxena aberrant
de M. W. Maus, de Wiesbaden, avec beaucoup d'autres aberrations
notables provenant, je crois, de la célèbre collection Wiskott, de
no LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
Breslau. Il convient d'observer que la photographie en couleurs
faite par M. Verity représente à droite ce qui est à gauche, et
vice-versâ. Ainsi les deux ailes de l'Ab. Polyxena ne sont pas
symétriques. La base des supérieures est marquée de deux points
noirs, à droite, dans la réalité, et à gauche dans l'image; l'autre
côté ne porte aucune trace de ces points.
Thais Rumina, Lin.
Dans la forme Rumina, les taches rouge carmin des ailes infé-
rieures sont toujours alignées sur un fond noir, tandis que dans la
forme Medesicaste, les mêmes taches rouges submarginales se
détachent sur un fond plus ou moins mélangé de jaune, et non pas
noir, avec une pupillation blanche peu serrée, ainsi que cela est la
règle chez Rumina.
Rumina se trouve en Andalousie (Malaga! en mars; Sierra de
Ronda! en mai; Almodovar!; Chiclana). La var. Canteneri, Stgr.,
à fond des ailes orangé, de même teinte que l'Ab. Bmdigalensis
de Machaon, se rencontre à Malaga et aussi en Algérie, avec la
forme normale, j'ai pris une très grande forme de Rumina à Tanger,
en mai 1894. J'en ai admiré de superbes exemplaires dans la col-
lection Vaucher, à Genève. Ma collection contient une série d'exem-
plaires récoltés à Sebdou, Alger, Tlemcen, Géryville, Aïn-Seur et
Yakouren.
En France la forme Medesicaste se trouve dans les Pyrénées-
Orientales, au Pont-du-Gard près Nîmes, dans les environs de
Digne, à Florac (Lozère), à Montpellier, c'est-à-dire dans le
Roussillon, le Languedoc méditerranéen et la Provence. L'éclosion
principale a lieu au mois de Mai; mais mon frère a observé une
éclosion d'été, à Vernet-les-Bains, à la fin de Juillet; celle-ci est
fort rare.
Jusqu'ici, c'est à Digne seulement que s'est rencontrée la char-
mante var. Honnoratii, Bdv. Vu l'ardeur avec laquelle est recherchée
cette précieuse variété, il est peut-être à craindre que la race n'en
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPAREE
soit détruite et que, comme le Polyonimatus dispar anglais, le
Thais Honnoratii, à Digne, ne devienne bientôt une forme éteinte.
D'après ce que j'ai appris, 5 H onnorntii auraient été récoltés à
Digne en 1908. En 1907, il n'a dû être pris que 3 Honnoratii.
L'extinction n'est donc pas encore accomplie; mais les chasseurs
de Digne seraient prudents en ne recueillant pas trop de chenilles,
en ne détruisant pas la forme normale Medesicaste et en rejetant,
sans les tuer, les exemplaires à^Honnoratii trouvés défectueux ou
usés au moment de leur capture.
Ma collection contient exactement 48 exemplaires à! H onnoraiii,
dont plusieurs de la collection Bellier sont presque des aberrations
de la forme normale Honnoratii. Les Honnoratii semblent en effet
assez variables; on peut s'en rendre compte en comparant les deux
spécimens figurés dans les Rhop. palœarctica de Verity (PI. VII,
fig. 25 normale et 26 aberr.).
Il sort trop souvent de la chrysalide de Medesicaste un Ichneumon
assez grand, à longues antennes rousses, à pattes fauves et à
abdomen long, fin, roux avec l'extrémité anale noire. La chenille
porte sur le cou, tout près de la tête, un appareil corné, en forme
de joug. On trouve des Medesicaste à peu près dépourvus des
taches rouge-carmin aux ailes supérieures; mais je n'ai jamais vu
de variété ayant le fond des ailes ochracé, comme chez Rumina.
Parnassius ApoUo, Linn.
On n'a pas encore rencontré de Parnassius en Barbarie. Peut-être
existe-t-il cependant dans l'Altas marocain une forme de Mnevio-
syne et même d'Apollo, comme en Sicile et en Andalousie?
L'Apollo est en France répandu dans les Pyrénées, les Cévennes,
la région alpine et jusqu'à la Franche-Comté oi^i se trouve d'ailleurs
la plus belle forme française de l'Espèce.
Il me paraît difficile de fixer, d'après des caractères constants,
une forme de VApollo spéciale à chacune de nos régions monta-
gneuses. J'ai sous les yeux un grand nombre d'Apollo provenant
LEPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
de localités diverses. Je constate chez les papillons des différentes
provenances des variations analogues. Ainsi, tantôt les taches
rouges des ailes inférieures sont pupillées de blanc et tantôt ces
taches sont entièrement rouges. Je vois encore dans chaque localité
des exemplaires plus grands et des exemplaires plus petits et
un développement variable des taches noires; mais tout cela
constitue des variations individuelles et non une variété géogra-
phique stable.
Dans les Alpes, il y a des exemplaires semblables à ceux des
Pyrénées et j'éprouve quelque répugnance à suivre certains Ento-
mologistes contemporains dans la voie d'analyse à outrance où ils
se sont engagés. Pour distinguer par un nom une forme géogra-
phique, il faut, à mon avis, que Vensemble des individus de cette
race présente un faciès ou des particularités justifiant cette addition
à la Nomenclature. C'est donc avec ce sentiment que je passe en
revue les AfoUons français.
1° Franche-Comté : Le cf a le fond des ailes très blanc; chez
certaines Q, les taches rouges des ailes inférieures sont très déve-
loppées, absolument comme dans l'Ab. Wiskottï, Obthr. L'Ab.
Pseudonomion, Christ, avec pupillation rouge dans la tache noire
inférieure et arrondie des ailes supérieures en dessus et dans les
taches noires extracellulaires des mêmes ailes, paraît être moins
rare qu'ailleurs. Le plus souvent, ce sont seulement les taches noires
extracellulaires souscostales ou bien la tache inférieure arrondie
noire des ailes supérieures qui sont pupillées de rouge; plus rare-
ment la pupillation rouge atteint toutes ces taches chez un même
individu. En Franche-Comté, il est à ma connaissance que VApollo
a été capturé à la Roche-du-Mont, à Lods, à Mouthier, dans le
canton d'Ornans; à Morteau; aux Taillards, Saut-du-Doubs; à la
frontière suisse entre les Brenets et le Col des Roches. Il vole
certainement dans d'autres localités du Doubs et dans le dépar-
tement du Jura. M. Jeunet, de Besançon, a eu la bonté de m'offrir
une très intéressante série d'Apollons capturés par lui-même dans
le département du Doubs et présentant toute une suite de variations,
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE II3
tant pour l'élargissement ou le rétrécissement des taches noires que
pour la pupillation rouge partielle ou totale, ou bien l'absence ou
la présence de l'éclaircie centrale blanche dans les taches rouges
des ailes inférieures. La O a plus de tendance que le cf à la
pupillation rouge partielle ou totale des taches noires des ailes
supérieures, en dessus.
2° Alpes françaises : La taille est généralement moyenne, souvent
petite; cependant on trouve aussi de grands exemplaires. Les
taches rouges des ailes inférieures sont généralement réduites.
L'aberration Pseudonomion paraît très rare. Les Q ne sont pas
mélanisantes.
U Apollon vole dans toutes les montagnes alpines. Je possède
des individus pris en Savoie, dans les Basses-Alpes (Larche, Allos,
Digne, le Lauzet); en Isère; dans les Alpes-Maritimes (un peu
au-dessus de Saint-Martin-de-Vésubie) ; en Vaucluse (Mont Ven-
toux, par 1.500 mètres d'altitude environ).
3" Pyrénées-Orientales : Le cf diffère peu de celui des Alpes
françaises; la Q est cependant souvent plus mélanisante. U Apollon
est commun au-dessus de Vernet-les-Bains, depuis Casteil jusqu'à
Saint-Martin-du-Canigou et dans beaucoup de localités d'altitude
égale et supérieure. La forme à taches jaunâtres, Nevadensis, semble
rare, et nous n'en avons encore rencontré que deux exemplaires.
Cette variété jusqu'ici n'a été observée que chez les cT-
4° Hautes-Pyrénées : J'ai vu dans les Pyrénées centrales des Q
beaucoup plus mélanisantes que dans les Pyrénées-Orientales; telle
est celle qui est figurée par Verity (Rhop. palœarct., pi. IX, fig. 13)
sous le nom d'ailleurs fautif de Briitingeri.
La Q Brittingeri, selon Verity, des Pyrénées, est en effet très
différente de la véritable Brittingeri, Gross, figurée dans lahres-
bericht des Wiener entom. Vereines, 1892; pi. I, fig. i. La vraie
Brittingeri est la forme de Schoberstein, en Haute-Autriche. C'est
une race très obscure; en dessus, les taches noires des supérieures
sont très grosses et les taches rouges des inférieures très déve-
114 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
loppées; celle de ces taches rouges qui est située près de l'extrémité
de la cellule est doublée et cordiforme; les taches noires qui avoi-
sinent le bord anal ont le centre pupille de rouge. La fausse
Brittingen pyrénéenne a les ailes inférieures tout à fait autrement
maculées que la véritable. Les taches rouges sont plutôt petites
dans la Brittingen pyrénéenne; la médiane y est simple et non
doublée o verdoppelt » (Voir la description de Brittingeri; loc.
cit., p. 59). De plus, les taches anales n'ont pas le noyau rouge,
«t die Analflecke roth gekernt ».
Verity n'a pas connu en nature la véritable Brittingen et il n'a
pas vu l'ouvrage où elle est décrite et figurée. Telle est la cause
de son erreur de détermination. Il est cependant fort possible qu'on
trouve dans les Pyrénées, à titre exceptionnel, une Q: d'Apollo
présentant les caractères de la vraie Brittingeri.
Mon ami Gabriel Dupuy a trouvé aux environs de Luz, en
août 1908, un exemplaire Q qui diffère de Brittingeri surtout par
le plus faible développement des taches noires des ailes supérieures.
Comme la Q figurée dans lahresbericht sous le nom de Brittingeri
représente très probablement un exemplaire extrêmement caractérisé
de cette variété locale autrichienne, je suis convaincu qu'on peut
trouver dans les Pyrénées centrales des Q Apollo mélanisantes
tout à fait analogues à certaines Q Brittingeri de Haute-Autriche
et peut-être même semblables à l'exemplaire figuré comme type.
Mais, à mon sens, le nom Brittingeri concerne une race géographique
d'Apollo nettement définie, et il ne peut convenir à la race pyré-
néenne, bien que des exemplaires des deux races puissent occasion-
nellement se rencontrer à peu près semblables entre eux, les uns en
Haute- Autriche, les autres dans les Pyrénées centrales. Ceci
démontre combien les caractères de race sont peu constants chez
V Apollo et quelle prudence il conviendrait d'apporter à la création
de noms nouveaux qui, au lieu d'aider au progrès de la Science,
deviennent une source de confusion.
M. Rondou a pris à Gèdre et a bien voulu m'offrir une Q moins
fumeuse que l'Ab. fnmosa, de Rougement {Lépid. du Jura, pi. I,
fig. i), qui fut trouvée aux Brenets et qui figure actuellement dans
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE II5
l'ancienne collection Couleru, au musée de Neuchâtel. La Q
pyrénéenne est une aberration par mélanisme qui semble appartenir
au même ordre de variation que fumosa; mais outre qu'elle est
d'une teinte générale moins obscure, elle a conservé un espace blanc
vers le milieu de chacune des quatre ailes.
Dans l'ancienne collection Bellier se trouve aussi une très belle
Ç) Pseudonojiiion, des Pyrénées, avec pupillation rouge dans les
taches noires des supérieures.
U Apollon est très répandu vers Gavarnie et à Cauterets, surtout
dans la vallée de Marcadau, où mon frère captura les 3 spécimens
à aile gauche falquée que j'ai fait représenter dans les Etudes
d'Entomologie. M. Gabriel Dupuy, d'Angoulême, m'a offert un
exemplaire semblablement falqué pris à Luz, et je dois à l'obli-
geance de M. Rondou un autre cf falqué pris à Gèdre.
5° Cévennes et Auvergne.
J'ai devant moi deux boîtes : l'une contenant 43 Apollons pris
à Florac (Lozère) par M. Dayrem, en Juin et Juillet 1908; l'autre
renfermant 46 Apollons pris dans les Basses-Alpes. Je compare
attentivement les deux séries : cévenole et alpine. U Apollon de
Florac est généralement plus grand que celui des Basses-Alpes;
le cf a le fond blanc des ailes légèrement jaune crème; les Q de
Florac sont plus largement et plus vigoureusement tachetées que
celles des Alpes. La race de Florac est certainement dans son
ensemble, en ce qui concerne le cf, d'une teinte plus jaune crème
que toutes les autres races françaises connues. Lorsque je la pris
pour la première fois à Florac, en 1863, elle présentait bien ce
même caractère qu'aujourd'hui, et mes spécimens, vieux de 45 ans,
en font foi. Les exemplaires pris par mon frère à Lioran (Cantal)
et ceux que je possède d'Auvergne (Gravenoire, près Clermont),
sont grands et ornés de belles et larges taches; mais ils ne
paraissent pas avoir le fond des ailes aussi jaune crème que la race
lozérienne.
En résumé, la forme de Franche-Comté peut probablement se
rattacher à la nivata, Fruhst. Harcourt-Bath a cru devoir désigner
Il6 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
SOUS le nom de pyrenaica la forme des Pyrénées, bien que notam-
ment la race des Pyrénées-Orientales ne se distingue guère de celle
des Alpes. Dans ces conditions, la race de Florac mérite plus encore
que les autres un nom : Lozerœ, sous lequel je la désigne, cédant
ainsi à un usage qui se généralise, quelquefois abusivement, mais
qui, pour Lozerœ, peut paraître suffisamment justifié.
Je possède 2 çS albinos d'Apollo. Ils sont petits; la tache rouge
des ailes inférieures reste d'une teinte vive; toutes les taches noires
ordinaires sont effacées et d'un gris très pâle. Le fond des ailes
est blanc crème, ainsi que le corps. Ces deux papillons m'ont été
envoyés du Wurttemberg, par M. Adolf Peter, de Stuttgart; l'un
fut pris en 1907, à Neufer près d'Urach, par 800 mètres d'altitude,
et l'autre fut trouvé en 1908.
M. Fabresse a trouvé en juillet 1907, à la Sierra- Alta, près
Albarracin, dans l'Espagne centrale, une race d'Apollo caractérisée
par sa grande taille, son aspect très blanc, le peu de développement
relatif de ses taches noires et rouges ainsi que de la partie hyaline
de l'apex et du bord marginal des ailes supérieures chez le (S.
La Q est un peu plus mélanisante. Ce qui est remarquable, c'est
l'analogie de la race de YApollo de la Sierra-Alta avec celle de
Kentei. Je rattache donc la race espagnole à celle de Sibérie et je
la désigne sous le nom purement géographique de : hispayiuus
ajouté à celui de Hesebolus.
Le même M. Fabresse a pris en août igo8, au Mont Majeîla, '
en Italie, une race à'Apollo conforme à celle des Basses-Alpes et
des Alpes-Maritimes, mais plus petite généralement. UApollo du
Mont Majella n'a aucune analogie avec la race Siciliœ; c'est à la
race des Alpes françaises qu'il convient de le rattacher, avec la
désignation purement géographique également : italiens.
Une des plus belles races européennes d' A polio est sans doute
celle de Bavière. MM. Schiller et Kiessling, de Fùrth, m'ont
enrichi d'une assez longue série d' A polio pris à Happurg, près
Hersbruck, et à Lichtenstein, près Pommelsbrunn. Le fond des
ailes est très blanc dans les deux sexes; les taches rouges sont
d'un carmin très vif; elles sont parfois très grandes et elles se
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE
remarquent souvent au milieu des taches noires anales. La race
de Coburg et d'Ansbach (coll. Kuwert) paraît être la même.
Parnassius Delius.
Manque dans les Pyrénées. En France, je l'ai pris abondamment
en juillet 1892, à Tréleschamps, au-dessus de Largentière. près de
la route qui mène à Martigny. Deluis^ volait rapidement dans des
prairies humides, qui sont presque des marécages, autour de gros
blocs de rochers d'où la Larentia cœsiata s'envolait en nuage.
M. Harold Powell a recueilli Delius autour du lac d'Allos, dans
les Basses-Alpes, et dans la prairie du Mont-Pelat, depuis le
20 juillet au 2 août 1906. Je l'ai aussi reçu de Larche oii l'ont pris
les chasseurs Coulet, de Digne.
Ddiits varie pour l'absence ou la présence et le nombre des taches
rouges dans les macules noires précostales et inférieure des ailes
supérieures, dans l'absence ou la présence de pupillation blanche
au milieu des taches rouges des ailes inférieures. La forme de
Delius dans les Alpes françaises semble de taille relativement
moyenne ou même petite plutôt que grande et les taches diverses
sont généralement d'un faible développement.
Parnassius Mnemosyne, Linné.
Abondant dans les Alpes et les Pyrénées; éclôt de bonne heure,
notamment dans les environs de Saint-Martin-du-Canigou où je
l'ai trouvé dès la fin de mai et les premiers jours de juin; vole
à Cauterets, à la fin de juin et au commencement de juillet, sur
la montagne du Péguère; ressemble, pour le vol et les allures, à la
Lcuconea cratœgi\ est excessivement commun, en mai et juin, dans
certaines localités près de Digne, d'où j'en ai reçu des centaines
d'échantillons. Ma collection contient des exemplaires pris à Akbès
et dans le Turkestan, où Mnemosyne présente la race dite :
nubilosus; en Russie, en Sicile, dans les Monts Madonie, en Grèce,
en Autriche, en Roumanie, en Bavière et à Salzbourg, où il offre
Il8 LÊPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
une variété mélanienne : Hartmanni, quelquefois poussée à
l'extrême et prenant alors le nom de melaina. Je possède une Q
melaïna de Salzbourg dont le fond des 4 ailes est entièrement
noirâtre, avec les deux taches cellulaires des ailes supérieures d'un
noir vif et une ombre extra-cellulaire aux inférieures, plus obscure
que le fond.
Comparativement à la forme de Digne, la race pyrénéenne est
plus obscure. Dans les Pyrénées, la partie vitreuse apicale et mar-
ginale, aux ailes supérieures des cf, est étendue et rarement traversée
dans son milieu par de petites lunules blanches; les Q pyrénéennes
sont généralement plus, grandes et plus mélaniennes que celles des
Basses-Alpes. La race pyrenaica, Turati, d'après les documents que
je possède, est aussi accentuée dans les Pyrénées-Orientales que
dans les Hautes-Pyrénées, contrairement à ce qui se passe pour la
généralité des espèces de Lépidoptères.
En effet, dans l'est de la chaîne pyrénéenne, beaucoup de
papillons conservent une forme analogue à celle des Alpes; ainsi
en est-il pour Erebia lappona; mais, dans les Hautes-Pyrénées, les
formes changent ordinairement et lappona se transforme en
Sthennyo, sur les montagnes qui s'élèvent au-dessus de Cauterets
et de Gèdre.
La forme de Sicile a reçu le nom de nebrodejisis; elle est plus
petite que la forme pyrénéenne.
Il est surprenant que Mneuiosyne ne se trouve pas en Algérie.
La faune sicilienne et la faune algérienne des Lépidoptères ne sont
pas sans analogie. Espérant que VErebia Dronms et le Parnassïus
Mnemosyne pourraient être rencontrés en Algérie, j'avais chargé
Merkl, pendant l'été 1884, d'explorer les plus hauts sommets du
Djurjura auxquels il pourrait atteindre. Il ne trouva ni Erebia, ni
Parnassïus \ mais je n'ai pas perdu l'espérance de quelque décou-
verte dans ces genres, lorsqu'on pourra s'élever sur les hauts
sommets de l'Atlas marocain. Les plus hautes montagnes d'Algérie
sont elles-mêmes à peine connues, au point de vue de leur faune
entomologique, et je pense qu'une exploration un peu prolongée
fournirait quelques intéressantes surprises.
LEPIDOPTEROLOGIE CO.MPAREE IIQ
Dans Intern. entomol. Zeitschnft (2 lahrg., n° 3, p. 17; Guben,
18 Avril 1908), M. H. Fruhstorfer s'empare des figures de Par-
nassius Mnemosync publiées par Verit)-, sur la PI. XXIII de Rhop.
palœarct., pour émettre toute une série de noms nouveaux qu'il
applique aux Mnemosyne de Digne (diniamis) ; de Vernet-les-
Bains {vernetanus)\ de Gèdre (Turaiiï); d'Oberaudorf et de
Kœnigssee (wnbratilis) ; de Silésie {sïlcsiaciis) ; des Alpes autri-
chiennes (mesoleucus).
Je crois que dans l'état actuel de la Science, il est utile de dis-
tinguer des autres races, par un nom particulier, une race non
encore observée, réellement spéciale et distincte pour des caractères
constants, tangibles et de quelque importance. Mais de là à créer
des noms nouveaux pour tous les papillons dont la provenance est
différente, il y a réellement exagération et abus. Cette multitude
de noms engendre l'anarchie dans la Nomenclature; elle est dom-
mageable, loin d'être avantageuse et utile.
Vcrnetanns et Tiiratii, sec. Fruhstorfer, s'appliquent, ainsi que
je l'explique ci-dessus, à une même forme pyrenaicus, et de ce que
ce nom pyrcnaiciis ait déjà été appliqué à la forme pyrénéenne
d'Apollo, il ne s'en suit nullement qu'il soit interdit de l'appliquer
à Mnemosyne. Dans les conditions où le nom pyrenaicus est
employé, c'est pour désigner la forme pyrénéenne d'une Espèce,
comparativement aux formes non pyrénéennes de la même Espèce.
Dès lors on peut avoir dans les genres Parnassius, Erebia, etc.,
autant de pyrenaicus ou de pyrenaica qu'on voudra, attendu qu'il
faudra toujours, pour rendre son langage intelligible, faire précéder
le nom pyrenaicus ou pyrenaica du nom de l'Espèce dont il qualifie
et distingue la race. Apollo pyrenaicus n'exclut donc nullement
Mnemosyne pyrenaicus, tandis que pyrenaicus, employé comme
nom d'Espèce, exclurait, sous peine de confusion, tout autre sem-
blable nom d'Espèce, dans le même Genre. Mais ce n'est pas le
cas ici. Il s'agit d'un qualificatif de race et de rien de plus. Verne-
tanus et Turatii qualifient une même forme et ne sont pas des
noms admissibles; pyrenaicus seul doit être maintenu, étant suffi-
samment rendu valable par la citation qu'en fait Verity.
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
Aporia Crataegi, Linné.
Paraît avoir complètement disparu de l'Angleterre depuis
l'année 1890; est commune aux environs de Rennes, oii les chenilles
dévorent quelquefois toutes les feuilles des jeunes greffes de
pommier et occasionnent ainsi un dommage assez sérieux à l'agri-
culture; également abondante dans les Pyrénées-Orientales, où
nous avons trouvé la chenille sur le prunellier. Vers 1,600 à
1,800 mètres d'altitude, entre la forêt de Randai et les pelouses
de Mariailles, au-dessus de Vernet-les-Bains, nous avons capturé
à plusieurs reprises des individus très petits dont Verity a Êguré
une paire dans son ouvrage : Rhopalocera falœarctica, sous le nom
de mïnor (PI. XXVI; fig. 8, 9).
\J Aporia cratœgi est répandue depuis la Bretagne jusqu'au
Japon; elle est commune au Thibet, oti elle présente une race
appelée : atoînosa par Verity. Je l'ai reçue en grande quantité du
Turkestan oriental (Fort Naryne), oii elle appartient également à
la race atomosa; ma collection contient des exemplaires de Syrie;
de Sicile, où elle appartient à la race aiigusta, Turati; d'Algérie
(Sebdou, mai 1907); de l'Escurial, où elle fut prise fin juillet; des
environs de Paris; du Poitou et des Hautes-Pyrénées.
La race algérienne à' Aporia cratœgi présente un aspect parti-
culier. La taille est très grande; le cf est d'un blanc éclatant avec
les nervures très finement tracées. Le plus souvent les nervures ne
sont accompagnées d'aucun triangle grisâtre, lorsqu'elles aboutissent
au bord marginal. En dessous, la surface des ailes inférieures est
légèrement saupoudrée d'atomes gris. La Q est jaunâtre. J'ai
désigné la race algérienne de cratœgi sous le nom de maiiritanica.
En Bretagne, \ Aporia cratœgi vole en juillet et jusqu'aux pre-
miers jours du mois d'août.
Pieris Callidice, Esper.
C'est la Piéride des hauts sommets. Elle ne descend point dans
les vallées et, pour la rencontrer, il faut atteindre les altitudes
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
élevées où elle vole rapide sur les pelouses alpestres, ou bien autour
des sommets rocheux d'où elle disparaît, pour s'élancer au-dessus
des abîmes et tournoyer sur les précipices. Je l'ai prise dans les
Pyrénées, à la Cheminée du Mont Canigou et au-dessus de Cau-
terets, sur le chemin du Vignemale. Dans les Alpes, je l'ai capturée
à Champrousse, au-dessus d'Uriage, en juin, dans les hauteurs qui
dominent Chamounix, mais surtout à Ryffelberg, dans le Valais,
en juillet. Je l'ai reçue du Fort Naryne, dans le Turkestan oriental,
du Nord-Kaschmir, du Sikkin et du Taurus (Berut-Dagh), où
M. Ch. Delagrange, chassant pour nous, la captura en juillet i8go.
Au Taurus, Callidice offre la race géographique Chrysidice.
Je possède de l'Engadine un cf et une O saupoudrés d'atomes
noirs. Je les ai confiés, pour les figurer, à M. Verity, en le priant
de les distinguer sous le nom de Rondoià {Rhof. palœarct.;
pi. XVII, fig. 42, 43).
Pieris Daplîdice, Linné.
Répandue depuis la péninsule armoricaine jusqu'au Thibet; très
rare en Angleterre, où elle paraît être accidentelle et seulement dans
la région méridionale de cette île; abondante dans le midi de la
France, l'Espagne, l'Algérie, l'Italie et les îles de la Méditerranée.
En Bretagne, j'ai trouvé DapUdicc volant au mois d'août 1904
sur les dunes gazonnées et fleuries de Miel-Pot, entre Saint-Malo
et Cancale. Daplîdice n'est pas rare à Monterfil, dans l'arrondis-
sement de Mont fort-sur- Meu, où elle affectionne les massifs de
rochers au milieu des landes; elle est commune à Bourg-des-
Comptes, où elle donne quelquefois en Mars, lorsque la saison est
favorable, la variété Bellidice très caractérisée.
En Chine, Daplîdice est quelquefois de taille beaucoup plus
grande qu'en Europe. D'ailleurs cette Pieris varie considérablement
pour la dimension des ailes, et on peut trouver au même lieu des
exemplaires très petits, comparativement à d'autres beaucoup plus
développés.
LEPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
J'ai fait connaître la variété siilphurca d'après deux cf dont les
4 ailes sont d'un beau jaune soufre en dessus, au lieu d'être blanches.
L'un de ces Daflidice sulfhurea a été pris à Biskra, en mai 1884,
par Merkl, et l'autre, appartenant à la forme Bellidke, fut capturé
à Chartres et faisait partie de la collection Bellier. Comme CalUdice,
Daplidice peut avoir sa variété mélanienne Rondoui; je possède
de Daplidice Rondoui 4 exemplaires provenant de Hongrie et de
Vienne. M. Verity en a figuré 2 sous les n°' 12 et 13 de la PI. XXX
des Rhop. palœarctica.
Esper figure sous" le n° i de la PL CXVIII une Ab. obscure
de Daplidice, conforme aux exemplaires que je possède et pro-
venant aussi de Hongrie.
Le dessous des ailes inférieures est très variable chez Daplidice
pour la teinte, la confluence et l'accentuation des taches verdâlres.
J'ai donné le nom d'Albidice à la forme chez laquelle ces taches
sont les moins accentuées et plutôt jaunâtres que verdâtres. C'est
surtout dans l'Europe méridionale et en Algérie que se rencontre,
en été, la variété Albidice.
Staudinger et Rebel, dans leur Cntalog, édit. 1901, ont cru
devoir (p. 12, n° 57 b), faire tomber Albidice comme synonyme de
raphani, Esp. et Freyer. Tout le monde ayant l'habitude de consi-
dérer le Catalog de Staudinger et Rebel à l'égal de l'expression
infaillible de la Science et bien peu nombreux étant ceux qui osent
contrôler les assertions émises dans ledit Catalog, Verity et Scitz
ont suivi avec une égale docilité la coutume si généralement adoptée.
En conséquence, ils se sont, l'un comme l'autre, bien gardé d'ouvrir
les ouvrages d'Esper et de Freyer, où ils auraient pourtant acquis
la conviction que la Pieris raphani de ces auteurs est synonyme,
non point de Albidice, mais de Hellica, espèce répandue dans
l'Afrique australe et orientale.
Verity a donc accepté, sans aucune discussion, la synonymie —
d'ailleurs parfaitement erronée — telle qu'elle est imprimée dans
le Catalog, et Seitz s'est borné à dire (p. 49) : « raphani, Esper,
du sud de l'Europe, l'Asie-Mineure et Asie occidentale, est une
forme estivale avec les dessins du dessous de l'aile postérieure
LÉPIDOPTEROLOGIE COMPAREE I23
jaunâtres au lieu de verts. » La figure de la PI. 21 de Seitz est
dans le sens de l'indication que je viens de transcrire.
On me permettra, à l'occasion de ces erreurs qui, une fois com-
mises par une Autorité scientifique, courent le Monde indéfiniment
sans être contestées ni corrigées par personne, de faire remarquer
que si quelques amateurs de papillons veulent bien recourir aux
livres pour déterminer les espèces exotiques de leur collection, ce
n'est pas l'usage de traiter les espèces européennes d'après la môme
méthode. Les noms des espèces européennes se transmettent et
s'acceptent par pure tradition, tels qu'on les reçoit d'un corres-
pondant quelconque.
Lorsque c'était d'un savant aussi qualifié que feu Otto Staudinger
qu'on tenait un papillon pourvu de sa détermination spécifique,
chacun se trouvait pénétré d'une telle confiance qu'il eût cru pour
le moins perdre son tem.ps s'il avait essayé de vérifier l'exactitude
de la détermination communiquée.
Cependant il faut bien reconnaître que rien ne se faisait plus
légèrement que les déterminations, dans le cabinet de feu Otto
Staudinger. Les erreurs commises par cet Entomologiste, si univer-
sellement connu, étaient aussi considérables par la qualité que par
la quantité, et si on étudie le Catalog de igoi en 'contrôlant la
source de chacune des assertions qui y sont imprimées, on reste
confondu par le nombre et l'énormité des fautes qu'il est si facile
de constater et qu'il eût été si aisé d'éviter.
Pour connaître la vérité au sujet de la question raphani, que
faut-il donc faire? Consulter d'abord l'ouvrage d'Esper, c'est-à-dire
examiner la figure publiée sous le n" 3 de la Tab. LXXXIV.
Cont. XXXIV; puis lire le texte imprimé à la page 163 de l'article :
Rîissische Schmetterlinge, et enfin ouvrir l'ouvrage de Freyer, lire
l'article de la page 43 et comparer à un exemplaire de la Pieiis
africaine Hellica le cf et la Q représentés sous les n°' i et 2 de
la Tab. 121, sous le nom de raphani.
Ces vérifications étant faites, on partagera nécessairement ma
conviction que raphani est synonyme de Hellica et n'a rien à faire
avec Da-blidice, au titre de variété de cette dernière Piéride.
124 LEPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
Qu'on me permette de transcrire ici la fin de l'article très suggestif
de Freyer concernant ra-phani -.
« Das Vaterland solî Sibirien und das suedliche Russland seyn.
Die Exemplare wornach ich Abbildung gebe, erhielt Hr. Bueringer
mit mehreren suedafrikanischen Schmetterlingen, jedoch ohne
besondere Angabe ihrer Heimath, zugesendet. Huebner hat diescn
Falter bloss unter seinen exotischen Lepidopteren mit dem Nanien
Hellica abgebildet. »
Voici la traduction littérale : La Patrie doit être la Sibérie et le
sud de la Russie. I.es exemplaires d'après quoi je donne la figure,
M. Bueringer les a reçus avec plusieurs papillons sudafricains,
pourtant envoyés sans meilleure indication de leur Patrie. Huebner
a figuré ce papillon uniquement parmi ses Lépidoptères exotiques,
avec le nom Hellica.
Freyer n'avait pas lui-même une conviction bien sérieuse quant
à la provenance européenne de raphani et, sans hésitation, il identifie
sa Pieris raphani à Hellica, Huebner, ce qui est d'ailleurs parfai-
tement exact.
La synonymie imprimée dans le Catalog 1901 sous le n° 57 b,
concernant Daplidice Albidice, est donc absolument fausse, et les
Entomologistes soucieux de la vérité scientifique et de l'exactitude
de la Nomenclature doivent rejeter toute intrusion spécifique de
raphani dans ce qui est spécial à Daplidice.
Comme conséquence, l'article où Verity a copié le Catalog doit
être corrigé aussi bien que l'assertion erronée de Seitz.
Je possède Albidice très caractérisée de diverses localités
d'Algérie, de Hussein-Dey (Holl), de Sebdou, surtout de l'extrême
sud, de Beyrouth, de Chypre et même de Vernet-les-Bains. La Q
devient plus rarement que le cf une Albidice très caractérisée.
Cependant, en aoiit 1907, M. H. Powell a pris, avec quelques cf,
la Ç) AAbidice aux environs de Sebdou. En Sicile, Bellier avait
pris la Daplidice nitida, figurée par Verity sous le n° 9 de la
PI. XXX.
LÉPIDOPTEROLOGIE COMPAREE 125
La forme Q fiavescens, Obthr., se trouve en Algérie et parfois
jusqu'aux environs de Paris. Feu Lhotte avait capturé à Lardy
une Ç) -fiavescens très belle qui se trouve maintenant dans ma
collection.
Pieris Glauconome, Klug.
Lors d'un voyage qu'il fit jadis en Algérie, M. Roland Trimen,
l'auteur de travaux entomologiques si appréciés sur la faune sad-
africaine, trouva aux environs de Constantine un Glauconome çS
qu'il voulut bien m'offrir avec toute sa récolte lépidoptérologique.
Glauconome est donc une espèce authentiquement algérienne. J'ai
confié à M. Verity, qui l'a figuré sous le n" 32 de la PI. XXX,
l'échantillon de Glauconome dont je suis redevable à l'obligeance
de M. Roland Trimen.
Pieris napi, Linné.
Verity a figuré un certain nombre d'exemplaires de la Piens
napi, en vue de parfaitement faire connaître cette espèce, et il s'est
assez longuement étendu sur cette Piéride très communément
répandue en Angleterre, en France, en Suisse, en Allemagne, en
Italie, en Syrie; mais elle est beaucoup plus rare en Algérie qu'en
Europe. Je possède un seul exemplaire algérien : c'est une Q prise
au Djurjura, en juillet 1884, par Merkl. M. Holl ne relate pas napi
dans sa collection de Lépidoptères algériens. M. Daniel Lucas a
reçu la Pieris napi du Tarf. Deux exemplaires de cette provenance
sont figurés sous les n''" 7 et 17 de la PI. XXXII des Rhopaloc.
palœarctica.
En Bretagne, napi vole dès le premier printemps et donne en
été une seconde éclosion qui se prolonge jusqu'aux premiers jours
de l'automne. Il en est de même dans presque toute la France. La
génération de printemps est très distincte de celle de l'été et de
l'arrière-saison.
126 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
Le Papillon blanc veiné de vert, ainsi que le désigne le
R. P. Engramelle qui figure dans son ouvrage, sous les n°' 104 a
et 104. b de la PI. L, la race du printemps, est caractérisé comme
suit, dans ses deux époques d'apparition :
1° Napi; éclosion de mars à mai; taille plus petite qu'en été;
le cf a les ailes aiguës, sans aucun point noir, ou avec les traces
plus ou moins accentuées d'un seul point, entre les nervules 2 et 3.
Le dessous des inférieures est toujours fortement veiné de vert
grisâtre jusqu'au bord terminal, avec l'origine de la côte safranée;
le fond des ailes est généralement d'un jaune verdâtre pâle. La Q
est plus obscure en dessus que le cf.
2° Napœœ, Esper; éclosion en août et septembre; taille plus
grande qu'au printemps; ailes arrondies; le point noir des supé-
rieures et la liture costale noirâtre des inférieures sont constants
chez les cf; les veines noires du dessous sont plus pâles et se
perdent avant d'arriver au bord terminal. La Ç) est plus obscure
que le cf et se rapproche de rapœ.
J'ai pris à Cauterets, en juillet 1899, une g dont les 4 ailes, en
dessus et en dessous, sont d'un jaune soufre clair.
La collection Bellier contenait un singulier cf ayant à l'aile
supérieure droite des taches noires en forme de bande, ressemblant
un peu à un hermaphroditisme partiel. Cet exemplaire aberrant est
figuré sous le n" 4 de la PI. 14, dans les Ann. de la Soc. eut. de
France, 1858. Il a été pris aux environs de Paris, par M. Debonnelle,
en 1857.
Dans les montagnes alpines et en Angleterre, la g napi offre
une variété très obscure, avec le fond des ailes jaunâtre, qui a été
appelée bryoniœ. Je l'ai prise dans l'Isère, au dessus de St-Martin-
d'Uriage, aux environs de Zermatt et dans l'Oberland bernois. Je
n'ai jamais vu bryoniœ dans les Pyrénées.
La variété meta, sorte de bryoniœ dont les ailes supérieures sont
seules obscurcies, alors que les inférieures restent blanches, a été
trouvée aux environs de Besançon et est figurée par Verity sous
le n" 48 de la PI. XXXII.
LEPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE 12/
Les Q peuvent aussi avoir le fond des ailes jaune, sans être
obscurci d'atomes noirs, comme chez bryoniœ. Ce sont les variétés
fLava et flavescens, provenant suitout d'Allemagne et d'Autriche.
Verity a appelé Carnca une Q que j'ai reçue de l'île Lewis; et
il a désigné sous le nom de nïgrans un cf de Silésie entièrement
grisâtre. Ces deux papillons sont ligures sous les n°^ 49 et 50 de
la PI. XXXII des Rhop. palœarctica. De même, cet auteur a
figuré sous les n'"* ig et 20 la variété meridionalis d'Italie et de
Syrie, et par ailleurs les formes du Caucase, du Turkestan, de
Norwège, de Kamtchatka, d'Alaska, de l'Amérique boréale, de
Yesso au Japon, de telle sorte que ses photographies en couleurs
représentent d'une façon très complète l'histoire de la Pieris napi.
Dans ces conditions, je ne puis qu'inviter le lecteur à se reporter
à l'ouvrage RhopaLocera palœarctica pour y trouver un ensemble
de documents tel qu'il n'en a encore jamais été publié de semblables
sur nos Piérides paléarctiques.
Pour être réputées vulgaires, les Piérides du chou, du navet et
de la rave n'en sont pas moins très dignes d'intérêt. Nous sommes
redevables à M. Verity d'observations très judicieuses sur toutes
ces Piérides, et c'est justice de reconnaître sa compétence, en ce qui
concerne ces Lépidoptères.
Pieris Manni, Mayer.
En France, la présence de la Pieris Manni a été jusqu'à présent
constatée par moi à Angoulême; Charroux (Vienne); Villeneuve-
de-BIaye (Gironde) ; Vernet-les-Bains (Pyrénées-Orientales) ; Pont-
du-Gard (Gard); Hyères (Var) ; Digne, Entrevaux (Basses-
Alpes), et Nice.
Verity a eu raison d'écrire (p. 159) que « les collectionneurs ont
malheureusement une tendance à dédaigner de récolter le vulgaire
Papillon du chou, ce qui fait que nous n'avons pas de connaissances
suffisantes sur la distribution des formes pourtant si variées et
intéressantes de P. rapce ». Je confesse que jusqu'à présent nous
128 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
ne nous sommes pas assez préoccupés en France de nous vulgaires
Piérides, et c'est à cette négligence dont nous sommes tous plus ou
moins coupables qu'est due notre ignorance si prolongée de l'exis-
tence de la Picîis Manni dans notre faune.
Bien qu'ayant moi-même capturé la Piens Manni à Raguse et
à Florence, je restais assez sceptique sur la valeur de cette Manni,
même considérée comme variété de rapœ, et il a fallu l'intervention
de Verity pour nous faire jouir du rayon de lumière dont il est
juste de lui faire honneur et de lui savoir gré.
Lorsque je reçus à Rennes, vers la un de l'année 1907, l'agréable
visite de mon jeune ami Roger Verity, je profitai des enseignements
qu'il me donna sur la Fieris Manni, dont quelques individus pris
en France se trouvaient confondus dans ma collection avec la
Pieris rapœ. Nous demandâmes aussitôt à M. Gabriel Dupuy s'il
avait trouvé Manni dans la campagne d'iVngoulême, si favorisée
au point de vue de la faune entomologique. La réponse ne se ût
pas attendre, et nous pûmes communiquer à M. Verity un assez
grand nombre de Manni qui figuraient au titre de rapœ dans la
collection de notre ami Dupuy, tout comme il en existait au même
titre dans la nôtre.
De plus, en juillet et août igo8, mon frère, assisté de
MM. Dayrem et H. Powell, se livra, aux environs de Vernet-ies-
Bains, à une recherche spéciale de la Pieris Manni, dont quelques
échantillons précédemment récoltés dans les Pyrénées-Orientales
avaient été reconnus dans ma collection.
Les recherches de mon frère et de ses zélés compagnons de
chasse furent couronnées de succès. La Pieris Manni peut se ren-
contrer partout aux environs de Vernet, à l'état isolé et pour ainsi
dire erratique ; mais il y a une pente de montagne escarpée, au delà
du village de Castell, en remontant le cours du torrent de Cadi,
oii la Pieris Manni a fait élection de domicile et où elle abonde.
Son vol est comparable à celui de VErebia neoridas, qui habite
dans la même localité. Le cf se plaît à parcourir d'un vol inter-
mittent les pentes raides des montagnes arides où pousse la cru-
cifère qui nourrit sa larve; aussitôt qu'un nuage voile les rayons
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE I29
du soleil, les Pieris Manni se cachent et cessent de voltiger. La
chenille de Manni est différente de celle de rafœ. M. H. Powell
l'a élevée cib ovo. La jeune chenille a toujours la tête noire, tandis
que rapœ, de la même période évolutive, a la tête jaune paille, et
elle est horriblement cannibale. Non contentes de se dévorer entre
elles, les chenilles de Manni dévorent même les œufs de leur espèce.
Si on nourrit ensemble des chenilles de différente taille, les grosses
mangent volontiers les petites. Notamment, lorsque les chenilles
changent de peau et sont incapables de se défendre, les autres les
attaquent et les dévorent rapidement. Dans la nature, les choses
se passent sans doute ainsi; les chenilles pouvant se trouver grou-
pées en certain nombre, sur une même touffe d'iâeris sempervirens.
Les papillons éclosaient à Vernet-les-Bains, à la fin de
juillet 1908, pendant tout le mois d'août et encore on en trouvait
de très frais dans les premiers jours de septembre. D'après les
observations de Verity, la forme Manni d'Angoulême se distingue
de la race italienne, qui a le revers des ailes inférieures d'un blanc
jaunâtre, par la couleur d'un beau jaune très vif du revers de ces
mêmes ailes.
La Pieris Manni a deux formes saisonnières : la première vernale
garde le nom Manni; la seconde estivale a été appelée Rossii.
C'est surtout la forme estivale de Vernet-les-Bains que nous
connaissons. J'en ai sous les yeux une centaine d'exemplaires des
deux sexes et je remarque chez plusieurs d'entre eux une particu-
larité que Verity a déjà signalée, chez les Manni Rossii d'Italie;
c'est une tache noirâtre plus ou moins accentuée sur l'aile inférieure
en dessus, située entre la cellule et le bord marginal. Cette tache
pourrait, dans certains échantillons, se trouver reliée à la tache
noire costale de l'aile inférieure par une série continue d'atomes
noirs; car je remarque chez quelques exemplaires de Vernet une
tendance au prolongement de la tache noire costale vers cette tache
sous-médiane, de telle façon qu'il ne reste plus que l'espace intra-
nervural central à traverser pour que la jonction soit établie entre
les deux taches.
M. II. Powell, qui a étudié très attentivement les premiers états
130 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
de la Pieris Manni, a écrit à ce sujet une notice qui doit paraître
bientôt dans une publication entomologique anglaise (*).
Je pense que la race française de Manni, tout au moins celle qui
habite les Pyrénées-Orientales, mérite d'être distinguée par un nom ;
mais j'attends pour cela à mieux connaître la forme printanière
de Vernet, dont je ne possède que trop peu d'exemplaires, et aussi
les autres formes françaises aussi bien vernales qu'estivales, aiin
d'avoir des éléments suffisants de comparaison avec les races
d'Italie et de Grèce. Quoi qu'il en soit, la Pieris Manni est une
espèce séparée et non une variété de rapœ, et elle est bien authen-
tiquement française.
La Pieris Manni se trouve au Japon (île Shikoku) et en Chine
d'oij je ne crois pas qu'on l'ait encore signalée.
Pieris rapae, Linné.
Verity a copieusement illustré l'histoire de la Pieris ra-pœ, en
reproduisant par la photographie en couleurs un très grand
nombre d'échantillons, de provenance variée, de cette espèce. C'est
à l'ouvrage Rhopalocera palœarciica qu'il faut donc recourir pour
l'étude des formes diverses rendues par la photographie avec une
exactitude que rien ne saurait dépasser. Il y a cependant une
réserve à faire à propos de la figure de novangliœ, Scudder.
La Pieris rapœ habite toute l'Europe, l'Algérie, une partie de
l'Asie et elle s'est répandue, il y a une cinquantaine d'années, en
Amérique où a été trouvée cette forme novangliœ, Scudder, dont
j'ai fait figurer un cf dans la XX^ livraison des Etudes d'Ento-
mologie (PI. I, fig. 7). Cet exemplaire, envoyé par Scudder à feu
le D"" Boisduval, est d'un jaune canari vif, en dessus comme en
(*) La publication a eu lieu dans The Entomologisf s Record and Journal
of Variation edited by J. W. Tutt, 15 mars 1909, sous le titre: Notes on the
early stages and habits of Pieris Manni, Mayer (vvith plate) by II. Powell,
F. E. S. {p. 66-72).
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE I3I
dessous. La Q figurée comme jtovangliœ par Verity, sous le n" 42
de la PI. XXXIII, et prise en Italie, n'a aucun rapport de couleur
avec le (S américain, et je me demande comment Verity a pu com-
mettre la faute d'appeler novangliœ cet échantillon italien. 11 est
vrai que l'ayant déjà fait exactement représenter, j'ai jugé inutile
d'exposer un papillon précieux et historique à un voyage plein de
périls, et c'est pourquoi Verity a manqué, dans cette circonstance,
du document authentique dont la publication avait déjà été assurée
par mes soins.
La Pieris napi est très commune dans les Iles Britanniques, en
France et en Algérie. Elle paraît dès le premier printemps et a une
éclosion de fin d'été, de telle sorte qu'on la voit voltiger depuis le
mois de mars jusqu'à la Toussaint. Cependant, dans les régions
montagneuses, la durée de son apparition est plus courte; elle
commence plus tard et finit plus tôt.
Il y a deux formes saisonnières : celle du printemps, avec l'apex
plus gris, les taches noires moins accentuées et la pilosité thoracique
plus développée; celle d'été, avec les taches noires plus nettes, le
thorax et l'abdomen plus ras et plus blancs.
Je possède un hermaphrodite côté gauche g, côté droit cf, pris
par M. l'iVbbé Mège, dans son jardin, à Villeneuve-de-Blaye, le
12 mai 1893.
Les O de l'arrière-saison ont souvent le fond des ailes, en dessus,
coloré de jaune safrané pâle. Les taches des ailes supérieures
peuvent aussi confluer et former une bande continue, comme le
n° 41 de la PI. XXXIII des Rhopalocera palœarctica. Cette Aber-
ration se rencontre plus fréquemment en Chine que chez nous.
Pieris brassicae, Linné.
La Piéride du Chou est commune certaines années, au point que
sa chenille est un fléau pour les jardins potagers; d'autres années,
elle se raréfie. Elle se trouve dans une grande partie de l'Europe,
en Algérie et au Sikkim.
Le Papillon éclôt deux fois par an, au printemps et en été.
132 LEPIDOPTEROLOGIE COMPARÉE
Ma collection contient des exemplaires de : C^ de Kerry, en
Irlande; Rennes; Dunes de Vendée; Angoulême; Vernet-les-Bains;
Digne; Nice, Villefranche et Menton; Chamounix; Sicile; Cadix;
Villaviciosa-de-Odon, en Castille; Philippeville et Sebdou, en
Algérie; Larnaca, dans l'île de Chypre; Namangan; Kurseong,
Senchal et Lachin-Lachoong, au Sikkim; Ta-pin-tze, au Yunnan.
Je possède une Aberration obscurata, Obthr., tout à fait nigri-
cante, prise à Paris et que j'ai fait figurer sous le n° 5 de la PI. I
de la XX^ livraison des Etudes d'Entomologie.
Dans l'île de Chypre, il y a une forme lilliputienne de la Pleris
brassicœ; certaines Q ne sont pas de taille égale aux individus
ordinaires de rapœ. Verity a désigné cette forme sous le nom de
cypia.
Aux îles Canaries, la Pieris brassicœ offre la superbe race
cheiranthi, chez laquelle les taches noires confluent en dessus,
comme en dessous, en une épaisse macule.
La forme de printemps de la Fieris brassicœ, là 011 cette espèce
éclôt deux fois, a reçu le nom de chariclea.
Zegris Eupheme, Esper.
Cette brillante Piéride, pendant les heures chaudes du jour, a le
vol extrêmement vif et rapide et sa poursuite constitue un sport
des plus intéressants.
Lors du premier voyage que je fis en Espagne, au printemps de
l'année 1867, ayant mon excellent ami Gaston Allard pour com-
pagnon, j'éprouvai une joie entomologique dont j'évoque toujours
avec plaisir l'agréable souvenir, lorsque, pour la première fois, je
capturai la Zegris Eupheme.
C'était dans le beau pays de Grenade, le 31 mars 1867. Nous
avions pour guide un vieil Andalous nommé Agustin Arguelies.
Nos amis D. L. Perez-Arcas et Serafin de Uhagon, dont les
recherches et les travaux ont tant profité au progrès de la connais-
sance de la faune entomologique espagnole, nous avaient mis en
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE I33
relation avec ce chasseur de papillons. Jadis, nous dit-il, il avait
connu Rambur et plus récemment Otto Staudinger. Argiielles ne
quittait point son ample et long manteau de couleur brune, qui
pourtant gênait considérablement ses mouvements. Je le vois
encore, lorsque ma pensée se reporte vers ce passé lointain, sec et
droit, avec son teint basané, s' appuyant sur un filet longuement
emmanché et coiffé d'un chapeau à haute forme. Ensemble nous
parcourions ces champs très peu cultivés, çà et là bordés de cactus
épineux, s'étendant en pente plus ou moins rapide, au-dessus de
la Fonda de los siete Suelos, non loin du Palais merveilleux de
l'Alhambra. C'est dans ces parages que nous voyions les Zegris
Eupheme, emportés par leur vol puissant, passer à tire d'aile devant
nous. Argiielles était le témoin des belles courses que nous four-
nissions, Gaston Allard et moi, à la poursuite des Zegris. Mais
lui-même se déplaçait fort peu. Pourtant il prit une Q qui existe
encore dans ma collection, pourvue d'une étiquette oii sont résumés
tous ces souvenirs. Argiielles nous appelait, en criant : « He cogido
la Zcgri ! una hembra ! una hembra ! » Ce fut d'ailleurs sa seule
capture, ce jour-là; mais il en paraissait bien fier.
En avril et mai 1867, nous réussîmes à capturer quelques Zegris,
tant à Grenade qu'à Madrid, où l'espèce n'est pas très rare sur les
côtés de la route qui conduit au Pardo. Plus tard, en mai 1894,
m'étant de nouveau rendu en Andalousie avec deux de mes fils,
je capturai une vingtaine de Zegris, aussi bien à Grenade, aux
mêmes lieux 011 je les avais poursuivies 27 ans auparavant, que dans
la vallée de Ronda, entre les stations de Jimera et Benoajan.
L'espèce varie pour la taille; je possède un çS de Madrid, dont
les ailes inférieures, en dessus, sont lavées de jaune orangé, et une
Q de Rivas, appelée liictifua par Verity, ayant l'apex des i.iles
noir et dépourvu de couleur aurore.
Par un temps très calme, vers le soir d'un beau jour, si l'on peut
trouver une localité o\x croît quelqu'une des espèces de crucifères
qu'affectionne la Zegris Eupheme, par exemple un champ de
céréales dans lequel, au milieu des tiges de blé, se sont développés
des Sinapis, raphanus, lepidium ou sisymbriitm, on peut avoir la
134 LEPIDOPTEROLOCxIE COMPARÉE
chance de voir les Zegris cf arriver en voletant au-dessus de ces
plantes, en attendant de s'y reposer. Déjà des Q peuvent s'y être
fixées et les Zegris cf produisent alors des mouvements de vol
extrêmement gracieux; en outre, ils sont bien plus faciles à prendre
que pendant l'ardeur du soleil.
Une fois, à Carthagène, mon frère se trouva en présence d'une
assez grande quantité de Zegris arrivant ensemble pour se reposer
sur leurs plantes préférées. Il pouvait cueillir des exemplaires à la
main et sans s'aider du filet. Je crois que dans la vallée dite de
Ronda, entre cette ville et Algésiras, il y a de nombreuses localités
où la Zegris Eupheme doit être très abondante. J'ai toujours
regretté que le temps ayant cessé d'être favorable au mois de
mai 1894, lorsque j'étais dans ces parages, et la pluie s'étant mis
à tomber à torrents, cette circonstance m'ait empêché d'y faire une
récolte plus abondante de cette belle Piéride, dont il me semble
qu'il eût été possible de recueillir une intéressante série.
On n'a pas encore rencontré la Zegris Eupheme en Algérie.
L'espèce se trouve dans la Russie méridionale et la Turquie
d'Asie; mais elle manque dans les contrées d'Italie et de Turquie
d'Europe, pourtant situées entre la péninsule ibérique et la région
orientale également habitée par la Zegris Eupheme.
La forme espagnole est différente des formes de Russie et
d'Asie-Mineure; elle est distinguée sous le nom de meridionalis.
C'est Rambur qui découvrit en Andalousie la Zegris Eupheme,
lors du voyage entomologique qu'il effectua dans cette contrée,
durant les années 1834 et 1835. De Graslin, ami de Rambur, alla
le retrouver en 1835; mais il fut privé du plaisir de pouvoir
capturer la Zegris Eupheme.
« J'aperçus, dit-il {^Ann. Soc. ent. France, 1836, p. 550), une ou
deux fois, parmi les Pieris Daplidice, une espèce nouvelle déjà
découverte par M. Rambur et qui, voisine des Anthocharis, doit
cependant former un genre, d'après les observations de cet Ento-
mologiste; elle vole avec une rapidité désolante. Malgré l'ardeur
avec laquelle je me précipitai après elle, à travers les rochers et les
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE 135
buissons, j'eus le chagrin de la voir disparaître, sans pouvoir en
saisir un seul individu ».
Rambur a donné d'excellentes figures de la Zegris Eiipheme. -.
chenille, chrysalide et papillons, sur la PI. XI de la Faune de
V Andalousie, publiée en 1839. La description est 'tout au long
imprimée sur les pages 247 à 250 de cet ouvrage qui entreprend
plusieurs ordres d'Insectes et, après les avoir effleurés, n'en achève
aucun. L'exemplaire de ma bibliothèque porte une dédicace de
Rambur à son ami Graslin. Ces Entomologistes si zélés, et qui
restèrent toujours unis par les liens d'une fidèle amitié, firent en
Andalousie de belles découvertes. Rambur mourut à Genève, le
10 août 1870, et de Graslin écrivit son éloge funèbre qui fut
imprimé dans les Annales de la Société entomologique de France
de l'année 1872 (p. 297-306). A son tour, de Graslin succomba le
31 mai 1882, au château de Malitourne, près Château-du-Loir. Je
pus acquérir son intéressante collection et la joindre à celles des
Lépidoptéristes français, les Boisduval, les Guenée et les Bellier
de la Chavignerie, qui se sont consacrés avec tant d'ardeur à l'étude
de l'Entomologie et dont nous honorerons toujours la mémoire.
Anthocharis Euphenoides, Stgr.
Les Anthocharis justifient parfaitement leur vocable, car ils ont
vraiment une grâce égale à celle des fleurs. Ce sont des papillons
légers et agiles qui chez nous commencent à éclore au printemps et
qui nous charment toujours, lorsque nous les voyons voltiger au
milieu des campagnes fleuries.
\J Euphenoides, ou aurore de Provence, est répandue dans les
départements de la Provence et du Languedoc qui bordent la
Méditerranée, ainsi que dans les Pyrénées-Orientales. Elle habite
aussi les Basses-Alpes; nous l'avons prise à la fontaine de Vaucluse
et en divers lieux de l'Andalousie et de la Castille. De Sélys-
Longchamps l'a trouvée dans la vallée de Luz. Il est bien possible
qu'accidentellement on voie des cf voler très loin de leur lieu
136 LÉPIDOPTÉROLOGIE CO^IPARÉE
d'origine. J'ai souvent remarqué des Euphenoîdes çS montant
d'Olette vers Mont-Louis et suivant les sinuosités de la route pen-
dant assez longtemps. Ils parvenaient ainsi à une altitude très
élevée d'oii un coup de vent pouvait les emporter plus loin encore;
mais la patrie de \ Anthocharis Eîiphenoides ne paraît guère
s'étendre en France au delà des départements des Alpes-Maritimes,
du Var, des Bouches-du-Rhône, de Vaucluse, des Basses-Alpes,
du Gard, de l'Hérault, de l'Aude et des Pyrénées-Orientales. Je
crois que les exemplaires observés en dehors de ces limites n'y
paraissent qu'à l'état erratique et accidentel.
J'ai pris plusieurs intéressantes variétés d'Enphenoides -. un cf,
à Vernet-les-Bains, en juin 1887, dont la tache apicale est d'un
orangé pâle; un autre cf, la même année et au même lieu, généra-
lement pâle et ayant l'apex des supérieures gris; un cf, quadri-
punctata, au Pont-du-Gard, localité entomologique superbe et trop
peu fréquentée, ayant un point discoïdal noir sur les ailes infé-
rieures et le bord des mêmes ailes inférieures, en dessus, bordé de
rouge. La collection Bellier contenait un cf, de Montpellier, très
mélanisant et chez qui la tache orangée est intérieurement limitée
par un trait noir très épais qui absorbe le croissant noir cellulaire.
Dans la même collection se trouvait un cf de Digne dont la partie
principale médiane de la tache aurore est absente en dessus comme
en dessous. L'espace normalement aurore reste hyalin. La collection
Boisduval renfermait un hermaphrodite côté gauche Q et coté
droit cf, et un cf aberrant par suppression, autour de la tache
aurore apicale, de toutes les parties noirâtres. M. Fabresse a pris
dans la vallée de Ronda, en juin igo6, un cf dont le bord marginal
apical est de couleur aurore un peu plus pâle que la tache elle-
même, mais non obscurcie comme chez les individus normaux. La Q
est également très variable; sur les ailes supérieures, en dessus, sa
tache apicale d'un fauve orangé bruni est de teinte plus ou moins
foncée; un la^vis safrané s'étend parfois entre cette tache apicale
et le croissant cellulaire noir; les ailes inférieures, en dessus, sont
blanches, ou jaunes, ou même couvertes d'un lavis orangé pâle.
Dans la région montagneuse des Pyrénées-Orientales, Eiiphe-
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE 137
noides vole du mois d'avril au mois d'août. Le papillon ne cesse
d'éclore pendant 4 à 5 mois consécutifs et on trouve en même
temps que l'insecte parfait, la chenille vivant sur la biscutella
didyma, crucifère à fleurs jaunes. Les chenilles sont cannibales et
se dévorent entre elles. Le papillon posé sur la biscutella didyma
se confond facilement, une fois ses ailes fermées, avec la fleur
jaune de sa plante nourricière.
Dans la collection Boisduval se trouvait un Euphenoides avec
l'étiquette : Crimée; cet individu est petit et constituerait une race
spéciale si tous les Euphenoides de Crimée sont analogues. Bois-
duval l'avait distingué sous le nom de btsaitcllœ.
Les Euphenoides c? ont tantôt la tache orangée intérieurement
soulignée de noir, comme chez certains Cardamines d'Asie-Mineure,
tantôt, au contraire, dépourvue de toute séparation noirâtre d'avec
le fond jaune des ailes. Cette dernière forme est plus rare que
l'autre; j'en possède seulement des exemplaires pris à Vemet-les-
Bains et je l'ai appelée : vernetensis. J'ignore ce qu'est exactement
la var. lecithosa, Turati. Il semble qu'elle réside dans la nuance
de la tache apicale; et malheureusement la figure n'est pas coloriée.
Anthocharîs Eupheno, Linné.
Exclusivement répandue en Barbarie; ne se trouve point en
Europe, où elle est remplacée par Euphenoides. Assez commune
à Lambèze, Alger, Sebdou, Mecheria, Aïn-Khala, en Tunisie et à
Tanger, depuis le mois de mars jusqu'en mai, suivant les localités.
La Q est très variable. Certains exemplaires Q ont le fond des
4 ailes entièrement blanc en dessus; d'autres ont les ailes inférieures
plus ou moins lavées jaune ou de safrané. La tache apicale des
ailes supérieures est aussi très variable; tantôt elle se trouve limitée
à une forme nettement triangulaire, tantôt elle se développe en un
lavis orangé jusqu'au croissant d'un gris noirâtre qui clôt la cellule.
De plus, cette tache apicale est, chez certaines Q, plus ou moins
rembrunie, tandis que chez d'autres exemplaires Q, elle est d'une
138 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
teinte orangée très vive. A Mogador (Maroc), Leech avait trouvé
une race qu'il a appelée Androgyne, de grande taille, chez qui la
tache apicale orangée de la Q est très développée.
Pierret et Boisduval, considérant YAîirore de Provence comme
VEîipheno, de Linné, avaient appelé Douei VEupheno véritable,
qui est spécial à la Barbarie. La description du Systema Natures
ne laisse aucun doute. C'est Staudinger qui a eu le mérite de cor-
riger une erreur qui s'était accréditée très longtemps, sur la foi des
figures et de la description d'Esper, qui cependant relate (p. 321,
en note) le texte même du Systema Naturœ commençant par ce?
mots : Hab. in Barbaria.
Anthocharis cardamines, Linné.
Habite l'Irlande et l'Angleterre; se rencontre depuis la Péninsule
armoricaine jusqu'au Su-tchuen, sur les frontières orientales du
Thibet; a été récoltée en Corse et en Sicile; n'a pas été observée
en Algérie; fréquente les plaines, oh elle éclôt au printemps, et les
montagnes, où elle paraît en été; s'élève dans les Pyrénées-
Orientales jusqu'à la prairie de Mariailles vers 1,800 mètres d'alti-
tude; est généralement abondante et présente quelques variations
géographiques remarquables.
Il faut citer d'abord la forme tiirritis, surtout répandue en Italie
méridionale et en Asie-Mineure, chez laquelle la tache aurore du cf
s'arrête à la cellule discoïdale et ne la dépasse pas.
Mais la plus caractérisée des races géographiques me paraît être
celle que j'ai appelée thibetana; elle est généralement grande; le cf,
en dessus, a les ailes plus ou moins lavées de jaune; la tache aurore
est d'une teinte plus orangée et moins rouge que chez les exemplaires
européens. La Q a la tache apicale grise et très faiblement accentuée.
Je possède un çS pris par feu l'abbé Armand David, à 3,000 mètres
d'altitude, en juin, dans le Thibet oriental. Cardamines thibetana
est abondant à Tà-tsien-Lou, localité dont la faune est tout à fait
paléarctique.
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE 139
Une autre race est celle d'Asie-Mineure, appelée Phœnissa, Kbg.
{lahresbericht d. Wien. ent. Ver., i8g6; PI. I, fig. 3, 4). Elle est
presque toujours iuniiis, c'est-à-dire que la tache aurore du cf s'ar-
rête au point noir discoïdal. Ce point noir est gros; chez quelques
exemplaires, la tache aurore est soulignée de noir comme chez
Euphenoides, et elle se trouve alors entièrement entourée de noi-
râtre; c'est cette forme qui est figurée (loc. cit.) par A. V. Kalchberg.
La g Phœnissa a l'apex gris traversé par des rayons blancs, au
contact du bord terminal, à peu près comme chez thibetana, de
sorte que l'apex est beaucoup moins obscur chez Phœnissa que dans
nos cardamines d'Europe.
Au Fort-Naryne, dans le Turkestan oriental, M. S. Akulin a
recueilli une race grande, à tache aurore très vive et s'étendant, au
contraire de tnrrilis, bien au delà du point noir cellulaire des ailes
supérieures. Je crois que c'est la forme orientalis dont parle Verity
{Rhop. falœarct., p. 190).
Dans la région du Baïkal, aux environs d'Irkoust, M. Chaffanjon
a trouvé et envoyé au Muséum National de Paris, qui a eu l'obli-
geance de m'en faire part, une race de cardamines, sans doute très
analogue à Sajana, Bang-Haas, in litt., citée par Verity dans la
revision des formes géographiques de cardamines. Sajana des
environs d'Irkoust a le point cellulaire très petit et la tache aurore
très prolongée et se fondant pour ainsi dire en une nuance d'un
blanc un peu jaunâtre à la base des ailes supérieures.
Ces variations sont d'ailleurs, avec les autres que cite Verity,
mentionnées dans l'ouvrage de Seitz : Les Macrolépidoptères du
Globe, à la page 54 de l'édition en langue française.
En Bretagne, nous trouvons quelquefois la forme C? britamnca,
Verity, chez laquelle le limbe apical noirâtre descend jusqu'à l'angle
interne. Dans ces exemplaires, le point noir est gros et la tache
aurore s'arrête au point noir, comme dans la variété turritis.
Les Aberrations sont assez nombreuses.
Verity signale : imniaculata, chez laquelle le trait discoïdal des
supérieures est presque nul. Je possède plusieurs cT des Basses-
Alpes appartenant "à cette aberration.
140 LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE
Je n'ai jamais vu quadripimctaia avec un trait noir discoïdal sur
les 4 ailes; je ne connais cette Aberration que chez un Euphenoides
pris par moi au Pont-du-Gard.
Les exemplaires citronea, dont la base des ailes supérieures est
lavée de jaune, en dessous, sont très fréquents.
Quant à l'Aberration lutea, oii la tache orangée est remplacée
par du jaune pur, je possède 3 cf qui s'en rapprochent, mais ne
sont cependant pas lutea\ l'un, provenant de la Prusse orientale
(ex-collection Wiskott), a la tache apicale d'un jaune citron clair
et tendant au verdâtre. Ce qui est curieux, c'est qu'un Zegris
Pyrotho'é cf, de la même collection et qui est maintenant joint à
la mienne, présente exactement la même Aberration ; la tache apicale
normalement rouge étant remplacée par une tache d'un jaune citron
verdâtre semblable, j'appelle ces deux Aberrations : flavido
virescens.
Un autre cf, d'Angleterre, a la tache apicale rose saumon, et
enfin le 3® çS, pris à Chantilly, par mon frère, le 24 mai 1903,
exemplaire très grand et superbe, a la tache apicale d'un jaune
safrané très pâle. L'Aberration anglaise pourrait être assez juste-
ment appelée : salmonea et celle de Chantilly : sassafrana.
L'Aberration g ochrea est fréquente; elle désigne les Q dont
le disque des ailes inférieures, en dessus, est lavé de jaune plus
ou moins fauve ou orangé.
Enfin l'hermaphrodite coinniaculata se rencontre parfois dans
cardamincs aussi bien que chez Rhodocera Cleopatra; ce sont des
Q dont les ailes supérieures sont plus ou moins maculées à l'apex
de la teinte rouge aurore qui caractérise les cf. Chez Cardaniines,
l'hermaphrodite complet a été plusieurs fois observé. J'en possède
un exemplaire côté gauche cf, côté droit Q, pris à Chartres. Du
côté Q , en dessous, on voit quelques taches rougeâtres entre le point
discoïdal noirâtre et l'apex.
Mon frère eut un jour le regret de voir passer devant lui, sans
pouvoir le saisir, un cardamincs hermaphrodite. C'était dans la
forêt de Randai, au-dessus de Vernet-les-Bains, à une altitude de
1,600 à 1,700 mètres. Le site était impossible à parcourir, le sol
LEPIDOPTEROLOGIE COMPARÉE I4I
étant en pente rapide et couvert d'un épais tapis de rhododendron
ferrugineiun. Le cardajuines hermaphrodite volait rapidement et
disparut, mais non sans avoir été l'objet d'une observation qui ne
laisse place à aucun doute.
A Rennes même, M. Danzanvilliers, horticulteur, nous infoima,
il y a quelques années, qu'il avait été surpris de voir dans son
jardin un papillon dont les ailes n'étaient pas symétriques. Ce
Lépidoptère avait une tache aurore sur une aile, tandis que l'aile
opposée en était dépourvue. Cette singularité l'ayant frappé, il
voulut bien nous en faire part. Evidemment ce papillon singulier
était un cardamines hermaphrodite.
Je possède une Q provenant de l'ancienne collection Reynauld,
de Lyon. Aux 2 ailes supérieures, le point discoïdal noir est trans-
formé en une tache longue et épaisse, en dessus comme en dessous,
et tendant vers la tache apicale noirâtre qu'elle n'est pas bien lom
d'atteindre (Ab. nigrocellularis).
Le Papillon Aurore, comme l'appelle le R. P. Engramelle, est
un des plus gracieux Lépidoptères de la faune européenne. Sa vue
réjouit toujours les yeux, lorsqu' après les rigueurs de l'hiver, il
paraît, tel un ûdèle messager du printemps, au milieu des prés en
fleurs ou dans les allées des bois, sous les frondaisons nouvelles.
En Bretagne, il y a encore des chemins creux, tracés entre les
champs, assez larges pour y laisser passer les voitures chargées des
produits de la campagne, mais semblant être quelquefois un véri-
table couloir de verdure, aussi bien grâce aux plaques de gazons
ras qui recouvrent le sol qu'à cause de la végétation très variée dont
sont ornés les talus qui bordent ces sentiers. Je connais tout près
de Rennes et à l'Est de la ville, un de ces chemins creux. Il se
profile sur le flanc d'un coteau, au-dessus de la route de Paris,
parallèlement à cette grande voie, presque jusqu'au bourg de Cesson.
Au printemps, le flanc du talus qui, par la pente naturelle du
sol, est le plus haut et se trouve exposé au midi, est rempli de
primevères et de violettes en fleurs, de genêts, de rosiers sauvages,
de ronces, de digitales, d'épines blanches et de prunelliers. Sur les
bords des champs, des deux côtés du chemin creux, les chênes
142 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
s'élèvent, mélangés aux merisiers, et ombragent le sentier, tout en
laissant filtrer les rayons du soleil. C'est là que j'aime à revoir,
chaque année, voltiger VAnthocharis cardmnines. Lorsque le soleil
ne fait pas défaut, quelques Aurores ne cessent d'aller et de venir
le long de ce chemin rustique, animant le paysage printanier de
leur vol rapide et pressé. En même temps, la Lycœna Argiolus,
d'un bleu si clair, vole à une certaine hauteur, semblant se mêler
parfois aux légers pétales détachés des fleurs de cerisier sauvage
que le zéphyr balance et retient dans l'air, avant qu'ils ne retombent
à terre. La Thecla rubi, paraissant verte comme les feuilles d'au-
bépine, est souvent posée sur les buissons, autour desquels voltige
le Satyrus JEgerïa, tandis que des Rhodocera rhamni, aux ailes
jaunes comme les primevères, se reposent sur les fleurs basses, dans
les parties les mieux exposées du talus qui offre un abri pareil à
celui d'une muraille.
Quelles que soient les passions qui, sur cette terre, agitent et
divisent les hommes, quels que soient les événements dont notre
Monde est le théâtre, là où la Nature est restée respectée par la
hache ou par le feu, les papillons que Dieu a créés, comme l'un
des témoignages de sa puissance infinie, naissent aux mêmes lieux
et aux mêmes saisons que ceux de leur espèce l'ont toujours fait.
Quel charme puissant et délicieux ces êtres exquis, si fragiles et
si gracieux dans leur variété, n'apportent-ils pas aux modernes
Curieux de la Nature, à ceux qui savent trouver tant d'apaisement
et de consolation dans la contemplation et l'observation des œuvres
du Très-ïlaut !
Pour ma part, l'Entomologie m'a procuré trop de jouissances ne
laissant après elles aucun regret, pour que je ne remercie pas du
meilleur de mon cœur Dieu, source de tout bien, à qui je suis tout
d'abord redevable d'un goût si précieux, et feu mon cher grand-père
François-Jacques Oberthùr, mon initiateur et mon premier maître.
Lorsque jadis, de Strasbourg, sa ville natale et la patrie de mon
père, il venait à Rennes nous rendre une aimable visite qui me
comblait toujours de joie, nous allions ensemble vers ces sentiers
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE I43
où j'ai fait tout enfant mes premières chasses. On conçoit le charme
qu'ils ont conservé pour moi.
Anthocharis Charlonia, Donzel
Jolie et brillante Piéride, habitant la région désertique algérienne
et quelques parties de l'Asie. Elle vole rapidement en mars, avril
et mai, à l'ardeur du soleil. On la trouve dans une foule de localités.
Ma collection contient des exemplaires d'El-Kantara, 011 je la vis
pour la première fois en 1868; de Biskra, de Bou-Saada, de Mé-
cheria, de Lambèze, d'Aïn-Sefra, de Sebdou et même des environs
d'Alcrer.
Anthocharis Tagis, Huebner.
Habite l'Espagne, le Portugal, l'Algérie, la Provence, la Corse
et la Sardaigne, et offre des races géographiques très constantes et
très distinctes. Le D"" Boisduval a apporté une certaine confusion
dans la nomenclature, parce qu'il a redressé à tort une erreur qu'il
n'avait point commise.
Huebner a très bien figuré sous les n"' 565 et 566, d'après un
exemplaire de la collection Franck, de Strasbourg, une Anthocharis
Tagis semblant appartenir à la race de Chiclana, en Andalousie.
Le dessous des ailes inférieures, dans cette race andalouse, est d'un
gris verdâtre très particulier, ainsi que la figure donnée par Huebner
le représente très exactement.
Boisduval décrivit en 1829, dans son premier Index methodicus
(p. 9), sous le nom de Bellezina, une Anthocharis découverte par
le comte de Saporta, en Provence.
Puis dans son Icônes, en 1832, en donnant, sous les n°' i, 2 et 3
de la PI. 5, avec le nom Tagis, la figure de Bellezina, Boisduval
prétendit, à tort, avoir commis une faute en publiant auparavant,
sous le nom de Bellezina, une Piéride qu'il attribue à Tagis, .rejetant
144 LEPIDOPTEROLOGIE COMPARÉE
la cause de l'erreur sur Huebner, qu'il accuse faussement d'avoir
donné de Tagïs une si mauvaise et méconnaissable ûgure, sans
doute parce qu'il n'avait eu qu'un individu gâté à sa disposition.
Quant à Duponchel, qui publiait son Su-ppUment en 1832, très
peu après que Boisduval eut publié son Icônes, il avait parfaitement
mis les choses au point. Les n°^ i et 2 de la PI. 4 du Supplément
à l'ouvrage de Godart représentent très bien la Tagis de Portugal
et les n"' 5 et 6 de la PI. 3 rendent très exactement aussi Bellezina
de Provence. Le texte est d'acord avec les figures et on peut lire,
à la page 321 du même volume, un article sur les Bellezina et Tagis
qui redresse très justement l'erreur commise par Boisduval, lorsqu'il
entreprit de se corriger lui-même
Cependant Boisduval ne voulut pas se rendre à l'évidence et
dans le Species général, écrit en 1836, il publia de nouveau sous
le nom de Tagis la Bellezina, dont il donna une nouvelle figure
(PI. 6, 2 B, fig. 3).
Quant à Freyer, la figure de Tagis donnée par cet auteur sur la
PI. 464 de son ouvrage .- Neuere Beïtrœge zur Schmetterlings Kunde,
en 1845, est grossièrement dessinée et surtout coloriée. Il est difficile,
dès lors, de préjuger d'après cette figure la provenance du papillon.
Freyer donne sa Tagis comme lui ayant été communiquée par
M. de Weissenborn, avec la remarque que ce papillon était la vraie
Tagis, qui fut seulement trouvée par le comte de Hofmannsegg,
en Portugal, et qui n'a pas été retrouvée de nouveau. La Tagis
figurée par Freyer viendrait donc plutôt du Portugal que de Gre-
nade, comme elle en avait l'air. Cependant les Entomologistes du
temps de Freyer tenaient très peu soin de noter l'indication exacte
des provenances de leurs papillons, et il y a dans cette négligence,
si générale à cette époque, pour une documentation si importante,
une source d'incertitudes et d'erreurs qui pèsera toujours lourdement
sur les travaux des.Lépidoptéristes de l'époque actuelle. Je considère
donc que la Tagis figurée par Freyer, pour toutes ces raisons, ne
peut être considérée comme représentant une forme géographique
certaine, et je n'en fais nul état.
LÉPIDOPTEROLOGIE COMPAREE I45
En résumé, je connais les formes suivantes de Tagis -.
1° Celle du Portugal, que j'appelle lusiianica. La collection
Boisduval contenait un cf rapporté sans doute par Hofmannsegg,
cadrant avec la description et la figure données par Duponchel;
2° La race de Chiclana, figurée par Huebner, et qui est la forme
type de Tagis;
3" La forme de Grenade, appelée jadis Alhambrœ par Staudinger,
différant de celle de Chiclana par le dessous de ses ailes inférieures
qui est d'un vert gai et clair, et non d'un gris verdâtre terne;
4° La forme d'Aranjuez, dont je dois quelques exemplaires à
l'obligeance de feu M. le colonel d'artillerie Duro, et qui est très
voisine de Bellezina, à laquelle elle peut être jointe;
5° La variété provençale Bellezina, qui se trouve aux environs
de Marseille, Aix et Digne;
6° La variété Gallica, des Hautes- Alpes;
7° La variété Insulans, de Corse, bien figurée par Rambur, dans
les Annales delà Société entomolog. de France, 1832; PL 7, fig. 1,2;
8° La variété Sardoa, de Sardaigne;
9° La variété Algirica, de Mécheria, où l'a prise M. le lieutenant
Lahaye, chassant dans cette localité, du 19 au 30 mars 1886.
La race d'Algérie présente une forme d'ailes très différente, à
peu près comme la race de Sardaigne, c'est-à-dire que les ailes
supérieures ne sont pas élancées et que l'apex n'est pas aigu et
proéminent; dans Algirica, le fond des ailes inférieures, en dessous,
est vert olive, avec des taches blanches très nettes.
Je pense que la forme de Sardaigne, dont feu Damry m'avait
envoyé 24 beaux exemplaires, alors qu'il résidait à Sassari, est
différente de la forme de Corse; elle a les ailes beaucoup moins
élancées et la tache noirâtre cellulaire plus grosse en dessus. Je
lui ai donné le nom de sardoa, attendu que le nom insularis, qui
désigne la race de Corse, ne saurait lui être également attribué. Je
crois que Vinsularis est rare. Quant à Vinsidaris œstivalis que j'ai
communiqué à Verity, j'ignore si c'est une seconde génération
^insîdaris; mais j'ai tout lieu de le supposer.
10
146 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
Bellezina, entre autres caractères distinctifs de Belia, n'a jamais
les taches blanches du dessous des ailes inférieures argentées ou
brillantes, comme si elles avaient un reflet de porcelaine. Chez
Bellezina, les taches blanches en question sont toujours tout à fait
mates.
Je n'ai jusqu'ici aucune preuve de l'existence de Bellezina dans
les Pyrénées-Orientales. Maurice Sand, dans le Catalogue des
Lépidoptères du Ben y et de V Auvergne, publié en 1880, prétend
que 3 exemplaires de Bellezina ont été pris à Gargilesse (Indre),
le 5 mai, dans un ravin schisteux, au sud. Je livre ce renseignement
dont j'indique la source, mais en observant qu'il n'a été, à ma con-
naissance du moins, l'objet d'aucun contrôle. En principe, je ne
soupçonne nullement la bonne foi des auteurs de catalogues
régionaux; mais l'expérience m'a démontré qu'il s'était glissé dans
certains travaux de telles erreurs de détermination et d'appréciation
que je ne saurais assez mettre en garde contre des assertions quel-
quefois hasardées.
Anthocharis Belia, Cramer.
Cramer figure la Belia de Smyrne. L'espèce, avec ses variétés
principales : Ausonia, Simplonia, Ausonides, est répandue en
Europe, en Algérie, en Asie et dans l'Amérique du Nord. Elle
habite les plaines et les montagnes. Vers le nord, en France, elle
ne dépasse guère les limites du bassin de la Loire; c'est, en effet,
plutôt une espèce du midi que du nord; elle manque absolument
en Angleterre.
En France, nous avons obtenu Belia des localités suivantes :
Charente et Charente-Inférieure, Gironde, Landes, Gers, Hautes-
Pyrénées, Pyrénées-Orientales, Gard, Bouches-du-Rhône, Var,
Alpes-Maritimes, Basses-Alpes, Isère, Cantal, Allier. Je crois que
Belia Ausonia existe en Bretagne, dans l'arrondissement de Redon
et dans le Morbihan, sur la côte; mais je n'en ai pas la complète
certitude.
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE I4;
En Espagne, nous l'avons prise à Carthagène, Malaga, Grenade,
dans la vallée de Ronda, aux environs de Madrid, à Navacerrada.
Elle a été capturée à Faro et à Lagos, en Portugal, au mois de
mai 1907, par M. Fabresse.
En Italie, je l'ai rencontrée à Castellamare-di-Stabia; Bellier
l'avait prise en Sicile; je la possède de Dalmatie et de Suisse,
notamment de Ryffelalp, où je l'ai capturée à diverses reprises; de
Grèce et de l'île de Chypre.
Elle se trouve dans presque toute l'Algérie; ma collection contient
des exemplaires de Mécheria, Géryville, Sebdou, Lambèze, El-
Kantara, Bou-Saada, Biskra.
Je l'ai reçue d'Akbès, de Tokat en Asie-Mineure, du Caucase,
d'Askhabad, du Fort-Naryne dans le Turkestan oriental, de Cali-
fornie, de l'Arizona, de l'Utah, du Colorado.
On conçoit aisément qu'une espèce répandue dans un si grand
nombre de régions aussi diverses doive produire de nombreuses
variétés géographiques. De plus, comme elle présente dans les
plaines et les basses montagnes une forme vernale communément
appelée : Belia, et une forme estivale : Ausonia; qu'en outre il y a
des exemplaires de transition entre les deux formes; qu'enfin, dans
les montagnes élevées, elle donne la forme alpine : simplonia, il en
résulte que dans chaque région habitée par V Anlhocharis Belia
Aîisonia, on doit, pour l'examen comparatif de la race, tenir compte
des formes saisonnières très différentes qui affectent l'espèce en
certaines localités. Il convient d'ajouter que la forme estivale
Ausonia est particulièrement variable dans le même lieu et qu'il
est souvent difficile, à cause de cette variabilité, de fixer exactement
les caractères de localité de cette race estivale.
Entreprenant donc principalement l'étude des Belia Ausonia
françaises et jugeant d'après les documents de ma collection, qui
se composent en tout d'environ 600 exemplaires, je me crois fondé
à dire que, d'une manière générale, les Belia et les Ausonia de
France, d'Espagne et d'Algérie, ou du moins les papillons
communément appelés Belia, appartiennent à une même forme.
148 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
Il y a des exemplaires aberrants dans toutes les localités; mais ce
sont des cas purement individuels. En France, les Q Belia ont
tantôt les ailes inférieures blanches en dessus, tantôt lavées de
fauve clair. Les cf Atisonia peuvent avoir l'apex des ailes supé-
rieures presque tout blanc; ainsi : à Commentry (Allier) et à
Villeneuve-de-Blaye (Gironde), où M. l'abbé Mège et nous-même
nous prîmes ensemble, le 2 août 1882, des exemplaires dont l'apex
est très pâle; mais il est juste de dire qu'ils volaient avec d'autres
qui avaient l'apex très obscur. Le dessous des deux ailes inférieures
ne paraît pas rigoureusement symétrique chez le même individu et
on constate en outre de notables différences, si on compare les
individus entre eux
Les Belia Aiisonia espagnoles appartiennent bien à la même
forme que les françaises; mais les Q ont quelquefois, dans le sud
de l'Espagne surtout, la tache cellulaire des ailes supérieures, en
dessus, extrêmement grosse et rectangulaire, aussi bien chez cer-
taines Belia de Malaga que chez des Ausonia de Grenade.
Verity désigne cette variété sous le nom de qiiadra {Rhop.
palœarct., p. 175). Boisduval l'avait parfaitement remarquée, et
dans le Species général, aux pages 559 pour Belia et 561 pour
Ausonia, il en fait état d'après des exemplaires rapportés par
M. Rambur. Dans le Gênera et Index methodicits de 1840, Bois-
duval qualifie ces deux variétés du mot : obscurior. M. Martinez
de la Escalera a recueilli à Villaviciosa-de-Odon, en Castille, des
Q Belia ayant la tache noire cellulaire au moins aussi grosse que
les Ç) de l'Andalousie.
Quant à la Belia Ausonia d'Algérie, elle ne me paraît pas différer
de la forme française et espagnole. Je possède des Q Belia, de
Sebdou, dont la tache noire, grosse et quadrangulaire, équivaut à
la tache de l'Aberr. espagnole quadra.
En ce qui concerne la forme des montagnes connue sous le nom
de Simplonia, il y a en France une superbe race paraissant spéciale
aux Hautes-Pyrénées (environs de Gèdre et de Cauterets) et que
Verity a appelée Oberthiiri. De cette race, mon ami Rondou a
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE 14g
capturé un cf extrêmement mélanien auquel a été donné son nom,
comme aux Aberr. mélanisantes de CalUdicc et Daplidice. Je l'ai
prêté à Verity pour reproduction.
