Skip to main content

Full text of "Etude sur la géographie botanique de l'Europe, et en particulier sur la végétation du plateau central de la France;"

See other formats


C DÉS Libreey TS 
RENEN YORK B TANICAL Can 4: 


CA ee 


Arr En 


. 
s 


Fa AE 


ET EN PARTICULIER 


Le 


| GUR LA VÉGÉTATION DU PLATEAU CENTRAL DE LA FRANCE: 


Rs FE 
En LENS LECO® , 


Sono d'Histoire loue 2H la ville de Clermont-Ferrand. 


fi ne 
QE à 4 F ÿ n'as 
D 


TOME PREMIFR. 
ose — 


M aire A PARIS, 
Ÿ  cnez J.-B. BAILLIÈRE, 


_ 
L RARE DE L ACADÉMIE IMPÉRIALE DE MÉDECINE , 19, RUE HAUTEFEUILLE. 


Le a LONDRES, caez H. BAILLIÈRE, 219, REGENT-STREET. 


. ) ‘#4 ANEM-VOR. cuez H. BAILLIÈRE, 290, BROAD-WAY. 
D énr C Dur BAILLIÈRE, CALLE DEL PRINCIPE, A1. 


di 


a 


à HfPUaidieur | 
Dr eer C0 dcr cs 
wap creiprmge cc CU 
Te CR 


ETUDES 
Mo 


LA GÉOGRAPHIE BOTANIQUE DE L'EUROPE, 
SUR LA VÉGÉTATION 


PLATEAU CENTRAL DE LA FRANCE. 


» Fs GA 
 , 
| 
62 
LES em % _ à, 


CLERMONT-FERRAND, 
INPRIMERIE DE TIUBAUD-LANDRIOT FRÈRES. 


ÉTUDES 


SUR LA 


GÉOGRAPHIE BOTANIQUE 


DE L'EUROPE 


ET EN PARTICULIER 


SUR LA VÉGÉTATION DU PLATEAU CENTRAL DE LA FRANCE; 


PAR 


Hrnrr LECOQ. 


Professeur d'Histoire naturelle de la ville de Clermont-Ferrand. 


EE 


TOME PREMIER, 
LIBRARY 
NEW YORK 


eee BOTANICAL 
GARDEN 


A PARIS, 
CHEZ J.-B. BAILLIÈRE, 


LIBRAIRE DE L’ACADÉMIE IMPÉRIALE DE MÉDECINS, 19, RUE HAUTEFEUILLE, 


A LONDRES, cuez H. BAILLIÈRE, 219, REGENT-STREET. 
A NEW-YORK, cuez H. BAILLIÈRE, 290, BRoAD-way. 
A MADRID, cuez C. BAILLY-BAILLIÈRE, CALLE DEL PRINCIPE, 11. 


\ 


1854. 


PANNES at 


+ LPS My 14 à Ag ae WP 


L ‘ain TE] D] LITE ab \ HE 
Na 4 é , . £ 
; ‘ NE NI taxa | 
= telente  ipe PONT ir ie «4 hr biais sie COR Abits va 


Stan MIO 


HE. -e | nav. os 

TE nr \'4 UN AN PEN Ce 

brio éeslihae Û 
( \'yà 


EUUAMAD RME 


NS PE 
LA LERCt SAME VUE 


Es li | 


| \ ' LA +1 tbe SEAT at 2 “t: 
ado ii alt NUITS aa dau AAA A datha sÊ HR 
sonnristbt MINUTE M to ana hai à ; s | 


| ET TUE" de An h a e 
{ AS costs da aa PAR 4 dits ,ŒNNGNN 4 


CRUE t'a 


bé fil or NAN AUS PT 
FT CPR 1 

Far 

“ "4 
LL { J ï “ 
Es LU 
A 
n l . 
1 : | l 
Le 4 


p 
$ é 
(Fr L] t'a dE :: 


Næ& 909 


INTRODUCTION. ” 


J'ai hésité pendant bien longtemps avant de me déter- 
miner à publier l'ouvrage que j’offre aujourd’hui aux bota- 
nistes et à tous ceux qui_sont vivement émus devant le 
magnifique spectacle de la nature. Il me semblait que je 
n'avais pas réuni assez de faits, assez d'observations précises, 
et cependant mes premières notes datent de 1815 et de 
1816, époque où , sans comprendre encore l'importance 
des phénomènes que j'avais sous les yeux, ils me frappaient 
assez l’esprit pour que je n’hésitasse pas à les recueil. 

Habitant alors le nord de la France, mon pays uatal, Je 
ne connaissais pas ces admirables montagnes, ni leurs zones 
de végétation, que, depuis lors , j’ai si souvent parcourues, 
et devant lesquelles mon admiration pour les œuvres du 
Créateur a été toujours en augmentant. 

Mais alors un livre me tomba sous la main ; j'avais ap- 
pris, quoique bien jeune encore , à respecter le nom de son 
auteur, et ce livre, en me révélant une science que je soup- 
connais sans la connaître , mit de l’ordre dans mes idées, et 
dirigea par la suite une partie de mes études ; c'était l’Essar 
de géographie botanique du célèbre Alexandre de Humboldt. 
Plus tard , j'étudiai les travaux de Walhenberg, les écrits de 
de Candolle, et, encouragé par la bienveillante amitié et par 
les conseils de cet illustre législateur de la botanique, je n'ai 
pas cessé depuis lors de recueillir les matériaux que j'essaie 
aujourd’hui de coordonner. 

Aprelé , en 1826 , à la chaire d’histoire naturelle de la 
ville de Clermont, j’ai profité de ma position pour étudier 
avec soin le plateau central de la France , et pendant près 


v INTRODUCTION. 


de trente années je l'ai parcouru en tous sens , faisant de 
temps en temps quelques excursions dans diverses parties de 
l’Europe, pour établir des comparaisons avec les résultats 
que j'obtenais relativement à la végétation du centre de la 
France. 

Mon travail s’est étendu , les faits se sont accumulés, et 
j'ai bientôt reconnu que ma vie ne serait pas assez longue 
pour réunir toutes les observations qu'exigerait une si grande 
entreprise. | 

Si j'ajournais encore , je ne voyais plus de raison pour ne 
pas attendre davantage, et je me suis décidé à publier cet 
ouvrage, malgré ses lacunes et ses imperfections. 

La base de tout l'édifice devait être un point de repère. 
J'avais pensé d’abord à prendre la France entière, comme 
occupant géographiquement une position convenable pour y 
rattacher les autres contrées ; mais alors ma tâche devenait 
si grande que je n'aurais pu recueillir les détails que Je 
voulais rassembler. 11 fallait se borner , et j'ai choisi le pla- 
teau central que j’habitais, et dont la végétation s'était , 
pour ainsi dire, identifiée avec moi. 

Il s’agissait de déterminer rigoureusement les matériaux 
ou les espèces qui allaient ‘me servir de base , et ce travail 
préliminaire a été fait en 1848. Occupé d’autres études, je 
n'aurais pu seul arriver à la solution du problème aujour- 
d’hui très-difficile de la détermination. J'ai prié un de mes 
élèves, devenu mon collaborateur et mon ami, de se charger 
de ce soin , et le résultat de ce long et consciencieux travail 
a été le Catalogue des plantes vasculaires du plateau central 
de la France, par M. Lamotte et par moi. 

Le travail des déterminations est devenu très-difficile de- 
puis que l’on a repris une à une les espèces linnéennes, et 
qu'elles ont été décomposées , souvent avec raison, en un 


INTRODUCTION. vi] 


nombre bien plus considérable de types spécifiques. HE y 
avait un milieu à tenir, et je n’hésite pas à rapporter à mon 
collaborateur le principal mérite de ce Catalogue, que les 
botanistes ont bien voulu accueillir avec bienveillance. 

J'avais donc de bons matériaux pour construire mon édi- 
fice, j'ai de plus encore à ma disposition mon savant colla- 
borateur pour lever mes doutes sur les déterminations , et 
pour m'aider à vérifier l’exactitude des faits compliqués dont . 
je suis obligé de me servir. Il est pourtant un écueil que Je 
ne puis éviter , et qui réside tout entier dans l'appréciation 
de l'espèce. La rigoureuse détermination des types spécifi- 
ques, dont on s’occupe maintenant avec beaucoup de zèle, 
en France, en Allemagne, en Suède et en Angleterre, nous 
conduirait, si nous adoptions les changements, et, je pour- 
rais dire , les améliorations qui s’opèrent tous les jours, à 
enlever à notre travail son principal intérêt , qui consiste 
dans des comparaisons et des rapports. 

Les espèces admises dans une flore ne l’étant pas toujours 
dans une autre, j’ai dù , autant que possible , conserver les 
anciennes espèces, en les considérant, au besoin, comme des 
groupes. Je n’ai pas l'intention de publier une flore ni de 
discuter des caractères , mais seulement de m'occuper de la 
géographie et de la dispersion des espèces du plateau central 
de la France. Ce n’est donc ni par ignorance des écrits 
publiés, ni par négligence ou mauvais vouloir, que je n’a- 
dopte pas la majeure partie des espèces nouvelles ; j’apprécie 
tout le mérite des botanistes qui se livrent à cette étude, 
mais, pour des travaux de géographie botanique , je suis 
forcé de me contenter souvent de groupes au lieu d’espèces 
bien définies. Plus tard , quand la science des déterminations 
aura fait assez de progrès pour que les botanistes soient 
d’accord sur les limites des espèces et sur leur nombre, la 


vi INTRODUCTION. 

géographie deviendra plus claire , plus faale ; les anomalies 
qui existent aujourd'hui dans l’aire d'expansion des végétaux 
disparaîtront sans doute, mais, en attendant, nous ne pou- 
vons donner à une partie de notre travail un fini d'exécution 
qui contrasterait avec les autres parties. Au reste, l'imper- 
fection que je signale , et qui serait un grand défaut pour 
une flore, a bien moins d’inconvénients quand il s’agit de 
chiffres, de rapports et de comparaisons. 

J'ai voulu, comme dans une monographie, donner sur les 
végétaux du plateau central de la France tous les détails que 
j'ai pu reconnaître, et les envisager sous des points’ de vue 
très-différents. Je n’ai pas voulu enlever à la botanique son 
côté artistique et pittoresque ; j'ai évité, autant que possible, 
d’en faire une science de mots, et j'ai essayé de la rattacher 
au paysage , à l’aspect de chaque contrée. J'ai suivi, dans 
les plantes, les phénomènes d'évolution et les différentes 
phases de leur vie, et, poursuivant l’espèce dans toute l'é- 
tendue de son aire d'expansion , j'ai tâché de faire ressortir 
les modifications que la station ou le climat peuvent lui faire 
subir. ; 

Voici donc , en peu de mots, le plan que j'ai cru devoir 
adopter : 

L'influence des conditions extérieures, du climat, du sol 
et des eaux, l’examen des causes générales d’extension et 
de dispersion , devaient précéder toutes les autres considé- 
rations. 

Je me suis arrêté en second lieu sur les caractères et sur 
les modifications possibles de l'espèce, sur sa permanence 
et son passage à travers les temps géologiques. 

Après ces généralités , j'ai essayé l'étude détaillée du pla- 
teau central, de sa constitution géologique et de sa végéta- 
tion, J'ai divisé la contrée en régions , et chaque région en 


INTRODUCTION. IX 


stations. J'ai indiqué dans chacune des stations les espèces qui 
s’y développent le plus ordinairement. 

Connaissant la nature géologique du terrain et sa végé- 
tation , j'ai dù rechercher leur influence réciproque, et Con- 
sidérer le sol au point de vue de sa composition chimique , 
de sa constitution physique, de sa perméabilité et de son 
altitude. 

Les éléments sur lesquels je devais fonder mon travail 
étant ainsi bien déterminés, j'ai voulu prendre en Europe 
deux points comparables pour en faire ressortir les différen- 
ces, et pour en rassembler toutes les analogies. Il m'était 
facile de choisir dans le Nord une contrée bien connue. J'ai 
préféré la Laponie illustrée par les travaux de Linné, de 
Wahlenberg, de MM. Læstadius, Martins, Anderson, etc., 
et d’ailleurs sa position à l'extrémité septentrionale de l'Eu- 
rope devait me faire considérer cette contrée comme un 
des points de comparaison des plus intéressants pour le pla- 
teau central. 

Au Sud je n’avais pas le choix pour mon second terme, 
mais cela m’importait peu, car je trouvais tous les rensei- 
gnements dont j'avais besoin, un travail complet , dans le 
magnifique ouvrage de M. Edmond Boissier, sur le royaume 
de Grenade. Là sont rassemblés les déterminations , les 
figures , les rapports géographiques, en un mot tout ce qui 
constitue la botanique telle qu’elle devrait être comprise , 
une nomenclature exacte, et les impressions que les plantes 
font naître dans l'esprit de celui qui les observe. Bien peu 
d'ouvrages présentent les avantages et la perfection de celui 
de M. Boissier. 

Ces trois points placés l’un à l'extrémité Nord , l'autre à 
l'extrémité Sud, et le troisième au centre de végétation , 
s’il n’est pas au milieu géographique de l’Europe, me suf- 


x INTRODUCTION. 


fisaient pour établir des comparaisons très-curieuses sur la 
distribution des familles naturelles et sur l’arithmétique bo- 
tanique. Ils sont entrés dès lors dans toutes les considéra- 
tions ultérieures. 

Je n’ai pu cependant m'en tenir strictement à ces trois 
contrées sans faire intervenir quelquefois les populations vé- 
gétales de quelques autres pays, qui possèdent encore quel- 
ques liens d’analogie avec ceux que j'avais choisis pour base. 
Les flores séparées de l'Allemagne, de la Scandinavie, de 
l'Angleterre, de l'Irlande et de l'Islande, les petites flores in- 
sulaires des Hebrides, des Orcades, des Shetland , des Feroë, 
de Mageroë, m'ont été d’un grand secours pour rechercher 
des rapports et suivre des migrations. La flore russe de 
Ledebour, les flores inachevées de l'Italie, celle du nord 
de l'Afrique et celles de l’Amérique septentrionale, m’ont 
“permis de saisir encore des faits nouveaux très-dignes 
d'attention, et que j'ai poursuivis sans m'en douter Jjus- 
qu’au delà des limites de l’Europe où j'étais entrainé mal- 
gré moi. 

Le dépouillement de toutes ces flores, l’arrangement 
pour mon usage des matériaux qui s’y trouvent contenus, les 
recherches de synonymie, m'ont pris un temps considérable, | 
et ont exigé une patience que je ne rappelle ici que pour me 
servir d’excuse dans les lacunes que l’on pourrait me re- 
procher. 

J'ai fait usage de ces divers matériaux dans l'examen 
comparatif de la distribution des espèces considérées sous 
les rapports de durée, de couleur , de parasitisme , de volu- 
biité, etc. 

Je me suis occupé ensuite de la sociabilité des végétaux 
et de leurs associations entre individus semblables et entre 
espèces différentes , question qui m'a conduit tout naturel- 


INTRODUCTION. x} 
lement au parallélisme , j'allais dire à l’isomorphisme des 
espèces dans les associations. 

Ces longues études m'ont fait reconnaître , dans la végé- 
tation des diverses contrées, des phénomènes de migration 
et de colonisation du plus grand intérêt. 

Rarement la population végétale d’un pays lui appar- 
tient toute entière. Elle provient, ou de plantes réellement 
originaires du sol qu’elles habitent, ou d'espèces colonisées, 
transportées par des moyens divers. 

J'ai voulu rechercher les traces de ces émigrations , leurs 
chances de succès et les obstacles qu’elles ont eu à surmon- 
ter. Il a fallu étudier les caractères qui peuvent aider dans 
cette route ténébreuse, et j'ai essayé d’en faire l’applica- 
tion aux végétaux du plateau central de la France. 

Après des considérations sur chacune des familles natu- 
relles, et sur la distribution géographique des genres, j'ai 
tracé l'aire d’extension de chaque espèce , en la suivant par- 
tout où elle est indiquée dans les flores. 

Dans ce longtravail, j'ai considéré l’espèce dans sa station, 
dans ses mœurs, dans ses rapports avec le sol et dans son 
importance relativement à sa physionomie dans le paysage , 
et enfin dans son extension à la surface de la terre. J’ai 
essayé par ce moyen de découvrir sa véritable patrie, ses 
voyages, ses combats, sa colonisation. J’ai cherché à suivre 
pas à pas l’envahissement de nos plaines et de nos mon- 
tagnes par ces populations étrangères; je me suis eflorcé de 
suivre leurs traces comme les historiens cherchent à décou- 
vrir notre origine en remontant aux hordes sauvages, qui, 
dans les temps reculés, se sont jetées sur notre vieille Eu- 
rope, et ont mêlé leurs races vigoureuses aux habitants vain- 
eus et soumis, de l’héritage desquels elles venaient s'em- 
parer. 


ïi] INTRODUCTION. 


Dans un ouvrage de cette nature, aussi long, et qui a né- 
cessité une multitude infinie de recherches , on sera moins 
porté à me reprocher des omissions qu'à se plaindre de la 
surabondance des détails. Je réclame toute l’indulgence de 
mes lecteurs pour cette multitude de faits qui paraissent au 
premier abord peu importants, et qui pourtant se lient telle- 
ment à l’ensemble de la végétation, que je n’ai pas cru 
devoir les omettre. Je n'ai pu par la même raison éviter des 
répétitions sans Ôter de la vérité à mes tableaux et à mes 
comparaisons. Un livre fait comme celui-ci sur un plan en- 
tièrement neuf, avec des données prises dans la nature 
même, ne peut-être encore qu’un essai , et, en lui donnant 
le titre qu'il porte, je n'ai pas eu l'intention d’aller au delà 
de ce qu'il promet. 

Je ne parlerai ici ni des dépenses, ni des obstacles ma- 
tériels inhérents à un si long travail. Mon livre est édité 
à mes frais ; 1] n’est tiré qu’à un petit nombre d'exemplaires. 
Ce n’est pas une œuvre d'argent, mais un acte de dévoue- 
ment à la science , et un sacrifice dont je ne regrette nulle- 
ment l'étendue. | 


Clermont-Ferrand , le 15 janvier 1854. 
H. LECOQ. 


. CONTENU DU PREMIER VOLUME. 


CHapiTre [. Considérations générales................ v. 1 
Le paysage, p. 1.— La végétation, p. 6.— Des 
centres de création, p. 10. — Aires d'extension ou 

de dispersion, p. 11. 


Cuar. Il. Influence de la température sur l'étendue de l’ex- 
pansion géographique des espèces. ...... p. 14 


Des causes diverses qui font varier la tempéra- 
ture, p. 14. — Distribution relative des mers etdes 
continents, p. 15. — Influence de l'altitude sur la 
température , p. 16. — Influence de la direction 
des chaînes de montagnes, de la fréquence et de la 
constance des courants d’air et des courants d’eau. 
p. 18.— Action de l’état de sérénité du ciel, p. 19. 
— {nfluence de la pente du sol ou de l'exposition, 
p. 20.— Influence de la nature même du sol et 
des végétaux dont il est couvert, p. 20.— Influence 
des écarts thermométriques entre l’été et l'hiver, 
de l’obliquité des rayons solaires, et des différen- 
ces de capacité des plantes et de leurs tissus pour 
le calorique, p. 25. 


Care. [IT Influence de la lumière et de l'électricité sur la 
dispersion et l’extension géographique des es- 
DER Es ee cecile p. 40 


Lumière, p. 40. — Électricité, p. 51. 


Caar. IV. De l'influence de l’eau dans la dispersion des es- 
DÉCESMÉRÉLAlESS LR eLe-creree p. 53 


De l’eau à l’état de gaz ou de vapeur, p. 53. — 
De l’eau sous forme de pluie, p. 60.— Influence 
de l’eau stagnante, p.65. — Influence de l’eau cou- 
rante, p.70.— Action de l’eau marine et des eaux 
salées, p. 75. — Influence de l’eau solide, neige et 
glace, sur la dispersion des espèces, p. 80. 


XIV 


Car. V. 


Cnar. VI. 


Car. VII. 


Caar. VIIE. 


Car. IX. 


Car. X. 


Car. XI. 
Cuar! XII. 


CONTENU 


De l'influence de latmosphère sur la disper- 
DS ER OS LA COIN p. 89 

Air atmosphérique, acide carbonique et ammo- 
niaque, p. 89. — De l’action et de l'importance des 
courants d’air ou vents, p. 106. 


Influence de l'altitude, de l’homme etdes animaux 
sur la dispersion des espèces... ........ p. 113 

Influence de l'altitude, p. 113.— Influence des 
animaux et de l’homme, p. 118. 


De l'influence des causes géologiques sur la disper- 
sion des espèces, influence de la nature du sol, des 
ÊTES CAPE RER QE PES PERTUIS p. 123 

Influence des causes géologiques , p. 123. — In- 
fluence de la nature du sol, p. 129.— Des sta- 
tions, p. 134. 


De l'espèce et de ses modifications... ... p. 140 


Variations de l'individu, p. 143. —Des varia- 
tions de l'espèce par les graines , p. 146. — De 
la variation par gemmes ou bourgeons, p. 155. 
— De la variation par hybridation, p. 157. — 
Des modifications de l'espèce par les conditions 
d'existence ou milieux ambiants, p. 163. — De 
l'influence de l’homme sur les modifications de 
l'espèce, p. 175. 

De l'habitude et de la permanence de les- 
DOTE AR PINS SOS ER RACRE p. 187 
De la jeunesse de l'espèce et de son passage à tra- 
vers les temps géologiques... ......... p. 201 

De la jeunesse de l’espèce, p. 201.— De l'espèce 
à travers les temps géologiques, p. 224. 
Considérations générales sur l’espèce.... p. 234 
Du plateau central de la France; de sa constitution 
géologique ; révolutions qu’il a subies ; distribution 
des végétaux à sa surface. ......,..... p. 201 


CHar. XILE. 


CHar. XEV. 


DU PREMIER VOLUME. XV 


Végétation de la région des plaines ou du nord du 
plateau central de la France........... p. 267 


Climat de la région, p. 267. — Tableau figuratif 
du climat de la région , p. 272. — Liste générale 
des plantes de la région, p. 274. —De la station 
des forêts en général, p. 288.— Association des 
forêts, p. 291.— Association des taillis, p. 293. — 
Association des haïes et buissons , p. 299. — Asso- 
ciation des prairies , p. 311. — Association des co- 
teaux calcaires, p. 319. — Association agreste et 
vicinale, p. 327.— Association des rochers, p. 357. 
— Association des bords des rivières, p. 363. 


Végétation de la région méridionale. ... p. 3179 


Climat de la région, p. 379. — Tableau figuratif 
du climat de la région, p. 383.— Liste des espèces 
plus spéciales à la région méridionale, p. 383. — 
Association des forêts de chênes verts, p. 392. — 
Association des châtaigneraies, p. 397. — Associa- 
tion des haies et buissons , p. 401. — Association 
des causses, p. 405. — Association des lieux culti- 
vés, p. 413.— Association des rochers, p. 422, — 
Association des bords des rivières, p. 428. 


Caar. XV. Végétation de la région des montagnes... p. 433 


Climat de la région, p. 433. — Liste générale 
des plantes de la région, p. 435. — Association des 
forêts de sapins, p. ###. — Association des forêts 
de hêtres, p. 450. — Association des forêts de 
pins , p. #b5. — Association des taillis des monta- 
gnes, p. 459. — Association des haïes et buissons, 
473. — Association des prairies hautes, p. 480. — 
Association des bruyères, p. 499. — Association 
des moissons, des bords des champs et des chemins, 
p. 508. — Association des rochers des montagnes, 
p.513.— Association des bords des rivières, p. 521, 


Lea ah 
* cale Ya 
Ras PA LOU | mé 
dt bal pr Ent TT 
’ | | TA à à us 
de f ge dé 7 “ne di) 


La) 0 me 4 
\ 4 de CE he 


vo ua \ 12 sn 4 Me 
W PATCTE rl a ss % 
huit, fi fout. | | 


dt 08 06 nette ve 
ab.a aofilédept te 
hi data NA: 


AS DIR, 20 
ne [A fe 2 tHhiA ‘an. ag 6:64 
: es 


nee 


AR ke 1) 
Lu 


jà NA Wa 


SA 
à 


ÉTUDES 


SUR LA 


GÉOGRAPHIE BOTANIQUE DE L'EUROPE 


ET EN PARTICULIER 


SUR CELLE DU PLATEAU CENTRAL DE LA FRANCE. 


CHAPITRE LE. 


CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


$ 1. LE PAYSAGE. 


Ce qui frappe le voyageur quand il pénètre pour la première 
fois dans une contrée, c'est l'aspect général du pays; ce sont 
les sites divers avec leurs caractères si variés, et l’ensemble 
qui en résulte. Ces premières impressions se transforment en 
souvenirs qui vous retracent à chaque instant les grands 
tableaux de la nature, mais il est bien rare que l’on se rende 
compte des causes du pittoresque et des détails qui entrent 
dans ces scènes imposantes et majestueuses. 

La topographie, les inégalités du sol, la nature des rochers 
et surtout la distribution des eaux, contribuent certaine- 
ment à un haut degré à l'impression que peut produire un 
paysage, mais la végétation à pour le moins autant d’im- 


1 


2 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. L 
portance, et la diversité des lieux, leur fraîcheur ou leur 
aridité, leur parure ou leur dénudation , dépendent presque 
entièrement des décors plus ou moins variés que leur donne 
ou que leur refuse le règne végétal. 

L'homme peut, il est vrai, animer toute une contrée, 
par sa présence, par ses cultures, ses édifices, ou l’attrister 
par ses scènes de carnage et de dévastation. Les animaux 
viennent aussi se présenter, mais ce sont seulement des acct- 
dents d’une localité ou d’un moment. Qu'un cerf ou un che- 
vreuil traverse une forêt, qu'un oiseau laisse briller un ins- 
tant la richesse de son plumage ou qu'un insecte étincelant 
éblouisse vos yeux de l'éclat métallique de ses élytres, ce ne 
sont pas ces petites diversions qui ajouteront à un site de nou- 
velles beautés ni qui diminueront ses magnifiques horreurs. 

Ce sont les formes végétales qui auront toujours le privi- 
lége d'attirer l'attention par leur élégance , par leurs con- 
trastes où par leurs harmonies. 

La nature est un grand jardin où Dieu à réuni, dans des 
régions diverses, les types élégants qu'il s’est plu à créer 
pour embellir la terre. 

Là, ce sont ces palmiers aux larges couronnes, étalant 
leurs feuilles gigantesques au soleil de la zone torride; là, 
des fougères arborescentes , aux frondes découpées et si- 
nueuses , qui rappellent une végétation qui n’est plus, 
et dont notre globe conserve les antiques dépouilles. Elles 
forment de larges ceintures sur les montagnes de ces 
heureuses contrées, où l'hiver est ignoré et le printemps 
sans commencement et sans fin. Ailleurs, d’autres scènes : 
d'immenses forêts dont les arbres à feuilles coriaces et ver- 
ticales n’arrêtent pas les rayons du soleil, et forment des 
voûtes immenses sous lesquelles l'ombre est inconnue. C'est 


là, dans les forêts vierges de la Nouvelle-Hollande, que 


LE PAYSAGE. 3 
sont les plus gros végétaux du monde, et c'est aussi la 
contrée dont l'aspect est le plus étrange. 

Dans nos zones tempérées, des arbres à feuilles caduques 
se couvrent tous les ans d’une verdure que nous ne cessons 
pas d’admirer depuis le moment où les feuilles, sortant des 
bourgeons, laissent exhaler les parfums du printemps, jus- 
qu’à l’époque où l'automne vient varier leurs couleurs et 
livrer leurs débris au vent des hivers. 

Des arbres résineux, aux rameaux toujours verts, s’é- 
lançant au milieu des neiges, couronnent les montagnes, 
abritent leurs torrents, et le bouleau, avec ses branches 
pendantes et flexibles, conduit la végétation jusqu'aux glaces 
polaires, image de la mort et de la désolation. 

La végétation arborescente est certainement celle qui 
contribue le plus puissamment à varier les scènes et les con- 
trées, soit que les arbres restent isolés avec leurs formes 
respectives, soit qu'ils composent des groupes plus ou moins 
étendus , ou de grandes forêts. On en voit encore dominer 
des rivages, ombrager des prairies ou donner asile, sur leurs 
troncs décrépits, à des générations tout entières, qui payent 
en fleurs et en parfums cette hospitalité involontaire. 

Sous ces arbres se développent des formes nouvelles , 
des Mimosa au léger feuillage, des Metrosideros aux aigrettes 
de pourpre , des fougères délicates, abritées des chaleurs 
du Jour, et ces orchidées aux fleurs bizarres et omnicolores, 
plantes terrestres ou parasites et quelquefois si légères 
qu'elles vivent suspendues aux voûtes des forêts de la zone 
équatoriale. 

Les lianes viennent à leur tour enlacer leurs tiges flexueuses 
aux branches des végétaux voisins, marier leurs fleurs et 
leur feuillage , et cacher sous une impénétrable feuillée les 
grandes scènes de vie des paysages tropicaux. 


4. CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


Plus humbles dans nos zones tempérées , les arbres et les 
arbrisseaux n’en sont pas moins élégants ; nos montagnes 
ont des ceintures de rhododendron, les genêts les couvrent 
de leurs milliers de fleurs dorées, et les cytises laissent flotter 
leurs grappes couleur de soufre au gré du zéphyr qui em- 
porte leurs parfums. 

Nos bruyères couvrent de vastes espaces, où répétées par 
millions, elles donnent aux sites leurs couleurs et leurs 
aspects. 

Plus communes encore à la pointe australe de l'Afrique, 
leurs espèces s'y montrent par centaines, se mêlent aux 
Pelargonium , que nous avons civilisés, aux Diosma et à 
une foule de végétaux de taille moyenne, qui donnent à 
cette partie du monde un caractère bien différent de celui 
de la zone torride et de nos contrées tempérées. 

Les plantes herbacées, vivaces ou annuelles, contribuent 
beaucoup aussi à changer l’aspect des lieux ; les pelouses, 
les tapis de fleurs des montagnes, les prairies si fraîches 
des vallées, rassemblent un nombre prodigieux de végétaux 
aussi différents par leurs formes que surprenant par leur 


abondance. 
Ce sont de vrais tapis, où de nombreuses familles sont 


représentées , et où des plantes diverses se montrent pour 
peupler des savanes, des marais, des gazons, des pelouses 
sèches ou de gras pâturages. 

L'aspect des paysages, modifié par les eaux, l'est peut- 
ôtre davantage encore par les végétaux qui viennent les 
peupler, et qui, dans tous les pays du monde , flottent 
à leur surface, décorent leurs rivages et les suivent de 
la fontaine jusqu’à la mer, derniér terme de leur cours ; 
depuis la neige ramollie du glacier des montagnes jusqu’au 
lac de la plaine qui en recueille les eaux. 


LE PAYSAGE. » 

Que de variétés dans ces gazons légers qui cachent la 
source à sa naissance , dans ces plantes élancées qui se pen- 
chent sur le cours du ruisseau , dans ces Joncs et ces nom- 
breux roseaux qui, le pied dans la fange, inclinent leurs 
panicules fleuries sur une eau transparente qui double en- 
core leur image. 

D'autres végétaux submergés viennent tout à coup nous 
présenter leurs fleurs jusque-là ensevelies, brillent un ins- 
tant, répandent leurs suaves émanations et rentrent dans 
leur prison liquide pour ne plus en sortir. 

Aülleurs, c’est la riche famille des nymphéacées , avec 
ses larges feuilles flottantes et étalées , avec ses fleurs im- 
menses posées sur les flots et reflétant le bleu du cel, le 
pourpre du soir, l'or de la lumière, la pureté de la neige 
et animant les grands fleuves de l'Amérique et de l'Asie , 
le Nil de l'Egypte et les lacs paisibles de nos contrées. 

Les rochers ont aussi leurs guirlandes et leurs fleurs ; une 
foule de végétaux , dont les racines sont enfoncées dans leurs 
fissures, les décorent au premier printemps. La giroflée de nos 
murailles, les riches Anthirrinum , cèdent leur place dans les 
rochers élevés à l’élégante Ramondie, à de fraîches primula- 
cées, à ces myosotis nains dont la fleur céleste semble grandir 
à mesure qu’elle approche du ciel bleu des montagnes. 

Il n’est pas jusqu'aux mousses et aux lichens et jusqu'à 
ces champignons bizarres qui couvrent le terreau des bois qui 
n’excitent à notre insu peut-être des impressions pittoresques 
qui ne s’effacent jamais. Le sol humide des forêts nourrit des 
légions immenses de ces agarics aux chapeaux étincelants et 
aux formes massives, de ces clavaires réunies en brillants 
faisceaux, de ces gigantesques bolets qui donnent asile à des 
légions d'insectes , de ces pezizes si fraîches et si élégantes, 
colorées comme les plus belles fleurs de nos jardins. 


6 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


Les mousses enlacées en moelleux tapis, ou réunies en 
pelotons verdoyants, cachent la nudité du terrain, donnent 
de la fraicheur à l'hiver et tapissent de noirs rochers. On 
les voit suspendues au-dessus des abimes , suivant le cours 
des cascades, ou végétant sous les eaux. Elles couvrent les 
chaumières de leurs tiges veloutées et enveloppent d’une 
vivante fourrure les troncs décrépits des vieux arbres. 

Ce sont elles qui dans les forêts du nord jettent un voile 
de verdure sur d'immenses et fangeux marais, elles encore 
qui vont orner les dernières pelouses de la terre, près des 
pôles où la vie vient expirer sur les rivages e du cap 
Nord et de la Sibérie. 

Les lichens s’y joignent avec leurs ports si différents , 
leurs formes terrestres ou arborescentes , leurs teintes grises 
ou leurs vives couleurs. Els laissent sur le roc aride, sur la 
lave qui vient-de s’éteindre , le premier germe de cette bril- 
lante végétation, dont le Créateur a paré la terre. 

Nous pourrions pousser bien loin cette esquisse rapide, 
mais notre seul but est de rappeler que c’est en grande 
partie aux formes végétales qu’une contrée doit sa physto- 
nomie, qu'un paysage doit toutes ses beautés. En essayant 
de relier l’impression pittoresque d’un lieu: avec sa géogra- 
phie botanique , avec certaines lois dont la dispersion des 
plantes peut dépendre, en cherchant par la suite à saisir 
quelques-uns des tableaux de la nature, nous reviendrons 
sur des détails pleins d'intérêt et dignes de sérieuses mé- 
ditations. 


* (2. £A VÉGÉTATION. 
La végétation d'une contrée est l’ensemble des plantes 


qui s’y développent naturellement. En cherchant à décom- 
poser ect ensemble, on ne tarde pas à apercevoir deux 


LA VÉGÉTATION. 7 
- considérations très-importantes ; d'un côté est l'espèce et le 
nombre des éléments différents de la végétation, de l'autre 
est la multiplicité et le mode de groupement de ces mêmes 
éléments. L'étude de la première de ces deux considérations 
conduit à connaître la flore d’un pays ou les espèces qui la 
composent. Celle de la seconde amène à déterminer leurs 
proportions relatives et le mode d’après lequel elles ont été 
distribuées. M. Thurmann à désigné la réunion des végé- 
taux considérés à ce dernier point de vue, sous le nom de 
tapis végétal. A y à donc une très-grande différence entre 
la flore et le tapis végétal d'une contrée. La première four- 
nit les matériaux qui servent à constituer le second. 

La flore est certainement la base de la géographie bota- 
nique ; il importe que les espèces soient connues , décrites 
et autant que possible nettement circonscrites. Cette: liste 
est l’énumération de tous les éléments botaniques qui entrent 
dans la composition du tapis végétal. Elle est d’autant plus 
riche que les espèces sont plus nombreuses. 

Le tapis végétal est évidemment formé par les éléments 
ou espèces qui composent la flore, mais on ne le considère 
plus sous le rapport descriptif; c'est le nombre, la propor- 
tion des individus de telle espèce, de tel genre, ou d’un 
groupe quelconque, comparés à celui des individus des autres 
espèces, genres ou familles, qui constitue l'aspect d’un pays. 

Le tapis végétal d’où dépendra le paysage pourra donc 
être très-riche avec une flore très-pauvre, c’est-à-dire que 
le grand développement ou l’envahissement du sol par cer- 
taines espèces vigoureuses, dont les individus se seront ex- 
cessivement mullipliés, donnera le caractère’ à toute la con- 
trée , et quelques espèces très-rares pourront s’y trouver 
disséminées dans des points circonserits, sans que la physio- 
nomie du pays en soit le moins du monde affectée. 


8 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 

On voit aussi l'inverse, c’est-à-dire , une flore nombreuse 
en espèces avec une triste végétation , formant un tapis vé- 
gétal discontinu , sans fraîcheur , où le botaniste trouvera 
d’abondantes richesses , tandis que l'amateur du pittoresque 
n’y verra qu'un pays peu fertile. 

M. de Humboldt qui est, avec le célèbre de Candolle, 
le créateur de la géographie botanique, a appelé depuis 
longtemps l'attention des botanistes sur les plantes sociales 
et les plantes isolées, c’est-à-dire, sur celles qui vivent en 
colonies nombreuses, comme les bruyères , les sapins, et 
celles qui restent constamment dispersées, comme la pari- 
sette, les orchidées, les pyroles, etc. 

Si l’on décompose une flore sous ce point de vue, de 
manière à mettre d’un côté les espèces fécondes qui cou- 
vrent de grands espaces et qui se multiplient partout, et 
de l’autre, ce que les botanistes nomment des plantes rares 
ou de bonnes espèces, on aura une LÉ assez claire de la 
flore et du tapis végétal. 

Quelques espèces joueront un rôle important relativement 
aux autres et formeront la chaîne et la trame de ce tapis sur 
lequel les espèces rares pourront être comparées à des fleurs 
brodées cà et là sur toute la surface. 

Les conifères de l’Europe nous présentent un exemple 
curieux de l'importance relative de la flore et du tapis 
végétal. Comme l’a remarqué M. Schouw dans son beau 
travail sur les conifères d'Italie (1), cette dermère contrée 
offre 20 espèces de cette famille , et l'Europe au nord des 
Alpes 10 seulement ; mais il en est tout autrement quant 
au nombre des individus. Dans l’Europe septentrionale , les 
conifères forment des forêts d’une immense étendue, et par 


(4) Schouw. Conif. d'Italie, Ann. dessc. nat. bot., 5esérie, , p. 270: 


LA VÉGETATION. 9 


là jouent un rôle principal dans la physionomie de la nature. 
En Italie, au contraire , à l’exception des Alpes, où ces 
arbres forment par leurs masses assez fortes une région à 
hauteur moyenne, ils ne constituent que des bois petits et 
écartés qui n’impriment aucun caractère essentiel à la phy- 
sionomic du pays. 

La nature si variée dans ses détails, si simple et si 
grande dans ses moyens , nous montre des faits analogues 
dans le règne inorganique. | 

Certains minéraux seuls ou mélangés constituent les 
roches de toute une contrée, la couvrent sur une grande 
étendue avec une uniformité aussi désespérante pour le 
géologue que pour le botaniste ; cependant çà et là quel- 
ques affleurements, des filons ou des veines lui révèlent des 
parcelles de minéraux précieux qu’il s’empresse de recueillir, 
mais qui n’influent en rien sur l’aspect monotone du paysage. 
Ce ne sont que des accidents imperceptbles dans une vaste 
création. 

Les éléments, dernier terme de tous nos travaux sur le 
règne inorganique se présentent avec les mêmes rapports. 
Dix d’entre eux composent à peu près tout ce que nous con- 
naissons de notre globe, la terre et les eaux, l'air et tout 
ce qui le respire, nous les trouvons partout ; les autres, 
au nombre de 40 à 50, ne sont plus que des parcelles 
disséminées avec plus ou moins de fréquence dans les 
diverses parties de la terre et dans la masse des premiers 
éléments. 

Ces différences entre la flore et le tapis végétal, 
nous conduisent à examiner la dispersion des espèces , les 
causes qui la favorisent et les obstacles qui empêchent. 
Voyons d'abord ce que l’on doit entendre par centre de 
création. 


10 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 
$ 3. DES CENTRES DE CRÉATION. 


Puisque les mêmes espèces ne se rencontrent pas dans toutes 
les stations qui leur conviennent; puisque des genres entiers 
et même des familles sont particuliers à des régions déter 
minées et bien circonscrites dont ils ne sortent pas, il faut 
admettre une dissémination primitive sur la terre, une créa- 
tion antéreure à l’état actuel des choses. 

On pourrait au premier abord se demander si Dieu n’a 
pas répandu sur le globe entier les germes de toutes les 
espèces , en laissant aux conditions extérieures toute leur 
influence, de telle sorte que chaque espèce aurait prospéré 
partout où elle aurait trouvé de bonnes conditions , et serait 
restée au néant en l'absence de ces causes favorables de dé- 
veloppement. Cette supposition est d’autant plus admissible 
que nous savons très-bien que la végétation a été très-dif- 
férente aux diverses époques géologiques , et si lés zamias et 
les cycas ne peuvent plus aujourd’hui trouver à vivre sous 
notre climat, il n’en est pas moins vrai qu'ils existaient 
encore dans la période tertiaire , et que Dieu avait aussi 
déposé leur germe dans notre contrée. On peut donc, sans 
douter le moins du monde de l’extrême sagesse du Créateur, 
admettre qu'il a placé sur tous les points du globe le com- 
mencement de toutes les espèces, puisque les diverses 
parties de ce globe devaient passer par des conditions clima- 
tériques tellement différentes que les conditions d'existence 
des êtres vivants seraient totalement changées. 

Une grave objection peut être faite à cette manière de 
voir, c’est que de nombreuses espèces , transportées par 
exemple d’un continent à l’autre, vivent et prospèrent 
admirablement sur le sol étranger à leur patrie, et qu’elles 
eussent existé dans les deux localités si les germes y eus- 


AÏRES D'EXTENSION OU DE DISPERSION. 11 
sent été également déposés. Nous avons des plantes améri- 
caines sauvages et répandues partout, et l’homme a trans- 
porté dans toutes ses colonies des plantes domestiques , qui 
vivent maintenant au loin comme dans le lieu de leur ori- 
gine ; leurs germes n’existaient donc pas auparavant. 

L'inverse se présente aussi. La même espèce a été trouvée 
à de grandes distances, dans des lieux sauvages, et séparés 
par de tels obstacles , qu'il était matériellement impossible 
d'admettre une transmission quelconque. Dans beaucoup de 
circonstances, il est vrai, des études plus profondes ont fait 
reconnaître des dissemblances assez grandes entre ces vé- 
gétaux pour constituer des espèces distinctes, mais souvent 
aussi l'identité la-plus absolue a été constatée. On ne peut 
donc méconnaître des centres de création distincts , et sans 
pouvoir pénétrer les secrets de la Providence , il nous est 
permis de rechercher les lois qu’elle a établies et les moyens 


dont elle s’est servie pour orner la terre de ses plus riches 
productions. 


$ 4. AIRES D'EXTENSION OU DE DISPERSION. 


Admettons sans autre discussion pour le moment que 
chaque espèce est créée dans le lieu où elle trouve les meil- 
leures conditions d’existence. Ce sera , comme l’a dit M. de 
Martius, son paradis terrestre. Nous n’examinerons pas 
non plus si une même espèce a été placée dans plusieurs 
paradis, mais nous supposerons chaque type dans cette 
situation primitive. Evidemment cette espèce va se repro- 
duire, et puisque ses conditions d'existence sont aussi favo- 
rables que possible , elle sera bientôt entourée d’une posté- 
rité nombreuse qui, ne pouvant prendre le sol occupé par ses 
ancêtres, rayonnera tout autour et dans toutes les directions. 


12 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


Au bout d’un certain temps, cette plante , devenue très- 
nombreuse en individus, sera arrêtée dans son émigration 
ou plutôt dans sa dispersion, par des obstacles divers qui 
pourront dépendre ou de la configuration du sol ou du climat, 
et les individus, très-éloignés de leur paradis, ne pourront 
plus vivre aussi bien que dans le centre qui était leur patrie 
primitive ; ils languiront et n’offriront pas les caractèrès 
de force et de vigueur de leurs premiers parents. Au delà 
de ces limites, sur lesquelles leur existence est une lutte 
continuelle , ils ne pourront plus vivre. Une ligne qui tou- 
cherait tous les individus les plus éloignés du centre de 
création et qui formerait ainsi une courbe fermée, certaine- 
ment très-irrégulière, tracerait l’aire de dispersion d’une 
espèce. 

On conçoit que cette aire ait-peu d’étendue pour une 
plante très-délicate et qu’elle soit au contraire très-grande 
pour une espèce vigoureuse, Nous aurons à examiner pour 
des espèces recueillies dans des points déterminés ces ex- 
cursions hors de leur paradis. 

Admettons maintenant qu’une autre espèce, également 
placée dans un centre de prédilection, se reproduise et 
s’étende comme la première, il pourra arriver , si les deux 
centres ne sont pas très-éloignés l’un de l’autre, ou si l’es- 
pèce est très-vigoureuse , que les limites des deux aires 
de dispersion viennent à se rencontrer. 

De deux choses l’une, ou ces plantes s’excluront et s'ar- 
rêteront en se cantonnant chacune dans ses limites, ou 
bien elles s’accepteront réciproquement, et les deux aires 
empiéteront l’une sur l’autre. 

Si cette dernière circonstance se présente , 1l peut encore 
arriver deux choses. Les deux espèces vivront en bonne in- 
telligence, partageront le terrain et pourront arriver, quoi- 


AIRES D'EXTENSION OU DE DISPERSION. 13. 
que issues d’un paradis différent, à confondre leurs deux 
patries et à y vivre associées. | 

Ou bien l’une d’elle, plus forte et plus robuste, mélan- 
gée d’abord à la plante dont elle aura usurpé le territoire , 
finira par la détruire et par s’y substituer. 

Ce qui a lieu pour deux plantes peut se présenter pour 
trois, pour quatre et pour un nombre infini, de sorte que 
les aires de dispersion d’ün grand nombre d’entr’elles sont 
aujourd’hui confondues, et l’une des recherches de la géo- 
graphie botanique est de reconnaître leur point de départ 
et la circonscription de leur divagation autour de ce point 
primitif, de signaler leurs associations constantes, leurs luttes 
et leurs écarts ; enfin, de connaître, autant que Dieu nous 
le permet, le plan de la dissémination primitive. 

L’étendue de l'aire doit être très-variable, car certaines 

espèces s’accommodent de conditions très-différentes, pas- 
sant d’un point sur un autre et pouvant même changer de 
continent ; d’autres très-délicates sont fixées par des causes 
particulières dans un espace très-limité, et ne peuvent en 
sortir. 
* Chaque plante a done son paradis, son point central, 
duquel elle part et rayonne , jusqu’à ce qu’elle arrive à une 
limite extensible selon les circonstances qui se présentent. 
Elle diminue peu à peu en nombre , ou peut-être se modifie 
vers cette limite. Il est rare que sa marche soit horizontale , 
elle suit les inégalités du sol, elle s'élève ou s’abaisse des 
montagnes aux plaines et occupe une aire dont l'étendue et 
les inégalités sont toujours difficiles à déterminer. 

Nous devons cependant rechercher quelle peut être l'in- 
fluence des agents divers sur la forme de cette aire d’exten- 
sion, quelles sont les causes qui peuvent l’étendre et celles 
qui doivent la limiter. Nous verrons après si, par suite de 


14 CONSIDÉRATIONES GÉNÉRALES. 


ces circonstances, l'espèce elle-même ne peut pas chrépuer 
des modifications notables. 


CHAPITRE IT. 


INFLUENCE DE LA TEMPÉRATURE SUR L'ÉTENDUE DE 
L'EXPANSION GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES. 


Les influences météorologiques sont, avec celles qui de- 
pendent de la constitution physique ou chimique du «ol, 
celles qui concourent le plus à l’expansion géographique des 
espèces, et parmi toutes ces causes, la chaleur dont il est 
assez difficile de séparer la lumière , paraît être celle qui a 
le plus d'action. 

Essayons d’énoncer en peu de mots ce que nous savons 
à cet égard, et d’une manière générale, pour revenir 
ensuite aux détails qui concernent plus particulièrement 
l'Europe. 


$ 1. DES CAUSES DIVERSES QUI FONT VARIER LA 
TEMPÉRATURE. 


Dès que la terre a été suffisamment refroidie pour ne plus 
ressentir d’une manière sensible À sa surface l'effet de la 
chaleur centrale, elle a été soumise aux climats solaires et 
a dù perdre immédiatement son uniformité primitive de 
température. 

Admettons pour un instant que notre globe offre un 
sphéroïde uniforme, composé de matières d’égale densité et 
de même couleur ; admettons une surface parfaitement unie, 


DES CAUSES QUE FONT VARIER LA TEMPÉRATURE. 19 
sans cavités mn montagnes, et enveloppons cette sphère d’une 
masse d’air homogène et d’égale épaisseur ; nous aurons 
alors , selon les latitudes , des températures égales qui sui- 
vront exactement les parallèles et ne s'en écarteront Jamais ; 
la chaleur irait en décroissant de l'équateur au pôle, se 
dégradant suivant les latitudes; et dans ce cas des lignes de 
chaleur égale tracées sur un globe terrestre, ne seraient 
autre chose que les parallèles eux-mêmes. Les lignes 1s0- 
thermes concorderaient avec les lignes de latitude. 

Il est bien loin d’en être ainsi, et des causes aussi nom- 
breuses que diverses font varier la température sur chaque 
point de la terre. L'impression qu’en reçoivent les végétaux 
a une telle influence sur leur distribution, que nous devons 
rechercher avec quelque soin quelles sont ces causes d’mé- 
galité et la part d’action que nous devons leur attribuer 
dans l'expansion géographique des espèces. 

La série des causes perturbatrices est nombreuse. Nous 
citerons parmi les principales la distribution relative des 
mers et des continents, l'altitude ou élévation du sol 
au-dessus du niveau de la mer, la direction des chaînes de 
montagnes, la fréquence ou la constance des courants d'air 
et des courants d’eau, l’état de sérénité de l'atmosphère, 
la pente du sol ou son exposition, la nature même du sol 
et des végétaux dont il est couvert, les écarts thermomé- 
triques entre l’été et l’hiver, l’obliquité ou la perpendicu- 
larité des rayons solaires, et jusqu’à la capacité des plantes 
pour la chaleur. 


$ 2. DISTRIBUTION RELATIVE DES MERS ET DES 
CONTINENTS. 


Les parties de continents qui touchent la mer jouissent 
d’une température plus uniforme que celles qui en sont 


i6 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES 

éloignées. Aussi, à latitude égale, une contrée découpée, 
recevant des bras de mer, des golfes ; offrant , par les sinuo- 
sités de son sol, une ligne de côtes très-développée , est 
toujours plus tempérée qu’un continent entier et n’ayant 
qu’un petit nombre de découpures. L'Europe qui nous pré- 
sente ces premières conditions, jouit d’un climat plus doux 
et plus égal que les pays situés à la même distance de Pé- 
quateur dans l’Asie et l'Amérique du nord. 

L'état opposé de transparence et d’opacité qui existe 
entre la mer et les continents donne à chacune de ces par- 
ües un pouvoir d'absorption et d'émission très-différent , 
qui leur permet de réagir aussi sur la vie des plantes, de 
déterminer des inflexions aux isothermes , et d’exercer 
même une influence sur les courants atmosphériques. 

L'expérience démontre aussi que, dans notre hémis- 
phère, les lieux situés sous des longitudes occidentales sont 
plus chauds à latitude égale que les contrées placées vers 
les côtes orientales. La différence est même très-notable, et 
les méridiens qui avoisinent celui de Paris, et qui traversent 
‘toute la partie occidentale de l’Europe , sont coupés par 
des convexités très-sensibles des isothermes qui, dans ces. 
lieux , s'élèvent vers le pôle, tandis qu’elles sont concaves 
aux points d’intersection du méridien opposé. 


$3.INFLUENCE DE L'ALTITUDE SUR LA TEMPÉRATURE. 


Nous pouvons parfaitement supposer la terre enveloppée 
de couches superposées d’air atmosphérique , s’élevant avec 
une densité sensible jusqu'à la hauteur de 60 kilomètres. 
Nos plus hautes montagnes atteignent 8 kilomètres. Elles 
restent donc toutes entièrement plongées dans l'atmosphère. 
Aucun de leur sommet ne s'élève en forme d’île au-dessus 


INFLUENCE DE L'ALTITUDE SUR LA TEMPÉRATURE. 17 
de l’atmosphère, comme certaines parties du continent au- 
dessus des eaux. 

Les végétaux sont disposés par zones concentriques sur ces 
montagnes, et chacune de ces zones correspond à une couche 
plus ou moins dense d’air atmosphérique. 

Mais si l'altitude des plus hautes montagnes n’atteint pas 
la dernière couche de l'atmosphère, la dernière zone des 
végétaux reste aussi bien au-dessous du sommet de la 
montagne la plus élevée. À partir de 2,400 mètres, pour 
le 45° degré de latitude, des neiges éternelles s'opposent 
à la végétation et accusent une température moyenne in- 
férieure à 0. Il y a donc entre le niveau de la mer et 
cette hauteur de 2,400 mètres un décroissement successif 
de température, depuis 13 à 15°, qui est la température 
moyenne au 45° parallèle, jusqu’à 0, limite de la neige ré- 
sistante. 

L’élévation du terrain est, par conséquent, la cause la 
plus puissante des lignes isothermes. On trouve en effet qu'il 
suffit, sous la zone torride, de s'élever de 133 mètres (1) 
pour voir le thermomètre s’abaisser d’un degré, et sous 
la zone moyenne où nous habitons, entre le 45° et le 
50° parallèle, c’est entre une altitude de 140 à 160 mè- 
tres que nous retrouvons le même abaissement thermomé- 
trique de { degré. Cet eflet de refroidissement est si 
puissant que pour obtenir, en allant vers le pôle, un 
refroidissement égal à celui que nous éprouvons en montant 
de 133 mètres sous l'équateur, et de 140 à 160 sous la 
zone tempérée , nous serions obligés de parcourir deux 
parallèles entiers. Un degré de latitude correspond environ 


(1) Général Joacquin à Costa. Compte-rendu des séances de l’acad. des 
scienc., 1. 54, p. 141. 
2 


18 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


de 78 à 86 mètres d'altitude. Cette intervention si grande 
de l'altitude explique beaucoup de faits relatifs à la dis- 
persion des végétaux, et qui dépendent à la fois de la lu- 
mière et de la température. 


$ 4. INFLUENCE DE LA DIRECTION DES CHAINES DE 
MONTAGNES , DE LA FRÉQUENCE ET DE LA CONS- 


TANCE DES COURANTS D'AIR ET DES COURANTS 
D'EAU. 


La direction d’une chaine de montagnes peut amener de 
grandes différences de température, en arrêtant les vents 
froids du nord ét de l’orient, ou bien, au contraire, en refroi- 
dissant la contrée par la barrière qu’elle oppose à l'arrivée 
des vents échauffés ou attiédis du sud et de l'occident. 

Les montagnes peuvent aussi condenser les vapeurs , 
donner à l'air de la sérénité, ou remplir l'atmosphère de 
vapeurs, et agir ainsi indirectement sur la température d’un 
lieu , et par suite, sur la nature des végétaux qui doivent le 
peupler. 

Les vents ou les courants d’air qui se sont échauffés ou re- 
froidis en passant sur des régions froides, sur des montagnes 
glacées , ou en traversant des plaines plus ou moins échauf- 
fées, viennent à chaque instant modifier la chaleur et changer 
l'état thermométrique de l'air. L'action du vent pendant 
linsolation des plantes tend aussi à diminuer l'écart qui 
existe entre les quantités relatives qu'elles reçoivent à 
l'ombre et au soleil ; la constance du mouvement dans les 
couches aériennes est ainsi un des motifs des variations de 
chaleur que les plantes peuvent éprouver pendant les phases 
diverses de leur végétation. El arrive aussi que des causes 
qui tendent à élever la température sont modifiées par des 


ACTION DE L'ÉTAT DE SÉRÉNITÉ DU CIEL. 19 


effets contraires, qui ont pour résultat de l’affaiblir. On ne 
doit tenir compte que de la différence. Ainsi un courant 
d’air chaud , traversant un espace dont le sol est humecté, 
augmente l'évaporation et se refroidit dans une certaine 
proort ion. Enfin, les grands courants d’eau qui descendent 
des pôles, ainsi que ceux qui partent des zones équatoriales 
et viennent contourner les continents , doivent être aussi 
considérés comme apportant une part réelle d’action dans 
les variations de température. 


$ 5. ACTION DE L'ÉTAT DE SÉRÉNITÉ DU CIEL. 


La vapeur d’eau répandue dans l'atmosphère peut y être 
en dissolution complète, et alors l'air est parfaitement 
transparent et entièrement perméable aux rayons solaires 
comme au rayonnement du calorique. D’autres fois les va- 
peurs se condensent et produisent des nuages que l’on peut 
regarder comme des espèces d'écrans mterposés entre la 
terre et l’espace. La persistance de ce voile, qui peut dans 
certaines contrées envelopper de vastes régions , devient la 
cause de grandes variations de température. Pendant l'été 
et dans les pays chauds, la vapeur condensée arrête les 
rayons solaires, les intercepte en partie et tempère la cha- 
leur. Pendant l'hiver et dans les pays froids, la pureté de 
l'atmosphère , en favorisant le rayonnement vers l’espace, 
est une cause active de refroidissement qui doit sévir avec 
force sur la végétation. 

IL est probable qu'aux anciennes époques géologiques, 
lors de l’action constante de la chaleur centrale ou du moins 
d’un climat plus chaud , le voile vaporeux qui devait couvrir 
la terre a joué un rôle très-important dans le développe- 
ment et l'étendue du tapis végétal. 


20 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


$ 6. INFLUENCE DE LA PENTE DU SOL OU DE L'EXPO- 
SITION. 


Tout le monde sait qu'il existe une très-grande diffé- 
rence de chaleur entre les terrains plats et les sols inclinés. 
Il est positif que dans notre hémisphère, l’inclinaison vers 
le nord et vers l’orient est une cause réelle et énergique de 
refroidissement, tandis que les plans inclinés au sud et à 
l’ouest reçoivent plus de chaleur que ceux qui sont unis. 

C’est surtout dans les chaînes de montagnes, situées dans 
les régions froides du globe , que l’on remarque ces diffé- 
rences , et principalement dans celles qui, courant de l’est 
à l’ouest, ont un versant méridional et un versant septen- 
trional très-marqués. Sous l’équateur, et principalement sur 
les montagnes qui y sont placées, lexposition n’a pas d’in- 
fluence , mais à mesure que l’on s’approche des pôles son 
importance augmente , et l’on voit les végétaux monter ou 
s'arrêter plus ou moins haut sur les deux versants d’une 
montagne. Sur le plateau central de la France il y a quel- 
quefois plus de cent mètres de différence entre ces deux 
stations. D’autres fois telle espèce que l’on trouve au midi 
n'existe pas du tout au nord , et réciproquement. 


$ 7. INFLUENCE DE LA NATURE MÈME DU SOL ET DES 
i VÉGÉTAUX DONT IL EST COUVERT. 


Il est hien difficile de connaître les diverses influences du 
sol sur les plantes ; il en est même dont 1l sera toujours im- 
possible de déterminer la valeur et d'apprécier la réalité. I 
est bien certain que la température qu'il peut acquérir, ou en 
d’autres termes son pouvoir émissif et absorbant, doit dépen- 
dre d’une foule de causes , telles que la nature même des 


INFLUENCE DE LA NATURE DU SOL ET DES VÉGÉTAUX. 21 


roches, leur couleur, leur état d’agrégation, leur sécheresse 
ou leur humidité, leur nudité ou leur fertilité. 

Ainsi on peut admettre que des roches différentes 
s’échauffent inégalement par l’action des rayons solaires, 
et il résulte même des expériences que M. Dow à commu- 
niquées à l’Académie de Berlin en 4847, que l'étendue des 
changements de température , tant périodiques que non 
périodiques , est sans importance ou insensible dans la 
diorite, plus considérable dans le sable et à son maximum 
dans le grès. Il en résulte que plus une plante pénètre le 
sol par ses racines , plus elle vit dans des rapports qui se 
rapprochent d’un climat égal, et qu’à profondeur égale 
des racines , le même effet est d’autant plus sensible que 
celles-ci pénètrent dans un sol moins bon conducteur, ce 
qui ajouterait encore à l'influence physique des terrains. 
Les racines des plantes peuvent supporter dans l’intérieur du 
terrain un degré de chaleur considérable. M. de Humboldt 
dit que sous les tropiques la surface du sol s’échaufle , pen- 
dant le jour, par l’action directe du soleil à 52°,5. Près des 
cataractes de l’Orénoque , le même savant a trouvé le sable 
granitique blanc , à gros grains , couvert d’une belle végé- 
tation de graminées et de mélastomées à 60°,3 de tempéra- 
ture, l'air étant à l'ombre de 29°,6. Nouet a vu le sable en 
Egypte, près de Philæ, à 67°,5. M. Pouillet dit aussi avoir 
vu à Paris, dans un petit jardin qui recevait les reflets d’un 
mur voisin, le sol à 65°. l 

J'ai herborisé, en juillet, autour de Mende sur des rochers 
dont la température dépassait 53°, pendant que l'air ex- 
térieur au soleil était à 42°; une magnifique végétation 
supportait cette chaleur ; j'y ai recueilli : campanula spe- 
ciosa, alyssum macrocarpum, anthyllis montana, helianthe- 
mum fumana, etc. J'ai vu le thermomètre placé dans la 


D. | CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


pouzzollane du Puy noir, près Randanne , s'élever à 63° 
sous l’action d’un soleil ardent. Une belle végétation ca- 
chait çà et à ces sables volcaniques. Indépendamment des 
sedum acre et album, on y voyait : pimpinella saxifraga, 
asperula cynanchica , scleranthus perenmis , dianthus car- 
thusianorum , etc. Au sommet du pic du Midi, sur un sol 
noirâtre, Ramond a vu le thermomètre à 35°, tandis qu’au 
soleil, à l'air libre, il marquait seulement 5°,6, et à 
l'ombre 4°,0 (1). 

La différence de couleur est la cause de grands écarts 
dans la température , car M. de Humboldt cite des sables 
noirs qui , sur les bords de la Baltique, atteignaient jusqu’à 
51°,2 de chaleur, et il a remarqué à l’île de la Graciosa, 
aux Canaries, des sables blancs qui, malgré la grande 
différence de latitude, n’accusaient au soleil que 40°, la 
température de l’air extérieur à l'ombre étant 27°,7 (2). 

Il paraît que les animaux peuvent aussi, comme les 
plantes, s’habituer à vivre dans un milieu dont la tempé- 
rature est très-élevée. M. de Castelnau cite un lac situé à 
une lieue au sud du village de Santiago , et qui est alimenté 
par des sources thermales ; bien que ces eaux soient très- 
chaudes , il est à remarquer, dit-il, que l’on y trouve 
beaucoup de poissons (3). 

La température d'une contrée est même modifiée par la 
présence de vastes forêts. Les arbres couvrent le sol et s’oppo- 
sent à l’arrivée des rayons solaires ; leur ombre épaisse inter- 
cepte les rayons puissants qui , dans les jours chauds de l'été, 
viendraient frapper le noir terreau dont leur sol est formé. 


(1) Ramond, Etat de la végétation au sommet du pie du Midi, p. 6. 
(2) Humboldt, Voy. aux rég. équinox., 1. 4, p. 184. 


(2) Castelnau , Exp. dans Ja part. centr. de l'Amérique du sud , hist. des 
voyages , !. 5, p. 256. 


YNFLUENCE DE LA NATURE DU SOL ET DES VÉGÉTAUX. 93 


D'un autre côté, l’évaporation si active, et cette immense 
transpiration qui s’opère en silence sur toutes ces expansions 
foliacées, absorbe encore une grande quantité de calorique. 

Si les feuilles sont larges, ou si étant très-multipliées, elles 
offrent une grande surface, le rayonnement devient plus 
considérable , et c’est sans doute à ces causes isolées ou 
réunies qu'il faut attribuer ce sentiment de délicieuse frai- 
cheur que l’on éprouve en quittant des terres sans arbres, 
pour pénétrer sous l’ombrage de ces magnifiques associations 
végétales. 

M. de Humboldt, à qui aucun phénomène de la nature 
n’a échappé, rappelle les causes de cette fraîcheur humide, 
si sensible surtout dans les régions brülantes des tropiques : 

« Des torrents de vapeurs s'élèvent au-dessus d’un pays 
» équinoxial couvert de forêts; et en se rappelant, dit-il, 
» que Hales a trouvé que les feuilles d’un seul pied 
» d'helianthus, de 3 pieds 1/2 de hauteur, avaient près 
» de 40 pieds carrés de surface, on peut concevoir quelle 
» doit être la force de l'évaporation au-dessus de la région 
» des forêts de l’'Amazone et du haut Orénoque, qui n’est 
» interrompue que par le cours des fleuves, et qui offre 
» une aire de 260,000 lieues carrées marines. Le ciel 
» constamment brumeux de ces belles contrées et de la 
» province de Las Esmeraldas, à l'ouest du vallon de 
» Pichincha , l’abaissement de la température dans les mis- 
» sions des Rio-neyro, les trainées de vapeur que j'ai aper- 
» çues en plein jour dans les forêts vierges entre les cimes 
» des arbres, sont les effets simultanés de cette transpiration 
» (exhalation) aqueuse des feuilles et de leur rayonnement 
» vers les espaces célestes (1). » 


{4) Asie centrale, t. 5, p. 202. 


2% CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


Bien souvent, en entrant sous l’ombrage des grandes forêts 
du plateau central, j'ai éprouvé ce sentiment de fraicheur 
qui est en rapport avec la forme du feuillage , selon que 
les forêts sont composées d'arbres à feuilles horizontales , 
comme les hètres et les chênes ; à feuilles vaciilantes, comme 
les trembles et les bouleaux ; à feuilles aiguës et verticales, 
comme les pins et les sapins. Les différences produites 
par ces divers modes de foliation sont très-sensibles, mais 
la proximité des arbres, leur rapprochement les uns des 
autres, leur degré de sociabilité, sont aussi une des causes 
qui modifient puissamment la température due à leur réu- 
nion. C’est donc avec raison que l’on dit les pays boisés 
plus froids que ceux dépourvus d’arbres, ron que cela puisse 
avoir une influence marquée sur le froid des hivers, mais 
une action réelle sur la température de l'été. Les forêts aug- 
mentent l’action réfrigérante des liquides aqueux, celle qui 
est produite par l’eau qui s'évapore et qui rend immédia- 
tement latente une grande quantité de calorique. Aussi les 
contrées où il existe peu de cours d’eau, celles qui en 
même temps sont dépourvues de forêts, comme les steppes 
qui entourent la mer Caspienne , sont soumises en été à une 
violente chaleur, bien supérieure à celle qu’elles éprouve- 
raient si des arbres en couvraient l'étendue. 

C’est surtout pendant les nuits d'été que l’on remarque la 
constance de la température dans les forêts ; le rayonnement 
nocturne est arrêté par les branches feuillées des arbres et le 
froid s’y fait bien moins sentir que sur un sol découvert ; 
non-seulement elles jouissent d’un climat plus égal, mais les 
espèces qui y croissent y sont encore abritées par une couche 
épaisse de feuilles mortes qui les préserve du froid pendant 
l'hiver, et s'oppose à l'intensité des gelées. 


Aussi, les plantes qui sont très-sensibles aux brusques 


DES ÉCARTS THERMOMÉTRIQUES. 25 
variations de température , celles qui craignent , comme les 
animaux , les excès du climat, recherchent les stations où 
elles peuvent trouver à s’abriter contre le froid et la trop 
grande chaleur. 

Ces conditions existent naturellement le long des côtes, 
dans les pays maritimes, et, dans le centre des continents , 
d’une manière exceptionnelle seulement, à l'ombre des forêts, 
où les vents froids se font moins sentir, et où la chaleur brü- 
lante de l'été est arrêtée par les feuilles. Aussi, bon nombre 
d'espèces qui peuvent supporter l'ombre vivent et prospèrent 
dans les bois. IL suffit de consulter la liste que nous don- 
nons plus loin des plantes némorales pour se convaincre de 
cette vérité. | 


$ 8. INFLUENCE DES ÉCARTS THERMOMÉTRIQUES EN- 
TRE L'ÉTÉ ET L'HIVER, DE L'OBLIQUITÉ DES RAYONS 
SOLAIRES ET DES DIFFÉRENCES DE CAPACITÉ DES 
PLANTES ET DE LEURS TISSUS POUR LE CALORIQUE. 


L'observation du thermomètre peut seule nous donner 
la température d’un lieu , et M. de Humboldt, le premier, 
conçut l’idée de tracer sur une mappemonde des lignes 
de chaleur égale ou isothermes. Nous avons examiné les 
causes qui font dévier ces lignes et dérangent leur régula- 
rité sur diverses parties de la terre. On croyait avoir trouvé, 
dans la fixation de ces lignes , les limites de l’extension des 
espèces, en admettant que des températures trop élevées 
les empéchent de s'étendre vers l’équateur , et que des tem- 
pératures trop basses s'opposent à leur expansion vers les 
régions polaires. 

On reçonnut bientôt qu'il n’en était rien , et que l’espèce, 
en s’écartant de son centre de création, ne tient pas 
compte des isothermes et ne fait pas coincider les extrêmes 


26 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


de son extension avec les limites des zones d’une tempéra- 
ture donnée. Ce résultat était facile à prévoir, car les tem- 
pératures moyennes se composent d'éléments très-différents. 
Un été très-chaud et un hiver très-froid peuvent donner 
une moyenne qui sera absolument la même que celle d’une 
année dont toutes les saisons sont tempérées. D'un autre 
côté, les maxima et surtout les minima, qui n’entrent que 
pour une valeur très-faible dans l'expression de la moyenne, 
peuvent avoir une action destructive sur certaines espèces, 
en sorte que la moyenne annuelle ne peut être un obstacle 
à ‘extension qu'autant qu'elle est très-basse, et quand 
elle est élevée elle peut agir encore comme une moyenne 
très-inférieure, si elle renferme des maxima et des minima 
très-différents, si l'écart des températures extrêmes est 
considérable. 

On a pensé avec raison que l’on aurait, relativement à 
la dispersion de l'espèce, des considérations plus impor- 
tantes en examinant séparément les moyennes de l'été et 
les moyennes de l'hiver. 

Il faut nécessairement décomposer au moins en deux 
parties cette température moyenne de l’année, car la 
moyenne de l'été et celle de l’hiver sont deux choses en- 
tièrement différentes. C’est ainsi que la température très- 
modérée des rivages de l'Océan permet à des plantes méri- 
dionales de s’avancer très-loin de leur patrie originaire. Des 
espèces d’Espagne et de Provence gagnent successivement 
le long des côtes basses et sablonneuses de l'Océan et 
atteignent même Nantes et Cherbourg. L'hiver n'est pas 
assez rigoureux pour les tuer, et l'été, quoique modéré, 
permet leur développement. 

Ce fait paraît en contradiction avec les observations faites 
depuis longtemps par Arthur Youg et par de Candolle, 


DES ÉCARTS THERMOMÉTRIQUES. y | 


que les espèces cultivées , comme le maïs , la vigne et l'oli- 
vier, s’avancent bien davantage à l’est que dans la région 
opposée. Cela tient à ce que ces plantes peuvent supporter, 
au moins les deux dernières, un certain degré de froid sans 
périr, mais ne peuvent amener leurs fruits à maturité si l'été 
n’a pas un degré de chaleur suffisant. 

Les vignes et les oliviers croitraient à Nantes aussi bien 
que les espèces méridionales qui s’avancent dans cette di- 
rection, mais leurs fruits. ne pouvant y mürir faute de 
chaleur, leur culture y est abandonnée. 

Le partage entre la chaleur de l'hiver et celle de l'été 
donne des écarts d'autant plus grands que l’on s'éloigne 
davantage de l'équateur. À Quito , les moyennes des mois 
les plus froids et les plus chauds ne diffèrent que de { ou 2 
degrés , tandis que dans le nord de l’Europe, ces différences 
peuvent atteindre un chiffre qui dépasse 20 degrés. 

On remarque cependant des proportions relatives qui ont 
une certaine fixité, et partout où la température moyenne 
de l’année s’élève à 9 ou 9 1/2 du thermomètre centigrade, 
on ne trouve plus en Europe une température moyenne de 
l'hiver au-dessous de 0. 

Les climats où les écarts de température entre l'été et 
l'hiver sont très-grands, ceux que pour cette raison les 
météorologistes nomment climats excessifs, sont peu favo- 
rables à la végétation. Ces alternatives nuisent aux plantes, 
et une foule d’espèces ne peuvent vivre sous ces conditions ; 
c'est ce qui rend certaines contrées si pauvres en espèces , 
comme les steppes de la mer Caspienne, que nous avons déjà 
cités, et ce qui permet l’envahissement des plantes sociales 
et vigoureuses, 

Il est toutefois une remarque à faire , relativement aux 
plantes ligneuses , c'est qu’elles résistent d’autant mieux 


28 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


aux froids des hivers que l’été a été plus chaud. Cela tient 
seulement à ce que leurs jeunes pousses bien aoûlées sont 
devenues ligneuses et moins impressionnables à la gelée ; 
les orangers et les dattiers, cultivés en Espagne, résistent 
à quelques degrés sous 0. 

Il est bien certain que les plantes offrent, pour ainsi dire, 
dans chaque espèce, un degré différent de résistance aux va- 
riations de température ; il en est qui ne pourraient supporter 
la chaleur de l'été et d’autres qui périraient par le froid de 
l'hiver, et l'expansion géographique des espèces suit mieux 
ces lignes isothères et isochimènes que les isothermes. Mais 
on conçoit qu'il peut encore y avoir une question de maxima 
et de minima , et l’aire d'extension en latitude ne s’accorde 
pas toujours avec ces nouvelles limites de température des 
saisons. Il y a plus, c’est que dans ces derniers temps, 
M. A. de Candolle, dans un mémoire très-intéressant sur 
l’action de la chaleur sur les végétaux , est arrivé à cette con- 
clusion remarquable que « dans aucun cas la limite d'une 
espèce ne coïncide exactement avec une ligne de température 
égale pendant une époque quelconque de l’année. » 

Cette conclusion n’a rien qui puisse surprendre quand 
nous réfléchissons aux différences considérables qui doivent 
exister entre les espèces végétales et nos instruments de 
météorologie. Si, comme l’a dit M. Martins , chaque plante 
est aussi un thermomètre , 1l faut convenir que nous con- 
naissons peu la marche de cet instrument , et si chaque 
espèce a , comme tout porte à le croire, une marche dif- 
férente , il nous sera bien difficile de l’apprécier et de la 
comparer à celle de notre instrument familier. 

En admettant cette comparaison , il faudrait aussi noter 
qu'elle ne peut être exacte, et que si chaque espèce à 
besoin , pour accomplir un progrès d'évolution et sortir de 


DES ÉCARTS THERMOMÉTRIQUES. 929 


son état léthargique, d’un degré de chaleur différent , 
l'abaissement de la température ne détruit pas le dévelop- 
pement opéré. Chaque individu produit l'effet d’un ther- 
momètre à maxima , dont le flotteur ne serait Jamais ra- 
mené, mais pourrait rester longtemps stationnaire. 

L'abaissement de température pendant les hivers peut 
encore arrêter la diffusion d’une espèce , mais elle à souvent 
des moyens de s’y soustraire. Ainsi admettons que des mi- 
nima très-bas arrivent tous les 10 ans ou tous les 20 ans, 
ou enfin à une époque éloignée, comme nous l'indique la 
plupart des observations météréologiques ; les plantes qui 
ne peuvent pas, par leur nature, supporter un tel abaisse 
ment périront toutes ; mais l'espèce sera-t-elle détruite dans 
cette contrée ? il est évident que non. Il n’est pour ainsi 
dire aucun végétal , dont les graines enfouies à des profon- 
deurs diverses n'existent pas en réserve pour réparer ces 
pertes exceptionnelles. Toutes les semences d’une plante 
ne germent pas l’année de leur dissémination ; nous voyons 
tous les jours dans l'exploitation des forêts des espèces qui 
‘n'apparaissent qu'à la coupe d’un taillis, et dont les graines 
ne retrouvent qu'après 20 ans leurs conditions de dévelop- 
pement ; d’autres attendent l'extinction de la futaie, et c’est 
après un siècle ou deux qu'on les voit peupler le terrain où 
elles gisaient engourdies en attendant de l'air ou du soleil. 

Le froid qui tue une plante est généralement sans action 
sur sa graine. Celle-ci, véritable bourgeon , est enveloppée 
de téguments qui l’abritent, et d’ailleurs elle est presqu’en- 
tièrement privée d’eau , et le froid n’a d’action que sur les 
liquides contenus dans les tissus. 

Il n’y aurait d'exception à cette règle que pour des arbres 
qui ne pourraient pas donner de graines entre deux minima 
capables de les faire périr. 


30 CONSIDERATIONS GÉNÉRALES. 


Les plantes annuelles peuvent vivre presque partout, 
pourvu que la chaleur des étés soit capable de mürir leurs 
graines, et leur expansion géographique doit être plus 
étendue que celle des autres végétaux. 

Les espèces vivaces peuvent aussi dans certaines circons- 
tances; résister à ces minima destructeurs , c'est lorsqu'elles 
habitent des régions polaires ou de hautes montagnes. La 
couche de neige qui descend avec les premiers froids et qui 
persiste sans interruption jusqu'aux premières chaleurs, 
permet à des plantes très-délicates de braver les hivers 
très-rigoureux. Elles vivent abritées et engourdies et n’ont 
pas à supporter ces gelées et ces dégels alternatifs, qui sont 
une des causes principales qui arrêtent l’émigration dans les 
pays où la neige n’est pas permanente mais accidentelle. 

L'action du calorique sur les plantes , telle qu'on peut la 
déterminer avec le thermomètre, ne peut rien offrir de 
constant et d’appréciable , et leurs diverses parties peuvent 
être affectées d’une tout autre manière que ne le sont 
nos instruments. 

Quoique nous connaissions maintenant parfaitement ; 
grâce aux remarquables travaux de M. Melloni, la com- 
position du spectre lumineux et calorifique , 1l nous est 
impossible de déterminer la valeur d'absorption et de ré- 
flexion des végétaux , et il existe encore , sous ce point de 
vue, des mystères qu'il ne nous est pas donné de pénétrer. 

On pensait depuis longtemps , d’après les travaux de 
Mariotte , de Pictet et d'Herschell, que la chaleur émanée 
de différents corps peut, comme la lumière , traverser des 
corps solides et liquides, mais les phénomènes qui accom- 
pagnent cette transmission, et l’analogie qu'ils indiquent 
entre la lumière et la chaleur, est due surtout aux recherches 


du savant italien. 


DES ÉCARTS THERMOMÉTRIQUES. 31 


Les rayons de chaleur comme les rayons de lumière pas- 
sent plus ou moins facilement à travers certains milieux , et 
comme les organes des plantes ont chacun une structure 
particulière, qui varie encore avec l'âge et d’autres condi- 
tions , il en résulte que la pénétration de leurs tissus doit 
présenter d'énormes différences , dont il sera toujours im- 
possible de nous rendre compte. 

Nos sens qui nous permettent de distinguer les divers 
rayons colorés dont se compose la lumière, ne nous laissent 
pas sentir tous les rayons de chaleur que contient le spectre, 
et cela parce que notre œil est un organe bien plus sensible 
que le toucher, mais ils n’en existent pas moins, et appar- 
tiennent, comme les couleurs, à tous les rayons lumineux. 
Il serait même exact de dire que le spectre n’est composé 
que de rayons calorifiques, dont les uns sont lumineux 
tandis que les autres ne le sont pas ; et cela est si vrai, que 
dans l’image du spectre solaire, certains eux voient encore 
des couleurs ou d’autres ne distinguent plus rien , en sorie 
que la non perception des rayons de chaleur au-delà des 
limites du spectre, ne peut être due qu’à l’imperfection 
de nos sens. 

Nous pouvons donc penser que la coloration des organes 
peut avoir une grande influence sur l’absorption de la cha- 
leur, et doit aussi nous indiquer des différences dans l’action 
de la lumière sur ces différentes parties. 

Il est possible que cette action puisse être très-in- 
fluente sur les parties vertes, selon l'intensité du vert, 
parce que les rayons lumineux et calorifiques pénètrent 
ces organes verts pendant toute leur vie; mais nous ne 
voyons pas que la structure des pétales, qui détermine l’ap- 
parition de telle ou telle couleur, influence en rien la 
fécondation , l’épanouissement, la sécrétion des glandes 


32 : CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


nectarifères, ni enfin aucun des phénomènes physiologiques 
de la floraison. | | 

M. Melloni a prouvé par d’ingénieuses expériences, que 
l'échelle de transparence des corps, relativement aux 
rayons de chaleur, n’est pas celle de leur transparence par 
rapport aux rayons de lumière. Nous ne pouvons donc pas 
connaître d'avance. cette action sur les organes des plantes. 
Pour citer un exemple, comparons les corolles du veronica 
chameædris et du myosotis sylvatica. Les deux bleus ma- 
gnifiques de ces corolles sont différents ; celui du veronica 
est un bleu de ciel foncé mais transparent, celui du myo- 
sotis est le bleu turquoise et opaque. Nous savons très-bien 
que tout en nous réfléchissant les rayons bleus , ces deux 
corolles se laissent traverser par une portion de lumière non 
décomposée. Nous voyons que la corolle de la véronique 
laisse passer plus de lumière que celle du myosotis , mais 
nous ne pouvons apprécier celle qui se laisse traverser par 
un plus grand nombre de rayons de chaleur, ou celle qui 
en absorbe le plus, et nous ne savons pas quelle est celle 
des deux corolles qui reçoit la plus grande somme de 
calorique. 

Le même raisonnement peut s’appliquer aux feuilles et à 
toutes les parties vertes des végétaux , et même aux organes 
d’une même plante à ses différents âges. L'état particulier 
da tissu d’une jeune feuille ou d’une feuille âgée , doit lui 
procurer une quantité différente de chaleur, et nous ne 
pourrions véritablement arriver à connaître les causes de la 
dispersion des espèces, que si nous pouvions suivre dans leurs 
tissus l’absorption et les modifications de la lumière et de la 
chaleur. 

L’épaisseur des organes des plantes , indépendamment de 
leur structure, a encore une grande importance dans l’action 


DES ÉCARTS THERMOMÉTRIQUES. 39 


de la chaleur sur les plantes , et devient un obstacle de plus 
à tous nos calculs et à nos prévisions. 

Il faudrait donc, pour connaître la quantité de chaleur que 
les plantes peuvent absorber, pouvoir déterminer celle qui 
passe à travers l'organe et la soustraire de celle qu'il reçoit. 

Les corps épais doivent retenir toute la chaleur; les ex- 
pansions minces, foliacées, doivent en transmettre une partie. 
Il y a loin de cette action à celle qui réagit sur la boule d’un 
thermomètre. 

L'intensité de la puissance d'absorption doit dépendre de 
la quantité des rayons qui arrivent , et elle doit surtout 
s'exercer à l'extérieur ou près de la surface ; et lorsque les 
organes des plantes sont volumineux , comme certains fruits 
charnus , ils retiennent la majeure partie des rayons inci- 
dents qui touchent à leur surface et qui pénètrent dans leur 
intérieur. 

Comme, d’un autre côté, la substance qui est la moins 
diathermale , c’est-à-dire la moins perméable à la chaleur, 
est l’eau, et que toutes les plantes et surtout les fruits char- 
nus en contiennent abondamment , c’est encore une com- 
phication qui vient s'ajouter à l'action déjà si complexe de 
la chaleur sur les plantes. 

Il existe encore d’autres considérations assez importantes 
dans la pénétration des corps par le calorique. Il arrive que 
deux substances qui offrent chacune à la chaleur une libre 
transmission , placées l’une sur l’autre, arrêtent compléte- 
ment le passage des rayons calorifiques et les absorbent en 
totalité. Or, il n’est peut-être pas, dans les plantes, un seul 
organe qui soit précisément simple et qui ne soit formé 
d’épiderme , d’une ou plusieurs couches de tissu cellulaire 
ou de différents téguments ou membranes surajoutées. Il 


aut toujours se rappeler que des corps, entièrement trans- 
3 


34 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


parents pour la lumière , peuvent être opaques pour la cha- 
leur, ou, comme le dit M. Melloni , colorés pour la chaleur. 

Ainsi , selon les tissus ou la structure des organes des 
plantes, certains rayons calorifiques peuvent les pénétrer , 
tandis que d’autres espèces de rayons restent en dehors, 
comme nous voyons des rayons d’une espèce particulière à 
la lumière traverser seuls certains milieux colorés qui arrê- 
tent plus ou moins complétement tous les autres. 

Tous ces faits si curieux de l’action des rayons de chaleur 
et de lumière sur tous les corps, tendent à rapprocher et 
même à identifier ces deux éléments si répandus dans l’uni- 
vers. Un faisceau émané du soleil se décomposerait. en cha- 
leur lumineuse et en chaleur invisible qui existeraient toutes 
dans le spectre, mais que nos sens ne seraient pas toujours 
aptes à apprécier.Les yeux , les oreilles et le toucher sont 
plus ou moins sensibles aux ondes lumineuses, sonores ou 
calorifiques , mais il arrive pour chacune de ces radiations un 
point d’affaiblissement au delà duquel les organes les mieux 
conformés ne peuvent plus rien distinguer. Ces radiations 
extrêmes n’en existent pas moins quoique insensibles pour 
nous , et elles peuvent même exercer sur les végétaux des 
influences que nous ne pourrons jamais apprécier. Il restera 
toujours, dans les lois de la dispersion des espèces, des 
causes nombreuses dont nous ne pourrons tenir aucun 
compte, et qui seront à l’état d’inconnues dans la solution 
générale de cette question. 

L’obliquité des rayons solaires vient encore compliquer le 
problème de la perception de la chaleur par les végétaux. 
M. Melloni a trouvé que le rayonnement solaire, cause de la 
chaleur que reçoit la terre, donne d'énormes différences selon 
le plus ou le moins d’obliquité du soleil. I a vu que les varia- 
tions vont même de 30 pour cent à midi, à 62 pour cent 


DES ÉCARTS THERMOMÉTRIQUES. RE 


une heure avant le coucher du soleil. On devait , en effet, 
s'attendre à une plus forte émission de chaleur à midi qu'aux 
heures de la journée où les rayons solaires arrivent oblique- 
ment sur la terre. Mais de nouvelles expériences de 
MM. Melloni et Volpicelli ont prouvé que cet effet n’a 
lieu que relativement à certaines substances; pour d’au- 
tres c’est précisément l'inverse, et le rayonnement calorifique 
devient plus grand et quelquefois double quand l’astre est 
le plus près possible de l'horizon. Or, nous ne savons pas 
comment se comporte le calorique émané du soleil avec 
sa lumière, dans les diverses parties des végétaux. Ces cu- 
rieuses observations doivent nous faire supposer des diffé- 
rences dans l’échauffement des plantes qui reçoivent les 
rayons solaires perpendiculairement, comme celles des tro- 
piques, et surtout des montagnes élevées de la zone torride, 
et les espèces polaires sur lesquelles le soleil frappe toujours 
obliquement pendant sa longue apparition sur l’horizon. 

C’est peut-être par des causes analogues que l’on pour- 
rait expliquer les différences de station des espèces placées 
dans les mêmes conditions. 

Ainsi il est des espèces propres à la Laponie qui se 
retrouvent dans le nord de l’Amérique, dans les mêmes 
conditions de climat, mais qui trouvant encore les mêmes 
conditions dans les Alpes ne s’y montrent jamais , tandis 
qu'il en est d’autres qui croissent indistinctement dans toutes 
ces localités. 

Malgré ces considérations, nous ne devons pas rejeter 
l'emploi du thermomètre , mais nous devons nous en servir 
avec une certaine réserve, et ne pas appliquer sans discer- 
nement les observations météorologiques à la géographie 
botanique. 


Or, comme on sait très-bien que la germination , l’évo- 


36 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


lution des feuilles, l'épanouissement des fleurs, la maturation 
des fruits et la plupart des fonctions physiologiquesdes plantes, 
sont des conséquences de la température plus ou moins mo- 
difiées par l'habitude des individus, on a voulu apprécier 
ces diverses actions par la somme des températures accu- 
mulées pendant une période plus ou moins longue, et l’on 
a effectivement reconnu de cette manière que tel arbre 
a besoin pour ouvrir ses bourgeons d’une somme de 
chaleur plus considérable que tel autre, en sorte que si une 
espèce exige, par exemple, 400° pour laisser épanouir 
ses feuilles, elle ne pourra végéter sous un climat qui ne 
lui en donnera que 350. Il y a des plantes qui fleu- 
rissent quoique la température ne soit pas assez élevée pour 
elles, mais qui restent stériles et ne fructifient pas faute 
d'énergie. Sous ce rapport, le degré de chaleur est encore 
bien différent, car on voit le noisetier fleurir au milieu de 
l'hiver, tandis que les liserons et les cistes attendent l’été 
et l’action directe des rayons solaires. 

Nous venons de voir que tant de considérations secondaires 
viennent se joindre à cet examen des sommes de calorique 
acquises, qu'il est presque impossible de les déterminer 
d’une manière rigoureuse, et que d’ailleurs il en existe 
même qui nous sont parfaitement inconnues. 

Nous devons cependant à M. A. de Candolle un moyen 
très-ingénieux d'apprécier les températures accumulées ou 
les sommes thermométriques nécessaires au développement 
des espèces. 

M. de Candolle se fonde sur un principe généralement 
vrai, que la chaleur étant forte pendant un temps court 
peut produire le même effet sur les plantes qu'une chaleur 
moins vive pendant un temps plus long. 

Mais, comme les espèces, et nous pouvons ajouter aussi, 


DES ÉCARTS THERMOMÉTRIQUES. J1 


certains individus de la même espèce, peuvent être consi- 
dérés comme des thermomètres plus ou moins sensibles , on 
ne devra , comme le fait observer M. de Candolle, commen- 
cer à compter les degrés que du moment où ils exerceront 
uue action sur la plante. 

Il est des espèces qui vivent à 0°, 1°, 2, 3°, 46, 100 
au-dessus de O , mais qui ne commencent à végéter qu’à cette 
température. Or, celle qui est accusée par nos instruments 
au-dessous de celle qui provoque le développement initial de 
la plante, ne doit pas être comptée, et, sous ce rapport, 
les observations météorologiques ordinaires doivent être mo- 
difiées. | 

La chaleur utile à chaque espèce ne doit donc être comp- 
tée qu’au-dessus de son 0, qui peut correspondre à 2°, 3°, 
40, Go, So, 109, etc. du thermomètre ordinaire. En addi- 
tionnant le nombre de degrés thermométriques observés 
chaque jour, moins le chiffre qui correspond au 0 de la 
plante, et en réunissant ces petites sommes, on obtiendra 
le total général de la chaleur utile à telle ou telle espèce 
pour son développement. 

M. de Candolle montre aussi comment deux climats euro- 
péens qui diffèrent en considérant les moyennes mensuelles 
une àune, peuvent être identiques dans certaines combi- 
naisons des deux causes qui influent sur la vie des espèces. 

Pour découvrir ces concordances de climats, 1l a calculé, 
pour un certain nombre de villes d'Europe , à quel jour com- 
mence et finit la température de 1°, 2°, 3°, 4°, 5°, 6°, 7° 
et 8°, et il a mis en regard le produit exprimant la chaleur 
reçue au-dessus de chacun de ces degrés dans chaque lo- 
calité (1). 


(4) Bibl. de Genève, 1548, t. 5, suppl., p. 21. 


38 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


M. de Candolle montre l’heureuse application de ces 
chiffres sur deux plantes , l’alyssum calicinale et l'evonymus 
eUropœus. 

Ce savant tire de ses observations l'expression d’une loi 
qu'il exprime dans les termes suivants : 

« Chaque espèce ayant ses limites polaires dans l’Europe 
centrale ou septentrionale, s'avance aussi loin qu'elle trouve 
une cerlaine somme fixe de chaleur, calculée entre le jour 
où commence et le jour où finit une certaine température 
moyenne. » 

M. de Candolle cite une partie des causes qui peuvent 
modifier cette règle et amener des exceptions ; ce sont sur- 
tout les différences d'humidité ou de sécheresse, les minima 
de température qui peuvent arrêter aussi plusieurs espèces 
vers le nord. Il espère, du reste, que cette loi pourra s’ap- 
pliquer aussi à l’altitude. Tout en reconnaissant la justesse 
des observations de M. de Candolle, nous ne pouvons mé- 
connaître que l’étude attrayante qu’il nous indique, ne soit 
très-difficile , d’abord. parce qu'il faudra déterminer le 0 de 
chaque espèce, et que ce 0 devra être lui-même une moyenne 
entre un grand nombre d'individus. Il est rare, surtout dans 
les espèces arborescentes , que deux individus commencent 
en même temps et finissent à la fois les diverses fonctions 
que leurs organes sont chargés d'accomplir. Je ne rappellerai 
pas le marronnier des Tuileries, mais tous ceux qui ont dans 
leur jardin des cytises, des lilas, des groseillers épmeux , sa- 
vent que bien rarement deux de ces végétaux ouvrent leurs 
bourgeons où épanouissent leurs fleurs à une même époque. 
Un seul individu , un arbre un peu vieux, nous montrera 
aussi des différences sensibles sur chacune de ses branches, 
et très-souvent pour chacun de ses bourgeons, et 1l en serait 
des plantes comme des instruments, chacun devrait subir des 


DES ÉCARTS THERMOMÉTRIQUES. 39 


corrections , dont la valeur serait déterminée par l’observa- 
tion. 

Quant à la somme des degrés de chaleur , telle que nous 
l’obtenons par nos thermomètres, M. de Candolle a reconnu 
lui-même qu’elle est vicieuse et ne peut exprimer un ré- 
sultat certain. 

C’est à l’ombre que nous observons , et c’est au soleil 
que la plupart des plantes se développent. Le ciel plus ou 
moins couvert modifiera ces résultats, comme l’a observé 
aussi M. de Candolle. Mais il est une autre cause météoro- 
logique , qui doit avoir une très-grande importance dans 
l'appréciation de la chaleur due à l’insolation ; comme nous 
l'avons déjà dit c’est l’action des courants d’air. L'écart 
qui existe entre la marche de deux thermomètres , dont 
lun est placé à l'ombre tandis que l’autre est exposé 
au soleil, est très-considérable ; mais comme l’a observé 
M. Flaugergues , et comme nous l'avons vu nous-même 
pendant plusieurs années d’observations assidues, le vent 
le diminue au point de le faire quelquefois disparaître. HI 
doit en résulter de grandes différences dans ia somme des 
températures pour un temps donné , et l’exposüion et l’alti- 
tude qui peuvent modifier l’intensité des courants d’air doi- 
vent réagir aussi sur la connaissance des températures réelles. 

Ces considérations, loin de détruire la loi exprimée par 
M. de Candolle, doivent servir au contraire à expliquer ses 
écarts ou ses anomalies ; mais elles prouvent toute la diffi- 
culté de semblables études, et toute la complication des 
causes qui tiennent à l'expansion géographique des espèces. 

On ne peut nier pourtant que la chaleur ne soit, de tous les 
agents, celui qui exerce le plus d'influence sur la distribu- 
tion des plantes. Dans les limites extrêmes du climat un 
certain nombre de végétaux peuvent prospérer, tandis que 


40 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


d’autres en sont complétement exclus. Cela tient au plus ou 
moins de sensibilité des espèces ; chacune d’elles a son point 
de destruction ou d’anéantissement placé à des hauteurs 
très-différentes de l'échelle thermométrique, et lors même 
que la plante peut résister à plusieurs degrés de froid , 1l faut 
encore à chacune d'elles, suivant sa constitution, des tempé- 
ratures très-variables pour qu’elle puisse ouvrir ses bour- 
geons, épanouir ses fleurs, mürir ses fruits ou faire germer 
ses graines. Toutes ces données, très-difficiles à obtenir, nous 
manquent, où du moins nous ne les possédons que d’une 
manière générale, en comparant la liste des espèces d'une 
contrée avec ses moyennes et ses extrêmes météorologiques. 


CHAPITRE UE. 


INFLUENCE DE LA LUMIÈRE ET DE L'ÉLECTRICITÉ SUR LA 
DISPERSION ET L'EXTENSION GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES. 


$ 1. LUMIERES. 


Plusieurs physiciens ont considéré la lumière et la cha- 
leur comme un seul fluide impondérable, et les derniers tra- 
vaux de M. Melloni tendent à faire admettre cette opinion. 
La lumière ne serait autre chose que de la chaleur visible 
pour nos yeux, et l'on sait qu'un grand nombre de corps 
suffisamment échauffés deviennent également lumineux. 

Quelle que soit l'opinion que l’on adopte, il est certain que 
la lumière et la chaleur, ou si l’on veut la chaleur lunu- 
neuse et la chaleur obscure, agissent sur les plantes comme 


sur nos organes d’une manière toute différente. Xussi est-il 


LUMIÈRE. 41 


probable que l'intensité ou l'absence prolongée de cet agent 
favorise ou arrête l'expansion géographique des espèces. 

Il est très-difficile , il est vrai, dans l’appréciation des 
effets de la radiation solaire sur les végétaux , de déterminer 
la part qui revient à chacun des deux éléments connus dont 
elle se compose, c’est-à-dire la chaleur et la lumière. Il est 
bien reconnu aujourd’hui que ce n’est pas la chaleur seule 
qui agit sur la végétation, mais que la lumière y joue in- 
dépendamment de la chaleur un rôle très-actif. La géogra- 
phie botanique nous en donne des preuves en nous montrant 
des plantes, et surtout des plantes cultivées, à l'abri par 
conséquent des causes plus ou moins efficaces de dissémi- 
nation, qui refusentde végéter ou de mürir dans des lieux où 
la température est au moins égale, quelquefois même supé- 
rieure à celles d’autres localités où ces végétaux réussissent. 

Les espèces spontanées nous en offrent aussi de très-curieux 
exemples dans les plantes des Alpes , des Andes, de tou- 
tes les hautes montagnes, comparées à celles des extrémités 
polaires. Si la température seule agissait, il y aurait sans 
doute identité entre ces deux situations , les mêmes espèces 
s'y rencontreraient, mais puisqu'il n’en est pas ainsi, 
cela doit tenir à des différences dans l'intensité ou dans la 
durée de la lumière. 

On sait parfaitement qu'à l'exception des plantes para- 
sites, c’est sous l’influence de la lumière que l’acide car- 
bonique est décomposé dans les parties vertes des végétaux. 
Dès lors ceux-ci ont besoin pour vivre d’une quantité plus 
ou moins grande de clarté qu'ils ne peuvent pas rencontrer 
partout. 

M. de Gasparin a mis hors de doute cette action très- 
importante de la lumière sur la quantité de carbone formée, 
où plutôt absorbée dans l'air pendant l’acte de la végétation. 


42 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


Des plantes qui avaient effectué leur croissance à l'ombre ou 
ausoleil donnaient des quantités presque doubles de carbone. 
M. de Gasparin, rappelant aussi la curieuse expérience 
faite par l’illustre Saussure sur le sommet du Cramont lors- 
qu'il découvrit l'intensité de la radiation solaire sur les mon- 
tagnes, attribue à cette action la rapidité de développement 
de ces plantes, et en effet il est certain que ces espèces des 
climats, froids par leur élévation, croissent même plus vite 
que celles des pays chauds, et quoique nous ne sachions pas 
comment se comportent les organes des plantes, si diverse- 
ment colorés sous l’action des rayons solaires, nous pouvons 
néanmoins en conclure que la quantité de lumière que les 
végétaux peuvent recevoir dans un temps donné est un 
des éléments dont il faut tenir compte dans la migration ou 
dans l’appréciation de l'aire d’extension des espèces (1). 

L'impression produite par la clarté est aussi très-remar- 
quable dans le sommeil des fleurs et des feuilles. La cha- 
leur ne peut tenir lieu de lumière , et si les fluides sont iden- 
tiques , ils ont cependant une action dissemblable. 

On peut même dire que dans certains cas les propriétés 
sont inverses ; rarement la lumière et la chaleur, du moins 
celles qui émanent du soleil et les seules dont nous ayons à 
nous occuper, acquièrent sur un même point toute leur in- 
tensité. Ainsi c’est sous l'équateur, où les rayons solaires 
tombent perpendiculairement , que leur action devrait être 
plus grande. Elle l’est en effet, mais dans cette partie du 
globe les jours et les nuits, composés chacun de 12 heures, 
ne laissent pas au soleil le temps de prolonger son action. 
Dans les régions polaires la lumière est pâle, les rayons sont 
obliques , mais pendant tout le temps de la végétation l’at- 


(4) Compte-rendu des séances de l’académie des sciences , t. 36, p. 974. 


LUMIÈRE. 13 
mosphère est éclairée et la longueur de la période lumineuse 
compense peut-être son peu d'intensité. Sous le 45° degré 
nous sommes dans une position intermédiaire, qui nous 
donne plus de rapport avec l’éclairement des pôles qu'avec 
celui de l’équateur ; aussi n’avons-nous pas la végétation 
continue de la zone toride, mais le développement périodi- 
que des contrées du nord. 

La végétation des régions polaires nous prouve toutefois 
que la chaleur est plus nécessaire que la lumière, car mal- 
gré le laps de temps pendant lequel les plantes des zones 
glaciales sont éclairées, elles prennent peu de développement 
et la durée de la clarté ne compense nullement l’absence 
d’une température plus élevée. 

Si au contraire nous nous reportons à l’époque où les pôles 
Jouissaient d’une plus haute température nous y verrons une 
végétation vigoureuse qui à laissé ses débris dans les ancien- 
nes couches sédimentaires. 

M. Alphonse de Candolle a déjà appelé l'attention des 
savants sur cette végétation des pôles : « Que l’on réflé- 
chisse, dit-il, à l’action importante de la lumière dans les 
fonctions respiratoires et exhalantes des végétaux , et il ne 
sera guère possible de supposer que des plantes qui ne per- 
dent pas leurs feuilles et qui ouvrent leurs stomates par 
l'effet du soleil, 12 heures sur 24, aient pu supporter une 
obscurité de quelques mois. 

« Ou les plantes polaires de l’ancien monde étaient or- 
ganisées autrement que nos plantes équatoriales, ou elles 
étaient soumises à des conditions physiques analogues. 
Sans l’une de ces deux alternatives, elles n’auraient 
pas vécu. Il leur serait arrivé ce qui arrive aujourd’hui, 
quand on expose au froid, à l'obscurité prolongée ou à une 
humidité excessive, une plante de nos pays chauds; elle 


44 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


meurt sans se reproduire. Mais la première alternative est 
fausse, car l'observation a démontré l’analogie des anciennes 
espèces avec nos plantes équatoriales. Reste donc la se- 
conde alternative, qu'elles étaient soumises à des conditions 
analogues de chaleur, de lumière, etc. On ne conteste pas 
l’analogie de chaleur des anciennes régions polaires avec nos 
régions équatoriales , parce que le vulgaire lui-même admet 
la nécessité d’une certaine température pour des plantes 
analogues , mais il ne faut pas faire le même raisonnement 
pour la lumière qui importe autant aux végétaux que la tem- 
pérature. 

« Je laisse aux physiciens, continue M. de Candolle , 
le soin de faire concorder avec les lois de notre sphère , le 
phénomène qui me paraît devoir être admis , d’une lumière 
plus égale jetée autrefois sur les régions polaires. Je ne 
tiens nullement à l'hypothèse d’un changement d’inclinaisôn 
de J’axe terrestre, mais seulement au fait d’une lumière 
autrement répartie. Peut-être trouvera-t-on un jour que le 
magnétisme terrestre et une haute température du globe ont 
pu produire jadis une lumière inconnue maintenant ; peut- 
être découvrira-t-on que les aurores boréales ont été autre- 
fois plus fréquentes et plus intenses que dans notre époque. 
Tout cela est hypothèse pour le moment. Ce qui me paraît 
toujours un fait, c’est que les végétaux fossiles de la baïe 
de Baffin étaient éclairés autrement que ceux qui vivent 
de nos jours dans cette région (1). » 

Ces questions, relatives à la lumière, soulevées par M. de 
Candolle , offrent un vif intérêt. Nous ne connaissons pas 
les conditions d'existence que pouvaient exiger les plantes 
de ces contrées; mais en remontant aux causes actuelles, 


(4) Biblioth. de Genève, avril 1835. 


LUMIÈRE. 45 


nous trouvons encore l’explication de ce phénomène. Beau- 
coup de plantes vivent dans des lieux très-ombragés, et 
nos forêts nourrissent un certain nombre de végétaux que le 
soleil n’atteint jamais. La même chose devait avoir lieu à 
l’époque de la végétation des houilles, et plusieurs espèces 
abritées sous les larges feuilles et les cimes impénétrables 
des grands végétaux, devaient parcourir toutes les phases 
de leur existence sans être éclairées par un seul rayon du 
soleil. Nous voyons aujourd’hui les fougères présenter ce ca- 
ractère; nous les trouvons tapissant des grottes obscures, 
descendant jusqu’au fond des puits et végétant sans soleil , 
quelquefois même sous l'influence d’une très-faible clarté , 
quoique pourtant elles conservent la tente verte et intense 
de leurs feuilles, et sans qu'elles cessent de décomposer 
l’acide carbonique dans leurs tissus. Cette observation n’a 
pas échappé au célèbre P. de Candolle (1), il a vu des 
fougères rester vertes dans des caves où les autres plantes 
étaient toutes étiolées. L’humidité leur est également favora- 
ble. Ce sont peut-être ces conditions d'existence , nuisibles 
aux autres végétaux, appropriées au contraire à l’organisa- 
tion des fougères , qui ont permis à cette élégante famille 
de prendre une telle extension au lieu de celles qui ont 
trouvé plus tard des milieux mieux appropriés à leur grand 
développement. 

IL est trés-possible, du reste , que la lumière polaire ait 
été autrefois différente de ce qu’elle est aujourd’hui. Dans 
les lieux les plus rapprochés du pôle, l'obscurité n’est ja- 
mais complète. Pendant le séjour du capitaine Parry à l'île 
Melville , par 75° de latitude nord , le soleil disparut sous 
l'horizon le 11 novembre 1819 et ne se montra de nouveau 


(4) Diet, des sciences naturelles , art. Géographie des plantes, p. 571. 


46 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 

que le 3 février 1820, et à l’époque même de la plus grande 
déclinaison australe de cet astre la lumière crépusculaire 
était assez sensible à midi , pour qu’on püt lire de très-petits 
caractères (1). 

Si, à cette époque , l’atmosphère était plus élevée , le 
crépuscule devait être plus éclairé, et si, comme nous l’a- 
vons supposé dans nos études sur les climats solaires et les 
glaciers (2) , l'émission du soleil était plus énergique qu’elle 
ne l’est à présent, nous arriverons facilement à une lumière 
surabondante pour la végétation des plantes qui ont formé 
les houilles de cette époque et de ces contrées. Et si nous 
devions entrer dans des considérations géologiques plus 
étendues , nous rappellerions ici ce que nous avons déjà dit 
en 1835 (3), que les plantes qui ont formé les houilles dans 
les régions du nord appartenaient peut-être à des espèces 
herbacées qui pouvaient en une saison parcourir toutes 
les phases de leur vie, surtout lorsque la longueur des jours 
et la présence longtemps continuée du soleil sur lhorizon 
ramenaient périodiquement une activité vitale qui existe 
encore aujourd'hui dans tous les lieux que la neige laisse 
découverts pendant quelques mois. 

En remontant ainsi dans le passé de notre planète nous 
avons voulu seulement constater l’influence de la lumière 
sur les végétaux , et prouver en même temps que certaines 
espèces sont organisées de manière à pouvoir se contenter 
d’une clarté douteuse ou d’un demi-jour continu. 

Nous avons encore une foule de plantes qui fuient la lu- 
mière du jour comme les oiseaux et les lépidoptères noc- 


(4) Annales de chimie et de physique, tom. XX, p. 455. 


(2) Des glaciers et des climats ou des causes atmosphériques en géologie, 
1 vol. in-80. — 1847. 


(5) Éléments de géologie , 2 vol. in-8e. 


LUMIÈRE. 47 


turnes , et qui ne peuvent en aucun cas recevoir longtemps 
l'impression directe des rayons solaires. Ici il y a certainement 
action différente de la part de la chaleur et de la lumière, car 
nous voyons des plantes qui cherchent l'ombre et l'obscurité 
dans des forêts épaisses où la température est à peu près aussi 
élevée que sur les terrains découverts des environs. Non- 
seulement les champignons , les parasites et la plupart des 
fougères sont dans cette catégorie, mais nous remarquons 
des plantes à feuilles vertes comme les polygonatum, 
mayanthemumibifolium , paris quadrifolia, impatiens noli 
tangere , circea intermedia , asperula odorata, ysopyrum 
thalictroïdes , oxalis acetosella, pyrola minor, adoxa mos- 
catellina, etc., s’abriter constamment du soleil et vivre 
sous l’influence de cette demi-obscurité qui fait le charme 
des grandes réunions des végétaux arborescents. 

Cette délicatesse des tissus qui interdit à de nombreuses 
espèces une vive insolation , explique leur absence complète 
de vastes contrées et leur prédominance dans les lieux où 
elles rencontrent de bonnes conditions de développement. 

Ainsi, les forêts qui favorisent l'extension géographi- 
que des espèces qui cherchent l’ombre et leur permettent 
d'agrandir leur aire , deviennent au contraire un obstacle 
pour les plantes qui aiment la lumière et le grand air. Il est 
vrai que ce genre d'obstacles n’est pas éternel , et que telle 
espèce des plaines éclairées que l’on rencontre des deux 
côtés d’une grande forêt peut très-bien avoir fait sa migration 
avant l’apparition de la futaie ou à travers ses clairières. 

Nous devons aussi examiner sous le rapport de l’action 
de la lumière un point très-curieux , c'est la concordance 
ou plutôt la compensation qui peut exister entre l'altitude 
ou l'extension en hauteur d’une limite, et la latitude ou 
l'expansion géographique. 


48 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


Cet examen qui tend à nous démontrer des flores diffé 
rentes dans des lieux où les températures sont égales, et où 
l'élévation compense la latitude, nous prouve toute l’im- 
portance de la lumière; car c’est alors à cet élément seul 
que nous pouvons attribuer la présence ou l’absence des 
mêmes végétaux dans les deux localités. 

On s'aperçoit facilement de ces différences quand on 
compare, par exemple, comme nous le ferons par la suite , 
la flore des Alpes et celle de la Laponie. Ces deux contrées 
ont des plantes qui leur sont communes; mais aussi cha- 
cune a ses espèces particulières. 

Il est vrai que plusieurs d’entr’elles supportent d'énormes 
différences dans l’éclairement. Le drias octopetala descend 
jusqu’au bord de la mer près du cercle polaire, et dans les 
Alpes , sous le 450 de latitude, 1l se rencontre à une très- 
grande élévation. 

Or, les rayons solaires contiennent d’autant moins de 
lumière qu'ils pénètrent une masse d’air plus considérable, 
et qu'ils la traversent plus obliquement. La lumière solaire 
qui viendra frapper le drias, en Norwège ou en Laponie, 
aura donc perdu tout ce qu’elle peut perdre de sa clarté. 
Elle arrivera, traversant une plus grande quantité de couches 
d’air, et, descendant jusqu’au bord de la mer, elle aura 
passé à travers l'épaisseur entière de l'enveloppe gazeuse 
qui entoure notre planète. 

Il n’en sera pas de même pour le drias qui croïtra à 
2,000 mètres d’élévation et sous le 45° degré. Les ondu- 
lations lumineuses pénétreront moins obliquement dans 
l'atmosphère et perdront moins de leurs rayons efficaces. 
D'un autre côté, une différence de niveau de 2,000 mètres 
est assez importante pour ne pas être négligée dans l’éva- 
uation de l'absorption des rayons lumineux. Les deux 


LUMIÈRE. X9 


plantes seront donc dans des conditions très-imégales d’éclai- 
rement , sans qu’elles en soient affectées. Les conditions de 
température, il est vrai, sont les mêmes dans les deux cas. 
L’altitude compense la latitude, et cela très-exactement. 
Les plantes sont d'autant plus éclairées que leur altitude 
est plus grande et leur latitude plus basse. Celles qui ha- 
bitent le sommet de la zone végétale des Andes de Quito, 
sont celles qui doivent recevoir la plus grande somme de 
clarté ; celles qui vivent sur les bords de la mer près des 
cercles polaires, sont celles qui en perçoivent le moins. 

Si la couche d’air atmosphérique est plus épaisse sur 
certains points du globe ; si, par exemple, elle descend 
notablement au-dessous du niveau de la mer, comme sur 
les bords de la mer Caspienne , et surtout dans la Palestine 
autour de la mer Morte, où la différence de niveau est 
très-considérable , la lumière sera affaiblie et la chaleur 
augmentée. L'air, plus dense dans les couches inférieures, 
absorbe, à mesure qu'il s’échauffe, des rayons de lumière qui 
semblent s’étemdre pour se transformer en calorique ; en 
sorte que les conditions de lumière, lors même qu’on ad- 
mettrait cette transformation , favorisent l’extension des 
espèces ou s'opposent à leur développement géographique. 

Il y a des espèces qui ont besoin de toute la lumière qui 
vient frapper le sommet des montagnes, et qui, pour cette 
raison, ne descendent pas dans les plaines et ne croissent 
jamais dans les lieux abrités. 

Les arbres exigent en général une vive lumière ; et si la 
végétation arborescente cesse sur les points élevés, avant 
la limite des neiges éternelles, c’est la température qui 
s'oppose à ce que ces espèces arborescentes forment la 
dernière zone de la vie végétale. 

C’est sans doute à l’action du fluide lumineux qu’il faut 


4 


50 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


attribuer la force et l’énergie des plantes des montagnes, 
Tous ces végétaux s'élèvent peu, deviennent presque ligneux, 
se couvrent de grandes fleurs et résistent aux premières ge- 
lées par leurs tissus plus serrés et moins aqueux que ceux 
des végétaux de la plaine. Plus tard, c’est la neige qui les 
préserve des rigueurs de leurs longs hivers. Ces plantes des 
montagnes, habituées à être fortement éclairées, s'étiolent 
très-facilement dans nos jardins, et y sont plus sensibles au 
froid que les autres, ce qui tient sans doute à ce que leurs 
tissus moins éclairés sont plus lâches et plus humides que 
ceux des mêmes végétaux endurcis par le soleil des hautes 
montagnes ou les longs jours des régions polaires. 

La lumière agit principalement sur les couleurs. Aussi 
voyons-nous dans les montagnes ces admirables parterres de 
fleurs vives et brillantes portées sur des tiges courtes et ra- 
bougries, tandis que dans les lieux couverts nous ne trou- 
vons rien de semblable. 

Dans le nord, nous rencontrons encore des couleurs écla- 
tantes dans les grandes plaines de la Sibérie, où manque 
la végétation arborescente et où la longueur des jours rem- 
place la vivacité de la lumière. Il n’est pas jusqu'aux terres 
les plus reculées de l'hémisphère austral qui ne nous offrent 
des plantes admirablement colorées et d’une beauté remar- 
quable. 

Les feuilles des arbres, considérées relativement à leur 
âge et à la proportion de lumière qu’elles reçoivent, nous 
offrent des teintes de vert presque proportionnelles à l’in- 
tensité de leur éclairement. Jaunes quand elles sont jeunes, 
elles se colorent successivement en un vert plus foncé, et le 
maximum des teintes arrive au maximum da développement 
qui précède le commencement de la décadence. De même, 
c’est dans les lieux les plus éclairés et les plus élevés qu'il 


ÉLECTRICITÉ. 51 
faut chercher les arbustes à feuilles coriaces, foncées et lui- 
santes qui doivent en partie à l'insolation ces caractères de 
leur feuillage. 

Enfin, la lumière a une influence directe sur l'absorption 
de l’eau par les racines , et par suite, sur l’évaporation et 
le climat d’une contrée. Dans lobscurité une plante absorbe 
moins d’eau et n’exhale rien. A la lumière du jour l’eau 
pénètre par les racines comme si elle était pompée par les 
feuilles qui en laissent évaporer une partie; enfin sous l’ac- 
ton de la lumière solaire les feuilles évaporent une grande 
quantité de liquide que les racines sont toujours chargées de 
puiser dans le sol. Si l’on suppose de grands espaces cou- 
verts de forêts, on prévoit quelle quantité d’eau doit être 
retirée du sol et quelle masse de vapeur doit être répandue 
dans l'atmosphère. On voit dès lors que cette évaporation 
doit rendre latente une forte proportion de calorique, et si 
nos yeux pouvaient saisir ces créations locales de vapeur, et 
voir la consommation de chaleur qu’elles déterminent, nous 
serions émerveillés de ces immenses transmutations qui s’opè- 
rent à notre insu. 

Les diverses conditions de lumière peuvent donc , comme 
celles de la chaleur, mais à un moindre degré, étendre ou 
resserrer l'aire de végétation d’une espèce et expliquer quel- 
ques-unes de ces anomalies que nous présente si fréquem- 
ment l'étude de la dispersion des végétaux. 


$ 2. ÉLECTRICITÉ. 


Au point de vue de la géographie botanique, l’électri- 
cité ne paraît jouer aucun rôle important. Elle favorise sin- 
gulièrement le développement des plantes , et cependant son 
influence est très-difficile à séparer de celle de la chaleur et 


52 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


de celle de l’humidité. Les orages produisent, comme on le 
sait, un effet extraordinaire sur les plantes. De Candolle, 
dans sa Physiologie végétale, rapporte quelques exemples 
de la vigueur produite par l'électricité. 11 cite Duhamel qui 
a remarqué que dans un temps couvert et disposé à l’orage, 
un brin de froment épié s'était allongé en trois jours 
de plus de 3 pouces, un brin de seigle de plus de 6 pouces, 
et un sarment de vigne de près de 2 pieds dans le même 
temps. De Candolle a vu lui-même, à l'approche d’un orage, 
un jet de vigne s’allonger d’un pouce et demi en 2 heures. 
Lefébure a vu des graines de rave germer en 30 heures et 
même en 2% heures par un temps orageux , et Hubert assure 
que la sécrétion du nectar est plus abondante dans les temps 
orageux , où l'atmosphère est très-chargée d'électricité. 

On a remarqué la funeste influence du tonnerre sur l’im- 
cubation de nos oiseaux domestiques , et 1l paraîtrait que 
les champignons sont également tués par l'électricité. C'est 
un fait du moins que rapporte de Candolle au sujet de l’agaric 
comestible que les maraïichers cultivent dans de profondes 
carrières, autant pour les soustraire aux influences électri- 
ques qu’à une trop vive lumière. Ces faits, très-intéressants 
au point de vue physiologique, ne laissent rien entrevoir 
d’essentiel sur le rôle que pourrait jouer l'électricité dans la 
dispersion des espèces. 


DE L'EAU A L'ÉTAT DE GAZ. 53 


CHAPITRE IV. 


DE L'INFLUENCE DE L'EAU DANS LA DISPERSION DES ESPÈCES 
VÉGÉTALES. 


L'eau est tellement répandue dans la nature, elle y Joue 
partout un rôle si important, que nous devons rechercher ici 
quelle est son action dans la dispersion comme dans la vie 
des plantes ; dans quelle circonstance elle peut aider à leur 
expansion géographique, et sous quelle forme elle peut être 
un obstacle aux migrations des espèces. 

Personne n’ignore que l’eau existe dans la nature sous 
trois états différents, liquide dans la plupart des cas, 
gazeuse ou en vapeur dans toute l’étendue de atmosphère, 
solide sur quelques points du globe et à certaines époques de 
l’année. Nous aurons donc à étudier, — l'eau gazeuse ou 
atmosphérique, — l’eau liquide sous forme de pluie, — 
l'eau stagnante, — l'eau courante, — l'eau marine ou 
l'eau salée, — l’eau sous forme de neige ou de glace. 


$ 1. DE L'EAU A L'ÉTAT DE GAZ OU DE VAPEUR. 


Lorsque l’action solaire se fait sentir sur la terre humide, 
ainsi qu'à la surface des eaux, une partie de la chaleur se 
combine avec le liquide, et il en résulte de la vapeur qui, 
d’abord invisible, monte dans l'atmosphère et finit par se 
transformer en nuages qui flottent pendant un certain temps 
dans les hautes régions, et ramènent sur la terre, sous des 
formes variées, l’eau que la chaleur avait entraînée. 


D4 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


Entre le retour à l'état liquide de l'eau vaporisée , il 
s'écoule un laps de temps plus ou moins long , et comme la 
vapeur se forme sans cesse, l’air en contient toujours une 
certaine proportion qui varie à chaque instant selon la tem- 
pérature et les localités. | 

Les plantes sont donc plongées par leurs organes aériens 
dans un milieu plus ou moins humide qui exerce une grande 
influence sur leur végétation. Tantôt cette eau est en disso- 
lution parfaite dans l'air, qui peut en dissoudre d'autant 
plus qu'il est plus chaud ; tantôt elle se présente sous un 
état pour ainsi dire intermédiaire entre l’état liquide et 
l’état gazeux, sous l'apparence de #uages, de brumes et de 
brouillards. 

Tant que la vapeur est en dissolution parfaite dans l’air, 
elle’agit d’une manière moins directe sur les organes des 
plantes ; mais lorsqu'elle est à demi-condensée, elle devient 
une cause énergique de dispersion ou de répulsion pour cer- 
taines espèces, 

Il existe, en effet , des végétaux qui ne peuvent vivre que 
dans une atmosphère humide , constamment rafraîchie par 
des vapeurs , et c’est, sans aucun doute , l'absence de cet 
état atmosphérique qui arrête les plantes de l’ouest où 
le type armoricain dans sa migration vers le centre de la 
France. 

D'autres, au contraire, qui redoutent cette humidité, 
ne quittent pas les plateaux où elles sont exposées à un air 
plus ou moins sec, et ne descendent pas sur les bords de 
la mer. 

On ne peut nier cependant qu’il n’y ait souvent une grande 
analogie de station entre certaines plantes des montagnes, 
que l’on retrouve aussi sur les bords de l'Océan. De Candolle 


avait remarqué ce curieux rapprochement dans ses voyages 


DE L'EAU A L'ÉTAT DE GAZ. 29 
botaniques en Bretagne. « Les crucifères, dit-il, viennent 
plus savoureuses, plus charnues et plus délicates dans 
le voisinage de la mer; les habitants des pays de montagnes 
ont aussi observé que les choux crüs sur les montagnes sont 
meilleurs que ceux des plaines. Ce ne serait pas le seul 
rapprochement qu’on pourrait établir entre la végétation 
des hautes montagnes et celle des bords de la mer. Ce que 
j'en connais m'autorise à penser que c’est dans le degré 
d'humidité de l'air qu'on doit chercher la cause de cette 
ressemblance (1). » 

En effet, l'humidité qui existe dans tous les lieux voisins 
des eaux, les brouillards fréquents sur les côtes, et surtout 
cette espèce de bruine que les vents d'ouest jettent en 
larges ondées sur les côtes de l'Océan , donnent un climat 
analogue à celui des régions montagneuses , et où la tempé- 
rature même a de l’analogie , à cause du peu de chaleur des 
étés sur le bord de la mer, et à cause de l'abri que les 
plantes trouvent tous les hivers sous les neiges des mon- 
tagnes. 

L'eau en vapeur qui se dépose sous forme de rosée pen- 
dant le rayonnement nocturne, est une des causes .princi- 
pales de la fraîcheur de la végétation dans les lieux élevés. 
L'absence de ce météore, produite par des vents continus, 
empêche, dit Jacquemont, les gazons de l'Himalaya, formés 
comme les nôtres d’anémones , de fraisiers , de potentilles, 
de présenter la riante verdure de ceux des Alpes, des Py- 
rénées et de nos plateaux élevés. 

Quand l'humidité n’agit pas sur les feuilles , elle réagit 
sur les organes floraux et joue un rôle très-important dans 
la fécondation et dans la maturation des fruits. Quelques 


(4) Rapport sur un voy. bot. et agr. dans les dép. de l'Ouest, p. 48. 


56 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


espèces ne peuvent répandre leur pollen quand lhumidité 
prédomine ; d’autres ont leurs organes altérés par une sé- 
cheresse prolongée. En 1846, quand les céréales de nos 
contrées , malgré leur belle apparence , ne montrèrent que 
des fleurs avortées et sans graines, on se rappela bientôt 
quelques journées de chaleur, pendant lesquelles le vent du 
sud avait soufflé, mais tellement desséché, qu’il brèlait les 
feuilles des arbres et avait complétement détruit les papilles 
élégantes qui forment le pistil des graminées. 

Les fleurs qui dans cette année désastreuse donnaient des 
grains bien conformés étaient celles dont la fécondation 
était assurée lors du passage du météore , ou celles dont la 
floraison n’était pas encore commencée. Aussi les épis qui 
étaient restés fertiles ne donnaient des grains qu’au sommet 
ou à la base de l’axe qui portait leurs fleurs étagées. 

Nous remarquons souvent des effets de ce genre sur les 
plantes des montagnes exposées à être plongées pendant 
plusieurs Jours dans des nuages épais. Il est rare que ces vé- 
gétaux donnent des graines chaque année, les uns parce que 
l'humidité s'oppose à leur maturation, d’autres parce qu’une 
sécheresse accidentelle est arrivée pendant leur floraison. 

Nous ne pouvons pas douter de cette influence de l’at- 
mosphère relativement à son humidité sur l'étendue du 
rayonnement des espèces. Nous voyons déjà dans les forêts 
qui sont toujours plus humides que les parties découvertes 
du territoire , certaines plantes rechercher l’humidité de leur 
atmosphère, et d’autres, différemment constituées, s’en éloi- 
gner pour la même cause. 

L'humidité atmosphérique montre encore sa puissance 
sur la dispersion d’un grand nombre de graines. Les involu- 
cres hygrométriques de la plupart des composés se resserrent, 
les capsules ne s'ouvrent pas , les gousses et les siliques res- 


DE L'EAU A L'ÉTAT DE GAZ. 57 


tent closes ; en un mot , la dissémination est arrêtée, et si 
les neiges arrivent de bonne heure, avant qu’un air sec ait pu 
remplacer celui qui agissait d’une manière si contraire à la 
dispersion des graines, ces dernières tombent au pied de la 
plante mère , et les jeunes plantes périssent étouffées par les 
espèces voisines. 

Mais c’est surtout sur le développement des cryptogames 
que l’humidité montre toute sa puissance, sur ces plantes 
souvent incorruptibles qui ne prospèrent que dans les nuages, 
dans les brouillards ou dans l’atmosphère humide des gran- 
des forêts. En effet, c’est là que les champignons se présen- 
tent dans tout leur éclat, avec leurs formes si curieuses et 
si variées. C’est sur les pointes des rochers volcaniques du 
Mont-Dore , du Cantal et du Mezenc , sur les cimes élevées 
de la Margeride et des montagnes du Forez, comme dans 
les Alpes et dans les Pyrénées , que naissent ces légions de 
lichens lépreux, si élégants dans l'expansion de leurs thallus 
et dans les formes de leurs scutelles. C’est sur le tronc des 
vieux sapins, sur les pelouses élevées des montagnes sou- 
vent cachées par les nuages errants ou les vapeurs condensées 
du matin, que l’on trouve ces mousses verdoyantes en pleine 
végétation, et les lichens coralloïdes qui meurent pendant 
les chaleurs de l’été pour ressusciter aux premières ondes des 
vapeurs aériennes qui viennent les humecter. 

Nous trouvons ces singuliers végétaux se développant dans 
tout leur luxe sur les plus hautes montagnes, végétant 
dans les brouillards des cimes élevées comme au milieu des 
brumes de la Norwège, et portant la vie sur des roches ari- 
des où les autres plantes ne peuvent trouver aucun abri. 

En nous reportant aux anciennes périodes géologiques , 
nous voyons la cause principale de l'humidité de l’atmos- 
phère bien plus développée que de nos jours ; car à ces 


58 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


différentes époques , la chaleur des climats était plus grande, 
et l’évaporation bien plus active; l’air devait contenir une 
plus forte proportion d’eau, et c’est aussi ce que nous 
remarquons dans les régions équatoriales où l’évaporation est 
relativement très-grande. On sait que la température d’un 
lieu permet à l’air de contenir des doses très-différentes de 
vapeurs. Ainsi un mètre cube d’air à O0 ne peut dissoudre 
en poids que 5 gr. # d’eau ; tandis que ce même volume à 
30° peut en contenir 29 gr. #, et à 40°, 49 gr. 2. 

À l’époque tertiaire, où la végétation des zones tempérées 
était bien différente de ce qu’elle est aujourd’hui , il régnait 
certainement une température qui devait être analogue à 
celle des tropiques , et la masse d’eau que contenait alors 
l'atmosphère était proportionnelle à cette température 
élevée. 

Toutelois , il faut bien remarquer que ce n’était pas alors 
et que ce n’est pas non plus maintenant cette eau en disso- 
lution parfaite dans l’air, qui en constitue l'humidité. Celle- 
ci ne devient sensible ou active pour les plantes que lorsqu'elle 
est passée à l’état de vapeur vésiculaire ou de pluie. On en 
a la preuve dans la végétation des régions polaires comparée 
à celle des pays chauds. 

Les plantes organisées pour vivre dans les brouillards et 
au milieu des brumes plus ou moins humides , se sont toutes 
rélugiées dans les pays froids ou à une certaine élévation 
dans les montagnes , ou sur le bord de la mer, enfin, dans 
tous les lieux où l'air contient souvent de l’eau suspendue 
et non dissoute. C’est cette eau ou cette vapeur suspendue 
qui constitue la véritable humidité. Aussi voyons-nous les 
cryptogames, mais surtout lesmousses et les lichens, augmen- 
ter en nombre et se développer à mesure que nous appro- 
chons des pays froids, du sommet des hautes montagnes, 


DE L'EAU A L'ÉTAT DE GAZ. 99 
acquérir leur plus grand degré de prospérité sur les rochers 
élevés comme des îles au milieu de l’atmosphère, et agis- 
sant comme des condensateurs sur l’air chaud saturé d'hu- 
midité que les vents y amènent. C'est dans ces circonstances, 
au milieu des brouillards , que se développe la riche végéta- 
tion cryptogamique des pôles et des montagnes. 

Les conditions de température viennent aussi modifier 
l'extension des espèces cryptogamiques, car, à humidité 
égale, les plantes de cette grande classe préfèrent toujours 
la température la moins élevée, et sous les tropiques, où les 
cryptogames sont moins nombreuses , il faut attribuer la di- 
minution du nombre plutôt à l’excès de la chaleur qu'à 
l'absence de l'humidité. 

L’excessive évaporation des régions tropicales, tout en 
produisant une sécheresse apparente dansles plaines, donne à 
l'atmosphère des forêts, où le soleil ne peut pénétrer, une si 
grande humidité, que l’on voit souvent ruisseler l'eau sur 
les vieux troncs des arbres qui les composent. La transpira- 
tion abondante des végétaux herbacés ajoute encore à cet 
état de l’atmosphère, et le calme profond des couches 
aériennes finit de donner à ces localités toutes les conditions 
qui paraissent nécessaires à la végétation cryptogamique la 
plus vigoureuse. Mais la température s’y oppose, et les forêts 
vierges de l’ancien monde et surtout du nouveau , sont rem- 
plies de ces brillantes tribus d’orchidées parasites, de bromé- 
liacées et de tant d’autres types inconnus à nos climats, 
destinés à remplacer nos curieuses espèces de mousses et de 
lichens. 

Les plantes de l’époque tertiaire et celles qui les ont pré- 
cédées, devaient se trouver dansles mêmes conditions d’exis- 
tence , et si quelques espèces , traversant cette longue série 
de siècles, sont arrivées jusqu’à nous, c’est plutôt en résistant 


60 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


à une plus grande humidité qu’en transigeant avec la siccité 
de l'air atmosphérique. 


$ 2. DE L'EAU SOUS FORME DE PLUIE. 


L'eau, sous forme de pluie et de vapeur condensée , joue 
un rôle très-important dans la végétation, et que l’on n’a 
peut-être pas apprécié à son véritable point de vue. Nous 
avons sous ce rapport deux effets distincts à examiner : 
1°. son abondance , 2°. sa fréquence. 

Sous le rapport de l'abondance , nous remarquons que 
les contrées les plus sèches sont précisément celles où il 
tombe le plus d’eau. À mesure que l’on avance vers le midi, 
les pluies deviennent moins fréquentes, mais les averses 
amènent d'énormes quantités de liquide. Les plantes sont 
plus abondamment mouillées. Elles reçoivent à la fois bien 
plus d’arrosement qu’il ne leur en faut, mais seulement à 
de rares intervalles. La terre est échauffée , la végétation 
prend tout à coup un essor extraordinaire, et quelques jours 
après, le sol imperméable a laissé écouler à sa surface tout 
le liquide qui l'avait inondé, ou le terrain sablonneux et 
détritique l’a complétement absorbé. Les racines retrouvent 
un état de siccité plus ou moins complet, et souvent, si une 
seconde ou une troisième averse arrive, elles tombent sur 
des campagnes déjà brülées et privées de toute végétation. 

Si au bout de l’année l’udomètre accuse qu'il est tombé 
sur la terre une couche d’eau très-épaisse , les plantes n’en 
ont pas moins souffert , et l’abondance d’un instant n’a pas 
empêché les privations de tous les jours. Les pays où les 
pluies sont rares mais très-abondantes , ceux qui en somme 
reçoivent le plus d’eau, ne peuvent nourrir que des plantes 
des terrains secs ou des plantes entièrement aquatiques. 


DE L'EAU SOUS FORME DE PLUIE. 61 


La fréquence des pluies joue un rôle bien différent. Le 
nombre des jours pluvieux dans une contrée est en raison 
inverse du nombre de centimètres d’eau aceumulée annuel- 
lement dans l’udomètre. Cette fréquence exclut presque 
toujours l’abondance de chaque averse, et dans les contrées 
chaudes et habituellement sèches il arrive qu’une seule chute 
d’eau peut dépasser en quantité toute la pluie qui descend 
en un an dans les régions polaires et même aux extrémités 
froides des régions tempérées. 

Un grand nombre de plantes préfèrent ces arrosements 
partiels et souvent répétés, aux pluies diluviennes qui trem- 
pent le sol et inondent momentanément leur feuillage. Ces 
pluies descendent en gouttelettes très-fines qui humectent 
leurs organes ; les brumes, les brouillards sont fréquents, les 
nuages mêmes s’abaissent et viennent imbiber de magni- 
fiques tapis de verdure où les fleurs à demi-ouvertes at- 
tendent l'apparition du soleil pour épanouir entièrement 
leurs corolles. L’humidité constante est ici une des prin- 
cipales conditions d’existence. Or, comme les mêmes cir- 
constances se présentent sur les hautes montagnes et dans 
les régions polaires , il est tout naturel qu'il y ait analogie 
et quelquefois identité entre des espèces qui trouvent dans 
chacune de ces habitations les mêmes effets et les mêmes 
milieux. 

On peut encore attribuer en partie à la chute plus ou 
moins fréquente de l’eau, le chiffre variable des plantes an- 
nuelles. 

Dans les pays secs, l'abondance du liquide qui se répand 
sur le sol échauffé y détermine tout à coup un grand déve- 
loppement des formes végétales; beaucoup de graines ger- 
ment immédiatement, croissent avec vigueur et parcourent 
avec rapidité toutes les phases de la vie. Bientôt la plante 


62 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


est anéantie mais ses graines ont müri, et les germes, à 
l'abri de l'influence des saisons, restent engourdis par la 
chaleur et la sécheresse, comme ceux des plantes des pays 
froids le sont par la gelée des hivers. Des causes différentes 
produisent les mêmes effets. Il y a donc beaucoup de 
plantes annuelles dans les pays chauds à pluies rares mais 
abondantes, 

L'inverse a lieu dans les contrées froides et sur les mon- 
tagnes. Les plantes ne peuvent périr par l'excès de la séche- 
resse , elles vivent malgré cela , et leurs racines , leurs sou- 
ches ou leurs drageons, peuvent rester de longues années 
en léthargie sans périr. Elles se réveillent au retour du so- 
leil et essaient de fructifier. Souvent le temps leur manque, 
le soleil pâlit, et leurs fleurs épanouies ou leurs fruits élor- 
gnés de leur maturité, sont ensevelis sous des couches 
successives de neige qui ne permettent plus aux graines 
d'acquérir lenr perfection. 

