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Full text of "Etude sur la franc-maçonnerie américaine"

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ETUDE 


SLR     LA 


fRANC-MÂÇONNERIE 

AMÉRICAINE 


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Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2010  with  funding  from 

University  of  Ottawa 


http://www.archive.org/details/etudesurlafrancmOOpreu 


ARTHUR     PREUSS 


ETUDE 

SUR    LA 

FRANC-MAÇONNERIE 

AMÉRICAINE 

d'après  différents  ouvrages  faisant    autorité 
Tels  que  : 

Morals  and  Dogma  of  the  Ancient  and  Accepted  Scottish  Rite 

DU  f:.  pike 

«  Masonic  Ritualist  »,  «  The  Encyclopaedia  of  Freemasonry  » 

DU         IP.'.     MACKEY.BTO  ,      ETC 

OUVRAGE    TRADUIT,    AVEC    l'aUTORISATION    DE  l'aUTEUR, 
\  SUR  LA  SECONDE  ÉDITION  AMÉRICAINE 

PAR    M^iie     A.      BARRAULT 


PARIS 
Bureaux  de  la  Revue  Internationale  des  Sociétés  Secrètes 

96,  Boulevard  Malesherbes 


NIHIL    OBSTAT 


F.    G.   Holweck 
Censor  librorum 


S.  Ludovjci.  die  Vi.  Maji.  1908 


IMPRIMATUR 


Joannes  J.  Glennon. 

Archiepiscopus  Sti.  Ludovici 


S.  Ludovici,  die  13.  Maji,  4908 


H 


^^ 


PRÉFACE  DE  LA  SECONDE  ÉDITION 


Une  nouvelle  édition  de  ce  volume  est  devenue  si  rnpidement  né- 
cessaire que  nous  avons  dû  nous  borner  à  corrigei-  les  petites  erreurs 
typographiques  qui  nous  vont  été  sign.nlées. 

Ce  nous  est  un  plaisir  de  pouvoir  diie  que  1rs  critiques  de  cette 
Étude  parues,  jusqu'ici,  en  ce  pays  aussi  bien  qu'au  Canada, 
dans  l'Amérique  du  Sud  ou  en  Europe,  lui  ont  été  unanimement  fa- 
vorables. Les  Catholiques  l'ont  acclamée  comme  uue  publication 
nécessaire  et  utile.  Les  Francs-Maçons  eux-mêmes  ont  été  con- 
traints d'en  reconnaître  le  calme  et  l'objectivité.  Lu  auteur 
maçonnique,  écrivant  dans  la  «  Revue  historique  du  Missouri^  »,  a 
pu  dire  : 

«  L'Étude  sur  la  Franc- Maçonnerie  Américaine 

est  basée  sur  Morale  et  Dogmes  du  Rite  Ecossais  ancien  et 

accepté  »  de  Pike,  sur  les  ouvrages  de  Mackey  et  sur  des  publica- 
tions d'autres  écrivains  maçonniques.  Elle  est  écrite  avec  calme,  et 
s'appuie  sur  des  documents,  citant  les  sources  de  toutes  les  alléga- 
tions faites  par  l'auteur,  en  sorte  que  nul  ne  peut  se  choquer  en 
la  lisant,  quoiqu'on  puisse  trouver  que  l'auteur  se  trompe  dans  ses 
conclusions  ». 

Voici  en  quoi,  d  après  ce  critique,  consiste  notre  erreur  :  «  La  ma- 
jorité des  Maçons  américains  suit  le  Rite  de  la  iVlaçonnerie  d'York, 
qui  conduit  de  la  Loge  Bleue,  par  le  Chapitre,  à  la  Commandorie  des 
Chevaliers  du  Temple.  Dans  le  Rite  Ecossais,  menant  i\c  In  même 
Loge  au  33^  degré,  il  n'y  a  plus  d'enseignement  philosophique; 
mais  les  Maçons  répondraient    aux    assertions   de   l'auteur   que  ni 

1  Vol,  III,  n"  1  (Oct.  190SJ  p.  79. 


VI  PREFACE    DE    LA    SECONDE    EDITION 

l'une  ni  l'autre  de  ces  deux  branches  ne  contiennent  aucun  ensei- 
gnement, religieux,  philosophique  ou  scientifique  secret,  la  partie 
doctrinale  de  la  Maçonnerie  étant  exposée  sans  aucun  mystère  dans 
la  Maçonnerie  «  Moniloriale  »  ou  exolérique,  tandis  que  la  Maçon- 
nerie ésotérique,  ne  sélendant  qu'aux  formes  d'initiation,  n'apporte 
aucun  changement  ou  addition  à  la  partie   «  moniloriale  ». 

L'auteur  de  cette  critique  est  probablement  un  franc-maçon  exo- 
lérique, lun  des  Maçons  du  degré  <<  Knife  and  Fork  »,  ou  tout  au 
plus  un  *<  Bright  Mason'  »  ;  sa  thèse  est  si  complètement  réfutée 
d'un  bout  à  l'autre  du  présent  volume^  que  nous  n'avons  pas  besoin 
de  la  discuter  ici.  Etant  donné  que  les  Maçons  admettent,  comme 
ils  le  doivent,  l'authenticité  de  nos  sources  et  l'exactitude  de  nos  ci- 
tations, nous  pouvons,  en  toute  sécurité. laisser  le  lecteur  se  pronon- 
cer lui-même  sur  la  validité  de  nos  conclusions  :  nous  ne  les  lui  impo- 
sons pas;  elles  découlent  spontanément  de  nos  prémisses. 

Arthur   PREUSS- 

Saint-Louis,  l*""^  novembre  1908. 

1.  Mde  infra,  pp.  4.  7,  21  sq.  —  Quant  à  notre  opinion  sur  les  Maçons  éso- 
tériques.  voir  infra  pp.  11.  12. 

2.  Voir  spécialement  pp.  7,  9.  sqq.,  13  sqq. 


INTRODUCTION 


Parmi  les  diverses  influences  qui,  sans  cesse,  concourent  à  for- 
mer les  idées  de  l'Américain  et  à  façonner  sa  vie,  il  faut,  en  toute 
justice,  accorder  une  place  considérable  à  la  Franc-Maçonnerie. 
Notre  presse  quotidienne  en  disperse  au  loin  les  principes  ;  ses 
labeurs  pour  l'humanilé  fournissent  à  l'écrivain  et  à  l'orateur  un 
thème  inépuisable  ;  ses  membres  sont,  en  grande  partie,  nos  légis- 
lateurs, nos  juges,  nos  gouvernants  ;  les  présidents  de  notre  répu- 
blique eux-mêmes  prennent  ouvertement  place  dans  ses  rangs  ;  les 
éducateurs  de  notre  jeunesse,  à  l'école  comme  à  l'Université,  sont 
souvent  ses  adeptes  et  encouragent,  parmi  leurs  élèves, des  sociétés 
qui  singent  son  secret  etses  méthodes,  et  préparent  lesjeunes  géné- 
rations à  devenir  plus  tard  ses  adeptes  zélés.  Pour  comble,  enfin, 
elle  compte  parmi  ses  initiés  et  ses  défenseurs  des  ministres  et  des 
évêques  protestants  ;  en  aorte  que,  souvent,  ce  ne  sont  pas  seule- 
ment les  premières  pierres  de  nos  édifices  publics,  mais  encore 
celles  des  églises  protestantes  qui  sont  posées  par  ses  dignitaires  et 
consacrées  par  ses  rites  mystiques.  Nier  son  influence  parmi  nous, 
serait  nier  un  fait  plus  clair  que  le  jour. 

A  en  croire  les  protestations  publiques  de  la  Franc- Maçonnerie 
américaine,  nous  ne  devrions  nous  inquiéter  ni  du  nombre  de  ses 
adeptes,  ni  de  sa  puissance.  «  Elle  n'est,  alïirme-t-elle,  qu'une  pure 
association  de  bienfaisance,  dans  laquelle  il  n'entre  aucun  mal. 
Elle  admet  toutes  les  religions,  dans  un  esprit  de  tolérance  univer- 
selle. Aucun  athée  ne  peut  en  être  membre.  Elle  enseigne  l'amour 
fraternel  et  la  bienfaisance  pour  tous,  la  paternité  de  Dieu  et  la 
fraternité  des  hommes.  Elle  exige  les  bonnes  mœurs  ;  elle  enjoint 
lerosportderautorifé;  elle  vient  en  aide  à  ses  associés  pendantlavie, 
et,  lorsque  la  mort  les  appelle  à  une  existence  meilleure,  elle  con- 
fie la  poussière  à  la  poussière  avec  des  cérémonies  appropriées, 
et  pourvoit  avec  un  soin  plein  de  sollicitude  aux  besoins  de  la  veu- 
ve et  de  l'orphelin  ».  Si  k  Maçonnerie  américaine  est  cela    et    rien 


VIII  INTRODUCTION 

que  cela,  si  rien  de  reprehensible  n'est  caché  et   masqué   par   tout 
cela,  on  conçoit  difficilemenl  l'opposition  qui  lui  est  faite. 

Cependant  cette  opposition  existe,  et  j'ajoute  :  une  forte  opposi- 
tion, venant  d'un  point  tout  a  fait  inattendu,  si  les  affirmations  de 
la  Maçonnerie  elle-même  >ont  exactes  ;  opposition  et  condamnation 
d'une  puissance  remarquable  par  ses  propres  actes  de  bienfaisance  : 
l'Église  catholique.  Est-ce  ignorance  de  la  part  de  celle-ci  ?  Est-ce 
préjugé  ou  bigolisme  ?  Est-ce  mesquinerie  d'un  orgueil  blessé  de 
se  rencontrer  en  face  d'un  rival  puissant  ?  Est-ce  encore  le  fait  du 
despotisme  des  prêtres,  qui  ne  peut  souffrir  aucune  influence,  fiît- 
elle  bonne,  en  dehors  de  la  sienne  ? 

La  présente  Étude  fera  la  lumière,  nous  l'espérons,  sur  tous  ces 
points,  qui  ne  peuvent  manquer  d'intéresser  les  esprits  chercheurs. 

Mais  quels  guides,  demandera-t-on.  faudra-t-il  suivre  dans 
notre  Etude  ?  —  Des  guides,  répondrons-nous,  auxquels  on 
ne  saurait  opposer  d'objections  ;  des  guides  qui  s'exprimeront  en 
connaissance  de  cause  ;  des  guides  qui  parleront  en  toute  sincérité, 
puisqu'ils  ne  parleront  pas  pour  nous,  mais  pour  l'instruction  de 
ceux  dont  ils  sont  les  maîtres  reconnus  et  acceptés.  Nous  nous  ser- 
virons d'œuvres  classiques  dans  la  Franc-Maçonnerie  américaine, 
d'ouvrages  émanant  d'autorités  maçonniques  célèbres,  comme  le 
F.-.  Albert  G.  Mackey  et  le  F.-.  Albert  Pike. 

Pour  prouver  que  nous  n'exagérons  pas  la  valeur  de  nos  sources, 
valeur  qu'aucun  Maçon  instruit  ne  songerait  à  nier  un  seul  instant, 
nos  lecteurs  nous  permettront  de  donner,  par  l'intermédiaire  d'un 
Frère  Maçon,  une  courte  notice  sur  la  vie  maçonnique  et  les  travaux 
littéraires  de  nos  informateurs. 

«  C'est  en  Maçonnerie  »,  dit  le  F.-.  C.  T.  McClenachan  dans  sa 
Biographie  du  Dr.  Mackey,  écrite  pour  la  Fraternité,  «  que  le  Dr. 
Mackey  a  atteint  sa  plus  grande  célébrité,  car  c'est  à  cette  science 
et  à  celles  qui  s  y  rattachent  qu'il  a  consacré  les  meilleures  années 
de  sa  vie.  Il  fut  initié,  admis  et  élevé  au  sublime  degré  de  Maître 
Maçon  en  1841,  dans  la  loge  de  Saint- André,  nnmero  10,  à  Char- 
leston, S.  C.  ;  il  fut  immédiatement  après  affdié  à  la  Loge  de 
Salomon,  numéro  1,  dans  la  même  ville,  et,  en  décembre  1842,  il  en 
fut  élu  Maître.  L'année  suivante,  il  fut  élu  Grand  Secrétaire,  et 
en  mars  1845,  Grand  orateur  de  la  Grande  Loge  de  la  Caroline  du 
Sud.  11  fut  maintenu  dans  ces  deux  postes  jusqu'en  1866,  sans  in- 
terruption, joignant  aux  fonctions  de  Secrétaire  celles  de  Rappor- 
teur de  la  correspondance  étrangère.  Le  Dr.  Mackey  fut  élu  Grand 
Orateur  en  1845  dans  le  Grand  Chapitre  des  Maçons  du  «  Royal 
Arch  »,  puis  Député  Grand  Pontife  en   1847  et  années  suivantes 


INTRODUCTION  IX 

jusqu'en  1854,  où  il  fut  fait  Grond  Pontife.  Etant  constamment 
réélu,  il  conserva  ces  fonctions  jusqu'en  18G7.  Au  moment  de  l'or- 
ganisation d'un  Grand  Conseil  de  «  Royal  and  Select  Masters  » 
dans  la  Caroline  du  Sud,  il  fut  élu  Grand-Maître.  II  exerça  une  puis- 
sante el  utile  influence  sur  la  Maçonnerie  de  ce  pays  pendant 
la  période  durant  laquelle  il  remplit  ces  importantes  fonctions  dans 
la  Grande  Loge,  le  Grand  Chapitre  et  le  Grand  Conseil.  Grâce  à  ses 
soins  diligents,  elle  passa  d'un  état  de  faiblesse  à  une  grande 
prospérité.  Ses  rapports  annuels  sur  la  Correspondance  étrangère, 
ses  conférences  instructives  et  ses  discours  lui  valurent  une  répu- 
tation qui  s'étendit  aux  Corps  qu'il  représentait.  En  1859,  les 
Maçons  de  ><  Royal  Arch  »  des  Etats-Unis,  l'élurent,  lors  de  leur 
Assemblée  Triennale  de  Chicago,  à  la  plus  haute  situation  dont  ils 
disposaient  :  celle  de  «  General  Grand  High  Priest  »  (Grand  Pontife 
Général  ;  il  la  conserva  pendant  six  ans.  Le  Dr.  Mackey  s'intéressa 
de  bonne  heure  à  la  Maçonnerie  du  Rite  Ecossais,  dont  la  philoso- 
phie cachée  convenait  à  son  tempérament.  Il  reçut,  en  1844,  le  33" 
ou  suprême  degré  de  ce  rite,  et  devint  membre  du  Suprême  Conseil 
de  la  Juridiction  méridionale  des  Etals-Unis.  Il  en  fut  immédiate- 
ment élu  secrétaire  général,  situation  qu'il  conserva  sans  interrup- 
tioajusqu'à  sa  mort.  Pendant  plusieurs  années,  il  fut  le  membre 
le  plus  ancien  du  Rite  aux  Etats-Unis  ;  en  celle  qualité,  il  occupait 
la  position  de  Doyen  du  Conseil.  En  témoignage  de  son  respect  et 
de  son  estime,  cette  Suprême  Institution  décréta  que,  durant  la  vie 
du  Dr.  Mackey,  l'olllce  de  Secrétaire  Général  serait  élevé  au  troi- 
sième rang,  alors  que  régulièreme.nt  il  était  au  sixième. 

«  Les  travaux  du  Dr.  Mackey  ont  plus  contribué  que  ceux  de  tout 
autre,  aussi  bien  dans  ce  pays  qu'en  Europe,  à  enrichir  la  littérature 
et  la  science  de  la  Franc-Maçonnerie.  Robert  Morris,  qui  fut  le 
mieux  à  même  d'en  juger,  a  dit  en  1856,  dans  ses  Reminiscences  : 
«  La  figure  du  Dr.  Mackey,  en  tant  qu'historien  et  écrivain  pro- 
fond et  lucide  dans  tout  ce  qui  concerne  la  Maçonnerie,  est,  nous 
le  croyons,  sans  égale  parmi  tous  les  auteurs  contemporains,  sauf 
le  vénérable  Dr.  Oliver,  d'Angleterre  ».' 

Non  content  de  ce  tribut  d'estime,  le  F.'.  McClenachan,  dans 
son  Addendum  kVEncyctopaedia  of  Freemasonry-,  du  Dr.  Mackey, 
ajoute  : 

«  Allcndu  que  les  novices,  aussi  bien  que  les  esprits  déjà  avancés,  re- 
cherchent, comme  c'est  leur  droit,  dans  un  ouvrage  de  ce  genre,  les 
derniers  résultats  des  travaux  maçonniques,  j'ai  entrepris,  non  sans 
quelque  défiance,  de  continuer  et  de  compléter  V Encyclopaedia  of 

1.  Encyclopaedia  of  Freemasonry,  éd.  de  1906,  pp.  916  et  917. 

2.  Préface,  p.  921. 


X  INTRODUCTION 

Freemasonry.  Je  n"ai  rien  ajouté,  ni  rien  retranché  à  l'ouvrage  pro- 
prement dit  ;  mais  seulement,  aux  quelques  pages  de  supplément, 
que  l'auteur  y  avait  adjointes  lui-même  pour  combler  certaines 
lacunes,  nous  avons  substitué  un  volumineux  Addendum,  où  l'ou- 
vrage est  complété  d'abord  et  surtout  mis  au  courant  des  décou- 
vertes récentes  et  des  opinions  qui  ont  vu  le  jour  pendant  les  dix 
années  écoulées  depuis  la  mort  du  Dr.  Mackey...  Cet  Addendum 
est  un  hommage  d'atTection  rendu  à  un  auteur  estimé,  qui  n'eut 
pas  son  égal  dans  les  efforts  qu'il  fit  pour  enrichir  les  connaissances 
générales  de  l'Association  ». 

Nous  pouvons  donc,  on  le  voit,  nous  placer  en  matières  maçonni- 
ques sous  la  tutelle  d'un  tel  maître  avec  la  plus  entière  sécurité.  Il 
sait  de  quoi  il  parle  ;  car,  outre  qu'il  remplit  quelques-unes  des  plus 
hautes  positions  dans  l'Ordre,  il  fut  le  maître  accrédité  de  ses  con- 
frères pendant  près  de  quarante  ans,  de  1841  jusqu'à  sa  mort,  en 
1881.  11  dira  la  vérité,  car  il  écrit  pour  ceux  qu'il  désire  ins- 
truire, et  il  a  la  certitude  que  sa  pensée  dépassera  la  portée  de 
notre  entendement. 

«  Le  fait  est,  dit-il  dans  son  Encnclopsedia  of  Freemasonry^  que 
ceux  qui  ne  sont  pas  Maçons,  ne  lisent  jamais  d'ouvrages  authenti- 
ques de  Maçonnerie.  Ils  n'ont  aucun  intérêt  dans  les  sujets  qui  y 
sont  discutés  ;  d'ailleurs  ils  ne  pourraient  les  comprendre,  n'ayant 
point  reçu  cette  éducation  préparatoire  que  la  Loge  seule  peut  don- 
ner. En  sorte  que,  si  un  écrivain  faisait  une  incursion  dans  ce  qui 
peut  être  appelé  très  réellement  les  arcanes  de  la  Maçonnerie,  il  n'y 
aurait  aucun  danger  qu'il  fît  par  là  même  une  révélation  inoppor- 
tune à  des  gens  qui  sont  incapables  de  la  recevoir  ». 

Heureusement  pour  nou!-~,  le  Docteur  est  dans  l'erreur  lorsqu'il 
affirme  que  nous  ne  lisons  pas  d'authenli(jues  ouvrages  de  Maçon- 
nerie. Nous  allons  puiser  abondamment  dans  son  Encyclopaedia  of 
Freemasonry,  dans  son  Lexicon  of  Freemasonry,  dans  son  Symbo- 
lism of  Freemasonry,  dans  sa  Masonic  Jurisprudence  et  dans  son 
Masonic  Rilualist,  qui  sont  tous  des  œuvres  classiques  de  Franc- 
Maçonnerie  américaine.  Il  est  encore  dans  l'erreur  en  simaginant 
que  nous  ne  nous  intéressons  pas  aux  sujets  qu'il  discute  dans  ses 
doctes  écrits  :  nous  nous  y  intéressons  très  vivement.  Nous  pous- 
sons même  l'audace  jus({u'à  espérer  qu'il  est  également  dans  l'er- 
reur lorsqu'il  doute  cpie  nous  soyons  capables  de  bien  saisir  ce  qu'il 
veut  dire,  tout  en  n'ayant  pas  reçu  les  utiles  enseignements  de  la 
Loge.  Il  en  <iit  assez  long  pour  nous  renseigner  clairement,  et  sans 

l'ombre  d'un  doute,  même  sur  ce  qu'il  ne  fait  qu'efileurer.  D'ailleurs» 

j 

1.  P.  t)17. 


INTRODUCTION  XI 

rinstruction, incomplète  d'un  côté,  peut  heureusement  être  complé- 
tée d'un  autre. 

Quant  au  F.-.  Albert  Pike  et  à  son  livre  classique  Morals  and 
Dogma  of  the  Ancient  and  Accepted  Scottish  Rite  of  Freemasonry, 
nous  nous  contenterons  de  citer  quelques  extraits  de  la  Préface  et 
le  bref  exposé  du  Frère  McClenachan,  le  continuateur  de  VEncy- 
clopœdia  of  Freemasonry. 

«  Get  ouvrage,  dit  le  F.-.  Pike,  en  parlant  de  ses  Morals  and 
Dogma,  a  été  préperé  à  la  demande  du  Suprême  Conseil  des  Trente- 
trois  Degrés  pour  la  Juridiction  Méridionale  [et  Occidentale]  des 
Etats-Unis,  par  le  Grand  Commandeur  [lui-même],  et  il  est  publié 
par  son  ordre.  11  contient  les  Conférences  du  Rite  Ecossais  Ancien 
et  Accepté  dans  celle  juridiction,  et  il  est  spécialement  écrit  pour 
être  lu  et  étudié  par  les  Frères  de  celte  obédience,  en  même  temps 
que  les  Rituels  des  Degrés.  On  espère  et  on  a  confiance  que  chacun 
d'eux  se  procurera  un  exemplaire  de  cet  ouvrage  avec  lequel  il  se 
familiarisera  )>. 

«  Comme  il  n'est  pas  fait  pour  être  lu  par  tout  le  monde,  l'auteur 
n'a  pas  craint,  en  puisant  à  toutes  les  sources  accessibles,  de  ré- 
duire en  compendium  la  Morale  et  les  Dogmes  du  Rite,  de  rema- 
nier les  phrases,  de  changer  les  mots,  de  les  combiner  avec  les  siens 
propres,  et  de  les  employer  comme  s'ils  venaient  de  lui  ;  en  un  mot 
d'user  d'eux  à  son  gré,  afin  d'en  tirer  le  meilleur  parti  possible  pour 
atteindre  le  but  proposé  ». 

Le  F.-.  Albert  Pike,  dit  son  biographe,  est  «  né  à  Boston,  Mas- 
sachussets,  le  i^9  décembre  1809...  Après  avoir  séjourné  au  Mexi- 
que pendant  sa  jeunesse,  il  revint  aux  Etats-Unis  et  s'installa  à 
Little  Rock,  Arkansas,  comme  éditeur  et  avocat.  Après  la  guerre  de 
Sécession,  dans  laquelle  il  avait  pris  parti  pour  le  Sud,  il  s'établit 
à  Washington,  D.  C,  où  il  joignit  son  élude  à  celle  de  l'ex-Sénateur 
Robert  Johnson,  mais  tout  en  fixant  son  domicile  à  Alexandrie. 
Sa  bibliothèque  est  une  merveille,  tant  par  son  importance  que  par 
le  choix  des  ouvrages  qu'elle  contient,  surtout  en  ce  qui  se  ratta- 
che aux  trésors  de  la  littérature  ancienne.  Le  F.-.  Pike  est  le 
Souv(erain)  G(rand)  Commandeur  du  Suprême  Conseil  Méridional 
du  Rite  Ecossais  Ancien  et  Accepté,  ayant  été  élu  en  1859.  II  est  le 
G(rand)  Maître  Prov(incialj  de  la  Gfrande)  Loge  de  l'Ordre  Royal 
d'Ecosse  aux  Etats-Unis  et  membre  honoraire  de  presque  tous  les 
Suprêmes  Conseils  du  Monde.  Il  occupe  un  rang  des  plus  distingués 
parmi  les  auteurs  et  les  historiens  maçonniques  et  même  parmi  les 
poètes.  Son  zèle  inlassable  est  sans  rival  ».'  Pike  mourut  à  Washing- 
ton le  2  avril  1891. 
1.  Encyclopaedia  of  Freemasonry,  pp.  992,  993. 


XII  INTRODUCTION 

Nous  allons  donc  permettre  à  la  Franc-Maçonnerie  américaine  de 
parler  dans  sa  propre  cause,  en  regrettant  seulement  par  instants 
qu'elle  ne  le  fasse  pas  plus  clairement  et  plus  complètement,  et  nos 
lecteurs  nous  pardonneront  si  d'aventure  telle  ou  telle  de  nos  cita- 
tions s'étend  à  des  matières  étrangères  au  sujet,  car  nous  ne  vou- 
drions à  aucun  prix  être  soupçonné  de  présenter  un  mot  ou  une 
phrase  hors  de  son  contexte  et  d'en  changer  ainsi  le  sens. 

Comme  le  présent  ouvrage  est  écrit  pour  le  lecteur  ordinaire,  le 
savant  nous  excusera  de  ne  pas  traiter  certaines  questions  dune 
façon  très  détaillée  *.  Il  saura,  sans  l'aide  de  nos  etTorts,  tirer  ses 
propres  déductions  des  principes  posés,  nous  permettant  ainsi  de 
rester  dans  les  limites  que  demande  un  écrit  destiné  au  grand 
public. 

Enfin  ce  volume  est  une  simple  contribution  à  la  documentation 
déjà  existante  sur  la  Franc-Maçonnerie  américaine.  Il  n'a  pas  la 
prétention  d'épuiser  le  sujet,  ni  de  ne  rien  laisser  à  apprendre,  mais 
seulement  de  présenter  aux  lecteurs,  sur  un  certain  nombre  de  thè- 
mes intéressants,  l'enseignement  que  la  Franc-Maçonnerie  améri- 
caine, d'après  ses  sources  les  plus  autorisées,  donne  à  ses  initiés, 
et  de  les  renvoyer,  pour  plus  ample  informé,  aux  ouvrages  d'autres 
auteurs. 

Plusieurs  de  ces  chapitres  ont  déjà  paru  en  substance  dans  The 
Catholic  Fortnightly  Review  (la  Revue  Catholique  bi-mensuelle). 
En  présentant  notre  sujet  sous  forme  de  livre,  nous  avons  jugé  bon 
de  condenser  quelques  parties  et  d'en  élargir  d'autres,  nous  espé- 
rons donner  ainsi  plus  grande  satisfaction  aux  besoins  ou  aux  désirs 
d'un  grand  nombre  de  lecteurs.  Si  le  succès  pouvait  couronner  nos 
efforts,  si  nous  pouvions  faire  mieux  comprendre  et  d'une  façon  plus 
générale,  le  but,  la  nature  et  les  principes  de  la  Franc-Maçonnerie 
américaine,  nous  nous  estimerions  largement  récompensé  de  la 
peine  que  la  préparation  de  cet  ouvrage  nous  a  coûtée. 

Liste  des  principaux  ouvrages  sur  lesquels  on  s'est 
appuyé   dans   cette   étude 

I.  An  Encyclopaedia  of  Freemasonry  and  its  Kindred  Sciences  : 
Comprising  the  Whole  Range  of  Arts,  Sciences  and  Literature  as 
Connected  with  the  Institution,  By  Albert  G.  Mackey,  M.  D.  — 
Encyclopédie  de  la  Franc-Maçonnerie  et  des  Sciences  qui  s  y  ratta- 

1  L'objet  irninédial  de  ce  livre  explitjue  aussi  la  méthode  que  nous  avons 
suivie,  la  fac^on  dont  nous  donnons  les  références,  et  quelques  autres  traits 
particuliers  qui  sembleraient  de  prime  abord  déceler  un  manque  d'instruction 
ou  de  pénétration  scientifique. 


INTRODUCTION  Xill 

client  :  Comprenant  tout  ce  qui.  dans  les  Arts,  les  Sciences  et  la  Lit- 
térature se  rapporte  à  cette  Institution,  par  Albert  G.  Mackey,  M. 
Z).;Philadelphia  :  Louis  H.  Everls  et  C*-^  1906. 

II.  —  The  Symbolism  of  Freemasonry  :  Illustrating  and  Explai- 
ning its  Science  and  Philosophy,  its  Legends,  Myths  and  Symbols. 
By  Albert  G.  Mackey  M.  D.  [Le  Symbolisme  de  la  Franc-Maçonne- 
rie :  oil  sont  étudiés  et  expliqués  sa  Science  et  sa  Philosophie,  ses 
Légendes,  ses  Mythes  et  ses  Symboles,  par  Albert  G.  Mackey,  M. 
D.]  New-York  :  Maynard,  Merril  et  Ci%  29,  31  et  33  East  Nine- 
teenth Street'  (droits  réservés  en  1869). 

III.  — Mackey's  Masonic  Ritualist  :  or  Monitorial  Instructions  in 
the  Degrees  from  Entered  Apprentice  to  Select  Master.  By  A.  G. 
Mackey.  M.  D.  Past  General  Grand  High  Priest  of  the  Gen.  Grand 
Chapter  of  the  United  States,  Author  of  «  A  Lexicon  of  Freema- 
sonry »,<(  Manual  of  the  Lodge  «.«The  Book  of  the  Chapter»  «Cryp- 
tic Masonry  »  etc.  Le  Ritualiste  maçonnique  de  Mackey,  ou  Instruc- 
tions «  monitoriales  »  sur  les  Grades,  depuis  le  Grade  d'Apprenti 
enrôlé  jusqu'au  grade  de  «  Select  Master  n,par  A.  G.  Mackey, 
M.  D.,  ancien  Grand  Pontife  Général  du  Grand  Chapitre  général 
des  Etats-Unis,  auteur  d'un  «  Lexique  de  Franc-Maçonnerie  »,  du 
«  Manuel  de  la  Loge  »,  du  n  Livre  du  Chapitre  »,  de  la  «  Maçonne- 
rie cryptique  »,  etc.j  New- York  :  Maynard,  Merrill  et  C'*  (droits 
réservés  en  1867)" 

IV. —  A  Lexicon  of  Freemasonry  :  Containing  a  Definition  of  all  its 
Communicable  Terms.  Notices  of  its  History,  Traditions  and  Anti- 
quities and  an  Account  of  all  the  Rites  and  Mysteriesof  the  Ancient 
World,  By  Albert  G.  Mackey,  M.  D.  Fourteenth  Edition,  Enlarged 
and  Improved  by  the  Author  [Lexique  de  Franc-Maçonnerie  :  Con- 
tenant une  définition  de  tous  ses  termes  communicables,  des  notices 
sur  son  Histoire,  ses  Traditions,  ses  Antiquités  et  un  compte  rendu 
de  tous  les  Rites  et  Mystères  du  Monde  Ancien,  par  Albert  G.Mackby, 
M.D.  14^  édition  revue  et  augmentée  par  i auteur]  New- York  :  May- 
nard, Merrill  et  C'^  (droits  réservés  en  1852,  1855  et  1871). 

V.  —  A  Text  Book  of  Masonic  Jurisprudence,  Illustrating  the 
Written  and  Unwritten  Laws  of  Freemasonry,  By  Albert  G.  Mackey, 
M.  D.  Author  of  a  «  Lexicon  of  Freemasonry  »,  «  Book  of  the 
Chapter  »,  etc.  Seventh  Edition  [Manuel  de  Jurisprudence  ma- 
çonnique,   élucidant   les  Lois   Ecrites  et  non  Ecrites  de  la  Franc- 

1.  Quelques-uns  de  ces  ouvrages  sont  sans  date,  parce  qu'ils  sont  des 
réimpressions  d'ouvrages  classiques. 


XIV  INTRODUCTION 

Maçonnerie,  par  Albert  G.  M.vckey.  M.D.  Auteur  d'un  «  Lexique 
de  Franc-Maçonnerie  »,  du  «  Livre  du  Chapitre  v,  etc.  7™^  édition] 
New- York  :  Maynard.  Merrill  et  C'".  (droits  réservés  en  1859). 

VI.  —  Morals  And  Dogma  of  the  Ancient  and  Accepted  Scottish 
Rite  of  Freemasonry,  Prepared  for  the  Supreme  Council  of  the 
Thirty-Third  Degree  for  the  Southern  Jurisdiction  of  the  United 
States  and  Published  by  its  Authority  [Morale  et  Dogmes  du  Bite 
Ecossais  de  la  Franc- Maçonnerie  Ancien  et  accepté,  ouvrage  com- 
posé pour  le  Suprême  Conseil  du  33^  Degré,  à  l'usage  de  la  Juridic- 
tion méridionale  des  Etats-Unis  et  publié  par  son  ordre.  Macoy 
Publishing  and  Masonic  Supply  C".,  34  Park  Row  N.  Y.  Charleston 
A.-.  M.-.  5641  '  (Par  Albert  Pike;. 


4.  La  date  ci-dessus  se  lit  Anno  Mundi  5641.  D'après  notre  supputation, 
c'est  l'an  1880-1881.  Le  D'  Mackey  donne  ce  renseignement  dans  son  Ency- 
clopaedia of  Freemasonry,  p.  71  :  <(  Anno  Mundi  »  .  en  l'an  du  Monde.  Cette 
manière  est  adoptée  par  le  Rite  Ecossais  ancien  et  accepté  :  on  forme  celte 
date  en  ajoutant  3760  à  lère vulgaire  jusqu'à  septembre.  Après  septembre,  il 
faut  ajouter  une  année  de  plus,  parce  que  l'année  en  question  est  l'année 
hébraïque,  qui  commence  en  septembre,  .\insi  juillet  18G0-|-3760=:56"J0.  et  oc- 
tobre 1860H-3760-I- 1^^621. 


ÉTUDE 


SUR  LA 


FRANC-MACONNERIE  AMÉRICAINE 


CHAPITRE   I 

Les  Francs-Maçons  américains  et  la   Franc-Maçonnerie 
américaine 


Avant  d'entrer  en  discussion  sur  la  nature  et  sur  les  doctrines  de 
la  Franc-Maçonnerie  américaine,  nous  aborderons  un  point  qui  est 
fixé  depuis  longtemps  déjà  dans  l'esprit  d'un  grand  nombre 
de  nos  lecteurs  et  qui,  s'il  n'est  pas  dûment  combattu,  les 
préviendra  contre  cette  Elude,  et,  par  là,  diminuera  la  force  de 
tout  ce  que  nous  pourrons  dire.  Ce  point  est  ce  qui  peut 
être  appelé  leur  expérience  personnelle  :  qu'il  soit  1res  difficile;  en 
effet,  de  juger  d'une  chose  avec  calme,  lorsque  l'expérience  person- 
nelle nous  incline  d'un  côté  ou  de  l'autre,  c'est  ce  que  tout  homme 
sérieux  et  réfléchi  admettra  sans  difficulté. 

«  Nous  avons  connu  beaucoup  de  Maçons  »,  diront  nos  lecteurs  ; 
«  nous  les  avons  connus  intimement,  et  nous  les  avons  trouvésd'ex- 
cellenls  hommes,  de  bons  pères  de  famille,  des  époux  fidèles,  de 
loyaux  citoyens  ;  honnêtes  et  francs  dans  leurs  affaires,  généreux 
dans  leur  large  bienfaisance,  distingués  parmi  ceux  qui  partagent 
leurs  croyances  ;  se  liant  même  avec  le  clergé  catholique,  qui  n'a 
jamais  vainement  fait  appela   leur  générosité;  respectés  de  tous, 

1 


I  LES    FRANCS-MAÇONS    AMERICAINS 

riionneiir  enfin  de  la  société  à  laquelle  ils  appartiennent.  Tels  sont 
la  plupart  des  .Maisons  que  nous  avons  connus,  et  qui  nous  ont  ren- 
seignés sur  la  nature  de  l'Ordre  maçonnique  et  sur  les  fins  qu'il  se 
propose.  Les  longues  années  pendant  lesquelles  ils  ont  été  affiliés  à 
la  Maçonnerie,  sont  la  meilleure  preuve  qu'on  puisse  avoir  que  ces 
fins  leur  étaient  connues  :  or,  rinfégrilé  de  leur  réputation  et  le 
sincérité  de  leur  afïection  nous  sont  témoins  qu'ils  nous  disaient  la 
vérité  ». 

Nous  n'avons  pas  un  mot  à  opposer  aux  louanges  que  l'on  prodi- 
gue à  de  tels  hommes.  11  nous  serait  impossible  de  dire  si,  parmi 
les  Francs-Maçons  américains,  on  rencontrerait  souvent  le  type 
dont  nous  venons  de  parler  ;  mais  nous  som.mes  tout  disposés  à 
croire   qu'il   n'est  pas  introuvable. 

Xous  admettons  même  la  sincérité  des  informateurs  dont 
on  nous  parle  ;  il  faudra  toutefois  nous  pardonner  si  nous  dou- 
tons de  leur  compétence.  Cela  peut,  au  premier  abord,  sembler  in- 
considéré et  présomptueux  ;  mais  nous  vous  prions,  cher  lecteur, 
d'examiner  nos  raisons  :  d'avance,  nous  acceptons  d  être  jugé 
d'après  elles. 

Nous  avons,  d'une  part,  accordé  à  vos  amis  Maçons  toute  fran- 
chise et  sincérité,  car  nous  n'aurions  garde  de  les  offenser  non 
moins  que  vous.  D'autre  part,  nous  voudrionsattirer  votre  attention 
sur  la  règle  que  leur  prescrit  leur  Ordre  pour  ce  qui  concerne  leurs 
rapports  avec  ceux  qui  ne  sont  pas  Maçons.  Elle  est  contenue  dans 
tous  les  rituels  maçonniques  ;  on  la  trouve,  en  particulier,  dans  le 
Ritualiste  Maçonnique  de  Mackeij,  pp.  248  et  24^. 

'<  Condiiiie  à  tenir  en  présence  d'étrangers  qui  ne  sont  pas  Ma- 
çons.—  Vous  observerez  vos  paroles  et  votre  tenue,  afin  que  l'étran- 
ger le  plus  observat<^ur  soit  dans  l'impossibilité  d'apercevoir  ou  de 
découvrir  ce  qu'il  ne  convient  pas  de  révéler  ;  parfois  vous  détour- 
nerez un  entretien,  et  vous  le  conduirez  prudemment  pour  qu'il  soit 
à  l'honneur  de  la  Vénérable  Fraternité  ».  Le  Secret  est  avant  tout, 
ne  l'oublions  pas,  l'essence  même  de  l'institution.  «  Le  devoir  d'un 
Apprenti  enrôlé  est  contenu  tout  entier  dans  les  vertus  de  silence 
et  de  secret  »,  est-il  dit  à  la  p.  .3f)du  même  volume,  et  les  premiers 
mots  du  neuvième  ou  plus  haut  degré  du  rite  anii'ricain.  c'est-à-dire 
du  '<  Select  Master  »,  p.  523,  recommandent  avec  insistance,  la 
même  vertu  maçonniijue.  «  Les  deux  vertus  cpu'  le  dessein  symbo- 
li(pie  du  degré  de  «  Select  Master  »,a  pour  objet  d'inculquer  tout  par- 
ticulièrement sont  le  mystère  et  le  silence.  Elles  sont  même  quali- 
fiées «  de  vertus  cardinales  d'un  Select  Master  parce  que  la 
nécessité  de  leur  pratique  est  montrée  de  la  manière  la  plus  ma- 
nifeste  au   candidat,    dans  la  légende  aussi   bien    cjue   dans  toutes 


ET    LA    FRANC-MAÇONNERIE    AMERICAINE  3 

les  cérémonies  du  dei^ré.  Mais  ces  vertus  constituent  la  vérilable 
essence  de  tout  carac/ère /72acon/2/gtie;  elles  sont  la  sauvegarde  de 
l'institution  ;  elles  lui  donnent  toute  sa  sécurité,  toute  sa  perpé- 
tuité ;  elles  sont  alîermies  par  de  fréquents  avertissements  à  tous 
les  degrés, depuisle  plus  bas  jusqu'au  plus  élevé.  L'Apprenti  enrôlé 
commence  sa  carrière  maçonnique  en  apprenant  le  devoir 
du  secret  et  du  sdence.  Dès  lors,  il  est  convenable  qu'à  ce  degré, 
qui  est  l'initiation  suprême  et  dans  lequel  se  ferme  le  cycle  en- 
tier de  la  science  maçonnique,  on  recoure  à  la  profonde  mise  en 
scène  du  symbolisme  pour  faire  pénétrer  ces  importantes  vertus 
dans  l'esprit  du  néophyte....  » 

«  Si  nous  tournons  nos  regards  vers  l'antiquité,  dit  Calcott, 
nous  verrons  que  les  Egyptiens  avaient  une  telle  considération  pour 
le  silence  et  le  secret  des  mystères  de  leur  religion,  qu'ils  créèrent 
le  dieu  Harpocrate  et  l'honorèrent  d'une  façon  toute  spéciale.  Ils 
le  représentaient  tenant  sa  main  droite  près  de  son  cœur  et  sa  main 
gauche  le  long  de  son  côté  ;  le  dieu  était  couvert,  en  avant,  d'une 
peau  semée  d'yeux  et  d'oreilles,  pour  signifier  que,  dans  la  multitude 
des  choses  que  l'on  voit  et  que  l'on  entend, il  en  est  peu  qui  doivent 
être  divulguées. 

«  Apulée,  qui  était  initié  aux  mystères  d'Isis,  a  dit  :  «  Aucun 
danger  ne  pourra  jamais  me  contraindre  à  dévoiler  aux  profanes 
les  choses  qui  m'ont  été  confiées  sous  le  sceau  du  secret.  » 

Il  serait  bon,  du  moins,  de  méditer  sur  ce  qui  précède  en 
pesant  les  paroles  de  vos  amis  francs-maçons.  Xous  n'insisterons 
pas,  pour  le  moment,  sur  ce  devoir  si  important  du  secret  maçon- 
nique, et  nous  allons  supposer  que  vog  amis  ont  été  aussi  ouverts  et 
aussi  francs  avec  vous  que  vous  l'affirmez.  Dites-nous,  en  toute 
sincérité,  ce  qu'ils  vous  ont  appris  du  but  et  des  fins  de 
l'Ordre.  Ont-ils  affirmé  qu'il  est  tout  simplement  une  organisation 
sociale  ?  un  groupement  pour  encourager  les  bons  rapports  entre 
ses  membres  ?  une  société  charitable  pour  protéger  la  veuve,  l'or- 
phelin et  les  Frères  en  détresse  ?  qu'il  n'a  aucun  rapport  avec 
la  politique,  les  partis  ou  la  religion  ? 

Sont-ce  là  les  choses  qu'ils  vous  ont  dites  en  toute  franchise  et 
sincérité  ?  S'il  en  est  ainsi,  nous  vous  demanderons  de  nous  suivre 
dans  notre  Etude,  car  nous  vous  donnerons,  d'après  des  documents 
authentiques  de  la  Maçonnerie  américaine,  plus  de  lumière  sur  ces 
choses  que  vos  amis  n'ont  daigné  vous  en  procurer. 

Nous  rejetons,  cependant,  tout  désir  de  vous  imposer  nos  opi- 
nions personnelles.  Nous  nous  contenterons  de  vous  soumettre  nos 
documents  et  de  vous  constituer  juge   de  l'exactitude  de  nos  dé- 


4  LES    FBANCS-MACONS    AMERICAINS 

ductions,  silaiil  est  ([ue,  dans  la  plupart  des  cas,  les  déductions  ne 
soient  pas  superiluos. 

El  maintenant,  comme  épreuve  pratique  de  la  science  macjonni- 
que  de  vos  amis,  examinons  jusqu'où  elle  est  éclairée  en  co 
qui  concerne  la  fin  et  l'objet  de  la  Franc-Maçonnerie.  Car,  pour 
être  juste,  vous  conviendrez  que,  s'ils  sont  mal  informés  sur  ce  point 
fondamental  et  de  première  importance,  leur  connaissance  olTre 
bien  peu  de  g-aranties  en  ce  qui  concerne  des  sujets  plus  cachés  et 
plus  abstraits.  Disons  donc  que,  si  sincères  qu'ils  puissent  être, 
ils  sont  sincèrement  dans  l'erreur;  et  ajoutons  qu'au  dire  du  Dr. 
Mackey  lui-même, ceux  qui  avaient  part  à  l'erreur,  formaient,  de  son 
temps,  la  grande  majorité  de  la  Fraternité. 

«  Quel  est  donc  le  dessein  de  la  Franc-Maçonnerie?  »  demande-t-il 
dans  son  Symbolisme,  pp.  3ii]-80?.  «  Une  très  grande  majorité  de  ses 
disciples,  répoml-il.  ne  considérant  que  ses  résultats  pratiques, 
tels  qu'on  les  constate  dans  le  cours  ordinaire  de  la  vie  —  larges 
aumônes  qu'elle  dispense,  larmes  de  la  veuve  qu'elle  console,  cris 
de  l'orphelin  qu'elle  apaise,  besoins  du  pauvre  auxquels  elle 
pourvoit  —  en  arrive  avec  une  trop  grande  rapidité  à  cette  conclu- 
sion que  la  Charité,  et  celle-ci  prise  dans  son  sens  le  moins  élevé 
de  secours  aumônier,  est  le  grand  but  de  l'institution. 

«  D'autres,  oontinue-t-il,  avec  une  conception  plus  étroite  encore, 
se  rappellent  les  agréables  réunions  des  banquets  de  leur  loge,  les 
rapports  libres  qui  y  sont  encouragés,  et  les  obligations  solennelles 
de  confiance  mutuelle  que  l'on  y  inculque  constamment,  et  ils 
croient  que  la  Maçonnerie  a  pour  mobile  unique  d'exciter  les  senti- 
ments sociaux  et  de  cimenter  les  liens  de  l'amitié  ». 

Le  véritable  objet,  la  fin  vers  laquelle  tend  la  Franc-Maçonnerie, 
la  Maçonnerie  américaine,  —  car  c'est  de  celle-ci  que  parle  le  D' 
Mackey  —  n'est  donc  ni  dans  les  simples  relations  sociales,  ni  dans 
la  charité  bienfaisante  qui  se  manifeste  par  l'assistance  matérielle 
apportée  aux  pauvres,  aux  vieillards,  aux  affligés  ;  c'est,  dans  la 
vraie  pensée  maçonnique,  quelque  chose  de  plus  élevé,  de  plus 
vaste  ;  quelque  chose  d'infiniment  plus  digne  d'un  Maçon  instruit. 
Ainsi  donc,  tout  en  admettant  la  sincérité  de  vos  amis,  nous  nous 
voyons  contraint,  en  toute  justice,  à  douter  de  leur  science. 

Le  Fr.-.  McCdenachan  dit  dans  son  Addendum  à  VEnci/clopœdia 
of  Freemasonry  du  Dr.  Mackey,  p.  l'/O  : 

«  Les  Maçons  ipii  trouvent  plus  de  plaisir  dans  les  rafraîchisse- 
ments du  banquet  (pie  dans  les  labeurs  de  la  Loge, et  qui  n'admirent 
la  Maçonnerie  que  sous  son  aspect  social,  sont  ironi((uement  appe- 
lés '<  Members  of  Ihe  Knife  and  Fork  Degree  »  (Les  Membres  du 
degré  du  Couteau  et  de  la  Fourchette).  Cette  satire  fut  écrite  pour 


ET    LA    FRANC-MAÇONNERIE    AMERICAINE  5 

la  première  fois  par  DermolL  dans  son  Ahiman  Rezon,  p.  3G  ;  en 
parlant  des  Modernes,  il  dit  :  «  On  jugea  de  même  convenable  d'a- 
bolir la  vieille  coutume  d'étudier  la  géométrie  dans  la  Loge  ;  et 
quelques-uns  des  jeunes  Frères  insinuèrent  qu'un  bon  couteau  et 
une  bonne  fourchette  placés  entre  les  mains  d'un  Frère  habile,  de- 
vant les  matériaux  convenables,  apporteraient  une  plus  grande  sa- 
tisfaction et  contribueraient  mieux  à  arrondir  la  Loge  que  la  meil- 
leure règle  et  le  meilleur  compas  de  l'Europe  ». 

Mais  il  se  peut  que  vos  amis  soient  quelque  chose  de  plus  que 
cela,  et  qu'ils  méritent  d'être  placés  parmi  les  «  Bright  Masons  » 
(Maçons  brillants).  Ils  peuvent  connaître  à  fond  le  rituel  de  l'Ordre; 
ils  peuvent  savoir  sur  le  bout  des  doigts  le  formulaire  d'ouverture 
et  de  fermeture  d'une  Loge  ;  ils  peuvent  même  être  capables  de 
traverser  toutes  les  cérémonies  de  l'inilialion  sans  se  tromper,  et 
cependant  n  être  encore  que  sur  le  seuil  de  la  vraie  science  ma- 
çonnique. 

«  On  dit  (juun  Maçon  est  «  brillant  »,  écrit  le  Dr.  Mackey  dans  son 
Enci/clopœdia,  p.  130,  lorsqu'il  est  bien  au  courant  du  rituel,  des 
formules  pour  l'ouverture  et  la  fermeture,  et  des  cérémonies  de 
l'initiation.  Cette  expression  ne  semble  pas,  cependant,  dans  son 
sens  technique,  comprendre  la  connaissance  supérieure  de  l'histoire 
et  de  la  science  de  l'Institution;  et  beaucoup  de  «Maçons  brillants» 
ne  sont  pas  nécessairement  des  maçons  savants  ;  et,  au  contraire, 
il  y  a  des  Maçons  savants  qui  ne  sont  pas  très  versés  dans  la  phra- 
séologie exacte  du  rituel.  La  première  de  ces  sciences  dépend  d'une 
mémoire  fidèle,  l'autre  provient  d'une  étude  approfondie.  11  est  à 
peine  nécessaire  de  dire  laquelle  de  ces  deux  sciences  a  le  plus  de 
valeur.  Le  Maçon  qui  limite  sa  connaissance  de  l'Institution  à  ce 
qu'il  en  apprend  dans  son  rituel  ésotérique  n'aura  (ju'une  idée  res- 
treinte de  la  science  et  de  la  philosophie  de  celle-ci  ». 

«  L'adresse  qui  consiste,  ajoule-t-il  dans  son  Symbolism,  pp.  310- 
311,  à  répéter  avec  volubilité  et  précision  les  discours  ordinaires,  à 
se  conformer  à  toutes  les  exigences  du  cérémonial  du  rituel,  ou  à 
donner  avec  une  exactitude  sulïisante  les  signes  convenus  de  recon- 
naissance, ne  fait  partie  <{ue  des  notions  riidimentaires  delà  science 
maçonni(iue. 

«  Mais  il  y  a  une  série  de  doctrines  beaucoup  plus  nobles,  conti- 
nue-t-il,  auxquelles  la  Maçonnerie  est  liée,  et  que  je  vais  présen- 
ter d'une  manière  bien  imparfaite  dans  cet  ouvrage.  Ce  sont  elles 
qui  constituent  la  science  et  la  philosophie  de  la  Franc-Maçonnerie, 
et  ce  sont  elles  seules  qui  vaudront  une  septuple  récompense  à 
celui  qui  se  vouera  a  leur  étude. 


6  LKS    FFiANCS-MAÇONS    AMERICAINS 

«  La  Franc-Maçonnerie  considérée  comme  science,  el  non  plus, 
ainsi  qu'elle  l'a  élé  trop  longtemps,  comme  une  simple  inslilution 
sociale,  occupe  maintenant  une  place  à  part  et  incontestée  parmi 
les  sciences  spéculatives.  Tandis  que  l'on  conserve  toujours  soi- 
gneusement son  rituel  comme  la  cassette  qui  contient  un 
bijou  de  grand  prix  :  tandis  que  l'on  distribue  ses  aumônes  comme 
étant  le  résultat  nécessaire,  (juoique  accessoire,  des  enseignements 
de  sa  morale  ;  tandis  que  ses  tendances  sociales  sont  toujours  cul- 
tivées comme  le  ciment  solide  qui  doit  tenir  uni,  dans  la  sy- 
métrie et  la  force  tout  le  merveilleux  édifice,  l'esprit  maçonnique 
commence  partout  à  chercher  et  à  réclamer  quelque  chose  de  sem- 
blable à  la  manne  du  désert,  qui  nous  fournira  un  aliment  intellec- 
tuel dans  notre  pèlerinage.  Le  cri  universel  qui  retentit  dans  tout 
le  monde  maçonnique  est:  «Lumière  !  »  Nos  Loges  devront  donc,  à 
l'avenir,  être  des  écoles:  notre  tâche  sera  l'étude  ;  notre  salaire  sera 
la  science  ;  les  types  et  les  symboles,  les  mythes  et  les  allégories 
de  l'Institution  commencent  à  être  examinés  d'après  leur  sens  final; 
on  retrace  aujourd'hui  notre  histoire  d'après  des  recherches  zélées 
sur  ses  rapports  avec  l'antiquité  ;  et  les  Francs-Maçons  compren- 
nent parfaitement  à  l'heure  actuelle  celle  définition  souvent  citée  : 

«  La  Maçonnerie  est  une  science  de  Moralité  voilée  par  l'allégorie 
et  éclairée  par  les  symboles  ».  Etudier  ainsi  la  Maçonnerie,  c'est 
connaître  notre  travail  et  le  bien  faire.  Quel  est  le  vrai  Maçon  qui 
reculerait  devant  cette  tâche  »  ? 

Nous  sommes  certain,  cher  lecteur,  que  vos  amis  Maçons  ne  vous 
ont  jamais  présenté  la  Maçonnerie  sous  ce  jour,  que  même  les  ter- 
mes employés  par  le  Dr.  Mackey  vous  semblent  étranges  et  nouveaux, 
el  peut-être  un  peu  troublants. 

Si  vous  voulez  bien  nous  suivre  pas  h  pas,  patiemment,  sans 
attendre  que  nous  fassions  la  lumière  sur  tout  à  la  fois  ;  sans 
repousser  les  clartés  que  nous  pourrons  jeter  sur  le  sujet  proposé, 
et  sans  trop  compter  sur  votre  propre  expérience,  qui  est  plus  appa- 
rente que  réelle,  vous  apprentlrez  beaucoup  plus  de  choses  sur  la 
Franc-Maçonnerie  américaine  que  vous  n'en  savez  à  présent  ;  car, 
n'étant  lié  par  aucun  serment,  nous  pouvons  vous  dire  ce  que  vos 
amis  Maçons  n'oseraient  pas  vous  révéler,  en  supposant  même 
qu'ils  le  sachent. 

«Mais,  nous  demanderez-vous,  comment  est-il  possible  ou  croyable 
que  des  Maçons  puissent  appartenir  pendant  des  années  à  l'Ordre 
Maçonnique  sans  connaître  le  l>ul  l'éel  (pi  'il  se  propose  »? 

Nous  répondrons  :  «  C'est  croyable,  parce  que  nous  en  avons  la 
certitude  pai-  le  témoignaore  incontestable  des  personnages  les 
mieux  docunuMilés,  tels  qiiele  Dr.  MacUey.  Ou'en  outre,  cela  soit  pos- 


ET    LA    FRANC-MAÇONNERIE    AMERICAINE  7 

sible,  la  chose  n'est  pas  diffîcile  à  expliquer.  Le  Dr.  Mackeyeu 
donne  quelques  raisons  ;  permellez-nous  d'en  ajouter  d'autres. 

C'est  possible,  en  premier  lieu,  parce  que  tous  les  Maçons  qui 
sont,  soit  banquiers,  soit  négociants  ou  commerçants,  n'ont  pas 
tous  le  temps,  les  aptitudes  ou  la  tournure  d'esprit  qu'il  faudrait 
pour  se  livrer  à  l'étude  de  ce  qu'on  appelle  la  science  et  la  philoso- 
phie de  la  Franc-Maçonnerie.  On  leur  a  exposé  les  avantages  so- 
ciaux et  moraux  de  l'Institution  lorsqu'on  les  a  invités  à  en  faire 
partie  ;  et,  pour  eux  comme  pour  vous,ona  mis  tout  le  reste  à  l'ar- 
rière-plan;  satisfaits  des  profils  matériels  recueillis,  ils  ont  pour- 
suivi leur  carrière  dans  la  vie  sans  se  creuser  l'esprit  pour  savoir  ce 
que  la  Maçonnerie  a  ou  n'a  pas  de  caché  sous  ses  voiles. 

C'est  possible,  en  second  lieu,  à  cause  dusyslèmedes  degrés  éta- 
bli dans  la  Franc-Maçonnerie  ;  car  ce  n'est  jamais  que  dans  le  der- 
nier degré  de  chaque  rite  que  les  doctrines  secrètes  de  la  Maçonne- 
rie sont  complètement  révélées.  Il  y  a  neuf  degrés  dans  le  Rite 
Américain  et  trente-trois  dans  le  Rite  Ecossais  Ancien  et  Accepté. 

Dans  chacun  de  ces  degrés,  on  communique  graduellement  au 
candidat  quelque  enseignement,  mais  d'une  façon  toujours  incom- 
plète jusqu'à  ce  qu'il  ait  atteintledegré  final. Le  Maçon  «  brillant», 
le  Maçon  du  degré  «  couteau  et  fourchette  »,  le  Maçon  «  rouillé  » 
et  d'autres  de  même  espèce  peuvent  rester  longtemps  dans  l'Ordre 
sans  en  connaître  grand'chose  ;  l'avancement  dans  la  Maçonnerie 
devrait  être  mesuré  au  savoir  et  non  à  l'ancienneté. 

C'est  possible,  en  troisième  lieu,  en  raison  de  la  méthode  employée 
pour  l'instruction  maçonnique,  laquelle  se  donne  oralement,  en 
grande  partie  ;  elle  est,  par  cela  même,  proportionnée  à  la  culture  in- 
tellectuelle et  à  la  capacité  du  disciple.  Il  n'en  sera  révélé  au  candi- 
dat que  ce  qu'il  en  pourra  entendre  ;  l'Ordre  considèrequeledéfaut 
d'ignorance  est  uniquement  imputable  à  l'initié  qui  ne  se  prépare 
pas  à  recevoir  une  lumière  plus  grande. 

Il  y  a  donc,  en  Maçonnerie,  le  Maçon  ésotérique  ou  Maçon  de 
l'école  intérieure,  et  le  Maçon  exotérique  ou  Maçon  des  formes  ex- 
térieures. Tous  deux  sont  bien  Maçons,  mais  ils  ne  le  sont  pas  éga- 
lement. Ils  sont  comme  les  disciples  de  Pythagore,  qui  étaient  ou  éso- 
tériques  ou  exotériques;  les  derniers  étaient  ceux  «  qui  assistaient 
aux  assemblées  publiques  où  le  philosophe  donnait  des  instructions 
générales  sur  la  morale  »  ;  les  autres  étaient  ceux  qui,  seuls,  «cons- 
tituaient la  véritable  école,  et  ce  sont  eux  seuls,  nous  dit  Jamblique, 
que  Pythagore  appelait  ses  compagnons  et  ses  amis-  ». 

Mais,  pour  que  vous  ne  puissiez  pas  vous  imaginer  que  tout  ceci 


1.  Cf.  Encyclopœdia  of  Freemasonry,  p.  (VJi. 


Ll'^'' 


8  LCS    FRANCS-MAÇONS    AMKRICAINS 

est  pure  iiiveiitiou  de  noire  pari,  lisez  ce  que  dit  le  F.-.  Pike  en 
termes  convaincants  et  explicites.  Instruisant  les  membres  du  17'' 
degré  ou  Chevaliers  de  l'Orient  et  de  1  Occident,  il  leur  dit  : 

«  Voici  le  premier  des  Degrés  philosophiques  du  Rite  Ecossais 
Ancien  et  Accepté  et  le  commencement  d'une  série  d'instructions 
qui  vous  découvriront  le  cœur  et  les  mystères  intérieurs  de  la  Franc- 
Maconnerie.  Ne  vous  désespérez  pas  si,  après  avoir  souvent  cru 
être  sur  le  pointd'arriverà  la  lumière  intérieure,  vous  avez  été  déçus. 
De  tout  temps,  la  vérité  a  été  cachée  sous  des  symboles,  et  souvent 
sous  une  suite  d'allégories,  dont  il  a  fallu  soulever  les  voiles  un  à 
un  pour  atteindre  la  vraie  lumière  et  pour  avoir  la  révélation  de  la 
vérité  essentielle  '  ». 

Donc,  au  cours  de  seize  degrés,  c'est-à-dire  la  moitié  de  toute  la  hié- 
rarchie, on  a  fait  croire  au  candidat  qu'il  savait  beaucoup  de  cho- 
ses, car  il  s'imagine  «  être  sur  le  point  d'arriver  à  la  Lumière  »,  tan- 
dis qu'en  réalité  il  savait  relativement  très  peu,  puisqu'il  va  com- 
mencer une  série  d'instructions  <[ui  lui  révéleront  les  vrais  mystères 
de  l'Art.  Il  repousserait,  sans  aucun  doute,  lidée  de  n'être  qu'un 
simple  «  .Maçon  Perroquet  »,  et,  cependant,  il  n'est  pas  autre  chose 
aux  yeux  de  ses  Frères  instruits. 

Tout  Maçon,  dit  te  Dr.  Mackey,  «  tjui  confie  à  sa  mémoire  les  ques- 
tions et  les  réponses  des  leçons  catéchistiques  et  les  formules  du 
rituel,  sans  faire  aucune  attention  à  l'histoire  et  à  la  philosophie  de 
l'Institution,  est  vulgairement  appelé  un  Maçon  perroquet  -,  parce 
qu'on  suppose  qu'il  répète  ce  qu'il  a  appris,  sans  la  moindre  concep- 
tion de  ce  que  cela  signifie  en  réalité.  Autrefois,  quelques-uns  te- 
naient en  haute  estime  ces  Maçons  tout  superficiels,  à  cause  de 
l'aisance  avec  laquelle  ils  subissaient  l'épreuve  des  cérémonies  de 
réception,  et  on  les  désignait  généralement  sous  lenom  de  «  Maçons 
brillants  ».  Mais  les  progrès  de  la  Maçonnerie  en  tant  que  science 
exigent  aujourd'hui  quelque  chose  de  plus  qu'une  simple  connais- 
sance des  leçons  qui  servent  à  former  le  Maçonsavant  '. 

\li\  «  Maçon  Perroquet  »  est  donc  un  des  Frères  exotériques 
dont  nous  avons  parlé,  il  n'est  jamais  un  Maçon  ésotérique.  Il  est 
bavard,  l'autre  est  renfermé.  Il  est  prêt  à  nous  dire  tout  ce  qui  con- 
cerne la  Maçonnerie —  tout  ce  qu'il  en  sait,  et  nous  consentons  à  le 
croire  sincère.  Peut-être  que,  scmldable  à  l'oiseau,  son  homonyme, 
il  est  fier  de  sa  science  et  toujours  disposé  à  la  produire.  Mais,  comme 
le  perro(piet,  il  ne  fait  que  répéter  ce  qu'il  a  entendu,  «  sans  la  moin- 
dre conception   de  ce  que   cela    signifie   en  réalité  »  ;  il  possède  la 

1.  Morals  and  Doijnia,  p.  '24t>. 

2.  Cest  1<'  Dr.  Mackey  qui  soiilii,'n»'. 

3.  Encyclopœclia,  p.  ôGl. 


ET    LA    FRANC-MAÇONNERIE    AMERICAINE  9 

science  exoLérique  et  non  la  science  ésotérique  ;  le  cœur  de  la  Ma- 
çonnerie, les  myslères  qu'elle  lient  enfermés  dans  son  sein  sont 
cachés  à  ses  yeux.  Le  D'  Mackey  est  indig'né  de  voir  ces  Frères  se 
contenter  de  cette  enveloppe  de  l'amande  sans  savourer  ce  qu'elle 
contient. 

«  Ils  sont  trop  nombreux,  s'écrie-t-il,  ceux  qui  limitent  leurs 
études  aux  signes  et  aux  cérémonies  de  l'initiation.  Ils  arrêtent  là 
leurs  recherches.  Ils  n'approfondissent  ni  la  philosophie  ni  les  docu- 
ments antiques  de  l'Ordre.  Ils  ne  semblent  pas  savoir  que  les 
moyens  de  reconnaissance  ne  sont  employés  que  pour  se  mettre  en 
garde  contre  la  tromperie,  et  (juc  les  rites  du  cérémonial  n'ont 
aucune  valeur  sans  le  symbolisme,  dont  ils  ne  sont  que  les  formes 
extérieures.  Pour  eux,  la  Maçonnerie  est  sans  nerfs,  sans  aucun 
sens,  sans  vie;  c'est  une  voix  creuse  qui  ne  dit  rien  de  compréhensi- 
ble, un  arbre  au  feuillage  splendide,  mais  qui  ne  porte  pas  vn  seul 
fruit  ». 

Mais  il  se  peut,  qu'à  l'exemple  du  Dr.  Mackey,  nous  soyons  trop 
dur  pour  les  Frères  exotériqnes  ;  car  nous  avons  en  partie  négligé 
de  nous  arrêter  sur  la  dilficulté  de  leur  tâche.  Ils  en  sont  aux  degrés 
inférieurs  ou  «  Degrés  Bleus  »  de  la  Maçonnerie,  et  nous  nous  ima- 
ginions bénévolement  qu'une  instruction  loyale  et  sincère  avait  tou- 
jours été  mise  à  leur  portée  pourvu  qu'ils  consentissent  à  la  recevoir. 
Le  témoignage  du  F.'.  Pike  va,  dans  l'instruction  du  «  Chevalier 
Kadosh  »  ou  13^  Degré  du  Rite  Ecossais,  nous  mettre  jau  courant 
d'un  C'irieux  état  de  choses. 

.<  Les  Degrés  Bleus,  dit-il,  ne  sont  que  la  cour  extérieure  ou  le 
portique  du  temple.  Une  partie  des  symboles  y  est  montrée  à  l'Ini- 
tié, mais  il  est  intentionnellement  induit  en  erreur  par  des  interpré- 
tations mensongères.  On  n'a  pas  l'intention  de  les  lui  faire  com- 
prendre, mais  on  a  celle  de  lui  faire  croire  qu'il  les  comprend.  Leur 
véritable  explication  est  réservée  aux  Adeptes,  aux  Princes  de  la 
Maçonnerie.  Tout  l'ensemble  de  l'Art  Royal  et  Sacertlotal  fut  si  soi- 
gneusement caché  depuis  des  siècles  dans  les  Hauts  Grades,  qu'il 
est  encore  impossible,  à  l'heure  actuelle,  de  résoudre  bien  des  énig- 
mes dont  ils  sont  les  dépositaires.  Il  suffît  amplement  à  la  masse  de 
ceux  qui  s'appellent  Maçons  de  s'imaginer  que  tout  est  contenu 
dans  les  Degrés  Bleus,  et  quiconque  tentera  de  les  détromper  tra- 
vaillera en  vain  et  violera  ses  serments  d'Adepte  sans  aucune  véri- 
table récompense.  La  Maçonnerie  n'est  autre  chose  que  le  Sphinx 
enterré  jusqu'à  la  tête  dans  les  sables  que  les  siècles  ont  amassés 
autour  de  lui  i  ». 

1.  Morals  and  Doymu,  p.  819. 


10  LES    FRANCS-MAÇONS    AMÉRICAINS 

Avez-vons  toujours,  cher  lecteur,  la  même  confiance  implicite 
dans  le  savoir  de  vos  amis  Maçons?  Croyez-vous  qu'ils  se  doutent 
même  de  la  façon  dont  les  considèrent  leurs  Frères  des  Grades  su- 
périeurs? Simaginent-ils  un  seul  instant  que  lOrdrcdont  ils  font 
un  si  i^rand  éloge,  les  trompe  de  propos  délibéré  en  leur  donnant 
une  fausse  interprétation  des  symboles  qu'il  leur  propose,  puis- 
qu'il n'a  jamais  l'intentioa  de  les  leur  faire  comprendre,  mais 
seulement  celle  de  leur  faire  croire  qu'ils  les  comprennent?  Est-ce 
là  cette  sociabilité,  cette  bienveillance  qu'il  pratique  envers  ses 
membres  mêmes?Vous  figurez-vous  encore  sérieusement  que  vos  amis 
vous  ont  tout  dit  sur  ce  qui  concerne  l'Institution  ?..  Voici  main- 
tenant un  cas  où  ils  furent  trompés  à  leur  tour.  11  est  tiré  de  l'ou- 
vrage du  F.-.  Pike  (pp.  104-105)  ;  il  s'agit  de  l'instruction  donnée 
pour  le  3"  grade  ou  grade  de  «  Maître  ». 

«  La  Maçonnerie,  dit  le  F.-.  Pike,  comme  toutes  les  Religions, 
comme  tous  les  Mystères,  l'Hermétisme  et  l'Alchimie,  cache  c'est 
Pike  qui  souligne)  ses  secrets  à  tous,  excepté  aux  Adeptes,  aux  Sa- 
ges ou  aux  Elus,  et  se  sert  de  fausses  explications  et  de  fausses 
interprétations  de  ses  symboles  pour  égarer  ceux  qui  ne  méritent 
que  d'être  induits  en  erreur,  dans  le  but  de  leur  dissimuler  la\'érité, 
qu'elle  nomme  Lumière,  et  de  les  en  éloigner.  La  Vérité  n'est  pas 
pour  ceux  (pii  ne  sont  ni  dignes  ni  capables  de  la  recevoir,  ou  qui 
la  corrompraient.  C'est  pourquoi  Dieu  lui-même  prive  une  grande 
quantité  d'hommes  de  la  faculté  de  distinguer  les  couleurs  et  éloi- 
gne ainsi  les  masses  de  la  très  haute  Vérité  :  il  ne  leur  permet  de 
découvrir  que  ce  qu'il  leur  est  utile  d'en  connaître.  Chaque  Age  a 
eu  la  religion  appropriée  à  ses  aptitudes  ». 

'<  Les  Docteurs  de  la  Chrétienté  eux-mêmes,  continue-t-il,  sont, 
en  général,  les  plus  ignorants  du  vrai  sens  de  ce  qu'ils  enseignent. 
Il  y  a  peu  de  livres  que  l'on  connaisse  moins  que  la  Bible.  Pour  la 
plupart  de  ceux  qui  la  lisent,  elle  est  aussi  incompréhensible  que  le 
Zohar  ». 

El  il  conclut  :  «  C'est  que  la  Maçonnerie  cache  jalousement  ses 
secrets,  et  fourvoie  de  propos  tlélibéré  ses  interprèles  orgueilleux. 

11  n'y  a  pas  ici-bas  de  spectacle  à  la  fois  plus  pitoyable  et  |)Ius  risi- 
ble que  celui  (pie  doiiiieiit  les  Preston  et  les  Webb,  (sans  parler  des 
autres  iiicaïuatioiis  phis  récentes  de  la  sottise  et  île  la  banalité), 
lorsrpi'ils  entreprennent  d'  «  expliquer  »  les  vieux  symboles  de  la 
Maçoimerie,  leur  ajoulani  ou  les  ■»  améliorant  )',(>u  même  en  inven- 
tant de  nouveaux  ». 

Nous  no\is  abstiendrons  de  commenter  longuement  les  nom- 
breuses anirmations  contenues  dans  ce  passage  et  qui  réclament 
des  commentaires,  car  nous  ne   voulons    pas    anticiper   sur  ce  qui 


ET    LA    FRANC-MACONNERIE    AMÉRICAINE  H 

sera  disculé  ullérieuremenl  d'une  façon  plus  complète.  La  juslifica- 
tion  de  la  Franc-Maçonnerie  trompant  ses  propres  membres,  tirée 
de  la  privation  de  la  faculté  de  discerner  les  couleurs  dont  Dieu 
permet  que  soient  alïligées  ses  créatures,  ouvre  des  horizons  sur 
lesquels  nous  n'avons  pas  besoin  d'insister  —  rendre  Dieu  la  cause 
directe  et  unique  des  imperfections  physiques  de  ses  créatures  — 
établir  une  similitude  entre  les  défauts  physiques  et  moraux  — 
accuser  Dieu  de  retrancher  l'humanité  de  la  Vérité  divine  —  cou- 
vrir de  mépris  Preston  et  \\'ebb,  qui  sont  des  lumières  maçonni- 
ques du  Rite  d'York  et  tlu  Rite  Américain  —  taxer  d'ignorance  les 
docteurs  de  la  Chrétienté  en  ce  qui  concerne  le  vrai  sens  de  la 
Bible  —  sont  autant  de  pensées  que  nous  laisserons  quant  à  pré- 
sent à  vos  propres  commentaires. 

Nous  remarquerons  simplement  que,  si  vos  amis  Maçons  ont 
atteint  le  3*^  degré  ou  grade  de  Maître  dans  la  Maçonnerie  Ecossaise, 
ils  ont  dû  avaler  d'un  trait  cette  plaisanterie  injurieuse  pour  Dieu 
et  l'homme,  ne  se  doutant  pas  un  seul  instant  qu'ils  n'étaient  pas 
au  nombre  des  élus,  mais  qu'ils  faisaient  partie  de  ceux  qui  étaient 
trompés  et  volontairement  induits  en  erreur.  Il  ne  leur  est  jamais 
venu  à  l'idée  que,  méprisant  les  autres,  ils  étaient  eux-mêmes  un 
objet  de  mépris  pour  les  adeptes  ;  car  s'ils  savaient  qu'ils  ont  été 
victimes  de  tant  de  duplicité,  pensez-vous  qu'ils  pourraient  être 
sincères  en  louant  l'Ordre  comme  ils  le  font  ? 

Nous  croyons  donc  pouvoir  terminer  le  présent  chapitre.  Nous 
nous  étions  assigné  la  lâche  de  donner  une  idée  pratique,  quoique 
élémentaire,  de  ce  que  sont  les  Francs-Maçons  américains  et  la 
Franc-Maçonnerie  américaine,  tout  en  nous  proposant  d'exposer  les 
choses  d'une  manière  plus  complète  et  plus  détaillée  dans  les 
chapitres  suivants.  Nous  avons  désiré  attirer  l'attention  du  grand 
nombre  de  ceux  qui.  ayant  dans  leurs  relations  des  amis  Maçons 
estimés,  les  ont  entendus  leur  chanter  les  louanges  enflammées 
de  leur  Ordre,  et  ont  par  suite  considéré  ces  louanges  comme  l'at- 
testation de  témoins  compétents.  Nous  avons  volontiers  reconnu 
que  lesdils  amis  étaient  dignes  d'estime,  attendu  que  nous  n'avons 
pas  la  preuve  du  contraire.  Nous  avons  concédé  également  qu'ils 
étaient  sincères  —  mais  cette  concession  même  nous  a  contraint 
à  douter  de  leur  science.  Nous  n'avons  pas  omis  d'indiquer  l'obli- 
gation de  la  plus  haute  importance  pour  le  Maçon  de  garder  le 
secret  et  le  silence  au  sujet  des  arcanes  de  son  Ordre  ;  secret  et 
silence  qui  doivent  dérouter  le  profane  le  plus  perspicace,  car  le 
Maçon  est  pour  sa  femme  elle-même  un  étranger,  en  tout  ce  qui 
regarde  la  Maçonnerie.  «  Vous  devez  agir  comme  il  convient  à 
un   homme    moral    et    prudent  »,  dit   le  Bitualiste  Maçonnique  de 


\'2  LES    FRANCS-MAÇONS    AMÉRICAINS 

Mackey,  p.  ?50.  en  parlant  de  la  conduite  que  doit  avoir  un  Maçon 
chez  lui  el  autour  de  lui  ;  «  Ayez  soin  surtout  de  ne  pas  niellre 
voire  famillo,  vos  aniis  et  vos  voisins  au  courant  des  ail'aires  de  la 
Loge,  etc.,  mais  consultez  sagement  votre  propre  honneur  el  celui 
de  l'Antique  Fraternité,  pour  des  raisons  qui  n'ont  })as  à  (Mre  men- 
tionnées ici   '. 

Nous  avons  montré,  de  même,  l'esprit  de  l'Ordre  qui,  sans  rougir, 
convient  qu'il  trompe,  non  seulement  ceux  qui  sont  hors  de  son 
sein,  mais  encore  ses  propres  membres  des  degrés  inférieurs,  et 
ose  dire  qu'en  agissant  ainsi,  il  ne  l'ail  que  copier  les  actes  mêmes 
de  Dieu. 

En  dépit  de  tout  cela,  nous  avons  bien  voulu  considérer  vos  amis 
Maçons  comme  étant  sincères,  quoique  celle  conce^'sion  soil  au  dé- 
triment de  leur  Science  maçonnique.  Nous  avons  montré  qu'ils  ont 
erré  en  disant  que  la  Franc-Maçonnerie  américaine  n'est  qu'une  sim- 
ple institution  sociale,  et  dans  le  sens  ordinaire  de  ces  mois  ;  que 
ceux  qui,  en  toute  sincérité,  ont  adirmé  de  telles  choses  ne  savent  rien 
des  doctrines  ni  de  l'histoire,  ni  de  la  Science,  ni  de  la  philosophie 
de  l'Ordre,  qu'ils  sont  seulement  sous  le  portique  du  temple  de  la 
Science  maçonnique,  loin  du  sanctuaire  intérieur  ou  ésotérique, 
trompant  les  autres,  quoique  cela  puisse  être  de  bonne  foi,  mais 
trompés  à  dessein  par  ceux  qui  sont  plus  élevés  qu'eux  dans  l'Ordre. 

Nous  n'avons  donc  aucunement  attaqué  la  réputation  de  vos  amis 
Maçons  ;  nous  ne  le  ferons  jamais  sciemment  ilans  noire  pré- 
sente Etude;  vous  n'avez  donc  pas  à  craindre  de  nous  suivre  jus- 
qu'au bout.  Ce  que  nous  allons  dire  concernera  toujours  les  vrais 
et  profonds  Maçons  Américains,  la  Franc-Maçonnerie  et  son  cœur 
<pii  distribue  la  vie  à  tout  l'Ordre,  les  Adeptes  enfin  qui  savent  les 
choses  telles  qu'elles  sont  en  réalité.  Nous  avons  plutôt  pris  la  dé- 
fense de  ceux  que  vous  estimez  ainsi,  car  nous  avons  démontré  par 
l'autorité  et  par  la  raison  qu'un  Maçon  peut  être  tel  sans  connaître 
le  véritable  but  et  la  fin  de  l'organisation,  puiscjue  nous  avons  en- 
tendu le  Dr.  Mackey  se  lamenlei-  de  ce  que,  de  son  temps,  la  grande 
majorité  de  ses  Frères  appartînt  à  celle  classe  mal  instruite. 
Nous  avons  montré  que  cela  pourrait  bien  être  dû  au  système  de 
l'initiation  maçonnique  qui,  en  communi(|uant  la  science  peu  à  peu 
dans  It's  ditVérenls  giades,  laisse  l'enseignement  incomplet  dans  son 
essence  jusqu'à  ce  qu'on  arrive  au  suprême  échelon  de  la  hiérar- 
chie. La  prati<iue  de  l'instruction  orale  peut  facilement  aboutir  aux 
mêmes  i('sullals,  car  l'instructeur  n'est  [)as  oldigé  de  révéler  {)lus 
(pic  ne  if  permettent  prudemment  le  temps,  les  circonslances  et  la 
condition  du  candidat.  La  lecture  el  l'étude  ouvriraient  les  portes  à 
un<>  foule  de  connaissances,  mais  le  temps,  le  talent,  les  occasions. 


ET    LA    FRAN'C-MAÇOXNERIE    AMÉRICAINE  13 

toutes  les  qualités  de  discernement  requises  pour  faire  les  recher- 
ches maçonniques  manquent  à  beaucoup  de  Maçons.  Et,  lorsqu'à 
tout  ceci  vient  s'ajouter,  comme  nous  en  informe  le  F.-.  Pike,  une 
intention  froide  et  bien  arrêtée  de  l'Ordre,  de  tromper  ses  membres 
trop  confiants  en  leur  faisant  croire  qu'ils  savent  ce  qu'en  réalité 
ils  ne  savent  pas,  un  état  de  choses  qui  semblait  presque  impossi- 
ble devient  non  seulement  possible,  mais  réel. 

Tout  cela,  nous  l'avons  connu,  non  par  les  ennemis  de  la  Franc- 
Maçonnerie  Américaine,  mais  par  ses  plus  chers  amis,  et,  si  vous 
voulez  bien  nous  suivre  dans  notre  Etude,  ils  nous  en  apprendront 
davantage  encore.  Nous  ne  sommes  pas  des  «  cowans  »',  ni  des 
écouteurs  aux  portes,  mais  des  chercheurs  de  lumière  maçonnique, 
et  nous  allons  à  ses  sources  américaines  les  plus  estimées.  Vos  amis 
Maçons  se  sont  montrés  de  bien  faibles  guides  en  vous  conduisant; 
acceptez  donc  comme  nous,  à  l'avenir,  les  FF.-.  Pike  et  Mackey 
pour  maîtres.  Il  est  certain  qu'ils  nous  conduiront  par  des  sentiers 
qui  seront  loin  d'être  droits  et  faciles,  car  ils  essayent  souvent  de 
lancer  les  profanes  hors  de  la  piste,  mais  ils  nous  mèneront  sûre- 
ment à  ce  que  nous  désirons  tant  posséder  :  à  une  science  exacte  et 
authentique  des  doctrines  et  de  la  nature  de  la  Franc-Maçonnerie 
américaine. 


1.    <i  Cowan,  »    profane.    Ce  terme  purement    maçonnique    vient  du    t?rec 
kuôn,  cliien.  {Lexique  de  Franc-Maçonnerie,  p.  101 1. 


CHAPITRh:   II 

L  Enseignement   macjonniole 

Nous  avons  déjà  établi  que  les  inslruc lions  de  la  Maçonnerie 
américaine,  comme  celles  de  toutes  les  Maijonneries  sont,  les  unes 
exotériques  et  les  autres  ésotéri(jues.  Le  Dr.  .Mackey  traite  ce  point 
dans  son E ne i/clopœdi a  of  Freemasonrij  '  sous  la  rubrique  «  Maçonne- 
rie ésotérique  »,  qu'il  définit  :  <(  Cette  partie  secrète  de  la  Maçonnerie 
qui  n'est  connue  que  des  initiés,  comme  distincte  de  la  Maçonnerie 
exoiérique  ou  monitoriale.  laquelle  est  accessible  à  tous  ceux  qui  veu- 
lent bien  lire  les  manuels  etlesouvragespubliéssurl'Ordre.Ces  mots 
viennent  du  grec  etw-î^ixôç,  interne,  et  l^w-ïoixoç,  externe,  et  furent, 
dans  l'origine,  employés  par  Pythagore,  dont  la  philosophie 
était  divisée  en  philosophie  exotérique,  ou  enseignée  à  tous, 
et  philosophie  ésotérique,  enseignée  au  petit  nombre  des 
élus  ;  de  même,  ses  disciples  étaient-ils  divisés  en  deux  classes, 
suivant  le  degré  d'initiation  qu'ils  avaient  atteint  :  les  uns  étaient 
complètement  admis  dans  la  société  et  mis  en  possession  de  toute 
la  science  que  le  Maître  pouvait  communiquer  ;  les  autres  n'étaient 
que  de  simples  postulants,  et  ne  profitaient  que  des  instructions  pu- 
bliques de  l'école  en  attendant  la  communication  graduelle  d'une 
science  plus  parfaite.  Pythagore  emprunta  ce  double  mode  d'ensei- 
gnement aux  anciens  Egyptiens,  qui  avaient  deux  espèces  de  théolo- 
gie —  l'une,  exotérique.  qui  s'adressait  à  tout  le  peujile  ;  l'autre,  éso- 
térique, qui  n'appartenait  qu'à  un  nombre  choisi  de  prêtres  et  à  ceux 
qui  [)Ossédaient  ou  qui  étaient  appelés  à  posséder  la  dignité  royale. 
Et  la  nature  mystique  de  cette  doctrine  cachée  trouvait  son  expres- 
sion dans  leur  langage  symbolique,  par  les  images  des  sphinx  pla- 
cés à  l'enlrée  de  leurs  temples  ». 

«  Il  V  avait  trois  degrés  dans  cette  école,  »  nous  dit-il  encore-: 
«  le  premier  ou  Mathematici,  comprenait  les  sciences  positives  ;  le 
deuxième  ou  r/ieore/Zc/,  la  connaissance  de  Dieu,  l'étal  fulur  de 
l'homme;  mais  le  troisième,  ou  plus  haul  degré,  ne  se  comminii- 
qiiail  qu'au  petit  nombre  de  ceux  dont  l'inlfUigence   était  capable 

1.1'.  'Jtlo 

2.  Encyc,  p.  <)V3. 


L  ENSEIGNEMENT    MAÇONNIOLE  15 

de   saisir  l'entier   épanouisseinent    de    la    philosophie    pythai>ori- 
cienne  ». 

Voilà  donc  lécole  quimila  la  Franc-Maçonnerie   dans  linslruc- 

tion  donnée  à  ses  membres;  c'est  pourquoi  les  «  anciens  Maçons 

ont  appelé  P\  Ihagore  leur  vieil  ami  et  leur  frère  '  «.    «  A  son  retour 
en  Europe,  dit  le  Dr.  Mackey,  il  établit  sa  célèbre  école  à  Crotone  ; 
elle  ressemblait  fort  à   celle   qu'adoptèrent    plus   tard   les  Francs- 
Maçons'.  Gomme,  dans  l'école  du  Philosophe,  il  y  avait  des  choses 
secrètes  ne  devant  être  communiquées  qu'au  petit  nombre,  de  même 
il  y  a  dans  la  Ma»;onnerie  des  choses  secrètes  qui  ne  sont  confiées, 
nous  dit  le  F.-.  Pike,  qu'aux  seuls  Adeptes  ou  vrais  Elus.  Ces  choses 
sont  les  «<  aporrhèta  »  de  la  Fraternité,  qui   ne  peuvent  être  impri- 
més,   qui  ne  doivent  que  passer  des  lèvres  du  maître   aux  oreilles 
de  l'élève,  et  sur  le  nombre  et  la  nature  desquels  l'opinion  des  Ma- 
çons est  partagée.  Ecoutons  le  F.-.  Mackey  discourant  sur  ce  sujet  : 
«  Mot   grec,  y-rzoopr,-:-).. —  Les   choses  saintes  qui,  dans  les  Anciens 
Mystères  n'étaient  connues  que  des  initiés,  et  ne  devaient  [)as   être 
révélées  aux  profanes,  s'appelaient  les  ^'~  aporrhèta  n.  Quel    sont   les 
«  aporrhèta»  de  la  Frauc-Maçonnerie  ?  Quel  sont  les  arcanes   qui 
doivent  rester  secrets?  Voilà  la  question  qui  a  soulevé  ces  derniè- 
res années  bien  des  discussions  parmi  les  disciples  de  l'Institution. 
Si  le  domaine  et  le  nombre  de  ces  ><  aporrhèta»  sont  très  considéra- 
blement étendus,  il  est  évident  que  bien  des  recherches  importantes, 
accessibles  à  la  discussion  publique  de  la   science  maçonnique,  se- 
ront interdites. D'autre  part,  si  les  «aporrhèta»  sont  limités  à  quel- 
ques points  seulement,  une  grande  partie  de  ce  qui  fait  la  beauté, 
la  stabilité  et  l'efTicacité  de  la  Franc-Maçonnerie,  et  qui  dépend  de 
son  organisation  comme  association  secrète  et  mystique, sera  perdue. 
Nous  tombons  de    Charybde  en    Scylla,  et    l'écrivain    maçonnique 
a  de   la   peine   à   manœuvrer  de   façon     qu'en    évitant   d'un  côté 
une  exposition  trop  franche  des  principes  de  l'Ordre,   il    ne  tombe 
dans  l'oljscurité  par  trop  de  réticence.  Les  Maçons  européens  sont 
beaucoup  plus  larges  dans  leur  conception  de  l'obligation  du  secret 
que  les  Maçons  anglais  ou  américains.  Il  y  a  peu  de  choses,  en  effet, 
qu'un  écrivain  maçonnique  français  ou  allemand  refusera  de  discu- 
ter avec  la  plus  grande  franchise  i?'    On   commence    aujourd'hui  à 
admettre  généralement,  et  les  auteurs  anglais  et    américains  s'ap- 
puient sur  cette  croyance,   que  les   seuls   aporrhèta   de   la    Franc- 
Maçonnerie  sont  les  signes   de   reconnaissance    et    les  cérémonies 
spéciales  et  caractéristiques   de   l'Ordre  ;    en   ce    qui  concerne  ces 

1.  Encijc,  p.  ti23. 

2.  Ibicl..    p.  6-2-2. 


10  l'enseignement  maçonnique 

dernières,  les  renseignements  peuvent  être  publiquement  donnés 
pour  servir  aux  recherches  scientifiques,  pourvu  qu'ils  le  soient  de 
fagon  à  être  obscurs  pour  les  profanes  et  à  n'être  intelligibles  qu'aux 
seuls  initiés'  ». 

Nous  sommes  heureux  que  le  Dr.  Mackey   adopte   la  conception 
la  plus  large,  quoique  nous   doutions   de  ce  qu'il  dit  de  ses  Frères 
continentaux;  mais  nous  traiterons  plus   tard    ce  qui    regarde  les. 
documents  écrits  ;  restons,  quant  à  présent,  sur  le  terrain  de  la  doc- 
trine orale. 

u  Une  partie  considérable  de  l'instruction  communiquée  on  Franc- 
Macjonnerie,  dit  notre  auteur,  et,  de  fait,  tout  ce  qui  est  ésotérique 
est  donné  oralement  :  une  loi  de  l'Institution  défend  que  celte 
instruction  soit  écrile.  Il  y  a,  dans  cet  usage  et  dans  cette  règle, 
une  analogie  frappante  avec  ce  qui  existait  sous  ces  mêmes  rap- 
ports dans  toutes  les  institutions  secrètes  de  l'antiquité. 

«  Dans  tous  les  anciens  mystères,  on  constate  la  même  répu- 
gnance à  confier  à  l'écriture  les  instructions  ésotériques  des  hiéro- 
phantes ;  et  c'est  pourquoi  la  science  secrète  enseignée  dans  leurs 
initiations  était  conservée  dans  des  symboles  dont  la  vraie  signifi- 
cation était  scrupuleusement  cachée  aux  profanes  ».  Puis  il  conti- 
nue, après  avoir  cité  l'exemple  des  Druides  et  des  Kabbalisles  : 

«  L'Eglise  chrétienne,  elle  aussi,  au  siècle  qui  suivit  immédiate- 
ment l'époque  apostolique,  observa  la  même  méthode  d'enseigne- 
ment oral.  Les  premiers  Pères  avaient  grand  soin  de  ne  pas  confier 
à  l'écriture  quelques-uns  des  dogmes  mystérieux  de  \env  religion, 
de  peur  que  les  païens  qui  les  entouraient  ne  fussent  mis  au  cou- 
rant de  ce  qu'ils  ne  pouvaient  ni  comprendre  ni  apprécier. Saint  Ba- 
sile De  Spii'itii  Sanclo),  traitant  ce  sujet  au  IV*  siècle, dit  :  «  Nous 
acceptons  les  dogmes  qui  nous  sont  transmis  par  écrit  et  ceux  qui 
nous  viennent  des  apôtres  et  qui  nous  sont  parvenus  cachés  sous  le 
mystère  de  la  tradition  orale  ;  car  plusieurs  choses  nous  ont  été 
transmises  sans  avoir  été  écrites,  de  peur  que  le  vulgaire,  trop  fa- 
milier avec  nos  dogmes,  ne  perde  le  respect  qui  leur  est  dû  ». 
Et  il  demande  plus  loin  :  «<  Comment  pourrait-il  convenir  d'écrire 
et  de  faire  circuler  parmi  le  peuple  un  exposé  de  ces  choses,  dont  la 
contemplation  est  interdite  à  ceux  qui  ne  sont  pas  initiés  »?* 

Vous  êtes  sans  doute  un  peu  alarmé,  cher  lecteur,  de  voir  l'Eglise 
primitive  mêlée  aux  mystères  du  paganisme,  à  l'école  de  Pythagore 
et  à  la  Ma(;oimerie  moderne,  comme  étant  une  .société  secrète  qui 
enseignait  une  doctrine  au  commun  du  peuple  et  en  réservait  une 

1.  I-incyclopœdia.  pp.  r»4'.t-r»riO. 
'2.  lincyilnpsL'dia.  pp.  80-81. 


l'enseignement  maçonnique  17 

autre  pour  ses  adeptes.  Il  faut  nous  attendre  cependant  à  plus  d'un 
heurt  et  à  plus  d'un  cahot  sur  la  route  que  nous  voulons  suivre.  La 
«  discipline  du  secrel  »,  au  temps  de  la  primitive  Eglise,  n'est  pas 
contestée,  mais  ce  secret  avait  une  intention,  un  but  bien  différents 
de  ceux  qu'insinue  le  Dr. Mackey. Alors  que  le  fait  d'être  connu  pour 
chrétien  exposait  au  pillage'et  à  la  mort,  alors  que  les  démagogues 
excitaient  les  passions  populaires  en  représentant  les  disciples  du 
Christ  comme  les  adorateurs  d'une  tête  d'âne,  et  le  sacrement  du 
Corps  et  du  Sang  du  Maître  comme  l'immolation  d'un  enfant  dont 
ils  buvaient  le  sang,  la  simple  réserve  commandée  par  une  pru- 
dence ordinaire  défendait  de  révéler  à  tout  le  monde  ce  qui  serait 
profané  par  un  grand  nombre.  Mais  ce  n'était  point  là  l'enseignement 
dune  religion  pour  le  commun  du  peuple  et  d'une  autre  pour  les 
plus  avancés.  On  ne  trompait  pas  de  propos  délibéré  les  initiés  en 
leur  faisant  croire  qu'ils  possédaient  la  lumière,  tandis  qu'on  sou- 
riait sous  cape  de  leur  folie.  Enfin,  cette  recommandation  du 
secret  disparaissait  avec  les  jours  de  persécution.  Il  n'y  avait  pas, 
entre  la  doctrine  et  le  secret,  cette  relation  essentielle  qui  les  rend 
inséparables,  comme  c'est  le  cas  dans  la  Maçonnerie  où,  ainsi  que 
nous  le  verrons,  l'une  ne  peut  exister  sans  l'autre.  Il  n  y  avait  point 
de  serment  qui  obligeât  à  ne  jamais  révéler,  dans  aucune  circons- 
tance, aux  infidèles,  une  doctrine  quelconque  enseignée  aux  chré- 
tiens, car,  en  mainte  et  mainte  occasion,  les  martyrs  ont,  devant  les  tri- 
bunaux, proclamé  hautement  les  mystères  de  leur  foi.  Tout  ceci  met 
entre  le  secret  maçonnique  et  celui  de  la  primitive  Eglise  un  abîme 
infranchissable.  Vouloir  les  confondre,  n'est  pas  honnête. 

Quant  au  témoignage  de  saint  Basile,  quiconque  voudra  bien  lire 
)e  chapitre  XXVII'^  de  son  livre  sur  le  Saint-Esprit  d'où  sont  tirés 
les  textes  cités,  verra  clairement  qu'il  n'y  est  pas  fait  la  moindre 
allusion  à  une  doctrine  exotérique  et  à  une  autre  doctrine  ésotérique, 
toutes  deux  différentes  et  opposées,dont  l'une,  assez  bonne,  quoique 
fausse,  serait  pour  le  commun  des  mortels,  tandis  que  l'autre,  la 
vraie,  serait  réservée  aux  seuls  élus.  Il  affirme  simplement,  ainsi  que 
le  fait  l'Eglise  catholique,  la  valeur  de  la  tradition  apostolique 
comme  source  de  foi  et  de  doctrine  divines.  Il  enseigne,  en  s'ap- 
puyant  sur  la  connaissance  qu'il  a  du  cœur  humain,  l'influence  du 
mystère  sur  l'éveil  de  l'attention.  Il  nous  rappelle  que  la  familiarité 
engendre  le  mépris  ;  que,  dans  la  religion  juive,  seul  le  Grand 
Prêtre  devait  entrer  dans  le  Saint  des  saints,  une  fois  par  an,  et  à 
un  moment  fixé.  C'est  ainsi,  conclut  le  saint  docteur,  que  les 
Apôtres  et  les  premiers  Pères  ont  préservé  la  dignité  des  mystères 
chrétiens.  En  oulre,  les  textes  mêmes  de  saint  Basile,  particulière- 
ment le  premier,  ne  sont  pas  correctement  cités.  Deux  membres  de 

2 


18 


L  ENStlGNK.MtNT    MACON.MOUt: 


phrases  diflerenles  el  sans  ra[)porl  entre  elles  sonl  réunis  pour  nen 
faire  qu'une  ;  c'est  prendre  une  liberie  à  peine  admise,  pour  ne  rien 
dire  de  plus,  par  les  auleurs  qui  se  respeclenl. 

Le  Dr.  Mackey  EncijcL.  p.  550)  expose  ainsi  les  raisons  pour  les- 
quelles les  arca/zes  sonl  confiés  à  la  tradition  orale  : 

«  En  premier  lieu,  en  confiant  nos  doctrines  secrètes  et  leurs  prin- 
cipes fondamentaux  [landmarks'j  à  la  garde  de  la  tradition,  tout  dan- 
ger de  controverses  et  de  schismes  parmi  les  Maisons  et  dans  les  Loges 
se  trouve,  par  le  fait  même,  écarté.  La  Ciraiule  Loge  de  chaque  juri- 
diction est  l'interprète  de  ces  traditions,  et  chaque  Maçon,  comme 
chaque  loge  de  la  juridiction, est  obligé  de  se  soumettre  à  son  inter- 
pi'étation.  Il  n'y  a  pas  de  livre  ({ue  puissent  consulter  les  Fi'ères 
en  rinlerprélanljsuivant  leurs  idées  personnelles,  et  dont  les  textes, 
parfois  équivoques  et  parfois  obscurs,  pourraient  donner  lieu  à  d'a- 
bondantes contestations  ou  à  des  critiques  verbales.  Les  doctrines 
elles-mêmes  et  leur  interprétation  sont  contenues  dans  les  monu- 
ments de  rinstilution;el  les  Grandes  Loges, ses  seules  mandataires 
reconnues,  ont  le  pouvoir  de  décider  si  oui  ou  non  la  tradition  a  été 
correctement  conservée  et  quelle  en  est  la  véritable  interprétation. 

Et  de  là  vient  qu'il  n'existe  pas  d'institution  dans  laquelle  il  y  ait 
eu  des  controverses  en  aussi  petit  nombre  et  de  si  peu  d'importance, 
eu  égard  aux  doctrines  essentielles  et  fomJamentales  ». 

Nous  avons  noté  ce  raisonnement,  non  pour  lui-même  ni  parce 
que  nous  le  trouvons  satisfaisant,  mais  a  cause  de  la  lumière  qu'il 
pi'oj  et  te  sur  le  fonds  de  certitudequapportel'Inst  rut' tion  maçonnique. 
Donc,  en  Maçonnerie, l'enseignement  principal. essentiel,  est  oral.  Il 
a  la  prétention  de  contenir,  comme  nous  allons  le  voir,  les  plus 
importantes  vérités  sur  la  destniée  de  l'homme  dans  le  temps  et 
dans  l'éternité.  El  à  (piel  arbitrage  ces  vérités  sont-elles  soumises 
en  dernier  ressort?  A  celui  de  chaque  Grande  Loge  pour  sa  propre 
juridiction.  Mais  ces  (Grandes  Loges  sonl  évidemment  faillibles  ; 
elles  peuvent  errer  ;  elles  peuvent  tlifTérer  entre  elles;  elles  peuvent, 
à  des  moments  dilTérenls, donner  des  décisions  dilVérentes;  sont-ce 
là  les  lumières  tpji  doivent  guider  l'esprit  maçonnique  dans  les  sen- 
tiers de  la  vérité  ?  Lne  plus  longue  dissertation  sur  ce  sujet 
sera  peut-être  plus  à  sa  place  dans  un  des  chapitres  suivants. 

Si  l'incertitude  finale  de  rinlerj)rélation  de  votre  doctrine  orale 
ou  ésoléri(pie  est  si  grande,  que  dirons-nous  de  la  doctrine  elle- 
même  confiée  aux  monuments  de  la  Fialernité?  Nous  consentons  à 


1.  Pour  rinlerprélation  iiukj.-.  de  ce  mol.  voir    \\.  M.\<;ov.    Ci/clopedia   and 
Dirlion<irij  nf  Frccmnsonry.  .\'e\v-Vork.  1X71.  iii-S".  p.  21<i  à  2'..'7. 


l'enseignement  maçonmole  19 

vous  juger  d'après  vos  propres  écrits  et  à  nous  adresser  pour  nous 
renseigner  à  votre  article  sur  «  l'Uniformité  de  travail  '  ». 

«  C'est  un  t'ait,  dites-vous,  que  l'uniformité  de  travail  dans  la 
-Maçonnerie,  quoiqu'elle  soit  bien  désirée,  n'existera  jamais.  Il  doit 
en  être  de  même  dans  toutes  les  institutions  où  les  cérémonies,  les 
légendes  et  les  instructions  sont  orales.  La  trahison  de  la  mémoire, 
la  faiblesse  du  jugement  et  la  fertilité  de  l'imagination  conduiront 
les  hommes  à  oublier,  à  diminuer  ou  à  augmenter  les  parties  d'un 
système  quelconque  qui  n'est  pas  maintenu  dans  certaines  limites 
par  une  règle  écrite. 

«  Les  Rabbins  se  sont  aperçus  de  cela  quanti  la  Loi  orale  commen- 
çait à  s'altérer  et  perdait  de  son  autorité  comme  de  son  identité  par 
les  interprétations  qu'on  y  donnait  dans  les  écoles  des  Scribes  et 
des  Prophètes.  Et  dès  lors,  pour  la  rendre  à  son  intégrité,  on  jugea 
nécessaire  de  la  dépouiller  de  son  caractère  oral  et  de  lui  donner 
une  forme  écrite.  C'est  à  cela  même  que  nous  devons  attribuer 
l'origine  des  deux  Talmuds,  qui  contiennent  l'essence  de  la  théologie 
Israélite.  Donc,  tandis  qu'en  Maçonnerie,  nous  voyons  le  rituel  éso- 
térique  sujet  à  de  continuelles  erreurs  dues  pour  la  plupart  à  l'igno- 
rance ou  à  l'imagination  des  professeurs  maçonniques,  les  instruc- 
tions «  monitoriales  »  —  peu  nombreuses  dans  Preston,  très  dévelop- 
pées dans  Webb  et  dans  Cross  —  n'ont    subi  aucun  changement  ». 

Inutile  de  commenter.  Si  le  rituel  ésotérique  et  l'instruction  orale 
qui  s'y  rapporte,  —  cette  instruction  orale  qui  contient  l'essence 
même  de  la  Maçonnerie,  —  sont  continuellement  exposés  à  des 
erreurs  qui  proviennent  de  l'ignorance  ou  de  l'imagination  des  pro- 
fesseurs maçonniques,  le  lecteur  le  moins  cultivé  comprendra  com- 
bien un  tel  enseignement  est  peu  digne  de  foi  en  tant  (jue  canal  de 
la  vérité.  Si,  en  dépit  de  toutes  ces  variations  de  l'erreur,  il  n'y  a 
pas  de  schismes  dans  la  Maçonnerie,  il  faut  nécessairement  en  con- 
clure que  l'ignorance  des  Frères  atteint  un  très  haut  degré,  ou  que 
l'amour  de  la  vérité  est  chez  eux  à  un  degré  très  faible.  Il  est 
étrange  que  les  Maçons,  (jui  se  proclament  des  chercheurs  devérité, 
confient  ce  qu'ils  estiment  de  plus  sacré  ((  à  la  mémoire  traîtresse, 
au  jugement  faible  et  à  l'imagination  fertile  »  qui  <<  conduisent  les 
hommes  à  oul)lier,  à  diminuer  ou  à  augmenter  les  parties  d'un 
système  quelconque  (pii  n'est  pas  maintenu  dans  certaines  limites 
par  une  règle  écrite  ». 

«  Mais  il  n'y  a  pas,  dites-vous,  de  livre  que  puissent  consulter  les 
Frères  en  l'interprétant  suivant  leurs  idées  personnelles  ».  Etes-vous 

1.  Eneijclopœdia,  p.  843. 


20  l'enskigmcment  mac onmoik 

donr  nil  si  graiul  ennemi  du  jugement  privé,  (le  la  liberie  de  pensée 
en  malièics  maçonniques  ? 

Faut-il  <pie  les  Frères  soient  dépourvus  d'une  règle  écrite  etdudroil 
de  rinter|»ii'"ler.  pour  qu'ils  puissent  être  exposés  aux  divagations 
de  l'ignorance  et  de  l'imagination?  Est-ce  là  la  liberté  que  vous  leur 
accorde/  ?  El  la  loi  orale  ne  prète-l-elle  pas  autant  à  la  discussion 
que  la  loi  écrite  ?  El  la  Grande  Loge  ne  pourrait-elle  pas  détermi- 
ner et  ne  délermine-l-elle  pas,  en  elTet,  le  sens  de  la  parole  écrite  en 
Maçonnerie  aussi  bien  qu'elle  détermine  celui  de  la  loi  orale?  Non, 
non,  nous  ne  pouvons  en  toute  justice  accepter  la  raison  que  nous 
donne  le  Dr.  Mackey  ni  les  motifssur  lesquels  il  l'appuie  ;  maisnous 
pouvons  le  remercier  et  nous  le  remercions  desimportantes  lumières 
qu'il  a  projetées  sur  la  qualité  de  la  vérité  telle  quelle  est  présentée 
aux  candidats  maçonniques, et  sur  le  degré  de  sujétion  mentale  que 
réclame  d'eux  la  Franc-Maçonnerie.  Tout  ceci  nous  aidera  plus  tard 
à  peser, comme  il  convient,  les  droits  de  l'Ordre. 

Mais  continuons  notre  citaiion  :  «  Il  ressortirait  de  là,  dit  le 
Dr.  .Ma«-key.  (|ue  l'on  pourrait  olivier  au  défaut  d'uniformité  en  ren- 
dant simplement  toutes  les  cérémonies  «  monitoriales  »  ;  et  l'on  a 
jugé  la  chose  si  avantageuse  qu'on  a  sérieusement  discuté  en  Angle- 
terre, il  y  a  quelques  années,  le  projet  d'un  rituel  écrit.  Mais  le 
remède  serait  j)ire  que  le  mal.  C'est  au  caractère  oral  de  sou  rituel 
que  la  Maçonnerie  doit  sa  stabilité  et  son  succès  comme  organisa- 
tion. Un  rituel  écrit,  qui  deviendrait  bientôt  un  rituel  imprimé,  ilépos- 
séderail  la  Maçonnerie  Symbolique  (c'est-à-dire  la  Franc-Maçonne- 
rie) de  ses  attraits  comme  association  secrète,  et  cesserait  d'offrir 
une  récompense  au  savant  laborieux  qui  chercherait  à  bien  posséder 
sa  science  mystique.  Sa  philosophie  et  son  symbolisme  seraient  les 
mêmes,  mais  les  livres  qui  les  contiendraient  seraient  consignés 
aux  rayons  d'une  bibliothèque  maçonnique,  et  leurs  pages  livrées  à 
la  discussion  des  profanes,  comme  la  vulgaire  propriété  de  l'anti- 
"quaire,  tandis  (jue  les  Loges,  n'ayant  plus  de  mystères  à  l'intérieur 
de  leurs  portails,  ne  recevraient  que  de  rares  visiteurs,  et  certaine- 
ment aucun  travailleur  '  ». 

Il  est  bien  vrai  de  dire  (pie  la  Maçonnerie  flotte  entre  Charybde 
et  Scylla.  Les  tares  de  l'erreur  inhérentes  à  l'enseignement  oral  sont 
évidemment  sa  part,  et  elle  ne  peuls'en  alVranchir  que  par  la  mort. 
La  vie  de  la  vérité  ne  |)cut  nécessairement  pas  èti-e  vigouicuse  en 
elle  Car,  si  .sa  [)hilosophie  et  ses  symboles  étaient  animés  par  des  véri- 
tés importantes  et  profitables  à  notre  race,  on  ne  laisserait  pas  moi- 
sir ses  livres  sur  les   rayons  d'une  bibliothèipie  maçoiuiifpie.   mais 

1.  l-lncijcl..  pp.  sr.!-sil. 


L'ENSEKiNEMENT    M.vyONMOUE  21 

ils  seraient  lus  avec  intérèl  et  avec    iVuit  par  tous  ceux  qui  travail- 
lent ardemment  pour  la  cause  de  la  vérité. 

Le  secret  n'est  qu'un  voile.  Il  n'est  pas  un  bien  en  lui-même  et 
n'a  pas  de  valeur  propre,  car  il  n'est  qu'un  obstacle  qui  cache  la 
vérité  aux  yeux  de  l'esprit,  dont  elle  est  le  bien  et  le  but.  L'esprit 
est  obligé  d'écarter  l'obstacle  pour  jouir  de  l'objet  de  ses  désirs  — 
commenl  devons-nous  alors  juger  de  la  valeur  de  cet  objet  lui- 
même,  si  l'on  nous  dit  qu'aussitôt  le  voile  tiré,  il  n'a  plus  de  valeur, 
plus  de  beauté,  plus  de  charme,  plus  d'importance  pour  exciter 
l'ardeur,  plus  de  bonté  pour  mériter  l'amour?  Si  la  philosophie  et 
le  symbolisme  de  la  Maçonnerie,  alors  même  qu'ils  ont  quitté  le 
royaume  «  de  la  mémoire  traîtresse,  du  jugement  faible,  de  l'imagi- 
nation fertile»,  où  ils  sont  «  continuellement  sujets  aux  erreurs  qui 
proviennent  surtout  de  l'ignorance  ou  de  l'imagination  des  profes- 
seurs de  science  maçonnique  »,  ><  cessaient  d'olïrir,  comme  vous  le 
dites,  une  récompense  au  travailleur  laborieux  qui  cherche  à  bien 
posséder  sa  science  mystique  »,  que  devra  penser  la  froide  et  calme 
raison  de  ce  symbolisme  et  de  cette  philosophie  qui  habitent  le 
royaume  de  l'erreur  et  de  l'incertain  et  qui  sont  soumis  à  l'influence 
de  l'ignorance  et  de  l'imagination? 

La  seconde  raison  que  donne  le  Dr.  .Mackey,  pour  laquelle  on  a 
confié  à  l'enseignement  oral  les  principes  essentiels  de  la  Maçonne- 
rie, est  «  qu'en  obligeant  le  Frère  qui  veut  faire  quelque  progrès 
dans  sa  profession  d'en  contier  les  doctrines  à  sa  mémoire,  il  est 
très  probable  qu'il  les  étudiera  et  les  comprendra  à  fond  ».  Et  il 
s'efforce  de  soutenir  cette  thèse  en  faisant  appel  au  cas  des  «  Ma- 
çons brillants  »,  qui  «  possèdent  mieux  cette  partie  ésotérique  et 
non  écrite  des  leçons,  qu'ils  ont  été  forcés  d'apprendre  sous  un 
maître  compétent,  et  par  la  voie  de  l'enseignement  oral,  que  celle 
qui  est  publiée  dans  les  Manuels,  et,  par  conséquent,  toujours  à 
même  d'être  lue  '  ». 

Si  le  docteur  Mackey  n'avait  pas  pris  soin  de  nous  instruire  des 
distinctions  à  faire  entre  un  u  Maçon  brillant  »  et  un  «  Maçon  sa- 
vant »,  en  nous  disant  qu'il  n'y  avait  aucune  comparaison  possible 
entre  la  mémoire  de  perroquet  du  premier  et  l'esprit  cultivé  de 
l'autre,  nous  aurions  pu  nous  laisser  prendre  dans  la  trame  de 
son  argument.  Les  ■  xMaçons  brillants  »,  les  «  Maçons  perroquets» 
les  «  Maçons  du  «  Knife  and  Fork  degree  »  (grade  du  Couteau  et  de 
la  Fourchette)  en  savent  davantage  par  les  instructions  orales  que 
par  les  leçons  «  monitoriales  »,  non  parce  que  les  premières  sont 
orales  et  les  secondes  écrites,  et  partant  toujours  à   même  d'être 

1.  Encyclopaedia,  p.  550. 


22  l'enseigm:mi::>t  MAçoNMyiF, 

lues,  mais  parce  qu'on  est  obligé  d'apprendre  la  partie  orale  pour 
être  reçu  maçon,  tandis  qu'on  n'est  pas  tenu  à  lire  la  partie  «  nioni- 
toriale  »,  nous  a-t-il  dit  ;  par  conséquent,  les  Frères  s'en  vont  répé- 
tant, comme  ils  le  font  depuis  des  années,  ce  qu'ils  ont  appris,  «  sans 
la  moindre  conception  du  vrai  sens  '  »  de  ce  qu'ils  disent.  Si  cet 
argument  était  bon,  il  prouverait  merveilleusement  l'inutilité  de 
tout  ce  qui  est  écrit,  parce  que  les  indolents,  les  paresseux  et  les 
gens  qui  ne  lisent  jamais  en  savent  plus  [)ar  renseignement  oral 
qu'ils  n'en  apprendraient  par  la  lettre  écrite. 

La  troisième  raison  du  Dr.  Mackey  est  «  celle  qui  esl  peut-être 
la  plus  familière  à  la  Fraternité,  et  à  laquelle  César  fait  allusion 
pour  les  Druides.  «  parce  qu'ils  ne  voulaient  pas  que  leurs  docti-ines 
fussent  divulguées  au  commun  du  peuple  ». 

«  C'est  donc  pour  ces  excellentes  raisons,  conclut-il,  qu'on  emploie 
l'instniclion  orale. — pour  éviter  les  controverses  oiseuses  elles 
interminables  discussions;  pour  préserver  les  secrets  de  notre  Ordre 
de  la  ruine  et  pour  diminuer  les  risques  qu'ils  soient  oubliés,  en 
multipliant  les  diffîcultés  à  surmonter  pour  arriver  à  les  posséder; 
enfin,  pour  les  mettre  à  l'abri  du  regard  impur  des  profanes  »,  — 
c'est  pour  ces  raisons  que  «  l'enseignement  oral  de  la  Maçonnerie 
fut  institué  tout  d'abord,  et  continue  d'être  religieusement  observé. 
Sesdoctrinessecrètessontlesbijoux  précieux  de  l'Ordre,  et  les  monu- 
ments maçonniques  sont  les  cassettes  bien  gardées  où  sont  conservés 
ces  trésors  dans  toute  leur  pureté.  C'est  donc  avec  à-propos  que  notre 
rituel  dit  «  que  l'oreille  attentive  reçoit  le  son  de  la  voix  qui  instruit, 
et  (pie  les  secrets  de  la  Maçonnerie  sont  l)ien  abrités  dans  le  récep- 
tacle des  C(curs  fidèles-  ». 

Nos  lecteurs  pourront  faire  leurs  propres  réflexions  sur  le  raison- 
nement du  Dr.  Mackey. 

Mais  peut-être  (ju'après  font  ce  bel  éloge  de  renseignement  oral, 
ils  vont,  comme  nous,  trouver  dilTicile  de  le  mettre  d'accord  avec 
ce  (ju'il  dit  de  renseignonienl  écrit.  Ecoutons-le  li'aiier  des  biblio- 
thèques (p.  -169  de  son  Encijclopédie  : 

'(  Il  est  du  devoir  autant  que  de  l'intérêt  des  Loges,  dil-il,  de  fa- 
ciliter les  elTorls  des  membres  qui  cherclienl  à  actpiérir  la  science 
maçonnique,  et  je  ne  connais  pas  de  meilleure  nu'tliode  que  celle 
qui  consiste  dans  la  formation  de  bibliothèques  maçonniques.  La 
fondation  d'une  bibliothèque  de  Cirande  Loge  serait  une  bonne 
chose,  nalurellement,  mais  d'une  valeur  et  d'une  impoitance  l)ien 
inléiicure   a   cell<^  dunt'  bibliollièque   de    Loge.    Il    suffirai!   d'une 

1.  Hnct/clopti'dia.  ]>.  âiU. 

'2.  ihiti..  jip.  :.:>(».  WA. 


l'enseignemknt  maçonnioue  23 

première  dépense  de  quelques  dollars  au  tlébut.  pour  son  établisse- 
ment, de  quelques  autres  pour  sa  conservation  et  son  développe- 
ment, et  l'on  verrait  chaque  Loge  de  la  contrée  en  possession  d'un 
riche  trésor  de  documents  propres  à  servir  aux  recherches  et  aux 
progrès  de  ses  membres.  Le  seul  fait  de  voir,  à  chaque  réunion,  des 
ouvrages  maçonniques  à  portée,  étalés  au  regard  sur  des  rayons 
bien  garnis,  mis  à  la  disposition  des  Frères  qui  n'auront  que  la 
peine  de  les  prendre  ou  de  les  demander,  en  amènera  un  grand 
nombre  à  lire  alors  qu'ils  n"ont  jamais  auparavant  lu  une  ligne 
sur  Thisloire  ni  sur  la  science  maçonniques 

«  De  même  que  les  municipalités  bienveillantes  font  placer  des 
fontaines  publiques  dans  leurs  jardins  afin  que  le  chemineau  harassé 
puisse  élancher  sa  soif  et  se  rafraîchir,  ainsi  les  Loges  maçonni- 
ques devraient-elles  placer  de  telles  fontaines  intellectuelles  à  la  por- 
tée de  leurs  membres.  Ces  fontaines, ce  sonlles  bibliothèques  ;  et  la 
Loge  qui  dépense  cinquante  dollars,  ou  à  peu  près,  pour  un  banquet 
et  se  passe  de  bibliothèque,  commet  une  grave  faute  maçonnique, 
car  elle  refuse,  ou  tout  au  moins  néglige,  de  répandre  la  lumière 
parmi  ses  enfants,  comme  c'est  son  devoir  de  le  faire. 

«  Il  y  a  cette  diftérence  entre  deux  loges  dont  l'une  a  sa  biblio- 
thèque el  dont  l'autre  en  est  privée,  que  la  seconde  est  plus  igno- 
rante que  la  première.  Si  une  Loge  prend  plaisir  à  être  composée 
de  membres  igorants.  (ju'elle  renonce  à  la  bibliothèque.  Si,  au  con- 
traire, elle  pense  qu'il  y  va  de  son  honneur  et  de  sa  réputation  que 
ses  membres  soient  très  instruits,  qu'elle  leur  donne  les  moyens 
d'étudier  ». 

Il  nous  est  bien  difficile  de  comprendre,  à  nous  qui  ne  sommes 
pas  initiés,  quel  est  cet  impérieux  besoin  de  bibliothèques  maçon- 
niques, puisque  les  bijoux  de  l'Ordre  sont  si  bien  gardés  dans  les 
cassettes  des  monuments  de  l'Institution  dont  les  membres  ont  été 
formés  par  l'enseignement  oral,  el  puisque  chaque  Frère  est  une 
fontaine  toute  prête  à  déverser  les  flots  de  l'instruction  dans  une 
oreille  attentive,  au  moyen  d'un  langage  qui  puise  ses  richesses  dans 
le  trésor  des  cœurs  fidèles,  pour  employer  les  belles  métaphores 
du  rituel.  Mais  nous  avons  de  bonnes  raisons  de  croir*^  qu'il  y  a  là 
plus  de  poésie  dans  la  forme  que  de  vérité  dans  le  fond. 

D'accord  ou  non  avec  lui-même,  ce  qui  nous  est  indilTérent,  no- 
ire auteur  n'est  certainement  pas  satisfait  de  l'instruction  orale 
donnée  par  la  Loge.  Il  est  favorable  aux  publications,  aux  ouvra- 
ges écrits  sur  la  philosophie,  le  symbolisme  et  les  principes  de  la 
Franc-Maçonnerie  dans  l'intérêt  des  Frères. 

«  Nous  exprimions,  il  y  a  plusieurs  années,  dit-il,  nos  sentiments 


24  LENSKIGNEMENT    MAÇONNIQUE 

sur  ce  sujet,  niais  nous  sommes  heureux  d'avoir  occasion  de  les 
répéter. 

«  Aucun  Maçon  ne  parvient  de  nos  jours  à  une  situation  tant  soil 
peu  distinguée  dans  la  Fraternité  s'il  n'est  sulfisamment  instruit. 
Si  ses  éludes  se  sont  limitées  à  ce  qu'enseisi^nent  les  brèves  leçons 
de  la  Loge,  il  lui  est  impossible  d'apprécier  exactement  les  lins  et 
la  nature  de  la  Franc-Maçonnerie  en  tant  que  science  spéculative. 
Les  leçons  ne  sont  que  le  squelette  de  la  science  maçonnique.  Les 
muscles,  les  nerfs  et  les  vaisseaux  sant<uins  qui  doivent  animer  ce 
squelette  sans  vie  et  lui  donner  beauté,  santé  et  vigueur,  sont 
contenus  dans  les  commentaires  de  ces  leçons,  que  l'élude  et  les 
recherches  des  écrivains  maçonniques  donnent  à  l'étudiant  en 
Maçonnerie  '». 

Mais  si  le  bien  que  font  les  écrits  maçonniques  est  si  grand  pour 
l'instruction  de  la  Fraternité,  si  les  bijoux  précieux  enfermés  dans 
les  cœurs  fidèles  ne  sont,  après  lout,  ><  tpi'un  squelette  inanimé  » 
auquel  il  man([ue  ^excusez  le  mélange  des  tiguresj,  nerfs,  muscles 
et  force  vitale  que  peuvent  seuls  donner  les  commentaires  écrits, 
qui  sera  assez  naïf  pour  s'imaginer  (jue  la  Maçonnerie  a  confié  ses 
arcanes  à  la  tradition  orale  simplement  parce  que  c'était  le  seul 
moyen  fidèle  de  les  conserver  intacts? 

11  continue  :  «  On  objecte  que  l'on  risque  de  donner  trop  de 
lumière  au  monde  extérieur  en  écrivant  des  traités  et  des  disserta- 
tions sur  des  sujets  maçonniques;  ces  objections  ne  sont  point  du 
tout  confirmées  par  l'expérience.  Les  auteurs  maçonniques  ont  écrit 
presque  sans  restriction  en  Angleterre,  en  France  et  en  Allemagne, 
excepté  pour  ce  qui  est  profondément  ésotérique  ;  et  cependant 
nous  ne  croyons  pas  que  le  monde  profane  en  soit  pour  cela  plus 
avisé  dans  ces  contrées  que  chez  nous  sur  les  secrets  de  la  Franc- 
Maçonnerie.  Le  monde  extérieur  est  resté,  malgré  ces  publications, 
aussi  ignorant  des  aporrhêta  de  notre  Art,  (|ue  si  l'on  n'avait  jamais 
écrit  un  seul  ouvrage  sur  ce  sujet  ;  tandis  (|ue  le  monde  intérieur 
—  la  Fraternité  elle-même  —  a  été  éclairé  el  inslruil,  et  sa  concep- 
tion de  la  Maçonnerie  (non  comme  association  charilnble  ou  sociale, 
mais  en  tant  (pie  philosophie,  science  et  religion  - 1  en  a  été  élevée 
et  élargie  ». 

Comme  vous  le  voyez,  le  Dr.  Mackey  nous  conduit  petit  à  petit, 
parfois  incidemment,  vers  des  idées  nouvelles  sur  la  Franc-Maçon- 
nerie américaine.  Ce  n'est  pas  une  simple  institution  charitable  ou 


1.  ilncijclopaidUt,  p.  <(17. 

'2.  Les  mots  en  ilalii|ue  qui  se  tioiiveiil  dans  cet  ouvai^e  sont  presiiue  tou- 
jours soulignés  par  nous.  Ici,  la  partMitlit'-si'  est  du  Dr.  MacUev. 


l'enseignement  maçonnique  25 

sociale  —  c'est  une  science,  une  philosophie,  un  système  de  morale, 
une  religion.  La  Maçonnerie  française,  anglaise,  américaine,  ne 
font  plus  qu'un  —  l'Art,  l'Instilution,  la  Fraternité,  etc.,  sont  tou- 
jours au  singulier. 

Mais  nous  ne  faisons  que  noter  ces  choses  au  passage,  cher 
lecteur,  car  elles  feront  le  sujet  d'une  étude  spéciale  dans  les 
chapitres  suivants.  Si  donc  vous  n'êtes  pas  encore  suffîsamment 
préparé  pour  en  croire  la  parole  de  notre  auteur,  suspendez  votre 
jugement  jusqu'à  ce  qu'il  ait  pu  vous  instruire  tout  au  long,  en 
s'étendant  sur  chaque  point.  Nous  lui  sommes  cependant  reconnais- 
sant de  croire  si  fermement  >(  qu'on  ne  saurait  trop  écrire,  lire  et 
imprimer  sur  la  philosophie,  l'histoire,  la  science  et  le  symbolisme 
de  la  Franc-Maçonnerie,  pourvu  que  les  écrits  soient  toujours  confiés 
à  ceux  qui  comprennent  convenablement  leur  art.  En  Maçonnerie, 
comme  en  astronomie,  en  géologie  ou  en  tout  autre  art  ou  science,  on 
4oit  considérer  un  ouvrage  nouveau, écrit  par  un  homme  compétent, 
comme  une  acquisition  précieuse.  Les  productions  des  sots  ou  des 
esprits  indisciplinés  tomberont  d'elles-mêmes  dans  l'oubli,  sans  que 
la  persécution  olTicielle  s'en  mêle  ;  mais  celles  qui  ont  réellement 
de  la  valeur,  qui  présentent  des  faits  nouveaux, ou  qui  donnent  nais- 
sance à  des  pensées  fécondes,  vivront,  en  dépit  de  ce  que  disent  les 
Jack  Gade  de  la  Maçonnerie,  pour  instruire  les  Frères  et  élever  le 
niveau  de  l'Institution  et  le  rang  qu'elle  occupe  *  ». 

La  comparaison  avec  les  Jack  Cade  de  la  Maçonnerie  regarde  les 
Maçons  et  les  Grandes  Loges  maçonniques  qui,  contrairement  à  lui, 
affirmèrent  que  les  écrits  maçonniques  firent  plus  de  «  mal  que  de 
bien  »,  et  que  la  Maçonnerie  existait  et  florissait  sans  eux  dans 
l'harmonie  et  le  bonheur  ^  ». 

Nous  sommes  de  l'avis  du  Dr.  Mackey  quand  il  dit  qu'on  ne  sau- 
rait trop  écrire,  imprimer  et  lire  sur  l'Institution; c'est  pour  cela  que 
nous  avons  composé  le  présent  petit  volume  à  l'intention  de  ceux 
qui  ne  pourraient  consulter  les  énormes  ouvrages  du  Docteur,  ou 
qui  les  trouveraient  trop  compliqués.  Nous  sommes  encore  de  son 
avis  lorsqu'il  prétend  que  la  Fraternité  devrait  confier  le  soin 
d'écrire  sur  elle  à  ceux  qui  comprennent  bien  l'Art,  car  nous  ne 
serons  sûrs  de  recevoir  la  vraie  doctrine  maçonnique  qu'à  celle  con- 
dition. Nous  admettons  que  le  temps  est  la  meilleure  épreuve  du 
mérite,  et  le  fait  que  les  œuvres  du  Dr.  Mackey  sont  encore,  après 
tant  d'années,  les  livres  classiques  de  la  Fraternité  américaine, 
prouve  en  faveur  de  leur  mérite  maçonnique,  et  nous  est  une  garan- 

1.  Encyclopaedia,  p.  tilC). 

2.  Ibid.,  p.  616. 


'26  l'eNSKIGNKMENT    MArONMOlE 

tie  considérable  (inVn  les  prenant  pour   ij-uides,   nous    ne    pouvons 
pas  nous  égarer. 

Nous  avons  cependant  refusé  dans  notre  Intioiiuction  de  le  suivre 
en  ceci,  qui  est  sa  conclusion  : 

«  La  vérité  est  que  ceux  qui  ne  sont  pas  Maçons  ne  lisent  jamais 
d'ouvrages  aulhenti(pies  de  Maçonnerie,  ils  n'ont  aucun  intérêt 
aux  sujets  (jui  y  sont  discutés  ;  d'ailleurs,  ils  ne  pourraient  les 
comprendre,  n'ayant  point  reçu  celle  éducation  préparatoire  que  la 
Loge  seule  peut  donner.  En  sorte  cjue,  si  un  écrivain  faisait  une 
incursion  dans  ce  qui  peut  être  appelé  très  réellement  les  arcanes 
de  la  Maçonnerie,  il  n'y  aurait  aucun  danger  qu'il  fît  par  là  même 
une  révélation  inopporlune  à  des  gens  qui  sont  incapables  de  la 
recevoir ' ». 

La  vérité  est  (jue  nous,  les  |)roranes,nous  lisons  parfois  d'authen- 
tiques ouvrages  maçonniques;  la  vérité  est  que  nous  nous  intéressons 
vivement  aux  sujets  qu'ils  traitent  ;  et  nous  espérons  que  le  Dr. 
Mackey,  bien  qu'il  soit  intentionnellement  obscur,  nous  laissera, 
malgré  cela,  assez  de  lumière  pour  comprendre  en  substance,  tout 
au  moins,  leur  vraie  signification. 

Xous  vous  avons  mis  sous  les  yeux, cher  lecteur,  les  deux  métho- 
des d'enseignement  maçonnique,  la  méthode  orale,  la  méthode 
écrite.  A  la  première  sont  confiées  les  doctrines  secrètes  ou  ésoté- 
iqiies  ;  à  la  seconde,  les  doctrines  «  monitoriales  »  ou  exotériques. 
Le  nombre  et  la  nature  des  choses  qu'il  est  défendu  d'écrire  et  qui 
ne  peuvent  être  communiquées  que  verbalement  sont  plus  on  moins 
restreints  ou  élargis  suivant  les  Maçons  et  les  Loges  maçonniques. 
Les  sujets  traités  et  la  manière  dont  ils  le  sont  dans  les  livres  ma- 
çonniques dépendront,  par  conséquent, du  plus  ou  moins  de  restric- 
tion ou  d'extension  accordé  par  l'auteur. 

La  Franc-Maçonnerie  américaine  admet  donc  qu'elle  a  des  arca- 
nes qu'elle  ne  veut  pas  exposer  à  l'impur  regard  de  nos  yeux  profa- 
nes ;  elle  convient  en  outre,  comme  elle  y  est  obligée,  que,  même 
[>armi  ses  |)ropres  membres,  ceux  d'un  degré  inférieur  sont  soi- 
gneusement écartés  des  arcanes  du  gi'ade  supérieur,  et  que  nous, 
profanes,  nous  le  sommes  de  tous.  Klle  explique  sa  conduite  par 
l'exemple  de  toutes  les  religions  variées  du  [)aganisme,  et  cherche 
à  faire  de  la  primitive  Kglise  chrétienne  une  ade|)te  de  celle  doc- 
trine, comme  si  la  religion  du  divin  Maiire,  instituée  pour  ensei  - 
gner  toutes  les  nations,  et  ipii  a  reçu  Tordre  de  leur  enseigner  «  tout 
ce  (pi'Il  a  ordonné  »,  trahissait  aciuellement  sa    mission  en  ensei- 

1.  l'Jnci/rlop.i ilia.  p.  i')]7. 


LENSEIGNEMI.NT    MAÇONNIQUE  27 

gnant  une  doctrine  au  commun  du  peuple,  tandis  qu'elle  en  réserve- 
rait une  autre^  toute  dillerente  et  secrète,  pour  ses  adeptes. 

En  ce  qui  concerne  cette  doctrine  orale,  chaque  Grande  Loge 
est,  dans  sa  propre  juridiction,  la  dernière  (^our  d'appel  —  on  n'a 
pas  le  droit  de  juger  soi-même,  de  discuter,  d'avoir  une  interpré- 
tation personnelle;  lejugf^menl  doit  être  reçu  tel  qu'il  est.  C'est 
ainsi  que  les  schismes  en  matière  doctrinale  sont  évités,  »  et  de  là 
vient,  dit  le  Dr.  Mackey,  qu'il  n'existe  pas  d'institution  où  il  y  ait  eu 
si  peu  de  controverses,  et  de  si  minime  imi)ortance,  en  ce  qui  con- 
cerne ses  docti'ines  essentielles  et  fondamentales  ». 

Il  est  vrai  que  ce  tribunal  suprême  peut  errer  ;  il  est  vrai  qu'il 
s'est  trompé;  il  est  certain,  par  conséquent,  qu'il  n'est  pas  le  porte- 
parole  de  la  vérité  :  ce  qui  peut  enseigner  l'erreur  n'est  évidem- 
ment pas  le  porte-parole  île  la  vérité.  L'absence  de  schismes  n'est 
donc  pas  à  la  louange  de  la  .Maçonnerie  ;  car,  n'étant  pas  la  règle  de 
la  vérité,  puisqu'elle  peut  commettre  T'^rreur,  ainsi  que  nous  l'avons 
vu.  l'iniilé  qu'elle  obtient  et  dont  elle  est  si  fière,  pourrait  bien  être 
l'unité  dans  l'erreur,  ce  qui  est  le  plus  grand  mal  de  l'esprit  hu- 
main. Le  schisme  dans  la  cause  de  la  vérité  est  infiniment  préféra- 
ble à  l'unité  dans  l'erreur.  Cependant,  malgré  la  nature  chance- 
lante du  jugement  de  la  Maçonnerie,  toute  intelligence  maçonni- 
que est  obligée  de  se  courber  devant  lui,  sans  recours. 

De  plus,  celte  instruction  orale,  gardienne  et  dépositaire  des  tré- 
sors les  plus  précieux  de  la  vérité  maçonnique,  est  souvent  confiée 
à  des  maîtres  ignorants  ;  elle  est,  par  sa  nature  même,  exposée  à  de 
constantes  variations  ;  on  pourrait,  en  réalité,  prouver  qu'elle  a 
subi  des  changements  importants  dus  à  «  la  trahison  de  la  mé- 
moire, à  la  faiblesse  du  jugement  et  à  la  fertilité  de  l'imagination  », 
qui  «  conduisent  les  hommes  à  oublier,  à  diminuer  ou  à  augmenter 
les  parties  d'un  système  quelconque  qui  n'est  pas  maintenu  dans 
certaines  limites  fixées  par  une  règle  écrite'  ». 

Et  malgré  lout  cela,  on  ne  peut  songer  à  abandonner  la  méthode 
orale.  La  Maçonnerie  est  obligée  de  s'y  tenir,  en  dépit  de  tous  ses 
inconvénients,  de  toutes  ses  erreurs  et  incertitudes  —  ou  de  périr. 
Retirez-luî  son  secret  et  vous  lui  retirerez  la  vie.  Ouoiqu'étant  les 
mêmes,  sa  philosophie,  ses  symboles,  ses  doctrines  seraient  autant 
de  rebuts  qui  moisiraient  sur  des  rayons  d'antiquités  littéraires  ; 
son  système  serait  méprisé  et  ses  Loges  désertées. 

L'éloge  ties  écrits  maçonniques  qui  retentit  si  fort  à  nos  oreilles, 
proclamant  leur  importance  et  leur  utilité,  est  en  étrange  contradic- 
tion avec  tout  ceci.  La  dillérence  qui  existe  entre  les  Loges  qui  j)ra- 

1.  Plus  liaut,  p.  l'.t. 


28  LENSEIGNEMENT    MAÇONNIQUE 

tiquent  rinslruclion  orale  mais  qui  n'ont  pas  lie  bibliothèque,  et  les 
Loges  qui  en  ont  une,  est  que  les  premières  sont  plus  ignorantes  que 
les  secondes.  Bi^n  loin  d'être  satisfait  des  enseignements  oraux  de 
la  Loge,  le  Dr.  Mackey  les  appelle  «  le  squelette  inanimé  de  la  Ma- 
çonnerie, auquel  les  commentaires  écrits  communiquent  vitalité, 
beauté,  santé  et  vigueur»,  en  lui  donnant  «  des  muscles,  des  nerfs  et 
des  vaisseaux  sanguins  '». 

Pourquoi,  alors,  ne  pas  soustraire  les  principes  de  la  Maçonnerie 
à  la  domination  de  *<  la  mémoire  traîtresse,  du  jugement  faible  et 
de  l'imagination  fertile  »,et  pourquoi  ne  pas  les  confier  aux  vivifian- 
tes mains  de  linslruction  écrite  ?  Pourquoi  la  Maçonnerie,  s'il  est 
vrai  qu'elle  délient  une  mission  de  suprême  importance  pour  l'hu- 
manité, considère-t-elle  la  parole  écrite  comme  devant  lui  porter 
le  coup  mortel  ? 

Les  raisons  du  Dr.  Mackey  ne  satisfont  pas  res[)ril. Nous  pourrions 
en  suggérer  d"aulres,  mais  nous  ne  ferons  (|ue  suggérer  les  deux 
suivantes  :  1'- sa  mission,  à  cause  de  sa  nature  même, des  preuves  sur 
lescjuelles  elle  s'appuie,  des  fins  vers  lesquelles  elle  tend,  pourrait 
bien  avoir  grand  besoin  du  voilede  l'obscurité  pour  cacher  ses  traits 
essentiels,  qui,  s'ils  étaient  tout  d'un  coup  découverts,  éloigneraient 
un  grand  nombre  de  ceux  qu'elle  attire  par  son  mystère;  2''  en  révé- 
lant soudain  tout  à  tous,  le  moyen  qu'emploie  la  Maçonnerie  avec 
tant  de  tact,  comme  nous  l'assure  le  F.  .  Pike,  de  faire  croire  à 
ses  membres  des  grades  inférieurs  qu'ils  en  savent  long,  alors  qu'en 
vérité  ils  savent  très  peu  de  chose,  et  de  leur  persuader  qu'elle  est 
sur  le  point  de  leur  révéler  la  lumière,  alors  qu'elle  n'a  aucune 
intention  de  le  faire,  ce  moyen,  dis  je,  ne  trouverait  plus  place  dans 
le  système  maçonnique.  Ce  besoin  de  se  cacher  dans  les  ténèbres, 
ce  besoin  de  déception  est  totalement  incompréhensible,  si  la 
Maçonnerie  est  ce  qu'elle  prétend  être,  une  «  Ecole  de  Vérité  ». 

1.  Plus  liMul.   p. -24. 


CHAPITRE  HI 

Des  Moyens  d'Instruction  dans  la  Franc-Maçonnerie  américaine. 

Nous  avons  exposé  dans  le  chapitre  précédent  les  méthodes 
qu'emploie  la  Franc-Maçonnerie  américaine  pour  communiquer  son 
enseignement  ;  nous  allons  maintenant  examiner  brièvement  les 
moyens  dont  elle  se  sert  dans  ce  but.  On  les  appelle  symboles  et 
allégories,  et  Ion  peut  facilement  se  rendre  compte  de  leurs  rap- 
ports étroits  avec  la  Maçonnerie  par  le  fait  qu'ils  forment  une  par- 
tie de  la  définition  qu'elle  donne  d'elle-même  à  ses  initiés,  quand 
elle  leur  dit  qu'elle  «  est  un  système  de  moralité  voilé  par  l'allégo- 
rie et  éclairé  par  les  symboles  ».  L'allégorie,  pour  cacher  les  doc- 
trines maçonniquesnux  regardsindiscretsdesnon-initiés  et  des  profa- 
nes ;  les  symboles,  afin  d'illuminer  pour  l'œil  maçonnique  le  systè- 
me de  morale  qu'elle  communique  —  tels  sont  les  moyens  d'Ins- 
truction qu'emploie  la  Maçonnerie. 

Mais  qu'est-ce  qu'un  symbole  ?  Ouest-ce  qu'une  allégorie  ?  Il  nous 
faut  ici  supplier  nos  lecteurs  de  nous  être  indulgents  si  nous  nous 
permettons  de  les  inviter  à  nous  suivre  dans  l'étude  d'un  sujet  un 
peu  ardu  peut-être,  mais  dont  l'intérêt  consiste  en  ce  qu'il  permet 
de  découvrir  une  grande  partie  de  ce  que  la  Maçonnerie  voudrait 
tant  tenir  caché.  Ses  secrets  sont  enveloppés  dans  les  symboles  et 
les  allégories  ;  nous  ne  saurions  avancer  bien  loin  dans  notre  étude  de 
la  Maçonnerie  américaine  si  nous  ne  comprenions  clairement  la  na- 
ture des  uns  et  des  autres.  Sachons  acheter  par  un  peu  d'attention 
et  de  patience  une  science  qui  nous  sera  grandement  utile. 

Mettons-nous  donc  à  la  recherche  d'une  définition  du  symbole, 
tel  qu'il  est  pratiqué  en  Maçonnerie;  nous  la  trouvons  à  la  page  466 
du  Lexique  de  Franc-Maçonnerie  du  Dr.  INIackey.  «  Un  symbole, 
dit-il,  est  une  image  sensible  employée  pour  exprimer  une  idée 
occulte  mais  analogique  ». 

Le  symbole  maçonnique  exige  donc  ti'ois  conditions  :  1"  il  doit 
consister  en  quelque  chose  qui  puisse  être  perçu  par  les  sens;  2°  un 
rapport  doit  exister  entre  la  chose  qui  représente  et  la  chose  repré- 
sentée ;  3"  et,  ceci  est  la  condition  essentiellement  maçonnique,  il 
faul(}urrerapporl  et  lesensqu'ilcontient  soient  occultes.  D'où  il  res- 


30  DES    MOYENS    d'i.NSTRICTION 

sort  que  lout  symbolisme  ijui  nesl  pas  secret,  n'est  pas  maroiiui- 
que.  Celui  <jue  tonl  le  monde  comprend  n"esl  sûrement  pas  la  j)ro- 
priélé  exclusive  de  la  Fralernilé.  Ne  vous  laissez  donc  plus  si 
facilement  tromper  à  lavenir.  Vous  veiTez  l'Ancre  ;  vous  verrez 
l'Arche,  vous  verrez  la  Croix  ;  vous  pourrez  même  voir  la  lettre  G 
a\ï  milieu  d\\n  halo  lumineux  symbolisant  la  Divinilé  ;  vous  (croirez 
com|)rendre  tout  cela  —  votre  intelligence  n'aura  aucune  dillicullé 
à  interpréter  tout  cela  quoi  de  plus  simple  et  de  plus  évident? 
Et  cependant  vous  serez  dans  une  regrettable  erreur  si  vous  croyez 
que  le  sens  maçonnique  est  celui  que  vous  imaginez.  Pour  être  ma- 
çonnique, fixez  bien  ceci  dans  votre  esprit,  il  faut  que  le  sens  soit 
secret  ou  occulte.  Vos  interprétations  sont  les  plus  simples,  les  plus 
communes  du  monde  profane  ;  elles  manquent  de  la  qualité  carac- 
téristiijiie  requise  par  la  définition  du  Dr.  .Mackey  —  elles  ne  sont 
pas  occultes.  C'est  dans  l'Encyclopédie,  p.  50,  que  le  Dr.  Mackey 
traite  de  l'Allégorie.  11  dit  :  «  L'Allégorie  est  «  un  discours  ou  une 
narration  dans  lequel  il  y  a  un  sens  littéral  el  un  sens  figuré,  une 
signification  évidente  et  un  sens  qui  s'y  rappoite  ;  le  sens  lilléi-al 
ou  évident  ayant  pour  but  d'indiquer,  par  analogie  ou  comparaison, 
le  sens  figuré  ou  caché.  Le  caractère  d'une  allégorie  est  exactement 
exprimé  par  l'origine  grecque  du  mot  ûW/.o;  et  iyopi'jevj,  dire(|uelque 
chose  de  ditterent,  ou,  en  d'autres  termes,  s'exprimer  île  telle  façon 
que  le  langage  dise  une  chose  alors  que  le  véritable  sens  en  est  une 
autre  ». 

«  On  a  dit,  continue-t-il,  qu'il  n'y  a  pas  de  différence  essentielle 
entre  une  allégorie  et  un  symbole.  11  n'y  en  a  pas  dans  l'intention, 
mais  il  en  existe  dans  le  caractère.  On  peut  interpréter  une  allégo- 
rie suns  aucune  entente  préalable;  on  ne  peut  en  faire  autant  pour 
im  symbole.  .Vinsi  la  légende  du  troisième  degré  est  une  allégorie 
que  l'on  doit  éviilemment  interpréter  comme  enseignant  un  retour 
à  la  vie;  et  c'est  la  légende  elie-mème  qui  nous  l'apprend,  sans  qu'on 
se  soif  mis  d'accord.  La  branche  d'acacia  est  un  symbole  de  l'im- 
mortalité de  l'âme.  Mais  nous  ne  savons  ceci  que  parce  que  cette 
signification  a  été  déterminée  conventionnellemcMit  lorsque  le  sym- 
bole a  été  institué.  Il  est  ilonc  évident  tju'une  allégorie  dont  le  sens 
est  obscur  est  imparfaite.  Sa  signification  énigmalique  devrait  sin- 
terprétfM"  facilement  ;  c'est  ce  qui  a  fait  dire  au  poète  fi'ancais  Le- 
mière  :  <  Ldllcrjoiue  halnle  un  palais  diaphane  ».  —  Toutes  les  lé- 
gende^ de  la  l''ranc-Maronnerie  soid  |»lus  on  moins  allt'goritpies,  et, 
quelle  que  soit  la  part  de  vérité  cpiil  y  ail  dans  |)lusi(îurs  d'entre 
elles,  au  point  dc'  vue  historique,  elles  n'ont  d'inqiorlance  (pi'en  tant 
qu'allégories  ou  syndîoles  légendaires.  Les  Leçons  Anglaises  ont 
par  conséipient  doiuié  une  définition  très  juste  de  la  l'ranc-Maçon- 


DANS    LA    FRA\C-MAÇO-\-\ERIE    AMERICAINE  31 

nerie  en  disant  quelle  est  «  un  système  de  moralité  enveloppé  dans 
l'allégorie  et  éclairé  par  les  symboles  ». 

Ce  que  dit  notre  auteur  de  la  transparence  de  l'allégorie  ne  s'a- 
dresse qu'à  ceux  pour  qui  elle  a  été  composée:  c'est-à-dire  aux  seuls 
membres  de  la  Fraternité.  Il  est  clair,  en  elï'et,  que,  toutes  les  par- 
lies  du  système  maçonni([ue  ayant  été  expressément  inventées  pour 
empêcher  la  lumière  mat;onnique  de  venir  jusqu'à  nous,  profanes, 
qui  sommes  en  dehors  des  portiques  de  l'Art,  et  que  l'allégorie 
étant  une  partie  de  telle  importance  qu'elle  entre  dans  la  définition 
même  de  la  .Maçonnerie,  celui-là  serait  aveugle  qui  ne  voudrait  pas 
convenir  que  là  où  l'on  a  eu  l'intention  de  mettre  seulement  un 
voile  pour  les  initiés,  on  a  bien  entendu  placer  un  mur  de  bronze 
pour  nous  autres.  Mais  nous  nous  rendrons  compte  de  ceci  de  mieux 
en  mieux, à  mesure  que  nous  avancerons  dans  notre  étude. 

Peut-être  pensez-vous,  cher  lecteur,  que  nous  avons  trop  insisté 
sur  le  «  secret»  des  symboles  maçonniques,  et  nous  ne  songeons  pas 
à  vous  blâmer  de  la  naïveté  de  votrejugement.  Non  seulement  notre 
auteur  nous  dit  exactement  la  même  chose,  mais  il  va  jus({u'à  nous 
donner  un  exemple  :  «  Une  allégorie,  dit-il,  peut  être  interprétée 
sans  qu'il  y  ait  eu  entente  préalable,  mais  un  symbole  ne  le  peut 
pas  ».  «  La  branche  d'acacia  est  un  symbole  de  l'immortalité  de 
l'âme.  Mais  nous  ne  savons  cela  que  parce  que  cette  signification  a 
été  conventionnellemenl  déterminée  lorsque  le  symbole  a  été  ins- 
titué ».  Ce  n'est  donc  pas  parce  que  l'acacia  est  toujours  vert  qu'il 
représente  l'immortalité  maçonnique  de  l'àme  ;  ce  n'est  pas  non 
plus,  comme  le  prétend  Ragon,  '  à  cause  de  l'incorruptibilité  de  son 
bois  ;  car  ces  deux  raisons  sont  tirées  de  la  nature  du  bois  et  non 
d'un  accord,  d'une  convention.  Nous,  les  profanes,  interprétons 
ainsi  ce  symbole.  C'est  l'interprétation  courante,  simple,  évidente, 
qui  se  présente  d'elle-même  à  l'esprit.  Nous  pensions  naïvement 
que  telle  était  celle  que  lui  attribuait  la  Maçonnerie.  C'est,  en  effet, 
de  telle  sorte  qn'elle  interprétait  pour  nous  le  symbole.  Nous  avions 
tout  naturellement  confiance  en  elle,  car  nous  n'avions  pas  appris 
que  la  Maçonnerie,  sans  aucun  scrupule  de  conscience,  bien  mieux, 
pour  imiter  ce  qu'elle  prétend  être  la  conduite  de  Dieu  envers  les 
hommes,  induit  intentionnellement  en  erreur  ses  propres  membres; 
nous  n'avions  pas  appris  qu'un  «  emblème  »,  pour  être  maçonnique, 
devait  être  occulte,  et  nous  étions  dans  l'heureuse  ignorance  du  fait 
que  le  sens  maçonnique  est  purement  conventionnel  ;  c'est  une 
question  d'entente  préalable. 

«   Il    appartient  à  chaque   Maçon    individuellement,   dit   le   F.". 

1.  Encyclopaadia,  p.  r)6. 


30  DES    MOYENS    n'iNSTRUCTlON 

Pike'  .  lie  découvrir  le  secret  de  la  Maçonnerie  par  la  réflexion  sur 
ses  symboles  et  par  une  considération  et  une  analyse  approfondies 
de  ce  qui  se  dit  et  se  fait  dans  l'œuvre.  La  Maçonnerie  n'inculque 
pas  ses  vérités.  Elle  les  énonce  une  ibis  pour  toutes  et  brièvement  ; 
on  V  fait  allusion  peut-être  obscurément  ;  on  interpose  un  nuage 
entre  elles  et  les  yeux  qu'elles  éblouiraient.  «  Cherchez,  et  vous 
trouverez  la  science  et  la  vérité  -  ». 

Et  encore'':  «  Ces  degrés  ont  également  pour  but  d'enseigner /:)/us 
que  la  morale.  Les  si/mboles  et  cérémonies  de  la  Maçonnerie  ont  plus 
d'une  signification.  Ils  cachent  la  ^'érité  plutôt  qu'ils  ne  la  dévoilenti 
ou  tout  au  moins  ils  se  bornent  à  y  faire  allusion,  et  leurs  signifi- 
cations variées  ne  peuvent  être  découvertes  que  par  la  réflexion  et 
l'étude*  ». 

L'Apprenti  enrôlé,  le  novice  en  Maçonnerie  lui-même,  est  mis  sur 
ses  gardes  par  la  Maçonnerie. 

<(  Il  faut  avouer,  dit  le  Ritualiste  Maçonnique,  p.  41,  que  bien  des 
interprétations  données  dans  cette  section  (la  seconde  de  la  leçon) 
sont  insuffisantes  pour  l'esprit  cultivé  et  semblent  avoir  été  adoptées 
d'après  le  principe  des  anciens  Egyptiens,  qui  employaient  les  sym- 
boles pour  cacher  plutôt  que  pour  exprimer  leurs  pensées  ». 

Ces  te.\tes  sont  certes  suflisants  pour  nous  mettre  à  notre  tour 
'sur  nos  gardes,  car  celui  qu'ils  n'instruiront  pas  est  privé  de  la 
faculté  de  pouvoir  s'instruire.  Attend-il  que  la  Maçonnerie  lui 
nculque  la  vérité?  Il  attendra  en  vain  1  «  La  Maçonnerie  n  inculque 
pas  ses  vérités.  Elle  les  énonce  une  fois  pour  toutes,  et  brièvement», 
dit   le  F.-.   Pike  ^   L'italique  n'est  pas  de  nous,  mais  de  lui. 

Convenons  en  toute  franchise  que  les  moyens  choisis  par  la  Fra- 
ternité pour  communiquer  ses  doctrines  sont  admirablement  adap- 
tés au  but  qu'elle  se  propose.  Car,  outre  la  beauté  et  la  force  inhé- 
rentes au  symbole  et  à  l'allégorie,  la  nature  indéfinie  de  l'un  et  de 
l'autre  prête  à  leur  faire  couvi'ir  facilement  une  grande  variété  de 
significations,  et,  par  là  même,  donne  libre  cours  à  une  infinité 
d'applications;  ils  enseigneront  ainsi  une  (|uantilé  de  leçons  vai'iées 
dans  les  différents  degrés. 

Ce  vague  est  d'ailleurs  la  ii^arauiie  la  [)liis  sine  du  secret  ;  car,  en 
piésenfanl  au  monde  ses  symboles,  la  Ma<;onnerie  semble  s'exposer 
elle-même  au  grand  jour.  Elle  peut  en  appchM-  à  ses  symboles  comme 

I.  .Mnrnl.f  and  lioijnui,  j).  '21S. 
•2.  I.il.ili(|ue  csl  «le  l^itvt'. 
;{.  .Mnrdl.t  and  I)o<jma,  p.  1-18. 

J.  ,\  |);irl  les  mots  raclienl  el  dévoilent,  c  est  nous  (jni  soulignons  ici. 
r>.  l't  auitni.  ' 


DANS    LA    FRANC-MAÇONNERÏE    AMERICAINE  Oo 

à  ses  témoins,  en  les  montrant  du  doigt  avec  orgueil.  Ne  voyez-vous  pas 
la  croix?  Ne  voyez-vous  pas  la  couronne?  Ne  voyez-vous  pas  leur  union? 
Ne  savez-voLis  pas  cpie  «  celui  qui  porte  la  croix  portera  la  couronne?» 
Mais  est-ce  là  le  sens  macjonnique  ?  Ah  I  voilà  qui  est  tout  autre 
chose. 