Dans les Hautes-Pyrénées, d'après ce que nous mande mon ami
Rondou, on trouve Siniflonia dans la vallée de Luz, depuis une
altitude d'environ 600 mètres et jusqu'à 2.000 mètres. Simplonia
est localisée; elle habite seulement les régions où pousse Sisym-
brhim erucastritm, la seule plante où le papillon aime à butiner.
Parfois, on voit voler Simplonia, dans la vallée de Luz, dès le
mois de mai, et l'apparition dure jusqu'en juillet.
Dans les Pyrénées-Orientales, la race Simplonia n'est pas sem-
blable à celle des Hautes-Pyrénées; elle est plutôt analogue à celle
de Suisse. Dans les Basses-Alpes, à Larche, Bellier avait élevé de
chenille une superbe forme de Simplonia. Le dessus des ailes
inférieures de la Q est lavé de fauve safrané et la tache cellulaire
noirâtre est très grosse.
\J Anthocharis Simplonia affectionne dans les montagnes certains
passages; mais elle semble bien plus abondante certaines années,
tandis que dans d'autres, on la voit à peine. On trouve dans les
Alpes, en même temps, de fin juin au mois d'août, la chenille et
le papillon. Celui-ci vole rapidement et il est doué d'une extrême
vivacité. De plus, dans les lieux qu'il affectionne, la course n'est
pas toujours facile. Quand on monte de Zermatt à l'Hôtel Ryffe-
lalp, on trouve, dans la forêt de pins et de mélèzes qu'il faut
traverser par un sentier dont la pente est si raide, un peu avant
d'atteindre l'hôtel, une prairie parsemée de rochers, entourée par
les arbres de trois côtés et limitée au sud par le précipice. C'est
aux abords de cette prairie, où les Lépidoptères en général
abondent, que se fait un passage assez constant de VAnthocharis
Simplonia.
Je l'ai prise aussi aux environs de Chamounix, sur le chemin
du Montanvers. La Simplonia varie beaucoup pour les dessins ver-
dâtres du dessous des ailes inférieures et, pas plus que les Belia
I50 LEPIDOPTEROLOGIE COMPARÉE
et Aîisonia des plaines, elle n'offre une symétrie exacte de ces
dessins verdâtres chez le même individu.
Les races italienne et sicilienne sont intéressantes et différentes
des nôtres. M. le comte Turati a appelé Matiiûa la Belia printanière
de la Ligurie occidentale; c'est une forme de San-Remo; elle ne
me paraît pas très caractérisée. Les formes de l'Italie centrale et
méridionale et de la Sicile sont plus distinctes des autres. M. Turati
a donné le nom de Kniegeri à la forme vernale sicilienne; elle vole
de mars à mai; Trinacrice est la génération suivante. Bellier en
avait récolté une certaine quantité d'exemplaires, lorsqu'en 1859, il
explora la Sicile. Mais bien qu'il fût un Entomologiste très sagace
et très avisé, il ne crut même pas devoir signaler les Ausonia sici-
liennes dans la Notice qu'il publia sur ses chasses en Sicile, dans
les Annales de la Soc. eut. de France, 1860; il se borna à l'inscrire
dans la liste de ses captures.
Enfin, dans l'Italie continentale, se trouve la forme rornana, que
j'ai capturée près de Castellamare-di-Stabia, au lieu même où je
chassais la Melanargia Ani-phitrite. C'était sur le bord de la route
en corniche qui longe la mer et conduit à Sorrente. Au fond d'une
des nombreuses sinuosités du chemin, à 2 ou 3 kilomètres de Castel-
lamare, se trouve une très grande pierre plate, couchée au pied de
la montagne, dans une propriété partiellement enclose. Un Christ
en croix, presque de taille naturelle, a été peint sur cette pierre
par un artiste dont le naïf talent ne manque pas d'intérêt. C'est aux
proches environs de cette place très escarpée, mais très fleurie et
offrant, au fur et à mesure qu'on l'explore, les sites les plus pitto-
resques et les plus variés, que j'ai vu voler \ Anthochans roinana,
en même temps que le blanc Satyre Ani-phiirite, vers la mi-mai 1907.
Il semble que les formes sicilienne et italienne se rapprochent plus
de la montagnarde Simplonia que des Belia de nos plaines.
La forme de Dalmatie et celle de Grèce me semblent très
analogues à la forme romana; sans vouloir entrer dans la discussion
détaillée des formes orientales et américaines, ce qui, d'ailleurs, ne
peut se faire utilement qu'avec le concours de nombreuses figures,
et me bornant à l'étude comparative des races de l'Europe occi-
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE 15I
dentale et de l'Algérie, je déclare partager la manière de voir de
Verity qui classe les Belia en deux groupes principaux : 1° le
groupe qu'il appelle Alhambra, dans lequel se rangent les Belia
françaises, espagnoles et algériennes, et 2° le groupe dit romana,
comprenant les formes d'Italie centrale et méridionale, de Sicile,
de Grèce, du Turkestan et d'Asie-Mineure.
Les Belia (race vernale) de France, Espagne et Algérie consti-
tuent une forme bien spéciale, caractérisée autant par la forme de
leurs ailes étroites et élancées que par le dessous des ailes infé-
rieures d'un vert assez foncé, avec très peu de parties jaunes et les
taches blanches du dessous des ailes inférieures nacrées, ayant un
aspect de porcelaine.
Les Romana (race vernale également) d'Italie et d'Orient ont
les ailes plus élargies et plus arrondies; le dessous des ailes infé-
rieures d'un vert moins foncé et avec des linéaments jaunes; les
taches blanches des mêmes ailes plus larges, plus mates et ayant
moins de brillant porcelané.
Les Aîisonia de France, Espagne et Algérie (race estivale)
diffèrent moins que les Belia du même pays des Trinacrics ou
Romana d'été. Le fond des ailes inférieures, en dessous, chez les
unes et les autres, est plus jaune, avec les réserves blanches très peu
nacrées. D'ailleurs la taille des Aîisonia et des Trinacriœ est plus
grande que celle des Belia et des Romana, et les parties noires
apicales du dessus des ailes supérieures sont moins foncées et moins
accentuées chez les Ausonia et les Trinacrice que chez les Belia et
les Romana.
Mais le nom de Belia, Cramer, appliqué jusqu'ici, sans conteste
et par tout le monde, aux races printanières française, espagnole
et algérienne, devient impropre. Il doit être réservé à la race prin-
tanière orientale et italienne Romana, et alors c'est le nom AUiambra,
Ribbe, qui devrait remplacer Belia pour désigner la race printanière
française, espagnole et algérienne.
Voici donc comment il y aurait lieu, me semble-t-il, d'établir
sommairement la nomenclature actuelle de Belia et de ses diverses
152 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
races de localité, de saison et d'altitude pour l'Europe occidentale
et méridionale, ainsi que pour le bassin méditerranéen.
1° Forma orientalis :
Belia, Cramer {Pap. exot., PI. CCCXCVII, fig. A, B) {vernalis). —
Smyrne.
Romana, Calberla {Iris, I, p. 123; Die Macrolepïd. der
rœmischen Camfagna) ; Turati {Natm. Sictl. Anno XVIII,
Tav. HT, fig. 7, 8, 9, 10). — Italie centrale, Dalmatie,
Grèce, Asie- Mineure.
Kruegeri (vernalis), Turati {Natur. Sicil. Anno XVIII;
Tav. III, fig. I, 2, 3, 4, 5, 6). — Sicile.
Trinacriœ {œstivalis), Turati {Natiir. Sicil. Anno XVIII;
Tav. IV, fig. 3, 4, 5, 6). — Sicile.
2° Forma alpina :
Simplonia, Duponchel {SuppL, PL 5, fig. 3, 4). Boisduval {Icônes,
PI. 5, fig. 4. 5. 6).
Ausonia, Huebner (582, 583).
(Alpes, Pyrénées).
3° Forma occidentalis :
1 . Alhambra {vernalis), Ribbe.
Belia, Huebner (417, 418, nec 416). Godard (PI. VI, fig. i, 2).
Lang (PI. VIII, fig. 5, 5).
2. Ausonia {œstivalis), Godart (PI. VI, fig. 3, 4). Lang (PI. VIII,
fig. 6, 6).
Belia, Huebner, (416, nec 582-583).
(Andalousie, Algérie, France centrale et méridionale).
Anthocharis Pechi, Stgr.
J'ai fait figurer sous le nom de Pechi, dans les Etudes d'Ento-
mologie (XIP Liv., PI. 5, fig. Il), une Anthocharis dont Merkl
avait pris un seul exemplaire à Lambèze. J'ai prêté ce papillon.
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE 153
unique dans ma collection, à Verity, qui le détient encore au moment
où j'écris ces lignes. Seul, jusqu'ici, j'ai publié la figure de Pechi.
Staudinger s'est borné à écrire une description. Son Anthochans
Pechi est-elle semblable à la mienne? Je l'ignore. Toujours est-il
que, d'après la figure que j'ai donnée, Staudinger a assimilé ma
Pechi à la sienne. Selon Verity, la Pechi, Stgr. serait différente.
J'attends à voir la figure de Pechi, Stgr., pour émettre une opinion.
En tout cas, je ne crois pas qu'il soit raisonnable de regarder ma
Pechi comme une variété de Belia, et je pense que Verity s'est
trompé dans les considérations qu'il écrit à cet égard à la page 1 76
du R ho pal. pnlœarclica. Je devrai sans doute plus tard revenir
sur cette question et la traiter au moyen de documents plus amples
et qui me font actuellement défaut.
Anthocharis Belemia, Esper.
Habite les provinces méridionales de l'Espagne et du Portugal,
ainsi que l'Algérie; offre deux formes saisonnières dont les indi-
vidus extrêmes sont nettement tranchés, mais qui sont reliées entre
elles par des exemplaires de transition telle qu'il me paraît bien
difficile d'attribuer certains de ces échantillons intermédiaires à
l'une plutôt qu'à l'autre des deux formes.
La forme Belemia éclôt la première. Certaines années, on peut
la voir voler dès la fin de décembre; elle continue jusqu'en avril,
suivant les localités. Glauce paraît ordinairement plus tard que
Belemia; mais dans les mois de mars et d'avril, on peut trouver
les deux formes ensemble, en Andalousie aussi bien qu'en Algérie.
Glauce vole jusque vers la fin mai; mais alors seule. Les Belemia
qu'on pourrait encore rencontrer à cette époque seraient tout à fait
fanées.
Je relève dans ma collection, pour Belemia Glauce et pour la
forme intermedia, les localités suivantes : 1° Espagne : Malaga
(mars 1867), Grenade, Carthagène, Vallée de Ronda; 2° Portugal :
Faro et Lagos (mai 1907); 3" Algérie : Lambèze, Khenchela,
154 LEPIDOPTEROLOGIE COMPARÉE
Biskra, Bou-Saacla, Hussein-Dey, Alger, Sebdou, Mécheria,
Géryville.
Maurice Sand prétend que Belemia aurait été trouvée à Murât
(Cantal), par MM. Barretier et Séguy. Cette Anthocharis a même
été prise à Morlaix (Finistère), par M. de Guernisac, qui vit un
exemplaire fraîchement éclos dans sa chambre et s'en empara
aisément. Bel lier possédait dans sa collection cette Anthocharis
Belejnia qui vit le jour à Morlaix, et j'ai sous les yeux l'exemplaire
en question; il est d'une parfaite fraîcheur. Mais j'ai tout lieu de
penser que M. de Guernisac, qui avait fait un voyage en Tunisie
où vit Belemia, en aura rapporté quelque chrysalide. C'est ainsi
que j'explique la présence d'une unique Belemia à Morlaix. Pour
les individus de Murât, je n'en puis rien dire.
Belemia et Glauce ont été figurées assez médiocrement jusqu'ici;
Belemia, par Huebner (n°^ 412, 413); par Boisduval {Icônes, PI. 6,
fig. I, 2); par Duponchel {Suppl, PI. III, fig. i, 2); — Glauce,
par Huebner (n"' 546, 547); par Boisduval {Icônes, PI. 6, fig. 3, 4);
par Duponchel {Suppl, PI. III, fig. 3, 4). Comme le dit très jus-
tement Boisduval {Icônes, page 2g), Glauce est à Belemia ce
quAusonia est à Glauce; dans l'une comme dans l'autre {Glauce
et Ausonia), le blanc nacré est remplacé par du blanc qui est de
la couleur du fond de l'aile.
Le comte Turati a distingué deux races de Belemia; il appelle :
desertorum, une Belemia plus petite qu'il prit à Biskra, en
février 1904. Cette desertorum est figurée dans Naturalista Siciliano,
sous les n°M, 2 et 3 de la pi. II. Cette petite forme ne se trouve
pas exclusivement dans la région désertique, car elle vole aussi bien
à Lambèze, où je l'ai prise au mois d'avril 1868, qu'à Biskra. Je la
possède aussi de Mécheria (mars 1886) et de Sebdou. D'ailleurs,
la vraie Belemia algérienne me paraît généralement plus petite que
celle d'Espagne; mais en Algérie, on peut trouver çà et là des
exemplaires plus grands et en Espagne de plus petits. Glauce est
presque toujours de plus grande taille que Belemia et la forme
intermédiaire, avec ses grands et ses petits exemplaires et avec ses
individus moyens, fait, pour la grandeur des ailes, aussi bien la
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE 155
transition entre Belemia et Glaitce que pour les dessins verts des
ailes inférieures, en dessous, plus ou moins nettement limités et
accompagnés d'un lavis jaune.
Anthocharis Falloui, Allard.
Une des plus intéressantes découvertes réalisées en Algérie par
Gaston Allard. Falloui vole à Biskra et à Ain-Sefra de très bonne
heure dans la saison. Elle est relativement rare. Il paraît que
Falloui habite aussi le pays de Somalis et sans doute la région
désertique comprise entre le Sud-Algérien et la côte orientale
d'Afrique.
Calicharis Nouna, Lucas.
Le genre Calicharis, appliqué par Boisduval à toutes les Antho-
charis de l'Afrique tropicale et de l'Arabie, comprend un assez
grand nombre d'espèces très variables, aussi bien pour la taille et
l'accentuation des taches noires chez les (3, que pour la couleur
blanche ou jaune du fond des ailes chez les g, ainsi que pour
l'existence ou l'absence d'une macule apicale orangée dans les exem-
plaires de ce sexe.
Il est très difficile de fixer exactement la limite de plusieurs
espèces de Calicharis et, dans l'état actuel de la Science, de rattacher
avec quelque certitude à une même unité spécifique, d'où nous
pressentons cependant qu'elles dépendent, des formes locales ou
saisonnières.
En Algérie, dans la province d'Oran, le colonel Levaillant avait
capturé jadis une certaine quantité de Calicharis appartenant à
une même espèce qui fut décrite et figurée sous le nom de Nouna,
par Lucas, dans VExploration scientifiqiie de V Algérie {Lépid.,
Pi. I, fig. 2, 2 a, 2 b).
Depuis cette époque, je ne crois pas que Nouna ait été retrouvée
en Oranie. Il est vrai de dire que le sud de cette province a été
156 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
relativement peu exploré au point de vue entomologique. Mais dans
l'Est-Algérien, plusieurs fois, dans ces derniers temps, des Cali-
charïs ont été capturés.
C'est ainsi qu'en mai 1875, Gaston Allard et mon frère prirent
chacun un exemplaire cf dans le Djebel-Aurès, près de Menah,
alors qu'ils se rendaient à Lambèze, par la montagne qui s'étend
à l'est d'El-Kantara.
En mai 1884, Merkl captura un cf à Biskra, et l'année suivante,
en mai également, au même lieu, Bleuse trouva une Q. Un mar-
chand allemand m'a vendu une série d'exemplaires qui furent
capturés plus récemment encore au Col de S fa.
Je pense que ces Calicharis de l'Est-Algérien peuvent être spéci-
fiquement identifiés à Nonna, de l'Oranie. Cependant Nouna a un
autre faciès que lui vaut la forme plus arrondie de ses ailes.
Pour permettre de se faire une opinion sur l'état actuel de
confusion où se trouve la Nomenclature, relativement aux Cali-
charis {Teracoliis, suivant d'autres auteurs), je citerai un travail de
Guy A. K. Marshall {On the Synonymy of the Biitterflies of thc
Geniis Teracolus), paru dans les Proceedings of the Zool. Soc. of
London de 1897. La Synonymie ^Evagore, Klug, espèce à laquelle
Marshall rattache Nonna, ne comprend pas moins de trente noms
différents d'espèces de Teracolus réunis sous un même vocable et
dans une même unité spécifique! J'applique le nom de Teracolus
à des espèces, suivant moi, génériquement différentes des Calicharis
que je sépare aussi des Idniais.
Leucophasia Duponcheli, Stgr.
Offre deux formes saisonnières; l'une : vernale, qui éclôt en avril
et mai et a été décrite sous le nom de lathyri par Duponchel {Suppl.,
pages 274 et 325, PI. XLIII, fig. 4, 5), et l'autre d'été : œstivalis,
Bellier, qui paraît en juillet.
Duponchel se trompe lorsqu'il dit qu'Huebner a eu raison de
distinguer cette Piéride de la sinapis. Huebner n'a jamais connu la
LÉPIDOPTEROLOGIE COMPAREE 15/
Leucophasia que décrit Duponchel et la lathyri, secundum Huebner
(n"' 797 et 798), est une forme de sinapis.
Duponcheli se trouve aux environs d'Aix (Tour de César) et
dans le vallon de Saint-Pons (Bouches-du-Rhône) ; à la Sainte-
Baume (Var); dans les Alpes-Maritimes, notamment à la Turbie,
au Col de Castillon, à Vence, à Tourettes, à Dalnis et à Puget-
Théniers; dans les Basses-A.lpes, où elle a été prise à Digne, à
Garamagne (M' Gourdon) ; à Entrevaux, au-dessus de Neigeas, en
avril et mai, puis en juillet. Certains exemplaires ont été trouvés
aussi en juin dans les Alpes-Maritimes et appartiennent à la forme
œstivalis. En outre des localités de Provence précitées, j'ai reçu
Duponcheli de Tokat, en Asie-Mmeure; de Malatia, en Mésopo-
tamie; d'Akbès et de Berut-Dagh, dans le Taurus.
L'espèce, sans être rare, n'est jamais extrêmement commune. La
sinapis vole avec Duponcheli et celle-ci n'exclut nullement sa
congénère; mais le vol de Duponcheli est très particulier et on
distingue très bien les deux Leucophasia, d'après leur vol. Herrich-
Schaeffer a figuré Duponcheli, avec le nom lathyri, sous les n°^ 407
et 408. Bellier de la Chavignerie {Annal. Soc. ent. France, 1869,
pages 513-514) a consacré à la Leucophasia lathyri, Duponchel
{Duponcheli, Stgr.), une intéressante notice où il constate l'existence
d'une forme d'été qu'il appelle : œstivalis. Staudinger et Rebel
citent cet article de Bellier dans leur Catalog 1901 ; mais ils ne
l'ont certainement pas lu, puisque Staudinger a inventé le nom
^œstiva, postérieurement à œstivalis, Bellier. Mon ami Verity s'est
borné à copier textuellement la synonymie donnée par Staudinger
et Rebel, et il admet le nom œstiva, tout en citant, comme Stau-
dinger et Rebel le font eux-mêmes, l'article de Bellier qui a pourtant
créé le nom œstivalis auquel est incontestablement due la priorité
sur œstiva. Mais pas plus que Staudinger et Rebel, il n'a pris la
peine de consulter les sources synonymiques, considérant d'ailleurs
comme infaillibles et n'ayant nul besoin d'être contrôlées, les
assertions du maître allemand.
La notice de Bellier résume toute l'histoire de Leucophasia
lathyri, avec une entière exactitude.
158 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
Dans la collection Boisduval se trouve un cT Duponcheli, avec
l'étiquette Atlas. Je n'ai cependant jamais reçu cette espèce de
l'Algérie.
Duponcheli varie pour la taille; quelques exemplaires ont le
disque des inférieures lavé de jaune verdâtre; d'autres ont les ailes
supérieures très obscurcies par l'extension de la tache apicale noi-
râtre qui descend jusqu'à l'angle interne; les ailes inférieures
peuvent aussi paraître grises, sauf pour les deux réserves cellulaire
et marginale qui, par transparence du dessous, restent toujours
blanches.
Leucophasia sinapis, Linn.
Répandue depuis la Péninsule armoricaine jusqu'au Japon;
existe en Irlande et en Angleterre, ainsi qu'en Barbarie; offre,
dans les plaines et les basses montagnes, deux races saisonnières;
l'une : vernale, chez laquelle l'apex des ailes supérieures du cf est
marqué d'une tache grise, le dessous étant d'ailleurs plus ou moins
nuancé de vert et de gris; l'autre : estivale, ayant la tache apicale
d'une teinte noire vive et le dessous des ailes dépourvu de dessins
et d'un blanc jaunâtre.
Ma collection contient des sinapis provenant des contrées sui-
vantes : Alpes-Maritimes, Var, Bouches-du-Rhône, Basses-Alpes,
Corse, Pyrénées-Orientales, Charente, Vienne, Hérault, Landes,
Gironde, environs de Paris, Hautes- Pyrénées, Lozère, Gard, Ille-
et-Vilaine, Locarno, Fusio, Italie centrale, Piémont, Sicile, Autriche
(Fiume), Grèce, Castille, Algérie {in coll. Boisduval), Tunisie,
Syrie, Asie-Mineure, Chine, Mandchourie, Japon.
Au Japon et à l'île Askold, sinapis présente une race géogra-
phique appelée : amurcnsis, ayant les ailes plus allongées et
acuminées.
Principalement dans le sud de la France, sinapis donne, au prin-
temps, la forme cf lathyri, Huebner (n°' 797 et 798).
Boisduval {Gênera et Index nieth., 1840, p. 6) appelle : erysimi,
LÉPIDOPÏÉROLOGIE COMPARÉE 159
la variété blanche de part et d'autre « utrinque albida » ; mais il
oublie de dire que cette variété est exclusivement Q.
Le même auteur désigne sous le nom de diniensis la race d'été
dont les ailes, en dessous, sont dépourvues de taches « alis omnibus
subtus immaculatis », mais nullement blanches, comme Staudinger
et Rebel le prétendent, à tort, lorsqu'ils disent dans le Catalog
1901 : « ai. omn. subtus albidis ».
A Fusio et dans les Hautes-Pyrénées, à Cauterets, la sinapïs
qui vole en juin et juillet appartient à la race de printemps.
Je crois que les Entomologistes anglais ont remarqué que la
Leucophasia sinapïs se raréfie en Angleterre, tout au moins dans
certaines localités où on la trouvait jadis en abondance. En Bre-
tagne, je remarque que sïnapis tend également à se raréfier; je vois
voler très peu d'exemplaires en été; dans mes chasses de printemps,
le nombre des individus que je me suis trouvé à même de capturer,
ces dernières années, à la forêt de Rennes, ou dans les chemins
ombragés et le long des haies, me semble en voie de réduction,
comparativement au temps passé. Cependant l'espèce existe encore
en certaine quantité d'exemplaires dans notre pays.
J'ai reçu de AI. H. Powell quelques notes contenant des obser-
vations sur les mœurs des Insectes et les particularités qu'il était
à même de constater, lorsqu'il chassait pour nous en 1906, 1907
et 1908. Voici une notice relative aux procédés galants de la
Leucophasia sinapïs -.
Le 5 septembre 1908, à Vernet-les-Bains, M. H. Powell aperçut
une Leucophasia sïnapis Q assez fraîche qui avait l'allure d'une
pondeuse. Il la suivit pour obtenir l'œuf, si possible. Elle volait
bien bas, en cherchant une plante convenable, et finit par trouver
une onobrychïs, à côté d'un rocher. Au' même instant, un cf l'aperçut
et descendit lentement vers la Q, en battant des ailes. Sans doute
la Ç) vit également le cf, parce qu'étant posée, elle se mit aussi à
battre des ailes; mais cela ne l'empêcha point de pondre son œuf
au-dessous d'une foliole. Le cf l'attendait tout près, sur le rocher.
Elle s'envola aussitôt après avoir pondu et le cf la suivit. Ils se
posèrent alors sur une feuille, le cf s'étant placé en face de la Q,
l6o LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
ce qui rapprochait les deux têtes des papillons. Lorsqu'une Q de
Pieris et de bien d'autres genres de papillons ne veut pas du cf,
elle ouvre ses ailes en grand et redresse son abdomen; mais la Q
de sinapis n'a point agi ainsi. Elle gardait les ailes redressées et
fermées, produisant seulement un petit battement intermittent. De
son côté, le cf donnait de petits battements irréguliers et par
moments développait sa trompe et en frappait l'antenne gauche de
la Q. Il donnait 6 ou 8 coups successifs, en remuant vigoureu-
sement sa tête, puis il se reposait durant une vingtaine de secondes
et recommençait. A chaque coup reçu sur son antenne, la Q
répondait par un petit battement d'ailes. Ce manège a continué
pendant 4 ou 5 minutes, sans que le cf ait essayé de s'accoupler;
puis il s'est envolé, laissant la Q au repos.
L'œuf qui fut recueilli par M. K. Powell est relativement grand.
Il ressemble par sa couleur et sa surface à celui de rapce et de Manni,
mais n'a pas la même forme, étant pointu des deux bouts et renflé
au milieu.
J'ai cité toute cette observation dont, comme je le dis plus haut,
je suis redevable à M. Powell, pour appeler l'attention des Ento-
mologistes sur le haut intérêt que présenterait la photographie
d'événements souvent très curieux de la vie des Insectes. J'ai vu
des chenilles aux prises avec la mouche qui cherchait à leur inoculer
le virus, en vue de les engourdir et de les conserver à l'état de
viande fraîche pour la nourriture de leur postérité. La chenille
s'efforçait d'éloigner et de contrarier son ennemi en se donnant avec
la tête des coups extrêmement brusques sur les flancs. Le drame
s'accomplissait ainsi sous les yeux de l'observateur, avec le regret
pour celui-ci de ne pouvoir en dépeindre assez exactement toutes
les rapides péripéties. La photographie des Insectes vivants, dans
les phases variées de leur existence, sera l'un des progrès de l'avenir.
Colias Palaeno, Linné.
La Colias, que l'on a coutume de désigner sous le nom de
Palœno, présente 3 races européennes :
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE l6l
1° La race Palceno, de Laponie et de Russie, caractérisée par la
teinte généralement d'un jaune verdâtre très pâle qui recouvre les
ailes du cf, en dessus.
Cette race est d'ailleurs variable, et je possède des cf pris à la
limite des gouvernements Wiadimir et Kostroma, dans la Russie
centrale, qui sont beaucoup plus clairs que d'autres pris à Saint-
Pétersbourg et dont je suis redevable à M. de Hedemann.
2° La race Europome, Esper et Huebner, de l'Allemagne centrale;
c'est la plus grande forme connue; le cf a le fond des ailes en
dessus d'un jaune verdâtre vif et le dessous des inférieures paraît
moins obscur et moins sablé d'atomes grisâtres que dans les autres
formes. Esper l'a âguré sous les n°' i et 2 de la PI. XLII et Huebner
sous les n°^ 434 et 435. Esper croit que sa « Danaïde blanche »
est nouvelle et il dit : « Ein neuer Papilio hat nun wohl eines
ganz neuen Namens nœthig gehabt. » Il faut en effet un nom nou-
veau à un papillon nouveau. Esper ajoute que son Europome est
de Saxe. « Beede Papilionen (cf et Q ) wurden in einer saechsischen
Gegend gefangen. »
3° La race Europomene, sec. Stgr. ; c'est celle qui intéresse la
faune française; elle est caractérisée par une taille plus petite que
celle d'Europonie, la teinte jaune verdâtre très vive du fond des
ailes du cf en dessus, et le ton plus obscur du dessous des ailes
inférieures. Mais il est juste d'observer que certains Europome
doivent être bien difficiles à distinguer d'Eîiropomene et vice-versâ.
C'est sur un ensemble et une généralité que se fait la distinction.
Europomene se trouve dans les Alpes; je l'ai prise en certaine
quantité à Ryffelalp, par une altitude d'environ 2,200 mètres. Elle
vole rapidement et c'est un plaisir de la voir, avec sa belle couleur
vive et claire, évoluer capricieusement sur les pentes des montagnes.
Il y a, à côté de l'Hôtel Ryffelalp, çà et là, au milieu de la forêt
de vieux et superbes pins qui, malheureusement, ne se resèment
presque plus et se raréfient d'année en année, des sortes de ravins
ou d'entonnoirs dont le fond est souvent assez large et dont les
côtés sont tapissés d'une végétation buissonneuse et courte de
11
102 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
vaccinium et de rhododendron; la couleur en paraît très foncée.
Quelques troncs gigantesques de pins aroles s'élèvent parmi ces
buissons bas et obscurs. Lorsque, se trouvant sur le sentier d'où
l'œil domine un de ces bas-fonds, on aperçoit quelques Collas
voltigeant avec activité, montant et descendant les pentes, se repo-
sant un moment pour reprendre un vol extrêmement rapide et
vigoureux, on jouit d'un spectacle qui m'a toujours charmé. Les
Collas ressortent si vivement sur le fond vert sombre des buissons
qu'elles semblent des points lumineux, bien plus brillants encore
qu'elles ne sont réellement, une fois saisies et piquées dans la boîte.
Cependant ce sont des papillons joliment parés avec leurs ailes
d'un jaune si gai et si vif cerclées de noir et frangées d'un rose plus
pur que celui des fleurs de rhododendron.
Mes fils Charles et Joseph ont capturé la Collas Europomene
au col de la Balme, entre Chamounix et Martigny, au mois de
juillet 1892, et au-dessus de Lanslebourg, en juillet 1894. Plus
récemment, M. Hustache a trouvé, en nombre, la même Collas à
Russey (Doubs). Malheureusement c'était en août et il était trop
tard pour pouvoir récolter des exemplaires bien frais. Cependant
ma collection contient de cette localité 7 cf et 12 Q assez bien
conservés et qui semblent fort intéressants. En effet, les cf ont tous
la bande marginale noire des ailes supérieures prolongée en une
pointe aiguë et quelquefois très longue, le long du bord interne,
et certaines Q sont d'une teinte verdâtre pâle presque égale à celle
des cf de Russie.
Ces Collas appartiennent à la var. jurasslca, Verity {Rhop.
palœarct., p. 216). En outre des localités précitées, je possède
Europomene du Jura bernois, des Grisons, de Willaringen (Baden),
du Lautaret (Hautes-Alpes), 011 je l'ai prise en juillet 1905, et des
Basses-Alpes. Je sais aussi qu'elle se trouve dans les Vosges.
La Q d'EuropOînene est généralement blanche. Il y a cependant
une forme dont les ailes sont de la couleur jaune du cf- Cette Q
se trouve dans les Basses-Alpes, à Larche. C'est la var. Phllomene,
Duponchel, très bien figurée par cet auteur sous les n°' 3, 4 et 5
de la PI. XLVII.
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE 163
Aristicles von Caradja, qui a publié dans VIris (Band. VII, 1894)
un Catalogue raisonné des Macrolépidoptères de la Haute-Garonne,
cite Euro-pomene parmi les espèces pyrénéennes dans les termes
suivants :
« Mai, juli, Aug. Bei S*- Béat, Mont Cagire (im mai), Cierp,
Bagnères-de-Luchon und thalaufwaerts; i Stueck vom Port-de-
Venasque (2,417 m.) im August. Es sind aile typische Stuecke,
wie sie genau so in der Schweiz und den Basses-Alpes vorkommen.
Zone II (mittlerer Theil des Département) ; Zone III (das Gebirge
von i.ocx) m. an. »
Ces renseignements sont très précis et je n'ose y contredire; mais
je déclare n'avoir jamais vu Europomene dans les diverses parties
des Pyrénées que j'ai parcourues, et aucun Entomologiste, parmi
ceux que j'ai l'honneur de connaître, n'a pris cette Colzas dans un
lieu quelconque de ces montagnes.
M. Léon Frédericq, Directeur de la classe des Sciences de
l'Académie royale de Belgique, a publié en 1904 un travail du plus
grand intérêt sur la faune et la flore glaciaires du plateau de la
Baraque-Michel (point culminant de l'Ardenne) où vole la Colias
Europemene. Une étude très approfondie est faite de l'aire de dis-
persion de cette Colias, en même temps que des renseignements sont
donnés sur la faune et la flore de la partie montagnarde du territoire
belge confinant à l'Allemagne. C'est un document de haute éru-
dition et dont la lecture est pleine d'attrait.
Colias Phicomone, Esper.
Une Colias des hautes altitudes qu'on ne voit généralement pas
au-dessous de 1,800 à 2,000 mètres. Répandue dans les Pyrénées
françaises et espagnoles, depuis le Pla-Guilhem, au-dessus de
Vernet-les-Bains, jusqu'aux Picos-de-Europa, dans les Asturies;
habite aussi les Alpes. Très variable; mais les variations atteignent
les individus dans les diverses montagnes où ils habitent et non
pas une race locale, comparativement à une autre.
164 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
On trouve la chrysalide de Phicomone sous les pierres avec celle
de la Pïeris Callidice; elle est d'un joli vert tendre avec un point
rouge.
Le cf a le fond des ailes d'un vert clair plus ou moins parsemé
d'atomes noirâtres. La Q est d'un blanc quelquefois verdâtre, avec
une frange d'un rose pur, sur le bord margmal des 4 ailes. La
frange du cf est également rose, mais souvent à son extrémité
seulement. J'ai pris dans les Asturies un cT figuré par Verity (Rhop.
pal., PI. XIII, fig. 3), dépourvu du point discoïdal noir aux ailes
supérieures. J'ai réuni dans ma collection environ 300 exemplaires
de diverses localités des Alpes et des Pyrénées. Je ne crois pas
qu'il y ait dans cette quantité deux exemplaires semblables.
Au-dessus de l'Hôtel Ryffelalp, dans le Valais, Phicomone vole
quelquefois abondamment sur les pelouses rases oii paissent
quelques troupeaux. Là, elle est facile à prendre, le plateau étant
dans son ensemble assez plan et seulement légèrement ondulé. Dans
les Pyrénées, autour du lac de Gaube, Phicomone est beaucoup
moins aisée à capturer; elle vole sur des raillères dont la pente est
extrêmement raide et beaucoup d'exemplaires passent, absolument
inabordables.
Au Pla-Guilhem, vaste solitude couverte d'un gazon assez ras,
où la course est relativement facile, la capture de Phicomone peut
être très abondante et la chasse y est très intéressante, à cause de
la variabilité de l'espèce.
Collas Hyale, Linné.
Se trouve en Angleterre; mais comme dit Charles Barrett (The
Lepidoptera of the british Islands, p. 34), « The butterfly is extre-
mely uncertain in its appearences. At long intervais it occurs in
numbers on the South Coast, and even, in decreasing numbers, over
a large portion of the Kingdom. Perhaps its most abundant year
v^as 1868 and it appeared in considérable numbers in some localities
in 1835, 1842, 1857-58 and 1875; but in many years hardly more
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE 165
than a spécimen or tvvo is seen, in others not one; and much
research has been expended upon the perplexing question of its
retreat during thèse long intervais... »
En Bretagne, Hynlc n'est généralement pas beaucoup plus abon-
dante qu'en Angleterre, sauf en quelques années exceptionnelles.
Je vois cette Colias à peu près tous les ans, aux environs de Rennes,
mais en petit nombre. Je l'ai rencontrée au bord de la mer de la
Manche, à Cancale et à Saint-Malo. Je ne l'ai pas vue à l'ouest de
Rennes, dans la région de Monterfil; je la crois cependant assez
nombreuse au sud de Rennes, sur les bords de la Vilaine, vers
Bourg-des-Comptes, localité plus méridionale que Rennes. Je ne
me souviens pas d'avoir observé Hyale, en Bretagne, au printemps.
C'est toujours à la fin de l'été ou au commencement de l'automne
que j'ai constaté la présence de cette espèce dans notre région.
Je crois que Hyale est, en Bretagne comme en Angleterre, une
Colias qui ne paraît qu'à la suite de migrations venant du sud-est.
Hyale est très abondante au midi de la Loire et aux environs
de Paris. Je l'ai vue très commune dans certains jardins publics
de Paris, en août et septembre. Au sud de la Loire, elle paraît deux
fois par an, d'abord en mai, puis en été. Je ne l'ai jamais reçue
d'Algérie, oii M. Holl ne l'a pas trouvée, quoique chassant depuis
longtemps, et avec beaucoup de soin, aux environs d'Alger. Mais
M. Seriziat dit l'avoir prise à Collo, et elle me fut jadis signalée
d'El-Haçaiba, en juin. Au contraire, Hyale, avec sa forme gigan-
tesque Polïographus {Simoda), abonde dans toute l'Asie orientale.
Voici les localités d'oii je possède Hyale, en faisant abstraction
de la forme asiatique Poliographns et en me bornant à relever les
étiquettes indiquant la provenance des Hyale appartenant à la
forme européenne de l'espèce : Mésopotamie, Transalaï, Turkestan
oriental, Asie-Mineure (Broussa), Autriche, Allemagne, Valais,
Basses-Alpes, Alpes-Maritimes, Var, Bouches-du-Rhône, Gers
(Lectoure), Pyrénées-Orientales, Gironde, Charente et Charente-
Inférieure, Vendée, Vienne, Ille-et-Vilaine, Paris, Doubs, Cantal,
et en Afrique, Abyssinie.
l66 UÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
La Colzas Hyale est variable. J'ai observé les Aberrations sui-
vantes :
Ab. Siever soldes, Verity (PI. XL, fig. 34). i cf de Wurtemberg,
chez qui l'apex des supérieures est entièrement dépourvu de noir.
Entre le point noir discoïdal et le bord marginal des ailes supé-
rieures, il ne reste que la première tache noire, celle au delà de
laquelle se trouve normalement la série de points jaune clair qui
sépare ordinairement la première macule noire de la seconde avec
laquelle elle se confond ordinairement. Cette dernière macule noire
manque dans Sieversoides sur tout l'espace apical et marginal qui
reste entièrement jaune liséré de rose.
Ab. intermédiaire entre Sieversoides et la forme normale; les
taches jaunes submarginales se confondent en une bande qui sépare
l'espace noir apical-marginal en deux taches bien distinctes. Plu-
sieurs exemplaires cf d'Autriche, de Paris, de Digne, de Villeneuve-
de-Blaye (Gironde).
Ab. Uhli, Verity (PI. XL, fig. 33); c'est l'Aberration inverse où
l'espace apical marginal est entièrement noir et absorbe les taches
jaunes normales. Plusieurs c? de Villeneuve-de-Blaye, de Cadolz-
burg (D'' Kiessling) et de Lectoure (Gers), et d'autres, de diverses
localités, faisant la transition entre cette Aberration et la forme
normale.
Ab. nigrofasciata, Verity (PI. XL, fig. 38), oi^i le point noir dis-
coïdal est relié par un épais semis d'atomes noirs à la tache noire
apicale. Barrett figure (PI. V, fig. 2 F) un cf de cette Aberration
faisant partie de la collection Robson. Mosley représente un cf de
cette Aberration appartenant à M. Robson, mais ne semblant pas
être le même exemplaire dont Barrett a donné la figure. Je possède
de cette Ab. nigrofasciata un cf de Besançon; j'en suis redevable
à l'obligeance de M. Jeunet; un cf et une g de Brandenburg, et
une Q de Paris.
En outre, la Colias Hyale varie pour la vivacité et l'accentuation
de la teinte des ailes chez le cf et chez la Q ; pour le développement
ou l'oblitération de la bordure maculaire noire des ailes inférieures,
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE 167
en dessus; pour la tache orbiculaire du milieu des ailes inférieures
en dessous, généralement double, mais qui peut être simple.
En Bretagne, et sans doute partout ailleurs, la Colias Hyale affec-
tionne les champs de trèfle et de luzerne. Dans l'ouest de la France,
au sud de la Loire, Hyale vole fréquemment sur les banquettes des
grandes routes, qui sont ordinairement gazonnées et remplies de
fleurs variées. J'ai vu une foule de papillons : Colias, Lycœna,
Satyres, H es-pênes, voltiger sur ces banquettes où les plantes natu-
relles croissaient avec assez de vigueur, surtout dans la Vienne et
dans les Charentes. Les routes devenaient alors d'intéressantes
localités entomologiques.
Colias Edusa, Fabr.
On trouve la Colias Edusa en Barbarie, que je crois être son
pays d'origine; dans presque toute l'Europe, en Asie-Mineure et
jusqu'au Yunnan d'où feu le P. Delavay, Missionnaire apostolique,
me l'a jadis envoyée. Dans le midi et le centre de la France, il
semble (\vi Edusa est actuellement une espèce parfaitement stable,
accomplissant son évolution avec la plus régulière continuité et ne
disparaissant pas momentanément du pays, tandis que dans la
Péninsule armoricaine et en Angleterre, je suis porté à croire qu'il
en est tout autrement. En Ille-et-Vilaine, je vois Edusa tous les
étés depuis le mois d'août, et elle vole encore chez nous en automne,
souvent jusqu'à la Toussaint; mais je l'ai bien rarement observée
au printemps dans les environs de Rennes, et si, en juin, je vois
une Edusa, c'est un échantillon généralement usé. Je pense donc
que les Edusa qui voltigent dans nos jardins, sur les champs de
trèfle et de luzerne et le long de nos routes, depuis le mois d'août
à la fin d'octobre, sont la descendance de quelques papillons mi-
grateurs venant du sud, probablement du Maroc, et produisant chez
nous, à la fin du printemps ou au commencement de l'été, des œufs
dont les chenilles se développent en juillet et donnent leurs
papillons vers le milieu d'août. Ces papillons produisent à leur tour
une descendance dont nous voyons les représentants voltiger en
l68 LÊPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
octobre. Mais la ponte de ceux-ci, malgré la douceur relative de
nos hivers bretons, périt presque totalement. L'espèce est alors
renouvelée en Bretagne par quelques individus ayant hiverné, ou
bien par des migrations. Au mois de juin 1879, j'ai observé à Rennes
un nombreux passage d'Edusa. Les papillons venaient du sud et
se dirigeaient directement vers le nord. Les Entomologistes anglais
qui, depuis de longues années, étudient si attentivement la faune
de leurs Iles, croient aussi que les larves d'Ediisa périssent pendant"
l'hiver dans leur pays.
Je traduis ci-dessous une notice extrêmement intéressante consa-
crée à l'histoire d'Edusa en Angleterre, dans le bel ouvrage de
M. Charles Barrett : The Lefidoftera of the briûsh Islands. C'est
aux pages 37, 38 et 3g du Vol. I que l'auteur expose les circons-
tances de la vie évolutive de la Colias Edusa dans la Grande-
Bretagne, et comme suit :
« Ce beau papillon est peut-être, de toutes les espèces anglaises,
la plus erratique. C'est à peine si, dans certaines années, on a pu
en voir un seul échantillon, même sur la côte sud de l'Angleterre,
tandis que dans d'autres années, Edusa traverse, en nombre modéré,
tout le pays, voyageant régulièrement le long des routes, se délectant
par occasion d'une fleur — ordinairement une composée de couleur
jaune, — puis continuant son voyage, mais sans vouloir retourner
en arrière, ni se fixer dans les environs.
» Cependant vienne par hasard une saison favorable, alors
Edusa devient plus stable, abonde même' dans les champs de trèfle,
et la quantité des exemplaires de l'espèce augmente rapidement.
» Sur le Continent, il est notoire o^Ediisa hiverne. Dans le sud
de l'Europe, elle vole pendant la plus grande partie de l'hiver; en
Angleterre, elle a été trouvée sous des lierres, en train d'hiverner
(in the act of hybernation) ; dans de rares occasions, des femelles
usées, ayant évidemment hiverné, ont été observées au commen-
cement de l'été, pondant leurs œufs. A plusieurs reprises, des
chenilles provenant d'œufs déposés à l'automne ont mangé assi-
dûment en pleine saison d'hiver; elles se sont même chrysalidées ;
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE lôg
mais, malgré tous les soins possibles, elles sont mortes. Bien que
les Colzas Edusa soient arrivées dans certains cas à l'état parfait
et complètement colorées, au mois de décembre, dans l'intérieur de
la chrysalide, elles sont restées incapables d'éclore (unable to
émerge). Il y a cependant, dans VEntomologist, un récit de
M. Jobson qui expose que d'une ponte d'hiver, une chenille a sur-
vécu, s'est transformée en chrysalide le 1 1 avril et que le papillon
est éclos le 2 mai.
» En 1875, on vit quelques spécimens d'Ednsa en automne; en
juin 1876, on en vit aussi, mais très peu; cependant, dans l'automne
de cette même année 1876, le nombre des exemplaires s'était beau-
coup augmenté et toutes les Q voltigeaient près des côtés gazonnés
des routes, sur les lotus cornicidatus, déposant évidemment leurs
œufs. La dernière Q fut observée le 7 octobre.
» L'hiver fut si doux dans le Pembrokeshire que les fjichsia
continuèrent à fleurir jusqu'au printemps. Les chenilles durent
pouvoir manger tranquillement pendant l'hiver et le printemps,
relativement plus froid. Aux premiers beaux jours (4 juin), des
spécimens purent naître à la vie, plus grands qu'aucun de ceux
du précédent automne, frais et brillants, évidemment fraîchement
éclos et n'ayant pas hiverné. De plus, on en voyait en plus grand
nombre qu'à l'automne précédent.
» D'après des informations, on apprit que des Edusa avaient
été observées à Gravesend, à la même date. Elles volèrent jusqu'au
4 juillet; mais elles étaient usées et les g, déchirées et en loques,
ne cessaient de voltiger auprès du gazon et des lotus. Le 1 1 août,
une autre éclosion se mit à paraître et, en peu de jours, chaque
champ de trèfle, chaque sentier et chaque relais de route se trouva
animé et embelli par la présence de ces jolies créatures. Il restera
toujours douteux de savoir si les multitudes d'échantillons qui
furent observés dans tout le pays constituaient seulement la descen-
dance de la première éclosion, ou bien si elles furent renforcées
par une vaste immigration venue du dehors.
» Quoique l'espèce ait réalisé un vigoureux effort pour se main-
tenir au cours de cette même année et qu'elle ait réussi à produire
I/o LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE
une autre généi-ation sur la côte de Kent, sa rencontre dans le pays
n'a jamais été qu'occasionnelle et sporadique. On a supposé que
les œufs ont été déposés, mais que l'hiver plus inclément a détruit
les larves qui en sont sorties... »
Je pense qu'en Bretagne où souvent, pendant plusieurs années
dé suite, les hivers se succèdent très doux, la température ne peut
pas être accusée d'être la cause de la destruction périodique des
Edusa.
Quoi qu'il en soit, il semble démontré que dans la partie de
l'ouest de la France située au nord de la Loire, aussi bien qu'en
Angleterre, les Colins Edusa qui volent dans ces contrées, en parfait
état de fraîcheur, à la fin de l'été et au commencement de l'automne,
doivent être la descendance d'individus migrateurs. Une nouvelle
et régulière immigration annuelle est donc nécessaire pour que la
Collas Edusa reparaisse à chaque saison d'été, en Bretagne et en
Angleterre, où l'espèce manque au printemps.
La Collas Edusa a été observée aux îles Orcades, mais pas aux
Shetland; sa migration vers le nord se trouve donc limitée.
U Ackerontia atropos, les Chœro campa Celerio et lineata, le
Daphnis Nerii, le Protoparcc convohndi, la Vanessa Cardui, même
la Plusia gamma, sont des espèces de Lépidoptères également
migrateurs. Elles se reproduisent régulièrement dans nos dépar-
tements méridionaux; mais en Bretagne et en Angleterre, tous les
Sphïngidœ dont je viens de citer les noms ne paraissent qu'à l'état
erratique. La Plusia gamma est sans doute mieux fixée; cependant
c'est une espèce qui se trouve souvent entraînée loin de son lieu
d'origine. Je me souviens que jadis, passant de Zermatt à Valtor-
nanche par le Col de Saint-Théodule, je vis, un peu avant d'arriver
au Breuil, les vastes champs de neige que nous traversions couverts
de points grisâtres. C'étaient des Plusia gamma qui jonchaient la
neige éternelle où elles étaient légèrement enfoncées. Un vol de
ces noctuelles, passant à de hautes altitudes, avait sans doute été
précipité sur la neige par une tempête de vent et les papillons,
projetés avec force, avaient été tués sur place.
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE
II y a des phénomènes entomologiques bien inexplicables. J'ai
vu en mai 1 870, au sommet du Vésuve, une invasion de Coléoptères
appartenant aux groupes les plus variés. Ces insectes étaient
innombrables autour du cratère; les I.hia fopiilï notamment abon-
daient, ainsi que des Nebria qui marchaient rapidement, semblant
poussées par une force irrésistible vers le soufre secoulant liquide
à travers les fissures les plus voisines des bords de la couronne
pierreuse du cratère. Ces Nebria se trouvaient immédiatement
noyées dans le soufre, qui se figeait sur elles, et ressemblaient alors
à des grains de raisins secs dans un gâteau au safran.
Jamais, depuis 1870, je ne me suis retrouvé en présence d'un
pareil phénomène. Le lendemain de mon ascension au Vésuve,
beaucoup de Coléoptères que nous avions rapportés à notre hôtel,
à Naples, dans nos vêtements oii ils s'étaient insinués, s'étaient
dirigés dès le matin vers la lumière et garnissaient les rideaux des
fenêtres. Je pouvais encore récolter ainsi de nombreux échantillons.
Dans certaines occasions, la quantité des Insectes paraît immense,
tandis que dans d'autres circonstances, pour des causes le plus
souvent inconnues, les mêmes espèces semblent très raréfiées.
C'est ainsi qu'en Angleterre on a conservé le souvenir de l'année
1877, la grande année des Edusa, comparativement aux autres
années où l'espèce semble quelquefois faire presque complètement
défaut. Pendant l'été de cette année 1877, je me trouvais à Cancale.
au bord de la mer de la Manche. Les falaises, dont la base rocheuse
est constamment battue par les flots, mais dont les pentes sont
couvertes d'une végétation assez variée, forment les assises d'un
plateau dominant la mer et sur lequel sont construites de nom-
breuses habitations. Tout près de l'agglomération urbaine, des
champs cultivés, entourés de haies vives, alternent avec des landes
d'ajonc. Il y a surtout des cultures de blé noir, de blé, de luzerne,
de trèfle et de pommes de terre. Sur les trèfles et les luzernes, les
Collas Edusa étaient en nombre immense, et des deux côtés de
la mer de la Manche, en Bretagne comme en Angleterre, le même
phénomène entomologique se produisait.
Je pouvais donc choisir à mon gré les exemplaires intéressants
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
de la Colias Edusa qu'on voyait voltiger partout et dont les ailes
jaunes tranchaient si bien sur la couleur rosée des trèfles, ou violet
bleu des luzernes en fleurs.
C'est ainsi que je vis un cf tout frais éclos et n'ayant point encore
volé. Je le piquai avant qu'il ait pu se débattre. Souvent les
Edîisa cf ont la bordure noire de leurs ailes saupoudrée d'atomes
jaunes; mais chez cet exemplaire, le semis des atomes jaunes sur
la bordure noire des ailes supérieures est tellement épais et serré
que l'aspect général du papillon s'en trouve un peu modifié. Je
pense que ces écailles jaunes très fines sont très fugaces et qu'il
suffit d'un vol très peu prolongé pour qu'elles soient plus ou moins
absentes.
Verity figure avec le nom é'obsoleta. sous le n° 30 de la PI. XLVI
des Rhop. palcearcL, une Q Edusa anglaise, provenant de la col-
lection Howard-Vaughan. Chez cette Q, la bordure noire est
presqu'entièrement dépourvue des taches jaunes qui distinguent la
Q Edusa de l'autre sexe. Je possède d'Angleterre 3 autres Q
analogues, dont 2 portent à leur étiquette la date : 1877. En 1877
également, je trouvai à Cancale cette même variété Q obsoleta,
que je n'ai pas rencontrée depuis.
Howard-Vaughan possédait une fort belle collection de papillons
exclusivement anglais. Cette collection fut vendue à la salle Stevens,
à Londres, les 22 et 23 avril 1890. Je me suis toujours vivement
intéressé aux papillons anglais et, à cette vente, j'avais donné
commission d'acheter pour moi, sans prendre la précaution de fixer
une limite maximum de prix, un hermaphrodite Edusa -. cf. aile
supérieure gauche; 1/2 cf et 1/2 Q, aile inférieure gauche; entiè-
rement Q, les 2 ailes du côté droit. Il avait été pris à Folkestone,
le 12 août 1871, et je l'ai fait représenter en photographie dans
le n° 28 de la Feuille des Jeunes Naturalistes de l'année igoo.
Ce papillon me coûta fort cher, attendu qu'il fut poussé également
à un très haut prix pour le compte de l'Hon. Walter Rothschild,
qui commençait en 1890 la formation de la collection dont il a
réussi à faire en si peu d'années la première du Monde.
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE I73
C'est cette circonstance qui me révéla le nouvel Entomologiste
dont le Musée, à Tring, est si promptement devenu illustre.
La Collas Edusa est fertile en xVberrations. Je connais les sui-
vantes :
i" Cf et Q ; la bande noire des ailes supérieures se trouve réunie
au point noir cellulaire par un semis d'atomes noirs, comme cela
a lieu dans la Hyale nigrofasàata. Verity a figuré un çS de cette
Aberration sous le n° 8 de la PI. XLVII. Mon exemplaire vient,
je crois, de Sarepta, et une Q , de Sorrente, sous le n° g de la même
Planche.
2° cf; le point noir cellulaire manque, ainsi que dans la Phico-
inone des Asturies figurée par Verity, sous le n° 3 de la PI. XLII,
et la Myrmidone, représentée sous le n° 34 de la PI. XLVII.
3" cf; les parties noires, atteintes d'albinisme, sont devenues
d'un gris très pâle {Rhop. palœarct., PI. XLVII, n° 10). Cette
même Ab. est figurée sous le n° i de la PI. I de lahresbericht d.
Wien. ent. Ver., 1903, d'après un exemplaire pris le 17 sep-
tembre 1898, par Schneck, près de Huetteldorf, en Autriche.
4° C?; la couleur jaune du fond des ailes est très pâle.
De plus, la partie marginale noire est plus ou moins traversée
par des traits jaunes en prolongement des nervures; la tache
discoïdale des ailes inférieures, généralement double, peut être
simple; la taille peut varier de moitié dans le même pays. J'ai des
exemplaires de Sicile également exceptionnellement petits et excep-
tionnellement grands. Je possède une paire venant de Corse dont
la taille égale celle d'Aurora.
5° Q Ab. obsoleta, dépourvue des taches jaunes dans la bordure
noire des ailes supérieures. Je la possède non seulement d'Angle-
terre et de Cancale, mais de Vernet-les-Bains, de Sebdou et
d'Hyères (Var), en grand nombre.
6° Ç) Ab. Hélice; le fond des ailes est blanc au lieu d'être jaune.
Les exemplaires sont quelquefois très obscurcis par les atomes
noirs. L'Aberr. Hélice se trouve dans presque toutes les localités
où paraît Edusa.
7° Q Ab. Helicina; le fond des ailes est de couleur jaune très
1/4 LEPIDOPTEROLOGIE COMPARÉE
pâle, avec un léger reflet safrané ou rosé; Helidna est intermédiaire
entre la forme à ailes jaunes et celle à ailes blanches. Le speciuien
typïcwn Helïcina fut trouvé éclosant dans notre jardin et posé sur
une fleur, par mon fils Joseph, en présence d'Otto Staudinger, qui
me favorisait d'une visite à Rennes ce jour-là.
Je possède 2 Helicina de la collection Howard-Vaughan : l'une
prise à New-Forest, en 1877, par Bartlett; l'autre à Folkestone,
également en 1877, et obtenue de M. Austin. M. Gelin, de Niort,
en a capturé un superbe exemplaire, le 20 septembre 1908;
M. Dupuy a trouvé à Angoulême l'Ab. Helicina et M. Faroult m'a
envoyé de Tunis une Helicina dont les ailes inférieures sont très
obscures, avec la tache orbiculaire jaune clair en dessus, tandis
que dans les autres Helicina, cette même tache est d'un beau rouge
orange. J'ai aussi Helicina de Sicile, de Dompierre-sur-Mer (Cha-
rente-Inférieure), de Charroux (Vienne), de la Sierra-Nevada
d'Andalousie, de Lambèze, de Biskra, de Sebdou, de Hussein-Dey,
d'Hyères.
8° Ç) Hélice, avec la tache orbiculaire des ailes inférieures, en
dessus, blanche, comme dans le n° 31 de la PL XL VI de Rhop.
palœarci.; je possède un exemplaire pris au Palais de Longchamp,
à Marseille; un 2" capturé par moi à Cauterets en juillet 1890;
un 3'' trouvé à Besançon; un 4'' que je rencontrai sur la plage de
Tanger, en mai 1894; un 5'' que M. Vigé a bien voulu m'envoyer
de Dompierre-sur-Mer (Charente-Inférieure), où il le trouva le
24 juillet 1899; enfin un &" de Hussein-Dey, dont je suis redevable
à l'obligeance de M. LIoll.
9° Q, le fond des ailes d'un jaune orange très vif et les taches
dans la bordure noire d'un jaune canari clair; ma collection contient
un exemplaire pris à Villeneuve-de-Blaye (Gironde) par M. l'abbé
Mège, et quelques autres de Vernet-les-Bains et Charroux, chez
lesquels la différence des tons jaunes dans les ailes supérieures est
plus ou moins accentuée. Je vis une fois à Monterfil (Ille-et- Vilaine),
mais sans pouvoir la saisir, une Q dont le fond des ailes était
jaune, tandis que les taches dans la bordure noire me parurent
être blanches.
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE 1/5
10" Ç) surtout, chez lesquelles le contour intérieur de la bande
marginale noire forme la tète de chien dont le point cellulaire
noir serait l'œil. La Collas américaine Cœsonia doit son nom à cette
particularité dont elle présente la plus constante expression.
M. H. Powell éleva, en 1901, à Hyères, deux pontes données :
l'une, par une Edusa à ailes jaunes; l'autre, par une Hélice.
L'éclosion des papillons se fit en février et mars 1902. Les Q
issues ôlEdîisa jaune ont toutes été jaunes; environ la moitié, soit
14, appartiennent à l'Ab. obsoleta, sans taches jaunes dans la bor-
dure noire; 5 Q ont l'apex des ailes supérieures recouvert d'atomes
jaunes, comme dans le n" 35 de la PL XLVI de Rhop. palœarct.
{earinica, Verity). 11 cf sur 40 sont d'un jaune très clair. Les Q
issues à^Hclice sont Edusa jaune au nombre de 15 dont 8 obsoleta;
1 1 autres sont Helicina faisant la transition presque parfaite à la
forme jaune, mais pas à la forme blanche. Aucun exemplaire n'y
parvient exactement, la plupart restant Helicina. Tous les 1 1 Heli-
cina ont la tache cellulaire des ailes inférieures très élargie d'un
rouge orangé très vif.
La taille est normale pour les exemplaires de ces deux édu-
cations; seul un (S, issu de la Q Hélice, est d'une taille analogue
à celle de Polyoniniatus virgaureœ. Sur 25 cf sortis à^ Hélice, un
seul est de couleur claire. Tous les exemplaires ont la tache cellu-
laire double en dessous; quelques-uns montrent même une tache
triple, en ce sens qu'un supplément centralement argenté sur un
fond brun se développe en dessous de l'orbe principal. Je pense
que le n° 11 de la PI. XLVII des Rhop. palœarct. est une des Q
Helicina, issues ^Hélice, obtenues par Powell et que j'ai prêtées
à Verity. Mais je n'ai pas encore la légende de la PI. XLVII au
moment oij j'écris ces lignes, et tous les papillons que j'ai prêtés
à Verity sont loin d'être rentrés dans ma collection.
Les Colias Chrysotheme et Myrmidone n'ont jamais été trouvées
en France jusqu'ici. Dans les Pyrénées, on ne rencontre o^Ediisa,
en fait de Colias à ailes jaune souci.
Dans lahresbericht d. Wien. ent. Ver., 1903, on voit, sous le
n" 2 de la PI. I, représenté un Edusa hermaphrodite : Q côté
1/6 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
gauche Helicina et cf côté droit. Leopold Semansky, de Vienne,
possesseur de cette pièce merveilleuse qui fut prise le 20 août 1902,
« in den Donau-Auen bei Albern unterhalb Wien », c'est-à-dire :
dans les prairies du Danube, près Albern, en dessous de Vienne,
dit qu'un hermaphrodite analogue se trouve dans la collection
Staudinger, mais c'est le côté droit qui est g Hélice et le côté
gauche qui est cf; par conséquent, l'inverse de l'hermaphrodite de
L. Semansky.
Mosley ûgure sous le n" 3 de la PI. 2 des variétés de Colias
anglaises, un hermaphrodite absolument analogue à celui de
Semansky, pris à Douvres le i'" septembre 1877, et dans la pos-
session de M. Briggs.
Mosley ajoute qu'il existe dans les collections anglaises d'autres
Ediisa offrant un mélange des caractères cT et g ; ainsi M. Bond
possède un hermaphrodite pris à Kent, avec le côté droit cf et le
côté gauche Q. Le même Mosley cite aussi 1872 comme étant une
autre grande année dEdnsa, en Angleterre, et il figure sur la PL I
une Ç) Edusa au contour extérieur des ailes dentelé et 2 Helicina
a taken in the great Edusa year 1872 ».
Rhodocera rhamni, Linné.
Tout le monde connaît le Papillon citron que l'on voit voler
dès les premiers beaux jours, chez nous quelquefois en février,
lorsque le soleil brille dans une journée calme. Le long des talus
abrités, quelques Citrons, sortis de leur léthargie hivernale, voltigent
et annoncent le prochain renouveau. Mais un peu plus tard, les
Citrons deviennent plus nombreux; et lors de son apparition
estivale, la Rhodocera rhamni est dans certains bois l'espèce la plus
abondante. Il y environ 45 ans, il fit dans la région de Rennes un
temps chaud et ensoleillé, le i"'' novembre. Je n'ai jamais vu autant
de Citrons voler dans les landes de Monterai, partout sur les
bruyères et les ajoncs, que dans cette journée d'automne 011 le
soleil était si éclatant.
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE l"]"]
J'ai trouvé en Ille-et-Vilaine une variété Q très intéressante; je
l'ai appelée : britannica; elle est presque de la couleur du cf et je
l'ai communiquée à Verity, afin qu'il la fasse figurer dans son
ouvrage. La Rhodocera rhamnï se trouve en Angleterre, en France,
en Allemagne, en Algérie, en Italie, en Andalousie, en Syrie; elle
est de 'beaucoup plus grande taille dans le midi que dans le nord.
Je possède des exemplaires très grands de Tunisie, du Djurjura,
de Tivoli et d'Akbès. Les hermaphrodites partiels ne sont pas très
rares. Ma collection en contient quelques exemplaires. Cleopatni
et rhamni ne s'excluent pas l'une l'autre et elles habitent dans le
même pays (*).
Rhodocera Cleopatra, Linné.
Espèce surtout méridionale, s'avançant vers le nord jusqu'au côté
sud de la ville d'Angoulême oii je l'ai vue plusieurs fois voler et
où je l'ai capturée à la fin de juillet 1908, chassant en compagnie
de mon ami Gabriel Dupuy. Elle est plus chaudement colorée dans
(*) Dans la collection Maddison qui a été vendue à Londres, à la salle
Stevens, les 23 et 24 février 1909, se trouvait un curieux Rhodocera rhamni,
avec taches orangées sur chacune des 4 ailes, aux inférieures, ce qui n'a jamais
lieu chez Cîeofatra, comme aux supérieures. Voici la copie de l'étiquette qui
était attachée à l'épingle de ce curieux rhavini. « Bread by M. James Weir,
on July 9 1904 from larva taken by him aht Butts Lawn, Brockenhurst, June 2 1904.
Teste E. Morice ». Il arrive que dans les collections anglaises de papillons
soi-disant exclusivement anglais, bien des supercheries se constatent, soTt par
collage d'ailes qui constituent de faux hermaphrodites, soit par coloration
chimique, soit par introduction de papillons provenant de tout autre pays que
les Iles Britanniques. Je pourrais en citer de nombreux et curieux exemples.
Mais le rhamni que j'appelle décora, est parfaitement vrai et il doit être
analogue à un autre rhamni cité par M. de Rougemont, à la page 16 du Catalogue
des Léfidofières du Jura neuchâtelois, dans les termes suivants : M. Girod,
de Moutier-Grandval, a élevé, pendant l'été si remarquablement chaud de 1S93,
une famille de chenilles de R. rhamni. Une d'entre elles lui a donné un papillon
présentant la même coloration que le R. Cleofatra, L., avec cette différence
<jue la tache orangée s'étendait sur les 4 ailes. La forme des ailes restait
néanmoins bien celle du R. rhamni. Cet exemplaire si curieux que M. Girod
avait donné à M. de Rougemont fut cédé par ce dernier à M. Standfuss,
directeur du Musée entomologique de Zurich, qui s'occupe spécialement de la
coloration des papillons. »
12
1/8 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
le sud de la France, et la tache orangée des ailes supérieures est
plus développée dans l'Aveyron que dans les environs de Sebdou
et d'Akbès. Cleofaira présente une variété cT d'été : massiliensis,
Foulquier, caractérisée par la teinte uniformément d'un jaune ver-
dâtre, et non blanchâtre, du dessous de ses ailes.
Jusqu'ici, j'ai réuni dans ma collection 13 hermaphrodites de
Cleopatra. J'en ai fait figurer plusieurs dans la XX^ livraison des
Etudes d'Entomologie. Ces hermaphrodites, tous différents les uns
des autres, sont généralement des Q qui, sous forme de « coups
de pinceau » irréguliers et asymétriques, ont eu les ailes marquées
de traits ou de taches jaune citron et rouge orangé, couleurs qui
sont l'apanage du sexe mâle. Mais il me semble que les cf peuvent
inversement recevoir sur leurs belles et vives couleurs jaune et
orange des a coups de pinceau » de la teinte Q blanc verdâtre,
en taches ou en stries variées, ce qui produit sur le même individu
un mélange, quelquefois très agréable à l'œil, des trois couleurs :
le blanc verdâtre de la Q, le jaune citron et le rouge orangé du cT-
2 de ces hermaphrodites ont été pris à Khenchela (Est-Algérien)
par H. Powell, en juin 1908; ce sont des cT marqués des couleurs
de la Ç) . Les 1 1 autres sont des Q plus ou moins décorées sur une,
deux, trois ailes, ou même sur les quatre, de jaune et d'orange, ou
seulement d'orange.
Voici les lieux de provenance de ces Q hermaphrodites :
Dalmatie; Tunisie; Marseille, trois exemplaires pris par MM. Gé-
déon Foulquier, Baudouin et Siépi; Beaurech, près Bordeaux;
Castillon, dans les Alpes-Maritimes; Vernet-les-Bains (Pyrénées-
Orientales), deux exemplaires pris les 5 et 6 juillet 1886; enfin,
deux existaient dans la collection Bellier.
Esper figure sous le n° i de la PI. CXI une Cleopatra g, ayant
reçu des coups de pinceau du cf, prise à Nîmes, en Languedoc, et
faisant partie de la célèbre collection Gerning.
Cleopatra varie pour la taille. Elle est répandue dans la France
méridionale, l'Espagne, l'Italie, le Maroc, l'Algérie, la Tunisie,
l'Asie-Mineure et l'île de Madère où elle présente une race spéciale.
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE 170
Aux Canaries, se trouve la Rhodocera Cleobide, dont les ailes
supérieures chez le \S sont entièrement d'un rouge orange. Aux
frontières orientales du Thibet, dans le Su-Tchuen, les Rhodocera
abondent. Deux espèces furent découvertes dans ce pays par feu
l'abbé Armand David : la belle, grande et vivement colorée
Amintha, Blanchard, et la plus petite et moins brillante Alvinda,
Blanchard. Mais il y a d'autres espèces encore inédites, et certaines
de ces Rhodocera chinoises offrent la même particularité que la
rhamnï à Rennes, c'est d'avoir deux formes de Q, dont l'une res-
semble au (S.
Charaxes Jasius, Linn.
Magnifique papillon assez répandu dans la région voisine des
côtes de la Méditerranée. La chenille vit sur Xarbutus nnedo à
Cannes, Hyères, Marseille. M. H. Powell en a trouvé, en sep-
tembre 1908, une trentaine sur un arbousier isolé, dans les Pyrénées-
Orientales, aux environs d'IUe-sur-Tet. Le Charaxes Jasius n'avait
pas encore été signalé dans le Roussillon. Il doit se rencontrer des
Aberrations de Jasius, par confusion des dessins compliqués du
dessous des ailes; mais je n'en ai encore jamais observé. Le docteur
Fischer, de Zurich, cite deux Aberr. de Jasius, sous les noms de
Bachinetjevi et Hagerd; mais je ne les ai jamais vues.
Les feuilles de l'arbousier étant glissantes, la chenille ne peut
s'y tenir solide qu'en tissant sur la feuille oii elle fait élection de
domicile un réseau soyeux au moyen duquel elle s'accroche. Il y a
deux éclosions du papillon : en mai-juin et en septembre-octobre.
Lorsqu'il fait exceptionnellement froid, l'hiver, dans la région
méditerranéenne, les chenilles de Jasius gèlent et périssent en grand
nombre. Les arbousiers sont nombreux dans la forêt de Cap-Breton
(Landes). Feu Lafaury a essayé d'y acclimater le Jasius. J'ignore
si son entreprise a réussi. Le Charaxes Jasius se trouve en Algérie;
mais je n'ai encore jamais vu d'exemplaire authentique de cette
provenance.
l80 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
Apatura Iris, Linn.
Le Grand Mars changeant est plus rare et moins répandu dans
l'ouest que dans l'est de la France. J'ai pris une seule fois la Q , à
Rennes, mais je crois \lris assez abondant dans quelques localités
du Morbihan. Je l'ai capturé à Bagnères-de-Luchon et aux gorges
de la Diosaz, près Chamounix. Il se trouve à la Granja, en Espagne,
et en Angleterre. Mais c'est surtout dans les forêts de la Lorraine
que le Grand Mars vole en grand nombre, présentant assez fré-
quemment la variété unicolore lole sans taches blanches. Autrefois,
M. Deschange recueillait chaque année plusieurs exemplaires de
lole aux environs de Longuyon (Meurthe-et-Moselle).
Ulris est une espèce très commune aux environs de Tâ-tsien-Lou,
Siao-Lou, Tien-Tsuen, dans le Su-Tchuen, aux frontières orientales
du Thibet. J'ai reçu de ce pays un nombre considérable d'Iris. La
forme du cf est le plus généralement conforme à celle d'Europe;
mais il y a à Siao-Lou et lieux voisins une variété d'Iris ayant les
fascies d'un fauve doré, et depuis cette forme extrême que j'ai
appelée chrysina jusqu'à la forme normale à fascies blanches, on
trouve tous les passages et toutes les transitions.
La Q à Tâ-tsien-Lou, Siao-Lou, etc., est tantôt à fascies blanches,
comme en France, et tantôt à fascies d'un jaune nankin. Je possède
également les transitions de la forme normale dont les fascies sont
blanches, à la forme jaune nankin que j'ai appelée xanthina.
L'Ab. lole existe sur les frontières du Thibet, avec ses diverses
expressions plus ou moins accentuées, et cette Aberration affecte
aussi bien la forme à fascies blanches que la chrysina. Dans les
exemplaires lole de chrysina, il reste sur le dessus des ailes quelques
vestiges de taches d'un fauve doré et comme un lavis brun doré,
principalement dans les espaces intranervuraux des ailes inférieures,
le long du bord marginal.
UApatîira Bieti, de Tâ-tsien-Lou, est une espèce à part et nulle-
ment une variété d'Iris, ainsi que je l'ai pensé à tort.
Il y a plusieurs espèces d'Apatnra sur la frontière sino-thibétaine.
Leech, dans son ouvrage Buiterfiies from China, etc., figure dans
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE l8l
la PI. XV le cf et la Q d'une même espèce sous deux noms diffé-
rents. Cet auteur publie le cf sous le nom de fulva (ûg. 2) et la Q
de la même Apatnra sous le nom de subcœrulea (fig. i).
Il convient de recti&er cette erreur. Le même auteur représente
sous le n° 4 de la même PI. XV, sous le nom erroné de Bicti g,
la Q xanthina d'Iris.
La véritable Q Bicli est beaucoup plus sombre et la couleur de
ses fascies est non pas d'un jaune nankin, comme Iris xanthina,
mais fauve. Bieii est beaucoup plus rare qu'/m. J'en possède une
cinquantaine d'exemplaires qui varient entre eux, seulement par
l'extension plus ou moins grande des bandes fauves. Bicti a été
rencontré à Tâ-tsien-Lou et à Tse-Kou.
Apatura Ilia, liiibn. et var. Clytie, Hiibn., et Ab. Laura,
Lep. St-Farg. (PL XXV, fig. 12;).
Commune à la forêt de Rennes, oi: elle éclôt vers le 5 juillet.
On y trouve également les deux formes, celle à fascies blanches :
Ilia, et celle à fascies jaune orangé : Clytie. Il y a des individus
plus ou moins intermédiaires ayant la fascie médiane blanche et
les taches submarginales orangées, sauf le petit groupe des taches
subapicales des ailes supérieures qui reste blanc, même dans Clytie.
A Saint-Sauveur (Hautes-Pyrénées), j'ai seulement trouvé Clytie.
M. Deschange m'a envoyé de Longuyon (Meurthe-et-Moselle) de
belles Aberrations qui sont à Ilia ce qu'est lole par rapport à Iris.
M. Fritsch, de Besançon, en a aussi rencontré de semblables dans
le département du Doubs. Ces Aberrations portent le nom (ïAsta-
sioides, Stgr., et on peut en voir une figure dans le lahresbericht
des Wien. ent. Vereines, iSg8, PI. i, fig. 4 a, 4 â.
On obtient par le traitement des chrysalides au moyen de la
méthode du froid et du chaud, des Aberrations qui sont repré-
sentées par Heinrich von Mittis (loc. cit., fig. 2 et 3).
Un mot d'explication au sujet de ces Aberrations artificiellement
obtenues me paraît nécessaire.
l82 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
Il y a lieu de considérer que les procédés de chaleur et de gelée
appliqués aux chrysalides produisent des éclosions où la Nature
se trouve pour ainsi dire forcée; mais ces procédés ne donnent
finalement que des sujets conformes à' ce que peut produire la
Nature, agissant sans l'aide d'aucun artifice employé par l'Homme.
Seulement la Nature semble donner généralement trcs rarement
ce que les méthodes usitées pour le traitement des chrysalides par
la température produisent beaucoup plus souvent.
Quoi qu'il en soit, les Aberrations et variations diverses ont
actuellement deux sources : d'une part, la provenance naturelle.
J'indique, autant que je le puis, les circonstances de la capture
susceptibles d'authentiquer l'origine des variations trouvées dans
la Nature. D'autre part, il y a les sujets aberrants obtenus par les
méthodes expérimentales des savants naturalistes à qui la Science
est redevable d'observations d'une si haute valeur et d'un si puissant
intérêt. J'en fais l'état qui me paraît utile pour l'étude des pro-
blèmes concernant les lois présidant aux variations des espèces;
mais je ne manquerai jamais de faire connaître l'exacte origine des
papillons dont il sera fait mention au présent ouvrage.
Je dois ajouter que dans les collections il existe, depuis l'emploi
des méthodes expérimentales de traitement des chrysalides par la
température, de nombreux spécimens aberrants considérés à tort
comme recueillis dans la Nature et réellement obtenus d'éclosion
dans les Laboratoires. C'est évidemment une cause de sérieux
malentendus. Mais on ne pourra jamais empêcher qu'il y ait tou-
jours des erreurs, même volontaires, commises par des gens peu
soucieux de la vérité scientifique; cependant, pour atténuer tout
au moins le dommage résultant d'observations fausses, il est pos-
sible, avec l'expérience, de discerner certaines supercheries, et il est
facile, avec la bonne foi et la sincérité scrupuleuse, de ne jamais
se rendre complice d'aucune faute dont on pourrait concevoir le
soupçon.
M. Fritsch a pris en 1903, dans la Nature, à Besançon, oi^i
l'espèce est fort abondante, comme du reste dans le Jura et à
Ecclepens, en Suisse, un Clytie (S dont les ailes supérieures sont
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE 183
tout à fait semblables en dessus à la variété obtenue par le froid
(Kaelte-Form) figurée sous le n° t, a de la PI. I, dans Jahresbericht
des Wiener entom. Vereines, i8g8. Je possède un autre exemplaire
semblant pris au vol et ayant les 4 ailes semblables en dessus à
ce n° 3 rt'; il vient de Hongrie, contrée où il paraît qu'il a été capturé
un nombre relativement considérable d'Aberrations de \ A pat lira
llia et var. Clytie.
Les g llia sont généralement assez difficiles à obtenir. Mon fils
Joseph a capturé en mai 1893, dans l'intérieur de la ville de
Rennes, au boulevard Sévigné, dont les trottoirs étaient alors
plantés de peupliers d'Italie, une Q llia à bandes blanches, fraî-
chement éclose. Déjà il avait pris à Cancale, au mois d'août 1879,
une Q llia également blanche.
Dans le midi de la France, llia éclôt deux fois par an; on y
trouve, surtout dans la 2® génération, une Q Clytie dont le fond
des ailes est d'un jaune orangé assez uni. Je fais figurer dans le
présent ouvrage un exemplaire venant de Montpellier; j'en possède
un second exactement semblable. Lepelletier de Saint-Fargeau a
décrit et figuré cette forme sous le nom de Laiira, dans son ouvrage
resté inachevé sur les Papillons de France. Les figures (PI. 1 1, n° 3,
et PI. 12, n° i) sont très mal coloriées. Peut-être aussi le coloriage
a-t-il été altéré avec le temps? L'exemplaire Q figuré par Esper
(tab. LXXL cont. XXL fig. 3) sous le nom dVm riibescens et
rapporté par Staudinger et Rebel, dans le Catalog 1901, comme
Aberr. Eos à' llia, représente tout à fait la forme normale de
Clytie Q dans la France centrale. J'ai sous les yeux plusieurs
exemplaires semblables. Quelques-uns d'entre eux font partie de
l'ancienne collection de feu Guenée; il avait pourvu la boîte 011
ils étaient renfermés de l'étiquette suivante : « Je l'ai prise en
grande quantité à la glacière de Gentilly, près Paris, en 1829; elle
descendait vers 3 à 4 heures du soir sur le tronc des peupliers;
depuis, je ne l'ni plus revue que de loin en loin. » Il y a des Q
Clytie très obscures; j'en possède plusieurs exemplaires pris à
Berlin, en Bavière, dans le sud-est de la Hongrie, en Wurttemberg,
conformes à la figure donnée par Esper, sous le n° i de la
l84 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
Tab. XLIII, Supp]. XIX, et à celle publiée par Huebner sous les
n°^ 812, 813, et appelée Asiasia.
Les Apatura llia et Iris sont des papillons superbes dont la vue
réjouit toujours les yeux.
Limenitis Populi, Linn.
Le Grand Silvain, d'Engramelle, se trouve depuis les environs
de Tâ-tsien-Lou jusqu'au département de la Sarthe, où feu de
Graslin recueillit plusieurs cf et une magnifique Q, les 10 et 23 juin,
sans toutefois que l'année de la capture soit inscrite sur l'étiquette,
et probablement au lieu dit : Beauchêne, seulement indiqué sur
l'étiquette par la lettre B. Feu Gallée, qui fut à Rennes un natu-
raliste distingué et qui, comme entomologiste et surtout comme
botaniste, avait réalisé de très intéressantes trouvailles, m'a affirmé
que le Grand Sih'ain se rencontrait à la forêt de Rennes. Je ne
l'y ai pas vu. La Limenitis popîdi n'est pas rare dans l'est de la
France, à Besançon, en Lorraine; elle est très répandue en Alsace.
Je l'ai capturée au-dessus d'Uriage (Isère), vers 900 mètres d'alti-
tude; je l'ai observée au plateau du Mont-Revard, qui domine Aix-
en-Savoie. Je ne l'ai jamais vue dans les Pyrénées. Je possède
plusieurs Aberrations de Limenitis populi provenant toutes d'Alle-
magne.
Les exemplaires les plus caractérisés sont presque entièrement
noirs en dessus, avec le fond des ailes d'un fauve vif en dessous.
Les ailes restent en dessous bordées de gris bleuâtre et elles con-
servent plus ou moins de taches noires. Cette Aberration est figurée
dans le Jahresbericht d. Wien. ent. Ver., 1900, sous le n" g de la
planche I, d'après un exemplaire pris à Lemberg, en Gallicie, et
appartenant à M. von Mittis, qui n'avait jamais vu un autre individu
semblable. Ma collection contient 2 cf et i Q de cette Aberration
que je désigne sous le nom de Mittisi.
Tous les exemplaires cf de Tâ-tsien-Lou, Siao-Lou et Tse-Kou
que j'ai vus appartiennent à la forme trenndœ, qui est privée de
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE 185
la fascie blanche en dessus. Les Q de Chine occidentale sont, au
contraire, largement maculées de blanc. IMM. Robach et Jeunet
mont envoyé des environs de Besançon des Lhiieniùs populi
trcmulœ semblables à certains exemplaires de Tâ-tsien-Lou. Dans
la région du Baïkal, au contraire, M. Chaffanjon a pris la forme
populi, chez laquelle les taches blanches sont très développées et
qui est le contraire de ircuiiiUc.
Limenitis Camilla, llucbn.
Etait autrefois commune à Rennes et volait dans les jardins
autour de la ville. Après un hiver exceptionnellement froid, elle
s'est raréfiée et je fus plusieurs années sans la revoir. Elle semble
maintenant redevenir assez abondante. Je l'ai prise à la forêt de
Rennes, à Monterfil, à Bourg-des-Comptes. Je n'ai jamais vu
Cmnilla sur la côte malouine et je suis porté à croire qu'elle ne
s'avance pas vers le nord, beaucoup au-dessus de Rennes. Chez
nous, on peut la trouver depuis le commencement de juin jusqu'en
août. C'est plaisir de voir le Sylvain azuré planer avec grâce et, si
j'ose m'exprimer ainsi, avec noblesse, dans les vallons frais et
boisés, se poser parfois sur les feuilles des arbres ou sur les grandes
fougères, fermer ou ouvrir au soleil ses ailes noires, parées d'un
beau reflet bleuâtre et traversées par une bande maculaire blanche.
La Camilla n'est pas rare en Toscane, dans les environs de Fiesole,
au-dessus de Florence et à Castellamare-di-Stabia. Elle se trouve
assez communément dans tout le midi de la France et sa première
éclosion s'y fait en mai. Je l'ai prise à Vernet-les-Bains (Pyrénées-
Orientales) en juillet et août; elle est abondante aux environs de
Digne. Ma collection contient des exemplaires de Paris, Corse (coll.
Bellier), d'Akbès en Asie-Mineure, de la Granja (Espagne centrale),
de la Sarthe (coll. de Graslin), de la France méridionale.
L'Aberr. Pythonissa, Millière, sans aucune trace de la bande
maculaire blanche en dessus et avec le dessous des ailes d'un brun
rouge ou noirâtre uni, alors que seulement l'espace basilaire et une
tache près le bord externe des ailes supérieures restent d'un blanc
l86 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
légèrement bleuâtre, se trouve dans ma collection. L'exemplaire qui
a servi à la figure publiée par Millière fut pris à Florac, par feu
Antoine Guillemot, de Thiers, qui s'en dessaisit en faveur de feu
Emmanuel Martin, de Creil, à l'obligeance de qui j'en suis rede-
vable. Un cf analogue, pris aussi à Florac, je crois, existe dans
l'ancienne collection Bellier. J'ai acquis un cf d'Alsace, différant
de Pythomssa, parce qu'en dessus, comme en dessous, il a 5 taches
blanches aux ailes inférieures. Enfin M. Siepi m'a cédé le beau (3
pris à Draguignan (Var), en juillet 1898, et dont il est fait mention
à la page 25 du Catalogue raisonné des Lépidoptères des Bouches-
dîi-Rhône, etc. Les taches ordinaires sont très faiblement indiquées,
très réduites et couvertes en grande partie par des atomes noirâtres.
C'est un transitiis egregius entre la forme normale de Camilla et
l'Ab. Pythonissa.
Limenitis Sibylla, Linn.
Le Petit Silvain, plus répandu dans le nord de l'Europe que
dans le midi, se trouve en Angleterre, en France, en Allemagne,
et jusqu'au Japon. Il est généralement très abondant en Bretagne,
dans les bois; je l'ai pris à Iluelgoat (Finistère), le 10 juillet igoo.
Il est très commun à la forêt de Rennes et dans le bois de Monterfil,
en juin. Mon frère l'a pris aux environs de Charroux (Vienne) et
à Sèvres, près Paris, en juin. Mon fils, le D"" J. Oberthiir, a capturé
Sibylla à Montmorency, en juillet 1901. L'Aberr. nigrina, tout à
fait noire en dessus, se rencontre dans les lieux les plus divers.
Nous la possédons d'Angleterre, de Rennes, de Chartres, de
Donautal (îlohenzollern), de Berlin, de Géra, de Baden. Il y a
toutes les transitions entre la forme normale et l'Ab. nigrijia com-
plète. Souvent les deux côtés des ailes de l'Ab. nigrina ne sont
pas symétriques.
Il en est ainsi de l'exemplaire figuré par le P. Engramelle
(PI. XI, fig. 13^, 13/). Ce papillon existait dans la collection de
M'"° de Mutigny; « c'est dans son cabinet qu'elle a été copiée; elle
lui vient d'x\ngleterre », dit le P. Engramelle.
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE 187
Si l'on songe que le premier volume des Papillons d'Europe
peints (V après nature porte la date de 1779, on reconnaît qu'à cette
époque déjà bien éloignée de la nôtre, les « Curieux de la 'Nature »
et ceux qui encourageaient les publications scientifiques étaient
probablement plus nombreux en France qu'aujourd'hui, au moins
pour la spécialité entomologique ; et on est étonné, en parcourant
la liste des souscripteurs, du nombre, de la qualité et de la diversité
des personnages qui s'intéressaient à l'ouvrage du R. P. Engramelle.
