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'VOIES D'ABSORP^
DES MÉDICAMENTJ
Le D' A.-I,. AMAGAt
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VOIES D'ABSORPTION
DES MÉDICAMENTS
Le D' A.-L. 4MAGAT.
PARIS
LIBRAIRIE J.-B. BAILLI6RE et FILS,
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.ÉTUDE
SUR LB8
DIFFÉRENTES VOIES D'ABSORPTION
DES MÉDICAMENTS.
CHAPITRE PREMIER
DBS CONDITIONS QUI INFLUENCENT L* ABSORPTION
MéoiCAMBNTBUSE EN GÉNÉRAL.
L'absorption est un phénomène commun à tous les
êtres or^nisés; chez les végétaux, privés d'org*anes
digpestifs et qui trouvent dans le milieu qui les con-
tient les matériaux de leur alimentation tout préparés,
l'absorption constitue le premier temps de la nutrition ;
chez les animaux et chez Thomme elle s'accomplit par-
tout et sans cosse sur la surface digpestive, où veines et
lymphatiques viennent puiser les aliments élaborés
par la digestion, sur la surface pulmonaire dont le rôle
est d'absorber Toxyg'ène, source des combustions d'où
nattront la chaleur et le mouvement, et jusque dans la
trame des org>anes où s'opère un perpétuel échange, le
courant artériel apportant à chaque minute des élé-
ments nouveaux, et les matériaux qui ont servi dispa*
raissant par résorption veineuse.
— 6 -
Ainsi envisetg'ée, Tabsorption constitue un des plus
intéressants chapitres de la physiolog'ie g'énérale, mais
ce n'est pas à ce point de vue que ce travail est écrit.
Pour limiter mon sujet de suite, et en indiquer à la
fois le but et le plan, je me propose d'étudier les diffé-
rentes voies par lesquelles le médecin peut introduire
les médicaments dans l'org-anisme, d'indiquer les avan-
tagées et les inconvénients inséparables de chacune de
ces surfaces d'application, de retracer les cas dans les-
quels il conviendra d'avoir recours à telle ou telle mé-
thode, en même temps que de dire quelques régules pra-
tiques relatives à chacune d'elles.
Avant d'entrer dans l'étude détaillée de chaque voie
p'administration des médicaments il est indispensable
de passer en revue les différentes circonstances qui font
varier en plus ou en moins l'intensité de l'absorption, et
qui quelquefois peuvent la rendre nulle. Tel est l'objet
du présent chapitre.
Les conditions qui influencent l'absorption sont nom»
breuses et diverses; elles dépendent de la surface sur
laquelle est appliquée la substance, de la nature de cette
substance elle-même, et d'un g'rand nombre de causes
g-énérales que j'indiquerai plus loin,
i
A. Quelle différence n'y a-t-il pas, du côté de la
surface d'application, entre le tissu cellulaire qui ab-
sorbe si rapidement, et la peau intacte dont le pou-
voir absorbant est extrêmement minime, si toutefois ;
il existe (je veux parler des liquides, car les g»az, }
comme chacun sait, sont très-bien absorbés par laj
peau). — Entre la muqueuse pulmonaire et la surface "
dig'estive, il y a une différence tellement considérable
— 7 —
Cjue des doses de certains poisons, le curare, par
exemple, administrés par l'estomac, ne produisent au-
cun effet appréciable, et tuent les mêmes animaux en
expérience lorsque le poison est déposé sur la muqueuse
pulmonaire. On peut dire, d'une manière générale,
qu'une surface absorbe proportionnellement à son éten-
due, à la richesse de son réseau capillaire, et à la déli-
catesse de Tépithélium qui la revêt.
B. C'est un fait universellement admis en physiologie
(l^nérale, que certaines substances, les graisses, par
exemple, sont lentement et difficilement absorbées;
c'est ainsi que Ségalas (1) a retrouvé dans le péritoine
d'animaux auxquels il avait injecté de l'huile d'olive, la
même quantité de cette substance, et cela huit jours
après l'expérience, tandis que dans les mêmes condi-
ti(ms, l'eau est absorbée en vingt-quatre heures. A ne
considérer d'ailleurs que les agents thérapeutiques, qui
seuls doivent m' occuper, la nature de chacun a une
grande influence sur la rapidité de son absorption ; si
l'on injecte sous la peau de la cuisse d'un animal une
quantité donnée de prussiate de potasse, et sous la peau
de l'autre cuisse du même animal en expérience, une
dose toxique de strychnine, une grande partie du prus-
siate de potasse sera déjà éliminée qu'aucun signe de
slrychnisme n'aura encore paru. Mialhe (2) a étudié
jadis ce point de thérapeutique générale, et établi une
distinction entre les substances qu'il a appelées coagu-
lantes, et celles qu'il a dénommées fluidifiantes. Les
premières, telles que le sublimé et les autres sels de
(i) Ségalas, Journal de physiologie expérimentale, tome IV.
(2) Mialhe, Chimie appliquéjB, 1856.
•mercttre, formant av^Talbumine un coag*ulum qui n'est
pris que lentement, moiécule à molécule, seront abtsor-
bées infiniment moins vite que les alcalins, par exemple,
fluidifiants par excellence, solubles dans le «uc g^as'-
trique et d'une absorption rapide ; je reviendrai sur
ces faits avec détail lorsque j'étudierai la voie g^aa»
t piqué.
Les expériences de Claude Bernard ont montré que la
rapidité de l'absorption était proportionnelle à la quan-
tité de substance dissoute. Il injecte datis le tissu cel^
lulaire d'un animal 10 grammes de g'iycose dissous dans
30 grammes d'eau, le sucre apparaît dans l'urine au
bout de cinq minutes ; si les 30 ^ramm:es d'eau ne con»
tiennent que 1 gramme de sucre, celui^i n'apparaît
plus dans l'urine que trois ou quatre heures après i''ex-
périence. Longuet (1) fait remarqtter h ce propos qu'il y
la une limite qu'il ne faut pas dépasser dans la ooncen
tràtion des solutions; car alors la force de cristallisa
tïoto l'emportant «ur celle de diffusion, l'absorption n\
plus lieu.
C. Nous venons de voir l'absorption médicamenteuse
varier d'intensité selon le point où est déposée la sub-
stance, selon la nature et le pouvoir diffusible de cette
substance ; nous allons la voir varier également avec
l'âge, l'état pathologique, certaines influences de mi-
lieu, etc.. Examinons ces divers cas :
L'absorption, très-rapide chez l'enfant en voie <
développement, est, au contraire, chez les vieillards «
l'un et l'autre sexe, languissante comme toutes l
autres fonctions de l'organisme.
(1) Longet, Traité de physiologie, 4869.
Là rapidité de Tabsorption varie avec lés élAtsr patho-^
log'iques. Broussais pensait que l'état deflètré aug*men(e
Tabsorption, c'était là une simple vue de l'eslprit, et
M. Briquet a démontré, contrairement à Topitiion dtt
chef du physiolog^sme, que Fabsorption eât au contraire
mîoinâ rapide dans l'état fébrile que dans l'état de danté j
cette différence toutefois n'est pas bieh cotisidérable,
puisque M. Briquet (1) ne l'évalue qu'à un huitième en
iïioins.
Le même auteur a constaté (jue dans le diabète, Tâb-
dôrif)tion était ég'àlèment moins proûipte. Toutefois, et
c'est à regretter, ce côté à été jusqu'ici assez peu éx-
jploré ; il est des maladies dans lesquelles l'absorption
dévient nulle dans Fintestîti, et niême sur les autres
surfaces, tel est lé choléra; ô'est de la constatation de
ce fait qu'est née l'injection directe dans les veines dansi
cette redoutable maladie, comme noua l'apprend M, Dit-^
ôhaussoy (2).
L'état de la cii^culatîon exerce une influence ôonsi-
dérable sur l'abs^orption.
La rapidité dû courant sahgHiin active, tandis que
l'arrêt de la ch^culation suspend l'absorption. Après
avoir pratiqué la ligatut^e dé l'aorte abdominale , oti
introduit dans la' cuisse d'un animal du curare ou tout
autre poison, celui-ci n'est pas* absorbé; an bout de
quelques jours on enlève la ligature, et les phénomfènes
d'empoisonnement se manifestent aussitôt.
Uri point des plus importants et qui mérite de iW)ùal
arrêter quelques instants, à cause de sesJ nômbreasesl
(i) Briquet, Mémoires de rÂcadémie de médecine, 4857.
(2) Duchaussoy, Des injections dans les veines dans le traitement du
choléra, i%h^.
— 10 —
applications pratiques, c'est la réplétion des vaisseaux
et le degré de la tension vasculaire.
Magendie (1) injecte dans la plèvre d'un chien quel-
ques gouttes d'une solution toxique, les signes de l'ab-
sorption et de l'intoxication se manifestent aussitôt, il
pousse alors dans les veines une injection de plusieurs
litres d'eau pour porter à son mcudmum la tension san-
guine, l'empoisonnement s'arrête; poursuivant l'expé-
rience, il ouvre la jugulaire et aussitôt les signes de
l'empoisonnement reparaissent à mesure que le sang
s'écoule. On le voit, la réplétion des vaisseaux rend
l'absorption à peu près nulle; dans les affections car-
diaques, à la période d'asystolie, alors que la tension
sanguine est portée à son summum, les malades se
trouvent dans le cas des animaux de Magendie ; et le
médecin qui, dans ces circonstances, prescrirait d'em-
blée la digitale, jpourrait s'exposer à de fâcheux mé-
comptes, s'il ne faisait précéder l'administration de son
médicament, de Faction des révulsifs intestinaux.
Par contre, toutes les causes qui diminuent la quan-
tité de sang favorisent les phénomènes d'absorption.
Les chiens auxquelis Magendie faisait une saignée
avant de leur donner la dose habituelle de poison, suc-
combaient en trente secondes; ces faits, les médecins les
connaissaient depuis longtemps, la longue observation
des malades leur avait appris que les diurétiques ou
les purgatifs, en soustrayant une grande quantité de
liquide, rendent l'action des médicaments plus rapide
et plus énergique, que la saignée favorise la résorption
des épanchements séreux et des exsudats inflamma-
loires.
(1) Magendie, Journal de physiologie expérimentale, t. I, p. 6.
— il —
L'alimentation ayant pour efïet d'aug-menter la masse
du sang-, on comprend facilement que l'absopplion sera
moins intense pendant la dig'eslion qu'à jeun ou pen-
dant l'abstinence. Ce fait d'ailleurs n'est que trop
prouvé parla mortalité excessive qui atteint au début
des épidémies les convalescents, les valétudinaires et
tous eeux, trop nombreux, que frappe la misère.
En aug'mentant ou diminuant la pression extérieure
qui fait contrepoids à la tension vasculaire, on peut
aug-menter ou diminuer et même arrêter l'absorption,
à son gré pour ainsi dire.
La pression extérieure a été mise à profit par les chi-
rurg'iens qui, chaque jour, se servent avec avantage de
bandag'es compressifs dans le traitement des hydar-
Ihroses, de certaines tumeurs, etc.
La friction prolongée sur une surface de la peau avec
des pommades peut en produire l'absorption. J'exami-
nerai ce point en étudiant l'absorption par la surface
cutanée.
La soustraction en un point de la peau de la pression
atmosphérique suspend l'absorption, c'est Murray (1)
qui, le premier, a mis ce fait important en lumière;
dans les cas de morsures d'animaux venimeux ou de
piqûres anatomiques, de quelle utilité ne serait pas
l'application de ventouses sur la partie malade, avant
d'avoir recours à la caulérisation.
Nous avons vu, d'après l'observation de Briquet et de
Duchaussoy, l'influence qu'exercent certains états mor-
bides sur la rapidité de l'absorption. Les altérations du
système nerveux peuvent-elles aussi modifier ce phéuo-
(i) Murray, Annalca dei
naturelles, 1826, t. Vlll.
— 12^
mène? Il n'est pas possible de répondre à cette question
dans Tétat actuel de nos connaissance» sur ce point;
quelques expériences physiolog*iques semblent faire
penser que l'état du système nerveux n'est pas indifTé-
rent au phénomène d'absorption que Ton considère en
^néral cômnle un pur phénomène physique; c'est
ainsi que des substances toxiques introduites dans Tes-
tomac, après la section du pneumogastrique, n'ont pas
produit d'empoisonnement. Longet a prouvé tout au
moins que la suppression de l'excitation nerveuse ra-
lentit la marche de Tempoisonnement. Il est question
ici du système nerveux cérébro-spinal. La section des
filets nerveux ganglionnaires hâterait au contraire T ab-
sorption « (Cl. Bernard.) Mais, je le répète, c'est encore
là un point de pathologie trop peu exploré pour que
j'essaie de formuler une opinion ; il convient de réser-
ver complètement la question jusqu'à ce que l'observa-
tion ait parlé.
Tels sont les faits généraux qu'il importait, je croisy
d'avoir présents à l'esprit avant d'entrer dans les dé-
tails; cela me permettra d'éviter un certain nombre de
redites, en faisant l'étude de chaque voie d'absorption
en particulier, que je vais commencer maintenant.
Les surfaces sur lesquelles on peut appliquer des
substances médicamenteuses, pour en obtenir l'absorp-
tion, sont très-nombreuses, mais elles sont loin d'avoir
toutes la même importance.
Dans trois principaux chapitres, j'étudierai avec quel-
ques détails la surface digestive, la peau, la muqueuse
pulmonaire, qui sont les plus importantes, les seules
réellement importantes. Je dirai en terminant quelques
mots seulement de certaines voies d'absoption fort ac-
— u —
oei36tiii^8 et qui ne conviennent t\\i'k un très-petit nom-«
bre de eas, telteig sont les plaies, les surfaces muqueuséi
iautres que les muqueuses respiratoire et dig^estive, leê
injections danil les veines^ les cavités closesi
CHAPItRË lî
ÔB LA itttdUfiUSÉ DiOÉSTiVÈ Et^VlSAGÉË COMMÈ VÔIB
D'ÀBSbkPTtOfï bES MÉi)lCAÎifEN1«.
l\ est indispensable pour la commodité de Tétude, dé
diviser la surface di^estivé en un certain nombre de dé*
parlements dont les limites d'ailleurs sont assez nelte-
mëht trûeéèâ, tant ad point dé vue anatomiqUe qu'au
point de vue physiôSôphîque, noUâ étudierons donc suc-
cessivement : 1* les voies préstomacales; 2^ la mu-
qtleUse g*astrô -intestinale; 3"" la cavité du g^ros intestin.
Des voies préstômacales .
Les càvîtéô buécale et pharyng'ienne né constituent
qu'une sorte dé vestibule où se passent quelques actes
mécaniques préparatoires, elles sont très-limilées, re-
couvertes d"un épîthélium pavittienteux assez épais, et
pour ces deux raisons, douées d'un pouvoir absorbant
fort restreint. Aussi les thêrapeutistes ne se servent-ils
de Tune ou l'autre de ces surfaces que lorsqu'ils veulent
produire un effet local, à Taide de g^rgarismes et de
collutoires, dans les cas de pharyog*ite, de stomatite
— u —
mercurielle ou autre. Quelques médecins cependant ont
voulu utiliser la cavité buccale pour l'absorption des
médicaments, c'est ainsi que Ghrestien (de Montpellier)
a conseillé et pratiqué la friction des g^encives avec des
sels d'or. Trousseau et Pidouxont employé les frictions
belladonées sur la face interne des joues, dans les né-
vralg^ies de la face. M. Martin-Damourette, dans cer-
taines névralgies du trijumeau, a recours au procédé
suivant : « Le malade frictionne avec la pulpe du doigi
le point hyperesthésié, jusqu'à ce que Tépithélium soit
enlevé, et, sur la partie ainsi préparée pour l'absorp-
tion, il applique 2 centig^rammes de chlorhydrate de
morphine; pendant une dizaine de minutes il évite
d'avaler la salive et de cracher, pour que l'absorption
du médicament soit complète.
De la muqueuse gastro-intestinale étudiée comme voie
d absorption des médicaments.
A. Quel est son pouvoir absorbant? — Bien qu'il soit dé-
montré par les travaux de Magendie (1), de Colin, de
Bouchardat et Sandras (2), que l'eau, l'alcool et autres
substances introduites dans l'estomac, y sont rapide- !
ment absorbées, c'est principalement dans l'intestin :
gTêle que s'accomplit l'absorption médicamenteuse tout
aussi bien que l'absorption alimentaire. L'intestin grêle \
est admirablement disposé pour cette fonction; d'une
étendue considérable, puisque d'après les calculs de i
M.leprofesseurSappey,il ne mesure pas moins de 20,000
(i) Magendîe, Traité de physiologie. !
(2) Bouchardat et Sandras, Archives d*anatomie et de physiologie,
1846.
^15 —
centimètres carrés, il est pourvu d'un réseau capillaire
sous-muqucux d'une prodig>ieuse richesse, sans compter
que les viilosités, dont est parsemée la muqueuse intes-
tinale, sont maintenues en contact incessant avec les
substances à absorber par de continuels mouvements de
brassag*e. C'est par cette voie que sont introduits dans
Torg^anisme les matériaux réparateurs, les matières al-
buminoïdes, les g*raisses, les substances amylbîdes;
c'est ég*alement par cette voie que pénètrent dans la
circulation, les gaz emprisonnés dans l'intestin par le
sphincter anal, les principes colorants de la rubarbe,
de la g^omme-gutte, de la g*arance, les principes odo-
rants du camphre, du castoréum, de Tasa fœtida, etc. ;
il était donc tout simple que le médecin, voulant porter
un médicament dans l'org^anisme, ne songeât qu'à la
voie gastro-intestinale.
Cette voie cependant n'absorbe pas toutes lés stib-
stances, ou du moins on Ta pensé longtemps. Il est
démontré que les venins et certains virus n'arrivent
point à pénétrer l'épithélium gastrique ou intestinal, à
des doses qui produiraient infalliblement la mort, si les
mêmes substances étaient déposées sur une plaie ou
mises en contact avec la surface pulmonaire. Cette inno-
cuité ne tient pas à un défaut d'absorption, mais bien à
Faction spéciale des liquides digestifs qui altèrent la
propriété des venins et des virus. — C'est ainsi que
M. Renault (1) a pu nourrir, sans inconvénient pour
leur santé, des animaux divers, avec des débris de
viandes crues provenant d'autres animaux atteints
du charbon, de la morve, de la rage, après avoir con-
(1) Renault, Comptes-rendus de T Académie des sciences, 1851.
— 46 —
stâté que les liquides recueillis sur ces débris cadavé-
«k|iim déterminaient les mêmes affections virulentes
par rinoenltikkm directe. Dans les contrées où règ«nent
accidentellement lea maladies charbonneuses, et au
début de Tépiscotie principalement, lorsque les habi-
tants ne savent pas si leur bétail succombe à une affec-
tion maKgne, on a utilisé la viande d'animaux morts
manifestement du charbon, sans aucun inconvénient
pour ceux qui en ont été nourris ; j'ai été, pour mon
compte, plusieurs fois témoin de faits pareils.
Le curare est dans le cas des virus, donné par l'esto-
mac il ne détermine pas d*accidents toxiques (Ch. Ber-
nard) ; toutefois son innocuité ne saurait être rapportée
à une modification que lui ferait subir le suc g*astrique;
en effet, le liquide stomacal d'un chien à qui on a donné
du curare, injecté dans les veines ou dans les tissus
cellulaires, détermine une morl rapide- Les expériences
des physiologistes ont donné la raison de l'innocuité
du curare introduit par l'estomac, elle tient simplement
à la lenteur excessive de r€d!)sorption, comme le prouve
l'expérience suivante : Un chien reçoit dans Testomac
B eentig'rammes de curare, il n'éprouve aucun accident;
un second chien de môme taille reçoit la même dose de
poîsosi, après avoîr préalablement subi l'extiipation deÉ
reins, il succombe à rempoisonnement ; la voie prin-
cipale d'élimination étant détruite, le poison s'est accu-
mula dans le sang en quantité suffisante pour détermi-
ner des effets toxiques.
Les quelques faits que je viens de rapporter prouvent
dmie que le pouvoir absorbant de la muqueuse g*astrt>
intestinale n'est pas absolu ; ces faits toutefois ne sau*
raient, à eux seuls, contre-îndiquer en aucun cas i'ern^
ploi de cette voie d'absorption ; il est très-heureux, en
effet, que l'épithélium digestif ne se laisse pas péné-
trer par les venins, cette propriété nég-ative sera très-
utilement mise à profit dans les cas de morsures d'ani-
maux venimeux ; et pour ce qui est du curare, les ten-
tatives thérapeutiques dont il a été l'objet ont été
suivies de si éclatants revers que cet ag-ent exotique
risque d'être rayé pour quelque temps de la thérapeu-
tique.
B. Quel est le temps que demande F absorption par la voie
gastro-inlestinalel — Trop de circonstances influencent
l'absorption en g^énéral, et l'absorption par l'intestin en
particulier, pour qu'il soit possible de dire avec préci-
sion le temps que met à s'opérer l'introduction dans le
san^ des médicaments par cette voie. — One première
distinction doit être établie.
Le médicament est donné à jeun, à part quelques
exceptions il sera prompiemenl absorbé, — Le médica-
ment est donné au repas, divisé avec les aliments, il ne
pénétrera que lentement dans le courant circulatoire,
au furet à mesure qu'y pénétreront les substances ali-
mentaires.