C'est  ainsi  que  la  Maçonnerie  est  à  même  dincuhjuer  plus  d'une 
leçon  pleine  de  beauté  et  d'attrait,  qui,  précisément  parce  qu'elles 
sont  «  inculquées  »,  ne  sont  pas  vraiment  maçonniques,  caries  vé- 
rités maçonniques  ne  sont  qu'  «  énoncées  »,et  on  n'y  fait  qu'une  al- 
lusion qui  peut  être  obscure  ».  Elle  réussit  de  celte  façon  à  s'atti- 
rer les  sympathies  et  l'appui  des  profanes  ignorants  qui  croiront 
en  toute  simplicité  que  les  symboles  n'ont  d'autre  importance  que 
celle  que  le  reste  de  l'humanité  leur  attribue.  Elle  aveugle  par  ce 
moyen  les  membres  des  grades  inférieurs  en  paiaissanl  expliquer 
ce  qu'elle  n'explique  point  ;  et,  en  les  familiarisant  avec  des  symbo- 
les dont  ils  ne  peuvent  soupçonner  l'étendue,  elle  les  prépare  à  une 
luanifestalion  ultérieure,  si  elle  la  juge  prudente,  on  elle  les  laisse 
dans  une  douce  ignorance,  si  elle  croit  que  ses  cancUdals  ne  i)Our- 
raient  supporter  la  plénitude  de  la  lumière.  Maintenant,  si  à  l'incer- 
tain qui  s'attache  naturellement  aux  s}mboles  et  à  l'allégorie,  vous 
ajoutez  celui  qui  provient  d'une  simple  convention  humaine  —  du 
commun  accord  des  })arliesqui  instituent  le  symboh»  —  vous  vous 
rendrez  compte  sur  le  champ  du  nond>re  intiniment  accru  des  si- 
gnifications que  peut  contenir  le  symbole,  en  même  temps  que  de 
la  difficulté  que  ceux  qui  ne  sont  pas  instruits  peuvent  avoir  à  en 
pénétrer  le  véritable  sens. 

Mais  il  est  probable  que  nous  parviendrons  mieux  à  vous  faire 
saisir  cette  idée  en  citant  le  Dr.  Mackey,  qui  est  évidemment  plus 
versé  que  nous  dans  ce  sujet. 

«  D'après  Porphyre,  dit-il,  la  ditïérence  qui  existait  entre 
l'écriture  hiéroglyphique  et  l'écriture  symbolique  des  Egyptiens, 
consistait  en  ce  que  la  première  exprimait  le  sens  par  une  imitation 
de  la  chose  représentée:  la  fumée, par  exemple, indiquaillefeu  ;  Inndis 
que  la  seconde  présentait  une  allégorie  du  sujet  par  une  énigme  :  un 
faucon  représentait  généralement  le  soleil,  une  mouche  exprimait 
l'impudence.  La  première  de  ces  méthodes  était  à  la  portée  de  tous 
ceux  qui  voulaient  l'apprendre  ;  l'autre  était  réservée  aux  prêtres 
dans  le  but  de  servir  à  l'instruction  mystique  ;  et  elle  était,  comme 
je  l'ai  déjà  dit,  communiquée  aux  seuls  initiés*  ».  Les  preuves 
abondent  pour  démontrer  combien  le  système  énigmatique,  ren- 
dait tonte  découverte  difficile  aux   non-initiés  et  combien  il  voihut 

1.  Lexicon  of  Freemasonry,  p.  467. 


'M  ni:S   MOYENS   dinstrlction 

soigueuseineiil  les  iiléos  qui  dovaienl  rosier  cachées. (jiiclle  hililude 
il  laissai!  à  riiilcrprctalioii  1 

Un  aiili'e  avanlaiifc.  qui  nesl  pas  des  moiudres  —  clant  donné  la 
valeur  justement  attachée  aux  commentaires  maçonniques  —  est 
(juil  accorde  à  l'écrivain  maçon  un  champ  d'action  plus  vaste  el 
une  liberté  d'interprétation  à  laquelle  il  aurait  dillicilement  pu  pré- 
tendre s'il  en  eût  été  dilTéreminenl.  Car,  outre  l'avantage  qu'il  a  de 
communiquer  la  science  aux  initiés  tout  en  laissant  les  non-initiés 
dans  la  plus  profonde  ignorance  des  doctrines  [)articulières  de  l'Or- 
dre, l'auteur  maçonuiipie  peut  énumérer  les  dilTérents  sens  attri- 
bués en  des  temps  dillerenls,  par  dillerentes  personnes,  au  symbole 
en  question,  sans  qu'il  soit  obligé  de  paraître  pencher  pour  l'un 
plutôt  que  pour  l'autre.  Chaque  lecteur  peut  choisir  sa  propre  inter- 
prétation suivant  le  sens  qui  lui  est  commvmiqué  oralement  dans  la 
Loge  ;  quant  au  profane  bénévole,  il  se  demandera  quel  intérêt  la 
Maçonnerie  peut  avoir  à  communiquer  à  ses  fidèles  certaines  inter- 
prétations, et,  se  plaçant  à  un  point  de  vue  chrétien,  s'il  est  chré- 
tien, il  supposera  que  ces  interprétations  sont  tout  simplement 
données  à  titre  de  document  littéraire,  et  non  comme  des  parties 
intégrales  et  essentielles  du  système  maçonni(pie.  Quelques 
exemples  éclairciront  ce  i)oinl.  Prenons,  entre  autres,  le  symbole 
de  la  Rose. 

«  Le  symbolisme  de  la  rose,  parmi  les  anciens,  était  double,  dit 
notre  auteur.  Premièrement,  comme  elle  était  dédiée  à  \'énus  eu 
tant  que  déesse  de  l'amour,  elle  devint  le  symbole  du  secret;  de  là 
vint  l'expression  «  sous  la  rose  »  pour  indiquer  ce  qui  avait  été  dit 
en  confidence.  Puis,  comme  elle  avait  été  dédiée  à  Vénus  person- 
nifiant la  force  génératrice  de  la  nature,  elle  devint  le  symbole  de 
l'immortalité.  C'est  avec  ce  dernier  sens,  plus  caché,  (pie,  dans  le 
symbolisme  chrétien,  elle  fut  l'emblème  du  Christ, par  cpii  ■<  la  vie 
el  l'immorlaHlé  furent  apportées  à  la  lumière  >'.  La  «  rose  de 
Saron  »,  dans  le  Cantique  des  Cantiques,  a  de  tout  temps  repré- 
senté le  Christ,  el  c'est  pourquoi  l'uller  '  l'appelle  «  cette  rose  el  ce 
lis  en  pleine  floraison  ». 

"  (Jiesl  ainsi  que  nous  saisissons,  ajoule-l-il,  le  sens  de  la  rose  sur 
la  croix  comme  faisant  partie  du  bijou  «lu  degré  de  Hose-C-roix. 
Heghellini  -,  après  avoir  montré  (pranciciniemcnt  la  rose  était  le 
symbole  du  secret,  el  la  croix  celui  de  l'immortalité,  dit  (jne  le 
doid)le  symbole  de  la  rose  posée  sur  la  croix  a  toujours  signitié 
le    secret  de  I  iiiiniorlalité.     lîagon   partage    celle    opinion   el    dit 

1.  i'istfiili  Siijlil  of  J'itlesliiie. 
'î.    1  .  "l,  1).  ris. 


DANS    LA    FRANC-MAÇONNERIE    AMERICAINE  35 

({lie  c'est  la  manière  la  plus  simple  de  présenler  ce  dogme.  Mais  il 
donne  par  la  suile  une  explication  diiTérenle,  disant  que,  comme  la 
rose  était  l'emblème  du  principe  féminin,  et  la  croix  ou  triple 
phallus  celui  du  mâle,  les  deux  ensemble,  de  même  (pie  le  ><  lingam  » 
indien,  symbolisaient  la  génération  universelle.  iMais  Ragon,  qui  a 
adopté  la  théorie  de  l'origine  astronomique  de  la  Franc-Maçonnerie, 
porte  souvent,  comme  tous  les  théoriciens,  ses  spéculations  sur  ce 
sujet  à  un  point  extrême.  Une  interprétation  plus  simple  conviendra 
mieux  au  caractère  et  aux  enseignements  de  ce  degré  dans  son 
organisation  moderne.  La  rose  est  le  symbole  du  Christ  et  la  croix 
est  le  symbole  de  sa  mort.  Les  deux  réunis  —  la  rose  suspendue  sur 
la  croix  —  signifient  sa  mort  sur  la  croiv.  par  hiquelle  le  secret  de 
rjmmortalité  fut  enseigné  au  monde.  En  un  mol.  la  rose  sur  la 
croix,  c'est  le  Christ  crucifié  '». 

Nuus  avons  ici  un  symbolisme  ({ui  commence  à  Vénus  et  finit  au 
Christ.  Les  points  extrêmes  sont  assez  éloignés  l'un  de  l'autre  pour 
laisser  le  champ  libre  à  une  multitude  innombrable  d'interpré- 
tations, au  choix  de  l'interprète.  Le  Dr.  Mackey  nous  dit  (jue 
Ragon,  comme  tous  les  théoriciens,  porte  trop  loin  ses  spécu- 
lations ;  il  ne  dit  pas  cependant  que  tel  est  ici  le  cas.  Mais  nous 
parlerons  plus  au  long  de  ce  symbolisme  en  temps  voulu. 

En  dépit  de  l'allirmation  positive  du  Dr.  Mackey  sur  la  nature 
chrétienne  du  grade  de  Rose-Croix,  nous  sommes  obligé  de  mettre 
en  doute  la  sincérité  de  sa  doctrine  jugée  au  vrai  point  de  vue  ma- 
çonnique. Le  seul  fait  d'être  si  simplement  inculquée  lui  enlève 
son  cachet  de  sincérité  ;  »  les  vraies,  les  profondes  doctrines  de 
la  Maç(jnnerie  ne  sont  pas  incidquées  ;  on  y  fait  simplemenl  al- 
lusion -  ■•. 

Mais,  de  peui-  que  noire  lecleur  ne  puisse  croii'e  qu'apiès  tout, 
nous  insistons  trop  sur  ce  principe  et  ([ue  nous  donnons  trop  d'im- 
portance à  un  point  qui  pounail  nalurellement  admettre  des  excep- 
tions, nous  allons  appeler  à  notre  aide  le  F.-.  Pike,  qui  écrit  ex 
professa  sur  ce  sujet  : 

«  (^.hacun  de  nous  l'ail  Idle  ap|)licali()ii  qu'il  juge  convenable  des 
symboles  et  cérémonies  de  ce  degré  (Chevalier  Rose-Croix,  le  18" 
du  Rite  Ecossais  Ancien  et  Acceptera  sa  proi)re  foi  et  à  son  pro{>re 
evedii...  C'est  comme  dans  la  légende  du  Maître  Khurum,  où  les  uns 
voient  la  condamnation  et  les  soulTrances  du  Christ  figurées.; 
d'autres,  celles  de  l'infortuné  (irand  Maître  des  Templiers;  d'autres 
encore,    celles  de  Cliarles  F',   roi  d'Angleterre,  et  d'autres  enfin, 

1.  Encyclopaedia,  pp.  (>58-()59. 
?.   Plus  hnuf    p.  32. 


36  PES    MOYENS    d'iNSTRICTION 

la  descente  annuelle  du  Soleil  au  solslice  d'hiviM-  dans  les  régions 
des  ténèbres,  qui  fui  la  base  de  plus  d'une  léii:en(le  aulicjuo.  Ainsi, 
les  cérémonies  de  ce  degré  sont  expliquées  de  façons  dilTéreules  ; 
chacun  les  interprétant  à  sa  guise  et  admettant  sans  peine  l'inter- 
prétation daulrui  ». 

«  Sans  cela,  continue-l-il,  la  Maçonnerie  ne  jioiurnil  })as  posséder 
son  caractère  d'Universalité,  ce  caractère  (pii  lui  a  toujours  été 
particulier  depuis  son  origine'».  L'explication  de  nature  essentielle- 
ment chrétienne  donnée  par  le  Dr.  Mackey  comme  étant  la  seule 
vraie  n'a  donc  en  fait  aucun  fondement.  N'importe  quelle  autre  est 
maçonniquement  aussi  légitime.  Nous  n'en  dirons  pas  plus  long 
quant  à  présent. 

Pike  dit  encore,  à  la  page  290  :  «  Si,  en  quelque  endroit,  les 
frères  dune  religion  particulière  ont  été  exclus  de  ce  grade  (celui 
de  Rose-Croix),  cela  montre  simplement  combien  le  plan  et  les  fins 
de  la  Maçonnerie  peuvent  être  gravement  incompris,  ("ar.  du 
moment  où  un  degré  quelconque  ferme  sa  porte  à  celui  ({ui  croit 
en  un  seul  Dieu  et  à  l'immortalité  de  l'àme.  en  prenant  prétexte  des 
autres  prinei[>es  de  sa  foi,  ce  degré  n'est  plus  la  Maçonnerie.  Aucun 
Maçon  n'a  le  droit  d'imposer  à  un  autre  son  interprétation  des 
symboles  de  ce  degré  ou  de  lui  en  refuser  les  mystères  pour  le  seul 
motif  qu'il  n'admet  pas  avec  eux  l'explication  et  le  commentaire  sur- 
ajoutés ".  Le  grade  n'est  donc  pas  essentiellement  chrétien.  S'il 
était  restreint  à  la  chrétienté,  il  ne  serait  plus  la  Maçonnerie, ce  que 
le  F.-.    Mackey  sait  tout  aussi  bien  que  le    F.-.  Pike. 

«  Ecoutez,  mon  Frère,  ajoute  le  F.-.  Pike,  noire  explication  des 
symboles  du  degré,  puis  donnez-leur  alors  telle  interprétation  plus 
complète  que  vous  jugerez  à  propos  ». 

Voici  son  explication: 

«  La  Croix,  dit-il.  a  élé  un  symlx^le  saeié  de[)uis  la  plus  haute 
antiipiilé.  Ou  la  trouve  sur  tous  les  monuments  durables  du  monde, 
en  Ei^vpte,  en  As.syrie,  dans  l'Inde,  en  Perse  et  sur  les  tours 
bo\iddhiques  de  l'Irlande.  On  a  dit  que  liouddha  était  mort  en 
croix.  Les  Druides  coupaient  un  chftne,  en  formaient  une  croix  et 
la  regardaient  comme  sacrée  ;  ils  donnaient  à  leurs  temples  la 
forme  de  la  croix.  Par  ses  extrémités  dirigées  vers  les  quatre  points 
cardinaux,  elle  symbolisait  la  nature  universelle  C'est  sur  un  arbre 
cruciforme  que  Chrishna  expira,  tlit-on,  percé  de  llèches.  On  le  véné- 
rait au  Mexique  '^  ». 

Si  le  degré  était  essentiellement  chrétien,  comme  nous  le  dit  le 

1.  Morals  and  Dogma,  p.  276. 

2.  L  italique  est  de  Pil^e.  romme  plug  liaut. 


DANS    LA    FfiANC-MAÇONNERIE    AMERICAINE  3/ 

Dr.  Mackey,  et  si  la  rose  était  le  Christ  qui  périt  sur  la  croix, 
romission  du  nom  du  Rédempteur  dans  l'énumération  du 
F.-.  Pike  serait  inexplicable.  Mais  nous  n'avons  pas  besoin 
d'explication  ;  le  degré  nest  pas  chrétien.  Il  est  de  fait  si 
peu  chrétien  que,  tandis  que  le  nom  de  Chrishna  est  mentionné  — 
est-ce  parce  que  pour  les  initiés  Chrishna  est  le  prototype  dont 
le  Christ  chrétien  n'est  qu'une  modification  subséquente?  — 
celui  du  Christ  est  complètement  omis.  Une  allusion  sullit  à 
rhomme  intelligent;  n'insistons  pas  sur  ce  point  maintenant.  Nous 
ne  voulons  qu'éclaircir  l'emploi  du  symbolisme  maçonnique. 

Vous  êtes  chrétien;  cher  lecteur, peut-être  même  êtes-vous  catho- 
lique et  révérez- vous  la  croix.Vous  la  révérez,  non  pas  à  cause  de  sa 
forme,  mais  parce  qu'elle  représente  le  gibet  sur  lequel  le  Christ 
mourut  pour  racheter  les  hommes.  C'est  uniquement  pour  cela  que 
vous  la  révérez  et  non  pour  autre  chose.  Entrez  dans  une  Loge 
de  Chevaliers  Rose-Croix.  Là,  bien  en  vue,  au-dessus  du  siège  du 
Maître,  vous  apercevez  la  croix,  et,  sur  la  croix,  les  lettres  LN.R.L, 
et  vous  vous  écriez  :  «  Ah  !  voici  sûrement  un  emblème  chi'étien,  et 
qui  plus  est,  le  voilà  placé  bien  en  vue,  à  la  place  d'honneur  ;  cet 
emblème  est  indéniablement  et  distinctement  chrétien  ;  car,  même 
alors  que  la  croix  pourrait  ne  pas  l'être,  les  initiales  qu'elle  porte, 
initiales  des  mots  écrits  sur  la  croix  du  Sauveur,  lui  donnent  un 
caractère  auquel  nul  ne  peut  se  méprendre  ».  —  Etes-vous  svir 
de  tout  ceci  ?  vous  demanderons-nous.  Ne  peut-on  s'y  méprendre? 
N'y  aurait-il  pas  quelque  signification  maçonnique  attachée  au  sym- 
bole? Souvenez-vous,  n'est-ce  pas,  qu'on  nous  a  déjà  éclairés  et  mis 
sur  nos  gardes  a  ce  sujet.  Vous  souriez,  contiant  dans  votre  savoir. 
Que  le  F.-.  Pike  ne  se  lasse  pas  de  nous  instruire,  quoique,  hélas  1 
vous  vous  montriez  récalcitrant. 

«  Bien  des  interprétations,  dit-il,  ont  été  données  au  mot  INRI 
(il  ne  parle  pas  d'initialesj  inscrit  sur  la  CruxAnsala  croix  ansée)  sus- 
pendue au-dessus  du  siège  du  Maître.  Le  Chrétien  Initiéy  voit  révé- 
rencieusement  les  initiales  de  l'inscription  de  la  croix  sur  laquelle  le 
Christmourut.  —  lesusXazai^enus  Rex ludxorum.'Les  sages  de  l'an- 
tiquité la  regardaient  comme  l'un  des  plus  grands  secrets  de  la  Na- 
ture, celui  delà  régénérationuniverselle.  Us  l'interprétaient  ainsi  i/gr/je 
natiira  renouatur  intégra  (la  nature  tout  entière  est  renouvelée  parle 
feu).  Les  Maçons  H-^rmétistes  ou  Alchimistes  inventèrent  pour  lui 
cet  aphorisme  :  Igné  nitriim  roris  invenitur.  Et  on  accuse  les  Jé- 
suites de  lui  avoir  apjjliqué  cet  odieux  axiome  :  lustum  necare  reges 
impios.  Les  quatre  lettres  sont  les  initiales  des  mots  hébraïques 
qui  nomment  les  quatre  éléments —  /amw/m, les  mers,  l'eau  ;  Nour, 
le  feu  ;  fiouach,  l'air  :  et  lehesrhah.  la  ferre  sèche.  Je  n'ai  pas  be- 


38  DES    MOYENS    d'iNSTR  ICTION 

soin  de  répéler  ici  comment  nous  l'interprélons  '  ».  Vous  qui  étiez 
si  sûr  de  votre  sig^ne,  lecteur,  approndrez-vous  à  douter  ?  Vous 
pouvez  le  prendre  pour  un  signe  chrétien  si  vous  le  désirez.  On  peut 
y  voir  :  lesus  \azarenus  Bex  /ur/cTorum,  Jésus  de  Nazareth,  Roi  des 
Juifs.  Mais  c'est  là  une  inlerprétalion  commune;  or,  le  monde  profane 
est  exclu  de  la  lumière  ma(;onnique.  Cette  interprétation  mancpie, 
par  conséquent,  du  cachet  de  la  vérilé  maçonnique,  car  1"  elle  est 
claire  et  simple,  et  non  occulte, et  2"  tout  le  monde  la  connaît,  donc 
elle  n'est  pas  exclusivement  maçonnique 

La  seconde  interprétation  se  rapproche  du  point  où  ils  veulent  en 
venir.  Pcul-ètre  lentendez-vous  [)ourla  première  fois.  Vous  ne  vous 
èles  jamais  imaginé  que  I.  N.  1«.  1.  pouvait  signifier  autre  chose 
que  ce  ipie  vous  aviez  toujoius  cru  :  «  Jésus  de  Nazareth,  Roi  des 
Juils  ».  Les  sages  de  lantiijuité,  nous  dit-on.  pensaient  différem- 
ment. Ouels  sont  ces  sages  ?  On  ne  nous  le  dit  i)as  :  -<  La  Maçon- 
nerie n'inculque  pas  ses  vérités,  elle  les  énonce  ».  De  quelle  anti- 
<|uité  esl-il  cpiestion  ?  Le  terme  esl  ambigu.  S'agit-il  des  temps  qui 
ont  précédéravènemenlduChrist?Aucunsagen'a  parlédel'I.N.R.L, 
ni  ne  la  proposé  comme  étant  le  Symbole  de  la  maxime  :  Igné  na- 
iura  renovaiiir  intégra.  Cette  maxime  et  sa  signitication  ont  été 
transformées  en  symbole  par  ceux  qui  sont  venus  après  le  Sauveur, 
ce  que  le  F.-.  Pike  sait  très  bien  ;les  initiales  des  mots  inscrits  sur 
la  croix  n'ont  pu  être  copiées  sur  cette  phrase  et  ne  peuvent  en  pro- 
venir. Mais  pcul-ètie  aimeriez-vous  à  savoir  (|uel  profond  secret  ces 
sages  ont  tiré  du  symbole  quand  ils  l'ont  «rapproché», comme  l'ad- 
met notre  auteur  lui-même, de  l'inscription  de  la  croix:  «  La  nature 
entière  est  renouvelée  par  le  feu  ».  C'est  par  la  chaleur  tlu  feu  que 
les  métaux  qui  représentent  le  règne  minéral,  sont  alVinés  et  soudés 
ensemble  ;  c'est  par  la  chaleur  du  soleil  que  les  Heurs,  les  plantes 
et  tout  le  règne  végétal  profitent  et  reprodiu'sent  lein's  espèces  ; 
c'est  |)ar  la  chaleur  du  désii-  sensuel  (|ue  le  règne  animal  est  renou- 
velé ;  et  c  est  de  la  concupiscence  (pie  la  race  iiinnaine  est  sortie  ; 
c'est  le  feu  des  passions,  comnu*  nous  allons  le  déinontrer.  (pie  ces 
sages  ont  \u  dans  le  symbole  de  la  croix. 

Car,  bien  tpu'  le  !•'.■.  PiUe  peiiiiclte  généreusement  à  cluKpie 
frère  d'interpréter  la  croix  el  >ou  inscription  à  sa  guise,  celte  inter- 
piétation,  jiour  être  viaie.  doit  èlre  d'accord  avec  la  sienne  propre, 
car  la  ci'oix  du  grade  de  Rose-Croix  a  un  seii>  ipu  lui  est  inulicu- 
licr;  et  notre  lecteur  sera  surpris  en  voyant  (piels  ra|)poils  étroits 
il  y  a  entre  le  principe  des  prétendus  sages  et  la  croix  du  degré. 

1.  Morals  iinil  l)<i</mii.  \i.  ■,".•! .   I.r>  mioI-  m  il.ilii|iif  -imt  <lo  l'iKr. 


DANS    LA    FRANC-MAÇONNEHIE    AMÉRICAINK  89 

«  Mais  son  sens  parliciiliei-  dans  ce  decré.  o'it  le  F.-.  Pike,  à  la 
page  290  de  l'ouvrage  cité,  est  eeliii  (jue  lui  doniient  les  Anciens 
Kgvplicns  :  «  Tholh  ou  Phi  ha  est  leprésenté  sur  les  monuments  de 
la  plus  haute  antiquité,  portant  dans  la  main  la  Crux  Ansaia  ou 
Ankh  (une  croix  en  forme  de  Tau,  surmonh  e  d'un  anneau  ou  cer- 
cle). C'est  ainsi  qu'on  le  voit  sur  la  double  tablette  de  Shufu  et  de 
Noh  Shufu,  qui  élevèrent  la  plus  haute  des  Pyramides,  à  ^^'ady 
Meghara,  dans  la  presqu'île  du  Sinaï.  C'était  l'hiéroglyphe  de  la  vie 
qui,  précédé  du  triangle  comme  préfixe,  signifiait  qui  donne  la  vie. 
Donc,  pour  nous,  la  croix  est  le  symbole  de  la  Vie  —  de  cette  vie 
qui  émana  de  la  Divinité  et  de  celle  Vie  Eternelle  que  nous  espé- 
rons tous  posséder,  ayant  foi  en  la  bonté  infinie  de  Dieu  ». 

Sans  nous  laisser  impressionner  pour  l'instant  par  la  piété  appa- 
rente de  notre  auteur,  ni  sans  la  metlre  en  doute,  cherchons  à  faire 
la  lumière  sur  la  nature  de  la  croix,  la  Cvax  Ansata,  particulière  à 
ce  degré;  car  ce  n'est  pas  la  croix  ilu  Christ  telle  que  l'entendent 
les  Chrétiens,  puisqu'elle  en  dilfère  j^ar  sa  forme;  quant  à  son  sens 
«  particulier  »,  il  nous  le  faudra  demander  au  dieu  Tholh  ou  Phlha 
des  Anciens  Egyptiens. 

«  Phlha,  dit  le  F.-.  McClenachan  dans  son  Addendum  à  VEncy- 
clopa-dia  du  Dr.  Mackey.  p.  941,  en  expliquant  le  symbolisme  de  la 
la  couleur  verte,  était  le  dieu  égyptien  Créateur  du  monde  :  on  le 
représentait  parfois  la  chair  peinte  en  vert  et  tenant  un  sceptre  à 
quatre  couleurs,  rouge,  bleu,  vert  et  jaune;  le  feu,  l'air,  l'eau  et  la 
terre  ».  Il  s'agit  donc,  d'après  l'idée  égyptienne,  de  la  création  — 
et  non  de  la  rédemption  de  l'homme.  La  Crux  Ansaia  se  rattache 
au  commencement  de  la  vie.  L'I.jV.R.'I.  qui  est  dessus  serait,  selon 
cette  même  idée,  lammim,  l'eau  ;  A'our,  le  feu  ;  Bouacli,  l'air;  et 
lebescliah,  la  terre  ;  les  quatre  éléments  de  la  nature  universelle. 

Mais  le  F.-.  Pike  lui-même  ne  veut  pas  nous  laisser  sans  lumière 
sur  un  sujet  auquel  on  a  fait  une  allusion  obscure.  Il  nous  faut  aller 
à  une  autre  page  de  son  intéressant  ouvrage,  où  il  parle  d'Amun,  le 
dieu  suprême  des  Egyptiens,  et  des  manifestations  d'Amun  '. 

•  Il  ne  créa  rien,  dit  notre  auteur,  mais  tout  émana  de  lui  ;  et 
tous  les  autres  dieux  ne  furent  que  ses  manifestations  » La  Puis- 
sance créatrice ,  autre  manifestation  de  la  Divinité,  qui  produi- 
sit l'univers  par  son  Verbe,  est  symbolisée  par  un  œuf  sortant  de  la 
bouche  de  K.neph  ;  de  cet  œuf  naquit  Phtha,  image  de  l'Intelligence 
Suprême  telle  qu'elle  est  réalisée  dans  le  monde,  et  qui  est  le  type 
de  celle  qui  se  manifeste  chez  l'homme  ;  Phtha  est  également  le 
principal  agent  de  la  Nature,  ou  le  Feu  créateur  et  producteur  >*. 

1.  Morals  and  Doijtna,  p.  251. 


40  PES    MOYENS    d'iNSTRICTION 

Ainsi,  cher  lecleur,  en  allant  à  Phlha.  symbolisé  par  la  Crux  An- 
sata,  nous  avons  trouvé  que  celJe-ci  ne  signifie  pas  le  Christ,  mais 
le  feu  créateur  el  producteur  de  la  Nature,  et  nous  sommes  tout 
étonnés  de  trouver  le  sens  occulte  d"I.  N.  H.  I.  :  Igné  natura  renova- 
tur  intégra.  Tel  est  le  symholisnie,  telles  sont  quelques-unes  des 
leçons  des  plus  hauts  degrés  de  la  .Maçonnerie.  Si  vous  voulez  in- 
terpréter les  symboles  autrement,  vous  pouvez  le  l'aire.  La  Ma»;on- 
nerie  est  clémente  à  votre  ignorance  ;  mais  si  vous  prêtez  l'oreille 
aux  maîtres  autorisés  qui  connaissent  les  leçons  «  particulières  » 
destinées  à  être  communiquées  dans  les  divers  degrés,  vous  n'attri- 
buerez pas  (les  interprétations  évidentes  à  des  symboles  qui  sont 
inlentionnellemenl  occultes,  i  L'italique  est  de  Pike). 

Prendre  au  sérieux  ce  que  les  ennemis  des  Jésuites  ont  dit  être 
rinterprétalion  que  donne  lOrdre  aux  initiales  I.  N.  R.  1.  serait 
leur  faire  trop  dhonneur.  Une  assertion  aussi  gravement  inl'àme 
réclame  une  autre  paternité  que  celle  du  douteux  «  On  dit  >',  pour 
tenir  debout  devant  un  tribunal  quelcompie.  Une  langue  sans  scru- 
pule peut  dire  n'importe  quoi,  et  tout  d'abonl  :  «  On  dit...  »  Mais 
a-t-on  (lit  justcnienl  ".'Oui  a  dit  ?  Sur  quel  l'ondemcnt  ?  Tout  cela 
n'est  pas  contenu  dans  le  simple  «  On  dit  ».  De  plus,  ce  principe 
laussement  attribué  aux  Jésuites  '  a  été  soutenu  et  même  étendu 
par  quelques-uns  des  propres  Frères  de  Pike,  si  nous  en  croyons 
Pike.,lui-même  ;  car  d'après  lui-,  «  Elle  (la  Maçonnerie)  aida  au 
soulèvement  de  la  l'évolution  Française,  »  dont  le  principe  fonda- 
mental n'était  pas  uniquement  :  on  a  «  le  droit  de  tuer  les  rois  im- 
pies »,  mais  «  de  tuer  tous  les  rois  »,  et  non  seulement  les  rois,  mais 
les  reines  et  leur  famille.  Nous  traiterons  cependant  la  Fraternité 
plus  loyalement  que  le  F.-.  Pike  n'a  traité  les  Jésuites;  et  même, 
s'il  nous  oblige  à  condamner  les  Maçons  français  pour  avoir  aidé 
à  produire  la  Révolution  qui  n'avait  pas  seulement  adopté  ce  principe, 
mais  qui  le  mettait  en  pratique,  nous  ne  l'attribuerons  pas  par  un 
simple  •"  On  dit  »  aux  «  Frères  »  américains. 

Tel  est  donc  le  symbolisme  si  important  pour  la  Maçonnerie,  qui 
lui  est  essentiel,  si  nous  en  croyons  le  Dr.  Mackey. 

«C'est, dit-il, ce  caractèi-e  jtarliculicr  d'enseignement  syniboii(|ue, 
cette  entière  adoption  Av  la  intlliDilc  d'instruction  par  le  symbo- 
lisme <pii  donne  à  la  l'ranc-Maçoimei  ie  sa  nature  propre,  et  qui 
fait  (pi'elle  dilïère  de  toute  autre  association  inventée  par  l'esprit 
humain.  C'est  encore  à  lui  qu'elle  doit  sa  perpétuité  el  cette  forme 
allrayanle  qui  lui  a  loujoiirs  conquis  rattachement  de  ses  disciples  ». 

1.  \<iir  hi  lin.  Jcsuilenfiiheln.  3'  é(J.,pit.  Gfi'.l  ol  suiv. 

2.  Morals  ami  hoijnin.  p.  'i\. 


DANS    LA    FRANC-MAÇONNERIE    AMERICAINE  4 

«  L'Eglise  Catholique  Romaine,  conlinue-t-il,  est  peut-être  la 
seule  institution  qui  continue  de  cultiver  jusqu'à  un  certain  point 
le  beau  système  du  symbolisme.  Mais  ce  qui  est,  dans  une  large 
mesure,  pour  l'Eglise  catholique,  purement  accidentel  et  le  fruit 
du  développement,  est  la  vie  même  et  l'âme  de  la  Maçonnerie,  né 
avec  elle  dès  l'origine,  ou,  pour  mieux  dire,  c'est  le  germe  duquel 
l'arbre  est  sorti  et  d'oîi  il  lire  encore  sa  force,  sa  nourriture  et  jus- 
qu'à son  existence. Retirez  son  symbolisme  à  la  Maçonnerie,  et  vous 
retirerez  l'âme  de  son  corps,  ne  laissant  qu'une  masse  de  matière 
inerte  et  sans  vie,  tout  juste  propre  à  une  décomposition  rapide*  ». 

Cet  aveu  de  notre  auteur  est  un  aveu  de  la  faiblesse  intrinsèque 
de  la  doctrine  maçonnique.  Qu'il  exalte  autant  qu'il  le  voudra  la 
beauté  du  symbolisme,  il  n'en  reste  pas  moins  évident  que  le  sym- 
liolisme  est  la  forme  qu'emploie  la  Maçonnerie  pour  enseigner  la 
vérité,  ou  plutôt  l'enveloppe  de  la  vérité,  mais  non  la  vérité  elle- 
même.  Que  cela  soit  la  vie  même  et  l'âme  de  la  Maçonnerie,  c'est 
possible  ;  mais  cela  ne  peut  être  l'âme  de  la  vérité,  car  ce  que  l'on 
exprime  par  le  symbole  peut  être,  et  est  en  fait,  exprimé  par  la 
parole  ;  sans  l'interprétation  orale  de  la  Loge  ou  le  commentaire 
écrit  des  Maçons  savants,  les  symboles  maçonniques  n'en  diraient 
pas  plus  long  aux  membres  de  la  Fraternité  qu'aux  non-initiés.  Les 
symboles  maçonniques  n'enseignent  rien  par  eux-mêmes.  Les 
Maçons  des  grades  inférieurs  lèvent  les  yeux  vers  ceux  des  grades 
supérieurs  et  n'en  comprennent  rien  de  plus  que  les  profanes.  Et 
cela  tient  à  l'essence  même  des  symboles,  car  ils  ne  sont  pas  les  signes 
naturels  d'une  idée,  mais,  comme  on  nous  l'a  dit,  ils  sont  des  signes 
conventionnels,  des  signes  dont  le  sens,  dépend  uniquement  de  leurs 
inventeurs  ;  et  il  est  impossible  de  savoir  quelle  était  l'intention  de 
ces  inventeurs,  à  moins  qu'on  ne  nous  la  communique  par  la  parole 
ou  par  l'écriture.  La  vérité,  et  surtout  la  vérité  importante,  a  une 
beauté,  une  dignité  innées  qui  lui  sont  propres  et  qui  sont  indépen- 
dantes de  sa  forme  accidentelle.  Elle  supportera  toute  investigation 
avec  sa  simplicité  sublime,  et,  s'il  est  sûr  que,  tant  que  l'esprit  plane 
sur  les  ailes  de  la  pensée,  la  vérité  s'exprimera  par  des  figures,  elle 
sentira,  quand  il  atteindra  les  sphères  du  sublime,  qu'elle  n"a  plus 
besoin  des  beautés  des  symboles.  Quand  Dieu  dit:  »  Que  la  Lumière 
soit.  Et  la  Lumière  fut  »,  que  le  Maçon  interprète  l'idée  comme  il 
lui  plaira,  sa  beauté  est  toute  en  elle-même  et  non  dans  quelque 
figure  que  ce  soit.  Si  donc  la  Maçonnerie  ne  veut  porter  la  lumière  ni 
dans  sa  philosophie,  ni  dans  sa  science,  ni  dans  son  code  de  morale, 
si,  lorsque  le  sens  occulte  est  éclairci  et  le  symbolisme  détruit,  elle 

1.  Symbolism  of  Freemasonry,  pp.71,  72.  4 


42 


OES    MOYENS  D  INSTRICTION 


n'est  plus  qu'une  masse  de  matière  inerte  sans  âme,  sans  vie,  il 
importe  à  ses  adeptes  d'examiner  attentivement  quelles  sont  les 
vérités  quelle  vient  otlVir,  car  ce  sont  elles  qui  sont  les  bijoux  pré- 
cieux de  l'humanité,  et  non  leurs  montures  imaginaires. 

Nous  regrettons  de  nous  être  un  peu  trop  étendu  sur  les  symboles 
maçonniques,  nous  ne  pouvons,  quant  à  présent,  trailer  de  l'allégorie 
maçonnique  ;  mais  peut-être  que  l'étude  de  la  valeur  historique  des 
mythes  ou  légendes  maçonniques,  car  c'est  le  nom  que  leur  donne 
à  juste  titre  notre  auteur,  sera  plus  à  sa  place  dans  une  partie  sub- 
séquente de  notre  travail.  iXous  connaissons  l'objet  et  l'importance 
de  l'allégorie  :  elle  cache  aux  non-initiés  ce  que  révèlent  les  sym- 
boles aux  initiés. 

Ainsi  donc,  cher  lecteur,  nous  vous  avons  exposé  les  moyens  em- 
ployés par  la  Maçonnerie  américaine  pour  enseigner  ses  docliines. 
Ces  moyens  sont  les  symboles  et  l'allégorie.  La  Maçonnerie  est  un 
système  de  morale  éclairé  par  les  uns  et  voilé  par  l'autre.  Les  sym- 
boles de  la  Maçonnerie  ne  sont  pas  des  symboles  na/i//"e/s,  mais  con- 
ventionnels.  Ils  ne  soul  point  adoptés  à  cause  dune  ressemblance 
naturelle  entre  les  choses,  mais  en  vertu  d'un  libre  accord  de  leurs 
inventeurs,  qui  permet  d'en  faire  un  tel  usage.  Ils  sont  donc  admi- 
rablement appropriés  au  secret  de  la  Maçonnerie,  qui  reste  seule  gar- 
dienne de  la  clef.  Et  s'il  arrive  —  ce  qui  n'est  pas  rare  —  que  les 
symboles  auxquels  la  Maçonnerie  a  volontairement  attaché  un  sens 
occulte  ont  aussi  un  sens  naturel  ou  ordinaire,  connu  de  tous,  ils 
n'en  ont  que  plus  de  valeur  comme  intermédiaires  secrets,  car  la 
multitude  des  profanes  sera  satisfaite  et  s'imaginera  ({u'elle  avance 
dans  la  science  de  l'Art  Mystique  alors  qu'elle  restera  dans  la  plus 
profonde  ignorance  sur  le  vrai  sens  maçonnique  de  ce  qu'elle  voit 
et  enlend.  Nous  avons  étudié  quehfues  symboles  et  nous  nous  som- 
mes demandé  |)Our(pioi  la  Maçonnerie  croit  devoir  enseigner  à  ses 
disciples  un  tel  symbolisme.  Nous  avons  été  surpris  de  voir  em- 
ployer et  interpréter,  d'une  façon  si  contraire  à  l'idée  chrétienne,  des 
symboles  couramment  emjiloyés  dans  un  sens  chrétien  et  si  chers 
au  cœur  chrétien.  Mais  nous  en  sommes  resté  à  l'étonnement  sans 
chercher  à  aller  plus  loin,  par  ce  que  nous  ne  sommes  pas  encore 
prêt  à  jjoursuivre  notre  étude  dans  cette  direction. 

Enfin,  nous  avons  souligné  la  faiblesse  évidente  de  la  philosophie 
et  du  système  maçonniques,  dont  l'enseignement  est,  de  l'aveu  de 
tous,  insipide,  si  on  ne  lagrémenlc  des  cbarmesempruulés  au  sym- 
bolisme occulte.  Combien  cette  doctrine  ditVère  de  celle  du  divin 
Maître,  qui  envoya  ses  Apôtres  prêcher  sa  doctrine  à  toute  créature 
et  proclamer  du  haut  des  toits  jusqu'aux  enseignements  intimes 
lombes  de  ses  lèvres  ! 


DANS    LA    FRANC-MAÇONNERIE    AMÉRICAINE  43 

La  Vérité  est  intéressante  par  elle-même  ;  elle  a  sa  valeur  propre, 
son  charme  particulier;  les  cœurs  sincères  l'aiment  pour  elle-même. 
Si  donc,  d'après  le  témoignage  d'un  homme  aussi  bien  informé  que 
le  Dr.  Mackey,  la  philosophie  maçonnique  dépouillée  de  son  sym- 
bolisme est  représentée  comme  «  une  masse  de  matière  inerte  et 
sans  vie  tout  juste  propre  à  une  décomposition  rapide  »,  nous  pou- 
vons déclarer,  en  nous  appuyant  sur  ce  témoignage  même,  qu'une 
pareille  philosophie  est  dépourvue  de  l'esprit  vivifiant  de  la  Vérité. 


CHAPITRE  IV 
Le  Choc  de  l'Entrée  kt  le  Choc  de  lTllimination 

Nolie  élude  nous  a  peu  à  peu.  dans  les  chapitres  précédents,  en- 
traîné loin  des  notions  incomplètes  que  nous  avions  au  début  sur  la 
Maçonnerie  américaine,  entre  aulres  de  celles  qui  nous  faisaient 
croire  quelle  était  une  simple  alVaire  sociale,  une  institution  cha- 
ritable l'ondée  pour  le  soulagement  de  la  veuve  et  de  l'orphelin  ; 
qu'elle  était  enfin  la  providence  des  frères  âgés  et  pauvres.  On  nous 
en  avait  parlé  comme  d'une  science  et  d'une  philosophie.  Nous 
avons  étudié  ses  méthodes  et  ses  procédés.  On  nous  a  même  exposé 
son  but  :  «  c'est  un  système  de  morale  ». 

Entrant  donc  sous  les  portiques  de  la  Maçonnerie  dont  nous 
voulons  pénétrer  la  doctrine  et  la  philosophie,  nous  ouvrons  le  Ma- 
sonic Ritualist  du  Dr.  Mackey,  à  la  première  partie  delà  Leçon  faite 
à  rAp[)renli  enrôlé  —  qui  est  en  somme  la  première  instruction 
donnée  au  novice  en  Maçonnerie  ;  nous  y  trouvons  le  »  Choc  de 
l'Entrée  ».  On  comprendra  la  raison  d'être  de  cette  rubri(|ue  en  li- 
sant ce  passage  que  nous  avons  copié.  Pour  être  plus  complet,  nous 
commençons  notre  citation  dès  le  début  de  la  Leçon. 

«  La  première  section  de  la  Leçon  de  l'Apprenli  enrôlé,  dit  le  Dr. 
Mackey,  consiste  surtout  dans  la  récapitulation  des  cérémonies  de 
l'initiation.  Mais,  à  cause  de  cela  même,  il  importe  (jue  chaque 
Maçon  en  ail  connaissance  afin  (ju'il  puisse  plus  largement  con- 
courir à  l'accomplissement  correct  du  jite  du  grade  conféré.  On  y 
trouve  donc  en  guise  d'introduction  ipiolqucs  principes  généraux, 
<pii  nous  autorisent  à  examiner  les  droits  d'autiui  à  nos  privilèges 
tout  en  prouvant  les  nôtres  à  la  situation  (pie  nous  occupons'  ». 

■  11  est  nalurellemcnl  impossible,  dans  un  livre  d'instiuction, 
continue-t-il,  de  donner  une  expUcation  comjjlète  des  cérémonies 
et  des  symboles  variés  que  l'on  emploie  pour  inculquer  les  véiilés 
morales  et  religieuses;  mais  une  alhision  faite,  même  cm  termes  gé- 
néraux, à  celles  qui  sont  les  plus  importantes,  en  suivant  l'ordre 
dans  lecjuel  elles  se  pré.senteiit,  sullira  pour  porter  le  Maçon  con- 
lem|)lalif  à  examiner  plus  al lciiti\eMiciil  leur  signification  ». 

1.  Masonic  Ritualisl,  p.  2*2. 


ET    LE   CHOC    DE    l'iLLUMINATION  45 

Nos  yeux  parcouraient  superficiellement  ce  passage  lorsqu'un 
mot  arrêta  notre  regard  :  religieuses  —  que  veut  dire  le  Dr.  Mac- 
key  quand  il  parle  de  vérités  morales  et  religieuses"^  Quels  rapports 
y  a-t-il  entre  la  Maçonnerie  et  la  religion?  La  Maçonnerie  ne  pro- 
clame-t-elle  pas,  dans  les  termes  les  plus  clairs,  qu'elle  ne  s'ingère 
dans  la  religion  de  personne  ? 

«  La  Maçonnerie  n'est  pas  une  religion,  dit  le  F.-.  Pike*.  Celui 
qui  en  fait  une  croyance  religieuse,  la  fausse  et  la  dénature.  Le 
Brahmaniste,  le  Juif,  le  Mahometan,  le  Catholique,  le  Protestant, 
qui  pratiquent  chacun  sa  propre  religion  déterminée  par  les  lois,  le 
temps,  le  climat,  devront  la  conserver,  et  ne  peuvent  pas  avoir  deux 
religions  ;  car  les  lois  sociales  et  sacrées  adaptées  aux  us  et  coutu- 
mes cl  aux  préjugés  de  certains  pays,  sont  œuvres  d'hommes». 
Halte-là,  F.-.  Pike;  votre  plume  court  trop  vite.  Voudriez-vous 
soutenir,  par  exemple,  que  le  catholicisme  est  le  simple  produit  du 
climat?  Nous  croyions  que  les  fidèles  de  celte  Eglise  se  trouvaient 
sous  toutes  les  latitudes.  Souliendriez-vous,  comme  vos  mois  l'ex- 
priment clairement,  que  le  Catholicisme  est  uniquement  l'œuvre 
des  hommes?  Une  inslilulion  humaine,  «  adaptée  aux  us  et  coutumes 
et  aux  préjugés  de  certains  pays  »?  Nous  regrettons  cette  digression, 
car  nous  ne  songions  qu'à  l'idée  émise  par  vous,  que  la  Maçonnerie 
n'est  pas  une  religion?  Le  paragraphe  suivant  va  nous  répondre. 

«  Mais  la  Maçonnerie  enseigne  et  a  conservé  dans  toute  leur  pu- 
reté les  principes  fondamentaux  de  la  vieille  foi  primitive,  qui  sont 
les  bases  sur  lesq  uelles  s'appuie  tou  te  religion .  Tou  tes  les  religions  qui 
ont  existé  jusqu'ici  oui  eu  un  fonds  de  vérité  ;  et  toutes  l'ont  recou- 
vert d'erreurs.  Les  vérités  primitives  enseignées  par  le  Rédemp- 
teur furent  plus  rapidement  corrompues,  mélangées  et  alliées  à  des 
fictions  que  lorsqu'elles  furent  enseignées  aux  premiers  hommes  ». 
Ainsi,  voilà  quelle  est  votre  doclrine.  Toutes  les  religions,  sans  ex- 
ception, sont  de  simples  corruptions  de  vérités  primitives.  Le  Christ 
il  est  vrai,  a  enseigné  ces  vérités  dans  leur  pureté  ;  mais  ses  disci- 
ples hélas!  n'ont  pas  suivi  son  exemple.  Ils  ont  corrompu,  dans  un 
laps  de  temps  très  court,  la  sainteté  de  son  enseignement,  et  c'est 
ce  faux  Christianisme  qui  est  actuellement  en  cours  parmi  nous 
sous  les  noms  de  Catholicisme,  Méthodisme,  Episcopalianisme, 
etc.,  etc.  Et  telle  est  la  théorie  à  laquelle  vous  demandez  à  un 
Catholi(iue  d'adhérer  !  Mais  ignorez-vous  que  c'est  tout  nettement 
l'apostasie  que  vous  réclamez  ?  Comment  pourrait-on  être  Catholi- 
que au  fond  du  cœur  et  professer  votre  doctrine  ?  Comment  un 
Catholique  i)ourrait-il  révérer,  aimer  une  Eglise  et  lui  obéir,   alors 

1.  Morals  and  Dogma,  p.  161. 


46  LE    CHOC   DE    l'entrée 

qu'elle  serait  en  même  temps,  pour  lui.  un  lissu  tlerreurs  ?  Mais 
nous  vous  entendons  enfin. 

Selon  vous,  une  religion  est  l'œuvre  des  hommes.  C'est  un  amas 
de  corruptions  et  d'erreurs  religieuses  surajoutées  aux  vérités 
fondamentales  quelles  modifient  ;  ces  corruptions,  dilTérentes 
quant  à  la  forme,  s'adaptent  «  aux  us  et  coutumes  et  aux  préjugés 
de  certains  pays  »,  et  sont  «  déterminées  par  les  lois  [civiles],  par 
le  temps  et  par  le  climat  »,  et  «  s'appellent  le  Brahmanisme,  le 
Judaïsme,  le  Mahométisme,  le  Catholicisme,  le  F^rolestanlisme. 
Voilà  des  religions.  Voilà  des  croyances  religieuses.  Mais  la  Maçon- 
nerie, qui  ne  contient  pas  de  corruptions  surajoutées,  la  Maçonne- 
rie, sur  laquelle  les  hommes  n'ont  rien  superposé,  la  Maçonnerie, 
n'est  ni  une  religion,  ni  une  croyance  religieuse.  Elle  est  certai- 
nement religieuse,  car  elle  contient  les  vérités  religieuses  fon- 
damentales dans  toute  leur  pureté  et  leur  intégrité  ;  mais  elle 
peut,  en  toute  sécurité,  proclamer  audacieusement  qu"  «  elle  n'est 
pas  une  religion,  »  puisqu'elle  ne  s'identifie  avec  les  corruptions 
d'aucune. 

Mais  n'allons  pas  plus  avant,  pour  le  moment,  dans  l'examen  de 
cette  théorie  :  heureux  que  nos  lecteurs  soient  maintenant  plus  à 
même  de  juger  quelle  sorte  de  Catholique,  de  Mélhodisle,de  Juif  ou 
de  Brahmaniste,doit  être  celuiquiadmetque  la  forme  caractéristique 
de  sa  religion,  en  tant  que  religion  particulière,  n'est  qu'un  tissu 
d'erreurs  superposées  à  la  révélation  primitive  par  les  machinations 
des  hommes.  Hàtons-nous  de  retourner  à  la  Leçon  de  l'.Xpprenti  en- 
rôlé, après  avoir  appris,  par  une  expérience  instructive,  comment  la 
Maçonnerie,  au  moment  même  où  elle  feint  de  protester  qu'elle  ne 
s'occupe  pas  de  questions  religieuses,  affirme,  dans  les  termes  les 
plus  forts,  qu'elle  le  fait.  «  La  Maçonnerie  enseigne  et  a  conservé 
dans  toute  leur  pureté  les  principes  fondamentaux  de  la  vieille  foi 
primitive,  qui  sont  les  bases  sur  lesquelles  s'appuie  toute  religion  ». 
D'oîi  il  appert  que  la  Franc-Maçonnerie  n'est  pas  une  simple  insti- 
tution sociale  ou  charitable,  mais  qu'elle  est  une  science,  une  phi- 
losophie, un  système  de  morale  —  et  on  nous  invite  à  la  révérer 
commr  enseignant  seule  la  vérité  religieuse,  sans  déformation. 
Continuons  donc  notre  citation  du  Masonic  Rilualisl.  Nous  sommes 
préparés  au  «  Choc  de  l'Entrée  ». 

«  Dans  la  science  symbolique  de  la  Macoimerie,  écrit  le  Dr. 
Mackey,la  Loge  est  souvent  représentée  comme  un  symbole  de  vie. 
En  pareil  cas,  le  travail  de  la  Loge  devient  le  symbole  du  travail  de 
la  vie  avec  ses  devoirs,  ses  épreuves  et  ses  tentations  ;  et  le  Maçon 
est  le  type  de  l'ouvrier  et  de  l'acteur  dans  celle  vie.  La  Loge  est 
donc,   au  moment  où   paraît  l'Apprenti   enrôlé,   un   symbole  du 


ET    LE    CHOC    DE    l'iLLUMIN ATION  47 

monde,  et  l'iniliation  est  l'emblème  de  la  nouvelle  vie  dans  laquelle 
le  candidat  est  sur  le  point  de  s'engager'  ». 

Donc,  dans  le  symbolisme  maçonnique,  la  Loge  représente  la  vie 
humaine  —  la  véritable  vie  humaine  —  le  modèle  de  vie  humaine 
que  l'humanité  devrait  vivre.  Ce  n'est  pas  la  vie  que  l'on  mène  hors 
de  son  enceinte,  et  qu'elle  appelle  la  vie  «  du  monde  profane  », 
mais  la  vie  qu'elle  lui  enseignera  —  la  vie  maçonnique  —  .  D'après 
cette  idée,  il  s'ensuit  que  le  travail  de  la  Loge  n'est  qu'un  terme 
figuré  pour  signifier  le  travail  de  la  vie  maçonnique,  l'œuvre  de  la 
vie  des  Maçons  suivant  les  princijies  maçonniques.  Par  conséquent, 
l'initiation,  ou  l'entrée  dans  une  Loge,  est  l'entrée  du  candidat  dans 
la  vie  maçonnique,  l'accfuisition  de  principes  maçonniques  pour 
guider  sa  vie  —  et  telle  est,  dil  notre  auteur,  la  nouvelle  vie  dans 
laquelle  il  est  sur  le  point  d'entrer.  Ceci  une  l'ois  compris,  conti- 
nuons. 

-<  Le  voilà  debout,  en  dehors  de  nos  porli(|ues,  dit  la  Leçon,  sur 
le  seuil  de  cette  nouvelle  vie  maçonnique,  dans  l'obscurité,  l'infir- 
mité et  l'ignorance.  Après  s'être  égaré  parmi  les  erreurs  et  s'être 
plongé  dans  les  corruptions  du  monde  profane  du  dehors,  il  vient 
frapper  à  nos  portes,  à  la  recherche  de  la  nouvelle  naissance  et  de- 
mandant qu'on  enlève  le  voile  qui  cache  la  vérité  divine  à  ses  yeux 
de  non-initié-  ». 

Arrêtons-nous  ici  pour  reprendre  haleine  et  pour  demander  : 
«  iNIais,  cher  Docteur,  ou  plutôt,  ô  Maçonnerie,  car  c'est  la  Leçon 
ofilcielle  (jui  parle  ici,  où  nous  conduis-lu  avec  tant  de  précipita- 
tion? De  quelle  obscurité  parles- tu?  De  quelle  infirmité?  De  quelle 
ignorance?  Dans  quelles  erreurs  nous  feommes-nous  égarés?  Dans 
([uelles  corruptions  nous  sommes-nous  plongés?  Nous  ne  sommes 
pas  venus  ici  à  la  recherche  d'une  nouvelle  naissance,  mais  pour 
nous  joindre  à  une  catégorie  de  compagnons  sociables,  pour  nous 
avancer  dans  les  affaires,  pour  servir  nos  aspirations  politiques, 
pour  assurer  l'existence  à  nos  femmes  et  à  nos  enfants,  si  la  mort 
venait  tout  à  coup  nous  surprendre,  pour  avoir  des  amis  dans  le 
besoin,  si  le  malheur  fondait  sur  nous  inopinément.  Voilà  quels 
étaient  nos  motifs  et  quels  étaient  les  avantages  qu'on  nous  propo- 
sait. Nous  ne  sommes  pas  à  la  recherche  d'une  nouvelle  naissance, 
et  nous  sommes  encore  moins  en  quête  de  la  vérité  divine,  lorsque 
nous  dirigeons  ici  nos  pas.  Nous  sommes  catholiques.  Notre  reli- 
gion nous  vient  de  l'Eglise  instituée  par  Jésus-Christ;  de  celte 
Eglise  qui  peut  faire  remonter  sa  lignée  ininterrompue  jusqu'aux 

1.  Masonic  Bilualist,  pp.  22-23. 
2.llbi(l.,  p.  22. 


48  IB    CHOC    DE    l'entrée 

temps  les  plus  reculés  ;  de  celle  qui  ret.ul  A('<  divines  Irvres  du 
Christ  le  message  du  salut,  nous  acceptons  et  révérons  à  notre  tour, 
la  vérité  ». 

Voilà  comment  devra  parler  un  Catholique  consciencieux  ;  voilà 
également  ce  que  devra  dire,  daccoril  avec  sa  foi.  en  termes  ana- 
logues, quiconque  adhère  sincèrement  à  une  forme  de  religion 
quelle  qu'elle  soit.  Si  tous  avaient  été,  comme  nous,  instruits  par  le 
F.*.  Pike  ;  s'ils  avaient  accepté  la  théorie  maçonnique,  que  loule><. 
les  formes  de  religion,  toutes  sans  exception,  sont  les  œuvres  des 
hommes  seuls;  qu'en  tant  que  distinctes  les  unes  des  autres  elles  ne 
sont  rien  quun  tissu  d'erreurs  surajoutées  à  la  vérité  religieuse 
primitive  et  pure  ;  s'ils  savaient  quo  seule  la  Maçonnerie  a  conservé 
intact  ce  précieux  dépôt,  ils  ne  recevraient  pas  un  «  choc  ».  Ils 
seraient  arrivés  les  yeux  ouverts.  Mais  combien  pensez-vous,  cher 
lecteur,  qu'il  y  en  ait  pour  qui  les  choses  soient  telles?  Il  n'est  pas 
étonnant  que  l'entrée  soit  appelée  un  «  choc  ».  Avant  de  re- 
chercher consciencieusement  la  vérité  divine  dans  la  Maçonnerie, 
il  faut  rigoureusement  examiner  sur  quoi  repose  son  droit  à  s'en 
déclarer  la  dépositaire  et  la  seule  dépositaire.  De  qui  la  Maçonnerie 
a-t-elle  reçu  un  tel  dépôt?  Quand?  Où?  Comment  la  Maçonnerie 
prouvera-t-elle  que  ce  dépôt  confié  à  sa  tradition  orale  qui,  étant 
exposée  à  «  la  trahison  de  la  mémoire,  à  la  faiblesse  du  jugement 
et  à  la  fertilité  de  l'imagination  »,  porte  les  hommes  <  à  oublier,  à 
diminuer,  à  augmenter  »  ce  qui  lui  est  confié  ;  comment  la  Maçon- 
nerie prouvera-t-elle  que  ce  dépôt  n'a  subi  aucun  changement  ?  La 
Maçonnerie  n'est-elle  pas  l'œuvre  des  hommes?  Quelles  sont  ses 
lettres  de  créance  divines?  Combien  nombreuses  sont  les  graves 
et  tout  importantes  questions  à  régler  au  préalable,  non  seulement 
par  tout  adepte  consciencieux  d'une  des  formes  reconnues  de  la 
religion,  mais  par  tout  homme  sincère,  aussi  indilîérent  cpic  possi- 
ble en  matière  religieuse  qu'il  puisse  être,  avant  que  daccepler 
cette  nouvelle  naissance  :  avant  que  de  recevoir  de  la  Maçouneri»' 
sa  soi-disant  vérité  divine  !  Mais  retournons  a  notre  Leçon  : 

"  Fit  ici,continue-t-il,de  même  cpi'à  Mo'ise,  prèsdu  Buisson  ardent, 
le  conseil  solennel  est  donné  :  «  Enlève  la  chaussure  de  tes  pieds, 
car  la  terre  sur  latpielle  tu  marches  est  sacrée  ;  »  et  les  préparatifs 
du  cérémonial  l'entourent,  tous  ayant  un  caractère  significatif  lui 
indi(juanl  cpie  quehpie  grand  chaniii^ement  va  s'opérer  dans  sa  con- 
dition intellectuelle  et  morale.  Il  commence  déjà  à  découvrir 
[nous  remercions  l'auteur  de  sa  franchise  que  le  but  de  la  Maçon- 
nerie est  de  l'introduire  dans  des  conceptions  nouvelles  de  la  vie  et 
de  ses  devoirs.  Il  va,  en  eiTet,  commencer  à  apprendre  de  nouvelles 
leçons  dans  une  nouvelle  école.  Il  va  y  avoir  pour  lui,    non  seule- 


ET    LE    CHOC   DE   l'ilLUMINATION  49 

menl  un  changement  pour  l'avenir,  mais  encore  la  mort  du  passé  ; 
car  l'initialion  est,  pour  ainsi  dire,  une  mort  au  monde  et  une  ré- 
surrection à  une  vie  nouvelle  ». 

Evidemment,  ^si  la  Maçonnerie  est  ce  qu'elle  déclare  être,  sa 
Log'e  est  une  terre  sacrée.  Mais  la  Maçonnerie  est-elle  ce  qu'elle 
dit  être  ?  Voilà  la  question  des  questions,  et  celle  que  doit  étudier 
sérieusement  et  consciencieusement  tout  homme  qui  a  quelque 
souci  de  sou  Ame,  avant  de  consentir  à  «  la  mort  complète  du 
passé  »  pour  pouvoir  participer  au  grand  changement  intellectuel 
et  moral  promis  par  la  Maçonnerie.  En  vérité,  si  la  Maçonnerie 
seule  propose  à  notre  race  une  religion  pure  el  sans  tache  ;  si  toute 
forme  de  religion  définie  n'est  qu'erreur  et  corruption  d'une  foi 
primitive  ;  si  tout  ce  qui  a  été  ajouté  à  ce  que  la  Maçonnerie  expose 
comme  étant  la  vérité  religieuse  fondamenlale,  est  l'œuvre  des 
hommes,  que  l'on  fait  passer  pour  œuvre  divine  aux  yeux  d'une  gé- 
nération crédule,  nous  comprendrons  facilement  cette  exiinction  et 
cette  mort.  Si  ?  Mais  quel  redoutable  sil  Et  si  la  Maçoimerie  est  ce 
({u'elle  se  définit  elle-même;  «  un  système  de  morale  »,  cette  ex- 
tinction totale,  cette  mort  regardera-t-elle  aussi  ma  nature  mo- 
rale ?  La  Maçonnerie  doit  m'introduire  «  dans  des  conceptions  nou- 
velles de  la  vie  et  de  ses  devoirs  »  ;  on  doit  me  présenter  ses  leçons 
«  dans  une  nouvelle  école  »  ;  il  faut  qu'il  y  ail  «  mort  au  monde  », 
et  le  monde,  en  langue  maçonni([ue,  est  tout  ce  qui  n'est  pas  la  Ma- 
çonnerie. Rien  d'étonnant  à  ce  que  le  candidat,  pour  peu  qu'il  se 
rende  compte  de  ce  que  l'on  exige  de  lui,  reçoive  un  «  choc  ». 

'(  Il  commence  à  découvrir  »  dit  le  Ritualist.  Donc  il  ne  savait 
rien  auparavant.  Donc, ignorant  la  d-emande  qu'on  allait  lui  faire,  il 
jura  solennellement  qu'il  ne  révélerait  jamais  ce  qui  allait  lui  être 
manifesté,  et  qu'il  «  se  conformerait  avec  empressement  aux  an- 
ciens us  et  coutumes  de  la  fraternité  »  '. 

Voilà  pourquoi  la  honte,  le  respect  humain,  et  ce  qu'il  considère 
comme  l'honneur  de  sa  parole  l'empêcheront  de  se  retirer,  même  si 
sa  conscience  le  lui  commandait. 

«  Tout  candidat,  devra  faire  avantjsa  l'éception,  dit  notre  auteur, 
les  déclarations  suivantes  au  Senior  Deacon  (Premier  Diacre)  en 
présence  des  Stewards  (Intendants)  dans  une  chambre  contiguë  à 
la  Loge  : 

«  —  Déclarez-vous,  sincèrement,  sur  votre  honneur  que,  sans  y 
avoir  été  porté  par  des  sollicitations  intempestivesde  vos  amis  et  sans 
avoir   été    influencé    par  des  motifs   mercenaires,  vous  vous  posez 

1.  Masonic  Rilualisl,  p.  22. 


50  LE    CHOC    DE   l'entrée 

librement  et  volontairement  comme  candidat  aux  Mystères  de  la 
Maçonnerie  ? 

*<  —  Je  le  déclare. 

«  —  Déclarez-vous  sincèrement,  sur  voire  honneur,  que  vous  êtes 
poussé  à  solliciter  les  privilèges  de  la  Maçonnerie  par  l'opinion 
favorable  que  vous  concevez  de  l'Inslilution,  et  par  un  désir  d'ac- 
quérir la  science  ? 

«  —  Je  le  déclare. 

«  —  Déclarez-vous  sincèrement,  sur  votre  honneur,  que  vous  vous 
conformerez  de  plein  gré  à  tous  les  anciens  us  et  coutumes  de  la 
fraternité  ? 

<(  —  Je  le  déclare  '  ». 

Ayant  ainsi  déclaré  sur  son  honneur  (jne  «  librement  »  et  de  sou 
propre  mouvement,  il  s'offrait  à  la  Maçonnerie,  «poussé  par  l'opi- 
nion favorable...  qu'il  a  de  rinstitution  et  un  désir  d'acquérir  la 
science  »  ;  ayant  promis  «  qu'il  se  conformera  de  son  plein  gré  aux 
anciens  us  et  coutumes  établis  »  ;  —  quelle  protestation  peut-il  faire 
à  tout  ce  qu'on  voudrait  lui  demander?  Il  est  venu  librement  cher- 
cher la  science.  On  lui  communique  la  science,  la  science  maçon- 
nique. Celle-ci  va  contre  ses  notions  premières  —  elle  choque  sa 
nature  morale.  Il  aurait  dû  s'y  attendre.  Etant  venu  à  la  Maçonnerie 
pour  y  chercher  la  science  raaçonni({ue,  il  devait  supposer  (piécette 
science  et  les  principes  propres  à  la  Maçonnerie,  n'étaient  ni  la 
science  ni  les  principes  qu'il  possédait  déjà.  S'il  est  venu  à  la 
Maçonnerie  pour  y  trouver  une  doctrine  non  maçonnique,  il  est  un 
sot. 

Mais  sa  conscience  s'alarme?  Qu'y  peut-on?  Les  vieilles  erreurs 
ont  peine  à  mourir,  nous  le  savons  ;  si  ses  principes  lui  sutlisaient, 
pourquoi  est-il  venu  àla  Maçonnerie?  Il  ne  peulinvoquer  li  nportu- 
nilé  des  amis  —  car  il  a  déclaiv,  sur  son  honneur,  on  présence  de 
trois  témoins,  (piil  ne  sest  pas  rendu  aux  «  sollicitations  intempes- 
tives d'amis  »  ;  il  ne  peut  davantage  exprimer  des  craintes  sur  ce 
que  la  Maçonnerie  exigera  de  lui,  car  n'a-t-il  pas  déclaré  solennel- 
lement qu'il  vient  avec  «  une  opinion  favorable  de  l'Institution  »  et 
«  un  désir  d'acquérir  la  Science  »  ?  Pieds  et  poings  liés  par  sa  parole 
d'honneiu-,  pour  ne  rien  dire  du  serment  de  secret  que  nous  ne  men- 
tionnons pas  ici,  il  est  obligé  daller  de  l'avant.  Il  est  veiui  à  la 
Maçonnerie  librement  ;  il  a  librement  consenti  à  subirses  conditions 
pourvu  qu'elle  l'instruise  ;  la  Maçonnerie  l'a  pris  au  mot,  et  il  subit 
la  logiqiie  de  sa  situation.  Mais  retournons  à  notre  Leçon. 

I.   Mnsnnic  Bilurilist.  j. p.  21-2?. 


ET    LE    CHOC   DE    l'iLLUMINATION  51 

«  Et  de  là  vient,  dit  le  i?/7Ma/is/, que,  chez  les  Grecs,  le  même  mot 
signifiait  à  la  fois  mourir  et  être  initié.  Mais,  pour  celui  qui  croit  à 
rimmortalité,  la  mort  n'est  qu'une  nouvelle  naissance.  Or,  cette 
nouvelle  naissance  devrait  être  accompagnée  de  quelque  cérémonie 
pour  indiquer  symboliquement  et  pour  imprimer  dans  l'esprit  cette 
rupture  des  anciens  liens  et  la  formation  des  liens  nouveaux.  D'où  il 
ressort  que  l'impression  de  cette  idée  est  faitepar  le  symbolisme  du 
«  choc  à  l'entrée  ».  Le  monde  disparaît  —  les  chaînes  de  l'erreur  et 
de  l'ignorance  qui  avaient  jusqu'ici  tenu  le  candidat  dans  une  capti- 
vité morale  et  intellectuelle  vont  être  brisées  —  les  portes  du  Tem- 
ple ont  été  largement  ouvertes  et  la  Maçonnerie  est  apparue  au 
néophyte  dans  toute  la  gloire  de  sa  forme  et  de  sa  beauté,  pour  ne 
lui  être  révélée  cependant  que  lorsque  la  nouvelle  naissance  serait 
complètement  effectuée.  Ce  moment  solennel  passera-t-il  inaperçu? 
Ce  grand  événement  —  le  premier  de  la  vie  maçonnique  de  l'aspi- 
rant —  n'aura-t-il  aucun  retentissement  perceptible  ?  La  première 
entrée  dans  la  Loge  —  la  naissance  dans  la  Maçonnerie,  comme  on 
l'a  appelée  avec  raison  —  ne  serait-elle  pas  symbolisée  par  quelque 
signe  extérieur  ?  Le  symbolisme  de  notre  science,  toujours  prêt  en 
toute  occasion,  avec  ses  beaux  enseignements,  sera-t-il  en  cette 
seule  circonstance  muet  et  insignifiant  ?  Ou  plutôt,  les  Fils  de  la 
Lumière  qui  sont  témoins  de  cette  scène  impressionnante  ne  feront- 
ils  pas,  comme  les  enfants  de  Korah  qui,  lorsque  cessa  la  captivité 
de  Babylone  et  lorsqu'ils  entrèrent  de  nouveau  dans  le  Temple, 
s'écrièrent  dans  un  enthousiaste  élan  de  joie  reconnaissante  : 
«  0  peuples,  applaudissez  tous  ;  criez  vers  Dieu  avec  la  voix  du 
triomphe  ?  ». 

«  Le  Choc  de  l'Entrée,  conclut  celte  section  de  la  Leçon,  est  donc, 
«  pour  le  candidat,  le  symbole  de  la  rupture  des  liens  qui  l'atta- 
chaient au  monde,  et  son  introduction  dans  la  vie  de  la  Maçonnerie. 
Cest  le  symbole  des  agonies  de  la  première  mort  et  des  angoisses  de 
la  nouvelle  naissance  *  ». 

Etre  initié  à  la  Maçonnerie  est  donc  mourir  à  ce  qui  n'est  pas 
maçonnique;  car  «  être  initié  »,  c'est  ■<  mourir  ».  Mais,  comme  nous 
en  a  aimablement  prévenu  le  F.-.  Pike,  toutes  les  religions  parti- 
culières, catholique,  protestante,  juive,  bouddhiste,  mahométane 
ne  sont  pas  maçonniques,  puisque  chacune  d'elles  a  superposé  une 
multitude  d'erreurs  morales  et  intellectuelles  sur  les  pures  vérités 
fondamentales  enseignées  et  conservées  dans  la  seule  Franc- 
Maçonnerie.  Ces  religions  sont  hors  des  portiques  de  la  Loge;  elles 
sont  le  monde  profane  ;  elles  sont  dans  l'ignorance  de  la  Lumière 

1.  L'italique  de  ce  passage  est  dans  l'original. 


52  i.E  CHOC  DE  l'entrée 

maçonnique  ;  en  entrant  dans  la  Loge,  les  chaînes  de  la  captivité 
morale  el  inleilrctuelle  dans  laquelle  se  trouvait  le  candidat  sont 
brisées,  el  il  est  né  libre  de  toute  entrave  dans  la  vie  magoiuiique  ; 
il  commence  à  être  un  bâtisseur  libre  que  ne  gêne  aucun  credo. 

Le  Choc  de  rilluminalion  va  nous  faire  comprendre  avec  plxis  de 
détail  et  une  clarté  éblouissante  ce  que  le  Choc  i\('  l'Lntrée  n"a  fait 
qu'établir  obscurément. 

■<  La  lumière  matérielle  qui  jaillit  au  fiai  du  (irand  Architecte 
quand  disparurent  lobscurité  et  le  chaos,  dit  le  Rilualist  aux 
pages  33-.'î4.  a  toujours  été.  en  Maçonnerie,  un  symbole  favori  de 
rilluminalion  intellectuelle  que  l'Ordre  a  pour  objet  de  créer  dans 
les  intelligences  de  ses  disciples,  d'où  nous  avons  à  juste  titre  pris 
le  nom  de  «  Fils  de  Lumière  ». 

«  Cette  illumination  mentale,  ajoute-t-il.  cette  lumière  spirituelle 
qui  est  la  première  demande  du  candidat  après  sa  nouvelle  nais- 
sance, n'est  ({u'un  autre  nom  pour  la  Vkrité  divim: —  la  Vérité  de 
Dieu  et  de  l'Ame  —  la  Nati  re   i:t  l'Ksse.ncl  di:  l'un  et  de  l'autre 

—  CE  OUI  constitue  LE  BUT  PRINCIPAL  DE  l'eNSEIGNKMKNT  MAÇONM- 
OUE  ». 

L'objet  de  l'Ordre,  dit  la  Maçonnerie,  est  de  créer  dans  l'âme  la 
lumière  intellectuelle;  iruaginez,  cher  lecteur,  ce  que  doit  être 
notre  lumière  !  La  Maçonnerie  ne  doit  pas  augmenter,  perfection- 
ner notre  lumière  intellectuelle  ;  non,  elle  doit  la  créer.  Pouvons- 
nous  encore  lui  demander  ses  lettres  de  créance?  Pouvons-nous 
demander  la  source  de  celte  puissance  qu'elle  alfirme  posséder? 
Son  candidat  ne  le  peut.  11  est  venu  librement,  pour  être  instruit. 
La  Maçonnerie  énonce  ses  doctrines.  C'est  tellement  plus  facile  que 
de  les  prouver!  Selon  le  Dr.  Mackey,  Pythagore  ne  prouvait  pas  i^es 
doctrines  ;  il  les  énonçait,  el  ses  disciples  dévoués  les  acceptaient 
révérencieusement.  F^ythagore  est  l'idéal  de  la  Maçonnerie.  «  Les 
doctrines  de  Pythagore,  dit  le  Dr.  Mackey'.  étaient  toujours  pré- 
sentées comme  d'infaillibles  propositions  (pii  uadmetlaient  pas  de 
discussion  ;  de  là  l'expression  aùrô;  ifr,,  cesl  lui  (jui  l'a  dit,  était-elle 
considérée  comuK»  une  réponse  sullisanle  à  (piieonque  demandait 
une  raison  ». 

Esl-cc  une  situation  sendilalile  (|iie  la  Macnuiierie  V(Hidrait  créer 
pour  ses  disciples?  Klle  le  dit;  est-ce  là  la  foi  aveuule  (pielle 
appelle  lumière  intellectuelle  ?  Dois-jc  mourir  au  passé  ?  Dois-je 
considérer  ma  religion  comme  un  tissu  fie  corruptions  de  la  vérité 
religieuse  primitive,  inveidées  j>ar  l'homme?  Dois-je  accepter  un 
nouveau  code  de  morale  (bupiid  dépende  ma  destinée  temporelle  el 

I.  lùirijclopmdiii  nf  l'rrcmnuDnrij,  \).  *W. 


ET    LE    CHOC    DE    l'iLLI  MIMATIOX  53 

éternelle,  sur  un  simple  ipse  dixit!  Prouvez-moi  d'abord  que  vous 
avez  un  droit  justement  acquis  à  l'infaillibilité,  et  quand  vous  aurez 
prouvé  ce  droit,  j'admettrai  volontiers  votre  ipse  d/co, dans  les  limi- 
tes de  voire  infaillibilité  —  mais  vous  ne  pouvez  raisonnablement, 
sans  preuve  palpable,  exiger  de  moi  une  telle  soumission  ;  et  je  ne 
puis,  en  homme  consciencieux  et  honnête,  vous  l'accorder.  Je  n'ai 
pas  le  droit,  aux  yeux  de  ma  raison  et  de  ma  conscience,  de  vous 
abandonner  tout  mon  être,  simplement  parce  que,  sans  vous  con- 
naître, j'ai  conçu  de  vous  «  une  opinion  favorable  ». 

La  Maçonnerie  a- 1- elle  des  prétentions  à  linfaillibilité  ?  Ou 
attend-on  de  nous  que  nous  recevions  des  propositions  infaillibles 
dune  autorilé  faillible?  Les  professeurs  en  Maçonnerie  ne  sont  cer- 
tainement pas  infaillibles  individuellement,  car  un  grand  nombre 
d'entre  eux  sont  ignorants,  comme  l'avoue  constamment  le  docteur 
Mackey.  Les  Grandes  Loges  ne  font  valoir  aucun  droit  à  l'infaillibi- 
lité ;  cependant,  comme  nous  lavons  vu,  elles  sont  les  tribunaux 
suprêmes  auxquels  on  en  réfère  pour  l'interprétation  de  linstruclion 
orale  qui  contient  les  arcanes  ou  doctrines  secrètes  de  la  Maçonne- 
rie. Le  F.-.  Pike  tourne  en  dérision  l'idée  d'infaillibilité  attribuée  à 
un  homme  ou  à  une  réunion  d'hommes  — nie  qu'elle  puisse  exister, 
surtout  en  matière  de  croyance  religieuse  —  et  sûrement  la  "Vérité 
Divine,  que  la  Maçonnerie  prétend  enseigner,  se  rapporte  à  une 
croyance  de  ce  genre. 

«  La  Foi  d'un  homme  lui  appartient  tout  comme  sa  Raison,  dit  le 
F.-.  Pike,  dans  ses  Morals  and  Dogma,  p.  29.  Sa  Liberté  consiste 
autant  dans  sa  foi  libre  que  dans  sa  volonté  délivrée  de  tout  con- 
trôle. Tous  les  Prêtres  et  Auguresde  flome  ou  de  la  (irèce  n'avaient 
pas  le  droit  d'exiger  de  Cicéron  ou  de  Socrate  qu'ils  crussent  en 
l'absurde  mythologie  du  vulgaire.  Tous  les  Imans  du  Mahométisme 
n'onl  pas  le  ch'oit  d'exiger  d'un  païen  qu'il  croie  que  l'Ange  Gabriel 
dicta  le  Coran  au  Prophète.  Tous  les  Brahmanes  (jui  ont  existé 
jusqu'à  ce  jour,  fussent-ils  assemblés  en  Conclave  comme  des  Car- 
dinaux, ne  pourraient  obtenir  le  droit  d'obhger  un  seul  être  humain 
à  croire  en  la  cosmogonie  hindoue.  Aucun  homme  ni  aucune  réunion 
d'hommes  ne  peut  être  infaillible,  et  nest  autorisé  à  décider  ce  que 
les  autres  hommes  devront  croire  en  ce  qui  concerne  un  article  de  foi 
quelconque ' .Toule  religion, la  vérité  de  tout  écrit  inspiré  dépendent, 
excepté  pour  ceux  (jui  les  reçurent  à  l'origine,  du  témoignage 
humain  et  des  certitudes  intérieures  qui  sont  soumises  au  jugement 
de  la  Raison  et  aux  sages  analogies  de  la  Foi.  Tout  homme 
doit  nécessairement   avoir  le  droit   de  juger  de  leur  vérité  par  lui- 

1.  Cet  italique  est  du  F.-,  Pike. 


54  Ce  choc  de  l'entkée 

même  ;  parce  qu'aucun  homme  ne  peut  avoir  pour  juger  un  droit 
supérieur  à  celui  d'un  autre  aussi  instruit  et  aussi  intelligent  que 
lui  ». 

Nous  ne  nous  portons  pas  garant  du  raisonnement  du  F.-.  Pike, 
encore  moins  de  sa  doctrine.  L'un  et  l'autre  sont  erronés.  De  ce  que 
les  Grecs  et  les  Romains  n'étaient  pas  infaillibles  en  ceci,  les 
Mahometans  en  cela,  les  Hindous  en  autre  chose  —  il  s'ensuivrait 
qu'aucun  homme  ou  réunion  d'hommes  ne  pourrait  être  infaillible. 
Jean  Smith  n'ayant  pas  d'argent  dans  sa  poche  ;  Pierre  Jones  n'en 
ayant  pas  dans  son  chapeau,  ni  Paul  Thomas,  dans  sa  veste  — 
1  s'ensuit  qu'aucun  homme  ou  société  ne  peut  avoir  d'argent. 
L'Homme-Dieu  exista,  donc  il  put  être  infaillible  ;  il  put.  si 
tel  fut  son  désir,  communiquer  aux  hommes  l'infaillibilité  :  la 
nature  elle-même,  dans  des  choses  évidentes,  communique  lin- 
faillibililé  à  chacun  de  nous.  Donc  l'homme  peut  être  infaillible  ; 
notre  auteur  n'a  pas  daigné  nous  démontrer  pourcpioi  l'infaillibilité 
est  essentiellement  bannie  de  la  foi. 

Mais,  en  admettant  même  que  l'infaillibilité  en  matière  de  foi  soit 
possible,  la  Maçonnerie  n'aurait  rien  à  y  gagner  —  car,  de  fado, 
nul  Maçon  ou  lirande  Loge  de  Maçons  ne  réclame  pour  soi  une 
telle  prérogative.  Cependant  la  Maçonnerie  s'arroge  le  droit  exclusif 
d'enseigner  la  Vérité  Divine,  puisque  tous  ceux  qui  sont  hors  de 
son  enceinte, clerc  ou  laïque, évêque  ou  pape  ignorent  tout  de  «  Dieu 
et  de  l'âme  —  de  l'essence  et  de  la  nature  de  l'un  et  de  l'autre  »  : 
tous  sont  là,  hors  des  murs,  «  dans  les  ténèbres,  l'intirmité  et  l'igno- 
rance »,  «  tenus  en  captivité  intellectuelle  et  morale  ».  Il  faut  que 
la  Lumière  —  la  lumière  intellectuelle  et  morale  soit  créée  dans 
leurs  âmes. 

El  lorsqu'ils  se  tournent  vers  la  Maçonnerie  pour  lui  demander 
(juel  gage  elle  peut  leur  donner  que  c'est  bien  la  vérité  et 
non  l'erreur  (ju'elle  va  leur  communiquer,  elle  les  renvoie  à 
l'école  de  Pythagore  ou  aux  Anciens  Mystères  du  Paganisme,  où 
l'on  ne  discutait  pas  les  doctrines,  mais  où  on  les  énonçait  comme 
autant  de  propositions  infaillibles.  On  n'a  jamais  dit  d'où  venait 
celte  infaillibilité,  et  cependant  c'était  là  un  point  essentiel. 

En  ce  qui  regarde  la  vérité  divine,  l'esprit  maçonnique,  pour 
donner  une  base  à  son  authenticité,  est  obligé  de  se  rejeter  sur 
l'interprétation  et  sur  l'autorité  d'une  Grande  Loge,  laquelle, 
d'après  le  F.'.  Pike,  non  seulement  n'est  pas  infaillible  mais  ne 
peut  pas  l'être.  Cette  interprétation  est  sujette  à  des  variations,  car 
une  (îrande  Loge  peut  être  en  désaccord  avec  une  autre  Grande 
Loge  sur  certains  points  litigieux.  Et  si,  comme  cela  est  arrivé  en 
France,  la  Grande  Loge  substitue  à  votre  «  Grand  Architecte  de 


ET    LE    CHOC    DE    i/iLLUMINATION  55 

l'Univers  »  une  «  Force  Supérieure  »,  un  «  Principe  Créateur  »,  si 
l'on  substitue  le  simple  athéisme  à  votre  déisme,  (juel  devoir  in- 
combe à  chaque  Maçon  et  à  chaque  Loge,  sinon  celui  de  se  soumet- 
Ire,  puisque  l'interprétation  des  dogmes  maçonniques  appartient 
en  dernier  ressort  à  la  Grande  Loge  seule?  Ou'advient-il  de  votre 
Vérité  Divine?  —  de  la  nature  de  Dieu  et  de  l'âme  humaine?  Ou 
encore,  la  théorie  française  ne  serait-elle  pas  la  conséquence  logi- 
que du  système  maçonnique?  Nous  posonssimplement  la  question; 
nous  la  discuterons  plus  tard.  La  Maçonnerie  fait  bien  d'appeler 
l'entrée  dans  sa  Loge  «  une  occasion  solennelle  ",  «  un  grand  évé- 
nement ».  Son  candidat  a  eu  le  temps  de  réfléchir  à  la  décision 
qu'il  allait  prendre  ;  il  l'a  prise  délibérément,  et  voilà  où  il  en  est 
—  il  apprend  de  nouvelles  leçons  dans  une  nouvelle  école  —  les 
nouvelles  leçons  concernent  Dieu  et  son  âme,  l'essence  et  la  nature 
de  l'un  et  de  l'autre. 

Regardez  en  arrière,  cher  lecteur,  et  voyez  comment  nous  avons 
été  entraînés  par  le  courant  de  la  doctrine  maçonnique,  loin  de  no- 
tre point  de  départ.  Nous  croyions  alors  que  nos  amis  Maçons  nous 
avaient  franchement  dit,  dans  un  épanchement  intime,  quelle 
était  la  nature  de  la  Fraternité.  Vous  ont-ils  soufflé  mot  de  ceci, 
que  le  grand  but  de  l'enseignement  maçonnique  était  la  nature  et 
l'essence  de  Dieu  et  de  l'âme  humaine?  Nous  avait-on  soufflé  mot 
de  l'infirmité,  des  ténèbres,  de  l'ignorance,  des  entraves  morales 
dans  lesquelles  nous  languissons  et  desquelles  seule  la  Franc- 
Maçonnerie  a  le  pouvoir  de  nous  affranchir?  Savaient-ils  tout  cela? 
S'ils  le  savaient  et  s'ils  ont  omis  de  nous  le  dire,  que  devons-nous 
penser  de  leur  sincérité  ?  S'ils  l'ignoraient,  que  peuvent-ils  bien 
savoir  sur  l'Ordre  ?  Mais  continuons  notre  citation. 

«  El,  dit  le  Ritualist,  de  même  que  le  chaos  et  la  confusion  dans 
lesi{uels,  au  commencement,  la  terre  informe  et  inhabitée  était 
enveloppée,  prirent  fin  et  que  l'ordre  et  la  beauté  apparurent  au 
commandement  suprême  (|ui  créa  la  lumière  matérielle  ;  de  même 
le  chaos  et  la  confusion  qui  enveloppent  l'esprit  du  néophyte  s'éva- 
nouissent au  moment  de  sa  déclaration  faite  comme  il  convient, dans 
les  formes  régulières  et  reconnues  ;  et  c'est  alors  que  la  vraie  con- 
naissance de  la  science  et  de  la  philosophie,  que  la  foi  et  la  doc- 
trine de  la  Maçonnerie  sont  révélées  '  ». 

Ici,  cher  lecteur,  vous  qui  n'êtes  pas  Maçon,  considérez  dans  ce 
miroir  maçonnique  votre  condition  religieuse  et  morale.  Ce  n'est 
que  chaos  et  confusion.  Mais,  en  réalité,  si  vous  ne  connaissez  pas 
la  vraie  nature  de  Dieu  ni  celle  de  votre  âme  elle-même,  comment 

1.  Ritualist,  p.  33. 


56  LE    CHOC    DE   l'entrée 

pourriez-vous  connaître  les  vraies  lois  de  l'action  humaine?  Que 
pouvez-vous  savoir  de  la  religion  et  de  la  morale,  si  vous  ignorez 
quelles  en  sont  les  basrs  ?  Mais,  de  même  que  Dieu  par  son  jiat 
omnipotent  tira  Tordre  et  la  beauté  de  l'abîme  insondable  <lu  chaos 
et  du  désordre  matériels,  ainsi  la  .Maçonnerie  accomplira-t-oUepar 
son  fiat  omnipolent  une  plus  giande  merveille  dans  l'abîme  de  votre 
chaos  intellectuel  ;  et  vous  connaîtrez  Dieu  ;  vous  connaîtrez  voire 
àme  ;  vos  idées  religieuses  et  morales  se  coordonneront  et  s'harmo- 
niseront ;  la  vérité  et  la  beauté  morales  et  religieuses  qui.jusqu'à  pré- 
sent, vous  étaient  étrangères  habiteront  dans  voire  sein  à  la  lumière 
de  la  nouvelle  vie  maçonnique.  La  Maçonnerie  promet  tout  cela  ; 
mais,  encore  une  fois,  nous  demandons  autre  chose  que  des  mois  et 
des  promesses  qui  se  i'orgent  facilement  et  à  bon  compte  —  nous 
demandons  des  lettres  de  créance,  nous  réclamons  des  preuves. 

«  Mais,  continue  notre  guide,  quel  est  l'esprit  (pii  pourrait  conce- 
voir, quelle  plume  pourrait  Iracer  le  tableau  de  celte  terrible 
convulsion  de  la  Natui'e,  de  cette  ellVoyable  séparation  de  ses 
éléments  qui  oui  dû  accompagner  l'ordre  divin  :  «  Que  la  lu- 
mière soit  ».  Tenter  une  telle  description  serait  chose  pré- 
somptueuse. Nous  sentons,  en  médilant  sur  ce  sujet,  que 
l"immo!)ilité  el  le  silence  ont  dû  s'enfuir  au  souille  de  la  Voix  Toute- 
Puissante,  et  ({ue  la  lerre  elle-même  a  tremblé  dans  sa  nouvelle 
exislence  quand  le  sombre  voile  des  ténèbres  fut  roulé  comme  un 
rideau  et  mit  à  nu  la  face  de  la  nature  *  ». 

Pourquoi  a-t-il  dû  v  avoir  une  convulsion?  Pourquoi  une  sépara- 
lion  des  éléments  dans  l'abîme  dn  chaos?  Qui  vous  a  dit  que  les 
éléments  étaient  mêlés  ;  car,  s'ils  n'étaient  })as  confondus,  il  n'y  a 
|)oinl  eu  séparation?  Quel  besoin  de  convulsion  y  a-t-il  pour  qu'au 
comuiandement  divin,  chaque  élément,  créature  obéissante, 
simisse  à  son  semblable  suivant  la  loi  et  la  mesure  convenables  ? 
Kxcusez-nous,  Docteur,  si,  en  toute  justice,  nous  taxons  votre  ont 
du  de  pure  fantaisie,  sans  plus  de  réalité  et  avec  moins  de  poésie 
(jue  «  l'enroulement  du  voile  des  ténèbres  découvrant  la  face 
de  la  nature  ».  Notre  élude  nous  donnerait  plus  de  satisfaction 
si  nous  y  rencontrions  moins  d'imagination  et  plus  de  preuves 
solides. 

Nous  compienons,  (cpcndanl.  le  besoin  que  vous  avez  de  la  con- 
vulsion el  du  tremblement,  cai",  vous  allez  nous  le  diic  tout 
à  l'heure,  la  création  de  la  lumière  matérielle  est,  jjour  vous,  l'em- 
blème de  la  création  de  la  lumière  intellectuelle  dans  l'esprit  de 
votre  candidat.  \'ous  cherchez  à  calmer  cet  esprit  qui, s'il  a  «pielque 

1.  Jiiluulisl,  p.  33. 


ET    LE    CHOC    DE    l'iLLUMINATION  57 

croyance  religieuse  définie,  quelque  système  de  conduite  morale, 
ne  peut  manquer  d'être  saisi,  que  dis-je,  terrifié  par  le  saut  qu'il  est 
obligé  de  faire.  Donc,  celte  convulsion,  ce  soulèvement o«/  dùse  pro- 
duire, parce  que  vous  en  avez  besoin  pour  votre  symbolisme.  Non, 
cher  Docteur,  aucune  convulsion,  ni  séparation,  ni  tremblement, 
n'ont  été  nécessaires  pour  que  l'ordre  sortît  du  chaos  au  comman- 
dement divin  ;  car  chaque  élément  obéit  à  l'impulsion  innée  de  sa 
nature  en  exécutant  le  commandement  de  Celui  auquel  c'était  un 
plaisir  d'obéir;  mais  c'est  justement  ce  cœur  qui  est  sincère  dans  sa 
foi  et  dans  sa  morale,  ce  cœur  qui  a  bien  agi  envers  lui-même, envers 
Dieu, envers  ses  semblaljles.  d'après  les  conseils  de  sa  raison,  c'est 
ce  cœur-là  que  la  .Maçonnerie  veut  d'abord  transformer  en  masse 
chaotique  pour  en  réunir  ensuite, s'il  est  possible,  les  éléments  épars 
et  en  constituer  ce  qu'elle  appelle  la  religion  et  l'ordre  moral.  Mais 
elle  cherche  artificieusement  à  cacher  son  action  destructive  en 
affirmant  qu'il  existe  une  condition  mentale  qui  est  de  pure  inven- 
tion, afin  de  se  poser  plus  aisément  en  bienfaitrice  désintéressée 
de  noire  race.  Mais  terminons  notre  citation  intéressante  : 

u  Et  en  Maçonnerie,  dit  le  Ritualist,  nous  cherchons,  par  le  Choc 
de  l'Illumination,  humblement,  il  est  vrai,  à  conserver  le  souvenir 
et  à  rendre  sensible  l'idée  de  la  naissance  de  la  lumière  matérielle 
en  représentant  les  circonstances  qui  l'ont  accompagnée  et  leur 
rapport  à  la  naissance  de  la  lumière  maçonnique.  L'une  est  le  mo- 
dèle de  l'autre  ;  c'est  pourquoi  l'illumination  du  candidat  est  ac- 
compagnée d'une  cérémonie  que  l'on  peut  supposer  avoir  pour  ob- 
jet d'imiter  la  première  illumination  de  l'univers —  très  faiblement, 
c'est  vrai,  mais  d'une  façon  qui  ne  laisse  pas  d'être  impression- 
nante. 

«  Le  Choc  de  lllluminalion  est  donc  un  symbole  du  changement 
qui  s'opère  actuellement  dans  les  conditions  intellectuelles  du  can- 
didat. C'est  un  symbole  i  l'italique  est  dans  le  Ritualist  \  de  la  nais- 
sance de  la  lumière  intellectuelle  et  de  la  dispersion  des  ténèbres 
intellectuelles  '  ». 

Tout  autre  commentaire  est  inutile  après  ce  que  nous  avons  déjà 
dit.  Nos  lecteurs  ont  compris  quel  est  l'objet  de  l'en-seignement 
maçonnique  et  ce  que  la  Maçonnerie  exige  de  son  candidat.  La 
Maçonnerie  doit  enseigner  «  la  Vérité  Divine  —  la  Vérité  de  Dieu 
et  de  l'âme  —  la  nature  et  l'essence  de  l'un  et  de  l'autre  ».  C'est  ce 
qu'elle  appelle  l'illumination  intellectuelle,  qu'elle  va  «  créer  »  dans 
les  esprits  de  ses  néophytes.  Elle  leur  donnera,  par  ce  moyen,  une 
nouvelle  naissance  dans  la  vie  maçonnique,  par  laquelle  ils  acquer- 

1.  Masonic  Jiilualist.  pp.  33-34. 


58  LE    CHOC    DE    l'entrée 

roui  une  idée  nouvelle  de  la  vie  cl  de  ses  devoirs,  el  seront  libérés 
des  entraves  de  la  servitude  morale  dans  laquelle  ils  ont  vécu  jus- 
•  ju'à  ce  jour.  Il  n'y  a  point  dexception  à  l'aire,  peu  importe  la  reli- 
ij^ion  à  laquelle  on  a  appartenu  jusqu'alors,  peu  importe  éi^alemenl 
la  rectitude  avec  laquelle  on  l'a  observée.  Les  saints  de  l'Eglise 
catholique  eux-mêmes,  cpii  ont  quitté  la  vie  hors  de  l'enceinte  de  la 
Maçonnerie,  ont  passé  de  cette  sphère  terrestre  couverts  des  cor- 
ruptions du  monde  extérieur. 

En  retour  de  cette  illumination,  de  ce  chanL^ement  intellectuel  el 
moral,  de  cet  «  ordre  tiré  du  clîaos  »,  de  cette  <  naissance  à  une 
vie  nouvelle  »,  la  Maçonnerie  demande  l'âme  de  l'homme.  Elle 
réclame  une  foi  aveugle  el  absolue  dans  son  droit  de  commmiiquer 
la  Vérité  divine  :  dans  son  pouvoir  de  la  communiquer  :  dans  le  lait 
(pi'elle  la  communique  :  tandis  qu'en  même  temps,  comme  nous  l'a 
dit  Albert  Pike,  elle  Irorape  de  propos  délibéré  ses  initiés  des 
grades  inférieurs,  en  leur  donnant  de  fausses  interprétations  des 
symboles,  en  leur  faisant  croire  qu'ils  savent  beaucoup,  alors  qu'ils 
ne  savent  pratiquement  rien  du  tout.  Elle  demande  toute  la  vie  de 
l'homme  en  ce  monde,  car  cette  vie  doit  se  mouler  sur  ses  prin- 
cipes ;  elle  demande  sa  vie  dans  l'au-delà,  car  l'autre  monde  doit 
correspondre  à  celui-ci.  Elle  ne  demantle  pas  un  changement  pour 
l'avenir,  mais  un  effacement  complet  du  passé.  Elle  réclame  la 
rnj)ture  de  toutes  les  anciennes  attaches  de  la  religion  —  parce 
(juc  toute  religion,  sauf  la  sienne,  ne  connaît  ni  la  nature  de  Dieu 
ni. celle  de  l'àme  humaine  ;  elle  ne  connaît  pas  la  Vérité  Divine  ;  — 
et  de  la  morale  qui.  de  même  (jue  la  religion,  doit  être  enseignée 
par  de  nouvelles  leçons  dans  une  nouvelle  école  ;  et  elle  va  briser 
les  chaînes  <jui  retenaient  captive  la  conscience  humaine  dans  les 
ténèbres  et  les  corruptions  du  mondi*  profane.  Et,  alors  que  l'Ame 
est  t(M'riliée.  (jue  la  conscience  est  frappée,  <pie  la  raison  voudrait 
élfver  la  voix  i»our  faire  une  eiKfuêle  anxieuse,  elle  cherche  à 
apaiser  et  à  calmer  le  troul>le  des  facultés  humaines  en  leur  assu- 
rant que  tel  est  lelfet  naturel  de  la  <■  lumièie  »  el  que,  daus  leur 
état  chaotique,  ils  doivent  s'attendre  à  une  convulsion  semblable  à 
celle  (pie  causa  dans  le  chaos  piiuujrdial  la  création  de  la  lumière 
lualérielle.  Elle  alliiine  beaucoup,  el  ne  {irouve  rien.  Si  vous  lui 
demande/  des  pièces  à  l'appui,  elle  n'en  a  pas  à  vous  montrer. 

(Jue  le  prêtre  calh()li<pie  qui  parcourra  ces  pages  sarrêle  ici.  Il 
sexjdiqucra  plus  c«)uq»lèteuu;nl  pouripioi  il  est  si  dillicile,  même  à 
larlicle  de  la  mort,  de  ramener  à  la  foi  un  C-atholicpie  (pii  a  été 
Maçon.  La  difficulté  n'est  pas  d'ordre  uioral  scideuieul.  mais  d'or- 
dre intellectuel.  Il  n'y  a  pas  eu  simple  désobéissance  à  l'Eglise  et 
négligence  de  ses  sacreuuMits  :  il  y  a  eu  apostasie  foruielle  el  coui- 


ET    LE    CHOC    DE    l'iLLI  MINATION  59 

plète  de  la  foi,  dans  laquelle  la  nature  même  et  l'essence  du  Dieu 
des  chrétiens  a  été  reniée,  aussi  bien  que  la  nature  et  l'essence  de 
l'àme  chrétienne.  Sur  quoi  peut-on  s'appuyer  ?  Sans  un  miracle  de 
la  grâce  —  sur  rien  !  Si  les  seules  passions,  l'intérêt,  ou  des  motifs 
humains  avaient  égaré  le  cœur,  mais  en  y  laissant  du  moins  les  ra- 
cines de  la  foi  ;  s'il  n'y  avait  eu  qu'un  «  changement  »  et  non  un 
«  elïacement  total  du  passé  »,  l'approche  de  l'éternité  et  la  crainte 
d'un  Dieu  offensé  pourraient  réveiller  ce  qui  était  depuis  longtemps 
endormi  et  comme  mort.  Mais,  alors  que  les  racines  mêmes  de  la 
foi  ont  été  arrachées,  que  tout  lien  religieux  et  moral  a  été  brisé, 
que  la  grande  transformation  intellectuelle  de  la  Maçonnerie  a  été 
opérée  et  que,  non  seulement  un  des  dogmes  a  été  répudié,  mais 
tout  le  système  catholique  rejeté  comme  étant  l'erreur,  l'infirmité 
et  l'ignorance,  le  cas  est  presque  désespéré,  comme  le  sait  bien  la 
Franc-.Maçonnerie,  puisque  c'est  elle  qui  l'a  malicieusement  pré- 
paré. S'il  reste  quelque  espoir  humain,  on  le  trouvera  dans  l'intel- 
ligence de  la  source  fatale  qui  détruit  toute  possibilité  d'entente 
réciproque  et  dans  l'effort  entrepris  pour  faire  rentrer  dans  le  cœur 
ce  qui  en  a  été  si  artificieusement  et  si  obstinément  banni  —  les 
vérités  de  la  foi  divine  apprises  sur  les  genoux  d'une  mère. 


CHAPITIΠ V 
La  Maçonnerie  ÀMi-nicAiNE  est-elle  une  religion? 

Nous  nous  posons  celte  question,  non  quo  nous  croyions  qu'il 
soit  possible  à  un  esprit  rétléchi  de  la  mettre  en  doute  après  les  ré- 
vélations du  Choc  de  l'Entrée  et  du  Choc  de  l'illuniination  ;  mais 
parce  que  le  sujet  est  si  important  que  l'étuile  ne  peut  manquer 
d'en  être  intéressante  et  profitable  à  dillerents  points  de  vue. 

Cette  institution,  dont  le  «  but  principal  est  d'enseigner  la  Vé- 
rité Divine  »  —  «  la  Vérité  sur  Dieu  et  sur  l'àme  »  —  «  la  nature  et 
Tessence  de  l'un  et  de  l'autre  »  ;  cette  institution  qui.  pratiquement, 
a  pour  objet  de  faronner  la  morale  humaine  d  après  celte  théorie, 
est,  de  toute  évidence,  une  religion;  car  il  n'existe  ni  dans  le  pré- 
sent, ni  dans  le  passéaucune  religion  qui  n'ait  tendu  vers  celte  même 
fin  ni  qui  l'ait  l'ait  plus  complètement.  La  Maçonnerie  est  donc  bien 
une  religion.  Mais  nous  allons  étudier  ce  point  sous  un  autre  as- 
pect. 

En  feuilletant  notre  Masonic  Hilualisl,  nous  trouvons  à  la  page 
l'.KJ  une  assertion  digne  de  romartjue.  Elle  comprend  deux  parties  : 
l'une  négative  et  l'autre  allirmative.  La  voici  :  Quoique  la  Maçon- 
nerie ne  soit  pas  une  religion,  elle  est,  dans  une  large  mesure,  la 
servante  de  la  religion  > .  Cette  assertion  est  contenue  dans  le  dis- 
cours adressé  au  Grand  Chapelain,  lorsqu'il  est  investi  de  sa 
charge. 

«  Très  Révérend  Frère,  les  fondions  sacrées  de  Grand  Chape- 
ain  ont  été  confiées  à  vos  soins,  et  voici  ([ue  nous  vous  confions  le 
bijou  de  votre  oITice. 

«  Vos  devoirs  consisteront  à  diriger  les  exercices  île  dévotion  de 
nos  Grandes  Assemidées  '(irand  (  '.ninmunivalions)  et  à  accom- 
plir les  fondions  sacrées  de  votre  s;iiiitc  vocation  dans  nos  cérémo- 
nies publicpies.  Qiioi(/ue  In  Maronnci'ie  ne  soil  pas  une  religion,  elle 
csi  pour  une  large  pari  la  servante  ih  la  religion,  et  nous  sommes 
certains  que,  célébrés  par  vous  sur  ses  autels,  les  olïices  ne  perdront 
rien  de  leur  influence  vivifiante,  puisqu'ils  seront  accomplis  dans  cet 
esprit  de  tolérance  universfdie  qui  distingue  notre  instilution.  Les 
<|od  lines  de  mor;dt' d  di-  \ril  n  (pic  vous  avez   lliabilude  d  incul- 


LA  FRANC-MAÇONNERIE  AAlÉRlCAIXE  IlST-ELLE  UNE  RELIGION  ?  61 

quel'  au  monde,  en  tant  que  ministre  de  Dieu,  formeront  les  leçons 
convenables  que  l'on  s'attend  à  vous  entendre  communiquer  à  vos 
frères  dans  la  Loge.  La  profession  que  vous  avez  choisie  dans  la  vie 
est  la  meilleure  garantie  que  vous  accomplirez  les  devoirs  de  votre 
fonction  présente  avec  fermeté  et  persévérance  dans  le  bien.  Nous 
confions  à  votre  garde  la  Sainte  Bible,  cette  grande  lumière  de  la 
Maçonnerie  ». 

Tout  le  monde  en  conviendra  :  les  raisons  de  nier  que  la  INlaçon- 
nerie  soit  une  religion  s'affaiblissent  singulièrement  en  présence 
des  lumières  dont  on  l'entoure. 

Un  grand  chapelain,  un  Très  Révérend  Frère,  des  fonctions  sacrées, 
une  vocation  sainte,  des  exercices  de  dévotion,  la  célébration  d'of- 
fices sur  ses  autels,  le  dépôt  de  la  Bible  —  tout  ceci  indique  à  pre- 
mière vue  une  influence  sur  la  religion,  manifestement  supérieure 
à  celle  d'une  servante. 

Mais  de  quelle  forme  de  religion  la  Maçonnerie  est-elle  la  servan- 
te? Est-ce  du  Méthodisme,  du  Presbytérianisme,  du  Mahomélisme 
ou  du  Catholicisme, ou  encorede  toutes  ces  religions? Une  servante 
est  une  aide.  11  est  étrange  qu'aucune  forme  de  religion  ne  recon- 
naisse la  Maçonnerie  comme  une  aide  «  dans  une  large  part  ».  Le 
Catholicisme  ne  la  reconnaît  certainement  pas  comme  telle,  et  nous 
n'avons  jamais  ouï  dire  que  quelque  autre  religion  le  fît.  L'influence 
de  la  servante  si  secourable  est  bien  effacée  en  vérité.  De  plus,  les 
prétentions  émises  par  la  Maçonnerie  au  «  Choc  de  l'Entrée  et  au 
Choc  de  l'Illumination  »  excluent  l'idée  de  servitude.  Une  extinc- 
tion totale  et  l'anéantissement  du  passé,  sont  œuvre  de  destruction 
et  non  d'aide  ;  et  ceci  se  conclut  tout  naturellement  de  la  théorie 
maçonnique,  que  toutes  les  formes  de  religion  sont  des  corruptions 
d'une  forme  primitive;  car  une  fois  cette  théorie  admise,  celui  qui 
consentirait  à  persévérer  dans  la  pratique  de  semblables  corrup- 
tions serait  indigne  du  nom  d'homme.  11  doit  donc,  s'il  n'est  pas  un 
hypocrite,  abandonner  toutes  ces  pratiques  religieuses  qui  étaient 
autrefois  pour  lui  l'expression  de  la  Vérité  divine;  et  une  société 
qui  serait  composée  de  tels  hommes  ne  peut  être  envisagée  comme 
une  aide  sincère  de  la  religion. 

De  plus,  si  la  Maçonnerie  est  la  servante  de  la  religion,  elle  doit 
se  reconnaître  soumise  en  matière  de  religion.  Mais  comment  la 
soumission  lui  serait-elle  possible,  alors  qu'elle  considère  tout  postu- 
lant, a  quelque  religion  qu'il  appartienne,  quelque  hautes  fonctions 
qu'il  ait  remplies  dans  cette  religion, ou  quel  que  soit  le  nombre  d'an- 
nées qu'il  ait  passées  à  en  approfondir  les  dogmes,  est  considéré  par 
elle  comme  se  tenant  aux  portes  de  la  xMaçonnerie  «  dans  l'obscurité, 
l'ignorance  et  l'infirmité  »,  comme  demandant  avec  prières  que  la 


(j2  LA    FRANC-MAÇONNERIE   AMÉRICAINE 

Inniièro  inlellorluelle  <oil  «  créée  »  dans  son  esprit,  afin  i|nil  puisse 
connaître  Dieu  el  l'essence  de  son  Ame?  Ouelle  soumission  peut-il 
y  avoir  dans  la  Mac^onnerie  à  l'égard  de  la  \'érité  Divine?  Cepen- 
dant elle  a  pour  Imt  principal  renseignement  de  celte  même  Vérité. 
Et  néanmoins  la  Maçonnerie  ne  consent  à  soumettre  au  jugement 
d'aucune  autorité  religieuse  sa  doctrine  sur  Dieu  et  sur  lAme 
humaine  ;  et  elle  ne  permet  à  aucun  de  ses  mendires  de  la  révé- 
ler. 

Gomment  pourrait-on  dire  (jue  la  Maçonnerie  est  la  servante  de 
la  religion,  alors  que  l'une  de  ses  caractéristi<pies  est  précisément 
l'impossibilité,  pour  tout  individu  ou  toute  corporation  d'y  intro- 
duire aucun  changement,  si  léger  soil-il  ? 

«  Le  dernier  point  caractéristique  (/a/K7/?m/*A',  celui  qui  les  résume 
tous,  est  que  ces  landmarks  ne  peuvent  jamais  être  changés  '  ».  Le 
voici  :  «  Vingt-cinquième  :  les  landmarks  de  la  Maçonnerie  ne  peu- 
vent jamais  être  changés.  Voilà  ce  qui  constitue  les  landmarks,  ou, 
comme  on  les  a  parfois  nommés,»  le  corps  de  la  Maçonnerie  »,  el  il 
n'est  donné  à  aucun  homme  ni  à  aucun  groupe  d'hommes  d'y  intro- 
duire la  moindre  innovation-  ». 

Non,  non,  la  Maçonnerie  n'est  pas  une  servante.  Elle  est  quelque 
chose  de  plus,  comme  son  nom  même  l'indique.  Elle  est  la  Franc- 
Maçonnerie,  ne  reconnaissant  de  liens  religieux  ou  moraux  que  les 
siens,  comme  nous  l'avons  vu.  Elle  n'est  pas  la  servante,  mais  la 
maîtresse.  Elle  serait  en  vérité  une  servante  étrange,  celle  qui, 
dans  les  grandes  solennités,  insisterait  pour  occuper  la  place 
d'honneur.  Voilà  cependant  ce  que  fait  la  Maçonnerie  en  matière 
religieuse,  car,  lorsque  des  odices  publics  sont  célébrés  dans  une 
église  aux  jours  tie  fêtes  maçonniques,  c'est  le  chapelain  de  la 
loge  qui  doit  ollicier.  «  Dans  tout  pays  où  la  Maçonnerie  est  encou- 
ragée, ilit  le  Bitualist,  ses  jours  de  fête  sont  célébrés  en  grande 
pompe.  Ces  jours  sont  la  Saint-Jean-Baptiste  (24  juin)  et  la  Saint 
Jean-l'Evangéliste  i?7  décembre),  ils  sont  réservés  par  la  frater- 
nité pour  adorer  le  Grand-Architecte  de  l'Univers,  pour  implo- 
rer ses  bénédictions  sur  toute  la  grande  famille  humaine  ;  el   pour 

prendre  part  à  la  fête  de  l'alVection  fiaternelle En  arrivant  à  la 

grille  de  l'église,  les  frères  se  découvrent  el  ouvrent  leurs  rangs  à 
droite  et  à  gauche  jusqu'à  l'endroit  oii  est  le  Maître,  qui,  suivi  des 
frères,  passe  au  milieu,  la  tête  également  découverte,  et  entre  dans 

l'église Le  service  flivin  doit  être  célébré  j)ar  le    Chapelain,   et 

un  discours  de  circonstance  est  fait  par   quelque   membre  compé- 

1.  h^nriirlnpirilia  nf  Frremnsonri),  ]>.   113. 
V.  Musonir  /iihialisl,  pp.  •il'.^-î.lH. 


EST-ELLE    UNE    RELIGION  ?  63 

lonl  choisi  pour  l'occasion.  Ou  cliaiiLera  des  hymnes  el  des 
antiennes  appropriées  à  la  fête,  el,  après  le  service,  on  pourra  quê- 
ter aux  portes  de  l'église  pour  venir  eu  aide  aux  œuvres  de  cha- 
rité ». 

Notre  servante  a  certainement  tout  pris  eu  main.  Elle  institue 
ses  propres  jours  de  fêles,  les  frères  se  réunissent  pour  adorer  le 
Grand-Architecte  de  l'Univers  ;  ils  le  font  dans  une  église  publique, 
leur  chapelain  y  célèbre  rollice  divin;  ils  chantent  des  hymnes  el 
lies  antiennes  appropriées  à  la  circonstance  —  tout  ceci  se  passe 
par  ordre  et  sous  le  contrôle  de  la  Maçonnerie,  et  cependant,  celle- 
ci  n'est  pas  une  religion,  mais  seulement  la  servante  de  la  religion  ! 
Qu'il  nous  soit  permis  de  demander  quelle  église  elle  a  choisie  pour 
les  offices  divins?  Oui  est-ce  qui  ciiarge  le  chapelain  de  les  célébrer? 
De  quelle  nature  sont  les  ordres  sacrés  qu'il  possède?  Et  même, en 
possède-t-il?  De  quoi  se  composentles  cérémonies  qu'il  accomplit, et 
quelle  sorte  de  cullerend-il  au  Grand-Architecte  de  l'Univers  ?  Oui, 
ou  qu'est  ce  Grand  Architecte  de  l'Univers?  L'église  n'est  certaine- 
ment pas  une  église  catholique, le  chapelain  n'est  pas  catholique,  et 
le  culte  n'est  pas  catholique  ;  en  sorte  que,  même  si  l'idée  d'un  Grand- 
Architecte  de  l'Univers  était  catholique  (ce  qu'elle  n'est  pas,  étant 
donné  son  sens  maçonnique),  les  autorités  de  l'Eglise  catholique  ne 
pourraient  pas  davantage  permettre  à  ses  enfants  de  prendre  part  à 
de  tels  offices  qu'elles  ne  leur  permettent  d'assister  à  ceux  des 
innombrables  églises  prolestantes  qui  nous  entourent. 

La  théorie  de  «  la  servante  »  ne  tient  pas  debout  à  la  lumière  des 
faits  et  des  principes  maçonniques.  La  Maçonnerie  est  donc  plus 
que  la  servante  de  la  religion.  Elle  est  une  religion. 

Nous  le  savons  très  bien  :  une  telle  afïlrmalion  faite  avec  calme 
et  après  mûre  réflexion  va  attirer  sur  nous  un  déluge  de  démentis. 
Nous  avons  démontré  ce  que  valait  celui  du  F.-.  Pike  el  l'inanité 
de  celui  du  Masonic  Ritualist.  Il  est  facile  d'opposer  des  démentis  ; 
mais  qu'on  réfuie  nos  arguments  !  Nous  allons  en  fournir  un  nou- 
veau dont  l'utilité  servira  à  nos  adversaires  comme  à  nous. 

Il  est  évident  qu'il  faut  compter  comme  une  religion  distincte 
celle  qui  a  ses  autels,  ses  temples  particuliers,  ses  minisires  spé- 
ciaux et  même  une  grand'prêtrise  ;  ses  consécrations  et  ses  onctions 
propres  ;  son  riluel,  son  culte  à  elle,  ses  cérémonies  et  ses  fêtes 
religieuses  distinctes,  son  propre  credo,  sa  morale  ;  sa  théorie  par- 
ticulière sur  la  nature  de  l'àme  humaine  et  sur  les  rapports  de  cette 
âme  avec  la  Divinité  ;  enfin  son  Dieu  particulier.  •   - 

Eh  bien  !  nous  trouvons  tout  cela  dans  la  Maçonnerie.  D'où  lions 
concluons  que  la  Maçonnerie  est  une  religion. 

Nul   homme   de  bon   sens   ne    mettra  en  doute  notre  première 


64  LA    rRANC-MAÇ^ONNERlE   AMÉRICAINE 

proposition,  la  majeure  de  rargnment  ;  car  nous  avons  énuméré 
lieaucoup  plus  de  choses  qu'il  n'en  lallail  à  la  rigueur  pour  consti- 
tuer une  religion  distincte.  C'est  donc  la  seconde  proposition  ou  la 
mineure  qu'il  s'agit  d'examiner,  et  c'est  une  question  de  fait.  N'est- 
ce  pas  un  t'ait  que  toutes  les  choses  énumérées  plus  haut  se  ren- 
contrent dans  la  Maçonnerie?  Si  oui,  la  Maçonnerie  est  bien  une 
religion,  en  dépit  de  toutes  les  dénégations  qui  ne  peuvent  venir 
que  de  ceux-là  seuls  qui  ignorent  les  dogmes  maçonniques  ou  qui 
ne  sont  pas  sincères.  Examinons  donc  le  fait  en  délail  : 

1"  L'Aiilel. 

La  premièie  chose  qui  arrête  notre  attention  dès  que  nous 
ouvrons  le  Masonic  Ritiialisl,  c'est  l'autel  maç-onnique.  Il  se 
compose,  paraît-il.  d'un  bloc  de  pierre  entouré  de  trois  chan- 
deliers, sur  lequel  est  posée  la  Bible,  portant  sur  ses  feuillets 
ouverts  l'équerre  et  le  compas.  Le  fond  est  en  bois  noir,  probable- 
ment en  cyprès  '.  Tel  est  l'autel  pour  les  grades  inférieurs,  car  la 
Maçonnerie  a  un  autel  différent  pour  les  hauts  grades.  A  la 
page  35,  nous  voyons  un  diagramme  qui  nous  montre  la  disposi- 
tion des  lumières.  Le  dessin  est  accompagné  de  l'avertissement 
suivant  : 

<(  On  commet  si  souvent  des  erreurs  dans  la  disposition  des 
lumières  autour  de  l'autel  que  le  diagramme  précédent  est  inséré 
pour  instruire  le  ><  Senior  Deacon  »  (Doyen  des  Diacres  .ilont  l'une 
des  atlril)ulions  consiste  à  veiller  à  i^e  quelles  soient  dûment  dis- 
tribuées ». 

Et  du  commencement  à  la  fin  du  livre,  il  est  toujours  question 
de  l'autel  ;  cependant  sa  forme  varie,  comme  nous  l'avons  dit. 

On  lit  à  la  page  532  du  Biiualisl  :  «  L'autel  du  Conseil  des  Maîtres 
Royaux  et  Elus  (Council  of  fioi/al  and  Selecl  3/r/.s/c/'.s  '  représente  la 
célèbre  Pierre  de  Fondation  (hi  Temple  sur  hupielle  on  trouvera 
l)lus  loin  des  renseignements.  11  fainha  donc  (jue.  contrairement 
aux  autres  autels  maçonniques,  il  leprésente  une  pierre  «-ubique, 
sans  autres  ornements,  sur  laquelle  on  déposera  une  représentation 
d»'  r.Vrched'.Vlliance. Comme  la  légende  maçonnique  pince  la  Pierre 
de  l'ondalion  dans  le  ■•  Saint  des  Saints  »  du  second  leiui)le.  mais 
iininédiitlcment  au-dessous  dans  le  premier,  et  comme  ce  jjoint  est 
représenté  par  la  neuvième  arche  dans  le  Con.seil  des  Maîtres  Elus, 
il  est  évident  (pie.  pendant  une  réception,  du  moins,  l'autel  devra 
être  placé  dans  les  hmites  de  celte  arthe  et  non  pas.  comme  on  le 
fait  trop  souvent,  en  dehors  ou  même  au  milieu  de  la  salle  ». 

1.  VdMittic  Hitutilisl.  p.  11. 


EST-I:LLK    l-NE    RELIGION  ?  65 

La  Maçonnerie  a  done  ses  autels  particuliers,  autels  qui  ont  un 
sens  maçonnique  spécial  et  dont  la  disposition,  la  matière,  l'orne- 
mentalion  sont  miuutieusement  déterminées. 

2°  Le   Temple. 

Un  autel  suppose  tout  uaturellement  une  église  ou  un  temple. 
Puisqu'ils  ont  des  autels,  les  Maçons  appellent,  même  publique- 
ment, leurs  édifices  des  «  temples  ». 

«  Le  candidat,  dit  le  Masonic  Riliialist  de  Mackey,  cherche  la 
lumière  et  la  vérité  dans  Tenceinte  sacrée  de  la  loge  '  »  :  dès  son 
entrée,  «  il  reçoit,  comme  Moïse  au  buisson  ardent,  l'avertissement 
solennel  :  »(  Ouilte  la  chaussure  de  tes  pieds,  car  la  terre  sur 
laquelle  lu  marches  est  sainte  -  »  ;  et  l'une  des  dilVérences  qui 
existent  entre  l'ancien  tenq^le,  dont  la  loge  est  la  copie,  et  la  loge 
elle-même,  est  que  «  la  place  la  plus  sainte  d'une  Loge  est  son 
extrémité  orientale,  tandis  que  celle  du  temple  est  son  extrémité 
occidentale  '■^  ». 

«  Ils  ont  l'un  avec  l'autre  des  rapports  si  étroits,  nous  dit  encore 
le  Dr.  Mackey  dans  son  Enci/clopxdia,  à  la  page  798,  qu'il  serait 
fatal  à  l'existence  future  de  la  Maçonnerie  d'essayer  de  les  séparer 
l'un  de  l'autre.  Chaque  Loge  est  et  doit  être  un  symbole  du  Temple 
Juif  »  ;  et  c'est  pour  cela  que,  comme  son  modèle,  la  Loge  contient 
le  Saint  des  Saints.  «  Toute  Loge,  dit  le  F.-.  Pike,  est  un  Temple, 
symbolique  dans  son  ensemble  et  dans  ses  détails  ».  '" 

3"  La  Grand' Préirise. 

La  Maçonnerie  possède,  avec  ses  autels  et  ses  temples,  une 
grand'prêtrise  instituée  par  elle  et' pour  elle.  Ce  sujet  est  traité 
tout  au  long  dans  le  Masonic  Rilaalist,  page  420  et  suivantes. 

«  Le  but  de  ce  grade  (^Grand-Prêtre),  celui  du  moins  auquel  se 
rapportent  ses  cérémonies  symboliques,  semble  être  de  présenter 
au  candidat  le  lien  de  l'amour  fraternel  qui  devrait  vuiir  ceux  qui, 
ayant  été  élevés  à  la  plus  haute  dignité  par  leurs  compagnons,  ont 
ainsi  pour  mission  de  conserver  intacts  les  principes  (landmarks) 
de  l'ordre,  et  de  protéger  de  leur  haute  autorité  l'intégrité  et  l'hon- 
neur de  linstitulion.  On  rappellera  à  ceux  qui  sont  ainsi  séparés  de 
la  foule  des  travailleurs  dans  le  domaine  de  la  Maçonnerie,  et  qui  sont 
consacrés  pour  remplir  une  mission  sainte  dont  ils  devront  ensei- 
gner les  glorieuses  vérités,  à  ceux  qui  siègent   dans    le  tabernacle 

1.  Libr.  cil.,  p.  ■>{). 

2.  Masonic  Ritualist,  p.  '.'3. 

3.  Ibid.,  p.  29. 

4.  Morals  and  Dogma,  p.  7. 


66  LA    FR.\NC-MAÇ0^MÎR1E    AMÉRICAINr. 

comme  les  représentants  du  sacerdoce  ancien,  oti  leur  rappellera 
par  les  cérémonies  impressionnantes  de  ce  degré  l'amitié  étroite  et 
la  camaraderie  (pii  ilevrait  exister  entre  tous  ceux  quiontélé  hono- 
rés d'un  privilège  aussi  distingué  ». 

Puis,  à  la  page  480,  les  peines  infligées  à  ceux  qui  assument  in- 
dûment les  fonctions  sacrées,  sont  exposées  dans  le  récit  biblique 
des  châtiments  subis  par  Core,  Dathan  et  Abiron'  ;  on  y  voit  clai- 
rement établie  la  parité  qui  existe  entre  le  haut  sacerdoce  maçon- 
nique et  celui  d'Aaron.  Nous  devons  ajouter  que  le  Rilualisl  nous 
dit  que  ce  passage  de  l'Ecriture  est  «  parfois  intei'prélé  comme 
l'explication  d'une  partie  importante  de  l'investiture-  ». 

Après  nous  être  pénétrés  de  la  défense  d'assumer  indûment  les 
fondions  de  la  plus  haute  dignité  de  la  loge  ;  après  nous  être  con- 
vaincus qu'une  consécration  est  nécessaire  pour  remplir  une  mis- 
sion sainte  dans  laquelle  doivent  être  enseignées  les  glorieuses  vé- 
rités de  la  Maçonnerie,  et  que  le  futur  grand-prétre  doit  siéger  dans 
le  tabernacle  comme  les  représentants  du  sacerdoce  ancien,  pas- 
sons à  la  Bénédiction,  qui  doit  être  récitée  à  la  consécration  d'un 
Grand-Prétre. 

«  Ouand  on  consacre  un  (Irand-Prètre,  on  doit  réciter  la  formule 
de  Bénédiction  suivante  : 

«  Et  le  Seigneur  parla  ainsi  à  Moïse  et  lui  dit  :  Dis  à  Aaron  et  à 
ses  fds  :  Vous  bénirez  ainsi  les  enfants  d'isrard,  et  leur  direz  :  Que 
le  Seigneur  te  bénisse  et  te  garde.  Que  le  Seigneur  te  montre  sa 
face  et  ait  pitié  de  toi.  Que  le  Seigneur  tourne  son  visage  vers  loi 
et  te  donne  la  paix  »  '. 

El  notre  guide  continue  : 

«  La  cérémonie  de  la  consécration  avec  l'huile  est  préparatoire  à 
l'éh'vation  à  tout  otTice  sacré  comme  l'était,  chez  les  Egyptiens  et 
les  Juifs,  celle  (jui  consacrait  les  rois  ou  les  prêtres.  On  trouve, 
parmi  les  monuments  des  premiers,  un  grand  nombre  d'oeuvres 
d'art  où  l'on  voit  s'accomplir  ce  rite  sacré.  Les  Ecritures  font  men- 
tion de  trois  cas  ditlérenls  où  l'onction  sainte  fut  administrée;  c'est 
d'abord  à  Aaron  lors  de  son  entrée  dans  le  sacerdoce,  puis  à  David 
et  à  Salomon  quand  ils  furent  sacrés  rois.  L'onction  était  alors 
considérée  comme  un  symbole  de  sanctification  ou  de  désignation 
pour  le  service  de  Dieu  ou  quehpie  autre  fonction  sacrée  ».  Et, 
comme  si  tout  cela  n'était  pas  suflisanl  pour  non.";  pénétrer  du  ca- 
ractère sacré  du  haut  sacerdoce  maçonnique,  on  lit  le  passage  de 

1.  \um.  \\\.  I-;;:.. 

'J.  Miisonii'  liiluntitil.  p.  IIÎO. 
3.  Num.  \  I.  ■A>-2G. 


EST-ELLE    UNE    RELIGION  ?  67 

sailli  Paul,  aux  Hébreux,  chap.  MI.  dans  lequel  l'apùlre  parle  du 
sacerdoce  éternel  du  Christ.  Ces  paroles,  dit  le  Bitualisl. sont  «  lues 
comme  explication  de  la  charo:e  sacerdotale  ».  Le  passage  en  ques- 
tion est  entièrenienl  mutilé,  on  y  a  omis  toute  mention  du  Christ. 

Le  Grand-Prèlre,  dit  encore  le  Hitualisl.  est  au-dessus  de  tous 
dans  un  Chapitre  de  Maçons  Boi/al  Arch  :  le  roi  lui-même  est  son 
subordonné.  ><  Il  l'eprésente  Joshua  ou  Jeshua,  fils  de  Josedech,  qui 
était  Grand-Prêtre  dos  Juifs  lors  ilu  retour  de  la  captivité  de  Baby- 
loiie.  Il  siège  à  l'Orient  et  est  revêtu  du  costume  sacerdotal  de  l'an- 
cien Grand-Prêtre  chez  les  Juifs.  Il  porte  une  robe  de  lin  l)leu,  pour- 
pre, écarlate  et  blanc;  il  a  pour  ornement  une  plaque  sur  la  poitrine, 
et  il  est  coiffé  d'une  mi  Ire  sur  laquelle  on  lit  cette  inscription:  «  Saint 
est  le  Seigneur  ».  Le  bijou  ou  insigne  du  grand  prêtre  est  une  mi- 
tre »'.  Son  installation  se  termine  parson  introduction  dans  le 
Saint  des  Saints.  ><  Vous  allez  maintenant  prendre  place  dans  le 
Saint  des  Saints,  dit  le  Grand-Prêtre  et  faire  l'installation  des  olïî- 
ciers  qui  vous  sont  subordonnés  -  ».  «  Puis  le  Grand-Prêtre  est 
introduit  dans  le  Saint  des  Saints'  ». 

Voici  donc  ce  qu'est  le  haut  sacerdoce  en  .Maijonnerie.  On  choisit, 
selon  l'idée  maçonnique,  un  homme  faisant  partie  d'une  élite  re- 
crutée dans  la  foule  des  travailleurs  maçonniques  ;  on  lui  confère, 
en  le  sacrant,  la  sainte  mission  d'enseigner  les  glorieuses  véri- 
tés de  la  Maçonnerie  ;  il  est  le  représentant  des  grands-prêtres 
de  l'antiquité  ;  il  revêt  les  habits  sacerdotaux  et  porte  la  mitre 
sacerdotale  ;  il  siège  dans  le  Saint  des  Saints  :  c'est  à  lui 
que  s'appliquent  les  paroles  de  l'Apôtre  relatives  au  sacerdoce  du 
Christ.  Les  grands  prêtres  forment  un  corps  suprême  dans  les  af- 
faires de  la  Maçonnerie  américaine.  Peut-être  aussi  qu'en  considé- 
rant que  Joshua  et  Jésus  sont  en  hébreu  un  seul  et  même  mot,  nos 
lecteurs  seront  entraînés  dans  un  autre  cours  d'idées. 

4°  Le  Culte. 

Vn  sacerdoce  sans  culte  serait  une  anomalie.  La  Maçonnerie  aura 
donc  son  culte.  Nous  avons  déjà  parlé  de  son  culte  public  en  nous 
occupant  du  chapelain  de  la  Loge  ;  mais  il  est  un  autre  culte,  se- 
cret celui-ci,  qui  se  pratique  sous  le  couvert  des  Loges  ;  son  exis- 
tence est  bien  établie  par  le  Ritualist,  mais  on  n'a  pas  le  droit  d'im- 
primer quelle  en  est  la  nature.  Cela  ne  pou  riait  sans  doute  édifier 
([ue  des  yeux  maçonniques. 

1  Masonic  Ritualist,  pp.  343,  344. 

2.  Ibid.,  p.  463. 

3.  Ibid.,  pp.  463-464. 

4.  Masonic  Ritualist,  p.  248. 


68  LA  franc-ma(^'onm:rie  amk:ricaine 

5"  Les  Consécraiions  et  Onctions. 

Il  en  est  (jnoslion  dans  la  description  que  fait  le  Ritualist  du 
haut  sacerdoce,  de  même  que  des  cérémonies  maçonniques.  Pour 
plus  de  brièveté,  nous  nous  abstenons  d'apporter  d'autres  preuves. 

(y'  Le  Rituel. 

«  La  manière  d'ouvrii'  et  de  bn-mer  une  Loge.de  conférer  les  gra- 
des, de  faire  une  installation  et  d'accomplir  d'autres  devoirs  cons- 
titue un  système  de  cérémonies  que  l'on  appelle  le  Ritueb  Une 
s^rande  partie  de  ce  rituel  est  ésotérique,et,  comme  il  n'est  pas  per- 
mis de  la  confier  au  papier,  elle  ne  peut  se  communiquer  que  par 
l'enseignement  oral'  )>. 

7"  Les  Fêtes. 

<<  Dans  toutes  les  religions,  dit  noire  auteur-,  il  y  a  eu  certains 
jours  consacrés  à  de^  réjouissances,  et  que  Ion  a  appelés  jours  de 
fêle  » 

«  Les  Maçons,  empruntant  cet  usage  à  l'Eg^lise,  (ju'ils  imitent,  ont 
toujours  eu  aussi  leurs  jours  de  fête  consacrés.  Les  principaux  jours 
de  fêle  des  Maçons  Opératifs  ou  Maçons  de  Pierre  du  Moyen-Age 
étaient  la  Sainl-.Iean-Baptiste,  le  ?4  juin,  et  la  fête  des  Quatre 
Martyi-s  couronnés,  le  4  novembre.  Cette  dernière  fut  écartée  par 
les  Maçons  Spéculatifs  [Francs-lNiaçonsj  ;  et  les  fêtes  que  célèbre 
généralement  de  nos  jours  la  F'raternité  sont  celle  de  saint  .lean- 
Baptiste,  le  '24  juin,  et  celle  de  saint  .lean  l'Evangéliste,  le  27  dé- 
cembre. Ce  sont  les  fêtes  qui  sont  célébrées  dans  ce  pays  ». 

8»  Le  Credo. 

'<  Une  croyance  en  Dieu.  —  Ceci  constitue  le  seul  Credo  d'un 
Maçon  —  du  moins  le  seul  Credo  qu'il  soil  tenu  de  professer,  dit  le 
Ritualist,  à  la  page  44  ».  Cejiendant  le  Dr.  Mackey,  dans  son  Ency- 
clopaedia, élargit  (|uel(|ue  |)eu  la  doctrine  ou  jibitcM  explique  les 
mots  (i  tenu  de  professeï-  >■. 

'(  Quoique  la  Maçonnerie,  dit-il,  ne  soit  pas  un?  théologie  dog- 
iiialiipu",  el  qu'elle  soil  toléiante  dans  l'admission  de  tous  ceux  (jui 
oui  une  croyance  religieuse,  on  aurait  tort  de  .supposer  quelle  est 
sans  credo.  .\u  coiilraire.  elle  a  un  credo,  aucpicl  elle  enjoint  rigou- 
reusement d'adhérer,  et  le  l'ail  de  le  repousseï'  rend  absolument 
inq)ropre  à  faiic  partie  île  l'Ordre.  Ce  credo  se  compose  de  deux  ar- 
ticles :  1"  la  croyance  en  Dieu,  Créateur  de  toutes  choses,  qui  est 
par  (•()nsé(pienl  re(N)nnu  cijmme  le  (iraud  Architecte  île   l'Univers; 

1.  Encyclupœdia.  |i.  CmO. 
'î.  Ibid.,  |j.  276. 


EST-ELLE   UNE    RELIGION  ?  69 

et  2"  la  croyance  à  la  vie  éleriielle  pour  laquelle  cette  vie  présente 
n'est  qu'une  préparation  et  une  épreuve.  L'assentiment  au  premier 
de  ces  articles  est  explicitement  exigé  aussitôt  que  l'on  i'ranchit  le 
seuil  de  la  Loge.  Le  second  est  enseigné  d'une  façon  expressive  par 
les  légendes  et  parles  symboles,  et  tout  maçon  doit  y  adhérer  im- 
plicitement, surtout  celui  qui  a  reçu  le  troisième  grade,  tout 
entier  fondé  sur  la  résurrection  à  une  seconde  vie  ». 

Nous  pourrions  facilement  prouver  que  le  Credo  maçonnique  est 
infiniment  plus  développé  ;  eu  ell'el,  comment  enseigner  la  Vérité 
Divine  —  la  vérité  de  Dieu  et  de  l'àme  humaine  —  la  nature  et  l'es- 
sence de  l'un  et  de  l'autre,  si  la  simple  croyance  en  Dieu  est  tout  ce 
qui  est  requis  des  disciples  de  la  Maçonnerie?  La  nature  et  l'es- 
sence de  l'un  et  de  l'autre  embrassent  beaucoup,  beaucoup  de  cho- 
ses. Nous  nous  contentons  cependant  d'indiquer  ce  fait,  car  il  nous 
suffit  d'avoir  prouvé  que  la  .Maçonnerie  a  son  propre  Credo. 

9»  La  Morale. 

Ceci  est  l'un  des  premiers  objets  des  ><  nouvelles  leçons  que  donne 
la  nouvelle  école  de  la  Maçonnerie.  La  Maçonnerie  se  définit  elle- 
même  «  un  système  de  morale  ».  Ce  système  est  certaine- 
ment distinctif  de  la  Maçonnerie,  puisqu'il  fait  partie  de  son  es- 
sence même.  La  lumière  maçonnique  est  exigée  pour  le  connaître  ; 
l'aide  maçonnique  est  indispensable  pour  le  vivre  :  il  constitue  en 
somme  la  «  vie  maçonnique  ».  Cette  morale  est  de  fait  si  spéciale, 
qu'on  ne  peut  en  trouver  les  éléments  hors  de  l'enceinte  de  la  Ma- 
çonnerie. 

«  Nous  le  voyons  ilecandidat  acquérir  à  son  initiation  les  premiers 
éléments  de  morale  »  dit  notre  Ritualist,  p.  338.  Il  est  évident  que, 
s'il  acquiert  au  moment  de  son  initiation  les  premiers  éléments  de 
la  morale,  c'est  qu'il  ne  la  possédait  pas  encore.  La  morale  de  la 
Maçonnerie  lui  est  donc  particulière.  Mais  de  ceci,  nous  reparlerons 
dans  un  chapitre  spécial. 

lO»  La  Théorie  de  lAme  humaine  et  les  Rapports  de  l'Ame  avec 
la  Divinité,  tout  ensemble  avec 

11"  Le  Dieu  spécial  de  la  Maçonnerie. 

Ces  deux  points  nous  sont  clairement  démontrés  dans  les  phrases 
qui  nous  sont  déjà  familières,  oi^i  la  Maçonnerie  expose  qu'elle  a 
pour  but  de  communiquer  la  Vérité  Divine  en  ce  qui  concerne  la 
nature  de  l'àme  et  l'essence  de  Dieu.  Tous  ceux  qui  sont  hors  de 
son  sein  sont  dans  les  ténèbres  ;  elle  seule  possède  la  lumière  ;  son 
candidat  supplie  pour  «  qu'on  tire  le  voile  qui  cache  la  Vérité  divine 
à  sa  vue  de  non  initié   ».   Cette  «   illumination  mentale   »,   celte 


70       LA  1  ranc-ma<.;onm:rie  ami^.ricaine  est-elle  une  religion  ? 

«  lumière  spirituelle  »  est  «  la  première  requête  du  nouveau  candi- 
dat ».  Gomment  connaître  ce  qui  vous  est  tenu  caché?  Pourquoi 
tant  implorer  pour  posséder  une  chose  qu'on  a  déjà  ?  Pourquoi 
entrer  dans  la  Ma(;omierie,  si  elle  a  pour  objet  de  nous  apprendre 
ce  que  nous  savons?  Tout  ceci  s'éclaircira,  sil  est  possible,  à  me- 
sure que  nous  avancerons  dans  notre  Etude. 

Le  Dieu  de  la  Maronnerie  n'est  donc  pas  le  Dieu  ([uc  nous  révé- 
rons, adorons  et  aimons,  car  Celui-là,  nous  le  connaissons  sans 
avoir  recours  à  la  Maçonnerie  ;  notre  âme  n'est  pas  ce  que  nous 
croyons  qu'elle  est,  selon  la  Maronnerie,  mais  autre  chose  que, 
seule,  la  Maçonnerie  peut  nous  révéler.  Voilà  ce  dont  il  s'agit.  Elle 
allirme  donc  tout  simplement  ce  que  nous  disions  :  qu'elle  a  sa 
théorie  particulière  sur  l'àme  humaine,  sur  Dieu,  et  nécessairement 
sa  théorie  sur  les  rapports  entre  l'âme  et  Dieu. 

Nous  n'avons  pas  épuisé,  dans  cette  enumeration,  les  caractères 
religieux  de  la  Maçonnerie.  Nous  aurions  pu  parler  de  ses  invoca- 
tions, de  ses  bénédictions,  de  son  baptême',  de  la  communion  de 
ses  membres,  de  ses  hymnes,  de  ses  purifications,  des  crosses  dont 
on  fait  usage  dans  les  hauts  grades,  etc.  ;  mais  nous  n'avons  pas 
besoin  de  plus  amples  développements  pour  prouver  un  l'ail  aussi 
évident.  Appelez  tout  cet  ensemble,  si  vous  le  voulez,  une  religion 
travestie, considérez-le  comme  une  caricature  ridicule  de  la  religion 
—  nous  n'avons  rien  à  voir  dans  la  sincérité  ou  la  fausseté  des  pro- 
testations de  la  ]\Iaçonnerie.Nous  avons  montré  qu'elle  a  ses  autels, 
ses  temples,  ses  prêtres,  son  culte,  son  rituel,  ses  cérémonies,  ses 
fêtes,  ses  consécrations  et  ses  onctions,  son  credo,  sa  morale,  sa 
théorie  sur  l'àme  humaine  et  ses  rapports  avec  la  divinité,  son  pro- 
pre Dieu.  Toutes  ces  choses  constituent  certainement  une  religion, 
une  religion  fausse  à  la  vérité,  mais  une  religion. 


1.   Au  sujet  (iun   «  Baptême  >■  inaronniciue  adiiiiiiistré  l'ocemmcnt  à  Now- 
YtM'k  City  ;  voir  la  Catholic  Forlnitj/illi/  Review,  vol.  XV,  n»  7. 


CHAPITRE:VI 

Plus  DE  lumière  sur  la  Franc-Maçonnerie  américalne  en  tant  oue 

RELIGION 

L'idée  de  présenler  la  Maçonnerie  coinme  une  religion  doil  pa- 
raître si  nouvelle  à  bon  nombre  de  nos  lecteurs,  et  les  protestations 
qu'elle  soulève  dans  la  Fraternité  se  font  entendre  si  bruyantes  et 
si  prolongées,  qu'un  peu  })lus  de  lumière  sur  cette  (jueslion  ne  sera 
pas  hors  de  propos.  Remettons  au  Dr.  Mackey  le  soin  de  nous  inS' 
truire,  tout  en  nous  réservant  le  droit  d'appeler  votre  attention  de 
ci,  de  là,  sur  certains  points  où  il  risquerait  de  nous  égarer. 

«  Un  grand  nombre  d'orateurs  et  d'essayistes  maçonniques,  nous 
dit  Mackey*,  ont  en  vain  dépensé  beaucoup  d'esprit  et  de  talent  pour 
prouver  que  la  Maçonnerie  n'est  pas  une  religion.  Ceci  vient  sans 
doute  du  rapprochement  que  des  gens  bien  intentionnés,  quoique 
dans  l'erreur,  ont  voulu  faire  entre  la  Religion  et  la  Maçonnerie,  et 
l'on  a  craint  aussi  que,  si  on  les  séparait  trop  ouvertement  Tune  de 
l'autre,  les  adversaires  de  la  Maçonnerie  ne  réussissent  à  établir 
une  théorie  qu'ils  se  sont  plu  à  avancer.  Ceux-ci  prétendent  que  les 
Maçons  sont  portés  à  substituer  les  'enseignements  de  leur  ordre 
aux  vérités  du  Christianisme. 

«  Pour  moi.ajoute-t-il.qui  n'ai  jamais  cru  un  instant  qu'un  esprit 
bien  équilibré  puisse  admettre  une  prétention  aussi  déraisonnable 
que  celle  qu'on  attribue  à  la  Maçonnerie  de  vouloir  se  substituer  au 
christianisme,  je  ne  suis  pas  disposé  à  faire  autant  de  concessions 
que  des  Frères  plus  timides  touchant  le  caractère  religieux  de  la 
Maçonnerie.  Au  contraire,  je  soutiens,  sans  la  moindre  hésita- 
tion, que  la  Maçonnerie  est,  dans  toutes  les  acceptions  du  mot, 
sauf  une,  et  la  moins  philosophique  de  toutes,  une  institution  émi- 
nemment religieuse,  qu'elle  doil  uniquement  à  Vêlement  religieux 
qu'elle  contient  son  origine  et  la  perpétuité  de  son  existence,  et  (|ue, 
sans  cet  élément  religieux,  elle  ne  mériterait  guère  la  peine  d'être 
cultivée  par  un  homme  sage  et  bon.  Mais,  pour  être  mieux  comjjris, 
il  serait  utile  de  s'entendre  sur  la  vraie  définition  de  la  religion.    11 

1.  Encijdoinrdia  of  Freemasonry.  \).  illJ'.t. 


/2  PLVS  DK  LIMIKRE  MR  LA   FRANC-MAÇONNERIE  AMERICAINE 

n'est  tien  de  plus  illoij;ique  (|iie  de  raisonner  snr  des  termes  non  dé- 
finis. Webster  a  donné  qualir  délinilions  dislincles  de  la  religion  ». 

Ainsi,  vous  l'avez  entendu  :  l'élément  religieux  est  Tàme  même 
de  la  Maçonnerie  ;  c'est  à  lui  t|u"(dle  doit  son  origine  et  la  perpé- 
tuité de  son  existence  ;  sans  lui.  la  Maçonnerie  n'auiait  aucune  va- 
leur. Les  Frères  orateurs  et  essayistes  qui  ont  nié  avec  tant  d'es- 
prit et  de  talent  la  présence  de  cet  élément  religieux  dans  la  Ma- 
çonnerie et  qui  ont  cherché  à  démontrer  (jue  la  Maçonnerie  et  la 
religion  étaient  séj)arées  l'une  de  l'autre,  ont  pu  le  l'aire  dans  une 
bonne  intention,  sans  doute,  mais,  à  notre  avis,  ils  n'étaient  ni  sin- 
cères, ni  honnêtes.  Pour  eux,  ce  n'était  pas  la  vérité  (jui  impor- 
tait, mais  la  crainte  que  les  adversaires  de  la  Maçonnerie  ne  réus- 
sissent à  établir  cette  théorie, (pie  celle-ci  cherche  à  se  substituer  au 
Christianisme.  Mais  pourquoi  cette  crainte,  s'il  n'en  est  pas  ainsi? 
Comment  povn-rait-on  réussir  à  imposer  une  théorie,  si  elle  est 
fausse?  «  Ils  se  trompaient  en  le  croyant.  »  dit  le  savant  Dr.Mackey. 
Se  trompaient-ils  vraiment?  Xous  le  verrons  plus  tard. 

Ln  mot  encore,  et  nous  continuerons  notre  citation.  Le  Dr.  Mac- 
key  nous  dit  que  la  Maçonnerie  est  la  religion  dans  les  trois  pre- 
miers sens  du  mot,  mais  non  dans  le  quatrième,  qui  est  le  moins 
philosophique.  Ignorant  le  système  de  philosophie  adopté  par  le 
Docteur,  nous  ne  pouvons,  pour  le  moment,  éclairer  nos  lecteurs 
sur  ce  qu'il  trouve  de  non  philosophique  ou  de  moins  philosophi- 
que à  ce  quatrième  sens.  PeuL-ètrc  la  lumière  se  l'era-t-elle  à  me- 
sure que  nous  avancerons. Voyons  donc  ces  définitions  de  Webster, 
telles  (pie  les  rapporte  notre  auteur  : 

«  l"La  Religion,  prise  dans  sa  plus  grande  compréhension,  renfer- 
me une  croyance  à  l'existence  et  aux  perfections  de  Dieu,  -[à  la  ré- 
vélation de  sa  volonté  à  l'homme,  —  à  l'obligation  où  est  l'homme 
d'ol)éir  à  ses  commandements,  —  à  un  étal  fulur  de  récompense  ou 
de  châtiment,  et  au  compte  (jiie  nous  devons  rendre  à  Dieu  ;  puis 
à  la  vie  religieuse  et  pieuse  (jue  nous  sommes  lemis  de  uicikm'  en 
prati(pianl  lous  les  devoirs  moraux  ». 

Il  est  vrai  (pie  cela  siillil  à  constituer  la  religion  ;  il  n'y  a  (pi'une 
chose  qui  mampie  pour  (pie  cela  fasse  une  religion  :  c'est  de  réali- 
ser ces  éléments.  C'esl  une  cho.se  de  (  roire  d'une  manière  générale 
en  un  Dieu  (pielcoïKjue,  possédant  telles  ou  telles  perfections  ;  de 
croire  en  une  révélai  ion  dont  nous  ignorons  le  sujet,  en  des  obli- 
gations abstraites,  en  une  vague  responsabilité,  —  et  c'en  esl  une 
autre  toute  difTérenle  de  croire  en  un  Dieu  défini,  ayant  des  perfec- 
tions déterminées  ;  en  une  révélation  certaine  de  sa  volonté,  en  des 
obligations  et  des  devoirs  bien  précis  ;  et  ce  n'est  qu'avec  de  telles 
croyances  (pie  nous  pourrons  prali(pier  des    vertus    délerminées  et 


EN    TANT    OLE    RELIGION  /Ô 

mener  une  vie  vraiment  pieuse.  Une  simple  croyance  générale  et 
indéterminée  en  un  Dieu  quelconque,  en  des  devoirs  imprécis,  en 
une  révélation  vague  ne  portera  jamais  à  suivre  une  ligne  de  con- 
duite indéfeclil)le  et  no  pourra  davantage  former  un  idéal  vers  le- 
quel nous  puissions  diriger  noire  vie  et  rajjpelcr  une  vie  vraiment 
pieuse.  La  précision  sur  tous  ces  points  est  indispensable  à  la  di- 
rection des  actes,  car  notre  intelligence,  comme  notre  volonté,  est 
impuissante  tant  qu'elle  est  dons  rincerlitude.  Elle  serait  étrange, 
cette  piété  qui  s'accommoderait  de  ninipurle  quelle  conception  de 
Dieu  ;  comme  le  serait  un  idéal  humain  qui  trouverait  sa  réalisation 
dans  n'importe  quel  homme,  car  alors  l'assassin,  l'incendiaire, 
l'ivrogne,  le  débauché  pourraient  convenir  à  cet  idéal  indéterminé 
aussi  bien  que  l'homme  honnête,  sobre,  temjiérant  ou  possédant 
quelque  autre  de  ces  habitudes  que  nous  appelons  vertus.  Dans 
celte  hypothèse,  les  pa'iens  pourraient  être  pieux  en  même  temps 
qu'adultères  comme  Jupiter,  ou  ivrognes  comme  Bacchus  ;  et  les 
païennes  pourraient  être  à  la  fois  pieuses  et  aussi  impudiques  que 
Vénus. 

Donc,  si  cette  première  délinilion  peut  convenir  à  la  Maçonne- 
rie, comme  l'aflirme  le  Dr.  Mackey.  cela  sufïit  à  prouver  que,  non 
seulement  la  Maçonnerie  est  la  religion,  mais  qu'elle  est  une  reli- 
gion. Car,  en  fait,  la  Maçonnerie  enseigne  une  morale  déterminée, 
impose  des  devoirs  précis,  approuve  ou  blâme  un  certain  genre  de 
vie.  Ceci  suppose  nécessairement  une  révélation,  une  loi  etl^des 
obligations  définies,  un  législateur  et  un  Dieu  défini.  Rendez  quel- 
qu'un de  ces  éléments  indéfini,  et  vous  (U'-l mirez  du  même  coup  la 
force  de  l'obligation. 

Nous  savons  bien  que  les  Maçons  nous  diront  que  nous  faisons 
erreur,  et  que  la  Maçonnerie  permet  à  chacun  de  ses  membres 
d'avoir  pour  idéal  les  révélations  de  sa  propre  religion  :  le  Juif, 
l'Ancien  Testament  ;  le  Chrétien,  l'Ancien  et  le  Nouveau  :  le  Maho- 
metan, le  Koran,  etc.  Mais  nous  ne  nous  trompons  point  ;  car  la 
règle  de  vie  ne  consiste  pas  seulement  dans  l'usage  de  ces  livres, 
mais  dans  l'usage  de  ces  livres  inlerpréiès  niaçonniquement,  c'est-à- 
dire  d'après  les  doctrines  maçonniques  bien  définies  qui,  à  en  croire 
les  oracles  de  l'Institution,  sont  contenues  dans  ces  livres.  Xous 
Iraiterons  cette  question  tout  au  long  dans  le  chapitre  «  la  Franc- 
Maçonnerie  américaine  et  la  Bible  ». 

La  Maçonnerie  doit  donc,  comme  elle  le  fait  d'ailleurs,  donner 
aux  éléments  généraux  de  la  religion  un  sens  défini  et  réel  ;  et,  du 
même  coup,  elle  constitue  nécessairement  une  religion;  car  chacun 
sait  que  ce  qui  existe  réellement  est  individuel.  Donc  la  Maçonnerie 
est  une  religion. 

6 


74  PLUS  DE  LUMIÈRE  SUR  LA  FRANC-MAÇONNERIE  AMERICAINE 

2"  Suivant  la  deuxième  définition  donnée  par  Webster,  au  dire 
du  Dr.  Mackey.  «  la  religion,  en  tant  que  disliuctc  de  la  théologie, 
consiste  dans  la  pratique  de  la  piété  réelle,  c'est-à-dire  dans  l'ac- 
complissenienl  de  tous  les  devoirs  connus  envers  Dieu  et  nos  sem- 
blables, soit  par  obéissance  à  l'ordre  divin^,  soit  par  amour  de  Dieu 
et  de  sa  loi  ». 

3"^  Webster  dit  encore,  suivant  noire  autour.  «  que  la  religion,  en 
tant  que  distincte  de  la  Vertu  et  de  la  Morale,  consiste  dans  l'accom- 
plissement des  devoirs  que  nous  devons  rendre  directement  à  Dieu 
pour  obéir  à  sa  Volonté  ». 

4"  «  Enfin,  ajoute  notre  Docteur.  Webster  définit  la  religion,  un 
système  quelcoiupie  de  loi  ou  d'adoration  ;  et,  dans  ce  sens,  dit-il, 
la  religion  comprend  aussi  bien  la  croyance  et  le  culte  des  païens 
et  des  Mahometans  que  ceux  des  Chrétiens  —  toute  religion  consis- 
tant en  une  croyance  à  une  ou  à  plusieurs  puissances  supérieures 
qui  gouvernent  le  monde  et  en  l'adoration  de  cette  puissance  ou  de 
ces  puissances.  Et  c'est  dans  ce  sens-là  que  nous  parlons  de  la  reli- 
gion lurcjue  ou  juive  comme  de  la  religion  chrétienne  ». 

Voilà  comment  le  Dr.  Mackey  définit  la  religion  dans  ses  quatre 
significations.  Il  dit  qu'en  ceci,  il  suit  Webster.  Il  ne  nous  précise 
pas  l'édition  d'où  il  tire  ses  citations,  qu'il  nous  est  impossible  de 
vérifier.  Les  meilleures  éditions  actuelles  de  Webster  ne  donnent 
pas  ces  définitions  de  la  même  manière  que  le  Docteur.  Nous  ne  lui 
chercherons  cependant  pas  querelle  à  ce  sujet;  mais  nous  allons  les 
accepter  telles  qu'il  nous  les  donne,  qu'elles  soient  ou  non  de 
W'ebster. 