Cette liste de souscription, qui parut en 1782, et fut imprimée en
tête du tome III, contient 227 noms, parmi lesquels je relève les
suivants : Le Roi de France, Monsieur, Madame, Monseigneur le
Comte d'Artois, Madame la Comtesse d'Artois, Messeigneurs les
Ducs d'Orléans, de Chartres, de Condé, de Conty, de Soubise; le
Roi d'Espagne, Madame la Margrave d'Anspach et de Bareith,
Messeigneurs les Ducs-régnant des Deux-Ponts et de Wurtemberg,
Monseigneur le Prince de Œttingen-Wallerstein, Madame la Prin-
cesse héréditaire de Saxe-Cobourg-Saalfeld, Monseigneur le Prince
de Furstenberg, à Prague; le Roi de Suède, Madame la Princesse
de Ligne, à Bruxelles; M. de Badier, grand-voyer de la Guade-
loupe; MM. Barbaut de Glatigny, de Beaujon, de Bondy, de
Chalandray, Gigot d'Orcy, Marquet, Mel de Saint-Ceran, Ménage
de Pressigny, de Meulan, Mil lin du Perreux, Parseval des Chênes,
Richard de la Breteche, Vassal, Le Normant d'Etiolles, tous les
quatorze receveurs généraux des Finances ou des Fermes; de
nombreux libraires de France et de l'Etranger, souscrivant chacun
pour 2, 3 et même 20 exemplaires; des magistrats; des adminis-
trateurs; des militaires, tels que : le chevalier de Bargeton, capitaine
de grenadiers au Régiment royal; de Boisaujeu, ancien mousque-
taire; le Comte de Brienne, lieutenant-général des Armées du Roi;
le comte de Brivasac. capitaine au Régiment de la Reine Dragons
à Bordeaux; le Marquis de Champignelle, mestre de camp, capi-
taine des Gardes du corps; le Marquis de Courtenvaux, capitaine-
colonel des Cent-Suisses; le Marquis de Dampierre, maréchal des
Camps et Armées du Roi; le Baron H.-W. Rengers, président du
haut-conseil de guerre des Provinces-LTnies, à La Ilaye, lieute-
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE
nant-général de la Cavalerie, chambellan de S. A. R. Madame la
Princesse d'Orange, « de la belle collection de laquelle, dit Cramer
{Préface, p. 15), Son Excellence a daigné seconder et soutenir mes
efforts, en m'envoyant un nombre considérable des pièces les plus
belles et les plus rares de son magnifique et riche Cabinet, pour les
faire dessiner en couleurs... »; M. le Comte de Razomouschi, bri-
gadier des Armées de S. M. I. de toutes les Russies, etc.; des
peintres; des académiciens; des négociants, tel : M. Christian Ger-
ning, de Francfort-sur-le-Mein, qui possédait une magnifique
collection de papillons; des consuls; des professeurs; des médecins;
des prêtres; des pasteurs; des dames, ainsi : M™® de Libour, à
Laval; M""" de I.uynes, à Nantes; M'"' la Marquise de Franqueville,
M"" Eggendwsser, à Fribourg; IM"*^ Clairon, pensionnaire du Roi;
M'"" de Montreuil, etc., etc.
Pierre Cramer, contemporain du P. Engramelle, qui dédie son
beau livre : Papillons exotiques des trois Parties du Monde
(Amsterdam et Utrecht, 1779) à Messieurs les Membres de la
Société : Concordia et Libertate, et qui comme Engramelle et sui-
vant la mode du temps, enjolive son œuvre par des frontispices
gravés avec une finesse exquise, est encore mieux partagé pour le
nombre des « Messieurs qui ont bien voulu honorer cet ouvrage
de leur souscription », puisque la liste de ses souscripteurs, imprimée
en 1782, la même année que celle du P. Engramelle, atteint
284 noms.
Lorsqu'on étudie les travaux si consciencieux et si admirablement
illustrés de tous ces Anciens, on acquiert bien vite la conviction
qu'ils étaient infiniment mieux et plus documentés que nous ne
serions portés à le croire aujourd'hui. La Révolution française et
les guerres du Premier Empire arrêtèrent pendant près de 25 années
le merveilleux essor entomologique de la fin du XVIIP siècle.
Ce ne fut guère que sous le Gouvernement de la Restauration
que se fit une renaissance entomologique très féconde, d'abord en
France qui, jusque vers 1850, tint, dans le Monde, la tête du mou-
vement, puis chez toutes les nations civilisées de l'Univers.
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE
Neptis Lucilla.
Espèce paraissant venir de l'Extrême-Orient et arrêtée à l'est
des Alpes. Je l'ai prise à Siresa, au bord du lac Majeur, au com-
mencement de juin 1870. Je n'ai pas entendu dire qu'on l'ait encore
vue du côté occidental des Alpes, dans la Savoie ou dans quelque
partie de la Provence. En Chine, sur la frontière thibétaine, Lucilla
est très abondante; la forme, dans cette région, a les taches blanches
rétrécies et appartient à la variété Ludinilla. Dans la région du
lac Baïkal, M. Chaffanjon a trouvé une race de Ludiuilla sensi-
blement plus petite qu'au Su-Tchuen. Au Japon et dans le nord
de la Chine, on rencontre des Lucilla semblables à ceux d'Autriche
et d'Italie. L'abbé David avait capturé dans le nord de la Chine
une Aberration de Liicilla remarquable par le prolongement des
taches normales blanches en un large trait allongé jusqu'au bord
marginal. Cet exemplaire curieux est dans ma collection.
Aucune espèce à'Apainra de Limenitis et de Nepiis n'a encore
été signalée en Algérie, du moins à ma connaissance.
Vanessa Atalanta, Linn.
Rien n'est agréable comme de voir, à la fin de l'été ou au com-
mencement de l'automne, quelques beaux Vulcains^ voltigeant autour
des fruits mûrs, ou bien posés, en ouvrant leurs ailes dont ils
montrent tout l'éclat, sur des fleurs d'arrière-saison : telles o;p! aster
ou escallonia, sur des raisins, des poires qui ont déjà été partiel-
lement dévorées par les frelons et les guêpes, ou encore sur des
flgues détachées de l'arbre et tombées à terre.
Les Vulcains sont souvent familiers avec l'homme et il n'est pas
rare de voir ce papillon superbe posé sur la coiffure de quelqu'un.
Il y a des places où, pendant presque toute la belle saison, un
Vulcain fait élection de domicile. Alors, c'est à terre, au milieu
d'une allée de jardin, sur un tronc d'arbre ou un arbuste, dans un
lieu très circonscrit, qu'on voit presque constamment le Vulcain
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE
animer et embellir de sa présence l'endroit où il se plaît et dont
il ne s éloigne généralement pas longtemps.
La Vanessa Atalania, comme les autres Vanessa, a été l'objet de
travaux d'expérimentation considérables et pour lesquels je renvoie
aux ouvrages originaux de leurs auteurs, notamment à : Expert-
mentelLe Zoologische Studien mit Lepidopteren, von D"" Max
Standfuss (1898), et Gesmnmthild der bis Ende i8ç8 an Lepi-
dopteren vorgenommenen Ternperatiir ùnd Hybridations-Expéri-
menté du même auteur (1899).
Je compte parler ici seulement des variations rencontrées dans
la Nature. Les livres des anciens auteurs contiennent la reproduction
d'Aberrations extraordinaires; ainsi Mosley figure dans l'ouvrage
Illustrations of Varieties of british Lepidoptera, sur la PI. VII, de
superbes variétés, sous les n°' i, 3 et 4.
J'ai pris moi-même dans notre jardin du faubourg de Paris, à
Rennes, sur une treille, à l'arrière-saison, l'Aberration curieuse que
feu Minière a figurée sous la figure 3 de la PI. 88 de son Icono-
graphie. Les parties rouges normales sont absentes et remplacées
par une teinte blanc ochracé. La bande des ailes supérieures est,
dans la partie médiane, dépourvue d'écaillés.
Le 21 octobre de la présente année 1908, par une belle journée
ensoleillée, quelques Atalanta voltigeaient vivement dans le jardin
de mon frère, à Rennes. Avec quelques exemplaires normaux, il
captura un cf de l'Aberr. Klemensiewiczi, chez laquelle le groupe
de taches blanches costales, situées entre la bande rouge et le
dernier groupe maculaire blanc des ailes supérieures, est absent et
recouvert par des atomes noirs qui ont un reflet bleuâtre; en outre,
nous saisîmes un autre exemplaire chez qui toutes les parties norma-
lement rouge orangé vif sont remplacées par une teinte jaune fauve,
sans aucun vestige de la couleur rouge.
En France, je crois qu' A talajit a est répandu dans tous les dépar-
tements, aussi bien au nord qu'au midi. J'ai pris Atalanta, en
août, dans les Iles Chausey (Manche). M. le lieutenant Mathieu a
recueilli Atalanta à Alger; J. Merkl l'a prise à Philippeville, en
avril 1884, et E. Bac l'a trouvée à Lambèze, en été. En outre des
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE ICI
localités précédemment citées, ma collection contient des Atalanta
des localités suivantes (non compris les variétés par refroidissement
que j'ai reçues de MM. les D'"^ Stand fuss et Fischer, de Zurich) :
Angleterre, Cancale, Corse, Vernet-les-Bains, Paris, Etats-Unis.
Vanessa Cardui, Linn.
La Belle Dame habite, je pense, les cinq parties du Monde.
Contrairement à l'opinion de Staudinger, la Vayiessa Cardui se
trouve dans l'Amérique méridionale où feu C. Bar l'avait capturée
à l'île Portai, au Maroni, dans la Guyane française.
En juin 1879, la Bretagne fut traversée par une migration consi-
dérable de Belles Dames venant du sud. Le bord de la mer, à
Cancale, en était comme frangé. De nombreux papillons vivant
encore, tombés à la mer, mais portés par le flot, étaient ramenés au
rivage par la marée. On les cueillait à volonté et nous les mettions
à sécher sur la terre ferme où ils ne tardaient quelquefois pas à
recommencer leur vol.
Dans ma collection, la Vanessa Cardui est représentée par des
exemplaires dont voici les provenances : Irlande; Angleterre;
Cancale; Vendée; Evreux; Rennes; Gironde; Sierra-Nevada
d'Andalousie; Escorial; Hautes-Pyrénées; Pyrénées-Orientales;
Paris; îles Comores; Tamatave; île Bourbon; Bagamoyo, Mrogoro,
Nguru et Tabora, dans le Zanguebar; bords du fleuve Quango;
Boké, sur le Rio-Nunez; Natal; Abyssinie; Biskra, Bou-Saada,
Sebdou, Lambèze, en Algérie; Akbès; Taurus; Java; Menado;
diverses parties de la Chine; Thibet; Australie; Haute-Birmanie;
île Askold; Sikkim; Japon; îles Canaries; Amérique du Nord;
Guyane française.
Abstraction faite des Aberrations obtenues par voie expérimen-
tale, je possède : r l'Ab. pallida, à fond des ailes blanc très légè-
rement rosé, dont un exemplaire très caractérisé et très frais fut
pris par mon frère dans les Pyrénées-Orientales et un autre un
peu moins blanc recueilli à Rouen, par feu Lhotte, lors de la grande
migration de 1879.
192 LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE
Quant aux Ab. Elynii, j'ai sous les yeux i cf de la collection
de Graslin; i autre cf, de Paris, de la collection Bellier; 4 autres
de la collection Wiskott, pris en Silésie, à Pesth, Troppau et
Mittewald. Ce dernier est très remarquable avec la série submar-
ginale de points blanc rosé qui se détache sur ses ailes inférieures,
en dessus. De Biskra, j'ai une Q dont la plus grande partie des
taches et dessins des ailes inférieures, en dessous, est effacée.
Vanessa lo, Linn.
J'ai pris à Cancale, en 1889, la variété que j'ai désignée sous le
nom de Belisaria; l'exemplaire Q que je capturai était posé sur
une fleur de Veryngium manlimum, dans l'anse de Port-Mer, très
près des sables que le flot recouvre à chaque marée. Je possède
un cf pris à Pontarlier, en 1894. La collection Bellier contenait
2 cf Belisaria paraissant anciens et il y en avait un autre dans la
collection Sheppard, qui fut vendue à Londres, à la salle Stevens,
les 25 et 26 mars 1889.
Ces 5 papillons, qui me semblent avoir été tous pris dans la
Nature, sont semblables à ceux qui ont été obtenus à Zurich par
mon ami Standfuss, « durch Hitze; nur einmalige 3 stundige
Exposition, bei + 42°'' ».
Je possède une autre Aberration prise dans la Nature à Stral-
sund; la tache oculée des ailes inférieures est devenue entièrement
noire.
Mosley figure, sous le n° 5 de la planche 8, une belle Aberration
de la collection Bond, élevée d'une larve trouvée aux environs de
Londres. La côte et le bord marginal des ailes supérieures, ainsi
que le croissant normalement noir qui accompagne l'œil de paon
aux ailes inférieures, sont devenus blancs.
La Vanessa lo existe dans ma collection, provenant des localités
suivantes : Sud-Irlande, Angleterre (North-Devon), Rennes, Can-
cale, Pyrénées-Orientales, Paris, Allemagne, île de Sardaigne,
Sicile, île Askold, Japon.
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE I93
Vanessa Antiopa, Linn.
Répandue depuis la Bretagne jusqu'aux frontières orientales du
Thibet et dans l'Amérique du Nord, mais non signalée en Algérie,
la Vanessa Antiopa varie beaucoup pour la taille. Elle a été l'objet
d'expériences très curieuses au moyen des différentes températures
auxquelles les chrysalides ont été soumises. Le D'' Max Standfuss
figure dans son ouvrage : Exper'nnentelle zoologische Studien mit
Lepidopteren, sous le n° 5 de la PI. III, une Aberr. Hygiœa pro-
venant de l'expérience par la gelée (Frost-Experiment) ; sous le
n° 3 de la PI. IV, une Aberr. semblable prise dans la Nature (in
der f reien Natur gef angen) ; enfin, sous le n° 4 de la même planche,
une autre Hygiœa obtenue par la grande chaleur (Hitze-Expe-
riment).
La curieuse Aberration représentée sous le n° i de la PL V est
due au froid (Kaslte-Experiment), et l'autre, n° 2 de la même
planche, transition à Hygiœa, a été obtenue par la chaleur (Wasrme-
Experiment).
Les Aberrations Hygiœa avaient été trouvées jadis en certain
nombre à Bordeaux, dans la Nature, et il y en avait plusieurs exem-
plaires dans la collection de feu Auguste, laquelle fut achetée par
Christ. Ward, d'Halifax. A la mort de Ward, j'achetai sa collection,
ce qui fit rentrer en France les papillons d'Auguste. En réunissant
les Hygiœa que contenaient les collections Boisduval, Ward, Bellier,
de Graslin et Wiskott, j'ai sous les yeux une douzaine ô^Hygiœa
antérieurs aux expériences de variation.
Ces expériences ont produit beaucoup de variétés Hygiœa et
aussi la variété inverse, chez laquelle la bande marginale jaunâtre
est très rétrécie et les taches bleues submarginales agrandies. Il y a
en outre des variétés présentant un mélanisme très accentué, con-
sistant en un semis épais d'atomes noirs sur la bande marginale
jaunâtre, en dessus comme en dessous.
Je possède un exemplaire paraissant pris au vol, portant l'éti-
quette : Mombach, et ayant la bande marginale d'un fauve enfumé
et non jaune clair. En dessous, la bande est restée blanche, et le
13
194 LEPIDOPTEROLOGIE COMPARÉE
long du bord marginal des ailes inférieures, en dessus, la bande
jaune enfumé montre une éclaircie très nette, ce qui empêche de
croire à une altération artificielle de la couleur jaunâtre normale.
J'ai d'ailleurs reçu de mon ami Standfuss deux individus de
l'Ab. Hygiœa ayant la bande jaunâtre marginale très large et très
enfumée, dans le genre de nuance de VAntiopa de Mombach, ce
qui indique que la variété enfumée peut exister sans supercherie.
Ces exemplaires portent l'étiquette suivante : « Puppen von Zurich,
durch Frost experiment ». C'est donc par le froid qu'elles ont été
traitées.
Antiopa se trouve en Angleterre, mais très rarement; Charles
Barrett, dans Lepid. of the British Islands, dit (page 142) :
a Many old Entomologists hâve never captured, or even seen, a
living example ». Antiopa a été observé plus communément dans
la Grande-Bretagne, en 1846, « wich used to be called the Antiopa
year ».
Durant l'année 1872, on trouva aussi dans diverses parties de
l'Angleterre une assez grande quantité à^ Antiopa.
Je vois ce beau papillon presque tous les ans en Bretagne; mais
je ne l'y ai jamais observé en nombre. Il est bien plus abondant
dans certaines parties du centre et du sud de la France.
Dans VAid to the identification of Insects, la figure i de la
planche 178 représente, sous le nom de Vanessa Thomsonii, Butler,
une Aberr. Hygiœa de l'américaine Antiopa. La légende donne
comme lieu de provenance : Brit. Honduras, mais avec un point de
doute. Cette Thomsonii a le bord des ailes plus sablé d'atomes
noirs que notre ordinaire Hygiœa.
Les Antiopa de Tâ-tsien-Lou ont la bordure jaune des ailes un
peu plus foncée et plus sablée d'atomes noirs que les Antiopa
français. Cependant un exemplaire de Vernet-les-Bains est, sous
ce rapport, semblable à ceux de Tâ-tsien-Lou, ce qui justifie la
proposition suivante : Quand il y a imité d^Espece en des lieux
différents, la forme ordinaire d'un lieu, distincte de celle des autres
lieux, peut cependant y être rencontrée à titre de variation plus ou
moins exceptionnelle.
LÉPIDOrXEROLOGIE COMPAREE 195
Vanessa Polychloros, Linn., et vai. Erythromelas, Austaut
(PL XI, ûg. 12).
La Grande Tortue est assez répandue en France, en Angleterre,
en Allemagne, en Italie, en Corse, en Algérie et en Asie-Mineure.
En ce qui concerne la France, ma collection contient des individus
récoltés à Rennes, à Cancale, à Châteaudun, à la Sainte-Baume
(Var), dans les Pyrénées-Orientales, à Digne, à la Bourboule (Puy-
de-Dôme). La chenille vit sur l'ormeau {jihnus camfestris) ; on la
trouve aussi sur divers arbres et arbustes. C'est une espèce com-
mune; mais les Aberrations, dans la Nature, sont très rares. Je
possède un exemplaire pris à Breslau, remarquablement albinos.
En dessus, le fond fauve des ailes est resté presque normal, cepen-
dant plus clair; mais toutes les taches noires ordinaires sont d'un
blanc grisâtre, ainsi que les taches bleues marginales. Les antennes
et le corps sont de couleur blonde et le dessous des ailes est d'un
jaune d'ocre pâle.
Esper figure (tab. LXXIII, cont. XXIII), sous les n°' i et 2, de
magnifiques Aberrations de Polychloros qu'il appelle testudo. « On
a trouvé, dit-il, ce papillon en différents lieux de la Hongrie, et
l'exemplaire figuré sous le n° i vient d'Ofen. D'après certains rap-
ports, ajoute Esper, la chenille et la plante nourricière sont aussi
différentes de celles de Polychloros. On a aussi trouvé récemment
ce papillon dans le Palatinat, et l'exemplaire figuré sous le n" 2
aurait été pris dans les environs de Neuwied. Les deux sont conte-
nues dans la célèbre collection de M. Gerning. » Huebner figure
de son côté, sous le nom de Pyrrhonielcena (n°^ 845, 846), une
magnifique Aberration de Polychloros, très différente de testudo.
Enfin le Père Engramelle figure, dans ses Papillons d'Europe,
plusieurs Aberrations de Polychloros; mais, de même qu'Esper, il
a une tendance à considérer ces Aberrations comme spécifiquement
différentes de la Grande Tortue. Cependant il ne paraît pas vouloir
être à ce sujet très affirmatif. Les Aberrations que représente
Engramelle (PI. IV, Suppl. i, n"'' 3 /^ et 3 /; — PI. LXXX,
IP Suppl., pi. I, n"^ 3 ;;/ et 3 «; -^- PI. VIII, IIP Suppl.. n"^ 3 ^, 3 /)
igÔ LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
sont toutes magnifiques et proviennent : la i''*' de Bude-Offen, en
Hongrie, coll. Gerning; la 2'' de Neuvied, coll. Gerning, et 'la der-
nière est également de la coll. Gerning. Aucune de ces variétés,
dit Engramelle, n'a été élevée de la chenille; à cause ide cela il ne
peut former que des doutes sur l'identification spécifique avec
Polychloros.
Les figures données par Esper sont plus grossières que celles
fournies par le P. Engramelle. Cependant les papillons appar-
tiennent tous à la même collection Gerning, la plus belle de la fin
du XVIIP siècle, et telle que bien peu de collections modernes
puissent revendiquer une supériorité sur cette ancienne collection.
Que sont devenues les merveilles qu'elle contenait ? Tous ces sujets
si remarquables, mais heureusement reproduits par la peinture, ont-
ils été détmits avec le temps ? Les Entomologistes allemands pour-
raient peut-être nous renseigner sur cette intéressante question.
La collection Bellier renfermait un Pynhomelœna, sans indi-
cation de localité, d'aspect ancien, quoique très bien conservé. Les
collections Boisduval, Guenée et de Graslin ne possédaient aucune
aberration de Polychloros.
MM. Standfuss et Fischer ont obtenu, en traitant les chrysalides
par la chaleur, les Aberrations Pyrrhomelœna et testudo.
Les exemplaires de testudo dont je suis redevable au D"" Fischer
ont subi -f- 43°'=.
Mais le traitement des chrysalides par la chaleur, même de -\- 43
ou 44 °°, ne semble pas modifier la teinte fauve du fond des ailes
en dessus, et, jusqu'ici, n'a pas produit la variété algérienne
erythromelas, Austaut. Celle-ci, dont j'ai sous les yeux plus de
100 exemplaires très caractérisés provenant de Sebdou, Tlemcen,
Khenchela, Lambèze, Djurjura, se distingue de tous les exemplaires
européens par la couleur extraordinairement vive et chaude du fond
des ailes, en dessus. Presque tous les exemplaires algériens montrent
cette belle couleur d'un fauve rouge à laquelle ne parviennent point
les individus de Syrie, d'Asie-Mineure et de Corse, pourtant un
peu plus foncés que les nôtres. Cependant je dois faire connaître
que je possède deux spécimens de Tlemcen, recueillis par M. le
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPAREE 197
curé Brevet, et dont la couleur fauve du fond des ailes en dessus
diffère de celle des crythromelas et se trouve conforme à des échan-
tillons de Sicile et Corse que j'ai sous les yeux; on ne peut donc
pas dire que tous les Polychloros d'Algérie sont des erythrovielas.
J'ai fait figurer sous le n° 12 de la PI. XI, un erythromdas
normal. Erythronielas, en Algérie, éclôt d'abord en mai et juin,
puis en juillet et aoiàt.
Chez une quarantaine d'exemplaires dont les chrysalides ont été
soumises par le D"" Fischer, pendant trois semaines, à une tempé-
rature de -I- 5°°, les couleurs sont généralement pâlies, les taches
bleues marginales des ailes inférieures en dessus sont surmontées
d'un chevron noir très aigu et la dentelure des ailes est quelquefois
moins accentuée.
Vanessa urticae, Linn.
Manque en Algérie, ou du moins n'y a pas encore été rencontrée.
Répandue, au contraire, en Asie et dans toute l'Europe, depuis les
régions polaires; présente en Corse et en Sardaigne une variété
géographique appelée : ichnusa, chez laquelle la couleur rouge du
fond est plus vive et où les deux taches noires médianes normales
font défaut; a été l'objet de travaux considérables d'expérience
concernant le traitement des chrysalides par le froid et le chaud.
D'après les très intéressants renseignements dont nous fit part
M. Arnold Pictet, à la séance de la Société lépidoptérologique de
Genève qui eut lieu le 12 novembre 1908 et à laquelle j'avais le
plaisir d'assister, la modification des couleurs par la température,
dans la chrysalide, se fait entre la 8" et la 13' heure après la trans-
formation de la chenille en chrysalide. Beaucoup de chrysalides
ne donnent pas de papillons; d'autres fournissent des exemplaires
normaux; quelques-unes présentent des Aberrations plus ou moins
remarquables.
Au Japon, la var. Butlcrï, Fenton, offre la particularité suivante :
une bande noire formée aux ailes supérieures, en dessus, par la
LEPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
confluence de la tache costale médiane et de la tache qui se trouve
assise sur le bord interne des ailes, descend du bord costal au bord
interne, laissant en dehors les deux points noirs médians normaux.
Cette variété a été bien figurée par Pryer {RJiop. Nihonica, PI. VI,
fig. 8) et indiquée : commune à Yezo. On la remarque, mais ordi-
nairement bien moins accentuée qu'au Japon, dans les rirticœ du
nord de la Norwège et dans certains exemplaires des Iles Britan-
niques, qui peuvent se rattacher à la var. polaris. Mosley figure
(PI. I, n° 6), une de ces Vanessa îirticœ, prise à Norfolk.
Déjà j'ai eu l'occasion de rappeler les indications données dans
les termes suivants sur une forme à^urticœ polaris parisienne, par
Bel lier de la Chavignerie {Ann. Soc. cnt. France, 1858, p. 301) :
« Un jour, écrit-il, un de mes amis m'apporta plusieurs Vanessa
iirticœ, dont les ailes, prodigieusement assombries et ornées de
larges taches d'un noir intense, excitèrent tout d'abord mon admi-
ration. Il m'avoua que ces remarquables exemplaires, dont il voulut
bien me faire présent, provenaient de chenilles retardataires
recueillies par lui à l'arrière-saison et dont il n'avait obtenu que
fort tard les papillons, en conservant les chrysalides dans une gla-
cière »
J'ai encore aujourd'hui 3 de ces Vanessa itrûcœ sous les yeux;
elles sont bien conformes à ce qu'en dit Bel lier et elles se rattachent
évidemment à la var. polaris dont Fentoni paraît être l'extrême
expression. Mais il n'est pas nécessaire de soumettre les chrysalides
au traitement de la glacière pour obtenir des polaris ou des tran-
sitions à polaris. Feu Lhotte avait obtenu à Clamart toute une série
de Vanessa urticœ polarisant, et moi-même j'ai pris en juin i8go,
à Monterfil, posée sur un buisson de troëne, au milieu d^nrticœ
normales, une variété polarisante qui appela de loin mon attention
par son rembrunissement dû à la presque confluence des deux
taches médianes des ailes supérieures, la costale et celle qui est
contiguë au bord interne. J'ai pris la même variété à Cancale, vol-
tigeant librement. On peut donc conclure que, dans la Nature, les
urticœ du nord-ouest de la France peuvent être atteintes des carac-
tères qui distinguent la var. polaris. De même nous avons capturé
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE I99
à l'état libre, à Cauterets, des urticœ d'un rouge moins vif
o^ichnusa de Corse et Sardaigne, mais à peu près complètement
dépourvues des deux points noirs médians qui sont un des carac-
tères de la forme géographique ichnusa.
Il y a encore dans la Vanessa urticœ une Aberration fort remar-
quable dont le fond des ailes est d'un blanc rosé. J'ai reçu d'Alle-
magne 3 exemplaires, sans doute obtenus en Laboratoire, de cette
Aberr. récemment appelée : Herjnanni, mais que Mosley a figurée
sous le nom plus ancien de pallida (Vanessa, pi. 4, n*' 2). Bellier
en possédait un exemplaire qui fut pris dans la forêt de Bondy, et
moi-même j'en ai vu un autre à Cancale, voltigeant tout près de
la mer, au lieu dit : Plage du Verger. J'eus le regret de ne pouvoir
le saisir.
Restent maintenant les Aberrations par confluence des taches
noires costales, par développement de la tache subapicale blanche
et par transformation des taches bleues submarginales en taches
ovalaires allongées. Ces Aberrations sont bien rares dans la Nature,
tandis que les expériences de Laboratoire en produisent assez
fréquemment.
M. Gadeau de Kerville a pris, le i*"" septembre 1880, à Petit-
Couronne, un exemplaire, qui est maintenant dans ma collection,
assez analogue, si on le compare à urticœ normal, à l'Ab. testiido
de Polychloros. Pour les ailes supérieures, il ressemble à celui qui
est figuré par Mosley (Vanessa, PI. II, n° 4). Sans doute il existe,
dans les collections diverses, bien d'autres Aberrations dCurticœ
prises dans la Nature; mais les résultats dus aux expériences par
la température sont bien remarquables et font grand honneur à
l'habileté des savants qui ont réussi à les obtenir.
Grâce à mon ami Stand fuss, ma collection a été pourvue de
documents très intéressants concernant les variétés expérimentales
d' urticœ. Je suis heureux de lui en exprimer ma meilleure gratitude.
Urticœ se trouve aux frontières occidentales du Thibet, au Yunnan
et au Kouy-Tchéou, et y donne la forme grande, d'un rouge uni-
forme que Leech a appelée : chinensis.
Au Nord-Cachemire, urticœ a un peu l'aspect de Butleri de Yeso,
LEPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
mais le bord extérieur des ailes est uni, presque sans dentelures;
cette forme s'appelle : ladakkensis, Moore.
Enfin au Sikkim, Kaschmirensis, Kollar paraît être aussi une
forme d'iirtkce, comme peut-être Milberli, Godart, aux Etats-Unis.
Il est curieux qu'une espèce si répandue dans l'ancien Monde
n'ait pas encore été rencontrée en Algérie oii paraissent manquer
également, d'ailleurs, les Vanessa lo et Antiopa.
Au point de vue de l'altitude, la Vanessa urticœ, en France du
moins, se trouve partout où croissent les orties dont se nourrit sa
chenille. On trouve ^ntkœ dans toute la France, au bord de la
mer, aussi bien qu'au sommet des hautes montagnes, tel le Mont
Canigou, oii je l'ai observée jadis.
Vanessa C. Album, Linn.
On trouve le Robert le Diable, ou Gamma, comme l'appelait le
P. Engramelle, en Europe, en Asie et en Algérie. Dans ma col-
lection, il y a des exemplaires de Besançon, des Pyrénées-Orientales,
de Rennes, de Gèdre, de la Gironde, de Châteaudun, de Digne,
d'Evreux, de Corse, de Grèce, de Grenade, d'Angleterre, de Rome,
de Sicile, de Broussa en Asie-Mineure, d'Akbès, d'Alger, du Djur-
jura, de Bône, de l'île Askold, du Japon, de Tâ-tsien-Lou, de
Lachin-Lachong au Sikkim.
L'espèce varie pour la taille et pour l'accentuation des taches
sur le dessus des ailes; surtout pour la coloration plus claire ou
plus foncée du dessous et pour la forme du C blanc. Je ne constate
pas qu'une variété en général soit plus spéciale à un pays qu'à un
autre. Cependant les individus du Sikkim, du Japon et du Thibet
semblent plus grands et plus vivement colores en dessus. Ils appar-
tiennent à la forme thibetana, Elwes. Un exemplaire pris à Bône,
par Merkl, en juin 1884, ne diffère point des échantillons pris en
France, sauf pour le C blanc (var. ïinferfecta, Blachier). Je ne
connais pas d'Aberration de C Album due au traitement des chry-
salides par la température, mais je possède 7 individus de l'Aberr.
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE 201
F Album, Esp. (PI. LXXXVir. Cont. XXXVII. fig- 0- Cette
Aberr. a été aussi figurée par Engramelle (PI. LV, Suppl. I),
d'abord d'après un exemplaire du cabinet de M. Ernst père, à
Strasbourg, et une seconde fois (PI. LXXX, II'' Suppl., PI. I,
fig- 5 ^' 5 ^'' d'après un échantillon pris à Mayence.
Les exemplaires de l'Ab. F Album contenus dans ma collection
proviennent de Besançon (mai 1891), de Saxe, de Silésie et de
l'ancienne collection Bellier, sans indication de localité.
Feu mon ami Emmanuel Martin m'a souvent raconté que, se
promenant dans la forêt de Compiègne, il avait aperçu posé sur
une feuille d'arbre un superbe exemplaire de l'Ab. F Album.
Malheureusement son filet était démonté; il se hâta de le visser à
son bâton, puis, lorsque tout fut prêt pour saisir le papillon désiré,
celui-ci s'envola pour ne plus reparaître. En vain Martin, qui avait
remarqué maintes fois combien les Robert le Diable revenaient
volontiers au lieu oii ils s'étaient une fois établis, attendit, inter-
rogeant l'espace et inspectant les branches. Il dut s'en aller, sans
avoir revu le papillon aberrant. Le regret de cette disgrâce le
poursuivit longtemps, car je me souviens d'avoir entendu plusieurs
fois le même récit attristé de cette fâcheuse aventure.
Vanessa Egea, Cram. (Z Album, Illibn.).
En France, VEgea habite seulement la partie sud-orientale :
Digne, Nice, La Turbie, oh je l'ai capturée au mois de juin. Jamais
je n'ai vu Egea dans les Pyrénées-Orientales. Ma collection contient
des exemplaires de Zara, en Dalmatie; de Raguse, où je l'ai prise
en juin 1 865 ; de Frascati et de Rome (R. Oberthiir) ; de Berud-
Dagh (Taurus), de Grèce, d'Akbès, de Beyrouth.
L'espèce varie assez pour la teinte du dessous des ailes, qui est
plus ou moins grise ou brune, et pour l'accentuation des points
bruns du dessus des ailes. Il y a des exemplaires dont le fond des
ailes est d'un fauve doré clair et d'autres qui sont d'un fauve rouge
et même un peu brunâtre. Je n'ai pas vu d'Aberration, mais il doit
202 LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE
en exister comme pour C Album. M. Holl a pris Egea à Maison-
Carrée, en juillet. Je ne possède pas, pour ma part, d'exemplaire
de cette espèce récolté en Algérie.
Araschnia Levana, Linn.
Présente l'un des cas les plus curieux de dimorphisme saisonnier.
La forme Levana, à fond des ailes fauve en dessus avec des dessins
noirs, éclôt au printemps; la forme Prorsa, noire avec des taches
blanches, paraît en été.
U Araschnia Levana Prorsa est abondante dans plusieurs loca-
lités aux environs de Paris; on la trouve aussi dans la Haute-
Vienne. J'ai pris la forme estivale Prorsa dans les ruines du château
de Plochkœnigsburg, en compagnie de feu mon digne ami l'abbé
Fettig, alors curé de la Vancelle, village alsacien situé en face du
Hochkœnigsburg, sur la pente septentrionale de la vallée de
Lièpvre, il y a plus de 45 ans, à la un de juin 1863. Y! Araschnia
Levana paraît manquer dans les Charentes, l'Auvergne, la Pro-
vence; elle n'a jamais été trouvée en Angleterre, ni en Bretagne;
mais il paraît qu'on vient de la rencontrer dans les Basses-Pyrénées.
C'est une espèce qui paraît plus généralement répandue en Alle-
magne qu'en France.
On trouve une forme Porima, intermédiaire entre Levana et
Prorsa. L'ancienne collection Wiskott contenait des Aberrations
fort remarquables des deux formes printanière et estivale; une
partie de ces Aberrations figure maintenant dans ma collection.
Je me propose de faire figurer les plus notables de ces Aber-
rations, en même temps que je reviserai les Rhopalocères chinois;
ce que je me propose de faire bientôt.
Dans le Catalogue par Richard South de la collection formée
par feu Leech, il y a (PI. I, fig. 14 et 15) la représentation de
deux Aberrations mélaniennes en dessus, albinisantes en dessous,
de Prorsa et Levana. Ces deux Aberrations proviennent d'Alle-
magne. Le même Catalogue signale 7 autres Aberrations de la
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE 203
même Araschnia Levana; mais elles n'y sont ni décrites, ni figurées.
Le genre Arascknia est nettement palasarctique, mais bien plus
asiatique qu'européen. Les diverses espèces qui le composent, en
dehors de Levana Prorsa, sont : fallax, Janson, du Japon; Leva-
noidcs Py or soldes, Blanchard, de Chine occidentale; Boris, Leech;
Dai'idh, Poujade et sa variété; Or cas, Leech; toutes des frontières
orientales du Thibet; enfin Biircjana, Bremer, de l'Amour et de
Chine. Cette dernière espèce mérite une étude particulière. La forme
(ou espèce distincte) figurée par Leech sous les n"^ 13 et 14 de la
PI. XXVI, méritant d'être désignée par un nom, je l'ai appelée
Lccchi. La forme ordinaire du Su-Tchuen occidental ne peut être
rapportée à strigosa, Butler, ni à Burejana, de l'Amour. C'est une
race peu variable et qui jusqu'ici ne semble pas avoir été distinguée.
Il est nécessaire d'en donner la figure pour en faire apprécier les
caractères différentiels. Je compte, en 'dressant l'inventaire de la
faune chinoise des Rhopalocères, en publier la reproduction sous
le nom de chine.nsis. J'en possède une cinquantaine d'exemplaires
bien semblables entre eux récoltés par les chasseurs indigènes que
dirigent les Missionnaires catholiques de Tâ-tsien-Lou. \JAraschwa
pr or soldes levanoides ne paraît pas rare; mais les autres espèces
semblent être beaucoup moins abondamment représentées, et je ne
reçois chaque année de chacune qu'un très petit nombre d'individus.
Argynnis Pandora, Esper.
Superbe espèce très répandue en Algérie où elle est très vivement
colorée, en Asie-Mineure, dans toute l'Europe méridionale et dans
la France occidentale 011 elle remonte, en suivant les côtes de
l'Océan, jusque dans le Morbihan. Elle est très commune dans
certaines localités de la Loire-Inférieure et de la Vendée, et je l'ai
prise aux environs de Rennes, à Mesneuf, dans la commune de
Bourgbarré, le 2 août 1874, voltigeant sur les fleurs de trèfle.
Je possède un hermaphrodite de Pandora, côté gauche Q et
côté droit cf, pris à Saint-Georges, près Royan (Charente-Infé-
rieure), en 1870.
204 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
Ma collection contient des exemplaires de Corse; Sicile; Cartha-
gène, Vittoria, Escorial, La Granja et Grenade, en Espagne;
Calabre et Mont Cassin, en Italie; Pyrénées-Orientales, Vendée,
Ille-et-Vilaine, Morbihan; Broussa, Akbès, Taurus, en Asie-
Mineure; Lambèze, Sebdou, Magenta, Djurjura, Yakouren, en
Algérie.
Pandora varie beaucoup par la taille et l'éclat des couleurs. Dans
les Pyrénées-Orientales, les cf sont généralement petits; mais en
Corse et en Algérie, ils sont le plus ordinairement très grands. J'ai
vu jusqu'ici une seule Aberration de Pandora; c'est un cf qui fut
pris le 15 juillet 1905 par M. Decoster, sur la route de Corte à
Saint-Pierre, en Corse. Cet exemplaire, qui est maintenant dans ma
collection, est remarquable par le ton foncé de ses ailes, notamment
de ses inférieures, qui sont vertes en 'dessus, avec confluence des
lignes de points noirs submarginaux, de façon que l'espace compris
entre la ligne maculaire extracellulaire sinueuse et le liséré fauve
qui descend du bord costal au bord anal, le long de la ligne mar-
ginale noire, est devenu presque entièrement noir par la confluence
et l'empâtement des deux lignes ordinaires de points noirs.
Argynnis Paphia, Linn., et Var. dives, Obthr. (PI. XI;
Cf, fig. 10; Q, fig. II).
Répandue en Irlande, Angleterre, France, Espagne, Allemagne,
en x'\lgérie, en Asie-Mineure et jusqu'aux frontières orientales du
Thibet et du Japon.
En Angleterre, on trouve les deux formes de Q, celle qui a le
fond des ailes fauve et l'autre chez laquelle, sur un fond très
sombre, ressortent des parties d'ailes blanches et non fauves.
Esper a figuré cette Ab. exclusivement Q, et dont il prétend à
tort représenter les deux sexes, sous le nom de Valesïna (tab. CVII,
Cont. LXII, fig. I, 2). Paphia est très commune en Bretagne pen-
dant le mois de juillet; mais je n'y ai jamais vu l'Ab. Q Valesina.
On a trouvé assez fréquemment çà et là des hermaphrodites de
LEPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE 205
Paphia. Ma collection contient un exemplaire Q côté gauche et cT
côté droit, comme l'hermaphrodite Pandora, signalé plus haut, que
j'ai reçu de M. W. Maus, de Wiesbaden. J'ai fait figurer dans le
n° 12 de la Feuille des Jeunes Naturalistes de l'année 1900 une
Aberr. cf prise à New-Forest, en 1893, remarquable par le méla-
nisme de ses ailes supérieures; une Q également mélanienne de
l'ancienne collection Howard- Waughan (qui fut vendue à Londres,
à la salle Stevens, les 22 et 23 avril 1890), prise en Angleterre par
H. Pryer, en 1873; enfin une autre Ab. Q de la collection William
Machin (vendue à la salle Stevens, à Londres, le 20 février 1895),
remarquable par la confluence en une seule grosse tache noire des
taches normalement séparées des ailes supérieures en dessous. J'ai
reçu assez récemment de M. Janson un cf extraordinairement mé-
lanien, obtenu de l'éducation d'une chenille en Angleterre, et un
autre cf également anglais, ayant les deux rangs submarginaux de
taches noires des ailes en dessus réunis, de façon que chaque paire
de taches n'en forme qu'une allongée dans l'espace intranervural.
Sur les ailes inférieures, en dessous, les taches d'argent sont brouil-
lées. Ces Aberrations par mélanisme, c'est-à-dire par extension et
confluence des taches ordinaires noires qui absorbent une partie plus
ou moins considérable du fond orangé fauve des ailes en dessus,
ne semblent pas fort rares. En outre des exemplaires anglais pré-
cités, ma collection contient 5 cf et 5 Q aberrant provenant de
diverses parties de l'Allemagne, semblant tous récoltés dans la
Nature, et i cf des Pyrénées-Orientales. Quelques-uns sont extra-
ordinairement mélanisants. Sous les n"^ 15 i, k, l de la PI. LVII,
SuppL III, le P. Engramelle figure des variétés du Tabac d'Espagne,
d'après la collection Gerning; le cf dessus 15 i et dessous 15 k
ayant été pris dans la forêt de Francfort, vers les frontières de
celles de Darmstadt, et la Q dessous 15 / ayant été reçue de Ratis-
bonne. Il est rare que deux sujets aberrants soient exactement
pareils entre eux; mais ils peuvent dériver d'un même principe
de variation; c'est ce qui arrive pour les Aberrations de Paphia cf
que je possède et celle que le P. Engramelle a figurée. Ces Aber-
rations émanent d'une même loi. On obtient des variétés analogues
2o6 LÉPIDOPTÈROLOGIE COMPARÉE
au moyen du traitement des chrysalides par la température, ainsi
que je puis en juger par 2 cf et 2 Q que m'a envoyés le D'" Fischer,
de Zurich.
De Tsekou, sur les frontières du Thibet et du Yunnan, j'ai reçu
une magnifique Ab. Q de Paphia, avec le dessus des ailes presque
tout noir; le dessous des supérieures présentant la confluence en
une seule tache des taches noires ordinairement séparées les unes
des autres, et les ailes inférieures, en dessous, offrant un mélange
extraordinaire de la teinte vert d'or et lilas argenté.
Leech figure une Ab. Q analogue sous le n" 2 de la PI. XXIII
de son bel ouvrage Butterfiies from China, etc.
En Corse, aux environs de Marseille et à la Granja, en Castille,
on trouve une variété appelée : immaciilata par Bel lier. Les deux
sexes, chez inimaculata, ont le dessous des ailes inférieures entiè-
rement d'un verdâtre doré, sans bandes argentées. En Corse, il y a
les deux formes Ç), celle à fond des ailes fauve en dessus et la
valesina. Mais toutes les Paphia, dans cette île, n'appartiennent pas
à la variété immaculata, et on y trouve des Paphia ayant des bandes
argentées sur les ailes inférieures, en dessous.
En Algérie vole une magnifique race que j'ai décrite sous le nom
de dives dans le Bulletin de la Soc. ent. France, 1908, p. 26-27,
d'après des exemplaires pris à Yakouren, en Kabylie, pendant le
mois de juillet 1907, par M. Dayrém. J'ai fait figurer un cf et i Q
dives sous les n°^ 10 et 11 de la PI. XI du présent ouvrage; mais
le coloriage est impuissant à rendre exactement la délicate et riche
couleur dorée du dessous des ailes inférieures de cette belle race
algérienne de Paphia.
Voici l'indication des localités d'où j'ai reçu Paphia -. Japon; île
Askold ; Kiang-Si ; Tâ-tsien-Lou ( g Valesina et transition au type
fauve); Tsekou; Grèce; Broussa et Akbès, en Asie-Mineure;
Hautes-Pyrénées; Pyrénées-Orientales; Digne; Rennes; Marseille;
Fontainebleau (q Valesina); Paris; Châteaudun; Charroux, dans
la Vienne; Chamonix, dans la Haute-Savoie; Bavière; Baden;
Dresde et Braunsdorf, en Saxe; Sud-Irlande; New-Forest, en
Angleterre; Suisse; Corse; Castille; Algérie.
LEPIDOPTEROLOGIE COMPARÉE 207
Argynnis Aglaja, Linn.
Le Nacré, comme l'appelle le P. Engramelle, habite les montagnes
et les plaines, vole aussi bien dans les prairies élevées des Alpes
et des Pyrénées que sur les falaises dont le pied est battu par les
flots de la mer de la Manche; il se rencontre depuis la Péninsule
armoricaine jusqu'en Chine et offre de curieuses et magnifiques
variations dont les divers auteurs ont publié de nombreuses figures.
Richard South, idans le Catalogne de la collection Leech, repré-
sente 4 Aberrations venant toutes de l'Engadine, sous les n°^ 6, 15,
lô et 21 de la Planche II. Ces Aberrations appartiennent à deux
catégories distinctes : i" les n°' 15 et 21, avec les 3 grosses taches
argentées réunies à la base des ailes inférieures en dessous; 2" les
n°^ 6 et 16, en dessus, très obscurs et presque entièrement noirs; en
dessous, avec les taches argentées dont l'éclat est plus ou moins
atténué, réduites de taille et parsemées sur le fond très assombri
des ailes inférieures. Ma collection contient 12 cf et 2 g se ratta-
chant aux n"^ 6 et 16 et formant pour ainsi dire la transition depuis
la forme normale à l'expression la plus accentuée de ce genre
d'Aberration. Ces 14 papillons proviennent d'Albula, d'Angleterre
(coll. Briggs), des Pyrénées-Orientales, de l'Engadine, de Reichen-
bach en Silésie, de Prague et de Vienne. Je possède 4 cf et i Q
de l'Aberration représentée sous les n"^ 15 et 21, venant de Savoie,
midi de la France, Saxe et Angleterre (coll. Ward). Toutes ces
Aberrations ont été prises dans la Nature.
Mais ma collection renferme en outre trois spécimens aberrants
offrant cette particularité qu'ils ont' été pris par mon frère au même
lieu et en deux jours successifs, à Saint-Martin-du-Canigou, dans
les Pyrénées-Orientales, en été 1896. Sans doute, ces 3 papillons
faisaient partie de la descendance d'un même couple et c'est de
leurs parents qu'ils tenaient la variation dont ils étaient atteints.
Les 2 cf sont semblables entre eux; aux 4 ailes, depuis la base
jusqu'à la rencontre de la ligne sinueuse de taches noires, traversant
le milieu des ailes, depuis le bord costal jusque près du bord anal,
presque tout l'espace est devenu d'un noir vif par la confluence de
2o8 LÊPIDOPTÉRÛLOGIE COMPARÉE
toutes les taches ordinaires en un large lavis noir sur lequel restent
très peu declaircies fauves. La Q est également mélanisante; mais
c'est en dehors de cette ligne sinueuse médiane de taches noires
que ses ailes supérieures sont surtout lavées de noir, de sorte que
la partie qui reste fauve dans l'espace basilaire donne assez bien
l'aspect de la tête de chien dont la Colzas américaine Cœsonia,
exemple bien connu, montre le proâl et l'œil noir.
Herrich-Schaeffer ûgure, sous les n"'' 140 et 141, des Aberrations
d'Aglaja analogues aux n°' 6 et 16 de la collection Leech, et Mil-
lière, sous les n°' i et 2 de la PI. 4 de la 4^ livraison de sa belle
Iconographie, donne la figure d'une Aglaja presqu'entièrement noire
en dessus, et combinant dans ses ailes inférieures en dessous rem-
brunies et ayant les 3 taches d'argent basilaires confluentes et
agrandies, pendant que les taches argentées submarginales sont
réduites et assombries, les deux ordres de variation n°^ 6 et 16 d'une
part et n°' 15 et 21 d'autre part, du Catalogue de la collection Leech.
L'Aberration insigne figurée par M il Hère avait été obtenue d'une
chenille trouvée au Mont Pilat (Loire) par Donzel.
Il y a d'autres variations d'Aglaja, par exemple celle qui a le
fond des ailes inférieures en dessous plutôt jaune d'or que verdâtre;
et d'autres encore dont le dessus des ailes est d'un fauve plus ou
moins vif, avec les taches noires plus ou moins accentuées et d'un
dessin plus ou moins normal; mais je ne trouve pas de différence
pouvant constituer des races géographiques distinctes entre les
Aglaja d'Europe. Les exemplaires que j'ai sous les yeux, provenant
d'Angleterre, Rennes, Digne, Larche, Besançon, Vernet-les-Bains,
Chamonix, Cauterets, Barèges, Sierra-de-Alfakar et Sierra-Nevada
d'Andalousie, ne me paraissent pas offrir, les uns par rapport aux
autres, de caractères différentiels. Je possède aussi d'assez impor-
tantes séries d'Aglaja recueillies à Akbès, à Tâ-tsien-Lou, au
Yunnan, à l'île Askold.
Les exemplaires d' Akbès ont un faciès un peu particulier; mais
certains échantillons de Vernet-les-Bains sont semblables à certains
autres d' Akbès, et il ne me semble pas qu'il y ait lieu de distinguer
ceux d'Akbès par un nom. La var. Fortuna, de Corée, est plus
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE 209
grande et plus claire. Les Aglaja d'Askold me semblent un peu
plus petits que les Aglaja de Corée, mais ils forment la transition,
étant eux-mêmes clairs, avec cette variété coréenne.
Leech figure sous le n° 6 de la Planche XXII des Biilterflics
froni China, etc., et avec le nom : Argynnis Aglaja, var. fortuna Ç),
une espèce tout à fait différente d'Aglaja et qui n'est nullement
reférable à la var. fortuna. Je possède quelques exemplaires de
cette espèce très distincte à laquelle j'ai donné le nom de Plutiis.
Elle se trouve aux environs de Tâ-tsien-Lou et de Ta-pin-Tze,
dans le Yunnan; mais je la considère comme extrêmement rare.
Il y a beaucoup d'espèces ô^ Argynnis dans la Chine occidentale,
et la plupart semblent représentées par de très nombreux exem-
plaires. Pliitns me paraît être l'une des plus brillantes, mais la moins
abondante de toutes.
M. Holl signale une variété d' Aglaja trouvée en Algérie, à Lalla-
Khedidja, en juillet; mais je ne puis en décrire les particularités,
ne l'ayant jamais vue.
Argynnis Adippe, Linn.
Le Grand Nacré est, comme Aglaja, très répandu dans toute
l'Europe et en Asie; de même que son congénère, il éclôt une seule
fois dans l'année, au commencement de l'été; il vit dans les mon-
tagnes et dans les forêts de plaine; on le rencontre au bord de la
mer, mais moins fréquemment c^^ Aglaja. Chez nous, Adippe est
plutôt sylvatique.
Il offre une variété bien connue sous le nom de Cleodoxa, Ochs.,
chez laquelle les taches argentées des ailes inférieures en dessous
sont plus ou moins atténuées et quelquefois entièrement éteintes.
Seul leur contour subsiste sur le fond des ailes uniformément jaune
d'or.
Adippe habite l'Angleterre, la France (Ille-et-Vilaine, Doubs,
Isère, Basses-Alpes, Bouches-du-Rhône, Hautes-Pyrénées, Pyrénées-
Orientales, Haute-Savoie), la Suisse, l'yMlemagne, l'Autriche, l'Asie-
14
2IO LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPAREE
Mineure, la Grèce, la Sicile, l'Espagne. On ne l'a pas trouvé en
Algérie.
En Angleterre, en France, en Allemagne, VArgpmis Adïppe
n'offre pas, dans sa forme normale, de particularités intéressantes.
En Espagne, le fond des ailes inférieures en dessous est verdâtre,
mais très différent à^Aglaja; on a distingué la forme espagnole
sous le nom de Chlorodippe; elle est commune en Andalousie,
notamment à la Sierra-de-Alfakar, près Grenade, oii mon frère l'a
récoltée au mois de juillet 1879; elle vole aussi à la Granja et, sans
doute, dans beaucoup d'autres localités de la Péninsule Ibérique.
En Sicile, feu Bel lier a trouvé dans les monts Madonie une forme
de Cleodoxa superbe, d'une coloration extrêmement vive, analogue
d'ailleurs à la race qui se rencontre en Grèce. Autant les Cleodoxa
de Sicile ont le dessus des ailes d'un fauve vif et gai, avec les
taches noires petites, autant les Adippe d'Akbès, très richement
colorés aussi, montrent le dessus de leurs ailes assombri par l'élar-
gissement des taches noires et le dessous enrichi de belles et grandes
macules argentées.
Adippe, comme Aglaja, aberre, en présentant à la base des ailes
inférieures, en dessous, une grosse tache d'argent trilobée, et en mon-
trant des ailes en dessus envahies par le mélanisme et aussi les ailes
supérieures en dessous partiellement couvertes d'une grosse tache
noire.
Le P. Engramelle représente, sous les n""" lô ^ et 16 / de la
Planche XIII, une Aberration mélanienne superbe, trouvée à Franc-
fort et appartenant à M. Gerning. J'ai fait figurer dans le n° 10 de
la Feuille des Jeunes Naturalistes, en 1900, une Aberration superbe
^Adippe, prise par M. Frank Richards, le 15 juin 1893, près de
Brackenhurst, à New-Forest, en Angleterre.
Je possède une Aberration très mélanienne, mais en dessus seu-
lement, prise en Valais; un cf, de Bavière, et une Q trouvée à
Vienne, en Autriche, analogues aux Aglaja de la collection Leech,
figurés sous les n°M5 et 21 de la PI. II du Catalogue dressé par
R. South.
Au Japon et en Chine, Adippe se développe en races grandes
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE
cl richement décorées dont j'aurai lien de ni'occuper en détail,
lorsque je consacrerai une étude spéciale aux Rhopalocères de
l'Extrême-Orient.
Argynnis Niobe, Linn.
Niobe a deux formes : i" avec les taches argentées sur les ailes
inférieures, en dessous; 2° sans les taches argentées; c'est cette
forme que Huebner figure sous les n""" 61 et 62 et qui, analogue à
la variété Cleodoxa 'à!Adippe, a été appelée Eris.
Niobe, suivant le P. Engramelle, se trouve dans les montagnes
et jamais dans les forêts, ni en plaine. Engramelle ignorait que
Niobe vole dans les environs d'Angoulême et dans plusieurs autres
localités de plaine. J'ai entendu dire qu'on avait trouvé Niobe dans
le Finistère. Ne l'ayant pas vue de cette localité, j'attends à être en
mesure de me prononcer avec certitude.
Dans ma collection se trouvent des Niobe provenant des localités
suivantes : Florac; Chamonix; Lanslebourg; Larche; environs de
Marseille; Vernet-les-Bains; Auvergne; Zermatt, Chaumont, près
Neuchatel, et Righi, en Suisse; Allemagne; Grèce; Monts Madonie,
en Sicile; La Granja; Sierra-Nevada d'Andalousie; Akbès;
Kuldja; Astrabad, où se trouve la magnifique variété gigantea,
Stgr.
Dans certaines localités, il semble que l'une des formes, celle à
taches argentées ou l'autre à fond des ailes uni, se trouve seule.
Dans d'autres lieux, les deux formes volent ensemble. Niobe est
fertile en Aberrations. Huebner figure sous les n*"" 961 et 962 une
Aberration dite : pelopia, dont ma collection contient un beau d
pris à Brigue, en Valais. R. South représente, sous les n"' i, 2 et 7
de la Planche II du Catalogue de la collection Leech, des Aber-
rations dont je possède quelques exemplaires analogues provenant
de diverses localités d'Allemagne, avec les ailes très rembrunies en
dessus, ou les taches des ailes inférieures en dessous confluant entre
elles.
LEPIDOPTEROLOGIE COMPARÉE
Herrich-Schaeffer figure aussi de belles Aberrations sous les
n"' 142, 143, 144, 145 et 146. Toutes ces Aberrations ont été prises
dans la Nature; mais, jugeant par analogie, je ne doute point que
le traitement des chrysalides par la température ne produise de
surprenantes variations. En Angleterre et en Algérie, IsSiobe n'ont
pas été rencontrés. On m'a affirmé que Niobe était abondante dans
le département du Finistère. Je n'ai pu jusqu'ici vérifier le fait.
Argynnis Lathonia, Linn.
Le Petit Nacré est très rare en Angleterre, et c'est à peine si,
depuis ces vingt dernières années, il a été rencontré dans la Grande-
Bretagne. Aux environs de Rennes, V Argynnis Lathonia n'est géné-
ralement pas très commune; cependant, d'aoïit à octobre, j'en vois,
presque tous les ans, quelques exemplaires dans mon jardin et à
la campagne, sur le bord des chemins. Lathonia aime à se poser
sur' la terre battue des routes et des sentiers exposés au soleil ; je
l'ai rencontrée une fois, en très grand nombre, au commencement
de l'automne, sur la voie du chemin de fer de l'Ouest, à Acigné,
près de Rennes.
Ma collection contient des Lathonia d'Akbès, de Lambèze, de
Sebdou, de la Granja, des Pyrénées-Orientales, de Cauterets, de la
Gironde, de la Vienne, des Basses-Alpes, de la Corse, d'Evreux,
de Châteaudun, de Limoges, de Rennes, d'Angleterre (coll. Prest
d'York), de Suisse, d'Allemagne, du Fort-Naryne (dans le Tur-
kestan oriental), d'Italie et de Grèce.
Herrich-Schaeffer figure des Aberrations sous les n°' 152, 153,
154. Chez le n" 152, les taches argentées du dessous sont confluentes,
formant des taches d'argent partant de la base et occupant tous
les espaces intranervuraux jusqu'aux deux tiers environ de la sur-
face des ailes. C'est l'Ab. Valdensis, Esper. Je possède 5 exem-
plaires appartenant à cette Aberration. Ils proviennent de Bordeaux
(ancienne collection Auguste), de Suisse, de Grèce, de Cologne et
de Plauen, en Allemagne. Quant aux n"' 153 et 154, dont les 4 ailes
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE 213
en dessus et les supérieures en dessous sont envahies par le noir,
j'en possède 10 exemplaires venant des Grisons, de Gèdre où un (S
a été pris le 20 avril 1891 par M. Rondou, qui eut l'obligeance de
me l'offrir, de Ziegenhals, de Liebnitz, de Munich, de Silésie, de
Prague, de la Teste de Buch (ancienne collection Auguste), de
Cologne, enfin de Brindisi (Italie méridionale) où M. Fabresse
captura un très beau cf, en mai igo8. Cette Aberration, également
figurée sous le n° 13 de la PI. I du Catalogue de la collection
Leech, n'a pas encore reçu de nom, quoiqu'elle se reproduise avec
continuité et toujours à peu près semblable à elle-même. Je l'ai
appelée erebina, à cause de son mélanisme.
Mon frère a pris à Saint-Martin-du-Canigou, en août 1904, une
Argynnis Lathonia à laquelle s'était accroché un Hémiptère appelé
Picromerus bidens. Cet Hémiptère tua le Papillon dans le filet où
il se trouvait saisi.
La forme Issœa, Moore, du Thibet, du Yunnan, du Kaschmir et
du Sikkim, présente un faciès très différent de Lathonia. Peut-être
est-ce une espèce distincte ?
J'ai entendu dire que les expériences du traitement des chrysa-
lides par la température avaient produit de superbes Aberrations
de Lathonia; mais je n'ai pas encore eu l'occasion de voir des varia-
tions de Lathonia autrement que naturelles (*).
Argynnis Elysa, Godart.
Une spécialité de la Corse et de la Sardaigne. J'en possède une
seule Aberration provenant de la collection Bellier. Sur les ailes
supérieures en dessus, il y a confluence et élargissement des taches
noires médianes, depuis celles qui sont contiguës au bord costal et
qui descendent, en s'atténuant, vers le bord interne.
(*) Un envoi récent du D' Fislier, de Zurich, m'a apporte une série de ces
Aberrations ; elles sont en effet fort belles.
214 LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE
Argynnis Hécate.
Peu répandue en France, où elle semble très localisée; a été
trouvée à Digne, par Bellier; mon frère l'a prise en juin dans les
environs de Gourdon (Lot). Hécate est commune à Cuenca, en
Espagne. Elle se rencontre aussi dans diverses localités de l'Au-
triche, du Piémont, du Caucase et de l'Alaï. M. Roger Verity m'a
dit qu Hécate se trouvait aux environs de Florence; mais elle n'était
pas encore éclose au moment oii je m'y trouvais (premiers jours de
juin 1907).
Argynnis Ino, Esper.
La Grande Violette du P. Engramelle se trouve en France, vers
la saint Jean, aux environs de Compiègne; à Villers-Cotterets, oii
mon frère l'a prise en igo8; à Luxeuil, suivant Guenée, et au Russey
(Doubs). Je l'ai trouvée abondante dans les prairies de Saint-Pierre,
près de La Cabanasse (Pyrénées-Orientales); V Argynnis Ino volait
en même temps que le Polyaniniatiis Chryseis. Je crois qu'il en est
de même dans les forêts de l'Aisne et de l'Oise. J'ai aussi capturé
la Grande Violette dans la vallée du Lys (Haute-Garonne) et dans
les prés autour de la Chartreuse de Prémolles (Isère), le i^'" juillet
187g. Ma collection contient 2 cj* de l'Engadine ayant tout autour
des ailes, en dessus, un rayonnement de longues taches noires, par
la confluence dans le sens intranervural des deux rangs de points
noirs extracellulaire et submarginal; et une Q de la même localité
tout à fait mélanienne. Je possède de Thuringe un cf Ino, dont le
fond des ailes est en dessus blanc, et en dessous d'un jaune chamois
très clair.
Argynnis Daphne, Schiff.
En France, Daphne vole dans la Lozère; les Pyrénées-Orientides;
l'Isère, où je l'ai prise à Vizille et dans les montagnes autour
d'Uriage; à la vallée du Lys (Haute-Garonne) et à Digne.
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE 215
Ma collection contient des exemplaires du Piémont; de la vallée
de IJèpvre, en Alsace; de Sîdemi et de l'île Askold, en Mand-
chourie. et d'Akhès. Dans cette dernière localité, la couleur fauve
des ailes en dessus est très vive et plus foncée qu'ailleurs. Il y avait
dans la collection Kuwert, maintenant jointe à la mienne, un exem-
plaire provenant d'Allemagne et ayant les taches noires rayonnées
autour des ailes comme les Aberrations précitées d'Ino, de l'En-
gadine. Deux exemplaires de cette Aberration sont figurés avec
le nom obscura, sous les fig. 15 et 16 de la notice publiée par
Aigner-Abafi, dans Annales Musei nation. Hungarici, sous le titre
Schmetterlings-Aberrationen der Sammlung des ungarischen Na-
tional Muséums, p. 484-531, de l'année 1906.
Les Daphne de Mandchourie sont souvent d'un fauve très clair
et se rapportent à la forme japonaise Rabdïa, Butler. Mais Daphne,
qui, au Japon, est commune à Nikko et à Yeso, varie beaucoup de
taille et de couleur, et pas plus dans les îles japonaises qu'en Mand-
chourie, les Argynnis Daphne ne sont toutes d'une teinte fauve
aussi claire que les exemplaires appelés Rabdïa par Butler.
Argynnis Amathusia, Esper.
Commune dans les prairies des Alpes; n'a pas été trouvée dans
les Pyrénées. En France, je l'ai prise dans l'Isère, près des ruines
de la Chartreuse de Prémolles; à la Madone de la Fenestre (Alpes-
Maritimes) ; aux environs de Chamonix (Haute-Savoie) et d'Aix-
les-Bains (Savoie), au commencement de juillet. Guenée avait
trouvé Amathusia à la Grande-Chartreuse et dans le Valais, où je
l'ai moi-même récoltée à Zermatt et à Bérisal. La collection Bellier
contenait une belle Aberration par confluence des taches noires
formant comme un rayonnement tout autour des ailes.
U Argynnis Thore, Huebner, n'a pas été trouvée en France jus-
qu'ici. De même que la Neptis Lîccilla, elle est restée du côté oriental
des Alpes.
LEPIDOPTEROLOGIE COMPARÉE
Argynnis Dia, Linn.
Ni V Argynnis Ino, ni Daphne, ni Aniathiisia ne se trouvent dans
l'ouest de la France; mais la Petite Violette, ou Dia, est commune
dans les landes de Bretagne oii elle éclôt deux fois par an, en mai-
juin, puis en juillet et août. Je la prends chaque année à Monterfil,
où elle se plaît dans les bruyères un peu hautes, dans les prés arides
et dans les vallons que parcourt un ruisseau. Elle est assez abon-
dante dans les Pyrénées-Orientales, à Charroux (Vienne) et dans
les Basses-Alpes.
Ma collection contient en outre des exemplaires d'Eure-et-Loir
(Guenée), de Fontainebleau (Bellier), de Besançon (Fritsch); je
l'ai recueillie aux environs d'Uriage (Isère) et de Chamounix
(Haute-Savoie). Je possède une superbe Aberration mélanienne
venant de Saxe. Les 4 ailes, en dessus, sont entièrement noires, sauf
l'apex des ailes supérieures et un petit feston intranervural marginal
restés de couleur fauve. Chez un cf de Digne, le milieu des ailes
supérieures est largement noir, ainsi que la base des inférieures en
dessus; d'autres exemplaires ont les ailes inférieures entièrement
noires, ou bien présentent un mélanisme général ou partiel plus ou
moins accentué. A Rennes et à Charroux, nous avons trouvé des
spécimens mélanisants. Dia est un papillon délicat, généralement
très facile à prendre. L'espèce manque en Angleterre. Dans les
Basses-Alpes, à Annot et à Digne, on trouve en août une race très
claire, dont le fond des ailes est d'un fauve orangé vif, très différent
du type normal des autres contrées de la France. J'ai désigné cette
race sous le nom de Diniensis. Aigner-Abafi figure sous le nom
de Hîidaki, une Ab. dont les ailes inférieures sont entièrement
noires en dessus.
Argynnis Pales, Huebner.
Paraît dans toutes les montagnes des Alpes et des Pyrénées, en
juillet, et se rencontre jusqu'au Thibet, où elle vole sur les pelouses
alpestres des hautes altitudes. Dans les Pyrénées, on commence à
LÉPIDOPTEROLOGIE COMPAREE 21/
trouver Pales vers 1,700 mètres. Nous avons capturé Pales dans
les Asturies, aux Picos de Europa, en juillet 1882, vers 2,000 mètres;
elle n'est pas rare, en juillet, au-dessus de Cauterets, un peu plus
haut que le lac de Gaube et dans les lacets élevés du Péguère. Aux
environs du cirque de Gavarnie, elle paraissait dès la fin de
juin 1893; je l'ai récoltée au Cambrès-d'Ase, en face de Mont-
Louis-sur-Tet et dans les prairies élevées du massif du Canigou.
Dans les Alpes françaises. Pales est encore plus abondante que
dans les Pyrénées et on peut aisément la recueillir depuis la Savoie
jusqu'aux Alpes-Maritimes, pourvu qu'on atteigne l'altitude au-
dessous de laquelle elle ne descend pas. M. Groum-Grgimaïlo
m'en a envoyé des individus pris à Amdo et les Missionnaires du
Thibet la capturent facilement aux environs de Tâ-tsien-Lou. Je
l'ai reçue du Fort-Naryne, dans le Turkestan oriental; du Kasch-
mir, de la Grèce et de la Laponie.
Pales présente des variations nombreuses et quelquefois magni-
fiques, par mélanisme partiel ou total, par confluence des taches
noires, ou inversement par suppression desdites taches. Il y a aussi
des formes locales très intéressantes, ainsi celle du Fort-Naryne,
avec le fond des ailes du cf d'un fauve rouge en dessus, presque
dépourvu des taches noires normales.
La Ç) est souvent d'un gris verdâtre, en dessus; c'est la var.
Nap(ca, Huebn., 757-75S.
Comme les mêmes modes d'Aberration se retrouvent chez toutes
les espèces d'un même genre, il y a des exemplaires de Pales ana-
logues en dessous à l'Ab. Valdensis de Lathonia, c'est-à-dire avec
une grande tache argentée trilobée à la base des ailes inférieures.
Argynnis Euphrosyne, Linn.
Espèce de plaine et de montagne; commune dans certaines
parties de l'Angleterre; assez abondante dans les forêts des environs
de Rennes; pas rare dans les Pyrénées-Orientales et les Hautes-
Pyrénées, lorsqu'on atteint la région des rhododendrons; répandue
2l8 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
aux environs de Paris, dans le département d'Eure-et-Loir, en
Auvergne, à Marseille, à la Sainte-Baume, en Allemagne, auprès
de Saint-Pétersbourg et en Laponie.
A la forêt de Rennes et dans les bois des environs de Rennes,
Euphrosytie éclôt vers la mi-mai ou la fin de mai, suivant les
années; elle affectionne les allées forestières, les clairières herbues
et les routes qui traversent les grands bois. Je ne l'ai jamais trouvée
sur la côte de la Manche. Elle ne paraît pas habiter l'Algérie. Dans
les plaines, Eufhrosyne cf a les ailes, en dessus, d'un fauve orangé
vif et généralement sans atteinte de mélanisme. Au contraire, les
exemplaires des montagnes et des régions septentrionales sont
généralement plus sombres et plus enfumés.
Les Aberrations d'Euphrosyjie sont nombreuses. J'en ai fait
figurer quelques-unes dans les n°' 8 et g de l'année igoo de la
Feuille des Jeunes NaturaUstes.
Le Catalogue de la collection Leech figure, sous les n°^ 13, 14
et 19 de la PI. II, 3 Aberrations d'Eiiphrosyuc provenant d'Alle-
magne et des Alpes. Le n° 14 reproduit une variation fréquente
chez toutes les Argynnis, où le milieu des 4 ailes est plus ou moins
envahi par le noir. Mosley figure une Aberration analogue sous
le n° 6 de la PI. 3 des Aberrations d' Argynnis. Je possède plusieurs
exemplaires de cette Aberration, venant de l'ancienne collection
Atiguste, de Bordeaux; d'Angleterre, de Leignitz et des Pyrénées-
Orientales. La collection Bel lier contenait un cf assez conforme
au n" 13 de Leech. Mosley, dans son curieux ouvrage : Illustrations
of British Lepidoptera, figure d'intéressantes Aberrations d^Eu-
phrosyne, notamment le n° 5 de la PI. III, ayant le fond des ailes
blanc; le n° 2 grisâtre pâle et le n° 4 fauve très pâle.
Je possède 3 cf et i Q, provenant d'Angleterre et de Silésie, à
peu près de la même nuance que le n° 4.
Mosley représente une Q dont les taches normales noires en
dessus sont remplacées par des taches argentées. Je n'ai pas vu
cette Aberration en nature pour Euphrosyne; mais je la possède
pour Selene. Il est possible que la Thalia figurée par Huebner,
sous les n°' 57 et 58, soit une Aberration d^ Euphrosyne plutôt que
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE 219
de Sclcnc, ainsi que Staudiiijjjcr et Rebel rindiquent dans le
Catalog iQoi. D'après une figure même très bonne, il est difficile
d'apprécier une question aussi délicate, pour deux espèces aussi
voisines, avec une absolue certitude; mais je possède 2 cf d'authen-
tiques Euphrosyne tout à fait semblables en dessous au n° 58 de
Huebner, et je trouve que les Aberrations analogues de Selciic,
dont je possède plusieurs exemplaires, ont un autre aspect et
offrent, notamment sur les ailes inférieures, une teinte d'un brun
plus noir et moins rougeâtre.
xA. Rennes, nous n'avons jamais rencontré une seule Aberration
d'Euphrosync; mais dans les Pyrénées-Orientales, il semblé qu'il
est plus aisé de trouver des variétés de cette Argynnis.
Lorsqu'en s'élevant au-dessus du village de Castell, sur l'une
des routes qui conduit de Vernet-les-Bains au Canigou, on a franchi
la montagne si aride et si désolée *du Cheval-Mort, et qu'ayant
gravi le lacet très dur qui se développe à partir de la fontaine dite :
Fonfrède, on arrive enfin au joli sentier forestier qui traverse la
forêt de Randai, on voit très fréquemment les Argynnis Euphrosync
voltiger au milieu des buissons de rhododendrons et traverser le
chemin qui serpente au milieu des sapins argentés et des bouleaux.
L' Argynnis Euphrosyne dite : le Grand Collier argenté par le P. En-
gramelle, a le vol rapide et ne se repose pas très souvent; cependant
il est aisé d'en récolter un assez grand nombre d'exemplaires depuis
le commencement de la forêt de Randai fusqu'à la prairie alpestre
de Mariailles. C'est dans cette localité sylvatique, où les yeux se
trouvent réjouis par une si grande abondance de fleurs, là surtout
où un ruisseau descendant du haut de la montagne creuse un petit
ravin plein de fraîcheur, que mon frère captura 2 Euphrosyne C?
ressemblant au n° 6 de la figure .donnée par Mosley et un autre
très pâle et ayant les points noirs submarginaux des ailes inférieures
rayonnant par confluence avec les croissants noirs marginaux. Je
crois pouvoir signaler cette localité comme très digne d'intérêt pour
les Lépidoptéristes.
220 LEPIDOPTEROLOGIE COMPARÉE
Argynnis Selene, Huebn.
Nous trouvons à Rennes Selene et Euphrosyne dans les mêmes
forêts, habitant ensemble et éclosant en mai, toutes les deux; mais
nous rencontrons en outre Selene dans les landes où ne se voit
point Euphrosyne, et au bord de la mer de la Manche, sur les
falaises de Cancale, dans les champs et les lieux incultes de la
côte malouine, là où je n'ai jamais aperçu aucune Euphrosyne.
De plus, Selene a chez nous une seconde éclosion en août, alors
Qj}^ Euphrosyne, à ma connaissance, paraît en Bretagne seulement
une fois par an, au printemps.
Le P. Engramelle, qui appelle Euphrosyne le Grand Collier
argenté, donne à Selene le nom de : Petit Collier argenté, et, comme
nous l'avons remarqué nous-mêmes, cet auteur constate qnEuphro-
syne éclôt une fois par an. Cependant je dois dire que dans beau-
coup de Catalogues départementaux, on indique deux éclosions
annuelles pour Euphrosyne comme pour Selene; il serait donc fort
intéressant de vérifier l'exactitude de ce renseignement pour des
localités de plaine; car en montagne il paraît assez certain que le
Grand Collier argenté n'éclôt qu'une fois, au commencement de
l'été. Je crois qu'en Angleterre, Euphrosyne éclôt comme en Bre-
tagne, seulement une fois, au printemps. M. Barrett en a cependant
pris un spécimen, le 15 juillet 1868, près de Haslemere, en Surrey;
mais il considère cette capture comme absolument exceptionnelle.
Au contraire, Selene se rencontre en Angleterre en juin et en août,
au bord de la mer, près Hastings, tout comme chez nous à Cancale.
Selene est fertile en Aberrations.
D'abord celle où le fond des ailes est blanc en dessus et jaune
très clair en dessous; tel l'exemplaire figuré par le P. Engramelle
sous les n°^ 23 /? et 23 / de la PI. III, IIP suppl., d'après un exem-
plaire pris très frais à Erlangen et faisant partie de la collection
Gerning. Je possède d'Angleterre un cf moins blanc en dessus et
un autre de Haute-Silésie également jaune très clair en dessus et
en dessous. Ce dernier exemplaire est en outre privé d'une grande
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE 221
partie des taches noires normales; puis, inversement pour ainsi dire,
il y a l'Aberration où les taches noires deviennent argentées; tel
YEuphrosyne n" i de Mosley. Ce dernier auteur figure (Argynttis,
plate 4) 3 Selene, n°^ i, 2, 3, à fond des ailes blanc, grisâtre et
jaune clair, comme les 3 Euphrosyne de la PI. 3. Il est donc bien
vrai de dire que toutes les espèces d'un même genre sont soumises
à une même Loi de variation. Ma collection contient environ
40 Aberrations insignes de Selene, toutes prises dans la Nature.
Je remarque qu'après les deux mondes de variation précités, le fond
des ailes, en dessus, restant de la couleur fauve normale, il y a,
d'une part, l'absence plus ou moins complète des taches normales
noires des ailes, surtout des supérieures, et, d'autre part, le rembru-
nissement de la surface des ailes s'étendant par degrés jusqu'au
brun noir total. De plus, on remarque quelquefois la combinaison
sur un même individu des deux ordres de variation différents; par
exemple, les ailes supérieures privées de taches noires et les ailes
inférieures, au contraire, tout à fait mélanisées.
Aux environs de Rennes, nous avons pris deux exemplaires çS
absolument conformes à un cT d'Angleterre, mélanisants en dessus
et en dessous, figurés sous les n"'' i, 2 et 3 de la Feuille des Jeunes
Naturalistes de 1900. A Monterfil, je capturai en 1892 une Q ayant
les ailes supérieures mélaniennes et les ailes inférieures normales
{loc. cit., n" 4). A cette occasion, je remarquai combien un papillon
aberrant, vu vivant dans la Nature, paraît ainsi offrir un degré de
variation supérieur à la réalité. De loin, lorsque j'aperçus ce Petit
Collier argenté, il me parut extrêmement noir; il voltigeait sur un
gazon ras parsemé de quelques touffes d'ajonc et de fougère, au
bord d'un étang qui se trouve encaissé entre des collines rocheuses;
le site est très agreste et le paysage est rendu très agréable par la
nappe d'eau qui occupe le fond de la vallée. Je capturai sans peine
cet Argymîis Selene mélanisant et je fus surpris de constater que
seules les ailes supérieures étaient sensiblement plus noires que la
forme normale, les inférieures n'étant point variées.
De la collection Wiskott, je possède une Q de Dusseldorf, sem-
blable en dessus au cf figuré sous le n" 151 par Herrich-Schaeffer,
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE
et un cf de Berlin, conforme en dessus comme en dessous à ce
n" 151; de Chemnitz, je possède un cf semblable à celui figuré
sous le n° 150.
Il y avait dans l'ancienne collection Bellier un cS assez conforme
à celui figuré par Huebner sous les n°' 732 et 736.
Richard South figure dans le Catalogue de la collection Leech
4 Aberrations de Selene, sous les n°^ 3, 5, 17 et 18. Je possède le
n** 3 de Guben et une Aberration voisine du n° 17 de Leignitz.
Je regrette de ne pas avoir dans ma collection une série de Selene
des montagnes pour comparer aux exemplaires de Bretagne, d'An-
gleterre et d'Allemagne que j'ai exclusivement sous les yeux. Je ne
puis donc comparer à la forme des plaines celle des Pyrénées et
des Alpes. Je ne me souviens pas d'avoir rencontré Selene au cours
des nombreuses excursions que j'ai faites, depuis 46 ans, dans
aucune des montagnes de France, de Suisse, d'Espagne et d'Italie.
Melitaea Cynthia, Huebner.
Espèce très jolie, à cause des réserves blanches qui produisent
un effet très décoratif sur les ailes supérieures du cf ; exclusivement
alpine et habitant seulement les pelouses des hautes altitudes.
Commune, certaines années, sur le plateau du Ryffel, dans le Valais;
assez abondante dans la prairie dite : du Jardin, au fond de la
mer de glace de Chamouny; répandue dans les Basses-Alpes,
notamment aux environs du Lac d'Allos, et dans les Hautes-Alpes,
au Lautaret.
Je fus une fois témoin, dans cette localité bien connue des tou-
ristes, d'une abondance extraordinaire des chenilles de Melitœa Cyn-
thia. C'était en juin 1895. Je montais de la Grave à l'hôtel du Lau-
taret; il faisait un froid très vif et, quoique bien des fleurs alpestres
fussent déjà près d'épanouir, la neige se mit à tomber. Le conducteur
de la voiture, qui avait aperçu mon outillage entomologique,
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE 223
m'adressa ses compliments de condoléance sur la disgrâce que le
mauvais temps me réservait quant aux papillons; mais il m'apprit
qu'il avait vu, quelques jours auparavant, une quantité si grande
de petites chenilles noirâtres, marchant sur le chemin devant l'hôtel,
qu'un moment les chevaux avaient dû produire un effort pour faire
tourner les roues de la voiture, au milieu de ces innombrables che-
nilles qu'elles écrasaient. Le lendemain 17 juin, sous la neige qui
tombait encore, je vis un nombre extraordhiaire de chenilles de
Melitœa Cynthia se pressant sur la boue presque glacée de la route
et je rapportai quelques-unes des plus grosses chenilles qui se chry-
salidèrent sans délai et me donnèrent, à Rennes, en juillet, une
trentaine de papillons et un joli Hyménoptère parasite noir à pattes
rouges.
On sera peut-être longtemps avant de retrouver au Lautaret une
aussi extraordinaire abondance de chenilles de Melitœa Cynthia.
Retourné en 1906 dans cette localité, qui est charmante lorsque le
soleil y brille de tout son éclat, je ne revis qu'un seul exemplaire
de Melitœa. Cynthia, tandis qu'en 1895 il a dil en éclore des millions.
Je possède 2 Aberrations notables de Cynthia : i cf de la col-
lection Boisduval, presque tout noir en dessus, mais un peu moins
mélanisant que le n" 566 d'Herrich-Schaeffer, et une Q du Tyrol,
à peu près sans dessins aux ailes supérieures en dessus, comme en
dessous; avec un gros point cellulaire noirâtre et deux bandes noi-
râtres sur les inférieures en dessus, l'une de ces bandes noirâtres
étant extracellulaire et l'autre marginale. En dessous, la base des
inférieures est uniformément rouge brique avec un gros point cellu-
laire noir; le bord marginal est largement liséré de rouge brique et
l'espace entre l'extrémité de la cellule et le bord marginal est d'un
blanc jaunâtre finement coupé par les nervures. Ma collection
contient aussi un cf des Basses-Alpes ayant l'aile supérieure droite
partiellement colorée en rouge orangé comme la Q. Ce genre
d'hermaphroditisme me paraît plus rare chez les (j que chez les Q .
Celles-ci ont, en effet, plus de tendance à ressembler aux cf que
les cf ne semblent portés à emprunter les caractères extérieurs dis-
tinctifs de la Q.
224 LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE
iVLelitasa Maturna, Linn.
Espèce de la faune orientale s'avançant jusqu'aux environs de
Paris, mais ne semblant pas, vers l'ouest, dépasser la zone parisienne.
La collection Bellier contenait plusieurs individus pris dans la
forêt de Bondy. M. Demaison a capturé la Melitœa Maturna auprès
de Reims, et je dois à son obligeance 2 Q prises en juin 1890 au
lieu dit : Germaine, assez semblables à la forme des environs de
Paris, c'est-à-dire avec la partie fauve du dessus des ailes d'une
teinte orangé vif et presque unicolore;, différant par conséquent de
la race autrichienne, figurée par le P. Engramelle sous le n° 27 de
la PI. XVII, qui présente sur le milieu des ailes, en dessus, un
mélange de taches jaune clair et orange, produisant un effet beau-
coup moins uniforme que chez les individus parisiens et champenois.
Je possède une Aberration cT venant de Bregenz, ayant le dessus
des ailes très assombri et, en dessous, montrant l'espace basilaire
des ailes inférieures, jusqu'au delà de la cellule, couvert d'un lavis
de couleur rouge brique, avec une bande blanc jaunâtre coupée
finement par les nervures; une autre bande maculaire rouge brique
et une série de lunules submarginales blanc jaunâtre précède le
bord marginal qui est de la même couleur rouge que le reste.
Je n'ai encore jamais vu cette espèce vivante. Elle manque abso-
lument à la Bretagne et à l'Algérie. Maurice Sand la signale du
Cher et du Loiret.
Melit£ea Desfontainii, Godait.
Cette Melïtœa se trouve à Sebdou et à Daya, en mai et au com-
mencement de juin; c'est une très belle espèce vivement colorée et
agréablement panachée de rouge brique, de fauve clair, de blan-
châtre et de noir. Elle n'est pas commune.
En Espagne, on trouve une forme moins brillante, appelée Bcetica
par Rambur; je l'ai capturée dans la vallée entre Ronda et Almo-
rahina, aux lieux dits : Jimera et Benoajan, les 12 et 13 mai 1894;
LÉPIDOPTÉROLOGIE COAIPARÉE 225
mon frère l'a prise en juin 1879 de Vittoria au Mont Gorbea; je
l'ai reçue de Cuenca (Korb) et de Grenade (Ribbe).
La forme de la vallée de Ronda est beaucoup plus vivement
colorée que celle de Cuenca et même de Grenade. Elle est presque
semblable à la Desfontainu de l'Oranie. La Melitœa Desfontainu,
transitus ad Bœticam, voltigeait sur les terrains accidentés que coupe
la ligne du chemin de fer de Ronda à Algésiras, avec sa congénère
Ar ternis Iberica, Melanargia Inès, Zegris Euphenie, Einydia Chry-
socephala, etc. La ligne ferrée traverse la partie supérieure d'une
vallée profonde au fond de laquelle coule un cours d'eau. A droite
et à gauche s'élèvent des montagnes assez hautes dont le sommet
semble former un plateau. Il y a des villages au niveau du chemin
de fer; des habitations sont aussi bâties plus haut, sur le flanc de
la montagne. La contrée semble fiévreuse, attendu que nombre
d'habitants nous demandaient des remèdes contre la calentura;
mais dans certains endroits, les sites sont extrêmement pittoresques
et les papillons intéressants sont nombreux. J'ai tout lieu de croire
que le pays de Ronda à Algésiras est une des meilleures localités
entomologiques de l'Espagne.
Jusqu'ici la Melitœa DesfontaiuH et sa variété géographique
Bœtica n'ont pas été rencontrées ailleurs que dans la province
d'Oran et dans la Péninsule espagnole.
Melitaea Artemis, Huebn. (Aurinia, Rott.).