, Même à jeun et dans les meilleures conditions, t'ab-
, sorption est ici remarquablement plus lente que dans
le tissu cellulaire, ou la muqueuse respiratoire ; elle est
de plus soumise à un certain nombre de circonstances
que nous ne retrouverons pas quand nous étudierons
f les voies pulmonaire et hypodermique; c'est ainsi que
les sucs digestifs peuvent modifier la composition des
corps introduits dans l'estomac, donner naissance à des
produits nouveaux, inertes ou nuiùbles, d'oii une foule
— 18 —
de précautions à prendre dans l'emploi de la méthode
intestinale. Ce sont là autant d'inconvénients qui, dans
certains cas que j'indiquerai plus tard, peuvent contre-
indiquer la voie g'astrique.
C. De quelques règle fi à suivre dans la méthode gastro^
intestinale. — a Les médicaments n'ag*issent, a dit
M. Mialhe (1), qu'à la condition d'être absorbés.
« Ils ne peuvent être absorbés que lorsqu*ils sont so-
lubles directement ou chimiquement transformables à
la faveur des liquides dig*estifs. »
La première de ces propositions est trop absolue,
quoiqu'elle soit très-généralement vraie; un g*rand
nombre de poudres insolubles ag'issent mécanique-
ment : tel est le charbon, à laide duquel quelques mé-
decins ont purg*é leurs malades, comme si la matière
médicale était pauvre en purg*atifs.
La seconde proposition de IVl. Mialhe a été mise en
question par quelques physiolog'istes allemands. Herbst
et Œsterlen rapportent avoir vu dans le sang* des parti-
cules de charbon qu'ils avaient introduites dans l'in-
testin; Bérard(2) a expliqué cette pénétration des parti-
cules de charbon par la déchirure de Tépithélium que
cause la surface ang*uleuse de ce corps, et expéri-
mentant avec le noir de fumée, il n'a retrouvé ni dans
le sang», ni dans les chylifères celui qu'il avait introduit
dans l'intestin. M. Crocq toutefois prétend avoir vu
l'absorption du noir de fumée. Quelques faits plaident
en faveur de l'absorption des substances insolubles
finement pulvérisées; là en effet où passe un g^lobulin
i) Mialhe, Chimie appliquée. Paris, 1856.
(â) Bérard, Cours de physiologie.
— 19 —
de graisse peut bien passer une molécule de noir de
fumée; ne sait-on pas d'ailleurs que les globules blancs
du sang passent à travers les vaisseaux? Ce fait, con-
staté par Waller, a servi de point de départ à Conheim
pour sa théorie de la formation du pus. M. le professeur
Vulpian, M. Hayem, ont confirmé Tobservation de
Waller et de Conheim; tous ces faits, consignés dans la
thèse d'agrégation de Chalvet, sont maintenant de no-
tion vulgaire.
Bien qu'elle me paraisse possible, l'absorption des
matières pulvérulentes insolubles est un fait encore à
démontrer. Pour le médecin, d'ailleurs, il y aurait tout
inconvénient à prescrire des substances insolubles ou
peu solubles. Cloquet a montré à la Société de chirurgie
un entérolithe trouvé chez un sujet qui avait fait un
usage immodéré de magnésie, substance, comme on
sait, très-lentement soluble.
De véritables incrustations ont été retrouvées dans
l'estomac ou Tintestin d'individus ayant fait un long
usage de préparations de fer. M. le professeur Gosselin
a vu l'occlusion intestinale succéder à l'emploi immo-
déré de la moutarde blanche; la malade guérit par
l'emploi des douches ascendantes et rendit une quantité
énorme de ce produit.
Les substances directement solubles, au contraire,
sont très-vite absorbées, aussi devça-t-on les préférer,
s'il n'y a pas contre-indication; c'est ainsi que les chlo-
rures, les bromures, les iodures alcalins apparaissent
dans l'urine une douzaine de minutes après avoir été
ingérés; il en est de même des hypophosphites, des
chlorates, nitrates, arséniates alcalins, etc.; il faut tou-
tefois tenir compte des combinaisons, des transforma-
Âmagat. 2
-.no-
tions qui vont s'opérer dans Testomac, et qu'il serait
puéril de vouloir traiter d'une manière générale; le
sublimé corrosif par exemple, soluble dans l'alcool et
administré sous forme de liqueur de Van Siweten, n'est
certainement pas absorbé sous cet état, et tout porte à
croire que c'est à l'état d'albuminate ou de chloro-albu-
minate qu'il passe dans la circulation.
Pour indiquer les modifications qui vont s'accomplir
dans l'estomac, il me faudrait passer en revue la matière
médicale tout entière ; je me contenterai de dire que les
préparations solubles ne sont pas toujours celles qui
conviennent le mieux. On a long»temps administré les
préparations solubles de fer, de préférence aux pré-
parations insolubles; ces dernières cependant sont in-
finiment mieux tolérées, plus rapidement absorbées et
en définitive elles fournissent une plus grande propor-
tion de fer à la masse du sang» (Quévenne) ; aussi con-
viennent-elles surtout comme préparations reconsti-
tuantes hématiques (Gubler).
Quel est le moment le plus favorable pour l'adminis-
tration des médicaments? Un g^rand nombre de mé-
decins administrent les médicaments à jeun, d'une
manière à peu près exclusive; on a ainsi l'avantagée
d'obtenir une absorption plus rapide, mais ce léguer
avantagée est compensé par un grand nombre d'incon-
vénients, et beaucoup de dyspepsies n'ont d'autre ori-
gine que l'usage longtemps répété de médicaments pris
à jeun, M. Fonssagrives (1) a démontré tout ce qu'a de
préjudiciable cette méthode exclusivement suivie, et
M. Martin -Damourette, dans ses cours, s'élève à chaque
(1 Fonssagrives. Hygiène alimentaire des malades
— 21 —
instant contre cette routine. La première action des
caustiques, même très-dilués, sur la muqueuse g'as-
trique, est une action irritante : de là des douleurs, des
troubles dans les fonctions des premières voies dont
tous les anciens syphilisés se souviennent, le bichlorure
de mercure exerce en effet une action locale irritante
qui est une véritable transformation chimique (Mialhe),
le mercure se combinat)t avec l'albumine de nos tissus ;
voulant parer à cet inconvénient, Dupuytren, dans les
pilules qui portent son nom, associa Topium au su-
blimé, il calmait ainsi la douleur mais n'atténuait pas
le mal; d'autres médecins mieux avisés ont uni le su-
blimé au gluten, l'ont donné dans du lait; il nous paraît
plus simple de le prescrire au repas.
Le fer donné à jeun produit dans la rég^ion épig^as-
trique un sentiment de constriction, exerce sur les vais-
seaux de l'estomac une action astring^ente, diminue
ainsi la sécrétion g»astrique en amoindrissant la circu-
lation et ne tarde pas à amener des dyspepsies; admi-
nistré au repas il ne produit aucun de ces inconvé-
nients.
Sans vouloir formuler de règle absolue, il me paratt
avantag'eux de prescrire au repas les médicaments de
nutrition^ nutritifs ou dénutritifs, reconstituants ou al-
térants, le fer, les iodiques, les arsenitîaux, les alca-
lins, etc.
Les expériences de Cl. Bernard ont démontré que les
alcalins excitent la sécrétion du suc gastrique; il y a
donc indication réelle à prescrire ces substances au
repos. Les recherches nombreuses de Boinet ont fait
voir également qu'il était extrêmement avantageux de
donner les iodiques par la méthode alimentaire. Voie
— 22 —
une substance, l'huile de foie de morue, qui est d'une
digestion extrêmement difficile pour des estonnacs i
jeun; si on la donne au repas, elle est très-bien tolérée
par les personnes les plus susceptibles ; c'est ainsi que
M. le professeur Gubler la prescrit, en interdisant l'usage
d'autres g'raisses. De même, il est à peine besoin de le
dire, la pepsine doit être donnée au repas.
Veut-on un effet purement Ibcal sur la muqueuse
dig*estive, alors évidemment il faut profiter de Tétat de
vaéuité de l'estomac; c'est ainsi que doivent être pris à
jeun, dans les hématémèses, les astring^ents divers,
dans l'hypersécrétion g-azeuse, la poudre de Belloc el
autres absorbants, dans les douleurs g^astralg'iques el
les hypercrinies, Téther, les opiacés; à jeun ég'alementj
doivent être administrées les substances qui par leur
présence pourraient troubler la digestion, soit en exci-
tant Testomac outre mesure (strychnine),. soit en le pa*
résiant (bromure de potassium, anesthésiques).
Inutile de dire que les purg'atifs, les vomitifs n«
peuvent être pris qu'à jeun, bien que l'on puisse
prendre, au moment du repas, un grand nombre de
purg'atifs, tels que les résineux, le calomel et même h
mag'uésie. Ces dernières substances, les Angolais les
donnent constamnàent au repas, et ils éparg'nent ainsi
à leurs malades les flatuosités et les coliques (Fonssa-
grives).
Les médicaments irritants que l'on prescrit à jeun
doivent être suffisamment dilués pour atténuer, autant
que possible, leur action irritante, le bromure de potas*
sium, par exemple, a produit, entre les mains de plu
sieurs médecins, des inflammations de la gorge (Vul-
pian).
- 25 -
Le sirop d'écorces d'orang'e au bromure de potassium
ne doit pas être prescrit pur; il est trop concentré, et
chez plus d'un malade, il a dû être suspendu, à cause
des douleurs stomacales qu'il provoquait (Martin-Da-
mourette).
Est-il nécessaire de dire qu'il faut éviter l'administra-
tion de deux substances qui, par leur réunion, forme-
raient un composé insoluble (alcali et acide) ou toxique
(calomel et amandes amères).
Il faut proscrire ég'alement Tassocialion de ces subs-
tances que la pharmacolog'ie rangée dans le chapitre des
incompatibilités.
Le fer et le quinquina ne doivent pas être donnés
ensemble, il se formerait un quinotannate de fer inso-
luble; l'administration d'un chlorate et d'un iodure
donnerait naissance à de l'iode libre qui irriterait vive-
ment l'estomac, etc., etc.
11 est un g^rand nombre de médicaments qui sont
lentement et difficilement éliminés ; tels sont l'arsenic,
qui va faire en quelque sorte partie de nos tissus
en se substituant au phosphore (Gubler), le plomb, le
mercure, qui se cantonnent dans les organes et ne
disparaissent qu'avec les éléments caducs. On a vu des
accidents g*raves suivre l'administration de l'iodure de
potassium chez des syphilitiques qui avaient pris anté-
rieurement du mercure; l'iodure de potassium, dans ce
cas, en présence du mercure, donne naissance à du
bichlorure et à du biodure de mercure, composé des
plus toxiques; M. Gubler n'accepte pas cette interpré-
tation, et il pense que l'ioduie de potassium, en favori-
sant la dénutrition, met en liberté une g*rande quantité
de mercure dont les funestes effets se font aussitôt sentir
— 24 —
sur Torg^anisme. Quoi qu'il en soit, il convient de ne
pas perdre de .vue cet enseignement et de donner Tio-
dure de potassium avec prudence aux sujets mercuria-
lisés, d'autant plus que M. Martin-Damourette a re-
marqué nombre de fois une nouvelle poussée d'accidents
chez les malades qui, après avoir fait usag'e du sublimé,
prenaient, sous prétexte de consolider la g*uérison, des
doses assez considérables d'iodure potassique.
Ce que je viens de dire jusqu'ici des substances intro-
duites dans l'estomac, se rapporte uniquement au mé-
dicament. Du côté des malades, il y a aussi quelques
règ'les à rappeler.
Les doses des substances ingérées varieront naturel-
lement avec l'âge, le sexe, l'état de l'estomac, l'étal
général, l'effet à produire. Les malades, même très-
affaiblis, supportent, comme on sait, des doses de
substances toxiques plus considérables que les personnes
robustes et bien portantes. Les anciens, qui connais-
saient le fait, avaient cru, pour l'expliquer, devoir in-
venter une nouvelle force, la force morbide ; la physio-
logie nous apprend qu'en pareil cas la sécrétion du suc
gastrique est ralentie, les mouvements de l'estomac plus
faibles, et l'absorption par suite infiniment retardée;
or les poisons et les médicaments n'agissent pas, bien
entendu, par la quantité qu'on administre, mais par la
proportion qui se trouve, à un moment donné, dans le
sang.
Si ce fait avait besoin d'être prouvé, je citerai l'expé-
rience suivante : une substance toxique est déposée sur
la patte d'un animal, apparition des premiers signes
d'empoisonnement; on lie la patte d'où part le poison,
les symptômes s'amendent ; si on enlève la ligature,
— 25 —
ranimai sera encore une fois empoisonné, mais il
pourra être sauvé par une lig'ature nouvelle (Cl. Ber-
nardl.
Le médecin devra être sobre de médicaments et sur-
tout de médicaments irritants, dans les cas de phlo-
g*ose g^astro-intestinale et dans les perforations de ce
viscère.
Chez les individus hémiplég*iques ou paraplég»iques,
dont les intestins sont paralysés, le praticien fraction-
nera les doses des substances toxiques pour ne pas s'ex-
poser à produire des accidents par accumulation.
Dans les inflammations localisées dans l'intestin,
diarrhée, dysenterie, il faut proscrire les aliments qui
ne sont digérés que dans l'intestin , et faire usage, au
contraire, des substances qui sont transformées dans
Testomac (matières albuminoïdes). C'est par ce fait que
s'explique l'action du blanc d'œuf dans l'entérite; dans
les cas d'affections gastriques, on peut faire l'inverse,
suspendre les aliments que l'estomac est chargé de
préparer pour l'absorption et insister davantage sur la
digestion intestinale, on arrive à remplir ainsi la pre-
mière des indications, mettre l'organe malade en
repos.
Je ne puis clore cet article déjà long sans dire un
mot des formes pharmaceutiques et de leur influence sur
l'absorption.
Les pilules demandent plus de temps que les autres
préparations pour être dissoutes et absorbées, cela
va de soi ; il en est même, telles que les pilules de
Blancard, qui pourraient bien ne pas être absorbées
du tout; ces préparations, en effet, sont recouvertes
d'une résine très-difficilement attaquable, et un grand
— 26 —
nombre de malades doivent les rendre à peu près dans
Tétat où ils les ont ing'érées.
On évite, en g'énéral, de se servir de l'albumine ou
de substances qui en contiennent comme excipient des
préparations pharmaceutiques; c*est là une précaution
tout au moins inutile, car les médicaments trouveront
dans le sang» et dans la plup9.rt des tissus assez d'albu-
mine pour former des albuminates et rendre ainsi illu-
soire une méthode queles pharmacolog'ues ont formulée
d'une façon très-rig'oureuse. M. le professeur Gubler (1),
qui a tant fait pour la thérapeutique physiologique, a,
le premier, fait jouer un rôle important et fort rationnel
à l'albumine.
« Le pouvoir que possède cette substance, dit Témi-
nent professeur, d'invisquer les médicaments de ma-
nière à en dissimuler partiellement les propriétés,
explique à merveille le contraste entre l'innocuité de
quelques-uns et l'inertie relative de la plupart d'entre
eux, aussi long'temps qu'ils parcourent le cercle vascu-
laire, et le développement de leur activité au contact
d'org'anes lubrifiés par des liquides exempts d'albu-
mine; il nous fait comprendre pourquoi les mêmes
ag*ents, innocents pour la membrane interne des artères
et des veines, recouvrent leurs qualités irritantes dans
les émonctoires qu'ils traversent, pourquoi la cantha-
ridine passe inaperçue dans l'appareil circulatoire,
pour aller dans les reins provoquer une violente inflam-
mation. »
D. Contre indications de la voie gasti'o -intestinale. —
Les anciens firent usagée de frictions sur la peau, ils
(i) Gubler, Introduction aux commentaires du Gode.
— 27 —
connurent aussi la voie rectale, mais c'est principale-
ment dans ce siècle que les médecins ont cherché d'au-
tres voies d'absorption que la surface g'astro-intestinale,
pour les cas où il est impossible de confier les médica-
ments à celle-ci; ces cas sont assez nombreux, je vais
en énumérer quelques-uns :
1® Il est quelquefois impossible déporter dans l'esto-
mac, soit les aliments, soit les médicaments, ccîbime
dans le trismus, le spasme œsophag'ien idiopathique ou
symptomatique, les rétrécissements accidentels ou or-
ganiques de l'œsophage.
2° Quelquefois la sensibilité gastrique est portée à un
point tel que la plus légère boisson est invariablement
rejetée.
3" D'autres fois^ au contraire, la muqueuse gastrique a
perdu sa sensibilité et ne réagit plus au contact des
substances qui la touchent (empoisonnement par les
opiacés).
4° Dans les cas de perforation intestinale, j'ai déjà
dit qu'il serait imprudent de donner par cette voie des
médicaments et surtout des liquides.
5** Au début du choléra, la cavité gastro-intestinale a
promptement perdu sa faculté absorbante, à cause de la
transsudation de sérosité qui se fait à sa surface.
6® Le long chemin que doit parcourir le médicament
avant d'entrer dans le courant sanguin, constitue un
grand inconvénient de la méthode gastrique dans les
accès pernicieux.
Tous les cas que je viens d'énumérer ci-dessus, et
quelques autres encore, comme le vomissement des
femmes enceintes, nécessitent l'emploi d'une autre voie
d'absorption.
- !28 -
CHAPITRE IIL
DE l'absorption DES MEDICAMENTS PAR LA VOIE RECTALE.
L'idée de confier à la muqueuse rectale des sub-
stances absorbables se perd dans la nuit des temps ; on
connaît la fable qui attribue cette découverte à Tlbis
d'Egypte, et qui a été reproduite par des hommes aussi
g'raves que Plutarque, Pline et Galien. Contentons- j
nous de dire qu'Hippocrate prescrivait souvent les lave- '
ments, et que ses livres renferment diverses formules
de lavements hyg'iéniques ou médicamenteux. Asclépiade
ordonnait les lavements irritants pour combattre les
affections chroniques de Tinteslin ; Gelse employait des
lavements révulsifs dans les afFeclîons cérébrales, et il
a long'uement tracé les préceptes de cette médication.
Toutefois, la méthode intestinale fui mise en question
par les Arabes; j'emprunte à cet ég'ard le passag^e sui-
vant à la thèse ori::ç*inale de M. Edouard Colson : « L'îraan
Amed a établi des textes qui désapprouvent, comme
chose répréhensible, le lavement que n'exigée pas une
circonstance indispensable; tandis que d'autres auto-
rités respectées, telles que Djarab, Mouhyahed, Hacan,
Taous, Amir et nombre d'autres, déclarent que le clys-
tère n'est point répréhensible. D'après Khallah, le se-
cond kalife Omar considérait le clystère comme chose à
tolérer : « J'ai questionné, dit Djaber, Mohamed, fils
d'Ali, au sujet du lavement. — Il n'y a rien de mal, me
répondit-il, à en prendre, c'est un médicament comme
(1) Colson, Thèse de Paris, 1867.
- S9 —
un autre. » Enfin, Abou-Bekr-el-Mourouji, parlant au
père d'Abd-Allah des avantages des clystères, lui posa
cette question : « Prendre un lavement, est-ce rompre le
jeûne ou non? « A ce sujet, dit Golson, les casuistes dif-
fèrent d'opinion. »
Et la décision n'est pas encore acquise chez- les des-
cendants des Arabes, comme on peut en jug'er d'après
le fait suivant : Abd-el-Kader, pendant sa détention au
château d'Amboise, étant tombé malade, le médecin
appelé prescrivit des lavements, a Que la volonté de
Dieu soit faite! » dit Témir en se drapant dans son bur-
nous, et il resta inflexible (1).
Au siècle du g»rand roi, les personnages de cour et
d'église ne se montrèrent pas, à l'endroit du lavement,
aussi chatouilleux que les sectateurs de Mahomet,
comme nous l'apprend la lecture de quelques passages
de Saint-Simon et du Journal de la santé du roi (2).
J'arrête ici cet historique, c'en est assez pour établir
l'antique origine du lavement et ses lettres de noblesse,
entrons maintenant dans une étude plus scientifique.
Les anciens ne se sont guère servis de la méthode in-
testinale que pour obtenir un effet local, soit astringent,
soit émoUient ou révulsif, sur la muqueuse de Tintes-
«
tin. Ce n'est que vers le siècle dernier qu Helvétius (3)
administra le quinquina par la voie intestinale contre
les fièvres intermi tentes; quant à la détermination du
pouvoir absolu du gros intestin, ce point n'a été élucidé
que dans le milieu de ce siècle.
(1) Brochin, Dictionnaire encyclopédique.
(2) Jonrnal de la santé du roi. Leroy, 1862.
(H) Helvétius, Méthode pour guérir les fièvres sans rien prendre par
la bouche, Paris, 1746.
— 30 —
A. Pouvoir absorbant du gros intestin. — Dupuytren
avait soupçonné Tintensité du pouvoir absorbant de la
surface rectale; mais les physiolog*istes de son temps
croyaient, au contraire, que le g'ros intestin n'absorbe
que très-peu, et Dupuytren ne fît aucune expérience
pour démontrer ce que son esprit avait prévu.
Restelli et Stambio (1) sont les premiers expérimenta-
teurs qui aient étudié le pouvoir absorbant comparatif
de restom€U3 et du rectum; leurs expériences ont été
faites avec la strychnine et les sels de morphine.
Par l'estomac, la strychnine a déterminé, chez les
chiens qui la prenaient, le premier accès tétanique en
ving»t-cinq minutes, tandis que, en injections rectales,
les mêmes doses déterminaient le premier accès con-
vulsif en quinze minutes seulement. Des quantités
égales de poison, chez des animaux de même taille, ont
déterminé la mort, par l'estomac, en 65 minutes, terme
moyen, par le rectum, en 40 minutes seulement. Les
expérimentateurs italiens notèrent les mêmes difTé-
rences pour les sels de morphine ; je me hâte d'ajouter
qu'ils s'étaient servis de ces substances en solution dans
l'alcool, et qu'ils ne les avaient point administrées en
poudre, circonstance à noter, comme nous allons le
voir.