Aussi les plantes annuelles sont rares dans les montagnes, 
rares dans les régions polaires , nulles près des limites des 
neiges éternelles dans chacune de ces deux positions. Elles 
deviennent au contraire communes dans les pays chauds où 
la chaleur facilite leur prompt développement et assure la 
maturité de leurs graines. 

Les mêmes faits se reproduisent dans l'apparition des 
cryptogames. La fréquence des pluies, des brouillards, le 
contact des nuages développent sur les montagnes et dans 
les régions polaires cette multitude de mousses et de lichens 
vivaces , vivant un grand nombre d’années en multipliant 
leurs drageons ; l'abondance de quelques averses répandues 
sur des terres fortement échauffées y développe ces myriades 
de champignons qui parcourent en quelques jours toutes les 
phases de leur destinée, après avoir inondé l'atmosphère 


DE L'EAU SOUS FORME DÈ PLUIE. 63 


des germes engourdis qui n’attendent qu'une nouvelle 
pluie pour paraître et se reproduire de nouveau. 

Les plantes préfèrent les gouttelettes d’une pluie fine et 
prolongée qui humecte toutes leurs parties, à ces averses aux 
larges gouttes qui tombent pendant l'été et dans les régions 
méridionales ; cependant, quand ces dernières sont électri- 
ques et accompagnent les orages, et quand elles arrivent, 
comme cela a lieu ordinairement au milieu des chaleurs, 
il en résulte un prodigieux effet sur l'accroissement de tou- 
tes les parties des végétaux. 

Il ne faudrait pas croire d’après cela que la pluie, sous 
quelque forme qu’elle se présente , est toujours un bienfait 
pour la végétation. Quand elle se prolonge, elle finit par 
décomposer certaines espèces et par les faire périr. St sa 
continuité ou son abondance ont lieu pendant l’époque de 
la floraison , elle lave le pistil, entraine le pollen des éta- 
mines et met obstacle à la fécondation. Plusieurs récoltes de 
fruits sauvages manquent chaque année par cette cause. 

Plus souvent encore, c’est en s’opposant à la maturation 
qu’elle empêche la dispersion des espèces, et plusieurs d’en- 
tr'elles, arrivées à une certaine distance de leur aire d’ex- 
pansion, ne peuvent plus s'étendre davantage à cause de 
climats pluvieux qui agissent dans le sens que nous venons 
d'indiquer. 

Nous pouvons par la pensée nous reporter à l’époque d’un 
chmat plus chaud, et alors nous nous trouverons dans les 
mêmes conditions que la zone tropicale d'aujourd'hui, et 
nous comprendrons facilement la part que des pluies moins 
abondantes ou plus fréquentes ont pu prendre à l'extinction 
de la majeure partie des espèces de la flore qui précéda celle 
de l’époque contemporaine. 

La pluie agit aussi sur la végétation par sa composition 


6% CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


chimique qui paraît être extrêmement variable. Pendant très- 
longtemps elle a été considérée comme de l’eau distillée , 
et l'on n'a pas cherché à se rendre compte des matières 
qu'elle peut contenir. On savait cependant que l’eau en se 
volatilisant peut entrainer une foule de substances étran- 
gères, mais Jusqu'ici on n'avait pas étudié la pluie au 
point de vue de sa composition. Ce sont les travaux récents 
et remarquables de M. Barral qui ont appelé sur ce sujet 
l'attention de toutes les personnes qui s'intéressent aux pro- 
grès des sciences. 

M. Barral, en analysant l’eau de pluie recueillie à l’Ob- 
servatoire de Paris, et en tenant compte de la quantité qui 
tombe annuellement, a trouvé que chaque hectare de terrain 
reçoit environ 132 kilogrammes par année de matières 
étrangères à l’eau, et qui luisont apportées par la pluie. Ces 
substances précipitées de l'atmosphère consistent en 27 kilog. 
d'azote , 63 kilog. d’acide azotique , 15 kilog. d’ammonia- 
que, 13 kilog. de chlore, 31 kilog. de chaux et 9 kilog. de 
magnésie (1). 

Nous avons négligé les fractions, et l’on conçoit en elfet 
qu’elles doivent être très-insignifiantes , car les quantités 
de ces matières doivent varier selon les localités. 

Il se peut donc que la composition chimique de la pluie, 
en apportant à la végétation de diverses contrées des élé- 
ments de fertilité différents, puisse avoir sa part d'in- 
fluence dans la dispersion des plantes en faisant varier les 
conditions qui leur sont favorables ou nuisibles. 


(1) Compte-rendu des séances de lPAcad. des se., t. 4, p. 829. 


INFLUENCE DE L'EAU STAGNANTE, 65 
$ 3. INFLUENCE DE L'EAU STAGNANTE. 


Il existe sur le sol de nombreux amas d’eau désignés 
sous les noms de mares, de lacs, d'élangs ou de marais, 
dans lesquels le liquide se renouvelle avec lenteur et où la 
vie végétale se développe le plus ordinairement avec activité. 

L'organisation des plantes et les conditions nécessaires à 
leur existence sont si variées, qu'il est un certain nombre 
d'espèces qui ne peuvent vivre, les unes sans être plongées 
dans les eaux stagnantes, les autres sans être arrosées par 
elles. 

L'eau est donc dans cette circonstance une cause puis- 
sante de dispersion. Les végétaux aquatiques étendent leur 
aire aussi loin qu'ils peuvent rencontrer l'élément qui leur 
convient, à moins qu'ils ne soient arrêtés par la température 
et par l'altitude. | 

Encore faut-il remarquer que ces espèces ont une merveil- 
leuse facilité à accepter des circonstances très-différentes 
dans leurs relations avec les éléments météorologiques, 
pourvu qu’elles ne manquent pas de l’eau dans laquelie 
elles vivent. En sorte que les plantes aquatiques sont plus in- 
dépendantes que les autres des climats et des altitudes. 

L’aire de ces espèces s’étend quelquefois si loin que plu- 
sieurs d’entr’elles habitent à la fois plusieurs continents, et 
il est assez rare , dans le cas contraire, que leur expansion 
géographique n’atteigne pas les bords d’une grande cir- 
conscription où des obstacles matériels s'opposent à leur 
extension. 

On conçoit jusqu’à un certain point cette action de l’eau 
sur les plantes. [1 y a bien moins de variations dans sa tem- 
pérature que dans celle de l’air, et quand les variations 


5 


66 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


existent dans les eaux stagnantes , elles se succèdent avec 
lenteur, elles se propagent graduellement, et un végétal 
immergé n'est pas sujet, comme celui qui est entièrement 
terrestre , à ces brusques transitions de climat souvent mor- 
telles pour les plantes comme pour les animaux. 

Les chaleurs de l’été, bien plus égales dans des contrées 
très-différentes, que l'intensité du froid, doivent tendre encore 
à cette uniformité de la végétation aquatique. 

Les minima de température sont aussi presque sans action 
sur des végétaux réfugiés au-dessous d’une glace épaisse et 
ayant leurs racines plongées dans une vase profonde qui se 
trouve hors des atteintes de la gelée. 

D'autres qui restent flottantes comme les lemnæet les con- 
ferves se montrent seulement dès que la température le per- 
met, ne touchent absolument que la partie extérieure du 
liquide frappée par le soleil et se multiplient à l'infini par 
leurs drageons. En très-peu de temps ces végétaux s’éten- 
dent sur une surface très-vaste. 

Presque toujours aussi les plantes aquatiques sont indépen- 
dantes du sol dans lequel elles implantent leurs racines, ce 
qui favorise encore l'extension des espèces ; aussi, aux époques 
géologiques rapprochées de la nôtre , et surtout à l’époque 
tertiaire qui était celle des lacs et des marais, ces végétaux 
ont dû occuper une très-grande partie de l’Europe. Mais aussi 
ils disparaissent immédiatement , dès que leurs stations sont 
détruites , et nous avons journellement des preuves de ce fait 
dans la France centrale, où des espèces communes se sont 
perdues depuis la destruction des derniers lacs et depuis la 
dessication et la mise en culture des marais. 

L’altitude a fort peu d'influence aussi sur la végétation 
aquatique, et nous retrouvons les mêmes espèces à des élé- 
vations très-diverses. [ne faut pas croire du reste que les 


INFLUENCE DE L'EAU STAGNANTE, 67 


plantes seules soient ainsi affectées par l’eau, il en est de 
même des animaux, et la plupart des mollusques ont aussi 
une aire de dispersion très-étendue , et tandis que ceux qui 
habitent la terre comme les différentes espèces d’hélices 
varient à l'infini, ceux qui sont aquatiques et ceux surtout 
qui affectionnent les eaux stagnantes se ressentent des con- 
ditions uniformes de leur existence et restent pour ainsi dire 
sans variations. 

Les obstacles matériels sont donc à peu près les seuls qui 
s'opposent à l'expansion géographique des plantes aquati- 
ques, mais aussi il faut convenir que ces obstacles sont nom- 
breux, et leur dispersion paraît très-difficile. Ces plantes 
ont toutes des graines pesantes qui ne permettent pas à l’at- 
mosphère de se charger de leur transport. La voie de terre 
leur est interdite, et le plus ordinairement les lacs ou les 
étangs sont situés à de très-grandes distances. 

Ainsi le nuphar pumilum , abondant en Alsace et dans 
les Vosges, ne se retrouve sur le plateau central que dans 
deux lacs très-restreints mais très-éloignés l’un de l’autre, 
puisque le premier est placé près de Besse, dans le Puy-de- 
Dôme, et l’autre sur l’Aubrac, dans l’Aveyron. Be même 
pour le cicuta virosa que nous ne connaissons aussi sur n0- 
tre territoire que dans les deux localités que nous venons de 
citer. Nous pourrions produire une foule d'exemples de ce 
genre. Nous verrons plus loin quels sont les moyens pro- 
bables de leur dissémination. 

Il y a de grandes différences, il est vrai, dans le degré 
d'affection que les diverses espèces aquatiques ont pour 
les eaux stagnantes. Plusieurs d’entr'elles se contentent 
d’avoir la racine enfoncée dans la vase et restent confinées 
dans les marais. On voit même dans ceux-ci une foule de 
petites éminences ou de buttes isolées sur lesquelles se réfu- 


68 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


gient les espèces qui aiment un sol tourbeux, constamment 
humide, mais qui craignent l’eau profonde. : 

Les sphagnum , les cenomice, les drosera se rencontrent 
fréquemment dans ces circonstances. Dans tous les cas, quel- 
ques-unes de ces espèces comme les eriophorum, les typha, 
les salix, etc., ont des graines plumeuses dont l’air peut se 
charger; mais les autres sont entièrement confinées dans 
leurs marais comme les aquatiques dans leurs bassins. Les 
terres sèches qui les entourent, les prairies , les forêts, sont 
des obstacles infranchissables. Aussi ces plantes se propa- 
gent de proche en proche, elles sont éminemment sociales, 
et c’est en partie pour cette raison que chaque marais n’of- 
fre le plus souvent qu'un nombre très-limité d’espèces, 
mais dont les individus sont tellement mulüpliés qu'ils se 
touchent , et ces espèces étant les plus vigoureuses se mul- 
üplient à l'infini, elles étouffent les autres , occupent tout 
l’espace et n’acceptent guère les plantes émigrantes que 
divers moyens y transportent. 

Si l’eau stagnante qui couvre parfois de très-vastes espa- 
ces favorise l'extension et la multiplication presque illimitées 
de certains végétaux, elle en détruit d’autres et s'oppose à 
leur expansion. Les genêts, quelques bruyères, les digi- 
tales et la plupart des arbres végètent mal et finissent par 
périr quand leurs racines sont baignées sans écoulement. 

Enfin , il existe quelques espèces qui ont besoin pour 
vivre d’un sol alternativement inondé et sans eau, et chez 
lesquelles il paraît que la présence de ce liquide n’est pas 
indispensable pendant tout le cours de leur végétation. On 
remarque cette singulière préférence dans plusieurs mousses 
qui , plongées dans l'eau , y acquièrent un grand développe- 
ment mais ne frucüfient pas ; si au contraire elles restent à 
sec ou seulement humectées une partie de l’année, leurs fruc- 


INFLUENCE DE L'EAU STAGNANTE. ne 69 


üfications paraissent, comme dans les hypnum, les fontina- 
lis, les hedwigia, etc. 

De nombreuses espèces phanérogames se montrent aussi 
dans les lieux où l’eau n'existe plus, mais où elie a séjourné, 
telles sont le pulicaria vulgaris, peplis portula, inula dys- 
senterica, trifolium fragiferum, etc. 

Ces plantes des terrains inondés se retrouvent dans tous les 
pays. M. d’Orbigny a remarqué dans le pays des Chiquitos de 
petits espaces horizontaux couverts seulement de quelques es- 
pèces de graminées et dépourvus d’une quantité suffisante de 
terre végétale pour qu'il y pousse des arbres. Il a vu que ce 
sont des couches horizontales de gneiss , inondées pendant la 
saison des pluies , et produisant alors en abondance certaines 
espèces qui, là comme dans nos contrées, cherchent les lieux 
où l’eau stagnante a laissé quelques traces de limon. 

Un palmier, appelé carondaïs , indique sur une grande 
partie de l’Amérique les lieux qui ont été inondés au temps 
des pluies (1). 

Si ces plantes marécageuses et même aquatiques ne peu- 
vent pas facilement surmonter les obstacles qui nuisent à 
leur dispersion, elles rachètent cet inconvénient par une 
grande énergie vitale. Leurs germes, leurs racines con- 
servent pendant très-longtemps les facultés de vivre et de se 
développer. Ils résistent au soleil, à la culture et aux labours, 
ils échappent au sarclage, et tandis qu'une submersion du sol 
détruit en peu de ternps les plantes des lieux secs, l'écoulement 
de l’eau et la mise en rapport des étangs et des marais lais- 
sent encore paraître, après de très-longs intervalles, les vé- 
gétaux vigoureux qui les occupaient seuls auparavant. Les 
espèces mêmes submergées, comme les Marsilea, les ranun- 


(4) D’Orbigny. Voy., 1. 2, p. 625. 


70 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


culus, certains A/isma deviennent terrestres, et luttent pen- 
dant de longues années avant d'abandonner un sol ou leurs 
races s'étaient paisiblement développées depuis si longtemps. 


$ 4. INFLUENCE DE L'EAU COURANTE. 


L'eau courante est peuplée, comme celle qui remplit les 
lacs et les étangs, de nombreux végétaux qui ont besoin pour 
vivre du mouvement imprimé au liquide, comme d’autres 
recherchent les courants aériens de l’atmosphère. 

La terre entière offre un immense réseau de ruisseaux et 
de rivières dont les points de naissance sont les sources et 
dont la terminaison s’opère dans l'Océan. Pendant leur long 
trajet ces cours d’eau arrosent des terrains très-divers et de 
nombreuses espèces, passant sur les racines desunes, submer- 
geant les autres tout entières et se comportant à leur égard , 
sauf le mouvement, à peu près comme les eaux stagnantes. 

Cette circulation étendue a la plus grande importance sous 
le rapport de la dispersion des espèces , car non-seulement 
les plantes aquatiques, mais aussi celles qui croissent dans les 
lieux secs, ont des graines qui peuvent être entraînées par 
l’eau ou être atteintes dans une inondation , y trouver des 
moyens de transport dont elles savent profiter pour aller 
fonder au loin de nouvelles colonies. 

L'expansion géographique d’un grand nombre d’espèces 
est donc liée à la multiplicité, à la puissance et à la rapidité 
des cours d’eau. 

Presque toutes les graines , et souvent même des germes 
détachés des végétaux vivants, peuvent flotter sans inconvé- 
nient et se conserver très-longtemps, nageant ou même 
tout à fait submergés. 


I existe du reste un grand nombre de graines dont les 


INFLUENCE DE L'EAU COURANTE. 71 


formes permettent la navigation, et qui peuvent voyager 
très-loin dans la plus grande sécurité. Celles qui plongent 
n’ont pas une telle pesanteur que le courant ne puisse les 
emporter et les déposer ailleurs dans la vase, ou les débar- 
quer sur des rivages hospitaliers. 

Dans les inondations périodiques des grands fleuves de la 
zone torride, dans les débâcles des grands courants des ré- 
gions polaires , dans les débordements accidentels de nos 
rivières, une foule de graines se trouvent dispersées , et 
tous ces moyens concourent à décentraliser les types et à 
les disséminer sur un espace toujours plus étendu. 

Les graines qui abordent et qui appartiennent à des vé- 
gétaux terrestres , peuvent ensuite se propager de proche 
en proche et s'étendre indéfiniment jusqu’à ce qu’elles ren- 
contrent des obstacles matériels ou des conditions contraires 
à leur existence. Quant à celles qui ne peuvent se dévelop- 
per que dans l’eau ou sur ses bords , elles ne peuvent aban- 
donner les rives, et doivent être restreintes dans leur diver- 
gence des centres de création. 

La dissémination des plantes aquatiques , comme la dis- 
persion des différentes espèces de poissons, a toujours quel- 
que chose de mystérieux. En effet , les ruisseaux ne peuvent 
pas remonter au delà de leurs sources, et la réunion de plu- 
sieurs filets d’eau, s’échappant du sol et de points différents, 
constitue. bientôt un courant qui est alimenté par un petit 
bassin hydrographique. Chaque ruisseau a donc ainsi une 
aire plus ou moins étendue dont il reçoit les eaux. Un cer- 
tain nombre de ces aires de réception forment par leur réu- 
nion le bassin d’une rivière , et ces bassims , en se réunis- 
sant encore, dessinent les limites de grandes circons- 
criptions naturelles dont les eaux confondues se rendent à la 
mer par un seul canal. 


12 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


Quelquelois ces bassins hydrographiques , quelle que soit 
leur importance, sont séparés les uns des autres par des 
chaînes de montagnes, ou bien ce ne sont que des arêtes 
à pentes douces et imperceptibles qui forment la ligne de 
partage des eaux. 

I n’y a rien d'étonnant que chacune de ces petites régions 
neptuniennes ait ses espèces propres et qu’elles se propagent 
soit en descendant des sources jusqu'aux confluents des cours 
d’eau, ce qui est le cas ordinaire, soit même en les remon- 
tant , ce qui pour ces plantes est l’exception. 

Nous pouvons donc admettre, malgré des difficultés, 
qu’une espèce quelconque, disséminée par l'intermédiaire 
de cours d’eau, pourra se rencontrer dans toute l'étendue du 
bassin. C’est ce que l’on remarque le plus ordinairement, et 
quoique ces plantes ne puissent guère remonter les courants, 
on reconnaît cependant pour elles comme pour les poissons 
qu'elles y parviennent avec le temps. 

Reste à sortir du bassin d’un grand fleuve pour aller en 
reupler d’autres. Si les obstacles tels queles chaînes de mon- 
tagnes ne sont pas infranchissables et que les plantes n'ap- 
partiennent pas aux régions aquatiques , on peut admettre 
leur évasion et le passage dans un bassin voisin ; mais si ce 
sont desespèces aquatiques, obligées de suivre les cours d’eau 
pour vivre, elles arriveront comme les poissons au terme de 
leur voyage à l'embouchure du fleuve pour rencontrer un 
obstacle très-difficile à surmonter. 

Les poissons d’eau douce sont arrêtés par cette barrière 
d’eau salée dans laquelle ils ne peuvent exister, et s’il est 
facile d'expliquer la présence presque universelle de plusieurs 
d’entr’eux qui vivent dans la mer et qui peuvent remonter 
jusqu'aux dernières ramifications des fleuves , on n’a plus 
cette ressource pour les poissons exclusivement d'eau douce. 


INFLUENCE DE L'EAU COURANTE. 7e 


Cependant ce sont les mêmes qui, en Europe par exemple, 
peuplent la majeure partie des cours d’eau. 

Il est tout aussi difficile d'expliquer la dispersion de cer- 
taines plantes aquatiques dont les graines arrivées dans la 
mer n’ont pas pu remonter dans les bassins VOISINE , OÙ Ce- 
pendant les mêmes espèces se rencontrent. Il faudra donc 
avoir recours à d’autres moyens de transport. 

Malgré ces difficultés, les cours d’eau n’en sont pas moins 
un des moyens les plus puissants de la dispersion des végé- 
taux, et lorsque l’on parcourt les hautes chaînes de monta- 
gnes, on est étonné de la quantité d’espèces que les torrents 
entrainent vers la plaine en les forçant chaque année de des- 
cendre bien au-dessous de leur station privilégiée. Ces es- 
pèces périssent il est vrai bien avant d’atteindre les points les 
plus bas, mais chaque année les mêmes causes se renou- 
vellent et amènent les mêmes résultats. 

Parmi les plantes qui préfèrent les eaux vives, on distingue 
celles qui ne quittent jamais le voisinage des fontaines et 
celles qui, participant plus ou moins de l’organisation d’au- 
tres espèces aquatiques, acceptent des eaux à demi-courantes 
et presque tranquilles. En sorte qu'il y a passage des espèces 
des eaux vives à celles des eaux stagnantes. 

Entre les plantes qui , confinées près des sources, sem- 
blent se réjouir du murmure des eaux, on distingue celles 
qui croissent à l’air libre, laissant couler les sources sous leur 
feuillage , telles que le ranunculus hederaceus, monti fon- 
tana, nasturtium officinale, et parmi les autres, celles qui sont 
submergées et forment des tapis verts au fond des ruisseaux. 
Les calhitriche , le ranunculus fluitans appartiennent à 
cette dernière catégorie. 

Quant aux ceratophyllum, patamogeton, ete. ils croisent 
indistinctement dans les eaux vives ou dans celles qui sont 
peu courantes. 


74 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


La température des sources, presque toujours uniforme 
si elles sont abondantes, exerce une action marquée non- 
seulement sur les espèces qui y sont plongées , mais encore 
sur celles dont elles baignent les racines. Plusieurs de ces 
plantes sont par cette seule raison très-printanières. Ainsi 
le ranunculus hederaceus fleurit quelquefois pendant tout 
l'hiver. Les chrysosplenium s'ouvrent au premier printemps. 
Quand les caltha palustris et les cardamine pratensis sont 
arrosés par des eaux dont la température est de 9 à 120, ils 
fleurissent bien plus tôt que ceux qui vivent loin des sources où 
l’eau s’est refroidie. Les pays de montagnes, très-riches en 
fontaines naturelles, nous montrent de nombreux exemples 
de cette action des sources sur la végétation qui les en- 
toure. 

Les plantes submergées sont plus influencées encore que 
celles qui sont riveraines. On les voit conserver leur feuil- 
lage pendant tout l’hiver et se ranger parmi les végétaux 
à feuilles persistantes , bien que la permanence de ces orga- 
nes soit due à une tout autre cause que celle des espèces 
terrestres. Les feuilles des callitriche , de la renoncule flot- 
tante, persistent tout l'hiver, parce que la végétation n’est 
pas interrompue dans un milieu dont la température est 
uniforme. Elles végètent comme en été, et souvent même 
fleurissent pendant les gelées. Elles appartiennent au groupe 
peu nombreux de ces plantes à végétation continue qui ne 
prennent aucun repos. 

On voit beaucoup d’algues d’eau douce vivre dans les 
mêmes conditions et laisser flotter leurs longs filaments au 
gré des courants. 

Si les cours d’eau dont nous venons d’examiner rapide- 
ment les principaux effets, favorisent par de rapides voyages 
l'émigration de très-nombreuses espèces, il arrive aussi 


ACTION DE L'EAU MARINE. 75 


qu'ils s’opposent à la dispersion des autres. Nous avons ren- 
contré dans le nord de la France, une prairie dont la moitié 
était couverte de colchicum autumnale et dont l’autre en 
était dépourvue, et cela parce que cette plante n'avait pu 
franchir une petite rivière qui séparait la prairie en deux 
parties. Nous avons vu aux environs de Riom et d’Aigueperse, 
le lathræa clandestina rester pendant longtemps sur une seule 
rive d’un ruisseau , quoique cependant les arbres qui lui don- 
naient asile fussent aussi communs d’un côté que de l’autre. 

Ces faits se reproduisent souvent, mais quand on com- 
pare les effets positifs et négatifs du transport des espèces 
par les eaux, on voit bientôt que les derniers sont presque 
nuls , et que pour les végétaux comme pour les hommes, 
l’eau est le plus puissant véhicule de la nature. 


$ 5. ACTION DE L'EAU MARINE ET DES EAUX SALÉES. 


Un certain nombre de plantes affectionnent les eaux sa- 
lées, et ne se développent que lorsqu'elles y sont entièrement 
plongées , ou du moins quand elles en sont arrosées ou si 
l'air atmosphérique leur en apporte quelques émanations. 
De là plusieurs sortes de végétations qui réclament chacune 
des conditions particulières. L'eau marine qui tuerait un grand 
nombre de nos plantes d’eau douce , est indispensable à 
la vie de nombreuses espèces qui restent constamment sub- 
mergées comme les mollusques marins qui les habitent. Ce 
sont surtout les algues qui affectionnent cette station , et on 
les voit abondantes au point de contact du rivage, des- 
cendre successivement à une profondeur assez grande , où 
elles finissent par s’arrêter. À 300 mètres la végétation cesse 
dans les eaux comme elle finit sous notre latitude , à une 
hauteur de 2,400 mètres. 


76 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


Des plantes cryptogames arrivent seules dans ces profonds 
abîmes, de même que c’est encore cette grande classe de 
végétaux qui, dans nos climats, va peupler la limite des 
neiges éternelles. À 300 mètres sous les eaux il n’y a plus 
de lumière, et cependant la vie existe encore, et les espè- 
ces qui peuvent supporter cette énorme pression et cette 
obscurité sont même revêtues de ces couleurs brillantes que 
la nature a dévolues à presque toutes ses créations. 

Ces algues marines passent donc, comme celles qui habi- 
tent les eaux douces et comme un petit nombre de phanéro- 
games , leur vie tout entière plongées dans les eaux. Ce ne 
peut être alors que par leur intermédiaire que les espèces 
s'étendent et se dispersent. 

Il est vrai que l’aire d'expansion de ces plantes est gé- 
néralement plus étendue que celle des autres espèces. Un 
milieu dont la température est presque uniforme , et où ces 
plantes rencontrent les mêmes conditions sur un si vaste 
espace , explique suffisamment la possibilité de vivre à des 
distances très-éloignées, faits qui existent aussi bien pour 
les mollusques et pour les poissons que pour les végétaux. 

Toutefois , on remarque dans la distribution verticale en 
profondeur, quelque chose d’analogue aux affections d’alti- 
tude pour les végétaux terrestres , avec cette seule différence 
que la densité de l’eau , bien plus grande que celle de l'air, 
arrive bien plus tôt à une compensation de latitude. Ainsi, 
une plante des régions boréales ne vivra sous notre latitude 
de 45°, qu’en atteignant une hauteur de 15 à 1,800 mè- 
tres. Là, elle retrouvera sa température et se développera 
comme dans sa propre région. Mais pour l'Océan, une algue, 
un mollusque de ces mêmes régions boréales, n’aura besoin 
que de descendre de 150 à 200 mètres pour se trouver 
dans les mêmes conditions. 


ACTION DE L'EAU MARINE. gi 


, 


étendre presque in- 
définiment en s’enfonçant dans l’eau à mesure qu’elles se 
rapprochent des mers équatoriales, tout comme les plantes 
terrestres peuvent atteindre la même extension en s’élevant 
sur les montagnes, dans les couches moins denses de l’at- 
 mosphère. 


Les espèces boréales peuvent donc s 


Dans l’un et l’autre cas, des circonstances accessoires 
permettent aux plantes du nord des excursions méridionales, 
tandis que les autres peuvent rarement s’avancer vers le 
nord et y trouvent constamment des limites. Il y a donc plus 
de chances pour la richesse d’une flore en se rapprochant de 
la zone torride qu’en s’en éloignant, et à ce point de vue, 
il était curieux d'examiner sous divers rapports, la végétation 
d’une contrée placée , comme celles que nous étudierons en 
détail , à distance égale du pôle et de l’équateur. 

Si nous recherchons maintenant les moyens de dispersion 
des plantes marines submergées en totalité ou en partie, nous 
trouvons que ces moyens sont très-étendus et presque ilh- 
mités. Les germes déposés dans les eaux peuvent être portés 
par elles à d'énormes distances, et comme les différences 
de latitude peuvent être résolues par des inégalités de pro- 
fondeur , l’émigration peut se prolonger et être acceptée 
partout. 

Cependant, il peut arriver que l'extension sur un même 
rivage puisse être arrêtée par des causes particulières telles 
que des courants , des glaces, et si en même temps un con- 
tinent se prolonge et vient faire obstacle jusqu’au point où 
les germes sont forcés de s’arrêter, l’espèce sera confinée 
dans un espace qui, à la vérité, pourra être très-grand, 
mais qui ne sera pas sans limites. 

On pourra donc , à la même latitude , trouver une flore 
marine toute différente sur les côtes orientales et occiden- 


18 CONSIDÉRATIONS GÈNÉRALES. 


tales de l'Amérique, tant au nord qu'au sud , sur les rivages 
de l’ouest de l'Afrique et sur les plages qui regardent Mada- 
gascar. Les espèces des mers qui baignent à l’orient la Nou- 
velle Hollande, pourront ne-pas doubler la terre de Van 
Diemen pour peupler les rivages de l'occident. 

Les courants si fréquents dans toutes les mers, et qui 
concourent si puissamment à l’extension géographique de 
nombreuses espèces, pourront en détourner d’autres d’une 
route qu'elles eussent suivie sans leur rencontre, en sorte 
qu'il est encore assez difficile d'apprécier toutes les causes 
de dissémination dues à la mer et à ses courants. 

On ne peut toutefois refuser à ces derniers une action 
très-marquée sur la dispersion des types. Les flores des îles 
sont là pour le prouver. Ces flores insulaires sont propor- 
tionnellement plus pauvres que les flores des continents sous 
les mêmes parallèles, et cette pauvreté est d'autant plus 
grande que les îles sont plus éloignées de la terre ferme. 
Les Forster n’ont trouvé dans l’île de Pâques que 20 plan- 
tes ; Orbeck n’a reconnu que # espèces dans l'ile de 
l’Ascension, et Aubert du Petit-Thouars n’a signalé dans 
celle de Tristan d’Acunha que 1# dicotylédones et 9 mo- 
nocotylédones. Cette petite flore se compose de quelques 
plantes de l’Afrique méridionale et des terres magellaniques, 
un peu modifiées dans leurs formes, avec quelques-unes qui 
sont spéciales à ces îles. On comprend facilement qu'un 
vaste océan sera moins favorable à la diffusion des plantes 
qu’un bras de mer étroit (1). 

Les plantes qui vivent seulement arrosées par les eaux 
marines, sans y être entièrement plongées, auront moins de 
chances de colonisation, car leurs graines, entraînées par ces 


(4) Linek. Le Monde primitif, t. 2, p. 114. 


ACTION DE L'EAU MARINE. 19 


eaux, ne pourront prendre pied que dans les endroits peu 
profonds. Il faudra qu’elles abordent sur des îles ou sur des 
continents , et qu’elles y trouvent des moyens d'existence 
que le sol, la latitude et même l'exposition , peuvent leur 
refuser. Ces plantes parviendront au contraire à se multiplier 
avec une grande facilité par expansion de proche en proche, 
présentant, comme celles des marais d’eau douce, les ca- 
ractères de sociabilité ; elles se montrent en grand nombre 
et occupent de grands espaces. 

Il en est de même de celles qui se contentent des simples 
émanations marines ; on les voit reculer dans l’intérieur des 
terres, remonter les vallées qui s'ouvrent en face de la mer, 
puis diminuer en nombre et en vigueur à mesure qu’elles 
s’éloignent de leur centre de création et de leurs moyens 
d'existence. 

Cette dernière cause est la seule qui pourrait avoir une 
très-légère influence sur quelques espèces de la région mé- 
ridionale , qui s’avancent jusqu’au centre de la France ; 
mais ce point paraît cependant trop éloigné pour qu’on puisse 
en tenir compte. 

Une de ces plantes vit à la vérité sur un terrain marin, 
et l’on ne peut contester que l'île Centrale n'ait été autre- 
fois battue par les flots de. la mer Jurassique ; les causses 
ou montagnes calcaires des Cévennes en sont témoins et 
recèlent des mollusques fossiles qui ne laissent pas de doute 
à cet égard. 

Mais comment supposer que des espèces aient traversé 
des périodes géologiques si longues et si éloignées de la 
nôtre , et qu'elles aient pu survivre à des causes de destruc- 
tion si puissantes et si nombreuses ; et cependant la pré- 
sence du salsola kali, près d’Anduze, est un fait de dis- 
persion difficile à expliquer. 


80 CONSIDERATIONS GÉNERALES. 


Ce qui l’est plus encore, c’est la végétation des sources 
salées du Puy-de-Dôme ; la réunion sur des points divers 
de plantes essentiellement maritimes, comme les glaux 
marilima , triglochin maritimum , plantago maritima , 
glyceria distans , et plusieurs autres tout aussi spéciales aux 
rivages de l'Océan. 

Ces faite de dispersion que l’on retrouve à Dieuze , à 
Salins et sur plusieurs points de la France, sont tout à fait 
indépendants de l’action de l’eau de la mer sur l’expansion 
géographique des espèces, mais il est extrêmement curieux 
de les constater, pour montrer comment les plantes, quand 
elles rencontrent de bonnes conditions d’existence, se jouent 
des obstacles que nous regardons comme infranchissables 
pour elles. 


$ 6. INFLUENCE DE L'EAU SOLIDE, NEIGE ET GLACE, 
SUR LA DISPERSION DES ESPÈCES. 


Nous venons de considérer l’action de l’eau sous plusieurs 
de ses états, et en suivant ses diverses transformations. Frap- 
pée par la chaleur solaire elle s’évapore et devient invisible, 
abandonnant tous les corps qui en contiennent, même les 
végétaux , les desséchant et se dissolvant dans l’air chaud. 

La vapeur monte et se refroidit ; elle perd sa chaleur et 
devient visible sous la forme de nuages qui mouillent et hu- 
mectent les plantes des hautes régions , ou qui descendent en 
brouillards et en brumes sur nos plaines et sur les régions 
polaires. 

D'autres fois les nuages perdent sous forme de pluie une 
portion de l’eau dont ils sont chargés, et cette eau vient fé- 
conder les terres en abreuvant les végétaux et facilitant le dé- 
veloppement du plus grand nombre. 


INFLUENCE DE L'EAU SOLIDE. 81 

L'eau, parvenue sur la terre, y reste confinée dans des 
lacs ou des marais presque sans écoulement, et diverses po- 
pulations végétales viennent se fixer dans ces lieux de prédi- 
lection. 

Plus ordinairement le sol s’imbibe et l’eau vient sortir 
ensuite sous la forme de sources et de fontaines dont les bords 
sont bientôt habités par une fraiche végétation. Quelques 
plantes se plongent immédiatement ou bien elles suivent le 
ruisseau qui s'échappe et s'enfuit. Les ruisseaux se trans- 
forment en rivières, puis en fleuves qui ont aussi leurs habi- 
tants, et l’eau vient enfin se réunir dans les vastes bassins 
de l'Océan, des Méditerranées et des Caspiennes. Mais là, 
continuellement soumises à l'évaporation , les matières sali- 
nes s’y accumulent et le liquide exerce sur la végétation 
une action particulière que nous avons indiquée. 

Dans toutes ces circonstances l’eau concourt à la disper- 
sion des espèces et quelquefois aussi s'oppose à leur expan- 
sion. Il nous reste encore à étudier l’eau sous une autre forme, 
à l’état solide constituant la neige ou la glace. 

La neige n’est autre chose que l’eau vaporisée qui, sou- 
mise à une température inférieure à 0, cristallise et descend 
sur la terre sous des formes excessivement variées. Les flo- 
cons se superposent et forment bientôt une couche sur le 
sol, en sorte que les végétaux en sont complétement recou- 
verts. 

La neige jouit alors d’une action conservatrice très-puis- 
sante ; elle agit sur les plantes comme un vêtement qui s’op- 
pose à la pénétration du froid , et les espèces des régions 
polaires, comme celles de nos hautes montagnes, passent 
leur hiver, engourdies sous une couche d’eau glacée. La neige 
améliore donc indirectement le climat, puisqu'elle empêche 
le sol d’atteindre de très-basses températures. On peut con- 

6 


82 CONIDÉRATIONS GÉNÉRALES, 

sidérer les pays couverts de neige pendant toute la saison hi- 
vernale comme de vastes serres froides où les plantes jouis- 
sent d’un repos parfait pendant une grande partie de l’année. 

La température y est à peu près constante. Elle se main- 
tient le plus souvent à 0 ou à quelques degrés au-dessous, 
en sorte que si la végétation a lieu , elle est tout intérieure 
dans des bourgeons chaudement abrités par leurs enveloppes, 
et préservés par la neige. 

En général, ces bourgeons restent stationnaires; si on les 
a observés en automne on les trouve encore au même point à 
la fin de l'hiver ; mais aussi mieux une plante s’est reposée, 
plus son engourdissement a été long et complet, plus son ré- 
veil est actif. À peine la neige commence-t-elle à fondre que 
ces plantes ensevelies se hâtent de dérouler leurs feuilles et 
d’épanouir leurs fleurs pour profiter de l’été si court qui doit 
mürir leurs graines. Ainsi la plus grande fraicheur dans la 
végétation, et la simultanéité du développement des espèces 
ne se montrent-elles dans tout leur luxe que dans les régions 
assez rapprochées des pôles pour que la neige résiste pendant 
toute la longueur de l'hiver, et que l’arrivée du printemps ou 
de l’été ne soit pas interrompue par ces luttes de saisons que 
l'on remarque dans les latitudes intermédiaires. La neige a 
donc pour résultat de protéger les espèces et de leur per- 
mettre par cela même une aire d'extension plus agrandie. 
Elle est très-rarement un obstacle à l'expansion , et telle 
plante qui supporterait difficilement un hiver, exposée à 
toutes ses intempéries, le passe sans souffrir à la faveur 
d'une enveloppe de neige. 

Toutes les parties de l’Europe n’ont pas l'avantage de 
ces hivers neigeux qui conservent les cultures aussi bien 
que la végétation spontanée. La neige est rare dans les 
régions méridionales où les gelées atteignent quelquefois un 


INFLUENCE DE L'EAU SOLIDE. 83 


certain degré d'intensité. Souvent il y existe de nombreuses 
alternatives de gelées et de dégels , de chutes de neige et de 
fusions qui ont un effet désastreux sur les plantes qui sont 
par ce fait déracinées , enlevées du sol ou profondément 
atteintes par le froid. 

Les régions montagneuses sont , sous ce rapport, plus 
favorisées ; la neige y tombe de bonne heure, dès les pre- 
mières gelées ; elle y forme une couche épaisse qui résiste 
à toutes les chaleurs accidentelles qui surviennent , et le 
sol n’en est débarrassé qu’à une époque où les gelées ne 
sont plus à craindre. Alors on voit immédiatement fleurir 
toutes les plantes dont le long hivernage est fini , et, l’élé- 
vation compensant encore la latitude , les pelouses élevées 
du centre nous offrent le tableau des contrées boréales de 
l'Europe. 

Dans les régions polaires comme sur les plateaux élevés 
des montagnes , la neige qui descend en étoiles régulières 
ou en cristaux groupés, ne tarde pas à perdre ses formes, et 
elle se change en une masse granuleuse que l’on nomme 
névé. C’est un état particulier, presque intermédiaire entre 
la neige et la glace. L'eau de fusion pénètre la masse infé- 
rieure, l'imbibe, et celle-ci se transforme en grains de glace 
transparents, mobiles les uns sur les autres. C’est dans cet 
état que se trouvent toutes les neiges éphémères du prin- 
temps, à l’époque de leur fusion. 

Si les montagnes sont très-élevées, les neiges abondantes, 
et le cirque ou réceptacle qui les reçoit, très-étendu , le 
névé persiste et ne fond pas en entier ; il s’accumule et peu 
à peu se transforme en véritable glace, qui suit la pente de 
la vallée, comme le ferait un fleuve congelé. L'on donne 
à ces courants le nom de glaciers. 

On les rencontre dans les Alpes , les Pyrénées , la chaîne 


84. CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


Scandinave , et partout enfin où se présentent les circons- 
tances particulières que nous venons d’énumérer ; en sorte 
que des vallées très-longues sont encore occupées par des 
glaciers, qui s’éloignent de 8 à 15 kilomètres de leur 
point de départ. 

Comme on le pense bien, les points qui sont touchés 
par la progression du glacier sont immédiatement dépouil- 
lés; la végétation est emportée, et la roche même ne résiste 
pas ; elle est polie et striée à tel point que les traces ou le 
passage d’un glacier, lors même qu'il n’existerait plus, ne 
peut laisser aucun doute sur son ancien emplacement. 

Le glacier est donc une masse de glace en mouvement, 
partant de la partie haute d’une vallée ou des plateaux des 
montagnes , pour descendre dans un point assez bas pour 
que la glace puisse fondre ; il est alimenté par en haut et 
diminue par en bas. 

Voilà donc un moyen de transport et de dispersion pour 
les graines et même pour les végétaux entiers. Que les se- 
mences des plantes alpines tombent sur un névé, elles fini- 
ront, après un laps de temps qui pourra très-bien atteindre ou 
dépasser un siècle , par arriver à l'extrémité, et si les condi- 
tions de vie leur conviennent encore, si, comme tout doit le 
faire supposer, à cause de la température 0 de la glace des 
glaciers, les graines ont conservé leur vertu germinative, elles 
pousseront à une certaine distance de leur point d’origine. 
Le glacier pourra d’ailleurs livrer ces germes au cours d’eau 
qui s'échappe de son extrémité, et les graines iront atteindre 
ainsi les bords de l'Océan, et même des îles ou de nouveaux 
rivages , se trouvant dans les conditions d’un homme qui 
commencerait un long voyage en traîneau et qui le con- 
tinuerait au loin sur un fleuve et sur l'Océan. 

Non-seulement les glaciers peuvent transporter des grai- 


INFLUENCE DE L'EAU SOLIDE. 85 


nes de cette manière, mais ils peuvent aussi charrier des 
végétaux tout enticrs avec le terrain qui les supporte. 

L'eau qui s’introduit dans les fissures des rochers , dans 
les fentes de ces nombreux obélisques qui dominent presque 
toujours les vallées , s’y congèle, et brise par sa force ex- 
pansive ces hautes aiguilles , dont les sommets déchiquetés 
annoncent partout des ruines et l’action destructive du 
temps. 

Les fragments détachés tombent avec leur végétation sur : 
le glacier qui les conduit lentement à son extrémité. Là, 
en effet, se rassemblent sous forme d’une barrière trans- 
versale tous les débris apportés par la glace. Celle-ci dis- 
parait en donnant naissance à un cours d’eau , et tous les 
matériaux qu’elle a apportés forment un ensemble, une 
sorte de digue, connue sous le nom de moraine frontale. 
Les plantes ont été amenées avec la moraine ; elles peuvent 
vivre dans ces nouvelles demeures , car la présence de la 
glace y maintient leur climat habituel , et si elles ne sont 
pas par trop dépendantes de ces conditions locales , elles 
peuvent aussi livrer leurs graines au torrent et peupler les 
plaines de leurs descendants. 

L'étude des glaciers conduit bientôt à reconnaître qu’à 
une époque peu éloignée de la nôtre , ils avaient une ex- 
tension bien plus grande, et que des neiges plus abondantes, 
causées par un climat plus chaud et une évaporation plus 
active, donnaient à leurs glaces une telle alimentation, qu'ils 
occupaient en entier de très-longues vallées , au fond des- 
quelles ils sont aujourd’hui relégués. Des moraines, des 
roches polies, etc., constatent d’une manière irrécusable 
cette extension, qui n’est, du reste , qu’une conséquence 
forcée du climat plus élevé qui régnait à cette époque. 

Or, ces glaciers agissaient sans aucun doute comme ils le 


86 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 
font maintenant, seulement leur sphère d'action était plus 
étendue, et la dissémination qui reconnaissait cette cause 
devait avoir lieu sur une plus grande échelle. 

On trouve très-souvent à une grande distance des gla- 
ciers actuels , de même que très-près de leurs bords , de gros 
blocs de roches diverses qui reposent sur un sol tout à fait 
différent , et que l’on regarde comme des restes de moraines 
frontales ou latérales d'anciens glaciers. L'étude des gise- 
ments fait découvrir que ces roches ont été arrachées à des 
terrains très-éloignés, puis transportées au lieu où elles se 
trouvent aujourd'hui. Leur volume est quelquefois si consi- 
dérable que de nombreuses espèces ont pu très-bien habiter 
ces blocs de rochers, et voyager avec eux dans toute l'étendue 
du trajet. C’est, plus en grand , la répétition des phénomènes 
de transport que nous venons de voir opérer en petit par les 
glaciers contemporains. 

Il est un fait digne de remarque, c’est l’étendue de dis- 
persion que cette cause peut amener. On sait que de très- 
nombreux blocs déposés presque au sommet du Jura provien- 
nent du fond du Valais, et qu'ils ont traversé la plaine suisse 
et toute la longue vallée du Rhône. On sait que des blocs 
déposés sur les côtes de l'Écosse, n’ont leur origine que 
dans les montagnes de la Scandinavie. 

IL est difficile , dans ce dernier cas, d'admettre des gla- 
ciers assez puissants pour avoir été les agents de ces mys- 
térieux transports, il vaut mieux accepter la théorie des 
glaces flottantes. Rien de plus naturel que de supposer sur 
les côtes de la Norwège des glaciers qui viennent verser 
dans l’Océan des montagnes de glace qui portent des rochers 
entiers avec leurs habitants , et qui viennent échouer sur des 
rives étrangères. Ne voyons-nous pas encore maintenant 
d'énormes montagnes de glace se détacher des terres les 


INFLUENCE DE L'EAU SOLIDE. 87 


plus boréales ! Ces masses flottantes descendent lentement 
vers des latitudes.plus basses, et si les unes font naufrage 
pendant leur traversée , il en est d’autres qui abordent, et 
dont le navire se détruit en abandonnant les passagers sur 
le sol. Si nous nous reportons à l’époque de l'extension gla- 
ciaire, dans ce temps peu reculé où la Scandinavie et la plu- 
part des terres polaires amenaient leurs glaciers Jusque 
sur les bords de l'Océan, et y versaient leurs moraines, 
nous nous rendrons compte très-facilement de cette dis- 
persion si remarquable des espèces boréales , et nous devons 
même supposer que si l'élévation de température ne s’y 
était pas opposée, ces mêmes espèces auraient envahi une 
partie de la terre. L’émigration par glaces flottantes est 
peut-être celle qui peut franchir les plus vastes espaces, 
surtout à l’époque où les glaces dominaient, et où leurs 
masses immenses pouvaient résister plus longtemps encore à 
l’action dissolyante des mers où l’abondence des glaces 
devait tempérer la chaleur des eaux. 

Que des oscillations continentales, en submergeant ou 
en inondant successivement diverses contrées, aient pu facr- 
liter ces dispersions et cette navigation primitive, tout porte 
à le croire, et l’émigration du Nord vers d’autres contrées 
moins boréales, est un fait qui appartient tout autant aux 
espèces du règne végétal, qu'aux races humaines et à plu- 
sieurs espèces d'animaux. 

Les glaciers peuvent encore favoriser la dispersion des 
espèces par d’autres causes que par des transports mécani- 
ques. Ils établissent tout autour d’eux une atmosphère que 
lon pourrait appeler polaire, à cause de la basse tempéra- 
ture qui y règne continuellement. Cette atmosphère froide et 
humide remplit les conditions nécessaires à certaines espè- 
ces qui s’y développent, et qui n’existeraient pas sans la 
présence de la glace. 


88 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


A cet égard , on a souvent pris l'effet pour la cause , et 
les savants qui ont invoqué une période frigorifique pour don- 
ner une théorie de l'époque de l'extension glaciaire, se sont 
fondés principalement sur la présence de quelques coquilles 
des régions boréales, soit dans le driff de l'Amérique du 
Nord, soit dans celui de notre continent ou de l’Angleterre. 

Si, par suite de l’extension des glaciers, les points qui les 
avoisinaient sont devenus plus froids, cela ne prouve pas 
qu'un froid antérieur ait fourni la glace. Nous voyons, 
comme nous l'avons dit, dans les Alpes, les plantes des 
régions plus froides suivre le cours des glaciers, et vivre à 
la faveur de la basse température qui règne dans leur 
atmosphère. Nous voyons un peu plus loin des espèces 
appartenant à là véritable altitude où elles sont placées. 
Celles-ci sont dans leurs conditions normales, les autres 
sont comme nos plantes de serre soumises à un climat arti- 
ficiel ; elles ont quitté la lisière des neiges éternelles pour 
descendre beaucoup plus bas, entraînées par le déplacement 
même des conditions qui favorisaient leur existence. 

Si les glaciers mieux alimentés descendaient plus bas et 
transportaient leurs atmosphères de contact dans des régions 
plus chaudes, ces mêmes plantes les suivraient encore, et leur 
expansion géographique atteindrait des limites dans les- 
quelles on ne les retrouve plus aujourd’hui. 

Certainement ces plantes boréales déplacées par les 
causes que nous venons d'indiquer , devraient se trouver 
très-voisines de plantes d'autant plus méridionales , que le 
glacier descendrait plus bas. C’est là précisément ce qui a 
lieu pour les coquilles et les autres animaux des contrées 
froides que l’on à rencontrés dans le terrain erratique. 

Nous pourrions admettre dans les mers les inégalités 
de profondeur, qui équivalent à des différences de latitude 


AIR ATMOSPHÉRIQUE. 89 


sans déplacement, nous pourrions invoquer l'étendue de 
l’aire de dispersion des coquilles marines ; mais sans reje- 
ter ces causes, nous considérons les remarques que nous 
avons indiquées comme pouvant satisfaire entièrement aux 
exigences de la géographie paléontologique. 

On pourra donc découvrir des faunes ou des flores boréa- 
les qui auront été produites par des causes artificielles de 
dispersion locale. On pourra remarquer , et peut-être dans 
les mêmes lieux où à de petites distances , des preuves de 
climats plus chauds. Il y a plus, il est possible de trouver 
aussi un mélange d'espèces qui indiquent sur le même point 
des différences très-réelles de température, 

Nous aurions dù peut-être rejeter ces dernières considé- 
rations dans l'examen des causes de dispersion dues aux 
phénomènes géologiques ; mais elles sont tellement liées 
à la période glaciaire , et si rapprochées de l’époque contem- 
poraine, que nous les avons réunies aux autres données sur 
l'influence de l’eau solide. 


CHAPITRE V. 


DE L'INFLUENCE DE L'ATMOSPHÈRE SUR LA DISPERSION. 


$ 1. AIR ATMOSPHÉRIQUE, ACIDE CAREONIQUE ET 
AMMONIAQUE. 


La vaste couche d'air atmosphérique qu enveloppe la 
terre peut agir de deux manières très-différentes sur la dis- 
persion des végétaux. Elle peut par sa composition variée 
influencer chimiquement et physiologiquement le dévelop- 


90 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


pement et la multiplication des espèces ; elle peut en second 
lieu favoriser l'expansion géographique des plantes en trans- 
portant mécaniquement leurs germes. 

La composition de l'air atmosphérique peut donc réagir 
sur la végétation, non-seulement par l’oxigène et l'azote 
qui sont ses parties conslituantes ordinaires, mais encore par 
les quantités variables d'acide carbonique et d’ammoniaque 
qui s’y trouvent répandues, et par tous les autres corps 
gazeux qui peuvent s’y rencontrer naturellement et acciden- 
tellement. Nous étudierons dans le paragraphe suivant l’ac- 
tion mécanique de l'air, et nous nous occuperons dans” 
celui-ci des chances plus ou moins favorables que ses varia- 
tions de composition peuvent offrir à l'extension des végétaux. 

On n’en est plus à croire que le terrain fournit seul la 
nourriture aux plantes, et que le poids qu’elles acquièrent 
au bout d’un certain nombre d'années a été soustrait au sol 
de végétation. 

Un sapin dont la graine emportée par le vent pèse quel- 
ques centigrammes, donnera au bout d’un siècle plus de 
mille kilogrammes de bois. Ce sapin aura perdu tous les 
ans des feuilles nombreuses , des fleurs desséchées, des 
branches brisées, des cônes müris et des graines disper- 
sées. Il aura fourni de la résine, il aura servi d'appui à 
des mousses, à des lichens nombreux, à des champignons 
qui auront absorbé son humidité ; il aura exhalé des pro- 
duits gazeux dans l'atmosphère , et peut-être sécrété d’au- 
tres matières par ses racines. 

Au bout d’un siècle, le sol sur lequel la graine avait été 
déposée n'aura rien perdu. Il aura gagné au contraire, 
car il sera recouvert d’une couche épaisse de terre végétale, 
sur laquelle de jeunes sapins vont bientôt se développer. 
Ceux-ci au bout d’un siècle auront donné naissance à une 


AIR ATMOSPHÉRIQUE. 91 


nouvelle couche d’humus ; ils auront répandu leurs propres 
graines , et de proche en proche l'espèce se sera dispersée , 
aura agrandi son aire locale, et aura augmenté la valeur 
et la fertilité du sol , en y ajoutant une énorme quantité de 
terrain végétal. 

L'atmosphère aura donc fourni ce sol supplémentaire , et 
en même temps le poids considérable en bois et en feuillage 
de toute une forêt, et cela en combinant du temps avec 
ces admirables instruments sortis des mains de la nature, 
et que nous appelons des arbres. 

D'autres espèces plus humbles n’en sont pas moins cons- 
truites de manière à rendre au sol les mêmes services. Un 
champ épuisé ne produit plus de blé. Nous y semons de la 
luzerne ; elle dure quinze années, nous la fauchons trois fois 
par an, c'est-à-dire que nous emportons soigneusement, et à 
mesure qu'il se montre un immense produit, et cependant 
au bout de ce laps de temps le champ aura gagné au lieu 
de perdre ; le froment qui refusait d’y croître s’y dévelop- 
pera de nouveau. La terre sera améliorée ; l’homme n’y 
ajoute rien, il enlève ce qui pousse ; il faut bien que l’at- 
mosphière soit chargée de fournir aux plantes leurs aliments 
principaux. Or , que trouvons-nous par l'analyse dans tous 
ces végétaux , aussi bien dans les arbres que dans les plan- 
tes herbacées ? A part quelques matières salines très-impor- 
tantes, quant à leur action, mais insignifiantes pour le poids, 
l'analyse nous donne du charbon et de l’eau. Toutes les 
plantes offrent cette composition si simple. 

Si nous voulons avoir des données plus précises sur la 
consommation de cet acide carbonique de l'air par les végé- 
taux, nous trouvons des documents d’un grand intérêt dans 
l'ouvrage qu'a publié M. Chevandier sur l'accroissement et la 
composition chimique de plusieurs bois. 


92 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


Il résulte de ses recherches que dans divers terrains, en 
distinguant telle essence, et en tenant compte des sols de fer- 
tilité moyenne, où il y a eu le plus de recherches faites, on 
trouve dans le grand duché de Bade : 


Acercissement par annee 
et hectare en kilogrammes secs. 


Chêne... :bon.,.,::2658.an5........3. 931414 
14, -passablé.s 5908... je 20718 
Hôtre. 1 Don... 118,405... se 000 
Id... passable,. 67 ans. ..5:.... 2988 
Charme... bon, .... 5%ans.+,...... 2129 
Id... passable..: 06 48... ir. 527200 
SH 0 DO 2 UD ARS. use «OS 
Id.... passable.. ‘78 ans........., 2429 
Pne S bons nl nn... 01e 
Id,...  passable,. 58 ans......... 2110 


Essences. Terrains. Age moyen, 


Dans les terrains bons , le maximum de l’accroissement 
annuel a été pour le chêne à l’âge de 77 ans, le hêtre à 
80 ans, le sapin à 76 ans, le pin à 51 ans. Le taux de 
l'accroissement se maintient dans de bonnes proportions 
pour le chêne jusqu’à 115 ans, le hêtre jusqu'à 110 ans, 
le sapin 135 ans, le pin 7{ ans ; mais comme les forêts de 
135 ans sont rares, on ne peut pas regarder ces résultats 
comme assis sur des faits assez nombreux. 

On ne doit aussi considérer les données de ce tableau 
que comme un minima ; car M. Chevandier fait observer 
que ces chiffres devraient être augmentés de 10 pour 100 
du volume du bois, à cause de certains produits secondaires 
dont les forestiers badois n’ont pas tenu compte. 

D'un autre côté, il faut aussi remarquer qu'il est ques- 
tion de bois absolument desséché, et non du bois sec 
ordinaire qui, après avoir passé deux ans à l'air libre, 


AIR ATMOSPHÉRIQUE. 93 


contient encore de 15 à 20 pour cent d’eau, suivant l’es- 
sence. 

Les futaies rendent plus en kilogrammes de bois que les 
taillis ; d'où l'on peut conclure que les arbres isolés qui 
croissent dans les champs ou qui bordent les routes , con- 
somment une plus grande quantité d’acide carbonique , et 
donnent une quantité de bois plus considérable. 

Une grande partie du plateau central de la France se 
trouve dans ce cas , et la comparaison avec le grand duché 
de Bade peut être facilement acceptée ; car les terrains des 
deux contrées offrent une certaine analogie. 

L'influence de l’eau, dont il faut tenir compte dans toutes 
les recherches de géographie botanique, est très-grande 
dans l'accroissement du bois, ou ce qui est la même chose, 
pour la consommation d'acide carbonique. Les résultats de 
M. Chevandier démontrent cette grande importance. 

Sur 215 sapins observés, le résultat a été en moyenne 
pour : 


Terrains. Age moyen ÂAccroissement annuel. 
des sipins. Bois sec. 


MADAEUX : . ee seat on NUE PT OL 
Rs à «+ se ste te OR eo Ode) 
Arrosé par les eaux de pluie.. ‘74...... 8,25 

— — courantes. 4 09%. 2%: 11,97 


La nature géologique des terrains, examinée ainsi sous 
le rapport de la consommation d’acide carbonique, est 
loin d’avoir l'influence de la présence de l’eau. Ces derniers 
chiffres, si différents selon que l'arbre manque d’eau ou 
qu'il l’obtient stagnante, pluviale ou courante, nous expli- 
quent l'énorme végétation d’un grand nombre d’arbres du 
plateau central et surtout celles de nombreux sapins cons- 
tamment arrosés, et qui acquièrent de si grandes proportions 


94 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 
sur diverses parties du Mont-Dore, du Cantal et de la 
Margeride. 

Comme ces arbres n’atteignent pas le sommet des monta- 
gnes, 1ls reçoivent une foule de filets d’eau qui descendent 
des hauts plateaux et entretiennent leursracines dans un état 
de fraicheur continuelle. 

Il n’en est pas de même des pins qui ne croissent que 
dans les lieux très-secs et à une élévation beaucoup 
moindre. 

En cherchant à ramener ces données à des moyennes, 
nous trouvons , d’après les analyses exactes de M. Chevan- 
dier, que le carbone que l’on doit considérer comme étant 
enlevé à l'air atmosphérique , entre en moyenne pour moitié 
dans la composition du bois. C’est donc environ de 15 à 
1,800 kilog. de charbon que chaque hectare de forêt enlève 
chaque année à l’atmosphère. 

Selon M. Boussingault, une culture ordinaire de topi- 
nambours, en Alsace, donne {,097 kilog. et une culture de 
blé des environs de Paris a produit 2,288 kilog. pour le 
même espace de terrain. Une autre, dans un terrain meil- 
leur, en a donné 3,575 kilog., et une luzerne le chiffre 
considérable de 6,235 kilog. Nous ne parlons pas des #1, 
82 et 183 kilog. d'azote provenant de ces trois dernières 
cultures. 

I faut dans ces derniers cas tenir compte des engrais ap- 
pliqués au topinambour et au froment. Mais il n’en reste 
pas moins prouvé que la majeure partie de ce carbone a été 
puisée dans l'air. 

M. Chevandier a calculé l’action des forêts sur l’atmos- 
phère, d’après leur rendement moyen et la composition 
chimique du bois. Selon lui, la colonne d'air qui repose sur 
un hectare de forêt contient dans toute sa hauteur 16,900 k, 


AIR ATMOSPHÉRIQUE. 95 


de carbone dissous dans l’oxygène et passé à l’état d'acide 
carbonique. à 

La forêt la plus productive, qui était une futaie de sapins 
de 115 ans, aurait épuisé cette colonne d'air de son car- 
bone en 5 ans, en admettant que ce gaz acide carbonique 
ne se renouvelât pas, et que les produits de la forêt eussent 
été enlevés. Le taillis le moins productif aurait atteint le 
même résultat en 65 ans. | 

En admeltant seulement que le quart de la surface du 
globe est couvert de forêts semblables et dans les conditions 
que nous venons de supposer, le carbone de l'air serait 
épuisé au bout de 20 ans, d’après la première forêt, et au bout 
de 260 d’après la seconde. Le phénomène aurait été plus 
rapide sous des climats plus chauds, où la végétation dure 
toute l'année, et moins actif dans des pays plus froids. 

En supposant que la quantité d’acide carbonique soit telle 
que l’admet en moyenne M. Chevandier, sur le plateau cen- 
tral de la France , nous pouvons calculer approximativement 
quelle serait l’époque d’épuisement. Nous ne pouvons ad- 
mettre toutes forêts de haute futaie, elles sont même peu 
répandues, mais de très-riches cultures en céréales, en 
luzernes, en trèlles, plantes qui consomment beaucoup. 
Nous devons croire que les graminées et les légumineuses qui 
composent les pelouses et les prairies, surtout celles qui 
sont arrosées , absorbent une grande quantité d'acide carbo- 
| nique. Il nous restera les lieux incultes parmi lesquels nous 
ne pouvons placer à ce point de vue les bruvères ni les 
mousses qui couvrent de grands espaces, ni les Cévennes, 
couvertes presque partout de puissants châtaigniers. I n’y à 
donc plus que les crêtes arides du Gard et de la Lozère , les 
Causses, où la végétation faible et rabougrie ne se montre 
qu'une partie de l’année, certains plateaux basaltiques qui 


96 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


ont conservé toute leur stérilité, et la surface presque imsigni- 
fiante des coulées de laves modernes, 

Or en prenant la moyenne de M. Cheyandier, entre 5 ans 
pour le chiffre le plus élevé et 65 pour le plus bas , nous au- 
rons 39 ans pour l'épuisement total de l'acide carbonique de 
l’air‘au-dessus du plateau central. El est facile de concevoir 
que cet épuisement ne peut avoir lieu : le carbone peut se 
transformer et non se perdre. En effet, les plantes qui l'ont 
consommé sont elles-mêmes détruites de trois manières dif- 
férentes. Elles sont brülées par le feu, consommées par les 
animaux, ou décomposées spontanément. 

Dans le premier cas, le résultat est de l’acide carbonique 
qui se répand dans l'atmosphère, et nos foyers en versent 
incessamment de grandesquantités, produites non-seulement 
par la combustion de la végétation actuelle, mais encore 
par celle de toutes les houilles, des lignites et des tourbes 
qui étaient ensevelies dans la terre et séparées de l’atmos- 
phère, comme des espèces de réserves que nous consommons 
aujourd’hui. 

Dansle second, c’est une combustion plus lente qui s'opère 
dans nos poumons, mais qui rend à chaque instant dans 
l'air des flots d'acide carbonique en rapport avec la nourri- 
ture que prennent tous les animaux. Tant que le règne 
animal existera cette source ne peut tarir. 

Dans le troisième cas, c'est encore une combustion plus 
lente peut-être que dans les deux précédents, c’est la dé- 
composition des êtres organisés qui, après avoir constitué 
leur corps végétal ou animal aux dépens du carbone de lat- 
mosphère, lui rendent après leur mort et pendant leurs fer- 
mentations diverses ce produit gazeux si nécessaire à l’équi- 
libre organique de la nature. 

Mais dans cette dernière circonstance tout le charbon 


AIR ATMOSPHÉRIQUE. 97 


ne retourne pas à l'atmosphère; une partie est solidifiée et 
constitue, selon la situation des lieux, des tourbes ou des 
humus qui sont des charbons solides et terreux, contenant , 
outre le carbone, les matières fixes et inorganiques que les 
plantes avaient entraînées dans l’économie végétale. 

À toutes les époques de la nature, une partie du charbon 
contenu dans l’atmosphère a été mise en réserve par les vé- 
gétaux. La houille des premiers dépôts sédimentaires et les 
lignites si variées qui leur ont succédé aux diverses périodes 
géologiques représentent exactement le charbon surabon- 
dant qui existait alors dans l'atmosphère. Les plantes l'ont 
consolidé et l’ont enfoui dans ces vastes magasins où nous 
le puisons pour notre industrie. 

Il faut donc qu'il y ait eu autrefois des sources de carbone 
qui n’existent plus maintenant ; il faut que la prédominance 
de cet élément ait donné à la végétation de ces périodes si 
reculées une activité inconnue à la nôtre, pour avoir pu pro- 
duire des masses aussi considérables d’un combustible qui 
représente dans l'atmosphère une si grande proportion 
d’acide carbonique. 

Peut-être observerions-nous encore aujourd’hui, sur ce 
plateau central que nous étudions, ces causes de végétation 
puissante dont nous retrouvons les preuves dans nos anciens 
terrains. 

La fertilité actuelle de la Limagne d'Auvergne ne 
serait-elle pas due à cette quantité de sources miné- 
rales d’où l’acide carbonique vient surgir de l’intérieur du 
globe? 

Sur un très-grand nombre de points du plateau central 
des dégagements de cet acide ont encore lieu. 

Depuis un temps immémorial ce gaz s'échappe de 
toutes les fissures du sol de la plaine, et la quantité qui sort 

7 


98 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


annuellement est un des phénomènes les plus étonnants de 
la géologie de ces contrées. 

Cet acide étant invisible, c’est seulement dans des circons- 
tances particulières qu’on peut apercevoir son dégagement, 

Dès que l’on fait une excavation dans le sol 1l s'y ras- 
semble, et aussitôt que l’on descend une lumière dans un 
puits de la Limagne elle s'éteint. Il y a même des endroits 
où le gaz s’est frayé une issue et se dégage en abondance, 
comme on le voit près Aigueperse , au pied de la butte de 
Montpensier. 

Il sort, dans les champs, de toutes les fissures du calcaire. 
Si dans quelques endroits l'eau vient accidentellement à se 
rassembler, on voit de temps en temps des bulles s'élever de 
la surface du sol et venir crever à la partie supérieure du li- 
quide. En sortant de Clermont, par le chemin qui conduit à 
Royat, on remarque ce dégagement de gaz dans toute la 
plaine dite des Salins. Plus loin les grottes de Montjoh en 
sont remplies. 

Partout les eaux minérales en versent dans l'atmosphère 
de grandes quantités. Saint-Alyre , Saint-Mart, Royat, 
Saint-Nectaire, Saint-Myon, Enval, Vichy, le Mont- 
Dore, Châteauneuf, Châteldon, Châtelguyon , Chaudes-Ai- 
gues, Bagnols et des centaines d'ouvertures qui donnent 
issue à ces eaux salutaires, laissent dégager des profondeurs 
du globe de longues séries de bulles d'acide carbonique qui 
viennent crever en bouillonnant à la surface de ces fontaines. 

Tout le carbonate de chaux qu’elles déposent abandonne 
aussi son excès d'acide qui entre dans l'atmosphère. Nous 
sommes tentés de croire que cette fertilité étonnante de la 
Limagne est due en partie au dégagement continuel d'acide 
carbonique qui a lieu dans son sol. Ce qu'il y a de certain du 
moins, c’est que les plantes fourragères, les céréales, les 


AIR ATMOSPHÉRIQUE. 99 


fèves, les chanvres, les noyers et tous les végétaux dont les 
feuilles nombreuses et serrées couvrent exactement la surface 
des campagnes, y acquièrent un développement extraordi- 
naire, et qui, dans toute autre partie de la France, exigerait 
des engrais qu’on est loin de leur prodiguer. Il est probable 
que les feuilles absorbent l’acide carbonique à mesure qu'il 
se dégage et s’en assimilent le carbone. 

Les nombreux travertins que l’on rencontre partout 
dans les divers bassins calcaires du plateau central, ceux 
même qui ne sont plus accompagnés maintenant des sources 
qui les ont formés, n’ont pu se déposer et passer à l'état 
de carbonate de chaux qu'en abandonnant dans l'atmos- 
phère l'acide carbonique qui tenait ce sel en dissolution à 
l'état de bicarbonate. 

En effet , une source qui , à l’époque actuelle , donne un 
dépôt de carbonate de chaux et de carbonate de magnésie, 
arrive au jour en tenant en dissolution les matières qu'elle 
va bientôt déposer. L'eau est limpide, transparente, et c’est 
après quelque temps seulement qu’elle abandonne son sédi- 
ment. Il y avait dans cette eau un principe capable de dis- 
soudre le carbonate, et ce principe n’est pas difficile à trouver, 
c’est l’acide carbonique. On sait très-bien que les carbonates 
insolubles, que ces eaux abandonnent, y sont d’abord à l'état 
de bicarhonates , et c'est seulement quand l'excès d’acide 
s'échappe que le sous-carbonate se dépose. Mais que devient 
cet acide qui se dégage ? où va-t-il? dans l'atmosphère, En 
faisant abstraction de la grande quantité de gaz que les eaux 
aménent, et que nous citions tout à l'heure, nous avons donc, 
par le simple dépôt des travertins , une cause continuelle 
de production d'acide carbonique et une cause très-active, 
en ce qu’elle ne cesse jamais, et en ce qu’elle peut produire 
des masses énormes de gaz. Ainsi le dépôt de 100 kilog, 


100 COXSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 

en poids de carbonate de chaux aura versé dans l’atmos- 
phère environ 30 kilog. d’acide carbonique ; et si l’on se 
rappelle que ce corps est gazeux , qu’un litre pèse seulement 
1/3 en sus d’un litre d’air ordinaire , on restera étonné de 
la quantité qui est journellement produite et continuellement 
versée dans l'air que nous respirons. 

En admettant le chiffre de 1,500 kilogrammes, comme 
celui qui est consommé annuellement par chaque hectare 
de forêt, on voit que le dépôt de 4,500 kilogrammes de 
travertin suffit pour. nourrir un hectare de forêt pendant 
toute une année, pour lui fournir tout l'acide carbonique 
dont les arbres de cet hectare ont besoin pour fabriquer 
3,000 kilog. de bois sec. 

Il se forme sur le plateau central plusieurs quintaux de 
travertins tous les jours, et en multipliant la masse journa- 
lière par le nombre des jours de l’année, nous arriverions à 
un résultat considérable , surtout en y ajoutant la quantité 
bien plus grande d'acide carbonique qui sort du sol à l’état 
libre avec les eaux minérales. 

Mais si nous admettons encore de nos jours une action 
quelque faible qu’on la suppose sur la végétation de nos 
contrées, mais principalement de la Limagne , à plus forte 
raison devrons-nous reconnaître cette connexion des prin- 
cipes de l'atmosphère avec le développement des plantes, si, 
remontant aux anciennes périodes géologiques , nous con- 
sidérons toujours les eaux minérales comme la source de 
tous nos calcaires tertiaires , des assises immenses qui for- 
ment les causses du Gard et de la Lozère , et même de ces 
couches si puissantes qui, dans toutes les contrées, ont 
précédé l'apparition des houilles. 

Quand nous comparons les phénomènes que nous pré- 
sentent actuellement les eaux minérales dans leurs dépôts 


AIR ATMOSPHÉRIQUE. 101 


de travertins, à ceux qui ont dù se produire autrefois, nous 
ne pouvons douter de leur analogie et de la grande influence 
qu’elles ont exercée sur la composition de l’atmosphère.Cette 
composition a dû plusieurs fois en être altérée au point d'agir 
de diverses manières sur les êtres vivants qui s’y trouvaient 
plongés. 

Nous admettons donc comme positif et comme une con- 
séquence forcée du raisonnement que nous venons de suivre, 
que la majeure partie dés calcaires qui existent sur le globe 
a été formée par des eaux minérales , et qu’une quantité 
d’acide carbonique égale en poids à environ un tiers de ces 
calcaires , a été rejetée dans l'atmosphère. Or, comme le 
globe terrestre est recouvert, sur un grand nombre de 
points, de couches calcaires très-puissantes, comme de 
grandes formations de même nature, quoique d’époques 
différentes , se montrent superposées dans beaucoup de lo- 
calités , des masses énormes d’acide carbonique ont du se 
répandre dans l'air; et si nous connaissions exactement 
l'épaisseur et l'étendue de toutes les couches de marbre, de 
craie, de travertin, en un mot, des calcaires qui existent 
sur la terre ; si, par un calcul fort simple, nous les trans- 
formions en une couche d'épaisseur moyenne qui envelop- 
perait la terre entière, il nous serait facile d'établir le poids 
d’acide carbonique qu’elles auraient abandonné , et le vo- 
lume de la zone de gaz dont le globe a dù être entouré. 

Ce que nous ne pouvons faire pour le globe entier , nous 
pourrions raisonnablement le tenter pour le plateau cen- 
tral, en établissant notre calcul sur l'étendue et l'épaisseur 
des causses calcaires qui entourent le plateau primitif, sur le 
volume approximatif des couches marneuses qui remplissent 
les bassins tertiaires et sur les groupes épars de travertin. 

Dans tous les cas, cette approximation ne pourrait pas 


102 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 

avoir une grande importance, à cause des vents et des cou- 
rants qui ont très-bien pu entrainer ailleurs le gaz qui s’est 
formé sur ce plateau , comme les ruages nés sur un point 
de la terre vont souvent se condenser sur des régions très- 
éloignées où le vent les conduit. 

Néanmoins nous pouvons admettre comme un fait dé- 
montré, qu'à l'époque des formations tertiaires comme à 
celle des causses Jurassiques , l'air du plateau central était 
plus chargé d'acide carbonique qu'il ne l’est aujourd’hui. 

Les éruptions volcaniques ont pu aussi, dans la dernière 
période géologique, modifier la composition de l'atmosphère, 
mais nous ne connaissons pas assez les débris fossiles de ces 
anciennes végétations pour comparer ici les causes avec 
leurs effets. 

Les seuls calcaires de la Limagne ont dù produire 
une quantité d'acide carbonique suffisante pour alimenter 
pendant de longues années la végétation d’une surface égale 
en étendue. 

L’acide carbonique n’est pas le seul corps gazeux qui ait. 
une si grande influence sur la végétation. Il en est un autre 
dont le rôle moins étudié jusqu'ici a pourtant une très-haute 
importance. Ce gaz est l’ammoniaque. Les plantes ont pour 
l'absorption de ce composé comme pour l'acide carbonique 
une puissance différente selon les espèces ; mais on sait qu’en 
général il favorise aussi la végétation. Son introduction dans 
les serres et la vitalité qu'il donne aux plantes qu'on y cul- 
tive ne laisse aucun doute à cet égard. 

L'air atmosphérique contient toujours de l’ammoniaque 
que les pluies peuvent dissoudre et précipiter. 

D'après M. Isidore Pierre, dans le voisinage de Caen, 
sous l'influence des vents qui tendraient à éloigner des lieux 
de l’observation les émanations qui auraient pu vicier l'air 


AIR ATMOSPHÉRIQUE. 103 


de la ville, cet air contient comme moyenne de la saison 
d'hiver plus de # millig. 112 d’ammoniaque par mètre cube, 
c’est-à-dire environ 3 millionièmes 1[2 de son poids (1). 

Mais cette proportion parait être très-variable comme le 
fait observer M. Ville, qui a fait sur la présence de l’ammo- 
niaque dans l'air et sur son absorption par les plantes des 
travaux du plus grand intérêt (2). Après avoir rapporté les 
proportions d’ammoniaque indiquées par divers auteurs et 
toutes très-variables, M. Ville a trouvé, par ses propres essais, 
qu'un million de kilogrammes d'air contenait en moyenne, 
pour 1849 et 1850, 23 gram. 73 d'ammoniaque. Le 
maximum s'est élevé à 31 gram. 71, le minimum est des- 
cendu à 17 gram. 76. 

En 1850, la moyenne a été de 21 gr. 10, le maximum 
de 27 gr. 26, et le minimum de 16 gr. 52, ce qui donnerait, 
enfin, comme résultat définitif en moyenne, 22 gr. 41, en 
maximum 29 gr. 00, et en minimum 17 gr. 14. 

M. Barral, en analysant les eaux de pluie tombées à 
l'observatoire de Paris, est arrivé de son côté à un résultat 
desplus remarquables, en constatant dans ces eaux de 
l’ammoniaque qui n’a pu provenir que de l’air atmosphé- 
rique ; M. Barral prouve qu’en moyenne , à Paris, la 
pluie répand annuellement sur un hectare de terrain 1# à 
15 kilogr. d'ammoniaque (3); mais il s’en faut, sans doute, 
que la pluie puisse précipiter tout le gaz ammoniac qui existe 
dans l'atmosphère , et les plantes peuvent, sans contredit, 
en absorber une quantité considérable , sans qu'il leur soit 
présenté en dissolution par la pluie. 


(1) Compte-rendu des séanc. de l’'Acad, des scienc., t. 54, p. 879. 
(2) {dem , 1. 55, p. 465 et 650. 
(3) Idem , 1. 54, p. 829. 


10% CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


Les expériences de M. Ville, sur l’eflet produit sur la 
végétation par l'introduction du gaz ammoniac dans l'at- 
mosphère d’une serre, sont tellement précises que l’on 
pourrait. se demander si la présence de ce gaz, en quan- 
tité plus ou moins grande, sur les diverses parties de la 
terre, ne serait pas même une cause déterminante de la 
dispersion des plantes. On pourrait le supposer en voyant 
des espèces presque domestiques suivre l’homme partout et 
profiter des émanations azotées qui entourent ses demeures 
et les troupeaux qu'il conduit avec lui. 

On ne peut guère se refuser d'admettre ces causes de 
fréquence des plantes domestiques autour des lieux habités, 
depuis les dernières analyses de M. Boussingault, qui a trouvé 
bien moins d’ammoniaque sur le versant oriental de la chaîne 
des Vosges , dans un lieu isolé, que M. Barral n’en avait 
séparé de l’eau de pluie de Paris. Ces proportions sont 
telles qu’au lieu d’une moyenne de plus de 3 milligrammes 
existant dans les eaux de Paris, M. Boussingault a obtenu 
moins de { milligramme par litre dans celles recueillies à 
l'ancien monastère de Licbfranenberg , du 26 mai au 
5 août 4853. Aussi compare-t-il Paris, sous le rapport des 
émanations « à un amas de fumier d’une étendue considé- 
rable (1). » 

On pourrait croire, après les essais de M. Ville, sur les 
serres d’orchidées, que ces singuliers végétaux ont des motifs 
analogues pour se réfugier dans les sombres et profondes 
forêts de la zone torride, où la décomposition continue d’une 
foule d'êtres organisés produit “peut-être des exhalaisons 
nécessaires à l’existence de ces brillantes productions. 

On serait tenté d'admettre, en effet, que ces grands 


(1) Compte-rendu des séances de l’Acad, des se., t. 57, p. 207. 


AIR ATMOSPHÉRIQUE. 105 


prismes d’air atmosphérique, accolés les uns aux autres sur 
la terre, et chargés de tous les principes alimentaires de la 
végétation, ont une part d'action sur l'expansion géogra- 
phique des espèces. Se sont-elles répandues comme les 
peuples sur les contrées dont l'air pouvait le plus favoriser 
leur accroissement et où leurs moyens d’existence étaient 
plus faciles et mieux assurés? nous l’ignorons. Dans un 
phénomène aussi complexe que celui qui nous occupe, il 
faut au moins signaler toutes les causes, évaluer même les 
possibilités, sans prétendre arriver au but que l’on vou- 
drait atteindre. 

Mais il est une conclusion , étrangère peut-être au sujet 
principal de notre travail, ét que nous ne pouvons passer sous 
silence, c’est de faire remarquer que parmi cette multitude 
d'éléments contenus en proportions variables dans l’air atmos- 
phérique, il en est quatre qui prédominent , et ce sont ceux- 
là qui , par leur combinaison , constituent tous les corps orga- 
nisés : l’acide carbonique formé d’oxigène et de carbone, 
l'ammoniaque composé d’hydrogène et d’azote. Combinés 
sous la simple influence de l’affinité , ces éléments font un 
sel toujours identique et dont les propriétés ne varient pas. 
Absorbés sous l'influence de la vie, ils revêtent les formes 
et les caractères variés des plantes et des animaux, décorent 
la terre et animent toutes ses parties. Ils donnent au philo- 
sophe la preuve de la haute intelligence de cette puissance 
créatrice qui, par des corps gazeux invisibles à nos yeux, 
maintient l'équilibre du monde organisé, et tient en circu- 
lation et en mouvement continuels quatre des principales 
matières dont la terre est formée. 


106 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


$ 2. DE L'ACTION ET DE L'IMPORTANCE DES COURANTS 
D'AIR OU DES VENTS. 


L'atmosphère peut , par des causes diverses, jouer un rôle 
très-important dans tous les faits de géographie botanique. 
L'humidité qu’elle renferme et qu’elle transporte, sa compo- 
sition ou plutôt les variations qui peuvent survenir dans les 
proportions de ses éléments , sa densité et sa température à 
différentes zones d’élévation, enfin les courants si nom- 
breux qui fa sillonnent dans toutes les directions, sont 
autant d’influences distinctes dont nous devons tenir compte 
dans les causes multiples qui réagissent sur la vie des indi- 
vidus et sur la dispersion des espèces. 

On est loin de connaître avec exactitude l’action des 
vents sur les végétaux ; les uns s’y exposent volontairement, 
comme les plantes des montagnes ct celles des coteaux dé- 
nudés ; d’autres cherchent , au contraire , à s’y soustraire, 
en pénétrant sous les voùtes des forêts ou en s’abritant 
dans les haies et les buissons. Il semblerait que certaines 
espèces sont organisées pour vivre dans des courants d’air 
qui en détruiraient d’autres. 

Lorsque dans une contrée le vent règne avec une certaine 
force et avec continuité , on voit les arbres obéir à cette 
impulsion et incliner leurs cimes du côté opposé. C’est ainsi 
que sur les montagnes de la chaîne du puy de Dôme , où 
les cônes volcaniques sont isolés , les hôtres qui croissent au 
sommet sont toujours penchés à l'Orient ou au Nord-Est. 
En effet , les vents d'Ouest et de Sud-Ouest sont ceux qui 
soufllent presque toujours. 

On voit dans la même contrée le même effet produit 
sur les céréales, et notamment sur les seigles, que l’on cul- 


DE L'ACTION DES COURANTS D’AIR. 107 


tive principalement sur les plateaux élevés. À peine sortie 
de terre , leur feuille unique et tordue sur elle-même, con- 
serve l'inclinaison presque constante que leur imprime ce 
vent dominant du Sud-Ouest. 

Linné avait déjà remarqué l'influence des vents sur les 
plantes. Il cite les vieux pins sylvestres des forêts de la 
Laponie, dont les rameaux sont en petit nombre , presque 
nuls, du côté du Nord , et très-nombreux , au contraire, du 
côté du Midi. Cette circonstance lui fut indiquée par les 
Lapons qui , perdus dans les forêts, se la rappellent pour 
connaître le point cardinal, par lequel ils doivent diriger 
leur route. 

On voit le même effet sur les bords de l'Océan. Le 
courant d’air venant de la mer dirige les branches des 
arbres dans le sens opposé. 

Quand l'air est simplement agité et que la brise ou le 
zéphir balancent doucement les fleurs et le feuillage, ce 
mouvement imprimé aux végétaux leur est certainement 
salutaire. Nous avons vu sa bienfaisante influence sur des 
plantes cultivées dans des serres , où l'air échauffé entrait 
sous un grand volume et paraissait donner la vie aux êtres 
qui s’y trouvaient renfermés, et nous croyons que la riche 
végétation du plateau central de la France , et surtout de 
l’Auvergne , doit une partie de sa magnificence à ces cou- 
rants aériens qui, toujours en action, marchent tantôt du 
Sud au Nord ou du Nord au Midi , ou traversent la contrée 
dans des directions plus ou moins obliques. 

Il y à cependant des espèces qui font exception , et la 
plupart des plantes grasses préfèrent un air calme et sans 
courants. 

L’air agité doit nécessairement avoir un effet très-marqué 
sur les feuilles , en renouvelant incessamment la couche d’air 


108 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


appliquée sur le feuillage, et pouvant ainsi enlever à chaque 
instant les matières exhalées , et remplaçant par un air pur 
l'atmosphère particulière de chacun de ces organes. Toute- 
fois, si des courants d’air, marchant à petite vitesse, peuvent 
favoriser la végétation , des vents violents peuvent aussi lui 
nuire, et les faits que nous venons de citer un peu plus haut 
le prouvent suffisamment. 

L'agitation de l’air est aussi très-nécessaire à la conser- 
vation de certaines espèces, dont les sexes sont séparés , 
et ou la fécondation n’est assurée que par la transmission 
aérienne du pollen. Les saules et les peupliers de nos cli- 
mats, aussi bien que les palmiers du désert, ont besoin de ces 
ondes mobiles pour conserver la fertilité de leurs germes. 

. Les larges ondulations de l'atmosphère sont d’autant 
plus nécessaires à la fécondation, que dans toutes les contrées 
de la terre, ies plantes dioiques sont ordinairement grou- 
pées, et chacune de ces réunions est presque toujours com- 
posée d'individus du même sexe. Nous pourrions même 
citer des exemples de localités très-étendues , où l’on ne 
pourrait rencontrer les deux sexes réunis. Il est donc né- 
cessaire que le vent puisse rapprocher les distances , mais 
les grains de pollen sont si légers et l’air est si rarement 
calme, que la fécondation , à moins d’un éloignement con- 
sidérable, est toujours assurée. On concevrait pourtant que 
des courants d’air, dont la direction serait constante à l’épo- 
que de la floraison de certaines plantes, et en même temps 
contraire à la transmission du pollen , pourraient être un 
véritable obstacle à l'expansion de ces plantes. 

Si dans quelques cas exceptionnels , l’air peut s'opposer 
à la dispersion , dans la plupart, au contraire, il la favorise, 
et l’on peut même le regarder comme une des causes les 
plus influentes de la dissémination. 


DE L'ACTION DES COURANTS D’AIR. 109 


Combien de graines sont pourvues de parties accessoires 
destinées à faciliter cette navigation aérienne qui les trans- 
porte si facilement d’une contrée dans une autre. Les ailes, 
les aigrettes , les membranes , ont été combinées pour 
donner prise aux vents, et pour soutenir dans l'atmosphère 
ces phalanges émigrantes que l’on aperçoit traversant les 
hautes régions , dans diverses saisons de l’année. 

Le plus souvent c'est à l'automne que l’on voit voltiger 
les graines des synanthérées , celles des épilobes, des typha, 
et de tant d’autres espèces. L'été , ce sont les saules et les 
peupliers qui abandonnent aux plus légers courants leurs 
graines si mollement aigrettées. Au printemps , ce sont les 
ormes, dont le vent emporte la semence membraneuse, ou 
bien les cônes de sapins qui s'ouvrent par la chaleur et leurs 
akènes munies d’une seule aile , s'élèvent et retombent en 
tourbillonnant. 

Nous ne pouvons guère calculer les distances où les vents 
peuvent emporter les graines , mais du moment qu’une 
plante a été douée par la nature de ce moyen de transport, 
on peut affirmer que, sauf la mer et les déserts , quel- 
quelois peut-être les hautes cimes des montagnes , elle peut 
atteindre toutes les régions de la terre, et que les contrées 
qui lui offriront toutes ses conditions d'existence en seront 
bientôt peuplées. 

Ce n’est pas qu'habituellement les vents aient une portée 
très-étendue, car, dans nos régions surtout , leur direction 
est extrêmement variable et leur souflle n’est pas de longue 
durée. Il est même assez rare qu'une graine, dans les meil- 
leures conditions aérostatiques , soutienne un voyage de 
plusieurs jours, et en supposant qu’elle reste très-longtemps 
dans l’atmosphère , elle peut encore redescendre près du 
point d’où elle est partie. 


110 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


Pour peu que l'on ait observé la marche des vents , on 
est bientôt convaincu qu'il en existe presque toujours plu- 
sieurs courants superposés , et telle semence aigrettée qui 
sera partie rapidement dans une direction, pourra comme un 
aérostat pénétrer dans une couche où un courant contraire 
la ramènera à son point de départ. Il est rare, en effet, qu'une 
graine chassée par le vent marche horizontalement ; elle des- 
cend et touche la terre, ou bien elle monte et change de 
direction. Mais si de très-longs voyages sont difficiles par 
les vents ordinaires, on ne peut nier que la dispersion de 
proche en proche et l’extension de l'aire d’une espèce ne 
soit fortement favorisée par les mouvements de l’atmos- 
phère. 

Autour de Saint-Bonnet et de Saint-Germain-l’Herm , 
dans le département du Puy-de-Dôme, on rencontre de 
petits bouquets de pinus sylvestris très-curieux en ce que 
l'on voit au milieu d'eux, ou plutôt sur un de leurs côtés 
un pin beaucoup plus vieux que les autres. Il ressemble à 
un patriarche entouré de ses diverses générations. Ces arbres, 
échappés çà et là à la destruction générale, sèment autour 
d'eux, chaque année, une multitude de graines, et l'on 
voit ainsi se former des bosquets qui n’ont pas d’autre ori- 
gine que cet arbre unique. Ces petits bois offrent en même 
temps la preuve de l'influence des vents dominants sur la 
dispersion. À l’époque où les cônes ouvrent leurs écailles 
et laissent emporter leurs graines membraneuses, ce sont 
les vents d'ouest et de sud-ouest qui dominent, et le semis 
naturel qui en résulte suit exactement la même direction 
et se trouve naturellement à l’est et au nord-est du vieil 
arbre, qui n’occupe nullement le centre géométrique de 
ses générations. Pour les semences légères qui peuvent 
être emportées très-loin, il y a là une cause de dissémi- 


DE L'ACTION DES COURANTS D’AIR. 111 


nation tout indépendante de la volonté et des exigences 
de l’espèce. 

En Islande, où l’on conserve çà et là un bouleau comme 
une rareté qui représente les anciennes forêts, on remarque 
la tendance de cet arbre à s'étendre au loin par le 
semis. De jeunes arbres naissent tout autour, comme les 
pins de Saint-Germain-l'Herm, et formeraient encore des 
forêts si les moutons ne les détruisaient pas. 

Il s’en faut , du reste, que les oscillations de l'air soient 
toujours molles et sans vigueur; il arrive aussi des moments 
de tempête, des trombes, des tourbillons , des bourrasques, 
dont l'intensité est assez grande pour enlever plus que des 
corps légers. On a des exemples de transports lointains de 
graines pesantes et sans aïgrette, et même d’animaux et de 
corps tout à fait étrangers au sol sur lequel ils viennent 
s'abattre. 

On peut donc concevoir de longs voyages opérés par cette 
cause active. Il est même des contrées voisines de l’Équa- 
teur où les vents alizés soufflent avec assez de régularité, et 
surtout avec assez de constance pour conduire des graines 
sur des rivages éloignés , comme nous les voyons pousser les 
navires avec sécurité vers les parages que ces mêmes vents 
vont frapper de leur souflle. 

Combien de fois n’a-t-on pas vu des cendres volcaniques 
traverser des bras de mer, se soutenir longtemps dans l’at- 
mosphère et descendre loin des points d’éruption sur des 
bords étrangers. 

Il y à des graines qui sont tellement petites, que l’air en 
contient habituellement des milliers. Les germes des moisis- 
sures et de la plupart des champignons, ceux des mousses, 
des lichens, et même des fougères , sont d’une telle finesse 
et d’une si grande abondance , que nous devons supposer que 


112 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


l'atmosphère en est constamment remplie. Aussi voyons- 
nous ces plantes offrir les mêmes espèces dans les contrées 
les plus éloignées les unes des autres, partout enfin où elles 
trouvent les mêmes conditions biologiques. Cette uniformité 
de végétation cryptogamique dans des localités si distantes ne 
peut tenir qu’à cette facilité de transmission de leurs graines. 
On ne peut assigner de limites à leur extension; elles peu- 
vent évidemment passer d’un continent sur un autre, em- 
portées par ces grands courants circulaires, qui prennent nais- 
sance sur le rivage d’une partie du monde pour venir expi- 
rer sur une autre. 
On a maintenant des preuves du transport de différentes 
espèces d’infusoires à travers l'Atlantique , et nul doute que 
.si les spores presque invisibles des cryptogames pouvaient 
présenter des formes particulières , on les reconnaîtrait dans 
ces lointains échanges que les vents sont chargés d'opérer. 
Cette grande cause de dispersion a-t-elle toujours été la 
même? N’a-t-elle pas eu plus de puissance dans des temps 
antérieurs aux nôtres ? à l’époque tertiaire ou dans les pério- 
des qui l’ont précédée ? Ces courants alizéens si réguliers de 
nos jours peuvent avoir été plus actifs, si notre atmosphère 
a été plus étendue, si l'électricité a pu s’y accumuler en plus 
grande masse, si l’évaporation a été plus considérable. Le 
grand phénomène de la dispersion des espèces nous paraît 
déjà si compliqué à l’époque actuelle, qu'il y aurait peut-être 
de la témérité à le suivre jusque dans ces périodes in- 
connues où l’homme lui-même n’assistait pas encore au 
spectacle du monde. 


INFLUENCE DE L'ALTITUDE. 113 


CHAPITRE VE. 


INFLUENCE DE L'ALTITUDE, DE L'HOMME ET DES ANIMAUX, 
SUR LA DISPERSION DES ESPÈCES. 


$ 1. INFLUENCE DE L'ALTITUDE. 


On sait depuis longtemps que les diverses inégalités du 
sol sont des causes qui agissent avec une grande puissance 
sur la dispersion des végétaux. Mécaniquement , les chaînes 
de montagnes peuvent être considérées comme de véritables 
obstacles qui s'opposent à l'extension géographique, et, phy- 
siologiquement, on sait que l’abaissement proportionnel de la 
température, à mesure que l’on s'élève, peut agir avec assez 
de force sur la végétation pour éloigner certaines espèces 
qui ne trouvent plus leurs conditions biologiques, et pour 
favoriser le développement des autres qui retrouvent, par une 
compensation de la latitude , la composition des milieux où 
elles ont l'habitude de vivre. 

Comme obstacle matériel, il est très-vrai que de longues 
chaînes de montagnes dont lesgraines ne peuvent faire le tour, 
dont les‘sommets sont glacés et inhabitables, dont les cols 
sont élevés et difficiles à traverser, s'opposent évidemment à 
l'expansion géographique des plantes, et telle espèce, confi- 
née sur un des versants, pourra ne pas se trouver sur l’autre, 
abstraction faite de l'exposition. 

Il ne faudrait pas cependant considérer cette exclusion 
comme absolue. Elle ne peut l'être que pour un petit nom- 

8 


114 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


bre de végétaux. Plusieurs d’entr’eux franchissent, au moyen 
de leurs graines aigrettées, des espaces plus considérables ; 
les animaux ailés peuvent aussi se charger du transport de 
nombreuses semences ; mais il en est certainement dans le 
nombre qui n’ont aucun moyen de passage, et qui restent 
d’un côté de la chaîne, quoiqu’elles pussent trouver sur le 
versant opposé les mêmes avantages pour leur développe- 
ment. 

Les hautes chaînes de montagnes , ainsi que les vastes 
déserts et les mers étendues, peuvent donc être considérés 
très-souvent comme des causes qui limitent l'extension des 
espèces dans certaines directions. 

Étudiée sous le rapport des conditions biologiques , 
l'altitude nous offre des considérations très-diverses. 

L'une d'elles domine toutes les autres ; c’est le climat ou 
plus exactement la température. I existe, il est vrai, des 
plantes qui ne tiennent pas compte des différences assez 
grandes de ce climat, qui végètent partout et peuvent s'é- 
tendre en espace et en altitude. Celles-là ne sont donc pas 
arrêtées par les montagnes, mais il en est d’autres beau- 
coup plus localisées , qui restent confinées dans leurs zones, 
et qui sont arrêtées par l’altitude des cols, comme par la 
latitude. Les montagnes sont alors comme des îles au milieu 
d’une plaine , comme des forêts , inaccessibles à certaines 
espèces abondantes tout autour d'elles , essayant de gravir 
leurs pentes, mais s’arrêlant aux premiers gradins dès que 
la température s’abaisse. Cette localisation de plusieurs 
espèces est d'autant plus marquée, que la température de 
la contrée qu'elles habitent est plus uniforme. Quand une 
fois un végétal a vécu des siècles dans une région où les varia- 
tions thermométriques sont peu sensibles, lorsqu'il n’a Jamais 
eu à subir d’oscillations notables dans les conditions de son 


INFLUENCE DE L'ALTITUDE. 115 


existence, et surtout dans la température , il n'accepte pas 
le moindre dérangement. Aussi nous voyons les plantes des 
régions équatoriales , et cela presque sans exception, rester 
dans les plaines et cesser de s'étendre dès qu’elles atteignent 
la base des montagnes. D’autres espèces leur succèdent , et 
les zones de végétation que l'altitude détermine dans les 
régions chaudes du globe sont bien plus nettement tran- 
chées que celles des végétaux des régions tempérées. 

Si, au contraire, nous atteignons les parties extrêmes des 
zones tempérées du côté des pôles , et, à plus forte raison, si 
nous dépassons les cercles polaires, nous ne trouvons pour 
ainsi dire plus de limites déterminées par l'altitude. Les 
plantes sont habituées à des variations atmosphériques con- 
tinuelles. Elles n’y sont plus sensibles, et telle espèce ha- 
bite indistinctement le bord de la mer, les toits des habita- 
tions ou les sommets des montagnes. 

Le plateau central, situé, comme nous l'avons dit souvent, 
à distance égale du pôle et de l'équateur, nous offre aussi 
des conditions moyennes , et les zones végétales, distribuées 
sur une échelle verticale de 15 à 1600 mètres, nous montrent 
des différences très-notables et très-intéressantes à constater. 
Ilest vrai qu'il faut encore combiner l’action de l'altitude avec 
la présence et la permanence de la neige-hivernale qui re- 
couvre les racines et les préserve des froids rigoureux. 

A mesure que l'on s’élève, la température diminue, mais 
en même temps la clarté augmente, et les végétaux qui ha- 
bitent les sommités des îles atmosphériques y jouissent 
d’une lumière bien plus intensé que ceux qui sont confinés 
dans les plaines et les bas-fonds. Ici se présentent encore , 
sous ce rapport, de curieuses combinaisons. 

Sous l'équateur, les plantes des hautes montagnes reçoi- 
vent la plus grande quantité de lumière à laquelle notre 


116 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


globe puisse être soumis, mais cette lumière ne dure jamais 
plus de 12 heures, et les plantes sont immédiatement plon- 
gées dans une obscurité totale qui n’est tempérée que par 
l'éclat de la lune ou par toute la vivacité d’un ciel pur admira- 
blement étoilé ; l'aurore et le crépuscule y sont à peu près in- 
connus. Dans les régions polaires, 1l n’y a pas de nuit ; dès que 
les végétaux commencent à se développer, la lumière ne les 
abandonne pas, et ceux qui croissent sur les montagnes 
profitent de toute l'intensité que peut acquérir la lumière 
oblique du soleil, et la reçoivent sans interruption pendant 
toute la durée de leur existence. Si l’astre se cache quelque- 
fois sous l'horizon, c’est pour un laps de temps très-court , 
et il s’abaisse si peu que de longs crépuscules et des aurores 
plus que matinales laissent ces végétaux constamment plon- 
gés dans la lumière. 

Il y a donc de grandes inégalités dans la distribution 
et l'intensité des ondes lumineuses sur la végétation du 
globe. 

Peut-être existe-t-il des plantes qui sont sensibles à cette 
action, mais jusqu'ici cette influence particulière de l’alti- 
tude , lors’ même qu’elle est combinée à celle que produit 
la latitude, ne paraît pas influencer beaucoup la distribution 
des espèces qui, sous ce rapport , restent pour ainsi dire et 
malgré cela soumises à l’action de la température. 

L'humidité est aussi un élément dont il faut tenir compte 
dans la distribution verticale des espèces, et l’on sait à cet 
égard que l’hygromètre indique une sécheresse plus grande 
à mesure que l’on s'élève. L'air contient moins d’eau , et 
comme il est moins chaud il en dissout aussi une moindre 
quantité. 

Certaines plantes peuvent être sensibles à cet état hygro- 
métrique de l’air, mais on peut dire cependant que s'il tombe 


INFLUENCE DE L'ALTITUDE. TF7 
moins d’eau à une grande élévation , et si l'air y est plus 
sec, les plantes n’en sont pas moins dans des conditions 
d'humidité qu’elles retrouvent rarement dans les plaines. 
Ce n’est pas la quantité d’eau qui donne aux plantes une 
station humide, c’est sa fréquence. Une averse mouille moins 
qu'un brouillard, et une pluie humecte moins que la rosée. 
Or, dans les lieux élevés, à chaque instant la vapeur de 
l'air se condense ; les pluies fines sont fréquentes ; à chaque 
instant l'air chaud qui vient frapper une cime élevée s’y ré- 
sout en brumes ou en nébulosités ; toutes les nuits d’abon- 
dantes rosées s’y condensent, et des espèces que la chaleur 
et la sécheresse chassent de la plaine se réfugient dans les 
lieux élevés qui sont à l'abri de ces inconvénients. 

Reste pour les montagnes la question de la densité et de 
la composition de l'air atmosphérique. Tout nous porte à 
croire que sous ce rapport les plantes sont moins délicates 
que nous, et que leurs fonctions respiratoires peuvent avoir 
lieu dans un air déjà fortement raréfié. Or, l'homme et les 
animaux peuvent vivre partout et sous toutes les latitudes , 
au-dessus de la limite des neiges estivales qui opposent une 
barrière aux végétaux , nous devons donc supposer que sur 
aucune partie de la terre, accessible aux plantes , l'air ne 
peut être assez rare pour avoir une action quelconque sur 
leurs fonctions, ce qui réduit l'influence physiologique de 
l'altitude à des actions de température, de lumière et d’hu- 
midité. 

La composition de l’air ne varie pas sensiblement non 
plus avec l'élévation. Les très-petites différences entre les 
proportions d’azote et d'oxygène sont insignifiantes. Celles 
de l’acide carbonique et de l’ammoniaque pourraient plutôt 
avoir un résultat , mais ce sont encore des différences entre 
des millièmes ou des millionièmes. Resterait-il une action 


118 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


tout-à-fait inconnue de la part de l'ozone, cet oxygène élec- 
trisé qui peut être plus abondant dans les hautes régions et 
auquel nous pouvons supposer une part quelconque, mais 
complétement inconnue dans l'acte de la végétation ? 


Ç 2. DE L'INFLUENCE DES ANIMAUX ET DE L'HOMME 
SUR LA DISPERSION. 


Lorsque l’on donne quelque attention aux phénomènes 
qui se passent sur la terre , on s'aperçoit bientôt que tout 
est lié, et que souvent les causes les plus différentes 
concourent au même but. On remarque, en effet, dans la 
dissémination et dans l'extension des espèces, des influences 
éloignées qui cependant se rattachent au plan général de la 
nature et prouvent l’admirable sagesse de son auteur. 

Les animaux peuvent être considérés comme des propa- 
gateurs nombreux des espèces végétales, comme des cour- 
riers chargés de porter leurs graines à de grandes distances 
et de les propager partout où leurs conditions d'existence 
peuvent se rencontrer. 

La conformation des graines ou de leurs enveloppes est 
souvent adaptée à ce genre de transport. Ainsi plusieurs 
d’entr’elles ont des crochets , des poils recourbés, de petits 
appendices qui les font adhérer au poil des animaux et qui 
leur permettent ainsi de voyager très-loin et d'étendre leur 
aire d'expansion. 

Il ne faudrait pas cependant attacher trop d'importance 
à ce genre de transport, car les obstacles qui arrêtent les 
migrations des plantes sont presque toujours suffisants pour 
s'opposer aussi au passage des animafx qui emporteraient 
leurs graines. 


il n’en est plus de même quand il s’agit d'animaux ailés. 


INFLUENCE DES ANIMAUX ET DE L'HOMME. 119 


Ceux-ci traversent de larges rivières et quelquefois des bras 
de mer. Ils peuvent passer par-dessus de hautes chaînes de 
montagnes et changer avec facilité de bassins hydrogra- 
phiques. 

Les oiseaux et les insectes sont les messagers dont nous 
voulons maintenant parler. Ces derniers ne peuvent guère 
entreprendre de longs trajets, mais comme plusieurs d’en- 
tr'eux sont aquatiques , nagent et s’agitent dans les eaux 
pour en sortir le soir et voler dans le sein de l'atmosphère, 
on conçoit qu'ils peuvent emporter, adhérents à leurs pattes 
épineuses , à leurs crochets , aux divers appendices dont leur 
corps est armé, et souvent même collés à leur abdomen, soit 
des graines de plantes, soit des œufs de poissons et de mol- 
lusques qui sont ainsi transportés d’un bassin dans un autre, 
et qui ne tardent pas à s’y propager. 

Les oiseaux et surtout les palmipèdes qui s’envolent avec 
leurs pattes boueuses, entraînent certainement aussi de 
nombreux germes organiques , et l’on ne peut guère expli- 
quer d'une autre manière la présence des mêmes espèces de 
plantes, de mollusques et de poissons, dans des bassins 
fermés, circonscrits de toutes parts , ou bien ouverts seu- 
lement dans l'eau salée , ce qui équivaut à un véritable 
isolement. | 

Du moment où les germes ne peuvent être emportés par 
le vent , ou propagés sur le sol de proche en proche, il faut 
accepter un moyen de transport naturel, et les animaux 
s'occupent ici de la dissémination comme dans d’autres 
circonstances ils assurent la fécondation des espèces ou le 
croisement de leurs races. 

La classe si nombreuse et si variée des oiseaux est évi- 
demment celle qui contribue le plus puissamment à l’expan- 
sion géographique des espèces , car non-seulement ces ani- 


420 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


maux peuvent transporter les germes adhérents à leurs pattes 
ou à leurs plumes , mais ils peuvent encore les ingérer et les 
rendre intacts à de grandes distances. 

Les graines de la plupart des plantes ne perdent pas leurs 
propriétés germinatives pour rester quelques jours dans les 
organes digestifs des oiseaux ; au contraire , elles n’en pous- 
sent que mieux. Leurs enveloppes coriaces ou osseuses sont 
ramollies, la graine est entourée d’un engrais très-actif, ou , 
comme disent les agrieulteurs , pralinée naturellement. On 
peut même citer des plantes qui ne peuvent se reproduire 
d’une autre manière. L'exemple du guy, aux graines 
pesantes et charnues, est connu de tout le monde, et comme 
cette plante est parasite, elle ne pourrait jamais se semer 
sur les arbres si les oiseaux ne l’y portaient pas. Nous voyons 
tous les jours des groseillers, des aubépins , des douce- 
amères qui naissent et se développent sur les têtes des vieux 
saules où certainement leurs graines ont été semées par les 
oiseaux. 

Ces moyens de dissémination que nous attribuons aux 
oiseaux ont une si grande importance, que nous n'hésitons 
pas à dire que c’est à leurs voyages que sont dus les princi- 
paux phénomènes de dispersion des végétaux ; sans eux des 
espèces périraient, de même qne sans les insectes plusieurs 
plantes ne seraient pas fécondées. 

On sait avec quelle extrême rapidité certains oiseaux 
peuvent passer d’un point à un autre. Une graine plumeuse 
emportée par la plus violente tempête, ne peut Jamais être 
chassée avec une vitesse de plus de trente lieues à l'heure ; 
il est des oiseaux qui peuvent faire ce trajet en moins d’une 
demi-heure. Ce sont donc des messagers plus rapides que 
le vent. 


La plupart des oiseaux qui , en dehors de la zone torride 


INFLUENCE DES ANIMAUX ET DE L'HOMME. 121 


et des contrées chaudes des zones tempérées , se nourris- 
sent d'insectes et de graines , sont forcés, pour vivre, d’effec- 
tuer chaque année de lointaines migrations. Ils opèrent ces 
voyages avec rapidité, passant sans difficulté au-dessus des 
montagnes les plus élevées , où les neiges et les champs de 
glace sont des obstacles insurmontables à l'expansion de 
proche en proche. Ils traversent des bras de mer très-éten- 
dus, et profitent des îles comme de relais, où les germes 
déposés peuvent prospérer, être repris plus tard et entraînés 
plus loin. 

Tandis que les vents, régnant pendant les diverses sai- 
sons de l’année, portent les semences des plantes dans cer- 
taines directions qui sont généralement les mêmes, les oi- 
seaux , au contraire, les transportent sur des lignes opposées, 
car, dans leurs migrations, ils marchent presque toujours en 
remontant les courants aériens. Atteints en automne par les 
vents chauds du sud , qui viennent dans la région polaire 
remplacer la masse d’air contractée par le froid , ils s’avan- 
cent dans la direction de ces courants attiédis, et transpor- 
tent vers de plus basses latitudes les productions du pays 
qu'ils habitaient. 

Frappés au printemps par les vents du nord , qui rayon- 
nent du pôle quand le soleil revient en dilater l’atmosphère , 
ils se rappellent leur séjour de prédilection , et, suivant la 
zone qui leur apporte la fraicheur , ils retournent dans leur 
première patrie, emportant les graines des lieux où ils ont 
_ passé leur exil. C’est ainsi par ces voyages continuels que les 
échanges s’opèrent entre les îles et les continents, entre les 
plaines et les montagnes , entre les régions du nord et les 
contrées du midi, et si l’on se rappelle que le temps qui 
nous manque est constamment à la disposition de la nature, 
et qu'une seule graine peut couvrir la terre de ses généra- 


122 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


tions , on sera convaincu de l’importance des animaux dans 
la distribution géographique du règne végétal. 

Ce que nous venons de dire des animaux , relativement à 
la dissémination, peut à plus forte raison s'appliquer à 
l'homme, qui par ses moyens de transport et par l'échange 
contiouel d’un lieu à un autre des produits de la terre , a 
contribué à déplacer les espèces et à multiplier leurs centres 
secondaires de développement. 

L'homme entraîne à sa suite une foule de semences qui 
se rencontrent dans les marchandises qu’il transmet , dans 
les céréales qu'il exporte, et dans toutes les graines qu'il 
recueille et qu’il envoie au loin dans ses colonies. C’est 
ainsi qu'un grand nombre d'espèces existent aujourd’hui 
sur plusieurs continents à la fois, et que des plantes exotiques 
sont devenues si communes dans nos contrées que nous ac- 
ceptons difficilement qu’elles ne soient pas indigènes. Il est 
des îles, comme les Canaries, où une partie de la flore provient 
de climats lointains et de germes apportés par les hommes. 

Nous ne connaissons pas plus aujourd'hui la véritable pa- 
trie du coquelicot et du bleuet , que celle du blé au milieu du- 
quel ces plantes se développent sur une vaste étendue de pays. 

Un ancien auteur anglais, Josselyn, a fait un catalogue 
de plantes qui, de son temps, croissaient dans la colonie 
depuis que les Anglais avaient élevé du bétail dans la Nou- 
velle-Angleterre. Elles étaient au nombre de 22. L’ortie 
commune fut la première que les colons remarquèrent ; et 
les Indiens donnèrent au plantain le nom de pied d’anglais, 
comme s’il croissait sous les pas de ceux-ci (1). 


(4) Fait cité par M. Lyell, dans ses Éléments de géologie. I] ne dit pas 
le nom de l'espèce d’ortie ni de plantain. Nous devons supposer qu'il veut 
parler de lurtica urens et du plantago major. 


INFLUENCE DES CAUSES “GÉOL OGIQUES. 193 


Il y a en effet des plantes qui suivent l’homme avec une 
telle persévérance qu'elles ne le quittent pas , et indiquent 
sinon sa présence au moins son ancien Séjour. 

Dans une des îles les plus australes de la mer du Sud 
(à Lord anckland’s Island ), on a trouvé sur un seul point 
le mouron ordinaire, stellaria media , croissant avec le poa 
annua , sur la terre qui couvrait la tombe d’un Français. 

Nous pourrions citer un bien grand nombre d’exemples 
analogues ,* mais 1l nous suffit de mentionner cette influence 
de l’homme sans chercher à reproduire des détails que l’on 
trouve en abondance dans la plupart des écrits des botamistes, 
ou sur lesquels nous serions par la suite obligé de revenir. 


CHAPITRE VII. 


DE L'INFLUENCE DES CAUSES GÉOLOGIQUES SUR LA DISPERSION 
DES ESPÈCES. — INFLUENCE DE LA NATURE DU SOL. — DES 
STATIONS. 


$ 1. INFLUENCE DES CAUSES GÉOLOGIQUES. 


Les causes géologiques déjà pressenties par l’illustre de 
Candolle ont été nettement formulées par M. Forbes, et 
l’on se demande si réellement elles peuvent être acceptées 
dans des discussions sur l'expansion géographique des es- 
pèces. 

Si, dans ce genre de recherches, on restait dans l'époque 
géologique actuelle dont la longueur est excessive, on ne 
pourrait guère contester l'influence qu’elle peut avoir exercée 
dans certains cas de dispersion ; mais une période géologique 


124 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


n'est autre chose qu'une série plus ou moins considérable de 
siècles qui n’ont été marqués par aucun événement considé- 
rable, et des causes de dispersion purement géologiques doi- 
vent remonter plus haut.On doit rechercher, ce qui est aujour- 
d’hui très-contesté, si les mêmes espèces ont pu passer d’une 
époque à une autre, et cette question nous mène à d’autres 
plus difficiles encore, celles de {a modification ou de la perma- 
nence des espèces , de la création primitive ou des créations 
successives au commencement de chacune de ces périodes. 

On conçoit combien la solution de ces questions aurait 
d'importance pour le sujet qui nous occupe, et l'on voit en 
même temps qu'il n'appartient pas à notre intelligence de 
les résoudre. Examinons donc quelques-uns des changements 
que notre planète a subis , et nous verrons ensuite si nous 
pouvons accepter cette théorie hardie de la persévérance 
des espèces à travers les temps géologiques. 

Notre époque très-prolongée , période de stabilité appa- 
rente, ne nous offre qu'un petit nombre de ces grands phé- 
nomènes qui, dans des temps plus reculés, ont bouleversé 
toute l'écorce du globe. Des éruptions volcaniques, des trem- 
blements de terre, les soulèvements partiels de quelques 
îles, les oscillations de parties peu étendues des continents : 
l’ancienne extension des glaciers et de partielles inondations, 
voilà à quoi se réduisent les changements que nous pouvons 
appeler contemporains. 

Ils ont certainement une grande importance en géographie 
botanique. Ils peuvent changer quelques niveaux , opérer 
des destructions locales, nous permettre d’étudier l’envahis- 
sement , par la végétation , de terres nouvelles et dénudées, 
voilà à quoi peuvent se borner les modifications actuelles. 
Nous avons étudié la plupart de ces effets, nous reviendrons 
par la suite sur plusieurs d’entr’eux. 


INFLUENCE DES CAUSES GÉOLOGIQUES. 125 


Il se peut , il est vrai, que dans les temps modernes des 
îles comme l'Angleterre aient été détachées du continent et 
que le même fait se soit reproduit sur plusieurs points du 
globe; mais si de l’époque actuelle nous passons aux diverses 
périodes pendant lesquelles les terrains tertiaires se sont 
déposés, nous trouvons déjà de grandes différences dans le 
climat et dans la configuration du sol. 

C'était l’époque des grands lacs qui couvraient d'immenses 
étendues de pays et qui , sur le plateau central entr'autres, 
ont laissé des traces nombreuses de leur existence. 

Serait-ce alors que des bassins aujourd’hui distincts au- 
raient été peuplés des mêmes plantes et des mêmes ani- 
maux ? 

Comment , par exemple, dit de Candolle : « l’Aldrovanda 
peut-il se trouver dans le bassin du Pô et dans celui du Rhône? 
Si ces faits étaient rares on pourrait admettre quelques 
causes accidentelles; mais les plantes aquatiques qui, moins 
que toutes les autres, peuvent être transportées par le vent, 
l’homme ou les animaux , sont la plupart dispersées dans 
diverses régions ; ce fait ne serait-il pas une conséquence et 
une preuve nouvelle des inondations ou déluges qui, en re- 
couvrant d’eau une partie quelconque des terres, ont pu jadis 
transporter et déposer çà et là les graines des plantes aquati- 
ques ? Il est difficile de comprendre autrement l'existence 
des poissons et autres animaux d’eau douce dans des lacs 
privés de toute communication entr’eux, et la même expli- 
cation , en s'appliquant aux deux règnes organisés , devient 
plus probable pour l’un et pour l’autre et moins gigantes- 
que relativement au fait spécial auquel je l'avais d’abord 


appliquée (1). » 


(4) P. de Candolle , art. géographie botanique du Diet. des sciences nat. 


126 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


Cette opinion de l’illustre botaniste peut s'appliquer à 
l’époque tertiaire plus qu’à la période actuelle, et la diffé- 
rence qui doit exister entre le climat d’alors et celui d’au- 
jourd’hui n’est pas une preuve de la destruction complète de 
toute une génération qui aurait été remplacée par une 
autre. 

Si, comme le pensent des naturalistes d’un profond savoir, 
tous les mollusques et même tous les animaux ont été com- 
plétement anéantis à chaque révolution du globe, ce ne 
serait pas encore une raison de croire qu'aucune espèce végé- 
tale n’ait pu résister soit à la secousse soit au changement de 
climat, et d’ailleurs ceux qui n’admettent pas une création 
nouvelle après chacun de ces grands cataclysmes qui ont sé- 
paré ces époques géologiques, regardent comme très-proba- 
ble que les espèces se sont modifiées en raison des milieux 
ambiants; celles que nous avons aujourd'hui pourraient 
donc dériver de races plus anciennes. 

Toutefois nous n’abordons pas ici cette question, et 
tout en restant dans les limites d’un doute que notre igno- 
rance rend très-légitime , nous pensons que des espèces vé- 
gétales ont pu , sans modifications bien sensibles , traverser 
la longue série des temps qui nous séparent de la période 
tertiaire. 

Nous pourrions pousser plus loin les suppositions et 
admettre aussi qu’un nombre moins considérable d'espèces 
date de périodes de plus en plus anciennes , mais aucune 
preuve ne peut jusqu'à ce jour appuyer ces prévisions ; 
aucun fossile des terrains secondaires ne peut être regardé 
comme identique aux espèces aujourd’hui vivantes sur aucun 
point du globe. | 

A plus forte raison ne pouvons-nous pas considérer les 
anciennes îles primitives qui formaient autrefois l'Archipel 


INFLUENCE DES CAUSES GÉOLOGIQUES. ir | 


européen, comme nous ayant transmis sans modifications les 
végétaux qui croissaient nécessairement à leur surface. Ou 
les espèces se sont modifiées et ne sont plus les mêmes, 
ou bien des créations entièrement nouvelles les ont rem- 
placées. 

En revenant à notre période actuelle, ou du moins en 
ne reculant pas au-delà de l'époque tertiaire, nous trou- 
vons la théorie de de Candolle, sur la dispersion des espèces 
aquatiques , confirmée par ce qui s'est passé et se passe 
encore dans les Caspiennes et les grands lacs. 

Bien plus étendus autrefois que de nos jours, ces grands 
amas d’eau diminuent par l’évaporation , et souvent ils 
laissent sur leurs bords des lacs moins considérables , que 
l’évaporation toujours active finit par séparer et par élor- 
gner successivement. Or, ces divers bassins sont peuplés des 
mêmes êtres vivants qui se sont réfugiés dans les bas-fonds, 
en abandonnant la surface où l’eau manquait et découvrait 
un rivage. Les mollusques, les poissons, les plantes de la 
mer Caspienne, ont dû lui être communs avec ceux de la 
mer Noire, alors que ces deux grands amas d’eau ne for- 
maient qu'une seule nappe plus étendue. 

Ce sont surtout les soulèvements continentaux des temps 
actuels et de l’époque tertiaire qui ont été invoqués comme 
pouvant avoir facihté les colonisations végétales. En effet, 
ces grands mouvements oscillatoires dont la durée a été très- 
longue, peuvent avoir émergé des terrains qui sont aujour- 
d’hui ensevelis sous les eaux, et avoir ainsi fourni aux espèces 
terrestres des moyens temporaires de traverser de grands 
espaces. Des submersions ultérieures, en isolant des centres 
autrefois réunis, auraient laissé comme une énigme des es- 
pèces que l’on n'aurait plus retrouvées qu’à de grandes dis- 
tances et isolées les unes des autres par de puissants obstacles 


128 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


qui n'auraient pas toujours existé. M. Forbes a appliqué 
cette manière de voir à la colonisation des Iles britanniques. 

Nous ne nions pas la possibilité de telles migrations, 
mais 1l nous semble qu’elles peuvent s'opérer aussi sans les 
événements géologiques que nous avons supposés. Le trans- 
port des germes par eau , par les courants et par les glaces 
flottantes , peut être considéré comme cause active de dis- 
persion , et il se peut que bon nombre d’espèces aient em- 
ployé ce moyen pour opérer leurs voyages. 

On ne peut soutenir que toutes les îles aient été préalable- 
ment liées à des continents. La plupart ont même été certaine- 
ment de tout temps isolées ; mais si l’on compare leur flore 
à celle des terres continentales qui en sont le plus voisines, 
on trouve en général des rapports d'autant plus grands que 
ces iles en sont plus rapprochées. La nature a donc employé 
des moyens de dispersion pour peupler ces terres quand elles 
ont émergé, et si elle n’en a pas fait souvent des centres 
de création, elle a permis du moins aux terres voisines d’y 
envoyer leurs propres végétaux. Tous, à la vérité, n’y sont 
pas arrivés par la voie de mer; tout nous porte à croire 
cependant que plusieurs d’entr’eux se sont abandonnés aux 
courants et sont venus échouer sur des côtes où ils ont 
prospéré. 

On a objecté à ces transports par eau l’action corrosive 
de l’eau salée qui peut anéantir les germes et qui ne jette- 
rait souvent sur les côtes que des graines infertiles. Cela 
peut être; mais qu'une seule , apportée plus rapidement ou 
préservée par une cause quelconque, vienne à se développer, 
et la colonie est immédiatement fondée. 

Si l'on voulait adopter la modification des espèces et faire 
dériver directement la végétation actuelle des espèces pri- 
mitives qui les premières auraient peuplé une localité, la 


INFLUENCE DE LA NATURE DU SOL. 199 


navigation maritime des graines à une époque reculée serait 
plus facile à expliquer. 

La salure des mers ne paraît pas avoir été constamment 
la même ; ce n’est guère qu'à l’époque tertiaire que l’on 
commence à distinguer nettement les terrains d’origine ma- 
rine de ceux qui se sont déposés dans les eaux douces. 
Jusque-là, à quelques exceptions près, comme l'étage Wéal- 
dien, tout parait confondu , et si la salure de l'Océan est 
due, comme tout porte à le penser, à la distillation et à la 
concentration plus que séculaire des eaux de cet immense 
bassin, il faut bien convenir que les matières étrangères et 
solubles que les fleuves y versent constamment par leurs huit 
cents ouvertures, ont augmenté la proportion des principes 
salins depuis la création des premiers terrains. En sorte 
que l’uniformité des créations primitives, motivée sans 
doute par des conditions analogues , sur de très-grands 
espaces, trouvait encore dans la composition générale des 
eaux, une cause d'extension et d'unité. 


$ 2. INFLUENCE DE LA NATURE DU SOL. 


On pourrait à la rigueur partager toutes les causes qui 
peuvent agir sur la dispersion des espèces en deux grandes 
séries : celles qui dépendent de l’atmosphère, comprenant 
sa composition, son humidité, sa température, etc., et 
celles qui sont inhérentes au sol, telles que sa composition 
chimique , son état physique, sa perméabilité, etc. 

Nous avons étudié la première série de ces influences, 
nous aurons souvent à les rappeler : nous reviendrons aussi 
sur la seconde division que nous venons d'établir, mais nous 
devons, avant de parler des stations, indiquer la part que 


le sol lui-même peut avoir dans leur détermination. 
9 


130 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


Au point de vue chimique, le sol est généralement formé 
de calcaire ou de silice, et souvent il contient les deux élé- 
ments réunis. Il offre aussi des matières salines qui parais- 
sent avoir une action marquée sur les plantes. 

Les diverses espèces de terrains présentent , dans leur 
compacité , des caractères bien différents. Ils peuvent absor- 
ber l’eau plus ou moins facilement. Les plus imperméables 
paraissent être les granites, les diorites, les gneiss, et 
même les micaschistes. On reconnait ces terrains, les pre- 
miers surtout, à l'énorme quantité de petits ruisseaux qui 
les parcourent, et à la multitude de petites vallées dont ils 
sont sillonnés. Dans le fond de ces vallées seulement existe 
un peu de sable, et c’est là que se développe principale- 
ment le tapis végétal. L'imperméabilité du sol et sa compa- 
cité dans les lieux où la roche ne se décompose pas, élot- 
gnent une foule de végétaux qui ont besoin d’une terre di- 
visée pour implanter leurs racines. 

Les calcaires Oolitiques offrent des caractères très-diffé- 
rents. Brisés dans tous les sens, fracturés de mille manières, 
l’eau pluviale s'infiltre entre leurs fragments comme dans 
un sable grossier, et ils constituent des plateaux d’une 
extrême aridité ; les plantes qui y végètent peuvent à peine 
profiter des pluies du ciel. 

Il n'y a que les sables qui soient plus absorbants que les 
Oolites, et la facilité que trouvent les plantes à y insérer leurs 
racines , est la cause de la multitude des espèces que l’on 
y rencontre, quand toutefois ils sont baignés par des eaux 
courantes. 

Si nous avons dans les sables siliceux et dans les 
Oolites le maximum de pénétration de l’eau, nous trouvons : 
l'inverse dans les terrains argileux et notamment dans le 
Lias qui, souvent formé de couches superposées de calcaire 


INFLUENCE DE LA NATURE DU SOL. 131 


compacte et de marnes argileuses, refuse absolument toute 
pénétration. À peine un orage a-t-il éclaté, que l’inondation 
survient dans ces terrains, à tel point que les ingénieurs 
sont obligés de tenir compte de la nature du sol quand ils 
établissent sur les routes les ponts destinés à livrer passage 
aux eaux d'écoulement. Malgré la pente énorme de la plu- 
part des vallées granitiques, les ponts de M. Belgrand (1) 
n'ont pas moins de 0%, 50 de surface de débouché par 
kilom. carré de versants ; dans le Lias le débouché est de 
4m, 50, tandis que dans l'Oolite inférieure il suffit de 
Où, 05 pour la même étendue de surface. 

Chaque espèce se comporte relativement à l’eau comme 
elle le fait en présence de la chaleur, c’est-à-dire que si 
l'on peut regarder chaque plante comme un thermomètre 
dont le 0 serait placé à une hauteur déterminée et constante 
pour chacune d'elles, on peut aussi les considérer comme 
ayant une prédilection plus ou moins grande pour l’eau. 
Chaque espèce en exige une quantité à peu près fixe, selon 
ses besoins, mais le besoin est différent pour chacune 
d'elles. 

L'action de l’eau sur les plantes est doncun des éléments 
les plus importants de la station ; souvent même elle la dé- 
termine, et, dans l'examen des causes qui facilitent l’exten- 
sion des espèces, où qui en resserrent les individus dans 
certaines limites, c’est peut-être à l’eau qu'il faut donner 
le plus d'attention. 

On peut toutefois décomposer son influence en deux par- 
ties , celle qui résulte de l’eau imbibée ou eau du sol, et 
celle qui provient de la pluie. 


(1) Bulletin de la soc. géol. de France, 2e série, t. 9, p. 46, sur la 
carte agronomique de l'arrondissement d’Avallon. 


132 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


La première de ces influences est sans contredit la plus 
marquée, et c'est elle qui donne au sol physique l’action 
qu'on lui attribue avec raison sur la dispersion des espèces. 

Perméable ou imperméable à l’eau , ce sont deux cireons- 
tances qui font une station entièrement différente pour les 
végétaux , et qui peuvent même rendre les espèces , dans 
certains cas , indépendantes du sol chimique. 

On conçoit que les divers degrés de perméabilité du sol 
puissent aussi se combiner avec les quantités variables d’eau 
qui lui sont fournies, et surtout avec l’inclinaison des terrains 
qui permet à l’eau de séjourner, ou qui la renvoie et l’oblige 
à se renouveler. 

D'autres plantes ne tiennent pas à vivre le pied dans l’eau, 
mais restent en souffrance si elles ne reçoivent pas fréquem- 
ment l’eau du ciel sous forme de pluies, de neige, de 
nuages, de rosée ou de brouillards ; aussi la plupart de ces 
végétaux recherchent les pays du Nord , ou bien ils se reti- 
rent sur le sommet des montagnes où ils trouvent toutes ces 
conditions. 

Les sels et surtout l’ammoniaque que contiennent les eaux 
de pluie, expliquent cette différence d’action et cette prédi- 
lection de certaines espèces pour l’eau du ciel au moment 
où elle tombe sur la terre. 

Enfin il est facile de prévoir , aussi bien pour l'eau des 
sources que pour celle des pluies , les changements que peu- 
vent apporter, dans la végétation , les matières salines ou 
organiques, et les gaz qui peuvent être contenus dans les 
eaux. 

Le sol, considéré au point de vue de l'humidité ou de la 
perméabilité , a de très-grands rapports avec sa composition 
chimique. La plupart des sols siliceux sont sablonneux et très- 
perméables, tandis que les terres calcaires et argileuses re- 


INFLUENCE DE La NATURE DU SOL. 133 


tiennent l’eau pendant longtemps et s'opposent même à sa 
filtration. 

On pourrait donc considérer à tort une espèce comme 
propre aux sols siliceux , par exemple, et attribuer à la terre 
une influence chimique, tandis que le sol siliceux agirait seu- 
lement en laissant filtrer les eaux dont la trop grande quan- 
tité serait nuisible à la plante. 

Mais si cette plante se trouvait transportée dans un climat 
où il pleut moins souvent et où le sol est naturellement plus 
sec, elle se contenterait vraisemblablement d'un terrain 
moins sablonneux, et si enfin elle se retrouvait à une grande 
distance sous un climat plus sec encore, peut-être finirait- 
elle par accepter un terrain calcaire ou argileux. Ce sont 
des observations que l’on peut suivre principalement sur les 
plantes cultivées, et qui vous conduisent toutes à accorder 
dans la station une grande prépondérance à l'humidité , et, 
par suite, au degré de perméabilité du sol. 

C’est en partie à des considérations de ce genre qu'il faut 
attribuer la diversité des stations, pour une même espèce , 
dans des contrées très-différentes. Aussi beaucoup de plantes, 
qui, sur notre plateau central , affectionnent des terrains 
particuliers et ne s'en éloignent pas, croissent ailleurs sur 
des sols qui ne sont plus de même nature; et si au lieu 
d'envisager les espèces de notre flore, relativement au pla- 
teau central, nous les considérions dans l’ensemble de leur 
aire d'extension en Europe ou dans les autres parties du 
monde , nous serions obligé d'étendre considérablement les 
listes que nous donnerons plus loin sous le titre d’Indiffé- 
rentes. 


134 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 
$ 3. DES STATIONS. 


La station est le résumé de toutes les causes agissantes 
que nous venons de passer en revue. Elle peut être aussi va- 
riée que ces causes le sont elles-mêmes, et de cet ensemble 
de conditions réunies dépend souvent le plus ou moins d'ex- 
tension que peut prendre l'aire d’une espèce. 

Nous devons par conséquent nous attendre à voir le tapis 
végétal se modifier suivant ces influences , et les-plantes se 
grouper par compagnies, selon leurs tendances, leurs mœurs, 
leurs habitudes, et donner naissance à des associations par- 
ticulières. La station représentant l’ensemble des caractères 
et des conditions vitales que donne une localité, elle ac- 
cepte certains végétaux et repousse les autres. La réunion 
de toutes les espèces d'une même station constitue une asso- 
ciation végétale. Aussi la détermination exacte des stations 
et l'étude détaillée des plantes qui les habitent , est le seul 
moyen d'arriver à des conséquences , à des comparaisons et 
à des rapports, relativement aux végétaux d’une contrée plus 
ou moins étendue que l’on veut étudier. 

Il ya de grandes difficultés à déterminer les stations et à 
les définir, mais ici il n’est pas nécessaire de sortir du lan- 
gage ordinaire , et les stations doivent être indiquées assez 
clairement pour que chacun les reconnaisse. Il est bien vrai 
qu'il n’y a rien de précis dans nos déterminations , qui tan- 
tôt sont tirées du sol , tantôt des associations elles-mêmes, 
mais c’est le seul moyen que nous ayons de présenter un ta- 
bleau de la végétation, et nous reviendrons ensuite sur quel- 
ques conséquences qui en découleront tout naturellement. 

Il serait à désirer que l’on pût parvenir à exprimer les 
stations par des formules qui ne pourraient avoir, il est vrai, 
dans l’état actuel de nos connaissances , un grand degré de 


DES STATIONS. 135 
précision , mais qui indiqueraient néanmoins suffisamment 
les principales conditions qu’elles remplissent. 

Il s'agirait d’avoir des signes invariables qui représente- 
raient chacun un des éléments de la question, et une série 
d’'exposants que l’on placerait à la droite des signes pour en 
exprimer la valeur. 

Les principales conditions biologiques de l'existence des 
plantes étant dépendantes de la latitude et de l'altitude , de 
la température, de la lumière, de l'humidité, du sol et de 
la quantité d’eau dont il est imprégné , on pourrait à la ri- 
gueur caractériser une station par une formule, telle par 
exemple que la suivante : 


Latitude, 45 N.; altitude, 1200 ; température + ®%; eau 
hygroscopique ; sol calcaire; division? ; eau# ; lumuëre!0. 


Ou si on voulait représenter cette formule sous une forme 
plus algébrique , on pourrait la figurer : 


Le noel SE En pit 
ME S calc.: D? aq.# A Ce 


On placerait en haut les conditions dépendantes de l’at- 
mosphère : température moyenne (T) + 9°, lumière (L) 10, 
c’est-à-dire le maximum ; eau hygroscopique (H) 5. Au- 
dessous on indiquerait la nature du sol (S) ; sol calcaire, 
degré de division (D) 2, c'est-à-dire assez compacte ; aq. ou 
eau #, c’est-à-dire sol humide. L’altitude exprimée en mètres 
compléterait cette formule. 

On conçoit qu'il serait facile de la développer davantage 
et d’y insérer des causes secondaires, comme l'exposition, 
l’état électrique de l’air, la décomposition de la température 


136 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


annuelle en température d’été et d'hiver, d'indiquer si l’eau 
qui imbibe le sol est stagnante ou courante, si elle provient 
de sources ou de glaciers. 

Nous n'avons pas encore d'observations assez précises et 
surtout assez nombreuses pour employer ces formules , et 
nous nous servirons , pour désigner nos stations, des dénomi- 
nations les plus vulgaires ; mais nous espérons que les bota- 
nistes cesseront un jour de considérer l'espèce comme un 
chiffre ou une forme dans la création , et qu'ils chercheront 
au delà, dans ses conditions biologiques, des rapports et 
des aperçus philosophiques du plus haut intérêt. 

On pourrait encore ajouter à la formule le degré de dis- 
persion de l'espèce dans la station , mais alors elle se com- 
pliquerait. Cependant , dans une flore locale , elle pourrait 
suivre la description de l'espèce, et donner ainsi des indi- 
cations d’une grande importance. 