Je n'ai jamais vu un exemplaire d' Artemis pris en Algérie; mais
c'est une espèce répandue en Espagne, où elle offre une magnifique
forme que j'ai appelée Iberica, pour la distinguer spécifiquement
de la Desfontdinii, avec laquelle elle a été longtemps confondue.
rierrich-Schaeffer a figuré, sous les n"' i et 2, le çS qu'il désigne
sous le nom d' Artemis var. Desfontaine si. Le même auteur a repré-
senté sous les n"* 569 et 570 et comme Desfontainesii, la Q de la
véritable Desfontainii, et sous les n°' 586 et 587, une jolie Aber-
ration toujours de la véritable Desfontainii, Godart. Les papillons
figurés sous les n°' 569 et 570, 586 et 587, sous le nom de Desfon-
,15
226 LÉPIDOPTÉROLOGlE COMPARÉE
tainesi, par Herrich-Schaeffer, n'ont donc aucun rapport spécifique
avec le Desfontainesi représenté sous les n*"^ i et 2 par le mêma
auteur.
J'ai pris, en même temps que Desfontainii, de superbes Iberica,
entre Jimera et Benoajan; j'ai observé la même forme ^Iberica à
Gibraltar et j'ai trouvé dans la collection Bellier une longue série
â! Iberica, aussi belles que celles d'Andalousie, provenant de Bar-
celone et presque certainement récoltés par Himmighofen. Boisduval
possédait une belle Aberration d'iberica, ayant la base des ailes
inférieures, en dessous, entièrement rouge, et tout l'espace au delà
de la cellule d'un blanc jaunâtre uniforme.
Il y a en Espagne, à la Granja et aux environs immédiats de
Madrid, à Casa-de-Campo, une forme d'Ar ternis beaucoup moins
brillante qu'en Catalogne et qu'en Andalousie. J'ai sous les yeux
une soixantaine d'exemplaires pris par mon frère du 15 au
18 juin 1880, en Castille, et je ne crois pas qu'ils puissent partager
la dénomination d'Iberica. Ils sont plus petits, moins vivement
colorés et, tout en conservant un aspect différent des races méri-
dionales françaises, telle : 'provincialis, les spécimens de cette race
espagnole d'Art émis méritent le nom spécial de Castillana.
Par opposition à la race de si grande taille et si chaudement
colorée Iberica, on trouve dans les montagnes pyrénéennes et alpines
une forme très petite et très peu vivement colorée, connue sous le
nom de Mer ope, de Prunn. Il y a deux races de Mer ope distinctes
l'une de l'autre : i° la race alpine suisse, à laquelle le nom de
Mer ope doit être attribué; Herrich-Schaeffer l'a figurée sous les
n°' 134 et 135; Lang {Rhop. Eitropœ) l'a figurée également sous
le n° 3 de la PI. XLIII; 2" la race pyrénéenne et la race alpine
française, d'un aspect beaucoup plus rougeâtre que la race alpine
suisse et semblant être une Arteuiis bretonne plus petite et un peu
étiolée, comme on en trouve parfois aux environs de Rennes. Mon
frère a trouvé cette Art émis en abondance au Pla-Guilhem, à une
altitude de 2,300 mètres, dans les Pyrénées-Orientales.
A Larche (Basses-Alpes), on rencontre une forme analogue par
son aspect rougeâtre et non d'un jaune chamois pâle, ainsi que la
LÈPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE 22/
presque totalité des Mditœa Artoiiis Merope qu'on voit voltiger
en juillet sur les pelouses d'herbe courte et rase, un peu au-dessus
de l'hôtel de Ryffelalp, vers 2,300 à 2,400 mètres, et même un peu
plus haut jusqu'au Lac-Noir et au Ryffelberg, ainsi qu'au dessus
de Fusio, dans le canton du Tessin.
La Merope des Pyrénées-Orientales ressemble donc à celle des
Basses-Alpes, et je crois utile de faire remarquer une fois de plus,
à l'occasion des Melitœa Merope, cette analogie générale entre les
formes des papillons de haute altitude dans les Alpes françaises
et les Pyrénées-Orientales, tandis que dans les Hautes- Pyrénées,
cette analogie disparaît. C'est ainsi que VErebia Lappona (Manto)
est la même dans les Alpes et dans les Pyrénées-Orientales, et
qu'au contraire dans les Hautes-Pyrénées elle devient Sthennyo;
la Lycœna Orbitulus, dans les Alpes françaises et les Pyrénées-
Orientales, semble présenter la même forme; mais autour du lac
de Gaube, c'est la race plus grande Oberthùri, etc.
Il me semble donc que la vraie Merope reste cantonnée dans les
hautes montagnes à l'est de la France, tandis que dans nos mon-
tagnes alpines et pyrénéennes, VArteniis y est, à 2,300 mètres d'al-
titude, absolument semblable aux exemplaires de petite taille que
nous trouvons à la forêt de Rennes, à une altitude d'à peine 50 à
60 mètres. Je dois dire toutefois qu'il y avait dans la collection
Bellier 3 Artemis déterminées Merope et provenant des Pyrénées-
Orientales. Sur ces 3 exemplaires, l'un est analogue à ceux pris par
mon frère à Pla-Guilhem, c'est-à-dire d'aspect rougeâtre; les deux
autres, très mélanisants, sont au contraire beaucoup plus voisins
des Merope de Ryffelalp, de sorte que ces deux exemplaires sont
une affirmation contraire aux observations ci-dessus exposées. Mais
il n'y a que ces deux échantillons, alors que sur plus de 80 spécimens
capturés par mon frère à Pla-Guilhem, à différentes années de
distance, pas un ne cadre avec les Merope du Valais. J'avais cepen-
dant le devoir de signaler les documents de la collection Bellier.
Ils prouvent que toute théorie, si bien fondée qu'elle paraisse, pré-
sente souvent une lacune, et ces lacunes-là, la probité scientifique
défend de les dissimuler.
228 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
La Merope des Pyrénées-Orientales, des Basses-Alpes et de la
forêt de Rennes est distinguée par moi sous le nom de debïlis. La
debilis ne paraît pas rare à Rennes, où elle vole en compagnie des
Art émis normales.
Dans le midi de la France, à Hyères, à la Turbie, à Digne, vole
au printemps une forme âlArteinïs grande, d'une coloration assez
uniformément rougeâtre et que Boisduval a désignée sous le nom
de provincialis. Cette même forme provincialis se trouve en Dal-
matie (Zara) et en Asie-Mineure (Broussa). Les Q sont d'une taille
remarquable et les croissants marginaux des ailes inférieures, en
dessus, se distinguent généralement par leur teinte beaucoup plus
pâle que le fond des ailes. En Provence, Bellier et Emmanuel
Martin ont capturé de belles Aberrations, l'une notamment prise
à Hyères, dont tout le disque des ailes supérieures et la surface des
inférieures, en dessus, sont d'un fauve rosé très pâle; d'autres ren-
contrés à Digne et plus ou moins mélanisantes.
Au centre de l'Europe, depuis la Péninsule armoricaine jusqu'à
la Mandchourie, la M élites a Art émis se montre en mai et juin, géné-
ralement en abondance, dans les allées des bois et dans les prairies
maigres et marécageuses. Artemis, très commune en Ille-et-Vilaine,
y montre la même forme qu'aux environs de Paris. En Prusse,
d'après les documents peu nombreux que je possède de ce pays, le
faciès de la race d' Artemis serait un peu différent; mais je ne puis
rien dire de précis, n'ayant qu'un trop petit nombre d'exemplaires
sous les yeux.
Qu'il me soit permis de faire remarquer ici combien l'étude de
l'Entomologie a changé de direction, depuis quelques années. J'ai
connu une époque oii quiconque trouvait Artemis dans son pays se
souciait bien peu d'obtenir ladite Artemis de ses correspondants
divers et, dédaignant une espèce aussi vulgaire, concentrait son
attention sur la recherche d'espèces considérées comme plus rares
ou manquant à la faune de sa contrée. Actuellement on poursuit
l'analyse dans des détails naguère insoupçonnés et le champ ouvert
aux investigations des Lépidoptéristes a pris une ampleur telle que
les moyens d'un seul homme, même spécialisé à un objet restreint,
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE 229
deviennent bien vite insuffisants. Mnis chacun, en faisant connaître
avec précision ce qu'il connaît, apporte son contingent de documents
à ledifice scientifique en voie de formation pour l'ensemble du
Monde, et c'est déjà quelque mérite pour un seul homme que
d'apporter une contribution de faits scrupuleusement observés et
relatés avec une parfaite exactitude.
Je conseille aux Entomologistes curieux de se rendre compte de
l'évolution qui s'est produite dans la méthode appliquée à l'étude
de notre Science, de lire dans les Annales de la Société entomolo-
giqjie de France ce que Bellier de la Chavignerie écrit (1858, p. 125),
en rendant compte des chasses qu'il a faites en 1857 dans les
Pyrénées-Orientales. « Si on ne voit pas figurer sur ma liste, dit
cet auteur, des Lépidoptères tels que Colias Edusa, Lycœna Cory-
don, Adonis et bien d'autres, il ne faut pas en conclure que ces
espèces n'existent pas au Vernet, mais seulement qu'il m'a paru
inutile d'en parler, parce qu'elles sont sans intérêt et qu'elles appar-
tiennent à la Faune générale de la France. » Quel changement s'est
opéré dans les idées depuis 1858, c'est-à-dire depuis un demi-siècle!
En Irlande et en Ecosse, Ar ternis fournit une race appelée
Hibernica, Birchall, et me paraissant très différente de la race du
sud de l'Angleterre. Ea variété Hibernica se distingue par le milieu
des ailes, en dessus, généralement largement marqué de blanc jau-
nâtre. Il en résulte une opposition de couleurs produisant un très
agréable effet. J'ai reçu un assez grand nombre d'exemplaires pris,
d'une part, dans le sud de l'Irlande, par Mac-Arthur, en 1893, et,
d'autre part, récoltés par Ried de Pitcaple, en 1891 et 1892.
Mais c'est vers l'extrême Orient qn Art ends produit des modifi-
cations plus profondes.
A Sarepta, la forme des ailes commence à s'allonger; mais surtout
le fond des ailes, en dessus, cesse d'être uniformément coloré et
les croissants marginaux des ailes inférieures se détachent en blanc
assez vif.
A Malatia, le faciès des Art émis oricntalis offre une exagération
des caractères de la forme Sareftana. En Mandchourie, aussi bien
230 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
que dans la partie du nord de la Chine que visita l'abbé Armand
David, la forme géographique que j'ai appelée Davidi se caractérise,
au contraire des races Sareptana et Onentalïs dont les ailes, en
dessus, présentent un agréable mélange de nuances fauves diffé-
rentes, par le ton uniformément fauve rouge des ailes et par l'em-
pâtement des parties noires; de plus, les ailes sont très allongées
et devenues plus étroites.
Au sujet de Davidi, qu'on me permette de rectifier une erreur
parmi celles dont fourmille le Catalog Staudinger et Rebel 1901.
Ce Catalog donne Davidi, à tort, comme synonyme de la variété
G. Sibirica; Davidi est la même que la variété H. Mandschurica,
mais par ordre de date de publication, garde la priorité sur cette
var. H. Mandschurica qui tombe en synonyme avec Davidi.
La var. H. Sibirica que je possède de Kentei, d'où me l'a fournie
feu Staudinger, est tout à fait différente de Davidi. Sibirica a les
ailes moins allongées et moins unicolores.
Il y a une autre var. que j'ai appelée Narina et qui provient de
Fort-Naryne, dans le Turkestan oriental, d'oii me l'a envoyée
M. Akulin. Cette variété Narina se caractérise, comparativement à
Sibirica, comme suit : Minor, signaturis nigris obscurioribus, dis-
tinctius variegata.
Ar ternis est fertile en Aberrations.
Dans le Catalogue de la collection Leech, 3 Aberrations sont
figurées sous les n°^ 3, 4, 5 de la PI. I. Les n"' 4 et 5 se rencontrent
à Rennes, où nous en avons capturé plusieurs exemplaires, en
Alsace, à Angoulême, à Paris, d'où notre collection en contient
quelques spécimens. Je possède l'individu de la collection Stevens
figuré par Mosley, sous le n"* 5. Mosley imprime dans sa Notice :
« Locality not known ». Voici ce qui est écrit sur l'étiquette du
papillon : « Bred by C. J. Biggs of old Brand S., from larva
received from M. Dawson of Carlisle 1875. » La collection Stevens
fut vendue à Londres les 27 et 28 mars igoo.
J'ai sous les yeux une trentaine d'Aberrations remarquables
à' Ar teints. Je signalerai un petit cf, en dessus noir, avec 2 macules
rouges seulement aux supérieures; mais je dois dire que l'aile
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE
gauche inférieure est décolorée, surtout vers l'extrémité. Le dessous
est également très aberrant. Ce sujet intéressant a été trouvé à
Besançon, par M. Fritsch, entomologiste très zélé qui a fait en
Franche- Comté des captures fort remarquables.
La collection Boisduval contenait un (S dont toutes les parties
rouges des ailes sont restées normales, tan'dis que toutes les parties
noires sont devenues d'un blanc argenté hyalin. Je possède une Q
semblable prise à Meran; cependant, chez cette Q, le côté droit des
ailes est un peu moins caractérisé que l'autre côté.
Melitaea Cinxia, Linn.
Vient d'être rencontrée à Sebdou, en Algérie, où elle a été prise
par M. H. Powell, en mai 1007; est très répandue dans presque
toute l'Europe tempérée et en Asie-Mineure; semble sur le point
de disparaître de l'Angleterre 011, d'après Charles Barrett, elle
n'existerait plus qu'en quelques colonies confinées dans l'île de
Wight. Voici ce que cet auteur écrivait à ce sujet, en 1893, à la
page 195 du volume I de l'ouvrage : TÂe Le.pidoptera of britisk
Islands -. « The only localities now known for it are on the cliff
slopes and the sheltered valleys: of the Isle of Wight, and the only
hope of its préservation there lies in the comparatively inaccessible
nature of some of the localities which it loves. »
En Bretagne, Cinxia est très commune; elle éclôt deux fois par
an, au printemps et en été. On peut trouver Cinxia aussi bien au
bord de la mer de la Manche, sur les falaises de Cancale, où il ne
paraît pas que l'espèce soit menacée d'extinction, que dans l'inté-
rieur du pays où elle préfère les sites incultes, les pâtures, les
landes et les prairies.
En 1907, la chenille de Cinxia, noire à tête rouge, fut d'une
abondance extraordinaire à Pleuville (Charente), localité très voi-
sine du canton de Charroux (Vienne). Mon frère reçut de Pleuville
un grand nombre de chenilles qui furent déposées sur* des plantains
232 LEPIDOPTEROLOGIE COMPARÉE
lancéolés cultivés dans une très grande cage fermée au moyen de
toile métallique et construite dans son jardin, à Rennes.
Nous fûmes surpris de l'allure inquiète de ces chenilles, qui cher-
chaient toujours à fuir et périssaient en assez grande quantité,
étranglées entre les mailles étroites de la toile métallique par les-
quelles elles s'efforçaient de sortir de leur prison. Pourtant ni l'air,
ni le soleil, ni l'humidité ambiante, ni l'espace, ni la plante préférée
ne leur manquaient dans la cage où elles avaient été déposées. Nous
fûmes amenés à croire que ces chenilles si avides de mouvement et
de liberté étaient parasitées par des larves de mouches, dans une
proportion considérable, et il nous parut naturel d'attribuer à ces
terribles parasites l'inquiétude qui rendait les chenilles de Cinxia
si vagabondes. D'ailleurs elles ne grossissaient pas.
A une abondance insolite de chenilles de Cinxia à Pleuville,
en 1907, a succédé, en 1908, une raréfaction telle que c'est à peine
si on aurait pu récolter 100 chenilles là oii, l'année précédente, il
y en avait des quantités innombrables.
J'ai déjà eu plusieurs fois l'occasion d'exposer comment les
théories de protection de certaines espèces de Lépidoptères, par le
mimétisme, par leurs sucs nauséabonds ou toute autre cause, étaient
peu soutenables en présence du parasitisme des mouches à laquelle
il ne semble pas qu'une seule espèce de Lépidoptère puisse échapper.
Le nombre des chenilles de Lépidoptères parasitées par des
larves de Diptères ou d'Hyménoptères est énorme et la diminution
des imago est, du fait de ce parasitisme, quelquefois considérable.
Le jour, beaucoup de chenilles se cachent sous les pierres, les
feuilles, dans les herbes, en terre même, et échappent ainsi partiel-
lement aux mouches qui, pendant le jour, cherchent leur proie. Ces
chenilles, véritables nocturnes, mangent la nuit, et on les trouve,
en chassant à la lanterne, quelquefois en grande abondance sur les
plantes dont elles se nourrissent. Mais elles ont alors des ennemis
tout aussi dangereux pour elles que les parasites Diptères ou Hymé-
noptères dont les larves les dévorent lentement toutes vives. Ces
ennemis sont, entre autres, les vipères et les crapauds. Ainsi les
chenilles de VAgrotis Valesiaca, dans le Valais, sont recherchées
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPAREE 233
par les vipères qui leur font la chasse assidûment. M. et
j^jrae "Wullschlegel, de Martigny, ont souvent constaté la concurrence
que leur faisaient les vipères, lorsqu'ils se livraient, pendant la nuit,
à la recherche des chenilles de VAgroiis Valesiaca, et il est arrivé
à M"^ Wullschlegel de saisir une chenille devant le nez de la
vipère, avant que celle-ci, immobile en regardant sa proie, se soit
encore décidée à la saisir.
Ici-bas, toute espèce sert d'aliment à plusieurs autres, et la pro-
tection qui couvrirait l'une des espèces amènerait forcément la
famine chez l'espèce parasite, créée pour vivre aux dépens d'une
autre et ayant elle-même ses ennemis.
Si on trouve quelquefois, le jour, errant sur les chemins, des
chenilles dont les habitudes sont nocturnes, c'est que presque tou-
jours ces chenilles souffrent d'un parasite qui aura pu les atteindre
et une mouche sort plus tard de leur chrysalide au lieu d'un
papillon.
Le fait pour certaines chenilles d'être parasitées modifie même
leurs couleurs. Ainsi, à Montpellier-le-Vieux, mon frère observa en
grand nombre les chenilles d'un Sphingide : Celerio eiifhorbhr,
diurnes, tandis que ses congénères : Vesperiilio, œnotherœ, elpenor
sont plutôt nocturnes. Ces chenilles du Sphinx de V euphorbe étaient,
les unes ornées de lignes rouges, les autres de lignes jaunes. Mon
frère recueillit un certain nombre des chenilles à lignes jaunes, afin
de voir si les papillons auraient eux-mêmes la couleur normale des
ailes inférieures modifiée. Il n'obtint que des mouches. Les chenilles
à bandes jaunes étaient la proie de parasites.
Les mouches, nous semble-t-il, se rendent compte de l'état des
chenilles au point de vue du parasitisme et elles ne pondent pas
leurs œufs sur le dos des chenilles déjà parasitées, mais exclusi-
vement sur celles qui sont encore indemnes. De quels drames on
peut être témoin pour peu qu'on puisse consacrer une partie de son
temps à l'observation dans la Nature de la lutte pour la vie !
Partout où j'ai chassé en France, j'ai trouvé la Melitœa Cinxia.
Aux environs de Paris, dans les Alpes, dans les Pyrénées-Orientales,
dans la France centrale, nous avons rencontré Cinxia, comme en
234 LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE
Bretagne, présentant la même forme et ne semblant varier que par
aberrations.
En Angleterre, d'où je possède une trentaine de Cinxia qui fai-
saient partie de l'ancienne collection Howard- Vaughan, la forme
est semblable à celle de France, et il n'y a pas de race géographique
spéciale pouvant être signalée et distinguée dans l'Europe occiden-
tale, tandis qu'en Algérie, Cinxia paraît présenter une forme petite,
aux ailes supérieures allongées, avec les dessins noirs très accentués
sur le dessous des 4 ailes. Cependant, comme je possède un très
petit nombre d'exemplaires, j'estime que les documents dont je
dispose sont insuffisants pour me permettre de désigner par un nom
spécial la race algérienne. Il convient d'attendre à savoir si la géné-
ralité des exemplaires algériens de Cinxia offre une forme assez
constamment distincte des formes européennes pour être valablement
distinguée.
A Vernet-les-Bains, Cinxia ne s'élève pas très haut dans les
montagnes; nous l'avons surtout vue abondante aux environs de
Villefranche-de-Conflent et nous ne nous souvenons pas de l'avoir
observée au-dessus de Saint-Martin-du-Canigou.
Cinxia aberre assez souvent et généralement comme suit : aux
ailes inférieures, en dessous, la base est uniformément fauve, avec
oblitération des taches normales; au delà de la cellule et jusqu'à la
bordure maculaire subterminale qui est oblitérée, l'espace est blan-
châtre. Les ailes supérieures ou inférieures peuvent être, en dessus,
plus ou moins envahies par le noir; inversement, les dessins noirs
des ailes peuvent être partiellement oblitérés; le dessous des ailes
inférieures est quelquefois mélanisé dans l'espace blanc extra-
cellulaire. Le Catalogue de la collection Leech figure, sous les
n"^ 19 et 20 de la PI. I, des Aberrations conformes à celles que je
signale ci-dessus et dont ma collection contient plusieurs exem-
plaires analogues.
Dans les Alpes, il arrive aussi que les Cinxia sont d'un fauve
très clair, avec les parties noires très développées, surtout chez les Q ,
et un semis d'atomes noirs obscurcissant plus ou moins les ailes.
Je possède 6 exemplaires de cette Aberration pallidior, Obthr.
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPAREE 235
Une paire provient du Col de la Madone de la Fenestre, près
Saint-Martin-Lantosque (Alpes-Maritimes); un cf a été trouvé au
lac d'Allos, en juillet 1906. par M. H. Powell, et 3 g, dont l'une
extrêmement obscure et ayant en dessus l'aspect d'une Parthenie,
mais indiscutablement Cinxia par le dessous de ses ailes, m'ont été
envoyées de Digne, en 1904, par le naturaliste Victor Cotte. Cette Q
obscure ressemble beaucoup à l'individu figuré sous le n° 269 par
Herrich-Schaeffer.
Melitaea ^therie, Huebner.
Dans le Caialog Staudinger et Rebel 1901, ^therie est désignée
à tort comme ayant été figurée par Huebner sous les n°^ 5 75 '5/8-
C'est effectivement sous les n"' 875-8/8 c\n\Etheric a été figurée
par Huebner.
Cet auteur représente la race d'Andalousie, qui est de taille rela-
tivement supérieure à celle des autres races, et idont la Q paraît
être généralement de couleur fauve, en dessus, comme le cf, mais
d'une teinte seulement un peu moins vive. Elle a été trouvée notam-
ment à Chiclana.
Mtherie n'est pas rare en Algérie, aussi bien à Sebdou, dans la
province d'Oran, et à Bainen, dans la province d'Alger, qu'à Lam-
bèze, dans la province de Constantine.
La race algirka, Rùhl, paraît être de taille un peu plus petite
que la race andalouse. En Algérie, il y a deux formes de g : 1° celle
dont le dessus des ailes est fauve, comme le cf, mais seulement plus
clair; 2" l'autre, dont le fond des ailes supérieures est d'un fauve
très clair ou même blanchâtre, avec un notable épaississement des
dessins noirs; cette forme est figurée sous les n°' 2 &V 2 a de la
PI. 2 des Lépidoptères de XExfloration scientifique de l Algérie.
La Melitœa JEtheric habite aussi la Sicile; notamment elle a été
trouvée par Krùger à Ficuzza, dans la province de Palerme, en
juin 1907, et le comte Turati a distingué la race sicilienne ^ Altherie
sous le nom de PerUnii. Les cf ne diffèrent guère de ceux d'Algérie,
236 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
et les Q que j'ai sous les yeux appartiennent à la forme dont les
ailes supérieures ont le fond blanchâtre avec épaississement des
parties noires.
Cette var. Perlinn est décrite dans Naturalista siciliano, 1905,
et figurée en photographie, sans couleurs, sous les n°^ i, 2, 3 (cf),
et 5, 6, ;, 8 (Q) de la PI. V.
Cependant, dans sa description, le comte Turati signale aussi
qu'une forme de Q à ailes fauves, mais d'une teinte plus claire
que le cf, se rencontre avec l'autre forme. Il en est alors en Sicile
exactement comme en Algérie. La différence entre Perlinn et
alginca serait donc surtout appréciable en comparant le dessous
des ailes inférieures : « Nelle ali inferiori a differenza dell' Alginca
Stgr., che Staudinger (albido-fasciatis) e Riihl (rein-weiss) indi-
cano colle fascie di bianco puro, la Perlinii, Turati, ha le fascie di
color giallo-solfo, spesso assai vivo. »
Je dois à l'obligeance du comte Turati deux paires de Mtheric
Perlinii; ma collection contient environ 150 JEtherie algirica. Les
cf algirica et Perlinii ont les fascies, en dessous, exactement de la
même teinte jaune soufre. Seules les Q algirica, à qui Staudinger
applique d'ailleurs, à l'exclusion du cf, la mention : subius albido-
fasciatis, ont tantôt les fascies blanches et tantôt les fascies jaune
soufre. Mais une des Q Perlinii a elle-même ces fascies plutôt
blanchâtres que jaunes. J'en conclus donc que la race sicilienne et
la race algérienne d'A^therie se ressemblent beaucoup et qu'un
grand nombre d'exemplaires des deux provenances ne sauraient
être distingués les uns des autres.
Duponchel {Siippl, p. 278, PI. 44, fig. 4, 5) représente une
JEtherie venant de la Russie méridionale, d'après un individu
communiqué par M. Chardiny, de Lyon. Ma collection contient
aussi un exemplaire de cette provenance. Cependant Staudinger et
Rebel n'en font pas mention dans leur Catalog içoi. Il y a une
remarquable analogie d'espèces entre l'Andalousie et la Russie
méridionale. C'est ainsi que Zegris Eupheme, Satyrus Hippolytc,
Helioihis incarnata, Orgyia diibia splendida se rencontrent à la
fois dans la péninsule ibérique et dans le sud de la Russie, sans
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE
qu'on ait encore observé ces espèces dans la région intermédiaire
de l'Italie. Il n'y aurait donc rien d'anormal à ce ç^Mtherie habitât
en Russie comme en Espagne; mais n'ayant jamais reçu Mtherie
directement de Russie, je crois devoir, en présence de la non-indi-
cation de cette localité dans le Catalog Staudinger et Rebel 1901,
poser ici la question, espérant obtenir un supplément d'informations
qui nous fixerait définitivement.
Melitsea Phœbe, Huebner.
Manque en Angleterre; répandue dans une grande partie de la
France, en Espagne, en Algérie, en Sicile, en Autriche, dans la
Russie méridionale, l'Asie-Mineure, le Turkestan, le nord de la
Chine. Offre des variétés géographiques remarquables et est, ainsi
que ses congénères du genre Melitœa, fertile en Aberrations. Les Q
surtout varient beaucoup, tantôt se rapprochant du faciès des C?,
tantôt devenant très mélanisantes.
A Rennes, la Melitœa Phœbe est assez commune dans les premiers
jours du mois de juin; mais je ne l'ai pas observée sur la côte
malouine. Elle est surtout abondante au sud de Rennes, vers Bourg-
des-Comptes. Nous l'avons aussi rencontrée à Monterfil, oii mon
frère a capturé en 1893 un <3 dont les ailes supérieures sont presque
entièrement lavées de noir. Dans cet exemplaire, il ne reste de fauve
que le fascie submarginal et quelques macules près de la base et
dans la cellule. Je ne pense pas que la Melitœa Phœbe habite les
Côtes-du-Nord et le nor'd du Finistère. Au contraire, Phœbe est
très commune dans les Pyrénées-Orientales, où nous l'avons vue
voler dans les localités chaudes, à Villefranche-de-Conflent et à
Vernet-les-Bains, sans s'élever à une altitude supérieure à Saint-
Martin-du-Canigou.
Nous possédons des Phœbe prises à Etampes; Chartres; Châ-
teaudun; Charroux (Vienne); Villeneuve-de-Blaye (Gironde), en
août; Digne; Larche; La Voulte-sur-Rhône (Ardèche); dans les
Pyrénées; à Mende (Lozère); à Montpellier; à Uriage (Isère); à
23S LÈPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
Aix et au Pas-des-Lanciers (Bouches-du-Rhône) ; dans les Alpes-
Maritimes.
Il ne semble pas qu'en France, les Phœbe d'aucune région pré-
sentent un caractère spécial et distinctif, comparativement à celles
des autres provinces. C'est ainsi que les exemplaires normaux de
Phœbe pris aux environs de Rennes ne semblent point différents
de ceux des autres localités françaises. Mais, en Espagne, il y a
une tendance à ce que les fascies fauves du dessus des ailes soient
les unes plus claires et les autres de teinte plus vive. J'ai trouvé des
Phœbe de cette forme appelée occitanica près de Grenade, en
Andalousie, au commencement de mai 1894, et la collection Bellier
contenait des individus très caractérisés de cette variété occitanica
(magis variegata) récoltés à Barcelone. Je possède quelques jolies
Aberrations de Phœbe capturées en Espagne, notamment un cf de
la Sierra-Nevada, chez qui les taches normalement noires en dessus
sont remplacées par du gris argenté.
En Algérie, il y a une race de Phœbe que j'ai distinguée sous le
nom de punica et qui est caractérisée par sa taille plus petite et la
teinte fauve plus claire de ses ailes. Cette variété punica semble
être plus caractérisée dans la province de Constantine (Lambèze,
Khenchela) que dans l'Ouest-Algérien; mais je ne possède qu'un
seul cf trouvé à Sebdou par M. H. Powell, en mai 1907, et je suis
insuffisamment documenté pour émettre une opinion certaine.
A Palerme, en Hongrie, à Beyrouth, à Akbès, en Grèce, Phœbe
semble très répandue. Elle se trouve aussi à Sarepta, dans l'Oural,
dans le Turkestan oriental (Fort-Naryne), ainsi qu'en Mongolie.
Dans ce dernier pays, Phœbe est d'une taille très grande; elle a
reçu le nom de Scotosia, Leech (PI. XXIV, fig. 10, 11, 12). En
Hongrie, il semble que la race de Phœbe soit au contraire de très
petite taille, comme la punica d'Algérie. En Sicile, la couleur fauve
paraît terne et très uniforme; mais il y a dans chaque localité des
échantillons qui se rapprochent de la forme normale française, à
côté d'autres qui en semblent très distinctes, comme aussi par
Aberration, on peut rencontrer en France des échantillons très ana-
logues par exemple à la variété espagnole occitanica. A Vernet-
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE 239
les-Bains, notamment, des PJiœbc très voisines docci/ûnica se
trouvent assez fréquemment. Il en est de même jusqu'aux environs
de Paris. Ma collection contient quelques superbes Aberrations
mélaniennes et albinisantes provenant des collections Wiskott,
Bellier et Boisduval, affectant le dessus et le dessous des ailes, mais
conformes aux règles générales d'Aberration du genre Melilcea.
Melitaea Didyma, Ochs. (PI. XXVI, fig. 136-145).
Le Damier première espèce, ainsi que l'appelle le R. P. Engra-
melle, ne se rencontre pas en Angleterre. Je crois que dans le nord-
ouest de la France, la station la plus avancée de la Melitœa Didyma
se trouve sur la ligne du chemin de fer de Rennes à Redon, vers
la station de Guichen-Bourg-des-Comptes. La rivière de Vilaine
coule à cet endroit dans une vallée très pittoresque dont les côtés
sont formés de collines agrestes, aux pentes et aux sommets assez
souvent incultes, de façon que la flore naturelle s'y développe
librement. La voie ferrée et un chemin de halage côtoient la rivière
canalisée. Jusqu'à ces derniers temps, le voisinage de la gare de
Guichen-Bourg-des-Comptes était une localité où Didyma abondait.
Les plantains, dont se nourrit la chenille, poussaient le long des
clôtures de la voie ferrée et sur la voie ferrée elle-même. Didyma
se trouvait également, avec sa plante nourricière, en grande abon-
dance sur le côté nord de la berge de la rivière de Vilaine, spécia-
lement entre le pont du chemin de fer, près le village de la Haute-
Bouexière, et l'écluse du même nom, sur une longueur d'environ
un kilomètre. Cette localité ayant malheureusement été livrée au
pâturage, les vaches ont peu à peu tout détruit; et, d'autre part,
l'Administration des chemins de fer ayant assez récemment donné
l'ordre d'incendier, sur presque toutes les lignes de son réseau, les
herbes et les plantes qui croissaient spontanément sur la voie ferrée
et sur ses abords, le feu a fait périr un nombre considérable de
Lépidoptères.
Depuis ces événements, nous n'avons pas revu Didyma à Guichen-
240 LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE
Bourg-des- Comptes. J'espère toutefois qu'en des lieux où les bes-
tiaux n'auront pas trouvé accès, aussi bien que là où l'incendie
n'aura pu atteindre, quelques colonies de Dïdyma auront survécu
au désastre et que l'espèce, dans la région, n'a pas été entièrement
détruite.
A Guichen-Bourg-des-Comptes, nous avons observé la Didynia
paraissant deux fois par an, .d'abord à la fin de mai, puis en août.
En examinant soigneusement les papillons qui voltigeaient le long
de la rivière et sur la voie ferrée, on pouvait capturer des échan-
tillons remarquablement aberrants. C'est ainsi que M. P. Boulé,
entomologiste de Rennes, ayant chassé pour nous à diverses reprises
dans le pays de Guichen-Bourg-des-Comptes, récolta en mai 1896
un superbe exemplaire hermaphrodite ayant le côté gauche Q et
le côté droit cf, ainsi que des Aberrations singulières par leur
conformité entre elles, signalées par moi dans le Bulletin de la
Société entomologiqiie de France, année igoo, aux pages 276 et 277.
Une planche imprimée en phototypographie représente l'hermaphro-
dite et 3 des Aberrations précitées. Ces 3 sujets aberrants, tous cf,
Varient exactement de la même façon par l'oblitération des taches
et dessins noirs des ailes inférieures en dessous. Le second exem-
plaire, qui se trouve figuré dans la colonne de gauche de la Planche
phototypographiée, fait la transition entre la forme normale et
l'exemplaire suivant n° 3 qui est lui-même parfaitement conforme au
dernier n° 4. Le n" 3 a été capturé en août 1892; les n°' 2 et 4 en
août 1893, de sorte que ces Aberrations, si remarquablement ana-
logues entre elles, ont paru à un an de distance au même lieu
(PI. XXVI, fig. 136).
Il existe donc une cause de cette continuité dans la tendance à
produire, en une place déterminée de Bretagne, une forme de
variation que je n'ai jamais été à même d'observer jusqu'ici chez
d'autres Didyina de provenance différente. Mais cette cause demeure
inconnue et rien ne permet jusqu'à présent même d'en préjuger la
nature.
Une autre Aberration se reproduisait fréquemment à Guichen-
Bourg-des-Comptes; c'est celle dont le dessus, comme le dessous
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE 24I
des ailes, au lieu d'être d'un fauve rou^e vif, est d'un fauve chamois
très pâle. Presque tous les ans, nous obtenions quelques exemplaires
Cf et g de cette variété qui est constante et que j'ai appelée Boiilei
(PL XXVI, fig. 144).
J'ai lieu de croire que, dans le genre Melitœa, Didyina est l'espèce
dont les Aberrations sont plus remarquables. J'ai donc consacré une
Planche du présent ouvrage à la figuration de quelques exemplaires
choisis parmi les Aberrations les plus distinguées de ma collection.
Deux Aberrations bretonnes en font partie (fig. 136 et 144).
On trouvera à l'Explication des Planches les renseignements de
localité concernant les fi.g. 137 à 143 et 145.
La Melitœa Dïdyma ne s'avance pas vers le nord jusqu'à la ville
de Rennes et, par conséquent, elle fait défaut sur la côte septen-
trionale de la Bretagne. Mais, vers le sud, elle est commune depuis
les Charcutes jusqu'aux Pyrénées; elle est répandue dans le centre
de la France et vers l'est; elle est abondante en Franche-Comté et
tout le long de la frontière des Alpes.
Je crois qu'il y a lieu de distinguer de toutes les autres races de
Dïdyma celle de Guichen-Bourg-des-Comptes, que je désigne sous
le nom dCArmoricana. Cette race, dont j'ai sous les yeux plusieurs
centaines d'exemplaires, présente des individus conformes à ceux
du Poitou, de la Charente et de beaucoup d'autres lieux, mais à titre
assez exceptionnel. La grande majorité des échantillons bretons de
Dïdyma diffère de tous les autres par la plus petite taille des çS et
des Q et par l'allongement des ailes supérieures des cT, dont la
teinte fauve est normalement aussi vive que dans aucune autre
région. Les Q ont généralement le fond des ailes d'un fauve rouge
plus ou moins rembruni par les atomes noirs quelquefois répandus
en semis très serré sur les ailes supérieures et la base des inférieures.
Lorsqu'on compare une réunion nombreuse de Didyma bretonnes
à d'autres réunions de localités diverses, on constate une différence
générale de faciès tout à fait probante et justifiant amplement, pour
une race spéciale, un nom également spécial. Je regrette qu'il soit
si difftcile d'exprimer clairement avec des paroles ce que les yeux
perçoivent si aisément. Cependant, considérant comme forme nor-
16
242 LEPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
maie de Didyma celle qui vole ordinairement dans la France centrale
et méridionale, dans le Valais et certaines parties de l'Allemagne, je
trouve qu'il y a lieu de distinguer un assez grand nombre de races
effectivement très caractérisées, si on les compare à la forme normale
précitée. Mais pour faire ces comparaisons avec exactitude et agir
en connaissance de cause, il est indispensable de disposer de séries
d'exemplaires très nombreux pour chaque localité.
La Melitœa Didyma est répandue sur une énorme surface de
l'Europe, de l'Afrique et de l'Asie. Si je relève dans ma collection
les séries plus ou moins considérables de Didyma qui y sont con-
tenues, je trouve, en outre de la France, de la Suisse et de l'Alle-
magne, les provenances suivantes : Abyssinie; Algérie désertique
(Biskra, Mécheria); Algérie non désertique (Yakouren, Djurjura,
Constantine, Sebdou, Daya, Magenta); Sierra-Nevada d'Andalou-
sie; Italie (Rome, Naples, Palerme, Monts Madonie); Grèce;
Balkan; Macédoine; Sarepta; Caucase; Transcaucasie (Bakurian);
Asie centrale (Osch, Namangan, Margelan) ; Asie-Mineure (Akbès,
Beyrouth, Broussa); nord de la Chine; Chitral; Pamir; Kentei;
Amour; Thian-Chan; Côte mérid. de Crimée.
Pour certaines localités asiatiques, j'ai sous les yeux de longues
séries; mais pour d'autres, je ne dispose que de peu d'exemplaires;
dès lors je me juge insuffisamment documenté pour disserter uti-
lement sur le classement des Didyma orientales et je me borne à
l'étude des formes occidentales.
En Andalousie, Didyma paraît être conforme à celle de l'Algérie
non désertique. La couleur des cf, en dessus, est d'un fauve vif
plutôt jaunâtre que rougeâtre; les taches noires sont vives et assez
grosses; les Q ne sont pas verdâtres,* ni grises, ni obscures, mais
plutôt de la teinte des cf, seulement un peu pâlie. En dessous, les
dessins sont nets et la fascie extracellulaire orangée des ailes infé-
rieures est continue, c'est-à-dire qu'il n'y a pas d'interruption sensible
occasionnée par les nervures et produisant, -comme chez deserticola,
une série de taches orangées séparées les unes des autres. De plus,
cette fascie orangée est limitée, en haut comme en bas, par une ligne
unique de croissants noirs. Bien que la Didyma d'Espagne méri-
LEPIDOPTEROLOGIE COMPARÉE 243
dionale et d'Algérie non désertique ressemble beaucoup à des
formes asiatiques, je ne puis l'identifier strictement à aucune de
ces formes et je crois devoir la désigner sous le nom de maure-
tanica. J'ai devant moi plus de loo échantillons algériens, mais
seulement 4 d'Espagne. Les dénominations occidentalis et nieridio-
nalis données par Staudinger à tout un ensemble de races géogra-
phiques différentes de Didyma ne me paraissent pas répondre à
une analyse bien conçue, et il faudrait évidemment une nouvelle
nomenclature pour qu'un nom fût appliqué à chaque race asiatique
distinctement caractérisée.
Quant à deserticola, elle se trouve à Mécheria dès la fin de mars,
à Laghouat en avril, à Biskra en avril et mai. Elle est très remar-
quable par la teinte d'un fauve orangé clair uni qui couvre ses ailes,
en dessus, et par le dessous de ses inférieures, dont les parties
orangées sont réduites et moins régulières. Notamment, la fascie
extracellulaire est composée de taches orangées isolées les unes des
autres, et ces taches sont surmontées d'une double rangée de crois-
sants noirs. Herrich-Schaeffer figure sous les n"'' 133 et 327 (le n"327,
avec le nom de Trivia var. ?) des Didyma qui présentent ce carac-
tère. Les taches des ailes supérieures, en dessous, sont aussi plus
punctiformes. Le n" 327 vient de la pente sud du mont Ararat,
selon l'indication d'Herrich-Schaeffer.
Une race de Didyma du Thian-Chan, que Grum-Grshaimaïlo a
répandue dans certaines collections sous le nom de Dschnngarica,
paraît faire une transition entre Didyma deserticola et Didyma
mametanica.
Une très intéressante forme que je crois encore inédite est
Xabyssinica, Obthr. En dessus, le cf est d'un jaune ochracé clair,
avec les points noirs gros et confluents. En dessous, les ailes sont
d'une teinte encore moins foncée qu'en dessus; l'apex des supérieures
et le fond des inférieures est d'un blanc jaunâtre; les points noirs
sont gros, mais non confluents; les fascies jaune légèrement orangé
des ailes inférieures, près de la base et au delà de la cellule, sont
formées par un lavis continu et non point par des taches séparées
comme chez deserticola. Je ne connais pas la Q. Je possède 2 cT
244 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
qui se trouvaient dans la collection du docteur Boisduval, avec
l'étiquette .- Abyssinie.
Ma collection contient 3 Didyina (S du nord de la Chine
(Armand David); cette race paraît être d'un jaune orangé clair.
De Broussa (Asie-Mineure), j'ai reçu de Merkl beaucoup de cf et
13 Q remarquablement grises en dessus. Chez certaines Q le fond
des ailes inférieures est rougeâtre. A Akbès, il y a des Q tantôt
d'une couleur fauve simplement plus claire que les cf, tantôt aussi
grises que certaines Q de Broussa. En Sicile, Bellier avait pris à
Palerme une petite race de Didyma dont les Q sont de la couleur
des cf, seulement un peu moins vive, tandis qu'il avait trouvé dans
les monts Madonie une Q excessivement sombre, d'un gris très
obscur, avec la base et le bord costal des inférieures rougeâtre. On
voit combien Didyma est changeante dans la même contrée, mais
sous des influences différentes d'altitude. A Naples et à Rome, mon
frère a pris des Didyma dont les Q ont le fond des ailes d'une
teinte rouge très vive, avec un semis épais d'atomes noirs qui les
obscurcit.
A Beyrouth, Balint a pris jadis une race de Didyina excessi-
vement petite; certains cf ne sont pas plus grands que des Lycœna
Agestis. Delagrange avait capturé à Akbès, pendant l'été 1890, une
vingtaine de Didyma également très petites, mais avec les fascies
orangées des ailes inférieures, en dessous, extrêmement larges et
développées. J'ai désigné cette race d'été sous le nom de lilLiputana.
Dans cette race, la g paraît être de la couleur du cf-
Staudinger a appelé alpina la race des Alpes et des Pyrénées,
dont la Q est ainsi caractérisée : alis ant. virescentibiis; poslicis
rufis.
Cette Didyma alpina est très variable. Aux environs de Digne
et de Vernet-les-Bains, elle donne des Q superbes variant du fauve
très clair au gris verdâtre et offrant presqu'autant de variétés que
d'échantillons. Mais dans les Charentes, le Poitou, la Lozère, on
trouve des variations analogues à celles de Digne et des Pyrénées-
Orientales, et partout on peut rencontrer des Aberrations superbes.
Mon frère a eu la satisfaction d'en recueillir quelques-unes à Saint-
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE 2 |5
Marlin-du-Canigou, localité qui paraît être, dans les Pyrénées-
Orientales, à peu près la dernière station d'altitude pour D'idynna,
laquelle est plutôt une espèce de plaines et de basses montagnes,
et qu'on rencontre plus ordinairement au fond des vallées chaudes
que dans la région des rhododendrons.
Nous avons maintes fois chassé dans les Pyrénées-Orientales,
région séduisante entre toutes par ses attraits naturels si variés;
mais nous connaissons beaucoup moins bien la faune des Lépidop-
tères de la plaine du Roussillon que celle des montagnes du
Gonflent et de la Cerdagne, où la fraîcheur et la pureté de l'air et
des eaux rendent en été le séjour infiniment agréable. Au contraire,
dans le bas pays, la température, en juillet et août, est quelquefois
torride. Cependant la faune estivale de la plaine roussillonnaise
et des petites collines aux herbes parfumées, mais dès la fin du
jirintemps desséchées et comme calcinées par un soleil brûlant,
présente des formes de papillons d'un très grand intérêt. J'ai sous
les yeux un petit nombre de Didyma prises à Millas, en juillet 1891 ;
les g paraissent être dans cette localité extrêmement remarquables.
Sur le dessus des ailes, l'une d'elles offre un très agréable mélange
de taches fauve clair ressortant sur un fond fauve plus foncé. Je
n'ai pas vu d'autre Didyma avec cette particularité. Dans les der-
nières chasses d'automne que M. H. Powell fit pour nous tant à
Vernet-les-Bains qu'à Ille-sur-Têt (octobre 1908), nous reconnûmes
que la faune de la plaine du Roussillon et de ses collines arides
permettait encore d'espérer d'intéressantes découvertes. Puisse le
présent travail, surtout consacré à l'étude comparative des papillons
français, faire naître de nouvelles ardeurs parmi les Entomologistes
et occasionner des recherches dans un si grand nombre de cantons
français où personne ne s'est encore livré à la chasse des Lépidop-
tères. Avant que l'activité industrieuse des hommes, qui transforme
sans cesse la surface du sol, n'ait achevé d'abattre les forêts et de
détruire la flore naturelle sur les localités où elle subsiste encore,
n'est-il pas urgent d'essayer de connaître la faune entomologique
vouée au même sort que les plantes auxquelles elle se trouve si
intimement associée. Le journal des chasses de feu Pierret a été
246 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
conservé. Ce journal relate les captures faites principalement dans
les environs de, Paris et s'arrête vers 1848. Si on retournait
aujourd'hui dans les endroits où Pierret trouvait tant d'intéressantes
espèces, on constaterait aisément les progrès accomplis dans la
destruction de la flore et de la faune naturelles des lieux depuis
un demi-siècle. Que sera-ce lorsqu'un autre demi-siècle aura encore
passé !
Melitaea Dictynna, Esper.
La Dictynna n'est presque nulle part une espèce très abondante;
de plus, elle semble très localisée. Elle n'existe pas en Angleterre;
nous ne l'avons jamais vue en Bretagne; elle n'a pas été trouvée
en Algérie.
Ma collection renferme des échantillons de Dictynna recueillis
aux environs de Paris, Saint-Quentin, Besançon, Limoges, Angou-
lême, Mende, Florac, Uriage, Cauterets; dans le Valais (Martigny,
route du Simplon et Ryffelalp); dans les Alpes (La Grave,
Briançon au Mont Genèvre, Monetier-de-Briançon, Lautaret, En-
chastrayes, Larche, Chamouny, Lanslebourg) ; à Ecclepans, en
Suisse; en Autriche; en Prusse; enfin .dans les Pyrénées-Orientales,
où vole l'intéressante variété Vernetensis, Obthr.
Dictynna est donc une espèce de plaine et de montagne; mais
dans les plaines, je la crois surtout sylvatique. Elle est très distincte
d'Athalia et de toutes les autres Melitœa par la teinte chocolat dans
les parties fauves du dessous de ses ailes. Elle offre, comme ses
congénères, des Aberrations qui dérivent des mêmes principes. C'est
ainsi que je possède des exemplaires de Dictynna tout à fait
analogues à la Pyronia, Huebner (Aberr. d'AtAalia, figurée sous
les n"^ 585 à 58S).
Auprès d'Angoulême, Dictynna est de petite taille; les plus
grands exemplaires que j'ai vus ont été capturés à Limoges. La
variation générale chez Dictynna porte sur le degré d'absorption
des parties fauves par la teinte noire, en dessus, qui reste prédo-
LEPIDOPTEROLOGIE COAIPAREE 247
minante. A part la race spéciale de Vernet-les-Bains, où c'est
l'inverse, il n'existe réellement pas, à ma connaissance du moins,
de forme offrant des différences tangibles et constantes dans les
diverses localités de l'Europe centrale où l'on rencontre Dictynna.
Dans les Hautes-Pyrénées, j'ai observé Dictynna depuis Cau-
terets, où elle vole en petite quantité relative, sur les flancs du
Péguère, jusqu'au delà du lac de Gaube. Dictynna paraît une seule
fois dans l'année, à la fin de juin et en juillet. C'est une espèce
délicate et facile à déflorer. T.es Q ont quelquefois sur le disque
des ailes supérieures, en dessus, les taches d'un fauve très clair et
presque blanchâtre; elles m'ont semblé moins nombreuses que les cf
et éclosant quelques jours plus tard.
J'ai désigné sous le nom de Vernetensis la race spéciale que nous
avons capturée dans les Pyrénées-Orientales, un peu au-dessus de
Vernet-les-Bains, notamment à Saint-Martin-du-Canigou. M. Ron-
dou signale cette variété Vernetensis dans son Catalogîie des Lépi-
doptères des Pyrénées (p. 24) ; peu de races locales, en effet, méritent
davantage d'être distinguées de la forme normale.
J'ai sous les yeux exactement 130 exemplaires, tous pris par mon
frère ou par moi aux environs de Vernet-les-Bains. Naturellement,
sur un pareil nombre, il y a des variations, et je constate que certains
exemplaires ressemblent beaucoup à ceux des autres localités; mais
la grande majorité est caractérisée par le rétrécissement des parties
noires au profit des parties fauves, sur le dessus des ailes, de telle
façon que la plupart des échantillons de Dictynna Vernetensis sont
aussi clairs en dessus que les exemplaires normaux d'Atkalia. Cette
dernière espèce vole avec Dictynna et dans les mêmes lieux; en
dessus, elle est parfois à peine distinguable; mais en dessous,
Dictynna Vernetensis, comme toutes les Dictynna, en France et en
Suisse, se reconnaît aisément par la teinte chocolat dans les parties
fauves. Je n'ai jamais vu Dictynna Vernetensis voltigeant en grand
nombre. Pour réunir la quantité qui figure dans ma collection, il a
fallu des chasses répétées pendant un grand nombre d'années. Les
g de Dictynna Vernetensis sont grandes, remarquablement claires
en dessus; aux ailes inférieures, comme aux supérieures, les parties
248 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
noires sont encore plus rétrécies peut-être que chez les cf et les
fascies fauves s'élargissent quelquefois considérablement au détri-
ment des parties noires.
Melitaea Aurélia, Nick.
Il me semble que VAureliû est bien le papillon figuré comme
Athnlia, sous les n"' ig et 20, par Huebner. Freyer représente dans
la PI. 641, sous les n°^ 2 et 3 et avec le nom â! Aurélia, cette petite
Melitœa, encore assez peu connue des Entomologistes français,
parce que les localités 011 on rencontre cette espèce dans notre pays
paraissent très clairsemées jusqu'à présent. Maurice Sand, dans son
Catalogne raisonné des Lépidoptères du Berry et de ï Auvergne,
signale la Melitœa Aurélia comme habitant les bois de St-Florent
(Cher) et de Nohant (Tndre), avec sa variété Britoniartis. Pour ma
part, je n'ai jamais trouvé Aurélia en France; je l'ai seulement prise
dans la vallée de la Viège, en Valais, et auprès du Refuge n" 2,
sur la route du Simplon, un peu au-dessous de Bérisal. Mais feu
mon ami Emmanuel Martin m'avait assuré l'avoir trouvée dans la
forêt de Compiègne et je la remarque dans l'ancienne collection
Guenée, avec la notice suivante que je transcris textuellement :
« Mel. Serotina, Gn. (nomen in Mus.), prise dans la forêt de
Vibraye, en 1865. Ne vole que dans des parties très restreintes de
la forêt et quand Athalia est déjà finie. Ses caractères sont : palpes
noirs; taches de la 2' bande différant d' Athalia. Elle ressemble
presque en dessous à la plantaginis dont elle diffère complètement
en dessus. Les deux sexes sont semblables. Il est difficile de dire
si \A_7irelia de Meyer-Dùrr (PI. I, fig. 6) ne se rapporterait pas
aussi bien ici qu'à la Parthenic. Mais le texte ne laisse aucun doute.
Dans la coll. Poulin, à Genève, elle figure, envoyée par Staudinger,
sous le nom de Partkenie vraie. »
Pour l'intelligence de la notice écrite par Guenée, il faut savoir
que cet auteur appelait plantaginis la Parthenie Herrich-Schaeffer
(136, 13;)-
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE 249
Quoi qu'il en soit, les scrot'nia Guenée {jn Mus.), dont j'ai sous
les yeux 3 exemplaires pris à Vibraye, sont bien des Aîirdia, et
Aurélia est une espèce française qui a pu être trouvée dans d'autres
localités, mais confondue aver Athalia. Mon fils, le D"" J. Oberthiir,
m'a envoyé des Melitcca prises par lui dans la forêt de Saint-
Germain; je considérerais volontiers que certains exemplaires sont
des Aurélia; mais comme ils ont été trouvés mélangés à d'authen-
tiques Athalia voltigeant en même temps à Saint-Germain, je crains
que les supposées Aurélia de cette localité ne soient de petits exem-
plaires ^Athalia, à teinte un peu plus obscure. Dans le doute, je
me garde donc d'une affirmation positive. Je possède de Berlin,
Osnabriick et Hochstedt de très belles Aberrations ai! Aurélia plus
ou moins voisines de Pyronia, Huebner.
Melitaea Athalia, Esper.
C'est, avec Ariemis, la Melitœa la plus répandue en Europe. Elle
habite l'Irlande, l'Angleterre, toute la France, l'Allemagne, l'Italie,
r Asie-Mineure; mais elle n'a jamais été observée en Algérie.
En Bretagne, j'ai trouvé Athalia dans le département du Finistère,
aux environs de Huelgoat. C'était avant la mi-juillet. Athalia est
très commune aux environs de Rennes, au mois de juin. Il me
semble que chez nous, elle n'éclôt qu'une fois par an, tandis que
dans la Loire-Inférieure, nous l'avons rencontrée au mois d'août,
ce qui fait supposer une première génération de printemps. Athalia
se plaît surtout dans les allées des bois, et lorsque le ciel est un
peu couvert, elle cesse d'avoir le vol très actif et elle reste volontiers
posée sur les plantes. Il est alors facile de passer l'inspection d'un
grand nombre d'exemplaires, qu'on aperçoit étendant tranquillement
leurs ailes, ce qui permet de reconnaître aisément les Aberrations.
Ma collection en contient un assez grand nombre. Certaines Aber-
rations très mélaniennes en dessus sont sur cette face presque entiè-
rement lavées de brun noir; les autres ne sont que partiellement
mélanisantes et généralement plutôt aux ailes inférieures qu'aux
supérieures.
250 LEPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
Chez certains échantillons, au contraire, le noir est comme éliminé
et la teinte fauve prédomine, aux ailes supérieures surtout. En
dessous, il arrive fréquemment que la base des inférieures reste
fauve, tandis que tout l'espace extracellulaire, jusqu'au bord mar-
ginal, devient à peu près uniformément blanc; les ailes supérieures
sont quelquefois très noircies, d'autres fois elles restent plus ou
moins normales. Beaucoup d'auteurs ont figuré des Aberrations
notables à'Alhalia. Huebner, sous les n°' 585 et 586, 587 et 588, a
représenté avec le nom de Pyronia deux Aberrations qui se repro-
duisent assez souvent et probablement dans la plupart des localités
oii vole Athalia. Le Catalogue de la collection Leech offre, sous
les n"' 22, 23 et 24, la figure d'Aberrations rentrant dans' l'ordre
des Pyronia. Je crois que le n" 25, attribué par l'auteur du Catalogue
de la collection Leech à Dictynna, appartiendrait plutôt à Athalia.
Les Aberrations en question, individuellement très différentes,
dérivent cependant d'une même loi, et cette loi est commune à toutes
les espèces du genre. Ainsi, il est bien évident que sur la PI. I du
Catalogue de Leech, les Melitœa Artemis n°^ 4 et 5, Didyma n" 8,
Parthenie n° 10, Cinxia n° 20, Athalia n°' 22, 23, 24 et 25 sont des
Aberrations ayant beaucoup d'analogie entre elles. Mosley consacre
la Planche 3 des Melitœa à la représentation des Aberrations
à^ Athalia anglaises; elles pourraient rentrer dans la catégorie des
Pyronia.
En France, les Athalia ne m'ont pas paru offrir de races locales
bien distinctes; elles sont seulement plus claires dans la partie très
chaude du sud-est que dans nos régions. Dans l'Italie méridionale
(Naples-Solfatare, où l'espèce n'est pas bien rare), la forme est
encore plus claire que dans le midi de notre pays. Les parties noires
du dessus des ailes sont très rétrécies et le fond est quelquefois
d'un fauve orangé vif. En Sicile, dans les Monts Madonie, Bellier
a capturé une race dont les Q sont très pâles, avec un semis
d'atomes noirs produisant un aspect un peu verdâtre, comme chez
les Parthenie des montagnes.
En Angleterre, la forme ai Athalia possède un faciès assez spé-
cial, surtout chez les O, de telle sorte que les Athalia anglaises et
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE
irlandaises ne sont pas semblables aux Athalta du Continent; mais
il en est ainsi pour à peu près toutes les espèces de papillons anglais
qui conservent un aspect particulier, de telle sorte que presque toutes
les espèces vivant encore sur le sol de la Grande-Bretagne méri-
teraient un nom de variété géographique, comparativement aux
formes qu'affectent ces mêmes espèces sur le Continent.
La Melitœa Athalia est une espèce de plaine et de basse mon-
tagne. Elle se plaît dans les parties sylvatiques un peu fraîches et
s'élève rarement très haut, au contraire de Parihenie qui habite, en
nombreuses colonies, non seulement les régions à peine élevées de
quelques mètres au-dessus du niveau de la mer, mais aussi les
grandes altitudes jusqu'à 2,500 mètres environ.
Dans tous les départements de France où j'ai chassé, j'ai trouvé
Athalia; néanmoins, je ne l'ai pas rencontrée au bord de la Manche,
sur la côte malouine, où j'ai cependant remarqué maintes places
dont l'aspect me semblait pouvoir convenir à Athalia.
En France, Athalia est généralement plus grande que Parthenie
et d'une taille à peu près égale à Dejone et à Dictynna. Cependant,
aux environs d'Angoulême, Dictynna paraît être le plus souvent
sensiblement plus petite qu'Athalia normale, alors qu'Athalia
semble plus développée à Angoulême que dans les autres localités.
C'est dans les bois de Livernant, là où vole dans une prairie
marécageuse du fond de la forêt le C œnonymfha Œdipus, qu'à
la fin de juin igo8, chassant en compagnie de mon excellent ami
M. Gabriel Dupuy, je capturai cette grande forme de Melitœa
Athalia, qui contraste avec la petite race charentaise de Dictynna.
Dans la T^ livraison des Etudes de Lépidoptérologie comparée,
j'ai décrit sous le nom de nevadensis une Melitœa que j'ai rattachée
à tort à Dejone, à titre de forma geographica de cette espèce. Un
nouvel examen de cette nevadensis et une comparaison minutieuse
avec tous les documents que j'ai pu recueillir sur les Melitœa
Athalia, Dejone, Parthenie m'ont convaincu que j'avais affaire sinon
à une espèce spéciale, du moins plutôt à une race d' Athalia que
de Dejone.
252 LEPIDOPTEROLOGIE COMPARÉE
C'est peut-être la même Melïtœa que Rambur a considérée comme
Parthenïe dans le Catalogue systématique des Lépidoptères de
V Andalousie (p. 5 et 6) ? Cependant la vraie Partkenie se trouve
aussi effectivement dans la Sierra-Nevada. Je possède 3 cf et 6 Q
de nevadensis parfaitement frais recueillis par mon frère dans la
Sierra-Nevada, du côté de Lanjaron, à une grande altitude, en
juillet 1875. C'était dans une localité très sèche que volait en grand
nombre cette Melitœa. Elle est de la taille de Dejone et à'Athalia,
par conséquent plus grande que Parthenie. Le fond des ailes en
dessus est d'une teinte fauve assez uniforme, plus pâle que Dejone
et que Parthenie; donc très différente de VAthalia normale. Les
dessins noirs qui traversent le dessus des ailes sont sensiblement
les mêmes dans Athalia, Parthenie, Dejone et nevadensis; mais,
chez cette dernière, la ligne noire médiane qui descend, sur les ailes
supérieures, du bord costal au bord inférieur, est bien plus fulgurée
et plus anguleuse. En outre, à la base des ailes supérieures, dans
l'espace cellulaire, on voit une pointe cunéiforme dont l'extrémité
est très aiguë et les contours écrits en noir vif, le centre restant de
la couleur du fond. Immédiatement au-dessous de cette pointe de
glaive, il y en a une autre analogue comprise entre la nervure mé-
diane et la sous-médiane. Quelquefois l'extrémité de cette tache
allongée et pointue se continue en une ligne noire, droite, plus ou
moins épaisse et longue. Cette pointe d'épée se remarque également
dans l'intérieur de la cellule de VAthalia napolitaine.
Le dessous des ailes est relativement très pâle. Les lignes des
inférieures se rapprochent plus par leur disposition de Dejone que
des autres espèces; mais le bord marginal des ailes inférieures de
nevadensis présente généralement un liséré noir unique et non un
double liséré, ainsi qu'on le remarque constamment chez les autres
espèces. Il y a encore l'absence, chez nevadensis, près de la base
des ailes inférieures, en dessous, de la coloration fauve qui remplit,
chez Dejone, Athalia et Parthenie, du bord costal au bord anal
des ailes, un espace compris entre deux lignes noires et au centre
duquel reste une tache d'un blanc jaunâtre, c'est-à-dire de la même
couleur que les séries de taches claires des ailes.
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE 2.53
En résumé, nevadcnsïs est une Melitœa différente des autres et
je ne puis définitivement la rapporter comme forma geographica,
m à Déjoue, ni à Parthenic. Nevadcnsïs oscille cependant plutôt
entre Dejone, à laquelle j'ai eu tort de l'identifier une première fois
et dont il me paraît actuellement qu'elle est spécifiquement dis-
tincte, et surtout Athalia. Peut-être constitue-t-elle une espèce à part?
Je considère cela comme très probable, car nevadcnsïs me semble
autant mériter d'être spécifiquement distinguée de toute autre
Melitœa o^Aiirclia, par exemple, comparativement à Athalia. Mais,
en présence des documents relativement peu importants dont je
dispose, je ne me crois pas en état d'émettre une opinion absolument
précise sur la question. Je ferai figurer nevadensis dans la IV livrai-
son des Etudes de Lépidoptérologie comparée, la composition de
toutes les planches de la III'' étant depuis déjà longtemps arrêtée
et ne pouvant plus être modifiée sans perte de temps et trouble
dans l'exécution, au moment oii j'écris ces lignes.
Melitœa Dejone, Huebner.
J'ai déjà publié des observations sur cette espèce dans la
i""^ livraison des Et. de Lépid. comparée. En outre de l'erreur que
j'ai commise en identifiant spécifiquement nevadensis à Dejone —
erreur que je reconnais et signale à propos di Athalia, — je dois
ajouter quelques considérations à ce que j'ai déjà rapporté. Dejone
se trouve en Oranie, où M. H. Powell l'a recueillie en abondance
aux environs de Sebdou (mai 1907); en Andalousie, en Catalogne,
dans les Pyrénées-Orientales et jusque dans les Plautes-Pyrénées.
En effet M. Rondou a découvert une très belle colonie de Dejone
répandue dans les environs de sa résidence et à Saint-Sauveur. De
plus, Dejone est assez abondante en Provence, où elle fut découverte
par M. de Saporta, vers 1826, dans la vallée du Rhône et jusqu'au
Valais, où elle présente la forma geographica Berisali, Ruehl.
J'ai sous les yeux exactement 79 Dejone algériennes. J'étais loin
de posséder des documents aussi considérables lorsque j'écrivis mes
2^4 LÉPIDOPTEROLOGIE COMPARÉE
premières observations, en 1904. Dejone, de Sebdou, présente une
forme sensiblement plus grande et beaucoup plus vivement colorée
en fauve orangé que la race des environs de Marseille et de Vernet-
les-Bains. La forme d'Andalousie et des Alpes-Maritimes fait la
transition entre la race d'Afrique et celle des Bouches-du-Rhône et
des Pyrénées-Orientales. Mais la race andaloùse ressemble surtout
à la race algérienne.
Quant à la race de Gèdre, il me semble qu'elle présente une
particularité assez curieuse, c'est un plus grand élargissement relatif
de l'avant-dernière bande fauve qui descend, sur le dessus des ailes,
du bord costal des supérieures au bord anal des inférieures, et, par
contre, un rétrécissement de la bande fauve extracellulaire qui
précède immédiatement l'avant-dernière bande. Chez les exem-
plaires d'Algérie et des Pyrénées-Orientales, c'est la bande fauve
extracellulaire qui est plus large et l'avant-dernière qui est plus
étroite, quand il y a différence de largeur; car dans beaucoup
d'échantillons algériens la largeur des deux bandes fauves est égale.
Cependant la race de Dejone établie dans la vallée de Luz-Saint-
Sauveur a un aspect spécial que lui vaut la forme de ses ailes moins
allongées et la disposition des taches noires près de la base des
ailes inférieures. De plus, les lunules jaunâtres formant la bordure
du dessous des ailes inférieures ont souvent, du côté interne, leur
arc très aplati, tandis qu'il est en ogive allongée chez les Dejone
des localités autres que la vallée de Saint-Sauveur.
J'ai donc distingué la forme algérienne de Dejone sous le nom
de niiida; celle de Gèdre, sous le nom de Rondouï. La forme-type,
c'est celle d'Aix-en-Provence; on peut lui rattacher celle des
Pyrénées-Orientales, bien que celle-ci ait la couleur fauve des ailes,
en dessus, plus foncée; la race andaloùse peut être jointe à celle
de rOranie. Il faut beaucoup de documents pour apprécier une
question comparative de races, chez la même espèce de Lépidoptères,
et l'opinion peut se modifier, dans bien des cas, sous l'influence
d'une documentation nouvelle et plus abondante.
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE 255
Melît£ea Parthenie, Godart.
Espèce généralement de taille plus petite que les autres Melitœa
françaises; d'un fauve plus clair, en dessus, ç^Athalia, de Bretagne
et de Paris; répandue en colonies plus ou moins nombreuses et
stables dans une grande partie des départements français; s' accom-
modant aussi bien des plaines que des hautes montagnes; fertile
en Aberrations; manquant en Angleterre et en Algérie; éclosant
deux fois par an, en mai et au commencement de juin, puis en août.
Parthenie n'a pas été observée au nord de Rennes; elle a été
très commune pendant quelques années dans le fond des carrières
de schiste dites de Pince-Poches, en la commune de Cesson, à
5 kilomètres est de Rennes; puis des vaches ayant été amenées
pacager dans ce fond de carrière 011 ne poussaient guère que des
plantains, des genêts et la grande marguerite {Leucanthemuni
vulgare, Lamk.), toutes les Melitœa Parthenie ont été rapidement
détruites. Au sud de Rennes, j'ai trouvé Parthenie à l'état isolé,
voltigeant en août, sur les prairies sèches de Mesneuf, dans la
commune de Bourgbarré; mais Parthenie était surtout abondante
avec Didyma à Guichen-Bourg-des-Comptes, sur les bords de la
rivière, le long de la voie ferrée, et çà et là sur les collines au pied
desquelles passe le chemin de fer et coule la Vilaine. Je pense que
Parthenie, plus généralement répandue que Didyma, résistera mieux
que sa congénère aux diverses causes de destruction qui menacent
la continuité de l'existence même de Didyma dans notre pays et
que j'ai exposées dans la notice relative à cette espèce. Je n'ai jamais
observé Parthenie dans les forêts humides de notre région, pas plus
qu'à l'ouest de Rennes; mais elle existe dans la Loire-Inférieure,
les Charentes, la Vienne (Asnois, près Charroux), les Pyrénées, la
Savoie, les Alpes françaises, l'Isère, la forêt de Fontainebleau, le
Doubs (Russey, Saint-Witt), le Lot-et-Garonne, le Gers, le Cantal,
la Gironde, la Sologne, la Sierra-Nevada d'Andalousie, le Valais,
oii je l'ai trouvée en abondance sur les pelouses alpestres, au-dessus
de l'hôtel Ryffelalp.
Dans les Alpes, les Q ont le fond des ailes plus clair et moins
256 LÉPIDOPTÊROLOGIE COMPAREE
fauve que dans les plaines. Les ailes ont un aspect un peu verdâtre.
En Ille-et- Vilaine, les Q Parthenie ont quelquefois les bandes
fauves médianes des ailes supérieures d'une teinte plus claire que
le fond, ainsi que cela se remarque chez Dejone.
La race des Alpes-Maritimes est grande et vivement colorée;
mais je ne crois pas qu'on puisse distinguer par des .caractères bien
constants et suffisamment tangibles aucune forme géographique
française des autres formes, sauf la Q des montagnes, connue sous
le nom de varia.
J'ai fait représenter par la phototypographie 9 Aberrations notables
de Parthenie, prises aux environs de Rennes, dans le Bulletin de
la Soc. entom. de France, 1900, PI. L Ces Aberrations se rencontrent
aussi bien dans l'éclosion de printemps que dans celle d'été, et
lorsque je m'occupais de les rechercher un peu attentivement, il ne
se passait pour ainsi dire pas un seul jour de chasse sans que j'aie
pu jouir du plaisir d'en capturer quelqu'exemplaire. Les Aberrations,
dans Parthenie, ne paraissent donc pas être d'une bien grande
rareté.
Je crois que dans bien des collections françaises et même étran-
gères, les Melitœa Athalia, Dictynna, Parthenie, Aurélia, Dejone
peuvent se trouver plus ou moins confondues et méconnues, les unes
par rapport aux autres. Ces espèces sont pourtant relativement
faciles à distinguer entre elles. Evidemment, il peut se rencontrer
des exemplaires embarrassants; mais pour la généralité des indi-
vidus, on peut reconnaître avec certitude l'espèce à laquelle ils
appartiennent.
La même confusion existe, ainsi que j'ai pu m'en rendre compte,
pour les Lycœna Argus et Mgon.
J'ai cherché à définir des caractères qui soient nettement dis-
tinctifs et auxquels il serait aisé de se rapporter en toute sécurité
pour identifier exactement les Melitœa, dont la détermination reste
trop souvent douteuse. J'avoue que je n'ai pas réussi à découvrir
ces caractères précis et constants. De plus, je reconnais que je ne
dispose pas du moyen de représenter clairement, par des explications
écrites, ce que mes yeux perçoivent cependant assez nettement,
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE 257
lorsque des boîtes sont rangées devant moi, contenant, chacune, les
Mclïtœa d'une seule espèce, que j'ai étudiées et classées avec toute
l'attention possible et de façon à obtenir pour moi-même la satis-
faction du travail que j'ai accompli.
Si je suis impuissant à trouver et à définir un caractère spécifique
ou même un détail distinctif assez fixe pour que je puisse le signaler
avec confiance, c'est que, en vérité, les différences spécifiques —
que je sens pourtant très certaines et très réelles — résident plutôt
dans une impression qui résulte pour moi autant d'observations
maintes fois renouvelées sur la nature vivante et fidèlement con-
servées dans ma mémoire, que du faciès ou aspect général très
probant, mais intelligible à la condition d'avoir devant les yeux
une quantité considérable d'exemplaires de chaque espèce séparés
et mis en ordre et dont la comparaison est ainsi facile à opérer.
Seules, des figures très exactes et suffisamment nombreuses, avec un
coloriage parfait, sont susceptibles de fournir le rayon de lumière.
J'espère que les procédés photographiques en couleurs, utilisés par
M. Verity et en voie de perfectionnement continuel, permettront
de réaliser une reproduction fidèle et démonstrative de la différence
spécifique comparative des Melitœa. Je serai heureux de continuer
à donner tout mon concours à l'entreprise scientifique et artistique
dont M. Verity a tout l'honneur, afin de contribuer à mettre très
au clair la distinction spécifique qui existe entre les Melitœa
Athalia, Dictynna, Parthenie, Aurélia, Dejone, la nouvelle tieva-
densis, considérées, chacune, avec toutes les races et variétés qu'elles
présentent dans leur aire de dispersion paléarctique.
J'attends donc, non sans impatience, l'achèvement de la publi-
cation des Papilionidœ et Pieridœ, dans les Rhopalocera palœarctica
de M. Verity, afin de voir paraître à son tour la prochaine partie
de l'ouvrage illustré consacrée à l'intéressante et importante famille
des Nymphalidœ.
Chionobas Aëllo, Huebner.
Ce papillon, amateur de la promenade sur la neige, ainsi que
l'indique le mot Chionobas, vole au mois de juin dans les plus
17
258 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
hautes Alpes de la Savoie, de la Suisse et du Tyrol. Il n'a jamais
été trouvé dans les Pyrénées. Je l'ai observé près de l'hôtel Ryffelalp
et plus haut dans les parages du Gornergrat. Il paraissait se reposer
volontiers sur les rochers. Il varie pour le nombre et le dévelop-
pement des taches noires sur le dessus des ailes. J'ai sous les yeux
une Q ayant aux ailes supérieures une série assez droite de 5 taches
noires, toutes centralement pupillées de blanc; par contre, j'en ai
une autre n'ayant que 2 taches sans pupille blanche.
Je possède quelques Aberrations intéressantes : un cf du Tyrol,
atteint d'albinisme; ses ailes sont en dessus d'un gris très pâle;
un autre cf du Valais, très sombre, et ayant aux ailes inférieures
les deux points noirs normaux, situés près du bord marginal,
pourvus d'un épais prolongement noir qui remonte jusqu'auprès de
la nervure médiane; une Q également du Valais, ayant une rangée
de 5 ocelles noirs, dont 4 pupilles de blanc aux ailes inférieures,
et 5 ocelles noirs aux supérieures, disposés en deux groupes, dont
le plus bas forme une croix, à cause de l'élargissement latéral de
la tache médiane pupillée de blanc, contiguë aux deux autres plus
petites, situées l'une au-dessus, l'autre au-dessous; une autre Q
ayant aux ailes supérieures 5 taches noires, dont 3 très grosses,
non pupillées, et une seule tache aux inférieures.
Le Jardin, au fond de la mer de glace de Chamounix, est, dit-on,
une bonne localité pour Aéllo; mais ce Satyride éclôt de bonne
heure dans la saison et généralement les chasseurs arrivent à Cha-
mounix lorsque l'espèce est passée. Ayant fait en 1864, dans les
premiers jours d'août, l'excursion dite du Jardin, en compagnie de
mon ami Gaston Allard, nous ne vîmes pas d'Aëllo dans cette
oasis verte et fleurie au milieu des glaciers. Nous rapportâmes seu-
lement la Melitœa Cynthia. Il y avait autrefois à Chamounix des
guides chasseurs 'de papillons qui prenaient abondamment Aéllo;
mais il y a de cela au moins 50 ou 60 ans et je ne crois pas qu'ils
aient laissé de continuateurs. Pourtant la localité est très intéres-
sante pour l'Entomologie.
Le genre Chionobas répandu dans les régions boréales, en
Laponie et en Sibérie, en Asie et en Amérique du Nord, se lie
LEPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE 259
intimement au groupe des Satyrns Circe par les espèces sino-thibé-
taines Piimilus lole, Leech, et Sybillina, Obthr.
Satyrus Circe, Fabr.
Le Silène, suivant l'appellation du P. Engramelle, ne paraît
qu'une fois l'an, à la fin de juin et au commencement de juillet.
C'est une espèce méridionale qui ne s'avance pas vers le nord au
delà de la Loire. Il est répandu en Charente, dans la Vienne,
la Dordogne, l'Aveyron, la Lozère, l'Hérault, les Pyrénées-Orien-
tales, les Bouches-du-Rhône, les Alpes-Maritimes, les Basses-Alpes;
en Hongrie; en Espagne, à l'Escorial et à Albarracin; dans l'île
de Sardaigne, en Corse et à Akbès. Telles sont du moins les localités
des divers Circe qui figurent dans ma collection. Je possède un cf
pris à Florac, en 1908, ayant un trait blanc sur chaque nervure des
ailes supérieures, entre la bande maculaire blanche et le bord ter-
minal, et un cf de Hongrie chez qui la bande maculaire blanche,
commune aux deux ailes, est très réduite en dessus aussi bien qu'en
dessous, par un obscurcissement que cause un épais semis d'atomes
noirs sur ces taches blanches. C'est l'Aberr. Silcna, Stgr.
Le Silène est un magnifique Lépidoptère qui vole communément
le long des routes et dans les bois de chênes de la France centrale
et méridionale. Les automobiles, qui détruisent sur la route de
Bourg-d'Oisans à la Grave beaucoup d'Ereôia, lorsqu'elles sont
posées sur le milieu du chemin, doivent causer la perte de nombreux
Silènes qui fréquentent les routes parcourues par ces rapides
véhicules. Je l'ai constaté plusieurs fois en juin et en juillet 1908,
notamment dans le département de la Dordogne, au cours de mon
voyage d'Angoulême aux Pyrénées.
Le Satyrus Circe manque en Algérie.
Satyrus EUena, Obthr.
Au sens que la plupart des Naturalistes attribuent actuellement au
mot : Espèce, je suis convaincu c^EUena est une espèce distincte
26o LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
^Hennione, aussi bien que â:Alcyone. Les types d'Ellena viennent
de Bône; c'est le docteur Vallantin qui y découvrit l'espèce.
M. Dayrem l'a retrouvée à Yakouren où elle volait en juillet et
août 1907. M. Holl l'a capturée à la Glacière de Blidah et je dois
à sa générosité un cf trouvé le 22 juillet 1905 dans cette localité.
Jugeant sur une cinquantaine d'exemplaires de Yakouren qui
figurent dans ma collection, comparativement à cinq jadis recueillis
par le D'" Vallantin, je trouve que la forme de Yakouren est sensi-
blement de plus petite taille que celle de Bône. De même le cf pris
à la Glacière de Blidah est petit, comparativement aux types de
Bône. Mais par ailleurs il ne me semble pas qu'il y ait de différence
méritant d'être signalée.
Sans doute, certains Entomologistes de l'école de Fruhstorfer
n'hésiteraient pas à considérer Ellena de Yakouren et Blidah
comme une nouvelle forme et créeraient pour elle un nom .- niïnor;
mais je crois que la création d'un nouveau nom ne serait pas, dans
la circonstance, suffisamment justifiée, et je tiens à ne pas dépasser
la juste mesure. Cette observation m'est suggérée par l'article :
Lepidoplerologisches Charivari que M. H. Fruhstorfer a publié,
en igo8, dans VInsekten Bœrse (Entomol. W ochenblatt). Le chef
de la « Subspeziesfabrik », comme l'appelle plaisamment un Ento-
mologiste de Moldavie, expose que l'Allemagne est zoogéographi-
quement un des pays les plus inconnus de la Terre et il se croit le
devoir de dire que les Teutons ne connaissent pas leurs papillons
de jour, parce qu'ils ne possèdent pas de séries dans leurs collections.
Fruhstorfer s'en prend au Satyriis Hermione — (à qui il attribue
Ellena comme variété) — pour développer sa thèse et créer une
douzaine de nouvelles sous-espèces fournies par Hermione et
Alcyone réunis.
Le nom de genre : Satyrus devient : Einnenis et le nom d'espèce :
Hermione devient : fagi, Scopoli.
Le dit Scopoli aurait décrit sous le nom de fagi, en 1763, c'est-
à-dire deux ans avant Linné, un papillon qui doit être Alcyone,
vu que le fagi en question est originaire de Carniole; mais comme,
suivant Fruhstorfer, Alcyone et Hermione sont deux formes d'une
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE 26 1
seule et même espèce avec Ellena, Hermione tombe en synonymie
comme Alcyone, cédant les honneurs et les privilèges du nom spéci-
fique à fagi et descendant au rang modeste des sous-espèces que
Fruhstorfer énumère au nombre de 21. L'article de Fruhstorfer
justifie parfaitement son titre : Charivari lépidoplérologique.
Je signale ces élucubrations, sans les approuver; car je vois le
trouble qu'elles pourraient causer et je ne discerne pas le bien
qu'elles produisent; mais il y a un vieux proverbe : summum jus,
S7imina injuria, qui me paraît applicable dans cette circonstance. Si
fagi a 2 ans de date de plus que Hermione, le siimmiim jus est de
le mettre avant Hermione; mais faire tomber Hermione dans
l'océan des synonymes, alors que tous les Entomologistes le con-
naissent depuis près d'un siècle et demi et ignorent fagi, c'est la
summa injuria. Je ne commettrai pas plus cette summa injuria,
après l'article charivaresque de Fruhstorfer, que les autres Ento-
mologues ne le firent, après la publication du Catalogue of diurnal
Lepidoptera of the Family of Satyridœ iit the collection of the
british Muséum, en 1868, par Arthur Gardiner Butler. C'est Butler
qui, dès 1868, ayant déniché ce nom de fagi, crut devoir l'appliquer
de préférence à celui dHermione. Chacun sait quel compte on a
tenu de l'exhumation d'un nom antérieur au Systema Naturœ de
Linné. C'est Linné, l'immortel auteur, qui a réellement posé les
bases de la Science, en la faisant sortir du chaos, et c'est de son
Systema Natures que date réellement notre Nomenclature. Ainsi
que tous les autres, je reste donc fidèle au nom linnéen et je conti-
nuerai à parler du Satyrus Hermione plutôt que de VEumenis fagi.
Satyrus Hermione, Linné.
Dans le Bulletin de la Soc. ent. de France (1908, p. 151-153)-
j'ai écrit ce que je savais au sujet d' Hermione et d'Alcyone. Depuis
quelques mois, ma collection s'est accrue de quelques documents
concernant surtout les faunes lozérienne, italienne et espagnole de
ces deux espèces. Hermione éclôt une seule fois dans l'année, comme
202 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
CircCy et à la même époque. Le Grand Sylvandre se trouve assez
communément dans certaines localités du centre et du sud de la
France; je ne crois pas que dans l'ouest, on ait jamais trouvé Her-
mïone au nord de la Loire. Il habite seul, sans Alcyone, ou bien
on le trouve avec cette dernière espèce. Les contrées où Hermione
a été observé seul, sans Alcyone, sont, à ma connaissance, les sui-
vantes : Doubs, Aveyron, Lozère, Charente, Lot, Ardèche, Cantal,
Puy-de-Dôme, pentes du Monte-Generoso, Italie méridionale
(Avellino), Bosnie, Turquie d'Europe, Akbès, Beyrouth, Liban,
Tokat en Asie-Mineure.
Hermione a été observé avec Alcyone en Hongrie, dans les Alpes-
Maritimes, les Bouches-.du-Rhône, les Basses-Alpes.
En France, Hermione se plaît dans les petits bois de chênes
dont le sol calcaire est parsemé de rochers; il se pose volontiers
sur le tronc des arbres, sur les pierres et les sentiers. C'est un beau
et grand papillon, généralement abondant et dont le vol donne
au paysage une sensible et agréable animation.
Satyrus Alcyone, Schiff.
Le Petil Sylvandre paraît être chez nous une espèce plus méri-
dionale que Hermione. Il est répandu en Espagne, dans la France
méridionale, en Italie, en Suisse, en Autriche et dans le sud de la
Norwège; je n'ai jamais vu la forme de ce dernier pays. Les loca-
lités d'oti je possède Alcyone sont les suivantes : Pyrénées-Orientales
(Vernet-les-Bains) ; Hautes-Pyrénées (chemins de la Raillère à
Cauterets et Barèges); Alpes-Maritimes; Savoie (Aix-les-Bains et
Val du Fier) ; Hautes-Alpes (La Grave) ; Valais (route du Sim-
plon); Italie (Mont Majella) ; Autriche; Andalousie (Sierra-de-
Alfakar) ; Castille (Sierra-Alta) ; Albarracin, d'où j'ai reçu le plus
petit exemplaire cf; Asturies (Potes). J'ai appelé la forme anda-
louse : vandaliisica et celle des Hautes-Pyrénées : pyrcncca.
Je possède quelques Aberrations, notamment de Vernet-les-Bains
et d'Autriche. Je prie le lecteur de vouloir bien se reporter au
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE 263
Bulletin de la Société entoni. de France, igo8, pour toutes les
observations qui s'y trouvent déjà publiées.
Alcyone aime à se poser sur les fleurs de ronces, les rochers, les
pentes des collines arides et chaudes et les sentiers pierreux; il vole
en juillet. Dans le nord de l'Italie, près du lac de Corne, il a une
seconde éclosion en septembre.
Satyrus Neomyris, Godart.
Espèce exclusivement insulaire et dont l'habitat est limité aux
îles de Corse, de Sardaigne et d'Elbe. Je ne possède que 2 cf de
l'île d'Elbe; mais j'ai reçu d'importantes séries de Sardaigne, au
temps où Damry chassait à Sassari, et de Corse. L'espèce varie
un peu pour le développement et l'accentuation des parties fauves,
sur le dessus des ailes. A mon sens, Neomyris appartient au
groupe de VHermione, auquel il ressemble assez bien; à la taille
et aux couleurs près, bien entendu. Il vole en juillet, notamment
à Vizzavona, en Corse.
Satyrus Briseis, Linné.
Spécial aux pays calcaires; aime à se reposer sur le sol sec et
pierreux; éclôt une seule fois par an, à la fin de juillet et au com-
mencement d'août; manque en Bretagne et en Angleterre; se trouve
dans une grande partie de la France, en Allemagne, en Autriche,
en Italie, en Suisse, en Espagne, en Algérie, en Asie-Mineure, à l'île
de Chypre, où vole une race spéciale, la plus belle que je connaisse :
Larnacana, Obthr. Briseis varie beaucoup pour la taille. La Q pré-
sente une variété méridionale appelée : pirata, chez laquelle la bande
normalement blanchâtre qui traverse les ailes, en dessus, est d'un
fauve brunâtre.