M. Briquet (2), dans un mémoire à l'Académie de
médecine, fît connaître ses observations sur l'absorption
et l'action des sels de.quinine introduits par le rectum;
ce médecin a conclu de ses recherches que :
1° Le bisulfate de quinine est très-bien toléré par le
(1) Restelli et Siambio, Bulletin de thérapeutique, t. XXXII, p. 457,
et Gazette médicale, février 1847.
(2) Briquet, Bulletin de l'Académie, décembre 1856.
— 3i —
rectum, lorsqu'on ne dépasse pas 2 grammes; au
delà, les doses ne sont plus tolérées.
2** Le bisulfate de quinine est moins rapidement ab-
sorbé par le gros intestin que par l'estomac, et produit
aussi des effets moins rapides. La potion fournit à
l'absorption 3/6; le lavement 2/6 seulement, 1/6 en
moins.
J'arrive aux plus intéressantes recherches qui ont été
jusqu'ici publiées sur ce sujet. En 1864, Savory (1)
publia le résultat de ses expériences, pour établir la ra-
pidité relative de l'absorption par l'estomac et par le
rectum. Il s'était servi de la strychnine, de l'acide cyan-
hydrique, de la nicotine, du cyanure de potassium, et
avait principalement opéré sur des cochons d'Inde, des
chiens et des lapins; les résultats ont varié selon les
substances employées ; le cyanure de potassium et l'acide
cyan hydrique sont absorbés aussi rapidement par l'une
que par l'autre voie, la strychnine est plus prompte-
ment absorbée par le rectum quand elle est donnée en
solution, résultat conforme à celui précédemment ob-
tenu par Restelli et Stampio ; si elle est donnée en poudre,
elle est au contraire plus promptement absorbée par
l'estomac ; quant à la nicotine, elle arrive plus vite aux
voies d'élimination quand elle est donnée par l'estomac
que lorsqu'elle est injectée dans le rectum.
En 1867, M. Demarquay (2), voulant connaître la
rapidité de l'absorption parle g'ros intestin, donna des
lavements d'iodure de potassium à un sujet atteint de
syphilis, et il constata que le médicament arrivait aux
voies desortie en deux à sept minutes.
(1) Savory, The Lancet March., 1864.
(2) Demarquay, Bulletin de TAcadémie de médecine, 1867.
- 32 -
Le fait est donc surabondamment démontré, le rec-
tum absorbe au moins aussi promptement que la ca-
vité gastro-intestinale; voyons le parti qu'on en peut
tirer.
B. Valeur delà méthode intestinale. — Le rectum, préa-
lablement débarrassé des matières qu'il renferme par
un lavement d'eau simple, présente une largue surface
absorbante, et Ton n'a ici à craindre ni transformations
qui puissent altérer, modifier ou chang'er complètement
la nature des médicaments, ni ces vives répug*nances
que soulèvent par leur saveur ou leur odeur un g'rand
nombre de substances, quand on les présente aux pre-
mières voies ; ajoutons qu'avec l'instrumentation ac-
tuelle toutes les personnes que ne retient pas dans leur
lit une long'ue maladie, peuvent s'administrer elles-
mêmes le remède. Mais les inconvénients sont bien plus
nombreux ici que les avantag'es; un g»rand nombre de
personnes ne peuvent supporter les lavements plus de
quelques moments. Chez les vieillards très-avancés
en âg*e, chez les jeunes enfants, dans le cours des
maladies g^raves, il faut une personne étrang'ère, et
si cette personne n'a pas l'habitude de cette sorte de
besog'ne, on comprend tout de suite les dangers qui
peuvent en résulter; le nombre est considérable d'ac-
cidents suivis de mort, par suite de la perforation du
rectum et de péritonite consécutive.
Mais voici un désavantage auquel on ne peut remé-
dier: les substances qui ont besoin pour être absorbées
de l'action de liquides spéciaux, ne pourront jamais
être introduites dans le rectum, ce qui rend malheu-
— 33 —
reusement bien précaire radministration des aliments
par les dernières voies.
C. Des cas où il convient ûT avoir recours à la méthode in-
testinale et quelles sont les substances que F on peut introduire
par cette voie. — Avant la découverte des méthodes en-
dermique et hypodermique, on se servait de la mu-
queuse rectale dans les cas où il convient maintenant de
recourir soit à Tinjection dans le tissu cellulaire, soit à
rinoculation, et la voie du gros intestin n'est réellement
indispensable que lorsqu'il faut donner une dose élevée
de substance.
Les maladies qui réclament Temploi de la méthode
intestinale, nous les connaissons. Je les ai énumérées
en terminant le chapitre consacré à Tabsorption par
Testomac et l'intestin, je n'y reviendrai donc pas; je
vais maintenant indiquer en peu de mots quelles sont
les substances médicamenteuses ou alimentaires dont
on peut confier l'absorption au g*ros intestin.
Les médicaments solubles dans l'eau ou l'alcool, les
médicaments qui, pour être introduits dans la circula-
tion, n'ont pas besoin de subir certaines modifications
préparatoires, peuvent être administrés par le rectum.
Une division toute naturelle se présente à l'esprit, je
l'adopterai et j'étudierai successivement : 1** les sub-
stances avec lesquelles on veut produire un effet local ;
2" les médicaments dont on veut obtenir l'absorption ;
3^ les lavements alimentaires.
1*^ Parmi les substances introduites dans le rectum
pour un effet local, je mentionnerai d'abord les injec-
tions d'eau comme lavement hyg^iénique, et quelques
— 34 —
fois comme traitement de la constipation. Trousseau (1)
recommande toutefois de ne pas abuser des lavements en
pareil cas, de commencer par un lavement modérément
chaud le premier jour, à peine tiède le second jour, et
froid le troisième, puis de suspendre le remède pour ne
pas habituer Tintestin à ce genre d'excitation. Les
grandes irrigations d'eau appliquées par Piorry au
traitement de la fièvre typhoïde ont été essayées avec
succès par d'autres médecins dans les péritonites, né-
phrites (Eiserman, Guttiert), dans la dysenterie des
pays chauds (Haré), dans le choléra (Eiserman). Je si-
gnale seulement les lavements purgatifs, les lavements
astringents, avec le ratanhia, contre la fissure anale
(Trousseau, Marjolin, Lisfranc, Verneuil), avec l'acétate
de plomb, dans la dysenterie des enfants (Barthez).
Les lavements irritants sont très-souvent et très-utile-
ment employés dans les dysenteries chroniques, c'est
ainsi que Delioux de Savignac et Boinet se servent de
la teinture d'iode dans une décoction de rathania,
contre les affections catarrhales chroniques de l'in-
testin et contre le choléra au début. On sait le fréquent
usage que faisait Trousseau du nitrate d'argent dans
la période ulcéreuse de la dysenterie et même dans l'en-
térite chronique des jeunes enfants. J'élague les sup-
positoires belladones contre les névralgies anales, les
suppositoires à l'aloës employés comme purgatifs, les
injections de substances anthelmintiques, car j'ai hâte
d'arriver aux préparations qui sont introduites dans la
partie inférieure de l'intestin pour y être absorbées.
2® Tous les médicaments directement solubles peu-
(i) Trousseau, Clinique médicale de THôtel-Dieu.
- 35 —
vent être odministrés par le rectum, c'est là une res-
source très-précieuse dans les cas où les premières
voies sont obstruées, et s'il est nécessaire d'employer
la substance à haute dose ; si l'on veut traiter le tétanos
par l'opium, comme ce médicament doit être employé à
des doses considérables, on pourra recourir à la mé-
thode intestinale de préférence aux injections hypoder-
miques, ou du moins avoir recours alternativement à
chacune de ces méthodes.
Presque toutes les substances actives ont été em-
ployées en lavement, je citerai les principales. Dans la
classe des solanées vireuses, la belladone a été donnée
par l'intestin, dans la colique de plomb (Malherbe, de
Nantes), dans l'iléus çt la hernie étrang'lée (Harrius);
dans cette dernière maladie, on a également employé
les lavements de tabac; la fumée de tabac était em-
ployée au dernier siècle contre l'asphyxie; tout le
monde a renoncé à celte sing'ulière pratique, bien faite
au contraire, pour produire l'asphyxie par le refoule-
ment des org^anes thoraciques.
Contre les fièvres intermittentes, on a employé en
injections intestinales, et c'était là une heureuse idée,
l'arsenic (Boudin) et le bisulfate do quinine (Briquet).
Tous les excitants diffusibles, le camphre, le musc,
lecastoréuni, la valériane, sont donnés par cette voie.
Velpeau avait donné autrefois le cubèbe, le copahu
en lavement aux individus qui ne pouvaient supporter
ces remèdes par l'estomac, et il dit avoir g»uéri en huit
ou dix jours les blcnnorrhag^ies ainsi traitées. J'ai con-
seillé à deux personnes ce traitement et n'ai réussi à
provoquer, avec le copahu, que de vives coliques et une
superpurg^ation.
Âmagat. 3
— 36 -
RoUet {Ij s'est élevé coQtre celte pratique, et M. F
[ I nier (2) n'en parle que pour la repousser ; Ricord n's
tenu par ce moyen aucun résultat sérieux.
Veut-on ag*ir sur Tutérus par voisinag^e, on se sei
avec le plus grand avantage des injections rect
M. Gourty (de Montpellier) a recours depuis L
temps aux lavements sédatifs, astring^ents, dans le
fections utérines. Dans certaines formes de dysmé
rhée, dans la rétention du flux menstruel, dans la
traction spasmodique du col, on fait usagée de la b
donc par cette voie ; Holbrovek combat la contric
spasmodique de Turèthre par les lavements bell
nés;
, ; 3" Com ne substances nutritives, on peut donnei
l'intestin des bouillons de viande, des jus de vis
du lait, du vin, de Talcool, des solutions g'omméeî
bumineuses; et Ton doit prescrire ces substances
qu'il est impossible de les donner par la bouche,
les affections org'aniques de Tœsophag'e, de l'esto
dans les rétrécissements cicatriciels à la suite d'ei
sonnements par les caustiques (acides sulfurique,
tique^ etc.), mais c'est là, il faut bien le dire, une
nière et fort précaire ressource ; pour prolong^er 1'
tence des malheureux malades aflectés des mal
g'raves que je viens d'énumérer, on pourrait, à l'exe
de Masse, leur donner quelques substances vég^
que l'on aurait préalablement fait macérer dans 1
mac d'un bœuf encore frais.
(1) Rollet, Dictionnaire encyclopédique des sciences médicale
Blennorrhagie.
("2) Pournier, Dict. de môd. et de chirurgie pratiques, art. B
rhagie.
-^ 37 —
Il est des cas où la méthode intestinale rendra d'in-
contestables services ; dans la convalescence des mala-
dies graves, Testomac ne peut encore supporter aucun
aliment, et cependant Forg'anisme qui vient de faire les
frais d'une longue maladie a besoin de réparer ses forces
lang»uissantes, c'est en pareil cas qu'Herpin et surtout
Aran ont donné avec le plus ^rand succès des lave-
ments de vin et d'eau-de-vie; frappé de ces faits, Aran
appliqua les lavements de vin au traitement de .'a chlo-
rose, des cachexies paludéenne, syphilitique, et il ob-
tint des résultats assez satisfaisants pour que des pra-
ticiens fort autorisés aient cru devoir suivre son exem -
pie (Debout, Giraud (de Drag^uig'nan), William).
C'est surtout dans la métrorrhag'ie par inertie de
l'utérus, après la délivrance, que réussissent les lave-
ments de vin et d'eau-de-vie; presque tous les prati-
ciens ont été témoins, à cet ég'ard, de véritables résur-
rections; c'est là le moyen suprême que recommande
iM. le professeur Pajot en pareille occurrence, moyen
sanctionné par la haute expérience de M. le professeur
Béhier(l),
D. Dans F emploi de la méthode intestinale^ il est quelques
règles à suivre dont il ne faut passe départir. — Je n'ai pas
besoin de dire que les doses varient avec Tâg^e, que la
quantité de véhicule doit être minime, lorsqu'on veut
l'absorption du médicament.
Il faut être très-circonspect dans l'administration des
lavements narcotiques ; on a sig^nalé un g'rand nombre
de cas d'empoisonnement par les lavements de tabac,
(1) Béhior, Dict. encyclop. des sciences médicales, art. Alcool.
- 38 *
de belladone et autres substances toxiques ; en France,
on donne assez g'énéralement 4 grammes de feuilles de
tabac pour 500 gv. d'ean; c'est là une dose trop élevée
et avec laquelle on s'expose à produire des accidents ;
les Américains (1) ont donné impunément 4 gv. de ra-
cine de belladone pour un seul lavement; mais per-
sonne ne conseillerait d'imiter l'exemple de ces trop
hardis médecins.
L'injection intestinale, en général, est donnée à la
température du corps, mais, dans certains cas, il con-
vient de donner les lavements froids (hémorrhag*îes in-
testinales).
Inutile de dire que les agents caustiques doivent être
suffisamment dilués, et qu'il ne faut pas faire usage de
la méthode intestinale, quand le gros intestin est le
siège de phlogoseou de toute autre maladie.
CHAPITRE IV.
DE l'absorption PAR LA PEAU NON DÉPOUILLÉE DE SON
épiderme; des bains simples et médicamenteux; des
POMMADES, LINIMENTS, CATAPLASMES ; DES FRICTIONS ET
DE LA MÉTHODE lATRALIPTIQUB ; DE LA PULVÉRISATION DES
LIQUIDES ET DES BAINS A l'hYDROFÈRB.
Peu de questions intéressent aussi vivement le méde-
cin que celle qui fait le sujet de ce chapitre. Tous les
jours, en effet, il prescrit des pommades, des bains,
contenant en suspension ou en solution des substances
(i) Voir Gazette médicale, 4838.
-89 -
dont il veut obtenir l'absorption et sur laquelle il compte
pour un but thérapeutique déterminé. Aussi depuis trois
quarts de siècle, le problème qui m'occupe a-t-il tenté
presque tous les expérimentateurs. Admis par les uns
sans conteste, nié par le plus g^rand nombre, le pouvoir
absorbant de la peau semblerait avoir reçu une solution
définitive et devrait être considéré comme réel, d'après
les premiers physiolog'istes de ce temps.
« La doctrine de l'absorption cutanée qui a compté
d'assez nombreux opposants, quoiqu'elle fût la base de
la méthode iatraleptique, offre, il faut bien le recon-
naître, une étude féconde en utiles applications à la
thérapeutique. »
Et plus loin :
« La faculté dont jouit la peau d'absorber certains
médicaments est constamment mise à profit par les thé-
rapeutistes. »
Ainsi s'exprimait, dans la 3* édition de son livre, feu
l'illustre professeur Longuet (1).
M . le professeur Béclard (2) a défendu en ces termes
la même opinion:
«Cette barrière (l'épiderme), que l'action de l'air fini-
rait par altérer à la manière de Técorce des arbres, se
renouvelle sans cesse par la chute des écailles superfi-
cielles et par la formation, dans la profondeur, de
couches nouvelles; elle est en quelque sorte toujours
jeune, et elle entretient ainsi à la surface du corps une
enveloppe protectrice toujours efficace... Cependant les
substances gazeuses et liquides peuvent traverser, dans
(1) Longet. Traité de physiologie, Paris, 1869.
(i) Béclard. Dict. encyclop. des sciences médicales, art. Absorption.
— 40 —
de faibles proportions, cette couche, et arriver ainsi dans
Téconomie. »
M. Paul Bert (1) considère comme réelle rabsorption
des substances qui n'exercent aucune action sur les
éléments de la peau, et il reg^arde comme très -facile
l'introduction, par cette voie, des substances qui dis-
solvent la matière sébacée, éther, chloroforme, al-
cool, etc.
M. le professeur Foussagrives (2), de Montpellier, va
plus loin encore; Tabsorption cutanée, pour lui, est un
fait hors de doute.
« Le tég^ument externe absorbe, des multitudes de
faits et d'expériences l'attestent pour la peau, les g*az
et les substances dissoutes. Les expériences récentes de
M. Willemin avec l'iodure de potassium ne laissent plus
un seul doute sur ce point. »
Je tenais, au seuil même de la question, à citer sur ce
sujet l'opinion actuelle des hommes les plus autorisés ;
cette opinion, on le voit, est formelle ; non-seulement la
peau intacte absorbe, mais elle peut encore devenir une
voie utile d'introduction des médicaments. Voyons s
l'examen rig»oureux des détails nous amène à formuler
une semblable conclusion.
Le sujet est immense. Pour la facilité de Tétude, je le
diviserai en un certain nombre d'articles, et peut-être
parviendrai-je ainsi à éviter une regrettable confusion,
que beaucoup d'expérimentateurs ont commise pour
n'avoir pas inti'oduit dans le sujet une division qui se
(1) Bert. Nouveau Dict. de médecine et de chirurgie pratiques, art.
Absorption.
[1) Fonssagrive3. Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales
rticle Médicament.
- 41 -
présente tout naturellement à Tesprit. Si l'on jette les
yeux, en effet, sur les nombreux travaux publiés sur
l'absorption cutanée, on est frappé de l'indécision qui
se manifeste dans la plupart des conclusions; je crois
pouvoir arriver à formuler une opinion un peu plus
nette et plus dég'ag^ée des exceptions, en établissant,
parmi les diverses substances, un certain nombre de
catég'ories. C'est ainsi que j'étudierai successivement
l'absorption des gaz, de l'eau, des substances dissoutes,
et parmi celles-ci j'aurai soin d'envisager à part les
substances susceptibles de se vaporiser. Je ne crains pas
de dire que là est le nœud même de la question ; dans
d^autres articles, je passerai en revue l'absorption des
substances incorporées dans l'axonge, la glycérine, ou
dissoutes dans l'alcool, le chloroforme ; pour terminer,
je dirai l'influence que les frictions, la pulvérisation
peuvent exercer sur l'absorption.
Article !•'. — De l'absorption des gaz par la peau,
11 se fait, par la peau de l'homme, une sorte de res-
piration rudimentaire qui constitue, d'après M. le pro-
fesseur Béclard, la 38® partie.de la respiration pulmo-
naire. Les expériences qui ont établi le fait lui-même
remontent au commencement de ce siècle et appartien-
nent à Bichat, Ghaussier (1), Lebkûckner, CoIIard de
Martigny (2), etc.; mais, à part Bichat, tous les expéri-
mentateurs ont opéré sur des animaux, et leurs conclu-
(1) Ghaussier. Expériences faites sur les animaux avec rhydrogùne
sulfuré. Bibliothèque médicale, t. I.
(2) Collard de Martigny. Action de l'acide carbonique sur récononiie
animale. Comptes-rendus de l'Académie des sciences, 1^26.
.42 —
sions ne sauraient être applicables à Thomme : l'expé-
rience même de Bichat, partout reproduite, n'est pas
très-rigoureusement probante. Depuis lors, des recher-
ches plus précises ont été faites. Abernethy, cité par
M. Dechambre (1), a démontré l'absorption de l'acide
carbonique et de quelques autres g^az par la surface
cutanée. Herpin (2), de Metz, a confirmé le fait, pour
l'acide carbonique. Jusqu'oii peut aller le pouvoir absor-
bant de la peau pour les g»az, c'est ce qu'il est impossible
de dire ; toutefois les expériences de Cl. Bernard (3) et
de Demarquay (4) sur l'acide carbonique font penser que
cette propriété est fort limitée; ce n'est donc pas à l'ac-
tion générale après absorption, mais bien à une action
locale, encore mal définie, qu'il faut attribuer les résul-
tats produits par les bains gazeux (5). Quoi qu'il en soit
de cette action, le pouvoir absorbant de la peau, pour
les substances gazeuses est mis à profit maintenant par
les thérapeutistes, et dans un grand nombre de stations
thermales cette médication, comme on le verra plus loin,
a son importance.
Ici pourraient trouver place les substances solides ou
liquides qui, déposées sur la peau, peuvent se volatiliser
et entrer dans la catégorie des corps gazeux ; mais il
m'a semblé plus à propos de m'en occuper un peu plus
loin.
(i) Dechambre. Dict. encyclop. des sciences méd., article Acide car-
bonique.
(2) Herpin. Propriétés physiologiques et thérop. de Tacide carbo-
nique, 1864,
(3) Cl. Bernard. Leçons sur les substances toxiques et médicamen-
teuses, 1867.
(4) Demarquay. Pncumatologic médicale.
(5) Voyez Gubler (Commentaires du Codex) et Dechambre, ouvr. cit.
— 43-
Article 2. — De l'absorption par la peau dans le bain simple.
Jusqu'au commencement de ce siècle, Tabsorption
des liquides par la peau, et de l'eau en particulier,
n'était l'objet d'aucune réserve; on allait même assez
loin dans cette croyance pour que des médecins très-
considérables se crussent autorisés à nourrir leurs
malades atteints de cancer de l'estomac, au moyen des
bams de lait ou de bouillon (1).
Nos devanciers, fort peu rig'oureux au point de vue
expérimental, appuyaient leur croyance d'un certain
nombre de faits que je ne discuterais pas, si je ne les
avais trouvés reproduits dans des écrits publiés par des
auteurs g'raves. Le bain calme la soif, disait-on, g'râce
à l'absorption d'une certaine proportion d'eau ; et l'on
citait ce navire anglais dont Téquipag^e, manquant
d'eau, put calmer les tortures de la soif par de .fréquents
bains de mer, attribuant ainsi g'ratuitement à la peau
le pouvoir d'absorber une quantité donnée d'eau, qui
s'introduisait par la muqueuse respiratoire.