L'expression de toutes ces conditions en formules, per- 
mettrait de les varier à l'infini, de les combiner comme 
elles le sont si souvent dans la nature, et d’exprimer la part 
approximative que chaque élément apporte dans la station 
de prédilection de chaque espèce. 

Les chiffres ont l'avantage d’être concis et de présenter 
à l'esprit quelque chose de positif, mais, tout en acceptant 
leurs avantages, nous y trouvons aussi des inconvénients pour 
exprimer des choses qui, dans la nature, sont loin d’avoir 
leur précision, et nous ne voudrions voir adopter les formules 
que comme une sorte de résumé de considérations plus lon- 
guement exprimées dans notre langue ordinaire. 

Nous conserverons les anciennes dénominations de stations 
des forêts , des prairies, des marais, des champs, etc., qui 
pour nos contrées indiquent suffisamment les lieux de prédi- 
lection des espèces européennes. Au reste, dans tous les 


DES STATIONS. 137 


pays situés sous une même latitude et dans des conditions 
analogues , c’est la diversité des sites ou les stations qui dé- 
terminent la variété dans le tapis végétal. Quand les sites 
sont identiques, quelques plantes sociales vigoureuses s’en 
emparent et la flore d’une vaste contrée peut être très- 
pauvre par cette raison. Telles sont les causes de la richesse 
que nous montre le plateau central de la France , tel est le 
motif de la monotonie d’une grande partie des montagnes 
de l'Himalaya, où, selon Jacquemont, tous les sites se res- 
semblent. 

Nous avons déjà dit, en parlant des associations , que le 
caractère du paysage est souvent fourni , non par la variété 
et le nombre des espèces, mais par la prédominance de 
quelques -unes d’entr’eiles. C'est encore en examinant sé- 
parément les stations que nous pourrons faire ressortir l’im- 
portance de cette observation , et de même qu'il y a de 
grandes différences dans le degré de rareté des espèces de la 
flore, il en existe de plus considérables encore dans la pro- 
portion des individus de telle ou telle espèce. 

On a coutume d'indiquer la rareté ou la fréquence de 
l'espèce , par les signes ordinaires qui sont très-intelligibles 
etqui sont généralement adoptés. 

RRR excessivement rare. — RR très-rare. — R rare. — 
AR assez rare. — AC assez commun. — C commun. — 
CC très-commun, -— CCC excessivement commun. 

Quant à la rareté ou à la fréquence des individus , nous 
avons pensé qu'il est indispensable de pouvoir l'indiquer 
aussi, de manière à donner une idée aussi nette que possible 
de l’aspect que , sous ce rapport, chaque espèce imprime à 
la végétation. 

Dès 1835 , nous avons déjà donné , dans l'ouvrage que 
nous avons publié sur le Groupe des monts Dores, quelques 


138 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


considérations sur l'importance que nous attachons à ex- 
primer la valeur des espèces dominantes et caractéristiques 
des associations. 

Plus tard, en 18#%, nous sommes revenu avec plus de 
détail sur cette notation dans notre flore des prairies, dont 
nous reproduisons ici quelques lignes qui ont un rapport di- 
rect avec le sujet que nous traitons aujourd’hui. 

« Il ne suffit pas, disions-nous alors, pour apprécier la 
nature d’une prairie, d'en connaître isolément chaque élé- 
ment, il faut encore savoir quel est le mode d’association 
de ces éléments dans les différents sols. Il n’existe qu'un 
moyen de reconnaître les espèces qui composent une asso- 
ciation , c’est d’en faire l'analyse et de déterminer ensuite 
chacune des espèces qui la composent ; mais, pour pouvoir 
exprimer aussi brièvement que possible la proportion des 
espèces ou le nombre des individus de même espèce qui 
occupent une même station, nous avons pris une série de 
chiffres depuis { jusqu’à 10, qui indiquent à peu près les 
rapports de quantité entre les espèces. Nous aurions pu 
prendre une série beaucoup plus étendue, mais les résultats 
n'en auraient pas été plus exacts , à cause de la difficulté 
d'apprécier la juste proportion de chaque plante. 

» Quand une espèce est en telle proportion qu’on peut la 
noter du chiffre 10, nous la nommons espèce dominante ; 
plusieurs plantes d’une même association peuvent être dans 
ce cas ou bien une seule. Nous nommons espèces essentielles, 
celles qui sont notées depuis le chiffre 9 jusqu'au chiffre 6, 
inclusivement ; espèces accessoires, celles dont la proportion 
est en rapport avec le chiffre 5 jusqu’au chiffre 3, inclusi- 
vement ; et enfin, espèces accidentelles , celles dont la pro- 
portion.est tellement petite qu'on ne peut les noter que des 
chiffres 1 et 2. Ce qui nous donne l’ordre suivant : 


DES STATIONS. 139 


Espèces dominantes... ....... |10 
9 
| : 8 
Espèces essentielles. . ....... 4 
6 
) 
Espèces accessoires... ....... 4 4 
3 
2 
Espèces accidentelles........ ; 


» Une fois les dénominations choisies, il est presque imutile 
de conserver les numéros, et il est très-facile de mettre de 
l'ordre dans les analyses les plus compliquées , de donner une 
idée de la végétation d’un lieu et même de l'aspect de son 
paysage. » 

Cette notation a été adoptée aussi par M. Thurmann , qui 
lui a ajouté dix expressions correspondantes dont 1l est quel- 
quefois difficile d'appliquer et de retenir la valeur. Nous 
avons préféré nous en tenir aux quatre épithètes : domi- 
nantes, essentielles, accessoires et accidentelles, dont il est 
plus facile de calculer la gradation et qui peuvent très-bien, | 
et sans confusion , se combiner avec les lettres indicatives 
dont nous avons donné la série un peu plus haut. 

Nous avons publié, en 1848, avec M. Lamotte, sous 
le titre de Catalogue raisonné des plantes vasculaires du 
plaleau central de la France, la liste nombreuse des espèces 
que nous avons pu recueillir dans cette vaste contrée. Nos 
observations nous permettent de reproduire un peu plus 
loin la série de toutes ces espèces rangées dans les stations 
qu'elles affectionnent , d'indiquer leur prédominance ou leur 
rareté , et de faire, autant que possible, aux plantes de notre 


140 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


flore l'application des préceptes que nous avons cherché à 
expliquer. 


CHAPITRE VIII. 


DE L'ESPÈCE ET DE SES MODIFICATIONS. 


Les études précédentes nous ont prouvé qu’une espèce 
une fois créée sur un point quelconque du globe, peut 
s'étendre , disséminer ses germes tout autour de son centre 
de création , et s’écarter successivement de ce centre en se 
propageant de proche en proche. Cette extension a lieu le 
plus ordinairement sans discontinuité, quelquelois cependant 
par des sauts brusques qui lui permettent de franchir d'assez 
grandes distances , et de se créer ainsi des centres secon- 
daires d’où elle rayonne de nouveau. 

Chaque espèce a donc une aire d'extension plus ou moins 
grande, et cette aire serait même indéfinie si des obstacles 
matériels , ou des conditions particulières, déterminées par 
les milieux ambiants , ne venaient l'arrêter dans certaines 
limites, en donnant le plus souvent à la surface d’expan- 
sion géographique des contours très-irréguliers. 

L'espèce partie d’un centre s'arrête à l'extrémité de 
rayons divergents de longueurs très-inégales. Elle est re- 
présentée par un nombre plus ou moins considérable d'in- 
dividus rayonnant de ce centre, et l’on pourrait graphique- 
ment la comparer à une étoile qui aurait de nombreuses 
ramifications. 

Nous n’avons pas à revenir ici sur les causes de la dis- 


DE L’ESPÈCE ET DE SES MODIFICATIONS. 141 


persion , c’est-à-dire de l’allongement de plusieurs rayons 
et de l’abréviation des autres , nous avons dit géographi- 
quement tout ce que nous connaissons de ses migrations et 
des causes qui les favorisent ou Îles arrêtent. 

Nous entrons maintenant dans un ordre d'idées tout 
différent, dans l'examen des modifications que peuvent 
subir les nombreux individus qui composent l'espèce. Ce 
ne sont plus les écarts géographiques en dehors de son 
centre de création que nous voulons envisager, mais les 
variations du type primitif. En un mot, l'espèce est-elle 
fixe, invariable, ou dans quelles limites ses variations peu- 
vent-elles avoir lieu dans ce cas , et quelles sont les causes 
qui les produisent ? 

Admettons que le centre de cette étoile qui représente 
l'espèce est composé d’un grand nombre d'individus , qui 
ont tous les mêmes caractères, et constituent le {ype-moyen ; 
puis examinons attentivement si tous les autres individus qui 
occupent l'aire d'extension de cette espèce sont identique- 
ment semblables au type. 

Évidemment nous arriverons à une conclusion négative. 
Il y aura des différences qui seront d’autant plus apprécia- 
bles, que l’expansion géographique sera plus large , et que 
les stations , ou l’ensemble des conditions biologiques de 
l'espèce , présenteront moins de ressemblances. 

En effet, que peut devenir une espèce, quand les milieux 
dans lesquels elle vit viennent à changer de nature, de 
température , de degré d'humidité ; viennent à varier pour 
la nature du sol, en un mot , deviennent dissemblables de 
ce qu'ils étaient auparavant. 

L'espèce , dans ce cas, ou plutôt les individus qui la 
composent , auront à choisir , ou de se plier, de se con- 
former, de s’habituer aux nouvelles conditions qui survien- 


142 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


nent , ou de s'étendre successivement au bout d’un certain 
temps , si les conditions nouvelles arrivent lentement , ou 
de périr tout à fait si elles surviennent tout à coup. 

Toutes les espèces qui ont vécu autrefois dans les temps 
géologiques, et qui sont maintenant complétement détruites, 
doivent-elles leur disparition à des changements dans leurs 
milieux , ou bien, comme le pensent des naturalistes très- 
distingués , l'espèce porte-t-elle, comme l'individu , un prin- 
cipe de vie et de mort, un commencement et une fin? Nous 
devons pencher pour cette dernière hypothèse , mais nous 
devons croire aussi que, pendant la très-longue durée de 
l'existence de l'espèce, elle peut dans certains cas ou périr 
de mort violente, ou vivre en s’écartant du type, en subis- 
sant pour ainsi dire des métamorphoses. 

Nous n'avons pas la prétention de résoudre ces hautes 
questions philosophiques ; notre but, dans cet article, est 
seulement d'examiner , à notre point de vue, le degré de 
permanence et d'invariabilité de l'espèce. 

Les noms d'espèces, de races, de variétés, de varia- 
tions, de sous-variélés qui, nous devons l'avouer, ne pré- 
sentent rien de bien défini, nous indiquent déjà qu'un type 
quelconque n'est pas invariable , et l'observation nous le 
démontre immédiatement. Non-seulement les espèces ne 
sont pas immuables, mais la variation, nom général que 
nous donnons à tous les écarts du type, se rencontre par- 
tout à des degrés plus ou moins marqués. 

Examinons-la sur les individus, sur l'espèce, et dans 
ce dernier cas nous aurons à étudier ses modifications par 
les gemmes , par les semences, par l'hybridation, par 
les conditions extérieures ou milieux ambiants, et par 
l'homme. 


DES VARIATIONS DE L’INDIVIDU. 143 


$ 1. DES VARIATIONS DE L'INDIVIDU. 


L'individu , dans son développement, n'offre qu’une 
longue série de variations et de changements dans la forme 
de ses organes ; les écrits de Wolf, ceux de Gœæthe et les 
admirables travaux de de Candolle ont mis depuis long- 
temps celte grande vérité hors de doute. La même plante 
donne des organes qui changent continuellement , qui gran- 
dissent et se déploient, se soudent ou se dédoublent et par- 
courent les phases d’une existence annuelle, en suivant le 
cours d’une longue habitude plus ou moins modifiée par les 
agents extérieurs. 

Si nous examinons successivement chacun des principaux 
organes d’un végétal, nous verrons que l'individu lui- 
même est vivement affecté par une foule de circonstances. 
La racine peu développée changera de forme selon le sol 
dans lequel elle sera implantée, et telle plante maigre 
et sèche, repiquée dans un bon terrain , laissera prendre 
à cet organe un accroissement qu'il n'aurait Jamais pu 
acquérir dans sa première condition. Une même plante, 
changée de sol plusieurs fois , témoignera, à chaque trans- 
plantation , l'impression produite sur ses racines par des 
changements qui se traduiront également sur sa physio- 
nomie tout entière. 

Les principes chimiques élaborés par cet organe subiront 
des altérations analogues, et l'influence du sol se fera vive- 
ment sentir sur les formes et les qualités d’un organe obligé 
de vivre sous sa dépendance. Il y aura donc, suivant l’ac- 
tion des circonstances extérieures, variation sur les racines 
d’une même plante. 

La tige subira nécessairement les mêmes influences; 
nous verrons celle-ci s’allonger presque indéfiniment si la 


144 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


plante, située dans un lieu obscur, a besoin d’air pour 
vivre, et dès que ce même individu sera transporté dans 
un lieu clair et aéré, sa tige cessera de s'allonger. Dans les 
plantes aquatiques obligées d'amener leurs feuilles et leurs 
fleurs à la surface de l’eau , l'allongement de la tige est su- 
bordonné à l'élévation du liquide contenu dans les rivières 
ou dans les bassins. Cette même tige qui resterait simple 
sous certaines conditions va se ramifier dans d’autres cir- 
constances, rester grêle ou grossir ; elle pourra donc, comme 
les racines, nous présenter de nombreuses variations sur 
un même individu. 

Les feuilles sont bien plus variables encore. Elles sont 
parfois très-dissemblables sur la même plante , parce qu’é- 
tant nées à des époques rapprochées mais pourtant diffé- 
rentes, elles se sont développées sous des influences qui 
n'étaient pas les mêmes, et comme ce sont les organes les 
plus impressionnables , il n’y a rien d'étonnant à ce qu’on les 
voie changer sous la moindre influence. 

Les fleurs nous présentent souvent sur le même individu 
des variations bien plus grandes que les feuilles. Ne voit-on 
pas fréquemment des fleurs terminales offrir une partie de 
plus comme les calices et les corolles des rues, des chrysos- 
plenium , etc.; ne trouve-t-on pas dans les impatiens , 
dans les violettes deux sortes de fleurs qui ne se ressemblent 
pas? Ne peut-on pas faire varier la grandeur et le coloris 
des fleurs selon le terrain dans lequel on place l'individu ; 
l'hortensia donne des bractées et des fleurs bleues par 
l'action d’un sol contenant du fer hydraté,et les pulmonaires 
nous offrent naturellement des fleurs rouges ou bleues selon 
l’époque de leur épanouissement , variant de couleur comme 
les cobæa, les franciscea, les lantana , etc., par la simple 
action de l’air atmosphérique. 


DES VARIATIONS DE L'INDIVIDU. 145 


Les fruits nous montrent des différences tout aussi 
grandes que les fleurs ; le nombre de leurs loges, de leurs 
graines, varie sur la même plante ; leur grandeur , leurs 
appendices ne sont pas absolument identiques; ceux de la 
circonférence d’une ombelle ou d’un corymbe, comme on 
le remarque aussi dans quelques fleurs, sont plus gros ou 
plus allongés que ceux des centres, parce qu'ils ont eu plus 
d'air et ont été moins génés dans leur accroissement. Les 
graines ne sont pas même semblables dans un même péricarpe. 
Leur forme , leur grosseur , leurs nuances varient à l'infini 
selon les causes qui les ont affectées pendant la maturation. 

Ces lignes suffisent pour nous convaincre que l'individu 
isolé est soumis, dans chacun de ses organes, à de nom- 
breuses variations. 

Que serait-ce donc si nous ie suivions dans les phases di- 
verses de son existence? Nous y verrions cette série de méta- 
morphoses que Gœæthe a si bien décrites ; ses jeunes feuilles 
séminales devenir des organes plus parfaits, se diviser, se 
découper , puis se souder en se modifiant , se réunir en ver- 
ticilles pour donner naissance aux calices et aux corolles, se 
transformer davantage pour faire naître les étamines et les 
carpelles, puis se séparer en un bourgeon fécondé, pour 
s’abriter sous les téguments de la graine. 

Dans ces admirables évolutions des organes que nous re- 
trouvons encore bien plus compliquées dans la vie animale, 
dans ces intéressantes métamorphoses de la vie organique 
de l'individu, y a-t-il un instant de repos, un moment d’inac- 
on, et la nature si active chez l'individu, la nature allant de 
progrès en progrès depuis la naissance jusqu'à la mort , se 
serait-elle interdit dans le développement et dans les modi- 
fications de l’espèce, ce qu’elle fait constamment pendant la 
vie de chacun des êtres qui la composent ? 

10 


146 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


Si nous voulions nous arrêter un instant sur les transfor- 
mations des organes dans le règne animal, nous serions 
bientôt conduits à des résultats encore plus intéressants ; 
mais nous aurons à revenir un peu plus loin sur ces curieuses 
métamorphoses, en nous occupant de l'influence des milieux 
et de la jeunesse de l'espèce. 


$ 2. DES VARIATIONS DE L'ESPÈCE PAR LES GRAINES. 


Dès que nous reconnaissons qu’un même individu peut 
varier, à plus forte raison devons-nous accepter des différences 
quelconques entre tous ceux qui composent une espèce ; 
aussi a-t-on essayé de définir l'espèce : « La réunion des 
individus qui se ressemblent plus entr'eux qu'ils ne ressem- 
blent à d'autres. » I y a dans cette définition quelque chose 
de vrai, mais elle prouve en même temps la non identité. 
des êtres que l’on réunit; on suppose cependant l'espèce 
sortie originairement d’un seul individu, et pourtant il a 
fallu , pour distinguer les descendants de cet individu origi- 
naire , créer les noms de races , variétés , sous-variélés , ete., 
et subdiviser ainsi sa génération, à mesure qu’elle s’est 
étendue, en une foule de petites sections. 

Dans cet état d'incertitude sur la valeur des caractères 
qui constituent l'espèce, on a semé les graines provenant de 
plusieurs individus, l’on à examiné si les mêmes carac- 
tères se perpétuaient dans les semis, et quand on à vu leur 
persistance, on en à conclu que l’on s’occupait véritablement 
d'une espèce distincte, parce qu'elle se reproduisait sans va- 
rialions ou avec des changements très-légers. 

Il est bien certain que des êtres très-différents, prove- 
nant des graines d’une même plante, ne constituent pas deux 
ou plusieurs espèces ; par conséquent quand deux individus 


DES VARIATIONS DE L'ESPÈCE PAR LES GRAINES. 147 


spontanés diffèrent peu entr’eux , on doit être très-embar- 
rassé pour savoir si ce sont réellement deux espèces , et la 
constance des caractères par les semis ne peut pas être con- 
sidérée comme une preuve sans réplique. 

La valeur des caractères, qui ne peut pas être déterminée 
rigoureusement , est même un obstacle, et 1l s’en faut de 
beaucoup que la variation d’un organe ait la même significa- 
tion dans tous les genres et dans toutes les familles. Ainsi, 
pour nous, il ne peut y avoir d’autre moyen de caractériser 
l'espèce que de reconnaitre la stabilité d’un caractère diffé- 
rentiel quelconque. L'intensité du caractère a pour nous 
moins d'importance que sa stabilité ; et si nous ne pouvons 
pas démontrer la permanence d’un signe, nous ne pouvons 
pas davantage constater l'existence de l'espèce. 

Etudions cependant le développement des jeunes plantes, 
et ce qui se passe dans un semis. Nous supposerons un indi- 
vidu occupant un centre de création , et se propageant par 
graines, tout autour de ce centre, sur une aire plus ou 
moins étendue. Nous aurons alors à examiner un grand 
nombre de jeunes ‘plantes provenant d’un même porte- 
graine ; et, pour mieux préciser nos idées, supposons que 
ces végétaux soient des aquilegia. 

On remarquera dans le semis des individus qui s’élèveront 
plus que les autres; on en verra qui auront une tendance à 
se ramifier. Les feuilles ne seront pas toutes également dé- 
coupées , lobées , etc. On en observera de plus grandes, de 
plus petites, de plus ou moins glauques. Les fleurs varieront 
en grandeur, en couleur; les éperons ou nectaires seront 
plus ou moins courbés. Quelques-unes de ces plantes seront 
plus précoces que le porte-graine , d’autres s’épanouiront 
plus tard. Les capsules ne seront pas identiques ; il y en aura 
de longues et de courtes; les graines seront plus ou moins 


148 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


grosses. Indépendamment de ces caractères physiques , x 
manière dont ces plantes apprécieront les sensations exté- 
rieures, ne sera pas la même. L'une résistera mieux aux ge- 
lées , l’autre à l'humidité ou à la sécheresse. Quelques-unes 
même naîtront avec une organisation qui ne leur permettra 
pas de survivre aux accidents les plus ordinaires, tels que le 
voisinage d’une autre plante qui affamera leurs racines, une 
végétation vigoureuse qui étouffera leurs jeunes feuilles, etc. EI 
vaura, par compensation , des individus robustes qui domine- 
ront leurs voisins , étendront leurs racines, développeront leur 
feuillage, et, se couvrant d’une large panicule de fleurs, répan- 
dront des graines à profusion et envahiront le sol environnant. 

Que l’on suive attentivement cette seconde génération, 
puis une troisième , une quatrième et ainsi de suite, on arri- 
vera à un si grand nombre de variétés, qu'il sera impossible 
de s’y reconnaître; mais chacune de ces variétés présentant 
toujours quelques caractères communs à toutes, cette mul- 
titude de plantes sera toujours pour les botanistes l'aguilegia 
vulgaris. 

Si l'un de ces botanistes voulait pousser plus loin ses études 
sur cette plante ou sur une autre , comme le font souvent 
les horticulteurs , et classer toutes les variétés et variations à 
lui connues , de l’aquilegia vulgaris, 1 aurait à faire un 
grand travail , et il voudrait nécessairement adopter un ordre 
pour l’exécuter ; or, nos classifications sont imparfaites et 
pèchent par la base, en ce qu'elles sont linéaires au lieu 
d'être rayonnantes. Un exemple, et ce sera toujours le 
même , servira à le démontrer. Prenons toujours l'aguilegia 
vulgaris , à l'état sauvage. Celui qui voudra classer ses 
variétés en série linéaire, les placera , nous supposons, dans 
l'ordre suivant : — Variétés par les feuilles ; — par les 
tiges ; — par les fleurs ; — par la précocité , etc. 


DES VARIATIONS DE L'ESPÈCE PAR LES GRAINES. 149 

Il sera obligé de reprendre chacun de ces titres et de dési- 
gner les subdivisions de ces races ou variétés principales par 
des sections et de nouveaux caractères ; ainsi dans la première 


division il placera les ancolies à larges feuilles; — à feuil- 
les étroites ; — à lobes peu découpés ; — à lobes plus inci- 
sés; — à feuilles d'un vert foncé; — à feuilles d’un vert 


clair, etc. 

Dans la seconde il réunira celles à grandes fleurs; — à 
petites fleurs ; — à fleurs bleues ; — à fleurs blanches ; — 
à fleurs carrées, etc. 

Mais s’il a bien observé seulement quelques centaines 
d'individus d’ancolies, même à l’état sauvage, il sera forcé 
de créer de nouvelles sections et de subdiviser à l'infini ; 1l 
aura donc une section des ancolies à fleurs bleues , dans la- 


quelle 1l distinguera celles — à éperons très-courbés ; — à 
éperons peu courbés ; — à fleurs bleu pâle ; — à fleurs 


bleu foncé ; — à feuilles larges: — à feuilles étroites ; — 
à fleurs précoces ; — à fleurs tardives , etc. 

En sorte que chacun de ces individus , classé par série 
linéaire, se trouvera très-éloigné de celui ou de ceux avec 
lesquels il aurait le plus de rapports. 

Si ces légères variations ont peu d'importance pour le 
botaniste, nous verrons plus loin qu'il n’en est pas de même 
pour l’horticulteur ; mais sans compliquer la question des 
créations que la culture peut amener, restons dans l'étude 
de notre espèce spontanée , et voyons s'il ne serait pas plus 
rationnel de considérer l’espèce comme un centre rayonnant 
dans tous les sens. 

Nous supposons que le type occupe le centre d’une étoile, 
et ce type est formé par un grand nombre d'individus qui 
ont tous absolument les mêmes caractères. À ce centre 
viennent aboutir toutes les variétés qui sont dues à des dif- 


150 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


férences dans les racines, les tiges , les feuilles, les fleurs, 
les péricarpes, et les graines. 

Voilà donc six organes principaux que nous représentons 
par six rayons qui viennent aboutir au centre. 

Les racines n'offrent que peu de variations ; le rayon qui 
les représente sera peu développé. Il en sera de même de 
celui des tiges qui cependant pourra offrir plus de différence 
que les racines. | 

Le rayon qui représentera les diverses configurations des 
feuilles devra être plus allongé que les précédents. 

C’est surtout par les fleurs que les individus de l’aquile- 
gia vulgaris peuvent se distinguer, aussi ce rayon sera-t-il 
le plus allongé de tous. 

Puis viendront les lignes destinées aux péricarpes et aux 
graines. 

En représentant ainsi graphiquement les espèces par des 
étoiles à six rayons que l’on allongerait plus ou moins , on 
reconnaîtrait bientôt et d’un seul coup d’œil quels sont les 
organes qui, dans une espèce donnée , ont le plus de ten- 
dance à la variation, ou dans quel sens on a le plus d’espoir 
de l'obtenir ou de la rencontrer. 

Sur chacun de ces rayons viendraient se placer des em- 
branchements destinés à marquer la place des sous-variétés ; 
ainsi, en prenant pour notre ancolie le plus allongé qui 
marque les modifications que les fleurs peuvent éprouver, 
nous reconnaîtrons une branche pour les variétés à éperons 
bien courbés, une autre pour celles où cet organe se rap- 
prochera davantage de la ligne droite ; un autre embran- 
chement réunira les sous-variétés à grandes fleurs, puis 
viendront celles à fleurs plus petites , celles à corolles bleues, 
à corolles blanches , ete., et chacune de ces ramifications 
pourrait encore donner lieu à des bifurcations tertiaires et 
ainsi de suite. 


DES VARIATIONS DE L'ESPÈCE PAR LES GRAINES. 151 

S'il était en notre pouvoir de réunir et de grouper, 
d’après leurs rapports naturels, tous les individus existant 
de l’aguilegia vulgaris, nous obtiendrions une vaste étoile 
rayonnante , avec une multitude de rayons secondaires , 
tertiaires, etc., dont les uns seraient courts, tandis que 
d’autres s’allongeraient d’une manière disproportionnée ; 
nous aurions alors la véritable représentation de l’espèce , 
avec ses divisions, ses types, ses races, ses variétés, ses sous- 
variétés et ses modifications tellement faibles qu’elles fini- 
raient par être insensibles à nos yeux. Une classification 
linéaire ne donnerait aucune idée de l’ancolie. 

Laissons un instant l’aguilegia vulgaris, et prenons 
l'aquilegia platysepala de Reichenbach. Si nous trouvons le 
type , ses folioles sessiles ou presque sessiles , ses feuilles 
disposées en rosette , du centre de laquelle s'élève une tige 
‘presque nue, ses fleurs assez grandes, à pétales épais , à 
éperon moins courbé, lui donnent un port, un aspect et 
des caractères si différents de l’aquilegia vulgaris, que per- 
sonne ne pourrait les confondre; mais recueillons ses varié- 
tés et nous verrons bientôt que les modifications que peuvent 
éprouver ses feuilles en se développant, ses folioles en pre- 
nant des pétioles , ses fleurs en courbant leur éperon , rap- 
prochent singulièrement ces variétés de l’ancolie ordinaire. 
Si, dans cette dergière plante , nous cherchons , à l’extré- 
mité des deux rayons qui représentent les feuilles et les 
fleurs, les individus à feuilles peu développées, à folioles 
peu pétiolées, à éperons moins courbés, nous trouverons tant 
d’analogie avec les extrêmes que nous venons de citer dans 
le platysepala , que nous ne pourrons pas les distinguer. 
Les deux lignes qui, dans chacune de ces deux plantes, 
s’éloignent du centre, en divergeant, pour représenter les 
feuilles et les fleurs , viendront se confondre à leurs extrémi- 


152 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


tés, et nous montrer que ces deux plantes ne forment qu’une 
seule et même espèce, car les graines recueillies sur les 
limites qui se confondent, donneraient sans doute des plantes 
qui pourraient indistinctement se rapporter à l’un ou à l’autre 
des deux centres. 

Prenons encore une autre aguilegia, ce sera l’alpina, et 
essayons d’en grouper les variétés, comme nous venons de 
le faire pour les autres. 

Des feuilles à lobes bien découpés et bien pétiolés, des 
fleurs plus grandes, de larges sépales, nous indiqueront. 
une espèce distincte. Si nous plaçons ces variétés sur les 
divers rayons qui devront les éloigner ou les rapprocher du 
type, nous en trouverons à folioles un peu plus larges, à 
fleurs un peu moins grandes, et nous approcherons de quel- 
ques-unes des modifications de l’aguilegia vulgaris, en 
restant cependant à une certaine distance. 

Si le genre aguilegia était seulement formé de ces trois 
types et que nous voulussions les classer d’une manière natu- 
relle, avec toutes leurs variétés, nous serions obligés de 
représenter notre agglomération par trois groupes rayon- 
nants et rapprochés. | 

Si nous ajoutions à ces trois ancolies les types rayon- 
nants, représentant les aquilegia viscosa, Sternbergu , et 
toutes les autres espèces européennes ougxotiques , nous au- 
rions un groupe d'étoiles dont certains ravons s’allongeraient 
tandis que d’autres resteraient très-courts, et quelques-uns, 
sans doute, pourraient s’unir ou se confondre comme cela 
a lieu pour les À. vulgaris et platysepala ; d’autres se 
rapprocheraient comme l'A. alpina, sans pourtant rien at- 
teindre, tandis que plusieurs d’entr’elles, comme l’A. ca- 
nadensis , resteraient à une distance assez grande. 

Toutes ces espèces seraient donc représentées par des 


DES VARIATIONS DE L'ESPÈCE PAR LES GRAINES. 1953 


groupes dont les centres seraient très-distinèts et dont les 
limites pourraient se confondre ou rester séparées, comme 
ces états dont les capitales sont éloignées , mais dont les 
frontières, sur quelques parties de leur pourtour, n’ont rien 
qui les différencie des royaumes limitrophes, tandis que 
des limites bien tranchées les séparent dans d’autres loca- 
lités. 

Un groupe d'espèces constitue un genre, dont le type doit 
occuper le centre du groupe, et dont les différentes espèces 
s’approcheut ou s’éloignent selon leurs affinités. Les genres, 
avec leur cortége d'espèces et de variétés, sont réunis en 
familles, et ces grandes divisions forment l’ensemble du 
règne végétal , groupe immense régi par les affinités natu- 
relles , et s'étendant sur la terre comme un vaste réseau à 
mailles inégales et parfois détachées. 

Nous retrouvons cette classification dépendante par 
groupes subordonnés dans tout ce qui existe sur la terre; 
chez les plantes, dans:le règne animal comme dans les 
cieux où Dieu à établi, parmi les astres innombrables qu'il 
a semés dans l’espace , une subordination hiérarchique qui 
maintient l’ordre et l'équilibre de l'univers. Les satellites 
obéissent à leurs planètes, celles-ci à leurs soleils ; ces derniers 
sont dépendants de leurs nébuleuses, et celles-ci sans doute 
sont soumises encore à d’autres lois qui émanent de cette 
intelligence suprême qui a créé les mondes et en a réglé 
l'harmonie. Ces grandes lois d'attraction, d’obéissance et de 
subordination , se retrouvent dans les phénomènes chimi- 
ques où les combinaisons binaires peuvent se réunir et 
former des composés nouveaux , où un corps, électro-négatif 
relativement à un autre, change de rôle et devient électro- 
positif en présence d’un autre élément. 

Notre organisation militaire, nos administrations civiles, 


154 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


nos établissements industriels , sont dirigés de la même 
manière ; nous avons tous nos chefs et nos subordonnés ; 
s’il en était autrement , il n’y aurait plus d'ordre, le monde 
physique retournerait au chaos , le monde moral à l’anar- 
chie. 

Mais revenons à l’espèce qui est l’unité en botanique et 
qu'il est si difficile de définir. Nous ne pouvons plus la 
considérer comme une masse d'individus semblables réunis 
en un seul faisteau, mais comme un groupe-immense à 
rayons divergents et ramifiés, sur lesquels viennent se placer 
dans un ordre défini tous les êtres qui lui appartiennent. 
Or ce groupe qui constitue l’espèce peut-il rester toujours 
le même et n’éprouver aucune variation ? Évidemment non. 
Les individus nombreux qui le composent ne sont pas les 
mêmes ; ils se renouvellent par la génération , et comme 
ils peuvent être influencés par les circonstances extérieures et 
locales , ils peuvent naître avec des caractères un peu diffé- 
rents de ceux de leurs parents ; en sorte que si nous pouvions 
embrasser d’un coup d'œil un vaste groupe rayonnant , 
représentant l'espèce et composé de tous ses individus , nous 
verrions des changements continuels dans la longueur des 
rayons , dans le nombre et la dimension de leurs rameaux ; 
nous y trouverions cette mobilité que nous remarquons dans 
un nuage, quand nous l’observons avec attention. Ce mé- 
téore se maintient quelquefois très-longtemps, mais ses 
contours ne présentent plus les mêmes saillies , les mêmes 
découpures , les mêmes ondulations ; le centre n’a pas 
changé , mais ses bords se sont constamment modifiés et 
ne nous ont pas offert un seul instant de stabilité. 

Ainsi font les espèces avec leurs innombrables variétés, 
qui se succèdent naturellement et oscillent pendant des 
siècles autour d’un type fixe et 2namovible , tant que les 


DE LA VARIATION PAR GEMMES OU BOURGEONS. 155 


circonstances extérieures ne viennent pas le modifier lu- 
même. 


NS 9, DE LA VARIATION PAR GEMMES OU BOURGEONS. 


Les gemmes et les graines ont les plus grands rapports. 
On peut considérer les semences comme de véritables bour- 
geons , portant avec eux leur première nourriture dans le 
périsperme ou dans les cotylédons, et enveloppés d’une ou de 
plusieurs membranes qui remplacent les écailles des gemmes. 
La graine n’est donc qu’un bourgeon entouré de nourriture, 
un bourgeon terminal, séparé, et comme coupé par la 
fécondation , et qui peut propager la plante d’une manière 
tout à fait isolée. C’est un bourgeon libre, détaché, ne 
dépendant plus de la plante mère dès sa maturité, et soumis 
à toute l'intensité des influences extérieures. Nous venons 
de voir l’action de ces influences sur la variation des pro- 
duits qui proviennent des semences. 

Le bourgeon que nous voulons plus spécialement étudier 
ici, doit aussi être considéré comme une graine, c’est-à-dire 
comme la dernière production terminale de la plante, mais 
ayant pas besoin d’en être rendu distinct par l'acte de la 
fécondation. 

Certains bourgeons sont , comme les véritables embryons, 
entourés de matière nutritive qui leur permet de se déve- 
lopper entièrement séparés de la plante mère, et quoique 
plus indépendants que les autres, ils ne sont, à proprement 
parler, que des fractions de la plante primitive , et les va- 
riations y sont peu nombreuses ; ils apportent à l'existence 
les habitudes et la stabilité de leur mère. Les bourgeons des 
racines, les cayeux des tulipes, des colchiques, les tubercules 
de la pomme de terre, ceux des orchis, etc., se trouvent 


156 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


dans ce cas. On peut donc confier ces bourgeons à la terre 
comme les graines. Malgré leur communauté de naissance, 
on observe encore des variations dans des plantes reproduites 
de cette manière , et les horticulteurs connaissent des va- 
riétés remarquables qui n'ont pas d’autre origine , et qui 
sont maintenant fixées. 

Les bourgeons qui naissent sur les branches et sur les 
tiges des plantes vivaces , et surtout des végétaux ligneux, 
ne sont-pas autre chose que des graines non fécondées. 
Un arbre ne peut pas être considéré comme une plante 
simple, mais comme un assemblage nombreux d'individus 
distincts qui , à la manière des polypiers saxigènes, se mul- 
tiplie de deux manières : par des graines fécondées et 
libres, qui peuvent aller au loin reproduire la plante ; par 
des graines non fécondées et adhérentes qui sont forcées 
de se développer à la place même où elles sont nées, et de 
constituer un tronc commun par la soudure de tous les in- 
dividus. Ainsi , un arbre, quelque compliqué qu'il soit, est 
la réunion successive de nombreuses plantes amoncelées de 
la même espèce, se reproduisant par bourgeons. Les gemmes 
poussent sur la tige d’un végétal comme ses graines dans la 
terre, et cela est si vrai que, sauf les précautions à prendre, 
on sème, on plante un bourgeon comme une graine, avec 
cette différence , que la dernière se place dans la terre et le 
second se greffe sur un tronc. Si le sol convient , la plante 
prospère ; si le sujet est approprié au bourgeon , les feuilles 
se développent et la reprise est assurée ; mais dans les deux 
cas , si le sol ou le sujet ne peuvent fournir les conditions 
d'existence, presque toujours la graine lève et le bourgeon 
se développe, mais la végétation s'arrête bientôt des deux 
côtés. 

On conçoit combien l’adhérence des jeunes pousses de 


DE LA VARIATION PAR HYBRIDATION. 157 


chaque année au tronc commun, dontelles proviennent toutes, 
doit donner d’uniformité à la végétation ; cependant il doit 
exister ici plus de variations qu’on n’en rencontre ordinaire- 
ment sur un seul et même individu, et c’est en effet ce qui 
arrive. On trouve quelquefois sur un arbre des branches 
qui différent des autres par leur vigueur, par leur écorce, 
par leur feuillage, et souvent même par leurs fleurs et leurs 
fruits. On connaît un grand nombre de ces variétés qui ont 
été fixées par la greffe et qui sont acquises aujourd’hui à l'hor- 
ticullure. Ainsi les variations atteignent même les groupes 
d'individus sortis d’une même souche , adhérents entr’eux, 
forcés de vivre sous les mêmes influences apparentes , et 
nous montrant malgré cela cette tendance continuelle de la 
nature à modifier ses œuvres et à changer ses types. 


$ 3. DE LA VARIATION PAR HYBRIDATION. 


Deux espèces voisines par leurs caractères peuvent se 
trouver dans des circonstances telles , que l’une des deux 
vient à féconder l’autre, et qu’il en résulte un être intermé- 
diaire. Ce phénomène curieux se nomme hybridation ; il 
est fréquent dans la nature et se retrouve aussi bien chez 
les animaux que chez les plantes. Toutefois , il devient 
impossible quand les espèces, entre lesquelles on voudrait 
le tenter, présentent des caractères trop éloignés , et nous 
devons dire que, sous ce rapport, les limites du possible 
sont très-restreintes , en sorte que les variations sans fécon- 
dation sont dans la nature plus fréquentes que celles qui 
sont dues aux croisements. 

Il est assez difficile de fixer les limites entre les- 
quelles lhybridation peut avoir lieu. En général, les 
genres circonscrivent amplement cette faculté, et il s’en 


158 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


faut de beaucoup que toutes les espèces d’un même genre 
puissent produire ensemble ; mais, d’un æutre côté, on a 
établi, notamment dans les cactées, des genres qüi ne s’op- 
posent pas aux croisements. Sont-ce des genres bien .natu- 
rels et bien circonscrits ? nous en doutons. Il en est de 
l'hybridation comme de la greffe, elle ne peut réussir 
qu'entre espèces de conformation très-analogue, et presque 
toujours quand une greffe est viable sur un sujet, l’hybri- 
dation est aussi possile entre les deux plantes qui peuvent 
échanger leurs bourgeons. 

Mais ce qui est possible quand l’homme vient interposer 
son influence, n’est pas toujours réalisable dans la nature, 
et les hybridations , si fréquentes en horticulture , se prati- 
quent rarement, par les mêmes procédés, dans les plantes 
spontanées. Il existe pourtant une cause persistante de ces 
mariages adultérins, c’est la sécrétion presque universelle de 
cette liqueur miellée qui est fournie par les glandes nectarifè- 
res, et qui attire dans le calice des fleurs de nombreuses légions 
d'insectes ; messagers habiles et inconstants , ils voltigent de 
fleur en fleur et vont parfois dans leurs voyages féconder les 
germes d’une espèce par la poussière d’une autre , et ce que 
l’homme fait en un jour avec discernement , ils l’exécutent 
en plusieurs années, guidés par le hasard. 

Le vent se charge aussi de disperser les poussières fécon- 
dantes, et 1l est des genres , comme les dianthus , les nico- 
tiana , les digitalis, qui ont une telle prédisposition à ces 
croisements, que les hybridations peuvent même avoir lieu 
sans le secours des messagers ailés dont nous venons de 
parler. 

Ainsi nous pouvons constater que des hybrides se produi- 
sent naturellement , sans le secours de l’homme; et Linné 
pensait même que par cette cause, le nombre des espèces 


DE LA VARIATION PAR HYBRIDATION. 159 


devait augmenter; il attribuait à des croisements semblables 
des plantes qui ont évidemment une toute autre origine, 
et il n’hésitait pas à reconnaître des métis provenant de 
genres très-différents. L'observation s'oppose à ce que nous 
acceptions la possibilité de ces hybrides , mais il ne faudrait 
pas non plus pousser l'incrédulité jusqu’au point de nier 
les croisements entre espèces très-distinctes. À la vérité, 
ceux qui ont nié l’hybridation entre espèces, ont considéré 
les métis comme résultant de deux variétés, et en ont 
conclu que du moment où deux plantes peuvent en 
faire une troisième , ces deux plantes sont deux variétés 
et non deux espèces. Or, personne encore n’a voulu , dans le 
règne animal , considérer l’âne et le cheval comme deux 
variétés, et nous ne pensons pas non plus que l’on veuille 
réunir en une seule espèce le cereus speciosissimus et le 
phyllocactus speciosus, puisqu'on en a fait deux genres dis- 
tincts. On en a cependant obtenu le phyllocactus Akermanni 
qui est intermédiaire, et nous-même avons opéré le croise- 
ment entre ces deux plantes, sur une échelle assez grande 
pour créer de nouvelles espèces de cactées. Nous ne pensons 
pas que l’on nous conteste non plus la dissemblance des 
mirabilis jalapa et longiflora, qui nous ont donné des in- 
termédiaires si bien caractérisés ; nous pourrions , parmi 
les plantes sauvages , citer les digitalis purpurea et lutea, 
les dianthus Seguierii et monspessulanus ; ce ne sont pas 
là des hybrides de variétés mais bien d'espèces. | 

Il y a d’ailleurs des caractères qui tranchent la question. 
Les hybrides entre espèces, pour les végétaux que nous 
avons observés , sont exactement intermédiaires dans leurs 
diverses parties ; tous les organes tiennent à la fois du père 
et de la mère et paraissent dépendre autant de l’un que de 
l'autre. 


160 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


Si au contraire ce sont des métis de variétés , il y a en 
général mélange d'organes, dont les uns appartiennent en- 
tièrement au père, les autres intégralement à la mère, et 
presque jamais fusion intime entre les deux. | 

Il reste donc bien démontré pour nous que l’hybridation, 
dans certaines limites, est possible comme la greffe ; que 
ces fécondations croisées peuvent avoir lieu dans la nature ; 
que les espèces pourront être modifiées ou augmentées par 
cette cause. | 

Toutelois nous devons reconnaître que si dans nos jar- 
dins l’hybridation a une grande puissance, la variation la 
domine tout à fait dans la nature. Les espèces varient plus 
souvent par leurs graines et par semis naturel que par hybri- 
dation, bien que les modifications produites par cette der- 
nière cause soient immédiatement plus considérables que les 
variations successives par semis. 

Une des causes qui s'opposent le plus à l'extension des 
espèces hybrides, c’est la grande tendance qu'elles ont à 
revenir aux types dont elles proviennent et le peu de fertilité 
de plusieurs d’entr’elles. 

Quant au retour vers les ascendants , il est tout naturel 
qu'une espèce nouvelle qui vient d’être créée sous certaines 
conditions tende à retourner au type dès que les mêmes 
conditions n'existent plus. 

On donne le nom d’atavisme au retour des êtres vivants 
aux caractères de leurs aïeux. C’est presque une loi dans la 
nature et une loi très-compliquée à cause de ses soubresauts 
el de ses écarts. 

On comprend qu’une plante ou un animal ressemble aux 
parents qui lui ont donné naissance, mais 1] arrive souvent 
que la ressemblance ne s'applique pas aux parents directs, 
le père et la mère , mais remonte aux aïeux , bisaïeux et 


DE LA VARIATION PAR HYBRIDATION. 161 


quelquefois plus haut. C’est là le véritable atavisme. C’est 
le moyen que la nature emploie pour détruire les hybrides 
accidentels et les ramener aux types de leurs aïeux ; c’est par 
l'atavisme que les espèces ébranlées où modifiées par nos 
soins, ou placées naturellement dans des conditions différen- 
tes de celles de leurs parents et devenues par cette cause dis- 
semblables à eux, retournent encore à leurs types en perdant 
les modifications qu’elles avaient momentanément acquises. 

Il faut une longue stabilité, une longue habitude pour 
vaincre l’atavisme. Ce dernier principe l'emporte le plus 
souvent , et l'espèce reste permanente malgré ses écarts. 

L'atavisme présente dans les animaux unisexués, dans 
l’homme, par exemple , des phénomènes très-curieux. C’est 
l’affinité des caractères physiques et moraux (chez l’homme) 
dans les sexes opposés. La fille qui naïtra d’un mariage 
aura presque toujours proéminents les caractères du père; le 
fils qui naïîtra de cette union, recevra le caractère de sa 
mère, et par conséquent de son grand-père , en participant 
très-peu à celui de son père. Une troisième génération aura 
ce fils pour père , et s’il en naît une fille , elle se retrouvera 
encore dans la même série, tenant de son père, de sa grand”- 
mère et de son bisaïeul. Cette espèce de dichotomie des sexes 
détruit complétement, par la loi de l’atavisme, la direction et 
la succession des modifications de l'espèce qui pourraient 
avoir lieu dans le même sens. | 

Si, dans les croisements des animaux domestiques , on 
avait égard à ces données , on arriverait certainement à de 
curieux résultats. 

Dans les plantes, et surtout dans celles qui sont uni- 
sexuées, 1l est impossible de décomposer de la même manière 
la loi de l’atavisme, il suffit à notre but de l’avoir indiqué et 


d’avoir signalé son mécanisme et ses effets. 
11 


162 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


La fertilité des hybrides a été niée par un grand nombre 
de naturalistes, et il est positif que de nombreux métis d’es- 
pèces sont presque entièrement infertiles. Cela a lieu dans 
le règne animal et se présente aussi dans le règne végétal. 
La digitale hybride du purpurea et du lutea n’a pas de 
graines dans ses capsules. J’ai vu au jardin botanique de 
Lyon un mulgedium stérile qui m’a paru exactement inter- 
médiaire entre le plumierii et l'alpinum. D'un autre côté, 
des hybrides entre les primula acaulis, officinalis et 
elatior, m'ont constamment offert des graines fertiles et 
abondantes. Des intermédiaires exacts entre les mirabilis 
jalapa et longiflora m'ont donné depuis plusieurs années 
des graines fertiles, reproduisant la plante mère ; mais ces 
pieds de mirabilis intermedia, extrêmement florifères, plus 
vigoureux que leurs parents, plus robustes sous tous les 
rapports, ne donnaient leurs semences qu’à la fin de l’au- 
tomne, quand la plante avait perdu une partie de sa vi- 
gueur ou lorsqu'elle avait été gravement mutilée pour l’af- 
faiblir. 

Il semble, comme dans le mulet, qu’une vie trop active 
s'oppose d’abord à la reproduction , puisque toutes les pre- 
mières fleurs sont stériles. Les hybrides d’espèces ne sont 
donc ni entièrement fertiles comme leurs parents, ni abso- 
lument stériles comme on l’a affirmé. 

Pour les végétaux cette stérilité partielle se transforme en 
une grande fécondité dès que l’hybride d'espèce se trans- 
forme en hybride de variété. Ainsi que les mirabilis inter- 
media dont nous parlions tout à l'heure soient fécondés par 
le jalapa où fécondent cette dernière espèce, 1l en résulte 
des hybrides d’hybrides , très-différents encore des types, 
constituant des espèces très-distinctes , mais rentrant pour 
la reproduction dans la classe des hybribes de variétés, pro- 


MILIEUX AMBIANTS: | 163 


duisant beaucoup de graines et se multipliant à l'infini. Ces 
graines semées donnent des plantes dont les unes se perpé- 
tuent avec leurs caractères, et dont les autres retournent 
entièrement au mirabilis jalapa. Si on voulait, au milieu de 
toutes ces générations croisées , choisir des types, les décrire 
avec soin, on arriverait à reconnaitre plus de 50 espèces 
distinctes de mirabilis plus tranchées , mieux caractérisées 
que nos wiola , nos thalictrum , nos hieracium et nos rosa. 

Ainsi l’hybridation , telle qu'elle peut s’opérer dans la 
nature par les contacts fortuits, par les vents, avec le se- 
cours des insectes, peut, dans l’état actuel et à l’époque ac- 
tuelle , augmenter presque indéfiniment les espèces d’un 
même genre où même de genres voisins. Le fait est cons- 
tant et prouvé. Reste la question de permanence que nous 
examinerons plus loin. 


DES MODIFICATIONS DE L'ESPÈCE PAR LES CONDITIONS 
D'EXISTENCE, OÙ MILIEUX AMBIANTS. 


Les influences extérieures tendent constamment à modi- 
fier les espèces comme les individus , et nous trouvons par- 
tout les preuves de cette action des milieux ambiants sur 
les plantes et sur les animaux. Il est bien rare que des con- 
ditions d’existences soient sensiblement égales , et la même 
espèce pourra nous montrer des différences par la seule in- 
fluence du climat ou même de la distance. 

Les deux extrémités d’un même continent, soumises à des 
climats différents, présentent fréquemment des individus qui 
offrent des modifications assez tranchées pour qu'on ait cru 
pouvoir en faire des espèces ; mais quand on à cherché dans 
le vaste espace qui les sépare , on a souvent trouvé les chaïs 
nons qui les unissaient, 


15% CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 

M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire a donné à cet égard 
pour le règne animal des notions très-claires que nous 
croyons devoir reproduire. 

« El est évident qu'il y à ici une grave difficulté relative, 
non à telle ou telle espèce en particulier, mais d’un ordre 
très-général. Elle s'étend à la presque totalité des types 
(nous évitons de nous servir ici du mot espèces) que l'on re- 
trouve à la fois, d’une part, au cap de Bonne-Espérance ; 
de l’autre, au Sénégal ou dans le nord de l'Afrique, ou à 
la fois dans ces deux contrées, fort semblables l’une à l’au- 
tre par leur création zoologique. 

» Le résultat des comparaisons que j'ai faites entre les ani- 
maux des régions extrêmes du continent africain , est le sui- 
vant : les mêmes types, à peu d’exceptions près, se retrouvent 
dans l’une et dans l’autre, mais modifiés très-notablement ; 
disons plus, modifiés de telle sorte, que les différences ob- 
servées sont généralement à la fois inférieures en valeur à 
celles par lesquelles les zoologistes caractérisent ‘ordinaire- 
ment les espèces , et supérieures à celles qu'ils sont habitués 
à rencontrer entre les variétés. » 

« Voila le fait ; comment l'interpréter ? Nous ne saurions. 
le faire d’une manière certaine et rigoureuse dans l’état pré- 
sent de la science ; mais la question peut être éclairée par 
le rapprochement du résultat de la comparaison des animaux 
africains avec d’autres résultats plus ou moins analogues. » 

«A uneépoque encore peu éloignée de nous, les zoologistes 
étaient, à l'égard des mammifères américains, presque exac- 
tement où ils en sont aujourd’hui à l'égard des mammifères 
africains. On avait, dans les collections , quelques individus 
pris, à grande distance les uns des autres, sur divers points 
de la côte occidentale de l'Amérique : ces individus présen- 
taient des différences notables sur lesquelles on croyait pou- 


MILIEUX AMBIANTS. 165 


voir établir des espèces. On trouve ces espèces admises 
comme bien distinctes dans les catalogues qui datent du 
commencement de notre siècle. Ouvrons, au contraire, les 
ouvrages récents : ces mêmes espèces sont en grande par- 
tie, ou déclarées douteuses, ou même définitivement rejetées. 
Qui prétend aujourd’hui pouvoir classer selon les principes si 
longtemps admis en zoologie, les hurleurs, les sapajous, les 
ouistitis, parmi les primates ; les moufettes, les coatis parmi 
les carnassiers , et ainsi des autres ordres ? C’est que, par les 
progrès de l’exploration de l Amérique, les contrées intermé- 
diaires à celles qui avaient été d’abord connues, ont fourni 
des types intermédiaires aussi à ceux que l’on avait d’abord 
décrits, et les intervalles, plus ou moins larges, qui séparaient 
les prétendues espèces , ont été remplis, s’il nous est permis 
de nous exprimer ainsi, par des variétés de transition (1). » 

« Ce qui est arrivé pour tant de prétendues espèces des 
genres américains et pour les prétendues espèces de chacals, 
arrivera-t-1l à l'égard de ces types notablement différents 
que nous montre la comparaison des animaux du cap de 
Bonne-Espérance et des régions septentrionales et occiden- 
tales de l'Afrique? Des variétés intermédiaires, des passages 
viendront-ils relier les espèces ou variétés actuelles , quand 
le continent africain sera moins incomplétement connu dans 
ses productions naturelles ? il est impossible de ne pas con- 
sidérer , par analogie, ce résultat comme très-vraisemblable, 
et l'Afrique comme devant fournir ainsi une série nouvelle 
d'arguments en faveur de la substitution au système, encore 
aujourd’hui prédominant en zoologie, de la fixité des es- 
pèces , une doctrine précisément inverse ; cette doctrine fé- 


(1) Geoffroy St-Hilaire, Comptes-rendus des séances de l'académie des 
sciences , t. 25, p. 651. 


166 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


conde de la variabilité des êtres, successivement admise ef 
défendue par Buffon, par Lamarck , malheureusement avec 
des exagérations qui ont trop souvent compromis sa cause , 
par Gœæthe et par mon père (1). » 

L'espèce ne serait représentée dans ce cas-là ni par les 
individus d’une extrémité du continent ni par ceux de l’ex- 
trémité opposée. Il faudrait choisir le type moyen. C’estceque 
Virey a très-bien exprimé au commencement de ce siècle, en 
disant que les variations « quelles qu’on puisse les rencontrer, 
ne sont que le résultat des influences des substances exté- 
rieures sur les corps vivants; mais comme ces influences 
s’exercent d’un sens en un sens contraire par des espèces 
d'oscillations, telles que la froidure et la chaleur , l'humidité 
et la sécheresse , l'abondance et la disette, la lumière et les 
ténèbres, Ja jeunesse et la vieillesse , elles forment une con- 
tinuité nuancée de variations dans tous les êtres; on ne 
pourra donc point reconnaître l’espèce pure, intacte ; on aura 
toujours une variété quelconque, et les corps vivants seront 
plutôt des modifications d’un type abstrait, que ses représen- 
tations naïves, Si tout est variété plus ou moins profonde, où 
sera l’espèce ? C’est dans les points milieuxs c’est dans l’in- 
termédiaire des oscillations des variétés. Trop jeune ou trop 
vieux, trop petit ou trop gros, trop sec ou trop humide, 
l'individu ne représente pas exactement l’espèce. S'il est 
pris à une extrémité des variations , il est trop éloigné de 
l'autre extrémité; car il y a moins de chemin du milieu à 
chaque bout , que de l’un à l’autre bout (2). » 

Personne ne conteste au climat la puissance de modifier 


(1) Geoffroy St-Hilaire, Comptes-rendus des séances de l’académie des 
sciences , t. 25, p. 652. 
(2) Virey, Dict. de Deterville, article Espèce. 


MILIEUX AMBIANTS. 167 
l'espèce , et l’on voit même des faits de ce genre se pro- 
duire dans des types aquatiques, où le milieu, plus uniforme, 
tend à conserver les mêmes conditions sur de plus grands 
espaces. Péron rapporte, à ce sujet , une observation très- 
curieuse qu'il à faite sur les côtes des terres australes, 
« Prenons, dit-il, cette énorme oreille de mer désignée 
» sous le nom d’haliotis gigantea ; c'est à l'extrémité du 
» globe, sous le choc des flots polaires, qu’elle se complait; 
» c’est à qu’elle atteint la longueur de 6 à 7 pouces; 
» c’est là qu’elle forme ces bancs précieux sur lesquels 
» l’homme vient chercher une nourriture abondante et sa- 
» lubre.... À peine sommes-nous à l’île Maria, nous n’a- 
» vons fait, pour ainsi dire , que traverser le canal d’Entre- 
» castreaux , et déjà ce grand coquillage a perdu de ses di- 
» mensions ; à l’île de King, il est plus petit encore et plus 
» rare ; ses dégradations deviennent de plus en plus sensi- 
» bles, à mesure que l’on remonte davantage vers l’île des 
» Kanguroos et vers les îles Saint-Pierre. Dans les miséra- 
» bles avortons de cette espèce qui végètent sur les rochers 
» de la Terre-de-Nuyts, on a peine à reconnaître le plus 
» grand coquillage de la terre de Diemen, et au delà du 
» port du Roi-Georges, on en chercherait en vain la 
» trace (1). » 

La composition de l’eau, comme milieu d'habitation ; 
réagit aussi sur l’organisation des êtres qui s’y trouvent 
soumis. 

La salure de la mer Baltique est seulement de 0,020 ; 
celle de la mer du Nord est de 0,037 ; mais la Baltique de- 
vient moins salée à Rostock : elle n’est plus que de 0,017, 
à Revel de 0,006 , et dans le milieu du golfe de Finlande 


(2) Péron, Voy. aux terres austr. , t. 5, p. 245. 


168 CONSIDERATIONS GÉNÉRALES. 


elle atteint à peine 0,005. Il en résulte, selon M. Boli, que 
sur les 150 espèces de coquilles qui vivent dans la mer 
du Nord, on n’en trouve que 18 en dedans du Sund , en- 
core y sont-elles petites et rabougries , à coquilles minces, 
et, dans le milieu du golfe de Finlande , les coquilles ma- 
rines cessent tout à fait. 

Si l'action de la salure de l’eau agit ainsi à notre époque, 
en modifiant à ce point les dimensions des espèces et leurs 
caractères extérieurs qu'on les prendrait, au premier abord, 
pour des espèces distinctes, que n’ont donc pu faire ces mi- 
lieux d'existence lors de la jeunesse de l’espèce, et quand 
elle pouvait se plier , sans périr, aux conditions diverses qui 
lui étaient imposées ! 

L'impression produite par les milieux dans lesquels les 
êtres organisés sont obligés de vivre par suite des change- 
ments survenus dans les conditions extérieures , peut être 
plus ou moins sensible : ainsi, la laine des moutons trans- 
portés au Brésil devient un véritable poil ; ceux que l’on 
exporte d'Europe subissent ce changement en moins de 
deux ans ({). 

Des perturbations géologiques peuvent aussi amener des 
différences dans jes races et dans les espèces, et des faits as- 
sez nombreux viennent encore appuyer ici la théorie de la 
filiation. M. de Castelnau en cite de très-curieux dans ses 
Voyages en Amérique. Il a remarqué que, dans la même ré- 
gion , sous la même latitude , les espèces sont différentes 
des deux côtés de la chaîne des Andes ; le soulèvement de 
ces montagnes , de date récente , en interrompant les rap- 
ports entre les individus qui se sont trouvés isolés le long de 


(4) Castelnau, Exp. dans la part. centr. de l'Amérique du Sud, Hist. du 
Voy., t. 1, p. 146. 


MILIEUX AMBIANTS. 169 


la côte et ceux des vallées chaudes, a dû, selon lui, par la 
succession des siècles, amener de notables changements dans 
les races, qui auront fini par constituer de véritables diffé- 
rences spécifiques. Des faits semblables ont encore été ob- 
servés, par le même voyageur, à l'égard des grandes rivières, 
qui ont souvent dispersé la même espèce en groupes sépa- 
rés (1). . 

Bien d’autres changements auront lieu, sans doute, dans 
la longue période géologique qui s'écoule et dans celles qui 
doivent lui succéder ; qui sait même si la race caucasique, 
dont nous faisons partie, est arrivée au terme de son perfec- 
tionnement, et si nous sommes réellement lespèce la plus 
parfaite que Dieu ait destiné à habiter la terre ! 

M. de Castelnau revient plusieurs fois sur cette délimita- 
tion géographique des espèces voisines. Il cite les Agamis 
et les Sajous, séparés par de grands cours d’eau , comme le 
Putamayo , le Japura, le Rio-Negro, et n’hésite pas à attri- 
buer à ces circonstances de situation et à des habitudes ac- 
quises , les différences capables de motiver la séparation des 
espèces (2). 

Il nous serait difficile, dans ce paragraphe, comme dans 
les suivants, de parler de la modification possible des espèces 
sans citer, presque indistinctement, des exemples tirés de 
l’ensemble du règne organique. Si nous nous sommes ap- 
puyé sur des faits pris dans le règne animal, ceux que peu- 
vent nous fournir les végétaux sont tout aussi nombreux et 
tout aussi intéressants. 

Il existe , dans l'Amérique du Nord, un certain nombre 


(4) Castelnau, Voy. dans l'Amérique du Sud , relation, t. #, p. 24. 
(2) Expéd. dans les parties centr. de l'Amérique du Sud, Hist. du Voy., 
t. 5, p. 74. 


170 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


d'espèces de plantes qui ont leurs identiques en Europe, 
soit que les botanistes les aient distinguées comme espèces , 
soit qu'ils n'aient même pu y reconnaître des caractères suf- 
fisants pour établir des variétés. On y trouve cependant un 
port, un facies, qui en décèle l’origine. 

Mais si on les étudie attentivement, et qu’on prenne 
isolément tous leurs caractères, on voit alors des différences 
dans chacune d’elles ; ainsi, le veronica scutellata à cons- 
tamment les feuilles plus longues qu’en Europe ; l’epilobium 
angustifolium a toujours des feuilles plus étroites à la base 
que la même plante en Europe; dans le circœæa luteliana , 
les nervures de la face inférieure des feuilles sont cons- 
tamment glabres, tandis qu’en Europe elles sont pubes- 
centes , etc. L'influence du climat est visible ici, car, dans 
les climats semblables, on trouve aussi des plantes sembla- 
bles; mais l'identité parfaite des espèces dans les climats 
différents est tellement rare, que ces petites nuances ne 
doivent point nous étonner (1). 

Il est très-curieux de remarquer que la plupart de ces es- 
pèces qui s’écartent vers le sud ou vers le nord se modifient 
peu à peu par l'influence des climats. Ainsi, un grand nom- 
bre d’entr’elles ont leur variété australis, qui tend à s’é- 
loigner des types ; mais, dans la direction opposée, vers le 
nord , la variation est plus considérable , et nous adjoignons 
à celles de nos plantes qui s’enfoncent dans les régions sep- 
tentrionales des variétés laponica, arctica, borealis, ete. 
Quand on compare les plantes de la Laponie, par exemple, 
à celles de la France, on les trouve très-différentes , et les 
variétés sont bien plus fréquentes dans le nord que dans le 
midi. 


(4) Link, le Monde primitif, t. 2, p. 400. 


MILIEUX AMBIANTS. 17 


Il nous semble facile d’en trouver la raison dans le plus ou 
le moins de nécessité de la station, et dans la sociabilité des 
végétaux ou mieux dans le nombre des individus. 

Si l’on y fait attention , on voit que , dans les régions mé- 
ridionales , la station a une grande influence, et cette in- 
fluence est d’autant plus considérable que les pluies sont 
plus rares, et que la plante vit plus indépendante de l'at- 
mosphère. La station est nette et précise dans les pays 
chauds , et l’espèce vivant au milieu des mêmes conditions 
varie MOINS. 

Dans les régions arctiques, où les individus sont plus sou- 
mis aux météores atmosphériques qu’au sol lui-même , les 
stations se confondent souvent ; la plante des bois vit aussi 
dans les marais, et celle des montagnes descend souvent jus- 
qu’au bord de la mer ; mais, dans ces situations diverses , 
elle subit constamment des modifications. 

D'un autre côté, à mesure qu’on approche des pôles, et 
surtout vers le cercle polaire, le nombre des espèces est in- 
finiment plus petit pour un espace donné, mais aussi, par 
compensation, le nombre des individus devient infiniment 
plus grand. Les plantes y vivent en société nombreuse, cou- 
vrent d'immenses étendues de pays, et ces causes réunies 
concourent à la variation, toujours plus grande dans le nord 
que dans le midi. 

M. Bravais a observé, en Laponie, des individus de l’alche- 
milla vulgaris, L., et de l’alchemilla alpina, L., qui crois- 
saient péle-mêle, en conservant leurs caractères différentrels. 
Il en a conclu, comme la plupart des botanistes , que ces 
deux plantes ne peuvent pas dériver l’une de l’autre, et 
qu'elles constituent deux espèces parfaitement distinctes. 
Nous ne pensons pas que personne veuille aujourd'hui réu- 
ir les deux types dont uous parlons, maus le fait observé par 


172 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


M. Bravais ne prouve nullement que les deux plantes n’aient 
pas une origine commune. Nous trouvons, au pied du puy 
de Dôme, ces deux alchémilles qui végètent aussi mélangées, 
et nous pouvons même y ajouter la variété hybrida de l'A. 
vulgaris L., ou alchemilla hybrida Hoffmann. C’est ici un 
simple fait de dissémination et d’expansion géographique. La 
station où nous trouvons ces trois plantes réunies consiste en 
un sol sec de pouzzolane et de détritus volcaniques, couvert 
d’un gazon court et serré. C’est la véritable station de l'al- 
chemilla hybrida , Hoffmann. E’A. vulgaris, L., qui s’y 
trouve mélangée, provient de graines qui ont été transpor- 
tées, ou des régions inférieures où elle se développe dans 
des: terrains gras et humides , ou d’une zone supérieure, car 
les pentes herbeuses du puy de Dôme donnent asile à cette 
espèce ; tandis que l’A. alpina, L., descend des roches de 
domite ou de lave qui font saillie çà et à, et, par suite de 
l'extension de leur aire géographique , ces deux plantes vien- 
nent se Joindre à l’A. hybrida, Hoffm. , comme ies À. vul- 
garis, L., et alpina, L., se trouvent ensemble en Eaponie , 
où l’on ne retrouve pas l’achemilla hybride, Hoffm., qui est 
peut-être le type primitif des deux espèces. 

Il n’en est pas moins vrai que, vendant la période géolo- 
gique actuelle, nous devons considérer les deux alchémilles 
comme très-distinctes, sans préiuger si, dans les temps anté- 
rieurs, et par suite de conditions particulières qui nous sont 
inconnues , elles ne dérivent pas d’un même type. 

Au nombre des milieux qui ont le pouvoir de faire éprou- 
ver des variations aux différents types végétaux , le sol a, 
sans contredit, une action très-marquée. 

Si quelques botanistes ont nié d’une manière générale son 
influence absolue sur la dispersion des espèces, il en est 
d’autres qui ont été trop loin en sens inverse. 


MILIEUX AMBIANTS. 173 


M. Unger, dans un très-beau travail sur la géographie 
botanique du Tyrol septentrional , admet que l'élément chi- 
mique calcaire ou alumineux peut même modifier l'espèce, 
et 1l cite comme exemple le parallèle suivant, où chaque 
plante placée en regard , de la première à la seconde co- 
lonne, n’est considérée par lui que comme une forme du 
même type influencé et modifié par la nature différente des 
terrains. 


CALCAIRE. SCHISTE ARGILEUX. 
Luzula glabrata. Desv. Luzula spadicea. De. 
Juncus monanthos. Jacq. Juncus trifidus. L. 
Primula pubescens. Jacq. Primula hirsuta. Wild. 
Phyleuma orbiculare. L. Phyleuma fistulosum. Rech. 
Lepidium alpinum. EL. Lepidium brevicaule. Hopp. 
Anemone grand flora. Hopp. Anemone alpina. L. 
Ribes alpinum. L. Ribes pætreum. Wulf. 
Gentiana bavarica. EL. Gentiana imbricata. Fries. 
Dianthus alpinus. L. Dianthus glacialis. Hænck. 


Il est très-possible qu'il y ait dans ces deux listes des sé- 
ries de variétés modifiées par la nature du sol, et qui per- 
draient leurs caractères st elles croissaient longtemps sur 
des sols chimiquement différents. Toutefois nous ne pouvons 
admettre cette action sur la liste entière, et nous la repous- 
sons surtout pour les deux espèces de ribes, toutes deux 
répandues sur le plateau central, et que l’on rencontre 
assez souvent dans les mêmes lieux, et notamment sur les 
laves fnodernes et les trachytes. El y a peu d'espèces aussi 
distinctes que les ribes alpinum et pœtreum. La première 
est dioïque ; les fleurs, les feuilles, les fruits, le port de la 
plante, rien n'indique les moindres rapports; et si les gro- 


174 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


seilliers proviennent originairement d’un même type, il faut 
chercher les causes de leurs différences actuelles et de 
leurs caractères acquis dans des conditions d'existence bien 
plus distinctes que la présence de la chaux ou de l’alumine 
dans le sol qui les nourrit. 

Il est toujours assez facile d'établir des séparations entre 
un petit nombre d'individus , et d’y trouver des caractères 
assez précis pour en faire des espèces. Il suffit pour cela de 
éomparer et de noter les différences. On a poussé bien loin 
cette tendance, puisque souvent dans le règne animal on a 
fait une espèce du mâle, une autre de la femelle, une espèce 
d’un oiseau en plumage d’hiver ou en livrée d’amour. Enfin, 
Cuvier lui-même a transporté dans une classe différente, 
sous le nom d’hectochylus , le bras mâle détaché d’un cépha- 
lopode. Ces faits prouvent que ce n’est pas dans le cabinet 
qu'il faut déterminer l'espèce , et de plus qu'il faut voir un 
très-grand nombre d'individus pour reconnaître s’il n’existe 
pas de passage , et si les caractères sont constants. Combien 
de botanistes, en comparant quelques échantillons d’herbier, 
ont fait des espèces nouvelles auxquelles ils n’osent croire 
eux-mêmes , au lieu d'admettre des modifications possibles 
et même nécessaires, mais restreintes dans les bornes que 
permettent les variations également limitées des circonstances 
biologiques actuelles. 

La nature elle-même, dans son immense prévoyance , ne 
nous indique-t-elle pas sa tendance à adapter les êtres à 
différents milieux? Ne place-t-elle pas dans les embryons 
des vertébrés deux appareils différents pour la respiration , 
l’un destiné à l'air, l’autre qui doit fonctionner dans l’eau ! 
Un seul se développe, il est vrai, dans la plupart des cas. 

Les poumons grandissent , et l'appareil branchial s’atro- 
phie chez les embryons que la mère doit déposer dans l'air 


DE L'INFLUENCE DE L'HOMME. 175 


atmosphérique ; l'inverse a lieu pour les poissons où dans 
l’âge adulte la vessie natatoire prend la place du poumon , et 
tous deux se développent dans les batraciens, véritables 
amphibies , où la perfection n'arrive que si l’animal peyt 
devenir terrestre et changer de milieu. 


$ 2. DE L'INFLUENCE DE L'HOMME SUR LES MODIFI- 
CATIONS DE L'ESPÈCE. 


Nous savons déjà que des hybrides peuvent naître parmi 
les plantes par le concours des insectes qui transportent 
constamment le pollen d’une plante sur une autre, mais 
nous avons vu aussi que, dans la nature et dans l’âge adulte 
de l’espèce, ces mélanges, quoique féconds, retournent 
facilement à leur type primitif, et disparaissent prompte- 
ment de la scène du monde. 

L'influence de l’homme est bien différente ; elle est in- 
contestable , et quelques-unes de ses propres créations se 
perpétuent presque indéfiniment, et sont sous certains rap- 
ports plus stables que plusieurs formes appartenant à la 
nature et que l'habitude n’a pas encore rendues perma- 
nentes. 

L'homme s’est adressé aux deux règnes organisés, et il 
a mis en œuvre tous les moyens qui lui ont été suscités par 
son intelligence pour créer des espèces ou des formes , pour 
modifier à son point de vue tout ce qui existait, et faire 
plier chaque espèce à ses besoins. 

Pour opérer toutes ses transformations et pour les main- 
tenir, l'homme n’a fait que copier la nature. Quand il à 
voulu modifier 1l a changé les conditions, quand il a voulu 
maintenir il les a conservées, et c’est ainsi qu’il est parvenu 
à créer des êtres qui sont momentanément plus différents de 


176 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


leurs souches que certaines espèces et même certains genres 
peuvent l'être entr'eux. 

Noustrouverions de très-nombreux exemples si nous vou- 
lions citer, dans les deux règnes , les formes qui sont le ré- 
sultat de l’action de l’homme, 

E! faudrait dans le règne animal nous occuper d’abord des 
chiens et de leurs races nombreuses. Aucune série d’ani- 
maux ne nous offre une tendance plus marquée à varier se- 
lon les influences qu'ils reçoivent des circonstances exté- 
rieures, et cet animal que l’on fait dériver du loup, du cha- 
cal‘ou du renard, qui peut-être tire son origine de tous les 
trois, est certainement une espèce de notre création, Qui 
sait même si les différentes races conservées séparément 
ne finiraient pas par acquérir la stabilité, et constituer alors 
autant d'espèces distinctes ? 

Frédéric Cuvier qui a fait de longues études sur ce sujet, 
pense qu'ils appartiennent tous à une seule espèce. I fait 
remarquer que si nous prenons toutes ces variétés pour des 
races permanentes, c’est-à-dire pour des espèces primi- 
tivement distinctes, -et que nous admettions en même 
temps que ces races ne sont susceptibles que de peu ou 
pointde modifications , il sera nécessaire de reconnaître 
au moins cinquante espèces différentes de chiens , toutes 
distinguées les unes des autres par des caractères perma- 
nents. | 

Peu de personnes, dit F. Cuvier, pourront accepter sérieu- 
sement une supposition si improbable ; elle devient en effet 
de plus en plus difficile à admettre lorsque, comparant 
entr’elles les différentes races de chiens , on considère la 
série de changements progressifs qui s'observent dans leur 
structure physique. Les races qui sont le moins complétement 
réduites à l’état domestique et celles qui sont redevenues 


DE L'INFLUENCE DE L'HOMME. 171 


sauvages, comme le dingo ou chien de la Nouvelle-Hol- 
lande , diffèrent peu du loup pour la forme de la tête et pour 
d’autres caractères ; tandis que les races les plus cultivées , 
celles dont les facultés ont été le plus développées , et les 
habitudes les plus changées par la domesticité, sont aussi 
celles qui s’éloigent le plus de cette forme, celles chez les- 
quelles nous trouvons le plus particulièrement le front le 
plus arrondi et le plus voüté, le cerveau le plus développé. 
Les chiens de la Nouvelle-Hollande sont presque à l’état de 
nature, presque sauvages. Ils demeurent dans les creux des 
rochers et vivent sans le secours de l’homme, en chassant 
pour leur compte les animaux sauvages dont ils se nour- 
rissent ; même lorsqu'ils chassent de compagnie avec les 
naturels du pays, c’est plutôt en qualité d’associés qui 
seront rétribués de leur peine par une part du butin, que 
comme des animaux dressés, comme des animaux domes- 
tiques (1). » 

Si les chiens dérivent d’un même type , nous l’avons sin- 
gulièrement modifié; car, indépendamment du volume, du 
pelage, de la taille, il existe encoredes différences très-grandes 
dans les oreilles, dans le nombre des vertèbres de la queue. 
Quelques-uns ont une fausse molaire de plus , et l’on trouve 
aussi des chiens dont les individus se perpétuent avec un 
doigt additionnel aux pieds de derrière. 

Il existe de même des races humaines à six doigts, qui 
se reproduisent et qui ont acquis une sorte de stabilité. 
Renou cite une transmission héréditaire de cette nature 
dans quelques familles du Bas-Anjou. Tous les enfants 
naissaient avec six doigts à l’une et souvent aux deux 
mains, et l’habitude était tellement acquise, que l’ampu- 


(4) Pritchard , Hist. nat. de l’homme , t. 4, p. GG. 


178 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


tation se faisait dès la naissance, et que lui-même en à opéré 
plusieurs (1). 

Les gallinacés sont peut-être , de tous les animaux, ceux 
qui ont le plus varié en domesticité. Le plumage, la taille, la 
forme de la crête , offrent autant de diversités que d’indivi- 
dus ; on connaît des poules à cinq doigts, d’autres sans queue 
et sans croupion , et la présence d’une huppe volumineuse , 
dans une race très-répandue , occasionne, dans la forme du 
crâne, une proéminence que l’on pourrait considérer comme 
un caractère plus que spécifique. 

Les moutons sont aussi des animaux dont la création appar- 
tient à l’homme, et si, comme on le pense, ils dérivent du 
mouflon, aujourd’hui confiné dans les montagnes de la Corse 
et de la Sardaigne , ce dernier a éprouvé de bien nombreuses 
variations. L'homme, en s’appropriant certains cas acciden- 
tels , facilite cette tendance à la modification. « Il n’est pas 
rare, dans nos pays, dit M. Pritchard , de voir former de 
nouvelles races de moutons, chez lesquelles prédominent 
certains caractères particuliers estimés par tels ou tels éle- 
veurs. Cela se fait de deux manières : d’une part, en croi- 
sant des races déjà établies et bien connues ; de l’autre, et 
c’est plus fréquemment le cas, en choisissant, pour la repro- 
duction, dans tout un troupeau, les individus qui présentent 
déjà , à un plus haut degré que les autres, les particularités 
recherchées, et en procédant ainsi pendant plusieurs géné- 
rations successives. Dans ce cas, la variété naturelle ou con- 
génitale qui apparaît, peut-être pour la première fois , dans 
un individu ,.se perpétue en vertu de la transmission hé- 
réditaire des caractères , qui est une loi dans l’économie 
animale. 


(4) Journal de physique, t. #, p. 574. 


DE L'INFLUENCE DE L'HOMME. 179 


» On trouve un exemple frappant de ce fait dans la for- 
mation d’une nouvelle race de moutons dans l’État de Mas- 
sachussetts, exemple cité par plusieurs auteurs qui se sont 
occupés de cette question : 

» En 1791, dans la ferme de Seth-Wright , une brebis 
mit bas un petit mâle qui, sans cause connue, se trouva 
avoir le corps plus long et les jambes plus courtes que le 
reste de sa race ; les jambes de devant étaient crochues. La 
conformation de cet animal , le rendant incapable de sauter 
par-dessus les clôtures, on voulut tenter de propager la par- 
ticularité qui le distinguait, et l'expérience réussit : on ob- 
tint une nouvelle race de moutons que l’on nomma, d’après 
la forme du corps, la race Loutre. Lorsque le père et la mère 
appartiennent à cette race, les agneaux qui en naissent héri- 
tent de cette particularité de forme : c’est, à ce qu'il paraît, 
un fait constant (1). » 

Nous pourrions trouver de nombreux exemples analogues 
si nous passions en revue tous les animaux soumis à la do- 
mesticité. Les chevaux, les bœufs, les oies, les abeilles, les 
vers à soie , etc., nous offriraient une foule de races et de 
formes modifiées par notre influence. 

Si l’homme.est capable de créer des espèces , il est plus 
certain encore de les détruire. Nous pourrions citer le gnou, 
qui aujourd'hui n’existe plus, le dronte et plusieurs autres 
oiseaux de la Nouvelle-Zélande. « On sait généralement que 
l'espèce du bouquetin des Alpes est sur le point de dispa- 
raître entièrement , on s’est même occupé des moyens d’en 
empêcher l'extinction par des prohibitions et par l’établisse- 
ment de parcs. Un sort pareil menace le mouflon ou mouton 
sauvage de l’Europe méridionale. Si bientôt les gouverne- 


(4) Pritchard , Hist. nat. de l’homme, 1. 4, p. 60. 


180 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


ments ne le prennent sous leur protection , 11 n'aura plus 
d'existence que dans les ouvrages d'histoire naturelle. L'É- 
gypte nous donne aussi un exemple de la manière dont la 
présence de l'homme peut refouler les animaux. L’hippopo- 
tame et le crocodile, si nombreux au temps d'Hérodote, ont 
été peu à peu repoussés dans le Nil supérieur. Les lions 
qu'on voyait errer presque dans le voisinage de la ville du 
Cap, sont maintenant forcés de se retirer bien avant dans les 
terres. Plusieurs habitants des États de l'Amérique du Nord 
n’ont pas vu plus de serpents à sonnettes que les Européens, 
tandis que ce reptile terrible était st multiphié quand l’Amé- 
rique commença à se couvrir d'habitants (1). » 

D'un autre côté, si la race humaine , en envahissant les 
diverses régions de la terre, a fait disparaître quelques ani- 
maux , il est possible aussi que, par une sorte de compensa- 
tion , elle en ait sauvé quelques autres placés sous sa pro- 
tection intéressée. Link pense que le cheval et le cochon sont 
de ce nombre. 

« On trouve, dit-il, avec les restes fossiles, soit des élé- 
phants, soit des rhinocéros, une quantité considérable d’os 
ou de dents de cheval , qui ont la plus grande analogie avec 
les os ou les dents de l'espèce aujourd’hui vivante , on ne 
voit presque point de différence. Les dents ont quelquelois 
une grosseur très-remarquable, et quelquefois les os ne sont 
pas plus grands que ceux d’un cheval de moyenne taille de 
l’espèce actuelle. Ces fossiles sont par milliers auprès de 
Canstadt, ils sont aussi très-nombreux près de Tiède et 
dans d’autres localités. Ces ossements se trouvent encore 
dans les tourbières, dans les marais et dans d’autres endroits 
semblables , et bien certainement, ils ne viennent point des 


(4) Link, le Monde primitif, t. 4, p. 151, traduction. 


DE L'INFLUENCE DE L'HOMME. 181 


espèces antédiluviennes. Peut-être aussi le cheval est-il un 
animal du monde ancien, échappé à la destruction par le 
soin que l’homme à mis à en faire un animal domestique ; 
car on ne voit plus de chevaux sauvages. Dans les couches 
arenacées d’Eppelsheim , M. de Mayer à trouvé une autre 
espèce de cheval fossile qu'il regarde comme plus moderne 
que les autres. 

« Les dents et les os fossiles du genre cochon fsus) se 
rencontrent assez fréquemment , on y observe une grande 
ressemblance avec ceux de l'espèce actuelle ; il n’y a de 
différence que parce que les dents fossiles sont plus longues 
et plus étroites (1). » 

Si des essais sérieux étaient tentés dans le but de modi- 
fier les espèces, ou plutôt si notre existence était assez longue 
pour arriver à un résultat , nous parviendrions certainement 
à des considérations très-importantes sur la variation et la 
permanence. 

Les modifications qui portent sur les organes intérieurs, 
et notamment sur certains viscères, sont peut-être encore 
plus faciles à obtenir que les changements des formes exté- 
rieures. Ainsi, nous en avons des exemples dans les cochons 
domestiques redevenus sauvages, dont les intestins ne con- 
servent plus les mêmes longueurs relatives, et surtout si nous 
comparons le chat sauvage et le chat domestique, qui en 
est évidemment dérivé. Selon Cuvier, la longueur de l'ani- 
mal à celle des intestins est comme 1 : 3 dans l’animal sau- 
vage, et comme { : 5 dans la race domestique. On conçoit, en 
effet, qu’un organe soustrait aux influences extérieures soil 
principalement affecté par une alimentation différente, qui, 
pour cet organe, change totalement ses conditions ordinaires. 


(4) Link, le Monde primitif, t. 4, p. 69, traduction. 


182 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


L’air affecte les poumons, comme les aliments modifient 
l'intestin. 

‘La grenouille et le tétard peuvent déjà nous montrer 
combien les circonstances extérieures ont d'influence sur les 
modifications des espèces. 

Le docteur Edwards a fait voir qu’en retenant sous l’eau 
des têtards, on peut retarder ou même empêcher entièrement 
leur métamorphose ; il a donc démontré que cette méta- 
morphose n’a rien d’absolu. Ainsi , 1l est avéré que, dans 
plusieurs circonstances , et en raison de certains effets de 
l'atmosphère, certaines organisations de poisson peuvent 
s’élever à un degré d’organisation supérieure. Il existe, dans 
les lacs souterrains de la Carniole , des animaux à peu près 
analogues aux tétards des grenouilles, et qui étant privés 
toute leur vie des conditions d’air et de soleil qui font , si 
nous pouvons ainsi parler, mürir les têtards, demeurent 
toute leur vie dans cet état inférieur, et s’y reproduisent. 
Qui sait si, en soumettant ces animaux à un régime conve- 
nable, et surtout la nature aidant, on ne parviendrait pas à 
leur faire subir les mêmes transformations que l’âge produit 
sur les têtards, et à greffer ainsi une branche nouvelle 
d'animaux aériens sur une branche antérieure d'animaux 
aquatiques (1) ! 

Cette supposition est d'autant plus admissible, que déjà , 
en 1819, Schreibers s’est occupé d'expériences de ce 
genre sur ces protées. « Si, par des procédés extrêmement 
aisés à concevoir , dit-il, on force un protée à se tenir au 
fond d’une masse d’eau assez considérable, alors les bran- 
chies acquièrent un développement triple de celui qu’elles 


(4) Jean Raynaud, dans les Documents biographiques, par Geoffroy 
Saint-Hilaire , p. 504. 


DE L'INFLUENCE DE L'HOMME. 183 


ont ordinairement, et les poumons tendent à s’atrophier. Si, 
au contraire, on le tient constamment peu au-dessous de la 
surface du fluide, les poumons deviennent beaucoup plus 
grands, beaucoup plus vasculaires qu’ils n'étaient, et les 
branchies s’oblitèrent plus ou moins complétement. Cette 
expérience curieuse nous parait d’abord un nouveau fait 
important, à l’appui de l'opinion des philosophes qui pen- 
sent que l'usage d’un organe a une très-grande influence 
sur son développement (1). » 

Non-seulement les animaux réduits en domesticité ont 
été modifiés per l’homme, mais la contre-épreuve a été 
faite. Les races domestiques, rentrées dans la vie sau- 
vage, c'est-à-dire soustraites aux influences qui les modi- 
fiaient , ont repris leur état primitif, tout en conservant 
quelques-uns des caractères imprimés par l’homme. Des 
habitudes acquises ont été transmises. M. Roulin, qui a 
publié, en 1829, un mémoire très-remarquable sur les 
animaux domestiques revenus à l’état sauvage, cite des 
chevaux qui avaient conservé, dans leur descendance , l’al- 
lure de l’amble; des chiens qui montraient encore, dans 
leur génération éloignée, les ruses et l’adresse nécessaires 


\ 


à la chasse du pécari, pour laquelle leurs ancètres avaient 
été dressés. 

Or, quand nous voyons pendant notre période géologique, 
exempte de tout changement sérieux dans les conditions bio- 
logiques, des êtres subir impression de quelques influences 
qui sont à notre faible portée, comment ne pas accepter 
une part bien plus large dans ce même ordre de choses, en 
nous rappelant les immenses perturbations que chaque se- 


cousse géologique à dù amener dans Pair et dans les eaux 


(4) Journal de physique, 1819, t. 88, p. 400. 


18% CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


qui sont les milieux où tous les êtres vivants sont forcés de 
suivre les phases de leur développement ? 

Notre but n’est pas de réunir la masse immense de faits 
qui viennent à l’appui de notre puissance modificatrice. Nous 
aurions dû même, dans ce travail, nous borner aux variations 
produites dans les végétaux. Celles-ci ont eu lieu sur une 
échelle beaucoup plus vaste que celles des animaux , car tan- 
dis que nous ne connaissons dans le règne animal qu'environ 
40 à 50 espèces domestiques, nous pouvons citer par cen- 
taines les plantes civilisées. Les unes sont cultivées pour leurs 
fleurs , d’autres pour leurs fruits ou pour leurs graines. Dans 
les unes nous nous attachons à développer un organe, dans 
les autres nous cherchons à l’atrophier, ou développant sans 
le savoir la belle loi de Geoffroy Saint-Hilaire, du balan- 
cement des organes , nous cherchons, par nos moyens arti- 
ficiels, à donner à l’un ce que nous enlevons à l’autre. 

Dans quelques races de choux nous donnons aux feuilles 
ce qui manque aux racines, dans d’autres nous laissons gros- 
sir ce dernier organe aux dépens des feuilles. 

La domesticité de quelques plantes date même de si 
longtemps que nous ne pouvons plus retrouver leurs sou- 
ches. Le blé, le lin , le seigle, l’avoine , sont peut-être des 
espèces de notre création, qui, soumises depuis très-long- 
temps aux mêmes conditions d'existence , semblent avoir 
acquis l'habitude et la stabilité. 

Nous pourrions citer la longue série de nos arbres fruitiers 
comme constituant une multitude de types que nous avons 
créés ou recueillis, et que la reproduction par gemmes a 
multipliés à l'infini. Les bananiers que l’on n’a trouvés nulle 
part à l’état sauvage varient dans leurs fruits comme nos 
pommiers et nos poiriers. Ces variétés, que la plupart des 
naturalistes confondent, quoiqu’elles exigent un climat très- 


DE L'INFLUENCE DE L'HOMME. 185 


différent, sont devenues constantes par une longue cul- 
ture (1). 

Ce sont surtout nos races potagères qui peuvent nous 
montrer la puissante intervention de l’homme. Là nous re- 
trouvons presque toujours la souche , nous la modifions à 
notre gré, et si nous l’abandonnons elle redevient sauvage. 
Il y a longtemps que les expériences de Ph. Miller , sur la 
carotte {daucus carotta), lui ont prouvé que cette plante ne 
peut pas retourner à l’état sauvage dès le premier semis. 
Il à fallu plusieurs générations successives dans un mauvais 
terrain pour amaigrir sa racine et la rendre de nouveau sèche 
et fibreuse, comme elle l’est naturellement dans les champs. 
M. Vilmorin, par une contre-épreuve , a retiré au contraire 
la carotte sauvage de ses guérets , et a rendu à ses descen- 
dants , par des procédés contraires, mais après plusieurs 
générations , les caractères que Miller lui avait fait perdre. 

Le persil frisé nous donne souvent des graines qui font 
un retour à l’état primitif, et nous pourrions citer parmi les 
espèces presque défigurées par nous, toutes nos laitues , nos 
chicorées , nos raves, nos poireaux , nos melons, nos citrouil- 
les et la plupart des légumes dont nous avons emprunté les 
types à toutes les régions du monde. 

La culture tend donc à modifier complétement la repré- 
sentation graphique de l'espèce, à allonger et ramifier 
considérablement certains rayons; mais toutes ces variétés 
nouvellement créées ont besoin d’acquérir la stabilité qui ne 
peut leur être dévolue qu’en les maintenant toujours sous 
l'empire des circonstances qui les ont fait naître. Ceci 
est tellement vrai, que certaines graines , qui donnent cons- 
tamment la variation dans une localité , cessent de la pro- 


(4) Humboldt, Voy. aux rég. équat, t. 4, p. 219. 


186 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


duire dans une autre dès la seconde génération et quelque- 
fois dès la première. 

Des variétés de pieds d’alouettes à fleurs blanches , pro- 
duisent des graines qui donnent la première année des plan- 
tes à fleurs de toutes couleurs , parmi lesquelles cependant 
celles à fleurs blanches dominent. Ces dernières reprodui- 
sent un plus grand nombre d'individus blancs ; et en choï- 
sissant ainsi pendant plusieurs années , on arrive à avoir de 
la graine qui ne donne plus d’autres couleurs que le blanc. 
Les anciennes variétés de fleurs et de fruits, cultivées depuis 
un temps immémorial dans nos jardins, ont presque acquis 
l'habitude et la permanence des véritables espèces. Leur 
origine et leurs types sont ignorés. Nous avons fait le blé et 
la rose à cent feuilles, leur culture s’est propagée à travers 
les siècles , et ils ont acquis la stabilité en perdant leur acte 
de naissance. 

Il n’en est pas de même de nos dalhias , de nos œillets, 
de nos tulipes. Des semis les plus soignés, des graines les 
plus précieuses, il sort encore une infinité de fleurs qui ne 
rappellent plus les rangs multiples des fleurons , les vives 
panachures ni le brillant coloris de leurs ascendants. Une 
partie même de ces végétaux semble retourner à l'état pri-: 
mitif, et si la culture les abandonne, ce sont les plus rus- 
tiques qui donnent le plus de graines, qui acquièrent le plus 
de vigueur , et qui bientôt détruisent les autres en s’y subs- 
Uituant, reprenant ainsi par la force leurs anciennes habi- 
tudes, un instant contrariées par le caprice ou l'intelligence 
de l’homme. 

La varietion provoquée et conservée par l’horticulture, 
peut , comme nous venons de le voir, modifier beaucoup les 
espèces , et donner à de simples variétés une importance 
très-grande et très-méritée, et lorsque l’on compare nos 


DE L'HABITUDE DE L'ESPÈCE. 187 


belles poires de beurré aux fruits acerbes du poirier sau- 
vage, notre oseille à celle des prairies, nos céleris à lache 
des marais , on se demande si des plantes aussi différentes 
peuvent appartenir à la même espèce sauvage ou civilisée. 
L'action de l’homme que nous avons vue si influente déjà 
pour la dissémination des espèces, acquiert plus d'importance 
encore dans leurs modifications, et parvient à créer des types 
qui, s'ils ne sont pas tous permanents, ont au moins une 
stabilité suffisante pour remplir le but qu'il se propose. 


CHAPITRE IX. 


DE L'HABITUDE ET DE LA PERMANENCE DE L'ESPÈCE. 


Nous avons reconnu que l'espèce n’est pas invariable et 
qu'elle peut se modifier de différentes manières. En la 
considérant comme groupe de nombreux individus , nous 
avons été amené à trouver que ces individus eux-mêmes 
sont variables, et qu'ils subissent , depuis leur naissance 
jusqu’à leur état parfait, une série de métamorphoses. Mais, 
soumise à des conditions biologiques variables, l’espèce en 
suit aussi plus où moins toutes les variations, et la succession 
des êtres qui la constituent peut être plus ou moins modifiée 
par le semis, par lès gemmes, par lhybridation, par les 
circonstances extérieures et par d'homme lui-même; or, 
comme l'espèce est une chaîne continue , qu’elle se compose 
de nombreux individus essentiellement variables et qui peu- 
vent être influencés par une foule de circonstances , il en 
résulte , d'après ce que nous avons vu jusqu'ici, que l'espèce 
absolument permanente n'existe pas. 


188 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


Il y à dans l’espèce comme dans tout le reste de la nature, 
tendance continuelle au changement, à la métamorphose. 
Mais, comme pour balancer cette tendance, il existe une 
autre force contraire qui agit en sens inverse et que l’on 
nomme l'habitude ou la stabilité. 

S'il nous était permis de choisir une comparaison dans un 
champ plus vaste, nous comparerions la première de ces 
forces à l'impulsion qui a lancé les planètes et qui les pousse 
constamment vers la tangente qu'elles suivraient infaillible- 
ment, si une puissance qui agit en sens contraire , l’attrac- 
tion, ne les retenait captives et ne les enfermait dans un 
cercle sans fin. 

L'espèce peut être considérée comme sollicitée par deux 
forces analogues à celles dont nous venons de parler ; l’une 
qui l’excite à se modifier, l’autre qui la retient. Reste donc 
à savoir quelle est celle des deux forces qui, à une époque 
quelconque de la vie du globe ou de l’espèce , peut l’em- 
porter sur l’autre. Si c’est la première, l'espèce éprouvera 
des changements continuels ; si c’est la seconde , il y aura, 
si l’on peut s'exprimer ainsi, permanence momentanée. 

IL est bien certain que si nous classons ces deux forces 
d’après leur importance, la première , celle qui est inhérente 
à l'espèce comme à toute autre chose, sera la principale, 
la force active, tandis que l’autre ne sera pour ainsi dire 
que négative et accidentelle. 

L'une pourra encore être considérée comme ces lettres 
que nous nommons voyelles et dont le son prononcé peut se 
continuer indéfiniment, et qui forment la base d’une langue ; 
l’autre ressemblera aux consonnes qui peuvent couper, ar- 
ticuler un instant les voyelles, mais qui ne peuvent ni les 
remplacer, ni conserver leur valeur indéfiniment. 

D'après cela, l'espèce ne serait ni invariable, ni per- 


DE L'HABITUDE DE L'ESPÈCE. 189 


amanente. Elle serait actuelle, passée où à venir, en un 
mot, momentanée et plus ou moins durable. 

Si nous poursuivions nos comparaisons dans les profondes 
régions de l’espace, nous pourrions encore considérer l’es- 
pèce comme ces étoiles que nous appelons fixes et sur l’ar- 
rangement desquelles nous avons construit nos constella- 
tions, ces jalons de l'univers. Nous rapportons toutes les 
mesures astronomiques à ces arrangements d'étoiles qui ne 
sont pas sensiblement altérés depuis que l’homme sait obser- 
ver. Mais pourtant quelques-unes d’entr’elles se déplacent 
déjà à nos yeux ; toutes ont leurs mouvements propres , et à 
la suite des siècles les étoiles fixes auront parcouru des mil- 
lions de diamètres terrestres dans l'étendue des cieux, et 
dérangé les points de repère de la grande trigonométrie cé- 
leste. Qui sait même si les nébuleuses ne sont pas aussi 
déplacées dans les profondeurs de l’espace ? 

Ainsi sont les espèces ; fixes aujourd’hui vis-à-vis de 
notre courte existence , fixes à cause de l'extrême longueur 
de notre époque géologique, fixes par habitude et par sta- 
biité, fixes parce que la dernière force l'emporte momen- 
tanément sur l’autre ; mais disposées à des filiations ulté- 
rieures , si les conditions changent et si la stabilité et le 
repos de notre longue période géologique viennent à être 
ébranlés. 

La force d'habitude ou la stabilité est due à la perma- 
nence des mêmes causes. Elle agit au moral comme au phy- 
sique. C’est la disposition acquise par des actes réitérés ou 
par des causes qui ont une certaine durée. Cette habitude 
acquise donne la stabilité et fait répéter presque mécani- 
quement les mêmes actions, les mêmes mouvements, et 
augmente continuellement la tendance au même but. 

Un organe peut très-bien acquérir une habitude par la 


190 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


répétition des mêmes actes, et nous voyons à chaque instant, 


chez l’homme et chez les animaux , cette cause agir de la 


manière la plus évidente. Il n’est pas une profession qui 


n’exige la pratique, à chaque instant renouvelée, de cer- 


tains travaux qui donnent à nos membres des habitudes 
particulières. Un des faits les plus curieux de l’habitude ac- 


quise par les organes, c’est la dilatation de la poitrine chez 


les habitants des hautes régions. Voici, du reste , l'obser- 
vation telle que la rapporte M. d’Orbigny (1). 


« Revenens aux causes qui déterminent dans les Qui- 
chuos, le grand voiume de la poitrine que nous y avons 
observé ; beaucoup de recherches ont dù nous les faire 
attribuer à l'influence des régions élevées sur lesquels ils 
vivent. Les plateaux qu'ils habitent sont toujours com- 
pris entre les limites de 7,500 à 15,000 pieds ou de 
2,500 à 5,000 mètres d’élévation au-dessus du niveau 
de la mer ; aussi l’air y est-il si raréfié qu'il en faut une 
plus grande quantité qu’au niveau de l'Océan , pour que 
l’homme y trouve les éléments de la vie. Les poumons 
ayant besoin, par suite de leur grand volume nécessaire 
et de leur plus grande dilatation dans l’aspiration , d’une 
cavité plus large qu'aux régions basses , cette cavité re- 
çoit dès l'enfance et pendant toute la durée de l’accrois- 
sement, un grand développement, tout à fait indépen- 
dant de celui des autres parties. Nous avons voulu nous 
assurer, si comme nous le supposions à priori , les pou- 
mons eux-mêmes, par suite de leur plus grande extension, 
n'avaient pas subi de modifications notables. Habitant la 
ville de la Paz , élevée de 3,717 mètres au-dessus du ni- 


(4) D'Orbigny, l'Homme américain considéré sous ses rapports physiques 


et moraux. Paris, 4859. 


DE L'HABITUDE DE L'ESPÈCE. 191 


veau de l'Océan , et informé qu'à lhôpital il y avait cons- 
tamment des Indiens des plateaux très-populeux plus 
élevés encore (3,900 à 4,430 mètres), nous avons eu re- 
cours à la complaisance de notre compatriote, M. Bar- 
nier, médecin de cet hôpital. Nous l'avons prié de vou- 
loir bien nous permettre de faire l’autopsie des cadavres 
de quelques-uns de ces Indiens des plus hautes régions, 
et nous avons, COMME nous NOUS Y attendions , reconnu 
avec lui aux poumons des dimensions extraordinaires , ce 
qu'indiquait la forme extérieure de la poitrine. Nous 
avons remarqué que les cellules sont plus grandes que 
celles des poumons que nous avions disséqués en France, 
condition aussi nécessaire pour augmenter la surface en 
contact avec le fluide ambiant. En résumé , nous avons 
cru reconnaître : 4°. que les cellules sont plus dilatées ; 
2, que leur dilatation augmente notablement le volume 
des poumons ; 3°. que par suite il faut à ceux-ci pour 
les contenir une capacité plus vaste; 4°. que dès lors la 
poitrine a une capacité plus grande que dans l’état nor- 
mal; 5°. enfin, que ce grand développement de la poi- 
trine allonge le tronc un peu au delà des proportions or- 
dinaires, et le met presque en désharmonie avec la lon- 
gueur des extrémités restées telles qu’elles auraient dü 
être si la poitrine avait conservé ses dimensions natu- 
relles. » 

Les organes qui se reposent le moins sont ceux qui ac- 


quèrent le plus l'habitude, et ce sont les moins sujets à 
changer quand ils sont adultes. Sous ce rapport le poumon 


peut être considéré comme celui qui travaille le plus, et 
cette modification que nous venons de voir chez l'habitant 
des Cordillières, n’appartient qu’aux races nées dans ces 
hautes régions. 


192 CONSIDÉRATIONS GENÉRALES. 


Notre æil est encore un des organes qui acquièrent le 
plus facilement des habitudes. Il devient en peu de temps 
insensible à une vive lumière , ou bien il s’accommode d’un 
demi-jour ou d’une obscurité presque complète. Il s’habitue à 
toutes les couleurs, et si le vert est la teinte qui lui plaît et 
qui repose la vue, ce n’est pas comme le disait Bernardin- 
de-Saint-Pierre , parce que c’est une couleur harmonique 
formée du jaune de la terre et du bleu du ciel. 

Ce n’est pas non plus, comme le disait ce peintre élégant 
de la nature, parce qu’elle s’accorde toujours avec les autres 
teintes, c’est uniquement parce qu’étant la couleur la plus 
répandue, l’œil est habitué à la voir partout, et qu’elle n’af- 
fecte plus la vue, ne la dérange pas de son häbitude ordi- 
naire. 

Dans les plantes chaque organe acquiert aussi par l’ha- 
bitude la stabilité pour un certain temps , et l’on a vu des 
fleurs météoriques résister aux influences qui favorisaient leur 
épanouissement, parce que ces circonstances n’arrivaient pas 
aux heures auxquelles elles étaient accoutumées. 

Nous citerons seulement une remarquable observation de 
Dutrochet sur les vrilles. « Il est à observer, dit ce sa- 
» vant (1), que, pendant la nuit, dans l’absence de la lu- 
» mière, le mérithalle et le pétiole, dont le consensus 
» d’action est constant , conservent une partie de leur ten- 
» dance à affecter une courbure prédominante dans le sens 
» de l’afflux antécédent de la lumière. Cela provient de ce 
» que les organes moteurs de ces parties ont conservé une 
» tendance spéciale à l’incurvation dans le sens où cette in- 
» curvation à été précédemment sollicitée par la lumière. 


(4) Compte-rendu des séances de académie des sciences, 1. A7, p. 999, 
Novembre 1845. 


DE L'HABITUDE DE L'ESPÈCE. 193 


C’est l'effet d’une véritable habitude qui donne le plus 
de force aux organes qui ont précédemment le plus agi. 
L'effet de cette habitude végétale est encore plus extraor- 
dinaire dans le fait suivant. J’ai exposé plus haut com- 
ment la vrille , pendant le mouvement de révolution , di- 
rige constamment sa pointe vers le fond du cabinet, 
fuyant ainsi la lumière affluente par la fenêtre ; comment 
elle se retourne lorsque le mouvement de révolution , en 
ramenant la pointe de cette vrille vers la fenêtre, tend à 
la diriger ainsi vers la lumière ; or, J'ai observé que cette 
fuite de la direction de la fenêtre existait de même pen- 
dant la nuit, les volets étant fermés et l’obscurité étant 
par conséquent complète. Comment expliquer cette fuite 
de la direction, dans laquelle affluait précédemment la 
lumière, si ce n’est par l'effet de cette singulière dispo- 
sition qu'ont en général les organes du corps vivant à 
reproduire les actions qu'ils ont antérieurement exécutées, 
même souvent dans l’absence des causes extérieures qui 
les avaient primitivement déterminées? Nous désignons 
cette singulière, cette incompréhensible disposition , sous 
le nom d'habitude, nom qui sert de voile à notre ignorance 
sur sa cause et sa nature. Ce qui prouve bien que ce n’est 
là qu’un phénomène d'habitude, c’est qu'il cesse d’avoir 
lieu lorsque vient à disparaître chez la vrille la tendance 
à fuir la lumière. » 

Mais si un organe dépendant peut lui-même prendre une 


habitude sans la faire contracter aux autres, à plus forte rai- 


son un individu doit-il l'acquérir quand il a été soumis 


longtemps aux mêmes conditions. Les plantes étrangères 


transportées dans nos serres ne changent pas, malgré l’ordre 


de nos saisons et notre température arüficielle , leur époque 


de floraison ou de gemmation. Si elles dérogent à leurs 


13 


19% CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


habitudes, ce n’est que longtemps après leur introduction, 
et après avoir lutté contre les coutumes déterminées par 
notre climat. Nos arbres mêmes, quoique influencés chaque 
année diversement par les saisons, ne s’abandonnent pas en- 
tièrement à ces conditions extérieures, qui cependant sous 
chaque climat règlent les différentes phases de la vie. L’a- 
vance ou le retard dans le développement de leurs organes 
n’est jamais en rapport direct avec la cause; ces écarts sont 
constamment rapprochés de la moyenne par la force de 
l'habitude. C’est une espèce de régulateur qui fait que les 
vécétaux fleurissent, feuillent, germent et fructifient cha- 
que année sensiblement à la même époque. Il existe , il est 
vrai, des êtres plus sensibles que d’autres à l’action conti- 
nue des mêmes causes, mais tous se ressentent de cette 
intervention. 

M. Tenore rapporte que les différentes espèces d’arbres 
du jardin royal de Naples, ouvrent leurs bourgeons à des 
époques qui sont en partie déterminées par la température 
des premiers mois de l’année. Ces arbres sont habitués à 
subir chaque année l'influence variable du climat , et ils s’y 
conforment. Mais il n’en est pas de même de ceux qui, relé- 
oués dans les montagnes , sont accoutumés à une plus grande. 
précision dans le retour des phénomènes vitaux ; ceux-là 
conservent leurs habitudes et restent en retard malgré le dé- 
veloppement de la chaleur. M. Tenore cite l’acer Lobelu et 
l’acer platanoides qui, transplantés des hautes montagnes 
du royaume dans le jardin royal de Naples, n'ont pas 
avancé d’un seul jour le temps de leur bourgeonnement 
ordinaire qui, pour le premier, est fixé à la fin du mois 
d'avril, et pour le second au commencement de mai. II 
fait la même observation sur le tilleul rouge qui, apporté 
de la Hongrie dans le même jardin, n’a épanoui ses bour- 


DE L'HABITUDE DE L'ESPÈCE. 195 


geons que dans le mois de mai comme dans le pays où 1l 
avait été élevé (1). 

Dès que nous admettons l’influence de l’habitude sur les 
individus et même sur leurs organes particuliers, nous 
devons aussi l’accepter relativement à l'espèce. Nous pou- 
vons toujours comparer son existence à celle de chaque être 
dont elle se compose , en accordant la période nécessaire 
aux modifications. Un individu prend ses habitudes promp- 
tement pendant la durée d’une courte existence ; l’espèce ne 
peut acquérir les siennes qu’à la longue , et après un laps 
de temps considérable. C’est la somme ou la résultante 
d'une série de changements qui ont continué à se produire 
pendant une longue suite de générations. 

Ces changements ont atteint les espèces des deux règnes 
dans leurs mœurs comme dans leur organisation. Les 
exemples abondent. Nous pourrions rapporter des faits 
nombreux cités dans les ouvrages de Geoffroy Saint-Hilaire ; 
nous pourrions rappeler toutes les remarques de Knigth sur 
les penchants héréditaires des chiens, des chevaux, des 
abeilles , sur les habitudes transmises par la génération dans 
une foule d’animaux domestiques. 

Un exemple analogue à celui que nous avons cité sur 
l'habitude acquise dans l’époque du bourgeonnement des 
plantes , est le suivant : 

«Sous le ciel de son pays natal, en raison de la douceur 
extrême de la température en hiver, l’oie d'Égypte pond 
vers le renouvellement de l’année ; les individus sur lesquels 
nous avons d’abord expérimenté, ont pondu jusqu’en 1843, 
selon les habitudes de leur espèce, vers le commencement 
de janvier ou même à la fin de décembre , et l'éducation des 


(4) Tenore, Géogr. phys. du roy. de Naples, p. 409. 


196 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


jeunes devait se faire ainsi dans la saison la plus rigoureuse ; 
mais, soit pour ces mêmes individus, soit pour leurs descen- 
dants, les pontes se sont trouvées reportées en 18##, au 
mois de février; en 1845 au mois du mars, et depuis lors, 
elles ont eu lieu en avril, en sorte que l'éclosion se fait 
maintenant dans la saison la plus favorable. Ainsi a été levée 
la plus grave des difficultés qui semblaient devoir s'opposer 
à la propagation de cette belle espèce (1). » 

L'histoire des maladies locales où endémiques nous 
fournit un certain nombre de faits qui prouvent que des po- 
pulations qui ont demeuré pendant plusieurs générations 
dans une certaine contrée , ont acquis une constitution diffé 
rente de celles qu’avaient leurs ancêtres quand ils s’y sont 
établis. Des maladies auxquelles les premiers colons n'étaient 
pas sujets, apparaissent parmi eux. La disposition à contrac- 
ter de telles affections, n'existe dans la race qu'après un sé- 
jour constant, pendant plusieurs générations, dans les con- 
trées où ces maladies sont endémiques ; mais à la fin, la race 
est entièrement acclimatée, et aussi susceptible que les au- 
tres habitants des maladies auxquelles ces derniers sont de- 
puis longtemps sujets (2). C’est encore un effet de l'habi- 
tude. 

Les plantes sont tout aussi dépendantes des conditions 
acquises et accumulées. La vesce d'hiver et celle du prin- 
temps, que les agriculteurs distinguent quant à leurs produits, 
ne sont autre chose qu’une seule et même espèce, dont 
tous les caractères physiques sont exactement les mêmes ; 
mais elles ont acquis des habitudes différentes, semées au 
printemps ou à l’automne, et d’après cette habitude, 1l faut 


(4) Is. Geoffroy St-Hilaire, Gompte-rend. de lac. des sc., 1. 25, p. 528, 
(2) Pritchard, traduit par Roulin, t. 4, p. 89. 


DE L'HABITUDE DE L'ESPÈCE. 197 
toujours les semer à l’époque qui leur convient, car l’expé- 
rience a démontré que les vesces du printemps, semées en 
automne , périssent souvent aux premières gelées, tandis 
que le froid n’a aucun effet sur les vesces d'hiver. 

Les solidago cambrica, alpestris et minuta des Pyrénées, 
qui sont considérées comme des variétés du virga aurea, 
fleurissent plus tôt que le type quand elles sont transportées 
dans les jardins. Mais il ne faut pas oublier, dit Vaucher, 
qu'elles ont contracté, sur les montagnes, des habitudes en 
rapport avec leur première patrie, et dont elles ne peuvent 
se défaire que successivement (1). 

Que ces habitudes deviennent permanentes, qu’elles cor- 
respondent à quelque variation qui puisse acquérir la stabi- 
lité, et voilà des espèces créées. 

Il est donc nécessaire , pour qu'une espèce existe, qu’elle 
reste longtemps dans les mêmes conditions. Alors elle ac- 
quiert la stabilité. Les circonstances extérieures ne l’influen- 
cent que très-peu, et si, momentanément, elle perd en par- 
tie ses caractères, elle les reprend bientôt, dès que les causes 
perturbatrices ont cessé. 

Or, une espèce ne peut être considérée comme telle pour 
nous, qu'autant qu’elle conserve ou qu’elle reprend ses ca- 
ractères sous diverses conditions biologiques; qu’autant 
qu'elle n’est pas altérée, d’une manière permanente , 
par ces mêmes conditions. Si ces conditions deviennent tel- 
lement différentes de celles au milieu desquelles la plante 
existait qu'elle ne puisse plus s’y perpétuer, ou l'espèce pé- 
rira, ou elle se modifiera. Dans ce dernier cas, si une ou 
plusieurs modifications persistent au milieu des conditions 
nouvelles, si ces conditions continuent et que les modifica- 


(1) Hist. physiol. des plantes d'Europe, €. 5, p. 44. 


198 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 

tions acquièrent l'habitude , il est évident qu'un seul type, 
altéré de différentes manières, pourra donner naissance, par 
filiation, à des variétés, c’est-à-dire à des individus munis 
de caractères différents, et qui, habitués à ces nouvelles 
conditions, deviendront fixes et formeront de nouvelles espè- 
ces. De cette manière, les variétés ne seraient que des états 
transitoires entre les véritables espèces ou types, et les espè- 
ces nouvelles qui pourraient en dériver. Elles resteraient 
sous le titre de variétés , tant que leurs nouveaux caractères 
pourraient retourner au type; elles seraient espèces, quand 
ces caractères seraient fixés par l'habitude et la permanence 
des nouvelles conditions. 

Nous savons d’ailleurs que toutes les espèces, que tous les 
types, pour parler plus exactement, n’ont pas apparu en 
même temps sur la terre. A l’époque où les houilles se for- 
maient sur notre globe et où une végétation tout insulaire 
s’élançait dans une atmosphère échauffée, des fougères et de 
grandes monocotyledones occupaient seules les parties émer- 
gées du globe. Les conifères et les cycadées leur succédè- 
rent en se mélangeant avec elles, et, plus tard seulement , 
notre planète fut ornée de ces dicotyledones variées qui, nu- 
mériquement , forment aujourd'hui la plus forte partie du 
règne végétal. Or, qui oserait affirmer que cette dernière 
création n'offre pas elle-même plusieurs périodes distinctes 
et successives, ou plutôt une succession lente et progres- 
sive de tous les types qui la composent ? Pourquoi alors ne 
pas considérer comme plus anciennes les espèces bien défi- 
nies , comme le sont la plupart des monocotyledones , des 
fougères , des conifères et des cycadées, et ne pas voir, dans 
les dicotyledones, un certain nombre de genres de création 
plus récente, et dont les espèces seraient encore confondues, 


attendant , de l’action du temps et de l'habitude , une stabi- 


DE L'HABITUDE DE L'ESPÈCE. 199 


lité qu’elles n’ont pas encore acquise ? Pour nous, un seul 
caractère différentiel, quelle que soit sa valeur, pourvu qu'il 
soit constant et permanent, constitue une espèce. 

Malgré la clarté et la concision de cette définition de l'es- 
pèce, elle n’est pas moins très-difficile à reconnaître ; Car 
maintenant comment être assuré qu'un caractère est cons- 
tant? 

Les botanistes les plus scrupuleux, quand ils ont le projet 
de faire des espèces nouvelles parmi nos plantes indigènes , 
et surtout aux dépens des espèces Linnéennes , recueillent les 
graines de la plante qu'ils soupçonnent distincte , et les sè- 
ment. Si tous les individus qui en proviennent conservent, 
par la culture, le caractère distinctif qu'ils ont observé , 1ls 
considèrent la séparation comme légitime; et ce fait de la 
culture, dans ces conditions, sanctionne pour eux l’applica- 
tion du principe que nous avons indiqué plus haut, que le 
moindre caractère différentiel , pourvu qu'il soit constant et 
permanent, constitue une espèce. 

Mais pendant combien de générations ce caractère va-t-1l 
persister , et la vie d’un homme est-elle assez longue pour 
qu'il soit bien assuré de la constance du caractère? Nous ne 
pouvons donc pas affirmer qu'il existe des espèces perma- 
nentes dans l’acception de ce mot, et comme nous sommes 
obligés cependant, pour ne pas faire de la science un vérita- 
ble chaos, de séparer ce qui est dissemblable, et de réunir 
ce qui ne diffère en rien, nous ajouterons à notre définition 
précédente que nous devrons considérer comme espèces une 
succession d'individus offrant des caractères semblables et 
constants pendant la même période géologique. 

Nous éloignons, comme on le voit, toute idée d'espèces 
absolument permanentes. Nous ne croyons pas à la persis- 


lance , sans modifications, des êtres vivanis soumis à des 


200 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


conditions géologiques essentiellement différentes , ou si La 
permanence existe quelque part, c’est dans les derniers de- 
grés de l’organisation , chez les êtres dont les organes ne 
sont pas spécialisés , dans ceux où la vie est diffuse et non 
concentrée dans des centres particuliers. 

Dans tous les autres cas, l’espèce inflexible , par l'habi- 
tude et par une longue stabilité, périra, ou bien, moins ri- 
gide, moins habituée, de filiation plus nouvelle, elle se mo- 
difiera, se transformera , et donnera naissance à une ou à 
plusieurs variations que le temps changera en espèces véri- 
tables et distinctes. 

Dans la pratique , nous considérerons comme espèces tout 
ce que nous trouverons différent et constant à l’époque ac- 
tuelle , tout ce qui ne nous offrira pas de passage gradué, 
tout ce que la culture plus ou moins prolongée n’aura ni dé- 
truit ni affaibli. 

Par toute autre méthode, nous tombons dans l'arbitraire. 
L'importance des caractères est presque impossible à appré- 
cier dans la séparation des espèces. On éprouve déjà de la 
difficulté à reconnaitre la valeur des caractères génériques ; 
ainsi la botanique descriptive , et, par contre-coup, la géo- 
graphie botanique, se ressentiront toujours de cette impuis- 
sance où nous sommes de limiter l’espèce. Pour être rigou- 
reux , il faudrait seulement décrire et adopter des formes, 
sans leur donner de valeur. 

Il y a donc de nombreuses espèces qui , ayant acquis du 
temps la stabilité et l'habitude , n’ont pu suivre les change- 
ments survenus dans leurs milieux d'habitation. Ces espèces 
sont perdues. 

D’autres, plus flexibles , plus jeunes sans doute , ont pu 
accepter des changements de condition moins brusques ou 
moins importants , ont fléchi et se sont soumises , non en- 


DE LA JEUNESSE DE L'ESPÈCE, 201 


tièrement, mais par le développement de l’un de leurs rayons. 
L'espèce type, qui formait le centre du groupe , a disparu , 
mais telles modifications, telles tendances de certains mdividus 
qui s’adaptaient mieux aux milieux d'alors, se sont dévelop- 
pées et ont remplacé le type anéanti pour Jamais. 

Ainsi des espèces ont pu, ont dù même dériver d’autres 
espèces en se modifiant sans cesse , selon les influences, et 
arriver, par l'habitude, à la stabilité. 

Nous ne pouvons, par conséquent, savoir ce que devien- 
draient nos espèces actuelles si une grande cause géologique, 
comme celles qui ont si souvent jeté la perturbation sur 
notre planète, venait à changer pour tous les êtres les con- 
ditions normales d’existence. 


CHAPITRE X. 


DE LA JEUNESSE DE L'ESPÈCE ET DE SON PASSAGE A TRAVERS 
LES TEMPS GÉOLOGIQUES. 


$ 1. DE LA JEUNESSE DE L'ESPÈCE. 


Un individu traverse toutes les phases de l'existence, de- 
puis l'embryon qui commence à se former, jusqu’au déve- 
loppement complet et à la mort. Pendant ces périodes si 
différentes, 1l change et se métamorphose, passant par des 
degrés d'organisation bien distincts, et offrant successive- 
ment des états plus parfaits. 

Chaque organe a donc sa jeunesse, son commencement et 
sa fin. Mais si nous examinons chaque partie d’un être or- 


202 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


ganisé au moment de son développement, nous la trouvons 
molle, flexible, et capable d’être vivement influencée par les 
causes extérieures. L’organe n'a pas encore d'habitude pro- 
pre ; il vient au monde avec la somme de stabilité qui lui a 
été transmise par ses parents. 

Nous savons parfaitement que , dans les végétaux, les or- 
ganes Jeunes sont tous susceptibles de modifications. Nous 
plions , nous contournons une jeune branche , qui conserve 
la forme que nous lui donnons, et qui ne continue pas moins 
de vivre comme si nous lui avions laissé sa position natu- 
relle. 

De jeunes racines peuvent être changées de sol plusieurs 
fois de suite, elles s’en accommodent , et la plante continue 
de vivre. Un individu qui vient de germer peut être immédia- 
tement transplanté , il reprend toujours , il n’a pas encore 
l'habitude ; mais une vieille plante ne repousse plus avec la 
même facilité, et l’organe jeune a bien plus de tendance à se 
conformer à sa nouvelle position. 

Nous observons les mêmes faits dans les animaux , et si 
nous voulons dresser un chien ou un cheval, nous n’atten- 
dons pas qu'il soit vieux : il ne se conformerait plus à nos 
désirs. Nous agissons, au contraire, sur des êtres Jeunes, 
encore flexibles, et auxquels nous donnons des habitudes 
qu'ils conservent. 

L'exercice d’un membre, chez l’homme, pendant qu'il est 
jeune, développe ce membre et lui donne , soit de la force , 
soit de l'adresse, pour un travail quelconque. Mais si, au 
lieu d’agir sur un enfant, vous essayez sur un homme fait, 
vous éprouvez de grandes difficultés pour arriver au même 
résultat. 

Or, nous avons trouvé tant de points de contact , une si 
grande analogie entre l'espèce et lindividu, que nous devons 


DE LA JEUNESSE DE L'ESPÈCE. 203 


penser que l'existence de l'espèce est soumise aux mêmes 
phases. Quelle que soit son origine, elle a été jeune, puis 
adulte, et quoique nous la voyons vivre constamment par la 
succession des individus, nous devons croire que son exis- 
tence a un terme naturel autre qu'une mort fatale ou acci- 
dentelle. Brocchi et R. Owen pensent que ce ne sont pas 
des causes physiques extérieures, comme des changements 
de température et des catastrophes violentes , qui ont dé- 
truit certaines espèces , mais que l’espèce , ainsi que l'indi- 
vidu , porte en elle-même une loi de développement et de 
mort. 

La jeunesse de l'espèce, comme celle de l'individu , doit 
être soumise à de nombreux écarts. C’est pendant cette 
période que les influences extérieures doivent agir avec le plus 
de force; et si de grandes perturbations géologiques ont 
coïncidé , comme cela doit être , avec l’apparition d’espèces 
de nouvelle filiation ou de création récente, elles ont dû né- 
cessairement être modifiées , pour se soumettre à de nou- 
velles conditions d'existence. La stabilité, dans ces circons- 
tances, devient une cause de mort et de destruction. 

Nous voyons tous les jours, en horticulture, l'influence de 
cette stabilité acquise. Nous conservons pendant des années, 
dans nos jardins, des plantes presque impassibles, se repro- 
duisant constamment avec les mêmes caractères ; puis, par 
hasard, un individu de cette espèce offre une légère variation, 
et, par une cause inconnue , insensible pour nous, voici une 
stabilité légèrement ébranlée sur un point. Nous l’aperce- 
vons, et nous semons de préférence les graines de cet indi- 
vidu. Ses produits retournent presque tous au type ; mais 
quelques-uns s’en écartent : ce sont nos nouveaux porte- 
graines. Si nous voulons marcher plus vite, nous hybridons 


dès que nous avons des variétés différentes , et, au bout de 


204 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


quelques années, nous obtenons des variations très-nom- 
breuses , parce que nous recueillons nos graines sur des va- 
riétés de récente création , qui n’ont pas encore acquis l’ha- 
bitude , chez lesquelles la première force , celle de la ten- 
dance à la variation, n’est pas contrariée par la seconde, li- 
nertie, qu'elles n’ont pas encore acquise. De très-nombreux 
exemples , résultant de nos propres observations sur les pri- 
mula et les mirabilis, viennent complétement à l'appui 
de cette manière de voir. Mais, au lieu de rester dans le 
domaine de l'horticulture, transportons-nous au milieu des 
champs , et voyons ce qui se passe dans la nature et à notre 
époque. 

Si nous examinons un certain nombre de genres avec 
leurs espèces, nous ne tarderons pas à reconnaitre que plu- 
sieurs d’entr'eux nous offrent des types spécifiques bien 
déterminés, tandis que d’autres ne nous présentent que 
confusion. Quand les espèces n’ont qu'un petit nombre de 
variétés , elles sont généralement bien limitées ; lorsqu’au 
contraire ces dernières sont très-nombreuses, 1l est rare (en 
nous servant de notre méthode géographique et rayonnante 
pour représenter l'espèce) que les lignes partant des centres 
n'aillent pas rencontrer les rayons qui divergent du type 
d’une autre espèce, ou bien si ces rayons ne se confondent 
pas, ils se rapprochent beaucoup. 

Nous citerons seulement quelques genres confus tels que 
thalictrum, viola, thesium, salix et un grand nombre de 
dicotylédones. Si nous poursuivions ces recherches dans le 
règne animal , nous ajouterions des genres nombreux d’in- 
sectes et de mollusques , et notamment parmi ces derniers 
les unio et les anodonta. Dans les végétaux dont les espèces 
sont nettement séparées se trouvent les carex, gentiana, 
lilium , orchis et la plupart des monocotylédones. 


DE LA JEUNESSE DE L'ESPÈCE. 205 


Or, dans les premiers genres nous avons un bon nombre 
de formes parfaitement distinctes , qui sont comme le noyau 
d'espèces futures qui tendent à se dégager, à se séparer de 
la masse, mais qui évidemment y tiennent encore par plu- 
sieurs de leurs rayons. L'étude du genre thalictrum nous 
conduit surtout à ce résultat. 

Nous regardons ces formes de thalictrum , liées au- 
jourd'hui entr'elles par de nombreux intermédiaires, comme 
des espèces futures, encore rangées dans les variations, mais 
qui seront complétement distinctes quand elles auront vieillr, 
c’est-à-dire quand elles auront acquis l’habitude et la sta- 
bite. 

Le genre viola et tous les genres jeunes et non encore finis 
donnent lieu aux mêmes observations. 

Nous voyons dans la nature un grand nombre de variétés 
toutes locales qui reparaissent toujours les mêmes , parce que 
les circonstances de localité et les influences extérieures ne 
changent pas; et telle plante d'espèce parfaitement identi- 
que qui se rencontrera dans les Alpes et dans les Pyrénées , 
prendra, dans chacune de ces localités, un port, un facies qui 
décèlera immédiatement son origine aux yeux d’un botaniste 
exercé. Combien de genres aussi ont leurs espèces alpina et 
pyrenaïca très-analogues mais déjà distinctes et n’ayant peut- 
être acquis la stabilité que par leur position pendant des 
siècles au milieu des mêmes circonstances ? 

N'’en serait-il pas de même de ces thalictrum, de ces 
viola et de cette foule d’autres plantes composant mainte- 
nant un petit nombre d'espèces multiples, ou à plusieurs 
centres reliés par quelques-uns de leurs rayons , et montrant 
une grande tendance à s’isoler ? Le nombre des espèces n’a- 
t-il pas dù s’accroitre de cette manière aux dépens de cer- 
tains types primitifs dont les variétés principales se sont loca- 


206 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


lisées, ont acquis l'habitude et la stabilité pendant la longueur 
de la période actuelle, et se sont nettement dégagées de 
leur souche comme un essaim qui fait d’abord partie d’une 
ruche et s’en échappe à une époque donnée , pour aller fon- 
der ailleurs une nouvelle monarchie. 

Chaque fois que nous nous sommes appliqués à l'étude des 
organes et de leurs différences , dans le but de séparer les 
espèces de certains genres et de les circonscrire, nous avons 
été conduits aux mêmes idées sur la constitution de l'espèce, 
et amenés à considérer ces genres comme n'étant pas finis, 
et leurs formes différentes comme trop jeunes encore pour 
être regardées comme espèces définitives. 

Ce qu'un travail pénible nous a démontré, le génie de 
Gœthe l'avait déjà pressenti en 1823. 

« Quand je considère , dit-il dans ses problèmes, les as- 
» semblages qu’on nomme des genres en botanique, je les 
» admets teis qu'ils sont, mais il me semble toujours qu’un 
» groupe ne saurait être traité comme l’autre. Il est des 
» groupes dont les caractères se retrouvent dans toutes 
» leurs espèces; on peut les reconnaître en suivant une 
» méthode rationnelle ; elles ne se perdent pas en variétés 
» infinies qui peuvent être traitées avec ménagement. Je ne 
» citerai que les gentianes ; un botaniste instruit se rappel- 
» lerait d’autres exemples. » 

» Il est au contraire des groupes mal caractérisés, dans 
» lesquels on ne saurait admettre d'espèces, et qui se 
» perdent dans un nombre infini de variétés. Si on veut 
» les traiter scientifiquement on n’en vient pas à bout, 
» on s’embrouille de plus en plus, parce qu’elles échappent 
» à toute loi, à toute détermination. J'ai désigné quelque- 
» fois ces genres sous le nom de libertins, et j'ai osé donner 
» cette épithète à la rose, ce qui ne saurait en rien amoin- 


DE LA JEUNESSE DE L'ESPÈCE. 207 


» drir son charme ; c’est surtout à la rosa canina 4 je 


» serais tenté de faire ce reproche. » 


Sans se prononcér sur la cause, Gœthe indique claire- 


ment les genres finis et ceux qui ne le sont pas, les vieux et 


les jeunes. 


La même pensée a été exprimée par L. de Buch dans son 


beau travail sur les îles Canaries. « La flore des Canaries, 


» 


» 


dit ce grand observateur, contient 377 espèces dans 
259 genres; celle de Sainte-Hélène 36 espèces dans 
24 genres. Le rapport des genres aux espèces est donc: 
dans le nord de l’Afrique continentale. = 1 : 4, 2, aux 
îles Canaries — 1 : 1,46 , à Sainte-Hélène = 1 : 1,5; 
voilà dans les îles une étonnante diversité pour les formes 
des plantes, et qui frappe le voyageur au premier coup 
d'œil. De beaucoup de genres, on y trouve une espèce 
unique. Sur les continents , les individus d’un genre se 
dispersent fort au loin, et, par la diversité des stations, 
de la nourriture , du sol, forment des variétés qui, à cette 
distance , n'étant pas croisées par d’autres variétés , et 
ramenées par là au type primitif, deviennent à la fin des 
espèces constantes et particulières. Alors si, par hasard, 
dans d’autres directions, elles viennent à se rencontrer 
avec une autre variété également altérée dans sa marche, 
toutes deux sont des espèces (1). » 

Un lieu se trouve-t-il isolé par des obstacles naturels , 
par des chaînes de montagnes qui établissent une sépara- 
tion plus effective que des espaces considérables de mer 
interposés , on peut toujours s'attendre à y trouver des 
espèces de plantes entièrement nouvelles , et ne croissant 
pas dans les autres parties de l’île. Un hasard favorable a 


(1) De Buch, Deser. phys. des îles Canaries , p. 447. 


208 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


peut-être porté, par un enchaïnement particulier de cir- 
constances, des semences par-dessus les montagnes. 
Abandonnée à elle-même, la variété qui résulte des 
nouvelles conditions auxquelles elle est soumise , y for- 
mera, avec le cours du temps , une espèce distincte, qui 
s'éloigne d’autant plus de sa forme primitive, qu’elle 
reste plus longtemps dans cette localité isolée, exempte 
d’autres influences. Dans la région de la Cumbre , dont 
la flore est presque entièrement formée de plantes par- 
ticulières aux Canaries, 1l n’y a pas encore un seul genre 
qui comprenne deux espèces différentes; car elle est 
ouverte et libre, et chacune de ses parties a des rapports 
constants avec les autres. Au contraire , quelle diversité 
dans les pyrethrum , et cependant en même temps quel 
air de ressemblance ! Il est tel, qu’on se trouve naturel- 
lement porté à considérer toutes les espèces de ce genre 
comme issues d’une souche commune. Ces espèces diver- 
ses ne se trouvent presque nulle part réunies, mais limi- 
tées chacune à une vallée ou à un district particulier. La 
différence des cineraria n’est pas non plus tellement cen- 
sidérable , qu'on ne puisse les regarder comme produites 
sur les diverses îles par la diversité de station, de sol et 
de climat (1). » 


Adanson croyait tellement à la modification de l'espèce, 


qu'il regardait un grand nombre d’entr’elles comme pro- 
duites depuis les temps historiques : « C’est sans doute pour 


» 


» 


» 


» 


cela, dit-il, qu'on ne trouve plus aujourd'hui nombre 
de plantes décrites par les anciens botanistes ; elles auront 
disparu , soit en rentrant dans leur état primitif, soit en 
changeant de forme pour multiplier les espèces. À ce 


(1) De Buch, Deser. phys. des iles Canaries, trad, p. 148. 


DE LA JEUNESSE DE L'ESPÈCE. 209 


» céempte les anciens n'auraient pas eu tort de décrire si 
» peu d’espèces du même genre; ils n’en connaissaient 
» pas davantage , et c’est le temps qui en a amené de 
» nouvelles. Par la même raison, les botanistes futurs 
» seraient accablés et obligés à la fin d'abandonner les 
» espèces, pour se réduire aux genres seuls, mais avant 
» que de prévoir ce qui sera , il faut se bien assurer de ce 
» qui est (1). » 

Tournelort n’attachait pas non plus beaucoup d’impor- 
tance à l'espèce. Il avoue qu'il lui importe peu que les plantes 
qu'il cite soient des espèces ou des variétés, pourvu qu’elles 
diffèrent par des qualités remarquables et sensibles. 

Linné ne partageait pas cette opinion. 

Nous ne savons pas non plus si dans la jeunesse de l’es- 
pèce elle ne peut être beaucoup plus apte à l’hybridation , 
comme à des modifications plus profondes. 

Les espèces de ces genres si nombreux du Cap, erica, 
pelargonium, protea, phylica, gladiolus, etc., ne seraient- 
elles pas des hybrides stabilisées par l'habitude , et ne résul- 
teraient-elles pas de la confusion et du mélange du pollen 
de quelques espèces encore jeunes. 

Il semble même que dans les animaux on puisse faire des 
suppositions analogues. 

Plusieurs fois n’a-t-on pas observé aussi dans leurs clas- 
ses inférieures des accouplements adultérins, sans doute infer- 
tiles, mais qui peut-être ont été féconds autrefois. M. Gassiès 
a cité l'union du bulimus truncatus avec les helix variabilis 
et pisana ; j'ai observé moi-même l’accouplement des helix 
nemoralis et aspersa, et j'ai vu bon nombre de clausilia 
papillaris réunis au pupa cinerea. 


(4) Adanson, Familles des plantes , préface , p. exiv. 


210 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


Qui sait si certaines variétés ou espèces très-rares ne sont 
pas le résultat de semblables croisements? 