En France, le Satyrus Briseis, vulgairement appelé ÏHermite
par le P. Engramelle, est une espèce commune dans les lieux qu'elle
264 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
habite; mais les terrains calcaires paraissent être les seuls où l'on
puisse la rencontrer.
Aux environs d'Angoulême, de Florac, d'Aguessac (Aveyron),
de Besançon, de Charroux (Vienne), de Vernet-les-Bains, de Ville-
neuve-sur-Lot (Lot-et-Garonne), en Dordogne; à Ecclepens, en
Suisse; à Sulmona, Roccaroso et Palena, en Italie, Briseis cf est
de petite taille, avec deux taches noires ocellées, pupi liées de blanc
aux ailes supérieures, en dessus. Les deux ocelles se confondent
parfois avec la couleur brun noirâtre du fond. Un beau reflet vert
d'or se joue sur les ailes supérieures, en dessus. Chez certains cf de
teinte générale un peu claire, on voit, dans l'espace cellulaire des
ailes supérieures, en dessus, une tache assez large d'un fauve grisâtre,
analogue à celle qui caractérise Prieuri cf- Quelquefois la fascie
blanchâtre qui traverse, en dessus, les ailes, du bord costal des
supérieures au bord anal des inférieures, est très rétrécie par l'en-
vahissement de la teinte noire mordorée du fond.
La Q est généralement plus grande que le cf; elle a la fascie
transversale blanchâtre des ailes, en dessus, plus large, plus claire,
et souvent cette fascie blanche est marquée de 3 ocelles pupilles
de blanc, au lieu de 2 comme chez le cf. Dans les Alpes-Maritimes,
au Moulinet, à Castillon, dans les environs de Alenton, Briseis
présente une forme spéciale, beaucoup plus grande que la forme
normale de France, de Suisse et d'Italie, plus foncée que la race
major d'Algérie, ayant chez le cf la fascie blanchâtre transversale
plus obscurcie que dans cette dernière par un semis d'atomes bruns^
tout en présentant aux ailes supérieures un plus grand dévelop-
pement de ces taches blanchâtres. Cette forme géographique remar-
quable sera distinguée sous le nom de mantima. La race des Basses-
Alpes fait la transition entre la forme de la France centrale et
méri/dionale-occidentale et celle des Alpes-Maritimes.
La race major est commune en Algérie (Sebdou, Khenchela,
Boghari), au Maroc, en Andalousie (Grenade et Sierra-Nevada),
à Uclès, en Catalogne, en Sicile, en Asie-Mineure (Broussa, Beruth-
Dagh, dans le Taurus, Tokat).
Je n'ai jamais vu qu'une seule Q pirata de la race major. Cette Q ,
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE 2C5
malheureusement dépourvue de toute indication de localité, faisait
partie de la collection Boisduval. La fascie transversale des ailes
est très large et d'un fauve plus vif que chez les pirata de la France
méridionale.
Nous avons trouvé la g pirata dans les Pyrénées-Orientales;
elle est variable pour la teinte qui est plus ou moins brune. Cette
g pirata est rare aux environs de Vernet-les-Bains ; nous n'y avons
capturé qu'un petit nombre d'exemplaires. Dans la collection Bellier,
il y avait un certain nombre de pirata provenant de Marseille.
J'ai dit plus haut que la plus belle des formes de Briseis, à ma
connaissance, était celle de Chypre, que j'ai appelée Larnacana.
C'est par le dessous des ailes que Larnacana est caractérisée. Les
dessins y sont bien plus accentués que dans aucune autre forme et
aux ailes inférieures, la tache brunâtre contiguë au bord costal, assez
près de la base, tend, chez Larnacana, à se relier à l'autre tache
brune qui est elle-même contiguë à la nervure médiane et qui se
dirige vers le bord anal, sans toutefois l'atteindre. Pour se réunir
à la tache inférieure, la tache supérieure s'avance dans la cellule
qu'elle remplit entièrement, et après avoir décrit une courbe assez
allongée, conflue avec l'autre tache. Chez la g Larnacana, les
dessins sont aussi beaucoup plus accentués que dans la forme major,
et dans les deux sexes, les parties blanches des ailes inférieures,
en dessous, sont très agréablement mélangées de fauve orangé.
Satyrus Prieuri, Pierret.
Je possède le type de Pierret que Guenée avait acheté lorsque la
collection Pierret fut vendue en détail à Paris, par feu Depuiset.
Boisduval possédait un (S semblant, par la manière dont il a été
préparé, provenir du même chasseur qui était sans doute M. Prieur,
« payeur à Bugie {sic), armée d'Afrique, naturaliste distingué dont
les travaux sur l'archéologie ont obtenu récemment une mention
honorable de l'Institut » {Ann. Soc. ent. France, 1837, p. 305).
266 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
Je n'ai jamais vu le Satyrus Prïeun de la province d'Alger, ni
de Constantine. Tous les exemplaires africains que je possède ont
été pris en Oranie : à Sebdou et à Bedeau, en juin; à Targemout
(Telagh), le 25 juillet 1907; à Mirzab et sur la route de Sebdou
à Mirzab, les 5 et 6 juillet 1907.
La race espagnole que j'ai distinguée sous le nom de iberïca
{Bulletin Soc. ent. France, 1907, p. 345) semble présenter seule la
variété Q Uhagonis, à bandes fauves, analogue à la variété Q pirata
de Briseis. Cette variété Q n'a pas été trouvée en Algérie jusqu'ici.
Le Satyrus Prieuri iberica est surtout abondant à Albarracin et
dans la Sierra-Alta. M. Fabresse, chassant dans l'Espagne centrale
en juillet et août 1907, a pris une Q absolument intermédiaire
entre la forme à fascies blanches et celle à fascies fauves, dite :
Uhagonis. Ce remarquable exemplaire n'est que partiellement teinté
de fauve. Je possède d'ailleurs une série de Q formant une très
intéressante transition entre les deux formes.
La race algérienne est plus grande que la race espagnole, surtout
chez les g ; la tache cellulaire d'un gris jaunâtre, sur les ailes
supérieures, caractéristique du cf, est plus claire, plus développée,
moins nettement limitée dans les exemplaires d'Oranie que dans
ceux de l'Espagne centrale.
Satyrus Hippolyte, Esper.
Sierra-Nevada d'Andalousie, où mon frère la captura, du côté
de Lanjaron, en juillet 1879. F^u de Graslin en avait recueilli au
mois d'août 1835 plusieurs exemplaires, lorsqu'il chassait en com-
pagnie de Rambur. L'abbé Armand David a capturé une race très
grande d'Hippolyic dans le nord de la Chine. Boisduval, de
Graslin et Bellier possédaient des échantillons de Russie dont
quelques-uns, d'après les étiquettes fixées aux épingles, viennent de
Kindermann et d'Eversmann. La race andalouse est plus pâle que
la race orientale et le cS d'Andalousie a la fascie chamois pâle des
ailes supérieures moins profondément pénétrée par la teinte grise
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE 26;
du fond, entre les 2 ocelles noirs. La Q andalouse a quelquefois
3 ocelles noirs et ils peuvent être pupilles de blanc. On vient de
découvrir dans la partie sud de la Crimée une belle race d'Hippo-
lytc à taches d'un beau jaune; cette race vient d'être décrite sous
le nom à^euxinus^ par Kushetzoff. Je dois deux cf et une Q à
l'obligeance de M. P. Souchkine, de Moscou.
Satyrus Semele, Linné.
Espèce généralement très commune; éclôt une seule fois par an,
chez nous en juillet et août; répandue en Angleterre, en Bretagne,
dans presque toute la France, en Espagne, en Italie, en Corse, en
Sardaigne, en Sicile, en Algérie, en Orient; présente des races
géographiques très caractérisées.
La forme anglaise semble plus petite que celle d'aucun autre
pays. Barrett dit que : This butterfly is particulary abundant on
chalk hills, fond of stony-hill-sides, wide heaths, sea cliffs, and
sand-hills on the coast. » En Bretagne, Semele se trouve dans un
grand nombre de localités arides, aussi bien sur la côte de la mer
de la Manche que dans l'intérieur du pays. Je l'ai observé maintes
fois en nombre considérable, voltigeant sur les falaises de Cancale,
notamment à la Pointe-du-Grouin, près du Sémaphore et jusqu'au
bout du Cap. Dans les landes qui s'étendent surtout au centre de
la péninsule armoricaine, Semele peut être considéré comme le
papillon le plus abondant en été. Il aime à se poser à terre. Fré-
quemment les coups de vent marin viennent frapper violemment
les hauteurs découvertes et stériles que Semele affectionne. Il se
met alors à l'abri derrière une pierre ou une touffe d'ajonc, se tenant
les ailes fermées, un peu incliné sur le sol, pourvu qu'il soit suffi-
samment sec. Le Satyrus faiina lui tient souvent compagnie autour
des sommets rocheux de faible altitude qui s'élèvent çà et là au
milieu des landes bretonnes; mais fauna est beaucoup moins
commun que Semele et surtout beaucoup plus localisé.
268 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
Dans le reste de la France, Semele est également commun; mais
il a d'autres mœurs; dans le midi,, il se pose volontiers sur les troncs
d'arbre. C'était sur l'écorce d'un chêne que se trouvait le Semele si
extraordinaire et que mon frère aperçut en juillet 1906, dans les
Pyrénées-Orientales. Ce curieux Semele est une Q très vivement
colorée, mais absolument dépourvue sur le côté gauche des ailes,
en dessus comme en dessous, des taches ocellées, pupillées de blanc,
qui se trouvent au nombre de deux sur le côté droit des supérieures,
tandis qu'il y en a une seule sur le côté droit des inférieures, près
de l'angle anal. Le côté gauche déjà anormal est en outre un peu
plus petit que le côté droit. Cette Aberration originale venait
d'éclore, et posé, comme l'était le papillon, sur un mince tronc
d'arbre, il était difficile de le capturer, ce qui fut cependant heureu-
sement réalisé. Dans le nord de l'Ecosse (ex Ridd), dans le sud de
l'Irlande et dans le North-Devon (ex Mac-Arthur), et à Bourne-
mouth (ex coll. Raynor), je trouve que Semele a le dessous des ailes
inférieures généralement bien plus obscur que dans les races fran-
çaises. Un cf du nord de l'Ecosse, reçu de Ried, en 1892, manque
du point ocellé près de l'angle anal des ailes inférieures, en dessus,
comme en dessous.
En Bretagne, Semele offre d'intéressantes variations; j'ai pris à
Cancale un cf chez qui l'espace extracellulaire, généralement blanc,
sur le revers des ailes inférieures, est lavé de jaune chamois; nous
avons rencontré à Monterfil des Q dont les ailes inférieures, très
obscures en dessus, ne présentent plus qu'un vestige des taches
fauves ordinaires. Par contre, nous avons trouvé des cf et des Q
de teinte extrêmement claire. La Q présente quelquefois 3 taches
noires ocellées au lieu de 2, sur les ailes supérieures. J'ai pris, le
26 juillet 1908, en compagnie de M. G. Dupuy, aux environs
d'Angoulême, une Q dont les ailes inférieures, en dessous, sont
entièrement brun foncé, sans aucune éclaircie blanchâtre. Ses ailes
supérieures sont aussi obscurcies. J'aperçus de loin ce papillon
mélanien, alors qu'il voltigeait autour des pierres calcaires. Il se
remarquait au milieu des autres. A Florac (Lozère), il y a une
très belle race de Semele dont les ailes inférieures, en dessous, sont
LÉPIDOPTÉROLOGIE 60MPARÉE 269
très agréablement traversées par une fascie large et d'un blanc
souvent très pur.
Dans le Valais (route du Simplon, entre le Refuge ïf 2 et Berisal),
Seiiicle est grand, ressemblant assez aux Semele de la France
méridionale. Dans le Taurus et à Chypre, Semele donne la race
mersïna, dont les ailes, chez le cf surtout, sont d'un gris brun assez
uniforme. A Akbès, Semele est très grand, intermédiaire entre
mersina et la race de Grèce; on peut cependant rattacher la forme
d'Akbès à inersïna. En Algérie, Semele offre une race spéciale que
j'ai distinguée sous le nom d'algirica et qui éclôt dès le mois de juin.
Je l'ai reçue en grand nombre de Bedeau, Géryville, Sebdou,
Magenta, Lambèze, Yakouren, Djurjura.
Il y a des g dont les taches fauves sont devenues d'un rouge
acajou très vif; de plus, certaines Q portent, dans le milieu des
ailes supérieures, en dessus, une tache fauve, arrondie, divisée en
trois parties par les nervures. En dessous, la fascie blanche des
ailes inférieures manque parfois, aussi bien chez les cf que chez
les g. La race d'Italie méridionale (Avellino) est fort belle,
grande et vivement colorée; la Q d' Avellino me paraît une exa-
gération des Q de la France méridionale et très distincte de la
race sicilienne, très grande aussi, mais qui est plus voisine dç la
race algirica, qu'elle surpasse par la taille, et à laquelle on peut la
rattacher. Les Lépidoptères siciliens ne sont pas sans analogie avec
ceux d'Algérie et Semele le prouve encore une fois. Donc Semele
de Sicile, d'après les documents que je possède, serait joint à la
race algirica, et Semele du pays de Naples resterait une forme
agrandie du Semele français.
C'est en Corse et en Sardaigne que Semele revêt une forme plus
spéciale et plus éloignée du type. Cette forme insulaire est connue
sous le nom d\mst(€us, et il semble que par le ton chaud et le
développement de la couleur fauve chez les cf comme chez les g,
la forme aristceus soit l'opposé de la forme mersina.
Herrich-Schaeffer figure sous le n° 182 un albinos Semele très
curieux. M. Dayrem a pris un Semele albinisant à Florac, mais
beaucoup moins accentué et uniforme que celui d' Herrich-Schaeffer.
2;o LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE
D'ailleurs, on rencontre assez fréquemment chez Semele des indi-
vidus plus ou moins albinisants et les deux sexes peuvent présenter
un albinisme également caractérisé.
Satyrus Arethusa, Esper.
N'existe pas en Angleterre, ni en Algérie; habite exclusivement
les terrains calcaires; présente trois formes : i° Arethusa, qui vole
dans le nord de la France, à Creil (Oise) et à Evreux; on le trouve
aussi à Fontainebleau, à Auzay (Vendée), dans la Charente et la
Charente-Inférieure, l'Hérault, l'Aveyron, les Basses-Alpes, les
Alpes-Maritimes, les Pyrénées-Orientales; 2° dentata, spécial aux
environs de Bordeaux, Dax, Biarritz, Bilbao, Albarracin; 3" Boabdil,
des environs de Grenade, en Andalousie.
La forme Arethusa est celle qu'Esper a représentée assez grossiè-
rement, mais d'une manière très reconnaissable, sous les n°^ 3 et 4
de la PI. LXIX. Huebner a figuré avec le nom Erythia, sous les
n°^ 591 et 592, une variété à' Arethusa chez laquelle les taches fauves
des ailes supérieures sont extrêmement réduites. Je possède des
Erythia de beaucoup de localités où vole Arethusa, notamment
dAnnot (Basses- Alpes), de Vernet-les-Bains et d'Angoulême.
Quant à la race géographique appelée dentata par Staudinger,
elle a été bien représentée, en dessus et en dessous, par Lang, sous
le n° 3 de la PI. LXIX de l'ouvrage Rhopalocera Europœ. La
bande maculaire fauve transverse qui descend du bord costal des
supérieures vers le bord anal des inférieures, en dessous, est d'une
nuance plus vive et d'un développement plus grand chez dentata.
On trouve dentata, à la place ^Arethusa, dans le sud-ouest de la
France et en Espagne, dans les localités précitées.
En ce qui concerne Boabdil, Herrich-Schaeffer, après Rambur,
en a donné une très bonne représentation sous les n"^ 474, 475 et 476.
Chez Boabdil, les taches fauves sont encore plus réduites que dans
l'Aberration Erythia. La taille est un peu plus grande et le dessous
des ailes inférieures est traversé par des nervures saillantes et d'un
blanc vif et pur.
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE
J'ai fait figurer dans la XX'' livraison des Etudes irEntomologie
une remarquable Aberration Q albuia, prise à Evreux, en août 1888,
par Mocquerys. On trouve dans la Charente des Arethusa Q
extrêmement pâles contrastant avec des exemplaires très foncés.
D'ailleurs le Petit Agreste, comme l'appelait le P. Engramelle, est
assez variable, notamment pour le dessous de ses ailes inférieures.
Satyrus Fauna, Sulzer PL XVII, fig. 47, 48, cf; 49, 50, Q
Monterfil (Ille-et-Vilaine) ; fig. 51, cf Digne. — PI. XVIII,
fig- 52, CT Naples; 53, Q Sicile; 54, g Escorial ; 55, Q
Sierra-Nevada; 56, Q Vernet-les-Bains).
Satyrus Fauna-cinereus, Obthr (PI. XVI, fig. 41, cf; 42, Q).
Satyrus Fauna-Holli, Obthr (PL XVI, fig. 36, cf; 37, Q)-
Satyrus Hansii, Austaut (PL XVI, fig. 40, g ; 43, 44, 45, cf ;
46, larv.).
Satyrus Sylvicola, Austaut (PL XVI, fig. 38. cf; 39, ç)-
L'ouvrage de Sulzer : Abgekuerste G es chic ht e der Insecien nach
dem Linnaeischen System, a été publié en 1776, à Winterthur, avec
des planches souvent bien dessinées, gravées sur cuivre et coloriées,
presque toujours parfaitement reconnaissables.
Sous les n°' 8 et 9 de la Tab. XVII, Sulzer représente, avec le
nom de F aima, la Q d'un Satyrus, indiquée comme venant d'Alle-
magne. Je crois que c'est la plus ancienne figure qui ait été publiée
de cette espèce et voilà pourquoi je conserve le nom de Fauna que
Boisduval avait d'ailleurs adopté.
Le Satyrus Fauna n'a jamais été observé en Angleterre. Il me
semble que, vers le nord-ouest, le point extrême où l'on ait rencontré
Fauna jusqu'ici, est l'épine dorsale de la péninsule armoricaine.
Jamais je n'ai vu Fauna sur la côte septentrionale de Bretagne, que
baigne la mer de la Manche; mais j'ai appris qu'on l'avait capturé
dans quelques; localités de la côte méridionale bretonne, aux environs
LEPIDOPTEROLOGIE COMPARÉE
d'Auray et de Carnac (Morbihan). Cependant je n'ai encore vu
aucun exemplaire de cette contrée.
Le Satyrus Faiina ne recherche pas exclusivement les terrains
calcaires, comme ses congénères Briseis et Arethusa. Il paraît s'ac-
commoder fort bien des terrains schisteux et granitiques. Je l'ai
trouvé assez abondant dans les landes rocheuses qui s'étendent à
l'ouest de Rennes, notamment à Monterfil, et M. P. Boulé l'a
recueilli à Bourg-des-Comptes, dans des sites analogues.
A Monterai, Faiina habite par petites colonies, autour de certains
massifs pierreux dont les têtes émergent du milieu des bruyères et
des ajoncs. Il se plaît dans ces rochers entre lesquels les lichens
forment un tapis quelquefois épais, tandis que parmi eux végètent
quelques fines graminées dont je pense que se nourrit la chenille
de Fauna. Le papillon voltige assez bas, mais rapidement, autour
des pierres et entre les touffes d'ajonc; il se repose volontiers sur
le sol; mais lorsqu'il fait chaud, il est actif et fréquemment en
mouvement. Avec Faima se trouvent les Pàpilio Machaon, Pieris
Daplidice, Satyrus Semele, Lycœna Hylas (Bâton), Emydia gram-
mica, Anaitis plagiata, Gnophos obscurata, Eubolia peribolata,
Sesia uroceriformis. Fauna éclôt une seule fois par an. En Bretagne,
il commence à paraître à la fin de juillet et dure jusque vers le
20 août.
Depuis la Bretagne le Satyrus Fauna se trouve répandu en
France jusqu'aux Pyrénées et jusqu'aux Alpes, en Espagne, dans
le Valais, en Italie, en Algérie, en Grèce et en Syrie.
Dans toute cette vaste étendue, l'espèce offre d'intéressantes
variations.
Les figures que je publie dans le présent ouvrage ont pour but
de faire connaître les diverses races géographiques comparées du
Satyrus Fauna.
Sous les n"^ 47, 48, 49 et 50 de la PI. XVII sont représentés des
Fauna pris à Monterfil. La race y est de petite taille. Les n°^ 48
et 50 donnent l'image d'exemplaires cf et g appartenant à la
forme bretonne normale. Le n° 47 est un cT "n peu aberrant par
les dessins du dessous de ses ailes inférieures qui sont moins uni-
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE 2/3
formément grises, et de ses ailes antérieures où les points orbicu-
laires se trouvent réduits sur un fond submarginal plus clair et plus
jaune et avec une ligne transversale extracellulaire moins anguleuse.
La Q 49 est remarquable par l'exagération de ses taches oculaires
noires sur les ailes supérieures, en dessous. En Vendée, dans le
pays calcaire de Fontenay-le-Comte, j'ai pris le Satyrus Faiina,
lorsque j'avais l'avantage d'être, au Prieuré d'Auzay, l'hôte de M. le
colonel Sabouraud et de M. Daniel Lucas. En l'aimable compagnie
de ces Messieurs, j'ai observé les mœurs du Faiina vendéen. Il ne
m'a pas semblé vivre groupé en colonies, comme à Monter&l; mais
j'ai rencontré çà et là des exemplaires isolés volant assez rapidement
sur des pentes calcaires raides et escarpées, recouvertes par places
d'une végétation herbacée très glissante.
Le Satyrus Fauna de Vendée ne diffère guère de celui de Bre-
tagne; il est seulement un peu plus grand. On trouve également
Fauna dans le Limousin où la race ressemble beaucoup à celle de
Vendée.
Je ne crois pas que Fauna habite en Charente; il existe cependant
dans la Charente-Inférieure, à Royan. Il est répandu dans les
Landes de Gascogne, où la forme, un peu plus grande qu'en Bre-
tagne, a, sur le dessous des ailes inférieures, un large espace gris
clair au delà de la ligne anguleuse, noire, extracellulaire. Le
long du bord marginal, une ombre noirâtre assez large et épaisse
fait ressortir la couleur gris clair de cet espace extracellulaire. Dans
l'Aveyron et l'Hérault, le Satyrus Fauna ressemble à celui des
Landes de Gascogne; mais dans les Pyrénées-Orientales et dans
les Basses-Alpes, la taille de l'espèce augmente un peu, comme le
montre le Fauna cf n° 51 de la PI. XVII, des environs de Digne,
et la Q n° 56 de la PI. XVIII, de Vernet-les-Bains. J'ai sous les
yeux un très grand nombre d'exemplaires et je constate des varia-
tions individuelles sensibles et nombreuses ; toutefois, d'une manière
générale, on peut dire que le dessous des ailes inférieures, chez les
Fauna de Digne aussi bien que chez ceux de Vernet-les-Bains, est
d'un gris assez uniforme; les lignes noires ondulées qui descendent
du bord costal vers le bord anal étant nettes et non empâtées chez
18
2/4 LÉPIDOPTÉROLOGlE COMPAREE
les cf. ainsi que cela se remarque le plus souvent dans les formes
moins méridionales.
Fauna, en Espagne, se trouve, d'après les documents contenus
dans ma collection, à l'Escorial, à Venta-de-Cardenas, à la Sierra-
Alta, à la Sierra-Nevada d'Andalousie, à Uclès. La race n'est pas
plus grande que dans les Pyrénées-Orientales. La Q n° 54 de l'Es-
corial et celle n" 55 de la Sierra-Nevada (PL XVIII) le démontrent;
elles ont le dessous des ailes inférieures d'un gris de souris, assez
uni, et les cT ne diffèrent pas sensiblement du n° 51 des Basses-
Alpes. La forme des environs d'Albarracin (Sierra-Alta), d'après
12 cf et 2 g de ma collection, est de taille sensiblement plus petite
que la race de Vernet-les-Bains. C'est la race de l'Andalousie qui
paraît être la plus grande des races espagnoles.
Dans le sud de la France, du côté oriental, une modification de
race s'opère chez Fauna.
En Provence, la dentelure des ailes inférieures devient plus
accentuée, en même temps que la taille s'amplifie. Dans les Alpes-
Maritimes, les Fauna sont encore plus grands que dans le pays
de Naples; ils égalent au moins la race de Sicile, et comme les
Fauna cf de Sicile, ceux des Alpes-Maritimes ont une tendance à
montrer quelques points blancs, le long du bord marginal des ailes
inférieures, en dessus. Nous remarquerons plus loin la tendance au
développement de ces points blancs, dans les races algériennes. Le
n° 52 de la PI. XVIII représente un Fauna cf de Naples et le n" 53
représente une Q de Sicile. La dentelure des ailes s'y trouve bien
plus profonde que dans les exemplaires d'Espagne et de Vernet-
les-Bains.
Ce serait cependant une erreur de croire que les Fauna italiens
ont tous plus ou moins les caractères de ceux de Naples et de Sicile.
M. Fabresse a capturé en août 1908 une longue série de Fauna à
Sulmona. Ces Fauna sont de taille égale à ceux des Basses-Alpes
et des Pyrénées-Orientales et ils leur ressemblent parfaitement.
En Algérie, il y a une forme de Fauna que j'ai appelée cinereus
{Bulletin Soc. ent. France, 1907, p. 344). Cette race a été prise à
Yakouren, par M. Dayrem, en juillet et août 1907. Elle est repré-
LÉPIDÔPTÉRÛLOGIE COMPAREE 2/5
sentée sous les n""" 41 et 42 de la PI. XV'I. Le cT n'est pas d'un noir
obscur, mais d'une couleur plus pâle, avec le disque soyeux des
ailes supérieures plus gris et se détachant d'une façon très apparente
sur le fond brun des ailes. Les points blancs submarginaux sont
plus développés aux ailes inférieures que dans la race de Sicile, et
les 20 cf de ma collection en sont tous pourvus, sans exception.
L'éclaircie jaunâtre ordinaire sur les ailes supérieures de la Q, en
dessus, est très peu accentuée. Les points blancs submarginaux
sont très dilatés chez la Q et semblent avoh un reflet lilas.
Il y a une autre race algérienne de Fauna découverte à la Gla-
cière de Blidah, par M. Holl. Cette nouvelle race est figurée sous
les n"' 36 et 37 de la PI. XVI; elle vole à 1,250 mètres d'altitude
à la fin d'août. Je l'ai dédiée à M. Holl, comme faible témoignage
de mon affectueuse estime et de ma cordiale gratitude. Le Satyrus
Holli n'est presque pas plus grand que le Fauna de Bretagne. Il
est de couleur gris brun plus pâle que cinereus; il a les ailes plus
arrondies. Comme cinereus, Holli a les ailes inférieures, en dessus,
ornées d'une série de points blancs submarginaux paraissant légè-
rement lilas. Le cf a les ocelles noirs des ailes supérieures partiel-
lement et faiblement cerclés de jaunâtre. En dessous, le fond des
ailes est, dans les deux sexes, d'un gris uni, clair, mais un peu
plus jaunâtre chez la Q.
Dans la province d'Oran se trouvent deux autres Satyrus très
voisins de Fauna, mais cependant très distincts et très constants :
Sylvîcola et Hansii. J'ai déjà donné, dans les Etudes d'Entomo-
logie, les figures de ces deux Satyrus. Cependant je publie de
nouveau, sous les n"' 38 et 39 de la PI. XVI, la représentation de
Sylvicola, et sous les n°^ 40, 43, 44 et 45, la représentation de Hansii.
M. H. Powell a soigneusement étudié ces deux Satyrus; il en a
pris un grand nombre d'exemplaires en août et septembre 1907, aux
environs de Sebdou, et il a élevé la chenille de Hansii, ab ovo.
Cette chenille étant arrivée à sa 5° livrée, est figurée sous le n" 46
de la PI. XVI. Je crois ç^Hansii est une espèce tout à fait à part.
Elle est fort variable, ainsi que le prouvent les différences de l'aile
inférieure, en dessous, chez les 3 cf figurés sous les n"' 43, 44 et 45.
2/6 LÉPIDOPTÉROLOGIÈ COMPARÉE
Hansii, en dessus, comme en dessous, a un reflet spécial d'un jaune
doré, dont Sylvicola se trouve toujours dépourvu. Quant à Sylvi-
cola, il serait possible que ce fût une 3" variété algérienne de Fauna.
Sylvicola est toujours très sombre. Les ailes inférieures en dessous
sont d'un gris uni, traversées par une ligne noire ondulée quel-
quefois à peine visible. Je n'ai jamais vu de Sylvicola ni de Hansii
pris ailleurs que dans l'Ouest-Algérien.
Huebner a figuré sous les n"' 507, 508 et 509 une race de Fauna
qui est probablement celle d'Allemagne. Je ne la connais pas.
Cependant Fauna existe en Allemagne; Hermann Steinert la signale
parmi les Macrolépidoptères des environs de Dresde {Iris, IV,
p. 193), dans les termes suivants : « Der Falter, welcher vorzugs-
weise in Norddeutschland zu Hause ist, liebt sandige, trockene
Stellen, besonders Nadelwaldungen. An der Berliner Bahn bei
Coswig und Weinboehla; Meisel fand eizelne Stuecke auch am
Heller. Flugzeit : Juli, August. »
Huebner figure, sous les n°^ 510 et 511, une race plus grande,
assez voisine de la race des Bouches-du-Rhône, appelée Allionia;
de même la race de Fauna çS figurée par Huebner sous les n°' 145
et 146 ressemble à celle de Sicile. Je n'ai pu trouver dans le texte
de Huebner la désignation de localité des Satynis figurés par cet
auteur et je me trouve réduit à des probabilités, en ce qui concerne
ce détail important. Herrich-Schaeffer figure sous les n'"' 190 et 191,
et avec le nom de Statilinius, var. Martianii, une Q originaire de
Constantinople.
Esper copie la figure de Sulzer, sous le n° i de la Tab. XXIX,
Suppl. V, et dans la Tab. LU, il figure sous le nom de Fidia var.
(fig. 4) un Faiina que M. Devillers lui avait envoyé de Provence.
Esper ne connaissait pas le Fauna d'Allemagne; car il ajoute :
a In unsern teutschen Vaterland hat sich der Zeit noch Keine
endeckt. »
Engramelle avait sans doute contribué à induire Esper en erreur,
quant à la confusion entre Fauna et Fidia; en effet, sur la PI. XXI,
Engramelle figure Fauna cT (n°^ 37 « et /?>) et Fidia, comme
Fauna Q (n"^ 37 c et d^. Esper cite d'ailleurs en note (page 17)
LEPIDOPTEROLOGIE COMPARÉE
le texte d'Engramelle. Le même Esper figure sous le n" 4 de la
Tab. CV, avec le nom Allionia, une grande forme de F aima en
nous apprenant (p. 6y) que : « Herr Gerning erhielte die Originale
von daher, unter andern Seltenheiten, welche der Kœnigin von
Sicilien Majestaet, ihn zum Geschenk zu uebersenden die Gnade
hatten. » Le même Gerning, qui fut ainsi favorisé d'un cadeau
entomologique par Sa Majesté la Reine de Sicile, possédait du midi
de la France une paire de Salyriis Fauna dont Esper a donné avec
le nom âiArachne, sous les n"^ 2 et 3 de la Tab. XCV, de bien
médiocres et grossières figures. Cependant l'espèce est reconnais-
sable. Le Satyrus Fauna se trouve aussi en Grèce, où il se rapproche
de la forme Martïanïi, H. S.
Satyrus Fidia, Linné.
Espèce méridionale; répandue en Provence, dans le Languedoc
méditerranéen, les Pyrénées-Orientales, l'Espagne et l'Algérie. Je
considère comme bien problématique l'existence de Fidia dans la
Loire-Inférieure, où l'espèce a été signalée par M. Bonjour (Bull.
Soc. Sciences nat. Ouest France, 1897, p. 175-176). L'espèce volerait
à La Chapelle-sur-Erdre où M. Ollivry, qui ne l'a jamais rencontrée
que dans un seul champ, la prendrait cependant tous les ans. Il est
possible que ce soit Fauna qui aurait été pris pour Fidia.
En France, Fidia éclôt une seule fois par an, en juillet et août. Ce
Satyrus habite les lieux les plus arides et se pose sur le crottin de
cheval, dans les grands chemins, sur le sol, au milieu des pierres,
ou sur les troncs d'arbres. Pour se reposer, il rejette en arrière ses
ailes supérieures qui se trouvent ainsi cachées entièrement par les
inférieures. Il se confond alors avec les pierres grisâtres qu'il affec-
tionne et qui, autour de Nîmes, Montpellier, Marseille, se trouvent
en si grande quantité dans la campagne.
En Espagne, il vole à l'Escorial, aux environs de Grenade, à la
Sierra-Alta, près d'Albarracin. Dans cette dernière localité, la race
de Fidia est exceptionnellement petite et pas plus grande que Fauna.
2/8 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
J'en possède une série assez nombreuse. J'ai distingué cette race
sous le nom de minor.
Dans rOuest-Algérien, sur le dessous des ailes inférieures, les
nervures sont indiquées en blanc; cette forme a été appelée
dlbûvenosa. Elle me paraît générale à Sebdou; elle est moins
accentuée à Yakouren et feu le lieutenant Mathieu a pris à Alger
des exemplaires très grands, mais qui ne diffèrent pas de ceux
d'Europe. De même, dans l'île de Galita, en Tunisie, Fidia est de
grande taille, mais nullement albovenosa, comme à Sebdou, bien
qu'il y ait une légère indication de blanc sur les nervures.
Satyrus Abdelkader, Pierret.
Superbe et grande espèce exclusivement barbaresque. Il y a deux
formes : celle de l'Ouest-Algérien, qui est la race premièrement
décrite, et celle de l'Est- Algérien, qui diffère un peu de la forme
occidentale. Staudinger a distingué la forme orientale ai Abdel-
kader, sous le nom de Lanibessaniis. Il est difficile d'obtenir des
exemplaires frais et non déchirés. D'ailleurs l'espèce n'est point
commune. Elle éclôt deux fois par an, en mai et juin d'abord, puis
à la un d'août. M. H. Powell a élevé la chenille d^ Abdelkader,
dont il avait obtenu une ponte. Ma collection contient une centaine
de beaux exemplaires récoltés, en août et septembre 1907, à El-
Aouedji, à Zebch et à Sebdou, dans l'Oranie. J'ai un cf curieux;
il a le dessus et le dessous des ailes supérieures comme saupoudré
de taches d'un brun plus clair, c'est-à-dire de la teinte de la Q.
Ma collection contient une certaine quantité d'exemplaires pris
par M. Gaston Allard et par mon frère, à Lambèze; d'autres trouvés
près de Tébessa, et enfin quelques-uns capturés à Khenchela, en
juin 1908. Une des Q de Khenchela est remarquable par le déve-
loppement des taches bleues sur le dessus des ailes. On trouve à
Sebdou des Q très pâles, avec le bord des ailes largement coloré
d'une teinte ochracée presque blanchâtre. Dans l'Est-Algérien, le
dessous des ailes du cf est généralement d'un brun velouté très
LÉPIDOPTÉROLOGIE COAIPARÉE
riche, rehaussé par hi fine bordure gris clair des ailes, les points
ocellés d'un noir profond pupilles de blanc pur, accompagnés de
taches formées d'un semis d'atomes blanc lilas, et les lignes trans-
verses, anguleuses, d'un noir vif. Chez les exemplaires de l'Oranie,
les teintes sont généralement moins accusées et les contrastes moins
forts que chez ceux de la province de Constantine.
Satyrus Actaea, Esper.
Satyrus Cordula, Fabr.
Ac/(ea et Cordula sont-ils deux espèces distinctes, très voisines
l'une de l'autre sans doute, mais cependant différentes? C'est une
question que souvent j'ai entendu poser. Il est certain que les Actœa
très caractérisés, ceux de l'Aveyron par exemple, sont bien différents
des Cordula, du Valais. Actœa est plus petit et d'aspect plus
robuste à cause de la contexture de ses ailes qui paraît plus forte.
Le Satyrus Actœa cf a, vers l'apex des ailes supérieures en dessus,
une seule tache noire ocellée, tandis que Cordida en a toujours deux
et quelquefois quatre en série droite. Mais en dessous, il y a des
Actœa qui présentent une seconde tache. Il y a aussi des Actœa cf
dont la tache ocellée subapicale noire surmonte deux, ou même
trois petits points blancs, comme on en remarque le plus souvent
entre les deux ocelles ordinaires de Cordida. Les Q diffèrent plus
peut-être entre elles que les cf, notamment par la teinte des ailes
supérieures en dessus aussi bien qu'en dessous, et s'il y a des exem-
plaires qui établissent presque la transition entre Actœa et Cor-
dida cf, les Ç) restent plus nettement dissemblables.
Quant à l'habitat, Actœa se rencontre seul dans les départements
du Lot, de l'Aveyron, de la Lozère, du Gard, des Pyrénées-Orien-
tales, des Bouches-du-Rhône, en Espagne et en Portugal; et, de
son côté, Cordula est seul dans la vallée du Rhône en Valais, dans
les départements de l'Isère, de l'Ardèche (La Voulte-sur-Rhône) et
dans les montagnes des Alpes-Maritimes; mais dans les Basses-
28o LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
Alpes, les deux : Actœa et Cordiila se trouvent presque juxtaposés,
et dans les Hautes- Alpes (Le Monetier-de-Br lançon), ainsi que dans
l'Italie méridionale (Mont Majella, Roccaroso et Palena), on trouve
une forme que j'ai appelée Actœma, qui est plus près de Cordiila
que ^Actœay mais plus petite que le vrai Cordida et se rapprochant
un peu ^ Actœa.
Disposant d'environ 400 exemplaires provenant de localités
diverses et ayant pris Actœa dans la Nature, aussi bien que Cordida,
me remémorant d'ailleurs les mœurs de ces Satyrus, je dois à la
vérité de dire que je reste incertain et irrésolu, penchant cependant
plutôt vers la réunion spécifique que vers la séparation des deux
formes en deux espèces.
Actœa et Cordula éclosent chacun une fois par an, depuis la fin
de juin jusqu'aux premiers jours d'août, suivant les localités.
Cordida paraît cependant éclore généralement un peu plus tôt
Q^ Actœa, ce qui est contradictoire avec le climat des lieux habités
par l'un et l'autre Satyriis. Actœa vivant dans des contrées plus
chaudes, devrait, semble-t-il, paraître avant Cordida. Or, Actœa
ne vole guère avant la seconde quinzaine de juillet et on le trouve
encore frais jusque dans les premiers jours d'août, tandis que
Cordida se montre dès la saint Jean et est généralement complè-
tement passé lorsque Actœa est encore en pleine éclosion. Toutefois,
cette question de l'époque d'apparition des Satyrus Cordida et
Actœa n'a rien d'absolu. En effet, Cordida- Actœina a été trouvé
frais dans l'Italie méridionale, par M. Fabresse, en juillet et au
commencement d'août 1907.
Actœa se rencontre dans les plaines et les basses montagnes
chaudes et arides, mais fleuries. Actœa aime en effet à se reposer
sur les fleurs de chardon et d'origan; je l'ai observé le long de la
route poudreuse, entre Nîmes et le Pont-du-Gard, voltigeant nom-
breux en compagnie de Rkodocera Cleopatra, à la fin de juillet,
et contrastant curieusement, par la sombre couleur de ses ailes, avec
les nuances vives et claires de Cleopatra. Je l'ai vu aussi à Saint-
Martin-du-Canigou, quelquefois en quantité considérable, faisant
compagnie avec le Farnassïus Apollo, dont la blancheur forme
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE 28 1
encore un contraste d'un autre genre avec la teinte si obscure de
ses ailes.
Cordula est plus montagnard; mais il fréquente également le
bord des routes, dans les vallées alpines. C'est ainsi qu'en montant
de Bourg-d'Oysans vers le Lautaret, jusqu'aux abords de la Grave,
Cordula sollicite l'attention du voyageur par son vol saccadé et un
peu sautillant, quoique rapide et puissant à l'occasion, et par sa
fréquence. En effet, ce grand papillon tout noir est parfois très
abondant sur les pentes fleuries des montagnes; dans les belles
journées d'été, avec les autres espèces alpines de Lépidoptères, il
contribue très agréablement par son activité à l'animation du
paysage.
Aciœa et Cordula sont très variables.
Aciœa, en dessus, a souvent la côte des ailes supérieures lavée
de brun clair; en dessous, il présente tantôt des ailes inférieures
très obscures et tantôt ces mêmes ailes sont traversées par une bande
blanche plus ou moins large. Je possède une Aberration d'Actœa,
prise à Digne, chez qui les taches et dessins des ailes inférieures,
en dessous, sont brouillés et forment des ovales cerclés de noir, le
long du bord marginal.
Dans les Pyrénées-Orientales, Actœa varie beaucoup pour le
dessous de ses ailes inférieures. D'ailleurs Cordula est tout aussi
sujet à variation. Quant aux Q, dans les deux formes, c'est par le
développement de la teinte fauve doré sur le dessus et sur le dessous
des ailes supérieures et aussi par l'accentuation des dessins noirâtres
sur le dessous des ailes inférieures qu'elles présentent les variations
les plus considérables.
Satyrus Phaedra, Linné.
Manque en Angleterre et en Algérie; se trouve, dit-on, en Bre-
tagne, dans le département de la Loire-Inférieure; mais je n'ai
jamais été à même de l'y capturer; est commun dans les marais
et dans les bois de la Charente et de la Vienne; habite les environs
282 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
de Biarritz; a été trouvé à Vernet-les-Bains, à Entrevaux (Basses-
Alpes), au Fort-Naryne, dans le Turkestan oriental, dans la vallée
de la Viège, en Valais, et est très répandu dans l'Asie orientale,
sur la frontière du Thibet, dans la Chine centrale et septentrionale
et au Japon. Il offre d'intéressantes variétés.
A Tâ-tsien-Lou, Phœdra est représenté par sa forme Astrœa,
Leech, d'un brun roux opaque et un peu doré en dessus, avec les
taches ocellées en nombre variable, très noires, cerclées de fauve
doré et pupillées de blanc.
A Vench'uan et Traku, dans le Su-tchuen occidental, les native
collectors de Cari Bock ont trouvé, en 1891, une forme superbe
que j'appelle auraia. Elle est très grande. Le cf, en dessus, est d'un
brun roux avec 2 grosses taches ocellées aux ailes supérieures; ces
taches sont très largement entourées de fauve doré; on voit une
seule petite tache ocellée aux ailes inférieures; elle est cerclée de
fauve. La Q, plus grande et plus pâle, a les deux taches noires
ocellées des ailes supérieures encore plus largement entourées d'un
lavis de fauve orangé. En dessous, dans les deux sexes, le fond
des ailes supérieures est d'un fauve doré plus vif chez le cf que
chez la Q, et les ailes inférieures brun pâle, dans les deux sexes,
sont traversées par les trois lignes ondulées ordinaires et marquées
d'une infinité de petits traits noirâtres. Il y a une éclaircie blan-
châtre au delà de la ligne noire ondulée, médiane.
En Mandchourie, dans la Chine du Nord, les abords du lac
Baïkal et le Japon, la forme de Fhœdra se rapproche beaucoup de
la forme européenne. Les taches ocellées sont pupillées de bleu.
Cette pupillation bleue est très étendue chez les Q du Japon; mais
les cf de Biarritz me paraissent bien analogues à ceux de Yokohama.
Il y a donc 3 formes : la forme européenne Fhœdra, qui se continue
au Turkestan, en Sibérie et au Japon; la forme de Tâ-tsien-Lou,
appelée Astrœa, et la forme du vSu-tchuen, désignée sous le nom
à^aurata.
En France, le papillon vole dans les hautes herbes des marais
et dans les hautes bruyères des forêts ou des landes. On le fait
lever en marchant. Une fois dérangé dans son repos, le Satyrus
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE 283
Phœdra produit un vol assez puissant et, après quelques bonds, le
papillon va se reposer de nouveau. Il est facile de s'en emparer; il
est commun dans les lieux qu'il habite. Il varie beaucoup pour la
grandeur des ailes, pour le développement des ocelles pupilles de
bleu quelquefois réduits à deux simples points noirs chez les cf,
d'autres fois formant chez les Q des taches très grosses et près de
se rejoindre l'une l'autre au moyen d'une tache supplémentaire qui
peut se développer sur le sommet de la seconde macule. Le nom
populaire du Satyrus Phœdra est : le Grand Nègre des bois; il
éclôt une seule fois par an, à la fin de juillet. Engramelle dit que
son accouplement dure tout un jour.
Satyrus Hyperanthus, Linné.
Habite l'Irlande, l'Angleterre, la Bretagne (Finistère et 1 Ile-et-
Vilaine), presque toute la France, la Suisse, l'Allemagne, la Mand-
chourie, la Chine; n'a pas été observé en Algérie.
C'est le Tristan, selon le P. Engramelle; il est fort commun
dans les bois et même dans les haies, ainsi que je l'ai observé à
Cancale. Il paraît qu'il est très abondant dans la forêt de Cranou
(Finistère). Il est fort variable pour le nombre et le développement
des taches ocellées et pour la taille.
En Mandchourie se trouve la forme appelée ocellatus par Butler;
c'est la plus grande et celle dont les taches ocellées sont plus
largement développées. L'antithèse de cette forme est l'Ab. Arête,
chez qui les taches ocellées sont oblitérées sur les ailes inférieures,
en dessous. Je possède cette Ab. Arête d'Angleterre (ancienne
collection Sheppard), d'Autriche, de Thuringe, du Jura français
(Lons-le-Saunier). J'ai pris aux environs du lac de Laffrey (Isère)
un cf qui fait une transition excellente entre Arête et la forme
normale Hyperanthus.
M. de Graslin avait trouvé dans la Sarthe l'Ab. Arête. Cette
Ab. Arête est généralement symétrique et les deux sexes peuvent
en être atteints; mais les exemplaires sont plus ou moins accentués.
284 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
Certains Arête ne présentent plus sur les quatre ailes, en dessous,
qu'un minuscule point blanchâtre à la place des taches ocellées;
d'autres échantillons, tantôt sur les ailes supérieures, tantôt sur les
ailes inférieures, présentent plus ou moins de très petites macules
noires cerclées de jaunâtre et pupillées de blanc.
Dans la plupart des exemplaires normaux, ks taches ocellées
des ailes supérieures sont au nombre de deux ou trois et les taches
ocellées des inférieures sont au nombre de cinq. En dessus, les
taches du dessous transparaissent généralement, surtout chez les Q,
sauf les deux taches supérieures des ailes inférieures. Je possède
une seule Q de la collection Kuwert, de Berlin, chez laquelle le
dessus des ailes est marqué aux ailes supérieures de trois taches
noires pupillées de blanc et cerclées de jaune, comme en dessous,
et aux inférieures de trois taches semblables. J'ai pris à Chamounix
(Haute-Savoie) une très petite race d'Hyperanthiis, tandis que dans
les Pyrénées-Orientales, à Vernet-les-Bains, la race est relativement
grande.
La teinte du dessous des ailes inférieures varie du brun roux
foncé au brun clair. M. Wullschlegel a pris à Martigny (Valais)
une Q albinos dont les 4 ailes, en dessus et en dessous, sont d'une
couleur café au lait. Le Satyre tristan éclôt une fois par an, depuis
la fin de juin jusqu'à la mi-juillet. Il ne me semble pas qu'il s'élève
bien haut dans les montagnes. Je ne l'ai jamais vu au-dessus de
1,200 mètres.
Erebia Epiphron, Knoch; Herr. Schaeff. (92-94); Cassiope,
Huebner (626-629).
En Angleterre, il y a deux espèces d'Erebia : Epiphron et Blan-
dïna. En Bretagne, il n'y a pas de collines assez élevées pour que
des Erebia puissent s'y plaire. Les Erebia ne se rencontrent en
France que dans les Vosges, le Jura, les Alpes, les Monts d'Au-
vergne et les Pyrénées, à l'exception toutefois de Médusa qui, dans
le nord-est, est une espèce de plaine.
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE 285
UErebici Epiphron a les ailes allongées et d'une contexture assez
délicate; elle se rencontre dans les Pyrénées à une altitude de 1,000
à 1,800 mètres, se plaisant dans les prairies alpestres et les jeunes
reboisements. Elle est très variable; les taches, d'un brun rou-
geâtre le long du bord marginal des ailes, sont plus ou moins
largement développées sur les ailes supérieures comme sur les
inférieures; elles sont ordinairement pupillées de points ocellés
noirs, généralement au nombre de quatre sur les supérieures et de
trois ou quatre sur les inférieures. Quelquefois ces points ocellés
noirs portent un petit point central blanc. Par albinisme, la fascie
brun rouge peut devenir d'un blanc jaunâtre; elle peut aussi dispa-
raître à peu près complètement.
J'ai sous les yeux plus de 400 exemplaires de XErehia Epiphron,
provenant d'Ecosse, des Vosges, de Silésie, de Suisse, des Hautes
et Basses-Alpes, des Alpes-Maritimes, du Puy-de-Dôme, du Cantal,
des Pyrénées-Orientales, des Hautes-Pyrénées et de la Turquie.
L'examen des Epiphron de ces diverses localités donne lieu aux
observations suivantes :
Huebner figure sous le nom de Cassiope (cf n*"" 626, 627;
Q n°' 628, 629) une Erebia dont les deux sexes semblent appar-
tenir à une seule et même espèce provenant de la même localité.
Ma collection contient une paire de Cassiope, prise en août 1864,
dans les montagnes des Vosges, au Brezouars, au-dessus de Sainte-
Marie-aux-Mines, par 1,300 mètres d'altitude. Cette paire est tout
à fait conforme aux figures publiées par Huebner. Pourquoi Stau-
dinger et Rebel, dans le Catalog 1901, s'abstiennent-ils de citer,
dans la synonymie de Cassiope, les n°' 628 et 629 concernant
la Q?
De son côté, Herrich-Schaeffer représente, sous les n"' 92 et 93.
la Q et non le cf (comme il l'indique par erreur sur la Planche;
mais il rectifie dans le texte, p. 65), et sous le n° 94, le cf (et non
la q) d'une Erebia qu'il appelle Epiphron et qui provient d'une
forêt de sapins dans les environs d'Oderbriick, dans le Harz 011
Knoch en fit la capture au mois d'août.
En quoi Epiphron diffère-t-elle donc réellement de Cassiope}
286 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
D'après Staudinger et Rebel, parce que la fascie extracellulaire
est rousse et que les points ocellés noirs sont pupilles de blanc dans
\d,QEpiphron; chez Cassiope, les points ocellés noirs sont aveugles
et la fascie rousse est obsolète; mais dans les mêmes montagnes,
on trouve des exemplaires Epiphron et des exemplaires Cassiope.
Epiphron ne désigne donc pas plus une race locale que Cassiope
n'en désigne une autre. Il peut y avoir des localités où Cassiope
domine, comme par exemple Les Grisons; mais je crois qu'on peut
trouver partout des Cassiope, là oi: il y a des Epiphron et vice-
versâ.
En Angleterre et en Ecosse, Epiphron est de taille relativement
grande; M. Reid m'a envoyé une assez nombreuse série provenant
de Rannoch; dans la collection Raynor, qui fut vendue à la salle
Stevens, le 27 octobre 1891, il y avait une quinzaine ^Epiphron,
dont quelques-uns portent l'indication de localité : Malvern. Les
Epiphron sont bien conformes à la figure publiée par Charles
Barrett (PI. XXIX; fig. \, i a, i b). C'est aux exemplaires des
Vosges qu'ils ressemblent le plus, parce que chaque ocelle noir, le
long du bord marginal des ailes supérieures, est entouré d'une
sorte de cercle brun rougeâtre, au lieu de se trouver au milieu d'une
fascie brun rougeâtre, dont les contours extérieurs sont irréguliers
et ne forment pas un anneau.
Dans les Pyrénées, il y a deux formes très différentes d' Epiphron
et toutes deux ont été figurées par Herrich-Schaeffer sous le même
nom : Cassiope pyrenaica. La race des Hautes-Pyrénées, très sombre
en dessus, comme en dessous, dépourvue de brun rougeâtre à la
base des ailes supérieures, en dessous, et de plus grande taille, est
figurée sous les n°' 537 et 538; tandis que la race des Pyrénées-
Orientales, plus petite, avec la base des ailes supérieures largement
lavée de brun rougeâtre en dessous et la fascie rougeâtre des quatre
ailes, largement développée en dessus, est représentée sous les
n- 535 et 536.
Le nom pyrenaica convient seul à la race des Plautes-Pyrénées
(Cauterets, Gavarnie) ; la race des Pyrénées-Orientales ressemblant
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE 28;
beaucoup plus à celle des Alpes françaises à laquelle elle peut
être identifiée.
Boisduval a créé une variété Nclaiiiiis des Alpes du Dauphiné
qu'il définit : siib-cœca dans Vlndex methodiciis. Les types cf et Q
de N clan m s sont sous mes yeux. Le (S, en dessus, a une courte
fascie brun rougeâtre sur le dessus des ailes supérieures et deux
petits points noirs à peine perceptibles; la Q a la fascie plus étendue
et plus accentuée, avec les deux points noirs plus visibles. Le des-
sous du cf est presque unicolore, brun plus clair qu'en dessus; le
dessous de la Q reproduit le dessus, avec cette différence que, le
long du bord des ailes inférieures, on voit quatre petites taches
de couleur ocre très finement pupillées de noir.
Au Mont-Dore, en Auvergne, on rencontre une forme très
sombre de Cassiopc\ mais elle n'est pas très fixe et, à côté d'exem-
plaires particulièrement obscurs, on en trouve d'autres qui se rap-
prochent beaucoup de la forme alpine.
Les Q des Pyrénées-Orientales ont parfois cinq taches noires
ocellées sur les ailes supérieures, en dessus comme en dessous. La
fascie d'un fauve rougeâtre, souvent d'une teinte claire, est très
développée. Je possède des Q des Pyrénées-Orientales ayant une
pupillation blanche dans les ocelles noirs, ainsi que le figure
Herrich-Schaeffer (n°' 92 et 93); dans la prairie du Mont Pelât,
M. H. Powell a pris la Q également pupillée de blanc, dans les
premiers jours d'août 1906. Au même lieu, M. Pov^ell a capturé
quelques cT et g de l'Ab. ulbinescens, caractérisée par la couleur
très pâle de la fascie sur les quatre ailes en dessus. Un cf très frais
se trouve remarquablement albinisant. Aux environs de Zermatt,
j'ai pris la var. Nelaruiis, Bdv. Les Erebia ont une tendance à
perdre les ocelles noirs sur la fascie rougeâtre, dans le Valais.
DroniHS et Ejiryale en fournissent quelquefois la preuve. On trouve
aussi Nela7iiîis au Mont Pelât.
J'ai décrit et figuré dans la XX" livraison des Eludes d'Eiilo-
mologie une Aberration de Epiphron pyrcnaica, remarquable par
l'extension de sa fascie rougeâtre aux ailes supérieures en dessus,
288 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
presque sans ponctuation noire. Un exemplaire analogue a été ren-
contré au Mont Pelât.
Erebia Melampus, Esper, 103, i.
UErebia Mclanipiis a été figurée d'une manière reconnaissable
par Esper, sous le n*" i de la PI. CIII, d'après un individu pris
dans les Alpes du Tyrol, et que l'aufeur considère comme une
variété de l'espèce, mais qui, à part la couleur fauve des fascies
un peu plus claire, est bien conforme à la véritable Melampus.
Boisduval, dans V Icônes (PI. 35, fig. 5 et 6; p. i;8, 179) a bien
figuré et décrit VErebia Melampus.
Un des caractères qui distinguent Melampus ô!Epiphron, c'est
la forme plus arrondie des ailes qui sont traversées très réguliè-
rement par une fascie d'un brun rougeâtre.
Melampus n'a jamais été trouvée dans les Pyrénées; elle a été
rencontrée dans les Basses-Alpes; je l'ai prise à Chamounix
(Haute-Savoie) pendant les premiers jours de juillet 1892, dans le
Valais, aux environs de la route du Simplon et sur les pâturages
alpestres de Ryffelalp, vers la mi-juillet, en 1864, 1866, 1892, 1898
et 1902. Mon frère a pris Melampus à Fusio, du 10 au 14 juillet
1907. Je l'ai reçue des Grisons.
L'espèce paraît peu varier; cependant les fascies brun rouge sont
plus ou moins développées; elles sont généralement marquées de
petits points noirs; mais ces points peuvent disparaître, et j'ai sous
les yeux des exemplaires impunctati, à côté d'autres qui portent
de un à quatre points noirs sur les supérieures, aussi bien que sur
les inférieures.
Erebia Christi, Raetzer.
J'ai publié la figure de cette espèce dans la première livraison des
Etudes de Lépidoplérologie comparée. On n'a point encore trouvé
VErebia Christi en France. Je l'ai chassée, en compagnie de feu
le chanoine Favre, dans la vallée de Laquin, pendant la seconde
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPAREE 289
quinzaine de juillet 1902. Presque tous les échantillons que nous
prîmes étaient usés par le vol. UErebia Chnsti éclôt au commen-
cement de juillet, peut-être même à la fin de juin. Elle ressemble
à EpipJiron ; mais elle en est certainement spécifiquement distincte.
C'est dans l'étroite vallée de Laquin que XErebia Christi a été
trouvée tout d'abord; mais je crois qu'elle a été récemment capturée
dans plusieurs localités voisines du Simplon.
Erebia flavofasciata, Heyne.
Mon frère se rendit en juillet 1907 à Fusio, afin de pouvoir
capturer cette jolie Erebia nouvellement découverte et d'un aspect
si particulier en dessous. Il réussit à prendre quelques beaux exem-
plaires dans la localité très spéciale où vit l'espèce^ en compagnie
de la Psodos alpinata, Huebner, Phalène noire à bandes jaunes,
colorée un peu comme flavofasciata.
Une très intéressante notice intitulée : Quelques joîirs à Fusio
en juillet iço^, où sont relatés les détails de la chasse à Y Erebia
-jia^iofasciata, a été publiée par M. Muschamp dans le n" i du
Bulletin de la Société lépidoptérologigue de Genève. UErebia
flavofasciata n'a pas été trouvée dans les Alpes françaises.
Erebia Mnestra, Huebner.
Les Erebia Arête et Eriphyle ont été rencontrées jusqu'à présent
dans les Alpes d'Autriche; mais personne ne les a trouvées dans
les montagnes françaises. UErebia Mnestra n'est pas rare dans
les Grisons et dans le Valais où je l'ai capturée en grand nombre
sur les pelouses au-dessus de l'hôtel Ryffelalp; elle n'a jamais été
observée dans les Pyrénées, mais elle a été prise dans les Hautes-
Alpes, au-dessus de Monetier-de-Briançon et à Charmoz, en
Savoie. Boisduval publie de bonnes figures de VErebia Mnestra,
sous les n°' i, 2, 3 et 4 de la PL 35 de VI canes. La Mnestra a le
19
290 LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE
dessous de l'aile supérieure très largement lavé de rougeâtre, et
en dessus, la fascie rougeâtre généralement largement étendue, est
très fréquemment dépourvue, chez les cf, de toute ponctuation
noire. Les Q montrent généralement aux ailes supérieures deux
ocelles noirs pupilles de blanc. J'ai trouvé Mnestra au mois de
juillet; elle aime à voltiger au-dessus des buissons de genévriers,
dans les pelouses alpestres et, lorsque le soleil se cache, elle dis-
paraît dans ces buissons.
Dans les Basses-Alpes, à Larche, Bellier a découvert une très
intéressante race de Mnestra qu'il a décrite et figurée dans les
Annales de la Soc. ent. de. France, 1863, sous le nom de Gorgo-
phone. Le dessous des ailes inférieures est moins uniformément
brun, mais, au contraire, plus distinctement fascié que chez Mnestra.
Il est bien extraordinaire que Bellier, dans sa description de
Gorgophone {loc. cit., p. 419, 420), s'obstine à comparer sa nouvelle
Erebia à Gorge, plutôt qu'à Mnestra, tout en constatant que Gor-
gophone n'a point les mêmes mœurs que Gorge. En effet, dit
Bellier, Gorgophone fréquente plutôt les prairies pastorales, en
compagnie de Cassiope, de Ceto, de Melampus, à une moindre
altitude que Gorge et son vol n'est pas aussi rapide.
Dans toute sa notice, Bellier ne parle pas une seule fois de
Mnestra, sans doute parce qu'il n'avait jamais pris lui-même cette
espèce et qu'il en ignorait dès lors la manière de vivre. En effet,
les exemplaires de Mnestra, dans sa collection, portent l'étiquette :
Grisons, région où Bellier n'avait point voyagé.
Quoi qu'il en soit, Gorgophone est une forme locale bien carac-
térisée de Mnestra. Je la crois peu connue des Entomologistes en
général, car elle paraît être confinée aux environs de Larche. Outre
les spechnina typica de la collection Bellier, au nombre de 14, j'ai
reçu des chasseurs Coulet, de Digne, une assez bonne série bien
conforme aux exemplaires de Bellier; ils l'avaient capturée à
Larche, en août 1897.
Mnestra porte sur le dessous des ailes inférieures une bandelette
claire qui est un des caractères de l'espèce. Cette bandelette est
plus accentuée dans Gorgophone, et chez le cf de cette dernière,
LÈPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE SQÎ
on })eut dire que les ailes inférieures, en dessous, sont divisées en
quatre parties bicolores, presque égales, d'une part : la base claire
et la bandelette claire extracellulaire; d'autre part : la bandelette
médiane brune plus foncée et la bordure marginale de la même
couleur foncée.
Erebia Pharte, Huebner.
Manque dans les Pyrénées; habite les Alpes de Savoie, notam-
ment au-dessus de Lanslebourg et de Charmoz; vole en juillet;
répandue dans les Grisons et en Valais oii se trouve la forme
Phartina, très obscure, dont j'ai publié la figure dans la i" livraison
des Etudes de Lépidoptérologie comparée.
Mon fils, D"" J. Oberthiir, a rencontré également la forme
Phartina en Savoie. Boisduval a figuré Pharte dans Ylcones, sous
les n°^ ; et 8 de la PI. 35
La fascie fauve chez Pharte est dépourvue de ponctuation noire
chez tous les exemplaires que je possède. Mais cette absence de
points noirs ne peut être un caractère spécifique sérieux. Ce qui
distingue Pharte de Melanipus, avec laquelle elle n'est pas sans
analogie, c'est la forme plus oblongue de ses ailes qui sont moins
arrondies, la bande fauve des supérieures qui, surtout chez la Q,
est coupée carrément, les taches des inférieures plus grosses et plus
rapprochées vers la côte. On trouve Pharte dans les montagnes
autrichiennes où j'ai entendu dire qu'elle était plus répandue et
plus abondante que chez nous.
Erebia Manto, Esper (PI. LXX, fig. 2-3).
VEreôia Manto, Esper, est bien la même espèce que Huebner
a figurée sous les n°' 235 et 236, avec le nom Pyrrha, sous lequel
l'ont désigné Godart (PI. XV, fig. 3 et 4) et Boisduval.
Manto varie beaucoup. Sa plus remarquable variété est Cœcilia,
Bdv. {Jcones, PI. 33, fig. 5 et 6). Je ne trouve pas que Cœcilia,
292 LÉPIDOPTEROLOGIE COMPARÉE
Huebner (n"' 213 et 214) représente le même papillon; chez
Cœcilia, sec. Boisduval, l'aile supérieure, en dessous, est entiè-
rement noire et n'est pas marquée de rouge, comme dans la âgure
donnée par Huebner.
La véritable Cœcilïa, Bdv., habite l'Auvergne, o\x mon frère l'a
trouvée au Lioran; elle se rencontre aussi dans les environs de
Cauterets (Hautes-Pyrénées), où je l'ai prise en juillet et août 1890
et en juillet 1908. M. de Guernisac l'avait également trouvée dans
les Hautes-Pyrénées, il y a nombre d'années.
Cœcilia vole exclusivement dans les herbes épaisses qui couvrent
le sol de certaines parties de la montagne du Péguère. Je l'ai
observée du côté sud-est de cette montagne, dans une petite prairie
qui borde le torrent, après qu'on a passé la cascade du Cerisay, sur
la route ,du Pont-d'Espagne, et qu'on a franchi le petit pont rus-
tique qui donne accès au chemin forestier du Péguère; mais j'ai
surtout capturé Cœcilia sur la pente nord, tout près du chemin qui
conduit à la Raillière, un peu au-dessus de la Maison hospitalière
de Cauterets. Lorsque la matinée est ensoleillée, vers le 10 juillet,
VErebia Cœcilia çS commence à voler. Elle paraît aussi noire que
sa congénère Lefebvrei; elle semble sortir des touffes d'herbes, oii
elle s'enfonce de nouveau très profondément dès qu'elle pressent
un danger, ou bien lorsqu'un nuage intercepte lesi rayons du soleil.
Je ne crois pas que Cœcilia éclose tous les ans. J'ai été bien des
fois à Cauterets, au moment de son « émergence », comme disent
les Anglais, sans avoir réussi à apercevoir un seul exemplaire;
tandis que dans d'autres années, Cœcilia se montre abondante,
toujours aux mêmes lieux.
C'est un papillon superbe et trop peu connu. Dans les montagnes
d'Auvergne, Cœcilia est de plus petite taille qu'à Cauterets. La
forme des Hautes-Pyrénées est particulièrement remarquable.
Cœcilia cf, à Cauterets, est entièrement d'un noir profond et velouté
en dessus, sans aucune tache. En dessous, le fond des ailes est d'un
noir moins vif, plus mat et moins soyeux. Quelquefois, il y a aux
ailes supérieures, en dessous, de faibles traces rougeâtres plus rap-
prochées de l'extrémité de la cellule que chez Manto; le plus ordi-
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE 293
nairement, les quatre ailes sont unicolores. La g est plus grande;
elle commence à éclore un peu plus tard que le cT et elle s'élève peu
au-dessus des touffes d'herbe où je l'ai vue maintes fois se laisser
glisser, se blottir, les ailes fermées, et devenir ainsi très difficile à
découvrir. Les Q, comme les d*, sont absolument immaculés en
dessus. En dessous, la Q est quelquefois immaculée, comme le cS;
d'autres fois, elle présente quelques touches rougeâtres aux supé-
rieures et trois ou quatre taches jaunâtres aux inférieures.
Boisduval possédait un seul cf Cœcilia qui paraît bien être
l'exemplaire reproduit dans VI cônes. Lorsqu'il dit (p. 168) que
les Q de l'Auvergne et des Pyrénées sont à peu près semblables
à celles des Alpes, il ne juge certainement pas d'après des échan-
tillons authentiques, car son assertion est absolument erronée.
Je dispose d'un grand nombre d'exemplaires de la Cœcilia pyré-
néenne; mais je ne possède que 6 cT et i g d'Auvergne. Dans ces
conditions, je manque des documents nécessaires pour établir une
comparaison sur des bases sérieuses entre les Cœcilia des deux
contrées. Il serait cependant possible que leur différence fût assez
caractérisée et assez fixe pour mériter qu'un nom distinctif distin-
guât les deux races.
Erebia Ceto, Huebner (578, 579).
UErebia Ceto éclôt dès le mois de juin; elle vole dans les
prairies dont l'herbe est à peine mûre, à une altitude moyenne de
1,600 à 1,700 mètres. Elle manque dans les Pyrénées.
\J Erebia Ceto est répandue dans les Alpes, notamment au-dessus
de Saint-Martin-de-Vésubie (Alpes-Maritimes), à Larche (Basses-
Alpes), en Savoie, à Zermatt et à Fusio, en Suisse.
Elle varie pour le développement et l'accentuation des taches
qui constituent la fascie fauve des ailes en dessus, comme en
dessous. Au même lieu, on trouve des exemplaires dont les macules
fauves sont relativement très grandes et tirant plutôt sur le jaune
et d'autres échantillons avec les macules très réduites et d'un brun
294 LEPIDOPTEROLOGIE COMPARÉE
rougeâtre. Il me semble cependant qu'en Savoie, la forme de Ceto
est plus sombre et que, dans les Alpes-Maritimes, elle a les taches
plus claires et plus grandes.
La Ceto figurée par Huebner, sous les n"' 578 et 57g, représente
assez bien la forme ordinaire de l'espèce.
Je possède une Q du Simplon ayant, en dessus comme en
dessous, toutes les taches des fascies normalement fauves devenues
d'un blanc livide.
Freyer figure sous le n° 2 de la PI. 193 et avec le nom de
Phorcys, une Ceto dont les taches fauves, en dessus, sont d'une
couleur orangé vif, avec les ocelles noirs pupilles de blanc, et dont
les taches, sur le dessous des inférieures, sont d'un blanc jaunâtre.
Je possède un cf pris entre la Madone de Fenestre et Lantosque,
en juin 1904, qui me semble assez conforme à la figure de Phorcys
donnée par Freyer. Le même Freyer figure, sous les n"' i et 2 de
la PI. 37, la forme à fascies bien développées et bien colorées de
VErebia Ceto normale, et sous le n" 3, un albinos ayant le fond
des 4 ailes brun clair. Freyer l'a reçu de MM. Mieg et Meisner,
de Bâle, qui avaient, dit-il, attribué cet albinos à Pyrrha. J'avoue
ne pas être parfaitement fixé sur la détermination spécifique qu'il
convient de donner à cette Aberration; la figure publiée par Freyer
ne me paraît pas suffisamment probante. La forme obscurci, Raetzer,
se trouve en Savoie.
Erebia Œme, Pluebner (530-533).
C'est une Erebia de prairies, ne s'élevant pas à une grande alti-
tude, puisqu'on la rencontre dans les prés autour de Cauterets;
elle éclôt à la fin de juin, est très fragile, facile à détériorer, et
quoiqu'elle soit abondante là où elle habite, il est fort difficile
d'avoir en collection des exemplaires irréprochables. En France,
Œme se trouve dans les Alpes, près d'Aix-les-Bains, à la Grande-
Chartreuse (Isère), et dans les Hautes-Pyrénées, à Cauterets, où
elle est fort commune. La race des Pyrénées paraît beaucoup plus
LEPIDOPTEROLOGIE COMPARÉE 295
largement ocellée que celle de l'Isère. A Cauterets, il y a des
Œïuc Ç) dont les ocelles noirs, dans les fascies fauves, sont vive-
ment et largement pupilles de blanc, au nombre ordinaire de 3 aux
supérieures et 4 ou 5 aux inférieures. Les Œnic figurés par Bois-
duval, sous les n"' 5, 6, 7 et 8 de la PI. 34 de VIcones, n'ont p:is
d'étiquette de localité dans la collection Boisduval ; mais j'ai lieu
de croire qu'ils viennent de la Grartde-Chartreuse. J'ai désigné
YŒnie pyrénéenne sous le nom de pyrenœa.
Erebia Médusa, Fabr.
Espèce répandue dans les plaines de la France nord-orientale,
à Samoussy (Aisne), à Reims et à Epernay (Marne), dans les
Vosges, en Allemagne, en Autriche, en Hongrie, en Suisse, dans
le nord de l'Italie (Monte-Motterone, près Stresa), en Russie, en
Laponie, au Colorado, dans l'Amérique du Nord.
Médusa paraît manquer dans les Pyrénées.
Elle offre de remarquables variétés géographiques et des
Aberrations.
Une g du Valais, dans ma collection, a les ailes supérieures
d'un gris clair avec un léger reflet un peu doré, au milieu duquel
se détachent les cinq ocelles ordinaires noirs pupilles de blanc.
Un cf, de Licgnitz, manque asymétriquement d'une partie des
taches fauves sur le côté droit des ailes, l'n autre cf, d'Allemagne,
a les taches fauves des ailes supérieures et inférieures très faible-
ment ocellées, mais pas comme dans l'Ab. Hippomcdusa.
\^ Erebia Médusa éclôt du 15 mai au 15 juin; elle est abondante
là oii elle habite. Elle s'élève jusqu'à environ 1,400 mètres d'alti-
tude, notamment au Monte-Generoso, où je l'ai observée très nom-
breuse dans les petites prairies en pente, avant d'arriver à l'Hôtel
du Sommet.
L'américaine Epipsodea me paraît être indubitablement une
Médusa, tout comme \Erebia Sofia, du Colorado, semble bien être
une race de Kindcrvianni,
296 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
Erebia Stygne, Ochs., et Var. Gavarnica, Obthr (PI. XXV,
fig. 130, cf; 134. 9)-
Esper a figuré trop grossièrement, sous le nom de Pirene,
YErcbia Stygne cf (PI. CXVI, fig. 3), pour que cette figure puisse
avoir une valeur au point de vue de la connaissance de la race
géographique du papillon représenté. Dans le texte (p. 117, 118),
Esper dit que Pyrene (au lieu de Pirene, dans la figure) se trouve
dans les Alpes tyroliennes et suisses. Huebner, sous les n''' 223 et
224, figure avec le nom Pirene, un cf assez conforme à celui qu'on
trouve dans les Hautes-Pyrénées et dans les Basses-Alpes.
J'ignore de quelle contrée proviennent les Stygne figurées par
Lang, sous les trois n°' i de la PI. LX.
Le Pyrene de Freyer (PL 43, fig. 2) représente un cf pris par
l'auteur, « auf der hœchsten Spitze der Gruentalpe, in Gesellschaft
mit Œme ». Cette Erehia manque de fascie rouge en dessus et
présente simplement 3 ocelles noirs, pupilles de blanc et cerclés de
rouge aux ailes supérieures et autant aux ailes inférieures; de plus,
il y a, aux ailes supérieures, une 4" tache rouge, petite, ovale, non
ocellée.
UErebia Stygne est une espèce fort commune dans les mon-
tagnes françaises; je l'ai prise jadis dans les Vosges avec feu mon
ami l'abbé Fettig; je la possède des montagnes d'Auvergne et des
Cévennes (La Bourboule; Lioran, Florac); des Basses-Alpes; de
l'Isère; des Alpes-Maritimes; de Vaucluse (Mont Ventoux) ; des
Hautes-Pyrénées; des Pyrénées-Orientales; d'Espagne (Zumar-
raga, Alsasua, Puerto-de-Pajares) et de diverses localités de Suisse.
Il me semble que les Stygne françaises, à part la race de Vernet-
les-Bains, diffèrent peu entre elles. Les exemplaires normaux des
Basses-Alpes se distinguent à peine de ceux des Hautes-Pyrénées
ou de la Lozère; mais dans les Pyrénées-Orientales, Stygne a un
faciès spécial, tout à fait analogue à celui de la Stygne dejûrensis,
Chapman.
Les Entomologistes connaissent l'intéressante étude que le
D"" Thomas A. Chapman a publiée, avec de belles Planches, dans
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPAREE 297
les Transactions of the entoinological Society of London, 1905,
sous le titre : On Erebia palarica, n. s p. and Erebia Stygne; chiefly
in regard to its association luith E. Evias, in S pain (p. 9-35;
PI. II, III, IV, V, VI).
Si je compare les Stygne de Vernet-les-Bains aux figures repré-
sentant la Stygne, de Bejar) n^'Mo, 1 1 et 12 de la PI. III). je trouve
en effet que la race de Vernet-les-Bains peut être identifiée à celle
de Bejar et s'appeler comme elle : Bejarensis. La taille de la Stygne
de Vernet-les-Bains est grande; la fascie rouge est très développée
chez le cf, qui a généralement 3 ou 4 ocelles noirs pupilles de blanc
aux ailes supérieures, comme aux inférieures; la Q a souvent
5 ocelles noirs pupilles de blanc sur chacune des 4 ailes; la fascie
fauve est très largement développée et, le plus souvent, elle est
plutôt rougeâtre que jaunâtre.
Quant à la race de Stygne des Hautes-Pyrénées (Cauterets et
Gavarnie), elle est beaucoup plus sombre que la race des Pyrénées-
Orientales, dont elle diffère notablement, et si on ne peut lui
appliquer la désignation : pyrenaica, Ruehl : 7mniis rnfo-signata,
c'est simplement parce que la race des Hautes-Pyrénées n'étant
point différente de celle des Alpes française's et des Cévennes, il
n'y a pas lieu de la distinguer.
Dans le nord de l'Espagne, à Zumarraga et à Alsasua, mon
frère a trouvé, en juin 187g, une race au moins aussi sombre que
celle des Hautes-Pyrénées, mais ne pouvant, me semble-t-il, en être
différenciée.
Je dois à l'obligeance de M. le D"" Chapman 4 exemplaires de
Stygne cT et g de Puerto-Pajares; ils sont bien conformes à ceux
figurés sous les n°^ 5, 6, 7 et 8 de la PI. II, dans les Transactions
précitées, et ils pourraient être considérés comme intermédiaires
entre bejarensis et la normale Stygne.
Cependant mon frère a trouvé à Gavarnie, à l'entrée du Cirque,
les deux sexes d'une variété de Stygne qui est représentée sous
les n"' 130 et 134 de la PI. XXV du présent ouvrage. Cette variété
se distingue par la réduction du nombre des ocelles noirs dans la
fascie rouge et leur rapprochement relatif du bord marginal des
298 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
ailes. Il y a donc dans cette variété que j'ai appelée : Gavarnica,
outre la diminution de la quantité ordinaire des ocelles, ce qui
pourrait être considéré comme un accident ordinaire, un dépla-
cement notable des taches qui subsistent sur les ailes, d'où résulte
une modification plus sérieuse.
Jusqu'à présent la vulgarité de VErebia Siygne a peut-être été
cause que la chasse en a été trop négligée partout. Sollicité par
d'autres espèces qu'il juge plus intéressantes, l'Entomologiste-
chasseur dédaigne facilement de consacrer à la capture de VErebia
Stygne un temps qu'il pense plus utilement employer; d'autant
plus que les Erebia sont des papillons toujours délicats, faciles à
gâter, et qu'il faut des soins attentifs pour les récolter sans leur
causer le moindre dommage.
Je compte cependant, à la prochaine occasion, m'intéresser plus
particulièrement aux Erebia Stygne pyrénéennes, en vue surtout
de réunir des documents plus nombreux et susceptibles de plus
amplement faire connaître gavarnica, dont je possède pourtant
le cf et la Q.
M. Wullschlegel a pris aux environs de Martigny, en Valais,
un superbe cf de Stygne\ il est plus grand que les exemplaires
normaux de l'espèce; surtout il est plus foncé; il paraît avoir les
ailes d'un noir profond avec un beau reflet, comme Lefebvrci; aux
ailes supérieures, en dessus, il y a 5 taches noires ocellées, pupillées
de blanc, et autant aux inférieures. La fascie rouge est réduite à
quelques faibles maculatures du côté interne des ocelles et aux
supérieures seulement. Le dessous est d'un noir profond, mais
mate; la fascie rouge, toujours limitée au côté intérieur des ocelles,
est pourtant plus développée qu'en dessus. Ce beau papillon, par-
faitement frais et intact, a été pris en 1907; c'est sans doute la
var. valesiaca, Elwes.
La Stygne éclôt en juin et vole jusqu'en août; elle se trouve
depuis les basses altitudes jusqu'aux grandes hauteurs, et dans
les Hautes-Pyrénées, au cirque de Gavarnie, il est fréquent de
saisir une Stygne à la place d'une Lefebvret, avec laquelle elle
cohabite dans cette localité élevée.
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE 29g
Erebia Lefebvrei, Dup. Bdv.
J'ai publié dans la X^IIF livraison des Etudes d'Entomologie,
aux pages 19 à 23, une notice sur \ Erebia Lefebz'rci et ses diverses
races pyrénéennes. Mon opinion ne s'est" pas modifiée depuis 1883
et je ne puis qu'inviter le lecteur à se reporter à l'ouvrage en ques-
tion. Il me semble que ce que j'ai écrit à cette époque est encore
exact aujourd'hui.
Je pense que la Lefebvrei, typique, des Hautes-Pyrénées, peut
être rattachée, comme forme géographique, à Mêlas, de Grèce et
de Hongrie, ainsi que pyrenœa, des Pyrénées-Orientales; inter-
jiiedia, des montagnes du Cambrés d'Ase, et astnr, des Picos-de-
Europa.
Ce sont actuellement les 4 formes pyrénéennes connues d'une
Erebia que l'on peut considérer, me semble-t-il, comme faisant
partie des races de Mêlas, à moins qu'on ne les érige en espèces
séparées, suivant l'importance qu'on juge à propos d'attribuer aux
caractères distinctifs de chacune d'elles.
Astnr vole sur des pentes gazonnées et les éboulis de rochers,
depuis 1,900 mètres jusqu'aux derniers sommets des Picos. Pyre-
nœa se trouve sur la mer de pierres qui couvre le flanc occidental
du Canigou et sur les pentes les plus élevées de Pla-Guilhem, dans
les Pyrénées-Orientales. Interniedia a été trouvée sur les crêtes
rocheuses et les pentes- du Cambrés d'Ase, en face de Mont-Louis,
ainsi que dans les petits cirques qu'on rencontre dans ce massif
montagneux et qui forment comme un fond d'entonnoir, généra-
lement couverts de gazon ras, avec quelques flaques d'eau. Quant
à Lefebvrei, je l'ai observée en montant à l'observatoire du Pic du
Midi; à Gavarnie, dans le cirque et sur les pentes pierreuses ou
gazonnées qui l'approchent, et en allant aux Oulettes du Vigne-
male. Mon frère l'a prise au Mont Monné.
Nul ne connaît les Erebia Lefebvrei qui doivent habiter les
hauts sommets restés jusqu'ici inexplorés par les Entomologistes,
dans l'Andorre, dans l'Ariège, dans la El aute- Garonne et dans
presque toutes les Pyrénées espagnoles.
300 LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE
Il n'est pas téméraire de penser qu'il existe sans doute, çà et là,
des formes encore insoupçonnées de VErcbia Lcfebi<reï, depuis le
Canigou, sur le versant méditerranéen, jusqu'au cap Finistère, vers
l'Atlantique. Malheureusement, nous ne pouvons pas prétendre à
une connaissance approfondie de la faune entomologique pyré-
néenne, et à part quelques vallées fréquentées par les touristes et
dont les productions naturelles ont été assez superficiellement
étudiées, la plus grande partie de la chaîne reste complètement
ignorée.
Il est vrai que la chasse aux papillons n'est pas très aisée dans
les grandes hauteurs. Généralement, en été, le temps est inconstant
dans les régions élevées des Pyrénées et les orages y sont fréquents.
Combien de fois me suis-je mis en route avec un ciel pur, aux
premières lueurs du matin, et ai-je vu les nuages s'amonceler sur
les sommets, avant même d'avoir pu parvenir aux altitudes que
j'ambitionnais d'atteindre ! D'autre part, la capture de VErcbia
Lefebvrci est souvent difficile, à cause des lieux qu'elle habite, et
la poursuite en est dangereuse au milieu des éboulis de pierre^s
tranchantes et de roches chancelantes sur lesquelles il faudrait
pouvoir courir.
Dans ces conditions, il n'est pas étonnant que bien des obscurités
subsistent relativement à l'histoire d'une espèce semblant poly-
morphe, à moins peut-être que nous ne nous trouvions en présence
d'une série d'espèces distinctes, cantonnées, chacune, dans un massif
montagneux spécial, ce qui pourrait bien être définitivement la
vérité.
En réalité, VErebia Lefebi'rei est encore relativement fort peu
connue. Le nombre des exemplaires renfermés dans les collections
ne doit pas être très considérable, car, en ce qui me concerne, ayant
depuis 47 ans maintes fois chassé Lefebvrei dans les Pyrénées,
m'étant trouvé favorisé de dons très généreux de mon ami Rondou,
faisant entrer en ligne de compte les séries d'exemplaires que
contenaient les collections françaises Boisduval, Guenée, de Graslin
et Bellier, je n'ai pu réunir jusqu'à présent plus de 175 individus
provenant des diverses localités pyrénéennes.
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE 30I
C'est que Lefebvrei, qui est une Erebïa noble et distinguée entre
toutes les autres, affectionne les hautes altitudes et ne descend
jamais des sites élevés qui lui sont chers. On ne la rencontre guère
avant d'avoir atteint 1,700 mètres; mais il faut arriver à des hau-
teurs plus grandes pour se trouver dans la véritable zone de cette
remarquable espèce.
Elle vole assez près du sol, mais rapidement et en ligne droite,
au milieu des raillères qui s'étendent, la plupart du temps, en pente
très raide, sur le flanc des montagnes. Il y a des localités où la
chasse est moins difficile, par exemple en montant à l'observatoire
du Pic du Mi)di; mais au-dessus du lac de Gaube, où cependant
VErebia Lefebvrei m'a paru superbe, la capture n'en est pas aisée.
Lorsqu'on a traversé le lac et qu'on approche de la cascade
d'Espumouze, en montant vers le Vignemale dont la masse impo-
sante barre et termine la haute vallée, étant sur le sentier que suivent
les chevaux et les mulets et ayant à droite le torrent dont les eaux
tumultueuses roulent au fond du ravin, on aperçoit à gauche,
beaucoup plus haut, là où finit la pente gazonnée parsemée de
rochers et de touffes de rhododendrons, chère à la Zygœna
Anthyllïdïs, de vastes éboulis ,de pierres qui semblent avoir été
détachés des sommets et avoir roulé depuis la crête, formant ainsi
sur le flanc des pics qui, du côté de l'Orient, limitent la vallée,
une traîne de roches et de débris pierreux.
C'est en de tels lieux que se plaît VErebia Lefebvrei, et lorsque
le soleil brille, elle y est pleine d'activité. Tantôt elle remonte et
tantôt elle descend les pentes pierreuses, dans un vol raide et
soutenu. Il m'est arrivé de m'établir dans un poste d'observation,
posant les pieds sur quelque roche où je pouvais me maintenir en
équilibre. De là je suivais des yeux les noires Lefebvrei voltigeant
au-dessus de la mer de pierres; mais trop rarement à mon gré, je
me trouvais dans une circonstance favorable à leur capture.
De plus, il est indispensable que le temps soit calme et que le
soleil brille au firmament pour que Lefebvrei voltige. Si un nuage
vient, pour un moment, à voiler les rayons solaires, VErebia dis-
paraît immédiatement, semblant avoir été l'objet d'une suppression
302 LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE
brusque. L'arrêt est subit et il faut que le soleil éclaire de nouveau
la montagne pour que Ltfebvrei sorte du chaos rocheux où elle
s'est si rapidement cachée et comme enfouie.