Je dois laisser également de côté les expériences faites
sur les animaux ; je n'ai pas vu sans étonnement des
auteurs considérables invoquer les nombreuses recher-
ches d'Edwards (2], sur la peau des batraciens, pour
soutenir le pouvoir absorbant de la peau de l'homme,
La peau d'un grand nombre d'espèces animales, et des
batraciens en particulier, absorbe avec une rapidité re-
marquable, et ce fait a donné lieu à plus d'une erreur
(i) Gollard de Martigny. Expériences sur Tabsorption cutanée de
Teau, du lait, du bouillon. Archives générales de médecine, 1826, et
Nouvelle bibliothèque médicale, 1827.
(2) Edwards. Influence des agents chimiques sur la vie, 1804.
-44 -
célèbre dans les expériences de thérapeutique. On se
souvient des conclusions erronées d'Eulemburg et
Guttman dans leurs recherches sur le bromure de po-
tassium , g'râce à leur faute d'expérimentation, qui leur
a été justement reprochée. Evidemment on ne saurait,
en ce qui concerne la surface cutanée, appliquer à
l'homme les conclusions des faits observés sur les ani-
maux.
Je sig'nalerai donc, sans les discuter, les expériences
de Zeder et Rudolphi (1) sur les entozoaires, de Spal-
lanzani (2), Nasse (3), Jacobson (4), sur les limaces, de
Treviranus (5) sur les grenouilles, d'Edwards (6) sur
les batraciens, de Bluff (7), Dug^ès (8), Townson (9) sur
les lézards, de Lebkuckner (10) sur les lapins, de Ma-
g'endie (11) et Ség*alas (12) sur les chiens, de Colin (13)
sur des chevaux, de Réveil (14) sur le renard.
J'arrive aux expériences directes sur l'homme. Sé-
g'uin (15) est le premier physiolog^iste qui se soit occupé
(1) Zeder et Rudolpbi. Entozoorum historîa naturalis, 1808.
(2) Spallanzani. Mémoire sur la respiration, Paris, 1803.
(3) Nasse. Untersuchungen zur Physiologie und Pathologie.
(4) Jacobson. Frôriep's Notizcn, n® 14.
(5) Treviranus. Biologie, t. IV.
(6) Edwards. Loc. citât.
(7) Bluff. Dissertatio de absortione cutanea.
(8) Dugès. Physiologie comparée.
(9) Townson. Observatio physiol. de amphibiis.
(10) Lebkuckner. Dissert, qua experimentis eruitur, utrum per vivea-
tium adhuc animalium membranas atque vasorum parietes materiae
ponderabiles illis applicatse permeare quaîant, necne? Tubingue, 1819.
(H) Magendie. Leçons sur les phénomènes de la vie,
(12) Ségalas. Journal de Magendie, 1824.
(13) Colin. Dict. encyclopédique des sciences médicales, art. Absorp-
tion de Jules Béclard.
(14) Réveil. Thèse de Sereys, 18b5.
(lo) Séguin. Annales de chimie, t. XC.
expérimentalement de la question ; de trente-trois obser-
vations il tira la conclusion suivante :
l^ Le poids du corps n'aug'mente pas dans le bain ;
2® Toutefois nous perdons un peu moins de poids
dans Teau que dans l'air, ce que Séguin explique par
la diminution de la perspiration cutanée.
M. le professeur Béclard (1), qui discute cette inter-
prétation, pense, au contraire, que si le poids du corps
diminue moins dans le bain que dans l'air, cela tient
à ia pénétration d'une certaine quantité d'eau à travers
la surface cutanée ; cette manière de voir ne saurait
être acceptée ; j'y reviendrai plus loin. La voie une fois
tracée, les expérimentateurs s'y eng*ag^rent en g'rand
nombre, mais ils n'en rapportèrent pas les mêmes con-
clusions que venait de formuler Séguin. — Dill (2),
Berthold (3), Madden (4), Colard de Martig'ny (5), à la
même époque, publièrent leurs recherches, qui les
amenaient à conclure à l'absorption cutanée; dans les
plus récents traités de physiolog'ie, ces expériences sont
citées comme absolument probantes ; voyons ce qu'il
faut en penser. Berthold, après une immersion d'une
heure, trouve 32 g'rammes d'augmentation de poids, et
Dill, un chiffre à peu près semblable; n'est-il pas évi-
dent que, dans un air saturé de vapeur d'eau, comme
l'est Tatmosphère du cabinet de bain, l'absorption pul-
monaire des vapeurs aqueuses a été la principale cause
de cette légère différence? Mais Madden, va-t-on dire,
(i) Béclard. Loc. cit.
(2) Dill. Nouvelle Bibliothèque médicale, 4826, t. IV.
(3) Berthold. MuUer's Archiv fur Anatomie.
(4) Madden. Medic. chirurgical Review, t. XXXIV
(5) GoUard de Martigny. Loc. cit.
— 46 -
s'est mis à Fabri de Tobjection, et, tandis qu'il était
plong*é dans un bain, il respirait Tair du dehors; son
expérience n'est pas plus probante, et disons tout de
suite qu'un g'rand nombre de conditions peuvent aug^-
menter le poids du corps sans que l'absorption de l'eau
y soit pour quelque chose; sans parler de Thyg^romé-
tricité des poils, qui suffirait à elle seule pour expliquer
une augmentation de poids de 30 ou 40 g*rammes, qui
sait ce que devient la perspiration cutanée dans le
bain? Depuis Edwards on soutient qu'elle continue à se
faire ; mais sait-on dans quelles limites elle s'exerce ;
qui a mesuré comparativement Texhalation pulmo-
naire dans le bain et dans l'air ? et cela fût-il rig^ou-
reusement établi, il faudrait encore tenir compte de la
température. On voit (juelles difficultés se dressent aus-
sitôt qu'on veut regarder en face les divers côtés du
sujet.
Si les recherches des expérimentateurs que je viens
de citer laissent dans l'esprit un doute absolu, que pen-
ser maintenant des expériences d'Eichberg et Vie-
rordt (1), qui ont cru établir la vérité de la manière
suivante : Ils plongent le bras dans un vase rempli
d'eau et très-exactement pesé ; au bout d'une heure ils
pèsent de nouveau le vase rempli d'eau et la serviette
qui a servi à essuyer le bras; l'expérience est répétée
plusieurs fois, et les auteurs constatent la disparition
de 1 à 13 grammes de liquide; ce qu'il y a d'excellent,
c'est qu'ils concluent à l'absorption, ne tenant nul
compte de l'évaporation qui s'est faite pendant une
heure.
(1) Eichberg ot Vierordt. Vierordt's Archiv, 1856.
— 47 —
Pour établir la pénétration de Teau à travers la sur-
face cutanée, il n'y a donc pas à invoquer Tau^men-
tation de poids du corps qui tient à des circonstances fort
diverses. D'ailleurs, ne sait-on pas que le poids du corps
diminue souvent. M. Villemin (1), sur 52 expériences
faites au hasard, a noté 20 fois Faugmentation, 21 fois
la diminution, et 11 fois Tétat stationnaire du poids du
corps. Dira-t-on que dans 32 cas il n'y a pas eu d'ab-
sorption, et que dans 20 cas, au contraire, il y a eu
pénétration de Feau à travers les couches épithéliales de
la peau? Personne évidemment n'oserait le soutenir et
force est bien d'admettre, dans les cas cités par le mé-
decin de Vichy, des variations dans l'exhalation pulmo-
naire, dans la perspiration cutanée, variations qui
peuvent tenir à la température du bain, à l'état physio-
log'ique du sujet en expérience, ou à d'autres circons-
tances mal définies peut-être.
M. Hébert (2), qui avait ég^alement constaté l'aug^men-
tation de poids du corps après le bain, a nié l'absorption
de l'eau, et adonné au fait une interprétation nouvelle;
il pense que la principale cause de cette aug*mentation
de poids doit être cherchée dans l'imbibition de l'épi-
derme de la plante des pieds et de la paume des mains,
l'eau n'ayant pas la propriété de mouiller les autres
points de la peau sur laquelle elle g'iisse; on peut
tenir compte de cette explication.
M. Duriau (3), en 1856, publia des expériences qui au
(1) Villemin. Archives de médecine, 4863. Bulletin de l'Académie,
t. XXIX, p. 573.
(2) Hébert. Thèse de Paris, 1863. De l'Absorption par le tégument
externe.
(3) Duriau. Archives générales de médecine, 1856.
- 48 -
premier abord semblèrent jeter quelque lumière sur ce
sujet difficile ; en voici le résumé :
1"* Dans un bain de 22 à 25 deg^rés Taug'mentation de
poids du corps a été de 35 g*rammes au bout de trois
quarts d'heure. (Duriau prend la moyenne de toutes ses
expériences.)
2" Dans un bain de 36 degrés, il y a eu au contraire
diminution de poids, et cette déperdition a atteint en
moyenne 125 grammes après une immersion de trois
quarts d'heure.
Ces faits ont été interprétés de la manière suivante
par Fauteur ;
1* Il est un point où l'absorption compense Fexhala*-
tion, limite thermique àe Kuhn (de Niederbronn).
2" Au-dessous de ce point l'absorption l'emporte sur
l'exhalation, et il y a augmentation du poids.
3° Au-dessus, au contraire, l'exhalation est plus con-
sidérable que l'absorption, d'où diminution du poids du
corps, malgré la pénétration de Jteau qui $^ effectue et
l'expérimentateur de conclure naturellement à l'ab-
sorption par la peau.
Les expériences de Duriau ont longuement occupé
les auteurs et M. Oré (de Bordeaux), dans son très-re-
marquable article sur les bains, s'est trouvé quelque
peu gêné dans ses conclusions, par les conclusicms
mêmes de M. Duriau. Ce dernier cependant va notis
fournir lui-même les arguments qui ruinent sa doc-
trine.
Après des bains qui contenaient en solution diverses
substances salines, il n'a jamais constaté la présence
(2) Oré. Nouveau Dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques,
art» Bains.
^ 49 -
de celles-ci dans les produits de sécrétion ; comment
expliquer celte contradiction, et comment peut-il y avoir
absorption de Teau lorsque les éléments que celle-ci
renferme ne sont pas absorbés eux-mêmes? Quelques
auteurs ont voulu expliquer le fait, el ils ont inventé un
pouvoir catalytique de la peau, en vertu duquel celle-ci
peut faire un choix, peut absorber de l'eau pure, par
exemple, repoussant en quelque sorte les sels qui s'y
trouvent dissous. Je n'imiterai pas ces auteurs qui n'ont
rien inventé d'ailleurs et qui auraient bien fait de lais-
ser aux Allemands la force catalytique dont nous
n'avons que faire, et pour mon compte je ne courrai
pas après les hypothèses pour expliquer un fait imagi-
naire. M. HomoUe (1) sentant tout ce qu'avait de
problématique la méthode des pesées avant et
après le bain, a cru trouver un autre ^nre de dé-
monstration qui a paru sufQsant, puisque c'est sur les
résultats de cet expérimentateur que vivent, à l'heure
qu'il est, les physiologistes qui soutiennent l'absorption
de l'eau par la surface cutanée. M. HomoUe, reje-
tant le balance, a eu recours seulement à l'examen de
l'urine. — Après un bain de 34 degrés pris le matin à
jeun, il s'abstient de toute boisson dans le cours de la
journée, la densité de son urine, qui était de 1025 avant
lebain tombe à 1005.
L'expérience paraît tout à fait concluante à Long^t
qui en parle en ces termes: « On a objecté, dit ce phy-
siologiste, que cette diminution de densité était la con-
séquence de l'augmentation de l'urine, augmenta-
tion due, non à l'absorption de l'eau, mais à la suspen-
(i) HomoUe. De rAbsorption par le tégument externe, chez Thomme,
dans le bain. Union médicale, 1853.
- 50 —
sion plus ou moins complète de la transpiration cutanée.
Evidemment, cette objection n'est pas fondée, puisque
les expériences d'Edwards ont très-nettement établi la
persistance de celte transpiration dans le bain.»
Quoi qu'en pense Long^t, l'objection reste entière;
nous allons voir, en effei. que la continuation de la
transpiration cutanée n'est pas un fait aussi nettement
établi que le croyait l'éminent physiologiste. Je pourrais
d'ailleurs reproduire ici l'objection que j'adressais un
peu plus haut aux expériences de Duriau; Homo! le, en
effet, n'a jamais retrouvé dans l'urine la trace des nom-
breuses substances qu'il avait préalablement fait dissou-
dre dans le bain. - - Or, comment soutenir, encore une
fois, l'absorption de l'eau distillée et nier Fabsorp lion
des corps que cette eau tient en dissolution.
Je viens de dire qu'il n'était pas absolument démon-
tré que la perspiration cutanée continuât à se produire
dans le bain ; voici, en effet, un fait intéressant sig*nalé
par M. Mougeot, de l'Aube, en 1866 : — Lorsque cet
expérimentateur prenait un bain simple, il constatait la
présence du chlorure de sodium dans l'eau du bain,
après en être sorti ; lorsqu'au contraire il prenait tin
bain contenant de 12 à 15 g^rammes de chlorure de so-
dium, les sels du sang* n'apparaissent plus dans l'eau
du bain. Il y a donc un rapport inverse entre la salure
du bain et la salure du sang, et la fonction sudorale
s'en trouve absolument modifiée en dehors de toute
question de température. (Moug^eot).
J'en ai dit assez, je crois, pour démontrer qu'aucune
expérience jusqu'ici n'a établi, d'une façon indiscu-
table, l'absorption de l'eau par le tég'ument externe;
que tous les observateurs, au contraire, qui se sont pro-
• . . * •
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— 51 •-
nonces pour Taffirinative, prêtent de toutes parts le
flanc à la critique.
Ici se plaçait tout naturellement l'analyse d'un tra-
vail paru dans ces dernières années, et dont l'auteur
est M. Jamin, professeur de physique à l'Ecole poly-
technique.
Je n'ai pu retrouver ce mémoire ni dans les comptes-
rendus de l'Académie des sciences, ni dans d'autres
recueils; toutefois, autant que je puis savoir, l'auteur,
qui a fait les pesées avant et après le bain, on appor-
tant dans ses appréciations la rig'ueur du physicien, n'a
pas, au point de vue de l'absorption elle-même, chang^é
la face des choses.
Réveil s'était occupé du pouvoir osmotique de la peau
vers 1865; il avait déjà réuni un iissez grand nombre
d'expériences présentées à la Société d'hydrolog^ie, et il
se proposait de les continuer; mais la mort ne devait
pas lui laisser ce loisir; son travail est à peine com-
mencé, et il n'a pas été repris depuis. On pourra voir
dans les Annales de la Société (séance du 12 mars 1865)
le résumé des recherches de ce savant chimiste. Je ne
m'y arrêterai pas ici ; ces expériences, faites sur la peau
morte, ne loucheraient d'ailleurs qu'indirectement à
mon sujet.
Article 3. — La peau absorbe-t-elle les substances dissoutes dans
l'eau? Y a-t-il absorption dans le bain médicamenteux?
Un nombre immense de travaux ont été publiés sur
ce point; presque tous les hommes qui, depuis 1820, ont
touché à Texpérimen talion physiolog'ique, ont tenu à
s'occuper de ce sujet délicat ; les niétliodes employées
Âmagat. 4
- 52 —
oypt çpqsistô à chercher dans les produits de sécrélioD
les substances minérales dissoutes dans le bain (mé-
thode chimique), ou à constater les effets physiolog^i-
ques caractéristiques des substances org^aniques choi-
sies pour l'expérience (méthode physiolog^ique). Quant
aux résultats obtenus, on peut les rang'er sous trois
chefs exprimant bien Tétat actuel de la question parmi
les médecins : résultats positifs , résultats négatifs ,
résultats douteux.
J*ai eu sous les yeux les principaux travaux qui ont
trait à mon sujet; j'en donnerai les conclusions, que
je discuterai chemin faisant ; cette méthode me semble
préférable à celle suivie par les auteurs qui ont écrit sur
la matière et qui ont pris la colonne des oui^ la colonne
. des noriy pour les comparer ensemble, singulier procédé
de critique qui n'a pas peu contribué à obscurcir encore
le sujet. Après avoir analysé et discuté les expériences
des auteurs, je verrai, tenant compte de chaque détail
et de la nature de chaque substance, quelle conclusion
je puis formuler.
C'est encore à Séguin (1) que revient l'honneur
d'avoir soumis au creuset de l'expérimentation, pour
la première fois, l'absorption des subst^ces dissoutes ;
à plusieurs individus atteints de syphilis, il faisait
prendre des bains de pied contenant 12 grammes de
bichlorurede mercure; il n'observa jamais la saliyc^-
tion caractéristique.
Le physiologiste français fut combattu par Wes-
Irumb (2), qui lit connaître en 1828 le résultat de ses
(1) Séguin. Loc. cit.
(2) Westrumb. Journal complémentaire, t. XVI, 1823; et Journal du
Progrès, t. XI, i8â8.
— 83-
expéiriei»ces ; elles avaient porté sur le prussiale jaune
de pokassa> le nitrate de potasse, la matière colorante
de la rhubarbe, le musc. L*obser valeur avait eu le soin
ée se couvrir le visag'e d'un masque et de respirer par
un tube qui s'adaptait à la bouche et au nez, l'air du
dehors, pour éviter de la sorte l'absorption par le pou-
mon d*une substance aussi volatile que le musc. L'ana-
lyse des urîneâ y décela la présence du prussiate jaune
et de la matière coloi*ante de la rhubarbe, l'expiration
exhala l'odeur du musc, le nitrate de potasse ne fut pas
retrouvé.
Ces expâf'iences furent adoptées par Bérard (1), qui
le» cite dans les termes suivants : a La pénétration par
la peau des sels solubles, de certaines substances vola-
tiles et de certains principes colorants, est jug'ée affir-
miativement par les expériences très-bien faites de cet
expérimentateur. »
On serait peut-être aujourd'hui un peu plus difficile
qu'on ne l'était à l'époque où écrivait Bérard, et l'on
se demanderait si l'absorption n'a pas pu se faire par
la muqueuse des organes g'énitaux, si l'expérimentateur
avait un appareil assez bien fait pour ne laisser péné-
trer, par aucun point, une substance aussi subtile que
le musc. — Quoi qu'il en soit, les physiolog*istes ont
vécu sur les expériences de Westrumb, jusqu'à l'époque
où parurent les travaux de M. Homolle (2). — Ce der-
nier, après un grand nombre de bains, ne retrouva ja-
mais dans l'urine la moindre parcelle des substances
employées, et put prendre des bains contenant 2 kilo-
g*rammes de feuilles de belladone, sans, éprouver le
(1) Bérard, Cours de physiologie,
(i) UoaioUu. Ljc. cit.
moindre effet physiolog'ique; et, chose étrange, il con-
clut contre ses recherches à l'absorption par la peau, par
la raison qu'après un bain alcalin Furine avait été
trouvée alcaline,; nous savons aujourd'hui que ce pro-
duit d'excrétion devient alcalin après toutes sortes de
bains, même après un bain acide, fait encore inexpli-
qué. — Il faut donc rendre aux expériences de M. Ho-
molle la véritable interprétation qu'elles méritent
A partir de ce moment, les travaux se succèdent avec
une rapidité qu'explique suffisamment la grande im-
portance du sujet. M. Ossian Henry (1) expérimente
trois sels, le bichromate de potasse, le cyanure de potas-
sium dont il ne retrouve pas de trace , et l'iodure
de potassium qui apparaît dans l'urine. Je reviendrai
sur ce dernier fait en détail.
L'année 1856 vit paraître les travaux très-importants
de M. Duriau (2) et de M. Poulet (3). Le premier, dont il
a déjà été question dans le précédent article, a pris des
bains avec les produits les plus variés : acide azolique,
iodure de potassium, carbonate de potasse, chlorure de
sodium, cyanure de potassium, nitrate de potasse, sul-
fate de magnésie, belladone, digitale, sulfate de qui-
nine, etc., et jamais il n'a pu retrouver dans l'orga-
nisme trace de ces substances si diverses. Il en a été
de même de M. Poulet, dont toutes les recherches ont
été absolument négatives. M. Hébert (4), après de nom-
breuses expériences et des bains prolongés pendant
quatre heures, n'a pu trouver dans les produits d'ex-
(1) Ossian Henry. Thèse de Paris, 1855.
(•2) Duriau. Loc. cit.
( ») Poulet. Communication à l'Académie des sciences, 3 mars 1856.
(4) Hébert. Thèse citée.
— 55 «-
crétion les diverses substances dont il recherchait Tab*
sorption.
En 1863, parut sur le sujet un nombre considérable
de mémoires; c'est à cette époque que M. Parisot (1)
(de Nancy) , entretint l'Académie des sciences de ses
importantes recherches ; après des bains de prussiate
jaune, de chlorate de potasse, de matières colorantes
diverses, il n'a jamais constaté ni dans l'urine, ni dans
la salive, l'existence des produits employés. Dans cette
même année, Demarquay a publié ses premières re-
cherches également nég^atives, mais des expériences
nouvelles, lui ont depuis lors fait modifier un peu ses
conclusions.
M. Willemin (de Vichy) (2), en même temps, publiait
le résultat de ses recherches avec l'iodure de potassium,
résultats qu'il donnait d'ailleurs comme douteux.