«  Il  est  clair,  ajoute-t-il,  que,  quelle  que  soit  celle  des  trois  pre- 
mières significations  dans  laquelle  nous  prenions  le  mot  religion  — 
et  elles  ne  diffèrent  pas  sensiblement  entre  elles,  —  la  Maçonnerie 
est  autorisée  à  réclamer  le  titre  d'institution  religieuse.  Si  on 
l'examine  scrupuleusement  et  de  près, on  verra  qu'elle  répond  à  tout 
ce  qu'exige  n'importe  laquelle  de  ces  trois  définitions  ».  «  Elle 
requiert  une  croyance  en  Dieu  et  en  ses  perfections,  continue  le 
Docteur, à  ce  point  que,  pour  entrer  dans  l'CJrdie,  il  est  iiulispen- 
sable  de  faire  publi(iuement  cette  profession  de  foi.  Celui  qui  ne 
croit  pas  à  l'existence  de  Dieu  ne  peut  être  reyu  Maçon  ».  Et  plus 
loin  :  «  On  a|>p(dic  d'une  façon  techni([ue  •<  morale  spirituelle  et 
plaurhc  à  tracer  maçonni(|ue  »  la  révélation  de  la  volonté  de  Dieu  à 
l'homme,  et  tout  Maçon  doit,  suivant  les  règles  et  les  plans  de  celte 
révélation,  ériger  l'édifice  spirituel  de  sa  vie  éternelle  ».  Il  ajoute  : 
<'  Un  état  de  récompense  ou  de  cliAtimcuit  es!  nécessairement 
compris  dans  toute  idée  d'obligation,  car  celle-ci  perdrait  sa  force 
et  son  eflicacité  sans  la  croyance  à   cet  étal.    El  la  Maie  piété,  .soit 


EN    TANT    QUE    RELIGION  /5 

dans  le  culte  divin,  soit  dans  la  pratique  de  la  vie,  est  inculquée 
comme  le  devoir  immuable  du  Franc-Maçon,  depuis  la  réception  au 
premier  grade  jusqu'à  l'admission  au  dernier  )>. 

«  C'est  ainsi,  dit-il,  que,  suivant  la  deuxième  et  la  troisième 
définition,  toute  cette  piété  pratique  et  l'accomplissement  de 
nos  devoirs  envers  Dieu  et  envers  nos  semblables  viennent  de  ce 
principe  d'obéissance  à  la  volonté  divine  sur  lequel  ils  sont  fondés. 
De  quelle  autre  source,  ou  de  quelle  autre  volonté  pourraient-ils 
venir?  C'est  la  voix  du  Grand  Architecte  de  l'Univers,  dont  chaque 
cérémonie  de  notre  rituel  est  pour  nous  un  symbole,  de  même  que 
chaque  pièce  d'ameublement  de  notre  Loge  ;  tout  parle  au  vrai 
Maçon  pour  lui  commander  de  craindre  el  d'aimer  Dieu  et  ses 
frères.  Il  est  oiseux  de  dire  que  le  Maçon  fait  le  bien  simplement 
parce  qu'il  obéit  aux  statuts  de  l'Ordre.  Ces  statuts  eux-mêmes  ont 
leur  sanction  dans  l'idée  maçonnique  de  la  nature  et  des  perfections 
de  Dieu,  idée  qui  nous  est  parvenue  dès  l'origine  de  l'histoire  de 
l'Institution,  et  la  diffusion  de  cette  idée  en  fut  le  Init  et  la  raison 
d'être  ». 

Nous  avons  laissé  le  Dr.  Mackey  s'étendre  tout  à  loisir,  car  ses 
paroles  sont  une  belle  confirmation  de  tout  ce  que  nous  avons  déjà 
prouvé.  Comme  le  credo  de  la  Maçonnerie  évolue  sous  sa  plume 
facile  !  «  Une  croyance  en  Dieu  et  en  ses  perfections  »  ;  «  la  révéla- 
tion de  sa  volonté  à  l'homme  »  ;  «  un  état  de  récompense  ou  de 
châtiment  »  ;  «  vraie  dévotion  envers  Dieu  et  piété  dans  la  pratique 
de  la  vie  »  ;  quel  vaste  champ  de  croyance  tout  ceci  ouvre  au  Maçon 
instruit  !  Il  n'est  peut-être  pas  tenu-à  tout  pratiquer,  mais  il  faut 
qu'il  admette  tout.  Et  remarquez  comme  tout  est  déterminé  et 
précis  en  Maçonnerie,  en  dépit  des  apparences  :  piété  pratique  et 
obéissance  à  la  volonté  divine  ;  la  voix  du  Grand  Architecte  de 
l'Univers  symbolisée  par  toutes  les  cérémonies  et  parlant  par  chaque 
pièce  de  l'ameublement  de  la  Loge  ;  l'idée  maçonnique  de  Dieu,  qui 
est  la  sanction  des  statuts  de  l'Ordre.  Il  ne  s'agit  pas  d'une  piété 
quelconque,  d'une  volonté  divine  quelconque  ;  d'une  voix  ou  d'une 
autre  ;  d'une  idée  de  Dieu  indéfinie  ;  mais,  selon  le  cas,  chaque 
chose  est  fixe  et  déterminée.  Tout  est  réel  ;  tout  fait  partie  A\ine 
religion. 

«  Cependant,  il  faut  avouer,  dil-il,  que  la  quatrième  définition  ne 
semble  pas  s'appliquer  strictement  à  la  Maçonnerie  ».  Mais,  en  fait, 
la  quatrième  définition, qu'elle  le  paraisse  ou  non, 'es/  applicable  à  la 
Maçonnerie  au  sens  strict  du  mot,  comme  nous  l'avons  déjà  prouvé 
plus  d'une  fois  et  comme  nous  le  prouverons  encore.  Nous  ne  nous 
attendons  pas,  dans  une  organisation  comme  la  Maçonnerie,  qui 
cherche  à  se  cacher  derrière  un  voile  impénétrable,  à  voir  que  les 


76  PLUS  DE   LUMlÉRi;  SLR   LA  FRA>C-MAgON>ERIE  AMÉRICALNE 

choses  paraisse/il  ce  qu'elles  sonl  en  réulilé.  .Nos  lecteurs,  qui  ont 
cru  tout  d'abord  que  la  Maçonnerie  était  une  simple  institution  de 
l)ienfaisanc('.sont  étonnés  denlendre  les  révélations  roliyieuses  que 
la  Fraternité  lait  sur  son  propre  complo.  Il  ne  \ouv  semblait  pas  que 
la  Maçonnerie  fût  religieuse  dans  aucun  sens  du  tonne:  et  pourtant, 
malgré  les  apparences,  notre  auteur  admet  spontanément  que  les 
trois  premières  significations  de  la  religion,  significations  attribuées 
à  Webster,  peuvent  être  applicable.;  à  la  Maçonnerie  ;  l)icn  mieux, 
il  prouve  qu'elles  le  sont.  Les  apparences  sont  parfois  décevantes. 

-'  Mais  elle  [la  Maçonnerie  n'a  aucunement  la  prétention  de 
prendre  une  place  parmi  les  religions  du  monde,  entendues  comme 
sectes,  ou  systèmes  particuliers  «  de  foi  et  de  culte  »  par  quoi  nous 
distinguons  le  Christianisme  du  Judaïsme,  ou  le  Judaïsme  du  Mabo- 
mélisme  ». 

La  vraie  Maçonnerie  n"a  aucune  prétention  à  occuper  une  place 
dans  ce  qu'elle  appelle  les  religions  du  monde;  car  celles-ci,  comme 
nous  l'a  dit  le  F.-.  Pike,  sont  des  corruptions  de  la  foi  primitive.  La 
Maçonnerie  ne  veut  certes  pas  prendre  rang  parmi  ces  dernières, 
pas  plus  qu'elle  n'ambitionne  dètre  une  secte  dilférant  ilu  Chris- 
tianisme comme  le  Christianisme  dilTère  du  Judaïsme  ;  car  notons 
bien  que,  dans  l'idée  maçonnique,  les  sectes  particulières  sont  la 
corruption  dift'érant  de  la  corruption  ;  la  religion  fondamentale 
étant  la  même  en  l'une  et  en  l'autre,  les  ditïérences  ne  proviennent 
que  des  erreurs  accumulées  qui  sont  l'œuvre  de  l'homme.  La  Ma- 
ç'onnerie  diffère  donc,  d'après  sa  i)roprc  théorie,  de  toute  forme 
l»articulièrc  de  religion,  elle  est  la  religion  calholique,  universelle, 
de  l'humanité.  File  prétend  être  le  type  pur  duquel  les  religions 
sont  les  déformations  mullijiles.  Elle  est  la  base  solide  sur  laquelle 
on  a  entassé  des  erreurs  variées.  Aussi  difl'ère-t-elle  de  toutes  les 
religions  :  elle  est  cachée,  enfouie  sous  toutes  ces  formes  particu- 
lières de  religion,  mais  elle  est  supérieure  à  toutes. 

«  Dans  ce  sens  du  mol  le  sens  de  secte  .  dit-il.  nous  ne  parlons 
et  nous  ne  pouvons  pas  parler  de  la  religion  maçonnique,  pas  plus 
que  nous  ne  dirons  d'un  homme  qu'il  n'est  pasun  Chrélien,mais  un 
.Maçon.  N'oilà  oi^i  les  adversaires  delà  Mnçonnerie  se  sont  fourvoyés  ; 
ils  ont  confondu  l'idée  d'une  institution  religieuse  avec  celle  de  la 
religion  chrétienne  en  tant  (pie  forme  spéciale  de  culte,  et  ils  ont 
supposé  (pie.  parce  que  la  Maçonnerie  enseigne  la  vérité  religieuse, 
elle  se  propose  comme  remplaçante  de  la  vérité  chrétienne  et  du 
devoir  chélien  '  ». 

Les  idées  chrétiennes  sur  Dieu  et  sur    l'àme   humaine,    les   idées 

1.  En<iirh)p:v(li(t  nf l-'rrrmnsoiirii.  p.  fill. 


i:N    TANT    GUE    RELIGION' 


calholiques,  par  exemple,  sonl-elles  idenliqueinenl  les  mêmes  que 
les  idées  maçonniques  ?  Les  devoirs  chrélicns,  au  sens  strict  du 
terme,  sont-ils  identiques  aux  devoirs  maçonniques  ?  La  morale 
chrétienne  et  la  morale  maçonnique  sont-elles  semblables  ?  Répon- 
dez par  oui  ou  par  non.  Vous  ne  pouvez  pas  dire  "  oui  '",  car  vous 
idenlifiori"z  la  Maçonnerie  au  Christianisme  en  i^énéral  ou  au  Ca- 
tholicisme, et  vous  protestez  bien  haut,  et  avec  raison,  qu'il  n'en 
est  pas  ainsi.  Par  ce  seul  mot,  vous  détruiriez  tout  l'échataudage 
maçonnique,  sa  raison  d'être  et  celle  de  son  mystère,  car  nous  trouve- 
rions en  dehors  de  la  Maçonnerie  ce  qu'elle  affirme  ne  pouvoir  exis- 
ter ailleurs  que  dans  son  sein.  Il  faut  donc  que  vous  répondiez  : 
«  Non  :  l'idée  chrétienne  de  Dieu,  la  morale  chrétienne  et  le  de- 
voir chrétien  ne  sont  pas  maçonniques  ».  Et  vous  avez  raison,  votre 
assertion  sera  confirmée  à  chaque  pas  que  nous  ferons  dans  notre 
Etude.  Mais  ne  voyez-vous  pas  que  le  Maçon  instruit,  le  candidat  à 
la  lumière  maçonnique  qui  embrasse  votre  théorie  doit  nécessaire- 
ment, s'il  est  sincère  et  honnête,  abandonner  les  idées  chrétiennes, 
les  idées  calholiques  qu'il  avait  jusqu'alors  tenues  pour  sacrées, pour 
adopter  les  nouvelles  idées,  les  nouveaux  principes,  la  nouvelle  vie 
que  propose  la  Maçonnerie  ?  N'est-ce  pas  là  une  substitution  évi- 
dente ?  «  Mais  elle  ne  se  présente  pas  sous  cet  aspect  »,  dites-vous. 
Ah  !  voilà  qui  est  bon  :  qu'elle  se  présente  ou  non  comme  telle,  elle 
est  logiquement  un  remplacement,  et  c'est  comme  telle  que  l'accepte 
celui  qui  est  véritablement  instruit.  Ainsi  que  nous  l'avons  dit,  aucun 
homme,  digne  de  porter  ce  nom,  ne  pourra  à  la  fois  croire  que  le 
Christianisme,  le  Catholicisme  soit  un  tissu  de  corruptions  et  d'er- 
reurs inventées  par  l'homme, et  adhérer  à  ses  doctrines  spécifiques  et 
pratiquer  les  devoirs  particuliers  qii'il  impose.  La  naissance  de  la 
nouvelle  foi  est  la  mort  de  l'ancienne.  Supposons  qu'au  moment 
même  où  s'opère  ce  changement,  on  présente  à  celui  en  qui  il 
s'opère  la  pure  religion,  telle  qu'il  la  conçoit  ;  s'il  est  honnête,  il 
l'embrassera  spontanément.  N'est-ce  pas  de  la  sorte  que  .-'opère 
toute  suljstilulion,  qu'on  l'appelle  ainsi  ou  non? 

Pour  que  le  lecteur  comprenne  mieux  le  sophisme  auquel  recourt 
la  Maçonnerie  pour  nier  quelle  veuille  supplanter  le  christianisme, 
nous  allons  retourner  brièvement  à  la  doctrine  qu'expose  le 
F.".  Pike  :  «  La  Maçonnerie  enseigne  et  a  conser\é  dans 
toute  leur  pureté  les  principes  fondamentaux  île  la  vieille  foi 
primitive,  qui  sont  tes  fiases  sur  tesqiietles  s'appuie  toute  retigion. 
Toutes  les  religions  qui  ont  existé  jusqu'ici  ont  eu  un  fonds  de  vé- 
rité ;  et  toutes  l'ont  recouvert  d'erreurs.  Les  vérités  primitives  en- 
seignées par  le  Rédempteur  furent  plus  rapidement  corrompues, 
mélangées  et  alliées  à  des  fictions  que  lorsqu'elles  furent  enseignées 


78  PLUS  DE  LUMIÈRE  SUR  LA  FRANC-MAÇONNERIE  AMÉRICAINE 

aux  premiers  hommes.  La  Maçonnerie  est  la  morale  universelle  qui 
convient  aux  habitants  de  tous  les  pays,  aux  hommes  de  tous  les 
Credo^  ». 

De  son  propre  aveu,  la  Maçonnerie  existe  donc  sous  deux 
formes  :  une  forme  pure  et  intacte, qui  se  trouve  dans  le  sein  de  ses 
Loges  ;  une  forme  fausse  et  corrompue, qui  réside  dans  les  diverses 
religions  pratiquées  au  dehors.  Dès  qu'il  entre  dans  une  Loge,  le 
candidat  est  inondé  de  lumière  ;  la  lumière  intellectuelle  est  créée 
dans  le  chaos  de  son  esprit;  les  corruptions  introduites  par  toutes  les  re- 
ligions particulières  apparaissent  dans  leur  vraie  lumière  à  son  regard 
fortifié  et  purifié  ;  et  au  travers  de  ces  corruptions,  derrière  elles,  dans 
chacune  d'elles,  il  découvre  la  pure  Maçonnerie,  bien  qu'elle  soit  ca- 
chée et  ensevelie  sous^leur  masse. Il  faut  donc  que  vous  en  arriviez  à 
reconnaître  la  Maçonnerie  dans  votre  religion,  que  vous  soyez  ca- 
tholique, protestant,  juif  ou  bouddhiste;  il  faut  que  vous  admettiez 
que  votre  religion,  quelle  qu'elle  soit,  n'est  qu'une  variété  de  la  Ma- 
çonnerie, son  prototype,  etune  variété  d'origine  humaine.  Ne  compre- 
nez-vous pas.  disent  les  auteurs  à  qui  nous  avons  affaire,  que  vous 
ne  substituez  aucunement  la  Maçonnerie  à  votre  religion,  mais  que 
vous  ne  faites  que  reconnaître  en  celle-ci  la  Maçonnerie  qui  s'y. 
trouve?  Vous  écartez  simplement  les  corruptions  sans  faire  de  sub- 
stitution. Il  est  donc  juste  de  dire  que  la  Maçonnerie  peut  commu- 
niquer sa  lumière  aux  hommes  de  toutes  les  religions,  sans  s'occu- 
per de  ce  ([u'elles  sont,  puisque  toutes  sont,  en  résumé,  la  Maçon- 
nerie elle-même  corrompue  par  l'homme. 

Tel  est  donc  le  sophisme  subtil  et  insidieux  dont  tout  le  système 
maconnicpie  est  vicié, et  qui  a  trompé  tant  d'esprits  bien  intention- 
nés. Le  germe  de  ce  sophisme  est  contenu  dans  les  ligures  dont 
usent  nos  auteurs.  Elles  semblent  bien  appropriées,  et  .sont  copen- 
diinl  des  j)lus  inexactes,  si  l'on  y  regarde  de  près.  Ce  qu'on  nous 
donne  pour  des  erreurs  dans  les  diirérenles  religions,  c'est  ce  que 
la  Maçonnerie  appelle  des  constructions  superposées  aux  vérités  pri- 
mitives et  fondamentales,  et  qu'elle  représente  comme  des  corrup- 
tions qui  recouvrent  et  cachent  ces  vérités. La  fausse  impression  faite 
sur  l'esprit  du  disciple  de  la  Maçonnerie  est  celle-ci  :  il  croit  que 
les  vérités  premières  et  fondamentales  sont  distinctes  des  erreurs 
et  des  altérations  qui  constituent  toutes  les  formes  particulières  de 
religion  et  que  l'on  compare  à  des  constructions  superposées,  tout 
comme  les  fondations  d'une  maison  sont  distinctes  desélages qu'on 
élève  au-dessus, comme  est  distinct  le  fer  de  la  rouille  qui  le  ronge, 
le  diamant,  de  la  teirc  (pii  le  recouvre.  Si  ce  sont  choses  bien  dis- 

1.  Morals  anil  Dogma,  p.  1<)1. 


EN    TANT    QUE   RELIGION  79 

linctes,  on  peut  donc  enlever  les  unes  sans  nuireà  l'autre, car  chacune 
a  son  existence  indépendante.  Voilà  le  sophisme  d'où  vient  le  mal. 

Or,  ce  que  la  Maçonnerie  appelle  erreurs  et  corruptions  dans  les 
difïérentes  religions,  est  précisément  ce  qui  constitue  ces  religions. 
Ceserreurs  ne  forment  pas  quelque  chose  d'étranger  à  l'essence  de  la 
religion  comparable  à  la  terre  qui  enveloppe  le  diamant,  mais  quel- 
que chose  qui  lui  est  intimement,  intrinsèquement  uni,  s'identifiant 
avec  elle  au  point  de  ne  former  qu'une  seule  et  même  chose,  une 
sorte  de  composé  vivant  dont  on  ne  saurait  séparer  les  éléments 
sans  le  détruire.  Retirez  au  Christianisme  ses  doctrines  particuliè- 
res, et  vous  n'aurez  plus  le  Christianisme.  Retirez  au  Judaïsme,  au 
Bouddhisme,  au  Presbytérianisme  ce  qui  leur  appartient  en  propre, 
et  vous  les  détruirez,  quoi  qu'il  reste  à  leur  place. Dites  ce  que  vous 
voudrez,  vous  leur  avez  enlevé  l'existence  même  en  leur  retirant  ce 
que  vous  appelez  corruptions,  comme  on  détruirait  un  homme,  un 
cheval,  un  chien,  un  chevreuil  en  les  dépouillantde  leurs  caractères 
spécifiques  :  on  eu  ferait  de  simples  animaux  et  rien  de  plus.  Et  de 
même  que  cet  animal  abstrait  et  général,  s'il  pouvait  exister,  ne 
ressemblerait  en  rien  à  l'homme,  au  cheval,  au  chien,  au  chevreuil, 
puisqu'il  ne  serait  aucun  d'eux,  de  même  la  Maçonnerie  est  elle- 
même  considérée  dans  le  système  maçonnique  comme  la  religion 
fondamentale,  différente  et  distincte  de  ses  formes  variées,  car  elle 
n'est  aucune  d'elles.  En  résumé, la  Maçonnerie, même  dans  la  théorie 
qui  la  pose  en  religion  fondamentale,  et  quoique  cette  théorie  soit 
fausse,  constitue  une  religion  distincte,  comme  nous  l'avons  prouvé 
par  d'autres  arguments. 

«Ses  amis  les  plus  chauds  et  les  plus.éclairés,continueleDr.  Mac- 
key,  n'ont  jamais  avancé  ni  soutenu  une  semblable  prétention,  à 
savoir  :  que  la  Maçonnerie  fût  présentée  comme  devant  se  substituer 
à  la  vérité  et  au  devoir  chrétiens'  «.C'est  vrai.  Docteur,  répondrons- 
nous  ;  mais  une  telle  action  ou  une  telle  absence  d'action  ne  prouve 
rien. Vous  savez  aussi  bien  que  moi  qu'il  serait  excessivement  im- 
prudent aux  amis  les  plus  fervents  de  la  Maçonnerie  d'avancer 
ouvertement  ou  de  soutenir  pareille  théorie,  si  vraie  qu'elle  put  être. 
Ces  amis  doivent  prétendre  le  contraire.  Vous  le  prétendez  vous- 
même,  et  ils  suivent  votre  exemple.  Il  faut  nous  excuser  cependant 
de  nepas  accepter  comme  preuve  de  votre  assertion  ce  qu'ils  n'ont 
point  fait. 

(»  La  Franc-Maçonnerie  n'est  pas  le  Christianisme,  dit  le  Docteur, 
ni  sa  remplaçante.  Elle  ne  cherche  pas  à  le  supplanter,  non  plus 
que  n'importe  quelle  autre  forme  de  culte   ou  de  système  de  foi. 

1.  Encyclopedia,  p.  641. 


80  PLis  m:  lumikri:  sir  la  ihanom  aoonnerie  américai>e 

Klli^  ninlervienl  duns  aucun  creilo  on  doc-trine  confessionnelle,  elle 
ne  touche  que  la  vérité  religieuse  fondamentale  —  pas  assez  pour 
annuler  la  nécessité  du  système  chrétien  du  salid,  mais  plus  que 
sullisamment  poiu"  démontrer  qu'elle  est,  dans  tous  les  sens  philo- 
sophiques du  terme,  une  institution  religieuse,  celle  dans  laquelle 
le  Maçon  chrétien  sincère  trouvera,  pourvu  qu'il  les  cherche  avec 
ardeur,  des  modèles  de  sa  propre  foi  exaltée  et  divinement  inspi- 
rée »  ' . 

r>eprenons  :  La  Maçonnerie  n'est  pas  le  Christianisme  —  nous 
aclmettons  cela  sans  peine  ;  mais  nous  ne  pouvons  convenir  aussi 
volontiers  qu'elle  ne  se  pose  pas  en  remplaçante.  Nous  avons  clai- 
rement prouvé  que.  par  sa  nature  même,  elle  en  était  le  ><  substi- 
tut »  ;  que  ce  soit  inleniionnellement  ou  non,  qu'elle  se  présente 
ou  non  comme  telle,  ceci  est,  quant  à  présent,  en  dehors  de  la 
question.  Cependant,  s'il  s'agit  de  s'entendre  sur  un  simple  mot. 
satisfait  d'avoir  prouvé  que  lo  Mat-onnerie,  en  tant  que  religion, 
justifie  parfaitement  la  définition  anglaise  de  ce  mol,  nous  consen- 
tons à  admettre  que,  dans  un  certain  sens,  on  peut  laisser  passer 
l'assertion  de  Mackey.  (^-ar  un  «  substitut  »peut  être  parfait  ou  im- 
parfait. 11  peut  remplacer  complètement  ou  dans  cpielques  détails 
seulement.  S'il  remplace  dans  tous  les  détails,  il  est  complet  et  par- 
fait ;  s'il  n<^  remplace  que  dans  quelques  détails  seulement,  il  est  un 
«  substitut  »  incomplet  et  imparfait.  Si  par  substitut,  le  Docteur 
Mackey  entend  un  substitut  parfait,  nous  pouvons  admettre  sans 
hésiter  que  la  Maçonnerie  n'a  pas  une  telle  prétention.  Puisqu'elle 
se  dit  être  le  professeur  cle  la  Vérité  divine  dans  toute  sa  pureté, 
elle  ne  pourrait  représenter  à  la  fois  la  masse  des  «corruptions»  qui. 
dans  sa  propre  idée,  constituent  les  formes  du  Christianisme  autour 
de  nous.  Tout  cœur  maçonnique  éclairé  et  sincère  doit  rejeter  ces 
corruptions, et  il  n'est  pas  nécessaire  de  les  rem|»lacer. Mais. comme 
nous  l'avons  e\pli(|U(''.  en  rejetani  ic  qui  couslilue  essenliellenicnl 
le  Christianisme,  on  détruit  le  Christianisme  tel  (ju'il  est  actuelle- 
ment professé,  même  si.  dans  la  théorie  ma<;ouni(pie,  cette  destruc- 
lion  est  supposée  n'èlrc  <jue  la  restaurai  ion  du  pur  Christianisme  et 
son  reto::r  à  l'enseignement  du  Christ.  Le  Christianisme,  tel  qu'il  est 
dans  nos  coeurs  et  dans  le  coMH"  de  ceux  (pii  nous  entourent,  n'est 
plus.\'»)us  été-;  libre,  il  est  \  rai. de  ne  pas  appelei'  cela  «  s'ingérer  » 
dans  notre  foi,  car  ingérence  cl  destruction  ne  sont  pas  synonymes* 
Vous  pouvez,  dire  (pie  la  foi  religieuse  Maç()nni(pie.  professée 
maintenant  par  l'initié,  ne  se  «  substitue  »  pas  à  la  foi  chrétienne 
qu'il  professait  auj)ara\anl  ;  il  n'en  reste  pas  moins  certain  que,  s'il 

1.  l'.ncijrlitpn-diii.  p.  t"i||. 


EN    TANT    OLE    liELlGION  81 

est  sincère  ot  honnête,  ledit  initié  conviendra  que  sa  foi  (dn-étienne 
appartient  au  passé.  A  l'avenir,  il  ne  conlessera  plus  que  la  [)ure  loi 
maçonnit[ue.  dont  notre  auteur  nous  dit  dans  cette  même  phrase 
qu'elle  «  n'est  pas  le  Chrislianisme  ».  La  Maçonnerie  «  n'intervient 
pas  dans  les  credos  ou  les  doctrines  confessionnelles  >>  ;  elle  les  fait 
disparaître,  non  dans  l'esprit  des  Maçons  exotériques  et  sans  ins- 
truction, mais  dans  l'àme  des  Maçons  ésolériques  et  éclairés, 
comme  le  prouve  l'expérience  et  comme  le  confirmera  de  plus  en 
plus  notre  étude. 

Mais  ce  que  nous  voulons  nier  absolument,  c'est  que  la  Maçon- 
nerie «  ne  détruit  pas...  le  système  chrétien  du  salut  ».  En  elTet,  si 
la  doctrine  chrétienne  du  salut  était  nécessaire  à  la  Maçonnerie, 
elle  n'admettrait  pas  dans  sou  sein  des  Juifs,  des  Boudilhisles,  des 
Mahometans  et  des  sectateurs  de  Confucius,  qui  rejettent  cette 
doctrine  chrétienne  du  salut.  Dans  cet  article  même,  d'où  nous 
tirons  nos  citations,  notre  auteur  nous  dit  que  la  Maçonnerie  «<  n'est 
pas  le  Judaïsme,  quoiqu'il  n'y  ait  en  elle  rien  d'oiîensant  pour  le 
Juif  ».  Soutiendrait-il  que  la  doctrine  du  salut,  qui  est  essentielle- 
ment fondée  sur  le  Christ,  le  Messie  qui  est  venu,  n'a  rien  de  répu- 
gnant pour  la  foi  religieuse  du  Juif? 

Ce  que  dit  le  Dr.  Mackey  de  la  «  foi  exallée  et  divincmenl  ins- 
pirée »  du  Maçon  chrétien,  ne  nous  retiendra  pas  ;  car  pourquoi  la 
Maçonnerie  ne  fait-elle  pas  sienne  celte  foi,  si  elle  la  croit  divine- 
ment inspirée  ?  Pourquoi  considère-l-el!e  le  Koran  comme  divine- 
ment inspiré,  de  même  que  les  Vedas  et  tous  les  livres  enfin  que  les 
différentes  religions  tiennent  pour  divins?  Nous  traiterons  ce  sujet 
dans  les  chapitres  «  La  Maçonnerie  américaine  et  le  Christianisme  » 
et  «  La  IMaçonnerie  américaine  et  la  Bible  ».  Nous  n'indiquons  ceci 
qu'en  passant. pour  montrera  nos  lecteurs  combien  peu  tie  confiance 
il  faut  avoir  en  ces  expressions  d'apparence  chrétienne,  lorsqu'elles 
sont  employées  par  des  écrivains  maçonniques. 

»  Toute  vraie  Maçonnerie,  poursuit  notre  auteur,  lend  vers  la 
religion.  Si  elle  fait  quelque  progrès,  c'est  dans  celle  direclion 
sainte.  Considérez  ses  anciens  préceptes  i  Landmarks;,  ses  cérémo- 
nies sublimes,  ses  allégories  et  ses  symboles  profonds,  inculquant 
tous  la  doctrine  religieuse,  j)rescrivant  la  pratique  des  devoirs 
religieux,  enseignant  la  vérité  religieuse,  et  dites-nous  ({ui  pourrait 
nier  qu'elle  est  une  institution  éminemment  religieuse?  '  ». 

Certes,  nous  ne  le  nions  pas.  Elle  est  une  institution  éminemment 
religieuse  dans  sa  forme  particulière  de  religion  ;  cl  nous  remoi- 
cions  le  Dr.  Mackey,  qui  confirme  tie  plus  en  plus  notre  opinion  que 

1.  Encyclopœdia.  p.  041. 


82  PLUS  DE  LUMIÈRE  SUR  LA  FRANC-MAÇONNERIE  AMÉRICAINE 

la  Maçonnerie  est  bien  une  religion.  Toutes  ses  cérémonies,  ses 
symboles, ses  allégories  enseignent  distinctement  la  doctrine  maçon- 
nique religieuse  et  ses  pratiques,  et  rien  de  plus. Tout  cela  a  été  ins" 
titué  expressément  dans  cette  vue  et  enseigne  tout  ce  qu'en  matière 
de  religion, un  Maçon  doit  savoir  ou  pratiquer  pour  élever  «  l'édifice 
spirituel  de  sa  vie  éternelle  ».  Ce  sont  là  des  caractères  distinctifs 
de  la  Maçonnerie,  qui  ne  s'appliquent  (juà  elle.  Or,  des  vérités 
religieuses,  des  pratiques  complètes  en  matière  de  religion  et  parti- 
culières à  une  institution  religieuse  constituent  bien,  dans  tous  les 
sens  du  mot,  une  religion  distincte. 

«  De  plus,  dit  le  Dr.  Mackey.la  Maçonnerie  sous  toutes  ses  formes 
est  marquée  au  coin  d'un  véritable  esprit  de  dévotion.  Nous  ouvrons 
et  fermons  nos  Loges  par  la  prière  ;  nous  appelons  la  bénédiction 
du  Très-Haut  sur  tous  nos  travaux;  nous  exigeons  de  nos  néophytes 
une  profession  do  foi  confiante  dans  l'existence  et  la  providence  de 
Dieu  ;  et  nous  leur  apprenons  à  se  courber  avec  humilité  et  révé- 
rence en  ententlant  prononcer  son  nom  terrible,  tandis  que  sa  loi 
sainte  est  largement  exposée  sur  nos  autels.  La  Franc-Maçonnerie 
est  ainsi  identifiée  à  la  religion,  et,  quoique  un  homme  puisse  être 
éminemment  religieux  sans  être  Maçon,  il  est  impossible  qu'un 
Maçon  soit  «  sincère  et  digne  de  confiance  »  vis-à-vis  de  son  Ordre, 
s'il  n'a  pas  le  respect  de  la  religion  et  s'il  n'en  observe  pas  les 
principes  ». 

Qu'entend  le  Dr.  Mackey,  en  disant  qu'un  homme  peut  être  émi- 
nemment religieux  sans  être  Maçon?  Veut-il  dire  qu'on  peut  avoir 
une  idée  de  Dieu  éminemment  vraie  sans  être  Maçon  ?  Qu'on  peut 
avoir  une  idée  éminemment  vraie  de  la  nature  et  de  l'essence  de 
Dieu  et  de  l'àme  humaine  sans  entrer  dans  la  Maçonnerie?  Qu'un 
homme  peut  pratiquer  à  un  degré  eminent  la  vraie  morale  qu'en- 
seigne la  Maçonnerie  el  cependant  ne  pas  participer  à  la  lumière 
maçonnique  qui,  en  fait,  n'a  pas  «  été  créée  dans  le  chaos  de  .son 
esprit  »  ?  Si  l'on  peut  être  «  éminemment  religieux  »  selon  la  vraie 
religion  de  la  Maçonnerie  sans  entrer  dans  son  sein,  toutes  les  récla- 
mations qu'elle  fait  entendre  en  faveur  de  son  illumination  n'ont 
aucune  raison  d'être;  c'est  à  quoi  le  Dr.  Mackey  ne  peut  con.sentir. 
Il  faut  admettre  alors  que  les  mots  '  êmineumieiil  religieux  »  signi- 
fient, comme  ils  doivent  évidemment  le  faire,  l'éminence  dans  l'er- 
reur (car  pour  la  Maçonnerie,  nous  le  savons,  tout  ce  qui  est  hors 
de  son  sein  est  l'erreur).  Nous  imaginons  que  nos  bons  profanes 
éminemment  religieux  ne  vont  |>as  remercier  le  Dr.  Mackey  de  son 
compliment  plus  que  douteux. 

«  Mais,  conclut  notre  auteiir  la  religion  de  la  Maçoimerie  n'est 
pas  sectaire.  Elle  donne  asile  dans  son    sein    hospitalier  aux  lidèles 


EN    TANT    OLE    RELIGION  83 

de  toute  religion,  n'en  rejetant  ni  n'en  approuvant  aucun  en  raison 
de  sa  foi  particulière.  Elle  n"est  pas  le  Judaïsme,  quoiqu'elle  ne 
contienne  rien  qui  puisse  offenser  un  Juif;  elle  n'est  pas  le  Chris- 
tianisme, quoiqu'il  n  yail  en  elle  rien  qui  répugne  à  la  foi  du  chré- 
tien. Sa  religion  est  la  religion  générale  de  la  nature  et  celle  de  la 
révélation  primitive  qui  nous  a  été  transmise  par  quelque  ancien 
collège  sacerdotal  —  à  laquelle  croient  tous  les  hommes,  et  dans 
laquelle  ils  ne  peuvent  pas  ne  point  s'entendre.  Elle  inculque  le 
principe  de  praliquer  la  vertu,  mais  elle  ne  fournit  aucun  système 
de  rédemption  pour  le  péché.  Elle  montre  à  ses  disciples  la  voie  du 
bien,  mais  elle  ne  prétend  pas  être  «  la  voie,  la  vérité  et  la  vie  ». 
Elle  ne  peut  donc  p.is  être  substituée  au  Christianisme,  mais  elle  y 
mène  ;  et,  comme  elle  est  la  servante  de  la  religion,  elle  peut  remplir, 
ainsi  qu'elle  le  fait  souvent,  le  rôle  du  porche  de  l'église,  qui 
introduit  les  élus  dans  le  temple  de  la  vérité  divine. 

«  C'est  alors  que  la  Mai^onnerie  est  vraiment  une  institution  reli- 
gieuse ;  et  c'est  sur  ce  point  surtout,  sinon  uniquement,  que  le 
Maçon  religieux  peut  Taffirmer  '  ». 

Nous  avons  déjà  considéré  la  Maçonnerie  comme  servante  de  la 
religion  ;  par  cet  hymne  que  le  Dr.  Mackey  a  dû  souvent  chanter 
avec  ses  Frères  dans  l'enceinte  de  la  Loge,  vous  allez  juger  à  quel 
point  il  croit  à  cette  théorie: 

Salut  !  divine  Maçonnerie, 
Brille,  gloire  des  siècles  1 
Puisses-tu  régner  longtemps  1 
Que  partout  où  seront  tes  Loges 
Leurs  ordres  soient  souverains  ; 
Qu  elles  soient  toujours  l'ornement  du  pays. 
Tu  es  divine  .'  ' 

Cet  hymne  fait  partie  du  rituel,  et  se  nomme  le  chant  du  <(  Maî- 
tre Mark  ».  L'absurdité  qu'il  y  aurait  à  admettre  qu'une  servante 
puisse  «  i"égner  »  est  trop  évidente  pour  que  tout  commentaire  ne 
soit  superflu  ;  et  que  dirons-nous  des  mots  «  divine  maçonnerie  » 
appliqués  à  «  la  servante  »  ? 

1.  Encyclopaedia,  p.  64L 

2.  Hail .'  Masonry  divine. 
Glory  of  ages  shine  ; 
Long  may'sl  Ihou  reign  .' 
Where'er  thy  Lodges  stand, 
May  they  have  great  command, 
And  always  grace  ihe]land  ; 
Thou  art  divine  ! 

[Masonic  Ritualist,  p.  166)- 


84  I'f.lS   DE  IIMIKRE  SLH    I. A   1-R.\N«;-M  ACONMcmi;   AMÉHK  AIM: 

Klant  (lonnr  tout  co  quo  nous  avons  dit  cl  dirons  dans  les  chapi- 
tres qui  vont  suivre,  nous  ne  nous  attarderons  pas  non  plus  sur  la 
prétention  de  la  .Maeonnorie  à  nètre  pas  une  secte.  L'idée  de  secte, 
selon  elle,  est  étroite,  limitée,  et  non  universelle  —  elle  dépend  ilu 
pays,  des  usaijes.  des  préjugés.  La  .Mac-onnerie.  d'après  sa  propre 
théorie, est.  au  conlraiie.  universelle,  convenant  à  tousles  hommes, 
dans  tous  les  climats,  au-dessus  de  tous  les  préjugés:  en  un  mot. 
elle  est  catholique,  mais  non  catholique  romaine.  L'Kglise  est  ro- 
maine, infestée  par  le  microbe  du  pays  et  du  climat.  Elle  est  faite 
pour  les  Romain.?  et  elle  leur  convient,  tandis  qu'elle  ne  peut  satis- 
faire toute  l'humanité.  C'est  donc  la  Maçonnerie  qui  est  la  vraie  re- 
ligion catholique  de  l'humanité,  et  c'est  bien  là  ce  qu'elle  dit  à  ses 
initiés,  quand  elle  leur  parle  de  la  conduite  à  tenir  dans  une   Loge. 

«  Aucune  discussion  ni  querelle  ne  devra  donc  se  manifester  dans 
l'enceinte  de  la  Loge,  encore  moins  les  querelles  sur  la  religion,  les 
pays  ou  la  politique  ;  car.  en  tant  que  Maçons,  nous  appartenons 
uniquement  à  la  religion  caiholiqiw  dont  il  est  parlé  plus  haut  '  «, 

La  Maçonnerie  consent  donc  à  recevoir  dans  son  sein  largement 
hospitalier  le  .luif.  le  Méthodiste,  le  Catholi(jue.  le  Musulman,  tous 
ceux  (pii  veulent  Itien  accepter  sa  religion  fondamentale  de  Vérité 
divine,  les  vérités  primitives  sur  Dieu  et  surl'àme  humaine  qu'elle 
seule  a  conservées  immaculées.  Ce  sont  des  vérités  transmises  par 
un  collège  patriarcal  de  prêtres.  Qu'étaient  ces  prêtres?  On  ne  le 
dit  pas  ;  mais  ils  nous  communiquèrent  la  i-eiigion  de  la  nature  et 
de  la  révélation  primitive.  On  ne  nous  dit  pas  davantage  comment 
la  Maçonnerie  a  réussi  à  conserver  intactes  ces  vérités  à  travers 
tous  les  siècles,  au  milieu  des  vicissitudes  des  temps,  malgré  la 
tendance  du  cœur  humain  à  corrompre  laVérité,  malgré  l'ignorance 
démontrée  des  maîtres  en  Maçonnerie,  et  l'inévitable  altération 
des  traditions  orales.  Le  nombre  des  institutions  ou  des 
individus  qui  ont  transmis  ces  vérités  est  égalemenL  inconnu. 
Nous  verrons  (jue  la  Maçonnerie  ne  peut  pas  retracer  sa  propre  his- 
toire dune  façon  certaine  et  authentique.  Ce[)endant  elle  exige  de 
son  candidat,  comme  nous  lavons  vu. une  abdication  totale  de  tout 
son  être:  de  son  intelligence,  pour  pouvoir  y  opérer  un  grand  chan- 
gement ;  (Je  son  coeur,  pour  y  établir  mie  vie  morale  toute  nouvelle. 
Kt  lors(ju'on  lui  deuiande  (piels  sont  ses  titres,  elle  n'a  que  sa  jia- 
role  à  oITrir.  Comme  Pythagore,  elle  impose  ses  propositions  infail- 
libles \y,\y  un  .>-im|)le  Ipse  diro,  «  C'est  moi  t\\i'\  I  ai  dit  ».  Cela  sulïit 
naturellement  à  ceux  (pii  la  ci'oient  ■<  divine  D.Mais  quelles  preuves 
ap|iort<'-l-ell<'?  L'humanité,  l'humanité  raisonnable,  no  peut  placer 

1.  HiliKilist.  p.  '.M'.t. 


EN    TANT    QUE    RELIGION  85 

eulre  les  mains  de  la  Maçonnerie  ses  inléi'èls  éternels  et  temporels 
sur  cette  alTirmalion  gratuite. 

«  Ma  religion,  dit  la  Maronuerie,  est  telle,  que  tous  les  hommes 
y  peuvent  s'entendre,  et  que  nul  n'y  peut  trouver  un  motif  de 
désaccord  ».  En  èles-vous  bien  sûr?  demanderons-nous,  ^"ous  devez 
nous  l'aire  connaître  la  nature  et  l'essence  de  Dieu,  de  l'àme  hu- 
maine, les  rapporis  qui  existent  cuire  eux.  Vous  devez  nous  ensei- 
gner la  vraie  morale,  nos  devoirs  envers  Dieu,  envers  nous-mêmes 
et  envers  nos  semblables  —  et  vous  nous  dites  que  les  hommes  ne 
peuvent  pas  èlrc  en  désaccord  sur  ces  points?  Mais  si  les  hommes 
n'ont  pu  s'entendre  avec  les  Maçons  sur  le  premier  point  fonda- 
mental, celui  de  l'existence  et  de  la  nattu'e  de  Dieu,  et  cela  malgré 
l'illumination  maçonnique  et  le  grand  changement  intellectuel,  que 
dira  la  Maçonnerie  sur  la  possibilité  d'une  telle  divergence?  Et 
cependant  nul  maçon  n'ignore  l'existence  du  fait  :  le  Grand-Orient 
de  France  et  les  Loges  de  sa  dépendance,  au  nombre  d'environ 
deux  cent  cinquante,  très  au  courant  de  la  doctrine  maçonnique, se 
sont  cependant,  après  mûre  rétlexion.  déclarés  purement  et  simple- 
ment en  désaccord  avec  le  reste  de  la  Maçonnerie  sur  ce  point  ca- 
pital :  Dieu'.  Vous  dites  qu'-à  compter  de  ce  moment,  ils  ont  cessé 
d'être  Maçons.  Que  tel  soit  le  cas  ou  non,  cela  nous  importe  peu 
quant  à  présent.  A  dessein,  nous  n'appuyons  pas  sur  ce  point.  La 
proposition  que  nous  avons  avancée  nous  demeure  acquise. 
Les  hommes,  même  lorsqu'ils  sont  en  pleine  possession  de  la  lu- 
mière maçonnique  peuvent  avoir  des  opinions  divergentes  sur  la 
religion  maçonnique.  Des  dissensions  i)euvent  encore  surgir  entre 
eux,  puisqu'ils  ne  s'entendent  même  pas  au  sujet  de  Dieu. 

Enfin,  dit  noire  auteur,  la  Maçonnerie  «  n'oll're  aucun  système  de 
rédemption  du  péché  ));donc,elle  ne  peut  prétendre  se  substituer  au 
Christianisme  -  » 

Pour  lesquels  de  ses  disciples  se  substituerait-elle  au  Christianis- 
me ?  Faut-il  répéter  une  fois  de  plus  que  le  Maçon  Bouddhiste, 
sectateur  d^  Confucius,  ou  Mahometan  rejette  la  doctrine  chré- 
tienne de  la  rédemption.  Ils  peuvent,  sans  elle,  entrer  dans  la  vie 
éternelle  de  la  Maçonnerie. Donc,  elle  n'cslpas  essentielle.  De  plus, 
notre  auteur  sait  que  la  Maçonnerie  soutient  que  cette  doctrine  n'est 
pas  indispensable.  L'Initiation,  la  purification  des  anciens  mystères 
du  paganisme,  symbolisée  par  l'Acacia,  sullit  aux  Maçons.  Car  l'A- 
cacia, qui  est  l'arbre  sacré  de  la  Maçonnerie,  symbolise  l'immor- 
talité, l'innocence  et  l'initiation  ;  et  notre  auteur  nous  dit   que    ces 

1.  Encyclopedia  of  Freemasonry.  |i.  'X>\. 
•2.  Ibid.,    p.  9. 


86  I'LUS  DE  LIMIÈRF  SUR  LA   FRANC-MAÇONNERIE  AMÉRICAINE 

trois  choses  sont  intimement  unies,  que  «  cette  union  doit  être 
maintenue  si  nous  désirons  acquérir  une  définition  exacte  du  sym- 
bole '  ».  Quand  nous  traiterons  de  «  L'Ame  dans  la  Maçonnerie  », 
nous  expliquerons  très  clairement  pourquoi  la  Maçonnerie  peut  se 
passer  de  la  doctrine  de  la  Rédemption. 

Sans  recourir  à  d'autres  preuves,  puisque  la  Maçonnerie  elle-même 
admet  si  nettement  qu'elle  est  une  institution  éminemment  reli- 
gieuse, nous  terminerons  ici  ce  chapitre.  Les  Frères  qui  niaient  le 
fait  n'iirnoraient  pas  cependant  que  la  Maçonnerie  était  essentielle- 
ment une  institution  religieuse,  mais  ils  redoutaient  que  les  adver- 
saires de  la  Maçonnerie  ne  se  prévalussent  de  cette  concession,  une 
fois  faite,  pour  réussir  à  démontrer  que.  pour  les  cœurs  maçonni- 
ques sincères,  la  Maçonnerie,  en  bonne  logique,  devait  remplacer 
le  Christianisme.  La  crainte  des  Frères  était  bien  justiriée,|ainsi  que 
nous  l'avons  montré.  Ajoutons  que,  sur  ce  point,  nous  sommes  en 
complet  désaccord  avec  le  Dr.  Mackey. 

Nous  admettons,  il  est  vrai,  avec  le  Docteur,  et  sans  la  moindre 
réserve,  que  dans  la  Maçonnerie  se  vérifient  les  trois  premiers  sens 
donnés  au  mot  religion  ;  et  nous  avons  surabondamment  prouvé 
que  le  quatrième  sens  s'y  trouve  également  contenu.  C'est  un  «  sys- 
tème de  foi  et  d'adoration  »  ;  c'est  donc  une  religion. En  ce  qui  con- 
cerne la  foi  maçonnique,  nous  pouvons  nous  en  tenir  à  l'article  qui 
nous  prescrit  de  croire  en  Dieu,  à  la  révélation  de  sa  volonté,  à  un 
état  de  récompense  ou  de  châtiment,  etc., etc.  ;  son  ensemble  cons- 
titue le  credo  du  Maçon.  Quant  au  culte  maçonnique,  nous  avons 
déjà  vu  qu'il  consiste  surtout  dans  le  travail  de  la  Loge  :  «  Notre 
travail,  dil  le  Dr.  Mackey,  est  son  culte  -  ».  Que  manque-t-il  à  la 
Franc-Maçonnerie  pour  être  un  système  de  foi,  un  culte,  une  reli- 
gion ? 

11  est  certain  que,  de  l'aveu  d'un  grand  noml)re  de  Frères,  la 
Maçonnerie  est  une  religion  qui  sullit  à  leurs  aspirations  et  qu'ils 
n'ont  besoin  d'aucune  autre.'Dans  une  remarquable  réunion  qui  eut 
lien  au  Temple  mac-onnique  d'Oakland  i  Californie),  le  lundi  soir 
"21  avril  189.'^,  pour  la  réception  du  cœur  de  rEx-Couverneur  Ygnacio 
flerrera  y  Cairo  par  le  Chapitre  Hose-Croix  de  Gethsémani  n°  5,  le 
Frère  .lames  C  C.  Lee,  3?'\  et  Colonel  du  l".  S.  A.,  dit,  lorstpi'il  eut 
à  répondre  au  toast  porté  «  Au  FrésidenI  d(>s  J-^lats-Unis  »  :  «  Au 
Patriotisme  joint  à  la  Maçonnerie  I  —  car  je  ne  connais  sur  terre 
aucune  religion  plus  élevée  que  la  Maçonnerie.  Si  le  patriotisme, 
dis-je,   se  joint   à   elle,  notre  pays  prospérera  sous  n'importe  (juel 

1.   lùlryi-lojjxflio.  p.  '.t. 

'2.  Symholium  of  Frvcmasnnrii.  p.  'J(iS. 


EN    TANT    QUE    RELIGION  87 

président.  Le  F.-.  Samuel  W.  Holiday  fit  écho  à  ce  senliment  eu 
insislaul  sur  ce  fait  qu'après  quarante  ans  passés  dans  la  Maçonnerie, 
il  était  autorisé  à  alïirmer  que  celui  qui  était  un  bon  Maçon  était  à 
la  fois  un  bon  patriote,  un  bon  fils,  un  bon  mari,  un  bon  voisin,  un 
bon  ami;  et  il  ajouta  :  «  Si  vous  connaissiez  un  mot  qui  réunît 
en  soi  un  plus  grand  nombre  des  vertus  cardinales  qui  devraient 
faire  l'ornement  de  notre  pauvre  humanité,  je  voudrais  entendre 
son  nom.  Souvenez-vous  qu'ici  nous  n'avons  ni  églises,  ni  sectes 
discordantes.  Nos  principes  sont  très  simples  :  l'honnêteté,  la 
sincérité,  l'affabilité,  la  vérité,  la  tempérance,  le  dévouement  au 
pays  et  à  la  vérité.  Rien  de  moins  ;  rien  de  plus.  Souvenez-vous 
que,  si  vous  pouvez  trouver  une  meilleure  religion  pour  nous  con- 
duire sur  le  chemin  de  la  gloire,  je  vous  prie  de  me  la  révéler,  car 
elle  m'est  complètement  inconnue  '  ». 

Il  est  donc  inutile,  comme  nous  l'avons  démontré,  que  le  Dr. 
Mackey  affirme  que  la  Maçonnerie  ne  se  substitue  pas  au  Christia- 
nisme. Nous  admettons  qu'elle  ne  s'y  substitue  pas  d'une  manière 
parfaite,  car  elle  refuse  naturellement  de  représenter  le  Christia- 
nisme en  ce  qu'elle  considère  comme  les  corruptions  de  cette  forme 
de  religion. Mais  elle  s'y  substitue  vraiment, en  ce  sens  qu'elle  retire 
le  Christianisme  des  cœurs  qui  étaient  chrétiens,  et  qu'elle  les 
conduit  à  la  gloire  maçonnique. 


1.  Tiré  d'une  l)rochur(>  iloiit  le  titre  complet  sera  donné  plus  loin. 


CHAPITRK  VII 

La  Ki{.\m;-Mai;o\.\u:rie  amkiîicaine  i:t  le  Paganisme 

Nous  avons  i)iouvé.  dans  les  deux  chapitres  précédenls,  que 
la  l'ranc-Maronnerie  américaine  est  une  rcliÊrion.  Il  est  vrai 
que  nous  n'avons  pas  toujours  employé  ladjcctif  «  Américaine  »  ; 
nous  avons  voulu  éviter  une  répétition  inutile,  mais  cet  adjectif  est 
toujours  sous-entendu,  car  nous  ne  nous  appuyons  que  sur  les  au- 
teurs classiques  de  la  Franc-Ma«:onnerie  américaine,  qui  ont  écrit 
en  vue  d'instruire  les  Fi'ançs-Macons  américains.  Xous  procéderons 
de  la  même  façon  dans  la  suite  de  cet  ouvrage  ;  nos  lecteurs  sup- 
pléeront répilhèle  partout  où  il  sera  question  de  Maçonnerie. 

Après  avoir  prouvé  que  la  Maçonnerie  est  une  religion,  qu'il  suit 
logiquement  de  sa  propre  théorie  qu'elle  est  la  seule  religion  :  après 
lavoir  entendue,  conformément  à  celte  prétention,  se  donner  le  ti- 
tre de  religion  «  catholique  »  de  l'humanité,  il  nous  faut  parler  de 
la  nature  de  son  Credo.  Lue  investigation  de  ce  côté  est  tout  indi- 
(juée  au  point  où  nous  en  sommes  arrivé  dans  notre  Étude. 

La  Maçonnerie  n'est  pas  le  Christianisme.  Ceci,  elle  le  déclare 
ouvertement.  Ou'est-elle  donc?  Prenons  notre  Masonic  Ritualist, 
et  lâchons  d'y  trouver  une  réponse  à  notre  question.  A  peine 
l'avons-nous  ouvert. (jue  nos  désirs  sont  satisfaits,  et  qu'une  lumière 
assez  nette  nous  éclaire. 

Le  rituel  d'une  religion  est  l'expression  et  l'extériorisation  de  sa 
nature. C'est  à  cette  fin  qu'il  a  été  composé  ;  pour  elle  encore  qu'on 
s'en  sert.  Quelle  réponse  fait  donc  le  Masonic  Ritualist  à  notre 
fpjestion  au  sujet  de  la  religion  de  la  Maçonnerie? 

.Xussitùt  après  avoir  parlé  du  caractère  l'eligieux  de  la  Maçonnerie 
cl  reconnu  l'ojjportunilé  des  cérémonies  d'ouverture  et  de  ferme- 
lurc  des  Loges,  il  se  hâte  de  nous  introduire  dans  les  mystères 
<lu  paganisme.  Kl  nous  n'allons  pas  larder  à  découvrir  qu'entre  ces 
mystères  el  la  Maçonnerie,  il  y  a  des  jioints  de  contact  qui  ne  sont 
pas  l'elTel  d'un  pur  hasard;  mais  nous  nous  rendrons  compte  peu  à 
peu  qu'ils  sont  plus  que  des  associés,  plus  que  des  amis.  Nous  ver- 
rons.;! noire  grande  surprise,  qu'il  existe  entre  eux  la  relation  la  plus 
élroilr.  MmI-.  n'anlicipiHK  pas  sin-  les  instructions  du  lJr..Mackey. 


LA    FRANC-MAÇONNERIE    AMERICAINE    ET    LE    PAGANISME  89 

«  Les  cérémonies  d'ouverture,  dit  le  Masonic  Ritualist,  avaient, 
dans  les  anciens  mystères  (ces  rites  sacrés  qui  ont  fourni  tant  de 
modèles  au  symbolisme  maçonnique),  un  caractère  des  plus  solen- 
nels. Le  héraut  sacré  des  Anciens  Mystères  inaugurait  les  cérémo- 
nies d'ouverture  des  plus  hautes  initiations  par  la  formule  solennelle 
suivante  :  «  Hors  d'ici,  profanes  !  »  à  laquelle  s'ajoutait  la  défense 
hautement  intimée  d'employer  toute  expression  pouvant  sembler  de 
défavorable  augure  aux  rites  qui  se  préparaient*  ». 

Ces  paroles  sont  bien  celles  d'un  admirateur  du  paganisme  :  les 
termes  «  rites  sacrés  »,  «  caractère  des  plus  solennels  »,  «  héraut 
sacré  »,  «  formulle  solennelle  »,  mettent  à  nu  les  sentiments  de 
l'auteur. 

Et  comment  pourrait-il  parler  autrement  des  rites  religieux»  qui 
ont  fourni  tant  de  modèles  au  symbolisme  maçonnique  »  ?  Il  serait 
étrange  d'adopter  des  modèles  sacrés  sans  les  révérer.  Nous  n'al- 
lons pas  cependant  nous  arrêter  à  une  vénération  sentimentale,  car 
aussitôt  que  nous  pénétrons  dans  la  Loge,  nous  sommes  tenus  à 
participer  à  des  cérémonies  païennes.  C'est  pourquoi  Mackey- prend 
la  peine  de  nous  exposer  l'histoire  et  le  symbolisme  du  rite  païen 
de  la  procession  circulaire  (circiimambulation).  Il  procède  par  or- 
dre, et  commence  par  nous  donner  la  détinition  de  ce  mot  : 

«  Ce  rite,  dit-il,  dont  le  nom  vient  du  verbe  latin  circumambiilare, 
marcher  autour,  consiste  en  l'usage^'observé,  dans  toutes  les  cé- 
rémonies religieuses  de  l'antiquité,  de  faire  processionnellement  le 
tour  d'un  autel  ou  de  quelque  autre  objet  sacré  ». 

Ayant  ainsi  défini  la  «  circuraarabulation  )>,et  après  l'avoir  rehaus- 
sée du  prestige  de  l'antiquité,  notre  auteur  continue  : 

«  Ainsi,  en  Grèce,  dans  leurs  rites  sacrificatoires,  les  prêtres  et 
le  peuple  faisaient  toujours  trois  fois  le  tour  de  l'autel  enchantant 
un  hymne  sacré.  Macrobe  nous  dit  que  cette  cérémonie  se  rappor- 
tait au  mouvement  des  corps  célestes,  qui,  d'après  les  anciens  poè- 
tes et  les  philosophes,  produisaient  un  son  harmonieux  impercepti- 
ble à  l'oreille  humaine,  et  qu'ils  appelaient  «  la  musique  des  sphè- 
res ».  C'est  pourquoi,  dans  la  procession  autour  de  l'autel,  on  pre- 
nait grand  soin  de  tourner  en  imitant  le  cours  apparent  du  soleil. 
On  partait  donc  de  l'est  et  l'on  y  revenait  en  passant  par  le  sud,  par 
l'ouest,  et  enfin  par  le  nord.  En  observant  cette  méthode,  on  voit 
que  l'on  avait  toujours  l'autel  à  sa  droite  ». 

Voilà  comment,  cher  lecteur,  nous  sommes  transportés  dans  la 
Grèce  païenne,  au  milieu  de  ses  rites  sacrificatoires,  et  comment  on 

1.  Masonic  Ritualist  p.  12. 

2.  Ibid.  p.  25-27. 


90  LA    FRANC-MAÇO.NXERIE   AMÉHICAINE 

nous  instruit  sur  la  «  circumambulalion  »  et  sur  ses  raisons  d'etre. 
Nous  allons  assistera  une  cérémonie  religieuse  du  paganisme  ayant 
le  soleil  pour  objet,  et  force  nous  est  de  prendre  les  plus  grandes 
précautions  alin  de  réussir  à  imiter  le  mouvement  apparent  de  cet 
astre. 

«  Mais,  demanderons-nous,  même  en  admettant  que  les  Grecs  et 
les  Romains  de  l'antiquité  aient  pratiqué  cette  «  circumambulation  » 
dans  leurs  rites  purificatoires,  que  s'ensuit-il  ?  Que  nous  devons 
faire  de  mémo?  Mais  ne  savez-vous  pas  que  l'argument  :  «  Ils  font 
ainsi,  donc  nous  devons  faire  de  même  »  n'a  de  valeur  que  s'il  y  a 
parfaite  conformité  entre  nos  religions  pour  la  croyance  et  pour  la 
pratique?  Si  notre  religion  est  dilïérente  de  la  leur,  il  faut  en  tirer 
la  conclusion  directement  opposée  :  «  Ils  ont  fait  cela,  donc  nous  ne 
devons  pas  le  faire».  Par  conséquent,  si  la  Maçonnerie  défend  l'usage 
de  son  rite  par  la  pratique  des  païens,  les  relations  de  la  Maçonnerie 
avec  le  paganisme  ne  peuvent  être  dissimulées  ». 

Mais  la  Maçonnerie  ne  tient  aucunement  à  dissimuler  ses  rela- 
tions. Après  avoir  cité  les  pratiques  par  lesquelles  les  Hindous  et 
les  Druides  imitaient  avec  révérence  le  cours  du  soleil,  notre  au- 
teur s'empresse  d'alTirmer  : 

«  Et  c'est  de  cette  cérémonie  universellement  pratiquée  et  de 
l'usage  invariable  d'aller  de  l'est  à  l'ouest  en  passant  par  le  sud,  et 
en  ayant  par  conséquent  toujours  la  main  droite  du  côté  de  l'autel, 
que  ressort  avec  évidence  la  source  commune  de  tous  ces  rites  et 
'unité  de  leur  origine,  source  à  laquelle  la  F ranc-Maçonnerie  doit 
aussi  son  existence^  ». 

Suivant  le  Dr.  Mackey,  le  paganisme  grec  et  romain,  le  brnhma- 
nisme,  le  Druidisme  adoraient  le  soleil  ;  or,  la  Franc-Maçonnerie 
pratiquant  tous  les  mêmes  riles  religieux,  il  en  ressort  avec  évi- 
dence, dit  la  Maçonnerie,  que  nous  venons  tous  de  la  même  source 
primitive.  Cette  parenté  est  sans  dout(>  édifiante  aux  yeux  du  Ma- 
çon initié,  mais  c'est  une  parenté,  disons-le  honnêtement,  dans  la- 
quelle il  n"y  a  que  du  paganisme  et  rien  autre. 

Or,  lorsq\ie  la  Maçonnerie  veut  prouver  la  praticpie  ijniver- 
.selle  du  rite  de  la  «  circumambulalion  »  parmi  les  nations  de  l'an- 
tiquilé.  elle  fait  une  omission  considérable  ;  elle  ne  dit  rien  de  la 
religion  juive,  dont  le  Christianisme  est  la  fleur  et  le  fruit.  Elle 
choisit  (juatre  formes  du  paganisme;  et,  d'une  plume  légère,  elle 
en  déduit  l'universalité  de  cette  coutume. 

Ici,  rher  lecteur,  nous  vous  prions  d'excuser  la  courte  digression 
que  nous  allons  faire,  pour  attirer  votre  attention  pendant  quelques 

1.  Musnnir  lUluulisl,  p.  '27. 


ET    LE    PAGANISME  91 

instants  sur  la  forme  de  raisonnement  commune, nous  devrions  dire 
classique,  chez  les  auteurs  maçonniques.  On  la  nomme  induction  ; 
elle  serait  parfaitement  légitime  si  elle  était  conforme  aux  règles  aux- 
quelles elle  devrait  se  soumettre.  Mais  nous  allons  montrer  l'écueil  en 
faisant  voir  qu'il  n'est  aucune  forme  de  raisonnement  où  il  soit  plus 
facile  de  violer  les  règles,  sans  que  le  lecteur  ordinaire  s'en  aperçoive 
(Jn  nomme  quelques  auteurs  anciens  qui  auraient  enseigné  une 
théorie  :  donc  toute  l'antiquité  l'enseigna.  Les  Grecs,  les  Romains, 
les  Druides,  les  Brahmanistes  pratiquaient  telle  cérémonie  :  donc 
toute  l'antiquité  la  pratiqua.  Les  références  aux  auteurs  cités  sont 
trop  rarement  données.  Gicéron  dit,  Plaute  dit,  Macrobe  dit,   telles 
sont  les  informations  otTertes.   Parfois,  on  renvoie  d'une  manière 
générale  à  tout  un  ouvrage,  comme  pour  le  De  Spiritu  Sancto  de 
saint  Basile.  Tout  le  monde  conviendra  que  des  recherches  person- 
nelles sur  les  bases  de  ces  inductions  sont  pratiquement  impos- 
sibles. Prenons  un  exemple  tiré  du  Masonic  Ritualist,  p.  26  :    «  Le 
poète  latin,  Plaute.  fait  dire  à  l'un  de  ses  personnages  :   «  Si  vous 
voulez  honorer  les  dieux,  il  faut  vous  tourner  du  côté  droit  ».  A  lire 
ce  passage  tel  qu'il  est  présenté,  on   se  figure   que  Plaute   est  le 
Shakespeare  de  la  poésie  latine,  et  que  son  opinion  doit  avoir  une 
grande  importance.  Mais,  en  examinant  le  texte  de  plus  près,  nous 
nous  apercevons  que  ce  n'est  même  pas  Plaute  qui  parle,  mais  un 
de  ses  personnages.  Dans  quelle  œuvre?  On  ne  nous  le  dit  pas.  De 
sorte  que,  même  si  nous  savons  le  latin,  même  si  nous  sommes 
assez  instruits  dans  cette  langue,   en  supposant  encore  que  nous 
ayons  un  Piaule  sous  la  main,  il  nous  sera  bien  difïicile  de  trouver 
un  texte  ainsi  isolé.   De  plus,    en  admettant  qu'un  personnage  de 
Plaute  dise  en  effet  cela,  un  auteur  ne  fait  pas  exprimer  à  tous  ses 
personnages  ses  propres  idées  et  ses  sentiments.  Et  même  si  Plaute 
était  vraiment(ce  qu'il  n'est  pas)  le  poète  romain,  c'est-à-dire  l'oracle 
de  son  siècle,  qui  prendra  la  peine  de  faire  des  recherches  si  longues 
et  si  ennuyeuses  sans  être  sûr  du  succès?  La  difïîcullé  des  recher- 
ches est  fatale  à  l'investigation  personnelle  ;  on  trouve  plus  simple 
de  croire  aveuglément  ce  qui  est  écrit,  de  s'imaginer  qu'il  y  a  une 
autorité  qui  fait  loi  là  où  il  n'y  en  a  pas,  d'admettre   que  la  ques- 
tion est  résolue,  surtout  si  elle  l'est  selon  le  secret  désir  de  nos 
cœurs.  Mais  un  tel  système  n'est  compatible  qu'avec  la  crédulité  la 
plus  aveugle.  A  ceux  qui  sont  habitués  aux  raisonnements  faits  à  la 
légère  et  qui  ne  prennent  pas  la  peine  de  faire  des  recherches  per- 
sonnelles soigneuses,  on  n'a  qu'à  parler  bien  haut  de  l'émancipation 
de  l'intelligence,  de  l'impossibilité  où  est  tout  homme  ou   toute 
société  d'hommes  de  nous  dicter  notre  foi  religieuse,  et  on  leur  fera 
aisément  avaler  Plaute  et  ses  personnages  avec  leurs  sentiments 


92  LA    FRANC-MAÇONNERIE    AMÉRICAINE 

«Après  avoir  fait  des  difTicullés  pour  un  moucheron,  ils  avale- 
ront un  chameau  »,  suivant  le  proverbe.  Mais  retournons  à  notre 
«  circumambulation  ». 

Ayant  tlonc  établi  à  son  entière  satisfaction  ce  qu'il  considère 
comme  l'origine  évidente  de  l'Institution,  le  Dr.  Mackey  con- 
tinue : 

(*  Parmi  les  nations  pa'iennes,  c'était  à  la  grande  doctrine  du 
Sabaïsme  ou  Culte  du  Soleil  que  s'appliquait  la  «  circumambula- 
tion ».  Seule,  la  Franc-Maçonnerie  lui  a  conservé  son  sens  primitif, 
celui  de  symboliser  le  soleil  comme  source  de  lumière  matérielle  et 
comme  l'œuvre  la  plus  merveilleuse  du  Clrand  Architecte  de  l'Uni- 
vers ». 

«  L'explication  que  donnent  Webb  et  Cross  dans  leurs  leçons  mo- 
dernes ne  vaut  pas  la  peine  d'être  critiquée.  La  Loge  représente  le 
monde;  les  trois  principaux  officiers  représentent  le  soleil  dans  ses 
trois  phases  principales  —  au  lever,  à  midi  et  au  coucher.  La  circum- 
ambulation rappelle  donc  ce  cours  apparent  de  l'orbe  solaire  qui, 
passant  par  ces  trois  points,  fait  le  tour  du  monde.  Nous  considérons 
ceci  comme  son  symbolisme  astronomique,  mais  au  point  de  vue  in- 
tellectuel, la  circumambulation  et  les  obstacles  qu'elle  rencontre  en 
difîérents  points,  symbolisent  les  travaux  et  les  difficultés  de  l'étu- 
diant au  cours  du  chemin  qui  le  conduira  de  la  nuit  intellectuelle 
ou  ignorance  à  la  lumière  intellectuelle  ou  Vérité  '  ». 

La  clarté  se  fait  pour  nous,  car  nous  savons  maintenant  avec 
quelle  forme  du  paganisme  la  Maçonnerie  réclame  une  parenté. 
C'est  avec  le  culte  solaire  des  anciens.  Mais,  avant  de  nous  lancer 
dans  les  commentaires,  permettons  à  notre  auteur  de  nous  instruire 
davantage. 

L'adoration  du  soleil,  nous  dit-il.  fut  introduite  dans  les  mystères, 
non  pas  à  titre  d'idolâtrie  matérielle,  mais  comme  moyen  d'expri- 
mer une  idée  du  passage  de  la  mori  à  la  vie,  idée  qui  est  tirée  delà 
réapparition  journalière  de  l'astre  lumineux  à  lest  après  sa  dispari- 
tion à  l'ouest  pendant  la  nuit..\u  soleil  encore,  en  tant  que  régéné- 
rateur et  vie  de  toutes  choses,  doit  être  rendu  le  culte  phallique,  qui 
avait  une  part  importante  dans  les  mystères. Les  Gnostiques  ont  pris 
aux  initiations  milhria(|ues,  dans  lesquelles  le  culte  du  soleil  tenait 
une  place  si  prépondérante,  un  grand  noml)re  de  leurs  symboles  qui 
ont  à  leur  tour  eu  leur  inlluence  sur  les  Francs-Maçons  du  moyen 
âge.  C'est  ainsi  que  le  soleil  s'est  fait  une  place  si  éminente  dans  le 
système  maçonnique,  non   comme  un  objet  du  culte,  mais  simple- 

1.  ytasonic  /?//ua//«/,  p.  27. 


Eï    LE    PAGANISME  93 

ment  comme  un  symbole  dont  rinlerprélalion  se  présente  de  diffé- 
rentes manières  ». 

Remarquez  bien,  cher  lecteur,  quelle  généalogie  la  Franc-Maçon- 
nerie  américaine  revendique  constamment  dans  ses  auteurs  classi- 
ques :  l'Institution  moderne  vient  de  la  Maçonnerie  du  moyen-âge, 
née  des  Gnostiques,  les  descendants  des  mystères  mithriaques  ou 
autres  semblables,  engendrés  à  leur  tour  par  le  sabaïsme  ou  culte 
primitif  du  soleil  ;  le  culte  phallique,  ou  culte  des  facultés  généra- 
trices de  l'homme,  tenant  partout  un  rôle  important.  Trouverons- 
nous  ce  même  culte  dans  la  Maçonnerie  ?  Il  faut  nous  y  attendre,  si 
la  vie  tout  entière  de  la  Maçonnerie  moderne  et  les  anciens  mystères 
du  paganisme  sont  identiques  ;  si,  comme  on  nousle  dit,  ladilTérence 
qu'il  y  a  entre  eux  n'est  que  de  pure  forme.  Toutefois,  ne  disons  pas 
encore  notre  dernier  mot.  mais  attirons  plutôt  l'attention  de  nos  lec- 
teurs sur  une  expression  ou  deux  introduites  par  le  Dr.  dans  quel- 
ques passages  ;  elles  pourront  éclaircir  notre  sujet. 

Dans  le  Ritualist,  Mackey  appelle  le  soleil  :  «  la  plus  merveilleuse 
des  œuvres  du  Grand  Architecte  de  l'Univers  »,  et  dans  le  dernier 
passage  que  nous  avons  cité  :«  le  régénérateur  et  celui  qui  revivifie 
toutes  choses  ».  De  plus,  il  est  toujours  personnifié  et  n'est  jamais 
employé  au  genre  neutre.  Notons  que  cette  personnification  cons- 
tante qui,  en  anglais,  se  comprend  dans  la  poésie  où  elle  est  à  sa 
place,  n'a  aucune  raison  d'être  en  prose,  surtout  dans  la  modeste 
prose  rituélique.Un  homme  sensé,  et  à  plus  forte  raison  un  homme 
instruit, n'aurait  jamais  recours  à  ce  procédé, sinondans  un  but  déter- 
miné. Et  pourquoi  le  soleil  matériel,  «  source  de  lumière  matérielle  », 
est-il  l'œuvre  la  plus  noble  de  l'univers  ?  Que  deviennent  l'âme 
humaine,  le  monde  des  esprits,  la  vie,  l''inteliigence,  le  libre  arbitre? 
Est-ce  que  la  Maçonnerie  soutiendrait  qu'ils  sont  le  produit  de  la 
lumière  matérielle  du  soleil,  «  le  régénérateur  et  vivificateur  de  toutes 
choses  »?  Serait-ce  là  la  nature  et  l'essence  de  làuie  humaine  que 
doit  nous  apprendre  la  Maçonnerie?  Si  nous  devons  entendre  ses 
propres  expressions  à  la  lettre,  nous  répondrons  allirmativement  à 
toutes  ces  questions; oui, nous  sommes  «  les  enfants  de  la  lumière  » 
dans  son  sens  le  plus  matériel.  Si  les  assertions  delà  Maçonnerie  doi- 
vent être  entendues  diiïeremment, elle  aurait  dû  s'exprimer  autre- 
ment.Comme  nous  reprendrons  ce  sujet  plus  tard,  contentons-nous 
de  bien  faire  ressortir  l'importance  du  soleil  dans  le  système  maçon- 
nique. 

Cette  importance  va  nous  faciliter  l'étude  des  purifications  : 
«  Dans  les  Anciens  Mystères,  dit  le  Ritualist  à  la  page  40,  le  candi- 
dat procédait  tout  d'abord  à  la  lustration  ou  purification.  Il  n'était 
pas  permis  au  candidat  de  pénétrer  dans  le  vestibule  sacré  ou  d'en- 


94  LA    FRANC-MAÇONNERIE   AMERICAINE 

tendre  la  formule  secrète  de  l'initiation  avant  qu'il  ne  se  fût  sym- 
boliquement purifié,  par  l'eau  ou  par  le  feu,  des  corruptions  du 
monde  qu'il  était  sur  le  point  de  quitter.  Un  principe  analogue 
existe  dans  la  Franc-Ma<^onnerie,  où  les  premiers  symboles  présen- 
tés à  rAppnnili  enrôlé  sont  ceux  qui  impliquent  une  piu'itication  du 
cœur,  dont  la  purification  corporelle  des  Anciens  Mystères  était  le 
svmbole.  Nous  ne  faisons  plus  usage  <lu  bain  ni  de  la  fontaine, 
parce  que,  dans  notre  système  philosophique,  ce  symbolisme  est 
plus  abstrait  ». 

Il  est  vrai  que.  pour  ceux  qui  considèrent  le  soleil  comme  le  régé- 
nérateur et  le  purificateur  de  la  nature,  le  feu  est  un  agent  de  puri- 
fication beaucoup  plus  naturel  que  l'eau.  Nous  lui  devons  la  chaleur 
de  notie  sang  et  celle  de  nos  passions.  Aussi  les  païens  compre- 
naient-ils ainsi  les  choses  lorsqu'ils  donnèrent  au  culte  de  la  passion 
humaine  une  place  prépondérante  dans  leur  adoration  du  soleil- 
L'eau  est  le  symbole  et  le  moyen  de  purification  dans  le  baptême 
chrétien,  mais  la  Maçonnerie  n'est  pas  chrétienne  et  trouve  le  sym- 
bolisme du  Christianisme  trop  abstrait. 

Le  non-initié  pourrait  demander  :  Pourquoi  la  purification  par 
l'eau  est-elle  trop  abstraite?  L'eau  n'est-elle  pas  un  symbole  com- 
mun de  purification?  N'est-ce  pas  par  elle  qu'est  purifié  tout  ce  qui 
est  souillé  ou  malpropre?  Et,  comme  elle  punfie'nos  mains  et  notre 
visage,  qu'y  a-t-il  d'abstrait  à  la  prendre  comme  symbole  de  la 
purification  de  nos  cœurs?  Pour  bien  comprendre  notre  auteur,  il 
faut  le  lire  à  la  lumière  de  la  philosophie  de  la  Kabbale  traitant  de 
l'homme:  de  cette  vieille  Kabbale  juive  d'où  la  Maçonnerie  a  tiré  sa 
philosophie  en  grande  partie.  Dans  ce  système,  ce  n'est  pas  le  cer- 
veau, mais  le  cœur  qui  est  le  siège  de  l'intelligence.  La  purification 
du  cœur  n'est  donc  pas  pour  eux,  comme  pour  nous,  la  purification 
des  allections,  mais  celle  de  l'intelligence.  Nous  ne  parlons  pas  de 
purifier  l'intelligence,  mais  de  l'éclairer.  Llleesl  purifiée  lors(jue  les 
nuages  de  l'ignorance  (jui  l'obscurcissent  sont  dissipés,  comme 
l'air  est  purifié  lorsque  les  miasmes  et  les  vapeurs  dont  il  est 
chargé  sont  dissipés  par  1(>  layous  du  soleil.  La  purification  du 
cœur  est  donc  celle  illumination  spiriiuelle  dont  la  Maçonnerie 
nous  a  parlé  dans  le  «  Choc  de  rilhiniination  ■.  et  qu'elle  nous  a 
complètement  révélée  en  nous  parlant  de  la  liiniièie  matérielle  du  so- 
leil. Celte  purification  du  co'ur,  cette  science  particulière  aux  anciens 
mystères  du  j)aganisnie  et  à  la  Ma(:(»nnerie,  est. en  elVet, mieux  repré- 
sentée par  le  feu  »[iie  par-  l'eau.  i)iii>qiie  le  feu  bn'de  là  ovi  leau  éteint. 
C'est  à  la  Kabbale,  qui  a  tant  eni|iniiilé  aux  niyslèi-es  païens,  et  à 
ces  niN>lèi-es  eiix-mèiiies.  tpie  nous  aurons  à  deuuinder  une  explica- 
lifin  ^iii"  ce  <pr<'sl  la  li-ane-Macoimerie  et  >ur  ses  syml)oles.   Pour 


ET    LE    PAGANISME  95 

nous  qui  connaissons  drjà  les  rappoi'ls  de  la  Maçonnerie  avec  les 
mystères,  le  l'ait  est  évident  ;  cependant,  nous  voulons  en  demander 
une  nouvelle  conlirmation  à  notre  Ritualist. 

Nous  y  lisons  aux  paires  41  et  42  :  «  Les  Maçons  instruits  ont 
toujours  eu  tendance  à  aller  au-delà  des  simples  expressions  tech- 
niques et  des  phrases  stéréotypées  des  leçons  ;  ils  fouillent  l'histoire 
et  la  philosophie  des  religions  de  l'antiquité  et  l'organisation  des 
anciens  mystères  pour  y  chercher  la  véritable  explication  de  la  plu- 
part des  symboles  de  la  Maçonnerie,  et  c'est  là  qu'ils  ont  toujours 
pu  trouver  leur  véritable  interprétation  ». 

Allez  donc  tous,  initiés  et  profanes,  allez,  vous  qui  voulez  étudier 
la  Maçonnerie,  non  pas  dans  sa  seule  forme  extérieure  qui  ne  vous 
donnera  aucune  interprétation  vraie  de  ses  symboles,  mais  dans  son 
esprit  et  dans  sa  substance,  allez  aux  vieux  mystères  du  paganisme; 
pénétrez-vous  de  leur  histoire,  de  leur  organisation,  de  leur  philo- 
sophie, et  vous  y  trouverez  la  Maçonnerie  telle  qu'elle  est.  Il  faut, 
comme  nous  le  dit  le  Dr.  Mackey,  que  nous  étudiions  le  paganisme 
pour  comprendre  la  Franc-Maçonnerie.  Les  Maçons  savants  ont 
toujours  été  aux  sources  [)aïennes,  et  c'est  là  qu'ils  ont  toujours 
réussi  à  trouver  la  véritable  interprétation. 

Quoi  de  plus  naturel,  puisipie  la  vie  toutentière,  l'esprit  des  mystè- 
res du  paganisme,  et  la  Maçonnerie  sont  identiques  ?  Tenez-vous  à 
l'entendre  dire  par  des  lèvres  maçonniques?  Ecoutez  le  Dr.  Mackey 
discourir  sur  ce  ({u'il  appelle  l'ère  préhistorique  de  la  Maçonne- 
rie ' . 

«  Et,  en  ce  qui  concerne  lère  préhistorique,  dit-il,  —  celle  qui  la 
rattache  aux  mystères  du  monde  pa'ien,  aux  vie'^x  prêtres  d'Eleusis, 
deSamolhrace  oudeSyrie — avouons  franchement  que  nous  ne  par- 
lons i)as  maintenant  de  la  Maçonnerie  avecson  organisation  actuelle, 
qui,  nous  le  savons,  n'existait  pas  alors,  mais  d'une  science  par- 
ticulière et  uniquement  particulière  aux  Mystères  et  à  la  Franc-Ma- 
çonnerie, d'une  science  que  nous  pourrions  appeler  le  symbolisme 
maçonnique  et  qui  constituait  le  sang  coulant  dans  les  veines  des 
institutions  anciennes  et  modernes,  science  qui  leur  donnait  une 
identité  de  fond  alors  même  que  les  formes  étaient  dissemblables  ». 
Voici  donc  ce  vieux  collège  sacerdotal  que  nous  cherchions  au 
chapitre  précédent  ;  il  est  formé  des  prêtres  d'Eleusis,  de  Samo- 
Ihrace  ou  de  Syrie  1  C'est  de  ce  collège-là  que  la  Maçonnerie  pro- 
clame qu'elle  t'eut  sa  doctrine  religieuse,  les  Vérités  pures  de  la  foi 
primitive,  «  la  Vérité  Divine  —  la  N'érité  sur  Dieu  et  sur  l'âme 
humaine  —  la  nature  et  l'essence  de  l'un  et  de  l'autre  ».  Considérez 

1.  Encijcloon'dia  o/  Freemasonry,  \).  207. 


%  LA    FRANC-MAÇONNERIE    AMÉRICAINE 

la  source  de  lillumination  religieuse  de  la  Maçonnerie  I  C'est  en  de 
telles  mains  qu'on  nous<  demande|de  déposer  les  destinées  éter- 
nelles et  temporelles  de  l'humanilé  ! 

Fier  de  celte  identité  prouvée  avec  le  paganisme,  tel  qu'il  est 
contenu  dans  les  Mystères  pa'iens,  nous  entendons  sans  étonnement 
noire  auteur  appeler  les  païens  «  ses  frères  »  de  Rome.C'esten  par- 
lant de  la  foi  ou  de  la  fidélité, symbolisée  par  la  main  droite, qu'il  dit: 

«  La  main  droite  a  de  tout  temps  été  l'emblème  de  la  fidé- 
lité, et  nos  anciens  frères  adoraient  la  divinité  sous  le  nom  de  Fides 
ou  de  Fidélité,  que  l'on  représentait  quelquefois  par  des  mains 
droites  jointes  ou  encore  par  l'image  de  personnages  se  tenant  par 
la  main  droite. Numa, le  premier,  éleva  un  autel  à  Fides, e[,  sous  ce 
nom.  l'on  vénéra  la  déesse  des  serments  et  de  l'honnêteté. Les  obli- 
gations contractées  en  son  nom  étaient  considérées  comme  plus 
ilnvîolables  que  d'autres  ». 

Il  est.  certes,  très  édifiant  de  voir  k  nos  anciens  frères  »  adorer 
la  divinité  sous  la  forme  d'une  déesse  païenne,  et  notre  Frère  Numa 
lui  élever,  le  premier,  un  autel  ;  mais  quoi  qu'elle  puisse  être  chère 
à  nos  frères  contemporains,  ce  n'en  est  pas  moins  de  l'idolâtrie 
pa'ïenne. 

Remarquez  de  quelle  façon  le  candidat  en  Maçonnerie  est  de  plus 
en  plus  attiré  vers  le  paganisme. 

D'abord  les  mystères  païens  fournissent  des  modèles  au  symbo- 
lisme maçonnique  ;  puis  la  pratique  des  cérémonies  païennes  ap- 
porte l'évidence  que  ces  Mystères  et  la  Maçonnerie  ont  une  origine 
commune  ;  ensuite  on  fait  remonter  la  Maçonnerie  moderne  auxMys- 
tères  mithriaques  de  l'adoration  du  soleil  et  du  phallus,  en  passant 
par  les  Gnosliques  et  par  les  Maçons  du  moyen  âge  ;  et  nous  voyons 
que  c'est  à  ces  Mystères  qu'on  renvoie  le  candidat  pour  y  trouver 
l'explication  vraie  de  la  plupart  des  symboles  de  la  Fraternité, en  lui 
donnant  l'assurance  qu'il  l'y  découvrira;  maintenant  le  candidat 
nous  est  représenté  fraternisant  avec  les  adorateurs  d'une  divinité 
païenne. et  recevant  des  païens  l'emblème  de  la  fidélité.  Les  obliga- 
tions contractées  au  nom  de  la  «  fidélité  »  sont  plus  inviolables  que 
toutes  les  autres.  C'est  ainsi  qu'on  sème  les  graines  qui  produiront 
leur  fruit  en  leur  temps. 

El  qui  se  serait  imaginé  que  l'idée  même  de  «  constructeur  »,  la 
plus  essentielle  en  Maçonnerie,  est  une  idée  païenne  ?  Ce  n'est 
pas  nous,  certes,  car  nous  avions  tellement  entendu  parlerdu  Tem- 
ple de  Salomon  et  de  ses  rapports  avec  la  Maçonnerie  que  nous  nous 
imaginions  bénévolement  que, si  tout  le  reste  était  païen  en  Maçon- 
nerie, cette  idée  du  moins  pouvait  revendiquer  une  autre  parenté. 
Hélas  !  comme  malgré  tout  ce  qu'on  nous  avait  appris,    nous  nous 


ET    LE    PAGANISME  97 

rendions  peu  compte  de  Fidentilé  parfaite  qui  existe  entre  les  Mys- 
tères du  Paganisme  et  la  Maçonnerie  I  L'idée  du  constructeur  de 
temple  est  aussi  païenne  que  tout  le  reste. 

Tandis  que  les  Maçons  discutent  sur  la  dérivation  du  mot  Maçon, 
ils  sont  tous  d'accord  sur  sa  signification.  Un  Maçon  est  un  bâtis- 
seur. Sur  ce  point,  tout  le  monde  s'entend.  Il  n'est  pas  un  bâtisseur 
d'édifices  matériels,  comme  le  sont  les  maçons  d'aujourd'hui  et  com- 
me l'étaient  ceuxdes  temps  passés  ;  son  œuvre,  telle  qu'il  l'entend, 
c'est  la  construction  de  l'humanité. Nous  lisons  dans  Le  Symbolisme 
de  la  Franc-Maçonnerie,  pp. 8d  et;86,que  les  maçons  de  l'antique  Jé- 
rusalem construisaient  un  temple  terrestre  et  matériel  qui  devait  être 
consacré  au  service  et  au  culte  de  Dieu  — une  maison  dans  laquelle 
Jéhovah  devait  habiter  visiblement  par  sa  Chekinah  (sa  [gloire  ),  et 
d'où  il  devait,  par  Urim  et  Thummim,  faire  entendre  ses  oracles 
pour  gouverner  et  diriger  son  peuple  choisi. 

«  Mais  l'art  opératif  (la  construction  des  édifices  matériels)  ayant 
cessé  pour  nous,  nous,  en  tant  que  Maçons  spéculatifs,  symbolisons 
les  labeurs  de  nos  prédécesseurs  en  nous  employant  à  la  construc- 
tion d'un  temple  spirituel  dans  nos  cœurs,  temple  pur  et  sans  tache, 
digne  d'être  la  demeure  de  Celui, qui  est  l'auteur  de  toute  pureté  — 
où  Dieu  sera  adoré  en  esprit  et  en  vérité,  et  d'où  toute  mauvaise 
pensée  et  toute  passion  déréglée  seront  bannies,  comme  le  pécheur 
et  le  Gentil  étaient  bannis  du  sanctuaire  du  temple  juif. 

«  Cette  spiritualisation  du  Temple  de  Salomon  est  la  première 
de  toutes  les  instructions  de  la  Franc-Maçonnerie,  la  plus  impor- 
tante et  la  plus  profonde  de  toutes  ». 

Tout  ceci,  qui  semble  si  orthodoxe,  si  chrétien  même,  est  pure- 
ment païen.  Le  Masonic  Ritualist  nous  en  informe  aux  pp.  112  et 
113.  «  L'idée  de  la  légende  (du  constructeur  de  Temple;  fut  certai- 
nement empruntée  aux  Anciens  Mystères  dont  la  leçon  était  la 
même  que  celle  que  l'on  trouve  dans  le  troisième  degré  de  la 
Maçonnerie  ».  Expliquez  le  Temple  comme  vous  l'entendrez  ;  qu'il 
représente,  si  vous  le  voulez,  comme  il  le  fait  souvent,  le  corps  de 
l'homme,  c'est  ainsi  que  le  Christ  parle  du  Temple  de  son  corps; 
qu'il  représente  l'âme  humaine,  le  monde  en  général,  l'humanité 
présente  et  future  ;  le  constructeur  de  tous  ces  temples,  c'est  la 
Maçonnerie  ;  et  le  modèle  auquel  chacun  d'eux  doit  se  conformer 
doit  être  pris  dans  les  anciens  mystères  du  paganisme.  L'idée  leur 
est  empruntée.  «  Le  Temple  égyptien,  dit  le  Dr.  Mackey,  était  le 
véritable  archétype  du  tabernacle  mosaïque,  de  même  que  celui-ci 
était  l'archétype  du  Temple  de  Jérusalem  ».Le  symbolisme  basé  sur 
ce  Temple  devait,  en  dernier  ressort,  se  rapporter  au  Temple  égyp- 
tien. Considérez  donc,  cher  lecteur,  si  vous  le  pouvez,  le  but  vers  le 


98 


LA    FRANC-MAÇONNERIE    AMERICAINE 


quel  est  dirigée  rinfliience  maçonnique  secrète  du  monde  actuel, et 
quelles  doivent  OLi-e  les  conséquences  de  cette  influence,  alors  »jue 
c'est  le  paganisme,  concentré  et  exprimé  dans  l'idée  d'un  temple 
païen. qu'elle  s'elTorce  sans  cesse  d'établir. en  y  employant  toutes  ses 
énergies.  La  vie  physiijue,  morale  et  intellectuelle  de  chacun  ;  la 
constitution  de  la  famille,  de  l'Etat  :  la  religion  de  l'humanité,  les 
destinées  él(MnellPs  de  l'âme, tout  cela  doit  être  moulé  sur  le  modèle 
d'un  temple  païen.  Voilà  quel  est  le  but  de  la  Maçonnerie  en  ensei- 
gnant la  Vérité  Divine. 

Mais  un  temple  était  essentiellement  l'endroit  où  l'on  adorait  ;  et 
le  culte. chez  les  païens, nous  assure  la  Maçonnerie,  était  de  deux  es- 
pèces :  le  culte  idolâtre  du  commun  du  peuple  et  le  culte  secret  des 
Mystères.  La  Maçonnerie  rejette  le  premier  et  adopte  le  second.  Le 
Temple. en  tant  qu'il  exprime  ce  culte  et  qu'il  s'identifie  avec  lui, est 
donc  le  type  que  la  Maçonnerie  propose  aux  yeux  ésotériques,  et  ce 
culte  est,  comme  nous  l'a  dit  notre  auteur,  le  culte  phallique.  «  Au 
soleil,  aussi,  doit  être  rendu  le  culte  phallique  comme  au  régénéra- 
teur et  à  celui  par  qtii  toutes  choses  sont  revivifiées,  et  ce  culte  cons- 
titue la  partie  la  plus  importante  des  mystères  '  ».  Sur  ce  dernier 
point,  il  n'y  a  aucun  doute,  car  toutes  les  pages  des  ouvrages  de 
Mackey  abondent  en  citations  qui  le  confirment;  nous  ne  les  prodi- 
guons pas  à  nos  lecteurs  par  respect  pour  leurs  sentiments.  Si  nous 
sommes  paifois  obligé  de  froisser  leur  délicatesse,  il  faut  nous  ex- 
cuser, car  il  nous  est  impossible  de  parler  loul  au  long  de  la  Maçon- 
nerie sans  avoir  alVaire  à  son  essence. 

Dans  son  article  sur  le  culte  phallique  -,  le  Dr.  Mackey,  après 
avoir  explicpié  le  sens  du  mol,  dit  que  ce  culte  passe  pour  avoir  pris 
naissance  en  Egypte,  où,  après  le  meurtre  dOsiris  par  Typhon, dans 
lequel  il  faut  voir  le  symbole  de  la  destruction  de  la  lumière  so- 
laire par  la  nuit,  Isis,  sa  femme,  ou  le  symbole  de  la  nature,  se 
mit  à  la  recherche  de  son  corps  mutilé  ;  elle  en  trouva,  dit-on, 
toutes  les  parties,  sauf  les  organes  générateurs.  Ce  mythe  sym- 
bolise tout  simplement  le  phénomène  du  coucher  du  soleil  qui, une 
fois  disparu,  perd  sa  puissance  fécondante  et  vivifiante.  Le 
phallus  était  donc,  en  tant  que  principe  générateur  du  mâle,  uni- 
versellement vénéré  parijii  les  anciens,  et  il  l'était  comme  rite  reli- 
gieux, sans  qu'il  y  eût  le  moindre  rapport  à  toute  application  im- 
puri'  ou  lascive  ». 

Notre  auteur  ne  nous  dit  j)as  pourquoi,  dans  les  mystères,  il  fal- 
lait vénérer  le  principe  générateur  du  mâle  ;  il  se  contente  d'expo- 


1.  liiKijcIopwdid  of  hreenvisonrij.  \t.  70*). 

2.  Ihid.  p.  .")77. 


ET    LE    PAGANISME  99 

ser  et  d'approuver  le  fait.  On  n'explique  pas  davantage  pourquoi 
un  tel  symbolisme  est  employé  pour  représenter  une  chose  aussi 
évidente  que  la  lumière  du  soleil,  qui,  chaque  jour,  brille  et  dispa- 
raît.L'histoire  d'Osiris  et  d'isis  est  une  invention;  pourquoi  y  a-t-on 
eu  recours  pour  exprimer  des  phénomènes  naturels  aussi  connus  que 
le  lever  et  le  coucher  du  soleil  ? 

Pourquoi  les  anciens  invenlaient-ils  de  telles  fables  et  employaient- 
ils  de  tels  symboles? 

AfTirmer  qu'ils  le  faisaient  sans  y  ajouter  la  moindre  idée  impure 
ou  lascive  est  admissible  ou  non, suivant  ce  que  l'on  entend  par  ces 
mots.  Nous  montrerons,  en  traitant  de  la  morale  ma(;onnique,  que 
la  pureté  maçonnique  est  très  dilTérente  de  la  pureté  chrétienne, 
tout  comme  l'était  la  pureté  païenne.  Le  commandement  de  Dieu 
à  Moïse  :  «  Tu  ne  commettras  pas  l'aJullère  »,  et  son  corollaire  : 
«  Tu  ne  convoiteras  pas  la  femme  de  ton  prochain  »,  brillent  par 
leur  absence  dans  le  decalogue  maçonnique, tel  que  le  donne  le  F.-. 
Pike'. 

Dans  son  Symbolism  of  Freemasonry,  à  la  page  113,  le  Dr.  Mac- 
key,  après  avoir  donné  le  passage  que  nous  venons  de  rapporter, 
cite  Sonnerat^  pour  soutenir  son  opinion  sur  la  pureté  du  culte  des 
anciens.  «  Sonnerat  remarque,  dit-il,  que  ceux  qui  pratiquaient  ce 
culte  avaient  les  principes  les  plus  purs  et  menaient  une  vie  irré- 
prochable, et  il  semble  qu'il  ne  soit  jamais  entré  dans  la  tète  d'au- 
cun législateur  ou  du  peuple  indien  que  quelque  chose  de  naturel 
pût  être  grossièrement  obscène   ». 

A  vrai  dire,  on  ne  saurait  trouver  d'obscénité  dans  les  objets 
physiques,  considérés  en  leur  ensemble,  leur  totalité,  et  faisant  la 
part  légitime  des  circonstances,  des  bornes  prescrites  par  la  raison 
naturelle  —  ceci  est  évident.  Toutes  les  religions  bénissent  l'union 
du  mari  et  de  la  l'emnie,  comme  Dieu  la  bénit.  Tous  les  enfants  ai- 
ment leurs  père  et  mère  et  l'union  a  laquelle  ils  doi\ent  la  vie. Mais 
des  limites,  des  restrictions  sont  imposées  par  la  nature  raisonnable 
à  nos  appétits  sensuels,  et  il  n'est  })as  naturel  à  l'homme, ni  même  à 
la  brute,  de  se  permettre  de  dépasser  ces  limites.  La  Maçonnerie 
elle-même  a  pendant  longtemps  ^  reconnu  ces  Ijornes  en  excluant 
les  bâtards  de  l'Ordre;  aujourd'hui,  la  Maçonnerie  moderne  est  [)lus 
indulgente.  Si  rien  île  ce  (ju'on  peut  appeler  naturel  n'est  obscène, 
pourquoi  est-il  recommandé  aux  Maçons  de  «  respecter  la  chasteté 
des  femmes  de  Maçons  et  celle  de  leurs  filles  *  »  ? 

1.  I^iKE.  Morals  and  Doyma.  pp.  17-18. 

2.  Voir  plus  loin,  cliaj).  :  Morale  maronni<ine.  Voyage  aux  Indes  Orientales, 
I.  p.  11!S 

3.  Cf  l'Jncyclopœdia,  ji.  lOS. 

4.  Ihid.  p.  Kill. 


100  LA    FBANC-MAÇONNERIE    AMÉRICAINE 

«  Mais,  continue  Mackey,  le  Phallus  ou,  comme  l'appellent  les 
Orientalistes,  le  L  iny  a  m, él&iy  la  representation  du  seul  principe  mas- 
culin. Pour  compléter  le  cercle  de  la  génération,  il  faut  faire  un  pas 
de  plus.  Nous  trouvons  alors  dans  la  Cleis  des  Grecs  et  le  Yoni  des 
Indiens,  un  symbole  du  principe  générateur  de  la  femme  ayant  une 
importance  égale  à  celle  du  Phallus.  La  Cteis  était  un  piédestal 
circulaire  et  concave,  ou  réceptacle,  sur  lequel  reposait  le  Phallus 
en  forme  de  colonne,  qui  sortait  du  milieu  du  réceptacle  '  ». 

Mais  quels  rapports  y  a-t  il  entre  tout  ceci  et  la  Ma(^'onnerie  amé- 
ricaine? s'écriera  peut-être  notre  lecteur  à  bout  de  patience.  Le  Dr. 
Mackey  va  nous  le  dire. 

«  Nos  anciens  frères,  écrit-il,  dédiaient  leurs  loges  au  roi  Salo- 
mon, parce  qu'il  fut  notre  premier  Trés-Excellent-Grand-Maître  ; 
mais  nos  Maçons  modernes  dédient  les  leurs  à  saint  Jean-Baptiste  et 
à  saint  Jean  l'Evangéliste  qui  étaient  les  deux  éminents  patrons  de  la 
Maçonnerie  et,  depuis  qu'ils  ont  été  choisis,  il  existe  dans  toute  Lo- 
ge régulière  bien  administrée,  un  point  déterminé,  dans  la  circon- 
férence d'un  cercle,  encadré  de  deux  lignes  parallèles  et  perpendi- 
culaires,représentantsaint  Jean-Baptiste  et  saint  Jean  l'Evangéliste, 
au-dessus  desquelles  sont  posées  les  Saintes-Ecritures.  Le  point 
représente  un  frère  quelconque;  le  cercle  indique  la  ligne  limitro- 
phe qu'il  ne  permettra  jamais  à  ses  préjugés  et  à  ses  passions  de 
lui  laisser  franchir.  Tournant  autour  de  ce  cercle,  nous  rencon- 
trons nécessairement  les  deux  lignes  parallèles  en  même  temps 
({ue  les  Saintes-Ecritures,  et,  tant  qu'un  Maçon  reste  renfermé  dans 
ces  sages  limites,  il  est  impossible  qu'il  tombe  matériellement  dans 
l'erreur  ». 

«  Le  point  dans  le  cercle,  continue  Mackey,  est  un  symbole  im- 
portant et  intéressant  en  Maçonnerie,  mais  il  a  été  si  avili  dans 
l'interprétation  que  donnent  de  lui  les  leçons  modernes,  que  plus 
tôt  l'oubliera  l'étudiant  en  Maçonnerie,  mieux  cela  vaudra.  Le  sym- 
bole est  eu  réalité  une  allusion  indirecte  à  l'ancien  culte  du  soleil, 
et  c'est  lui  qui  nous  mène  pour  la  première  fois  à  cette  modilication 
de  ce  culte  connue  des  anciens  comme  culte  du  phallus  ». 

«  Le  phallus,  ajoute-t-il,  était  une  imitation  de  l'organe  généra- 
teur du  niAle.  Il  était  généralement  représenté  par  une  colonne^ 
entourée  d'un  cercle  à  sa  base,  placé  là  pour  la  cteis,  ou  organe  gé- 
nérateur  (le    la    femme.    Cette    union    du  phallus  et  de  la  c/c/s 

était  pour  les  anciens  le  modèle  des  [)uissances  generatrices  de 
la  nature  qu'ils  adoraient  sous  les  formes  réunies  du  |)riii(i|)e  actif 
ou  niAle  el  <lii  |trin('ipe  passif  ou  femelle.  Pénétrés  de  celle    idée  de 

1.    l'.nrijih)fiiL'il'i(l,\\.  r>77. 


ET    LE    PAGANISME  iOl 

l'union  des  deux  principes,  la  plus  ancienne  des  divinités  qu'ils  in- 
ventèrent était  hermaphrodite,  et  ils  croyaient  que  Jupiter,  le  dieu 
suprême,  avait  les  deux  sexes  à  la  lois, ou,  comme  Ta  dit  un  de  leurs 
poètes  ^<  avait  été  créé  mâle  et  vierge  immaculée  ». 

«  On  supposait  encore,  dit  toujours  notre  Bitualist,  que  cet  her- 
maphrodisme de  la  divinité  suprême  était  représenté  par  le  soleil 
qui  figurait  la  force  génératrice  mâle,  et  pai"  la  nature  ou  l'uni- 
vers qui  symbolisait  le  principe  prolifique  femelle.  Et  cette  union 
était  figurée  de  difTérentes  façons,  principalement  par  le  point 
dans  le  cercle  ;  le  point  inditjuant  le  soleil,  et  le  cercle,  l'univers 
ou  la  nature,  en  qui  ses  chauds  rayons  prolifiques  engendraient 
la  vie  ». 

Qu'il  nous  soit  permis  de  demander  ce  qu"ont  à  faire  les  deux 
saints  Jean,  les  deux  éminents  patrons  des  Loges,  avec  ces  cultes 
du  soleil  et  du  phallus  ?  Apprenez  une  leçon  du  symbolisme  ma- 
çonnique, l'une  des  premières  qu'enseigne  la  Maçonnerie,  et,  quand 
vous  l'aurez  bien  comprime,  vous  saisirez  quel  peu  de  consistance  a  le 
voile  chrétien  qui  cache  derrière  lui  le  paganisme. 

«  Les  deux  lignes  parallèles  qui,  d'après  les  Leçons  modernes 
représentent  saint  Jean-Baptiste  et  saint  Jean  l'Evangéliste, figurent 
en  réalité  deux  périodes  du  cours  annuel  du  soleil.  A  deux  certains 
points  de  son  évolution,  que  l'on  nomme  le  Solstice  d'été  et  le 
Solstice  d'hiver,  le  soleil  se  trouve  dans  les  signes  zodiacaux  du 
Cancer  et  du  Capricorne.  Quand  le  soleil  arrive  à  ces  points,  il  a 
atteint  respectivement  ses  limites, extrêmes  au  nord  et  au  sud.  Si 
nous  considérons  le  cercle  comme  représentant  le  cours  annuel  du 
soleil,  les  points  où  les  deux  lignes  parallèles  touchent  le  cercle 
représenteront  les  deux  solstices.  Or,  les  jours  précis  où  le  soleil 
atteint  ces  points  extrêmes  sont  le  21  juin  et  le  22  décembre, et  cela 
explique  pourquoi  les  deux  saints  Jean,  dont  l'Église  fêle  les  anni- 
versaires aux  alentours  de  ces  dates,  ont  été  choisis  '■  ». 

«  Ainsi,  conclut  le  Docteur,  la  véritable  interprétation  qu'il  faut 
donner  au  point  dans  le  cercle  est  celle  qui  convient  au  Maître 
et  aux  Gardiens  d'une  Loge.  Ils  contiennent  à  la  fois  le  symbolisme 
du  monde  et  de  la  Loge.  Le  Maître  et  les  Gardiens  sont  représentés 
par  le  soleil;  la  Loge,  par  l'univers  ou  le  monde;  le  point  est  égale- 
ment l'emblème  du  même  soleil,  et  le  cercle  qui  l'environne,  celui 
de  l'univers,  tandis  que  les  deux  lignes  parallèles  ne  figurent  pas,  en 
réalité,  les  deux  saints,  mais  les  deux  limites  extrêmes  au  nord  et  au 
sud  du  cours  du  soleil  -  ». 


1.  Ritualist,  p.  63 

2.  Ibid.  p.  63. 


102  LA    FRANC-MAÇONNERIE   AMÉRICAINE 

Il  y  a  pou  de  passasses  dans  le  Ritualisi  qui  nous  fassent  mieux 
saisir  linanilé  des  prétentions  de  la  Maçonnerie  à  être  chrétienne 
Il  s'annonce  à  grand  bruit  de  trompettes  en  célébrant  les 
louanges  des  deux  saints  Jean,  les  deux  éminenls  patrons 
des  Loges,  pour  finir  par  l'aveu  qu'il  n'est  aucunement  question 
d'eux  historiquement  parlant,  mais  des  deux  points  extrêmes  du 
cours  annuel  du  soleil,  des  deux  moments  où  il  est  le  plus  et  le 
moins  ardent.  C'est  donc  le  soleil,  son  culte  et  le  culte  phallique  qui 
appartiennent  à  la  Maçonnerie.  Le  nom  des  deux  saints  n'est  là  que 
comme  symbole,  pour  indiquer  à  l'initié  le  soleil  arrivé  dans  les 
signes  du  Cancer  et  du  Capricorne,  et  pour  dérouter  le  profane  qui 
croit  qu'il  s'agit  du  Précurseur  et  du  disciple  du  Christ. 

Nous  avouons  qu'en  lisant  ces  noms  pour  la  première  fois,  nous 
avons  donné  dans  le  piège.  Nous  avons  cru,  comme  le  croira  tout 
non-initié,  que  ces  noms  quoique  employés  à  tort,  se  ra[>portaient 
bien  aux  deux  saints  en  question.  Nous  nous  souvenions  de  ce  qui 
nous  avait  été  ditsurces  saints  dans  les  leçons  sur  l'ouverture  d'une 
loge,  et  nous  n'aurions  jamais  penséquele  «  Symbolisme  »  put  aller 
si  loin. 

«  On  déclare  alors  (pie  la  loge  est  ouverte  en  due  forme,  au  nom 
de  Dieu  et  des  deux  saints  Jean,  pour  le  premier,  le  second  ou  le 
troisième  degré,  suivant  le  cas  '. 

«  On  dit  ([u'une  loge  est  ouverte  au  nom  de  Dieu  et  des  deux 
saints  Jean  c'est  Mackey  qui  souligne),  pour  déclarer  que  nous 
nous  assemblons  dans  un  but  sacré  et  religieux,  pour  témoigner  de 
notre  profonde  révérence  pour  cet  Etre  Divin  dont  le  nom  et 
les  attributs  devraient  faire  l'objet  constant  de  nos  contemi>la- 
tions,  et  de  notre  respect  pour  ces  anciens  patrons  que  les  traditions 
de  la  Maçonnerie  ont  joints  si  intimement  à  l'histoire  de  l'Institu- 
tion ». 

Comparez  les  deux  passages  et  tirez-en  vos  propres  conclusions. 
Et  la  loge  est  ouverte  au  nom  de  Dieu  et  de  ses  deux  saints  ! 

Qui, sont  ces  deux  saints  ?  Deux  points  nommés  du  cours  du  so- 
leil. La  loge  est  donc  ouverte  au  nom  de  Dieu  et  des  saints  signes 
du  Cancer  et  du  Capricorne,  pour  des  fins  sacrées  et  religieuses  ». 
Si  tels  sont  les  saints,  quel  est  le  Dieu  auquel  ils  sont  unis  ?  Et 
voilà  l'instruction  donnée  à  l'Apprenti  enrôlé,  au  novice  en 
Maçonnerie  !  C'est  ainsi  qu'il  est  conduit  au  culte  phalli(|ue,  au 
culte  des  facultés  génératrices  «le  la  nature  humaine,  et  le 
plus   souvent   à   une    j)ériode  de  la  vie  où  il  n'est  que  trop  |>orté, 

1.  liilualisl.  p.  11. 


ET    LE    PAGANISME  103 

en  dehors  même  de  toute  instruclion  maçonnique;,  à  s'adonner  à 
un  tel  culte.  Et  ce  culte  étant  élevé  à  la  dignité  de  culte  religieux, 
son  intelligence  maçonnique  purifiée  en  tirera  les  conclusions  na- 
turelles, car  «  pour  les  purs,  tout  est  pur  ».  Les  anciens,  qui  ado- 
raient les  passions  de  la  nature  humaine  étaient  irréprochables 
dans  leur  morale  ;  il  le  sera  comme  eux.  Horace  était  un  initié.  Sa 
sensualité,  si  effrontément  exposée  dans  ses  Odes,  n'était  que  des 
écarts  de  jeunesse  bien  naturels.  Alcibiade  était  un  initié,  mais 
nous  ne  voudrions  pas  faire  un  tableau  de  sa  morale.  Tibère  en  était 
un  également;  qui  n'a  pas  entendu  parler  de  Caprée  ? 

N'importe  :  dans  chaque  loge  bien  administrée,  on  voit,  pour 
l'instruction  des  frères  et  pour  leur  édification,  le  symbole  phal- 
lique, le  point  dans  le  cercle.  Bien  mieux,  la  Loge  elle-même,  les 
colonnes  de  la  Loge,  les  officiers  de  la  Loge,  les  symboles  les  plus 
ordinaires  employés  par  la  Loge,  tout  exprime  la  même  signification 
à  l'initié.  Voulez-vous  entendre  ces  affirmations  dans  des  termes 
explicites  appliqués  au  Temple  de  Salomon  ? 

La  Loge,  comme  nous  l'avons  vu,  est  un  type  du  Temple  de 
Salomon, qui  est  lui  même  une  copie  des  Temples  phalliques  égyp- 
tiens. 

«  La  description  suivante  du  Temple  de  Salomon,  faite  par 
J.-G.-R.  Forlong,  dans  son  admirable  ouvrage  intitulé  Rivers  of 
Life  (Les  Rivières  de  la  vie)  ne  peut  pas  être  négligée  dans  une  ency- 
clopédie maçonnique,  nous  dit  le  F.".  McClenachan  dans  son  Adden- 
dum à  VEncijclopédie  de  la  Franc-Maçonnerie  du  Dr.  Mackey, 
(pp.  1004,  1005 1  ».  Apprenez-nous,  je  vous  prie  quelles  sont  ces 
idées  sur  le  Temple  de  Salomon  si'  admirables  et  si  instructives 
pour  la  Fraternité  ? 

«  Que  la  boîte  de  l'arche  d'alliance,  avec  sa  tour  phallique,  est 
semblable  à  tout  un  sanctuaire  sivaïque,  que  la  tovu'  tlentrée  n'est 
autre  chose  qu'un  obélisque  égyptien,  ou  bien  la  copie  des  piliers 
bouddhistes  ou  des  colonnes  d'Hercule  placées  près  du  temple 
phénicien Qu'un  autel  est  une  arche  avec  un  «  siège  de  misé- 
ricorde »  ou  lieu  du  feu  et  du  sacrifice  ». 

Voici  ce  qu'il  nous  dit  un  peu  plus  loin  :  «  Ces  temples  sont  com- 
muns surtout  chez  les  adorateurs  du  phallus  de  l'Inde  méridionale. 
Un  portique  élevé  orne  généralement  la  façade  ;  on  trouve 
dès  l'entrée,  les  piliers  phalliques,  avec  des  autels  pour  le  sacrifice , 
etc., et, dans  le  coin  le  plus  reculé,  le  sanctuaire  ou  oracle  du  culte  ». 
Ou  encore  :  «  Celte  [section]  donne  les  détails  de  la  pointe  et  de 
la  position  des  phalli,  Jachin  et  Boaz  ». 

La  même  théorie  est  reprise  à  la  page  1015,  et  plus  complètement 
encore  à  la  page  1016.  «  L'arbre  et  son  extrémité  de  lotus,  dit  Kitlo 


104  LA    FRANC-MAÇONNERIE    AMÉRICAINE    ET    LE    PAGANISME 

prit  la  place  de  la  colonne  égyptienne  sur  les   deux  fameux  phalli 
de  Salomon,  Jachin  et  Boaz  ».  (p.  1017). 

Ces  deux  piliers  étaient  sous  le  portique  du  temple  de  Salomon, 
et  leurs  représentants,  portant  les  mêmes  noms,  Jachin  et  Boaz  or- 
nent la  loii-e  maçonnique.  Le  temple  de  Salomon  était  un  temple 
l>halliqne,  la  loge  est  sa  représentation  fidèle,  comme  le  sont  le 
monde,  l'humanité,  comme  l'est  encore  l'individu  —  tout  devant 
être  construit  sur  le  même  plan  —  voilà  toute  la  Maçonnerie.  Voilà 
où  nous  a  conduits  la  Maçonnerie  avec  son  paganisme  el  ses  sym- 
boles païens  ;  elle  l'a  fait  lentement,  pas  à  pas,  mais  infailliblement. 

D'abord. elle  nous  a  montré  son  respect  et  son  amour  pour  les  cé- 
rémonies païennes  qu'elle  présente  comme  sacrées  et  comme  le  mo- 
dèle des  siennes  propres.  Puis  elle  oblige  son  candidat  à  faire  le  tour 
de  la  Loge. en  parlant  de  l'est  pour  y  revenir  par  le  sud  et  l'ouest,  afin 
d'imiler  le  cours  journalier  du  soleil. Elle  présente  doncson  candidat 
au  soleil,  objet  du  culte  des  anciens,  purificateur]  el  régénérateur 
de  toutes  choses.  Puis,  on  lui  fait  voir  la  communauté  d'origine,  la 
différence  de  formes  mais  l'identité  de  fond  qui  existent  entre  la 
Maçonnerie  américaine  et  les  mystères  païens.  Elle  fait  remonter 
son  histoire  aux  mystères  mithriaques  ou  culte  phallique,  modifi- 
cation du  culte  du  soleil,  en  passant  par  les  Gnostiques. 

Elle  renvoie  son  disciple  studieux  aux  mystères  païens  pour  y 
trouver  la  vraie  signification  de  ses  propres  symboles,  l'assurant 
que  c'est  là  qu'il  l'y  découvrira.  Elle  reconnaît  pour  ses  frères  les 
anciens  iiomains  idolâtres,  el  elle  fait  remonter  le  nom  môme  de 
Maçon,  bâtisseur  de  temple,  jusqu'aux  autels  phalliques  des  temples 
païens,  dont  le  Temple  de  Salomon  n'était  que  la  copie.  C'est  donc 
au  culte  d'Isis  ou  de  la  nature  que  nous  aboutissons;  c'est  amsi 
(pi'il  <^st  appelé  —  le  culte  de  noire  nature  sensuelle.  Voilà  pourquoi 
nous  avons  l)esoin  qu'un  chaagemcMil  s'opère  dans  noire  inlelli- 
gence,  car  la  conscience  el  la  raison  chréliennes  nous  dirigent  au- 
trement. C'est  pour  enseigner  ce  culte  que  la  Loge,  est  construite 
el  ornée  :  ses  olficiers  représentenl  le  malin,  le  midi  et  le  soir  de 
riiiimanité  ;  ses  piliers  se  nomment  Jachin  et  Boaz  ;  ses  colonnes  : 
Sagesse,  Force  et  Beauté  soutiennent  la  Loge  et  une  colonne 
n'est  autre  chose  qu'un  pilier  bouddhique  ;  elle  en  a  le  même 
sens  phallique  ;  et,  pour  résumer  tout  en  un  mot,  on  trouve  dans 
chaque  Loge  bien  administrée  le  point  dans  le  cercle,  ce  qui  figure 
les  lins  sacrées  et  religieuses  que  se  propose  la  Loge,  et  ce  point 
dans  le  cercle  est  le  symbole  phallique  des  païens. 


CHAPITRE  Vril 
Le  Dieu  de  la  Franc-Maçonnerie  Américaine 

«  L'une  des  premières  leçons  enseignées  au  Maçon  au  début  de 
son  initiation,  nous  dit  le  Masonic  Ritualist,  p.  14,  est  qu'il  ne 
devra  jamais  entreprendre  quoi  que  ce  soit  d'important  sans  invo- 
quer d'abord  la  bénédiction  de  la  Divinité.  C'est  pourquoi,  dès  le 
début  des  cérémonies  d'ouverture,  on  adresse  une  prière  au  Suprême 
Architecte  de  l'Univers.  Bien  que  cette  prière  soit  faite  par  le 
Maître,  tous  les  Frères  doivent  y  participer  et  tous,  lorsqu'elle  est 
terminée,  doivent  répondre  :  «  Qu'il  en  soit  ainsi  :  Amen  ». 

^(  On  déclare  alors,  continue  le  Ritualist,  qu'au  nom  de  Dieu  et 
des  deux  saints  Jean,  la  Loge  est  régulièrement  ouverte,  pour  le 
premier,  le  deuxième  ou  le  troisième  degré,  suivant  le  cas  ». 

Le  Ritualist  ajoute:  «  La  formule:  la  Loge  est  ouverte  au  nom  de 
Dieu  et  des  deux  saints  Jean'^  est  comme  une  déclaration  des  motifs 
religieux  et  sacrés  de  notre  réunion,  de  notre  profonde  révérence  pour 
cet  Etre  divin  dont  le  nom  et  les  attributs  devront  faire  l'unique 
objet  de  notre  contemplation,  et  de  notre  respect  pour  ces  anciens 
patrons  que  les  traditions  de  la  Maçonnerie  ont  si  étroitement  liés 
à  l'histoire  de  l'Institution  ». 

Nous  avons  vu  ce  qu'étaient  ces  patrons  si  vénérés  de  la  Maçon- 
nerie, «  les  signes  saints  et  sacrés  du  Cancer  et  du  Capricorne  ». 
C'est  en  leur  nom  et  en  celui  du  Dieu  de  la  Maçonnerie  que  la  Loge 
est  ouverte  pour  des  motifs  «  religieux  et  sacrés  »,et  que  le  candidat 
est  conduit  au  culte  phallique.  Que  peut  donc  bien  être  ce  Dieu 
maçonnique?  Telle  est  la  nouvelle  question  qui  s'impose,  et^quoique 
l'élude  de  cette  question  doive  nécessiter  quelque  effort  de  pensée 
à  nos  lecteurs,  nous  sommes  certain  qu'ils  ne  s'y  refuseront  pas, 
étant  donné  les  difficultés  avec  lesquelles  ils  nous  voient  aux  prises; 
car  c'est  précisément  alors  que,  dans  l'intention  avouée  de  nous 
éloigner,  nous  profanes,  de  la  science  maçonnique,  on  complique 
les  choses  à  plaisir,  il  est  plus  difficile  de  les  débrouiller,  et  de 
dévoiler  aux  non-initiés  ce  que,  d'après  le  F.-.  Pike,  «  l'on  n'énonoe 

1.  Les  italiques  sont  du  Ritualist. 


106  LE    DIEU 

souvent  qu'une  fois  et  brièvement,  ou  ce  à  quoi  on  ne  fait  souvent 
aussi  qu'une  allusion  obscure  ». 

Si  nos  lecteurs  veulent  bien  considérer  que  les  Maçons  donne- 
raient volontiers  jusqu'à  leur  âme  pour  acquérir  cette  science  — 
car  le  but  principal  de  l'Ordre  est  de  l'enseigner  —  ils  conviendront 
qu'ils  la  trouvent  à  bon  compte,  puisque  tout  ce  que  nous  leur 
demandons,  c'est  de  nous  accorder  une  demi-heure  d'attention 
sérieuse  et  soutenue.  Nous  allons  condenser  en  quelques  pages  plus 
d'enseignement  que  les  Frères  n'en  acquièrent  en  un  grand  nombre 
d'années  d'initiation,  parce  qu'ils  sont  obligés  d'avancer  degré  par 
degré,  tandis  qu'ayant  devant  nous  tous  les  degrés,  nous  pouvons 
puiser  dans  chacun  d'eux  à  notre  convenance. 

Donc,  la  Maçonnerie  admet  qu'il  existe  un  Dieu  ;  elle  prie  un 
Dieu;  elle  n'accepte  aucun  cantlidat  qui  ne  croit  pas  en  un  Dieu. 

«  La  Franc-Maçonnerie,  nous  dit  Mackey  ',  est  excessivement 
tolérante  en  ce  qui  concerne  les  croyances,  mais  elle  exige  que 
tout  candidat  à  l'inilialion  croie  à  l'existence  de  Dieu,  en  tant  que 
puissance  gouvernante  et  protectrice,  et  en  la  vie  future.  On  ne 
cherchera  pas  à  modifier  sa  foi  religieuse  pourvu  qu'elle  com- 
prenne ces  deux  principes  ». 

Peu  importe  qui  est  le  Dieu  adoré  ou  ce  qu'il  est.  Qu'il  soit 
Bouddha,  le  Christ,  le  Dieu  des  Sociniens  ou  des  .luifs,  le  «  totem  » 
des  tribus  de  l'Alaska,  la  Vénus  des  Romains,  le  Zeus  des  Grecs, 
c'est  indifférent.  Tout  ce  qui  est  exigé,  c'est  une  croyance  en  une 
divinité  quelconque.  La  Maçonnerie  se  charge  de  répandre  une 
merveilleuse  clarté  sur  la  Vraie  Nature  et  l'essence  de  Dieu. Vous  ne 
connaissez  pas  Dieu  tel  qu'il  est,  puisque  vous  n'avez  pas  été  éclairé 
par  la  lumière  maçonnique  ;  on  ne  vous  a  pas  enseigné  les  allégo- 
ries et  les  magnifiques  symboles  empruntés  à  un  vieux  collège  sacer- 
dotal de  prêtres  païens  d'Eleusis,  de  Samothrace  ou  de  Syrie,  et 
vous  n'avez  pas  étudié  non  plus  les  symboles  de  la  diviiiilé  dans  les 
mystères  du  paganisme.  Les  Maçons  instruits  ont  toujours  trouvé 
la  Vérité  Divine,  la  nature  et  l'essence  de  Dieu  dans  ces  symboles. 
Nous  allons  prendre  le  chemin  (ju'on  nous  indique,  et  nous  vous 
demandons  de  vouloir  bien  nous  y  accompagner. 

Une  Loge  étant  le  temple  religieux  de  la  Maçonnerie,  c'est  vers 
la  Loge  tjue  nous  nous  tournerons  tout  naturellement  pour  y  trouver 
un  .symbole  de  la  divinité;  car,  si  toutes  les  vérités  de  la  Maçonnerie 
sont  contenues  dans  des  symboles,  le  principal,  le  plus  important 
de  tous  ces  symboles  ne  peut  faire  défaut. Il  doit,  sans  doute, être  le 

1.  Hncyctopœdta,  p.  G'24. 


DE   LA    FRANC-MA.ÇONNERIE    AMÉRICAINE  107 

plus  en  vue  dans  la  Loge  et  sauter  aux  yeux  dès  l'entrée.  Et,  en 
effet,  à  la  page  95  du  Masonic  Riiualisl,  nous  avons  une  gravure  de 
la  Loge,  et  nous  y  voyons  la  lettre  G  dans  un  halo  resplendissant, 
suspendue  au-dessus  de  la  tête  du  Maître.  Ce  G,  sans  aucun  doute, 
signifie  Goo  (Dieu).  Ayant  découvert  le  symbole  cherché  dans  la 
Loge,  nous  sommes  sur  le  point  d'en  sortir  quand  nos  regards  sont 
attirés  par  les  instructions  qui  précèdent  et  suivent  le  symbole. 
Préoccupés  que  nous  étions  de  découvrir  le  Dieu  de  la  Maçonnerie, 
nous  allions  oublier  un  instant  que  son  Dieu  n'est  pas  noire  Dieu. 

Le  paragraphe  dans  lequel  se  trouve  la  gravure  de  la  Loge  qu'il- 
lumine la  lettre  G  est  intitulé  :  «  Les  Avantages  moraux  de  la 
Géométrie  »,  et  débute  par  cette  assertion  remarquable  :  «  La 
Géométrie,  la  première  et  la  plus  noble  des  sciences,  est  la  base 
sur  laquelle  est  érigé  tout  l'édifice  de  la  Maçonnerie  ». 

Gomment  !  nous  écrions-nous,  nous  pensions  que  c'était  la  théolo- 
gie, science  de  Dieu  et  des  choses  divines,  qui  était  la  première  et 
la  plus  noble  des  sciences.  La  géométrie,  comme  son  nom  même 
l'exprime  (puisqu'il  signifie  littéralement  mesure  de  la  terre),  est 
une  science  toute  terrestre,  qui  traite  des  points,  des  lignes,  des 
surfaces,  des  solides,  toutes  choses,  en  un  mot,  qui  supposent  la  ma- 
tière ;  comment  la  science  qui  traite  essentiellement  de  la  matière 
peut-elle  être  la  première  et  la  plus  noble  des  sciences  ?  Le  G  dans 
le  halo  n'exprimerait-il  pas  plutôt  la  Géométrie  que  God  (Dieu)  ? 
Ou  encore  exprimerait-il  à  lafoislaGéométrieetGod(Dieu),ensorte 
que, pour  le  Maçon,  le  bâtisseur, la  Géométrie  serait  sa  théologie,  sa 
science  de  Dieu  ?  Est-ce  là  le  fil  conducteur  qui  va  nous  aider  à 
sortir  de  cet  inextricable  labyrinthe  maçonnique?  C'est  lui,  en  vé- 
rité. Notre  dernière  supposition  est  juste  :  le  G  dans  la  gloire  repré- 
sente la  théologie  maçonnique  et  Dieu,  ou  la  Divinité  maçonnique; 
—  nous  remarquerons  que  les  Maçons  n'aiment  pas  le  mot  Dieu —  . 
car  la  Géométrie  est  le  symbole  maçonnique  de  la  Vérité  Divine. 

'<  De  même  que,  dans  toute  église  catholique  romaine,  dit  le 
Dr.  Mackey,  et  dans  un  grand  nombre  d'églises  protestantes,  on 
trouve,  en  quelque  place  d'honneur,  une  croix  gravée  ou  sculptée, 
comme  symbole  du  Christianisme,  on  peut  voir  dans  toutes  les  Lo- 
ges maçonniques  du  côté  de  l'Orient,  un  G  peint  sur  le  mur  ou 
sculpté  sur  bois  ou  sur  métal,  suspendu  au-dessus  du  siège  du 
Maître.  Ceci  est,  en  fait,  sinon  le  plus  important,  du  moins  le  plus 
familier  des  symboles  de  la  Franc-Maçonnerie,  celui  auquel  le 
poète  Burns  fait  allusion  dans  ses  vers  si  connus  et  si  souvent  cités 
en  parlant  de  «  cette  clarté  hiéroglyphique  que  nul  ne  vit  jamais  sauf 

1.  Eneyclopsedia,  p.  624. 


108  LE    DIEU 

les  gens  de  la  Corporation'  »,  cesl-à-dire  que  nul  ne  vit  cette  clarté 
d'une  façon  intelligible,  en  comprenant  ce  quelle  signifiait  ». 

La  signification  de  ce  symbole  nesL  donc  pas  God  (Dieu  i,  tel  que 
nous  comprenons  ce  mot,  car  nul  autre  que  les  gens  de  la  Secte,  les 
Maçons,  ne  le  vit  jamais  dune  façon  intelligible,  en  comprenant  sa 
signification.  Et  cependant  la  lettre  G  doit  être  étroitement  liée  avec 
la  divinité  de  la  Maçonnerie,  car  elle  est  située  à  TEst,  trône  du  Soleil 
levant,  objet  du  culte  rendu  au  soleil  et  à  ses  modifications  ;  c'est  la 
source  de  la  lumière;  elle  est  placée  au-dessus  de  la  tête  du  Maître; 
et  est  le  svmbole  de  la  Maçonnerie,  comme  la  Croix  est  celui  du 
Catholicisme. Elle  est  donc  étroitement  liée  aux  dogmes  fondamen- 
taux de  la  Maçonnerie. 

Hutchinson  et  d'autres  auteurs  cités  par  le  Dr.  Mackey  déclarent 
nettement  que  la  lettre  G  exprime  à  la  fois  Géométrie  et  God 
(Dieu)-. 

«  Ne  l'appliquer  qu'au  seul  nom  de  Dieu, dit  Hulchinson\c'est  la 
priver  d'une  partie  de  sa  portée  maçonnique,  quoique  j'aie  déjà 
montré  que  les  symboles  employés  dans  les  Loges  représentent 
que  la  Divinité,  en  tant  qu'Architecte  du  monde,  est  le  grand  objet 
de  la  Maçonnerie.  Cette  lettre  significative  symbolise  la  Géomé- 
trie qui.  pour  les  savants,  est  la  science  vers  laquelle  tendent 
tous  leurs  travaux,  et  qui,  pour  les  Maçons,  contient  la  détermi- 
nation, la  définition  et  la  preuve  de  l'ordre,  de  la  beauté  et  de  la 
merveilleuse  sagesse  de  la  puissance  de  Dieu  dans  sa  Création  ». 

Mais,  bien  que  le  G  dans  la  gloire  représente  à  la  fois  Dieu  et  la 
Géométrie,  science  divine  de  la  Maçonnerie,  le  Dr.  Mackey,  et  nous 
en  trouverons  d'autres  qui  partagent  son  opinion,  déplore  que  la 
Maçonnerie  ait  adopté  ce  symbole. 

"  Il  est  à  regretter,  dit-il,*  que  la  lettre  G  ait  jamais  été  admise 
comme  symbole  dans  le  système  maçonnique  » «  11  n'y  a  au- 
cun doute  que  la  lettre  G  soit  un  symbole  très  moderne  et  n'appar- 
tenant à  aucun  ancien  système  antérieur  à  l'origine  de  la  langue 
anglaise.  C'est,  par  le  fait,  une  corruption  du  vieux  symbole  kabba- 
listique  hébreu,  la  lettre  yod,  par  laquelle  on  exprime  le  nom  sacré 
(le  Dieu  —  nom  le  plus  sacré  qui  soit,  le  Télragramme.  Cette  lettre 
yod  est  la  lettre  initiale  du  mot  ninii  f>u  Jehovah,  et  on  la  ren- 
contre constamment  dans  les  écrits  des  auteurs  hébreux,  employée 


1.  "...  that  hieroglyphic  bright, 

WTiich  none  but  Craftsmen  ever  saw  «. 

2.  bncyclopsedin  of  Masonry,  p.  301. 

3.  Spirit  of  Masonry,  Led.  viii. 

4.  Encyclopscdia,  p.  302. 


DE    LA    FRANC-MAÇONNERIE    AMERICAINE  109 

cemnie  abréviation  ou  symbole  de  ce  nom  sacro-saint,  que  l'on 
n'écrit,  pour  ainsi  dire,  jamais  entièrement  ». 

»  Maintenant,  aioute-t-il,  comme  l'initiale  du  mot  God  (Dieu), 
est  également  un  G, et  que  ce  mot  est  l'équivalent  du  nom  hébreu 
.lehovah,  on  a  adopté  cette  lettre  comme  symbole  devant  tenir 
lieu,  dans  les  Loges  modernes,  du  symbole  hébreu.  Adoptée 
d'abord  par  les  auteurs  des  rituels  anglais,  elle  a  été  transmise, 
sans  aucune  explication,  à  la  Maçonnerie  continentale,  et  on  la 
trouve  employée  comme  symbole  dans  tous  les  systèmes,  en 
Allemagne,  en  France,  en  Espagne,  en  Italie,  au  Portugal,  ainsi 
que  dans  tous  les  autres  pays  où  la  Maçonnerie  a  été  introduite, 
quoiqu'il  n'y  ait  qu'en  Allemagne  qu'elle  soit,  comme  en  Angle- 
terre, un  symbole  intelligible  ». 

«  Enfin,  continue  le  Docteur,  «  la  lettre  G  a  donc,  en  Maçonne- 
rie, la  même  force  et  le  même  sens  que  la  lettre  yod  pour  les 
kabbalistes.  Ce  n'est  qu'un  symbole  de  la  lettre  hébraïque,  et 
comme  celle-ci  est  un  symbole  de  Dieu,  la  lettre  G  n'est  autre 
chose  qu'un  symbole  d'un  autre  symbole  ». 

Nous  interrompons  ici  la  citation  de  peur  que  nos  lecteurs  ne  se 
perdent  dans  toute  cette  phraséologie  du  savant  Docteur.  Il  nous 
dit  que,  d'après  les  kabbalistes  (dont  nous  verrons  que  la  théorie 
s'accorde  avec  celle  des  Maçons), la  lettre  yod  exprime  la  nature  de 
Dieu,  parce  qu'elle  est  la  première  lettre  du  mot  Jehovah,  tel  qu'il 
est  compris  et  interprété  par  les  kabbalistes  mêmes.  La  lettre  yod 
était  donc  le  symbole  de  la  divinité  kabbalislique  et  maçonnique. 
Mais  aujourd'hui,  le  G  remplace  yod.  Donc  il  représente  yod,  il^est 
le  symbole  de  yod,  et  partant  est  bien  le'symbole  d'un  symbole. 

Vous  ne  manquerez  pas  de  poser  ici  cette  question  :  «  Pourquoi  G 
n'est-il  pas,  comme  yod,  un  symbole  de  Jehovah  ?  Dieu  n'est-il  pas 
Jehovah,  et  Jehovah  n'est-il  pas  Dieu  ?  Gomment  se  peut-il  faire  que 
G  ne  soit  pas,  tout  aussi  bien  que  yod,  un  symbole  de  Jehovah  »  ? 
Nous  répondrons  d'une  façon  complète  au  chapitre  suivant  ;  mais 
nousjugeons  opportun  de  le  faire  brièvement  dès  à  présent. Jehovah, 
tel  que  nous,  catholiques,  nous,  chrétiens,  nous,  profanes,  appar- 
tenant au  monde  non-maçonnique,  le  comprenons  et  adorons,  n'est 
pas  le  Dieu  des  Maçons.  Notre  Jehovah  est  le  Jehovah  de  la  Bible  ; 
le  Jehovah  maçonnique  est  le  Jehovah  de  la  Kabbale.  Sont-ils  donc 
diftérents  ?  Totalement.  C'est  pourquoi,  au  «  Choc  de  l'Illumina- 
tion >,  on  a  exigé  que  vous  rompiez  toutes  vos  anciennes  attaches, 
afin  de  pouvoir  former  de  nouveaux  liens,  adorer  la  véritable 
divinité,  et  vivre  une  vie  nouvelle. 

Vous  ne  pouviez  guère  vous  attendre  à  voir  la  Maçonnerie  adorer 


110  LE  DIEU 

le  Jehovah  des  Hébreux  primitifs.  Voici  dailleurs  le  portrait  qu'en 
trace  la  plume  facile  du  F.-.  Pike. 

«  La  Divinité  des  primitifs  Hébreux  parla  à  Adam  et  à  Eve  dans 
le  Jardin  de  Délices,  tout  en  se  promenant  à  la  fraîcheur  du  jour; 
elle  parla  à  Caïn  ;  elle  s'assit  et  mangea  avec  Abraham  sous  sa 
lente  ;  ce  patriarche  réclama  d'elle  un  gage  visible  afin  qu'il 
consentit  à  croire  à  sa  promesse  positive  ;  elle  permit  à  Abraham 
de  discuter  avec  elle  et  de  lui  persuader  de  changer  sa  première 
décision  à  l'égard  de  Sodome  ;  elle  lutta  avec  Jacob;  elle  montra 
toute  sa  personne,  sauf  sa  face,  à  Moïse  ;  elle  dicta  aux  Israélites 
jusqu'aux  moindres  règlements  administratifs,  même  les  dimen- 
sions du  tabernacle,  même  son  aménagement  ;  elle  insista  pour 
qu'on  lui  fit  des  sacrifices,  et  les  agréa  ainsi  que  toutes  les  oITran- 
des  brûlées  sur  des  autels  ;  elle  était  violente,  jalouse,  vindica- 
tive, autant  qu'ondoyante  et  irrésolue  ;  elle  permit  à  Moïse  de  la 
dissuader  de  sa  résolution  arrêtée  de  détruire  entièrement  son 
peiiple  ;  elle  commanda  l'exécution  d'actes  odieux  et  révoltants 
de  cruauté  et  de  barbarie.  Elle  endurcit  le  cœur  du  Pharaon  ; 
elle  se  repentit  du  mal  qu'elle  avait  promis  de  faire  aux  Xiniviles  ; 
et  elle  ne  le  fit  pas,  ce  qui  motiva  le  dégoût  et  la  colère  de 
Jonas  » . 

Le  sentiment  qui  anime  ce  passage  est  évident,  son  injustice  l'est 
également  pour  qui  que  ce  soit,  même  pour  un  incroyant,  pouivu 
qu'il  prête  au  sujet  une  attention  sincère.  Pike  sait  aussi  bien  que 
nous  que,  pour  parler  de  Dieu,  nous  sommes  obligés  de  nous 
servir  du  langage  humain  ;  qu'en  nous  servant  du  langage  humain, 
nous  employons  un  intermédiaire  imparfait  ;  que,  pour  que  cet 
intermédiaire  puisse  être  employé,  il  faut  que  la  persomie  qui  parle 
et  celle  à  qui  l'on  parle  fassent  la  part  des  choses  ;  qu'il  est  déloyal 
de  prendre  au  sens  propre  le  langage  figuré  que  l'on  emploie  et  de 
l'interpréter  littéralement,  —  et  que,  en  ce  qui  concerne  Dieu,  il  ne 
doit  être  entendu  (pie  dans  un  sens  figuré,  puisque  nous  ne  pouvons 
parler  de  lui  que  par  analogie. 

Si  nous  disons  d'un  héros  :  c'est  un  lion,  nous  ne  faisons  (pi'af- 
firmerce  que  toutes  les  langues  admellent  ;  si  nous  disons  d'un 
homme  de  génie  :  c'est  un  aigle,  aucun  de  nos  lecteurs  ne  songera 
à  nous  condamner.  Mais  voici  venir  un  ciitique  du  génie  du  F.-. 
Pike  qui,  se  refusante  distinguer  entre  la  vérité  sous-entendue  et 
notre  fac^on  de  l'exprimer,  commence  par  nous  tourner  en  ridicule 
pour  avoir  donné  à  notre  héros,  quatre  j)atles,  une  'M-inière  et  une 
queue,  et  à  notre  génie,  desserres,  des  plumes  et  un  bec.  Nous  n'a- 
vons rien  fait  de  tout  cela.  Il  en  est  de  même  de  l'Ecriture,  lorsqu'elle 


DE   L\    FRANC-MAÇONNERIE    AMÉRICAINE  111 

dit  :  Dieu  parla,  elle  ne  lui  prêle  pour  cela  ni  corps,  ni  lèvres,  ni 
langue,  non  plus  que,  lorsqu'elle  le  représente  marchant,  elle  ne  lui 
suppose  des  jambes.  Ces  objections  sont  aussi  puériles  qu'impu- 
dentes. Nous  ne  disposons  pas  d'assez  de  place  pour  les  réfuter  en 
détail. 

On  pourrait  encore  prouver  le  manque  de  sincérité  de  ces  atta- 
ques en  s'appuvant  sur  la  fable  d'Osiris,  qu'on  nous  invite  à  exalter 
jusqu'aux  cieux  malgré  tout  ce  qu'elle  contient  de  révoltant.  Ne 
sommes-nous  pas  aussi  invités  à  admirer  avec  sympathie  ce  meur- 
tre d'un  frère  par  son  frère,  pour  expliquer  la  succession  des  saisons 
de  l'année  et  les  phases  variées  de  la  belle  et  bonne  nature.  Les  or- 
gies et  l'ivrognerie  de  Bacchus,  les  fornications  de  Jupiter,  l'im- 
pudicité  de  Vénus,  Saturne  dévorant  ses  propres  enfants,  tout 
cela  peut  Cdve  travesti  et  embelli  par  les  explications  et  les  inter- 
prélalious  des  admirateurs  des  mystères  païens  ;  mais  le  Jéhovah 
des  anciens  hébreux  excite  les  railleries  dii  F.'.  Pike  pour  avoir 
épargné  Ninive  après  que  ses  menaces  l'eurent  amenée  au 
repentir,  et  pour  avoir  soulevé  1  indignation  de  Jonas  qui,  dans  sa 
vanité  blessée,  aurait  préféré  voir  la  cité  repentante  détruite  plu- 
tôt que  de  s'exposer  à  être  considéré  par  les  Ninivites  comme  un 
faux  prophète. 

«  Tu  te  chagrines,  dit  le  Seigneur,  pour  le  lierre  que  tu  n'a  pas 
eu  la  peine  de  planter  ni  d'arroser,  et  qui  poussa  en  une  nuit  et 
qui  périt  en  une  nuit. 

«  Et  n'épargnerai-je  pas  Ninive,  celte  grande  cité,  dans  laquelle 
il  y  a  plus  de  cent  vingt  mille  personnes  qui  ne  savent  pas  distin- 
guer leur  main  droite  de  leur  main  gauche,  et  un  grand  nombre 
d'animaux  »  ? 

La  lettre  G  soulève  donc  les  objections  du  Maçon  ésotérique  ; 
car  celui  qui  prendrait  la  divinité  maçonnique  pour  notre  Dieu  n'a- 
dorerait, en  aucune  façon,  le  Jéhovah  maçonnique.  Quoi  qu'il  en  soit, 
celle  lettre  a  été  adoptée,  et,  pour  le  moment,  du  moins,  il  faut 
l'accepter  telle  qu'elle  est. 

«  Quant  à  signifier  la  Géométrie,  continue  notre  auteur,  Kloss, 
l'historien  maçonnique  allemand,  nous  dit  que  les  anciens  Maçons 
opéralifs  rapportaient  toute  la  science  de  la  Géométrie  à  l'art  de 
construire,  ce  qui  a  engagé  les  Maçons  anglais  modernes  à  com- 
prendre sous  le  nom  de  Géométrie  tout  le  système  maçonnique. 
Voilà  pourquoi  on  adopta  le  symbole  de  cette  science,  qui  est  en 
même  temps  celui  de  God  (Dieu),  pour  le  degré  de  Compagnon. 

<(  Somme  toute,  conclut-il,  ce  symbole  rendu  sacré,  puisqu'il  s'ap- 
pliquait au  grand  Géomètre  de  l'Univers,  méritait  bien  d'être  éga- 


112  LE   DIEU 

lement  appliqué  à  cette  science  qui,   depuis    les  temps  les  plus  re- 
culés, est  considérée  comme  synonyme  de  la  Ma»,*onnerie  '  ». 

Nos  idées  s'éclaircissent.  La  Géométrie  est  le  symbole  de  la  Ma- 
çonnerie ;  car,  puisque  la  Maçonnerie  est  la  construction  de  l'huma- 
nité sur  des  bases  païennes,  la  Géométrie,  «science  qui  consiste  ex- 
clusivement dans  l'art  de  bâtir  »,  va  lui  servir  admirablement  de 
symbole.  L'œuvre  de  la  Maçonnerie,  c'est  la  construction  du  tem- 
ple païen  do  l'humanité  ;  le  Maçon  en  est  le  constructeur,  le  géo- 
mètre :  la  Divinité  maçonnique  est  le  Grand  Bâtisseur,  le  Grand 
Architecte  de  l'L  nivers,  le  Grand  Géomètre,  l'Algabil  ^. 

«  Car  la  Maçonnerie  voit  dans  le  Dieu  suprême  qu'elle  adore, 
nous  dit  le  Dr.  Mackey,  non  pas  un  numen  divinum,  une  puissance 
divine,  non  pas  un  moderator  rerum  omnium,  un  modérateur  de 
toutes  choses,  comme  l'appelaient  les  anciens  philosophes,  mais  un 
Grand  Architecte  de  l'Univers.  D'après  la  conception  maçonnique, 
c'est  Lui  qui  est  le  Tout-Puissant  Constructeur  de  ce  Globe  terres- 
tre et  des  innombrables  mondes  qui  l'entourent.  Il  n'est  pas  Yens 
enliiim  (l'Etre  des  êtres)  ;  aucun  des  titres  dont  l'a  gratifié  la  spé- 
culation ancienne  et  moderne  ne  lui  convient  ;  il  est  simplement 
l'Architecte  —  au  sens  où  les  Grecs  entendent  leur  'oLpx^-:iy.r<ù-j,  le 
contremaître  -  sous  les  ordres  duquel  nous  devons  tous  travailler 
comme  des  ouvriers  ;  notre  travail  constitue  donc  notre  culte  ».  Et 
citant  Lenning,  il  ajoute  dans  une  note  en  bas  de  page  :  «  L'ouvrier 
est  le  nom  symboliipie  du  Franc-Maçon  ». 

Ecartez  donc  de  votre  esprit,  cher  lecteur,  toutes  les  idées  que 
vous  avez  eues  jusqu'à  présent  sur  Dieu;  car,  d'après  la  Maçonnerie, 
elles  sont  toutes  fausses  ;  représentez-le  vous  désormais  comme  un 
Maître  Maçon,  le  Surintendant  du  travail,  car  il  n'est  que  cela,  et 
considérez  mainh'naiil  combien  vous  êtes  libre.  Vous  êtes  un  bâtis- 
seur, un  maçon  avec  lui,  par  sa  volonté  ;  il  vous  dirige  ;  mais  vous 
n'êtes  pas  sa  ci'éature,  l'œuvre  de  ses  mains,  et  toute  la  loi  morale 
édifiée  sur  cette  idée  s'écroule  ;  les  liens  de  votre  nature  morale 
sont  brisés.  Vous  rendez-vous  compte  de  plus  en  plus  jusqu'à  quel 
point  les  liens  qui  vous  attachaient  au  passé  sont  brisés  ?  Complè- 
t»*menl,  irrémédiablement  brisés  .'  Vous  devenez  un  /'/a /r- Mac  on  ; 
un  /vYz/jc'-batisseur. 

yui  nous  en  dira  davantage  sur  ce  Grand  Géomètre,  ce  Grand 
Baii.sseur  ?  Qui  nous  mettra  à  môme  de  pénétrer  plus  intimement 
dans  la  nature  réelle  de  ce  Dieu  maçonnique?  Le  F.-.  McClenachan, 
le  continuateur  du  Dr.  Mackey,  nous  apportera  la  lumière  qui  nous 

1.  tneyclopsBdia,  p.  30*2. 

2.  Ibid.,  p.  Cife. 


DE    LA    FRAWC-MAÇONMERIE   AMÉRICAINE  ll3 

manque.  Voici  d'abord  le  mot  épelé  maçonniquement  «  G.  O.  D. 
Les  trois  lettres  initiales  de  Gomer,  Oz,  Dabar  ».  C'est  là  une  sin- 
gulière coïncidence,  continue-t-il,  qui  mérite  de  retenir  notre 
attention  :  «  Les  lettres  qui  composent  le  nom  anglais  de  la  divi- 
nité se  trouvent  être  les  initiales  des  mots  hébreux  :  sagesse,  force, 
beauté,  les  trois  grandes  colonnes  ou  supports  métaphoriques  de 
la  Maçonnerie.  Elles  présentent  la  raison  presque  unique  qui  puisse 
faire  accepter  aux  Maçons  l'emploi  de  la  lettre  G  suspendue  osten- 
siblement à  l'Est,  dans  la  Loge,  au  lieu  du  Delta.  La  coïncidence 
semble  être  plus  qu'un  accident  fortuit  *  ». 

Sans  nous  attarder  sur  la  répugnance  qu'éprouve  le  F.-.  McCle- 
nachan  à  employer  le  mot  Dieu  pour  dénommer  la  Divinité  maçon- 
nique, répugnance  qu'il  n'arrive  à  surmonter  que  lorsqu'il  a  décou- 
vert dans  ce  mot  les  initiales  des  colonnes  ou  piliers  qui,  métapho- 
riquement, soutiennent  la  Maçonnerie,  nous  passons  bien  vile,  tout 
surpris  de  nous  voir  si  soudainement  rejetés  sur  ces  fameuses 
colonnes  dont  le  sens  phallique  nous  a  été  révélé  au  chapitre  pré- 
cédent. «  Le  monolithe,  ou  colonne  ronde  qui  se  dresse  seule, 
nous  dit  le  Dr.  Mackey,  était  pour  les  anciens  une  représentation 
du  Phallus,  symbole  de  la  force  créatrice  et  génératrice  de  la  di- 
vinité, et  c'est  dans  ce  pilier  phallique  qu'il  nous  faudra  trou- 
ver la  véritable  origine  du  culte  des  colonnes  qui  n'était  qu'une 
des  formes  du  culte  phallique,  le  principal  des  cultes  auxquels  se 
livraient  les  païens-  ». 

Il  est  certain  que  le  culte  rendu  à  une  divinité  donne  une  idée  de 
ce  qu'elle  est,  et  que  le  culte  phallique  nous  amène  logiquement 
à  déduire  qu'il  convient  à  la  Divinité  à  laquelle  il  est  rendu  ;  mais 
nous  tenons  tant  à  ne  rien  affirmer  en  dehors  de  ce  que  nous  pou- 
vons prouver  clairement,  que  nous  aurions  hésité  à  tirer  une  telle 
déduction,  si  le  F.-.  Me  Glenachan  ne  nous  avait  pas  présenté  Dieu 
sous  la  forme  des  piliers  de  la  Loge. 

"  Mais  le  F.-.  Mackey  va  confirmer  ce  que  le  F.-.  McGlenachan 
vient  de  nous  dire  assez  clairement. 

«  J'ai  par  ailleurs,  nous  dit-iP,  traité  très  à  fond  du  sentiment  en 
faveur  chez  les  anciens  qui  croyaient  que  la  Divinité  Suprême 
était  bisexuelle  ou  hermaphrodite,  renfermant  dans  l'essence  de 
sa  nature  les  principes  du  mâle  et  de  la  femelle,  les  forces  géné- 
ratrices et  prolifiques  de  la  nature.  Telle  était  la  doctrine  univer- 
selle   de    toutes  les  religions  anciennes,  doctrine  qui  trouvait  un 


1.  Symbolism,  p.  185. 

2.  Encyclopaedia,  p.  957. 

3.  Symbolism,  p.  185. 


114  LE    DIEU 

^vinl)ole  loiil  iiuliqiié  dans  le  phallus  et  la  cleis  chez  les  Grecs,, 
le  liiii^am  et  rVoiii  chez,  les  Orieulaux  ;  d'où  la  Macjonnerie  a  lire 
le  sien  avec  quelque  raison  :  un  point  dans  un  rercle.  Toutes  ces 
religions  de  l'antiquité  enseignaient  un  Dieu  créateur,  à  la  fois 
niâle  et  femelle  ». 

■.  Nous  avons,  dans  ces  symboles  sensuels  de  la  Loge,  l'expression 
de  h\  nature  et  de  lesscnce  de  la  Divinité  maçonnique.  Telle  fut  la 
doctrine  de  toutes  les  religions  anciennes,  dit  notre  auteur  ;  si  ilonc 
vous  ue  trouvez  pas  la  Divinité  là  où  elle  est,  mettez  votre  religion 
de  côté:  c'est  une  corruption  moderne  des  hommes.  \'ouj  ne  savez 
pas  comment  il  faut  interpréter  le. (1  dans  la  gloire,  ou  comment 
il  faut  lire  avec  les  anciens  l'I.  N.  R.  I.  de  la  croix  tlu  Sauveur.  Il 
n'y  a  rien  là  qui  soit  d'invention  humaine.  (Test  une  des  vérités  fon- 
damentales, ou  mieux  la  vérité  fondamentale  de  la  religion  primi- 
tive qui  nous  a  été  transmise  par  l'ancien  sacerdoce  patriarcal  d'E- 
leusis, de  Samolhrace  ou  de  Syrie.  C'est  la  vérité  cachée  comme 
un  diamant  au  milieu  des  décombres  de  notre  religion,  celle  qui  se- 
ra révélée  par  le  rayon  pénétrant  de  l'illumination  maçonnique,  re- 
cueillie par  l'intelligence  maçonnique  dans  laquelle  l'ordre  et  la 
beauté  auront  jailli  du  chaos  ;  c'est  cette  vérité  enfin  qui  consti- 
tuera la  pierre  fondamentale  de  la  vie  maçonnique. 

«  Or,  cette  théorie,  continue  le  Dr.  Mackey  avec  d'autant  plus 
d'assurance  qu'il  a  moins  de  raison  d'en  avoir,  ne  peut,  sans  au- 
cun doute,  soulTrir  d'objections  au  point  de  vue  de  son  ortho- 
doxie, si  nous  l'envisageons  au  sens  spirituel,  celui  avec  le- 
(juel  ses  premiers  auteurs  ont  eu  l'intention  de  la  présenter 
aux  esprits,  et  non  au  sens  grossier  et  sensuel  qu'on  lui  a  prêté 
depuis.  Car,  prenant  le  mot  sexe,  non  pas  avec  le  sens  qu'on  lui 
donne  dans  la  conversation  ordinaire  pour  désigner  la  marque 
d'une  organisation  physique  spéciale,  mais  dans  un  sens  pure- 
ment philosophique,  qui  seul  convient  à  semblable  rapproche- 
ment et  qui  implique  simplement  la  manifestation  d'une  puis- 
sance, on  ne  saurait  refuser  à  l'Etre  Suprême  celle  de  possé- 
der à  la  fois  en  lui-même  et  en  lui  seul  les  deux  puissances  géné- 
ratrice et  prolifique.  Lanzi  a  reconnu  avec  une  habileté  singulière, 
dans  le  tétiagramme,  ou  nom  de  Jehovah,  celte  môme  idée  si  gé- 
néralement en  faveur  parmi  les  nations  de  l'antiquité  ;  et  ce  qui 
est  presque  aussi  intéressant,  c'est  que,  par  sa  découverte,  il  a 
réussi  à  démontrer  quelle  devait  être,  selon  toute  probabilité,  la 
prononciation  du  mol'  '>. 