Aussi, comparativement à la quantité des Erebïa qu'on voit
voler, ne réussit-on guère, même avec un temps favorable, à saisir
une bonne quantité d'exemplaires. Mais quel charme, lorsqu'on a
été assez heureux pour capturer un échantillon bien frais et bien
pur et qu'on le voit encore paré du magnifique reflet vert d'or qui
se joue sur le noir profond des ailes !
Malheureusement ce reflet mordoré est bien peu durable et il
s'affaiblit aussitôt après la mort du papillon. J'aime à évoquer ce
souvenir qui s'est fidèlement fixé dans mes yeux.
Sur la mer de pierres qui s'étend au-dessous de la cheminée du
Canigou, j'ai quelquefois fait rouler des roches qui dérangeaient
les Erebia pyrenœa dans leur repos. Elles montaient alors le plus
souvent droit, le long du flanc de la montagne, et c'était quelquefois
une occasion de les saisir, si elles passaient à portée du filet.
Pour les amateurs de sport, feu Leech recommandait la chasse
au Parnassius Charltonius dans le nord-ouest Himalaya; sans
proposer un si lointain voyage, je signale la chasse à VErebia
Lefebvrei dans les Pyrénées.
Erebia glacialis, Esper.
La figure publiée par Esper est très grossière; on peut cependant
reconnaître sous le n° 2 de la PI. CXVI VErebia glacialis cf avec
les f ascies rouges sur le dessus des ailes. Esper dit (p. 1 1 7) que
M. Wallner trouva, il y a quatre ans (c'est-à-dire probablement
vers 1795), cet unique papillon sur le sommet méridional d'un
glacier à Chamounix, à quelques heures de Genève. Il y a assu-
rément tout autour de Chamounix bien des montagnes où VErebia
glacialis trouve les conditions nécessaires à son existence. Je n'ai
cependant jamais observé glacialis à Chamouny; mais j'ai pris
plusieurs fois la forme à fascies rouges au Gornergrat, au-dessus
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE 303
de Zermatt, par 3,000 mètres d'altitude environ, et je me souviens
qu'un jour, ayant capturé un exemplaire qui voltigeait près d'un
mur de neige, j'enlevai avec le fer de mon filet une tranche de
cette neige sous laquelle le papillon se trouva comme enseveli. Au
Gornergrat, à ma connaissance, on ne rencontre que glacialis à
fascies rouges, mais pas la forme entièrement noire.
UErebia glacialis fréquente exclusivement les hautes altitudes
alpestres et c'est dans les rochers et les pierres, à côté des neiges
éternelles, vers 2,800 à 3,000 mètres d'altitude, qu'on a chance de
la rencontrer, du commencement de juillet aux premiers jours
d'août.
La forme que presque tous les auteurs ont figurée est celle dont
le cf est entièrement noir en dessus, sans trace de fascie rouge, ni
de points ocellés. En dessous, les ailes supérieures du cf sont
souvent entièrement noires, mais avec une éclaircie aux supérieures,
le long du bord marginal. Quelquefois on voit une trace de fascie
rougeâtre dans cette éclaircie submarginale. La Q est également
noire en dessus, également sans ocelles, avec ou sans traces rouges;
mais le dessous des ailes supérieures est largement lavé de
rougeâtre.
C'est cette forme cf entièrement noire en dessus, avec quelques
traces rougeâtres sur les supérieures en dessous, que Huebner a
figurée sous les n°' 528 et 529, avec le nom à'Alecto. Boisduval,
dans l'Icones, a figuré, d'après des exemplaires qu'il avait pris en
1825, au sommet du Galibier, également avec le nom d'Alec^o,
sous les n°' 4 et 5 de la PI. 32, un cf tout noir en dessus comme
en dessous, et sous les n°' 6 et 7, une Q ayant en dessus des traces
de rouge et le dessous des ailes supérieures entièrement lavé de
rouge.
Lang figure sur la PI. LXI, avec le nom de glacialis, sous les
n"' 2, 2, le dessus et le dessous de la forme dont les ailes supé-
rieures du d* présentent une fascie rouge, et sous les n"" 3, 3, le
dessus et le dessous de la forme cf entièrement noirs. Lang ne
figure pas la Q.
3Û4 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
Herrich-Schaeffer figure sous les n°' 173 et 174 la Q Alecto
ayant du rouge sur le dessus des ailes. Telle est, en effet, la Q
normale dans les Alpes de Suisse; mais il y a dans les Alpes
françaises une petite forme dont la Q a le dessous des ailes infé-
rieures comme doré ou argenté, surtout dans l'espace qui longe le
bord marginal, c'est la race que j'ai appelée Ditponcheli {Bulletin
Soc. eut. France, 1897, p. 290-292). Le cf Diiponcheli est plus petit
que le cf de glacialis Alecto, de Suisse. La Q est bien figurée par
Duponchel, sous les n°' 3 et 4 de la PI. XXXVIII. Cette race
géographique très spéciale se trouve dans les Basses-Alpes, au Col
de Lure, au mont Pelât, à Enchastrayes, au Cheval-Blanc et aussi
dans les Alpes-Maritimes. Je prie le lecteur de se reporter à la
notice que j'ai écrite au sujet de VErebia Duponcheli. Je ne pourrais
que répéter ici ce que j'ai déjà publié à cet égard. UErebia Dupon-
cheli n'est pas rare dans les localités qu'elle habite; mais comme
ces montagnes sont peu visitées et qu'il faut, pour parvenir aux
sommets, s'exposer à une assez grande fatigue, la Duponcheli est,
en définitive, très peu fréquemment récoltée. Ma collection en con-
tient cependant une série de plus de 250 exemplaires d'une remar-
quable conservation. Le dessous de la Q est absolument carac-
téristique.
Toutes les glacialis de Suisse, de Savoie, des Basses-Alpes que
je viens d'énumérer sont dépourvues de taches ocellées. Huebner
figure avec le nom d' Alecto, sous les n°^ 515 à 516, une g très
ocellée qui peut, paraît-il, se rapporter à VErebia de Campiglio
décrite par moi sous le nom de Nicholli.
M. Calberla a consacré une étude assez longue à VErebia
Nicholli dans Vins, n° IX, de 1896, sous le titre : Ueber Erebia
glacialis, Esper, insbesondere var. Alecto Hb. und Mêlas Hbst.
Je crois que Nicholli est une espèce spéciale et c'est ainsi que je
la considère aujourd'hui. M. Calberla attache aux genitalia une
importance que je ne conteste pas; mais je prétends que ce caractère
n'est pas absolument invariable dans la même espèce, et il faut
bien reconnaître que l'observation en est délicate et peut donner
lieu à des erreurs. D'autre part, des espèces très différentes par des
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE 305
caractères autres, peuvent présenter des genitalia très analogues et
il n'y a pas lieu de les réunir en une seule espèce pour cela. Il me
semble que Nicholli ne peut être spécifiquement identifiée à gla-
cialis. Son aspect extérieur la rapproche davantage de Mclas, dont
il paraît que ses genitalia la séparent. Dès lors Nicholli ne peut
être, suivant mon opinion, qu'une unité spécifique distincte.
Il y a lieu de se rendre compte que les genitalia sont un des
caractères distinctifs pour l'Espèce, mais non pas un caractère
tellement absolu qu'il dispense de considérer les autres caractères.
Ceux-ci conservent toute leur valeur. D'ailleurs, des espèces très
différentes entre elles peuvent, comme je l'énonçais plus haut, avoir
des genitalia analogues ou supposés tels. Faudrait-il donc réunir
sous un même vocable toutes les espèces dont les genitalia se res-
semblent? Ce serait aboutir à l'absurde.
Glacialis ne se trouve point dans les Pyrénées. M. de Caradja,
qui l'indique dans le Beitrag zur Kenntniss der Grossschmetterlinge
des Département de la Haute-Garonne {Iris, VI, p. 160-240), n'a
jamais vu glacialis vivant sur les montagnes pyrénéennes.
Son texte indique d'ailleurs une supposition, non une affirmation.
Je le copie textuellement (p. 183) -. a Er. ab. Alecto, Hb. Ende
Juli. Soll auf den Bergen bei Luchon P. d'Autecade etc. vorkom-
men. Zone III ». Il convient tout d'abord de remarquer qu'il s'agit
non pas d' Alecto tout simplement, mais d'une aberration d'Alecto,
Huebner. Quelle est cette aberration ? Serait-ce celle avec des points
ocellés figurée par Huebner sous les n°' 515 et 516? L'affaire eilt
valu la peine d'être expliquée; mais ce qui est plus grave, l'auteur
ne dit pas : fai trouvé, ce qui serait décisif; il dit : doit se trouver
sur les montagnes près Luchon, etc. Il n'y a donc aucune certitude
et seulement une présomption. Je suis convaincu que VErebia Alecto
ne se rencontre pas plus dans la Haute-Garonne que la Colias
Palœno. M. de Caradja a écrit son ouvrage en s'aidant partiel-
lement des documents que contenait la collection :d'Aubuisson. Or,
cette collection n'était point conçue d'après les exigences scienti-
fiques actuelles et les papillons n'avaient généralement point d'éti-
quette de localité. Lorsque M. d'Aubuisson fut décédé, un natu-
20
3o6 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
raliste de Toulouse, chargé de vendre sa collection, m'en fit l'offre.
Je demandai si les papillons de la collection d'Aubuisson étaient,
ou non, pourvus d'étiquettes sur lesquelles se trouvaient inscrites
les indications de lieu et de date de capture. La réponse fut néga-
tive. Dès lors la collection d'Aubuisson était à mes yeux dépourvue
de tout intérêt et je n'en devins point l'acquéreur. Tout porte à
croire que M. de Caradja aura inscrit Alecto dans son Catalogue,
comme il a inscrit Palœno, d'après une affirmation de M. d'Au-
buisson qui aura fait une confusion et donné un renseignement
faux.
Mon frère, qui prend un vif intérêt à la connaissance de la
faune lépidoptérologique des Pyrénées, a voulu savoir à quoi s'en
tenir sur la présence réelle de Palœno dans les Pyrénées et il a
posé la question à M. de Caradja. Celui-ci, avec une bonne grâce
et une courtoisie parfaites, a bien voulu répondre, à la date du
2 février 1909, que lui-même n'a jamais pu chasser dans les Pyré-
nées à l'époque où M. d'Aubuisson disait avoir rencontré Palœno;
que, cependant, il possède une Palœno Enropomene provenant des
environs de Luchon d'où M. d'Aubuisson l'a apportée non préparée
à Toulouse, à l'époque où M. de Caradja y poursuivait ses études
de droit.
C'est donc le seul témoignage de M. d'Aubuisson qui subsiste
définitivement. Je ne songe nullement à contester la valeur du
témoignage de M. d'Aubuisson. M. de Caradja rend d'ailleurs
hommage à sa scrupuleuse probité; mais on m'excusera de dire
encore une fois combien l'expérience m'a appris à me défier des
catalogues locaux et des renseignements non contrôlés. Souvent,
en effet, pour allonger la liste, on y fait figurer des noms d'espèces
qui n'ont pas été authentiquement récoltées dans le pays; ou bien,
avec la meilleure foi du monde, on commet des erreurs considé-
rables de détermination.
Si M. de Caradja disait : J'ai pris moi-même Palœno et Alecto
dans les montagnes de la Haute-Garonne, je m'inclinerais devant
son affirmation; mais il n'a ni pris ni vu ces espèces vivantes. Dès
lors, je crois devoir attendre une confirmation pour admettre que
LEPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE 3©;
ces deux Rliopalocères soient comptés parmi ceux qui habitent les
Pyrénées; provisoirement donc, je les considère comme n'y existant
point.
Surtout, en ce qui concerne l'existence d'Alcc/o dans les Pyrénées,
je demeure tout à fait incrédule.
Erebia Evias, Godart.
A été bien figurée par Boisduval dans VI cônes (PL 31;
Cf, fig. 4, 5; Q, fig. 3) et par Duponchel (Suppl., PI. XXXVII;
fig. I, 2). Huebner l'a également figurée avec le nom de Bonellii,
sous les n°' 892, 893, 894 et 895. UErebia Evias habite les Alpes
du Valais, de France et du Piémont; les Pyrénées; le nord et le
centre de l'Espagne; elle varie beaucoup de taille et d'aspect;
mais le dessous de ses ailes inférieures, quoique variant considé-
rablement lui-même, caractérise l'espèce d'une façon bien certaine.
Evias éclôt de très bonne heure; ma collection contient plusieurs
centaines d'exemplaires pris aux environs de Digne en juin et
même en mai. Dans les Pyrénées, les Evias qu'on voit voler en
juillet sont le plus souvent absolument déflorés. Cependant j'ai
pris un cf encore frais à Gavarnie le 27 juin 1893, et j'ai capturé
4 exemplaires fraîchement éclos, au commencement de juillet 1908,
à plus de 1,800 mètres d'altitude, au delà du lac de G aube; mais,
ensuite, je n'ai plus observé un seul échantillon d'Evias. L'espèce
était définitivement passée.
Staudinger énumère, dans le Catalog 1901, 2 variétés : 1° pyre-
naica : minor, ocellis fasciaqtie fnlva minoribus, alis fosticis subt.
in cf magis variegatis; Pyr. c (Sum. Pyr.).
2" hispanica, Zapater : tninor, alis aniicis fascia fulvo-ochracea,
supra dilatata, ocellis minoribus, alis posticis subtus magis unico-
loribus; Aragon.
De son côté, le D"" Chapman figure dans les Transactions of the
entomologie. Soc. of London, 1905, Evias hispanica, sous les n°' 9
et 10 de la PI. II et sous les n°^ 5 et 6 de la PI. III.
3o8 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
Il y a dans les Pyrénées-Orientales et dans les Hautes-Pyrénées
des échantillons d'Evias tout à fait semblables aux figures d'Evias
hispanica publiées par le D'' Chapman; je possède 2 cf pris par
mon frère, en juin 1879, entre Alsasua et Zumarraga; ils ne dif-
fèrent pas de certains exemplaires des Hautes-Pyrénées et corres-
pondent bien aux figures d'Evias hispanica. A mon sens, pyrenaica
et hispanica s'entremêlent et se confondent de façon que la dis-
tinction est bien difficile à établir, non seulement comme race
géographique entre elles, mais même à titre individuel. J'ai sous
les yeux 75 Evias provenant des Pyrénées françaises et espagnoles;
si je les compare à une boîte contenant exactement 1 16 Evias de
Digne, il est évident que les Evias provenant des Pyrénées diffèrent
dans leur ensemble de ceux des Basses-Alpes; mais si j'examine
individuellement les Envias des Pyrénées et si je compare les échan-
tillons entre eux, je constate non seulement de très petits exem-
plaires et de très grands, mais encore une variabilité notable dans
le nombre et la dimension des ocelles noirs pupilles de blanc, dans
l'étendue et dans la coloration de la fascie fauve, comme dans la
teinte plus ou moins obscure du fond des ailes inférieures, en
dessous.
La seule race géographique qui me paraît spéciale est celle de
la Granja, si toutefois je puis la juger d'après seulement 5 cf et
2 Q pris par mon frère du 15 au 19 juin 1880; j'ajoute à ces
7 exemplaires un cT bien conforme de la coll. de Graslin, étiqueté :
« de Madrid; Graells ». Ces Evias sont grandes; la fascie rou-
geâtre est large et comme échancrée intérieurement, immédiatement
au-dessous du 3'' ocelle noir; le dessous des ailes inférieures dans
les deux sexes est extrêmement sombre. Cette forme de la Granja
ne me paraît pas référable à Penalarœ Poult. dont je crois que le
D'' Chapman publie la photographie sous le n° 5 de la PI. IV des
Transact. of London, 1905. Je pense donc pouvoir sans témérité
créer pour cette race le nom local : Granjana.
Je possède du Valais, oij la forme d' Evias est fort belle, grande,
vivement colorée en dessus, très foncée en dessous, une Aberration
cœca, remarquable par l'absolue disparition de toute tache ocellée
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE 309
dans la fascie rouge des ailes supérieures, tant en dessus qu'en
dessous.
Duponchel dit {Siippl, p. 236, 237) que VErcbia Ei'ias se trouve
aussi dans les Vosges. Je crois que cette assertion est erronée. C'est
Stygnc qu'on rencontre dans les Vosges; mais je n'ai jamais
entendu dire qu'on y ait rencontré Evias.
Erebia palarica, Chapman.
La plus grande Erebia de l'Europe occidentale; découverte en
1902, par Mrs Nicholl, aux Picos de Europa, et retrouvée par
M. Chapman à Puerto de Pajares, en 1904. Je dois à la gracieuse
obligeance de M. Chapman 5 cf et 2 Q de cette magnifique Erebia
palarica, et j'invite le lecteur à se reporter à l'étude publiée au
sujet de cette espèce, de Stygne et ^ Evias, par le D'' Chapman.
dans les Transactions of the ent. Soc. of. London, 1905. UErebia
palarica est parfaitement reproduite d'après les procédés de chro-
mophototypographie, sous les n°^ i, 2, 3 et 4 de la PI. II des
Transactions, 1905.
Erebia Epistygne, Iluebner.
Eclôt dès la fin de mars et le commencement d'avril, aux envi-
rons d'Aix-en-Provence et de Digne; existe aussi à Albarracin,
d'où me l'a envoyée feu M. Zapater. UErebia Epistygne n'a pas
deux apparitions dans l'année, mais une seule, au commencement
du printemps. Comme le dit Donzel, « pour se procurer Epistygne
en bon état, il faut se hâter. Au mois d'avril, Digne est encore
entouré de neige; tous les sommets un peu élevés en sont couverts;
l'air du matin est très mordant, ce qui n'empêche pas à la végétation
et aux éclosions de marcher dans le fond des vallées. »
Epistygne, aux environs de Digne, volait, au temps de Donzel,
dans une localité appelée : la Colette, « vallon rapide et accidenté,
sorte de demi-entonnoir, recevant les rayons du sud-est. »
3IO LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
UErebia Epistygne a été bien figurée par liuebner, sous les
n"' 855, 856, 857 et 858; par Boisduval, dans VIcones, sous les
n"' I et 2 de la PI. 31, et par Duponchel {Siifp., PI. 37; fig. 3, 4,
5, 6). C'est une espèce très reconnaissable et impossible à confondre
avec aucune autre. Elle paraît très peu variable. Cependant les
taches ocellées noires, pupillées de blanc, des ailes supérieures, sont
tantôt au nombre de 5 et tantôt au nombre de 6; l'éclaircie dans
la cellule discoïdale des ailes supérieures est plus ou moins accen-
tuée et la fascie généralement très claire des ailes supérieures, en
dessus, peut devenir quelquefois d'un fauve rougeâtre un peu doré.
Erebia Scipio, Bdv.
Découverte par Donzel, dans les Basses-Alpes. Duponchel
figure, sous les n°' 5 et 6 de la PL XXXVIII du Supplément,
seulement la Q qui est fort remarquable par le dessous argenté
de ses ailes inférieures. Boisduval, créateur de l'espèce, représente
les deux sexes, sous les n°^ i à 6 de la PL 30, qui est consacrée
en entier à la figuration de VErebia Scipio.
Dans la Notice entoniologique sur les eiwirons de Digne,
publiée par Hugues Donzel, de Lyon, en 1851, et à laquelle nous
avons déjà emprunté quelques extraits, l'auteur expose qu'il pense
bien que le dernier mot a été dit, quant à la découverte des espèces
de Rhopalocères, dans les Basses-Alpes, lorsqu'en 1831, il y
découvrit VErebia Scipio.
Au temps de Donzel, il était possible de prendre Scipio sur la
route d'Allos. On ne lira peut-être pas sans intérêt la partie relative
à VErebia Scipio dans l'article que Donzel consacre au village
d'Allos, qui figure comme le &, parmi les localités des Basses-Alpes
les plus utiles à explorer pour un Entomologiste. Les autres loca-
lités recommandées sont : 1° Digne et ses environs; 2° la montagne
de Lure; 3° les Mées; 4° les Dourbes; 5° Faillefeu, et 7" Larche.
Je laisse donc la parole à Donzel, qui fut un des plus actifs,
zélés et intrépides chasseurs français.
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE
« Allos est un chef-lieu de canton, situé à 12 ou 14 heures de
marche au nord-est de Digne. En voyant sur la carte la position
de ces deux points, on ne se douterait pas qu'ils soient si éloignés
l'un de l'autre; c'est que, dans ces énormes montagnes, les distances
ne se mesurent pas comme dans les plaines, comme dans les pays
légèrement accidentés.
» Si on ne veut y faire qu'une exploration superficielle, c'est-
à-dire de 1 5 à 20 jours, il convient de partir de Digne ,du 1 5 au
20 juillet, selon que l'année est plus ou moins hâtive. Le voyage
ne pouvant se faire qu'à dos de mulet, il est indispensable d'en
avoir un pour soi et un pour le matériel. Il faut emporter tout ce
dont on peut avoir besoin. Le lieu offre peu de ressources de tous
les genres. Si on espère être bien logé, bien nourri, si on tient au
confortable, il vaut mieux rester chez soi. Dans ce pays, les gens,
en moyenne, vivent forcément à raison de 25 à 30 centimes; on
peut ainsi juger de la vie qu'ils mènent; la sobriété est leur vertu
la plus essentielle. Leur nourriture la plus habituelle se compose
de pain cuit souvent depuis six mois (*) et, par conséquent, dur
comme du bois; de quelque laitage et de quelques légumes dans
la saison. Le blé qu'ils sèment en août n'est quelquefois pas récolté
en octobre de l'année suivante. L'habit qu'ils portent en janvier,
ils le portent en juillet, et, pour se défendre des rigueurs d'un hiver
qui dure au moins huit mois, ils le passent tout entier renfermés
dans les écuries avec les bestiaux de toute espèce. C'est le seul
moyen de se procurer un peu de chaleur, une température suppor-
table. Le bois y est si rare qu'on n'en brûle que pour apprêter les
aliments.
» Voilà ce qu'est ce pays si fort comblé des faveurs de la nature
sous le rapport de la Botanique et de l'Entomologie, mais si mal
traité sous tous les autres.
» La route passe par Marcoux, Draix, le col du Tour, les
sources de l'Asse, le col de la Sine, Château-Garnier, Thorame,
Beauvesert (sic) et Col mars.
(*) Il en est encore ainsi aujourd'hui à la Grave, dans les Hautes-Alpes.
312 LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE
» Il convient de partir de grand matin parce que, chemin fai-
sant, on trouvera de la besogne. On ira déjeuner à huit heures
environ à une lieue plus loin que Draix, au bas de la Dent; c'est
là que le Scipio se montre à cette époque en grand nombre, et, ce
qui n'est pas ordinaire, il peut y être chassé sans danger et sans
fatigues excessives.
» En 1837, le 22 juillet, avec le secours d'un aide, j'en piquai
au moins soixante en deux heures; en chassant toute la journée,
nous eussions triplé ce nombre. La g n'est pas commune et il n'est
pas aisé de la prendre en état irréprochable.
» Ensuite on traverse le bois de Draix, riche localité où volent
beaucoup d'espèces alpines. Au haut se trouve un beau gîte de
lavandes en parfaite condition pour chasser la nuit.
» Au col du Tour, à 1,700 mètres, VEros commence à se montrer.
Plus loin on côtoie, on contourne l'affreuse montagne du Cheval-
Blanc; puis on passe tout à fait aux sources de l'Asse où se ren-
contre le Scipio, mais seulement au commencement d'août, à cause
de l'élévation; localité très scabreuse qu'il ne faut aborder qu'avec
la plus grande réserve.
» On trouve encore le Scipio au ravin qui descend sur Château-
Garnier; on peut l'y chasser sans danger... »
En 1897, j'organisai avec le concours des chasseurs entomolo-
gistes de Digne, les Coulet et les Cotte, une exploration lépidop-
térologique des Basses-Alpes. Les chasses furent entreprises au
premier printemps et durèrent jusqu'en novembre. Ces guides-
naturalistes capturèrent un très grand nombre de Scipio. J'en pos-
sède encore plusieurs centaines d'exemplaires et je constate que
l'espèce ne présente pour ainsi dire aucune variation. Les taches
ocellées pupillées de blanc sont généralement au nombre de 2 chez
les cf et de 4 chez les Q ; mais j'ai des cf à 3 et 4 ocelles et des Q
à 3 et à 2. La fascie rougeâtre est plus ou moins claire ou foncée
chez les Q et plus ou moins développée chez les cf- En dehors de
ces différences, je ne vois rien à signaler.
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE 313
Erebia Gorgone, Bdv.
Les figures publiées par Boisduval sous les n"' 5, 6, 7 et 8 de la
PI. 29 de VI cônes sont assez bonnes. J'ai les types sous les yeux;
mais le d' représenté sous les n°^ 5 et 6 est une variété chez laquelle
la fascie rouge est moins développée que dans les exemplaires
normaux, et il ne faut pas considérer le papillon représenté sous
les ïf^ 5 et 6 comme appartenant à la forme ordinaire de l'espèce.
Herrich-Schaeffer figure Gorgone cf, sous les n°' 75 et jÇ), et
Gorgone g, sous les n°^ 469 et 470; mais lui non plus ne figure
pas le dessus d'un o* normal de Gorgone. Cette Erebia Gorgone
paraît spéciale aux Hautes-Pyrénées; je l'ai prise abondamment du
27 juillet au 15 août 1890, sur les pelouses herbues qui s'étendent
entre le col de Riou et le petit Viscos.
'L'Erebia Gorgone vole dans ces herbes dures et assez hautes et
elle s'y enfonce lorsqu'elle se sent menacée. On la fait lever en
marchant; elle fait alors une envolée rapide et souvent assez longue
et la poursuite en est difficile parce que la pente est quelquefois
raide et que l'herbe est glissante. Je l'ai prise aussi dans la vallée
qui conduit du lac de Gaube au pied du Vignemale et dans les
environs du cirque de Gavarnie, mais beaucoup moins nombreuse
qu'aux environs du col de Riou.
Mon ami Rondou a eu la gracieuseté de m'offrir une Gorgone
hermaphrodite, côté gauche cf, côté droit partie Q ; l'aile supé-
rieure droite est presqu'entièrement Q en dessus comme en dessous;
l'aile inférieure droite est Q depuis la base jusqu'au bord marginal,
mais cf le long du bord costal et aussi un peu vers le milieu de
l'aile.
L'abdomen de ce curieux papillon est d'un cf. M. de Guernisac,
de Morlaix, avait capturé un bon nombre de Gorgone au col du
Lizey, entre Cauterets et Saint-Sauveur. Je ne suis pas bien sûr
que Gorgone éclose tous les ans. Je suis porté à croire que Gorgone,
comme Cœcilin, éclôt certaines années et pas d'autres, à l'instar
de la Psyché LeschenaiiUi. C'est une observation qui, pour produire
un renseignement certain, devrait être faite plusieurs années de
314 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
suite, à la même époque et aux mêmes lieux. Lang ne figure pas
Gorgone et la considère à tort comme une variété de Gorge.
Gorgone est une espèce à part et tout à fait distincte de Gorge.
Les cf ont généralement aux ailes supérieures 3 petits ocelles noirs
pupilles de blanc; rarement ils en ont 4; la fascie rouge ressort
peu sur le fond des ailes, mais elle est cependant très visible et
ordinairement non interrompue; les Q sont assez variables de
forme et de taille; leur fascie est d'un rouge plus ou moins vif,
quelquefois même un peu jaunâtre; elles ont, comme les d, 3 ocelles
aux supérieures et plus rarement 4. Aux ailes inférieures, les ocelles
sont ordinairement au nombre de 3; mais les cf, comme les Q,
peuvent en être dépourvus. En dessous, les Q ont les nervures
saillantes en blanc sur les ailes inférieures. Il ne me semble pas
que Duponchel ait connu VErebia Gorgone. Je ne crois pas que le
papillon figuré par Herrich-Schaeffer, comme Gorgone Q, sous les
n"^ 283 et 284, soit réellement Gorgone; je pense que Herrich-
Schaeffer a figuré Gorge, et non Goante, comme il est indiqué, à
tort, selon moi, dans le Catalog Stgr et Rebel 1901.
Feu Pierret, dans les Annales de la Société enioni. de France
(1848, p. 403), dit que dans les premiers jours d'août, VErebia
Gorgone volait en très grande quantité au-dessus des sapins de
l'Astazou.
Je ne saurais assez recommander la lecture si intéressante des
Observations faites pendant les mois de juillet et août 1S4.S sur
les Lépidoptères qui se trouvent aux environs de Gavarnie. par
M. Pierret. Il semble impossible , d'obtenir dans les Hautes-
Pyrénées un résultat supérieur à celui dont Pierret fait état, et tout
ce qu'il rapporte m'a toujours paru de la plus scrupuleuse exac-
titude. Pierret était un Entomologiste dont le zèle scientifique n'a
jamais été surpassé. Jeune encore, il devait mourir le 26 mai 1850.
Il a laissé à tous ceux qui l'ont connu le plus sympathique souvenir.
Combien de fois ai-je entendu ceux qui étaient mes amis et mes
maîtres, au temps de ma jeunesse, faire l'éloge de Pierret. Guenée
et Fallou surtout m'ont maintes fois entretenu de la superbe col-
lection qu'avait formée Pierret, et du soin qu'il apportait au choix
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE 315
et à la conservation des échantillons qui la composaient. Sur sa
tombe, Amyot prononça les paroles suivantes :
« La Science, comme l'Amitié, fait en Pierret une perte
également douloureuse; cette Science à laquelle nous vouons un
culte qui a été celui de toute sa vie. Il est né dims son sein, pour
ainsi dire; il a été élevé, il a vécu, il est mort avec elle; elle a fait
le charme de son existence et elle a produit pour fruit, dans ses
mains, cette magnifique collection de Lépidoptères d'Europe qui
fait l'admiration de tous ceux qui l'ont connue, la plus belle qui
existe dans le Monde. Espérons qu'en le perdant lui-même, nous
ne la perdrons pas avec lui; espérons que la France n'aura pas le
chagrin de la voir passer sur une terre étrangère et que, conservée
dans l'établissement scientifique qui présente le plus de garantie
pour les soins précieux qu'elle mérite, elle servira parmi nous à
l'instruction et aux délices des amis de la Science, en passant jus-
qu'aux générations les plus éloignées comme un monument digne
de conserver la mémoire de l'ami que nous pleurons »
Nobles et éloquentes paroles ! Mais, ici-bas, nous bâtissons sur
le sable, et rien de ce que nous édifions avec tant de peine ne
semble destiné à conserver après nous une longue durée. La col-
lection Pierret, léguée par la famille Pierret à la Société entomo-
logique de France, ne fut pas longtemps gardée par la Société
héritière de ce précieux dépôt; chacun sait comment la collection
si célèbre fut vendue et dispersée.
Erebia Gorge, Esper.
Très grossièrement figurée par Esper. sous les n°' 4 et 5 de la
Tab. CXIX; beaucoup mieux représentée par Huebner, sous les
n"^ 502, 503, 504 et 505. UBrcbia Gorge est une espèce des hautes
altitudes; elle voltige autour des pics élevés, sur les pierres et les
rochers, auprès des neiges éternelles; ne descend jamais au-dessous
3l6 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
d'environ 2,000 mètres et dépasse quelquefois 3,000 mètres; elle
est répandue dans les Alpes et les Pyrénées.
Au Gornergrat et dans les Alpes de Provence, Gorge appartient
le plus ordinairement à la forme Erynis, Esper. La figure donnée
par cet auteur sous le n° 3 de la Tab. CXXI est bien grossière;
cependant elle peut être admise comme reconnaissable. Esper dit
que M. Wallner découvrit ce papillon dans les environs marécageux
du glacier Blaittière, à Chamuix; je pense que c'est de Chamounix
qu'Esper a voulu parler. La figure donnée par Herrich-Schaeffer
sous le n° 75, avec le nom Gorge var., est infiniment meilleure.
Herrich-Schaeffer représente les 2 ailes en dessus et en dessous,
sans le corps. Tous les échantillons qu'on rencontre dans les Basses-
Alpes n'appartiennent pas à la var. Erynis. Il y a des cf qui ont
I ou 2 taches ocellées aux ailes supérieures et des Q qui ont, en
outre, 4 taches ocellées pupillées de blanc aux ailes inférieures.
Au Gornergrat, on trouve aussi des exemplaires dont les ailes
portent des taches ocellées. En dessous, les ailes inférieures de
Gorge sont très variables; tantôt elles sont très obscures; la surface
entière étant d'un brun noirâtre foncé, parsemé d'un petit nombre
d'éclaircies grisâtres; tantôt elles sont traversées par une bande
obscure, alors que la base et le bord marginal des ailes sont d'un
gris argenté; enfin elles sont quelquefois entièrement d'un gris
argenté, avec simplement les deux lignes sinueuses noires qui des-
cendent du bord costal au bord anal, limitant à droite et à gauche
l'espace médian généralement de couleur plus foncée que le fond
des ailes inférieures, mais pouvant être quelquefois de nuance aussi
claire que les espaces basilaire et marginal.
Dans les Pyrénées, au Canigou comme aux Pics de Carlitte et
à Gavarnie, la forme de Gorge est plus brillante que dans les
Alpes; elle est plus vivement colorée; les ailes sont d'un noir
profond, avec les fascies rouges très intenses. Les ailes supérieures,
chez les deux sexes, ont le plus généralement deux ocelles noirs
pupilles de blanc, et aux inférieures, 3 ou 4 ocelles; mais aux supé-
rieures, les d*, aussi bien que les Q des Pyrénées, peuvent avoir
3 ou 4 ocelles et se rapprocher ainsi de la forme trio f es, plus ordi-
LÊPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE 31/
nai rement répandue dans les montagnes du Tyrol méridional et
caractérisée par 3 ocelles contigus à l'apex des ailes supérieures.
Pierret {Ann. Soc. ent. France, 1848, p. 398) dit qu'il a trouvé
parfois dans les llautes-Pyrénées, mais bien plus rarement que
XErebia Lefebvrei, VErebia Gorge, plus grande et plus caractérisée
cjue dans les Alpes. Le dessous des ailes inférieures de cette variété
des Pyrénées lui avait paru tellement remarquable qu'il fut un
moment tenté de la regarder comme espèce distincte et même de
la publier sous le nom de Raïuondi; mais il s'abstint, dans la
crainte de créer un nouveau nom sans nécessité. Il est certain que
les Gorge, de Gavarnie, avec leurs ailes inférieures! fortement
ocellées, même chez les cf, ont un faciès assez spécial. Pierret s'est
montré bien plus réservé que certains Lépidoptéristes contempo-
rains. Il est vrai qu'au temps de Pierret, l'analyse n'était pas poussée
aussi loin qu'aujourd'hui. Je crois donc que le nom de Raniondï
proposé par Pierret ne serait pas inutilement employé à désigner
la race pyrénéenne de Gorge et je l'applique sans hésitation ni
scrupule.
M. Rondou me mande au sujet de Gorge, dans les Hautes-
Pyrénées, ce qui suit:
« Gorge Ranwndi a des mœurs analogues à Lefebvrei; on la
trouve dans les mêmes stations d'éboulis pierreux; mais elle ne
descend jamais aussi bas. Tandis qu'on rencontre parfois Lefebvrei
à 1,400 mètres d'altitude, au fond de la prade Saint-Jean, à l'orée
du cirque de Gavarnie, on ne trouve Ramondi qu'accidentellement
au-dessous de 2,000 mètres, au fond du cirque de Gavarnie. Sa
véritable localité est au-dessus de 2,000 mètres, surtout au-dessus
de 2,500 mètres.
» On la trouve sur les hauts sommets, par exemple aux Salettes,
à 2,960 mètres, mais toujours dans les rocailles. Le vol n'est pas
aussi vif que celui de Lefebvrei; le papillon se repose plus fré-
quemment; parfois il se cache sous de petites pierres formant abri,
d'où il s'envole au moindre bruit, ce qui permet de le chasser par
tous les temps, même par les journées brumeuses, tandis que
Lefebvrei ne vole qu'au soleil.
3l8 LEPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
» La durée de cette espèce est très courte; alors que fin juin,
on voit déjà voler quelques Lefebvrei, on ne voit jamais Ramondï
que vers la mi-juillet, et les exemplaires que l'on capture au
commencement d'août sont déjà défraîchis. »
Aux Picos de Europa, il y a une grande race de Gorge que j'ai
appelée gigantea; j'en possède 21 exemplaires des deux sexes, pris
par mon frère et par moi entre les maisons où s'abritent les ouvriers
des mines et le sommet de l'Engotable. Ils ont un aspect très
différent des Gorge des Alpes. Tous les exemplaires ont les ailes
supérieures bi-ocellées; les ailes inférieures sont quelquefois privées
d'ocelles; les fascies rouges sont larges; le dessous des ailes infé-
rieures est généralement très obscur chez les d, assez varié chez
les Q. Ils ressemblent beaucoup aux figures données par Huebner,
sous les n"" 502, 503, 504 et 505; mais ces figures de Huebner
représentent une race dont l'origine m'est inconnue et certainement
très différente de la Gorge initiale figurée très mal assurément,
mais d'une manière à peu près reconnaissable, au moins quant
au cf, par Esper sous les n°' 4 et 5 de la Tab. CXIX, d'après des
exemplaires trouvés en nombreuse quantité sur les Alpes, près de
Genève.
Ceci fixe la race qui doit être considérée comme le type de l'es-
pèce et, dès lors, met hors de cause la race asturienne qu'Esper a
certainement toujours ignorée. Huebner l'aurait-il connue? C'est
fort peu probable, car les Asturies n'ont guère été visitées par des
Entomologistes, au temps de Huebner. Quoi qu'il en ^oit, les figures
données par cet admirable Iconographe, sous les n°^ 502 à 505,
conviennent à Gorge gigantea.
Quant à Triopes, elle a en supplément un ocelle supérieur, c'est-
à-dire un ocelle le plus rapproché de l'apex, en plus des deux
contigus que possèdent les autres races de Gorge sur leurs ailes
supérieures. Millière, dans son Iconographie, figure, sous le n° 10
de la PI. 153, le dessous de la Gorge triopes du Tyrol méridional.
La série caractéristique des 3 pointa subapicaux contigus y est bien
représentée.
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE 319
UErebic} Gorge est, de toutes nos Erebia, celle (jui s'avance
vers les \>\\xs hautes altitudes. Il n'est pas rare de voir les Gorge
voltiger au-dessus des précipices. Ainsi, à la cheminée du Canigou,
sur cette étroite plate- forme élevée de 2,785 mètres au-dessus des
flots de la mer dont on aperçoit vers l'Orient la surface argentée
brillant sous les rayons du soleil, VErebia Gorge voltige autour
des rochers schisteux qui constituent le sommet du pic, au-dessus
des pentes vertigineuses et presque verticales sur certains côtés.
Plusieurs fois j'ai fait l'ascension du Canigou et observé au sommet
du pic 4 espèces de Lépidoptères : Erebia Gorge, Pieris Callidicc,
Vanessa Uriicœ, De'ilephila lïneata. La première fois que je montai
au Canigou, en juillet 1S62, je pris une très belle Erebia Gorge qui
figure encore dans ma collection.
En Herzégovine, il y a une race de Gorge assez spéciale, sans
taches ocellées aux supérieures et avec les ailes inférieures, en
dessous, d'un brun noir uni et simplement traversé par une ligne
noire ondulée, du bord costal au bord anal des ailes; je crois qu'elle
a été appelée : Herzegovinemis, par Rebel.
Erebia Goante, Espar.
\J Erebia Goante est figurée par Esper sous le n" i de la
Tab. CXVI, d'après un exemplaire que M. Wallner, déjà nommé
dans cet ouvrage, avait découvert dans les vallées des Alpes de
Lucerne et auquel il avait donné le nom de son ami Goante, un
amateur de premier ordre. C'est donc un entomologiste du nom de
Goante dont VErebia en question perpétue le nom.
Voici du reste la phrase textuelle d'Esper (p. 116) : « Diesen
unter der ersten Figur vorgestellten Falter, hatte Herr Wallner auf
den sogenannten Thalalpen von Luzern, als eine einzelne Seltenheit
entdeckt, ùnd nur mitzutheilen die Guete gehabt. Er hatte ihn {sic)
den Namen eines Freundes und so vorzueglichen Liebhabers, der
Naturkenntnisse des srhon erwaehnten Herrn Goante beygelegt. »
320 LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE
Huebner représente très bien Goante çS sous les n"^ 233 et 234,
mais avec le nom de Scœa . Les figures données par Herrich-
Schaeffer, avec le nom de Goante (q 77; cf 78, 79), sont, dans le
texte, l'objet de la mention suivante : « 78, 79, ein wenig gezeich-
neter, unten sehr einfarbiger Mann; "j"] ein auffallend Kleines, unten
scharf marmorirtes Weib. » La provenance des papillons figurés
n'est pas indiquée. Les figures données par Lang sous les n°' 5, 5
de la PI. LXII ne sont pas satisfaisantes. Freyer figure un peu
grossièrement, suivant son habitude, mais d'une façon cependant
très reconnaissable, Goante, sous les n°^ i et 2 de la Tab. 79. Il dit
qu'on trouve Goante en juillet et août, sur les Alpes de Suisse,
ainsi qu'en Piémont et en Savoie; mais il ne fait pas connaître la
provenance exacte des échantillons figurés.
UErebia Goante se rencontre en effet en Suisse, en Piémont et
en Savoie, aussi dans les Hautes et Basses-Alpes et dans les Alpes-
Maritimes; elle n'a pas été observée dans les Pyrénées, du moins
à ma connaissance. Ce n'est pas une espèce des grandes hauteurs.
Je l'ai trouvée sur la route du Simplon, entre le Refuge n° 2 et
Berisal; aux environs de Zermatt; sur le chemin qui conduit de
Martigny au Grand Saint-Bernard; à Chamounix et un peu au-
dessous de la Grave, dans les Hautes-Alpes.
Les Erebia Goante se posent volontiers sur les grandes routes,
et comme les automobiles les parcourent maintenant très fréquem-
ment, aussi bien dans les montagnes et que dans les plaines, j'ai
remarqué que ces véhicules détruisaient un assez grand nombre
UErebia, notamment sur le chemin qui va de Bourg-d'Oisans au
Lautaret.
\J Erebia Goante n'est ni rare, ni difficile à prendre; mais c'est
une très jolie espèce dont les ailes inférieures, en dessous, pré-
sentent d'intéressantes variétés. Généralement, dans les Hautes et
les Basses-Alpes, Goante a 2 ocelles noirs pupilles de blanc,
subapicaux, aux ailes supérieures, et un ocelle un peu plus petit
au-dessous; les ailes inférieures ont ordinairement 3 ou 4 ocelles.
Quelques exemplaires ont 4 ocelles aux ailes supérieures. A Cha-
LEPIDOPTEROLOGIE COAIPAREE 321
mounix, les ocelles des ailes supérieures sont le plus souvent au
nombre de 2 seulement.
Erebia Pronoë, Esper.
Grossièrement figurée sous le n° i de la Tab. LIV, par Esper,
d'après un seul exemplaire venant de Styrie, et existant, à l'époque
où il a été décrit et figuré, dans la collection de M. Verlegers, qui
l'avait acheté à M. Welpert. La forme typique de l'espèce est donc
celle de Styrie. Esper a publié son ouvrage sans y imprimer de
date, probablement de 1777 jusqu'à 1805. Fabricius, en 1787, a
décrit vraisemblablement la même Erebia sous le nom d'Andrachne,
de sorte qu'il serait possible que la description de Fabricius eût
la priorité sur celle d'Esper; mais Fabricius n'a point publié sa
figure; dès lors, c'est Esper qui prime à cause de son iconographie,
si défectueuse qu'elle soit. Huebner figure avec le nom d'Arachne,
sous les n°^ 216 et 217, la Q très vivement colorée; le cf, sous le
n" 215, a la fascie bien rouge et bien développée pour appartenir
à cette espèce. S'il représente exactement un papillon réel, ce
papillon appartient à une race qui m'est inconnue.
Avec le nom de Pilho, Huebner figure sous les n""" 574, 575 (cT),
576, 577 (g), une Pronoë très grande, avec très peu de fascies
rouges en dessus. Chez le cT, les ocelles noirs pupilles de blanc
sont simplement cerclés de rouge; la Q est très obscure. Dans les
montagnes du Doubs, on trouve cette forme Pitho; elle est aussi
en Suisse, à Moléson et dans les Grisons, ainsi qu'à la Grande-
Chartreuse.
1.' Erebia Pronoë éclôt à la fin de juillet; elle vole à une faible
altitude. Dans les Pyrénées, je l'ai trouvée très abondante à Cau-
terets, où la forme tient le milieu entre Pitho et Pronoë. Elle était
notamment commune du 26 juillet au 15 août 1890, voltigeant
tout près de la ville de Cauterets, dans tous les chemins et sentiers
qui sont tracés du côté de la Raillère et de Cambasque. A Cauterets,
Pronoë a le plus généralement aux ailes supérieures 3 ocelles noirs
21
322 LÉPIDOPTÉROLOGlE COMPARÉE
pupilles de blanc et rarement 2 ou 4; aux inférieures, il y a ordi-
nairement 2 petits ocelles et quelquefois 3; certains exemplaires
en sont dépourvus.
Krebia Zapateri, Obthr.
Je reçus, il y a environ 35 ans, de M. l'abbé Zapater, quelques
exemplaires d'une hrebia, voisine de l\i eondaSy mais qui me parut
nouvelle et que je décrivis, en 1875, dans les Anales de la Sociedad
espanola de Historia Natural. Cette hrebia habite les montagnes
de l'Espagne centrale : Albarracm, hLuelamo, Sierra-Alta.
Mrs M. de la B. Nicholl a publié dans les Transactions of the
entomological Society of London, 1897, sous le titre : The Butter-
fiies of Aragon, une notice très intéressante sur la faune lépidop-
térologique de l'Espagne centrale. L'intrépide voyageuse signale
dans cette notice VErebia Zapateri 0 common in the Sierra Albar-
ricin only ». Mrs Nicholl ajoute (p. 429), les renseignements sui-
vants : 0 Then we tried Bronchales and Noguera (in the porphyritic
group of mountains) for Erebïa Zapateri, but in vain. We could
only find an isolated spécimen hère and there, through we quartered
the district as carefully as pointers do the turnips in September.
We began to despair of it, and our time was running out, when,
at last, on the 29th of July, it appeared in numbers, and we took
over a hundred spécimens in three days. It is the most beautiful
of Erebias, and rather peculiar in its habits, flying slowly and
lazily about the bushes of grouseberry (^Arctostaphylos uva-ursi),
wich form the undergrowth of the thin pine woods, and it is very
shy of windy or cloudy weather. If by any chance it gets bJown
away from the grouseberry bushes, it seems completely lost and
will not settle anywhere, letting the wind carry it at pleasure. It is
then very hard to catch. »
UErebia Zapateri est voisine de Neoridas, dont elle se distingue
cependant nettement par la couleur jaune orangé de la fascie sur
le dessus des ailes. UErebia Zapateri paraît peu variable; presque
LÉPIDOPTÉROLÙGIE COMPAREE p$
tous les exemplaires ont 2 ocelles noirs, subapicaux, pupilles de
blanc aux ailes supérieures, et les ailes inférieures sont entièrement
noires. Quelques échantillons, cependant, présentent sur les ailes
inférieures une trace plus ou moins accentuée de fascie fauve
orangé, tantôt sans points ocellés, tantôt avec i, 2 ou même 3 ocelles.
M. Fabresse a trouvé VErebia Zapaleri, depuis la fin de juillet
et pendant le commencement du mois d'aoïit 1907, à la Sierra- Alta,
avec le Satyrus Prïeuri.
Erebia Neoridas, Bdv.
D'abord décrite sommairement par Boisduval dans VIndex
methodicus, 1829; puis décrite de nouveau et figurée par Boisduval
dans Y Icônes, aux pages 148 et 149, et sous les n°'' i, 2, 3 et 4 de
la PI. 29. Espèce répandue dans les Pyrénées-Orientales, les
Cévennes, les montagnes d'Auvergne, les Basses-Alpes, les Alpes-
Maritimes, le Dauphiné, ainsi que dans certaines parties de la
Toscane. La découverte de VErebia Neoridas est due à Boisduval,
qui trouva, dit-il, l'espèce aux environs de Grenoble.
Duponchel conteste cependant l'assertion de Boisduval à cet
égard et dit que Neoridas a été trouvée pour la première fois, par
M. de Villaret, sur les bords du Drack {sic), aux portes de Grenoble,
il y a 6 ans (c'est-à-dire vers 1826 ou 1827). Duponchel ajoute
que Neoridas a été retrouvée par M. Brun, de Lyon, aux environs
de Rives, à cinq lieues de Grenoble.
En outre, Duponchel déclare avoir pris lui-même Neoridas, en
•1833, dans le département de la Lozère, oii il l'a vue voler sans
interruption depuis les premiers jours de juillet jusqu'au 17 août,
date de son départ de ce pays. Neoridas était assez rare aux envi-
rons de Florac, mais très abondante sur le Causse de Sauveterre,
entre Florac et Mende.
L'éclosion de Neoridas se fait généralement à la fin de juillet,
dans les Pyrénées-Orientales, et on voit voler le papillon jusqu'à
la fin d'août C'est une Erebia fort commune dans les lieux qu'elle
324 LEPIDOPTEROLOGIE COMPARÉE
habite et facile à prendre. Aux environs de Vernet-les-Bains,
Neoridas abonde dans la vallée de Saint- Vincent, à Saint-Martin-
du-Canigou et plus haut dans la forêt de Randai. Le papillon
s'approche volontiers de l'homme et souvent, étant assis sur quelque
rocher dans les lieux que fréquente Neoridas, nous l'avons observée
voltigeant très près de nous et même se reposant sur nos vêtements.
UErebia Neoridas est assez variable et nous en avons recueilli des
quantités considérables, espérant retrouver l'énigmatique Margarita
décrite et figurée par nous dans la XX'' livraison des Etudes
d'Entomologie. Nous n'avons malheureusement pas réussi à
retrouver d'autres exemplaires de Margarita, qui reste ainsi tou-
jours unique.
Margarita, par la forme de ses ailes et de ses fascies rouges,
en dessus, a un aspect très spécial. Si nous avions eu la chance de
retrouver quelques autres exemplaires semblables à celui que mon
frère captura, le 12 août 1895, près de la fontaine de Saint-Martin-
du-Canigou, nous n'aurions aucun doute sur la valeur spécifique
propre de cette Erebia. Mais je dois reconnaître que les recherches
pour obtenir de nouveaux échantillons étant restées vaines jusqu'ici,
ma conviction a été ébranlée quant à la validité de l'espèce. Peut-
être Margarita est-elle une Aberration singulière de Neoridas}
Je possède une assez grande quantité d'exemplaires plus ou
moins aberrants de Neoridas, aussi bien provenant des Basses-Alpes
et des Alpes-Maritimes que des Pyrénées-Orientales. Pour la taille,
Neoridas varie beaucoup, ainsi que pour le développement, les
contours et la nuance de la fascie rougeâtre. Le nombre des ocelles
noirs pupilles de blanc est également variable; il peut y avoir 2, 3,
4, 5 et même 6 taches ocellées sur les ailes supérieures. Le dessous
des ailes inférieures est tantôt d'un brun chocolat uni; tantôt une
bande gris clair sépare l'espace médian toujours plus foncé, du
bord marginal également plus obscur. Les ailes inférieures peuvent
être privées de toute fascie fauve; mais elles en sont généralement
pourvues, et cette fascie est ornée quelquefois de 3, 4 ou 5 ocelles
noirs pupilles de blanc. Une Q prise à Digne, en septembre 1897,
est dépourvue sur le dessous des ailes supérieures de toute ocellation
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE 325
noire. Le dessus des ailes montre seulement 2 petits points noirs
sans pupille blanche. La couleur des fascies rougeâtres varie beau-
coup pour les cf; quant aux Q, elles ont généralement la fascie
d'une teinte plutôt jaunâtre que rougeâtre.
La forme de Neoridas des Alpes-Maritimes, notamment dû
Moulinet, est, dans l'ensemble des individus, plus grande et plus
obscure que les autres formes géographiques de l'espèce. Mais il y a
à Allos, dans les Basses-Alpes, comme à Vernet-les-Bains, dans
les Pyrénées-Orientales, des échantillons équivalents à ceux du
Moulinet, en même temps que d'autres plus petits et moins sombres.
Je pense que les Entomologistes de l'école Fruhstorfer n'hésiteraient
pas à fabriquer pour A^eoridns toute une série de désignations que
l'espèce en question n'a point encore subies. Je m'abstiendrai
cependant de les devancer dans une voie où les matériaux que j'ai
sous les yeux me permettraient sans doute aussi bien qu'à d'autres
de m'engager. Car si je suis d'avis de distinguer par un nom une
race suffisamment caractérisée, je me refuse à surcharger la nomen-
clature de noms qui, s'appliquant à une espèce très variable dans
toutes les localités qu'elle habite, s'entendraient seulement pour les
exemplaires mesurant plus ou moins d'envergure que les autres,
ayant plus ou moins de taches ocellées et la couleur des fascies
plus ou moins vive, ce qui constitue un ordre de variations banal
et commun à toutes les Espèces du Genre.
Erebia ^thiops, Esper.
Espèce des basses altitudes; paraît en juillet et aoiit; n'est pas
rare dans certaines localités de l'Ecosse et de l'Angleterre, telles
que : le Perthshire, d'où me l'a envoyée M. Ried, l'Argyleshire,
diverses parties de Durham, Yorkshire, Lancashire, W'estmoreland.
En France, Mthiops a été observée en Franche- Corn té, en Savoie
(Aix-les-Bains, Val du Fier, Chamounix), en Auvergne, dans les
Basses-Alpes. Jamais je ne l'ai trouvée dans les Pyrénées.
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE
Feu Guenée et moi, nous avons capturé Aithiofs dans le Valais,
en 1864 et en 1866, aux environs de Vernajaz et près de Viège.
Feu mon ami Fettig, lorsqu'il était curé de la Vancelle, récoltait
^Hthiops dans les environs de Lièpvre, en Alsace. L'espèce se
trouve en Allemagne et en Russie, notamment dans l'Oural
méridional.
Généralement les cf ont 3 taches noires ocellées dans la fascie
rougeâtre des ailes supérieures et autant dans celle des ailes infé-
rieures. Les Ç) qui, comme Neoridas, présentent la fascie plus jau-
nâtre que les cf, ont ordinairement le même nombre d'ocelles que
les cT aux ailes supérieures; cependant, plus souvent que ceux-ci,
les Q ont 4 ocelles aux supérieures, et presque toujours elles ont
4 ocelles pupilles de blanc aux ailes inférieures. Le dessous des
ailes inférieures est assez variable pour la teinte. Chez les cf. le
fond est généralement d'un brun rouge foncé, avec une éclaircie
grisâtre, près la base, et une autre éclaircie semblable entre la grosse
bande médiane transverse et la bordure marginale. Chez les Q , ces
éclaircies sont généralement d'une couleur ocre jaune; mais, quel-
quefois, elles sont d'un gris argenté plus clair que chez les cT-
M. Fritsch a pris aux environs de Besançon une Q tout à fait
analogue à la Q Neoridas que j'ai citée plus haut et dont la fascie
fauve orangé des ailes supérieures est marquée de 2 très petits
points noirs en dessus et est complètement aveugle en dessous. Je
possède en outre une superbe Ç) de Géra, très noire en dessus, avec
la fascie réduite à des taches annulaires rougeâtres entourant
5 ocelles noirs, dont 3 très gros, tous très vivement pupilles de blanc.
Le dessous des ailes, dans cet exemplaire, est également d'une
coloration très chaude. Freyer figure sous le n" 2 de la PI. 38 un
exemplaire très analogue avec le nom de Meden var.
Je ne suis pas d'accord, sur tous les points, avec la synonymie
telle qu'elle est établie pour VErebia ^thiops, dans le Catalog
Staudinger et Rebel igoi, ainsi qu'on le verra plus loin.
Esper a figuré le premier l'espèce, avec le nom âiMthiops, sous
le n" 3 de la PI. XXV. Dans son texte (p. 312 et 313), Esper dit
qu'il figure une Q. Plus tard, il rectifie cette assertion et il figure
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
une Ç) dont le dessous des ailes inférieures est ocre jaune, sous le
n^ I de la PI. LXIII.
Huebner a figuré a\ec le nom Mcdca, le cf .-Htlùops, sous le
n" 220, et la Q, sous les n"' 221 et 222. Il a représenté le dessous
des ailes inférieures de la Q, où les éclaîrcies sont grises et non
ocre jaune; tandis que Charles Barrett {The Lepidoptera of the
british Islands) a figuré sous le n° 2 ^ de la PI. 29 la Q avec le
fond des ailes inférieures couleur jaune sale. Freyer a figuré sous
les n"' I et 2 de la PI. 55, avec le nom de Medca, une forme dont
la g (fig. 2) est presque intermédiaire entre la forme grise et la
forme ocre jaune, et sous les n"' 3 et 4, une grande race ^JEthiops
qu'il avait reçue de son ami Schmidt, de Laibach, comme Medea,
var., mais où il a cru reconnaître à tort la Ncoridas de Boisduval.
La Q de cette fausse Ncoridas (fig. 4) a le dessous des ailes
inférieures brun chocolat avec les éclaircies grises; c'est cette forme
que Staudinger et Rebel, dans le Catalog 1901, ont appelée
leucotœnia.
Mais sur la PI. i?s, Freyer figure sous le n° 3 et avec le nom
de Medea var., une Ereb'ia qui est certainement Siygne et non
Aithiops. De plus, dans son texte (p. 73), Freyer rapporte au n° 3
de la PI. 38 ce qui regarde le n" 2 et au rf 2 ce qui regarde le xf 3.
La confusion est donc comi^lètc. « Die Farbe der Varietaet Fig. 2
isl isabelgclb. Die rostgelbe Binde ist sehr schwach sichtbar. auf
den Oberfluegeln mit 3 auf den L^nterfluegeln ebenfalls mit
3 weissgekernten Augen ». Couleur jaune isabelle, 3 yeux pupilles
de blanc aux supérieures comme aux inférieures, c'est bien conforme
à la fig. 3 qui est certainement une Stygne et non à la fig. 2 qui
est une Medea. Pour celle-ci, Freyer donne l'indication de localité
comme suit : « Dièse schoene Varietaet wurde im Bremgarten
Walde bei Bern gefangen. »
Le Catalog 1901 admet comme Mthiops les n"^ 2 et 3 de la
Tab. 38; seul le n" 2, selon la figtire, et 3, suivant le texte, doit
être admis comme Mthiops\ le n° 3, selon la figure, et 2, confor-
mément au texte, doit être retranché et reporté à Stygne.
De même VEiirynle de Huebner (908-909) rapportée avec doute,
328 LEPIDOPTEROLOGIE COMPARÉE
il est vrai, par Staudinger et Rebel à .Ethiops, est certainement
une Euryale albinisante dont je parlerai bientôt et n'a spécifique-
ment rien à voir avec Mthiops.
Freyer figure encore comme Medea, sous le n" i de la Tab. 68 1,
une Ç) avec sa chenille. Cette chenille est plus pâle que celle dont
Barrett donne la représentation; mais le dessin concorde. Je pense
que cette Medea de Freyer est bien une JEthiofs.
Erebia Enryale, Esper.
En France, répandue dans les Pyrénées, les Alpes, le Jura et
en Auvergne. Aime les sous-bois un peu clairs dans les montagnes
et les prés sylvatiques, à une altitude modérée. Je l'ai observée au
col du mont Genèvre et dans le sentier qui conduit de la grande
route du Simplon à la vallée de Laquin, en nombre considérable
d'exemplaires serrés très près les uns des autres et posés sur le sol.
J'ai pu prendre d'un seul coup plus de 60 échantillons, en plaçant
mon filet sur un rassemblement qui faisait une tache noire au milieu
de la route. Dans le Valais, il y avait dans chaque groupe une Q ,
autour de laquelle les <3 se tenaient posés; au mont Genèvre, sur
le versant italien, je n'ai vu qu'une agglomération de 'cf, sans
aucune Q. Dès que les nuages cachèrent les rayons du soleil, un
peu après midi, toutes les Euryale, si abondantes alors que le ciel
était pur, semblèrent disparaîtrç et demeurèrent introuvables.
U Erebia Euryale a très peu de synonymie; elle a été figurée
par Esper sous les n"' 2 et 3 de la Tab. CXVIII, d'après des exem-
plaires pris aux monts des Géants (Riesengebirge) par le maître
d'école Koehler, de Nieder-Schmideberg, en Silésie.
Euryale présente quelquefois l'Aberr. albinisante figurée par
Huebner sous les n°' 908 et 90g. Ma collection contient 2 cf et 2 Q .
Les 2 cf sont bien conformes à la figure donnée par Huebner;
l'une des Q, prise à Larche en août 1896, par Augustin Coulet,
a le fond des ailes d'un jaune blond plus pâle que les 2 cf, et
l'autre Q, prise également à Larche par Bellier, est plus grise, avec
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE 329
un reflet argentin très vif. J'ai donné à cette Aberration constante
le nom de Hiiebneri.
Je possède une autre Aberration prise à Vernet-les-Bains par
mon frère; elle a les fascies d'un brun pâle livide, au lieu de les
avoir rouge de brique.
Généralement les Euryale cf français ont 3 ocelles noirs non
pupilles de blanc dans la fascie des ailes supérieures, en dessus;
mais il y a des exemplaires où la pupillation blanche existe.
Cependant ce sont surtout les g qui présentent une pupillation
blanche accentuée et elles ont souvent 4 et 5 ocelles sur une fascie
tantôt rouge comme celle du cf, tantôt jaunâtre. Aux ailes infé-
rieures, les points ocellés chez les cf sont souvent fort réduits ou
nuls, quoiqu'ils puissent quelquefois y paraître même pupilles de
blanc; chez les Q, l'ocellation est généralement plus accentuée que
dans les cf; mais il y a aussi des Q dont les fascies sont privées
de toute ocellation aux ailes inférieures. Le dessous des ailes infé-
rieures est très variable, surtout chez les Q.
Dans les Hautes-Pyrénées, la race est très obscure; les fascies
rouges sont peu développées et la teinte générale est sombre. Mon
frère et moi, nous avons souvent capturé à Cauterets la forme
ocellans, Stgr., 011 les fascies sont remplacées par des taches rondes
rougeâtres, séparées les unes des autres, pupillées de noir.
A Zermatt, j'ai trouvé l'Ab. cf Eiiryaloides, chez laquelle la
fascie rouge ne porte aucune trace d'ocelle noir. En Finlande et
dans l'Oural méridional, c'est peut-être la forme normale; mais
il y a chez les Eiiryaloides de ces contrées de très petites traces
de points noirs qui manquent absolument dans certains échantillons
de Zermatt. L'Ab. Enryaloides se trouve aussi dans les Pyrénées-
Orientales, en même temps que des exemplaires très ocellés. Nous
avons capturé 2 très grandes Q Euryale, en montant aux Picos de
Europa; mais l'espèce était presque passée et nous ne pûmes, mon
frère et moi, récolter un assez grand nombre de beaux individus
pour obtenir une idée exacte de la race asturienne.
UErebia Euryale est une espèce très variable au même lieu et,
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE
par conséquent, très intéressante, mais fort délicate et facile à
détériorer. Elle est d'ailleurs très abondante et facile à capturer.
Si l'on cherche à comparer entre elles les races géographiques,
je crois qu'on peut faire les constatations suivantes : la forme de
Lioran (Cantal) est celle dont la taille est plus grande; mais on
trouve des exemplaires aussi grands sur la route du Simplon, près
Bérisal, volant avec d'autres plus petits. A Enchastrayes, dans les
Basses-Alpes, la forme est plutôt petite, avec un mélange d'échan-
tillons plus grands. Dans le nord de la Laponie (Kvickjock,
M* Sutilelma, Lulea-Lappmarken), W. Mau a pris, en juin et
juillet 1908, une race à'Euryale ayant le fond des ailes très obscur,
avec les fascies rouges très vives. Certains exemplaires semblent
faire un passage vers Ligea que je considère cependant comme une
espèce bien distincte. Généralement les Euryale de Laponie ont les
fascies rouges très oculées. Sur une soixantaine d'exemplaires que
j'ai devant les yeux, 45 ont 4 ocelles noirs plus ou moins pupilles
de blanc, aux ailes supérieures. En dessous, les ailes inférieures
sont plus ou moins décorées d'une liture blanche et les ailes supé-
rieures ont le lavis rouge plus ou moins uniforme et étendu.
Erebia Ligea, Linn.
Grande Erebia qui se trouve au Moulinet, dans les Alpes-
Maritimes, à Chamounix, à Aix-les-Bains, à Digne, à la Grande-
Chartreuse, dans le Doubs, en Alsace, en Allemagne, en Autriche,
en Sibérie. Elle vole en juillet ; elle se plaît à des hauteurs modérées,
dans des lieux herbus et un peu boisés. C'est une espèce abondante
et facile à capturer. Je n'ai jamais vu Ligea dans les Pyrénées.
Elle est plus brillante qu' E^/ryalc; le fond de ses ailes inférieures,
en dessous, est d'un brun plus noirâtre et la ligne blanche est
souvent complète et bien indiquée. Il peut même y avoir une autre
ligne blanche près de la base, de sorte que la bande brune trans-
verse médiane se trouve accompagnée, chez certains exemplaires,
d'une liture blanche des deux côtés. Les ocelles noirs sont généra-
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE
lement nombreux, pupilles de l)lanc et très accentués sur les 4 ailes,
en dessus et même en dessous. 'LErebia Ligea présente des variétés
fort belles. Je possède une Q albinisante prise en Autriche, entiè-
rement de couleur ocre jaune comme l'Ab. Hncbnerï d'Enryalc.
Cette Q albinisante, à laquelle je donne le même nom : Huebncri,
a les pattes, les palpes, les antennes, le corps de la même couleur
ocre, sur laquelle ressortent en rouge orangé les fascies ordinaires
et les ocelles très réduits et très atténués. Un d* du Brenner a les
fascies d'un ocre très pâle et livide, comme YEiiryale de Vernet-
les-Bains; 2 cf de Berlin sont très curieux : l'un par l'absence
absolue de tout ocelle noir sur la fascie des ailes supérieures, alors
que la fascie des inférieures est ocellée; l'autre ayant inversement
la fascie des inférieures dépourvue d'ocelles et seulement 2 points
noirs très petits sur la fascie des supérieures, près l'apex.
A Bodô, il y a une forme très petite, mais qui ne cadre pas avec
VAdyte, Huebner, 759, 760.
Erebia lappona, Esper.
C'est la M auto Q de Tluebner (par erreur du graveur : 107, 108,
au lieu de 207, 208, et 512, 513, 514). La figure donnée par Esper
avec le nom de lappona, sous le n" 3 de la Tab. CVIII, est bien
grossière, mais à peu près reconnaissable. T.c papillon figuré et
décrit par Esper. aux pages 80, 81 et 82, lui a été communiqué par
l'avocat Schneider, qui, avec Quensel et Thunberg, avait obtenu
l'espèce des montagnes de la Laponie, pays d'origine du type de
l'espèce.
J'ai reçu de M. W. Mau une série d'exemplaires pris, en juin et
juillet 1908, au mont Sutilelma, dans le nord de la Laponie; ils
cadrent avec des échantillons de la collection Boisduval, étiquetés :
Norv. Dowre; mais il est bien difficile de dire s'ils concordent avec
l'individu de Laponie figuré par Esper, vu le peu de soin apporté
à la gravure et au coloriage de l'image.
Quoi qu'il en soit, les individus de Sutilelma ne sont guère diffé-
332 LEPIDOPTEROLOGIE COMPARÉE
rents de ceux que je possède des localités suivantes : Pentes et
Pas-du-Lausson; Notre-Dame-de-Fenestre (Alpes-Maritimes); En-
chastrayes; Larche; Col de Lure; Saint-Martin-d'Entraunes
(Basses-Alpes) ; montagne de la Pra (Isère) ; hauteurs de Lansle-
bourg (Savoie); Le Breuil (Piémont); Chamounix (Hte-Savoie) ;
Canigou et Pla-Guilhem (Pyrénées-Orientales); Fusio; Oberland
bernois; Ryffelalp (Suisse).
Dans toutes les Alpes, la forme est sensiblement la même qu'en
Laponie; il y a des variations, mais elles me paraissent individuelles
et non pas géographiques; telles sont les différences de taille entre
les échantillons; la grosseur des points noirs dans la fascie rosée,
comme aussi leur atténuation; l'accentuation et le développement
de cette fascie rosée et inversement sa disparition presque complète;
l'obscurcissement du dessous des ailes inférieures, leur ponctuation
marginale et l'épaississement des deux lignes noirâtres sinueuses
transversales.
Je possède une superbe Aberration Q albinisante venant de Piz
Umbrail, au Tyrol. Ce papillon est, en dessus, d'un gris d'argent
sur lequel la fascie des ailes supérieures, la ponctuation submar-
ginale des inférieures et un lavis qui occupe l'espace cellulaire des
supérieures jusqu'à la base, ressortent en un rose orangé extrêmement
doux. Les poils du corps et les antennes sont gris d'argent. En
dessous, les ailes supérieures sont d'un rose orangé vif, avec la
côte et le bord marginal gris argenté; les ailes inférieures sont
grises au milieu et très pâles au delà de la cellule. Les pattes sont
d'un gris blanchâtre. Cette Q alhhia est d'un très agréable effet.
C'est dans les Hautes-Pyrénées que \Ercbia lappona présente
une race géographique très caractérisée. Elle a été décrite et figurée
par de Graslin, sous le nom de Sihcnnyo. Ma collection contient
l'individu qui a servi de modèle pour la figure publiée dans les
Annal. Soc. ent. de France, 1850; voici ce que de Graslin a écrit
sur l'étiquette de ce papillon : « espèce distincte des Pyrénées, à
côté de Manto; Rambur est de mon avis; mais M. Pierret croit
que ce n'est que Manto variété. »
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE 333
Pierret avait évidemment raison; mais la variété est bien spé-
ciale; sa taille plus grande, l'absence de fascie rosée sur les ailes
supérieures, en dessus, les cercles rosés qui entourent les points
noirs donnent à Sthennyo un aspect bien particulier.
Lappona vole haut dans les Alpes et dans les Pyrénées; elle
éclôt d'assez bonne heure; on peut la voir dès le mois de juin. Dans
les Hautes-Pyrénées, mon frère et moi, nous avons pris Sthennyo
au cirque de Gavarnie, au mont Caballiros, au col de Riou et sur
le chemin qui conduit aux Oulettes-du-Vignemale, au delà du lac
de Gaube. La Sthennyo varie un peu; sur les 92 exemplaires de
ma collection, je vois à côté de Sthennyo tout à fait caractérisés,
d'autres spécimens qui se rapprochent de lappona des Alpes et
des Pyrénées-Orientales, et, par contre, si j'examine la série que
je possède des Alpes, j'y distingue des exemplaires qui pourraient
être joints à Sthennyo; mais c'est à titre presque d'Aberration et
l'on constate une différence notable lorsqu'on juxtapose les deux
boîtes : l'une qui contient les Sthennyo et celle qui renferme les
lappona.
La Castor, Esper (Tab. LXVII, fig. 2), est une simple lappona,
ainsi que la Pollux, Esper (loc. cit., fig. 3). Celle-ci paraît avoir
le dessous des ailes inférieures d'un gris brun et non argenté, sans
dessins bruns transversaux. Je possède des lappona sans dessins
bruns sur le dessous des ailes inférieures; mais le fond de
ces ailes est gris argenté et non brunâtre. Les cf ont le dessous
des ailes inférieures gris d'argent et les Q présentent une colo-
ration plutôt brunâtre, à cause des lignes transverses assez accen-
tuées et d'un épais semis d'atomes brunâtres répandu sur toute la
surface des ailes; mais Pollux paraît être un cf, comme Castor,
et je n'ai aucun cf de lappona pouvant être identifié exactement
à Pollux. Pollux, d'après Esper, aurait été pris en compagnie de
Tyndarus, par Gerning, au cours d'un voyage en Suisse, et la patrie
de Castor serait les montagnes de Styrie.
334 LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE
Erebia Tyndarus, Esper, et Var. Rondoui, Obthr (PI. XXV,
ûg. 129. cf; 133. Q)-
C'est XErebïa dont la dispersion dans le Monde est plus étendue,
puisqu'on la rencontre dans la plupart des montagnes alpines de
l'Europe, en Asie et dans l'Amérique du Nord.
1J Erebia Tyndants existe en Andalousie sous la forme Hispa-
nia; mais il est vrai qu'elle manque en Sicile. J'avais toujours
espéré qu'on la rencontrerait quelque part, ainsi que le Parnassius
Mnemosyne, dans les montagnes de la Barbarie; jusqu'ici, elle n'a
pas été trouvée en Algérie; mais il peut se faire qu'on la découvre
dans l'Atlas marocain, lorsqu'il deviendra possible aux naturalistes
de visiter cette région restée jusqu'à présent inaccessible.
M. le docteur-professeur Jacques Reverdin, de Genève, s'est
vivement intéressé à l'étude des races géographiques de Tyndarus
et a publié d'excellentes observations sur les Variétés et Aberrations
de l Erebia Tyndarus, dans les Alpes de la Suisse et de la Haute-
Savoie. Le travail de M. Reverdin, publié dans le numéro de
juin 1908 du Bulletin de la Société lépidoptérologique de Genève,
mérite la plus sérieuse attention et peut être considéré comme un
modèle d'analyse pour une espèce envisagée dans une région
déterminée.
J'ai aussi fourni quelques contributions à l'histoire de X Erebia
Tyndarus et je prie le lecteur de vouloir bien se reporter à une
notice qui se trouve imprimée dans le Bidletin de la Société ento-
mologique de France, 1908 (p. 267-269), sous le titre : Description
de deux variétés françaises inédites de V Erebia Tyndarus. J'appelle
arvernensis la forme d'Auvergne, caractérisée par le nombre et
l'éclat des ocelles noirs pupilles de blanc aux ailes supérieures et
aux inférieures, et je décris sous le nom de Rondoui une race nou-
velle de Tyndarus, habitant les Hautes-Pyrénées.
Cette variété Rondoui est figurée sous les n°' 129 (cf) et 133 ( q)
de la PI. XXV du présent ouvrage. J'ajoute aux renseignements
que j'ai déjà donnés en faisant connaître cette nouvelle race de
LEPIDOPTÉROLOGIE COMPAREE 335
Tyndariis, les observations suivantes que je dois à l'obligeance de
mon ami Rondou :
a UEreùia T yndaïus-Kundoia forme la transition entre pyrenœa
et Hispania.
» Sa date d'apparition est la même que celle de Tyndanis et
les localités où je i'ai capturée jusqu'à ce jour sont celles où T yn-
darus vole en abondance, c'est-à-dire les pelouses herbeuses des
hauteurs comprises entre 1,500 et 2,000 mètres. Rarement Tyndanis
descend au-dessous de 1,500 mètres; cependant on la trouve à la
Prade-Saint-Jean, à l'entrée du cirque de Gavarnie, à 1,400 mètres
environ. Jamais je ne l'ai capturée au-dessus de 2,500 mètres.
» Au vol, la variété Rondoui peut être distinguée de la forme
normale Tyndanis; le dessous des ailes étant plus foncé dans
celle-ci, lorsqu'elle vole elle a un aspect gris noirâtre, tandis qu'on
aperçoit vite le gris blanchâtre qui forme le fond du dessous des
ailes de la variété Rotidoui.
» Pendant longtemps je n'avais capturé Rondoui que dans la
vallée de Campbieil, près du lieu appelé Saousset; cette année 1908,
ayant apporté plus d'attention aux captures de Tyndanis, j'en ai
pris dans toute la vallée du Campbieil, dans la montagne de
Saugué et sur le Couméli. L'aire de dispersion de Rondoui est
donc très étendue et on peut espérer la rencontrer dans toutes les
localités fréc]uentées par Tyndanis dans les Hautes-Pyrénées. »
Je relève sur ma collection les provenances suivantes pour les
Tyndarus de l'Europe occidentale :
i''^ Race : Hispania, Butler; Sierra-Nevada d'Andalousie, côté
de Lanjaron (R. Oberthùr, juillet 1879; — Rosenhauer; de
Graslin; Arguelles).
Le cf a souvent 2 petits ocelles noirs très vifs, pupilles ou non,
situés inférieurement aux 2 gros ocelles soudés l'un à l'autre, sub-
apicaux. Cette particularité se retrouve chez les Tyndarus
d'Arménie.
2" Race : Rondoui, Obthr; Hautes-Pyrénées : Barcges (Rellier);
33^ LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
Cauterets (R. Oberthiir; de Guernisac); vallée de Campbieil, mon-
tagne du Saugué, Couméli (Rondou).
3^ Race : -pyrenœa, Rùhl {Drovius, Hernch-Schaeffer, i68, 169
Obthr; Etud. d'Ent., XX; cf, 155; Q, 156); Pyrénées-Orientales
surtout prairie de Mariailles, au-dessus de la forêt de Randai
vallée d'Eyna (de Graslin; Bellier; Guenée; Ch. et R. Oberthiir)
forme très caractérisée, varie pour l'ocellation des ailes supérieures
et inférieures; généralement les d et les g ont 2 ocelles noirs
subapicaux, soudés, pupilles de blanc aux supérieures, et 3 ocelles
noirs, plus petits, séparés, également pupilles de blanc, aux infé-
rieures; mais il y a des exemplaires qui présentent 3, 4 et même
5 ocelles aux supérieures, 4 aux inférieures, et inversement aux
inférieures i seul ocelle. La fascie fauve est plus ou moins déve-
loppée; elle peut presque disparaître aux inférieures. Les Q surtout
sont plus ou moins claires ou obscures en dessus, comme en dessous,
oii les ailes inférieures sont blanchâtres ou jaunâtres, avec les deux
lignes transversales, médianes, ondulées, plus ou moins accentuées.
En outre, l'espace médian des ailes inférieures compris entre ces
deux lignes est tantôt de la couleur du fond, tantôt obscurci par
un semis serré d'atomes bruns. Cependant, malgré la variabilité
individuelle, la race pyrenœa reste tout à fait spéciale, avec un
faciès constant, ainsi que le démontrent les 300 exemplaires que
j'ai sous les yeux.
C'est, de toutes les variétés géographiques de Tyndarus, la plus
jolie peut-être et la plus richement colorée.
Guenée avait rapporté, dans sa collection, à Cassioides, Esper,
la race de Tyndarus que nous avions prise dans les Pyrénées-
Orientales, lors du voyage que nous fîmes ensemble à Vernet-les-
Bains et à Mont-Louis, en juillet 1862; mais c'était évidemment
une erreur d'appréciation commise par le savant lépidoptériste;
cette erreur est due vraisemblablement à la figure de la Q Cas-
sioides publiée par Esper, sous le n° 3 de la Tab. CIII. Cette g,
en effet, ressemble à certaines pyrenaica; mais le texte d'Esper
(p. 55, 56) est formel. Sa Cassioides provient des plus hautes
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE 337
Alpes de Carinlhie, et d'ailleurs le cT figuré sous le n" 2 de la
Table ("111 ne cadre pas, surtout en dessous, avec pyrenaica.
Godart a figuré sous le nom de Cleo, en dessus et en dessous
(PI. XVII, fig. 5 et 6), le (S des Pyrénées-Orientales, et il écrit à
son sujet (p. 124), cette phrase pour le moins singulière : « Les
individus que j'ai dit se rapporter au CLco de Iluebner, toujours
un peu plus grands et mieux caractérisés, habitent les Pyrénées-
Orientales; de sorte que ces dernières montagnes, ou celles qui s'en
rapprochent par leur degré de latitude, peuvent être considérées
comme le berceau de l'espèce dont il s'agit ici; car on a remarqué
que les insectes, en général, dégénèrent à mesure qu'ils s'éloignent
de leur patrie primitive. »
Je voudrais bien savoir par quel procédé et à quels caractères
on peut reconnaître exactement où est le berceau d'une espèce de
Lépidoptères et quelles remarques ont bien pu être faites sur la
dégénérescence des Insectes qui s'éloignent de leur patrie primitive,
d'ailleurs inconnue. En tout cas, les Tyndarus les plus grands ne
sont point dans les Pyrénées-Orientales; Godart ignorait ceux qui
viennent de Grèce, de l'Andalousie et de certaines parties de
l'Arménie, lorsqu'il écrivit les considérations rapportées ci-dessus.
Mais la Cleo de Godart et la Cleo de Huebner ne se ressemblent
guère. Si le cf Cleo figuré par Huebner, sous les n""* 209 et 210,
peut être considéré comme une Cassioides, Esper, et assimilé à
cette dernière forme, la Q Cleo, Huebner, figurée sous les n"' 211
et 212, présente une particularité intéressante qui consiste dans la
tache rouge et non jaunâtre, au milieu de laquelle se détachent,
sur le dessus des ailes supérieures, les 2 ocelles noirs, soudés l'un
à l'autre et pupilles de blanc. De plus, cette tache rouge s'étend
vers l'espace cellulaire et atteint l'extrémité de la cellule. Il y a
une forme de Tyndarus dont la Q est parfaitement conforme à
cette g Cleo 211 et 212; c'est celle qu'on trouve au mont Majella,
en Italie.
Je juge d'après 125 exemplaires récoltés pour nous, au mont
Majella, par M. Fabresse, les 5 et 6 août 1907. Les d du mont
Majella ne sont généralement pas semblables à la Cleo cf 209
22
33^ LÉPlDOPTÉROLOGlE COMPARÉE
et 210. En effet, si certains individus du mont Majella peuvent
cadrer avec la Cleo figurée par Huebner, la plus grande partie
des cf capturés dans cette montagne italienne se distinguent par
leur tache rouge subapicale des ailes supérieures, s'étendant vers
l'espace cellulaire et arrivant jusqu'à l'extrémité de la cellule.
Ces cf du mont Majella ont donc le même caractère que la Q
Cleo 211.
Il y a bien au mont Majella des Q un peu différentes de la
Cleo 211, 212; par exemple ayant la tache rouge subapicale plus
jaunâtre et plus claire; mais il y a partout des variations indivi-
duelles, et comme je possède au moins 8 exemplaires Q du mont
Majella bien conformes à la Cleo 211 et 212, laissant d'ailleurs
de côté le cT Cleo 20g et 210, je désigne la race italienne de Tyn-
darus comme suit :
4' Race : Cleo, Huebner (g {jiec cf) 211, 212); Italie (Monte
Majella). Le caractère est la couleur rouge des ailes supérieures
s'étendant chez les deux sexes vers l'extrémité de la cellule.
Toutefois, je dois observer que j'ignore non seulement d'où
provient la Q figurée par Huebner avec le nom de Cleo, sous les
n"' 211 et 212, mais encore si le cf 209-210 a été pris, ou non,
dans la même localité que cette Q . J'aurais pu créer un nom spécial
pour la Tyndanis du mont Majella et laisser sans emploi le nom
de Cleo, tombant du reste en synonymie de Cassioides pour le cf-
J'ai cependant cru devoir le relever à cause de la concordance des
figures 211 et 212 de Cleo Q avec certaines Q du mont Majella,
considérant que, grâce à ces figures 211 et 212, il sera toujours
facile de se reporter exactement à la race italienne que j'ai voulu
définir.
5*^ Race : arvemensis, Obthr {Bulletin Soc. eut. France, 1908,
p. 267, 268); montagnes d'Auvergne, notamment mont Dore
Les ailes sont ornées d'ocelles noirs pupilles de blanc d'un effet
très vif; chez les cf, ces ocelles, qui sont souvent au nombre de 3,
sont faiblement entourés de rougeâtre; chez les Q, les ocelles sont
entourés d'un lavis peu étendu fauve orangé pâle. La race arver-
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE 339
jtensis est assez grande et rubusle; la forme des ailes, chez le (J,
est très arrondie.
0' Race : Cassïoides, von iiohenwarth; vallon de TEstrop, vers
Estenj^^ dans les Alpes-AIaritmies {ïi. Powell; 24 et 25 août 190O);
pentes du Lausson, dans les Alpes- Alaritimes (11. Powell;
4 août 1906); Entragua, en Italie (V. Cotte; juillet 1908); Larche
(les 3 Coulet; août 1897); Digne (Cotte, Coulet); prairie du mont
Pelât, dans les Basses-Alpes (H. Powell; \" août 1906); forêt
d'Entraunes, dans les Basses- Alpes (H. Powell; u, 8, 10 août 190O);
Monetier-de-Briançon, dans les Hautes-Alpes (D"' Siépi); Caute-
rets, Gavarnie, dans les Hautes-Pyrénées (de Guernisac, Ch. et
R. Oberthur, en juillet et août) ; Pics de Carlitte, dans les Pyrénées-
Orientales et l'Aude (juillet 18O9; Ch. et R. Oberthur, Michel Nou
et Rendu); Picos de Europa, dans les Asturies (Ch. et R. Oberthur;
19 et 20 juillet 1882); Col des Montets, Moléson (ex D"' Reverdin).
Les ailes inférieures sont ornées d'ocelles noirs pupilles de blanc
et cerclés de rougeâtre; les 2 ocelles subapicaux des supérieures
sont assez gros, juxtaposés ou soudés, pupilles de blanc, au milieu
d'une tache rouge assez large. Je possède environ 500 exemplaires
provenant des diverses localités précitées. 11 y a parmi eux des
échantillons ayant aux ailes des ocelles supplémentaires en nombre
variable, tantôt avec symétrie et tantôt avec asymétrie, ainsi que
le fait très exactement observer le D'' Reverdin. J'ai pris à Cau-
terets, en juillet 1901, un cf ayant les 2 ocelles réglementaires dans
l'espace apical gauche des ailes supérieures et seulement un gros
ocelle noir pupille de blanc du côté droit; ce qui est le contraire
de l'observation faite par Ruehl sur des Tyndarns de Suisse et
rapportée par le D"" Reverdin dans les termes suivants (p. il) :
« Ruehl avait remarqué que chez les Tyndanis des Alpes suisses
qu'il avait sous les yeux, en rédigeant son ouvrage, quelques-uns
n'avaient qu'un œil à la pointe de l'aile et que chez d'autres l'œil
de la cellule 4 manquait à gauche, tandis qu'à droite les deux yeux
étaient présents; il se demande si c'est par un effet du hasard qu'il
n'a jamais rencontré la disposition inverse. »
340 LÈPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
/' RACE: Tyndarus, Esper (Tab. LXVII, fig. i); route du
Simplon; Zermatt (A. Guenée, Ch. Oberthùr); Sambucco; Arolla;
Grisons; vallée de Saas; Loëche; dans les Alpes de la Suisse.