En présence de tant d'expériences négpativesqui met-
taient en question une partie de la médication thermale,
la Société d'hydrolog'ie s'émut; une commission, dont
Réveil était le rapporteur, fut chargfée de résumer l'état
actuel de la science, et de tracer le programme des
expériences à entreprendre pour arriver à une prompte
solution. C'est à cette époque que M. le professeur Gub«
1er (^3) institua une série d'expériences dont je ne puis
ici donner (|ue le résumé.
Sur un malade alTecté de rhumatisme articulaire
aigu , les articulations furent badigeonnées avec la
teinture d'iode. Elxamen des urines qui contiennent ce
(1) Parisot. Compte-rendu de rAcadémie des sciences, 186 1.
(î) Willemin. Loc. cit.
(3) Gubler. Lettre à la Société d'hydrologie, 1863; Àunalos de lu
Société, t. IX.
nafétàlloïde s ^ artioulatton§( àV<dent éVé ^ecôaVëfte8
d'un manchon de tafîetas gommé , serré au-dessu* tel
au-dessous de rarticutatiotii, avec plttsietits totlrs de
bande.
Un malade prit un bain additionné de plusîeut*
grammes d^arséniate de soude, la verge préàtablemettl
entourée avec de la baudruche huilée; l'appareil de
Marsh ne révéla aucune trace d'arsenic.
Un autre ma/lade ayant pris un bain tl'àvant-bras,
avec 30 grammes d'arséniate de soude, l'analyse ne
donna qu'un résultat négatif.
Les expériences de M. Gubler ne «ont pas favo'rables
à l'absorption cutanée, excepté pour l'iode qui, sur 7
cas, a été retrouvé 3 fois seulement dans lès urines, et
parmi ces trois faits, un seul est probant, la peau ayant
été altérée chez 2 malades.
J'arrive aux intéressantes recherches de Réveil (1); ce
savant expérimentateur a composé des bains avec les
substances les plus diverses : l'iodure de potassium, l'ar-
séniate de souda, le cyanure de potassium, le carbonate
de soude, le chlorate de potasse : ses doses ont varié de-
puis 16 grammes jusqu'à 500 grammeà de sel pour un
bain, et la durée de l'immersion a été quelquefois de
cinq ou six heures ; l'analyse des urines a constamment
donné un résultat négatif, excepté dans 3 cas oh il a
été trouvé dans l'urine et dans la salive des traces d'iode.
M. deLaurès (2) à la même époque, arrivait aux
mêmes conclusions que Réveil ; il avait prolongé l'im-
mersion dans le bain pendant cent heures. Réveil se
(1) Réveil. Annales de la Société d*hydrologie, 1865.
(•2) De Laurès.
- Rt -
prononça polir la nég^ative, expliquant ces trois derniers
faits par une cîrtîonstanoe accessoire, l'absorption par
la muqueuse du gland qui n'était pas recouvert. Il
est possible aujourd'hui dedonner du fait une interpré-
tation plus satisfaisante,
Si nous jetons un coup d'œil sur les travaux qui ont
clé publiés depuis HomoUejusqu'àKéveil, dans une pé-
riode de 12 ans, depuis 1853 jusqu'à 1865, nous serons
frappés d'un fait considérable ; les recherches de tous
les expérimentateurs sont parfaite ment concordantes, cL
leurs conclusions seules ont varié. Parmi les centaines
de substances qui ont été soumises à l'expérimentation,
ime seule a été retrouvée quelquefois dans les produits de
sécrétion, l'iode métalloïdique.
Les différents médecins, dont je viens d'analyser les
travaux, n'ont pas prêté à ce fait toute l'attention qu'il
méritait, et ils ont conclu différemment, les uns admet-
tant, d'autres rejetant l'absorption cutanée, laissant
ainsi l'esprit du lecteur dans un doute lég-itime.
Telle était en 1866 l'indécision qui rég-nait dans la
science sur ce point difficile, lorsqu'un chimiste des plus
habiles, le collaborateur même de M. le professeur Tar-
dieu, M. Roussin (1), du Val-de-Orâce, fit connaître ses
vues personnelles ; elles méritent de m'arrf'ter un in-
stant. Je dois auparavant sig-naler, pour essayer d'être
complet, de nouvelles recherches de M. Dcmarquay (2)
et une lettre de M. Hoche (3), qui était la conclusion
d'un travail précédemment pubhé. >)
M. Roussin a procédé de la façon suivante : '1'
I
(1) Iloussin. Journal do mâilecinf milituiru. ISin .,,-1
(-2) Deniartiuay. Union mûdicak', 18ii7.
(3) Roche. Lottre sur le choléra, 1866.
1
ar^liment, une certaine force. M. Rabuteau jvorle peii-
dant quatre jours une chemise trempée dans \Mè solu-
tion de bromure de potassium ^ l'examen des urilfKes tte
révèle pas la moindre trace de ce métalkrifdie;
Depuis trois jours, mon bras gtiuche est saupdtidré
d'iodure de potassium pulvérisé, recouvert de ouaté, le
tout maintenu par des tours de bande. Je ne constate
pas dans la salive la moindre trace d'iode, à Taide dii
réactif de Bonis.
M. le professeur Gubler, appréciant les expériténces
de M. Roussin et celles de ses devanciers^ a donné dtBS
faits une interprétation à laquelle j'ai hôte d'arrivé.
Rejetant r6d>sorption par la peau, de l'eau et des sub-
stances dissoutes, le savant professeur explique de la
façon suivante la pénétration de l'iode dans l'économie,
& travers Tépiderme. Les iodures, au contact des élé-
ments de la sueur, donnent de l'iode libre qui se vola-
tilise et se trouve absorbé à Tétat de vapeur, absolument
comme les autres substances gazeuses. J'aurai l'occa-
sion de revenir sur les savantes remarques de l'éminent
thérapeutiste, lorsque plus loin j'étudierai l'absorption
des pommades mercurielles. Bien que l'absorption pul-
monaire joue ici un certain rôle et peut-être le princi-
pal, il ne me répug*ne pas d'admettre que l'iode volatil
est absorbé par la peau ; Ih où pénètrent d'ailleurs les
g*az doivent, c'est tout simple, pénétrer les substances
volatiles. Ainsi s'expliquent les résultats en apparence
contradictoires, et l'on peut, à l'heure actuelle, sans
craindre les rigueurs de la critique, poser, comme con-
clusion, qu'il n'y a pas d'absorption par la surface cu-
tanée, dans le bain médicamenteux.
(I) Rabuteau. Thérapeutique, 1875.
Il n^etltrtô pM dans le plan de ma thèàe dé disfeiitet' ici
l'action des bains; il y aurait sur cette inlportante que»*
tion de la balnéation bien des points à revoir, bien des
erreurs d'interprétation à relever; il y aurait à passer
au crible d'une sévère discussion nombre d'observations
trop facilement acceptées des médecins, tropcomplai-
samment enregistrées par la presse médicale; mais un
pareil travail, di^ne d'occuper un homme vieilli dans la
pratique, serait tout à fait au-dessus de mes forces. Je
me contenterai de dire que le bain ne pouvant exercer
qu'une action locale, ce serait s'exposer à an échec vo-
lontaire que de compter sur un effet consécutif à l'ab-
sorption; combattre la syphilis, par exemple, avec des
bains de bichlorure, chez un sujet dont la peau est vierge
de tout exanthème, serait aussi imprudent de la part du
médecin que ftmeste pour le malade. Il convient de faire
une exception pour les bains contenant des substances
volatiles, qui, à défaut de la peau, seraient absorbées
par la muqueuse pulmonaire ; c'est le cas des bains aro-
matiques et du bain de valériane, préconisé par Beau
dans Thystérie et les névroses.
Article 4. — Des pommades, liniments, cataplasmes, au point de
vue de Tabsorption et de la méthode intraleptique.
A chaque instant on emploie les pommades, soit pour
produire un effet local, soit pour introduire dans Téco-
nomie des principes médicamenteux. Il était intéres-
sant de savoir si ces topiques, dont la popularité remonte
à l'enfance de l'art, pouvcûent être absorbés lorsqu'on les
dépose sur un point de la peau . Je.me suis livrée i cet ég*ard
à quelques recherches que je soumets à l'examen de mes
jugées; heureux si elles ne sont pas tout à fait indigènes
de leur attention. Mes conclusions différeront complè-
tement de tout ce qui est écrit sur ce sujet. L'absorp-
tion des pommades, en effet, ne fait pas un doute pour
les auteurs, et ceux qui à cet ég^ard ont fait quelques
réserves ne manquent pas de dire que la friction, jointe
à la durée du contact, rend la pénétration des pom-
mades absoluQ)ent certaine.
M. Houssin, dont j'ai déjà long'uement cité les recher-
ches, pense que les substances grasses, ayant la propriété
de mouiller la peau, pénètrent dans les conduits capil-
laires qui s'ouvrent à sa surface, lesquels sont enduits
normalement d'une substance de même nature, et si
ce corps g'ras, appliqué sur la surface cutanée, contient
en solution une substance médicamenteuse, cette der-
nière, soutient l'auteur, pénètre avec le dissolvant lui-
même. M. Mongeot (de l'Aube), dont le mémoire a été
précédemment cité, nie, d'après des expériences que je
ne puis rapporter ici,lji pénétration de la matière grasse
qui sert de véhicule au principe médicamenteux ; mais
il admet l'absorption de ce dernier corps lui-même,
pourvu qu'il ne soit pas dissout dans la substance
grasse; ce qui revient à dire que les matières pulvé-
rulentes seraient seules absorbées par la peau ; con-
clusion singulière, et qui certes ne peut résister à
l'examen.
M. Jeannei. lui, prétend que toutes les pommades,
de quelque nature qu'elles soient, sont absorbées à
l'état .de savon.
Je pourrai multiplier ces citations à l'infini; ce que
j'ai dit suffit pour montrer que les auteurs se sont
— 63 —
effoi^és de donner l'explication d'un fait dont il eût été
plus sage de vérifier d'abord Inexactitude (1).
M. le D' Delore (2), chirurgien en chef de l'hôpital de
la Charité de Lyon, a publié un assez grand nombre
d'expériences entreprises pour arriver à démontrer
l'absorption des pommades par la surface cutanée ; il
s'est servi de pommades iodurées, et est arrivé aux
résultats que voici :
!• Sur 10 malades frictionnés avec de la pommade à
l'iodure de potassium, 3 seulement ont présenté des
signes évidents d'absorption de l'iode ;
2^ Chez 3 malades frictionnés avec la même pom-
made, avec cette différence que l'axonge était d'une
rancidité très-prononcée, les urines ont offert la cou-
leur bleue caractéristique ;
3*" Avec la pommade iodée, sur 6 cas, 2 résultats
négatifs, 4 positifs.
M . Delore s'est servi du baume de Lausanne :
Alcool, 128. — Savon animal, 20. -■■ lodure de
potassium, 16. — Et cette fois, sur 15 cas, il n'a eu que
2 résultats négatifs.
Toutefois, il est bon d'ajouter un correctif. M. Delore
fait remarquer que le baume de Lausanne est très-irri-
tant, et que la peau a été souvent excoriée, ce qui rend
cetle peurtie de ses recherches peu concluante. — Pour
tempérer les propriétés irritantes du baume hydriodaté,
(1) M. le docteur Blachez objecta à mes conclusions qn'il avait vu sou-
vent Papplication de Tonçuént mercuriel belladone autour des paupières
être suivie de la dilatation do la pupille. J'ai constaté que l'extrait de
belladone appliqué sur la peau n est en aucun cas absorbé; en ce qui
concerne l'onguent napolitain belladone^ je persiste à croirç que quelques
particules d'extrait de belladone sont entraînées avec les vapeurs mercu-
rielles et peuvent de la sorte pénétrer par la muqueuse pulmonctîre.
(î) Delore, Journal de la physiologie de l'homme et des animaux, de
Brown-Séquard, 1863.
-:r. 64-r
Vexpérimentateur Ta mélangé à de l^huile d'amandes
douces, ce qui a rendu Tabsorplion plu& difQcile ;
4'' L'iodure de polassium^ uni à ta glycérine malgré
les plus vigoureuses frictions, n'a jamais été retrouvé
dans les produits de sécrétion;
5"" L*alûool, au contr^^ire, semblerfiit favoriser la péné-
tration de ce sel ;
6® M. Delore emploie, dans ses autres expériences,
Textrait de belladone en pommade, avec frictions répé-
tées. — Sur 5 faits, 1 seule fois il a obtenu la dilatation
de la pupille; mais j'extrais de l'observation le passage
suivant, qui démontre jusq'u*à l'évidence que le fait
n'est pas concluant, ainsi que le lecteur pourra ea
juger : « On applique sur la cuii^se un vaste emplâtre
belladone ; la douleur disparaît et en même tepgtps oa
observe : dilatation de la pupille, tr<^l6s de la vue,
constriction à la gorge, etc.; mais, ÇQQQime il vègne
autour de son lit une odeur trè^rp^o^j^océe d^^trait de
b^ladone, on suppose que l'absorption s'e^t faite par
le poumon. »
Pour en finir, sur 160 cas, M. Delore a observé 69
résultats positifs, 60 négatifs, 9 cas douteux, et de ses
recherches il a cru devoir conclure qqp la peau ^ain^
absorbe toutes les substances solubles d^ns l'eau, qiipi-^
que cette absorption soit difficile et irrégulière, Lj^
expériences du chirurgien de Lyon ne prouvent qu'une
chose, c'est que les pommades contenant de l'iode sus-
ceptible de se vaporiser et d'être absorbé sous cçt étet de
vapeur, ne présentent même pas, au point de vue de
l'absorption, un degré de certitude suffisant pour que le
médecin en fasse usâge, s'il veut introduire dans l'or-
ganisme ce métalloïde.
- 05> —
J*ai fait pour mon compte, un assez g^rand nombre
d'expériences avec les pommades à Talropine. Je me
suis servi de cette substance de préférence à toute autre
parce qu'elle n'est pas volatile, et que sa présence dans
l'org^anisme est décelée par un réactif qui défie en sen-
sibilité et en sûreté tous les réactifs de la chimie. Qu'il
me soit permis ici de remercier mes amis de l'obli^eank
concours qu'ils ont voulu me prêter. Je remercie entre
tous mon cher ami, M. L. Foulhoux, qui, par amitié
pour moi, s est soumis un g^rand nombre de fois à tous
les désag*réments de l'expérimentation et m'a aidé dans
mes recherches.
Chaque application de pommade a été de 8 à 10 centi-
gammes d'atropine pour 4 ou 5 g^rammes d'axong^ ou
de glycérine, selon que j'employais l'une ou l'autre de
ces substances. Les expériences ont été faites sur des
personnes de tout âge et de tout sexe. Une première
partie comprend un chiffre de 30, ayant trait à des
adultes, des fenunes, des enfants au-dessus de huit ans;
sur ces 30 cas, il n'a jamais été constaté de dilatation
de la pupille, la pommade ou le g^lycérolé restant appli-
qués depuis cinq jusqu'à vingt-deux heures de suite,
maintenus peu* des tours de bande. Dans les expériences
dont je rapporte ici le résultat négatif, il n'a jamais été
exercé de frictions sur la peau, la pommade étant main^
ienue peu* une compression modérée.
Quelques auteurs avaient pensé que la glycérine pou-
vait favoriser l'absorption, cela ne résulte pas de mes
teclçierch^B, M. Demarquay (1) d'ailleurs avait depuis
longtemps établi le conlr^re.
(1) Demarqaay, Traité de la glycérine.
- 66 -
M. Mougeot (de TAube) croyant, sans appuyer son
assertion de preuves expérimentales, que les savons sont
absorbés par la peau, a fait préparer des savons avec
divers alcaloïdes.
Dans une autre série d'expériences, j'ai appliquée
plusieurs personnes de l'atropine incorporée dans des
savons ; je Tai accompag^née cette fois de frictions
répétées, et j'ai eu encore ici à noter un résultat né-
gpatif.
« Mais les frictions, va-t on dire, favorisent l'eJDsorption
cutanée, en détruisant les lamelles épithéliales superfi-
cielles, ceci est hors de doute, et une méthode célèbre,
vieille comme Fart, est basée précisément sur ce fait»
Voyons : Ghrestien de Montpellier, fit au commencement
de ce siècle de nombreuses expériences avec la méthode 1
iatraleptique, expériences concluantes d'après lui el
d'après Barthez, qui, pour une fois, avait daig-né des-
cendre des hauteurs de la philosophie médicale pour
s'occuper d'un fait de pratique vulgaire.
A Paris, les expériences de Chrétien reçurent l'assen-
timent de Pinel, de Duméril, etc. On crut donc à 1«
méthode iatraleptique et on en usa. On s'occupa de la
perfectionner, et on chercha des lieux d'élection pour
l'application des médicaments; c'est ainsi que Forget (!)
décrivit, sous le nom de maschaliâtrie ^ la manière d'ap-
pliquer les médicaments dans le creux axillaire, il
recommande surtout de n'employer par cette voie qw
les doses que l'on prescrit habituellement par Testomac,
M. Fonssagives est fort respectueuxpour la mémoire de
son confrère lorsqu'il dit que c'était là un excès *
(1) Forget, 1843. Bulletin de thérapeutique, t. XXIV,
— 67 —
prudence. Cependant la critique reprit ses droits; un
homme, dont le nom doit rester cher à la thérapeutique,
voyant constamment le sulfate de quinine administré par
la voie cutanée , voulut étudier la question. Martin
Solon (1) se frictionna avec des pommades contenant jus-
qu'à 50 g»rammes de sulfate de quinine, et ne put jamais
retrouver dans l'urine cette substance qui apparaissait
dans ce produit de sécrétion lorsqu'il en ing^érait lOcen-
tig'rammes. — M. Fonssag^rives sentant toute la gravité
de cette question pratique, a prescrit quelquefois les
frictions quininées, mais il en est encore «à trouver un
malade chez lequel les bourdonnements d'oreille, sig^ne
de rimprég^nation quinique, se soient montrés. »
Après un savonnag^e de la face interne du bras g'auche,
je me suis appliqué sur cette partie une pommade à
l'atropine et ai fait suivre cette application d'une fric-
tion énerg^ique, j'ai répété l'expérience sur la face in-
terne des cuisses, à quelques jours d'intervalle. — Ré-
sultats nég*atifs.
Nous avons précédemment vu les pommades iodurées
ou iodées, suivies de frictions énergiques, ne donner
des résultats positifs que dans la moitié des cas, et ici il
s'agissait d'une substance volatile, qui ne saurait entrer
en ligne de compte lorsqu'il est question de l'absorp-
tion des substances ou solides ou dissoutes. Je laisse
donc de côté ce fait, une fois pour toutes, et j'arrive au
point le plus important et le plus pratique de la ques-
tion, aux pommades mercurielles. Disons-le de suite, le
mercure est absorbé par la peau. C'est là un fait de
constatation journalière^ et ici les partisans de Tabsorp-
(i) Martin Solon. Bulletin de thérapeutique, 4844, t. XXXVII.
Amagat. 5
— 68 —
tign cutanée triomphent, mais il faudra bien qu'ils
ouvrent les yeux devant Tévidence des faits.
Pour les uns, à Theure où nous sommes, le mercure
serait absorbé par la peau, g'râce aux combinaisons qu'il
forme avec les chlorures de la sueur, pour d'autres, au
contraire, il pénétrerait à l'état de fine poussière à tra-
vers Tépithélium desg'landes sudoripares, à la manière
des matières crasses dans l'intestin. — * Vaines explica-
tions qui ne sauraient résister à Texamen un seul ins-*
tant. — Il est démontré que le mercure métallique est
cent fois plus facilement absorbé que le bichlorure de
mercure, ceci ruine la théorie qui veut que l'hydrarg'ire
ne s'absorbe que g*râce à une transformation chimique,
et pour ce qui est de la seconde explication, comment
concilier ce fait positif de la pénétration du mercure à
travers les cellules épidermiques, avec tous les faits né-
gatifs. Et c'est alors que s'impose victorieusement l'in-
terprétation de M. le professeur Gubler, à savoir que le
mercure, absorbé par la peau, ne peut l'être qu a l'état
de vapeur, absolument comme l'iode, comme les sub-
stances volatiles et gazeuses. C'est dans ses premiers
cours à la Faculté, que M. Gubler a adopté cette ma-
nière de voir, la seule acceptable ; le mercure se vapo*
rise à toute température (1) même à 15 degrés au-des-
sous de zéro. — Merget a vu ce métal se dégager de sa
surface libre avec une vitesse de 200 mètres par se-
conde, et ce dégagement se fait même lorsque le mep«
cure est incorporé aux graisses. On sait toutefois que les
gaz sont absorbés en assez petite quantité par la peau,
de sorte qu'il faudra,pour le mercure comme pour riode^
(1) Merget, cité par Rabuteau, Traité de thérapeutique.
- 69 -
faire intervenir con&tamment Tabsorption par la mu-
queuse pulmonaire.
Si nous voulons tirer quelques déductions pratiques
de ce que je viens de dire, nous serons oblig'é de recon-
naître que la méthode des frictions ne saurait, dans lapra-
tique, être appliquée qu'aux pommades mercurielles (1),
et dans une certaine mesure, aux pommades iodurées,
lorsqu'on voudra obtenir l'absorption par la voie cuta-
née; il reste bien entendu les applications locales de
ces topiques dans le détail desquelles je n'ai pas à entrer.