Ne pourrait-on pas supposer que ces accouplements , 
aujourd'hui inféconds, parce que les espèces ont acquis leur 
stabilité, pouvaient autrefois donner naissance à des êtres 
nouveaux, quand ces mêmes espèces, jeunes encore, de 
création nouvelle, n'avaient pas contracté la longue habi- 
tude d’exister sous certaines conditions ? Les végétaux culti- 
vés et les animaux domestiques nous offrent tous les Jours 
ces modifications si faciles tant que lesraces ne sont pas fixées, 
et doivent nous faire supposer que la nature à pu agir de 
même en créant les formes nombreuses qui vivent à notre 
époque, et dont la stabilité lentement acquise ne peut plus 
être ébranlée que très-difficilement. 

La géologie nous montre tous les jours des faits qui nous 
prouvent que la stabilité était loin d'être aussi grande dans 
les anciennes périodes que dans celle où nous sommes, et 
si certains types primitifs ont existé, 1l faut au moins conve- 
nir que leur aire de modifications était bien plus vaste que 
celle qui les resserre aujourd’hui dans des limites restreintes. 

Une classe d'animaux toute entière vient pour ainsi dire 
à l’appui de la variation de l'espèce par les milieux ambiants, 
et l'homme et les autres êtres vivants sont précisément 
les milieux dans lesquels ces êtres singuliers se dévelop- 
pent. 

Les vers intestinaux ou plutôt tous les vers qui vivent dans 
l'intérieur des animaux , ont un mode de reproduction tel- 
lement inconnu , que souvent ils ont servi de base aux 
croyances de la génération spontanée. 

Il nous semble qu'il serait plus rationnel d’y voir des fi- 
hations directes de diverses espèces vivant à l'extérieur , et 
dont les germes amenés dans des milieux différents y cons- 


DE LA JEUNESSE DE L'ESPÈCE. 211 


titueraient bientôt des races entièrement distinctes, suscep- 
tibles de se multipher dans leur nouvelle patrie, ou d’y vivre 
solitaires, chaque fois qu’une même circonstance placerait un 
de leurs germes dans de semblables conditions. 

La plupart des endozoaires seraient pour nous des ani- 
maux modifiés par les milieux où ils vivent. 

Puisque nous avons touché à cette question si pleme 
d'intérêt de la propagation des vers intestinaux, qu'il nous 
soit permis de citer quelques exemples qui viennent à l’a- 
pui de cette modification possible de l’espèce, dont nousnous 
occupons dans ce chapitre, et qui a une si haute importance 
sur les questions philosophiques de dissémination et de suc- 
cession des êtres organisés. 

Les vers intestinaux constituent dans le monde organique 
actuel un monde entièrement distinct, un monde encore 
jeune, dont l’étude peut nous révéler des faits d’une haute 
importance sur les modifications possibles des organismes. 

Dans la longue période géologique pendant laquelle nous 
vivons, les êtres organisés soumis à nos investigations 
restent sensiblement entourés des mêmes conditions d’exis- 
tence. Les eaux, le sol, l’air, le climat et les aliments, 
sont constamment les mêmes, et la longue stabilité ac- 
quise ne permet plus les modifications que dans certames 
limites. Elle nous conduit à la permanence de l'espèce pen- 
dant la période géologique. 

Si l’homme par son influence peut changer en partie ces 
conditions, il modifie l’espèce , non pas momentanément 
comme on le dit, mais pendant tout le temps qu'il main- 
tient les circonstances modifiantes et même au delà selon 
la somme d'habitude acquise. De là les formes diverses que 
nous appelons domestiques dans les plantes et dans les ani- 
maux, formes que nous multiplions tous les jours. 


a12 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


Parmi les êtres moins soumis que les autres aux condi- 
tions forcées de l'habitude, mais cependant plus domesti- 
ques encore Sous un certain point de vue, nous devons pla- 
cer les vers intestinaux. Leur existence ne peut être anté- 
rieure à celle des animaux qui les nourrissent , et plusieurs 
générations de ces êtres doivent s’éteindre quand le corps 
organisé qui leur sert de demeure est lui-même atteint par 
la mort. Ainsi l'homme , ce dernier produit de la création , 
doit avoir précédé l'existence des vers intestinaux qui ap- 
partiennent exclusivement à son espèce. L'homme ne serait 
pas la dernière création , et les vers qui vivent à ses dépens 
comme ceux des mammifères et des oiseaux, auraient une 
origine moins ancienne. 

Ce sont donc encore des espèces dans leur jeunesse , et 
qui plus est les seules dont les milieux ambiants puissent 
varier à l'infini, les seules dont les circonstances biologiques 
puissent offrir une infinité de variations qui, selon toute 
apparence, déterminent des modifications proportionnelles 
sur cette classe si curieuse d’êtres vivants. 

Si des germes organiques , des œufs végétaux ou animaux 
peuvent traverser le tube intestinal sans être détruits, sans 
perdre leurs facultés vitales, comment ne pas admettre que 
ces œufs peuvent éclore pendant le trajet, et placer ainsi 
leurs jeunes embryons dans des circonstances toutes parti- 
culières qui leur permettent un développement anormal? 
Pourquoi ne pas supposer même que de Jeunes larves 
puissent pénétrer avec les aliments dans le corps des ani- 
maux, et y subir des métamorphoses dépendant des nou- 
veaux milieux qu'elles habitent? Sans admettre la généra- 
tion spontanée des vers intestinaux , n'est-il pas raisonnable 
de chercher leurs germes, leur origine enfin, dans des méta- 
morphoses possibles , nécessitées par leurs nouveaux milieux 


DE LA JEUNESSE DE L' ESPÈCE. 213 
d'existence , métamorphoses qui n’ont rien d’invraisembla- 
ble, quand on songe à celles que subissent les insectes, à 
celles auxquelles sont assujettis les batraciens, et quand 
on réfléchit surtout à ces transformations embryonnaires des 
fœtus et à leurs admirables évolutions. 

Les faits qui viennent appuyer directement cette opinion 
ne manquent pas, et ils deviendront sans doute plus nom- 
breux quand on dirigera dans ce sens l'étude des vers intes- 
tinaux. Quelques-uns, il est vrai, sont dépourvus d'organes 
sexuels. Telle est entre autres l'espèce de bothriocéphale que 
l’on rencontre assez fréquemment dans le poisson nommé 
gasterosteus aculeatus ou l’épinoche de nos ruisseaux. Ce 
bothryocéphale, très-petit, n’a rien qui ressemble à celui de 
l’homme , et il reste dans le corps de ce poisson sans qu'on 
puisse deviner quel est son mode de reproduction; mais 
selon M. Vogt, ce poisson devient souvent la proie d'oiseaux 
aquatiques ; son ver passe dans le corps de l'oiseau, et là, 
sous une température toute différente, sous des conditions 
qui ne ressemblent en rien à celles qui existaient pour lui 
dans le corps de l’épmmoche, le ver prend tout son dévelop- 
pement , et c’est alors seulement que les anneaux se rem- 
plissent d'œufs qui, rejetés avec les excréments de l'oiseau , 
tombent dans l’eau, et entrent ainsi dans le corps du pois- 
son qui avale ces excréments. 

La reproduction par bourgeonnement, commune aux 
plantes et aux animaux des classes inférieures, suffirait pour 
nous expliquer la multiplication des vers dépourvus d’orga- 
nes génitaux ; ce qui est difficile: à comprendre, c’est la 
transmigration de ces animaux. Peut-être, dans l'exemple 
que nous venons de citer, les œufs du bothryocéphale ren- 
dus par l'oiseau se développent-ils réellement dans l’eau, 
où ils forment un animal tout différent, et qui ne devient 


21% CONSIDÉRATIONS GENÉRALES. 


tel que nous le connaissons que s’il est soumis, comme dans 
le corps du poisson et dans celui de l'oiseau , à de nouvelles 
conditions. 

M. Vost rappelle encore un ver allongé, dont le dernier 
anneau est transformé en une vessie pleine d'eau, et qui se 
trouve dans le foie des rats et des souris; mais dès qu'il a 
passé dans les intestins d’un chat , la vessie terminale du pa- 
rasite disparaît, il pousse de nouveaux anneaux et se trans- 
forme en un véritable ténia que les naturalistes connaissent 
depuis longtemps. 

Nous aurions des exemples nombreux à rapporter sur ce 
même sujet, si déjà il ne semblait s'éloigner beaucoup du 
but que nous poursuivons, et tout à fait déplacé dans cet 
ouvrage. Cependant nous ne pouvons nous empêcher de 
citer encore ce qui est relatif au ténia et au bothryocéphale 
de l’homme. Tout le monde sait que ces animaux perdent 
successivement leurs anneaux, et qu'ils atteignent d’immen- 
ses longueurs. On peut les ‘considérer comme des assem- 
blages d'individus distincts, greffés les uns sur les autres, et 
se reproduisant successivement par bourgeons. Chaque an- 
neau mür qui se détache contient une grande quantité d'œufs 
qui sortent du corps, et dont on ignore complétement la 
transmigration. 

Le ténia et le bothryocéphale ne se trouvent pas dans les 
mêmes contrées. Ce dernier est commun en Suisse, en 
Hollande, en Pologne ; le ténia , au contraire, se trouve 
principalement en France et en Allemagne. On peut conce- 
voir que des fumiers, transportés sur des légumes, et que des 
arrosements faits avec des liquides contenant les œufs de ces 
animaux, puissent permettre quelquefois leur introduction 
dans le corps de l'homme; mais pourquoi alors cette prélé- 
rence pour certaines contrées? Ne serait-il pas plus naturel 


DE LA JEUNESSE DE L ESPÈCE. 215 
de croire que le ténia et le bothryocéphale, antérieurs à 
l'existence de l’homme , vivaient , comme ils vivent encore 
dans ces contrées diverses , sous une autre forme, peut-être 
commune, et que, se trouvant placés accidentellement dans 
des milieux exceptionnels qui ne déterminent pas leur mort, 
ils peuvent se transformer et mettre ainsi sous nos yeux ces 
preuves de modifications que les périodes géologiques nous 
montrent dans la succession de tous les êtres , et que la na- 
ture répète chaque jour sous nos yeux dans l’embryogénie 
de chaque individu. Exemples contemporains , analogies, 
preuves multipliées de toute nature et raisonnements philo- 
sophiques , tout, dans les œuvres de Dieu , nous démontre 
le changement , le développement, le progrès et la perfec- 
tion ; rien ne nous indique la permanence au delà de l’habi- 
tude acquise et des mêmes causes agissantes. 

Les observations présentées récemment à l’Académie des 
sciences par MM. Gruby et Delafond , sur le genre filaria , 
offrent aussi beaucoup d'intérêt sous ce rapport. On n'avait 
encore constaté la présence d'animaux vivants que dans le 
sang des grenouilles, de certains poissons et de quelques 
mollusques. Ils viennent de découvrir, en quantité, une es- 
pèce de filaria microscopique dans le sang des chiens. 

Cette espèce est tellement ténue , qu’elle circule avec le 
sang comme les globules, traverse les vaisseaux les plus 
capillaires, passe de la mère au fœtus, et se multiplie à l’in- 
fini. Ainsi, voilà un hématozoaire microscopique, capable de 
se multiplier indéfiniment, d'atteindre plusieurs générations 
successives , et cependant , d’après les auteurs de ce mé- 
moire, ces vers imperceptibles ne sont que des embryons, et 
non pas des animaux parfaits. Ces derniers, ils les ont trouvés 
une seule fois dans le sang d’un chien mort des suites d’une 
alimentation exclusivement composée de gélatine. « Ces en- 


216 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 

» tozoaires, au nombre de six (visibles à lPœil nu), dont 
» quatre femelles et deuxmâles, étaient logés dans un gros 
» caillot sanguin , récemment formé , qui remplissait, en le 
» dilatant, le ventricule droit du cœur. Ces helminthes 
« étaient blancs, filiformes, de la longueur de 1% à 20 cen- 
» timètres et de # millimètre à { millimètre et demi de 
» diamètre. 

» Nous avons pu, continuent MM. Gruby et Delafond , 
» y constater les caractères zoologiques du mâle et de la fe- 
» melle, reconnaître les dispositions anatomiques des or- 
» ganes internes et externes, étudier le développement des 
» œufs dans les ovaires et de l'embryon dans l’oviducte, et 
» nous assurer que ces embryons étaient identiques aux fi- 
» laires microspiques que nous avions vu circuler avec le sang 
» dans tous les vaisseaux de plusieurs chiens (4). » 

A moins qu'il n’y ait erreur dans les observations de ces 
zoologistes, nous devons admettre que cette filaire peut se 
propager d’une manière quelconque avant d’avoir attemnt 
tout son développement , et nous devons même admettre 
que l’état adulte de l’espèce est l'exception. 

La faculté accordée à plusieurs espèces d'êtres organisés, 
de se multiplier avant d’avoir atteint tout leur développement 
n’est pas un fait rare dans la nature ; il y a même des es- 
pèces qui peuvent se reproduire comme l'a prouvé M. Van 
Beneden dans son Embryogénie des tubulaires, avant d’avoir 
achevé toutes leurs métamorphoses. 

Les plantes cryptogames appartenant à la famille des 
algues et à celle des urédinées , la plupart parasites , nous 
laissent aussi dans le doute sur leur origine et les change- 
ments dont elles sont susceptibles. 


(4)Grubyet Delafond, Compte-rendu desséances del’ac. desse.,t.54, p.414. 


DE LA JEUNESSE DE L'ESPÈCE. 21 

On ne conserve plus de doute aujourd’hui sur la fâcheuse 
influence du voisinage de l’épine vinette sur les grains. Les 
mémoires publiés autrefois par Yvart, dans le t. 65 des An- 
nales de l'agriculture française, et le rapport fait à cette 
même Société, en 1816, par Sageret, Bosc et M. Vilmorin, 
ont constaté que la présence du berberis vulgaris occa- 
sionne un développement considérable de rouille (wredo 
rubigo) sur les céréales qui en sont rapprochées. J'ai cons- 
taté plusieurs fois le même fait sur des froments qui étaient 
très-voisins de buissons d’épine vinette dans quelques par- 
ties de la Limagne d'Auvergne. Chaque fois que cette cu- 
rieuse coïncidence s’est offerte, j'ai toujours vu le berberis 
couvert d’un æcidium couleur de rouille (æcidium berberidis), 
bien connu des botanistes, et répandant en abondance les 
spores dont il était chargé. 

Ce serait aller bien loin dans le champ des suppositions 
que d'admettre la transformation des seminules d’œcidium 
en paquets d’uredo, par le seul changement des milieux am- 
biants, et par la différence énorme qui existe entre les deux 
plantes attaquées de parasitisme ; c'est cependant la pre- 
mière pensée qui se présente à l'esprit. 

Cette idée a été émise depuis longtemps , et les faits qui 
constatent l'apparition de la rouille par le voismage de l’é- 
pine vinette sont si constants et si concluants en France et 
en Angleterre, que, dans ce dernier pays, il a été rendu des 
ordonnances qui prescrivent la destruction de l’épine vinette 
dans les lieux où l’on cultive le blé. 

Les plantes parasites appartenant aux derniers degrés 
de l'échelle, et même les vers intestinaux destinés à vivre 
aux dépens d’êtres antérieurement créés, sont, comme nous 
l’avons dit, les sujets sur lesquels nos études doivent princi- 
palement se porter, si nous voulons saisir quelques-uns des 


218 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


grands principes qui ont présidé à la succession des créations, 
aux modifications momentanées ou relativement permanen- 
tes des premiers types. 

M. de Flotow a publié, dans le t. 20 des Nova acta Aca- 
demiæ rnaturæ curiosorum, un travail dans lequel il décrit les 
transformations de l’hæmatococcus pluvialis, algue microsco- 
pique, qui se change en animalcule infusoire, et qui, plus 
tard, redevient encore une algue (1). 

Des naturalistes sévères, et ceux surtout qui admettent 
des créations entièrement nouvelles à chacune des grandes 
époques géologiques, trouveront que nous sommes allés 
beaucoup trop loin dans nos idées de filiation. Nous n’indi- 
quons que des possibilités; nous appelons de tous nos vœux 
des études appliquées dans cette direction. 

Nous sommes encore conduits à des considérations sem- 
blables quand nous étudions les embryons et leurs dévelop- 
pements successifs ; nous trouvons les plus grands rapports 
entre les phases d’accroissement de ces embryons et les épo- 
ques diverses de la vie de l’espèce, soit pendant notre pro- 
pre période, soit à travers les temps géologiques. Ainsi, on 
sait depuis longtemps, et l’on sait mieux surtout depuis les 
belles considérations de M. Agassiz sur l’embryogénie et sur 
la succession des poissons, que l’individu , depuis l’époque 
de la conception jusqu’à l’état adulte, traverse des états en- 
tiérement différents, et que, dans chacune de ces phases 
transitoires, 1l a des analogues à l’état parfait. 

Les poissons que l’on trouve dans les terrains dévoniens, 
et, par conséquent, les plus anciens, représentent absolu- 
ment, dans leur développement complet , l’état embryon- 
naire de ces animaux. C'étaient des vertébrès sans vertè- 


(1) Biblioth. de Genève , archives, février 1852. 


DE LA JEUNESSE DE L'ESPÈCE. 219 


bres, comme dans l’état rudimentaire de l'embryon des pre- 
mières classes des animaux. Le crâne n’était pas développé 
et ne pouvait l'être, puisque la boîte osseuse qui le forme 
n’est que l'épanouissement des vertèbres supérieures. 

Les dépôts postérieurs nous montrent , il est vrai, des 
formes nouvelles. Dès l’époque houillère , les curieux cé- 
phalaspides disparaissent, le nombre des placoïdes augmente 
à mesure que les temps s’allongent , et déjà surviennent les 
lépidoïdes et les sauroïdes. Ces familles de poissons se mon- 
trent longtemps avec la moëlle épinière prolongée dans le 
lobe supérieur de la queue (hétérocerpes), et, plus tard , 
c’est-à-dire à une époque plus rapprochée de la nôtre, leur 
queue devient semblable à celle des poissons actuels (homo- 
cerpes). Ce n’est qu’à l’époque crétacée que surviennent les 
ctenoïdes et les cycloïdes, qui augmentent singulièrement en 
nombre pendant la période tertiaire, et qui sont tellement 
développés aujourd’hui , que nous sommes loin de connaître 
leurs innombrables espèces. Or, puisque la nature à procédé, 
dans l'apparition successive des poissons, par des perfection- 
nements ou, si on le préfère, par des modifications presque 
identiques aux métamorphoses que nous voyons se repro- 
duire dans le développement de chaque embryon , pourquoi 
refuser aux espèces le même mode d'évolution? Pourquoi 
restreindre la puissance créatrice des modifications dans l’es- 
pèce, quand nous voyons le système de filiation et de dé- 
veloppement successif sur chaque individu et souvent même 
sur chaque organe en particulier ? 

Les poissons , dans leur apparition successive , nous dé- 
montrent cette filiation malgré les séparations qui semblent 
exister dans la superposition des terrains. L’analogie de l'é- 
volution et de la filiation de l’espèce, comme celle de l'em- 
bryon, se poursuit jusque dans les moindres détails. C'est 


290 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


seulement pendant les premiers âges de la vie que l'individu 
est le plus puissamment modifié; une fois sorti de l’état 
embryonnaire , il peut encore se plier aux conditions exté- 
rieures pendant sa jeunesse ; il devient moins flexible quand 
il approche de l’âge adulte, et, quand une fois il l’a atteint, 
rien ne peut plus ébranler sa stabilité. I résiste et ne plie 
plus, il lutte et vit en conservant ses habitudes acquises, ou 
il périt s'il est forcé de les abandonner. N'est-ce pas l’histoire 
de l’espèce elle-même, variant à l'infini dès sa première créa- 
on, et subissant, comme l'individu , l'influence de l’âge et 
de la stabilité? Les unes, saisies tout à coup par des conditions 
extérieures différentes de celles qu’elles subissaient , n’ont 
pu y résister; d’autres, plus récentes, ont accepté, en s’y 
conformant, ces influences qui ont fait périr les premières, et 
sont devenues des souches d’où sont parties des races nou- 
velles dont le temps a consacré, par la suite, la permanence 
pendant toute la durée des mêmes conditions biologiques. 

Certains insectes, d’abord rampants et analogues aux 
vers, se transforment en chrysalides ou en nymphes, qui 
indiquent un état plus élevé, tel que serait, par exemple, 
celui de crustacés ; puis des ailes courtes et superposées, qui 
rappellent les coléoptères, et enfin, pour dernière métamor- 
phose , le développent, l'agrandissent de ces ailes qui les 
changent en lépidoptères. 

Quand on voit l'importance des modifications ou , si on 
le préfère, des métamorphoses que subit un simple individu, 
un papillon, depuis le moment où le germe contenu sous la 
mince pellicule de l'œuf commence à vivre, jusqu'à l’époque 
où.l’insecte parfait s'envole dans les airs, peut-on nier que 
l'espèce soumise à des circonstances dont nous ne pouvons 
connaître toute la valeur, n'ait été également destinée à des 
changements considérables ? 


DE LA JEUNESSE DE L'ESPÈCE. 291 


On sait que, dans un état peu avancé de développement, 
il y à entre les organismes des ressemblances bien plus gran- 
des qu’à une époque ultérieure de l'accroissement. Les fœtus 
de l’homme et des grands singes sont presque semblables, 
et paraissent appartenir à un même type. L'os intermaxil- 
laire, qui a occupé si longtemps Gœæthe dans ses études d’a- 
natomie comparée, est distinct et séparé dans tous les deux. 
Le développement du crâne est presque le même avant la 
naissance, et, plus tard , celui du singe s'arrête, tandis que 
celui de l’homme , et surtout de l’homme blanc, continue. 

Si l’on n'avait pu suivre toutes les phases de la vie des 
orangs-outangs, on ne voudrait pas admettre comme une 
même espèce le jeune singe , qui ressemble presque entière- 
ment à l'homme, et l'animal adulte, qui a perdu, en gran- 
dissant , le facies de notre espèce. Le front s'est déprimé , 
les mâchoires font saillie en avant, et il ne faut que quelques 
années pour observer cès profondes mutations chez le même 
individu. Les mêmes observations s'appliquent au goril, ré- 
cemment trouvé en Afrique, et dont le jeune âge rappelle 
tout à fait l'enfance de l’homme. 

En sorte que l’embryogénie , si nous la supposons compa- 
rable aux divers états de l'espèce encore Jeune , nous recule 
dans la longue série des siècles, et nous permet de recon- 
naître des types modifiables dans diverses directions. 

Les organes les plus importants peuvent même être mo- 
difiés par l’âge. Les circonvolutions du cerveau, dans les ani- 
maux où elles doivent exister, peu apparentes d’abord chez 
la plupart des animaux quand ils sont jeunes, deviennent 
très-saillantes dans l’âge adulte. 

Les métamorphoses d’un même organe , depuis sa pre- 
mière apparition jusqu’à son développement complet, pré- 
sentent une série de changements de la plus haute impor- 


2929 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


tance, et nous démontrent comment la nature procède pour 
atteindre son but. Ainsi, il n’est personne, ayant étudié 
dans les végétaux l’organogénie, qui n'ait remarqué que 
toutes les parties des plantes, sans exception, sont d’abord 
composées d'un tissu utriculaire primitif, qui successive- 
ment se transforme en utricules plus allongées, en tubes, en 
réservoirs, en vaisseaux, en fibres, et tout cela sous nos 
yeux , en un temps très-court. Pourquoi l’espèce serait-elle 
inamovible , quand tout progresse autour d’elle ? pourquoi 
n’aurait-elle pas aussi, comme un simple organe, sa jeunesse 
etses écarts, son âge mür et sa stabilité, sa vieillesse et sa 
mort? Pourquoi, dans son adolescence , ne serait-elle pas 
facilement impressionnée par les circonstances extérieures , 
par les milieux ambiants, par les révolutions du globe, 
tandis qu'ayant acquis, plus tard, la permanence que donne 
l'habitude , elle ne pourrait plus céder aux impressions ex- 
térieures comme un organe dont le développement est com- 
plet ? 

Le temps nous manque pour assister à ces lentes modifi- 
cations , mais, pour la nature , le temps n’entre pour rien 
dans ses calculs. 

Lorsque l’on compare, dans les végétaux, deux embryons 
ou deux fœtus appartenant à des plantes très-différentes , 
comme, par exemple, un chêne et un haricot, on trouve une 
très-grande analogie , et l’on pourrait même dire que tous 
les fœtus végétaux ont une grande ressemblance. Mais à 
mesure que ces embryons se développent, comme le déve- 
loppement à lieu sous des conditions d'habitude et de sta- 
bilité depuis longtemps acquises, on voit les dissemblances 
se produire, et l'écart de l’analogie est d’autant plus pro- 
noncé que les deux êtres seront , par la suite, plus dissem- 


blables. 


DE LA JEUNESSE DE L’'ESPECE. 293 


La même chose a lieu, comme nous venons de le voir, 
chez les animaux à l’état embryonnaire. Il y a presque iden- 
tité si les animaux sont voisins dans l’échelle des êtres ; 
mais , à partir de la naissance, les dissemblances se mani- 
festent comme entre l’homme et l’orang-outang. Si, au con- 
traire, les animaux sont très-différents de genres, de famille 
ou même de classe, la comparaison du fœtus se soutient 
encore, à la condition de prendre le fœtus de l’animal le 
plus parfait dans un état de développement moins avancé. 
Ainsi, cette belle loi de l’unité de composition, de la théo- 
rie des analogues, due au génie de Geoffroy Saint-Hilaire , 
se soutient dans les plantes comme dans les animaux. 

Or, ce progrès qui se manifeste dans les deux règnes de 
la nature, et pour chaque individu à mesure qu'il avance en 
âge, ce progrès que nous voyons si clairement, parce que le 
cercle de toutes ses phases s’accomplit mille fois pendant 
notre existence, peut-on supposer que la nature , st simple 
dans ses grandes lois, si variée dans ses détails, lait res- 
treinte à l'organe, à l'individu, sans l’étendre à l'espèce ? 

Le temps seul nous manque pour nous donner la preuve 
de ces transmutations. Le progrès est une des grandes lois 
de l'univers, de ces lois qui, au moral comme au physique, 
s’accomplissent comme les destinées, sans nous et malgré 
nous. 

Les transformations des feuilles en organes variés, l’incom- 
préhensible développement des vers intestinaux , les méta- 
morphoses des insectes , la dilatation des vertèbres en crânes 
de diverses capacités, l’apparition des poumons chez les 
batraciéns , nous offrent des preuves éclatantes de cette con- 
tinuelle tendance à la modification par les milieux ambiants 
pendant la jeunesse de l'espèce et des individus. | 

Il semble que la nature ait voulu nous montrer par ces 


224 CONSIDÉRATIONS GÉNERALES. 


faits presque instantanés et qui peuvent se renouveler s 
souvent pendant notre courte existence , les métamorphoses 
que l'espèce a pu subir pendant la longue série des siècles , 
au milieu de causes puissantes et actives qui tendaient sans 
cesse à ébranler sa stabilité. Mais l'habitude que les indi- 
vidus acquièrent facilement dans leur jeunesse n’a plus la 
même influence quand ils ont atteint tout leur développe- 
ment, etil en est de même de l’espèce. Si elle est de créa- 
tion récente comparativement à d’autres, elle se pliera aux 
exigences locales, et se modifiera en conséquence ; mais si 
la stabilité est acquise depuis longtemps elle s’ébranlera dif- 
ficilement ; les circonstances locales seront sans influence sur 
elle ; elle les bravera ou succombera sans fléchir. Dans le 
premier cas c’est le roseau qui s'incline et obéit, dans le 
second c’est l'arbre qui résiste ou se brise. 


$ 2. DE L'ESPÈCE A TRAVERS LES TEMPS GÉOLOGIQUES. 


Au milieu du calme dont jouit l’époque actuelle, en- 
tourés de conditions biologiques dont nous avons examiné 
la valeur, nous sommes forcés de reconnaître que les types 
changent et se modifient, et que les formes n’acquièrent qu’à 
la longue une stabilité qui leur donne le titre d’espèces. 

Après les considérations diverses que nous avons énoncées, 
nous reconnaissons que l'espèce ne peut être déterminée que 
par un ou plusieurs caractères immuables pendant notre pé- 
riode géologique ou pendant une longue partie de cette 
période. Si le climat , ou des circonstances extérieures, par- 
viennent à produire des changements sur divers ‘organes 
d’une espèce , et si ces changements sont héréditaires pen- 
dant de nombreuses générations, de nouvelles espèces sont 


créées. 


DE L'ESPÈCE A TRAVERS LES TEMPS GÉOLOGIQUES. 225 


Ainsi nous reconnaissons encore dans l’espèce , dans celle 
de la période actuelle , une tendance continuelle à la muta- 
tion et à la métamorphose, et une force d'inertie ou d’ha- 
bitude qui vient en quelque sorte lutter contre la première , 
et désarticuler l'espèce sur une ligne indéfinie de modifica- 
tions successives. 

Recherchons s'il en a été toujours ainsi depuis l’appa- 
rition des êtres vivants sur la terre, et jetons un regard en 
arrière sur ces vastes catacombes où tant d'individus ont 
laissé les traces de leur passage éphémère. 

Là, nous trouverons les restes d'espèces nombreuses au- 
jourd’hui détruites et complétement anéanties, qui sans 
doute ont vécu longtemps aux époques que le créateur leur 
avait assignées , puis qui se sont évanouies où transformées 
dans la suite des âges. 

Un fait des plus curieux, et qui domine cette vaste série 
de formes et d’apparitions successives , c’est l’augmenta- 
tion presque constante du nombre des espèces, à mesure 
que nous approchons de l’époque actuelle, et la prépondé- 
rance numérique de celles qui couvrent aujourd’hui la sur- 
face de la terre. Si une exception se présente comme, par 
exemple, pour la période du trias qui est moins riche que 
celle qui la précède et celle qui la suit, il faut en rapporter 
la cause à la brièveté comparée de la période, et au peu de 
développement de ses étages comparativement aux autres. 

Ainsi voilà des êtres qui disparaissent après avoir vécu 
un certain laps de temps, et, quand une nouvelle période 
commence , voilà des formes analogues qui se montrent, qui 
deviennent plus variées, et dont la diversité va toujours en 
augmentant, à mesure que les temps géologiques se rappro- 
chent de l’ère pendant laquelle nous vivons. 


Ces espèces desterrains les plus anciens se trouvent répan- 
15 


226 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


dues partout , elles s'étendent sur une aire immense ; 1l sem- 
ble que les mêmes conditions existent sur toute la surface de 
la terre, et la plus grande uniformité de dispersion règne dès 
les premiers âges du monde. 

A mesure que la terre vieillit et que des dépôts plus mo- 
dernes recouvrent les plus anciens, cette uniformité de la 
vie diminue de plus en plus. Les faunes et les flores rétré- 
cissent leurs rayons , les espèces se multiplient , mais eiles 
se localisent, et nous arrivons à travers de puissants sédi- 
ments , à travers des races toujours différentes et incessam- 
ment plus multipliées , à l'époque actuelle où la variété est 
immense, les formes innombrables, et où les modifications 
possibles ne paraissent nullement terminées. 

Quelle peut être la cause de cet accroissement prodigieux 
de formes distinctes à mesure que notre planète vieillit ? 
Les climats actuels , les conditions d'existence pour les êtres 
vivants sont-ils plus favorables au développement des espèces 
que ceux qui ont précédé notre époque ? Nous ne le pensons 
pas. Où voyons-nous maintenant la vie dans toute sa puis- 
sance ? Dans les régions les plus chaudes du globe, au bord 
des mers, partout où l’eau et la chaleur peuvent réagir en- 
semble sur les êtres organisés. Ce sont précisément les con- 
ditions qui existaient autrefois. La zone torride est la seule 
partie qui les présente maintenant, et la terre entière était jadis 
comme les rivages de la zone torride, soumise à un climat 
plus chaud, baignée par des mers plus étendues , et sous 
l'influence de cette grande puissance vitale reléguée aujour- 
d’hui sur la bande équatoriale de notre globe. 

Nous ne pouvons comprendre la variété des formes ac- 
tuelles qu’en donnant aux périodes géologiques des lon- 
gueurs inégales et des conditions biologiques plus variées. 

La longueur des périodes a eu certainement une bien 


DE L’ESPÈCE A TRAVERS LES TEMPS GEOLOGIQUES. 227 


grande influence sur la fixation des formes et leur transfor- 
mation en espèces, et comme l’activité des forces agissantes 
doit nous faire supposer que les périodes géologiques ont 
été de plus en plus longues en se rapprochant de la nôtre, 
comme nous pouvons admettre, ainsi que nous l’avons dit 
ailleurs dans notre théorie des climats solaires, qu'on peut 
les comparer aux termes d’une progression géométrique , il 
est naturel d'admettre que la stabilité n’a pu être acquise 
qu’à un nombre de formes proportionnel au temps écoulé. 

Or, la période actuelle étant peut-être déjà aussi longue 
que l’ensemble de celles qui l'ont précédée , le nombre des 
espèces doit être incomparablement plus grand. 

D'un autre côté, 1l n’a existé à aucune époque des con- 
ditions biologiques aussi variées pendant la durée d’une 
même période. Le climat chaud sous la zone torride, tem- 
péré en dehors de cette large bande des deux côtés de la 
terre, puis glacé au delà des deux cercles polaires, voilà 
certes des différences assez grandes pour agir d’une ma- 
nière énergique sur les êtres vivants. Ajoutons à cela l’appa- 
rition successive des chaînes de montagnes , dont les derniè- 
res sont de récente création ; remarquons qu’elles attei- 
gnent souvent en altitude les limites où la vie vient s’étein- 
dre, qu’elles surgissent sous toutes les zones ; n’oublions 
pas les profondes découpures des rivages , la grande quan- 
tité de terres émergées, avec les eaux qui les sillonnent , et 
nous aurons la certitude qu’à aucune autre époque la va- 
riété des conditions n’a été aussi grande. Mais si le nombre 
des espèces est en rapport avec cette multitude d’influences 
diverses, nous devons arriver logiquement à ce raisonne- 
ment : que du moment où les faits sont tels que nous venons 
de les indiquer , du moment où la variété des espèces exis- 
tantes ne peut pas être la cause de la variété des conditions, 


228 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


il faut admettre que ce sont ces dernières qui ont imprimé 
leur diversité et leur permanence à des formes qui, ayant 
acquis la stabilité , sont devenues des espèces. 

Celles-ci doivent donc être plus nombreuses à mesure 
que les périodes géologiques se prolongent, et à mesure que 
les influences locales viennent à augmenter. 

Les espèces doivent perdre en extension géographique 
et se localiser quand le même effet se fait sentir pour leurs 
conditions d'existence. Chaque espèce nouvelle, séparée d’un 
type et obtenant la stabilité, se détache de l'aire de l'espèce 
mère , et la localisation se resserre , l’aire se rétrécit cha- 
que fois que le temps opère une de ces séparations. Nous 
voyons en effet la localisation rapprocher ses limites depuis le 
dépôt des premiers sédiments jusqu'à nos Jours. Les terrains 
siluriens et devoniens, le calcaire carbonifère , le trias , les 
divers étages jurassiques , la craie, les calcaires nummuli- 
tiques, les bassins tertiaires, se localisent de plus en plus, se 
resserrent en abandonnant les pôles et se rapprochant de 
l'équateur, et l'influence de la latitude augmente encore 
d'importance à l'époque où nous vivons. Il est bien difficile 
de voir dans cette fixation des formes par la stabilité plus 
ou moins prolongée d’une période, des créations successives, 
et toujours plus nombreuses que celles qui les ont pré- 
cédées. 

Nous reconnaissons très-bien que dans leur passage à 
travers les temps géologiques les espèces ont été changées ou 
modifiées, et nous voyons même des genres et des ordres 
disparaître entièrement. Aïnsi nous savons que les trilobi- 
tes, les productus, les ammonites , les belemnites , ont suc- 
cessivement disparu de la surface de la terre. Il en a été de 
même de certaines familles de plantes des terrains houillers, 
groupes qui rappellent un peu nos lycopodiacées et nos 


DE L'ESPÈCE A TRAVERS LES TEMPS GÉOLOGIQUES. 229 


équisetacées , mais qui en diffèrent essentiellement. Malgré 
cela nous devons considérer ces extinctions d’ordre et de 
familles comme des exceptions, et nous voyons presque 
toujours, au contraire, les êtres éteints remplacés par des 
formes analogues ; le même plan d'organisation a pu même 
en se modifiant constamment traverser toutes les périodes. 
Les fougères, les térébratules et plusieurs familles de mol- 
lusques se trouvent dans ce cas. C’est la même organisa- 
üon, c’est le même type, seulement les détails sont entiè- 
rement différents. 

M. Thurmann cite le Jura comme une localité qui lui est bien 
connue, et où ces faits se présentent d’une manière frap- 
pante. « Si on envisage, dit-il, les époques consécutives , 
oolitiques, oxfordienne , corallienne, portlandienne , néo- 
comienne, on verra que les animaux marins qui se sont ver- 
ticalement succédé dans la même contrée, ont offert les 
mêmes plans généraux d'organisation. Chaque mer a eu ses 
polypiers pierreux et spongieux , ses crinoïdes et ses échi- 
nides, ses gastéropodes , ses céphalopodes, ses acéphales , 
ses vers. Cette permanence ne se montre pas seulement dans 
les ordres et dans les familles, mais presque dans les genres. 
Ainsi chacune des mers ci-dessus a eu parmi ses acéphales , 
ses ostrea, ses lima, ses pecten, ses avicula, etc. ; parmi 
ses gastéropodes, ses {urbo, ses trochus , ses melana, ses 
nerinea, etc. Enfin , il y a plus encore , c’est que très-sou- 
vent chaque genre a présenté ses modifications spécifiques 
analogues , comme le rendra sensible le tableau suivant : 


Néocomien.— Terebratula biplicata, de B. Terebratula depressa , de B. 


Portlandien.— » sella, de B. » inconstans. SOW. 
Corallien. — » insignis. Ziet. » lacunosa. Schl]. 
Oxfordien. — » medio jurensis. » Thurmanni. Vol. 


Oolitique. — » infra jurensis. » concinna. SOW. 


230 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 

C'est-à-dire que chaque mer jurassique a eu parmi ses 
térébratules une biplicate et une pugnacée, de même qu’elle 
a eu parmi ses ostrea une plissée et une plane, parmi ses 
pholadomies une clavellée, parmi ses trigonies une costée , 
parmi ses gryphées une spirée , etc. Une connaissance plus 
complète de la paléontologie de ces terrains rendra un jour 
évident ces parallélismes que je ne puis qu'indiquer ici, et 
permettra probablement d'y reconnaître ce qui est de règle, 
et ce qui est exceptionnel. On les verra même se soutenir 
Jusque dans des subdivisions moins importantes que celles 
que nous signalons (1). » 

Quoique la conclusion à tirer de ces faits paraisse natu- 
relle, et semble indiquer une dérivation ou une filiation 
des espèces, M. Thurmann arrive à la conclusion opposée, 
etil dit: « Qu'il existait un certain nombre de plans d'or- 
ganisation dépendant des circonstances élémentaires et réel- 
lement indépendants de ce qui précédait et suivait, bien 
qu'offrant des produits d'autant plus analogues qu'il y avait 
plus de similitude dans les combinaisons essentielles des 
agents du monde physique , » et il ajoute: « Nous devons 
en outre admettre que, pour chaque époque , les organisa- 
tons essentiellement différentes ont apparu simultanément 
indépendamment el sans dérivation mutuelle. 

Les faits paléontologiques sur lesquels M. Thurmann fonde 
la solidité de ses axiomes ont certainement une importance 
réelle, mais ils perdent évidemment de leur valeur, si l’on 
tient compte de l'arbitraire qui règne dans l'appréciation 
des caractères de l’espèce. Il ne nous paraît pas démontré 
qu'une espèce d’un étage antérieur n'ait jamais vécu dans 


(1) Thurmann, Essai de phytostatique appliquée à la chaine du Jura, 
t. À, p. 527. 


DE L'ESPÈCE A TRAVERS LES TEMPS GÉOLOGIQUES. 231 


celui qui l’a suivi. La détermination de l’espèce en paléon- 
tologie peut aussi reposer sur des idées théoriques , car ceux 
qui considèrent la destruction complète des êtres vivants 
comme coïncidant exactement avec chaque période , don- 
nent des noms différents à des débris semblables par le seul 
fait qu'ils existent dans un étage ou dans un terrain séparé. 
Nous admettons cependant que s’il y a eu interruption entre 
deux dépôts, il y a eu , dans cette localité, destruction de ses 
habitants, et la translation peut en avoir ramenés de points 
plus éloignés; ce retour après un laps de temps plus ou 
moins long peut avoir été accompagné de modifications. 
Peut-être même un simple changement dans le milieu peut- 
il occasionner des variations dans le type. 

MM. Forbes et Spratt citent, sous ce rapport, un fait 
très-curieux qu'ils ont observé dans le terrain tertiaire d’eau 
douce de l’île de Cos (1). Il existe dans ce terrain trois ho- 
rizons distincts, dont chacun contient une espèce de palu- 
.dine et une espèce de néritine, et chacun des deux infé- 
rieurs deux espèces de mélanopside. Les espèces les plus 
inférieures de chaque genre sont lisses, celles du centre en 
partie plissées, et celles de la partie supérieure fortement et 
régulièrement côtelées. Les formes des différentes zones 
sont tellement distinctes et bien tranchées , que chaque ho- 
rizon semble posséder ses espèces particulières, ce qui sup- 
poserait une succession de créations et d’extinctions bien rap- 
prochées , et pendant la simple existence d’un lac peu 
étendu. 

Ne pourrait-on pas, comme le pensent les auteurs de 
cette note, considérer ces mollusques comme dérivant de la 
même espèce , modifiée par l’arrivée et le mélange d’eau 


(4) Brithish Association , Cambridge, 1845. 


232 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


salée, dont la proportion aurait graduellement augmenté. 
La présence. du cardium edule dans les étages supérieurs 
seulement, justifie cette manière de voir. 

M. Lyeell cite un exemple du même genre pour le lym- 
neus pereger, qui, allant des rivières de Suède sur les côtes 
de la Baltique, devient tellement méconnaissable, qu’on lui 
a appliqué, sans hésiter, un nom différent. 

« Si les êtres nouveaux dérivaient des anciens , dit en- 
core M. Thurmann, les espèces mères domineraient exclusi- 
vement dans les couches inférieures, sans mélange de formes 
filiales. » Mais il est presque impossible qu'un tel résultat 
ait lieu. L'espèce mère ne peut plus vivre qu’en se modi- 
fiant ; ou elle a péri, et cette branche d'organisation est ter- 
minée, ou elle s’est modifiée, et alors ce n’est pas le type, 
mais la dérivation qui doit se montrer. Les phénomènes de 
translation sont aussi pour beaucoup dans la réapparition des 
formes analogues, et chaque jour on découvre , dans des 
dépôts différents, des formes intermédiaires à celles que 
nous connaissions déjà. Malgré la netteté des axiomes de 
M. Thurmann , il n’en avoue pas moins, un peu plus lon, 
que nous sommes souvent embarrassés d'établir la collection 
d'individus qui composent l'espèce. 

Dans l'examen de questions aussi abstraites, l’étude d’une 
partie du problème amène à celle d’une autre, et nous ar- 
rivons ainsi à nous demander si nous pouvons bien préciser 
ce que nous entendons par période ou époque géologique. 

A la rigueur, nous pouvons admettre les grandes divi- 
sions établies sur l’âge des roches et, en partie, sur la spé- 
cification des êtres organisés qu’elles renferment, bien qu'il 
ne soit nullement prouvé pour nous que les mêmes terrains, 
caractérisés par les mêmes espèces, appartiennent à une 
même époque sous toutes les zones. Nous sommes toujours 


DE L’ESPÈCE A TRAVERS LES TEMPS GÉOLOGIQUES. 233 


disposé à faire la part des climats , dès que nous arrivons 
à l'époque des houilles, et, à plus forte raison , pour les ter- 
rains qui leur sont supérieurs. | 

Toutefois, on ne peut nier qu’en Europe du moins, le 
dépôt des terrains de sédiment n'ait été quelquefois séparé 
par des moments de perturbation qui sont venus interrom- 
pre brusquement la sédimentation, et les beaux travaux de 
M. Elie de Beaumont ne laissent aucun doute à cet égard. 

La plupart des naturalistes admettent que ces violentes 
convulsions ont fait périr toutes les espèces qui existaient alors, 
et que des créations entièrement nouvelles les ont remplacées; 
d’autres pensent que certaines espèces ont pu traverser ces 
cataclysmes , et continuer de vivre dans les conditions nou- 
velles qui leur étaient données. 

La difficulté de reconnaitre et de séparer entièrement plu- 
sieurs formes de fossiles laisse cette question encore dou- 
teuse; mais un fait certain, c’est qu’en général les faunes 
et les flores des terrains qui se superposent sont tellement 
différentes dans leur ensemble, qu'il faut reconnaître que les 
formes ne sont plus les mêmes, et qu’il y a apparition d’é- 
tres qui n’existaient pas auparavant. Sont-ce réellement des 
créations nouvelles ? Sont-ce des modifications de celles qui 
préexistaient ? Ou bien ces êtres nouveaux sont-ils apportés 
de quelques parties du globe où ils étaient isolés? Enfin, 
quelle est la théorie la plus rationnelle des créations succes- 
sives, de la filiation ou de la translation ? 


234 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES 


CHAPITRE XI. 


CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR L'ESPÈCE. 


Pendant très-longtemps les vulcanistes et les neptunistes 
se sont disputés sur l’origine aqueuse ou ignée des roches qui 
composent l'écorce de là terre, et si les deux écoles ne sont 
pas encore aujourd’hui d'accord, elles se sont fait du moins de 
si larges concessions, que l’on regarde la discussion comme 
terminée. On a reconnu que l’eau et le feu avaient fait cha- 
cun leur part de nos terrains, et la science a gagné à cette 
acceptation de deux causes agissantes au lieu d’une. 

Dans la question de l'espèce, plus grave et plus difficile , 
car il s’agit ici de la vie de corps organisés , et non de roches 
qui se produisent encore sous nos yeux, nous sommes au 
commencement de la discussion, et trois théories sont en pré- 
sence , et, comme nous venons de le voir précédemment, 
l'une veut créer, l’autre modifier et transformer, la troi- 
sième transporter les espèces. 

Le souvenir des anciennes discussions des neptunistes et 
des vulcanistes doit nous préserver, dans l’examen de ces 
théories, d’un exclusivisme toujours nuisible à l’avance- 
ment de nos connaissances. Nous devons rechercher, au 
contraire, s’il n'existe pas, dans l’apparition et dans la dis- 
tribution géographique des espèces, comme dans leurs modi- 
fications, des preuves de l'influence de ces trois grandes cau- 
ses, qui, selon nous, agissent encore de nos jours. 

On admet trop légèrement, en histoire naturelle, que les 


SUR L’ESPÈCE. 239 


forces de la nature sont épuisées, que nous sommes dans une 
époque de stabilité permanente, où rien ne s'effectue. Il est 
bien vrai que nous ne pouvons pas comparer l'intensité des 
causes actuelles avec celles des forces qui agissaient autre- 
fois sur la terre; mais c’est l’examen de ces causes, dont 
nous pouvons augmenter la puissance dans notre pensée , 
qui nous donne la clé des nombreux phénomènes et des 
longues transmutations que la brièveté de notre existence 
nous permet à peine de soupconner. 

La création ne peut être contestée par personne; 1l est 
certain que toutes les formes qui existent ont été créées, 
mais l’ont-elles été instantanément ou en même temps, ou 
bien successivement et à mesure que les divers terrains de 
sédiment se déposaient, c’est-à-dire aux différentes périodes 
géologiques ; ou bien la création des êtres vivants a-t-elle 
suivi une progression ou plutôt un rayonnement quelconque 
par lequel les êtres déjà créés pouvaient, en se modifiant, en 
former d’autres analogues ? 

Quelle que soit l’idée que l’on adopte ou à laquelle l’ob- 
servation ou le raisonnement vous conduise . vous arrivez 
toujours à une création primitive, qui ne peut-être que l’œu- 
vre de Dieu ; mais vous ne diminuez en rien sa puissance en 
considérant la création comme simullanée ou successive , en 
admettant des êtres spécifiés immuables, ou des formes 
susceptibles de se modifier à l'infini par les circonstances 
ambiantes ; et, si nous voulions nous occuper ici de questions 
religieuses , nous dirions même que, selon notre sentiment, 
il y a plus de bonté à donner à des êtres vivants la faculté de 
se modifier et de s'adapter aux milieux ambiants, en se 
perfectionnant, qu’à les vouer à la mort lors de l'apparition 
de ces circonstances. 

Les partisans des créations successives admettent qu’à 


236 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES 


chaque révolution géologique, tous les êtres vivants ont péri, 
toutes les espèces onf été anéanties, et, par le fait, on trouve 
presque toujours que si deux étages géologiques se superpo- 
sent, les espèces ne sont pas les mêmes ou ne sont pas tou- 
tes les mêmes ; mais si, au lieu de deux étages d’un même 
terrain , séparés seulement par un court intervalle de temps, 
nous comparons deux périodes dont l’une est en deçà et 
l’autre au delà d’une grande perturbation , il n’y a presque 
jamais d’espèces semblables. 

Ainsi, dans la théorie des créations successives , la vie 
aurait été éteinte complétement, puis une création nouvelle 
l'aurait remplacée. 

Dans la théorie de succession, ou mieux de filiation ou 
de transformation, les êtres qui apparaissent après une per- 
turbation géologique seraient les descendants modifiés de 
ceux de l’époque précédente. Il n’y aurait pas eu destruc- 
tion générale, mais modifications déterminées par les nou- 
velles conditions biologiques. 

Enfin, dans la théorie de translation , les espèces créées 
en même temps seraient restées confinées sur quelques 
points isolés du globe , et auraient été transportées ensuite 
par les causes diverses que nous avons étudiées, agrandissant 
successivement leur aire et multipliant leurs individus à 
mesure que les milieux ambiants leur devenaient favorables. 

La plus simple de ces théories est certainement celle qui 
accorde aux êtres la faculté de se modifier, et qui ne fait pas 
intervenir chaque fois la divinité pour opérer de nouvelles 
créations. 

Si ces créations avaient réellement lieu, comment expli- 
quer que chaque fois elles sont plus nombreuses, et que nous 
arrivons à l’époque actuelle avec une faune et une flore bien 
plus riches que celles des périodes qui nous ont précédés ? 


SUR L’ESPÈCE. 237 


Comment nous rendre raison de ces analogies de forme 
qui se présentent constamment dans la succession des temps, 
et qui semblent nous indiquer des dérivations , tantôt dans 
un sens, tantôt dans un autre? 

Que de réflexions fait naître , à cet égard , la classification 
naturelle ! 

Quand nous avons considéré l'espèce dans son extension 
géographique, nous avons admis qu'elle doit être repré- 
sentée graphiquement par une courbe mobile et extensible, 
touchant une multitude de rayons divergents et inégaux, 
partant d'un centre de création. 

Dans l'examen que nous avons fait des modifications de 
l'espèce, nous avons reconnu qu'une figure semblable repré- 
sente encore exactement le type que nous placons au centre, 
et que les rayons qui doivent aboutir à une courbe cons- 
tamment extensible ou rétractile sont aussi très-inégaux, 
suivant l'influence des agents extérieurs sur tel ou tel or- 
gane. 

Pour une classification naturelle , nous sommes forcés 
d’agir de la même manière et par subordination. Le genre 
formera le centre d’un groupe d’où rayonnera chaque espèce, 
et chacune de ces dernières s’étendra en centres secondaires, 
et plus ou moins éloignés, tenant au type , mais susceptibles 
de se désarticuler par la permanence et la stabilité. 

Les genres se grouperont aussi autour d’un point central 
que nous appellerons l’ordre ou la famille , et celles-ci for- 
mant des centres d’un rang plus élevé encore, complète- 
ront une classification aussi naturelle que possible. 

L'étude, la réflexion , les faits, les analogies, tout nous 
couduit à ces classifications de subordination qui éxistent 
réellement dans la nature. Les séries linéaires, les séries pa- 
rallèles, ne sont que des parties de ce grand ensemble, et 


238 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES 


nous retrouvons partout cet ordre de choses, dès que nous 
cherchons attentivement à découvrir les rapports. 

Il n’avait pas échappé à Cuvier, et, en s'exprimant d’une 
manière très-claire , cet homme célèbre se trouvait presque 
en contradiction avec plusieurs des principes qu’il défen- 
dait. 

« La véritable méthode, disait-il, voit chaque être au 
» milieu des autres ; elle montre toutes les irradiations 
» par lesquelles il s’enchaîne plus ou moins étroitement dans 
» cet immense réseau qui constitue toute la nature organi- 
» sée, et c’est elle seulement qui nous donne, de cette na- 
» ture, des idées grandes , vraies et dignes d’elle et de son 
» auteur; mais dix et vingt rayons souvent ne suffiraient 
» pas pour exprimer ces innombrables rapports (1). » 

M. Pictet, partisan très-décidé des créations successives 
et non de la transformation des espèces, se trouve aussi 
conduit malgré lui à admettre la filiation dans certaines li- 
males. 

Après avoir dit: « La théorie de Za transformation des 
espèces est pour nous complétement inadmussible , et nous 
paraît diamétralement opposée à tous les enseignements de 
la zoologie et de la physiologie (2). » Il ajoute un peu plus 
loin (3): « Tous les animaux sont-ils sortis tels qu'ils sont 
des mains du créateur, ou sont-ils provenus d’un certain 
nombre de types? Il me semble difficile, continue-t-il, 
d'admettre que ces espèces innombrables, sur les limites des- 
quelles nous doutons si souvent, aient sans exception été 
créées avec tous leurs caractères de détails : je crois donc que 


. 


(4) Cuvier, Hist. nat. des poissons , t, 4, p. 568. 
(2) Traité élém. de paléontologie, t. 4, p. 86. : 
(3) Idem, p. 92. 


SUR L’ESPÈCE. 239 


la théorie des créations successives est vraie dans son ensem- 
ble. Peut-être les modifications des espèces, que j'ai dé- 
montrées ci-dessus ne pas pouvoir expliquer les formations 
des types nouveaux et les apparitions d'espèces très-diffé- 
rentes, ont-elles joué quelque rôle pour faire provenir d’un 
type commun un certain nombre d'espèces très-voisines. » 

Où serait alors cette permanence des espèces, admise par 
M. Pictet, et si une espèce peut en produire une autre par 
filiation , voilà déjà le rôle des créations successives réduit à 
produire des types modifiables. 

Or, comment descréations indépendantes viendraient-elles 
s’adapter à des groupements de subordination? Ces rapports 
des êtres vivants, qui tiennent à d’autres par un ou plusieurs 
points, toujours dépendants, dans une certaine mesure, d’un 
ordre plus élevé, cette hiérarchie des formes et des habi- 
tudes, comment cela existerait-1il chez des êtres qui résulte- 
raient d’un ordre de choses tout différent ? 

Le nombre toujours croissant des formes à mesure qu’elles 
s’éloignent des grands centres, ces rayons s'étendant au loin 
parce que les conditions sont favorables, les autres restreints 
par des circonstances opposées, tout cela ne nous indique- 
t-il pas que chaque forme procède d’une autre ! Ne reconnais- 
sons-nous pas une souche et ses ramifications successives. 
Les classifications divergentes ou plutôt convergentes et 
subordonnées, qui sont les seules naturelles, nous indiquent 
déjà une tendance à la désarticulation successive des bran- 
ches d’une souche commune, tandis qu'il ne devrait pas 
en être ainsi si les créations eussent été simultanées. 

Cette puissance énorme des rapports et des liens naturels 
reçoit encore une force nouvelle de la distribution géogra- 
phique des êtres animés. Des formes analogues existent 
presque toujours très-rapprochées , et la plupart des grands 


240 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES 

genres ou leurs sections ont leurs espèces reléguées dans une 
région déterminée, fait qui prouve en même temps et l’in- 
flueuce locale et la dérivation. Sans cela pourquoi toutes les 
espèces ou au moins la plupart de celles qui composent une 
famille seraient-elles confinées dans un point donné du globe? 
Si les créations avaient été toutes individuelles, et si cha- 
que espèce était sortie telle qu’elle est aujourd'hui des 
mains du créateur , il n’y aurait aucune raison pour que des 
types analogues ne fussent pas dispersés dans toutes les lo- 
calités où ils pourraient trouver leurs conditions d’existence. 
Au lieu de cela nous voyons les mêmes formes dominant 
dans telle ou telle région, et les analogies d'organisation 
nous conduisent si loin, que des localités très-distinctes et 
séparées des autres conservent des types tout particuliers. 
C’est ainsi que dans la Nouvelle-Hollande la plupart des 
papilionacées ont les étamines libres au lieu d’être soudées 
en deux faisceaux , les mimosa au contraire ,, dont les folio- 
les sont libres en Amérique, les ont soudées dans l'Océanie. 
Ces caractères si curieux et si généraux , qui se reprodui- 
sent si fréquemment ne semblent-ils pas nous indiquer qu’un 
grand nombre de formes aujourd’hui invariables dérivent de 
types moins nombreux qui, sous l'influence de conditions 
biologiques différentes de celles de nos jours, ont varié tout 
en conservant des rapports et des analogies ? 

La tendance que plusieurs types ont pour se modifier est 
une nouvelle preuve à l’appui de la théorie de la transfor- 
mation. | 

Lorsqu'un genre est réduit à une seule espèce ou seule- 
ment à un petit nombre, cette espèce présente peu de va- 
riétés, il existe même des plantes qui ont été souvent culti- 


vées et même tourmentées par les horticulteurs sans avoir 
varié. 


SUR L'ESPÈCE. 2%1 

Si nous examinons quelles sont les plantes spontanées 
qui varient le plus fréquemment, qui s’écartent le plus faci- 
lement de leur type, nous les rencontrerons parmi les genres 
nombreux en espèces. Ainsi les viola, les thalictrum, lesrosa, 
les rubus , les polygonum , nous offrent une multitude de 
variétés naturelles, et si dans les jardins nous attaquons des 
genres complexes, nous ne pouvons voir le terme de leurs va- 
riations ; témoins les rosa , les pelargonium, les erica, etc. 

Cette curieuse observation , déjà recueillie par le célèbre 
de Candolle, nous paraît un argument puissant en faveur 
de la filiation des espèces, car comment concevoir qu’une 
espèce unique dans son genre présente plus de stabilité que 
des espèces congénères et multiples, si nous n’admettons 
pas en même temps que ces dernières dérivent d’un même 
type ? 

Il est bien vrai qu’on nous objectera que certains genres 
très-nombreux en espèces sont parfaitement déterminés et 
ne donnent pas de variations. On nous citera les carex, les 
orchis et d’autres encore ; mais on remarquera qu’en géné- 
ral, la plupart de ces plantes fixes appartiennent aux mono- 
cotyledones , qui, selon toute apparence, sont de création 
plus ancienne que les autres sur la terre. 

Cela viendrait confirmer l’opinion que nous avons déjà 
émise, c’est-à-dire que l’espèce existe pendant une période 
géologique, mais que toutes n’ont pas encore acquis l’habi- 
tude et la stabilité pendant la période actuelle , et que des 
formes particulières, déterminées aujourd’hui par des con- 
ditions accidentelles, deviendront par la suite de véritables 
espèces si ces mêmes conditions modificatrices du type peu- 
vent durer assez longtemps. 

Comment la stabilité et la permanence existeraient-elles 


pour les espèces , quand nulle part dans le monde, dans l’u- 
16 


242 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES 


nivers, nous ne trouvons rien de stable, excepté Dieu? Com- 
ment ! la nature entière changerait, des astres nouveaux pa- 
raîtraient à l'horizon, et ce travail intestin des mondes, qui 
nous est offert par la diversité des nébuleuses et par l’astro- 
nomie sidérale , apparaîtrait constamment à nos veux , et 
nous persisterions à croire à l’immutabilité de l'espèce ? 

L'atmosphère serait modifiée, les milieux ambiants se- 
raient changés, d'immenses catastrophes auraient agité notre 
planète , et les êtres, impassibles dans leur organisation, 
auraient résisté sans se modifier et sans essayer de se sou- 
mettre aux influences extérieures pour conserver leur vie? Il 
est difficile d'accepter de telles conclusions. 

Nous savons la grave objection que l’on va nous faire, en 
se fondant surtout sur les mollusques et les animaux rayon- 
nés qui ont laissé de si abondantes dépouilles dans la plupart 
des terrains. On nous dira que dans chaque terrain les es- 
pèces sont différentes, souvent même dans chaque étage, et 
que, par conséquent, si la filiation avait eu lieu, on trouve- 
rait tous les passages entre la forme anéantie et la forme 
dérivante, et que, ces passages n’existant pas, 1l faut admet- 
tre des créations successives et indépendantes. 

Mais on ne peut nier non plus la translation. Si un ter- 
rain ou même un étage succède à un autre, il faut néces- 
sairement qu’une cause quelconque ait fait cesser ce premier 
état de choses pour lui substituer le second. Or, cette cause, 
probablement violente, doit avoir fait périr les individus des 
espèces qui existaient alors; il y a eu changement évident 
dans les conditions biologiques et interruption entre deux 
époques. 

Il n’y a donc rien d'étonnant que les êtres vivants aient 
péri. Mais pouvons-nous admettre que, sur toute la terre, 
une cause perturbatrice, quelque puissante que nous la sup- 


SUR L'ESPÈCE. 943 


posions , ait détruit entièrement les êtres préexistants, ait 
éteint même jusqu'aux mollusques, dont plusieurs sont pres- 
que indifférents à la salure des eaux et même à leur tem- 
pérature ?. j 

Les êtres qui sont venus peupler l'étage ou le terrain qui 
succédait à un autre , après un laps de temps qui a pu être 
très-long , ont donc été transportés de points plus ou 
moins éloignés par les causes que nous avons indiquées en 
parlant de l’aire des espèces. Ces êtres nouvellement arri- 
vés pouvaient provenir de localités où ils s'étaient déjà 
modifiés, ou bien leurs germes, placés dans des conditions 
différentes , ont pu le faire immédiatement. 

M. de Verneuil, en parlant des terrains paléozoïques de 
l'Amérique septentrionale et de l’Europe, rapporte un fait 
très-concluant sur cette translation des espèces. « Bien que 
» la transition minéralogique de l’un et l’autre groupe soit 
» insensible, dit-il, et ne paraisse pas avoir été accompa- 
» gnée d'aucun mouvement violent, les espèces du calcaire 
» de Trenton finissent presque toutes là où cesse ce dépôt ; 
» mais cette disparition n’est qu’un de ces accidents locaux 
» qu'il faut savoir apprécier et distinguer du phénomène de 
» la succession normale des espèces, car ce n’est en réalité 
» qu'un déplacement. Les espèces, détruites par des circons- 
» tances qui leur étaient défavorables dans le territoire de 
» New-York, ont continué à se propager dans les régions 
» situées à l’ouest, et lorsque ces circonstances ont changé 
» de nouveau, lorsque la nature des dépôts a été modifiée, 
» et que les schistes d'Hudson ont remplacé ceux d'Utica , 
» alors les animaux qui composaient la faune de Trenton 
» sont revenus occuper leur ancienne patrie , NON pas tous 
» intégralement , mais avec cette rénovation partielle et 
» successive que le temps leur avait imprimée. Les espèces 


244 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES 


» caractéristiques des schistes d'Utica sont le graptolites 
» dentatus Vanuxem, orné d’une double rangée de dente- 
» lures, et un petit trilobite nommé triarthus Beckii. Les 
» schistes peuvent avoir 75 pieds d'épaisseur (1). » 

On objecte encore, à ceux qui admettent la filiation des 
êtres, que certains types , loin d’aller en se perfectionnant 
jusqu’à l'époque actuelle, ont été, au contraire, en se dé- 
gradant physiologiquement et en diminuant de variété dans 
la forme générique, et de nombre dans les espèces. 

On cite, à cet égard, les reptiles sauriens, qui ont ap- 
paru les premiers, et que l’on considère comme des types 
plus parfaits que les batraciens , qui ne paraissent que lon- 
temps après. On met principalement en avant l'ordre des 
céphalopodes , à cause d’une.sorte d’intermittence dans son 
apparition. En effet, le grand développement de ces mollus- 
ques a eu lieu à une époque très-reculée dans les mers pa- 
léozoïques ; ils se sont maintenus à travers plusieurs éta- 
ges, en diminuant de nombre, puis ils se sont multiphiés de 
nouveau à la partie supérieure des terrains jurassiques et dans 
la craie. Les terrains tertiaires n’ont qu'un petit nombre de 
représentants parmi les céphalopodes ; puis ils reparaissent 
en nombre dans nos mers actuelles. | 

Mais la filiation des espèces n'implique pas leur perfec- 
tionnement successif. L'état des espèces dérivées, leurs 
formes, leur variabilité et leur nombre, tout à fait indépen- 
dant du perfectionnement, dépendent des circonstances ex- 
térieures et des milieux dans lesquels ils ont vécu. 

Si, à plusieurs reprises , les céphalopodes ont pris une 
plus grande extension, au lieu de suivre un ordre de perfec- 


(1) De Verneuil , sur le parallélisme des roches paléozoïques de l'Amér. 
sept. et de l’Europe. Bull. de la soc. géol. de France , 2e série, 1. 4, p. 652. 


SUR L'ESPÈCE. 245 


tionnement successif et régulier, c’est que les mêmes condi- 
tions qui favorisaient l'existence de ce type se sont présen- 
tées à plusieurs époques dans la série des âges géologi- 
ques. 

Il est extrêmement difficile d'aborder ces questions déli- 
cates, car nous ne sommes pas encore entièrement fixés sur 
ce que nous appelons la hiérarchie de perfection dans les 
êtres d’un même ordre, et quoique la spécialisation des or- 
ganes, les passages embryonnaires , l’apparition géologique 
et le milieu d’existence nous donnent une foule de notions 
de valeurs différentes, nous sommes souvent très-indécis sur 
la valeur de chacun de ces caractères et sur l'importance de 
la somme totale des résultats, quand nous comparons des 
types voisins. 

Sans vouloir préjuger ces hautes questions, les céphalo- 
podes , qui sont bien les plus parfaits des mollusques , étant 
tous marins, ont dû trouver dans certaines mers leurs meil- 
leures conditions d'existence. L'apparition de nombreux 
sauriens à l'époque jurassique tient , sans aucun doute, à 
l'étendue des mers de cette période , puisque ces sauriens 
vivaient dans l’eau salée. 

L'influence du milieu est telle que, dans toutes les famil- 
les des êtres organisés où nous trouvons des individus aqua- 
tiques et terrestres, aussi bien dans les animaux que dans les 
végétaux , les espèces aquatiques placées parallèlement aux 
espèces terrestres leur paraissent presque toujours inférieu- 
res en perfection ; et puisque les terres émergées sont deve- 
nues de plus en plus étendues et les mers successivement 
plus profondes, il a dù en résulter, dans les temps géologi- 
ques relativement modernes, extension en nombre des types 
plus parfaits. 

Quand nous voyons les altérations possibles de nos jours 


246 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES” 


sur les formes actuellement existantes, quand nous réflé- 
chissons à ces modifications profondes que nous avons im- 
primées dans les deux règnes à nos races domestiques, nous 
ne pouvons pas réellement assigner de limites à la puis- 
sance des causes géologiques, à l’action du climat, aux forces 
agissantes extérieures, et surtout à ces convulsions si diffé- 
rentes auxquelles nous attribuons les eaux minérales, les 
émanations de gaz, les volcans, les tremblements de terre 
et les soulèvements des chaînes de montagnes. 

Nous accordons du reste au climat plus d'importance 
qu'on ne lui en concède généralement. On attribue à l’ac- : 
tion du feu central la température plus élevée dont notre 
globe à joui autrefois, et l’on explique ainsi l’uniformité des 
espèces et de leur répartition dans les terrains les plus an- 
ciens ; mais à partir de l’époque des houilles, tout nous 
indique que la chaleur centrale commençait à être masquée 
par celle des saisons. Tout nous démontre l'influence d’un 
climat très-chaud, qui dans les époques subséquentes se dé- 
gage peu à peu de la température qui émanait du centre de 
la terre. Déjà à l'époque secondaire, à plus forte ‘raison 
pendant la période tertiaire, la latitude se manifeste , et 
nous ne pouvons pas douter que la chaleur solaire ne soit 
depuis lors la source unique de la température de la sur- 
face du globe. 

Si donc la dégradation du climat tient à un abaïissement 
dans la chaléur solaire, les différentes zones de la terre ont 
dù passer successivement par une température égale , et des 
conditions semblables ont dû se succéder lentement des pôles 
à l'équateur. 

Les terrains de même nom et de même caractère , de 
fossiles semblables , et que l’on regarde comme contempo- 
rains, pourraient très-bien alors ne pas être synchroniques. 


SUR L'ESPÈCE. 9247 


Leur identité aurait été amenée par les mêmes conditions ; 
les mêmes êtres vivants s’y seraient développés sous l’in- 
fluence des mêmes circonstances, mais à des époques dif- 
férentes, et l'on conçoit alors toute l'importance de la trans- 
lation, les causes qui ont pu la favoriser et les obstacles 
qu'élle a rencontrés. 

En tenant compte de toutes ces conditions, on en vient 
à reconnaitre que la théorie de la fiation est à peu près la 
seule qui soit admissible, mais qu’elle implique nécessaire- 
ment une création préalable et de fréquentes translations. 

« Cette théorie, dit M. Isid. Geoffroy Saint-Hilaire, 
» est confirmée par diverses considérations, en présence 
» desquelles il semble difficile de maintenir les deux au- 
» tres hypothèses. Sans insister sur celle des créations suc- 
» cessives, depuis longtemps abandonnée , et formellement 
» condamnée par son auteur , nous nous bornerons à met- 
» tre ici en opposition dans deux de leurs conséquences, 
» l'hypothèse de la filiation et celle de la translation. 

» Selon la première, les animaux actuels descendraïent 
» d’auimaux analogues, selon la seconde d'animaux sem- 
» blables à eux-mêmes. Or, la conservation des mêmes ca- 
» raclères spécifiques, à toutes les époques, supposerait 
» l'existence à toutes les époques aussi des mêmes circons- 
» lances ambiantes ; ce qui est inadmissible. 

» Dans l'hypothèse de la filiation le nombre des espè- 
» ces à pu varier d’une époque géologique à l’autre en plus 
» comme en moins; Car si, à chaque révolution , 1l y a eu 
» extinction d’une partie des espèces, celles qui ont subsisté 
» ont dù subir des modifications, qui ont pu être diver- 
» ses selon les circonstances et la localité, et acquérir 
» la valeur et la permanence de caractères spécifiques. 
» Dans l'hypothèse opposée, à chaque révolution une par- 


248 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES - 

» tie des espèces disparaît, les autres restent ce qu’elles 
» étaient ; elles se déplacent, mais sans modifications or- 
» ganiques. Par conséquent les extinctions sont ici sans 
» compensalion possible. 

» Donc, selon cette hypothèse, le nombre des espèces 
» animales et de même des espèces végétales aurait dû 
» aller sans cesse en décroissant ; il y aurait eu diminution 
» progressive, dépeuplement du globe; les 260 mille ani- 
» maux et végétaux, qui, d'après les estimations les plus 
» récentes, couvrent aujourd’hui la surface de la terre , ne 
» seraient que les restes d’une création infiniment plus ri- 
» che dans les temps antiques ! Telle est la conséquence à 
» laquelle arrivent nécessairement les hypothèses de la 
> fixité absolue et de la translation : chacun pourra juger 
» Jusqu'à quel point elle concorde avec les notions que 
» nous possédons sur l’état ancien du globe (1). 

La question fondamentale de l’antropologie ne peut, dit 
le même auteur , être expliquée que par l'hypothèse de la 
variabihité de l’espèce. « L'origine connue des diverses ra- 
» ces humaines, est rationnellement admissible au point 
» de vue de la variabilité, et à ce point de vue seul. Les 
» partisans de la fixité ont dù, pour l’admettre avec nous, 
» conclure contre leur propre principe (2). » 

Il faut néanmoins croire à la translation mais en restrei- 
gnant la valeur de cette expression , et il est d’autant plus 
juste de l’admettre que nous en avons tous les jours de fré- 
quents exemples, et que cette cause ramène les unes près 
des autres des formes autrefois réunies et maintenant tout à 
fait distinctes. 


(1) Isid. Geoffroy St-Hilaire, Cours de zoologie, résumé des leçons sur 
la question de l’espèce, XIT. 
(2) Idem, X. 


SUR L’ESPÈCE. 249 


Ainsi une des considérations les plus puissantes pour la 
séparation des espèces , c’est de voir des êtres presque sem- 
blables conserver chacun leurs caractères distinctifs dans des 
conditions identiquement semblables. Plusieurs plantes ont 
des formes particulières quand elles croissent dans la plaine, 
ou quand elles habitent des montagnes. Beaucoup d'espèces 
ont leurs formes montagnardes, leurs variétés alpestris, mon- 
ana, pyrenaïca ; d’autres ont leurs formes des marais, des 
lieux humides, des lieux secs, des forêts; des plantes aqua- 
tiques ont leurs formes terrestris, etc. Ces différents états 
d’une même plante se rencontrent chez des espèces flexibles 
qui peuvent impunément se soumettre à des conditions très- 
variées et vivre dans des milieux différents. 

‘Cependant plusieurs de ces formes ont acquis la stabilité 
et sont.mairctenant des espèces permanentes analogues à 
leurs types, mais suffisamment distinctes et habituées pour 
constituer de véritables espèces. La translation peut dans 
certains cas rapprocher ces formes types et dérivantes, aujour- 
d’hui complétement désarticulées, et les réunir sur un même 
terrain, dans de semblables conditions où elles peuvent 
vivre en conservant chacune leurs caractères distinctifs. 

- Ainsi le Gnaphalium sylvaticum tel qu'il vient dans les 
plaines où il varie déïà, paraît être la souche des Gnaphalium 
Norwegicum et supinum. On rencontre encore quelques in- 
termédiaires, mais les espèces sont distinctes, et on ne peut 
pas considérer ces différentes formes comme des variétés. 
Cependant on les trouve quelquefois côte à côte dans les 
mêmes stations, où ces formes dérivantes ayant acquis la 
stabilité peuvent se trouver accidentellement réunies dans 
les mêmes lieux, sous les mêmes conditions, sans pour 
cela revenir toutes au type dont elles ont été séparées. Ces 
réunions de formes analogues sur un même terrain, à la 


250 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 


même altitude et sous le même climat , sont certainement 
une des conditions qui militent le plus en faveur de la dis- 
tinction des espèces. 

On voit que nos recherches sur la fixité ou la variation de 
l'espèce, nous conduisent directement aux idées émises par 
deux hommes justement célèbres, Geoffroy Saint-Hilaire 
et Gæœthe. Leurs admirables doctrines sur l'unité de composi- 
tion, sur le balancement des organes, sur les métamor- 
phoses ne sont autre chose que l'expression de la nature 
elle-même dégagée du voile qui cache ses vues les plus pro- 
fondes. x 

Pour eux comme pour nous, l'espèce n’est pas fixe, per- 
manente, invariable , et si elle peut le devenir pendant une 
longue période de stabilité, nous ne pouvons assigner à cette 
permanence d’autres limites que celles de la période géo- 
logique dans laquelle nous vivons, d’autres limites que 
celle de la durée des conditions qui existent aujourd'hui. 
Nous devons donc considérer les espèces comme des groupes 
actuels sans pouvoir assurer qu’elles datent de la création , 
sans pouvoir répondre qu’elles resteront ce qu’elles sont 
de nos jours. 

Malgré les doutes et les nombreuses difficultés soulevés 
dans les pages précédentes sur les limites et la fixation de 
l'espèce, nous n’en continuerons pas moins à regarder comme 
telles les formes qui resteront intactes par l'hérédité, et nous 
les considérerons comme fixes et permanentes. En cela nous 
suivrons comme nous l’avons déjà dit, l'exemple des astro- 
nomes, qui savent très-bien que les étoiles sont mobiles, que 
les constellations perdront à la suite des siècles leur situation 
relative, et qui continuent cependant à s’en servir comme 
points de repère pour leurs calculs et leurs travaux. 


PLATEAU CENTRAL DE LA FRANCE. 254 


CHAPITRE XIL, 


DU PLATEAU CENTRAL DE LA FRANCE; DE SA CONSTITUTION 
GÉOLOGIQUE. — RÉVOLUTIONS QU'IL A SUBIES. — DISTRI- 
BUTIGN DES VÉGÉTAUX A SA SURFACE. 


Nous essaierons maintenant de concentrer nos recherches, 
en géographie botanique, sur une contrée limitée, où nous 
avons pu étendre nos investigations jusqu'aux moindres dé- 
tails. Le plateau central de la France va nous servir de 
point de repère pour y rattacher quelques flores européen- 
nes et pour nous offrir les indices de quelques-unes des lois 
qui président à la distribution des végétaux. Cet examen 
nous ramène à chaque instant à des questions de géologie 
du plus grand intérêt. La dispersion des espèces sur le globe, 
ce grand phénomène dont quelques parties nous semblent 
dépendantes de causes météorologiques , peut aussi être lié 
à des modifications , à des mouvements que le sol aurait su- 
bis, et comme nous serons amenés à rechercher si les plantes 
qui croissent actuellement sur nos terrains ne proviennent 
pas de l’ancienne végétation de l’Auvergne, il est essentiel 
que nous jetions un coup d'œil rapide sur les grands événe- 
ments qui ont précédé l'époque historique. 

Cet examen sera d’autant plus curieux, que notre sol 
paraît avoir été émergé dès les temps les plus reculés , alors 
même que l’Europe n'était encore qu'un archipel moins 1m- 
portant que plusieurs de ceux qui existent dans la vaste mer 
des Indes. 

En examinant attentivement les contrées qui nous entou- 


252 PLATEAU CENTRAL DE LA FRANCE. 


rent, nous reconnaissons bientôt qu'avant le dépôt des ter- 
rains de sédiment, plusieurs îles primitives s’élevaient au- 
dessus d’un océan sans bornes. Représentons-nous un instant 
l’Auvergne sous forme d’un large plateau contre lequel 
venaient expirer les flots d’une mer agitée. Un espace très- 
étendu séparait cette île d’une autre également émergée dès 
les temps les plus reculés , de la Bretagne , qui peut-être à 
cette époque était liée à une partie de l’Angleterre, au Cor- 
nouaill , et formait, comme notre sol, un pays isolé au mi- 
lieu des mers. De nombreux îlots existaient autour de ces 
deux îles, séparés par des détroits plus ou moins larges et 
plus ou moins profonds, mais rien ne fait présumer la pré- 
sence d’iles intermédiaires. 

Nous devons ajouter à ces fragments d’un futur conti 
nent la grande île des Ardennes, peu éloignée, mais séparée 
du massif du Hartz; puis l’île des Asturies , qui aujourd’hui 
est liée à l'Espagne , en laissant toutelois un golfe très- 
élargi entre la côte ibérique et celle de la Bretagne. 

D’autres îles se montraient aux points où se trouvent 
maintenant une partie du département du Var, une partie 
de la Corse et de la Sardaigne. 

L'Italie était aussi représentée par plusieurs îlots. 

L'Irlande formait , avec la majeure partie de l'Écosse et 
quelques points de l’Angleterre , un archipel à part, très- 
rapproché de la grande île de Bretagne. 

Les Alpes, dont une partie est formée par des terrains 
primitifs, apparaissaient déjà à cette époque comme une 
grande île ou un archipel; ou bien leur soulèvement mo- 
derne est-il la cause qui a mis au jour leurs terrains cris- 
tallisés, qui auraient été enfouis sous des couches secon- 
daires rejetées des deux côtés de la chaîne ? 

Cette dernière supposition est douteuse, 1l est plus na- 


SA CONSTITUTION GÉOLOGIQUE. | 253 


turel de supposer que , sans avoir leur élévation actuelle, 
elles surgissaient déjà et constituaient un des points sail- 
lants de ce que nous appelons notre vieille Europe. 

Nous avons indiqué seulement une-partie de cet ancien 
archipel, en énumérant les terrés les plus voisines de celle 
qui va nous occuper sous le rapport de sa végétation ; mais 
alors il existait déjà un continent ou du moins une terre 
assez grande pour qu'elle puisse, relativement aux autres, 
recevoir cette dénomination un peu prétentieuse : c'était la 
Scandinavie , comprenant toutes les parties désignées au- 
jourd’hui sous les noms de Suède, Norwège, Laponie et 
Finlande. C'était la plus grande terre de l'Europe, entourée 
d'îles innombrables, ayant au nord le Spitzberg , également 
primitif, à l’ouest et à l’est, à de grandes distances , le 
Groenland et l’île de l’Oural. 

Partout ailleurs, c'était la mer, dont les flots mobiles ve- 
naient successivement battre ces lointains rivages, transpor- 
tant d'un point sur un autre des germes destinés à propager 
les espèces, et à favoriser cette dispersion primitive dont les 
traces nous échappent, et sur laquelle la végétation actuelle 
ne peut guère nous fournir d'indices. 

Telle était cependant alors la position de l’île centrale 
que nous occupons aujourd’hui. Nous la voyons au milieu 
d’un grand archipel dont elle dépend , pouvant recevoir au 
nord les produits de la Bretagne et de l'archipel britannique, 
des Ardennes et des Vosges , et plus loin ceux de la Scan- 
dinavie. | 

A l’est, ce sont les Alpes , si toutefois elles existaient 
déjà, et en leur absence la grande île des Balkans , qui tou- 
che la mer Noire. 

Au sud la Catalogne , les îles du Var, la Corse, la Sar- 
daigne et tout l’archipel italien. 


254 PLATEAU CENTRAL DE LA FRANCE. 


A l’ouest, les Asturies ; puis au loin, en se dirigeant vers 
le nord, ces vastes terres primitives du Nouveau-Monde, qui 
forment aujourd'hui les États de l'Union américaine. 

A cette époque si reculée , nul doute que les conditions 
d'existence des êtres vivants ne fussent tout à fait différen- 
tes de celles qui existent de nos jours; climat , température 
et, sans doute aussi, création des espèces, tout doit être 
changé, comme la topographie du sol et les contours des 
nouveaux rivages. 

En effet, ces mers qui séparaient les îles recevaient leurs 
débris entrainés par des pluies torrentielles ; des sources 
minérales y versaient des masses considérables de chaux, 
de fer et de silice; des polypiers saxigènes élevaient sur les 
bas-fonds leurs patients et gigantesques édifices, en même 
temps qu'un soulèvement lent et continental amenait , à la 
suite des siècles, tout l'archipel au-dessus des eaux. 

Chacun des anciens sommets est maintenant entouré 
d’une ceinture de dépôts chimiques ou sédimentaires où les 
êtres anciens ont laissé leurs dépouilles comme des pièces à 
l'appui de ces grandes et mystérieuses révolutions. 

L'île que nous isolons est en effet circonscrite par des 
terrains sédimentaires, formés de couches concentriques , 
dont les plus anciennes s'appuient sur le terrain primitif et 
supportent ensuite toutes les autres. 

Si le plateau central ne s'élève plus au-dessus des flots, 
et si, comme autrefois, il n’est plus battu par les vagues de 
la mer jurassique , il peut encore être considéré , dans son 
ensemble, comme une grande île géologique, presque par- 
tout limitée par des terrains jurassiques ou par quelques dé- 
pôts plus anciens appartenant au trias et au groupe carbo- 
nifère. 

C’est pendant cette période insulaire de l’Europe que 


SA CONSTITUTION GÉOLOGIQUE. 255 


les houilles s’y déposaient avec les débris d’une végétation 
toute particulière. C’est alors que la nature amassait dans 
les anses, dans les lacs et les bas-fonds de cette grande île, 
des richesses minérales que l’industrie en extrait aujour- 
d'hui. | 

Partout, sur l’espace dont nous allons étudier la flore et 
la végétation , le terrain primitif domine ; mais deux golfes 
étendus, deux estuaires opposés, se présentent à ses extré- 
mités. L'un est la Limagne , qui paraît avoir été fermée au 
nord par une bande de dépôts jurassiques , et qui a recueilli 
toutes les eaux douces qui descendaient du plateau central ; 
largement ouverte dans le département de l’Aller, elle se 
se rétrécit dans celui du Puy-de-Dôme, et se termine en 
pointe au delà de Brioude. Clermont est situé sur un de ses 
bords. 

L'autre, plus élargi, placé au midi, pénètre entre les 
Cévennes et la montagne Noire, touchant d’un côté le Gard 
et la Lozère, de l’autre l'Aveyron. Sur ses bords se trouvent 
Mende, Marvéjols et Florac. 

Ici, ce ne sont plus les eaux douces qui ont charrié les 
grès et déposé les calcaires, c’est la mer jurassique, dont le 
séjour prolongé à produit ces causses ou plateaux dénudés, 
si curieux à la fois par leur structure et leur végétation. 

C’est au moyen de ces calcaires et de ceux qui leur sont 
superposés , que l’île centrale a été complétement reliée au 
sol de la Frañce et de l'Espagne , dont l’ensemble à sans 
doute été soulevé pendant une longue suite de siècles. 

Si nous isolons cette parcelle de l'Europe, déjà bien éten- 
due pour nos investigations, et entourée de ces causses dé- 
mantelées , couvertes d’une végétation différente, nous sui- 
vrons avec intérêt les grands phénomènes géologiques qui 
ont si profondément modifié cette contrée, et nous recher- 


256 PLATEAU CENTRAL DE LA FRANCE. 
cherons comment les plantes qui l’habitent y ont été distri- 
buées. | 

Mais déjà notre tâche est trop étendue en acceptant les 
limites de l’île centrale, avec toute sa ceinture. Nous pour- 
rons, il est vrai, faire quelques excursions sur ses bords, et 
sortir même de notre territoire à la recherche des faits qui 
nous y ramèneront par la suite, mais nous tâcherons, au- 
tant que possible, de rester dans notre circonscription. 

En publiant , avec M. Lamotte, la liste des espèces qui 
habitent ce plateau, nous avons déjà rétréci l’île centrale 
par deux suppressions qui étaient comme indiquées d'’elles- 
mêmes; nous avons abandonné la Bourgogne et le Morvan, 
la pointe la plus avancée vers le nord , et au sud la monta- 
gne Noire et son grand plateau primitif à son point d’articu- 
lation avec l'île centrale. 

Ces deux sections opérées , nous devions encore couper 
les deux bords oriental et occidental du plateau , abandon- 
ner la partie qui descend jusqu’au Rhône et à Lyon, et 
nous limiter à peu près par le bord de la Loire. 

D'un autre côté, nous ne pouvions nous occuper du Li- 
mousin ; nous l’avons séparé par une ligne presque droite, 
tirée de Figeac à Aubusson , et de cette dernière ville à 
Saint-Amant du Cher. 

L'importance des changements géologiques qui ont eu 
lieu sur ce plateau laisse même un champ si vaste à nos ob- 
servations , que nous n’osons pas espérer avoir pris encore , 
pour les exprimer, toutes les précautions que réclament 
l'exactitude et la vérité. 

Nous avons parlé des calcaires jurassiques et des dépôts 
de trias qui sont venus entourer les terrains cristallisés et 
agrandir le sol émergé de la grande île centrale; aucun 
autre sédiment ancien n’est venu s’y ajouter, et un laps de 


SA CONSTITUTION GÉGLOGIQUE. 257 


temps très-long a dù s'écouler pendant lequel les végétaux 
du sommet ont pu descendre sur un terrain vierge que Flore 
venait d'ajouter à son petit royaume d'Auvergne, tandis que 
d’autres, émigrés de lointains rivages, ont pu trouver aussi, 
sur un sol de nature différente, un lieu propre à recevoir 
leurs colonies. 

Des sédiments plus modernes se formèrent ensuite dans 
les eaux douces abondamment répandues sur le terrain pri- 
mitif. De grands lacs recevaient les eaux de tous les envi- 
rons , et les débris qu’elles amenaient avec elles. Des sour- 
ces calcarifères ou siliceuses avaient surgi partout et occu- 
paient principalement les grandes lignes de fracture que 
d'anciens soulèvements avaient tracées. Le temps à fait le 
reste, et les siècles ont comblé les lacs à l’époque ter- 
taire. 

Celle-ci a été très-longue, et ses dépôts couvrent aujour- 
d’hui la Limagne, le Lembron, le Livradois , les bassins de 
Saint-Dier, d’Olby, de Paulhaguet, du Puy, d’Aurillac, du 
Malzieu. Il faut y joindre le bassin de Montbrison et la 
plaine de Roanne, qui en est séparée par un long défilé, et 
les terrains tertiaires de Montluçon et de Villefranche. 

Trois époques se sont succédé pendant la longue période 
tertiaire. | 

La première a fourni les argiles, les sables et les graviers 
qui constituent , dans la plupart de ces bassins , un sol tout 
particulier, et lorsque cette sédimentation ne les a pas rem- 
plis, comme ceux de Roanne, de Montbrison , d’Olby, du 
Malzieu, de Saint-Dier, etc., elle a du moins constitué leurs 
bords, comme dans la Limagne, dans le creux du Puy, etc. 

La seconde époque est celle où les sources calcarifères 
ont dominé. Si plusieurs bassins sont entièrement remplis 


par des argiles sableuses , plusieurs autres ont reçu de leurs 
17 


258 PLATEAU CENTRAL DE LA FRANCE. 


sources de nombreuses assises, toujours superposées aux pre- 
mières, etindiquant un ordre de choses tout différent. 

C'était l’époque des grands lacs, des grands bassins rem- 
plis d’eau , comme le sont aujourd’hui ceux de l’Amérique 
du Nord. Il est certain qu’alors le plateau central avait une 
grande partie de sa surface inondée, et cet état particulier à 
dù contribuer au développement d’une végétation toute par- 
ticulière, dont les débris sont jusqu'ici peu connus. Peu à 
peu les calcaires qu'abandonnaient ces eaux ont exhaussé le 
fond des bassins, pendant que l’acide carbonique, qui arri- 
vait au jour, en dissolvant les bases terreuses, comme cela 
se passe actuellement dans toutes nos sources minérales, se 
répandait dans l'atmosphère, et devait concourir, par son 
abondance, à l’activité de cette ancienne végétation. Il fal- 
lait, du reste, une assez grande quantité de végétaux pour 
nourrir les nombreux mammifères herbivores qui habitaient 
alors l'Auvergne , depuis le rhinocéros jusqu'à ces légions 
de rongeurs et ces nombreux pachydermes contemporains de 
ces assises calcaires. Il n’est pas rare d’y rencontrer des os 
d'oiseaux et surtout des œufs qui paraissent provenir d’es- 
pèces aquatiques. Enfin , des débris de tortues, de crocodi- 
les et de quelques autres reptiles, des mollusques d’eau 
douce , complètent, avec quelques restes de végétaux, la sé- 
rie des êtres organiques de cette curieuse époque. 

Elle passe très-insensiblement à la troisième, qui a ter- 
miné les terrains tertiaires par des concrétions calcaires 
d'autant plus intéressantes qu’elles sont produites en partie 
par des insectes , et qu’elles ont marqué, d'une manière in- 
délébile, les contours du Léman qui occupait autrefois la 
grande plaine de l'Auvergne. Ce sont encore des calcaires, 
désignés sous le nom de calcaires concrétionnés , calcaires. 
à phryganes, calcaires à indusies. On y voit une espèce de 


SA CONSTITUTION .GÉOLOGIQUE. 259 


lormation oolitique, accompagnée d'énormes masses dont 
les centres offrent des tubes abandonnés par des larves de 
phryganes. 

Ces insectes, sit communs de nos jours, sur les bords des 
grands lacs principalement, où nous les avons vus, comme à 
Genève, obscurcir l’air de leurs nuages épais , étaient très- 
répandus dans la Limagne dès que les eaux peu profondes 
leur permirent de se développer. 

On sait que ces larves ont l'instinct, pour échapper à leurs 
ennemis, de se construire des fourreaux plus ou moins soli- 
des. Elles produisent quelques fils de soie, et par ce moyen 
elles relient des fragments d’écorce, de gravier et surtout 
les petites coquilles qu’elles peuvent rencontrer, formant 
ainsi des tubes dans lesquels elles s’abritent et qu’elles 
transportent partout dans leurs courses restremntes. 

Pour que ces larves puissent exister, il faut un fond va- 
seux, des eaux peu profondes, suffisamment échauffées, 
toutes conditions qu’elles trouvaient alors sous un climat qui 
permettait encore la végétation des cycadées. 

Les eaux calcarifères saisissaient les fourreaux de ces phry- 
ganes, et aujourd’hui les bords de l’ancien lac, comme ses 
îles nombreuses qui forment maintenant des collines, pré- 
sentent partout des ceintures ou des masses de ces curieux 
calcaires déposés sur ces tubes et réunis en blocs parfois très- 
volumineux. 

On ne peut douter que des conditions si favorables à 
l’existence de ces larves ne l’aient été également à de nom- 
breux végétaux qui ont précédé les nôtres, et dont nous re- 
trouvons aussi quelques débris. 

La période tertiaire finissait et quelques sources minérales 
déposaient encore leurs produits sur les bords de la Lima- 
gne, dans le bassin d’Aurillac et dans le creux du Puy, lors- 


260 PLATEAU CENTRAL DE LA FRANCE. 


que les premières éruptions volcaniques se manifestèrent, sans 
doute versles contrées du Cantal, dumont Dore et du Mezenc. 

Des coulées de trachyte s’épanchèrent sur le sol primor- 
dial, des matières pulvérulentes les accompagnèrent, et, à 
plusieurs reprises , les eaux entraînèrent les débris ponceux 
jusque sur le sol calcaire de la Limagne, sur les assises du 
bassin d’Aurillac, et se montrèrent partout superposées au 
terrain tertiaire. 

Pendant longtemps ces éruptions continuèrent, donnant 
tantôt des matières pulvérulentes d’une extrême abondance, 
qui ont enseveli des forêts et détruit , sans aucun doute, la 
majeure partie des plantes de cette époque ; tantôt donnant 
issue à de vastes courants qui sont venus préserver d’une 
destruction ultérieure les matières pulvérulentes sur lesquel- 
les ils se consolidaient. 

Bientôt cet ensemble de coulées, de tufs, de conglo- 
mérats ponceux que les eaux pluviales entraînaient loin 
des centres d’éruption, fut disloqué par l'apparition de nom- 
breux filons de même nature , qui ont brisé les terrains à 
travers lesquels ils sont sortis, et ont commencé l’œuvre de 
dégradation que le temps et les eaux ont si largement conti- 
nuée dans nos massifs trachytiques. 

Nous ne pensons pas que la végétation ait été un seul 
instant interrompue pendant ces longues crises volcaniques , 
mais elle a été certainement détruite sur des espaces très- 
étendus, qui ont dû se repeupler des mêmes espèces ou d’au- 
tres races qui leur ont succédé. 

L'ère trachytique paraît avoir été terminée par l'appart- 
tion des phonolites, qui se montrent sur quelques points du 
Cantal et du mont Dore, et qui se sont surtout développés 
sur une très-grande échelle dans la chaîne du Mezenc et aux 
environs d’Issingeaux.  ? 


SA CONSTITUTION GEOLOGIQUE. 261 


Ces roches furent immédiatement suivies, et l’on peut 
dire aussi accompagnées, de l’épanchement de très-grandes 
nappes de basalte, dont plusieurs couvrent d'immenses es- 
paces, comme celui qui sépare le mont Dore du Cantal, la 
Planèze et les environs de Saint-Flour et du Puy. En gé- 
néral, ces basaltes, caractérisés par la présence de l’olivine, 
comme les trachytes le sont par celle du feldspath, parais- 
sent avoir eu une certaine répulsion pour les centres feldspa- 
thiques. C’est sur leurs bords qu'ils ont coulé, en leur cons- 
truisant une large ceinture , souvent interrompue par des 
vallées, espèces de barancos résultant de cassures primitives 
élargies par les eaux. Les terrains cristallisés ou les calcaires, 
mais surtout les conglomérats ponceux , sont souvent mis à 
nu dans ces profondes déchirures, et les matériaux qui les 
composent nous permettent à peine de décider laquelle des 
deux roches, du trachyte ou du basalte, a posé la première 
pierre de l'édifice démantelé dont les ruines attirent notre 
attention. 

Les débris mélangés de cette période ont formé des allu- 
vions à peu près contemporaines des premières éruptions, On 
y trouve rarement des restes de la végétation de cette épo- 
que, mais souvent les dépouilles d'animaux divers. Les mas- 
todontes, les éléphants, les hippopotames, les rhinocéros, les 
tapirs, les chevaux, les sangliers, les hyènes, de nombreu- 
ses espèces de chats, d’ours et de cerfs, des loutres , des 
castors, des bœufs et beaucoup d’autres types , habitaient 
alors le plateau central de la France, et nous prouvent, par 
le grand nombre d'individus qui vivaient à la fois, que la 
fécondité végétale du sol était en rapport avec leur excessif 
développement. 

Il ne paraît pas y avoir eu d'interruption dans les émis- 
sions basaltiques , et les grands plateaux n’avaient pas fini 


262 PLATEAU CENTRAL DE LA FRANCE. 


de s’épancher, qu’il leur succédait, comme à la période tra- 
chytique, des dykes ou filons qui font partout saillie au-des- 
sus du sol. Loin de partir de grands centres , comme ceux 
qui ont donné naissance aux plateaux, ces basaltes sont sor- 
tis de tous les points du sol primordial et des terrains de sé- 
diment, traversant à la fois toutes les couches préexistantes, 
pour former des affleurements que l’on rencontre partout, et 
qui constituent des pics isolés. 

Ces basaltes sont très-souvent accompagnés de pépérites, 
surtout quand ils ont dù traverser, pour se faire jour, des 
calcaires et des sédiments. Ils contiennent souvent de l’ar- 
ragonite et de la mésotype. | 

L'apparition de ces pics nombreux, disséminés sur la ma- 
jeure partie du plateau central, en fracturant je sol pour 
surgir au dehors, a donné naissance à de nombreuses sour- 
ces minérales, dont les produits calcaires et siliceux ont ci- 
menté les pépérites, y ont abandonné des filons ou des mas- 
ses de quartz résinite, ou même se sont réunis pour former 
des monticules de silex et de matières parallèles à cette 
époque volcanique. 

il est probable que la période des dykes a été très-longue 
et s’est prolongée jusqu’à celle des volcans modernes , qui 
ont terminé la série éruptive. C’est vers cette époque aussi 
que les grands lacs ont fini d’être comblés , que leurs eaux 
se sont retirées, en laissant de nombreux marais; dès lors le 
sol existant de la grande île centrale avait acquis le relief qu'il 
à conservé Jusqu'à nous. 

La volcanisation moderne n’a fait qu'ajouter aux nom- 
breuses inégalités du sol tous ces cônes de scories de la 
chaîne des monts Dômes , des flancs du mont Dore, et les 
longues séries de la haute Loire ou les pics isolés du Vi- 
Varals. 


SA CONSTITUTION GÉOLOGIQUE. 263 


La conflagration devint générale : de grandes lueurs, 
d'immenses incendies, vinrent éclairer ces grandes scènes 
d'horreur et de magnificence dont l'homme n'était peut- 
être pas encore témoin. La lave incandescente est sortie de 
plus de cent cratères, elle a comblé des vallées, vaporisé 
des cours d’eau, et changé en déserts de pierres les sols fer- 
tiles qu’elle a fait disparaitre. 

Une création végétale entièrement nouvelle s’est établie 
sur ces laves refroidies, et le règne organique, après une 
lutte patiente et victorieuse, a pris possession de ces terres 
nouvelles qui semblaient vouées pour toujours à la plus af- 
freuse stérilité, | 

Les alluvions qui existaient furent donc en partie recou- 
vertes par des laves , mais il existe encore de vastes terrains 
où les cailloux arrondis par les eaux, les sables et les galets 
déposés par les rivières et les ruisseaux, forment un sol gra- 
veleux et perméable sur lequel de nombreux végétaux se 
sont colonisés. 

Depuis longtemps assoupie, cette formidable puissance 
qui a créé toutes les grandes inégalités de la France centrale 
se manifeste encore de temps en temps par des trépida- 
tions de sol, par des émissions gazeuses, par des sources mi- 
nérales qui conservent en partie la chaleur du foyer dont 
elles s’échappent , et par des dépôts d’arragonite , de cal- 
caire et d’oxide de fer; ce sont là les dernières traces du 
feu qui s’est éteint à la surface, mais qui brûle encore sous 
la croûte légère que nous habitons, sous cette pellicule 
terrestre aujourd’hui couverte d’une parure aux mille cou- 
leurs , dont l’éclat nous éblouit, et dont l'origine est un 
mystère. | 

C'est sur ce sol, dont la constitution physique est si variée, 
et dont la topographie présente de si nombreuses inégalités, 


26% PLATEAU CENTRAL DE LA FRANCE. 


que nous trouvons une foule de stations que les plantes ont 
choisies pour domicile. 

Si notre flore est riche, elle le doit Lee: la diver- 
sité des lieux qui se présentent sur le plateau central. 

Elle doit également sa richesse à la latitude, et par con- 
séquent à la température , ainsi qu’à l’élévation des monta- 
gnes au-dessus du niveau de la mer. 

La contrée que nous étudions s'étend à peu près de la 
limite méridionale du 47° degré de latitude au #4, c’est- 
à-dire qu’elle occupe environ trois degrés. La végétation 
méditerranéenne vient s’éteindre sur le versant méridional 
des Cévennes qui s’y trouvent: comprises ; les espèces des 
montagnes habitent les sommets les plus élevés, et le reste 
du plateau offre les mêmes plantes que les grandes plaines 
du centre de l’Europe. Pour donner une idée plus nette de 
sa végétation , nous avons partagé les espèces qui la compo- 
sent en trois régions distinctes, comme nous l’avons indiqué 
dans le catalogue raisonné que nous avons publié avec 
M. Lamotte. 

Nons avons cru devoir ajouter une quatrième région à ces 
trois premières. Elle comprend les plantes aquatiques des 
trois séries précédentes. Ces plantes sont tellement influen- 
eées par l’eau, que la plupart n’obéissent plus à la tempé- 
rature, et occupent une aire d'extension infiniment plus 
grande que toutes les autres. 

Nous aurons donc à examiner la végétation de la région 
des plaines, celle de la région méridionale, celle des mon- 
lagnes et la végétation aquatique; chacune de ces régions 
est ensuite divisée en stations particulières, où les plantes ne 
sont nullement rangées par familles, si ce n’est dans des 
listes qui servent de table, mais désignées d’après leur im- 
portanee dans le tapis végétal, et le rôle plus ou moins pré- 


DISTRIBUTION DES VÉGÉTAUX. 265 


pondérant qu’elles jouent dans chacune de ces stations. Les 
espèces dominantes et essentielles, celles qui donnent la phy- 
sionomie à la station sont citées les premières, puis viennent 
les plantes accessoires , et enfin les espèces purement acci- 
dentelles. 

Dans cet arrangement ce sont les plantes rares qui nous 
occupent le moins ; elles sont au dernier rang ; les plus 
communes ont la prééminence, et nous nous sommes atta- 
ché dans ces tableaux à représenter autant que possible la 
nature telle qu’elle est, et à noter les espèces dans les as- 
sociations qu’elles préfèrent, entourées de leur société ha- 
bituelle , amies de convenance ou de nécessité. 

Nous renvoyons, pour la liste générale des espèces rangées 
par familles, au catalogue que nous avons publié avec M. La- 
motte, et voici maintenant le programme du tableau que 
nous allons essayer de développer. 


VÉGÉTATION DE LA RÉGION DU NORD OU DE LA PLAINE. 
— Climat; — liste générale des espèces rangées par famil- 
les naturelles ; — association des forêts en général; — as- 
sociation des forêts en futaie, en taillis ; — association des 
haies et buissons ; — association des prairies; — associa- 
tion des coteaux calcaires ; — association agreste et vicinale ; 
des vergers et vignes ; des champs incultes ; des bords des 
chemins ; — association des plantes domestiques ; — associa- 
tion des rochers ; — association des bords des rivières. 


VÉGÉTATION DE LA RÉGION MÉRIDIONALE, — Climat ; — 
liste générale des espèces rangées d’après les familles natu- 
relles; — association des forêts de chènes verts ; de châ- 
taigniers ; — association des haies et buissons ; — association 
des causses ; — association des champs et lieux cultivés ; — 
association des rochers ; — association des bords des rivières. 


266 PLATEAU CENTRAL DE LA FRANCE. 


VÉGÉTATION DE LA RÉGION DES MONTAGNES. — Climat; 
— liste générale des espèces rangées d’après les familles na- 
turelles ; — association des forêts hautes; des forêts de 
hètres ; des forêts de pins ; des taillis de montagne ; — as- 
sociation des haies et buissons; — association des prairies 
hautes; — association des bruyères ; — association des mois- 
sons , des lieux incultes, etc. ; — association des rochers; 
— association des bords des rivières. 


VÉGÉTATION DE LA RÉGION AQUATIQUE. — Liste générale 
des espèces rangées d’après les familles naturelles ; — asso- 
ciation des eaux courantes, sources, ruisseaux et rivières ; 
— association des eaux stagnantes , entretenues par la fonte 
des neiges des montagnes ; des lacs froids des montagnes ; 
des marais tourbeux ; des prairies marécageuses , des étangs 
et des bords des fossés ; — association des sources minérales 
et des marais salés. 


On conçoit que non-seulement les espèces d’une station 
puissent aussi se rencontrer dans une autre, mais encore 
qu'une même espèce puisse appartenir à plusieurs régions. 
Il y a des végétaux tellement flexibles et si peu influencés 
par les causes extérieures, qu'ils trouvent partout des con- 
ditions d'existence. 

C’est ainsi qu’en formant une région des plantes aquati- 
ques, nous ayons dù y rappeler une foule d’espèces qui 
avaient déjà trouvé leur place dans les lieux plus ou moins 
humides des autres régions. On pourra aussi nous reprocher 
d’avoir conservé , notamment dans la région des plaines, 
une association des bords des rivières, comme faisant double 
emploi avec la région aquatique, et ce reproche paraît 
fondé au premier abord ; mais dans nos associations des bords 
des rivières, ce n’est pas seulement l’eau qui réagit, c'est 


DISTRIBUTION DES VÉGÉTAUX. 267 


plutôt la nature meuble du terrain, et ensuite de nombreu- 
ses espèces, qui ont ailleurs des stations de prédilection, y 
sont amenées par les courants, par les inondations, et il 
existe parmi ces plantes des espèces qui ne tiennent nulle- 
ment à l’eau, et qui cependant restent volontiers sur ces 
points ou elles ont été entrainées. Notre but à été de don- 
ner l'aspect, la physionomie de la végétation du plateau 
central de la France. Nous avons très-bien senti que nous 
pourrions peut-être le faire d’une manière plus concise, 
nous avons bien remarqué que nous aurions pu réunir plu- 
sieurs associations en une seule , en supprimer quelques au- 
tres, et quand nous avons essayé ces réductions, nous avons 
trouvé que nous nous éloignions davantage de la nature elle- 
même. Nous nous sommes résigné à la critique, comme 
les peintres qui, copiant un paysage , se permettent de faire 
des arbres verts et feuillés dans leurs tableaux , et auxquels 
on reproche des tons trop crus ou des détails superflus. 


CHAPITRE XIIL 


VÉGÉTATION DE LA RÉGION DES PLAINES GU DU NORD DU 
PLATEAU CENTRAL DE LA FRANCE. 


$ I. DU CLIMAT DE LA RÉGION. 


Les conditions de chmat changent, comme on le sait, 
dans des lieux très-rapprochés , quand ces lieux sont soumis 
à des expositions différentes, quand ils sont plus ou moins 
élevés au-dessus du niveau de la mer, ou situés à une cer- 
taine distance des grands cours d’eau. 


268 RÉGION DES PLAINES. 


Les régions dont nous devons, en peu de mots, caracté- 
riser le climat, ne sont pas assez étendues pour que nous y 
rencontrions des différences notables , et du moment où un 
point moyen de chacune de nos trois zones a été suffisam- 
ment étudié sous le rapport de ses phénomènes météorolo- 
giques , nous pouvons considérer comme exacts les résultats 
que nous en avons obtenus. 

Clermont sera, pour la région dont nous nous occupons, 
le point qui va nous servir de centre d'observation. Pendant 
quatre années consécutives, nous avons enregistré avec le 
plus grand soin la marche des instruments de météorologie. 
Ce sont donc nos propres observations que nous allons uti- 
liser. Nous nous contenterons de déterminer exactement la 
température moyenne des mois et la quantité d’eau de pluie 
qui leur correspond , ces deux éléments étant à peu près les 
seuls dont nous ayons à tenir compte régulièrement dans 
l'appréciation que nous avons à faire. 

La moyenne de ces quatre années est la suivante , pour 
la température de chaque mois : 


Janvier, 2,49 Juillet, 91555 
Février, 6,10 Août, 20,45 
Mars, 6,48 Septembre, 16,30 
Avril, 11,47 Octobre, 10,05 
Mai, 1592 Novembre, 5,30 
Juin, 20,70 Décembre, 2,92 


Ce qui nous donne , pour la température moyenne de 
l’année, 11,85. 

Si nous décomposons cette moyenne en température d’été 
et température d'hiver, nous avons les chiffres 17,60 pour 
l'été et 5,65 pour l'hiver. 

Si maintenant nous recherchons quel est l'accroissement 
progressif d’un mois sur le précédent , nous obtenons la sé- 


CLIMAT. 269 


rie suivante, en marquant du signe - l'augmentation et du 
signe — la diminution : 


Janvier, — Juillet, + 0,65 
Février, +3,68 Août, — 0,90 
Mars, + 0,38 Septembre,  — 4,15 
Avril, + 5,00 Octobre, — 6,25 
Mai, —+ 3,89 Novembre, — 4,75 
Juin, + 5,38 Décembre, — 1,78 

Janvier, — 1,10 


. L’accroissement se manifeste surtout de janvier à février, 
de mars en avril et de mai en juin. La température reste 
presque stationnaire pendant les trois mois de juin, juillet 
et août; puis elle décroit rapidement en septembre, octobre 
et novembre. L’äccroissement progressif a lieu pendant six 
mois consécuufs , et le décroissement emploie ce même laps 
de temps. 

Les maxima et les minima , pendant ces quatre années , 
ont été de 33,7 dans le mois d’août 1849, et de — 12,2 
en janvier 1850. | 

Mais on ne peut considérer ces chiffres comme exprimant 
les plus grands écarts possibles de la température, puisqu'ils 
ne proviennent que de quatre années d’observations. Nous 
nous rappelons avoir vu descendre, à Clermont, en 1829, le 
thermomètre à — 17°. 

Cet écart considérable , surtout si nous prenons — 17, 
atteint donc jusqu’à 50,7, tandis que, dans la région méri- 
dionale, nous le verrons seulement de 48,75. Les maxima, 
dans les deux régions, sont sensiblement égaux , mais les 
minima, dont l’action sur la végétation est bien plus impor- 
tante , nous offrent une différence marquée et suffisante pour 
expliquer l’absence , dans la région des plaines, de beau- 
coup d’espèces qui prospèrent dans la région méridionale. 


270 RÉGION DES PLAINES. 


L'eau qui tombe des nues, et dont l’action, comme nous 
l'avons vu en parlant des pluies, a une influence si positive 
sur la végétation, est distribuée, en millimètres, de la ma- 
nière suivante dans les douze mois de l’année. 


Janvier, 24,923 Juillet, 90,75 
Février, 33,90 Août, 66,00 
Mars, 42,00 Septembre, 51549 
Avril, 58,50 Octobre, 58,00 
Mai, 60,75 Novembre, 29,50 
Juin, 80,25 Décembre, 14,75 


Ce qui donne la moyenne annuelle de 578", 

Ou bien en prenant, comme pour la température , les six 
mois du milieu pour la saison d’été et les six autres pour la 
saison d'hiver, nous avons les chiffres de 37% pour l'été et 
20% pour l'hiver. 

Si, comme pour la chaleur, nous recherchons quelle est 
l'augmentation ou la diminution de la colonne d’eau tombée 
dans un mois, sur celle du mois précédent, nous obtenons 
le résultat suivant, en désignant également par le signe +- 
l'augmentation et par le signe — la diminution, et expri- 
mant les quantités en millimètres : 


Janvier, —  — Juillet, — 29,50 
Février, + 9,25 Août, + 15,25 
Mars, + 11,50 Septembre, — 8,25 
Avril, + 16,50 Octobre, + 0,25 
Mai, + 9,95 Novembre, — 28,50 
Juin, —+ 19,50 Décembre, — 14,75 

Janvier, + 9,50 


En décomposant l’année en quatre saisons de trois mois, 
et prenant, pour l'hiver, décembre , janvier et février ; pour 
le printemps, mars, avril et mai ; pour l’été, juin, juillet et 


CLIMAT. 274 


août, et enfin , pour l'automne , septembre, octobre et no- 
vembre, nous avons les proportions suivantes : 

Hiver, 72,50 Été, 197,00 

Printemps, 161,25 Automne, 145,925 

Mais ces chiffres, pris seulement sur une moyenne de 
quatre années, ne peuvent pas être considérés comme 
l'expression exacte de la vérité. Notre région est placée sur 
la limite de la zone où s'étendent d’un côté les pluies d'été 
et de l’autre les pluies d'automne, en sorte que, selon les 
années, elle appartient, pour les pluies, tantôt au nord, 
tantôt au midi. 

Le nombre de jours de pluie est très-variable. Nous 
n'avons compté que les Jours où la chute d’eau a marqué à 
l’udomètre, et nous avons négligé les autres comme presque 
insignifiants au point de vue de la végétation. 

On sait que la fréquence des pluies à une influence toute 
différente de la masse répandue en une seule fois, et il serait 
à désirer aussi que l’on tint compte , dans les observations, 
des pluies d'orage , si différentes des autres par leur abon- 
dance, leur localisation et l’action bien plus marquée qu’elles 
ont sur le développement de la végétation. 

Voici le nombre de jours de pluie que nous avons observé 
dans les années suivantes et par saisons : 

1848. 1949. 1850. 1951. 


Hiver, 21 17 97 91 
Printemps, 30 31 JA 31 
Été, 21 23 2 29 
Automne, 21 97 2% 29 


Ce qui nous donne, pour la moyenne des jours de pluie 
par chaque saison ; 

Hiver, 24,50 Été, 24,95 

Printemps, 32,25 Automne, 25,25 


272 RÉGION DES PLAINES. 


Ou un total de 103 jours de pluie marquant à l’udomè- 
tre, pour la moyenne annuelle. 

En divisant le chiffre total de la chute d’eau, c’est-à-dire 
978 millimètres par cette moyenne du nombre de jours plu- 
vieux, nous arrivons au chiffre de 5,61, qui représente la 
couche d’eau moyenne qui tombe par chaque jour de pluie. 
Nous verrons, plus loin, que cette quantité n’est qu’un peu 
plus du tiers de celle qui tombe à Alais dans les mêmes cir- 
constances. Les climats de nos deux régions, de la plaine et 
du midi, sont tellement différents, malgré le peu de distance 
qui les sépare , qu'il n’est pas étonnant que leur végétation 
respective offre aussi des caractères si tranchés. 

La neige, que nous avons comptée dans les pluies, descend 
tous les hivers dans notre région, mais , en général , elle ne 
tient pas longtemps ; on voit même des années où à peine la 
terre est couverte pendant quelques jours. Elle n’agit donc, 
le plus ordinairement , que comme une quantité donnée de 
pluie, et rarement comme couverture et abri. 

Les brouillards sont fréquents et souvent très-épais dans 
le courant de l’hiver, et principalement dans le mois de dé- 
cembre. Pendant les autres saisons , ils se montrent presque 
tous les jours dans la plaine , principalement dans la Lima- 
gne. Ils y sont étendus le matin , au lever du soleil, en une 
couche très-mince, qui bientôt se dissout dans l'atmosphère 
et disparaît entièrement. 

La rosée est abondante, surtout en été et en automne, et 
ces météores contribuent beaucoup à activer la végétation 
et à lui donner, pendant les chaleurs, une partie de l’humi- 
dité dont elle a besoin. 

Nous ajoutons à ces données très-abrégées sur le climat 
de notre région, un tableau figuratif qui donnera une idée 
d’ensemble des variations qui surviennent chaque mois dans 


< 


DANS 
bre Se 
RECENT : 


' cor ET LT es 


atiqne HAE E ; 


LARELRREE 


à 


S 
+ 


0 
[] 
de PR 
à 5 
40 FN 6 
5 | ER 
| so 
0 |+ EN 
: 
95 | Bal 
à Es 
2: bite 
: Se seu cc pren ei dei) à etes 
| F 
À || Job m 
| # 
ÿ 
ST Le JO 
- | 
40 
: 
F0 
# 
20 
ï 
LCA 
Fa 
a 
Lith. Hubler Bayk& N ubes 


Résion des Plaines. 


CLIMAT. 273 


la température et dans les quantités d’eau qui descendent 
des nues sur le sol. 

L'’udomètre situé à droite est divisé en millimètres, et in- 
dique la quantité d’eau qui tombe dans le mois moyen. La 
ligne de ce niveau, prolongée dans le tableau entier, montre 
immédiatement quels sont les mois qui sont au-dessus de la 
moyenne et ceux qui sont au-dessous. Les colonnes bleues 
accouplées aux colonnes rouges dans chaque mois de l’an- 
née, donnent la hauteur réelle exprimée en millimètres de 
la quantité d’eau qui tombe dans chacun de ces mois. Les 
chiffres placés dans ces colonnes bleues expriment le nombre 
de jours pluvieux de chaque mois. Il est facile d’en conclure 
le rapport de la fréquence à la quantité, donnée impor- 
tante pour la végétation. 

Les faits relatifs à la chaleur sont notés d’après la même 
méthode graphique et en rouge, pour les différencier des 
faits d’udométrie. Le thermomètre placé à gauche est divisé 
en degrés centigrades; il est arrêté à la moyenne de l’année. 
Plusieurs lignes partant de cet instrument traversent le ta- 
bleu. Une d’elles indique la température moyenne, et fait 
voir à l'œil les mois qui la dépassent et ceux qui restent au- 
dessous. Une autre marque le 0. Deux lignes déterminent 
la température moyenne de l'été et de l'hiver , et leur dis- 
tance respective montre par conséquent l'écart de l’isothère 
et de l’isochymène dans la région. Enfin, deux autres lignes 
plus distantes sont celles du maximum et du minimum ob- 
servés. 

Les chiffres indiqués sur ces lignes expriment les degrés 
centigrades ; ceux qui sont inscrits dans les colonnes rouges, 
la température moyenne de chaque mois. 

La réunion dans chaque mois des deux colonnes qui ren- 


dent compte de la température et de la quantité d’eau tom- 
18 


9274 RÉGION DES PLAINES. 


bée, permet de saisir les rapports qui existent entre les deux 
éléments du climat qui concourent le plus à l’état de la vé- 
gétation et aux changements qui surviennent dans le cours 
des saisons. 

Enfin, à la partie supérieure de chaque colonne, et en 
dehors, se trouvent des chiffres qui indiquent en plus + ou 
en moins — les accroissements ou les diminutions, relative- 
ment au mois qui précède , des températures et des quan- 
tités d’eau tombées. Ils ne sont du reste que la reproduction 
de ceux que nous venons d'inscrire dans ce paragraphe. 


$ 2. LISTE GÉNÉRALE DES PLANTES DE LA RÉGION 
DES PLAINES OU DU NORD. 


RANUNCULACEÆ. Clematis vitalba, Lin. Thalictrum sylva- 
ticum, Koch. T. saxatile, Schl. T. minus, Lin. T. majus, 
Jacq. Anemone montana, Hoppe. À.nemorosa, Lin. Adonis 
autumnalis, Lin. A. flammea , Jacq. A. æstivalis, Lin. 
Myosurus minimus, Lin. Ranunculus ficaria, Lin. R. flam- 
mula, Lin. R. acris, Lin. R. repens, Lin. R. bulbosus, 
Lin. KR. arvensis, Lin. R. parvillorus , Lin. Caltha palustris, 
Lin. Helleborus fœtidus, Lin. Delphinium consolida , Lin. 

BERBERIDEÆ. Berberis vulgaris, Lin. 

PAPAVERACEÆ. Papaver hybridum , Lin. P. argemone, 
Lin. P.rhæas, Lin. P.dubium, Lin. Glaucium luteum, Scop. 
G. corniculatum , Curt. Chelidonium majus, Lin. 

FumarisceÆ. Corydalis solida, Smith. Fumaria Bas- 
tardi, Boreau. F. officinalis, Lin. F. Vaillantn, Lors. 

CruciFerÆ. Cheiranthus cheiri, Lin. Nasturtium syl- 
vestre, R. Brown. N. pyrenaicum, À. Brown. Barbarea 
vulgaris, À. Brown. B. intermedia , Boreau. B. præcox, 
BR. Brown. Turritis glabra, Lin. Arabis hirsuta, Scop. 


LISTE DES ESPÈCES. 275 


À. turrita, Lin. Cardamine hirsuta, Lin. C. pratensis, Lin. 
Sysimbrium officinale, Lin. S. rio, Lin. S. sophia, Lin. 
S. alliaria, Scop. S. thalianum , Gaud. Erysimum offici- 
nale, R. Brown. Brassica nigra, Koch. Sinapis arvensis , 
Lin. S. alba, Lin. S. cheiranthus, Koch. Eruca sativa , 
Lam. Diplotaxis muralis, Dec. D. tenuifolia, Dec. D. vi- 
minea, Dec. Alyssum calyeinum, Lin. Draba muralis, Lin. 
D. verna, Lin. Camelina microcarpa, Andrz. C. sylves- 
tris, Wallr. Thlaspi arvense, Lin. T. perfoliatum, Lin. 
Teesdalia nudicaulis, R. Brown. Iberis amara, Lin. Le- 
pidium campestre, R. Brown. L. Smithn, Hooker. L. gra- 
minifolium, Lin. Hutchinsia petræa, À. Brown. Capsella 
bursa pastoris, Mœnch. Senebiera coronopus , Poir. Isatis 
tinctoria , Lin. Miagrum perfoliatum , Lin. Neslia panicu- 
lata, Dec. Calepina Corvini, Desv. Bunias erucago, Lin. 
Raphanus raphanistrum, Lin. 
Cisrineæ. Helianthemum guttatum , Hill. H. procum- 
bens, Dun. H. sahcaifolium, Pers. H. apenninum, Dec. 
VioLaRiEÆ. Viola hirta, Lin. V. odorata, Lin. V. syl- 
vesiris, Lam. V. segetalis, Jordan. V. agrestis, Jordan. 
ReseDACEÆ. Reseda lutea, Lin. R. luteola, Lin. 
PoryGarEÆ. Polygala vulgaris, Lin. P. comosa, Schk. 
SILENEZÆ. GYpsophila muralis, Lin. Dianthus prolifer, Lin. 
D. armeria, Lin. D. carthusianorum, Lin. D. caryophyllus, 
Lin. D. superbus, Lin. Saponaria vaccaria, Lin. S. offici- 
nalis, Lin. S. ocimoides, Lin. Cucubalus bacciferus, Lin. 
Silene inflata, Smith. S. conica, Lin. S. armeria, Lin. 
S. pratensis, Godr. $S. diurna, Godr. S. otites, Pers. 
Lychnis flos-cuculi, Lin. Agrostemma githago, Lin. 
ALSINEÆ. Buflonia macrosperma, Gay. Sagina patula , 
Jord.S. apetala, Lin. S. procumbens, Lin. S. subulata, 
Wimm. Spergula pentandra, Lin. Lepigonum rubrum, 


276 | RÉGION DES PLAINES. 

-Wahlb. Alsine rostrata, Koch. Alsine tenuifoha, Wahlb. 
Arenaria serpylhifolia , Lin. Holosteum umbellatum, Lin. 
Stellaria media, Vill. S. holostea, Lin. S. graminea, Lin. 
Malachium aquaticum, Fries. Cerastium glomeratum, Thull. 
C. brachypetalum, Desp. C. semidecandrum, Lin. C. glu- 
tinosum, Fries. C. triviale, Linck. C. arvense, Lin. 

Linz. Radiola linoides, Gmel. Linum catharticum, Lin. 
L. tenuifohum, Lin. L. austriacum, Lin. 

MazvaceÆ. Malva alcea, Lin. M. moschata, Lin. M. 
sylvestris, Lin. M. rotundifolia, Lin. Althæa cannabina , 
Lin. À. hirsuta, Lin. 

Tuaceæ. Tilia grandifolia, Ehrh. T. parvifolia, Ehrh. 

HyPERICINEÆ. Hypericum perforatum, Lin. H. tetrap- 
terum, Fries. H. pulchrum, Lin. H, hirsutum, Lin. 

ACERINEZÆ. Acercampestre, Lin. À. monspessulanum, Lin. 

AMPELIDEÆ. Vitis vinifera, Lan. : 

GERANIACEÆ. Geranium pratense, Lin. G. sanguineum, 
Lin. G. pyrenaicum, Lin. G. pusillum, Lin. G. dissectum, 
Lin. G. columbinum, Lin. G. rotundifohum, Lin. G. molle, 
Lin. G. lucidum, Lin. G. robertianum, Lin. Erodium cicu- 
tarium, L'Her. E. ciconium, Waulld. 

OxaLIDdEzÆ. Oxalis stricta, Lin. 

CELASTRINEZ. Evonymus europæus, Lin. 

RaamneÆ. Rhamnus catharticus, Lin. 

Paruionaceæ. Ulex europæus, Lin. U. nanus, Lin. 
Sarothamnus vulgaris, Wimm. Genista pilosa, Lin. G. tinc- 
toria, Lin. G. anglica, Lin. G. germanica, Lin. Cytisus 
sagittalis, Koch. Lupinus angustifolius , Lin. Ononis spi- 
nosa, Lin. O. repens, Lin. O. columnæ, A//. Anthyllis vul- 
neraria, Lin. Medicago sativa, Lin. M. falcata, Lin. M. lu- 
pulina, Lin. M. Gerardi, W. et K. M. orbicularis, AUl. 
M. maculata, Walld. M. minima, Lam. M. apiculata, Walt. 


LISTE DES ESPÈCES. 914 


Trigonella monspeliaca, Lin. Melilotus macrorhiza , Pers, 
M. alba, Desr. M. officinalis, Desr. Trifolium pratense, Lin. 
T. rubens, Lin. T. ochroleucum , Lin. T. arvense, Lin. T. 
striatum, Lin. T. scabrum, Lin. T. subterraneum, Lan. 
T. fragiferum , Lin. T. glomeratum , Lin. T. parviflorum, 
Ehrh.T. repens, Lin. T. elegans, Savi. T.aureum, Poll. 
T. agrarium, Lin. T. patens, Schreb. T. procumbens, Lin. 
Lotus corniculatus, Lin. L. tenwifolius, Rchb. Tetragono- 
lobus siliquosus, Roth. Astragalus hamosus, Lin. À. glycy- 
phyllos, Lin. À. monspessulanus, Lin. Coronilla minima, Lin. 
C. scorpioides, Koch. C. varia, Lin. Ornithopus perpusil- 
lus, Lin. Hippocrepis comosa , Lin. FH. umisiliquosa , Lan. 
Onobrychis sativa, Lam. O. supina. Dec. Vicia cracca, Lin. 
V. Tenuifolia, Roth. V. serratifolia, Jacqg. V.sepium, Lin. 
V. purpurascens, Dec. V. lutea, Lin. V. sativa, Lin. V. 
angustifolia, Roth. V.lathyroides, Lin. Ervum hirsutum, Lin. 
E. tetraspermum, Lin. E. gracile, Dec. E. monanthos, Lin. 
E. ervilia, Lin. E. lens, Lin. Lathyrus aphaca, Lin. L. Nis- 
solia, Lin. L. angulatus, Lin. L. hirsutus, Lin. L. tube- 
rosus, Lin. L. pratensis, Lin. L. sylvestris, Lin. L. latifo- 
lius, Lin. Orobus tuberosus, Lin. 

AMYGDALEÆ. Prunus spinosa, Lin. P. fruticans, Rchb. 
P.insititia, Lin. P. domestica, Lin. Cerasus avium, Mæœnch. 
C. vulgaris, Hill. C. mahaleb, Hull. 

Rosaceæ. Spiræa filipendula , Lin. Geum urbanum, 
Lin. Rubus cœsius, Lin. R. Wahlbergn, Arrh. R. dis- 
color, Weih et Nee. R. tomentosus, Borckh. KR. thyrsoi- 
deus, Wimm. Fragaria vesca, Lin. F. elatior, Ehrh.F. 
collina, Ehrh. Potentilla rupestris, Lin. P. anserma, Lin. 
P. argentea, Lin. P. tormentilla, Sibth. P. verna, Lan. 
P. fragariastrum, Ehrh. Agrimonia eupatoria, Lin. A. odo- 
rata, Mill. Rosa pimpinellifolia, Dec. R. cinnamomea, Lin. 


278 RÉGION DES PLAINES. 
R. canina , Lin. R. sepium, Thuill. R. rubiginosa , Lin. 
R. fætida, Bast. R. arvensis, Lin. 

SANGUISORBEÆ. Alchemilla arvensis, Scop. Poterium san- 
guisorba, Lin. 

PomaceÆ. Cratægus pyracantha , Lin. C. monogyna, 
Jacq. Mespilus germanica, Lin. Pyrus communis, Lin. 
P, malus, Lin. Aronia rotundifolia , Pers. Sorbus domes- 
tica, Lin. S. torminalis, Crantz. 

ONAGRARIEÆ. Epilobium Dodonæi, Vill. E. hirsutum , 
Lin. E. parviflorum, Schr. OEnothera biennis, Lin. Circæa 
lutetiana , Lin. 

* LyTaRARIEZ. Lythrum salicaria, Lin. L. thymifolium, L. 

CucurBITACEÆ. Bryonia dioica , Jacq. Ecballion elate- 
rium, ich. 

PorTurAcEz. Portulaca oleracea, Lin. 

PaRoNYCHEÆ. Corrigiola littoralis, Lin. Herniaria gla- 
bra, Lin. H. hirsuta, Lin. 

SCLERANTHEZÆ. Scleranthus perennis, Lin. S.annuus, Lin. 

CRASSULACEÆ. Sedum maximum, Sut.S. telephium, Lin. 
S. cepæa , Lin. S. rubens, Lin: S. hirsutum, A/{.S. al- 
bum, Zin.S. dasyphyllum, Lin.S, acre, Lin. S. reflexum, 
Lin. S. elegans, Le]. Sempervivum tectorum, Lin. S. ar- 
vernense, Lee. et Lam. Umbilicus pendulinus, Dec. 

GROSSULARIEÆ. Ribes uva-crispa, Lin. R. alpinum, Lin. 

SAXIFRAGEÆ. Saxifraga tridactylites, Lin. S. granulata, 
Lin. 

- UmseLLirEREz. Sanicula europæa, Lin. Eryngium cam- 
pestre, Lin. Trinia vulgaris, Dec. Falcaria Rivim, Host. 
Ægopodium podagraria, Lin. Carum bulbocastanum, Koch 
Pimpinella saxifraga , Lin. Buplevrum affine, Sadler. B. 
aristatum, Barth. B. faicatum, Lin. B. rotundifolium, Lin. 
OEnanthe Lachenaln, Gmel. OE. peucedanifolia, Pollich. 


LISTE DES ESPÈCES. 9279 
Æthusa cynapium , Lin. Fœniculum officinale , AU. Seseli 
montanum, Lin. S. coloratum, Ehrh. Silaus pratensis, Bess. 
Angelica sylvestris, Zin. Peucedanum parisiense, Dec. P. 
cervaria, Lap. P. oreoselinum, Mœnch. P. alsaticum, Lan. 
Pastinaca sativa, Zn. Heracleum sphondylium, Zin, Tordy- 
lum maximum, Zan. Laserpitium siler, Zin. Orlaya gran- 
diflora, Hoffm. Daucus carota, Lin. Caucalis daucoïdes , 
Lin. Turgenia latifolia, Hoffm. Toriis anthriscus, Gmel.T. 
helvetica, Gmel. T. nodosa, Gœrtn. Scandix pecten veneris, 
Lin. Anthriseus sylvestris, Hoffm. À. cerefolium , Hoffm. 
A. vulgaris, Pers. Chærophyllum temulum, Lin. Conium 
maculatum , Lin. 

AraLrAcEæÆ. Hedera helix? Zin. 

Corxeæ. Cornus sanguinea, Lin. 

LoRANTHACEÆ. Viscum album, Lin. 

CaPRIFOLIACEÆ. Sambucus ebulus, Zn. S. nigra, Lin. 
Viburnum lantana, Zin. V. opulus, Lin. Lonicera etrusca, 
Sant. L. xylosteum, Zin. 

STELLATÆ. Sherardia arvensis, Zin. Asperula arvensis, 
Lin. À. cynanchica, Lin. A. galioïdes, Bieb. Crucianella 
angustifolia, Zin. Rubia tinctorum, Zin. Galium cruciatum, 
Scop. G. tricorne, With. G. aparine, Lin. G. boreale, Lin. 
G. verum, Lin. G. approximatum, Gren. G. mollugo, Lin. 
G. erectum, Huds. 

VALERIANEÆ. Valeriana officinalis, Lin. Centranthus ru- 
ber, Dec. Valerianella olitoria , Poll. V. carinata, Lois. V. 
dentata, Poll. V. auricula, Dec. 

DrpsaceÆ. Succisa pratensis, Mœnch. Dipsacus sylvestris. 
Mill. D. pilosus, Lin. Knautia hybrida, Coult. K. arvensis, 
Coult. Scabiosa columbaria, Zin. 

SYNANTHEREÆ CORYMBIFEREÆ. Eupatorium cannabinum, 
Lin. Tussilago farfara, Lin. Linosyris vulgaris, Cass. Aster 


280 RÉGION DES PLAINES. 


amellus, Z£in. Bellis perennis, Lin. Erigeron canadensis, Lin. 
E. acris, Zin. Micropus erectus, Lin. Inula salicina, Lin. 
LE montana, Zan. 1. conysa, Dec. E. bifrons, Lin. Pul- 
caria dysenterica, Gærtn. Filago germanica, Lin. F. ar- 
vensis, Lin. Logfia gallica, Coss. et Germ. Gnaphalium 
luteo-album, Lin. Artemisia absinthium, Lin. A. campho- 
rata, Vill. À. campestris, Lin. A. vulgaris , Lin. Tanace- 
tum vulgare , Lin. Achillea ptarmica, £in. A. millefolium, 
Lin. Anthemis arvensis, Lin. A cotula, Lin. A. nobi- 
lis, Lin. A. montana, Lin. Matricaria chamomilla , Lan. 
Chysanthemum leucanthemum , Lin. C.corymbosum , Lin. 
C. parthenium, Pers. C. inodorum, Lin. Senecio vulgaris, 
Lin.S.viscosus, Lin. S. erucæfolius, Lin. S. jacobæa, Lin. 
S. erraticus, Bert. 

SYNANTHEREÆ CYNAROCEPHALEÆ. Calendula arvensis , 
Lin. Cirsium lanceolatum, Scop. G. eriophorum, Scop. C. 
palustre, Scop. C. anglicum , Lam. C. bulbosum, Dec. C. 
acaule, Al. C. arvense, Scop. Silybum marianum, Gærtn. 
Carduustenuifloras, Lin. C. crispus, Lin. C. vivariensis, Jord. 
C. nutans, Lin. Onopordum acanthium, Ein. Lappa mi- 
nor, Dec. L. major, Gœrtn. L. tomentosa, Lam. Carlina 
acantilolia, A/!. C. vulgaris, Lin. Serratula tinctoria , Lin. 
Kentrophillum lanatum , Dec. Centaurea amara, Lin. C. 
jacea, Lin. C. cyanus, Lin. G. scabiosa, Lin. C. maculosa, 
Lam. C. solstitialis, Lin. C. calcitrapa, Lin. Xeranthemum 
inapertum, Willd. X. cylindraceum, Smith. 