La taille est petite; la forme des ailes est très arrondie; aux
ailes inférieures, les taches ocellées font absolument défaut; aux
ailes supérieures, tantôt les taches ocellées manquent complètement,
tantôt elles existent, mais très réduites, assez rarement pupillées
de blanc, au nombre de 2, séparées l'une de l'autre. Les exemplaires
qui n'ont aucune tache ocellée aux ailes supérieures appartiennent
à l'Ab. Cœcodromus, Guenée. Cette Cœcodromus et la Tyndarus
dont Cœcodronms est l'expression extrême dans le sens à'imponc-
iuation, n'est pas rare au-dessous du plateau du Ryffel, oii elle
voltige avec une grande vivacité, mêlée à la Mnestra; mais le vol
des deux espèces est bien différent. Tyndarus va droit devant elle,
rasant presque le sol et agitant ses ailes un peu comme les Hespé-
rides. Elle ne dépasse guère les pâturages et les pentes qui sont
au-dessous du grand plateau du Ryffel, 011 elle cède la place à
lappona et à Gorge.
Il convient d'observer qu'il y a des exemplaires de transition
entre Tyndarus et Cassioides et que, pour séparer les deux races,
c'est sur l'ensemble qu'il faut juger. D'autre part, certaines localités
présentent des échantillons plus ou moins caractéristiques de l'une
des deux races. Zermatt serait un lieu où Tyndarus est très accen-
tuée; à Digne, Cassioides serait également nettement indiquée;
mais à Lanslebourg (Savoie), il y a de nombreuses transitions entre
Tyndarus et Cassioides et comme un mélange des deux races.
Je range donc les races géographiques de l'Europe occidentale
de VErebia Tyndarus comme suit :
Tyndarus, Esper; Alpes de la Suisse.
Cassioides, von Hohenwarth; Alpes françaises; Pyrénées
centrales; Asturies.
arvernensis, Obthr; Auvergne.
Cleo, Huebner (g 211, 212)'; mont Majella,
LÉPIDOPTEROLOGIE COMPAREE 34I
( pyraunca, Ruehl; Pyrénées-Orienlales.
\ Rondoiii, Obthr; Hautes-Pyrénées.
f Hispanïa, Butler; Andalousie.
Je connais en outre les races orientales suivantes :
DroiHiiliis-, Stgr (ex Stgr) ; Arménie (2 cf ) ;
sibiricûy Stgr (ex Stgr) ; Sibérie méridionale (Sajan) et Sibérie
occidentale (6 cf, 3 Q ) ;
otloiuana, Herrich-Schaeffer; Grèce; Bulgarie (8 cf, 5 Q);
iranicci, Groum (ex Groum-Grgimailo) ; Demavend (Elbours)
(I Cf);
Liïllias, Edwards; Colorado (5 cf).
De plus, j'ai reçu autrefois de Bakurian (ex Romanoff), 1 cf
et I g d'une race de T ynclarus, non nommée, intermédiaire entre
les formes du groupe Cass'wides et celles du groupe pyrenaica\
et dans les collections Bellier et de Graslin, j'ai trouvé la Tyndarus
vraie, avec l'étiquette : Hongrie (2 cf), et une forme analogue à
celle de Bakurian étiquetée : Bannat (i cf et i g). Je ne crois pas
devoir, avec les documents insuffisants dont je dispose, aborder
l'étude critique des races orientales précitées.
Melanargia Galathea, Linné.
Le Demi-Deuil, comme l'appelle le P. Engramelle, est une espèce
très répandue en France, sauf dans les parties du Roussillon et du
Languedoc où habite la Melanargia Lachesis, qui exclut, je crois,
sa congénère Galathea. Celle-ci n'a presque jamais été rencontrée,
à ma connaissance du moins, là où se trouve Lachesis, et récipro-
quement.
La Melanargia Galathea existe en Angleterre où elle paraît être
restée abondante dans certaines localités, principalement de la côte
sud. Galathea ne semble cependant pas vivre en Ecosse et en
Irlande. Les collections anglaises contiennent de jolies variétés du
342 LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE
Demi-Deuil, comme d'ailleurs de toutes les espèces de papillons
britamiiques. Les exemplaires anglais de Galathea que je possède,
provenant de la collection Raynor, qui fut vendue à la Salle
Stevens, le 27 octobre 1891, sont de plus petite taille que les exem-
plaires français; je lis sur les étiquettes fixées aux épingles : Dover,
2-8 83; mais j'ai sous les yeux d'autres exemplaires anglais ayant
fait partie de la collection Briggs, vendue à la Salle Stevens les
27 et 28 octobre 1896, et ces Galathea sont de taille au moins équi-
valente à celles de France. Un cf portant la mention « caught by
Gray at Dover 1890 » appartient à la forme Procida, oii les parties
noires, en dessus comme en dessous, se montrent très envahissantes.
Je possède un exemplaire de la collection Briggs, très semblable
à celui figuré par Mosley, sous le n" 4 de la fig. I de ses Illustrations
d'Aberrations de Papillons anglais; mais malgré la reproduction
faite par Mosley et l'étiquette affirmant qu'il a été pris à Douvres,
par Gray, en 1890, j'aurais considéré ce papillon comme indigène
de la Côte d'Azur plutôt que de la côte méridionale d'Angleterre;
toutefois, Charles Barrett nous apprend (page 295) que « Spé-
cimens of this variety (Procida') exist in a few of our richest
collections, but it is extremely rare hère, and apparently confined
to the south coast ». Même turcica a été trouvée, paraît-il, une fois,
à Kent, en 1 871, et fait partie de la collection de M. A. B. Farn.
Dès lors, après l'assertion de M. C. Barrett, je ne mets plus en doute
la présence, à titre d'Aberration fort rare, d'une forme très obscure
de Galathea en Angleterre.
« In the opposite direction », c'est-à-dire dans le sens des varia-
tions par élimination des parties noires, on a trouvé en Angleterre
des exemplaires assez nombreux de variations claires. Mosley figure
sur la PI. I à^Arge Galathea et sous les n°' i et 2, des Aberrations cf
où les parties blanches dominent; elles sont fort remarquables.
Le n" I, dont je possède un exemplaire presque semblable venant
de Hongrie, fut capturé dans les environs de Gravesend, le
23 juillet 1875 par J. P. Barrett. Il est dépourvu, aux ailes supé-
rieures comme aux inférieures, de toute la partie noire qui, norma-
lement, descend du bord costal et recouvre l'espace cellulaire. Cette
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE 343
Aberration se reproduisant tout à fait analogue et dans des pays
différents, peut être retrouvée probablement partout où vit Galathca.
Elle mérite dès lors un nom et je l'ai appelée Mosleyi.
Chez le n" 2, faisant partie de la collection S. Stevens, le fond
des ailes est jaunâtre. En fait de noir, il ne reste que les bordures
marginales et une indication de la tache noire cellulaire, aux ailes
supérieures. Je n'ai jamais vu une Galathea aussi claire.
Mosley figure aussi, sous le n" 0, l'Aberr. de Galathea entièrement
noire que j'ai représentée moi-même sous le n" 16 de la PI. II de
la XX*" livraison des Etudes d'Entomologie, avec le nom de lu gens.
L'exemplaire de Mosley, dans la collection de M. Farn, fut pris
près Chattenden, en juillet 1871.
Une semblable Aberration lugens a été trouvée à Versoix par
M. le D"" Reverdin, de Genève, et elle est figurée sous les n"^ 4 et 5
de la PI. 6 du n" i du Bulletin de la Soc. léfid. de Genève.
Dans le département d'Ille-et-Vilaine, Galathea est très abon-
dante en juillet et même dans les premiers jours d'août. Je l'ai
observée en grand nombre sur les falaises de Cancale où mon fils,
le D"" J. Oberthiir, a capturé l'Ab. Galène, sans taches ocellées;
je possède aussi des exemplaires pris à Moidrey (Manche), au bord
sud de la baie du Mont Saint-Michel; à Rennes, à Monterfil, à
Bourg~des-Comptes, etc. Je n'ai jamais vu l'Ab. Q Leuconielas
dans les environs de Rennes; on ne l'a pas davantage trouvée en
Angleterre. J'ignore si Galathea habite la côte sud du Finistère.
Bien que j'aie chassé à Ilnelgoat, dans la partie montagneuse cen-
trale du Finistère, en juillet, à l'époque de l'éclosion de Galathea,
je n'y ai point trouvé cette espèce, et je crois qu'elle manque sur
la côte nord du Finistère.
Galathea habite la Loire-Inférieure, où mon frère l'a prise au
Pouliguen. Chez nous, comme je l'ai dit plus haut, elle éclôt depuis
la fin de juin jusqu'aux premiers jours d'août ; mais dans les
régions plus chaudes, Galathea se montre dès les premiers jours
de juin et même dès la fin de mai.
Partout Galathea éclôt une seule fois par an.
344 LÉPIDOPTÉROLOGIE CO.AIPARÉE
Ma collection contient environ un millier d'exemplaires prove-
nant, en outre de l'Angleterre et du département d'Ille-et-Vilaine,
des localités suivantes :
Villers-Cotterets (Aisne); environs de Paris; Lardy (Seine-et-
Oise); Dompierre-sur-Mer (Charente-Inférieure); Angoulême;
Souillac (Lot) ; Charroux (Vienne) ; La Malène et Florac (Lozère) ;
Nay et Biarritz (Basses-Pyrénées); Axât (Aude); forêt de Bou-
cheville (Pyrénées-Orientales); Cauterets (Hautes-Pyrénées); Vi-
zille et LTriage (Isère) ; Aix-les-Bains (Savoie) ; Chamounix
(Haute-Savoie); Dôle (Jura); Morteau (Doubs) ; Celles-les-Bains
(Ardèche); La Grave (Hautes-Alpes); Lectoure (Gers); Limoges;
Marseille, Saint-Pons et Pas-des-Lanciers (Bouches-du-Rhône);
Hyères (Var); La Turbie, Moulinet, Dalnis, L'Escarène, vallée
du Roubion, Puget-Théniers, col de Brans, Levens, Madone de
Fenestre, Digne, Larche, Le Lauzet, Allos, Entrevaux, Mont
Gourdon, Garamagne, dans la région des Alpes-Maritimes et des
Basses-Alpes; Piémont; Stresa; Locarno; lac de Corne; Florence;
Rome; Roccaroso et Palena (Italie méridionale); Sicile; Méran
(Tyrol); Carniole; littoral autrichien de l'Adriatique; Hongrie;
Grèce; Amasia; Broussa (Asie-Mineure); Potes (Asturies); Ober-
land bernois, Ecclepens, Martigny (Suisse) ; Halle-sur-Saale
(Allemagne).
Les variations sont nombreuses et intéressantes : d'une manière
générale, le fond des ailes peut être blanc ou jaune primevère, avec
toutes les transitions chromatiques; les parties noires peuvent être
envahissantes ou rétrécies; les taches ocellées manquent ou sont
multipliées; les dessins du dessous des ailes inférieures peuvent
être atténués ou accentués.
Les Entomologistes se sont soigneusement occupés des variétés
présentées par Galathea; c'est ainsi que M. J. Culot a décrit et
figuré dans le Bulletin de la Société lépidoptér. de Genève (n° i,
p. 69, PI. I, fig. 5), avec le nom de Nicoleti, une Aberration prise
aux environs de Tramelan, chez laquelle les taches blanches
manquent absolument dans la bande marginale noire des ailes
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPAREE 345
inférieures. Je possède un cf de cette Ab. Nie oie ti, pris à Angoulême
par mon ami Gabriel Dupuy, et i cf et i Q capturés à Florac,
par M. Dayrem, en juin et juillet 1908. Il y a toutes les transitions
entre le type et l'Ab. Nuoleii, et ces transitions sont surtout fré-
quentes chez la race provençale Procida.
Dans le même Bulletin de Genève, M. Jullien décrit et figure,
sous le nom de Vis pardi (p. 167, PI. 6, fig. i), un cf dont la tache
noire discoïdale normale des ailes inférieures est indiquée par le
trait noir de son contour, laissant la partie centrale de la tache
plus ou moins envahie par la couleur blanchâtre du fond des ailes.
Je possède un exemplaire cf Vispardi, pris dans le département
du Doubs; plusieurs autres plus ou moins accentués trouvés dans
l'Aisne, le Poitou, en Angleterre, etc.
M. Delahaye, dans le Supplément tout récemment paru au
Catalogue des Lépidoptères de Maine-et-Loire, fait connaître
(p. 12) une Ab. decetnocellata, d'après i cf pourvu de 3 ocelles
aux ailes supérieures en dessous et de 7 ocelles aux inférieures.
J'ai examiné un certain nombre des Galathea de ma collection;
j'ai trouvé une autre decemocellata; c'est une Q de Digne, ayant
\ ocelles aux supérieures et 6 aux inférieures.
Normalement Galathea présente aux ailes supérieures en dessous
I ocelle noir subapical pupille de blanc, et aux inférieures, 6 ocelles
noirs pupilles de blanc et entourés d'un cercle blanc ou jaune, qui
est lui-même limité par un liséré noir. Sur le dessous des ailes,
l'espace compris entre les 2 ocelles supérieurs et les 4 inférieurs
reste vide d'ocelle, par correspondance à la tache blanche du dessus
des ailes, dont la pointe pénètre plus ou moins profondément dans
la bordure marginale noire et crée ainsi la lacune dans la série des
ocelles du dessous.
Les variations dans le nombre et la disposition normale des
taches ocellées du dessous des ailes semblent être fort rares dans
Galathea; cependant j'ai trouvé dans les exemplaires de ma col-
lection plusieurs exemples de 2 ocelles subapicaux aux ailes supé-
rieures; de plus, je possède 2 cf de Digne montrant, l'un : un point
346 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
noir dans chaque espace nervural normalement vide des ailes infé-
rieures en dessous; l'autre : une tache ocellée en voie de formation,
partiellement constituée, mais assez large pour se trouver en contact
de chaque côté avec la série des ocelles et tout près d'établir la
continuité non interrompue des 7 grains de collier qui existe chez
la decernocellata, Delahaye.
L'Ab. inverse Galène, sans yeux, est moins rare; j'en possède
un certain nombre d'exemplaires; quelques-uns sont entièrement
aveugles; d'autres ont quelques faibles traces d'ocelles, ou bien ne
présentent qu'un ocelle ou deux aux ailes inférieures.
Ces Galène proviennent de Celles-les-Bains, i cf (P- Chrétien);
de Dompierre-sur-Mer, 4 cf, 2 g (Vigé et P. Boulé); Charroux,
I Q (R. Oberthiir) ; Auvergne. 2 cf, 2 Q (Guillemot, Bellier) ;
Angoulême, 2 cf (G. Dupuy) ; Lectoure, i Q (Dayrem) ; Cancale,
1 cf (J. Oberthiir).
L'Ab. Q Lcnconielas, dont les ailes inférieures sont, en dessous,
lavées uniformément d'une teinte jaune pâle, se trouve dans les
Charentes, la Lozère, la Provence; je n'ai jamais vu Leiicomelas
à Cauterets, ni à Uriage; pas plus qu'en Bretagne. Aux environs
de Paris, il y a une forme superbe de Leucoviclas que j'ai appelée :
Intetïana, chez laquelle les dessins ordinaires ressortent en jaune
orangé sur le fond jaune crème des ailes inférieures, en dessous;
2 exemplaires de cette forme se trouvaient dans la collection Bellier.
Je n'ai jamais vu de cf Leucomelas\ aussi, lorsque Boisduval écrivit
dans VI cônes (p. 133) : « On rencontre plus souvent des femelles
que des mâles de Leuconielas; cependant M. Rambur a pris en 1832
un cf et une Q accouplés », je suis porté à croire que feu mon
savant ami commit dans ce dernier membre de phrase une confusion.
Je considère comme une Leiicomelas de Proc'ida la Q dont il donne
la figure sous les n"** 3 et 4 de la PI. 25 de Ylconcs. En effet,
Procida offre la Q Leuconielas, concurremment avec la Q normale.
En France, la forme Procida n'existe réellement qu'en Provence
et dans le pays de Nice, et c'est dans les Alpes-Maritimes qu'elle
est plus grande et plus belle. La Procida de Huebner (n°^ 658
et 659) est un cf dont le fond des ailes est jaune primevère, en
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE 347
dessus, assez analogue à ceux qu'on prend à Digne où la race est
plus obscure que chez nous, mais où la taille est généralement moins
grande que dans les Alpes-Maritimes. Boisduval représente sous
les n"' 5 et 6 de la PI. 25 de VIco/u's le d' Procida, comme on le
rencontre dans les Alpes-Maritimes et le Piémont. Duponchel
représente très probablement un Procida cf de même provenance
sous les n°^ 5 et 6 de la PI. XLV, et sa Leiiconielas figurée sous
les n"^ 3 et 4 de la même Planche pourrait bien venir également
du pays de Nice.
La Procida, aux environs de la Turbie notamment, est un papillon
superbe, montrant un large développement des taches noires, avec
une opposition très vive des parties blanches ou jaunâtres; sur le
dessous des cf. les dessins sont très accentués. Il y a des Q de
taille très grande et très largement bordées de noir. C'est en Sicile
que la Galathea est de plus grande taille; mais elle paraît moins
obscure en Sicile que dans les Alpes-Maritimes; à Locarno, la
Galathea a le fond des ailes très blanc et les parties noires semblent
assez développées, on peut lui donner le nom de Procida, ainsi qu'à
la race de Méran; la race de Florence et de Cernobbio, sur les
bords du lac de Côme, est plus obscure que dans la France septen-
trionale et centrale; mais moins caractérisée que la Procida de Nice
et du Piémont. Quant à la Galathea de l'Italie méridionale, elle
surprend par la modestie relative de sa taille et le peu de dévelop-
pement de ses taches noires.
Au point de vue du mélanisme, la variété turcica mérite la palme ;
c'est de Grèce et d'Amasia que proviennent les exemplaires les plus
mélanisants.
^lillière a figuré sous le n° i de la PI. III de la 3" livraison de
sa belle Iconographie, avec le nom de turcica, Bdv., une Ab. quasi-
lugens de Galathea, d'après un cf pris à Digne par feu Donzel,
en se fondant sur la courte diagnose de Boisduval « fere tota
nigra »; mais le papillon figuré par Millière n'est pas turcica,
quoique presque tout noir; turcica désigne une race qui est une
exagération de Procida et ne peut s'appliquer à une Aberration
telle que Donzel en captura un magnifique échantillon bien digne
348 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
assurément d'être reproduit dans l'artistique Iconographie de feu
mon ami Millière. Ma collection contient un superbe cf de Marseille
qui est un peu moins noir que le qiiasi-lugens de Digne; il appar-
tenait à feu Rellier. En outre, j'ai figuré sous le n° ly de la PL II
de la XX* livraison des Etudes d' Entomologie une belle variété
mélanisante venant de la Lozère et faisant également partie de la
collection Bellier. De plus, j'ai reçu des Basses-Alpes (St-Martin-
d'Entraunes et Digne) 2 cf très mélanisants par le fait d'un semis
d'atomes noirs répandus sur une partie des taches blanches des
ailes.
Esper figure sous les n°' 4 et 5 de la Tab. CXI 2 magnifiques
Aberrations de Galathca provenant de Carlsstadt, en Croatie, et
faisant partie de la fameuse collection Gerning; le n" 4 est une
variété très obscure avec le fond des ailes d'un jaune vif; quant
au n" 5, appelé Galaxœra, il ressemble à une tiircica.
Dans le Io.hr esbericht des Wiener entornol. Vereins, 1897, se
trouvent figurées sous les rf^ i et 2 de la Taf. I, avec le nom Antar-
ginata, Metzger, deux Galathea aberrantes cf et g , qui sont décrites
comme suit : Dieser bisher nicht benannten Aberrationen fehlt auf
der Ober-und Unterseite die starke schwarze Saumlinie, welche bei
der typischen Form auf der Vorderfluegel-Oberseite meist in dem
schwarzen Saumfelde verschwindet. Auf der Unterseite der Hin-
terfluegel fehlt hier auch die sonst scharfe, schwarze Begrenzung
der Zackenbinde hinter der Augenreihe ». Cette Aberration amar-
ginata a été prise en Carinthie. « und zwar in Wolfsberg beim
Wegbauer Kreuz (Aufstieg zur Koralpe) und in Friesach, an den
westlichen unteren Lagen des Thaïes. » Je possède une Q aniar-
ginata prise à Thiers par feu mon ami Antoine Guillemot, un des
habiles chasseurs et zélés Lépidoptéristes du milieu du siècle der-
nier, auteur d'un excellent Catalogue des Lépidoptères du Puy-
de-Dôme, paru en 1854. Dans le premier Supplément (1858) se
trouve décrite, mais sans nom, l'Aberration amar ginata (p. 6 et 7).
Comme le dit Guillemot, à ne considérer que le dessous des infé-
rieures, cette Aberration est tout le contraire de Galène, où les yeux
n'existent plus, tandis que le reste du dessin a persisté.
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE 349
Cette Aberration Gahiie, « absque ocellis », pourtant ancien-
nement connue, n'est figurée, à ma connaissance, que dans le
lahresber. d. Wien. ent. Vereins, 1897 (Taf. I, fig. 3).
Melanargia Lachesis, Huebner.
C'est une espèce propre à l'Espagne occidentale, centrale et
méridionale, ainsi qu'aux départements français limitrophes de la
Méditerranée, depuis les Pyrénées-Orientales jusqu'aux Bouches-
du-Rhône.
Ma collection contient des exemplaires provenant de : Grenade,
Escorial, Albarracin, Sierra-Alta, en Espagne; Marseille, Pont-
du-Gard, Nîmes, Montpellier, Millas et Vernet-les-Bains, dans la
France méridionale.
Toutefois je dois observer que par Marseille, localité que
désigne Bellier sur un exemplaire de sa collection, il faut entendre
une partie du département des Bouches-du-Rhône peut-être assez
éloignée de Marseille, plutôt que les environs immédiats de cette
ville.
Le docteur Siépi, dans le Catalogue raisonné des Lépid. des
Bouches-du-Rhône, donne seulement le nord du département pour
localité de Lachesis. Celle-ci et Galaihea, qui semblent généra-
lement s'exclure, ont donc dans le nord des Bouches-du-Rhône,
où se trouve également Galathea, un point de réunion, de même
que Podalirius et F eisthamelii trouvent à se rencontrer à Gèdre,
dans les Hautes-Pyrénées, ainsi que nous l'a appris M. Rondou.
Lachesis a été d'abord représentée par Huebner, d'après un cT,
en dessus et en dessous. D'où provient ce papillon qui a servi à
Huebner pour fonder l'espèce? Huebner ne le dit pas; ou du
moins je suis resté inhabile à découvrir une indication que cet
auteur aurait pu donner. Mais en examinant la figure, j'ai lieu
de croire que la Lachesis cf de Huebner est de provenance
espagnole.
350 LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE
En effet, chez l'exemplaire figuré par Huebner, l'ocelle bleuâtre
des ailes supérieures est très nettement accentué; les 5 ocelles
ordinaires des ailes inférieures sont également très bien marqués
en dessus comme en dessous ; les dessins noirs sont peu épais ; le
fond des ailes est d'un blanc très faiblement jaunâtre et la liture
marginale noire, si généralement accentuée le long du bord exté-
rieur des ailes inférieures, chez les Lachesïs de France, et faisant
au contraire si fréquemment défaut chez les Lachesis des régions
chaudes et d'une altitude modérée de l'Espagne, est réduite à son
expression la plus simple.
Pour toutes ces raisons, je considère donc la forme premièrement
décrite de Lachesis comme provenant très vraisemblablement de
l'Espagne, et j'ai sous les yeux des exemplaires de l'Escorial pris
les 29 et 30 juillet 1879, parmi lesquels plusieurs me paraissent
bien conformes à la figure donnée par Huebner. Le même Huebner
figure, sous les n"*" 188, 189, une Q que je ne puis cependant
considérer comme espagnole, ainsi que le cf 186, 187; mais plutôt
comme languedocienne.
Je ne me dissimule pas le trouble qui résulte de cette circons-
tance dans la question de savoir d'où peut provenir le type même
de l'Espèce. Il y a évidemment des chances pour que la Q (non
signalée dans le Catalog Staudinger et Rebel 1901) ait la même
origine que le çj \ ce qui ne s'accorde cependant pas avec les
documents dont je dispose. Dès lors, je considère le d" seul figuré
..par Huebner comme pouvant être espagnol, puisque certains cf
Lachesis de l'Escorial concordent avec la figure donnée par cet
auteur.
Esper, sous les n°' i et 2 de la Tab. XCVI, a figuré avec le
nom nemausiaca, un cf et une Q pris à Nîmes et représentant
assez exactement la forme géographique du Languedoc médi-
terranéen. Chez ces nemausiaca, la liture marginale noire des ailes
inférieures du cf est très accentuée et le dessous des ailes infé-
rieures de la Q montre des taches et ocelles d'une couleur ocre
jaune se détachant nettement sur le fond jaune assez vif des ailes.
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE 351
comme chez la Q figurée par Huebner sous les n°' i88, 189, ce
qui constitue encore un caractère clistinctif entre les races espa-
gnole et française de Lachcsïs. Chez la Lachesis de l'Escorial,
les g tendent à avoir les ailes inférieures, en dessous, unifor-
mément lavées d'une teinte crème, sans que les taches médianes
apparaissent. Cette Ab. g, analogue à Leucomelas de Galathen,
a été appelée Cataleuca par Stgr; mais toutes les g de Lachesis
à l'Escorial ne sont pas plus des Cataleuca que nulle part les
Galathea g ne sont des Leucomelas.
Seulement les Lachesis g de l'Escorial, qui ne sont pas des
Cataleuca, semblent tendre vers cette Aberration, en ce sens que
le fond des ailes inférieures, en dessous, est lavé de la même teinte
crème, mais avec les taches médianes restées très apparentes,
quoique généralement atténuées et moins nettement dessinées que
chez ncuuxusiaca, Esper, et Lachesis g, Huebner (188, 189).
En outre des deux formes signalées plus haut : Lachesis de
l'Escorial et nemausiaca du Languedoc méditerranéen, il y a la
forme canigulensis, Obthr., des basses montagnes des Pyrénées-
Orientales. Canigulensis est généralement plus petite que nemau-
siaca ; les parties noires y sont plus largement développées et
les g, au lieu de tendre vers 'l'Ab. Cataleuca, ont les contours
des macules médianes et des ocelles des ailes inférieures, en
dessous, bien dessinés et tranchant nettement sur le fond des ailes.
Une exagération de la forme canigulensis est la race de Sierra-
Alta, qui est encore plus petite et qui montre les taches et ocelles
des ailes inférieures, en dessous, tracées en noir avec leur milieu
largement pupille de noir. Cette forme très particulière a été prise
par M. Fabresse, en juillet et commencement d'août 1907. J'en ai
1 1 exemplaires des deux sexes. J'ai distingué cette race sous le
nom de alta.
Cette race alta présente la particularité d'avoir une Ab. g
cataleuca qui est l'antithèse de la! forme normale de la Sierra-Alta,
laquelle est, de toutes celles que je connais, la plus sombre et la
plus éloignée de cataleuca.
352 LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE
Enfin, je dois signaler la superbe forme des plaines du Rous-
sillon, notanniient celle qui vole en juillet, à Millas. C'est une race
très grande, pouvant être considérée comme faisant une transition
entre canigulensis et nemausiaca. Certains exemplaires de Millas
pourraient être en effet rattachés à canigulensis et d'autres à
nemausiaca. A ce propos, il ne faut pas oublier que, pour classiûer
toutes ces races locales, il est indispensable de considérer un
ensemble au moyen d'un grand nombre d'exemplaires et de faire
abstraction des individus aberrants, susceptibles d'être rattachés
à une race autre que celle à laquelle ils appartiennent géographi-
quement.
On peut trouver dans toutes les localités quelques exemplaires
dissemblables de ceux qu'on trouve le plus ordinairement avec eux
et, au contraire, ressemblant davantage à la race normale d'un
autre pays.
J'ai réuni, pour comparer les races de Lachesis, environ 400 indi-
vidus provenant de diverses localités précitées. Malheureusement
j'en possède 6 seulement de l'Andalousie, et c'est tout à fait
insuffisant pour que je puisse me former et exprimer une opinion
sur la forme de cette région qui me semble pourtant fort inté-
ressante.
Continuant donc l'étude des autres formes pour lesquelles je
suis mieux documenté, je signalerai les variations suivantes, dans
la forme : canigulensis.
1° Galenoîdcs, Obthr. ; analogue à l'Ab. Galène que présente
Galathea; c'est-à-dire : absque ocellis. Cette Aberration aveugle,
chez laquelle les taches ocellées manquent en dessus comme en
dessous, paraît fort rare. Mon frère, en vingt années de chasse à
Vernet-les-Bains, en a pris seulement i cf et 2 Q.
Il me semble que Mil Hère a figuré, sans s'en rendre compte,
cette Ab. Galenoides dans son Iconographie. En effet, la Lachesis
cf représentée sous le n° 5 de la PI. 62 de cet artistique ouvrage
est dépourvue de la tache ocellée normale sur les ailes supérieures
et on perçoit seulement un ocelle, encore faiblement indiqué près
de l'angle anal des ailes inférieures. Très probablement, le dessous
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE 353
de cette Lac/iesis, dont Millicre a le tort de ne pas indiquer la
patrie, était : absquc occllis\ car les Galenoïdes de ma collection,
sans ocelles ou presque sans ocelles en dessous, sont également
dépourvus d'ocelles en dessus.
Inversement à l'Ab. Galenoïdes, la Melanargïa Lachcsis est
aussi susceptible d'avoir un point noir ou même un ocelle supplé-
mentaire, entre les 2 ocelles antérieurs et les 4 ocelles inférieurs
des ailes inférieures, tout comme dans l'Ab. décerna cellata de
Galathea. Je possède plusieurs cf des Pyrénées-Orientales pré-
sentant cette particularité. L'un d'eux : novemo cellata, montre
2 taches ocellées aux ailes supérieures, au lieu de l'unique tache
ocellée qui est normale, et 7 aux ailes inférieures. Je n'ai cependant
jamais vu d'exemplaire de Lachcsis ayant en même temps 3 ocelles
aux ailes supérieures et 7 aux inférieures, comme la Galathea
decemo cellata, Delahaye. Mais il doit en exister, car ma collection
contient une Q Lachesis novemocellata avec 6 ocelles aux infé-
rieures (l'espace restant libre et non ocellé entre les 2 ocelles
antérieurs et la série des 4 ocelles inférieurs) et 3 ocelles aux
supérieures, alignés comme suit : l'ocelle normal, une tache ocellée
faible immédiatement au-dessous, un espace nervural libre et un
ocelle très bien cerclé de jaune, occupant tout l'espace nervural.
au-dessous de l'espace libre.
Enfin le fond des 4 ailes, au lieu d'être blanc ou blanc légè-
rement jaunâtre, peut se rencontrer d'une couleur jaune assez
caractérisée. J'ai appelé cette variation : jîavescens.
Je me souviens qu'un jour de juin 1901, j'aperçus près du sentier
qui monte au col de Feuilla, entre Vernet-les-Bains et Sahorre,
une Lachesis cf, d'un jaune très vif, voltigeant sur la pente aride
où poussent quelques touffes de cistns, de dorycnuim, etc., entre
de rares chênes-verts et des pins qu'infeste le Cnethocamfa pytio-
campa. Ayant capturé cette Lachesis, je constatai qu'une fois
morte, la couleur jaune de ses ailes avait beaucoup perdu de son
éclat et de son intensité. Je n'avais encore jamais remarqué la
couleur jaune pâlissant aussi sensiblement chez un papillon ayant
perdu la vie.
23
354 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
Il me semble donc que je puis établir le classement des races
et variations de Lachesis, présentement connues de moi, de la
manière suivante qui résume mes observations :
Lachesis, Huebner (cf, i86, 187); forma : Escorialensis.
— Escorial (Espagne),
Ab. Ç) cataleuca, Stgr. — Escorial, Albarracin.
forma : nemausiaca, Esper (Tab. XCVI ; cf , fig- i ; Q .
lig. 2); Huebner (ç, 188, 189). — Languedoc
méditerranéen.
forma : canigulensis, Obthr. — Vernet-les-Bains (Pyré-
nées-Orientales).
Ab. Galenoides, Obthr,
Ab. novemocellata, Obthr.
Ab. flavescens, Obthr.
( forma : alla, Obthr. — Sierra-Alta (Espagne).
) Ab. g cataleuca, Stgr.
Melanargia Lucasî, Rambur.
Lucas, le premier, a figuré avec le nom de Clotho? Hbn., sous
les n"** 4 et 4 c7 de la PI. 2 de V Exploration scientifique de
l'Algérie, la M elanar gia si répandue en juin dans toute l'Algérie,
la Tunisie et même certaines parties du Maroc, et qui forme une
transition si intime, entre les M elanar gia Galathea et Japygia.
Lorsque j'écrivis la Faune des Lépidoptères de l'Algérie, en
1876, dans la P"^ Livraison des Etudes d'Entomologie, je rapportai
à Galathea, comme variété que j'appelai : mauritanica (p. 26),
cette M elanar gia algérienne. J'ignorais, à l'époque 011 j'écrivis cet
ouvrage, que dans le Catalogue systématique des Lépidoptères
de V Andalousie portant la date de 1858, Rambur, dissertant sur
VArge algérienne appelée Clotho? par Lucas, lui avait donné le
nom de Lîicasi.
LÉPIDOPTÉROLOGIE COAIPARÉE 355
Les considérations d'ailleurs très contestables, pour une partie
au moins, exposées par Ranibur au sujet de ce Satyride, sont
imprimées en note, à la page 20 du Catalogue de ï Andalousie.
En 1867, dans les Annales de la Société ent. de France, mon
ami Gaston Allard, sous le modeste titre de Notes sur les Insectes
de l'Algérie, rapportait à ïArge Clotho, var. Atropos, la Mela-
nargia Lucasi, Rambur.
Cette Atropos est la forme sicilienne dont Bel lier {^Annal. Soc.
ent. France, 1860, p. 677), parle dans les termes suivants : « Clotho
est remplacée en Sicile par le type Atropos d'Huebner ou Lyssia-
nassa de Dabi. La coloration varie du blanc plus ou moins pur
au blanc jaunâtre et les femelles sont quelquefois très obscures.
Cette Arge est assez localisée, mais on peut en prendre un grand
nombre dans les lieux qu'elle fréquente. Elle affectionne les pentes
très méridionales couvertes de graminées, et se repose souvent sur
les fleurs des chardons ». J'ai sous les yeux un certain nombre
â^ Atropos prises en Sicile par feu Bellier et en Italie méridionale
par Fabresse, ainsi qu'une quantité considérable de Lucasi pro-
venant de diverses localités de la Barbarie.
Il est évident qu'il y a entre Atropos de Sicile et d'Italie méri-
dionale, dont le cf a été bien figuré par Huebner sous les n"^ 192
et 193, et Lucasi de Mauritanie, une bien grande analogie; mais
Lucasi a un caractère qui paraît constant et que je ne trouve pas
chez les 27 Atropos que j'ai sous les yeux; c'est un trait noir dans
le dernier espace intranervural du dessous des ailes inférieures
qui forme le bord abdominal. Il résulte de ce trait noir chez Lucasi
que la dernière nervure partant de la base des ailes inférieures,
en dessous, et aboutissant au bord abdominal, est doublée jusqu'à
la moitié de son parcours, formant ainsi une sorte d'Y, si on la
considère de bas en liaut. Au contraire, chez Atropos, la même
nervure qui longe le bord abdominal consiste en un trait droit,
sans fourche. Chez Galathea, la nervure abdominale, dite : interne,
par A. Lefebvre, forme la fourche, mais dans le sens interne, tandis
que chez Lucasi c'est dans le sens externe que se fait la bifur-
cation.
350 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
Ce caractère est représenté sous le n" 4 a de la PI. 2 de VExplor.
scient, de l'Algérie.
Il manque dans la figure que Huebner donne d'Alropos, sous
le xf 193.
Feu Alexandre Lefebvre s'était beaucoup occupé de la nervu-
lation chez les Lépidoptères, et il a fait imprimer dans les Annales
de la Société entomologique de France, 1832, une importante
Notice intitulée : Caractère distinctif entre quelques Satyres
européens de la section des Leucomélaniens (p. 80-90). Une
planche accompagne ce travail. Il est assez bizarre qu'aucune
mention ne soit faite par A. Lefebvre des caractères de la nervu-
lation des ailes inférieures, mais uniquement de ceux des ailes
supérieures. Lefebvre ne connaissait pas Lucasi; mais il connaissait
parfaitement la Larissa et sa variété Herta, âgurée par Huebner
sous les n°^ 896 à 899 et 900 à 903; la fourche existe chez Larissa
et chez Herta, comme chez Lucasi.
Je crois qu'on peut en ce moment considérer Lucasi comme une
espèce propre, tenant à la fois de Galathea, de Clôt ho et de
Larissa, très commune dans les trois provinces algériennes où elle
éclôt une seule fois par an, au mois de juin.
Il y a une forme à fond des ailes blanc et une autre forme à
fond jaunâtre, mais de nuance jaune peu accentuée. La tendance
aux 7 ocelles sur les ailes inférieures, en dessus aussi bien qu'en
dessous, est exceptionnellement fréquente. Il y a relativement
beaucoup d'exemplaires chez lesquels les ocelles des ailes infé-
rieures forment une série ininterrompue de 7 taches. Souvent, aux
ailes supérieures, on constate 2 ocelles, et je possède quelques
exemplaires montrant 3 ocelles aux supérieures et 7 aux infé-
rieures, c'est-à-dire la variété decemocellata. Je suis convaincu
qu'on doit trouver la variété undecimocellata, et même duodecim-
ocellata, ayant aux ailes supérieures une série droite et continue
de 4 ou 5 ocelles, en même temps que les 7 aux inférieures.
Chez les Lucasi decemocellata de ma collection on remarque
aux ailes supérieures un ocelle qui se trouve dans l'espace intra-
nervural immédiatement inférieur à l'ocelle normal; puis il y a
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE 357
un espace intriinervural vide et un 3° ocelle dans l'espace intra-
nervural suivant ; mais dans \ luidccimoccllata que je ne connais
pas encore, l'espace nervural intermédiaire doit être ocellé, et dans
la var. diiodecimoccllata, en outre des 4 ocelles formant une série
intranervurale droite et non interrompue, il doit y avoir un
5" ocelle dans l'espace intranervural supérieur h. l'ocelle normal.
Je n'ai jamais vu d'Aberration par suppression des ocelles,
comme dans Galène.
Les Q varient beaucoup pour l'intensité de la couleur jaune
des ailes inférieures en dessous. Les deux sexes sont de taille
variable, souvent très grands, comme les plus grandes Atropos,
quelquefois relativement petits, tels nos Galathea de la France
boréale. Les parties noires peuvent être plus ou moins envahis-
santes, et chez certains exemplaires, elles sont, par albinisme, plus
ou moins grisâtres.
Ma collection renferme des exemplaires de Khenchela; Lam-
bèze; Col de Chréa (Alger); Daya : Sebdou ; Ourika (Maroc).
J'ai deux exemplaires seulement d'Ourika; ils ressemblent plus à
Galathea que les autres.
Melanargia Japygia, Esper.
Les Melanargia Galathea et Lachesis sont des espèces prati-
coles, aimant à voltiger assez mollement un peu au dessus du sol,
dans les lieux herbus et les moissons. On les capture aisément
dans tous les bois clairs où il y a de hautes herbes, tandis que la
Japygia, tout au moins en France, se plaît dans les sites calcaires
les plus arides, volant très vite au milieu des pierres et se reposant
à l'occasion sur le sol. Dans la Lozère, c'est au Causse-Méjean,
vaste plateau calcaire s'étendant à l'est de la ville de Florac et
bien plus haut qu'elle, qu'on voit en grand nombre la Japygia
Cleanthe, pendant le mois de juillet.
En France, on trouve encore Cleanthe dans les Basses- Alpes,
entre Digne et le col de Lure; mais je ne connais aucune autre
358 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
localité française où cette Mdnnargia ait été rencontrée jusqu'ici.
En Espagne, on trouve à Albarracin, à l'Escorial et à la Granja
une forme de Japygia assez spéciale, surtout à l'Escorial, où elle
est très claire et analogue à la forme de Lachcsis, dans les mêmes
lieux, comparativement à celle des autres contrées. Les exemplaires
de ma collection ont été pris à la fin de juillet 1879 et en juin 1880;
mais j'ai seulement 5 exemplaires de la forme espagnole, et c'est
tout à fait insuffisant pour pouvoir en disserter.
La Melanargïa Japygia est répandue en Hongrie, d'où ma
collection contient 2 cf Ab. Galeniformis, sans aucune tache ocellée
sur le dessus des ailes, mais conservant l'indication de quelques
faibles ocelles sur les ailes inférieures en dessous; la forme de
Hongrie est plus grande, avec les parties noires beaucoup moins
accentuées que chez Cleanthe de Digne et Florac et Atropos de
Sicile et d'Italie méridionale.
Les chasseurs de Digne ont pris entre cette ville et le col de
Lure une belle Q Ab. Galeniformis; elle est presque complètement
aveugle, les Ab. novemocellata ne semblent pas rares dans les
Basses-Alpes, c'est-à-dire avec une série continue et non inter-
rompue de y ocelles aux inférieures, tandis que les supérieures en
présentent 2. La forme normale a i ocelle aux supérieures et 6
aux inférieures en 2 séries de 2 et 4 séparées par une lacune.
L'espèce est répandue vers l'orient jusqu'au Turkestan, d'où j'ai
reçu une bonne série d'exemplaires ressemblant à ceux de Hongrie,
pris au Fort-Naryne, dans la province Semirechgensee, par
G. S. Akulin.
Dans le sud de l'Italie, à Avellino et Paternopoli, la race
Atropos, prise par Fabresse en juillet 1907, ne paraît pas différer
de la forme sicilienne récoltée jadis par Bellier et plus récemment
par Kriiger pour le comte Turati.
Melanargia Arge, Sulzer.
J'ai déjà parlé de l'ouvrage de Sulzer à propos du Satyrus
Faitna. C'est un très beau livre portant deux frontispices gravés
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE 359
en taille-douce, comme c'était la mode au XX^lll" siècle. Sur le
frontispice de la 2'' partie, le peintre Schellenberg représente trois
amours se jouant au milieu d'une quantité d'Insectes, parmi les-
quels on distingue le GoliatJms gigantcus, des Satiirnulcs, et une
foule é\iritciilés de tous les Ordres qui sont figurés dans les
Planches suivantes. L'ornementation est donc réalisée au moyen
de formes naturelles et nullement de fantaisie, selon la devise qui
devrait toujours inspirer les peintres : Naturel Artis magïstra.
II y a dans l'ouvrage de Sulzer 32 ansgemahltc Kiipfcrtdfcln,
et c'est sur la lô*" de ces Planches de cuivre coloriées à la main
que se trouve représentée avec le nom dWrge (dessus des ailes,
n" 9; dessous, n" 8) l'élégante Melanargïa que Huebner et Bois-
duval ont plus tard figurée avec le nom é'Amphitrilc.
Sulzer dit que son A rgc vient de Sicile. Comme les dessins du
milieu des ailes inférieures, en dessous, sont noirs et non d'un brun
rosé, il est certain que VArge représentée par Sulzer est originaire
de l'Italie continentale et non de la Sicile, ainsi que le prétend à
tort le naturaliste de Winterthui-. Mais le royaume des Deux-
Siciles s'est entendu pour l'Italie continentale méridionale et pour
l'île de Sicile réunies; il est dès lors probable que la confusion
commise par Sulzer trouve son explication dans cette circonstance.
La Melanargïa Argc commence à voler vers le 10 mai aux
environs d'Amalfi, où mon frère la trouva jadis assez abondante,
et près de Castellamare-di-Stabia, sur les bords de la route en
corniche qui longe la mer depuis les dernières maisons de Castel-
lamare dans la direction de Sorrente; je la capturai en 1907, dans
cette localité.
La Melanargïa Arge se trouve au milieu des herbes qui poussent
drues et assez hautes entre les pierres calcaires éparses; son vol
est vif et devient très actif lorsqu'elle se sent poursuivie; d'ailleurs
les lieux qu'elle habite sont généralement escarpés et difficiles à
parcourir. En effet les pierres, couvertes en partie par les herbes,
peuvent être dangereuses et sont souvent très glissantes. Çà et là,
sur la côte, il y a entre la route et la mer, à 2 ou 3 kilomètres de
Castellamare, des petits ravins herbus traversés par un sentier qui
360 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
sert aux pêcheurs de communication avec la minuscule baie où
sont amarrées leurs barques. Dans ces parties de falaises, la
Melanargia Arge est plus facile à prendre; elle y paraît telle
Amphïtrïtc sortant du sein des flots méditerranéens. Souvent, en
la voyant voltiger devant moi, à quelques pas de la mer, au milieu
de ces plis de terrain couverts de verdure et de fleurs, je me rap-
pelais ce nom si bien approprié que lui avait donné le grand
iconographe Huebner. Boisduval avait adopté le nom dWmphi-
trite et a publié sous ce nom, dans \ Icônes (PI. 27, fig. i, 2) de
bonnes figures de l'Espèce. M. P. Fabresse a pris abondamment
la Melanargia Arge à San-Cataldo et à Brindisi, dans l'Italie
méridionale, en 1907; il a capturé une Q avec taches ocellées très
réduites, voisine de C œca, Stgr. {absqiic ocellïs). Dans la collec-
tion de Graslin se trouvait un cf de Calabre, demi-aveugle; mais
je n'ai jamais vu la véritable Cœca, qui est à Arge ce que Galène
est à Galathea.
Arge semble avoir aux environs de Castellamare une foniie
obscure, très chargée d'atomes noirs. Zickert y a rencontré un cf
dont les ailes sont très envahies par le noir; il appartient main-
tenant au comte Turati ; moi-même j'y ai capturé un exemplaire C?
semblable, en mai 1907.
Melanargia Pherusa, Boisduval.
Il y a entre Melanargia Arge d'une part et les Melanargia
Pliernsa et Psyché d'autre part, une affinité très grande et qui me
porte à considérer Pherusa et Psyché comme des races géogra-
phiques âJArgc. Cependant mon opinion reste incertaine, à cause
de la particularité suivante : sur le dessous des ailes inférieures,
Arge a les dessins noirs, tandis que les mêmes dessins chez
Pherusa et Psyché sont d'un brun rosé. Par ailleurs les taches et
dessins divers sont bien analogues entre les 3 : Arge, Pherusa et
Psyché; ils sont plus épais, plus complets ou plus minces, selon
chaque race, et cette différence ne constitue pas un caractère spéci-
I
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE 36 1
fique sérieux ; mais je ne puis me défendre d'accorder une impor-
tance à la différence de couleur entre les dessins du milieu des
ailes inférieures en dessous, toujours noirs chez Argc, toujours
bruns chez les autres.
Phcrnsa a été figurée par Boisduval dans VIconcs, sous les
n"^ 4, 5 et 6 de la PI. 26; elle habite exclusivement la Sicile et
elle offre une variété Cœca que Bellier a appelée Ples(Uira. Cette
Plesaura ne semble pas fort rare; j'en possède 11 exemplaires des
deux sexes pris par feu Bellier. Plesaura est à Pheriisa ce que
Galène est à Galathca.
Melanargia Psyché, Huebner.
Habite les départements français méditerranéens, certaines
parties de l'Espagne et de l'Algérie. Ma collection contient des
exemplaires de Juan-les-Pins (Alpes-Maritimes); Hyères (Var);
environs de Marseille; Collioure; Barcelone, en Catalogne; El
Pardo, près Madrid; route de Jimera à Benoajan, entre Ronda et
Algesiras; Sebdou.
L'Aberration Cœca Ixora, Boisduval (J canes, pi. 27, fig. 3, 4)
est tout à fait analogue à Plesaura, comparativement à PhenLur.
Je possède 2 cf Ixora dont le type de Boisduval qui fut proba-
blement pris à Montpellier, par Magnol. Huebner a figuré cette
même Ixora, sous les n°' 694 et 695, mais sans lui donner de nom.
L'Aberration contraire Anlixora, Obthr. {Etudes d'entomoL,
XX^ Livr., PI. n, fig. 15), analogue à l'Ab. amarginata de
Galathca, se trouve à Hyères, d'où proviennent le cf et la Q de
ma collection.
De plus, Huebner a figuré sous les n'" 676 et 677, 696 et 697,
une race obscure dont j'ai sous les yeux 1 1 exemplaires des deux
sexes, les uns pris dans les Alpes-Maritimes et en Andalousie
(coll. Wiskott), les autres faisant partie des anciennes collections
Boisduval et Bellier, oi'i ils figuraient sans indication de patrie.
Ces papillons sont en très bon état, mais ils paraissent très anciens,
362 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
et je suis porté à croire qu'on a dû récolter autrefois dans quelque
localité dont l'indication précise a été perdue, une certaine quantité
d'exemplaires d'une race de Psyché particulièrement obscure et"
dont le dessous des ailes inférieures est presque entièrement lavé
de brun.
Je désigne cette Aberration sous le nom de Hucbneri.
Je crois qu'on ne connaissait pas encore la Mclanargïa Psyché
d'Algérie. M. H. Powell en a capturé 2 cf aux environs de Sebdou,
en mai 1907.
La race algérienne est plus petite et plus fine que la race pro-
vençale. Elle est aussi moins obscure, notamment sur le dessous
des ailes supérieures. Les dessins du dessous des ailes inférieures
sont fins et de nuance brun clair. Les ocelles sont grands, avec
le milieu largement bleuâtre et un tout petit iris central blanc.
Si je possédais un plus grand nombre d'exemplaires et s'ils
étaient semblables entre eux, je considérerais sans doute comme
nécessaire de distinguer la race algérienne par un nom; mais je
dispose d'une quantité de documents insuffisante pour apprécier
la race algérienne comparativement aux autres.
L'une des Psyché de Sebdou a 2 ocelles aux ailes supérieures
et la trace du f ocelle entre la série des 2 et celle des 4, dans
l'espace nervural ordinairement libre aux ailes inférieures en
dessous. L'Ab. novcmocellata et même deccmocellata doit exister
dans toutes les localités, car j'en ai un cf deccmocellata, très
caractérisé, des Alpes-Maritimes.
U'Arge Psyché, fort bien figurée par Huebner sous les n""* 198
et 199, est un papillon charmant, qui éclôt une seule fois par an,
au printemps, et vole dans les lieux herbus, parmi les pierres. Il
n'est généralement pas rare dans les endroits qu'il habite, mais
comme il y règne quelquefois un vent violent, les papillons sont
assez souvent déchirés et obligés de s'abriter parmi les roches et
les herbes.
Les Q ont souvent la tendance à avoir le fond des ailes un
peu jaunâtre en dessus; cependant, le plus souvent, les Melanargïa
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE 363
Psychc sont d'un blanc pur; mais dans presque toutes les localités
et notamment à Collioure, il y a des exemplaires jaunâtres.
Minière a fait connaître les premiers états de Melanargia
Psyché dans le Vol. III de VI cono graphie des chenilles et Lépid.
inédits (p. 275-2;;, PI. 133. fig. 1-4).
Melanargia Inès, Hoffm.
T. a plus jolie espèce du genre Melanargia; répandue en Por-
tugal, en Espagne méridionale et en Algérie; varie pour l'épais-
sissement ou le rétrécissement des dessins noirs des ailes; offre la
même Aberration mélanienne que Psyché. Je possède 2 cf et 2 Q
de cette variation mélanisante à laquelle j'ai donné le nom de
Hiiebncri, comme à la variation analogue de sa congénère. 3 de
ces Ines-Huebneri viennent de la collection Wiskott et l'autre m'a
été offert par feu le colonel d'artillerie Duro. Dans ma collection,
il y a des Melanargia Inès provenant des localités suivantes :
Portugal : Lagos (Fabresse, mai 1906); Espagne : vallée entre
Ronda et Algesiras (Fabresse, mai igoô; Charles Oberthiir, mai
1894); Carthagène (R. Oberthur) ; Cordoue (Ch. Oberthùr, avril
186;); Grenade (de Graslin, Argiielles); Malaga (de Graslin) ;
Algérie : Mécheria (L* Fahayc, fin mars 1886); Oran (Gaston
Allard); Lambcze (J. Mcrkl, juin 1884); Sebdou (D'" Godet;
H. Powell, mai 190;) ; Bou-Saada (Gaston Allard et R. Oberthiir,
mai i8;5).
L'espèce n'est pas rare; elle a les mœurs de Psyché.
Il y a, comme chez toutes les Melanargia, une race à fond des
ailes blanc pur et une autre jaunâtre; de plus, les ocelles des ailes
inférieures peuvent former une série continue et la lacune ordi-
naire peut se trouver comblée par un ocelle supplémentaire faisant
ainsi la jonction entre les deux groupes ordinairement séparés
des ocelles.
364 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
Pararge Megaera, Linné.
Habite presque toute l'Europe, y compris l'Angleterre; éclôt
deux fois par an, au printemps et en été, et présente les variations
les plus intéressantes, tant au point de vue des formes géogra-
phiques que de l'albinisme, du mélanisme et du nombre des taches
ocellées qui décorent les ailes.
Ma collection contient des exemplaires des localités suivantes :
Angleterre (ex coll. Raynor qui fut vendue à la salle Stevens, le
27 octobre 1891); Hyères; Vernet-les-Bains et Millas (Pyrénées-
Orientales); Lectoure ( Gers) ; Florac (Lozère); Besançon; La
Turbie et Tourettes (Alpes-Maritimes); Digne et Entrevaux
(Basses-Alpes); Cancale et Rennes; Châteaudun; Paris; Lagos
(Portugal) ; Grenade, Sierra-Nevada, vallée de Ronda (Anda-
lousie); Brindisi, Avellino et Patcrnopoli (Italie mérid.); Sicile;
lac de Côme; Saxe; Silésie; Autriche; Corse; Sardaigne; Dal-
matie; Grèce; Biskra, Lambèze, Khenchela, Hussein-Dey, Mé-
cheria, Sebdou, Djebel-Ouargla, Yakouren, Magenta (Algérie) ;
Broussa (Asie-Mineure).
En Angleterre, la forme est analogue à celle de Bretagne; la
couleur fauve du fond des ailes, en dessus, n'est pas très vive, et
il semble y avoir tendance à un mélanisme causé par l'élargis-
sement relatif des dessins noirâtres.
Dans la France méridionale, la teinte est, surtout pour les Q,
d'un fauve orangé plus vif que dans le nord, et notamment aux
environs de Lectoure, la variation pour les taches ocellées est tout
à fait remarquable. Le minimum et en même temps la règle nor-
male de l'ocellation pour l'Espèce paraît être une tache subapicale
noire pupillée de blanc aux ailes supérieures en dessus, et 4 taches
noires pupillées de blanc, aux ailes inférieures également en
dessus; mais par défaut d'ocellation, les ailes inférieures peuvent
être, en dessus, dépourvues de toute tache ocellée, alors que le
dessous des ailes reste ocellé. Je possède un cf de Graz ne pré-
sentant aucune trace d'ocellation sur le dessus des ailes infé-
t
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE 365
rieures; je n'ai pas vu l'absence d'ocelle aux supérieures, mais je
SUIS convauicu que cette Aberration doit exister.
Quant au surcroît d'ocellation, on trouve fréquemment des
Megœra ayant aux ailes supérieures un petit ocelle apical noir,
pupille de blanc, supérieur à l'ocelle normal, et un autre petit
ocelle semblable, inférieur à l'ocelle normal auquel il est parfois
juxtaposé; on trouve en outre, sur certains exemplaires de Megœra,
l'ocelle normal doublé d'un ocelle presque égal à lui-même et avec
les 2 petits ocelles satellites; l'un apical, comme il est dit ci-dessus,
l'autre situé dans l'espace intranervural un peu plus bas. C'est
cette forme : quadriocellata qui a été appelée Albertï; j'en possède
de Lectoure plusieurs exemplaires très caractérisés.
Chez beaucoup d'espèces de Satyridœ, tous les espaces compris
entre les nervures sont susceptibles de contenir une tache ocellée;
comparativement à l'ocellation normale, il peut donc y avoir
surnombre d'ocelles, et inversement, on peut constater un manque
total ou partiel des taches ocellées ordinaires. C'est dans cet ordre
d'idées qu'il faut envisager la variation des ocelles dans Megœra,
en tenant compte aussi de l'asymétrie assez fréquente et d'après
laquelle un côté des ailes peut se trouver plus richement ocellé
que l'autre.
La variation peut encore porter sur l'albinisme ou le mélanisme
de la couleur du fond.
Mosley figure sous le n" i de la Planche consacrée aux Pararge
et Epinephele anglais, une Q Megœra, de la collection Robson,
dont le fond des ailes est d'un blanc grisâtre, et sous le n° 2 de
la même Planche, une Q également atteinte d'albinisme. Je pos-
sède une Ç) Megœra, venant de Saxe, ayant toutes les parties
normalement noires remplacées par du blanc grisâtre, sauf les
ocelles qui restent noirâtres; les parties fauves subsistent, mais
plus claires. J'ai un cf de Silésie, presque tout entier d'un gris
blond très pâle, avec les ocelles restés noirâtres. M. Charles
Barrett figure sous \^ n" i b de la PL 32 de l'ouvrage The Lepi-
doptera of the Britïsh Islands, une Megœra cf dont le fond des
ailes est d'une couleur fauve très i)âle. Le même auteur figure
366 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
SOUS le n" i c de la même Planche une Q mélanisante, à cause
de l'envahissement de tout l'espace médian par la couleur noire;
c'est sans doute l'Aberration mediolugens, Fuchs. Je possède un cf
et une Ç) de cette Aberration faisant partie de la collection
Bellier. Sous le n" i c, Barrett figure un çS mélanisant, grâce au
développement excessif de la teinte brune sur les 4 ailes; j'ai
ûguré une Aberration analogue, mais non semblable, sous le n° 12
de la PI. 2 de la XX'' livraison des Etudes d'Entomologie. Ma
collection renferme une Q de Reichenbach, en Silésie, mélanisant
tout à fait comme le n° i c, figuré par Barrett.
La Pararge Megœra, en plus des variations pour suppression
ou développement d'ocellation, pour albinisme ou mélanisme,
offre, ainsi que je l'exposais ci-dessus, des variétés géographiques.
La plus accentuée est celle de Corse et de Sardaigne, appelée
Tigelius. L'aspect est tellement modifié que bien des entomolo-
gistes ont cru devoir ériger Tigelius en espèce distincte; mais je
ne crois pas que cette opinion soit exacte, car il y a de remar-
quables transitions entre Megœra et Tigelius. Une des plus inté-
ressantes de ces transitions est fournie par la forme sicilienne
dont le cf diffère à peine de certains Tigelius de Sardaigne et
de Corse; la Q sicilienne a cependant les dessins noirs plus
accentués sur le dessus des ailes que la Q Tigelius dont certains
exemplaires ont les dessins en question réduits à l'état de lignes
noirâtres extrêmement fines.
Dans l'Italie méridionale, la forme est voisine de celle de
Sicile, mais plus éloignée que celle-ci de Tigelius.
En Andalousie, les Q sont quelquefois très grandes et ont le
fond des ailes d'un fauve orangé très vif comme en Algérie.
J'ai sous les yeux de longues séries de Megœra provenant des
localités ci-dessus énoncées. Evidemment certains échantillons
anglais ou bretons sont bien différents d'autres spécimens
d'Algérie ou même de la F'rance méridionale; mais il est incon-
testable que çà et là, et dans des localités très éloignées, on
rencontre des Megœra tout à fait analogues les uns aux autres, et
qui pourraient tout aussi bien figurer avec leurs congénères d'un
I
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE 367
tout autre pays. Dès lors je laisse à d'autres le soin de donner
des noms de race qui ne reposeront certainement pas sur un
nombre assez grand d'exemplaires présentant un aspect spécial
pour mériter d'être différenciés dans leur ensemble. Tigclius reste
donc,, à mon avis, seul digne d'un nom particulier.
Quant à Lyssa, Boisduval {Icônes, PI. 44, fig. 4, 5, 6), elle se
distingue par le dessous de ses ailes inférieures dont la couleur
du fond est d'un gris plus argenté. Cette forme Lyssa, que Bois-
duval traite comme une sorte de transition à Mœra, est, je crois,
spéciale à la Dalmatie; je l'ai prise à Raguse, en 1865. C'est par
erreur du graveur que le n" 6 de la PI. 44 est appelé Xiphhi; ce
n° 6 est évidemment Lyssa cf.
La Pararge Megœra n'est nulle part une espèce rare; cependant
elle est en Bretagne assez localisée; on la trouve à la forêt de
Rennes et dans les jardins autour de la ville. Aux bords de la
Manche, elle voltige dans les petites vallées qui aboutissent à la
mer, quelquefois sur les falaises et généralement à l'abri de
quelque talus qui la protège contre le vent.
Pararge Hiera, Fabr.
Espèce de montagne, éclosant au commencement de l'été, jamais
très abondante, voltigeant à une altitude d'environ 1.200 mètres,
dans les Hautes-Pyrénées, aux alentours de Cauterets et de Gèdre;
à Chamounix, en Haute-Savoie; dans la forêt de l'Oursière, au-
dessus de Saint-Martin-d'Uriage, en Isère; et à la Grave, dans
les Hautes-Alpes. Je parle seulement des localités françaises d'où
je possède Hiera; sans doute elle habite dans bien d'autres mon-
tagnes que celles précitées. Souvent je l'ai vue déflorée, dès les
premiers jours de juillet; je l'ai observée fraîche dans l'Isère, aux
environs du 20 juin, et je pense que c'est à cause de cette éclosion
précoce qu'elle est représentée dans les collections françaises par
un nombre d'individus relativement restreint. D'ailleurs nulle
part je ne l'ai vue nombreuse, et je n'ai jamais pris qu'une petite
368 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
quantité d'exemplaires dans les diverses localités oii j'ai rencontré
Hiera. Boisduval figure Hiera dans Y Icônes, sous les n"' i, 2 et 3
de la PI. 44.
La variation chez Hiera quant à l'ocellation paraît être la même
que chez Megœra. Aux environs de Cauterets, nous avons pris la
forme que j'appelle Alberti, par analogie à Megœra, avec 2 gros
ponits noirs subapicaux, soudés l'un à l'autre, aux ailes supé-
rieures, et l'accompagnement de 2 petits ocelles, l'un supérieur et
apical, l'autre inférieur, noirs, pupilles de blanc. A Cauterets se
trouve aussi la forme ayant tous les espaces intranervuraux des
ailes inférieures pourvus d'un ocelle noir pupille de blanc et
cerclés de fauve orangé. Par opposition à cette forme qui détient
le maximum de l'ocellation aux ailes inférieures et qui semble la
normale dans les Pyrénées, il y a une autre forme dont les ailes
inférieures sont ornées de 3 ocelles seulement. Tel est le cf figuré
par Boisduval, sous le n° i de la PI. 44 de VIcones. J'ai encore
ce papillon sous les yeux. Ma collection contient un certain
nombre de Hiera venant de Baden et de Suisse; ceux de Baden
m'ont été envoyés comme Ab. Schultzi, Bartel. J'ignore où a été
décrite cette Aberration qui d'ailleurs ne me semble différer de
la race des Hautes-Pyrénées que par le moins grand nombre des
ocelles des ailes inférieures. Le chanoine Favre signale pour Hiera
une éclosion d'août que je n'ai pas été à même d'observer. M. Ron-
dou en a constaté l'éclosion dans les Hautes-Pyrénées, dès le mois
d'avril.
Pararge Maera, Linné.
Espèce de plaine et de basses montagnes; manque en Angle-
terre; abondante en France dans le Gers, les Hautes-Pyrénées,
les Pyrénées-Orientales, les environs de Rennes, Paris, Angoulême,
Besançon, dans la Vienne, l'Isère, la Charente-Inférieure, la
Savoie, le Var, les Basses-Alpes, les Alpes-Maritimes; répandue
aussi dans l'Andalousie, la Grèce, l'Italie, la Suisse, les provinces
LEPIDOPTÊROLOGIE COMPARÉE 369
baltiques, la Syrie, la Perse, le Kaschmir, le Sikkim. Je cite seu-
lement les localités d'où proviennent les Pararge Mœra contenus
dans ma collection; mais il n'est pas douteux que l'Espèce
n'habite dans une foule d'autres régions européennes et asiatiques,
en outre de celles que j'ai énumérées ci-dessus.
La Pararge Mœra affectionne les rochers et les murs de pierres.
Dès que le temps devient pluvieux ou à l'approche de quelque
orage, les Mœra s'abritent sous les cailloux et se posent, les ailes
fermées, sur les roches qui surplombent et forment une sorte de
toit protecteur.
Le papillon vole pendant toute la belle saison; les générations
se succédant rapidement depuis le mois de mai jusqu'à la fin
d'août.
L'espèce est très variable; d'abord pour l'ocellation : en effet,
certains exemplaires ont une seule tache ocellée noire, pupillée de
blanc, près de l'apex des ailes supérieures. D'autres ont cette tache
plus grosse et doublement pupillée. M. P. Chrétien a obtenu
d'éclosion une Q dont il a bien voulu enrichir ma collection et qui,
en outre d'une très grosse tache noire doublement pupillée, a une
autre tache, assez grosse, pupillée de blanc, inférieure à la pre-
mière, mais qui s'y trouve étroitement juxtaposée. De plus, on
constate très fréquemment la présence d'un petit ocelle noir, pupille
de blanc, au-dessus du gros ocelle normal dont il paraît comme
le satellite. Aux ailes inférieures, en dessus, il y a généralement
3 ocelles noirs pupilles de blanc; mais tous les espaces intra-
nervuraux peuvent être ocellés, comme aussi inversement ils
peuvent être privés d'ocelles, soit partiellement, soit en totalité,
de sorte qu'on peut trouver des Pararge Mœra ornées de i, 2, 3,
4, 5 ou 6 taches ocellées aux ailes inférieures, en dessus, et sans
doute tout à fait dépourvues d'ocelles, ainsi que cela se remarque
chez une Megœra de ma collection. J'ai fait figurer une Aber-
ration albinisante sous le n° 14 de la Planche 2 de la XX° livraison
des Etudes cT Entomologie. Ce remarquable albinos est tout à fait
analogue aux 2 Megœra que j'ai signalées ci-dessus.
Huebner figure sous les n"^ 174 et 175, et avec le nom de Mœra,
24
370 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPAREE
un papillon qui me paraît être une Q et dont le fond des 4 ailes,
en dessus, est entièrement brun, comme sont les cf dans les Alpes-
Maritimes. Je n'ai vu aucune Mœra française g tout à fait pareille
à l'exemplaire figuré par Huebner.
Chez ÏAdrasid, représentée par le même auteur sous les n°' 836,
'^57> 838, 83g, la Ç) a le fond des ailes supérieures fauve en
dessus; cette Adrasta est tout à fait conforme à la race qu'on
trouve à Lectoure, Cauterets, Rennes, etc., c'est-à-dire dans la
plupart des localités françaises, et c'est cette Adrasta, Huebner,
que Boisduval et Duponchel, c'est-à-dire les auteurs français, ont
appelée Mœra, tandis qu'ils ont appelé Adrasta la race Mœra,
Huebner, dont la Q a le fond des ailes brun et non fauve.
Duponchel figure d'ailleurs sous le nom ^Adrasta, d'après un
individu pris dans les environs de Domo d'Ossola, par le baron
Feisthamel, une Q à fond des ailes entièrement brun, se rappor-
tant donc à la race Mœra, Huebner.
D'ailleurs Duponchel dit en note (p. 285) que VAdrastns des
auteurs allemands est le Mœra des auteurs français, et vice versa;
mais ce qui est bizarre, c'est la suite de l'explication fournie par
Duponchel. Je cite son texte : a La raison de cela est que le nom
de Mœra donné par Linné à l'espèce typique a dû naturellement
être appliqué à la variété la plus commune dans chaque pays. Or,
il paraît que la variété à fond brun, celle que nous donnons
aujourd'hui sous le nom ^ Adrastus, a été la première connue en
Allemagne, où elle est plus répandue que celle à disque fauve,
tandis que c'est le contraire en France. » Je ne saurais assez pro-
tester contre cette conception étrange d'appliquer le nom de
l'espèce à la forme la plus commune dans chaque pays. Quel chaos
en sortirait-il. La nomenclature en histoire naturelle est internatio-
nale; elle est la même pour tous les pays. 11 s'agit de savoir à
quelle forme convient le nom le plus anciennement donné, et ce
renseignement étant obtenu, même si cette forme est la plus rare,
du moment qu'elle est la plus anciennement connue, elle est, de
par ce droit de priorité, la forme type de l'espèce, et les autres
formes, bien que beaucoup plus communes, ne peuvent être envi-
LÉPIDOPTÉROLÔGIE COMPAREE 37 1
sagées que comme des variétés, races ou formes, comparativement
à la forme typique de l'espèce.
Dès lors la Mcera des entomologistes français est VAdrasta, et
notre A ciras la est la Mcera.
En France, on trouve Adrasta (q à disque fauve), depuis
l'Océan jusqu'aux Alpes. A Chamounix, dans les iVipes-Maritimes
et en Italie, on rencontre une transition parfaite entre Adrasta et
Mœra (Q à disque brun). A Digne, c'est la Q à disque fauve :
donc Adrasta, Huebner. A Fusio, la forme est extrêmement
sombre, presque autant qu'en Esthonie oii se trouve la plus brune
de toutes les races, désignée sous le nom de Monoionia, Schilde.
La Pararge Mœra manque en Algérie. Dans la Sierra-Nevada
d'Andalousie, il y a une race grêle et très petite d' Adrasta (Q à
disque fauve), semblant une transition entre Adrasta et Megœra.
Je possède seulement un cf et une Q pris dans la Sierra-Nevada,
les 25 et 30 aoiàt 1835, par de Graslin. Si j'en possédais une série
d'exemplaires et s'ils étaient semblables entre eux, je n'hésiterais
pas à les distinguer sous le nom de ncvadensis.
A Akbès se trouve la race orientalis; à Astrabad, VAdrastoidcs,
et dans le nord de l'Inde, la Schakra, Kollar. Ces formes orien-
tales sont fort intéressantes; mais c'est plutôt de nos races occi-
dentales que je dois m'occuper ici.
Pararge Achine, Scopoli.
Ne se trouve pas en Angleterre; je ne l'ai jamais vue en Bre-
tagne. Ma collection contient des exemplaires de la forêt de
Sénart et des bois de Sèvres, près Paris (juin 1872 et 1873); de
Charroux (Vienne), de Besançon, d'Ecclepans (Suisse; juillet
1907), de l'île Askold, en Mandchourie, et du Japon. Les ocelles
sont généralement au nombre de 5, sur les ailes supérieures, en
dessus aussi bien qu'en dessous, de 3 en dessus, sur les ailes infé-
rieures, et de 5 sur les mêmes ailes en dessous, le dernier, près
l'angle anal, étant géminé; mais il y a des exemplaires ornés de
372 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
4 taches aux inférieures, en dessus, et de 6 taches en dessous; la
tache complémentaire restant plus petite que les ocelles normaux.
Lesdits ocelles sont noirs, de forme ovalaire, cerclés de fauve pâle^
sans pupille en dessus, avec pupille blanche en dessous.
Je possède 2 cf, dont l'un fut pris le 24 juin 1884, au mont
Faucon, près Besançon, chez lesquels les ocelles normaux sont, ou
bien complètement disparus, ou réduits à des points extrêmement
petits, en dessus. Sur la face inférieure, il reste aux ailes supé-
rieures 3 traces d'ocelles; aux secondes ailes, les 5 ocelles ordi-
naires subsistent, mais de taille réduite. J'ai appelé cette Aber-
ration : anophthalma. Les exemplaires de Mandchourie et du
Japon sont plus grands que ceux d'Europe; Butler a désigné la
forme d'Asie orientale sous le nom d'Ac/iinoides.
Pararge ^geria, Linné.
Charles Linné, dans la 5" partie du tome I de l'immortel
ouvrage Systema Naturœ (edit. X, 1760), décrit ainsi Aigeria -.
« Alis dcntntïs fiiscis Uiteo-varïegaiis : primorïbus ocello utrïnque
iinïco ; posiïcïs supra tribus. Habitai in Eiiropœ aiistralioris gra-
mme, et in Maurïtania. » Une édition suivante (XIIP, 1788) se
borne à donner comme localité : 0 Habitat in Europœ grami-
nibiis. »
Mais la description antérieure a été faite d'après des exem-
plaires de l'Europe la plus méridionale et de la Mauritanie, et dès
lors c'est avec raison que, conformément à la loi de priorité, le
Catalog 1901 de Staudinger et Rebel institue la forme méridionale
à'Mgeria aux ailes maculées de jaune comme type de l'espèce.
La forme dite : septentrionale, aux ailes marquées de taches, non
pas jaunes, mais couleur d'ivoire, longtemps considérée à tort
comme type de l'espèce, parce qu'elle est plus commune en Alle-
magne, en Angleterre et dans la France septentrionale où les
entomologistes sont plus nombreux, doit être désormais inscrite
comme variété locale d^Mgeria. Dès lors le nom d'^gerideSy
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPAREE 3/3
imposé par Staudingcr, doit ctrc appliqué à la forme que nous
appelions jadis .^geria, et le nom de Meoiie par lequel nous
désignions la forme méridionale .Tlgeria tombe en synonymie.
L'espèce est répandue dans toute l'Europe tempérée, y compris
l'Angleterre, dans la Barbarie et l'Asie occidentale. Chez nous,
elle vole depuis le premier printemps, quelquefois dès les mois
de février et de mars et jusqu'à l'automne. Elle aiïectionne les
buissons, soit dans les jardins, soit le long des haies des champs
ou dans les bois. Quelquefois on voit plusieurs .'Egeria voltiger
ensemble le long d'une allée demi-ensoleillée, puis se séparer pour
aller se reposer sur les feuilles des arbustes, ensuite reprendre leur
vol un peu sautillant, mais toujours ei.utour des mêmes plantes
buissonneuses, cratœgiis, viburmim, evonymiis, cerasus, riibiis, etc.,
d'où il est rare que ces papillons s'éloignent bien longtemps.
A Nantes, les deux formes méridionale et septentrionale vivent
ensemble aux mêmes lieux. M. Deckert a eu l'obligeance de
m'offrir une série d'exemplaires capturés dans le beau parc de
Yal-Chezine qui entoure son habitation de la rue du Bocage, en
pleine ville de Nantes. Je constate à côté d'échantillons à taches
d'un jaune d'ivoire, d'autres spécimens aussi vivement colorés que
ceux du Midi. De son côté, mon vieil et excellent ami Gaston
Allard a récolté dans sa propriété de la Yergne, en Vendée, par
conséquent un peu au sud de Nantes, des formes superbes
à\'Egerïa dont, avec sa générosité ordinaire, il a bien voulu me
gratifier. Les Q sont très belles, grandes, avec le dessus des ailes
presque envahi par la teinte fauve qui réduit notablement les
dessins bruns ordinaires. Les Jigcria de Vendée font une excel-
lente transition à la race la plus méridionale.
En Angleterre et en Irlande, d'après les exemplaires de ma
collection, la forme (i\Egcria ressemble à celle des environs de
Paris, c'est-à-dire que les taches du dessus des ailes sont d'un
jaune ivoire; mais d'après Barrett, on y trouve aussi des exem-
plaires plus colorés. D'ailleurs, à Saint-Germain-en-Laye et à
Etampes, on trouve des /ligeria dont les taches sont d'un jaune
374 LEPIDOPTEROLOGIE COMPARÉE
plus foncé et se rapprochant de la forme bretonne de Cancale et
de Rennes, chez laquelle les macules sont généralement d'un jaune
plus accentué que dans la France septentrionale, sans cependant
atteindre le degré de coloration auquel parvient l'espèce à Nantes
et surtout dans la Vendée. En I Ile-et-Vilaine, la race d'/Egeria
est assez mélanisante et nombreux sont à Rennes les exemplaires
à taches fauves relativement très réduites par l'envahissement des
parties brun noirâtre. Barrett figure sous le n° i c de la PI. 31 un
Cf très mélanisant. Je connais les formes françaises de Besançon,
Reims et Evreux; elles ressemblent à la race parisienne. Au sud
de la Loire, la couleur devient sensiblement plus vive et les .-Egeria
de Bordeaux, Biarritz, Lectoure, Vernet-les-Bains, sont chau-
dement colorées, comme d'ailleurs celles d'Espagne, d'Algérie et
du Maroc. Ce qui est fort curieux encore, c'est que si à Akbès, en
Syrie, la forme d'JEgeria est conforme à celle du midi de la
France et d'Algérie, c'est-à-dire avec les taches des ailes d'un
fauve vif et chaud, au contraire, à Tokat, en Asie-Mineure, la race
de la même Pararge. JEgeria a les macules ordinaires d'une couleur
d'ivoire, tout comme la forme parisienne. De même YTEgena que
j'ai prise à Castellamare-di-Stabia, en mai 1907, est semblable à
\ Mgeria de Bretagne et ne se rapproche nullement de celle des
provinces françaises qui sont au sud de la Loire, ou qui habitent
l'Espagne et l'Algérie. Pourtant il fait chaud à Caste! lamare et
la température n'est donc pas le seul facteur grâce auquel ^-Egeria
se trouve plus ou moins vivement colorée.
Considérant les exemplaires de ma collection, je constate que
la forme ^Egeria, à taches d'un jaune fauve très vif, se trouve à
Nantes, en Vendée, en Poitou, dans la Gironde, à Biarritz, à Lec-
toure (Gers), à Digne, en Corse, dans l'île de Sardaigne, en Sicile,
dans les Pyrénées-Orientales, en Andalousie, en Castille, dans
toute l'Algérie (Khenchela, Lambèze, Hussein-Dey, Kouba, Phi-
lippeville, Yakouren, Sebdou, Tlemcen, Biskra), à Tanger; et que
la forme ALgerides, à taches couleur d'ivoire, se rencontre en
Irlande (Kerry), Angleterre (North-Devon), à Paris, St-Germain-
en-Laye, Etampes, Lardy, Besançon, Reims, Evreux, Rennes,
LÉPIDOPTEROLOGIE COMPAREE 375
Cancale, Nantes, CaslclIaniarc-di-Stabia (Italie mcridioiiale),
Nice, Tokat (Asie-Mineure).
A Marseille, la forme me semble intermédiaire entre Mgcria
et .Egerides, comme aussi à Nice; mais j'ai trop peu d'exemplaires
venant de Marseille pour pouvoir émettre une opinion certaine.
Il faut encore observer que la couleur des taches varie chez
.Egerides; ainsi, en Ille-et-Vilaine, je trouve des exemplaires
dont les macules sont d'un jaune ivoire très pâle et d'autres plus
foncés, tout à fait semblables aux papillons pris à Nice et à
Castellamare.
Mais si la couleur d\Egcridcs est variable, celle d\Egrna
parait bien plus fixe, et les longues séries que j'ai sous les yeux,
provenant d'Algérie, des Pyrénées-Orientales, du Gers, etc., ne
présentent aucun échantillon se distinguant des autres.
J'ai fait figurer sous le n" i8 de la PI. 2 de la XX^ livraison
des Etudes d'Entomologie une superbe Aberration albine quant
au fond des ailes qui est devenu d'un blond pâle, alors que les
taches jaune fauve sont restées normales. Ce remarquable spécimen
a été pris à Saint-André-de-Cubzac (Gironde), et j'en suis rede-
vable à l'amicale générosité de l'excellent abbé Mège, jadis curé
de Villeneuve-de-Blaye. Je possède un c? semblable pris à Sebdou
par le docteur Henri Godet. Une Aberration analogue, mais
à'Aigendcs, se trouve figurée par Lodeesen, sous le n" i de la
PI. II de Tijdschrift voor Entom., 1865. Je désigne cette belle et
constante Aberration sous le nom de Megei.
Je pense qu'il faut rattacher à Mgeria, comme variétés géogra-
phiques, Xiphioides, Stgr., des îles Ganaries, et Xifhia, Linné, de
Madère. Herrich-Schaeffer a figuré Xiphioides sous les rf" 84
et 85, et Xipkia sous les n°" 86 et 8;.
Xiphia est très grande et très robuste; son faciès est spécial;
mais Xiphioides paraît faire une bonne transition entre TEgeria
et Xiphia.
Dans la notice que je viens d'écrire sur Pararge .E.geria, j'ai
cité le Systema 'Naturo' de Linné et j'ai dû consulter les œuvres
3/6 LÉPIDOPTÉROLOGIE COAIPARÉE
du grand naturaliste, imprimées vers le milieu de l'avant-dernier
siècle. La X*" édition porte un cul-de-lampe ou frontispice réduit,
gravé sur cuivre par Griindler. L'artiste s'est efforcé de présenter
sur une plaquette d'assez petite dimension une sorte de conspectus
des êtres créés. Mammifères, oiseaux, poissons, reptiles, insectes
se trouvent groupés dans un paysage que termine une étendue
d'eau entourée de montagnes. LTne femme, paraissant personnifier
la Science, est placée au milieu de cette collection d'êtres vivants,
étendant les deux mains et rendant des oracles recueillis dans un
livre par un adolescent. L'édition est dédiée par Linné au comte
Car. G. Tessin, sénateur du royaume de Suède, protecteur de
Linné, qui énumère les services dont il est redevable à la munifi-
cence d'un nouveau Mécène. Des invocations à la Divinité sont
multipliées dans le Systcnia Naturœ, à différentes places, telles
que celles-ci (p. 4) :
« O Jehova,
Quam ampla sunt Tua Opéra !
Quam sapienter Ea fecisti !
Quam plena est Terra possessione Tua! »,
Et un peu plus loin :
« Magnus est DE US noster,
et magna est ptitentia Eius,
et putentia Eius non est numerus. »
Un savant professeur, loannes loachimus Langius, adresse aux
Naturalistes un discours au sujet de la nomenclature des êtres
« numéros et nomina », et parlant de Linné qu'il désigne par son
titre de chevalier de l'Etoile polaire, il dit : « Noster Eques de
Stella polari, dum animalibus, vegetabilibus, mineralibus numéros
et nomina fec'it, stellarum quae videri, distingui et numerari pos-
sunt, numerum et nomina multoties superavit. »
Ainsi notre chevalier de l'Etoile polaire, en énumérant et en
nommant les animaux, les végétaux et les minéraux, a surpassé
LEPIDOPTEROLOGIE CO^IPAREE
bien des fois le nombre et les noms des étoiles qui peuvent être
vues, distinguées et comptées.
L'imprimeur I. I. Curt (Haine Magdcburgicae typis et sump-
tibus lo. lac. Curt; MDCCLX) reçoit aussi lui du professeur
Langius sa part de compliments.
Dans la Ratio editionis sont indiqués les dates et lieux de
publication des dix éditions du Systema Naturœ, de même que
sont nommés les musées et établissements scientifiques auxquels
Linné a pu recourir, et que sont relatés les voyages effectués par
l'auteur surtout en Laponie et en Suède, ainsi que les voyages
accomplis par ceux qui furent ses disciples : Ternstroem. en Asie,
mort à Poulicandor, 1745; Kalm. en Pensylvanie et Canada, 1747;
Montin, en Laponie, 1749; Hasselquist, en Egypte et Palestine,
1749; Toren, à Alalabar et Suratte, 1750; Osbeck, en Chine et à
Java, 1750; Loefling, en Espagne et en Amérique, 1751; Berg,
dans l'île de Gotland, 1752; Kaehler, en Italie et Apulie, 1752;
Solandre, en Laponie, 1753; Rolandre, à Surinam, 1755. Au bas
de la page où Linné exprime les résultats qu'il ambitionne comme
but de son ouvrage, il adresse à Dieu cette invocation de recon-
naissance : « Docuisti me Deus a juventute mea et usque nunc
pronunciabo Mirabilia Tua. »
La suite de l'ouvrage est un honnnagc continuel à. la gloire et
à la puissance de Dieu et la dernière ligne est l'humble et modeste
expression de la vérité : « Ea quas scimus sunt pars minima
eorum quas ignoramus. »
Ce que nous savons n'est en effet qu'une bien petite partie de
ce que nous ignorons.
Il paraît cependant qu'à l'époque et dans le pays où vivait
l'illustre Linné, on pouvait, tout en célébrant les louanges du
Très-Haut, devenir chevalier de l'Etoile polaire.
Si, de nos jours, un nouveau Linné était coupable d'émaillcr
ses écrits d'invocations glorifiant Dieu Créateur et Père, comme
le fit l'auteur du Systema Naturœ, pourrait-il être seulement jugé
digne de recevoir les simples palmes académiques?
LEPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
Epinephele Eudora, Esper.
C'est Esper, le premier auteur qui a figuré avec le nom à'Eiidora,
sous le n" i de la Tab. XLV de son ouvrage : Die Schuicttcrlingc,
Europacïschc Gattungen, publié à Erlangen, en 1777, la Q de
l'espèce de Satyride qui va faire l'objet de la présente notice.
Esper dit que l'exemplaire représenté par ses soins a été trouvé
dans le pays saxon, sans qu'il lui soit possible de donner de plus
amples détails. « Dièses Exemplar v^ard in dem Saechsischen
gefunden, mehr bin ich von ihm in Erfahrung zu bringen nicht
im Stande gewesen. »
Mais un peu plus tard, sous les n"' i et 2 de la Tab. LXIX,
Esper figure de nouveau Eudora, et cette fois, il en fait connaître
les deux sexes. L'espèce, dit l'auteur, a été découverte dans diverses
localités de notre Franconie; elle n'est pas moins répandue en
Thuringe et sur les montagnes du Harz. « Er hat sich der Papilio
Eudora in verschiedenen Gegenden unseres Frankens wuerklich
entdeckt. Er ist nicht minder in Thueringen und auf den Gebuer-
gen des Harzes vorhanden. » Les originaux figurés proviennent,
dit Esper, des environs de Brunswick; il en doit la communication
à l'obligeance de M. Gerning. Mais, ajoute l'auteur, on n'a pas
encore trouvé Eudora à Francfort; tandis qu'on a rencontré ce
papillon assez fréquemment, dans des prairies, aux environs de
Bayreuth. vSon vol est au mois de juillet.
« Die Originale der vorliegenden Abbildung sind aus der
Gegend von Braunschweig. Ich habe sie gleichfalls der gefaelligen
Mittheilung des Herrn Gerning zu danken. In Frankfurt hat man
noch keinen derselben entdeckt. In einigen Gegenden von Bayreuth
hingegen hat man diesen Falter auf Wiesen oefters angetroffen.