Il est des substances, dit-on encore, qui rendent l'ab-
sorption par la surface de la peau, facile ou tout au
moins possible, tels seraient les ag*ents qui ont la pro*
priété de dissoudre la matière sébacée, l'alcool, l'éther,
le chloroforme, il eût fallu d'abord se demander si
c'était bien la matière sébacée qui s'opposait à l'ab-
sorption, et la chose était facile : il suffisait d'appliquer
des pommades ou des g*lycérolés à la paume des mains
ou à la plante des pieds, et de vérifier si la pénétration
s'en opérait; c'est ce que j'ai fait et bien d'autres avant
moi, avec des résultats constamment nég'atifs. Exami-
nons néanmoins si l'alcool, le chloroforme et les dis-
solvants de la matière sébacée peuvent jouer un rôle
dans le phénomène. Je suis, à cet ég'ard, en mesure de
donner quelques résultats.
Je me suis servi des formules suivantes : alcool 20 gr.,
atropine 10 centig'r, ; chloroforme 20 g^r., atropine
10 centig'r.
Les essais ont été faits sur des hommes et des femmes
adultes, et sur des enfants des deux sexes.
(1) J'indique simplement ici que quelques praticiens (Panas) font un
fréquent usage des frictions mercurielles dans le traitement de la sy-»
philis.
— 70 —
Pour le chloroforme, je procède de la façon sui-
vante : Le liquide est versé dans une ventouse qu'on
applique sur la partie antérieure de Tavant-bras, on
presse la ventouse pour empêcher, autant que possible,
l'évaporation du chloroforme, ce qui est fort difficile ; la
chaleur de la main réduisant I0 liquide en vapeur,
celle-ci s'échappe entre le bord de la ventouse et la face
antérieure du bras, et fuse à plusieurs mètres de dis-
tance. Lorsque le véhicule est de bonne provenance,
il est difficile d'en supporter le contact plus de cinq mi-
nutes. Dès qu'on retire le petit appareil, la peau est
roug^e, g^onflée, extrêmement douloureuse, mais, en
aucun cas, il n'a été constaté d'éraillure au moment
même; les excoriations n'apparaissent qu'au bout de
quelques jours ; eh bien ! après quatre, cinq, six ou dix
minutes de contact, il n'a jamais été constaté de dilata-
tion pupillaire; une fois, le contact a été longtemps pro-
longée chez un enfant de dix ans qui, n'osant se plain-
dre, a supporté l'application chloroformique pendant
vingt-cinq minutes. Au moment où la ventouse a été
retirée, la peau, très-enflammée, ne présentait pourtant
pas la moindre excoriation, il n'y eut aucune dilatation
de la pupille. Les applications ont été constamment
faites à la face antérieure du bras, ou à la face interne
des cuisses ; je n'ai en aucun cas appliqué les substan-
ces sur le front ou la tempe; il suffit d'une si petite
quantité d^atropine pour dilater la pupille, que les moin-
dres vapeurs qui auraient pu se trouver au contact de
l'œil, auraient rendu l'expérience douteuse.
J'ai peine à croire que M. Parisot (1), qui a vu la di-
latation de la pupille cinq minutes après Tapplication
(i) Parisot, loc. cit.
— 71 —
sur le front de 5 centig*!*, d'atropine dans 20 grammes
de chloroforme, ait pu empêcher le contact de la vapeur
chlorofopmique sur les yeux ou les paupières, ce qui
rend, à mon sens du moins, son expérience peu con-
cluante. J'ajouterai que l'atropine étant peu soluble
dans le chloroforme, je la faisais préalablement dis-
soudre dans quelques g^outtes d'alcool; j'indique ce
fait pour relater les principales circonstances de mes
expériences.
Pour l'alcool, inutile de prendre les mêmes précau-
tions, néanmoins je me suis servi pour l'appliquer à la
surface du corps d'une ventouse ou d'un verre à pied ;
les expériences ont été constamment négpatives, et ce-
pendant le contact ici avec le même point de la peau, a
duré quelquefois deux heures après un savonnag'e préa-
lable. Un de mes amis, M. P. Foulhoux, après avoir
savonné la face palmaire de sa main g'auohe, y a tenu
appliquée pendant plusieurs heures une solution alcoo-
lique d'atropine, sans que nous ayons vu apparaître le
moindre chang'ement dans l'état de la pupille. J'ai pris
des bains de pied contenant des solutions alcooliques
d'atropine, sans résultat.
J'entends déjà cette objection : mais les liniments au
chloroforme g'uérissent les douleurs névralg*iques?
Sans doute, mais à coup sûr ce n'est pas par l'absorp-
tion du médicament incorporé dans ce véhicule, ou du
moins jusqu'à nouvel ordre je ne le pense pas; c'est pro-
bablement par l'action révulsive ei puissante que le chlo-
roforme doit ag^iren pareille occurrence, semblable en
cela à l'ammoniaque, aux sinapismes et à tous les
ag^ents de la médication révulsive.
Jusqu'ici, si je ne m'abuse, je suis parvenu à démon-
-Ti-
trer que les substances dissoutes et non volatilisableà
ne sont pas plus absorbées en pommades, liniments,
g^lycérolés, savons, etc., qu'elles Tétaient dans le bain
médicamenteux, mais ma tâche n'est pas encore finie ;
j'arrive à un fait qui sera opposé certainement à la
thèse que je soutiens, par les partisans de rabsorptîori
cutanée, avec d'autant plus de vig^ueur peut-être qu'ils
auront perdu plus de terrain, je veux parler deTabsorp-
tion du laudanum appliqué sur les cataplasmes. On a
cité des faits d'empoisonnement survenus à la suite de
l'application de cataplasmes fortement laudanisés; il
serait peut-être utile de soumettre les observations citées
à l'analyse, lorsqu'on sait surtout que la teinture d'opium,
employée à des doses élevées, ne détermina jamais le
sommeil dans les expériences de Chiarenti, Valliet Bréra,
qui ne peuvent certainement pas être suspectées de
prévention dans la question de l'absorption cutanée(l).
A l'époque oh l'on croyait au pouvoir absorbant de la
peau, les faits d'empoisonnements survenus par cette
voie étaient acceptés avec une crédulité déplorable ; en
1869, un médecin publia l'observation de deux ma-
lades, le mari et la femme, qui, à la suite d'applications
narcotiques à la surface de la peau, eurent des symp-
tômes d'empoisonnement ; l'auteur vit, dans les faits
qu'il livrait à l'appréciation du public médical , un
exemple d'absorption cutanée ; or, tout compte fait, les
(i) En ce qui concerne le laudanum, M. Martin-Damourette m'a dit
avoir constaté, à la suite d'applications laudanisées, les premiers signes
du narcotisme, mais il donne le laudanum à l'extérieur à la dose de
25 grammes par jour et ces signes n'apparaissent que vers le quatriôaie
jour. — Dans le laudanum, l'alcool est volatil, le safran est volatil
l'opium peut être entraîné avec ces substances vaporisées et l'absorption
se faire par la surface pulmonaire ; M. Martin-Damourette, d'ailleurs
ne repousse pas l'interprétation que je formule ici.
deux malades avaient la g*ale ; on peut revoir à ce pro-
pos^ dans la France médicale de 1869, la verte réponse
du professeur Scoutteten (de Strasbourg») à Tauleur,
dont j'ig'nore le nom. On a cité ég^alement des accidents
survenus à la suite d'application sur la peau de décoc-
tions de tabac; ici encore il faudrait faire la part de l'ab-
sorption par le poumon.
Ne connaissant aucune expérience sur ce point, et
n'en ayant fait aucune moi-même, j'en suis réduit à
invoquer lanalog^ie pour combattre l'absorption des
opiacés par la peau ; il est difQcile, en effet, d'admettre
l'absorption d'une substance, lorsque à côté une autre
substance du même ordre n'est pas absorbée ; en ce qui
concerne les faits d'empoisonnement sur lesquels on
s'appuie pour admettre l'absorption, ce n'est pas être
trop exig-eant que de demander des observations pré-
cises ; de simples assertions, de quelque autorité qu'elles
viennent, ne sauraient suffire à la rig'ueur de la clinique
moderne. Espérons d'ailleurs que des expériences vien-
dront bientôt résoudre laquestion d'une façon définitive.
Article 5. — Des bains à Thydrofère et de la pulvérisation
des liquides sur la surface de la peau.
Je n'ai pas l'intention de décrire ici les divers appa-
reils qui ont été imag»inés pour la pulvérisation des
liquides sur la peau, ni les divers hydrofères qiîî se sont
succédé depuis la découverte de ce g'cnre d'appareils.
On trouvera la description de tous ces instruments dans
les communications et les savants rapports de M. le pro-
fesseur Gavarret, devant l'Académie de médecine. Je
tiens à rapporter seulement en deux mots les expé-
riences faites à l'aide de l'hydrofère au point de vue de
l'absorption cutanée.
- 74 —
M. Séreys (1) a rapporté dans sa thèse un certain
nombre de recherches entreprises par Réveil, et qui
ne laissent aucun doute dans Tesprit de ce médecin,
sur le pouvoir absorbant de la peau. Voici le résumé
des expériences de Réveil : Après un bain contenant
500 grammes de sel marin, les urines, qui habituelle-
ment n'en contiennent que 1 g'ramme, en contenaient
8 grammes.
Après un bain additionné d'iodure de potassium, les
urines renferment de Tiode.
— L'arsenic fut également retrouvé dans Turine,
après un bain à Tarseniate de soude.
Les expériences de Réveil né sauraient être acceptées,
Fauteur ayant commis la faute de ne pas respirer Tair
du dehors; M. Demarquay, qui a pris cette précaution,
n'a jamais constaté d'absorption dans les bains à l'hy-
drofère.
M. Brémond (2) (de Vincennes) a fait des expé-
riences à deux reprises; une première fois en 1869,
une deuxième, fois en 1872. Ses recherches ont porté
sur l'iodure de potassium, qui a été retrouvé dans l'u-
rine; et M. Brémond a conclu à l'absorption cutanée;
il est étrange qu'ayant la prétention de donner une
solution définitive à cette question si controversée, le
médecin que je cite n'ait pas opéré avec d'autres sub-
stances que l'iodure de potassium, qui a été retrouvé
par les nombreux observateurs qui ont précédé
M. Brémond. Ce que j'ai dit précédemment, et à plu-
sieurs reprises, touchant l'iodure potassique me dis-
(i) Sereys, Thèse de Paris, 4862.
(2) Brémond. 1869, Bulletin dePAcadémie de médecine ; 1872, Comptes
rendus de l'Académie des sciences.
— 75 —
pense d'insister ici ; il est évident que les recherches
de M.Brémond n'ont rien démontré du tout, sinon que
riode est plus facilement absorbé dans le bain à Thy-
drofère que par les autres moyens , ce qui se conçoit
d'ailleurs facilement.
La pulvérisation cutanée des eaux minérales ne favo-
rise pas plus l'absorption que le bain à l'hydrofère; et
comme je n'ai pas à faire l'histoire de cette méthode
que nous devons à M. Tillot, inspecteur des eaux de
Saint-Christau, j'ai hâte de clore ici ce long» chapitre.
CHAPITRE V,
DE l'absorption PAR LA PEAU DEPOUILLEE DE SON EPIDERME
ET DE LA MÉTHODE ENDERMIQUE.
Le pouvoir absorbant que possède le derme est consi-
dérable ; rien n'est mieux établi en physiologie, et cette
propriété est utilisée journellement pour l'absorption
de certains médicaments. Vers 1820, Murray avait ap-
pliqué de l'aloès à la surface d'un vésicaloire, et con-
staté à la suite des évacuations alvines ; chez des indi-
vidus affectés de fièvre jaune, Baily (de St-Doming»ue)
avait appliqué du calomel sur la rég'ion épig^astrique
dénudée par un vésicatoire (Baudot).
Mais c'est à Lembert et à Lesieur, médecins français,
dont les travaux remontent à l'année 1825, que revient
l'honneur d'avoir érigée en méthode l'absorption des
médicaments par le derme.
Lesieur, dans sa thèse soutenue en 1825, publia quel-
— 76 -
ques observations intéressantes; et Lembert (1), en 1828,
consig*nait, dans un travail spécial, les avantagées de la
nouvelle découverte. Deux ans plus tard, Guérard (de
Philadelphie) donnait la relation de tous les cas dans
lesquels il avait eu recours aux applications dermiques,
et indiquait les substances dont il s'était servi ; à côté de
la belladone, de la cig'uë, il avait employé le mercure,
riode, rhuilede croton tig*lium; aujourd'hui, personne
n'emploierait ces substances irritantes sur le derme ; il
ne paraît pas, toutefois, que Guérard ait eu des acci-
dents à noter, ou du moins il n'en fait pas mention.
La méthode ne rencontra aucun obstacle : à Paris,
tous les médecins Texpérimentèrent et l'appliquèrent à
un g»rand nombre de cas, qui semblent ne la réclamer
aucunement; c'est ainsi que Raciborski se servait de la
strychnine par la voie dermique, contre les hèmiplég*ies;
Fouquier suivait cet exemple.
Trousseau (2), qui fit toute sa vie un g^rand usag*e de
la méthode de Lembert, l'employa dans le traitement
du rhumatisme synovial g^outteux.
Chomel l'employa contre les fièvres intermittentes,
et remarqua que le traitement, toutes choses ég*ales
d'ailleurs, était ainsi moins long* que lorsqu'il prescri-
vait le sulfate de quinine par la voie g'astrique.
Partout des observations furent faites, un g^rand nom-
bre de thèses rapportant ces observations parurent en
même temps et achevèrent de vulg^ariser une méthode
excellente quia rég'né à peu près exclusivement jusqu'à
la découverte des injections hypodermiques qui l'ont
(1) Lembert, Essai sur la méthode endermique.
(2) Trousseau et Bonnet, Recherches sur le rhumatisme synovial
goutteux, 4833. * '
- 77 —
avantag'eusement remplacée. — Il est des cas néanmoins
où la méthode endermique mérite d'être conservée; dans
certaines douleurs rhumatismales, névralg^iques , où
l'on a préalablement cru devoir faire usagée des vésica-
loires, ceux-ci pourront très-bien être pansés avec de
la morphine ou de Tatropine ; dans le point de côté de
la pneumonie et de la pleurésie, on pourrait aussi pro-
fiter de la présence du vésicatoire pour combattre la
douleur avec une substance narcotique.
Dans les cas où Ton désirerait employer la méthode
endermique, il faudrait se conformer aux règles sui-
vantes :
La peau est dénudée, soit avec le marteau de Mayor
trempé dans l'eau bouillante, soit avec un vésicatoire,
préférablement avec de l'ammoniaque sous forme de
pommade de Gondret. — Lorsque Tépiderme est sou-
levé par la sérosité, avec un instrument piquant, ou
tout simplement une éping^le, on pique un point de la
peau boursouflée, la sérosité s'écoule; on enlève, en
un point seulement l'épiderme, et on introduit la sub-
stance pulvérisée, dont Ted^sorplion est promptement
effectuée.
Par cette voie on ne peut employer que des alcaloïdes,
et il faut proscrire les irritants dont nous avons vu Gué-
rard faire usage. Les doses, tout naturellement, doivent
être moindres que pour Testomac, l'absorption ayant
lieu ici en deux ou trois minutes ; la quantité adminis-
trée ne doit pas dépasser celle que l'on donne en injec-
tions hypodermiques.
Cette voie d'introduction des médicaments ne présente
aucun danger; mais elle a un certain nombre d'incon-
vénients ; lorsqu'il est nécessaire de prolonger un trai-
-- 78 —
tement plusieurs semaines, on voit tout ce qu'a de
fâcheux l'application d'un grand nombre de vésica-
toires, les accidents vésicaux, le désagrément et rim-
patiencedu malade, les cicatrices qui peuvent persister
plus ou moins long^temps, et enQn le temps nécessaire
avant que. la surface soit dénudée.
Voilà pourquoi la méthode endermique doit être rem-
placée par les injections dans le tissu cellulaire, et tout
au plus doit- elle rester dans la pratique pour les cas
que j'ai indiqués plus haut, — elle n'en fut pas moins
une conquête utile, et, pour la bien jug^er, il faut se
reporter à l'époque oîi elle parut. — La méthode hypo-
dermique, a dit très-judicieusement M. Baudot, n'a pas
détrôné la méthode endermique ; c'est cette dernière
qui a donné naissance à l'autre; un bon procédé en
appelle un meilleur, et l'esprit humain, eng*ag*é dans
une voie, ne s'arrête que lorsqu'il croit avoir touché à
la perfection.
De la méthode d inoculation ^ ou méthode de Lafargtie.
— Je ne pouvais toucher à ce sujet de l'absorption par
le derme, sans dire quelques mots d'une méthode qui
a été fort peu employée malg^ré l'habileté de son au-
teur, et malgré le rapport favorable que Martin Se-
lon (1) présenta devant l'Académie de médecine , sur
le mémoire qui indiquait à la fois le procédé opératoire,
et les résultats obtenus par Lafarg'ue (de St-Emilion).
L'inoculation est employée continuellement pour la
vaccination ; elle l'était, avant la découverte de Jenner,
pour transporter d un malade à un homme sain une
(i) Martin Solon, Bulletin de TÂcaclémie de médecine, 1837.
— 79 -
variole bénigrie , qui devait éviter uae variole plus
grave ; cette pratique paraît même remopter jusqu'aux
Indiens ; mais nul, jusqu'au mémoire de Lafargue, n'a-
vait tenté de porter, par un moyen analogue, les sub-
stances médicamenteuses dans l'intérieur de Torga-
nisme.
Lafargue avait indiqué tout d'abord un procédé dos
plus simples : il trempe la pointe d'une lancette dans
une solution médicamenteuse, et il l'introduit sous
l'épiderme, absolument comme dans la vaccination or-
dinaire. Depuis lors il a changé plusieurs fois de mode
opératoire. — Après avoir conseillé de recouvrir les
points inoculés d'un verre de montre, pour empêcher
l'évaporation de la solution, ou sa diffusion dans le
voisineige, il est arrivé à un procédé plus ingénieux.
Il pratique, avec une aiguille, un certain nombre de
galeries sous la peau, et, par ces ouvertures, il intro-
duit de petits cylindres médicamenteux préparés à l'a-
vance, et d'après un moule adapté à la petitesse des
orifices sous-dermiques ; c'est là, après tout, une modi-
fication de la méthode hypodermique, qui présente sur
cette dernière l'avantage de pouvoir se passer de toute
instrumentation, mais qui a l'inconvénient très-grand
d'exiger beaucoup de temps pour l'introduction de ces
divers cylindres médicamenteux.
La méthode de Lafargue avait sur celle de-Leiiibert un
grand nombre d'avantages, elle est plus prompte, moins
douloureuse, peut être appliquée sur tous les points du
corps, au cuir chevelu par exemple où l'on ne pouvait
faire usage des applications endermiques; elle me pa-
raît devoir rester dans la pratique et pourra être très-
utilement employée dans les névralgies, douleurs mus-
- 80 -
oulaires, eto , et remplacer le» injections hypoder-
miques dans quelques cas.
Quant aux régules à suivre dans Temploi de la méthode
de Lafargue, elles sont les mêmes que dans les injec-
tions dans le tissu cellulaire dont je vais maintenant
entreprendre Tétude.
Je rappelle seulement que c'est de la méthode par
inoculation que s'est servi Auzias Turenne dans ses
tentatives de syphilisation.
Pauli a appliqué ég^alement au traitement des na^vi
matemi Tinoculation de poussières inertes et de diverses
substances pulvérulentes insolubles.
C'est également de Finoculation que se servent les
^yphiliog^raphes lorsqu'ils veulent connaître la nature
des chancres en transportant le virus sur un point éloi-
gné de Tendroit où l'ulcère à pris naissance.
CHAPITRE VI.
DU TISSU CELLULAIRE ENVISAGÉ COMME VOIE D* ABSORPTION
ET DES INJECTIONS HYPODERMIQUES.
A. — Pouvoir absorbant du tissu cellulaire.
Le tissu cellulaire est doué d'un pouvoir absor-
bant qui ne le cède en intensité qu'à la muqueuse pul-
monaire. Les expériences des physiologfistes ont déter-
miné que la même dose de curare détermine ses effets
toxiques :
1® En 20 secondes lorsque le poison est injecté dans
les veines ;
2° En 50 secondes lorsqu'il est injecté dans la
trachée ;
^ 81 —
3* En 4 minutes lorsqu'il est déposé dans le lisBU
cellulaire sous-cutané.
Ce qu'il y a de très-reraarquable et que Ton ne sau-
rait trop apprécier, c'est qu'ici les elFets se manifestent
avec une régpularité presque mathématique. Un lapin
reçoit tous les jours, dans des conditions identiques,
3 milligrammes de curare en injection sous la peau;
les premiers symptômes surviennent environ 20 mi-
nutes après rinjection, les phénomènes toujours durent
& peu près 45 minutes, et i heure 30 minutes après le
début de l'expérience, l'animal est complètement réta-
bli. (Claude Bernard.)
Ces découvertes ne devaient pas laisser les thérapeu*»
listes indifférents.
Nous avons vu précédemment que Pauli traitait les
nœvi matemi par des poudres insolubles qu'il introduisait
dans ces tumeurs par inoculation ; c'est en injectant du
perchlorurç de fer dans une tumeur sanguine avec la
seringue de Fergusson que le D' Wood, d'Edimbourg,
conçut l'idée des injections sous-cutanées de substances
narcotiques dans les cas de névralgie, et dota ainsi la
thérapeutique d'une ressource aussi ingénieuse qu'elle
devait être utile. D'après M. Béhier, toutefois, c'est à
Rynd qu'il faudrait rapporter la première application de
la méthode hypodermique, et le savant professeur cite
à cet égard deux observations de névralgie remontant
à 1844, et dont le médecin de Dublin avait obtenu la
guérison par une injection sous-cutanée de substance
narcotique. Quoi qu'il en soit, c'est à partir du mémoire
de Wood (1), publié en 1855, mémoire qui relatait la
(i) Wood, Ediid)urgh medioal and lurgioal Journal.