SYNANTHEREÆ CHICORACEÆ. Lapsana communis, Lin. 
Arnoseris pusilla, Gærtn. Cichorium intybus, Lin. Thrincia 
hirta, Roth. Leontodon autumnale , Lix. L. hastile, Lin. 
Picris hieracioides , Lin. Tragopogon major, Jacq. T. pra- 
tensis, Lin. T, crocifolius, Lin. Scorzonera humihis, Lin. 
Podospermum laciniatum , Dec, Hypochæris glabra , Lan, 


LISTE DES ESPÈCES. 381 


H. radicata, Lin. Taraxacum dens-léonis, Desf. T. læviga- 
tum, Dec. Chondrilla juncea, Lin. C. latifohia , Breberst. 
 Phænixopus ramosissima , Rchb. Lactuca virosa , Lin. L. 
scariola, Lin. L. saligna , Lin. L. perennis, Lin. Sonchus 
oleraceus , Lin. S. asper, Vall. S. arvensis, Lin. Barkhausia 
fætida , Dec. B.taraxacifolia , Dec. Crepis biennis, Lin. C. 
virens , Vall. C. pulchra, Lin. Hieracium pilosella , Lin. H. 
auricula, Lin. H. vulgatum, Koch. H. murorum, Lin. H. 
amplexicaule, Lin. H.rigidum, Hartm. H.umbellatum, Lin. 

AmgrosiAcEÆ. Xanthium macrocarpum, Dec. 

LogeLraAcEeÆ. Lobelia urens, Lin. 

CaAMPANULACEÆ. Jasione montana, Lin. Campanula ro- 
tundifolia, Zin. C. rapunculoides. C. patula, Lin. C. cervi- 
caria, Lin. C. glomerata, Zin. Specularia speculum, A/ph. 
Dec. S. hybrida. Alph. Dec. 

Ericinez. Calluna vulgaris, Salisb. Erica cinerea , Lan. 

Orracez. Ligustrum vulgare, Lin. 

ASCLEPIADEÆ. Cynanchum vincetoxicum, R. Brown. 

APocyneÆ. Vinca minor, Zan. 

GENTIANEZ. Gentiana cruciata, Lin. Cicendia filiformis, 
Delarbre. C. pusilla, Griseb. Erythræa centaurium , Pers. 
E. pulchella, Fries. | 

ConvozvuLacEeÆ. Convolvulus cantabrica, Lan. C. se- 
pium, Lin. C. arvensis, Lan. C. lineatus, Lin. Cuscuta 
europæa, Lin. C.epithymum, Lan. 

BorAGinez. Heliotropium europæum, Lin. Echinosper- 
mum lappula, Lehm. Cynoglossum officinale ,. Lin. C. pic- 
tum, Ait. Anchusa italica, Ein. Lycopsis arvensis, Lan. 
Symphitum officmale, Lin. S. tuberosum, Zin. Echium 
vulgare, Zin. Pulmonaria angustifohia , Lin. Lithospermum 
purpureo-cæruleum, Zin. L. officinale, Lin. L. arvense, Lin. 
Myosotis palustris, Withering. M. strigulosa, Rchb. M. in- 


282 RÉGION DES PLAINES. 
termedia , Link. M. hispida , Schlech. M. versicolor, Pers. 
M. stricta, Link. 

SoLANEÆ. Solanum villosum, Lam. S. miniatum, Bernh. 
S. nigrum, Lin. S. dulcamara , Zin. Physalis alkekengi, Z. 
Hyoscyamus niger, Lin. H. albus, Lin. 

VerBascEÆ. Verbascum Schraderi, Mey. V. thapsiforme, 
Schrad. V. phlomoides, Lin. V. floccosum, Walds. et Kit. 
V. lychnitis, Lin. V. nigrum, Lin. V. blattaria, Lin. V. 
blattarioides, Lam. V. thapso-lychnitis, Mert. et Koch. V. 
thapso-floccosum, Lec. et Lam. V. thapso-nigrum, Sched. 
V. lychnitidi-floccosum, Ziz. Scrophularia canina, Lin. 

ANTIRRHINEÆ. Gratiola officinalis, Lin. Digitalis pur- 
purea, Lin. D. purpureo-lutea, Hey. D. lutea, Lin. An- 
tirrhinum orontium, Lin. À. majus, Lin. Linaria cymbala- 
ria, Mall. L. spuria, Mill. L. elatine, Mall. L. Pelisseriana, 
Mill. L. minor, Desf. L. arvensis, Desf. L. striata, Dec. 
L. vulgaris, Mall. Anarrhinum bellidifohum, Desf. Vero- 
nica chamædrys, Lin. V. prostrata, Lin. V. teucrium, Lin. 
V. spicata, Lin. V. serpilhifolia, Lin. V. arvensis, Lin. V. 
verna, Lin. V. triphyllos, Lin. V. præcox, AU. V. agrestis, 
Lin. V. polita, Fries. V. hederifolia, Lin. Lindernia pyxt- 
daria, All. Limosella aquatica, Lin. 

OroBANCHEZÆ. Orobanche rapum, Thuill. O. epithymum, 
Dec. O. gali, Duby. O. amethystea, Thuill. O. hederæ, 
Vauch. O. cærulea, Vill. O. ramosa, Lin. 

RaiNanrHACEÆ. Melampyrum arvense , Lin. Rhinanthus 
minor, Ehrh. R. major, Ehrh. R. alectorolophus, Poll. 
Euphrasia officinalis, Lin. E. odontites, Lin. E. serotina , 
Lam. 

LABIATÆ. Mentha sylvestris, Lin. M. aquatica, Lin. M. 
gentilis, Lin. M. arvensis, Lin. Pulegium vulgare , Hull. 
Salvia æthiopis, Lin. S. pratensis, Lin. S. sclarea , Lin. 


LISTE DES ESPÈCES. 283 
S. verbenaca, Lin. Origanum vulgare, Lin. Thymus ser- 
pyllum, Lin. Calamintha acmos, Clarv. GC. officinalis , 
Mœnch. C. mentælolia, Host. Clinopodium vulgare , Lin. 
Mellissa officinalis, Lin. Hyssopus officinalis, Lin. Nepeta 
cataria , Lin. Glechoma hederacea , Lin. Lamium amplexi- 
caule, Lin. L. incisum, Walld. L. purpureum, Lin. L. 
album, Lin. Galeopsis ladanum, Lin. G. tetrahit, Lin. 
Stachis germanica , Lin. S. heraclea, All. S. alpina, Lan. 
S. sylvatica, Lin. S. ambigua, Smith. S. palustris, Lin. 
S. arvensis, Lin. S. annua, Lin. S. recta, Lin. Betonica 
officinalis, Lin. Marrubium vulgare , Lin. Ballota nigra, 
Lin. Leonurus cardiaca, Lin. Prunella vulgaris, Lin. P. 
alba, Pallas. Ajuga reptans, Lin. A. genevensis, Lin. A. 
chamæpitys , Schreb. Teucrium scorodonia, Zn. T. botrys, 
Lin. T. chamædrys, Lin. 

VERBENACEÆ. Verbena officimalis, Lan. 

PrimuraceÆ. Lysimachia vulgaris, Zin. Anagallis ar- 
vensis, Zin. À cærulea, Schreb. Centunculus minimus , 
Lin. Androsace maxima , Lin. Primula officinalis, Jacq. 
P. variabilis, Goupil. P. acaulis, Jacq. 

PLANTAGINEÆ. Plantago major, Lin. P. media, Zan. P. 
lanceolata, Lin. P. serpentina, Lam. P. coronopus, Lan. 
P. arenaria, W. et K. 

AMARANTHACEÆ. Amaranthus sylvestris, Desf. À bli- 
tum, Zn. À. prostratus, Balb. À. retroflexus, Lin. 

CHENOPODEÆ. Polycnemum arvense, Zin. P. majus, 
Alex. Braun. Chenopodium hybridum, Zin. C. urbicum, 
Lin. C. murale, Zur. C. album , Lin. C. polyspermum , 
Lin. C. vulvaria, Zin. Blitum bonus Henricus , Mey. B. 
rubrum, Rchb. Atriplex patula, Lin. 

PorvGoxex. Rumex maritimus, Zin. R. sanguimeus, Lin. 
R. pulcher, Lin. R. obtusifolius, Zin. R. pratensis, Mert, 


L 


284 RÉGION DES PLAINES. 


et Koch. R. crispus, Lin. R. maximus, Schreb. R. aquati- 
cus, Lin. R. scutatus, Zin. R. acetosa, Zain. KR. aceto- 
sella, Zin. Polygonum lapathifolium , Zin. P. persica- 
ria, Lin. P. mite. Schrank, P. hydropiper, Lin. P. minus, 
Huds. P. aviculare, Lin. P. convolvulus, Zin. P. dumeto- 
rum, Zan. 

TaymeLEez. Stellera passerina, Lin. 

SANTALACEÆ. Thesium humifusum, Dec. 

ARISTOLOCHIEÆ. Aristolochia clematitis, Lin. 

EvpnorBiaceÆ. Buxus sempervirens, Lin. euphorbia 
helioscopia , Lin. E. platyphylla, Lin. E. stricta, Lin. E. 
dulcis, Jacqg. E. verrucosa, Lam. E. amygdaloïdes, Lin. 
E. cyparissias, Lin. E. peplus, Lin. E. falcata, Lin. E. exi- 
gua, Lin. Mercurialis annua, Lan. 

Urriceæ. Urtica urens, Zan. U. dioica, Lin. Parietaria 
diffusa , Mert. et Koch. P. erecta, Mert. et Koch. Humu- 
lus lupulus, Zin. Ulmus campestris, Zin. U. eflusa, 
Wilid. | 

CupuLireRÆ. Castanea vulgaris, Lam. Quercus sessihi- 
flora, Smith. Q. pedunculata, Ehrh. Q. pubescens, Walld. 
Carpinus betulus, Lin. 

SALICINEÆ. Salix fragilis, Zin. S. alba, Lan. S. amyg- 
dalina , Lin. S. purpurea, Lin. S. rubra. Aluds. S. vimina- 
lis, Zin. S. cinerea, Lin. S. caprea, Lin. S. aurita, Lan. 
Populus alba, Zin. P. tremula, Lin. P. nigra, Lin. 

BETuuNEz. Alnus glutinosa. Gærtn. 

ConiIFERÆ. Juniperus communis, Lin. 

OrcmDEzÆ. Orchis fusca, Jacq. O. galeata , Lam. O. 
coriophora, Lin. O. morio, Lin. O. mascula, Lin. O. laxi- 
flora , Lam. O. maculata, Lin. O. latifolia, Lin. Himan- 
thoglossum hircinum, Rich. Ophrys muscifera. Huds. O. 
apifera, Huds. O. arachnites, Reich. O. aranilera, Huds. 


LISTE DES ESPÈCES. 285 


Aceras anthropophora, À. Brown. Gephalanthera pallens, 
Rich. C. rubra, Rich. Epipacts latifolia, AU. E. rubigi- 
nosa, Gaud. Goodiera repens, À. Brown. Spiranthes autum- 
nalis, Rich. 

IREÆ. Gladiolus communis, Lin. G. segetum. Gawler. 
Fris germanica, Lin. I. fætidissima, Lin. 

AmARYLLIDEÆ. Narcissus pseudo-narcissus, Lin. Galan- 
thus nivalis, Lin. 

ASPARAGEÆ. Asparagus officinalis, Lin. Ruscus aculea- 
tus, Lin. 

Dioscoreæ. Tamus communis, an. 

Luracezæ. Tulipa sylvestris Lin. Anthericum liliago , 
Lin. Ornithogalum pyrenaicum, Lin. O. umbellatum, Lin. 
Gagea arvensis, Schult. Scilla autumnalis, Lin. Muscari co- 
mosum. All. M. racemosum, ÆZitl. Allium sphærocepha- 
lum, Lin. À. vineale, Lin. À. oleraceum, Lin. A. flavum, 
Lin. 

CoicaicaceÆ. Colchicum autumnale, Lin. 

JuncAcEÆ. Juncus glaucus, Ehrh. J. tenageia, Ehrh. 
J. bufonius, Lin. 3. sylvaticus, Reich. S. conglomeratus, Lin. 
J. effusus, Lin. Luzula campestris, Dec. 

CypEerAceÆ. Cyperus flavescens, Lin. C. fuscus, Lin. 
Scirpus bæotryon, Lin. S. setaceus, Lin. S. sylvaticus, Lin. 
S. Michelianus, Lin. Carex muricata , Lin. C. Schreberi , 
Schrank. C. remota, Lin. G. tomentosa, Lin. C. præcox, 
Lin. €. gynobasis, Will. C. pallescens. Lin. C. hordeisti- 
chos, Vall. 

GRAMINEÆ. Andropogon ischæmum, Lin. Tragus race- 
mosus, Desf. Panicum sanguinale, Lin. P. ciliare, Retz. 
P. glabrum, Gaud. P. crus-galh, fin. Setaria verticillata, 
_P. de Beauv. S. glauca, P. de Beauv. S. vinidis, P. de 
Beauv. Anthoxanthum odoratum, Lin. Alopecurus praten- 


286 RÉGION DES PLAINES. 
sis, Lin. A. agrestis, Lin. Crypsis alopecuroides, Schrad. 
Phleum asperum , Will. P. pratense, Lin. Chamagrostis 
minima, Borkh. Cynodon dactylon, Pers. Agrostis stoloni- 
fera, Lin. À. vulgaris, With. À. canina, Lin. Apera spica- 
venti, P. de Beauv. Calamagrostis epigeios, Roth. Gastri- 
dium lendigerum, Gaud. Kæleria cristata, Pers. K. vale- 
siaca, Gaud. Aïra cæspitosa, Lin. Corynephorus canescens, 
P. de Beauv. Holcus lanatus, Lin. H. mollis, Lin. 
Arrhenatherum elatius, Mert. et Koch. lAvena fatua, 
Lin. A. pubescens, Lin. A. pratensis, Lin. A. tenuis, 
Mœnch. A. flavescens, Ein. A. caryophyllea, Wigg. 
A. præcox, P. de Beauv. Briza media, Lin. Melica ci- 
liata, Lin. Eragrostis megastachia, Link. E. pilosa, P. de 
Beauv. Poa dura, Scop. P. annua , Lin. P. bulbosa, Lan. 
P. nemoralis, Lin. P. trivialis, Lin. P. compressa, Lin. 
P. pratensis, Lin. Dactylis glomerata, Lin. Cynosurus cris- 
tatus, Lin. Festuca Lachenali, Spenn. F. rigida, Kunth. 
F. pseudo-myuros, Soy.- Will. F. sciuroides. Roth. F. 
ovina, Lin. F. duriuscula , Lin. F. heterophylla, Lam. F. 
rubra, Lin. F.rhætica, Sut. F. gigantea, Vill. F. arun- 
dinacea , Schreb. F. elatior, Lin. Brachypodium sylvati- 
cum, Rœm. et Sch. B. pinnatum. P. de Beauv. Bromus 
secalinus, Lin. B. racemosus, Lin. B. arvensis , Lin. B. 
mollis, Lin. B. squarrosus, Lin. B. asper, Murr. B. erec- 
tus, Auds. B. sterihs, Lin. B. tectorum, Lin. Triticum re- 
pens, Lin. T. caninum, Lin. Hordeum murinum, Lin. 
Lolium perenne, Lin. L. multiflorum , Lam. L. temulen- 
tum, Lin. Ægilops triuncialis, Lin. 

EquiseraceÆ. Equisetum arvense, Lin. E. thelmateïa, 
Ehrh. E. variegatum, Schleich. E. hiemale, Lin. 

Firices. Ophioglossum vulgatum, Lin. Ceterach officis 
narum, €. Bauh. Polypodium vulgare, Zin. Asplenium 


LISTE DES ESPÈCES. 287 


filix-femina, Bernh. À. Halleri, R. Brown. À. adianthum- 
nigrum, Lin. À. trichomanes , Lin. A. Breynu, Retz. A. 
ruta-muraria, Lin. A. septentrionale, Swartz. Scolopen- 
drium officmarum, Swartz. 

Nous ne comprenons pas dans cette liste ni dans les sui- 
vantes, un bon nombre d’espèces indiquées dans l’ancienne 
flore de Delarbre, par la raison que nous ne les avons pas 
introduites dans le catalogue des plantes d'Auvergne. Plu- 
sieurs de ces espèces de Delarbre sont évidemment le résultat 
d'erreurs , et dans ce cas les véritables cspèces existent sous 
une autre dénomination. D'autres sont tellement rares, que 
pendant 25 années de recherches il ne nous a pas été permis 
d’en voir le moindre échantillon. Or, si c’est une omission 
pour une flore, qui doit tout enregistrer avec soin, ces 
espèces si rares, en supposant même qu'elles existent, 
ne peuvent avoir aucune influence sur le tapis végétal 
que nous étudions. Nous ne devons donc pas nous en oc- 
cuper. 

Ilest une autre série de plantes qu'il eût été intéressant 
pour nous de connaître ; ce sont celles qui, indiquées par 
Delarbre , et quelquefois même données pour communes, 
ont entièrement disparu du sol, chassées très-probablement 
par la culture. Nous n'avons aucun moyen d’en connaître 
pour cette époque l’état de dispersion. Nous savons que le 
nombre de ces espèces perdues, qui figurent dans les ancien- 
nes chartes de la botanique , a été amplement compensé 
par les plantes qui ont été naturalisées, mais ce n’est 
plus la physionomie primitive de la végétation qui existe. Il 
nous est impossible, malgré notre désir, de rétablir cet état 
primitif. Certains traits de la création disparaissent avec le 
temps, s’effacent ou se confondent sous l'influence de la 
civilisation , comme ces costumes et ces mœurs primitifs 


288 RÉGION DES PLAINES. 


des anciennes peuplades qui se perdent peu à peu et se fon- 
dent au contact de populations différentes. 


$ 3. DE LA STATION DES FORÊTS EN GÉNÉRAL. 


Les plantes ligneuses, et surtout leur association qui 
constitue les forêts, ont été considérées avec raison comme 
formant les traits les plus caractéristiques d’une contrée, 
aussi devons-nous commencer par leur étude l'examen des 
diverses stations ou viennent se grouper toutes les plantes 
du plateau central. Il y a plus, c’est que la plupart des vé- 
gétaux sont originaires des forêts, et lorsque l’on pénètre 
pour la première fois dans une contrée nouvelle, on la trouve 
souvent toute couverte de végétaux ligneux, dont l’ensem- 
ble prend le nom de forét vierge , et représente exactement 
la végétation primitive de l’époque géologique actuelle. Plu- 
sieurs autres stations ne sont que les conséquences de la 
destruction des forêts, et les espèces qui les peuplent parais- 
sent avoir émigré de leurs antiques demeures pour profiter 
de conditions meilleures, presque toutes dues à la présence 
de l’homme. 

C’est au milieu des forêts spontanées ou sur leurs bords, 
dans les lieux où la végétation ligneuse vient s'étendre, 
c'est dans leurs clairières ou sous leurs fourrés qu'il faut 
chercher les espèces véritablement indigènes, et n’offrant 
aucune chance de colonisation de la part des hommes. Mais 
comme les forêts sont loin , dans une contrée avilisée, de 
donner le véritable tableau du pays, nous serons forcé de 
nous occuper aussi de quelques arbres introduits par la eul- 
ture, et tellement multipliés dans plusieurs localités, qu'ils 
forment pour ainsi dire des forêts artificielles sous lesquelles 
s'établit une végétation spontanée. 


FORÊTS. 289 

Nous aurons à examiner les associations de plantes li- 
gneuses dan$ les diverses régions que nous avons désignées 
sur le plateau central de la France, et plus loin nous re- 
viendrons encore sur les caractères de cette végétation ar- 
borescente, en la comparant à celle d’autres contrées. Nous 
aurons donc à étudier la composition des forêts basses ou 
forêts de la plaine qui appartiennent à cette région ; les forêts 
méridionales, dont les espèces sont très-différentes, et dont 
l’ensemble ne présente plus le même aspect, et enfin les bois 
des montagnes qui sont pour le plateau central les vérita- 
bles forêts. 

Les forêts basses commencent au niveau de nos princi- 
pales rivières qui indiquent les points les plus bas du pays, 
200 mètres environ au-dessus du niveau de la mer: elles 
s'étendent en altitude jusqu’au point où commence la végé- 
tation des hêtres, c’est-à-dire à 500 mètres. 

Le hêtre marque la limite d’une zone intermédiaire, qui 
se développe largement entre 500 et 1,200 mètres ; dans 
cette même zone se trouve compris le pin sylvestre, qui forme 
rarement de grandes associations, 

Enfin, à 1,200 mètres commence la lutte entre les der- 
niers hêtres, qui peuvent encore s'élever, et les premiers sa- 
pins, qui ne peuvent guère descendre. Au-dessus, ces der- 
niers dominent entièrement, et terminent, sur tout le plateau 
central, la végétation forestière à 1,500 mètres. 

Les forêts des régions basses occupent de très-grands es- 
paces dans les départements de l'Allier et de la Nièvre, dans 
celui du Puy-de-Dôme, soit dans la Limagne, soit sur les 
coteaux qui l’entourent ; on les retrouve sur les collines 
basses de la Creuse et de la Corrèze , d’où elles ont été en 
partie chassées par les hommes. Elles sont interrompues sur 


les hauts plateaux par la zone des forêts élevées, et elles re- 
19 


290 RÉGION DES PLAINES. 

paraissent peu dans notre région sud, ou du moins elles s'y 
montrent, comme nous venons de le dire, avec des caractères 
très-différents. Les müriers viennent prendre leur place, 
multiphés par la culture, ou bien les chênes verts et leur as- 
sociation dénotent un climat tout différent et une nature 
particulière du sol. Il faut annexer encore à cette zone infé- 
rieure certains fourrés très-épais composés de végétaux di- 
vers, et qui accompagnent dans leur cours des rivières diva- 
gantes, comme l'Allier et la Loire ; ou peut-être vaudrait-il 
mieux considérer ces associations comme constituant une 
station distincte, déterminée , en grande partie, par le sol 
sablonneux ou détritique des cours d’eau et par l'influence de 
leur humidité. 

La seconde zone, celle des plateaux, est aussi très-vaste, 
et ne représente plus que les restes d’une ancienne végéta- 
tion très-vigoureuse, qui couvrait tout le plateau granitique 
et volcanique de la France centrale, à l'exception des hautes 
sommités. On voit ces belles forêts de hêtre sur plusieurs 
cônes volcaniques, dans la chaîne du puy de Dôme, au mont 
Dore , au Cantal, dans la Lozère, dans la Creuse , dans la 
Corrèze, sur les buttes éruptives de la Haute-Loire et de 
l'Ardèche, et jusque dans l’Aveyron. Ces bois existent aussi 
sur les montagnes du Forez. Ils sont souvent mterrompus 
par des bouquets de pins sylvestres presque toujours seuls 
et sans autres espèces ligneuses. 

La troisième zone n’occupe que des sommets ou des pen- 
tes très-élevées, les hauts plateaux du mont Dore, du 
Forez, de Saint-Germain-l’Herm, du Cantal, de la Marge- 
ride, de la Haute-Loire. 

Il est rare qu'il y ait interversion entre ces deux zones 
supérieures. Le sapin est presque toujours plus élevé que le 
hêtre ; cependant on voit ce dernier atteimdre une grande 


FORÊTS. 291 


élévation dans les gorges du Cantal sur le volcan de Barre, 
dans le canton d’Allègre, et sur plusieurs cônes des environs 
de Clermont, tels que Laschamps , Côme, le Tartaret, près 
Murol, etc. 

Le sapin, au contraire, descend quelquelois plus bas que 
le hêtre, comme aux environs de Fix (Haute-Loire), et sur- 
tout dans les bois de la Chartreuse, près Pontgibaud. 

Nous reviendrons, plus loin, sur les associations ligneuses 
des régions montagneuse et méridionale, et nous nous oc- 
cuperons seulement ici des bois et des taillis de la région 
des plaines. 


$ 4. ASSOCIATION DES FORÈTS DE LA RÉGION DES 
PLAINES OU DU NORD. 


Les chênes dominent toute la végétation forestière de 
cette région. Le Quercus pedunculata, Ehrh., est le plus ré- 
pandu; vient ensuite le Q. sesiliflora , Smith , et le Q. pu- 
bescens, Willd. Les Populus alba, Lin, et P. tremula, Lin., 
viennent s’y mélanger si le terrain offre un peu d'humidité. 
L’Alnus glutinosa , Gærtn., consent aussi à quitter les frais 
vallons des montagnes pour venir habiter le sol de la plaine. 
Les deux espèces de tilleul, Tilia grandifolia, Ehrh., et T. 
parvifolia, Ehrh., paraissent disséminées, peu abondantes, 
et la dernière est moins rare que l’autre. Le charme, Carpi- 
nus betulus, Lin., n’est pas commun, ni l’Acer campestre, 
Lin. , qui affectionne aussi la région montagneuse, mais qui 
pourtant préfère le grand air à l'association des forêts. Les 
ormes, Ulmus campestris, Lin., U. effusa, Lin., se voient 
rarement dans les bois, qui ne sont pas leur station habituelle, 
mais où les vents peuvent cependant quelquefois déposer leurs 
semences ailées. C’est à peine si, dans l’intérieur, on ren- 


292 RÉGION DES PLAINES. 

contre quelques pieds de Pyrus communis, Lin., et de Pyrus 
malus, Lin., qui préfèrent les haies ou la lisière des bois. L’au- 
bépine , Cratægus oxyacantha, Lin. , y forme souvent des 
buissons qui se couvrent de verdure et montrent rarement 
leurs fleurs sous l'épaisseur de la feuillée. 

Les espèces herbacées qui accompagnent les plantes né- 
morales, dans cette zone inférieure , ne sont pas très-nom- 
breuses si nous restons dans les bois de haute futaie, les seuls 
dont nous voulons parler en ce moment. Nous pourrions ce- 
pendant mentionner un certain nombre de plantes veraales, 
telles que les Ranunculus ficaria, Lin., Anemone nemorosa, 
Lin., Luzula pilosa, Willd., espèces cosmopolites, qui se 
développent toujours avant que l’ombre du feuillage ne 
puisse les étouffer, et qui se contentent de toutes les posi- 
tions. 

Le Narcissus pseudo-narcissus, Lin., si commun dans la 
Belgique et dans le nord de la France, n'occupe, dans les 
bois de la plaine, que des points très-circonscrits , où 1l est 
extrêmement abondant, puis 1l disparaît tout à fait pour se 
montrer de nouveau au-dessus de la dernière zone des forêts, 
sur les pelouses des hautes montagnes. 

Enfin, nous indiquerons encore , comme ne craignant pas 
l'ombre des bois, Orobus tuberosus, Lin., Ornithogalum py- 
renaicum, Lin., Ruscus aculeatus, Lin., qui n’est pas 
très-répandu dans notre circonscription , et le Thalictrum 
majus, Jacq. 

Nous étendrions davantage cette liste, mais nous rentre- 
rions alors dans les associations de la zone sylvestre moyenne 
ou dans celles des taillis moins ombragés, et nous ajouterions 
aussi aux dépens de la station des haies et des broussailles, où 
les espèces que nous aurions à introduire ici se plaisent mieux 
que dans les bois de la plaine. 


FORÊTS. 293 
Liste des plantes composant les forets de haute futaie de la plaine. 


Anemone nemorosa, Lin. Ranunculus ficaria , Lin. Ti- 
lia grandifoha, Ehrh. T. parvifolia, Ehrh. Acer campestre, 
Lin. Orobus tuberosus, Lin. Pyrus communis, Lin. P. malus, 
Lin. Quercus sessiiflora, Smith. Q. pedunculata, Ehrh. 
Q. pubescens, Wild. Carpinus betulus, Lin. Populus alba, 
Lin. P. tremula, Lin. Alnus glutinosa, GϾrnt. Narcissus 
pseudo-narcissus, Lin. Ruscus aculeatus, Lin. Ornithoga- 
lum pyrenaicum, Lin. Luzula pilosa, Walld. 


$ D. ASSOCIATION DES TAILLIS DE LA PLAINE. 


Les arbres qui composent les hautes futaies de la plane 
sont loin d'acquérir toujours les dimensions nécessaires pour 
former de vastes forêts ombragées , et, lorsqu'ils y parvien- 
nent, On a pu voir que la végétation n'y est composée que 
d’un petit nombre d’espèces. L'ombre très-épaisse éloigne 
un grand nombre de phanérogames, mais elle développe, au 
contraire, une foule d’acotylédones, parmi lesquelles les cham- 
pignons dominent. 

Les mêmes espèces arborescentes que nous avons vu figu- 
rer dans le paragraphe précédent forment les bois taillis, 
répandus partout sur le plateau central de la France, et que 
nous partageons aussi en deux séries, ceux des plaines, ou de 
la région basse, et ceux des montagnes, ou de la région 
moyenne. Nous maintiendrons leurs zones dans les mêmes 
limites d'altitude que celles des forêts, et nous renverrons 
plus loin l'examen des taillis de la région montagneuse. 

Les taillis des plaines admettent d’abord la plupart des es- 
pèces qui habitent les grands bois, mais bon nombre d’ar- 
brisseaux ou même de grands arbres viennent s’y ajouter. 


29% RÉGION DES PLAINES. 


Nous rappellerons les chênes divers, les Pyrus communs, L., 
et P. malus, Lin., et nous y ajouterons les Cratægus oxya- 
cantha, Lin., et C. monogyna, Jacq. Ces deux espèces d’au- 
bépine paraissent pouvoir s’hybrider; on les rencontre à de 
petites distances, quelquefois mélangées , et cependant la 
première paraît affectionner les terrains granitiques , la se- 
conde les terrains calcaires, les basaltes ou les scories des 
volcans, et préfère une station un peu plus montagnarde. On 
y voit également le Sorbus torminalis, Crantz., sur les sols 
d’alluvion et même sur les basaltes. De nombreux rosiers 
croissent aussi dans la plaine , en choisissant de préférence 
les sables et les graviers. Le Rosa sepium, Thuill., est com- 
mun dans les taillis découverts ; on y remarque les Rosa ca- 
nina, Lin., et sa variété ou espèce, R. andegavensis, Bast., 
le Rosa rubiginosa , Lin., avec de nombreuses variétés, qui 
sont peut-être autant d'espèces distinctes. 

Les Rhamnus catharticus, Lin., et R. frangula, Lin., 
descendent dans la plaine , quoique préférant les lieux frais 
des montagnes. Il en est de même des Salix caprea, Lin., 
S. cinerea, Lin., auxquels on pourrait joindre le Salix ru- 
finervis, Dec.; le Sambucus nigra, Lin., et le Ligustrum 
vulgare , Lin., {se rencontrent aussi parfois dans les bois, 
mais ils stationnent de préférence dans les haies et dans 
les buissons, comme le Prunus spinosa, Lin., le Rubus 
Wahlbergi, Arrh., et le Cornus sanguinea, Lin. On 
rencontre aussi le Lonicera xylosteum, Lin., avec ses fleurs 
géminées, et le Clematis vitalba , Lin., qui étend partout 
ses tiges sarmenteuses et ne fleurit plus sous l’'ombrage des 
bois. 

Le lilas, Syringa vulgaris, Lan., et le sermga, Philadel- 
phus coronarius, Lin., se sont presque naturalisés dans 
quelques bosquets, où 1ls se mélangent à la végétation imdi- 


Le 


FORÊTS. 295 


gène. Les Gemsta hinctoria, Lin., et G. germamca, Lin., 
complètent la série des arbrisseaux et des arbustes des taillis 
de la plaine. 

Sous leur abri se développent un grand nombre de plantes 
herbacées, dont la floraison se succède pendant toute la sé- 
rie des beaux jours. Le Galanthus nivalis, Lin., est le plus 
empressé d'ouvrir son calice blanc et de montrer ses pétales 
veinés de vert, près des fleurs purpurines du Corydalis so- 
lida, Smith. , et au milieu des tapis verdoyants de la per- 
venche, Vinca minor, Lin., dont les fleurs bleues et réguliè- 
res signalent le réveil du printemps. C’est déjà l'époque des 
violettes ; le V. odorata, Lin., variant du blanc au hlas et 
du lilas au violet, se charge de parfumer les taillis, où les 
V. sylvestris, Lam., et V. Riviniana, Rchb., ne se déce- 
lent que par la multitude de leurs fleurs, qui sont ino- 
dores . 

Le Potentilla fragariastrune, Ehrk., appartient aussi à 
cette heureuse époque où le Veronica chamædrys, Lin., 
épanouit ses corolles d’un bleu si pur, et où l’Euphorbia 
dulcis, Jacq., et VE. amygdaloides , Lin. , allongent leurs 
pousses florifères. 

L'Equisetum thelmateia, Ehrh., a déjà laissé sortir ses 
cônes écailleux sur des tiges demi-transparentes, et montre 
aussi ses frondes verticillées et stériles. 

Le fraisier, Fragaria vesca, Lin. , fleurit alors dans les 
bois; les Carex muricata, Lin., C. virens, Lam., qui n’est 
qu’une variété du précédent, €. remota , Lin., et quelque- 
fois le C. tenuis, Host., font partie de cette association prin- 
tanière, qui précède de peu de jours l’apparition des orchi- 
dées. Celles-ci sont assez communes. La plus belle est l’Or- 
chis fusca, Jacq., élevant ses beaux épis marbrés de hilas et 
de brun pourpre ; l'O. galeata, Lam.., avec son casque rose, 


296 RÉGION DES PLAINES. 
croit parfois mélangé avec l'Ophrys muscifera, Huds., si 
curieux par les formes anomales de son périanthe. 

D'autres localités montrent le Cephalanthera pallens , 
Rich., ou bien l’Aceras antropophora , R. Brown. dont les 
fleurs verdâtres rappellent fort peu la forme humaine indi- 
quée par son épithète. 

Dès que l’été commence, on voit dans la plaine, comme 
dans la région montagneuse, lOrobus tuberosus, Lin., fleu- 
rir partout où le sol n’est pas calcaire, accepter les alluvions, 
les scories volcaniques, les trachytes ou les basaltes. Le Va- 
leriana officinalis, Lin., est répandu de tous côtés ; le Ta- 
mus communis, Lin., couvre les buissons de ses tiges volu- 
biles et de ses larges feuilles, et les décore plus tard de ses 
fruits écarlates ; il dirige de tous côtés ses vrilles sensibles et 
impressionnables. 

Le Myosotis strigulosa, Rchb., cherche les clairières humi- 
des et inondées pendant l'hiver. Le Cerastium brachypeta- 
lum, Desp., borde les chemins et les allées; l'Hrieracium mu- 
rorum, Lin., habite les lieux les plus secs avec l'Heliantemum 
gultatum , Mill., qui n’est pas très-commun , et le Poa ne- 
moralis, Lin. L’Fris fœtidissima, Lin., croît dans les taillis 
les plus fourrés avec le Lithospermum purpureo-cæruleum, 
Lin., tandis que le Campanula glomerata, Lin. ne laisse épa- 
nouir ses capitules de fleurs bleues que dans les clairières où 
l'air et le soleil peuvent pénétrer. Les buissons sont garnis 
de l’Ervum hirsutum, Lin., et des Vicia cracca, Lin., et 
V. tenwifolia, Roth., qui laissent pendre de leurs tiges débiles 
leurs épis unilatéraux. Le Ranunculus acris, Lin., se présente 
aussi dans les bois comme dans les prairies. À mesure que 
la saison avance , lÆgopodium podagraria, Lin., élève 
ses nombreuses ombelles, choisissant les ponts les plus 
frais , tandis que le Torilis helvetica , Gmel., s'accommode 


FORÊTS. 297 


des stations les plus sèches. Les bords des taillis sont oc- 
eupés par l’Astragalus glyciphyllos, par un Thalictrum que 
nous croyons le majus de Jacquin, et qui est le T°. aguilegi- 
folium de Delarbre. Le Lathyrus sylvestris, Lin., forme de 
gros buissons aux fleurs changeantes et purpurines ; le Ver- 
bascum blattaria, Lin., suit les chemins et les sentiers, et 
si le sol est calcaire ou volcanique, le Cephalanthera rubra, 
Rich., paraît au milieu des broussailles ou sur les pentes 
boisées des coteaux. 

Les Hieracium vulgatum , Koch., Festuca heterophylla , 
Lam., Gallium mollugo, Lin., Chrysanthemum corymbo- 
sum, Lin., terminent par leur apparition ce que l’on peut 
appeler la série des plantes estivales. La seconde période est 
marquée par les fleurs des Hypericum pulchrum, Lim., et 
I. hirsutum, Lin., par le développement des épis serrés du 
Trifolium rubens , Lin., par les fleurs vertes du Cucubalus 
bacciferus, Lin., et la floraison des Epipactis latifohia, AI., 
et E. rubiginosa, Gaud. De bien belles espèces sont alors 
en pleine vigueur, telles sont les Peucedanum cervaria, 
Lap., et P. oreoselinum, Mœnch., et pour rester encore dans 
les ombellifères, l'OE£nanthe Lachenalir, Gmel., le Peuce- 
danum parisiense, Dec., et l’Angelica sylvestris, Lin., si 
remarquable par le développement de ses feuilles, par ses 
hautes tiges fistuleuses et les larges ombelles où de nom- 
breux insectes viennent constamment butiner. 

Nous sommes à l’époque où lErythræa centaurium , 
Pers., couvre les clairières de ses jolies fleurs roses fasciculées ; 
où le Campanula rapunculoïdes, Lin., élève ses épis, et 
où le C. cervicaria étale ses corolles bleuâtres. Les bois 
sont remplis de Calamagrostis epigeïos, Roth. , aux élé- 
gantes panicules, des touffes des Brachypodium sylvalicum , 
KRæm. et Sch., et B. pinnatum, P. de Beauv. 


298 RÉGION DES PLAINES. 


Le luxe que déploient les Malva alcea, Lin., M. mos- 
chata, Lin., et M. fastigiata, Cav., la présence des Cala- 
mintha officinalis, Mœnch., et de l’Hieracium umbellatum, 
Lin., sont des signes certains que l’année parcourtavec rapidité 
le cercle des saisons. Tandis que la plupart des graines s’é- 
chappent des péricarpes , pendant que les baies se colorent, 
le Succisa pratensis, Mœnch., élève partout ses capitules 
arrondis , le Solidago virga aurea, Lin., redresse ses épis 
orangés, et le Dianthus superbus, Lin., nous abandonne 
à la fois la frange délicate de ses pétales et la délicieuse 
odeur qni en émane. 


Liste des plantes des taillis des plaines. 


Clematis vitalba, Lin. Thalictrum majus, Jacq. Cory- 
dalis solida, Smith. Helianthemum guttatum , Mall. Viola 
odorata, Lin. V. sylvestris, Lam. V. riviniana, Rchb. 
Dianthus superbus, Lin. Cucubalus bacciferus, Lin. Ceras- 
tium brachypetalum, Desp. Malva alcea, Lin. M. fasti- 
giata, Cav. M. moschata, Ein. Hypericum pulchrum , 
Lin. H. hirsutum, Lan. Rhamnus catharticus, Lin. R. fran- 
gula, Lin. Genista tinctoria , Lin. G. germanica, Lin. 
Trifolium rubens , Lin. Astragalus glyciphyllos, Lin. Vicia 
cracca, Lin. V. tenuifohia, Roth. Ervum hirsutum, Lin. 
Lathyrus sylvestris, Lin. Orobus tuberosus, Lin. Prunus 
spinosa , Lin. Rubus Wahlberg, Arrh. Fragaria vesca, 
Lin. Potentilla fragariastrum , Æhrh. Rosa canina, Lan. 
R. andegavensis, Bast. R. rubiginosa, Lin. R. sepium, 
Thuill. Cratægus oxyacantha , Lin. Cratægus monogyna , 
Jacq. Pyrus communis, Lin. P. malus, Lin. Sorbus tor- 
minalis, Crantz. Philadelphus coronarius , Lin. Ægopo- 
dium podagraria, Lin. OEnanthe Lachenali, Gmel. Ange- 
lica sylvestris, Lin. Peucedanum parisiense, Dec. P. cer- 


HAIES ET BUISSONS. 299 


varia, Lap. P. oreoselinum, Mæœnch. Torilis helvetica, Gmel. 
Cornus sanguinea, Lin. Sambucus nigra, Lin. Lonicera 
xylosteum ,‘ Lin. Gallium mollugo , Lin. Valeriana offici- 
nalis, Lin. Succisa pratensis, Mæœnch. Solidago virga aurea, 
Lin. Hieracium vulgatum, Koch. H. murorum, Lin. H. 
umbellatum , Lin. Campanula rapunculoïdes, Lin. C. cer- 
vicaria , Lin. C. glomerata, Lin. Ligustrum vulgare, Lin. 
Syringa vulgaris, Lin. Vinca minor, Lin. Erythræa cen- 
taurium, Pers. Lithospermum purpureo-cæruleum, Lin. 
Verbascum blattaria , Lin. Veronica chamædris, Lin. Ca- 
lamintha officinalis, Mœnch. Euphorbia amygdaloïdes, Lin. 
E. dulcis, Jacqg. Salix cinerea, Lin. S. capræa , Lin. Orchis 
fusca , Jacq. O. galeata, Lam. Ophrys muscilera, Huds. 
Aceras antropophora, R. Brown. Cephalanthera pallens, 
Rich. C. rubra, Rich. Epipactis latifolia , AU. E. rubigi- 
nosa, Gaud. Iris fœtidissima , Lin. Galanthus mivalis, Lin. 
Tamus communis , Lin. Carex muricata, Lin. et var. 
virens, Koch. C. remota, Lin. C. tenuis, Host. Chama- 
grostis epigeios, Roth. Festuca heterophylla, Lam. Brachy- 
podium sylvaticum, Rœm. et Sch. B. pinnatum, P. de 
Beauv. Equisetum thelmateia, Ehrh. 


$ 6. ASSOCIATION DES HAIES ET DES BUISSONS DE LA 
PLAINE. 


Comme nous l’avons déjà dit, il n’est aucune association 
végétale dont les éléments ne se retrouvent dispersés çà et 
là dans d’autres stations, et l’on peut surtout appliquer 
cette observation au groupe hétérogène dont nous allons 
parler. Les buissons , les broussailles ne sont que des dimi- 
nutifs des bois tailhs ; les haies sont des abris artificiels; 
elles sont toujours plantées, et cependant il est des espèces 


300 REGION DES PLAINES. 


que l’on ne rencontre absolument que mêlées par la nature à 
celles que l’homme y a rassemblées. Ces motifs nous ont 
déterminé à séparer cette station des autres, et'à dire quel- 
ques mots des végétaux qui s’y donnent rendez-vous. 

Les espèces ligneuses, là comme ailleurs, sont les plus 
apparentes ; celles qui forment le fond de cette végétation, 
et parmi elles les rosacées tiennent le premier rang. Dans 
les haies, dans tous les buissons, dominent toujours les 
Cratægus oxyacantha, Lin., et C. monogyna , Jacq. Ces 
arbres se reproduisent partout, disséminés par les oiseaux 
qui avalent leurs baies sans digérer leurs graines, et leurs 
milliers de fleurs blanches sont une des plus belles décora- 
tions du paysage dès que le mois de mai fait chez nous sa 
brillante et fraiche apparition. Avant eux s’est déjà montré 
le Prunus spinosa, Lin., avec ses étamines orangées et ses 
rameaux fleuris, blancs comme la neige qui vient de s’effa- 
cer. Il a tout un cortège de congénères parmi lesquelles on 
remarque les Prunus fruticans, Rchb., P.insititia, Lin., et 
P. domestica, Lin., à l’état demi-sauvage ; puis viennent le 
Cerasus mahaleb aux fruits amers, et le €. oulgaris, Mill, 
que l’on voit fleurir par étages sur toutes les collines qui bor- 
dent les plaines. Les fleurs de ce dernier soût en magnifiques 
bouquets inclinés; celles du Pyrus communis, Lin. , sont 
au contraire dressées sur leurs pédoncules. Le pommier sau- 
vage, Pyrus malus, Lin., se distingue à la teinte carminée 
de ses pétales, et le Cydonia vulgaris, Pers., à demi-spon- 
tané, offre en même temps ses feuilles veloutées et ses grandes 
corolles roses, la nature réservant pour le fruit le parfum 
qu’elle refuse à la fleur. 

Nous devons citer aussi l’Aronia rotundifolia, Pers., qui 
est plutôt une plante de rochers , le Sorbus torminalis, le 
S. domeshica, Lin. , qui n’est probablement pas indigène , 


HAIES ET BUISSONS. 301 


et le Mespilus germanica, Lin., sauvage ou cultivé. Enfin, 
la brillante tribu des roses appartient aux haies et aux 
buissons. On y voit éclore, quoique rarement, les fleurs odo- 
rantes du À. cinnamomea , Lin., le R. arvensis, Lin., dont 
la var. bibracteata, Rchb., est répandue dans les haies de la 
limagne , tandis que la variété repens habite les bruyères de 
la montagne. Les deux espèces les plus communes sont les 
Rosa rubiginosa, Lin., et R. canina, Lin. ; toutes deux 
ont plusieurs variétés, mais on distingue surtout les var. 
fastigiata, dumetorum et andegavensis qui sont probable- 
ment de bonnes espèces comme l'avaient indiqué déjà 
Thuillier et Bastard. Ajoutons que l’on trouve encore com- 
munément le Rosa sepium, Thuill., et çà et là le R. pim- 
pinellifolia, Dec. , et le R. fœtida , Bastard, que son épi- 
thète semblerait exclure du genre où elle se trouve placée. 
Nous aurions encore à indiquer ici, dans la famille des ro- 
sacés, toute la série des Rubus ; nous y reviendrons un peu 
plus loin. 

Bon nombre d’arbrisseaux vivent encore dans les haies 
ou forment des groupes de buissons isolés; tels sont le Sam- 
bucus nigra, Lin., deux Viormes très-remarquables, le Vr- 
burnum lantana, Lin., et le V. opulus., Lin. , type de la 
boule de neige qui élève ses corymbes couronnés et les re- 
tourne ensuite pour y suspendre des baies d’un rouge bril- 
lant. Le Loncera xylosteum, Lin., et L. etrusca , Sant., 
croissent aussi au milieu des haies ou forment des buissons 
isolés. Le Cornus sanguinea, Lin., et le C. mas, Lin., se 
trouvent dans les mêmes lieux ; le second est presqu’une 
rareté pour le plateau central. Le Lycium barbarum, Lin., 
le Syringa vulgaris., Lin., et le Philadelphus coronartius, 
Lin., ont été introduits comme le Jasminum fruticans, Lin. 
Nous pouvons joindre aux espèces ligneuses le joli Berberis 


302 RÉGION DES PLAINES. 

vulgaris, Lin., l’élégant Ligustrum vulgare, Lin., plus re- 
marquable par ses grappes blanches que par ses fruits noirs, 
le Rhamnus catharticus., Lin., quelquefois le R. frangula, 
Lin., et surtout l’Evonymus europœus, Lin., dont les 
fruits carminés et quadrangulaires s’entr’ouvrent à l'automne 
pour montrer une arille orangée. Le Juniperus communis 
Lin., est rare dans les haies, mais il forme souvent des grou- 
pes de buissons avec l’Ilex aquifolius, Lin., et l’on voit par- 
tout le Abes uva-crispa, Lin., etmême le R. alpina, Lin., 
remplir les clairières des haies et des groupes d’arbrisseaux. 
Le buis, Buxus sempervirens, Lin., et le Ruscus aculea- 
tus, Lin., sont disséminés dans cette association. 

De grands arbres existent souvent au milieu des haies 
elles-mêmes , et sont réduits par la taille à l’état de simples 
buissons ; ce sont surtout l'Ulmus campestris, Lin., avec 
ses variétés glabra et suberosa, Koch, le Carpinus betu- 
lus, Lin. , l’Acer campestre , Lin., et presque tous ceux 
que nous avons indiqués dans les bois. 

Comme types de buissons nous pourrions rappeler même 
le Sarothamnus vulgaris, Wimm., avec son Orobanche 
rapum , Thuill., le Genista tinctoria, Lin., et l'Ulex eu- 
ropœus, Lin., lorsque, contrairement aux habitudes de nom- 
breuses légumineuses, ils rencontrent des terrains siliceux. 

Plusieurs espèces, à la fois ligneuses et sarmenteuses ou 
grimpantes , quelquefois même fortement chargées d’épi- 
nes, contribuent à rendre les haies impénétrables; en pre- 
mière ligne vient se placer le Clematis vitalba, Lin. , aussi 
belle par ses bouquets fleuris que par ses aigrettes plumeu- 
ses, le Solanum dulcamara, Lin., qui pousse avec une si 
grande énergie, et la longue série des ronces. Presque toutes 
sont rassemblées dans les mêmes lieux ; le Rubus thyrsoi- 
deus, Wimm., et sa variété rammifolius, laissent sortir 


HAIES ET BUISSONS. 303 


des haïes leurs thyrses étagés ; le R. cœsius, Lin., et sa va- 
riété agrestis, Godron., court sur le sol ou s’égare dans 
les champs, tandis que le À. Wahlbergu, Arrh., forme 
de larges buissons au-dessus desquels viennent s’épanouir 
ses grandes fleurs blanches. Le R. tomentosus, Borckh., sa 
variété glabratus, Godron. , et le R. discolor, Weiïh. et 
Nee., sont répandus dans une foule de localités, où ils 
étalent leur feuillage bicolor et plus tard leurs fruits noirs et 
savoureux. 

C’est principalement à ces plantes grimpantes, enlaçantes 
ou sarmenteuses qu'il faut attribuer le fourré des haies et 
des buissons, et nous trouvons aussi , dans les espèces her- 
bacées, de puissants auxiliaires destinés à produire l’effet 
que nous signalons. Tel est le houblon, Humulus lupulus, 
Lin., qui s’élance partout, et laisse flotter les grappes pou- 
dreuses de ses fleurs mâles ou les cônes odorants des indivi- 
dus fructifères. Cette espèce est la plus envahissante ; puis 
vient le Bryonia dioica , Jacq., dont les puissantes racines 
nourrissent abondamment les tiges élancées qui s’attachent, 
par une double main, à toutes les branches voisines. 

Le Tamus communis, Lain., relie aussi les branches des 
arbrisseaux et les oblige de supporter ses cerises écarlates. 
Le Polygonum dumetorum, Lin., et surtout le P. convol- 
vulus, Lin., transforment leurs tiges en ficelles tordues, qui 
réunissent les rameaux, les étreignent et cherchent à étouf- 
fer leurs supports, pendant que le Convolvulus sepium, L., 
monte rapidement au-dessus des obstacles pour montrer 
dans toute leur beauté ses fleurs d’un blanc pur. 

Quelques plantes à végétation rapide , comme toutes 
celles qui sont sarmenteuses , envahissent encure nos asso- 
cations végétales. On y distingue le Cucubalus bacciferus, 
Lin., le Galium mollugo, Lin., et sa variété elatum , et 


304 RÉGION DES PLAINES. 


surtout ce Galium aparine, Lin., dont les aiguillons recour- 
bés accrochent tout ce qu'ils rencontrent, et dont les graines 
elles-mêmes se font transporter par l’homme et les animaux 
à de si grandes distances. 

Le Cuscuta europæa, Lin. , essentiellement grimpant, 
s'accroche à l'Urtica dioica, Lin, au houblon, au Cynan- 
chum vincetoxicum, R. Brown., ou à sa variété scandens, 
et monte, de cette manière, jusque dans l’intérieur des 
broussailles. 

On remarque aussi que bon nombre de légumineuses à ti- 
ges débiles, et surtout celles dont les pétioles sont terminés 
par des vrilles, se rapprochent des haies pour trouver un ap- 
pur. Telles sont le Lathyrus latifolius, Lin., L. sylvestris, 
Lin., L. pratensis, Lin., les unes à fleurs pourprées , la 
dernière à grappes jaunes, et toutes très-élégantes. Telles 
sont encore les Vicia cracca, Lin., et V. tenuifolia, Roth., 
avec leurs longs épis bleus et serrés, auxquelles viennent 
s’ajouter le Vicia sepium, Lin., le V. sativa, Lin., ou du 
moins quelques-unes de ses variétés, Ervum hirsutum , 
Lin., et les jolies couronnes du Coronilla varia, Lin. 

Le Fumaria Bastardi, Boreau, monte rarement au milieu 
des haies ; le Vinca minor, Lin., et le Glechoma hederacea, 
Lin., ainsi que ses deux variétés major, Koch. , et villosa, 
Koch., rampent à leurs pieds, et le Potentilla tormentilla, 
Sibth., s'étale entre les buissons. 

Les plantes que nous venons d’énumérer impriment 
à la station des haies et des broussailles ses principaux 
‘aractères ; elles constituent de véritables abris contre les 
vents, le soleil et la pluie. Beaucoup d'espèces en profi- 
tent, et, parmi elles, il en est de très-grandes qui con- 
tribuent aussi à la physionomie de l’ensemble. Ainsi , les 
Thalictrum minus, Lin., T.majus , Jacq., T. sylvaticum , 


HAIES ET BUISSONS. 305 
Koch., et 1. saxatile, Schl., s'élèvent sous leur ombrage. 
L'Helleborus fœtidus, Lin., croit partout le long des 
haies et dans les buissons; en indiquant l’Anemone nemo- 
rosa , Lin., les Ranunculus ficaria, Lin., et R. auricomus, 
Lin., nous aurons à peu près la liste des renonculacées qui 
affectionnent le plus cette station. Nous pouvons y rencon- 
trer bon nombre d'ombellifères , qui s’y développent assez 
tard : ce sont les Peucedanum parisiense, Dec., P.ce rva- 
ria, Lap., P. oreoselinum, Mœnch., P. alsaticum, Lin. ; les 
Torilis helvetica, Gmel., et T. anthriscus , Gmel. On voit 
partout les ombelles penchées du Chærophyllum temulum, 
Lin., les larges feuilles de lÆgopodium podagraria, Lin., 
et l’Angelica sylvestris, Lin., au port majestueux. 

Le Conium maculatum, Lin., vient aussi quelquefois s’a- 
briter près des haies, ainsi que l’Anthriscus vulgaris, Pers., 
tandis que l’A. sylvestnis, Hoffm., s'en éloigne davantage et 
reste souvent au milieu de l’herbe des prairies. Le Buple- 
vrum faleatum, Lin., et sa variété proliferum, le Tordy- 
lium maximum, Lin., et le Silaus pratensis, Bess., com- 
plètent à peu près la série des ombellifères qui recherchent 
l'ombre légère des buissons. 

L’Agrimonia eupatoria, Lin., et À. odorata, Mill., ap- 
partiennent aux mêmes stations, et l’on y trouve aussi le 
Gallium erectum, Scop., et le G. cruciatum, Scop., dont les 
fleurs printanières annoncent l'approche des beaux jours. 

La Valeriana officinalis, Lin., qui s'échappe des bois, 
ouvre au-dessus des buissons des fleurs parfumées près du 
Dipsacus pilosus, Lin., et du D. sylvestris, Mill., dont l’in- 
florescence offre des anneaux divergents. Là sont les Malva 
sylvestris, Lin., M. moschata, Lin., et sa jolie variété 
gracilis, M. alcea, Lin, et l'élégant M. fastigiata , 
Cav.; là est l’Aristolochia clematitis, Lin., et le Lithos- 

20 


306 RÉGION DES PLAINES. 


permum officinale, Lin. Ailleurs ce sont des graminées qui 
s’enlacent au milieu des autres plantes on grimpent dans les 
haies : telles sont les Triticum repens, Lin., T. caninum , 
Lin. , les Brachypodium sylvaticum , Rœm. et Sch. , et 
B. pinnatum, P. de Beauv. 

Quelques euphorbes vivent aussi le long des haies, comme 
Euphorbia cyparissias, Lin., ou près des touffes d’arbris- 
seaux , comme Æ. amygdaloïdes, Lin., et E. verrucosa, 
Lam. Le Geum urbanum, Lin., recherche les lieux fourrés, 
comme l’Ornithogalum pyrenaicum , Lin., qui préfère les 
bois aux buissons. Le Sisymbrium alliaria , Scop., et le 
Melilotus macrorhiza, Pers., ne croissent que sur les points 
où le sol a de la fraicheur, tandis que le Chrysanthemum 
corymbosum, Lin., le Senecio viscosus, Lin., et Hieracium 
umbellatum, Lin., se contentent de lieux buissonneux plus 
découverts. 

Cà et là on voit encore l’Astragalus glyciphyllos, Lin. ; 
et plusieurs labiées, quoique cherchant habituellement le 
soleil, sont fréquentes au milieu des haies ou dans les 
groupes d’arbrisseaux disséminés. On y voit les Stachys al- 
pina, Lin., et S. sylvatica, Lin. L'Origanum vulgare, Lin., 
et le Calamintha officinalis, Mœnch. Le Clinopodium vul- 
gare, Lin., et le Leonurus cardiaca, Lin., vivent tout à 
fait entourés de broussailles, et l’on y trouve aussi le Nepeta 
cataria, Lin., le Ballota nigra, Lin. On y voit encore le 
Betonica officinalis, Lin., le Galeopsis tetrahit, Lin. , et 
c’est la station favorite du Teucrium scorodonia, Lin., et 
du Lamium album, Lin. On y rencontre l’Euphrasia of- 
ficinalis, Lin., var. nemorosa, Koch. 

‘On voit, dès le printemps, plusieurs espèces dont les 
racines ont été protégées en hiver, fleurir dès les premiers 
rayons de soleil. Le Pulmonaria angushfolia, Lin., et 


HAIES ET BUISSONS, 307 


sa variété latifolia, y montrent leurs corolles successive 
ment rouges et bleues ; le Corydalis solida, Smith, y 
élève ses épis purpurins ; le Primula acaulis, Jacq., y est 
répandu à profusion , et l’on voit souvent ses fleurs sou- 
frées faire disparaître complétement les feuilles. Le Vrola 
odorata, Lin., s’y décèle par l'émanation de son parfum, 
qui, pour le valgaire, la différencie des Viola hirta, Lin., V. 
sylvestris, Lam., et du V. Riviniana, Rchb. commune dans 
les mêmes lieux. Le Stellaria holostea, Lin., si fraiche et si 
répandue , est une espèce essentielle des haies et des buis- 
sons ; on y trouve aussi le S. graminea, Lin., et sa variété 
latifolia. Presqu'en même temps y fleurissent les Fragaria 
vesca, Lin., F. collina, Ehrh., et F. elatior, Ehrh., accom- 
pagnés de divers Geranium, parmi lesquels on distingue les 
G. sanguineum , Lin., et G. rotundifolium , Lin. De nom- 
breuses véroniques se développent déjà : le Veronica cha- 
mædrys est la plus jolie et la plus commune ; elle montre, 
pendant tout le printemps , l’azur de ses corolles , et ne 
se laisse éclipser n1 par le V. teucrium , Lin., ni par le W. 
verna , Lin., que l’on rencontre de bonne heure dans les 
mêmes associations. 

Presque toutes les graminées peuvent croître au milieu des 
broussailles, mais on y distingue principalement le Dactylis 
glomerata, Lin., à sa taille élancée et à ses épillets violacés, 
on y voit aussi le Gaudima fragilis, P. de Beauv., et les 
Triticum caninum, Schr., et T. repens, Lin. 

Les orchidées sont essentiellement des plantes dissémi- 
nées ; elles sont assez nombreuses dans notre station. On y 
trouve le Cephalanthera pallens, Rich.,etle C.rubra, Rich., 
espèces très-élégantes. On remarque, toujours avec surprise, 
l’Himantoglossum hircinum, Raich., avec son labelle tortillé 
et la forte odeur de bouc qui indique son voisinage ; les 


308 RÉGION DES PLAINES. 

Ophrys muscifera, Huds. , O. arachnites, Reich., O. api- 
fera, Huds., O. aranifera, Huds., y développent leurs sin- 
guliers périgones près de l'Epipactis latifolia, AN., et de 
l’Aceras antropophora , R. Brown. Ailleurs on rencontre 
l'Iris fœtidissima , Lin., à fleurs ternes et à graines écar- 
lates ; l’Asparagus officinalis, Lin., qui n’est jamais 
abondant, et parfois le Sedum cepæa, Lin., qui cherche 
l’ombre, tandis que les autres Sedum ne se développent 
qu'au soleil. 

Le Circœa lutetiaia , Lin., est une plante des broussail- 
les, pourvu qu'il y règne de la fraîcheur ; le Vicia serrati- 
folia, Jacq., l'Orobus tuberosus, Lin., ne se montrent pas 
non plus dans les lieux secs et arides , qui conviennent au 
Potentilla rupestris, Lin., au Digitalis lutea, Lin., aux 
Trifolium rubens, Lin., et T. ochroleucum, Lin. 

C'est encore au milieu de cette végétation mélangée que 
paraissent Allium oleraceum , Lin., À. intermedium, Dec., 
A. vineale, Lin., Einaria striata , Dec., et L. vulgaris, 
Mill., le Gentiana cruciata, Lin., aux fleurs bleues, à raci- 
nes singulières, et l'Hypericum perforatum , Lin., qui est, 
comme sa variété angustifolium, Koch., répandu dans la 
plupart des stations. Nous pourrions ajouter aux lieux secs 
les Dianthus armeria, Lin., et D. carthusianorum, Lan. ; 
et aux endroits ombragés le Campanula patula, Lin., 
l'Equisetum hiemale, Lin., et les groupes élégants de l’As- 
plenium filix-femina, Bernh. 


Liste des plantes qui composent l'association des haies et des buissons. 


Clematis vitalba, Lin. Thalictrum sylvaticum , Koch. 
T. saxatile, Schl. T. minus, Lin. Id. var. glandulosum, 
Koch. T. majus, Jacqg. Anemone nemorosa , Lin. Ranun- 
culus ficaria , Lan. Helleborus fœtidus, Lin. Berberis vul- 


HAIES ET BUISSONS. 309 


garis, Lin. Corydalis solida, Smith. Id. var. integrata. 
Fumaria Bastardi, Boreau. Sysimbrium alliaria , Scop. 
Viola odorata, Lin. V. sylvestris, Lam. V. Riviniana, Rchb. 
Dianthus armeria, Lin. D. carthusianorum , Lin. Id. var. 
anisopodus, Ser. Cucubalus bacciferus , Lin. Stellaria holos- 
tea, Lin. S. graminea , Lin. Malva alcea , Lin. M. fasti- 
giata, Cav. M. moschata, Lin. M. sylvestris, Lin. Hyperi- 
cum perforatum, Lin. Id. var. angustifolium, Koch. I. var. 
latifolium , Koch. Geranium sanguimeum , Lin. G. rotun- 
difolium, Lin. Evonymus europæus, Lin. Rhamnus cathar- 
ticus, Lin. KR. frangula, Lin. Ulex europæus , Lin. Saro- 
thamnus vulgaris, Wimm. Genista tinctoria , Lin. Melilo- 
tus macrorhiza, Pers. Trifohum rubens, Lin. T. ochroleu- 
cum, Lin. Astragalus glyciphyllos, Lin. Coronilla varia, 
Lin. Vicia cracca, Lin. V. tenuifolia , Roth. V. serratifo- 
lia, Jacq. V. sativa, Lin. V. sepium , Lin. Ervum hirsutum, 
Lin. Lathyrus pratensis, Lin. L. sylvestris, Lin. L. latifo- 
lius, Lin. Orobus tuberosus, Lin. Prunus spinosa , Lin. 
P. fruticans ,; Rchb. P. insititia, Lin. P. domestica, Lin. 
Cerasus vulgaris, Mill. C. mahaleb, Mill. Geum urbanum , 
Lin. Rubus cœsius, Lin. Id. var. agrestis, Godron. R. 
Wablbergn, Arrh., R. discolor, Weih et Nee. R. tomen- 
tosus Borckh. Yd. var. glabratus, Godron et var. obtusifo- 
lus, Godron. R. thyrsoideus. Wimm. R. rhamnifolius , 
Weih et Nee. Fragaria vesca, Lin. F. elatior, Ehrh. 
F. collina, Ehrh. Potentilla rupestris, Lin. P. tormentilla , 
Sibth. Agrimonia eupatoria, Lin. À. odorata, Mill. Rosa 
pimpinelhfolia, Dec. R. cinnamomea, Lin. KR. canina , 
Lin. Id. var. fastigiata. Ed. var. dumetorum. Id. var. an- 
degavensis. R. sepium, Thuill. R. rubiginosa, Lin. R. fæ- 
tüida, Bastard. R. arvensis, Lin. Id. var. bibractea. Cra- 
fægus oxyacantha, Lin. C. monogyna, Jacqg. Mespilus 


310 RÉGION DES PLAINES. 

germanica, Lin. Cydonia vulgaris, Pers. Pyrus communs, 
Lin. P. malus, Lin. Aronia rotundifolia, Pers. Sorbus do- 
mestica , Lin. S. tormimalis , Crantz. Circæa lutetiana , Lin. 
Bryonia dioica, Jacq. Sedum cepæa , Lin. Ribes uva crispa, 
Lin. Ægopodium podagraria, Lin. Buplevrum falcatum, 
Lin. Id. var. prohferum. Silaus pratensis, Bess. Angelica 
sylvestris, Lin. Peucedanum parisiense, Dec. P. cervaria, 
Lap. P. oreoselinum, Mæœnch. P. alsaticum, Lin. Tordy- 
hum maximum, Lan. Toniis anthriscus, Gmel. T. helvetica, 
Gmel. Anthriscus sylvestris Hoffm. A. vulgaris, Pers. 
Chærophyllum temulum , Lin. Conium maculatum , Lin. 
Cornus sanguinea , Lin. Sambucus nigra, Lin. Id. var. leu- 
cocarpa, Boreau. Viburnum lantana, Lin. V. opulus, Lin. 
Lonicera etrusca, Sant. L. xylosteum, Lin. Galium cru- 
ciatum, Scop. G. aparime , Lin. G. mollugo, Lin. Id. var. 
elatum. G. erectum, Auds. Valeriana officinalis, Lin. 
Dipsacus sylvestris, Mill. D. pilosus, Lin. Chrysanthemum 
corymbosum , Lin. Senecio viscosus, Lin. Hieractum um- 
bellatum , Lin. Campanula patula, Lin. Ligustram vulgare , . 
Lin. Syringa vulgaris, Lin. Cynanchum vincetoxicum , 
R. Brown. Id. var. scandens. Vinca minor , Lin. Gentiana 
eruciata , Lin. Convolvulus septium, £in. Cuscuta europæa, 
Lin. Pulmonaria angustifolia, Lin. Id. var. latifolia. Li- 
thospermum officinale, Lin. Lycium barbarum, Lin. Sola- 
num dulcamara, Lin. Digitalis lutea, Lin. Linaria striata, 
Dec. L. vulgaris, Mill. Veronica chamædris, Lin. V. teu- 
erium , Lin. NV. verna, Lin. Orobanche rapum, Thull. 
Origanum vulgare, Lin. Calamintha officimalis, Mœnch. 
Clinopodium vulgare, Lin. Nepeta catarta , Lin. Glechoma 
hederacea , Lin. I. var. major, Koch. Id. var. villosa , 
Koch. Lamium album, Lin. Galeopsis tetrahit, Lin. Sta- 
chis alpina, Lin.S. sylvatica, Lin. Betonica officmalis, Lan. 


PRAIRIES. 311 


Ballota nigra, Lin. Leonurus cardiaca , Lin. Teucrium sco- 
rodonia , Lin. Primula acaulis, Jacq. Polygonum convol- 
vulus, Lin. P. dumetorum, Lin. Aristolochia clematitis , 
Lin. Buxus sempervirens, Lin. Euphorbia verrucosa , Lam. 
E. amygdaloïdes , Lin. E. cyparissias, Lin. Humulus lupu- 
lus, Lin. Ulmus campestris, Lin. Id. var. glabra. Id. var. 
suberosa, Koch. Carpinus betulus, Lin. Juniperus commu- 
nis, Lin. Himanthoglossum hircinum, Rich. Ophrys mus- 
cifera, Huds. O. apifera, Huds. G. arachnites, Reichard. 
O. aranifera, Huds. Aceras antropophora, R. Brown. Ce- 
phalanthera pallens, Rich. C. rubra, Rich. Epipactis lati- 
folia, AU. Kris fætidissima , Lin. Asparagus officinalis, Lin. 
Ruscus aculeatus, Lin. Tamus communis, Lin. Ornitho- 
galum pyrenaicum, Lin. Allium vineale, Lin. A. olera- 
ceum , Lin. À. intermedium, Dec. Dactylis glomerata, Lin. 
Brachypodium sylvaticum , Rœm. et Sch. B. pinnatum, 
P. de Beauvois. Id. var. cæspitosum, Koch. Triticum 
repens, Lin. T. caninum , Lin. Equisetum hiemale, Lin. 
Asplenium filix-femina, Bernh. 


$ 7. ASSOCIATION DES PRAIRIES DE LA PLAINE. 


Les tapis émaillés, que l’on désigne dans la plaine ou 
sur le pied des montagnes sous le nom de prairies, sont 
bien moins compliqués que les prés élevés de la région 
montagneuse. Presque toujours soumises à la culture ou au 
moins à l'irrigation , des espèces spontanées disparaissent, 
et d’autres , apportées par les eaux ou excitées par les en- 
grais et les amendements, souvent même importées avec 
eux, se mêlent à des associations factices qui ne sont plus 
entièrement l’œuvre de la nature. L'influence de l’homme 
a donc pour résultat de détruire eertaines espèces et de fa- 


312 RÉGION DES PLAINES. 


voriser le développement des autres. Malgré cela, il reste 
dans les prairies un fond de plantes sauvages qui sont bien 
dans leur station naturelle, et qui donnent , aux paysages 
ornés de ces fraîches associations , un aspect tout différent 
de ceux qui manquent de ces riches décors. 

L'aspect des prairies est dù non-seulement à la variété 
des espèces qui les composent , mais au rapprochement de 
tous leurs végétaux , à une sorte de tissu vert formé par 
la réunion de feuillages très-différents et à l'abondance de 
quelques formes dominantes qui se reproduisent presque 
indéfiniment. Nous allons jeter un coup d’æil sur ce fond 
de verdure , et rechercher ensuite quels sont les types qui 
s'y associent et l’embellissent. 

Les graminées tiennent le premier rang ; ce sont leurs 
feuilles ténues et si nombreuses, leurs épis allongés por- 
tant leurs étamines suspendues, leurs délicates panicules 
qui constituent véritablement les prairies. Les Agrostis con- 
courent beaucoup à produire les gazons si fins que l’on y 
rencontre. L’A. canina, Lain., l’A. vulgaris, With., et 
sa variété stolonifera, Koch. , ainsi que le véritable A. 
stolonifera, Lin., avec sa variété gigantea, Koch., mon- 
trent leurs légers panaches verts ou bruns près des touffes 
parfumées de l’Anthoxæanthum odoratum , Lin., cette 
plante si commune, dont l’odeur domine dans toutes les 
fenaisons. Les Poa pratensis, Lin., et P. trivialis, Lin., 
épaississent aussi les gazons et étalent leurs panicules près 
du Briza media, Lin., dont les longs pédicelles laissent 
trembler les gracieux épillets. Les Holcus lanatus, Lin., et 
H. mollis, Lin., ont leurs fleurs plus serrées en grappes 
veloutées et pubescentes , et l’on voit aussi paraître le Kes- 
tuca rubra, Lin., avec sa variété villosa, Koch., qui était 
le F. dumetorum, Lin. Le Lolium perenne, Lain., et le L. 


PRAIRIES. 313 


multiflorum , Lam., sont remarquables par leur abondance 
et la disposition alterne de leurs épillets, mais ils n’atteignent 
pas encore l'élégance du Cynosurus cristatus, Lin., orné 
de ses jolis épis, ni de l’Avena flavescens, Lin., quand elle 
déploie ses panaches dorés. 

Le Bromus mollis, Lin. , le B. erectus, Lin. , sont très- 

.communs partout, et les Avena pubescens, Lin, , et À. 
pratensis, Lin., sont loin d’être rares. De grandes espèces 
dominent toutes les autres. On y distingue ce fameux Thi- 
mothy où Phleum pratense, Lin., dont les Anglais ont cou- 
vert les bois défrichés des États-Unis , et l’Alopecurus pra- 
tensis, Lin. , que l’on reconnait de loin à ses épis ovales et 
veloutés. On y remarque le Dactylis glomerata, Lin. , com- 
mun dans toute l’Europe , le Festuca arundinacea , Schreb., 
le F. elatior, Lin. , etle Molinia cœrulea , Mœnch. variété 
alhissima , avec l’Atra cæspitosa, Lin. . plantes qui recher- 
chent les prairies humides, tandis que le Bromus racemosus, 
Lin. , préfère celles dont le sol ne retient pas l’eau. L’Ar- 
rhenatherum elatius, Mert. et Koch. , habite tous les ter- 
rains, comme il se trouve à toutes les hauteurs. Chaque ma- 
tinée, vers Ja fin du printemps, on voit les étamines jaunes 
ou violettes de ces graminées sortir des glumes qui les rete- 
naient prisonnières , rester suspendues et vacillantes en 
grappes ou en couronnes autour des épis, et abandonner à 
la brise de l'aurore des nuages de poussière fécondante. 

Le Scirpus sylvaticus, Lin. , les Carex pallescens, Lin., 
C. tomentosa, Lin., C. muricata, Lin., C. vulpina, Lin., 
et beaucoup d’autres que nous retrouverons plus tard le 
long des eaux, sont mélangés parmi les graminées , ainsi que 
quelques joncs. 

Le vaste groupe des synanthérées qui compose à lui seul 
un dixième du règne végétal , délègue aussi dans les prairies 


314 RÉGION DES PLAINES. 


quelques fleurons de sa brillante couronne. Qui de nous 
ne voit pas renaître chaque année avec un vif plaisir cette 
charmante pâquerette, Bellis perennis, Lin., dont les 
rayons blancs et carminés abritent encore le disque doré, 
et ce trivial pissenlit, Taraxacum dens-leonis, Desf., qui 
fleurit et laisse emporter ses aigrettes voyageuses avant que 
le Scorzonera humilis, Lin. , et le Tragopogon pratensis, . 
Lin. , aient étalé leurs fleurons d’un jaune pur. Cette belle 
couleur qui domine alors dans les prairies est reproduite aussi 
par de nombreuses chicoracées, telles que l'Hypochæris 
radicata, Lin. , H. glabra, Lin., Crepis biennis, Lin. , 
et surtout par le Barkhausia taraxacifolia, Dec., qu se 
multiplie à l'infini. L’Achillea millefolium , Lin. , est une 
des espèces les plus élégantes des prairies; on la voit dévelop- 
per ses feuilles légères sous les corymbes blancs ou lilas qui 
les dominent , et l’A. ptarmica, Lin., la remplace dans les 
lieux plus humides. 

Le Chrysañthemum leucanthemum , Lin., se développe 
quelquefois en si grande quantité que l’on croirait de loin les 
prairies couvertes de neige, et ses couronnes d’albâtre font 
ressortir les diadèmes violets qui entourent les fleurons sté- 
riles du Centaurea jacea, Lin., qui donne déjà ses premières 
fleurs. Les corolles purpurines remplacent alors les jaunes 
en parte flétries ; le Serratula tinctoria, Lin., le Centau- 
rea rigra, Lin., les Cérsium anglicum , Lam., C. palustre, 
Scop., et C. bulbosum, Lam., se montrent tour à tour, et le 
Senecio jacobæa, Lin., vient rappeler par ses larges co- 
rymbes dorés la teinte qui dominait dans les derniers mois 
du printemps. 

Les légumineuses quoique moins communes que les synan- 
thérées, payent largement leur contingent aux prairies de 
la plaine, et les trèfles y sont en majorité. Le Trifolium 


PRAIRIES. 315 


pratense , Lin., sauvage ou échappé des cultures est répandu 
de tous côtés. Le T°. repens, Lin. , est pour le moins aussi 
commun, et l’on trouve quelquefois dans les lieux humides sa 
variété phyllanthum , Ser. , dont les calices sont très-déve- 
loppés et les fleurs longuement pédicellées. Nous n’avons 
rencontré le T. patens, Schreb., que dans les prairies d’Au- 
rillac, les T. resupinatum, Lin., et T. nigrescens, Viv., 
que dans celles des environs d’Anduze et du Vigan. Le T. 
ochroleucum , Lin. , et le Genista tinctoria, Lin. , s’intro- 
duisent çà et là dans les prairies sèches avec le Lotus corni- 
culatus, Lin. , et le Medicago lupulina , Lin. , tandis que 
la variété Willdenoviana , Koch. , de cette dernière espèce 
cherche les lieux frais et humides comme le Hedicago ma- 
culata, Willd. , le Lathyrus pratensis, Lin. , et le Tetra- 
gonolobus siliquosus , Roth. 

Les ombellifères ont bien moins de représentants que 
dans la montagne ; le Silaus pratensis, Bess., l'OEnanthe 
peucedanifolia, Pollich., le Carum carvi, Lin., existent 
dans plusieurs d’entr’elles ; 'Anthriseus sylvestris, Holfm., 
est assez répandu , et l'espèce dominante est l’Heracleum 
sphondylium, Lin; elle varie à feuilles plus ou moins larges, 
à fleurs blanches ou rosées; mais dans la Lozère elle est 
remplacée par une espèce à fleurs jaunes ou verdâtres, très- 
différente de celle de nos plaines. 

Parmi les espèces des prairies , il en est plusieurs qui s’y 
développent avec profusion et que l’on voit partout ; telles 
sont au printemps le Primula officinalis, Jacq., compagne 
ordinaire de la pâquerette , le Ranunculus ficaria, Lin. le 
Caltha palustris, Lin. , et le Cardamine pratensis, Lin.; 
et ensuite ces renoncules dorées, R. bulbosus, Lin., et À. 
acris, Lin., qui règnent en souveraines pendant toute la 
durée du mois de mai. Le Salwia pratensis dresse de longs 


316 RÉGION DES PLAINES. 


épis de fleurs bleues verticillées avec des variétés roses ou 
blanches d’une grande beauté, et une forme peu répandue 
et à petite fleur, var. parviflora. Une espèce la surpasse 
peut-être en élégance, c’est le Lychnis flos-cuculi, Lin., avec 
ses calices bruns et striés, et ses pétales roses analogues aux 
franges des œillets. C’est alors la saison des Myosotis, dont 
le M. sylvatica, Lin., est l’espèce la plus belle et la plus 
commune. Le bleu de sa corolle l’emporte sur l’azur du 
Veronica chamædrys, Lin. , et sur les épis célestes de 
FAjuga reptans, Lin. Le Plantago lanceolata, Lin., 
montre partout ses épis noirs et ses blanches étamines , et 
le P. media, Lin., étale sur la terre sa rosette de feuilles, 
d’où sortent des épis parfumés d’héliotrope. Les lieux secs 
nourrissent encore le Saxifraga granulata , Lin., le Linum 
catharticum, Lin., le Cuscuta epithymum, Lin., qui attaque 
surtout les légumineuses , le Poterium sanguisorba , Lin., 
le Galium verum, Lin., et le G. cruciatum , Scop. 

Les Rumex acquièrent dans les prairies un peu argileuses 
de très-grandes dimensions. On y voit dominer les larges 
feuilles et les épis rameux des Rumex crispus, Lin. R. 
maæimus, Schreb., À. pratensis, Mert. et Koch., R. 
oblusifolius, Lin., et les tiges acides du À. acetosa, Lin. 
Le Geranium pratense, Lin., la plus belle espèce du genre, 
offre ses grandes fleurs bleues dans les prairies de la Lozère, 
et se trouve remplacé dans celles de l’Auvergne par le G. 
pyrenaïcum, Lin., le G. sylvaticum, Lin., dont la var. 
batrachoïdes , Dec., habite les prairies ombragées avec le 
G. phœum, Lin., et le Narcissus poeticus, Lin. 

C’est encore dans les mêmes sites, mais un peu tourbeux, 
que nous voyons le Valeriana dioica, Lin., le Ranunculus 
flammula, Lin., l'Ophioglossum vulgatum, Lin., les Orchis 
laxiflora , Lam., O. latifohia, Lin., O. maculata, Lin, 


PRAIRIES. 317 


élégantes espèces bien loin cependant d'égaler la magnifi- 
cence des orchidées tropicales. 

Le Symphitum officinale, Lin., habite aussi les prairies 
humides , comme le $. tuberosum, Lin., dans la région mé- 
ridioniale de notre territoire. Là, se trouve parfois disper- 
sés le Pœonia peregrina, Mill., que l'éclat de ses corolles 
a fait transporter dans nos parterres , et le Spiranthes æsti- 
valis, Rich., à fleurs insignifiantes. Beaucoup d’autres es- 
pèces croissent encore dans les prés ; on y trouve l'Asperula 
galioïdes, Bieb., et surtout sa var. elatior, le Betonica 
officinalis, Lin., Cerastium triviale, Lin., Orchis morio, 
Lin., et O. mascula, Lin., Gladiolus communis, Lin., 
Campanula glomerata, Lin., C. patula, Lin., Primula 
variabilis, Goupil., hybride du P. acaulis, Jacq., et du 
P. officinalis, Lin. 

Au milieu de l'automne, on y rencontre , quoique rare- 
ment , le Neottia autumnalis, Rich., et la scène se termine 
ainsi que la saison des fleurs par l'apparition presque sou- 
daine des corolles rosées du Colchicum autumnale, Lan. 
Sa fécondation s'opère sous les derniers rayons du soleil, 
son jeune fruit reste enseveli dans la terre, entouré de tu- 
niques épaisses, et au printemps suivant, 1l sort accompagné 
de ses feuilles vertes et luisantes, et laisse (tomber les graines 
nombreuses de ses capsules triangulaires. 

Nous sommes loin d’avoir épuisé la liste des espèces qui 
se rencontrent accidentellement dans les prairies. Beaucoup 
d’autres plantes y paraissent et s’en éloignent après quel- 
ques années. Les phénomènes d’alternance en modifient à 
chaque instant les associations. Nous avons parlé ailleurs des 
prairies alimentaires et nous n’avons pas voulu reproduire 
ici un extrait de notre flore fourragère. Les plantes des forêts, 
celles des champs , des vignes et des moissons , quelquefois 


318 RÉGION DES PLAINES. 


même les espèces des hautes montagnes viennent pendant 
quelques temps visiter celles des prairies, et chacune des 
stations que nous avons à décrire ne peut rien nous présen- 
ter d’absolu. 


Liste des espèces des prairies de la plaine. 


Ranunculus flammula , Zan. R. ficaria, Lin. R. acnis, 
Lin. Ad. var. sylvaticus, Dec. R. bulbosus, Lin. Caltha 
palustris, Lin. Pæonia peregrina, Mill. Cardamine pra- 
tensis, Lin. Lychnis flos-cuculi, Lin. Cerastium triviale , 
Lin. Linum catharticum , Lin. Gerapium sylvaticum , Lin. 
Id. var. batrachoïdes, Dec. G. pratense , Lin. G. pyre- 
naicum  Zin. Genista tinctoria, Lin. Medicago lupulina , 
Lin. Yd. var. Willdenoviana, Koch. M. maculata, Walld. 
Trifolium pratense, Lin. T. ochroleucum , Lin. T. resupi- 
natum , Lin. T. repens, Lin. Id. var. phyllanthum, Ser. 
T. migrescens , Viv. T. patens, Schreb. Lotus corniculatus, 
Lin. Lathyrus pratensis, Lin. Poterium sanguisorba, Lin. 
Saxifraga granulata, Lin. Carum carvi, Lin. OEnanthe 
peucedanifolia , Pollich. Silaus pratensis, Bess. Heracleum 
sphondylium , Lin. H. Lecoqn, Gren. et God. Anthriscus 
sylvestris, Hoffm. Asperula galioïdes, Bieb. Id. var. elatior. 
Galium cruciatum , Scop. G. verum, Lin. Id. var. altissi- 
mum. Valeriana dioïca, Lin. Bellis perennis, Lin. Achillea 
ptarmica, Lin. À, millefolium , Lin. Id. var. lanata, Koch. 
Chrysanthemum leucanthemum, Lin. Senecio jacobæa, Lin. 
Cirsium palustre, Scop. C. anglicum , Lam. C. bulbosum , 
Dec. Centaurea jacea , Lin. Id. var. pratensis, Koch. C. 
nigra , Lin. Serratula tinctoria , Lin. Tragopogon pratensis, 
Lin. Scorzonera humilis, Lin. Hypochæris glabra, Zan. 
H. radiata, Lin. Taraxacum dens-leonis, Desf. Barkhausia 
taraxacifolia, Dec. Crepis biennis, Lin. Campanula patula, 


COTEAUX CALCAIRES. 319 
Lin. C. glomerata, Lin. Cuscuta epithymum, Lin. Symphi- 
tum officinale, Lin. S. tuberosum, Lin. Myosotis sylvatica , 
Lin. Veronica chamædris, Lin. Salvia pratensis, Lin. Id. 
var. parviflora. Betonica officmalis, Lin. Ajuga reptans, Lin. 
Primula officinalis, Jacq. P. variabilis, Goupil. P. elatior, 
Jacq. P. grandiflora, Jacq. Plantago media , Lin. P. lan- 
ceolata, Lin. Rumex obtusifolius, Lin. R. pratensis, Mert. 
et Koch. KR. crispus, Lin. R. maximus, Schreb. R. acetosa, 
Lin. Orchis morio, Lin. O. mascula , Lin. O. laxiflora, 
Lam. O. maculata , Lin. O. latifolia, Lin. Spiranthes æsti- 
valis, Rich. S. autumnalis, Rich. Gladiolus communis, Lin. 
Narcissus poeticus, Lin. Colchicum autumnale, Lin. Scirpus 
sylvaticus, Lin. Carex muricata, Lin. C. vulpina , Lin. C. 
tomentosa, Lin. C. pallescens, Lin. Anthoxanthum odora- 
tum, Lin. Alopecurus pratensis, Lin. Phleum pratense, 
Lin. Agrostis stolonifera , Lin. Id. var. gigantea, Koch. A. 
vulgaris, With. I. var. stolonifera , Koch. A. canina, Lin. 
Aira cæspitosa, Lin. Holcus lanatus, Lin. H. mollis, Lin. 
Arrhenatherum elatius, Mert. et Koch. Avena pubescens, 
Lin. À. pratensis, Lin. À. flavescens, Lin. Briza media, 
Lin. Poa trivialis, Zin. P. pratensis, Lin. Dactylis glome- 
rata, Lin. Cynosurus cristatus, Lin. Festuca rubra , Lin. Id. 
var. villosa, Æoch. F. arundimacea, Schreb. F. elatior, 
Lin. Bromus racemosus, Lin. B. pratensis, Lin. B. mollis, 
Lin. B. erectus, Huds. Lolium perenne, Lin. L. multi- 
florum , Lam. Ophioglossum vulgatum, Lin. 


$ 8. ASSOCIATION DES COTEAUX CALCAIBES. 
Il existe, dans la région des plaines, une foule de localités 


dont la végétation a partout une si grande analogie, que 
nous avons cru devoir en faire une station distincte. Ce sont 


320 RÉGION DES PLAINES. 


les coteaux que l’on rencontre de tous côtés dans la Limagne, 
autour d’Aurillac et près du Puy. Ils font partie, comme on 
le voit, de trois départements, et partout ils se trouvent 
dans les mêmes conditions. 

Leur nature géologique est calcaire, et tous appartiennent 
à cette grande formation tertiaire qui forme des bassins dis- 
tincts dans le centre de la France. Ce ne sont ni les calcui- 
res compactes des causses, n1 leur position méridionale ; ils 
sont formés de chaux carbonatée blanchâtre ou jaunâtre , 
se délitant avec facilité et admettant dans sa composition , 
ou en couches subordonnées, des argiles , du quartz et tou- 
jours du bitume. 

Dans les trois départements, ces localités ont été modi- 
fiées par l'apparition de roches volcaniques , et surtout par 
des éruptions de pépérites et de dikes basaltiques, qui altè- 
rent complétement , sur quelques points, la nature du ter- 
rain, sans changement notable dans la végétation. Enfin, 
les lisières formées d’argiles sableuses présentent aussi les 
mêmes plantes, influencées par l'élément calcaire, qui com- 
mence à s’y rencontrer Gu qui n’a pas encore complétement 
disparu . 

Ces coteaux, très-bas, surtout dans la Limagne, très- 
secs et bien exposés, nourrissent la végétation la plus méri- 
dionale de la partie nord et centrale de notre territoire ; c’est 
un diminutif de celle des causses. 

L'ensemble tient le milieu entre l’association des pelouses 
et celle des lieux rocailleux et même des escarpements. 

À la rigueur, nous aurions pu les réunir et y joindre aussi 
une partie de la végétation des haïes et des buissons, mais 
nous avons préféré lui laisser son caractère particulier. 

Nous mentionnerons , comme plantes ligneuses de ces lo- 
calités, le Lonicera etrusca, Sant., qui se groupe en magni- 


COTEAUX CALCAIRES. 321 


fiques buissons, couverts de verticilles odorants ou de baies 
écarlates ; il offre une variété assez rare , à feuilles décou- 
pées comme celles du chêne. Nous citerons aussi le Rubus 
cœsius, Lin., et sa variété agrestis, Godr., le Prunus spi- 
nosa, Lin. Nous y ajouterons le Rosa sepium, Thuill., le R. 
rubiginosa , Lin. , et quelques-unes des espèces ou variétés 
comprises dans le groupe du À. canina , Lin., ainsi que 
le Salix cinerea, Lin. var. rufinervis, en rares buissons sur 
quelques coteaux des environs d’Aurillac. 

Nous en terminerons aussi avec les grandes plantes her- 
bacées, celles qui ont le plus d'apparence , en indiquant les 
gros massifs du Fœmiculum officinale, AL. , qui pourtant 
reste plutôt confiné sur le bord des vignes, et le Centaurea 
maculosa, Lam., une des espèces les plus communes, 
facilement reconnaissable à ses tiges blanchâtres et à ses. 
nombreux capitules purpurins. Elle croit souvent près des 
touffes de l’Artemisia campestris, Lin., ou des pieds isolés 
du Verbascum lychnitis, Lin., à fleurs jaunes ou à fleurs 
blanches. 

Trois Thalictrum se rencontrent dans les haies ou les 
buissons de ces coteaux , les 7. saxatile, Schl., T. sylvati- 
cum, Koch., et le T. minus, Lin., avec sa variété glandu- 
losum, Koch., que Delarbre désignait sous le nom de T. fœ- 
tidum. C’est à peu près dans les mêmes conditions que l’on 
trouve les Peucedanum alsaticum , Lin., et P. cervaria , 
Lap. ; leur feuillage, découpé comme celui des Thalictrum, 
leur donne , dans l’ensemble du paysage , un aspect analo- 
gue. Le Tragopogon major, Jacq., y étale ses fleurs sou- 
frées , remplaçant le salsifix des prairies. Le Malva alcea , 
Lin., et surtout le JW. fastigiata, Cav. ainsi que l’Althœa 
cannabina, Lin., et À. hirsuta, Lin., y ouvrent aussi leurs 
corolles régulières. 


21 


322 RÉGION DES PLAINES. 


Ce qui frappe ensuite sur ces coteaux, c’est la multitude 
de fleurs qui paraissent en même temps, vers le mois de juin, 
avant que la végétation ne soit brülée, et surtout si le prin- 
temps a été humide. Les légumineuses et les hélianthèmes y 
dominent par leur quantité. L’Onobrychus supina , Dec., et 
sa variété intermedia sont appliqués immédiatement sur le 
sol, avec l’Astragalus monspessulanus, Lin., et ses variétés 
à fleurs blanches et carnées. De grands espaces sont colorés 
en jaune par le Coronilla minima, Lin., au feuillage glau- 
que et charnu , dont la variété lotoides, Koch. , préfère les 
contrées plus chaudes du Gard et de la Lozère; par les Hip- 
pocrepis comosa, Lin., et I. umsiliquosa , Lin., beaucoup 
plus rares ; par le Lotus corniculatus, Lin. , qui a des va- 
riétés pour tous les terrains, et par l'Anthyllis vulneraria, 
Lin. Ces deux dernières espèces préfèrent, toutefois, les 
terrains siliceux de la montagne. De petits Trifolium , tels 
que le T. striatum , Lain., et le T. scabrum, Lin., viennent 
ramper sur la terre avec le Trigonella monspehaca , Lin., à 
légumes pointus et recourbés. Une longue série de Medi- 
cago affectionne aussi ces coteaux : le M. falcata, Lin., et 
toutes ses variétés ou espèces, à fleurs changeantes , à tiges 
dressées ou étendues ; le M. minima, Lam., portant tou- 
jours à sa racine le péricarpe qui renfermait sa graine ; le 
M. Gerardi, Wild. , avec ses fruits apiculés, et le A. or- 
bicularis, AÏ., si curieux par ses disques contournés. On 
trouve aussi çà et là l’'Ononis Columneæ, AIl., dont Delarbre 
avait fait les O. minutissima et O. parviflora, l’Astragalus 
hamosus, Lin., et les jolies couronnes lilacées du Coronilla 
varia , Lin. Dans les lieux un peu moins secs seulement 
croit en abondance le grand Via serratifolia, Jacq., aux 
larges folioles et à étendard pourpré. 

Quelques espèces d’Helianthemum produisent un grand 


COTEAUX CALCAIRES. 329 


effet sur nos coteaux , où ils remplacent les cistes éclatants 
des régions méridionales. Couchés sur le sol ou redressant à 
peine l’extrémité de leurs rameaux , ils se couvrent tous les 
matins de fleurs jaunes ou blanches, dont le nombre est in- 
fini et l’existence de bien courte durée. Le plus petit est 
l’Helianthemum salicifolium , Pers., caché dans l’herbe et 
si exigu , que l’on peut à peine le découvrir. L’H. vulgare, 
Lin., est moins commun que dans la zone des montagnes, 
et l’H. apenninum , Dec., avec sa variété pulverulentum , 
est une des espèces les plus dominantes et les plus caracté- 
ristiques. L’H. procumbens, Dun., plus ligneux que les au- 
tres, reste constamment appliqué sur le sol, et y laisse éclore 
ses fleurs d’un jaune vif, qui rappellent celles de l'A. fu- 
mana , Mill., qui remplace le nôtre sur les causses des Cé- 
vennes et du midi. Le Polygala comosa , Schk., est parfois 
disséminé dans les mêmes lieux ; mais une des plantes qui 
produisent le plus d’effet, quand on assiste à l'épanouissement 
du matin, c’est le Linum austriacum, Lin., quand l’azur de 
sa corolle se montre près des fleurs roses du Convolvulus 
cantabrica, Lin., près des bouquets blancs du Spiræa fili- 
pendula, Lin., ou des légers capitules du Poterium sangui- 
sorba, Lin., et de sa variété microphyllum. 

Les labiées, qui, dans les mêmes conditions de station, 
dominent dans la région méridionale , sont ici faiblement 
représentées. Le serpolet, Thymus serpyllum, Lin., avec 
son orobanche, Orobanche epithymum , Lin., se rencontre 
bien çà et là, mais ilest le thym des terrains siliceux et vol- 
caniques plutôt que celui des calcaires , et le Thymus vul- 
garis, Lin., qui affectionne ces sortes de terrains, est trop 
méridional pour apparaître encore jusque sur nos coteaux. 
Nous y trouvons , en revanche et abondamment , les Teu- 
ercum chamædrys, Lin., et T. botrys, Lin., l’Ajuga chameæ- 


324 RÉGION DES PLAINES 


pitis , Schr., fréquemment le Stachys recta, Lin., et rare- 
ment le Stachys heraclea, Al., espèce du midi qui recule 
cependant jusque sur les coteaux du Bourbonnais. 

Le Silene otites, Pers., est peu apparent, mais très-ré- 
panda. On remarque ses épis verdâtres, mâles ou femelles, 
près des panaches blancs du Melica ciliata, Lin., ou des 
touffes du Reseda lutea, Lin., également très-commun sur 
tous les coteaux. Le Galium verum , Lin., est assez rare, 
et préfère le sol volcanique ; mais 1l est remplacé par ?Aspe- 
rula galioïdes , Bieb., qui porte quelquelois l'Orobanche 
galii, Duby., et il s'associe au Linum tenuifolium , Lin., 
dont les fleurs carnées ont moins d’éclat que celles du L. 
austriacum , Lin., au Pimpinella saxifraga, Lin., et à sa 
variété dissectifolia , Koch., au Buplevrum aristatum , 
Barth., et au dioïque Trinia vulgaris, Dec., qui peut, 
comme les précédents, résister aux étés les plus secs et aux 
plus grandes chaleurs. 

Des orchidées viennent aussi animer les pentes de ces 
collines; la plus remarquable est l’Himantoglossum hirei- 
num, Rich., presque toujours isolée et végétant avec la même 
vigueur sur le basalte compacte, le calcaire marneux ou les 
sables d’alluvions. Ses longs épis à labelles tortillés répan-. 
dent au loin l'odeur pénétrante de l'animal dont il emprunte 
le nom, et son apparition est le signal de la-floraison des 
Ophrys aramfera , Huds., ©. arachnites, Reich., et O. 
apifera, Huds., qui rappellent les formes singulières d’in- 
sectes différents. L’Orchis morio, Lin., etle Cephalanthera 
rubra, Rich., croissent aussi, quoique plus rarement, sur les 
coteaux calcaires et volcaniques. 

Les pavots sont assez répandus dans les mêmes lieux , et 
ce sont surtout les Papaver hybridum, Lin., P. dubium , 
Lin, , et P. argemone, Lin. ; le P. rhœas , reste dans les 


COTEAUX CALCAIRES. 329 


moissons. On rencontre aussi une plante du plus grand ef- 
{et, le Glaucium corniculatum, Curt., dont les larges péta- 
les, d’un rouge vif, portent, comme les coquelicots, une 
macule noire à la base. Cette espèce, quoique rare et n’ap- 
paraissant que de loin en loin, est encore plus répandue que 
le Glaucium luteum, Scop., et l'Allium flavum, Lin., que 
l’on trouve aussi sur les calcaires ou les basaltes. 

Nous mentionnerons , au milieu de toutes ces espèces, le 
Thesium Rumifusum, Dec., très-souvent recouvert de l'OE- 
eidium thesir, Dec., le Convolvulus lineatus, Lin., et sa 
variété intermedius, Dub. , qui cherche les lieux les plus 
secs et les plus chauds ; le Micropus erectus , Lin. , aussi 
très-abondant ; le Diplotaxis tenuifolia, Dec., et le Chon- 
drilla latifolia, Bieberst. Il existe encore un certain nom- 
bre de plantes disséminées, telles que Campanula glome- 
rata, Lin., Avena pratensis, Lin. , et principalement sa va- 
riété bromoides ; les Veronica teucrium, Lin., et V. spi- 
cata, Lin.; le Crucianella angustifolia, Lin., et le Carlina 
acanthifolia, AÏL., qui toutes deux pourtant préfèrent beau- 
coup les coteaux granitiques. On voit aussi le Scrophularia 
canina, Lin., plante très-accommodante, puisqu'elle croît à 
la fois au bord de l'Allier et jusque dans les hautes vallées 
des montagnes ; le Kæleria valesiaca , Gaud., le Bromus 
squarrosus, Lin., le Poa pratensis, variété angustifolia, 
Koch. , l’Alsine tenwifolia, Walh., le Buffonia macros- 
perma, Gay., ou B. annua, Dec., et probablement B. pa- 
niculata, Delarbre, le Carex gynobasis , Vill., et acciden- 
tellement disséminés, le CAlora perfoliata, Lin., et le Fra- 
garia collina, Ehrh. 

Cette longue liste est précédée, dès le premier printemps, 
par l’Hutchinsia petræa , R. Brown. Elle est close, dès les 
premières pluies d'automne, par le Seilla autumnalis, Lin. 


326 RÉGION DES PLAINES. 


Cette espèce signale, pour ainsi dire, uu réveil, car la végé- 
tation dont nous venons de parler est toute vernale, et périt 
presque entièrement pendant les grandes chaleurs. Il est ce- 
pendant deux plantes presque inséparables, qui se montrent 
à l’époque des vendanges, et qui annoncent définitivement 
l'automne : c’est l’Aster amellus, Lin., avec ses fleurs à 
rayons bleus, et le Lynosiris vulgaris, Cass., dont les bou- 
‘quets dorés se succèdent et persistent pendant longtemps. 


Liste des plantes des coteaux calcaires de la plaine. 


Thalictrum sylvaticum , Koch. T. saxatile, Schl. T. mi- 
nus, Lin. I. var. glandulosum , Koch. Papaver hybridum , 
Lin. P. argemone, Lin. P. dubium, Lin. Glaucium cor- 
niculatum, Curt. G. luteum, Scop. Diplotaxis tenuifolia , 
Dec. Hutchinsia petræa, R. Brown. Helianthemum pro- 
cumbens, Dun. H. salicifolium , Pers. H. vulgare, Gærtn. 
H. apennicum , Dec. Id. var. pulverulentum , Dec. Reseda 
lutea, Zin. Polygala comosa, Schk. Silene otites, Pers. 
Buffonia macrosperma , Gay. Alsine tenuifolia , Wahlenb. 
Id. var. hybrida, Dec. Linum tenuifohum , Zin. L. aus- 
triacum, Zin. Malva alcea, Zin. M. fastigiata, Cav. Althæa 
cannabina, Lin. A. hirsuta, Lin. Ononis Columnæ, AU. 
Anthyllis vulneraria, Lin. Medicago falcata, Lin. M. orbi- 
cularis, Lin. M. Gerardi, Walld. M. minima, Lam. Tri- 
gonella monspeliaca , Lin. Trifolhum striatum , Lin. T. sca- 
brum , Lin. Lotus corniculatus, Lin. Astragalus hamosus, 
Lin. À. monspessulanus, Lin. Coronilla minima, Lin. C. 
varia, Lin. Hippocrepis comosa, Lin. H. unisiliquosa , Lin. 
Onobrychis supina, Dec. Vicia serratifoha, Jacq. Spiræa 
Gilipendula, Lin. Rubus cœsrus, Lin. Id. var. agrestis, God. 
Fragaria collina, Ehrh. Rosa canina, Lin. R. sepium, 
Thuill. Poterium sanguisorba, Lin. Trinia vulgaris, Dec. 


ASSOCIATION AGRESTE ET VICINALE. 327 
Pimpinella saxifraga , Lin. Id. var. dissectifolia, Koch. Bu- 
plevrum aristatum, Barth. Fœniculum officmale, A/!. Peu- 
cedanum cervaria, Lap. P. alsaticum, Lin. Lonicera etrusca, 
Sant. Asperula galioïdes, Bieb. Crucianella angustifolia, Lin. 
Galium verum, Lin. Micropus erectus, Lin. Artemisia cam- 
pestris, Lin. Carlina acantifolia, Al. Centaurea maculosa, 
Lam. Tragopogon major , Jacq. Chondrilla latifolia, Breb. 
Campanula glomerata, Lin. Chlora perfoliata, Lin. Con- 
volvulus cantabrica, Lin. C. lineatus, Lin. Cuscuta epithy- 
mum, £in. Orobanche gali, Duby. O. epithymum, Lan. 
Verbascum lychnitis, Lin. Id. var. album, Koch. Scrophu- 
laria canina, Lin. Veronica teucrium , Lin. V. spicata, 
Lin. Thymus serpyllum, Lin. Stachys heraclea, A//. S.recta, 
Lin. Teucrium botrys, Lin. T. chamædrys, Lin. Thesium 
humifusum , Dec. Salix cinerea, Lin. Id. var. rufinervis. Or- 
chis morio, Lin. Himantoglossum hircinum, Rich. Ophrys 
apifera, Huds. O. arachnites, Reich. O. aranifera, Huds. 
Cephalanthera rubra, Rich. Scilla autumnalis, Lin. Carex 
gynobasis, Vill. KϾleria valesiaca, Gaud. Avena pratensis, 
Lin. Id. var. bromoïdes. Melica ciliata, Lin. Bromus squar-. 
rosus , Zan. 


$ 9. ASSOCIATION AGRESTE ET VICINALE DE LA 
PLAINE. 


On se demande quelquefois quelle était la véritable sta- 
tion du grand nombre d’espèces que nous allons passer en 
revue, avant la présence de l’homme sur la terre ou au 
moins avant son apparition dans les contrées qu’il habite 
aujourd'hui. Il est d’autant plus difficile de résoudre cette 
question, que toutes les plantes qui composent cette asso- 
ciation subissent de près ou de loin son influence. 

Les unes ont été importées par lui de pays étrangers ; 


328 RÉGION DES PLAINES. 


il les multiplie à dessein , et parmi elles se trouvent des 
espèces qu'il ne veut pas cultiver, qu'il cherche même à 
détruire, mais qui malgré lui se sont implantées au milieu 
de ses moissons et y persistent depuis des siècles. 

D'autres habitent les vignes et les vergers, profitant des 
labours qui leur sont donnés et des soins qu'on leur pro- 
digue. 

Un grand nombre attendent que les champs soient en 

repos pour s’y développer à l'infini. Elles les envahissent ; 
elles veulent bien profiter des labours , des fumures et de 
toutes les préparations que la terre a reçues, mais elles n’ac- 
ceptent pas la présence de l'homme et de ses récoltes pro- 
tégées ; elles s'étendent à leur aise sur un terrain qu'il leur 
abandonne momentanément. L'une profite des façons qui 
ont été données au sol, l’autre des engrais; celle-ci ne 
pousse qu'après l’écobuage, celle-là se développe sous l’ac- 
tion du plâtre ou de la marne. Il y a toujours une influence 
plus ou moins cachée qui favorise l'apparition de toutes ces 
espèces. 
Un certain nombre de ces plantes agrestes ou vicinales 
trouve un refuge le long des chemins, sur le bord des 
champs et des vignes , dans des endroits qui ne sont jamais 
cultivés. Là elles ne sont pas dérangées et vivent ensemble 
sur un sol commun quelques instants délaissé, et où elles 
luttent parfois les unes contre les autres avec une grande 
énergie , profitant, suivant les conditions nécessaires à 
leur vie, des influences variées des saisons pour vaincre ou 
se retire rtour à tour. 

Enfin, s'il en est parmi ces plantes qui ne quittent pas 
la lisière des champs , il en est d’autres qui restent dans 
le voisinage des villes et des jardins, qui accompagnent 
l’homme dans ses habitations , qui ne s’éloignent jamais ou 


ASSOCIATION AGRESTE ET VICINALE. 329 


rarement de ses demeures , et dont la présence -seule dans 
une contrée est un indice presque certain que l’homme s’y 
est montré à une époque quelconque. 

Mais ici plus qu'ailleurs encore rien n’est précis n1 limité. 
Les espèces des chemins et des vignes vont se retrouver 
dans les moissons ; celles-ci se répandent également dans les 
champs incultes , et si nous faisons quelques groupes parti- 
culiers , c’est pour avoir la possibilité de citer plus convena- 
blement nos espèces dans les lieux pour lesquels elles ont une 
certaine préférence. Nous aurons donc à passer en revue : 

L'association des moissons et des champs cultivés ; — 
celle des vergers et des vignes; — celle des champs in- 
culles; — celle des bords des chemins ; — celle des jar- 
dins et des habitations. 


Association des moissons et des champs cultivés. 


Les plantes cultivées dans la partie nord ou dans les plaines 
du plateau central ne sont pas très-nombreuses. Là comme 
ailleurs on voit le froment qui consiste dans les Triticum æsti- 
vœum, Lin., T. turgidum, Lin., et T. hybernum, Lin., avec 
leurs nombreuses variétés ; le seigle, Secale cereale, Lin., qui 
appartient plus spécialement à la zone des montagnes; deux 
espèces d'orge, Hordeum vulgare, Lin., et H. hexasti- 
chon , Lin.; deux avoines, Avena orientalis, Schreb., et À. 
sativa, Lin. La pomme de terre, Solanum tuberosum, Lin., 
est répandue partout, et le chanvre, Cannabis saliva, Lin., 
occupe les meilleures terres. On commence aussi à cultiver la 
garance, Rubia tinctorum, Lin., dans les sols calcaires et lé- 
gers, la betterave à sucre, Beta vulgaris, Ein., var. rapacea, 
Koch., dans les terres plus fortes, et le reste du sol est livré 
aux légumineuses. Quatre d’entr’elles 'emportent en quan- 
tité sur toutes les autres. La plus répandue est le sanfoin , 


330 RÉGION DES PLAINES. 

Onobrychis sativa, Lin., qui dès les premiers jours de juin 
décore les champs et les coteaux de ses charmantes fleurs 
carminées ; on lui réserve les sols calcaires ; ensuite vient 
la luzerne , Medicago sativa, Lin. , que l’on coupe dès 
qu’elle commence à montrer ses têtes de fleurs bleues ; on 
lui donne les terres profondes. Le trèfle, Trifolium pra- 
tense, Lin. , est pour beaucoup de cantons du plateau cen- 
tral une introduction nouvelle ; il réussit admirablement sur 
tous les sols qui conservent un peu d'humidité. Vient ensuite 
la fève, Vicia faba , Lin. , réservée aux terres fortes de la 
Limagne, et qui contribue puissamment à la parure des 
champs par ses fleurs blanches veloutées de noir, et par le 
parfum qu’elle abandonne aux brises du soir et du matin. 
Nous pouvons joindre à ces cultures le Vicia sativa, Lin., 
les Pisum sativum , Lin., et P. arvense, Lin. , l’Ervum 
lens, Lin., cultivé surtout dans la Haute-Loire , le Lathy- 
rus sativus, Lin., le Medicago lupulina, Lin., et le Lupinus 
albus, Lin. Pour terminer ce qui est relatif aux plantes de 
grande culture nous pouvons indiquer quelques champs de 
raves, Brassica rapa , Lin., principalement dans les terres 
légères des montagnes ou des coteaux, le Brassica campes- 
tris, Lin., ou colza , qui couvre quelques parties de la Lima- 
gne de ses fleurs dorées, la spergule, Spergula pentandra, 
Lin., trop peu connue pour ceux qui savent apprécier la qua- 
lité du beurre des vaches qui s’en nourrissent , la chicorée, 
Cichorium intybus, Lin., et surtout la carotte, Daucus 
carotta, Lin., dont l’usage pour les bestiaux commence à se 
répandre. 

Parmi ces cultures les unes sont sarclées et n’admettent 
pas de plantes étrangères, d’autres sont tellement serrées 
qu’elles étouffent ou étiolent les végétaux assez hardis pour 
s’y aventurer , mais il en est plusieurs, notamment les cé- 


ASSOCIATION AGRESTE ET VICINALE. 391 


réales qui offrent encore au botaniste, et en dépit de l’agri- 
culteur, une abondante récolte. 

C’est toujours un spectacle charmant de voir renaître au 
milieu des blés ces espèces, la plupart annuelles , dont la 
terre conserve les germes, et permet le développement dans 
la belle saison. 

Les véroniques sont les premières à s’annoncer par leurs 
jolies fleurs bleues. On y voit surtout le V. hederæfolia qui 
rampe sur le sol; puis le V. polita, Fries., le V. agres- 
as, Lin., le V. prœcox , AIL., et l’élégant V. triphyllos, 
Lin, , s’aventurent aussi au milieu des campagnes. Pres- 
qu’en même temps paraissent les ombelles jaunes du Gagea 
arvensis , Schult., et peu après les rosettes de l’Androsace 
maxima , Lin. L’Erysimum orientale , R. Brown. , au 
feuillage glauque et aux longues siliques, parvient à répandre 
ses graines avant le sarclage des moissons ; le Sinapis ar- 
vensis , Lin., et sa variété retro-hispida y fleurit pendant 
toute la durée du printemps , et l’on voit s’y succéder pen- 
dant plus de deux mois ces Adonis aux fleurs éclatantes et 
posées sur le feuillage le plus délicat et le plus élégant. 
C'est l'A. œstivalis qui commence, avec ses larges corolles 
et sa variété citrine , aussi commune dans les sainfoins que 
dans les blés; puis vient l’A. flammea, Jacq., avec ses longs 
pétales, semblables à des langues de feu , et enfin l'A. au- 
tumnalis, Lin., ou goutte de sang , arrachée sans pitié dans 
les cultures , mais respectée dans nos jardins où elle tient 
un rang distingué. 

Les adonis ne sont pas les seules espèces éclatantes de 
nos moissons ; On y trouve aussi les Gladiolus communs , 
Lin., et G.segetum , Gawler., élevant, près des épis nais- 
sants, leurs guirlandes purpurines. Alors existe aussi par- 
tout le Muscari comosum , Mill. , étalant ses panaches vio- 


332 RÈGION DES PLAINES. 


lets, tandis que le Thlaspi arvense, Lin., et le Lepidium 
campestre, R. Brown., ouvrent, dans les mêmes lieux, leurs 
nombreuses silicules. 

La fin du printemps voit éclore, dans les moissons, un 
bon nombre de léguminenses qui se mélangent au blé et 
aux avoines. On y remarque le Lathyrus aphaca, Lin., avec 
ses larges stipules d’un vert glauque ; le Z. tuberosus, Lin., 
dont les racines noires sont comestibles, et dont les bou- 
quets, d’un rouge vif, décorent les céréales, tout en s’atta- 
chant à leurs chaumes. Çà et là croissent encore les Lathy- 
rus hirsutus, Lin., L. angulatus, Lin., et le frêle et délicat 
L. nissolia, Lin. 

De nombreux Vicia viennent aussi augmenter la légion 
des légumineuses ; le V. purpurascens , Dec., v enroule ses 
vrilles avec le V. angustifolia, Roth., diverses variétés du 
V. sativa, Lin., le V. lutea, Lin., ainsi que les V. cracca, 
Lin. , et V. {enuifolia, Roth. , qui sont plutôt des plantes 
des haies et des buissons que des espèces ségétales. 

On distingue aussi plusieurs £rvum , tels que Æ. gracile, 
Dec., E.tetraspermum, Lin., E.monanthos, Lin., et E,er- 
viha, Lin. C’est alors la belle époque des champs; les blés 
n'ont pas encore jauni; chaque brin de paille prête son ap- 
pui à la tige volubile d’un Convolvulus arvensis, Lin., qui 
l’embellit de ses clochettes roses et couleur de chair; les 
bleuets, Centaurea cyanus, Lin. , peut-être originaires de 
contrées lointaines, parsèment les campagnes de leurs couron- 
nes d'outre-mer, près des coquelicots, Papaver rhœas, Lin., 
qui déploient leurs pétales écarlates aux premiers rayons du 
soleil du matin. Le Saponaria vaccaria, Lin. , ouvre ses 
fleurs étoilées sur ses calices anguleux ; lAgrostemma gi- 
lhago , Lin., y porte aussi le tribut de ses fleurs, dans les 
lieux mêmes où peu de temps auparavant on admirait le bleu 


ASSOCIATION AGRESTE ET VICINALE. 339 


céleste de l’Anchusa italica, Retz., ou les fleurs violettes 
éperonnées du Delphinium consolida, Lin. Les Specularia 
speculum, Alph. Dec., et le S.Aybrida, Alph. Dec., se glis- 
sent entre les chaumes, et attendent le soleil pour montrer 
leur parure; les ÆZnagallis arvensis, Lin., et A. cærulea, 
Schreb., montrent aussi leurs corolles bleues ou écarlates ; 
le Ranunculus arvensis, Lin., a déjà ses fruits hérissés, et 
les crucifères vernales sont en partie couvertes de silicules. 
On y distingue l’Jberis amara, Lin., le Camelina micro- 
carpa , Andrz., le Miagrum perfoliatum , Lin., le Neslia 
paniculata, Dec., le Calepina Corvini, Desv., et le Ra- 
phanus raphanistrum, Lin., répandu à profusion, et laissant 
varier du jaune soufre au violet tendre la nuance de ses pé- 
tales veinés. Au milieu des blés s’abritent encore les Viola 
agrestis, Jordan., et V. segetalis, Jordan., l’Asperula ar- 
vensis, Lin., Antirrhihum oruntium, Lin.; les Rhinanthus 
major, Ehrh., et R. alectorolophus, Poll., vivent aussi bien 
parmi les céréales que dans les prés. Le Melampyrum ar- 
vense, Lim., muni de-ses larges bractées colorées, est une 
des belles plantes des champs , et devient parfois si abon- 
dant, qu'il nuit aux récoltes. 

Plusieurs ombellifères se rencontrent dans les champs culti- 
vés ; les plus communes sont le Scandix pecten veneris, Lin., 
le Buplecrum rotundifolium, Lin., et surtoutle Carum bul- 
bocastanum , Koch., dont les racines sont comestibles ; le 
Turgenia latifolia, Hoffm., est moins commun. Le Galium 
tricorne , With., rampe de tous côtés comme la variété 
Vaillantu, Koch., du Galium aparine, Lin. 

Le Camelina sativa, Crantz., variété pilosa, Dec, le 
Medicago apiculata, Nild., l'Equisetum arvense, Lin., le 
Lithospermum arvense, Lin., se rencontrent également au 
milieu des champs et dans les vignes. Les terrains frais pro- 


394 RÉGION DES PLAINES. 


duisent le Sonchus arvensis, Lin., à grandes fleurs jaunes, 
et les lieux secs le Scleranthus annuus, Lin., le Chrysan- 
themum inodorum, Lin., et l’Arnoseris pusilla, Gærtn., 
qui n’accepte que les terrains granitiques. 

Les céréales s'associent presque toujours un certain nom- 
bre de graminées, telles que le Lolium multiflorum, Lam.., 
plus commun dans les prairies ; le L. temulentum, remarqua- 
ble par l'ivresse que produisent ses graines ; l’Avena fatua, 
Lin., qui domine les autres ; l’Apera spica-venti, P. de 
Beauv., aux panicules aériennes ; les Bromus racemosus , 
Lin., et B. secalinus, Lin., et le Festuca pseudo-myuros, 
Soyer-Will., qui entre aussi parfois dans les moissons. 

Les prairies artificielles sont souvent envahies par les 
mêmes plantes que les céréales ; on y rencontre le Cirsium 
arvense, Scop., le Centaurea solshitialis, Lin., le Silene in- 
flata , Smith., et S, diurna, Godron., avec ses fleurs d’un 
blanc pur, et le Melilotus officinalis, Desr., dont les épis 
jaunes contrastent avec les têtes roses des trèfles ou les 
fleurs bleues des luzernes. 

A l'exception des Convolvulus et du Sinapis arvensis, 
Lin., les chanvres n’ont, pour ainsi dire, aucune plante étran- 
gère : ils les étouffent ; mais l’Orobanche ramosa, Ein., qui 
vit parasite sur leurs racines, n’a pas besoin de lumière pour 
végéter et produit en abondance sa variété jaune et son type 
violacé. 

Quand une fois les campagnes sont dépouillées de leurs 
richesses , on voit paraître en quantité les larges feuilles du 
Tussilago farfara, Lin., dont les fleurs ont été les premiè- 
res de l’année. Puis les champs se couvrent d’Heliotropium 
europæum, Lin., et surtout de Galeopsis ladanum, Lin. 
Tantôt c’est la variété parviflora , tantôt la variété angus- 
tifohia, Koch. , ou bien la variété canescens, Koch., les unes 


ASSOCIATION AGRESTE ET VICINALE. 339 


et les autres à fleurs rouges ou blanches , et colorant les 
guérets. 

Le Polygonum convolvulus, Lin., l'Euphrasia odonti- 
tes, Lin., et les têtes veloutées du Trifolium arvense, Lin., 
et de sa variété gracile, concourent, par leur nombre , à cou- 
vrir encore la terre pendant les derniers jours d'automne, 
et, si nous y ajoutons les Euphorbia exiqua, Lin., E. fal- 
cata, Lin., et l’Alchemulla arvensis, Scop., nous aurons une 
idée du nombre et de la variété des ennemis que l’homme 
doit combattre, et qui, chaque année, lui disputent ses con- 
quêtes. 


Association des vergers et des vignes. 


L'homme cherche à réunir autour de lui les arbres qui lui 
fournissent leurs fruits, et l’on voit, sur le plateau central de 
la France, des champs et des prairies entièrement plantés 
de pommiers et de poiriers, de cerisiers , d’abricotiers et 
d’autres espèces soumises à la culture. Ce sont des vergers, 
sous lesquels on cultive ordinairement des prairies ou que 
l’on ensemence en céréales. Nous n'avons donc pas à nous 
en occuper, à moins que ces terrains cultivés en arbres frui- 
tiers ne soient abandonnés à eux-mêmes, ou du moins puis- 
sent admettre sous leur ombrage d’autres espèces que celles 
qui constituent les prés ou qui entrent dans l’association des 
moissons, Ce sont alors les mêmes conditions que pour les 
vignes, et nous nous bornerons à constater, sur les pommiers 
principalement , les buissons plus ou moins volumineux du 
guy, Viscum album, Lin. , que les oiseaux y sèment en 
abondance. Cette plante, qui vit sur un grand nombre d’ar- 
bres , est essentiellement sylvestre ; mais on la trouve aussi 
dans les haies, sur les arbres isolés, quoiqu’elle préfère po- 
sitivement la station des vergers. 


330 RÉGION DES PLAINES. 


Quant aux vignes, elles constituent une réunion arbores- 
cente et artificielle du Vitis vinifera, Lin., et ses nombreu- 
ses variétés occupent de grands espaces: 

Ces terrains sont aussi plantés de poiriers, cerisiers , 
abricotiers et pêchers; on y voit également des amandiers, 
et ces arbres teignent les coteaux, dès les premiers jours du 
printemps, de leurs fleurs blanches et roses. L'aspect des 
campagnes est alors d'autant plus admirable , que les pre- 
mières feuilles paraissent et mêlent leur verdure naissante 
aux groupes fleuris de tous ces arbres fruitiers. | 

Toujours bien exposés et très-secs, ces coteaux sont les 
points les plus chauds , et, de très-bonne heure , des espèces 
- nombreuses y fleurissent et y fructifient. Nous ne rappelle- 
rons pas celles que nous avons citées dans les moissons, et 
qui, pour la plupart, entrent aussi dans les vignes ; nous si- 
unalerons, comme des plus précoces et des plus abondantes, 
le Senecio vulgaris, Lin., l'Alsine media, Vill., le Calen- 
dula arvensis, Lin. le Capsella bursa pastoris, Mœnch., qui 
là, comme dans les jardins, fleurissent et fructifient pendant 
toute la durée de l'hiver, si la gelée le leur permet. Puis 
viennent les valerianelles, Valerianella olitoria, Poll., V. 
carinala, Lois., et sa curieuse variété folosa, le V. dentata, 
Poll., et sa variété lasiocarpa, Koch., le V. auricula, Dec.. 
espèces confondues sous les noms de mâches, doucettes, sa- 
lades de blés, et que l’on mange en hiver, avant leur flo- 
raison. 

Presque en même temps paraissent le Fumaria Vaillantii, 
Lois., et le F. officinalis, Lin., avec deux variétés, elalior et 
floribunda, Koch. Ces plantes, et la dernière surtout, ne 
manquent pas d'élégance. Elles croissent fréquemment en 
société de l’Holosteum umbellatum, Lin., et du Tlaspi 
perfoliatum, Lin. Alors fleurissent déjà depuis longtemps 


ASSOCIATION AGRESTE ET VICINALE. 337 
le Veronica polita, Fries., et sa variété gracilis, Godron., 
le V. agrestis, Lin., le V. præcox., AI, et le V. arvensis, 
Lin., toutes à petites fleurs bleues, et les Lamium pur- 
pureum, Lin., L. ampleæicaule, Lin., et L.incisum, Willd., 
le dernier, moins commun que les deux autres, et apparte- 
nant surtout à la région occidentale de notre circonscription. 

Dès le mois d'avril, on voit paraître les jolis grelots bleus 
et odorants du Muscari racemosum, Mill. , les touffes déliées 
de l’Arenaria serpyllifolia, Lin., et les larges ombelles de 
l'Euphorbia helioscopia, Lin. 

Nous pouvons encore nommer, parmi les espèces verna- 
les, le Caucalis daucoides, Lin., l’Isatis tinctoria, Lin., 
et sa variété campestris, Koch., moins rare que le type ; lA- 
ristolochia clematitis, Lin., qui se tient surtout sur la li- 
sière des champs ; le Calamintha acinos, Clairv., et les 
touffes nombreuses et légères de l’Alopecurus agrestis, Lin. 

Quand les vignes , attachées sur des échalas assez élevés, 
commencent à donner de l’ombrage, un grand nombre de 
plantes s'y réfugient, et leur végétation tient alors le mi- 
lieu entre celle des champs et celle des coteaux. Les pavots en 
sont les plantes les plus éclatantes. Le Papaver rhœas, Lin., 
y est moins commun que dans les moissons, mais il est 
remplacé par les P. dubium, Lin., P. argemone, Lin., par 
les Glaucrum corniculatum , Curt., et G. luteum , Scop. 
On y voit paraître en même temps le Tragopogon crocifo- 
lium, Lin., à fleurons violets, et le T. major, Jacq., à fleurs 
jaunes. Les Allium y sont nombreux ; on v cultive A. cepa, 
Lin., À. ascalonicum, Lin., À. porrum, Lin., et À. sati- 
vum, Lin. On y voit en abondance et spontanés les À. vi- 
neale, Lin., et À. sphærocephalum, Lin. Plusieurs gra- 
minées s’y développent aussi ; telles sont les Bromus ste- 


rilis, et B. tectorum , Lin., le Panicum glabrum, Gaud., 
22 


338 RÉGION DES PLAINES. 


le Phleum asperum , Nill., et les Setaria viridis, P. de 
Beauv., et S. verticillata, P. de Beauv. Le Rumex scuta- 
tus, Lin., var. glaucus, qui paraît être une espèce distincte, 
abonde dans les lieux pierreux ; le Centaurea scabiosa, Lin., 
l'Erigeron canadense , Lin., Inula bifrons, Lin., Knautia 
arvensis, Coult, Barkhausia taraxacifolia, Dec., Sonchus 
asper, Vill., et le S. oleraceus, Lin., apparaissent tous en 
même temps ainsi que le Chondrilla juncea, Lin. Le Bo- 
rago officinalis, Lin., ne paraît pas y être spontané comme 
l’'Echinospermum lappula, Lehm., qui cependant n’y est 
pas très-commun. Le Saponaria officinalis, Lin., élève sur 
les bords des vignes ses élégants bouquets, et l’Orlaya 
grandiflora, Hoffm., y étale quelquefois ses larges ombel- 
les irrégulières. On y voit croître aussi le Diplotaxis vi- 
minea, Dec., le Chenopodium hybridum, Lin., et le €. 
album , Lin., avec sa variété viride, Godr. Plus tard le 
Lathyrus latifolius, Lin., décore les mêmes lieux de ses 
larges fleurs, et le Physalis alkekengi, Lin., y mürit ses 
fruits rouges et vésiculeux qui succèdent à ses petites fleurs 
blanches et rotacées. 

On y trouve çà et là le Tordylium maximum, Lin., por- 
tant ses fruits ciselés, l’Euphorbia peplus, Lin., l'E. la- 
Uyris, Lin., le Lainaria spuria, Mill., et l'Æthusa cyna- 
pium, Lin., moins commun que dans les jardins. 

Le Mercurialis annua, Lin., est aussi très-répandu dans 
les vignes, le Sedum reflexum , Lin., et sa variété glau- 
cum, Koch., y font souvent leur résidence , tandis que le 
Fœniculum officinale, AÏ. , et le Pastinaca sativa, Lin., 
végètent en abondancele long des sentiers qui les traversent. 
Les vignes qui avoisinent les villes sont de véritables jardins ; 
les plantes cultivées s’y multiplient , les espèces spontanées 
s’en éloignent et se réfugient dans les champs incultes ou 


ASSOCIATION AGRESTE ET VICINALE. 339 


sur le bord des chemins où nous allons les trouver en grand 
nombre. 


Association des champs inculles. 


Dans quelques contrées où la culture perfectionnée à 
supprimé les jachères et les a remplacées par des plantes 
sarclées, les champs ne se reposent plus, et la végétation 
dont nous allons parler n'existe pas. À peine quelques indi- 
vidus de plusieurs de ces espèces se retrouvent-ils sur le 
bord des chemins ou dans les moissons. Dans d’autres pays 
au contraire, où les champs restent longtemps en friche , et 
où la culture se promène sur de vastes étendues de peu de 
valeur, ces espèces abondent et se développent au point 
d’envahir presque entièrement le sol sur de très-grande 
espaces. 

La végétation des champs incultes a cela de particulier 
qu'elle se compose d’un certain nombre de plantes élevées 
ou de taille moyenne , et d’une grande quantité de petites 
espèces que l’on voit se succéder toute l’année. 

Parmi les premières, les plus apparentes et les plus fré- 
quentes sont les Verbascum ; leurs grandes et nombreuses 
espèces couvrent parfois des champs tout entiers. On y re- 
marque les V. {kapsiforme, Schrad., V. floccosum, Walds. 
et Kit., le V. phlomoïdes, Lin., et sa variété australe, 
le V. lychnitis, Lin., à fleurs jaunes ou à fleurs blanches , 
le V, nigrum , Lin., avec ses belles étamines velues, le V. 
Schraderi, Mey., et comme ces espèces vivent souvent 
pêle-mêle , il n’est pas étonnant de trouver çà et là leurs 
hybrides ordinairement stériles. De ce nombre sont le V. 
thapso-lychnitis, Mert. et Koch., le V. thapso-floccosum, 
Lec. et Lam., très-rare, le W. {kapso-nigrum, Schied., le V. 


340 RÉGION DES PLAINES. 

lychnitidi floccosum, Ziz., et le V.nigro-floccosum, Koch., 
également très-rare. Le Digitalis purpurea, Lin., est aussi 
trés-commun dans tous les champs où le sol ne contient pas 
de calcaire, et on le voit élever ses superbes épis et varier du 
blanc au carmin foncé les teintes de ses fleurs ; le D. lutea, 
Lin. croit dans les mêmes circonstances, et, à de longs inter- 
valles, on rencontre un pied de leur hybride le D. purpureo- 
lutea, Mey., qui est aussi stérile. 

Aïlleurs les champs abandonnés se couvrent du grand 
Chrysanthemum leucanthemum, Lin., ou bien ils sont en- 
vahis par le Falcaria Rivini, Host.,le Galium verum, Lin., 
les Linaria striata, Dec., L. vulgaris, Mill., et ils admettent 
- bien plus rarement le L. arvensis, Dec. L’Hypericum per fo- 
ratum, Lin., couvre quelquefois de très-vastes terrains, et 
l'Ononis spinosa, Lin., s'empare aussi de sols très-étendus. 

Les crucifères sont assez communes dans cette station. 
On y trouve les Barbarea intermedia , Boreau., B. præcox, 
R. Brown., le Sinapis cheiranthus, Koch., le S. alba, 
Lin., et l’Eruca sativa, Lam. 

Le Daucus carota, Lin., étale de tous côtés ses ombel- 
les marquées d’un point de pourpre, le Torilis anthriseus, 
Gmel., abandonne les haies pour se développer en plein 
champ , le Senecio viscosus , Lin., forme çà et là quelques 
groupes, et le S. erucæfolius, Lin. , constitue de vérita- 
bles buissons couverts de fleurs dorées. On rencontre com- 
munément le Carlina vulgaris, Lain., le Picris hieracioi- 
des, Lin., les Euphorbia stricta, Lin., et E. platyphylla, 
Lin., et le Cynodon dactylon , Pers., si les terres sont 
humides ; si au contraire les champs sont secs , on y voit 
les épis bleus du Lupinus angustifolius, Lin. , les touffes 
cotonneuses du Stachys germanica, Lin., les élégants 


ASSOCIATION AGRESTE ET VICINALE. 341 


faisceaux fleuris du Silene armeria, Lin., l'Althæa hir- 
sula, Lin., et les groupes découpés du Scabiosa colum- 
baria, Lin. 

Parmi les plantes moins apparentes, et souvent très- 
petites , il y a plusieurs familles dominantes , et qui sont 
représentées par un bon nombre d'espèces. Nous trouvons 
dans les graminées le Panicum sanguinale, Lin., P. cihare, 
Retz, beaucoup de Festuca, tels que F. duriuscula, Lin., 
et sa variété glauca, F. ovina, Lin., offrant les variétés 
tenuifolia et flava, F. Lachenalii, Spenn., et sa variété 
ramosa , Koch., F. rigida, Kunt., et F. sciuroïdes , Roth. 
On rencontre fréquemment le Poa bulbosa, Lin., dont les 
panicules verdoyantes décèlent la variété vivipara, Koch., 
de petites Avena telles que À. præcox , P. de Beauv., À. 
tenuis, Mœnch., et le léger A. caryophyllea, Wigg., qui 
peut-être est encore surpassé en délicatesse par le Chama- 
grostis minima , Borkh., qui se montre dès le mois d’avril. 

Une famille toute printanière, celle des crucifères , ou- 
vre de bonne heure ses fleurs jaunes ou blanches. C’est 
d’abord le Draba verna, Lin., humble miniature du règne 
végétal, et qui commence pour le botaniste la série des récol- 
tes et des études , l’Arabis hirsuta, Scop., le Sisymbrium 
thalianum, Gaud., le Cardamine hirsuta, Lin., le Teesda- 
lia nudicaulis, R. Brown. , et les Nasturtium pyrenai- 
cum , R. Brown., et N. sylvestre, R. Brown. Les véroni- 
ques et les Myosotis arrivent en même temps. Parmi les pre- 
mières on distingue les Veronica verna, Lin. V. serpylhfolia, 
Lin., et parmi les secondes les Myosohs versicolor, Pers., 
M. intermedia Link., M. hispida, Schlech. et M. stricta, 
Link. Plus tard on voit succéder aux borraginées des la- 
biées et des personnées , les Stachys arvensis, Lin., et S. 


342 RÉGION DES PLAINES. 


annua, Lin., le Teucrium chamædrys, Lin., et T. scorodo- 
ma, Lin.; dans les lieux un peu humides, le Mentha gen- 
ülis, Lin., A. pulegium, Lin., et les magnifiques épis bleus 
de l’Ajuga genevensis, Lin. L’Anarrhinum bellidifolium, 
Desf., étale ses Jolies rosettes et ses hampes fleuries près des 
épis unilatéraux de l’Euphrasia serotina, Lam., tandis que 
les Linaria minor, Desf., L. Pelisseriana, Mill., et ZL. ela- 
tine, Mill., épancuissent çà et là leurs corolles irrégulières. 

La famille des caryophyllées a dans les champs une foule 
de petites espèces printanières qui offrent plus d'intérêt 
que d'éclat. Ce sont d’abord de nombreux Cerastium; C. 
glutinosum , Fries., C. brachypetalum, Desp., €. glomera- 
tum, Thull., €. semidecandrum, Lin., C. triviale, Link., 
tous assez difficiles à distinguer; puis viennent l’Alsine tenui- 
folia, Wahlenb., le Spergula pentendra, Lin. , le Gypso- 
phila muralis, Lin., avec sa variété serotina, le Lepigo- 
num rubrum , Wahlenb., et les frais gazons des Sagina pa- 
tula, Jordan, S. subulata, Wimm., S. procumbens, Lin. 
et S. apetala, Lin. 

Les légumineuses nous offrent l’Ononis repens, Lin., 
le petit Vicia lathyroides, Lin., l’Ornithopus perpusillus , 
Lin., et sa variété intermedius. On remarque aussi le Coro- 
nilla scorpioïdes, Koch., et une série de petits trèlles , tels 
que le curieux Trifolium subterraneum, Lin. , qui se sème 
lui-même, le T. glomeratum , Lin., le rare T. parviflorum , 
Ehrh. et le 7. repens, Lin., qui se montre partout. C’est 
plus tard que les synanthérées apportent leur brillant con- 
tingent. On y compte l'Erigeron acris, Lin., muni de ses 
brillantes aigrettes , l’Anthemis nobilis, Lin. , bien plus 
rare que les A. cotula, Lin., et A. arvensis, Lin., qui 
couvrent parfois des campagnes entières. L'Achillea malle- 


ASSGCIATION AGRESTE ET VICINALE. 343 


folium, Lin., se fait remarquer par son feuillage divisé à 
l'infini et les nuances si tendres de rose et de lilas que 
prennent ses corymbes ; le Thrincia Aarta, Roth., épanouit 
ses disques d’or; les Xeranthemum inapertum, Wild. , et 
X. cylindraceum , Smith., entr'ouvrent leurs calathides 1m- 
mortelles ; le Logfia gallica, Coss. et Germ., les Filago 
arvensis, Lin. , et F. germanica, Lin. , contrastent par leur 
aspect cotonneux avec les espèces voisines. 