Seine Flugzeit ist der Monat Julius. »
Ce sont donc les Eudora d'Allemagne qui doivent être considérés
comme la race type de l'espèce.
Huebner figure Eudora sous les n"" 160, 163 et 164; mais il
donne à tort au n" 160, qui est pourtant bien un Eudora, le nom
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
de Jnrlinû, et il l'attribue comme çS à ]wlïna Q figurée sous les
11"' i6i et 162.
Je connais la forme allemande d'Eudora, seulement d'après
deux exemplaires qui se trouvaient dans la collection Kuwert. En
France, Eudora est une espèce méridionale, surtout de basse mon-
tagne, quoiqu'elle puisse s'élever jusqu'à 1.500 mètres au moins;
elle manque dans les environs de Paris, en Bretagne, en Poitou,
dans les Charentes; mais elle a été rencontrée en Auvergne, dans
les Cévennes, les Pyrénées, les Alpes et la Provence. On la trouve
aussi en Espagne, en Algérie, en Suisse, en Italie, en Sicile, à
Chypre, en Grèce, dans la Russie méridionale et en Asie-lMineure.
Les cf varient peu, sauf pour la taille; ils sont tout gris en
dessus, avec généralement un seul petit ocelle noir, subapical aux
ailes supérieures. Cependant il y a des exemplaires biocellés et
d'autres triocellés, aussi bien sur le dessus que sur le dessous des
ailes. En dessous, l'ocelle subapical est quelquefois pupille de
blanc. Les ailes inférieures sont dépourvues d'ocellations; cepen-
dant, en dessous, on constate parfois la présence d'un ocelle noir
près de l'angle anal.
Les g sont beaucoup plus variables que les cf- Elles ont géné-
ralement sur chacune des ailes supérieures deux gros ocelles noirs,
tantôt aveugles, tantôt unipupillés. Cette pupillation, quand elle
existe, affecte surtout l'ocelle subapical; mais chez les exemplaires
français, elle est rare. Les deux ocelles normaux peuvent être reliés
entre eux au moyen d'un 3^ ocelle intermédiaire et former ainsi
une ligne noire non interrompue d'ocelles contigus. Le dernier
ocelle est assez fréquemment accompagné de deux ocelles plus
petits, l'un supérieur, l'autre inférieur; mais sans que le petit ocelle
supplémentaire supérieur atteigne l'ocelle subapical. Alors le gros
ocelle normal est plus large que ses deux satellites et forme avec
eux une sorte de croix. Cette Aberration se reproduit assez souvent ;
j'en ai 4 Q des Pyrénées-Orientales,i une de la Grave et une autre
de la vallée de Féret, en Valais, que j'ai appelées cruciata. Par
Aberration, les ocelles noirs des ailes supérieures, chez la g,
peuvent disparaître presque totalement; je possède un exemplaire
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE
de Digne dans ces conditions. D'autre part, les Q en France et
dans le Valais montrent généralement les ocelles noirs submar-
ginaux se détachant sur un fond jaune. Ce fond jaune peut
s'étendre jusqu'à la base des ailes supérieures; les ailes inférieures
elles-mêmes peuvent être plus ou moins largement teintées de
jaune. Cette couleur jaune est quelquefois claire; le plus souvent
elle est d'un jaune doré.
Y^Epinephele Eudora se trouve quelquefois maladivement
atteint d'albinisme irrégulier ou même symétrique; mais c'est un
accident dit : albidinc infecta, analogue à celui qui atteint souvent
Janira et qui rentre dans la série des cas pathologiques.
Il y a un autre albinisme qui affecte Eudora, comme tous les
Satyrïdœ; c'est celui qui transforme en une couleur générale blanc
de crème, non seulement la surface des 4 ailes, mais les antennes,
la tête, le corps et les pattes du papillon. Je possède une Q albina
dans ces conditions, admirablement fraîche, venant de Sarepta.
En France, comme je le dis plus haut, Eudora s'élève assez
haut dans les montagnes; je l'ai pris abondamment à la Grave,
dans les Hautes- Alpes, à la fin de juillet 1906. La Q, dans cette
localité, offre des variations nombreuses et intéressantes. Au Vernet,
Eudora ne paraît pas atteindre une altitude bien supérieure à celle
du Village. On le trouve principalement au delà du sentier du
Sanatorium, sur le plateau, le long du chemin qui conduit à la
vallée de Saint-Vincent.
M. Fabresse a recueilli, en juillet 1907, une longue série d Eudora
dans l'Italie méridionale (Roccarosa et Palena). La forme ne me
paraît pas y différer de celle de la France méridionale, sauf par
sa taille un peu plus petite. Les Q sont bien lavées de jaune sur
les ailes supérieures et même sur les inférieures. Je possède une
seule paire de Sicile, dans la collection Bellier; la Q paraît, dans
cette île, intermédiaire entre la forme italienne continentale et la
forme algérienne dont les ailes, en dessus, sont presque entièrement
dépourvues de teinte jaune. Mais avec une seule paire, je ne puis
avoir d'opinion bien arrêtée.
En Espagne (Grenade, Albarracin, Sierra-Alta), les Q sont
LÊPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE 38 1
intermédiaires entre In race franc^aise et la race algérienne que j'ai
appelée inauritanïca.
Costa, dans la Fauna del Regno d'i Napoli, figure sous les
jjos 2 et 4 de la PI. IV, avec le nom lupïnus, un Eudora cf dont
les ailes supérieures, en dessus, sont dépourvues de tout ocelle
apical. Dans le texte (p. 7), l'auteur, par confusion avec Janira,
indique que Lnpinus est figuré sous les n""^ i et 2; mais il rectifie
dans l'explication des Planches : Spiegazione délie Tavole. Bien
que la figure 3 représente un Eudora (Lnpinus) sans aucun ocelle
subapical, la description commence par ces mots : « Alis fulvis,
anticis supra lunula média brunnea puncto ocellari in apice nigro. »
Je possède des Eudora cf très faiblement ocellés à l'apex des ailes
supérieures; mais on voit toujours l'ocelle, ne serait-ce que par
transparence du dessous où il paraît assez constant.
En Algérie, Eudora mauritanica est très répandu; j'en possède
environ 240 exemplaires provenant des localités suivantes :
Khenchela, El Kantara, Lambèze, Timgad, Djurjura, Sebdou,
Sidi Yahia, Tagemout (Telagh), Mirzab, Misseghenin. Ces quatre
dernières localités sont aux environs de Sebdou. En Algérie,
Eudora mauritanica paraît une race bien conforme à elle-même;
les Ç) varient moins entre elles que dans la forme française. Les cf
sont aussi bien pareils, avec l'épi soyeux, caractéristique de leur
sexe, aux ailes supérieures, large et très accentué.
Freyer figure avec le nom de Rhaninusia, sous les n"^ 2 et 3 de
la PL 457, une très grande forme ^Eudora qu'Herrich-Schaeffer
représente avec le même nom : la Q sous les n"^ 377 et 378, le cf
sous les n"' 427 et 428.
Freyer dit qu'il a reçu Rhamnusia du D"" Nickerl, de Prague,
avec l'indication que le papillon en question aurait été pris en
Sicile, au voisinage de l'Etna.
« Ich erhielt ihn von Herrn Dr. Nickerl in Prag mit der
Nachricht, dass er in Sicilien am Etna gefangen wurde. »
J'ai peine à croire à l'exactitude de cette provenance. Les deux
Eudora de Sicile que je possède sont de taille plutôt petite, ainsi
que les 30 Eudora d'Italie méridionale, et ces papillons n'ont aucun
382 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
rapport avec Rhaninusia, secundum Freyer. Quant à Herrich-
Schaeffer, j'ai été inhabile à trouver dans le texte de son ouvrage,
une mention relative à son Rhamnusia. Je suis porté à croire que
le Rhamnusia, Freyer, de taille relativement si grande, avec une
ligne noirâtre submarginale très accentuée, chez le cf comme chez
la Q, ajDpartient plutôt à une race orientale qu'à une race sicilienne.
En tout cas, il n'y a pas lieu de l'accoler comme synonyme à
Liifiniis, Costa, de la Terre d'Otrante, ainsi que Staudinger et
Rebel le font, absolument à tort, dans leur Catalog 1901. Il suffît
d'ailleurs de comparer les figures données par Costa et par Freyer
pour constater qu'elles ne représentent nullement une même race
d'Eudora. De pareilles comparaisons nécessitent évidemment des
recherches bibliographiques assez longues; mais elles s'imposent
aux auteurs consciencieux. Malheureusement j'ai maintes fois
acquis la preuve que certains classificateurs, probablement pressés
par le temps, font facilement l'économie de recherches bibliogra-
phiques attentives. Ils pensent sans doute que leurs lecteurs, en
admettant de parti pris comme valables les assertions pourtant les
plus légères et les plus audacieuses et forcément, dans ces condi-
tions, trop souvent erronées, leur font suffisamment confiance pour
qu'ils aient à prendre la peine de se livrer à une étude soigneuse
et nécessairement prolongée. Le fait est que les Catalogues semblent
avoir leurs dévots et leurs croyants, s'abstenant systématiquement
d'aucun contrôle et aimant à considérer comme l'expression d'une
vérité infaillible ce qui est imprimé dans le Catalogue de leur
choix.
Quoi qu'il en soit, les figures de Rhaninusia H. S. représentent
sous les n"' 427 et 428 (cf) et 377 et 378 (g) une race d'Eudora
de très grande taille, avec l'apex des ailes supérieures proéminent
et la dentelure des ailes inférieures très accentuée, principalement
chez la Q. Je ne possède pas plus Rhamnusia, H.-S. que Rham-
nusia, Freyer. Les individus orientaux d'Eudora que renferme ma
collection proviennent de Grèce, Chypre, Palestine, Akbès, Tokat,
Berut-Dagh, Samarkand, Fort Naryne (Prov. Semirechgensee).
Par la dentelure de leurs ailes inférieures, par leur taille, certains
LÊPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE 383
exemplaires offrent quelque rapport avec Rhauinuùa, Freyer et
Rhaiiinusia, H. -S., ce qui me porte à croire que les deux Rhamnusia
sont d'origine orientale, mais sans cadrer toutefois d'une manière
assez satisfaisante avec aucun de ces deux Rhamnusia qui me
restent absolument inconnus.
Epiuephele Janira, Linné.
Dans la X" édition du Systeaui Naliirœ, Linné décrit sous le
n° 104 de la page 475 (et non 415, ainsi qu'il est imprimé à tort
dans le Caialog Staudinger et Rebel 1901), avec le nom de lurtina,
un papillon dans les termes suivants : « Alis subdentatis fuscis :
primoribus supra lituxa flava ocello utrinque unico. Habitat in
gramine Europas, Africae. »
A la même page 475 du même ouvrage et sous le n" 106, Linné
décrit lanïra comme suit : « Alis dentatis fuscis : primoribus subtus
luteis ocello utrinque unico; posticis subtus punctis tribus. Habitat
in Europas sylvis. Faciès P. lurtïnœ absque litura flava supra
primores alas, sed puncta 3 fusca sub posticis. »
Je ne vois pas bien ce que peut être la liture jaune clair (litura
flava) sur le dessus des ailes supérieures, et je déclare ne pas bien
comprendre ce que peut être lurtïna. Si Linné avait voulu désigner
la g Janira, il eût dit : macula liitea, au lieu de litura flava. Au
contraire, la description de lanira me semble applicable au cf du
Satyride si connu et si commun dans toute l'Europe et l'Algérie,
et je lui maintiens le nom de lanira, parce que je suis plus certain
de son exacte application.
Janira habite l'Angleterre et l'Irlande, la France, la Suisse,
l'Allemagne, l'Espagne, l'Algérie, le Maroc, les îles Canaries, la
Corse, la Sardaigne, l'Italie, la Sicile, l'Autriche, l'île de Chypre,
l'Asie-Mineure, c'est-à-dire à peu près toute l'Europe et les contrées
voisines de la Méditerranée.
L'espèce offre de très intéressantes variétés géographiques. En
Angleterre, en France septentrionale, centrale et occidentale, la
384 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
forme de \ Epine phele Janïra est sensiblement la même; il y a
cependant chez les Q des variations très considérables pour
l'étendue de la tache jaune sur les ailes supérieures, en dessus. De
plus, la coloration de cette tache est d'un jaune plus ou moins clair
ou rougeâtre et, en dessus, les ailes mférieures offrent une bande
transversale généralement plus claire que la teinte brune du fond,
et quelquefois même un peu éclairée de jaunâtre.
L'ocelle noir subapical, pupille de blanc, est assez fréquemment
double, surtout chez les Q ; il peut aussi manquer de la pupillation
blanche et être aveugle; mais cette Aberration paraît être excessi-
vement rare. La collection Bellier contenait une Q de Digne chez
laquelle la pupillation blanche de chaque ocelle subapical est
microscopique; mais la pupillation, si réduite qu'elle soit, existe
encore.
Esper figure (Tab. XC, fig. 4) sous le nom ^Erymanthea, un
Janira cf pris à Presbourg et offrant 3 ocelles noirs aux ailes
supérieures et 6 ocelles assez gros aux ailes inférieures en dessous.
Herrich-Schaeffer représente de son côté, sous le n° 429, le dessous
des ailes d'un Janira cf ayant une seule tache ocellée aux ailes
supérieures, mais possédant 6 ocelles noirs, cerclés de jaune, de
diamètre inégal, dont un seul est pupille de blanc, aux ailes
inférieures.
Le revers des ailes inférieures peut donc avoir, en dessous, plus
de 3 points noirs, comme l'indique Linné, dans sa description, et
inversement en être tout à fait dépourvu.
Souvent VEpinephele Janira est plus ou moins symétriquement
albidine infecta. Cet albinisme maladif qui se remarque chez tous
les Satyridœ est particulièrement fréquent chez Janira; mais en
outre de ces taches blanches maladives, parsemées sur le fond des
ailes, on peut voir des Janira atteints d'un autre mode d'albinisme
et être uniformément d'un blond jaunâtre pâle, ou d'un gris blan-
châtre argenté, sur lequel ressortent les taches jaune orangé de la Q
et l'épi soyeux, caractéristique du cf sur le disque des ailes supé-
rieures, en dessus.
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE 385
Charles Barrett figure sous le n" i ^ de la PI. 33 de son bel
ouvrage consacré à la monographie des papillons anglais, une Q
de la collection Mason, atteinte de cet albinisme général. Cette Q
est d'un blanc jaunâtre pâle avec la tache jaune orange des ailes
supérieures assez vivement colorée.
Ma collection contient 2 cf et 4 Q de cet albinisme que j'appelle
suivant la couleur : griseo-argentacea ou griseo-aurea. i cf griseo-
aurea vient de Vienne; l'autre cf griseo-argentacea se trouvait sans
indication de localité dans la collection Kuwert. 2 Q griseo-
argentacea proviennent, l'une des Brenets, dans le canton de Neu-
châtel, l'autre d'Angleterre (ex coll. Briggs, vendue à la Salle
Stevens, les 27 et 28 octobre 1896). L'étiquette fixée à l'épingle
de ce papillon est ainsi conçue : Purdey Dover 1878. Entomologist
Vol. XL
Les 2 Ç) griseo-aurea étaient, l'une dans la collection Bellier,
l'autre dans celle de M. l'abbé Mège qui a bien voulu s'en désaisir
en ma faveur; celle-ci a été trouvée près de Bordeaux.
Herrich-Schaeffer figure sous les n°' 104 et 105 un cf dont les
2 ailes inférieures me semblent atteintes d'un albinisme maladif,
malgré la symétrie des 2 ailes.
Je possède une Q tout à fait semblable, prise à la forêt du
Cellier (Loire-Inférieure), en août 1907.
Dans les Pyrénées-Orientales, on rencontre fréquemment, avec
des Janira Q appartenant à la forme normale, la variété méridionale
Hispîdla, figurée par Esper, d'après des individus rapportés du
Portugal par LIofmannsegg, sous les n"' i et 2 de la Tab. CXIX.
De son côté, Huebner a représenté Hispulla cf, sous les n°^ 593, 594,
et la Ç) sous les n°' 595 et 596. Cette variété Hispulla, si chaudement
colorée, se trouve seule, en Algérie et en Espagne. J'en ai reçu un
nombre considérable d'exemplaires de Khenchela, Lambèze, Djur-
jura, Bône, Sebdou, Yakouren, Tanger, Daya, ainsi que de l'Anda-
lousie (Cordoue, vallée de Ronda) et de la Castille. Tous les
spécimens de Barbarie et d'Espagne appartiennent à la variété
Hispulla.
25
386 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
En Algérie, la taille semble généralement plus grande qu'en
Espagne. En Sicile, d'après les exemplaires pris par Bellier, dans
cette île, c'est aussi uniquement la forme Hispidla qu'on y rencontre.
En Sardaigne, d'où feu Damry m'a envoyé, alors qu'il résidait à
Sassari, un grand nombre d'Epinephele Nurag, en même temps
que 9 cf et 4 Q Janira, c'est encore Hispulla, mais de taille moins
grande et de couleur moins vive qu'en Espagne et surtout qu'en
Algérie. En Corse, il y a les deux formes Q, comme au Vernet :
c'est-à-dire Hispulla et Janira. En Italie méridionale, à Roccarosa
et Palena, Janira présente une forme analogue à celle qu'on trouve
à Saint-Pons (Hérault) et dans les Alpes-Maritimes; La Q Janira
n'est pas nettement Hispulla; les exemplaires g ayant la partie
médiane des ailes inférieures lavée de jaune ne sont pas communs;
l'aile supérieure est généralement un peu plus envahie par la couleur
jaune que chez nous; mais j'ai sous les yeux 2i Janira Q rapportés
de l'Italie méridionale par M. Fabresse, qui les récolta en juillet et
août 1907; il y a parmi ces spécimens italiens une grande majorité
d'échantillons qui ressemblent infiniment à ceux des environs de
Rennes et de Paris.
A Lectoure (Gers), la forme est plus grande qu'aux environs de
Paris. La tache ocellée, apicale de la Q est plus grosse et plus
vive; la race de Lectoure a beaucoup d'analogie avec celle des
Alpes-Maritimes qui est de plus grande taille que celle d'Italie
méridionale; mais ni à Lectoure, ni à Saint-Pons, ni dans les Alpes-
Maritimes, Janira ne peut s'appeler Hispulla. II en est de même à
Tokat (Asie-Mineure), où la forme oscille entre celle de l'Italie
méridionale et des Alpes-Maritimes.
A Marseille et à la Sainte-Baume, il y a, avec des g dont les
ailes inférieures sont d'un brun clair uni, d'autres exemplaires dont
les ailes inférieures sont traversées par une large bande jaune bien
accentuée et dont les ailes supérieures sont également lavées de
jaune, presque entièrement depuis la base et jusqu'au contact de
la bordure brune marginale; mais de même qu'aux environs de
Vernet, les teintes sont moins vives que chez les vrais Hispulla
d'Espagne et d'Algérie. C'est une forme intermédiaire et variable
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPAREE 38;
;i laquelle les entomologistes de l'école de M. Fruhstorfer pourront
appliquer une foule de noms, lorsque cette affaire fera l'objet de
leur sollicitude.
De Larnaca (île de Chypre), M. Deschamps m'a envoyé, en 1893,
une bonne série de Janira cf et Q. Ce sont des Hispulla, mais
dont le faciès diffère de celui des Hispulla andalous et algériens
et tend un peu vers Tebnessia.
La plus grande forme géographique de Janira que je connaisse
est celle d'Akbès. Elle est plus grande que fortunata, Alphéraky
(Mémoires de Romanoff V, PI. XI, fig. 4). Outre sa taille, elle se
distingue par la profonde dentelure de ses ailes inférieures, par le
coloris gris ou jaune brun du dessous des ailes inférieures qui,
chez la Q, est généralement assez sombre, c'est-à-dire très peu
coloré de jaune en dessus et aussi par le développement de la tache
noire subapicale ocellée, aux ailes supérieures. Je possède 7 cf et
9 Ç) ; un des cf a 5 taches noires cerclées de jaune, dont 4 pupillées
de blanc, sur les ailes inférieures, en dessous. Il lui manque le
3" ocelle pour équivaloir au n° 429 d'Herrich-Schaeffer, mentionné
ci-dessus, et dont la localité m'est restée inconnue. J'ai donné à la
belle race géographique d'Akbès le nom de megala.
Je crois que Telniessia, qui se trouve aussi à Akbès, est une
espèce à part et non une variété de Janira.
J'ai fait! figurer dans la XX" livraison des Etudes (T Entomologie,
sous le n° 9 de la PI. 2, un hermaphrodite magnifique,, chez lequel
domine le sexe cf, pris à Vernet-les-Bains par mon frère, en 1891.
Janira éclôt dès les derniers jours de mai ou en juin, suivant les
localités; il vole tout l'été et je crois avoir constaté aux environs
de Cancale une seconde génération dont les exemplaires étaient
très frais, durant la seconde quinzaine d'août.
Epinephele Janiroides, Herrich-Schaeffer.
Espèce provenant exclusivement de la région voisine du littoral
algérien et tunisien; M. IIoll l'a trouvée à Bainen, de mai à juillet,
388 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
et aux glacières de Blidah, en juillet. Med<l l'a prise à Bône, en
juin 1884, et dans le Djurjura, en juillet de la même année. Le
D"" Seriziat l'avait récoltée en assez grand nombre à Collo;
M. Faroult l'a recueillie près de Tunis; enfin, en juillet et août 1907,
M. Dayrem l'a capturé à Yakouren. Je l'ai fait figurer dans la
i''" livraison des EUides cT Entomologie. Herrich-Schaeffer l'a
représentée, le premier, sous les n°^ 533 et 534. Généralement
Janiroïdes montre une tache ocellée noire, subapicale, assez grosse,
doublement pupillée de blanc, soit que l'ocelle paraisse unique, soit
qu'il semble formé de deux ocelles plus petits, juxtaposés. Sur
39 exemplaires que renferme ma collection, une seule Q a l'ocelle
subapical pupille d'un seul point blanc. Les deux sexes varient un
peu pour le degré d'envahissement des parties brunes, tant aux
ailes supérieures qu'aux ailes inférieures.
Epinephele Nurag, Ghiliani.
Satynde spécial à l'île de Sardaigne; n'a pas été trouvé en Corse,
ainsi que Lang le prétend à tort (p. 209). D'après les documents
que contient ma collection (74 exemplaires), Niirag est une espèce
assez variable, quoique paraissant nettement distincte de Janira et
de Tithonus qui habitent tous deux la Sardaigne.
Le cf a l'éclaircie fauve plus ou moins développée sur chacune
des 4 ailes, en dessus; chez certains exemplaires, cette éclaircie
fauve est nette dans sa couleur et dans ses contours, et elle couvre
une notable partie de chaque aile; dans d'autres, elle est nulle sur
les ailes inférieures et réduite, sur les ailes supérieures, à deux ou
trois traits au-dessous de l'ocelle subapical. Les Ç ont parfois le
fond des ailes entièrement jaune, plus ou moins clair, ou rougeâtre,
sans autre vestige de brun que la bordure marginale et la base des
ailes inférieures. Encore la bordure marginale peut devenir très
étroite dans certains individus. L'ocelle subapical noir est généra-
lement unique et pupille d'un seul point blanc. Cette pupillation
peut se trouver absente surtout chez les (S ; mais l'ocelle varie pour
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE 389
la grosseur, du simple au double, et il peut arriver que l'ocelle en
question soit lui-même doublé d'un second ocelle inférieur à
l'ocelle normal et qui lui est juxtaposé. En dessous, il semble qu'il
y a plus de tendance qu'en dessus, à la présence de points noirs
inférieurs à l'ocelle subapical, aux ailes supérieures. Les ailes infé-
rieures sont assez variables en dessous; plus ou moins colorées en
ocre jaune, avec ou sans atténuation de grisâtre; en outre les ailes
inférieures ont quelquefois des points noirs extrêmement petits,
surtout chez les cf, comme dans Janira.
Epinephele Tithonus, Linné.
Le Tithonus a été figuré par Huebner, avec le nom de Herse,
sous les n"^ 156, 157; plus tard, il a été largement représenté par
Charles Barrett, sur la PI. 34 de son ouvrage .- The Lcpkloptera
of thc brilish Islands, qui lui est entièrement consacrée. ISEpine-
phele Tithonus est une espèce extrêmement commune dans la plus
grande partie de l'Europe, mais susceptible d'offrir des Aberrations
extrêmement intéressantes.
Barrett figure sous les n"" \ c ç.\. \ d, d'après la collection Webb,
un cf et une Q dont le fond des ailes est blanc; je possède une Q
semblable, venant de Baden, ayant le fond des ailes d'un blanc
assez pur; j'ai appelé cette Aberration : virginalïs.
Je possède une Q prise par l'abbé Mège, à Villeneuve-de-Blaye
(Gironde), chez laquelle la couleur fauve du fond des ailes est
restée très vive; mais le bord des 4 ailes et la base des inférieures
sont d'une couleur blond pâle, au lieu d'être brun noir. L'ocelle
subapical est resté noir, avec sa double pupille blanche; mais la
teinte en est un peu atténuée; j'ai appelé cette Aberration : pallïde-
luarginata. Le bord des ailes n'est pas assez blanc pour que j'aie
pu lui attribuer le nom d\dboniarginatû donné par feu Fallou, à
un cT analogue de Epinephele Ida, qui fut pris par M. Dognin, à
Roquefavour, dans les Bouches-du-Rhônc, en juillet 187S. Cet Ida
390 LEPIDOPTEROLOGIE COMPARÉE
alboiiKXVgniata a été figuré par Fallou, dans les Annales Soc. cnt.
France, 1883 (PI. I).
Une autre Q variant inversement par rapport à paUidcmai'guiala,
fut prise par le même abbé Mège, qui eut l'obligeance d'en enrichir
ma collection, à Gauriac, près Blaye (Gironde), le 2 août 1885.
Chez cette Q, que j'ai appelée lugens, la bordure noire s'étend vers
l'intérieur des ailes au delà de la tache ocellée subapicale, et l'aile
inférieure est presque entièrement d'un brun uni; on voit seulement
sur le milieu des ailes inférieures une légère éclaircie fauve, sous
forme de 3 faibles traits. En dessous, la bordure noirâtre des ailes
supérieures est très élargie et les ailes inférieures sont uniformément
teintées d'ocre jaune avec des stries noirâtres très fines et 3 petits
points blancs.
L'ocellation peut se trouver très multipliée chez Titlionits. C'est
ainsi que Barrett publie sous les n"' i c, i / et i ^, la figure d'une Q
et d'un <3 qui ont un supplément notable d'ocelles noirs pupilles
de blanc aux 4 ailes. Je possède d'Angleterre (North Devon) un cf
pris par le chasseur Mac-Arthur dont j'étais l'un des commandi-
taires, ayant 4 ocelles aux supérieures, en dessus comme en dessous,
3 ocelles aux inférieures en dessus et 6 taches blanches plus ou
moins cerclées de blanc en dessous. Cet exemplaire se rapproche
de celui figuré par Barrett sous les n"^ i / et i ^.
Je possède une Q prise en Alsace ayant aux supérieures, sur les
deux faces, 4 ocelles noirs pupilles de blanc, tous les 4 de taille
presque égale, et j'ai pris à Cancale, pendant l'été 1906, une Q
ayant également 4 ocelles aux supérieures; mais leur disposition
est tout à fait analogue à la figure i g de Barrett. J'ai appelé cette
Aberration : nuiltiocellata. J'ai aussi un cf quadri-ocellé aux supé-
rieures pris en Corse et un autre pris à Florac (Lozère) par
M. Dayrem, en juillet 1908.
Les individus d'Angleterre et de France centrale ne diffèrent de
ceux du midi (Corse, Sardaigne, Grèce, Pyrénées-Orientales, Basses-
Alpes, Lozère, Abruzzes, Castille, etc.) que par leur taille généra-
lement plus petite et le rembrunissement plus grand de la surface
de leurs ailes.
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE 39I
Généralement la tache ocellée subapicale noire est pupillée de
deux points blancs; je possède cependant quelques exemplaires
montrant une seule pupillation blanche; mais il semble que cette
Aberration est très rare. A l'angle anal des ailes inférieures,
Tithomis montre fréquemment un ocelle noir pupille de blanc;
quelquefois deux ocelles; mais l'absence de tout ocelle est un cas
aussi commun que la présence d'un seul ocelle. Mosley figure sous
le n" 2 de la PI. 2 des Satyrits, une Aberration de Tithonits que
je n'ai jamais vue. Les ailes supérieures sont uniformément brunes
sans aucune bordure plus foncée; mais la tache ocellée noire, bi-
pupillée de blanc, est maintenue.
UEphicphclc Tîthonus éclot une seule fois par an, à la fin de
juillet et au commencement d'août. Il voltige en grand nombre
autour des buissons et des haies. C'est une espèce extrêmement
abondante là où elle habite, mais chez laquelle les Aberrations
semblent bien rares, en proportion du nombre énorme des individus
normaux qui éclosent à la même époque.
Epinephele Ida, Esper.
Le premier auteur qui ait fait connaître Xlda est Esper, dont la
notice débute comme suit : Man hat diesen Falter vor Kur/.cm
in den pyrenaeischen Gebiirgen endeckt. Mehreres ist aber von
seiner Naturgeschichte noch nicht bekannt. Hr Gerning bekam ihn
von Herrn d'Orcy aus Paris, und von daher habe ich denselben
als einen der schaetzbaresten Beytraege mitgetheilt erhalten ».
C'est donc des Pyrénées — et évidemment de la partie orientale,
la seule où habite Ida, — que provient l'exemplaire originairement
décrit. Il serait très intéressant de savoir la localité d'où provenaient
les premiers exemplaires décrits des Lépidoptères européens, pour
fixer la race ou forme qui doit être considérée comme le type de
l'espèce. Mais il est souvent impossible de trouver ce renseignement,
faute aux anciens auteurs et même aux plus modernes d'avoir soup-
392 LEPIDOPTEROLOGIE COMPARÉE
çonné son importance et d'en avoir fait part. Lorsque je parviens
à en obtenir la connaissance, je me fais un devoir de le publier.
UEpinephele Ida habite la Provence, le Languedoc, le Rous-
sillon et le Gonflent, l'Espagne, l'Algérie, la Sardaigne, la Corse,
la Sicile, l'Italie méridionale et, dit-on, le sud de l'Allemagne. En
France, nous avons pris Ida à Vernet-les-Bains, à Port-Vendres,
au Pont-du-Gard près Nîmes, à Nice et à la Turbie. Les localités
espagnoles d'oi^i je possède Ida sont : Cordoue (R. Oberthiir,
juin 1880); Sierra-de-Alfakar et Grenade (R. Obthr, juillet 1879);
vallée de Ronda (Fabresse, juin 1906); Escorial (29 et 30 juillet
1879).
Quant à l'Algérie et au Maroc, je relève dans ma collection les
indications suivantes .- Djurjura, juillet 1884; Lambèze, juin 1885;
Tanger juin 1880; Bône, juin 1884; El-Kantara, mai 1908; Alger,
mai 1908; Torny près Sebdou, i'''' juillet 1907; Nemours.
Dans toute la région provençale, languedocienne et roussillo-
naise, espagnole, algérienne, sicilienne, sarde et corse, la forme est
assez sensiblement la même. A El-Kantara, où M. H. Powell
recueillit un grand nombre de cf , mais pas une Q , la race est petite
et plusieurs exemplaires sont remarquables par l'adjonction de
I ou 2 petits ocelles noirs quelquefois pupilles de blanc, aux ailes
supérieures, au-dessous du gros ocelle subapical, normal, double-
ment pupille de blanc. Mais je ne vois pas à la race d'El-Kantara
d'autre caractère que sa petite taille, et il y a dans les autres localités,
avec des exemplaires plus grands, des échantillons qui sont aussi
petits que ceux d'El-Kantara.
La race vraiment distincte et spéciale; est celle du sud de l'Italie
que j'ai appelée Neapolitana. Les cf pris à Pompéi par mon frère,
en 1876, sont grands, très peu dentelés, aux ailes inférieures, avec
la bordure brune étroite, l'ocelle subapical presque ou totalement
aveugle, c'est-à-dire avec une pupillation blanche microscopique,
unique et non double, ou même nulle. Les Q prises à Sulmona,
par M. Fabresse, pendant l'été 1908, ont la bordure brune extrê-
mement réduite, ce qui donne à la race italienne un faciès tout
particulier. L'ocelle noir, subapical, des ailes supérieures est petit.
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE 393
mais bi-pupillé de blanc. En dessous, le cf Neapoliiana a sur le
milieu des ailes un lavis jaune plus étendu sur un fond plus foncé
que la race typique.
Dans la collection Kuwert, il y avait une paire d'Epinephele Ida
avec la mention de localité : Suddeutschland. Le cf est conforme
à ceux de France méridionale; la Q est très grande, plus pâle et
un peu moins largement bordée de brun; mais cette paire appartient
à la forme typique et nullement à la neapolitana.
Epinephele Pasiphaë, Esper.
Espèce volant abondamment, principalement sur les buissons de
ronces, dans beaucoup de localités de Provence, du Languedoc
méditerranéen, du Roussillon, des parties chaudes du Confient, de
l'Espagne, du Portugal, de l'Algérie et du Maroc. L'éclosion se
fait de mai à juillet, suivant les localités.
Esper a figuré Pnsiphae sous le n" 4 de la Tab. LXYII; cet
auteur s'exprime en ces termes, au sujet de ' Pasiphaë (p. gg) :
« Dieser Falter ist eine der neuesten Entdeckung. Nach zuver-
laessigen Nachrichten findet sich derseribe in der Gegend von
Paris, obwohl sehr selten. Herr Gerning hat ihn von daher erhalten,
und die Guete gehabt, denselben mir mitzutheilen. » Evidemment
Gerning a commis une erreur; il a pu recevoir Pasiphaë de M. Gigot
d'Orcy ou d'un autre « Curieux de la Nature » de Paris avec qui
il était en relations; mais il ne s'en suit nullement que l'espèce ait
été prise à Paris. Pasiphaë, à Paris, est plus que très rare; il ne s'y
trouve pas et ne s'y est jamais rencontré dans la Nature. Iluebner
figure les deux sexes sous les n"'* 167, 168 et 169; mais avec moins
de réussite qu'à l'ordinaire.
L'espèce est d'ailleurs parfaitement connue et elle existe dans
toutes les collections.
Elle présente deux races principales : celle de la France méri-
dionale et de l'Espagne du Nord, où mon frère l'a prise abon-
394 LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE
damment en juin 187g, de Vittoria au Mont Gorbea, et celle
d'Algérie.
La forme de l'Espagne méridionale et du Portugal (Carthagène,
Grenade, vallée de Ronda, Malaga, Gibraltar, Lagos) fait entre
les deux races une transition parfaite.
En Algérie et au Maroc, à Mécheria, Magenta, Djurjura, Sebdou,
Tanger, Oran, Nemours, c'est la race Philippina, Austaut, dont le
faciès est bien distinct en dessus de la race française, mais dont les
ailes inférieures, en dessous, sont caractérisées par la réduction de
la bande médiane transverse, d'un blanc jaunâtre. A Tessala, les
ailes inférieures du cf sont fréquemment dépourvues de toute
bande blanchâtre et sont par conséquent d'un brun uni. Deux d* de
l'Ab. tessalensïs m'ont été donnés jadis par M. Austaut, avec
l'étiquette : Monts Tessala; Prov. d'Oran.
Généralement Pasïphaë a une tache noire ocellée subapicale, aux
ailes supérieures, unipupillée de blanc chez les cf, bipupillée chez
les Q. Quelquefois on voit au-dessous de cette tache ocellée un et,
plus rarement, deux points noirs. Les ailes inférieures sont généra-
lement marquées de deux ou trois points noirs tantôt pupilles de
blanc, tantôt aveugles; je possède des exemplaires quadriponctués ;
chez certains Pasiphaê asymétriques, il y a 3 points noirs d'un côté
des ailes et 4 de l'autre côté. En dessous, les ailes inférieures
montrent le plus généralement 5 ocelles noirs, cerclés de jaune,
pupilles de blanc.
Les cf varient pour la base des ailes supérieures, plus ou moins
envahie par la couleur brune ou éclairée de la teinte fauve du fond
des ailes.
Il doit y avoir à l'Escorial une forme très intéressante de
Pasiphaê, si j'en juge par 2 seules Q prises les 29 et 30 juillet 1879,
remarquables par le fond fauve orangé vif de leurs 4 ailes et la
réduction des parties brunes.
C'est à Marseille que Pasiphaê semble plus généralement tendre
à la multiplication des petits ocelles noirs supplémentaires, aussi
bien aux ailes supérieures qu'aux inférieures.
LÉPIDOrTÉROLOGIE COAIPARÉE 395
Feu de Graslin avait capture à Grenade un Pasiphaë çS albi-
nisant et chez lequel toute la bordure et la base des ailes, au lieu
d'être d'un brun assez foncé, comme chez les exemplaires normaux,
présente une teinte d'un brun griscâtre pâle; les parties fauves, chez
cet exemplaire, sont restées normales.
Cœnonympha Œdippus, Fabr.
Espèce répandue des rives de la mer du Japon jusqu'au pied
des Basses-Pyrénées, au bord de l'Océan Atlantique, mais avec des
lacunes souvent considérables dans cet immense espace. Esper, le
premier, a figuré la Q, avec le nom de Geticus, sous le n" 2 de la
Tab. Cil, d'après des documents communiqués par le Haushof-
meister Rummel qui avait trouvé ce nouveau papillon de jour en
\"alachie : « Und zwar in der Gegend des Argusflusses bey dem
Lager zu Fraschanestje ». Esper représente de nouveau le Gcticiis,
mais cette fois le cf de l'espèce, sous le n° 5 de la Tab. CVII.
Huebner figure admirablement le cf, avec le nom de Pjdargc,
sous les n°' 245 et 246, et la g sous les n°' 702 et /03.
En France, j'ai pris Œdippus à Biarritz où il vole dans les
landes couvertes de bruyères avec Aracinthus et Phœdrn, deux
espèces qui sont également ses compagnons dans la Charente, près
d'Angoulême, dans les marais de la vallée ])arallèle à celle des
Eaux-Claires, mais située immédiatement plus au sud. J'ai aussi
trouvé Œdippus avec Lyccena Argus, Cœnonyiupha Arcania, Stc-
ropes Aracinthus (Hetcropterus Morphcus), dans le marais du fond
de la forêt de Livernant où m'avait si obligeamment dirigé mon
excellent ami Gabriel Dupuy.
C'était à la fin de juin 1908; le temps n'était pas très favorable;
il avait plu plusieurs jours de suite; le ciel restait morose et le
soleil parvenait à grand'peine à filtrer à travers les nuages que
le vent marin poussait vers nous. Mais dans les intervalles où un
rayon solaire venait éclairer la forêt, on voyait une foule de
papillons variés sortir de l'herbe épaisse et voltiger dans le marais
396 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
OÙ souvent le chasseur sent ses pieds s'enfoncer dans le sol
bourbeux. En marchant dans ces herbes, on faisait lever parfois
Œdippus et c'était un plaisir de voir ce papillon noir voltiger pas
très haut au-dessus de terre, d'une façon vive et rapide, un peu
sautillante, mais se présenter assez facilement à nos filets. Lorsque
les nuages s'épaississaient, les Œdippus s'enfonçaient, avec la
plupart des autres papillons, dans les touffes d'herbe, et il ne
restait guère sans abri que l'intrépide Galathea, à laquelle même
quelques gouttes de pluie ne faisaient pas peur. J'ai conservé un
charmant souvenir de cette chasse qui eût été bien plus abondante,
si le soleil nous avait souri; mais l'ami Dupuy et moi, nous étions
heureux de nous trouver ensemble sur un terrain dont il me faisait
entomologiquement les honneurs, et j'éprouvais une satisfaction
très vive à capturer une espèce très intéressante par ses variations.
Dans certaines forêts de Bretagne et notamment à la forêt de
Rennes, on trouve Lycœna Argus, C œnonympha Arcania et Steropcs
Aracinlhus, comme à Livernant, dans des terrains marécageux
couverts d'herbes et de plantes qui me semblent tout à fait ana-
logues. Cependant Œdippus n'a jamais été rencontrée en Bretagne
jusqu'ici. Cette espèce est surtout abondante dans les marais des
Deux-Sèvres, notamment à Amure, près Epannes, où M. Gelin, de
Niort, a bien voulu, avec une obligeance parfaite et dont je ne
saurais assez le remercier, recueillir à mon intention un grand
nombre à^ Œdippus, afin de me permettre d'étudier la variation
des taches ocellées qui est en effet fort remarquable.
Chez les cf, les ailes inférieures présentent le plus généralement
6 ocelles noirs cerclés de jaune, pupilles de blanc, et les ailes
supérieures sont fréquemment dépourvues de toute ocellation; mais
on trouve assez souvent des cf avec un, deux et trois ocelles. Quant
aux Q, elles ont comme les çS six ocelles aux ailes inférieures; les
supérieures, les mieux pourvues, offrent le plus ordinairement quatre
ocelles et quelquefois cinq. Je suppose qu'il doit y avoir des Q à
six ocelles; mais je n'en possède pas.
Le fond des ailes des cf, en dessous, est souvent d'un brun un
peu ochracé uni; quelquefois les cf ont une liture jaunâtre ou blan-
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE 397
châtre longeant intérieurement la série des cinq ocelles des ailes
inférieures, tandis que le côté extérieur, à une petite distance de
la série des taches ocellées, est liséré submarginalement d'argent.
Les Q ont ordinairement la série des ocelles aux ailes inférieures
intérieurement surmontée d'une éclaircie blanc d'argent qui peut
devenir très large chez certains exemplaires. A Epannes, cette
éclaircie est plus générale et plus accentuée qu'à Angoulême; c'est
la variété Miris, Fabr.
Une variété qui paraît fort rare est celle où les taches ocellées
du dessous des ailes sont privées de toute pupillation blanche. Les
ocelles sont alors d'un noir de velours très vif, entourés de leur
cercle ordinaire d'un jaune pâle. Je possède un très beau cf de
cette Aberration; il faisait partie de la collection Boisduval et je
l'ai appelé Gelini, en l'honneur du lépidoptériste zélé de Niort à
qui l'Entomologie est redevable de découvertes très intéressantes
réalisées dans la riche contrée oii il réside.
Ma collection contient des Cœnonympha Œdippus des localités
suivantes : Angoulême (fin juin et fin juillet 1908); Amure, près
Epannes, dans les Deux-Sèvres (mi-juin 1908); Biarritz (17 juillet
1901); Gironde (abbé Mège); Dax (Lafaury) ; Piémont (jn coll.
Bellier); Carinthie {in coll. Kuwert); Chine du Nord; Sidemi, en
Mandchourie (M. JankowskiJ ; Yokohama, au Japon.
La race japonaise a été appelée annulïfer, par Butler.
Œdippus peut être albinos, comme tous les Satyridœ ; je possède
un cf entièrement d'un gris jaunâtre clair, en dessus et en dessous;
c'est l'Aberr. albina, analogue à celle ^Eudora.
La description de Fabricius {Mantissa hisectoriun, I/8/) est
ainsi conçue : « Œdippus; 335. P. D. F. Alis integerrimis supra
nigris immaculatis subtus fuscis : anticis ocellis subtribus, posticis
quinque. Habitat in Russia australiori Dom. Boeber. Statura omnino
P. Hyperanthi. Antenn?e albo nigroque annulatae clava ferruginea.
Alae omnes supra nigras immaculatac, subtus fusca:-. ocellis subtribus,
posticis quinque pupilla argentea, unico remoto. Striga marginal is
argentea fere obsoleta. »
Dans la première phrase, Fabricius annonce cinq ocelles aux ailes
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE
inférieures, ce qui ne cadre pas avec la forme ^Œ clip-pus que nous
trouvons en France et qui a toujours six ocelles aux inférieures;
mais le complément de la description, avec l'expression iinico
renwto, paraît mettre les choses au point.
Quant à Miris, Fabr. {Supplenientum Entomologiœ systema-
ticœ, 1798), c'est évidemment de la variété d'Œdippus avec bande
blanche accompagnant intérieurement la rangée des cinq ocelles
aux ailes inférieures qu'il s'agit. Je la copie textuellement comme
celle d'Œdippiis -. « Miris; 693. P. S. Alis integerrimis fuscis :
posticis supra ocellis duobus minutis, subtus sex; exteriori remoto.
Habitat in Germania. Affînis certe P. Leander at distinctus videtur.
Alae anticae supra fuscae immaculatœ; subtus flavescentes ocellis
tribus strigaque terminali, argentea, posticas supra fuscae ocellis
duobus aut tribus minutis pupilla alba, subtus flavescentes ocellis
sex exteriori remoto. Ante ocelLos striga abbreviata alba, pone
striga argentea fere terminalis. »
C'est donc : « ante ocellos striga abbreviata alba » qui constitue
la différence entre Œdippiis et Miris, et on doit donner le nom de
Miris aux Œdippns, particulièrement nombreux dans les marais
d'Epannes, qui ont aux ailes inférieures, devant les ocelles, une
bande blanche raccourcie. Dans la Charente, on trouve plutôt
Œdippns que Miris.
Esper, sous le n" 2 de la Tab. Cil, a représenté, avec le nom de
GeticHs, la Q Œdippns et non Miris.
Cette Ç) Geticus a 4 ocelles aux supérieures et 6 aux inférieures,
pupilles de blanc et cerclés de jaune, sur un fond jaunâtre uni,
et sans aucune éclaircie à l'intérieur et le long de la série des ocelles
aux inférieures. Le <3 (n" 5, Tab. CVII) a 2 ocelles aux supérieures
et 6 aux inférieures.
Dans l'ouvrage de Huebner, Fylargc cf (245, 246) a 3 ocelles
aux supérieures et 6 aux inférieures, et Pylarge Q (702, 703) en a
juste autant, sur un fond parfaitement uni et sans aucune éclaircie
contiguë aux ocelles des ailes inférieures en dessous.
Godart (PI. XIX, fig. 5-6) représente le cf avec un ocelle aux
supérieures et six aux inférieures. Dans sa description (p. 142), il
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE 399
dit : « Dans les femelles, il y a avant les yeux des ailes inférieures
un trait blanchâtre ou une bande Iransverse d'un blanc luisant » ;
mais il ne dit pas que cette forme a reçu le nom de Miris.
Lang figure le cf (PI. LXXIV, fig. 6, 6), avec six ocelles z.n'x
inférieures et deux ou trois petits aux supérieures. Dans sa des-
cription (p. 303, 304), il ne fait pas mention de l'éclaircie, sur le
dessous des ailes de la Q, éclaircie qui est caractéristique de Miris.
Lang ne semble pas avoir connu cette variété.
Butler a publié en 1868 le Catalogue of Satyrïdœ in the coll. of
the british Muséum. Voici ce qu'il écrit au sujet &Œdippus et de
Geticus (p. 40) : « C. Œdippus appears to be the Russian form
of Geticus; it differs from it chiefly in having less conspicuous
ocelli and bands on the underside. The females differ much more
than the maies; the number of ocelli in the front wings of thèse
two fofms varies in our spécimens from five to none. »
Quant à Staudinger et Rebel, dans leur Catalog 1901, ils ne
prennent pas soin d'établir l'origine et la nature de la variété Miris,
dont ils ne citent même pas l'auteur : Fabricius; ils se bornent à
imprimer le nom de Ruehl après celui de Miris, comme si Ruehl
était le fondateur de ce nom. C'était pourtant plus d'un siècle avant
Ruehl que Fabricius l'avait créé.
Cœnonympha Hero, Linné.
Espèce orientale répandue depuis la Mandchourie jusqu'aux
forêts à l'est de la ville de Paris.
M. Jankowski m'a envoyé de l'île Askold et de Sidemi la race
Perseis qui est un peu plus grande et plus pâle, avec les ocelles,
ainsi que les linéaments blancs du dessous des ailes, plus déve-
loppés. En Sibérie, aux environs du lac Baïkal, Perseis paraît être
de moins grande taille qu'en Mandchourie. Le Cœnonympha Hero
a été décrit par Linné et par Fabricius, dans les mêmes termes que
je reproduis tels quels : Hero; alis integerrimis fulvis, subtus ante-
rioribus ocello, posterioribus senis. Habitat in Europa" pratis silva-
4ÔO LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
ticis. » Esper, le premier, a figuré Hcro sous le n" 4 de la Tab. XXII.
Cet auteur lui donne le nom vulgaire : Das Sechsaug; ce qui veut
dire : le six-yeiix. En France, mon frère et moi, nous avons pris
Hero dans la forêt d'Ozoir-la-Ferrière, située à l'est de Paris, les
3 juin 1895, 27 mai 1899 et 28 mai 1905. Le Cœnonympha Hero
n'est pas rare dans cette forêt; mais comme on y fait l'élevage du
gibier avec beaucoup de soin, les gardes sont très vigilants et ne
laissent guère circuler que dans les allées de la forêt. Hero se tient
dans les clairières des bois, au milieu des herbes; c'est là où il faut
pouvoir le chercher. Il varie beaucoup pour l'ocellation, mais je
n'ai jamais vu l'Aberration Areteoides, Fologne, privée de taches
ocellées sur les 4 ailes. Aux ailes supérieures, l'ocellation est quel-
quefois absente; m.ais aux inférieures, les six-yenx sont très
constants; cependant le deuxième ocelle, à partir de l'ocelle costal,
paraît être., dans la série, le plus sujet à faire défaut. L'espèce n'est
pas rare dans certaines forêts d'Alsace; elle se trouve en Saxe et
dans beaucoup de parties de l'Allemagne, oii on rencontre des
exemplaires chez qui une partie des ocelles du dessous des ailes
paraît plus fortement indiquée en dessus que dans la majorité des
échantillons d'Ozoir.
Rennes, mai 1909.
Charles OBTHR.
La suite paraîtra prochainement avec la 4^ livraison
des 'Etudes de 'Lépidoptérologie comparée; mais pour
l'intelligence des figures 128 et i32, la Notice sur
les Cigarih's se trouve imprimée par avance dans la
présente livraison.
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPAREE 40I
Cigaritis Syphax, Lucas {Explor. scientïfiq. Algérie; Lèpid.,
PI. I ; fig. 8, 8 a).
Le genre Cigaritis est propre aux régions africaine et asiatique
voisines de la Méditerranée. En Algérie et en Tunisie, nous
connaissons quelques espècea dont l'identification n'est pas toujours
aisée.
La Cigaritis Syphax ne compte pas parmi les espèces embarras-
santes. Elle est répandue sur le littoral 011 elle vole en juin : Collo,
Bône, Tunis. M. Merkl l'a prise dans le Djurjura, en juillet 1884.
Le fond des ailes inférieures, en dessous, varie du brun clair au
rouge vineux. J'ai figuré dans les Etudes d'Entomologie (XX" liv.>
PI. 5, fig. 83) une variété g capturée à Bône par feu le D' Val-
lantin. Je lui ai donné le nom de pallcscens; elle se trouve en effet
caractérisée par la nuance plus claire de ses ailes en dessus, qui est
brun pâle au lieu d'être fauve orangé. Sous le n° 84 (Joe. cit.), j'ai
fait figurer une autre variété : impimctata, venant également de
Bône où elle fut trouvée par feu Olivier. Il ne lui reste plus que
les points noirs cellulaires, une petite tache costale et la bordure
noire crénelée des 4 ailes.
Cigaritis AUardi, Obthr. {Zohra, Donzel ; false, Obthr. Ettid.
d'Entow., IX"- liv., p. 35 et 36; PI. III; cf, fig- 8; g, fig. 9).
J'ai commis une erreur manifeste en rapportant à Zolira, Donzel,
la Cigaritis prise à Sebdou par le docteur Codet pendant les
années 1880 à 1882 et retrouvée à la même localité, en mai 1907,
par M. Harold Powell.
Il s'agit de l'espèce qui est figurée sous les n"' 8 et 9 de la
Planche III de la IX" livraison des Etudes d'Entomologie et que
dans le texte (p. 36) je rapporte à tort à Zohra, Donzel.
La Cigaritis que je nomme aujourd'hui AUardi en l'honneur de
mon vieil ami Gaston Allard à qui l'entomologie algérienne est
redevable de si importants progrès, est parfaitement distincte de
20
402 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
toutes les autres Cigaritis par la direction rectiligne et parallèle
de ses 3 premières bandes brunes pupillées d'argent, ressortant
vivement sur le fond blanc pur de ses ailes inférieures en dessous.
Les figures que j'ai publiées sont d'ailleurs excellentes et on peut
s'y rapporter exactement pour la détermination de cette nouvelle
espèce. La Cigaritis Allardi paraît rare. Ma collection contient
seulement 3 cf et 7 ç> bien frais. En dessus, le fond des 4 ailes
est d'un fauve orangé vif, parsemé de taches noires comme suit :
ailes supérieures : 2 taches dans l'espace cellulaire; quelquefois
2 autres qui leur sont inférieurement contiguës; une tache sub-
apicale costale et une grosse au-dessous quelquefois divisée en deux
parties; une bande maculaire droite submarginale et une série de
points noirs marginaux contigus à la bordure noire qui est assez
large. Ailes inférieures : l'espace costal et basilaire noirâtre; une
bande maculaire droite descendant du bord costal vers le bord anal
qu'elle atteint presque; 3 points noirs juxtaposés de façon à n'en
former souvent presque qu'un seul long, descendant du bord costal
et s'arrêtant à l'extrémité de la cellule; une bande maculaire paral-
lèle au bord marginal; le bord marginal liséré par une ligne noire
épaisse et èrénelée; 2 petites queues noires.
En dessous, le disque des supérieures est fauve orangé; la côte
et le bord terminal sont blanchâtres. Le bord terminal est marqué
de 6 ou 7 points noirs. Depuis la base jusqu'au bord terminal, il
y a un tout petit point basilaire brun; 2 autres taches encerclées
de noir, dont la supérieure se lie à un groupe maculaire commençant
à la côte et descendant, tels les grains d'un chapelet, vers le bord
inférieur; un autre groupe subapical, de 4 taches, dont 2 costales
dans la partie blanchâtre et 2 au-dessous dans la partie fauve de
l'aile; enfin une série de 4 à 5 taches descendant en ligne droite
du bord costal parallèlement au bord extérieur, qui est lui-même
marqué de 6 ou 7 petits croissants intranervuraux noir vif. De plus,
un trait noirâtre part de la base au-dessous de l'espace cellulaire
et s'avance jusqu'au-dessous de la seconde tache de la cellule.
Plusieurs des taches sont ornées d'un trait argenté.
Le fond des inférieures est blanc pur traversé par 5 séries de
LÉPIDOPTEROLOGIE COMPAREE 403
taches brunes comme suit : i" 4 taches brunes absolument contiguës
à la base; 2" 4 autres disposées en ligne droite, subbasilaires ;
3° 4 plus grandes, confluentes, disposées en ligne droite jusqu'à la
dernière qui s'infléchit un peu vers l'angle anal; 4° 4 taches con-
fluentes également en ligne droite; enfin, avant une ligne de 7 ou
8 points noirs marginaux, une série submarginale maculaire courbe,
parallèle au bord marginal. Toutes ces taches sont pupillées
d'argent. L'abdomen est noir, annelé de blanc. La frange est unie,
non entrecoupée, d'un gris blanchâtre ou d'un blond brunâtre.
La Cigaritis Allardi est un papillon extrêmement joli et gra-
cieux. Sol vol, comme celui des autres espèces, est vif et rapide.
Cigaritis Zohra, Donzel {Annal. Soc. ent. France, 1847, PL 8,
fig. 5. 6).
C'est bien l'espèce commune à Sebdou, d'où j'ai reçu une centaine
d'exemplaires. Elle est variable pour la couleur plus ou moins
blanchâtre ou brune du fond des ailes en dessous; pour le méla-
nisme du dessus des ailes; la confluence ou le rétrécissement des
dessins du dessous des ailes inférieures. J'ai appelé fugnrtha, la
variété dont le fond des ailes inférieures en dessous est plus foncé.
En outre de Sebdou, la Cigaritis Zohra a été obtenue de Saïda
par M. Gaston Allard et de Kralfallah par feu le lieutenant
Lahaye.
Cigaritis Massinissa, Lucas {Annal. Soc. ent. France, 1850;
PI. 2, fig. 2 a, 2 b).
Qu'est-ce exactement que Massinissa ? Lucas décrit cette espèce
qui habite les vallées du Djebel-Amour, où elle a été découverte
par le général Jean Levaillant, d'après une Q sans antennes ni
corps {Expier, scïentif. de V Algérie, Insectes, p. 364, 365) puis
d'après une autre Q, intacte cette fois {Ann. Soc. ent France, 1850).
404 LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE
La figure qu'il publie dans ce dernier recueil doit être assez exacte.
Elle paraît d'ailleurs soigneusement exécutée. Mais s'il y a des
détails qui cadrent avec une soixantaine d'exemplaires pris à
Géryville, en mai 1886, et que j'ai sous les yeux, il y a aussi des
différences, notamment pour la ligne marginale de points noirs, si
accusée et si nettement distincte, des ailes inférieures en dessous,
dans la figure de Massinissa. Je n'ose ériger en espèce nouvelle les
Cigaritis de Géryville et je n'ose non plus les identifier au véritable
Massinissa. En attendant des documents ultérieurs et qui nous
fixeront peut-être, je fais figurer un cT et une Q de la Cigaritis
de Géryville^ provisoirement rapportée par moi à Massinissa, Lucas.
Le cf est représenté sous le n" 128 et la g sous le n" 132 de la
PI. XXV du présent ouvrage.
EXPLICATION DES PLANCHES
Publiées dans la III^ Livraison des
Etudes de Lépidoptérologie comparée
PLANCHE X {Voir -page çç).
PLANCHE XI.
Argynnis Paphia-dives cf, Obthr. Yakouren (Algérie).
Argynnis Paphia-dives P, Obthr. Yakouren (Algérie).
{Bulletin Soc. ent. France, 1908; p. 26, 27).
Vanessa Polychloros-Erythromelas, Austaut. Scbdou (Alg'^).
PLANCHE XII.
13. Catocala dilecta-Powelli, Obthr. rJaya (Province d'Oran,
Algérie) ; captur. 27 juillet 1907).
14. Catocala dilecta-Dayremt, Obthr. Yakouren (Algérie).
15. Catocala sponsa-l.-eta, Obthr. Yakouren (Algérie).
{Bulletin Soc. ent. France, 1907; p. 345, 346).
16. Catocala SPONSA-OBSCURA, Obthr. Yakouren (Algérie).
PLANCHE XIII.
[7. Catocala promissa-hilaris, Obthr. Yakouren (Algérie).
[8. Catocala promissa-ochracea, Obthr. Brigg (Valais).
{Bulletin Soc. ent. France, 1907; p. 346).
19. Sesia urocerifqrmis-armoricana cf, Obthr. Monterfil (Illc-
et-Vilaine).
406 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
N*'^ 20. SESIA UROCERIFORMIS-ARMORlCAiNA Q ; Obtlir. jMontClfil (Ille-
et-Vilaine).
{Observations sur la Sesia uroceriformis, var. armori-
CANA, Ch. Obthr. Rennes, octobre 1Q07).
^^ î Sesia SUPREMA, Obthr., dessus et dessous. Lambèze (Algérie).
^ {Bulletin Soc. ent. France, 1907; p. 331; captur. mai 1907).
23. Lenyra Heckmanni.ï:, Aurivillius. Tamatave.
{Voeltskow Reise in Ost-Africa, 1903-1905 ; Wisscnschaftïiche
Ergebnisse ; Bd. II; Taf. 19; n° 14. — (( Das stuck cf ist
leider abgerieben und oellig geworden. »)
L'individu figuré dans le présent ouvrage a été capturé par
le D"" Charles Henri-Martin, au cours d'un voyage à Mada-
gascar; il est complet et en parfait état; donc très différent
de l'exemplaire qui a été figuré par Aurivillius.
24 . Emydia Powelli-Haroldi cf , Obthr. \ ^ , , / . , . . s
Scbdou (Algérie)
25. Emydia Powelli-punctata cf, Obthr. , ,
-^ \ obtenus en sep-
26. Emydia Powelli cf. ^^^^^re 1907.
27. Emydia Powelli q. )
{Bulletin Soc. ent. France, 1907; p. ^il^; 330-
PLANCHES XIV et XV {Voir pages 30 et 31).
PLANCHE XVI {Voir -page 271).
N°» 36. Satyrus Holli cf, Obthr. Glacière de Blidah (Algérie).
2,7. Satyrus Holli Q, Obthr. Glacière de Blidah (Algérie).
38. Satyrus sylvicola cf, Austaut. Sebdou (Algérie).
39. Satyrus sylvicola q, Austaut. Sebdou (Algérie).
40. Satyrus Hansii q, Austaut. Sebdou (Algérie).
41. Satyrus CINEREUS cf, Obthr. Yakouren (Algérie).
42. Satyrus cinereus q, Obthr. Yakouren (Algérie).
43. Satyrus Hansii cf, Austaut. Sebdou (Algérie).
44. Satyrus Hansii cf, Austaut. Sebdou (Algérie).
45. Satyrus Hansii cf, Austaut. Sebdou (Algérie).
PLANCHE XVII {Voir page 271).
N°^ 47. Satyrus Fauna cf, Sulzer. INIonterfil (Illc-et-Vilainc).
48. Satyrus Fauna cf, Sulzer. Monterfil (Il le-et- Vilaine).
49. Satyrus Fauna q, Sulzer. Monterfil (Ille-et-Vilaine).
50. Satyrus Fauna q, Sulzer. Monterfil (Ille-et-Vilaine).
51. Satyrus Fauna cf, Sulzer. Digne (Basses-Alpes).
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE 407
PLANCHE XVIII {Voir pui^c 371).
N°8 52. Satyrus Fauna (3, Sulzer. Naples (Italie).
53. Satyrus Fauna Q, Sulzer. Sicile.
54. Satyrus Fauna q, Sulzer. Escorial (Espagne).
55. Satyrus Fauna q, Sulzer. Sierra-Nevada (Andalousie).
56. Satyrus Fauna g, Sulzer. Vernct-les-Bains (Pyrcn. -Orient.).
PLANCHE XIX.
N"^ 57. Lyc.ena BELLARGUS-rUNcriGERA (supra riihro-maculata) cf,
Obthr. Sebdou (Algérie) ; captur. septembre 1907.
58. Lyc.ena Bellargus-Ceronus q, Esper (Tab. XC, fig. 2).
Lambèze (Algérie) ; captur. juin 1884.
59. Lyc.ena Bellargus-Ceronus q, Esper. Sebdou (Algérie);
captur. mai 1907.
60. Lyc.ena Bell.\RGUS-Ceronus q, Esper. Sebdou (.Algérie);
captur. mai 1907.
61. Lyc.ena Bell.^RGUS q, Esper (Tab. LV, fig. 4). Florence
(Italie) ; captur. juin 1907.
62. Lyc.ena BellaRGUS-RADIATA q, Florence; captur. juin 1907.
63. Lyc.ena Bellargus-albinismo-rufescens q, Vienne.
64. Lyc.ena Bellargus-CERULESCENS q, Gèdre (Hautes-Pyrénées).
65 . Lyc.ena Bellargus-CŒLESTIS q , Obthr. Auzay (Vendée) ;
captur. 28 août 1907.
66. Lyc.ena Bellargus-cœlestis q, Obihr. Angoulème.
67. Lyc.ena Bellargus-cœlestis q, Obthr. .Angoulème.
68. Lyc/ena Bellargus-cœlestis q, Obthr. Dompierre-sur-Mer
(Charente-Inférieure), captur. 15 mai iqoS.
{Bulletin Soc. ent. France, 1908; p. 23-26).
69. Lyc.ena Bellargus q, hermaphrodite. Dompierre-sur-Mer
(Charente-Inférieure); captur. 15 mai 1908.
70. Lyc.ena Bellargus q, hermaphrodite. Digne (Basses-Alpes);
captur. 27 mai 1907.
PLANCHE XX.
N°'»7i. Lyc.ena Escheri-Rondoui cf, Obthr. Lac de Gaube (Hautes-
Pyrénées) ; captur. juillet 1905.
72. Lyc^NA Esciieri d (transition). Cauterets (Hautes-Pyrénées);
captur. juilkît 1905,
4o8 LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE
N°^ 73. Lyc.ena Escheri-Rondoui Q, Obthr. Montagne du Péguère
(Hautes-Pyrénées) ; captur. juillet 1905.
74. Lyc^NA Escheri-Rondoui-radiata q, Gèdre (Htes-Pyrénées).
[Bulletin Soc. ent. France, 1906; p. 57, 58).
75. Lyc^na Coretas cf, Ochs {Tircsias, Huebn. 319). Vernet-les-
Bains (Pyrénées-Orientales) ; captur. juillet 1887.
76. Lyc^NA Coretas q, Ochs {Tiresias, Huebn. 320, 321). Vernet-
les-Bains; captur. juillet 1894.
yy. Lyc.ïna Hylas-Gabrielis q, Obthr. Angoulême.
Forma Q cœrulescens \ dédiée à M. Gabriel Dupuy.
78. LyCvENA Escheri cf, Duponchel {Suffi., PI. XI; fig. 3, 4;
P- T^-y?))- ^Marseille.
79. Lyc.ena Escheri g, Duponchel [Suffi., PI. XI; fig. 5, 6;
p. 71-73)- Saint-Pons (Bouches-du-Rhône).
80. Lyc.î:na Escheri-radiata q, Siépi [Catal. raisonné des Lcfi-
do-ptères du défartement des Bouches-du-Rhône et de la région
de la Sainte-Baume, p. 40). Saint-Pons (Bouches-du-Rhône).
81. Lycena Amyntas cf, Huebn. (322). Rennes; captur. été.
82. Lyc^na Amyntas q, Huebn. (323, 324). Rennes; captur. été.
83. Lyc.ïNA Amyntas-Polysperchox cf, Bergstraesser. Rennes;
captur. mai 1908.
84. Lyc.ïNA Amyntas-Polvsperchox g, Bgst. Rennes; captur. mai.
PLANCHE XXI.
N^^Ss- Somabrachys Mogadorensis cf, Obthr. Mogador (Maroc).
86. Somabrachys P^EIgrota cf, Klug. Sebdou (Algérie) ; captur.
octobre 1907.
87. Somabrachys Powelli cf, Obthr. Sebdou (Algérie).
[Bulletin Soc. cnt. France, 1908; p. 48).
88. Somabrachys Pinfuscata cf, Klug. Mogador (Maroc).
89. B1ETIA [novniii gcnus) XAXTHOPUS, Obthr. Tâ-tsien-Lou (fron-
tière orientale du Thibet et occidentale de la Chine) ; captur.
en 1905.
90. Deborrea malgassa, Heylaerts [C. R. Soc. cnt. Belg., XXVIII,
1884). Imerina (Madagascar).
91. Deborrea malgassa-argentacea, Obthr. Imerina.
92. Somabrachys Khenchel.« g, Obthr. Khcnchela (Algérie);
éclose en août 1908.
Le cf sera figuré avec Somabrachys Chrétieni, dans la
IV^ livraison des Etudes de Léfidoftérologie comfarée).
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE 409
N"^ 93. SOMABRACHYS spccies ? larvc trouvée à Khenchela, en mai et
juin 1908; forme commune vivant sur calycotome et genêt.
94. SOMABRACHYS species ? larve trouvée à Khenchela, en mai et
juin 1908 ; forme rare trouvée deux fois seulement.
95. SOMABRACHYS species ? larve trouvée à Khenchela, en mai et
juin 1908; assez rare; prise sur genêt, calycotome et plantes
basses.
96 ^ Cocons de SOMABRACHYS species ? de Khenchela (province de
97 ( Constantine (Algérie), débarrassés de la terre et des débris
divers ; le cocon n° 97 est probablement de Khcnchelœ.
98. SOMABRACHYS ALBiNERVis, Obthr. Scbdou (Algérie) ; captur.
septembre 1907.
99. SOMABRACHYS CODETI, Austaut. Scbdou (Algéri(>) ; captur.
septembre 1907.
100. SOMABRACHYS UNICOLOR, Obthr. Algérie (ex collection Bellier
de la Chavignerie).
Amicta Tedaldh, Heylaerts. Khenchela (Algérie) ; fourreau
et chrysalide du Cf ; insecte parfait Q et Cf éclos à la fin
d'août 1908.
104. Psyché Vuilleti, Obthr. Podor (Sénégal) ; la chenille vit sur
Vacacia tortilis.
La figure du fourreau paraîtra dans la IV livraison des
Etudes de Lé-pidoftérologie comparée.
PLANCHE XXIL
ZYG^NA
N°^ 105. Z. LOMICER.^i:-INCENDIUM. Obthr. Plan-Cerisier, près Martigny
(Valais) ; captur. juin 1907.
106 (
\ Z. ROSA, Obthr. Akbès (Asie-Mineure); captur. été 1890.
108. Z. FAUSTA-MELUSINA, Obthr. Angoulème (Charente) ; captur.
5 juin 1906.
109. Z. FAUSTA-DUPUYI, Obtlir. Angoulème; captur. 6 juin 1906.
(La tache longue submarginale, en forme de haricot, est
blanche. — Annal. Soc. cnt. France^ 1907; p. 45).
no. Z. CARNIOLICA-DUPUYI, Obthr. Digne (Basses-Alpes); captur.
juillet 1897.
(La tache longue, submarginale, en forme de haricot, est
blanche).
ii6(
ii/i
410 LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE
N°^ m. Z. CARNIOLICA-DUPUYI, Obthr. Digne; captur. juillet 1897.
(La tache longue, submarginalc, légèrement pigmentée
d'atomes carmin).
112. Z. CARNIOLICA-Dupmi, Obthr. Digne; captur. juillet 1897.
113. Z. CARNIOLICA, transition entre la forme type et la forme
DUPUYI. Digne; captur. juillet 1897.
114. Z. CARNIOLICA-BICOLOR, Obthr. Digne; captur. juillet 1904.
115. Z. CARNIOLICA-DINIENSIS Q, H.-S. ; fig. 112. Digne; captur.
juillet 1901.
Z. CARNIOLICA-DINIENSIS cf et Q . Digne; captur. juillet 1896.
Forme où les taches rouges des ailes supérieures sont très
faiblement entourées de blanc jaunâtre.
118. Z. CARNIOLICA-ASYMETRICA. Ofcn.
119 Z. CARNIOLICA-MELUSINA, Obthr. Digne; captur. juillet 1904.
Conformes à fmista-melusina (fig. iq8) ; mais le collier est
blanc, tandis que chez fausta, le collier est rose. La variation
cjui atteint les carniolica, fig. 119 et 120, émane de la même
Loi qui atteint la fausta 108, de même que la fausta-Du-puyi
(fig. 109) représente la variation parallèle à celle qu'offre
carniolica-Dit'pnyi (fig. 110, 111 et 112).
PLANCHE XXIII {Voir -pages 104. et 103).
Papilio Alexanor-Couleti g, Obthr. Digne (Basses-Alpes).
Papilio Alexanor-Augustinus q, Obthr. Digne.
Papilio Podalirius q, Linné. Thuringe.
PLANCHE XXIV (Voir pages 103 et loi).
N"^ 124. Papilio Feisthamelii, Duponchel. Vcrnet-les-Bains (Pyrénées-
Orientales).
125. Papilio Machaon-cellularis, Obthr. Berlin.
126. Papilio Machaon-seminigra, Obthr. Silésie.
PLANCHE XXV.
N°^ 127. Apatura Ilia-Laura q, Saint-Fargeau. Montpellier.
128. Cigaritis PMassinissa cf, Lucas. Géryville (Province d'Oran,
Algérie) ; captur. mai 1886.
129. Erebia Tyndarus-Rondoui cf, Obthr. Gèdrc (Htes-Pyrénées) ;
captur. juillet 1908.
LÉPIDOPTÉROLOGIE COMPARÉE 41 I
130. Erebia Stygne-GAVARNICA Cf, Obthr. Gavarnie (Hautcs-Pyrc-
nées) ; captur. 23 août 1908.
131. Hepialiscus algeriensis cf, J. de Joannis. Constantin^ (Alg**).
{Bulletin Soc. eut. France, 1903; p. 223. — Annales Soc.
ent. France, 1907; PI. 2; fig. 8, 8 a).
132. CiGARITIS FMassinissa Q, Lucas. Gcryville (Algérie); captur.
mai 1886.
133. Erebia Tyndarus-Rondoui g, Obthr. Gcdrc (Htes-Pyrcnérs).
134. Erebia Stygne-GAV arnica q, Obthr. Gavarnie (Hautes-Pyrc-
nées) ; captur. 13 juillet 1883.
135. HepiaLUS ARMORICANUS cf, Obthr. Rennes; Spccics nova,
captur. printemps 1895.
PLANCHE XXVI.
MELIT^A DIDYMA, Ochs.
136. Forma armoricana ; Ab. NOMINOË cf, Obthr. Bourg-des-
Comptes (Ille-et- Vilaine) ; captur. été 1892.
{Bulletin Soc. ent. France, 1900; p. 276; PI. I).
137. Ab. RADIATA çS, Obthr. Vienne (Autriche).
138. Ab. Wullschlegeli-RADIATA cf, Obthr. Thuringe.
139. Ab. RADIATA cf, Obthr. Crimée.
140. Ab. RADIATA g, Obthr. Tyrol.
141. Ab. WULLSCHLEGELI (S, Obthr. Besançon (Doubs) ; cajjtur.
septembre 1894.
142. Ab. WULLSCHLEGELI cf, Obthr. La Batiaz, près Martigny
(Valais) ; captur. 24 juillet 1907.
143. Ab. RADIATA g, Obthr. Zurich.
144. Forma ARMORICANA, var. BOULÉI cT, Obthr. Bourg-des-Compt(-s
(Ille-et-Vilainc) ; captur. été 1896.
145. Ab. WULLSCHLEGELI Ç, Obthr. Suisse.
PLANCHE XXVIL
N"' 146. Cerigo iberica g, Obthr. Barcelone (Catalogne).
{Bulletin Soc. ent. France, 1908; p. 292).
147. POLIA VENUSTA-DELICIOSA cf, Obthr. Sebdou (Algérie); captur.
octobre 1907.
{Bulletin Soc. ent. France, 1907; p. 345).
412 LÉPIDOPTP^ROLOGIE COMPARÉE
N°M48. EuBOLIA PERIBOLATA cf, Huebn. Cancale (Ille-ct-Vilaine) ;
captur. août 1895.
149. EUBOLIA BIPUNCTARIA-MARITIMA Q, Seebold. Bilbao (Espagne).
150. Catocala PUERPERA-POWELLI, Obthr. Entievaux (Bses-Alpes) ;
captur. 10 août 1906.
151. Catocala puerpera-Couleti, Obthr. Digne (Basses-Alpes);
captur. été 1908.
152. Hemerophila Holli cT, Obthr. Alger; captur. 20 juillet 1904.
Dédiée à M. Holl, d'Hussein-Dey.
153. Orrhodia Sebdouensis cf, Austaut. Sebdou (Algérie); captur.
17 septembre 1907.
154. POLIA VENUSTA-DELICIOSA cf, Obthr. Sebdou (Algérie).
155. EuBOLIA Cœlinaria-Gerardini cf, Obthr. Larrau (Basses-
Pyrénées).
[Bulletin Soc. ent. France, 1907; p. 309-310).
156. EUBOLIA peribolata-Chouika cf, Obthr. Lambèze (Algérie),
PLANCHE XXVIII.
ZYG/ENA
^57 jz. MEDICAGINIS cf, Duponchel (Siippl., PL VI; fig. 6); Bdv.
^5°' [Monogr. Zygénides, PI. 4; fig. 5). Mont Pacanaglia (Alpes-
Maritimes) ; captur. mi-juin 1907.
159. Z. MEDICAGINIS Q, Duponchel. Nice (Alpes-Maritimes); captur.
commencement de mai 1907.
160. Z. MEDICAGINIS-DUBIA cf, Stgr. Moulinet (Alpes-Maritimes) ;
captur. été 1907.
161. Z. MEDICAGINIS cf, Duponchel. Certosa di Pesio (Italie);
captur. juillet 1908; forme à 6 taches.
162. Z. LAVANDUL^-SlEPII cT, Obthr. Vallon de St-Pons (Bouches-
du-Rhônc) ; captur. 11 juin 1906.
163. Z. TRIFOLII-LUÏESCENS d, Cockerell ;. Ab. CONFLUENS, Tutt.
Emsworth (Angleterre) ; captur. par Christy en mai 1893.
164. Z. TRIFGLII-OBSCURA Cf, Tutt {A Natural history of the British
Le-pido-ptera; vol. I; p. 487). Angleterre. Faisait partie de la
collection Battershell-Gill.
165. Z. PALUSTRIS cf, Obthr. Rennes; captur. 15 juin 1906.
166. Z. PALUSTRIS-CONFLUENS cT, Obthr. Rennes; captur. 15 juin
1906.
167. Z. PALUSTRIS-CONFLUENS Q, Obthr. Rennes; captur. 15 juin
1906.
LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE 413
168. Z. TRIFOLII Cf, Duponchcl {SuppL, PI. VIII; fig. i). Le Cein-
turon, près Hyèrcs (Var) ; captur. 21 mai igo6.
169. Z. DUBIA cf, Stgr. Vernet-les-Bains (Pyrénées-Orientales);
captur. été 1906. — Forme à 5 taches rouges aux ailes
supérieures.
170. Z. DUBIA cf, Stgr. Vernet-les-Bains. — Forme à 6 taches rouges
aux ailes supérieures.
171. Z. DUBIA cf, Stgr. Vernet-les-Bains; captur. été 1895.
172. Z. Esc.\LERAl cf, Poujade. Vallée de Chindaar, dans le Haut-
Kharoum, en Mésopotamie; captur. juin 1899.
173. Z. GALLICA cf, Obthr. Digne (Basses-Alpes); captur. juin 1897.
PLANCHE XXIX.
ZYG.^NA
174. Z. Favonia, Freyer. Chemin du Col des Arzaïls, près Sebdou
(Algérie) ; captur. 20 juin 1907.
175. Z. Favonia-Powelli, Obthr. Khenchela (Algérie); captur.
15 juin 1908.
176. Z. Ephialtes-Wullschlegeli, Obthr. Plan-Cerisier, près
JMartigny (Valais) ; captur. 24 juillet 1907.
lyj. Z. FAUSTA-LUGDUNENSIS, Millière. Plateau de la Tourette, près
Angoulême (Charente) ; captur. 10 septembre 1908.
178. Z. FAUST A-BRUNNEA, Thuringe.
179. Z. HILARIS-FOULQUIERI, Obthr. Saint-Pons, près Gémenos
(Bouches-du-Rhône) ; captur. 12 juillet 1903.
180. Z. HILARIS-TRICOLOR, Obthr. Moulinet (Alpes-Maritimes);
captur. juillet 1906.
181. Z. Rhadamanthus-Kiesenwetteri, Herrich-Schacflfer, n" 96.
Col d'Eze (Alpes-Maritimes) ; captur. 9 juin 1907.
182. Z. Rhadamanthus-Kiesenm^etteri, h. -S., n"^ 97, 98; Stœ-
CHADIS, Bdv. {/cônes, PI. 55; fig. 4); Dup. {Stip-pL, PI. VII;
fig. 2) ; TRANSIENS, Obthr. Castillon (Alpes-Marif^^) ; captur.
juin 1906.
183. Z. Rhadamanthus-Kiesenwetteri, H. -S., n" 96. Mont Paca-
naglia (Alpes-Maritimes) ; captur. 8 juin 1906.
184. Z. RHADAMANTHU.S-FLAVA, Obthr. Tijola (Alméria, Espagne);
captur. 1900.
185. Z. Rhadamanthus-GuenÉEI, Obthr. Digne (Basses-Alpes);
captur. juin 1897.
414 LEPIDOPTEROLOGIE COMPAREE
N°^ i86. Z. Rhadamanthus-Guenéei, Obthr. Digne; captur. juin 1807.
(Gucncc, Annal. Soc. cnt. France, 1870; PI. 7; fig. 12).
187. Z. Rhadamanthus-GRISEA, Obthr., forma: cingulata. Digne;
captur. juin 1897.
188. Z. Rhadamanthus, Esper (Tab. XL; fig. i, 2). Vence (Alpes-
Maritimes) ; captur. printemps 1906.
PLANCHE XXX.
ZYG^NA TRANSALPINA, Esper.
(Voir Annales Soc. cntorn. France, 1907; p. 37-48).
N°^ 189. Z. TRANSALPINA-MARITIMA-3 MACULATA, Obthr. La Turbie, près
Nice (Alpes-Maritimes); captur. 1897.
{Bulletin Soc. ent. France, i8g8; p. 22, 23).
190. Z. TRANSALPINA-MARITIMA, Obthr. Alpes-Maritimes.
(4 taches rouges aux ailes supérieures, au lieu de 3).
191. Z. TRANSALPINA-MARITIMA, Obthr. La Turbie.
192 ^ Z. HIPPOCREPIDIS-PROVINCIALIS, Obthr. Montrieux, pr. Méounos
'93 ( (Var) ; captur. fin septembre 1906.
194. Z. HIPPOCREPIDIS-ALPINA, Bdv. {Icones, p. 66; note). Digne;
captur. juillet 1897.
195. Z. HIPPOCREPIDIS-ALPINA Q, Bdv. Allos (Basses-Alpes); captur.
juillet 1897.
ig6. Z. HIPPOCREPIDIS-ALPINA cf, Bdv. Allos ; captur. juillet 1897.
197. Z. HIPPOCREPIDIS-ALPINA, Bdv. Cauter(>ts (Hautes-Pyrénées);
captur. juillet 1908.
198. Z. HIPPOCREPIDIS-ALPINA cf, Bdv. Vernct-les-Bains (Pyrénées-
Orientales); captur. été 1891.
199. Z. HIPPOCREPIDIS-ALPINA Q, Bdv. Vernet-les-Bains (Pyrénées-
Orientales) ; captur. juillet 1906.
200. Z. HIPPOCREPIDIS-ALPINA-FLAVA. Digne; captur. juillet 1907.
201. Z. HIPPOCREPiDIS-OCCIDENTALIS-ViGÉl, Obthr. Dompicrre-sur-
Mcr (Charente-Inférieure); captur. 1896.
202. Z. HIPPOCREPIDIS-OCCIDENTALIS-PALLIDIOR, Obthr. Dompierrc-
sur-Mer; captur. 17 septembre 1900.
203. Z. HIPPOCREPIDIS-OCCIDENTALIS Q, Obthr. Dompierre-sur-Mcr ;
captur. 15 juin 1908.
204. Z. HIPPOCREPIDIS-OCCIDENTALIS-MILTOSA, Candèz(\ Dompierro-
sur-Mer; captur. 27 mai 1899.
LÉPIDOPTÉROLOGIE CO^IPARÉE 415
N°^ 205. Z. HIPPOCREPIDIS-OCCÎDENTALIS-MILTOSA, Candèzo. Auzay (Ven-
dée) ; captur. 30 août 1907.
206. Z. HIPPOCREPIDIS-OCCIDENTALIS, Obthr. Auzay (Vendée) ; cap-
tur. 29 août 1907.
207. Z. HIPPOCREPIDIS-OCCIDENTALIS-MICINGULATA. Obthr. Dom-
pierre-sur-Mer ; captur. 12 juin 1907.
PLANCHES XXXI-XXXII {Voir -page 6^).
PLANCHES XXXIII-XXXIV {Voir fage 77).
^Y^
IMI'. OlilKTIlUR, RENNES (5136-08)
I
Lépidoptérologie comp;
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Pl.X.
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Lnp Olxrt/uicXennss
Lépidoptépologie comparée.
PI XI
hnp Oherihur Rennes
./. Culot lilhoscvlps .
Lépidoptépologie comparée
PI XII
Imp Ohfrlliur AVv
■/. (. ulol. lilhoscuJps .
Lépidoptépologie comparée
PI XIII
Inip. Oherihur Rennes
■J.CuInl.lilhosailps
Lepidoptépologie comparée.
Pl.XlY.
Imp. Oherihur tiennes
J. C'ulol . /illmsculps
Lépidoptépologie comparée
Pl.XY.
[mp. Ohcrlbur-Renne-s
•I ('ni 1)1 lillmsnilps H piiix
Lepidoptérologie compapée.
PIXYI
Inip. Oherlliur. Kt-niii-
I. Ciilnl. Iithosi ulps H piiix
Lepidoptépologie comparée
PI. XVII,
Inifi.OhcrlIiiir.Hennes
■U'iilotjitliusculpsti jlîllS
Lépidoptépologie comparée.
PI. XVIII.
Imp Uberlfiuf Rennes
•ICulol.litliosnilps/tpinx
Lépidoptépologie compapée
Pl.XIX.
Ê r '•'>
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Imp. Ober/hur. Rennes
J. CuloUithosrulps ii pi
Lépidoptépologie comparée
Pl.XX.
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■^^
Jimp. Oberihup Rennes
./ Cw/o/ lilhosciilps fi pinx
Lépidoptépologie comparée.
PI. XXI.
Imp OherUmr Rennes
•J. CuloUithonculpsa phiX
Lépldoptépologie comparée
^
PI. XXII.
115
/ot/ï. OberUnir
J. CuloUithpsculps fi piiix
Lepidoptépologie compapée.
PIXXIII
Inip. (Jberl/iiJr Keniies
J. iUjIot lilliD.'icn/ps ii/ii/iv
Lépidoptépologie comparée.
PI .XXIV
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Lépidoptépologie com
papee
Pl.XXV.
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Lépidoptépologie co
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PI.XX^/I.
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Lépidoptépologie comparée
Pl.XXVir.
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Lépidoptérologie comparée
PI.XXYÏÏI
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Lepidoptépologie compa]
178 ^
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Pl.XXIX.
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Lépldoptépologie compapée.
PI. XXX,
^92^
205
\ 206 /
/mp. Oherlhiir.
J. Ciiltit. lithosrulp.s It pinx
Lépidoptépologie compapée.
PI.XXXI.
Imp. Obfr/hur /ip/irw.
./. C.iihil.liihosciilp.-, Il puis
Lépidoptépologie comparée.
Pl.XXXII
212
Imp Obtrihur. He/ii
•I. Ciilol^ lilhuaculp.s il pinx
Lépidoptépologie compapée.
pi.xxxm.
Iirip (Jbcrlliur: Hennés
-/ ('iilol.lilhosiii/fjsi'i furix
Lépidoptépologie comparée
Pl.XXXIV.
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J. Culot lilhosnilps !i pinx
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