«  Cette  théorie  ne  souffre  aucune  objection  au  point  de  vue   de 

1.  Symboluim,  p.  186. 


DE    LA    FRANC-MAÇONNERIE    AMERICAINE  115 

l'orthodoxie  »,  nous  dit  le  Dr.  De  quelle  orthodoxie  parle-l-il  ? 
Est-ce  de  l'orthodoxie  catholique, de  l'orlhodoxie  chrétienne? L'une 
comme  l'autre  trouvent  cette  théorie  très  discutable,  car,  ainsi 
qu'il  en  convient  lui-môme, quel  qu'ail  pu  être  le  sens  qu'elle  avait  à 
l'origine, on  lui  en  a  prêté  dans  la  suile  un  autre  grossier  et  sensuel. 
Ce  qui  a  été  fait  une  fois  peut  l'être  deux.  Notre  auteur  pourrait-il 
nous  indiquer  le  moyen  de  l'empêcher  ?  Et,  pourquoi,  je  vous 
prie,  faut-il  admettre  que  les  premiers  auteurs  de  la  théorie  en 
question  aient  employé  le  mot  sexe  dans  un  sens  spirituel,  et  comme 
symbole  de  «  puissance  »  ?  Ses  derniers  partisans  ne  l'ont  pas  en- 
tendu ainsi  —  le  Dr.  l'avoue^  ;  pourquoi  leurs  devanciers  auraient- 
ils  nécessairement  fait  le  contraire?  L'auteur  affirme  ce  qui  réclame 
des  preuves  ;  c'est  que  des  preuves,  il  n'en  a  pas. 

Ceux  qui,  dans  des  temps  plus  récents,  ont  été  initiés  au  système 
maçonnique,  ont  pris  dans  un  sens  grossier  et  sensuel,  différent  de 
de  ce  que  le  Docteur  appelle  le  sens  «  philosophique  »,  un  mot  qui 
attribue  un  sexe  à  la  Divinité.  Il  est  donc  faux  que  le  sens  phi- 
losophique de  puissance  soit  »  le  seul  qui  doive  êtie  employé  dans 
un  tel  rapprochement  ».  Et  qu'y  a-t-il  après  tout  de  si  philosophi- 
que ou  de  si  spirituel  à  employer  le  mot  sexe  comme  symbole  de  la 
puissance  de  Dieu  ?  La  philosophie,  comme  la  charité,  est  faite 
pour  couvrir  une  multitude  de  péchés.  Le  sens  «  philosophique  »! 
Voilà  un  grand  mot,  derrière  lequel  peut  se  cacher  bien  du  vide. 
Pourquoi  se  donner  tant  de  peine  pour  faire  de  Jehovah  un  être 
hermaphrodite, afin  d'arriver  tout  simplement  à  exprimer  son  omni- 
potence spirituelle  ?  Croyez-vous  devenir  philosophe  parce  que, 
constatant  que  la  lumière  du  soleil  contribue  aux  énergies  généra- 
trices et  prolifiques  de  la  nature,  vous  en  faites  une  puissance  her- 
maphrodite .''•  Au  lieu  de  devenir  philosophe,  vous  vous  rendez  ridi- 
cule. 

Pour  ne  pas  donner  à  ce  chapitre  des  proportions  démesurées, 
nous  ne  traiterons  de  la  découverte  de  Lanzi  que  dans  le  suivant  ; 
son  éclat  et  son  importance  méritent  cette  discussion  à  part.  Nous 
allons  retourner  à  notre  Ritualist  pour  étudier  le  but  de  la  Géomé- 
trie, de  la  Maçonnerie,  afin  de  découvrir,  autant  qu'il  est  en  notre 
pouvoir,  dans  cette  science,  la  première  et  la  plus  noble  de  toutes, 
où  il  faut  que  nous  cherchions  ce  Dieu  maçonnique  bissexuel  ou 
hermaphrodite. 

«  La  Géométrie,  la  première  et  la  plus  noble  des  sciences,  est  la 
base  sur  laquelle  est  érigé  tout  l'édifice  de  la  Maçonnerie.  Par  la 
Géométrie,  nous  pouvons,  d'une  manière  étrange,  suivre  la  Nature 
dans  ses  détours  variés  et  jusque  dans  ses  recoins  les  plus  cachés. 
Par  elle,  nous  découvrirons  la  puissance,  la  sagesse  el  la  bonté  du 


116  LE    DIEU 

grand  artisan  de  l'Univers,  et  nous  considérerons  avec  délices  les 
proportions  (pii  régissent  cette  vaste  machine.  Grâce  à  elle,  nous 
verrons  comment  les  planètes  se  meuvent  dans  leurs  difl'érents 
orbites,  et  nous  démontrerons  leurs  évolutions  variées  ;  nous 
pourrons  explicjuer  le  retour  des  saisons,  et  la  variété  des  scènes 
que  déploie  chacune  d'elles  aux  yeux  attentifs.  Nous  sommes 
entourés  d'une  multitude  de  mondes,  qui  roulent  dans  l'espace 
immense  :  tous  sont  l'œuvre  du  même  Artiste  divin  ;  la  même  loi 
infaillible  de  la    Nature  les  conduit    tous. 

«  C'est  en  considérani  attentivement  la  Nature,  en  observant  ses 
belles  proportions,  que  l'homme  eut  tout  d'abord  l'idée  d'imiter 
le  plan  divin  et  d'étudier  l'ordre  et  la  symétrie.  Ce  fut  là  l'origine 
des  sociétés  et  celle  de  toute  œuvre  utile  '». 

La  Nature  !  Voilà  le  mol  mystique  :  l'objet  de  la  Vérité  divine  de 
la  .Mat:onnerie,  c'est  la  Nature.  Nous  sommes,  une  fois  encore,  ren- 
voyés à  la  Nature,  culte  des  anciens  mystères,  auxquels  la 
Maçonnerie  a  déjà  eu  recours  pour  nous  expliquer  ses  doctrines 
symboliques.  C'est  donc  par  la  Maçonnerie,  car  Géométrie  et 
Maçonnerie  ne  font  qu'un,  que  nous  suivrons  la  Nature  jus<jue  dans 
ses  profondeurs  les  plus  cachées,  que  nous  découvrirons  les  soutiens 
de  la  Loge  maçonnique,  que  nous  vénérerons  la  loi  infaillible  de  la 
Nature  en  construisant  une  société  sur  son  plan.  Il  faut,' par  con- 
séquent, que  nous  trouvions  dans  la  Nature  la  Divinité  bissexuelle 
de  la  Maçonnerie. 

«  Les  mystères  étaient  un  drame  sacré,  dit  le  F.-.  Pike,-  dans 
lecpiel  se  iléroulait  quelque  légende  se  lapportant  aux  change- 
ments de  la  Nature,  à  l'univers  visible  qui  révèle  la  Divinité.  Ils 
étaient,  sous  bien  des  rapports, aussi  inlelligildes  aux  païens  qu'aux 
chrétiens.  La  Nature  est  le  grand  Maître  de  l'homme,  car  elle  est  la 
révélation  de  Dieu  ». 

«  Au-dessus  de  1  immense  chaos  des  erreurs  humaines,  dit-il 
encore  ^  brille  magnifiquemeïit  la  lumière  calme  el  limpide  de  la 
religion  naturelle  ;  elle  nous  montre  Dieu  comme  le  Père  Infini 
de  tous  les  hommes  el  possédant  puissance,  sagesse,  justice, 
amour  et  sainteté  en  toute  perfection.  L'Univers,  la  Grande 
Bible  de  Dieu,  rayorme  splendidement  tout  autour  de  lui.  La 
Nature  matérielle  est  son  Ancien  Testament,  vieux  de  millions 
d'années,  plein  de  vérités  éternelles  (pie  nous  foulons  sous  nos 
pieds,  étincelant  des  gloires  immortelles  (jui  sont  au-dessus  de  nos 


1.  Mnxnnic  Ritualist,  pp.  '.»'>%. 

2.  Morals  and  Dogma,  p.  (A. 

3.  Ibid.,  p.  715. 


DE   LA    FRANC-MAÇONNERIE   AMÉRICAINE  117 

lêles.  La  Nature  humaine  est  le  Nouveau  Testament  du  Dieu 
Infini  qui  nous  en  révèle  chaque  jour  une  page,  à  mesure  que    le 

Temps   en    tourne  les  feuillets  » «  Tout  ce  qui  existe  est  une 

pensée  du  Dieu  Infini  :  la  Nature  est  sa  prose,  el  l'homme,  sa 
poésie.  » 

Dès  lors,  vous  pouvez,  à  voire  gré,  appeler  la  Nature  Dieu,  ou 
appeler  Dieu  la  Nature.  Le  mot  importe  peu,  pourvu  que  vous 
consentiez  à  attribuer  à  la  Nature  ce  que  le  Fr.-.  Pike  appelle  les 
«  qualités  de  Dieu  ». 

«  Il  y  a  un  athéisme  de  pure  forme,  dit-il,  qui  est  une  négation  de 
Dieu  dans  les  termes,  mais  non  en  réalité.  Tel  dit  :  Il  n'y  a  pas  de 
Dieu  ;  ce  qui  veut  dire  qu'il  n'y  a  pas  de  Dieu  qui  ait  tiré  de  lui- 
même  sa  propre  existence,  ou  qui  n'ait  jamais  eu  d'origine,  mais 
qui  a  été,  est,  et  sera  toujours  la  cause  première  de  l'existence, 
esprit  et  providence  de  tout  l'Univers  ;  donc  l'ordre,  la  beauté, 
l'harmonie  du  montie  de  la  matière  ou  du  monde  de  l'esprit  n'in- 
diquent aucun  plan  de  la  Divinité.  Mais  il  ajoute  :  la  Nature  — 
entendant  par  ce  mot  la  totalité  des  êtres  —  voilà  ce  qui  est 
puissant,  actif,  sage  et  bon  ;  la  Nature  tire  d'elle-même  sa 
propre  vie,  a  été,  est  et  sera  la  cause  de  son  existence,  l'esprit  de 
l'Univers  et  sa  providence  à  elle-même.  Il  y  a,  certes,  un  plan  et 
une  volonté,  desquels  proviennent  l'ordre, la  beauté  et  l'harmonie  ; 
ce  plan  et  cette  volonté  appartiennent  à  la  Nature  -  ». 

L'idée  d'une  chose  qui  est  sa  propre  cause  d'existence,  et  qui 
s'est  engendrée  elle-même  paraîtra  chose  nouvelle  à  nos  lecteurs. 
Ce  soi-disant  athée,  qui  n'est  au  fond  qu'im  profond  philosophe, 
voudrait-il  nous  dire  comment  une  cliose  peut  agir  avant  d'exister? 
car  ce  n'est  qu'à  cette  condition  qu'elle  peut  être  la  cause  absolue 
de  son  existence. 

Le  F.'.  Pike  nous  dit  «  qu'en  de  tels  cas,  la  négation  de  Dieu  est 
de  pure  forme  et  non  réelle.  On  admet  les  qualités  de  Dieu  et 
l'on  affirme  qu'elles  sont  réelles  ;  et  c'est  par  un  simple  change- 
ment de  nom  qu'on  appelle  le  possesseur  de  ces  qualités  Nature, 
et  non  pas  Dieu.  La  vraie  question  est  celle-ci  :  les  qualités  que 
nous  appelons  Dieu  existent-elles  ?  et  non  pas  :  quel  nom  allons- 
nous  donner  à  ces  qualités  ?  Un  homme  peut  appeler  Nature 
lensemble  de  ces  qualités,  un  autre,  Ciel,  un  troisième.  Uni- 
vers ;  un  quatrième,  Matière,  un  cinquième,  Esprit,  un  sixième. 
Dieu,  Theos,  Zens,  Alfadir,  Allah  ou  tout  ce  qu'il  lui  plaît. 
Tous    .admettent    l'existence   d'une   Puissance,   d'un    Être,    d'un 


1.  Les  italiques  sont  de  Pike. 


118  LE    DIEU 

I\ns  qu'ils  uoniiiienl  de  cliflerenles  tarons.  Le  nom  est  sans  la 
moindre  importance  '». 

Nous  laissons  à  nos  lecteurs  le  soin  d'imatsinor  quelle  sorte  de 
Dieu  nous  pourrons  avoir  formé  en  mettant  en  lui  des  qualités,  ou 
mieux  en  faisant  de  lui  un  ensemble  de  qualités  avec  une  énorme 
majuscule  au  mol  Oualités.La  spiritualité  du  sexe  d'un  tel  Dieu  im- 
porte peu,  nesl-il  pas  vrai  ?  puisque  vous  pouvez  l'appeler  Matière 
ou  Esprit  ;  pour  le  Maçon  éclairé,  le  nom  que  vous  lui  donnerez  aura 
le  même  sens,  que  ce  soit  Satan,  Jupiter,  Vénus,  Apollon,  Nature  : 
tout  cela  ne  fait  qu'un.  Il  sudit  que  vous  admettiez  les  qualités 
d'une  chose  sans  qu'il  soit  utile  d'attacher  d'importance  à  son  nom. 
Reconnaissez  les  qualités  de  l'eau  et  appelez-la  feu,  pierre,  poison, 
ballon,  train  de  chemin  de  fer,  cela  n'a  aucune  importance,  le  nom 
ne  fait  rien  à  la  chose.  Reconnaissez  les  qualités  d'un  brigand,  et 
donnez-lui  le  nom  de  Washington,  d'Homère,  d'Albert  Pike  ou  du 
Christ  lui-même,  c'est  là  pure  bagatelle. 

L'absurdité  et  le  peu  de  consistance  d'un  tel  sophisme  sont  stupé- 
fiants. Confondre  le  langage  tel  qu'il  esi  avec  ce  qu'il  aurait  pu  ou 
pourrait  être  !  Il  n'est  pas  douteux  que  lorsque  l'eau  reçut  son  nom, 
on  aurait  pu  l'appeler  feu  et  vice  versa  ;  auquel  cas,  nous  pourrions 
actuellement  alîirmer  que  l'eau  brûle  une  maison  et  que  le  feu 
étanche  la  soif.  L'application  du  nom  dépendit  du  libre  choix  de 
celui  qui  le  donna.  On  aurait  pu  de  même  appeler  George  \\'ash- 
inglon,  Homère  ou  Albert  PiUe  ou  tout  autrement,  sans  rien 
changer  pour  cela  à  sa  personnalité.  Mais  il  eii  va  dilVéremment 
alors  que  les  mots  ont  été  choisis  pour  désigner  telle  ou  telle  cho- 
se, tel  ou  tel  individu.  Il  devient  impossible  de  les  changer  à  vo- 
lonté pour  leur  faire  désigner  une  personne  ou  une  chose  détermi- 
née. Kt  si  nous  affirmions  qu'Albert  Pike  était  un  vil  hypocrite,  un 
menteur,  un  infâme  blasphémateur,  le  pire  parmi  les  mauvais,  nos 
excuses  aux  Frères.",  seraient  reçues  avec  un  mépris  mérité,  lors- 
que nous  viendrions  déclarer  que  nous  reconnaissons  le  F.*.  Pike 
comme  un  «  gentleman  »,un  savant  et  le  modèle  des  Maçons  ;  mais 
qu'étant  donné  que  nous  reconnaissons  en  lui  l'existence  de  toutes 
ces  qualités  réunies,  les  noms  que  nous  leur  donnons  impor- 
tent peu.  Le  mot  Jupiter  exprime  une  certaine  série  d'idées  cpii  ne 
se  reliou\ent  |)Hs  dans  le  Christ.  Le  mol  «  Chiist  »  exprime  une 
individualité  (jui  dillère  de  celle  de  Mahomet,  dont  le  nom  à  son 
tour  ne  désigne  ni  Confucius,  ni  Bouddha,  ni  Isis  ;  île  même  le 
mol  «  Nature  »,  (jui  désigne  la  nature  matérielle,  sexuelle,  en  sup- 

I.  Mnrul>>  and  Untjnui,  pp.  f.-lX-fil  |.  I.cs  ihilupics  de  ce  passjige  sont  aussi 
de  Pike. 


DE    LA    FRaNQ-MAÇONNERIE    AMERICAINE  119 

posant  même  que  vous  lui  attribuiez  les   «  (Jualilés   de    Dieu  »    ne 
peut  se  rapportera  Dieu. 

Mais  pourquoi  ne  pas  appeler  Dieu,  Nature, alors  que  les  anciens, 
dans  leur  sagesse,  l'appelaient  u  l'Ame  de  l'Univers  »  ? 

«  Il  est,  nous  dit  le  F.-.  Pike,  l'âme  vivante,  pensante,  intelligente 
de  l'Univers. le  Pcrmanknt,  I'Immuable  (I'Eo-twî...  Estos)  de  Simon  le 
Magicien,  rU.v  qui  est  toujours,  (le  Tôov,/o  0/2)  de  Platon,  en  opposi- 
tion avec  le  tlux  et  reflux  perpétuel,  ou  (jenesis,  des  choses  ». 

«  El,  de  même  que  la  Pensée  de  l'Ame,  cpii  émane  de  l'Ame,  est 
rendue  perceptible  et  visible  par  les  Mois,  de  même  la  Pensée  de 
Dieu,  jaillissant  de  Lui-même,  immortelle  comme  Lui, aussitôt  que 
conç-ue,  —  immortelle  avant  cela,  parce  quelle  était  en  Lui  —  s'est 
exprimée  par  le  Verbe,  (pii  est  sa  manifestation,  son  mode  de  com- 
munication ;  et  ainsi  lut  créé  l'Univers  matériel,    mental,    s[)iriluel 

qui,  comme  Lui.  ne  commença  jamais  d'exister  » 

«■  Car  la  Pensék  de  Dieu  vit  et  est  lmmortelle...  Les  étoiles,  la 
terre,  les  arbres,  les  vents,  etc..  sont  l'alphabel  dont  elle  se  sert 
pour  se  communiquer  aux  hommes  el  leur  faire  connaître  la  volonté 
et  la  loi  de  Dieu,  l'Ame  de  l'Univers.  El  c'est  ainsi  qu'en  toute  vé- 
rité i<  le  Verbe  s'est  fait  chair  el  habita  parmi  nous  ».  «  Dieu,  le 
Père  inconnu,  narvi/j  àyvwoTTç...  Pater  Agnoslos,  qui  ne  nous  est 
connu  que  par  ses  Attril)uts  ;  l'Absolu  Je  Suis.  La  Pensée  de  Dieu, 
Evvoix..,  Ennoia,  et  le  Verbe  Aôyo;...  Logfos,  Manifestation  et  expres- 
sion de  la  Pensée,...  voilà  la  Vraie  TRi.NrrÉ  Maçonnique  ;  l'âme 
universelle,  la  Pensée  dans  l'Ame,  le  Verbe  ou  la  Pensée  exprimée  ; 
les  Trois  en  Un,  d'un  Trinilaire  Ecossais  '  ». 

«  Ici,  la  Maçonnerie  s'arrête,  continue  le  F.-.  Pike,  et  laisse  à  ses 
initiés  le  soin  d'appliquer  et  de  dévelop'per  ces  grandes  vérités,  de 
la  manière  qui  peut  sembler  à  chacun  se  concilier  le  mieux  avec 
la  raison,  la  philosophie,  la  vérité  et  sa  foi  religieuse.  Elle  se  re- 
fuse à  servir  d'Arbitre  entre  elles  et  lui.  Elle  regarde  avec  calme  de- 
vant elle,  tandis  que  chacun  multiplie  à  sa  guise  les  intermédiaires 
entre  la  Divinité  et  la  Matière,  et  les  personnitications  des  manifesta- 
tions et  des  attributs  de  Dieu,  suivant  ce  que  lui  dicte  sa  raison, 
sa  conviction  ou  son  imagination  ». 

«  Tandis  que  l'Indien  nous  dit  que  Parabhahma,  Brehm  et  Paratma 
composaient  la  première  Trinité,  qui  se  révéla  sous  le  nom  de 
Brahma,  ViSHNU  et  Siva,  Créateur^  Conservateur,  Destructeur... 
l'Egyptien  adore  Amun-Re,  Neith  et  Pldha,  Créateur,  Exécuteur, 
Pensée  ou  Lumière  ...  El.  tandis  que  le  pieux  Chrétien  croit  que  le 

1.  Morals  and  Dogma,  pp.  574,  575.  L'italique  et  les  petites  capitales  sont 
dans  Pike. 


[20  LR    DIEU 

Verbe  habita  dans  le  Corps  mortel  de  Jésus  de  Nazareth  et  soulTrit 
sur  la  croix,  que  le  Saint-Esprit  descendit  sur  les  Apôlres  et  inspire 
acliielleinenl  loulcs  les  âmes  chrétiennes  ...,  landis  que  toutes  les 
religions  prétendent  à  la  possession  exclusive  de  la  Vérité,  la 
Maçonnerie  inculque  sa  vieille  doctrine  et  rien  de  plus  '  ». 

Voilà  comment  la  Maçonnerie  tolère  les  credos  et  n'intervient 
dans  les  ci'oyances  de  qui  (pie  ce  soit  !  D'abord,  dit-elle,  acceptez 
ma  doctrine,  mon  Dieu,  l'Ame  de  l'Lnivers  ;  mon  Père  Eternel,  la 
Divinité  Inconnue;  mon  Verbe  Eternel,  qui  n'est  pas  «  le  Verbe  qui 
se  (il  chair  eu  Jésus-Christ  »  ;  mon  Saint-Esprit,  qui  planait  au- 
dessus  des  eaux  de  la  Création,  le  «  Feu  elemental  »  ;  puis,  si  votre 
raison,  votre  imagination  ou  votre  caprice  vous  entraîne  dans  les 
ro\aumes  des  credos  variables  et  querelleurs  qui  tous  prétendent, 
avec  même  raison  et  même  certitude,  posséder  exclusivement  la 
Vérité,  je  regarderai  tranquillement  devant  moi  sans  intervenir 
dans  la  discussion.  Je  tolérerai  toute  la  faiblesse  de  votre  inteHi- 
gence,  toutes  les  divagations  de  votre  imagination,  votre  manque 
de  philosophie,  pourvu  seulement  que  vous  acceptiez  mon  Dieu 
Unique,  ma  Trinité  de  Personnes.  Telle  est  la  Trinité  maçonnique  ; 
toutes  les  autres  sont  tolérées,  quoique  fausses. 

Mais  pourquoi  ne  pas  appeler  la  Nature  «  Dieu  »,  et  Dieu  «  l'Ame 
de  la  Nature  »,  puisque  notre  ancien  Frère  Pythagore  et  tous  nos 
Vénérables  Frères,  les  Kabbalistes,  considèrent  Dieu  et  la  Nature 
comme  ne  faisant  (ju'un  ? 

«  D'après  la  Kabbale,  nous  dit  le  Fr.-.  Pike-,  Dieu  et  l'Lnivers  ne 
font  (ju'un  ». 

Et  Pike  dit  aussi  de  la  doctrine  de  Pythagore  :  «  Selon  Pytha- 
gore, Dieu  était  Un,  une  seule  substance,  dont  les  parties  continues  se 
prolongeaient  au  travers  de  tout  l'Univers  sans  séparation,  dilTé- 

rence  ou    inégalité,    à  l'instar  de  l'àme  dans  le  corps  humain 

Le  Monde  ou  Univers  était  ainsi  comparé  à  l'homme;  le  Principe 
de  Vie  qui  le  meut,  à  celui  qui  fait  mouvoir  l'homme.  C'est  pour- 
(pu)i  Pvthagore  appelait  riiomme  un  microcosme,  ou  j)elit  monde, 
puisqu'il  possédait  en  miniature  toutes  les  ipialités  que  l'on  trouve 
dans  l'Univers  sur  une  grande  échelle.  Il  tient  de  la  Nature  divine 
par  sa  raison  et  par  son  intelligence,  et  de  la  Nature  élémentaire 
|)ar  les  facultés  qu'il  |)ossède  de  transformer  les  aliments  en  d'au- 
tres substances,  de  (Moître  et  de  se  reproduire.  Pythagore  fit  ainsi 
(fe  l'Univers  ungraud  Etre  intelligent  comme  l'homme,  une  immense 
divinité  a\anl  en  soi  ce  (pie  l'homme  a  en  lui-même,  le  mouvement, 

1.  Les  pel.  cap.  ef  l'itali(|.  sont  (!«•  Pilie. 
1.  Morals  and  Dogma,  p.  705. 


DE  LA  FRANC-MAÇONNERIE    AMÉRICAINE  12l 

la  vie,  l'intelligence  et,  de  plus,  une  perpétuité  d'existence  que 
l'homme  n'a  pas  ;  et  dès  lors  qu'il  possède  en  soi  cette  perpétuité 
du  mouvement  et  de  la  vie,  il  est  la  Cause  Suprême  de  Tout. 

«  Etendue  partout,  cette  Ame  Universelle,  selon  Pythagore,  n'a- 
git pas  partout  également,  ni  de  la  même  manière  >'.  Comme  la 
Nature  Universelle  était  la  grande  divinité  de  Pythagore,  l'homme 
était  nécessairement  le  diminutif  de  cette  divinité,  car  on  retrouve 
en  miniature  dans  l'homme  tout  ce  qui  est  en  grand  dans  la  Divi- 
nité :  il  pai'ticipait  à  la  Nature  divine  comme  à  la  Nature  élémen- 
taire. 

C'est  pourquoi  cette  nature  participée  est  libre,  comme  le  dit  le 
chrétien  syrien  Bardesane  dans  son  L<y/-e  (/es  Lo/s  des  pays,  en  parlant 
des  hommes  :  Dans  les  choses  qui  ont  rapport  à  leur  corps,  ils  main- 
tiennent leur  nature  comme  les  animaux,  et  dans  les  choses  qui 
concernent  l'esprit,  ils  font  ce  qui  leur  plaît,  étant  libres,  puissants 
et  comme  une  image  de  Dieu  '  ». 

Considérez  le  Franc-Bâtisseur,  le  Franc-Maçon  dans  le  monde  du 
F.-.  Pythagore.  Le  corps,  appartenant  à  la  création  animale,  doit 
suivre  ses  instincts,  mû  et  poussé  par  la  Divinité,  Ame  de  la 
Nature  Universelle  ;  l'esprit,  purifié  par  l'initiation  maçonnique  et 
délivré  des  liens  de  l'ignorance  morale  et  du  credo  religieux,  peut 
faire  ce  qui  lui  plaît,  étant  ainsi  «  à  limage  de  Dieu  ». 

Vous  le  voyez.  Dieu  est  identifié  avec  la  Baison.  «  Croire  en  In 
Baison  de  Dieu  et  au  Dieu  de  la  Baison,  nous  dit  PiUe, c'est  rendre 
l'Athéisme  impossible.  Ce  sont  les  idolâtres  qui  ont  fait  le> 
Athées  ». 
\  «  L'analogie  donne  au  Sage  toutes  les  forces  de  la  Nature.  C'est 
la  clef  du  grand  Arcanum,  la  racine  de  l'Arbre  de  Vie,  la  science  du 
bien  et  du  mal  ». 

«  L'Absolu,  c'est  la /?rt/so/2.  La  Baison  est  par  elle-même.  Elle 
EST  PARCE  qi'elle  EST,  et  iiou  parcc  que  nous  supposons  qu'elle 
est.  Elle  est  là  où  rien  n'est,  mais  rien  ne  pourrait  exister  sans 
elle.  La  Baison  est  la  Nécessité,  la  Loi,  la  Bègle  de  toute 
Liberté,  et  la  direction  de  toute  initiative.  Si  Dieu  Est,  il  est  par 
la  Baison.  La  conception  d'une  divinité  absolue  en  dehors,  ou  indé- 
pendante de  la  Baison  n'est  autre  chose  que  1  Idole  de  la  Magie 
noire,  le  fantôme  du  Démon  -  ». 

Sans  perdre  notre  temps  à  examiner  les  absurililés  de  ce  passage, 
et  particulièrement  celle  qui  consiste  à  placer  la  Baison  là  ou  «  rien 

1.  Morals  and  Dogma,  p.  857. 

2.  Ibid.,  p.  737. 


122  LE    DIEU 

n'existe  »,  hâtons-nous  de  poursuivre  notre  Elmle,  préparés  comme 
nous  le  sommes  maintenant  pour  recevoir  la  dernière  leçon  de  la 
Maçonnerie,  celle  qui  les  couronne  toutes  et  qui  est  la  conclusion 
des  861  pages  de  Morals  and  Dogma  of  Freemasonry,  du  F.-. 
Pike.  Nous  allons  citer  le  passage  tout  entier,  et  nous  cherche- 
rons des  éclaircissements  aux  sources  autorisées. 

Pike  nous  a  parlé  de  l'harmonie  de  l'Univers  comme  étant  dans 
la  Divinité  de  Tintinie  Sagesse  et  de  l'infinie  Puissance  la  résul- 
tante de  forces  variées  et  contraires  en  contlit,  etc.,  etc.,  et  il 
conclut  : 

«  De  l'action  et  de  la  réaction  mutuelle  de  ces  contraires  agissant 
deux  à  deux  résulte  ce 'qui  forme  avec  eux  le  Triangle,  symbole  de 
la  Divinité  pour  tous  les  Anciens  sages  :  c'est  ainsi  que  d'Osiris  et 
d'Isis  sortit  Har-œri,  le  Maître  de  la  Lumière,  de  la  Vie  et  du 
Verbe  créateur  ». 

L'idée  du  F.-.  Pike  est  celle-ci  :  Prenez  n  importe  (pielle  paire 
des  contraires  nommés, comme  par  exemple  la  Sagesse  Infinie  et  la 
Puissance  Infinie  ;  de  leur  union  va  sortir  un  troisième  être  qui 
formera  avec  les  deux  premiers  une  trinité.  Cette  trinité  ou  ces  trois 
choses  peuvent  être  symbolisées  par  un  triangle,  ou  figure  à  trois 
côtés,  comme  on  le  faisait  pour  Osiris,  Isis  et  leur  progéniture 
Har-œri  ;  car  le  triangle  était  considéré  par  les  anciens  comme  un 
symbole  de  la  Divinité.  Ainsi  éclairés,  écoutons  son  enseignement. 
«  Aux  angles  d'un  triangle  se  trouvent,  avec  leur  signification 
symbolique,  les  trois  colonnes  qui  supportent  la  Loge  ;  celle-ci 
est  elle-même  un  symbole  de  l'Univers  ;  et  ces  colonnes  sont  la 
Sagesse,  laj  F^uissance.  l'Harmonie  ou  Beauté  >■.  l 

Comme  on  représente  la  Divinité  par  un  triangle,  dit-il,  et 
qu'elle  supporte  l'Univers,  on  peut  également  représenter  la  Divi- 
nité par  les  trois  colonnes  de  la  Loge,  la  Sagesse,  la  Puissanceet  la 
Beauté  réunies  en  triangle  pour  supporter  la  Loge,  puisque, comme 
nous  l'avons  vu.  la  Loge  elle-même  est  un  symbole  du  monde.  Dans 
ce  triangle  de  colonnes,  notre  lecteur  se  verra  irrésistiblement  ra- 
menéauC.O.D.(Gomer,()z,  Dabar)de  Mac  Clenachan.G.O.  D.dont 
nous  avons  déjà  expliqué  la  signification  sexuelle  dans  ce  chapitre. 
Le  fait  qu'on  a  pu  employer  le  terme  G.  O.  D.  pour  représenter  les 
forces  procréatrices  et  j)roliti(|ues  de  la  Nature,  a  été  la  seule  rai- 
son (pie  le  Frère  a  pu  imaginer  pour  expliquer  la  présence  de  ce 
mol  dans  la  Maçonnerie.  Le  Dr.  Mackey,  lui  aussi,  nous  a  surpris 
en  nous  donnant  la  Divinité  comme  bissexuée  chez  tous  les  anciens 
peuples,  et  en  nous  promettant  de  nous  prouver(pie  Jehovah  n'était 
point  une  exception  à  la  règle.  Quoi  d'étonnant  dès  lors  à  ce  que, 
après  avoir  suivi  aussi  docilement  le  F.-.  Pike,   nous  nous   aperce- 


DE    LA    FRANC-MAÇONNEBIE    AMERICAINE  123 

vions  qu'il  nous  ramène  aux  mêmes  colonnes  ou  piliers  phalliques 
de  la  Loge,  pour  nous  révéler  sous  leur  ombre,  dans  son  instruction 
dernière  au  sublime  Prince  du  Royal  secret,  le  32°"^  du  Rite  Ecos- 
sais, lunilé  de  Ihomme  et  de  Dieu,  la  divinité  de  l'homme. 

»  Un  de  ces  symboles  qui  se  trouvent,  dit-il,  sur  la  planche  à  tracer 
du  grade  d'apprenti,  enseigne  cette  dernière  leçon  de  la  Franc-Ma- 
çonnerie. C'est  le  triangle  rectangle,  qui  représente  l'homme,  com- 
me une  union  du  spirituel  et  du  matériel,  du  divin  et  de  l'humain. 
La  base  mesurée  par  le  nombre  3,  le  nombre  du  triangle,  représente 
la  divinité,  le  divin  ;  le  côté  perpendiculaire,  qui  a  pour  mesure  le 
nombre  4,  le  nombre  du  carré,  représente  la  terre,  le  matériel  et 
l'humain  ;  l'hypoténuse,  qui  a  pour  mesure  le  nombre  5,  représente 
ce  qui  est  produit  par  l'union  du  divin  et  de  l'humain,  c'est-à-dire 
l'âme  et  le  corps  ;  9  et  16,  carrés  de  la  base  et  du  côté  perpendicu- 
laire, étantadditionnésensemble,  donnent  le  total  25,  dont  laracine 
est  5,  qui  est  la  mesure  de  l'hypoténuse. 

«  Et  comme  dans  chaque  triangle  de  perfection,  ajoute  Pike,  un 
est  trois  et  trois  est  un,  de  même  l'homme  est  un,  tout  en  étant 
d'une  double  nature,  et  il  n'atteint  les  buts  de  son  être  que  quand 
les  deux  natures  qui  sont  en  lui,  se  trouvent  en  exact  équilibre,  et 
sa  vie  n'est  une  œuvre  parfaite  que  quand  elle  est  aussi  une  harmo- 
nie, qu'elle  est  belle,  comme  les  grandes  harmonies^de  Dieu  et  de 
l'Univers. 

M  Telle  est,  mon  Frère,  dit-il  pour  conclure, telle  est  la  'Vraie  Pa- 
role du  Maître  Maçon  :  tel  est  le  vrai  Royal  Secret,  qui  rend  pos- 
sible, et  finalement  rendra  réel  le  Saint  Empire  de  la  vraie  Frater- 
nité Maçonnique.  Gloria  Dei  est  celare  'Verbum.  Amen  *  ». 

Nous  avons  donc  suivi  jusqu'à  présent  la  Nature  dans  ses  retrai- 
tes les  plus  secrètes,  et  nous  avons  trouvé  la  divinité  de  l'homme. 
Nous  avons  étudié  la  Géométrie,  et  nous  avons  trouvé  le  triangle 
rectangle  ;  il  exprime  cette  vérité  :  que  le  carré  du  côté  opposé  à 
l'angle  droit  est  égal  à  la  somme  des  carrés  de^la  base  et  du  côté 
perpendiculaire.  On  nous  apprend  que  la  base  représente  le  divin, 
que  la  perpendiculaire  représente  l'humain  ;  que  l'hypoténuse  re- 
présente l'homme,  c'est-à-dire  la  résultante.  La  Géométrie,  «  la  pre- 
mière et  la  plus  noble  de  toutes  les  sciences,  la  divine  vérité^de  la 
Maçonnerie,  étudiée  sous  des  Maîtres  compétents,  nous  a  conduits 
ainsi  à  la  déité  bissexuée,  hermaphrodite,  qui  est  représentée  par 
les  colonnes  de  la  Loge,  par  le  point  dans  le  cercle,  etc.  etc. 

Mais  où  est  exactement  le  divin  dansjl'homme  ?  Où  est  l'hu- 
main ?  Pouvons-nous   trouver  une   autre  expression  pour  désigner 

1.  Toutes  ces  Majuscules  sont  de  Pike. 


124  Li;  DIEU 

cette  base  el  celle  peipendiculaire  qui  rapprochera  notre  présente 
théorie  des  vieilles  théories  païennes  qu'on  nous  a  apprise  vénérer, 
et  dans  lesquelles  les  Maçons  illuminés  ont  loujours  trouvé  la  vraie 
doctrine  maçonnique  ?  Heureusement  pour  nous,  le  F.-.  Mackey  va 
nous  donner  une  explication  de  ce  même  triangle  rectangle  qui 
représente  l'union  dans  l'homme  (lu  divin  et  de  l'humain,  c'est-à-dire 
du  triangle  de  la  Divinité.  l'iJsiris,  llsis  et  IHar-dM'i  de  F.-.  Pike. 
«  Le  triangle  rectangle,  nous  dit-il,  est  une  autre  forme  de  cette 
figure  fie  triangle»  qui  mérite  qu'on  y  pi-ête  attention.  Il  était  chez 
les  Egyptiens  le  symbole  de  la  nature  universelle:  la  base  représen- 
tait Osiris  ou  le  principe  mâle  ;  la  perpendiculaire  Isis  ou  le  prin- 
cipe femelle  et  l'hypoténuse  Hoius,  leur  fils,  ou  la  progénilure  du 
principe  mâle  et  du  piincipe  femelle  '  » 

«  Ce  symbole, conlinue-l-il,  fut  révélé  à  Pythagore  par  les  Egyp- 
tiens pendant  son  long  séjour  dans  leur  pays;  et,  en  le  recevant, 
apprit  à  connaître  la  propriété  qu'il  possédait,  c'est-à-dire  que  la 
somme  des  carrés  des  deux  côtés  est  égale  au  carré  du  côté  le  plus 
long  —  ce  qui  est  symboliquement  exprimé  par  la  formule  ;  Horus 
est  le  produit  de  l'union  d'Osiris  el  disis  ^  ». 

Nous  allons  enfin  pouvoir  nous  arrêter.  Le  F.-.  Mackey  réduit  la 
solution  du  F.-.  Pike  à  la  vieille  formule  phallique.  Ce  qui  est  divin 
dans  l'homme,  autrement  dit  la  base,  c'est  le  principe  mâle  géné- 
rateur ;  la  perpendiculaire  qui  représente  ce  qui  est  humain,  c'est 
le  principe  producteur  de  la  femelle;  le  résultat  de  l'union  est  Horus 
ou  l'enfant,  le  temple  et  le  Dieu  de  la  Maçonnerie. 

(^.ondensons  en  quel({ues  mots  la  substance  de  notre  chapitre. 
Nous  cherchions  le  Dieu  de  la  Maçonnerie,  avec  l'assurance  que  la 
Maçonnerie  possédait  sa  divine  \érilé  à  elle  —  sa  propre  Divinité. 
Nous  sommes  entrés  dans  la  Loge  el  avons  trouvé  le  symbole  G., 
distinct  if  de  la  Maçonnerie,  comme  la  Croix  est  propre  au 
Catholicisme.  Cela  signifiait  G.  O.  I)..  les  colonnes  |)halliques  tie  la 
Loge,  el  aussi  Céométrie,  la  Th('ologie  maçonnique.  On  nous  a 
ap[)ris  <|ue  la  Déité.  en  Maçonnerie,  était  le  constructeur,  l'Archi- 
tecte de  ITnivers.  le  surintendant  sous  la  direction  duquel  nous 
avions  aussi  à  construire  ;  on  nous  avait  prévenus  (l'avance  que 
l'idée  de  constructeur  avait  él(''  empruntée  aux  myst('res  païens,  où 
la  Divinité  était  adorée  dans  les  facultés  procréatrices  de  l'homme  ; 
il  élail  évident  pour  noiisque  la  Divinité  de  la  Loge  ne  pouvait  être 
autre  que  l'homme.  Mais  enfin,  comme  les  lecteurs  auraient  pu 
douter  de  nos  raisonnements,  nous  nous  sommes  adressé  à  la  Ma- 

1.  Encijclopœdia,  pp.  82*.t.  830. 

2.  Le  Har-rrri  du  F.-.  Pike. 

3.  Encyclopœdia,  pp.  829,  830. 


DE    LA    FRANC-MAÇONNERIE    AMÉRICAINE  l2& 

çonnerie  pour  en  savoir  plus  Jong\  Elle  nous  a  invités  à  étudier  la 
Géométrie,  et  la  Géométrie  nous  a  renvoyés  à  l'étude  de  la  Nature. 
C'est  ce  que  nous  avons  fait.  Nous  avons  appris  que  la  Nature  pou- 
vait être  appelée  Dieu  ;  —  que  l'Univers  était  une  émanation  de 
Dieu, —  que  les  Créatures  étaient  les  idées  mêmes  de  Dieu,  arrivées 
à  l'existence.  Nous  avons  découvert  que  les  anciens  sages  appe- 
laient Dieu  l'âme  de  l'Univers  —  que  notre  Frère  Pythagore  iden- 
tifiait la  Nature  et  Dieu,  qu'il  faisait  de  la  Nature  une  Grande  Di- 
vinité, et  de  l'homme  un  résumé  de  celle-ci.  Nous  avons  appris  des 
kabbalistes,nos  théologiens  en  qui  nous  avons  confiance,  que  Dieu 
et  la  Nature  étaient  une  seule  chose,  que  dès  lors  Dieu  et  l'Huma- 
nité étaient  fune  même  chose.  Nous  avons  été  mis  en  présence  de 
Dieu  identifié  avec  la  Raison,  si  bien  que  Dieu  était  la  Haison,  que 
la  Raison  était  Dieu.  Et  finalement,  la  leçon  suprême  et  dernière 
de  la  Maçonnerie,  le  Royal  Secret,  c'est  que  la  Divinité  de  l'Homme 
est  clairement  enseignée  dans  la  formule  géométrique  du  triangle 
rectangle,  qu'Osiris  et  Isis  engendrent  Horus,  que  les  facultés  pro- 
créatrices de  la  Nature  produisent  l'Univers,  que  l'union  de  la 
Divinité  et  de  l'Humanité  donne  naissance  à  l'Homme  divin,  vieille 
théorie  païenne  qui  fait  tous  les  Dieux  bissexués.Nous  voilà  arrivés 
à  la  religion  naturelle,  à  la  grande  révélation  de  la  Nature  ;  nous 
voilà  possesseurs  du  Nouveau-Testament  maçonnique,  dans  lequel 
«celui  qui  a  pris  chair  et  a  habité  parmi  nous»,  ce  n'est  pas  le  Jehovah 
chrétien  incarné  en  Jésus-Christ, mais  le  «  Père  inconnu  »  de  la  Ma- 
çonnerie, le  Jéhovah  de  la  Kabbale.  Un  Homme  divin,  un  Dieu  in- 
carné, non  point  en  Jésus-Christ,  mais  dans  la  seule  humanité, 
telle  est  la  Divinité  révélée  par  la  Maçonnerie. 


CHAPITRE  IX 
La  Fraxo- Maçonnerie  américaine   et   le    Jéhovah  kabbalistique 

D'après  ce  que  nous  a  dil  le  F.-.  Albert  Pike  sur  l'indilTérence  de 
la  Maçonnerie  pour  le  nom  de  Dieu,  qui  «  est  de  la  moindre  impor- 
tance »',  nous  pourrions  nous  imaginer  que  la  Fraternité  est,  en 
effet,  complètement  indilTérenle  sur  ce  point.  Elle  l'est,  il  est  vrai, 
dans  un  sens  ;  mais  dans  un  certain  sens  seulement,  et  c'est  notre 
sens. Peu  importe  le  nom  donné  à  notre  Dieu  :  que  ce  soit  Bouddha, 
Jupiter,  Zeus.  Osiris  ou  tout  autre  ;  notre  Dieu  n'étant  pas  la  vraie 
Divinité  maçonnique,  le  nom  que  nous  donnons  à  un  faux  dieu  en 
vaut  un  autre.  C'est  pourquoi  le  F.*.  Mackey  regrette  que  la  let- 
tre G  soit  prise  comme  syml)ole  de  Jéhovah,  et  le  F.-.  McCIenachan 
serait  inconsoUiide  d'appeler  la  divinité  maçonnique  God  (Dieu),  si 
le  mol  G.  0.  D.  ne  désignait  pas  les  colonnes  phalliques  de  la 
Loge.  «  Elles  sont  presque  la  seule  raison  qui  puisse  faire  accepter 
au  Maçon  l'emploi  de  la  lettre  (i  suspendue  ostensiblement  à 
l'Est  dans  la  Loge,  au  lieu  du  Delta  «^ 

La  Maçonnerie  n'est  donc  pas  aussi  indifférente  qu'elle  le  veut 
bien  dire.  Tout  au  contraire,  (piand  elle  en  arrive,  non  pas  au  nom 
de  Dieu,  car  «  Dieu  »  est  menteur,  mais  au  vrai  nom  de  la  Divinité 
maçonnique,  toute  cette  indifférence  de  façade  tombe,  et  nous 
voyons  la  secte  exhorter  ses  adeptes  en  toute  occasion, sans  trêve  ni 
merci,  à  poursuivre  sans  relâche  la  recherche  du  vrai  mot,  le  nom 
de  la  Divinité,  qui  leur  révélera  la  Vérité  divine,  la  nature  et 
l'essence  du  Dieu  maçonnique. 

«  La  recherche  du  Mol  ",  nous  dit  le  Dr.  Mackey'.  est  un  résumé 
de  la  marche  intellectuelle  et  religieuse  de  l'Ordre,  depuis  le  temps 
de  la  dispersion  de  Babel,  alors  que  les  foules  furent  ensevelies 
dans  les  profondeurs  des  ténèbres  inlellecluelles,  où  laV^érité  sem- 
blait être  a  jamais  éteinte.  Le  vrai  nom  de  Dieu  fut  perdu,  sa  vraie 
nature  méconnue  ;  les  divines  leçons  communiquées  par  notre  père 
Noé,  oubliées  ;    les    anciennes    traditions,  corrompues  ;    les   vieux 

1.  Morals  and  Doijnia,  p.  l'A'A. 

2.  Voir  le  chapitre  précédtMil. 

3.  Symbolism ,  p.  -{Ot. 


LA    FRANC-MAÇONNERIE   AMÉRICAINE  ET  LE  JEHOVAH  KABBALISTIQUE       127 

symboles,  pervertis. La  Vérité  fut  enterrée  sous  les  décombres  du 
Sabéisme,  et  le  culte  idolàtrique  du  soleil  et  des  étoiles  remplaça 
celui  du  vrai  Dieu  ». 

«  La  recherche  du  Mot  —  pour  retrouver  la  Vérité  divine  —  cela, 
et  cela  seul,  est  l'œuvre  du  Maçon,  et  le  Mot  sera  sa  récom- 
pense »*. 

Notre  auteur  prouve,  aux  pp.  376-381  de  son  Encyclopsedia,  que 
ce  nom  est  Jéhovah.  «  De  tous  les  mots  significatifs  de  la  Maçon- 
nerie, nous  dit-il,  Jéhovah  est  de  beaucoup  le  plus  important. 
Reghellini  affirme  avec  raison  qu'il  est  «  la  base  de  notre  dogme  et 
de  nos  mystères  ».  «  En  hébreu,  il  se  compose  de  quatre  lettres 
mni;  c'est  pourquoi  on  le  nomme  le  Tétragramme,  ou  nom  de 
quatre  lettres,  et,  comme  il  était  défendu  aux  Juifs,  ainsi  qu'il  l'est 
aux  Maçons,  de  prononcer  ce  nom,  on  l'appelait  encore  le  nom 
Ineffable  ». 

«  En  Maçonnerie,  continue-t-il,  comme  dans  les  mystères  hé- 
braïques, on  l'appelle  le  «  Mot  »,  le  «  Vrai  mot  »  ou  le  «  Mot 
Perdu  »,  le  symbole  de  la  science  de  la  Vérité  divine,  ou  la  vraie 
nature  de  Dieu-  ». 

Notre  lecteur  doit  se  rendre  compte  de  la  lumière  que  projette 
sur  la  Divinité  maçonnique  le  sens  attaché  à  ce  mot  par  la  Maçon- 
nerie elle-même, puisque  ce  mot  est  la  «  base  du  dogme  et  des  mys- 
tères maçonniques  ». 

Cependant,  malgré  son  importance  capitale,  quelques  juridic- 
tions maçonniquçs  de  ce  pays  et  les  Loges  d'Angleterre  ont  pré- 
féré d'autres  noms  à  celui  de  Jéhovah  comme  base  des  dogmes  ma- 
çonniques et  comme  abrégé  de  la  vérité  divine  de  la  Maçonnerie  ; 
mais  cette  préférence  même  va  nous  être  d'un  grand  secours  dans 
notre  étude,  en  nous  montrant  de  plus  en  plus  la  tendance  de  la 
pensée  et  de  la  théorie  maçonniques. 

Ecoutons  le  Dr.  Mackey  :  «  Quoiqu'il  n'y  ait  peut-être  pas,  dans 
tout  le  système  ésotérique  de  la  Maçonnerie,  de  point  plus  claire- 
ment établi  que  celui  qui  fait  du  Tétragramme  le  mot  essentiel,  on 
a  admis  dans  quelques  juridictions  de  ce  pays  des  innovations  qui 
ont  changé  ce  mot  en  trois  autres  ;  ceux-ci  sont  tout  simplement 
des  noms  divins  provenant  d'autres  langues,  mais  qui  ne  possèdent 
aucunement  le  symbolisme  sublime,  propriété  exclusive  du  vrai 
nom  de  Dieu.  Il  faut  dire  que  le  Grand  Chapitre  Général  des  Etats- 
Unis  blâma  dans  un  de  ses  règlements  l'innovation  de  ces  termes 
explicatifs  et  rétablit  le  Tétragramme  ;  mais  cette  déclaration  de 

1.  Ibid.,  p.  309. 

2.  Encyclopgedia,  pp.  376-381. 


128  LA    KRANC-MAÇONNERIE    AMÉRICAINE 

ce  qu'on  pourrait  appeler  un  axiome  en  Maçonnerie  rencontra  dans 
quelques  endroits  une  oppo::ilion  ouverte,  ou  bien  on  n'y  obéit 
qu'avec  répugnance'  ». 

Nos  lecteurs  sont,  sans  doute,  désireux  de  savoir  quels  sont  les 
trois  mots  adoptés  par  la  Maçonnerie  pour  expliquer  celui  de  Jeho- 
vah; et  quels  sont  les  mots  si  chers  au  cœur  des  (Maçons  qu'ils  y 
tiennent  au  point  de  rejeter  le  nom  de  Jéhovah,  malgré  les  maxi- 
mes de  l'Association  et  lautorité  du  Grand  Chapitre  Général. 

Les  voici  :  Jah,  le  dieu-soleil  des  Syriens  ;  On,  le  soi-disant 
dieu-soleil  des  Egyptiens;  Bel  ou  Baal,  le  Dieu-feu  des  Chaldéens, 
dontJJéhovah  punit  si  sévèrement  le  culte  idolâtrique. 

«  Bel,  nous  dit  le  Dr.  Mackey^  est  la  forme  contractée  de  Baal; 
les  Babyloniens  ladoraient  comme  leur  principale  divinité.  Les 
Grecs  et  les  Romains  le  considérèrent  de  même  et  traduisirent  son 
nom  par  ceux  de  Zeus  et  de  Jupiter.  Il  fut  introduit,  en  compagnie 
de  Jah  et  d'On,  dans  le  rite  Royal  Arch,  comme  symboledu  Tétra- 
gramme  ;  ce  qui  a  autorisé  les  ignorants  à  penser  que  lui-môme  et 
les  deux  autres  noms  qu'on  lui  a  adjoints  remplaçaient  le  Tétra- 
gramme.Le  Grand  Chapitre  Général  des  Etats-Unis,  en  1871,  corri- 
gea cette  erreur  et  déclara  que  le  Tétragramme  était  le  vrai  mot 
pancréateur,  tandis  qu'il  ne  permit  qu'on  conservât  les  trois  autres 
qu'à  la  condition  qu'ils  ne  fussent  employés  que  comme  noms  ex- 
plicatifs»; et  il  ajoute  un  peu  plus  loin  :  «  Belenus,  le  Baal  de 
l'Ecriture,  était  identifié  à  Mithra  et  à  Apollon,  dieu  du  soleil  ». 

«  Et  cependant,  dit  encore  le  Dr.  Mackey,  malgré  la  déclaration 
explicite  et  très  nette  du  fondateur  du  Royal  Arch  anglais,  qui  af- 
firme que  le  Tétragramme  est  le  nom  pancréaleur,  le  système  an- 
glais actuel  l'a  rejeté  pour  mettre  à  sa  place  trois  autres  mots, 
dont  le  deuxième  n'a  aucun  sens  ». 

Que  ceux  qui|ne  trouvent  rien  de  reprehensible  dans  la  Maçon- 
nerie anylaise  ou  américaine  méditent  un  peu  sur  les  révélations  du 
Dr.  MacUey  touchant  la  substitution  de  Baal  à  Jéhovah  comme  mot 
explicatif  de  la  Divinité  maçonnique.  Mais  quauîl  nous  aurons  vu 
Jéhovah  sous  les  traits  que  lui  prête  le  F.-.  Pike,  nous  ne  serons 
plus  sur{»ris  que  la  conscience  maçonnique  se  débatte  aussi  molle- 
ment contre  ce  mol,  qu'elle  le  fait  contre  G.  O.  D. 

Mais  retournons  au  Dr.  Mackey. 

<(  Il  ressort  évidemment  de  tout  ceci,  nous  dit-il,  que  Webb  re- 
connaissait le  mot  Jéhovah,  et,  non  les  trois  autres  qui  lui  ont  été 
substitués  <lans  la  suite  par  quelques  Grands  Chapitres  de  ce  pays, 

1.  I-Jncyclopiedia,  p.  3bU. 

2.  Ibid.,  1».  112. 


ET    LE    JEHOVAH    KABBALISTIQUE  l29 

et  que, très  probablement, Webb  employa  d'abord  ces  mots  comme 
interprétant  et  expliquant  la  nature  divine  du  premier  mot,  le  plus 
important  de  tous.  Et  ceci  s'accorde  avec  l'une  des  traditions  du 
degré, qui  nous  montre  ces  mots  placés  sur  l'arche  d'alliance  autour 
du  vrai  mot,  comme  une  clé  qui  en  doit  faire  voir  la  significa- 
tion '  ». 

«  Désigner  tout  autre  que  ce  mot  de  quatre  lettres,  ajoute  Mackev, 
du  nom  de  mot  pancréateur  et  tout  puissant,  aussi  bien  en  Maçon- 
nerie que  dans  le  symbolisme  hébreu,  d'où  la  Maçonnerie  l'a  tiré, 
c'est  aller  contre  la  doctrine  des  Talmudistes,  des  Kabbalistes,  des 
Gnostiques;  c'est  repousser  l'enseignement  de  tous  les  savants  hé- 
braïsants,  depuis  Buxtorf  jusqu'à  Gesenius.  Se  mesurer  à  de  tels 
combattants,  c'est  aller  au  devant  d'une  défaite  certaine,  c'est  faire 
preuve  de  plus  de  témérité  que  de  modération.  C'est  pourquoi  le 
Grand  Chapitre  Général  des  Etats-Unis  a  très  judicieusement  remis 
le  mot  Jéhovah  à  la  place  qui  lui  convient.  Il  n'y  a  que  dans  le  rite 
d'York  et  dans  le  rit  américain  que  cette  erreur  ait  jamais  existé. 
Dans  tous  les  autres  rites,  le  Tétragramme  est  reconnu  comme  le 
vrai  mot    ». 

Nous  pouvons  donc  être  certains  que  Jéhovah  est  bien  le  vrai 
Mot,  et  que  Reghellini  eut  raison  d'en  faire  la  base  de  la  doctrine 
et  des  mystères  maçonniques.  Vous  devez  comprendre  quelle  idée 
se  faisaient  de  Jéhovah  les  fondateurs  du  Royal  Arch  qui  choisi- 
rent pour  «  expliquer  »  son  nom  :  Jah,  le  dieu-soleil  syrien,  On,  le 
soi-disant  dieu-soleil  égyptien,  et  Baal,  le  dieu-feu  des  Chaldéens. 
Vous  devez  vous  rendre  compte  de  la  vénération  affectueuse 
qu'avaient  pour  ce  nom  chéri  les  Maçons  anglais  et  leurs  Frères 
américains  qui  le  rejetèrent  et  liii  substituèrent  celui  de  Baal 
comme  nom  de  la  Divinité  1  Enfin  vous  garderez  toute  votre  sym- 
pathie à  ces  Frères  ignorants  et  égarés, dans  leur  défaite  écrasante 
où  ils  sont  combattus  par  les  maîtres  les  plus  autorisés  de  la 
Théologie  maçonnique  unis  aux  Talmudistes,  aux  Kabbalistes  et 
aux  Gnostiques.  Jéhovah  est  le  Mot.  Est-ce  le  Jéhovah  hébraïque  des 
Chrétiens?  Non.  C'est  le  Jéhovah  kabbalistique  que  doivent  révé- 
ler le  Dr.  Mackey,  Lanzi  et  le  F.*.  Pike.  Ils  montreront  à  leurs 
Frères  ignorants  que  leur  terreur  de  Jéhovah  n'est  pas  fondée,  et  il 
nous  renseigneront  davantage  sur  la  Divinité   de    la  Maçonnerie. 

«  J'ai,  en  quelque  endroit,  nous  dit  Mackey,  traité  tout  au  long 
de  l'idée  très  répandue  chez  les  Anciens,  que  la  Divinité  suprême 
était  bisexuelle  ou  hermaphrodite,    renfermant  en    elle-même  les 

1.  Encyclopœdia,  pp.  380,  381. 

2.  Ibid.,  p.  381. 


130  LA    FR.VNC-MAÇONNERIE    AMÉRICAINE 

principes  mâle  et  femelle,  les  puissances  génératrices  et  prolifi- 
ques de  la  nature  »....  «  Ils  ont  tous  enseigné  que  Dieu,  le  Créateur, 
était  à  la  fois  mâle  et  femelle  »  :  puis, après  avoir  établi  que  le  mot 
sexe  (levait  s'entendre  au  sens  philosophique  de  puissance,  il  con- 
clut :  «  Celte  idée,  qui  était  si  généralement  répandue  parmi  les 
nations  de  l'antiquité,  a  été  également  retrouvée  dans  le  Télra- 
gramme  ou  nom  de  .léhovah,  avec  une  ingéniosité  singulière  par 
Lanzi,  et  ce  qui  est  non  moins  intéressant,  c'est  qu'il  a,  par  cette 
déronverte,  été  mis  à  même  de  démontrer  quelle  était,  selon  toute 
probabilité,  la  vraie  prononciation  du  mot  »'. 

Nous  allons  donc  accompagner  le  Dr.  Mackey  et  Lanzi  dans  leur 
grande  découverte,  après  quoi  nous  parlerons  de  la  valeur  de  leur 
démonstration.  C'est  ce  qu'enseigne  la  Maçonnerie  qui  nous  inté- 
resse ;  si  nous  nous  occupons  des  bases  de  sa  doctrine,  c'est 
uniquement  pour  ceux  qui  oui  besoin  d'éclaircissement  pour  les 
voir  sous  leur  vrai  jour.  Passons  donc  a  la  démonstration. 

«  Le  nom  ineffable,  dit  le  Dr,  Mackey,  le  Télragramme,  le  shem 
hamphorash  —  car  il  est  connu  sous  ces  formes  variées  —  est  com- 
posé  de    quatre    lettres,    yod,     heh,  vau,  et  heh,    formant  le  mot 

"l"' » 

«  La  première  de  ces  lettres,  yod,  correspond  à  1'/  anglais  pro- 
noncé comme  Vi  français  dans/nac/j/Vjc. 

«  La  seconde  et  la  quatrième,  heh,  est  équivalente  à  une  h  aspi- 
rée. 

«  El  la  troisième  lettre,  raii,  a  le  son  d'un  o  long. 
«  Lisant  ces  quatre  lettres  1.  H.  0.  II.  de  droite  à  gauche, 
comme  cela  se  doit  en  hébreu,  nous  avons  le  mot  mn\  équi- 
valant à  Ih-Oh.  Cette  transcription  est  celle  ipii  se  rapproche  le 
plus  de  la  prononciation,  (juoiqu'elle  ne  soit  aucune  des  sept  qui 
furent,  dit-on,  employées  par  les  patriarches  à  dilïérentes  époques. 
«  Prononcé  ainsi,  ajoute-l-il,  le  mol  ne  nous  donne  aucun  sens, 
car  le  moi  ihoh  n'existe  pas  en  hébreu  ;  et  comme  tous  les  noms 
hébraïques  représentaient  une  chose  déterminée,  nous  sommes 
obligés  d'en  conclure  que  telle  n'était  pas  la  prononciation  origi- 
nelle, el  force  nous  est  d'en  chercher  ime  aulie  qui  donnera  un 
sens  au  mot. 

'  Puis  Lanzi  procède  à  la  découverte  de  celle  vraie  prononcia- 
tion comme  il  suit  : 

«  Dans  la  Cabale,  un  sens  caché  est  souvent  déduit  d'un  mot,  en 
Iransposanl  ou  en  renversant  ses  lettres,  et  ce  fut  par  ce  moyen 
que  les  Cabalistes  cachèrent  un  grand  nombre  de  leurs  mystères  ». 

1.  Syniholism.  pp.  185,  180. 


ET    LE    JEHOVAH    KABBALISTIQUE  131 

«  Lanzi  appliqua  ce  procédé  cabalistique  au  Tétragrarame,  lors- 
qu'il observa  que  ih-oh,  lu  à  rebours,  faisait  le  mot  oh-ih. 

«  Or,  en  hébreu,  ho  est  le  pronom  masculin  qui  correspond  au 
pronom  il  ;  et  hi  est  le  pronom  lerainin  qui  équivaut  à  elle  ;  donc 
le  mot  Ho-Hi,  traduit  littéralement,  donne  le  composé  Il-Elle  ; 
c'est-à-dire  que  l'inefTable  nom  de  Dieu  en  hébreu,  lu  cabalistique- 
ment,  comprend  en  lui-même  le  principe  mâle  et  le  principe 
femelle,  la  force  génératrice  et  prolifique  de  la  création  ;  et  nous 
retrouvons  encore  ici  le  symbolisme  si  répandu  du  phallus  et  de 
la  cteis,  du  lingam  et  de  l'yoni  ou  de  leur  équivalent,  le  point  dans 
le  cercle,  et  partant,  une  nouvelle  preuve  saisissante  des  rapports 
de  la  Franc-Maçonnerie  aux  Anciens  mystères  ». 

«  Puis,  continue  Mackey,  nous  pourrions  trouver  ici  le  sens  de 
ce  passage  de  la  Genèse  resté  inintelligible  jusqu'à  ce  jour  :  Et 
Dieu  créa  l'homme  à  son  image  ;  il  le  créa  à  l'image  de  Dieu  ;  il  les 
créa  mâle  et  femelle  ».  Ils  n'auraient  pu  être  «  à  l'image  de  Ihoh 
s'ils  n'avaient  été  mâle  et  femelle  ». 

Voilà  donc  celte  profonde  découverte  de  Lanzi  telle  qu'elle  est 
révélée  aux  FF.-,  par  le  Dr.  Mackey,  et  voilà  du  même  coup  le  Dieu 
de  la  Maçonnerie,  le  .Jéhovah  des  Kabbalistes,  expliqué  par  Jah, 
On  et  Baal  et  réduit  à  la  formule  phallique  des  Dieux  païens,  si 
bien  que  le  F.-.  Mackey  s'écrie  transporté  :  «  Voilà  une  nouvelle 
preuve  saisissante  des  rapports  qui  existent  entre  la  Maçonnerie  et 
les  anciens  mystères  ».  Lorsque  le  F..  Pythagore  eut  découvert 
que  la  Divinité  pouvait  se  représenter  par  un  triangle-rectangle  dans 
lequel  Osiris  et  Isis,  le  soleil  et  la  nature,  le  soleil  et  la  terre, 
le  Divin  et  l'Humain,  engendraient  par  leur  union  Horus  ou 
Har-œri,  c'est-à-dire  l'homme,  il  s'écria,  le  cœur  débordant 
de  joie  :  «  Eureka,  j'ai  trouvé  1  »  Gomme  lui,  le  F.-.  Mackey 
ne  peut  contenir  son  émotion  en  présence  de  la  nouvelle  dé- 
couverte et  il  nous  fait  entendre  son  Eureka  :  <  J'ai  trouvé,  s'écrie- 
t-il,  comment  l'homme  esta  l'image  de  Dieu  :  il  est  mâle  et  femelle 
car,  s'il  n'était  pas  tel,  il  ne  pourrait  être  à  l'image  du  Jéhovah 
Kabbalistique,  le  ll-EUe  ».  Reghellini  dit  à  son  tour  :  «  Geci  est  la 
base  des  dogmes  et  des  mystères  maçonniques  »  ;  ceci,  ajouterons- 
nous,  est  la  nature  et  l'essence  du  Dieu  de  la  Maçonnerie. 

Mais  quand  nous  nous  serons  exactement  rendu  compte  des 
efforts  désespérés  qu'il  a  fallu  faire  pour  tirer  du  mot  Jéhovah  cette 
signification  bisexuelle  et  hermaphrodite,  nous  comprendrons  de 
mieux  en  mieux  l'importance  qu'attache  la  Maçonnerie  à  lui  appro- 
prier cette  signification  sensuelle.  11  n'est  pas  sérieux  de  prétendre 
qu'en  parlant  de  la  Divinité  le  mot  sexe  ait  un  sens  spirituel,  alors 
qu'on  prend  une  peine  inouïe  pour  contourner  et   défigurer  le  nom 


132  LA    FRANC-MAÇONNERIE    AMERICAINE 

de  Dieu,  afin  damoner  Jehovah,  à  équivaloir  à  sexe,  ce  mol  étant 
compris  dans  le  sens  réaliste  et  matériel  qu'il  a  pour  nous. 
C'est  abuser  de  notre  crédulité  que  de  nous  parler  d'un  sexe  spiri- 
tuel, en  nous  disant  en  même  temps  que  l'homme  ne  serait  pas  à 
l'image  de  Dieu  si,  physiquement,  il  nétait  inàle  el  remelle,et  que, 
sans  celte  condition,  la  Genèse  serait  inintelligible.  Passons  à  lar- 
gumenti 

Tout  d'abord,  nous  constaterons  que  Lanzi  el  Markey  se  rendent 
coupables  de  chercher  volontairement  à  nous  induiie  en  erreur 
en  jjrélendant  que  le  Yod  de  Jehovah  correspond  à  la  voyelle  /, 
et  le  Vau  à  la  voyelle  0,  car  ils  savent  que  ces  deux  lettres  sont 
des  consonnes  el  non  des  voyelles.  Notre  auteur  nous  le  dit  lui- 
même  très  nettement  dans  son  Encijclopœdia,-A\\y.  pages  877  et  378. 

..  L'alphabet  hébreu,  nous  dit-il,  se  compose  entièrement  de 
consonnes.  A  l'origine,  le  lecteur  suppléait,  en  lisant,  au  son  des 
voyelles  devant,  pour  cela,  connaître  d'avance,  la  prononciation 
correcle  de  chaque  mot  ;  si  celte  connaissance  lui  niancpiait.  les 
lettres  »[u'il  avait  sous  les  yeux  n'y  pouvaient  suppléer. el  untuielle- 
mentjilluiélail  impossible(Ie|)iononcer  les  mois  (piillisail.  Tous  les 
Hébreuxconnaissaienl.pai  l'usage,  lessons  des  voyelles  à  l'aide  des- 
quelles se  prononçaient  les  consonnes  dans  les  mots,  de  même  que 
les  Anglais  savent  tous  les  dill'érenls  sons  que   peut  avoir  la   même 

voyelle  dans  dilTérents  mots» •  Or, cet  incommunicable  nom  de 

Dieu,  se  compose  de  quatre  lettres,  Yod,IIeh,  Van,  Heh, équivalant 
à  J  II  V  11.  Il  est  évident  que  nous  ne  pouvons,  dans  notre  langue, 
prononcer  ce  mot  si  deux  voyelles  au  moins  n'y  sont  ajoutées.  Cela 
est,  d'ailleurs,  tout  aussi  impossible  en  hébreu.  Le  Juif  connaissait 
bien  le  son  des  voyelles  dans  les  mots  usuels  qu'il  entendait  pro- 
noncer continuellement,  comme  nous  savons  cpie  M.  doit  se  lire 
Monsieur  devant  un  nom  propre,  parce  que  nous  entendons  faire 
le  rapprochemenl  tous  les  jours.  Mais  le  nom  de  Dieu,  dont  ces 
quatre  lettres  étaient  le  symbole,  n'était  jamais  i)rononcé;  on  lui 
substituait  celui  d'Adonai  (Seigneur)  ».  C'est  ici,  cher  lecteur,  que 
se  trouve  la  vérité  sur  le  cas  qui  nous  intéresse.  Nous  avons  quatre 
consonnes  J  II  V  IL  et  non  pas  Ih-Oh,  dont  Lanzi  et  Mackey  ont 
besoin  pour  leur  transloiiiiation  magicpie.  11  n'existe  pas  en  hébreu 
de  mot  Ih-Oh,  nous  dit-on.  Nous  répondrons  :  c'est  vrai,  mais 
Ih-Oh  ne  représente  aucunement  les  consonnes  hébraupies  ;  et 
vous  compte/,  sur  l'ignorance  ou  sur  la  mauvaise  foi  de  vos  lecteurs 
en  faisan!  une  substitution  <jue  vous  savez  pertinemment  fausse  en 
tous  |»()ints.  Il  n'y  a  donc  ni  Ih-Oh.  ni  Ho-lli  par  renveisemoni,  ni 
11-Klle. 

Kn  Mcoiid  iicu.diles-noussur  cpiclprinciiie  de  langage  repose  l'u- 


ET    LE    JEHOVAH    KABBALISTIQUE  133 

sagekabbalistique  de  lire  les  motsà  rebours?  Qu'il  y  aitdes  cas  ex- 
ceptionnels, nous  l'admettons;  mais  on  ne  peut  établir  une  règle  sur 
descas  exceptionnels.  Changez  la  position  des  lettres  du  mot  rat  et 
vous  avez  a/'/  ?  Direz-vous  que  ces  mots  sont  les  mêmes?  Mysti- 
cisme sublime  :  paît  nous  donnera  rapt  ;  Noëldevient  Léon  et  ainsi 
de  suite.  Et,  ce  qui  est  vrai  pour  une  langue  l'est  également  pour 
toutes.  Le  F.*.  Pike  allirme  que  «  le  renversement  des  lettres  d'un 
mot  fut  autrefois  pratiqué  partout».  Mais  il  échoue  piteusement 
dansl'efTort  qu'ilfaitpour  nous  prouver  une  assertion  aussi  générale. 
Nous  admettons  donc  les  cas  exceptionnels,  mais  nous  rejetons 
la  règle.  Prouvez-nous  que  Jéhovah  rentre  dans  les  exceptions. 

Troisièmement  :  le  Dr.  Mackey,  avec  tous  les  érudits  en  science 
hébraïque,  fait  dériver  ce  mot  du  verbe  n\"i,  être.  «  Le  mot  ineffa- 
ble, dil-il,  vient  du  Verbe  substantif  -\",  hayah,  être,  qui, 
en  contbinant  le  présent,  le  passé  et  le  futur  dans  sa  formation, 
est  considéré  comme  désignant  Dieu  dans  son  existence  éternelle 
et  immuable-  ». 

Enlin,  les  pronoms  hébraïques  ne  sont  ni  ho  ni  hi,  mais  hua,  hia, 
dans  lesquels  l'aleph  final  n'est  pas  simplement  orthographique, 
mais  fail  partie  de  !a  racine-^  ».  Donc  les  pronoms  sont  formés  de 
trois  lettres  et  non  de  deux,  et,  en  les  retournant,  nous  aurons  six 
lettres  et  non  pas  quatre.  Hua-hia  renversé  donnera  aih-auh,  qui  se 
rapproche  à  peu  près  autant  de  Ho-Hi  que  le  Il-Elle  de  la  Maçon- 
nerie se  rapproche  du  vrai  Dieu. 

C'est,  comme  on  le  voit,  dans  tous  ces  détours  et  dans  ce 
piège  grossier  que  le  Dr.  Mackey  et  son  guide  Lanzi  voudraient 
nous  prendre  pour  nous  révéler  le  grand  mystère  maçonnique  de 
la  nature  de  Dieu,  contenu  dans  le  mot  Jéhovah.  Intervertissez  les 
lettres;  lisez  le  mot  à  rebours  ;  faites  deux  formes  du  pronom  alors 
qu'il  n'y  en  a  (ju'une  ;  modifiez  les  formes  de  ces  pronoms  ;  et  voilà 
que  vous  avez  obtenu  le  résultat  désiré.  Mais,  avec  de  tels  procé- 
dés, nous  nous  demandons  ce  que  vous  n'auriez  pas  pu  faire  de  ce 
mot.  Le  F.-.  Pike  nous  dira  plus  loin  ce  qu'en  ont  fait  les  Kabba- 
listes  ;  c'est  une  question  qui,  pour  le  moment,  nous  détournerait 
de  notre  sujet. 

«  Mais,  vous  récrierez-vous,  les  Kabbalistes  n'ont  jamais  fait  Dieu 
bisexuel  ;  le  F.-.  Pike  dit  expressément  le  contraire  »!  Doucement, 
cher  lecteur  ;  êtes-vous  bien  sur  de  ce  que  vous  avancez?  Pourriez- 
vous  allirmerque  vous  comprenez  bien  le  F.  .  Pike  ?  Il   dit  que  les 

1.  Morals  and  Dogma,  p.  G99. 

2.  Eneyclopœdia.  p.  37tj. 

3.  Brown's  Dictionary  of  Gesenius. 


134  L.\    FHANC-MAÇONNERIE    AMÉRICAINE 

Kal)b;ilistps  ii';itlrihiiai»Mil  pasà  la  \iaie  Diviiiilé  les  organes  sexuels; 
mais  il  n  a  jamais  dil  ijue  Jehovah  en  élail  dépourvu  ;  el  Jéliovah 
esl, comme  nous  la  si  clairement  prouvé  le  Dr.  iMackey.  la  Divinité 
de  la  Maronnerie.Ne  conl'ondez  pas  les  deux.  La  ]\la<;onnerie  n'a  au- 
cun lapporl  avec  ce  (ju'elle  appelle  la  Vraie  [)ivinité, l'Absolu. C'est 
le  Pater  Agnosios  des  Gnostiques,  l'Inconnu  el  l'Inconnaissable  des 
philosophes  modernes.  One  peuvent  avoir  atlaire  avec  lui  les 
gens  pratiques?  Mais  permettons  au  V.  .  Pike  d'exposer  lui-même 
ses  idées. 

«  De  sols  commentateurs,  nous  <lit-il  ',  ont  dil  que  la  Kabbale 
prêtait  à  la  Vraie  Divinité  des  caractères  sexuels.  Il  n'y  a  rien  dans 
le  Zohar  ou  dans  aucun  de  ses  commentaires  (pii  justifie  semblable 
assertion.  Toute  la  doctrine  de  la  Kabbale  repose  au  contraire 
sur  cette  proposition  londamenlale  (jue  la  Vraie  Divinité  esl  Infi- 
nie, étendue  à  tout, sans  borne  ni  détermination, et, parconséquent, 
sans  forme. Pour  commencera  opérer  la  création, Elle  a  dû, tout  d'a- 
bord. elTectuer  un  vide  en  Elle-même.  A  cette  fin,  la  Divinité,  dont 
on  peut  exprimer  approximativement  la  Nature  en  la  définissant  la 
Lumière  informe  et  illimitée  qui  remplit  l'espace,  se  contracte 
en  tous  sens  par  une  rotation  intérieure,  et  produit  ainsi  une 
sorte  de  vide, dans  le(piel, seul, reste  un  vestige  de  sa  Lumière  ;  et  11 
répand  ses  émanations,  c'est-à-dire  des  parties  de  sa  Lumière  ou 
Nature  dans  cet  espace  sphérique  ou  circulaire  ;  c'est  à  quelques- 
unes  de  ces  émanations  qu'on  attribue  symboliquement  les  carac- 
tères sexuels  ». 

Il  faudrait, pour  discuter  le  nombre  considérable  d'absurdités  en- 
tassées dans  ces  lignes  et  dans  les  suivantes,  disposer  de  plus  de 
place  que  nous  n'en  avons  ici  ;  aussi  ne  ferons-nous  qu'appeler  l'at- 
tention sur  quelques  points.  La  vraie  Divinité  du  F.-.  Pike  est  ma- 
térielle; elle  s'étend,  se  contracte,  fait  (mi  elle-même  des  espaces  vi- 
des ;  elle  émet  des  parties  d'elle-même.  Ainsi  existante  en  elle-même 
avant  la  Création,  elle  est  inconnue  et  inconnaissable  ;  elle  n'a  pas 
même  de  nom.  Parconséquent,  ni  les  Kabbalistes,  ni  les  Maçons, 
leurs  élèves,  n'ont,  comme  nous  l'avons  dit,  rien  à  faire  avec  sa 
nature  el  son  essence.  Le  F.-.  Pike  et  lesj  Kabbalistes  ne  peuvent 
nous  dire  qu'une  chose  sur  cette  Divinité  première,  c'est  qu'elle 
est  une  sorte  de  lumière  remplissant  tout  l'espace,  quoique  plus 
loin  dans  son  livre,  le  F.-,  semble  la  considérer  comme  l'élher  qui 
pénètre  tout.  Qirim[>orte  ce:  qu'elle  était?  Cela  ne  signifie  rien  :  la 
Divinité  de  la  Maçonnerie,  c'est  Jéhovah  ?  Est-il  bisexuel  ?  Voilà  la 

1.  Morals  and  Dogma,  p.  760. 


ET    LE    JEHOVAH    K ABHALIST lOL'E  135 

question  ;  et  qui  est  ce  Jéhovah  ?  Ca  que  des  coninienlaleurs  inin- 
telligenls  ont  dit  de  la  vraie  Divinité  ne  nous  regarde  pas  ». 

Nous  lisons  dans  Morals  and  Dogma,  pages  848  et  849  :  «  Dieu  dit 
à  Moïse:  «  Je  suis  celui  qui  suis,  fus  et  serai  à  jamais». Mais  la  vraie 
Divinité,  dans  sonessence  non  manifestée, considérée  seule, avant  la 
création,  n'a  pas  de  nom.  Telle  était  la  doctrine  de  tous  les  anciens 
Sages,  et  telle  elle  est  clairement  exprimée  dans  la  Kabbale. 
mn*i,  est  le  nom  de  la  Divinité  qui  s'est  manifestée  dans  un  acte 
unique,  celui  de  la  Création,  et  contenant  en  Elle-même,  en  idée 
et  en  réalité,  l'Lnivers  qui  devra  être  revêtu  d'une  forme  et 
matériellement  développé  dans  l'éternelle  succession  des  siècles. 
Comme  Dieu  ne  fut  jamais  n'étant  pas,  continue  Pike,  il  ne  fut  pas 
davantage  ne  pekisant  pas,  et  l'Univers  n'eut  pas  plus  de  commen- 
cement que  la  Pensée  Divine, dont  il  est  l'expression,  pasplusque  la 
Divinité  elle-même. La  durée  de  l'Univers  n'est  qu'un  point  marqué 
à  mi-chemin  sur  la  ligne  infinie  de  l'éternité  ;  et  Dieu  ne  fut  pas 
inerte  et  improductif  pendant  toute  l'éternité  qui  s'étend  derrière 
ce  point. L  Archétype  de  l'Univers  ne  fut  jamais  n'existant  pas  dans 
la  Divine  Intelligence.  Le  Verbe  était  dès  le  Commencement  avec 
Dieu  et  II  était  Dieu.  Et  le  nom  Ineffable  est  celui,  non  pas  de  l'Es- 
sence même,  mais  de  l'Absolu,  manifesté  en  tant  qu'Etre  ou  Exis- 
tence ;  car,  disent  les  Philosophes,  les  mots  Existence  ou  Etre  im- 
pliquent une  idée  de  limite,  tandis  que  la  Vraie  Divinité  est  illimi- 
tée et  indéfinie;  elle  est  la  somme  des  possibles  et,  de  plus,  tout  ce 
qui  est,  fut  et  sera  '  ». 

Bisum  teneatis,  amici  1  Le  F.-.  P.ike  a  courageusement  plongé 
dans  les  questions  difficiles  de  l'essence  et  de  l'existence  et  dans  la 
possibilité  objective  des  choses,  et  voyez  !  Il  est  allé  jusqu'au  fond, 
non  pas  des  difficultés,  mais  de  l'absurdité  !  La  Vraie  Divinité  est, 
fut  et  sera  ;  elle  est,  fut  et  a  été  la  possibilité  de  toutes  choses  ; 
elle  était,  comme  nous  l'avons  vu,  étendue  sur  tout,  se  contrac- 
tait, émettait  des  parties  d'elle-même,  et  n'avait  cependant  ni  être 
ni  existence,  puisqu'elle  était  infinie  :  Car  l'Existence  ou  l'Etre, 
disent  les  philosophes,  c'est  le  limité  »  !!!  Quelle  sottise  ! 

D'après  celle  théorie,  la  Divinité  de  la  Maçonnerie  serait  quelque 
chose  de  fini  et  de  limité. 

C'est  Jéhovah  ;  tel  n'est  pas,  nous  dit-on,  le  nom  de  la  Vraie  Di- 
vinité, car  celle-ci,  étant  infinie,  n'a  pas  de  nom.  C'est  le  nom  de  la 
Vraie  Divinité  en  tant  qu'elle  se  manifeste  par  l'Etre  et  l'Existence  ; 
et  l'Etre  et  l'Existence  sont  des  limites,  suivant  la  philosophie  du 
F.-.  Pike.  Donc,  Jéhovah,  le  Dieu  de  la  Maçonnerie  s'identifie  avec 

1.  Les  italiques,  majuscules,  petites  capitales,  sont  de  Pike. 


136  LV    FR.\NC-M\(;ONNERIE    AMÉRICAINE 

les  émanalioiis  de  la  Divinité,  car  il  n'v  a  et  ne  peut  y  avoir  rien  en 
dehors  de  la  Vraie  Divinité  et  de  ses  Kmanalions.  Elle  est  l'Alpha 
et  rOmei^a  de  la  Création,  le  commencement  et  la  fin.  Donc,  si 
nous  réussissons  à  découvrir  r.\lpha  et  l'Omeg-a  de  la  Création, 
nous  aurons  trouvé  l'objet  de  nos  recherches.  La  voie  de  lin- 
vestiii:ation  nous  est  ouverte,  et  nos  guides  vont  nous  venir  en 
aide. 

Examinons  avant  tout  la  doctrine  des  Kabbalistes  ;  rien  n'y  est  plus 
évident  que  ceci  :  l'homme  est  le  commencement  et  l'achèvement  de 
la  Création.  L'homme  est,  par  conséquent.  leJéhovah  kabbalistique 
et  maçonnique  ;  car,  si  nous  avons  refusé  au  F.'.  Mackey  et  à  Lanzi 
le  droit  de  massacrer, suivant  leur  méthode. le  .léhovah  pour  arriver 
à  lui  donner  une  signification  bisexuelle.  nous  ne  voulions  blâmer 
que  leur  manière  de  s'y  prendre  pour  atteindre  leur  but,  et  non  la 
signification  elle-même.  Pour  les  Kabbalistes,  comme  pour  les  Ma- 
çons, Jéhovah,  c'est  l'homme. 

Car,  d'après  la  Kabbale,  Adam  Kadmon  ou  l'homme  archétype, 
est  l'Alpha  ou  la  première  des  émanations  divines,  qui  contient  en 
elle-même  toutes  les  autres. 

Voici  ce  que  dit  le  F.-.  McClenachan  :  t  Le  nom  donné  dans  la 
doctrine  kabbalistique  à  la  première  émanation  de  la  Source 
Eternelle,  était  Adam  Kadmon  ;  ce  qui  signifie  le  premier  homme 
ou  le  premier  produit  de  l'énergie  divine,  ou  le  Fils  de  Dieu  '».  Ce 
n'est  donc  pas  Jésus-Christ  qui  est  le  Fils  de  Dieu  ;  c'est  Adam 
Kadmon,  première  émanation  de  la  lumière  primitive  qui  se  con- 
tracta pour  émettre  ce  même  Adam  dans  le  vide  ainsi  formé.  Cet 
Adam  Kadmon  ou  l'homme  archétype  avait  un  corps,  nous  disent 
les  Kabbalistes;  donc  il  avait  un  sexe. 

«  La  Kal)l)ale  donne  une  forme  humaine  à  Adam  Kadmon.  l'Idée 
de  l'Univers,  nous  dit  le  F.-.  Pike-.  "  En  lui,  Kether  est  le  crAne  ; 
Hakemah  et  Binah,  les  deux  lobes  du  cerveau  ;  Gedulah  et  Geburah, 
les  deux  bras  ;  Tephareth,  le  tronc  ;  Netsach  et  Hod,  les  cuisses, 
Yesod  l'organe  du  mule,  et  .Malkuth  l'oigane  de  la  femelle  ou  de  la 
génération  ».  Telle  est  la  première  émanation  de  la  Divinité;  tel 
est  le  premier  homme,  le  Fils  de  Dieu.  Voil.-^  quelle  est  la  manifes- 
tation <le  la  Divinité  primitive  ;  voilà  1(^  .léhovah  maçonnique,  car 
la  Divinité  primitive  n'a  pas  de  nom  :  el  rien  n'existe  en  dehors  de 
la  lumière  primitive  et  de  ses  émanations. 

«  L'I'lra  Sulld  s'exprime  ainsi,  nous  dit  le   V.  .  Pike^  :  «  L'Uni- 


1.  Hncyrlopœdin,  pp.  '.>24,  ^•2.") 

2.  Mnrnls  and  Hof/ma.  pp.  ~7>~.  7r>8. 

3.  Ibid.,  [).  763. 


ET    LE    JEHOVAH    KABBALISTIOUE  137 

vers  reçut  la  forme  mâle  et  femelle. La  Sagesse, qui  renferme  toutes 
«hoses,  alors  qu'elle  flottait  et  brillait,  ne  le  fit  que  sous  la  forme  du 
mâle  et  de  la  femelle.  Hakemah  est  le  Père,  et  Binah  est  la  Mère  ; 
tous  deux  sont  en  équilibre  en  tant  qu'homme  et  femme  ;  c'est 
pourquoi  tout  ce  qui  existe  est  constitué  sous  la  forme  mâle  et 
femelle,  et  rien  n  existerait,  s'il n  en  était  ainsi  ». 

Sans  nous  arrêter  au  fait  que  la  possibilité  d'existence  d'êtres 
purement  spirituels  est  supprimée,  que  les  Anges  deviennent  du 
même  coup  des  chimères,  et  qu'enfin  la  Vraie  Divinité  elle-même, 
si  elle  existe,  est  nécessairement  hermaphrodite,  nous  passons  à 
l'étude  des  rapports  qui  existent  entre  Adam  Kadmon  et  nous- 
mêmes.  Le  F.-.  Pike  va  nous  prêter  ses  lumières*. 

«  De  même  que  l'Homme  (l'iniité  de  l'Humanité),  dit-il,  est  un 
microcosme,  Adam  Kadmon  est  un  macrocosme  qui  contient  tous 
les  effets  de  la  cause  première...  De  même  que  l'Homme  Matériel 
est  la  fin,  et  le  complément  de  toute  création,  le  commencement 
s'en  trouve  dans  l'Homme  Divin.  De  même  que  l'Adam  inférieur 
reçoit  tout  de  tout,  TAdam  supérieur  donne  tout  à  tout.  De  même 
que  le  premier  est  le  principe  de  la  lumière  réfléchie,  le  second  est 
celui  de  la  Lumière  Directe.  Le  premier  est  le  terminus  de  la  Lu- 
mière descendante.  De  même  que  l'homme  inférieur  s'élève  de  la 
matière  la  plus  abjecte  à  la  Cause  Première,  l'Adam  supérieur 
descend  de  l'acte  simple  et  infini  jusqu'à  la  puissance  la  plus  atté- 
nuée et  la  plus  infime  ». 

Donc,  les  rapports  qui  existent  entre  tout  homme  et  Adam  sont 
ceux  de  l'unité  au  tout,  de  limlividu  à  la  race,  à  l'humanité» 
L'homme  individuel,  matériel,  est  lachè.vement  et  la  fin  des  émana- 
tions divines, dont  Adam  Kadmon.  l'Homme  Divin,  est  le  commen- 
cement. Chacundenousest  le  réceptacle  de  tout,  la  lumièreréfléchie 
de  la  Divinité  manifestée  Adam  Kadmon,  .Jéhovah  existe  pour  nous, 
et  non  j)as  nous  pour  lui  :  car  nous  sommes  la  fin  dont  il  est  le 
commencement.  Il  émana  de  la  lumière  primitive  afin  de  pouvoir 
nous  communiquer  toutes  choses.  S'il  est  divin,  nous  le  sommes  à 
plus  forte  raison. 

En  résumé,  le  nom  de  .Jéhovah  n'est  que  l'expression  des  princi- 
pes mâle  et  femelle  de  la  nature  humaine. 

«  Adam,  dit  le  F.".  Pike  -,  est  le  Tétiagramme  humain,  qui  est 
tout  entier  contenu  dans  le  yod  mystérieux  de  la  Kabbale,  image  du 
phallus  kabbalistique.  Ajoutez  à  ce  Yod  ^i]  le  nom  ternaire  d'Eve, 
et  vous  formerez  le  nom  de  Jéhovah,  le  Tétragramme  Divin,  le  mot 
transcendant,  kabbalistique  et  magique,  ""ini  ». 

1.  Morals  and  Dogma,  p.  760. 

2.  Ibid., p.  771. 

10 


138  LA    FRANC-MAÇONNERIE    AMERICAINE 

Prenez  donc  l'homme  OU  le  principe  mâle  humnin  ;  ajoutez-lui 
Eve,  ou  le  principe  féminin  humain,  et  vous  aurez  Adam  et  Eve,  les 
progéniteurs  de  la  race  humaine,  le  Tétragrarame  divin,  Jéhovah» 
la  divinité  bisexuelle  que  nous  cherchions. 

«<  En  renversant  les  lettres  du  Nom  InelTable,  nous  dit  encore  le 
F.".  Pike  '  et  en  le  séparant,  il  devient  bisexuel  comme  l'est  le  mot 
Yud-He  ou  Jah  et  révèle  la  signification  d'une  grande  partie  des 
obscurités  de  la  Kabbale;  il  est  le  Très-Haut,  dont  les  colonnes 
Jachin  et  Boaz  sont  le  symbole  ». 

Or,  nous  savons  que  Jachin  et  Boaz  sont  les  piliers  phalliques  de 
la  Maçonnerie.  Jéhovah  est,  évidemment,  au-dessus  de  ce  qu'ils 
représentent.  Le  Très-Haut  est  naturellement  celui  en  qui  la  Créa- 
tion ou  Adam  Kadmon  est  achevé  ;  tlone  Jéhovah  est  identifié  avec 
les  forces  procréatrices  et  prolifiques  de  l'homme. 

«  On  nous  dit,  continue  Pike,  que  Dieu  créa  l'Homme  à  limage 
de  la  Divinité  ;  et  il  les  créa  mâle  et  femelle  »,  et  l'auteur  symbo- 
lisant ensuite  le  Divin  par  l'Humain,  ajoute  que  la  femme  contenue 
à  l'origine  dans  l'homme,  fut  retirée  de  son  côté.  Ainsi  Minerve, 
déesse  de  la  sagesse,  sortit-elle  femme  parfaite  et  tout  armée  du 
cerveau  de  Jupiter  ;Isis  fut  la  sœurd'Osiris  avant  d'être  son  épouse, 
et  Maya,  la  Mère  de  tout  ce  qui  existe, s'était  dévelojipée  en  Brahma, 
source  de  toutes  choses,  le  vrai  Dieu,  sans  sexe  m  nom.  Le  Verbe 
est  le  Fils  uniciue  du  Père  ;  et  la  terreur  qui  présidnit  aux  Mystères 
les  plus  sacrés  avait  imposé  silence  au  sujet  de  la  Nature  du  Saint- 
Esprit.  Le  Verbe  est  la  Lumière  et  la  Vie  de  l'Humanité  ». 

Peu  importe  doue  le  chemin  que  nous  prenons  :  que  nous  lisions 
Jéhovah  à  l'eu  vers  ou  à  l'endroit,  que  nous  fassion.*»  d'Adam  le  Yod 
et  y  ajoutions  Eve  ;  ou  que  nous  renversions  Jéhovah  pour  en  faire 
Ho-Hi  ou  Jah,  nous  aboutissons  toujours  à  cette  même  significa- 
tion du  Ii.-P]li.e.  El  cette  Divinité  hermaphrodite  n'est  pas  la  Vraie 
Divinité,  l'Èlie  piemier,  car  II  n'a  pas  de  noiu,mais  son  émanation 
est  l'Univers  et  celui  qui  en  est  le  Maîlre,  l'Homme. De  fait,  si  nous 
en  croyions  le  F.-.  Pike,  c'est  rhomnie  cpu  (il  Dieu  et  non  pas 
Dieu  qui  filJ'homuu'. 

«  Dieu  agit  par  ses  œuvres,  dit-il  "  :  au  ciel  par  les  anges  ;  sur  la 
terre  ()ar  les  hommes.  Dans  le  ciel  des  conceptions  humaines,  c'est 
l'hinnanili'  ipii  crée  j)ieu  ;  et  les  hommes  croient  que  Dieu  les  fil  à 
son  itnai^e,  |)arce  (pi'ils  le  font  à  la  leur  ». 

Nous  devrions  terminer  ici  notre  chapitre,  puisque  nous  avons 
prou\é  ce  (|ue  nous  voulions,  c'est-à-dire  que  le  Jéhovah  de  la  Kab- 

1.  Morals  nnil  [Joyma,  p.  8-10. 

2.  lhifi.,[}.  736. 


ET    LL    JEHOVAH    KABBALISTIQUE  139 

bale,  c'est  l'homme  :  Adam  Kadmon,  l'Archétype,  étant  l'humanité 
en  général,  la  nature  humaine,  l'espèce;  et  le  simple  Adam,  l'indi- 
vidu, étant  la  fin  pour  laquelle  le  prototype,  le  Fils  de  Dieu,  émana 
de  la  lumière  primordiale.  Adam  joint  à  Eve  nous  donne  le  Jeho- 
vah céleste,  le  mot  pancréateur  de  la  Maçonnerie  ;  l'homme  indi- 
viduel est  l'œuvre  parfaite. 

Nous  avons  pensé  cependant  que  nos  lecteurs  nous  sauraient  gré 
de  les  faire  profiter  du  supplément  d'information  que  veut  bien 
nous  donner  le  F.-.  Mackey  sur  le  sujet  obscur  et  difficile  de  la  Di- 
vinité |)rimitive  et  sur  ses  émanations  qui  aboutissent  à  l'homme. 
Sa  définition  difï'ère  quelque  peu  de  celle  du  F.-.  Pike,  mais  non 
dans  les  grandes  lignes. 
La  voici  : 

«  L'Etre  Suprême,  disent  les  Kabbalistes,  est  une  imité  absolue 
et  impénétrable,  n'ayant  rien  hors  d'Elle,et  contenant  tout  en  Elle. 
On  le  nomme  En  Soph,«  L'Infini  ».I1  ne  peut,  dans  son  immensité, 
être  compris  par  l'intelligence,  ni  décrit  par  des  mots  intelligibles 
à  l'esprit    humain   et  qui   donneraient  une  idée  de    son  existence. 
Il  était  donc  nécessaire  que,  pour  se  rendre  compréhensible,   l'En 
Soph  agît  et  créât.  Mais  il  ne  pouvait  pas  être  le  Créateur  direct, 
parce  qu'étant  infini,  il  ne  pouvait  avoir  ni  volonté,  ni  intention,  ni 
pensée,  désir  ou  activité,    toutes   ces   qualités   n'appartenant   qu'à 
un    être    fini.    Donc   l'En  Soph    fut    obligé   de   créer  le    monde 
d'une  façon  indirecte,  par  dix  émanations  de  la  lumière   infinie. 
Il  était  lui-même  cette  lumière  dans  laquelle  il  habitait.   Ces  dix 
émanations  sont  les  dix  Sephiroth  ou  Splendeurs  de  l'Infini, et  voici 
de  quelle  manière  elles  furent  produites  :  d'abord  l'En  Soph  envoya 
dans  l'espace  une  émanation  spirituelle.  Cette  premier*  Sephira  se 
nomme  Kether,  «  la  couronne  »,  parce  qu'elle  occupe  la  position  la 
plus  élevée.    Elle  contenait  les  neuf  autres,     qui   en  jaillissaient 
dans  l'ordre  suivant  :  Premièrement  une  force  masculine  on  active 
procédait  de  la  Kether,  et  cette  seconde  Sephiia  s'appelait  Choc- 
mah  ou   ■<  Sagesse».  Celle-ci  engendrait  un  contraire,    une  force 
féminine   ou    passive,    nommée"  Binah   ou   «  l'Intelligence  ».    Ces 
trois  Sephiroth  constituaient  la  première  triade,  dont  procédaient 
les  sept  autres.  De  l'union  de  la  Sagesse  et  de  riiUelligence  sortait 
la  quatrième  Sephirah  appelée  (^hesed  ou  «  Miséricorde  ».  Et  notre 
auteur  continue  ainsi  jusqu'à  la  fin.    Le  Dieu  kabbalistique  est  tout 
aussi  absurde  sous  la  plume  du  Dr.Mackey  que  souscellede  Pike*. 
D'abord  «  il  est  une  unité  impénétrable  »,  et  cependant  les  Kab- 

1.  Nous  avons  négligé,  dans  ce  paragraphe  et  dans   quelques   autres,  des 
citations  de  nombreux  mots  liébreux  inutiles. 


140  LA    FRANC-MAt.ONNERlE  AMÉRICAINE 

balistes  discernent  «  qu'il  contient  tout  en  lui  »  ;  «  qu'il  fut  obligé 
de  créer  »  ;  qu'il  ne  pouvait  pas  créer  «  directement  »,  mais  «indi- 
rectement »  ;  qui!  dut  créer  «  par  dix  émanations  ».  Comment 
ont-ils  pu  distinguer  tout  cela  dans  l'impénétrable  ?  Comment 
savent-ils  tout  cela  sur  l'inconnaissable?  Comment  ont-ils  pu  com- 
muniquer au  F.".  Pike  ce  qui  concerne  la  contraction  de  l'Eu  Soph 
et  la  manière  de  produire  ses  émanations?  Et  pourquoi  lEn  Soph 
était-il  dans  l'obligation  de  se  rendre  comprehensible?  Nous  nous 
demandons  même  si  nous  avons  raison  d'appeler  Divinité  lètre  dans 
lequel  il  n'existe  ni  volonté,  ni  intention,  ni  pensée,  désir  ou  acti- 
vité, «  toutes  ces  qualités  ne  pouvant  appartenir  qu'à  un  être 
fini  ».  Comment  celle  divinité  peut-elle  agir,  si  elle  n'a  pas  d'ac- 
tivité? Comment  peui-on  admettre  une  nécessité  d'agir  pour  l'iner- 
tie infinie?  Et,  comme  elle  existait  seule,  rien  n'existait  en  dehors 
d'elle  pour  l'appeler  à  ruction,  si  tant  est  qu'on  puisse  sommer 
d'agir  ce  qui  est  essentiellement  inerte.  El  si  la  pensée,  le  désir  et 
l'action  sont  les  quulilés  exclusives  des  êtres  finis,  la  Vraie  Divi- 
nité demeure  toujours  sans  penser,  désirer  ou  agir  ;  car  la  Vraie 
Divinité  est  infinie  et  non  finie,  à  moins  de  soutenir  que,  tout  en 
étant  incapable  d'agir,  elle  agil  cependant  et  se  met  au  rang  des 
êtres  finis  par  ses  émanations.  Les  absurdités  sajoutant  ainsi  les 
unes  aux  autres,  on  pourrait  aller  loin  1 

Dites-moi,  par  exemple,  comment  tout  était-il  en  celle  Divinité  ? 
Comment  l'action  demeurait-elle  dans  l'inaction  ;  la  volonté  dans 
ce  qui  ne  peut  vouloir  ;  le  distinct  et  le  déterminé  dans  l'indéter- 
miné et  l'indistinct  par  essence  ?  \e  vous  apercevez-vous  donc  pas 
que  vous  ave/,  des  efTels  qui  sont  supérieurs  a  leur  cause  ?  Car  la 
connaissance,  la  pensée,  la  volonté,  l'action,  qui  sont  la  propriété 
des  émanations,  les  rendent  infiniment  supérieures  à  celte  divinité 
absurde  qui  ne  peut  ni  vouloir,  ni  penser,  ni  savoir,  ni  agir.  .\h  !  il 
est  vrai  que  nous  devenons  ainsi  des  t'ranc.s-bàtis.seurs,  des  Francs- 
Macjons  dans  ce  momie  où  nous  ne  sommes  en  rien  redevables  à  la 
divinité. Nous. Hommes. nous  lui  sommes  iiifinimenl  >upéri(Mirs.Mais 
ne  nous  créa-l-elle  pas  ?  Comment  ?  Aveuglément,  par  nécessité  de 
nature, sans  le  savoir,  sans  le  vouloir,  sans  en  avoir  l'intention  ou  le 
<lésir.  Nous  ne  pouvons  faire  sa  volonté  :  elle  n'en  a  pas.  Nous  ne 
pouvons  l'adorer  :  nous  lui  sommes  supérieurs.  Nous  ne  pouvons 
même  pa>  l'ainicr  comme  on  aime  un  ami.  puisqu'elle  n'a  pas  «l'a- 
mour à  nous  rendre.  Nous  pouvons  aimer  la  race  humaine,  per- 
sonnifiée dans  r.Vdani  Kadinon,  mais  nous  serions  insensés  d'aller 
au-delà.  •  Ees  véritables  objets  de  la  religion,  nous  dil  i(M'.-.  Pike, 
sont  ceux  qui  se  voient  '  ». 

1.  Mnrah  and  Doyma,  p.  62. 


ET    LE    JÉHOVAII    KABBaLISTIQUE  141 

«  Le  Maçon,  ajoute-t-il  plus  loin  ',  est  familier  avec  les  doctrines 
suivantes  de  Philon  :  l''  L'Etre  suprême  est  un  centre  de  Lumière, 
dont  les  rayons  ou  émanations  inondent  l'L  nivers  ;  c'est  celte  Lu- 
mière qui  sert  de  but  à  tous  les  voyages  maçonniques,  c'est  elle 
que  figurent  dans  nos  Loges  le  soleil  et  la  lune...  ».  2"  Le  monde 
fut  créé,  non  par  l'Etre  suprême,  mais  par  un  agent  secondaire, 
qui  n'était  que  son  Verbe, le  Aôyoç,  et  par  des  êtres  qui  n'étaient  que 
ses  idées  secourues  par  une  Intelligence  ou  Sagesse  2oyt«,  l'un  de 
ses  Attributs  ».  Nous  ne  devons  donc  rien  directement  à  la  Vraie 
Divinité  ;  si  nous  avons  une  dette  de  reconnaissance, c'est  au  Verbe, 
le  Logos,  l'Adam  Kadmon,qui  contient  en  Lui-même,  comme  nous 
l'a  dit  Pike,  les  eifets  de  toutes  les  Causes  premi(-'res  ». 

Nous  n'ignoi'ons  pas  qu'à  certains  moments,  le  F.*.  Pike  semble 
soutenir  une  doctrine  dilTérente  et  atfirmer  que  Dieu  possède  libre 
arbitre,  pensée  et  activité  ;  c'est  qu'alors  il  ne  parle  pas  de  la  Vraie 
Divinité, de  l'Absolu,  mais  simplement  de  l'Univers  émané  de  Lui. 
Il  vénère  trop  ses  Maîtres  pour  les  contredire  dans  leurs  dogmes 
fondamentaux  et  dans  ceux  de  la  Maçonnerie.  Les  dogmes 
chrétiens,  rejetés  par  les  sages  de  l'antiquité  païenne,  parles  Kab- 
balistes  et  par  le  F.*.  Pike,  proclament  un  Créalenrpersonnel,  dis- 
tinct de  l'Univers,  intelligent,  appelant  à  la  vie  ses  créatures  par 
l'omnipotence  de  sa  volonté.  Quelle  que  puisse  être  votre  opinion 
sur  le  F.*.  Pike,  n'allez  pas  le  soupçonner  d'être  chrétien  !  Mais  re- 
tournons aux  émanations  de  la  Divinité,  aux  Sephiroth  ou  splen- 
deurs, telles  que  les  expose  le  F.-.  3»Iackey. 

«  Ces  dix  Sephiroth,  dit-il,  sont  collectivement  dénommées 
l'homme  archétype,  le  Microcosme,  comme  l'appelaient  les  philo- 
sophes grecs  ;  chacune  d'elles  désigne  une  partie  distincte  du  corps. 
Ainsi  la  Couronne  est  la  tête;  le  Sagesse,  le  cerveau  ;  et  l'Intelli- 
gence, le  cœur,  que  l'on  considérait  comme  le  centre  de  l'entende- 
ment ».  Considérez,  cher  lecteur,  le  changement  intellectuel  opéré 
par  la  Maçonnerie.  Le  cœur  et  ses  affections  sont  la  suprême  lu- 
mière qui  éclaire  notre  route  ici-bas,  car  le  cœur  est  le  siège  de 
l'intelligence  maçonnique.  Les  désirs  du  cœur  sont  la  raison  du 
Maçon  ;  il  est  inutile  que  j'indique  les  conséquences  logiques  qui 
découlent  de  ce  principe  d'une  façon  si  évidente. 

«  Ces  trois  Sephiroth,  continue  notre  auteur,  représentent  ce  qui 
est  intellectuel  :  la  première  triade  est  donc  le  Monde  Intellectuel. 
La  Miséricorde  est  le  bras  droit  ;  la  Justice,  le  bras  gauche,  et  la 
Beauté  est  la  poitrine.  Ces  trois  émanations  représentent  les  quali- 
tés morales  ;  c'est  pourquoi  la  seconde  triade  est  appelée  le  Monde 

I.  Morals  and  Dogma,  p.  252. 


142  LA    FRA^■C-MAÇO^^ERIE    AMÉRICAINE 

Moral.  La  Fermeté  est  la  jambe  droite,  la  Splendeur,  la  jambe  gau- 
che, et  la  Fondation,  les  parties  intimes  ;  on  donne  donc  à  la  troi- 
sième triade  le  nom  de  Monde  Matériel.  Enfin,  le  Royaume  corres- 
pond aux  pieds,  base  sur  laquelle  tout  repose  ;  il  représente  l'har- 
monie de  tout  l'archétype  humain'  ». 

Nous  avons  par  conséquent  dans  l'homme  les  dix  émanations 
divines,  et  toutes  également  divines,  le  fondement  sur  lequel  elles 
reposent  toutes  :  les  forces  génératrices  et  prolifnjues  de  la  Nature, 
telles  qu'on  les  trouvedans  l'humanité. Siquelquune  desémanations 
avait  la  priorité  sur  les  autres,  c'est  aux  forcesgénératricesquecelle 
priorité  serait  accordée,  puisqu'elles  sont  la  neuvième  émanation, 
celle  vers  laquelle  les  autres  sont  dirigées,  la  dixième  n'ajoutant 
rien  à  ses  devancières,  mais  ne  faisant  qu'exprimer  l'harmonie  et 
l'unité  du  tout. 

Les  puissances  génératrices  sont  des  émanations  du  monde  mo- 
ral dans  l'homme, et  cependant  elles  n'en  font  pas  partie.  Elles  sont 
la  fleur  et  le  fruit  de  la  morale  kabbalislique,  quoique  dégagées  des 
restrictions  de  la  morale,  parce  quelles  sont  hors  de  sa  sphère.  Elles 
appartiennent  au  monde  matériel  et  non  au  monde  moral. 

Il  ne  faut  plus  s'étonner  que  la  morale  maçonnique  ne  soit  pas 
chrétienne.  L'intelligence  qui,  pour  nous,  est  la  lumière  de  notre 
route  morale,  réside  dans  le  cœur,  au  dire  du  Maçon  ;  et  les  désirs 
de  la  chair,  les  passions  charnelles  de  notre  corps  .sont  une  évolu- 
tion divine  ou  émanation  du  monde  moral.  Nous  ne  sommes  plus 
surpris  que  la  divinité  des  Maçons,  leur  Jèhovah  soit  bisexuel.  et 
que,  selon  le  Dr.  Mackey^  «  le  Nom  InelTable  de  Dieu  en  hébreu, 
lu  kabbalistiquement,  contienne  en  lui-même  le  principe  mâle  et 
femelle, l'énergie  génératrice  et  prolifique  delà  création». Nous  trou- 
vonsnaturelde«  relrouverici  le  symbolismesi  généralement  répandu 
du  phallus  et  de  la  cleis,  du  lingaui  el  de  lyoni,  ou  de  leur  équiva- 
lent, le  point  dans  le  cercle,  el  une  autre  preuve  j)alpable  des  rap- 
ports de  la  Franc-Maçonnerie  avec  les  Anciens  Mystères  ». 

Mais, dans  Jèhovah  lu  Uabbalisliquementou  à  rebours,  nous  avons 
plus  encore  pour  les  initiés  ;  et,  si  nous  ne  rapportions  pas  le  texte 
du  !•.•.  PiUe,  fidèle  à  notre  habitude  de  n'alllrmer  que  ce  que  nous 
pouvons  prouver,  nous  aurions  renoncé  à  suggérer  même  ce  que 
nous  allons  dire,  car  nos  lecteurs  auraient  douté  de  nous.  Qu'avons- 
nous  donc  dans  Jèhovah  renversé  :  Vahveh  n'est  après  tout  qu'une 
autre  forme  du  môme  mot?  Nous  avons  Satan. 

«  Le  vrai  nom  de  Salan,  nous  disent  les   Kabbalisles,  cités  par  le 


1.  Encyclopaedia,  pp.  :VM  et  suivanti's. 

2.  Syniholium,  p.  1H8. 


ET    LE    JEHOVAH    KABBALISTIQUE  143 

F.-.  Pike  *  est  celui  de  Yah veh  renversé  ;  car  Satan  n'est  pas  un 
dieu  noir,  mais  la  négation  de  Dieu.  Le  Diable  est  la  personnifi- 
cation de  l'Athéisme  ou  de  l'Idolâtrie  ». 

«  Pour  les  Initiés,  ajoute  Pike,  ce  n'est  pas  une  Personne,  mais 
une  Force,  créée  pour  le  bien,  mais  qui  peut  servir  au  mal.  C'est 
r Instrument  de  la  Liberté  ou  Libre  Arbitre.  Les  initiés  représentent 
cette  Force  qui  préside  à  la  génération  physique  sous  les  traits  my- 
thologiques et  cornus  du  Dieu  Pan  ;  de  là  vint  le  bouc  du 
Sabbat,  frère  de  l'ancien  Serpent  et  le  Porte-Lumière  ou  Phosphor, 
dont  les  poètes  ont  fait  le  faux  Lucifer  de  la  légende  ^  ». 

Jusqu'où  le  flot  de  l'instruction  maçonnique  nous  a-t-il  entraî- 
nés? Yahveh,  Jéhovah,  car  ainsi  que  tout  le  monde  sait,  ce  ne  sont 
que  ditïérentes  formes  du  même  mot.  Yahveh  renversé,  ou  lu  Kab- 
balistiquement  est,  selon  le  Dr.Mackey  et  Lanzi,  une  Divinité  bi- 
sexuelle,  hermaphrodite,  et  maintenant  le  F.-.  Pike  et  ses  Frères 
initiés  le  convertissent  en  Satan,  force  qui  préside  à  la  génération 
physique  ;  une  force  créée  pour  le  bien,  maisqui  peut  être  pervertie. 
Il  ne  leur  a  pas  suffi  de  convertir  Jéhovah  en  homme,  ce  qui  n'était 
déjà  pas  mal,  le  voilà  converti  en  Satan  ! 

Il  est  vrai  que  le  F.-.  Pike  pourra  dire  qu'après  tout,  il  n'y  a  pas 
de  dilïérence  essentielle  entre  sa  théorie  et  celle  de  Lanzi;  car  nier 
la  personnalité  de  Satan,  de  Lucifer  et  en  faire  une  Force  présidant 
à  la' génération,  c'est  admettre  que  cette  force  ou  Yahveh  trouvera 
naturellement  son  plus  grand  exposant  dans  l'homme.  Dans  les  deux 
théories,  Jéhovah  sera  par  conséquent  identifié  à  l'homme. 

Il  faut  convenir  que,  tout  en  désirant  sincèrement  faire  toutes 
les  concessions  raisonnables,  nous  ne  voyons  pas  clairement 
que  les  deux  théories  soient  identiq.ues  ;  car  une  Force  «  prési-4 
dant  à  la  génération  »  n'est  pas  exactement  «  la  force  génératrice 
elle-même  »  ;  l'expression  semble  plutôt  indiquer  un  agent  direc- 
teur et  distinct.  Auquel  cas  les  théories  seraient  nettement  diffé- 
rentes. Mais  alors  même  que,  par  une  interprétation  débonnaire  à 
peine  justifiée  par  la  phraséologie  employée,  nous  accepterions  la 
proposition,  la  doctrine  du  F'.*.  Pike  et  des  Kabbalistes  n'en  serait 
pas  moins  défectueuse.  ' 

Car,  en  premier  lieu,  si  la  théorie  est  la  même,  pourquoi  l'expri- 
mer d'une  manière  si  choquante?  Pourquoi  ouvrir  à  l'ignorance,  à 
la  malice  ou  à  la  folle  témérité  morale  (les  FF.-,  peuvent  souriz'e  à 
l'idée  qu'il  y  ait  là  quelque  chose  d'immoral)  un  chemin  qui  con- 
duit tout  droit  à  rendre  à  Satan  le  culte  dû  à  Jéhovah,  car  le  Jého- 


2.  Morals  and  Dogma,  p.  102. 

3.  Ibid. 


144  LA    FRANC-MAÇONNERIE    AMÉRICAINE 

vah  qu'adore  la  Secle  est  le  Jéhovah  renversé.  El  en  second  lieu^ 
puisque  les  opinions  personnelles  du  F.-.  Pike  el  des  Kabbalisle& 
n'onl  aucune  influence  pour  délerniiner  la  réalité  et  la  personnalité 
de*Satan,  attendu  que  l'Esprit  ainsi  nommé  a  son  existence  et  sa 
personnalité  en  dehors  d'eux  et  de  leur  pensée,  le  culte  qui  lui  est 
rendu  épouvante  les  cœurs  chrétiens.  Les  FF.-,  peuvent  sourire  de 
pitié  à  notre  crédulité  et  à  notre  aveuglement,  mais  nos  paroles  ne 
s'adressent  pas  aux  seuls  Frères  .-.. 

11  est  évident  que  cette  même  doctrine  du  culte  de  Satan  pour- 
rait également  se  déduire  de  la  substitution  de  Baal  à  .Jéiiovah  en 
maçonnerie  ;  car  l'opposition  biblique  de  ces  deux  divinités  est  uni- 
versellement connue.  Mais  on  pourrait  nous  répondre  que  celte 
substitution  avait  été  blâmée  par  les  Francs-Maçons  américains  en 
général,  et  qu'on  avait  rétabli  le  nom  de  Jéhovah  comme  celui  de 
la  Divinité.  La  révélation  du  F.-.  Pike,qui  fait  Satan  de  Jéhovah  et 
Jéhovah  de  Satan, prouve  que, dans  celle  restauration,  tous  lesinté- 
rêlsdeBaal  furent  conservés,  comme  l'indique  encore  évidemment  le 
fait  que  Baal  fut  toujours  et  est  encore  actuellement  admis  pour 
expliquer  Jéhovah. 

C'est  pour  avoir  ces  clartés  que  les  Maçons  ont  rompu  avec  tous 
les  liens  qui  les  rattachaient  au  passé  ;  et  en  vérité  comment  ces 
liens  pourraient-ils  exister  avec  cet  enseignement  ?  Où  est  la  foi 
chrétienne  dans  ce  cœur  pour  lequel  Dieu  devient  Satan,  et  Satan 
une  puissance  bienfaisante,  laquelle  puissance  est  dépourvue  de 
personnalité  et  n'est  qu'une  simple  force  présidant  aux  désirs 
sensuels  de  l'homme. 

^  Mais  nous  avons  beau  rejeter,  comme  nous  y  sommes  obligés,  la 
doctrine  maçonni(|ue,  nous  constatons  qu'elle  est  le  fruit  logique 
des  principes  kabbalistiques.  Car  les  Maçons  sont  des  Bâtisseurs  du 
modèle  de  l'Algabil,  le  Maître  Constructeur  de  l'Univers.  D'après 
les  sages  de  l'antiquité,  si  vénérés  des  Maçons,  la  Divinité  est  un 
Bâtisseur  en  vertu  de  son  principe  générateur  symbolisé  par  Yod. 
«  Yod,  dit  le  F.-.  Pike  '  est  appelé  dans  la  Kabbale  Vopifex,  Vou- 
vrier  de  la  Divinité  ». 

«  Adam,  dit  encore  Pike -,  est  le  Tétragramme  humain,  (pii  est 
résumé  dans  le  Yod  mystérieux  de  la  Kabbale,  image  du  Phallus 
kabbalistique  ».  Le  /Va/jc-Bàtisseur,  le  /•'/•« /jc- Maçon,  car  les  deux 
mots  sont  synonymes,  est  donc  celui  en  (pii  la  force  de  génération 
phvsicpie  n'est  sujette  que  de  son  Libre  Arbitre.  Api)olez  cette  force 
Jéhovah,  Il-Elle,  Baal,  le  Dieu  du  Feu,   Satan,  Lucifer,  le  serpent, 

1.  Morals  ami  Dofjnia,  p.  79?. 
Ibid  771. 


ET    LE    JÉUOVAH    KABBALISTIQUE  145 

et  rendez-lui  le  culte  dû  à  la  Divinité  ;  ils  ne  sont  qu'un  aux  yeux 
de  la  Maçonnerie  ésotérique.  L'homme  libre  dans  l'abandon  à  ses 
passions  qui  sont  des  dons  de  Dieu  ;  l'homme  dont  l'inlelligence 
réside  dans  le  cœur,  l'homme  dont  la  loi  est  la  loi  de  l'amour  sen- 
suel, l'homme  des  passions  humaines  déifiées  — voilà  ce  qu'est  le 
Franc-Glaçon  ésotérique. 

«  Si  OEdipe,  nous  dit  Pike*,  au  lieu  de  tuer  le  Sphinx,  l'avait 
vaincu,  allele  à  son  chariot  et  conduit  dans  Thèbes,il  aurait  régné, 
sans  commettre  d'inceste,  sans  calamités  et  sans  exil.  Si  Psyché,  à 
force  de  soumission  et  de  caresses,  avait  persuadé  à  l'Amour  de  se 
révéler,  elle  ne  l'aurait  jamais  perdu.  L'Amour  est  l'une  des  images 
mythologiques  du  grand  secret  et  du  g-rand  agent,  parce  qu'il 
exprime  à  la  l'ois  un  acte  et  une  passion,  le  désert  et  la  fertilité, 
une  flèche  et  une  blessure.  Les  initiés  devraient  comprendre  tout 
cela,  et  de  peur  que  les  profanes  ne  le  surprennent,  la  Maçonnerie 
n'en  dit  jamais  trop  long  ». 

Là  où  le  F.-.  Pike  nous  refuse  la  lumière, le  F.-.  McClenachan  est 
plus  aimable  ;  et  sans  en  dire  trop  long',  il  nous  apprendra  que  le 
nom  même  de  l'homme  (Adam)  exprime  l'amour  sensuel, confirmant 
ainsi  ce  que  le  F.-.  Pike  nous  a  dit  du  létragramme  humain. 

«  En  Hébreu,  le  feu  de  l'amour  qui  brûle  dans  le  Midi,  est  are, 
brûler,  dit  le  F.".  McClenachan.  Sur  les  monuments  et  dans  les 
temples  égyptiens,  la  chair  de  l'homme  est  peinte  en  rouge,  et  celle 

de  la  femme  en  jaune Le  nom    de  l'homme   signifie  rouge  en 

hébreu,  et  comme  l'amour  est  l'image  du  feu,  il  est  le  lien  univer- 
sel des  êtres,  dont  il  unit  les  cœurs  -  ». 

L'homme  ou  principe  mâle,  symbolisé  par  le  feu,  était  re- 
présenté en  rouge,  et  le  principe  féminin  identifié  avec  l'idée  de  lu- 
mière ou  de  flamme  était  représenté  en  jaune  ou  couleur  de  terre 
claire;  au-dessus  de  la  femme  on  voyait  un  messager  aux  pieds  agi- 
les portant  les  nouvelles  de  la  détresse  du  Maçon  et  du  retour  du  sau- 
veur assuré.  Cette  lumière  du  feu,  être  féminin  d'une  beauté  divine, 
la  Vénus  égyptienne,  s'appelait  Athor,  ce  qui  signifie  :  habitation 
d'Horus  ^  ». 

Si  Œdipe  s'était  montré  sage  et  n'avait  pas  détruit  le  Sphinx, 
symbole  du  secret  et  de  la  science  la  plus  sublime,  mais  l'avait 
dompté  ;  s'il  était  entré  dans  la  nature  divine  de  l'homme  telle  que 
la  révèlent  les  mystères,  son  mariage  avec  sa  mère  aurait  pu  ne  pas 
offenser  son  sens  moral  ou  provoquer  la  colère  des  dieux  ;  car  Isis 

1.  Morals  and  Dogma,  p.  732. 

2.  Encyclopaedia,  p.  941. 

3.  Ibid. 


146  LA    FRANC-MAÇONNERIE   AMÉRICAINE 

OU  la  Naliire  était  la  sœur  d'Osiris  en  même  temps  que  sa  femme  ; 
Junoa  était  à  la  l'ois  la  sœur  et  l'épouse  de  Jupiter.  Si  Psyché  avait 
étudié  les  Kabbalisles,  elle  n'aurait  pas  été  curieuse  de  savoir  qui 
était  sont  amant,  car  il  importait  peu  qu'il  fût  l'époux  de  Vénus. 
Pour  les  «  Enfants  de  Lumière  »,  postérité  du  feu  et  tie  la  flamme, 
les  possesseurs  du  Secret  Royal,  semblables  sujets  ne  doiven 
pas  se  juger  au  moyen  des  faux  ideals  des  profanes.  «  Sancta 
Sanctis,  répéterons-nous  encore,  dit  Pike  '  :  aux  Saints,  les  choses 
saintes,  et  à  celui  qui  est  tel,  les  mystères  de  la  Kabbale  paraîtront 
Saints.  Cherchez  et  vous  trouverez,  dit  l'Ecriture,  frappez  et  l'on 
vous  ouvrira.  Si  vous  désirez  trouver  le  Sanctuaire  et  mériter  d'y 
être  admis,  nous  en  avons  dit  assez  pour  vous  en  montrer  le  chemin. 
Si  vous  ne  le  désirez  pas, il  est  inutile  que  nous  en  disions  davantage 
puisqu'il  a  été  inutile  que  nous  en  disions  tant  «.Cette  fois, au  moins, 
nous  voici  parfaitement  d'accord  avec  les  sentiments  du  F.-.  Pike, 
tels  qu'il  les  exprime  dans  ces  deux  dernières  phrases,  et  nous  ter- 
minons notre  chapitre.  Sancia  Sanctis  ;  nous  connaissons  les  cho- 
ses saintes  de  la  .Maçonnerie  ;  nous  connaissons  la  nature  et  l'es- 
sence de  Dieu. 

1.  Morals  and  Dogma,  p.  772. 


CHAPITRE  X 
La  Franc-Mâçon>'erie  américaine  et  l'Ame  humaine 

Lorsffiie  le  candidat,  à  la  recherche  de  la  lumière,  frappa  à  la 
porte  (le  la  Maçonnerie,  on  lui  donna  l'assurance  qu'on  lui  ensei- 
gnerait la  vérité  divine,  la  vérité  sur  Dieu  et  sur  l'âme  humaine,  la 
nature  et  l'essence  de  l'un  et  de  l'autre.  Nous  avons  vu  ce  que  la 
Maçonnerie  a  à  lui  dire  sur  Dieu  ;  cherchons  maintenant  ce  qu'elle 
peut  lui  révéler  touchant  Tàme  humaine. 

Quant  aux  questions  diverses  qu'on  se  pose  au  sujet  de  l'àine,  le 
F.-.  Albert  Pike  nous  informe  que  l'humanité, à  l'heure  actuelle,  y 
prend  peu  d'intérêt. 

«  Pour  les  anciens,  dit-il,  c'était  [la  lumière)  un  efïluve  de  la  di- 
vinité. Pour  nous,  comme  pour  eux,  c'est  le  symbole  approprié  de 
la  vérité  et  de  la  connaissance.  Pour  nous  aussi,  l'ascension  de 
l'âme  a  travers  les  sphères  est  symbolique  ;  mais  nous  sommes 
aussi  peu  instruits  qu'eux  sur  la  cause  et  l'origine  <le  l'âme  et  sur 
sa  destinée  après  la  mort.  Ils  se  sont  elîorcés  d'avoir  un  concept  et 
une  foi  quelconques,  un  credo  quelconque  sur  ces  points. Mais  il  suf- 
fit aux  hommes  d'aujourd'hui  de  ne  s'occuper  en  rien  de  tout  cela, 
■et  de  croire  seulement  que  l'âme  est  une  choice  distincte  du  corps 
et  devant  lui  survivre.  A-t-elle  existé  avant  lui  ?  il  ne  pense 
pas  à  le  chercher.  On  ne  se  demande  pas  si  elle  est  une  émanation 
de  la  Divinité  ou  si  elle  a  été  créée  de  rien,  ni  si  elle  a  été  engen- 
drée à  la  façon  du  corps  et  est  le  produit  de  l'âme  du  père  et  de 
celle  de  la  mère.  Ne  sourions  pas  des  idées  des  anciens  avant  d'a- 
voir une  conception  meilleure  ;  mais  acceptons  leurs  symboles  en 
ce  sens  que  l'âme  est  dune  nature  divine,  ayant  pris  son  origine 
dans  une  sphère  plus  voisine  de  la  Divinité  et  y  retournant  lorsqu'elle 
est  débarrassée  de  la  dépouille  du  corps,  etne  pouvant  y  rentrer  que 
purifiée  de  toutes  les  souillures  et  du  péché,  qui  se  sont  pour  ainsi 
dire  incorporés  à  sa  substance  par  suite  de  son  union  avec  le  corps  ». 

Le  F.".  Pike,  en  disant  dune  manière  si  générale  que  les  hom- 
mes d'aujourd'hui  ne  se  préoccupent  pas  de  l'origine  de  l'âme  et 
ne  tiennent  pas  à  savoir  d'où  elle  vient  ni  où  elle  va,  semble  consi- 

1.  Morals  and  Dogma,  pp.  7G  et  77. 


148  I-A    FRANC-MAÇO.NNERIE    AMÉRICAINE 

dérer  quelques  centaines  tie  millions  de  chiéliens  comme  une  quan- 
tité négligeable  ;  car  ce  sont  justement  les  (jueslions  qui  les  préoc- 
cupent et  qui  rei^oivenl  de  la  religion  chrétienne  une  réponse  pré- 
cise ;  et  s'ils  ne  la  recevaient  pas,  ils  ne  se  tiendraient  pas  pour  sa- 
tisfaits. Tout  catholique,  tout  enfant  protestant  bien  instruit  sait 
que  son  âme  a  été  créée  de  Dieu  ;  il  sait  qi^elle  a  été  créée  pour 
connaître,  aimer  et  servir  Dieu,  et,  en  observant  sa  loi,  obtenir  le 
salut.  Elle  sait  de  plus  qu'elle  est  destinée  à  une  éternité  de  bon- 
heur ou  de  réprobation  et  de  malheur.  Il  est  étrange  que  des  gens 
puissent  chercher  la  lumière  dans  la  Maç;onnerie  qui  confesse  son 
ignorance  sur  des  points  si  fondamentaux.  Il  est  étiange  qu'ils 
puissent  quitter  le  certain  pour  ce  qu'on  proclame  incertain  1 

Mais  n'allons  pas  trop  vite.  La  Maçonnerie  laisse-t-elle  ses  ini- 
tiés sans  instruction  sur  ces  points?  Loin  de  là.  Elle  a  sa  théorie  à 
elle,  et  elle  l'enseignera.  Lorsqu'elle  semble  glisser  légèrement  sur 
ces  sujets,  c'est  afin  d'ébranler  la  foi.  si  elle  existe,  dans  l'âme  deson 
néophyte,  afin  d'y  substituer  son  propre  credo  Lorsqu'elle  envient 
à  élever  l'édifice  de  ses  théories,  son  ton  est  celui  d'iui  mailre. 
Acceptez,  dil-elle,  les  symboles  des  anciens  sages,  et  posez  dans 
votre  cœur,  pour  fondement  solide  de  la  doctrine  maçonnique,  l'idée 
que  l'âme  est  d'une  nature  divine  ;  qu'elle  a  pris  son  origine  dans 
une  sphère  voisine  de  la  Divinité  ;  qu'elle  en  est  une  émanalion,el, 
qu'après  la  mort,  elle  y  lelournera  pour  y  être  réabsorbée  ;  qu'elle 
doit  être  purifiée  du  péché  ;  que  limpossibililé  d'éviter  le  péché 
est,  en  l'ait,  une  condition  de  noire  existence  mortelle,  puiscjue,  par 
l'union  de  l'âme  avec  le  corps,  le  péché  devient,  en  quehpie  façon, 
une  partie  de  sa  substance  ;  que  le  péché  est  donc  imputable  au 
corps,  et  non  a  l'âme.  Admettez  tous  ces  principes  sans  un  mot  de 
preuve,  et,  sur  le  fondement  profond  <le  votre  crédulité  maçonni- 
•  pie.  la  Maçonnerie  élèvera  un  édifice  renuirquable  par  sa  largeur 
et  par  sa  hauteur. 

(.)iielle  est  donc  la  théorie  maçonni(pie  de  l'âme?  A  la  page  520 
de  Morals  and  Dogma,  \e  F.*.  Pike  nie  expressément  que  nous 
puissions  nous  former  une  idée  de  l'immatériel.  Il  avait  déjà  allirmé 
à  la  page  précédente  que,  seul,  le  matériel  peut  exister.  Il  semble- 
rail  flonc  que,  logiquement,  il  doit  tenir  l'âme  pour  matérielle. 
■<  Nous  n'avons  pas  le  pouvoir  de  nous  former  en  nous-mêmes, 
dil-il',  une  idée  quelconque  de  ce  qui  est  immatériel.  Nous  em- 
ployons ce  mol,  mais  il  nous  apjiorle  unicpiement  la  notion  de  l'ab- 
sence et  de  la  négation  de  la  malérialilé  ;  et  celle-ci, s'évanouissant, 
semble  nous  laisser  seulement  l'espace  et  le  temps  infinis  et  sans 
bornes  ». 

1.  Lnc.  cit. 


ET  l'ame   humaine  149 

«  Noire  plus  s^rande  difTicullé,  dit-il  encore  \  vient  de  ce  que  le 
langag-e  n'est  pas  l'expression  exacte  de  nos  idées,  j)arce  que  les 
mots  représentent  des  corps  et  sont  des  images  de  ce  qui  est  cor- 
porel et  matériel  >>.  Si  nous  employons  le  mot  «  émanation  »,  notre 
esprit  pense  involontairement  à  quelque  chose  de  matériel,  décou- 
lant de  quelque  autre  chose  qui  est  matériel  ;  et  si  nous  rejetons 
l'idée  de  matérialité,  il  ne  nous  reste  de  l'émanation  qu'une  chi- 
mère. Le  mot  «  chose  »  lui-même  nous  suggère  ce  qui  est  matériel 
et  tombe  sous  nos  sens.  Si  nous  retranchons  de  ce  mot  l'idée  de 
matérialité,  il  ne  nous  représente  plus  aucune  chose,  par  conséquent 
il  devient  une  chimère  intangible, que  l'esprit  essayerait  en  vain  de 
saisir.  Existence  et  Etre  sont  des  termes  qui  contiennent  la  même 
Idée  de  matérialité  ;  de  même  que  les  mots  Puissance  et  Force 
présentent  à  l'esprit  l'idée  d'une  chose  matérielle  agissant  sur  une 
autre.  Eliminez  cette  idée,  et  aussitôt  ces  mots,  dépouillés  de  leur 
sens  physique,  semblent  représenter  des  choses  aussi  irréelles  que 
l'ombre  qui  danse  sur  un  mur  et  qui  n'est  elle-même  que  la  simple 
absence  de  lumière  ;  tel  est  pour  nous  l'esprit  :  tout  simplement  ce 
qui  n'est  pas  matière  ». 

Le  F.-.  Pike,  confondant  ainsi  la  raison  et  l'imagination,  trébu- 
che à  chaque  pas.  Nous  ne  pouvons  pas  nous  imaginer  un  être  im- 
matériel, pas  plus  que  nous  ne  pouvons  en  voir  un  avec  nos  yeux. 
Tout  objet  capable  de  frapper  l'une  des  facultés  qui  se  nomment  la 
vue  et  l'imagination,  est  matériel.  Il  n'en  va  pas  de  même  pour  la 
raison,  qui  peut  nous  faire  planer  au-delà  de  la  sphère  du  sensible. 
Nous  pouvons  connaître  les  vertus  en  elles-mêmes  :  l'honnêteté,  la 
justice,  la  bonté.  Nous  pouvons,  par  exemple,  généraliser,  et  con- 
naître l'humanité  en  général.  Nous  pouvons  connaître  ce  qui  est 
possible,  c'est-à-dire  ce  qui  pourrait  exister  quoiqu'il  n'ait  jamais 
existé  ou  ne  doive  jamais  se  réaliser.  Notre  auteur  convient  même 
que  nous  pouvons  connaître  l'infini.  Nos  facultés  purement  maté- 
rielles ne  pourraient  s'exercer  sur  de  tels  objets. 

L'intellect  ou  raison  pure  est  dun  tout  autre  ordre  ;  il  appartient 
en  propre  à  l'âme  seule.  De  plus.  Pike  confond  les  mots  de 
forme  et  de  sens  négatifs  avec  les  mots  dont  la  forme  est  négative 
et  le  sens  positif.  Par  exemple,  dire  :  il  n'a  rien  fait,  ou  :  il  n'a  pas 
dit  la  vérité,  sont  choses  bien  dilTérentes.  Cependant  ces  deux  pro- 
positions contiennent  une  négation,  mais  toutes  deux  sont  pure- 
ment négatives.  Il  est  vrai  que,  logiquement,  d'après  le  F.-.  Pike, 
l'âme  serait  matérielle,  puisque, comme  nous  allons  le  voir,  elle  est 
une  émanation  de  la  Vraie  Divinité  qui    <  a  rempli  tout  l'espace  », 

1.  Op.  cil.,  p.  569. 


15')  LA    Fli  VNC-MAÇONNERIE    AMKRICAINE 

«  se  conlracle  »,  «  émet  des  parlies  de  sa  substance  ».  La  matière 
seule  est  sujelle  à  semblables  modifications.  Mais  ne  soyez  pas  sur- 
pris de  voir  le  Frère  chani^er  complètement  d'avis  quand  cela  lui- 
convient,  et  de  l'entendre  nous  dire,  sans  un  mot  d'explication,  que 
l'âme  de  l'homme  est  immatérielle. 

«(  Au  commencement,  dit-il',  l'Univers  n'était  qu'Une  seule  Ame. 
11  était  le  Tout,  seul  avec  le  Temps  et  l'Espace,    et   infini  comme 

eux Il  eut  celle  pensée  :  «  Je  vais  créer  l'homme,  dont  l'àrae 

sera  à  mon  imay^e.  et  il  dominera  ».  El  voilà  que  ïHomme  apparut 
avec  ses  sens,  son  instinct  et  sa  faculté  discursive  ». 

"  —  El  cc[)('iitlanl  ce  n'élait  j>as  enrore  l'homme  I  conliniie-l-il, 
mais  seulement  un  animal  cpii  rcs|iirail.  voyait  et  pensait  ;  jusqu'au 
moment  où  une  élincelle  immatérielle  de  l'Etre  Infini  de  Dieu  pé- 
nétra son  cerveau,  et  devint  son  Ame  ;  voilà  l'Homme,  l'iinmorlel  ! 
C'est  ainsi  (pie  l'homme  est  le  triple  produit  île  la  pensée  de  Dieu  : 
il  voit,  entend  et  sent  ;  il  pense  et  raisonne  ;  il  aime  et  est  en  har- 
monie avec  l'Univers  ». 

Nous  avons  donc  ici  riioniint'  triple  :  l'homme  sensible,  l'homme 
doué  lie  raisonnement,  l'homme  divin;  cependant,  malgré  loul 
cela,  l'homme,  en  tant  qu'il  esl  à  l'image  de  Dieu,  est  un  simple 
animal.  Je  vais  créer  Thonime  à  mon  image,  dil  Dieu.  «  El  voilà 
l'homme  avec  ses  sens,  son  instinct,  sa  faculté  discursive  —  et  ce- 
pendant ce  n'est  pas  l'homme  !  mais  un  animal  ijui  respirait,  voyait 
el  pensait  »,  dil  le  F.-.  Pike.  C'est  l'étincelle  provenant  de  l'Etre 
même  de  Dieu  qui  est,  à  proprement  parler,  l'ame  humaine.  Ce 
rayon  est  donc  quehjue  chose  de  separable  el  dentièremenl  dis- 
tinct de  l'àme  de  l'homme^douée  de  sensibilité  et  de  raisonnement, 
car  l'homme,  sentit  el  pensa  avant  de  la  recevoir.  En  conséquence, 
l'homme, en  tant<pi«'  pensant  el  raisonnanl, est.  suivant  notre  auteur, 
un  pur  animal;  même  avec  la  pensée  et  le  raisonnement,  ses  actions 
ne  sont  pas, à  vrai  dire, celles  de  l'homme,  car  elles  ne  le  deviennent 
qu'après  la  réception  de  l'étincelle  de  la  Divinité. 

Ah  !  raison  !  raison  !  Vous  don!  la  Maromierie  préleud  faire  si 
grand  cas,  voyez  comme  vous  èles  dclrùnéc  el  mise  au  rang  des 
brutes,  quand  cela  sert  aux  fins  de  la  Secte  !  Ce  n'est  pas  vous  qui 
«onstituez  l'homme,  l'homme.  C'est  un  aulre  principe  ;  un  rayon 
direclemenl  émané  de  la  Divinité,  distinct  de  vous  el  qui,  entrant 
dans  noire  cerveau,  devient  noire  i^me  :  et  ce  rayon  quittera  un 
jour  notre  cerveau  i>t  vous  laissera  constituer,  si  vous  pouvez,  l'ani- 
mal respirant  comme  devant. 

Et  les  effets  moraux  de  celle  doctrine?  Le  rayon  divin  ne  peut 

1.  Morals  and  Dogma,  p.  582. 


KT    LAMi:    HUMAINE  151 

faire  le  mal.  D'un  autre  côlé,  un  pur  animal  n'est  pas  moralement 
responsable.  Et  cependant  l'homme  est  manifestement,  responsa- 
ble ;  mais  il  est  responsable  en  tant  qu'homme  ;  et  ce  qui  le  consti- 
tue en  tant  qu'homme  est  divin,  et  partant  impeccable.  Mais  nous 
verrons  cela  plus  tanl. 

Donc,  conformément  à  cette  théorie  de  la  divinié  de  l'àme,  elle 
existait  avant  d'être  unie  au  corps,  k  Cette  opinion  de  la  préexis- 
tence des  âmes,  substances  pures  et  célestes,  avant  leur  union  avec 
nos  corps,  qu'elles  sont  venues  animer  du  haut  du  ciel,  dit  le  F.-. 
Pike\  remonte  à  une  haute  antiquité.  Un  rabbin  moderne  Manas- 
seh  Ben  Israël,  assure  qu'elle  fui  de  tout  temps  reçue  chez  les 
Hébreux.  C'était  celle  de  la  plupart  des  philosophes  qui  admettaient 
l'immortalité  de  l'âme, et,  par  conséquent,  elle  était  enseignée  dans 
les  Mystères  ;  en  elfet,  comme  le  dit  Lactance,  ils  ne  pouvaient  con- 
cevoir comment  l'âme  survivrait  au  corps,  si  elle  n'avait  pas  existé 
avant  lui,  et  si  sa  nature  n'était  pas  indépendante  de  celle  du  corps. 
La  même  doctrine  fut  adoptée  par  les  plus  instruits  des  Pères  grecs 
et  par  beaucoup  de  Pères  latins,  et  elle  prévaudrait  probablement 
aujourd'hui, si  les  hommes  prenaient  la  peine  de  réfléchira  ce  sujet 
et  de  se  demander  si  limmorlalité  de  1  âme  n'implique  pas  sa 
préexistence  ». 

«  Quelques  philosophes,  conlinue-t-il,  soutenaient  que  l'àme  était 
emprisonnée  dans  le  corps  en  punition  de  fautes  commises  dans 
une  existence  antérieure.  Mais  comment  ils  conciliaient  cette  idée 
avec  l'inconscience  de  la  même  âme  par  rapport  à  cette  existence 
antérieure,  ou  aux  péchés  commis  alors,  on  ne  le  voit  pas.  D'autres 
soutiennent  que  Dieu,  de  sa  pure  volonté,  envoya  l'àme  habiter  le 
corps.  Les  Kabbalistes  unissaient  les  deux  ojunions.  Ils  enseignaient 
qu'il  y  a  quatre  mondes  :  Aziluth,  Briarth,  Jezirath  et  Aziath  :  le 
monde  de  l'émanation,  celui  de  la  création,  celui  des  formes  et  ce- 
lui de  la  matière,  ainsi  hiérarchisés,  l'un  étant  au-dessus  de  l'autre 
et  plus  parfait,  à  la  fois  en  ce  qui  concerne  leur  propre  nature  et 
celle  des  êtres  qui  les  habitent.  A  l'origine,  toutes  les  âmes  étaient 
dans  le  monde  Azilulh,  le  plus  élevé  des  cieux,  séjour  de  Dieu  et 
des  esprits  purs  et  immortels.  Ceux  qui  descendent  de  ce  monde 
sans  avoir  commis  de  faute  personnelle,  mais  par  l'ordre  de  Dieu, 
sont  doués  d'un  feu  divin  qui  les  préserve  de  la  contagion  de  la 
matière  et  les  rétablit  dans  le  ciel  aussitôt  que  leur  mission  est  ter- 
minée. Ceux  qui  en  descendent  par  suite  d'une  faute  personnelle 
vont  de  monde  en  monde,  perdant  peu  à  peu  leur  amour  des  choses 
divines  et  leur  contemplation  d'eux-mêmes,  jusqu'à  ce  que,  tom- 

1.  Morals  and  Dogma,  p.  440. 


15'2  LA    FRANC-MAÇONNERIE    AMÉRICAINE 

bant  (le  leur  propre  poids,  ils  alteignenl  le  monde  Azialh.  Tout 
ceci  est  du  pur  platonisme,  revêtu  des  termes  et  des  figures  pro- 
pres aux  Kabbalistes  ». 

A  lire  le  F.-.  Pike,  on  pourrait  s'imaginer  que  les  Pères  grecs  les 
plus  savants  tinrent  conseil  pour  se  déclarer  en  faveur  de  la  préexis- 
tence des  âmes,  alors  que  c'est  exactement  le  contraire.  Seul,  Ori- 
gène  soutint  cette  opinion,  que  les  autres  blâmèrent  et  condamnè- 
rent ;  quant  aux  Pères  île  l'Eglise  latine,  pas  un  ne  partagea  un  ins- 
tant cet  avis.  Nous  pouvons  juger  par  de  tels  exemples,  qui  se  ren- 
contrent fréquemment  chez  le  F.-.  Pike,  de  la  confiance  que  nous 
devons  lui  accorder.  Il  est  absurde, d'après  lui,  de  croire  à  l'immor- 
talité de  l'àme  après  sa  création. si  Ion  n'admet  pas  une  immortalité 
préexistante,  car  il  [)iélend  que  chaque  pensée,  chaque  volonté, 
chaque  action  subsistera  à  travers  les  siècles,  du  moment  où  elle 
aura  pris  naissance.  Soutiendrait-il  que  la  pensée  que  nous  avons 
en  cet  instant,  l'acte  que  nous  accomplissons  pour  la  première  fois 
préexista  de  toute  éternité  ?  S'il  en  est  ainsi,  l'absurdité  d'une  telle 
théorie  sera  la  meilleure  réfutation  de  la  première. 

Et  encore,  avec  toute  cette  préexistence  et  cette  Divinité,  quel 
triste  tableau  ne  fait-il  pas  du  Divin  dans  l'homme  !  «  S'il  n'y  avait 
rien  de  Divin  dans  l'homme,  dit  Pike',  que  serait- il  après  tout,  si- 
non un  animal  plus  intelligent  que  l'homme?  Celui-ci  n'a  ni 
défaut  ni  vice  que  tel  ou  tel  autre  n'ait  pas  ;  donc,  dans  ses  vices,  il 
n'est  qu'un  animal  d'ordre  supérieur;  d'autre  part,  il  n'a  presque 
pas  de  supériorité  morale, il  n'en  a  aucune  peut-être  —  même  parmi 
les  vertus  les  plus  excellentes,  comme  la  générosité,  la  fidélité, 
la  magnanimité  —  que  tel  ou  tel  animal  ne  possède  à  degré  égal  ». 

Nous  avouons  que  le  F.-.  Pike  a  une  façon  singulière  d'arriver 
au  divin  dans  l'homme.  Il  dit  :  Comparez  l'homme  aux  animaux 
qui  sont  considérés  comme  ses  inférieurs.  Mettez  en  parallèle  leurs 
vices  et  leurs  vertus.  Les  bêtes  sont  ses  égales  pour  les  vices,  mais, 
pour  les  vertus,  elles  lui  sont  supérieures:  donc,  il  doit  y  avoir  quel- 
que chose  de  «liviii  dans  l'homme.  Au  lieu  de  montrer  le  côté  divin, 
cher  F.".,  vous  prouvez  le  C(Mé  bestial;  et  bien  loin  de  démontrer  que 
l'homme  est  un  animal  supérieur,  vous  le  mettez  manifestement, 
au-dessous  des  luiiiii.nix. 

«  Comme  ces  choses,  dit-il  encore-,  d(''|)assent  de  beaucoup  noire 
enicndeineni,  et  comme, dans  la  (leiièscles  mois  employés  pour  ex- 
primer l'origine  des  êircs  ont  un  sens  incerlaiii.el  (pi'on  peutindif- 
férenimcnlles  rendit»  pai"  »  eiigendrt'^  ».  "  |)i(»(iiiil  ».  «  fait  »,  «  créé  ». 
il  esi  inutile  de  disserler  longu«'menl  pour  savoir  si  l'Ame  ou  l'Es- 

1.  Manils  and  hognui.  |).  S")?. 

'2.  ihid..  p.  h:,h. 


ET  l'ame  hlmai>:e  153 

prit  de  Ihomnie  est  un  rayon  émané  ou  découlant  •'de  l'Intelligence 
Suprême,  ou  bien  si.  du  néant,  elle  a  été  appelée  à  l'existence  par 
un  pur  acte  de  volonté  de  la  Puissance  Infinie  qui  l:i  doua  d'immor- 
talité et  d'une  intelligence  à  l'image  de  l'Intelligence  Divine  ;  dans 
les  deux  cas,  on  peut  dire  que,  chez  l'homme,  le  Divin  est  uni  à 
l'Humain.  Le  Triangle  equilateral  inscrit  dans  le  Carré  est  un  sym- 
bole de  cette  union  ». 

Pike  reprend  :  «  Nous  voyons  l'âme,  dit  Platon,  comme  les  hom- 
mes virent  la  statue  de  Glaucus  retirée  de  la  mer  où  elle  avait  été 
enfouie  pendant  de  nombreuses  années.  Lorsqu'ils  la  virent,  il  ne 
leur  fut  pas  facile,  en  admettant  qu'il  leur  fût  possible,  de  discer- 
ner quelle  avait  été  sa  nature  originelle.  Ses  membres  en  partie 
brisés,  et  le  reste  usé  et  défiguré  par  l'action  des  vagues  et 
par  les  coquillages,  les  roseaux,  les  cailloux  y  adhérant,  elle 
ressemblait  plutôt  à  un  monstre  étrange  qu'à  ce  qu'elle  était  lors- 
qu'elle quitta  la  Source  Divine.  Ainsi,  dit-il,  nous  voyons  l'âme  dé- 
formée par  une  multitude  de  choses  qui  l'ont  blessée,  mutilée, 
défigurée.  Mais  le  Maçon  qui  possède  le  Secret  Royal,  peut  ici  dis- 
cuter avec  le  philosophe  et  lui  montrer  qu'étant  donné  l'amour 
qu'a  l'âme  de  la  Sagesse,  ses  tendances  à  s'allier  avec  ce  qui  est 
divin  et  immortel,  ses  aspirations  élevées,  ses  combats  —  même 
alors  qu'ils  ont  abouti  à  la  défaite  —  contre  les  obstacles  que  lui 
opposent  les  sens  et  les  passions,  et  l'esclavage  où  ils  voudraient  la 
tenir,  on  peut  affirmer  que. lorsqu'elle  aura  été  dépouillée  de  la  ma- 
tière qui  l'entoure  et  qui  l'a  subjuguée,  lorsqu'elle  aura  été  débar- 
rassée de  la  gangue  qui  la  déforme,  la  défigure, l'âme  retrouvera  sa 
vraie  nature,  et  qu'elle  s'élèvera  par  dfegrés,  au  moyen  de  l'échelle, 
mystique  des  sphères,  pour  regagner  son  premier  séjour,  son  lieu 
d'origine  ». 

Non,  l'initié  ne  discute  pas  sur  les  termes  de  la  Genèse  ;  il  les 
accepte  sans  mol  dire  avec  la  théorie  kabbalislique  des  émanations. 
Que  la  créature  soit  une  parcelle  de  Divinité  et  par  conséquent  ne 
fasse  qu'un  avec  la  Substance  Divine  ;  que,  de  l'abîme  du  néant, 
elle  ait  été  appelée  à  l'être,  et  soit  alors  tout  à  fait  distincte  de  la 
substance  divine,  voilà  des  considérations  qui  sont  de  pures  baga- 
telles pour  l'initié,  puisque, dans  les  deux  cas, nous  avons  l'union  du 
Divin  et  de  l'Humain  I  Dans  la  première  hypothèse,  les  deux  sont 
identifiés  ;  dans  la  seconde,  ils  sont  distincts  et  non  identifiés  —  de 
telles  puérilités  ne  sont  pas  pour  troubler  la  surface  placide  d'une 
intelligence  maçonniquemenl  éclairée. 

Pauvre  Divinité,  disons-le,  que  celle  qui  habite  dans  l'homme 
défigurée  par  le  temps,  la  passion,  la  matière  !  La  matière  est  éga- 

11 


154  LV    FRANC-MAÇONNERIE    AMÉRICAINE 

lemenl  une  émanation  de  celle  même  Divinité,  sidentifie  avec  elle, 
et  cependant  elle  dégrade,  défigure  et  déforme  le  rayon  de  feu  di- 
vin qui  pénètre  notre  cerveau  et  devient  notre  àme  !  Illumination 
merveilleuse  I  II  n'est  pas  étonnant  que  le  F.-.  Mackey  exulte  à  la 
pensée  de  faire  de  cette  illumination  le  caractère  distinclif  de  notre 
espèce.  «  Reliiez  à  la  Franc-Ma(;onnerie  son  symbolisme,  dit-il', 
et  vous  aurez  enlevé  le  corps  à  son  âme,  ne  laissant  subsister 
qu'une  masse  de  matière  inerte  et  sans  vie,  destinée  à  se  corrompre 
rapidement  ». 

Cependant,  toute  défigurée  et  dégradée  que  pui.sse  être  lame  ; 
bien  qu'elle  se  soit  vautrée  dans  la  fange  du  vice,  il  est  une  chose 
dont  le  F.'.  Pike  est  certain:  c'est  qu'il  n'y  a  pasdenfer.  Il  va  nous 
l'apprendre. tout  en  nous  révélant  une  découverte  lilléraire. 

«  Les  commentaires  et  les  études  sur  la  Divine  Comédie,  œuvre 
de  Dante,  se  sont  multipliés,  dit-il  -,  et  malgré  cela,  personne, 
à  notre  connaissance,  n'a  fait  ressortir  son  caractère  spécial. 
L'œuvre  du  grand  Gibelin  est  une  déclaration  de  guerre  à  la  pa- 
pauté, par  la  révélation  audjicicuse  qu'elle  fait  des  Mystères.  L'é- 
popée de  Dante  est  Johannite  et  Gnostique  ;  elle  est, comme  l'Apo- 
calyps^e,  une  application  osée  des  figures  et  des  nombres  de  la  Kab- 
bale aux  dogmes  chrétiens,  et  une  négation  tacite  de  loul  ce  que 
ces  dogmes  conlienneut  d'absolu. Le  voyage  du  poète  au  travers  des 
mondes  surnaturels  s'accomplit  comme  l'initialion  aux  Mystères 
d'Eleusis  et  de  Thèbes.Il  s'fchappe  du  goufTre  de  l'Enfer,  sur  la  porte 
duq  lel  on  lisait  la  phrasu'  tlu  déses|)oir,  en  renversant  la  posi- 
tion (.le  sa  tète  et  de  ses  pie  is,  c'est-à-dire  en  prenant  la  contre- 
partie du  dogme  catholicpie  ;  puis  i!  remoiite  vers  la  lumière  en  se 
servant  du  Diable  lui-m'*  m-,  comme  d'échelle  monstrueuse,  comme 
Faust  monte  au  ciel  en  miM,t;uit  le  pied  sur  la  télé  de  Méphislophelès 
vaincu.  L'enfer  n'est  infranchissable  que  pour  ceux  qui  ne  savent 
en  revenir.  Nous  nous  dégageons  de  ses  chaînes  à  force  d'audace  ». 

Ce  n'est  pas  l'audacr  pnjpremcnt  dite,  nuiis  une  certaine  audace, 
F.-.  Pike,  qui  nous  délivicra  de  l'enfer.  Ce  n'esl  pas  l'audace  qui 
consisle  à  melLre  nos  pieds  là  où  devr.dl  être  n<jtre  tète. et  vice  versa. 
mais  c'est  en  gardant  nuire  tète  et  nos  pieds  dans  la  position  conve- 
nable où  Dieua  vouliiles mettre, alin»picnouspuissi(jnssuivre  Ifslois 
de  notre  nature  Idles  (|u"ll  les  a  élablics,  cl  non  en  les  relouiiiani 
kabbalisliquenK'iit.  Ilesl  j)lusgrave  que  vousne  le  pensez  desenaller 
la  lèleen  avant  en  enfc]-.  Selon  toute  pr(jbabililé,vous  n'aurez  guère 
occasion    <le   ienvei>er  [)lus  tard  voire  allilude.  Nous  louons    l'au- 

1.  Si/nilinlism  nf  f'rri'niiisonry,  p.  7'2. 
■J.  M  omis  (ind  hoi/nui,  p.  H22. 


ET    LAME    HLMAIKE  155 

da:e  raisonnable,  mais  nous  blâmons  la  folle  témérité.  Cette  ques- 
tion est  beaucoup  trop  grave  pour  pouvoir  être  tranchée  par  un 
simple  haussement  d'épaules  ou  par  un  sourire  dédaigneux.  Notre 
pensée  ne  fait  pas  davantage  lé  ciel  et  l'enfer  qu'elle  ne  les  déti'uil; 
notre  pensée  ne  crée  ni  ne  détruit  la  i-éalité  que  nous  sommes  ou 
celle  du  monde  qui  nous  entoure.  Les  partisans  de  la  Christian 
Science  peuvent  soutenir  le  contraire,  mais  la  maladie  ne  nous 
frappe-t-elle  pas  tous,  et  la  mort  ne  fauche-t-elle  pas  ceux  qui  nient 
son  existence  ?  l'immortalité  sur  terre  ne  dépend  pas  uniquement 
de  notre  croyance  que  nous  allons  y  vivre  éternellement  heureux. 
Pesez  donc  bien  les  raisons  qui  étayent  une  semblable  doctrine  sur 
la  vie  au-delà  des  portes  du  tombeau. 