Lastation dont nous nous occupons produit encore un grand 
nombre d’espèces dont la plupart se retrouvent ailleurs; telles 
sont le Crucianella augustifolia, Lin., le Geranium colum- 
binum, Lin. , le Jasione montana, Lin. , dont les fleurs 
bleues couvrent quelquefois de grandes surfaces. On voit aussi 
le Papaver hybridum, Lin., le P. argemone, Lin., ou sa 
variété laciniatum, rarement le Goodyera repens, KR. Brown. 
et le Buplevrum affine, Sadler. Nous pouvons citer aussi 
l’'Ornithogalum umbellatum, Lin., le Stellera passerina , 
Lin., le Plantago serpentina , Lam. 

Dans les champs qui ont été inondés on remarque le 
Ranunculus repens, Lin., le Myosurus minimus , Lin., 
l'Erythræa pulchella , Fries. 

Les lieux au contraire que l’écobuage a desséchés, se 
couvrent en entier du Rumex acetosella, Lin., qui les teint 
en rouge pourpre sur de vastes étendues. Ailleurs c’est le 
Sherardia arvensis, Lim., qui se développe outre mesure ; 
on voit aussi le Polyenemum majus, Alex. Braun, le P. 
arvense, Lin., le Sedum rubens, Lin., en nombreuses so- 
ciétés. Enfin , dans d’autres endroits , le sol est couvert de 
petites plantes basses et rampantes où l’on distingue le 
Scleranthus perennis, Lin., le Corrigiola littoralis, Lin., 
et les rosettes étalées des Herniaria glabra, Lin., et H. 
hirsuta , Lin. 


344 REGION DES PLAINES. 


Association des bords des chemins. 


Dans les contrées bien cultivées, comme dans celles qui 
sont trop arides , il existe un grand nombre d'espèces qui 
sont chassées des champs et des vignes , et qui ne trouvent 
de refuge que le long des chemins, des sentiers et des fos- 
sés, sur les berges des rivières et des ruisseaux. D'autres 
ont une prédilection marquée pour toutes les voies de com- 
munication , et les préfèrent lors même qu’elles peuvent 
encore vivre ailleurs. Le botaniste y trouve des récoltes faci- 
les, puisqu'il n’a pas à s’écarter des voies tracées. C’est là 
qu'il rencontre en grande partie les espèces de la tribu des 
carduacées et plusieurs autres synanthérées. Le Carduus 
nutans, Lin., est un des plus communs et des plus remar- 
quables par ses grosses fleurs penchées , rouges et quelque- 
fois blanches ; on y trouve aussi, mais bien plus rarement, 
les Carduus vivariensis, Jord., et C. tenuiflorus, Lin.; le 
Cirsium lanceolatum, Scop., est conimun, et le C. eriopho- 
rum, Scop., et sa variété mile, s'élève en magnifiques buis- 
sons dont les capitules semblent entourés de toile d’arai- 
gnée. Le même phénomène se fait remarquer sur le Lappa 
tomentosa, Lam., tandis qu'il n'existe pas sur le L. major, 
Gærtn., ni sur le L. minor, Dec., tous trois assez répandus 
le long des chemins et autour des habitations. De magnifi- 
ques rosaces panachées de blanc et de vert attirent les re- 
gards ; ce sont les feuilles du Silybum marianum , Gærtn., 
qui croît près des larges touffes de l’Onopordum acanthium, 
Lin., et des pousses épineuses du ÆXentrophyllum lanatum, 
Dec. On distingue aussi plusieurs centaurées, dont l’une, 
le Centaurea calcitrapa , Lin., vient ajouter son contingent 
d’épines à celles des carduacées, tandis que l’autre, Centau- 
rea amara, Lin., inoffensive au physique, rachète l’amer- 


ASSOCIATION AGRESTE ET VICINALE. 345 


tume de ses feuilles par sa couronne de fleurons empourprés ; 
le Lapsana communs, Lin., ouvre ses petites fleurs jaunes, 
et le Cichorium intybus, Lin., étale dans les mêmes lieux 
ses disques d’un bleu pur et transparent. Les laitues se dis- 
putent aussi le bord des chemins ; telles sont les Lactuca sa- 
ligna, Lin., L. scariola, Lin., et sa variété altissima , le L. 
virosa , Lin. ; puis vient le Matricaria chamomilla, Lin., 
avec ses capitules jaunâtres , le Podospermum laciniatum, 
Dec., le Phænixopus ramosissima, Rchb., avec son Oro- 
banche cœrulea, Vill., le Taraxacum lævigatum, Dec., 
aux plumeuses aigrettes, et sa variété erythrospermum 
aux graines d’un beau rouge. Ces espèces ne sont pas Îles 
seules de la vaste famille des synanthérées , il faut encore 
y ajouter le Leontodon autumnale, Lin., l’nula conyza, 
Dec., le Pulicaria dysenterica, Gærtn., en touffes le long 
des fossés, le Barkhausia fœtida, Dec., aux blanches se- 
mences, le Crepis pulchra, Lin., et le C. virens, Vill., qui, 
avec ses variétés agrestis, Koch., et diffusa , orne les ber- 
ges des chemins de ses nombreuses fleurs d’un jaune pur. 
L’Artemisia vulgaris est commun partout, et le Tanacetum 
vulgare, Lin., qui suit avec profusion les bords des chemins 
de fer jusqu’à la mer Baltique, ne se rencontre 1c1 que çà et 
là par touffes isolées. Le Xanthium strumarium , Lin., se 
mêle assez souvent à cette végétation. 

Nous ne rappellerons pas les graminées que nous avons 
déjà citées comme se développant au milieu des champs ; 
nous citerons surtout comme occupant les lisières et le bord 
des chemins le Triticum repens, Lin., et sa variété glaucum, 
l’Andropogon ischæmum, Lin. , lÆgilops triuncialis, Lin., 
l’Eragrostis megastachya, Link., le Bromus arvensis, Lin. 
On y voit aussi le Tragus racemosus, Desf., le Poa dura, 
Scop., le Lolium perenne , Lin., avec sa variété tenue, et 


346 RÉGION DES PLAINES. 

parmi les Carex, le C. hordeistichos, Vill., le C. prϾcox, 
Lin., très-commun , et le C. schreberi, Schrank., beaucoup 
plus rare. 

Plusieurs Geranium sont communs le long des chemins, 
et presque tous s’y trouvent. Les plus répandus sont les 
Geranium pusillum, Lin., G. rotundifolium, Lin. G. dis- 
sectum, Lin., G. molle, Lin., G. pyrenaicum , Lin., et les 
Erodium cicutarium , l'Hert., et Æ. ciconium, Willd., 
variant beaucoup par la taille des individus. 

I! y a des familles presque entières qui fuient les routes 
et les chemins, et d’autres s’y montrent en abondance. Les 
crucifères y sont assez largement représentées par les Lepi- 
dium campestre, R. Brown., L. Smithii, Hooker, L. gra- 
minifolium , Lin., Diplotaxis muralis, Dec., et Alyssum 
calycinum, Lin., auxquels viennent se mêler le Draba mu- 
ralis, Lin., moins commun que dans la région méridionale, 
le Bunias erucago , Lin., et le Brassica nigra, Koch. 

Une ombellifère extrêmement répandue dans la station 
que nous décrivons, est l’Æryngium campestre, Lin., portant 
assez souvent l’élégante Orobanche amethystea , Thuill. 
On y recueille aussi le Seseli montanum, Lin., et sa variété 
glaucum , et le Torilis nodosa, Gærtn. Parmi les légumi- 
neuses on distingue le Trifolium fragiferum , Lin., le long 
des fossés inondés, le T. procumbens, Lin., et sa variété 
minus offrant à peine quelques fleurs , le Lotus tenwifolrus, 
Rchb., et partout le Hedicago falcata, Lin. 

Plusieurs labiées y paraissent également. On y voit le 
Salvia æthiopis, Lin. , avec son feuillage laineux, le S. 
sclarea, Lin., le S. verbenaca, Lin., et le $. pratensis, Lin., 
plus répaodu dans les prairies. L'Origanum vulgare, Lin., 
y forme des touffes odorantes; le Calamintha menthæfolia, 
Host., et le Teucrium scorodonia , Lin., y végètent avec 


ASSOCIATION AGRESTE ET VICINALE. 347 


force , et le Clinopodium vulgare, Lin., s’y montre avec 
ses verticilles distancés. 

Tous les chemins sont bordés de Verbena officinalis, Lin. 
de Cynoglossum pictum , Ait., et C. officinale, Lin. Le 
Eycopsis arvensis, Lin., y montre ses petites corolles bleues, 
et le Lithospermum officinale , Lin., y mürit ses semences 
semblables à des perles. Les lieux humides recèlent les Ver- 
bascum blattaria , Lin., et V. blattarioides , Lam., tandis 
que les malvacées cherchent les endroits les plus secs pour 
y ouvrir leurs larges et brillantes corolles ; le Malva alcea , 
Lin., avec ses variétés fastigiala et bismalva, le M. mos- 
chata, Lin. , et sa variété gracilis sont les fleurs les plus 
éclatantes du bord des chemins, où l’on trouve encore le 
Malva rotundifolia, Lin., et les grands buissons de l’Althæwa 
cannabina , Lin. 

Le Reseda luteola, Lin., est aussi une de ces plantes rus- 
tiques que l’on trouve partout, comme les Atriplex patula, 
Lin., et sa variété intermedia. Ce sont parmi les plantes de 
cette famille celles qui consentent le plus facilement à s’éloi- 
gner des habitations. 

L'yèble où Sambucus ebulus, Lin., abonde dans certains 
terrains , et forme des forêts en miniature qui bordent les 
chemins ou envahissent les terres. Le Cerastium arvense, 
Lin., et ses variétés grandiflorum et umbrosum, plus hum- 
bles , se contentent de la lisière ou de la berge des fossés , 
tandis que le Plantago coronopus, Lin., se tient près des 
lieux où l’on marche et où la terre est battue. L’Helleborus 
fœtidus, Lin., lEuphorbia cyparissias, Lin., VE. verru- 
cosa, Lam., croissent près du Potentilla argentea, Lin., et 
du Dianthus prolifer, Lin. Les bords des fossés sont gar- 
nis du Dipsacus sylvestris, Mill., du Potentilla anserina , 
Lin., aux feuilles argentées. On y voit aussi le Rumex pul- 


348 RÉGION DES PLAINES. 


cher, Lin., et rarement le Lobelia urens, Lin.; les Galium 
verum, Lin., et G.mollugo, Lin. y sont très-communs , et 
leur rapprochement donne quelquefois naissance à un hy- 
bride très-curieux , le G. approximatum , Gren. 

Nous devrions citer encore les espèces plantées sur le 
bord des routes, comme le Juglans regia, Lin., les Populus 
fastigiata, Poir., P. nigra , Lin., etc.; mais cette végéta- 
tion n’a rien de spontané , et ne peut entrer dans notre ca- 
dre que comme un simple complément du tableau que nous 
essayons de tracer. 


Association des plantes domestiques. 


Il est un certain nombre de plantes qui suivent l’homme 
partout où il va s'établir, et qui, longtemps encore après 
qu'il a disparu lui-même, vivent sur les ruines qu'il a aban- 
données. Ces espèces domestiques sont, pour la plupart, 
originaires de l’Europe ou de l'Asie. Ce ne sont plus, à pro- 
prement parler, les plantes des chemins, ce sont celles des 
rues, du pied des murs, des décombres ou des jardins. Plu- 
sieurs d’entr’elles , il est vrai, se retrouvent également dans 
les champs, sur le bord des chemins, au milieu des haies ou 
des buissons, mais leur principale station ne peut être mé- 
connue : elle est auprès des habitations. 

En première ligne, nous placerons les orties, l'Urticaurens, 
Lin., et l’Urtica dioica, Lin.; peu importe l’altitude , ces 
plantes , et la dernière surtout, indiquent l’apparition de 
l’homme, et ce qui se passe sur le plateau central se repro- 
duit dans le midi pour l’Urtica pilulifera, Lin., dans les 
îles de Lérins pour l'U membranacea, Poir., en Corse pour 
VU. atrovirens, Req. On pourrait presque en dire autant 
du pissenlit, Taraxacum dens-leonis, Desf., quoique les 
aigrettes dont ses semences sont pourvues le rendent telle- 


ASSOCIATION AGRESTE ET VICINALE. 349 


ment cosmopolite, que l’on peut croire qu'il n’a ni station ni 
patrie, 

Les familles des chénopodées et des amaranthacées sont 
essentiellement domestiques ; elles ne quittent pas les lieux 
habités. On trouve au pied des murs les Amaranthus retro- 
fleæus, Lin., A. sylvestris, Desf., À. blitum , Lin. C’est 
peut-être au besoin de fumiers d’origine animale, de nourri- 
ture substantielle, d’ammoniaque ou d'engrais salins, que 
ces plantes doivent l'affection qu’elles décèlent pour le voi- 
sinage des lieux habités. Il en est de même du Carduus 
crispus, Lin., et surtout du Blitum bonus-henricus, Meyer, 
qui se développe autour des villages, et dont on retrouve le 
type sauvage sur les points les plus élevés des montagnes. 
Le B. rubrum, Rchb., avec sa variété crassifolium , Coss. 
et Germ., et le B. glaucum, Koch., acceptent indistincte- 
ment le voisinage des habitations ou des sources salées. Le 
Chenopodium vulvaria, Lin., traîne au pied des murailles 
ses tiges allongées et ses feuilles glauques et fétides ; 1l est 
accompagné du C. urbicum, Lin., avec sa variété interme- 
dium, Koch., et du C. murale, Lin., tandis que le C. polys- 
permum , Lin., envahit les jardins et les lieux cultivés. 

Deux graminées se présentent aussi à l’homme partout 
où 1l fixe sa demeure; le Poa annua, Lin., qui remplit de 
verdure les interstices des pavés des rues peu fréquentées, et 
l'Hordeum murinum, Lin., qui couvre d’épis barbus les 
remparts des places fortes, les bords des chemins, la base et 
souvent le sommet des murailles. Le Chelidonium majus, 
Lin., et sa variété laciniatum, Koch., croissent encore dans 
les mêmes endroits, avec le Dianthus caryophyllus, Lin., le 
Parietaria diffusa, Mert. et Koch., et le Linaria cymbal- 
laria, Mill. On y remarque aussi plusieurs crucifères : les 
Sisymbrium rio, Lin., S. sophia, Lin., $. officinale, Lin. 


390 RÉGION DES PLAINES. 


Ces espèces produisent des graines à profusion ; elles se 
conservent longtemps, et poussent tout à coup sur les dé- 
combres et partout où l’on essaie de fouiller, de bâtir ou 
de démolir. Le Cheiranthus cheiri, Lin., répand son par- 
fum sur les débris des vieux châteaux et sur les murs des 
chaumières ; le Sisymbrium polyceratium, Lin., croît aussi 
dans les rues des villes. D'autres ne viennent que sur la terre, 
quand le sol a été bien battu par les pas de l’homme et 
s’est endurci; telles sont le Senebiera coronopus , Poir., le 
Plantago major, Lin., et surtout le Polygonum aviculare, 
Lin. Ce dernier forme des gazons serrés ou des tapis de 
verdure , et offre de nombreuses variétés que l’on désigne 
sous les noms de latifolium, Desv., denudatum, Desv., et 
polyenemiforme ; mais le type seul appartient plus spéciale- 
ment à la station dont nous parlons. 

Le Ballota nigra, Lin.,le Marrubium vulgare, Lin., et 
le Nepeta cataria, Lin., appartiennent encore aux rues peu 
fréquentées et aux chemins battus. Il en est de même du 
Malva sylvestris, Lin., du Æyosciamus niger, Lin., du Co- 
nium maculatum, Lin., qui couvrent parfois en entier les 
cimetières des villages, et cachent les tombes sous leur 
vigoureuse végétation. 

Nous pouvons encore considérer comme des plantes plus 
ou moins civilisées le Datura stramonium , Lain., avec ses 
grandes fleurs blanches et ses capsules épmeuses : les Sola- 
num nigrum , Lin., et S. miniatum, Bernh., ainsi que sa 
variété ochroleucum , V Ecballion elaterium, Rich., et même 
l'Echium vulgare, Lin., dont les épis bleus s’allongent au 
milieu des gazons fleuris du Sedum acre, Lin. 

L'Artemisia absinthium, Lin., s'approche aussi des ha- 
bitations, avec le Chrysanthemum parthenium , Pers., le 
Lappa minor, Dec., et les autres espèces de ce genre. 


ASSOCIATION AGRESTE ET VICINALE. SM 


Le Senecio vulgaris, Lin., le Capsella bursa-pastortis , 
Moœnch., les Lamium album, Lin., et L. purpureum, Lin., 
sont aussi des preuvesde la présence de l'homme, et ses Jardins 
ont laissé échapper depuis longtemps l'Anthriseus cerefo- 
lium , Hoffm., le Portulaca oleracea, Lin., les Spinacia 
spinosa, Mœnch., et S.inermis, Moœnch., le Brassica ole- 
racea , Lin., le Beta vulgaris, Lan., variété ciela, Koch., 
l’Atriplex hortensis, Lan., et d’autres espèces encore , qui 
parfois sont restées maîtresses du sol quand son proprié- 
taire lui-même avait disparu. 


Liste des plantes appartenant à la station complexe, des moissons, des 
vergers et des vignes, des champs inculles, des bords des chemins et du 
voisinage des habitations. 


Adonis autumnalis, Zin. À. æstivalis, Zin. I. var. pal- 
lida, Koch. Xd. var. laciniata. A. flammea, Jacqg. Myosu- 
rus minimus, Lin. Ranunculus repens, Lin. KR. arvensis, 
Lin. R. parviflorus, Zin. Helleborus fœtidus, Zin. Del- 
phinium consolida, Zin. Papaver hybridum, Zin. P. arge- 
moné, Lin. Id. var. laciniatum. P. rhæas, Lin. Id. var. 
Roubiæi. P. dubium, Zn. I. var. lævigatum. Glaucium 
luteum, Scop. G. corniculatum , Curt. Chelidonium majus, 
Lin. Id. var. lacimiatum, Koch. Fumaria officinalis, Lin. 
Id. var. elatior. Id. var. floribunda , Koch. F. Vaillantn, 
Lois. Cheiranthus cheiri, Lin. Nasturtium sylvestre, R. 
Brown. N. pyrenaicum , À. Brown. Barbarea intermedia, 
Boreau. B. præcox, R. Brown. Arabis hirsuta, Scop. Car- 
damine hirsuta, Lin. Id. var. umbrosa. Sisymbrium offici- 
nale, Zin.S.irio, Zan.S. sophia, Lin.S. thalianum, Gaud., 
Erysimum orientale, R. Brown. Brassica oleracea , Lin., 
B. campestris, Lin. B. rapa. Lin. B. nigra. Koch. Sinapis 
arvensis, Zin. S. alba, Lin. S. cheiranthus, Koch. Diplo- 


392 RÉGION DES PLAINES. 


taxis muralis, Dec. D. viminea, Dec. Eruca sativa, Lam. 
Draba muralis, Zin. Alyssum calycinum, Lin. Draba verna, 
Lin. Camelina microcarpa Andrez. C. sativa. Crantz. var. 
pilosa, Dec. Thlaspi arvense, Lin. T. perfoïatum , Zin. 
Teesdalia nudicaulis, R. Brown. Iberis amara, Lin. Lepi- 
dium campestre, À. Brown. L. Smithn, Hooker. L. grami- 
nifolium, Lin. Capsella bursa pastoris, Mæœnch. Senebiera 
coronopus, Poir. Isatis tinctoria, Lin. var. campestris, 
Koch. Miagrum perfoliatum, Zin. Neslia paniculata, Dec. 
Calepina Corvini, Desv. Bunias erucago, Lin. Raphanus ra- 
phanistrum , Lin. Viola segetalis, Jordan. V. agrestis , 
Jordan. Reseda luteola, Lin. Gypsophila muralis, Lin. Id. 
var. serotina. Dianthus prolifer, Lin. D. caryophyllus, Lan. 
Saponaria vaccaria, Lin. S. officinalis, Lin. Silene inflata, 
Smith. S, armeria, Lin. S. diurna, Godr. Agrostemma gi- 
thago, Lin. Sagina apetala , Lin. S. patula, Jord. S. pro- 
cumbens, Lin. S. subulata, Wimm. Spergula pentandra, 
Lin. Lepigonum rubrum , Wahl. Alsine tenuifolia, Wahl. 
Id. var. viscidula, Dec. Arenaria serpyllifolia, Lin. Holos- 
teum umbellatum, Lin. Stellaria media, Vill. Cerastium 
glomeratum , Thuill. C. brachypetalum, Desp. GC. semide- 
candrum, Lin. C. glutinosum , Fries. C. triviale, Link. C. 
arvense , Lin. Id. var. grandiflorum, Id. var. umbrosum. 
Malva aicea, Lin. Id. var. bismalva. M. fastigiata. Cav. M. 
moschata, Lin. Id. var. gracilis, M. silvestris, Lin. M. ro- 
tundifolia, Lin. Althæa cannabina, Lin. À. hirsuta, Lin. 
Hypericum perforatum, Lin. Vitis vinifera, Lin. Geranium 
pyrenaicum, Lin. G. pusillum, Zin. G. dissectum, Zin. 
G. columbinum, Zin. G. molle, Lin. Erodium cicutarium, 
l'Her. E. ciconium, Walld. Lupinus angustifolius, Lin. 
Ononis spinosa, Lin. O. repens, Zin. Medicago sativa, 
Lin. M. falcata, Zan. M. lupulina, Lin. M. apiculata , 


ASSOCIATION AGRESTE ET VICINALE. 393 


Villd. Melilotus officinalis, Desr. Trifolium arvense, Lin. 
Id. var. gracile. T. subterraneum, Lin. T. fragiferum, Lin. 
T. glomeratum , Zin. T. parviflorum, Ehrh. T. repens, 
Lin. T. agrarium, Lin. Id. var. minus, Koch. T. procum- 
bens, Zin. Id. var. minus. Lotus corniculatus Lin. L. 
tenuifolius, Rchb. Coronilla scorpioïdes , Koch. Coronilla 
varia, Lin. Ornithopus perpusillus, Zin. Id. var. interme- 
dius. Onobrychis sativa, Lam. Vicia tenuifolia, Roth. V. 
faba, Lin. V. purpurascens, Dec. V. lutea, Zin. V. sativa, 
Lin. V. angustifolia, Roth. Id. var. Bobartn, Koch. V. 
lathyroides , Lin. Ervum tetraspermum , Zin. E. gracile, 
Dec. E. monanthos, Lin. E. erviia, Lin. E. lens, Zan. 
Pisum arvense, Lin. P. sativum , Zin. Lathyrus aphaca, 
Lin. L. Nissolia, Zin. L. sativus, Lin. L. angulatus, Lin. L. 
hirsutus, Lin. L. tuberosus, Lin. L. latifolius, Lin. Persica 
vulgaris, Mill. Amygdalus communis, Lin. Armeniaca vul- 
garis, Lam. Potentilla anserina , Lin. P. argentea, Lin. 
Alchemilla arvensis, Scop. Ecballion elaterium, Rich. Por- 
tulaca oleracea, Lin. Corrigiola littoralis, Lin. Herniaria 
glabra, Lin. H. hirsuta, Lin. Scleranthus perennis, Lin. 
S. anauus, Lin. Sedum rubens, Lin. S. reflexum, Lin. Id. 
var. glaucum, Koch. Eryngium campestre, Lin. Falcaria 
Rivini, Host. Carum bulbocastanum , Koch. Buplevrum 
affine, Sadler. B. rotundifolium , Lin. Æthusa Cynapium , 
Lin. Fœniculum officinale, All. Sesell montanum, Lin, 
Pastinaca sativa, Lin. Tordylium maximum, Lin. Or- 
laya grandiflora, Hoffm. Daucus carota, Lin. Id. var. gra- 
cilis. Caucalis daucoïdes, Lin. Turgenia latifolia, Hoffm. 
Torilis anthriscus, Gmel. T. nodosa, Gœrtn. Scandix pecten 
veneris, Lin. Anthriscus cerefolium , Hoffm. Viscum al- 
bum , Lin. Sambucus ebulus, Lin. Sherardia arvensis, Lin. 
Asperula arvensis, Lin. Rubia tinctorum, Lin. Crucia- 


23 


394 RÉGION DES PLAINES. 

nella angustifolia, Lin. Galium tricorne, With. G. apa- 
rine, Lin. var. Vaillantü, Koch. G. verum, Lin. G. approxi- 
matum, Gren. Valerianella olitoria, Pollich. V. carinata, 
Lois. Id. var. foliosa. V. dentata, Poll. V. auricula, Dec. 
Dipsacus sylvestris, Mill. Knautia arvensis, Coult. Scabiosa 
columbaria, Lin. Tussilago farfara, Lin. Erigeron canaden- 
sis, Lin. E. acris, Lin. Inula conyza, Dec. L. bifrons, Lin. 
Pulicaria dysenterica, Gærtn. Filago germanica, Lin. F. 
arvensis , Lin. Logfia gallica, Coss. et Germ. Tanacetum 
vulgare , Lin. Artemisia absinthium , Lin. A. vulgaris , 
Lin. Achillea millefolium, Lin. Anthemis arvensis, Lan. 
A. cotula , Lin. A. nobilis. Lin. Matricaria chamomilla, 
Lin. Chrysanthemum leucanthemum. Lin. C. parthenium, 
Pers. C. inodorum , Lin. Senecio vulgaris, Lin. S. visco- 
sus, Lin. S. erucæfolius , Lin. Calendula arvensis, Lin. 
Cirsiuml anceolatum, Scop. C. eriophorum, Scop. C. ar- 
vense, Scop. I. var. horridum. Silybum marianum, Gærtn. 
Carduus tenuiflorus, Lin. C. crispus , Lin. C. vivariensis , 
Jord. C. nutans, Lin. Onopordum acanthium , Lin. Lappa 
minor, Dec. L. major, Gœrtn. L. tomentosa, Lam. Car- 
lina vulgaris, Lin. Kentrophyllum lanatum , Dec. Centaurea 
amara, Lin. C. cyanus, Lin. C. scabiosa, Lin. C. solstitialis, 
Lin. C. calcitrapa, Lin. Xeranthemum inapertum, Wild. 
X. cylindraceum, Smith. Lapsana communis, Lin. Arnose- 
ris pusilla, GϾrtn. Cichorium intybus, Lin. Thrincia hirta, 
Roth. Leontodon autumnale, Lin. Picris hieracioides , Lin. 
Fragopogon major, Jacq. T. crocifolius , Lin. Podosper- 
mum lacimiatum , Dec. Id. var. subulatum. Taraxacum 
dens-leonis , Desf. T. lævigatum , Dec. Id. var. ery- 
throspermum. Chondrilla juncea , Lin. Lactuca virosa, 
Lin. L. scariola, Lin. Id. var. altissima. L. saligna , Lan. 
Sonchus oleraceus , Lin. S. asper, Vill. S. arvensis, Lin. 


ASSOCIATION AGRESTE ET VICINALE. 399 
Barkhausia fætida, Dec. B. taraxacifolia, Dec. Crepis virens, 
Vall. Id. var. agrestis, Koch. Id. var. diffusa. Crepis pul- 
chra, Lin. Lobelia urens, Lin. Jasione montana, Lin. Spe- 
cularia speculum, Alph. Dec. S. hybrida, Alph. Dec. Ery- 
thræa pulchella, Fries. Convolvulus arvensis, Lin. Helio- 
tropium europæum , Lin. Echinospermum lappula, Lehm. 
Cynoglossum officinale, Lin.C. pictum , Ait. Borago offici- 
nalis, £in. Anchusa italica , Retz. Lycopsis arvensis, Lin. 
Echium vulgare, Lin. Lithospermum officinale, Lin. L. ar- 
vense, Lin. Myosotis intermedia, Link. M.hispida, Schlech. 
M. versicolor, Pers. M. stricta, Link. Solanum miniatum, 
Bernh. Xd. var. ochroleucum. S. nigrum, Lin. S. tubero- 
sum, Lin. Physalis alkekengi, Lin. Hyosciamus niger, Lin. 
Datura stramonium , Lin. Verbascum Schraderi, Mey. V. 
thapsiforme, Schrad. V. phlomoides, Lin. Id. var. aus- 
trale. V. floccosum , Walds. et Kit. V. lychnitis, Lin. I. 
var. album, Koch. V.nigrum, Lin. V. blattarioides, Lam. 
V. blattaria, Lin. V. thapso-lychnitis, Mert. et Koch. V. 
thapso-floccosum, Lec. et Lam. V. thapso-nigrum, Schied. 
V. lychnitidi-floccosum , Ziz. V. nigro-floccosum , Koch. 
Digitalis purpurea, Lin. D. purpureo-lutea, Mey. D. lutea, 
Lin. Antirrhinum oruntium, Lin. Linaria spuria, Mill. L. 
elatine, Mol. L. Pelisseriana, Mill. L. cymballaria, Mall. 
L. minor, Desf. L. arvensis, Desf. L. striata, Dec. L. vul- 
garis, Mill. Anarrhinum bellidifolium, Desf. Veronica ser- 
pylhfohia, Lin. V. arvensis, Lin. V. verna, Lin. V. triphyl- 
los, Lin. V. præcox, All. V. agrestis, Lin. V. polita, Fries. 
Id. var. gracilis, Godron. V. hederæfolia, Lin. Orobanche 
amethystea, Thuillier. O. cærulea, Vill. O. ramosa , Lin. 
Melampyram arvense, Lin. Rhinanthus major, Ehrh. R. 
alectorolophus, Poll. Euphrasia odontites, Lin. E. serotina, 
Lam. Mentha gentilis, Lin. Salvia æthiopis, Lin. S. scla- 


396 RÉGION DES PLAINES. 


rea, Lin. S. verbenaca, Lin. Origanum vulgare, Lin. Cala- 
mintha acinos, Clairv. C. menthæfolia, Host. Clinopodium 
vulgare, Lin. Nepeta cataria, Lin. Lamium amplexicaule, L,. 
L.incisum, Walld. L. purpureum , Lin. L. album, Zan. 
Galeopsis ladanum , Zin. Id. var. angustifolia, Koch. I. 
var. canescens, Koch. Stachys germanica, Lin. S. arvensis, 
Lin. S. annua, Lin. Marrubium vulgare, Lin. Ballota ni- 
gra, Lin. Ajuga genevensis, Lin. Teucrium scorodonia, Zin. 
T. chamædrys, Lin. Verbena officinalis, Lin. Anagallis ar- 
vensis, Lin. À. cærulea, Schreb. Androsace maxima, Lin. 
Plantago major, Lin. I. var. intermedia. Id. var. minima. 
P. serpentina , Lam. P. coronopus , Zin. Amaranthus syl- 
vestris, Desf. À. blitum, Lin. À. retroflexus, Lin. Polyc- 
nemum arvense , Zin. P. majus, Alex. Braun. Chenopo- 
dium hybridum , Zin. C. urbicum, Lin. Id. var. interme- 
dium, Koch. GC. murale, Lin. CG. album, Zin. I. var. cy- 
migerum, Koch. Id. var. viride, Godron. Id. var. conca- 
tenatum, Godron. C. polyspermum, Lin. C. vulvaria, Lin. 
Blitum bonus-Henricus, Mey. Spinaca inermis, Mœnch. S. 
spinosa, Mœnch. Atriplex hortensis, Lin. À. patula, Lin. Id. 
var. intermedia. Rumex pulcher, Lin. R. scutatus, Lin. Id. 
var. glaucus. R. acetosella, Lin. Polygonum aviculare, Lin. 
Id. var. latifolium , Desv. Id. var. denudatum , Desv. Id. 
var. polycnemiforme. P. convolvulus, Zan. Stellera passerina, 
Lin. Aristolochia clematitis, Zin. Euphorbia helioscopia , 
Lin. E. platyphylla, Lin. E. stricta, Lin. E. verrucosa, Lam. 
E. cyparissias, Lin. Id. var. longebracteata. E. peplus, Lin. 
E. falcata, Lin. E. exigua, Lin. E. lathyris, Lin. Mercu- 
rialis annua, Lin. Urtica urens, Lin. U. dioica, Lin. Canna- 
bis sativa, Lin. Parietaria diffusa, Mert. et Koch. Goodyera 
repens, À. Brown. Gladiolus communis, Lin. G. segetum, 
Gawler. Ornithogalum umbellatum, Lin. Gagea arvensis , 


ROCHERS. 397 
Schult. Muscari comosum , Mill. M. racemosum , Mall. Al- 
lium sativum, Lin. A. porrum , Lin. A. sphærocephalum , 
Lin. À. vineale, Lin. A. ascalonicum, Lin. À. cepa, Lin. 
Carex Schreberi, Schrank. C. præcox, Lin. C. hordeistichos, 
Vall. Andropogon ischæmum, Lin. Tragus racemosus, Desf. 
Panicum sanguinale, Lin. P. ciliare, Retz. P. glabrum, 
Gaud. Setaria verticillata, P. de Beauv. S. viidis , P. de 
Beauv. Alopecurus agrestis, Lin. Phleum asperum, Pull. 
Chamagrostis minima, Borkh. Cynodon dactylon, Pers. 
Apera spica-venti, P. de Beauv. Avena sativa, Lin. A. 
orientalis, Schreb. À. fatua, Lin. À. tenuis, Mœnch. A. 
caryophyllea, Wigg. Id. var. elatior. A. præcox, P. de 
Beauv. Eragrostis megastachya, Link. Poa dura, Scop. P. 
annua, Lin. P. bulbosa, Lin. Id. var. vivipara, Koch. Fes- 
tuca Lachenalii, Spenn. Id. var. ramosa, Koch. Id. var. aris- 
tata, Koch. F. rigida, Kunth. F. pseudo-myuros, Soyer- 
Will. F. scauroides, Roth. F. ovina, Lin. Id. var. flava. F. 
duriuscula, Lin. Bromus secalinus, Lin. B. racemosus, Lin. 
B. arvensis, Lin. B. sterilis, Lin. B.tectorum, Lan. Triti- 
cum vulgare, Vill. Id. var. submuticum. T. turgidum, Lin. 
T. repens, Lin. Id. var. glaucum. Secale cereale, Lin. Hor- 
deum vulgare, Lin. H. hexastichon, Lin. H. murinum, Lin. 
Lolium perenne, Lin. Id. var. tenue. L. multiflorum, Lam. 
L. temulentum , Lin. Ægilops triuncialis, Lin. Equisetum 
arvense, Lin. | 


Ç 10. ASSOCIATION DES ROCHERS DE LA PLAINE. 


Il existe, parmi les plantes du plateau central, un cer- 
tain nombre d'espèces qui s’éloignent des lieux où l’eau 
peut séjourner, et qui cependant la reçoivent toujours avec 
avidité : ce sont les végétaux rupestres , qui vivent à sec sur 


398 RÉGION DES PLAINES. 


les rochers , se nourrissent par leurs feuilles comme les plan- 
tes grasses, ou profitent des moindres fissures que les pierres 
laissent entr’elles pour y insinuer leurs racines. Dans ce der- 
nier cas, toutes les plantes qui ne vivent pas le pied dans 
l’eau peuvent habiter les rochers, et, si l’année est pluvieuse, 
toutes peuvent y prospérer. Il y aurait donc, en donnant 
cette extension à la station des rochers, une multitude d’es- 
pèces qui pourraient Jui appartenir. Nous voyons tous les 
jours des chênes , des frênes , des sapins, développer leur 
feuillage et végéter au milieu des ruines, mais nous ne 
pouvons pas en conclure que ce soit là la véritable station 
de ces arbres. Ils y croissent accidentellement , et nous n’en 
rappellerons pas la liste, qui serait très-étendue. 

Cette végétation des rochers de la plaine a aussi les plus 
grands rapports avec celle des coteaux calcaires que nous 
avons décrite, et elle se rapproche également de celle des 
décombres, des ruines et des vieilles murailles. On y recon- 
naît encore plusieurs de ces végétaux qui suivent l’homme, 
et qui consentent pourtant à en vivre éloignés, si des roches 
calcaires leur fournissent les éléments minéraux dont ils ont 
besoin pour se développer. 

Ainsi réduite , la végétation propre à cette station nous 
offre encore quelques espèces , comme le lierre , Hedera 
helix, Lin., qui couvre quelquefois, à lui seul, d'énormes 
rochers volcaniques ou de toute autre nature. On voit de bonne 
heure les fleurs blanches de l’Aronia rotundifolia, Pers., 
et les milliers de fleurs jaunes du Genista pilosa, Lin. 

Les Arabis hirsuta, Scop., À. turrita, Lin., et À. au- 
riculata, Lam., variété puberula, croissent également sur 
les pierres et les murailles, et l’Æsatis tinctoria, Lin., va- 
riété campestris, Koch., se rencontre, quoique plus rare- 
ment , dans lés mêmes localités. 


ROCHERS. 359 


Les graminées qui affectionnent plus particulièrement 
cette station sont le Poa compressa, Lin., P. nemoralis, 
Lin., variété coarctata, Gaud., P. bulbosa, Lin., ainsi que 
sa variété vivipara, Koch.; le Bromus tectorum, Lin., qui 
laisse pendre ses lâches panicules , et les Festuca rigida, 
Kunth., F. ovina, Lin., et sa variété flava, qui végètent en 
maigres gazons. 

On peut citer, sur les rochers, bon nombre de synanthé- 
rées , telles que Anthemis montana, Lin. , qui choisit les 
granites et s’y couvre de disques jaunes à rayons d’un blanc 
pur ; l'Anula montana , Lin., dont les feuilles cotonneuses 
contrastent avec de beaux capitules d’un jaune d’or, tandis 
que le Lactuca perennis, Lin., se pare de ses fleurons lilas, 
et que le Gnaphalium luteo-album , Lin., y laisse pen- 
dre ses rameaux desséchés. Le Phænixopus ramosissima , 
Rchb. , y étale d’abord des rosettes de feuilles roncinées , 
puis il laisse échapper des tiges rameuses et lactescentes, 
qui se couvrent de capitules d’un jaune pâle et pauciflores. 
C’est dans les mêmes lieux qu'il faut chercher les Hrera- 
cium amplexicaule, Lin., H. murorum, Lin., I. rigidum, 
Hartm., et plusieurs autres espèces du même genre, appar- 
tenant surtout à la région des montagnes. 

On admire encore dans ces localités, comme dans les 
champs incultes , ces magnifiques épis bleus de l'Echium 
vulgare , Lin., et parfois ses variétés blanches et carnées ; 
on y trouve rarement des touffes de l’ris germamica, Lin. 
élevant ses élégants pavillons violets, tandis que, sur les 
points plus humides , le Geranium robertianum , Lin., fait 
admirer son léger feuillage et les stries régulières de ses 
pétales rosés. 

Quelques ombellifères végètent avec vigueur dans ces 
mêmes stations ; telles sont le Peucedanum oreoselinum , 


360 RÉGION DES PLAINES. 


Mœnch., le Seseli coloratum, Ehrh. On voit partout les jo- 
lis gazons du Campanula rotundifolia, Lin., qui se cou- 
vrent de clochettes bleues. 

Il faut encore ajouter à cette végétation rupestre le Teu- 
crium chameædris , Lin., le Centranthus ruber, Dec., dont 
les graines aigrettées peuvent être transportées par le vent 
sur les points les plus élevés des édifices , où l’on distingue 
leurs belles grappes pourprées. Les Melissa officinalis, Lin., 
Allium flavum , Lin., Rumeæ scutatus, Lin., variété glau- 
cus, fleurissent au milieu des roches entassées ou des 
pierres éboulées. Le Silene otites, Pers., abandonne quel- 
quefois ses coteaux pour vivre dans la même station ; le Po- 
tentilla rupestris, Lin., s’y fait remarquer par ses corolles 
blanches et rosacées, le Rubia tinctorum, Lin., par ses lon- 
gues tiges accrochantes, l’Hyosciamus albus , Lin., par ses 
élégantes capsules et par sa rareté. L’Antirrhinum majus , 
Lin. attire de loin l'attention par ses grandes fleurs rouges, à 
gorge orangée. Mais c’est principalement le groupe brillant 
des crassulacées qui établit son empire sur les rochers, et les 
cache quelquefois sous la multitude infinie de ses fleurs bril- 
lantes et de ses feuilles charnues. Les fleurs jaunes do- 
minent ; telles sont celles du Sedum refleæum , Lin., et de 
sa variété glaucum, Koch., du S. elegans, Lin., et surtout 
du $. acre, Lin., le moins élevé, mais constituant à lui seul 
des gazons étendus , qui couvrent des rochers tout entiers. 
Près de lui on voit encore le S. dasyphillum, Lin., à grosses 
feuilles glauques, le S. album, Lin., blanc par la multitude 
de ses fleurs et rouge par son feuillage; le S. hirsutum, AÏ., 
et le beau S. maximum , Sut., dont les larges feuilles d’un 
beau vert annoncent la plus vigoureuse végétation. Au mi- 
lieu de ces rochers, comme sur le toit des maisons, on voit 
les groupes serrés du Sempervivum tectorum, Lin., et dans 


ROCHERS. 361 


les lieux plus sauvages les rosettes régulières du S. arver- 
nense, Lec. et Lam. Enfin, les roches volcaniques et grani- 
tiques nous montrent souvent en abondance l’umbilicus pen- 
dulinus, Dec., d'autant plus commun sur le plateau central, 
que l’on approche davantage de sa partie méridionale. 

Le Lepidium graminifolium, Lin., forme des touffes sur 
les vieux murs et les rochers, et le Geranium lucidum, Lin., 
y étale quelquefois son feuillage lustré. 

Deux petites plantes, fortement traçantes, égaient les 
tertres rocailleux pendant leur longue floraison ; l’une naît au 
printemps, c'est le Potentilla verna, Lin., et ses variétés 
major et debilis, qui se couvrent de fleurs jaunes ; l’autre, 
le Saponaria ocymoides, Lin., attend l'été pour orner ses 
rameaux d'étoiles purpurines. Les véroniques des champs 
croissent aussi sur les murailles et sur les rochers ; on y trouve 
le Veronica triphyllos, Lin., V. prœcox, AÏ., V. agrestis, 
Lin., V. polita, Fries., ainsi que sa variété gracilis, Godron. 
On y voit aussi le Saxifraga tridactylites, Lin., le Plan- 
{ago serpentinæ, Lam., variété minima, qui forme de petits 
gazons serrés sur les masses d’arkoses et de petites caryo- 
phyllées gazonneuses, parmi lesquelles on distingue l’4/sine 
rostrata, Koch., l’Arenaria serpyllifolia, Lin.,les Sagina 
patula, Jordan, et S. apetala, Lin., qui indiquent un peu 
de fraîcheur lorsqu'on les voit apparaître. 

Presque toutes les fougères qui ne sont pas sylvestres ap- 
partiennent aux rochers. Elles exigent, il est vrai, un peu 
d'humidité, mais comme elles végètent surtout en hiver et 
au printemps, elles se trouvent fréquemment dans de bon- 
nes conditions. Elles profitent souvent des mousses, qui re- 
tiennent un peu de fraîcheur, pour abriter leurs racines. 
C’est ainsi qu'on voit le Polypodium vulgare, Lin, étaler 


362 RÉGION DES PLAINES. 


ses frondes verdoyantes, le Scolopendrium officinarum , 
Swartz, dresser ses feuilles lancéolées, tandis que le Cete- 
rach officinarum, C. Bauh., déroule ses rosettes écailleuses 
et fructifères. 

Presque tous les Asplenium croissent dans les mêmes lieux; 
l'A. septentrionale, Swartz, est assez répandu ; l'A. ruta- 
muraria, Lin., est encore plus commun, il varie à Pinfini et 
fructifie toujours. On voit étalées les feuilles régulières de 
l'A. trichomanes, Lin.., les frondes découpées de l’A. adian- 
thum-nigrum, Lin., et il faut ajouter encore aux espèces de 
cette élégante famille l’A. Breynii, Retz., l'A. Halleri, KR. 
Brown., et sa variété angustatum , Koch. 


Plantes de l'association des rochers. 


Arabis hirsuta, Scop., A. turrita, Lin. Lepidium grami- 
nifolium, Lin. Isatis tinctoria, Lin. Id. var. campestris, 
Koch. Saponaria ocymoides, Lin. Silene otites, Pers. Sa- 
gina apetala, Lin. S. patula, Jord. Alsine rostrata, Koch. 
Arenaria serpyllifolia, Lin. Geranium lucidum, Zin. G. ro- 
bertianum, Lin. Genista pilosa , Lin. Potentilla rupestris , 
Lin. P. verna, Lin. Id. var. major. Id. var. debilis. Aro- 
nia rotundifolia, Pers. Sedum maximum, Sut. S. hirsutum, 
All, S. album, Lin. S. dasyphyllum , Zin. S. acre, Lin. 
S. reflexum, Zin. Id. var. glaucum, Koch. S. elegans, Le). 
Sempervivum tectorum , Lin.S. arvernense , Lec. et Lam. 
Umbilicus pendulinus , Dec. Saxifraga tridactylites, Lin. 
Seseli coloratum, Ehrh.Peucedanum oreoselinum, Mæœnch. 
Hedera helix, Lin. Rabia tinctorum, Lin. Centranthus ru- 
ber, Dec. Inula montana, Lin. Gnaphalium luteo-album, Lin. 
Anthemis montana, Lin. Phænixopus ramosissima , Rchb. 
Lactuca perennis, Lin. Hieracrum murorum, Lin. H. am- 


BORDS DES RIVIÈRES. 363 


plexicaule , Lin. H. rigidum, Hartm. Campanula rotundi- 
folia, Lin. Hyosciamus albus, Lin. Echium vulgare, Lin. 
Antirrhinum majus, Lin. Linaria cymballaria, Mill. Veronica 
triphyllos, Lin. V. præcox, Al. V. agrestis, Zin. V. polita, 
Fries. . var. gracilis, Godron. Melissa officinalis , Lin. 
Teucrium chamædris , Lin. Plantago serpentina , Lam. 
Id. var. minima. Rumex scutatus, Lin. Id. var. glaucus. 
Iris germanica, Lin. Allium flavum, Lin. Poa bulbosa, 
Lin. IX. var. vivipara, Koch. P. nemoralis, Lin. Id. var. 
coarctata , Gaud. P. compressa, Lin. Id. var. elatior. 
Festuca rigida, Kunth. F. ovina, Lin. Id. var. flava. Bro- 
mus tectorum, Lin. Ceterach officinarum, €. Bauhin. Po- 
lypodium vulgare, Lin. Asplenium Halleri, R. Brown. I. 
var. angustatum, Koch. À. adianthum-nigrum, Lin. A. tri- 
chomanes, Lin. À. Breynn, Retz. À. ruta-muraria, Lin. A. 
septentrionale, Swartz. Scolopendrium officinarum, Swartz. 


$ 11. ASSOCIATION DES BORDS DES RIVIÈRES DE LA 
PLAINE. 


Comme nous l’avons vu en nous occupant des moyens de 
dissémination et de la puissance expansive des espèces , les 
ruisseaux , les rivières et tous les cours d’eau tendent , en 
divergeant des massifs hydrographiques , à disséminer les 
graines , à développer l'aire de chaque espèce, et à conduire 
dans les plaines les espèces des montagnes. 

En charriant et en déposant sur leurs rives les débris 
des terrains qu'ils traversent, les cours d’eau constituent 
un sol alluvial léger et souvent arrosé, qui convient à 
une multitude d’espèces, en sorte que les terrains partielle- 
ment et périodiquement inondés, où du moins arrosés, que 
laissent les fleuves et les ruisseaux dans leurs longs par- 


364 . RÉGION DES PLAINES. 


cours, offrent aux botanistes une mine inépuisable de ri- 
chesses. 

Les plantes se donnent rendez-vous sur le bord des 
eaux , les unes, par prédilection pour un sol humide ; d’au- 
tres, pour un terrain meuble, et un grand nombre d’entre 
elles parce qu’elles y sont entraînées. Il en résulte une sta- 
tion mixte, qui appartient à la fois aux forêts, aux haies, 
aux buissons, aux champs ou aux prairies, mais qui cepen- 
dant a des caractères particuliers assez tranchés pour nous 
engager à la décrire séparément , et à compléter ainsi, par 
une association complexe , l’esquisse des tableaux de la vé- 
gétation de la plaine sur le plateau central. 

Nous omettrons bon nombre d'espèces qui , appartenant 
plus spécialement à d’autres stations, vont se retrouver en- 
core plus loin sur le bord des eaux ; nous laisserons pour- 
tant figurer les principales, et nous y ajouterons celles qui 
ont établi leur domicile, de droit ou de fait, près des rivières, 
des ruisseaux ou des fossés. 

Presque tous les arbres de la famille des salicmées se 
pressent dans les localités dont nous parlons, et contribuent 
à y établir des taillis ou des fourrés qui deviennent parfois 
très-épais. Ce sont naturellement les saules qui dominent, 
et en premier lieu le Salix alba, Lin., presque toujours 
mutilé par les hommes. On y trouve les diverses variétés du 
Salix caprea, Lin., dont les gros chatons, fleuris dès le mois 
de mars, réunissent les premières abeilles et laissent émaner 
les premiers parfums ; le S. cinerea, Lin., et sa variété ru- 
finervis, se distingue à son feuillage tomenteux, et le S. vi- 
minalis, Lin., à ses feuilles allongées et à ses longs rameaux. 
Le S. purpurea, Lin., est un des plus répandus ; 1l cons- 
titue de nombreux buissons, avec ses variétés Lambertiana, 
Koch. , et helix , Koch. ; ses feuilles paraissent de bonne 


BORDS DES RIVIÈRES. 369 
heure, et il concourt, avec les S. fragiles, Lin., et S. amyg- 
dalina, Lin., ainsi que sa variété concolor, Koch., à orner 
le bord des eaux de son joli feuillage et de ses légers cha- 
tons. Les S. aurita, Lin., et S. rubra, Huds., font aussi 
partie de ces taillis serrés qui suivent les sinuosités du cou- 
rant, et indiquent de loin au voyageur les sillons des fleuves 
et des ruisseaux. 

Les peupliers viennent se mélanger aux saules et s'élever 
au-dessus d’eux. Toutes les espèces du plateau central s’y 
rencontrent. Le Populus alba, Lin., s’y distingue à son 
euillage argenté ; le P. tremula, Lin., au frémissement 
de ses feuilles arrondies suspendues par des pétioles aplatis ; 
le P. fastigiata, Poir., y développe ses hautes pyramides, 
et le P. nigra, Lin., y répand l'odeur balsamique de ses 
bourgeons après y avoir montré ses chatons rouges et 
ses épis suspendus. L’Alnus glutinosa, Gærtn., cherche 
aussi à s'emparer le tous les sols humectés, et contribue, par 
son feuillage foncé, son bois rouge et ses cônes en minia- 
ture , à l'aspect singulier que présentent les fourrés des ri- 
vières. Le soleil vient bientôt mürir les millions de graines 
que portent tous ces arbres ; l’aulne écarte les écailles de ses 
fruits et les semences se répandent ; les saules et les peu- 
pliers se couvrent de coton et de soie , et leurs graines légè- 
res, emportées par l’eau ou parle vent, vont peupler des rives 
éloignées ou couvrir les environs de leur séjour d’une jeune 
et vigoureuse postérité. Nous devons aussi mentionner le 
Robinia pseudo-acacia, Lin., bien qu'il ne soit pas indigène ; 
il est maintenant disséminé de tous côtés et constitue de 
magnifiques taillis. A cette végétation arborescente ajoutons 
quelques rosiers, tels que Rosa cinnamomea, Lin. ,'très-rare ; 
les variétés ou espèces des À. canina, Lin., et R. rubigi- 
nosa, Lin.; quelques ronces qui pénètrent partout; les buis- 


366 RÉGION DES PLAINES. 


sons dispersés du Sarothamnus vulgaris, Wimm., et nous 
pourrons nous figurer l'aspect des lieux que nous décrivons. 
Toutefois, nous en aurons une idée plus précise si nous 
nous rappelons la présence de plusieurs plantes grimpantes, 
parfois très-abondantes , reliant les buissons, s'appuyant 
sur les arbres, enlaçant leurs rameaux et nous donnant en 
petit le spectacle de ces forêts impénétrables que l’on cite 
dans les régions chaudes de la terre. 

C'est toujours le Clematis vitalba, Lin., qui est la liane 
de notre contrée ; c’est elle dont les rameaux montent jusque 
dans les arbres les plus élevés en serrant leur branches, en 
appuyant les siennes, pour y porter une profusion de fleurs 
et de feuillage. Sa rapidité de croissance est extrême, et 
l’on est étonné des changements qui s’opèrent en quelques 
jours dans la feuillaison des saules et les pousses démesu- 
rées des clématites. 

C’est au reste une règle générale dans les plantes grim- 
pantes de croître avec rapidité. La même station nous en 
offre plusieurs exemples. La douce amère, Solanum dul- 
camara, Lin., aide la clématite à la conquête des fourrés et 
des buissons. Elle y suspend ses fleurs violettes et ses fruits 
de corail. Le houblon, Humulus lupulus, Lin., est peut- 
être plus vigoureux encore ; il monte sur les saules les plus 
élevés, inonde l’air de son pollen , et le parfume ensuite de 
ses cônes herbacés imprégnés de lupuline: Le Convolvulus 
sepium, Lin., atteint aussi par ses tiges volubiles les bran- 
ches les plus hautes des arbres , et laisse épanouir ses gran- 
des corolles blanches au-dessus du feuillage tendre et délicat 
du Cucubalus bacciferus, Lin. Les Polygonum dumetorum, 
Lin., et P. convoloulus, Lin., viennent aussi s’enrouler 
partout , et ces fourrés sont encore épaissis par la présence 
de plusieurs légumineuses , la plupart échappées des mois- 


BORDS DES RIVIÈRES. 367 


sons , comme les Lathyrus angulatus, Lin., et L. tubero- 
sus, Lin., les Vicia cracea, Lin., V. tenuifolia, Roth. , 
V. angustifolia, Roth., et les Eroum hirsutum, Lin., et 
E. monanthos, Lin. Ces plantes grimpantes ou obstruantes, 
ligneuses ou herbacées, auxquelles il faut encore joindre de 
grandes quantités de Galium aparine, Lin., rendent certai- 
nes parties de terrains complétement impénétrables. 

C'est pourtant dans ces fourrés ou dans quelques clairiè- 
res qu'ils laissent çà et là, que l’on trouve de grandes plantes 
herbacées qui contribuent encore à les épaissir. Telle est 
l’Angelica sylvestris, Lin., qui forme de véritables buis- 
sons par ses vastes feuilles et ses gracieuses ombelles ; l_Æ- 
gopodium podagraria , Lin., qui étale partout son beau 
feuillage ; l’Eupatorium cannabinum , Lin., et sa variété 
simplicifolia, qui se couvre de légers corymbes lilas ; le 
Leonurus cardiaca, Lin. , dont les tiges atteignent une 
grande hauteur, et l'Epilobium hirsutum , dont les fleurs 
roses produisent des graines cotonneuses que le vent trans- 
porte à d'énormes distances. L’OEnothera biennis, Lin., 
n’abandonne pas le bord des eaux , elle y ouvre ses gran- 
des corolles soufrées , et y répand tous les soirs l’odeur de la 
fleur d'oranger ; le Lysimachia vulgaris, Lin., s’y couvre 
de verticilles fleuris ; l’Asparagus officinalis, Lin., s’y mon- 
tre quelquefois ; les Hypericum tetrapterum , Fries , et EI. 
hirsutum, Lin., entrent au milieu des fourrés, ainsi que les 
Agrimonia eupatoria, Lin., et À. odorata, Mill., qui fleu- 
rissent au cœur de l'été. L’Artemisia vulgaris, Lin., est 
parfois très-multipliée sur les sables des rivières ; les Verbas- 
cum quittent aussi les bords des chemins pour s’y fixer, et 
il n’est pas rare d’y trouver le V. phlomoïdes, Lin., et sa 
var, australe ; le V. floccosum, Waldst. et Kit.; le V. thapsi- 
forme , Schrad. Ces plantes, par leurs proportions et leurs 


368 RÉGION DES PLAINES. 


beaux épis de fleurs jaunes, par leurs feuilles blanches et 
veloutées , contribuent beaucoup à l'aspect du paysage. Un 
rencontre dans la même station toute la série des grands 
Rumex ; R. crispus, Lin., R. obtusifolius, Lin., et sa var. 
purpureus, R. pratensis, Mert. et Koch., R. maritimus, 
Lin., beaucoup plus rare que les autres, R. sanguineus, Lin., 
et sa variété nemorosus, et quelquefois le R. aquaticus, Lin. 

Le Datura stramonium, Lin., forme à lui seul des mas- 
sifs tout entiers, et ailleurs se trouvent d'énormes mélilots, 
Melilotus officinalis, Desr., M. alba, Desr., et M. macro- 
rhiza, Pers.; certaines rives sablonneuses sont entièrement 
couvertes de ces deux dernières espèces. 

On rencontre çà et là le Cirsium eriophorum, Scop., 
et le groupe brillant des malvacés: Malva alcea, Lin. , 
M. Moschata, Lin. ; les Polygonum, Lin. , se développent 
avec un luxe de végétation remarquable , et leurs espèces 
isolées ou réunies, mais toujours groupées par nombreux 
individus, forment àfla fin de l'été des taillis herbacés sur le 
bord des rivières ou le long des fossés. On y remarque les 
P. lapathifolium, Lin., et sa variété incanum , Koch., le 
P. persicaria , Lin. , le P. müte, Schrank., P. Hydropi- 
per, Lin., P. minus, Huds., les uns à fleurs roses, les au- 
tres à fleurs blanches et produisant tous d'énormes quanti- 
tés de graines qui restent ensevelies dans les sables jasqu’au 
printemps suivant, On rencontre encore au milieu de ces tail- 
lis le Malachium aquaticum , Freis., les Stachys ambigua, 
Smith., et S. palustris, Lin. , le Campanula patula, Lin. , 
le Sisymbrium alliaria, Scop., et l’Iris fœtidissima, Lin. 

Une multitude d’autres plantes, moins grandes que celles 
dont nous venons de parler, occupent les bords des rivières 
et des fossés, et s'y propagent quelquefois d'une manière 
extraordinaire. Il est cependant plusieurs familles qui domi- 


BORDS DES RIVIÈRES. 369 


nent, et la grande classe des glumacées, comprenant les 
joncées , les cyperacées et les graminées, y compte un bon 
nombre d'espèces. 

Ce sont d’abord les jones, tels que le Juncus glaucus, 
Ehrh., J. effusus, Lin., J. sylvaticus,, Reich., les petites 
touffes du J. Tenageia, Ehrh., et les tapis gazonnés du J. 
bufonius, Lin., et de sa variété fasciculatus, Koch. C’est 
dans les mêmes conditions que se trouvent les Scirpus 
bœotryon, Lin., S. setaceus, Lin., et sa variété interme- 
dius, le S. Michelianus, Lin., bien plus rare que tous les 
autres, et le S. sylvaticus, Lin., dont les vastes panicules 
s'étendent en parasol. Il faut y joindre le Carex remota, 
Lin., C. vulpina, Lin., et sa variété nemorosa, Koch. ; les 
Cyperus fuscus, Lin., et C. flavescens, Lin. 

Dansles graminées on trouve sur lessablesle Setaria glauca, 
P. de Beauv., ainsi que le S. verticillata, P. de Beauv., 
les Panicum crus-galli, Lin., P. glabrum, Gaud., P. san- 
guinale, Lin., et le P.ciliare, Retz., de nombreuses fétu- 
ques, telles que les Festuca elatior, Lin., F. arundinacea, 
Schreb., F. heterophylla, Lam., et dansles lieux moins om- 
bragés , les F. rubra, Lin., F. pseudo-myuros, Soy.-Will., 
F. duriuscula, Lin., avec ses variétés glauca et hirtusa. Les 
Bromus asper, Murr. , et B. arvensis, Lin., se réfugient 
aussi dans les mêmes stations avec le Phleum pratense, Lin., 
et surtout avec sa variété nodosum, et plus rarement avec le 
P. asperum, Vill. | 

Des espèces très-élégantes se réunissent sur les sables 
ou à l’ombre des fourrés. Ce sont les Poa pratensis, Lin., 
et sa variété latifolia, Koch.; le P. compressa, Lin., et sa 
grande variété elatior ; le P. trivialis, Lin., et les jolis 
Eragrostis pilosa , P.de Beauv., et Æ. megastachia, Link. 


On y voit aussi les deux Holcus mollis, Lin., et A. lanatus, 
2% 


370 RÉGION DES PLAINES. 


Lin..qui mélangent leurs gazons à ceux de l’Avena caryo- 
phyllea, Wige., et aux délicates panicules du Corynephorus 
canescens, P. de Beauv. 

L’Apera spica-venti, P. de Beauv., abandonne aussi les 
terres cultivées pour croître plus paisiblement sur les sables 
d’alluvions, et plusieurs Agrostis l’y suivent et s’y dévelop- 
pent en abondance. L’Agrostis stolonifera, Lin., et ses 
variétés gigantea, Koch., et prorepens, Koch., y sont aussi 
communes que l’A. vulgaris, With., etsa variété stolonifera, 
Koch. Le Crypsis alopecuroïdes, Schrad., y est aussi rare 
que le Cynodon dactylon, Pers., y est commun; le Tragus 
racemosus, Desf., y croit aux lieux exposés au soleil, et le 
Chamagrostis minima, Borkh., y contraste par la petitesse 
de sa taille, avec l’Aira cœspitosa, Lin., et ses deux variétés 
pallida, Koch., et sehfolia , Koch. , qui se font remarquer 
par leurs grandes dimensions. 

Les crucifères qui, pour la plupart, aiment l'ombre et la 
fraicheur , trouvent , dans la station qui nous occupe, leurs 
meilleures conditions, et dès le printemps on y rencontre les 
Barbarea vulgaris, R. Brown., B. præcox, R. Brown., 
et B. intermedia, Boreau ; les Diplotaxis muralis, Dec., 
et D. viminea. Dec. Les Cardamine hirsuta, Lin., ans 
que sa variété umbrosa. Les Nasturtium pyrenaicum, R. 
Brown., et N. sylvestre, R. Brown. , avec la variété rivu- 
lare y sont communs. 

On voit fleurir le Sinapis chetranthus, Koch. , variété 
cheirantiflora, le S. arvensis, Lin., commun partout, et le 
Brassica nigra, Koch., bien moins répandu. On trouve çà 
et là l'Eruca sativa, Lam. , le Bumias erucago, avec ses 
fruits tuberculeux , le Sisymbrium thalianum., Gaud., le 
Lepidium campestre, R. Brown. , et le Teesdalia nudicau- 
lis, R. Brown., plus commun dans les champs, mais qui vient 


BORDS DES RIVIÈRES. 371 


unir aux espèces que nous venons de. rappeler. 
ophyllées , qui fournissent à nos jardins un si 
ut, décorent aussi les bords de nos rivières, et le 
officinalis, Lin., est si répandu dans les lieux 
qu'il forme à lui seul de magnifiques parterres, 
titude de ses bouquets de fleurs roses. Ailleurs 
ocymoides, Lin., qui s'étale sur les sables et y 
neaux florifères. Le Dianthus prolifer, Lin., et 
uüsianorum , Lin. , variété anisopodus , Ser., se 
ispersés avec le Silene conica, Lin., l’Alsine te- 
Valhenb., les Cerastium brachypetalum, Desp.., 
decandrum, Lin. On trouve aussi sur le sable le 
rubrum, Walk., le Sagina apetala, Lin., et 
des fourrés, dans les lieux humides , le Stellaria 
., et sa variété maor à larges feuilles, ainsi que 
inea, Lin., variété latifolia. 
thes foisonnent aussi le long des eaux. On respire 
arfum du Mentha sylvestris, Lin. , formant des 
étendus, du Mentha gentils, Lin., beaucoup 
lu Mentha aquatica, Lin., ou de sa variété htr- 
et du M. arvensis, Lin. Ailleurs ce sont les touf- 
et odorantes du Pulegium vulgare, Mill. , les 
le l’Ajuga genevensis, Lin. , et les groupes du 
etrahit, Lin. , avec sa variété bifida, Mut. Les 
s sont en petit nombre, mais leurs individus sont 
liés. Nous en avons déjà cité plusieurs ; nous 
Jouter le Daucus carota, Lin., et surtout sa var. 
5, l'OEnanthe peucedanifolia, Pollich., le Si- 
sis, Bess., et le Torilis helvetica , qui infeste de 
| espaces. 
gonum aviculare, Lin., si répandu partout, se 
si le long des eaux sous forme de sa variété 


370 RÉGION DES PLAINES. 


Lin..qui mélangent leurs gazons à ceux de l’At 
phyllea, Wigg., et aux délicates panicules du Co 
canescens, P. de Beauv. 

L'Apera spica-venti, P. de Beauv., abandon 
terres cultivées pour croître plus paisiblement st 
d’alluvions, et plusieurs Agrostis l’y suivent et « 
pent en abondance. L’Agrostis stolonifera , L 
variétés gigantea, Koch., et prorepens, Koch., 
communes que l'A. vulgaris, With., etsa variété 
Koch. Le Crypsis alopecuroïdes, Schrad., y e: 
que le Cynodon dactylon, Pers., y est commun 
racemosus, Desf., y croît aux lieux exposés au 
Chamagrostis minima, Borkh., y contraste par 
de sa taille, avec l’Atra cœæspitosa, Lin., et ses d 
pallida, Koch., et setifolia, Koch. , qui se fon 
par leurs grandes dimensions. 

Les crucifères qui, pour la plupart, aiment | 
fraîcheur , trouvent, dans la station qui nous o 
meilleures conditions , et dès le printemps on y 
Barbarea vulgaris, R. Brown., B. præcox, 
et B. intermedia, Boreau ; les Diplotaxis mu 
et D. viminea. Dec. Les Cardamine hirsuta 
que sa variété umbrosa. Les Nasturtium pyre 
Brown., et N. sylvestre, R. Brown. , avec la 1 
lare y sont communs. 

On voit fleurir le Sinapis cheiranthus, Ko 
cheirantiflora, le S. arvensis, Lin., commun p 
Brassica nigra, Koch., bien moins répandu. { 
et là l'Eruca sativa, Lam., le Bunias erucai 
fruits tuberculeux , le Sisymbrium thalianum. 
Lepidium campestre, R. Brown. , et le Teesdal 
lis, R. Brown, plus commun dans les champs, n 


BORDS DES RIVIÈRES. 371 


aussi se réunir aux espèces que nous venons de rappeler. 

Les caryophyllées , qui fournissent à nos jardins un si 
brillant tribut, décorent aussi les bords de nos rivières, et le 
Saponaria officinalis, Lin. , est si répandu dans les lieux 
découverts, qu'il forme à lui seul de magnifiques parterres, 
par la multitude de ses bouquets de fleurs roses. Ailleurs 
c’est le S. ocymoides, Lin., qui s'étale sur les sables et y 
fixe ses rameaux florifères. Le Dianthus prolifer, Lin. , et 
le D. carthusianorum , Lin. , variété anisopodus , Ser., se 
montrent dispersés avec le Silene conica , Lin., l’Alsine te- 
nuifolia, Walhenb., les Cerastium brachypetalum, Desp., 
et C. semidecandrum, Lin. On trouve aussi sur le sable le 
Lepigonum rubrum, Walk., le Sagina apetala, Lin., et 
sur le bord des fourrés, dans les lieux humides , le Stellaria 
media, Nill., et sa variété major à larges feuilles, ainsi que 
le S. graminea, Lin., variété latifolia. 

Les menthes foisonnent aussi le long des eaux. On respire 
partout le parfum du Mentha sylvestris, Lin. , formant des 
groupes très-étendus, du Mentha gentilis, Lin., beaucoup 
plus rare , du HMentha aquatica, Lin., ou de sa variété hrr- 
tusa, Koch. , et du M. arvensis, Lin. Ailleurs ce sont les touf- 
fes fleuries et odorantes du Pulegium vulgare. Mill. , les 
épis bleus de l’Ajuga genevensis, Lin. , et les groupes du 
Galeopsis tetrahit, Lin. , avec sa variété bifida, Mat. Les 
ombellifères sont en petit nombre, mais leurs individus sont 
très-multipliés. Nous en avons déjà cité plusieurs ; nous 
pouvons y ajouter le Daucus carota, Lin., et surtout sa var. 
ochroleucus , l'OEnanthe peucedamfolia, Pollich., le Si- 
laus pratensis, Bess., et le Torilis helvetica , qui infeste de 
très-grands espaces. 

Le Polygonum aviculare, Lin., si répandu partout, se 
montre aussi le long des eaux sous forme de sa variété 


J1: RÉGION DES PLAINES. 


polyenemiforme , et l'on y trouve encore le Polyenemum 
majus, Alex. Braun. Quelques amaranthacées et des Che- 
nopodium y établissent aussi leur domicile et s’y multiplient 
à l'infini. Ce sont l’Amaranthus sylvestris, Desf., Cheno- 
podium album, Lin., ainsi que sa variété cymigerum, Koch., 
le C. urbicum, Lin. , et le C. polyspermum, Lin., dont la 
variété spicato-racemosum , Koch. , est encore plus com- 
mune que le type. 

Les sables nourrissent plusieurs Sedum , les uns réunis 
en tapis comme les S. acre, Lin.,et $. album, Lin., d’au- 
tres formant de petits groupes comme le S. reflezum, Lin., 
et d’autres disséminés comme les $. cepæa, Lin., et S. ru- 
bens, Lin. Dans les mêmes lieux vit le Lindernia pyxida- 
ria, Al. , très-rare sur le plateau central, le Gratola offi- 
cinalis, Lin., le Veronica serpyllifolia , Lin., l'Euphra- 
sia serotina, Lam., et en même temps on voit les touffes 
nombreuses du Serophularia canina, Lin., les fleurs rayées 
du Linaria striata, Dec., et les épis jaunes du L. vulgaris, 
Mill. Les légumineuses se réduisent aux trèfles, aux luzernes 
et à quelques autres espèces; le Trifolium repens, Lin. , 
qui s’accommode de tous les terrains, s’y développe en abon- 
dance, et montre quelquefois sa variété phyllanthum, Ser. ; 
le T. fragiferum , Lin. , y constitue d’admirables gazons 
couverts de ses fruits vésiculeux ; le 7. subterraneum, Lin., 
profite du sable léger pour y enterrer ses légumes ; le T. 
arvense, Lin, et surtout sa variété gracile, se couvre d’épis 
veloutés et de fleuilles colorées, et le T. elegans, Saw. , 
forme de larges touffes étalées, couvertes de têtes de fleurs 
carnées. Le Medicago maculata, Willd., abandonne les 
prairies pour accompagner le M. Gerardi, Waldstein et 
Kit., qui offre deux variétés, le cylindrica, Koch., et le 
macrocarpa, tandis que le M. minima, Lam., se dresse en 


BORDS DES RIVIÈRES. 313 


touffes serrées, dont chaque pied est isolé ou s’étend en 
variété elongata à la surface des sables. 

L'Ononis spinosa, Lin. , l'O repens, Lin., ne man- 
quent pas non plus de s'établir dans des terrains aussi per- 
méables où ils enfoncent leurs puissantes racines , tandis que 
l'Ornithopus perpusillus, Lin., avec sa var. intermedius, et 
le Vicia lathyroides pénètrent à peine la surface du sol pour 
y puiser leur nourriture. 

Nous n’avons encore rien dit de la grande famille des 
synanthérées qui est toujours représentée partout. Ici, ce 
sont les chicoracées ou semiflosculeuses qui dominent. Nous 
citerons d’abord les Hieracium rigidum, Hartm., et I. 
auricula, Lin., les Barkhausia taraxacifolia, Dec., et B. 
fœtida, Dec. , les; Chondrilla latifolia, Bieb., et C. jun- 
cea, Lin., bien plus abondante que l’autre et fleurissant très- 
tard. Il en est de même des Lactuca virosa, Lin., L. sca- 
riola, Lin., et de sa grande variété altissima , dont le suc 
laiteux est si abondant. L’Hypochæris qlabra, Lin., le 
Tragopogon major, Jacq., le Leontodon autumnale , Lin. , 
le Thrincia hirta, Roth., et sa variété hispida, viennent 
aussi décorer les bords des eaux de leurs fleurs multipliées 
ou de leurs brillantes aigrettes. Le Cichorium intybus, Lin., 
contraste au milieu de toutes les fleurs jaunes par le bleu 
pur de ses rayons et la grandeur de ses fleurs éphémères. 

Presque toutes les plantes des champs reviennent dans 
ces lieux sablonneux. On y retrouve les Filago germanica, 
Lin., F. arvensis, Lin., le Logfia gallica, Coss. et Germ. , 
le Gnaphalium luteo-album, Lin., l'Achillea ptarmica, Lin. 
et des pieds échappés de l’A. millefolium , Lin. 

Une plante d'Amérique, l’Erigeron canadense, Lin., est 
maintenant excessivement commune le long de nos cours 
d’eau ; elle se mêle à l’Anthemis arvensis, Lin., au Matrica- 


3714 RÉGION DE PLAINES. 


ria chamomilla, Lain., et au Centaurea maculosa, Lam. , 
une des espèces les plus caractéristiques du plateau central. 
On rencontre aussi dans cette station le Cirsium palustre, 
Scop. , le Senecio erraticus, Bert. , le Pulhicaria dysente- 
rica, Gœrt., et sa variété ramosissima. Les sables offrent 
aussi parfois de véritables forêts d’Artemisia vulgaris, Lin., 
d'A. campestris, Lin., ou de grands espaces couverts de 
Xanthium macrocarpum , Dec. 

Ces plages sableuses des bords des rivières sont le rendez- 
vous d’un grand nombre d'espèces dont les eaux déposent 
etsèment les graines. On y voit les Potentilla argentea, Lin. 
et P. anserina, Lin. , gagnant le terrain par ses rejets ram- 
pants, et le couvrant de ses feuilles argentées, le Galium 
boreale, Lin., le G. verum, Lin., si commun partout, le 
Crucianella angustifolia, Lin. L'Erodium cicutarium , 
L'Her., y développe dès le printemps plusieurs variétés ; le 
Lythrum salicaria, Lin., et ses deux variétés hexagonum 
et alternifolium y épanouissent leurs corolles purpurines 
près des larges toufles de l’Epilobium Dodonæi, Vill., près 
des suaves bouquets du Faleriana officinalis, Lin., et sous 
les tiges vigoureuses du Dipsacus pilosus, Lin. Les plantes 
les plus disparates croissent côte à côte sur ces terrains neu- 
tres. Le Lythrum thymifolium, Lin., près de l’Echium 
vulgare, Lin. , l'Ornithogalum umbellatum , Lin. , près du 
Fragaria collinà, Ehrh., et de lEquisetum variegatum, 
Schl., le Jasione montana, Lin., au milieu des touffes du 
Myosotis stricta, Link., et dans le voisinage du Papaver 
rhœas, Lin., qui oublie ses guérêts. 

Le Malvarotundifolia, Lin., se trouve aussi fréquemment 
sur ces sables où l’on voit le Solanum miniatum , Bernh. et 
sa variété ochroleucum, le Ranunculus acris, var. multifi- 
dus, Dec., le Plantago arenaria, Waldst. et Kit., les tiges 


BORDS DES RIVIÈRES. s7a 


stériles et les épis fructifères de l’Equisetum arvense, Lin. ; le 
Circæa lutetiana, Lin. , le Parietaria erecta, Mert. et Koch.., 
le Ranunculus flammula, Lin. , végètent dans les mêmes 
lieux où fleurissatent au printemps le Primula acaulis, Jacq. 
et le Viola sylvestris, Lam. 

Enfin, des recherches minutieuses font découvrir dans 
cette station des espèces si petites, que souvent elles échap- 
pent à l'œil du botaniste. De ce nombre sont le HMyosurus 
minimus, Lin., le Limosella aquatica, Lin. , le Centun- 
culus minimus, Lin.; puis vient le groupe des portulacées 
et familles voisines, dont les espèces un peu plus grandes 
s'élèvent à peine au-dessus du sol. On y reconnaît le Scle- 
ranthus perennis, Lin. , etle $S. annuus, Lin., le Portu- 
laca oleracea, Lin., qui brave les températures les plus 
élevées et qui s'étale sur le sable comme les Herniaria 
glabra, Lin., et H. hirsuta, Lin. Ces deux petites espèces 
forment d’élégantes rosaces glabres ou velues près des tiges 
couchées du Corrigiola littoralis, Lin., qui, des rivages, sa 
station ordinaire, monte souvent jusques au pied de nos 
cônes volcaniques. 


Liste des espèces et variétés qui composent l'association des bords des 
rivières et des alluvions de la plaine. 


Clematis Vitalba, Lin. Myosurus minimus, Lin. Ranuncu- 
lus flammula, Lin. R. acris, Lin. Id. var. multifidus, Dec. 
Papaver Rhæas, Lin. Nasturtium sylvestre, R. Brown. Id. var. 
rivulare. N. pyrenaicum, R. Brown. Barbarea vulgaris, R. 
Brown. B. intermedia, Boreau. B. præcox, R. Brown. Carda- 
mine hirsuta, Lin. Id.var.umbrosa. Sisymbrium Alliaria, Scop. 
S. Thalianum, Gaud. Brassica nigra , Koch. Sinapis arvensis, 
Lin. Id. var. retrohispida. S. Cheiranthus, Koch. Id. var. chei- 
rantiflora. Diplotaxis muralis, Dec. D. viminea, Dec. Eruca sa- 
tiva, Lam. Teesdalia nudicaulis, R. Brown. Lepidium campes- 


376 RÉGION DES PLAINES. 


tre, R. Brown. Bunias Erucago, Lin. Viola sylvestris, Lam. V. 
Riviniana, Rchb. Dianthusprolifer, Lin.D.carthusianorum, Lin. 
Id. var. anisopodus, Ser. Saponaria officinalis, Lin. S. ocymoi- 
des, Lin. Cucubalus bacciferus, Lin. Silene conica, Lin. Sagina 
apetala, Lin. Lepigonum rubrum, Wa/hb. Alsine tenuifolia, 
Walhb. Stellaria media, Vill. 1d. var. major. S. graminea, 
Lin. I. var. latifolia. Malachium aquaticum, Fries. Ceras- 
tium brachypetalum, Desp. C. semidecandrum, Lin. Malva 
Alcea, Lin. M. moschata, Lin. M. rotundifolia, Lin, Hype- 
ricum perforatum , Lin. H. tetrapterum, Fries. EL. hirsutum, 
Lin. Erodium cicutarium , l’Her. Sarothamnus vulgaris , 
Wimm. Ononis spinosa, Lin. O. repens, Lin. Medicago Ge- 
rardi, W. et Koch. Id. var. cylindrica, Koch. Id. var. ma- 
crocarpa. M. maculata, Willd. M. minima, Lam. I. var. 
elongata. Melilotus macrorhiza, Pers. M. alba, Desr. M. offi- 
cinalis, Desr. Trifolium arvense, Lin. Id. var. gracile. T. 
subterraneum, Lin. T. fragiferum, Lin. T. repens, Lin. Id. 
var. phyllanthum, Ser. T. elegans, Savi. Ornithopus perpu- 
sillus, Lin. Id. var. intermedius. Vicia Cracca, Lin. V. tenui- 
folia, Roth. V. angustifolia, Roth. V. lathyroides, Lin. Ervum 
hirsutum , Lin. E. monanthos, Lin. Lathyrus angulatus, Lin. 
L. tuberosus, Lin. Fragaria collina, Ehrh. Potentilla anse 
rina, Lin. P. argentea, Lin. Agrimonia Eupatoria, Lin. A. 
odorata, Mill. Rosa cinnamomea, Lin. R. canina, Lin. KR. 
rubiginosa, Lin. Epilobium Dodonæi , Vull. E. hirsutum, Lin. 
OEnothera biennis, Lin. Circæa lutetiana , Lin. Lythrum Sa- 
licaria , Lin. Id. var. hexagonum. Id. var. alternifolium, 
L. thymifolium, Lin. Portulaca oleracea, Lin. Corrigiola lit- 
toralis, Lin. Herniaria glabra, Lin. H. hirsuta, Lin. Scle- 
ranthus perennis, Lin. S. annuus, Lin. Sedum Cepæa, Lan. 
S. rubens, Lin. S. album, Lin. S. acre, Lin. S. reflexum,, 
Lin. Ægopodium Podagraria , Lin. OEnanthe peucedanifolia , 
Pollich. Silaus pratensis, Bess. Aungelica sylvestris, Lin. Dau- 
eus Carota, Lin. I. var. ochroleucus. Torilis helvetica, Gmel. 
Crucianella angustifolia, Lin. Galium boreale, Lin. G. verum, 


BORDS DES RIVIÈRES. 3174 


Lin. X. var. altissimum. Valeriana officinalis, Lin. Dipsacus 
pilosus, Lin. Eupatorium cannabinum, Lin. Id. var. simplici- 
folia. Erigeron canadensis, Lin. Pulicaria dysenterica , Gærtn. 
Id. var. ramosissima. Filago germanica , Lin. F. arvensis, Lin. 
Logfia gallica, Coss. et Germ. Graphalium luteo-album, Lin. 
Artemisia campestris, Lin. À. vulgaris, Lin. Achillea Ptarmica, 
Lin. Anthemis arvensis, Lin. Matricaria Chamomilla, Lin. 
Senecio erraticus, Bert. Cirsium eriophorum, Scop. C. palus- 
tre, Scop. Centaurea maculosa , Lam. Cichorium Intybus, 
Lin. Thrincia hirta, Roth. 1. var. hispida. Leontodon au- 
tumnale, Lin. Tragopogon major , Jacq. Hypochæris glabra, 
Lin. Chondrilla juncea, Lin. C. latifolia, Bieberst. Lactuca 
virosa, Lin. L. scariola, Lin. Id. var. altissima. Barkausia 
fætida, Dec. B. taraxacifolia, Dec. Hieracium Auricula, Lin. 
H. rigidum, Æartn. Xanthium macrocarpum, Dec. Jasione 
montana, Lin. Campanula patula, Lin. Convolvulus sepium , 
Lin. Echium vulgare, Lin. Pulmoraria angustifolia, Lin. 
Myosotis stricta, Link. Solanum miniatum, Bernh. Id. var. 
ochroleucum. S. Dulcamara, Lin. Datura Stramonium , Lin. 
Verbaseum thapsiforme , Schrad. V. phlomoides, Lin. V. floc- 
cosum, Waldst. et Kit. Scrophularia canina, Lin. Gratiola 
officinalis, Lin. Linaria striata, Dec. L. vulgaris, Mill. Vero- 
nica serpyllifolia, Lin. Lindernia pyxidaria, Al. Limosella 
aquatica, Lin. Euphrasia serotina, Lam. Mentha sylvestris, 
Lin. M. aquatica, Lin. I. var. hirsuta, Koch. M. gentilis, 
Lin. M. arvensis, Lin. Pulegium vulgare, Mill. Galeopsis 
Tetrahit, Lin., Id. var. bifida, Mu. Stachys ambigua , Smith. 
S. palustris, Lin. Leonurus Cardiaca, Lin. Ajuga genevensis, 
Lin. Lysimachia vulgaris, Lin. Centunculus minimus , Lin. 
Primula acaulis, Jacq. Plantago arenaria, Waldst et Kit. Ama- 
ranthus sylvestris, Desf. Polycnemum majus, Alex. Braun. 
Chenopodium urbicum , Lin. C. album, Lin. Id. var. cymi- 
gerum, Koch. C. polyspermum, Lin. I. var. spicato -racemo- 
sum, Koch. Rumex maritimus, Lin. R. sanguineus, Lin. R. 
obtusifolius, Lin. Id. var. purpureus. R. crispus, Lin. R. pra- 


378 RÉGION DES PLAINES. 


tensis, Mert. et Koch. R. aquaticus, Lin. Polygonum lapa- 
thifolium , Lin. Id. var. incanum, Koch. P. Persicaria, Lin. 
P. mite, Schrank. P. Hydropiper, Lin. P. minus, Hudson. 
P. aviculare, Lin. Id. var. polycnemiforme. P. Convolvulus, 
Lin. P. dumetorum, Lin. Parietaria erecta, Mert. et Koch. 
Humulus Lupulus, Lin. Salix fragilis, Lin. S. alba, Lin. S. 
amygdalina, Lin. Id. var. concolor, Koch. S. purpurea, Lin. 
Id. var. Lambertiana, Koch. S. rubra, Huds. S. viminalis, 
Lin. S. cinerea, Lin. S. Caprea, Lin. S. aurita, Lin. Populus 
alba, Lin. P. Tremula, Lin. P. nigra, Lin. P. fastigiata, Poir. 
Alnus glutinosa, Gærtn. Iris fætidissima , Lin. Asparagus 
officinalis, Lin. Ornithogalum umbellatum, Lin. Juncus glau- 
cus, Ehrh. J. Terageia, Ehrh. J. Bufonius, Lin. Id. var. fas- 
ciculatus, Koch. J. sylvaticus, Reichard. Cyperus flavescens, 
Lin. C. fuscus, Lin. Scirpus Bæotryon, Lin. S. setaceus, Lin. 
Id. var. intermedius. S. sylvaticus, Lin. S. Michelianus, Lin. 
Carex remota, Lin. Setaria verticillata, P. de Beauv. S. glauca, 
P. de Beauv. Tragus racemosus, Desf. Panicum sanguinale, 
Lin. P. ciliare, Retz. P. glabrum, Gaud. P. crus-galli, Lin. 
Crypsis alopecuroides, Schrad. Phleum asperum, Vel. P. 
pratense, Lin. Id. var. nodosum. Chamagrostis minima, Borkh. 
Cynodon dactylon, Pers. Agrostis stolonifera, Lin. Id, var. 
gigantea , Koch. Id. var. prorepens, Koch. À. vulgaris, With. 
id. var. stolonifera, Koch. Apera spica-venti, P. de Beau. 
Aira cæspitosa, Lin. Id. var. pallida, Koch. Id. var. setifolia, 
Koch. Corynephorus canescens, P. de Beauv. Holcus lana- 
tus, Lin. H. mollis, Lin. Avena caryophyllea, Wigg. Era- 
grostis megastachva, Link E. pilosa, P. de Beauv. Poa tri- 
vialis, Lin. P. pratensis, Lin. Id. var. latifolia, Koch. P. 
compressa, Lin. Id. var. elatior. Festuca pseudo-myuros, 
Soy.- Will. F. duriuscula, Lin. Id. var. glauca. Id. var. hir- 
suta. F. heterophylla, Lam. F. rubra, Lin. F. arundinacea, 
Schreb. F. elatior, Lin. Bromus arvensis, Lin. B. asper, 
Murr. Equisetum arvense, Lin. E. variegatum , Schleich. 


CLIMAT DE LA RÉGION MÉRIDIONALE. 379 


CHAPITRE XIV. 


VÉGÉTATION DE LA RÉGION MÉRIDIONALE. 


$ 1. CLIMAT DE LA BÉGION MÉRIDIONALE. 


Notre région méridionale comprend la lisière de la zone 
des oliviers, et elle s’avance au nord jusque dans la Lozère, 
où elle se confond avec la région montagneuse. 

Il est difficile pour nous de trouver un point exactement 
central dont les observations météorologiques puissent con- 
venir à la région entière ; nous avons choisi Alais, et ce 
choix était, pour ainsi dire, forcé par la belle série d’obser- 
vations faites dans cette localité par M. d'Hombres-Firmas. 
C’est sur 35 années d'observations assidues que M. d'Hom- 
bres a basé la moyenne des chiffres que nous lui emprun- 
tons. Ils représentent donc exactement le climat d’Alais. 
Peut-être la température indiquée est-elle un peu trop éle- 
vée pour notre région entière; mais on pourra facilement 
avoir une idée du climat de la Lozère, en le considérant 
comme intermédiaire (à part ses hautes montagnes) entre 
celui d’Alais et celui de Clermont. Nous nous en tiendrons 
donc aux seules observations d’Alais, comme représentant 
exactement toutes les parties où on cultive l'olivier, et où 


L 4 


vient expirer presque entièrement la végétation méditerra- 
néenne. 

La moyenne de ces 35 années est la suivante , pour la 
température de chaque mois : 


380 RÉGION MÉRIDIONALE. 


Janvier, 5,0 Juillet. 25:29 
Février, 7,0 Août, 25,5 
Mars, 10,5 Septembre, 21,0 
Avril, 14,0 Octobre, 15,5 
Mai, 18,5 -_ Novembre, 10,0 
Juin, 7002978 Décembre, 6,2 


Ce qui donne, pour la température moyenne de l’année, 
15526. 

Si nous décomposons cette moyenne en température d'été 
et température d'hiver, nous avons les chiffres 21,1 pour 
l'été et 9,03 pour l'hiver. 

Si maintenant nous voulons savoir quelle est l’augmenta- 
tion progressive de la chaleur pendant l’année, c’est-à-dire 
la différence de chaque mois sur le précédent, nous avons la 
série suivante, en marquant du signe + l’augmentation et 
du signe — la diminution : 


Janvier, — Juillet, + 9,7 
Février, + 2 Août, +- 0,3 
Mars, + 3,5 Septembre,  — 4,5 
Avril, + 3,9 Octobre, — 5,9 
Mai, —+ 4,5 Novembre, — 4,5 
Juin, + 4 Décembre, — 3,8 
Janvier, — 1,2 


Ainsi, l’accroissement presque régulier a lieu pendant 
6 mois consécutifs ; il reste presque stationnaire pendant 
{ mois, et la température augmente même encore un peu, 
puis l’abaissement se prononce pendant 5 mois seulement. 

On remarque déjà, dans cette région , la régularité de 
l'accroissement de chaleur depuis le mois de février jusqu’au 
mois de juin, ce qui explique aussi le développement suc- 
cessif de la végétation , qui commence de bonne heure, et 


a 


CLIMAT. 381 


n'apparaît pas tout à coup à la fin du printemps , comme 
cela a lieu dans le nord de l’Europe et dans la région monta- 
gneuse. 

Les maxima et les minima ont été, pendant ces 35 an- 
nées, de + 36,50 en août 1818 et en juin 1822, et de 
— 12,25 le 12 janvier 1820, ce qui donne un écart de 
48,75 pour le plus grand abaissement de température. Nous 
avons eu à Clermont , au mois d’août 1849, un maximum 
de 33,70. 

La pluie qui tombe à Alais dans le courant de l’année, en 
y comprenant, comme pour notre région , l’eau qui résulte 
de la fusion de la neige et de la grêle, est distribuée de la 
manière suivante dans les 12 mois de l’année : 


Janvier, 87 Juillet, 22 
Février, 61 Août, 44 
Mars, 61 Septembre, 133 
Avril, 85 Octobre, 140 
Mai, 90 Novembre, 112 
Juin, 45 Décembre, 81 


Ce qui donne une moyenne annuelle de 991 millimètres. 

Oubien, en prenant, comme pour latempérature, les 6 mois 
du milieu pour la saison d’été, et les 6 autres mois pour la 
saison d'hiver, nous obtenons les chiffres de 449 pour la 
saison d’été et 542 pour celle d’hiver, c’est-à-dire que l’eau 
qui tombe en hiver forme sur le sol une couche plus épaisse 
que celle qui descend en été, ce qui tient à la sécheresse qui 
règne pendant les 3 mois d'été, de juin, juillet et août ; 
car si nous décomposions les quantités d’eau en quatre sai- 
sons, en considérant comme hiver décembre, janvier et fé- 
vrier ; mars, avril et mai comme printemps ; juin, juillet et 
août pour été ; septembre , octobre et novembre pour lau- 
tomne, nous aurions les chiffres suivants : 


382 RÉGION MÉRIDIONALE. 
Hiver, 229 Été, 141 
Printemps, 236 Automne, 385 


Notre région méridionale appartient évidemment à la zone 
des pays à pluies d'automne. M. d'Hombres-Firmas cite des 
intervalles de 52, 55 et même un de 63 jours sans pluies, 
dans les années 1814, 1815 et 1817. 

Si nous voulons connaître, comme nous l’avons fait pour 
la chaleur , quelle est l’augmentation ou la diminution de 
l’eau qui vient chaque mois arroser la terre, relativement 
au mois qui l’a précédé, nous avons les résultats suivants, en 
désignant également par le chiffre + l’augmentation, et par 
le chiffre — la diminution ; les quantités de liquide sont 
exprimées en millimètres : 


Janvier, + Juillet, + 7 
Février, — 26 Août, — 8 
Mars, 0 Septembre, —- 89 
Avril, + 24 Octobre, | 
Mai, + 9 Novembre, — 28 
Juin, — 45 Décembre, — 31 

Janvier, + 6 


Le nombre de jours de pluie à Alais est de 66 , en y 
comprenant les chutes de neige, et de 69 en y ajoutant les 
jours de grêle. 


Ces jours sont distribués ainsi qu'il suit : 


Janvier, 7,0 Juillet, 4,3 
Février, 5,6 Août, 3,0 
Mars, 9,0 Septembre, D, 
Avril, 6,6 Octobre, 6,6 
Mai, et: Novembre, 6,7 
Juin, 5 Décembre, 7,3 


En divisant la moyenne annuelle de 991 par ces 69 jours 


TEMPÉRATURE ET UDOMETRIE. /,/5 


OTTTUT 


o 
: 
| 
| 
: î à Us 
1 ' - ï 
! à : ' ï 
: 0 [ 0 
1 i ' 
{ ; ‘ 1 
ï : i ' 
! ï ï è 
ï 7 i E : 
ï : ï ' ! 
! ÿ ! Î i 
: : ! : 1 
- s 1 ï ' 
É ï 1 ; 
: i ' ! 
ï : É , ! 
i | 
ï h 1 ' 
: : [ i G 
: ï i i H 
! ! ! I : 
i ' ï 
s 24 Ji À 
br. mé 
: [ TX ï ï 
- SE PR A LE ES LE 
' : : 
ï 1 ï î 
ï 
1 £ ' ! 
1 L i ] 


x 
* 
ÉEEteE | 


Ÿ 


SU 


Sy 


$ 


, nes ch: Ch 
aa 
|] 
5 EL. 
0 
F 


$S 


Lith Hubler ,Bayie & Dubos. 


KE Région meridionale. 


LE 


PRESSE 


CE | NE 


EN tirent 1e sind d'a 


LISTE DES ESPÈCES. 383 


de chute d’eau, on obtient , pour chaque jour moyen , une 
chute de 14" 36, c’est-à-dire environ un centimètre et 
demi par jour de pluie. 

Les brouillards se montrent quelquefois en automne , et 
les rosées , très-abondantes en été , suppléent en partie à la 
sécheresse, quelquefois presque absolue , qui se fait sentir 
pendant cette saison. 

La neige a fort peu d'importance dans cette région ; quand 
elle tombe , elle ne séjourne pas. Cependant M. d’Hom- 
bres-Firmas cite l’année 1822 , pendant laquelle il tomba 
cinq fois de la neige en décembre, et elle resta une vingtaine 
de jours sans se furdre, chose très-rare pour Alais. 

Le tableau comparé des températures et de la quantité 
d’eau tombée que nous joignons ici, et dont nous avons 
donné plus haut l'explication, permettra de saisir d’un seul 
coup d’æil les résultats que les chiffres ont exprimés. 


$ 2. LISTE GÉNÉRALE DES ESPÈCES PLUS SPÉCIALES 
A LA RÉGION MÉRIDIONALE. 


RanuncuzAcEz. Clematisflammula, Lin. Thalictram aqui- 
legifolium, Lin. T. sylvaticum, Koch. T. minus, Lin. Ane- 
mone Hepatica, Lin. Adonis vernalis, Lin. Ranunculus gra- 
mineus, Lin. R. chærophyllos, Lin. R. monspeliacus, Lin. 
R. parviflorus, Lin. Nigella damascena , Lin. Delphinium 
Ajacis, Lin. 

FumariAcEÆ. Fumaria parviflora, Lam. 

CrucIFERÆ. Arabis brassicæformis, Wallr. À. auriculata, 
Lam. À. Gerardi, Bess. À. muralis, Bert. À. Turrita, Lin. 
Id. var. puberula. Sisymbrium asperum, Lin. S. polycera- 
tium, Lin. S. Columnæ, Lin. Sinapis alba, Zan. Erucastrum 
incanum, Koch. Diplotaxis erucoides, Dec. Alyssum alpes 


384 RÉGION MÉRIDIONALE. 


tre, Lin. A. maritimum, Zam. A. spinosum, Zin. A. ma- 
crocarpum, Dec. Draba aizoides , Lin. Cochleariasaxatilis , 
Lam. Thlaspi præcox, N. Catal. Tberis Prostn, Soy.- Will. 
L. pinnata, Lin. Biscutella saxatilis, Dec. Lepidium hirtum, 
Smith. Capsella procumbens, Fries. Æthionema saxatile, 
R. Brown. Bunias Erucago, Lin. Rapistrum rugosum, A{/. 

CistinEÆ. Cistus Pouzolzu, Delile. C. albidus, Zin. C. 
salvifohius, Zan. C. laurifohus, Lin. Helianthemum umbel- 
latum, Jill. H. alyssoides, Vent. H. Fumana, Jill. H. ita- 
licum, Pers. H. vineale, Pers. H. vulgare, Gærtn. 

ResenacEÆ. Reseda phyteuma, Lin. R. Jacquini, Rchb. 

PoryGALreÆ. Polygala calcarea, Schultz. 

SILENEÆ. Dianthus atro-rubens, All. D. hirtus, Vrll. D. 
virgineus, Lin. Saponaria ocymoides , Lin. Silene gallica , 
Lin. S. inaperta, Lin. S. saxifraga, Lin. S. italica, Dec. Ly- 
chnis coronaria, Lam. 

ALsiNEÆ. Buffonia macrosperma , Gay. Sagina apetala, 
Lin. S. subulata, Wimm. Spergula pentandra, Lin. Alsine 
rostrata, Koch. À. Jacquini, Koch. A. tenuifolia, Walhb. 
Moœbhringia muscosa, Lin. Arenaria aggregata, Lois. À. his- 
pida, Lin. A. ligericina, Lec. et Lam. A. montana, Lin. 

Lez. Linum gallicum, Lin. L. maritimum, Zn. L. 
strictum, Lin. L. flavum, Lin. L. salsoloïdes, Lam. L. te- 
nuifohium, Lin. L. narbonense, Lin. L. angustifohum, Huds. 

HyP£RICNEZÆ. Androsæmum officinale, A{!. Hypericum 
tomentosum, Lin. H. hyssopifolium, Vill. H. linearifolium, 
Valh. 

ACERINEÆ. Acer opulifolium, Vil!. A. monspessulanum, 
Lin. 

AMPELIDEÆ. Vitis vinifera, Lin. 

GERANIACEÆ. Geranium nodosum, Lin. G.pratense, Lin. 
G. sanguineum, Lin. 


LISTE DES ESPÈCES 389 


OxaLdEzæ. Oxalis stricta, Lin. O. corniculata, Lin. 

Zvcormieire#. Tribulus terrestris, Lin. 

Ruraceæ. Ruta graveolens , Lin. R. angustifolia , Pers. 

CorrariEÆ. Coriaria myrtifolia, Lin. 

RHaAmNEZÆ. Paliurus aculeatus , Lam. Rhamnus infecto- 
rius, Lin. R. alpinus, Zin. R. Alaternus, Lin. 

TEREBINTHACEZÆ. Pistacia Terebinthus, Lin. Rhus Coti- 
nus, Lin. 

PapiLiONACEÆ. Spartium Junceum, Lin. Genista scorpius, 
Dec. G. hispanica, Lin. Cytüsus sessilifolius, Lin. Adenocar- 
pus parvifolius, Dec. À. cebennensis, Delile. Lupinus angus- 
tifolius, Lin. Ononis Columnæ, A!!. O. minutissima, Lin. O. 
striata, Gouan. O. Natrix, Lin. O. rotundifolia, Lin. O. fru- 
ticosa, Lin. Anthyllis Vulneraria, Lin. Id. var. rubriflora. 
Koch. Hd. var. polyphylla, Dec. À. montana, Lin. Medicago 
Gerardi, W. et À. M. dentitulata, Wil!d. Trigonella monspe- 
liaca, Lin. Trifolium pratense, Lin.T. stellatum, Lin.T. an- 
gustifolium, Lin. T.hirtum, All. T. Bocconü, Saw. T. resu- 
pinatum , Lin. T. nigrescens, Viv. Doryenium suffruticosum , 
Vall. Bonjeania hirsuta, Rchb. Lotus corniculatus, Lin. L. 
angustissimus, Lin. Tetragonolobus sihiquosus, Roth. Pso- 
ralea bituminosa, Lin. Colutea arborescens, Lin. Astragalus 
purpureus, Lin. À. monspessulanus, Lin. Scorpiurus subvil- 
losa, Lin. Coronilla Emerus, Lin. C. minima, Lin. C. scor- 
pioides, Koch. Ornithopus compressus, Lin. Onobrychis 
supina , Dec. Cicer arietinum , Lin. Vicia onobrychioïdes , 
Lin: V. hybrida, Lin. V.lutea, Lin. Id. var. hirta, Koch. 
V. peregrina , Lin. Ervam Lens, Lin. Lathyrus sphæricus , 
Retz. L. cicera , Lin. L. setifolius, Lin. L. latifolhius , Lin. 
Orobus vernus, Lin. O. albus, Lin. 

AMYGDALEÆ. Cerasus Mahaleb, Mall. 


b 
[sl 


386 RÉGION MÉRIDIONALE. 


RosaceÆ. Geum sylvaticum, Pourr. Rubus tomentosus, 
Borckh. R. collinus, Dec. Potentilla rupestris, Lin. P. recta, 
Lin. P.hirta, Lin. P.verna, Lin. P. caulescens, Lin. Rosa 
sempervirens, Lin. 

PomaceÆ. Cotoneaster vulgaris, Lindl. CG. tomentosa, 
Lindl. Pyrus amygdaliformis, Will. Aronia rotundifola, 
Pers. Sorbus torminalis, Crantz. 

GRANATEÆ. Punica Granatum, Lin. 

PriranezPueÆ. Philadelphus coronarius, Lin. 

OxaGRARIEÆ. Epilobium Dodonær, Fifi. 

CaLLiTRICHINEZÆ. Callitriche vernalis, Lin. 

PARONYCHIEÆ. Herniaria incana , Lam. Paronychia cy- 
mosa, Poir. P. polygonilolia, Dec. Polycarpon tetraphyl- 
lum, Lin. 

CrassuzAcEÆ. Sedum Anacampseros, Lin. S. hirsutum , 
All. S. anopetalum, Dec. S. altissimum, Lam. S. amplexi- 
caule, Dec. Umbilicus pendulinus, Dec. 

GrossuLARIEÆ. Ribes uva-crispa, Lin. 

SAXIFRAGEÆ. Saxifraga Clust, Gouan.S. pubescens, Dec. 
S. pedatifida, Smith. 

UmBEzuirERÆ. Trinia vulgaris, Dec. Ptychotis hetero- 
phylla, Koch. Ammi majus, Lin. Conopodium denudatum, 
Koch. Buplevrum junceum , Lin. B. aristatum , Barth. B. 
falcatum, Lin. B. rigidum, Lin. B. ranunculoides, Lin. I. 
var. caricinum, Dec. B. protractum, Link. et Hoffm. B. 
fruticosum, Lin. Fœniculum officinale, A7. Seseli Gouani , 
Koch. S. montanum, Lin. S. tortuosum , Lin. Athamanta 
cretensis, Lin. Angelica sylvestris, Lin. Peucedanum cerva- 
ria, Lap. Laserpitium Nestleri, Soy.-Vill. L. Siler, Lin. L. 
gallicum , Lin. Orlaya grandiflora, Hoffm. Caucalis lepto- 
phylla, Lin. Ferula communis, Lin. 


LISTE DES ESPÈCES. 387 


Corne. Cornus mas, Lin. 

CaprirozrAceÆ. Viburnum tinus, Lin. Lonicera implexa, 
Ait, L.etrusca. Sant. 

STELLATÆ. Crucianella angustifolia, Lin. Rubia pere- 
grina, Lin. Galium anglicum, Huds. G. divaricatum , Lam. 
G. lucidum, A7. G. rubrum, Lin. Vaillantia muralis, Lin, 

VALERIANEÆ. Valeriana tuberosa, Lin. Centranthus Cal- 
citrapa , Dufr. C. angustitolius, N. Catal. Valerianella 
membranacea, Lois. V. coronata, Dec. 

Dipsaceæ. Cephalaria leucantha, Schrad. 

SYNANTEREÆ CORYMBIFEREÆ. Aster alpinus, in. Gala- 
tella rigida, Cass. Micropus erectus, Lin. Phagnalon sordi- 
dum, Dec. Pallenis spinosa , Cass. Inula squarrosa, Lin. I. 
montana, Lin. 1. graveolens, Desf. Jasonia tuberosa , Dec. 
Bidens bipinnata, Lin. Gnaphalium luteo-album, Lin. He- 
lichrysum Stæchas, Dec. H. angustifohum , .Dec. Artemisia 
camphorata, Pill. À. campestris, Lin. Achillea Ageratum, 
Lin. À. tomentosa, Zin. À, nobilis, Lin. Anthemis altis- 
sima, Lin. A. peregrina, Wild. Chrysanthemum montanum, 
Lin. C. pallens, Gay. C. graminifolium , Lin. C. ceben- 
nense, Lee. et Lamt. C. corymbosum, Lin. Senecio hividus, 
Lin. S. gallicus, Vill. S. lanatus, Scop. 

SYNANTHEREÆ CYNAROCEPHALEÆ. Echmops sphærocepha- 
lus, Lin. E. Ritro, Lin. Cirsium ferox , Dec. C. bulbosum, 
Dec. Carduus pycnocephalus, Jacq. G. tenuiflorus, Lin, C. 
vivariensis, Jord. Carlina acanthifolia, All. C. corymbosa , 
Lin. Stæhelina dubia, Lin. Serratula nudicaulis, Dec. Leuzea 
conifera, Dec. Carduncellus mitissimus, Dec. Centaurea 
amara, Lin. C. pectinata, Lin. C. collina, Lin. C. macu- 
losa, Lam. Id. var. albida. C. paniculata , Lin. C. solsti- 
tialis, Lin. C. aspera, Lin. Microlonchus salmanticus, Dec. 
Crupina vulgaris, Pers. 


388 RÉGION MÉRIDIONALE. 


SYNANTHEREÆ CICHORACEÆ. Scolymus hispanicus, Lin. 
Rhagadiolus stellatus, Gærtn. R. edulis, Gærtn. Catanan- 
che cærulea, Lin. Tolpis barbata, Gœærtn. Leontodon Vil- 
larsiüi, Lois. L. crispum, Will. Picris hispidissima, Bart. 
Helminthia echioïdes, Gærtn. Urospermum Dalechampn, 
Desf. U. picroides, Desf. Tragopogon porrifolius, Lin. Scor- 
zonera glastifolia, Walld. var. asphodeloides, Wallr. S. 
purpurea, Lin. Podospermum calcitrapilolium, Dec. Hypo- 
chœris glabra, Lin. Chondrilla latifolia , Bieberst. Lactuca 
perennis, Lin. Picridium vulgare, Desf. Pterotheca nemau- 
sensis, Cassin. Barkhausia albida, Cassin. Hieracrum saxa- 
tile, Vid. H. amplexicaule. Lin. H. ochroleucum, Schleich. 
Andryala sinuata, Lin. À. integrifolia, Lin. 

AmBrosiAcEÆ. Xanthium Strumarium, Lin. X. spino- 
sum, Lin. 

CampaNuLACEÆ. Campanula Erinus, Lin. C. Rapunculus, 
Lin. G. glomerata, Lin. var. cervicarioides, Alph. Dec., 
C. speciosa, Pourr. C. Medium, Lin. | 

ERicneÆ. Arbutus Unedo, Lin. Arctostaphylos uva ursi, 
Spreng. Erica cinerea, Lin. E. arborea, Lin. E. scoparia, 
Lin. 

OrEacEz. Olea europæa, Lin. Phillyrea latifolia, Lin. 
P. media, Link. P. angustifolia , Lan. 

JASMINEÆ. Jasminum fruticans , Lin. 

ASCLEPIADEÆ. Cynanchum Vincetoxicum, R. Brown. 
C. nigrum , À. Brown. 

ApocynEÆ. Vinca major, Lin. 

GENTIANEÆ. Chlora perfoliata, Lin. Gentiana ciliata, Lin. 

CoxvozvuLaceÆ. Convolvulus Cantabrica, Lin. 

BoraGineæ. Cynoglossum cheirifolium , Lin. Onosma 
echioides, Lin. Echium pyrenaicum, Lin. Lithospermum 
fruticosum , Lan. 


LISTE DES ESPÈCES. 389 


VerBascEÆ. Verbascum sinuatum, Lin. V. Chaixi, Pull. 
V. maïale, Dec. 

ANTIRREINEÆ. Antirrhinum Asarina , Lin. Linaria Ela- 
tine, Mill. L. origanifolia, Dec. L. supina, Desf. L. cha- 
lepensis, Mull. Erious alpinus, Lin. Veronica prostrata, Lin. 
V. spicata, Lin. V. acinifolia, Lin. V. præcox, All. 

OROBANCHEÆ. Orobanche cruenta, Berth. O. procera, 
Koch. O. minor, Sutt. O. Hederæ, Vauch.O. cærulescens, 
Steph. O. arenaria, Borkh. Lathræa squamaria , Lin. 

RHINANTHACEXÆ. Melampyrum nemorosum, Lin. Eu- 
phrasia lutea, Lin. 

LABrATÆ. Lavandula Stæchas, Lin. L. vera, Dec. L. 
Spica, Dec. Salvia glutinosa, Lin. S. æthiopis, Lin. S. Ver- 
benaca , Lin. Thymus vulgaris, Lin. Satureia hortensis , 
Lin. S. montana, Lin. Calamintha Nepeta, Clairv. La- 
mium maculatum, Lin. Sideritis romana , Lin. Phlomis 
Lychnitis, Lin. P. herba-venti, Lin. Prunella hyssopifoha, 
Lin. Teucrium flavum , Lin. T. Pohum , Lin. T. monta- 
num, Lan. 

PrimuLacez. Coris monspeliensis, Lin. Lysimachia linum 
stellatum, Lin. Primula acaulis, Jacq. Cyclamen repandum, 
Sibth. et Smith. 

GLogurarieæ. Globularia vulgaris, Lin. 

PLumBAGINEZ. Plumbago europæa, Lin. 

PLANTAGINEÆ. Plantago Coronopus, Lin. P. Psyllium, 
Lin. P. Cynops, Lin. 

AMARANTHACEÆ. Amaranthus prostratus, Balb. 

CuexoponeÆ. Salsola Kali, Lin. Chenopodium botrys, 
Lin. Blitum virgatum , Lin. 

Porycoxex. Rumex intermedius, Dec. 

Tavuerez, Daphne Gnidium, Lin. D. Cneorum, Lin. D. 
alpina , Lin. 


390 RÉGION MÉRIDIONALE. 

ARISTOLOCHIEÆ. Aristolochia rotunda , Lin. A. Pistolo- 
chia, Lin. 

EurnorgiacEeÆ.{Croton tinctorium, Lin. Euphorbia Cha- 
mæsyce, Lin. E. Duval, Lec. et Lamt. E. suffruticulosa , 
Lec. et Lamt. E. Gerardiana, Jacq. E. Characias, Lin. E. 
portlandica, Lin. E. nicæensis, A/!. E. serrata, Lin. E. 
segetalis, Lin. 

Urnicez. Urtica pilulifera, Lin. Ficus Carica, Lin. Morus 
alba , Lin. Celtis australis, Lan. 

CuruuirerÆ. Castanea vulgaris, Lam. Quercusilex, Lin. 
Q. coccifera, Lin. 

SALICINEÆ, Salix fragilis, Lin. S. purpurea, Lin. var. 
Helix, Koch. S. Seringeana , Gaud. S. incana , Schrank. 

ConIFEREz. Juniperus Oxcycedrus , Lin. J. Sabina, Lin. 
Pinus pyrenaica , Lap. 

ARoIDEÆ. Arum italicum, Mall. 

OrcHinEæ. Orchis galeata, Lam. Ophrys muscifera, 
Huds. O. arachnites, ÆReichard. O. aranifera , Huds. O. 
pseudo-speculum , Dec. Serapias pseudo-cordigera , Horis. 
S. lingua, Lin. Limodorum abortivum, Swartz. Epipactis 
latifolia , AU. Spiranthes æstivalis, Rich. 

IRineÆ. Gladiolus segetum, Gauvler. Iris olbiensis, Hénon. 

AMARYLLIDEÆ. Narcissus juncifolius , Reg. 

ASPARAGEÆ, Asparagus officinalis, Lin. A. tenuifohus, 
Lam. À. acutifolius, Lin. Smilax aspera, Lin. Ruscus acu- 
leatus, Lin. 

LicraceÆ. Tulipa sylvestris, Lin. Asphodelus albus, Ai. 
Anthericum Liliago, Lin. À. ramosum, Lin. À. planifolium, 
Lin. Ornithogalum pyrenaicum, Lin. Sailla autumnalis , 
Lin. Muscari botryoides, Hill. Allium roseum, Lin. A. 
fallax, Don. À. multüiflorum, Dec. À. intermedium , Dec. 
À. pamculatum , Lin. À. schænoprasum, Lan. 


LISTE DES ESPÈCES. 391 


CommecinacEÆ. Aphyllanthes monspeliensis, Lin. 

Juxcaceæ. Juncus capitatus, Weigel. 

Cyreraceæ. Cyperus longus, Lin. Schœnus nigricans, 
Lin. Scirpus Holoschænus, Lin. Carex Davalliana, Smith. 
C. gynomane, Bertol. C. Schreberi, Schrank. C. montana, 
Lin. GC. humilis, Leyss. C. nitida , Host. CG. maxima, Scop. 
C. tenuis, Host. 

GRamineæ. Zea Mays, Lin. Andropogon Grillus, Zn. 
Phleum arenarium, Lin. P. Boœhmeri, Wibel. Agrostis ver- 
ticillata, Vil£. A. setacea, Curt. Apera interrupta, P. de 
Beauv. Gastridium lendigerum, Gaud. Piptatherum para- 
doxum, P. de Beauv. Stipa pennata, Lin. Lasiagrostis 
Calamagrostis, Link. Arundo Donax, Lin. Sesleria cærulea, 
Ard. Kcæleria valesiaca, Gaud. K. phleoïdes, Pers. Aira 
media, Gouan. Corynephorus articulatus, Beauv. Avena 
sterilis, Lin. À. amethystina, Clarion. A. pratensis, Lin. 
Melica ciiata, Lin. Melica ramosa, Vull. Briza maxima, Lin. 
B. minor, Lin. Eragrostis poæoides, P. de Beauv. Poa al- 
pina, Lin. var. badensis, Koch. Molinia serotina, Mert. et 
Koch. Dactylis glomerata, Lin. var. abbreviata , Rchb. Cy- 
nosurus echinatus, Lin. Festuca tenuiflora, Schrad. F. La- 
chenal, Spenn. F. rigida, Kunth. F. sciuroides, Roth. F. 
myuros, Lin. F. duriuscula, Lin. var. mutica. Brachypo- 
dium ramosum, Rœm et Sch. Bromus squarrosus, Lin. B. 
madritensis, Lin. Ægilops ovata, Lin. Psilurus nardoides , 
Trin. 

EquiseracEÆ. Equisetum ramosum , Schleich. 

Fruces. Grammitis leptophylla, Swartz. Osmunda rega- 
lis, Lin. Polypodium calcareum, Smith. Asplenium Halleri, 
R. Brown. À. Breynüi, Retz. Adianthum capillus Veneris, 


Lin. Cheilanthes odora, Swartz. Notholæna Marantæ, R. 
Brown. 


392 RÉGION MÉRIDIONALE. 


$ 3. ASSOCIATION DES FORÈTS DE CHÈNES VERTS 
DE LA RÉGION MÉRIDIONALE. 


Le prolongement des terrains primitifs qui avancent sous 
le nom de Cévennes dans les départements de la Lozère, du 
Gard et de l'Aveyron , est bordé partout de grands plateaux 
qui semblent avoir été brisés, et dont tous les côtés’ sont 
coupés à pic et verticalement escarpés. On les appelle des 
causses. Les uns sont entièrement arides, d’autres sont cul- 
üivés, et quelques-uns sont couverts de forêts. C’est à peine 
si l'on ose donner ce nom à la végétation arborescente de 
ces contrées, tant elle diffère de celle des montagnes et des 
grands bois de la région de la plaine ; ie climat plus chaud, 
l'exposition méridionale, et surtout un sol entièrement cal- 
caire et compacte, presque toujours sans eau, donnent à 
cet ensemble une physionomie toute particulière, dont nous 
allons essayer de reproduire les traits principaux. 

Les végétaux ligneux sont assez nombreux en espèces, 
mais quelques-uns dominent tous les autres par leur profu- 
sion et leur aspect particulier. En première ligne se montrent 
les chênes et surtout l’yeuse, Quercus [lex , Lin., que l'on 
voit dans l'Ardèche à Jaujac, à Aubenas, mais surtout dans 
le midi de la Lozère et dans le Gard. Cet arbre atteint d’assez 
grandes proporticns, et présente une foule de variétés, les 
unes à larges feuilles arrondies , les autres à feuilles étroites 
et dentées ; les glands sont allongés ou raccourcis. Cet arbre 
n’a pas de fraîcheur, et contribue à donner aux paysages la 
teinte grise si commune aux régions méridionales. Les au- 
tres espèces de chênes s’y rencontrent aussi, et les Quercus 
sessiliflora, Smith., et pedunculata, Ehrh., ÿ deviennent 
même très-grands et très-vigoureux. Is sont moins répandus 
que le Q. pubescens, Willd. , dont le feuillage , jaunâtre au 


FORÊTS DE CHÊNES VERTS. 393 


printemps, contraste avec celui des espèces à feuilles persis- 
tantes. Dans cette dernière série se trouve aussi le Q. cocci- 
fera, Lin. , toujours petit et rabougri , bien plus méridional 
que l’yeuse , et qui s’avance très-peu sur le plateau central. 

Après ces chênes dont le dernier n’est véritablement qu’un 
arbrisseau, c’est le Juniperus Oxcycedrus, Lin., qui attemt 
les plus grandes dimensions ; il forme des arbres à cimes ar- 
rondies , dont les femelles se couvrent de fruits rouges , et 
dont les mâles répandent une si grande quantité de pollen 
jaune que les pierres en sont couvertes et que le vent en 
soulève des tourbillons, Cet arbre n’est pas exclusif, et des- 
cend sur le bord du Tarnon jusque sur les rochers de micas- 
chiste. 

Plusieurs plantes nous offrent dans la Lozère cette même 
variabilité de station géologique; mais elles sont loin pour 
cela de rester indifférentes à la nature du soi. La plupart 
n’acceptent les micaschistes qu'à la condition qu'ils seront 
dominés par les causses ; en sorte que l’élément calcaire leur 
est fourni par les eaux pluviales qui dissolvent le carbonate 
de chaux, ou par les détritus constamment entraînés vers les 
vallées. On rencontre aussi dans quelques endroits le Juni- 
perus Sabina, Lin., que nous croyons plus méridional, et qui 
vraisemblablement a été introduit dans le rayon de notre 
flore. 

Il n’en est pas de même des deux Acer monspessulanum, 
Lin., et À. opulifolium , Vill. Le premier croît indistincte- 
ment sur les calcaires, les porphyres ou les basaltes ; le se- 
cond paraît plus spécial aux sols calcaires, et ses fruits qui 
fréquemment se colorent en rouge vif, sont un des plus beaux 
ornements de ces bois méridionaux. Le Pistacia Terebinthus, 
Lin.,etsa variété angustifolia, sont fréquents sur les causses, 
dans les lieux les plus arides, où l’on trouve aussi le Paliu- 


394 RÉGION MÉRIDIONALE. 


rus aculeatus, Lam., remarquable par l'alternance régu- 
lière de ses rameaux , par ses fleurs jaunes groupées, et ses 
fruits singuliers entourés d’une membrane. 

Cet arbre n’est pasle seul dont les épines acérées soient à 
craindre ; on est plus exposé encore à celles du Genista Scor- 
pius , Dec., une des plantes les plus communes et des plus 
redoutables de cette contrée. Le Cratægus pyracantha , 
Pers., et le Pyrus amygdaliformis, Vill., sont beaucoup 
plus rares, mais également garnis de nombreux piquants, et 
si nous voulions faire l'énumération complète de ces végé- 
taux armés, si communs à mesure que l’on s’avance dans les 
régions méridionales , il faudrait ajouter les larges buissons 
et les longues tiges traînantes des Rubus tomentosus, Borckh., 
et R. collinus, Dec. ; leurs petits fruits noirs quoique savou- 
reux ne compensent pas leurs blessures. Enfin, de nombreux 
groupes dediverses variétés du Rosa canina, Lin., et ceux du 
R. sempervirens, Lin., complètent, avec le Smilax aspera, 
Lin. , les fourrés impénétrables que nous offrent quelquefois 
ces bosquets méridionaux. Nous sommes loin toutefois d’a- 
voir épuisé la liste de leurs espèces arborescentes ; nous y 
voyons aussi çà et là le Cerasus Mahaleb, Mill. , et le Cor- 
nus mas, Lin., qui ne s’avancent pas jusque dans le Puy- 
de-Dôme, le Rhus Cotinus, Lin., souvent muni de ses fleurs 
avortées et transformées en soyeux pédoncules , les Rham- 
nus alpinus, Lin., R.infectorius, Lain., et R. Alaternus, 
Lin., plus méridional que les deux autres. Les trois Phyllirea 
latifolia, angustifolia, Lin. etmedia, Link., forment aussi 
quelques buissons sur les causses , quoique préférant les lieux 
granitiques ou schisteux ; il en est de même de l’Arbutus 
Unedo, Lin, et des £rica scoparia, Lin., cinerea, Lin., et 
du Calluna vulgaris, Lin., plantes qui vivent un peu par- 
tout, tandis que l’£rica arborea, Lin., reste confiné sur les 


FORÊTS DE CHÈNES VERTS. 399 


terrains schisteux. Les cistes et surtout le C. salvifolius, 
Lin., se mêlent encore à la végétation des causses. Les 
Daphne Gnidium, Lin.,et D. Laureola, Lin., mais non le 
D. Mezereum , Lin. , en font aussi partie avec le Viburnum 
Tinus, Lin., et le Coriaria myrtifolia , Lin. Dans les en- 
droits peu fourrés se développent les buissons demi-grim- 
pants du Lonicera implexa , Aït. , le Colutea arborescens, 
Lin., avec ses fruits vésiculeux, le Cytisus sessilifolius, 
Lin., tout couvert de fleurs jaunes, et la jolie Coronilla 
Emerus, Lin., qui croit indistinctement sur les plateaux 
calcaires et sur les coteaux basaltiques. 

Le buis, Buxus sempervirens, Lin., est assez commun, 
ainsi que le Ruscus aculeatus, Ein., que l’on reconnait de 
loin à ses cerises rouges posées sur ses feuilles. 

Des végétaux grimpants viennent jouer le rôle des lianes 
des contrées plus chaudes ; les Clematis flammaula et Vitalba, 
Lin., montent dans les buissons et les couvrent, selon la 
saison, de fleurs odorantes ou d’aigrettes plumeuses ; mais 
c’est surtout le Similax aspera, Lin. , qui rend les fourrés 
impénétrables par ses tiges solides et flexueuses et ses épines 
recourbées. On y voit rarement le houblon , Humulus Lu- 
pulus, Lin., mais fréquemment la vigne sauvage, Vitis vi- 
nifera, Lin., bien différente de celle que nous cultivons, par 
ses fleurs nombreuses , ses baies plus petites et ses feuilles 
cotonneuses. Elle forme de magnifiques guirlandes qui at- 
teignent quelquefois la cime des plus grands arbres, où qui 
rampent et vont mürir leurs grappes près des fruits des ron- 
ces et des cynorrhodons. 

Des plantes herbacées très-nombreuses viennent souvent 
s'ajouter aux types arborescents que nous venons d'indiquer, 
et si nous voulions les mentionner toutes , il faudrait énu- 
mérer celles qui composent la végétation des causses, et qui 


396 RÉGION MÉRIDIGNALE. 


pénètrent dans les bois dès qu'il y existe une clairière, ou 
dès que les chênes verts, qui donnent peu d’ombrage , vien- 
nent à s'écarter. Nous en trouvons cependant quelques-unes 
plus particulièrement sylvestres dans ces localités. Telles 
sont le Cynanchum Vincetoxicum, R. Brown., très-commun 
partout , l’Anthericum ramosum, Lin. , et même l’A. Li- 
lago, Lin., qui offrent leurs fleurs blanches dans les mois 
de mai et de juin. L'Onosma echioides, Lin., croît çà et là 
dans les lieux plus découverts avec le Buplevrum junceum , 
Lin., et le Bonjeania hirsuta, Rehb. Aïlleurs c’est le La- 
serpitium Nestleri, Soy.-Wil., etsa variété hispidum, avec 
l’hypericum hyssopifolium , Will., qui est loin d'être très- 
répandu. On voit aussi le Briza maxima, Lin., avec ses gros 
épillets tremblants ; l’'Orobus albus, Lin., le Leuxea coni- 
fera, Dec., l'Inula salicina, Lin., qui préfère cependant 
les coteaux siliceux. On rencontre aussi les feuilles trilobées 
de l’Anemone Hepatica, Lin., qui affectionne les calcaires, et 
les belles touffes du Catananche cœrulea, Lin., dont les 
fleurs persistent longtemps comme des immortelles bleues. 

Tels sont les principaux végétaux qui composent les fo- 
rêts méridionales de nos coteaux calcaires, si toutefois on 
peut donner ce nom à quelques arbres disséminés ou à des 
amas de broussailles. L’abondance des plantes épineuses et 
la multitude d'espèces à feuillage terne et persistant don- 
nent à ces contrées un aspect tout différent de celui que pré- 
sentent nos campagnes avec leur verdure fraiche et leurs bois 
ombragés. 


Liste des plantes des forêts de chênes verts. 
Clematis flammula, Lin. C. Vitalba, Lin. Anemone Hepa- 


tica, Lin. Hypericum hyssopifolium, Vi//. Acer opulifolium, 
Vill. A. monspessulanum , Lin. Paliurus aculeatus, Lam. 


CHATAIGNERAIES. 397 
Rhamnusinfectorius, Lin. R. alpinus, Lin. R. Alaternus, Lin. 
Pistacia Terebinthus, Lin. Rhus Cotinus, Lin. Genista scor- 
pius, Dec. Cytisus sessilifolius , Lin, Bonjeania hirsuta, Rchb. 
Colutea arborescens , Lin. Coronilla Emerus, Lin. Orobus 
albus, Lin. Cerasus Mabaleb, Hill. Rubus tomentosus, Borchk. 
R. collinus, Dec. Cratægus pyracantha, Pers. Pyrus amygda- 
liformis , Vrll. Buplevrum junceum, Lin. Laserpitium Nest- 
leri, Soy.- Wall. Cornus mas, Lin. Lonicera implexa, Ait. 
fnula salicina, Lin. Leuzea conifera, Dec. Catananche cæru- 
lea, Lin. Phyllyrea latifolia, Lin. P. media, Link. P. angus- 
tifolia, Lin. Cynanchum vincetoxicum, R. Brown. Onosma 
echioides, Lin. Daphne Gnidium, Lin. Buxus sempervirens, 
Lin. Quercus pubescens, Walld. Q. ex. Lin. Q. coccifera, 
Lin. Juniperus Oxycedrus, Lin. 3. Sabina, Lin. Smilax aspera, 
Lin. Ruscus aculeatus, Lin. Anthericum Liliago, Lin. À. ra- 
mosum , Lin. Briza maxima, Lin. 


$ 4. ASSOCIATION DES CHATAIGNIERS DE LA RÉGION 
MÉRIDIONALE. 


Le châtaignier, Castanea vulgaris, Lam., n'appartient 
pas seulement à la région méridionale de notre circonscrip- 
tion ; on le trouve également dans la région opposée, et on 
le voit gravir le long des pentes du plateau central, sans ar- 
river jamais au niveau des hôêtres et des sapins ; 1l atteint 
quelquefois les pins, lorsqu'ils descendent dans leurs der- 
nières limites. Nous ne pouvons tirer aucune conséquence 
de cette situation des châtaigniers, car ils sont plantés par- 
tout, mais cependant naturalisés au point de se reproduire 
spontanément et de former des taillis. Sur certains points où 
l'on trouve cet arbre mélangé aux chênes , aux noisetiers, 
aux érables, 1l est même difficile d'admettre qu'il ne soit 
pas indigène. Nous pourrions donc le supposer originaire 
de notre sol, mais amélioré par la culture, et couvrant, par 


398 RÉGION MÉRIDIONALE. 


les soins de l’homme, de vastes étendues. Quoique bien plus 
commun dans notre région du midi, nous le retrouvons dans 
la partie nord du plateau central, aux environs de Lezoux, à 
Ravel, où 1l constitue des taillis qui croissent sur les grès ter- 
tiaires. Nous le rencontrons près de Clermont , se dévelop- 
pant avec une vigueur extraordinaire, soit sur les coteaux 
granitiques qui bordent la Limagne, soit sur des pouzzolanes 
amoncelées au pied de ces coteaux ou sur les laves des vol- 
cans. Plusieurs de ces arbres sont ensevelis jusqu’à la moitié 
de leur tronc dans les débris volcaniques ou dans les sables 
détritiques des granites. Jamais on ne les rencontre sur les 
calcaires. 

Leur véritable contrée est dans les départements du Gard et 
de la Lozère, sur les pentes des Cévennes. Ils couvrent tous 
les terrains de grès siliceux et de micaschiste, et on les voit 
fuir les causses et les plateaux calcaires avec tant de régu- 
larité, que l’on peut tracer géologiquement les limites des cal- 
caires et des micaschistes par la seule inspection des grandes 
plantations de châtaigniers. Cet arbre est peut-être le seul 
qui puisse croitre sur d'aussi mauvais terrains, et si les Cé- 
vennes semblent offrir, au premier coup d'œil, une belle vé- 
gétation , elles ie doivent à la présence du châtaignier. Sans 
lui, ces vastes plateaux de micaschistes, autour desquels les 
causses viennent s’adosser, seraient absolument stériles , et 
la disette remplacerait l'abondance que produit un seul arbre 
assez robuste pour prospérer dans le sol le plus maigre et le 
plus ingrat. 

On ne peut se figurer l’affreuse stérilité des terrains de 
micaschiste, quand ils sont abandonnés à eux-mêmes. On 
peut en juger par les déserts que l’on traverse entre Lango- 
gne et Villefort , dans la Lozère. Tous les points qui ne sont 
pas plantés n’offrent absolument que du mica et du quartz, 


CHATAIGNERAIES. 399 


dont les facettes, brillant au soleil, fatiguent et éblouissent les 
yeux. 

Mais partout où le châtaignier prospère, on commence à 
trouver un peu de végétation , bien chétive , 1l est vrai, mais 
encore existe-t-elle. Le Pteris aquilina, Lin., cette plante 
cosmopolite, s'y montre la première ; puis quelques pieds 
d’Helleborus fœtidus, Lin. Les Veronica officinalis, Lain., 
et V. Chamædris, Lin. s’y développent aussi. Au pied même 
des châtaigniers, on remarque les belles fleurs jaunes des Ra- 
nunculus monspeliacus, Lin., et R. Chærophyllos, Lin., et 
plus tard les touffes blanchâtres de lAndryala integrifo- 
lia, Lin. 

Un certain nombre de graminées rustiques essaient de 
couvrir le sol sous la protection de cet arbre tutélaire. On y 
distingue les Kestuca myuros, Lin., F. sciuroiïdes, Roth., 
F. tenuiflora, Schrad., avec sa variété aristata, Koch., ou 
Triticum Nardus, Dec., plus commune encore. [s’y mélange 
le Psilurus nardoides , Trin., où Nardus aristata, Lin., 
ainsi que le Brachypodium ramosum , Rœm. et Sch., qui 
est le Triticum cϾspitosum , Dec. Nous pourrions y joindre 
aussi le Poa bulbosa , Lin., qui préfère cependant les lieux 
plus sablonneux , à détritus plus fins. 

Pour peu que les châtaigniers viennent à s’écarter, on voit 
une multitude de plantes qui s'empressent de venir prendre 
place. L'une des plus remarquables est l’Adenocarpus ce- 
bennensis, Dec., qui ne quitte pas le versant méridional de 
la Lozère, et l’Adenocarpus parvifolius, Dec., qui croît sur 
les terrains schisteux du département du Lot, aux environs 
de Figeac. 

Les quatre espèces de cistes que nous possédons sur notre 
territoire, Cistus Pouzolzi, Del., C. albidus, Lin., C.sal- 

. vifolius, Lin., et C. laurifolius , Lin., végètent sur le bord 


400 REGION MÉRIDIONALE. 


des châtaigneraies ou dans les clairières qu'elles laissent sur 
les micaschistes. Il en est de même des trois Philiyrea an- 
gustifolia, Lin., media, Link., latifohia, Lin. H arrive ce- 
pendant que ces dernières plantes se retrouvent aussi sur les 
terrains calcaires, pour lesquels elles ont moins de prédi- 
lection. 

Quatre bruyères viennent animer de leurs jolies fleurs les 
coteaux formés par cette roche primitive, les grès et tous les 
lieux où croît le châtaignier. Elles sont presque toujours as- 
sociées aux cistes. La moins brillante est l’£rica scoparia , 
Lin. ; la plus commune et celle qui fleurit le plus longtemps, 
l'Erica cinerea, Lin., dont les fleurs varient du lilas au 
rouge purpurin ; la plus tardive est le Calluna vulgaris , 
Salisb., qui atteint ici de grandes proportions ; la plus belle 
et la plus précoce est l'Ærica arborea, Lin. , qui s'élève en 
un bel arbrisseau , et qui, dès le mois d’avril , se couvre de 
milliers de fleurs blanches et roses, qui donnent un air de fête 
et de printemps à toute la contrée. 

Ce tableau de la végétation des châtaigneraies ou des mi- 
caschistes serait incomplet si nous n’y faisions pas intervenir 
une des plus belles espèces de notre région méridionale, 
l'Arbutus Unedo, Lin., qui forme de petits bois à lui seul 
ou qui se mélange aux autres espèces arborescentes. Ses 
feuilles luisantes, ses fleurs transparentes et surtout ses fruits, 
qui passent du vert à l’orangé , et de cette dernière teinte au 
rouge écarlate , l'apparition simultanée de toute cette pa- 
rure , en font, avec la bruyère , l'ornement de ces terrains 
arides, si riches pour le botaniste habitué à la végétation du 
nord , et qui préludent à la flore si élégante des bords de la 
Méditerranée. 

Nous retrouverons , dans d’autres stations, d’assez nom- 
breuses espèces herbacées qui se réunissent à celles que 


HAIES ET BUISSONS. A01 


nous venons d'indiquer, mais qui, plus ordinairement, res- 
tent confinées sur les pelouses sèches ou dans les fentes des 
rochers, sans faire partie intégrante de la station des forêts. 

Sur ces mêmes terrains primitifs , et sur les grès houillers 
du bassin de Bessège , près de Saint-Ambroix, existent des 
forêts presque exclusivement composées de Pinus pyrenaica, 
Lap. Cette station est d'autant plus intéressante qu'on ne 
connaissait encore cet arbre que sur le versant espagnol 
des Pyrénées, et il faudra probablement lui rapporter le 
Pinus Salzmanni, Dunal. Ce pin s'élève assez haut, pré- 
sente un port élégant, et ses magnifiques bosquets proté- 
gent à peu près les mêmes espèces que nous venons de citer 
comme habitant les forêts de châtaigniers, souvent même il 
se mélange à ces derniers, et partage le sol avec eux. 