^82 —
guérison d'un certain nombre de névralgies par la
méthode nouvelle, que furent expérimentées en Ang'le-
terre les injections sous-cutanées. Charles Hunter, Oli-
ver, Reill, etc., publièrent à leur tour des observations
proclamant rexcellence de la nouvelle conquête.
En 1859, M. le professeur Béhier, alors médecin de
Thôpital Beaujon, expérimenta sur une g^rande échelle
les injections hypodermiques, et dans un mémoire, lu
dans le courant de cette même année à TAcadémie de
médecine, il publiait 53 observations de névralg'ies cos-
tales, avec ou sans complications, de douleurs muscu-
laires rhumatismales, de pleurodynies, elc; sur ces
53 cas, 32 avaient été complètement guéris par les
injections d'atropine, et les autres avaient été plus ou
moins améliorés, A partir de cette époque, presque tous
les médecins des hôpitaux de Paris, et un grand nombre
d'autres en province, expérimentèrent la méthode nou-
velle, qui jusque-là n'avait été guère appliquée que dans
un but local; on commença à l'utiliser pour produire
des effets généraux et à distance, dans le tétanos, Tépi-
lepsie (Voisin et Liouville), les fièvres intermittentes.
Parmi les observateurs qui en France suivirent l'exemple
de M. le professeur Béhier, citons MM. Moutard-Martin,
Gubler, Courty, de Montpellier, Vulpian, Voillemier,
Arnould, etc., etc.
La fortune de la méthode était faite et l'on peut dire
qu'elle n'a compté que des enthousiastes.
B. Valeur de la méthode hypodermique. — La rapidité
de l'absorption, la constance et la régularité avec les-
quelles cette absorption s'opère, la certitude de n'intro-
duire rien que la dose voulue, font des injections dans
— ga-
le tissu cellulaire une méthode précieuse dont la théra-
peutique ne se dessaisira plus. L'estomac peut modifier
les médicaments par T intermédiaire des liquides diges-
tifs; ici rien de pareil : Tagent thérapeutique pénètre
intact dans le courant sang'uin, aussi n'a-t on jamais à
craindre des irrégularités dans les effets physiolo-
giques. J'ajoute que par cette voie on peut agir sur le
point douloureux dans les névralgies; qu'on n'a pas
besoin de l'intervention du malade, point à considérer
chez îcs enfants qui se refusent souvent à prendre les
médicaments, si peu que Todeur ou la saveur en soient
désagréables, et que, dans tous les cas enfin, la porte
est ici ouverte, lorsque les voies rectale ou gastrique ne
peuvent être utilisées pour l'absorption. On a par la
surface sous-cutanée, un autre avantage que les phy-
siologistes ont mis en lumière, c'est que les substances
introduites dans le sang par le tissu cellulaire sont plus
vite éliminées que lorsqu'elles sont absorbées par une
autre voie, en tenant compte des différences daqs la ra-
pidité de l'absorption elle-même ; c'est ainsi que du
cyanoferrure de potassium injecté dans le tissu cellu-
laire est éliminé en vingt-quatre heures, tandis que la
même quantité de cette substance se retrouve encore
dans Turine soixante-douze heures après avoir été
donnée par l'estomac, bien qu'on ait pris la précaution
de donner ce sel dans l'état de vacuité de ce dernier
organe.
Ce sont là des avantages précieux et qui justifient
l'enthousiasme avec lequel la méthode de Wood a été
appliquée; mais de là à vouloir faire du tissu cellu-
laire la seule voie d'introduction des médicaments ac-
tifs, il y a loin, et je ne saurais souscrire, pour mon
Amagat. 6
M. Fonssag-rives a vu trois fois le tétanos suîVre uKê
simple injection hypodermique.
H n'y a d'ailleurs qu'un petit nombre de médicaments
actifs qui puissent être donnés par cette voie; les mé-
dicaments fort actifs, qui n'ag^issent qu'à des doses assez
élevées, ne pourraient sans inconvénient être employés
par la méthode hypodermique; le médecin prudent
n'administrera Jamais par le tissu cellulaire ni les mer-
curiaux (quoique la chose ait été faite et vantée), ni
les iodiques, ni le bromure de potassium, et cent autres
Substances.
C. Des règles à suivre dans l'emploi de la méthode hypo-
dermique. — 1° Choix de linslnmient. — Wood, dans ses
premiers essais, se servit delà seringue de Ferg-usson;
Rynd en avait une de son invention ; en France il existe
un si grand nombre d'instruments qu'il me serait im-
possibiC de les indiquer tous; on peut d'ailleurs en
trouver la description complète dans Gaujot (1); on peut
choisir entre les modèles de Pravaz, de Béhier, de Liier,
de Mathieu, deCharrière; pour moi j'adopte la sering-ue
de Pravaz, comme de toutes la plus simple. On me dis-
pensera de la description de l'instrument, qui est entre
toutes les mains; je me contente de dire que le piston
ae meut dans le corps de pompe de manière à le par-
courir en trente-deux demi-tours de rotation, chaque
demi-tour chassant 2 centig-ramraes de liquide.
La petite opération peut se diviser en cinq temps :
i" charg-ez l'instrument; 2" ponctionnez avec la canule
(i) Ponsaagrives, Dictionnaire cncyclopÉdîque des aciaaces mfiaîcalaa,
art. Mëdicament.
(3) Gaasot, Arscoal de la chirurgio coalemporaiDe.
— 86-
munie de son poinçon; 3° retirez le poinçon en laissant
la canule en place; 4" vissez le corps de pompe à la
canule; 5"* tournez le piston en procédant par demi-
tours.
2"* Substances que l'on petit employer. — C'est jusqu'ici
l'atropine qui a été l'ag'ent le plus employé par la mé-
thode hypodermique ; c'est de cet alcaloïde que se servait
M. le professeur Béhier dans le traitement des névral-
g'ies à l'hôpital Beaujon : tous les alcaloïdes en g^énéral
peuvent être employés par cette voie; ils ag'issent à des
doses très-faibles, ils peuvent être dissous dans une
g^rande quantité de liquide, et Ton évite ainsi l'irrita-
tion locale. Toutefois, on ne s'en est pas tenu aux alca-
loïdes, et Ton a appliqué sur le tissu cellulaire du bro-
mure de potassium, du tartre stibié, de l'huile de croton,
du sublimé corrosif, du chloroforme et autres ag^ents
irritants; là a commencé l'abus, et je ne crains pas de
dire que l'administration de ces derniers ag*ents par
cette voie constitue une pratique imprudente. De deux
choses l'une : ou, pour obtenir un effet g^énéral suffisant
on sera obligé d'avoir recours à une dose élevée et l'on
aura dés accidents locaux, ou bien, pour éviter ces acci-
dents locaux, on diluera la substance à l'excès, et alors
on ne produira plus l'efiFet thérapeutique g^énéral que
l'on désirait obtenir.
Il est loin de ma pensée de vouloir formuler ici des
régules g^énérales et absolues, mais il me paraît sag»e de
réserver surtout les alcaloïdes pour les injections hypo-
dermiques, et de n'employer qu'exceptionnellement,
lorsqu'on ne peut faire autrement, en un mot, les sub-
stances plus ou moins irritantes par cette voie; et même
— 87 —
parmi les alcaloïdes, il en est qu'il serait peut-être pru-
dent de ne jamais administrer par la voie sous-dermi-
que. C'est ainsi que Ton a vu des accidents locaux assez
graves accompagner une injection d'un demi-milli-
gramme d'aconitine (Gubler).
3' Doses. — Les médicaments agissent, on le sait, non
par la dose qui est administrée, mais bien par la quan-
tité qui se trouve à la fois dans le courant circulatoire ;
dans l'estomac, et surtout pendant la digestion, Tabsorp-
tion est lente, et une grande partie du médicament est
déjà arrivée aux voies d'élimination, qu'il s'en trouve en -
core des quantités dans l'estomac ou'^dans Fintestin.
Dans le tissu cellulaire, au contraire, l'absorption ayant
lieu en trois ou quatre minutes, il est évident qu'une
plus forte dose de substance active se trouvera accu-
mulée dans le sang et y déterminera des effets plus in-
tenses ; il est donc indispensable que la dose adminis-
trée soit moindre que dans la méthode gastro -intesti-
nale ou rectale. On a vu des accidents d'atropisme
(délire, hallucinations), avec 6 milligrammes de sulfate
d'atropine (Michalski, thèse citée).
En général, on ne dépasse pas 4 milligrammes de
sulfate d'atropine, 5, 10 ou 15 milligrammes de chlor-
hydrate de morphine, 10, 20, 25 milligrammes de chlor-
hydrate de narcéine, 2 à 3 milligrammes de sulfate de
strychnine, 1 à 5 milligrammes de nitrate de vératrine,
1 à 2 milligrammes d'aconitine , 3 milligrammes de
digitaline, 15 à 75 centigrammes de sulfate de qui-
nine, etc., etc..
4* Quel est le véhicule dontt on doit se servir ? — Dans
- 88 —
tous les cas, c'est Teau distillée qu'il faudra employer
comme excipient des substances que Ton veut injecter
sous la peau ; je rappelle que Ton s'est servi comme vé-
hicule de l'alcool, de l'éther, du chloroforme, mais ces
ag*ents sont trop irritants, leur emploi a été souvent
suivi dephleg^mon, ils doivent être proscrits.
Avant de commencer l'injection, il faut avoir le soin
de bien faire dissoudre la substance médicamenteuse ;
c'est pour avoir oublié cette précaution que beaucoup
de médecins ont noté des inflammations à la suite d'iq-*
jections sous-cutanées de sulfate de quinine.
Enfin, la solution dont on se sert doit être fraîches
ment préparée ; M. Bourdon n'ayant pas obtenu d'efiet
physiolog*ique à la suite de plusieui*s injections d'une
solution d'atropine, on découvrit au microscope la pré-
sence du champig^non, découvert par M. Gubler, dans
les solutions atropiques altérées.
5® Il était important de savoir si tous les pointa de la
surface sous-dermique sont doués d'un ég»al pouvoir
absorbant, et s'il est indifférent de confier la substance
médicamenteuse à une partie quelconque de la peau.
Cette question a été résolue par Eulemburç, qui a
dressé une sorte d'échelle comparative et a rangé 1^
diverses régions du corpa, sous le rapport de l'intensité
du pouvoir absorbant,, dans Tordre suivant : la tempe
et la joue viennent en première ligne, puis la région épi-»
gastrique, puis la face interne des cuisses, .., en dern^ieç
lieu la face dorso- lombaire ; il y a même des différencia
considérables qu'il importe de connaître. Chez un ma-
lade auquel Eulemburg avait pratiqué une injection de
morphine à la région épigs^slrique» le sommeil survint
en ving-l minutes ; le lendemain chez le même malade,
l'injection futpraliquée à la région lombaire, le sommeil
ne vint pas, il y eut seulement un peu d'assoupiese-
6" Lorsqu'on se propose de calmer un point doulou-
reux par l'injection hypodermique d'une solution nar-
cotique quelconque (atropine, morphine, etc.), doit-on
appliquer cette substance sur le point douloureux lui-
même, ou bien est-il indifférent de faire l'injection à dis-
tance? En d'autres termes, les médicaments qui cal-
ment une douleur névralg-ique, exercent-ils celte
heureuse influence, en vertu d'une action locale primi.
tive, ou bien au contraire par un effet général qui ne
«e manifeste qu'après l'absorption ? Celte question, insi-
g^nifîante en apparence, est en réalité d'une importance
capitale, tant au point de vue doctrinal qu'au point de
vue pratique. Gli. Hunier, l'un des médecins anglais
qui ont le plus étudié la méthode hypodermique, sou-
tient que c'est par une action générale que l'atropine
et la morphine calment les points hyperesthésiés, et ce
qui a lieu de surpendre, c'est de voir unesociété savante
anglaise conclure absolument comme Hunier. La com-
mission de la Société médico -chirurgicale de Londres,
qui avait été chargée de présenler un rapport sur les
applications des injections hypodermiques a cru devoir
£n effet poser dans les conclusions du rapport qu'il n'y
S aucune différence dans les effets obtenus, que Finjec-
iion soit pratiquée près du point malade ou à distance.
Je ne oie pas que quelques faits parlent en faveur de
(A) Medico-chirut^cal Traneaclion, 1867.
— 90 —
cette manière de voir. Chez un malade atteint d'un can-
cer du rectum, des injections à Tépig'astre calmaient les
douleurs lancinantes de la tumeur malig'ne (Erlenmeyer).
M. Baudot (1) cite ég^alement une malade de Thôpital
Necker, chez laquelle une névralg^ie sus-orbitaire dis-
parut après des injections de morphine à la partie anté-
rieure de Tavant-bras. Ces faits prouvent tout au plus
qu'indépendamment de l'action locale la morphine peut
produire encore un effet diffusé assez intense pour di-
minuer rhyperesthésie d'un point éloig*né de la surface
d'application.
Mais il me semble facile de démontrer que c'est une
action locale, primitive, de simple contact que les nar-
cotiques exercent sur les points qui sont le siég»e de la
douleur, et qu'ils amènent la çuérison de la névralg»ie
en parésiant le nerf qui en est atteint. Voici une sub-
stance, l'atropine, qui, appliquée sur un point de la peau
en détermine l'insensibilité avant de produire aucun
effet g^énéral ; donnée au contraire par l'estomac, elle
aura produit la mydriase, les vertig'es, la titubation, un
commencement de résolution musculaire, en un mot le
premier deg^ré de l'ivresse atropique, que la sensibilité
g^énérale sera à peine troublée ; et si Ton augmentait les
doses, on arriverait à paralyser complètement le mou-
vement, tandis que la sensibilité serait encore assez
vive. La propriété que possède la belladone de paré-
sier les nerfs sensitifs est la plus faible de toutes ses pro-
priétés physiolog^iques, et contre une névralg*ie, on
donnerait en vain cette substance, on produirait des
accidents toxiques avant d'obtenir une amélioration
(1) Baudot, Thèse d'agrégation en médecine. Paris, 1866.
-* 91 —
quelconque, si Ton déposait le médicament loin de la
surface douloureuse. Ce fait n'avait pas échappé à la
sag^ace observation de Trousseau qui, voulant mettre à
profit les propriétés de la belladone contre les névral-
gies profondes, et ayant vu constamment son remède
échouer quand il l'appliquait à la surface de la peau,
imagina de porter jusque sur le nerf lui-même le médi-
cament, en pratiquant des incisions quelquefois très-
profondes ; ainsi faisait-il dans les névralgies sciati-
ques. M. le professeur Béhier a observé également, dans
ses expériencessur l'atropine, qu'il fallait porter la sub-
stance le plus près possible du nerf hyperesthésié.
Ce que je viens de dire de la belladone et de son alca-
loïde s'applique également à l'opium et à ses dérivés.
Et ici il suffît de considérer les symptômes du médica-
ment pour se convaincre que toute son action est une
action purement locale. Suivez l'opium à mesure qu'il
chemine dans l'organisme, en passant dans l'estomac
il exerce son action et parésie à la fois les nerfs de sen-
sibilité et de mouvement (dyspepsie); il entre dans
l'intestin et y exerce un effet local de même nature; il
est porté par la veine porte à travers le tissu du foie, il
diminue la sensibilité de cet organe, si par hasard
celui-ci était le siège d'une douleur; le sang artériel le
porte au contact des éléments nerveux, il diminue, en
les touchant, leur excitabilité; enfin la circulation l'a-
mène à la porte de sortie, ici encore l'opium va laisser
la trace de son passage, il parésie à la fois les nerfs de
sensibilité et de mouvement du réservoir vésical, et de
là ces rétentions d'urine qui accompagnent tous les
empoisonnements par les opiacés. — Ce que démontre
Texpérimentation, la clinique l'avait parfaitement con-
— 9Î —
staté. On sait les doses énormes d'opium que donnait
Trousseau dans les névralg^ies de la face, et cela sans
succès le plus souvent, tandis qu'avec quelques milli*-
grammes de morphine en injections sur le point dou^
loureux, on g^uérit les névralg'ies les plus rebelles.
Ce que j'ai dit de la belladone et de l'opium et de leur
action locale peut s'appliquer à tous les agents de la
matière médicale. Il n'y a partout que des actions lo-
cales ; et en parlant ainsi je tiens à m' abriter sous la
parole de mon savant maître, M. le D^ Martin-Damou-^
rette, qui vulg^arise maintenant la thérapeutique phy-
siolog'ique, après en avoir été l'un des promoteurs.
Il est donc certain, laissant même de côté tout ce qui
pourrait paraître trop ;ibsolu touchant l'action locale
des médicaments en général, il est certain que c'est par
une action de contact que les modificateurs du système
nerveux agissent dans le traitement des névralgies;
aussi est-il de rigueur, si Von veut arriver au but,
d'appliquer la substance médicamenteuse sur le pmnt
même qui est le siège du mal, lorsqu'on aura à com*-
battre l'élément douleur par les injections hypoder-
miques.
D. •— Des cas où il cornaient d'avoir recours à la mé^h/ode
hypodermique. — Ce que je viens de dire dans le précé-
dent paragraphe sur l'action locale primitive des subr-
stances appliquées dans le tissu cellulaire, fait prévoir
tout le parti qu'on peut tirer de cette méthode dans le
traitement des névralgies, et ae que le raisonnement
fait ainsi présager, l'expérience, juge souverain de
toutes choses en médecine, le démontre depuis 15 ans.
C'est contre les névralgies que Wood lit ses aswis ; ce
- 93 -
sont des névralgies que M- Béhier traitait à Beaujon»
Les observations se comptent aujourd'hui par n^illiers*
ou plutôt ne se comptent plus, d'individus g^uéris de
névralgies souvent rebelles et qui avaient résisté à tous
les anciens traitements,
1® A côté des névralgies doivent se placer tous les cas
où Ton a à combattre l'élément douleur, et qui sont
justiciables du traitement par les injections soua«cuta-«
nées, les douleurs des [ihthisiques (Béhier), le point de
côté de la pneumonie (Bois) , les douleurs symploma-*
tiques du cancer (Erlenmeyer), les douleurs du rhumar
tisme articulaire aigu (Trousseau).
2^ Après le long chapitre des névralgies contre les-
quelles triomphe la méthode hypodermique, vient celui
non moins vaste des paralysies de toutes natures, idio-
pathiques (?), saturnines, hystériques, liées à uneaflec*
tion des centres nerveux, contre lesquelles M. le profes-
seur Gourty (de Montpellier) a dirigé des injections
soua^cutanées de strychnine ; sur ce terrain, je le crains,
la méthode ne pourra se tenir bien solidement. Je n'in«
aiste pas d'ailleurs sur le traitement des paralysies; je
devais seulement indiquer cette tentative.
3^ La rapidité de l'absorption par le tissu cellulaire
rend cette porte d'entrée indispensable dans les cas où
rindication principale est d'stgir vite ; tel est assurément
le cas des fièvres pernicieuses. Ici, on peut le dire, le
médecin tient dans ses mains la vie du malade qui se
confie à lui ; il possède le remède qui guérit à coup sûr,
le tout est de le faire pénétrer à temps dans Torganisme ;
la voie gastrique en pareil cas est des plus périlleuses,
le malade pourra vomir le médicament ; celui-ci pourra
ne pas être absorbé et être rejeté par l'intestin ; il pourra
— 94 —
ne pas être absorbé à temps, et cependant il n'y a pas
une minute à perdre. Dans quelques heures, le malade
aura un accès qui pourra devenir mortel ; évidemment
en pareil cas Tinjection hypodermique s'impose, elle est
la seule voie de salut, elle est souveraine. Aussi est-ce
contre les fièvres intermittentes, après les névralgies,
que l'on a le plus employé les injections sous-cutanées
(Béhier, Rosenthal, Arnould)(l). 11 est toutefois utile de
faire remarquer que ce n'est que contre les fièvres graves
qu'il y a indication d'agir ainsi. Dans les fièvres inter-
mittentes ordinaires, plus ou moins bénignes, on peut
se servir de l'injection pour éviter au malade la saveur
détestable du sulfate de quinine ; mais il n'y a plus ici
indication formelle.
4** Voici une autre maladie qui réclame également d'une
façon impérieuse l'application de la méthode sous-cu-
tanée, le tétanos, contre lequel on a tenté un grand
nombre de substances actives,, administrées en injec-
tions ; les succès ont été divers : un ou deux cas de gué-
rison par le curare, il suffît de relire les observations
pour se convaincre que la guérison ne saurait être mise
à l'actif de cette singulière substance; plusieurs cas de
giiérison par les opiacés et le chloral. Quelque sub-
stance que Ton choisisse parmi celles qui ont donné
des résultats satisfaisants, s'il existe en même temps du
trismus, ce qui est le cas le plus fréquent, il faudra
avoir recours à la méthode sous-cutanée; les injections
devront être pratiquées sur les muscles tétanisés.
5** Une maladie plus redoutal)le encore que le tétanos,
l'hydrophobie, a été combattue avec le bromure de po-
(1) Arnould, Du traitement des fièvres d'Algérie par les injections hy-
podermiques de sulfate de quinine. Bulletin de thérapeutique, 1867.
— 93 —
tassium en injecti'ohsgeôrcseenrstuué(aBr-,deono In
pital Sainte-Eugénie); inutile de dire que la marche de
la maladie n'a pas été un seul instant modifiée et qu elle
s'est terminée comme tous les cas pareils se terminent.