La  doctrine  de  la  Maçonnerie  sur  l'àme  est  donc  ainsi  succincte- 
ment formulée  par  le  F.-.  Pike  '  :  «  L'àme  de  l'homme  est  immor- 
telle ;  elle  n'est  pas  le  résultat  de  son  organisme,  ni  un  composé 
des  modes  d'action  de  la  matière,  non  plus  qu'une  succession  de 
phénomènes  et  de  perceptions  ;  mais  elle  est  une  Existence  indivi- 
duelle et  uni(]ue,  un  esprit  vivant,  une  étincelle  du  grand  foyer 
central  de  Lumière  qui  est  entrée  dans  le  corps  et  y  demeure.  Elle 
en  sera  séparée  par  la  mort  et  retournera  à  Dieu  d'où  elle  vient; 
c'est  une  existence  qui  ne  se  dissipera  pas,  ne  s'évanouira  pas,  qui 
ne  sera  pas  anéantie  au  moment  de  la  mort,  comme  un  soutTle  ou 
une  vapeur;  elle  continued'être  et  de  posséder  activité  et  intelligen- 
ce, tout  comme  elle  existait  en  Dieu  avant  d'être  enveloppée  dans 
le  corps  ». 

Telle  était  la  doctrine  des  Gnostiques,et  telle  nous  l'expose  notre 
auteur  sous  une  forme  un  peu  plus  .générale  -.  «  Emanation  de 
tous  les  êtres  spirituels  de  la  Divinité,  dégénérescence  progressive 
de  ces  êtres,  d'émanation  en  émanation  ;  rédemption  et  retour  de 
tous  à  la  pureté  da  Créateur  ;  puis,  après  le  rétablissement  général 
dans  l'harmonie  primitive,  un  état  de  bonheur  vraiment  divin,  dans 
le  sein  de  Dieu  :  tels  étaient  les  enseignements  fondamentaux  du 
Gnosticisme  ». 

Oui  ne  voit  combien  tout  ceci  est  flatteur  et  consolant  pour  la 
fragilité  et  les  passions  humaines  I  Cependant,  la  question  n'est  pas 
là.  La  question  est  celle-ci  :'  Est-c?  vrai  ?  Edifier  des  systèmes  plus 
favorables  encore  à  nos  appétits  est  chose  aisée;  mais  l'assentiment 
de  notre  nature  inférieure  n'est  pas  une  garantie  de  vérité. 

Le  F.-.  Pike  admet  le  péché  et  la  nécessité  de  la  purification  de 
l'âme.   Il  ne  nous  a  pas  parlé  jusqu'ici  du  moyen  de  purification 


1.  Morals  and  Dogma,  p.  533. 

2.  Ibid.,  p.  248. 


156  LA    FRANC-MAÇONNERIE    AMERICAINE 

à  employer.  On  nous  l'a  bien  enseigné  dans  «  Le  Choc  de  l'Entrée  », 
mais  nous  étions  alors  trop  naïfs  pour  comprendre. 

«  Il  doit  non  seulement  se  produire  un  changement,  nous  dit 
Mackey,'  pour  entrer  dans  l'avenir,  mais  encore  une  mort  complète 
au  passé  ;  car  l'initiation  est,  en  quelque  sorte,  une  mort  au  monde 
et  une  résurrection  à  une  vie  nouvelle.  Et  de  là  vient  (pie,  chez  les 
(irecs.  le  môme  mot  signifiait  à  la  fois  mourir  et  élre  initié.  Mais, 
pour  celui  qui  croit  à  l'immortalité,  la  mort  n'est  (pi'une  nouvelle 
naissance  ». 

Et  le  F.-.  Pike  ajoute  :  '-  «  L'initiation  était  considérée  comme 
une  mort  mystique  ;  une  descente  dans  les  régions  infernales,  où 
toutes  les  souillures,  les  taches  et  les  imperfections  d'une  vie  mau- 
vaise et  dissolue  étaient  lavées  parle  feu  et  par  l'eau  ;  et  l'on  disait 
alors  que  l'Epopte  parfait  était  régénéré  ;  c'était  un  nouveau-né, 
rendu  à  une  vie  nouvelle  de  lumière  et  de  pureté  ;  l'Epopte  était 
placé  sous  la  protection  divine  ». 

L'initiation  est  en  Maçonnerie  ce  qu'est  le  baptême  pour  les  chré- 
tiens ;  elle  est  plus  encore,  car  pour  les  chrétiens,  l'âme  baptisée 
peut  se  perdre  par  sa  faute;  en  Maçonnerie,  l'àme  régénérée  com- 
mence sa  vie  immortelle. 

«  La  terre,  qui  tient  enchaînés  un  si  grand  nombre  d'esclaves,  dit 
le  1'".".  Pike  ^est  à  la  fois  pour  le  Maçon  le  point  de  départ  et  le  but 
de  1  immortalité.  Nombreux  en  elTet  sont  ceux  qu'elle  enterre  sous 
l'amas  des  soucis  vains  et  des  futilités  absorbantes.  Mais,  pour  le 
Maçon,  elle  est  la  montagne  haute  des  méditations,  où  il  a  devant 
lui  et  autour  de  lui  le  Ciel,  l'Infini,  l'Eternité.  Pour  les  âmes  éle- 
vées, pures  et  vertueuses,  cette  vie  est  le  commencement  du  Ciel  et 
une  partie  de  l'immortalité  ». 

<Jn  s'imaginerait, en  lisant  ce  passage  du  F.'.  Pike,  que  le  Maçon, 
tel  un  '^austère  anachorète,  est  sans  cesse  occupé]  à  méditer 
profondément  les  vérités  éternelles  :  mais  les  facultés  Imaginatives 
du  F.-,  sont  souvent  très  ca[)ricieuses  et  donnent  paifois  Pun  air  de 
roman  à  ses  écrits  les  plus  sérieux. «  Il  occupe  un  rang  des  plus  dis- 
tingués parmi*les  auteurs  et  les  historiens  maçonniques  et  même 
pai-mi  les  jioèles;  son  zèle  infaligable  est  sans  pareil  »,  dit  le  F.*. 
MacClenachan  *. 

Telle  est  la  doctrine  de  la  Ma(;oiHierie  sur  l'àme  humaine  : 
doctrine  découpée,    divisée  entre  un  grand  nombre  de    degrés. 


1.  Masonic  ïiiluulisl,  p.  23. 

2.  Morals  ami  Dot/ma,  p.  373. 

3.  Jbiil.,  p.  141. 

I.  Encijclopxdia  of  Freemasonry,  p.  'J93. 


ET    L  AME    HLMAlNE  157 

manifestée,  peu  à  peu,  comme  uue  Sai>es:>e  meiveilleuse  à  l'uiitié. 
alors  qu'il  peut  la  trouver  avec  moins  de  peine  et  avec  une  clarté 
et  un  ordre  supérieurs  dans  la  Jeirish  Encyclopaedia  '  (l'EncvcIo- 
pédie  juive  ,  sous  la  rubrique  «  Cabala  ». 

«  La  psychologie  de  la  Cabala,  dit  Fauteur  de  l'article,  est  étroi- 
tement unie  avec  ses  doctrines  métaphysiques.  Dans  la  Cabala, 
ainsi  que  dans  le  Talmud,  l'homme  est  représenté  comme  la  somme 
et  le  produit  le  plus  noble  de  la  création.  Les  organes  mêmes  de 
son  corps  sont  disposés  selon  les  mystères  d'une  Sagesse  très  haute, 
mais  l'homme  proprement  dit,  c'est  l'âme  :  le  corps  n'est  que  le 
vêlement,  l'enveloppe  a  travers  laquelle  apparaît  l'homme  vérita- 
ble, l'homme  intérieur.  L'àme  est  triple,  car  elle  est  composée  de 
Nefesh,  Ruah  et  Neshamah  :  Nefesh  côrrespoud  au  monde  Asiyya- 
tique  ;  Ruah  au  monde  Yesiralique  ;  Xeshamah.  au  monde  Béria- 
tique.  Xefesh,  c'est  le  prmcipe  animal,  sensitif  dans  l'homme,  et 
comme  tel,  il  est  en  contact  direct  avec  le  corps.  Ruah  représente 
la  nature  morale  ;  il  est  le  siège  de  bien  ou  du  mal.  des  désirs  bons 
ou  mauvais,  suivant  qu'il  se  tourne  vers  Xeshamah  ou  vers  Nefesh. 
Neshamah  est  pure  intelligence,  pur  esprit,  incapable  de  bien  ou 
de  mal  ;  c'est  la  pure  lumière  divine,  le  plus  haut  degré  delà  vie  de 
l'àme.  La  Genèse  de  ces  trois  puissances  de  l'âme  est  ditïérente, 
cela  va  de  soi.  Xeshamah  procède  directement  de  la  Sagesse  di- 
vine ;  Ruah,  de  la  Sefirah  (^Emanation  dite  «  Beauté  ».  et  Xefesh, 
de  la  Sefirah  Malkut,  «  Domination  ».  En  dehors  de  celte  trinité  de 
l'àme,  il  y  a,  en  outre,  le  principe  individuel,  c'est-à-dire  l'idée  du 
corps,  avec  les  traits  qui  forment  l'individualité  de  toute  personne  ; 
il  y  a  l'esprit  de  vie,  dont  le  siège  est  le  cœur.  Mais  comme  ces  deux 
derniers  éléments  ne  font  point  partie  de  la  nature  spirituelle  de 
l'homme,  ils  ne  sont  pas  compris  dans  les  divisions  de  l'âme. 

«  Les  Cabalistes  expliquent  comme  il  suit  l'union  de  l'àme  et  du 
corps  :  Toutes  les  âmes  existent  dans  le  monde  suprasensible 
avant  la  formation  du  corps, et  c'est  au  cours  du  temps  qu'elles  sont 
unies  à  leur  corps  respectif.  La  descente  de  l'âme  dans  le  corps  est 
rendue  nécessaire  par  la  nature  finie  de  la  première  ;  ede  est  obli- 
gée de*s'unir  au  corps  afin  de  prendre  sa  place  dans  l'Univers,  de 
contempler  le  spectacle  de  la  création,  d'acquérir  la  connaissance 
d'elle-même  et  de  son  origine,el,finalement,après  avoir  achevé  dans 
le  monde  la  tâche  qui  lui  était  assignée, de  remontera  la  source  in- 
tarissable de  lumière  et  de  vie  qui  est  en  Dieu  ». 

«  Lorsque  Neshamah  remonte  vers  Dieu,  Ruah  entre  dans  lEden 
pour  y  jouir  ties  plaisirs  du  paradis,   et  Nefesh  repose  en  paix  sur 

1.  Funk  et  Wagnalls  C  .,  vul.III.Jp.  470. 


158  L\    FRANC-MAÇON  \I:RIE    AMÉRICAINE 

li'rre.  Toutefois,,  cette  assertion  ne  s'applique  qu'au  juste.  A  la 
mort  de  l'impie.  Neshamah,  souillk^  de  péchés,  rencontre  des  obs- 
tacles qui  lui  rendent  didicile  le  retour  à  sa  source;  et  tant  que  ce 
retour  n'a  pas  eu  lieu,  Ruah  ne  peut  entrer  dansI'Eden.  et  Nefesh 
ne  trouve  aucun  repos  sur  la  terre.  A  cette  doctrine  se  rattache 
étroitement  celle  de  la  transinitrration  de  l'àme.  sur  laquelle  la  Ca- 
bala insiste  longuement.  Pour  que  l'Ame  puisse  remonter  à  sa 
source,  elle  doit  avoir  atteint  d'abord  l'entier  développement  de 
toutes  ses  perfections  dans  la  vie  terrestre.  Si  elle  n'a  pas  rempli 
cette  condition  dans  le  cours  d'une  existence,  tout  est  à  refaire  pour 
elle  dans  un  autre  corps,  et  ainsi  de  suite,  jusqu'à  ce  que  sa  tâche 
soit  accomplie.  La  Cabale  Lurianicjue  ajoute  à  la  métem[)sycose 
proprement  dite  la  théorie  de  l'imprégnation  des  âmes;  c'est-à-dire 
(pie  si  deux  âmes  ne  se  sentent  pas  à  la  hauteur  de  leurs  lâches. 
Dieu  les  unit  dans  un  seul  corps  alin  qu'elles  puissent  se  soutenir 
et  se  compléter  mutuellement. comme  par  exemple  le  font  l'aveugle 
et  le  paralytique  de  la  fable'.  Si  l'une  des  deux  âmes  a  besoin 
d'aide,  l'autre  devient, pour  ainsi  dire,  sa  mère. la  prend  sur  son  sein 
et  la  nourrit  ». 

Nous  avons  cité  ce  passage  en  entier  pour  donner  à  nos  lecteurs 
une  vue  d'ensemble  bien  nette  de  la  doctrine  kabbalistique  au  sujet 
de  l'âme  humaine,  sans  aflirmer  que  la  Maçonnerie  accepte  cette 
théorie  dans  tous  ses  détails.  Nous  avons  montré,  parles  ouvrages 
d'Albert  Pike,  qu'elle  en  accepte  les  points  essentiels.  Le  temps 
nous  manquant  pour  donner  nos  [)reuves,  nous  bornerons  là  nos 
assertions. 

L'âme  de  riioninie.  telle  que  nous  la  montre  la  lumière  maçonni- 
que,est  dès  lors  une  émanation  de  Dieu,  une  étincelle  de  la  llamme 
divine;  elle  est  donc  divine  elle-même.  C'est  une  étincelle  qui 
pénètre  dans  le  cerveau  de  l'homme  qui  constitue  l'Ame  hu- 
maine. Cette  Ame  est  au-dessus  de  la  raison,  distincte  de  la  raison 
qui  fait  partie  de  l'homme  animal.  En  conséquence,  la  raison  n'est 
pas  le  véiilable  guide  de  l'homme,  tant  en  ce  cjui  regarde  la  vérité, 
(ju'en  ce  (jui  se  rapporte  à  la  morale  :  en  elTet  l'homme  est  homme 
en  vertu  de  son  princi|)e  divin,  et  non  en  vertu  de  la  raison..  Mais 
cette  partie  divine  de  l'homme,  quand  elle  pénètre  dans  le  cerveau, 
et  s'unit  aux  trois  autres  parties  du  principe  qui  lai!  la  vie  de 
l'homme,  ou  pour  parler  plus  exactement,  aux  trois  autres  princi- 
pes  inférieurs    de   la    vie     savoir   :    l'àuie  inférieure.   |).ir  hupidle 

1.  Coiii|»art'z  la  r.Tl)li'  dans  Sanh..  'M  a,  !•. 

2.  Cf.  Die  h'alihttlfih  Einfiihriing  in  die  jiidische  ^f!l■'itil<  iind  dcheimwissens- 
rhaft.  (La  Kal)i>.il<\  inlnMluclion  à  la  mysliqm^  et  .-"i  ioccullisnic  juifs)  par  le 
Dr.  Erich  Bis.tn.iï.   I.rip/.ii.'.  l'.H»3.  pp.  63-r)W. 


ET    L  AME   HUMAINE  159 

l'homme  voit  et  seul,  lame  moyenne  ou  principe  dalTectionet  l'àme 
supérieure  ou  intelligence, contracte  une  souilluio  par- l'union  avec 
la  matière.  Le  péché  devient,  en  quelque  sorte,  '<  une  partie  de  sa 
substance  ».  Il  faut  qu'elle  s'atïranchisse  de  cette  souillure  alin  de 
pouvoir  remonter  à  sa  source.  Et  c'est  là  que  se  montre  l'avantage 
inappréciable  de  la  Franc-xMaçonnerie.  Il  y  a  deux  routes  pour  re- 
monter à  la  source  divine.  L'une  est  courte  et  fleui-ie,  c'est  celle 
que  prend  l'illuniiné,  l'élu,  grâce  à  \'iniliationA\ui  est  une  purifica- 
tion de  l'homme  intérieur  et  divin  :  initiation  qui  fait  disparaître 
toutes  les  taches  du  passé  ;  par  elle,  les  «  Enfants  de  Lumière  »,  de 
cette  lumière  de  laKabbala  qui  mène  directement  à  la  Lumière  pri- 
mitive et  éternelle,  commencent  leur  existence  immortelle,  avec  la 
certitude  qu'à  leur  mort.  l'Etincelle  divine  lemontera  immédiate- 
ment à  sa  source,  et  que  les  principes  inférieurs  de  la  vie  jouiront 
du  repos  sur  terre.  L'autre  route  est  une  longue  et  difficile  voie 
de  purification  dans  une  autre  vie;  voie  dans  laquelle  l'âme  impie 
qui  n'a  point  connu  Jéhovah  en  tant  que  Il-EUe,  qui  a  mené  une 
vie  opposée  à  la  nature  en  déclarant  la  guerre  à  ses  instincts  ici- 
bas,  qui  a  dès  lors  eu  le  dessous  dans  son  existence  mortelle,  et 
cela  sans  qu'il  y  eût  faute  de  sa  part  :  cette  âme  doit  satisfaire  à 
la  Justice  de  la  divinité  maçonnique  :  celle-ci  ne  permettra  pas  le 
retour  définitif  dans  son  sein  avant  que  la  divine  étincelle  ait  été, 
petit  à  petit,  purifiée  et  rendue  à  sa  nature  première.  Ainsi,  en  défi- 
nitive, les  harmonies  éternelles  sont  rétaldies,  et  le  péché  finit  par 
être  anéanti  entièrement;  l'enfer  n'est  qu'un  épouvantail  inventé 
pour  terrifier  les  âmes  craintives.  Alors  fieiirira  sur  nos  tombes, 
/Acacia,  symbole  d'initiation,  d'innocence  cl  d'immortalité  :  ainsi 
sont  résolus  maçonniquement  les  uîyslères  de  la  vie  humaine,  de 
l'âme  humaine,  de  l'Ici-bas  et  de  l'Au-delà  ;  tout  cela  d'après  des 
de  Mystères  dont  l'origine  même  est  inconnue  I 

«  Où  les  Mystères  ont-ils  pris  naissance?  On  l'ignore,  dit  le 
F.-.  Pike  '.  On  suppose  qu'ils  vinrent  de  l'Inde,  en  passant  par  la 
Chaldée,  en  Egypte,  d'où  ils  lurent  transportés  en  Grèce.  Quel 
que  soit  le  lieu  de  leur  origine,  ils  furent  pr:iliqués  chez  toutes  les 
nations  de  l'antiquité,  et,  comme  cétait  l'onlinaire,  les  habitants  de 
la  Thrace,  les  Cretois,  les  Athéniens  se  disputèrent  l'honneur  de 
les  avoir  inventés,  et  chacun  de  ces  peuples  prétendit  n'avoir  rien 
emprunté  à  l'autre  ».  Voilà  donc  sur  quoi  se  fonde  l'assurance 
maçonnique  avec  laquelle  vous  dites  avoir  donné  la  véritable 
solution  du  problème  de  l'âme  humaine  1  El  après  tout,  que  savez- 
vous  réellement  de  ces  anciens  Mystères  ?  Car  bien  que,   dans  les 

1.  Morals  and  Dogma,  pp.  3r>3-35^. 


160  LA    Kil ANC-MAÇONNERIE    AMEKICAINE 

grades  supérieurs,  la  Kabbale  soit  la  Bible,  la  Maçonnerie,  ainsi 
(jue  nous  l'avons  vu.  va  plus  loin  que  la  Kabbale  et  nous  renvoie 
aux  Mystères. 

Que  savez-vous  exactement  des  Mystères?  Vous  n'avez  que  [leu 
de  certitude  et  beaucoup  de  simple  théorie. 

«  Tout  dabord,  je  soutiens,  dit  le  Docteur  Mackey.  qu'à  l'origine 
lies  temps,  il  existait  des  vérités  certaines  de  haute  importance  pour 
le  bien-être  et  le  bonheur  de  l'humanité.  Ces  vérités  avaient  été 
communiquées  —  peu  importe  comment,  mais  très  probablement 
par  inspiration  directe  —  à  l'homme  par  Dieu  ». 

«  Ces  vérités  consistaient  principalement  dans  les  propo.'^ilions 
abstraites  de  l'unité  de  Dieu  et  de  l'immortalité  île  l'ûme  '  ». 

X  Peu  importe  comment  »,  dites-vous,  Docteur;  mais  il  imf^orte 
beaucoup  au  contraire.  Vous  exigez  de  nous  l'abandon  du  prés^''nt 
et  de  l'avenir  pour  nous  communiquer  l'illuminai  ion  maçonniqut  ; 
il  nous  importe  au  dernier  point  de  savoir  comment  la  Maçonnerie 
a  obtenu  cette  lumière.  Quoique  vous  prétendiez  que  vos  buts  soient 
identiques  à  ceux  des  mystères  païens,  vous  ne  prétendez  pas  des- 
cendre de  ces  mystères. Vous  savez  qu'ils  étaient,  comme  les  vôtres, 
communiqués  sous  serment  aux  initiés,et  qu'une  indiscrétion  aurait 
coulé  à  ces  derniers  plus  cher  que  leur  vie.  C'est  pourquoi  Noël  -, 
que  nous  citons  d'après  vous,  nous  dit  :  «  Les  Mystères  étaient  des 
cérémonies  secrètes  que  l'on  pratiquait  en  l'honneur  de  ceitains 
dieux,  el  dont  le  secret  était  connu  des  initiés  seuls.  Ceux-ci  n'étaient 
admis  ipiaprès  de  longues  et  pénibles  épreuves  dont  la  révélation 
leur  aurait  covlté  plus  cher  que  la  vie  ».  Rappelez-vous,  Docteur, 
que  vous  n'avez  pas,  comme  nous,  le  bonheur  de  posséder  des 
livres  écrits  pour  l'instruction  des  initiés,  tels  cpie  le  sont  vos 
pro|)rt>s  ouvrages, ceux  du  F.-.  Pike,  et  ceux  de  tant  d'autres  auteurs 
mai-(>nni(jues.  Et  vous  en  convenez  dans  les  termes  les  plus  clairs. 

.(  QiKiul  à  l'ère  préhistorique,  dites-vous,  celle  tpii  la  rattache  (la 
Maçonnerie)  aux  mystères  du  monde  païen  et  aux  vieux  prêtres 
d'Eleusis,  de  Samolhrace  ou  de  Syrie,  —  disons  loyalement  que 
nous  n-  traitons  plus  ici  de  la  Franc-Maçonnerie,  telle  qu'elle  est 
organisée  actuellement,  nous  savons  fort  bien  qu'elle  n'existait 
pas  en  ce  leuqis-là).  Non,  nous  parlons  d'une  Science  particulière, 
elative  uniquement  aux  Mystères  et  à  la  Franc-Maçonnerie,  «l'inie 
science  que  nous  pouvons  appeler  .symbolisme  maçonnique,  qui 
constituait   la  véritable  sève  vitale   des  institutions   anciennes  et 


1.  Si/niholism  of  Freemasonrij,  p.  12. 
'2.  Dictionnaire  de  la  Fable. 


ET  l'ame  humaine  161 

modernes  et  leur  donna  une  identité  d'esprit,  alors  même  qu'elles 
offraient  des  formes  dissemblables  ^  ». 

Maintenant,  cher  lecteur,  faites  attention  aux  aveux  suivants  : 

«  Aussi,  quand  nous  montrons  les  rapports  de  la  Franc-Alaçonne- 
rie  avec  ces  époques  préhistoriques,  et  que  nous  en  retrouvons  le 
germe,  bien  que  nous  n  ayons  point  de  documents  pour  guides,  bien 
que  nous  n  ayons  point  l'appui  de  récits  authentiques  oraux  ou 
écrits,  nous  trouverons  des  pensées  fossiles  conservées  intactes 
dans  ces  antiques  intelligences,  tout  comme  les  pensées  vivantes 
qui  surgissent  dans  la  Maçonnerie  moderne,  pensées  qui,  pareilles 
aux  coquilles  et  aux  poissons  fossiles  des  anciennes  formations  du 
globe  terrestre,  démontrent,  par  leur  ressemblance  avec  les  spéci- 
mens vivants,  la  transition  graduelle  qui  rattache  le  passé  au 
présent  ». 

Est-ce  sur  de  telles  incertitudes  que  vous  nous  invitez  à  mettre 
enjeu  notre  âme  et  notre  avenir  éternel?  Des  Mystères  d'origine 
incertaine,  par  conséquent  des  mystères  dont  l'autorité  est  lout  au 
moins  incertaine  ?  Des  mystères  connus  uniquement  grâce  à  des 
pensées  fossiles  conservées  dans  d'antiques  intelligences  ?  On  ne 
nous  dit  pas  quelle  cause  explique  cette  conservation).  L'orgueil 
peut  être  flatté  par  l'illusion  d'être  un  élu  ;  le  passion  peut  être 
flattée  par  la  négation  railleuse  de  l'idée  d'enfer;  la  raison  peut  être 
humiliée  en  s'entendant  refuser  son  droit  d'être  le  guide  de 
l'homme  ;  mais  la  nature  humaine  persistera  envers  et  contre  tout 
à  alïïrmer  hautement  que  l'homme  qui  cherche  sincèrement  la  'Vé- 
rité Divine  sur  l'âme  humaine  exige  quelque  chose  d'un  peu  plus 
substantiel  que  la  doctrine  de  la  Maçoi,inerie  ;  que,  s'il  apprécie  la 
valeur  de  son  âme,  il  ne  l'abandonnera  pas  sans  réflexion  à  de  telles 
incertitudes  et  à  de  semblables  absurdités. 

1.  Encyclopœdia,  p. '297. 


CHAP  IT  BE  XI 
La   Fh  \M;-M.\roNM;Kii:  a.mei!1cai>e  et  la  Bible 

Si  (iiu'liiuuu  de  nos  lecteurs  a  eu  l'occasion  de  parcourir  un 
rituel  maçonnique,  il  n'a  pu  niancpier  d'être  impressionné  par  les 
multiples  références  que  l'on  y  fait  à  la  Bilde  et  [)arle  respect  pro- 
foml  (luelOii  n^mifeste  à  ce  livre  saint.  Elle  semble,  à  vrai  dire,  faire 
partie  de  la  Maçonnerie.  Voici  ce  que  dit  le  Dr.  Mackey  '  :  «  Une 
Loge  est  une  assemblée  de  Maçons  dûment  réunis,  ayant  pour  Jes 
autoriser  à  travailler  la  Sainte  Bible,  lEquerre  et  le  llompas,  et 
une  Charte  ou  (iai-antiede  Constitution  ». 

Ce  n'est  pas  tout;  tournons  la  page  et  nous  trouverons  l'informa- 
tion suivante  :  «  Toute  assemblée  légale  de  Maçons,  dûment  réunie 
pour  travailler,  composera  une  Loge  légitimement  et  légalement 
constituée.  Elle  est  légitimement  constituée,  c'esl-à-dire  réguliè- 
rement et  avec  ordre,  lorsqu'elle  contient  le  nombre  de  membres 
voulus  pour  former  un  quorum,  et  quand  la  Bible,  lEquerre  et  le 
Compas  y  sont  présents  ». 

On  nous  dit, à  la  page  "2."^  du  Nilualist. \)Ouv*\\io\  la  Bible  se  trouve 
dans  la  Loge  :  «  La  Sainte  Bible  nous  est  donnée  comme  règle  et 
guide  de  notre  foi  ;  l'Équerre  pour  régler  nos  actions,  et  le  compas 
pour  circonscrire  nos  désirs  et  nos  passions  dans  des  limites  conve- 
nables afin  (piilsne  puissent  porter  préjudice  à  aucun  de  nos  sem- 
blables et  surtout  9  auciui.  ]"rère  Maçon  ;  et  l'on  peut  d(''duire  de 
cela  que  la  Bil)le  est  la  lumière  cpii  éclaire  la  route  de  notre  devoir 
envers  Dieu  ;  l'Eipierre  est  celle  <pii  éclaire  la  voie  de  notre  devoir 
envers  nos  semblables,  et  le  (^.ompas,  la  lumière  (pii  éclaire  la 
voie  de  notre  devoir  envers  nous-mêmes  ». 

A  la  |)age  r>'4,  on  nous  met  encore  la  Bible  sous  les  yeu.\  :  «  L'a- 
meublement d'une  Loge,  nous  <lil-on,  consiste  dans  la  Sainte  Bi- 
ble, l'Equerre  et  le  Compas.  La  Sainte  Bible  est  dédiée  à  Dieu, 
l'Equerre  au  Maître,  et  le  Compas  à  la  Fraternité.  La  Bible  est  dé- 
diée à  Dieu,  parce  qu'elle  est  le  don  inestimable  de  Dieu  à 
riiomme  ***^;  l'E<pien-eau  Maître,  jiarce  <|u'clle  est  l'insigne  ma- 

1.  Masonir  fiilualisl,  p.  17. 

'J.  Les  asltMisques  soiil  de  M.icKcn  . 


LA    FRANC-MAÇONNERIE    AMERICAINE    ET    LA    BIBLE  163 

çonnique  approprié  à  la  fonclion  ;  et  le  Compas,  à  la  Fraternité, 
parce  que  ses  membres  apprennent,  en  faisant  attention  à  son 
usagé,  à  circonscrire  leurs  désirs  et  à  maintenir  leurs  passions  dans 
de  sages  limites  ". 

Passant  à  la  page  60,  nous  trouvons  en  noie  une  citation  du  Dr. 
Oliver  affirmant  (pTun  des  points  de  ressemblance  çntre  l'ancien 
Tabernacle  et  les  Loges  maçonniques  est  que,  «  dans  le  premier, 
le  volume  sacré  conlenanl  la  volonté  et  la  loi  de  Dieu  révélées  était 
déposé  dans  lArche  dAlliance  »,  et  que  le  même  dépôt  sacré  est 
placé  bien  ru  vu-'  ilans  nos  Loges  ». 

De  plus,  la  Maçounerie  ne  se  contente  pas  de  mettre  la  Bible 
ouverte  sur  .-on  autel,  dans  le  secret  de  ses  assemblées  ;  elle  tient  à 
manifester  publiquement  son  respect  en  portant  ostensiblement  la 
Bible  dans  ses  processions  solennelles.  Voyez  aux  pages  143  et  144 
du  Masonic  Rilualisl,  et  vous  trouverez  l'ordre  que  doit  observer 
la  procession  dans  la  consécration  et  la  dédicace  d'une  nouvelle 
Loge.  «  Après  les  membres  de  la  nouvelle  Loge,  et  précédant  immé- 
diatement les  «Maîtres  Vénérables». les  Saintes  Ecritures  sont  por- 
tées par  le  plus  âgé  des  membres  ou  par  quelque  membre  impor- 
tant qui  n'est  pas  en  fonctions  ».  De  plus,  au  bas  de  la  page  144, 
nous  lisons  qu'une  place  est  réservée  à  la  Bible  pendant  la  «  cé- 
rémonie de  la  consécration  ».  «  Lue  estrade  est  élevée  en  face  de 
la  tribune  ;  on  y  met  des  sièges  pour  les  Grands  oificiers.  La  Sainte 
Bible,  l'Equerre.  le  Compas  et  le  Livre  des  Constitutions  sont 
placés  sur  une  table,  en  face  du  Grand  .Maître  ;  la  Loge  est  alors  au 
centre  de  l'estrade,  recouverte  de  salin  blanc  et  de  Ù)i\e.  et  entou- 
rée des  trois  cierges  et  des  vases  contenant  le  blé.  le  vin  et 
l'huile  ». 

On  nous  parle  encore  de  la  Bible  au  sujet  du  discours  fait  au 
«  Maître  Vénérable  »  pour  son  entrée  en  fonctions  :  «  En  observant 
assidûment  les  règlements  de  votre  Loge,  les  constitutions  de  la 
Maçonnerie  et  surtout  les  Saintes  Ecritures,  qui  vous  sont  données 
comme  règle  et  guide  de  votre  foi,  vous  vous  rendrez  capable  de 
vous  acquitter  de  vos  fonctions  avec  honneur  et  gloire,  et  vous  pré- 
parerez une  couronne  de  félicité  qui  subsistera  éternellement'  >■. 

Pour  le  discouis  au  Grand  Chapelain  -,  on  met  la  Bible  bien  en 
vue  :  «  La  profession  que  vous  avez  choisie  pour  être  votre  lot  dans 
la  vie  est  la  meilleure  garantie  que  vous  remplirez  les  devoirs  de 
votre  nouvelle  charge  avec  fermeté  et   persévérance  dans  le  bien. 


1.  Rilualisl,  p.  159. 

2.  Ibid.,  p.  190. 


164  LA    FRANC-MAÇONNKRIE    AMKHICAlMi) 

Nous  confions  à  votre  garde  la  Sainte  Bible,  cette  grande  lumière 
de  la  .Ma(^onnerié  ». 

Nous  trouvons  I».  "^O?;,  parmi  les  détails  sur  l'ordre  des  proces- 
sions publiques  [JOur  les  endroits  où  elles  ont  lien  à  laSaiul-Jeau  : 
«  La  Bible,  rEt|ueri"e  et  le  (Compas  seront  |)ortés  sur  un  coussin  de 
velours  crauioisi  par  un  Maître  Maeon  âgé, accompagné  de  deux  dia- 
cres tenant  leur  bàlon  »,  et  à  la  page  '204,  la  même  prescription  est 
renouvelée  pour  la  procession  solennelle  qui  doit  avoir  lieu  quand 
la  pose  de  la  première  pieri'e  d'un  édifice  public  est  faite  par  des 
Maçjons. 

La  Bible  occupe  la  même  place  dans  ia  piucissiuu  pour  la  dédi- 
cace des  salles  marouni(|ues  i  voir  p.  217)  ;  quand  on  est  arrivé  à  la 
salle  et  que  remplacement  de  la  Loge  a  été  fixé,  «  on  dresseauprès 
d'elle  un  piédestal  sur  lequel  on  met  la  Bible  ouverte,  avec  l'équerre 
elle  compas  posés  sur  ses  l'euillets  ;  sur  un  autre  piédestal,  on 
jîlace  le  Livre  des  Constitutions  ». 

La  Bible  suit  le  Maître  Ma(;on  jusqu'au  tombeau,  car  seul  il  a 
droit  à  des  funérailles  maçonniques  :  «  Nul  Franc-Maçon  ne  peut 
être  enterré  avec  le  cérémonial  de  l'Ordre...  à  moins  qu'il  n'aille 
grade  de  Maître  ;  celle  règle  n'admet  aucune  exception  '  ».  Dans 
cette  circonstance  solennelle,  «  la  Bible,  l'Equerre  et  le  Compas 
sont  placés  sur  un  coussin  de  velours  bleu,  recouvert  d'un  ilrap  noir 
et  porté  par  le  membre  le  plus  âgé  de  la  Loge  -  ». 

Les  règles  à  suivie  concernant  la  place  que  doit  occuper  la  Bible, 
loi's<jue  les  proi-essions  maçonni(iues  pénètrent  dans  les  édifices 
[iublics,  se  trouvent  à  la  page  240  du  Rilualisl.  «  En  entrant  dans 
les  édifices  publics,  la  Bible,  l'Equerre,  le  Compas  et  le  Livre  des 
Constitutions  doivent  être  placés  en  face  du  Grand  Maître,  auprès 
de  (pii  doivent  se  tenir  le  Graïul  Maréchal  et  les  Grands  Diacres  ». 

Les  insignes  d'un  «  Past  Master  »  sont  figurés  à  la  page  307. 
Le  premier  est  un  livre  ouvert  ;  on  lit  sur  la  page  de  gauche 
le  mot  «  Ezékiel  »,  et  sur  celle  de  droite  «  Chap.  XX  ».  Nous 
croyons  naturellemenl  que  ce  livre  est  la  Bible.  Voici  l'explication 
qui  suit  :  <<  Le  Livre  de  la  Loi,  cette  grande  lumière  en  Maçonnerie 
vous  guidera  vei's  toute  vérité  ;  il  dirigera  vos  pas  vers  le  temple 
du  bonheur  et  vous  indicpiera  tous  les  devoirs  de  l'homme.  L'E- 
querre nous  enseignera  à  régler  nos  actions  avec  la  règle  et  le  cor- 
deau et  à  haiinoniser  notre  conduite  d'après  les  principes  de  la  mo- 
rale et  de  la  vertu.  Le  Compas  nous  a|)pi"cnd  à  limiter  nos  désirs 
dans  Ifjute  situation,  afin  (pie, nous  élevant  aux  lionneui's  par  notre 
inéiilc,  nous  puissions  vivre  respectés  et  iimurir  regi«'ll<-s  >■. 

1.  Rilualisl.  p.  230. 

•>.  ihiti..  p.  -m. 


ET    LA    BIBLE  •  165 

Ecoulez  maintenant  ce  passage  qui  semble  être  un  aveu  explicite 
de  la  croyance  en  l'inspiration  divine  des  Ecrituj'es.  Nous  lisons 
à  la  page  361  :  «  Ce  fut  au  Buisson  ardent  que  Moïse  reçut  la  mis- 
sion divine  qu'il  accomplit  en  composant  le  Penlaleuque.  Et, 
comme  c'est  de  ces  écrits  de  Moïse  que  nous  tenons  tous  les 
enseignements  significatil's  qui  distinguent  un  Maçon  Royal  Arch 
du  reste  île  la  Fraternilé.  il  est  {iarticulièrenient  à  propos  de  faire 
précéder  les  instructions  qui  doivent  être  données  dans  la  suite 
[)ar  la  lecture  du  passage  qui  détaille  les  circonstances  dans  les- 
quelles le  législateur  Israélite  reçut  la  puissance  et  l'autorité  néces- 
saires pour  faire  ces  miracles  dont  il  est  parlé  dans  d'autres  parties 
du  degré  ». 

Le  nombre  et  l'étendue  de  nos  citations  montrera  clairement,  à 
notre  avis,  que  nous  n'avons  aucun  désir  de  diminuer  l'importance 
donnée  à  la  Bible  par  la  Franc-Maçonnerie  américaine, ou  de  passer 
sous  silence  le  fréquent  emploi  qu'elle  fait  du  Livre  Saint. 

L'équerre  et  le  compas  placés  sur  elle  ou,  selon  la  locution  ma- 
çonnique, la  «  couvrant  »,  la  Bible  est  posée  ouverte  sur' l'autel 
(Riiualist,  p.  li)  ;  elle  est  indispensable  dans  toute  réunion  de 
Maçons  (p.  17)  ;  la  Loge  n'est  pas  Jusle,  c'est-à-dire  «  régulière  et 
dans  l'ordre  »  sans  elle  (p.  48)  ;  elle  est  portée  solennellement  dans 
toute  procession  maçonnique,  et  en  général  par  un  Maçon  vénérable 
par  son  age  (pp.  "202,  217,  etc.)  ;  elle  accompagne  le  Maître  Maçon 
à  sa  dernière  demeure  (p.  231)  ;  lorsque  des  fonctions  maçonniques 
s'accomplissent  dans  des  édifices  publics,  on  la  place  sur  un  piédes- 
tal vis-à-vis  du  Grand  Maître  (p.  240,;  ;  elle  n'est  pas  lettre  morte  pour 
la  Fraternité,  car  elle  «  nous  est  donnée  comme  règle  et  comme  guide 
de  notre  foi  »,  et  «  elle  éclaire  la  voie  de  nos  devoirs  envers  jDieu  » 
(p.  34);  elle  est  «  dédiée  à  Dieu,  parce  qu'elle  est  l'inestimable  don 
de  Dieu  à  l'homme  »  (p.  54)  ;  elle  est  «  le  volume  sacré  qui  contient 
la  vérité  révélée  de  Dieu  >>  (p.  60)  ;  elle  est  la  règle  et  le  guide  de  la 
foi  du  Maître  Vénérable  élu  ;  c'est  elle  qui  lui  [)ermettra  de«  se  pré- 
parer une  couronne  de  félicité  qui  durera  éternellement  »  (p.  l59)  ; 
elle  est  mise  entre  les  mains  du  Grand  Chapelain  comme  «  la  grande 
lumière  de  la  Maçonnerie  »  (p.  190  ;  elle  guidera  le  Maçon  vers 
toute  vérité  ;  elle  «  conduira  ses  pas  vers  le  temple  du  bonheur  et 
lui  indiquera  tout  le  devoir  de  l'homme  »  (p.  307);  Moïse  reçut  au 
buisson  ardent  la  mission  divine  qui  fut  accomplie  par  la  rédaction 
du  Pentateucpie  (p.  361)  ;  et  de  plus,  les  textes  bibliques  sont  abon- 
damment distribués  dans  tout  le  Ritualist,  un  passage  approprié 
devant  être   lu  pour  chaque  degré. 

Personne  n'accusera  d'infidélité  ce  tableau  des  prétentions  qu'a 
la  Franc-Maçonnerie  de  respecter  et  de  vénérer  la   Bible.  Il  semble 


166  LA  FR  \N(;-MAÇ>>.NKHn:  améhu:ai>e 

iii(lisciital»le  h  pieinit'i-e  vue,  lanlles  fails  soiiL  publics  et  nombreux, 
si  nombieuses  aussi  sonl  les  expressions  apparemment  orthodoxes. 
Sans  doute,  il  y  a  bien  (jà  et  là  des  passages  qui  sonnent  de  façon 
étrange  à  l'oreille  chrétienne,  le!  celui-ci:  «  La  Sainte  Bible  nous  est 
donnée  comme  règle  el  comme  guide  de  notre  foi  :  l'équerre  pour 
régler  nos  actions  »...  «  La  Bible  est  ia  lumière  qui  éclaire  la  voie 
de  noire  devoir  envers  Dieu  ;  TEquerre  est  celle  qui  éclaire  la  voie 
de  notre  devoir  vis-à-vis  de  nos  semblables  »  p.  34  .Ces  expressions 
paraissent  étranges  à  l'oreille  chrétienne,  car  elles  semblent  limiter 
la  sphère  d'iniluence  de  la  Bible.  Pour  le  Chrétien,  la  Bible  est  non 
seulement  la  règle  de  sa  foi,  mais  celle  de  ses  actes  :  oulre  qu'elle 
éclaire  la  voie  de  notre  devoir  envers  Dieu,  elle  éclaire  celle  de 
notre  devoir  envers  notre  prochain  et  envers  nous-mêmes.  C'est 
une  lumière  universelle  et  non  partielle.  Une  autre  lh<'orie  qui  pa- 
rait tout  aussi  étrange  est  celle  qui  soulienl  que  la  Bilile  devrait  être 
proposée  comme  règle  de  foi  maçonnique,  alors  -  (|ue  la  croyance  en 

Dieu constitue  tout  le  credo  {.\u   Maçon  —   du    moins    le   seul 

credo  qu'il  soit  obligé  de  piol'esser  »  p.  4i  .  Mais  les  doutes  sou- 
levés font  bientôt  place  à  un  paisil)le  l'epos,  grâce  à  des  phra- 
ses à  dessein  construites  pour  produire  cet  etïet,  et  si  nous  n'avions 
pas  d'autres  arguments  en  réserve,  les  gens  que  berce  la  douceur 
du  langage  maçonnique  croiraient  encore  que  la  Maçonnerie  est, 
pour  la  majeure  partie,  incomprise. 

Nous  avons  lieuieusemeat  autre  chose  a  mettre  sous  les  yeux  de 
nos  'ectcuis. 

Pour  celui  qui  ne  connaît  pas  les  procédés  de  la  Maçonnerie,  la 
simple  présence  de  la  Bible  dans  la  Loge  ou  dans  une  procession 
sullil  a  démontrer  le  profond  respect  qua  pour  elle  la  Fraternité  ; 
il  oublie  ce  fait  significatif  que  la  Bible  ne  se  voit  jamais  seule.  Il 
ne  se  rend  pas  compte  que  ce  n'est  pas  la  Bible  en  elle-même,  mais 
la  Bible  courerie  par  léquerre  et  le  compas  <pii  fait  l'objet  du  res- 
pect maçonniiiuo.  Qu'il  veuille  bien  croire  à  la  fidélité  de  notre 
assertion  tirée  du  Dr.  Mackey,  Enci/clopœdia  of  Freemasonry, 
(p.  Gî)8). 

«  L'n  ancien  usage  de  la  Fraternité  veut  (pie  le  Livre  de  la  Loi 
soit  toujours  ouvert  dans  la  Loge.  Il  y  a  en  ceci,  comme  en  toute 
chose;  nuiçonnitjue,  un  syml»olisme  approprié.  Le  Livre  de  la 
Loi  est  la  (irande  Lumière  de  la  Maçonnerie.  Le  fermer  serait 
intercepter  les  rayons  île  lumière  divine  qui  émanent  de  lui  ;  s'il 
est  ouvert,  c'est  afin  dindi(pier  que  la  Loge  n'est  point  dans  les 
ténèbres,  mais  sous  l'iidluence  d'une  puissance  illuminative... 
Mais  le  Livre  de  la  Loi  n'est  pas  ouvert  au  hasard.  Il  y  a,  pour 
chaqui"  grade,  des   passages  ap[)ropriés  qui  font  allusion  au  but  du 


ET    LA    BIBLE  167 

grade  ou  à  cjuelque  parl.ie  de  son  riluel,  ce  qui  fail  que  le  ivre  doit 
être  ouvert  à  ces  passages  ».  Puis,  après  avoir  énuméré  les  eiidroils 
en  question,  il  continue  :  «  Pour  conclure,  il  sera  bon  d'observer 
que.  pour  donner  à  ces  passages  toute  leur  importance  maçonni- 
que, il  est  essentiel  qu'ils  soient  couverts  de  léquerre  et  du  compas. 
La  Bible,  Téquerre  et  le  compas  sont  des  symboles  significatifs  de 
la  Maçonnerie.  On  prétend  qu'ils  se  rapportent  à  ce  qui  distinguait 
nos  anciens  Grands  Maîtres.  La  Bible  est  l'emblème  de  la  sagesse 
du  roi  Salomon;  l'équerre  celui  de  la  puissance  d'Hiram,  et  le  com- 
pas celui  de  l'habileté  du  Constructeur  en  chef.  OueUjues  auteurs 
maçonniques  ont  davantage  encore  spiritualise  ces  symboles  en 
supposant  qu'ils  représentaient  la  sagesse,  la  vérité  et  la  justice  du 
Grand  Architecte  de  l'Univers.  En  tout  cas,  ils  constituent  des  par- 
ties instructives  et  essentielles  du  vrai  riluel  maçonnique,  cju'il 
faut  étudier  ensemble  pour  bien  les  comprendre  ^  > . 

Voulez-vous  encore  plus  de  clarté?  11  est  essentiel  que  la  Bible 
soit  couverte  de  l'équerre  et  du  compas  pour  que  les  susdits  pas- 
sades aient  toute  leur  valeur  maçonnique.  Ce  sont  des  parties  inté- 
grantes du  vrai  Rituel  maçonnique  qui,  pour  être  comprises,  doivent 
être  étudiées  ensemble.  Ce  n'est  donc  pas,  comme  nous  l'avons  dit, 
la  Bible  en  elle-même  qui  est  l'objet  du  respect  maçonnique,  car 
l'équerre  et  le  compas  ne  sont  pas  nécessaires  à  la  Bible  en  tant  que 
révélation  chrétienne;  il  n'est  pas  un  seul  chrétien  qui  la  couvre  de 
l'équerre  et  du  compas. 

Mais,  peut  être,  notre  auteur  consentira-t-il  à  nous  communiquer 
lasignificationderéquerreet  du  compas  dont  il  est  si  souvent  ques- 
tion dans  les  symboles  maçonniques?  Ce  sera  le  seul  moyen  de  nous 
faire  saisir  le  sens  de  la  Bible  lue  à  la  lumière  de  l'équerre  et  du 
compas?  11  nous  en  instruira  avec  plaisir,  pourvu  que  nous  ayons  la 
patience  d'aller  au  mot  «  Talisman  »  (pp.  788-789  de  VEncyclo- 
pœdia). 

«  De  cette  transformation  des  talismans  gnostiques  en  sym- 
boles maçonniques,  due  à  une  transmission  graduelle  qui  nous  en 
fut  faite  par  l'alchimie,  le  Rosicrucianisme  et  l'architecture  du 
moyen  âge,  il  n'y  a  point  à  chercher  un  meilleur  exemple  que 
celui  que  nous  offre  cette  planche  qui  se  trouve  dans  VAzoth  P/ii- 
losophorum  de  Basile  Valentin,  le  philosophe  hermétique  qui  flo- 
rissait  au  dix-septième  siècle  ». 

«  Cette  planche,  dont  le  dessin  est  hermétique,  reprend  Mackey, 
mais  qui  est  pleine  de  symbolisme  maçonnique,  représente  un 
globe  ailé  inscrit, avec  un  triangle,  dans  un  carré.  Un  dragon,  sur 

1.  Encijclopœdia  of  Freemasonry,  p.  690. 


16S  L\    FRaN'C-MAÇONNKRIE    AMERICA  1.M-: 

lequel  une  forme  humaine  ayant  deux  mains  et  deux  tètes  se  tient 
debout,  repose  sur  ce  globe.  La  forme  humaine  est  entourée  du 
soleil,  de  la  lune  et  de  ciiK]  étoiles,  le  tout  représentant  les  sept 
planètes.  Lune  des  têtes  est  celle  d'un  homme;  l'autre  est  une  tôle 
defemmo.La  main  (jiii  fait  partie  du  côté  masculindela  statue  tient 
un  compas  :  celle  qui  est  du  côlé  féminin  lient  une  équerre. 
L'équerre  et  le  compas  ainsi  distribués  me  semblent  indiquer  qu'à 
l'origine  un  sens  phallique  était  attaché  à  ces  symboles,  comme  il  y 
en  avait  un  au  point  dans  le  cercle  ;  le  point  est  visible  sur  la 
planche,  au  centre  du  globe.  Le  compas  tenu  par  le  mâle  représen- 
terait le  principe  générateur,  et  l'équerre  que  tient  la  femelle  serait 
le  principe  producteur.  Cette  interprétation  donnée  à  l'équerre  et 
au  compas  combinés  indiquait  le  passage  du  talisman  hermétique 
au  symbole  maçonnique  ». 

Le  F.".  Pike  va  continuer  l'explication  dans  ses  instructions  aux 
Frères  du  33®  degré  '  en  reprenant  précisément  au  point  où  s'arrête 
le  Dr.  Mackey. 

w  Vous  voyez  au  début  de  ce  chapitre,  dit-il,  «  un  vieux  symbole 
hermétique,  copié  dans  la  Materia  Prima  de  Valenlinus,  imprimée 
à  Francfort  en  1613  avec  un  traité  intitulé  Azoth.  Ce  symbole  se 
compose  d'un  Triangle  sur  un  Carré,  tous  deux  contenus  dans  un 
cercle  sur  lequel  repose  un  dragon  ;  un  corps  humain  est  debout 
sur  le  dragon  :  il  n'a  que  deux  bras,  mais  il  a  deux  têtes,  lune 
d'homme,  l'autre  de  femme.  Du  côté  de  la  tète  d'homme,  on  voit  le 
soleil,  du  côté  de  la  tète  de  femme,  la  lune,  le  croissant  dans  le 
cercle  de  la  pleine  lune.  Et  la  main  qui  est  du  côté  du  mule  tient  un 
Compas,  celle  qui  est  du  côté  de  la  femelle,  tient  une  Kquerre  »... 

«  La  Terre,  la  grande  Productrice,  a  donc  toujours  été  représen- 
tée comme  une  femelle,  comme  la  Mère  —  notre  Crande,  Libérale 
et  Bienfaisante  Mère,  la  Terre  »... 

«  Le  Soleil  et  les  Cieux,  en  tant  qu'agents  procréateurs  et  géné- 
rateurs ont  toujours  été  considéi-és  comme  des  mâles  ;  ce  sont  les 
générateurs  (pii  font  fructifier  la  Terre  et  la  font  produire  ». 

'<  La  statue  hermaphrodite  est  le  symbole  de  la  double  nature  at- 
tribuée par  les  anciens  à  la  Divinité  en  tant  que  Cénératrice  et  Pro- 
ductrice, tels  Hrahma  et  Maya  chez  les  Aryens,  Osiris  et  Isis  chez 
les  Egyptiens.  De  même,  le  Soleil  était  mâle  et  la  Lune  femelle, 
Lsis  était  à  la  fois  la  S(cur  et  l'épouse  d'Osiris.  Le  Compas  est  donc 
le  .symbole  hermétique  de  la  Divinité  créatrice,  et  1  Equerre,  celui 
do  la  Terre  productrice  ou  de  l'Univers  ». 

El  Piko  ajoute  :  «  Des  cieux  vionl  la  partie  s|)iriluellc  et   immor- 

I.  Mdi-iiIs  and  l)ognw.  |i|i.  s'tU.  SM. 


ET    LA    BIBLE  169 

telle  de  l'homme  ;  de  la  Terre,  sa  partie  matérielle  et  mortelle.  La 
Genèse  hébraïque  dit  que  Jehovah  forma  l'homme  tlu  limon  de  la 
terre,  et  qu'il  lui  souilla  la  vie  dans  les  narines.  Les  âmes, émanant 
de  la  Divinité,  traversaient  les  sept  sphères  planétaires,  représentées 
par  l'Echelle  mystique  des  initiations  mithriaques,  que  figurait  à  son 
tour  l'Echelle  de  Jacob  (avec  sept  échelons  et  non  pas  trois)  ;  elles 
descendaient  pour  èlre  unies  à  leurs  corps  humains,  el  il  leur  faudra 
repasser  par  ces  sept  sphères  pour  remonter  à  leur  lieu  d'origine, 
leur  véritable  demeure,  dans  le  sein  de  la  Divinité. 

Le  Compas,  en  tant  que  symbole  des  Cieux,  repiésente  donc  la 
partie  spirituelle,  intellectuelle  et  morale  de  cette  doul)le  nature 
de  l'Humanité  ;  et  l'Equerre,  symbolisant  la  Terre,  sa  pai'lie  maté- 
rielle, sensuelle  et  inférieure. 

Lisez  donc,  cher  lecteur,  votre  Bible  à  la  lumièi'e  de  lEtjuerre  et 
du  Compas,  qui  ne  font  qu'un  av3c  le  point  dans  le  cercle,  el  vous 
lirez  ainsi  la  Bible  maçonnique,  mais  non  la  Bible  chrétienne. Le  li- 
vre matériel  peut  être  le  même,  mais  qu'est  le  livre  matériel  inter- 
prété à  l'aide  de  pareils  symboles  !  Les  chrétiens  appelleront-ils 
cela  du  respect  et  de  la  vénération?  Nous  avons  vu  comment  l'ins- 
cription de  la  croix  du  Christ  avait  été  dénaturée  par  ceux  que  le 
F.-.  Pike  nomme  les  Anciens  Sages;  nous  avons  vu  la  Croix  elle- 
même  travestie  en  un  symbole  sensuel  ;  traiter  ainsi  ces  sujets, 
c'est  les  profaner  ;  donc  pour  que  l'argument  soit  valide,  il  doit  éta- 
blir non  seulement  l'emploi,  mais  l'emploi  chrétien  des  choses  en 
question. 

Après  avoir  compris  que  l'objet  de  la  vénération  maçonnique  est 
la  Bible  maçonnique  et  non  la  Bible  chrétienne,  nous  pourrions  ne 
pas  nous  attarder  sur  sa  présence  dans  les  processions  maçonni- 
ques solennelles,  si  la  place  qu'elle  occupe  dans  ces  processions  et 
le  caractère  de  celui  quilaporteue  projet.-iient  une  nouvelle  lumière 
sur  notre  sujet. 

Tout  d'abord,  sa  place  :  La  Bible  n'occupe  pas  la  place  d'hon- 
neur ;  celle-ci  est  réservée  au  «  Livre  des  Constitutions  »  de  la  Ma- 
çonnerie. La  Bible  jiasse  invariablement  avant  ce  dernier  dans  la 
procession,  el,  lorsqu'elle  se  trouve  dans  la  procession  de  la  (Irande 
Loge,  c'est  presque  en  tête  du  défilé  ;  le  Livre  des  Constitu- 
tions est  au  contraire  à  la  fin  de  la  procession  ;  il  précède 
immédiatement  le  Grand  Maître.  Mackey  nous  dit  bien  clairement 
que  cette  dernière  place  est  la  place  d'honneur  :  «  La  place  d'hon- 
neur dans  une  procession  maçonnique  est  toujours  à  l'arrière'  ». 
Ne   vous  laissez    pas  surprendre   davantage    par  laspecl  vénérable 

\.  BUualisl.  p.  240. 

12 


l70  LA    Fr<ANC-MAÇONiNERIE    AMÉRICAINE 

de  celui  qui  porte  la  Bible,  car  il  nesl  pas  le  type  de  la  perfection 
en  Maçonnerie.  L'idole  de  la  Fraternité  est  Ihomme  fort  et  vigou- 
reux, en  pleine  jeunesse,  en  qui  les  facultés  reproductrices  de  la 
race  s'affirment  prospères  ;  la  vieillesse,  chez  qui  les  passions  sen- 
suelles sont  virtuollonient  moi'les  ou  sur  leur  déclin,  n'est  pas  le 
symbole  de  la  dignité  humaine  en  .Maçonnerie,  mais  «elui  de  la  dé- 
crépitude. Aussi  la  Maçonnerie  fait-elle  un  tout  autre  choix  pour  le 
porteur  du  Livre  des  Constitutions;  au  lieu  de  prendre  «  le  membre 
le  plus  âgé  de  la  Loge  »  p.  200  ;  «  un  vieux  Maçon  »  ^p.  '217  ;  «  un 
vieux  Maître  Maçon  »  p.  217  ,  etc..  comme  pour  la  Bible  ;  c'est  le 
«  Maîlre  de  la  Loge  la  plus  ancienne  »  (p.  202.  204,  216i  qui  le 
porte.  Voilà  qui  fait  une  difference  capitale,  car  ne  peut  être  élu 
«  Maître  »  d'une  loge  qu'un  homme  en  pleine  force  de  l'âge  et 
capable  d'accomplir  le  travail  maçonnique. 

Le  «  Maître  »  de  la  Loge  la  plus  ancienne  est  le  personnage  le 
plus  marquant  en  .Maçonnerie,  de  même  que  la  place  d'honneur 
dans  la  processionist  à  la  fin.  Nous  voyons  donc  que,  même  cou- 
verte de  l'équerre  et  du  compas,  la  Bible  est,  à  ces  deux  points  de 
vue,  en  bien  mauvais  rang. 

Mais  que  diront  les  amis  de  la  Maçonnerie  lorsqu'ils  apprendront 
qu'elle  ne  tient  pas  la  Bible  comme  plus  sacrée  que  le  Koran,  les 
Védas,  le  Zend-Avesta  ou  tout  autre  livre  sacré  de  quelque  religion 
que  ce  soit?  Que  deviennent  toutes  ces  belles  phrases  :  la  Bible, 
«  cet  inestimable  don  de  Dieu  à  l'homme  »,  «  la  règle  et  le  guide 
de  notre  foi  éclairant  la  voie  de  notre  devoir  envers  Dieu,  «  le  par- 
chemin sacré  contenant  la  volonté  révélée  de  Dieu  >  ;  la  Bible  qui 
nous  donnera  le  moyen  «  de  nous  préparer  une  couronne  de  félicité 
qui  durera  éternellement  ».  etc..  etc..  etc.  ?  Je  demande  encore  une 
fois  ce  que  deviennent  toutes  ces  protestations? 

Ll  cependant  telle  est  bien  la  théorie  maçonnique  ;  la  Bible,  le 
Koran,  les  Védas,  les  Zend-.\vesla  sont  dégale  valeui"  à  ses  yeux  ; 
ils  sont  tous  des  «  Livres  de  la  Loi  »  et  pai-  conséquent,  elle  a  pour 
eux  un  respect  égal.  Le  Dr.  Mackey  nous  le  dit  en  termes  explicites 
dans  son  Encyclopœdia  nf  Freemasonr-i/  p.  124).  lorsqu'il  traite  du 
*<  Livre  de  la  Loi  ». 

«  N'oici.  dit-il,  la  Sainte  Bible  qui,  dans  toute  Loge,  est  toujours 
ouverte  pour  signifier  que  sa  lumière  devrait  être  répandue  parmi 
les  Frères...  le  Livre  de  la  Loi  est  maçonnicpiement  ce  livre  sacré 
dans  lequel  le  .Maçon,  à  quelcpie  religion  qu'il  appartienne,  croit 
trouver  la  vérité  révélée  de  iJieu.  (pioic^ue.  techniquement  parlant, 
les  Juifs  n'entendent  par  la  Thorah,ou  Livre  de  la  Loi, que  le  Fenta- 
leuqiie  ou  les  cinq  livres  de  Mo'ise.  Four  le  Maçon  chrétien,  c'est 
I  Ancien  et  le  .Nouveau  Testament  qui  forment  le  Livre  de  la   Loi  ; 


ET    LA    BIBLE  I7l 

pour  le  Juif,  c'est  l'Ancien  Testament  ;  pour  le  Musulman,  le  Ko- 
ran ;  pour  les  Bralimanistes^les  Vedas,  et  pour  les  Parsis,  le  Zend- 
Avesta  ». 

Le  Masonic  Ritualist  (p.  59)  donne  le  même  enseignement  : 
«  Quelle  que  puisse  être  la  religion  professée  par  un  Maçon,  cette 
révélation  de  la  Divinité  qui  est  reconnue  par  cette  religion  devient  sa 
planche  à  tracer.  Ainsi  la  planche  à  tracer  du  Maçon  juif  est  l'Ancien 
Testament  ;  celle  du  Chrétien,  l'Ancien  et  le  Nouveau  ;  celle  du 
Mahometan,  le  Koran  ».  La  «  planche  à  tracer  »  est  un  symbole 
emprunté  à  la  Maçonnerie  operative,  c'est  la  planche  sur  laquelle 
l'architecte  dessine  ses  plans.  «  La  planche  à  tracer,  nous  dit  notre 
auteur,  nous  rappelle  que,  de  même  que  l'ouvrier  fie  maçon  pro- 
prement dit),  élève  son  édifice  temporel  d'après  les  règles  et  les 
plans  tracés  par  le  maître  sur  sa  planche,  ainsi  notre  devoir,  que 
nous  appartenionsà  la  Maçonnerie  operative  ou  spéculative,  estd'é- 
lever  notre  édifice  spirituel  suivantles  règles  et  les  plans  tracés  par 
le  Suprême  Architecte  de  l'Univers,  dans  les  grands  livres  de  la 
nature  et  de  la  révélation,  qui  sont  notre  planche  à  tracer  spiri- 
tuelle et  morale  ».  Puis,  vient  le  passage  que  nous  avons  cité  et 
qui  place  le  Koran,  la  Bible,  les  \'edas,  le  Zend-Avesta  et  tous  les 
autres  livres  dits  sacrés  au  niveau  de  la  plus  parfaite  égalité, 
comme  étant  tous  des  manifestations  de  Dieu  à  l'homme.  La  Ma- 
çonnerie dit  tour  à  tour  de  chacun  d'eux  ce  qu'elle  dit  de  la  Bible  ; 
elle  professe  pour  tous  le  même  respect  et  manifeste  à  chacun  sa 
vénération,  comme  elle  la  manifeste  à  la  Bible.  Chacun,  selon  le 
cas, est  «  une  règle  pour  la  foi  du  Maçon  »,  «  le  don  inestimable  de 
Dieu  à  l'homme  »  ;  chacun  «  éclairei;a  la  voie  du  devoir  du  Maçon 
envers  Dieu  »  ;  chacun  «  est  le  parchemin  qui  contient  la  vérité 
révélée  »  etc, etc.;  tout  cela  s'applique  à  tous  également. Cette  sorte 
de  louange,  cette  sorte  de  respect  de  la  Bible  sont  une  dérision. 

Imagine/,  un  critique  qui  ferait  le  même  éloge  de  tous  les  au- 
teurs, depuis  Shakespeare  jusqu'au  plus  obscur  journaliste  a  deux 
sous  la  ligne;  un  panégyriste  qui  aurait  les  mêmes  louanges  pour 
tous  les  êtres  humains  indistinctement,  quelle  qu'ait  été  la  difle- 
rence  de  leur  esprit  et  de  leurs  œuvres  ;  un  artiste  qui,  avec  un  en- 
thousiasme égal,  découvrirait  le  même  mérite  artistique  dans  un 
chef  d'oeuvre  de  Raphaël  et  dans  la  grossière  esquisse  au  fusain 
faite  par  un  rustre  ;  et  dites-moi  quelle  valeur  vous  attacheriez  à 
leurs  louanges  et  à  leur  vénération  ([uand  ils  viendraient  vous  dire 
qu'ils  professent  une  grande  admiration  ou  un  profond  respect  pour 
votre  poète,  votre  statue,  votre  personnage  historique  préférés  !  Il 
est  évident  qu'aucune  révélation  n'est  vraiment  vénérée  alors  que 
toutes  les  révélations  sont  vénérées  comme  également  divines. 


17"J  I.A    FR.\NC-MA(;0NNEH1E    AMERICAINE 

'<  Mais,  dira-l-oiK  vonle/.-voiis  done  soulonir  quaucuii  Maçon  ne 
vénère  la  Bible  chrélienne?  Nous  savons  par  expérience  que  cela 
esl  faux  ».  Doucemenl  !  nous  navons  rien  dit  de  semblable.  Nous 
avons  alTaire  ici,  comme  dans  loul  lensemble  de  cet  ouvrage,  au 
svslème  maçonnique,  aux  membres  ésotériques  de  la  Secte, 
les  Maçons  très  instruits.  Ce  chapitre  aura  pour  conclusion  la 
preuve  qu'un  Maçon  bien  informé  des  principes  de  son  Ordre  ne 
poul  vénérer  la  Bibh^  comme  divine  en  se  plaçant  à  un  point  de  vue 
chrétien.  A  cela  se  réduisent  nos  afTirmations.  Il  nous  est  impossi- 
ble de  pénétrer  dans  un  cerveau  maçonnique  pour  y  découvrir  l'im- 
portance de  son  savoir;  et  la  charité  chrétienne  nous  oblige  à 
croire  qu'il  sait  plutôt  moins  (pie  plus. 

D'après  ce  (pie  dit  le  Dr.  MacUey  sur  le  caractère  chrétien  de  la 
Maçonnerie',  et  après  avoir  constaté  qu'Oliver,  Hutchinson  et  les 
anciens  rilualisles  anglais  lui  reconnaissaient  ce  caractère, 
nous  nous  imagineions  sans  peine  combien  de  Protestants 
sincères,  tant  Anglais  qu'Américains,  ont  pu  être  dupes  en  la  cir- 
constance ;  ils  ont  demandé  à  la  Bible  l'interprétation  des  symboles 
maçonniques  au  lieu  de  la  dcinaiider  aux  mystères  païens'"^.  De  là 
vient  (pie  l'Etoile  Flamljoyanlc  de  la  Ma(;onnerie  était,  selon  l'inter- 
prétation de  ^^'ebb,  «lEtoile  (pii  ap|)aiul  aux  Mages  orientaux  pour 
les  guider  jusqu'au  lieu  où  ('tail  né  le  Sauveui-'  ».  «  Mais,  ajoute 
notre  auteur,  cette  dernière  interprétation,  l'une  des  plus  anciennes 
du  symbole,  fut  jugée  trop  seclaire,  et  ne  pouvant  convenir  à  la 
religion  universelle  de  la  Maçonnerie,  aussi  a-t-elle  été  omise  depuis 
la  réunion  des  Grands  Conférenciers  à  Baltimore  en  1842  ». 

En  1820,1a  Grande  Loge  del'Ohio,  dit  le  Dr.  Mackey,  décide  que, 
«  pour  les  premiers  degrés  de  la  Maçonnerie,  le  résultat  des  exa- 
mens sur  la  religion  ne  pourrait  être  un  obstacle  à  l'admission  ou 
à  l'avancement  des  aspirants, pourvu  (ju'ils  professent  une  croyance 
en  Dieu  et  en  sa  parole  sainte  »  ;  et  en  1854,  la  même  (irande  Loge 
adopte  une  résolution  déclarant  (pie  la  Maçonnerie,  telle  que  nous 
l'avons  reçue  de  nos  pères,  enseigne  la  divine  autorité  de  l'Ecriture 
Sainte.  En  1845,  la  Grande  Loge  d'IUinois  déclara  que,  pour  être 
initié,  il  était  nécessaire  de  croire  à  l'authenticité  des  Ecritures. 
Ouoique  dans  la  Chrétienté,  il  n'y  ait  (pie  très  peu  de  Maçons  qui 
nient  l'aulorilé  divine  de  l'Ancien  et  du  Nouveau  Testament,  exi- 
ger la  déclaration  d'une  telle  croyance  |>réalablcment  à  l'initiation. 


1.  Hncyclopœdui,  p.  l'VJ. 

2.  RilualUL  p.  41. 

3.  Ibid.,  p.  56. 


ET    LA    BIBLE  173 

c'est  se  mettre  en  opposition  directe  avec  les  règlements  exprès  de 
l'Ordre,  qui  ne  demandent  que  la  croyance  en  Dieu  et  par  suite 
à  l'immortalité  de  l'âme  comme  profession  de  foi  »'. 

A  la  page  97  de  son  Encyclopaedia  of  Freemasonri/,  notre  auteur 
aborde  le  même  sujet. 

<(  La  croyance  en  l'authenticité  des  Ecritures  de  l'Ancien  et  du 
Nouveau  Testament,  dit-il,  en  tant  que  condition  religieuse  requise 
pour  l'initiation,  ne  constitue  pas  une  des  lois  de  la  Maçonnerie,  car 
un  tel  règ-lement  détruirait  l'universalité  de  l'Institution,  et  s'il 
existait,  les  chrétiens  seuls  pourraient  y  être  admis.  Mais,  en  1856, 
la  Grande  Loge  de  l'Ohio  déclara  «  qu'il  serait  exigé  de  tous  ceux 
qui  sont  admis  à  jouir  des  privilèges  de  la  Maçonnerie,  un 
aveu  spécial  de  leur  croyance  ;  à  l'autorité  divine  des  Saintes 
Ecritures,  et  que  rejeter  une  telle  croyance  est  faire  à  l'Ins- 
titution une  olTense  qui  réclame  une  punition  exemplaire  ».  Il  est  à 
peine  nécessaire  de  dire  que,  dès  sa  promulgation,  ce  principe  fut 
presque  universellement  condamné  par  les  Grandes  Loges  et  les 
juristes  maçonniques  de  ce  pays.  La  Grande  Loge  de  l'Ohio  renonça 
plus  tard  à  ce  règlement.  En  1857,  la  Grande  Loge  du  Texas  adopta 
une  résolution  du  même  genre  ;  mais  la  Fraternité  rejeta  d'une 
manière  générale  toute  profession  de  foi  religieuse,  excepté  celle 
d'une  croyance  en  Dieu  ». 

Nous  n'avons  aucun  moyen  de  juger  du  degré  de  sincérité  qu'il  a 
pu  y  avoir  dans  l'acte  de  ces  Grandes  Loges  :  «  Il  est  à  peine  néces- 
saire de  dire,  nous  apprend  notre  auteur-,  que, dès  sa  promulgation, 
ce  principe  fut  presque  universellement  condamné  par  les  Grandes 
Loges  et  les  juristes  maçonniques  dé  ce  pays  ».  Le  principe  dut 
donc  être  abandonné  parce  qu'il  se  trouvait  en  conflit  avec  la  géné- 
ralité de  la  Maçonnerie  qui  n'est  pas  chrétienne. Car,  «  si  la  Maçon- 
nerie était  une  institution  exclusivement  chrétienne,  les  Juifs  et  les 
Mahometans,  les  Brahraanistes  et  les  Bouddhistes  ne  pourraient  en 
conscience  avoir  part  à  son  illumination  '  ».  Aussi,  les  Loges,  même 
cellesquiétaientsincères,durent-ellesaccepter  dépasser  sous  silence 
la  question  de  l'authenticité  de  l'Ecriture  ;  et  soit  que  nous  voyions 
la  Bible  ouverte  sur  leurs  autels,  soit  qu'elles  la  portent  publique- 
ment en  procession,  en  un  mot,  quel  que  soit  l'usage  qu'elles  en  font 
et  malgré  luutes  les  phrases  à  tournure  orthodoxe  qu'elles  coni- 
posenl  pour  leurs  rilfiels,  nous  ne  nous  y  laisserons  pas  prendre, et 
nous  no  verrons  dans  aucun  de  leurs  actes  ou  dans  aucune  de  leurs 
paroles  une  profession  de  foi  chrétienne. 

1.  Encyclopaedia,  p.  698. 

2.  Ibid.,  p.  97. 

3.  Ibid.,  p.  163. 


174 


LA    FR  \N"r-MArOVNERlE    AMERICAINE 


Ouand  nolrr  auteur  nous  «lil  qu  il  y  a  "  ppu  de  Maçons  qui 
rejettent  l'autorilé  divine  de  l'Ancien  cl  du  Nouveau  Teslainenl  ». 
il  n'a  pas  linfention  de  faire  entendre  qu'ils  affirment  celte  autorité. 
On  n'afTirme  pas  nécessairemenl  ce  que  l'on  ne  rejette  pas.  Nous  ne 
nions  pas  que  nous  sommes  âgés  de  dix  mille  ans,  mais  nous  ne 
Talfirmons  pas  non  plus.  Nous  n'en  pailons  pas.  Si  d'autres  sonl 
assez  sots  pour  nous  attribuer  un  si  grand  âge.  ils  en  ont  toute  la 
responsabilité.  Pour  notre  part,  nous  ne  nions  rien,  nous  restons 
silencieux.  Nous  ne  le  croyons  pas,  nous  ne  l'alTlrmons  pas  ;  mais 
nous  ne  le  nions  pas. 

Peut-être  nos  lecteurs  trouveront-ils  intéressant  de  voir  comment 
la  .Maçonnerie  se  sert  de  la  Bible  dans  son  Rituel.  Nous  allons  choi- 
sir deux  textes  que  nous  mettrons  en  regard.  Le  premier  est  tiré 
aux  pages  271  et  272  du  Masonic  RiUialist.  Les  versets,  d'après  le 
Dr.  Mackey  «  ont  été  pris  avec  une  légère  modification  nécessaire 
du  second  chapitre  de  la  première  Epîlrede  saint  Pierre  et  du  28*" 
chapitre  d'isaïe  -  . 


^  \ersioj7  Maçonniijue 

Nous  dépouillant  donc,  mes  frère?, 
de  toutf  malice,  de  toute  fraude  o\ 
de  toute.s  liypocrisie?.  envie?;  et  paro- 
les mauvaises... 

Si  toutefois  \o\is  a\ez  goûté  com- 
bien le  Seigneur  a  de  grâce,  vous 
approchant  de  lui,  pierre  vivante 
méconnue,  il  est  vrai,  des  hommes, 
mais  choisie  de  Dieu  et  précieuse, 
vous  aussi  soyez  comme  des  pierre? 
vivantes,  soyez  b^tis  en  une  maison 
spirituelle,  un  sacerdoce  saint,  poui- 
offrir  des  sacrifices  accei)lables  à 
Dieu.  Cest  pourquoi  il  est  dit  aussi 
dans  lEcriture  :  \'oici  que  je  pose  en 
Sion,  pour  fondation,  une  pierre 
éprouvée,  une  précieuse  pierre  an- 
gulaire :  celui  qui  croit  ne  se  hâtera 
pas  (Je  la  franchir.  Pour  vous  donc 
i|ui  Toyez,  c'est  un  honneur  ;  et 
même  pour  ceux  <pii  sont  désobéis" 
sants,  la  pierre  «jue  les  const rui*- 
teurs  ont  refusée,  est  choisie  comme 
pierre  d'angle. 

Frères,  ceci  est  la  volonté  de  Dieu, 
que  par  de  bonnes  actions  vous  ini- 
jiosiezsilence  à  l'ignorance  des  hom- 
mes   sots.    Comme   des  gens  libres. 


l'ersion  biblique 

Vous  dépouillant  donc  de  toute 
malice  et  de  toute  fraude,  des  dissi- 
mulations, des  envies  et  de  toutes 
les  détraclions... 

Si  toutefois  vous  avez  goùlé  com- 
bien le  Seigneur  est  doux.  Vous  ap- 
prochant de  lui.  pierre  vivante  reje- 
tée, il  est  vrai,  par  les  hommes,  mais 
choisie  et  honorée  par  Dieu,  soyez 
vous-mêmes  posés  sur  lui  comme 
des  pierres  vivantes,  un  édifice  spi- 
rituel, un  sacerdoce  saint,  pour  offrir 
des  hosties  spirituelles  agréables  à 
Dieu,  par  Jksis-Christ.  C'est  pour- 
quoi l'Kcriture  porte  :  Voici  <iue  jr 
pose  en  Sion  ta  suprême  pierre  angu- 
laire, choisie,  précieuse,  cl  qui  croira 
en  elle  ne  sera  pas  confondu.  Pour 
vous  donc  qui  croyez,  elle  est  un 
honneur,  mais  pour  les  incroyants. 
/(/  pierre  ijue  les  conslrucleurs  onl  re- 
jelce  est  devenue  la  Idle  de  l'angle.  Et 
une  pierre  d'achoppement  et  une 
pierre  de  scandale  pour  ceux  qui  se 
heurtent  contre  la  parole,  et  ne 
croient  pas  même  ce  à  quoi  ils  onl 
été  destinés.  Mais  vous  êtes  la  race 
élue,    le    sacerdoce    roval.  la    nation 


KT    LA    BIBLE 


175 


qui  ne  vous  servez  pas  de  votre  li-  sainte,  le  peuple  acquis,  pour  que 
herté  comme  d'un  manteau  de  mé-  vous  annonciez  les  grandeurs  de  ce- 
chanceté,  mais  en  serviteurs  de  lui  qui  vous  a  appelés  des  ténèbres 
Dieu.  Honorez  tous  les  hommes,  ai-  à  son  admirable  lumière.  Vous  qui 
niez  la   fraternité,  craignez  Dieu  ».  autrefois    n'éliez    pas    un    peuple    et 

maintenant  êtes  le  peuple  de  Dieu,  vous 
qui  n'aviez  pax  obtenu  miséricorde  el 
maintenant  avez  obtenu  miséricorde. 
Mes  bien-aimés,  je  vous  conjure 
comme  étrangers  et  voyageurs  de 
vous  abstenir  des  désirs  charnels 
qui  combattent  contre  1  ame  '  ». 

L'omission  du  nom  du  Christ  dans  un  passage  spécialement  écrit 
>ur  Lui  est  une  de  ces  légères  modifications  nécessaires  dont  on 
nous  a  parlé  ;  l'omission  de  la  recommandation  de  l'Apôtre  au  sujet 
des  plaisirs  sensuels  en  est  une  seconde.  Mais  quand  on  se  rappelle 
que  l'adoration  d'une  pierre  ou  d'une  colonne  «  n'était  qu'une  forme 
du  culte  phallique  »,  que  la  neuvième  sephirah  des  Kabbalistes  est  la 
Fondation  des  organes  générateurs,  on  comprend  facilement  et  la 
raison  de  l'omission  du  nom  du  Christ  et  la  signitication  qu'on  lui 
substitue.  Mais,  conime  ceci  s'est  opéré  en  faisant  de  Jehovah  un 
Il-Elie,  nous  ne  devons  pas  être  surpris  qu'on  procède  de  même 
pour  le  Christ.  La  Bible  interprétée  au  moyen  de  l'équerre  et  du 
compas  ne  peut  donner  d'autre  sens. 

Le  second  texte  est  tiré  du  Manonic  Biliialist  de  Mackey, 
pp.  431  et  432. 


VersLon    maçonnique 

Car  ce  Melchissedek,  roi  de  Salem, 
prêtre  du  Dieu  Très  Haut  ;qui  nm- 
contra  Abraham  alors  qu'il  revenait 
du  massacre  des  Rois,  et  qui  le 
bénit,  à  qui  Abraham  donna  de  son 
i-(jté  la  d:me  de  tout  :  étant  d  abord, 
par  interprétation.  Roi  de  Justice,  et 
après  cela,  Roi  de  Salem,  c'est-à-dire, 
Roi  de  paix  ;  sans  père,  sans  mère, 
sans  descendance,  n'ayant  ni  com- 
mencement dans  les  jours,  ni  fin  de 
vie,  mais  fait  à  la  ressemblance  du 
Fils  de  Dieu,  reste  prêtre  éternel- 
lement. .Maintenant  considérez  com- 
bien fut  grand  cet  homme  auquel  le 
patriarche  Abraham  lui-même  donna 
la  dîme  du  butin.  Et  en  vérité,  ceu.x 
qui  font  partie  des  fils  de  Levi,  et 
qui  reçoivent  l'office  de  prêtrise,  ont 


Version    biblique 

Car  ce  Melchissédech,  roi  de  Sa- 
lem, prêtre  du  Dieu  Très  Haut,  qui 
alla  au  devant  d'Abraham,  revenant 
de  vaincre  les  rois,  et  le  bénit,  auquel 
aussi  Abraham  donna  la  dime  de  tout, 
dont  le  nom  signifie  premièrement 
roi  de  justice,  et  ensuite  roi  de 
Salem,  c'est-à-dire  roi  de  pai.x. 
Oui  est  sans  père,  sans  mère, 
sans  généalogie,  qui  n'a  ni  commen- 
cement de  jours,  ni  fin  de  vie,  mais, 
ressemblant  ainsi  au  Fils  de  Dieu, 
demeure  prêlre  perpétuellement.  Or, 
considérez  combien  est  grand  celui 
à  qui  le  patriarche  Abraham  donna 
la  dîme  de  ses  principales  dépouilles. 
A  la  vérité,  ceux  des  fils  de  Levi  qui 
reçoivent  le  sacerdoce  ont  ordre,  se- 
lon la   loi.  de  prendre    la    dîme   du 


1.  Les  italiques  et  les  petites  capitales  sont  de  lauteur  Mr  A.  Preuss. 


176  LA    FRANC-MAÇONNKIUF-:    AMERICAINE 

droit  de  recevoir  les  dimes  (lu  peuple,  peuple,  c'est-à-dire  de  leurs  frères, 
conformément  à  la  loi,  c'est-à-dire. île  quoique  ceux-oi  soient  sortis  égale- 
leurs  pères,  quoiqu'ils  sortent  des  ment  d'Abraham.  Mais  celui  dont  la 
reins  d'Abraham.  Et,  bien  que  la  génération  n'est  point  comptée  par- 
chose  ne  se  soit  pas  faite  sans  un  mi  eux  a  pris  la  dime  d  Abraham,  et 
serment,  il  fut  fait  prêtre.  En  eilet  ces       a  béni  celui  qui  avait  les  promesses. 

prêtres  (sous  la  loi  lévitique)  étaient      En  effet,  celui  de  qui  ces  choses 

faits  sans  serment,  mais  celui-ci  le  sont  dites  est  d'une  autre  tribu  de  la- 
fut  sous  serment,  par  Celui  qui  lui  quelle  nul  n'a  servi  à  l'autel,  (lar  il 
dit  :  «  Le  Seigneur  a  juré,  et  il  est  manifeste  que  Noti-e-Seigneur 
ne  se  repentira  point  :  Tu  es  prêtre  est  sorti  de  .hula.  tribu  de  laquelle 
pour  toujours,  selon  Tordre  di*  Mi-l-  Moise  n'a  rien  dit  touchant  les  piè- 
ciiisedek.  (llébr.  \\\.  l-Oj   ..  très.  Et  c'est  encore   plus    manifeste 

s'il  s'élève  un  autre  prêtre  qui  a  une 
similitude  avec  Melcbissèdech.  Oui 
n'est  pas  établi  selon  la  loi  d'un 
précepte  charnel,  mais  selon  la  puis- 
sance de  sa  vie  immortelle Et.  de 

plus,  ce  n'a  pas  été  sans  serment, 
car  les  autres  prêtres  ont  été  établis 
sans  serment,  mais  celui-ci  la  été 
avec  serment  par  celui  <jui  lui  a  dit  : 
Le  Seigneur  a  juré,  et  il  ne  s'en  re- 
pentira pas  ;  vous  êtes  prêtre  pour 
l'éternité.  Tant  est  meilleure  l'alliance 
dont  Jésus  est  le  médiateur' . 

Nos  lecleur.s  peiivenl  apprécier  comment  on  inlerprèle  la  Bible 
lor.squon  a  pour  guides  l'équerre  el  le  compas  !  On  nous  a  bien  ilil 
cependanl  que  les  trois  étaient  inséparal)les  el  ne  faisaient  quun 
en  Maçonnerie,  et  que  les  Frères.*,  ne  pouvaient  accepter  la  Bible 
que  dans  ces  conditions. 

Le  F.'.  Pike  nous  dit  -  :  «  Ceux  ipii  piiseii^ncnt,  même  ceux  qui 
enseignent  le  Christianisme,  sont  en  général  les  plus  ignorants  du 
vrai  sens  de  ce  qu'ils  enseignent.  Il  n'y  a  pas  de  livre  sur  leciuel  on 
sache  moins  d<^  choses  (pie  la  Bible.  Elle  est  aussi  incompréhen- 
sible que  le  Zohar  a  la  plupart  de  ceux  cpii  la  lisent  ». 

Et  il  ne  peut  en  être  aulrcmenl.  élant  donné  tpie  ceux  (pii  |»ré- 
chent  le  Christianisme  ne  se  doiilcnl  [las  (pie  la  Bible  nesl  qu'une 
autre  forme  de  la  Kabbale. 

■  La  Sainte  Kabbale,  ou  tradition  des  enfants  de  Seth,  vint  de 
Chaldée  par  l'intermédiaire  d'Abraham,  dit  le  F.-.  Pike  ^,  elle  fut 
enseignée  au  sacerdoce  égyptien  par  Joseph,  recouvrée  et  purifiée 
par  .Moïse,  dissimulée  sous  des  symboles  dans  la  Bible,  révélée  par 
le  Sauveur  à  saint  .lean,  et  entièrement   contenue  sous  des  formes 

I.   La    Vfi-iion    hildiffue    est    tirée   de  la  traduction  frantjaise  de  La  Sainte 
liihle  .le  1. il. lié  IJavm:,  Paris.  Lethicllcux.  \S<X]    \.  ni    T. 
'J.  Morals  and  ha^ina,  p.  lOri. 
3.  Ilnd..  p    ii7. 


ET    LA    BIBLE  177 

hiératiques  analogues  à  celles  de  l'anliquilé,  dans  l'Apocalypse  de 
cet  Apôtre  ». 

Le  F.-.  Pike,  cependant,  donne  une  version  entièrement  diffé- 
rente de  la  provenance  de  la  Kabbale  lorsqu'il  traite  ex  professa  des 
Mystères.  «  Il  sortit,  du,  fond  de  l'Egypte,  dit-il,  un  homme  d'une 
sagesse  consommée,  initié  à  la  science  secrète  de  l'Inde,  de  la 
Perse  et  de  l'Ethiopie.  Ses  compatriotes  l'appelaient  Thoth  ou 
Phtha  ;  les  Phéniciens  le  nommaient  Taaut  ;  les  Grecs,  Hermès 
Trismégiste,  et  les  Rabbins,  Adris...  La  Nature  semblait  en  avoir 
fait  son  favori  et  lavoir  comblé  des  dons  nécessaires  pour  lui  per- 
mettre de  l'étudier  et  de  la  connaître  à  fond.  La  Divinité  avait,  pour 
ainsi  dire,  infusé  dans  son  être  les  sciences  et  les  arts,  afin  qu'il 
put  instruire  le  monde  »... 

«  En  Egypte,  continue  le  F.-.  Pike,  il  institua  les  hiéroglyphes  : 
il  choisit  un  certain  nombre  de  personnes  qu'il  jugea  les  plus  dignes 
d'être  les  dépositaires  de  ses  secrets;  il  ne  prit  que  celles  qui  étaient 
capables  d'arriver  au  trône  et  aux  plus  hauts  olfices  dans  les  Mys- 
tères ;  il  en  forma  un  corps,  les  créa  Prêtres  du  Dieu  vivant,  les 
instruisit  et  dans  les  sciences  et  dans  les  arts  et  leur  expliqua  les 
symboles  qui  les  voilaient.  Quinze  cents  ans  avant  Moïse,  l'Egypte 
révérait  dans  les  Mystères  un  Dieu  suprême  nommé  le  Seul  lucréé  », 
etc.,  etc.  '. 

«  Il  est  hors  de  doute,  dit  phis  loin  noire  auteur,  que  Joseph  était 
initié.  Après  qu'il  eut  interprété  le  rêve  de  Pharaon,  ce  monarque 
le  nomma  Premier  Ministre,  le  fit  monter  dans  le  char  qui  suivait  le 
'sien,  tandis  qu'on  criait  sur  son  passage  ^6rec/i  .^(prosternez- vous) 
et  lui  donna  le  gouvernement  de  la  terre  d'Egypte.  De  plus,  le 
roi  lui  confia  un  nouveau  nom,  Tsapanat-Paânakh,  et  lui  fit 
épouser  Asanat,  fille  de  Potai  Parang,  prêtre  d'On  ou  Héliopolis, 
ville  dans  laquelle  se  trouvait  le  Temple  d'Athom-Re,  le  Grand  Dieu 
d'Egypte,  le  naturalisant  ainsi  complètement.  Il  n'aurait  pu 
contra.cter  ce  mariage  ni  exercer  cette  dignité  s'il  n'avait,  par 
avance,  été  initié  aux  Mystères  '  ». 

«  Où  les  Mystères  ont-ils  pris  naissance?  On  l'ignore  ^  ».  On  sup- 
pose qu'ils  vinrent  de  l'Inde  en  Egypte  à  travers  la  Chaldée,  et  que, 
de  là,  ils  passèrent  en  Grèce  ». 

Pour  réussir  à  faire  de  la  Bible  un  travestissement  de  la  Kabbale, 
Pike  prétend  tout  connaître  ;  donc  il  nous  informe,  page  97  {Morals 
and  Dogma),  que^Joseph  enseigna  les  Mystères  aux  prêtres  égyp- 
tiens. Cependant,  lorsque  cela  lui  convient,  le  F.-.  Pike  retourne 

1.  Morals  and  Dogma,  p.  364. 

2.  Ibid.,  p.  368. 

3.  Ibid.,  p.  353.  ]3 


178  LA    FR.\NC-M\<;0.\.NKRII-.    AMÉRICAIN!: 

l'histoire  :  il  dil  que  l'Egypte  et  ses  prêtres  avaient  leurs  Mystrres 
quelque  1.300  ans  avant  Joseph,  car  il  ne  s'écoula  qu'environ  tieux 
siècles  entre  Moïse  et  Joseph. 

Le  F.'.  Pike  commit  encore  une  ii^rave  erreur,  s'il  faut  en  croire 
des  Frères  plus  modernes,  en  anirmaul  ijue  le  Christ  révéla  quoi 
que  ce  fût  à  saint  Jean,  d'où  cehii-(i  lira  son  Apocalypse.il  écrit 
dans  son  Encyclopsedia,  sous  la  rubricjue  Oannes.  p.  987  :  «  Celui 
qui,  le  preniier,  enseigna  à  l'homme  les  lettres,  les  sciences  et  les 
arts, particulièrement  l'architecture,  la  géométrie,|la  botanique,  l'a- 
griculture et  toute»?  lesautres  si-iences  utiles, fut  le  dieu-poisson  Oan- 
nes (myth.).  Ce  professeur  universel  apparut,  selon  Bérose.  dans 
le  Golfe  Persique,  non  loiUjde  Babylone.et  quoiqu'il  fût  un  animal^ 
il  était  doué  de  raison  et  d'une  grande  science.  Cette  créature  avait 
en  général  la  forme  d'un  poisson,  ayant  une  tète  humaine  au- 
dessous  d'une  tête  de  poisson,  et  des  pieds  semblables  à  ceux  de 
'homme.  Ce  personnage  s'entretenait  avec  les  hommes  pendant  le 
jour,raais  ne  mangeait  jamais  avec  eux.  Il  y  avait  à  Kouyunjik  une 
statue  colossale  du  dieu-poisson  Oannes.  Ce  qui  suit  est  tiré  du 
Livre  d'Enoch  (vol.  II,  p.  154)  :  «  LesMaçonscélèbrent  leur  grand  fes- 
tival au  jour  de  la  Saint-Jean,  sans  savoir  que,  ce  faisant,  ils  honorent 
le  dieu-poisson  Oannes,  le  premier  Hermès  et  le  premier  fondateur 
des  Mystères,  le  premier  messager  à  qui  l'Apocalypse  fut  révélée, et 
qu'ils  confondent  Oannes  avec  l'auteur  fabuleux  de  la  vulgaire 
Apocalypse  ». 

Que  reste-t-il  de  la  Bible  chrétienne  après  (pielle  a  été  «  cou- 
verte »  de  l'équerre  el  du  compas  ?  Oue  reste-t-il  du  respect  dû  à 
la  Bible  dans  les  cœurs  ma»;omii({ues  nourris  d'histoires  de  pois- 
sons, du  genre  de  celle  méprisable  légende  d'Oannes?  Oue  le 
lecteur  fasse  ses  propres  commentaires.  Nous  terminerons  par  une 
autre  citation  du  F.-.  PiUe  dans  lacpiejlo  il  élablil  un  jinrallèle  entre 
la  Bible  et  la  Kabbale  : 

'<  Toutes  les  véritables  religions  dogmatiques,  nous  ilit-il  ',  sont 
sorties  île  la  Kabbale  el  y  relournenl  :  tout  ce  qu'il  y  a  de  scienli- 
ficpie  et  de  grand  dans  les  rêves  religieux  de  tous  les  illuminés, 
comme  Jacob  B(ehme,  bwedenborg,  Saint-Marlin  et  autres  sem- 
Idables  est  emprunté  à  la  Kabbale  ;  toutes  les  associations  maçon- 
niques lui  doivent  leurs  secrets  et  leurs  symboles  ». 

•  La  Kabbale  seule  consacre  l'Alliance  de  la  Baison  Universelle 
et  du  N'erbe  Divin  ;  elle  met  en  équilibre  i>ar  les  contrepoids  de 
deux  forces  qui  semblent  opposées,  l'élernelle  balance  de  l'exis- 
tence ;  seule,  elle  met  d'accoi'd  la  Baison  et  la  i'oi.  la  Puissance  et 

1.  Morals  iiml  iJogiiiu.  p|i.  741,  715. 


ET    LA    BIBLE 


179 


et  la  Liberté,  la  Science  et  le  Myslère;  elle  a  les  clefs  du  Présent, 
du  Passé  et  de  l'Avenir  ». 

«  La  Bible,  avec  toutes  les  allégories  qu'elle  contient,  n'exprime 
que  d'une  manière  incomplète  et  voilée  la  science  religieuse  des 
Hébreux.  La  doctrine  de  Moïse  et  des  Prophètes,  identique  au  fond 
à  celle  des  anciens  Egyptiens,  avait  aussi  son  sens  extérieur  et  ses 
voiles.  Les  livres  hébreux  ne  furent  écrits  que  pour  rappeler  les 
traditions  à  la  mémoire;  et  ils  étaient  écrits  en  symboles  incom- 
préhensibles aux  profanes.  Le  Pentaleuque  et  les  poèmes  prophé- 
tiques n'étaient  que  de  simples  livres  élémentaires  de  doc- 
trine, de  morale,  de  liturgie  ;  et  la  vraie  philosophie  secrète  ou 
traditionnelle  ne  fut  écrite  que  plus  tard,  sous  des  voiles  encore 
moins  transparents.  Ainsi  naquit  une  seconde  Bible,  inconnue  ou 
plutôt  incomprise  des  Chrétiens  ;  une  collection  d'absurdités  mons- 
trueuses, dit-o«V;  un  monument,  dît  l'adepte,  dans  lequel  on 
trouve  tout  ce  que  le  génie  de  la  philosophie  et  celui  de  la  religion 
ont  pu  former  ou  imaginer  du  sublime;  un  trésor  entouré  d'épines  ; 
un  diamant  caché  dans  une  pierre  grossière  et  sombre  ». 

«  On  est  rempli  d'admiration  en  pénétrant  dans  le  sanctuaire  de 
la  Kabbale,  en  voyant  une  doctrine  si  logique,  si  simple  et  en  même 
temps  si  absolue.  L'union  nécessaire  des  idées  et  des  signes,  la  con- 
sécration par  les  caractères  primitifs  des  réalités  les  plus  fonda- 
mentales ;  la  Trinité  de  mots,  de  lettres,  de  nombres  ;  une  philo- 
sophie aussi  simple  que  1  alphabet,  aussi  profonde  et  infinie  que  le 
Verbe  ;  des  théorèmes  plus  complets  et  plus  lumineux  que  ceux  de 
Pythagore  ;  une  théologie  dont  les  sujets  se  compteraient  sur 
les  doigts  ;  un  Infini  qui  tiendrait  dans  le  creux  de  la  main  d'un 
enfant;  dix  chiffres  et  vingt-deux  lettres,  un  triangle,  une  équerre 
et  un  cercle  ;  voilà  tous  les  éléments  de  la  Kabbale.  Tels  sont  les 
principes  élémentaires  du  Verbe  écrit,  reflet  de  ce  Verbe  parlé 
qui  créa  le  Monde  »  ! 

Nous  ne  savons  pas,  il  est  vrai,  et  nous  l'avouons,  quel  air  ont 
des  doctrines  semblables  à  la  suivante, à  la  lumière  du  Sanctuaire  de 
la  Kabbale,  car  nous  n'y  sommes  jamais  entré,  mais  nous  savons 
quel  air  elles  ont  en  face  du  simple  bon  sens.  Si  nos  lecteurs 
souhaitent  avoir  un  assortiment  plus  complet,  ils  n'ont  qu'à  consul- 
ter le  volume  cité. 

«  Ceux  qui  savent  la  vérité  ont  écrit  :  Celui  qui  ne  se  lave  pas  les 
mains  avant  de  manger,  comme  l'ont  ordonné  les  Rabbis  de  sainte 
mémoire,  sera  transporté  dans  une  cataracte,  où  il  n'aura  pas  de 
repos  ;  il  sera  traité  comme  un  assassin  que  l'on  a  jeté  à  l'eau-  ». 

1  Les  iiâlioii6S  sont  cl6  PilcG 

2.  Kitzur.  Sh'lh,  fol  17,  col.  2  ;  «  The  Kabbala  »,  p.  27G,  Univeraul  Classic 
Library,  Hebraic  Literalure. 


180  LA    FRANC-MAÇON.NERIF.    AMÉRICAINE 

Ayez  honle  de  votre  sort,  ô  vous  tous  qui  ne  vous  lavez  pas  !  Ne 
prenez  pa»  voire  place  à  table  avec  des  mains  qui  n'ont  pas  été  la- 
vées,de  peurque  vousne  subissiez  le  destin  des  assassins  et  ne  soyez 
transportés  dans  le  Niagara  ou  dans  quelque  autre  cataracte  sembla- 
ble ! 

«  Mander  la  viande  après  le  fromage,  ou  le  fromage  après  la 
viande,  nous  dit-on,  est  un  péché  très  grave  ;  et  il  en  est  question 
dans  leZohar,  à  la  section  Mishpalim  où  il  est  dit  que  celui  qui  est 
sans  scrupules  à  cet  égard  sentira  qu'un  mauvais  esprit  résidera  en 
lui  pendant  quarante  jours  ;  son  àme  sortira  de  lespril  qui  n'a'pas 
de  sainteté'  ». 

Ce  qui  suit  est  également  profond  et  pratique  :  «  On  devra  se 
couper  les  ongles  tous  les  vendredis,  ja'mais  le  jeudi,  pour  éviter 
que  ^es  ongles  ne  commencent  à  pousser  le  jour  du  prochain  sab- 
bat. On  devra  se  couper  d'abord  les  ongles  de  la  main  gauche,  en 
commençant  par  le  quatrième  doigt  et  en  finissant  par  le  pouce  i 
puis  on  devra  couper  les  ongles  de  la  main  droite,  en  commençant 
par  le  pouce  et  en  finissant  par  le  quatrième  doigt  ;  il  ne  faudra 
pas  changer  l'ordre  suivant  :  4^,  "2®,  5",  3" ,  1'%  pour  la  main  gauche 
et  1*%  3",  5",  2-, 4^  pour  la  main  droite.  Ne  jamais  couper  les  ongles 
à  deux  doigts  consécutifs,  car  cela  est  dangereux  et  nuit  à  la 
mémoire.  La  raison  et  le  mystère  au  sujet  de  l'ordre  à  suivre 
pour  se  couper  les  ongles  sont  bien  connus   de  l'expert-)). 

Si  quelques-uns  de  mes  lecteurs  ont  soulTert  d'un  trouble  de  mé- 
moire, ils  en  connaissent  à  présent  la  cause.  Quelle  splendide 
mémoire  ils  auraient  eue,  s'ils  avaient  été  instruits  plus  tôt  dans 
la  science  des  mystères  kabbalistiques,  et  s'ils  avaient  évité  de  se 
couper  le.»  ongles  de  deux  doigts  consécutifs  ! 

Le  F.-.  Pike  n'est  pas  sans  connaître  la  nature  de  la  Bible  qu'il 
préfère  tant  aux  Ecritures  Chrétiennes  ;  il  nous  en  informe  lui- 
môme  ■. 

«  La  Maçonnerie,  dit-il,  e.^l  une  recherche  de  la  lumière.  Cette 
recherche  nous  fait  directement  remonter  à  la  Kabbale.  Dans  cet 
encherèlremcnt  ancien  et  peu  compris  d'ahsiinlité  et  de  philoso- 
phie, l'initié  trouvera  la  source  d'un  grand  nombre  de  doctrines; 
avec  le  temps,  il  pourra  parvenir  à  comprendre  les  philosophes 
hermétiques,  les  Alchimistes,  tous  les  penseurs  du  Moyen  âge 
opposés  au  Pape  (Anti-papal),  et  Emmanuel  Swedenborg  )>. 

Ici  donc,  cher  lecteur,  sur  cette  roule  qui  mène  d'un  enchevêtre- 

1.  Op.  cU.  p.  '?SU  ;  Kitzur  Shlh,{o\.  18,  col.  2. 

'J.  Op.  rit.,  pp.  282,  283  ;  Kitzur  Sfi'lli.  fol.  61,  cl.  2. 

3.  Morals  and  dogma,  p.  741. 


ET    LA    BIBLE  181 

ment  d'absurdité  et  de  philosophie  stupide  aux  divagations  de 
Swedenborg,  nous  abandonnerons  l'initié  américain.  Nous  préfé- 
rons prendre  la  route  qui  mène  de  la  Bible  chrétienne  à  Jésus- 
Christ. 

Nous  n'avons  pas  nié,  remarijuez-le,  que  la  Franc-Maconnerie 
américaine  employât  le  Livre  de  la  Bible  ;  toutefois  nous  avons  prou- 
vé que  l'objet  du  respect  maçonnique  n'était  pas  la  Bible  chrétienne 
mais  la  Bible,  l'équerre  et  le  compas  pris  comme  formant  «  un  tout 
inséparable  »,  si  l'on  veut  donner  aux  passages  de  la  Bible  leur  vé- 
ritable importance  maçonnique  ».  Nous  avons  montré,  en  suppo- 
sant qu'un  fait  aussi  évident  ait  besoin  de  démonstration,  qu'une 
telle  Bible  est  une  Bible  maçonnique  et  non  une  Bible  chrétienne, 
car  un  livre  matériel  n'est  rien  si  son  contenu  est  mutilé,  rejeté  ou 
déformé. Nous  avons  montré  que, dans  les  processions  maçonniques 
solennelles,  la  place  de  la  Bible  et  la  personne  de  celui  qui  la  porte 
symbolisent  son  infériorité  par  rapport  au  Livre  des  Constitutions 
maçonniques.  Nous  avons  démontré  que  les  louanges  données  à  la 
Bible  ne  signifient  rien  sur  les  lèvres  des  Maçons,  puisque  la  Bible 
n'est, pour  la  Maçonnerie, qu'un  des  livres  de  révélation  divine  ;  pour 
elle,  le  Koran,  les  Védas,  le  Zend-Avesta,  etc.,  toutes  les  Ei-rilures 
sacrées  ont  même  valeur.  Nous  avons  montré  comment  on  a  volé 
aux  textes  leur  sens  chrétien  en  y  supprimant  le  nom  du  Christ. 
Nous  avons  vu  par  quelles  absurdités  l'authenticité  des  livres  est 
rejetée.  Nous  avons  entendu  déprécier  la  Bible  mise  en  parallèle 
avec  la  kabbale,  livre  qui,  'd'après  le  F.-.  Pike  lui-même  n'est  qu'un 
enchevêtrement  d'absurdités  mêlées  avec  ce  qu'il  appelle  de  la  phi- 
losophie. On  va  jusqu'à  soutenir  que  la  Bible  est  une  forme  impar- 
faite de  la  susdite  kabbale.  Si  c'est  là  tout  le  respect  porté  par  les 
maçons  aux  Saintes  Ecritures,  jugez  un  peu  de  ce  que  pourrait  être 
le  mépris  qu'ils  leur  témoigneraient  ! 


CHAPITRE  XII 

L\  Frwc-Maçonnerie  Américaine  dans   ses  Rapports  avec 
LE  Catholicisme  et  le  Christianisme 

Ouoiciiie  les  pages  précédentes  aient  mis  en  pleine  lumière  les 
rapports  de  la  Franc-Maçonnerie  ésotérique  américaine  aveclecalho- 
licisnîe  et  le  christianisme,  nous  avons  pensé  qu'il  ne  serait  pas  hors 
de  propos,  el  qu'il  serait  même  utile  pour  une  plus  grande  clarté 
de  présenter  en  quelques  pages  les  opinions  courantes  des  Maçons 
sur  différents  sujets  concernant  le  catholicisme  et  le  christianisme. 

Et  d'abord,  en  ce  qui  regarde  le  catholicisme,  nous  devons  nous 
rappeler  qu'il  est  en  pleine  décadenee. 

«  Le  catholicisme,  dit  le  F.-.  Albert  Pike',  qui,  dans  ses  premiers 
temps  était  une  vérité  vivante,  est  tombé  en  décadence,  et  le  pro- 
testantisme s'éleva,  prospéra  et  dégénéra. 

«  Les  doctrines  de  Zoroastre  étaient  les  meilleures  que  pussent  re- 
cevoir les  anciens  Perses  ;  il  en  était  de  même  de  celles  de  Confu- 
cius pour  les  Chinois  ;  et  de  celles  de  Mahomet  pour  les  Arabes 
idolâtres  de  son  siècle.  Chacune  de  ces  doctrines  était  vérité  pour  son 
temps.  Chacune  était  un  Evangile  prêché  par  un  Réformateur,  et  si 
quelques  liouinies  avaient  assez  peu  de  chance  pour  devoir  s'en 
contenter  quand  d'autres  atteignaient  à  une  vérité  plus  haute,  cela 
devait  être  attribué  à  leur  destin  et  non  à  leur  faute.  Il  faut  les 
plaindre  et  non  les  persécuter  ». 

«  Les  vieilles  théologies,  les  philoso[)hies  religieuses  d'autrefois, 
dit-il  encore,  ne  peuvent  |)Ius  nous  sullire  aujourd'hui-^  ». 

Il  oublie  qu'il  nous  a  renvoyés  aux  Mystères  anciens,  aux  philoso- 
phies païennes  el  à  la  profonde  Kal)bale;  mais  passons,  il  nous  sullit 
de  connaîti'C  l'idée  qu'il  se  fait  du  catholicisme. 

Donc,  comme  toutes  ces  anciennes  religions,  le  catholicisme  y 
compi'is,  étaient  uni(juement  «  Vérités  |iour  le  temps  »,  et  les  meil- 
l(!ures  (pi'une  race  ou  un  pays,  eu  égard  à  son  degré  de  barbarie  on 
de  cidliire  iiiiparlaile,  fût  capable  de  recevoir,  la  Maçonnerie  com- 
patissante ne  se  choipiera  i)as  si   «piebpie  adepte   de  ces    religions, 

1.  Morals  and  Dogma,  p.  38, 

2.  Ibifl.,  p.  163. 


LA.    FRANC-MAÇONNERIE    DANS    SES    RAPPORTS  183 

après  avoir  adopté  les  dogmes  maçonniques,  cherche  à  les  interpré- 
ter d'après  avec  sa  foi  particulière. 

«  Nous  ne  rabaissons,  dit  le  F.-.  Pike',  l'importance  d'aucune 
Vérité.  Nous  ne  disons  pas  un  mot  qui  puisse  être  jugé  irrévéren- 
cieux à  l'égard  d'une  foi  quelconque.  Nous  ne  disons  pas  au  Musul- 
man que  ce  qui  est  essentiel  pour  lui,  c'est  de  croire  qu'il  y  a  un 
sevd  Dieu,  et  qu'il  importe  peu  que  Mahomet  ait  été  ou  non  son  pro- 
phète. Nous  ne  disons  pas  à  l'Israélite  que  le  IMessie  qu'il  attend  est 
né  à  Bethléem,  il  y  a  près  de  deux  mille  ans,  et  qu'il  est  hérétique 
de  ne  pas  le  croire.  Et  nous  ne  disons  pas  davantage  au  chrétien 
sincère  que  Jésus  de  Nazareth  n'était  qu'un  homme  comme  nous, 
ou  que  son  histoire  n'était  que  la  reproduction  imaginaire  d'une  lé- 
g:ende  plus  ancienne.  Tout  cela  dépasse  notre  juridiction.  La  Ma- 
çonnerie qui  n'est  d'aucun  temps  appartient  à  tous  les  temps  ;  n'é- 
tant d'aucune  religion,  elle  trouve  en  toutes  les  religions  ses  gran- 
des Vérités  ». 

»(  Elle  révère  tous  les  grands  réformateurs,  dit-il,  page  525  ;  elle 
voit  dans  Moïse  le  Législateur  des  Juifs,  dans  Confucius  etZoroas- 
tre,  dans  Jésus  de  Nazareth  et  dans  l'Iconoclaste  arabe,  de  grands 
professeurs  de  morale  et  d'éminents  réformateurs,  sinon  quelque 
chose  de  plus  ;  et  elle  permet  à  chaque  membre  de  l'Ordre  d'en 
avoir  une  idée  aussi  haute  que  son  Credo  et  la  Vérité  le  demandent, 
et  même  de  leur  attribuer  un  caractère  divin  >>. 

«  La  Maçonnerie,  continue-t-il,  n'est  incrédule  à  aucune  vérité, 
elle  n'enlève  la  foi  à  aucun  credo,  excepté  dans  le  cas  où  ce  ci^edo 
abaisserait  la  haute  estime  de  la  Divinité,  et  la  ravalerait  au  niveau 
des  passions  de  l'humanité,, nierait  la  haute  destinée  de  l'homme, 
attaquerait  la  bonté  et  la  bienveillance  du  Dieu  suprême,  saperait 
ces  grandes  colonnes  de  la  Maçonnerie  :  la  Foi,  l'Espérance  et  la 
Charité,  ou  inculquerait  l'immoralité  et  le  mépris  des  obligations 
actives  de  l'Ordre  ». 

La  Maçonnerie  n'apprend  à  être  incrédule  à  aucun  credo,  excepté, 
—  faites  bien  attention,  cher  lecteur,  à  l'exception. 

Tout  d'abord,  le  catholicisme  rabaisse  l'idée  maçonnique  de  la 
Divinité. 

«  Sur  l'ensemble  des  hommes,  dit  le  F.-.  Pike-,  il  n'y  en  a  pas 
un  sur  dix  mille  dont  les  aspirations  s'élèvent  au-dessus  des  besoins 
journaliers  de  la  vie  animale  la  plus  grossière.  Dans  notre  temps 
et  dans  tous  les  temps,  tous  les  hommes,  à  peu  d'exceptions  près, 
dans   la  pliq)arl   des   pays,   sont  nés  pour  être  de  simples  bêtes  de 

1.  Morals  and  Dogma,  [t.  524. 
•l.  Ibid.,  pp.  V95,  2%. 


184  LA    FB\NC-MAÇO.<NERlE    DANS    SES    RAPPORTS 

somme,  les  compagnons  de  tâche  du  cheval  el  du  bœuf.  Profondé- 
ment ignorants,  même  dans  les  pays  '<  civilisés  »,  ils  pensent  et 
raisonnenl  à  la  laron  des  animaux  aux  côlés  desquels  ils  peinent  et 
se  travaillent.  Pour  eux.  Dieu,  Ame,  Esprit,  Immortalité  ne  sont 
que  des  mots  vides  de  sens.  Le  Dieu  dos  dix-neuf  vingtièmes  du 
monde  chrétien  n'est  pas  autre  chose  que  Bel,  Moloch, Zeus  ou  tout 
au  plus  Osiris,  Milhra  ou  Adonaï,  sous  un  autre  nom,  adoré  avec 
les  vieilles  cérémonies  ou  formules  rituelles  du  Paganisme.  Ce 
quon  adore  comme  le  Père  dans  l'Eglise  chrétienne,  cost  la  statue 
de  Jupiter  Olympien  qui  était  dans  le  Temple  païen  ;  c'est  la  statue 
de  Vénus  qui  est  devenue  la  Vierge  Marie  ».  11  n'y  a  naturellement 
en  cela  rien  dolTensant  pour  les  oreilles  catholiques  et  chrétiennes, 
car  le  F.-.  Pike  nous  a  donné  l'assurance  que  la  Fraternité  n'est 
irrévérencieuse  à  l'égard  d'aucune  foil  Mais  peut-être  sommes-nous 
chatouilleux  à  l'excès  ;  continuons. 

Le  Catholique  accepte  le  Jéhovah  des  Hébreux  tel  qu'il  nous  est 
présenté  dans  l'Ancien  Testament.  En  quelle  estime  le  F.'.  Pike  le 
tient-il  ? 

»  La  Divinité  de  l'Ancien  Testament,  dit-il  ',  est  partout  repré- 
sentée comme  l'auteur  direct  du  mal.  dépêchant  aux  hommes  des 
esprits  mauvais  et  trompeurs,  endurcissant  le  cœur  de  Pharaon  et 
faisant  porter  sur  tout  un  peuple  l'iniipiité  d'un  seul.  La  grossière 
conception  de  la  Sévérité  l'emportant  en  Dieu  sur  la  Miséricorde 
peut  seule  expliquer  les  sacrifices  humains  projetés  sinon  exécutés 
par  Abraham  el  Jephté.  Dans  tous  les  temps  el  dans  tous  les  pays 
du  monde,  les  hommes,  en  général,  ont  reconnu  l'existence  d'un 
Dieu,  sans  se  faire  une  idée  convenable  de  sa  dignité.  La  Jalousie 
Divine  existe  encore  sous  dilTérentes  formes  accommodées  aux  cir- 
constances. 

Dans  Hésiode,  elle  apparaît  sous  la  forme  la  plus  basse  de  la  mé- 
chanceté humaine.  Dans  le  Dieu  de  Moïse,  c'est  une  crainte  de  voir 
désobéir  à  son  pouvoir  autocralitjue  qui  prévient  les  révoltes 
politiques.  Et  même,  les  châtiments  portés  contre  le  culte  rendu 
à  d'autres  dieux  semblent  souvent  dictés  plutôt  par  un  souci  jaloux 
de  sa  propre  supériorité  en  tant  que  Dieu<quepar  l'immoralité  et 
le  caractère  dégradant  de  l'idolâtrie  elh^même  ». 

Nous  avons  déjà  noté,  dans  un  précédenOchapitre-,  ce  (juc  dil  le 
F.-.  Pike  (p.  207)  de  la  ilivinilé  primitive  des  Hébreux  ;  nous  nous 
abstiendrons  donc  de  répéter  ici  la  citai  ion;  il  est  «  irritable,  jaloux 
et  vindicatif  autant  qu'ondoyant  et  irrésolu....    il   commande  d'ac- 

1.  Morals  and  iJogma,  p.  fiS7,  »jH8. 

2.  Supra,  p.  147    dp  Preuss  ;  voir  l.  VI.  p.  3988  de  la  Revue. 


AVEC    LE    CATHOLICISME    ET    LE    CHRLSTIAXISME  185 

complir  les  actes  les  plus  révoltants,  les  plus  hideux  de  cruauté  et 
de  barbarie  »'. 

«  Telle  était,  dans  le  peuple,  l'idée  de  la  Divinité,  continue- 
t-il,  et  cela,  soit  que  les  prêtres  n'en  eussent  pas  de  meilleure 
et  se  missent  peu  en  peine  de  la  redresser,  soit  que  l'intelli- 
gence populaire  ne  fût  pas  assez  développée  pour  pouvoir  s'élever 
à  une  plus  haute  conception  de  la  Toute-Puissance  ». 

«  Mais  telles  n'étaient  pas,  ajoute-t-il,  les  idées  du  petit  nombre 
d'esprits  intelligents  et  éclairés  chez  les  Hébreux.  Il  est  certain  que 
ceux-c/ avaient  une  notion  vraie  de  la  nature  et  des  attributs  de 
Dieu,  aussi  bien  que  les  esprits  du  même  ordre  chez  les  autres 
nations  :  Zoroastre,  Manou,  Confucius,  Socrale  et  Platon.  Mais 
leurs  doctrines  sur  cette  matière  étaient  ésotériques  ;  ils  ne  les 
communiquaient  pas  largement  au  peuple;  ils  n'en  favorisaient 
qu'une  élite  restreinte  ;  de  même  qu'en  Egypte,  dans  l'Inde,  en 
Perse  et  en  Phénicie,  en  Grèce  et  en  Samothrace,  elles  étaient  com- 
muniquées, dans  les  mystères  les  plus  célèbres,  aux  seuls  initiés  ». 
L'Eglise  catholique  proclame  qu'elle  n'a  rien  de  commun  avec  les 
mystères  ni  avec  les  Kabbalistes,  qui  constituent  l'élite  restreinte. 
Donc,  selon  le  F.-.  Pike,  et  cette  théorie  lui  est  commune  avec  les 
auteurs  ma(^onniques,  l'Eglise  ne  peut  revendiquer  la  vraie  connais- 
sance de  Dieu.  Le  Dieu  de  l'Ancien  Testament  et  de  Moïse  «  est 
ravalé  au  niveau  des  passions  humaines  ».  Pour  les  Maçons,  il  est 
une  exception  entre  les  autres  dieux  de  l'antiquité. 

De  plus,  le  Catholicisme,  suivant  la  Maçonnerie,  repousse  la 
haute  destinée  de  l'homme.  Celle  destinée  est  la  Liberté,  l'Egalité, 
la  Fraternité. 

«  Le  Christianisme,  dit  le  F.-.  Pike',  prêche  la  doctrine  de  la 
Fraternité  ;  mais  il  répudie  l'égalité  politique  en  enseignant  conti- 
nuellement l'obéissance  à  César  et  aux  autorités  légales.  La  Ma- 
çonnerie a  été  le  premier  apôtre  de  l'égalité.  Dans  les  monastères 
régnent  la  fraternité  et  l'égalité,  mais  non  la  liberté.  La  Maçon- 
nerie y  a  ajouté  ;  elle  a  réclamé  pour  l'homme  ce  triple  héritage  : 
Liberté, Egalité  et  Fraternité  ». 

«  Les  vérités,  dit-il  quelques  lignes  plus  loin,  sont  les  sources 
d'où  découlent  les  devoirs,  et  c'est  seulement  depuis  quelques  siè- 
cles qu'une  vérité  nouvelle  a  commencé  à  se  faire  voir  distincte- 
ment :  que  l'homme  est  supérieur  aux  institutions,  et  non  les  insti- 
tutions à  l'homme,  Il  a,  par  nature,  l'empire  sur  toutes  les  institu- 
tions. Elles  sont  pour  lui,  dans  la  mesure  de  son  développement.  Ce 
n'est  pas  lui  qui  est  pour  elles...  Libre  Gouvernement,  Libre  Pen- 
sée, Libre  conscience.  Libre  langage  !.  . 

1.  Morals  and  Dogma,  p.  23. 


186  L.\    FRA.NC->r\ÇON.\ERIE    DANS    SES    RAPPORTS 

>'  La  Maçonnerie  a  senti  que  celle  vérilt^  avail  pour  elle  la  loule- 
puissance  (le  l)ieu,  et  que  ni  Pape  ni  potenlals  ne  pouvaient  rien 
sur  elle  ».  (p.  '24). 

«  La  soif  du  pouvoir  n'est  jamais  satisfaite,  dit-il  (p.  74)  ;  elle  est 
insatiable.  Ni  les  hommes,  ni  les  nations,  n'ont  jamais  assez  de 
puissance.  Lorsque  Rome  élail  la  maîliesse  du  monde,  les  empe- 
reurs se  firent  adorer  comme  des  dieux. LLglise  de  Rome  réclamait 
le  despotisme  sur  les  âmes  et  sur  la  vie  entière,  depuis  le  berceau 
jusqu'à  la  tombe.  Elle  flonnait  et  vendait  des  absolutions  pour  les 
péchés  passés  et  futurs.  Elle  prétendait  à  l'infaillibilité  en  matière 
de  foi.  Elle  dépeupla  l'Europe  pour  la  purger  d'hérétiques.  Elle  dé- 
peupla l'Amérique  pour  convertir  des  Mexicains  et  des  Péruviens. 
Elle  donna  et  reprit  les  trônes;  et,  au  moyen  de  l'excommunication 
et  de  l'interdit,  elle  ferma  les  portes  du  Paradis  aux  Nations... 
Chercher  à  subjuguer  la  volonté  d'autrui  et  à  rendre  lésâmes  capti- 
ves parce  que  c'est  exercer  la  plus  haute  puissance,  semble  être 
l'objet  le  plus  élevé  de  l'ambition  humaine.  Tel  est  le  fond  de  tout 
prosélytisme  et  de  toute  propagande,  depuis  Mesmer  jusqu'à 
l'Eglise  romaine  et  à  la  République  française  ». 

..  La  foi  d'un  homme,  nous  dit-il,  (p.  '2*.);,  lui  appartient  en  propre 
autant  que  sa  raison.  Sa  liberté  consiste  autant  dans  l'indépendance 
de  sa  foi  que  dans  celle  de  sa  volonté,  par  rapport  au  contrôle  de 
l'autorité... -Vf//  homme,  nulle  réunion  d'hommes  ne  peut  être  infailli- 
ble, ni  autorisé  à  décider  ce  ({ue  d'autres  hommes  doivent  croire 
et  tenir  pour  article  de  foi. ..Tout  homme  doit  nécessairement  avoir 
le  droit  de  décider,  en  ce  qui  le  concerne,  ce  qui  est  vrai,  car,  à 
information  et  intelligence  égales,  nul  homme  ne  peut  avoir  un 
droit  supérieui-  ou  plus  fort  (jumu  autre  |)our  juger  ». 

Par  consé(piçnt,  nul  n'a  le  droit,  dans  aucune  circonstance,  d'in- 
niger  un  chAliment  en  matière  de  foi.  «  Jamais  homme,  dit  le  F.-. 
Pike,  (p.  H)5),  n'eut  le  droit  d'usurper  la  prérogative  que  Dieu  lui- 
même  n'exerce  pas,  et  de  condamner  ou  de  punir  quelqu'un  pour 
sa  ciovance.  Nés  en  pays  prolestant,  nous  sommes  protestants.  Si 
nous  étions  venus  au  monde  à  l'ombre  de  Saint-Pierre  de  Rome, 
nous  aurions  été  de  dévots  catholitiues  ;  nés  dans  le  (piartier  juif 
d'Alep,  nous  aurions  méprisé  le  Christ  comme  un  imposteur;  à 
Constantinople,  nous  aurions  crié  :  «  Allah  est  Allah,  Dieu  est 
grand, et  .MahcMuet  est  son  prophète  1  »  La  naissance,  le  paysetlédu- 
calion  nous  donnent  notre  foi.  Il  en  est  peu  qui  croient  à  une  reli- 
gion pour  avoir  examiné  .son  évidence  et  son  authenticité,  et  s'être 
fait  une  opinion  raisonnée  sur  la  valeur  de  ses  preuves.  Il  n'y  a  pas 
\m  homme  sur  dix  mille  qui  ait  une  idée  des  preuves  de  sa  foi.  Nous 
croyons  ce  (pi'on  nous  en.seigne,    et    les    plus    fanaliiiucs  sont    les 


AVEC    LE    CATHOLICISME    ET    LE    CHRISTIANISME  187 

moins  instruits  des  fondements  de  leur  croyance.  C'est  une  loi  im- 
périeuse du  gouvernement  divin;  loi  inflexible  comme  Dieu  même, 
que  l'homme  accepte  sans  raisonner  la  croyance  de  ceux  au  milieu 
de  qui  il  est  né  et  a  grandi  ;  la  toi  t'ait  ainsi  partie  de  sa  nature  et 
résiste  à  toute  évidence  contraire,  et  il  refusera  de  croire  au  témoi- 
gnage de  ses  propres  sens  plutôt  que  de  renoncer  à  la  conception 
religieuse  qui  a  grandi  en  lui,  qui  est  devenue  la  chair  de  sa  chair 
et  l'os  de  ses  os  ». 

Le  F.-.  Pike  a  complètement  néglige  le  cas  où  l'incrédulité  à 
reçu  un  châtiment.  En  ce  qui  concerne  l'Eglise  catholique,  l'incré- 
dulité n'a  jamais  été  punie  chez  ceux  qui  étaient  nés  hors  de  son 
sein.  Elle  a  toujours  professé  quelle  n'a  aucune  juridiction  sur  les 
non-baplisés.  Elle  ne  châtie  que  l'obstination  dans  l'apostasie,  et 
c'est  aussi  ce  que  fait  la  Mayonnerie  en  excommuniant  ceux  de  ses 
membres  quelle  considère  comme  de  faux-frères  et  en  les  punissant 
autant  qu'elle  le  peut.  On  voit  manifestement  l'absurdité  du  F.-. 
Pike  sur  la  loi  impérieuse  et  inflexible  du  gouvernement  divin,  sui- 
vant laquelle  nous  persévérerions  dans  une  croyance  reçue  sans 
examen.  Non  seulement  des  individus,  mais  des  peuples  entiers 
ont  changé  leur  croyance,  quelquefois  en  mieux  et  quelquefois  en 
pis.  Quelle  stupidité  de  dire  qu'elle  devient  «  la  chair  de  leur  chair 
et  l'os  de  leurs  os  ». 

«  La  Maçonnerie,  nous  dit-il  encore,  (p.  164  ,  conserve  le  souvenir 
de  l'implacable  es^lerminalion  que  firent  les  troupes  sauvages  de 
Moïse  et  de  Josué  des  gens  de  tout  sexe  et  de  tout  âge,  parce  qu'ils 
avaient  le  malheur  de  ne  pas  connaître  le  Dieu  des  Juifs,  ou  parce 
qu'ils  l'adoraient  sous  un  faux  nom..  ..Elle  voit  les  persécutions 
soufï'ertes  par  Pierre  et  Paul,  le  ijiartyre  de  saint  Etienne,  les 
épreuves  d'Ignace,  de  Polycarpe,  de  Justin  et  d'Irénée  ;  puis,  d'au- 
tre part,  les  soutTrances  des  misérables  païens  sous  les  empereurs 
chrétiens,  comme  celles  des  Papistes  en    Irlande  et  sous  le  règne 

d'Elizabeth  et  de  l'obèse  Henri Et  elle  voit   aussi  l'oppression 

actuellement  encore  exercée  au  nom  de  la  religion  :  des  hommes 
fusillés  dans  une  prison  chrétienne,  dans  la  chrétienne  llalie,  pour 
avoir  lu  la  Bible  chrétienne  ;  des  lois  contre  la  liberté  de  la  parole 
sur  (les  sujets  touchant  au  christianisme,  dans  presque  tous  les 
Etals  chrétiens  ;  et  la  potence  étendant  son  bras  au-dessus  de  la 
chaire  ». 

«  SilaMaçonnerie,  nousdil-il  encore,  (p. 27), avaitbesoind'ôtre  jus- 
tifiée pour  le  fait  d'imposer  des  devoirs  politiques  et  moraux  à  ses 
initiés,  il  lui  suffirait  d'exhiber  la  triste  histoire  du  monde.  Elle  n'au- 
rait même  pà^  besoin  de  tourner  les  pages  pour  remonter  aux  chapi- 
tres où  Tacite  expose  les  horreurs  incroyables  du  despotisme   des 


Ib8  LA  franc-maçon>+:kie  dans  sks  rapports 

Caligula  et  des  Doinilien,des  Caracalla,des  Commode,  desVitellius, 
et  des  Maximin.  elle  u'aurail  (jifà  parler  des  siècles  de  calamilés 
que  traversa  la  gaie  nation  française,  de  la  longue  oppression  des 
temps  de  la  féodalité,  des  Bourbons  égoïstes,  de  ces  temps  où  les. 
paysans  étaient  volés  el  tués  par  leurs  propres  seigneurs  el  princes 
comme  des  moutons,  où  le  seigneur  avait  les  prémices  du  lit  nup- 
tial du  paysan,  où  la  cilé,  une  fois  prise,  était  livrée  sans  pitié  au 
pillage  et  au  massacre,  où  les  prisons  dElat  regoi'geaient  dinno- 
cenles  victimes  et  où  l'Eglise  bénissait  les  bannièi-es  des  assassins 
impitoyables  et  chantait  un  Te  Deum  pour  célébrer  la  (jràce  su- 
prême accordée  à    la  veille  de  la  Saint-Barthélémy  ». 

Mais  citons  un  passage  qui  se  l'apporte  à  des  événements  plus 
récents  encore. 

«  Il  y  a  cent  ans,  dit  Pike  ',  on  apprit  que  les  Kadosh 
n'étaient  autres  que  les  Templiers  dissimulés  ;  on  abolit  donc  ce 
degré  qui, cessant  d'être  en  activité, devint, sous  un  autre  nom,  une 
courte  et  simple  cérémonie.  Alors,  du  fond  de  la  tombe  dans  la- 
quelle il  pourrissait  après  ses  meurtres,  ClémentV  hurle  contre  les 
successeurs  de  ses  victimes,  par  la  voix  de  Pie  IX,(jui  [>rononce  son 
allocution  contre  les  Franc-Maçons.  Les  fantômes  des  Templiers 
morts  hantent  le  Vatican  et  troublent  le  sommeil  de  la  Papauté 
[)aralysée,  qui,  redoutant  les  trépassés,  vocifère  ses  excommunica- 
tions et  ses  analhèmes  impuissants  contre  les  vivants.  C'est  une 
déclaration  de  guerre  ;  elle  était  nécessaire  pour  secouer  l'apathie 
et  changer  l'inertie  en  activité  ». 

Malgré  tout  ce  que  l'on  peut  dire  sur  cette  citation,  il  n'en  reste 
pas  moins  vrai  que  le  F..  Pike  avait  plus  de  bon  sens  que  quelques- 
uns  de  ses  Frères.  ..qui  voulaient  faire  de  Pie  IX  un  Franc-Maçon^ 
Nous  traiterons  ce  sujet  dans  notre  chapitre  suivant  pour  ne  pas 
perdre,  quant  à  présent,  le  fil  île  notre  discussion. 

Après  tout,  le  catholicisme  est-il  autre  chose  ([u'une  sorte  de  ré- 
miniscence des  vieux  mystères  païens  dans  lesquels  nous  retrouvons 
tous  les  sacrements?  «  La  célébration  des  Mystères  de  Mithra,dit-iP, 
était,  comme  le  sacrifice  catholique,  nommée  une  messe,  et  toutes  tes 
cérémonies  en  usaye  étaient  les  mêmes.  On  retrouva  là  tous  les  sa- 
crementsde  l'église  catholique, même  le  soulTle  do  la  Confirmation. 
Le  prêtre  d<î  Mithra  promettait  aux  initiés  la  délivrance  du  péché, 
au  moyen  de  la  confession  et  du  baptême,  et  une  vie  future  de  bon- 

1.  Mordis  arxl  Do^imi,  |i.  si  1. 

'2.  Cf.  The  Culholic  l'ortnii;lillti  licview.WA.  WW.  W  13.  ftp.  -lOi'-Kir.  :  ..  lienotl 
XIV  el  Pie  IX  élaienl-ils  Francs-Maçons}'  ><  jirlicie  rcprodiiil  pto»ul)slance  aux 
pages  207  fl  suivanli-s  df  Pnuiss  (cliapilic  suivant). 

3.  Morals  and  I)ognia.  pp.  r)ll-5rj. 


AVEC    LE    CATHOLICISME    ET    LE    CHRISTIANISME  189 

heur  ou  de  misère.  Il  pratiquait  l'oblation  du  pain,  image  de  la  ré- 
surrection, le  baptême  des  nouveau-nés,  l'exlrême-onction,  la 
confession  des  péchés,  tout  cela  faisait  partie  des  rites  milhriaques. 
Le  candidat  était  purifié  par  une  espèce  de  baptême,  on  lui  impri- 
mait une  marque  sur  le  front,  il  olïrait  le  pain  et  l'eau  en  pronon- 
çant certaines  paroles  mystérieuses  ». 

Dans  quelle  langue  les  .Mystères  de  Mithra  portaient-ils  le  nom  de 
de  messe  ?  demanderons  nous  au  F.-.  Pike.  C'est,  en  vérité,  la  plus 
belle  invention  qui  soit  sortie  de  votre  imagination.  Le  mot  «  messe  » 
désignant  l'olfice  catholique,  vient,  d'après  tous  lesétymologisles,du 
latin  liturgique  missa\  mot  qui  n'existe  pas  comme  substantif,dans 
la  langue  latine  classique.  C'est  un  terme  technique  employé  par 
les  catholiques  et  qui  est  universellement  reconnu  comme  tel.  Et 
comment  pouvez-vous  dire  que  les  cérémonies  sont  les  mêmes  de 
part  et  d'autre,  alors  qu'elles  diffèrent  selon  les  dilTérents  rites  ca- 
tholiques ?  Les  catholiques  orientaux  n'ont  pas  les  mêmes  cérémo- 
nies dans  la  messe  que  les  Latins,  et,  parmi  les  Latins  eux-mêmes, 
il  y  a  des  nuances.  Non,  F.\  Pike  ,  vous  abusez  de  l'ignorance  de 
vos  FF.-., lorsque  vous  présentez  les  sacrements  catholiques  comme 
des  travestissements  de  rites  mithriaques.  Tout  le  monde  sait  qu'il 
existe  un  abîme  infranchissable  entre  les  Mystères  du  paganisme  et 
le  Catholicisme  ;  c'est  ce  qu'un  admirateur  des  Mystères  païens, 
comme  vaus,  ne  peut  pardonner.  Les  sacrements  sont  le  sang 
même  qui  vivifie  l'Eglise;  ils  sont  donc  aussi  éloignés  de  tout  ce  qui 
est  païen,  que  l'Eglise  elle-même  est  éloignée  du  paganisme.  L'ori- 
gine de  l'une  et  de  l'autre  [Franc-Maçonnerie  et  Christianisme  l,  dit 
le  docteur  Mackey  -,  est  ditTérente,  leur  histoire  est  dissemblable  ». 

Mais  le  F.-.  Pike  avait  son  idée  en  cherchant  ainsi  à  faire  de 
l'Eglise  catholique  une  modification  du  Mithraïsme  ;  car,  dans  les 
hauts  grades  de  la  Maçonnerie,  il  y  a  plusieurs  choses  qu'on  peut, 
avec  une  modération  extrême,  qualifier  de  travestissements  de 
l'Eglise  catholique.  11  existe  un  «  baptême  maçonnique  »,  bien  que 
le  F.-.  Pike  refuse  d'y  reconnaître  une  imitation  du  sacrement 
chrétien  ^ 

«  Quels  sont,  demande  le  F.-.  Pike  S  les  symbolesde  purification 
nécessaires  pour  faire  de  nous  des  Maçons  parfaits  ? 

«  Le  lavage  avec  de  l'eau  pure,  ou  baptême,  répond-il  ;  parce  que 
nettoyer  le  corps,  c'est  représenter  emblématiquementla  purification 

1.  Cf.  Keliner,  Heorlologie,  2«éd.  B.  Ilerder,  1".)00.  Pages  58sqq.. 

2.  Encyclopdia,  p.  107. 

3.  Pour  un  exemple  de  «  Baptême  Maçoniiiquo  >>  dans  Xfw-Voik  City,  voir 
The  Catholic  Eorlnighlly  Review,  T.  X\'.  n'  7. 

4.  Morals  and  Dogma,  pp.  538-530. 


190  LA    FRANC-MAÇONNERIE    DANS    SES    RAPPORTS 

de  l'Ame  el  parce  que  cela  favoriî^e  la  santé  du  corps  ;  la  verlu  est 
la  santé  de  l'àine.  tout  comme  le  péché  el  le  vice  en  sont  la  maladie 
elle  dérangement  ;  puis,  il  y  a  l'onclion,  ou  action  d  oindre  avec 
l'huile,  parce  que  cela  a  pour  ellel  de  nous  mettre  à  part  et  de  nous 
consacrer  au  service  et  au  sacerdoce  du  Beau,  du  Vrai  el  du  Bien  ; 
quant  aux  i-obes  blanches,  elles  sont  les  emltlèmes  de  la  candeur, 
de  la  pureté  et  de  la  vérité  >^. 

'<   Uuel    est  pour  nous,    reprend-il.    le   symbole   principal  de  la 
rédemption  et  de  la  régénération  définitives  de  l'homme  ? 

«  C'est,  répond-il,  le  souper  fraternel  avec  le  pain  qui  nourrit, 
avec  le  vin  qui  rafraîchit  et  réconforte  ;  symbole  du  tenips  à  venir 
où  toute  l'humanité  sera  une  grande  et  harmonieuse  fraternité  ; 
enseignement  qui  nous  apprend  les  grandes  leçons  que  voici  :  c'est 
que  la  matière  changeant  sans  cesse  sans  qu'aucun  atome  soit 
anéanti,  il  n'est  pas  rationnel  d'admettre  que  l'âme,  étant  d'une 
nature  bien  plus  noble,  ne  prolonge  pas  son  existence  au-delà  du 
tombeau  ;  c'est  que  les  myriades  il'hommes  qui  sont  morts  avant 
nous,  pourraient  revendiquer  un  droit  de  propriété  sur  les  particules 
qui  composent  nos  corps  mortels,  la  matière  ne  cessant  de  former 
des  combinaisons  nouvelles  ;  les  corps  des  antiques  morts,  des 
patriarches  qui  ont  précédé  et  suivi  le  Déluge,  des  rois  el  du  menu 
peuple  de  tous  les  siècles,  s'élant  dissous  en  leurs  éléments  consti- 
tutifs, sont  transportés  par  le  vent  à  travers  tous  les  continents  ;  ils 
entrent  incessamment  comme  parties  intégrantes  dans  les  demeu- 
res des  âmes  nouvelles,  ce  qui  crée  de  nouveaux  liens  de  sympathie 
et  de  fraternité  entre  tout  homme  vivant  el  sa  race  tout  entière. 
Dès  lors,  dans  le  pain  que  nous  mangeons,  dans  le  vin  que  nous 
buvons  ce  soir,  W peut  '  se  trouver,  toutes  prêtes  à  entier  en  nous, 
les  particules  mêmes  qui  ont  concouru  à  former  les  corps  matériels 
appelés  Mo'ise,  Confucius,  Platon,  Socrale  ou  Jésus  de  Nazareth. 
Dans  le  sens  le  plus  rigoureux  des  teimes,  nous  mangeons  el  buvons 
les  corps  des  morls,  el  il  nous  est  impossible  d'aHirmer  qu'il  y  ail  un 
seul  atome  de  notre  sang,  de  notre  corps,  dont  une  àme  ou  une 
autre  ne  puisse  nous  disputer  la  propriété  ». 

Ouand  nos  lecteurs  auront  été  informés  que  c'est  cela  qu'on 
nomme  la  «  Communion  des  Frères  )-.  ils  comprendront  aisément 
le  sens  de  loul  ce  (pie  dit  le  F.".  PiUe. 

'  Le  Pain  el  le  rin  consacrés,  dit  le  V .• .  Mackcy-  ,  c'est-à-dire  le 
pain  et  le  vin  employés, non  pas  simidement  comme  aliments,  mais 
rendus  sacrés  par  la  volonté  de  symboliser  un  lien  de  fraternité,  ce 

1.  L<"s  ilalitiucs  .s(int  «le  l'ikc. 

'2.  Encyclopxdui.  p.  121).  ' 


AVEC    LE    CATHOLICISME    ET    LE    CHR1STL\MSME  UU 

pain  qu'on  mange,  ce  vin  qu'on  boil  pour  accomplir  ce  qui  s'appelle 
quelquefoisla»  Communion  des  Frères»,  se  reti-ouvent  dans  certains 
des  grades  supérieurs,  comme  dans  l'Ordre  du  Souverain  Pontifical 
dans  le  Rile  Américain,  el  dans  le  grade  de  Rose-Croix  des  Riles 
Français  el  Ecossais  ».  «  Et  c'est  ainsi  que  dans  le  pain  (consacré) 
et  dans  le  vin  (consacré)  que  nous  buvons  ce  soir,  peuvent  entrer 
les  parcelles  mêmes  de  matières  qui  vont  s'incorporera  nous  et  qui 
ont  jadis  fait  partie  du  corps  matériel...  appelé  Jésus  de  Nazareth. 
C'est  dans  le  sens  le  plus  rigoureux  des  U  rmes  que  nous  mangeons 
et  buvons  les  corps  des  morts  ». 

Et  cependant,  en  dépit  de  toutes  ces  choses,  il  est  des  gens  qui 
voudraient  nous  persuader  qu'il  n'y  a  rien  d'anticalholique  dans 
la  Franc-j\la<^onnerie  américaine  1 

Tournons-nous  maintenant  vers  le  Christianisme. 

La  Maçonnerie,  nous  l'avons  dit.  révère  également  tous  les 
grands  réformateurs.  Bouddha,  Confucius,  Mahomet  el  Jésus- 
Christ.  L'âme  chrétienne  qui  n'est  pas  satisfaite  avec  cela  doit  être 
bien  difficile,  en  vérité.  Mais  si  cela  ne  suffit  pas,  la  Maçonnerie 
élargira  les  limites  de  sa  tolérance,  comme  nous  l'avons  vu,  et 
prendra  en  pitié  ceux  à  qui  l'on  proposait  une  foi  plus  noble,  la  foi 
pure  de  la  Kabbale,  et  qui  se  contentent  d'aller  à  tâtons  dans  les 
voies  obscures  d'un  Christianisme  suranné. 

*(  Les  ignorants  stupides  qui  égarèrent  le  Christianisme  primitif, 
en  substituant  la  foi  à  la  science,  la  rêverie  à  l'expérience,  le  fan- 
tastique au  réel  ;  les  inquisiteurs  qui,  pendant  tant  de  siècles,  firent 
nne  guerre  exterminatrice  à  la  Magie,  qui  réussi  à  couvrir  du  voile 
des  ténèbres  les  antiques  découvertes  de  l'esprit  humain  ».  dit  le 
F.-.  Pike',  «  en  sorte  que  nous  allons  à  tâtons  dans  l'obscurité 
pour  retrouver  la  clef  des  phénomènes  de  la  nature  ». 

La  pitié  ne  vous  sullit-elle  point?  En  ce  cas,  la  Maçonnerie  vous 
traitera  avec  indulgence,  dans  le  grade  de  Rose-Croix,  si  vous  croyez 
ce  à  quoi  le  Christ  Lui-même  ne  croyait  pas:  à  sa  Divinité.  «Et  tout 
vrai  Chevalier  de  la  Rose-Croix,  dit  le  F.-.  Pike-,  révélera  la  mé- 
moire de  Celui  qui  l'enseigna  [la  «  Nouvelle  Loi  »,  le  «  Mot  », [c'est- 
à-dire  l'Amour],  et  elle  sera  pleine  d'égards  pour  eeux-là  même  qui 
lui  atiribuenl  un  caractère  bien  au-dessus  de  ses  propres  conceptions 
ou  de  sa  croi/ance,  et  qui  vont  jusqu'à  le  considérer  comme  Divin  ». 

Le  Christianisme  croit  également  à  l'histoire  de  la  Création, 
telle  quelle  est  donnée  dans  la  (ienèse  ;  à  la  chute  de  l'homme  par 
la  tentation  du   Serpent  ;  à  la  réalité  de  l'existence  de  Satan  ;  à   la 

1.  Morals  and  Dofjma,  \).  732. 
'2.  Ihid..  \).  310. 


192  LA    FFANC-MAÇONNEBIE    DANS   SES    RAPPORTS 

révélation  de  Dieu  aux  Juifs  :  toutes  choses  et  bien  d'autres  encore 
que  la  Maçonnerie  nie. 

«  L'homme  est  tombé,  dit  le  F.-.  Pike',  mais  non  par  la  tenta- 
lion  du  Serpent.  Car,  d'après  les  Phéniciens,  le  Serpent  participait 
à  la  Nature  Divine  et  il  était  sacré,  comme  en  Egypte.  On  le  croyait 
immortel,  à  moins  qu'il  ne  l'ùt  tué  par  violence;  il  retrouvait  la  jeu- 
nesse dans  sa  vieillesse,  en  entrant  en  lui-même  pour  s'y  consumer. 
C'est  pourquoi  le  Serpent  qui  forme  un  cercle  en  mordant  sa  queue, 
était  un  emblème  de  rEtornilé.  Lorsqu'il  avait  la  tèle  d'une  cor- 
neille, il  était  de  Nature  Divine  et  représentait  le  soleil.  Une  Secte 
de  Gnostiques  le  prit  à  cause  de  cela  pour  son  bon  génie,  et  c'est 
encore  pourquoi  Moïse  éleva  le  Serpent  d'airain  dans  le  Désert,  afin 
qu'en  le  regardant,  les  Israélites  retrouvassent  la  vie  ». 

Si  vous  voulez  vivre  spirituellement,  cher  lecteur,  rejetez  loin  de 
vous  l'histoire  slupide  de  la  tentation  d'Eve.  Le  Scr|>enl  est  un 
principe  de  vie,  d'immortalité,  de  Divinité.  Acceptez  <lonc  la  jolie 
fable,  non  pas  celle  des  chats  de  Kilkenny  qui  s'entre-dévoraient, 
mais  celle  sur  laquelle  la  légende  irlandaise  est  fondée,  celle  du 
serpent  se  mangeant  lui-même  tout  entier.  Imitez  les  Ophites  qui 
adoraient  le  serpent  comme  dieu.  C'est  ainsi  que  vous  vous  rappro- 
cherez du  vrai  cidte  de  Dieu. 

«  Nous  nous  mo({uons  des  Augures,  dit  le  F.-.  Pike  (page  10?). 
Il  est  fort  aisé  de  railler,  et  si  diflicile  de  bien  comprendre.  La 
Divinité  a-t-elle  laissé  le  monde  entier  sans  Lumière  pendant 
quarante  siècles  pour  finir  par  illuminer  un  seul  petit  coin  de  la 
Palestine  et  un  peuple  brutal,  ignorant  et  ingrat  »  ?  Non,  F.-.  Pike, 
Dieu  n'a  pas  laissé  le  monde  sans  lumière  pendant  quarante  siècles, 
quoiqu'il  la  répandît  avec  une  plus  graiule  abondance  sur  la  nation 
juive  ;  on  pourrait  dire  aussi  qu'il  envoya  plus  tard  son  divin  Fils 
dans  ce  même  petit  coin  de  la  Palestine,  avec  une  mission  person- 
nelle de  salut  rédempleur,inalgrr  la  mort  honteuse  que  ferait  subir 
à  ce  Fils  le  peui)le  de  Judée. 

Mais  la  religion  juive,  sur  laquelle  repose  le  Christianisme,  ne 
peut  avoir  été  inspirée  par  Dieu,  dit  le  F.-.  Pike,  puisqu'elle  a 
changé  de  siècle  en  siècle,  cori  ompue  au  contact  des  sectes  païen- 
nes qui  l'approchèrent. 

«^La  religion  enseignée  par  Moïse,  dit-il  -,  qui  promulguait  le 
j)rincipe  d'exclusion,  comme  les  lois  d'Egypte,  avait  à  loulesjles 
époques  de  son  existence,  fait  des  emprunts  à  toutes  les  religions 
avec  lesquelles  elle  s'était  trouvée  en  contact.  Tandis  que,  par  les 

1.  Morals  and  Doijnia,  p.  27H. 
•2.  Ibid.,  i).-M7. 


AVEC   LE    CATHOLICISME    RT    LE    CHRISTIANISME  193 

soins  des  érudils  et  des  sages,  elle  s'éLail  enrichie  des  plus  admira- 
bles principes  des  religions  de  l'Egypte  et  de  l'Asie,  elle  fut  altérée 
par  les  égarements  du  peuple,  par  tout  ce  que  contenaient  de  parti- 
culièrement impur  et  de  séducteur  les  fiiœurs  et  la  superstition  des 
païens.  Un  changement  s'était  opéré  au  temps  de  Moïse  etd'Aaron, 
un  autre  sous  David  et  sous  Salomon,  un  troisième  avec  Daniel 
et  Philon  ».  Le  F.-.  McClenachan  est  tout  aussi  capable  de  faire 
de   la  lumière  sur  l'Ecriture  chrélienne. 

«  Les  deux  arbres  de  la  Genèse,  dit-il  ',  étaient  l'arbre  de  la  Vie 
et  l'arbre  de  la  Science  ;  ils  furent  probablement  tirés  de  l'histoire 
des  Egyptiens  ou  de  celle  de  Zoroastre.  Sauf  la  mention  qui  est 
faite  dans  la  Genèse  de  l'arbre  de  Science,  il  n'en  est  plus  question 
dans  la  Bible,  tandis  qu'on  trouve  le  nom  de  l'arbre  de  Vie  ou  de 
l'Arbre  qui  donne  la  vie  »,  dans  l'Apocalypse,  II,  7.  C'est  bien  le 
sens  que  contient  le  nom  oriental  Lingam  ou  pilier.  Lorsque  ce 
pilier  était  couvert  d'inscriptions  gravées  dans  la  pierre,  le  Toth  ou 
Pilier  prenait  en  Egypte  le  nom  d'  «  Arbre  de  Science  ».  Retrouver 
dans  les  doctrines  du  paganisme  la  source  originelle  de  la  révéla- 
tion hébraïque,  modifier  ou  au  besoin  inventer  des  fables  païennes 
pour  leur  donner  l'apparence  de  préfigurations  des  doctrines  et  des 
pratiques  chrétiennes,  employer  constamment  l'équerre  et  le  com- 
pas pour  découvrir  dans  la  Bible  le  culte  phallique  des  anciens, 
telle  est,  vous  le  voyez,  la  tâche  de  la  Maçonnerie  ésotérique. 

11  est  vrai  de  dire  qu'un  elTorl  a  été  tenté  pour  christianiser  la 
Maçonnerie,  comme  nous  le  dit  le  Dr.  Mackey-,  et  ceux  qui  ont 
puisé  la  Maçonnerie  à  de  telles  sources  sans  avoir  rien  lu  sur  les  ten- 
tatives maçonniques,  ceux  qui  n'ont  jamais  pénétré  au  plus  profond 
du  sanctuaire  maçonnique,  ont  cru  bénévolement  que  non,  seule- 
ment la  Maçonnerie  n'était  pas  anti-chrétienne,  mais  qu'elle  était 
hautement  chrélienne. 

«  Quelques  auteurs  maçonniques  des  plus  distingués  d'Angle- 
terre et  de  ce  pays,  dit  le  Docteur,  ont  adopté  la  théorie  de  l'inter- 
prétation des  symboles  de  la  Franc-Maçonnerie  à  un  point  de  vue 
chrétien  ;  cette  théorie,  selon  moi,  n'appartient  pas  à  l'ancien  sys- 
tème. Hutchinson,  et  Oliver  après  lui  —  malgré  la  profondeur  phi- 
losophique de  leurs  spéculations  maçonniques  —  sont  tombés,  je 
crois,  dans  une  grande  erreur  en  donnant  le  nom  d'institution  chré- 
tienne au  grade  de  Maître  Maçon.  Il  est  vrai  qu'il  renferme  dans 
son  ensemble  les  grandes  vérités  du  Christianisme  concernant  l'im- 
mortalité de  l'âme  et  la  résurrection  du  corps;  cette  coïncidence  n'a 

1.  Encydopxdia,  p.  1017. 

2.  Ibid.,  pp.  162,163.  14 


194  LA    F.-.    M.-.    AMÉRICAINE    ET    LE   CATHOLICISME 

rien  d'élontianl,  parce  que  la  Franc-Maçonnerie  esl  la  vérité,  et  que 
la  vérité  doit  être  une.  Mais  l'origine  de  l'une  et  de  l'autre  est 
différente  ;  leur  histoire  est  dissemblable.  Les  principes  de  la 
Franc 'Maçonnerie  ont  précédé  l'avènement  du  Christianisme.  Ses 
symboles  et  ses  légendes  viennent  du  Temple  de  Salomon  et  du 
peuple  qui  vivait  dans  un  temps  plus  éloigné  encore.  Elle  tient  sa 
religion  du  sacerdoce  ancien,  et  sa  foi,  de  Noé  et  de  ses  plus  pro- 
ches descendants.  Si  la  Maçonnerie  n'était  qu'une  institution  chré- 
tienne, les  Juii's,  les  Mahometans,  les  Brahmanistos,  les  Bouddhis- 
tes ne  pourraient  avoir  part  à  son  illumination.  Mais  elle  met  toute 
sa  gloire  dans  son  universalité.  Les  citoyens  de  toutes  les  nations 
peuvent  converser  dans  son  langage  ;  les  hommes  de  toute  reli- 
gion peuvent  s'agenouiller  à  son  autel  ;  les  fidèles  de  tous  les 
cultes  peuvent  accepter  son  credo  ». 

On  peut  dire  en  toute  vérité  que  celui  qui  s'est  imaginé  que  la 
Maçonnerie  est  chrétienne  est  tombé  dans  une  grave  erreur.  Qui- 
conque essaya  de  la  christianiser  aurait  dû  se  rendre  compte  de 
l'impossibilité  de  christianiser  le  paganisme  et  son  culte  sensuel. 
Le  Dr.  Mackey  pardonne  cette  faute,  parce  qu'elle   est  instinctive. 

«  Ce  sentiment  est  instinctif,  dit-il,  et  il  provient  des  plus  nobles 
aspirations  de  notre  nature  humaine;  c'est  pourquoi  nous  voyons 
les  auteurs  maçonniques  chrétiens  s'y  abandonner  jusqu'à  l'excès 
et  nuire  au  caractère  cosmopolite  de  l'institution  par  l'abondance  de 
leurs  interprétationsconfessionnelles  '  ».  On  ne  parle  jamais  d'excès 
quand  il  s'agit  du  paganisme.  La  Maçonnerie  ne  trouve  à  redire 
que  lorsque  le  Christianisme  est  en  cause.  D'après  la  Maçonnerie, 
le  Christianisme  est  sectaire,  anticosmopolite  ;  il  ne  fait  pas  partie 
de  l'ancien  système:  en  un  mol.  nous  l'avons  déjà  dit,  il  est  anti- 
maçonnique. 