Liste des plantes de l'association des chätaigneraies. 


Ranunculus monspeliacus , Lin. R. Chœrophyllos, Lin. 
Helleborus fœtidus, Lin. Cistus Pouzolzu, Delil. C. albidus, 
Lin. C. salvifolius, Lin. C. laurifolius, Lin. Adenocarpus ce- 
bennensis, Dec. À. parvifolius , Dec: Andryala integrifolia, 
Lin. Arbutus Unedo , Lin. Calluna vulgaris, Salisb. Erica 
scoparia, Lin. E. cinerea, Lin. E. arborescens , Lin. Phil- 
lyrea latifolia, Lin. P. angustifolia, Lin. P. media, Link. Vero- 
nica officinalis, Lin. V. Chamædris, Lin. Castanea vulgaris, 
Lam. Pinus pyrenaica, Lap. Festuca tenuiflora, Schrad. 
Id. var. aristata, Koch. F, myuros, Lin. F. sciuroides, Roth. 
Poa bulbosa , Lin. Brachypodium ramosum , Ræm. et Sch. 
Psilurus nardoides, Trin. Pteris aquilina , Lin. 


$ 4. ASSOCIATION DES HAIES ET BUISSONS DE LA 
RÉGION MÉRIDIONALE. 


La majeure partie des espèces que nous venons d’énumé- 


rer dans les pages précédentes, quittent les forêts pour se 
26 


402 RÉGION MÉRIDIONALE. 


disséminer au milieu des rochers, sur les pentes ou sur les 
plateaux des montagnes, où elles paraissent sous forme de 
broussailles ou de buissons. Aïlleurs elles sont plantées par 
les soins de l’homme, et constituent les haies sous lesquelles 
d’autres végétaux spontanés viennent chercher un abri. Nous 
devons dire que cette végétation diffère très-peu de celle des 
bois, et qu'elle appartient aussi en partie aux associations si 
variées que l’on trouve dans les lieux rocailleux , sur les ro- 
chers, et même au milieu des champs. Il y a pourtant quel- 
ques espèces qui affectionnent plus particulièrement cette 
station mixte et qui la préfèrent à toute autre. 

Nous rappellerons les Phillyrea, les Pistacia, le Smilax 
aspera, Lin.,le Rosa sempervirens, Lin., le Clemats flam- 
mula, Lin., et même le C. Vitalba, Lin., qui forment çà et 
là de vastes buissons. Le Philadelphus coronarius, Lin., le 
Jasminum fruticans, Lin., et le Ribes uva-crispa, Lin., 
variété glanduloso-setosum , Koch., qui est peut-être une 
espèce distincte, comme le pensait Linné , entrent surtout 
dans la composition des haies. C’est dans les mêmes lieux 
que l’on remarque le Punica Granatum, Lin., dont les fleurs 
écarlates se voient de si loin ,et le Celtis australis, Lin., 
qui reste ici à l’état de buisson , tandis qu'il acquiert, dans 
le midi de l’Europe, de si vastes proportions. 

On voit encore des groupes arborescents qui s'élèvent peu 
et semblent lutter contre l’aridité des causses. Tels sont le 
Cotoneaster tomentosa, Lindi., et sa variété intermedia , le 
C. vulgaris, Lind!., qui habite aussi les montagnes élevées ; 
les Rhamnus alpinus, Lin., R.infectorius, Lin., k. Alater- 
nus, Lin., et le Sorbus torminalis, Crantz. Le Coriaria myr- 
tifolia, Lin., est plus rare, ainsi que le Spartium junceum, 
Lin., et l’on rencontre aussi l'Ononis fruticosa, Lin., ainsi 
que le Salix incana, Schrank., etrarement le S. Seringeana, 


HAIES ET BUISSONS. 403 


Gaud., qui sont plutôt des arbrisseaux de rivage que des 
plantes de buissons. 

De belles espèces ont fixé leur demeure au milieu de ces 
végétaux arborescents ; on trouve dans leur voisinage les 
Thalictrum aquilegifolium , Lin., T. sylvaticum , Koch., 
T. minus, Lin., variété glandulosum, Koch. Le Mœhringia 
muscosa, Lin., et l’Arabis brassicæformis, Walh., recher- 
chentles endroits abrités ; le Lathyrus latifolius, Lin., et sur- 
tout sa variété angustifolius, étalent partout leurs étendards 
purpurins , près des grappes blanches de l’Orobus albus, 
Lin., tandis que le Ranunculus gramineus, Lin., ouvre ses 
bassins dorés, qui contrastent avec les rayons argentés des 
Chrysanthemum montanum , Lin., et C. graminifolium, 
Lin. 

Ailleurs se présentent d’autres scènes d’un grand éclat : 
l'Echinops Ritro, Lin., élève sur ses hautes tiges ses capi- 
tules bleus et arrondis ; le Catananche cœrulea, Lin., forme 
des touffes nombreuses et serrées, souvent accompagnées 
du Scorzonera glashifolia, Willd., variété asphodeloides, 
Wallr., dont les fleurs jaunes paraissent si différentes de 
celles de sa congénère le Scorzonera purpurea, Lin., qui 
habite les mêmes localités. 

C’est encore au milieu des broussailles et le long des haies 
qu'il faut chercher lArum talicum, Mill., printanier 
comme l'Orobus vernus, Lin. ; le Cyclamen repandum , 
Sibth. et Smith., espèce aussi rare que le Geum sylvaticum, 
Pourr., que l’on rencontre quelquefois avec lui. On y re- 
marque aussi le Chrysanthemum corymbosum, Lin., le Bu- 
plevrum falcatum , Lin., et sa variété angustifolium , le 
Vinca major, Lin., et le Gentiana ciliata, Lin., deux plan- 
tes à fleurs bleues d’une grande élégance. 

Le Melampyrum nemorosum, Lin., cherche des endroits 


40% RÉGION MÉRIDIONALE. 


couverts , tandis que le Coronilla minima , Lin., et l'Oro- 
banche cruenta, Berth., qui est son parasite, se mon- 
trent au grand Jour. On distingue çà et là le Globularia vul- 
garis, Lin., l’Asphodelus albus, Mill., et sa variété ramosus, 
et l'on voit fleurir l’Anthericum Liliago , Lin., et\'A. ramo- 
sum, Lin., près des hampes nues et allongées de l’Ornitho- 
galum pyrenaicum, Lin. Nous pouvons ajouter encore à 
cette association l’Orchis galeata , Lam., l’Allium panicu- 
latum, Lin., l'A. flavum, Lin., et beaucoup d’autres es- 
pèces que déjà nous avons indiquées en parlant des forêts 
ou que nous citerons bientôt en continuant ce tableau des 
scènes méridionales de notre territoire. 


Liste des plantes des haies et buissons. 


Clematis flammula, Lin. C. Vitalba, Lin. Thalictrum aquile- 
gifolium, Lin. T. sylvaticum, Koch. T. minus, Lin. Var. 
glandulosum , Koch. Ranunculus gramineus, Lin. Arabis 
brassicæformis , Wallr. Moœhringia muscosa, Lin. Coriaria 
myrtifolia, Lin. Rhamnus infectorius, Lin. R. alpinus, Lan. 
R. Alaternus, Lin. Spartium junceum, Lin. Ononis fruticosa, 
Lin. Lathyrus latifolius, Lin. Id. var. angustifolius. Orobus 
verous, Lin. O. albus, Lin. Geum sylvaticum , Pourr. Rosa 
sempervirens, Lin. Cotoneaster vulgaris, Lindley. C. tomen- 
tosa, Lindley. Id. var. intermedia. Sorbus torminalis , Crantz. 
Punica Granatum , Lin. Philadelphus coronarius , Lin. Ribes 
uva-crispa, Lin. Var. glanduloso-setosum, Koch. Buplevrum 
falcatum , Lin. Chrysanthemum montanum , Lin. C. grami- 
nifolium , Lin. C. corymbosum , Lin. Echinops Ritro , Lin. 
Catananche cærulea, Lin. Scorzonera glastifolia, Wil{d. Var. 
asphodeloïdes , Wallr. Scorzonera purpurea , Lin. Jasminum 
gruticans , Lin. Vinca major, Lin. Gentiana ciliata, Lin. Oro- 
banche cruenta, Berth. Melampyrum nemorosum , Lin. Cy- 
clamen repandum , Sibth et Smith. Globularia vulgaris, Lin. 
Celtis australis, Lin. Salix Seringeana , Gaud. S. incana , 


CAUSSES. 405 


Schrank. Arum italicum , Mill. Orchis galeata, Lam. Smilax 
aspera , Lin. Asphodelus albus, Mall. Id. var. ramosus. 
Anthericum Liliago, Lin. À. ramosum , Lin. Ornithogalum 
pyrenaieum, Lin. Allium flavum , Lin. À. paniculatum, Lan. 


$ 6. ASSOCIATION DES CAUSSES DE LA RÉGION 
MÉRIDIONALE. 


Les plantes qui , dans cette région du midi, constituent 
les associations végétales , sont loin d’appartenir à des sta- 
tions distinctes, comme celles de la plaine et de la montagne. 
La plupart existent sur ces immenses coteaux pierreux que 
l’on appelle des causses, et quoique plusieurs d’entr'elles 
s’en soient éloignées pour vivre plus à l'aise au milieu de la 
civilisation et des champs cultivés , nous devons d’abord nous 
occuper de celles qui sont restées confinées dans leur station 
primitive. 

On trouve de grandes différences entre les causses ; les di- 
vers étages du calcaire jurassique qui les couvre rendent leur 
surface plus ou moins rugueuse, plus ou moins altérable à 
l'air ; mais le plus souvent la décomposition n’y fait que des 
progrès très-lents, et l'extrême sécheresse de ces plateaux les 
maintient dans une grande aridité. Il n’est donc pas éton- 
nant que si l’on y trouve dispersées de nombreuses espèces en 
rares individus, ces mêmes plantes se retrouvent en quantité 
plus grande dans les champs que le travail parvient quelque- 
fois à soumettre à la culture. 

Il existe toutefois sur les causses un obstacle à l’exten- 
sion illimitée des plantes que l’on y rencontre ; ce sont les 
vallées qui séparent ces plateaux , et qui, presque toujours 
creusées dans le micaschiste, n’ont plus l'élément calcaire 
et ne nourrissent plus certaines espèces qui ne peuvent se 
plier à ces changements de conditions. 


406 REGION MÉRIDIONALE. 


Au reste, ces grands plateaux offrent eux-mêmes des iné- 
galités de surface. Là ce sont des pierres dispersées de tous 
côtés; là ce sont des amas, parfois très-considérables, de ces 
mêmes matériaux ; ailleurs, de petits espaces, semblables à 
des oasis, ont des pelouses fleuries, ou bien le terrain se 
déprime , et l'eau des pluies, qui peut y séjourner pendant 
un temps très-court, donne cependant assez d'humidité au 
sol pour que quelques espèces particulières puissent s’y dé- 
velopper. 

On doit s'attendre à une végétation vernale sur les causses, 
et elle l’est en effet, quoique toujours peu brillante. 

La plante la plus remarquable de cette première saison est 
l’Adonis vernalis, Lin., qui forme de magnifiques toufles 
disséminées, à feuilles finement découpées, et à fleurs jaunes, 
semblables à des étoiles d’or ; elle remplace ici l’Adonis 
pyrenaica, Lin., des Pyrénées. On voit aussi le Narcissus 
Juncifolius, Req., plante méridionale , mais qui arrive jus- 
qu'aux environs d’Anduze, en s’abritant, comme elle le fait 
au-dessus de Grasse et de Nice, dans les trous plus ou moins 
réguliers que l’action séculaire des eaux a creusés dans le 
calcaire des causses. Ces deux espèces sont loin d’être com- 
munes, et il en est de même du Cynoglossum cheirifolium, 
Lin., qui paraît en avril, comme l’Arctostaphylos uva ursi, 
Spreng., que l’on rencontre aussi bien sur les calcaires de 
Florac, de Mende et d’Anduze, que sur les roches phonoli- 
tiques du Mezenc. Les Carex humilis, Leyss., et C. mon- 
tana, Lin., qui préfèrent cependant les coteaux granitiques, 
se montrent en même temps que le Lamium maculatum , 
Lin., qui remplace le L. album, Lin., presque inconnu 
dans la région méridionale , et que les Euphorbia Gerar- 
diana , Jacq., et E. suffruticulosa, Lec. et Lamt., qui sont 
les plus empressés d'ouvrir leurs involucres. Le Verbascum 


CAUSSES. 407 


mayale, Dec., offre les premières fleurs de ses épis, le Coris 
monspeliensis, Lin., élève ses rameaux purpurins près des 
touffes étalées de l’Astragalus monspessulanus , Lin. , et 
domine les frêles individus du Lysimachia Linum stella- 
tum, Lin. 

Ces espèces préludent à la floraison plus complète que le 
mois de mai amène. Les pluies du printemps cessent à cette 
époque , la terre est humectée, le soleil l’échauffe ; lA- 
phyllantes monspeliensis, Lin., dissémine sur ses larges 
touffes des corolles d’un bleu pur ; l’Euphorbia Characias, 
Lin., laisse épanouir ses fleurs miellées, qui attirent un si 
grand nombre d'insectes ; l’£Euphorbia nicæensis, AI. , 
étale ses larges involucres jaunâtres ; les Ophrys aranifera, 
Huds., et O. pseudo-speculum, Dec., plus rarement encore 
le Limodorum abortivum , Lin., déroulent leurs labelles et 
leurs singuliers calices. On voit ailleurs l’Helianthemum Fu- 
mana, Mill., remplaçant l'A. procumbens, Dun., fleurir 
dans la même situation , ramifiant ses tiges ligneuses dres- 
sées sur le sol, et montrant ses fleurs jaunes qui ne durent 
qu'un instant. 

On distingue aussi, dans le même mois, de jolies touffes 
de Chrysanthemum pallens, Gay., d’Achillea nobilis, Lin., 
qui rappelle notre millefeuille commune ; lA/sine tenuifo- 
ha, Wahlenb., et surtout sa variété hybrida, Dec., forment 
des buissons en rniniature au milieu des pierres ou sur les 
pelouses qui les séparent. Plus rarement on rencontre le 
Centranthus Calcitrapa , Dufr., et le Valeriana tuberosa , 
Lin. Le Trinia vulgaris, Dec., est assez fréquent, ainsi que 
le Coronilla minima, Lin., et sa variété lotoides, Koch. On 
trouve quelques cantons couverts de l’Astragalus purpureus, 
Lin., qui croît, avec l’Aristolochia Pistolochia, Lin., près 


408 RÉGION MÉRIDIONALE. 
de l’Anthyllisvulneraria, Lin., etde ses variétés rubriflora , 
Koch., et polyphylla, Dec. 

D'autres légumineuses sont aussi printanières ; telles sont 
les Trigonella monspeliaca , Lin., Ononis rotundifolia , 
Lin., et O. Columnæ, A. Le Genista hispanica, Lin., se 
couvre de petites fleurs jaunes; le Ruta angustifolia , Pers., 
fleurit dans les lieux les plus chauds, ainsi que le Linum 
narbonense, Lin., qui est moins répandu. 

Parmi les graminées vernales des causses, nous pouvons 
citer le Cynosurus echinatus , Lin., Stipa pennata , Lin. , 
Piptatherum paradoxum , P. de Beauv., Festuca durius- 
cula, Lin. , variété mutica. L’Urtica pilulifera, Lin. , est 
disséminé dans les lieux chauds et habités, le Sideritis ro- 
mana, Lin., recherche aussi la chaleur, ainsi que le Salwia 
officinalis, Lin., le Phlomis Lychnitis, Lin. , et P. herba 
venti, Lin., qui sont aussi très-rares dans notre circonscrip- 
tion, quoique très-communs dans des contrées plus méri- 
dionales. 

Les Senecio lanatus, Scop., Campanula medium, Lin. 
Onosma echioides, Lin., Asparagus tenwfolius, Lam., et 
Carex tenuis, Host., peuvent encore être placés au rang 
des espèces printanières , avec le Silene italica , Dec., et 
l'Ophrys arachnites, Reich. 

Le mois de juin est certainement le plus brillant, surtout 
si de fortes chaleurs ne surviennent pas dans sa première 
moitié. Alors il conserve presque toutes les espèces du mois 
de mai, dont la floraison se prolonge , etil en possède quel- 
ques-unes qui sont en avance sur le mois suivant. Certaines 
parties des causses sont alors de véritables parterres. L’He- 
lianthemum italicum , Pers. , avec sa variété glabrum, les 
couvrent de milliers de fleurs. Le Thymus vulgaris, Lin., 


CAUSSES. 409 


et le Teucrium montanum, Lin., se joignent aux autres es- 
pèces aromatiques , telles que le Lavandula Spica, Lin. , 
l'Hissopus officinahs, Lin., pour parfumer les lieux pier- 
reux ; le Convolvulus Cantabrica , Lin., y déroule ses déli- 
cates corolles rosées , et les Orobanche cœærulescens , Steph., 
et O. arenaria, Borkh., attaquent en commun l’Artemisia 
campestris, Lin., et vivent à ses dépens. Les Linaria chale- 
pensis , Mill., et L. supina , Desf., se rencontrent près des 
touffes vigoureuses du Cynanchum vincetoxicum, R. Brown., 
dont les variétés cordatum et scandens sont moins commu- 
nes que le type, mais appartiennent, comme le C. nigrum , 
R. Brown., à la region dont nous parlons. 

La belle Campanula speciosa, Pourr., offre de véritables 
pyramides de fleurs , et laisse loin derrière elle le C. Rapun- 
culus, Lin., répandu dans la majeure partie de la France. 
Le Lactuca perennis, Lin., aux grandes fleurs violettes ; 
lAndryala sinuata , Lin., aux fleurons couleur de soufre ; 
le Barkhausia albida, Cass., etle Leontodon Villarsii, Lois., 
sont encore des plantes qui appartiennent aux causses mé- 
ridionales. 

Certaines espèces assez grandes dominent les autres par- 
tout où elles croissent ; telles sont le Laserpitium gallicum, 
Lin., le Ruta graveolens, Lin. , le Rubia peregrina , Lin., 
qui ne quitte pas les lieux pierreux. Nous pouvons encore 
mentionner comme s’épanouissant à peu près à la même 
époque l’Aristolochia rotunda, Lin., Euphorbia Duvalii , 
Lec. et Lamt., A/sine Jacquini, Koch., et le Geranium san- 
guineum , Lin., dont les tiges et les feuilles découpées de- 
viennent quelquefois d’un rouge plus vif que ses fleurs. 

Les lins sont des plantes véritablement ornementales que 
l’on rencontre fréquemment dans les lieux arides. Le plus 
beau est le Linum flavum , Lin., dont les grandes fleurs 


410 RÉGION MÉRIDIONALE. 


Jaunes surpassent en éclat celles des L. salsoloïdes, Lam., 
L. tenuifolium, Lin. , et celles du Z. maritimum, Lin. , 
également belles mais plus petites et surtout plus tardives. 

De petites pelouses ou des endroits un peu moins pierreux 
montrent quelques graminées ; tels sont le Bromus squarro- 
sus, Lin., le Dactylis glomerata, Lin., var. abbreviata, 
Rchb., Avena pratensis, Lin., et var. bromoïdes, Aira 
media, Gouan., souvent entourés du Buxus sempervirens, 
Lin., du Aœleria valesiaca, Gaud., et parmi ces gazons le 
Gallium rubrum, Lin., le Buplevrum aristatum , Barth., 
l'Ononis striata, Gouan., l’ Aster alpinus, Lin.; sur les débris 
de roches le Polypodium calcareum, Smith., et dans les 
lieux moins arides l'Ononis Natrix, Lin., avec ses grands 
étendards jaunes et striés. 

Quand cette dernière plante fleurit , elle annonce déjà 
le commencement de la végétation automnale. On rencontre 
à cette époque le Buffonia macrosperma , Gay, le Dianthus 
virgineus, Lin., l’Helianthemum vulgare, Gœrtn., var. 
obscurum , et l’Inula squarrosa, Lin., qui s’abrite souvent 
au milieu des broussailles. Les plantes qui doivent encore 
fleurir appartiennent presque toutes aux familles des labiées, 
des synanthérées et des ombellifères. Ces dernières sont 
assez nombreuses, et déjà munies de quelques fruits, elles 
présentent tous leurs caractères. Nous mentionnerons le La- 
serpiium Siler, Lin., le Seseli tortuosum, Lin., le S. 
Gouani, Koch, les Buplevrum junceum , Lin., B.rigidum, 
Lin., et B. fruticosum, Lin., espèce arborescente et peu 
répandue dans notre circonscription. Le Ptychotis hetero- 
phylla, Koch, affectionne les mêmes stations, comme le 
Seseli montanum , Lin., dont la floraison tardive se prolonge 
jusqu'aux premiers jours d'octobre. On trouve encore l’Her- 
maria incana, Lam., le Lasiagrostis Calamagrostis, Link., 


CAUSSES. Att 


presqu'aussi rare que le Plumbago europæa, Lin., dont 
quelques individus isolés parviennent jusque sur les causses 
des environs d’Anduze ; le Salvia glutinosa, Lin., se dis- 
tingue de loin à ses grandes fleurs jaunes, et le Calamintha 
Nepeta , Clairv., croît aussi au milieu des pierres amon- 
celées. 

Le Chondrilla latifolia, Bieb., et le Scolymus hispa- 
nicus, Lin., épanouissent au soleil leurs capitules dorés, 
près des têtes bleues et rondes de l’Echinops sphærocepha- 
lus, Lin., et des cônes écailleux du Leuzea conifera, Dec. 

L'Achillea nobilis, Lin., existe aussi dans les mêmes 
lieux ; Île Serratula nudicaulis, Dec., se voit parfois au 
milieu des bois, et le Carlina acanthifolia , AÏL., ouvre ses 
larges réceptacles sur les coteaux les plus arides. On trouve 
encore au mois d’août l’Arenaria aggregata, Lois.; et l’Ar- 
temisia camphorata, Vill., qui prolonge l'épanouissement de 
ses épis jusqu’à la fin du mois d’octobre. On retrouve alors 
beaucoup de plantes qui ont déjà fleuri, dont les souches , 
ranimées par les pluies de septembre, produisent quelques 
rameaux florifères, et les causses sont souvent plus verdoyantes 
à la fin de l’automne qu’au commencement de l'été. 


Liste des plantes des causses. 


Adonis vernalis, Lin. Alsine tenuifolia, Wahlenb. Id. var. 
hybrida, Dec. Helianthemum Fumana, Mill. H.italhicum, Pers. 
Id var. glabrum. H. vulgare, Gœrtn. Id. var. obscurum. Dian- 
thus virgineus, Lin. Silene italica, Dec. Buffonia macrosperma, 
Gay. Alsine Jacquini, Koch. Arenaria aggregata, Lois. Linum 
maritimum, Lin. L. flavum. Lin. L. salsoloïdes, Lam. L. tenui- 
folium, Lin. L. narbonense, Lin. Geranium sanguineum, Lin. 
Ruta graveolens, Lin. R. augustifolia, Pers. Genista hispanica, 
Lin. Ononis Columnæ, A//. O. striata, Gouan. O. Natrix, Lin. 
O rotundifolia, Lin. Anthyllis Vulneroria, Lin. Id. var. rubri- 


412 RÉGION MÉRIDIONALE. 


flora, Koch. Id. var. polyphylla, Dec. Trigonella monspeliaca, 
Lin. Astragalus purpureus, Lin. À monspessulanus , Lin. 
Coronilla minima , Lin. Id. var. lotoïdes, Koch. Herniaria 
incana , Lam. Trinia vulgaris, Dec. Ptychotis heterophylla 
Koch. Buplevrum junceum, Lan. B. aristatum , Barth. B. ri- 
gidum , Lin. B. fruticosum , Lin. Seseli Gouani, Koch. S. 
montanum , Lin. Id. var. glaucum. $. tortuosum , Lin. La- 
serpitium Siler, Lin. L. gallicum, Lin. Rubia peregrina, Lin. 
Galium rubrum , Lin. Valeriana tuberosa, Lin. Centranthus 
Calcitrapa, Dec. Aster alpinus, Lin. Inula squarrosa , Lin. 
Artemisia camphorata, Vil!. Achillea tomentosa, Lin. A. no- 
bilis, Lin. Chrysanthemum pallens , Gay. Senecio lanatus, 
Scop. Echinops sphærocephalus, Lin. Carlina acantifolia, À 44. 
Serratula nudicaulis, Dec. Leuzea conifera, Dec. Scolymus 
hispanicus, Lin. Leontodon Villarsii , Lois. Chondrilla lati- 
folia, Bieberst. Lactuca perennis, Lin. Barkhausia albida, Cass. 
Andryala sinuata, Lin. Campanula Rapunculus, Zin. C. 
speciosa, Pourr. C. Medium, Lin. Arctostaphylos uva ursi, 
Spreng. Cynanchum Vincetoxicum , R. Brown. Id. var. cor- 
datum. Id. var. scandens. C. nigrum, R. Brown. Convolvulus 
Cantabrica , Lin. Cynoglossum cheirifolium , Lin. Onosma 
echioides, Lin. Verbascum mayale, Dec. Linaria supina, Desf. 
L. chalepensis, Mill. Orobanche cærulescens, Steph. O. are- 
naria , Borkh. Lavandula Spica, Dec. Salvia glutinosa , Lin. 
Thymus vulgaris, Lin. Calamintha nepeta , Clairv. Lamium 
maculatum , Lin. Sideritis romana, Lin. Phlomis Lychnitis, 
Lin. P. herba-venti, Lin. Teucrium montanum , Lin. Coris 
monspeliensis, Lin. Lysimachia Linum stellatum, Lin. Plum- 
bago europæa, Lin. Aristolochia Pistolochia, Lin. À. rotunda, 
Lin. Euphorbia Duvalii, Lec. et Lamt. E, suffruticulosa, Lec. 
et Lamt. E. Gerardiana, Jacq. E. Characias , Lin. E. nicæen- 
sis, AU. Urtica pilulifera, Lin. Limodorum abortivum , 
Swartz. Ophrys arachnites , Reich. O. aranifera , Huds. O. 
pseudo-speculum, Dec. Narcissus juncifolius, Reg. Asparagus 
tenuifolius, Lam. Carex montana, Lin. C. humilis, Leyss. 


LIEUX CULTIVÉS. 413 
C. tenuis, Host. Aphyllanthes monspeliensis, Lin. Piptathe- 
rum paradoxum, P. de Beauv. Stipa pennata, Lin. Lasia- 
grostis Calamagrostis, Link. KϾleria valesiaca, Gaud. Aira 
media, Gouan. Avena pratensis, Lin. Id. var. bromoïdes. 
Dactylis glomerata , Lin. Id. var. abbreviata , Rchb. Cynosu- 
rus echinatus, Lin. Festuca duriuseula, Lin. Id. var. mutica. 
Bromus squarrosus, Lin. Polypodium calcareum , Sruith. 


$ 7. ASSOCIATION DES LIEUX CULTIVÉS. — DES MOIS- 
SONS, DES CHAMPS ET DES CHEMINS DE LA RÉGION 
MÉRIDIONALE. 


Une très-grande quantité d'espèces vivent au milieu des 
‘cultures de l’homme, s’accommodant parfaitement des soins 
qu'il donne à d’autres plantes, et croissant souvent, malgré 
lui, au milieu d'elles. Quelques-unes se jouent de ses efforts 
pour les détruire, et mélangent leurs graines à celles qu'il 
recueille avec soin. Il les sème chaque année, ou se trouve, 
du moins, forcé d'admettre leur présence : ce sont les plantes 
des moissons. 

D'autres se réfugient dans les vignes , sous l’ombre des 
müriers, ou s’abritent sous le feuillage cendré des oliviers. 
Ce sont quelquefois les mêmes que celles des guérets ; mais 
plus souvent ce sont les espèces qui habitent les champs. 

Dès que ceux-ci sont incultes, qu'ils sont abandonnés 
quelques années à la jachère où même à des cultures non 
sarclées, on y voit paraître une multitude d'espèces qui s’y 
développent à profusion, mais qui finissent, tôt ou tard, 
par disparaître, quand l’agriculteur vient les chasser pour les 
remplacer par ses végétaux protégés. Quelques-unes résis- 
tent longtemps, et cèdent enfin à la continuité des cultures 
et aux poursuites dont elles sont l’objet. Elles se réfugient 
alors sur le bord des chemins, sur les berges des fossés, sur 


41% RÉGION MÉRIDIONALE. 


les talus des champs, et c’est dans ces localités que l’on 
trouve, dans le midi, le plus grand nombre d'espèces. Ce 
n’est, en quelque sorte, qu'une station forcée, acceptée sou- 
vent par nécessité ; mais enfin c’est là que ces végétaux exis- 
tent et là que nous pouvons les observer. 

Nous avons vu déjà que les associations diverses déter- 
minées par les stations n’ont rien d’absolu, et que les 
mêmes plantes qui croissent, par exemple, dans les bois, 
peuvent aussi se rencontrer moins fréquemment dans les 
prairies où au milieu des buissons. A plus forte raison , les 
espèces que nous allons indiquer, les unes dans les vignes 
et les moissons , les autres dans les champs incultes ou sur 
le bord des chemins , peuvent-elles se retrouver dans l’une 
ou l’autre de ces localités, et cela presque indistinctement. 
Il y a plus, c’est que souvent la végétation des causses , et 
même celle des haïes et des buissons, peut fournir aussi des 
espèces à la station compliquée qui nous occupe. Il importe 
donc de ne pas donner une trop grande rigueur aux divisions 
que nous établissons, et de les regarder comme représentant 
des moyennes de composition. 

Les moissons, les vignes et les oliviers, ainsi que les mû- 
riers, sont souvent mélangés dans le midi, et le paysage re- 
présente de tous côtés les grandes plantations du Morus 
alba, Lin., et les groupes au feuillage cendré de l'Olea eu- 
ropæa, Lin. La vigne, abondamment cultivée, couvre aussi, 
comme les arbres que nous venons de citer, des terrains très- 
divers , et les terres sont occupées par le froment, le maïs, la 
luzerne, le Panicum miliaceum , Lin. , et quelques autres 
plantes fourragères. Le figuier, Ficus Carica, Lin., croît au 
milieu des champs, ou bien il reste sauvage ou naturalisé au 
milieu des rochers, où il étale son large et élégant feuillage. 

Les plantes des moissons de la plaine occupent aussi leur 


LIEUX CULTIVÉS. 415 


place dans celles du midi ; nous ne les rappellerons pas, bien 
qu'on y retrouve encore les bleuets et les coquelicots ; nous 
citerons, dans les blés, le Gladiolus segetum , Gawler, élé- 
gante iridée qui rivalise de beauté avec le Tulipa sylvestris, 
Lin.; les Viciahybrida, Lin. , et V. lutea, Lin., avec sa variété 
hirta, Koch., et le Lathyrus Cicera, Lin., peut-être natu- 
ralisé dans ces contrées. 

Le Delphinium Ajacis, Lin., et le Nigella damascena, 
Lin., montrent, dans les champs , leurs épis variés ou leurs 
fleurs étoilées ; le Buplevrum protractum, Link. et Hoffm.., 
se glisse au milieu des blés, où l’on trouve aussi le Medicago 
denticulata, Wild. On rencontre plus rarement les corolles 
cariophyllées du Lychnis coronaria, Lam. ; mais on voit çà 
et là les touffes jaunâtres de l’Euphorbia segetalis, Lin. 
Le Diplotaxis erucoides, Dec., abonde sur la lisière la plus 
méridionale de notre circonscription ; le Fumaria parviflora, 
Lam., les Valerianella coronata, Dec., et V. membranacea, 
Lois., sont disséminés dans les cultures. On sème aussi le 
Cicer arietinum, Lin.; naturalisé sur divers points, tandis que 
le Satureia hortensis, Lin., et l’Euphorbia Chamæsyce, 
Lin., se trouvent à l'ombre des müriers. 

Les vignes sont une station très-étendue, où les plantes 
des causses tentent souvent des excursions, et où quelques- 
unes d’entr’elles se sont complétement fixées. On y voit fré- 
quemment les Rhagadiolus stellatus, Gærtn., et R. edulis, 
Gærtn., plantes très-insignifiantes et bien moins apparentes 
que l’Urospermum Dalechampüi, Desf , commun sur leurs 
lisières. C’est dans les vignes que l'on voit l’élégant Bidens 
bipinnata , Lin., le Rumex intermedius, Dec., le Muscari 
botryoides , Mill. , l'Allium multiflorum , Dec., et l'A. 
roseum, Lin., avec ses larges ombelles de fleurs roses. 

L'Anthemis peregrina, Willd., l’Asparagus acuhfolius, 


416 RÉGION MÉRIDIONALE. 


Lin. , et le Prunella hyssopifolia, Lin., font partie de la 
même végétation, à laquelle viennent souvent se mêler le Co- 
ronilla scorpioides, Koch. les tiges élancées du Fœniculum 
officinale, Al, et les gracieuses couronnes blanches de l'Or- 
laya grandiflora , Hoffm. Ailleurs ce sont les belles touffes 
du Cephalaria leucantha, Schrad., le Potentilla recta, Lin. 
très-rare , le Ranunculus parviflorus , Lin., qui fleurit dès 
le mois de mai, et le Sisymbrium Columneæ, Lin., qui n’ap- 
paraît que rarement. Le Reseda phyteuma, Lin, tout à fait 
vernal , habite au milieu des vignes , tandis que le Linum 
strictum, Lin., l’'Helianthemum vineale, Pers., et le Cam- 
panula glomerata, Lin., variété cervicarioides, Alph. Dec., 
se plaisent sur leurs bords. 

On trouve, mélangées à ces plantes , quelques graminées 
particulières , le Bromus madritensis, Lin. , le Festuca ri- 
gida, Kunth., le Brachypodium ramosum , Rœm. et Sch., 
et sa variété elatius, ainsi que la variété macrostachya du 
Melica ciliata, Lin. 

Ce sont surtout les champs reposés et ceux qui sont in- 
cultes qui offrent aux botanistes la plus riche moisson. Le 
Thlaspi prœcox, N. Cat., l’Iberis pinnata, Lin., le Veronica 
præcox, AlL., sont les premières fleurs qui s’y développent ; 
elles sont bientôt suivies de l'épanouissement du Pterotheca 
nemausensis, Cass., du Senecio lividus, Lin., et du Lathy- 
rus setifolius, Lin. Le Lavandula Stæchas, Lin., laisse suc- 
cessivement sortir de ses calices ses belles corolles bleues; 
le Trifolium stellatum, Lin., montre ses fleurs insignifian- 
tes ; l'Ornitopus compressus , Lin., se cache sur la terre; 
l'Helianthemum umbellatum , Mill., étale ses blanches co- 
rolles près des fleurs bleues du Lithospermum fruticosum , 
Lin., et de l'Euphorbia portlandica , Lin., égaré loin des 
rivages de la Méditerranée. 


LIEUX CULTIVÉS, 417 


À peine cette première phase de la végétation a-t-elle 
commencé, qu'une autre se montre déjà , avec un cortége 
de crucifères variées ; le Sinapis alba, Lin., l'Alyssum al- 
pestre, Lin., variété majus, Koch., le Lepidium hirtum , 
Smith., le Rapistrum rugosum, AI, et le Bunias Erucago, 
Lin., si remarquable par la forme de ses fruits. Nous pou- 
vons mentionner en même temps diverses légumineuses, 
comme le Lathyrus sphæricus, Retz., l'Ervum Lens, Lin., 
probablement cultivé ou subspontané ; le Vicia peregrina , 
Lin., le Scorpiurus subvillosa, Lin., le Medicago Gerard, 
W.etK., variété macrocarpa , le Trifolium resupinatum , 
Lin., à corolles renversées, et les épis bleus du Lupinus an- 
gustifolius, Lin. Les Veronica prostrata, Lin., et V. acini- 
folia, Lin., se trouvent dans ces stations, avec le Spergula 
pentandra, Lin., et le Linum angustifolium , Huds. , qui 
préfère , comme sa variété cribrosum , les terrains primitifs 
aux sols calcaires. 

L'Euphorbia serrata, Lin., se rencontre partout en 
touffes isolées ou voisines de l’Andropogon Gryllus, Lin., du 
Corynephorus articulatus, P. de Beauv., ou de l’Avena 
sterilis, Lin. 

Plusieurs chicoracées sont déjà fleuries dès le mois de mai; 
telles sont le Podospermum calcitrapifolium, Dec., le Tra- 
gopogon porrifolius, Lin., et l’Urospermum picroides , 
Desf. ; tandis que le Centaurea collina, Lin., le Micropus 
erectus, Lin., et le Leontodon crispum, Vill. , attendent le 
mois de juin pour ouvrir leurs fleurs. 

Quelques points limités et presque toujours siliceux sont 
couverts de Stæhelina dubia, Lin., et de Crupina vulgaris, 
Pers., aux graines élégantes. Le Verbascum Chaixi, Vill., 
croit sur la même nature de terrain, commeles Paronychia 


cymosa , Poir,, et P. polygonifolia, Dec., aux bractées ar- 
27 


418 RÉGION MÉRIDIONALE. 


gentées; tandis que le Vicia onobrychoides , Lin., qui ac- 
cepte les terrains volcaniques ou primitifs de la montagne, se 
développe admirablement dans les champs dont la base est 
le calcaire jurassique. Plusieurs espèces, comme les Linaria 
Elatine, Mill., Allium intermedium, Dec., Lavandula vera, 
Dec., semblent s'accommoder de sols très-différents ; mais 
le Festuca Lachenalii, Spenn., et sa variété aristata, Koch., 
le Galium anglicum , Huds., et sa variété trichocarpum , 
l'Oxalis stricta, Lin., le Zinum gallicum, Lin., et le Gas- 
tridium lendigerum, Gaud., préfèrent les champs siliceux et 
les sables volcaniques. 

La floraison se termine fpar l'apparition des longs épis 
bleus du Veronica spicata, Lin., des corymbes rosés de 
l'Iberis Prost, Soy.-Wil., des ombelles blanches de l’Ammi 
majus, Lin., et des hampes nombreuses et florifères du 
Scilla autumnalis, Lin. On voit encore persister longtemps 
les capitules fleuris ou déjà flétris du Centaurea panicu- 
lata, Lin., du Microlonchus salmanticus, Dec., du Cirsium 
bulbosum, Dec., et les épis rameux portant les nombreuses 
fleurs jaunes de l’Euphrasia lutea, Lin. 

Si, au lieu de pénétrer dans les champs et dans les vignes, 
nous restons sur leurs bords ou dans les chemins qui les sé- 
parent, nous rencontrons souvent ces mêmes espèces que 
nous venons d'indiquer, plusieurs autres encore qui appar- 
tiennent aussi à la région des plaines, et un assez grand 
nombre plus spécialement adaptées à cette sorte de station. 
Dès le mois d’avril on y verra sortir les gros épillets du 
Brizamaxima, Lin., les panicules de l'Ægrostis verticillata, 
Lin., et les épis du Carex Schreberi, Schrank. L’'Oroban- 
che minor, Sutt., y est parasite sur le rifolium pratense, 
Lin., etl’O. Hederæ, Vauch., sur le lierre qui rampe au 
pied des murailles et des rochers, et qui s'élève ensuite en 
les couvrant. 


LIEUX CULTIVÉS. 419 


D'autres trèfles se développent aussi le long des chemins, 
et parmi eux se trouvent le Trifolium angustifolium, Lin., 
et plus rarement le T. hirtum, AIT. Le Plantago Coronopus, 
Lin. est étalé sur le sol piétiné, et le. P. Cynops, Lin , est 
dressé près du Salvia verbenaca, Lin., et du Picridium 
vulgare, Des. 

Le Dorycenium suffruticosum, Vill., forme à lui seul des 
touffes très-fournies , qui se couvrent de milliers de fleurs ; 
puis on voit le Galium lucidum, Lin., et sa variété scabrum, 
qui croit près du Lotus corniculatus, Lin., variété hirsu- 
tus, Koch., et du Knautia hybrida, Coult. Il est rare 
de rencontrer le Sedum ampleæicaule , Dec., qui aime les 
terrains primitifs, mais fréquemment on admire les belles 
rosettes du Verbascum sinuatum, Lin., les feuilles coton- 
neuses du Salvia œthiopis, Lin., et les capitules radiés du 
Pallenis spinosa , Cass. On voit à profusion le Psoralea 
bituminosa, Lin., l'OEgilops ovata, Lin. , et l'Oxalis cor- 
niculata, Lin., dont la variété villosa, Duby.,.est plus ré- 
pandue. Nous ajouterons à cette liste le Tolpis barbata , 
Gærtn., l'Helminthia echioides, Gærtn., le Phleum arena- 
rium, Lin. , l’Apera interrupta, P. de Beauv., le Kæœleria 
phleoides , Pers., la plus rare de ces dernières espèces, et 
le Caucalis leptophylla, Lin. 

Plus près des habitations végètent l’Amaranthus prostra- 
tus, Balb., le Blitum virgatum , Lin. , et le Polycarpon 
tetraphyllum , Lin. C’est plus tard que paraissent les char- 
dons, si communs le long des chemins. On y remarque le 
Carduus vivariensis, Jord., le €. nutans, Lin., à grosses 
fleurs penchées rouges ou blanches, et nourrissant l'Oroban- 
che procera, Koch. ; le €. tenuiflorus, Lin., et le C. pyc- 
nocephalus, Jacq. Aux chardons on peut joindre le Cirsium 
ferox, Dec. , le Carlina corymbosa , Lin. , et le Cardun- 


420 RÉGION MÉRIDIONALE. : 


cellus maitissimus, Dec. Le Xanthium Strumarium, Lin., et 
surtout le X. spinosum, Lin., bordent aussi les champs et 
les fossés avec l'Achillea Ageratum, Lin., le Picris hispi- 
dissima , Bartl., et le Jasonia tuberosa , Dec. Les derniè- 
res plantes qui fleurissent sont l’Artemisia campestris, Lin., 
le Plantago Psyllium, Lin., et l'Hypericum tomentosum , 
Lin. En y joignant le Centaurea amara, Lin., sa variété 
angustifolia, Dec., et le Centaurea solshtialis, Lin., aux 
capitules orangés, ainsi que le Solanum villosum, Lam., on 
aura une idée de cette végétation sèche et méridionale, déjà 
si différente de celle des plaines du nord ou des montagnes 
du grand plateau central. 


Liste des plantes des champs, des vignes et des bords des chemins. 


Ranunculus parviflorus, Lin. Nigella damascena, Lin. 
Delphinium Ajacis, Lin. Fumaria parviflora, Lam. Sisymbrium 
Columnæ, Lin. Sinapis alba, Lin. Diplotaxis erucoides, Dec. 
Alyssum alpestre, Lin. Var. majus, Koch. Thlaspi præcox , 
N. Cat. Wberis Prostit, Soy.- Wall. TL. pinnata, Lin. Lepidium 
birtum , Smith. Bunias Erucago, Lin. Rapistrum rugosum , 
All. Helianthemum umbellatum , Hill. H. vineale, Pers. 
Reseda phyteuma, Lin. Lychnis coronaria, Lam. Spergula 
pentandra , Lin. Lioum gallicum , Lan. L. strictum , Lin. L. 
angustifolium , Huds. I. var. cribrosum. Hypericum tomen- 
tosum, Lin. Oxalis stricta, Lin. O. corniculata, Lin. Id. var. 
villosa, Duby. Lupinus angustifolius, Lin. Medicago Gerardi, 
W. et K. Id. var. macrocarpa. M. denticulata, Walld. Trifo- 
lium stellatum , Lin. T. angustifolium, Lin. T. hirtum, A4//. 
T. resupinatum , Lin. Doryenium sufiruticosum , Vr/l. Lotus 
corniculatus, Lin. Id. var. hirsutus, Koch. Psoralea bitumi- 
nosa, Lin. Scorpiurus subvillosa, Lin. Coronilla scorpioïdes, 
Koch. Ornithopus compressus, Lin. Cicer arietinum, Lan. 
Vicia onobrychoïdes, Lin. V. hybrida, Lin. V. lutea, Lan. 
Id. var. hirta, Koch. V. peregrina, Lin. Ervum Lens, Lin. 


LIEUX CULTIVÉS. 491 


Lathyrus sphæricus, Retz. L. Cicera , Lin. L. setifolius, Lin. 
Paronychia cymosa, Poir. P. polygonifolia, Dec. Polycarpum 
tetraphyllum, Lin. Potentilla recta, Lin. Sedum amplexi- 
caule, Dec. Ammi majus, Lin. Buplevrum protractum, Link. 
et Hoffm. Fœniculum officinale, AZ! Orlaya grandiflora, 
Hoffm. Caucalis leptophylla, Lin. Galium anglicum, Huds. 
Id. var. trichocarpum. G. lucidum, A7. Id. var. scabrum. 
Valerianella membranacea, Lois. V. coronata, Dec. Cepha- 
laria leucantha, Schrad. Micropus erectus, Lin. Pallenis spi- 
nosa, Cass. Jasonia tuberosa , Dec. Bidens bipinnata, Lin. 
Artemisia campestris, Lin. Achillea Ageratum, Lin. Anthe- 
mis peregrina, Wild. Senecio lividus, Lin. Cirsium ferox, 
Dec. C. bulbosum, Dec. Carduus pyenocephalus, Jacq. C. 
tenuiflorus, Lin. C. vivariensis, Jord. Carlina corymbosa, 
Lin. Stæhelina dubia, Lin. Carduncellus mitissimus, Dec. 
Centaurea amara, Lin. Id. var. angustifolia, Dec, C. collina, 
Ein... C: paniculata , Lin. C. solstitialis, Lin. Microlonchus 
salmanticus, Dec. Crupina vulgaris, Pers. Rhagadiolus stel- 
latus, Gœrtn. R. edulis, Gœærtn. Tolpis barbata, Gœrtn. 
Leontodon crispum, Wall. Picris hispidissima , Bartl. Hel- 
minthia echioides, Gærtn. Urospermum Dalechampii , Desf. U. 
picroides , Desf. Tragopogon porrifolius, Lin. Podospermum 
calcitrapifolium , Dec. Picridium vulgare, Desf. Pterotheca 
nemausensis, Cass. Xanthium Strumarium, Lin. X. spinosum, 
Lin. Campanula glommerata, Lin. Var. cervicarioides, A/ph. 
Dec. Olea europæa , Lin. Lithospermum fruticosum , Lin. 
Verbascum sinuatum, Lin. V. Chaixi, Vill. Linaria Elatine, 
Mall. Veronica prostrata, Lin. V. spicata, Lin. V. acinifolia, 
Lin. NV. præcox, A{l. Orobanche procera , Koch. O. minor, 
Sutt. O. Hederæ, Vauch. Euphrasia lutea, Lin. Lavandula 
Stæchas, Lin. L. vera, Dec. Salvia æthiopis, Lin. S. Verbe- 
naca, Lin. Satureia hortensis, Lin. Prunella hyssopifolia , 
Lin. Plantago Coronopus, Lin. P. Psvllium, Lin. P. Cynops, 
Lin. Amiaranthus prostratus, Balb. Rumex intermedius, Dec. 
Euphorbia Chamæsyce, Lin. E. portlandica, Lin. E. serrata, 


422 RÉGION MÉRIDIONALE. 

Lin. E. segetalis, Lin. Ficus Carica, Lin. Morus alba, Lin. 
Gladiolus segetum, Gæwoler. Asparagus acutifolius, Lin. Tu- 
lipa sylvestris, Lin. Scilla autumnalis, Lin. Muscari botryoi- 
des, Mill. Allium multiflorum , Dec. A. roseum , Lin. À. in- 
termedium , Dec. Carex Schreberi, Schrank. Zea Mays, Lin. 
Andropogon Grillus, Lin. Phleum arenarium , Lin. Agrostis 
verticillata, Vall. Apera interrupta , P. de Beauv. Gastridium 
lendigerum, Gaud. Kæleria Phleoides, Pers. Corynephorus 
articulatus, P. de Beauv. Avena sterilis, Lin. Melica cihata, 
Lin. X. var. macrostachya. Briza maxima , Lin. Festuca La- 
chenalit , Spenn. IA. var. aristata, Koch. F. rigida, Kunth. 
Brachypodium ramosum, Rœm. et Sch. Id. var. elatius. Bro- 
mus madritensis, Lin. Ægilops ovata, Lin. 


$ 8. ASSOCIATION DES ROCHERS DE LA RÉGION 
MÉRIDIONALE. 


Les plantes qui croissent sur les rochers, sans avoir be- 
soin d’une couche épaisse de terre végétale pour implanter 
leurs racines, nous offrent un très-grand intérêt en ce 
qu'elles peuvent nous donner des notions précises sur l’in- 
luence chimique ou mécanique des terrains. Sans cette in- 
dication nous n’aurions peut-être pas dû en faire une associa- 
tion séparée, car ces plantes se lient aux espèces des caus- 
ses et des champs rocailleux, mais pourtant plusieurs d’en- 
tre elles aiment à laisser pendre leurs rameaux sur le rocher 
lui-même, à y recevoir toute l'intensité de la chaleur so- 
laire, et si elles peuvent dans certains cas habiter la terre 
elle-même , il n’en est pas moins vrai qu'elles préfèrent la 
station rupestre à toutes les autres. 

Ces plantes sont encore intéressantes à un autre pont de 
vue, c’est que ce sont elles qui viennent les premières, après 
l’envahissement des cryptogames, décorer les rochers de 


ROCHERS. 4923 


leurs fleurs et de leur verdure; elles sontles premiers symp- 
tômes de cette végétation vigoureuse et souvent arbores- 
cente qui s'établit partout, et qui couvrirait bientôt la terre 
sans la présence de l’homme et la nécessité des cultures. 
Les causses escarpées de tous côtés, ou sur lesquelles s’é- 
lèvent de grands rochers, sont certainement très-favorables 
aux espèces rupestres ; mais comme il faut encore des cir- 
constances particulières, comme l'exposition, des fissures dans 
les masses, un certain degré d'humidité, il en résulte que 
toutes les espèces des escarpements, et notamment celles 
de la région méridionale sont plus ou moins rares; il n’y existe 
aucune plante assez commune pour donner sa physionomie 
à l’ensemble de la végétation. Ce sont des touffes isolées ou 
des séries qui suivent une fissure, ou des festons suspendus 
que le vent balance et que le soleil chauffe avec force. On 
trouve dans ces conditions, sur les calcaires, un grand nombre 
de crucifères, de crassulacées et de synanthérées, des labiées 
et quelques autres plantes. Les premières dominent; on y 
voit les touffes épaisses de lAlyssum spinosum , Lin., 
et les larges gazons éclatants de blancheur de l’A. macro- 
carpum , Dec. , suspendus au-dessus des abimes. L’Arabis 
muralis, Bert., habite la même station , ainsi que l’Arabis 
auriculata , Lam. , tandis que sa variété puberula, Koch., 
n’a encore été rencontrée que sur les basaltes les plus abais- 
sés du nord de notre territoire. Le Capsella procumbens 
Fries., et sa curieuse variété pauciflora, se traîne sur les 
rochers un peu abrités; lÆthionema saxatile, R. Brown., 
montre dès le mois d’avril ses corolles rosées ; le Biscutella 
ambiqua, Dec., y mürit ses fruits didymes qui succèdent à 
ses bouquets de fleurs soufrées , et le Draba aizoides, Lin., 
s'étend en gazons d’or près des épis neigeux du Cochlearia 
saxatilis, Lam., et de sa variété auriculata, Koch. , aussi 


424 RÉGION MÉRIDIONALE. 
joie et plus commune encore que le type auquel elle est as- 
sociée. 

Le Daphne Cneorum, Lin., se cache au milieu des her- 
es qui avoisinent les rochers ; le D. alpina , Lin., forme de 
petits buissons qui y sont toujours solidement fixés ; le Saæi- 
fraga pubescens, Dec. , montre çà et là ses gazons de ve- 
lours , et les Sedum altissimum , Lam. , et S. anopetalum, 
Dec., y nourrissent leurs feuilles charnues. Dès les premiers 
beaux jours on aperçoit le petit Vaillantia muralis, Lin. , 
qui se cramponne et fleurit, et si les rochers sont humides ce 
sont de larges groupes de l’Fris olbiensis, Henon. , souvent 
situé au delà de toute atteinte, et montrant au botaniste 
impatient ses grandes fleurs jaunes ou bleues, sa variété 
blanche et des intermédiaires aussi variés qu’élégants. Près 
d'elle on aperçoit le Viburnum Tinus, Lin., avec ses om- 
belles blanches et roses, et dans les lieux plus secs le Lina- 
ria origanifolia, Dec., le Sesleria cœrulea, Ard., le Melica 
ramosa, Vill., et le charmant Erinus alpinus, Lin., moins 
commun mais aussi joli que dans les régions alpines. 

L’Anthyllis montana, Lin. , est une des belles décora- 
tions des rochers ; il s’y développe quelquefois en abondance 
avec le Phagnalon sordidum , Dec., l'Ononis minutissima , 
Ein., l’Alsine rostrata, Koch. , et sa variété pubescens , et 
le Polygala calcarea, Schuliz., qui montre aussi au mois 
de mai ses corolles élégantes et frangées. 

À peu près vers la même époque on peut cueillir sur 
les escarpements des causses, l’Agrostis setacea, Curt., le 
Teucrium flavum, Lin., l'Athamanta cretensis, Lin. , le 
Centranthusangustifolius, N. Cat., bien différent de celui du 
Dauphiné, et l'Arenaria ligericina , Lec. et Lamt., long- 
temps confondu avec l'A. ciliata , Lin. On rencontre aussi le 
Molinia serotina, Mert. et Koch., le Poa alpina, Lin., var. 


ROCHERS. 495 


badensis, Koch., l'Allium fallax, Don., qui habite les 
fentes des masses granitiques, le Buplevrum ranunculoides, 
Lin., var. caricinum, Dec. , espèce rare comme le Poten- 
tilla caulescens, Lin., qui se retrouve pourtant sur les es- 
carpements des causses. 

Le Salureia montana, Lin. , si commun dans le Midi, 
le Teucrium Polium, Lin., et sa variété flavicans, fleuris- 
sent aussi dans les lieux bien exposés, et se mélangent à 
l’Helichrysum stæchas, Dec., aux Hieracium saxatile, Vill., 
et H. ochroleucum, Schleich., et aux tiges blanchâtres du 
Centaurea maculosa, Lam., dont la variété albida, spéciale 
à l'Ardèche et au Gard, constitue probablement une espèce 
distincte. 

Les rochers primitifs et siliceux ont aussi leurs espèces 
qui les quittent rarement pour habiter les calcaires ; mais au 
point de Jonction des deux roches on peut rencontrer la 
même plante essayant l’un et l’autre terrain. Nous pour- 
rions citer comme presque indifférents le Briza minor, Lin., 
l'Avena amethystina , Clar., qui croît sur les causses et 
sur les flancs trachytiques du Cantal, l'Antirrhinum Asarira, 
Lin., suspendu aux calcaires de Mende, aux micaschistes 
de Bagnols et au grès houiller d’Alais. Le campanula Eri- 
nus, Lin., vient sur les murs et les rochers quelle que soit leur 
composition. Il en est de même du {ieracium amplexicaule, 
Lin., de l’Inula montana, Lin. , du Saponaria ocymoides, 
Lin., qui étale ses jolies fleurs sur les roches volcaniques et 
sur celles qui ont pour base le calcaire ou la silice ; PAronia 
rotundifolia, Pers., croît partout, et l'Arabis Turrita , 
Lin., et sa variété puberula, qui affectionnent les calcaires , 
peuvent aussi s’en éloigner et vivre sur les granites. 

C'est sur ces derniers terrains où au moins sur ceux qui 
sont siliceux qu'il faut chercher le Chrysanthemum ceben- 


426 RÉGION MÉRIDIONALE. 


nense , N. Cat., le Gnaphaliumiluteo-album, Lin., l’Heli- 
chrysum angustifolium, Dec. ; le Sedum hirsutum, AI. , 
les préfère aussi, maisil accepte les basaltes et même les cal- 
caires comme l’Umbilicus pendulinus, Dec., qui affectionne 
le sol primitif, quoique habitant tous les rochers et mêmes 
les troncs d'arbres. La présence de l’eau à plus d’impor- 
tance pour lui que la nature du sol. Le Saæifraga Clust , 
Gouan., dont les tiges sont d’une extrême fragilité, etle S. 
pedatifida, Smith., tapissent des rochers humectés dans des 
lieux suffisamment échauffés. Les potentilles cherchent le 
grand soleil ; le Potentilla verna est la plus commune, elle 
couvre de fleurs de vastes gazons, où l’on distingue aussi sa 
variété villosa. C’est une des premières fleurs qui ornent 
les terrains primitifs , et elle est suivie de deux congénères , 
le P. hrta, Lin. , très-rare , et le P. rupestris, Lin. , avec 
une variété villosa, beaucoup plus répandue. 

Les caryophyllées paraissent plus communes sur les ter- 
rains primitifs; on y trouve l’Arenaria montana, Lin. , 
l’Arenaria hispida , Lin., les Silene Saxifraga, Lin., S. 
inaperla, Lin., etle Dianthus hirtus, Vil., qui végète aussi 
très-bien sur les rochers basaltiques, de même que l’An- 
drosæmum officinale , AI. , qui croît dans les mêmes loca- 
lités. 

A cette liste 1l faut joindre encore : Reseda Jacquin, 
Rchb., Hypericum linearifolium , Vahl., Arabis Gerardi , 
Bess., Allium schænoprasum, Lin., Helianthemum alys- 
soides, Vent., Erucastrum incanum, Koch., et Centau- 
rea pectinala, Lin. , que l’on rencontre également sur les 
calcaires. 

Au premier abord la végétation des terrains primitifs 
semble plus riche, mais cela tient sans doute à l’action de 
l’eau qui filtre à travers les interstices des rochers, et qui se 


ROCHERS. 4927 


montre rarement dans les calcaires. C’est à elle qu'il faut 
attribuer la présence du Lotus angustissimus, Lin., de l’As- 
plenium Breynii, Retz., de l'A. Halleri, R. Brown., et de 
sa var. angustatum , Koch. Ce ne sont pas les seules fou- 
gères des rochers méridionaux ; il faut y joindre le Gram- 
mitis leptophylla, Swartz, le Cheilanthes odora, Swartz., 
l’'Adianthum capillus Veneris, Lin., qui végète aussi très- 
bien sur les calcaires humectés, et le beau Notholæna Ma- 
rantæ, R. Brown., que nous ne connaissons encore que 
dans les fissures des colonnades basaltiques. Enfin , l’Asple- 
nium Adianthum-nigrum, Lin., y est représenté par sa 
variété Serpentini, Koch., qui habite les rochers humides. 


Liste des plantes des rochers méridionaux. 


Arabis auriculata, Lam. À. Gerardi, Bess. À. muralis, Bert. 
A. Turrita, Lin. Id. var. puberula. Erucastrum incanum, Koch. 
Alyssum spinosum , Lin. À. macrocarpum, Dec. Draba aizoi- 
des , Lin. Cochlearia saxatilis, Lam. id. var. auriculata, Koch. 
Biscutella ambigua, Dec. Capsella procumbens, Fries. Id. var. 
pauciflora. Æthionema saxatiles, R. Brown. Helianthemum alys- 
soïdes, Vent. Reseda Jacquini, Rchb. Polygala calcarea, Schultz. 
Dianthus hirtus, Vil!. Saponaria ocymoides, Lin. Silene ina- 
perta, Lin. S. Saxifraga, Lin. Alsine rostrata, Koch. Id. var. 
pubescens. Arenaria hispida, Lin. A. ligericina, Lec. et Lamt. 
A. montana, Lin. Androsæmum officinale, A/!. Hypericum 
linearifolium , Vahl. Ononis minutissima , Lin. Anthyllis 
montana, Lin. Lotus angustissimus , Lin. Potentilla rupes- 
tris, Lin. Id. var. villosa. P, hirta, Lin. P. verna, Lin. Id. 
var. villosa. P. caulescens, Lin. Aronia rotundifolia, Pers. 
Sedum hirsutum, A{/. S. anopetalum , Dec. S. altissimum , 
Lam. Umbilicus pendulinus, Dec. Saxifraga Clust, Gouan. S. 
pubescens, Dec. S. pedatifida, Smith. Buplevrum ranuncu- 
loides, Lin. Var. caricinum, Dec. À thamanta cretensis, Lin. 
Viburnum Tinus, Lin. Vaillantiamuralis, Lin. Centranthusan- 


4928 RÉGION MERIDIONALE. 


gustifolius, N. Cat. Phagnalon sordidum, Dec. Inula montana, 
Lin. Gnaphalium luteo-album, Lin. Helichrysum Stœchas, Dec. 
H. angustifolium, Dec. Chrysanthemum cebennense, Dec. 
Centaurea pectinata, Lin. C. maculosa, Lam. Id. var. albida. 
Hieracium saxatile, Vi//. H. amplexicaule, Lin. H. ochro- 
leucum, Schleich. Campanula Erinus, Lin. Antirrhinum Asa- 
rina, Lin. Linaria origanifolia , Dec. Erinus alpinus, Lin. 
Saturela montana , Lin. Teucrium flavum, Lin. T. Polium, 
Lin. 1. var. flavicans. Daphne Cneorum, Lin. D. alpina, Lin. 
Iris olbiensis, Hénon. Allium fallax, Don. À. schænoprasum, 
Lin. Agrostis setacea, Curt. Sesleria cærulea, Ard. Avena 
amethystina, Clarion. Melica ramosa, Vill. Briza minor, Lin. 
Poa alpina, Lin. var. badensis, Koch. Molinia serotina, HZ. 
et K. Grammuüis leptophylla, Koch. Asplenium Halleri, R. 
Brown. X. var. angustatum, Koch. A. Breynü, Retz. Adian- 
thum capillus Veneris, Lin. Cheïlanthes odora , Swartz. No- 
tholæna Marantæ , R. Brown. 


$ 9. ASSOCIATION DES BORDS DES RIVIÈRES DE LA 
RÉGION MÉRIDIONALE. 


Nous ne reviendrons pas ici sur ce que nous avons dit en 
parlant de la végétation des plaines, sur les associations des 
bords'sablonneux des rivages. Nous ne rappellerons pas non 
plus les espèces communes à ces diverses régions, attendu 
que ce serait ramener en scène presque toutes les plantes qui 
se trouvent ailleurs dans les mêmes stations. Nous nous 
contenterons de citer les espèces qui appartiennent plus es- 
sentiellement à la région méridionale et plus particulièrement 
aux dépôts des cours d’eau. Il est pourtant une remarque 
très-essentielle à faire, c'est qu'ici plus encore que dans les 
plaines du nord , les plantes qui se donnent rendez-vous sont 
nombreuses. Cela doit être par plusieurs raisons. D'abord 
parce que les cours d’eau tendent constamment à charrier 


BORDS DES RIVIÈRES. 429 


des graines et à faire descendre des montagnes des végétaux 
qui se développent également sur leurs bords; mais ici il y 
a de plus l'élément siliceux que la plupart des plantes ne 
trouvent pas sur les causses et que les eaux amènent du 
grand plateau avec les espèces auxquelles le sable est néces- 
saire, en sorte qu'il s'établit, pour plusieurs végétaux mon- 
tagnards du versant méridional , une seconde station dans la 
région du midi. D'un autre côté, le calcaire ne manque pas 
dans les détritus des rivages et toutes les conditions de ferti- 
lité se trouvent remplies pour les plantes sauvages. Si nous 
voulions tout énumérer , 1] faudrait réunir presque toutes les 
plantes des stations précédentes. 

C'est à une plante cultivée ou plutôt naturalisée que les 
paysages littoraux du midi doivent leur physionomie. L’A4- 
rundo Donax, Lin., y remplace notre À. phragmites, Lin., 
et forme des fourrés presque impénétrables à l'homme ; ils 
rappellent un peu les bambous de la zone tropicale, seule- 
ment ces plantes perdent chaque année leurs feuilles. L’on 
voit au printemps de nombreux turions qui percent le sable, 
déroulant ces feuilles qui, bientôt allongées, s’agitent au 
moindre vent, et leurs chaumes élancés atteignent à l’au- 
tomne trois à quatre mètres d’élévation. A l’exception de 
quelques champignons très-remarquables , comme le Phal- 
lus impudicus, Lin., le Clathrus cancellatus, Lin., qui étale 
ses branches de corail, rien ne végète sous l'ombre épaisse 
de ces roseaux. C’est à part, et formant des groupes distincts, 
que l’on rencontre à profusion le Salix incana, Schrank, à 
longs rameaux , à feuilles allongées et cotonneuses en des- 
sous, l'arbre caractéristique de cette station. On le retrouve 
partout seul ou accompagné du S. fragilis, Lin., du S. 
purpurea, var. helix, Koch, dont Linné avait fait une es- 
pèce distincte. Quelques buissons d’Adenocarpus cebennen- 


430 RÉGION MÉRIDIONALE. 


sis, Delil., quelques genêts échappés des montagnes, le 
houblon et les clématites forment de vastes fourrés tout le 
long des rivières. Dans leurs clairières, on voit le Buæus 
sempervirens, Lin., var. arborescens , les larges touffes de 
l'Epilobium Dodonæi, Vill., à fleurs roses, aux graines 
cotonneuses, l’Inula graveolens, Desf., et l’Artemisia cam- 
pestris, Lin. , qui couvre à lui seul des espaces considérables. 
Le Thalictrum aquilegifolium, Lin., suit aussi le bord des 
eaux , étale à l'ombre son feuillage élégant et ses gracieux 
faisceaux de légères étamines; l’Asparaqus officinalis, Lin., 
perce le sol sablonneux, fleurit au milieu de l’été, et l’on ren- 
contre en automne, tout chargés de fruits rouges, quelques 
pieds femelles qui ont échappé à la recherche des habitants. 

Le Scirpus Holoschænus, Lin., se trouve aussi çà et là, 
mais 1l préfère les eaux stagnantes et les fossés humides des 
calcaires Jurassiques. Le Xanthium Strumarium , Lin., est 
assez répandu ; le Galatella rigida, Cass., es beaucoup 
plus rare , et vers le mois de juillet les centaurées deviennent 
très-communes. La plus fréquente est le Centaurea macu- 
losa, Lam., souvent confondue, mais à tort, avec le C. 
paniculata, Lin., qui cherche aussi les mêmes localités, ainsi 
que le C. aspera, Lin. ; mais le €. maculosa, Lam., offre 
des variétés assez nombreuses dont l’albida, comme nous 
l’avons déjà dit, doit constituer une espèce qui ne sera sans 
doute pas la seule à séparer du type. 

La plus belle de toutes les fougères, l'Osmunda regalis, 
Lin., croit dans les ravins humides et dans les vallées des 
rivières, où l’on trouve également le Campanula Medium , 
Lin., etle C. rapunculus, Lin. Le Bidens bipinnata , Lin. 
quitte les vignes pour le bord des eaux ; le Pallenis spinosa, 
Cass., n’abandonne pas les lieux humides, et l’Anthemis 
altissima, Lin., se rencontre accidentellement sur le sable 


BORDS DES RIVIÈRES. 431 
des torrents. Le Chenopodium Botrys, Lin., est parfois très- 
multiplié et forme des groupes entremêlés de Senecio gal- 
licus, Vill., d'Echium pyrenaicum, Lin., d’Equisetum ra- 
mosum , Schleich., parmi lesquels on trouve aussi le Croton 
tinctorium, Lin., dans les lieux chauds , et le Cyperus lon- 
qus, Lin., dans les endroits humectés. 

Le Dianthus atro-rubens, AÏl., arrive jusque sur ces sa- 
bles où paraît de temps en temps le Geranium nodosum , 
Lin., et où s’étalent les charmants gazons fleuris du Saponaria 
ocymoides, Lin. Ces lieux sont aussi animés par les fleurs 
singulières de quelques orchidées , telles que le Spiranthes 
æstivalis, Rich., et les beaux Serapias lingua, Lin., et S. 
pseudo-cordigera, Moric. 

Plusieurs trèfles s’accommodent des sables et de l’humi- 
dité ; nous citerons le Trifolium nigrescens, Viv., qui croît 
dans les prairies sablonneuses , le 7. Bocconti, Savi., habi- 
tant des rochers, qui descend aussi au bord des eaux; le 
pratense, Lin., qui se développe partout, et le T. resupina- 
tum, Lin., qui consent à peine à pénétrer dans notre cir- 
conscription. 

Les glumacées sont assez fréquentes dans les sables hu- 
mides ou dans les laisses des rivières. On y trouve le Schæ- 
nus nigricans , Lin., le Carex maxima, Scop., avec ses 
longs épis ; çà et là les Carex Davalliana , Smith., C. gy- 
nomane , Bertol., C. mitida, Host., et le petit Juncus ca- 
pitatus, Weigel. Parmi les graminées, se présentent l’Era- 
grostis poæoides, P. de Beauv., le Phleum Boehmeri, Wib., 
variété scabrum , V'Apera interrupta, P. de Beauv. , et le 
Corynephorus articulatus, P. de Beauv. 

Beaucoup d'espèces sont disséminées et presque acciden- 
telles, comme Amaranthus prostratus, Balb., Anthemis 
peregrina, Wilid., Allium paniculatum , Lin., Linum an- 


4132 RÉGION MÉRIDIONALE. 


gustifolium, Huds., Alyssum maritimum, Lam. C’est encore 
le long des eaux ou dans les prairies qui se développent sur 
leurs alluvions sablonneuses qu'il faut chercher le Primula 
acaulis, Jacq., le Silene gallica, Lin., et parfois le Sedum 
Anacampseros, Lin., voyageuse égarée que M. Puel a trou- 
vée dans le Lot, sur les bords du Célé. 

Le Tetragonolobus siliquosus, Roth., qui n’est pas rare 
dans la région du nord , se retrouve dans les lieux humides 
du midi, ainsi que l'Anthericum de Lin. , et le 
Galium divaricatum, Lam. 

De petites plantes semblent aussi cenfinées sur ces sables 
légers où elles peuvent implanter leurs racines ; de ce nom- 
bre sont les Sagina apetala, Lin. $S. subulata, Wimm., 
le Crucianella angustifolia, Lin. On y voit encore le Sisym- 
brium asperum, Lin., qui choisit les lieux sur lesquels l’eau 
a séjourné pendant l'hiver, et le Tribulus terrestris, Lin. , 
dont les fruits, douloureusement épineux, sont en partie ca- 
chés dans le sable sur lequel il applique ses rameaux. 


Liste des plantes des bords des rivières. 


Thalictrum aquilegifolium, Lin. Sisymbrium asperum, Lin. 
Alyssum maritimum, Lam. Dianthus atro-rubens, A//. Sapo- 
naria ocymoides, Lin. Silene gallica, Lin. Sagina apetala, Lin. 
S. subulata, Wimm. Linum angustifolium, Huds. Geranium 
nodosum, Lin. Tribulus terrestris, Lin. Adenocarpus ceben- 
nensis, Delil. Trifolium pratense, Lin. T. Bocconii, Sawi. 
T. resupinatum, Lin. T. nigrescens, Viv. Tetragonolobus 
siliquosus, Roth. Epilobium Dodonæi, Vill. Sedum Anacamp- 
seros, Lin. Crucianella angustifolia, Lin. Galium divaricatum, 
Lam. Galatella rigida, Cass. Pallenis spinosa, Cass. Inula 
graveolens, Desf. Bidens bipinnata , Lin. Artemisia campes- 
tris, Lin. Anthemis altissima , Lin. A. peregrina, Willd. Se- 
necio gallicus, Vill. Centaurea maculosa, Lam. Id. var. al- 


CLIMAT. 433 


bida. C. paniculata, Lin. C. aspera, Lin. Xanthium Struma- 
rium, Lin. Campanula Rapunculus, Lin. C. Medium , Lin. 
Echium pyrenaicum, Lin. Primula acaulis, Jacq. Amaranthus 
prostratus, Balb. Chenopodium Botrys, Lin. Croton tincto- 
rium, Lin. Salix fragilis, Lin. S. purpurea, Lin. Id. var. He- 
lix, Koch.S. incana, Schrank. Serapias lingua, Lin.S. pseudo- 
cordigera , Moric. Spiranthes æstivalis, Rich. Asparagus of- 
ficinalis, Lin. Anthericum planifolium, Lin. Allium panicu-— 
latum, Lin. Juncus capitatus, Weigel. Cyperus longus, Lin. 
Schænus nigricans, Lin. Scirpus Holoschænus , Lin. Carex 
Davalliana , Smith. C. gynomane, Bertol. C. nitida, Host. C. 
maxima, Scop. Phleum Boehmert, Wibel. var. scabrum. Apera 
interrupta, P. de Beauv. Arundo Donax, Lin. Corynephorus 
articulatus, P, de Beauv. Eragrostis poæoides, P. de Beau. 
Equisetum ramosum , Schleich. Osmunda regalis, Lin. 


CHAPITRE XV. 


VÉGÉTATION DE LA RÉGION DES MONTAGNES. 


$ 1. CLIMAT DE LA RÉGION MONTAGNEUSE. 


Nous ne pouvons rien donner de précis sur le climat de 
cette région, qui est elle-même composée de localités si dif- 
férentes que les notions, exactes pour un point, deviendraient 
fautives relativement à un autre. Nous devons done, forcé- 
ment, nous borner à quelques généralités. | 

La température , qui est le premier élément du climat, 
varie considérablement suivant l'altitude et l'exposition , et 


si des observations précises ne viennent point en déterminer 
28 


434 RÉGION DES MONTAGNES. 


le chiffre rigoureusement, la présence de certains végétaux 
est là pour nous donner une idée des différences qui existent. 

L'observation des sources à des hauteurs diverses nous 
donne , quand ces sources sont abondantes, une moyenne 
suffisamment exacte. Leurs eaux nous accusent, dans la ré- 
gion montagneuse , des moyennes de 9 à 3 degrés centigra- 
des. Cette dernière m'a été fournie presqu’au sommet du pie 
de Sancy par plusieurs sources de la Dore, et peut-être était- 
elle un peu influencée par la température des neiges fondantes. 
L’élévation atteignait cependant près de 1,700 mètres. La 
plupart des sources des montagnes donnent 5 à 7 degrés, et 
cette dernière moyenne serait certainement celle qu'il fau- 
drait adopter comme représentant le mieux le climat de la 
région montagneuse du plateau central. 

C’est à peu près la température moyenne de Lund à 
990,42’ de latitude, de Freyberg à 50°,55", de Gotha à 
900,57, de Varsovie à 52°,13", et, pour les sommets les 
plus élevés, où nous pourrions accepter la moyenne de 5°, nous 
retrouverions à peu près le climat d'Upsal à 59°,52", de 
Christiania à 59°,54', de Stochkolm à 59°, 21”. En sorte que 
notre région montagneuse représenterait, sur ses divers gra- 
dins et sur ses deux versants nord et sud, toutes les tempé- 
ratures échelonnées entre le #4" et le 60% parallèle nord 
en Europe. 

Cette grande expansion de 16 degrés que nous gagnons 
sur l’espace , par l'altitude de nos montagnes , suffit pour 
expliquer la diversité de notre flore. 

Il nous est impossible, il est vrai, faute d'observations, de 
connaître les maxima et les minima de cette température, et 
mous encore de déterminer la valeur des moyennes séparées 
de l’été et de l'hiver. Nous pouvons cependant arriver très- 
près de la vérité. Le maximum de chaleur ne dépasse 


LISTE GÉNÉRALE DES PLANTES. 435 


pas et n’atteint presque Jamais 33 degrés, point accidentel- 
lement le plus élevé de la région de la plaine, et, quant 
au minimum , il nous importe peu, ainsi que la moyenne 
de l’hiver ; car ici les plantes, à l'exception des arbres, sont 
constamment plongées sous une couche puissante de neige, 
dont la température, au point de contact du col, ne descend 
guère au-dessous de 0. C’est un surcroît d’analogie entre 
notre région des montagnes et les contrées situées plus au 
nord , avec lesquelles nous avons comparé la température 
moyenne de son année. 

Quant à la quantité d’eau qui tombe annuellement et 
mensuellement sur ce vaste territoire , elle varie à l'infini 
d’un point à l’autre, et nous ne la connaissons pas. Nous la 
croyons inférieure à celle qui descend sur la région méridio- 
nale , et sans doute inférieure aussi à celle que nous avons 
recueillie dans la plaine. En revanche, le nombre de Jours 
pluvieux est plus grand. Si les pluies sont moins abondantes, 
elles ont lieu plus fréquemment. Les plantes reçoivent à 
chaque instant l’eau du ciel. L’atmosphère est le plus sou- 
vent humide, et les nuages qui passent visitent sans cesse 
les points les plus élevés. Les brumes , les brouillards 
paraissent souvent en été. Enfin, les végétaux sont placés 
dans une atmosphère plus humide , soumis à une tempéra- 
ture plus froide, et trouvent dans ces hautes régions la plu- 
part des conditions qu'ils vont chercher dans les contrées bo- 
réales. De là analogie et quelquefois similitude. 


$ 2. LISTE GÉNÉRALE DES PLANTES DE LA RÉGION 
DES MONTAGNES. 


RANUNCULACEÆ. Clematis Vitalba, Lin. Thalictrum 
majus Jacq. Anemone vernalis, Lin. A. Pulsatilla, 


436 RÉGION DES MONTAGNES. 


Lin. À. montana, Hoppe. À. alpina, Zin. À. nemorosa, 
Lin. A.ranunculoides, Zin. Ranunculus platanifolius, Zan. 
R. flammula, Zin. R. acris, Lin. R. auricomus, Zain. R. 
nemorosus, Dec. Caltha palustris, Zin. Trollius europæus, 
Lin. Helleborus viridis, Zin. Isopyrum thalictroides, Zin. 
Aquilegia vulgaris, Lin. Aconitum Napellus, Lin. À. Iycoc- 
tonum, Zain. Actæa spicata, Lin. 

PAPAVERACEÆ. Papaver dubium, Zin. Id. var. læviga- 
tum. Meconopsis cambrica, Vig. 

FumariAcEÆ. Corydalis solida, Smith. C. claviculata, 
Pers. 

CRuCIFEREÆ. Barbarea intermedia, Boreau. B. præcox, 
R. Brown. Arabis alpina, Lin. À. cebennensis, Dec. Car- 
damine resedifolia, Lin. Cardamine pratensis, Lin. Denta- 
ria digitata, Lam. D. pinnata, Lin. Sisymbrium Thalianum, 
Gaud. Braya pinnatifida, Koch. Sinapis Cheïranthus, Koch. 
var. montana. Draba verna, Lin. Thlaspi virgatum, Gren. et 
Godr. T. alpestre, Lin. Teesdalia nudicaulis, R. Brown. 
Biscutella lævigata, Lin. Bunias Erucago, Lin. Raphanus 
Raphanistrum, Lin. 

CisreÆ. Helianthemum guttatum, Lin. H. vulgare, Gært. 

VioLARIEÆ. Viola canina, Lin. V. biflora, Lin. V. gra- 
alescens, Jord. V. Sagoti, Jord. V. vivariensis , Jord. V. 
sudetica, Wailld. 

RESEDACEÆ. Astrocarpus sesamoïdes, Dec. 

PoLyGALEz. Polygala vulgaris, Lin. P. depressa, Wend. 

SILENEÆ. Dianthus Seguieri, Vil. D. deltoïdes, Lin. D. 
cæsius, Smith. D. monspessulano-Seguieri, Lec. et Lamt. 
D. monspessulanus , Lin. Silene inflata, Smuith. S. ciata, 
Pourr. S. rupestris, Lin. S. pratensis, Godr. S. diurna, 
Godr. S. nutans, Lin. Lychnis viscaria, Lin. L. flos-cu- 
cul, Lan. 


LISTE GÉNÉRALE DES PLANTES. AST 


ALSINEÆ. Sagina saxatilis, Wimm. Spergula arvensis, 
Lin. Alsine verna, Bartl. Mœhringia trinervia, Clairv. 
Stellaria nemorum, Zin.S. holostea, Zin.S.graminea, Lin. 
Moœnckia erecta , Baumg. Gerastium glomeratum , Thuill. 
C. brachypetalum, Desp. C. semidecandrum , Zin. C. glu- 
tinosum, Fries. C. alpinum, Zin. C. arvense, Zan. 

Lez. Radiola linoides, Gmel. Linum catharticum, Lin. 
L.usitatissimum, Lan. 

HyPErICINEZ. Hypericum humifusum, Lin. H. quadran- 
gulum, Lin. H. montanum, Zn. 

ACERINEÆ. Acer pseudo-Platanus, Zin. A. campestre , 
Lin. 

GERANIACEÆ. Geranium nodosum, Zin. G. sylvaticum, 
Lin. G. sanguineum, Zin. G. Robertianum, Lin. 

OxALIDEZÆ. Oxalis acetosella, Lin. 

RaamNeÆ. Rhamous catharticus, Lin. R. Frangula, Lin. 

PaPiLioNACcEÆ. Ulex europæus, Zin. U. nanus, Lin. 
Sarothamnus vulgaris, Wimm. Genista prostrata, Lam. 
G. pilosa, Zin. G. Delarbrei, Lec. et Lamt. G. purgans, 
Lin. G. anglica, Lin. Cyüsus sagittalis, Koch. Trifolium 
pratense , Lin. T. medium , Zin. T. alpestre, Lin. T. 
ochroleucum , Zin. T.incarnatum , Lin. T.striatum , Lin. 
T. scabrum, Zin. T. alpinum, Lin. T. montanum, Lin. T. 
repens, Lin. T. pallescens, Schreb. T. hybridum, Lin. T. 
spadiceum, Zin. T. badium, Schreb. T. agrarium, Zin.T. 
patens, Schreb. Lotus corniculatus, Zin. Ornithopus perpu- 
sillus, Lin. Vicia Orobus, Lin. V. Cracca, Lin. V. onobry- 
choïdes, Lin. Lathyrus pratensis, Lin. L. sylvestris, Lin. 
Orobus tuberosus, Lin. O. niger, Lin. 

AMYGDALEÆ. Cerasus Padus, Dec. 

RosacEÆ. Geum montanum , Lin. Rubus saxatilis, Lin. 
R. Godroni, Lec. et Lamt.R. glandulosus, Bell. R. hirtus, 


438 RÉGION DES MONTAGNES. 


Weih.et Nee. R. tomentosus, Borchk. R. fruticosus, Lin. 
R. fastigiatus, Weih. et Nee. R. idœus, Lin. Fragaria 
vesca, Lin. Potentilla anserina, Lin. P. Tormentilla, Sibth. 
P. aurea, Lin. Rosa pimpinelhifolia, Dec. Id. var. mitis- 
sima, Koch. R. alpina, Zan. R. rubrifolia, Vill. R. canina, 
Lin. R. collina , Jacq. R. rubiginosa, Lin. R. tomen- 
tosa, Lin. R. pomifera, Herm. R. arvensis, Lin. 

SANGUISORBEÆ. Alchemilla vulgaris, Lin. A. hybrida 
Hoffm. À. alpina, Lin. À. arvensis, Scop. Sanguisorba 
officinalis, Lin. Poterium sanguisorba, Lin. 

Pomacex. Cratægus oxyacantha, Lin. C. monogyna, 
Jacq. Cotoneaster vulgaris, Lindl. Pyrus salvifolia , Dec. 
Sorbus aucuparia, Lin. S. hybrida, Lin. S. Aria, Crantz.S. 
Chamæmespilus , Crantz. 

OExoruerez. Epilobium angustifolium , Lin. E. monta- 
num, Lin. E. trigonum, Schrank. Circæa intermedia, Ehrh. 
C. alpina, Lin. 

ParonycHiEÆ. Corrigiola littoralis , Lin. Herniaria gla- 
bra, Lin. Hlecebrum verticillatum, Zan. 

SCLERANTHEÆ. Scleranthus annuus, Lin. S. perennis, 
Lan. 

CrassuLAceÆ. Sedum Telephium, Zin.S.Fabaria, Koch. 
S. hirsutum, A!!. S. album, Zin. S. dasyphyllum, Zan.S. 
brevifolium, Dec. S. annuum, Lin. S. repens, Schl. $S. acre, 
Lin. S. reflexum, Zin. Sempervivum tectorum, Zan. S. 
arachnoïdeum, Zin. Umbilicus pendulinus, Dec. 

GROSSULARIEÆ. Ribes alpinum, Lin. R. petræum, Wulf. 

SAXIFRAGEÆ. Saxifraga Aïizoon , Jacq. S. bryoides, Lin. 
S. cuneifolia, Lin. S. exarata, VPall. S. hypnoides, Lin. S. 
granulata, Lin. 

UMBELLIFEREÆ. Astrantia major, Lin. Carum carvi, Lan. 
Conopodium denudatum , Koch. Pimpinella magna , Zan. 


LISTE GÉNÉRALE DES PLANTES. 439 


Buplevrum longifolium, Zin. Eibanotis montana, 4{!. Meum 
Athamanticum, Jacqg. M. mutellina, Gærtn. Angelica pyre- 
næa, Spreng. Imperatoria Ostrutium, Lin. Heracleum sibi- 
ricum, N. Cat. H. sphondylium, Zin. Laserpitium asperum, 
Crantz. L. Siler, Lin. Var. asperum. Anthriscus sylvestris, 
Hoffm. Chærophyllum aureum, Zin. C. hirsutum, Lin. 
Myrrhis odorata, Scop. Melopospermum cicutarium , Dec. 

CAPRIFOLIACEÆ. Adoxa moschatellina, Lin. Sambucus 
racemosa , Lin. Lonicera Periclymenum, Lin. L. nigra, 
Lin. L. algigena , Lin. 

STELLATÆ. Asperula cynanchica, Lin. A. odorata, Lin. 
Galium anglicum, Huds. G. rotundifolium, Lin. G. verum, 
Lin. G.approximatum, Gren.G.Mollugo, Lin. G. saxatile, 
Lin. G. sylvestre , Poll. 

VALERIANEÆ. Valeriana officinalis, Lin. V. dioica, Lin. 
V.tripteris, Lin. 

Dipsaceæ. Knautia sylvatica, Duby. K. longifolia, Koch. 
Succisa pratensis, Hæœnch. Scabiosa columbaria, Lin. S. lu- 
cida, Pull. 

SYNANTHEREÆ CORYMBIFEREÆ. Adenostyles albifrons, 
Rchb. Erigeron alpinus, Lin. Solidago virga aurea, Lin. 
Filago arvensis, Lin. F. minima, Fries. Gnaphalium sylva- 
ticum, Lin. G. norwegicum, Gunner. G. supinum , Lin. 
G. dioicum, Lin. Artemisia Absinthium , Lin. Chrysanthe- 
mum Leucanthemum , Lin. Doronicum pardalianches, Lin. 
D. austriacum , Jacqg. Arnica montana, Lin. Cineraria spa- 
thulæfolia, Gmel. Senecio vulgaris, Lin. S. sylvaticus, Lin. 
S. artemisiæfolius, Pers. S. leucophyllus, Dec. S. Cacalaster, 
Lam. S. Fuchsu, Gmel. S. Doronicum, Lan. 

SYNANTHEREÆ CYNAROCEPHALÆ. Cirsium eriophorum , 
Scop. C. palustre, Scop. G. palustri-erisithales, Nœgel. C. 
erisithales, Scop. C. rivulare, Link. G. acaule, Al. C. 


440 RÉGION DES MONTAGNES. 


arvense, Scop. Carduus Personata, Jacq. C. vivaniensis, 
Jord. C. nutans, Lin. Carlina Cynara , Pourr. C. vulgaris , 
Lin. C. nebrodensis, Guss. Serratula tinctoria, Lin. Cen- 
taurea Jacea, Lin. C. nigra, Lin. C. montana, Lan. C. 
cyanus, Lin. C. Scabiosa, Lin. 

SYNANTHEREÆ CICHORACEÆ. Arnoseris pusilla, Gœærtn. 
Leontodon pyrenaicum, Gouan. L. hastile, Lin. Picris cre- 
poides, Saut. Scorsonera humilis, Lin. Hypochæris macu- 
lata, Lin. Taraxacum dens-leonis, Desf. Prenanthes pur- 
purea, Lin. Lactuca muralis, Fresen. Mulgedium Plumieri, 
Dec. M. alpinum, Dec. Crepis succisæfolia, Tausch. C. 
grandiflora, Tausch. Hieracium Pilosella, Lin. H. auricula, 
Lin. H. aurantiacum, Lin. H. longifolum, Schl. H. Mou- 
geoti, Froel. H.amplexicaule, Lin. H. spicatum, A/!. H. 
boreale, Fries. H. umbellatum, Lin. 

CamMPaNuULACEÆ. Jasione montana, Lin. J. perennis, 
Lam. J. humilis, Pers. Phyteuma hemisphæricum, Lin. P. 
orbiculare, Lin. P. persicæfolium, Hopp. P. spicatum, Lan. 
P. Halleri, AU. Campanula-rotundifolia, Lin. C. linifoha, 
Lam.C.rhomboidalis, Lin. C. Trachelium , Lin. C. latifo- 
lia, Lin. C. patula, Lin. C. persicifolia, Lin. C. glomerata, 
Lin. | 

VacanieÆ. Vaccinium Myrtillus, Zin. V. ulignosum, 
Lin. V. Viisidæa, Lin. 

EricnxezÆ. Arctostaphylos Uva ursi, Spreng. Calluna 
vulgaris, Salisb. Erica Tetralix, Lin. E. cinerea , Lin. 

PyroLaceÆ. Pyrola rotundifolia, Lin. P. chlorantha, 
Swartz. P. minor, Lin. P. secunda, Lin. P. uniflora, Lin. 

Moxornopeæ. Monotropa Hypopitys, Lin. 

AQuUIFOLIACEZÆ. [lex Aquifolium, Lin. 

OLEAcEÆ. Fraxinus excelsior, Lan. 

GENTIANEÆ. Gentiana lutea, Lan. G.verna, Lin. G. cam- 


LISTE GÉNÉRALE DES PLANTES. 441 
pestris, Lin. Cicendia filiformis, Delarbre.C. pusilla, Griseb. 

PoLEMoniACEÆ. Polemonium cæruleum, Lin. 

ConvozvuLacEÆ. Convolvulus arvensis, Lin. Cuscuta 
epithymum, Lin. C. epilinum, Weihe, 

BoRRAGINEÆ. Pulmonaria angustifolia, Lin. P. azurea, 
Bess. Mvyosotis sylvatica, Lin. M. stricta, Link. 

SoLanEÆ. Solanum tuberosum, Lin. Atropa Belladonna , 
Lin. 

VerBascEÆ. Ramondia pyrenaica, Rich. Verbascum 
Schraderi, Heyer. V. Lychnitis, Lin. V. nigrum, Lin. V. 
Thapso-Lychnitis, Mert. et Koch. V. Thapso-floccosum , 
Lec. et Lamt. V.Thapso-nigrum , Schied. V. nigro-flocco- 
sum, Xoch. Scrophularia nodosa , Lin. S. canima, Lin. 

ANTIRRHINEÆ. Digitalis purpurea, Lin. D. grandiflora, 
Lam. D. purpureo-lutea, Meyer. D. lutea, Lin. Linaria 
striata, Dec. Anarrhinum bellidifohum, Desf. Veronica 
montana , Lin. V.officinalis, Lin. V. alpina, Lin. V, ser- 
pyllifolia, Lin. 

OroBANCHEÆ. Orobanche epithymum, Dec. 

RaiNaNTHACEÆ. Melampyrum cristatum, Zin. M. ar- 
vense, Lin. M. pratense, Lin. M. sylvaticum, Lin. Pedi- 
cularis sylvatica, Lin. P. palustris, Lin. P. comosa, Lin. 
P. foliosa, Lin. P. verticillata, Lin. Rhinanthus minor, 
Ehrh. R. Alectorolophus, Poll. Bartsia alpina , Lan. Eu- 
phrasia officinalis, Lin. E. minima, Schl. 

LagiaræÆ. Thymus Serpyllum, Zin. Calamintha grandi- 
flora, Mœnch. Melittis Melissophyllum , Lin. Lamium ma- 
culatum, Lin. L. album, Lin. Galeobdolon luteum, Huds. 
Galeopsis Ladanum , Lin. G. ochroleuca, Lam. G.Tetrahit, 
Lin. Stachys sylvatica, Lin. Betonica officinalis, Zan. 
Prunella vulgaris, Lin. P. grandiflora, Jacq. P. alba, Pall. 
Ajuga reptans, Lin. A. pyramidalis, Lin. 


412 RÉGION DES MONTAGNES. 


PRriIMULACEÆ. Lysimachia nemorum, Lin. Androsace car- 
nea, Zin. Primula officinalis, Jacqg. P. elatior, Jacq. Sol- 
danella alpina , Lin. 

PLUMBAGINEÆ. Statice plantaginea, All. 

PLANTAGINEÆ. Plantago lanceolata, Lin. P. alpina, Lin. 

CnexoroneÆ. Blitum bonus Henricus, Mey. 

PoLyGoxEÆ. Rumex pratensis, Mert. et Koch. R. alpi- 
ous, Zin. R. scutatus, Lin. R. anifolius, AU. R. Acetosa, 
Lin. KR. Acetosella, Lin. Polygonum Bistorta, Lin. P. vivi- 
parum, Lan. P. Fagopyrum, Lin. P. tataricum, Lin. 

Tuymezeæ. Daphne Mesereum, Lin. D. Laureola, Lin. 

SANTALACEÆ. Thesium pratense, £hrh.T. alpinum, Lan. 

ARISTOLOCHIEÆ. Asarum europæum , Lin. 

EMPETREÆ. Empetrum nigrum , Lin. 

EupnorBrACEÆ. Euphorbia hyberna, Lin. E. procera, 
Bieb. E. amygdaloïdes, Lin. Mercurialis perennis, Lin. M. 
annua, Lin. 

Urriceæ. Urtica dioica, Lin. Ulmus montana, Snuth. 

CuPuLIFEREÆ. Fagus sylvatica, Lin. Corylus Avellana , 
Lin. 

SALICINEÆ. Salix pentendra, Lin. S. rubra, Huds. S. 
Caprea, Lin. S. aurita, Lin. S. herbacea, Lin. Populus 
Tremula , Lin. P. nigra, Lin. 

Beruuneæ. Betula alba, Lin. B. pubescens, Ehrh. 
Alnus glutinosa, Gærtn. 

ConiFERÆ. Juniperus nana, Wild. Pinus sylvestris, Lin. 
P. Pinaster, Aït. Larix europæa, Lin. Abies pectinata, Dec. 

AROIDEÆ. Arum maculatum , Lin. 

OrcHinEÆ. Orchis ustulata, Lin. O. globosa, Lin. O. 
mascula, Lin. O. sambucina, Lin. O. maculata , Lin. O. 
latifolia, Lin. Gymnadenia conopsea, R. Brown. G. albida, 
Rich. Cœloglossum viride, Hartm. Platanthera bifolia, 


LISTE GÉNÉRALE DES PLANTES. 143 


Rich. P. chlorantha, Cust. Nigritella angustifolia, Rich. 
Cephalanthera pallens , Rich. C. ensifolia, Rich. C. rubra, 
Rich. Listera ovata, R. Brown. L. cordata, R. Brown, 
Neottia nidus-avis, Rich, 

IRidEÆ. Crocus vernus, All. 

AmaryLLDpEÆ. Narcissus pseudo-Narcissus, Lin. N. 
poeticus, Lin. Galanthus nivalis, Lin. 

ASPARAGINEÆ. Streptopus amplexifolius, Dec. Paris qua- 
drifolia, Lin. Convallaria verticillata, Lin. C. Polygona- 
tum , Lin. C. multiflora, Lin. C. maïalis, Lin. Maianthe- 
mum bifolium , Dec. 

Luaceæ. Lilium Martagon, Lin. Erythronium dens ca- 
nis, Lin. Asphodelus albus, Hull. Paradisia Lihastrum, Bert. 
Gagea lutea, Schult. Scilla verna, Huds. S. bifolia, Lin. 
S. Lilio-Hyacinthus, Lin. Endymion nutans, Dumort. Al- 
lium victoriale, Lin. A. ursinum, Lan. 

Corcricacez. Colchicum autumnale , Lin. Veratrum al- 
bum, Lin. 

JuxcacEz. Juncus Bufonius, Lin. J.sylvaticus, Reichard. 
Luzula Forsteri, Dec. L. pilosa, Wail{d. L. maxima , Dec. 
L. nivea, Dec. L. campestris, Dec. L. multiflora. Le. L. 
sudetica, Dec. L. spicata, Dec. 

CyrerAcEz. Scirpussylvaticus, Lin. Carex leporina, Lin. 
C. pilulifera, Lin. C. montana, Lin. C. ericetorum, Poll. 
C. polyrrhiza, Wallr. C. digitata, Lin. C. sylvatica, Huds. 

GRAMINEÆ. Anthoxanthum odoratum, Lin. A. Pueln, 
Lec.et Lamt. Phleum alpinum, Lin. Chamagrostis minima, 
Borkh. Agrostis vulgaris, With. A. canina, Lin. A. ru- 
pestris, All. Calamagrostis sylvatica, Dec. Milium effusum , 
Lin. Kœleria cristata, Pers. Aira flexuosa , Lin. Coryne- 
phorus canescens, P. de Beauv. Holcus mollis, Lin. Arrhe- 
natherum elatius, Mert. et Koch. Avena sativa, Lin. A.stri- 


44% RÉGION DES MONTAGNES. 


gosa, Schreb. À pubescens, Lin. A. pratensis, Lin. A. 
versicolor, Will. A. montana, ill. A. caryophyllea, Wigg. 
A. præcox, P. de Beaux. Triodia decumbens, P. de Beauv. 
Melica uniflora, Retz. Briza media, Lin. Poa annua, Lin. 
P.alpina, Lin. P. sudetica, Hænck. Festuca Lachenali, 
Spenn. F. pseudo-myuros, Soy.- Will. F. ovina, Lin. F. 
duriuscula, Lin. F. nigrescens, Lam. F. rubra, Lin. F. rhæ- 
tica, Sut. F.spadicea, Lin. F.sylvatica, Vill. F. gigantea, 
Vill. Bromus erectus, Huds. Secale cereale, Lin. Nardus 
stricta, Lin. 

EquiseracEÆ. Equisetum sylvaticum, Lin. 

LycopopracEeÆ. Lycopodium Selago, Lin. L. alpinum, 
Lin. L. clavatum, Lan. 

Firices. Botrychium Lunaria, Swartz. B. rutæfolhium, 
Braun. Polypodium Phegopteris, Lin. P. Driopteris, Lin. 
Aspidium aculeatum, Doell. Polystichum Oreopteris, Dec. 
P. Filix-mas, Roth. P. spinulosum, Dec. Cystopteris fra- 
gilis, Bernh. C. regia, Presl. Asplenium Breynn, Retz. 
A. Ruta-muraria , Lin. À. septentrionale, Swartz. Blech- 
num spicant, Roth. Pteris aquilina, Lin. Allosurus crispus, 
Bernh. 


$ 3. ASSOCIATION DES FORÊTS DE SAPINS. 


Depuis la hauteur de 1,200 mètres jusqu’à celle de 
1,500, les forêts sont principalement composées de sapins, 
Abies pectinata, Dec., qui ne dépassent nulle part cette al- 
titude, mais qui descendent assez souvent au-dessous de la 
limite inférieure que nous venons de leur assigner. On les 
voit, au mont Dore, atteindre le plateau de Bozat, et, dans 
le Cantal, constituer le bois noir presqu'à la même éléva- 
tion. Ces forêts sont moins étendues, dans ce dernier groupe 


FORÊTS DE SAPINS. 445 


de montagnes, qu'elles ne le sont au mont Dore. [ci, elles 
couvrent de grands plateaux, comme entre la Bourboule 
et Latour, elles revêtent des pentes nombreuses et abritent 
de sombres vallées. Dans le Cantal, elles forment une cein- 
ture magnifique au Lioran et se retrouvent au bois noir 
dans la vallée du Falgoux. 

Ces mêmes forêts couvrent les croupes de la Margeride, 
les montagnes de La Chaise-Dieu, celles de Fix et de Saint- 
Germain-l'Herm. Elles couronnent les montagnes des envi- 
rons de Thiers, Montoncelle, Pierre-sur-Haute, et une grande 
partie de la chaîne du Forez. On voit même les sapins des- 
cendre jusque sur les bords de la Sioule, à la Chartreuse de 
Pontgibaud, au milieu des gorges resserrées que cette ri- 
vière traverse. 

Le sapin vit ordinairement seul, et constitue de très- 
grandes forêts ; s’il admet quelques espèces arborescentes, 
ce sont des hêtres, et seulement sur ses lisières inférieures , 
et, dès qu'il grandit, il les étouffe. Dès qu'il s'élève, le hêtre 
ne le suit plus, en sorte que, dans les hautes futaies, on ne 
trouve absolument que le sapin. Si les arbres ne sont pas 
trop serrés, ils sont accompagnés par quelques saules , tels 
que les Salix aurita, Lin., et S. Caprea, Lin., et aussi le 
S. pentendra, Lin., qui s’arrondit en magnifiques buissons, 
mais qui préfère le grand air des vallées ouvertes, pour y 
former, à lui seul, des bosquets odoriférants. 

Les ronces, sans atteindre toute la partie supérieure de 
ces grands bois, sont assez communes, au moins sur leurs 
bords. On y distingue le Rubus glandulosus , Bell., Jouis- 
sant d’une vigueur extraordinaire, avec sa variété wmbrosus, 
Godron ; le Rubus hirtus, Weïh. et Nee., croît aussi dans 
les lieux sombres de ces hautes forêts, mais il appartient 
plus spécialement à la chaîne du Forez. Il ressemble beau- 


446 RÉGION DES MONTAGNES. 


coup au À. glandulosus , Bell., et se trouve exactement 
dans les mêmes conditions. Vient ensuite le Ribes petræum, 
Walf., que Delarbre à confondu avec le R. rubrum , erreur 
que d’autres botanistes ont souvent commise. 

Si, au milieu de ces grands bois , de petites clairières se 
présentent, elles sont immédiatement couvertes de petits bos- 
quets de Rubus idœus, Lin. Ces framboisiers sont pressés les 
uns contre les autres, ont un large feuillage , des fleurs et 
des fruits nombreux, et paraissent dans leur véritable patrie. 
Nulle part nous ne les avons vus plus vigoureux que dans les 
bois qui se trouvent entre la Bourboule et Latour. Ils sont 
accompagnés par quelques groupes de Sambucus racemosa, 
Lin., dont les fruits rouges sont plus précoces que les fram- 
boises, et par les buissons du Zonicera nigra , Lin. Si ces 
arbrisseaux ne touchent pas immédiatement les sapins , 
tout l’espace qui les sépare est couvert du Vaccinium Myr- 
tillus, Lin., qui prolonge , même très-avant sous l’ombre 
des grands arbres , ses tapis serrés et garnis de grelots roses 
au printemps et de fruits bleus et succulents au milieu de 
l'été. 

Autour et au milieu de ces Jardins fruitiers de la monta- 
gne croissent aussi des fraises parfumées et de grands végé- 
taux qui forment de véritables parterres. L’Arnica montana, 
Lin., abandonnant ses pelouses supérieures , arrive Jusque 
dans le milieu des bois. Deux grands seneçons dominent 
toute la végétation herbacée ; ce sont le Senecio Fuchsu , 
Gmel., commun surtout dans le Lioran, et le $. Cacalias- 
ter, Lam., qui malgré son peu d'élégance n’en constitue pas 
moins une des plantes les plus rares de la flore française , et 
celle qui est peut-être la plus spéciale aux hautes montagnes 
de l’Auvergne. 

Cet là se montrent le Melampyrum sylvaticum, Lin., qui 


FORÊTS DE SAPINS. 447 


ne croît jamais que dans les lieux abrités, et le Veronica 
montana, Lin., qui rampe sur le terrain humide. 

Un ne peut pas dire que l’ombre épaisse des sapins permet 
le développement d’une végétation très-variée, mais les plan- 
tes qui la composent ont une si grande fraicheur et elles cou- 
vrent de si vastes terrains , que l’on ne peut lui refuser une 
grande importance dans l’aspect du pays. Parmi les végétaux 
qui recherchent l'ombre la plus ténébreuse, nous devons 
citer d’abord le Monotropa hypopythis, Lin., qui est sur- 
tout extrêmement abondant dans les bois de Fix ( Haute- 
Loire) ; quoique cette espèce vienne également sur les racines 
des hêtres, on ne peut douter qu’elle n’affectionne davantage 
celles de sapins , et les individus de Fix sont si nombreux, 
si développés, qu’ils semblent, au premier abord , former 
une espèce distincte de celle qui croît dans nos forêts 
moyennes. 

Des fougères se développent aussi dans les mêmes loca- 
lités ; le Blechnum spicant, Lin., qui préfère l'humidité à 
l'ombre, le Polystichum spinulosum, Dec., et surtout sa 
belle variété tanacelifolium, Dec., forment de jolies touffes 
d’une délicatesse extrême, qui s’abritent des courants d’air 
en choisissant les fourrés les plus épais. Nous pouvons y ajou- 
ter l’Aspidium aculeatum, Doell., avec sa variété Plukenetur, 
et les groupes de l'Asplemium Filix-femina, Bernh., qui 
sont une des plus belles décorations de nos forêts, et qui 
nous rappellent, par leur vigueur, les fougères équatoriales 
de la formation houillère, déja peut-être, comme de nos 
Jours, associées à quelques conifères. 

Deux jolies circées d’une grande déhcatesse , les Circea 
alpina, Lin., et C. intermedia, Ehrh., forment de petits 
gazons étalés au pied des vieux troncs des sapins, admettant 
au milieu de leurs petites fleurs ponctuées soit l'Oxalis ace- 


448 RÉGION DES MONTAGNES. 


tosella, Lin., soit l’Adoxa moschatellina, Lin., dont l’odeur 
se mêle au parfum balsamique des sapins. Mais la production 
la plus délicate de ces lieux est le Listera cordata, R. Brown., 
charmante orchidée parasite sur les vieux troncs pourris et 
abattus, dont elle partage le domaine avec plusieurs junger- 
mannes, avec le Tetraphis pellucida, et une foule de mous- 
ses et de lichens ; à peine si on la distingue au milieu des 
Oxalis et des jeunes sapins qui, sortant de leurs semences, 
étalent leurs premiers verticilles. Les fleurs du Zistera res- 
tent encore épanouies quand déjà les ovaires ont müri leurs 
graines, en sorte que pendant tout l'été on peut recueillir 
cette délicate espèce. Le Mœhringia trinervia, Clairv., l’an- 
cien Arenaria trinervia de Lin., qui descend jusque dans 
les plaines du nord de l'Europe, se réfugie ic1 sous les 
sapins , où ses larges touffes acquièrent leur complet déve- 
loppement. 

Le Pyrola secunda, Lin., et surtout l’Asarum europœæum, 
Lin., sont encore du nombre des plantes qui recherchent les 
lieux les plus ombragés, et qui ne se présentent que dans un 
petit nombre de localités. 

Les parties de la forêt un peu moins sombres sont ornées 
des bouquets du Luzula maxima, Dec., de quelques touffes 
de Pulmonaria angustifolia, Lin., des hautes tiges fleuries 
du Rumex arifolius, AÏ., souvent mélangées à l’Aconitum 
lycoctonum, Lin. 

Les lieux humides nous montrent des groupes de la plus 
grande élégance ; le Mulgedium alpinum , Lessing., y dé- 
veloppe ses épis bleus près des corymbes carminés de l’Ade- 
nostyles albifrons, Rchb., au milieu des grandes fleurs do- 
rées du Doronicum austriacum, Jacq. Là paraissent les 
touffes du rare Arabis cebennensis, Dec., qui se cache dans 
les gorges profondes du Lioran , ainsi que le Campanula la- 


FORÊTS DE SAPINS. 449 
tifolia, Lin., que l’on reconnaît de loin à ses larges corolles 
bleues ou blanches. 

Nulle autre part le Digitalis purpurea, Lin., n’acquiert 
de si volumineux épis, des corolles plus foncées et des ma- 
cules plus parfaites; on le voit fleurir près des thyrses lé- 
gers du Spiræa Ulmaria, Lin., et des larges touffes du Ra- 
nunculus aconitifolius, Lin., de l’Aconitum Napellus, Lin., 
et de ses nombreuses variétés. Ses longs épis ajoutent en- 
core à la variété de ces forêts. On y rencontre aussi le Car- 
duus Personata, Jacq., ou bien de petites espèces, comme le 
Braya pinnatifida, Koch., le Cardamine resedifolia, Lin., 
et le Corydalis claviculata, Pers., dont les tiges débiles et 
rampantes couvrent le pied des sapins. 

Ailleurs , et principalement dans les bois du Cantal, est 
disséminé le Calamintha grandiflora, Mœnch. ; le Maïan- 
themum bifolium, Dec., commun aux zones supérieures 
des forêts, se rencontre presque partout, et embellit les bois 
de ses jolies grappes de fleurs blanches. Le Streptopus am- 
plexifolius, Dec., y abrite aussi son beau feuillage et y mon- 
tre à la fin de l’été ses fruits lisses et d’un rouge éclatant. 

Nous pourrions et nous devrions peut-être ajouter ici un 
nombre considérable de plantes qui font partie de cette ri- 
che végétation des forêts des montagnes, mais ces plantes 
vont se rencontrer de nouveau sous nos yeux quand nous 
étudierons les pelouses et les taillis, quand nous suivrons le 
cours des ruisseaux ou lorsque nous nous arrêterons sur le 
bord des fontaines. Nous terminerons donc cette liste , sauf 
à revenir plus tard sur les espèces que nous supprimons à 


dessein. 
Liste des plantes des foréts de sapins. 


Ranunculus aconitifolius , Lin. Aconitum Napellus, Lin. 
Cardamine resedifolia , Lin. Corydalis claviculata, Pers. Aco- 
29 


450 RÉGION DES MONTAGNES. 


nitum Lycoctonum, Lin. Mæœhringia trinervia, Clairv. Arabis 
cebennensis, Dec. Braya pinnatifida, Koch. Spiræa Ulmaria, 
Lin. Oxalis Acetosella, Lin. Rubus glandulosus, Bell. R. hir- 
tus, Weih. et Nee. R, idœus, Lin. Circæa intermedia, Ehrh. 
C. alpina, Lin. Ribes petræum , Wulf. Adoxa moscatellina , 
Lin. Sambucus racemosa, Lin. Adenostyles albifrons , Rchb. 
Doronicum austriacum, Jacq. Senecio Cacaliaster, Lam. S. 
Fuchsii, Gmel. Carduus Personata, Jacq. Mulgedium alpi- 
num, Lessing. Campanula latifolia, Lin. Vaccinium Myrtil- 
lus, Lin. Pyrola secunda, Lin. Monotropa Hypopitys, Lan. 
Pulmonaria angustifolia, Lin. Veronica montana, Lin. Digi- 
talis purpurea , Lin. Melampyrum sylvaticum, Lin. Calamin- 
tha grandiflora, Mæœnch. Rumex arifohius, All. Asarum eu- 
ropæum, Lin. Salix pentendra, Lin. S. aurita, Lin. S. Ca- 
prea, Lin. Abies pectinata, Dec. Listera cordata, R. Brown. 
Streptopus amplexifolius, Dec. Maianthemum bifolium , Dec. 
Luzula maxima, Dec. Aspidium aculeatum , Dec. Id. var. 
Plukenetii. Polystichum spinulosum, Dec. Id. var. tanacetifo- 
lium. Asplenium Filix-feminea , Bernh. Blechnum spicant , 
Roth. 


$ 4. ASSOCIATION DES FORÈTS DE HÊTRES DE LA 
RÉGION MONTAGNEUSE. 


Dès que l’on abandonne la zone où la vigne peut encore 
fructifier, on entre dans la région des montagnes , et la vé- 
gétation change immédiatement de physionomie. L'arbre 
dominant est le hêtre, Fagus sylvatica, Lin., qui trouve 
son paradis à la hauteur de 1,000 mètres, et qui souvent 
forme à lui seul d’admirables berceaux dont l'ombre pro- 
tectrice admet d'assez nombreuses espèces de plantes her- 
bacées. 

Quelques arbres se disputent le terrain avec lui, et, en 
première ligne, se présentent les chênes, que nous avons vus 


FORËTS DE HÊTRES. 451 


constituer presque seuls les forêts inférieures. Le hêtre est 
moins rustique, et dès que, dans notre contrée, l'altitude est 
au-dessous de 600 mètres, il cesse presque entièrement de 
se montrer. 

Si, dans une zone moyenne, ces deux essences occupent 
d’assez vastes espaces , elles sont le plus souvent distinctes, 
et bien qu'il ne soit pas rare de trouver des bois mélangés de 
chênes et de hêtres, en général chacun de ces arbres vit en 
famille et domine au moins, s’il n'exclut pas tout à fait 
l’autre. On voit, à la même hauteur et sur les mêmes ter- 
rains , des bois de chêne et des bois de hêtre , sans qu’on 
puisse pressentir la cause première de cette séparation ; mais, 
au-dessus de 1,000 mètres, les chènes sont rares, et à 
1,200 mètres on n’en voit plus. 

Le Betula alba, Lin., qui forme quelquefois seul de pe- 
tits bois, se mêle le plus souvent aux hêtres et aux chênes, 
et ne descend que rarement dans la plaine. Le Cerasus 
avium, Mœnch., les Salix Caprea, Lin., et S.aurita, Lin., 
entrent aussi dans les forêts des montagnes. Le frêne, Fraæi- 
nus eæcelsior, Lin., s’y mélange sans y dominer ; c’est plu- 
tôt un arbre des haies qu'une espèce forestière. On y trouve 
aussi les Ulmus effusa, Willd., et U. montana , Smith. et 
même la variété suberosa de l’Ulmus campestris, Lin. Nous 
croyons ces arbres indigènes, mais ce ne sont pas, à propre- 
ment parler, des essences némorales, 

En ajoutant le Pyrus salvifolia, Dec., le Sorbus Aucu- 
paria, Lin., le Sambucus nigra, Lin., en rappelant les Po- 
pulus et les Pyrus de la plaine, nous aurons à peu près la 
liste des végétaux arborescents de la zone montagneuse. 

Si cependant nous voulions rester strictement dans la série 
des essences de haute futaie, le hêtre , le chêne, le trem- 
ble, le bouleau seraient les seules que nous devrions ad- 


452 RÉGION DES MONTAGNES. 


mettre. Les autres espèces sont accessoires ou accidentelles, 
ou bien elles habitent les bords, sans pénétrer dans l’inté- 
rieur. 

Nous pourrions mentionner le lierre, Hedera Helix, Lin., 
comme une plante qui accompagne toujours les forêts, mais 
qui pourtant ne dépasse guère la hauteur de 1,200 mètres. 
Il est commun aussi dans la zone inférieure, et appartient 
aussi bien et mieux peut-être aux stations rupestres qu’à 
celles des forêts. Dans la zone moyenne dont nous parlons, 
et sous les grands arbres , cet arbrisseau présente , comme 
on le sait, des caractères particuliers. Il monte rarement , 
court sur le sol, et conserve ses feuilles palmées et veinées, 
qu'il perd en vieillissant et en acceptant un appui. 

L'ombre épaisse fournie par ces grands arbres, et notam- 
ment par le magnifique feuillage du hêtre, permet cepen- 
dant aux végétaux herbacés de fleurir et de fructifier. Dès le 
printemps, et avant l’épanouissement des bourgeons, le sol 
des forêts des plateaux et des cônes volcaniques est couvert 
par l’Anemone nemorosa, Lin., l’Anemone ranunculoides , 
Ein., etle Ranunculus auricomus, Lin. On y voit les bouquets 
soufrés du Primula elatior, Jacq., et les rameaux fleuris et 
odorants du Daphne Mezereum, Lin. ; un peu plus tard le 
Gagea lutea, Schult., le Corydalis solida , Smith., l’1s0- 
pyrum thalictroides, Lin., le Daphne Laureola , Lin., et le 
Scilla bifolia, Lin. Ce n’est pas, du reste, la seule espèce 
de scille qui s’abrite sous les arbres ; l'Endynion nutans, 
Dumort., fleurit dans les bois de la Creuse, sans arriver dans 
le reste de notre circonscription, et cette plante, si com- 
mune dans le nord de la France, où elle s'associe presque 
toujours au Narcissus pseudo-Narcissus, Lin., reste confinée 
dans l’ouest du plateau. Il faut encore citer, dans les espèces 
vernales, l’Erythronium dens canis, Lin., rare dans le nord, 


FORÈTS DE HÊTRES. 4353 


l’est et le sud de notre territoire, et couvrant le sol des fo- 
rêts dans la Corrèze et une partie de la Creuse, s’avançant 
même jusqu’au pied du mont Dore, du côté de Bourg- 
Lastic. 

La floraison de ces plantes n’est pas encore terminée quand 
arrivent l’Orobus vernus, Lin. , dans la Lozère et la Haute- 
Loire, et partout l’Oxalis Acetoseila, Lin., et l’Arum ma- 
culatum, Lin. Pendant ce temps les feuilles des arbres s’éten- 
dent, l'ombre augmente et l’on voit le Dentaria digitata, 
Lam., et surtout le D. pinnata, Lin., extrèmement commun 
dans quelques localités. Le Carex sylvatica, Huds., le Ae- 
lica uniflora, Retz. , l'Euphorbia dulcis, Lin., profitent 
encore de quelques éclaircies de lumière à travers les 
branches ; puis on voit paraître presqu’en même temps : Ac- 
tϾa spicala, Lin., Doronicum Pardalianches, Lin., Paris 
quadrifolia, Lin., Convallaria multiflora, Lin., et €. 
Polygonatum, Lin., ou sceaux de Salomon. Ces plantes 
sont ordinairement dispersées, quelquefois solitaires, tandis 
que le Convallaria maialis, Lin., et lAllium ursinum, Lin., 
se réunissent en petits groupes qui semblent s’exclure. 

L’Asperula odorata, Lin., forme de vastes tapis, et le 
Seilla Lilio-Hyacinthus, Lin., plus sociable encore, se mul- 
tiplie à l'infini dans les mêmes stations; le Polyshichum 
Filix-mas, Roth. , étend ses frondes élégantes sur ces scilles 
fleuries , et le Polypodium Dryopteris, Lin. , abrite au pied 
des vieux arbres son feuillage délicat. On y rencontre l'Atropa 
Belladonna, Lin.; le Sanicula europæa, Lin., est commun 
dans cette zone, où arrive aussi l’Orobus tuberosus, Lan. ; 
puis on y voit les tiges débiles du Conopodium denudatum, 
Koch., dont les tubercules sont profondément ensevelis dans 
le terreau. C’est aussi de ce même sol si riche en humus 
que l’on voit sortir le Neottia nidus avis, Rich., parasite 


454 RÉGION DES MONTAGNES. 

sur la racine du hêtre qui nourrit aussi quelques pieds du 
singulier Honotropa Hypopitys, Lin. Le Heconopsis cam- 
brica, Vig., s'eccommode aussi da même sol et s’y montre 
aussi beau que dans les Pyrénées; le Pyrola munor, Lin., 
accepte les mêmes ombrages et montre son épi de corolles 
rosées près des capsules desséchées de l’année précédente. 
C’est une espèce presque toujours solitaire qui aime la frai- 
cheur et les lieux les plus retirés, comme cette jolie Lysi- 
machia nemorum, Lin., qui souvent l'accompagne et rampe 
sous la protection des larges feuilles du Rumex nemorosus, 
Schrad. , variété sylvestre du R. sanguineus, Lin. 

Les glumacées sont toujours abondantes dans les forêts 
ombragées ; nous avons cité un Careæ, nous pouvons y 
joindre le Hilium effusum, Lin., avec ses délicates panicu- 
les; l’Aira flexuosa, Ein. , variété pallida ; les gazons si 
fins du Poa nemoralis, Lin., le Festuca sylvatica, Vil., 
les touffes si longtemps persistantes du Luzula nivea, Dec., 
auxquelles nous pouvons encore ajouter le Poa sudetica , 
Hænck., qui s'échappe souvent des forêts pour s’égarer sur 
les pelouses des montagnes. 

Le Stellaria nemorum , Lin. , le Prenanthes purpurea , 
Lin., le Lactuca muralis, Fresen., et le Stachys sylvatica, 
Lin., sont encore des espèces tout à fait némorales, qui 
viennent ajouter au charme de la végétation des silencieuses 
forêts des montagnes. 

Beaucoup d’autres espèces se réunissent aussi quelquefois 
à celles que nous venons d’énumérer, mais nous ne pouvons 
les citer toutes, car elles se retrouvent dans des conditions 
qui leur semblent préférables , soit à l'ombre des sapins des 
forêts hautes, soit au milieu des taillis où l’air et la lumière 
peuvent plus facilement pénétrer. 


FORÊTS DE PINS. 455 


Liste des plantes des forêts de hètres de la région montagneuse. 

Anemone ranunculoides, Lin. Ranunculus auricomus, £in. 
Isopyrum thalictroïdes, Lin. Actæa spicata, Lin. Meconopsis 
cambrica, Vig. Corydalissolida, Smith. Dentaria digitata, Lam. 
D. pinnata , Lin. Stellaria nemorum, Lin. Orobus vernus, £in. 
Cerasus avium, Mæœnch. Pyrus salvifolia, Dec., Sorbus Aucu- 
paria, Lin. Sanicula europæa, Lin. Conopodium denudatum, 
Koch. Hedera Helix, Lin. Sambucus nigra, Lin. Asperula 
odorata, Lin. Doronicum Pardalianches, Lin. Prenanthes pur- 
purea, Lin. Lactuca muralis, Fresen. Pyrola minor, Lin. Fraxi- 
ous excelsior, Lin. Stachys sylvatica, Lin. Lysimachia nemo- 
rum, Lin. Primula elatior, Jacq. Rumex sanguineus, Lin., 
var. nemorosus. Daphne Mezereum, Lin. D. Laureola, Lin. 
Euphorbia dulcis, Lin. Ulmus montana, Smith. U. effusa, 
Walld. Fagus sylvatica, Lin. Salix Caprea, Ein. S. aurita, 
Lin. Betula alba, Lin. Juniperus communis, Lin. Arum ma- 
culatum, Lin. Neottia nidus-avis, Rich. Paris quadrifolia, Lin. 
Convallaria Polygonatum , Lin. C. multiflora, Lin. C. maïalis, 
Lin. Erythronium dens canis, Lin. Gagea lutea, Schult. Scilla 
Lilio-Hyacinthus, Lin. Endymion nutans, Dumort. Allium 
_ursinum, Lin. Luzula nivea, Dec. Carex sylvatica, Huds. 
Milium effusum, Lin. Melica uniflora, Retz. Poa nemoralis, 
Lin. P. sudetica, Hænck. Festuca sylvatica, Vill. Polypo- 
dium Dryopteris, Lin. Polystichum Filix-mas, Roth. 


$ 5. ASSOCIATION DES FORÊTS DE PINS. 


Le pin, Pinus sylvestris, Lin., constitue, dans la région 
montagneuse , un grand nombre de petits bois , dont l’en- 
semble ne laisse pas d’avoir une grande importance, mais 
dont chaque parcelle est toujours assez restreinte. 

Cet arbre se tient à peu près dans les mêmes limites que 


456 RÉGION DES MONTAGNES. 


le hêtre, et dépasse rarement la hauteur de 1,000 mêtres. 
Il peut descendre jusqu’à 500, mais, en général, il oceupe 
une ceinture de 200 mètres entre 700 et 900. 

Il accepte indistinctement les terrains de granite ou de 
porphyre , les laves basaltiques , les trachytes et les scories , 
mais 1] fuit le calcaire, et ne s’y montre jamais. 

On trouve ces bouquets de pins sur un grand nombre de 
monticules dans la partie montagneuse des départements de 
VAller et de la Loire, du côté de Laprugne, Saint-Just, etc., 
où ils croissent constamment sur le sol primordial. On les 
rencontre dans les mêmes conditions sur plusieurs points de 
la chaîne du Forez et des environs de Thiers, sur les pla- 
teaux de La Chaise-Dieu et de Fix (Haute-Loire), sur ceux 
de Saint-Chély et de la Lozère , avant les causses ; ils cou- 
vrent la plupart des mamelons scoriacés entre le Puy et Pra- 
delle, dans la Haute-Loire, et sont très-communs dans toute 
cette région. On les voit aussi abondamment dans le Cantal, 
autour de Saint-Flour et jusque dans l'Aveyron. 

Le pin est un arbre essentiellement polymorphe, offrant 
des variétés dans la forme de son fruit et dans la disposition 
de ses branches. Il constitue, quand il est jeune, des bois 
très-fourrés, et il y est tellement serré, que l’on a quelquefois 
de la peine à les traverser. Plus tard, s’il peut s’isoler, son 
tronc perd ses branches , son écorce devient rouge, ses ra- 
meaux supérieurs s'étendent ou se redressent, et son aspect 
n’est plus le même. On voit des pins avec ces derniers ca- 
ractères aux enrirons de Saint-Nectaire, sur les plateaux 
granitiques ou basaltiques des environs de Rochefort, à Saint- 
Genès-Champanelle, près Clermont. 

On rencontre aussi, dans beaucoup d’endroits , le Pinus 
Pinaster, Aït., ou Pinus maritèma, Lam.; 1l forme des bois 
très-étendus, et s’accommode des terrains primitifs en dé 


FORÊTS DE PINS. 457 


composition, c’est-à-dire d’un sol graveleux, sablonneux ou 
détritique. Mais ce Pinus, comme le Larix europæa, Lin., 
quand ce dernier se présente accidentellement, est cultivé 
en grand et, quoique formant la même station que le P. 
sylvestris, Lin., relativement aux espèces qui viennent se 
grouper sous son ombrage , il ne fait pas partie de la végé- 
tation spontanée du plateau central. 

Quand les pins sont serrés les uns contre les autres, on 
ne trouve qu’un petit nombre de végétaux qui viennent s’y 
abriter. Nous pouvons indiquer, comme les plus remarqua- 
bles, les Pyrola uniflora , Lin., et P. chlorantha, Swartz. 
Ces plantes vivent isolées et dispersées presque toujours sur 
les basaltes et les granites de la Haute-Loire et de la Lozère. 
Le Galium rotundifolium, Lin., forme de jolies touffes dans 
ces mêmes localités, où l’on trouve aussi le Melampyrum 
nemorosum, Lin. 

Si les arbres verts s’écartent un peu, on voit arriver le 
bouleau, Betula alba, Lin., qui s’y mêle rarement , mais 
qui souvent entoure les bouquets de pins d’une ceinture non 
interrompue. Ces arbres, qui couronnent les sommets ar- 
rondis des terrains primitifs, notamment sur le grand pla- 
teau qui sépare Mende de Saint-Flour, descendent aussi 
ensemble dans les vallées, et alors des frènes, des sorbiers, 
des peupliers noirs viennent s’intercaler sur les bords, quoique 
préférant , en général, pour leur station, les haies qui en- 
tourent les prairies. Çà et là on aperçoit un vieux hêtre qui 
domine les arbres verts, ou un Salix alba, Lin., croissant 
en liberté. 

Si les arbres s’éloignent davantage , on y voit en quantité 
le Sarothamnus vulgaris, Wimm., les Genista purgans, 
Lin., G. pilosa, Lin., le Juniperus communis, Lin., le Cra- 
tϾqus Oxyacantha, Lin., le Rosa canina, Lin., et de gran- 


458 RÉGION DES MONTAGNES. 


des quantités d’Alchemilla alpina , Lin., quand ces forêts 
se maintiennent sur les hauts plateaux ; mais si elles descen- 
dent et ne sont pas trop fourrées, les plantes les plus dispa- 
rates se rencontrent au demi-jour qui filtre à travers les 
feuilles acérées du Pinus sylvestris, Lin. Voici celles que 
nous avons souvent rencontrées dans ces circonstances : 
Helianthemum vulgare, Gærtn., Hieracium Pilosella, Lin... 
ouvrant ses disques dorés près des panicules tremblantes du 
Briza media, Lin., et des faibles tiges du Linum cathar- 
hcum, Lin. Le Cuscuta epithymum, Lin., couvre les groupes 
du Cytisus sagittalis, Koch. , et tue divers Trifolium qui 
essaient en vain de se développer sous les étreintes de cette 
liane en miniature. Le Galium verum, Lin., forme des tapis 
jaunes autour des épis dressés et purpurins du 7rifolium 
rubens, Lin., et près de là s'ouvrent les cloches azurées du 
Campanula persicifolia, Lin. On voit çà et là des buissons 
de Juniperus vulgaris, Lin., dans lesquels croissent des touf- 
fes du Brachypodium sylvaticum, Rœm. et Schultz. L’An- 
thyllis Vulneraria, Lin., associe ses jolies fleurs à celles du 
Poterium Sanguisorba, Lin., au Prunella laciniata, Lin., 
et au Trifolium ochroleucum, Lin. 

Nous avons souvent rencontré, dans les mêmes ltités, 
les Digitalis lutea, Lin., Dianthus carthusianorum , Lin., 
Jasione montana, Lin., Genista tinctoria, Lin., et les Rosa 
canina, Lin., R. rubiginosa, Lin., et R. sepium , Thuill. ; 
en un mot, la végétation des haies et des buissons, et jus- 
qu’à celle des rochers, caractérisée par les Sedum acre, Lin., 
et S. album, Lin., par l'Inula montana, Lin. , et celle des 
pelouses sèches , où l’on voyait le Carlina acanthoides , et 
les Trifolium striatum, Lin., et T. scabrum, Lin. 

A peu d’exceptions près, la végétation des pins n’a rien 
de remarquable , et de véritables réunions n'existent que là 


TAILLIS. 459 


où ces arbres laissant des clairières , nous montrent alors des 
associations qui ne tiennent en rien à leur présence. 


Liste des plantes des foréls de pins sylvestres. 


Helianthemum vulgare, Gœrtn. Dianthus carthusianorum, 
Lin. Linum catharticum, Lin. Sarothamnus vulgaris, Wimm. 
Genista tinctoria , Lin. G. purgans, Lin. G. pilosa, Lin. Cy- 
tisus sagittalis, Koch. Avthyllis Vulneraria, Lin. Trifolium 
rubens, Lin. T.ochroleucum, Lin. T. striatum, Lin. T. sca- 
brum , Lin. Rosa canina, Lin. KR. rubiginosa, Lin. R. sepium, 
Thuill. Alchemilla alpina, Lin. Poterium Sanguisorba , Lin. 
Cratægus Oxyacantha, Lin. Sedum acre, Lin. S. album, Lin. 
Inula montana, Lin. Carlina acanthoïdes, Lin. Hieracium 
Pilosella, Lin. Campanula persicifolia , Lin. Jasione montana, 
Lin. Galium verum, Lin. G. rotundifolium , Lin. Pyrola uni- 
flora, Lin. P. chlorantha, Swartz. Cuscuta epithymum, Lin. 
Digitalis lutea, Lin. Melampyrum nemorosum, Lin. Pru- 
nella laciniata , Lin. Salix alba , Lin. Pinus sylvestris, Lin. P. 
Pinaster, Ait. Larix europæa, Lin. Juniperus communis, Lin. 
Briza media, Lin. Brachypodium sylvaticum , Ræm. et Schultz. 


$ 6. ASSOCIATION DES TAILLIS DES MONTAGNES. 


L'association végétale que nous pourrions appeler la plus 
importante pour notre contrée est celle qui va nous occuper. 
Ce sont les taillis, ou petits bois, aui s’élèvent sur toutes 
les pentes du plateau , qui s'étendent sur une grande partie 
de sa surface, et dans lesquels un nombre infini de végétaux 
viennent se réunir et s’abriter. C’est, pour la zone des mon- 
tagnes, la végétation qui correspond à celle des causses buis- 
sonneuses du midi. 

Ces taillis, situés à toutes les expositions, ont très-souvent 
pour sol les terrains primitifs, les granites, les micaschistes ; 


460 RÉGION DES MONTAGNES. 


plus rarement , à cause de leur élévation, les alluvions des 
rivières. Fréquemment ils occupent des scories ou des laves, 
des plateaux basaltiques , des conglomérats ponceux ou des 
nappes de trachyte. 

De ces tailliss’ échappent presque toutes les plantes qui vont 
former les haies et les buissons, une partie de celles qui 
composent les pelouses, et presque sans exception celles que 
nous avons indiquées comme pouvant supporter facilement 
l'ombre des grandes forêts. Aussi, à part la végétation cryp- 
togamique , à laquelle notre station actuelle n’est pas aussi 
favorable, on trouve la plus grande ressemblance avec les es- 
pèces des grandes forêts. Toutes ont commencé par des 
taillis, la plupart y retournent, et les mêmes espèces, dont les 
germes se conservent presque indéfiniment dans les diffé- 
rentes stations, augmentent ou diminuent le nombre de 
leurs individus selon que les circonstances biologiques de- 
viennent plus favorables au développement des unes, et plus 
opposées à la multiplication des autres. La végétation sylves- 
tre, prise dans un sens général , subit donc, comme tout ce 
qui existe dans la nature, des phénomènes d’alternance et de 
périodicité bien dignes de fixer notre attention. 

Ce que nous venons de dire nous indique déjà que nous 
devons retrouver, parmi les espèces arborescentes des taillis 
et des buissons , toutes celles qui forment les hautes futaies 
de la zone montagneuse. Ce sont, en effet, les mêmes qui 
dominent. Les chênes et les hêtres forment encore la base 
de ces associations. Le hêtre, plus répandu que le chêne, 
imprime une physionomie toute particulière aux grands pla- 
teaux volcaniques sur lesquels il croît de préférence; il forme, 
sur les pelouses, de larges buissons, souvent broutés et ra- 
bougris, et qui , lorsqu'ils parviennent à s'élever au-dessus 
de la portée des chèvres et des moutons , sont toujours ré- 


TAILEIS. 461 


gulièrement taillés à la base par la voracité de ces animaux. 
Le chêne, moins apprécié par eux, conserve plus souvent sa 
forme naturelle, et il est d’ailleurs de nombreux taillis dont 
l'entrée est interdite aux bestiaux, et où le botaniste peut 
faire de plus amples récoltes que celles qu'il est obligé de 
partager avec ces déprédateurs des campagnes. 

Le bouleau, Betula alba, Lin., et parfois aussi le B. pu- 
bescens, Ehrh., est l’arbre qui, par sa fréquence, vient après 
ceux que nous venons de citer. Il en est un cependant qui 
domine peut-être tous les autres par sa profusion : c’est le 
noisetier, Corylus Avellana , Lin., qui se mêle à de nom- 
breuses essences ou qui compose même , à lui seul, de très- 
vastes bosquets. Il affectionne plus particulièrement les ter- 
rains volcaniques, les coulées de laves et les cônes de scories, 
sur lesquels on le voit fleurir et bourgeonner pendant près 
de deux mois , selon la hauteur à laquelle il se trouve situé. 
La zone de cet arbre détermine l’habitation d’un certain 
nombre de rongeurs , qui se nourrissent presque exclusive- 
ment de ses fruits. 

Le châtaignier se mêle aussi aux divers taillis, pourvu 
qu'ils n’atteignent pas une grande altitude, et qu'ils restent 
cantonnés sur des sols primitifs ou volcaniques. Le houx, 
[lex Aquifolium, Lin., est beaucoup plus commun , et, 
comme 1l végète également en hiver, et qu'il est très-ro- 
buste , il s’avance jusque sous les futaies qui ne l’ombra- 
gent complétement qu’à l’époque où il montre ses baies, 
d’un rouge éclatant, près de son vigoureux feuillage. Les 
terrains de porphyre compacte sont ceux où il se plait da- 
vantage, où il s'élève le plus, et où il offre de belles variétés 
à feuilles de laurier et sans épines. 