1.  Encyclopaedia,  p.  63. 


CHAPITRE    XIII 
Benoît  XIV  et  Pie  IX  étaient-ils  Francs-MaçOxNS  ? 


Nous  relevons  dans  le  New  Age,  revue  ma(;onnique  publiée  à 
Washington  D.  G.,  celle  question  posée  par  le  rédacteur  d'un  ar- 
ticle paru  dans  le  numéro  de  janvier  1905  (pp.  81,  82). 

«  Comment  se  fait-il,  s'il  est  vrai  que  la  Maçonnerie  soit  si  anti- 
catholique et  si  antichrélienne,  que  des  évèques  et  même  des  papes 
aient  été  membres  de  l'Institution  ?  Si  les  papes  peuvent  être 
francs-maçons,  les  simples  catholiques  devraient  avoir  la  permis- 
sion de  faire  partie  de  la  fraternité. 

«  Xous  n'avoils  pas  la  moindre  prévention  contre  l'Eglise  catho- 
lique romaine,  continue  notre  auteur,  nous  considérons  la  con- 
damnation portée  par  elle  contre  la  Franc-Maçonnerie  comme  le 
résultat  de  son  ignorance  de  la  vraie  nature  de  la  Fraternité  et  des 
fins  qu'elle  se  propose.  Lenning  nous  dit, dans  son  Ger/nan  Freemason's 
Lexicon  (Lexique  du  Franc-Maçon  allemand),  qu'après  qu'il  eut  con- 
firmé la  Bulle  lancée  contre  les  Francs-Maçons  par  son  prédécesseur, 
Clément  XII,  le  pape  Benoît  XIV,  influencé  par  un  de  ses  partisans, 
zélé  Franc-Maçon,  fut  secrètement  initié  à  l'Ordre.  Un  Franc- 
Maçon  romain, du  nom  deTripolo, prononça  un  discours  à  l'occasion 
de  la  réception  du  pape,  et  il  est  avéré  que,  durant  la  dernière  par- 
tie de  son  pontificat,  le  Pape  libéral  et  éclairé  cessa  de  persécuter 
les  Francs-Maçons,  ce  qui  renforce  les  allirmations  de  Lenning  ». 

Nous  lisons  plus  loin  : 

«  Le  Pape  Pie  IX  était  Franc-Maçon,  et  si  l'Evèque  de  Dijon,  Le 
Nordez,  appartient  véritablement  à  la  Fraternité,  il  n'a  fait  que 
suivre  l'exemple  des  hauts  dignitaires  de  sa  propre  Eglise  ». 

Voici  la  conclusion  : 

«  Si  les  papes  et  les  évêques  peuvent  être  Maçons,  pourquoi  tous 
les  membres  de  la  même  Eglise  n'auraient-ils  pas  le  droit  d'entrer 
dans  la  Société  ?» 

Cet  argument  paraît  plausible  aux  Protestants, qui  se  méprennent 
complètement  sur  les  rapports  qui  existent  entre  le  Pape  et  les 


1Ô6  BENOÎT    XIV    ET    PIB    IX 

fidèles  catholiques.  «  Le  Pape  a  fait  telle  chose,  donc  tout  catholi- 
que peut  la  faire.  Cet  argument  n'existe  pas  pour  le  catholique,  qui 
sait  que  le  Pape  et  les  évéques  peuvent  errer,  peuvent  pécher  gra- 
vement. Lescatholiques  peuvent-ils,  pour  ce  motif,  en  conscience,  en 
faire  autant?  Evidemment  non.  La  conscience  catholique  n'a  pas  pour 
guide  ce  que  fait  le  Pape,  ni  même  ce  qu'il  enseigne  en  tant  que 
personne  privée,  mais  seulement  ce  qu'il  enseigne  à  l'Eglise  univer- 
selle comnie  \*icaire  de  Jésus-Christ.  Or,  lorsqu'ils  ont  parlé  de  la 
sorte  sui'  la  Franc-Maçonnerie,  tous  les  Pontifes  l'ont  condamnée 
dans  les  termes  les  plus  clairs,  et,  parmi  ces  condamnations,  il 
n'en  est  pas  de  plus  nettes  et  de  plus  précises  que  celles  de 
Benoît  XIV  ei  de  Pie  IX.  Ce  sont  ces  paroles-là  qui  sont  les  guides 
des  consciences  catholiques,  et  non  les  actes  personnels  de  l'un  ou 
l'autre  de  ces  pontifes. 

Mais  lorsqu'on  en  vient  à  considérer  les  deux  pontifes  dont  la 
secte  a  fait  choix  pour  déclarer  qu'ils  furent  au  nombre  de  sesmem- 
hres,  on  est  surpris  de  l'aveuglement  des  Frères.  Le  Docteur  Mackey, 
mieux  informé,  prête  à  Benoît  XIV  un  caractère  tout  différent  de 
celui  sous  lequel  nous  le  présente  Lenning. 

«  Il  était  distingué  par  sa  science,  dit  le  Docteur*',  et  il  fut  un 
grand  prolecteur  des  arts  et  des  sciences.  Il  se  montra  cependant 
ennemi  implacable  des  sociétés  secrètes,  et  il  lança,  le  18  Mai 
1751,  sa  fameuse  Bulle  qui  renouvelait  et  maintenait  l'excommuni- 
cation portée  contre  les  Francs-Maçons  dans  celle  de  son  prédéces- 
seur »  Le  Docteur  fait  une  légère  erreur  de  date.  La  Bulle,  signée 
le  13  Mai,  ne  fut  publiée  que  le  28  -. 

Mais  si  cette  erreur  insignifiante  s'est  glissée  dans  l'écrit  du 
Docteur,  il  n'y  a  aucune  erreur  sur  les  sentiments  du  Pontife. 
La  Bulle  fut  lancée  dans  la  onzième  année  d'un  pontificat  qui  ne 
dura  que  dix-sept  ans,  huit  mois  et  seize  jours  ;  le  Pape  avait  alors 
soixante-seize  ans. 

Voici  en  (juels  termc'^  fut  portée  la  célèbre  condamnation  de 
Benoît  XIV  : 

«  Cependant,  pour  qu'on  ne  puisse  pas  nous  reprocher  l'im- 
prévoyance d'avoir  négligé  quelque  chose  qui  pût  facilement  ôter 
toute  ressource  et  fermer  la  bouche  au  mensonge  et  à  la  calomnie, 
après  avoir  pris  l'avis  de  quelques-uns  de  nos  Vénérables  Frères, 
les  Cardinaux  de  la  Sainte  Eglise  Homaine,  nous  avons  décrété  de 
confirmer  par  les  présentes  celte  Constitution  de  Notre  prédéces- 
seur, insérée  ci-dessus  mol  à  mot  dans  la  forme  spécifique  qui  est 

1.  lùicyi'liijunlia.  p.   11!{. 

'■i.  tiullarium  Heiieilicli  \/V',  vol.  iii,  p.  280. 


ÉTAIENT-ILS    FRAXCS-MAÇONS?  197 

de  toutes  la  plus  ample  et  la  plus  efficace,  comme  nous  la  confir- 
mons, la  corroborons  et  la  renouvelons  de  science  certaine  et  de  la 
plénitude  de  Notre  autorité  apostolique,  par  la  teneur  des  présen» 
tes  lettres,  en  tout  et  pour  tout,  comme  si  elle  était  publiée  pour  la 
première  fois,  de  Noire  autorité  et  en  Notre  nom,  et  Nous  voulons 
et  Nous  décrétons  qu'elle  ait  force  et  efficacité  à  toujours^  ». 

Tel  est  le  Pontife  dont  Lenning  voudrait  faire  un  ÏNIacon.  Benoît 
XIV  confirme  sous  une  forme  spécificfue  la  condamnation  de  son  pré- 
décesseur qu'il  introduit  mot  pour  mot  dans  la  sienne  ;  puis,  après 
un  soigneux  examen,  il  la  rend  perpétuelle  ;  et  Ion  voudrait  nous 
faire  croire  qu'entre  sa  soixante-seizième  et  sa  quatre-vingt-deu- 
xième année,  un  certain  Maçon,  — chose  aussi  invraisemblable  que 
beaucoup  d'autres  à  ce  sujet  —  initia  le  Pontife  et  en  fit  un  Franc- 
Maçon.  Quand,  où,  comment  cela  se  passa-t-il?  —  Que  l'imagina- 
tion poétique  réponde.  La  condamnation  solennelle  ne  fut  jamais 
révoquée,  elle  subsiste  encore  dans  toute  sa  force,  —  et  Benoît  xiv 
mourut  sans  la  rétracter.  «  Mais,  dit  le  Rédacteur  du  New-Age,  il 
est  certain  que,  durant  la  dernière  partie  de  son  Pontificat,  le  Pape 
libéral  et  éclairé  cessa,  en  fait,  de  persécuter  les  Francs-Maçons, 
donnant  ainsi  une  base  solide  aux  affirmations  de  Lenning  ».  Nous 
avouons  qu'il  nous  est  impossible  d'imaginer  ce  que  l'auteur  en- 
tend par  «  la  dernière  partie  »  du  Pontificat  de  Benoît  XIV.  11  nous 
semble  qu'un  document  de  cette  importance,  émanant  d'un  homme 
de  soixante-seize  ans,  six  ans  avant  sa  mort  à  l'âge  de  quatre-vingt- 
deux  ans  peut-être  considéré  comme  ayant  paru  sufiîsamment  près 
de  la  dernière  partie  de  son  règne.  Nous  sommes  heureux  de  cons- 
tater que  le  Dr  Mackey  avait  une  trop  bonne  opinion  de  l'intelli- 
gence de  ses  lecteurs  pour  leur  présenter  Benoît  XIV  comme 
Franc-Maçon. 

L'histoire  de  Sa  Sainteté  Pie  IX  est  taillée  dans  la  même  étofle, 
«  Elle  prit  naissance  en  Allemagne,  dit  John  (lilmary  Shea,  dans 
sa  Vie  du  Pape  Pie  IX  (pp.  "291,  Q9?)  et  ses  auteurs  rrurent  qu'en 
plaçant  la  scène  en  Amérique,  ils  ne  seraient  point  découverts.  Ils 
déclarèrent  donc  positivement  que  Pie  IX  avait  été  reçu  dans  une 
Loge  maçonnique  de  Philadelphie  ;  ils  citèrent  ses  discours  et 
affirmèrent  qu'un  certain  nombre  de  ses  autographes  étaient  con- 
servés dans  la  Loge.  Malheureusement  pour  l'histoire.  Philadelphie 
est  une  ville  située  dans  le  monde  civilisé  ;  ses  habitants  savent  lire 
et  écrire.  Ils  cherchèrent  donc  et  déclarèrent  après  examen  qu'il 
n'existait  pas  dans  la  ville  de  Loge  maçonnique  au  nom  indiqué» 
qu'en  outre  Jean-Marie  Mastaï  n'avait  jamais  été  reçu  dans  aucune 

1.  Bullariiun  Benedicll  XIV.  vol.  iii.  p.  28,"). 


Î98  BENOÎT    XIV    ET    PIE    IX 

Loge  de  Philadelphie.  Ils  ne  purent  trouver  aucune  trace  de  son 
passage  dans  la  ville,  puisqu'il  n  y  avait  jamais  été  ;  aucune  Loge 
n'avait  de  ses  autographes  ;  les  Maeons  eux-mêmes  attestèrent  que  le 
tout  était  pure  invention.  La  calomnie  ainsi  réfutée  reparut  cepen- 
dantde  temps  en  temps,  mais. dans  ses  versions  les  plus  modernes,  on 
prit  soin  de  ne  pas  spécilier  trop  distinctement  la  loge  ou  la  ville  ». 

L'époque  légendaire  de  l'initiation  du  Pape  est  bien  antérieure 
à  la  fameuse  allocution  du  25  septembre  1865  et  même  à  l'éléva- 
tion de  Jean-Marie  Mastaï  au  trône  pontifical.  En  tout  cas,  nous  ne 
pouvons  comprendre  quelle  sorte  de  satisfaction  les  Frères.-,  peu- 
vent tirer  de  leur  invention  d'avoir  fait  de  Pie  I\  un  membre  de 
l'Ordre  maeonnique. 

Voici  ce  que  le  Saint  Pontife  dit  lui-même  :  «  Parmi  les  nom- 
breuses machinations  et  les  moyens  par  lesquels  les  ennemis  du 
nom  chrétien  ont  osé  s'attaquer  à  l'Eglise  de  Dieu,  et  ont  essayé, 
quoique  en  vain,  de  l'abattre  et  de  la  détruire,  il  faut,  sans  nul 
doute,  compter  cette  société  perverse  d'hommes,  vulgairement 
appelée  Maçonnerie,  qui,  contenue  d'abord  dans  les  ténèbres  et 
l'obscurité,  a  fini  par  se  faire  jour  ensuite,  pour  la  ruine  commune 
de  la  Religion  et  de  la  Société  humaine  ». 

Et  plus  loin  :  «  De  Notre  autorité  apostolique,  Nous  réprouvons 
et  condamnons  cette  société  maçonnique  et  les  autres  sociétés  de 

même  nature et  Nous  ordonnons,  sous  les  mêmes  peines  que 

celles  qui  sont  spécifiées  dans  les  Constitutions  antérieures  de  Nos 
prédécesseurs,  à  tous  les  Chrétiens  de  toute  condition,  de  tout 
rang,  de  toute  dignité  et  de  tout  pays,  de  tenir  ces  mêmes  sociétés 
comme  proscrites  et  réprouvées  par  Nous  ». 

L'aiïirmation  des  Maçons,  que  Pie  IX  fit  partie  de  l'Institution, 
bien  loin  d'être  favorable  à  leur  cause,  est  sa  plus  écrasante  con- 
damnation, car  cela  les  prive  absolument  de  la  possibilité  d'accu- 
ser d'ignorance  celui  qui  dénonça  la  Maçonnerie  comme  l'ennemie 
de  l'Eglise  de  Dieu  et  de  l'humanité,  d'une  manière  si  solennelle,  si 
publique  et  si  terrible  ;  de  ce  fait,  sa  condamnation  doit  être  re- 
connue comme  ayant  été  prononcée  par  un  homme  qui  })arlait  de 
ce  dont  il  avait  été  témoin,  qui  savait  que  la  Maçonnerie  était  mau- 
vaise, qu'elle  était  l'ennemie  de  toute  religion  surnaturelle  et  de  la 
société  telle  qu'elle  est  constituée  ;  qu'elle  était  aussi  opposée  à  la 
véritable  humanité  qu'au  vrai  Dieu'. 

1.  Dans  une  alloculiori  solcnnellr  prononcée  le  20  avril  18^19,  Pie  IX  fit  une 
allusion  attristée  à  ces  bruits  c|ui  circulaient  sur  sa  personne  sacrée  si  pro- 
fondément injuriée,  le  dénonçant  comme  affilié  à  la  Maçonnerie.  <■  C'était, di- 
sait-il. la  plus  noire  de  toutes  les  calomnies  ».  ^Cf.  Pacutlep,  Der  Golze  der 
Ilumanilal.  l'Idole  lie  riuiin.inilé.  Fribourij,  lS7r).  pp.  7".?l-72'2  . 


ÉTAIEM-ILS     FRA>CS-MAÇONS    ?  199 

Est-ce  là  le  Frère  que  réclame  la  Maçonnerie  ?  Le  F.-.  Pike,  dans 
un  passage  déjà  cité,  refuse  de  fraterniser  avec  lui. 

Le  rédacteur  du  New  Age  excuse  la  condamnation  prononcée 
par  l'Eglise,  la  rejetant  sur  l'ignorance.  Nous  croyons  que  l'igno- 
rance est  de  son  côté.  Le  F.-.  Pike  aurait  pu  l'instruire  '. 

«  Parce  que  la  vraie  Maçonnerie,  dit-il,  celle  qui  a  gardé  tous  ses 
attributs,  a  arboré  les  bannières  de  la  Liberté  et  de  l'Egalité  des 
droits,  parce  qu'elle  s'est  révoltée  contre  toute  tyrannie  temporelle 
et  spirituelle,  ses  Loges  furent  proscrites  par  un  édit  des  Etats  de 
Hollande  en  1735.  Elle  fut  proscrite  en  France  par  Louis  XV  en 
1737.  Le  pape  Clément  XII  lança  contre  les  Francs-Maçons  en  1738 
sa  fameuse  Bulle  d'excommunication  qui  fut  renouvelée  par 
Benoît  XIV,  et  le  Conseil  de  Berne  les  proscrit  à  son  tour  en  1743». 

L'auteur  de  l'article  cité  ne  nie  pas  le  fait  de  rébellion  ;  il  cherche 
à  le  justifier  en  stigmatisant  comme  tyrannique  l'autorité  spiritu- 
elle et  temporelle  de  l'époque. 

1.  Morals  and  Dogma,  p.  50. 


CHAPITRE  XIV 


COUP    D  OElh    SLR    LE    FONCTIONNEMENT     D  UNE     LOGE    AMERICAINE 


Mais  peut-être  ce^  doctrines  sont-elles  formulées  seulement  dans 
des  livres  et  n'en  est-il  jamais  question  dans  les  Loges  américaines. 
«  La  Franc-Maçonnerie  américaine,  pourrait-on  dire,  est  en  théo- 
rie telle  que  vous  venez  de  le  démontrer  ;  mais  les  maçons  améri- 
cains ont  trop  de  largeur  d'esprit  pour  en  appliquer  les  principes  à 
la  rigueur  ». 

Nous  répondons,  comnîe  nous  lavons  t'ait  invariablement  :  Nous 
parlons  du  système  maçonnique  ésotérique,  tel  qu'il  est  en  lui- 
même,  et  non  des  individus.  Mais  peut-être  serait-il  bon  de  pé- 
nétrer au  cœur  d'une  Loge  en  profitant  d'une  occasion  qui,  de 
l'aveu  des  membres  eux-mêmes,  est  unique  dans  l'histoire  de  la 
Franc-Maçonnerie,  et  de  recueillir  les  principes  exposés  par  des 
membres  éminents  de  l'Ordre.  Nous  nous  référerons  à  une  bro- 
chure publiée  pour  l'édification  des  Frères,  elle  est  intitulée  : 
Compte  rendu  de  la  réception  du  cœur  de  notre  Frère  martyr,  lex- 
(iouverneur  Ygnacio  f ferrera  y  Cairo...  par  le  chapitre  de  Gethse- 
mani,  n°  5,  Rose-Croix  du  rite  ancien  et  accepté  de  la  Franc-Ma- 
çonnerie, au  Temple  maçonnique,  Oaldand,  Californie,  Lundi  soir, 
24  avril  1903.  Avec  l'adresse  et  autres  choses  intéressantes  présen- 
tées à  cette  occasion.  Les  faits  se  sont  passés  non  loin  de  nous,  et  il 
n'y  a  pas  très  longtemps.  Nous  avons  sous  les  yeux  la  seconde  édi- 
tion, preuve  que  la  brochure  eul  du  succès.  Le  F.-.  Sir  Knight  Ros- 
coe  I.  Gray  a  fait  un  rapport  sténographié.  Le  président  était  le 
F,'.  Edwin  A.  Sherman,  33",  i)ien  connu  sur  le  versant  du  Pacifique, 
Sage  Maître  du  Chapitre  de  (iethscmani,  n"  5,  Rose-Croix. 

Le  P.".  Alexandre  K.  Coney,  32",  Consul  général  du  Mexiiiuo,  fit 
l'adresse.  Il  appela  l'attention  sur  la  responsabilité  prise  par  le  Cha- 
pitre de  Celhsemani  en  acceptant  le  cœur  du  F.*,  llerrera  y  Cairo, 
et  dit  que  la  Maçonnerie  n'est  pas  une  ent^umc,  et  que  si  on  la 
frappe,  elle  doit  frapper  à  son  tour  ;  puis  il  formula  «  le  grand  prin- 
cipe du  droit  de  la  conscience,  à  savoir  :  pour  tout  homme,  le  droit 
de  se  former  ses  conceptions  religieuses  personnelles  sans  qu'elles 


D  UNE    LOGE    AMERICAINE 


•201 


lai  soient  imposées  par  un  prêtre  de  quelque  religion  que  ce  soit  » 
(p.  14).  Enfin  il  fait  la  peinture  des  dangers  imminents  que  court 
notre  pays.  «  Peut-être  sommes-nous  à  la  veille  d'une  lutte  terrible 
avec  ce  pouvoir  qui,  depuis  Rome,  a  soulevé  des  tempêtes  dans 
l'Amérique  espagnole  et  dans  l'Europe  méridionale,  où  il  était  dan- 
gereux  de  croire  ou  de  réclamer  le  droit  de  croire  qu'on  peut  ado- 
rer Dieu  suivant  les  dictées  de  sa  propre  conscience.  Dans  ces 
pays,  tous  les  hommes  sincères  furent  dans  la  nécessité  de  s'unir, 
et  les  Frères  durent  faire  alliance  avec  le  gouvernement  libéral. 
C'était  une  question  de  vie  ou  de  mort 

«  Il  n'y  avait  là  aucun  maître  protestant,  ni  personne  pour  ensei- 
gner aux  hommes  un  credo  di lièrent  de  celui  selon  lequel  ils 
avaient  été  élevés.  La  vérité  était  naturelle  et  spontanée.  Mais  les 
hommes  étaient  dans  les  fers;  ils  avaient  atYaire  à  l'Inquisition  et  à 
toutes  sortes  de  tortures.  C'est  sous  un  tel  système  que  naquit  le 
noble  esprit  dont  nous  honorons  ce  soir  le  souvenir,  l'une  des  plus 
brillantes  étoiles  du  ciel  maçonnique  qui  éclairent  la  roule  des  gé- 
nérations futures  »  fp.  15).  Jusqu'à  quel  point  la  peinture  tracée 
par  le  P.*.  Coney  est-elle  conforme  aux  faits,  le  lecteur  peut  en  ju- 
ger d'après  les  premiers  paragraphes  de  la  vie  du  F.-.  Herrera  y 
Cairo  donnés  à  la  page  3  de  la  brochure  susdite. 

«  En  18'21,  dit-on,  dans  la  cité  de  Guadalajara,  Etat  de  Jalisco, 
République  de  Mexico,  naquit  Ygnacio  Herrera  y  Cairo.  iSon  père 
Anacleto  Herrera  fonda  la  première  loge  de  Maçons  dans  la  Répu- 
blique de  Mexico  peu  de  temps  après  qu'elle  se  fut  proclamée 
séparée  et  indépendante  de  l'Espagne,  et  c'est  lui  qui  inspira  à 
Ygnacio  ses  idées  de  liberté,  d'égalité  et  de  fraternité.  A  l'âge  de 
douze  ans,  il  perdit  son  père  ;  il  entra  dans  un  séminaire  dirigé  par 
des  prêtres,  et  là,  il  attira  l'attention  de  ses  maîtres  par  son  appli- 
cation et  sa  brillante  intelligence.  Jamais  il  ne  prit  part  aux  jeux 
des  autres  enfants,  mais  il  se  tenait  à  l'écart,  replié  sur  lui-même, 
et,  néanmoins,  par  la  franchise  et  l'heurevse  disposition  de  son 
caractère,  il  se  fit  aimer  et  estimer  de  ses  condisciples. 

«  Il  se  fit  recevoir  Docteur  en  Médecine.  Depuis  son  enfance 
jusqu'à  sa  mort,  il  se  distingua  par  son  amour  pour  les  pauvres, 
dont  il  donna  des  preuves  par  les  soins,  l'attention  et  la  charité 
qu'il  témoigna  aux  malades  et  aux  indigents.  Il  enseignait  sans 
cesse  aux  ignorants  leurs  droits  et  leurs  devoirs,  prêchant  la 
liberté  de  pensée  et  de  parole,  la  tolérance  en  matière  de  religion  ; 
en  conséquence  il  était  adoré  de  cette  classe  de  ses  concitoyens, 
respecté  des  gens  intelligents  de  son  propre  milieu,  mais  craint  du 
clergé  et  de  ses  partisans. Le  clergé  mit  tout  en  œuvre  pour  l'attirer 
de  son  côté,  lui  faisant  les   offres   les  plus  séduisantes,  qu'il  re- 


202  COUP  n'ôKiL  SUR  le  fonctio>'Nemes:t 

poussa  loujouis  ».  Mais  où  étaient  le  chevalet,  les  tortures,  I'liujui- 
silion  pendant  tout  ce  temps?  Le  F.-.  Coney  averti  de  ce  qui  conve- 
nait à  ses  auditeurs,  leur  servait  des  horreurs  qu'il  savait  bien 
n'être  pas  vraies. 

«  Vint  ensuite  une  prière  par  le  Chapelain  de  la  Loge,  le  F.'. 
Chas.  E.  Gillet,  33-,  secrétaire  du  Chapitre  de  Cethsemani  ;  puis 
quelques  mots  du  F.-.  Sherman,  lorsque  l'on  découvrit,  à  l'Est,  le 
vase  qui  devait  contenir  le  cœur  du  F.*.  Ilerrera.  Ce  vase  était 
surmonté  du  portrait  du  Frère,  et  au-dessus  du  portrait  se  trou- 
vaient trois  bustes  de  grandeur  naturelle. 

«  Il  n'est  que  convenable,  dit  le  F.-.  Sherman,  avant  d'opérer  le 
dépôt  du  cœur,  d'appeler  votre  attention  sur  ce  que  vous  voyez 
mainlonani  dans  l'Est.  Vous  voyez  là  des  martyrs.  A  droite,  c'est 
Coligny,  assassiné  à  la  Saint-Barthélémy;  au  nord, c'est  Guillaume 
le  Silencieux  assassiné  par  le  Jésuite  Gérard  ;  au  centre,  c'est  notre 
bien-aimé  Président  Abraham  Lincoln  aussi  martyrisé  :  il  tomba 
victime  d'une  conspiration  depuis  longtemps  tramée  par  les 
Jésuites,  —  et  son  assassin  était  lui-même  un  Jésuite.  L'amulette 
ou  médaille  de  Jésuite  fut  prise  au  cou  de  Booth,  et  on  peut  la  voir, 
dans  le  cabinet  du  juge  avocat  général  à  Washington.  Ce  complot 
des  Jésuites  fut  formé  cinq  ans  avant  qu'il  ne  lût  question  île  la 
candidature  de  Lincoln  à  la  présidence,  et  dès  lors  il  était  marqué 
comme  une  victime  par  cette  puissance  terrible  contre  laquelle 
sont  ligués  lous  les  Maçons  du  Bile  Ecossais  »  (p    17). 

Lorsque  le  F.-.  Sherman  consent  à  inventer  l'histoire,  il  fait 
preuve  d'une  rare  habileté.  N'est-il  pas  étrange, en  effet. qu'il  sache 
tant  de  choses  sur  les  complots  des  Jésuites  et  sur  leur  parenté  avec 
l'un  des  crimes  hisloi'iqaes  les  plus  audacieux,  et  qu'il  en  garde  le 
secret,  caché  dans  les  profondeurs  de  la  Loge  ?  C'est  étrange  —  et 
plus  qu'étrange  —  si  c'est  vrai  ;  et  si  c'est  faux,  et  le  monde  entier, 
sait  que  tel  est  le  cas,  que  doit-on  penser  de  semblables  assertions 
faites  et  écoutées,  et  de  ceux  qui  les  font  ou  les  ap[»rouvent  ? 

Le  F.-.  Joseph  H.  Wythe,  14^  Chapelain  de  l'Association  des 
Vétérans  marons  de  la  Côte  du  Patificjue,  ayant  été  présenté,  dit  : 
«  Mes  Frères  en  Maronnerie  et  Mesdames  cl  amies,  les  très  inté- 
ressants offices  de  cette  solennité  sont  bien  propres  à  faire  une 
impression  profonde  sur  tous  les  esprits  maromiitpies.  Ils  nous 
met  lent  sous  les  yeux  les  principes  fondamentaux  de  la  Maçonnerie 
même,  refuge  el  défense  de  la  vérité  el  de  la  lilicrlé  religieuses.  Ils 
indiquent  également  la  princij)ale  source  el  la  virulence  de  l'opposi- 
tion faite  à  la  vérité...  \os  ennemis  — et  tout  particulièrement  nos 
ennemis  pontificaux  —  accusent  la  Maçonnerie  d'enseigner  l'Athéis- 
me :  mais  cette  calomnie  toute  gratuite  est  contredite  par  l'histoire 


d'une  loge    américaine  203 

entière  de  l'Ordre  et  par  son  rituel.  Où  trouverez-vous  une  attesta- 
tion plus  sublime  de  l'existence  de  la  grande  Cause  Première 
que  dans  la  .Maçonnerie?  Nul  n'est  admis  à  franchir  le  seuil  de  la 
Loge  s'il  ne  confesse  sa  croyance  en  Dieu  ». 

«  Un  vrai  Maçon,  continue- t-il,  ne  soumet  sa  conscience  qu'à 
Dieu  seul.  Dieu  est  le  grand  Législateur  pour  l'âme  humaine,  et 
c'est  vers  lui  que  va  notre  sentiment  de  soumission  le  plus  élevé. 
C'est  une  impertinence  et  une  tyrannie  pour  tout  sacerdoce  humain 
que  de  dicter  ce  que  nous  devons  croire  et  faire.  C'est  pourquoi 
le  Papisme  qui  prétend  à  la  domination  des  consciences  est  si  vio- 
lement  hostile  à  la  Maçonnerie,  et  là  où  ses  prêtres  sont  les  maî- 
tres, ils  persécuteront  les  Maçons  jusqu'à  la  mort  même.  On  ne 
connaîtra  qu'au  jour  du  jugement  le  nombre  de  nos  Frères  qui  ont 
péri  sur  le  bûcher,  dans  les  tortures, ou  qui  sont  morts  de  faim  dans 
les  prisons  de  l'Inquisition  »  ! 

«  Il  ne  faut  pas  nous  faire  illusion  et  croire  que  la  lumière  de  la 
liberté  civile  et  religieuse,  qui  brille  d'un  si  grand  éclat  dans  notre 
pays,  a  pénétré  assez  profondément  les  ténèbres  des  nations  voisi- 
nes pour  rendre  la  persécution  presque  impossible.  Citons  les  ter- 
mes de  la  lettre  envoyée  le  mois  dernier  par  le  Grand-Orient  de 
Rome  au  F.-.  Sherman  :  «  Le  l'ait  n'est  que  trop  vrai  :  les  prêtres, 
du  fond  de  leur  nid,  le  Vatican,  sefï'orcent  d'éteindre  sous  le  souf- 
fle glacial  de  la  Réaction  le  feu  sacré  de  la  Science  et  de  la  Liberté, 
que  notre  Fraternité  alluma  au  prix  d'énormes  sacrifices,  en  face 
de  terribles  dangers  et  qu'elle  entretient  actuellement  dans  le 
monde  entier...  »  ^ 

«  La  Papauté,  s'étant  égarée  loin, de  la  source  pure  et  authentique 
du  Christianisme,  mène  aujourd'hui  la  lutte  contre  la  Maçonnerie 
avec  un  redoublement  d'audace,  surtout  en  Italie,  où  cette  Papauté 
attise  la  révolte  contre  l'ordre  établi, en  ne  cessant  de  travailler  à  la 
ruine  de  l'unité  et  de  l'intégrité  du  pays  »... 

Le  F.-.  Wythe  rapporte  alors  un  fait  qui  aurait  eu  lieu  à  Mollendo 
(Pérou),  et  ajoute  : 

«  Voilà  une  autre  preuve  de  la  haine  de  Rome  pour  la  liberté  et 
la  vérité.  L'antique  poison  sera  toujours  le  même,  et  nous  pour- 
rons nous  estimer  heureux,  aux  Etats-Unis, si  nous  échappons  à  une 
lutte  corps  à  corps  arec  la  Papauté  pour  la  sauvegarde  de  notre 
liberté  ». 

Voyons,  franchement,  F.-.  Wythe,  croyez-vous  à  toutes  ces  sot- 
tises? A  quoi  eùt-il  servi  de  brûler  sur  le  bûcher  vos  Frères  Ma- 
çons ou  de  les  faire  tourmenter  par  l'Inquisition,  puisque,  dans  ces 
temps-là,  la  Maçonnerie  presc/vra// à  ses  membres  d'appartenir  à 
r  Eglise  du  pays  quils  habitaient"!  Lisez  le  Masonic  Ritualist  de 


204  COUP  d'oeil  sir  le  fonctionnement 

Mackey(p.244),(el  vouslrouverezcellemêmecitalionailleurs):  «Mais 
bien  que,  dans  les  anciens  temps,  les  Maçons  fussent  tenus  de  se 
conformer  à  la  religion,  quelle  qu'elle  fût,  du  pays  ou  de  la  nation 
où  ils  se  trouvaient,  on  estime  aujourd'hui  plus  opportun  de  res- 
treindre cette  obligation  à  la  religion  sur  laquelle  tousles  hommes 
sont  d'accord,  en  leur  laissant  la  liberté  de  leurs  opinions  person- 
nelles ».  Où  étaient  donc  ce  danger,  ce  courage,  etc.,  etc.,  donl 
vous  parlez?  Où  était  cette  lil)erlé  de  conscience  dont  vous  vous 
faites  gloire,  quand  la  Maçonnerie  obligeait  ses  membres  à  adop- 
ter la  religion  du  pays,  quelle  qu'elle  fût?  Et  si  celte  adhésion  n'é- 
tait qu'extérieure,  la  participation  à  ses  rites  était  pure  hypocrisie. 
Lorsque  le  F.-.  James  L.  Cogswell,  Président  p/'o  temp.,  eût  of- 
fert au  F.-.  Sherman  un  souvenir  de  l'estime  des  Frères,  on  chanta 
l'hymne  ■<  Saliil,  Maçonnerie  divine  !  »  ;  la  forme  en  diffère  un  peu 
de  celle  que  Ion  trouve  dans  le  Masonic  Ritualist  de  Mackey  (pp. 
214,  215).  Les  deux  premières  strophes  sont  identiques,  la  diffé- 
rence ne  vient  qu'ensuite.  \'oici  quelques-uns  des  vers  chantés  en 
cette  circonstance  : 

«  Nous  te  construirons  (les  Temples  sûrs; 

Nous  abriterons  ici  tes  Autels 

Contre  la  main  impure  de  Rome. 

Nous  les  construirons  forts  et  grands. 

Remparts  du  Pays  de  la  Liberté 

Contre  les  coups  de  la  haine 

El  contre  l'empire  du  Pape'  » 

Comme  il  s'était  produit  un  léger  retard  dans  les  préparatifs 
du  banquet,  on  en  profita  pour  réclamer  la  réponse  aux  toasts.  Au 
toast  porté  «  Au  Président  des  Etals-Unis  »,  le  F.-.  James  0.  L. 
Lee,  ,'32*,  Colonel  U.  S.  A.,  répondit  : 

«  Tant  que  le  Président  des  Etals-Unis   sera  un  patriote,  nous 

n'avons  pas  à  nous  demander  à   quel   parti   il   appartient Par 

l'union  du  Patriotisme  et  de  la  Maçonnerie  —  car  je  ne  connais  sur 
Icrre  aucune  religion  supérieure  à  celle  de  la  Maçonnerie  —  par 
celte  union,  dis-jc,  notre  pays  vivra  sous  n'importe  (juel  Prési- 
dent » 

Le  F.".  Coney  répondit  au  loasl  |)orté  <<  Au  Président  de  notre 
Sœur,  la  Républi(|ue  du  Mexicjue  ». 

Le  Wise-Master  (Sage  Maître)  j>arla   en   ces    termes  :  «  Le  F.*. 

'   "   Wr'tl    liiiild  ihi)  Temples  sure  : 
Thine  Altars  here  seen  re 

From  Home's  foul  hand. 
We'  II  liiiild  Ihem  slrong  and  jireid. 
Bulwarks  (d  I'reedom    s  Slate 
Against  the  Ijloirs  of  t fate 

And  Pope'  s  Commands.  <>  (p.  23). 


d'une  loge  américaine  205 

Caswell  n'est  pas  ici.  Le  toast  qui  vient  ensuite,  selon  la  règle,  est 
celui  qui  fut  porté  «  Aux  vingt-sept  Suprêmes  Conseils  Réguliers 
du  trente-troisième  grade  du  Rite  Ecossais  Ancien  et  Accepté  delà 
Franc-Maçonnerie,  ainsi  qu'à  tous  les  corps  qui  leur  sont  subor- 
donnés dans  le  Monde  entier  ».  Je  désire  de  plus  que,  dans  toute 
l'étendue  de  l'Amérique  du  Sud,  du  Mexique  et  de  l'Europe  méri- 
dionale, c'est  la  seule  Maçonnerie  qui  soit  connue,  et  que  toutes  les 
Grandes-Loges  Maritimes  de  Maçonnerie  Bleue  envoient  des  repré- 
sentants à  ces  Suprêmes  Conseils  et  en  reçoivent  d'eux,  car  ils  sont 
des  Grandes-Loges  dans  les  limites  de  leur  juridiction.  »   (p.  25). 

Ceux  qui  doutent  de  l'unilé  de  la  Franc-Maçonnerie  dans  le  mon- 
de entier  feront  bien  de  consacrer  quelques  instants  de  rétlexion  à 
ces  paroles  du  F.-.  Sherman. 

Répondant  au  toast  x  A  la  Maçonnerie  de  tous  les  Rites  et 
Grades  du  monde  entier  »,  le  F.*.  Amasa  \\'.  Bishop, 30%  s'exprima 
ainsi  : 

«  Très  Sage  Maître  et  chers  Amis,  je  trouve  qu'il  n'est  pas  très 
juste  d'inviter  les  gens  à  répondre  à  des  toasts  sans  qu'ils  sachent 
d'avance  quels  seront  ces  toasts,  et  sans  qu'ils  aient  le  temps  de 
rassembler  au  moins  quelques  idées. 

«  La  Maçonnerie,  ainsi  que  l'indique  le  toast,  est  universelle  ». 

Puis,  ayant  remercié  le  Père  Célesîe  de  l'avoir  fait  naître  Amé- 
ricain, il  le  remercie  encore  de  ce  que  nous  possédons  «  la  liberté 
d'adorer  Dieu  suivant  les  prescriptions  de  notre  propre  conscience 
sans  que  personne  soit  là  pour  nous  dire  «  fais  ceci  »  ou  «  fais  cela  » 
sous  peine  de  torture.  Il  y  a  sur  la  surface  de  la  terre  un  pays  où 
la  liberté  existe  dans  sa  plus  grande  et  plus  haute  gloire,  et  je 
crois  que,  grâce  à  l'aide  de  la  Maçonnerie  qui  est  universelle,  cette 
liberté  de  pensée,  liberté  par  excellence,  deviendra  aussi  univer- 
selle que  la  Maçonnerie  elle  même.  Notre  digne  F.-.,  dans  son 
allocution,  a  dit  qu'un  temps  pourrait  venir  où  nous  aurions  à 
défendre  cette  liberté  de  conscience  ;  mais  je  vous  l'affirme, en  quel- 
que temps  que  le  peuple  de  ce  pays  soit  appelé  à  résister  à  la 
tyrannie ,  sous  quelque  forme  qu'elle  se  présente,  un  million 
d'épées  s'échapperont  de  leur  fourreau  pour  abattre  l'usurpateur, 
quel  qu'il  puisse  être,  et  d'où  qu'il  vienne.  » 

Et  peu  après,  il  ajouta  :  La  Maçonnerie  est  une  influence  éduca- 
Irice:  partout  où  vous  rencontrerez  un  corps  maçonnique,  vous  trou- 
verez des  hommes  qui  pensent,  presque  toujours  des  hommes  d'une 
intelligence  supérieure, parce  qu'ils  ne  pourraient  rester  Maçons  pen- 
dant de  longues  années  sans  progresser,  sans  avancer  au  lieu  de 
reculer,   parce   que   la  Maçonnerie  est  lumière,  parce  que  la    Ma- 


200  COUP    d'oKIL    ïiLR    LE    FONCTIONNEMENT 

çonnerie  est  éclucation.  parce  que  la  Maçonnerie  est  civilisation. 
Puisse-l-elle,  dans  un  avenir  prochain,  devenir  également 
universelle  [)a['  son  iidluence  civilisatrice  el  ses  léchons  de  libéralis- 
me dans  le  monde  entier,  comme  elle  l'est  actuellement  dans  ce 
glorieux  pays  de  liberté  ».  (pp.  27,  28) 

Cher  lecteur,  formez-vous  une  opinion  sur  la  lumière  maçonni- 
que, l'éducation,  le  progrès,  l'intelligence, la  civilisation,  le  patrio- 
tisme maçonniques,  d'après  ce  qui  s'est  l'ait  et  dit  dans  cette  réunion. 
qui,à  en  croire  ceux  qui  y  prirent  part  et  ce  qu'on  nous  en  rapporté, 
fut  regardée  comme  un  fait  unique  dans  l'histoire  de  la  Maçon- 
nerie. «  Il  n'y  a  véritablement  rien  de  comparable  à  cela  dans  toute 
l'histoire  de  la  Franc-Maçonnerie»,  dit  le  Fr.'.  Coney  dans  son 
allocution  (p.  16).  La  lumière  est-elle  faite  pour  décevoir,  l'éduca- 
tion est-elle  faite  pour  engendrer  la  rancœur  et  la  haine  ?  Le 
progrès  préchera-t-il  l'intolérance  contre  laquelle  on  s'insurge  ? 
Fera-t-on  absorber  à  l'intelligence  de  telles  histoires  de  che- 
valet, de  torlure  et  de  meurtre  ?  La  civilisation  en  viendra-t-elle 
à  refuser  à  autrui  les  droils  que  vous  regardez  comme  un  présent 
divin  ?  Le  Patriotisme  sonnera-t-il  l'appel  à  la  guerre  civile, 
aux  propos  belliqueux,  alors  que  tout  homme  de  bon  sens  sait 
qu'il  n'existe  aucune  preuve  de  ce  que  vous  avancez  ?  Non, 
Frère  Bishop,  le  spécimen  que  le  Chapitre  vous  offre  en  ce 
moment,  est  bien  fâcheusement  dépourvu  des  qualités  que  vous 
énumérez  ;  on  n'y  voit  point  que  le  premier  exemple  de  tolérance 
religieuse  en  Amérique  fut  donné  par  les  Catholiques  du  Maryland, 
que  celte  tolérance  fut  tristement  payée  de  l'intolérance  de  ceux 
(jui  avaient  été  tolérés  avec  tant  de  charité  ;  que,  si  la  tolérance  fut 
inscrite  dans  notre  Constitution,  l'aide  en  hommes  et  en  argent 
apportée  par  les  Catholiques  de  France, et  sans  laquelle,  selon  toute 
probabilité,  une  telle  indépendance  n'eût  jamais  été  conquise,  cette 
aide  fut  un  facteur  puissant,  ainsi  qu'en  conviendront  tous 
ceux  qui  ont  fait  une  étude  impartiale  de  l'histoire  américaine.  Il 
ne  faut  pas  non  plus  perdre  de  vue  le  voisinage  du  Canada  catho- 
lique, dont  on  désirait  l'amilié.  Nous  ne  souhaitons  pas  de  dimi- 
nuer l'intelligence,  le  progrès,  la  largeur  d'esprit,  partout  où  on  les 
trouve,  mais  il  nous  faut  des  preuves,  et  non  des  mots  creux. 

LeFr.-.  William  S.  Moses,  32""",  Chevalier  Grand  Commandeur, 
cx-Grand-Maîlre  du  (Irand-Consistoire  de  Californie,  un  ties  Fr.-. 
Visiteurs,  et  auquel  l'expérience  de  (piarante-qualre  ans  passés 
dans  la  Maçonnerie,  et  les  charges  (piil  avait  remplies  donnaient 
bien  le  droit  d'exprimer  les  sentiments  maçomiiques,  dit  entre 
autres  choses  : 

«    Pmir  eiiipl(j\er  le  langage  des  poètes,  je  pnisdire  «jue  c'est  le 


d'une  loge  américaine  207 

crépuscule  de  la  vie,  et  que  les  événements  prochains  projettent  leur 
ombre  en  avant  d'eux.  Je  vois  au  loin,  —  je  ne  vivrai  pas  assez  pour 
le  voir  réellement,  mais  il  y  a  ici  des  hommes  qui  verront  cela,  —  je 
yo'isapprocheri heure  de  l'inérilable  conflitentre  les  forces  de  liberté 
et  Vusurpation  de  cette  tyrannie  terrible  qui  a  son  trône  à  Borne.  » 
Ouelques-uns  d'entre  vous  seront  peut-être  appelés  à  prendre  les 
armes  pour  défendre  cette  liberté  que  vous  possédez  maintenant. 
Quand  vous  le  ferez,  rappelez-vous  ce  vieillard  qui  a  prévu  de  loin 
l'événement  et  qui  ne  l'a  pas  jugé  si  éloigné  que  cela. 

«  Vous  autres  jeunes  gens,  quand  le  temps  viendra,  bouclez 
votre  cuirasse,  prenez  votre  épée  ;  que  le  Rite  Ecossais  soit  connu, 
que  la  Maçonnerie  se  dresse  ferme,  sans  peur,  au  premier  rang  : 
vous  y  trouverez  vos  Fr.-.  pour  vous  mener  au  combat,  en  faveur 
de  la  liberté,  à  cette  lutte  qui  sera  soutenue  par  les  citoyens  amé- 
ricains résolus  à  protéger  et  à  défendre  la  liberté  pourleurs  femmes 
et  leurs  petits  enfants.  »    [Applaudissements]    p.  31). 

La  guerre  des  citoyens  américains  (?)  pour  la  protection  (?)  des 
libertés  américaines  (?)  fut  déchaînéebfenlôt  après'.  L'univers  entier 
sait  quelle  fut  son  ignoble  histoire,  et  son  issue  plus  ignoble  encore. 

Le  F.-.  Samuel  W.  HoUiday,  après  avoir  loué  le  Fr.\  Moses 
comme  le  «  dernier  mot  »  du  caractère  maçonnique,  et  après  avoir 
manifesté  la  joie  qu'il  éprouve  «  à  voir  ce  Fr.*.  plein  de  vie  et 
de  vivacité,  débordant  de  virile  énergie,  de  patriotisme,  d'amour 
pour  l'Ordre  Maçonnifjue,  »  apprend  à  ses  auditeurs  qu'il  ne  partage 
point  l'anxiété  qui  a  été  exprimée  au  sujet  des  libertés  américaines 
et  il  donne  ses  raisons. 

«  Je  vais  vous  dire  pourquoi,  dit-il.  Je  ne  prétends  pas 
nier  que  de  nombreux  ennemis  sont  occupés  à  tendre  des  pièges  à 
nos  libertés  et  à  notre  prospérité.  Nos  institutions  publiques, 
j'entends^celles  qui  assurent  l'indépendance  et  la  liberté  dans  ce 
pays,  comptent  de  nombreux  adversaires.  Leurs  ennemis  mortels 
pullulent  autour  de  nous  ;  mais  je  vous  le  dis,  tant  que  vous 
resterez  fidèles  aux  vertus  de  la  Maçonnerie,  tant  que  vous  soutien- 
drez les  écoles  publiques  (à  ce  moment  l'orateur  est  interrompu 
par  des  applaudissements  énergiques  et  soutenus),  tant  que  vous 
ferez  cela,  nos  libertés  n'auront  rien  à  craindre  :  Souvenez-vous- 
en  ». 

L'illustre  F..  James  B.  Merritt,  33^,  Grand-Maître  des  cérémonies 
et  Grand-Maître,  répondant  au  toast  «du  Grand  Consistoire  de  Cali- 
fornie »,  commença  en  disant  combien  il  était  fier  de  l'honneur  qui 
lui  était  fait;  puis,  abordant  son  sujet, il  exposa  brièvement  et  clai- 

1.  Le  Mouvement  lancé  par  l'A.  P.  A.  (American  Protective  Association). 


208  COUP  d'oeil  sir  i-e  fonction nemknt 

remenl  une  grande  partie  de  ce  que  nous  avons  rappork-   dans    les 
pages  précédentes  : 

«  Me  voici  devant  vous...,  dit-il,  pour  alliruior  (pie  notre  Rite 
Ecossais  a  une  signification  ;  que,  comme  .Maçons  du  Rite  Ecossais, 
nous  ne  reconnaissons  aucun  supérieur  à  l'individu  en  matière  de 
religion  et  en  matière  de  politique.  Nous  avons  pris  l'engagement 
de  ne  permettre  à  auc.un  homme,  à  aucun  groupe  d'hommes  de 
nous  dicter  noire  conduite  religieuse  ou  notre  conduite  politique, 
et  nous  reconnaissons  que,  depuis  que  Dieu  a  fait  cette  terre,  aucun 
homme,  aucune  femme,  aucun  corps  d'hommes  n'a  eu  ce  droit  et 
que  jiul  corps  d'homme  n'a  maintenant  ou  n'a  jamais  eu  un  droit 
quelconque  de  nous  expliquer  ce  que  commande  le  livre  de  notre 
foi,  que  ce  livre  soit  le  Pentateuque,  les  Deux  Testaments,  le 
Zend-Avesta,  ou  le  Koran.  Jamais  homme  ou  groupe  d'hommes  ne 
reçut  d'un  pouvoir  supérieur  la  mission  de  nous  les  interpréter.  Cha- 
cun de  nous  doit  se  les  interpréter  à  soi-même,  et  nous  sommes  te- 
nus de  conformer  notre  conduite  à  l'interprétation  que  nous  nous 
en  donnons.  Nous  prétendons-que  nul  homme,  nul  groupe  d  hom- 
mes n'a  le  droit  d'influencer  notre  conduite  politique.  Nous  ne  re- 
connaissons aucun  parti.  iXoiis  volons  selon  les  principes  de  la  Ma- 
çonnerie Ecossaise,  et  l'homme  qui  appartient  au  Rite  Ecossais  et 
qui  n'agit  pas  ainsi  en  viole  tonte  les  obligations,  depuis  la  première 
jnsquà  la  trente-troisième.  Je  me  trouvais  dans  un  des  Etats  de 
l'Union  l'année  où  la  seule  question  posée  devant  le  peuple  était 
celle  des  écoles  communes  :  les  deux  grands  partis  politiques  de 
cet  Etat  rivalisaient  à  <{ui  se  prosternerait  le  plus  bas  devant  le 
despotisme  romain  ;  chacun  d'eux  sévertuant  à  accumuler  plus  que 
l'autre  les  obstacles  sur  la  route  des  écoles  communes,  à  leur  faire 
la  guerre;  le  parti  qui  dans  l'Etat  fit  la  profession  de  foi  la  plus 
énergique  de  dévouement  au  despotisme  romain,  emporta  le  vote 
de  l'Etat  sur  ce  seul  point.  Et  maintenant  mon  ami  llolliday  (je  re- 
grette qu'il  soit  sorti  de  celle  si  lie)  n'a  point  peur  ;  il  ne  partage  pas 
notre  inquiétude,  à  nous  qui  craignons, nous  qui  savons  que  le  dan- 
ger mortel  est  là, bien  en  face  de  nous,  et  que  c'est  notre  devoirdans 
toute  élection,  de  la  plus  petite  à  la  plus  grande,  depuis  les  élections 
municipales  jusqu'aux  élections  les  jilus  importantes,  de  laisser  la 
détermination  de  notre  vote  aux  personnes  qui  se  présenteront 
comme  les  champions  de  nos  Ecoles  communes,  de  notre  religion 
commune,  de  noli'c  honneur  commun,  sans  distinction  de  parti,  afin 
(pie  tous  puissent  savoir  que  celui  (jui  se  montre  le  plus  ferme  sou 
lien  de  notre  pays  et  de  nos  Ecoles  communes,  sera  assuré  de  nos 
voles.  Tels  sont  les  senlimcnls  du  (irand  Consistoire  de  Californie, 
dont  i'ai  l'honneur  d'iHre  le  (irand-Couimandeur  ».  (pp.  33-34). 


d'une  loge  américaine  209 

Avec  quelle  confiance  la  Magonnerie  déclare  que  le  système  de 
l'Ecole  commune  fait  partie  intégrante  de  son  libéralisme  !  Il  est 
inutile  d'ajouter  des  commentaires. Lisezet  jugez  vous-mêmes  quel 
degré  de  liberté,  de  spontanéité  dans  le  vote  possèdent  ses  mem- 
bres. Elle  proclame  à  grand  bruit  de  trompettes  :  «  Aucun  homme, 
aucun  groupe  d'hommes  ne  dirigera  notre  vote,  ne  nous  dictera  la 
manière  dont  nous  devons  voter  »,  et  sans  reprendre  haleine,  elle 
dit  à  ses  électeurs  :  «  Faites  en  sorte  de  voter  selon  les  principes 
de  la  Maçonnerie  Ecossaise  ;  autrement  vous  violerez  toutes  les 
obligations,  depuis  la  première  jusqu'à  la  trente-troisième  sans 
exception  !  »  Ah  !  oui,  mais  ce  sont  des  principes,  ce  n'est  point  un 
homme,  ni  un  groupe  d'hommes  I  C'est  vrai,  mais  quel  indigne, 
et  mesquin  subterfuge  !  C'est  dire  qu'il  n'y  a  pas  de  principes  pro- 
testants, pas  de  principes  catholiques,  et  que  quiconque  voterait 
selon  ces  principes  serait  l'esclave  des  hommes.  La  Maçon- 
nerie est  riche  en  mots  :  fraternité,  liberté,  égalité,  mais  il  n'en  est 
pas  un,  du  premier  au  dernier,  dont  le  sens  ne  soit  immédiatement 
restreint  par  des  clauses  qui  le  limitent,  si  bien  que  Fraternité 
finit  par  signifier  Maçonnerie,  et  rien  de  plus  ;  la  liberté,  c'est  la 
répression  et  la  destruction  des  Eglises  Catholiques  et  Chrétiennes  ; 
égalité  signifie  «  nos  Ecoles  communes,  notre  religion  commune, 
notre  honneur  commun»;  humanité, c'est  le  vrai  Dieu  maçonnique. 

Nous  terminerons  ce  chapitre  par  la  lettre  qu'adressait  le  Grand 
Orient  de  Rome  au  Fr.-.  Sherman  (p.  2  de  la  brochure). 

Ad  Universi  Terrarum  Orbis  Summi  Architecti 
Gloria  m.. 
Deus  Meumque  Jus.  Ordo  ab  Chao. 

Dal  GRANDE  ORIENTE  di  Roma.  Valle  del 

Tevere  sotto  la  Volta  Celeste  al  41°  54'  di  Latitudine 

Nord  e  10°  7'  di  Longitudine  Est  del  suo  Zenit. 

Il  Supremo  Consiglio  del  Sovr.-.  Gr.-.  Ispettori  Ge- 

nerali  ;  Gr.-.  Eletti  Cavalri  Gr.-.  Comm.-.  del 

Grande  Impero  del  33™"  ed  ultimo  grado  di 

Rito   Scozzese  Ant.-.  ed  Ace.-,  délia 

Massoneria   in    Italia    sedente  in    Roma 

il  Giorno  —  del  mese  —  dell" 

annodi  V.-.  L.-.  0G089 

—  edeir  E.-.  V.-.  il 

di  6  de  Marzo 

189;:; 

42,  Piazza  Paoli,  Roma.  Italy  Mar.  G.  1893. 

15 


2lO  COUP    d'oFIL    Sl'R    I.K    FONCTiONNEMENT 

III.-.  Br.-.  Edwin  A.  Shermann.  33",  W.-.  of 

Gelhsemane  Chapter  n°  5  of  Rose-Croix 

Oakland,  California. 

«  Très  illustre  et  cher  Fr.*.,  par  l'intermédiaire  du  secrétaire, 
«j^énéral  du  Supn''me  Conseil  de  Washington,  le  Suprême  Conseil 
d'Italie  a  reçu  les  résolutions  présentées  par  vous,  Illustre  Frère,  le 
18  décembre  1892,  et  unanimement  approuvées  par  votre  Chapitre, 
qui  encourage  la  Maçonnerie  en  général,  et  la  Maçonnerie  d'Italie 
en  particulier,  dans  leur  tâche  de  revendiquer  tous  les  droits  civils 
des  nations,  et  le  don  précieux  de  la  liberté  de  conscience,  accordé 
à  l'espèce  humaine  tout  entière  par  le  Grand  Architecte  de 
l'Univers. 

«  Il  n'est  que  trop  vrai  que  les  prêtres,  du  fond  de  leur  nid,  le 
Vatican,  s'efTorcent  déteindre,  sous  le  souffle  glacé  de  la  Réaction,  la 
Flamme  Sacrée  de  la  Science  et  de  la  Liberté,  que  notre  Fraternité 
a  allumée  au  prix  d'énormes  sacrifices  et  en  face  de  terribles  dan- 
gers, et  qu'elle  maintient  en  tout  son  éclat  dans  le  monde  entier. 

«  Il  est  vrai  que  la  Papauté,  entraînée  par  l'erreur,  loin  de  la 
source  pure  authentique  du  christianisme,  engage  présentement  la 
lutte  contre  la  Maçonnerie  avec  un  redoublement  d'audace,  surtout 
en  Italie,  où  cette  Papauté  entretient  une  révolte  permanente  contre 
l'Ordre  établi,  et  renouvelle  sans  cesse  ses  elTorts  pour  détruire 
l'unité  et  l'intégrité  du  pays. 

«  Nous  n'avons  jamais  douté  de  l'atîeclion  et  de  la  sympathie  des 
Maçons  américains  pour  nous  dans  cette  lutte  (jue  nous  soutenons 
dans  la  citadelle  même  du  Vaticanisme,  mais  vos  paroles,  si  pleines 
d'avis  utiles  et  d'encouragement  pour  nous,  nous  ont  grandement 
réconfortés.  Elles  ont  été  accueillies,  reçues  avec  enthousiasme  à 
la  dernière  Session  du  Suprême  Conseil,  et  elles  ont  été  aussitôt  tra- 
duites et  communiquées  à  toutes  les  Loges  et  Chapitres  de  la 
Famille  Maconnitjue  Italienne. 

«  Au  nom  du  Suprême  Conseil,  33"",  et  de  tous  les  Maçons  d'Italie, 
acceptez.  Illustre  et  cher  Frère,  et  transmettez  à  votre  Chapitre  nos 
remerciements  les  plus  sincères  et  les  plus  alïeclueux, 
Sov.-.  (ir.-.  Commandeur.  Le  Del.-.  Sov.-.  Gr.-.  Commandeur, 

Le  Gr.-.  Secrétaire  Gen.-.,  Ad.  Lemmi,  33*. 

Téofilo.  Gay,  32". 

Nous  nous  bornons  à  reproduire  la  lettre  telle  que  nous  la  trou- 
vons, et  nous  nous  en  tenons  à  compléter  certains  mots  abrégés, 
pour  la  commodité  de  nos  lecteurs. 

Nous  avons  étudié  ainsi  la  Maçonnerie  Esolérique  américaine 
dans  se»;  rap{)orts  avec  le  catholicisme  et  le  christianisme. 


d'une  loge  américaine  211 

Le  Catholicisme  est  suranné,  il  a  cessé  de  suffire  aux  lumières 
actuelles.  Son  Père  Éternel  est  Jupiter  transformé,  sa  Vierge  Marie, 
une  Vénus  modifiée.  Le  Dieu  de  l'xVncien  Testament  qu'il  adore 
est  partout  l'auteur  du  mal  ;  il  a  la  plupart  des  passions  du  cœur 
humain  ;  c'est  la  conception  grossière  d'esprit^  grossiers.  Son  auto- 
rité, c'est  la  tyrannie  exercée  sur  les  consciences  ;  son  histoire  est 
faite  de  persécution  et  de  corruption.  Son  institution  divine  est 
incroyable,  aussi  bien  que  l'inspiration  des  Ecritures.  Ses  doctrines 
sont  d'anciennes  fables  païennes  corrompues.  Sa  messe  est  un  sa- 
crifice païen  imité  per  les  Frères,  qui,  de  même  que  les  prêtres, 
consacrent  le  pain  et  le  vin  qu'ils  se  partagent  ;  le  hasard  peut  faire 
qu'ils  reçoivent  quelque  parcelle  du  corps  de  Zoroaslre,  de  Confu- 
cius, ou  du  cadavre  de  Jésus  de  Nazareth. 

La  Maçonnerie  révère  le  Christ  comme  elle  révère  Mahomet  ;  elle 
tolère,  prend  en  pitié,  considère  avec  bienveillance  ceux  qui  croient 
à  la  divinité  du  Christ,  qui  lui-même  n'y  croyait  pas.  Tout  ce  qui  a 
été  dit  sur  l'altitude  de  la  Maçonnerie  à  l'égard  de  l'ancien  Testa- 
ment s'applique  au  Christianisme  en  général,  avec  autant  de  force 
qu'au  Catholicisme  en  particulier.  LaChrislianisation  de  la  Maçonne- 
rie a  été  tentée  par  des  auteurs  bien  intentionnés,  tels  qu'Oliver, 
mais  ce  ne  sont  pas  des  forces  humaines  qui  peuvent  christianiser 
l'essence  même,  le  sang  vital  du  Paganisme.  La  Maçonnerie  a  éli- 
miné les  interprétations  chrétiennes  comme  trop  sectaires.  Nous 
sommes  entrés  dans  la  Loge,  nous  y  avons  entendu  des  discours  sur 
le  Papisme,  la  tyrannie  romaine,  etc.,  et  le  tout  a  eu  pour  couron- 
nement une  lettre  officielle  de  la  Maçonnerie  italienne  au  Fr.*.  Sher- 
man, Sage  Maître  du  chapitre  Gelhsernani  n°  5,  Rose-Croix,  Oak- 
land, Californie.  Nous  présentons  les  fails,  et  laissons  le  lecteur 
libre  de  tirer  lui-même  ses  conclusions. 


CHAPITRE  XV 

LA    MORALE    MAÇONNIQUE 

Nous  donnons  à  dessein  à  ce  chapitre  le  litre  de  Morale  Maçonni- 
que et  non  celui  de  Morale  des  Maçons,  parce  que  nous  étudions  des 
théories  et  non  des  personnes.  Il  ne  faut  donc  en  aucune  façon  voir 
dans  notre  langage  une  attaque  contre  le  caractère  individuel  de  tel 
ou  tel  Maçon,  ni  même  contre  le  caractère  moral  des  Maçons  en  gé- 
néral,si  ce  n'esten  tant  qu'ils  modèlent  leur  conduite  sur  les  princi- 
pes ésotériques  de  leur  Ordre.  S'ils  vivent  conformément  aux  théo- 
ries maçonniques,  leur  morale  n'est  rien  moins  que  chrétienne  ; 
c'est  ce  que  nous  allons  prouver,  et  c'est  là  seulement  ce  qui  nous 
occupe.  Quant  à  leur  défaut  de  sincérité  ou  de  fidélité  à  leurs 
principes,  Dieu  seul  en  est  juge.  Nous  discutons  les  principes  de  la 
Maçonnerie  et  non  les  personnes. 

La  liaison  intime  qui  existe  entre  la  morale,  quelle  qu'en  soit 
l'espèce,  et  la  Maçonnerie,  ressort  nettement  de  ce  fail  que  la 
morale  entre  dans  la  définition  même  de  l'Art  :  «  La  Franc-Maçon- 
nerie est  un  système  de  morale,  voilé  par  des  allégories  et  éclairci 
par  des  syml)()les  '  ».  Et  le  Dr.  Mackey,  parlant  des  Loges  -,  nous 
apprend  qu'on  ne  peut  y  admettre  «  des  hommes  immoraux  et  de 
vie  scandaleuse  »,  mais  seulement  des  gens«  de  bonne  réputation  ». 
Ainsi  donc,  afllrme-l-on  avec  assurance,  pour  être  un  Maçon,  il  faut 
être  un  homme  moral,  » 

Mais  alors  comment  se  fait-il,  se  demandera  le  lecteur  ordinaire, 
que  le  Dr  Mackey^  se  désole  de  ce  qu'il  y  ait  «  dans  notre  Ordre, 
des  hommes  dont  le  genre  de  vie  el  le  caractère  ne  font  nullement 
hoimeur  à  l'Institution  ?>•  Il  est  vrai  que,  d'après  ce  qu'il  nous 
assure,  cette  manière  de  vivre  n'est  point  le  résultat  de  l'enseigne- 
ment maçonnique,  mais  qu'elle  en  est  la  violation,  qu'on  trouve  des 
exemples  semblables  dans  le  Christianisme,  etc.,  etc.  Tout  cela  est 
à  côté  de  la  question.  Le  fait  est  que  des  gens  immoraux  peuvent 
être  Maçons  ;  dès  lors,  il  est  faux  que  les  gens  moraux  seuls 
puissent  être  membres  de  l'Ordre. 

\.  Miisurni-  Jiilualisl..  p.  \'2  el  suiv. 

•J.  Ibid.,  p.  24. 

3.    Lnnjclopxdia  of  Freemusonry,  p.  847. 


LA   MORALE    MAÇONNIQUE  213 

Voltaire  n"étail-il  pas  Maçon?  Le  Fr.'.  Mac  Clenachan  nous 
assure  qu'il  le  fut  ;  «  Voltaire,  dit-il  ',  un  des  plus  fameux  écri- 
vains français,  naquit  à  Châlenay,  près  Sceaux,  en  1694.  Les 
débuts  de  sa  vie  furent  dissolus  et  décousus.  En  1728,  il  s'éprit 
follement  d'une  Madame  du  Ghâtelet...  Pendant  son  exil  en  Angle- 
terre, il  s'imprégna  des  théories  déistes,  qui  marquèrent  sa  vie.  Il 
fui  accusé  d'athéisme.  Il  fut  initié  dans  la  Loge  des  Neuf  Sœurs,  à 
Paris,  le  7  février  1778,  en  présence  de  Franklin  et  d'autres  Maçons 
de  distinction.  Sa  mort,  le  30  mai  1778,  donna  lieu  à  une  mémora- 
ble Loge  de  Deuil  qui  fut  tenue  le  28  novembre  de  la  même 
année  ».  Si  la  morale  de  Voltaire  est  le  type  de  celle  de  la  Maçon- 
nerie, nous  ne  portons  point  envie  à  la  Fraternité.  Benjamin  Fran- 
klin avait  été  initié  quelque  temps  avant  17.34-.  Mais,  si  grande  que 
soit  notre  admiration  pour  le  talent  de  l'homme,  pour  son  caractère 
sympathique,  pour  les  services  qu'il  rendit  à  son  pays,  sa  vie  fut  fort 
loin  du  type  de  la  morale  chrétienne. 

«  Ses  mœurs,  à  cette  époque,  (c'est-à-dire  au  commencement  de 
son  âge  viril),  dit  un  récent  biographe  de  notre  sage,  étaient  assez- 
bonnes,  à  en  croire  ses  propres  assertions.  Il  afTirme  qu'il  n'était 
ni  malhonnête,  ni  injuste,  et  nous  pouvons  le  croire  sans  difficulté, 
car  ce  ne  furent  point  là  les  défauts  de  son  caractère.  Dans  son 
Aulobiographie,  il  dit  qu'il  a  traversé  cette  période  de  la  vie  «  sans 
commettre  volontairement  aucune  grossière  immoralité,  ou  injus- 
tice, ainsi  qu'on  aurait  pu  s'y  attendre,  vu  mon  manque  de  religion  ». 
Dans  la  première  rédaction  de  son  Autobiographie, il  avait  ajouté  : 
'(  A  l'exception  de  quelques  sottes  intrigues  avec  des  femmes 
débauchées,  et  qui  me  furent  plus  préjudiciables  qu'à  elles,  à  raison 
de  la  dépense  ».  Mais,  dans  le  texte  revisé,  ces  mots  ont  été  rayés  ^ 

Sa  règle  en  fait  de  chasteté  était  la  suivante  : 

«  Chasteté.  —  Se  livrer  au  plaisir  vénérien  rarement  et  seule- 
ment en  vue  de  la  santé  ou  tie  la  postérité,  jamais  au  point 
de  s'abrutir,  de  s'affaiblir  ou  de  faire  du  tort  à  votre  tranquillité, 
à  votre  réputation,  ou  à  celle  d'autrui^  ».  Règle  propre  sans 
doute  à  éviter  bien  des  excès,  mais  qui,  cependant,  s'éloigne  beau- 
coup de  l'idéal  chrétien.  «  Ah  !  mais  il  n'était  pas  encore  Maçon  ! 
direz-vous  peut-être.   Sans  doute,    cela   est   vrai,    car  la   date  de 


1.  Encyclopsedia,  p.  1021. 

2.  Ibid.,  p.  290. 

3.  BiGELOw.  Œuvres  de  Franklin,  T.  I.  p.  180  et  Le  Véritable  Benjamin  Fran- 
klin, par  Sydney  George  Fisijer,  4""  Ed..  Pliiladolphie.  1902.  p.  85. 

4.  Le  Véritable  B.  Franklin,  p.  102. 


214  LA    MORALE   MAÇONNIQUE 

son  initiation  est  incertaine.  Mais  notre  argument  reste  le  même, 
car  lorsqu'on  dit  qu'aucun  homme  immoral  ne  peut  être  Maçon, 
on  emploie  une  expression  qui  ne  s'applique  pas  seulement  aux 
gens  qui  font  efTeclivement  partie  de  l'Ordre,  mais  à  ceux  qui  solli- 
citent leur  admission,  en  soi-le  que,  même  si  Franklin  était  exclu  de 
la  première  catégorie,  il  pourrait  faire  partie  de  la  seconde.  H  y  a 
plus  :  sa  lettre  à  un  jeune  homme  sur  le  choix  d'une  maîtresse  fui 
écrite  le  25  juin  1745  :  certaines  des  règles  qu'il  y  pose  sont  trop 
grossières  pour  que  son  biographe  les  ait  reproduites'.  A  cette  date, 
Franklin  était  certainement  Maron.  Il  ne  faut  donc  pas  prendre 
trop  à  la  rigueur  l'expression  «  un  homme  moi'al.  » 

II  y  a  dilVérents  systèmes  de  morale.  Je  ne  veux  pas  dire  de  vrais 
systèmes,  car  parmi  les  systèmes  divers,  il  n'en  est  qu'un  (jui  puisse 
être  le  vrai  ;  je  dis  des  si/stèmes,  et,  vous  le  savez,  ce  qui  est  qualifié 
de  moral,  loué  et  pratiqué  comme  tel  i)ar  un  système,  est  condamné 
comme  immoral  par  un  autre.  L'Epicurien  était  un  homme  mo- 
ral, d'après  son  propre  système,  quand  il  se  donnait  tous  les  plai- 
sirs possibles,  et  évitait  la  souiTrance.  Le  plaisir  était  pour  lui  la 
pierre  de  touche  du  bien  et  du  mal  :  c'était  par  là  qu'il  fallait  déter- 
miner la  nature  morale  de  toutes  les  actions.  Il  y  a  l'école  utili- 
taire de  morale,  où  l'utilité  est  prise  comme  critérium.  Telle  action 
m'esl-elle  utile?  Dans  ce  cas  elle  est  juste,  quelques  autres  carac- 
tères qu'elle  puisse  présenter.  Et  l'utilité  dont  il  s'agit  ici,  c'est  l'uti- 
lité dans  la  vie  présente.  Si  ce  qui  m'est  utile  est  juste  pour  moi, 
le  développement  de  ma  propre  personnalité  est  la  règle  pour  juger 
ma  moralité.  Les  prétendus  droits  de  ceux  qui  se  trouvent  sur  ma 
route  ne  sont  que  les  fantômes  d'une  conscience  mal  instruite,  et, 
fier  de  mon  intégrité  morale,  j'écraserai  toute  opposition  par  tous 
les  moyens  en  mon  pouvoir.  La  morale  utilitaire  n'est  point  une 
morale  chrétienne.  Il  y  a  la  morale  du  Mormon,  celle  du  Maho- 
metan, celle  de  l'Athée,  celle  du  Nihiliste  ;  mais  toutes  sont 
anti-chrétiennes.  Le  point  essentiel,  q\iand  on  traite  de  la  morale 
maçonnique  est  de  découvrir  quelle  sorte  i\o  morale  elle  est, 
d'examiner  sur  quels  principes  elle  est  fondée,  en  un  mot,  de 
chercher  si  elle  est  chrétienne  ou  anti-chrétienne.  L'important  pour 


1.  N'oir  FisiiKi!.  Le  W'-rilahlc /{cnjuinin  Fronrlilin.  V\i\\:M\r\\A\\i\  \W2,  pp.  \'2Ct- 
128.  «  L)ans  le  l)t''|)nit<'riicril  (i'l":t;if.  à  W.isliinirlon.  dit  M.  l-islii-r.  I.  r.  j».  V2(y, 
on  conserve  «''Kalemeiil  la  ieltie  do  1- ranklin  .'i  1  Acidi-niie  IJoyale  de  BruxelIo.s 
sur  tes  parfums,  lettre  que  les  règle.s  artiielle»  du  bon  fjoùl  ne  permettraient 
pas  de  publier,  et  Franklin  lui  nn^me  en  dit  ([u'elle  »Hail  troj)  grossière,  pour 
(|ue  des  lecteurs  bien  élevés  puissent  la  tolérer.  —  Cf.  Bioelow,  Œuvres  de 
Franklin.  T.  Vil.  p.  37-1. 


L\    MORALE   MAÇONNIQUE  215 

nous  consiste  en  cela,  et  non  simplement  dans  ce  fait  que  la 
Maçonnerie  appelle  morale  la  ligne  de  conduite  qu'elle  enseigne. 

Ici,  cher  lecteur,  si  vous  voulez  écouter  une  phrase,  ou  proposi- 
tion qui  a  été  rédigée  tout  exprès  pour  donner  au  non-initié  l'im- 
pression que  la  morale  maçonnique  est  chrétienne,  vous  n'avez  be- 
soin que  de  quelques  instants  pour  résoudre  la  question  de  la  nature 
de  la  morale  maçonnique,  et  vous  la  résoudrez...  de  travers.  Vous 
voudrez  bien  accepter  sans  réserve  une  assertion  comme  celle-ci  : 
«  La  morale  de  l'antiquité,  de  la  loi  mosaïque  et  du  christianisme, 
est  la  nôtre  )>^  «  Peut-on,  direz-vous,  s'exprimer  plus  clairement, 
plus  fortement  ?  La  morale  maçonnique  est  donc  chrétienne  ».  Et 
pourtant  la  morale  maçonnique  n'est  pas  chrétienne,  elle  ne  peut 
l'être,  dans  le  sens  que  nous  donnons  à  ce  mot.  «  Nous  reconnais- 
sons, dit  le  Frère  Pike,  dans  tout  homme  qui  enseigne  la  morale, 
dans  tout  Réformateur,  un  frère  en  cette  grande  œuvre  ». 

«  Nous...  reconnaissons,  dit-il  plus  loin,  tous  les  initiés  comme 
nos  frères.  Nous  n'appartenons  à  aucun  credo  ou  école  ;  dans  tou- 
tes les  religions  il  y  a  une  base  de  vérité,  dans  toutes  il  y  a  une 
morale  pure  »  ^  Qu'est  déjà  devenue  votre  théorie  chrétienne,  alors 
que  Zoroastre,  Confucius,  Mahomet,  Brigham  Young  sont  placés 
comme  professeurs  de  morale  sur  la  même  ligne  que  Jésus-Christ? 
Avez-vous  déjà  oublié  que  «  si  la  Maçonnerie  était  simplement  une 
institution  chrétienne,  le  Juif  et  le  Musulman,  le  Brahmaniste  et  le 
Bouddhiste  ne  pourraient  point,  en  conscience,  avoir  part  à  sa  lu- 
mière?»^ Et  si  celte  illumination  consiste  dans  l'enseignement 
d'une  morale,  —  car  la  Maçonnerie  se  définit  «  un  système  de  mora- 
le »  —  comment  celle  morale  peul-elle  être  chrétienne,  du  moment 
que  le  Juif,  le  Musulman,  le  Brahmaniste  et  le  Bouddhiste  peuvent, 
en  toute  conscience,  l'adopter  et  la  pratiquer  ?  Avez-vous  donc  ou- 
blié déjà  le  Choc  de  l'Entrée  et  de  l'Illuminalion  »,  où  tout  candi- 
dat se  présente  à  la  porte  de  la  Maçonnerie,  «  sur  le  seuil  de 
cette  nouvelle  vie  maçonnique,  dans  les  ténèbres,  l'impuissance  et 
l'ignorance  ;  »  où,  «  après  avoir  erré  parmi  les  erreurs,  tout  couvert 
des  souillures  du  monde  extérieur  et  profane  »  (et  tout  ce  qui  est 
en  dehors  de  la  Maçonnerie  est  ce  monde  profane),  «  il  vient  en 
homme  désireux  de  s'instruire,  à  ses  portes  (de  la  Maçonnerie)  en 
quête  d'une  naissance  nouvelle,  demander  qu'on  retire  le  voile  qui 
cache  la  vérité  divine  à  son  regard  de  non-initié  ?  Et  cette  initiation, 
qui  est  «  en  quelque  sorte  une  mort  au  monde  et  une  résurrection 


1.  Morals  and  Dogma,  p.  308. 

2.  Jbid.,  p.  311. 

3.  Encyclopaedia  of  Freemasonrij,  p.  103, 


216  LA   MORALE   MAÇONNIQUE 

à  une  vie  nouvelle  ?  »  Et  «  ce  monde  qu'on  laisse  derrière  soi,  ces 
chaînes  d'erreur  et  d'ignorance  qui  ont  jusqu'alors  maintenu  le 
candidat  dans  une  captivité  morale  et  intellectuelle,  et  qui  sont 
brisées»,  etc.,  etc.?  '  Avez-vous oublié  tout  cela  ?  Avez-vous  oublié 
si  vite  que  la  Maçonnerie  est  païenne  dans  ses  modèles,  dans 
ses  aftinités,  dans  son  essence  vitale  ?  El  vous  vous  attendriez, 
après  cela,  à  une  morale  chrétienne  ?  Avez-vous  la  mémoire  si 
courte  que  vous  ayez  oublié  ce  culte  phallique  ?  et  Jéhovah  !  le 
Il-Elle,le  Dieu  Maçonnique,  et  l'âme  émanation  de  la  Divinité  ?  Ne 
vous  rappelez-vous  pas  que  le  Masonic  Rilualist  (p.  338)  nous  a 
enseigné  que  le  candidat  acquiert, lors  de  son  initiation, les  premiers 
éléments  de  la  morale  ?  Assurément  tout  cela  a  dû  vous  prouver 
que  la  morale  maçonnique  n'est  pas  chrétienne. 

La  morale  chrétienne  a  pour  base  les  dix  commandements  ;  il 
n'en  est  point  ainsi  de  la  morale  maçonnique.  Un  Maçon,  en  tant 
que  Maçon,  n'est  point  lié  par  eux.  Il  peut  les  observer  s'il  le  juge 
bon  ou  s'il  est  assez  ignorant  pour  y  croire;  mais  ils  ne  sont  et  ne 
peuvent  pas  être  des  liens  pour  une  conscience  maçonnique.  C'est 
ce  que  le  Dr  Mackey  va  nous  apprendre  : 

«  DÉcALOGLE.  On  appelle  ainsi,  dit-il  ^  les  dix  commandements 
de  la  Loi  Mosanjue  tels  qu'ils  furent  donnés  du  haut  du  Mont  Sinai 
et  rapportés  dans  le  XX*  Chapitre  de  l'Exode  ;  ils  ne  sont  point 
obligatoires  pour  un  Maçon,  conlinue-t-il,  parce  que  l'Institution 
est  tolérante  et  cosmopolite,  et  qu'elle  ne  saurait  exiger  de  ses 
membres  qu'ils  adhèrent  à  des  dogmes  ou  préceptes  religieux, 
si  ce  n'est  à  ceux  qui  expriment  une  croyance  à  l'existence  de  Dieu 
et  à  l'immortalité  de  l'àme.  Le  gouvernement  d'une  Institution  qui 
a  pour  grand  trait  caractéristique  l'Universalité,  ne  saurait  faire 
choix  d'une  loi  partielle  prescrite  pour  une  religion  déterminée.    » 

La  théorie  maçonnique  des  dix  Commandements  qui  sont  la  base 
de  la  morale  chrétienne  consiste  donc  à  dire  qu'ils  sont  seulement 
«  une  loi  partielle,  prescrite  pour  une  religion  déterminée  ».  Ils 
ne  font  pas,  ils  ne  peuvent  faire  partie  de  la  morale  maçonnique, 
et  un  Maçon  est  un  homme  moral,  au  point  de  vue  maçonnique, 
alors  même  qu'il  les  enfreindrait  tous.  A  vrai  dire,  il  en  coûte  peu 
d*(Mrc  un  homme  moral  dans  ces  conditions, et  si  c'estlà  ce  que  vous 
appelez  être  un  homme  moral,  vous  ne  gagnez  guère  aux  yeux  du 
Chrétien  par  la  haute  moralité  de  vos  membres. 

Mais  qu'est-ce  que  le  Dr. Mackey  entend  par  une  loipa;7/e//e?Est- 


1.  Filualist,  pp.  22-23. 

2.  Hnryrlnpsrfiia.  p.  207. 
i.  y^ù/.,p.205. 


UA    MORALE   MAÇONNIQUE  217 

elle  partielle,  en  ce  qu'elle  ne  contiendrait  pas  tous  les  préceptes  mo- 
raux? L'est-elle,  parce  qu'elle  ne  s'impose  qu'à  une  partie  de  l'hu- 
manité? Son  explication  montre  qu'il  attribue  au  mot  partielle  le 
second  de  ces  deux  sens,  car  il  rejette  le  Decalogue  Mosaïque  comme 
inconciliable  avec  une  institution  cosmopolite, qui  a  pour  caractère 
essentiell'universalité.Le  Juif  y  est  donc  soumis,  s'il  n'est  point  pé- 
nétré de  l'enseignement  maçonnique.  Le  Catholique  et  le  Protestant 
sont  liés  par  ses  chaînes,  si  la  Maçonnerie  ne  les  a  point  brisées.  Le 
Maçon,  dans  la  liberté  morale  de  l'Art,  n'est  point  soumis  au  Deca- 
logue mosaïque,  qui,  à  son  avis,  ne  fut  point  fait  pour  lui. 

Mais,  alors,  la  Maçonnerie  n'a  point  de  loi  morale  ?  Elle  en  a  une  ; 
elle  ne  saurait  s'en  passer,  car,  sans  loi  morale,  il  ne  pourrait  exister 
«  un  système  de  Morale  >>.  Si  ce  n'est  point  la  Loi  Mosaïque, qu'est-ce 
donc?  Le  Dr  Mackey  va  nous  le  dire  dans  son  Encyclopédie,  p.  508. 

«  \]nMaiÇon,diseni\es Anciennes Constilutions  de  1722, est  tenu, par 
son  engagement,  d'obéir  à  la  loi  morale  ».  Or  cette  Loi  morale  ne  doit 
pas  être  regardée  comme  limitée  au  Decalogue  de  Moïse  ;  ce  sont 
là  les  bornes  étroites  où  les  auteurs  ecclésiastiques  enferment  tech- 
niquement cette  Loi  ;  il  faut  plutôt  la  chercher  dans  ce  qu'on 
appelle  lex  naturse  ou  loi  de  nature.  La  loi  naturelle  a  été  défi- 
nie par  un  auteur  de  mérite,  mais  non  récent,  qui  a  écrit  sur  ce 
sujet  :  «  la  volonté  de  Dieu,  en  ce  qui  concerne  les  actions  humai- 
nes, fondée  sur  les  différences  morales  des  choses,  volonté  qui, pou- 
vant être  découverte  par  la  lumière  naturelle,  oblige,  par  suite, 
l'humanité  tout  entière.  »  Telle  est  la  loi  morale,  «  à  laquelle  font 
allusion  les  Anciennes  Constitutions  citées  plus  haut,  reprend-il, 
c'est  celle  qui  y  est  déclarée  la  Loi  de  laFranc-Maçonnerie.Et,encela 
l'on  agit  sagement,  car  il  est  évident  que  nulle  loi  moms  universelle 
n'eût  pu  être  choisie  judicieusement  pour  le  gouvernement  d'une 
institution  dont  le  caractère  le  plus  remarquable  est  l'universalité.  » 

Pour  ne  pas  employer  à  traiter  le  présent  sujet  plus  de  temps 
qu'il  ne  faut,nous  ne  discuterons  pas  sur  le  point  de  savoir  si  les  mots 
d'«  Universel  »  et  d'«  Universalité  »  doivent  être  entendus  dans  leur 
sens  ordinaire  ou  dans  le  sens  maçonnique  de  «  Naturel  »  et  de  «  Na- 
ture »,  car  «  Univers  »  et  «  Nature  »  sont  synonymes.  Quel  que  soit  ce 
sens,  il  importe  peu  au  sujet  que  nous  traitons.  Ce  qui  est  claire- 
ment exprimé,  c'est  que  la  loi  morale  de  la  Maçonnerie  ne  doit  pas 
être  bornée  à  l'étroite  loi  de  Moïse  ;  que  cette  loi  est  la  loi  de  Na- 
ture ou  loi  morale,  que  la  lumière  naturelle  permet  de  découvrir. 

En  ce  qui  regarde  la  première  assertion,  c'est-à-dire  l'étroitesse 
de  la  loi  Mosaïque,  nous  nous  risquerons  à  affirmer  que  les  précep- 
tes en  paraîtront  assez  larges  pour  s'appliquer  à  la  vie  morale  dans 

1.  Grove,  System  of  Moral  Philosophy,  t.  II,  p.  122.  Londres,  1749. 


218  LA   MORALE    MAÇONNIQUE 

une  étendue  plus  vaste  que  ne  le  désirent  la  plupart  des  créatures 
humaines.  En  lisant  ce  passage  du  Fr.-.  Mackey,  on  serait  tenté 
do  se  figurer  que  la  Maçonnerie  va  vous  proposer  un  certain  systè- 
me de  morale  plus  élevé,  plus  noble,  pins  vaste  que  le  système  mo- 
saïque. Mais  hélas  !  quand  on  en  vient  au  fait,  on  ne  trouve 
que  verbiage,  rien  de  plus  !  C'est  la  loi  de  Nature,  «  fondée  sur  les 
différences  morales  des  choses,  et  obligatoire  pour  toute  l'espèce 
humaine,  parce  qu'elle  peut  être  découverte  par  la  lumière 
naturelle.  » 

Qu'est-ce  que  cette  loi,  susceptible  d'être  découverte  par  la  lu- 
mière naturelle  ?  Est-ce  le  bien  moral,  ou  le  mal  moial  ?  Mais  bien 
(tes  hommes  appelés  philosophes,  ayant  eu  recours  à  la  lumière  na- 
turelle, ont  nié  toute  différence  entre  l'un  et  l'autre.  Telle  était  la 
théorie  de  Franklin  à  ses  débuts,  ainsi  que  nous  l'apprend  son  bio- 
graphe déjà  cité.  «  Il  alla  même  plus  loin  que  Voltaire,  en  estimant 
que  Dieu  étant  tout  puissant  et  souverainement  sage,  et  ayant  créé 
l'Univers,  tout  ce  qui  s'y  trouvait  devait  être  bon,  que  le  vice  et  la 
vertu  étaient  de  vaines  distinctions  »•.  Si  une  intelligence  comme 
celle  de  Franklin  s'égara  au  point  de  départ  même  de  la  morale,  le 
Dr.-.  Mackey  ne  doit  pas  avoir  une  confiance  exagérée  en  sa  lumière 
naturelle. 

Mais  admettons,  et  nous  le  faisons  volontiers,  que  la  droite  raison 
ou  l'intelligence  naturelle,  non  faussées  par  la  passion,  puissent  dé- 
couvrir, par  la  lumière  intellectuelle  naturelle,  la  distinction  entre 
le  bien  et  le  mal  moral,  et  en  même  temps  le  commandement  natu- 
rel de  faire  le  bien  et  d'éviter  le  mal,  nous  doutons  fortement  que 
l'intelligence  maçonnique,  qui  a  son  siège  dans  le  cœur^,et  dont  la 
lumière,  ainsi  que  nous  l'avons  vu,  est  la  lumière  sensuelle  de  la 
passion ', sache  découvrir  le  véritable  bien  moral  et  le  véritable  mal 
moral.  Les  expressions  «  lumière  maçonnique,  lumière  naturelle  ■ 
ont  pour  les  initiés  un  sens  que  notre  lecteur  ne  soupçonne  guère. 

•'  L'homme  ou  le  principe  mAle,  dit  le  F.'.  Me  Clenachan\  sym- 
bolisé par  le  feu  ardent,  était  représenté  par  la  couleur  rouge,  et  le 
principe  féminin,  identifié  à  l'idée  de  lumière  ou  de  flamme,  était 
représenlé  par  la  couleur  jaune  ou  par  celle  de  la  terre  légèrement 
colorée,  au-dessus  de  laquelle  le  messager  au  pied  agile  emporte 
les  nouvelles  d'un  Maçon  en  détresse  et  revient  avec  le  secours 
exigé.  Cette  lumière  du  feu,  la  femelle  divinement  belle,  la  Vénus 

1.  I  isiiiii,  The  truc  Ilenjaniin  Franklin,  p.  i*l,   où  il    est   fait   allusion   à  la 
brochure  de  Franklin  intitulée  phertè  el  nécessité. 
'2.  lincyclopirdia  of  l-'recniasonrij.  p.  391. 

3.  lf}id.,  \<.  '.MI. 

4.  Jhid.,  p.  9J. 


LA    MORALE    MAÇONNIQUE  219 

des  Egyptiens, s'appelait  Athor,  ce  qui  signifie  demeure  d'IIorus  et 
on  la  représentait  ainsi». La  morale,  vue  à  cette  /«m/ère, s'accordera 
très  bien  avec  le  système  qui  a  formé  l'objet  de  notre  Etude,  mais 
ce  sera  la  sensualité  païenne  et  non  la  chasteté  chrétienne.  Que 
peut-on  attendre,  en  etïet,  d'un  système  qui  conduit  ses  disciples 
au  culte  phallique  comme  principe  de  religion?  D'un  système  qui 
torture  et  contourne  Jéhovah  au  poini  d'en  faire  un  Il-EUe?  D'un 
système  dont  les  principaux  symboles  ont  tous  une  signification 
sexuelle,  si  l'on  remonte  à  leur  source  ?  Le  Dr.  Mackey  nous  indi- 
que bien  la  distinction  à  faire  entre  les  deux  systèmes,  au  sujet  du 
mot  «  lis  ». 

«  La  plante  dont  il  est  si  souvent  fait  mention  dans  l'Ancien  Tes- 
tament sous  le  nom  de  lis,  comme  étant  l'emblème  de  la  pureté 
et  lie  la  paix,  nous  dit  le  Dr.  Mackey  ',  était  le  lotus  de  l'Egypte  et 
de  l'Inde.  Elle  occupait  une  place  d'honneur  parmi  les  ornements  de 
la  décoration  du  Temple.  Le  bord  de  la  Mer  d'airain  était  parsemé 
de  fleurs  de  lotus  ciselées  ;  les  chapiteaux  qui  surmontaient  les  co- 
lonnes du  porche  et  le  haut  du  fût  de  ces  mêmes  colonnes  étaient 
ornés  de  la  même  plante,..  Le  lis  dont  parle  notre  Sauveur  pour 
figurer  une  beauté  et  une  gloire  spéciales,  alors  qu'il  comparait 
les  œuvres  de  la  nature  aux  décorations  de  l'art,  était  une  fleur 
différente  ;  probablement  une  sorte  de  lilium.  C'est  celte  fleur  qui 
est  représentée  dans  tous  les  tableaux  de  la  salutation  de  Gabriel  à 
la  Vierge  Marie  »...  ■       . 

«  Il  ne  faut  cependant  pas  oublier,  ajoute-t-il  plus  loin,  la  diffé- 
rence qui  existe  entre  le  lotus  de  l'Ancien  Testament  et  le  lis  du 
Nouveau.  Le  premier  est  une  plante  maçonnique  ;  c'est  à  peine 
s'il  est  fait  mention  du  second.  Quoi  qu'il  en  soit,  le  lotus  est 
constamment  nommé  au  lieu  du  lis,  et  cette  erreur, qui  provient  de 
l'ignorance  des  premiers  traducteurs  en  fait  de  plantes  sacrées, s'est 
glissée  dans  les  rituels  maçonniques  ». 

Non,  le  lis  de  la  virginité  de  Marie  et  le  lotus  de  la  sensualité 
païenne  n'ont,  en  réalité,  rien  de  commun  !  Le  lotus,  si  renommé 
dans  les  religions  de  l'Egypte  et  de  l'Asie,  dit  le  Dr  Mackey,  est 
une  espèce  de  Nymphsea,  ou  nénuphar,  qui  croît  abondamment 
sur  les  bords  des  rivières  dans  les  pays  chauds...  Les  divinités 
brahmaniques  sont  presque  toujours  représentées  soit  ornées  de 
ces  fleurs,  soit  les  tenant  à  la  main  comme  un  sceptre,  soit  assises 
sur  elles  comme  sur  un  trône  ».  «  Coleman  dit^  reprend-il,  que, 
pour    les  poètes  hindous,    le  lotus  était  ce  que  fut  la  rose  pour  les 


1.  Encijclopsedia  of  Freemasnnrij,  p.  471. 

2.  Mylhol.  Hindus,  p.  388. 


220  LA    MORALE   MAÇONNIQUE 

Perses.  Flottant  sur  1  eau.  il  est  lemblémedu  monde,  et  représenle 
encore  le  mont  Méru,  séjour  des  dieux.  Le  lotus  était  chez  les 
Egyptiens,  le  symbole  dOsiris  et  d'Isis.  Les  prêtres  le  considé- 
raient comme  un  ornement  sacré,  et  on  en  couronnait  la  tête  d'un 
grand  nombre  de  divinités.  L'architecture  sacrée  des  Egyptiens  le 
reproduisait  fréquemment  ;  il  figurait  comme  entablement  sur  les 
colonnes  de  leurs  temples.  C'est  ainsi  que  Salomon  l'introduisit 
dans  l'architecture  juive.  On  le  trouve  sous  le  nom  d"«  ouvrage  des 
lis  »,  formant  une  partie  des  ornements  des  deux  colonnes  qui  étaient 
sous  le  porche  du  Temple  ». 

Nous  voici,  une  fois  encore  ramenés,  par  des  voies  détournées,  il 
est  vrai,  mais  dune  façon  incontestable,  aux  symboles  sensuels  de 
la  Secte  !  La  fleur  de  lotus,  sorte  de  Nymphaea,  la  rose  des  Perses, 
le  symbole  du  monde  ou  de  l'univers,  Osiris  et  Isis,  la  coiffure  ou 
la  couronne  isiaque,  1'  «  ouvrage  des  lis  »  des  piliers  phalliques  du 
Temple  de  Salomon  —  voilà  bien,  en  effet,  le  lis  maçonnique  et  non 
le  lis  de  la  chasteté  chrétienne,  qui,  lui.  n'est  pas  maçonnique. 

Et  de  crainte,  cher  lecteur,  que  vous  ne  pensiez  que  nous  cher- 
chons à  vous  convaincre  de  force,  permettez-nous  de  citer  ce  que 
dit  le  Dr  Mackey  sur  cette  même  vertu  de  chasteté  ;  nous  reprodui- 
rons la  citation  mot  à  mot,  modernisant  simplement  l'orthographe 
d'un  texte  qui  se  donne  pour  de  l'anglais  du  XIV*  siècle. 

«  Chasteté.  Dans  le  Manuscrit  Halliwell  des  Conslilulions  de  la 
Maçonnerie^  écrites  à  une  époque  qui  ne  dépasse  pas  la  fin  du 
XIV*  siècle,  et  prétendant  être  une  copie  des  Règlements  adoptés  à 
York  en  9?6,  le  septième  article  est  ainsi  libellé  : 

«  Tu  ne  coucheras  pas  auprès  de  la  femme  du  maître 

Non  plus  qu'auprès  de  celle  de  ton  compagnon,  sous  aucun  pré- 

[texle, 

De  peur  que  la  Fraternité  ne  te  méprise  ; 

Ne  couche  pas  davantage  auprès  de  la  concubine  de  ton  compa- 

[gnon 

Que  lu  ne  voudrais  qu'il  le  fil  auprès  de  la  tienne  '  ». 

«  El  encore,  continue  le  Dr  Mackey,  dans  les  Constitutions  con- 
nues sous  le  nom  de  Manuscrit  de  Matthew  Cooke,  écrites  vers  la 
fin  du  XV®  siècle,  le  même  règlement  est  renforcé  en  ces  termes  : 
«  Septième  article.    Il  ne  devra  pas  convoiter  la  femme  ou  la  fille 

1.   Thou  shall  not  by  Ihe  niasler's  irifc  lie, 
Nor  by  Ihtj  fellow's  in  no  manner  wise, 
Lesl  Ihe  Crafl  would  Ihee  despise  : 
Nor  hy  Ihy  fellow's  concubine, 
.\c  more  thou  would.-it  he  did  by  Ihine  ». 


LA    MOtîALE   MAÇONNIQUE  221 

de  ses  maîtres,  ni  celle  de  ses  compagnons, à  moins  que  ce  ne  soit 
avec  une  intention  de  mariage  ».  C'est  ainsi  qu'au  cours  de  toutes 
les  anciennes  Constitutions  et  anciens  Règlements,  nous  trouvons 
ce  précepte  de  respecter  la  chasteté  des  femmes  et  des  filles  de  nos 
frères,  précepte  qui  est  maintenu  jusqu'à  nos  jours,  comme  il  est  à 
peine  nécessaire  de  le  dire  '  ». 

Il  est  étrange  que  le  Dr  Mackey  ne  se  soit  pas  aperçu  combien  la 
chasteté  maçonnique  est  plus  restreinte  que  ne  l'est  la  chasteté 
mosaïque.  Le  Maçon  doit  respecter  la  chasteté  des  femmes  et  des 
filles  des  autres  Maçons,  —  les  Règlements  ne  vont  pas  au-delà  ; 
pour  observer  le  commandement  mosaïque,  il  faut  respecter  la 
femme  en  général.  Et  le  Christ,  expliquant  le  précepte  mosaïque, 
ordonne  à  ses  disciples  de  respecter  toutes  les  femmes,  et  même 
dans  leurs  pensées  :  «  Vous  avez  entendu  qu'il  a  été  dit  par  les 
anciens: Tu  ne  commettras  point  d'adultère. Mais  moi  je  vous  dis  :  • 
Quiconque  regarde  une  femme  pour  la  convoiter,  a  déjà  commis 
l'adultère  avec  elle  dans  son  cœur  -  ». 

Le  Christ  ne  s'arrête  ici  ni  à  la  femme,  ni  à  la  fille,  ni  à  la  concu- 
bine du  prochain.  On  pourra  objecter  que  ce  manuscrit  de  Halliwell 
est  apocryphe  ^  et  qu'il  est  rejeté  par  la  science  maçonnique  mo- 
derne ;  cela  ne  peut  détruire  notre  argument.  Ce  n'est  pas  à  cause 
de  sa  doctrine  qu'il  est  rejeté,  mais  pour  un  défaut  d'authenticité. 
Le  fait  que  la  doctrine  qu'il  renferme  est  bien  la  doctrine  maçon- 
nique est  clairement  prouvé  par  la  citation  approbatrice  du  Dr. 
Mackey.  Cela  suffit  amplement  à  nos  fins. 

Mais  le  champ  de  la  liberté  sensuelle  est  singulièrement  limité  par 
l'étendue  du  précepte  de  chasteté  mosaïque  et  chrétienne  ;  nos  ap- 
pétits inférieurs  se  révoltent  contre  la  voie  droite  et  étroite  qu'ils 
ont  devant  eux.  Plus  la  femme  est  respectée,  plus  notre  nature  sen- 
suelle est  contenue  :  «  Plus  d'espace  !  Plus  d'espace  !  s'écrie  la  pas- 
sion,car, lorsqu'il  s'agit  de  principes  maçonniques, la  morale  ne  con- 
cerne que  les  hommes;  la  femme  est  essentiellement  incapable  de 
vraie  morale  —  à  bas  les  chaînes  de  l'ignorance  et  de  l'erreur  de  la 
morale  chrétienne  et  mosaïque  ! —  «  Le  Maçon  ne  combatpas  contre 
ses  propres  instincts», dit  le  F.-.  Pike^.  «  De  l'espace»  !  dites-vous. 
Que  dit  le  Maître  ?  «  Entrez  par  la  porte  étroite,  parce  que  la  porte 
large  et  la  voie  spacieuse  est  celle  qui  conduit  à  la  perdition,  et  ils 
sont  nombreux  ceux  qui  entrent  par  elle.  Ou'elleest  étroite  la  porte 


1.  Encyclopaedia  of  Freemiisonry.  p.  ItJU. 

2.  Malt  h.  V,  -17.  •>8. 

3.  Encyclopcrclia  of  Freeniusunt'y,  p.  977. 

4.  Morals  and  Dogma,  p.  231. 


22?  LA    MORALE    MAÇ0NN1(?UE 

et  resserrée  la  voie  qui  conduit  à  la  vie,  el  il  y  en  a  peu  ijui  la  trou- 
vent »  '. 

Nos  lecteurs  seront  frappés  de  ce  fait  étrange  au  point  d'en  t^lre 
incroyable  que,  d'après  les  principes  maçonniques,  il  n'y  a  pas  de 
vraie  morale  pour  la  femme.  Et  cependant  telle  est  la  réalité.  Car 
la  Maçonnerie  soutient  que,  hors  de  son  k  illumination  »,  tout  est 
ignorance  morale  et  ténèbres;  que  celui  qui  n'a  pas  franchi  ses 
portiques  languit  dans  les  chaînes  de  l'esclavage  moral  ;  que  c'est 
lors  de  l'initiation  que  sont  im})lantés  dans  le  cœur  immain  les  pre- 
miers principes  de  la  vraie  morale.  Mais  il  est  tout  aussi  certain  que 
la  femme  ne  peut  pas  être  Maçon.  II  est  donc  évident  que  la  fem- 
me ne  peut  recevoir  la  lumière  maçonnique,  et,  par  là  même,  est 
incapable  de  connaître  la  vraie  morale.  Ou'advienl-il  des  Rebec- 
cas ?  Elles  forment  une  société  aiïlliée  à  la  Maçonnerie,  mais  elles 
ne  peuvent  être  de  vrais  Maçons.  C'est  un  principe  fondamental, 
uii  «  landmark  v  de  l'Ordre,  que  ses  membres  seront  des  hommes 
exclusivement. 

«  Il  y  a  quelques  contrées  des  Etats-Unis,  dit  le  Dr.  Mackey,-  où 
ces  degrés  (pour  les  femmes)  sont  en  vogue,  tandis  que  ilans  il'au- 
lres,ils  ne  sont  jamais  pratiqués  et  sont  condamnéscomme  des  inno- 
vations déplacées.  Le  fait  est  que  ces  soi-disant  degrés  ont  été  hien 
mal  présentés,  aussi  bien  par  leurs  partisans  que  par  leurs  adversai- 
res. Quand  on  dit  aux  femmes  qu'en  recevant  ces  degrés,  elles  font 
partie  de  l'Ordre  et  qu'elles  sont  instruites  en  Maçonnerie,  qui  prend 
alors  le  nom  de  «  Maçonnerie  des  Dames  »,  on  les  trompe  tout  sim- 
plement. Toute  femme  api)arentée  à  un  Maître  Maçon  par  les  liens 
du  sang  a  particulièrement  droit  à  l'assistance  el  à  la  protection 
maçonniques.  Si  on  lui  dit  cela  et  si  l'on  ajoute  qu'au  moyen  de  ces 
degrés  androgynes,  elle  sera  mise  à  même  de  faire  valoir  ses  droits 
par  une  formalité,  qu'on  pourrait  appeler  une  déclaration  orale, 
mais  que  la  possession  desdits  degrés  ne  la  rapproche  aucunement 
des  prati(|ues  de  la  Maçonnerie,  si  l'on  agit  ainsi  honnêtement  à 
son  égard,  dis-je,  il  n'y  a  rien  de  mal  ;  au  contraire,  quelque  bien 
peut  en  advenir, si  ces  degréssont  conférés  à  bon  escient  el  s'ils  sont 
conservés  prudemment.  Mais  toute  tentative  d'incorporer  à  la  Ma- 
çonnerie ces  degrés  et  spécialement  cette  institution  anormale  (pie 
l'on  appelle  la  Maçonnerie  des  Dames  est  chose  fautive,  imprudente 
et  sujette  à  soulever  l'opposition  des  membres  instruits  et  prudents 
de  la  Fraternité  ».  Donc  les  femmes  ne  peuvent  appartenir  à  la  Ma- 
çonnerie; ils'ensuit  qu'elles  ne  peuvent  pas  être  morales,  maçonni- 

1.  Mallh.  VM.  13.  U. 

'2,  Encyclopœdia  of  Freemusonnj.  p.  "0 


LA    MORALE    MAÇONNIQUE  223 

quement  parlant.  La  morale  maçonnique  dépend  du  sexe.  La  Ma- 
çonnerie des  Dames,  ou  système  de  morale  pour  la  femme,  est  une 
anomalie.  Il  est  vrai  que  la  voie  est  largement  ouverte  aux  pas- 
sions humaines!  Le  Maçon  n'a  pas  à  combattre  ses  instincts. 

«  Souvenez-vous,  dit  le  F.*.  Pike',  que  tous  les  caractères  de 
moralité  qui  se  rencontrent  dans  l'homme  ont  leur  prototype  chez 
les  créatures  d'intelligence  inférieure;  la  cruelle  bestialité  de  l'hyè- 
ne, la  rapacité  sauvage  du  loup,  l'impitoyable  férocité  du  tigre,  la 
sournoise  hypocrisie  de  la  panthère  se  retrouvent  chez  l'homme, 
et  on  ne  devrait  pas  s'émouvoir  davantage  en  les  découvrant  en 
lui  que  dans  les  animaux  ». 

La  morale  maçonnique  plane  à  des  hauteurs  sublimes,  vue  à  la 
lumière  naturelle  du  Dr.  Mackey  ! 

La  femme  est,  par  son  sexe,  exclue  de  la  vraie  morale  ;  et  nous 
voyons  tous lescaractères  moraux  qui  se  révèlent  chez  l'homme  trou- 
ver leurs  prototypes  dans  la  brute. «  L'homme  n'a  ni  défaut,  ni  vice 
qui  n'existe  chez  quelque  animal  ;  donc  il  n'est  autre  chose,  par  ses 
vices,  qu'une  bête  d'un  ordre  supérieur  ;  et  parmi  les  plus  nobles 
qualités  morales,  telles  que  la  générosité, la  fidélité, la  magnanimité, 
peut-être  n'en  est-il  qu'un  petit  nombre,  n'en  est-il  même  aucune, 
qui  n'appartienne, et  au  même  degré,  à  quelque  animal^.  Ne  pou- 
vant trouver  aucune  diiïérence  essentielle,  ni  même  une  dilTérence 
quelconque,  entre  la  moralité  des  animaux  inférieurs  et  celle  de 
l'homme,  le  F.-.  Pike  se  voit  obligé  d'abandonner  la  sphère  de  la 
morale  et  de  chercher  la  source  de  la  suprématie  de  l'homme  dans 
la  parcelle  de  divinité  qui  constitue  l'àme  humaine.  Etrange  divinité, 
dont  le  code  de  morale  n'est  pas  plus  noble  que  celui  de  la  brute! 

Etant  donc  mécontent  du  Decalogue  Mosaïque,  le  Fr.-.  Pike  en 
invente  un  à  l'usage  des  Frères  .-..  «  La  Maçonnerie  a,  dit-il,  son 
Decalogue  "\  qui  est  une  loi  pour  ses  Initiés.  Voici  ses  dix  Comman- 
dements ».  Pourquoi  en  annonce-t-il  dix,  se  demandera  sans  doute 
un  lecteur  pointilleux  ?  Est-ce  parce  qu'il  lui  a  plu  de  réunir  ses 
préceptesen  dix  groupes?  nous  les  reproduirons,  quoi  qu'il  en  soit, 
tels  qu'ils  sont  : 

«  I.  ©.-.  Dieu  est  Eternel,  Tout  Puissant,  Sagesse,  Immuable, 
Suprême  Intelligence,  et  Amour  Intarissable. 

Tu  dois  l'adorer,  le  révérer,  l'aimer.  Tu  l'honoreras  en  pratiquant 
les  Vertus  ! 

II.  0--  Ta  religion  consistera  à  faire  le  bien  parce  que  cela  sera 
pour  toi  un  plaisir,et  non  pas  simplement  parce  que  c'est  un  devoir. 

1.  Morals  and  Dogma,  p.  70. 

2.  Ibid.,  p.  857. 

3.  Ibid.,  p.  17. 


224  LA    MORALE    MAÇONNIQUE 

Afin  de  devenir  l'ami  de  l'homme  sage,  lu  obéiras  à  ses  préceptes  ! 
Ton  Ame  est  immortelle  !  tu  ne  feras  rien  qui  la  puisse  dégrader  ! 

III.  0.-.  Tu  lutteras  sans  cesse  contre  le  vice  ! 

Tu  ne  feras  pas  aux  autres  ce  que  tu  ne  voudrais  pas  qu'ils  te 
fissent 

Tu  seras  soumis  à  ta  destinée,  et  tu  tiendras  allumée  la  lampe 
de  la  Sagesse  ! 

IV.  O-'-  Tu  honoreras  tes  parents  ! 

Tu  respecteras  et  honoreras  les  vieillards  ! 

Tu  instruiras  la  jeunesse  ! 

Tu  protégeras  et  défendras  l'enfance  et  l'innocence  ! 

V.  0.-.  Tu  aimeras  ta  femme  et  tes  enfants  I 
Tu  aimeras  ton  pays  et  obéiras  à  ses  lois  ! 

VI.  O'-  Ton  ami  sera  pour  toi  un  autre  toi-même  ! 
Le  malheur  ne  fera  pas  de   lui  un  étranger  pour  toi  1 

Tu  feras  pour  sa  mémoire  ce  que  tu  ferais  pourlui,  s'il  élaiten  vie. 
VIT.  0.-.  Tu  éviteras  et  tu  fuiras   les  amitiés    qui   ne   sont  pas 
sincères  ! 
En  toutes  choses,  lu  éviteras  l'excès  ! 
Tu  redouteras  de  rien  faire  qui  puisse  entacher  ta  mémoire  ! 

VIII.  O-  •  T'J  ^^  permeltrasàaucune  passion  de  le  dominer  ? 
Tu  le  serviras  des  passions  d'autrui  comme  de  leçons  profitables  ! 
Tu  seras  indulgent  à  l'erreur  ! 

IX.  0.-.  Tu  écouteras  beaucoup  :  Tu  parleras  peu  :  Tu  agiras 
bien  ! 

Tu  pardonneras  les  injures  ! 

Tu  rendras  le  bien  pour  le  mal  ! 

Tu  n'abuseras  ni  de  ta  force  ni  de  ta  supériorité  ! 

X.  O-  •  ^^^  étudieras  les  hommes  pour  les  connaître,  afin  d'ap- 
prendre à  le  connaître  toi-même  ! 

Tu  re<'hercheras  sans  cesse  la  vertu  ! 

Tu  .seras  juste  ! 

Tu  fuiras  l'oisiveté  ! 

Mais  le  grand  commandement  de  la  Maçonnerie  est  celui-ci  : 
«  Je  vous  donne  un  commandement  nouveau  :  Que  vous  vous 
aimiez  les  uns  les  autres  !  Celui  qui  dit  qu'il  est  dans  la  lumière  el 
qui  hait  son  frère,  est  encore  dans  les  ténèbres  ». 

«  Tels  sont,  conclul-il,  les  devoirs  moraux  du  Maçon.  Mais  le 
dévoir  de  la  Maçonnerie  est  d'aider  à  élever  le  niveau  moral  et  intel- 
lectuel de  la  Société,  en  faisant  progresser  la  science, en  mettant  des 
idées  en  circulation,  et  en  développant  l'intelligence  des  enfants  ;  en 
mettant  ^naduellemenf ,  par  l'enseignement  d'axiomes  nouveaux  et 


LA   MORALE    MAÇONNIQUE  22^ 

par  la  promulgation  de  lois  positives,  la   race  humaine  en  harmo- 
nie avec  ses  destinées  ». 

La  brièveté  nous  défend  les  longs  commentaires.  Il  faut  cepen- 
dant que  nous  attirions  l'attention  sur  quelques  points. 

Tout  d'abord,  nous  n'avons  pas  le  moindre  désir  de  nier  que,  lus 
dans  leur  sens  apparent,  les  commandements  précédents  contien- 
nent une  part  de  bonne  morale.  Je  dis  :  dans  leur  sens  apparent,  car 
le  F.'.  Pike  a  jugé  bon  de  faire  précéder  ces  commandements  de 
signes  :  une  croix  dans  un  cercle  alternant  avec  un  simple  cercle. 
Or,  la  croix  dans  le  cercle  a  la  même  signification  que  le  point  dans 
le  cercle,  et  le  simple  cercle  est  un  symbole  de  la  nature,  de  l'uni- 
vers, du  principe  féminin.  Et  de  même  que  la  Bible  chrétienne  lue 
à  la  lumière  de  l'équerre  et  du  compas  prend  son  vrai  sens  maçon- 
nique, ces  préceptes  acquerront  le  leur  lorsqu'ils  seront  interprétés 
avec  leur  signe  par  le  Maçon  ésotérique.  Quant  au  Maçon  exoléri- 
que,  il  les  lira  comme  le  profane,  sans  s'arrêter  au  symbole  qui 
les  accompagne  et  ne  verra  peut-être  que  peu  de  ditTérence  entre 
ces  commandements  et  ceux  de  la  loi  mosaïque.  S'il  est  chrétien, 
il  prendra  le  premier  commandement  comme  se  rapportant  au  Dieu 
des  chrétiens  ;  il  n'a  pas  pris  garde  au  signe  phallique  qui  le  pré- 
cède, car  il  est  bien  loin  de  posséder  la  révélation  sur  Jéhovah,  le 
dieu  hermaphrodite  de  la  Maçonnerie. 

En  second  lieu,  il  y  a,  en  effet,  beaucoup  de  largeur  dans  cette 
morale  ;  mais  c'est  une  largeur  dans  le  vague  et  dans  l'indéfini,  qui, 
semblable  à  la  charité,  bien  que  dans  un  tout  autre  sens  «  peut 
couvrir  une  multitude  de  péchés  ».  «  Tu  lutteras  sans  cesse  contre 
le  vice  »;  «  Tu  rechercheras  sans  cesse  la  vertu  »  sont  des  comman- 
dements dont  le  sens  dépend  du  modèle  proposé  par  la  morale 
établie.  Ce  que  les  chrétiens  et  les  catholiques  tiennent  pour 
vertu  peut  être  considéré  comme  vice  par  la  Maçonnerie  ;  c'est 
ainsi  que  nous  trouvons  souvent  le  célibat  catholique  combattu, 
comme  étant  immoral,  par  les  législations  qu'inspire  la  Maçonne- 
rie. 

En  troisième  lieu,  nous  cherchons  en  vain  les  commandements 
si  clairs  et  si  explicites  de  la  loi  mosaïque,  ou  leurs  équivalents.  Au 
lieu  de  «  Tu  ne  commettras  pas  l'adultère  »,  «  Tu  ne  désireras  pas 
la  femme  de  ton  prochain  »,  nous  trouvons  des  expressions  comme 
celles-ci  :  «  Tu  ne  permettras  à  aucune  passion  de  te  dominer  »  ; 
«  Ton  âme  est  immortelle,  tu  ne  feras  rien  qui  la  puisse  dégrader  », 
expressions  que  le  Maçon  exotérique,  s'il  est  un  prolestant  sincère 
et  droit,  interprète  comme  équivalant  à  la  loi  révélée  à  Moïse,  mais 
qui,  ainsi  que  nous  l'avons  vu  en  traitant  de  la  vertu  de  chasteté, 

16 


226  LA    MORALE    MAÇONNIQUE 

n'ont  pas  le  même  sens.  La  chasteté  imposée  aux  Maçons  par  la 
Maçonnerie  est  beaucoup  plus  reslroinlo. 

En  quatrième  lieu,  nous  cherchons  en  vain  à  constater  un  perfec- 
tionnement du  divin  abrégé  de  la  morale  chrétienne  :  «  Tu  aime- 
ras le  Seigneur  ton  Dieu  de  tout  ton  cœur,  de  toute  ton  Ame,  de 
tout  ton  esprit  et  de  toutes  tes  forces  ».  Tel  est  le  premier  comman- 
dement, et  voici  le  second,  qui  lui  est  semblable  :  «  Tu  aimeras  Ion 
prochain  comme  toi-même*  ».  Il  n'est  pas  jusqu'au  nouveau  com- 
mandement de  la  Maçonnerie,  emprunté  à  l'Evangile,  qui  ne  perde 
à  l'adaptation  :  «  Je  vous  donne  un  commandement  nouveau  :  que 
vous  vous  aimiez  les  uns  les  autres,  et  que  vous  vous  aimiez  les 
uns  les  autres  comme  je  vous  ai  aimés-  ».  Le  modèle  du  Christ  pro- 
posé à  notre  charité  et  à  notre  abnégation  est  omis  ;  cet  amour  qui 
sacrifia  tout  pour  l'homme  —  la  famille  et  ses  joies,  tout  ce  que  le 
monde  tient  pour  cher,  la  vie  elle-même  inclusivement,  —  tandis 
que  la  bienfaisance  et  la  charité  maçonniques,  comme  nous  le  mon- 
trerons dans  notre  chapitre  suivant,  ne  s'exercent  que  sur  de  sim- 
ples superfluités,  car  nul  Maçon  n'est  obligé  d'aider  son  frère  dans 
le  besoin  au  prix  d'un  préjudice  personnel  sérieux. 

En  cinquième  lieu,  nous  passons  les  commandements  semblables 
à  celui-ci  :  «  Tu  seras  indulgent  à  l'erreur  »,  qui  suggère  ce  corol- 
laire :  «  Tu  seras  tolérant  à  l'égard  de  la  foi  catholique  ».  Nous 
avons  assez  longuement  parlé,  dans  un  chapitre  précédent,  de  l'es- 
prit anlicalholique  du  F.-.  Pike  et  de  ses  Frères..,  et  une  expé- 
rience trop  souvent  répétée  dans  les  pays  où  la  Maçonnerie  peut 
impunément  exercer  son  intolérance  a  donné  au  monde  entier  la 
preuve  que  la  tolérance  qui  est  sur  les  livres  maçonniques  est  dans 
le  fond  du  cœur  l'intolérance  la  plus  acerbe  contre  le  Catholi- 
cisme. 

Flnfin  nous  ferons  cette  remarque  :  puisque  la  Maçonnerie  pré- 
tend être  la  seule  école  de  vraie  morale,  son  système  devrait  con- 
tenir tout  le  bien  moral  nécessaire  à  l'homme  et  prohiber  tout  le 
mal  moral.  Il  ne  sullit  pas  que  ledit  système  contienne  du  bien, 
même  en  se  plaçant  à  un  point  de  vue  vraiment  moral  et  chrétien, 
caria  Maçonnerie  réclame  l'homme  tout  entier  en  ce  monde,  et  elle 
prétend  le  [)réparer  à  ses  destinées  éternelles  dans  l'autre.  11  est 
donc  inutile  de  citer  telle  ou  telle  chose  comme  étant  bonne  dans 
la  Maçonnerie  ;  il  n'est  pas  en  ce  monde  de  système  qui  soit  en- 
tièrement pervers.  Nous  ne  pouvons  juger  la  Maçonnerie  que  d'a- 
près ses  prétentions  et  ses  promesses,  en  considérant  les  droits 

1.  Marc,  XII.  30.  31. 

2.  Jean,  xiil,  34. 


LA  MORALE  maçoNmoue  227 

qu'elle  revendique  et  les  promesses  qu'elle  fait  ;  et  jugée  sous  ces 
aspects,  nous  constatons  qu'elle  est  lamenLablemenL  en  défaut.  Elle 
rejette  la  morale  surnalurellement  révélée,  car  sa  morale  est  en- 
gendrée par  la  lumière  naturelle.  Elle  ne  prétend  à  aucune  certi- 
tude dogmatique.»  Le  Maçon  ne  prétend  pasavoir  la  certitude  dog- 
matique, dit  le  F.-.  Pike',  il  n'a  pas  la  vaine  prétention  de  pouvoir 
atteindre  à  cette  certitude  ».  Sa  morale  est  donc  condamnée  à  er- 
rer éternellement  dans  le  royaume  des  simples  opinions,  à  changer 
par  conséquent  selon  les  circonstances  et  les  sentiments  de  l'actua- 
lité, privée  de  toute  sanction  fixe  et  infaillible.  El  quand  nous  réflé- 
chirons à  la  théorie  maçonnique  de  l'éternité  qui  enseigne  que, 
sans  considération  des  infractions  à  la  loi  morale  dont  nous  aurons 
pu  nous  rendre  coupables  dans  le  temps,  nous  serons  certainement 
après  notre  mort  absorbés  dans  la  Divinité  ;  quand  on  nous  dira  que 
notre  âme  véritable,  étant  une  étincelle  du  feu  divin,  ne  peut  pas 
pécher,  et  que  nos  fautes  morales  ne  sont  imputables  qu'à  la  ma- 
tière dans  laquelle  elle  est  plongée,  les  commandements  du  F.-. 
Pike  ne  nous  paraîtront  plus  qu'un  faible  et  bien  fragile  obstacle 
aux  assauts  des  intérêts  personnels  et  aux  sollicitations  des  pas- 
sions. 

Peut-être  un  exemple  concret  de  la  morale  maçonnique  pourrait- 
il  intéresser  nos  lecteurs.  «  Un  Maçon  est  tenu  par  le  texte  des 
Constitutions, nous  dit-on,  d'obéir  à  la  loi  morale,  et,  s'il  comprend 
l'Art  comme  il  convient,  il  ne  sera  jamais  un  athée  stupide  ni  un 
irréligieux  libertin.  Mais,  bien  qu  autrefois  les  Maçons  eussent  l obli- 
gation (ictre  de  la  religion  du  pays  ou  nation...,  on  trouve  aujour- 
d'hui/)/us /}/'a//g«e  de  les  obliger  seul&ment  à  accepter  celte  reli- 
gion sur  laquelle  tous  les  hommes  s'entendent,  gardant  pour  eux 
leurs  opinions  personnelles  -  ». 

Voilà,  certes,  un  étrange  échantillon  d'enseignement  moral,  et 
qui  met  bien  en  relief  ce  qu'est  capable  de  sanctionner  la  morale 
maçonnique.  «  Si  un  Maçon  comprend  bien  l'Art,  dit  le  Ritualist, 
ou  mieux  les  Anciennes  Constitutions  citées  par  le  Ritualist,  il  ne 
sera  jamais  un  athée  stupide  ni  un  irréligieux  libertin  ».  Mais  tous 
les  Maçons  connaissent-ils  bien  l'Art?  Le  Dr.Mackey  ne  cesse  de  se 
récrier,  dans  tous  ses  ouvrages,  contre  lignorance  maçonnique.  Et 
tout  athée  est-il  nécessairement  stupide  ?  Les  philosophes  athées 
sont  des  athées  et  ne  se  considèrent  pas  comme  slupides.Le  Maçon 
ne  sera  pas  un  «  libertin  irréligieux  »  !  Que  faut-il  penser  de  cela? 
Tous  les  libertins  sont-ils  irréligieux?   Le  Docteur  sait  aussi  bien 


1.  Morals  and  Dogma,  p.  226. 

2.  Masonic  Ritualisl,  p.  244;  Encyclopsedia  of  Freemasonry,  p.  112. 


228  LA    MORALE   MATONNIQUE 

que  nous  que  la  proslilulion  publique  pratiquée  au  nom  des  divi- 
nités païennes  faisait  partie  du  culte  religieux  du  paganisme, 
et  provenait  tout  naturellement  du  culte  phallique  des  anciens. 
Ceux  que  vénère  la  Maçonnerie  ne  tenaient  pas  de  tels  libertins 
pour  irréligieux. 

Et  que  faut-il  penser  d'une  morale  dans  laquelle  la  profession 
d'une  religion  est  une  simple  question  de  convenance  ?  d'une  mo- 
rale pour  laquelle  la  religion  est  comme  un  vêtement  (jue  l'on  prend 
ou  laisse  à  volonté  suivant  les  pays  et  les  climats? 

Un  Maçon  était  tenu  d'être  un  brahmaniste  dans  l'Inde  ;  un  juif 
en  Palestine  ;  un  catholique  à  Rome  ;  il  devait  rejeter  sa  religion 
pour  embrasser  le  mahomélisme  à  La  Mecque,  selon  que  ses  affaires, 
sa  santé,  sa  curiosité,  son  plaisir  le  portaient  à  fixer  sa  résidence 
dans  l'un  ou  l'autre  endroit.  Quelle  part  est  faite  à  la  sincérité  dans  la 
foi  d'un  tel  homme?  Que  pensez-vous  de  ses  pratiques  religieuses? 
Ce  que  le  chrétien  considère  comme  un  sacrilège  ne  pesait  guère  à 
une  semblable  conscience,  car  tel  qui,  aujourd'hui,  a  reçu  à  Rome 
rEucharislie,pouvait  fouler  aux  pieds  le  crucifix  à  Constantinople, 
le  lendemain.  La  Maçonnerie  lui  a  «commandé  d'être  delareligion 
du  pays,  ou  de  la  nation,  quelle  qu'elle  soit,  bien  que  la  Maçon- 
nerie, grâce  à  la  lumière  sublime  qu'elle  possède,  lui  ait  enseigné 
que  toutes  les  formes  de  religion  sont  erreur,  œuvre  humaine,  cor- 
ruption de  la  vérité  primitive  ».  «Tu  seras  indulgent  pour  l'erreur»', 
même  jusqu'au  point  de  la  professer  publiquement,  tel  était  son 
ordre. 

Nous  ne  poursuivrons  pas  ce  sujet  plus  loin,  car  nous  en  avons 
assez  dit  pour  faire  voir  clair  dans  le  système  maçonnique  :  c'est 
en  effet  de  cela  ({ue  nous  avons  essayé  de  traiter.  Nous  avons 
exposé  les  principes  qui  devraient,  selon  la  Maçonnerie,  régler  la 
vie  morale  de  l'homme  et  de  la  société,  tout  en  espérant  que  la  vie 
des  Maçons  vaut  mieux  que  les  principes  soutenus  par  l'Art. 

Nous  avons  montré  que  l'expression  «»  un  homme  moral  »  com- 
porte autant  de  sens  qu'il  en  est  donné  dans  les  systèmes  de  morale, 
et  qu'il  n'en  résulte  point  nécessairement  (pion  soit  moral  comme 
l'entend  le  christianisme.  Nous  avons  l'ait  voir  (jue  la  morale  maçon- 
nique, produit  de  principes  païens,  n'est  point  chrétienne.  Elle 
rejette  les  commilndemenls  mosaïques  et  leur  substitue  les  siens. 
Ceux-là,  elle  les  donne  comme  loi  de  la  raison  naturelle,  en  rejetant 
tout  ce  qui  est  surnaturel.  Nous  avons  examiné  brièvement  les 
commandements,  leur  nature,  leur  autorité,  leur  sanction.  Nous 
aNons  vainement  cherché  chez  les  siîctateurs  du  culte  phallique,  et 

1.    Murais  and  Duyma.  p.  Is. 


LA   MORALE    MAÇONNIQUE  229 

nolrerecherchedevaitforcément  être  vaine, les  commandements  mo- 
saïques de  la  chasteté.  Le  Maçon  ne  fait  pas  la  guerre  à  ses  instincts  : 
pourquoi  la  ferait-il?  Dans  son  système,  il  n'y  a  pas  de  Satan,  il  n'y 
a  pas  d'esprits  mauvais  qui  poussent  l'homme  à  faire  le  mal  ;  l'enfer 
est  un  vain  fantôme,  qui,  pareil  à  une  vilaine  ombre,  s'enfuit  à  l'ap- 
proche de  la  lumière  maçonnique  ;  la  véritable  âme  de  l'homme, 
étincelle  de  la  Divinité,  ne  peut  pécher  naturellement  :  en  sorte  que 
la  faute  morale  réside  dans  le  corps,  et  est  abandonnée  avec  le  corps, 
tandis  que  l'àme  doit  être  absorbée  dans  la  Divinité,  dont  elle  est 
une  émanation;  puis,  en  somme,  tout  cela  n'est  qu'affaire  d'opinion, 
car  la  certitude  dogmatique  en  ces  matières  est  hors  de  notre  portée. 
Dans  un  pareil  système,  l'exemple  de  saint  Paul,  qui  mortifiait  sa 
chair  pour  la  contraindre  à  la  soumission,  loin  de  mériter  l'éloge, 
est  franchement  condamnable;  c'est  le  résultat  de  l'ignorance. 

Vraiment,  avec  un  tel  système,  le  Fr.'.  Pike  a  raison  quand  il 
dit  ;  «  Toute  morale  'sic  Ij  caractéristique  de  l'homme  trouve  son 
prototype  parmi  les  créatures  d'une  intelligence  inférieure...  et 
devrait  ne  pas  exciter  une  émotion  différente  quand  on  la  rencon- 
tre chez  l'homme  et  quand  on  la  rencontre  chez  la  bète  '.  \'raiment 
l'homme  «  n'a  ni  défaut,  ni  vice  qui  n'existe  chez  quelque  animal  ; 
donc  il  n'est  autre  chose,  par  ses  vices,  qu'une  bête  d'un  ordre  su- 
périeur ;  et  des  plus  nobles  qualités  morales,  telles  que  la  généro- 
sité, la  fidélité,  la  magnanimité,  peut-être  n'en  est-il  qu'un  petit 
nombre,  n'en  est-il  même  aucune  qui  n'appartienne,  et  au  même 
degré,  à  quelque  animal  ».  Le  Fr.-.  Pike  lui-même  ne  saurait 
trouver  de  ditïérence  entre  la  moralité  de  l'homme  et  celle  de  la 
bête,  et,  comme  nous  l'avons  vu,  il  -cherche  la  distinction  entre 
l'homme  et  la  bête  dans  une  étincelle  de  la  Divinité,  théorie 
aussi  absurde  aux  yeux  de  la  raison  qu'elle  est  contraire  à  la 
révélation  chrétienne. 

La  voilà  donc,  cette  Maçonnerie  qui,  à  ce  que  dit  le  Fr.*.  Pike, 
«  a  pour  devoir  de  développer  l'esprit  de  la  jeunesse.  Grâce  au  sen- 
sualisme de  nos  théâtres,  à  une  presse  qui  recherche  la  sensation  ; 
grâce  au  relâchement  des  mœurs  publiques;  grâce  au  dédain  pour 
le  mariage,  grâce  à  la  propagande  publique  en  faveur  de  la  limita- 
tion de  la  postérité  par  des  moyens  que  réprouve  la  morale  chré- 
tienne ;  grâce  à  l'Eugénisme,  qui,  acceptable  dans  un  certain  sens 
et  avec  toutes  les  précautions  morales  dont  l'éthique  chrétienne 
l'entoure,  mais  qui  sous  des  plumes  non  chrétiennes,  n'est  qu'un 
terme  poli  pour  désigner  un  vice  qui  n'a  rien  de  chrétien;  grâce  à 

1.  Morals  and  Dogma,  p.  76. 

2.  Ibid.,  p.  857. 


230  LA    MORALE    MArONNMOUE 

toutes  ces  causes,  qui  sont  les  produits  naturels  du  paganisme  mo- 
derne, dont  la  Maçonnerie  se  glorifie  d'être  le  porte-parole,  —  les 
esprits  de  nos  jeunes  gens  croissent  à  vue  d'oeil.  C'est  la  Maçonne- 
rie qui  pose  la  première  pierre  des  écoles  publiques  et  des  Univer- 
sités d'Etat,  en  parle  au  possessif  et  dit  :  «  Nos  Universités  ». 

C'est  cette  Maçonnerie  qui  lutle,  et  lutte  avec  succès  pour  chasser 
Dieu  de  notre  éducation,  afin  de  préparer  un  sol  favorable,  où  elle 
plantera  plus  tard  son  Jéhovah,  son  Il-Elle,  le  Dieu  du  paganisme, 
la  nature  telle  qu'elle  se  symbolise  dans  l'homme  affranchi  des  liens 
de  la  morale  chrétienne.  Il  faut  être  vraiment  aveugle  pour  ne  pas 
prévoir  les  résultats  de  tout  cela  !  La  Maçonnerie  les  voit  claire- 
ment, elle  travaille  à  les  réaliser  par  un  labeur  invisible  mais  in- 
cessant, et  le  catholique  qui  n'a  point  été  plongé  dans  le  sommeil 
de  l'engourdissement,  le  protestant  qui  n'a  point  été  endormi  par 
des  phrases  pleines  de  douceur  et  de  tendresse  sur  la  vertu  et  la 
morale,  et  l'amour,  et  la  tolérance,  et  la  croyance  en  Dieu,  et  l'im- 
mortalité de  l'àme,  se  réveilleront  en  sursaut,  mais  trop  tard  ;  ils 
se  frotteront  les  yeux  et  se  détourneront  en  voyant  que  l'ivraie  a 
étouflé  le  froment. Tel  est  le  réveil  de  la  France,  tel  est  le  réveil  qui 
se  prépare  partout,  lorsque  les  années  auront  passé,  et  que  les  ger- 
mes du  sensualisme,  semés  à  profusion,  auront  produit  le  fruit  qu'on 
en  attend. 


I 


CHAPITRE    XVI 

Bienfaisance  maçonnique 


Dans  notre  précédent  cha[>itre,  nous  n'avons  pas  nié  que  la  Ma- 
çonnerie n'enseigne  plus  d'une  utile  leçon  de  morale,  quoique, ainsi 
que  nous  l'avons  montré,  comme  système  complet  de  morale,  elle 
soit  non-chrétienne,  païenne  et  condamnée  par  la  saine  raison.  De 
même,  dans  le  présent  chapitre,  nous  n'avons  nul  désir  de  ré- 
voquer en  doute  les  beaux  côtés  de  la  bienfaisance  maçonnique 
bieiVque,  nous  le  montrerons,  cette  bienfaisance  soit  loin  d'être 
tout  ce  que  prétend  la  Secte. 

Il  y  a  deux  bienfaisances  maçonniques  :  l'une  estimée  par  la  fra- 
ternité comme  l'œuvre  essentielle  de  la  Maçonnerie,  mais  qu'on 
n'expose  cependant  pas  avec  trop  d'insistance  au  monde,  car  sou- 
vent elle  est  reléguée  à  l'arrière-plan  ;  l'autre,  accessoire  et  acci- 
dentelle, qui,  néanmoins  est  constamment  placée  au  premier  plan, 
rideau  superbe  destiné  à  cacher  les  projets  véritables  de  l'Ordre, 
puisque,  grâce  à  lui,  des  Maçons  mêmes  y  sont  trompés.  «  Une  très 
grande  majorité  de  ses  disciples,  dit  lé  Dr.  Mackey  dans  un  passage 
déjà  cité,  considérant  uniquement  ces  résultats  pratiques  tels  qu'ils 
apparaissent  dans  la  vie  de  chaque  jour — les  nobles  libéralités  qu'elle 
répand,  les  larmes  de  veuves  qu'elle  a  séchées,  les"  cris  d'orphe- 
lins qu'elle  a  apaisés,  les  besoins  de  déshérités  auxquels  elle  a  sub- 
venu —  arrivent  trop  rapidement  à  cette  conclusion  que  la  charité, 
et  encore  entendue  au  sens  étroit  d'aumône,  est  le  but  principal  de 
l'Institution  ».  Le  soin  des  veuves,  des  orphelins  et  des  indigents 
au  moyen  de  l'aumône  n'est,  aux  yeux  de  la  Maçonnerie,  que  la 
moindre  partie  de  sa  bienfaisance.  Elle  attache  beaucoup  plus  d'im- 
portance à  ce  qu'elle  estime  être  l'émancipation  de  notre  race. 

Sa  bienfaisance  essentielle  consiste  donc  à  instruire  l'humanité, 
«  de  la  vérité  sur  Dieu  et  l'àme,  sur  la  nature  et  l'essence  de  l'un 
et  de  l'autre  '  »  ;  à  briser  «  les  chaînes  d'erreur  et  d'ignorance  qui 
ont  jusqu'ici  retenu  le  candidat  dans  la  captivité  morale  et  intellec- 

1.  Masonic  Rilualisl,  p.  33. 


232  BIENFAISANCE   MAÇONNIQUE 

luelle  '  »  ;  à  0  élever  le  niveau  moral  el  inlellecluel  de  la  société  en 
faisant  avancer  la  science,  en  mettant  des  idées  en  circulation,  en 
développant  l'esprit  de  la  jeunesse  el  en  mettant  graduellement, 
par  la  propagation  d'axiomes  el  la  promulgation  de  lois  positives» 
la  race  humaine  en  harmonie  avec  ses  destinées  >^.  Telle  est  la  bien' 
faisance  dont  les  murs  des  Loges  font  résonner  la  louange  ;  elle 
peut  se  répandre  en  pratiquant  une  légère  saignée  à  la  bourse  des 
Frères,  mais  de  plus,  en  certains  cas,  elle  peut  aider  à  refaire  leurs 
finances  appauvries,  quand  les  charités  catholiques  sont  confisquées 
au  profit  de  la  nation  el  que  les  FF.-,  se  trouvent  fort  à  propos  être 
la  nation. 

Quelle  idée  faut-il  se  faire  de  l'illumination  maçonnique  en  elle- 
même  ?  Xos  lecteurs  le  peuvent  conclure  des  pages  qui  précèdent. 
Nous  n'y  ajouterons  rien.  Nous  nous  bornerons  à  considérer  l'es- 
prit de  philanthropie  dans  la  Maçonnerie,  son  amour  de  notre  race, 
sa  bienfaisance  universelle,  en  prenant  le  mol  universelle  au  sens 
de  large  ou  générale.  Et  ici,  en  considérant  son  esprit  à  l'égard  de 
la  générosité  ou  de  la  parcimonie,  nous  devons  le  juger,  non  d'a- 
près la  valeur  que  nous  attachons  à  son  illumination,  ni  d'après 
celle  qu'on  devrait  lui  accorder,  mais  d'après  la  valeur  que  la  Ma- 
çonnerie elle-même  réclame  qu'on  y  attache.  Si  la  Maçonnerie  pro- 
clame, croit  ou  prétend  croire  qu'elle  possède  un  trésor  inestima- 
ble pour  l'humanité,  et  si  elle  dispose  de  ses  réserves  avec  parcimo- 
nie ;  si  elle  exclut  absolument  de  ses  libéralités  la  plus  grande  par- 
tie de  notre  race;  si  elle  l'exclut  pour  des  raisons  futiles  ou  sans 
raison  aucune  ;  si  elle  en  exclut  des  êlres  humains  liés  à  ses  mem- 
bres par  les  liens  les  plus  tendres  de  la  nature,  il  n'est  personne 
qui,  connaissant  le  véritable  étal  des  choses,  dise  que  sa  philan- 
thropie est  large.  Mais  si,  d'un  côté,  nous  connaissons  les  préten- 
tions de  la  Maçonnerie  à  l'égard  de  la  vérité  divine  et  de  la  morale) 
si,  d'autre  part,  comme  nous  le  prouverons  avec  évidence,  elle  est 
en  bien  des  cas  exclusive,  nous  ne  saurions  conclure  aulre  chose, 
sinon  que  son  esprit  de  bienfaisance  est  élroit  et  qu'il  ne  possède 
pas  l'universalité  entendue  au  sens  de  largeur. 

Car  il  est  essentiel  à  la  vraie  bienfaisance  de  passer  aux  actes 
dès  qu'il  est  en  son  pouvoir  d'accorder  un  bienfait. 

«  Cogan,  dans  son  ouvrage  On  Ihe  Passions,  dit  le  Dr  Mackey  -, 
définit  ainsi  la  bienfaisance  :  «  Quand  notre   amour  ou   notre  désir 


1.  Masonic  Rilualisl,  p.  33. 

2.  Encijclopxdia  of  Freemasonry,  p.  il3. 


BIENFAISANCE   MAÇONNIQUE  233 

«  du  bien  a  les  autres  pour  but,  nous  l'appelons  bienveillance  ou 
«  bienfaisance. La  bienfaisance  embrasse  tous  les  êtres  capables  de 
«  jouir  d'une  part  du  bien;  ainsi  la  bienfaisance  devient  universelle, 
«  si  elle  se  manifeste  par  un  plaisir  ressenti  à  la  vue  de  la  part  de 
«  bien  dont  jouit  toute  créature,  dans  la  disposition  d'augmenter 
«  cette  part, dans  un  sentiment  de  malaise  à  la  vue  de  la  souffrance 
«  et  dans  l'horreur  de  la  cruauté,  de  quelque  prétexte  qu'elle  se 
«  déguise  ». 

«  Cet  esprit,  continue  le  Dr.  Mackey,  doit  remplir  le  cœur  de 
tous  les  Maçons  à  qui  on  a  appris  à  considérer  l'humanité  comme 
formée  par  le  Grand  Architecte  de  l'Univers  pour  l'assistance,  l'ins- 
truction et  le  soutien  mutuels  de  ses  membres  ». 

Par  ces  derniers  mots,  le  Dr.  Mackey  complète  la  déflnition  de 
Cogan.  La  vraie  bienfaisance,  le  véritable  amour  ne  consiste  pas, 
comme  nous  l'avons  dit,  dans  une  simple  sentimentalité, mais  dans  la 
ditTusion  réelle  des  bienfaits, dans  la  mutuelle  instruction,  la  mutu- 
elle assistance  et  le  mutuel  support  de  tous  ceux  qui  sont  capables 
de  recevoir  le  bien  que  nous  pouvons  leur  faire.  L'esprit  de  la 
Maçonnerie  est-il  celui  d'une  telle  bienfaisance  ?  Lisez  et  jugez. 

«  Au  point  de  vue  du  prosélytisme,  dit  le  Dr.  Mackey  ',  la  Franc- 
Maçonnerie  ressemble  plus  à  la  foi  exclusive  de  Brahma  qu'à  la 
foi  accueillante  de  Moïse,  de  Bouddha,  du  Christ  ou  de  Mahomet. 

«  A  parler  clair,  continue-t-il,  la  Franc-Maçonnerie  est  rigoureu- 
sement opposée  à  tout  prosélytisme.  Quoique  ses  membres,  chaque 
fois  qu'une  occasion  favorable  se  présente, n'hésitent  pas  à  défendre 
l'Institution  contre  les  attaques  de.  ses  ennemis,  ils  ne  cherchent 
jamais,  en  faisant  à  dessein  l'éloge  de  ses  vertus,  à  lui  gagner  de 
nouveaux  amis  ou  à  accroître  le  nombre  de  ses  disciples. 

«  Bien  au  contraire,  continue-t-il,  elle  se  vante,  comme  d'un 
mérite  qui  lui  appartient  en  propre,  d'être  une  Institution  ouverte 
aux  volontés  libres  Non  seulement  elle  défend  à  ses  membres  tout 
effort  en  vue  de  recruter  des  initiés,  mais,  chaque  fois  que  des  can- 
didats se  présentent  pour  être  admis  à  ses  rites  sacrés,  elle  leur 
demande,  dès  le  premier  pas,  de  déclarer  sérieusement  quils  se 
présentent  d'eux-mêmes  et  librement  sans  avoir  été  influencés  par 
les  instances  importunes  de  leurs  amis  »• 

«  Ainsi  cet  esprit  d'anti-prosélytisme  inculqué  à  tousles  Maçons, 
dès  le  début  de  leur  initiation, quoiqu'il  ne  soit  pas  un  «landmark», 
revêt  le  caractère  sacré  d'une  loi  de  ce  genre,  et  par  là,  la  Franc- 

1.  Encyclopjadia  of  Freemasonry,  p.  612-614. 


234  BIENFAISANCE   MAÇONNIQUE 

Maçonnerie  se  dislingue  de  toutes  les  autres  associations  humai- 
nes, et  dit  avec  fierté  :  «  Nos  portes  sont  ouvertes  toutes  grandes  à 
tous  les  hommes  de  bien  et  de  bonne  foi.  mais  nous  ne  demandons 
à  personne  d'entrer  ». 

Le  F.-.  Mackey  n'ignore  certes  pas  l'existence  du  prosélytisme 
maçonnique,  ou,  pour  parler  comme  lui,  non-maçonnique,  et  ces 
paroles  en  sont  une  condamnation  sévère. 

«<  C'est,  dit-il,  un  usage  établi  dans  l'Ordre  (de  se  présenter  sans 
être  influencé  par  les  sollicitations  de  ses  amis)  ;  rien  ne  saurait 
donc  être  plus  pénible  à  un  vrai  Maçon  que  de  voir  cet  usage  violé 
par  déjeunes  Frères  étourdis.  Or,  on  ne  peut  nier  qu'il  ne  le  soit 
souvent  ;  et  cette  violation  est  le  résultat  d'influences  néfastes  exer- 
cées, sans  même  qu'on  s'en  doute, sur  la  Maçonnerie, par  nombre  de 
sociétés  similaires  auxquelles  le  temps  présent,  comme  le  passé,  a 
donné  naissance,  et  qui  n'ont  d'autre  ressemblance  avec  la  Maçon- 
nerie que  d'avoir  certaines  cérémonies  secrètes  d'initialion.  Il  en  ré- 
sulte que  quelques-uns  viennent  parmi  nous  imbus  des  principes  et 
accoutumés  aux  usages  de  ces  sociétés  récentes  oùles  sollicitations 
persévérantes  des  candidats  sont  considérées  comme  une  pratique 
légitime  et  même  digne  d'éloge  ;  ils  apportent  avec  eux  cette  notion 
préconçue,  et  considèrent  comme  leur  devoir  d'exercer  toute  leur 
influence  pour  persuader  à  leurs  amis  de  devenir  membres  de  l'Art. 
Ceux  qui  méconnaissent  à  ce  point  la  vraie  politique  de  notre  ins- 
ti'Mtion,  devraient  apprendre  de  leurs  Frères  plus  âgés  et  plus  ex- 
périmentés qu'il  est  tout  à  fait  contraire  à  nos  lois  et  à  nos  princi- 
pes de  demander  à  qui  que  ce  soit  de  se  faire  Maçon  ou  d'exercer 
aucune  sorte  d'influence  sur  l'esprit  des  autres,  excepté  celle  qui  ré- 
sulte d'une  vie  vraiment  maçonnique  et  de  la  mise  en  pratique 
exemplaire  des  principes  par  lesquels  on  peut  être  amené  à  deman- 
der son  admission  dans  nos  Loges.  Ce  n'est  pas  nous  qui  devons 
chercher,  on  doit  nous  chercher'  ». 

De  telles  tendances  sont  en  tout  point  contraires  à  l'esprit  de 
bienfaisance,  pris  dans  son  sens  le  plus  large.  La  bienfaisance 
veut  se  répandre  ;  elle  se  met  à  la  recherche  de  la  pauvreté 
et  de  la  misère.  Elle  ne  se  croise  pas  les  bras  dans  une  sublime 
contemplation  d'elle-même. en  disant  :  «  Si  les  méchants  et  les  igno- 
rants ont  besoin  d'aide  et  de  lumière,  qu'ils  viennent  me  chercher  ; 
qu'ils  frappent  en  suppliant  à  ma  porte, et  implorent  mon  aide!  «  Il 
n'est  personne,  hors  la  Maçonnerie,  qui  appelle  cela  le  véritable 
esprit  de  bienfaisance,  surtout  lorsfju'il  s'agit  d'un  corps  qui  a  la 

1.  Manonir  Jurisprudence,  pp.  85,  86. 


BIENFAISANCE   MAÇONNIQUE  235 

prétention,  justifiée  ou  non,  de  détenir  dans  ses  mains  le  bonheur 
temporel  et  éternel  de  tous  les  mortels.  «  Allez,  dit  le  divin  Maître 
à  ses  apôtres  et  à  ses  disciples,  enseignez  toutes  les  nations'  ». 
«  Allez  par  tout  l'univers  et  prêchez  l'Evangile  à  toute  créature^  ». 
Comme  la  bienfaisance  maçonnique  pâlit  auprès  de  celle  du 
Christ  ! 

Non  seulement  le  véritable  esprit  de  la  Maçonnerie  se  montre  in- 
différent aux  intérêts  éternels  des  masses,  mais  de  plus,  il  ne  con- 
sent à  communiquer  sa  soi-disante  vérité  divine  que  sous  le  sceau 
d'un  secret  inviolable.  En  effet,  tous  les  Maçons,  depuis  les  grades 
inférieurs  jusqu'aux  plus  élevés,  sont  tenuspar  sermentà  ne  révéler 
absolument  rien  de  ce  qu'on  leur  apprend  dans  la  Loge  à  ceux  qui 
ne  sont  pas  Maçons. 

Voici  la  règle  maçonnique  de  conduite  en  présence  d'étrangers 
qui  ne  sont  pas  Maçons  :  «  Vous  aurez  soin,  dit  le  Ritualisa,  qu'il 
soit  impossible  à  l'étranger  le  plus  perspicace  de  découvrir  dans  vos 
paroles  ou  votre  attitude  ce  qui  ne  doit  pas  être  divulgué  ;  il  vous 
faudra  parfois  faire  dévier  le  cours  d'une  conversation  pour  arriver 
à  la  tourner  prudemment  à  l'honneur  de  la  vénérable   Fraternité  ». 

«  Conduite  à  tenir  chez  soi  et  dans  son  entourage  : 

«  Vous  devez  agir  comme  il  convient  à  tout  homme  moral  et 
sage  ;  ne  faites  rien  connaître  des  affaires  de  la  Loge  à  votre  fa- 
mille, à  vos  amis,  voisins,  etc.;  prenez  conseil  de  votre  propre  hon- 
neur, de  celui  de  l'Ancienne  Fraternité,  et  cela  pour  des  raisons 
dont  il  n'y  a  pas  lieu  de  parler  ici  ». 

«  Conduite  à  tenir  envers  un  Frère  étranger  : 

«  Il  vous  faudra  l'examiner  soigneusement  de  la  manière  que 
vous  dictera  la  prudence,  afin  de  ne  pas  vous  laisser  imposer  par  un 
ignorant  qui  joue  un  rôle  menteur;  vous  devez  l'écarter  avec  mépris  et 
dérision, vous  gardant  bien  de  lui  faire  connaître  la  moindre  chose ^». 
Et  cette  règle  doit  être  si  rigoureusement  observée  à  l'égard  des  vi- 
siteurs des  Loges  que  le  principe  suivant  a  été   établi  : 

«  Enfin,  dit  le  Dr  Mackey,  traitant  ce  sujet  "',  en  aucun  cas,  une 
délicatesse  injustifiable  ne  devra  faire  fléchir  la  rigueur  de  ces 
règles.  Rappelez-vous  que,  pour  les   raisons   les  plus   sages  et  les 


-I.  Malth..  XXVIII,  l'.i. 

2.  Marc,  XVI,  15. 

3.  Ritualist,  p.  249,  250, 

4.  Ibid.,  p.  250. 

5.  Encyclopseclia,  p.  267. 


?36  BIENFAISANCE   MAÇONNIQUE 

plus  claires,  la  charitable  maxime  de  la  Loi,  qui  dit  :  mieux  vaut 
laisser  échapper  quatre-vingt-dix-neuf  coupables  que  de  punir  un 
innocent,  cette  maxime,  dis-je,  chez  nous,  doit  être  retournée,  et, 
dans  la  Maçonnerie  (les  mots  suivants  en  italique  sont  de  notre 
auteui'j  :  mieux  vaut  que  quatre-vingt-dix-neuf  honnêtes  gens  soient 
exclus  d'une  Loge  que  d'y  laisser  pénétrer  un  seul  <^  cowan  »  (ce 
dernier  mot  désigne  quiconque  n'est  pas  Maçon)  ».  Admirable 
bienveillance  !  admirable  amour  de  notre  race,  d'exclure  quatre- 
vingt-dix-neuf  honnêtes  gens  de  la  source  de  la  vérité  divine  plu- 
tôt que  d'admettre  un  seul  profane  non  lié  par  le  serment  ! 

El  que  devons-nous  penser  d'une  bienfaisance  qui,  dans  celte  ma- 
tière importante  entre  toutes,  «  la  connaissance  de  Dieu  et  de  l'âme 
humaine  —  la  nature  et  l'essence  de  l'un  et  de  l'autre  »,  endurcit  le 
cœur  de  l'homme  contre  ceux  qui  lui  sont  le  plus  proches  et  le 
plus  chers?  contre  la  mère  qui  l'a  porté,  contre  la  femme  que  son 
cœur  a  choisie,  contre  sa  sœur,  contre  sa  fille,  contre  son  fils  mi- 
neur, contre  son  père  au  déclin  de  la  vie,  lorsque  l'espérance  de 
l'immortalité  bienheureuse  est  le  plus  nécessaire  ;  que  devons-nous 
penser  de  la  largeur,  de  la  profondeur,  de  la  sincérité  d'une  telle 
bienfaisance  ?  Et  cependant, on  exclut  absolument  de  l'illumination 
maçonnique  tous  ceux  dont  nous  venons  de  parler  et  d'autres  encore. 

Les  qualités  refjuises  des  candidats  à  la  Maçonnerie  sont  exposées 
en  dilîérents  endroits  des  œuvres  du  Dr.  Mackey,  mais  nulle  part 
plus  complètement  que  dans  sa  Masonic  Jurisprudence. 

«  Les  qualités  essentielles  en  celui  qui  demande  à  être  initié 
aux  mystères  de  la  Franc-Maçonnerie,  dit-il  ',  sont  de  deux  sortes  : 
internes  et  externes. 

«  Les  qualités  internes  sont  celles  qu'il  possède  en  son  cœur, 
sans  qu'elles  paraissent  au  dehors.  Elles  ont  rapport  à  ses  disposi- 
tions particulières  relativement  à  l'Institution  —  aux  motifs  qui  le 
poussent  à  y  entrer  et  au  but  (pi'il  se  propose.  Ces  motifs  et  ce  but 
sont  connus  de  lui  seul,  et  par  conséquent  seule  une  déclaration 
solennelle  de  sa  part  peut  en  donner  connaissance. 

«  Les  (pialités  externes  sont  relatives  à  ce  qu'on  voit  de  ses  apti- 
tudes à  l'initiation,  et  elles  sont  fondées  sur  son  caractère  moral 
et  religieux,  sur  son  extérieur,  sur  la  trempe  de  son  esprit  et  sur  sa 
position  sociale.  La  connaissance  en  peut  être  donnée  par  un 
sérieux  examen  fait  par  une  commission  nommée  à  cet  elïet  ». 

Laissons  de  côté,  pour  le  moment,  les  cjualités  internes,  et  tour- 
nons noire  attention  vers  les  qualités  externes  que  notre  auteur  - 

1.  Masnnic  Jurisprudence,  p.  1^3 

2.  Jhid.,  p.  H'J.    ■ 


BIENFAISANCE   MAÇONNIQUE  237 

ramène  à  quatre  chefs  :  qualités  morales,  physiques,  intellectuelles 
et  politiques.  Toujours  désireux  de  ne  pas  trop  nous  étendre,  nous 
ne  discuterons  pas  pour  savoir  si  un  certain  nombre  de  ces  qualités 
ne  sont  pas,  au  sens  le  plus  strict,  des  qualités  internes,  par 
exemple,  les  qualités  intellectuelles  et  morales.  Consacrons  le 
peu  de  place  dont  nous  pouvons  disposer  ici  à  traiter  des  qualités 
physiques  requises  des  candidats,  car,  une  fois  que  nous  nous  serons 
bien  rendu  compte  des  restrictions  qu'elles  contiennent  pour  les 
membres  de  l'Ordre,  retardant  ainsi  l'illumination  maçonnique, 
nous  pourrons  facilement  leur  ajouter  d'autres  restrictions  qui 
proviennent  des  premières. 

u  Pour  le  sexe,  dit  le  Dr.  Mackey'  ,  le  principe  est  absolu,  c'est 
l'un  des  «  landmarks  »  de  l'Ordre  ;  la  première  condition  requise 
pour  l'initiation,  c'est  que  le  candidat  soit  «  un  homme  ».  Et  il 
continue  :  «  Ce  principe  écarte  naturellement  la  femme  de  l'initia- 
tion ».  Quels  que  soient  donc  ses  rapports  avec  un  Maçon,  la  fem- 
me est  radicalement  exclue,  comme  nous  l'avons  dit,  de  la  vérité 
divine  telle  que  la  conçoit  la  Maçonnerie,  et  de  la  vraie  morale. 
Cette  exclusion  est  un  «  landmark  »  de  l'Ordre,  c'est-à-dire  un 
principe  essentiel  et  fondamental  de  la  Maçonnerie,  qu'il  n'est  pas 
en  son  pouvoir  de  changer.  «  En  supposant  qu'il  soit  possible  à 
toutes  les  autorités  maçonniques  actuelles  de  se  réunir  en  un  con- 
grès universel  et  qu'elles  adoptent  à  l'unanimité  quelque  nouveau 
règlement,  dit  le  Dr.  Mackey-,  ce  règlement,  tant  qu'il  ne  serait 
pas  aboli,  aurait  force  de  loi  pour  toute  la  Fraternité,  cependant  il  ne 
serait  pas  un  «  landmark  ».  Il  aurait  bien,  il  est  vrai,  le  caractère 
d'universalité,  mais  il  lui  manquerait  celui  d'ancienneté  ». 

«  Il  est  une  autre  particularité  qui  s'attache  à  ces  «  landmarks  », 
continue-t-il:  c'est  qu'ils  sont  immuables.  De  même  que  le  congrès 
auquel  je  viens  de  faire  allusion  n'aurait  pas  le  pouvoir  d'établir  un 
«  landmark  »,  il  n'aurait  pas  davantage  le  droit  d'en  abolir  aucun. 
Les  «  landmarks  »  de  l'Ordre,  comme  les  lois  des  Mèdes  et  des 
Perses,  ne  peuvent  souffrir  aucun  changement.  Ils  restent  ce  qu'ils 
étaient,  il  y  a  des  siècles,  et  ils  demeureront  tels  jusqu'à  ce  que  la 
Maçonnerie  elle-même  cesse  d'exister  ».  Donc,  aussi  longtemps  que 
la  Maçonnerie  sera  la  Maçonnerie,  la  femme,  c'est-à-dire  la  moitié 
de  l'humanité,  par  le  seul  fait  d'une  malechance  physique  qui  l'a 
fait  naître  du  sexe  féminin,  devra  errer  dans  l'ignorance  et  les 
ténèbres  intellectuelles  et  morales,  hors  de  l'enceinte  de  la  Frater- 
nité. Et  pourquoi? 

1.  Masonic  Jurisprudence,  p.  9G. 

2.  Ibid.,  p.  15. 


238  BIENFAISANCE   MAÇONNIQUE 

«  Peul-êlre  la  meilleure  raison  que  Ion  puisse  donner  de  l'exclu- 
sion des  femmes  de  nos  Loges,  dit  notre  auteur',  se  Irouvera-l-elle 
dans  le  caractère  de  notre  organisation  comme  société  mystique? 
La  Franc-Maçonnerie  spéculative  n'est  qu'une  application  de  l'art 
de  la  Maçonnerie  operative  à  des  fins  morales  et  scientifiques.  La 
branche  operative  de  notre  Institution  fut  l'avant-coureur  et  l'ori- 
gine de  la  branche  spéculative.  Or,  comme  nous  n'admettons 
aucun  changement  ou  innovation  dans  nos  coutumes,  la  Maçonne- 
rie spéculative  a  conservé  toutes  les  règles  et  tous  les  règlements 
qui  la  gouvernent  tels  qu'ils  existaient  lorsqu'ils  gouvernaient  la 
Maçonnerie  operative. Et  les  hommes  robusteselvigoureux,jouissant 
de  l'usage  de  tous  leurs  membres  et  facultés  pouvant  seuls  apparte- 
nir à  cette  dernière,  on  a  maintenu  la  règle  qui  exclut  de  la  Maçon- 
nerie spéculative  tous  ceux  qui  ne  sont  pas  en  possession  des  quali- 
tés requises. Ce  n'est  pas  parce  que  nous  jugeons  lafemme  indigne, 
infidèle  ou  incapable  de  garder  un  secret,  comme  on  l'a  prétendu  à 
tort,  que  la  participation  à  nos  rites  et  cérémonies  est  interdite  à 
la  femme  ;  mais  c'est  parce  que, dès  notre  entrée  dans  l'Ordre,  nous 
avons  trouvé  certains  règlements  établissant  que  seuls  pourraient 
y  entrer  les  hommes  capables  d'endurer  les  fatigues  ou  de  remplir 
les  devoirs  des  Maçons  opératifs.  Nous  avons  pris  l'engagement 
solennel  de  ne  jamais  altérer  ces  règlements,  qui  ne  pourraient  êlre 
changés  sans  une  désorganisation  complète  du  système  tout  entier 
de  la  Maçonnerie  spéculative  ». 

'■  Quelle  excuse  puérile  !  Quoi,  la  Maçonnerie,  qui  révèle  la  vérité 
divine,  qui  seule  enseigne  la  vraie  morale,  ne  peut  communiquer 
son  illumination  à  la  femme,  parce  que  la  nature  ne  lui  a  pas  donné 
une  force  physique  suiïisante  pour  porter  et  manier  la  truelle! 
Parce  qu'elle  est  incapable  de  scier  la  pierre  et  de  poser  des  bri- 
ques, la  femme  ne  connaîtra  rien  de  la  vraie  nature  de  Dieu  ni  de 
l'âme  humaine!  !  !  Mais  bien  des  femmes  sont  capables  d'accomplir 
ces  travaux,  bien  des  femmes  les  ont  accomplis  dans  les  pays  non 
civilisés  ;  on  les  a  vues  accomplir  même  des  travaux  plus  fatigants 
encore.  Quelles  raisons  alléguerez-vous  pour  exclure  ces  femmes- 
là?  '<  Les  tailleurs  de  pierre,  de  qui  nous  descendons,  excluaient  les 
femmes  »,  répondrez-vous.  —  Toutes  étaient-elles  exclues.  Doc- 
teur?—  Toutes.— Sans  exception?  —  Sans  exception. —  Mais  vous 
oubliez,  Docteur, qu'en  parlant  des  «guilds»,  vous  nous  avez  dit*  que 
«  les  femmes  étaient  admises  dans  toutes  les  «  guilds  »,  usage  qui, 
selon  Herberl^  fut  emprunté  aux  guilds  ecclésiastiques  de  l'Europe 

1.  EnrijiliijiieJia  of  Frteniusonry,  p.  888. 
'2.  Encyclopeedia  of  Freemasonry  p.  311. 
3.  Liu.  Com}).  I.  83. 


BIENFAISANCE   MAÇONNIQUE  239 

méridionale  ;  frères  et  sœurs  étaient  dans  les  termes  de  la  plus  par- 
faite égalité  »  ;  et  ces  guilds,  nous  dites-vous  à  la  page  précédente, 
étaient  «des  guilds  religieuses, commerciales  ou  des  guilds  de  l'Art 
(Craft)». —  «Ah  1  réplique  le  Docteur,  nous  descendons  du  roi 
Salomon,  qui  n'employa  que  des  hommes  pour  construire  son  tem- 
ple ».  «  Et,  de  même  qu'il  est  évident,  dit  encore  le  Dr.,  que  le 
roi  Salomon  n'employa  pour  la  construction  de  son  temple  que  des 
hommes  sains,  vigoureux  et  habiles  ouvriers,  de  même  nos  Lo- 
ges, à  l'exemple  de  ce  grand  modèle,  exigeront-elles,  comme  con- 
dition indispensable  pour  l'initiation  à  nos  mystères,  que  le  candi- 
dat soit  un  liomme.  capable  d'accomplir  tel  ouvrage  que  le  maître 
lui  commandera.  Voilà  donc  l'origine  du  landmark  qui  exclut  les 
femmes  de  l'initiation  ».  (Les  italiques  sont  de  Mackey). 

Mais  le  Dr.  Mackey  oublie  qu'il  nous  a  dit  ailleurs'  que  tout  ce 
rapprochement  entre  la  Maçonnerie  et  Salomon  et  son  temple  est 
«  pure  fable  »,  et  «  qu'il  n'est  aujourd'hui  aucun  auteur  tenant  à  sa 
réputation  d'historien  critique  qui  consentirait  à  défendre  cette 
théorie  ».  Nous  donnons  la  citation  en  entier  dans  notre  chapitre 
sur  l'histoire  de  la  Maçonnerie,  et  nous  ne  voulons  pas  la  répéter 
ici. 

Le  docteur  Mackey  attribue  donc  une  origine  fictive  à  ce  land- 
mark si  important  qui,  si  sa  théorie  est  vraie,  et  si  nous  devons 
juger  de  sa  bienveillance  par  ses  assertions,  exclut  ses  parents 
les  plus  proches  et  les  plus  chers,  non  seulement  d'avanta- 
tages  sans  prix,  mais  encore  de  tout  ce  qui  ennoblit  réellement  la 
vie  humaine.  Et  que  dire  des  gens  de  loi?  des  médecins?  des  gens 
de  lettres?  De  ceux-là,  Salomon  n'en-enrôla  et  ne  songea  à  en  en- 
rôler aucun  pour  tailler  les  pierres  de  son  temple.  Pourquoi  ces  ca- 
tégories et  d'autres  catégories  analogues  ne  sont-elles  pas  exclues 
de  la  Maçonnerie,  si  la  raison  donnée  a  quelque  valeur? 

«  Mais  nous  avons  trouvé  la  Maçonnerie  telle,  lors  de  notre  en- 
trée, s'écrie  le  Docteur,  poussé  dans  ses  derniers  retranchements, 
et  nous  avons  promis  solennellement  de  ne  point  la  modifier  ».  Ah! 
Docteur,  si  vous  avez  trouvé  la  Maçonnerie  telle  quand  vous  y  êtes 
entré,  vous  y  avez  trouvé  l'esprit  de  bienveillance  réduit  à  des  pro- 
portions bien  mesquines,  et  vous  avez  eu  grand  tort  de  faire  d'aussi 
solennelles  promesses.  Les  avez- vous  faites  en  connaissance  de 
cause,  ou  les  yeux  bandés,  sous  la  seule  intluence  de  l'estime 
aveugle     que     vous     professiez    pour   l'institution  ?    Ecarter    de 


1.  Masonic  Jurisprudence,  p.  97 

2.  Encyclopaedia  of  Freemasonry,  p.  798. 


'240  BIENFAISANCE   MAÇONNIQUE 

parti  pris,  et  dune  façon  absolue,  mère,  épouse,  fille,  sœur,  de  la 
Vérité  divine,  pour  les  raisons  superficielles  qu'on  a  vues,  c'est 
montrer  la  plus  complète  absence  de  cœur  ;  et  le  faire  les  yeux  fer- 
més,c'est  prouver  avec  toute  l'évidence  possible,  combien  on  est  cou- 
pable de  prendre  des  engagements  graves,  sans  en  voir  clairement 
la  portée. 

«  Mais  agir  autrement,  ce  serait  anéantir  la  Maçonnerie,  »  dites- 
vous.  Cela  sutTirait  à  prouver,  si  la  preuve  était  nécessaire  en  ce 
moment,  combien  ce  système  est  radicalement  vicieux. 

C'est  se  montrer  sans  cœur  et  barbare,  que  de  refuser  à 
l'intelligence  la  Vérité  divine,  au  cœur  la  véritable  morale,  en  al- 
léguant uniquement  le  sexe,  lorsqu'il  s'agit  des  êtres  auxquels  vous 
êtes  le  plus  intimement  attaché  par  la  loi  que  vous  prétendez  res- 
pecter et  pratiquer,  la  loi  naturelle. 

La  seconde  condition  est  celle  de  l'âge.  «  Les  anciens  Règle- 
ments, dit  le  Dr  Mackey*,  n'indiquent  pas  expressément  le  nombre 
d'années  à  l'expiration  desquelles  un  candidat  entre  en  possession 
du  titre  légal  qui  lui  permet  de  demander  son  admission.  Le  lan- 
gage employé  précise  qu'il  doit  être  «d'un  âge  mûr  et  discret». 
Mais  l'usage,  dans  l'Art,  a  varié  selon  les  pays,  quant  à  la  fixa- 
tion du  temps  où  cette  période  de  maturité  et  de  discrétion  est 
censée  atteinte.  Le  sixième  Règlement,  adopté  en  16G3,  prescrit 
«  qu'on  n'admettra  personne  à  moins  qu'il  n'ait  vingt-et-un  ans  ou 
plus  »;  mais  les  Règlements  postérieurs  sont  moins  explicites». 
Notre  auteur  indique  ensuite  l'âge  exigé  dans  divers  pays  pourl'ini- 
tiation.  La  règle  du  Grand-Orient  de  France  olfre  néanmoins  un 
intérêt  particulier  :  «  Le  Grand-Orient  de  France,  dit  le  Docteur, 
exige  que  le  candidat  ait  vingt-et-un  ans, à  moins  qu'il  ne  soit  fils  d'un 
Maçon  ayant  rendu  quelque  grand  service  à  l'Ordre,  ou  qu'il  ne  s'a- 
gisse d'un  jeune  homme  entré  au  service  militaire  depuis  six  mois, 
auxquels  cas,  l'initiation  peut  se  faire  à  l'âge  de  dix-huit  ans  ».  Six 
mois  passés  dans  l'armée  ont  assez  mûri  l'intelligence  du  candidat 
pour  qu'il  reçoive  la  divine  Vérité  maçonnique,  et  ont  préparé  son 
âme  à  la  pureté  de  la  morale  maçonnique  ! 

«  Un  homme  avancé  en  âge,  qui  radote, nous  dit-il-,  est  dans  le  cas 
du  jeune  homme  dans  sa  minorité,  et  pareillement  inhabile  à  l'initia- 
tion «.Ouant  à  la  conformation  corporelle,  le  Dr.  Mackey  nous  en 
informe:  «Aucune  partie  de  la  juris[)rudence  maçonnique  n'a  donné 
lieu  à  de  plus  grandes  discussions  dans  les  dernières  années,  que 


1.  Masunic  Jurisprudence,  p.  'J7. 

2.  Ibid.,  p.  99. 


BIENFAISANCE    MAÇONNIQUE  24l 

celle  qui  a  Irait  à  la  confornialion  corporelle  exigée  du  candidat. 
Tandis  que  certains  interprètent  à  la  lettre  le  langage  des  anciennes 
Constitutions,  et  exigent  rigoureusement  la  plus  grande  perfection 
des  membres  supérieurs  et  inférieurs,  il  en  est  d'autres  qui  les 
interprètent  avec  plus  de  largeur,  et  rejettent  seulement  les  indi- 
vidus qu'une  difformité  naturelle  ou  une  lésion  consécutive  mettrait 
hors  d'état  d'accomplir  le  travail  de  la  Maçonnerie  spéculative. 
Dans  une  controverse  de  cette  sorte,  la  seule  manière  de  trancher 
la  question,  c'est  de  se  livrer  à  un  examen  minutieux  et  impartial 
des  autorités  sur  lesquelles  est  fondée  la  loi  qui  a  trait  à  la  confor- 
mation physique  ».  ' 

Nous  allons  supposer  que  le  Dr.  jMackey  a  fait  cet  examen  ;  nous 
nous  bornerons  donc  à  énumérer  les  catégories  d'individus  exclues 
de  la  MaçoHuerie,  sans  reproduire  les  raisons  qui  en  sont  données. 
Sont  exclus  :  les  aveugles-  ;  les  sourds-muets^  ;  les  muets*  ;  les  eunu- 
ques 5  ;  les  hermaphrodites 6, '<  si  tant  est, dit  le  Docteur, que  de  tels 
monstres  aient  jamais  existé  réellement  ».  Nos  lecteurs  trouveront 
sans  doute  étrange  l'exclusion  de  cette  dernière  classe,  puisqu'elle 
représente  parfaitement  les  divinités  antiques,  à  l'égard  desquelles 
la  Maçonnerie  se  montre  si  tolérante,  divinités  qui  étaient  toutes 
hermaphrodites,  à  ce  que  nous  dit  le  Docteur  Mackey".  Ceux  qui 
sont  exclus  comme  ne  remplissant  pas  les  conditions  intellectuelles 
sont  ceux  qui  ne  savent  ni  lire  ni  écrire  \  bien  qu'il  ait  été  dérogé 
à  cette  loi  ;  les  idiots  et  les  fous  ^  ;  les  sots  '",  les  athées  ^*.  En  Alle- 
magne, les  Juifs  ont  été  longtemps  exclus  '-;  ceux  qui  sont  nés  dans 
la  servitude  sont  disqualifiés  en  raispn  de  leur  infériorité  politi- 
que *^  ;  il  en  est  de  même  des  fils  de  ces  derniers'".  On  ne  doit  point 
admettre  les  personnes  enfermées  en  prison  ou  en  quelque  autre 
lieu  de  détention^^. 


1.  Masonic  Jurisprudence,  p.  100. 

2.  Encyclopœdia  of  Freemasonry,  p.  118. 

3.  Ibid.,  p.  204. 

4.  Ibid.,  p.  232. 

5.  Ibid.,  p.  266. 
G.  Ibid.,  p.  336. 

7.  Masonic  Riiualisl,  p.  62;  :Symbolism  of  Freemasonry,  p.  114. 

8.  Masonic  Jurisprudence,  pp.  116-117. 

9.  Ibid.,  p.  117. 

10.  Encyclopœdia,  of  Freemasonry,  p.  281. 
ll./6/d.,  p.  95. 

U. Ibid.,  p.  383-3^. 

13.  Masonic  Jurisprudence,  p.  119. 

14.  Ibid.,  p.  118. 

15.  Ibid.,  p.  120. 

17 


24'2  niENFAlSANCE    MAOONNlQt  E 

On  serait  certainement  porté  à  croire  que,  toutes  ces  restrictions 
portant  sur  les  qualités  internes  et  externes,  sur  l'état  moral, 
physique,  religieux,  politique,  ayant  été  observées,  Taccès  au  salut 
maconniijue  sera  ouvert  à  tous  ceux  qui  consentiront  à  tenter 
l'épreuve.  Mais  il  en  est  tout  autrement.  11  y  a  encore  d'autres  lois 
qui  prescrivent  des  restrictions. Le  candidat  doit  s'adresser  par  écrit 
à  la  Loge  la  plus  rapprochée  du  lieu  de  sa  résidence,el  sa  demande, 
signée  de  lui, doit  être  apostillée  par  deux  membres  de  la  Loge '.La 
demande  doit  être  lue  en  réunion  plénière  -  et  envoyée  à  une 
commission  qui  s'enquerra  de  la  réputation  et  des  qualités  du  can- 
didat^ :  et  il  doit  s'écouler  un  mois  avant  que  la  Loge  se  prononce*. 
Si  le  rapport  de  la  commission  est  favorable,  la  Loge  procède  à  son 
scrutin  5  ,  et  le  candidat  est  rejeté  si  tous  les  votes  sans  exception  ne 
lui  sont  i)as  favorables. «Si, toutefois, il  n'y  a  qu'une  boule  noire, l'urne 
est  dite  impure,  et  le  vénérable  fait  procéder  à  un  nouveau  scrutin, 
qui  est  fait  de  la  même  manière,  parce  qu'il  a  pu  arriver  que  le  vote 
négatif  ait  été  déposé  par  erreur  ou  inadvertance,  dit  le  Dr.  Mackey; 
mais,  reprend-il,  si,  au  second  tour  de  scrutin,  la  boule  noire  repa- 
raît, le  Vénérable  déclare  que  le  candidat  est  rejeté.  Si,  au  premier 
scrutin,  il  y  a  deux  boules  noires  ou  plus,  le  candidat  est  déclaré 
rejeté,  sans  qu'on  ait  recours  à  un  second  scrutin  "^  ». 

«  Ln  Maçon,  dit-il  encore  ",  ne  doit  compte  à  aucun  pouvoir 
humain,  du  vote  qu'il  émet  au  sujet  de  la  demande  d'un  candidat. 
C'est  à  sa  seule  conscience  qu'il  doit  répondre,  pour  les  motifs  qui 
l'ont  amené  à  agir  ainsi,  et  pour  l'acte  lui-même.  Il  va  de  soi  qu'on 
est  blâmable  quand  on  se  laisse  influencer,  dans  l'usage  de  ce  droit 
précieux,  par  une  brouille  ou  un  préjugé,  et  qu'on  satisfait  un  sen- 
timent peu  généreux  au  moyen  d'un  vole  hostile.  Mais  nul  n'a  le 
droit  de  rechercher  si  un  membre  a  cédé  ou  non  à  l'influence  de 
tels  motifs,  s'il  obéit  à  de  tels  sentiments.  Aucun  Maçon  ne  peut 
rtre  appelé  à  rendre  compte  du  vote  qu'il  a  exprimé. Une  Loge  n'a 
pas  le  droit  de  chercher  à  savoir  comment  tel  ou  tel  de  ses  mem- 
bres a  voté.  On  ne  peut  faire  aucune  enquête,  on  ne  doit  accepter 
aucun  renseignement  à  ce  sujet. 

«  La  loi  se  montre  si  anxieuse  de  sauvegarder  celte  indépen- 
dance du  vote,  garantie  de  sa  pureté,  que  la  Grande-Loge  qui  décide 

1.  M (iKonic  . Jurisprudence,  p.  122,  12(j. 

2.  Ibid..  1».  130. 

3.  Ihid..  p.  131. 

4.  Ihid.,  p.  132. 
T).  Ihid..  |i.  131. 

0.  Ihid..  Pli.  137-13S. 

7.  Ihid..  i.p.  1  12  ri   M3. 


BIENFAISANCE    MAÇONNIQUE  243 

avec  une  aulorilé  absolue  sur  loul  le  reste,  n"a  nul  pouvoir  pour 
intervenir  dans  ce  qui  regarde  le  vote  sur  un  candidat,  et  bien  quon 
ait  pu  se  montrer  injuste  envers  un  homme  probe,  un  homme  de 
valeur,  en  le  rejetant  il  doit  arriver  de  temps  à  autre  de  ces  faits 
d'injustice  manifeste),  ni  la  Grande-Loge,  ni  le  Grand-Maître  ne 
peuvent  y  remédier  ;  on  ne  peut  accorder  aucune  dispense,  soit 
pour  casser  la  décision  de  la  Loge,  soit  pour  admettre  la  validité 
d'un  vote  qui  n'est  pas  unanime.  »  Une  fois  l'exclusion  prononcée, 
alors  même  qu'elle  est  le  fait  d'une  rancune  ou  d'un  préjugé  de  la 
part  de  quelque  membre,  dit  le  Dr.  Mackey  ',  la  demande  ne  peut 
être  reprise  en  considération,  sur  un  simple  vole  de  la  Loge...  En 
second  lieu,  le  candidat  éliminé  ne  peut  demander  l'initiation  à 
aucune  autre  Loge  ». 

Nous  croyons  avoir  poussé  assez  loin  l'étude  de  cette  partie  de 
notre  sujet  pour  montrer  ce  qu'est  l'esprit  de  la  bienveillance  ma- 
çonnique. Nous  ne  contestons  pas  à  la  Maçonnerie  le  droit  de  limi- 
ter le  nombre  de  ses  membres  ;  nous  nous  en  tenons  à  considérer  le 
degré  de  largeur  et  d'universalité  dont  sa  bienveillance  fait  preuve 
à  l'égard  de  l'humanité,  lorsqu'il  s'agit  de  lui  faire  part  du  trésor 
inestimable  que  la  Maçonnerie  prétend  posséder  :  la  vérité  divine, la 
vérité  sur  Dieu  et  sur  l'àme  humaine,  sur  la  nature  et  l'essence 
de  l'un  et  de  l'autre,  ainsi  que  la  véritable  morale  dont  nous  le 
voyons  {le  candidat)  acquérir  les  premiers  éléments  dans  son  ini- 
tiation ■-. 

Pour  nous  former  un  jugement  pratique  en  celte  alTaire, rendons- 
nous  compte,  approximativement,  du  nombre  des  gens  exclus  de  la 
Maçonnerie,  et  qui  n'auront  plus  d'espoir  d'être  admis  à  profiter 
de  ses  lumières. 

Premièrement  tout  le  sexe  féminin,  c'est-à-dire  environ  la  moitié 
de  la  totalité  dé  l'espèce  humaine  est  exclu  pour  toujours,  absolu- 
ment. En  second  lieu,  tous  les  garçons  mineurs,  ce  qui  augmentera 
le  premier  nombre^l'un  bon  quart  .Viennent  ensuite  les  gens  affligés 
d'une  imperfectionphysique,lesaveugles, les  sourds,  les  boiteux,  les 
malheureux  enfants  disgraciés  de  la  nature  qui,  à  raison  même  de 
leur  infortune,  se  voient  refuser  l'élévation  de  l'intelligence  et  la 
perfection  de  la  volonté,  au  moyen  desquelles  l'Art  prétend  prépa- 
rer l'humanité  en  vue  de  l'avenir. Le  malheureux  esclave,  le  «  bond- 
man »  *,  les  fils  de  celui-ci  et  les  gens  qui  n'ont  pas  reçu  d'instruc- 

1.  Masonic  Jurisprudence,  p.  149. 

2.  Masonic  Rilualisl,  j>.  3?8. 

3.  On  nomme  ainsi  celui  qui  est  tenu  par  uiif  peine  ou  par  serment  à  four- 
nir un  certain  nomijre  dannées  de  travtiil.cniinue  le  <■  coolie  •>.  Nous  n'avons 
pas  en  français  de  mot  équivalent. 


"244  BIENFAISANCE   MAÇONNIQUE 

lion,  elles  faibles  d'espril,lous  se  voienl  interdil  l'espoir  de  devenir 
Maçons  ;  enfin  la  boule  noire  unique,  l'unicjue  vote  défavorable 
va  limiler  encore  le  nombre  des  élus.  Où  esl-elle  possible,  celle 
largeur,  celle  universalité  de  la  bienveillance,  si  les  restrictions 
s'ajoutent  aux  restrictions,  et  que  presque  toutes  étant  entièrement 
indépendantes  du  libre  arbitre  du  candidat,  il  ne  lui  soil  pas 
possible  de  les  écarter  ? 

Ainsi  donc  l'esprit  de  la  Maçonnerie  est  tout  le  contraire  de  la 
largeur  desprit.  C'est  le  système  du  «petit  nombre  d'élus».  Elle  prend 
pour  ses  modèles  les  Écoles  païennes  de  la  philosophie  et  les 
anciens  .Mystères,  avec  leur  petit  cercle  d'initiés,  qui  regardait  de 
bien  haut  le  troupeau  du  vulgaire,  auquel  on  enseignait  systémati- 
quement l'erreur,  parce  qu'on  le  jugeait  incapable  de  recevoir 
une  doctrine  plus  élevée.  Parmi  les  Maçons  eux-mêmes,  il  y  a  des 
membres  ésotériques,  ceux  qui  se  bercent  dans  la  pleine  lumière 
de  la  Maçonnerie,  et  ils  sont  comparativement  en  petit  nombre  ; 
puis  la  masse  considérable  de  la  Fraternité,  ceux  qui,  à  en  croire  le 
Dr.  Mackey,ne  connaissent  pas  même  le  véritable  but  de  la  Maçon- 
nerie, et  se  contentent  de  faire  l'ornement  du  degré  «  Couteau  et 
Fourchette  »,  du  grade  «  Perroquet  »  ,  ou  de  reluire  en  qualité  de 
«  Maçons  brillants  »  parmi  les  Frères  exolériques. 

Dans  maints  endroits',  le  Dr  Mackey  voudrait,  pour  soutenir 
l'exclusivisme  maçonnique,  faire  appel  à  la  loi  de  Moïse^qui  excluait 
du  sacerdoce  les  impotents  et  les  estropiés. 

On  ne  considéra  jamais  qu'il  fût  indispensable  d'appartenir  au 
sacerdoce  israélite  pour  connaître  la  vérité  divine  et  la  morale.  Le 
Jéhovah  de  Moïse  était  connu  et  servi  par  les  femmes  comme  par 
les  hommes,  par  les  jeunes  comme  par  les  vieux.  Il  était  le  Dieu 
de  tous,  et  tous  le  connaissaient  et  le  servaient.  La  Maçonnerie  a 
une  théorie  essentiellement  différente  ;  d'après  elle,  il  faut  être 
Maçon  pour  connaître  Dieu,  l'âme  humaine  et  la  vraie  morale  ;  tout 
le  reste  des  hommes  est  absolument  exclu  de  cette  science,  qui 
est  cependant  de  la  plus  haute  importance  pour  tout  être  humain. 
L'exclusion  de  la  Maçonnerie  entraîne  donc  avec  elle  des  consé- 
quencesessentiellementditlerentes  de  celles  qui  découlent  de  l'ex- 
clusion du  sacerdoce  mosaïque;  d'ailleurs,  la  première  est  déjà  par 
elle-même  un  excès  de  cruauté  lorsqu'elle  est  motivée  par  les 
{)rétextes  puérils  dont  nous  avons  parlé. 

Pour  trouver  la  Maçonneiie  secourable,  et  dans  le  vague  espoir 
de  lui  découvrir  un  peu  plus  de  largeur  d'esprit,  tournons-nous 
vers   sa    bienfaisance  accidentelle,     celle   qu'elle    exerce    sur  les 

1.  Masonic  Jurisprudence,  p.  112  etc. 


BIENFAISANCE   MAÇONNIQUE  245 

vieillards  et  les  orphelins,  les  A^euves  et  les  nécessiteux.  On  nous 
a  dit  et  répété  à  satiété,  dans  les  termes  les  plus  explicites,  que  cette 
bienfaisance-là  était  accidentelle  et  non  essentielle. 

«  Bien  que  la  Maçonnerie,  dit  le  Dr.  Mackey',  doive  son  origine 
à  son  caractère  religieux  et  philosophique,  la  charité,  au  sens  de 
secours  apporté  aux  malheureux, est  cependant, et  quoique  acciden- 
tellement un  point  important  de  son  enseignement,  C'est  pourquoi 
on  a  dit  avec  raison  qu'il  n'est  aucune  institution  dont  les  lois  im- 
posent avec  plus  de  force,  dont  les  préceptes  inculquent  avec  plus 
d'ardeur  la  vertu  de  charité  ». 

Nous  sommes  tout  prêt  à  reconnaître  l'importance  donnée  à  ce 
point  en  Maçonnerie, et  nous  ne  le  sommes  pas  moins  à  apprécier  tout 
le  bien  qu'elle  fait  ;  nous  regrettons  seulement  quelle  n'en  fasse 
pas  davantage.  Et  si  la  Maçonnerie  n'était,  comme  tant  de  gens 
le  croient,  qu'une  société  de  bienfaisance  ayant  pour  but  de  soula- 
ger ses  malades,  ses  déshérités,  de  consoler  ses  affligés  et  de  don- 
ner la  sépulture  à  ses  morts,  la  bénédiction  de  l'Eglise  catholique 
reposerait  sur  elle  comme  elle  repose  sur  tous  ceux  qui  travaillent 
à  secourir  ceux  qui  souffrent  et  à  améliorer  le  sort  de  l'homme. 
Mais, nous  l'avons  vu, la  Maçonneriepoursuit  un  but  essentiellement 
différent.  La   charité    matérielle  n'est  qu'un  accessoire. 

En  condamnant  la  Maçonnerie,  l'Eglise  n'a  donc  en  vue  que  le 
mal  et  non  le  bien,  c'est-à-dire  les  erreurs  religieuses  et  morales 
des  principes  et  des  pratiques  maçonniques  Elle  ne  condamne 
pas  la  charité  aumônière  de  la  Société,  à  moins  que  celle-ci  ne  s'en 
serve  comme  d'appât  ou  comme  de  manteau  pour  dorer  ou  pour 
couvrir  ce  qui  est  faux  au  point  de  vue  religieux  et  ce  qui  est  mal 
chréliennemenl  parlant. 

Après  avoir  reconnu,  comme  nous  l'avons  fait,  le  bien  qu'il  y  a 
dans  la  charité  aumônière  de  la  Maçonnerie, examinons  brièvement 
si  elle  est  bien  tout  ce  qu'elle  prétend  être,  s'il  est  vrai  qu'il  n'est 
aucune  institution  «  dont  les  lois  imposent  avec  plus  deforce,  dont 
les  préceptes  inculquent  avec  plus  d'ardeur  la  vertu  de  charité  ». 
Pour  étudier  ce  sujet  comme  il  convient,  consultons  cette  partie  de 
la  Masonic  Jurisprudence  du  Dr.  Mackey  où  il  traite  du  «  Droit  au 
secours  >». 

«  Le  devoir  d'assister  l'indigent  et  l'affligé  étant  l'un  des  plus  im- 
portants parmi  ceux  qu'inculquent  les  «  landmarks  »  et  les  lois  de 
l'institution,  le  privilège  de  réclamer  cette  assistance  est  l'un  des 
droits  les  plus  importants  d'un  Maître  Maçon.  C'est  ce  que  nous 

1.  Masonic  Rilualisl,  pp.  40-47. 

2.  Ibid.  pp.  2'24-231 


246  BIENFAISANCE   MAÇONNIQUE 

appelons  lechniquemcnl,en  termes  de  loi  maçonnique,  «  le  Droit  au 
secours  »,  cl  c'est  ce  qui  va  faire  le  sujet  de  cette  section  ». 

«  Le  droit  de  réclamer  du  secours,  ajoute-t-il,  est  spécialement 
reconnu  dans  les  <*  Anciennes  Constitutions  »,  approuvées  en  1722, 
et  qui  contiennent  ce  qui  suit  sous  la  rubrique  «  Conduite  à  tenir 
envers  un  Frère  étranger  »    : 

«  Mais  si  vous  découvrez  en  lui  un  Frère  franc  et  sincère,  il  fau- 
dra le  respecter  en  conséquence.  S'il  est  dans  le  besoin,  il  faudra 
le  secourir  si  vous  le  pouvez,  ou  sinon  lui  indiquer  comment  il 
pourrait  trouver  du  secours.  Employez-le  pendant  quelques  jours,, 
ou  recommandez-le  pour  qu'on  l'emploie  ;  cependant  vous  n'êtes 
pas  obligé  d'aller  au-delà  de  vos  moyens.  Vous  êtes  tenu  simple- 
ment à  préférer  un  Frère  pauvre  si  c'est  un  homme  bon  et 
loyal,  à  toute  autre  personne  qui  se  trouverait  dans  les  mêmes  cir- 
constances ». 

«  La  loi,  ainsi  explicitement  exposée,  continue  le  Dr.  Mackey,  a 
toujours  été  celle  selon  laquelle  l'aide  maçonnique  est  réclamée  et 
accordée  ;  et,  en  l'examinant  bien,  on  verra  qu'elle  renferme  les 
quatre  principes  suivants  : 

1.  Le  solliciteur  doit  être  dans  le  malheur. 

2.  Il  faut  qu'il  soit  digne  de  pitié. 

3.  Celui  qui  donne  n'est  pas  obligé  d'excéder  ses  moyens  dans  le 
secours  qu'il  accorde. 

,4.  On  doit  préférer  un  Maçon  à  tout  autre  dans  les  mêmes  cir- 
constances. 

Nous  passons  sur  la  première  condition,  en  nous  bornant  à  faire 
remarquer  combien  la  Maçonnerie  a  rétréci  le  domaine  de  l'assis- 
tance par  raumône,  grâce  aux  conditions  (juelle  a  exigées  de  ses 
membres.  Les  aveugles,  les  sourds,  les  paralytiques,  les  muets,  les 
mutilés  de  quel(|uc  membre,  les  déchus,  les  faibles  d'esprit,  les 
vieillards  décrépits,  les  illettrés,  toutes  ces  catégories  de  la  famille 
humaine  qui  ont  le  plus  grand  besoin  du  secours  par  l'aumône, 
sont  ai)solument  exclus  de  la  Maçonnerie, et  par  là  même  déchus  de 
tout  droit  à  l'assistance.  N'ont  élé  admis  dans  l'Ordri;  (jue  des  gens 
sains  et  bien  portants,  des  gens  d'une  certaine  position  sociale,  qui, 
selon  les  lois  ordinaires  (\c  la  nature,  se  liouvoront  parfaitement  en 
état  de  se  tirer  d'alïaire,  eux  et  leurs  familles  ;  dès  lors,  les  besoins 
auxquels  la  Maçoinierie  sera  appelée  à  pourvoir  seront,  selon  tous 
les  calculs  humains,  réduits  à  un  minimum.  Il  faudra  de  l'aide, 
certes,  car  les  calculs  humains  ne  sauraient  empêcher  tousles  mal- 
heurs, mais  la  Maçonnerie  a  tellement  rétréci  sa  sphère,  qu'en  don- 
nant peu,  elle  aura  l'air  do  donner  beaucoup,  et  fera  sur  le  specta- 
teur fortuit  une  impression  bien  supérieure  à  la  valeur  réelle  du 


BIENFAISANCE    MAÇONNIOUE  247 

donacconlô.Pour  comparer  la  charité  maçonnique  à  celle  des  autres 
institutions, nous  devons  comparer  la  proportion  des  Macrons  qui  ont 
besoin  d'aide  à  celle  de  nomlire  d'autres  organisations  (|ui  se  trou- 
vent dans  la  même  situation.  Pour  peu  qu'on  accorde  à  cette  ques- 
tion un  instant  d'examen,  on  se  rendra  compte  de  l'aspect  déce- 
vant que  peut  prendre  la  charité  maçonnique.  Cent  dollars  donnés 
à  un  individu  feront  l'eflet  d'une  grosse  somme  ;  mille  dollars  dis- 
tribués à  mille  personnes  ne  feront  aucune  impression,  selon  toutes 
les  apparences.  Ce  que  chacune  reçoit  est  insignifiant,  et  peut  être 
accepté  d'un  air  grognon,  et  pourtant  la  somme  accordée  est  plus 
grande  ;  plus  grande  aussi  la  charité  réelle  ;  son  étendue  a  pourtant 
fait  que  le  mérite  est  diminué  aux  yeux  de  trop  de  gens. 

La  seconde  condition  est  celle-ci  :  ><  Le  solliciteur  doit  être  di- 
gne »  ;  elle  exige  que  le  Maçon  soit  dans  une  situation  correcte. 
Aucun  Maçon  expulsé  ou  suspendu  n'a  droit  au  secours.  N'y  sont 
pas  non  plus  admis  ceux  qui  ne  sont  point  arrivés  au  grade  de 
Maître.  «  Les  Apprentis,  dit  le  Dr  Mackey,  ne  votent  plus, —  ils 
n'ont  plus  le  droit  de  faire  des  visites, —  ils  ne  sont  que  des  Maçons 
commencés,  —  des  Maçons  incomplets,  inachevés,  —  et  comme 
tels,  ils  n'ont  point  droit  au  secours  maçonnique.  Les  mêmes 
remarques  s'appliquent  aux  compagnons'.  »  De  même,  les  Maîtres 
Maçons  seuls  ont  droit  aux  funérailles  maçonniques-."  Nul  Franc- 
Maçon  ne  sera  enseveli  avec  les  cérémonies  de  l'Ordre..,  à  moins 
qu'il  n'ait  été  promu  au  troisième  grade  ;  c'est  une  règle  à  laquelle 
on  ne  peut  faire  aucune  exception.  Les  Compagnons  ou  Apprentis 
n'ont  point  droit  aux  funérailles  rituelles  »  ;  ils  ne  doivent  pas  non 
plus  prendre  place  dans  le  cortège,  eji  pareilles  circonstances.  De 
même,  les  veuves  et  les  orphelins  des  Maîtres  Maçons  ont  seuls 
droit  au  secours,  et  ce  droit  ne  dure  que  pendant  le  temps  du 
veuvage,  et  celui  oi'i  ils  resteront  orphelins.  La  question  des  veuves 
qui  se  remarient,  et  qui  par  là  cessent  d'être  veuves  de  Maçons  est 
encore  discutée  ;  mais  l'opinion  du  Dr.  Mackey  est  celle  que  nous 
avons  donnée  ^ 

La  troisième  condition  est  qu'  <<  il  ne  faut  pas  attendre  du 
donateur  qu'il  dépasse  ses  moyens  dans  la  valeur  des  secours  qu'il 
accorde  :  c'est-à-dire,  reprend  le  Docteur,  expliquant  le  sens  de  la 
loi,  qu'il  faut  n'attendre  de  la  part  d'un  Frère  que  le  montant  de 
l'aide  qu'il  peut  accorder  sans  se  mettre  lui  ou  mettre  safamilledans 
une  gêne  réelle.  C'est  là  la  loi  non  écrite,  et  c'est  sur  elle  que   se 


t.  Masonic  Jurisprudence,  p.  2.31. 

2.  Masonic  Ritualist,  jij).  249  et  suiv. 

3.  Masonic  Jurisprudence,  pp.  228  et  suiv, 


248  BIENFAISANCE   MAÇONNIOVE 

règle  la  loi  écrite  qui  dit  :  «  Vous  n'avez  point  l'obligation  de  faire 
plus  que  vos  ressources  ne  le  permettent.  »  «  Cette  condition, 
reprend-il,  n'est  point  incompatible  avec  les  vrais  principes  de  la 
charité,  qui  n'exigent  pas  de  nous  le  sacrifice  de  notre  propre  bien- 
être,  ou  celui  de  notre  famille,  pour  secourir  les  pauvres,  mais 
veulent  que  nous  retranchions  un  peu  de  notre  luxe,  de  notre 
superflu,  si  nous  avons  le  bonheur  d'en  posséder,  pour  secourir  nos 
frères,  et  que  nous  le  fassions  avec  une  libéralité  prudente,  en 
tenant  compte,  comme  il  convient,  du  confortable  de  ceux  qui  nous 
tiennent  de  plus  près  '.  » 

Telle  est  donc  la  règle  de  la  Maçonnerie  en  fait  de  secours, même 
quand  il  s'agit  de  Maîtres  Maçons,  de  leurs  veuves,  de  leurs  orphe- 
lins :  nul  n'est  tenu  d'accorder  une  aide  supérieure  à  celle  qui  exi- 
gerait le  sacrifice  du  luxe  et  du  superflu.  » 

La  quatrième  condition  est  :  «  Un  Maçon  doit  passer  avant  tout 
solliciteur  qui  se  trouverait  dans  la  même  situation.  >>  «  C'est,  dit 
notre  auteur,  le  même  principe  qui  a  été  formulé  avec  force  par  le 
grand  Apôtre  des  Gentils,  il  y  a  dix-huit  siècles.  Lorsque  l'occasion 
se  présente  à  nous,  faisons  du  bien  à  tous  les  hommes,  et  particu- 
lièrement à  ceux  qui  font  partie  de  la  maison  des  fidèles.  »  -. 

Le  principe  ainsi  enseigné  par  l'Apôtre,  reprend-il,  semble  avoir 
été,  conformément  aux  nécessités  mêmes  de  notre  nature,  celui  qui 
a  présidé  aux  œuvres  charitables  et  bienfaisantes  de  toutes  les 
communautés  religieuses,  de  toutes  les  associations  utiles,  de 
toutes  les  sociétés  politiques  qui  ont  existé  avant  ou  depuis  son 
temps  ». 

Comme  le  Dr.  Mackey.  en  vrai  Maçon  éso/érique,re']e\.[e  le  surna- 
turel, il  ne  peut  pas  même  concevoir  la  possibilité  de  s'élever  au- 
dessus  des  sentiments  naturels  du  cœur  humain,  sentiments  qui 
sont  bons  en  eux-mêmes,  mais  qui  n'en  sont  pas  moins  imparfaits, 
comme  la  source  d'où  ils  sortent.  Personne  ne  blâme  la  Maçon- 
nerie de  donner  la  préférence  à  ses  membres  en  cas  d'égale  néces- 
sité, car  il  est  évident  que  ses  meml)res  ont  droit  les  premiers  à  sa 
charité.  Ce  qu'on  critique  dans  la  Maçonnerie,  c'est  l'exclusivisme 
qui  la  porte  à  ne  donner  qu'aux  siens,  à  eux  seuls.  «  Ils  (le  Maître 
et  les  Surveillants!  envisageront  les  méthodes  les  plus  prudentes, 
les  plus  efficaces  pour  oljtenir  et  répartir  les  sommes  qui  pourront 
être  données  ou  qui  leur  seront  confiées  dans  un  but  de  charité, 
afin  d'accorder  du  secours  sculemenl  aux  véritables  Frères  tombés 
dans  la  pauvreté  ou  dans  la  vieillesse,  et  à  aucun   autre,  mais  cha- 


1.  Masonic  Jurisprudence,  p. '^20. 

2.  fJalates,    vi,     10. 


BIENFAISANCE    MAÇONNIQUE  249 

que  Loge  disposera  en  particulier  de  ses  charités  en  faveur  des 
Frères  pauvres  conformément  à  ses  propres  règlements  jusqu'au 
jour  où  toutes  les  Loges  se  mettront  d'accord  (par  un  règlement 
nouveau)  pour  transmettre  les  ressources  de  charité  réunies  par 
elle,  à  la  Grande  Loge,  lors  de  la  réunion  trimestrielle  ou  annuelle, 
à  l'elfet  d'en  constituer  un  fonds  commun  permettant  de  donner 
aux  Frères  pauvres  une  aide  plus  généreuse  ».' 

On  n'aurait  pas  non  plus  le  droit  de  blâmer  la  Maçonnerie  de 
cet  exclusivisme,  si  elle  ne  faisait  point  tant  d'étalage  de  l'univer- 
salité de  sa  charité.  Sa  bienfaisance  est  réservée  aux  Frères  qui 
ont  été  atteints  par  la  pauvreté  et  la  vieillesse,  et  à  ceux-là  seule- 
ment. Si  les  Frères  ont  été  atteints  par  la  pauvreté,  ils  n'étaient 
pas  dans  cette  situation  lors  de  leur  admission.  C'est  quand  l'opu- 
lence, ou  tout  au  moins  l'aisance  fait  place  à  la  pauvreté,  c'est 
quand  la  force  et  la  vigueur  de  l'âge  viril  sont  ruinées  par  la 
vieillesse  et  la  misère,  et  seulement  quand  il  s'agit  de  membres 
d'un  Ordre  qui  se  ferme  rigoureusement  aux  classes  besogneuses, 
c'est  seulement  alors  que  s'exerce  la  charité  maçonnique.  S'il  est 
possible  de  trouver  une  sphère  plus  restreinte,  qu'on  la  montre  ! 

Il  n'est  donc  pas  vrai,  et  par  conséquent  on  n'a  pas  pu  «  dii*e  à 
bon  droit  qu'il  n'existe  pas  d'institution  dont  les  lois  ordonnent 
plus  impérieusement,  dont  les  préceptes  enseignent  plus  fortement 
la  vertu  de  la  charité-  ».  Le  christianisme,  en  tant  qu'identifié  avec 
le  catholicisme,  enseigne  et  pratique  une  charité  que  la  Maçonne- 
rie ésotérique  combat  âprement,  parce  qu'elle  oblige  la  charité  ma- 
çonnique à  rougir.  De  sa  vérité,  de  sa  morale  divine,  aucune  créa- 
ture humaine  n'est  exclue.  «  Es-tu  celui  qui  doit  venir  ou  devons- 
nous  en  attendre  un  autre  ?  »  telle  fut  la  question  que  les  disci- 
ples de  Jean  posèrent  au  Divin  Maître.  Et  leur  répondant,  Jésus  dit: 
«  Allez  et  rapportez  à  Jean  ce  que  vous  avez  entendu  et  vu  :  les 
aveugles  voient,  les  boiteux  marchent,  les  lépreux  sont  purifiés,  les 
sourds  entendent,  les  morts  ressuscitent,  et  l'Evangile  est  prêehé 
auxpauvres,et  béni  soit  celui  qui  ne  sera  point  scandalisé  en  moi''  » 
«  Ce  que  je  vous  dis  dans  l'obscurité,  dites-le  à  la  lumière,  et  ce 
que  vous  entendez  à  l'oreille,  prêchez-le  sur  les  toits  des  maisons. 
Et  ne  craignez  point  ceux  qui  tuent  le  corps,  et  qui  ne  peuvent'pas 
tuer  l'âme,  mais  plutôt  celui-là  qui  peut  détruire  en  enfer  à  la  fois 
l'âme  et  le  corps  *  ».  Même  pour  les  enfants  qui  n'ont  point  atteint 


1.  Masonic  Ritualist,  pp.  256-257.  Règlements  généraux, 

2.  Ibid.,  p.  47. 

3.  Luc,  vil,  20-23. 

4.  Malth.,  X,  27,  28. 


250  lUENFAISANCE    MAÇONNIQUE 

l'âge  de  raison,  il  y  a  le  saliil  dans  les  eaux  du  baptême  ;  l'idiot  de 
naissance  a  le  salut  ouvert  devant  lui,  de  la  même  manière  ;  il  en 
est  ainsi  pour  linsensé,  si  un  grave  péché  personnel,  dont  il  ne 
s'est  point  repenti,  n'y  met  point  obstacle.  Aucune  mutilation,  au- 
cun malheur  apporté  en  naissant  ou  dû  au  sexe  ne  s'y  opposent  ; 
l'esclave  dans  ses  chaînes,  le  prisonnier  dans  son  cachot,  le  paria 
de  la  société,  s'ils  ont  un  repentir  sincère,  et  ceux  qui  ignorent  la 
science  humaine,  voient  les  portes  du  Ciel  chrétien  s'ouvrir  aussi 
larges,  ou  plutôt  infiniment  plus  larges  que  pour  le  petit  nombre 
des  élus  de  ce  monde,  (pii,  velus  de  fin  lin  et  de  pourpre,  font 
chaque  jour  de  somptueux  festins,  ne  luttent  point  contre  leurs 
instincts  et  tiennent  le  pauvre  loin  de  leur  demeure.  La  voilà, 
la  vraie  Calholicilé,  dont  la  Maronnerie  est  retranchée  pour  tou- 
jours par  ses  landmarks  essentiels. 

D'ailleurs,  la  charité  par  l'aumône  n'est  point  pour  le  Catholicis- 
me un  fait  accidentel,  qu'on  met  en  relief.  C'est  quelque  chose  d'es- 
sentiel. «  Alors  le  Roi  dira  à  ceux  qui  seront  à  sa  droite  :  Venez, 
vous,  les  bénis  de  mon  Père,  possédez  le  royaume  qui  fut  préparé 
pour  vous  depuis  le  commencement  du  monde.  Car  j'avais  faim, 
et  vous  m'avez  donné  à  manger  ;  j'avais  soif,  cl  vous  m'avez  donné 
à  boire  ;  j'étais  un  étranger,  et  vous  m'avez  accueilli  ;  j'étais  nu  et 
vous    m'avez    vêtu  ;  j'étais    malade   et  vous  m'avez   visité;   j'étais 

en  prison,  et   vous   êtes   venus  à    moi En  vérité,  je  vous  le  dis, 

tout  ce  que  vous  avez  fait  pour  l'un  de  ceux-ci,  le  moindre  de  mes 
frères,  vous  l'avez  fait  à  moi.  » 

<<  Alors  il  dira  aux  autres, qui  seront  à  sa  gauche  :  «  Retirez-vous 
tous  de  moi,  vous,  les  maudits,  dans  le  feu  éternel  qui  a  été  prépa- 
ré pour  le  Diable  et  ses  anges.  Car  j'avais  faim,  et  vous  ne  m'avez 
point  donné  à  manger  ;  j'avais  soif  et  vou.<  ne  m'avez  point  donné 
à  boire,  etc....  En  vérité,  je  vous  le  dis,  tout  ce  que  vous  u'av(v. 
point  fait  à  l'un  de  ceux-ci.  le  moindre  de  mes  frères,  c'est  à  moi 
que  vous  ne  l'avez  point  fait.  Et  ceux-h'i  iront  au  châtiment  éternel, 
mais  les  justes  iront  à  la  vie  éternelle  ».'  Ce  sur  quoi  repose  la 
dilVérence  entre  les  actes  qui  mériteront  un  bonheur  ou  un  malheur 
éternel  n'est  ni  transitoire,  ni  accidentel,  mais  essentiel.  C'est 
pourquoi  la  charité  catholique  est  si  profondément  enracinée  dans 
le  cœur  des  catholiques  pauvres  ou  de  fortune  moyenne  qui 
donnent  par  chlirité  cent  fois  plus  que  les  riches  relativement  à 
leurs  moyens.  11  ne  semble  pas  étrange  à  ceux-là  de  prendre  sur 
leurs  modiques  ressources,  car  la  règle  de  charité  calholi(|ue  n'est 
pas  de  «  sacrifier  le  superflu  de  l'abondance  »,  mais  de  faire  le 
sacrifice  de  ses  aises,  du  nécessaire,  de  la  vie  elle-même.  «  Aimez- 

1.  Mallh.  ,  XXV,  31-10. 


BIENFAISANCE    MAÇONNIQUE  251 

votus  les  uns  les  autres,  dit  le  Christ,  comme  je  vous  ai  aimés  »  ;  et 
il  mourut  pour  nous  sur  la  croix. 

Pour  le  calholicjue,  le  crucifix  est  à  lui  seul  le  résumé  de  toutes 
les  leçons  de  charité,  mais  le  crucifix  offusque  les  yeux  maçonni- 
ques et  la  Maçonnerie: on  ne  le  tolère  même  plus  dans  les  hôpitaux 
pour  consoler  les  malades  angoissés  ou  pour  réconforter  ceux  qui 
se  fatiguent  à  les  soigner.  Les  religieux  catholiques  qui  avaioit 
voué  leur  vie  aux  déshérités  de  ce  monde,  sous  quelque  forme  que 
se  présentât  la  souffrance,  et  sans  attendre  aucune  compensation, 
ont  été  dispersés,  exilés,  contraints  au  mariage,  en  sorte  que  les 
soucis  domestiques  les  privent  du  temps,  des  occasions  et  du  désir 
même  d'améliorer  le  sort  des  maliieureux. 

On  a  confisqué,  avec  les  fonds  qui  les  entretenaient,  les  orphe- 
linats catholiques,  les  hôpitaux,  les  maisons  de  retraite  pour  les 
vieillards  et  les  déclassés,  volant  ainsi  au  pauvre  son  patrimoine, 
pour  arriver  à  lui  voler  sa  foi.  0  vous  tous  qui  composez  l'humani- 
té souffrante,  vous  voici  abandonnés  à  la  tendre. pitié  des  Frères 
ésotériques  ;  vous  êtes, hélas  I  exclus  de  tout  ce  que  la  Maçonnerie 
peut  donner,  et  tout  ce  que  vous  retiriez  de  la  charité  catholique 
vous  a  été  enlevé  !  Mais  vous  devriez  vous  en  estimer  heureux,  au 
lieu  de  vous  plaindre,  car  tout  cela  est  fait  dans  un  but  de  bienfai- 
sance universelle.  Quelque  Frère  ou  des.  Frères  vont  bénéficier  du 
transfert  des  fonds  ;  s'ils  ne  sont  pas  aussi  pauvres  que  vous,  ils 
sont  du  moins  plus  dignes  d'être  secourus.  Tandis  que  l'émancipa- 
tion de  notre  race,  qui  la  soustrait  à  l'influence  de  l'Eglise  catholi- 
que,vous  est  plutôt  nuisible,  elle  se  montre  profitable  à  l'Ordre  qui 
l'a  accomplie. 

«  Mais, après  tout,dira-t-on,  un  Maçon  viendra  en  aide  à  un  autre 
Maçon  bien  plus  volontiers  qu'un  catholique  à  un  catholique.  Si  je 
m'approche  d'un  Maçon  et  lui  fais  le  signe  de  détresse,  il  me  se- 
court immédiatement  ;  au  contraire, si  je  vais  à  un  catholique  et  lui 
fais  le  signe  de  la  croix,  je  m'en  retourne  les  mains  vides  ». 

Notre  contradicteur  ignore  tout  des  pratiques  maçonniques  et 
s'en  va  répétant  ce  qu'il  a  entendu  dire  à  des  gens  mal  informés.  Il 
s'imagine  qu'il  n'a  qu'à  se  présenter  à  un  Maçon,  à  faire  le  signe, 
pour  être  immédiatement  et  largement  secouru.  Il  ne  sait  pas  que 
1°  on  examinera  tout  d'abord  ses  besoins  et  son  droit  au  secours  et 
que, même  s'il  est  dans  le  besoin,  il  sera  rejeté  «  avec  mépris  et  dé- 
rision' »  s'il  n'est  un  maçon  bien  posé. 11  ignore, en  second  lieu, que, 
même  se  trouvant  dans  le  besoin, et  étant  un  Maître  Maçon  de  bonne 
réputation,  le  Frère  auquel  il  s'adresse  n'est  tenu  à  lui  venir  en  aide 

1.  Masonic  Rilualisl,  p.  200. 


252  BIENFAISAN'CE    MAÇONMOfE 

que  «  par  un  sacrifice  sur  son  luxe  ou  son  abondance, s'il  esl  favorisé 
de  ces  dons'».  Telle  est  la  loi  maçonnique  sur  ce  sujet.  Nous  objec- 
tera-t-on  encore  qu'un  catholique  favorisé  des  biens  de  la  fortune 
n'accueillerait  pas  avec  la  mcme  générosité  un  cas  intéressant  sur 
lequel  on  appellerait  son  attention  que  ne  le  ferait  un  Maçon  dont  la 
charité  comparativement  parcimonieuse  est  connue?  Il  faudrait, 
pour  le  croire,  ne  rien  connaître  de  la  charité  catholique.  Il  suHit 
que  le  cas  mérite  l'intérêt  pour  que  le  catholique  donne  au  sollici- 
teur, qu'il  soit  ou  non  un  coreligionnaire,  qu'il  fasse  ou  non  le  signe 
de  la  croix,  car  faire  la  charité  à  un  homme,  à  quelque  race  ou  reli- 
gion qu'il  appartienne,  c'est  la  faire  au  divin  Maître  ;  en  supposant 
même  que,  dans  un  cas  déterminé,  le  catholique  refuse  le  secours 
demandé,  considérez  le  nombre  de  canaux  par  lesquels  sa  charité 
se  répand  sur  l'humanité,  car  les  appels  aux  catholiques  sincères 
dans  l'opulence,  qui  sont  relativement  rares,  sont  incessants  et 
viennent  de  tous   côtés. 

Allez  à  travers  nos  villesmodernes,elrecherchezlesinslitutionsde 
charité,  et  dites-nous  par  qui  ont  été  fondées  toutes  celles  que  vous 
rencontrerez?  Sont-elles  dues  à  la  charité  maçonnique  ou  à  la  charité 
catholique  ?  Allez  au  travers  des  villes  qui  ont  fleuri  au  temps  où  la 
charité  chrétienne  évoluait  librement  ;  quels  sont  ces  monuments 
splendides,  qui  sont  aujourd'hui  occupés  par  la  ville  ou  par  l'Etat 
commcs  bibliothèques,  prisons,  casernes  ?  Ce  sont  des  collèges, des 
asiles,  des  couvents,  des  hôpitaux  catholiques.  Ils  sont  là  pour  por- 
ter un  témoignage  muet  mais  éloquent  de  l'étendue  de  la  charité 
catholique  ;  les  gouvernements  qui  les  ont  volés  si  brutalement  re- 
culent, malgré  les  énormes  ressources  dont  ils  disposent,  devant 
les  sommes  d'argent  qu'il  faudrait  verser  pour  rembourser  la  va- 
leur de  tels  édifices.  Séparez  donc,  cher  lecteur,  l'écorce  des  paro- 
les maçonniques  de  la  graine  des  actes,  et  vous  serez  surpris  de 
voir  dans  quelles  proportions  diminuera  la  provision  qui  nous  sem- 
blait si  importante  ;  et, quoique  le  F.-.  Pike  semble  élargir  le  cercle 
de  la  loi  maçonni(iue  en  admettant  à  participer  aux  charités  de 
l'Institution  les  profanes  qui  en  sont  dignes,  croyez  bien  que  le 
mot  c  dignes  »  est  plus  captieux  que  réel. 

Limitée  dans  sa  bienfaisance  essentielle,  plus  restreinte  encore 
dans  sa  bienfaisance  accidentelle  ou  aumônière,  la  Maçonnerie, 
fille  ou  sœur  de  l'indifTérence  païenne  manifestée  à  l'humanité 
soufTrante,  peut  simuler  la  bienfaisance  chrétienne,  qu'elle  prétend 
égaler  ou  surpasser  ;  mais  dépourvue  de  la  charité  du  Christ  qui 
excède  les  simples  forces  de  la  nature,   privée    de  la  leçon  divine 

1.  Mnsonic  Jurisprudence,  p.  226. 


BIENFAISANCE   MAÇONNIQUE  253 

qu'enseigne  le  crucifix,  n'étant  pas  portée  à  l'héroïsme  du  sacrifice 
personnel,  elle  ne  fera  jamais  les  actes  charitables  accomplis  par 
l'Eglise  catholique.  Elle  le  sait  bien,  et  c'est  pourquoi  les  premiers 
coups  qu'elle  porte  au  Catholicisme  sont  toujours  dirigés  contre  la 
charité  catholique. 


CHAPITRE    XVII 

Histoire  de  la  .Maçonnerie 

Pour  prt^parér  les  voies  à  une  l)rève  exposition  de  Ihisloire  de  la 
Maçonnerie,  nous  ne  saurions  mieux  faire  que  de  rapporter  ce  qu'é- 
crit sur  le  même  sujet  le  F.-.  Mackey.  On  ne  laccusera  certaine- 
ment pas  de  prévention  et  de  partialité. 

«  C'est  l'opprobre  de  la  Franc-Maçonnerie,  dit-il,  que  son  his- 
toire n'ait  jamais  été  écrite  dans  un  esprit  de  vérité  critique  ;  que 
toutes  les  recherches  relatives  à  celle  histoire  reposent  sur  la  cré- 
dulité et  non  sur  l'esprit  scientifique;  que  les  jui^ements  ont  trop 
souvent  été  influencés  par  «  les  enchantements  »  de  l'imagination  ; 
que  les  chaînons  manquants  à  la  chaîne  des  preuves  ont  été  fré- 
quemment remplacés  par  ties  inventions  gratuites,  et  que  des  cho- 
ses de  la  plus  haute  importance  ont  été  étourdiment  appuyées  sur 
des  documents  dont  l'authenticité  n'était  pas  prouvée'  ». 

C'est  parler  clair  et  net,  et  encore  peut-on  dire  que  le  F.-.  Mac- 
key gaze  les  cho.ses,  Ce  qu'il  appelle  «  invention  gratuite  »  est  ap- 
pelé, sans  euphémisme,  par  d'autres  Frères,  comme  par  tout  le 
monde  en  général,  une  fourberie  pure  et  simple. 

«  Et  ceci,  continue  le  Docteur,  m'amène  à  poser  cette  importante 
question  :  Comment  l'histoire  de  la  Franc-Maçonnerie  doit-elle  être 
écrite  pour  mériter  le  respect  de  ses  ennemis  et  s'assurer  l'appro- 
bation et  l'assentiment  de  ses  amis?  ». 

«  Tout  d'abord,  dit-il,  nous  devons  commencer  par  une  définition 
précise  du  mot  Maçonnerie.  Si  nous  en  faisons  le  synonyme  de 
l'ranc-Maçonnerie,  nous  devons  nous  borner  au  récit  des  événe- 
ments étroitement  liés  avec  cette  institution  sous  sa  forme  et  orga- 
nisation actuelle.  Nous  pouvons  dire  alors  que  la  Maçonnerie  a  reçu 
une  nouvelle  organisation  et  a  été  restaurée  au  commencement  du 
XVIII"  siècle.  Nous  pouvons  suivre  la  trace  de  cette  Inslilulion  sous 
une  forme  plus  ancienne  mais  non  dissemblable  dans  les  guildes 
maçonnicpjes  de  l'Europe;  dans  les  corporations  de  Tailleurs  de 
pierre  d'Allemagne  ;  dans  les  Francs-Maçons  voyageurs  du  Moyen- 

1.  I-incycli>]ne(liii  of  J-'rceiiKisDurij,  |ifi.  '"••'(.   "jyT. 


Histoire  de  la  maçonnerie  255 

âge,  et  la  raf  lâcher  aux  Collèges  d'Architectes  de  Rome.  Une  his- 
toire de  ce  genre  ne  manque  pas  de  documents  authentiques  pour 
appuyer  sa  vérité  ;  et  il  n'y  a  aucune  difficulté  à  attribuera  l'Institu- 
tion une  respectable  antiquité  ». 

Nous  sommes  d'accord  en  partie  avec  notre  auteur  lorsqu'il  sou- 
tient que  l'histoire  de  la  Maçonnerie  doit  être  en  réalité  l'histoire 
de  la  Maçonnerie  et  rien  autre  chose, et  qu'elle  doit,  en  conséquence, 
se  confiner  dans  les  événements  qui  sont  étroitement  liés  à  l'orga- 
nisation présente  de  l'institution.  Mais  nous  ne  saurions  lui  accor- 
der, jusqu'à  plus  ample  informé,  et  nous  refusons  purement  et  sim- 
plement de  croire  qu'il  puisse,  à  l'aide  de  documents  authentiques, 
retracer  l'histoire  de  la  Maçonnerie  moderne,  comme  il  l'a  fait. 
Pour  cela,  en  effet,  il  ne  suffît  pas  de  trouver,  aux  différentes  épo- 
ques, différents  corps  d'architectes  et  de  maçons,  ni  que  ces  archi- 
tectes et  ces  maçons  soient  des  architectes  et  des  maçons  religieux, 
ni  qu'on  remarque  chez  eux  une  certaine  organisation;  il  faut  prou- 
ver beaucoup  plus  :  il  faut  prouver  que  ces  différents  corps  d'ouvriers 
étaient  religieux  au  sens  Maçonnique  du  mot,  et  qu'eux  seuls  con- 
naissaient «  la  vérité  sur  Dieu  et  sur  l'âme  humaine,  la  nature  et 
l'essence  de  l'un  et  de  l'autre  »  ;  qu'ils  étaient  seuls  à  connaître  et 
à  pratiquer  «  la  vraie  morale  »  ;  et  que  leur  vérité  divine  et  leur 
morale  étaient  identiques  à  la  vérité  et  à  la  morale  maçonniques. 
Tant  que  ces  points  n'auront  pas  été  établis  avec  évidence  (et  ce 
sont  en  l'espèce  les  points  essentiels),  les  prétentions  de  la  Maçon- 
nerie à  une  haute  antiquité  ne  sauraient  être  reçues  au  tribunal 
d'une  critique  impartiale.  Pour  ne  pas  trop  éplucher  l'article  du  Dr. 
Mackey,  contentons-nous  ici  d'exposer  ce  dont  la  Maçonnerie  doit 
faire  la  preuve,  et  renvoyons  pour  une  plus  ample  discussion  à  la 
dernière  partie  de  notre  chapitre. 

«  Mais,  si  nous  confondons  la  Maçonnerie,  dit  le  Docteur,  avec  la 
Géométrie,  avec  l'Architecture  ou  avec  la  Science  morale,  nous 
mettons  dans  l'esprit  de  l'écrivain,  aussi  bien  que  du  lecteur,  une 
telle  confusion  d'idées  qu'il  n'en  saurait  sortir  aucun  résultat  pra- 
tique. Et  cependant,  ce  fut  l'erreur  qui  domina  chez  tous  les  écri- 
vains anglais  qui  se  sont  occupés  de  la  Maçonnerie  au  dernier  siè- 
cle et  même,  à  peu  d'exceptions  près,  chez  ceux  du  siècle  présent. 
A  un  moment  donné,  ils  parlent  de  la  Maçonnerie  comme  d'une 
institution  mystique  qui,  avec  ses  formes  alors  existantes,  était  fa- 
milière à  leurs  lecteurs  ;  bientôt  après,  que  dis-je?  à  la  même  page, 
ils  s'étendent  longuement,  tout  en  conservant  le  terme  de  Maçon- 
nerie, sur  les  progrès  de  l'Architecture  ou  de  la  Géométrie, et  peut- 
être  même  sur  la  condition  des  vertus  morales  »'. 

1.  Encyclopsedia  of  Freemasonry,  p.  2%. 


256  HISTOIRE    DE    LA    MAÇONNEBIE 

«  Ainsi  Preston,  conlinue-l-il,dans  ses  Illuslralions  of  Masonry, 
commence  sa  section  de  iOrigine  de  la  Maçonnerie,  en  établissant 
que,  depuis  le  commencement  du  monde,  on  peut  retracer  la  fonda- 
tion de  la  Maçonnerie.  El  il  ajoute  :  De  l'instant  oii  a  commencé  la 
symétrie  et  où  Iharmonie  a  déployé  ses  charmes,  notre  Ordre  a  eu 
son  commencement.  Or,  lorsque  nous  avons  parcouru  le  chapitre 
entier,  nous  trouvons  que  ce  n'est  pas  la  F'ranc-Maconnerie,  telle 
que  nous  la  connaissons,  que  l'auteur  a  en  vue, mais  quelque  grande 
vertu  morale  :  le  sentiment  social,  l'amour  de  l'homme  pour 
l'homme,  toutes  choses  qui,  étant  innées  au  cœur  humain,  doivent 
avoir  existé  dès  l'aurore  de  notre  race, et, de  toute  nécessité, ont  pré- 
ludé à  la  civilisation  et  aux  arts. 

«  Oliver,  malgré  les  incontestables  services  qu'il  a  rendus  à  la 
Maçonnerie,  était  malheureusement  trop  adonné  aux  spéculations 
abstraites.  Il  a  été  «  plus  royaliste  que  le  roi  '  ><,  et,  commentant 
cette  page  de  Preston,  il  déclare  que  notre  science  existait  avant 
la  création  du  globe,  et,  qu'elle  est  répandue  à  travers  les  innom- 
brables systèmes  qui  remplissent  le  ciel  empyrée  et  l'espace  uni- 
versel w.Mais,  en  poursuivant  notre  lecture,  nous  trouvons  que,  par 
Maçonnerie  spéculative,  l'écrivain  entend  «  un  système  de  morale 
fondé  sur  la  croyance  en  un  Dieu  »,  et  que  cette  tirade  grandilo- 
quente se  rapporte, non  pas  à  la  Franc-Maçonnerie  dont  il  a  déclaré 
vouloir  retracer  l'histoire,  mais  à  l'existence  d'une  telle  croyance 
parmi  les  êtres  doués  de  sentiment  et  d'intelligence  qui,  comme  il 
le  suppose,  habitent  les  planètes  et  les  étoiles  du  système  solaire. 

«  Anderson,  continue-t-il,  est  plus  modeste  dans  ses  prétentions 
et  se  contente  de  faire  remonter  la  Maçonnerie  à  Adam  et  à  l'Eden  ; 
mais  on  s'aperçoit  bientôt  que,  lui^aussi,  sous  le  même  nom,  traite 
de  choses  toutes  dilîérentes,  et  que  la  Maçonnerie  de  notre  premier 
père  n'est  pas  la  Franc-Maçonnerie  de  nos  jours,  mais  la  Géomé- 
trie et  l'Architecture. 

«  Maintenant,  dit  le  Docteur,  tout  cela,  c'est  du  roman  et  non  de 
l'histoire.  De  telles  assertions  sont  ce  que  les  Français  appellent 
façons  de  parler^  c'est-à-dire  Heurs  de  rhétorique  qui  ont  plus 
d'éclat  que  de  sens.  Qu^nJ  '^  lecteur  les  rencontre  dans  desglivres 
écrits  par  des  hommes  éminents  qui  veulent  enseigner  ex  cathedra 
l'histoire  véridique  de  l'Ordre,  ou  bien  il  se  dégoûte  d'une  étude  si 
follement  conduite,  ou  bien  il  en  arrive  à  adopter^des  théories  qu'il 
ne  peut  soutenir,  parce  cpi'elles  sont  absurdes. [Dans  le  premier  cas, 
la  Franc-Maçonnerie  perd  peut-être  un  disciple;  dans  le  second,  il 

1 '■  has  outherodofl  Ilerod  ». 


HISTOIRE   DE   LA    MAÇONNERIE  257 

est  viclime  d'une  tromperie  )>.  Après  avoir   établi  comment   l'His- 
toire de  la  Maçonnerie  devrait  être  écrite,  notre  auteur  conclut  : 

«  Il  ne  saurait  y  avoir  une  plus  grande  gloire  que  celle  d'être  le 
fondateur  d'une  nouvelle  école  d'Histoire  maçonnique  d'où  les  fic- 
tions et  les  assertions  hasardées  des  premiers  écrivains  seraient 
bannies,  et  dans  laquelle  serait  adoptée  la  règle  qui  a  été  donnée 
comme  la  maxime  fondamenlale  de  toute  science  inductive, —  en 
des  termes  qui  ont  été  pris  récemment  pour  devise  par  un  puissant 
investigateur  de  la  vérité  historique  : 

«  Ne  pas  amplifier  et  ne  pas  diminuer  les  faits  —  ne  rien  ajouter 
et  ne  rien  retrancher.  Exposer  la  Vérité,  toute  la  Vérité,  et  rien  que 
la  Vérité  »  ' . 

Ces  lignes,  où  sont  si  clairement  et  si  magnifiquement  exposés 
les  vrais  principes  qui  doivent  guider  l'historien,  font  regretter  que 
le  Docteur  Mackey  consacre  une  si  large  part  de  son  Encyclopœdia 
à  rééditer  des  mythes  et  des  fables  maçonniques,  mythes  et  fables 
qui  ont  été  donnés  pour  des  faits  par  les  écrivains  qu'il  condamne 
avec  tant  de  raison.  Prenons,  par  exemple,  celui-ci,  qui  concerne 
l'origine  de  la  Franc-Maçonnerie: 

«  C'est  une  théorie  de  quelques  écrivains  maçonniques,  dit-il-, 
que  les  principes  de  la  pure  et  primitive  Franc-Maçonnerie  ont  été 
conservés  dans  la  race  de  Selh,  toujours  séparée  de  celle  de  Caùi  ; 
mais, qu'après  le  déluge, ils  ont  été  altérés  à  la  suite  de  la  sécession 
d'une  partie  des  Séthites,  qui  établirent  la  Franc-Maçonnerie  bâ- 
tarde des  Gentils.  Cette  théorie  a  été  très  amplement  développée 
par  le  Dr.  Oliver  dans  tous  ses  ouvrages.  Les  colonnes  élevées  par 
Selh  pour  conserver  les  principes  des  arts  et  des  sciences  sont  men- 
tionnées par  Josèphe.Mais,  quoique  les  anciennes  Constitutions  par- 
lent de  Seth,  elles  attribuent  l'érection  de  ces  colonnes  aux  enfants 
de  Lamech,  et  dans  les  hauts  degrés  de  la  Maçonnerie,  cette  érec- 
tion est  attribuée  à  Enoch  ». 

C'est  avec  de  telles  miettes  d'histoire  qu'on  régale  lés  lecteurs 
maçonniques;  mais  il  y  a  d'autres  fables  servant  à  entretenir  l'his- 
toire mythique  et  à  nourrir  la  crédulité  maçonnique  :  la  fable  de 
Noé,  la  fable  d'Euclide,  la  fable  de  Pythagore,  la  fable  du  roi  Salo- 
mon et  du  temple  de  Salomon. 

En  ce  qui  concerne  ce  temple,  les  remarques  du  Dr.  Mackey  sont 
certainement  intéressantes  :  «  En  Maçonnerie,  dit-iP,  le  temple  de 
Salomon  a  joué  un  rôle  des  plus  importants.   11  fut  un  temps  où 


1.  Encyclopaedia  of  Freemasonry,  p.  'J97. 

2.  Ibid.,  p.  708. 

3.  Ibid.,  p.  798 

18 


2Ô8  HISTOIRE    DE    LA    MAÇ^ONNERIE 

tout  écrivain  maçjonnique  admettait,  sans  hésiter, que  la  Maçonnerie 
y  reçut  sa  première  organisation  ;  que  là,  Salomon,  Hiram  de  Tyr 
et  Hiram  Abif  présidèrent  en  qualité  de  Grands  Maîtres  des  Loges 
qu'ils  avaient  établies  ;  que  là,  les  degrés  symboliques  furent  insti- 
tués ainsi  que  les  systèmes  d'initiation,  et  que,  depuis  cette  époque 
jusqu'à  nos  jours,  la  Franc-Maçonnerie  a  traversé  tranquillement  le 
cours  du  Temps  dans  une  succession  ininterrompue  et  sous  une 
forme  toujours  la  même.  Mais  la  méthode  moderne  de  recherche 
historique  a  balayé  cet  édifice  élevé  par  l'imagination,  d'une  main 
aussi  brutale  et  d'un  efîort  aussi  puissant  que  l'a  fait  le  roi  de  Ba- 
bylone  démolissant  le  temple  sur  lequel  tout  cela  reposait.  Aucun 
écrivain  soucieux  de  sa  réputation  d'historien  critique  ne  voudrait 
essayer  de  défendre  cette  théorie.  Cependant  elle  a  fait  son  œuvre. 
Durant  la  longue  période  dans  laquelle  l'hypothèse  tenait  lieu  de 
fait,  son  influence  s'est  exercée  à  couler  la  Maçonnerie  dans  un 
moule  étroitement  relié  à  toutes  les  particularités  du  temple  de 
Salomon  et  aux  événements  dont  il  fut  le  théâtre.  Si  bien  que  pres- 
que tout  le  symbolisme  de  la  Franc-Maçonnerie  dérive  encore  au- 
jourd'hui du  «  Temple  du  Seigneur  »  à  Jérusalem.  Entre  eux,  le 
lien  est  si  étroit  qu'on  ne  saurait  essayer  de  les  séparer  l'un  de  l'au- 
tre sans  compromettre  l'avenir  de  la  Maçonnerie.  Chaque  Loge  est 
et  doit  être  un  symbole  du  Temple  juif;  chaque  Maître  sur  son 
siège  représente  le  roi  juif,  et  tout  Maçon  personnifie  l'ouvrier 
juif. 

«  Il  en  doit  être  ainsi,  continue-t-il,  tant  que  durera  la  Maçonne- 
rie. Nous  devons  accepter  les  mythes  et  les  légendes  qui  la  ratta- 
chent au  Temple,  non  pas  certes  comme  des  faits  historiques,  mais 
comme  des  allégories  ;  non  pas  comme  des  événements  réels,  mais 
comme  des  symboles,  et  nous  devons  prendre  ces  allégories  et  ces 
symboles  pour  ce  que  leurs  créateurs  ont  voulu  qu'ils  fussent  : 
comme  les  bases  d'un  système  de  morale  ». 

Tout  cela  est  «  mythe,  fable,  construction  de  l'imagination  et 
fiction  )),  et  pourtant  cela  a  été  enseigné  et  accepté  comme  autant 
de  faits  «  durant  une  longue  période  »  par  tous  les  écrivains  ma- 
çonniques ;  et  c'est  sur  cette  fiction,  sur  ce  mythe,  sur  ce  men- 
songe qu'est  fondée  la  morale  maçonnique. Je  dis  «  mensonge  »,car 
donner  sciemment  un  mythe  pour  un  fait,  c'est  mentir;  et  si  la 
grande  majorité  des  écrivains  maçonni(jues  y  ont  été  trompés  eux- 
mêmes,  et  s'ils  ont  été  les  victimes  plutôt  que  les  auteurs  de  celte 
fraude,  on  n'en  peut  dire  autant  des  inventeurs  et  de  ceux  qui  les 
premiers  enseignèrent  ce  qu'ils  savaient  être  faux. 

La  légende  d'Euclide  vaut  juste  autant  que  la  précédente.  Toutes 


HISTOIRE   DE   LA    MAÇONNERIE  259 

les  anciennes  Constitutions  manuscrites,  dit  le  Dr.  Mackey*,  con- 
tiennent la  légende  bien  connue  d'Euclide,dont  le  nom  de  «Worthy 
Clerk  Euclide  »  {Digne  Clerc  Euclide)  s'y  trouve  altéré  de  toutes 
les  manières  imaginables.  Entre  ces  vieux  mémoires,  je  choisis  ce 
qu'on  appelle  le  «  Dowland  Manuscript  »  {Manuscrit  Dowland), 
d'où  est  dérivée  la  forme  de  cette  légende  d'Euclide  chezjles]  vieux 
Maçons.  Le  manuscrit  Dowland,  quoique  écrit  [évidemment  au 
XVIII*  siècle,  est  considéré  par  des  gens  compétents  comme  une 
copie  en  style  moderne  et  plus  intelligible  d'un  manuscrit  plus  [an- 
cien, de  l'année  1530.  Et  c'est  parce  qu'il  est  plus  facilement  .intel- 
ligible des  lecteurs  modernes  que  je  l'ai  choisi  de  préférence  à  d'au- 
tres mémoires  plus  anciens,  quoique,  dans  tous,  la  légende  soit  au 
fond  la  même.  La  légende  est  énoncée  en  ces  termes  «.J  Le'lecteur 
me  permettra  de  moderniser  l'orthographe  et  de  changer  un  mot  ou 
deux  pour  rendre  le  récit  plus  intelligible. 

« Lorsque  Abraham   se   rendit  en   Egypte  avec   Sara,   son 

épouse,  il  enseigna  aux  Egyptiens  les  sept  Arts  ;  là,  il  eut  un  disci- 
ple remarquable  nommé  Euclide,  qui  s'instruisit  parfaitement  bien 
et  enseigna  à  son  tour  les  sept  Arts  libéraux.  Et,  en  ces  jours,  il  ar- 
riva que  le  souverain  et  les  grands  du  royaume  eurent  un  grand 
nombre  d'enfants,  soit  de  leurs  femmes,  soit  même  d'autres  dames 
dudit  royaume,  pour  ce  que  le  pays  est  chaud  et  très  prohfique.  Et 
ils  n'avaient  pas  les  moyens  sufïîsants  d'entretenir  leurs  enfants,  et 
ce  leur  était  à  grand  souci.  Et  alors  le  roi  du  pays  tint  un  grand 
conseil  et  un  parlement  pour  découvrir  le  moyen  d'élever  honnête- 
ment les  enfants,  ainsi  qu'il  convient  .à  des  gentilshommes.  Et  ils 
n'en  purent  trouver  aucun  de  satisfaisant.  Et  alors  ils  firent  publier 
par  tout  le  royaume  que  si  quelqu'un  pouvait  leur  en  enseigner  un, 
il  n'avait  qu'à  se  présenter,  et  que,  pour  sa  peine,  il  recevrait  une 
récompense  honnête  ». 

Euclide  répondit  à  leur  appel.  «  Et  alors  cet  homme  eminent  prit 
avec  lui  les  enfants  des  seigneurs  et  leur  enseigna,  avec  la  géomé- 
trie pratique,  toutes  les  manières  de  travailler  la  pierre  pour 
construire  églises,  temples,  châteaux,  tours  et  manoirs,  et  en  géné- 
ral toute  sorte  de  bâtiments 

«  Et  ainsi  la  science  fut  implantée  en  ce  pays,  et  l'excellent  Maî- 
tre Euclide  lui  donna  le  nom  de  Géométrie.  Et  maintenant,  dans 
tout  ce  pays,  elle  s'appelle  Maçonnerie  ». 

«  Cette  légende,  explique  le  Dr.  Mackey,  considérée  historique- 
ment, est  tout  à  fait  absurde,  et  l'anachronisme  qui  fait  d'Euclide 

1.  Encyclopœdia,  p.  265. 


2G0  HISTOIRE    DE    LA    MAÇONNERIE 

le  contemporain  d'Abraham,  ajoute  encore,  si  possible,  à  l'absur- 
dité ».  Le  Docteur  continue  en  défendant  ce  conte  comme  un  mythe 
maçonnique  destiné  à  faire  passer  une  leçon  maçonnique.  Il  est 
étrange,  en  vérité,  que  la  Maçonnerie,  celle  divine  inslitutrice,  ne 
puisse  faire  passer  ses  leçons  autrement  que  par  de  telles  absurdi- 
tés !  L'origine  de  la  Maçonnerie,  d'ailleurs,  qui  est  attribuée  à  des 
conditions  morales  qui  sont  tout  autre  chose  que  chrétiennes, peut 
incontestablement  satisfaire  les  aspirations  maçonniques,  car  elles 
sonl  en  parfaile  harmonie,  comme  nous  l'avons  vu,  avec  la  licence 
maçonnique.  Le  souverain  et  les  grands  de  ce  pays  étaient  dignes 
d'être  les  précurseurs  de  la  Fraternité,  car  ils  n'avaient  pas  à  lutter 
contre  leurs  instincts,  pas  plus,  le  F.*.  Pike  nous  en  assure,  que  les 
Frères.-,  d'aujourd'hui. 

La  fable  de  Pythagore  est  contenue  dans  la  Manuscrit  Leland,qui 
passe  sans  conteste  pour  une  supercherie  '.  Notre  lecteur  nous  per- 
mettra de  la  traduire  en  langage  moderne  :  «  Comment  est-elle  {la 
Franc-Maçonnerie)  venue  en  Angleterre  ?  »,  demande-t-on.  Voici  la 
réponse  : 

«  Le  Grec  Pierre  Gower  voyagea  pour  son  instruction  en  Egypte, 
en  Syrie  et  dans  tous  les  pays  où  les  Vénitiens  ont  implanté  la 
Maçonnerie.  Il  se  fit  introduire  dans  toutes  les  Loges  de  Maçons  ;  là, 
il  apprit  beaucoup  ;  ensuite,  il  retourna  dans  la  Grande  Grèce,  où, 
par  ses  travaux,  il  s'acquit  une  haute  réputation  de  sagesse  ;  il 
fonda  une  Grande  Loge  à  Groton,  y  tit  de  nombreux  Maçons.  Plu- 
sieurs de  ceux-ci  voyagèrent  en  France  où  ils  tirent  à  leur  tour  un 
grand  nombre  de  Maçons,  De  là,  dans  la  suite  du  lemps,  lArt 
passa  en  Angleterre  ». 

«  Locke,  continue  le  Dr.  Mackey,  avoue  qu'il  fut  tout  d'abord 
intrigué  par  ces  noms  étranges  :  Pierre  Gower,  Groton  et  les  Véni- 
tiens; mais  un  peu  de  réllexion  lui  apprit  que  c'étaient  des  altéra- 
lions  pour  Pythagore,  Crotone  el  les  Phéniciens  ». 

La  théorie  noachique  est  exposée  tout  au  long  par  le  F.-.  Mackey 
dans  les  premiers  chapitres  de  son  Symbolism  of  Freemasonry. 

«  Laissons  de  côté,  dit-il,  toute  la  période  de  l'histoire  du  monde 
antérieure  au  déluge,  car,  en  ce  (]ui  concerne  noire  sujet,  elle  n'a 
exercé  aucune  influence  sur  le  moiidc  nouveau  (|ui  sortit  des  ruines 
de  l'ancien.  Mais,  après  ce  cataclysme,  nous  trouvons  les  descendants 
immédiats  de  i\oé  en  possession  de  deux  vérités  religieuses  qu'ils 
avaient  reçues  de  leur  commun  père,  el  que  celui-ci  tenait  de  la 
succession  des  patriarches  qui  l'avaient  précédé.  Ces  vérités  étaient 

1.  Encyclopœdia  u[  Freemasonry,  p.  '.t77. 


HISTOIRE    DE    LA    MAÇONNERIE  261 

l'existence  d'une  Intelligence  Suprême,  Créatrice.  Conservatrice  et 
Régulatrice  de  l'Univers,  et,  comme  conséquence  nécessaire,  la 
croyance  à  l'immortalité  de  l'âme  qui  était  une  émanation  de  la 
cause  première,  et  qui  devait  être  distinguée,  par  une  éternelle 
survivance,  de  la  poussière  vile  et  périssable  qui  l'orme  sa  demeure 
terrestre. 

«  Cette  affirmation,  continue-t-il,  que  ces  doctrines  étaient  con- 
nues et  admises  par  Noé,  ne  semblera  pas  une  supposition  hasardée 
à  quiconque  croit  à  la  révélation  divine.  Mais  tout  esprit  philosophi- 
que, à  mon  avis,  arrivera  à  la  même  conclusion  indépendamment 
de  toute  autre  autorité  que  celle  de  la  raison. 

«  Le  sentiment  religieux,  en  tant,  du  moins,  qu'il  se  rapporte  à 
la  croyance  en  l'existence  de  Dieu,  paraît  être,  en  un  certain  sens, 
inné  ou  instinctif,  et,  par  conséquent,  universel  dans  l'àme  humaine. 
Il  n'y  a  pas  d'exemple  d'une  nation,  si  dégradée  qu'elle  soit  au  point 
de  vue  intellectuel  et  moral,  où  l'on  ne  trouve  quelque  preuve  évi- 
dente d'une  disposition  à  cette  croyance.  Le  sentiment  peut  être 
perverti,  et  l'idée  grossièrement  corrompue,  mais  ils  n'en  existent 
pas  moins  et  montrent  la  source  d'où  ils  ont  jailli  '  ». 

Pourquoi  le  Dr.Mackey  passe-t-il  sous  silence  l'histoire  des  temps 
antérieurs  au  déluge  comme  n'ayant  exercé  aucune  influence  sur  le 
monde  nouveau,  alors  que  Noé  reçut  «  de  la  série  des  patriarches 
qui  l'avaient  précédé  »  les  vérités  concernant  Dieu  et  l'ame  humaine? 
C'est  une  question  à  laquelle  le  Docteur  aurait  de  la  peine  à  répon- 
dre. Pourquoi  partir  de  Noé,  si  les  vérités  ne  datent  pas  de  lui?  Si 
elles  sont  la  vraie  religion  et  le  fondement  de  la  vraie  morale  trans- 
mise par  tradition  dans  la  série  des  patriarches,  certainement  elles 
ont  exercé  une  influence  et  une  influence  considérable  sur  «  le 
monde  nouveau  qui  est  sorti  des  ruines  de  l'ancien  ». 

Si,  en^second  lieu,  ces  vérités  sont  aussi  naturelles  à  l'esprit 
humain  que  notre  auteur  l'affirme,  nous  voilà  reportés  en  arrière 
jusqu'au  premier  esprit  humain,  c'est-à-dire  à  Adam  au  Paradis, 
comme  dans  la  théorie  du  Dr.  Oliver,  rejetée  par  le  Dr.  Mackey.  On 
ne  peut  logiquement  commencer  à  Noé. 

En  troisième  lieu,  le  Docteur  a  introduit  dans  la  doctrine  de  Noé 
une  théorie  essentiellement  maçonnique,  celle  de  l'àme  humaine, 
émanation  de  l'Être  Suprême,  théorie  aussi  contraire  à  la  droite 
raison  qu'à  la  révélation,  à  laquelle  l'auteur  en  appelle.  Comment 
prouve-t-il,  ou  même  comment  essaye-t-il  de  prouver  que  cette 
théorie  fut  celle  des  descendants  immédiats  de  Noé? 

1.  Symbolism,  pp.  'i'i-'23. 


262  HISTOIRE    DE    LA   MAÇONNERIE 

Propager  SOUS  le  couvert  de  la  croyance  générale  à  l'immorlalité 
de  lànie  une  doclrine  grosse  de  si  dangereuses  conséquences,  c'est 
souverainement  malhonnête.  Donc,  pour  la  Maçonnerie.  Noé  n'est 
pas  un  fondement  plus  solide  que  le  reste. 

Les  Maçons  eux-mêmes  se  rendent  compte  de  l'incertitude  des 
origines  de  leur  ordre.  La  preuve  en  est  que  le  Dr.  Mackey  rapporte 
une  douzaine  de  théories  proposées  sur  ce  point  par  les  Frères. 
«  L'origine  et  la  source  d'où  est  sortie  la  Franc- Maçonnerie,  telle 
que  nous  l'avons  maintenant,  dit-il  '  a  fait  naître  parmi  les  érudits 
en  Maçonnerie  plus  d'opinions  divergentes  et  de  discussion  que 
tout  autre  sujet  dans  la  littérature  de  l'Institution.  Les  historiens 
de  la  Franc-Maçonnerie  l'ont,  à  dift'érentes  époques,  fait  remonter 
aux  sources  suivantes  :  1°  La  religion  des  patriarches  ;  2°  Les  mys- 
tères du  Paganisme  ancien  ;  3"  Le  temple  du  roi  Salomon  ;  4°  Les 
Croisés;  5°Les  Templiers; 6° Les  Collèges  d'Artisans  à  Rome;  7°La 
Maçonnerie  operative  du  Moyen-âge  ;  8°  Les  Rose-Croix  du  XVI" 
siècle  ;  9°  Olivier  Cromwell,  à  raison  du  succès  de  ses  entreprises 
politiques;  10"  Le  Prétendant,  pour  la  restauration  de  la  Maison  des 
Stuarts  sur  le  trône  d'Angleterre;  11"  Sir  Christophe  Wren  et  la 
construction  delà  cathédrale  de  Saint-Paul;  12°  Le  Dr.  Desaguliers 
et  ses  associés  en  1717.  Chacune  de  ces  douze  théories  a  été  de 
temps  en  temps,  et  la  douzième,  à  une  époque  récente,  soutenue 
avec  beaucoup  de  zèle,  sinon  toujours  avec  beaucoup  de  jugement, 
par  ses  partisans.  Quelques-unes  d'entre  elles,  il  est  vrai,  ont  été 
depuis  longtemps  abandonnées,  mais  les  autres  attirent  encore 
l'attention  et  trouvent  des  défenseurs.  Mes  idées  sur  ce  sujet  sont 
exprimées  dans  l'article  Antiquité  de  la  Franc-Maçonnerie,  auquel 
je  renvoie  le  lecteur  ». 

Ici,  cher^lecteur,  vous  avez  douze  théories  différentes  proposées 
par  les  érudits  en  Maçonnerie,  qui  ont  recherché  les  origines  de 
cette  institution,  et  le  Dr.  Mackey  a  des  vues  personnelles  sur  la 
matière.  Et  cependant,  c'est  cette  institution  qui  prétend  posséder 
incontestablement  les  traditions  religieuses  primitives  de  notre 
race,  et  avoir  de  quoi  fournir  l'humanité  d'articles  fidèles  et  sans 
altération  en  matière  de  religion  et  de  morale  1  Le  Dr.  Mackey 
s'élève  contre  ceux  qui  assignent  l'année  1717  comme  date  de 
l'origine  de  la  Maçonnerie,  et  il  les  considère  comme  des  hommes 
de  peu  de  jugement;  mais  la  vérité  est  que  l'histoire  maçonnique 
sérieuse  et  digne  de  confiance  commence  à  cette  date  -.  On  appelle 


\.  Ëncyclopœdia,  p.  55G. 

2.  Depuis  peu  (Le  Dr.  Mackey  écrivait  il  y  a  plus  dune  génération),  «   les 
historiens  dignes    de   foi    (parmi   les    Maçonsy  se   sont  mis   d'accord  pour 


HISTOIRE    DE   LA   MAÇONNERIE  263 

cela  renaissance,   mais   c'est   le   commencement  réel  de  la  Franc- 
Maçonnerie  organisée  telle  que  nous  l'avons  à  présent. 

«  Les  faits  qui  se  sont  passés  à  Londres  en  1717,  dit-il',  alors 
que  s'organisa  ce  corps  important,  connu  depuis  sous  le  nom  de 
Grande  Loge  d'Angleterre,  ont  toujours  figuré  dans  l'Histoire  de 
la  Maçonnerie  comme  «  Renaissance  de  la  Maçonnerie  ».  Dans  la 
première  édition  des  Conslitulions,  publiée  en  1723,  Anderson  dit 
que  les  Frères  ont  renouvelé  les  Loges  languissantes  de  Londres, 
mais  il  ne  s'étend  pas  davantage  sur  cet  événement.  Dans  la  seconde 
édition,  parue  en  1738,  il  est  plus  prolixe,  et  le  rapport  que  nous  y 
trouvons  est  le  seul  document  que  l'on  possède  sur  l'organisation 
de  1717.  Il  va  sans  dire  que  tous  les  auteurs  qui  suivirent  ont  puisé 
leurs  données  dans  Anderson.  Voici  comment  Preston  ^  détaille  les 
faits  ;  on  préfère  son  exposé  à  celui  d'Anderson,  parce  que,  sous  une 
forme  plus  concise,  il  contient  tout  ce  qui  est  raconté  longuement 
dans  ce  dernier.  » 

«  A  l'avènement  de  Georges  P"",  les  Maçons  de  Londres  et  des 
environs,  ayant  perdu  Sir  Christopher  Wren,  et  voyant  leurs  assem- 
blées annuelles  interrompues,  résolurent  de  s'unir  sous  un  nouveau 
Grand  Maître  et  de  rétablir  les  assemblées  et  les  fêtes  annuel- 
les de  la  Société.  C'est  dans  cette  intention  que  se  réunirent  à 
ï Apple-Tree  Tavern  (Taverne  du  Pommier),  en  Février  1717,  les 
quatre  Loges  qui,  seules,  existaient  alors  dans  le  sud  de  l'Angle- 
terre :  les  Loges  At  the  Goose  and  Gridiron  (A  l'oie  et  au  gril), 
Saint-Paul's  Church-Yard  ;  The  Crown  (la  Couronne),  Park-Lane; 
près  de  Drury-Lane  ;  The  Apple-Tree  Tavern  (la  Taverne  du 
Pommier),ChariesStreet,Covent  Garden;  et  The  Rummer  and  Grapes 
Tavern  (la  taverne  le  Gobelet  et  les  Raisins),  dans  le  Channel-Row, 
àWestminster. Quelques  anciens  Frères  prirent  part  à  cette  réunion. 
Après  avoir  élu  comme  président  le  Maître  Maçon  le  plus  âgé  parmi 
ceux  qui  étaient  présents,  ces  Loges  se  constituèrent  Grande  Loge, 
pro  tempore,  dans  les  formes  requises.  Il  fut  décidé  à  cette  réunion 
qu'il  y  aurait  tous  les  trois  mois  des  assemblées  de  la  Fraternité  et 
que  la  prochaine  Assemblée  et  la  fête  annuelle  auraient  lieu  le 
24  juin /l  rOie  et  au  Gril,  dans  Saint-Paul's  Churchyard  (en  l'hon- 
neur de  la  Loge  la  plus  ancienne  qui  se  tenait  là  à  cette  époque), 

admettre  que  la  première  Grande  Loge  d'Angleterre, fondée  le  24  juin  1717  de 
J.-C.  est  la  mère  de  toutes  les  loges  maçonniques  régulières  des  trois  degrés 
de  l'Art....).  (Fr.-.  Henry  Leonard  Stillson,32«,  dans  VEncyclopsedia  Americana, 
au  mot  Masonic  Fralernihj. 

1.  Encyclopedia,  pp.  G45,  646. 

2.  Illuslr.,  p.  191. 


264  HISTOIRE    DE    LA.    MAÇONNERIE 

dans  le  but  d'rlire  un  Grand  Maître,  choisi  dans  lenrsein,  jusqu'à 
ce  qu'on  eùl  l'honneur  d'avoir  un  Frère  noble  pour  chef. 

Et  le  F.-.  Mackey  continue  :  «  Celle  thèse,  que  la  Maçonnerie  ne 
fut  pas  organisée  pour  la  première  fois  en  1717,  mais  simplement 
renouvelée,  trouva  ré^enunenl  des  détracteurs  parmi  les  iconoclas- 
tes modernes  qui  refusent  de  croire  à  tout  ce  (jui  vient  de  la  tradi- 
tion ou  même  à  toute  opinion  qui  n'est  pas  soutenue  par  quelque 
notoriété  contemporaine. Le  F.'.W.l^.Buchan,d'Ani:^lelerre,en  par- 
ticulier,a  attaqué,  dans  ses  nombreux  articles  écrits  pour  \e  London 
Freemason  (1871  et  1872;,  l'ancienneté  de  la  Franc-Maçonnerie.  11 
refuse  de  lui  accorder  une  existence  antérieure  à  l'année  1717.  Sa 
théorie  est  exactement  celle-ci  :  «  Noire  système  de  grades,  pa- 
roles, attouchements,  signes,  etc.,  n'existait  pas  avant  1717  » 
environ.  Il  admet  cependant  que  certains  des  «  éléments  ou  fonde- 
ments »  des  degrés  existaient  avant  cette  époque,  mais  qu'ils 
n'étaient  pas  alors  en  usag(;  chez  les  seuls  Maçons,  et  qu'ils  étaient 
communs  à  toutes  les  guilds.  Il  croit  que  le  système  actuel  est 
dû  au  génie  inventif  d'Anderson  et  de  Desaguliers,  et  il  suppose 
qu'il  n'est  qu'une  simple  «  reconstilulion  d'une  ancienne  société, 
de  quelque  vieille* forme  de  philosophie  pa'ienne,  par  exemple  ».  Il 
part  de  là  pour  soutenir  que  ce  ne  fut  pas  une  «  résurrection  »,mais 
seulement  «  une  renaissance  »,  et  il  explique  ce  qu'il  veut  dire,  en 
ces  termes  :  «  Il  y  eut,  avant  le  xviu''  siècle,  une  renaissance  de 
rarchiteclure  pa'ienne  ;  puis,  dans  le  même  ordre  d'idées  au  xvin* 
siècle  une  renaissance  sous  un  extérieur  nouveau,  une  forme  nou- 
velle du  mysticisme  païen;  mais  nous  ne  sommes  redevables  aux  Ma- 
çons opératifs  ni  pour  l'une  ni  pour  l'autre,  bien  qu'on  se  soit  servi 
des  Maçons  opératifs  dans  l'un  et  l'autre  cas  {London  Freemason, 
23  septembre  1871). 

«  La  théorie  de  Buchan,  nous  dit  le  Dr.  Mackey,  a  été  attaquée 
par  les  FF.-.  Willian  J.  Hughan  et  Chalmers  J.  Patlon.  On  admet- 
tra généralement  qu'il  a  raison  loisqu'il  soulienJ  (\uc  les  trois  de- 
grés de  Maître,  de  Compagnon  et  d'Apprenti  étaient  inconnus  aux 
Maçons  du  xvii®  siècle,  et  que  ces  dilTérenles  classes  n'étaient  que 
des  échelons  du  rang,  mais  il  n'en  reste  pas  moins  évident  que  les 
moyens  de  reconnaissance,  la  méthode  de  gouvernement,  les  lé- 
gendes et  une  grande  partie  du  cérémonial  de  l'initiation  existaient 
chez  les  Maçons  opératifs  tlu  moyen  Age, et  furent  Iransnns  aux  Ma- 
çons spéculatifs  du  xviii'  siècle.  L'œuvre  d'Anderson,  de  Desagu- 
liers et  de  leurs  contemporains  fut  de  perfectionner  cl  de  dévelop- 
per, mais  non  d'inventer.  Le  système  maçonnique  de  nos  jours  est  le 
résultat  d'une  croissance  lente  mais  sAre.  De  même  (jue  les  Gonfé- 


HISTOIRE    DE    LA   MAÇONNERIE  265 

rences  d'Anderson  qui  nous  sont  connues,  depuis  leur  publication  en 
1725,  furent  dans  la  suite  modifiées  et  augmentées  par  les  travaux 
successifs  de  Glare,  de  Dunckerly,  de  Preston  et  de  Hemming,  de 
même  Anderson  et  Desaguliers  ont  soumis  le  simple  cérémo- 
nial qu'ils  trouvèrent,  lors  de  la  réorganisation  de  la  Grande  Loge 
en  1717,  à  une  modification  et  à  un  développement  analogues  ». 

Qu'il  nous  soit  permis  de  demander  comment  le  Dr.  Mackey  sait 
qu'Anderson  n'invente  rien  ?  Dans  ce  même  compte  rendu  qu'il 
fait  de  la  réunion  de  1717,  il  donne  le  litre  de  Grand  iNIaître  à  Sir 
Christophe  Wren,  alors  que  le  Dr.  trouve  que  Findel  a  raison  de 
dire-  «  qu'Anderson,  ayant  été  chargé, en  1735,  par  la  Grande  Loge, 
de  faire  une  liste  des  anciens  patrons  des  Francs-Maçons,  afin  de 
fournir  une  sorte  de  base  historique,  transforma  les  Patrons  les 
plus  anciens  en  Grands  Maîtres,  et  les  Maîtres  et  Surintendants  en 
Grands  Surveillants  et  autres  dignitaires  inconnus  jusqu'en  1717  ». 

«  Wren  était,  en  fait,  dit  le  Dr.  Mackey%  ce  que  les  Maçons  du 
moyen  âge  appellent  Magister  operis,  ou  Maître  de  l'OEuvre.  x\n- 
derson,  qui  écrivait  dans  un  but  déterminé,  transforma  naturelle- 
ment ce  titre  en  celui  de  Grand  Maître  —  office  qui  fut  inconnu, 
croit-on,  jusqu'en  1717.  Le  témoignage  d'Aubrey  établit  sufTisam- 
ment  que  Wren  était  un  Franc-Maçon,  et  les  événements  de  sa  vie 
prouvent  son  attachement  à  la  profession  ».  La  transformation  des 
patrons  de  la  Maçonnerie  operative  en  Grands  Maîtres  de  la  Ma- 
çonnerie spéculative,  nous  semble,  en  vérité,  une  invention  de  belle 
taille,  mais  le  Dr. Mackey  lui-même,  traitant  d'Anderson,  nous  mon- 
trera clairement  qu'il  inventa  autre  chose  encore. 

Faisant  le  récit  de  la  vie  d'Anderson  et  donnant  un  compte  rendu 
de  ses  travaux  de  littérature  maçonnique',  noti'e  auteur  parle  de  l'édi- 
tion des  ^^îCi'e/mesConsWu/iOAisc/e /a  jPranc-./l/açonA2e/7ede  1723. «  Sa 
valeur  intrinsèque,  dit-il,  consiste  seulement  en  ce  qu'elle  contient  le 
premier  texte  imprimé  des  Anciens  Devoirs  et  des  Règlements  Géné- 
raux. L'histoire  de  la  Maçonnerie  qui  les  précède  et  forme  le  corps 
de  l'ouvrage  est  imaginaire,  sans  aucun  poids,  et  prétentieuse  à  un 
degré  qui  va  parfois  jusqu'à  l'absurde.  La  Fraternité  est  grande- 
ment redevable  à  Anderson  pour  les  efforts  que  lui  coûta  sa  réorga- 
nisation, mais  il  est  hors  de  doute  qu'il  eût  mieux  valu  qu'il  se  con- 
tentât de  donner  les  comptes  rendus  de  la  Grande  Loge  de  1717   à 


1.  Encyclopedia  of  Freemasonry,  p.  805. 

2.  Hist.,  p.  127. 

3.  Ibid.,  p.  895. 

4.  Encyclopaedia,  p.  68. 


266  HISTOIRE    DÉ  LA    MAÇONNERIE 

1738,  contenus  dans  sa  seconde  édition,  et  de  nous  conserver  les 
devoirs  et  règlements  qui,  sans  lui,  auraient  pu  s'égarer.  Aucun  au- 
teur maçonnique  ne  consentirait  actuellement  à  citer  Anderson 
pour  documenter  une  histoire  de  l'Ordre  antérieurement  au  xviii® 
siècle.  Il  faut  ajouter  que,  dans  la  reproduction  des  Anciens  De- 
voirs dans  l'édition  de  1738,  il  commit  plusieurs  altérations  et  in- 
terpolations graves  dans  les  textes,  ce  qui,  à  juste  raison,  otTensa 
quelque  peu  la  Grande  Loge  et,  en  outre,  ôta  toute  valeur  à  la 
seconde  édition  au  point  de  vue  documentaire  ><. 

Le  Dr.  Anderson  inventa  donc  dans  son  édition  de  1738,  et  ses  in- 
ventions et  interpolations  furent  assez  importantes  pour  ôter  toute 
valeur  à  cette  seconde  édition. Déplus,  et  surtout,  son  histoire  estle 
produit  d'une  imagination  inventive,  car  elle  est  «imaginaire,  sans 
aucun  poids  et  prétentieuse  au  point  d'en  être  absurde  ».  Tout  ce 
que  nous  savons  de  ladite  résurrection  de  1717,  nous  le  tenons  de 
cette  source  unique.  Sur  quoi  le  Dr.  Mackey  fait-il  fonds  pour 
aiïîrmer  si  positivement  qu'il  n'y  a  eu  là  aucune  invention  ? 

Dans  le  compte  rendu  de  la  réunion  de  1717,  notre  lecteur  a 
appris,  à  son  grand  étonnement  peut-être,  que  des  tavernes  furent 
les  premiers  temples  dans  lesquels  la  Maçonnerie  révéla  à  ses 
initiés  la  vraie  nature  de  Dieu  et  de  l'âme  humaine,  et  leur  inculqua 
la  vraie  morale. 

Longtemps  après  la  renaissance  de  la  Maçonnerie  en  171 7,  dit  le 
Dr.  Mackey,  «  les  Loges  maçonniques  continuèrent  à  s'assembler 
dans  les  tavernes,  comme  elles  l'avaient  fait  auparavant.  C'est 
ainsi  que  fut  organisée  la  Grande  Loge  d'Angleterre,  et,  pour  em- 
ployer le  langage  d'Anderson,  «  les  assemblées  trimestrielles  res- 
suscitèrent «  grâce  à  quatre  Loges  qui  tenaient  respectivement 
leurs  assemblées  à  la  brasserie  «The  Goose  and  Gridiron  »,  à  la 
brasserie  «  The  Crown  »,  à  la'.Taverne  «  The  Apple-Tree  »  et  à  la 
Taverne  «  The  Rummer  and  Grapes  ».  Pendant  un  certain  nombre 
d'années,  la  Grande  Loge  tint  quelquefois  ses  assemblées  trimes- 
trielles à  la  Taverne  du  Pommier,  mais  principalement  à  la  «  Devil 
Tavern  «  (Taverne  du  Diable),  et  la  Grande  Fête  avait  lieu  dans  le 
«  hall  »  d'une  Corporation.  La  première  Loge  fondée  à  Paris  s'or- 
ganisa dans  une  taverne  de  la  rue  des  Boucheries,  dont  le  tenant 
était  un  nommé  Hure,  et  toutes  les  Loges  qui  furent  créées  dans  la 
suite  tinrent  également  leurs  assemblées  dans  des  tavernes,  comme 
en  Angleterre.  Cette  coutume  fut  pendant  fort  longtemps  adoptée 
par  d'autres  pays  d'Europe  ;  en  Amérique, elle  ne  fut  abandonnée 
qu'à  une  époque  relativement  récente,  et  il  est  possible  qu'elle  soit 
encore  observée  dans  quelques  villages  obscurs.  » 


HISTOIRE    DE   LA   MAÇONNERIE  267 

Voilà  donc,  cher  lecteur,  quels  furent  les  premiers  temples  de  la 
vraie  et  unique  divinité,  du  Jéhovah  de  la  Maçonnerie.  Voilà  quel 
était  son  autel,  voilà  où  s'assemblaient  ses  sincères  adorateurs  pour 
contempler  ses  perfections  divines.  C'est  là  que  leur  était  commu- 
niquée la  véritable  lumière  maçonnique,  dans  laquelle  ils  étudiaient 
la  vraie  nature  de  Dieu  et  de  l'âme  humaine.  C'est  là  qu'ils  chan- 
taient leurs  hymnes  sacrés.  Il  faut  convenir  que  ces  hymnes  étaient 
de  nature  informe,  grossière  et  bachique,  et  que  le  raffinement 
maçonnique  moderne  les  proscrit  ';  mais  alors  que  tout  cela  se 
passait  à  la  Taverne  du  Diable,  lieu  de  réunion  favori  des  Frères.'., 
on  n'y  regardait  pas  de  si  près. 

«  Dès  le  commencement  du  xiv^  siècle,  continue  notre  auteur  ^, 
les  Guilds  ou  Corporations  de  Londres,  avaient  leurs  «  halls  «  ou 
lieux  d'assemblées,  dans  lesquels  ils  emmagasinaient  leurs  mar- 
chandises à  vendre.  Au  début,  ce  n'étaient  que  de  modestes  cons- 
tructions; mais  ils  prirent  peu  à  peu  une  importance  considérable, 
et  le  Goldsmith's  Hall,  bâti  au  xv*^  siècle,  était,  dit-on,  un  édifice  de 
vastes  proportions  et  d'aspect  imposant.  Ces  «  halls  »,  que  l'on 
trouvait  partout  au  xviii*^  siècle,  suggérèrent  probablement  aux 
Francs-Maçons  l'idée  d'en  construire  de  semblables  pour  la  Frater- 
nité; mais,  à  mesure  que  l'association  gagnait  en  importance,  la 
nécessité  d'avoir  un  local  plus  respectable,  plus  convenable  et  plus 
sûr  que  celui  que  pouvaient  offrir  les  tavernes  et  les  brasseries,  se 
faisait  plus  urgente,  et  c'est  là  surtout  ce  qui  détermina  les  Maçons 
à  construire  des  édifices  spéciaux  pour  leur  usage  particulier  ». 

S'il  est  vrai  que  l'idée  de  construire  des  édifices  pour  leurs  assem- 
blées a  été  inspirée  aux  Francs-Maçoms  par  les  Guilds,  si  les  Maçons 
s'assemblaient  dans  les  tavernes  et  non  dans  les  «  halls  «  des  Guilds, 
il  est  évident  que  les  Francs-Maçons  modernes  ne  sont  pas  les  des- 
cendants directs  des  Guilds  du  moyen  âge  ;  s'ils  l'avaient  été,  ils 
auraient  tout  naturellement  hérité  des  locaux  dans  lesquels  s'assem- 
blaient leurs  prédécesseurs,  et  n'auraient  eu  besoin  qu'aucune  idée 
se  rapportant  à  des  halls  semblables  leur  fût  suggérée. 

Puis,  le  Dr.  Mackey  continue  :  «  Le  premier  Hall  maçonnique 
dont  il  soit  fait  mention  est  celui  qui  fut  érigé  par  les  Loge  de 
Marseille,  en  France,  en  1765...  En  1772,  la  Grande  Loge  d'Angle- 
terre ayant  réuni  par  voie  de  souscription  des  sommes  importantes 


1.  Encyclopedia,  pp.  725,  726. 

2.  Ihid.,  p.  727. 


268  HISTOIRE    DE   LA    MAÇONNERIE 

pour  la  conslruclion  d'un  «   hall  »,  prit  les  premières  dispositions 
nécessaires  pour  l'exécution  de  ce  projet...  *  ». 

«  En  Amérique,  dit- il,  les  Loges  continuèrent  à  se  tenir  dans  des 
tavernes,  jusqu'à  une  époque  très  récente'.  On  considère  aujour- 
d'hui cet  usage  comme  déshonorant  :  cependant,  ainsi  que  nous 
l'avons  déjà  dit,  il  n'a  pas  été  complètement  abandonné,  surtout 
dans  les  villages  de  campagne  1res  isolés.  Il  est  impossible  de 
déterminer  à  quel  moment  précis  et  dans  quelle  localité  fut 
élevé  le  premier  «  hall  »  maçonnique  dans  noire  pays.  Nous  trou- 
vons bien  dans  un  journal  de  Boston,  à  la  date  de  1773, 
une  note  invitant  les  Maçons  à  se  rendre  au  festival  de  Si- 
Jean  l'Evangéliste  au  «  Hall  des  Francs-Maçons  »,  mais,  en  pour- 
suivant nos  investigations,  nous  découvrons  que  ce  hall  n'est  autre 
qu'une  salle  du  Green  Dragon  Tavern  (Taverne  du  Dragon  vert). 
D'autres  édifices  furent  élevés  a  Boston  comme  l'Exchange  Cofîee 
House;  ils  servaient  aux  réunions  maçonniques  à  l'occasion;  on 
leur  donna  le  nom  de  Halls  maçonniques  par  courtoisie,  quoiqu'ils 
n'eussent  pas  droit  à  ce  titre.  Ce  ne  fut  qu'en  1832,  que  le  premier 
«  hall  «indépendant  fut  construit  dans  cette  ville  :  il  reçut  le  nom 
de  Temple  maçonnique,  nom  qui  l'ut  généralement  adopté  pour 
désigner  les  «  halls  «  dans  toutes  les  grandes  villes  ». 

Le  Dr.  Mackey  parle  encore  de  l'origine  joyeuse  des  Loges  anglai- 
ses, à  la  page  521  de  son  Encyclopaedia  of  Freemasonry  :  «  En  An- 
gleterre, dit-il,  les  Loges  ne  semblent  pas  avoir  reçu  de  nom  dis- 
linctif  avant  la  fin  du  siècle  dernier.  On  avait,  jusque-là,  distingué 
les  Loges  par  leurs  numéros  d'ordre.  Nous  trouvons, par  exemple, 
dans  la  première  édition  du  Livre  des  Conslitutions,  publiée  en 
1723,  une  liste  de  vingt  Loges  enregistrées  sous  leur  numéro  d'or- 
dre,depuis  le  n"  1  jusqu'au  n"  20  inclusivement.  Plus  tard,  on  les 


1.  Encyclopaedia,  p.  327. 

2.  <>  Je ai  «'lé  l)ien  informé  par  ceux  (pii  se  sont  rotirés  des  assenihlôps 

de  Franrs-Maeons  que  leur  pnncipal  niolif  lui  de  fuir  les  dangers  d'inimo- 
ralilé  «pii  présidaient  à  de  telles  assenddées.  Sans  accuser  rinsliUition  d'avoir 
l'imnioralilé  coinnie  olijet.  ils  m'assurèrent  (ju'une  tenue  de  Loge  avait  pres- 
que toujours  pour  consefjuenres  l'intempérance,  les  conversations  obscènes, 
les  chants  inconvenants,  |)our  ne  rien  dire  des  autres  vices,  et  (|ue.  dans 
certaines  occasions,  on  pratiijuait  des  cérémonies  (juc  la  simple  décence  ne 
pouvait  tolérer.  Outre  ces  raisons  d'ordri'  général.  J'ai  souvent  entendu  dire 
que  les  assemblées  les  plus  inccmvenatdes  de  toutes  ét.iienl  celles  (jui  se 
tenaient  dans  les  petits  villages  de  |)rovincc  ou  dans  les  tavernes  retirées. 
Elles  ne  sont  en  général  <|ue  (\o<'  rendez-vous  de  rinlempéraiice  et  des  vices 
qu  elle  engendre  ».  Lettre  de  Mgr  .lohn  Carroll  à  Michael  McLlhiney.  7  janvier 
i~'M  dans  :  Herhcrches  liislorifiucs,  calholii/ues  américaines  de(imniN  iGrifl'in's 
American  Catholic  llislorical  Ilcscarcbcs; ,  nouvelle  série,  vol.  l\  ,  N"  1 ,  pp.  55-56. 


HISTOIRE    DE   LA    MAÇONNERIE  269 

désigna  parle  nom  de  la  taverne  où  elles  tenaient  leurs  assemblées. 
Dans  la  seconde  édition  du  même  ouvrage,  publiée  en  1738,  nous 
trouvons  une  liste  de  cent  six  loges  désignées  parfois,  ce  qui  est 
assez  étrange,  comme  il  suit  :  Loge  N°  6  at  the  Bummer  Tavern, 
dans  Queen's  Street  ;  N°  84,  at  the  Black  Dog  (au  Chien  noir)  dans 
Castle  Street;  ou  N"  98  at  the  Bacchus  Tavern,  dans  Little  Bush 
Lane.  En  lisant  de  tels  noms  et  de  telles  localités,  nous  ne  pourrons 
nous  étonner  de  voir  appréciés  à  leur  juste  valeur  «  les  trois  petits 
verres  de  punch»  dont  parle  avec  tant  d'attendrissement  le  Dr.  Oli- 
ver dans  son  Book  of  the  Lodge  (Livre  de  la  Loge),  ni  de  ce  qu'il 
trouve  naturel  «  qu'il  y  ait  eu  plusieurs  frères  qui  témoignèrent 
quelque  désir  inquiet  de  voir  augmenter  cette  ration  ». 

En  1717,  le  corps  des  Francs-Maçons,  si  toutefois  nous  pouvons 
honorer  de  ce  nom  leur  nombre  encore  si  restreint,  était  formé 
d'Apprentis,  c'est-à-dire  de  simples  novices  en  Maçonnerie. 

«  L'ensemble  de  la  Fraternité,  nous  dit  le  Dr.  Mackey  •,  étant 
alors  composé  d'Apprentis,  ceux-ci  exerçaient  une  grande  influence 
sur  la  législation  de  l'Ordre.  Quoiqu'ils  ne  pussent  représenter  leur 
Loge  dans  les  Assemblées  trimestrielles  de  la  Grande  Loge  —  fonc- 
tion qui  ne  pouvait  être  remplie  que  par  un  Maître  ou  par  un  Com- 
pagnon —  il  leur  était  toujours  permis  d'être  présents  à  la  grande 
fête,  et  aucun  Règlement  Général  ne  devait  être  changé  ou  abrogé 
sans  leur  consentement.  Ils  avaient,  naturellement,  le  rôle  le  plus 
important  dans  toutes  les  affaires  de  leurs  Loges  respectives,  car  le 
nombre  des  Maîtres  et  des  Compagnons,  dans  chaque  Loge,  était 
restreint,  vu  la  difficulté  et  les  obstacles  qu'on  éprouvait  à  obtenir 
ces  degrés,  ce  qui  ne  se  pouvait  faire  qu'à  une  Assemblée  trimes- 
trielle d'une  Grande  Loge. 

«  Mais  aussitôt  que  les  Loges  subordonnées  furent  investies  du 
pouvoir  de  conférer  tous  les  grades,  le  nombre  et  l'influence  des 
Maîtres  ne  tarda  pas  à  augmenter.  Et  aujourd'hui,  la  plus  grande 
partie  de  la  Fraternité  étant  formée  de  Maîtres  Maçons,  la  législa- 
tion de  l'Ordre  est  exclusivement  entre  leurs  mains,  et  les  Appren- 
tis comme  les  Compagnons  sont  tombés  dans  l'obscurité,  leurs 
grades  étant  considérés  uniquement  comme  une  préparation  à  la 
grande  initiation, qui  est  celle  du  degré  de  Maître  ». 

Ce  que  le  Dr.  MacUey  pose  ici  comme  un  fait,  à  savoir  que,  dans 
la  soi-disant  résurrection,  il  y  avait  déjà  des  Maîtres  et  des  Compa- 
gnons, il  veut  bien  nous  informer  ailleurs^  que  cela  même  est  dé- 
pourvu d'évidence  historique. 


1.  Encyclopsedia,  p.  82. 
•2.  Ibid.,  pp.  692,  693. 


270  HISTOIRE    DE    LA   MAÇONNERIE 

«  Le  premier  témoignage  positif,  dit-il,  que  nous  ayons  de  l'exis- 
tence du  degré  de  Maître  se  trouve  dans  les  Règlements  Généraux 
rédigés  par  Payne  en  1720.  Là,  il  est  déclaré  que  les  Apprentis  ne 
peuvent  être  reçus  Maîtres  et  Compagnons  que  dans  la  Grande 
Loge.  Mais  ce  renseignement  ne  contredit  pas  la  théorie  soutenue 
par  quelques-uns  qui  en  attribuent  la  création  à  Desaguliers,  en 
1717....  )). 

«  La  preuve  documentaire  fait  encore  défaut  (Mackey  l'admet  un 
peu  plus  loin)  pour  fixer  avec  précision  la  date  de  la  création  de  ce 
troisième  degré  tel  que  nous  le  voyons  aujourd'hui.  Mais  il  ne  serait 
pas  prudent  de  contredire  trop  nettement  l'opinion  de  ceux  qui  en 
font  remonter  l'origine  de  1710  à  1720.  Les  preuves  de  jour  en  jour 
plus  nombreuses  qui  ressortent  de  la  découverte  des  anciens  ma- 
nuscrits semblent  confirmer  cette  opinion  ».  Ici,  le  Dr.  Mackey 
oublie  ce  qu'il  a  si  énergiquement  soutenu  ailleurs,  que  les  résur- 
rectionnistes  (revivalistsi  comme  il  les  appelle,  n'ont  rien  inventé. 

Que  l'Angleterre  soit  la  mère  de  la  Franc-Maçonnerie  moderne, 
notre  auteur  le  prouve  '.  Parlant  du  mot  «  Lodge  »  :  Ce  mot,  dit-il, 
est  en  français  loge  ;  en  allemand  loge  ;  en  espagnol  logia  ;  en  portu- 
gais loja  ;  et  en  italien  loggia.  C'est  une  preuve  irréfutable  que  le 
mot  avec  l'Institution  qu'il  désigne,  est  passé  d'Angleterre  sur 
l'Europe  continentale  ».  De  même, la  substitution  du  G  au  Yod,  en 
tête  du  mot  Jehovah,  prouve  avec  évidence  le  même  fait.  D'abord 
adoptée  par  les  rédacteurs  anglais  des  rituels,  dit  le  Dr.  ^,  elle  est 
passée  sans  observation  à  la  Maçonnerie  du  Continent, et  on  la  ren- 
contre comme  symbole  dans  tous  les  systèmes  d'Allemagne,  de 
France,  d'Espagne,  d'Italie,  de  Portugal  et  dans  tous  les  autres 
pays  où  la  Maçonnerie  a  été  introduite,  bien  que  ce  soit  seulement 
en  Allemagne  et  en  Angleterre,  que  cette  lettre  puisse  être  prise 
comme  symbole  ». 

On  donne  des  dates  diverses  pour  l'introduction  de  la  Franc- 
Maçonnerie  en  France.  Kloss  indique  1725  ;  une  autre  autorité 
donne  1718  ;  l'abbé  Robin  ^  1720.  L'Espagne  la  reçut  en  1727  ou 
1728*  ;  les  Etats-Unis  en  1728  ^  ;  l'Allemagne  en  1730,  bien  que  la 
première    Loge  régulière   date  ^   de    1723    ;    la    Russie  en  1731"  ; 


1.  Encyclopa'dia,  p.  47'2. 
'2.  Ibid.,  p.  302. 

3.  Ibid.,   pp.  288-28'.». 

4.  Ibid.,  p.  729. 
'i.  Ibid.,  p.  84r). 
0.  Ibid.,  p.  310. 
7.  Ibid.,  p.  680. 


HISTOIRE    DE   LA    MAÇONNERIE  271 

l'Italie  en  1733' ;  la  Suède  en  1735  ^;  le  Portugal  en  1736^;  la 
Suisse  en  1737^  ;  la  Prusse  en  1738  ou  1740^  ;' l'Autriche  en  1742  s  . 
En  Irlande,  des  documents  authentiques  datent^de  1736,  bien  que 
le  Livre  irlandais  des  Constitutions,  édité  pour  la  première  fois  en 
1730,  dise  que,  «  environ  trois  cent  soixante-dix  ans  avant  la  nais- 
sance du  Christ,  les  trois  fils  de  Milesius  l'Espagnol  subjuguèrent 
le  royaume,  s'établirent  dans  difïerentes  parties  du  pays,  formè- 
rent des  colonies  et  organisèrent  des  Loges  ».  «  Naturellement,  dit 
le  Dr.  Mackey  "^  ,  c'est  là  une  assertion  absolument  fabuleuse  et 
mythique.  »  La  prétention  des  Maçons  d'Ecosse  à  remonter  jusqu'à 
Robert  Bruce  en  1314,  et  plus  haut  encore  jusqu'à  l'Abbaye  de 
Kilwinning,  ne  mérite  pas  plus  de  crédit.  Et  la  fameuse  convention 
d'York  en  926,  que  les  Maçons  anglais  alléguèrent  si  longtemps 
avec  orgueil,  est  pareillement  un  mythe...  «  Le  quatrième  Manus- 
crit, dit  le  Fr.-.  Mac  Clenachan  8  est  celui  de  Krause,  manuscrit 
connu  sous  la  dénomination  de  Constitution  du  Prince  Edwin  en 
926.  Cette  allégation  est  restée  sans  «  soulever  de  doutes  pendant 
des  dizaines  d'années,  puis  on  en  vint  à  avoir  des  scrupules,  et 
aujourd'hui  les  Maçons  chercheurs  y  accordent  peu  de  crédit. 
Le  Fr.*.  Gould  termine  sa  revue  des  objections  par  ces  mots  : 
«Î^Ainsi  qu'il  arrive  ordinairement  pour  les  pièces  apocryphes  de 
cette  sorte,  le  document  original  fait  défaut,  et  il  est  dilTicile  de 
s'expliquer  comment  Krause  a  pu  se  faire  le  défenseur  de  son 
authenticité  dans  un  cas  qui  se  présente  ainsi.  Peut-être  l'explica- 
tion se  irouve-t-elle  en  ce  fait  que,  dans  les  supercheries  de  ce  genre, 
la  crédulité  des  uns  est  une  tentation  qui  pousse  les  autres  à  user 
de  fraude,  particulièrement  lorsque  la  fraude  ne  produit  aucun 
dommage  personnel,  et  que  le  chercheur  de  vieux  documents  peut 
se  flatter  de  sa  propre  ingéniosité  ».  «  Ces  remarques,  reprend  le 
Fr.-.Mac  Clenachan,  sont  bonnes  à  rappeler,surtout  quand  il  s'agit 
de  presque  tous  les  documents  apocryphes.  Le  cinquième,  la  Charte 
de  Cologne,  est  le  37''  manuscrit  mentionné  dans  la  liste  du  Dr. 
Mackey  ^,  et  il  était  d'avis  que  l'authenticité  en  était  réelle.  Le 
Fr.-.    Gould   cite   Bobrick  et  le    Dr.    Schwelschke  comme  ayant 


1.  Encyclopaedia,  p.  371. 

2.  76/cf.,p.  772. 

3.  Ibid.,  p.  594. 

4.  Ibd.,  p.  776. 

5.  Ibid.,  p.  615. 

6.  Ibid.;  p.  96. 

7.  Ibid.,,  p.  369. 

8.  Ibid.,  p/^977. 

9.  Ibid.,  p.  634;  cf.  aussi  p.  173. 


2/2  HISTOIRE    DE    LA    MAÇONNERIE 

examiné  avec  soin  l'aulhenlicité  du  manuscril  el  s'élant  prononcés 
négativement  d'une  manière  décisive.  Le  sixième,  la  Charle  Larme- 
nius  ou  Charte  de  transmission,  est  celui  «  sur  lequel  se  fonde  la 
prétention  de  l'Ordre  du  Temple  à  descendre  en  ligne  directe  des 
Chevaliers  Templiers  de  l'histoire  ;  elle  ne  fut  publiée  qu'entre 
1804  et  1810,  et  son  histoire  antérieure,  si  tant  est  qu'elle  en  ait 
une,  est  entachée  d'imposture  au  point  de  rendre  vaine  toute  ten- 
tative de  débrouiller  l'écheveaude  mensonges  dans  lequel  est  enve- 
loppée toute  la  question  ».  La  discussion  qui  vient  ensuite  est 
longue,  et  il  faut  recourir  à  l'histoire  du  Fr.-.  Gould. 

Ainsi  donc,  la  Maçonnerie,  établie  en  1717  en  Angleterre,  et 
répandue  bientôt  après  sur  tout  le  continent  européen,  subit  des 
changements  divers  au  cours  du  temps  et  selon  les  lieux.  Ses  pre- 
miers représentants  en  Angleierre  s'efTorcèrent  delà  christianiser, 
mais  ils  échouèrent,  car  l'interprétation  chrétienne  fut  rejetée  peu 
à  peu  comme  impropre  à  une  institution  cosmopolite,  devant  l'au- 
tel de  laquelle  Juif,  Brahmane  et  Musulman  pouvaient  s'agenouiller. 

Selon  le  Dr.  Mackey,  Preston  fut  le  premier  qui  donna  à  la 
Maçonnerie  une  philosophie.  11  nous  montre  clairement  avec  quel 
mince  bagage  la  Maçonnerie  se  préparait  à  devenir  le  guide  divin 
de  l'espèce  humaine.  «  Il  suflit  toutefois,  dit  le  Dr.  Mackey  ,  de 
rappeler  que  Preston  nous  a  donné  un  système  philosophique  de 
Maçonnerie  qui,  succédant  immédiatement  aux  détails  peu  scienlifî- 
fiquesel  bien  maigres  enseignés  jusqu'à  son  temps  dans  les  Loges, 
dut  faire  l'effet  du  soleil  quand  il  perce  brusquement  les  ténèbres 
de  minuit.  Il  n'y  eut  ni  crépuscule,  ni  aube  qui  fît  pressentir 
à  la  Fraternité,  prise  au  dépourvu,  la  lumière  qui  allait  briller 
sur  elle.  Non,  soudain,  sans  préparation,  sans  progrès  gra- 
duel, sans  développement,  sortant  presque  du  néant  pour  passer 
à  la  surabondance,  les  Leçons  Prestoniennes  furent  données  à 
l'Ordre  dans  toute  la  [)lénitudode  leurlumière,avec  toute  la  richesse 
de  leur  symbolisme  et  de  leur  science,  et  vinrent  prendre  la  place 
des  systèmes  absurdes  et  presque  insignifiants  qui  avaient  eu  cours 
jusqu'alors.  C'est,  je  crois  Byron  qui  a  dit  qu'un  matin  il  se  trouva 
fameux  en  s'éveillant.  La  Franc-.Maçonnerie,  si  on  la  personnifiait, 
aurait  pu  dire  aussi,  le  jour  où  Preston  proposa  son  système,  que, 
d'un  sommeil  qui  avait  duré  un  siècle  et  demi,  elle  s'éveilla  à  l'état 
de  science.  Ce  n'est  |ias  que  la  Fianr-Maçonneric  n'ait  toujours  été 
une  science,  mais  en  fait,  pendant  tout  ce  temps-là,  el  plus 
longtemps  cneoie,  sa  science  avait  été  en  sommeil.  Depuis  1717, 
l'Art  s'étuiteiigagé  dans  des  tAches  moins  fécondes,  mais  plus  à  son 

1.  lînryclopseclia  of  Freemasonry,  p.  -403. 


HISTOIRE    DE   LA   MAÇONNERIE  273 

gré  que  la  culture  de  la  science  maçonnique.  Les  soupers  agréa- 
bles, les  verres  de  punch,  l'harmonie  du  chant,  de  misérables  jeux 
de  mots  capables  de  mettre  Johnson  dans  une  fureur  que  Boswell 
lui-même  n'eût  pu  décrire,tout  cela  laissait  trop  peu  de  temps  pour 
des  recherches  sur  des  sujets  abstrus.  Les  révélations  de  l'équerre 
du  Dr.  Oliver  nous  fournissent  en  abondance  des  preuves  positives 
de  l'état  inférieur  de  la  littérature  maçonnique  à  cette  époque-là,  et 
s'il  nous  fallait  des  preuves  nég-atives,  nous  les  trouverions  dans 
l'absence  totale  d'un  livre  sur  la  Maçonnerie  scientifique  dont  la 
lecture  soit  possible,  jusqu'au  jour  où  parurent  les  œuvres  d'Hut- 
chinson  et  de  Preston.  Les  leçons  de  Preston  marquèrent  donc  le 
début  d'une  ère  nouvelle  dans  le  système  ésotérique  de  la  Franc- 
Maçonnerie  » . 

Ainsi,  selon  le  Dr.  Mackey,  l'année  1772  est  le  véritable  point  de 
départ  de  la  Maçonnerie  ésotérique,  telle  que  nous  la  possédons 
aujourd'hui.  Nous  pensons  toutefois  que  ses  remarques  devraient 
être  bornées  à  la  Franc-Maçonnerie  anglaise  ;  car  sur  le  continent, 
la  Maçonnerie  avait  déjà  des  desseins  tout  autres  que  de  se  livrer 
à  de  joyeux  banquets. 

«  Parce  que  la  vraie  Maçonnerie, dans  sa  puissance  intacte,  portait 
les  drapeaux  de  la  Liberté  et  de  l'Egalité  des  droits,  parce  qu'elle 
était  en  révolte  contre  la  tyrannie  temporelle  et  spirituelle,  dit  le 
Fr.-.  Pike',  ses  Loges  furent  proscrites  en  1735,  par  un  Edit  des 
Etats  de  Hollande.  En  1737,  Louis  XV  les  interdit  en  France.  En 
1738,  le  Pape  Clément  XI 1  lança  contre  elles  sa  fameuse  bulle 
d'Excommunication,  qui  fut  renouvelée  par  Benoît  XIV;  en  1743, 
le  Conseil  de  Berne  les  proscrivit  aussi.  La  bulle  de  Clément  XII 
a  pour  titre  :  la  condamnation  de  la  société  des  Liberi  Mura  tori  ou 
de  la  Franc-Maçonnerie,sous  peine  d'excommunication  ipso  facto, 
dont  l'absolution  est  réservée  au  Pape  seul,  excepté  à  l'article  de  la 
mort  ».  Et  par  cette  bulle  tous  les  Evêques,  les  Ordinaires  et  les 
Inquisiteurs  étaient  revêtus  du  pouvoir  de  punir  les  Francs-Ma- 
çons comme  «  véhémentement  suspects  d'hérésie  »,  et  de  recourir, 
en  cas  de  nécessité,  à  l'aide  du  bras  séculier,  c'est-à-dire  à  deman- 
der leur  exécution  capitale  aux  autorités  civiles  ». 

Que  le  Pape  ait  eu  raison  de  soupçonner  les  Francs-Maçons  d'hé- 
résie en  matière  de  doctrine  catholique,  c'est  ce  que  nous  avons 
prouvé  cent  fois  dans  les  pages  qui  précèdent  ;  la  doctrine  maçon- 
nique est  de  parti  pris  formulée  de  manière  à  être  diamétralement 
opposée  à  l'enseignement  catholique  ;  que  le  Pape  ait  à  bon  droit 
excommunié  ceux  (jui  rejetaient  les  doctrines  catholiques,  c'est  ce 

1    Morals  and  Dogma,  p.  TjO. 

19 


274  HISTOIRE    DE    LA    MAÇONNERIE 

que  reconnaissent  toutes  les  personnes  loyales,  car  c'est  ainsi  qu'on 
agit  dans  toute  société  dont  les  lois  et  les  règles  sont  violées,  et  la 
Maçonnerie  excommunie  ses  membres  exactement  comme  le  fait 
toute  autre  société  :  «  L'expulsion,  dit  le  Dr.  Mackey',  est,  de  tou- 
tes les  peines  maçonniques,  la  plus  grande  qui  puisse  être  infligée 
à  un  membre  de  l'Ordre  ;  aussi  a-t-elle  souvent  été  qualifiée  de  mort 
maçonnique.  Elle  dépouille  l'expulsé  de  tousles  droits  et  privilèges 
dont  il  a  pu  jouir,  non  seulement  comme  membre  de  la  Loge  parti- 
culière d'où  il  a  été  chassé,  mais  encore  de  ceux  qui  lui  apparte- 
naient en  qualité  de  membre  de  la  Fraternité  entière.  11  est  immé- 
diatement privé  de  tout  ce  qui  faisait  de  lui  un  Maçon;  il  est  comme 
s'il  n'avait  point  été  admis,  en  tout  ce  qui  constitue  ses  droits,  et 
néanmoins  ses  devoirs  et  obligations  subsistent  aussi  rigoureuse- 
ment que  jamais,  car  il  est  impossible  qu'aucun  pouvoir  humain  les 
abolisse.  Il  ne  peut  plus  solliciter  l'assistance  de  ses  Frères,  ni  exi- 
ger d'eux  l'accomplissement  d'aucun  des  services  auxquels  il  avait 
droit  auparavant,  ni  visiter  aucune  Loge,  ni  prendre  part  à  aucune 
cérémonie  publique  ou  particulière  de  l'Ordre.  Il  est  comme  exclu 
de  l'enceinte,  et  ce  serait  un  crime  chez  un  Frère,  quel  qu'il  soit, 
étant  au  fait  de  son  expulsion,  d'entrer  en  communication  avec  lui 
sur  des  sujets  maçonniques  ». 

Appelez  cela  expulsion  ou  excommunication,  le  changement  de 
nom  ne  modilie  en  rien  la  nature  de  la  chose.  Toutefois,  ce  que  le 
Fr.*.  Pike  dit,  en  dernier  lieu,  savoir  que  l'appel  au  bras  séculier 
signifiait  «  qu'on  demandait  au  pouvoir  civil  de  mettre  à  mort  le 
Maçon  »,  jjrouve  l'ignorance  la  plus  grossière,  ou  c'est  la  calomnie 
la  plus  honteuse.  Dans  tout  pays  protestant  où  il  existe  une  reli- 
gion d'Etat,  on  a  recours  au  bras  séculier,  dans  certaines  circons- 
tances, pour  la  défense  de  cette  religion.  Néanmoins  personne  ne 
confond  le  recours  à  ce  bras  avec  une  sentence  de  mort.  Il  en  était 
ainsi  pour  l'Eglise  Catholique  dans  les  pays  catholiques.  Le  bras 
séculier  était  invoqué  pour  sa  défense  ;  la  peine  infligée  était  pro- 
portionnée au  crime  commis. Or, si  les  Maçons  étaient,  en  ces  temps- 
là,  comme  l'affirme  le  F.-.  Pike,  en  révolte  contre  les  autorités  ci- 
viles aussi  bien  que  contre  le  pouvoir  ecclésiastique,  ce  n'est  point 
un  fait  bien  extraordinaire  (juil  y  en  ail  eu  de  misa  mort. La  révolte 
contre  le  pouvoir  civil  est  encoie  aujourd'hui  un  crime  capital.  Ce 
qui  est  remanpiable,  c'est  que  des  Maçons  n'aient  point  été  punis. 
Par  conséquent,  au  lieu  de  calomnier  l'Eglise  et  les  gouvernants 
catholifjues,  les  Maçons  devraient,  en  toute  justice,  admirer  leur 
modérai  ion. 

1.  lincyclopwdia,  ji.  JJU. 


HISTOIRE    DE    L\    MAÇONNER'IE  275 

L'histoire  maçonnique  de  ce  temps,  telle  que  la  retrace  le  Fr.-. 
Pike  *,  n'a  rien  de  bien  flatteur  pour  la  Fraternité.  «  La  Maçonnerie, 
dit-il,  s'égara  longtemps  dans  l'erreur.  Au  lieu  de  se  perfectionner, 
elle  dégénéra  de  sa  simplicité  première,  et  rétrograda  vers  un  sys- 
tème dénaturé  par  la  stupidité  et  l'ignorance,  qui,  au  lieu  de 
construire  un  beau  mécanisme,  en  fit  un  plein  de  complication.  Il  y 
a  moins  de  deux  cents  ans,  son  organisation  était  simple,  et  tout  à 
fait  morale,  ses  emblèmes,  ses  allégories,  ses  cérémonies  faciles  à 
comprendre,  le  but  et  l'objet  en  étaient  aisés  à  voir.  Elle  était 
alors  limitée  à  un  fort  petit  nombre  de  grades.  Ses  constitutions 
étaient  semblables  à  celles  d'une  société  d'Esséniens,  écrites 
au  premier  siècle  de  notre  ère.  On  pouvait  y  voir  le  Christia- 
nisme primitif,  organisé  en  Maçonnerie,  l'Ecole  de  Pythagore  dé- 
barrassée de  détails  incongrus  ou  absurdes;  une  Maçonnerie  simple 
et  significative,  où  il  n'était  pas  besoin  de  se  mettre  l'esprit  à  la 
torture  pour  découvrir  des  interprétations  raisonnables  ;  une  Ma- 
çonnerie à  la  fois  religieuse  et  philosophique,  digne  d'un  bon  ci- 
toyen et  d'un  philosophe  éclairé  ». 

Et  il  reprend  :  «  Les  innovateurs,  les  inventeurs  bouleversèrent 
cette  simplicité  primitive.  L'ignorance  se  lança  dans  la  création  de 
grades  ;  des  bagatelles,  des  riens,  de  prétendus  mystères,  absur- 
des ou  hideux,  usurpèrent  la  place  de  la  vérité  maçonnique.  La 
description,  le  tableau  d'une  horrible  vengeance,  le  poignard,  la 
tête  ensanglantée,  voilà  ce  qu'on  vit  dans  le  paisible  Temple  de  la 
Maçonnerie,  sans  qu'on  en  expliquât  d'une  manière  satisfaisante  la 
signification  symbolique.  Des  serments  absolument  dispropor- 
tionnés avec  leur  objet  choquèrent  le  candidat  ;  dès  lors  ils  devin- 
rent ridicules,  et  furent  un  objet  de  dédain.  Les  acolytes  furent 
soumisàdes  épreuves,  obligés  d'accomplir  des  actes  qui  auraient  été 
abominables,  s'ils  avaient  été  réels,  mais  qui,  n'étant  que  de  pures 
chimères, semblaient  absurdes, et  ne  produisaient  d'autre  effet  que  de 
provoquer  le  mépris  et  le  rire.  On  inventa  huit  cents  grades  d'une 
nature  ou  d'une  autre  ;  on  enseigna  l'incrédulité,  et  même  le  jésui- 
tisme sous  le  masque  de  la  Maçonnerie.  Les  rituels  de  grades 
dignes  de  respect,  copiés  et  mutilés  par  des  ignorants  se  transfor- 
mèrent en  œuvres  de  sottise  et  de  trivialité  ;  les  mots  en  furent  si 
corrompus  qu'il  a  été  impossible  jusqu'à  ce  jour  d'en  retrouver  un 
grand  nombre.  L'on  obligea  les  candidats  à  se  dégrader  eux- 
mêmes,  à  subir  des  affronts  qu'un  homme  intelligent  et  honorable 
ne  supporterait  pas  ». 

De  là  vint,  reprend    le  Fr.*.  Pike,  que,  dans  la  pratique,  la  partie 

L  Morals  and  Dogma,  pp.  325,  326,  327. 


276  HISTOIRE    DE    LA    MAÇONNERIE 

la  plus  considérable  des  grades  revendiqués  par  le  Rite  Ecossais 
Ancien  et  Accepté,  et  avant  lui,  par  le  Rite  de  Perfection,  tombè- 
rent en  désuétude,  furent  simplement  communiqués,  et  que  leurs 
Rituels  devinrent  étriqués  et  insignifiants.  Ces  Rites  ressemblèrent 
à  ces  vieux  palais  ou  châteaux  de  barons,  dont  les  dilTérentes  parties 
construites  à  des  époques  différentes  que  séparaient  des  années,  sur 
des  plans  et  d'après  des  goûts  qui  avaient  beaucoup  changé,  for- 
maient un  tout  discordant  et  mal  assorti.  Le  judaïsme  et  la  cheva- 
lerie, la  superstition  et  la  philosophie,  la  philanthropie,  la  folie 
de  la  haine  et  du  désir  de  vengeance,  une  morale  pure,  et  une  re- 
vanche injuste  et  illégale  s'y  rencontrèrent  en  un  accouplement 
étrange,  se  donnèrent  la  main  dans  les  Temples  de  la  Paix  et  de  la 
Concorde  ;  l'ensemble  tout  entier  devint  un  mélange  grotesque  de 
choses  incompatibles,  de  contrastes  et  de  contradictions,  d'extra- 
vagances choquantes  et  fantastiques,  de  détails  qui  blessaient  le 
bon  goût,  de  belles  conceptions  surchargées  et  défigurées  par  des 
absurdités  qu'avaient  fait  naître  l'ignorance,  le  fanatisme^et  un 
mysticisme  dépourvu  de  bon  sens. 

«  Une  pompe  vide  et  stérile,  dit-il  encore,  et  qui  d'ailleurs  est 
impossible  à  réaliser,  à  laquelle  on  ne  peut  attacher  aucune  espèce 
de  signification,  des  explications  amenées  de  bien  loin,  et  qui  se 
rédui.^aient  à  autant  de  platitudes  stupides  ou  qui  avaient  elles- 
mêmes  besoin  d'un  interprète,  des  titres  ambitieux,  qu'on  s'attri- 
buait arbitrairement  et  auxquels  leurs  inventeurs  n'avaient  pas 
daigné  attacher  une  explication  qui  pût  les  disculper  d'avoir  folle- 
ment prétendu  à  une  dignité  temporelle,  à  du  pouvoir,  à  des  titres 
de  noblesse,  tout  cela  fit  rire  les  gens  et  rougir  l'Initié.  » 

La  voilà,  l'histoire  de  la  Maçonnerie,  écrite  par  un  des  plus 
grands  interprètes,  un  de  ses  admirateurs  les  plus  profonds.  Et  que 
dire  des  Maçons  qui  pendant  toutes  ces  années  ont  confié  leurs 
ames,-4eurs  destinées  éternelles  à  l'ignorance,  ù  la  superstition,  à 
des  mystères  hideux  ou  absurdes,  à  des  serments  révoltants,  à  une 
haine  folle,  au  fanatisme,  à  un  scepticisme  absurde  et  même  à  l'in- 
crédulilé  ?  Lise/,  l'acte  d'accusation  dressé  par  le  P^r.-.  Pike,  et  ju- 
gez de  la  pureté  des  canaux  par  lesquels  la  religion  et  la  moralité 
primitive  de  notre  race  sont  parvenues  jusqu'à  notre  époque  ! 

Voilà,  lésumée  brièvement,  l'histoire  de  la  Maçonnerie.  "Grâce  à 
lu  douzaine  d'origines  que  ses  discii)les  lui  attribuent,  il  n'est  pas 
étonnant  qu'elle  soit  restée  dans  les  ténèbres  de  l'ignorance  au  su- 
jet (le  ses  ancêtres.  Adam  et  Selli,  et  Enoch,  et  Noé,  et  Salomon, 
et  Iliram,  et  Euclidr.  et  Pythagore,  sont,  comme  ^L^çons,  des  per- 
sonnages |)urein('iil  niylliiques. 


HISTOIRE    DE    LA    MAÇON^TERIE  277 

La  Maçonnerie  moderne  a  pour  mère  l'année  1717.  11  existait 
probablement  quelques  Loges  avant  cette  date,  bien  qu'on  n'y  dis- 
tinguât point  les  grades  qui  sont  en  usage  aujourd'hui.  A  la  vérité, 
elle  contenait  le  germe  du  Naturalisme,  cultivé  parmi  les  festins 
de  taverne  et  de  comptoir;  mais,  pour  se  développer  en  Angleterre, 
ce  germe  dut  attendre  l'époque  de  Preston  et  de  Hutchinson,  de 
même  qu'il  lui  a  fallu  grandir  sur  le  continent  avant  d'y  produire 
les  hauts   grades. 

La  Maçonnerie  est.  en  réalité,  la  renaissance  du  mysticisme 
païen,  l'application  religieuse  des  principes  des  humanistes  qui  ten- 
tèrent de  ramener  le  monde  aux  époques  païennes.  Organisée  en 
x\ngleterre,  elle  se  répandit  rapidement  sur  le  continent  européen 
et  dans  les  colonies  d'Amérique, vraiment  une  par  l'esprit,  une  dans 
le  projet  que  nourrissaient  les  cœurs  et  les  intelligences  des  Ma- 
çons ésotëriques,  c'est-à-dire  de  défaire  ce  que  l'Eglise  catholique 
avait  fait  dans  le  monde. 


CHAPITRE  XVIII 

La.  Maçonnerie  Américaine  ne  fait-elle  ou'ln  avec  la  Maçonnerie 

Européenne? 


II  faut  regretter  sincèrement  qu'à  cette  question  posée  simple- 
ment, on  ail  fait  trop  souvent  des  réponses  aussi  simples, sans  faire 
attention  que  les  mêmes  mots  peuvent  avoir  des  sens  bien  diffé- 
rents. Aussi  l'anirmative,  tout  comme  la  négative,  est-elle  exposée 
à  de  sérieuses  difficultés.  Si  l'on  a  atTaire  à  un  catholique,  et  s'il 
refuse  d'admettre  l'identité  de  la  Maçonnerie  en  Europe  et  en  Amé- 
rique, assurant  clairement  que  ce  sont  deux  choses  diflérentes,  il 
lui  sera  difficile  de  défendre  les  procédés  de  son  Eglise,  qui  rejette 
tous  les  Francs-Maçons  sans  distinction,  et  excommunie  les  Ma- 
çons américains  tout  comme  leurs  frères  d'Europe.  Si.  au  contraire, 
il  affirme  l'identité  des  deux  Maçonneries,  il  soulève  une  tempête 
de  protestations,  des  Maçons  et  des  non-Maçons,  et  on  le  met  en  de- 
meure d'expliquer  la  différence  d'esprit  et  de  conduite  c\m  sem- 
ble exister  entre  les  deux  Maçonneries  :  celle  du  continent  étant 
adversaire  forcenée  du  catholicisme,  ce  que  n'est  pas  la  Maçonnerie 
américaine.  Si  les  deux  n'en  font  qu'une,  comment  expliquer  cette 
différence? 