Les viormes sont très-répandues, Le Viburnum Opulus , 
Lin. , préfère les fourrés ombragés et humides où il déploie 


462 RÉGION DES MONTAGNES. 


au printemps ses corymbes entourés d’une couronne blanche 
stérile , et où ses fruits sont un des plus beaux ornements de 
l'automne ; le Viburnum Lantana, Lin., préfère les lieux 
secs, les taillis aérés où l’on aperçoit de join ses baies rouges ou 
bleues selon le degré de leur maturité. Les deux aubépines, 
les Cratægus Oxyacantha, Lin., et C. monogyna, Jacq., 
foisonnent au milieu des espèces que nous venons de citer. 
Ces deux arbres d’une nature flexible semblent s’accommoder 
de tous les terrains et de toutes les altitudes ; on voit pendant 
longtemps leurs belles girandolles de fleurs blanches, et 
quand la première finit sa floraison, l’autre commence la 
sienne, comme si la nature avait voulu prolonger le règne 
de ces arbrisseaux dont les corolles éclatantes embeilissent 
le printemps, comme leurs fruits rouges et multipliés déco- 
rent les scènes automnales. Plusieurs sorbiers viennent se 
joindre au brillant tribut que la famille desrosacées paye à la 
zone des montagnes. Les Sorbus Aucuparia , Ein. , et S. 
Aria, Crantz., l’un si remarquable par ses grappes de fruits, 
l’autre par son feuillage argenté , tous deux si élégants pen- 
dant leur floraison éphémère, stationnent dans les mêmes 
localités. Le Sorbus hybrida, Lin. , rare partout, paraît 
être le résultat de leur cohabitation , et ses caractères inter- 
médiaires accusent son origine. Le Sorbus Chamæmespilus, 
Lin., plus boréal que les autres arrive jusque dans la zone 
des hautes forêts , et s’aventure même encore sur les pelou- 
ses qui les dominent. 

C’est aussi dans les mêmes stations que nous rencontrons 
le Cotoneaster vulgaris, Lindl., et l'Aronia rotundifolia , 
Pers. , qui viennent indistinctement sur les granites et les 
basaltes , sur les trachytes et sur les calcaires jurassiques. 
Nous devons aussi constater la présence de deux groseillers, 
le Ribes alpinum, Lin., qui descend jusque dans la plaine, 


TAILLIS. 463 


elle R. pætreum, Walf., qui ne quitte point les lieux les plus 
pierreux des montagnes. 

Le Sambucus nigra, Lin., se voit plutôt dans les haies que 
dans les bois, mais le S. racemosa, Lin., aux fleurs verdâtres 
et à la moëlle rousse, devient au milieu de l'été, par ses grappes 
rouges éclatantes, la plus riche parure de tous ces tallis. Le 
vif coloris de ses fruits est rendu plus intense par la beauté 
de la verdure, et chacune de ces couleurs complémentaires 
en acquiert plus d'éclat. 

Le Prunus spinosa, Lin., arrive jusque dans la zone 
montagneuse , mais il ne s'élève pas très-haut, tandis que 
les Rhamnus catharticus, Lin., et R. Frangula, Lin. , se 
voient partout sans être communs nulle part. Le joli genre 
des chèvrefeuilles fait partie des taillis des montagnes; le 
Lonicera Xylosteum, Lin., ne s'élève pas très-haut, et le 
Lonicera etrusca, Sant., ne s’y montre jamais; le L. Peri- 
clymenum, Lin., enroulant ses longues tiges volubiles au- 
tour des chênes ou des Corylus, laisse épanouir ses coupes 
parfumées où les sphinx viennent le soir puiser leur nourri- 
ture embaumée ; le L. nigra, Lin. , cherche les lieux pier- 
reux, et se couvre de doubles baies noires qui succèdent à 
ses fleurs géminées , et le L. alpigena, Lin. , s'élève à peine 
au-dessus des plantes herbacées. 

Dès qu’un terrain est frais, un peu humide , les saules s'y 
présentent. Les Salix Caprea, Lin. , et sa variété {omen- 
tosa , ou Salix sphacelata, Willd., le S. pentandra, Lin., 
le $S. aurita, Lin. , et souvent l’Alnus glutinosa, S'y mul- 
tiplient en abondance. Au milieu de tous ces arbres s’'élè- 
vent les panaches blancs du Prunus Padus, Lin. , qui sem- 
ble avoir trouvé ses meilleures conditions dans quelques par- 
ties élevées du plateau central de la France. 

Nous devrions mentionner peut-être le Spiræa salicifoha, 


16% REGION DES MONTAGNES. 


Lin. , indiqué par Delarbre, et que nous-même avons re- 
trouvé plusieurs fois, mais cette rare espèce n’est pas indi- 
gène de notre territoire , elle appartient à la flore de la Si- 
bérie. 

La zone que nous étudions est celle des roses. Une partie 
de celles qui végètent dans la plaine remontent sur le pla- 
teau ; mais la région montagneuse a ses espèces particu- 
lières. Nous trouvons principalement sur les laves et les 
scories, dans les taillis nés sur les pouzzolanes ou sur les 
micaschistes, une foule de formes qui sont peut-être autant 
d'espèces distinctes. Nous y remarquons d’abord le Rosa al- 
pina, Lin., et sa variété R. pyrenaica, qui ne peut ici 
constituer une espèce, tandis que le ÆR. pyrenaica des 
Pyrénées, mêlé au R. alpina , s'en distingue toujours très- 
nettement. Nous pouvons y joindre encore la variété bicolor, 
que nous croyons aussi spécifiquement distincte. Un des ro- 
siers les plus caractéristiques de ces taillis est le R. rubrifo- 
ha, Vill. , reconnaissable de très-loin à la teinte rougeûtre 
de toutes ses parties , et tranchant nettement par son feuil- 
lage sur tous les buissons qui l’avoisinent. Le R. collina, 
Jacq., s'élève beaucoup et atteint la zone des sapins; les 
R. pomifera, Herm., et R. tomentosa, Lin. , stationnent 
généralement au pied des cônes de scories ou dans les ravins 
des montagnes élevées. Le groupe du Rosa canina, Lin. , 
destiné à cacher notre ignorance, recèle des formes admi- 
rables qui se traduisent en énormes buissons couverts de fleurs 
peu durables ou de fruits persistants. Il s'offre partout 
avec une profusion désespérante pour les botanistes phyto- 
graphes, et en attendant qu'ils aient pu en extraire toutes 
les espèces qu'il renferme, nous nous contenterons d’appe- 
ler l'attention sur les Rosa stipularis, Merat, R. fastigiata, 
Bast. À. dumetorum, Thuill., R. andegavensis, Bast. ; les 


TAILLIS, 465 


R. arvensis, Lin. , et R. stylosa, Desv., font encore partie 
des roses des montagnes. 

Ce que nous venons de dire des roses s’applique avec au- 
tant de raison aux ronces montagnardes. Elles forment 
aussi dans les taillis des touffes armées d’aiguillons , sur les- 
quelles se succèdent des fleurs et des fruits si différents, que 
nous n’osons croire de sitôt à la perspicacité d’un historien 
qui puisse démêler complétement leurs formes. Déjà nous 
avons cité dans les bois les Rubus glandulosus , Bell. , et R. 
tomentosus, Borckh. ; le R. collinus, Dec., dans la région 
méridionale ; ajoutons dans les taillis des montagnes le R. 
Godron, Lec. et Lamt., qui est le R. Wahlberg, Godr., 
le R. fastigiatus, Weïh. et Nee, démembrement du R. 
fruticosus , Lin, le R. dumetorum, Weiïh et Nee , et rap- 
pelons le À. idœus , Lin. , qui trouve sa station privilégiée 
sur les terrains volcariques. 

Il noûs reste à parler de deux espèces qui ont une large 
part dans l'aspect du paysage des montagnes. Ce sont le 
Genista purgans, Lin., et le Sarothamnus vulgaris, Wimm. 

Le premier de ces genêts croît avec une excessive profu- 
sion sur le bord des taillis, sur les pelouses et dans les val- 
lées un peu élevées. Ses fleurs s’épanouissent par milliers, 
et ses rameaux, comme mivelés au sommet, lui donnent un air 
étrange et souvent rabougri. Le second, encore plus commun, 
est l’ornement des terrains siliceux et volcaniques ; il atteint 
de grandes dimensions, fleurit en abondance et dore les 
plaines et les bosquets ; 1l nourrit à ses pieds la curieuse Oro- 
banche rapum, Thuill., dont nous avons trouvé une variété 
couleur de soufre , et au milieu de l’été il anime les campa- 
gnes par le pétillement incessant de ses gousses qui lancent 
au loin les semences qu’elles renferment. 


En ajoutant à ces plantes quelques tapis de Vaccinium 
30 


466 RÉGION DES MONTAGNES. 


Myrtillus, Lin., quelques toufles du Calluna vulgaris, des 
pieds isolés des Genista tinctoria, Lin., G. anglica, Lin. , 
et le lierre qui ne dépasse pas la zone où nous nous arrêtons, 
on aura une idée assez juste de l’association des espèces li- 
gneuses qui tendent constamment à reconquérir un sol qu’elles 
n’ont abandonné qu’à regret à l’envahissement des hommes 
et à leurs animaux domestiques. 

Les plantes herbacées sont plus nombreuses encore que 
les espèces ligneuses dans les taillis des montagnes , et pen- 
dant six mois de l’année on les voit se succéder sans interrup- 
tion. 

Le Galanthus nivalis, Lin. , ici comme dans la plaine, 
ouvre encore la saison, s’accommodant aussi bien d’un sol de 
lave dure et compacte que des alluvions sablonneuses des ri- 
vières. Il n’est pas encore défleuri qu'arrivent en même 
temps, sinon dans les mêmes lieux, tout un cortége de 
jeunes plantes vernales qui attendaient la fusion des neiges 
et qui s’épanouissent ensemble. Le Corydalis solida, Smith., 
l'Erythronium dens canis, Lin., les Viola odorata, Lin. , 
V. sylvestris, Lam., le Scilla bifolia, Lin., l’Anemone 
nemorosa, Lin., le Primula elatior, Jacq., composent ce 
premier tableau , si frais et si richement coloré. Peu après, 
l'Equisetum hiemale, Lin., élève ses épis fructifères près des 
branches fleuries du Daphne Mezereum, Lin. , le Fragaria 
vesca, Lin., ouvre partout ses blanches corolles, et l'Euphor- 
bia hyberna, Lin., et sa variété Paillouxt, aussi commune 
sur les terrains volcaniques de l'Auvergne que sur le sol schis- 
teux des Pyrénées, déploient de tous côtés leurs larges invo- 
qucres et leurs ombelles jaunâtres. C’est aussi l’époque de la 
floraison de l’{sopyrum thalictroïdes, Lin., de l’Anemone 
ranunculoides, Lin. , et celle du Veronica Chamædrys, 
Lin., aussi gracieux que multiphé. 


TAILLIS. 467 

Le Tamus vulgaris, Lin., n’atteint guère que la base 
de la zone que nous décrivons, mais l’Orobus tuberosus, 
Lin., aussi répandu et plus peut-être que dans la plaine, 
monte et suit les abris, sans toutefois avoir besoin d’être 
aussi protégé par le feuillage que l'Orobus niger, Lin. , qui 
recherche les fourrés. Les Carex montana, Lin. , C. pal- 
lescens , Lin., C. digitata, Lin., demandent plus ou moins 
l'ombre ou les clairières des taillis. 

Une des plus belles harmonies que nous offrent les sta- 
üons demi-ombragées se présente au mois de mai, quand 
les belles ancolies, Aguilegia vulgaris, Lin., ouvrent leurs 
fleurs bleues suspendues sur leur joli feuillage, quand on 
voit paraitre près d'elles les longs épis jaunes du Galeob- 
dolon luteum , Lin., les fleurs régulières et carminées du 
Silene pratensis, Godr., et du Zychnis viscaria, Lin. ; 
lorsque déjà l’Arra fleæuosa, Lin., étale ses légères pani- 
cules, et que le Galeopsis Tetrahit, Lin., envahit le sol des 
bois défrichés. 

C’est presque en même temps que fleurit le Mehittis Me- 
lissophyllum , Lin., cette élégante labiée aux fleurs ruba- 
nées de blanc et de rose, de pourpre ou de carmin. Le Tur- 
ritis glabra , Lin., s’élance dans les lieux secs; les Luzula 
Forsteri, Dec., et L. multiflora, Lej., avec ses deux varié- 
tés congesta, Koch. , et nigricans, paraissent aussi sur la 
lisière des bois ou sur les pelouzes qui les avoisinent ; le Ce- 
phalanthera ensifolia, Rich., naît par pieds isolés, et le Lis- 
tera ovata, R. Brown. , étale ses deux larges feuilles dans 
les stations où l’air peut avoir un libre accès et où les rayons 
solaires peuvent difficilement pénétrer. 

L’'Orchis maculata, Lin., est très-commun dans toutes 
les clairières un peu humides des taillis, et partout il mon- 
tre les admirables panachures de son labelle et les nombreuses 


168 RÉGION DES MONTAGNES. 


macules noires de ses feuilles. On voit aussi l'Euphorbia 
amygdaloïdes, Lin., et très-rarement l'E. procera , Bieb. ; 
l'Orchis mascula , Lin., très-beau et très-varié , est passé 
depuis longtemps. Nous sommes à l’époque de la floraison 
du Silene nutans, Lin., du Cineraria spathulæfolia, Gmel., 
qui forme çà et là de petits groupes, et du Valeriana offici- 
nalis, Lin., dont l’odeur des fleurs , bien différente de celle 
des racines, rappelle celle de la vanille. 

La plupart de ces espèces continuent leur épanouissement 
dans le mois de juin, et aussitôt elles sont accompagnées du 
Melampyrum cristatum , Lin., aux bractées versicolores : 
du Vicia Cracca, Lin., du Lathyrus sylvestris, Lin., et du 
Galium Mollugo, Lin., qui s’enlacent dans les buissons pour 
s’y soutenir et s’y abriter. 

Les Digitalis lutea, Lin., et D. purpurea , Lin. , plus 
communs dans les champs et les lieux découverts, viennent 
aussi faire quelques excursions dans les bois , et la dernière 
atteint, dans ces stations, au milieu des scories , des dimen- 
sions bien supérieures à celles auxquelles elle peut parvenir 
dans les terres stériles. Ses guirlandes de fleurs sont immen- 
ses, et leurs macules arrondies, leurs mouchetures pour- 
prées dans de larges corolles , en font une plante digne de 
rivaliser avec les Gloxinia et les Gesneria exotiques. La 
présence simultanée de ces deux digitales, soumises aux 
chances du vent et à la visite des insectes , produit, quoique 
rarement, le Digitalis purpureo-lutea, Mey., dont les grai- 
nes sont toujours infertiles. 

Une espèce de renoncule, le Ranunculus nemorosus, Dec., 
est très-répandue dans tous les taillis qui croissent sur les 
scories volcaniques, et l’on y trouve aussi le Pyrola rotun- 
difolia , Lin., qui ne recherche pas l'ombre autant que le 
P. minor. Le Phyteuma spicata , Lin., n'est pas rare non 


TAILLIS. 469 


plus , mais ilest à fleurs blanches ou jaunâtres , très-rare- 
ment à fleurs bleues, et les deux variétés ne sont jamais mé- 
langées. 

C’est vers la fin de juin et dans les premiers jours de 
juillet que le tapis végétal montre le plus de variété. On y 
voit les grandes cloches du Campanula persicifolia, Lin., 
et sa variété macrantha, Alp. Dec., le Lilium Martagon , 
Lin. , aussi commun qu’élégant, avec ses pétales réfléchis et 
pontillés de pourpre et ses anthères orangées ; il est accom- 
pagné de sa variété eriophorum, dont les boutons sont cou- 
verts de poils laineux. Le Potentilla aurea , Lin. , variété 
umbrosa, et le P. Tormentilla, Sibt., rampent sur le sol 
d’où s'élève le Trifolium medium, Lin. , et le 7. ochro- 
leucum, Lin. On voit aussi paraître le Geranrum nodosum , 
Lin., le G. sylvaticum, Lin., que les ruisseaux entraînent 
jusqu’au milieu des prairies de la Limagne. Le Centaurea 
montana, Lin., déploie ses grandes couronnes bleues, dia- 
dème stérile des fleurons seminifères qui occupent le centre 
de son capitule. Deux orchidées presque identiques se déve- 
loppent en même temps, les Platanthera bifolia, Rich., et 
P. chloranta, Cust. Cette dernière s'élève davantage , sans 
dépasser la zone des hêtres que nous étudions. Les clairières 
sont occupées par le Gymnadenia conopsea, R. Brown. le 
Trifolium aureum , Poll., le Veronica officinalis, Lin., le 
Galium erectum , Huds. ; tandis que l’on trouve, dans les 
lieux plus fourrés, le Knautia sylvatica, Duby., le Conval- . 
laria verticillata, Lin., l’Angelica sylvestris, Lin., l'Æ- 
thusa Cynapium, Lin., variété elata, le Scrophularia no- 
dosa, Lin., et le beau Doronicum austriacum , Jacq., dont 
les hautes tiges élèvent leurs soleils d’or au-dessus des 
buissons. 

C’est souvent au milieu de ces mêmes végétaux que l’on 


470 RÉGION DES MONTAGNES. 


trouve le Cirsium erisithales, Scop., aux capitules glutineux, 
parfois le C. palustre, Scop., et plus rarement encore la forme 
hybride et intermédiaire , à fleurs rosées ou jaunâtres , du 
C. palustri-erisithales, Nægel., produit adultérin de la forêt. 
Le Stachys alpina, Lin., le Senecio sylvaticus, Lin., le Fes- 
tuca gigantea , Vill., le Gnaphalium sylvaticum , Lain., 
croissent , avec le Galeopsis Tetrahit, Lin., que nous avons 
déjà cité, dans tous les bois que l’on vient d’éclaircir. 

Les taillis abritent aussi quelques fougères, celles que nous 
avons mentionnées en parlant des forêts, et surtout le Po- 
lypodium Phegopteris, Lin., le rare Botrychium rutæfo- 
lium, À. Braun., et le Lycopodium alpinum, Lin. Le Se- 
dum Telephium, Lin., le Campanula Trachelium, Lin., et 
ses variétés, les Epilobium montanum, Lin., et E. anqus- 
hfolium , Lin., font partie des mêmes associations. Nous 
avons vu cette dernière espèce couvrir, sur les cônes volca- 
niques , de vastes zones où elle dominait, balançant au gré: 
du vent ses longs épis de fleurs purpurines, quelquefois en- 
tièrement blanches , et finissant par céder la place au Sam- 
bucus racemosa, Lin., au Rubus idœus, Lin., et enfin au 
Vaccinium Myrtillus, Lin. 

Nous n'avons pas encore épuisé la liste nombreuse de la 
station sylvestre. Le Dianthus monspessulanus, Lin. , que 
Delarbre désignait aussi sous le nom de plumarius, est une 
des jolies espèces qu’il nous reste à indiquer, et qui monte 
jusque sur les pentes du puy de Dôme. L’Astrantia major, 
Lin., avec sa collerette régulière, est descendu des mêmes 
stations pour orner nos jardins, tandis que le Zibanotis mon- 
tana, AIl., et ses deux variétés daucifolia, Dec., et minor, 
Koch., sont restées dans les hautes régions némorales, comme 
le grand Laserpitium asperum , Crantz., et le Pimpinella 
magna, Lin., avec sa variété rosea, Koch. Le Chærophyl- 


TAILLIS. 471 
lum aureum, Lin., et deux variétés remarquables, macula- 
tum et involucratum , habitent les mêmes localités où vien- 
nent fleurir dans les clairières le Gentiana lutea , Lin. , le 
Calamagrostis sylvatica, Dec., et les Hypericum quadran- 
gulum, Lin., et . montanum, Lin. 

Nous n'avons pas encore cité une des belles espèces 
des bois montagneux, le Mulgedium Plumieri, Dec., avec 
ses larges fleurons bleus et ses grandes feuilles lactes- 
centes ; il occupe des stations un peu ombragées, comme le 
Rumex arifolius, AI, l'Aconitum lycoctonum , Lin., les 
Melampyrum pratense, Lin., et M. sylvaticum , Lin. Le 
Trifolium alpestre, Lin., est moins répandu et fleurit assez 
tard, tandis que l’on trouve dans les lieux aérés le Campa- 
nula glomerata , Lin., et ses deux variétés speciosa, Koch., 
eta ggregata, Koch. 

Le Dianthus Sequieri , Vil., avec quelques variétés , et 
sans doute des hybrides, est une des espèces communes dans 
la zone élevée , où l’on retrouve aussi le Solidago virga- 
aurea, Lin., le Succisa pratensis, Mœnch., et le Hieracium 
boreale, Fries, qui termine cette floraison variée. 

Une fois l’automne avancé , les premières neiges ne tar- 
dent pas à descendre, et, au milieu des tiges desséchées des 
Mulgedium, des Doronicum et des grandes ombellifères, 
on remarque encore les frondes résistantes du Pteris aqui- 
lina, Lin., qui pénètre et se maintient partout. 


Liste des plantes des taillis de la montagne. 


Anemone nemorosa, Lin. Ranunculus nemorosus, Dec. 
Aquilegia vulgaris, Lin. Corydalis solida, Sith. Id. var. in- 
tegrata. Turritis glabra, Lin. Viola odorata, Lin. V. sylves- 
tris, Lam. V. Riviniana, Rchb. Dianthus Seguieri, Voll. I. 
var. collinus, Koch. D. monspessulanus, Lin. Silene pratensis, 
Godr.S. nutans, Lin. Lychnis Viscaria, Lin. Hypericum qua- 


472 RÉGION DES MONTAGNES. 


drangulum, Lin. H. montanum, Lin. Geranium nodosum , 
Lin. G.sylvaticum, Lin. Rhamous catharticus, Lin, R.Fran- 
gula, Lin. Sarothamnus vulgaris, Wimm. Genista purgans, 
Lin. Trifolium-medium , Lin. T. alpestre , Lin. T. ochroleu- 
cum, Lin.T.aureum, Poll. Vicia Cracca, Lin. Lathyrus syl- 
vestris, Lin. Id. var. platyphyllus. Orobus tuberosus, Lin. 
O. niger, Lin. Prunus spinosa, Lin. Cerasus Padus, Dec. 
Spiræa salicifolia, Lin. Rubus .dumetorum, Weiïh. et Nee. 
R. tomentosus, Borckh. R. Godroni, Lec. et Lamt. R. fastigia- 
tus, Weih. et Nee. R. idæus. Lin. Fragaria vesca, Lin. Po- 
tentilla Tormentilla, Sibth. Rosa alpina, Lin. Id. var. pyre- 
naica. Ïd. var. bicolor. R. rubrifolia, Vill. R. canina, Lin. I. 
var. rubra. Id. var. stipularis. Id. var. fastigiata. Id. var. dume- 
torum. Id. var. andegavensis. R. collina , Jacq. R. tomentosa, 
Lin. R. pomifera, Herm. Cratægus Oxyacantha, Lin. C. mo- 
nogyna, Jacq. Cotoneaster vulgaris, Lindl. Aronia rotundi- 
folia, Pers. Sorbus hybrida, Lin. S. Aria, Crantz. S. Cha- 
mæmespilus, Crantz. Epilobium angustifolium , Lin. E. mon- 
tanum, Lin. Sedum Telephium , Lin. Ribes alpinum, Lin. 
R. petræum, Wulf. Pimpinella magna, Lin. Astrantia major, 
Lin. Libanotis montana , AU. Ed. var. daucifolia. Id. var. mi- 
nor, Koch. Angelica sylvestris, Lin. Laserpitium asperum, 
Crantz. Chærophyllum aureum, Lin. I. var. maculatum. 
Id. var. involucratum. Sambucus nigra, Lin. S. racemosa, 
Lin. Viburnum Lantana , Lin. V. Opulus, Lin. Lonicera Pe- 
riclymenum, Lin. L. nigra, Lin. L. Xylosteum, Lin. L. al- 
pigena , Lin. Galium Mollugo, Lin. G. erectum, Huds. Va- 
leriana officinalis, Lin. Knautia sylvatica, Duby. Id. var. lati- 
folia. Succisa pratensis, Mænch. Solidago virga aurea , Lin. 
Gnaphalium sylvatieum, Lin. Doronicum austriacum , Jacq. 
Ciaeraria spathwlæfolia, Gmel. Senccio sylvaticus, Lin. Cir- 
sium palustri-érisithales, Nægel. C. erisithales , Scop. Id. var. 
purpureum. Centaurea montana, Lin. Mulgedium Plumieri, 
Dec. Hieracium boreale, Fries. I. var. heterophyllum, Godr. 
Phyteuma spicatum, Lin, Id. var. cœrulæum. Campanula Tra- 


HAIES ET BUISSONS. 473 


chelium, Lin. Id. var. grandiflora. C. persicifolia , Lin. Id. 
var. macrantha, À/ph. Dec. C: glomerata, Lin. I. var. spe- 
ciosa, Koch. Id: var. aggregata, Koch. Pyrola rotundifolia , 
Lin. Tex Aquifolium , Lin. Gentiana lutea, Lin. PA 
ria nodosa, Lin. Digitalis purpurea, Lin. D: lutea, Lin. 
purpureo-lutea, Hey. Veronica Chamædrys, Lin. V. ae 
lis, Lin. Orobanche Rapum, Thuill. Melampyrum cristatum, 
Lin. M. pratense, Lin. M. sylvaticum , Lin. Melittis Melisso— 
phyllum , Lin. Galeobdolon luteum, Huds. Galeopsis Tetra- 
hit, Lin. Stachys alpina, Lin. Rumex arifolius, A/{. Euphor- 
bia hyberna , Lin. E. procera, Bieb. E. amygdaloides, Lin. 
Fagus sylvatica, Lin. Castanea vulgaris, Lam. Corylus Avel- 
lana, Lin. Salix Caprea, Lin. Id. var. tomentosa. S. aurita , 
Lin. Betula alba, Lin. B. pubescens, Ekrh. Alnus glutinosa, 
Gærtn. Orchis mascula, Lin. O. maculata, Lin. Gymnadenia 
conopsea, R. Brown. Platanthera bifolia, Rich. P. chloran- 
tha, Cust. Cephalanthera ensifolia, Rich. Listera ovata, R. 
Brown. Galanthus nivalis, Lin. Convallaria verticillata, Lin. 
Tamus communis, Lin. Lilium Martagon, Lin. Scilla bifolia, 
Lin. Luzula Forsteri, Dec. L. multiflora, Lej. Id. var..con- 
gesta, Koch. Carex montana, Lin. G. digitata, Lin. C. pal- 
lescens , Lin. Calamagrostis sylvatica , Dec. Aira flexuosa, Lin. 
Festuca gigantea, Vill. Equisetum hiemale, Lin. Lycopo- 
dium alpinum, Lin. Botrychium rutæfolium, À. Braun. Po- 
lypodium Phegopteris, Lin. Pterisaquilina, Lin. 


7. ASSOCIATION DES HAIES ET DES BUISSONS DE LA 
RÉGION MONTAGNEUSE. 


Les régions montagneuses, en général moins bien culti- 
vées que les plaines, n’ont pas autant de haies, mais en re- 
vanche on y trouve de grands terrains couverts de broussail- 
les, qui se confondent d’un côté avec les bruyères, d’un 
autre avec les taillis. Aussi la végétation dont nous allons 


474 RÉGION DES MONTAGNES. 


parler rentre-t-elle presque entièrement dans celle qui ap- 
partient aux forêts et aux bruyères. Elle est cependant si 
caractérisée sur quelques points des montagnes, que nous ne 
pouvons la passer sous silence , et que nous devons indiquer 
ses éléments, bien que la plupart d’entr’eux figurent déjà 
dans d’autres associations. 

Ce sont souvent aussi les mêmes végétaux que dans la 
plaine, car, dans les espèces arborescentes , on remarque les 
Cratægus Oxyacantha, Lin., et C. monogyna, Jacq. , les 
Rhamnus catharticus , Lin. , etR. Frangula, Lin. On voit 
des saules, comme les Salix pentendra, Lin., S. Caprea, 
Lin., S. aurita, Lin., $. cinerea, Lin., se mêler aux autres 
espèces quand le sol est humide , ou entrer dans les haies si 
elles sont arrosées par un filet d’eau. Là se trouve aussi une 
belle série de roses : le R. arvensis, Lin. , avec ses larges 
bouquets de fleurs blanches , et sa variété repens , qui court 
à la surface du sol ; le À. pomifera, Herm., couvert de ses 
gros fruits hispides; le R. rubiginosa, Lin. , et ses jolies va- 
riétés de couleur et de grandeur ; le R. canina, Lin. plus va- 
rié encore, et présentant surtout ses variétés rubra , stipu- 
laris, fastigiata , dumetorum et andegavensis, qui sont au- 
tant d'espèces. Le R. rubrifolia, Vill., tranche dans les buis- 
sons par son feuillage empourpré ; le R. alpina, Lin., et 
ses charmantes variétés pyrenaica et bicolor, s’y distinguent 
par la grandeur et l’éclat de leurs corolles ; le À. pimpinel- 
hifolia, Dec., variété mitissima, Koch., se reconnait à son 
léger feuillage , et l’on trouve encore , dispersés çà et là, les 
R. collina, Jacq., et R. tomentost, Lin. 

Dès les premiers jours de juillet, et surtout pendant le 
mois d’août , les ronces viennent décorer de leurs fleurs ces 
lieux qui leur sont abandonnés. Les Rubus hirtus, Weih. 
et Nee., R. glandulosus, Bell., et sa variété umbrosus, 


HAIES ET BUISSONS. 475 


Godr., ouvrent leurs calices glanduleux ; le R. saxatilis, 
Lin., rampe dans les lieux froids de nos montagnes, comme 
sur le grand plateau de la Laponie ; le R. tomentosus, Borck., 
nous montre ses feuilles blanchies parle duvet ; le À. Go- 
droni, Lec. et Lamt., nous rappelle le savant observateur de 
nos ronces indigènes ; le À. fastigiatus, Weïh. et Nee., et 
le A. fruticosus, Lin., étalent leurs thyrses couverts de 
fleurs, et le À. idœus, Lin., cache sous un feuillage argenté 
les corolles iusignifiantes qui précèdent ses fruits rouges et 
parfumés. Les Ribes alpinum, Lin., et R. petrœum, Wulf., 
ornent aussi ces lieux de leurs grappes de fleurs et de leurs 
baies écarlates, et le Daphne Mezereum, Lin., y répand ses 
émanations odorantes sous le feuillage éternel de l’Zleæ 
Aquifolium, Lin. Le Juniperus nana, Willd., et le Sorbus 
Chamæmespilus , Crantz., s’étalent en larges touffes au som- 
met des montagnes, et le SpirϾa salicifolia, Lin., se 
montre dans quelques haies où la main de l’homme l’a cer- 
tainement placé. 

Des plateaux très-étendus et des pentes très-développées 
n'ont d’autre végétation arborescente que les genêts. Tantôt 
c’est le Sarothamnus vulgaris, Wimm., tantôt le Gemsta 
purgans, Lin. On les reconnaît de loin à la multitude de 

leurs fleurs et à la couleur d’or dont ils tergnent les coteaux, 
et, plus tard, à leurs gousses noires et à leurs rameaux 
fasciculés et toujours verts. 

D'autres genêts plus petits se font remarquer dans les mêmes 
localités ; tel est le Genista Delarbrei, Lec. et Lamt., une 
des plus belles espèces du genre, et le Cytisus sagittalis , 
Koch., ainsi que sa variété latifolius , qui forme de larges, 
gazons fleuris du jaune le plus vif et le plus pur. 

D'’énormes buissons sont entièrement formés par des plan- 
tes herbacées. On y voit les élégantes calathides bleues des 


476 RÉGION DES MONTAGNES. 


Mulgedium Plumieri, Dec., et M. alpinum , Dec., les co- 
rymbes purpurins de l’Adenostiles albifrons, Rchb., les 
touffes du Carduus Personata, Jacq. Au mieu de ces vé- 
gétaux paraît le Rumeæ arifolius, AI. et sa variété maæxti- 
mus, le Cineraria spathulæfoha , Gmel., le Scrophularia 
nodosa, Lin., et le Campanula Trachelium , Lin. , avec sa 
variété grandi flora. | 

Dans les lieux humides se montrent les Cirsium rivu- 
lare, Link., C. erisithales, Scop., ainsi que sa variété pur- 
pureum, et leur hybride C. palustri-erisithales, Nægel. 
L'Hypericum quadrangulum , Lin. , le Knautia sylvatica, 
Duby., et ses belles variétés latifolia et pinnatifida , végè- 
tent près des beaux épis de l’Aconitum Napellus, Lin., ou 
de ses variétés multifidum et pyramidale, près de VA. ly- 
coctonum, Lin., etdes jolis buissons des £uphorbia hyberna, 
Lin., E. amygdaloides, Lin. Les Sedum Telephium, Lin. , 
S. Fabaria , Koch., et sa variété grandiflorum, se rencon- 
trent dans cette végétation herbeuse des buissons, où le Po- 
lystichum Filix-mas , Roth., forme aussi des groupes élé- 
gants près du Geranium syloaticum, Lin., ou de sa variété 
brachypetalum. | 

Le Galium Mollugo, Lin., élève ses thyrses blancs au- 
dessus des autres plantes, et l’on distingue surtout sa variété 
elatum. Le Hieracium boreale, Fries., et ses variétés hete- 
rophyllum et lanceolatum croissent avec les variétés du A. 
umbellatum, Lin. Dans ces mêmes localités , cette associa- . 
tion offre aussi quelques pieds de l’Atropa Belladona, Lin. , 
des rameaux fleuris ou fructifères du rare Streptopus am- 
pleæifolius, Dec., l'Arabis cebennensis, Dec., bien plus 
rare encore, et la variété platyphyllos du Lathyrus sylves- 
tris, Lin. Dans les buissons de la Lozère croît le Helopos- 
permum cicutarium, Dec. , sur le sol basaltique de la Haute- 


HAIES ET BUISSONS. 477 


Loire, le Thalictrum Jacquinianum ? Koch. , et partout on 
voit fleurir, sur les terrains primitifs et volcaniques, le Se- 
necio artemisiæfolius, Pers., au léger feuillage et aux co- 
rymbes orangés. 

Le Laserpitium asperum, Crantz., l’Asphodelus albus, 
Mill., et sa variété ramosus paraissent disséminés , et les 
buissons des lieux secs sont ornés des guirlandes splendides et 
inclinées des Digitalis purpurea, Lin. , D. lutea, Lin., D, 
purpureo-lutea, Mey., et des beaux épis du D. grandi- 
flora, Lam. Un certain nombre de petites plantes vernales 
se montrent fréquemment le long des haies ou abritées sous 
les arbrisseaux des buissons. Nous pouvons citer l’Zsopyrum 
thalictroides, Lin., comme une des plus élégantes, le Pri- 
mula elatior, Jacq., le Scilla bifolia, Lin. , accompagné 
des Anemone nemorosa, Lin. , et À. ranunculoides , Lin., 
les Luzula Forsterr, Dec., L. mulhflora, Lej., et ses va- 
riétés conges{a , Koch., et nigricans, le Viola canina, Lin., 
et sa varièté lucorum, Rchb. L’Arum maculatum, Lin., 
y déroule ses spathes élargies, l’Helleborus viridis , Lin. , 
y cache ses rares buissons ; on voit le Corydalis claviculata, 
Pers. , couvrir le sol dans plusieurs endroits, et le Rumex 
seutalus, Lin., toujours vert et jamais glauque comme l’es- 
pèce ou la variété de la plaine, atteindre, au milieu des 
pierres ou des buissons, les points les plus élevés du plateau 
central, comme il arrive dans les Pyrénées à des stations 
d'une grande altitude. | , 

Plusieurs Melampyrum affectionnent aussi les broussail- 
les. On y voit le AZ. cristatum, Lin. , le M. sylvaticum , 
et le M. pratense, Lan. ; on rencontre le Lanuum macula- 
tum, Lin. , le Campanula rhomboidals , Lin., très-rare, 
le Geranium nodosum étalant ses corolles régulières. 

Le Stellaria Holostea, Lin., est encore plus commun 


478 RÉGION DES MONTAGNES. 


dans les montagnes que dans les plaines , le Galium sylves- 
tre, Poll., et ses variétés montanum , hirtum , Koch. , et 
supinum, s'étendent sur les espaces libres avec le Poten- 
tilla Tormentilla, Sibth. Les lieux plus secs nous montrent 
le Leontodon hastile, Lin., ses variétés hispidum, opi- 
mum, Koch., et alpinum, qui ouvrent leurs fleurs jaunes 
près des corolles étoilées des Dianthus deltoides , Lin., D. 
Seguieri, Vill., D. monspessulanus, Lin., et D. monspessu- 
lano-Seguieri, Lec. et Lamt., et on distingue aussi les touf- 
fes du Poa nemoralis , Lin. , et surtout de sa variété glauca, 
Koch. Des localités plus pierreuses encore nourrissent le 
Cardamine resedifolia, Lin. , et sa variété integrifolia , 
le Biscutella lœvigata, Lin. , et ses variétés qui appartien- 
nent plutôt à la station des rochers qu’à celle des buissons. 

Plusieurs fougères font aussi partie de cette végétation, 
mais nous citerons seulement le Blechnum spicant, Roth. , 
le Polypodium Phegopteris, Lin., et les frondes délicates 
du P. Dryopteris, Lin. 


Liste des plantes de l'association des haies et buissons de la région des 
montagnes. 


Thalictrum Jacquinianum? Koch. Helleborus viridis, Lin. 
Isopyrum thalictroides, Lin. Aconitum Napellus, Lin. Id. var. 
multifidum. Id. var. pyramidale. Corydalis claviculata, Pers. 
Arabis cebennensis, Cardamine resedifolia , Lin. Id. var. 
integrifolia. Bisute igte Lin. 1. var. montana. Id. 
var. ambigua. Viola canina, Lin. Id var. lucorum, Rchb. 
Dianthus Seguieri, Vill. D. deltoides, Lin. D. monspessulano- 
Seguieri, Lec. et Lamt. D. monspessulanus, Lin. Stellaria 
Holostea, Lin. Hypericum quadrangulum, Lin. Geranium 
nodosum, Lin. G. sylvaticum , Lin. Id. var. brachypetalum. 
Rhamnus catharticus, Lin. R. frangula, Lin. Sarothamnus 
vulgaris, Wimm. Genista Delarbreï, Lec. et Lamt. G. purgans, 


HAIES ET BUISSONS. 479 


Lin. Cytisus sagittalis, Koch. Id. var. latifolius. Lathyrus syl- 
vestris, Lin. var. platyphyllus. Spiræa salicifolia, Lin. Rubus 
saxatilis, Lin. R. Godroni, Lec.et Lamt.R. glandulosus, Bell. 
Id. var. umbrosus, Godr. R. hirtus, Weilh. et Nee. R. to- 
mentosus, Borckh. Id. var. glabratus, Godr. R. fruticosus, 
Lin. R. fastigiatus, Weilh. et Nee. R. idæus, Lin. Poten- 
tilla Tormentilla, Sibth. Rosa pimpinellifolia , Dec. var. mi- 
tissima, Koch. R. alpima, Lin. Id. var. pyrenaica. Id. var. 
bicolor. R. rubrifolia, Val. R. canina, Lin. Hd. var. rubra. 
Id. var. stipularis. Id. var. fastigiata. Id. var. andegavensis. 
Id. var. dumetorum. R. collina, Jacq. R. rubiginosa, Lin. 
R. tomentosa, Lin. R. pomifera, Herm. R. arvensis Lan: 
Id. var. repens. Cratægus Oxyacantha, Lin. C. monogyna, 
Jacq. Sorbus Chamæmespilus, Crantz. Sedum Telephium, 
Lin. S. Fabaria, Koch. Id. var. grandiflorum. Ribes alpinum, 
Lin. R. petreum, Wulf. Laserpitium asperum, Crantz. Melo- 
pospermum cicutarium , Dec. Galium Mollugo, Lin. Id. var. 
elatum. G. sylvestre , Poll. Id. var. montanum. Id. var. hir- 
tum, Koch. Id. var. supinum, Knautia sylvatica, Duby. Id. 
var. latifolia. Id. var. pinnatifida. Cineraria spathulæfolia, 
Gmel. Senecio artemisiæfolius, Pers. Cirsium palustri-erisi- 
thales, Nœgel. C. erisithales, Scop. Id. var. purpureum. C. 
rivulare, Link. Carduus Personata , Jacq. Leontodon hastile, 
Lin. Id. var. hispidum. Id. var. opimum, Koch. Id. var. 
alpinum. Mulgedium Plumieri, Dec. M. alpinum, Dec. 
Hieracium boreale, Fries. Id. var. heterophyllum, Godr. 
Id. var. lanceolatum. H. umbellatum, Lin. Campanula 
rhomboidalis, Lin. C. Trachelium, Lin. Id. var. grandi- 
flora. Ilex Aquifolium, Lin. Atropa Belladona, Lin. Scro- 
phularia nodosa, Lin. Digitalis purpurea, Lin. D. grandi- 
flora, Lam. D. purpureo-lutea, Mey. D. lutea, Lin. Melam- 
pyrum cristatum, Lin. M. pratense, Lin. M. sylvaticum, 
Lin. Lamium maculatum, Lin. Primula elatior, Jacq. Ru- 
mex scutaius, Lin. R. arifolius, AU. Id. var. maximus. 
Daphne Mezereum , Lin. Euphorbia hyberna, Lin. E. amyg- 


480 RÉGION DES MONTAGNES. 


daloides, Zin. Juniperus nana, Wil{d. Arum maculatum, 
Lin. Streptropus amplexifolius, Dec. Asphodelus albus, Mall. 
Id. var. ramosus. Scilla bifolia, Lin. Luzula Forsteri, Dec. 
L. multiflora, Lej. Id. var. congesta, Koch. Id. var. nigri- 
cans. Polypodium Phegopteris, Lin. P. Dryopteris, Lin. Po- 
lystichum Filix-mas , Roth. Blechnum spicant, Roth. 


$ 8. ASSOCIATION DES PRAIRIES HAUTES. 


Les prairies ou les pelouses dont nous allons essayer de 
décrire la végétation, couvrent les parties les plus éle- 
vées de notre territoire. Elles commencent à l'élévation ab- 
solue de 1200 mètres, limite inférieure du sapin , et s’é- 
tendent au-dessus jusqu’à près de 1900 mètres, point le 
plus haut que puissent atteindre les sommets de nos pics. 
Elles occupent donc une très-vaste zone de plus de 600 
mètres de largeur , sur laquelle se développent et se mélan- 
gent à profusion les plantes les plus belles et les plus variées. 
Nous n’oserions pourtant comparer les parterres de nos mon- 
tagnes à ces magnifiques jardins du mont Cenis dans les Al- 
pes ou d’Esquierry dans les Pyrénées, mais nos. pelouses 
émaillées méritent toute l'attention des botanistes qui cher- 
chent à pénétrer les mystères de la dissémination et de la 
colonisation des espèces. 

Peut-être aurions-nous dû séparer en deux zones cette 
vaste ceinture de gazon , mais les plantes qui les composent 
montent ou descendent si fréquemment, qu'il serait bien 
difficile de limiter leur aire d'extension , et nous avons pré- 
féré décrire à la fois l’ensemble de la végétation herbacée 
des montagnes. 

Les associations dont nous allons parler sont très-étendues 
sur les pics et sur les plateaux des groupes du mont Dore, 


PRAIRIES. 481 


. du Cantal et du Mezenc. On les retrouve au sommet de la 
Lozère, sur la cime du puy de Dôme ; elles cachent la par- 
tie supérieure de Montoncelle, les pentes de Pierre-sur- 
Haute et une portion des montagnes du Forez. Elles 
s’abaissent enfin jusque sur les plateaux de la Margeride et 
du Palais-du-Roi. 

Tous ces terrains appartiennent à l’époque primitive et 
aux éruptions volcaniques. Ce sont des granites, des mica- 
schistes, des porphyres, des trachytes, des basaltes, des 
domites , des laves et des scories. 

Ces vastes associations de plantes herbacées sont, comme 
les forêts , les centres de dissémination d’un grand nombre 
d’espèces qui y croissent spontanément sans recevoir les soms 
intéressés des hommes ; elles peuvent aussi nous donner une 
idée de la végétation véritablement indigène. 

La liste des plantes de cette station est extrêmement lon- 
gue, d'autant plus qu'un certain nombre d’espèces que 
nous avons indiquées dans les bois vont reparaître encore sur 
les pelouses qui les avoisinent , quelquefois même sur celles 
qui en sont très-éloignées. Il devient donc difficile de ranger 
toutes ces formes dans un ordre qui puisse indiquer la va- 
leur numérique des individus, et montrer l’aspect de ces 
pelouses fleuries. Ce ne sont pas ici les plus grandes espèces 
que nous devons mentionner en premier lieu, mais le fond 
herbeux qui forme la prairie ou la pelouse, où quelques fa- 
milles, telles que les graminées, les légumineuses, les synan- 
thérées et les ombellifères, sont certainement les types qui 
dominent. 

Plusieurs des graminées qui composent les prairies de la 
plaine remontent aussi dans les montagnes et s’associent aux 
espèces véritablement montagnardes. Parmi ces dernières , 


nous pouvons citer comme atteignant les points les plus éle- 
31 


482 RÉGION DES MONTAGNES. 

vés, le Poa alpina, Lin., dont une variété vivipara, 
Koch. , couvre ordinairement le sommet du Pic-de-Sancy, 
tandis qu'une autre, brevifolia, Koch., descend sur les pen- 
tes et jusqu’au pied de cette montagne. L'Agrostis rupestris, 
AIL. , que Delarbre a désigné sous le nom d'A. nana , est 
aussi une des espèces alpines qui monte le plus. Elle arrive 
avec la précédente sur le sommet de Sancy, se montre sur 
les pics élevés du Cantal, et entre pour une large part dans 
le foin fin et savoureux de ces montagnes. Elle y fleurit tard 
comme de nombreuses Festuca qui l’accompagnent souvent : 
telles sont les Festuca rubra, Lin., variété montana; la” 
variété alpina, Koch. , du Festuca ovina , Lin., dont Gau- 
dens avait fait son F. alpina, et Delarbre son F. monts 
aurei; le F. rhϾtica, Sut., le F. nigrescens, Lam. , ou 
amethystina, Delarbre , toutes plantes qui sont très-alpines, 
et au-dessus desquelles on voit dominer le Festuca spadicea, 
Lin. , que l’on retrouve aussi dans les Pyrénées. 

La graminée la plus répandue est peut-être le Nardus 
stricta, Lin. , qui croît partout, et qui forme quelquefois à 
lui seul des pelouses immenses comme sur le grand pla- 
teau de la montagne de la Lozère, où ies moutons du midi 
viennent le brouter tous les ans. 

Les Avena versicolor, Vill., et À. montana, Vil., lais- 
sent poindre leurs élégantes panicules prèsdes épis du Phleum 
alpinum , Lin., et le beau Poa sudetica, Hænck., se mêle 
à l'Arrhenatherum elatius, Mert. et Koch., qui croît aussi 
bien sur nos montagnes les plus élevées que dans nos prairies 
de la plaine. 

Le Kaœleria cristata , Pers., et sa variété villosa , l'An- 
thoæanthum odoratum, Lin., le Poanemoralis, Lin. échappé 
des forêts, et le Briza media, Lin., avec quelques autres es- 
pèces des prairies basses, formentle fond de ces hautes prairies. 


PRAIRIES. 483 


Des cypéracées et des joncées se confondent aussi avec les 
graminées, et contribuent à former le gazon. Ce sont les 
Carex polyrrhiza, Wailr., C. leporina, Lin. , et même le 
C. ericetorum, Lin. , si les Hieux ne sont pas très-élevés. 

Les luzules y sont abondantes ; le Luzula campestris, 
Dec., s'élève moins que les autres ; le L. maxima, Dec. , 
est fréquent partout et forme des touffes vigoureuses ; le 
L. multiflora, Le]. , avec ses variétés congesta, Koch. , et 
nigricans, sont très-répandus, ainsi que le L. spicata, 
Dec., qui présente aussi sa variété nigricans. Enfin nous 
devons encore mentionner le L. sudetica, Dec. , une des 
plus remarquables de notre région montagneuse , et le Z. 
glabrata, Desv. , l’une des plus belles et des plus commu- 
nes. Le fond de verdure formé par les glumacées que nous 
venons d’énumérer, disparaît souvent sous les accessoires, 
et la vaste famille des synanthérées y déploie son luxe et ses 
mille couleurs. 

On voit partout le Zeontodon pyrenaïcum , Gouan. , avec 
ses fleurs dorées ; le Senecio Doronicum, Lin., ne se ren- 
contre que dans les lieux très-élevés ; le Crepis grandiflora, 
Tausch, lArnica montana, Lin., viennent ajouter leurs 
beaux disques orangés à la profusion de fleurs jaunes que l’on 
aperçoit de tous côtés. On y distingue aussi l’Hypochæris 

maculata, Lin. , dont les fleurons soufrés sont si régulière 
ment étagés, et le Scorzonera humilis, Lin., qui se con- 
tente de prairies moins élevées et plus humides. Il en est de 
même du Cirsium rivulare, Link, , qui reste dans le fond 
des larges vallées des montagnes. Les centaurées sont très- 
multiphiées ; la plus belle est sans contredit le Centaurea 
montana, Lin., qui rappelle, par son élégante couronne, le 
bleuet de nos moissons; puis vient le C. nigra, Lin. , et sa 
variété cano-hispida , souvent dioique et toujours sans cou- 


481 RÉGION DES MONTAGNES. 


ronne, tandis que le C. Jacea, Lin., plante cosmopolite, et 
ses formes des montagnes, /acera, Koch., et nana, vient 
jeter quelques teintes purpurines au milieu du feuillage. C’est 
aussi dans les mêmes localités que se développe le Serratula 
tinctoria, Lin., ou plutôt S. coronaria, Dec., dont les fleurs 
sont parfois entièrement blanches. 

Le Senecio Cacaliaster, Lam., et le Doronicum austria- 
cum, Jacq., sortent des hautes forêts pour entrer dans les 
prairies voisines, avec le Mulgedium alpinum, Lessing., 
et l’Adenostyles albifrons, Rchb. Le Picris crepoïdes, Saut., 
paraît en même temps, et quand arrive la saison des Hiera- 
cium, on distingue le Æ. spicatum, AI. , le A. boreale, 
Fries. , et sa variété /anceolatum , le H. Mougeotii , Froel., 
dans les mêmes conditions que dans les Vosges , le {Z. longi- 
folium, Schl., qui fleurit très-tard , et le 47. aurantiacum , 
Lin., que l’on reconnait de loin à la riche couleur de ses 
capitules, au milieu du Carlina nebrodensis, Guss., et des 
groupes cotonneux du Gnaphalium noriwegicum , Gunner. 
Le Hieracium Pilosella, Lin., vient partout, mais la variété 
pilosissimum, Koch. , ou H. Peleterianum , Dec., ne quitte 
pas les hautes montagnes où elle est loin d’être commune. 

Le Gnaphalium supinum, Lin., n’est qu’un rare accident 
sur les pelouses de nos montagnes ; il n’en est pas de même 
du Chrysanthemum Leucanthemum, Lin., si commun par- 
tout et qui nous donne, sur nos plus hauts sommets, une 
variété pinnalifidum, remarquable par ses grandes fleurs, 
et décrite par Delarbre sous le nom de C. atratum. Le Crepis 
succisæfolia, Thausch., se mélange aux {ieracium sur toutes 
les pentes élevées et présente deux variétés, le Sfernbergüi, 
Froel., et l’integrifolia, Koch. , et sa congénère C. palu- 
dosa, Mæœnch., croît beaucoup plus bas et dans d’autres con- 
ditions. Deux Cirsium, C. anglicum, Lam. , et €. acaule, 


PRAIRIES. 485 


AIL. , font aussi partie de la végétation des montagnes, mais 
tendent plutôt à descendre qu’à s'élever. 

Quand les synanthérées ne dominent pas, ce sont les om- 
bellifères qui les remplacent, et nous mettons au premier 
rang le Meum athamanticum, Jacq. , dont les fraiches om- 
belles et les feuilles aux milles découpures parfument tous 
les gazons; nous pouvons y joindre le Meum Mutellina , 
Gærtn. , et l’Angelica pyrenæa, Spreng., qui couvrent quel- 
quefois des pentes très-étendues. Les formes ies plus appa- 
rentes appartiennent aux Âeracleum. et aux Pimpinella. 
L'Heracleum Sphondylium, Lin. , est très-abondant dans 
les prairies peu élevées, et on y voit une variété elatius très- . 
remarquable ; mais dans les prairies du Cantal, de la Haute- 
Loire et de la Lozère, c’est une espèce toute différente, et 
peut-être même plusieurs espèces, à fleurs jaunes ou verdâtres 
que nous avions d’abord prises pour VA. sibiricum , Lin. , 
et dont MM. Godron et Grenier ont fait le 1. Lecoqü. Le 
Pimpinella magna, Lin., très-grand. dans les taillis , Se ra- 
petisse pour rentrer dans la composition des prairies, et ses 
ombelles y prennent des teintes roses et carminées qui en 
font une forme toute différente du type, et très-ornementale. 
L’Astrantia major, Lin., est aussi une des plus élégantes 
espèces de cette belle famille, où nous trouvons encore dans 
les lieux humides l’Imperatoria Ostruthium, Lin., avec son 
large feuillage. Le Chærophyllum hirsutum, Lin., est très- 
commun, le Myrrhis odorata, Scop., beaucoup plus rare, 
et l’Anthriscus sylvestris, Holf., dont les fleurs répandent 
l'odeur du miel, et surtout sa variété tenuifolia , Koch. , 
abondent dans toutes les prairies des vallées. On trouve sur 
toutes les montagnes le Libanotis montana, Al. , et ses 
variétés daucifolia, Dec., et minor, Koch; ce sont de 
jolies plantes qui aiment les terrains secs. 


486 RÉGION DES MONTAGNES. 


Enfin végètent sur les pentes herbeuses le Buplevrum lon- 
gifolium, Lin. , mélangé à l’Hieracium aurantiacum, Lin, 
que nous avons cité, et dans les lieux humides de la monta- 
gne de la Lozère le Melopospermum cicutarium, Dec., qui 
forme , au milieu des gazons , les massifs les plus frais et les 
plus volumineux. 

La famille des légumineuses, qui, dans toutes les prairies, 
marche de pair avec les graminées, est loin 1ci de pouvoir en- 
trer en parallèle, mi par le nombre des formes, ni par la quan- 
tité des individus. L'absence complète des Phaca, Oxytro- 
pis, Astragalus, de toute cette section dont les espèces sont 
si multiphiées sur les hauts pâturages des Alpes et même des 
Pyrénées , imprime à nos pelouses un caractère particuher. 
L'espèce la plus apparente est le Vicia Orobus, Lin., qui 
forme , sur les pentes herbeuses , des touffes très-élégantes ; 
puis viennent les genêts, dont un seul, le Genista prostrata, 
Lam., atteint les pics les plus élevés. Un des plus beaux est 
le G. Delarbrei, Lec. et Lamt. , indiqué par Delarbre, déjà 
connu des frères Bauhin, et dont les magnifiques épis de 
fleurs jaunes et les larges toufles rampantes restent confinés 
entre 1,200 et 1,500 mètres. C'est à la même hauteur 
qu’on le trouve accidentellement dans les Pyrénées. Il est ici 
commun ; mais, comme les Genista purgans, Lin., G. 
pilosa, Lin., et Sarothamnus vulgaris, Wig., il ne dépasse 
pas la.zone que le G. prostrata, Lam. , seul franchit. Les 
pelouses encore plus abaissées sont littéralement couvertes 
des larges gazons fleuris du Cytisus sagittalis, Koch., le plus 
commun et le plus apparent des genêts. 

Les trèfles, dont les espèces sont si nombreuses, sont as- 
sez répandus, et l’on retrouve même, dans les stations éle- 
vées, le Trifolium repens , Lin., qui fait souvent le fond des 
prairies dans les plaines ou sur les coteaux. Il à sa variété 


PRAIRIES. 487 


des montagnes , prostratum, mais elle a peu d'importance. 
Les 7. montanum, Lin., et T. ochroleucum , Lin., ne sont 
pas très-fréquents dans les hautes stations. Les T. badium , 
Schreb., et T. spadiceum, Lin., sont plus communs dans 
les lieux humides, et leurs épis panachés de brun et de jaune 
contrastent avec toutes les autres plantes des prairies. Le T.. 
pratense, Lin., a une belle variété velue , nvale, Koch., 
qui paraît être le type sauvage de celui qui est cultivé, et qui 
croit pêle-mêle avec le T°, pallescens, Schreb. Le T. alpinum, 
Lin. , ne paraît que vers 1,300 à 1,400 mètres, et là il 
étale sa couronne de grandes fleurs purpurines , roses ou en- 
tièrement blanches, et laisse ramper ses longues racines su- 
crées. Les prairies moins élevées sont quelquefois entière- 
ment couvertes des épis blancs et purpurins du T. incarna- 
tum, Lin., variété Molineri, Dec., qui pourrait bien être 
une espèce, car son type à fleur rouge, que l’on rencontre 
çà et là, ne peut être considéré comme spontané. 

Le Lotus cormculatus, Lin., qui se glisse partout, depuis 
les bords de la mer jusqu’à la cime de nos hautes montagnes, 
sait se conformer aux circonstances qui l’environnent , et 
nous voyons ses variétés rubriflora et alpestris venir dispu- 
ter les sommets au Lathyrus pratensis, Lin., qui y envoie 
sa variété montanus. Le Lotus uliginosus, Schk. , est aussi 
très-répandu dans toutes les prairies humides. 

Deux charmantes familles, qui semblent avoir été créées 
pour charmer nos veux, se succèdent sur les vastes tapis des 
montagnes : ce sont les orchidées et les renonculacées. Ces 
dernières ouvrent ordinairement la scène des saisons, et leurs 
espèces sont des premières , avec les crucifères et quelques 
autres, à s’éveiller sous la neige, qui bientôt leur permettra 
de sortir. Les anémones sont les plus pressées. L’Anemone 
vernalis, Lin., se montre la première aux points les plus 


488 . RÉGION DES MONTAGNES. 


élevés; puis on voit ouvrir, pendant plusieurs mois, selon 
les altitudes, les larges corolles de l'A. alpina, Lin., et 
ses variétés micrantha, Dec. , et sulphurea , Dec. Tantôt 
elles sont entièrement blanches, ou bien elles sont munies 
d’un cercle bleuâtre ; tantôt elles sont soufrées, offrant toutes 
les nuances du Jaune pâle jusqu'au vif orangé. Munies de 
leurs involucres découpés ou garnies de leurs aigrettes sémi- 
nales , elles n’en constituent pas moins un des plus beaux or- 
nements des parterres des montagnes, surtout quand on voit 
près d'elles l’Androsace carnea, Lin., grouper ses toufles 
roses et fleuries, le Gentiana verna, Lin., et sa variété an- 
gulosa, Lin., ouvrir ses fleurs d’azur, etle Soldanella alpina, 
Lin., dérouler la frange de ses pétales sur la lisière des neiges 
qui reculent devant le soleil du printemps. 

L'Anemone ranunculoides, Lin., se voit çà et là dans des 
prairies moins élevées, avec le Ranunculus auricomus, Lin., 
qui a, dans la montagne, une variété grandiflora. La section 
des pulsatilles nous donne encore l’Anemone Pulsatilla 
Lin., très-rare sur le plateau central, s’élevant peu, et rem- 
placé partout par l’Anemone montana, Hoppe, qui montre 
de bonne heure ses grandes fleurs inclinées, dont la nuance 
variée et plus ou moins intense avait donné lieu à l’Anemone 

-rubra de Lamarck et de Delarbre, et à l'A. pratensis de 
nombreux auteurs. Les renoncules à fleurs jaunes sont repré- 
sentées par une variété, nanus du R. acris, Lin., qui est 
le R. Steveni, Andrz., Koch., et surtout par le R. nemoro- 
sus, Dec., dont une belle variété , elatior, a été désignée 
par l’auteur de la Flore du Centre, M. Boreau, sous le nom 
de R. Lecoqi, sans que nous ayons pu y voir nous-même 
de caractères suffisants pour conserver à cette forme le titre 
d’espèce. 

On distingue aussi de très-loin le Ranunculus platani - 


PRATRIES. 489 


folius, Lin., qui ne recherche pas les cours d’eau , comme 
le R. aconitifolius, Lin. , et qui en est tout à fait distinct. 
Nous reconnaitrons aussi deux plantes qui n’habitent pas 
la plaine, mais qui se montrent sur les premiers gradins des 
montagnes , le Trollius europœus, Lin., et sa variété hu- 
milior, Koch., avec ses grosses fleurs jaunes globuleuses, et 
l'Aguilegia vulgaris, Lin., qui, si elle quitte les bois pour 
atteindre les sommets, modifie ses formes et devient la va- 
riété platysepala, Rchb. 

Les orchidées sont une des plus jolies parures de nos prai- 
ries ; nous les rencontrons partout où l'herbe n’est pas trop 
grande pour les étouffer. Mais, en général, elles n’atteignent 
pas les sommets de nos hautes montagnes. Les espèces les 
plus alpines sont le Gymnadenia atbida, Rich., qui répand 
une douce odeur de vanille, le Nigritella angustifolia , 
Rich. , très-rare ; le Cœloglossum viride, Hartm., facile à 
confondre avec le feuillage qui l'environne, et l'Orchis glo- 
bosa , Lin., entièrement étranger au groupe des monts 
Dores. Nous trouvons ensuite, dans les lieux secs, le Gym- 
nadenia conopsea , R. Brown. , à odeur pénétrante , l'Or- 
chis coriophora, Lin., qui rappelle les émanations dé- 
sagréables de l’insecte qui lui prête son nom , et les deux 
espèces à fleurs blanches Platanthera bifolia, Rich., et P. 
chlorantha, Cust. 

Dans les prairies humides et même marécageuses crois- 
sent abondamment les Orchis maculata , Lin., et O. lati- 
folia, Lin., et sur les pelouses sèches et moins élevées l'O. 
ustulata, Lin., à fleurs brunes et odorantes, l'O. Morio, 
Lin., à fleurs rouges , roses ou blanches , et principalement 
l'O. sambucina , Lin. , dont le type à fleurs jaunes est tou- 
jours plus répandu que la variété purpurea, Koch., qui l'ac- 
compagne ordinairement. 


490 RÉGION DES MONTAGNES. 


Deux espèces némorales, l'O. mascula, Lin., et surtout 
le Listera ovata, R. Brown., s'étendent aussi dans les prai- 
ries, sans trop s'éloigner de la lisière des bois. 

Si les groupes que nous venons de passer en revue forment 
le fond de la végétation dans beaucoup de localités des 
montagnes , leurs espèces ne sont pas toujours dominantes. 
Dans la plupart des prairies, deux plantes à fleurs lilas domi- 
nent souvent toutes les autres : ce sont le Knautia syloa- 
üica, Duby., bien plus commun que dans les bois, sa variété 
pinnatifida, et le Geranium sylvaticum, Lin. Ces deux plan- 
tes abondent partout, s'élèvent très-haut et descendent 
aussi dans les prairies basses. Elles acquièrent une grande 
vigueur, et leurs fleurs, prenant des tons différents dans le 
hlas et dans le violet, sont un des beaux ornements de ces 
vastes parterres. Le Polygonum Bistorta, Lin., élève ausst 
de tous côtés ses épis de fleurs roses, qui tranchent sur le 
vert sombre de ses feuilles, et le P. viviparum , Lin. , le 
remplace à une élévation plus grande , où la bistorte cesse 
de se développer. 

On distingue de loin , sur tous les plateaux , de grandes 
plantes très-communes qui contribuent aussi à l'aspect du 
paysage. De ce nombre est la grande gentiane, Gentiana 
lutea, Lin., couverte de bouquets de fleurs jaunes reposant 
à l’aisselle de deux feuilles connées ; le Veratrum album, 
Lin., à larges feuilles plissées et à nombreux épis de fleurs 
verdâtres et étoilées, etle Rumeæx alpinus, Lin., au feuillage 
étalé et à longues racines, qui semble suivre les pâtres pour 
s'établir autour des cases qu'ils habitent ou qu'ils aban- 
donnent. 

Le Viola sudetica, Willd., si varié dans ses couleurs, et 
le W. lutea, Smith. , moins commun, colorent quelquelois 
des prairies étendues , et luttent de couleur avec les corolles 


PRAIRIES. 491 


bleues du Campanula linifolia, Lam., avec sa variété Rohdui, 
et le cèdent en éclat aux capitules serrés et arrondis du Ja- 
sione perennis, Lam., qui cherche les plus hauts sommets 
volcaniques. Le Phyleuma spicatum , Lin., ordinairement 
à fleurs blanches et sa variété cœærulea , plus rare, vivent au 
milieu des graminées, mêlées aux P. orbiculare, Lin., et P. 
hemisphæricum , Lin., ou remplaçant le P. Halleri, AÏ., 
ou le P. persicifolium , Hoppe, moins répandus sur les pen- 
tes herbeuses des montagnes élevées. 

Les deux Vaccinium uliginosum, Lin., et V. Myrtillus, 
Lin. , sont aussi très-communs, surtout dans le voisinage des 
bois ; mais un des groupes les plus remarquables est celui 
des pédiculaires et des euphraises. Nous ne devons pas nous 
attendre à en trouver ici autant d'espèces que dans les Alpes, 
cependant nous avons le Pedicularis foliosa, Lin., et le P. 
comosa, Lin., qui croissent sur les hauts plateaux, offrant 
leurs fleurs jaunes et leurs feuilles découpées ; le P. verti- 
cillata, Lin., qui appartient aussi à la région des montagnes; 
puis les P. sylvatica, Lin., et P. palustris, Lin., que l’on 
retrouve dans les prairies beaucoup plus basses, et qui se 
rencontrent aussi dans les plaines de la majeure partie de la 
France. Les euphraises, plus petites, sont bien moins visi- 
bles , et cependant on trouve partout FEuphrasia minima, 
Schl., et l’on ne peut se lasser d'admirer les dessins des co- 
rolles de l’Æ. officinalis, Lin., et de ses nombreuses varié- 
tés. Le Rhinanthus minor, Ehrh., et sa variété angushifo- 
lius, Koch., ainsi que le À. major, Ehrh., sont des plantes 
communes. Îl en est de même du Sanguisorba officinalis, 
Lin., qui cependant ne montre ses épis d’un brun rouge que 
dans les prairies humides, tandis que lÆlchemulla alpina, 
Lin., n'étale ses feuilles argentées que dans les lieux secs et 
aérés. 


492 RÉGION DES MONTAGNES. 


Les pelouses sont encore couvertes des fleurs brillantes 
et variées du Prunella grandiflora, Jacq., du Betonica off- 
cinalis, Lin., du Dianthus Seguieri, Vill., avec ses variétés 
collinus, Koch., et alpestris, du D. monspessulanus, Lin., 
avec son hybride, et du D. deltoides, Lin. 

Les fleurs bleues sont bien plus communes dans les mon- 
tagnes que dans la plaine ; nous placerons en première ligne 
les Myosotis : d'abord le M. palustris, With., et ses deux 
variétés strigulosa et montana , etle M. sylvatica, Hoffm., 
et sa variété rigida. Ces plantes acquièrent un grand éclat 
sur les pentes des hautes montagnes. C’est là, au milieu des 
herbes , que l’on trouve toute une série de corolles azurées : 
l'Ajuga reptans, Lin., et la variété alpina, Koch., l'A. py- 
ramidalis , Lin., souvent à fleurs roses ; le Pulmonaria 

zurea, Bess. ; les Campanula patula, Lin., variété gran- 
diflora ; C. glomerata , Lin., variété speciosa, Koch.; plus 
tard, le Succisa pratensis, Mœnch., que nous avons déjà vu 
figurer dans les bois, et enfin les jolis Polygala vulgaris, 
Lin., et sa variété alpestris, Koch., et P. depressa, Wender, 
qui abandonne souvent le bleu pour prendre une livrée rose 
ou blanche. 

Dès que les prairies atteignent les coteaux où la vigne 
cesse de croître, on y voit en abondance le Narcissus poeli- 
cus, Lin. Cette espèce devient si prépondérante dans cer- 
taines parties montagneuses de notre circonscription , qu’elle 
cache toutes les autres plantes sous ses calices d’albâtre , et 
n'admet d'autre végétation que lorsqu'elle a fini de parfumer 
les montagnes et que ses capsules jaunies vont répandre leurs 
graines. Toutelois, cette espèce ne peut atteindre les plus 
hauts sommets , et elle est alors remplacée par sa congé- 
nère le Narcissus pseudo-Narcissus, Lin., dont la variété 
major a servi de type à Delarbre pour ses N. bicolor et N. 


PRAIRIES. 493 


calatinus. La fleur de cette espèce, munie de son beau nec- 
taire découpé, semble grandir à mesure qu'elle atteint des 
régions plus élevées. 

Les lieux herbeux voient croître en phalanges serrées 
l'Allium victoriale, Lin., dont la bulbe est vêtue de tuni- 
ques fibreuses , le Lychnis Viscaria, Lin., et le Silene pra- 
tensis, Godr. ; ailleurs c’est le rare Silene ciliata , Pourr., 
qui, des pentes du plomb du Cantal , saute sur le plateau 
d’Esquierry dans les Pyrénées sans relais intermédiaires. 

Les espaces où l'herbe est moins haute ont des gazons 
serrés du Plantago alpina, Tin. , des touffes de Saxifraga 
granulata, Lin., très-commun dans la plaine, et qui de- 
vient ici le S. penduliflora , Bastard. ; le Thymus Serpyl- 
lum , Lin. , si répandu de tous côtés, change aussi d'aspect 
et même de parfum, et l’on voit les variétés montanus et 
citriodorus , avec le Poterium Sanguisorba, Lin., qui offre 
la monstruosité proliferum , où les capitules sont multiples. 

Les Potentilla aurea, Lin. et P. Tormentilla, Sibth., 
l’Alchemilla vulgaris, Lin., et surtout sa variété hybrida, 
ainsi que le Botrychium Lunaria, Swartz., qui se cache dans 
l'herbe, appartiennent à ces nombreuses légions de végétaux 
des prairies des montagnes ; le Stachys sylvatica, Lin. , le 
Galeopsis Tetrahit, Lin., le Primula elatior, Jacq., le 
Convallaria multiflora, Lin., le Braya pinnatifida, Koch., 
etle Viola canina, Lin., variété lucorum , Rchb., s'échap- 
pent quelquefois des forêts pour augmenter la variété de ces 
beaux tapis de verdure. 

De larges toufles d’Euphorbia hyberna , Lin. , se répan- 
dent encore sur les pelouses où l’on voit fleurir les Thlaspe 
alpestre, Lin., et T. virgatum, Gren. et Godr. ; le Geum 
montanum , Lin., paraît beaucoup plus haut près du Gen- 
hana verna, Lin., et du So/danella alpina, Lin., que 


49% RÉGION DES MONTAGNES. 


nous avons déjà cités. On rencontre à la même élévation les 
faisceaux du Lycopodium Selago, Lin., et plus bas les 
frondes élégamment verticillées de l'Æquisetum sylvaticum , 
Lin. Cette plante aflectionne les lieux humides et même 
marécageux , comme le Cardamine pratensis, Lin. , et le 
Caltha palustris, Lin. Les lieux choisis par cette fougère 
sont aussi ceux que préfèrent le Spiræa Ulmaria , Lin. , le 
Geranium phœum , Lin., etsa variété lividum , et l’élégant 
Geum rivale, Lin. 

Si quelques pierres sont cachées sous les herbes , on y 
trouve : Faccinium Vitis idæa, Lin., Arctostaphylos Uva 
ursi, Spreng., Epilobium trigonum, Schrank., Rubus 
saxatilis, Lin., Geranium sanguineum , Lin., et, dans ks 
lieux suffisamment ombragés, le Streptopus ampleæifolius, 
Dec., qui se distingue à son beau feuillage et à ses baïes 
suspendues. 

La végétation arborescente dispersée sur ces pelouses se 
réduit au Sorbus Chamæmespilus, Crantz., au Sahx her- 
bacea, Lin., très-rare et rampant sur la terre, et à de 
larges buissons de Juniperus nana, Wild. 

Ilexiste encore quelques plantes communes que nous n’a- 
vons pas mentionnées , telles sont le Mercurialis perennis, 
Lin., dont le feuillage devient bleuâtre, le Galium verum, 
Lin., couvrant la terre de ses belles grappes fleuries qui 
s’épanouissent près des fleurs éphémères de l’Hehianthe- 
mum vulgare, Gœrtn., variété latifolium ; près des touffes 
rameuses de l’Asperula cynanchica, Lin., et des Thesium 
pratense, Ehrh., et T. alpinum, Lin. Le Pteris aquilina , 
Lin., vient souvent se mêler à ces associations et s’em- 
pare des terrains d’où il n’est pas chassé par les forces 
réunies de tous les autres végétaux. Ajoutons à cette longue 
liste l’Hypericum quadrangulum , Lin. , el sa variété hybri- 


PRAIRIES. 495 


dum , le Bartsia alpina, Lin., habitant seulement le groupe 
du Cantal, le Viola vivariensis, Jordan., le Knautia 
longifolia, Koch., belles espèces encore peu connues, et le 
Scabiosa lucida, Vill. 

Le Maianthemum bifolium, Dec., et l'Erythronium 
dens canis, Lin., sont encore des espèces némorales qui ha- 
bitent plus rarement les prairies ; le Crocus vernus, AIl., 
à fleurs violettes ou blanches, a disparu depuis longtemps 
des sommets des montagnes où de leurs pentes élevées, quand 
le Cerastium alpinum , Lin. et sa variété lanatum , Koch., 
y montrent leurs corolles blanches étoilées, et lorsque le Ga- 
lium saæatile, Lin., y étale ses gazons. Les Veronica al- 
pina, Lin., et V. serpyllifolia, Lin. , arrivent jusqu'aux 
points les plus hauts ; le V. o/fficinalis , Lin. , reste confiné 
sur les pelouses dégarnies , tandis que les Pyrola rotun- 
difolia, Lin., et P. minor, Lin., cherchent à s’abriter au 
milieu des grandes plantes comme elles le feraient dans 
les bois. 

Citons encore l’Alsine verna, Bart]. , et sa variété Gerard 
comme une des espèces qui montent le plus haut ; mention- 
vons le Paradisia Liliastrum, Bert. , du Mezenc , le Scilla 
verna , Huds., de la Creuse, le Polemonium cϾruleum, 
Lin. , qui de la Laponie est arrivé jusque dans les prairies 
de la Haute-Loire, et terminons cette longue énumération 
par le Colchicum autumnale , Lin., qui monte jusque sur 
les hauts plateaux où, caché sous la neige avant sa floraison , il 
la retarde quelquefois jusqu’au printemps suivant et devient 
alors la variété vernale dont Hoffman avait fait une espèce. 


Liste des plantes des prairies de la région montagneuse. 


Anemone vernalis, Lin. À. Pulsatilla, Lin. A. montana, 
Hoppe. À. alpina, Lin. Id. var. micrantha, Dec. I. var. sul- 


496 RÉGION DES MONTAGNES. 


phurea, Dec. A. ranunculoides , Lin. Ranunculus platanifo- 
lus, Lin. R. auricomus, Lin. Id. var. grandiflorus. R. acris, 
Lin. var. nanus. R. nemorosus, Dec. var. elatior. Trollius 
europæus , Lin. I. var. humilior, Koch. Aquilegia vulgaris, 
Lin. var. platysepala , Rchb. Cardamine pratensis, Lin. Braya 
pinnatifida, Koch. Thlaspi virgatum , Gren. et Godr.T. al- 
pestre, Lin. Helianthemum vulgare, Gærtn. var. latifolium. 
Viola canina, Lin. Id. var. lucorum, Rchb. V. vivariensis, 
Jordan. N. sudetica, Walld. Id. var. lutea. Polygala vul- 
garis, Lin. var. alpestris, Koch. P. depressa , Weender. 
Dianthus Seguieri, Vill. var. collinus. var. alpestris. D. del- 
toïdes, Lin. D. monspessulanus, Lin. D. monspessulano- 
Seguieri, Lec. et Lamt. Silene ciliata, Pourr. S. pratensis, 
Godr. Lychnis Viscaria, Lin. Alsine verna, Bart. var. 
Gerardi. Cerastium alpioum, Lin. Id. var. lanatum. Hyperi- 
cum quadrangulum , Lin. var. hybridum. Geranium sylvati- 
cum, Lin. G. sanguineum, Lin. Genista prostata, Lam. G. 
Delarbrei, Lec. et Lamt. Cytisus sagittalis, Koch. Trifolium 
pratense, Lin. var. nivale, Koch. T. ochroleucum, Lin. var. 
longifolium. T. incarnatum, Lin. var. Molineri, Dec. T. al- 
pioum, Lin. T. montanum, Lin. T. repens, Lin. var. pros- 
tratum. T. spadiceum , Lin. T. badium, Schreb. Lotus cor- 
niculatus, Lin. var. rubriflorus. var. alpestris. Vicia orobus, 
Lin. Lathyrus pratensis, Lin. var. montanus. Geum monta- 
oum, Lin. Rubus saxatilis, Lin. Potentilla Tormentilla, Sibth. 
P. aurea, Lin. var. umbrosa. Alchemilla vulgaris, Lin. var. 
bybrida. A. alpina, Lin. Sanguisorba officinalis, Lin. Pote- 
rium Sanguisorba, Lin. var. proliferum. Epilobium trigo- 
num, Schrank. Saxifraga granulata, Lin. var. penduliflora, 
Ser. Astrantia major, Lin. Pimpinella magna, Lin. var. mi- 
nor. Buplevrum longifolium , Lin. Libanotis montana , AL, 
Meum athamanticum, Jacq. M. Mutellina, Gærtn. Angelica 
pyrenæa , Spreng. Imperatoria Ostrutium, Lin. Heracleum 
sibiricum, N. Cat. H. Sphondylium, Lin. var. elatius. Anthris- 
cus sylvestris, Hoffm. var. tenuifolia, Koch. Chærophyllum 


PRAIRIES. 497 


hirsutum, Lin. Myrrhis odorata, Scop. Melopospermum ci- 
cutarium, Dec. Asperula cynanchica, Lin. Galium verum, 
Lin. var. nanum. G. saxatile, Lin. Knautia sylvatica, Duby. 
var. pinnatifida. K. longifolia, Koch. Succisa pratensis, 
Moœnch. Scabiosa lucida, Vif. Gnaphalium norwegicum, 
Gunner, M. var. pallidum. G. supinum, Lin. Chrysanthemum 
Leucanthemum , Lin. var. pinnatifidum. Doronicum austria- 
cum, Jacq. Arnica montana, Lin. Senecio Cacaliaster, Lam. 
Id. ver. radiatus. S. Doronicum, Lin. Cirsium rivulare, Link. 
C. anglicum, Lam. C. acaule, AU. Carlina nebrodensis, 
Guss. Serratula coronaria, Dec. Centaurea Jacea, Lin. var. 
lacera, Koch. C. nigra, Lin. var. cano-hispida. C. montana, 
Lin. Picris crepoides, Saut. Scorzonera humilis, Lin. var. 
angustifolia. Leontodon pyrenaicum, Gouan. Hypochæris ma- 
culata , Lin. Crepis paludosa, Mænch. C. succisæfolia, Tausch. 
var. Sternbergii, Froel. I. var. integrifolia, Koch. C. grandi- 
flora, Tausch. Hieracium Pilosella, Lin. var. pilosissimum, 
Koch. H. aurantiacum, Lin. H. longifolium, Schleich. H. 
Mougeoti, Froel. H. spicatum, A/!. H. boreale, Fries. Id. 
var. lanceolatum. Jasione perennis, Lam. Phyteuma hemis- 
phæricum, Lin. P. orbiculare, Lin. P. persicifolium , Hopp. 
P. spicatum, Lin. P. Halleri, A//. Campanula linifolia, Lam. 
Id. var. Rohdü. C. patula, Lin. var. grandiflora. C. glomerata, 
Lin. var. speciosa, Koch. Id. var. aggregata, Koch. Vaccinium 
Myrtillus, Lin. V. uliginosum, Lin. V. Vitis idæa, Lin. Arc- 
tostaphylos Uva ursi, Spreng. Pyrola rotundifolia, Lin. P. 
minor, Lin. Gentianalutea, Lin. G. verna, Lin. I. var. an- 
gulosa. Polemorium cæruleum, Lin. Prunella grandiflora, 
Jacq. Pulmonaria azurea, Bess. Myosotis palustris, Wather. 
var. montana, M. sylvatica, Lin. var. rigida. Veronica offi- 
cinalis, Lin. V. alpina, Lin. Pedicularis sylvatica, Lin. P. 
palustris, Lin. P. comosa, Lin. P. foliosa, Lin. P. verticil- 
lata, Lin. Rhinanthus minor, Ehrh. var. angustifolius, Koch. 


R. major, Ehrh. Bartsia alpina, Lin. Euphrasia officinalis, 
32 


498 RÉGION DES MONTAGNES. 


Lin. var. alpestris, Koch. E. minima, Schl. Thymus Serpyl- 
lum, Lin. I. var. citriodorus. Id. var. montanus. Galeopsis 
Tetrahit, Lin. Stachys sylvatica, Lin. Betonica officinalis, Lin. 
Ajuga reptans, Lin. var. alpina, Koch. A. pyramidalis, Lin. 
Primula elatior, Jacq. Soldanella alpina, Lin. Plantago al- 
pina, Lin. Rumex alpinus, Lin. Polygonum viviparum, Lin. 
P. Bistorta, Lin. Thesium pratense, Ehrh. T. alpinum, Lin. 
Euphorbia hyberna, Lin. Mercurialis perennis, Lin. Salix 
herbacea, Lin. Juniperus nana, Wil{d. Orchis ustulata, Lin. 
O. coriophora, Lin. O. globosa, Lin. O. Morio , Lin. O. sam- 
bucina, Lin. Id. var. purpurea, Koch. O. latifolia, Lin. O. ma- 
culata, Lin. Gymnadenia conopsea, R. Brown. G. albida, 
Rich. Cœloglossum viride , Hartm. Platanthera bifolia, Rich. 
P. chlorantha, Cust. Nigritella angustifolia, Rich. Listera 
ovata, R. Brown. Crocus vernus, Al. Narcissus pseudo-Nar- 
cissus, Lin. N. poeticus, Lin. Streptopus amplexifolius, Dec. 
Convallaria verticillata, Lin. Maïanthemum hifolium, Dec. 
Erythronium dens canis, Lin. Paradisia Liliastrum, Bert. Scilla 
verna, Huds. Allium victoriale, Lin. À. ursinum, Lin. Col- 
chicum autumnale, Lin. I. var. vernale., Veratrum album, Lin. 
Luzula maxima, Dec. L. campestris, Dec. L. multiflora, Leÿ. 
Id. var. congesta, Koch. var. nigricans. L. sudetica, Dec. L, spi- 
cata, Dec. var. nigricans. Carex leporina, Lin. C. ericetorum, 
Poll. C. polyrrhiza, Wallr. Anthoxanthum odoratum, Lin. 
Phleum alpinum, Lin. Agrostis rupestris, A//. Kæleria cris- 
tata, Pers. var. villosa. Arrhenatherum elatius, Mert. et 
Koch. Avena versicolor, Vill. À. montana, Vill. Briza media, 
Lin. Poa alpina, Lin. var. vivipara, Koch. I. var. brevifolia, 
Koch. P. nemoralis, Lin. var. glauca, Koch. P. sudetica, 
Heœnck. Festuca ovina, Lin. var. alpina, Koch. F. nigres- 
cens, Lam. F, rubra, Lin. var. villosa, Koch. var. montana. 
F. rhætica, Sut. F. spadicea, Lin. Nardus stricta, Lin. Equi- 
setum sylvaticum , Lin. Lycopodium Selago, Lin. Botrychium 
Lunaria, Swartz. Pieris aquilina, Lan. 


BRUYÈRES. 199 


$ 9. ASSOCIATION DES BRUYÈRES. 


Dans toute l’étendue de notre territoire, 1l existe de vastes 
plaines élevées, généralement incultes, que l’on désigne sous 
le nom de Bruyères. L'extrême profusion de quelques plantes 
qui les composent donne aux contrées que ces espèces recou- 
vrentun aspect particulier qui les distingue partout. L’absence 
de terres cultivées, ou les dimensions restreintes des parcelles 
productrices qui y sont enclavées, rappelle pour nous l’idée 
de misère et de pauvreté, et cependant que de terrains, dans 
le centre de la France, ne sont autre chose que d'immenses 
déserts sur lesquels la civilisation et la culture n’ont pas 
encore réagi. Les plaines de la Creuse et de la Corrèze, les 
grands plateaux qui séparent les groupes du mont Dore, 
du Cantal et du Mezenc, la plaine élevée sur laquelle s’é- 
lèvent isolément les cônes scoriacés des monts Dômes, ap- 
partiennent à la station que nous allons étudier. Les bruyè- 
res du midi, c’est-à-dire du versant méridional des Céven- 
nes, ne se trouvent pas dans les mêmes conditions et ne 
nous occuperont pas ici. Cette association se compose de 
quelques plantes particulières, excessivement répandues , et 
d’espèces appartenant à la station des forêts, à celle des pe- 
louses , des champs incultes et même des prairies ; et comme 
assez souvent on établit sur ces terrains des cultures tem- 
poraires que l’on abandonne ensuite, des plantes des mois- 
sons viennent s'ajouter à celles qui sont propres à ces loca- 
lités. Nous devons donc considérer cette station comme in- 
termédiaire entre celles des pelouses, des champs et des 
forêts. Cette définition nous conduirait à indiquer de très- 
nombreuses espèces que nous avons trouvées ailleurs, ou que 
nous rencontrerons plus tard , et nous avons dû nous borner 


500 RÉGION DES MONTAGNES. 


à citer celles qui habitent plus spécialement au milieu des 
bruyères et qui impriment leur physionomie à cette asso- 
cation. 

Les terrains calcaires ne se couvrent jamais de ces végé- 
taux. Les plateaux basaltiques compactes les acceptent 
moins volontiers que les trachytes, et surtout leurs conglo- 
mérats ponceux ; mais leur véritable sol est celui qui est 
formé de scories et de pouzzolanes, de cendres et de détritus 
volcaniques , puis enfin les terrains primitifs dont les surfaces 
sont disgrégées, le micaschiste , le grès et même les al- 
luvions. L'eau elle-même, quand elle est stagnante , et le 
sol s’il est tourbeux, ne chassent pas les bruyères. Ces plantes 
qui périssent quand on les transporte dans nos jardins, sont 
les plus rustiques en pleine liberté , et l’espèce commune , 
Calluna vulgaris, Salisb., changeant de sol et de pays, croît 
depuis les bords de l'Océan jusqu’à 3000 mètres d’éléva- 
tion. 

C’est elle qui forme la base de la végétation des bruyères ; 
elle commence à vivre dans la plaine sur quelques alluvions 
où cependant elle est très-rare, et aussitôt que le pays de- 
vient un peu montagneux et siliceux ou volcanique, on voit 
ses touffes s’agrandir, ses tiges ligneuses se ramifier davan- 
tage, et à la fin de juillet ou dans le mois suivant de grandes 
surfaces sont richement colorées par ses innombrables fleurs 
lilacées où se mêlent parfois des variétés blanches ou rosées. 
Ses feuilles petites, imbriquées, persistanteset toujours vertes, 
ou bien ses Jeunes pousses qui revêtent des teintes purpu- 
rines ou orangées, ornent partout ces grandes solitudes qui 
sont pour nous ce que sont les savanes ou les campos pour 
l'Amérique, les steppes pour l'Asie, et qui remplacent avec 
avantage les déserts sablonneux de l'Afrique. 

Cette bruyère, quoique la plus commune, n’est pas cepen- 


BRUVÈRES. 501 


dant la plus élégante; nous devons lui préférer l Erica cinerea, 
Lin., si jolie quand ses buissons sont couverts par ses milliers 
de fleurs purpurines et presque immortelles, et l’élégante E. 
Tetralix, Lin., qui porte lessiennes en couronnes au sommet 
de ses rameaux. Nous n'avons pas, il est vrai, ces belles es- 
pèces des landes et des sables de l’ouest, qui accompagnent ou 
devancent le pin maritime, et qui ne montent pas sur le 
plateau central; mais nous pourrions ajouter encore à cette 
végétation l’Erica scoparia, Lin., l'une des plus grandes et 
des moins brillantes de ces espèces, et sur notre versant mé- 
ridional l’Erica arborea , Lin. , qui, dès les premiers jours 
du printemps, change en bosquets fleuris les chaudes vallées 
des Cévennes , et pénètre jusqu’au cœur de la Lozère , par- 
tout où les causses et les calcaires ne viennent pas lui faire 
obstacle. 

Ce sont de véritables forêts que constituent les bruyères ; 
elles en forment la végétation arborescente. Elles sont pres- 
que exclusives; pourtant les genêts y pénétrent et cherchent, 
comme elles , les terrains où domine la silice. On voit les 
uns s'élever en futaie, tandis que les autres semblent se ca- 
cher et craindre une proscription contre laquelle cependant ils 
sauraient protester. De ce nombre sont les Gemista anglica , 
Lin., et G. pilosa, Lin., qui s'étendent en gazons élargis 
et rampants, sans s'élever, ainsi que l’Ulex nanus , Lin., 
très-épineux, et qui cherche quelquefois à dominer aux dé- 
pens des bruyères. Les grandes espèces sont le Sarotham- 
nus vulgaris, Wimm, une des plantes les plus magnifiques 
de nos campagnes, et le Genista purgans, Lin., dont les 
leurs aussi éclatantes, aussi dorées que les premières, sont 
encore plus multipliées. Cette dernière espèce est bien plus 
rare que les précédentes ; elle appartient plutôt à la végéta- 
tion des rochers, On la trouve sur les trachytes compactes et 


502 RÉGION DES MONTAGNES. 


sur les plateaux basaltiques , d’où elle s'échappe pour se 
mêler aux plantes de cette station. Ajoutons l’Ulex europœus, 
Lin., compagnon forcé des bruyères de l’ouest de la France, 
et qui ne dédaigne pas de se mêler parfois aux nôtres. Il 
fleurit souvent en hiver, et, dans le courant de l’année, deux 
teintes se succèdent sur ces plaines siliceuses ou volcaniques, 
le jaune orangé des Ulex et des Genista au printemps, et plus 
tard le violet pourpré du Calluna vulgaris, Salisb. 

Si nous considérions seulement la taille, nous pourrions 
placer aussi parmi la haute futaie le Pteris aquilina, Lin., 
qui profite amplement de l’espace. Dès le printemps , il dé- 
roule son bourgeon tout couvert d’écailles roussâtres, l’élève 
sur un stipe élancé, puis 1l étend une large fronde triangu- 
laire , dont les fohioles brodées abandonnent aux vents des 
millions de sporules destinés à sa reproduction. 

Les grandes plantes à effet, celles qui s’aperçoivent de loin, 
ne sont pas très-communes dans les bruyères. Une des plus 
répandues, quand l’altitude le permet, est le Gentiana lutea, 
Lin., qui gagne du large et vit moins resserrée que dans les 
prairies, etle Senecio artemisiæfolius, Pers., aussi commun 
qu'élégant, avec son feuillage aux mille découpures et ses 
fleurs d’un jaune vif. Le Digitales purpurea, Lin., s’y montre 
aussi de loin en loin, avec quelques Verbascum. 

Plusieurs variétés du Hieracium umbellatum, Lin., et des 
pieds épars du Solidago virga aurea, Lin., de petits buis- 
sons épineux du Carlina vulgaris, Lin., complètent la vé- 
gétation haute de ces plaines. En revanche, on y trouve 
aussi des plantes tellement petites qu’il faut les chercher 
ayec soin pour les découvrir. 

Les terrains scoriacés, couverts de cendres et de pouzzo- 
lanes des volcans, sont éminemment propres à cette végéta- 
tion hlliputienne, pour laquelle le Pteris aquilina et le 


BRUYÈRES. 503 


Gentiana lutea sont de véritables géants. C’est 1à que l’on 
rencontre le Juncus capitatus, Weïgel, et le Radiola linoi- 
des, Gmel., en petits buissons divariqués. L’IUecebrum 
verticillatum , Lin. , avec ses pelotons de fleurs soyeuses et 
persistantes, reste couché sur le sable et s'étend avec le Cor- 
rigiola httoralis, Lin., qui ne l’abandonne jamais ; l’Her- 
niaria glabra, Lin., et le Scleranthus perennis, Lin., font 
partie des mêmes groupes. 

Des espèces extrêmement grêles habitent aussi les bruyè- 
res; telles sont les Cicendia pusilla, Griseb., et C. filifor- 
mis, Delarbre, plus communes dans le Bourbonnais que 
dans l’Auvergne, le Cerastium semidecandrum, Lin., le 
Maœnchia erecta, Baumg., et le Zinum catharticum , Lin., 
le type de la délicatesse et de la pureté des formes. Le Tees- 
dalia nudicaulis, R. Brown., est répandu dans les bruyères 
et précédé, dans l’ordre des saisons , par le Draba verna , 
Lin. , qui montre partout ses petites corolles crucifères ; le 
Potentilla Tormentilla, Sibth., se glisse de tous côtés ; 
l’Anemone montana, Hoppe., ouvre déjà ses calices d’un 
brun rouge qui précèdent les aigrettes soyeuses de ses grai- 
nes, et au milieu de cette végétation paraissent de petites 
clairières où les Graphalium dioicum, Lin. , se réunissent 
en élégants parterres bordés des tiges rampantes de l’Helian- 
themum vulgare, Gœrtn., qui offre souvent ici sa variété 
lahfolium. Les deux sexes de ce Gnaphalium sont ordinai- 
rement séparés , et les deux sociétés vivent à distance , con- 
fiant au zéphyr et à l’activité des insectes leurs plus mtimes 
rapports. Les mâles ont des capitules arrondis et carnés , 
les femelles des têtes allongées et couleur de carmin. Les 
intervalles que laissent les plantes les plus hautes sont gar- 
nis d’un gazon très-fin qui est dù à d'assez nombreuses 
graminées. On y reconnaît d’abord le Nardus stricta , Lin, 


204 RÉGION DES MONTAGNES. 


qui est peut-être la plante représentée par le plus grand 
nombre d'individus sur le plateau central de la France, puis 
un foin dur et serré composé, selon les lieux et les terrains, 
des Festuca Lachenalii, Spenn., F. duriuscula, Lin. , F. 
pseudo-myuros, Soy.-Will. ; F. ovina, Lin. , et sa variété 
tenwfolia. I s’y mélange les feuilles ténues des Agrostis 
canina, Lin., et A. vulgaris, With., dont la variété pu- 
mila, espèce de Linné, se cache sous les bruyères des sols 
volcanisés, avec le Phleum Boehmeri, Wibel., variété sca- 
brum, etle Luzula campestris, Lin. 

On y distingue aussi l’Anthoxanthum odoratum, Lin. , 
et une variété pubescens qui paraît spéciale aux pelouses de 
la Creuse, le Bromus erectus, Huds., l’Aira fleæuosa, Lin., 
le Triodia decumbens, Beauv., le Holcus mollis, Lin. , 
et le Chamagrostis minima, Borkh. 

On y trouve toutes les avoines des terrains secs, Avena 
præcox , P. de Beauv., A. pratensis, Lin., À. pubescens, 
Lin., À. caryophyllea, Wigg., et sa jolie variété divarti- 
cata ; le Corynephorus canescens, P. de Beauv., se plaît 
aussi dans ces gazons limités où se développent également 
les Carex pilulifera , Lin. , C. ericetorum, Poll., C. mon- 
tana, Lin., €. digitata, Lin. , et quelques autres qui s’é- 
chappent des bois ou des prairies. Au milieu de ces petites 
pelouses s’étalent les rosettes du Hieracium Pilosella , 
Lin. , et les rejets rampants du H. Auricula, Lin. ; leurs 
fleurs jaunes régulières se mêlent aux capitules bleus 
du Jasione montana, Lin. , et plus souvent dans les monta- 
gnes à sa belle congénère, le J. perennis, Lam., s’asso- 
ciant aux tapis fleuris et odorants du Galium verum, Lin., 
ou aux gazons couchés du Galium sylvestre et de ses va- 
riétés. 


Les parties moins fournies de graminées ont le Veronica 


BRUYÈRES. 205 


officinalis, Lin., etle V. serpyllhifolia, Lin. , le Stellaria 
graminea, Lin. , le Filago arvensis, Lin. , le Cerastium 
brachypetalum , Desp., et de petites réunions d’'Euphrasia 
officinalis, Lin. , espèce aussi variée que sur les pelouses 
qu’elle quitte pour entrer dans les bruyères. 

Le Thymus Serpyllum, Lin., est une des espèces les plus 
ornementales des lieux secs. Les insectes bourdonnent cons- 
tammentsur sesfleurs parfumées et nectarifères ; l’Orobanche 
epithymum , Dec. , s'attache à ses racmes , et le Cuscuta 
epithymum, Lin., s’enlace autour de ses tiges rameuses et 
lutte jusqu’à sa mort. Le serpolet n’est pas du reste la seule 
victime de cette plante parasite : le Lotus corniculatus, 
Lin., le Cytisus sagittalis, Koch. les Trifolium agrarium, 
Lin., et quelquefois même les 7. scabrum, Lin. , et T. 
striatum , Lin., qui s’aventurent sur ces terrains , sont éga- 
lement saisis par cette espèce qui s’en prend même à la 
bruyère et ne respecte rien. On voit dans ces plaines comme 
dans les luzernes des cercles de destruction qui s’étendent 
et où quelques chicoracées et quelques graminées échappent 
seules à une plante qui les méprise et ne les attaque pas. 

Les lieux qui paraissent les plus arides ont aussi leurs 
jardins passagers ; les Prunella grandiflora, Jacq., P. alba, 
Pall., P. vulgaris, Lin., y déploient leurs corolles bleues et 
blanches ; l’'Orchis sambucina, Lin., le Cœæloglossum viride, 
Hartm., le Gymnadenia conopsea, KR. Brown. , les Pla- 
tanthera bifolia, KRchb. , et P. chlorantha, Curt., y repré- 
sentent la riche famille des orchidées ; l’Arnica montana , 
Lin. , y montre quelquefois ses disques orangés, le Scabiosa 
Columbaria, Lin. , y étale ses feuilles découpées, et lA- 
narrhinum bellidifolium, Desf. , paraît dans les lieux qui 
ne sont pas trop élevés au-dessus de la plaine. 

L’asperula cynanchica, Lin. , reste confiné dans les 


506 RÉGION DES MONTAGNES. 


mêmes régions, tandis que le Galium saxatile, Lin. , épa- 
nouit ses nombreuses corolles blanches sur les sites les plus 
élevés près du Linaria striata, Dec., qui croît à toutes les 
hauteurs. On aperçoit aussi çà et là les belles fleurs bleues 
du Polygala vulgaris, Lin., et celles du P. depressa , 
Wender. , les épis allongés du Gnaphalium sylvaticum , 
Lin. , et quelquefois le Leontodon hastile , Lin., et la variété 
heterophyllum du Hieracium boreale, Fries. Le Sinapis 
Cheiranthus, Koch. , dont une variété est très-abondante 
sur les sables des rivières, monte aussi au milieu des bruyè- 
res, et y rencontre le Sisymbrium Thalianum, Lin., qui 
s’y développe fréquemment ; le Myosotis stricta, Lin. , le 
Cerastium glutinosum , Fries. , le Poterium Sanguisorba, 
Lin., s’y trouvent près de la variété Æybrida de l’Alche- 
milla vulgaris, et quand les œillets paraissent on retrouve 
avec plaisir le Dianthus Seguieri, le D. monspessulanus et 
leur hybride monspessulano-Sequieri, Lec. et Lamt. Quel- 
ques autres plantes sont encore disséminées parmi celles que 
nous venons de citer. On voit de petits cantons couverts de 
Cirsium acaule, AIL., d’autres plus rares le sont de Cartina 
Cynara, Pourr., aux larges fleurs et aux réceptacles char- 
nus et comestibles. Ajoutons-y l’Helianthemum quttatum , 
Müll., les jolis gazons du Statice plantaginea, all. , désigné 
par Delarbre sous le nom de S. Armeria , les bouquets vio- 
lets du Gentiana campestris, Lin., et les tiges blanchâtres 
et pauciflores du Filago minima, Fries. et de sa variété 
prostrata. Le Botrychium Lunaria, Swartz, vient s'associer 
à cette végétation ; le Zycopodium Selago s'y montre quel- 
quefois , et le L. clavatum rampe en élégants festons sur le 
sol rocailleux où 1l enfonce ses racines , et d’où il abandonne 
aux courants d'air la poussière légère et inflammable de ses 
rameaux fructifères. Le Plantago major, Lin., et sa variété 


© BRUYÈRES. , 507 


intermedia croissent aussi sur les pelouses arides au milieu 
des bruyères avec la variété tortilis, Koch. du Tragopogon 
pratensis, Lin., et le Pimpinella Saxifraga , Lin., variété 
poterüfolia, Koch. 

Nous pourrions augmenter cette liste d’une multitude 
d’espèces accidentelles, mais elle donne une idée suffisante 
de ces vastes plaines montagneuses et des végétaux qu’elles 
admettent le plus ordinairement. 


Plantes des bruyères. 


Anemone montana, Hoppe. Sisymbrium Thalianum, Gaud. 
Sinapis cheiranthus, Koch. Draba verna , Lin. Teesdalia nu— 
dicaulis, R. Brown. Helianthemum guttatam, Mill. H. vul- 
gare, Gærtn. A. var. latifolium. Polygala vulgaris, Lin. P. de- 
pressa, Wender. Dianthus monspessulanus, Lin. D. Seguieri, 
Lec. et Lamt.Stellaria graminea, Lin. Mœnckia erecta, Baumg. 
Cerastium brachipetalum , Desp. C. semi-decandrum , Lin. C. 
glutinosum, Fries. Radiola linoides , Gmel. Linum catharti- 
cum, Lin. Ulex europæus, Lin. U. nanus, Lin. Genista pi- 
losa , Lin. G. anglica, Lin. Trifolium striatum , Lin. T. sca- 
brum, Lin. T. agrarium, Lin. Lotus corniculatus, Lin. Po- 
tentilla Tormentilla, Sibth. Alchemilla vulgaris, Lin. var. 
hybrida. Poterium Sanguisorba, Lin. Corrigiola littoralis, 
Lin. Herniaria glabra, Lin. Hlecebrum verticillatum, Lin. 
Scleranthus perennis, Lin. Asperula cynanchica, Lin. Galium 
verum, Lin. G. saxatile, Lin. G. sylvestre, Poll. Id. var. mon- 
tanum. var. hirtum, Koch. var. supinum. Scabiosa Colum- 
baria, Lin. Solidago virga aurea, Lin. Filago arvensis, Lin. 
F. minima, Fries. Gnaphalium sylvaticum, Lin. G. dioicum, 
Lin. Arnica montana, Lin. Senecio artemisiæfolius, Pers. 
Carlina Cynara , Pourr. Cirsium acaule, A7. Carlina vulgaris, 
Lin. Leontodon hastile, Lin. Hieracium Pilosella, Lin. H. 
Auricula, Lin. H. boreale, Fries. var. heterophyllum, Godr. 
H. umbellatum, Lin. Jasione montana, Lin. J. perennis, Lam. 


508 RÉGION DES MONTAGNES. 


Calluna vulgaris, Salisb. Erica Tetralix, Lin. E. cinerea, Lin. 
E. arborea , Lin. E. scoparia, Lin. Gentiana lutea, Lin. G. 
campestris, Lin. Cicendia filiformis, Delarbre. C. pusilla, 
Griseb. Cuscuta epithymum , Lin. Digitalis purpurea , Lan. 
Myosotis stricta, Link. Linaria striata, Dec. Anarrhinum bel- 
lidifolium, Desf. Veronica officinalis, Lin. V. serpylifoha, 
Lin. Orobanche epithymum, Dec, Euphrasia officinalis, Lin. 
Thymus Serpyllum, Lin. Prunella vulgaris, Lin. P. grandi- 
flora, Jacq. P. alba, Pall. Statice plantaginea, A/!. Orchis sam- 
bucina, Lin. Id. var. purpurea, Koch. Gymnadenia conopsea, 
Brown. Cœloglossum viride, Hartm. Plantanthera chloran- 
tha, Cust. P. bifolia, Rich. Juncus capitatus, Weigel. Luzula 
campestris, Dec. Carex pilulifera, Lin. C. montana, Lin. C. 
ericetorum , Poli. C. digitata , Lin. Anthoxanthum odoratum, 
Lin. var. pubescens. Phleum Boehmeri, Wabel. var. sca- 
brum. Chamagrostis minima, Borkh. Agrostis vulgaris, With. 
var, pumila. Agrostis canina, Lin. Aira flexuosa , Lin. Cory- 
nephorus canescens, P. de Beauv. Holcus mollis, Lin. Avena 
pubescens, Lin. À. pratensis , Lin. A. Caryophyllea, Waigg. 
var. divaricata. A. præcox, P. de Beauwv. Triodia decumbens, 
P. de Beauv. Festuca Lachenalu, Spenn. F. pseudo-myuros, 
Soy.-Will. F. ovina, Lin. F. duriuscula, Lin. var. glauca. 
Bromus erectus, Huds. Nardus stricta, Lin. Lycopodium Se- 
lago, Lin. L. clavatum, Lin. Botrychium Lunaria, Swartz. 
Pteris aquilina, Lin. 


$ 10. ASSOCIATION DES MOISSONS DES BORDS DES 
CHAMPS ET DES CHEMINS DE LA RÉGION MON- 
TAGNEUSE. 


Il existe de grands rapports entre les associations de la 
région montagneuse et celles de la région des plaines qui 
leur correspondent. Nous ne pouvons guère considérer le 
tableau que nous allons donner de l'association des champs 


MOISSONS. 209 


et des moissons dans les montagnes que comme un supplé- 
ment à la liste de la catégorie précédente. 

Ce sont en effet presque les mêmes espèces, et le premier 
de ces tableaux, celui qui appartient aux plaines, est néces- 
sairement plus compliqué, car les terres cultivées y occupent 
une plus grande étendue. Dans les montagnes, au contraire, 
ce sont les champs incultes, que nous venons d'étudier sous le 
titre de bruyères , qui forment , avec les pelouses , presque 
toute la surface occupée par les végétaux agrestes. Dans les 
plaines , les champs incultes sont l'exception, et les plantes 
sont obligées de se réfugier le long des chemins et sur les 
bords des espaces cultivés. Ici, c’est le contraire ; on ren- 
contre çà et là quelques champs couverts de moissons , en- 
tourés de vastes terrains sans culture, dont les espèces vien- 
nent aussi s’aventurer au milieu de celles auxquelles l’homme 
donne ses soins. 

Les principales cultures consistent en pommes de terre, 
en seigle et en avoine. On y cultive les Avena sativa, Lin., 
et À. strigosa, Schreb. ; on y voit des champs de lin, Linum 
usitahssimum, Lin. , et, parmi eux, le Camelina dentata , 
Pers., importé avec leurs graines, le sarrasin, Polygonum Fa- 
gopyrum . Lin., et quelquefois le P. tataricum , Lin. Rare- 
ment on sème la spergule, Spergula arvensis, Lin., qui croît 
abondamment à l’état sauvage. Les champs ont, comme 
dans la plaine , leurs bleuets , Centaurea Cyanus , Lin., et 
leurs coquelicots, Papaver Rhœas, Lin., et P. dubium, Lin., 
variété lœvigatum , à suc blanc et à feuilles glauques ; cette 
dernière variété est, selon M. Lamotte, le véritable P. du- 
bium de la Suède et de Linné. 

On y voit quelques crucifères , les Barbarea præcox, R. 
Brown., et B. intermedia, Boreau , le Sinapis Cheiranthus, 
Koch., quelques pieds de Bunias Erucago, Lin., et d’im- 


510 RÉGION DES MONTAGNES. 


menses quantités de Raphanus Raphanistrum, Lin., dont 
les fleurs jaunes ou lilacées cachent quelquefois des champs 
d’avoine tout entiers. Le Festuca Lachenali, Spenn., et sa 
variété ramosa , Koch., se développent au milieu des sei- 
gles, et le Cuscuta epilinum, Weïh., transporté avec les 
graines de cette plante oléagineuse, se retrouve avec elle 
dans tous les lieux où on la cultive. 

On rencontre aussi plusieurs trèfles qui préfèrent l'air ra- 
réfié des montagnes à celui de la plaine; tels sont le 7ri- 
folium incarnatum , Lin., échappé des cultures, et sa va- 
riété Molineri, Dec., évidemment spontanée ; tel est le T. 
hybridum , Lin. , qui habite les plateaux élevés de Fix et 
des environs du Puy, et le T. agrarium, Lin. On voit, dans 
les mêmes champs, la grande fleur bleue du Vicia onobry- 
chioïdes , Lin., et l’Ornitopus perpusillus, Lin., qui étale 
sur la terre ses rameaux allongés. 

Les Viola vivariensis, Jordan, V. sagoti, Jordan, et VW. 
gracilescens, Jordan, croissent avec l’Arnoseris pusilla , 
Gœrtn., dont on aperçoit partout les feuilles en rosette. Le 
Galeopsis Ladanum, Lin., et ses variétés parviflora, angus- 
tifolia et canescens, Koch., paraissent au milieu des seigles, 
mais elles sont moins fréquentes que le G. ochroleuca, Lam., 
dont les corolles jaunâtres sont quelquefois marbrées de ma- 
cules purpurines. 

Le Chrysanthemum Leucanthemum , Lin., peut, dans 
certaines localités, blanchir les champs de ses couronnes 
éclatantes, et le Pteris aquilina, Lin., dont les profondes 
racines ont échappé à la charrue, déroule dans les moissons 
ses frondes découpées. Le Cirsium arvense, Scop., envahit 
les champs d’avoine ; le Centaurea Scabiosa , Lin., y épa- 
nouit ses volumineux capitules, et le Melampyrum arvense , 
Lin., élève ses épis versicolores près des capsules sonnantes 


MOISSONS. o11 
du Rhinanthus alectorolophus, Poll. Le Silene inflata , 
Smith., profite de toutes les clairières que laissent les mois- 
sons ; l’Ænthoxæanthum Puelii, Lec. et Lamt., multiplie à 
l'infini ses touffes odorantes, et à peine les grains sont-ils 
récoltés que l’on voit la terre nue se couvrir d’Hypericum 
humifusum, Lin., d’Alchemilla arvensis, Scop., de Scleran- 
thus annuus, Lin., ou rougir sous la multitude des Rumex 
acetosella, Lin., dont l'air et la lumière viennent colorer les 
panicules. | 

Les bords des chemins sont garnis d’Agrostis canina, Lin., 
d’A. vulgaris, With., et de Festuca pseudo-myuros, Soy.- 
Will. On y voit en abonnance le Galium verum, Lin., le G. 
Mollugo, Lin., et quelquefois leur hybride G. approximatum, 
Gren. Le Trifolium repens, Lin., et surtout sa variété pros- 
tratum , est encore une des espèces les plus communes. Puis 
on trouve toute une série de petits Cerastium aux fleurs 
blanches étoilées, le C. arvense , Lin. , les C. glomeratum, 
Thuill., C. brachypetalum , Desp., C. semidecandrum , 
Lin., C. glutinosum , Fries., dont la durée est éphémère. Là 
se trouvent aussi ces grandes carduacées, telles que Carduus 
vivariensis, Jord., C. nutans, Lin., Cirsium eriophorum , 
Scop., et sa variété mie, et une partie des Verbascum qui 
habitent aussi la plaine : V. Zychnitis, Lin., et variété al- 
bum, Koch., V. nigrum, Lin., V. Schraderi, Meyer, V. 
nigro-floccosum, Koch., V. Thapso-nigrum , Schied., V. 
Thapso-floccosum, Lec. et Lamt., V. Thapso-Lychnitis , 
Mert. et Koch., quelques pieds de Campanula patula, Lin., 
et sa variété grandiflora. 

Un certain nombre de plantes, ici comme dans la plaine, 
restent confinées autour des habitations, les unes dans les 
jardins, comme le Senecio vulgaris, Lin., le Mercurialis 
annua, Lin. ; les autres au pied des murailles, comme l’Ur- 


512 RÉGION DES MONTAGNES. 

tica dioica, Lin., le Blitum bonus-Henricus , Meyer, et 
presque toutes les chenopodées, qui cohabitent avec l’homme 
dans la plaine. L'Artemisia Absinthium, Lin., vit sur les 
décombres des masures , le Taraxacum dens leonis, Lin., 
livre partout au vent ses semences cosmopolites , et ouvre le 
premier ses calathides aux rayons printaniers du soleil. Le 
Plantago lanceolata, Lin., fleurit sur les sentiers, au milieu 
des feuilles argentées du Potentilla anserina, Lin. , et le 
Rumex alpinus, Lin., développant ses larges feuilles , per- 
siste, comme le dernier témoin du séjour momentané des 
troupeaux et de leurs gardiens sur les pelouses du mont 
Dore et du Cantal. 


Liste des espèces qui composent l'association des moissons et des bords des 
chemins. 


Papaver dubium , Lin. Id. var. lævigatum. Barbarea inter- 
media, Boreau. B. præcox, R. Brown. Sinapis Cheiranthus, 
Koch. Id. var. cheirantiflora. Bunias Erucago , Lin. Raphanus 
Raphanistrum, Lin. Viola gracilescens, Jordan. V. Sagoti, 
Jordan. V. vivariensis , Jordan. Silene inflata, Smith. Sper- 
gula arvensis, Lin. Cerastium glomeratum, Thuill. C. bra- 
chypetalum, Desp. C. semidecandrum, Lin. C. glutinosum, 
Fries. C. arvense, Lin. Linum usitatissimum , Lin. Hyperi- 
cum humifusum, Lin. Trifohium incarnatum, Lin. Id. var. 
Molineri, Dec. T. repens, Lin. Ad. var. prostratum. T. hy- 
bridum , Lin. T. agrarium , Lin. Ornithopus perpusillus, Lin. 
Vicia onobrychioïdes, Lin. Potentilla anserina, Lin. Alche- 
milla arvensis, Scop. Scleranthus annuus, Lin. Galium ve- 
rum, Lin. G. approximatum, Gren. G. Mollugo, Lin. Arte- 
misia Absinthium, Lin. Chrysanthemum Leucanthemum, Lin. 
Senecio vulgaris, Lin. Cirsium eriophorum , Scop. C. arvense, 
Scop. Carduus vivariensis , Jord. G. nutans, Lin. Centaurea 
Cyanus, Lin. C. Scabiosa, Lin. Arnoseris pusilla, Gœrtn. 
Taraxacum dens-leonis, Desf. Campanula patula, Lan. Id. var. 


ROCHERS 513 
grandiflora. Cuscuta epilinum , Wezhe. Solanum tuberosum, 
Lin. Verbascum Schraderi, Meyer. V. Lychnitis, Lin. Id. 
var. album, Koch. V. nigrum, Lin. V. Thapso-Lychnitis, 
Mert. et Koch. V. Thapso-floccosum , Lec. et Lamt. V.Thapso- 
nigrum, Schied. V. nigro-floccosum , Koch. Melampyrum ar- 
vense, Lin. Rhinanthus alectorolophus, Poll. Galeopsis La- 
danum, Lin. Id. var. parviflora. Id. var. angustifolia, Koch. 
Id. var. canescens, Koch. G. ochroleuca, Lam. Plantago lan- 
ceolata, Lin. Id. var. capitellata, Koch. Blitum bonus-Henri- 
cus, Meyer. Rumex alpinus, Lin. Polygonum Fagopyrum, 
Lin. P. tataricum, Lin. Mercurialis annua , Lin. Urtica dioica, 
Lin. Rumex acetosella, Lin. Anthoxanthum Pueln, Lec. ct 
Lamt. Agrostis vulgaris, With. A. canina , Lin. Avena sativa, 
Lin. À. strigosa, Schreb. Festuca Lachenalii, Spenn. id. var. 
ramosa , Koch. F. pseudo-myuros, Soy.- Will. Secale cereale, 
Lin. Pteris aquilina, Lin. 


$ 11: ASSOCIATION DES ROCHERS DES MONTAGNES. 


Plusieurs des espèces que l'on rencontre dans les haies et 
les buissons s’accommodent aussi de cette station, et contri- 
buent à augmenter le nombre assez restreint des végétaux 
qui composent cette association dans la région des monta- 
gnes. Il est très-vrai qu'accidentellement presque toutes les 
plantes croissent dans ces conditions , et l’on voit même de 
grands chênes et de vieux sapins implanter leurs racmes 
dans les fentes des rochers ou couronner de vieux édifices. 
Il en résulte une véritable végétation arborescente, dans 
laquelle on distingue le Pinus sylvestris, Lin., l’Abies pec- 
hnata, Dec., ainsi que plusieurs amentacées. D’autres es- 
pèces habitent de préférence les lieux sauvages ; telles sont 
le Juniperus nana, Willd., qui s’y développe en larges 
buissons arrondis ; le Ribes petræum, Walf., qui étale ses 

33 


514 RÉGION DES MONTAGNES. 


vigoureux rameaux couverts de baies rouges ; le Betula pu- 
bescens, Ehrh., dont les buissons résistent, sur les cimes 
élevées , aux vents les plus violents. Le Sambucus race- 
mosa, Lin., couvre quelquefois des coteaux granitiques ou 
des coulées de lave hérissées de rochers ; le Lonicera nigra, 
Lin., l’accompagne souvent, et l’on voit sur les rocs les plus 
élevés le Cotoneaster vulgaris, Lindl. et le Sorbus Cha- 
mæmespilus, Crantz. Plusieurs ronces et même tous les Ru- 
bus peuvent vivre aussi parmi les débris pierreux des mon- 
tagnes; mais on y distingue plus spécialement le Rubus 
idœus, Lin. Ailleurs , c’est le Rosa pimpinelhfolia , Dec., 
variété mitissima , Koch., dont les vieilles branches perdent 
complétement leurs épines, et dont les buissons fleuris dé- 
corent le sommet des pics élancés. C’est aussi sur les flancs 
de ces îles aériennes, au milieu des pierres qui les compo- 
sent, que l’on trouve l’Arctostaphylos Uva ursi, Spreng., 
tout couvert de ses baies écarlates ; le Vaccinium Vitis idæa, 
Lin., le Salix herbacea, Lin., et l’Empetrum nigrum, Lin., 
qui forme de larges touffes de ses tiges enlacées. Plusieurs 
Genista se plaisent aussi sur ces rochers : le G. purgans, 
Lin., y constitue de véritables forêts ; le G. pulosa , Lin., 
couvre les blocs de granites ou de laves de ses fleurs rappro- 
chées, etle G. prostrata, Lam., s’élève plus haut encore 
dans les mêmes conditions. 

Des crucifères, presque toutes printanières, viennent 
aussi orner cette station des montagnes. On y voit le Braya 
pinnatifida, Koch., formant de petits groupes fleuris, et le 
Cardamine resedifolia, Lin., et sa variété integrifohia , se 
développer près d’elle. Les biscutelles ouvrent leurs corolles 
jaunes, auxquelles succèdent de jolis fruits géminés. Le Bis- 
cutella lævigata, Lin., et ses deux variétés ambigua et 
montana, la dernière surtout, montent jusqu’au sommet des 


RÔCHERS. 319 
plus hautes montagnes, où elles rencontrent le Sinapis Chei- 
ranthus , Koch., variété montana, ou bien elles restent 
confinées sur la pouzzolane ou les rochers volcaniques. 

L’Arabis alpina, Lin., étale ses bouquets blancs comme 
la neige, et l’A. cebennensis , Dec., réfugié dans les lieux 
les plus sauvages, se plaît sur les basaltes ou les roches gra- 
nitiques, d’où il excite l’envie du botaniste. 

Mais il existe, dans l’association qui nous occupe , deux 
genres de plantes très-différents, qui règnent en quelque 
sorte sur les rochers ; ce sont les Sedum et les Saxifraga. 
Ces derniers, presque tous munis de fleurs blanches, s’éten- 
dent en jolis gazons sur les rochers humectés. On y distingue 
d’abord le Saxifraga Aizoon , Jacq., avec ses Jolies roset- 
tes et ses thyrses d’un blanc éblouissant. Ailleurs , c’est le 
S. hypnoides, Lin. , dont les touffes serrées se couronnent 
de grappes nombreuses. Le S. exarata , Vill., ressemble à 
des tapis de mousses couverts de larges fleurs ponctuées ; le 
S. bryoides, Lin. , orne les lieux humides où il se multiplie 
à l'infini; le S.cuneifolia, Lin. , cherche l'ombre , comme 
le S. rotundifolia, Lin., et quelquefois les lieux arrosés , 
comme le $. stellaris, Lin. 

Mais si les saxifrages sont la parure des rochers humectés, 
les Sedum bravent les feux du soleil, et, nourris par leur 
feuillage succulent , ils fleurissent abondamment dans leur 
station découverte. Le Sedum repens, Schl., vit sur les tra- 
chytes , le S. annuum, Lin., croît partout sur les murs, où 
il forme de petites toulfes dressées ; le S. brevifohum, Dec., 
le plus rare de tous, occupe quelques points limités de la 
montagne granitique de la Lozère; le S. dasyphyllum, Lin, 
occupe les vieux murs sous forme de toufles à feuilles rosées 
et à fleurs blanches ; le S. album , Lin, et le S. acre, Lin., 


516 » RÉGION DES MONTAGNES. 


sont les deux plus communs ; ils fleurissent partout , depuis 
les sables des rivières jusque sur les rochers les plus élevés , 
et l’on voit aussi le $. reflexum, Lin., dont les cimes in- 
clinées se redressent, et dont les fleurs s’épanouissent en 
même temps. Le S. hirsutum, AI, croit par petits groupes 
sur les escarpements abrités. Quelques espèces du même 
genre se cachent au milieu des herbes, dans les lieux rocail- 
leux, comme le S. Telephium, Lin., le S. Fabaria, Koch., 
et sa variété grandiflorum. 

Le Sempervivum tlectorum , Lin., se montre aussi sur 
les montagnes peu élevées ; il est suivi du joli S. arachnoi- 
deum , Lin., qui croit en touffes dont chaque rosette semble 
couverte d’une gaze légère , et dont les fleurs régulières re- 
présentent des étoiles carminées. Ces plantes résistent au 
soleil le plus ardent, et l’Umbilicus pendulinus, Dec., cher- 
che, au contraire, les lieux les plus ombragés ou ceux que la 
pluie ou la rosée peuvent le plus facilement atteindre. 

On voit aussi sur les rochers le Cerastium alpinum, Lin., 
variété lanatum , Koch., qui étale ses feuilles velues et ses 
fleurs blanches, ainsi que le C. arvense, Lin., variété strictum, 
qui ne se présente aussi que dans les lieux élevés. Le Sagina 
saxatilis, Wimm., l'Alsine verna, Bartl., et sa variété 
Gerardi , y étendent leurs frais gazons ; le Silene rupestris, 
Lin., les orne de ses charmants bouquets ; le S. ciliata, 
Pourr., cache les pentes rocailleuses et dénudées du Plomb du 
Cantal, et le Dianthus cæsius, Smith., réuni en gazons serrés, 
laisse exhaler de ses corolles purpurines de suaves parfums 
qui s'élèvent vers le ciel. Le Jasione humilis , Pers., se mon- 
tre çà et là sur les masses de trachyte ; le Campanula ro- 
tundifolia , Lin. , et sa variété montana, s'y suspendent en 
guirlandes légères ornées de clochettes bleues , et le Phy- 


ROCHERS. 517 


teuma hemisphærieum , Lin., mêle sa teinte d’azur aux touf- 
fes de l’Androsace carnea , Lin., et au feuillage lustré de 
l’Alchemilla alpina , Lin. 

Le vent vient agiter les panicules délicates de l’Agrostis 
rupestris , AIL., et de lAvena montana , Vill. Les Festuca 
rhætica , Sut., F. spadicea , Lin., F. ovina, Lin., variété 
alpina, Koch. , et l’élégant F. nigrescens, Lam., quittent 
aussi quelquefois les pelouses des montagnes pour croître au 
pied de leurs rochers ou dans leurs fissures, près du Vale- 
riana tripteris, Lin., ou de l’£rigeron alpinus, Lin. Sur 
d’autres points viennent en abondance le Poa alpina, Lin., 
et ses deux variétés brevifolia, Koch., et vivipara, Koch., 
cette dernière reconnaissable à toutes ses graines , qui ger- 
ment dans la balle. 

Plusieurs Zieracium fleurissent aussi dans les lieux les 
plus rocailleux, tels sont le H. Pilosella, Lin. , et surtout 
sa variété pulosissimum , Koch. , le H. Mougeoti, Froël., 
le H. longifolium, Schleich., et le Æ. ampleæicaule, Lin., 
auxquels on pourrait ajouter presque toutes les espèces qui 
entrent dans la composition des pelouses. Le Lactuca mu- 
ralis, Fresen., accepte aussi la même station , et, dans les 
points les plus élevés, on trouve quelques pieds du Carlina 
nebrodensis, Guss. 

Les rochers phonolitiques du Mezenc nous offrent les 
larges touffes du Senecio leucophyllus , Dec.; les roches 
éboulées, les terrains dénudés , sont peuplés des gazons du 
Trifolium pallescens, Schreb., mélangé aux touffes vigou- 
reuses du 7. pratense, Lin., variété avale, Koch. Dans 
des lieux analogues, mais presque toujours seul, on remar- 
que aussi les rosettes étalées de l’Astrocarpus sesamoides, 
Dec., ou des tapis peu fournis du Rumex scutatus , Lin., 
qui atteint 161 nos plus hautes sommités. 


518 RÉGION DES MONTAGNES. 


Le Viola biflora, Lin., plante rare pour le plateau cen- 
tral, cache ses jolies fleurs jaunes dans les fentes des laves, où 
l’on trouve aussi le V. canina , Lin., et ses variétés lucorum, 
Rchb. , et sabulicola , Rchb.; le Veronica alpina , Lin., 
peu répandu, cherche les lieux plus découverts, comme l’£- 
pilobium montanum , Lin., et sa variété collinum, Koch., 
qui ne quittent guère non plus la région des montagnes. 

Nous pouvons encore citer, comme plantes appartenant 
aux rochers où à leurs débris, le Geranium sanguineum , 
Lin., le G. Robertianum, Lin., et sa variété purpureum , 
dont les feuilles se parent souvent de très-vives couleurs ; 
l’Asperula Cynanchica, Lin. , plus commun dans la région 
des plaines, et faisant contraster ses fleurs carnées avec les 
pouzzolanes noires sur lesquelles elle s’étale. 

Les rochers humides nourrissent encore le Laserpitium 
Siler, Lin., variété asperum, et le Streptopus amplexi- 
folius, Dec. Le Ramondia pyrenaica, Rich., connu jusqu'ici 
sur les montagnes des Pyrénées, a laissé égarer quelques 
pieds isolés sur la chaîne du Forez, et nous en avons vu un 
seul détaché de Pierre-sur-Haute. 

L'Artemisia Absinthium, Lin., habite tous les lieux éle- 
vés, mais se tient de préférence sur les décombres ou les ro- 
ches voisines des habitations. 

Enfin , il est une famille presque entièrement rupestre, 
et dont les espèces sont disséminées dans la plaine et dans 
les montagnes : c’est le groupe élégant des fougères. On voit 
le Cystopteris fragilis, Bernh., couvrir les rochers humides 
et partager ses stations avec le C.regia, Presl., tout aussi 
élégant. L’Allosorus crispus, Bernh., forme sur le Mezenc 
des gazons serrés d’une grande élégance , et le Polypodium 
Oreopteris, Dec., déroule ses frondes découpées au milieu 
des trachytes éboulés. Deux Polypodium d'une grande dé- 


ROCHERS. 519 


licatesse recherchent encore l’ombre et les masses pierreuses : 
ce sont les P. Phegopteris, Lin., et P. Dryopteris, Lin. 
Le P. vulgare , Lin. , pousse indistinctement sur les troncs 
d’arbres, sur les murs ou sur.les pierres entassées. Les Asple- 
nium insimuent leurs rhyzomes dans les moindres fentes 
qu'ils rencontrent ; l'A. Ruta-muraria, Lin., le plus ré- 
pandu , montre ses touffes d’un vert sombre, l'A. Breynu, 
Retz., reste confiné dans quelques localités restreintes , l'A. 
seplentrionale , Swartz. , déroule ses frondes linéaires, et 
VA. Trichomanes, Lin. , dispose en élégants faisceaux ses 
folioles couvertes de fructifications régulières. Il n’est pas 
jusqu’au Lycopodium Selago , Lin., qui ne s'empare des ro- 
ches élevées, et qui ne concoure, pour une large part, à la 
décoration de ces grandes scènes végétales dont nous som- 
mes témoins quand nous atteignons les parterres de la région 
montagneuse du plateau central. 


Liste des plantes composant l’association des rochers et escar pements des 
montagnes. 


Arabis alpina , Lin. À. cebennensis , Dec. Cardamine rese- 
difolia, Lin. Id. var. integrifolia. Braya pinnatifida, Koch. 
Sinapis Cheiranthus, Koch. var. montana. Biscutella lævigata, 
Lin. K. var. montana. Id. var. ambigua. Viola canina, Lin. 
Id. var. lucorum , Rchb. Id. var. sabulicola, Rchb. V. biflora, 
Lin. Astrocarpus sesamoïdes, Dec. Dianthus cæsius, Smith. 
Silene ciliata, Pourr. S. rupestris, Lin. Sagina saxatilis, 
Wimm. Alsine verna, Bart. Id. var. Gerardi. Cerastium al. 
pinum, Lin. Id. var. lanatum , Koch. C. arvense, Lin. Id. 
var. strictum. Geranium sanguineum, Lin. G. Robertianum, 
Lin. Yi. var. purpureum. Genista prostrata, Lam. G. pilosa, 
Lin. G. purgans, Lin. Trifolium pratense, Lin. Id. var. ni- 


520 RÉGION DES MONTAGNES. 


vale, Koch. T. pallescens, Schreb. Rubus Idæus, Lin. Rosa 
pimpinellifolia, Dec. Id. var. mitissima, Koch. Alchemilla 
alpina, Lin. Cotoneaster vulgaris, Lindley. Sorbus Chamæ- 
mespilus, Crantz. Epilobium montanum , Lin. Id. var. colli- 
num, Koch. Sedum Telephium, Lin. S. Fabaria, Koch. Id. 
var. grandiflorum. $. hirsutum , A//. S. album , Lin. S. da- 
syphyllum, Lin. S. brevifolium , Dec. S. annuum, Lin.S. 
repens, Schleich. S. acre, Lin. S. reflexum, Lin. Sempervi- 
vum tectorum, Lin. S. arachnoïdeum , Lin. Umbilicus pen- 
dulinus , Dec. Ribes petræeum, Wulf. Saxifraga Aïzoon, Jacq. 
S. bryoides, Lin. S. exarata, Vill. S. cuneifolia, Lin. S. hyp- 
noides, Lin. Erigeron alpinus, Lin. Laserpitium Siler, Lin. 
Id. var. asperum. Sambucus racemosa , Lin. Artemisia Ab- 
sinthium , Lin. Lonicera nigra, Lin. Asperula Cynanchica, 
Lin. Valeriana tripteris, Lin. Senecio leucophyllus, Dec. Car- 
lina nebrodensis, Guss. Lactuca muralis, Fresen. Hieracium 
Pilosella , Lin. Id. var. pilosissimum, Koch. H. longifolium , 
Schleich. H. Mougeoti, Froel. H. amplexicaule, Lin. Jasione 
bumilis, Pers. Phyteuma hemisphæricum, Lin. Campanula 
rotundifolia, Lin. Id. var. montana. Vaccinium Vitis idæa , 
Lin. Arctostaphylos Uva ursi, Sprengel. Ramondia pyrenaica, 
Rich. Veronica alpina, Lin. Androsace carnea, Lin. Rumex 
scutatus, Lin. Empetrum nigrum, Lin. Salix herbacea, Lan. 
Betula pubescens, Ehrhr. Pinus sylvestris, Lin. Abies pec- 
tinata, Dec. Juniperus nana, Wild. Streptopus amplexifo- 
lius, Dec. Agrostis rupestris, A/!. Avena montana, Vill. Poa 
alpina, Lin. Id. var. vivipara , Koch. I. var. brevifolia, Koch. 
Festucaovina, Lin. Id. var. alpina, Koch. F. nigrescens, Lam. 
F. rhætica, Sut. F. spadicea, Lin. Lycopodium Selago , Lin. 
Polypodium Phegopteris, Lin. P. vulgare, Lin. P. Dryopteris, 
Lin. Polystichum Oreopteris, Dec. Cystopteris fragilis, Bernh. 
C. regia, Pres!. Asplenium Breynü, Retz. À. Trichomanes, 
Lin. À. Ruta-muraria, Lin. A. septentrionale, Swartz. Al- 
losorus crispus, Bernh. 


BORDS DES RIVIÈRES. 597 


$ 12. ASSOCIATION DES BORDS DES RIVIÈRES DANS 
LES MONTAGNES. 


La région montagneuse de notre circonscription ne nous 
offre pas de véritables rivières. Ce ne sont, à proprement 
parler, que des ruisseaux , qui, réunis dans les plames, y 
constituent alors des rivières plus ou moins étendues. Les 
espèces qui accompagnent ces cours d’eau doivent donc ren- 
trer dans le groupe des plantes essentiellement aquatiques 
que nous examinerons bientôt, plutôt que dans celui des al- 
luvions humides, dont nous avons essayé de donner le tableau 
pour la plaine. 

Nous ne nous arrêterons donc pas ici à cette association. 
En réunissant ce que nous avons dit de la station des allu- 
vions des rivières pour la plaine à ce que nous allons rappor- 
ter des espèces qui se plaisent sur le bord des eaux, on aura 
une idée suffisante de la végétation aquatique du grand 
plateau central de la France. | 


FIN DU TOME PREMIER. 


Clermont-Ferrand, impr. de Thibaud-Landriot frères, 


VA 1 K 
Al en 


NAT 
Ar dl : 
| (a@ À h Fil 


7 


| y: F M à ei CAT LU TUT l 10 
JrE ' | “an Walk dan Us ea ln Faq 
OL. à DOTE CT (LDH NT) _. ne po 4e 

TR ch a TM, él wipl tag à Lit pacte 


7 4 d DL tete) # vu 1e Me es he shit 
fe + | | , Un l à D, 
nr l i D FL ENT ÉCLATER j saine ue 
WRR Cu HP so doi ui LU ris nn Rire “(40h 
FA “: à À 
$ LAN * | nt VE of aol NL AUX tant At Lt ti Vitisi n 
“M A wutée ê fou JF LUN ET (210 «+ ti pue th ; 
MR HG Can RUFI fud 4: dr LAURE 99 10 DCI 
l fi Fe NL TT . HTE je QE EL OTEX EE: À MY : M 41; shiseib ins 544 l 
| è to Lu ARS + ao n li ul DAT (ni 
( * | à At : + I 
À ni 
4 ; MES RL LOT EN ii LL 4 gi st 
’ tte 
| l LE a) 
l 6 } . 
î 1 L , Li 
À jh é Cu LES | 
” es | jl nd | 
op Cu 
Mi ; EUR ! : 4 
‘ 7 j | { " CNT 
NOM Qi A {l Êl Ai s 
A UN” fun À |) tuile fe 1 \ à. 4 k 
FA ! , el ‘ 
l Cf nat Ÿ ii ": Mol à he d we ") l ip " 
; ce 
1 dr 
i 
1 | 


PERTE 
| * m 
IUSAU ‘ ee 1: Le, 
gi } \ Y Lu: 
» | ' «! "EC 
L { 


Clermont, impr. de Tarmaup-J.ANDRIOT frères 
CS 
# 


û 
Lan 


AT VAS 
\ NI 


ES 


D 
Li 


« 


PEU 5. 
LAS ‘h- 
Le 
4% 


à 
La 


TOME" 


45 
% 
+ 


2 
es 


Le 
PV? nd 


New York Botanical Garden Library 


QK101.L42t.1 


San | 


5 00086 8057 


_— RD ae s eus RS gs * ; Race 


ns 


SSSR ISSESS 


NS K NS 


NS 


ES 


à 


RSS 


SES NS 


S 
NS 


SS 
NN 


NN 


NA