Notre  lecteur, qui  a  déjà  paroouiu  notre  chapitre  sur  l'esprit  anli- 
calholique  de  la  Franc-Maçonnerie  américaine,  qui  a  enlendu  les 
instructions  données  aux  PT.  .  par  le  F.-.  Mackey  et  le  F.-.  Pike, 
qui  a  assisté  à  une  tenue  de  Oakland  Lodge,  présidée  par  le  F.-. 
Sherman  ;  qui  a  eu  l'heureuse  chance  de  lire  la  lettre  ollicielle  du 
V.-.  Lemmi  ;  notre  lecteur,  dis-je,  se  rendra  facilement  compte  que 
l'esprit  ésotériquede  la  Maçonnerie  est  partout  le  même,  en  Amérique 
et  ailleurs.  Si  ses  manifestations  sont  moins  i)ru vantes  et  moins 
odieuses, c'est  parce  que,  chez  nous,  les  circonstances  ne  s'y  prêtent 
pas;  c'est  que,  chez  nous,  bon  nombre  de  Maçons  exolériques 
sont  des  hommes  pour  cpii  la  tolérance  religieuse  est  un  sentiment 


MAC.*.  EUROPÉENNE    ET    MAC.'.    AMÉRICAINE  279 

sincère  et  non  pas  un  mot  vide  de  sens  ou  un  masque  trompeur,  et 
qui  ne  sont  pas  disposés  à  souscrire  à  des  mesures  ouvertement  hai- 
neuses ;  c'est  que,  même  les  Maçons  ésotériques  ne  peuvent  pas  se 
défaire  de  la  droiture  naturelle  au  caractère  américain,  et  plus  que 
tout,  c'est  que  la  plupart  d'entre  eux  n'ont  pas,  comme  les  Maçons 
de  l'Europe  continentale,  apostasie  leur  foi.  Il  n'y  a  pas  d'ennemi 
plus  cruel  qu'un  apostat.  Celui  qui  n'a  jamais  été  catholique  n'est 
pas  exposé  aux  soupçons  de  ses  compagnons.  Il  peut  avoir  des  amis 
catholiques  ;  il  peut  s'associer  avec  des  catholiques  sans  qu'un 
Maçon  mette  en  doute  sa  loyauté  envers  la  Fraternité.  Mais  l'apos- 
tat craindra  toujours,  même  sans  motif  raisonnable,  qu'une  marque 
de  respect  ou  de  considération  accordée  à  l'Eglise  ne  soit  mal  inter- 
prétée par  ses  associés  et,  comme  Pierre  dans  le  palais  de  Caïphe, 
il  n'a  d'autre  ressource  que  de  protester  qu'il  ne  connaît  pas  le 
Christ.  Une  ignorance  non  coupable  peut  se  concilier  avec  la  droi- 
ture comme  aussi  la  bigoterie  innocente  ;  l'ignorance  coupable  ou 
méchanceté  et  la  bigoterie  coupable,  jamais.  Chez  l'apostat,  l'igno- 
rance non  coupable  peut  être  amenée  par  la  faute  de  l'éducation 
familiale,  par  le  manque  d'instruction  religieuse  et  par  l'absence 
de  pratique  religieuse  chez  ses  parents,  etc.  Ce  n'est  donc  pas  une 
impossibilité,  mais,  en  tout  cas,  c'est  l'exception;  et  le  contraire 
est  la  règle. 

Mais  ne  tenons  pas  compte,  pour  le  moment,  de  ce  qui  a  été  dit 
dans  les  précédents  chapitres,  et  occupons-nous  sans  parti-pris  de 
l'unité  ou  unicité  de  la  Maçonnerie.  Cette  question  souvent  débat- 
tue est  d'une  importance  capitale  et  mérite  bien  une  étude  atten- 
tive. 

L'unicité  dont  il  est  question  peut  être  de  rite,  ou  de  gouverne- 
ment et  de  tête,  ou  de  fraternité  et  d'esprit,  ou  entin  de  doctrine, 
et  celle-ci  est  le  principe  des  autres.  Jusqu'à  quel  point,  en  chacun 
de  ces  sens, la  Maçonnerie  américaine  et  la  Maçonnerie  européenne, 
ou,  pour  donner  à  la  question  une  portée  générale,  jusqu'à  quel 
point  la  Maçonnerie  répandue  à  travers  le  monde  est-elle  une  ? 
C'est  ce  que  nous  avons  à  examiner. 

La  Maçonnerie  n'a  pas  d'unité  de  rite.  Le  Dr.  Mackey  '  compte 
trente-sept  rites  différents.  «  Le  système  original  de  la  Maçonnerie 
spéculative,  dit-il,  consistait  seulement  dans  les  trois  degrés  sym- 
boliques appelés,  par  conséquent.  Ancienne  Maçonnerie  profes- 
sionnelle  (Ancient   Craft  Masonry).    Tel  était  l'état  de  la  Maçon- 


1.  Encyclopaedia  of  Freemasonry,  pp.  649,  650. 


280  LA   MAÇONNERIE    AMERICAINE   NE    FAIT-ELLE 

nerie  jusqu'à  l'époque  appelée  renaissance  de  1717.  Tel  était  le  rite 
originel  ou  usage  approuvé,  et  il  en  fut  ainsi  en  Angleterre  jusqu'en 
1813.  Alors  se  fil  l'union  des  deux  Grandes  Loges  ;  le  «  Holy  Royal 
Arch  »  fut  déclaré  partie  du  système,  et  ainsi  le  rite  anglais  ou, 
comme  on  l'appelle  communément,  le  rite  d'York  fut  légitimement 
constitué  en  quatre  tlegrés. 

«  Mais,  dans  l'Europe  continentale,  l'organisation  de  nouveaux 
svslèmes  commença  beaucoup  plus  tôt,  et  l'invention  de  ce  qu'on 
appelle  les  hauts  grades  donna  naissance  à  une  multitude  de  rites. 
Tous  ces  rites  s'accordaient  en  un  point  essentiel.  Ils  étaient  élevés 
sur  les  trois  degrés  symboliques  qui,  en  chaque  cas  particulier, 
leur  servaient  de  base  et  de  fondement.  Ils  étaient  considérés 
comme  une  extension  et  un  développement  des  idées  maçonniques 
contenues  dans  ces  degrés.  Les  degrés  d'apprenti,  de  compagnon 
et  de  maître  étaient  le  portique  par  lequel  tous  les  initiés  étaient 
obligés  de  passer  avant  de  pouvoir  conquérir  l'entrée  dans  l'inté- 
rieur du  temple  élevé  par  les  fondateurs  du  rite.  Ils  étaient  le  texte, 
et  les  hauts  grades,  le  commentaire —  ». 

u  J'ai  dit,  conlinue-t-il,  que  ces  rites  ont  été  en  grand  nombre. 
Quelques-uns  d'entre  eux  ont  vécu  autant  que  leurs  auteurs,  et  non 
plus,  et  ils  sont  morts  quand  l'énergie  qui  leur  avait  donné  nais- 
sance cessa  de  les  entretenir.  D'autres  ont  duré  plus  longtemps,  et 
ils  continuent  à  diviser  la  famille  maçonnique, en  se  bornant  toute- 
fois à  lui  fournir  diverses  méthodes  pour  atteindre  à  la  même  fin 
supérieure,  c'est-à-dire  l'acquisition  de  la  Vérité  divine  par  la  Lu- 
mière maçonnique.  Ragon,  dans  son  Tuileur  général,  nous  en 
nomme  cent  huit  sous  les  différents  titres  de  Rites,  Ordres  et  Aca- 
démies '  ». 

Il  n'y  a  donc  pas  unité  de  Rite.  Mais  ce  manque  d'unité  ne  nuit  en 
rien,  nous  assure  le  Dr.  Mackey,  à  «  l'unicité  essentielle  »  de  la  fa- 
mille maçonnique  ;  ce  ne  sont  là  que  dilTérentes  méthodes  pour 
atteindre  à  la  connaissance  du  Dieu  maçonnique  et  de  l'âme  ma- 
çonnique, au  moyen  de  la  lumière  maçonnique. 

La  Maçonnerie  n'a  pas  non  plus  l'unité  de  gouvernement  et  de 
tâte.  Nous  n'avons,  pour  nous  en  rendre  compte,  qu'à  considérer 
l'ensemble  des  Maçons  répandus  sur  le  globe. 

1.  Le  nombre  des  rites  maronniques  actuels  ",  in  use  to-day,  »  est  de  dix, 
d'après  la  Cyclopedia  of  FralernUies  '2°"^éd.,  1007,  p.  20).  Le  rite  anglais 
(appelé  à  fort  rite  d'York)  et  le  rite  écossais  ancien  et  accepté  ■<  sont  consi- 
dérés comme  universels  -.  Le  rite  américain  <>  vient  ensuite. en  raison  de  son 
importance,  et  il  est  pratiqué  aux  Etats-Unis  et  dans  le  Dominion  du  Canada, 
où  se  trouvent  les  trois  quarts  des  Francs-Ma^'ons  du  monde  entier  ».{Ibid.) 


qu'un  avec  l\  maçonnerie  européenne  ?  281 

Le  Rile  écossais,  il  est  vrai,  se  rapproche  davantage  de  cette 
unité.  Il  a  établi  son  état-major  à  Rome  pour  mettre  en  évidence 
son  antagonisme  avec  la  Papauté  ;  dans  le  Rite  américain  et  autres 
semblables,  le  gouvernement  est  exercé  par  des  Grandes  Loges 
indépendantes. 

«  Une  Grande  Loge,  dit  le  Dr.  Mackey  S  est  l'autorité  dogma- 
tique et  administrative  de  l'Ancienne  Maçonnerie,  ou  des  trois 
grades  symboliques...  ». 

Et,  plus  loin,  il  ajoute  :  «  Une  Grande  Loge  est  investie  du  pouvoir 
et  de  l'autorité  sur  toute  la  Société  dans  les  limites  de  sa  juridic- 
tion. C'est  la  Cour  d'Appel  suprême  pour  tous  les  cas  maçonniques, 
et  toutes  les  Loges,  comme  tous  les  Maçons  qui  sont  sous  la  dépen- 
dance de  cette  Cour,  par  là  même  doivent  obéissance  à  ses  décrets. 
Le  gouvernement  des  Grandes  Loges  est  donc  complètement  despo- 
tique. Tant  qu'une  Grande  Loge  existe,  les  Loges  doivent  lui  obéir 
sans  examen.  , 

Puis,  notre  auteur  continue  :  «  Cette  puissance  autocratique  d'une 
Grande  Loge  est  basée  sur  un  principe  de  convenance  et  provient 
d'une  loi  fondamentale,  établie  au  moment  où  furent  organisées  les 
Grandes  Loges,  c'est-à-dire  au  début  du  xvni"  siècle.  Dans  un 
corps  aussi  vaste  que  la  Société,  il  faut  de  toute  nécessité  un  con- 
trôle suprême  pour  préserver  de  l'anarchie  l'Institution,  et  on  ne 
saurait  en  choisir  de  plus  convenable  que  celui  qui,  d'après  son  ca- 
ractère distinctif,  est  formé,  ou  devrait  être  formé  de  la  sagesse,  de 
la  prudence  et  de  l'expérience  de  toutes  les  Loges  établies  dans  son 
obédience,  de  sorte  que  la  voix  de  1^  Grande  Loge  n'est  pas  autre 
chose  que  la  voix  de  la  Société,  exprimée  par  leurs  représentants  ». 

Nous  n'avons  pas  le  temps  de  discuter  ici,  et  d'ailleurs  ce  serait 
bien  inutile,  l'existence  de  ce  pouvoir  autocratique  dont  les  décrets 
«  doivent  être  respectés  et  obéis  sans  examen  par  les  Loges  qui  lui 
sont  soumises  ».  Aucun  pouvoir  humain,  et  la  Maçonnerie  n'en  ré- 
clame point  d'autre,  n'a  le  droit  d'exiger  d'hommes  raisonnables 
une  obéissance  aussi  aveugle  ;  et  un  homme  raisonnable  ne  peut  y 
consentir  sans  renier  sa  propre  nature.  L'utilité  ne  saurait  justifier 
cette  exigence  ;  la  défense  contre  l'anarchie  ne  le  demande  pas,  et 
on  ne  saurait  le  faire  admettre  en  disant  que  c'est  la  voix  de  la  So- 
ciété exprimée  par  ses  représentants.  Pour  nous,  accoutumés  à  un 
gouvernement  représentatif,  nous  savons  que,  souvent,  les  représen- 


1.  Encyclopaedia,  pp.  319,  3?0. 


282  LA    MAÇONNERIE    AMÉRICAINE   NE   FAIT-ELLE 

tanls  n'exiiriinenl  pas  la  sagesse,  la  prudence  et  l'expéiionce  réu- 
nies de  leurs  subordonnés  ;  ol  que  souvent  leurs  décisions  ne  sont 
pas  la  voix  de  ceux  (juils  représentent.  Et  les  lirandes  Loges  ma- 
çonniques ne  font  pas  exception. 

Les  dilTérentes  tentatives  faites  aux  Etats-Unis  en  vue  d'établir 
une  Grande  Loge  générale  poui*  la  République  tout  entière,  sont 
relatées  tout  au  long  par  le  Dr.  Mackey  dans  son  Encyclopaedia  of 
Freemasonry,    pp.   305-308. 

«  Du  jour  où  les  Clrandes  Loges  de  ce  pays,  dit-il,  entreprirent,  au 
commencement  de  la  Guerre  d'Indépendance,  de  secouer  le  joug 
des  Grandes  Loges  d'Angleterre  cl  d'Ecosse  —  c'est-à-dire  du  jour 
où  elles  commencèrent  à  sortir  de  leur  condition  subalterne  et 
furent  portées  à  prendre  un  caractère  souverain  et  indépendant  — 

des  tentatives furent  faites  par  des  membres  de  la  Société  pour 

renverser  la  souveraineté  des  Grandes  Loges  d'Etat  et  mettre  à 
leur  place  Ain  pouvoir  de  surintendance  établi,  soit  comme  Grand 
Maître  de  l'Amérique  du  Nord,  soit  comme  Grande  Loge  des  Etats- 
Unis.  Comme  les  colonies  se  réunirent  sous  un  pouvoir  fédéral, 
ainsi,  dès  le  commencement  de  la  lutte  pour  l'Indépendance,  les 
Loges,  longtemps  contenues  par  une  longue  habitude  de  soumis- 
sion aux  Grandes  Loges  mères  d'Europe,  essayèrent  dès  le  début 
du  conflit,  après  que  toutes  relations  politiques  entre  l'Angleterre 
et  l'Amérique  furent  rompues,  d'instituer  l'office  de  Grand- 
Maître  des  Etats-Unis'  ». 

La  première  tentative,  semble-t-il,  fut  faite  le  ?7  décembre  1779 
et  répétée  sans  succès  à  dilTérentes  époques  jusqu'à  ce  que.  à  la 
Convention  de  Chicago,  en  1859.  elle  fut,  paraît-il,  finalement  aban- 
donnée -. 

Parmi  les  races  latines,  les  Grandes  Loges  sont  appelées  Orients, 
et  leur  pouvoir  est  un  peu  plus  étendu  que  celui  des  Grandes  Loges 
américaines.  «  La  plupart  des  Grandes  Loges  établies  par  les  races 
latines,  dit  le  Dr.  Mackey,  telles  que  celles  de  France,  d'Espagne, 
d'Italie  et  des  Etals  de  l'Amérique  du  Sud,  ont  reçu  le  nom  de 
Grands  Orients.  Ainsi  ce  mot  est,  en  un  sens,  synonyme  de  Grande 
Loge,  mais  ces  Grands  Orients  ont  souvent  une  juridiction  plus 
étendue  que  les  Grandes  Loges  ;  ils  exercent  fréquemment  leur  au- 
torité sur  les  plus  hauts  grades,  ce  qu'interdisent  les  Grandes  Loges 
anglaises  et  américaines.  Ainsi,  le  < ïrand  Orient  de  France  exerce 


1.  Encyclopaedia,  pp.  30r>,  .3fMî. 

2.  fhid.,  p.  322. 


qu'un  avec  la  maço'nerie  européenne  ?  283 

sa  juridiclion,  non  seulement  sur  les  sept  grades  de  son  propre 
rite,  mais  encore  sur  les  trente-trois  du  rite  ancien  et  accepté  (ou 
rite  écossais)  et  sur  tous  les  autres  rites  pratiqués  en  France  ». 

Le  dernier  paragraphe  a  subi  cependant  quelques  modifications 
à  la  page  290  du  même  ouvrage  ;  mais  le  Dr.  Mackey,  ayant  écrit 
ses  articles  à  dilTérentes  époques,  il  n'est  pas  difficile  de  s'expliquer 
ces  variantes. 

«  L'obédience  maçonnique  de  France  est  aujourd'hui  divisée, 
dit-il,'  entre  les  deux  corps  (le  Grand  Orient  de  France  et  le  Su- 
prême Conseil  du  Rite  Ecossais),  et  le  Grand  Orient  et  le  Suprême 
Conseil  existent  maintenant  tous  deux,  à  titre  de  pouvoirs  indépen- 
dants, dans  la  Maçonnerie  française.  La  tendance  du  Grand  Orient 
de  France  à  s'immiscer  dans  l'administration  des  autres  pays, 
prêterait  à  présenter  sous  un  jour  défavorable  l'histoire  des  trente 
années  qui  suivirent,  (de  1841  à  1871);  cette  période  se  termina 
enfin  par  le  refus  de  toutes  les  Grandes  Loges  des  Etats-Unis 
et  de  quelques-unes  d'Europe ,  d'entretenir  aucune  relation 
avec  lui  ;  rupture  dont  tout  bon  Maçon  doit  souhaiter  la  fin. 
L'un  des  actes  les  plus  extraordinaires  du  Grand  Orient  de  France 
a  été  l'abolition  récente  de  l'ofTice  deGrand  Maître,  dont  les  attribu- 
tions étaient  remplies  par  le  Président  du  Conseil  de  l'Ordre  ». 

Mais  quoiqu'elle  ne  possède  ni  l'unité  de  rite,  ni  l'unité  de  tête 
et  de  gouvernement,  la  Maçonnerie  est  un  corps,  une  institution, 
une  fédération  qui  embrasse  le  monde  entier.  Les  alTirmations  les 
plus  claires  des  ouvrages  maçonniques  classiques  en  font  foi.  A  la 
page  650  de  V Encyclopedia  of  Freemasonry,  on  nous  apprend  que 
la  différence  de  rituel  n'y  fait  pas  obstacle. 

«  La  manière  d'ouvrir  et  de  fermer  une  Loge,  dit  le  Dr.  Mackey, 
ae  conférer  les  grades,  d'installer,  d'accomplir  d'autres  devoirs 
encore,  constitue  un  système  de  cérémonies  appelé  Rituel.  Ce  rituel 
est  en  majeure  partie  ésotérique,  et,  comme  il  ne  peut  être  confié  à 
l'écriture, on  ne  le  communique  qu'au  moyen  de  l'instruction  orale. 
L'autorité  directrice  exige  que,  dans  chaque  juridiction  maçonnique, 
le  rituel  soit  le  même,  mais  il  diffère  plus  ou  moins  suivant  les  rites 
et  les  juridictions.  Mais  cela  ne  détruit  pas  V universalité  de  la 
Maçonnerie.  Le  rituel  n'est  que  la  forme  extérieure  et  extrinsèque 
de  la  doctrine  de  la  Franc-Maçonnerie,  doctrine  qui  est  partout  la 
même.  C'est  le  corps  qui  est  immuable,  restant  toujours  et  partout 
le  même.  Le  rituel  n'est  que  le  vêtement  extérieur  qui  couvre  le 

1.  Encyclopeedia,  p.  200, 


284  LA    MAÇONNERIE    AMERICAINE    NE    FAIT-ELLE 

corps,  il  est  sujet  à  des  variations  continuelles.  Il  serait  bon  et  dési- 
rable que  le  rituel  fût  parfait  et  partout  le  même.  Mais  si  cela  est 
actuellement  impossible,  nous  nous  en  consolerons  du  moins  en 
songeant  que, si  les  cérémonies  ou  le  rituel  ont  changé  à  dilTérenles 
époques  et  varient  encore  suivant  les  pays,  la  science  et  la  philo- 
sophie, le  symbolisme  et  la  religion  de  la  Maçonnerie  sont  et  conti- 
nueront d'être  les  mêmes  partout  oh  sera  pratiquée  la  vraie  Maçon- 
nerie ».  Les  commentaires  ne  sauraient  que  diminuer  la  clarté 
d'une  telle  doctrine.  Nous  consacrerons  donc  nos  efforts  à  en  four- 
nir (le  nouvelles  preuves  et  non  à  la  développer. 

LeDr.  Mackeyditencore'  :  «  L'identitédesformulesemployées  pour 
l'ouverture  et  la  fermeture  (d'une  Loge)  et  la  réception  des  grades, 
constitue  ce  qu'on  appelle,  en  termes  techniques,  l'uniformité 
d'opération.  Cette  expression,  prise  au  sens  restreint,  ne  signifie 
pas  que  les  cérémonies  sont  les  mêmes  pour  les  mêmes  degrés  con- 
férés dans  des  pays  ou  des  rites  différents,  mais  simplement  que 
les  Loges  de  même  rite  et  surtout  de  même  juridiction  ont  le  même 
rituel  ».  Il  démontre  ensuite,  tout  en  admettant  que  c'est  impossi- 
ble, combien  il  serait  désirable  qu'il  n'y  eût,  en  effet,  qu'un  seul 
rituel  pour  toute  la  Maçonnerie,  et  il  ajoute-  : 

«  Nous  devons  donc  nous  féliciter  que  l'uniformité  dans  l'opéra- 
tion, aussi  désirable  qu'impossible  à  obtenir,  ne  soit  pas  aussi 
importante  que  beaucoup  se  sont  plu  à  le  dire.  Oliver,  par  exem- 
ple, semble  confondre  dans  ses  ouvrages  les  cérémonies  des  degrés 
avec  les  «  landmarks»  de  l'Ordre.  Ce  sont  choses  très  différentes. 
Les  «  landmarks  »,  qui  touchent  à  l'essence  même  de  l'Institution, 
sont  depuis  longtemps  consignés  dans  la  loi  écrite  ;  ils  ne  peuvent 
jamais  être  changés,  à  moins  d'une  perversité  voulue,  comme  il  est 
arrivé  en  France,  où  l'on  a  aboli  la  Grand'Maîtrise.  Mais  les  varia- 
tions dans  la  phraséologie  des  leçons  ou  la  forme  des  cérémonies 
d'initiation  ne  peuvent  avoir  d'autre  effet  qu'une  incommodité  pas- 
sagère, tant  qu'on  laisse  intact  le  fonds  du  symbolisme,   base  sur 

laquelle  reposent  la  science  et  la  philosophie  de  la  Maçonnerie 

Les  changements  apportés  dans  le  rituel  ne  peuvent  jamais  avoir 
assez  d'importance  pour  détruire  la  véritable  essence  de  l'Institu- 
tion. Ses  dogmes  profonds  sur  l'unité  de  Dieu,  sur  la  vie  éternelle 
et  sur  la  fraternité  humaine  universelle,  enseignés  par  sa  méthode 
symbolique  brilleront  toujours  d'une  lumière  élincelanle  au-dessus 
de  toutes  les  variations  [)assagèrcs  de  la  phraséologie.  L'uniformité 


1.  Encyclopedia,  p  843. 
?.  fbirl.,  p.  844. 


qu'on  avec  la  maçonnerie  européenne  ?  285 

dans  Vopération  peut  ne  point  être  obtenue,  mais  V  uni  fortuite 
clans  le  but  et  l'uniformité  dans  le  caractère  préserveront  pour  tou- 
jours la  Franc-Maçonnerie  de  la  désagrégation  ». 

«  L'orgueilleuse  parole  de  Gharles-Quint,  nous  dit  le  Docteur*, 
dans  un  article  sur  l'Universalité  de  la  Maçonnerie  :  «  Le  soleil  ne 
se  couche  jamais  sur  mon  vaste  empire»,  peut  s'appliquer  avec 
autant  de  vérité  à  l'Ordre  de  la  Franc-Maçonnerie.  Nos  Loges  sont 
disséminées  de  l'est  à  l'ouest,  du  nord  au  sud  sur  toute  la  terre  habi- 
tée. Partout  où  l'homme  civilisé  a  laissé  l'empreinte  de  ses  pas, 
nos  temples  se  sont  dressés.  Les  leçons  de  l'amour  maçonnique  ont 
pénétré  les  solitudes  de  l'Ouest  :  l'homme  rouge  de  notre  terri- 
toire a  pris  part,  avec  son  frère  plus  éclairé,  aux  mystères  de 
notre  science  ,  et  les  sables  arides  du  désert  africain  ont  plus 
d'une  fois  vu  se  donner  le  salut  maçonnique.  La  Maçonnerie  n'est 
pas  une  fontaine  qui  donne  santé  et  beauté  aux  habitants  d'un 
hameau  solitaire,  et  abreuvant  la  soif  de  ceux-là  seuls  qui  sont  fixés 
sur  ses  bords  :  c'est  un  puissant  cours  d'eau  se  faisant  route  à  tra- 
vers collines  et  montagnes,  serpentant  au  milieu  des  plaines  et  des 
vallées  de  toute  la  terre,  portant  dans  son  sein  bienfaisant  les  eaux 
abondantes  de  l'amour  et  de  la  chaiilé  pour  les  pauvres,  les  veuves 
et  les  orphelins  du  monde  entier  ».  Comment  et  jusqu'à  quel  point 
on  peut  admettre  ces  paroles  de  notre  auteur,  on  l'a  vu  dans  notre 
chapitre  sur  la  Bienfaisance  maçonnique.  Ici,  une  seule  chose  nous 
intéresse  :  l'unité  de  ce  cours  d'eau.  C'est  précisément  parce  que  la 
Franc-Maçonnerie  est  partout  la  même  que  le  Dr.  Mackey  et  tous 
les  autres  écrivains  maçonniques  parlent  toujours  de  Maçonnerie, 
de  Franc-Maçonnerie,  etc.,  au  singulier,  et  non  de  Maçonneries  ou 
de  Franc-Maçonneries.  Ils  parlent  du  système  maçonnique,  de  la 
philosophie  maçonnique,  de  la  religion  maçonnique,  de  l'histoire 
maçonnique,  dujsymbolisme  maçonnique,  de  Tlnstitution  maçon- 
nique, de  la  lumière  maçonnique,  de  l'Ordre  maçonnique,  de  la 
Corporation  i Craft),  de  la  Fraternité  maçonnique,  de  la  famille  ma- 
çonnique, du  monde  maçonnique.  Il  n'y  a  jamais  la  plus  légère 
difficulté  à  parler  des  Frères  français,  anglais,  allemands,  ou  Frères 
continentaux.  «  Tout  ornement,  toute  devise  (sur  les  tabliers  ma- 
çonniques) empruntés  au  dehors, dit  le  Dr.  Mackey,  sont  de  mauvais 
goût  et  altèrent  le  caractère  symbolique  de  l'investiture.  Mais  les 
tabliers  de  soie  ou  de  satin  ornés  de  chamarrures,  de  peintures  et 
de  broderies,  qui,^peu  à  peu,  ont  pénétré  dans  l'intérieurdenos  Lo- 
ges, n'ont  aucune  espèce  de  rapport  avec  l'Ancienne  Maçonnerie  : 
ils  sont  une  innovation  de  nos  Frères  français,  qui.   n'aimant  ja- 

1.  Encyclopœdia  of  Freemasonry,  p.  846. 


286  LA    MAÇONNEtilE    AMÉRICAINE    -NE    FAIT-ELLE 

mais  la  simplicité  et  portant  dans  leurs  diverses  cérémonies  d'insti- 
tution récente  leur  amour  du  clinquant,  ont  fait  disparaître  les 
symboles  les  plus  beaux  et  les  plus  impressionnants  de  notre  Insti- 
tution '  ».  Elncore,  parlant  des  aporrhéla  ou  secrets  de  l'Ordre^,  il 
nous  apprend  que  «  les  Maçons  européens  sont  beaucoup  plus  lar- 
ges dans  leurs  idées  sur  l'obligation  du  secret  que  les  Anglais  ou 
les  Américains.  11  y  a,  en  elTet,  peu  de  choses  qu'un  écrivain  ma- 
çonnique en  France  ou  en  Allemagne  se  refuse  à  discuter  avec  la 
plus  entière  liberté.  Maintenant,  on  commence  à  admettre  partout, 
et  les  écrivains  anglais  et  américains  agissent  conformément  à 
cette  idée,  qu'en  réalité,  les  seuls  aporrhèta  de  la  Franc-Maçonne- 
rie sont  les  signes  de  reconnaissance  et  les  cérémonies  particuliè- 
res et  distinctives  de  l'Ordre  ». 

En  conséquence,  notre  auteur,  sous  le  titre  Continental  Lodges, 
se  hàle  de  nous  apprendre  que  cette  expression  désigne  unique- 
ment une  simple  divergence  d'usages.  «  Cette  expression  {Loges 
continentales  est  employée  dans  tout  cet  ouvrage,  comme  elle  l'est 
couramment  par  les  écrivains  anglais,  pour  désigner  les  Loges  du 
continent  européen  qui  conservent  nombre  d'usages,  ou  abandon- 
nés ou  jamais  observés  par  les  Loges  d'Angleterre,  d'Irlande  et 
d'Ecosse  tout  comme  par  celles  des  Etats-Unis  d'Amérique.  Le  mot 
«  Maçonnerie  continentale  »  est  employé  dans  le  même  sens  ». 

Il  n'est  donc  pas  étonnant  que,  dans  leurs  expositions  de  la  Franc- 
Maçonnerie,  les  écrivains  maçonniques  citent  indilïeremment  des 
auteurs  de  tout  rite  et  de  toute  nationalité;  c'est  le  même  système 
différemment  habillé,  comme  le  dit  le  Dr.  Mackey,^  mais  les  vête- 
ments dont  il  est  habillé  ne  tiennent  pas  plus  à  son  essence  que  nos 
habits  à  notre  personne. 

«  Les  expositions  qui  sont  en  grand  nondjre  en  français,  en  alle- 
mand et  dans  les  autres  langues  du  continent,  dit-il,'*  ne  sont  pas 
des  attaques  dirigées  contre  la  Franc-Maçonnerie,  elles  sont  sou- 
vent écrites  par  l'autorité  et  pour  l'usage  de  la  Fraternité.  La  pra- 
tique de  la  Maçonnerie  continentale  permet  une  liberté  de  publica- 
tion qui  serait  à  grand'peine  tolérée  par  la  Fraternité  anglaise  ou 
américaine  ». 

Il  est  donc  naturel  de  trouver  dans  le  symbolisme  de  la  Loge,  la 
leçon  tant  et  tant  de  fois  répétée  de  cette  unité  mondiale  ;  et,  sous 
la  ditîérence  des  symboles,  la  leçon  qui  s'en  dégage  reste  toujours 
la  même. 

1.  Fiuyrlujjaedia,  p.  SU 
•2.  Ihid.,  pp.  >S1   et  8-<'. 
3.  Ibid..  p.  18r>. 
4- /6td.,  p.270. 


qu'un  avec  la  maçonnerie  européenne  ?  28? 

«  Dans  les  «Lectures»  du  Rite  d'York, écrit  le  Docteur  Mackey', 
le  baldaquin  environné  de  nuages  est  présenté  comme  le  dessus  de  la 
Loge,  nous  enseignant,  comme  le  dit  Krause,  «  que  la  Loge  primi- 
tive n'est  pas  retirée  dans  une  construction  close,  mais  qu'elle  est 
pour  tout  le  monde  et  qu'elle  touche  au  ciel.  Cela  nous  enseigne 
en  particulier  qu'en  tout  pays,  sous  la  voûte  des  deux,  la  Franc- 
maçonnerie  a  sa  place.  Gadike,  de  son  côté,  dit:  «Tout  Franc-maçon 
sait  que,  par  le  baldaquin  environné  de  nuages,  nous  représentons 
le  ciel,  et  qu'ainsi  nous  lui  apprenons  combien  est  vaste  notre  sphè- 
re d'utilité.  Il  n'y  a  aucune  partie  habitée  de  la  terre  où  notre 
labeur  ne  puisse  se  faire  jour,  de  même  qu'aucune  partie  du  globe 
n'est  sans  son  baldaquin  de  nuages». «  Donc,  continue  le  Dr.  Mackey, 
l'interprétation  donnée  par  les  Allemands,  d'après  laquelle  le  sym- 
bole exprime  l'universalité  de  la  Franc-Maçonnerie,  n'est  pas  pré- 
cisément d'accord  avec  les  systèmes,  anglais  ou  américain,  d'après 
lesquels  cette  universalité  est  symbolisée  par  la  forme  et  l'étendue 
de  la  Loge  ». 

«  L'étendue  dune  Loge  maçonnique,  continue-t-il'^  mesure,  dit- 
on,  en  hauteur  la  distance  qui  sépare  la  terre  du  plus  haut  des 
cieux  ;  en  profondeur,  celle  qui  va  de  la  surface  au  centre,  et  en 
largeur,  celle  qui  est  entre  l'est  et  l'ouest.  Cette  façon  de  s'exprimer 
est  symbolique  ;  elle  a  pour  objet  de  nous  apprendre  quelles  sont 
les  limites  de  la  Maçonnerie,  dont  l'étendue  est  aussi  vaste  que  la 
charité  maçonnique  ». 

C'est  pourquoi,  parlant  du  «  Globe  »,  il  nous  dit  que,  «  pour  le 
second  degré,  on  a  adopté  comme  symboles  de  Vextension  univer- 
selle de  l Ordre,  le  globe  céleste  et  le  globe  terrestre,  qui  rappellent 
en  même  temps  les  droits  universels  de  l'amour  fraternel».  D'après 
lui,  tout  l'attirail  varié  enseigne  la  même  leçon  :  «  Ainsi  les  outils 
propres  à  chacun  des  grades  exhortent  le  Maçon,  s'il  est  apprenti, 
à  préparer  son  esprit  à  recevoir  les  grandes  vérités  qui  lui  seront 
révélées  plus  tard;  s'il  est  compagnon,  à  savoir  app"écier  leur  impor- 
tance et  à  en  faire  l'usage  qui  leur  convient  ;  s'il  est  maître,  à  enor- 
nerla  beauté  par  la  pratique  de  l'amour  fraternel  et  de  la  bonté,  ci- 
ment qui  unit  tous  lesMaçons  dans  une  Fraternité  commune*».  «  Le 
ciment  dont  on  se  sert  dans  la  Maçonnerie  operative  pour  joindre 
les  dillerentes  parties  d'une  construction  en  un  tout  solide  et  dura- 
ble, dit-il,  est  emprunté  par  la  Maçonnerie  spéculative  [la  Franc-Ma- 
çonnerie) comme  symbole,  pour  indiquer  cet  amour  fraternel  qui 

1.  Encyclopaedia,  p.  147. 

2.  Ibid.,  p.  271. 

3.  jbid.,  p.  312. 

4.  Ibid.,  p.  361. 


288  LA    MAÇONNERIE   AMERICAINE    NE    FAIT-ELLE 

unit  les  Maçons  de  lous  les  pai/s  en  une  même  Fraternilé.  Comme  il 
est  reconnu  que  celle  fralernilé  ne  trouve  son  perfectionnement  que 
chez  les  seuls  Maîtres  Maçons,  ce  symbole  se  rattache,  à  très  juste 
titre,  au  troisième  degré*  ». 

La  bordure  à  glands  qui  entoure  la  planche  à  tracer  de  l'Apprenti 
enrôlé  a  le  même  sens.  «  Ce  quon  appelle  la  bordure  à  glands, 
dit  le  Dr.  Mackey  ^  est  une  corde,  décorée  de  glands,  qui  entoure 
la  planche  à  tracer  de  l'Apprenti  ;  cette  môme  planche  à  tracer  est 
une  figure  de  la  Loge  et  symbolise  le  lien  d'amour  —  le  lien  mysti- 
que —  qui  unit  la  Société  (Graft),  si  dispersée  quelle  soit,  en  une 
seule  fraternité  ». 

Revenant  au  «  Mystic  Tie^  »  (lien  mystique),  nous  retrouvons  la 
même  doctrine,  exprimée  en  de  pareils  termes,  et  même  en  des  ter- 
mes plus  clairsencore.  «  Ce  lien  sacré  et  inviolable. ditnolre  auteur, 
qui  unit  les  hommes  d'opinions  les  plus  discordantes  en  une  chaîne 
de  frères,  qui  ne  donne  quune  langue  aux  hommes  de  toutes  les 
nations, ei  un  seul  autel  aux  hommes  de  toutes  lesreligions,cs,là  bon 
droit  nommé,  à  cause  de  l'influence  mystérieuse  qu'il  exerce,  le 
Lien  Mystique  (Mystic  Tie);  et  les  Francs-Maçons, qui,  seuls,  subis- 
sent cette  influence  ou  en  bénéficient  sont  appelés  «  les  Frères  du 
Lien  Mystique  ». 

C'est  pourquoi  les  Lois  générales  de  la  Maçonnerie  enchaînent 
les  Maçons  dans  le  monde  entier.  Les  Lois  générales,  dit  le  Dr. 
Mackey  *,  «  sont  tous  ces  Règlements  faits  par  ces  assemblées  qui 
détenaient  dans  ce  temps-là  le  pouvoir  de  juridiction  universelle. 
Elles  ont  donc  force  de  loi  sur  toute  la  Société,  quelque  dispersée 
qu'elle  puisse  être  ;  et. comme  les  assemblées  souveraines  qui  les  ont 
faites  ont  depuis  longtemps  cessé  d'exister,  il  semble  qu'elles  soient 
sans  appel  ». 

Les  officiers  principaux  sont  également  partout  les  mêmes.  «  II  y 
a, dans  toute  Loge  symbolique,  nous  dit  le  Docteur  ^,  trois  officiers 
principaux  :  un  Maître,  un  Senior  Warden  et  un  Junior  Warden. 
Cette  règle  a  toujours  existé  depuis  la  résurrection  de  la  Maçonne- 
rie, et  môme  quelque  temps  avant  cet  événement  ;  elle  est  si  géné- 
rale qu'on  la  considère  comme  un  des  «  landmarks  »  de  l'ordre. 
Elle  existe  dans  tous  les  pays  et  dans  tous  les  Bites.  Les  noms  don- 
nés à  ces  officiers  peuvent  différer  suivant  les  pays,  mais  les  fonc- 
tions qui  s'y  rattachent  et  qui  consistent  à  présider  la   Loge   sont 

1.  Encyclopaedia,  p.  103. 

2.  Ibid.,  p.  80S. 

3.  Ibid.,  p.  '.Al. 

4.  Ibid.,,  p.  ■I4(). 

5.  Ibid.,  p.  m:,. 


OU*UN   AVEC   LA    MAÇONNERIE   EUROPÉENNE  ?  289 

réparties  entre  les  trois  officiers  susdits,  et  ces  fonctions  sont  par- 
tout les  mêmes.  Les  Maçons  allemands  appellent  les  deux  ><.  War- 
dens )'  der  erste  et  der  zweite  Aufseher  ;  les  Français,  premier  et 
second  surveillants  ;  les  Espagnols,  jor/mer  el  segundo  Vigilante; 
elles  Italiens,  primo  et  secundo  Sorregliante. 

«  Les  positions  occupées  par  ces  olticiers  dans  la  Loge  varient 
selon  les  Rites.  Le  premier  surveillant  siège  à  l'ouest,  et  le  second 
au  sud,  dans  le  rite  d'York  et  dans  le  rite  américain.  Dans  les  rites 
français  et  écossais,  les  deux  surveillants  sont  à  l'ouest;  le  premier 
au  nord-ouest  et  le  second  au  sud-ouest  ;  mais  les  trois  officiers 
doivent  toujours  former  le  triangle;  d'ailleurs, on  forme  un  triangle 
dans  le  carré  de  la  Loge,  et  le  Maître  et  les  Surveillants  occupent 
chacun  l'un  des  sommets  de  ce  triangle  ». 

Les  variations  des  rites  ont  si  peu  d'importance,  el  ils  ont  si  peu 
de  rapports  entre  eux  que  quelques-uns  sont  formés  par  la  combi- 
naison de  plusieurs  autres  ;  le  même  Maçon  peut  appartenir  à  des 
Loges  de  Rite  différent;  la  même  Loge  peut  pratiquer  plus  d'un 
rite  ;  la  Maçonnerie  d'un  pays  peut  y  avoir  pris  naissance  par  diffé- 
rentes sources,  et  elle  peut  dépendre  de  juridictions  différentes. 

Prenons,  par  exemple,  le  Rite  suédois  qui  est,  nous  dit  le  Dr. 
Mackey*,  un  composé  du  pur  Rite  d'York,  du  rite  français  des  hauts 
grades,  du  Templarisme,  de  l'ancienne  Stricte  Observance  et  du 
système  rosicrucien.  Zinzendorf  n'est  pas  étranger  non  plus  à  la 
formation  de  ce  Rite,  quoique  les  Maçons  suédois  l'aient  rejeté  plus 
tard.  C'est  un  Rite  exclusivement  pratiqué  dans  le  royaume  de 
Suède.  Il  fut  en  réalité  établi  comme  une  sorte  de  réforme  ou  de 
compromis  pour  concilier  les  élém'ents  discordants  des  Maçonne- 
ries anglaise,  allemande  et  française  qui,  vers  le  milieu  du  xviii^ 
siècle,  vinrent  bouleverser  l'atmosphère  maçonnique  de  la  Suède  ». 

Il  en  est  de  même  pour  le  Rite  de  Fessier  ^  «  Clavel  et  Ragon, 
assure  Mackey,  disent  que  les  rituels  de  ces  degrés  furent  tirés 
de  la  Rose  Croix  d'Or,  du  rite  de  la  Stricte  Observance,  du  Chapi- 
tre des  Illuminés  de  Suède,  et  de  l'ancien  chapitre  de  Cler- 
mont ». 

Webb,  en  formant  le  rite  américain,  y  a  également  introduit  la 
philosophie  dés  hauts  grades  du  continent.  <(  Webb  était  un  homme 
d'une  certaine  valeur,  dit  le  Dr.  Mackey  ^  quoiqu'il  ne  fût  pas,  il 
est  vrai,  l'égal  de  Hutchinson  ou  de  Preston  ;  mais  il  était,  de  tous 
les  hommes  de  son  temps  et  de  son  pays,  celui  qui  avait  le  plus  étu- 

1.  Encyclopaedia  of  Freemasonry,  p.  776. 

2.  Ibid.,  pp.  275,  276. 

3.  Ibid., p.  454. 

20 


'290  UA   MAÇONNERIE    AMERICAINE    NE    FAIT-ELLE 

<lié  la  Maçonnerie  et  qui  la  connaissait  le  mieux.  Je  ne  sais  sur 
quelle  base  repose  l'opinion  qu'il  visita  l'Angleterre  et  y  fut  instruit 
par  Preston  lui-même:  le  fait  n'a  pour  moi  rien  d'invraisemblable. 
11  est  évidenl  qu'un  tel  homme  n'aurait  pas  fait  un  tel  voyage  sans 
étudier  le  système  qui,  à  ce  moment,  dominait  en  Angleterre,  et  la 
direction  qu'il  donna  à  ses  travaux  dans  la  suite  montre  qu'il  poussa 
sesinyeiiig-AiionsJusqu  à  la  science  continentale  de  la  Maçonnerie, telle 
quelle  est  développée  dans  les  hauts  grades.  Lorsqu'il  revint  en  Amé- 
rique, il  se  servit  de  tous  les  documents  variés  recueillis  par  lui, 
pour  compiler  et  arranger  ce  système  et  y  introduire  non  seulement 
des  «  lectures»,  mais  des  degrés  qui  ont  toujours  subsisté  depuis 
cette  époque  ». 

Le  Rite  écossais  ancien  et  accepté,  système  essentiellement  fran- 
çais, et  qui  nous  est  venu  de  France  en  1783  sous  le  nom  de  Rite  de 
Perfection,  ne  contenait,  à  l'origine,  que  vingt-cinq  degrés.  «  En 
1801,  nous  dit  cependant  notre  auteur,  ^  un  Suprême  Conseil  fut 
inauguré  à  Charleston  par  John  Mitchell  et  Frederick  Dalcho.  On 
trouve  dans  les  Archives  du  Suprême  Conseil  d'abondantes  preu- 
ves que,  jusqu'à  cette  époque,  les  vingt-cinq  degrés  du  Rite  écossais 
étaient  seuls  reconnus.  Mais  tout  à  coup,  lorsque  fut  faite  l'orga- 
nisation du  Suprême  Conseil,  un  nouveau  Rite  surgit  :  il  naquit 
de  l'adoption  de  huit  nouveaux  hauts  grades  continentaux,  ce  qui 
fit,  du  trente-troisième,  au  lieu  du  vingt-cinquième  degré,  le  point 
culminant  du  Rite. A  propos  de  ce  Rite,  le  Dr.  Mackey  nous  a  dit  un 
peu  plus  haut,  dans  la  môme  page  :  «  Bien  qu'il  soit  un  des  plus 
récents  parmi  les  Rites  Maçonniques,  puisqu'il  n'a  été  établi  qu'en 
1801,  il  est,  à  l'heure  actuelle,  le  plus  populaire  et  le  plus  largement 
répandu.  On  trouve  dans  presque  tous  les  pays  civilisés  du  monde 
des  Suprêmes  Conseils  ou  des  Corps  gouvernants  de  ce  Rite,  et 
dans  beaucoup  de  contrées,  il  est  la  seule  Obédience  maçonnique. 
C'est  le  cas  de  presque  tous  les  pays  lalins  ». 

Il  est  de  notoriété  commune  (ju'un  Maçon  peut  appartenir  à  des 
Loges  de  rite  difTérenl.  Le  Dr.  Mackey-  faisait  partie  à  la  fois  du 
Rite  .Vméricain  et  du  Rite  Kcossais  Ancien  et  Accepté  ;  de  même 
le  Dr.  Dalcho,  un  des  fondateurs  du  Rite  Ecossais  Ancien  et 
Accepté, était  membre  du  Rite  d'York,  ^  etc.,  etc. 

La  pralitpie  de  Riles  différents  par  la  même  Loge  s'appelle  ><  Cu- 
mul de  Rites  >•.  ■  (^est,  dit  le  Fr.*.  Me  Clenachan*,  la  pratique  par 
la  même  Loge  de  deux  ou  plusieurs  Rites,  comme  ceux  d'Amérique, 
ou  d'York, oudel'Ecossais  Ancien  et  Accepté,  ou  des  Rites  Ecossais 

1.  Hncyrlupfedia  ol'  Freemasonry,  p.  G'J7. 

2.  Voir  .Mrmnir  ili;  M<;  (Ii.knachan.  dans  \  Encxjclopœdia,  pp,  916,  917. 

3.  Ihid  .  p.  -..'(11. 

4.  Ibid.,  p.  '.tu. 


qu'un  avec  la  maçonnerie  européenne  ?  291 

et  Français  modernes.  Ce  Cumul  des  Rites  a  été  pratiqué,  dans  de 
grandes  proportions,  en  France,  et  en  Louisiane,  dans  les  Etats- 
Unis  ». 

Notre  pays  porte  un  excellent  témoignage  de  la  diversité  des 
sources  d'où  provient  la  Maçonnerie  :  le  Rite  d'York  fut  apporté 
d'Angleterre  ;  puis  vint  le  Rite  de  perfection,  rite  essentiellement 
français,  établi  à  Paris  en  1754  ;  celui-ci,  ainsi  que  nous  l'avons  vu, 
comprend  vingt-cinq  des  degrés  de  la  Maçonnerie  Ecossaise  An- 
cienne et  Acceptée  ;  ses  huit  autres  sont  les  degrés  de  la  haute 
Maçonnerie  continentale.  Le  Rite  Ecossais  ancien  et  Accepté,  tel 
qu'on  le  pratique  chez  nous,  est  donc  de  la  Maçonnerie  purement 
continentale  ;  en  fait,  l'Assemblée  de  Charleston,  où  ce  Rite  fut 
fabriqué,  est  appelée  r Assemblée-Mère  du  Monde  »  '. 

La  Turquie,  à  son  tour,  peut  nous  servir  d'exemple.  «  Il  s'y  trouve, 
dit  le  Dr.  Mackey  parlant  de  ce  pays,  une  Grande  Loge  Provinciale 
d'Angleterre,  ayant  sous  sa  juridiction  quatre  Loges  à  Constanti- 
nople, et  quatre  à  Smyrne.  Le  Grand  Orient  de  France  a  sous  son 
obédience  quatre  Loges  à  Constantinople  ;  quatre  à  Smyrne  et  une 
à  Constantinople  sont  soumises  au  Grand  Orient  d'Italie;  la  Grande 
Loge  d'Irlande  a  une  Loge  sous  sa  dépendance  à  Constantinople, de 
même  que  la  Grande  Loge  d'Ecosse-  ».  Et  tout  cela  compose  la 
Maçonnerie,  et  non  des  Maçonneries.  Le  mot  est  toujours  au  singu- 
lier, car  ces  divisions  ne  sont  que  des  divisions  de  juridiction;  il  ne 
s'agit  que  de  distinctions  au  point  de  vue  du  gouvernement,  et  non 
au  point  de  vue  de  l'esprit  et  des  doctrines  maçonniques. 

L'unité  mondiale  de  la  Maçonnerie  est  clairement  démontrée 
dans  les  «  landmarks  »  ou  principes  essentiels  de  l'Ordre,  dont  le 
quatorzième  est  ainsi  conçu  :  «  Droit  de  tout  Maçon  à  visiter  toutes 
les  Loges  régulières  et  à  y  siéger  ^  ».  «  Le  droit  qu'a  tout  Maçon 
de  visiter  toutes  les  Loges  régulières  et  d'y  siéger,  explique  le 
Dr.  Mackey*,  est  un  «  landmark  »  absolu  de  l'Ordre.  Il  s'appelle  «  le 
droit  de  visite  ».  Ce  droit  a  toujours  été  reconnu  comme  la  pro- 
priété indiscutable  de  tout  Maçon  qui  voyage  à  travers  le  monde. 
Et  il  en  est  ainsi,  parce  que  les  Loges  sont  considérées  à  Juste  titre 
comme  de  simples  divisions  organisées  pour  la  commodité  de  la  fa- 
mille maçonnique  universelle  ». 

«  Tout  Maçon  afTilié  et  bien  noté,  dit-il  encore%  a  le  droit  de  visiter 
n'importe  quelle  Loge,  où  qu'elle  soit,  et   aussi   souvent  que   cela 

1.  Encyclopaedia,  p.  846. 

2.  Ibid.,  p.  838. 

3.  Masonic  Rilualisi,  p.  242. 

4.  Encyclopaedia  of  Freemasonry,  p.  442. 

5.  Ibid.,  p.  8G0. 


29?  LA    MAÇONNERIE   AMERICAINE   NE   FAIT-ELLE 

peut  lui  C'[re  utile  ou  agréable,  et  ce  droit  s'appelle  en  termes  de 
loi  maçonnique  «  le  droit  de  visite  ».  C'est  l'un  des  plus  importants 
de  tous  les  privilèges  maçonniques,  parce  qu'il  est  fondé  sur  le  prin- 
cipe de  Videnlité  de  l  Institution  maçonnique  comme  famille  univer- 
selle, parce  qu'il  met  en  évidence  la  maxime  si  connue:  «  Le  Maçon 
peut  trouver  un  loyer  sous  tous  les  climats  et  un  frère  dans  tous  les 
pays».  Ce  droit  est  universellement  reconnu,  et  depuis  si  longtemps, 
que  je  n'ai  pas  hésité  à  le  classer  parmi  les  «  landmarks  »  de  l'Or- 
dre. 

«  La  doctrine  admise  sur  ce  point  est  que  le  droit  de  visite  est 
un  des  droits  positifs  de  tous  les  Maçons,  continue  notre  auteur, 
parce  que  les  Loges  sont  dûment  considérées  comme  de  sim- 
ples divisions  établies  pour  la  commodité  de  la  famille  maçonnique 
universelle  ».  11  donne  ensuite  les  raisons  qui  pourraient  priver  un 
Maçon  de  ce  droit  ;  puis  il  conclut  :  «  Mais  les  juristes  maçonni- 
ques ont  toujours  décidé  ipi'en  l'absence  de  ces  justes  motifs, 
le  droit  de  visite  est  absolu  et  positif,  et  qu'il  est  la  propriété  de 
tout  Maçon  qui  voyage  à  travers  le  monde  ».  La  même  doctrine  est 
traitée  tout  au  long  dans  son  Text  Book  of  Masonic  Jurisprudence 
(Manuel  de  Jurisprudence  maçonnique,  pp.  203-216)  dans  lequel  il 
ajoute  au  texte  que  nous  venons  de  citer  :  «  Quel  que  soit  le  lieu 
où  il  se  trouve,  à  quelque  distance  qu'il  soit  de  son  habitation,  quel 
que  soit  le  pays  étranger  dans  lequel  il  voyage,  le  Maçon  de  bon 
renom  doit  trouver  dans  toutes  les  Loges  un  foyer  où  il  puisse  être 
sur  de  recevoir  l'accueil  le  plus  chaud  et  le  plus  sincère'  ».  Il  est 
vrai  qu'il  nous  dit  quelques  pages  plus  haut  que  les  Grandes  Loges 
de  quelques  Elats  d'Améri({ue  ont  refusé  ce  droit  de  visite  ou  l'ont 
concédé  comme  une  faveur  et  non  comme  un  droit  absolu. 

«  La  doctrine  admise  dans  le  Maryland  est  celle-ci,  dit-il  :  Toute 
Loge  est,  en  elle-même,  une  famille  séparée  et  distincte  du  reste  de 
l'univers,  et  a  le  droit  incontestable  de  refuser  d'admettre  dans  son 
sein  <pii  bon  lui  semble  ».  (Rapport  du  Comité  de  Correspondance 
étrangère  1854,  p.  10).  11  ajoute,  dans  une  note  en  bas  de  page,  que 
M  ceci  suppose  une  idée  très  rétrécie  de  l'universalité  maçonnique,  et 
qu'en  faisant  decha(jue  Loge  une  famille  dislinrle  et  indépendante, 
on  retire  à  llnstitulion  son  caractère  cosmojxilile.  Il  est  heureux 
que  cette  théorie  ne  soit  pas  admise  ailleurs-'  ». 

Tout  Maître  Maçon  a  donc  le  droit  à  l'aide  et  ù  l'assistance  par- 
tout où  il  se  trouve,  et  il  est  passdilede  la  juiidiclion  maçonnique  de 
l'endroit  où  il  demeure.  Le  devoir  d'aider  et  d'assister,   non  seule- 


I.  7'e.it  Book  of  Masunic  Jurisprudence,  p.  'I?07, 
'i.  Jbid.,  p.  205. 


qu'un  avec  la  maçonnerie  européenne  ?  293 

ment  tous  les  Maîtres  Maçons  dignes  d'intérêt  et  qui  ont  besoin  de 
secours,  mais  encore  leurs  veuves  et  leurs  orphelins,  tout  dispersés 
qu'ils  puissent  être  sur  la  surface  du  globe,  est  l'une  des  obligations 
les  plus  importantes  de  celles  qui  sont  imposées  à  tous  les  Frères 
du  «  Lien  mystique  »  par  l'esprit  et  les  intentions  de  l'Institution 
maçonnique. 

Cette  unité  du  corps  maçonnique  est  exposée  avec  la  même  clarté 
à  la  page  388  de  l'Encyclopédie  de  la  Franc-Maçonnerie,  où  le  Dr. 
Mackey  traite  de  la  juridiction  des  Loges.  Celle  juridiction  esl  «  géo- 
graphique ou  personnelle.  La  juridiction  géographique  d'une  Loge 
est  celle  qu'exerce  cette  Loge  sur  tout  le  territoire  oii  elle  est  si- 
tuée ;  cette  juridiction  s'étend  à  tous  les  Maçons,  affiliés  ou  non, 
qui  habitent  sur  ledit  territoire...  ». 

«  ha  Juridiction  personnelle  d'une  Loge  est  cette  juridiction  pé- 
nale qu'elle  exerce  sur  ses  propres  membres,  quel  que  soit  l'endroit 
où  ils  se  trouvent.  Tant  qu'un  Maçon  est  membre  d'une  Loge,  il  est 
sous  l'autorité  de  celte  Loge,  et  soumis  à  son  pouvoir  de  juridiction 
pénale,  peu  importe  la  dislance  qu'il  peut  avoir  miseentre  lui  et  la- 
dite Loge  ».  Nous  voyons  donc  que,  sans  cesser  d'être  membre  d'une 
Loge,  et  tout  en  restant  susceptible  de  subir  sa  condamnation  si 
elle  le  déclarait  convaiucu  de  manquement  à  quelque  devoir  maçon- 
nique, tout  Maçon,  par  le  seul  fait  qu'il  entre  dans  une  autre  juri- 
diction maçonnique,  doit  être  soumis  à  cette  dernière,  dont  il  de- 
vient le  sujet,  même  s'il  ne  s'affdie  à  aucune  de  ses  Loges.  En  etTet, 
comme  on  nous  l'a  dit,  les  juridictions  diiïérentes  ne  sont  que  de 
simples  divisions  établies  pour  la  commodité  du  gouvernement  de 
la  grande  famille  maçonnique  ;  et  la  loi  maçonnique  que  nous  étu- 
dions n'est  autre  chose  que  l'application  de  ce  principe. 

C'est  pourquoi  noire  auteur,  dans  son  article  sur  les  «  statistiques 
de  la  Franc-Maçonnerie  »,  s'enorgueillit  de  son  unité  et  de  son  uni- 
versalité. 

Ecoutons-le  :  «  L'assertion  que,  dans  chaque  pays,  le  Maçon  peut 
trouver  un  frère  sous  toutes  les  latitudes  est  puissamment  étayée 
par  les  statistiques  de  l'Ordre,  qui  prouvent  que, parloutoù  l'homme 
civilisé  a  pénétré,  ses  temples  ont  été  établis.  Il  est  impossible  de 
préciser  le  nombre  des  Francs-Maçons  disséminés  par  tout  le 
monde  ;  mais  si  nous  ne  nous  égarons  pas  en  croyant  qu'on  en 
compte  plus  de  400.000  dans  les  Etals-Unis  d'Amérique,  une  éva- 
luation qui  porterait  leur  nombre  lolalà  un  million  et  demi  au  moins 
serait  plutôt  au-dessous  de  la  réalité.  Nous  donnons  ici  la  liste  des 
pays  où  la  Franc- Maçonnerie  se  pratique  ouvertement,  avec  la  per- 
missioD  des  autorités  publiques,  et  nous  omettons  les  Etats  où  des 
gouvernements  soupçonneux  mettent  les  Maçons  dans  la  nécessité 


294 


LA    MAÇONNERIE    AMÉRICAINE    NE    FAIT-ELLE 


de  se  réunir  en  cachette,  si  tant  est  qu'ils  se  réunissent,  Etats  bien 
peu  nombreux  de  nos  jours,  grâce  aux  progrès  de  l'esprit  de  to- 
lérance. 

I.  Europe 


Anhalt-Bernburg 

Mecklembourg-Schwerin 

Anhalt-Dessau 

Pays-Bas 

Bavière 

Norwège 

Belgique 

Portugal 

Brème 

Posen  (Duché  de) 

Brunswick 

Prusse 

Danemark 

Pologne  prussienne 

Angleterre 

Saxe 

France 

Saxe-Cobourg 

Allemagne 

Saxe-Gotha 

Hambourg 

Saxe-H  ildburghausen 

Hanovre 

Saxe-Meiningen 

Hesse-Darmstadt 

Saxe-Weimar . 

Hollande 

Saxe  (Royaume  de) 

Holstein-Oldenburg 

Schwarzburg-Rudolstadt 

Hongrie 

Ecosse 

Iles  Ioniennes 

Espagne 

Irlande 

Suède 

Italie 

Suisse 

Malte 

Wurtemberg 

II.  Asie 

Ceylan 

Perse 

Chine 

Pondichéry 

Inde 

Turquie 

Japon 

III.  Océanie 

Nouvelle-Galles  du  Sud 

Sumatra 

Java 

Sandwich  (Iles) 

Nouvelle-Zélande 

IV.  Afrique 

Algérie 

Guinée 

Bourbon  (Ile) 

Maurice 

Canaries  (Iles) 

Mozambique 

Ou"lN    avec    la    MACONNEBIE    El  ROPEENNE 


295 


Cap  de  Bonne  Espérance 

Egypte 

Goa 


Sénégambie 
Sainte-Hélène 


V.  Amérique 


Antilies 

Argentine  (République) 

Barbades 

Bermudes 

Brésil 

Canada 

Carthagène 

Chili 

Colombie 

Saint-Christophe  (Ile  de) 

Curaçao 

Dominique 

Guyane  hollandaise 

Guyane  anglaise 

Guyane  française 

Guadeloupe 

Haïti 

Jamaïque 


Martinique 

Mexique 

Nouveau-Brunswick 

Nouvelle-Grenade 

Nouvelle-Ecosse 

Panama 

Pérou 

Rio  de  la  Plata 

Saint-Barthélémy  (Ile) 

Sainte-Croix 

Saint-Eustache 

Saint-Martin 

Saint-Thomas 

Saint-Vincent 

La  Trinité 

Etats-Unis 

Uruguay 

Venezuela 


Le  même  catalogue,  un  peu  augmenté,  se  trouve  dans  le  Maso- 
nic Lexicon  (pp.  4d5-457j.  Comme  il  a  été  fait  il  y  a  plus  de  trente 
ans,  il  semble  un  peuvieilli  par  endroits;  il  pourra  servir  néanmoins 
à  donner  au  lecteur  une  idée  de  l'expansion  de  la  Maçonnerie  à  tra- 
vers le  monde. 

D'après  le  F.-.  Henry-Léonard  Stillson,  32%  historien  maçonni- 
que, qui  a  écrit  dans  V Encyclopaedia  Americana,^  «  le  nombre  des 
membres  de  la  Maçonnerie  symbolique  est  publié  annuellement  aux 
Etats-Unis  et  au  Canada.  En  1903,  on  en  compta  962.438,  répartis  en 
12.704  Loges  dépendant  de  57  Grandes  Loges,  soit  39.500  membres 
de  plus  qu'en  1902  ». 

Le  New-York  Tribune  Almanac  and  Political  Register  (p.  233) 


1.  Vol.  X,  voir  \'av\.\c\e  Masonic  Fralernily. 

2.  D'après  la  Cyclopsedia  of  Fraternilies  (l'Encyclopédie  des  Fraternités), 
plus  de  200.000  candidats  sont  initiés  chaque  année  dans  les  fraternités  et  so- 
ciétés secrètes  d'Amérique,  dont  30.000  dans  la  Fraternité  maçonnique...  ». 
Le  total  donné  plus  haut  ne  comprend  pas  les  Maçons  nègres,  qui  sont  au 
nombre  d'environ  60.000  en  ce  pays,  mais  qu'on  considère  comme  illégiti- 
mes ».  {Ibid.,  p.  72). 


296  LA    MAÇONNERIE   AMÉRICAINE    NE    FAIT-ELLE 

accuse  un  total  de  1.1?8.998  membres  dans  les  «  Grandes  Loges 
maçonniques  de  1  Amérique  du  Nord  ».  Le  World  Almanac  and 
Encyclopaedia  pour  1908  (p. 404)  donne,  comme  il  suit',  «  le  compte 
rendu  des  Grandes  Loges  des  Etals-Unis  et  de  l'Amérique  anglaise 
pour  l'année  1905-1906  »  :  «  Nombre  total  des  membres:  1.062.425; 
admissions  et  réintégrations,  28.155  ;  retraites,  22.008  ;  expulsions 
et  suspensions,  659  :  suspensions  pour  non-payement  des  charges, 
12.760;  morts,  16.123.  Accroissement  du  nombre  des  membres 
sur  l'année  précédente,  66.576  ».  Un  tableau  statistique  donne 
1.188.566  comme  nombre  des  membres  en  1907. 

Le  World  Almanac  de  1908  (p.  404)  nous  informe  que  le  «  Sou- 
verain Grand  Consistoire  du  rite  écossais  ancien  et  accepté  »,  qui 
forme  un  groupement  de  ce  rite  divisé,  fut  organisé  il  y  a  cent 
ans  à  New- York  sous  Végide  du  Grand  Orient  de  France...  par  M.'. 
I.-.  Joseph  Cerneau  i,  33^  et  que  son  suprême  Conseil  a  des  rela- 
tions fraternelles  avec  les  Suprêmes  Conseils  d'Angleterre,  d'Ir- 
lande, du  Canada,  d'Italie,  d'Egypte,  de  Cuba,  d'Argentine,  d'Aus- 
tralie, de  Nouvelle-Zélande,  du  Me.rique,  de  Belgique,  d'Allema- 
gne, de  Suisse,  de  Grèce,  d'Autriche-Hongrie  et  autres  Grands 
Orients  ». 

On  peut  se  rendre  compte  de  quels  autres  Grands  Orients  il 
s'agit  en  constatant,  toujours  d'après  le  World  Almanac,  que  le 
«  Suprême  Conseil  des  Souverains  Grands  Inspecteurs  Généraux  du 
Trente-troisième  et  dernier  degré  »  du  même  rite  sont  également 
«  en  relations  d'amitié  avec  les  Suprêmes  Conseils  de  France...  du 
Brésil....  de  l'Uruguay,  du  Paraguay,  du  Pérou,  du  Portugal...  de 
la  Colombie,  du  Chili,  de  l'Amérique  centrale...  et  de  l'Espagne  ». 

Le  «  Souverain  Sanctuaire  de  l'Ancienne  Maçonnerie  primitive 
(rite  de  Memphis)  du  Continent  américain  »  fut  directement  intro- 
duit de  France  dans  ce  pays  par  Jacques-Etienne  Marconis  vers 
1857-,  et  comme  il  fut  créé en  afliliation  avec  le  Grand  Orient 

1.  L'n  graivl  nonil)ip  de  Matons  considèicnf  Ornoau  comme  <■  le  Caglios- 
tro  amérirain  ».  Il  urtranisa  son  Suprême  Conseil  de  Souverains  Grands 
Fn«^pecteurs  généraux,  33°,  à  New-York  en  isl'J.  D'après  Mackey  [Encyclopae- 
dia, p.  tWT),  le  rife  Kcossais  ancien  et  aeceplé  n  existait  pas  <■  avant  1801  », 
et  on  lit  tlans  la  Ci/clopa-^ia  of  Fralernilies  ['2-  »''dition,  p.  t3)  :  <-  Le  rite  Ecos- 
sais ancien  et  accepté  jirit  naissance  à  Charleston,  S.  C.  en  1X01  ;  il  provient 
des  vingt-cinq  depr«'s  du  Rite  de  perfection.  Chapitre  de  Clermont,  Paris, 
1754...  ».  Le  procès  de  Cerneau  fut  la  cause  d'une  dissension  dans  la  Maçon- 
nerie de  Rite  Ecos.sais  aux  Etats-Unis,   «jui  dura  plusieurs  années  ».  (Ihid  ., 

p.  47). 

2.  Le  lecteur  pourrait  trouver  intéressant  de  savoir  <|ue  ce  rite  fut  établi  à 
Paris  en  1830,  et  qu'il  eut  bientôt  des  Lo^es  à  Marseille  et  à  Bruxelles.  Il 
comprenait  à  l'origine  quaire-vinpt-douze  deprés,  puis  quatre-vingt-seize  et 
enfin  un  quatre-vinf^l-dix-seplième  degré  fut  rréé  pour  le  chef  ofliciel  du 
Kite  ».    Cyclopxdia  of  FrulerniUc»,  2*  éd.  p.  78). 


qu'un  avec  la  maçonnerie  eubopéenne  ?  297 

de  France  ',  il  est  afïîlié  aux  dilïérenles  puissances  maçonniques 
du  monde  entier,  et  ses  représentants  entretiennent  avec  ceux 
d'Italie,  d'Espagne  et  de  Roumanie  (entre  autres  pays),  des  rela- 
tions régulières  -  ». 

Les  Maçons  «  Royal  Arch  »  des  Etats-Unis  ont  «  sous  la  juridic- 
tion immédiate  de  [leur .  Grand  Chapitre  Général,  28  Chapitres 
subordonnés,  dont  quelques-uns  sont  à  Porio-Bico,  '  au  Chili  et 
dans  r Empire  chinois  ». 

«  \^' universalité  de  la  Maçonnerie,  ajoute  le  Dr.  Mackey,  n'est  pas 
moins  honorable  à  l'Ordre  qu'avantageuse  aux  Frères.'..  Nos 
Loges  sont  disséminées  de  l'Est  à  l'Ouest  et  du  Nord  au  Sud,  sur 
toute  la  surface  du  globe  habité...  Le  Maçon  indigent  et  abandonné 
peut  trouver  un  frère  en  tous  les  climats  et  un  foyer  dans  tous  les 
pays. 

•<  La  preuve  de  ces  assertions,  continue-t-il,  est  contenue  dans 
le  tableau  suivant  des  pays  où  la  Franc-Maçonnerie  est  ouverte- 
ment pratiquée  avec  la  permission  des  autorités  publiques.  Il  n'y 
est  pas  fait  mention  des  pays  comme  l'Autriche,  où  les  Loges  sont 
obligées  de  se  tenir  en  cachette,  à  cause  de  l'intolérance  soupçon- 
neuse du  gouvernement.  Il  faudrait  y  ajouter  l'Italie  et  la  Hon- 
grie *  » . 

On  nous  affirme  donc  maintes  et  maintes  fois,  dans  les  fermes  les 
plus  clairs  et  les  plus  emphatiques,  que  le  corps  maçonnique  est  un 
à  travers  le  monde,  et  nous  voyons  les  Etats-Unis  figurer  à  leur 
rang  sur  la  liste  maçonnique  alphabétique  tout  comme  la  France, 
V Angleterre,  V Allemagne,  le  Mexique  ou  toute  autre  contrée  du 
globe.  La  Maçonnerie  est  une;  le  rite,  la  juridiction  varient,  selon  le 
goût  des  Frères,  quant  aux  cérémonies,  et  suivant  les  convenances  du 
gouvernement  maçonnique.  Voici  ce  qu'atteste  notre  auteur  si  clai- 
rement et  de  façons  si  variées,  avec  tant  d'assiduité  et  de  persévé- 
rance que,  s'il  rencontrait  un  contradicteur  parmi  les  Maçons,  il 
faudrait  qu'il  fût  tout  à  fait  ignorant  de  son  Ordre  ou  qu'il  man- 
quât de  sincérité.  L'unité  de  la  Franc-Maçonnerie  repose  sur  ses 
«  landmarks  »  ;  elle  est  exprimée  dans  ses  lois,  ses  symboles,  ses 
signes  ;  elle  est  exposée  par  les  orateurs  et  les  écrivains  maçonniques, 
qui  proclament  (|u'elle  fait  la  gloire  et  l'orgueil  de  la  Maçonnerie  ; 
elle  fait  les  frais  des  toasts  ordinaires  des  banquets  maçonniques,  et 
on  la  représente  fré((uemment  comme  l'un  des  grands  avantages 
temporels  qui  reviennent  aux  Francs-Maçons. 

1.  New  Inlernalional  Encyclopœdia.  Vol.  XI  (1903),  p.  994. 

2.  Ibid.,  p.  405. 

3.  Ibid.,  p.  405. 

4.  Masonic  Lexicon,  p.  455. 


298  LA    MAÇONNERIE  AMÉBICAIXE   NE   FAIT-ELLE 

De  plus,  le  grand  public  admet  cela  comme  une  chose  toute  na- 
turelle, et  un  livre  de  références  fort  connu,  le  World  Almanac,  a 
fait  suivre,  pendant  des  années,  son  tableau  statistique  de  la  Ma- 
çonnerie, de  la  note  suivante  :  ><  Ces  Grandes  Loges  celles  des 
Etals-Unis  et  de  l'Amérique  anglaise)  sont  intimement  affiliées  à  la 
Grande-Loge  anglaise,  qui  a  pour  Grand-Maître  le  Duc  de  Con- 
naught,  et  aux  Grandes-Loges  d'Irlande.  d'Ecosse,  de  Cuba,  du 
Pérou,  de  l'Australie  méridionale,  de  la  Nouvelle-Galles  du  Sud, 
de  "Victoria  ;  elles  sont  également  unies  aux  Maçons  d'Allemagne  et 
d'Autriche.  Elles  ne  sont  point  affiliées  ni  en  correspondance  avec 
les  Maçons  du  Grand-Orient  de  France  '.  Toutefois  elles  sont  en 
rapports  d'affiliation  avec  les  Maçons  placés  sous  la  juridiction  du 
Suprême  Conseil,  et  elles  les  reconnaissent.  La  Franc-Maçonnerie 
est  au  ban  de  l'Eglise  en  Espagne,  en  Italie  et  dans  les  autres  pays 
catholiques  ;  les  membres  y  sont  peu  nombreux  et  clairsemés  ^  ». 

Nous  avons,  croyons-nous,  suffisamment  prouvé  plus  haut  que 
nos  Maçons  américains  correspondent  avec  les  Maçons  d'Italie 
et  les  reconnaissent,  alors  même  que  dans  ce  pays  la  Fraternité 
forme  de»  groupes  «  peu  nombreux  et  clairsemés  ». 

Il  nous  reste  à  dire  quelques  mots  de  la  rupture  avec  le  Grand- 
Orient  de  France,  à  laquelle  il  est  fait  allusion  dans  les  passages 
que  nous  venons  d'emprunter  au  World  Almanac.  Une  rupture  de 
communications  n'est  rien  de  plus  qu'un  schisme  en  Maçonnerie  : 
la  doctrine  essentielle  de  l'Institution  n'en  est  point  atteinte,  son 
esprit  n'en  est  point  altéré.  Aucun  de  ceux  qui  sont  familiers  avec 
l'histoire  maçonnique  n'ignore  la  longue  et  Apre  querelle  qui  di- 
visa les  Grandes  Loges  d'Angleterre  ^  ;  cependant,  en  1813,  les  dis- 
sensions cessèrent  et  l'harmonie  fut  rétablie.  lien  fut  de  même  des 
désaccords  qui  eurent  lieu  au  Brésil  * ,  en  France^,  à  Francfort', 
en  Irlande  ',  en  Suisse** ,  aux  Etats-Unis^ .  Pendant  le  temps  que 
durèrent  ces  querelles,  les  relations  maçonniques  furent  interrom- 
pues, mais  la  doctrine,  l'esprit  de  la  Maçonnerie  restèrent,  au  fond, 
les  mêmes. 

1.  Dans  la  dernière  édition  du  World  Almanac,  celle  de  1908.  cette  phrase  a 
été  légèrement  modifiée  ainsi  qu'il  suit  :  "...  ne  correspondent  pas  avec  les 
Maçons  placés  sous  la  juridiction  du  Grand-Orient  de  France....  ». 

2.  The   World  Almnnar  and  Hnci/clop^rdia  (1906),  p.  336. 

3.  Hnri/clopudin  nf  Freemasonry,  pp.  (15-68. 

4.  Unci.,  pp.  12r)-126. 
F).  Jbid.,  pp.  288-290. 

6.  Ihid.,  p.  290 

7.  fhid.,  p.  370. 

8.  Ihid.,  p.  777. 

9.  Ibid.,  pp.  491,  477,  727. 


qu'un  avec  la  maçonnerie  européenne  ?  299 

Aussi  rargumenl  qu'on  nous  présente  si  souvent,  qu'il  existe 
une  ditïérence  essentielle  entre  la  Franc-Maçonnerie  française  et 
la  Franc-Maçonnerie  américaine,  à  cause  de  la  rupture  de  leurs 
relations,  est  dépourvu  de  toute  valeur. 

1°  Chez  nous, le  Rite  Ecossais  est  purement  français  par  son  ori- 
gine et  par  sa  transmission. 

2"  La  rupture  s'est  faite  avec  le  Grand-Orient  de  France,  ainsi 
que  nous  l'avons  vu.  Or,  le  Grand-Orient  de  France  ne  représente 
qu'une  partie  de  la  Maçonnerie  française. 

«  Le  Suprême  Conseil  du  Rite  Ecossais  Ancien  et  Accepté  de 
France,  dit  le  Fr.-.  Me  Clenachan  i  est  resté  et  reste  encore  fidèle 
à  tous  les  principes  de  la  Franc-Maçonnerie,  en  ce  qu'il  garde  la 
première  place  au  Père  qui  est  aux  cieux,  qui  fut,  est  et  sera  tou- 
jours un  être  personnel.  Un  ensemble  considérable  de  Loges  de  la 
Fraternité  reconnaissent  l'autorité  du  Suprême  Conseil  ;  leur  nom- 
bre, d'après  les  derniers  renseignements,  s'élève  à  quatre-vingt- 
trois,  tandis  que  celles  qui  s'attardent  dans  leur  attachement  à  l'O- 
rient, peu  confiantes  en  leur  avenir,  arrivent  au  nombre  approxi- 
matif de  deux  cent-cinquante,  pour  la  France  et  ses  dépendances. 
Parmi  elles,  il  en  est  dont  l'existence  n'est  que  nominale,  et  qui  ne 
s'intéressent  point  à  la  Maçonnerie  ».  Ainsi  donc,  il  n'est  pas  vrai 
qu'il  y  ait  rupture  complète  entre  les  Maçons  de  France  et  le  reste 
du  monde.  Des  relations  amicales  existent  encore  avec  le  Rite  Ecos- 
sais de  France  et  les  quatre-vingt-trois  Loges  maçonniques  qui  lui 
sont  subordonnées. 

3°  Ne  nous  demandons  pas  s'il  est  prudent  ou  avantageux  pour 
le  Grand  Orient  d'avouer  franchement  son  incroyance.  L'afTirma- 
lion  de  cette  incroyance  est  la  conséquence  logique  des  principes 
de  la  Maçonnerie  ésotérique,  ainsi  que  nous  l'avons  vu  dans  notre 
étude  sur  le  Dieu  maçonnique  et  Jéhovah.  Le  naturalisme  de  la  Ma- 
çonnerie, la  déification  des  passions  humaines  ne  peuvent  aboutir 
ailleurs  pour  les  esprits  logiques.  Le  Grand  Orient  de  France  ne 
saurait  être  accusé  d'ignorer  les  principes  maçonniques  ;  sa  décla- 
ration fut  le  fruit  de  réflexions  et  de  considérations  prolongées  ; 
elle  n'est  que  l'expression  formelle  de  ce  que  nous  avons  reconnu  à 
maintes  reprises  sous  les  voiles  du  langage.  Il  se  peut  qu'elle  man- 
que de  prudence  ;  en  tout  cas,  elle  est  vraie. 

«  La  discussion,  dit  le  F.-.  Me  Clenachan,  et  une  tentative  que 
fit  une  grande  partie  de  la  Maçonnerie  française  en  vue  d'éviter  une 
calamité  maçonnique  menaçante,  furent  impuissantes  à  empêcher 

\.  Encyclopœdia  of  Freemasonri^.  p.  954, 


300  LA    MAÇONNERIE   AMERICAINE    NE    FAIT-ELLE 

l'Assemblée  Générale  «lu  Grand  Orient  de  Franco  d'achever  son 
bouleversemenl  et  celui  des  corps  qui  lui  étaient  subordonnés,  en 
adoptant  presque  à  l'unanimité  l'amendement  désormais  fameux 
de  l'article  I  de  la  Constitution  maçonnique,  le  14  septembre  1877. 

«  Nous  donnons  ci-dessous  le  texte  de  l'amendemeiit  et  celui  du 
second  paragraphe  original,  qui  a  été  supprimé  : 

«  Paragraphe  original  :  La  Franc-Maçonnerie  a  pour  principes 
l'existence  de  Dieu,  l'immortalité  de  l'âme,  et  la  solidarité  hu- 
maine ». 

«  Amendement  substitué  :  «  Attendu  que  la  Franc-Maçonnerie 
«  n'est  point  une  religion,  et  n'a  dès  lors  aucune  doctrine,  aucun 
«  dogme  à  alfirmer  dans  sa  constitution,  l'Assemblée,  adoptant  le 
«  vœu  IX,  a  décidé  et  décrété  que  le  second  paragraphe  de  l'arti- 
'(  cle  I  de  la  Constitution  serait  effacé,  et  qu'à  la  place  des  mots 
«  dudit  article  seraient  mis  les  suivants  :  1^  La  Franc-Maçonnerie 
«  étant  une  institution  essentiellement  philanthropique,  philoso- 
«  phique  et  progressive,  se  propose  pour  objets  immédiats  la  re- 
«  cherche  de  la  vérité,  l'étude  de  la  morale  universelle,  des  scien- 
«  ces  et  des  arts,  et  la  pratique  de  la  bienfaisance.  Elle  a  pour  prin- 
«  cipes  la  plus  entière  liberté  de  conscience  et  la  solidarité  hu- 
«  maine,  et  sa  devise  est  Liberté,  Egalité,  Fraternité  ». 

«  L'adoption  de  ce  qui  précède  fut  le  résultat  d'une  délibération 
approfondie  des  membres  de  l'assemblée,  qui  restèrent  pendant  plus 
d'un  an  livrés  aux  pénibles  travaux  des  débats  et  des  réflexions  les 
plus  profondes. 

«  En  prenant  le  parti  qu'on  vient  de  voir,  la^ France  rejeta  la  Ma- 
çonnerie par  l'organe  du  Grand  Orient  ;  mais  la  Maçonnerie  ne 
rejeta  point  la  France.  Il  en  résulta  que  les  puissances  maçon- 
niques du  monde  firent  de  j)rofondes  et  tristes  réflexions  sur  la 
possibilité  de  continuer  des  rapports  amicaux,  et  ces  réflexions 
aboutirent  à  la  cessation  rapide  des  relations  de  courtoisie  et  de 
représentation  avec  un  centre  maçonnique  jadis  plein  de  fierté, 
qui  substituait  en  lettres  de  feu  les  mots  de  force  supérieure  et  de 
principe  créateur  au  grand  symbole  maçonnique  de  Dieu.  En  con- 
séquence, comme  il  ne  peut  exister  de  Maçonnerie  sans  Dieu,  la 
Maçonnerie  cessa  d'avoir  une  existence  organisée  dans  ce  pays,  et, 
bien  que  le  Grand  Orient  existe  toujours  nominalement,  il  n'est 
point  maçonnique. 

«  Le  Suprême  (Conseil  du  Hite  Ecossais  ancien  et  accepté  de 
France,  reprend-il  dans  un  passage  déjà  cité,  «  est  resté  et  reste 
«  purore  fidèle  à  tous  les  principes  de  la  Maçonnerie  '  ». 

1.  Encyclopxdia,  p.  'X>i. 


qu'un    avec   la    >fAÇONNEhIE    EUROPEENNE  ?  301 

Le  monde  n'est  pas  prêt  pour  une  négation  formelle  et  franche 
de  Dieu,  ainsi  que  le  savent  fort  bien  les  autorités  maçonniques 
hors  de  France.  Il  faut  donc  garder  le  mot  Dieu  ou  Jehovah.  Ce 
sera  un  écran  commode.  Le  Maçon  exotériqiie  le  prendra  dans  un 
sens,  le  sien  ;  le  Maçon  ésotérique  le  prendra  dans  un  autre  sens,  le 
sien  aussi.  Mais  qu'on  n'oublie  pas  ce  que  nous  a  dit  le  Fr.-.  Me 
Clenachan  : 

«  G.  0.  D.  Initiales  de  Gomer,  Oz,  Dabar.  C'est  une  singulière 
«  coïncidence,  et  qui  mérite  réflexion,  que  les  lettres  qui  forment 
«  le  nom  de  la  Divinité  en  anglais  soient  précisément  les  initiales 
«  des  trois  mots  hébreux  qui  signifient  sagesse,  force  et  beauté,  les 
«  trois  grands  piliers  ou  soutiens  figuratifs  de  la  Maçonnerie.  Il 
«  semble  qu'elles  constituent  exclusivement,  ou  peu  s'en  faut,  le 
«  motif  qui  peut  faire  accepter  à  un  Maçon  l'usage  de  l'initiale  G, 
«  suspendue  de  façon  très  visible  à  l'Orient  de  la  Loge,  à  la  place 
«  du  Delta.  C'est  là  un  détail  qui  nous  paraît  quelque  chose  de  plus 
«  qu'un  hasard  '  ». 

Dabar,     Sagesse,    D 
Oz,  Force,      O 

Gomer,   Beauté,    G 

«  Ainsi  ces  initiales  cachent  la  véritable  signification  ». 

Pourquoi  faut-il  faire  accepter  au  Maçon  l'emploi  de  G,  comme 
initiale  de  God,  Dieu,  et  pourquoi  le  lui  fait-on  accepter  en  dé- 
couvrant dans  ce  mot  les  symboles  des  colonnes  maçonniques  ; 
comment  le  mot  God  lu  à  rebours,  Dabar,  Oz,  Gomer,  frap- 
pera-l-il  l'esprit  de  l'initié  qui  lit  Jehovah  à  rebours,  de  manière  à 
obtenir  Ho-Hi,  He-She?  Nous  l'avons  longuement  expliqué  ail- 
leurs. Mais  quel  profane  reconnaîtra  God,  Dieu,  dans  le  mot  ainsi 
défiguré  ?  Donc,  dire  qu'il  n'est  point  de  Maçonnerie  sans  Dieu, 
alors  ({ue  le  motif,  et  presque  le  seul  motif  capable  de  faire  accepter 
au  Maçon  l'emploi  de  l'initiale  G,  c'est  qu'elle  représente  «  Sa- 
gesse, Force,  Beauté  »,  colonnes  phalliques  de  la  Loge,  c'est,  pour 
des  chrétiens,  une  pure  mystification,  et  c'est  ainsi  que  l'a  pris  le 
Grand-Orient  de  France. 

En  conséquence,  la  Maçonnerie  ésotérique  est  partout  la  même, 
car  partout  les  mêmes  principes  sont  enseignés  dans  les  hauts  gra- 
des ;  la  Maçonnerie  exotérique,  ou  Maçonnerie  des  non-initiés,  pré- 
sentera naturellement  des  différences.  Mais  ces  différences  n  en  for- 
ment pas  moins  un  corps  unique, que  le  même  esprit  anime  à  des  degrés 
divers.  C'est  grâce  à  cela  que  nous  avons  vu  l'aigreur  et  la  bigoterie 
du  Chapitre  Rose-Croix  de  Gethseraani,  à  Oakland,  en  Californie, 

1.  Encyclopmdia,  p.  957. 


302  MAG.'.    AMÉRICAINE    ET    MAC.'.    ELROPÉENNE 

et  du  F.*.  Sherman,  dont  l'esprit  inspire  el  dirige  les  affaires  ma- 
çonniques sur  la  côle  du  Pacifique,  bien  que  nous  ayons  peine  à 
croire  que  lous  les  genllemen  présents  à  la  réunion  en  question 
aient  approuvé  du  fond  du  cœur  les  sentiments  ainsi  exprimés.  Mais 
le  fait  même  de  se  réunir  en  un  corps,  où  l'on  prend,  ne  fût-ce  qu'en 
partie,  un  esprit  aussi  anticalholique,  aussi  antichrétien  que  celui 
de  la  Vraie  Maçonnerie,  voilà  ce  que  l'Eglise  catholique  ne  peut 
que  condamner.  Son  amour  des  âmes  ainsi  abusées  par  les  appa- 
rences extérieures,  et  le  prix  qu'elle  attache  à  ces  âmes  l'obligent 
à  parler  haut  et  clair,  sans  tenir  compte  de  ce  qui  en  résultera  pour 
elle. 

Comme  la  Maçonnerie  avancée  et  progressive  de  France  a  ouver- 
tement proclamé  son  dessein  de  chasser  Dieu  de  France,  ainsi  le 
but  de  la  Maçonnerie  avancée  est  d'agir  de  même,  dans  le  monde  en- 
tier. 

La  Maçonnerie  est  une  partout,  non  point  par  le  rite,  ce  qui  n'est 
là  qu'une  unité  accidentelle,  non  point  par  la  juridiction,  ce  qui 
pareillement  n'est  qu'une  affaire  de  convenance  ;  non  point  pour  ses 
membres  exotériques,  car  ceux-ci  sonttenusdans  l'ignorance  desdoc- 
trines de  l'Art.  Elle  est  une  en  son  esprit  véritable  et  ésotérique  ;elle 
est  une  en  son  but,  en  son  objet;  une  dans  sa  lumière  et  ses  doctri- 
nes; une  en  sa  philosophie  et  sa  religion;  elle  forme  ainsi  une  famille, 
une  corporation,  une  institution,  une  fraternité,  un  ordre,  un 
monde,  qui  tend,  par  sa  catholicité,  à  se  substituer  à  la  catholicité 
qu'a  établie  le  Christ. 


APPENDICE 

L'Umté  de  la  Franc-Maçonnebie 


C'est  une  erreur  profondément  enracinée  dans  nombre  d'esprits 
catholiques  que  la  Maçonnerie  chez  nous  est  différente  de  la  Maçon- 
nerie européenne  et  latino-américaine  ;  et  cette  erreur  est  soigneu- 
sement entretenue  par  les  Maçons  eux-mêmes,  qui  y  trouvent  eur 
compte.  Aussi  n'avons-nous  point  été  surpris  de  voir  l'article  sui- 
vant imprimé  de  bonne  foi  dans  un  de  nos  journaux  catholiques'. 

Un  discours  récemment  prononcé  devant  la  Loge  de  Louisville  n"  400.  des 
Maçons  Libres  et  Acceptés,  par  John  C.  Strother,  de  Louisville  (Kentucky), 
révèle  un  fait  peu  connu  en  ce  pays,  à  savoir  :  que  les  Francs-Maçons  aux 
Etats-Unis  ne  reconnaissent  point  ceux  de  France  et  des  autres  pays  latins, 
et  n'ont  avec  eux  aucune  communication. 

Ce  discours  qui  a  été  imprimé  dans  le  Masonic  Home  Journal  contient  le 
passage  suivant  : 

«  Je  puis  dire  quen  un  sens  il  y  a  plusieurs  sortes  de  Maçonnerie.  La 
Franc-Maçonnerie  nest  pas  connue,  enseignée  et  pratiquée  dans  le  monde 
entier  avec  la  croyance  en  Dieu  comme  Suprême  Architecte  de  l'Univers,  ni 
avec  l'idéal  élevé  de  morale  qui  caractérise  les  loges  de  notre  pays  et  qui, 
je  puis  bien  le  dire,  sont  connus  et  mis  en  pratique  dans  la  Loge  n°  400  de 
Louisville,  et  dans  les  autres  Loges  de  cette  ville  et  de  cette  juridiction.  La 
Franc-Maçonnerie  telle  qu'elle  existe  en  France,  en  Italie,  en  Espagne,  en 
Portugal  et  dans  les  républiques  sud-américaines  est  une  association  politi- 
que antireligieuse  qui,  en  ces  dernières  années,  est  devenue  une  sorte  de 
secte  athée,  ne  faisant  pas  mystère  de  sa  haine  pour  la  religion  révélée. 

<>  La  Franc-Maçonnerie  a  été  introduite  en  France  probablement  vers  1720, 
et  dans  les  autres  pays  susnommés  probablement  plus  tard.  De  nombreux 
gentilshommes  français  se  sont  affiliés  aux  Loges  où  la  libre  pensée  et  l'in- 
crédulité étaient  ouvertement  discutées.  Des  Loges  pour  les  femmes  furent 
organisées  où  la  liberté,  la  licence  n'étaient  guère  moindres  que  dans  les  Lo- 
ges pour  les  hommes,  et,  dans  ces  loges,  les  dames  de  la   Cour  et  les  fem- 


1.  Cet  article  a  été  tiré  des  quotidiens  profanes  dont  plusieurs  lui  ont  don- 
né, pour  une  raison  quelconque,  une  importance  considérable. 


3Ô4  LUNITÉ    DE    LA    FRANC-MAÇON.NERIE 

mes  les  plus  en  vue  par  leur  condition  et  par  leurs  relations  dans  la  so- 
ciété et  dans  la  politique  en  devinrent  membres  et  les  fréquentèrent  assidû- 
ment. 

"  Dans  une  société  à  ce  point  dégagée  de  linfluence  religieuse,  les  Loges 
maçonniques  étaient  une  sorte  de  terrain  neutre  où  chacun  pouvait  penser 
et  choisira  sa  guise  sans  redouter  linfluence  ni  l'hostilité  de  l'Eglise  ou 
de  l'Etat.  Dans  ces  réunions,  l'existence  historique  du  Christ,  pour  ne  rien 
dire  de  sa  Divinité,  était  l'objet  de  discussions  et  de  plaisanteries,  et  cette 
disposition  accrut  sans  doute,  si  elle  ne  le  créa  point,  l'antagonisme  exis- 
tant entre  la  Franc-Maçonnerie  et  l'Eglise  catholique  romaine. 

<<  De  temps  en  temps,  les  papes  de  Rome  ont  publié  des  décrets  lançant 
l'excommunication  sur  les  membres  de  l'Ordre.  Mais  la  sentence  d'excommu- 
nication ne  vint  pas  seulement  de  l'Eglise  catholique  romaine,  car,  pas  plus 
tarti  qu'en  1888.  Albert  Pike,  Grand  Commandeur  des  Etats-Unis.  (Rite  écos- 
sais, excommunia  solennellement  les  Francs-Maçons  français  en  des  termes 
non  moins  énergiques  que  ceux  dont  s'étaient  servis  les  papes. 

«  C'était  une  conséquence  de  la  pratique  des  Loges,  de  ne  pas  exiger  la 
croyance  en  l'existence  de  Dieu  comme  Suprême  Architecte  de  l'Univers, 
croyance  considérée  par  elles  comme  un  objet  de  pure  spéculation  pouvant 
être  admis  ou  rejeté  au  gré  de  chaque  Frère  qu'on  n'obligeait  plus  à  faire 
serment  dans  un  sens  ou  dans  l'autre,  et  qui  était  amené  à  la  liberté  de 
pensée,  et,  peut-êtie  plus  encore,  à  la  liberté  d'action. 

«  L'antagonisme  devint  si  aigu  entrel'Ordre  et  l'Eglise,  qu'en  l89L.le  Grand 
Orient  de  France  prit  des  résolutions  qu'il  imposa  à  toutes  les  Loges  rele- 
vant de  sa  juridiction  et  aux  termes  desquelles  c'était  le  devoir  de  tout  bon 
Maçon  d'user  de  son  influence  pour  amener  la  suppression  de  toutes  les  as- 
sociations ecclésiastiques,  religieuses,  enseignantes  ou  charitables,  et  la 
confiscation  de  leurs  biens  au  profit  de  l'Etal.  C'était  en  outre  le  devoir  de 
tout  Franc-Maçon  de  proposer  que  les  élèves  des  collèges  ou  établissements 
religieux  fussent  exclus  des  emplois  officiels  dépendant  du  gouvernement 
dans  toutes  les  branches  de  l'administration,  armée,  manne  ou  services 
civils. 

t  L'attitude  de  la  Franc-Maçonnerie  à  légard  de  la  religion  dominante  en 
France,  en  Espagne,  en  Portugal  et  dans  les  républiques  sud-ainéricianes, 
c'est-à-dire  de  la  religion  catholique  romaine,  est  donc  fort  loin  d'être  bien- 
veillante, soit  pour  la  croyance,  soit  pour  la  pratique.  L'opposition  de 
l'Eglise  aux  tendances  athées  et  h  la  licence  coutumière  aux  Maçons,  pour  la 
pensée  comme  pour  la  pratique,  a  provoqué  chez  ceux-ci  une  activité 
correspondante.  Or,  leur  influence  politique  en  France  est  hors  de  propor- 
tion avec  leur  nombre,  et  c'est  elle  qui  constitue  sans  aucun  doute  la  force 
invisible  mais  puissante  qui  a  amené  la  Separation  de  l'Eglise  et  de  l'Etat,  et 
produit  en  France  une  révolution  complète,  quoique  non  sanglante.  Jus- 
qu'ici ". 

Tout  Ifcleur  inlflligenl  verra  du  premier  coup  ce  que  valent  les 
assertions  du  F.-.  Slrolher. 

1"  La  Franc-Maçonnerie,  telle  qu'elle  existe  en  France,  en  Italie, 


l*unité  De  La  franc-MaçonneïîIe  305 

en  Espagne,  en  Portugal  et  dans  les  républiques  sud-américaines 
est  une  association  politique  antireligieuse,  qui,  en  ces  dernières 
années  est  devenue  une  sorte  de  secte  athée  ne  faisant  pas  mystère 
de  sa  haine  contre  la  religion  révélée. 

2°  Les  Loges  françaises,  dès  le  commencement,  ont  été  des  cen- 
tres de  libre-pensée  et  d'incrédulité.  «  Des  loges  pour  les  femmes 
furent  créées  où  la  licence  n'était  guère  moindre  que  dans  les  Lo- 
ges pour  les  hommes  ».  Dans  ces  réunions,  «  l'existence  historique 
du  Christ,  pour  ne  rien  dire  de  sa  divinité,  était  l'objet  de  discus- 
sions et  de  plaisanteries  ». 

3° Cette  disposition"  accrut, si  elle  ne  le  créa  point,  l'antagonisme 
existant  entre  la  Franc-Maçonnerie  et  l'Eglise  catholique  romaine  ». 

4°  La  persécution  de  l'Eglise,  dans  les  républiques  sud-américai- 
nes et  en  France,  est  maçonnique,  et  elle  a  été  amenée  par  l'oppo- 
sition de  l'Eglise  «  aux  tendances  athées  et  à  la  licence  coutumière 
aux  Maçons  pour  la  pensée  comme  pour  la  pratique  ». 

Nous  remercions  le  Frère  de  confirmer  si  simplement  et  si  fran- 
chement ce  que  nous  avons  avancé  dans  les  pages  précédentes,  ou 
plutôt  ce  qu'ont  avancé  les  autorités  maçonniques  américaines 
les  mieux  informées  et  les  plus  éminentes  ;  car,  pour  nous,  nous 
n'avons  d'autre  mérite  que  d'être  un  copiste  fidèle.  Nous  ad- 
mettrons volontiers  avec  lui,  comme  nous  l'avons  déjà  admis  expres- 
sément, «  qu'il  y  a,  en  nu  sens,  différentes  sortes  de  Maçonnerie  ».Il 
s'agit  seulement  de  déterminer  ce  qu'on  entend  par  sens.  Il  y  a  la 
Maçonnerie  ésotérique,  c'est-à-dire  la  marchandise  vraie  et  authen- 
tique ;  il  y  a  la  Maçonnerie  exolériqae,  denrée  falsifiée  et  assaison- 
née au  goût  du  consommateur.  Il  y  a  différents  rites,  etc.,  comme 
nous  l'avons  expliqué  ailleurs.  En  ces  «  sens  »,  mais  non  en  un  au- 
tre, on  peut  dire  qu'il  y  a  différentes  Maçonneries  :  la  Maçonnerie 
ésotérique  authentique  est  partout  la  même. 

La  feuille  catholique  citée  plus  haut  s'est  donc  trompée,  quoique 
avec  les  meilleures  intentions  du  monde^  lorsqu'elle  a  affirmé  que 
le  discours  du  Juge  Strother,  «  révèle  un  fait  peu  connu  en  ce  pays, 
à  savoir  :  que  les  Francs-Maçons  aux  Etats-Unis  ne  reconnaissent 
point  ceux  de  France  et  des  autres  pays  latins  ».  Ce  n'est  malheu- 
reusement pas  conforme  à  la  réalité. 

La  feuille  en  question  sortait  à  peine  des  presses  que  paraissait 
l'article  suivant,  dans  VExaminer,  de  San-Francisco  (26  Mai  1907)  : 

«  Les  Maçons  du  Rite  Ecossais  de  l'ancien  et  du  nouveau  monde  vont,  pour 
la  première  fois,  depuis  l'origine  de  la  Maçonnerie,   tenir  un  congrès  inter- 

21 


306  l'unité  de  la  franc-maçonNerie 

national.  Il  n'y  aura  à  ce  congrès  que  sept  délégués  des  Etats-Unis,  et  l'un 
deux  est  ^V.  Frank  Pierce,  de  notre  ville.  Cette  réunion  mondiale  se  fera  à 
Bruxelles  le  10  juin  prochain.  Mr.  Pierce  avec  James  D.  Richardson,  du 
Tennessee,  et  George  F.  Moore,  de  lAlabania  représenteront  la  juridiction 
méridionale  du  Rite  Ecossais.  Mr.  Pierce  représentera  aussi  le  Rite  Ecossais 
dHawai  et  des  Philippines  qui  se  rattachent  à  la  juridiction  méridionale  des 
Etats-Unis  dAmérique. 

.«  Henry  L.  Palmer,  du  Wisconsin,  et  deux  inspecteurs  généraux  nommés 
par  lui,  représenteront  la  juridiction  septentrionale.  Diaz,  président  du  Mexi- 
que, chef  du  Rite  Ecossais  dans  ce  pays,  a  choisi  Allison  Xailor,  de  Was- 
hington D.  C.  pour  représenter  le  Mexique  à  la  réunion  :  ainsi  des  sept  délé- 
gués de  ce  pays,  il  n'en  est  qu'un  qui  représente  en  réalité,  à  titre  ofllciel,  la 
juridiction  du  Mexique. 

«  Les  Suprêmes  Conseils  qui  doivent  être  représentés  à  la  conférence  de 
Bruxelles  sont  :  les  juridictions  méridionale  et  septentrionale  des  Etats-Unis, 
France,  Belgique,  Italie,  Irlande,  Angleterre  et  Pays  de  Galles,  Ecosse,  Por- 
tugal, Pérou,  Brésil,  Venezuela,  Etats-Unis  de  Colombie,  République  Argen- 
tine, Uruguay,  Colon,  Mexique,  Grèce,  Hongrie,  Suisse,  Canada,  République 
Dominicaine,  Chili,  Espagne  et  Egypte  ». 

La  réunion  a  été  tenue  comme  il  avait  été  décidé,  et  le  5  juillet 
1907,  VExaminer  contenait  le  câblogramme  suivant  : 

«  P.\nis,  4  juillet.  —  Les  délégués  américains  à  la  Conférence  maçonnique 
internationale  qui  vient  de  se  tenir  à  Bruxelles  ont  apporté  à  Paris  la  nouvelle 
que  le  prochain  congrès  international  se  tiendra  aux  Etats-Unis.  Le  congrès 
se  réunira  dans  cin<[  ans  en  une  ville  (jui  sera  choisie  par  les  deux  juridic- 
tions américaines  ". 

D'autres  journaux  du  pays  donnaient  de  plus  amples  détails. 

"  Pari.<,  1  juillet.  —  La  prochaine  conférence  maçonnique  internationale 
doit  se  tenir  aux  Etats-Unis,  suivant  la  nouvelle  apportée  à  Paris  par  les 
délégués  américains  au  congrès  qui  vient  de  se  terminera  Bruxelles.  Trois 
délégués  sont  arrivés  ici  de  la  capitale  de  la  Belgique  :  James  D.  Richard- 
son,  Grand  Commandeur  du  Suprême  Conseil  de  la  juridiction  méridionale 
de  Washington  D.  C,  George  F.  Moore,  de  l'Alabama,  dignitaire  de  la  même 
juridiction;  le  général  S.  C.  Lawrence,  de  Boston,  lieutenant  Grand-Com- 
mandeur de  la  juridiction  septentrionale.  Les  trois  autres  délégués  améri- 
cains sont  en  voyage  sur  le  continent.  Ce  sont  W.  Frank  Pierce,  de  Califor- 
nie ;  Chas.  F.  Gallagher,  de  Boston,  et  Barton  Smith,  de  Toledo,  Ohio.  Ri- 
chardson dit  aujourd'hui  que  vingl-et-un  Suprêmes  Conseils  qui  régissent 
les  degrés  maçonnitiucs  au-dessus  du  troisième  étaient  représentés  au  con- 
grès. Celui-ci  ne  s'est  pas  tenu  pour  formuler  des  règlements,  mais  pour 
arriver  à  l'unincalion  du  Rite  Ecossais,  et  pour  un  échange  de  vues  tendant 
à  1  unification  des  Suprêmes  Conseils  du  monde  entier.  On  devait  traiter 
aussi  de  la  conduite  à  tenir  à  l'égard  des  Loges  maçonniques  irrégulières. 
Vers  la  lin  de  la  session,  fut  adoptée  une  résolution  aux  termes  de  laquelle 
le  prochain  congrès  se,  tiendra  dans  cinq  ans  dans  une  ville  qui  sera  dési- 
gnée par  les  deux  juridictions  américaines  ». 

Qui  voyons-nous  là  fraterniser?  Vingt-ct-un  Suprêmes  Conseils, 
dont   deux    appartiennent   aux     Etats-Unis;    et  dans    ces   deux, 


l'unité  de  la  fbanc-maçonnerie  307 

nous  trouvons  représentés  tous  les  Maçons  américains  du  Rite 
Ecossais,  car  ils  appartiennent  tous  à  l'une  ou  à  l'autre  de  ces  juri- 
dictions. D'où  viennent  les  dix-neuf  autres  Conseils?  Principale- 
ment des  contrées  mêmes  avec  lesquelles,  nous  dit-on,  les  mem- 
bres du  Rite  Ecossais,  en  Amérique,  n'ont  aucune  communication. 
La  France  est-elle  exclue?  Elle  vient  après  les  Etats-Unis  sur  la 
liste.  Le  Mexique  est-il  exclu?  Le  lien  qui  rattache  les  Etats-Unis 
à  leur  sœur  latine  est  si  étroit  qu'Allison  Nailor,  de  Washington 
D.  C,  est  choisi  pour  la  représenter.  L'Italie,  l'Espagne,  le  Portu- 
gal et  les  difïérentes  républiques  sud-américaines,  dont  le  F.*. 
Strother  blâme  si  énergiquement  l'athéisme  et  l'immoralité,  sont 
sans  doute  exclus?  De  crainte  d'erreur,  relisons  encore  la  liste  : 
France,  Italie,  Portugal,  Pérou,  Brésil,  Venezuela,  Etats-Unis  de 
Colombie,  Argentine,  Uruguay,  Colon,  Mexique,  Saint-Domingue, 
Espagne,  Chili.  Ces  contrées  forment  un  tout  harmonieux  avec 
l'Angleterre,  l'Irlande,  le  Pays  de  Galles  et  l'Ecosse,  la  Grèce,  la 
Hongrie,  le  Canada,  la  Suisse,  l'Egypte,  les  Etats-Unis  et  la  Belgi- 
que. Peu  nous  importe  que  l'objet  de  la  réunion  ait  été  ou  non,  de 
légiférer.  Nous  ne  supposons  pas  que  la  Maçonnerie,  dont  l'essence 
est  précisément  le  secret,  expose  ses  projets  aux  profanes.  Ce  qui 
nous  intéresse  pour  le  moment,  c'est  tout  simplement  son  unité  ;  et 
le  but  avoué  de  cette  réunion  était  de  la  rendre  plus  solide  encore. 

Et  qui  obtient  la  prépondérance  dans  une  réunion  de  ce  genre  ? 
La  majorité.  Et  qui  a  la  majorité?  Les  Maçons  de  l'Europe  latine  et 
ceux  des  républiques  latino-américaines  déclarés  athées  et  immo- 
raux. Et  quand,  dans  une  assemblée  de  ce  genre,  on  traitera  de  ce 
que  les  Maçons  du  Rite  Ecossais  doivent  croire  touchant  le  Grand 
Architecte  de  l'Univers,  la  morale  maçonnique,  l'éducation,  l'Eglise 
catholique,  etc.,  etc.,  quelle  doctrine  sera  proclamée  comme  étant 
la  vraie  doctrine  ésotérique  du  Rite  écossais  en  fait  de  croyance  et 
de  morale  ?  Et  cela,  même  en  supposant  (ce  que  nous  avons  mon- 
tré nêtre  pas  le  cas)  que  les  délégués  américains  soient  d'un  au- 
tre avis  que  leurs  Frères.  C'est  la  majorité  qui  décide  ;  et,  comme 
le  F.-.  Strother  l'avoue  lui-même  ingénument,  cette  immense  ma- 
jorité est  athée,  immorale,  antireligieuse  et  furieusement  antica- 
tholique. Et  le  Rite  Ecossais  d'Amérique,  non  seulement  veut  fra- 
terniser avec  les  Frères  latins,  mais  il  veut  bien  davantage  encore, 
et  consent  à  jouer  dans  cinq  ans  le  rôle  de  victime. 

L'union  intime  de  la  Maçonnerie  mexicaine  et  de  la  Maçonnerie 
américaine,  si  clairement  montrée  parle  choix  du  F.-.  Nailor,  est 
pleinement  confirmée  par  de  récents  événements. 

Dans  les  premiers  mois  de  1907,  les  Mystic  Shriners  des  Etals- 
Unis  ont  établi  leur  Ordre  dans  la  capitale  du  Mexique  et  ont   ad- 


308  l'umté  de  la  franc-maçonnerie 

mis  parmi  leurs  membres  quelques-uns  des  Francs-Maçons  les  plus 
éminenls  du  Mexique  ;  quoiqu'on  piiisse  prétendre  que  cette  secte 
n'est  pas,  à  proprement  parler,  la  Maçonnerie,  il  est  du  moins  cer- 
tain qu'avec  ses  caractères  propres,  elle  est  la  fleur  et  le  fruit  de  la 
Fraternité,  puisque  seuls  les  Maçons  des  hauts  grades  peuvent  en 
devenir  les  membres  '.  Là  fraternisent  les  Maçons  mexicains  et  amé- 
ricains ;  en  quoi  consiste  leur  prétendue  exclusion?  En  outre,  voici 
ce  qu'on  projette  pour  l'année  suivante,  d'après  \c  Mexican  Herald 
de  5  novembre  1907  : 

«  Le  comité  exécutif  nommé  par  le  Temple  Anezah,  A.  A.  Mystic  Shrine,  en 
vue  de  préparer  la  réception  des  Shriners  dont  la  visite  est  attendue 'en 
janvier,  comité  comprenant  W.  O.  Staples,  président  ;  W.  B.  Hull,  W.  G. 
Stevens,  N.  L.  Brinker,  W.  L.  Vail,  K.  M.  Van-Zandt  et  H.  D.  Barto,  s'est 
réuni  hier  et  a  discuté  le  programme  général  de  la  réception.  On  attend  de 
1.500  à  2.000  Shriners  qui  vont  faire  ce  pèlerinage  avec  leurs  familles  et  on  a 
proposé  d'organiser  une  série  de  divertissements  qui  durent  plusieurs  jours. 

<•  Le  Past  Imperial  Polentale  Clayton  de  St-Joseph,  Mo.,  et  la  plupart  des 
membres  de  l'Impérial  Conseil  seront  à  la  tête  du  pèlerinage,  et  l'on  s'attend 
à  ce  que  ce  soit  l'événement  le  plus  considérable  pour  les  Afaçons  {sic)  qui 
se  soit  produit  au  Mexique. 

De  plus,  le  6  août  1907,  les  Templiers  des  Etats-Unis^  ont  établi 
une  Commanderie  à  Mexico.  Nous  citons  le  Mexican  Herald  du  7 
août  : 


1.  L' Encyclopaedia  Americana  (t.  X,  au  mot  Mvstjc  Shrine^  dit  que  cet  Or- 
dre "  est  composé  uniquement  de  Maçons  du  33*  degré  ».  C'est  probable- 
ment une  erreur.  Suivant  le  World  Almanac  !1908.  p.  405)  «  celte  société  est 
composée  unicjuement  de  Maçons  ayant  atteint  le  32'  degré  (Voir  aussi  la  Cy- 
clopaedia of  Fralernilies  de  Stevens,  2«  édition,  .New- York  1907,  p.  1).  Il  y  est 
dit  «jue  les  Maçons  actifs  du  Irenie-lroisième  degré  ne  sont  qu'une  centaine  en 
tout  dans  l'Amérique  du  Nord;  les  <•  trente-troisièmes  «honoraires  sont  moins 
de  1.000  (Ibid.  p.  54  .  Seuls,  les  «  trente-troisièmes  ■>  actifs  sont  membres 
du  Suprême  Conseil  ou  Corps  dirigeant  du  Rite  {Ibid,  p.  53).  Outre  «r.\ncien 
Ordre  arabe  du  Mystic  Shrine,  il  y  a  nombre  d'autres  Sociétés  aux  Etats- 
Unis  qui  posent  comme  condition  |)rpliminairc  à  l'admission,  l'affiliation  à 
l'un  des  corps  maçonniques  ».  La  New  International  Encyclopaedia,  où  est  pris 
le  texte  que  nous  avons  cité,  nomme,  parmi  les  Sociétés  affdiées  à  la  Maçon- 
nerie, l'Ordre  de  VEloile  d'Orient,  l'Ordre  My.^tique  des  Prophètes  Voilés  du 
Royaume  enchanté  et  l'Ordre  international  indépendant  des  Chouettes.  (T. 
XI,  1003,  p.  993).  La  CyclopfPdia  of  Fraternities  (2'  édition,  1907,  p.  67)  en 
ajoute  deux  autres  ;  La  Société  moderne  des  Rose-Croix  et  le  Souverain 
Collège  des  Degrés  maçonniques  unis. 

2.  Les  Chevaliers  Templiers  tiennent  de  fort  près  aux  Francs-Maçons. 
L' Encyclopaedia  Americana  (t.  X)  parle  d'eux  à  l'article  Masonic  Fraternity, 
comme  faisant  partie  de  celle-ci.  Le  World  Almanac  de  1908  (p.  405)  dit: 
"  Pour  obtenir  ces  Ordres  ^ceux  que  confère  une  Commanderie  de  Cheva- 
liers du  Temple  :  Croix  Rouge,  Chevalier  Tonqilier,  Chevalier    de    Malte)    il 

ne  suffit  pas  d'être  Maçon,  il  faut,   de    plus,    être   Maitre-Maçon,    Maçon    du      , 
Royal  Arch    en   bonne  position,  et  faire  partie  en  même  temps  d'une  Loge 
et  d'un  Chapitre  ». 


l'unité  de  la  franc-maçonnerie  309 

«  La  Commanderie  U.  D.  des  Chevaliers  du  Temple  a  été  dûment  consti- 
tuée hier  soir  en  grande  solennité.  La  fondation  s'est  faite  dans  les  salons 
de  la  Loge  de  l'Ordre,  sous  la  présidence  du  général  George  M.  Moulton, 
Past  Grand  Maslc  du  Grand  Camp  des  Chevaliers  du  Temple  aux  Etats- 
Unis.  A  l'ouverture  de  la  Commanderie,  le  Pasl  Grand  Commander  Moulton 
était  assisté  d'officiers  qui  avaient  été  nommés  par  lui  lorsqu'il  occupait  le 
poste  d'Eminent  Commandeur  de  la  Grande  Commanderie  générale. 

Le  général  Moulton  délivra  à  la  Commanderie  sa  charte,  qui  la  constituait 
régulièrement  comme  faisant  partie  de  la  Grande  Commanderie  générale. 
Et  les  premières  élections  faites  en  vertu  de  cette  charte  ont  donné  les  ré- 
sultats suivants  ; 

Pour  donner  une  idée  de  la  haute  situation  qu'occupe  le  Général 
Moulton  dans  les  milieux  maçonniques,  nous  ne  saurions  mieux 
faire  que  de  donner  la  liste  des  emplois  qu'il  a  remplis  : 

M.  W.  Grand  Maître  de  la  Grande  Loge  A.  F.  et  A.  M.,  Illinois  ;  Past  Mas- 
ter (Passé  Maître)  de  la  Loge  Covenant,  n"  526  ;  M.  E.  Grand-Prêtre  du  Grand 
Chapitre  R.  A.  M.,  Illinois  ;  Past  High  Priest  (Passé  Grand-Prétre)  du  Chapi- 
tre Corinthien,  n°  6'.)  ;  Maître  des  Cérémonies  de  l'Ordre  de  la  Grand-Prètrise 
en  Illinois. 

Rite  Ecossais  Ancien  et  Accepté  :  Maréchal  de  Camp  du  Suprême  Conseil, 
33«  degré  M.  M.  J.  U.  S.  A.:  Passé  Premier  Lieutenant  Commandeur,  Conseil 
de  Délibération  (Illinois);  Passé  Commandeur  en  Chef,  Consistoire  Oriental, 
3"2«  degré,  S.  P.  R.  S.  Passé  Prince  Souverain,  Conseil  de  Chicago,  16°  degré  ; 
Prince  de  Jérusalem,  Vallée  de  Chicago  ;  Souverain  Grand  Inspecteur  Géné- 
ral, 33®  degré,  et  Membre  Honoraire  du  Suprême  Conseil  de  la  Juridiction 
septentrionale  des  Etats-Unis. 

Le  Général  Moulton  était,  en  outre,  le  représentant  accrédité  des  Institu- 
tions maçonniques  dont  les  noms  suivent,  auprès  d'autres  corps  d'égale  im- 
portance :  le  Suprême  Conseil  du  Rite  Ecossais  Ancien  et  Accepté  du  Vene- 
zuela (Amérique  du  Sud)  ;  la  Grande  Commanderie  des  Chevaliers  du  Tem- 
ple de  Californie;  le  Grand  Conseil  Royal  des  Maîtres  Elus  de  l'Orégon;  le 
Grand  Chapitre  des  Maçons  Royal  Arcli  de  Delaware  ;  la  Grande  Loge  des 
Anciens  Maçons  libres  et  acceptés  du  Kansas  :  la  Grande  Loge  des  A.  F.  et 
A.  M.  (Anciens  Maçons  libres  et  acceptés)  de  l'île  de  Cuba. 

Nous  ne  pouvons,  faute  de  place,  donner  ici  que  la  moitié  à  peine 
des  titres  maçonniques  du  Général.  Ceux  que  nous  avons  énumérés 
suffiront  cependant  à  montrer  quel  rang  élevé  il  occupe  dans  la 
Maçonnerie  Bleue  et  dans  le  Rite  Ecossais.  Il  est,  de  plus,  Repré- 
sentant Accrédité  du  Rile  Ecossais  Ancien  et  Accepté  du  Suprême 
Conseil  du  Venezuela  (Amérique  du  Sud),  comme  il  l'est  de  la 
Grande  Loge  des  Anciens  Maçons  libres  et  acceptés  de  l'île  de 
Cuba.  Il  est  chez  lui  parmi  ses  Frères  du  Mexique  qui  sont  très 
honorés  de  sa  visite.  Aussi  le  Herald,  dans  son  numéro  du  10  août 
1907,  informe-t-il  ses  lecteurs  que  : 

La  visite  du  Passé  Grand  Maître  Moulton  à  notre  ville  avait  pour  but  de 
fonder  la  Commanderie  du  Mexique,   mais   que,  pendant  son  séjour  ici,  il 


310  l'unité  de  la  franc-maçonnerie 

étudia  la  Maçonnerie  mexicaine  en  général  et  se  montra  excessivement  satis- 
fait de  la  Loire  Bleue.  Il  fut  particulièrement  heureux  de  la  réception  que  lui 
firent  le  Général  Diaz,  président  de  la  République,  et  les  Chevaliers  Tem- 
pliers de  la  ville. 

Qu'il  nous  soit  permis,  avant  de  conclure,  de  faire  une  petite 
digression,  pour  remarquer  que  les  dignités  variées  dont  se  trouve 
investi  le  Général  Moulton  révèlent  un  fait  intéressant  ;  cette  enu- 
meration met  en  évidence  les  nombreuses  ramifications  de  l'in- 
fluence maçonnique  dans  des  corps  qui  ne  sont  ni  directement  ni 
ouvertement  afTiliés  à  la  Maçonnerie.  C'est  grâce  à  celte  influence 
que  la  Fraternité  est  mise  à  même  d'atteindre  le  but  que  lui  assi- 
gne le  F.-.  Pike  :  propager  les  idées  maçonniques  et  agir  sur  la 
législation  dans  un  sens  qui  leur  soit  favorable. 

11  n'est  pire  sourd  que  celui  qui  ne  veut  pas  entendre,  et  si  les 
Catholiques,  peut-être  même  certains  membres  de  notre  clergé, 
persistaient  —  ce  qui,  nous  l'espérons,  ne  se  produira  pas  —  à  fer- 
mer les  yeux  devant  l'évidence,  qu'ils  se  chargent  d'expliquer  la 
condamnation  qui  frappe  aussi  bien  la  Maçonnerie  européenne]  et 
latino-américaine  que  celle  des  Etats-Unis  ;  mais  qu'ils  le  fassent 
avec  la  loyauté  et  la  sagesse  de  Notre  Sainte  Mère  l'Eglise.  Les 
déclarations  si  nettes  du  F.-.  Strother  leur  feront  voir  combien 
l'Eglise  s'est  montrée  juste  dans  sa  conduite  envers  la  première  de 
ces|Maçonneries  —  et  noire  propre  Etude,  nous  l'espérons  du 
moins,  aura  suflî  pour  les  convaincre  que  l'Eglise  n'a  pas  été  moins 
juste  à  l'égard  de  la  Maçonnerie  américaine. 

*      * 

Si, après  avoir  lu  ce  volume,  un  de  nos  lecteurs  n'éloit  pas  encore 
entièrement  convaincu,  (pi'il  prenne  The  Genius  of  Free  ^Jasonry 
and  the  Twentieth-Centunj  Crusade  (Le  Génie  de  la  Franc-Maçon- 
nerie et  la  Croisade  du  vingtième  siècle)  par  J.D.  Bick,  Maçon  dis- 
tingué, auteur  de  Mijstic  Masonry  et  autres  ouvrages. 

Nous  avons  sous  les  yeux  un  exemplaire  de  la  seconde  édition 
publiée  par  Vlndo-American  Book  Co.  de  Chicago  (1907).  En  voici 
la  dédicace  :  «  Pour  le  bien  de  la  Maçonnerie,  dans  l'intérêt  de  l'In- 
dépendance et  de  la  Fraternité,  de  la  Lumière,  de  la  Liberté  et  de 
l'Amour  contre  l'Ignorauce,  la  Sui)erslilion  et  la  Craiule,  le  Cléri- 
calisme, le  Despolisme  et  le  Jésuitisnie  ».  Un  chapitre  d'introduc- 
tion s'adresse  «<  Aux  Catholiques  ».  Le  livre  lui-même  est  un  i>ain- 
j)hlct  anlicatholique  dont  les  anticléricaux  européens  les  plus  acer- 
bes pourraient  être  fiers.  La  thèse  principale  soutenue  [)ar  l'auteur 
est  que  le  génie  du  Catholicisme  —  qu'il  appelle  Papisme^  cela  va 


l'unité  de  la  franc-maçonnerie  311 

s&ns  dire  —  et  celui  de  la  Franc-Maçonnerie  sont  «  diamétralement 
opposés  »  et  «  d'un  antagonisme  irréductible  »  ;  que,  par  consé- 
quent, «  le  Maçon  est  partout  Vennemi  du  Papisme  »  (p.  67). 

«  A  la  page  250,  il  parle  plus  ouvertement  encore  :  «  On  ne  sau- 
rait contredire  plus  complètement  les  prétentions  du  cléricalisme 
(lisez  du  catholicisme)  que  ne  le  fait  la  Franc-Maçonnerie .. .  La 
Franc-^Iaçonnerie  (remarquez  bien  que  l'auteur  est  un  Américain 
parlant  à  des  Américains)  est  carrément,  et  pour  des  raisons  bien 
définies,  l'exacte  contre-partie  du  cléricalisme  ».  Et  l'auteur  conti- 
nue, page  251  :  «  Plus  le  monde  se  convertit  aux  principes  éthiques 
de  la  Franc-Maçonnerie,  c'est-à-dire  :  Amour  fraternel.  Assistance 
mutuelle  et  Vérité,  et  à  la  Morale  enseignée  et  pratiquée  par  Jésus, 
et  plus  il  répudie  tous  les  principes,  prétentions  et  pratiques  du 
cléricalisme  romain...  U indifférence  et  l'inertie  de  beaucoup  de 
francs-maçons  ne  sauraient  provenir  que  de  Vignorance  et  de  la 
folie  ou  de  la  lâcheté.  Tout  Franc-Maçon  intelligent  et  loyal  devrait 
relever  le  défi  de  Rome  avec  tout  ce  qu'il  implique,  et  se  mettre  à 
l'œuvre  sans  retard.  Voilà  ce  qu'il  devrait  faire,  à  moins  qu'il  ne 
préférât  confesser  sa  lâcheté  ».  Combattre  le  catholicisme  par  tous 
les  moyens  et  le  détruire  si  possible,  est,  d'après  cet  écrivain  ma- 
çonnique de  la  dernière  heure,  une  partie  —  et  une  partie  très  im- 
portante —  du  Magnum  Opus  de  la  Franc-Maçonnerie.  L'espace 
nous  manque  pour  faire  des  citations  plus  étendues  de  cet  ouvrage  ; 
mais  si  notre  lecteur  consent  à  lire  attentivement  l'extrait  suivant, 
pris  aux  pages  170  et  171  du  Genius  of  Freemasonrg,  et  à  Texami- 
ner  à  la  lumière  des  nombreux  passages  de  Pike  et  de  Mackey 
que  nous  avons  cités,  il  conviendra. certainement  avec  nous  :  1°  Que 
les  Maçons  ésotériques  américains  se  préparent  à  apprendre  à  leurs 
Frères  exotériques  comment  il  faut  tirer  des  conclusions  logiques 
des  principes  que  la  Maçonnerie  leur  enseigne  depuis  nombre  d'an- 
nées ;  2°  que  notre  présent  ouvrage  n'a  pas  été  écrit  sans  motif  suili- 
sant  :  «  Nous  constatons  qu'en  beaucoup  de  Loges,  on  a  grand 
souci  et  on  se  montre  fier  de  mener  l'Œuvre  à  sa  perfection  en  se 
conformant  au  rituel  dans  l'initiation  des  candidats,  et  cela  est  ex- 
trêmement louable.  Toute  Loge  et  toute  réunion  devrait  avoir 
honte  d'apporter  de  l'insouciance  et  de  la  négligence  à  la  représen- 
tation d'un  drame  aussi  grandiose.  Plus  il  y  a  de  perfection  dans 
l'exécution  de  l'œuvre  si  dramatique  de  la  Loge,  plus  l'impression 
produite  sur  le  candidat  est  profonde  et  durable,  et  plus  chaque 
Frère  aura  de  considération  pour  le  rituel  et  pour  l'œuvre. 

«  En  outre,  cette  haute  estime,  cette  considération,  cet  attache- 
ment au  travail  ordinaire  de  la  Loge  est  la  meilleure  des  prépara- 


312  l'unité  de  la  franc-maçonnerie 

lions  pour  l'accomplissement  de  VŒiivre^  plus  vaste  qui  s'y  trouve 
symbolisée.  Aucun  Maçon  intelligent,  réfléchi  et  sincère  ne  pour- 
rait être  témoin  de  cette  œuvre  si  excellente  de  la  Loge  sans  en  res- 
sentir un  redoublement  d'enthousiasme,  d'amour  et  de  zèle  pour 
l'Ordre. 

«  Lorsque  cette  estime  et  la  juste  fierté  qui  en  résulte  font  réflé- 
chir le  Maçon  et  qu'il  en  arrive  à  se  dire  :  «  Voilà  des  vérités  vivan- 
tes, et  non  pas  seulement  des  mois  creux  et  des  cérémonies  sans 
vie  et  sans  portée  »,  on  devrait  le  préparer  et  le  mettre  en  état  de 
franchir  l'étape  suivante-,  par  l'étude  de  la  réalité^  dont  tout  le  ri- 
tuel et  tout  le  travail  de  la  Loge  ne  sont,  d'un  bout  à  l'autre,  que  le 
symbole  vivant.  Il  s'apercevra  alors  (ju'on  lui  a  donné  la  clef  et  un 
nombre  incalculable  de  moyens  d'en  faire  usage.  S'il  tient  à  creu- 
ser profondément  pour  explorer  le  souterrain  où  les  anciens  Joyaux 
furent  cachés  et  mis  à  l'abri,  il  sera  capable  de  relever  le  gant,  de 
donner  le  mot  d'ordre  et  de  passer^  à  la  Lumière  du  Magnum 
Opus  '•  ». 

Nous  concluons  en  citant  les  paroles  qui  terminent,  dans  l'ou- 
vrage de  M.  Buck,  le  chapitre  intitulé  «  Le  vrai  but  »  (p.  258). 

«  Le  but  est,  en  vérité,  des  plus  évidents,  si  évident  qu'il  faudrait 
être  un  fourbe  ou  un  imbécile  pour  s'y  méprendre.  Ce  n'est  pas  par 
ignorance  ni  pour  ne  pas  avoir  été  assez  mis  en  garde  que 

<<  Nous  attendons  sous  le  soufUe  ardent  de  la  fournaise 
Le  travail  de  la  transformation  s  «. 

Si  nous  attendons  plus  longtemps,  c'est  que  nous  sommes  ré- 
fraclaires  à  l'évidence  du  devoir  ». 

Et  pour  nous,  catholiques,  si  nous  demeurons  plus  longtemps 
dans  l'ignorance  du  vrai  caractère  de  la  Franc-Maçonnerie  ésotéri- 
que  américaine  et  du  vrai  but  qu'elle  poursuit;  si  nous  négligeons 
de  suivre  le  conseil  que  nous  a  donné  si  souvent  noire  Sainte  Mère 
l'Eglise  lorsqu'elle  nous  exhorte  à  prendre  les  précautions  néces- 
saires, nous  n'aurons  que  ce  que  nous  aurons  mérité  le  jour  où  les 
Maçons  seront  tout-puissants  aux  Etats-Unis,  comme  ils  le  sont  au- 
jourd'hui en  France.  Ils  nous  traiteront  alors, en  Amérique, comme 
ils  traitent  nos  frères  infortunés  dans  ce  beau  mais  malheureux 
pays. 

A.  P. 

FIN 


1,  'l,  3,  '1.  Les  italiques  sont  de  M.  lUick. 
5a  <■  We  irait  beneath  the  furnace  blast 
The  pangs  of  transformation  ». 


ERR  ATA 


p.  159.  Lire,  à  la  26''  ligne,  après  ces  mois  : 

pour  terrifier  les  âmes  craintives.  11  faut  que  l'audace  ait   le 

dernier  mot.  Nous  renverserons  avec  Daiile  la  position  de  noire 
tête  et  de  nos  pieds,  et  nous  admettrons  le  contraire  de  la  doctrine 
pontificale  sur  lenfer.  Alors  fleurira,  etc 

P.  168.  1*""  alinéa  commençant  par  ces  mots  :  Le  F.-.  Pike...  Lire 
32^  degré,  au  lieu  de  33*. 


INDEX    ALPHABÉTIQUE 


Aaron,  193. 

Abraham,  259. 

Acacia,  85,  159. 

Adam,  137,  138,  144. 

Adam  Kadmon,  136-138,  141. 

Adultère,  22;,  225  sq. 

Age  requis  pour  être  admis  dans 
la  F.-.  M.-.,  240  sq. 

Algabil,  144. 

Allégorie  maç.*.  29  sqq. ,  42. 

Ame  (L')  de  la  F.-.  M.-,  el  l'ame 
humaine,  147  sq.,  260  sq. 

Américain  (rite)  281,  289. 

Amour,  145. 

Amun,  39. 

Ancien  et  Accepté  (rite  écos- 
sais) 17"^  degré,  8. 

Ancien  Ordre  arabe  de  l'Autel 
mystique  (^Mystic  Shriners), 
307  sq. 

Anderson,  263  sqq. 

Angleterre  (L'),  Mère  delà  Ma- 
çonnerie, 270. 

Annus  Mundi,  xiv. 

Anti-religieux  (Caractère)  de  la 
F.-.  M.-.,  305. 

Aporrheta  de  la  Secte,  15,  24, 
286. 

Apostats  (Catholiques)  en  tant 
que  Maçons,  279. 


Apprenti,  23,  32,  44,  46,  269, 
280,  287. 

Apulée,  3. 

Arbre  de  la  Science,  193. 

Arcanes  fLes)  de  la  Mac..,  x. 
11,  15,  26. 

Aspect  social  de  la  F.-.   M.-.,  5. 

Autel  maçonnique,  64  sq. 

Autel  mystique  (V.  Ancien  Or- 
dre arabe  de  l'Autel  mysti- 
que). 

Azolh  Philosophorum,  167  sq. 


Baal   V.  Bel). 

Bacchus,  111. 

Baptême,  94,  156,  188,   189. 

Basile  (Si),  16  so.,  91. 

Bâtards.  99. 

Bel,  128,  129,  131,  144,  184. 

Benoît  XIV,  195  sqq. 

Bible,  11,  73,  116,  162  sqq  ; 
comment  la|Maç.'.  la  déna- 
ture, 174{sqq. 

Bibliographie, *xii. 

Bibliothèques]  maçonniques,  22 
sqq.,  28. 

Bienfaisance  maçonnique,  3,  4, 
231  sqq. 

Bordure  marquetée,  288. 


1.  Présumant  que  cet  ouvrage  serait  fréquemment  consulté,  et  pour 
faciliter  la  recherche  des  références,  j'ai  mis  le  plusjgrand  soin  à]  composer 
cet  Index.  Les  chiffres  renvoient  aux  pages  du  livre.  A.  P. 


3'f> 


INDEX    ALFHABtTlQlE 


Boudului  ol  le  Bouddhisme.  1(H), 

191. -215. 
Boule  noiie.  '24'2. 
Brahma,  138.  168. 
«  Bright  Masons  »  (Maçons  bril 

lanls),  5.  8.  ?1. 
Buchan,  W.  P.,  264. 
Buck  J.  S.,  310  sqq. 


Cabale  (V.  Kalibale). 

Ccilholic     FortniyhUij     Review, 

xii.  87. 
Calholique   V.  Ea^Hse). 
Catholique  (V.  Vox  . 
Cerneau,  Jo^eph,  "2^6. 
Chant  du   »   Maître   Mark  ».   S3. 
Cliaos.  56,  Ô8. 
Charité  maçonniiiiie.  .;,  4.  6.  231 

à  -203. 
Chaslelé.98.  U«.).  213.  220  >(|q. 
Chevalier.-  Teini)iieis    V.    l'em- 

pliers  . 
Choc  (Le)  de  l'HuIrée  et  le  Choc 

de  l'IMumination,  44  sqq.,  S>4. 

156.  213. 
Christ,  34.  37  s.|.,   45,   118,  186- 

1  y  1,235. 
Christianisme    l82  sq. 
Circumambulation,  S*.>  sq. 
Classes  exclues  «h>  la  Kraternit»'-. 

241  >i\.,  243  Si]. 
Clément  XII,  l!»5. 
(Commandements (Les  dij^)  tie  la 

Maçonnerie,  223  s()(j. 
Ommunion    maeonmque,    191. 

(Voir  également  Souper,  .Mes- 
se, Sacrements  . 
Compa^Mion,  264,  269,  287. 
Compas   V.  Kquerre). 
Confession,  188. 
Confucius,  183,  185,  191,  215. 


('onsécration  d'un  Crand  Prêtre 

maçon.  (J6  sqq. 
Consécrations  maçonniques,  68. 
("onslrucleur   \'.  Maçon). 
Continentale  (Maçonnerie),  285, 

289,  29!  >. 
(Convention     Internationale    des 

Francs-Maçons,  305,  306. 
Coran.  53,  73,  81,  170,  171,  181. 
Couronne,  son  symbolisme,  32, 

33. 
CoNvan.  236. 
Création.  191  sq. 
Credo  maçonnique.  68   sq.,    75, 

78,  183. 
(Croix,  son  symbolisme,    34  sq., 

36  sqq. 
Cromwell  (Olivier  .  262. 
Cross  (auteur  maçonnique],  34 

sq.,  36  sq.,  38. 
Crucifix.  251. 
Crux  ansala.  39  sq. 
Cteis,  100. 

Cumul  des  rites.  291  sq. 
Culte  maçonnique,  67. 


Dalcho.  590. 

Dames   Franc-Maçonnerie  des), 
222  s(|. 

Daniel,  193. 

Dante,  154,  159. 

David.  193. 

Decalogue.  216  scjq. 

Déce|>tion  maçonni»pie.  8,  9.  28, 
:V2.  34. 

Déclaration  à  faire  par  les  can- 
didats, 49  sq. 

Degrés.  264,  276,  280. 

Degrés  bleus,  9. 

Degré   Couteau   et    Fourchelle 
t.  21. 


INDEX    ALPHABETIQUE 


317 


Désagulieis  Dr.,  262,  264. 

Diaz,  Président,  306. 

Dieu  (Le)  de  la  Maçonnerie,  69, 

105  sqq.,   117,  110,    121,    125, 

134  sqq. 
Discipline  du  secret,  16  sq. 
Divin  (Lei  dans  l'homme,  152. 
Doctrine  du  Maryland,  292. 
Doctrines    «  monitoriales  »,    26, 

44. 

E 

Echelle  mystique,  169. 

Eglise  (L'),  186  sqq. 

Eglise  catholique  (L'),   vni,    16 

sq.,  41,  45  sqq.,  159,  182  sqq. 
Egypte  (L')  et  les  Egyptiens,  33, 

39,  177,  192,  220. 
Eleusis,  95,  106,  154,  1C)0. 
Emanations  divines  dans  l'hom- 
me (Les  dix),  142. 
Encyclopédie  juive,  157  sq. 
Enfants  de  Lumière    Les),   159. 
Enfer,  154,  159,  161,  229. 
En  Soph,  139. 
Enterrement    maçonnique,    164, 

165. 
Equerre  (L')  et  le  Compas,  162, 

163,  164,  165,   166,   167,   168, 

169,  475,  176. 
Etoile   d'Orient    (Ordre    de    1'), 

308. 
Etoile  flamboyante,  172. 
Euclide,  sa  légende,  258,  sq. 
Européens  (maçons),  15,  24. 
Eve,  137,  138. 

Exclusion  des  candidats,  242. 
Exclusivisme   maçonnique,    243 

sq.,  249. 
Excommunication   maçonnique, 

274. 
Extrême-Onction,  189,  190. 


Faust,  154. 

Fessier,  289. 

Festivals  maçonniques,  68. 

Feu  (Le),  son  symbolisme,  94, 
218. 

Fides,  96. 

Foi  catholique.  Pourquoi  il  est 
si  diflicile  d'y  ramener  un 
Fi'anc-Maçon,  58  sq. 

France  (Maçonnerie  en),  54,  85, 
23'»,  270,  282  sq.,  298  sqq,  302, 
303  sqq.,  306. 

Franc-Maçonnerie,  elle  se  donne 
pour  science  de  moralité,  6; 
pour  science  spéculative,  6, 
4()  ;  pour  une  religion,  24  sq., 
45  sq.,  60  sq(|.,  71  sqq.  ;  pour 
la  servante  de  la  religion,  (H) 
sqq.  ;  pour  la  vraie  l'eligion 
catholique  de  l'humanité,  84  ; 
corrompue  et  incorrompue,  77 
sq(i.  ;  son  ère  préhistorique, 
95  s(j.  ;  son  caractère  chrétien, 
193  sq  ;  son  unité,  278  sqq.  ; 
son  universalité,  36,  285  sq. 

F'rancs-Maçons  (V.  aussi  Maçon) 
beaucoup  d'hommes  boils  par- 
mi eux,  1,  12;  ésotériqiies  et 
exotériques,  7,  14,  193;  com- 
ment on  trompe  à  dessein  les 
initiés,  9  et  10;  Francs-Maçons 
européens,  15,  24;  maçons  spé- 
culatifs, 97. 

G 

,(  G  »  (la   lettre),   107  s(iq.,  126, 

270,  301 . 
Gallagher  (Charles)  F.,  306. 
Genèse,  193. 
Génie   (Le)   de   la    Maçonnerie, 

310  sqq. 


318 


INDEX    ALPHAHKTIOUE 


Géoméirie,    108   ^^lj<|  .    'lô    s(|.. 

123. 
Georges  I"",  '263. 
Gelhsém.'ii)i  (Chapilrc  dei  N°  5, 

Rose  Croix  (Oaklami,  Gal.).  86 

sq.,200sfiq.,  301. 
Globe.  ?87. 

Gnoslique?,  \'2iK  134,  lôô. 
G.  0.  D.,  1 13.  12?,  124.    2().  128, 

301. 
Grand   Archilecle  dc   i'Lnivers, 

II 2.  12:.. 
(ir;iii<l  Chapelain,  fiO  sq.,  163. 
(irandes  Communications,  60. 
Grande  Loge,  280  sqq.;  en  tant 

({ue  cour  d'appel,  27,  55. 
Grande  Loge  d'Angleterre,  263. 

266.  267. 
Grand-Maître,   265;   des   Etals- 
Unis,  282  sq. 
Grand'Prêlrise  maçonnique,  65 

sq.,  67. 
-Grèce,  89. 

H 

Halls  maçonniques,  164. 
Har-œri,  122.  124,  125,  131. 
Hermaphrodite    (di^-inilé),   113, 

115,131. 
Herfltiès  Trismégiste,  177,  178. 
Hermétisme,  10,  180. 
Hiram,  167. 

Histoire  maçonnique,  256  sqq. 
Ho-Hi  (V.  Il-Elle). 
Homme  (L'i  triple,  150. 
Horace,  103. 
Hymne  maçonnique  (Un),  83. 


Ignorance  de  nombreux  maçons 
V.  également  Maçons  bril- 
lants et  Maçons  du  degré  Cou- 
teau et  Fourchette),  6,  9. 


Ihoh  ^V.  Il-Elle;. 

11-Elle,  115.  131  .sqcj.,  138. 

Illinois,  172. 

llluminalion  i^V.  Choc). 

Induction  maçonnique,  91. 

Infaillibilité.  La  Maçonnerie  a-t- 
cllc  des  prétentions  à  l'infail- 
libilité, 53  sq(i.,  186. 

Initiation,  5,  44  sqq.,  49  sqq., 
105,  156.  159,  173,  242,  243. 

I.  N.  R.  L,  37  sqq.,  114. 

Instruction  maçonnique,  7,  13, 
14  sqq.  ;  ésolérique  et  exoté- 
rique,  14;  moyens  d'instruc- 
tion, 26  sq.,  30  sqq. 

Isis,  122.  124,  125,  131,  138,  145, 
168. 

J 

Jachin  et  Boaz,  103,  104,  138. 

«  Jack  Cades  de  la  Maçonnerie  », 
25. 

Jah,  le  dieu-soleil  des  Egyp- 
tiens, 128,  129,  131. 

Jean  (les  deux  saints),  62, 100, 
101  i  102,  105,  164,  176. 

Jéhovah,  108  sq.,  111,  114,  115, 
126  sq.,  129,  130,  131. 

Jérusalem,  97. 

Jésuites,  37,  40. 

Jésus  (V.  Christ). 

Jonas,  1 11. 

Joseph,  177. 

Junon,  146. 

Jupiter,  111,  118,  126,  146. 

Juridiction  maçonniijue,  292  sq. 

K 

Kabbale  (La)  et  les  Kabbalistes, 
109,  120,  126  sqq.,   134,   152 
154,   157   sq.,    159,    160,    175, 
176,  177  sqq.,  180,  181,185. 

Kadosh,  188. 


INDEX   ALPHABÉTIQUE 


319 


Khurum  (Maître),  35. 
Kîoss,  111. 


Lanci,  r29,  130,  136,  143. 
Landmarks,  18,  62,  81,  233,  237 

284.  291  sq. 
Lawrence,  S.  C,  306. 
Lecture    des    mois    à    lenvers. 

133. 
Lemmi,  A.,  210. 
Le  Nordez  (Mgr),  195. 
Liberté,  Egalité,  Fraternité,  185. 
Lien  mystique, f/288. 
Lignes   parallèles    (Les    deux  , 

101. 
Lingam,  35,  100.  193. 

Livre  des  Constitutions,  163,  170 
181. 

Lis,  219  sq. 

Loge,  symbole  de  vie,  46  ;  son 
symbolisme,  101,  103;  sa  défi- 
nition, 162,  270;  ses  dimen- 
sions, 287. 

Lois  générales  de  la  Maçonnerie, 
288. 

Loi  morale,  2l7. 

Lotus,  219  sqq. 

Lumière,  162. 

Lustration,  93. 

M 

Mackey,  Albert,  G.  Esquisse  de 
sa  vie,  viii  sqq.  ;  ses  ouvrages 
considérés  comme  classiques 
26. 

Maçon  (Le),  constructeur, 96  sq.; 

spéculatif,  97. 
«  Maçon  savant  »  ,  Le),  5,  21. 
Macrobe,  89,  91. 
Mahomet,  191,  125. 
Maître  Maçon,  170,  269. 


Maître  (Degré  de),  10,  11. 

Manasseh  ben  Israel,  151. 

Manou,  185. 

Marconis,  296. 

Marie,  219. 

Maryland  i  Doctrine  du),  292. 

Maya,  138,  168. 

Memphis  .Rite  de),  296. 

Messe,  188,  189. 

Mexique,  306,  307,  308,  309. 

Mitchell,  Jean,  290. 
Mithriaques,  mystères  (V.  aussi 

Mystères),  96,  104,  169,  188. 
Moïse,  135,   165,   178,  Î83,   184 

190,  ly2,  216. 
Moloch,  184. 
-Mondes  (Les  quatre)  des  Kabba- 

lisles,  151  sq. 
Moore,  Georges,  306. 
Morale  maçonnique,  69,  219. 
Morals  ami  Dogma    Pike),  xi. 
Mot  (Le),  127  sq.,  130  sqq. 
-Moullon,  Geo,  M..  309  sq. 
Mystères  (anciens)  du  paganis- 
me, 54,  89,  93,  94,  95,  96,  97, 

98,116,  131,151,154,159,160. 

177,  178,  262. 
Mythes  maçonniques,  257,  258. 
Mythologie  païenne.  ll9. 

N 

Xailor,  Allison.  .306,  307. 
Xature  (Culte  de  la),  116,  117. 
Nini\e,  111. 
Xoé,  261. 

Nouveau    Testament    maçonni- 
que (Le),  117. 
Xuma,  96. 

O 

Oanhes,  178. 

OlFiciers  d'une  Loge,  288  sq. 

Ohio,  172,  173. 


320 


INDEX    ALPHABETIQUE 


Oliver    Dr.).  163.  256,  257,  261. 

269. 
On.  128,  129.  131. 
Onclion    V.   Exlrême-Oncliou.. 
Onhe  inlernalional  indépendant 

des  Hiboux.  .S08. 
Ordre    niysli<(iie  des   ProplicLes 

voilés,  308. 
Orients   Grand.s  .  282.     . 
Ori^ène.  152. 
Origine  de  la  F'ranc-Maçonnerie. 

256  sqq..  262  sqq. 
Osiris.  111.   122.   124,   125.  1.6. 

131,  138,  146.  168. 


Paganisme  (^La  Fraiic-.Maronne- 

rie  ainrricaine  el  \c).  88  sqtj.. 

1!)4. 
Palmei'.  Henry  L.,  3li6. 
Papisme,  310,  3)1. 
Passé  Mailvc I  Past \Masler),  64. 
Péché    Le),  15U. 
Pcnlaleu(pie,  ITU. 
Peiro(jnels  (Maçonsi,  8.  21. 
Phallique   (Culle  ,   92,  98  sqtj.. 

101.  102.    104,    113,    124,    168. 

216. 
Phallu>.  100.  101,  113.  l:;7. 
Ph^M-aon.  184. 
Philon,  141. 
Phlha.  34.  177. 
Pie  IX,  188,  195  s(p|. 
Pierce  W.  Franck,  306. 
Pierre  de  Foiidalion,  64. 
Pike.  Albert,  xi,  118,  156,  304. 
Piliers  ou  Colonnes  de  la  Loge, 

113,  122,  138,  193. 
Planche  à  tracer  de  IWpprenti, 

123,  288. 
Planche  à  tracer  du  Maçon,  171. 


Platon   el   le    Platonisme,    151, 

1.^3,  185. 
Piaule.  91. 
Point  dans  le  Cercle,   100,   101, 

104. 
Politique  (Les  Maçons  dans  la\ 

208  sq. 
Porphyre,  33. 

Préexi.'^tence  des  âmes.  151,  152. 
Près  Ion  William.    10,  256,  263, 

265.  272  .sq..  290. 
Processions  maçonniques,  169. 
Prosélytisme,  S:J3  sq. 
Psyché,  145,  146. 
Pureté  maçonnifpie  comparée  à 

la  pureté  chrétienne,  99  sqq. 
Pythagorr.  7  :  «  l'Ancien  Frère  et 

Ami  »,  14.  15,  16,  52,  54,  120, 

121,  125,   131,   179,  260  sqq., 

2';  5. 

Q 

a  (Jualités  »  de  Dieu,  117. 


Ragon  .1.  M.,  280,  289. 

Hebecca   Filles  de  ,  222. 

Fieligion  maçonnique  (Notions 
de  ,  45  sqq.,  227  sqq.  ;  la  Ma- 
çonnerie est  une  religion,  60 
s((q.,  71  s(j(|.  ;  «  elle  n'est  pas 
sectaire  »,  82. 

Renaissance  de  la  Franc-Maçon- 
nerie. 263. 

Richardson,  .lacques  D.,.306. 

Rite  de  Perfection,  291. 

Rites  maçonniques,  2.9  sq. 

Rite  suédois,  289. 

Rituel  maçonnique,  20  sq.,  68, 
167,  283. 

Rose,  son  symbolisme,  34. 

Rose-Croix  (Degré  ,  35  sq.,  37, 
38,  191.  200  sqq.,  289. 


INDEX    ALPHABETIQUE 


321 


Rose-Croix    (Société     moderne 

des),  308. 
Rosicrucianisme,  167,  26?,  28'.), 

308. 
Royal-Arch,  128  sq.,  180,  297. 


Sabaïsme  ou  Sabéisme,  9'>. 

Sacerdoce,  Le  Haut  Sacerdoce 
maçonnique  ou  (irand'Prèlri- 
se,  65  sqq. 

Sacrements  maçonniijues,  188 
sqq. 

Salomon.  66,  167.  1113,  '220,239; 
Temple  de  —,  97,  103  sq. 

Samothrace,  95.  106,  114,  160. 

Sancta  Sanctis,  14G. 

Sanctum  Sanctorum,  07. 

Satan,  142  sqq.  ;  son  culte,  1 43. 

Saturne,  11 J . 

Schismes  maçonniques,   18,  19. 

Secours  (Droit  au),  245  s(jq. 

Secret,  l'essence  de  la  Franc- 
Maçonnerie,  2  sqq.,  9,  10,  21, 
22,  27,  31  sqq.,  42,  235  sqq. 

Secret  royal,  153. 

Sephiroth,  139,  141,  175. 

Serpent,  263. 

Sexe,  dans  la  Divinité,  115,  131 
sq.  ;  comme  titre  à  l'entrée 
dans  la  Franc-Maçonnerie,  237, 
240. 

Shea  .1.  G.,  197. 

Signe  de  détresse.  251. 

Smith  Barlon,  .306. 

Socrale,  190. 

Soleil,  loi,  168. 

Soleil  (Culte  du),  90,  92,  98, 
ICI,  168. 

Souper  fraternel  (Le),  190. 

Souverain  Collège  des  Degrés 
maçonniques  alliés,  308. 


Statistique,  293  sqa. 

Strollier  .John  C,  .30»  sqq. 

Swedenborg,  Eni  manuel,  180, 
181. 

Symbole  maçonnique,  29  sqq., 
42  sq. 

Symbolisme  de  la  Franc-Maçon- 
nerie, 8,  9,  29  sqq.,  32,  34,  40 
sq.,  42,  46  sq.,  95,  98  sqq.,  106 
sqq.,  141  sq.,  144  sq.,  154,  167 
sq.,  172,  192,  219  sq.,  286. 

Syrie,  95,  106.  114,  IHO. 


Talisman,  167,  168. 

Talmud,  157  sq. 

Tavernes,  premiers  temples  de 
la  Franc-Maçonnerie,  266  sq. 

Temple  (Le  maçonnique,  65,  97, 
103;  —  égyptien,  son  vérita- 
ble archétype,  97  ;  —  de  Salo- 
mon, 103  sq.,  194,  219,  258. 

Temples  maçonniques  (V.  Ta- 
vernes). 

Templiers  (Chevaliers),  .308 sqq. 

Télragramme,  114,  127,  128, 
137^ 

Texas,  173. 

Thoth,  .39,  177,  193. 

Titres  ou  ([ualités  du  candidat, 
236,  240. 

Tolérance  maçoiuiiiiue,  119.  120. 

Tradition  orale,  18  sq.,  27. 

4' rente-deuxième  degré,  168. 

Trente-troisième  degré  (Maçons 
du  —aux  Etats-Unis),  308. 

Triangle,  122  sqq.,  125,  131,  167. 

Tripolo,  195. 

Turquie  (La  Franc-Maçonnerie 
en),  291. 

U 

«  Uniformité  de  Travail  »,  19. 


322 


INBEX   ALPHABETIQUE 


Unité  de  la  Franc-Maçonnerie, 
•278  sqq.,  285  sqq.,  297,  302 
sqq. 

Universalité  de  la  Maçonnerie, 
36,  285  sq. 

V 

Védas,  170,  171,  184. 

Vénus,  34  sq.,  106, 111,  118,145, 

184. 
Vérités  maçonniques,  32,  33. 
Vertus  maçonniques,  2. 
Visite  (Droit  de),  291  sq. 
Voltaire,  213,  2l8. 

W 

Webb,  10,  92,  129,  172.  289. 


Webster,  72  sqq. 
Wren    (Sir    Christopher),    262, 
263.  265. 


Yoni,  100. 

York  (-Rite   d"),   280,   287.   289, 

291. 
Young  (Brigham  .  215. 


Zend  .\vesla,  170,  171,  248. 
Zeus,  117,  126,  184. 
Zohar.  180. 
Zoroaslre.  183.  185,  215. 


TABLE  DES   MATIÈRES 


Pages 

InlroJuctioa V 

Biblioifraphie XII 

Chapitre  I 

Les   Fraiics-Macons   américains    et    la     Franc-JMaronnerie 

américaine 1 

Chapitre*!! 
L'Enseignement  maçonnique 14 

Chapitre  III 

Des  Moyens  d'Inslruclion  dans  la  Franc-Maçonnerie  amé- 
caine 29 

Chapitre  IV 
Le  Choc  de  l'Entrée  et  le  Choc  de  l'Illumination.     ...  44 

Chapitre  \' 

La  Maçonnerie  américaine  est-elle  une  religion  ?     .     .     .  60 

Chapitre  VI 

Plus  de  lumière  sur  la  Franc-Maçonnerie  américaine    en 

tani    que   religion 71 

Chapitre  VII 
La  Franc-Maçonnerie  américaine  et  le  Paganisme.     ...  88 

Chapitre  VIII 
Le  dieu  de  la  Franc-Maçonnerie  américaine 105 


324  TABLE    DES    MATIÈRES 

Chapitre  IX 

La  Franc-xMaçonnerie  américaine  et  le  Jéhovah  kabbalisli- 

que 126 

Chapitre  X 
La  Franc-Maçonnerie  américaine  et  lame   humaine.     .     .         147 

Chapitre  XI 
La  Franc-Maçonn  rie  américaine  et  la  Bible 162 

Chapitre  XII 

La  Franc-Maçonnerie  américaine  dans  ses  Rapports  avec 
le    Catholicisme  et  le    Christianisme 182 

Chapitre  XIII 
Benoît  XIV  et  Pie  IX   étaient-ils  Francs-Maçons  ?     .     .     .         ]V»d 

Chapitre  XIV 
Coup  d'reil  sur  le  fonctionnement  dune  Loge  américaine.         200 

Chapitre  XV 
La  Morale   mat:onnique 212 

Chapitre  X\'1 
Bienfaisance   maçonnitpie 231 

ClIAPlTRI.   XN'II 
Histoire  de   la  Maçonnerie 254 

«■.HAPITRE    Will 

La  Maç(jnnerie  américaine  ne  fait-elh^  qii  un  avec  la  Maçon- 
nerie  européenne  ? 278 

Ai'pENnir:i: 

L'Unité  de  la  l'ranc-Maçonnerie 306 

Lriata 313 

Index    alpliabi'liipie 315 

Tabb'    d.'>    Malicre> 323 


IMIPRIMERIE         CATHOLIQITE 

-       '    •  L.      CLOIX      

17,     AvBHVB      DE      X.A      Garb,      17 
=====      NEVERS  ■  —^ 


La  BlblJjotkzqae, 
Université  d'Ottawa 
Echéance 


Tfie  ilbfioAy 
University  of  Ottawa 
Date  Due 


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