6® Contre les affections convulsives, les injections ont
été appliquées; on s'est servi de la morphine contre
l'éclampsie; je ne crois pas que ce mode de traitement
soit accepté parmi les accoucheurs actuels.
Contre Tépilepsie (injection de curare, Liouville et
Voisin), cette pratique n'a donné absolument aucun
résultat sérieux;
7* Dans les contractures, on pourrait avoir recours
à la morphine par (la méthode que nous étudions ; cela
a été fait avec succès dans un cas de contracture des
muscles de la jambe gauche, de nature hystérique. (Ga-
zette des hôpitaux j 1864.)
8^ Constatons les succès de M. le professeur Dolbeau
et de Foucher dans la chute du rectum chez des en-
fants (injection de strychnine).
9"* Scarienzo avait déjà utilisé contre la syphilis les
injections de calomel suspendu dans Feau, lorsque
M. Liég'eois (1) voulut élever à la hauteur d'une nou-
velle méthode de traitement les injections de bichlorure
de mercure contre la syphilis ; il annonça avoir guéri
]a syphilis en vingt-sept jours et sur 196 malades, il
n'avait eu à déplorer que 4 phlegmons; 4 phlegmons,
c'est déjà trop, néanmoins, en présence du grand nom-
bre de personnes qui ne peuvent supporter le mercure
par l'estomac, il vaudrait la peine de recourir à la mé-
thode de Liégeois, en suivant les indications qu'il a tra-
cées.
(1) Séance de la Société de chirurgie., 1869.
— 96 —
« Les injections hypodermiques de sublimé sont em-
plôyées en ce moment dans le service de M. Raynaud,
à Saint-Antoîne, contre un lupus érythémaleux, traité
antérieurement par les toniques à l'intérieur et par
Fhuile décade â Textérieur. M. Raynand prescrit ainsi :
eau 100 grammes, morphine 10 centig^r., sublimé
10 cetitigT. On donne tous les jours, depuis huit semai-
nes, une injection cpmplête, dans le bras, dans le dos
ou sur la flg^ure; on n*a vu aucun accident. (Yot.) »
9® J'arrive â un point d'une importance considérable
mis en lumière par Nusbaum, de Munich, et surtout
par les recherches de Cl. Rernàrd. En 1863, chez un
malade qu'il opérait d*un carcinome de la rég-ion sus-
claviculaire et qu'il avait soumis â une injection de
1 centigramme d'acétate de morphine, avant de lui don-
ner le chloroforme, Nusbaum vit le sommeil se prolon-
ger douze heures après l'opération. M. Cl. Bernard a
tiré de nombreuses expériences sur ce point, la conclu-
sion que les alcaloïdes de l'opium prolongent le sommeil
anesthésique ; et la Société de médecine de Versailles
edt arrivée aux mêmes résultats que le professeur du
collège de France. Un fait si important ne devait pas
être perdu pour la pratique de I art. L'année dernière,
MM. Labbé et Guyon entretenaient l'Académie des
sciences de leurs résultats, et tiraient de leurs observa-
tions la conclusion suivante :
On peut obtenir chez l'homme, comme Ta démontré
M. CL Bernard pour les animaux, l'anesthésie bien plus
rapidement avec la morphine et le chloroforme combi-
néê^ qu'avec le chloroforme seul. Cette anesthésie est
(1) Labbé et Ûuyon (Comptes rendus de l'Académie dei stiienœi) i87S),
note communiquée par Cl. BernaM.
— 97-
de long^ue durée et peut se prolong^er très-longlemps
avec de faibles doses de chlorofopme, et, par ce fait, les
risques d'accidents mortels se trouvent considérable-
ment diminués.
Rig*auU et Sarrazin, chirurg'iens et professeurs de
notre ancienne Faculté de médecine de Strasbourg,
étaient arrivés à de semblables résultats, mais leurs ob^
servations sont restées inédites.
Le docteur Guibert (1), de Saint-Brieuc, est allé plus
loin dans celte voie, que les savants chirurgiens dont je
viens de prononcer le nom. Par Taction combinée du
chloroforme et de la morphine, il obtient deux états
distincts :
1* L'analg'ésie qui, après injection préalable de
1 centig*ramme de morphine, est produite par l'inspira-
tion de quelques vapeurs de chloroforme, c'est un état
d'insensibilité g^énérale à peu près complète, sans aboli-
tion de l'intelligence et des sens^ qu'il utilise dans les
opérations légères et les accouchements.
2® L'anesthésie, avec résolution complète, qui demande
une dose plus élevée de chloroforme, sans jamais at-
teindre les doses qu'il faut employer, lorsqu'on se sert
de cet agent anesthésique isolément, ce dernier état est
nécessaire pour la pratique des grandes opérations.
J'ai dit que Guibert se servait de ce moyen dans Tad-
couchement; voici comment il procède : Au moment où
la femme commence à supporter diffifôilement les dou-
leurs et lorsque surviennent l'anxiété et le décourage-
ment, il pratique à l'avant-bras une injection sous^cu-
tanée de 1 centigramme de chlorhydrate de morphine;
(2) Guibert (Comptes rendus de rAcadémie des sciences, 187:2), note
communiquée par CL Bernard.
- 98 —
un quart d'heure après, il commence l'inhalation du
chloroforme au moment môme où la contraction se
manifeste. La femme fait cinq ou six aspirations chlo-
roformiques et sent la douleur diminuer au moment
même où la contraction est à son maximum; les sens
restent à peu près intacts de même que Tintellig^ence,
et Guibert continue ainsi pendant tout le travail, fai-
sant respirer le chloroforme au commencement de la
douleur seulement. Quand la tête est sur le périnée, il
pratique une nouvelle injection de 1 centig^ramme de
chlorhydrate de morphine, et dit se rendre maître des
douleurs qui, dans un instant, vont accompag'ner le
passag*e de la tête à travers Torifice vulvaire.
Il est une autre indication de la méthode hypoder-
mique, indication par laquelle je terminerai. Je veux
parler de l'empoisonnement par les alcaloïdes, ou du
moins par un certain nombre de ces corps organiques ;
s'il est vrai que certaines substances jouissent du pou-
voir de se neutraliser mutuellement, dans le cas d'em-
poisonnement par la belladone, pour prendre cet
exemple, il y a indication absolue à donner l'opium ou
la morphine, son prétendu ou véritable antagoniste,
par la surface sous-cutanée ; par cette voie on arrivera
plus promptement à neutraliser les effets de la première
substance. Je puis à peine indiquer ces faits ici, ils ne
touchent à mon sujet qu'indirectement; ceux qui vou-
dront s'éclairer sur l'antagonisme en général pourront
se reporter à ce qu'en a dit un thérapeutiste des plus sa-
vants, M. Constantin Paul (1).
On a cherché dans ces derniers temps à élever presque
(1) Paul, Thèse d^agrégation en médecine, 1866.
- 99 —
au niveau des injections hypodermiques, sous le nom
de méthode substitutive parenchymaleuse, Tintroduc-
tien dans les tissus de substances irritantes; l'inven-
teur du procédé, M. Luton (1), de Reims, en a dans
un mémoire spécial, indiqué à la fois le but et quelques
résultats ; ce qu'il désire produire à Taidede substances
irritantes, c^est une inflammation substitutive, comme
on disait jadis, à Taide de laquelle il g*uérira les névral-
gies, les adénopathies indolentes, les productions de di-
verses natures, etc.
Je passe, n'ayant pas la prétention d'étudier tous
les modes de traitement local, mais bien les seules
voies d'absorption.
Je note au passage les injections de gaz dans les tis-
sus, et les eflets divers de Toxygène, de l'azote^ de
l'acide carbonique (Demarquay), ce sont là plutôt des
essais physiologiques que véritablement thérapeutiques.
CHAPITRE VII.
DE LA MUQUEUSE PULMONAIRE ETUDIEE COMME VOIE
d'absorption DES MEDICAMENTS, ET DE LA THERAPEUTIQUE
RESPIRATOIRE.
Tout ici se trouve réuni pour la rapidité de l'absorp-
tion, étendue de la surface, richesse du réseau sanguin,
délicatesse du revêtement épithélial qui mesure environ
un "centième de millimètre d'épaisseur ; la physiologie
nous montre d'ailleurs que l'acte important qui s'ac-
(1) Luton, Comptes rendus de rAcad(mie des sciences, i8ô3.
Amagat. 7
— 400 —
complitdans le poumon, la respiration, n'est autre chose
qu'un phénomène d'absorption suivi d*un courant en
sens inverse, un simple échange entre les gaz de l'ai-
mosphère et les g*az du sang* à travers la délicate mem-
brane pulmonaire. Ce n'est pas seulement l'oxygène qui
est absorbé par le poumon, mais bien tous les'gaz, toutes
les vapeurs, toutes les substances, indifférentes on délé-
tères, qui voltigent dans la couche atmosphérique qui
nous entoure; on sait que le grand chimiste suéd(HS
Sheele est mort foudroyé pour avoir inhalé quelques*
vapeurs d'acide cyanhydrique qu'il venait de découvrir,
et que de notre temps, un chimiste habile de l'Alle-
magne, Gelhem, a succombé pour avoir respiré quelques
bulles d'hydrogène arséniqué, gaz des plus toxiques;
c'est, sans nul doute, par cette grande surface -absor-
bante, ouverte constamment, que pénètrent les germes
qui vont donner naissance aux maladies miasmatiques
de toute sorte.
Ce que je viens de dire des gaz et des vapeurs est tout
à fait applicable aux liquides qui sont très-rapidement
absorbés par la surface du poumon ; on connaît les expé-
riences très-variées qui ont été faites à cet égard parles
physiologistes expérimentateurs ; on a pu injecter dans
la trachée d'un lapin 30 ou 40 grammes d'eau, dans
celle d'un chien 200 grammes et dans les poumons d'un
cheval jusqu'à 32 litres sans produire d'accident. Colin
fait arriver dans la trachée d'un cheval un courant d'eau
débitant 6 litres à l'heure, l'animal ne succombe
asphyxié que lorsqu'il a reçu 40 litres d'eau, et, à Tau*
topsie, tout le liquide se trouve être absorbé; toutes les
substances solubles sont introduites dans le sang par
cette voie avec une rapidité extrême, qui a été mesurée
-101—
par les expérimentateurs. — 3 centigrammes d'extrait
de noix vomique tuent un chien en deux minutes
(Ségfalas); 10 centig*rammes de curare qui, donnés par
l'estomac, produisent des effets â peine appréciables,
tuent les animaux en moins d'une minute.
Il reste à savoir si les corps solides, insolubles, tels
que les poussières de charbon, de silice, les poudres di-
verses qui sont suspendues dans l'atmosphère des fa-
briques, des manufactures, etc., peuvent être introduites
dans le sang; elles pénètrent jusque dans les ramifica-
tions dernières des bronches et jusque dans l'alvéole
pulmonaire, pour y produire les funestes eflfets malheu-
reusement trop fréqu(5nts (phthisie charbonneuse, phthi-
sie des aig^uiseurs, pneumonie cotonneuse), mais per-*
sonne jusqu'ici n'a démontré l'introduction directe de
ces corps pulvérisés dans le sang sans déchirure préa-
lable du tissu pulmonaire.
Les médecins ne pouvaient manquer d'utiliser une
surface si absorbante que la muqueuse pulmonaire, et
ils n'avaient point attendu, pour cela faire, de connaître
les remarquables expériences qui ont marqué le milieu
de ce siècle. — Les fumigations, en effet, remontent à
Fenfance de l'art; le séjour dans les étables des individus
atteints d'affections pulmonaires chroniques pour y res-
pirer des vapeurs ammoniacales, les inspirations de
cinnabre volatilisé, dans la vérole constitutionnelle, l'as-
piration de vapeurs arsenicales attestent suffisamment
que nos devanciers, chercheurs infatigables, n'ont pas
attendu, pour marcher en avant, l'évolution des sciences
biologiques.
Lorsqu'au dernier siècle on voulut expérimenter les
gaz que la chimie venait de découvrir, on choisit,
— 102 —
c'était tout simple, la muqueuse pulmonaire pour les
introduire dans Torg^anisme; c'est également par cette
voie que Téther, le protoxyde d'azote, furent pour la
première fois introduits dans le sang* dans des expé-
riences qni, en illustrant nos confrères d'Amérique,
devaient mettre entre les mains des médecins le pou-
voir absolu d'éteindre la douleur et mettre ainsi en défaut
l'absolutisme des prophètes.
Dans ces derniers temps, sous nos yeux pour ainsi
dire, un homme aussi persévérant qu'ingénieux, le
D^ Sales-Girons, a créé une méthode nouvelle d'adminis-
tration des eaux minérales et des substances solubles;
cette méthode, désignée sous le nom de pulvérisation
des liquides et par son auteur sous le nom de thérapeu-
Àque respiratoire^ occupera dans les articles qui vont
suivre une place considérable.
Je vais étudier successivement les inhalations de gaz
et de vapeurs, les fumigations et enfin la pulvérisation
des eaux minérales et des liquides médicamenteux.
Article i*** — Des inhalations des gaz et des vapeurs.
Après les grandes découvertes qui marquèrent la fin
du dernier siècle, en immortalisant les noms de Lavoî-
sier, Priestley, Cavendish, on ne pouvait manquer d'expé-
rimenter les effets isolés de chacun de ces gaz que ces
grands chimistes venaient de découvrir. Chose singu-
lière et qui prouve combien il est difficile de déraciner
l'esprit de système, les médecins chimistes, au lieu d'é-
tudier expérimentalement ces corps nouveaux, en sui-
vant le chemin que venait de leur tracer si brillamment
Lavoisier, ne songèrent à leur demander que les élé-
— 103 —
ments d*une nosolog'ie nouvelle : M. Demarquay, «dans
la préface de son livre sur la pneumatolo^ie» a retracé
les extravagpances de ces néochimidtres ^ il y eut alors des
maladies par excès d'oxyg*ène, des maladies par défaut
d'oxygène; un professeur de Montpellier (1) alla même
jusqu'à classer les maladies en oxyg'énèses,hydrog*énèses,
selon qu'il les croyait produites par un excès d'oxyg'ène
ou d'hydrogène. — Fourcroy, aussi pauvre médecin
qu'il était savant chimiste, fut un des hommes qui allè-
rent le plus loin dans cette mauvaise voie. Beddoës (2),
célèbre médecin chimiste d'Oxford, après un voyctge en
France où il avait connu Lavoisier et quelques autres
chimistes, rapporta à Oxford les idées françaises et se
livra à des études sur les gaz ; croyant, avec Fourcroy,
que la phthisie pulmonaire est déterminée par l'abon-
dance de l'oxygène dans l'économie, il crut devoir la
combattre avec l'acide carbonique. — Les malades de
Beddoës avaient une telle confiance en ce moyen qu'il
en cite plusieurs qui sont morts l'appareil entre leurs
mains. Quelquefois, cependant, le médecin d'Oxford
obtenait, à l'aide de l'acide carbonique, de notables amé-
liorations chez les phlhisiques, des observations plus
récentes ont confirmé celles de Beddoës.
Les théories qui avaient pris naissance à cette époque
de rénovation scientifique, disparurent avec leurs au-
teurs, mais leurs essais thérapeutiques sont restés, et
l'acide carbonique et l'oxygène ont pris rang dans la
thérapeutique.
L'acide carbonique a été expérimenté depuis dans les
(t) Baumes, Essai d^un système chimique de la science de Thomme.
(!2) Beddoës, A Letter to Erasmus Darwin on a New Method of Taca-
ting pulmoaary Consomption.
— 404 —
affections chroniques des poumons, du larynx, dans les
affections rhumatismales.
A Saint-Alban, oîi il existe des sources abondantes
d* acide carbonique, M. Goin (l),dès 1834, a utilisé ce gaz
contre la phthisie, et il rapporte plusieurs observations
où r amélioration a été assez notable.
A Vichy, M. Durand -Fardel (2) a obtenu de bons
effets de Tacide carbonique dans Tasthme ; Speng'lçr (3)
à Ems, Willemin (4) à Vichy, ont utilisé avec avantage
le gaz carbonique dans le traitement des angines chro»
niques. « A Nauheim, les rhumatisants atteints de pa^
ralysie sans lésions de la moelle, retrouvent dans les
bains d'acide carbonique Tusage de leurs membres, et
cela dans un espace de temps quelquefois très-court. )i
(Hotureau) (5).
Je me contente de citer les travaux remarquables de
M. Herpin (de Metz), sur les effets des bains d'acide
carbonique, ne pouvant me livrer à Tétude complète de
chaque substance introduite par le poumon ; je passe
également sur les applications locales de gaz carbo«*
nique, au ti*aitement des plaies, etc.
De même que l'acide carbonique,'^ Toxygène est
entré définitivement dans la thérapeutique ; ses indica-
tions aujourd'hui, tant à Tintérieur qu'à l'extérieur,
sont assez bien établies, pour quelques cas, du moins.
Les remarquables recherches de Régnant et Reiset,
confirmées par celles de M. Demarquay, ont démontré
(i) Goin, Eaux minérales de Saint-Alban.
(2) Durand Fardel, Union médicale, 1858.
(3) Spengler, Monde Thermal, 4864.
(4) V^illemeri, Revue d'hydrologie, 1858.
(5) Rotureau, Eaux minérales de Manheim .
— 405 —
qu'on pouvait vivre dans une atmosphère d'oxygène
pendant assez long*temps sans inconvénient. — Gomme
reconstituant dans la chlorose, il est employé dans le
diabète pour remplir une autre indication, favoriser la
combustion du ?ucre; à l'extérieur, M. Demarquayl'a
employé dans les ulcères scrofuleux atoniques, Laug^ier
dans la g*ang*rène spontanée, etc.
Vers 1830, on a employé les inhalations d'hydrogène
sulfuré à rétablissement d*£lsen (Gebhart et Zeelgel). —
Depuis lors, le trcûlement par les inhalations d'acide
suif hydrique a fait son chemin, comme nous le verrons
dans un instant.
L'ozone a aussi été expérimenté ; se fondant sur rat>
senoe de ce g*az dans Tair au plus fort des épidémies,
quelques médecins ont cru devoir le faire inhaler dans
les affections miasmatiques, mais on ne sait rien à cet
égard. — Un autre corps gazeux, introduit définitive-
ment dans la pratique pour les opérations légères et de
courte durée, comme l'avulsion d'une dent, le protoxyde
d'azote devait être signalé ici. — Dans V Institut pneuma-
tique de Beddoes et d'Ingen Houze, Humphry Davy (1),
celui-là même qu'attendait une si éclatante réputation,
avait été chargé de la partie chimique des opérations ;
c'est lui qui étudia et fit connaître les propriétés de
l'oxyde azoteux, ce fut le premier pas dans la voie de la
découverte des agents anesthésiques.
La respiration de l'air comprimé a été souvent mise
en usage dans les affections chroniques du poumon,
dans les affections cardiaques, dans la chlorose, le ra-
chitisme. Pravaz, Fabairé, Bertin, Gafïe, Vivenot, cité
(1) Davy, Rescanhes Cbam, on the Gazeons Oxyd of Azote, 1799.
— 106 —
par Baudot (1), ont employé les bains d air comprimé
dans tous ces cas, ils ont remarqué une diminution du
pouls, de la respiration et de la transpiration cutanée;
quant aux résultats cliniques, il serait difficile de for-
muler une opinion quelconque.
Parmi les corps g^azeux que la chimie met à notre
disposition, le chlore a été quelquefois employé ; il est
à ma connaissance que Tacide sulfureux a été employé
en inhalation contre la phtbisie, sans résultat, mais
aussi sans provoquer des accidents que Faction irritante
du g'az sulfureux faisait craindre.
Les liquides qui se vaporisent à une température
peu élevée, sont introduits dans Torg^anisme par la mé-
thode respiratoire, et ici se présente la question des
anesthésiques. On connaît toutes les vicissitudes de cette
g'rande découverte, entrevue par Davy, perdue une pre-
mière fois par la mort subite d'un opéré de Horace
Wells, le jour où celui-ci expérimentait pour la première
fois en public le protoxyde d'azote. On sait le procès de
Morton et de Jackson, les jug-ements contradictoires de
la Chambre des représentants de l'Amérique et de l'Ins-
titut de France. La postérité a déjà fait justice des pré-
tentions du dentiste Morton, et a rendu à Jackson la
g'iorieuse part qui lui est due dans la découverte des
anesthésiques (1846).
Je n'ai pas à retracer l'histoire de la découverte de
Jackson, qui fut en quelques jours connue de l'Ang'Ie-
terre et de la France, et dont la propag'ation à travers
le monde savant émerveillé, fut une véritable marche
triomphale.
(1) Baudot, Thèse d'agrégation en médecine, 1866.
— 107 —
Les physiologistes français, Floarens, I^n^et, etc.,
se mirent aussitôt à l'œuvre; ils expérimentèrent sur
les animaux un ^rana nombre de corps, et quelques
mois plus tard, sur les indications que Flourens (1)
Tenait de présenter à l'Académie des sciences, Simpson,
d'Edimbourg^, pratiquait une opération avec le secours
du chloroforme. Les recherches physiolog-iques ne se
sont pas un seul instant arrêtées; plus de cinquante
composés de carbone ont été expérimentés. Simpson a
consacré la plus grande partie de sa vie à découvrir
un ag«nt anesthésique qui, sans partag^er les dangers
du chloroforme, en possédât les propriétés physiolog-i-
ques (2). A l'heure actuelle, trois ag-ents, le chloroforme,
l'éther, Tamylène, occupent la scène chirurg^icale ; le
premier est le plus souvent employé, et malg^ré les cri-
tiques dont il a été l'objet de la part des médecins de
Lyon et des médecins américains, il est à peu près ex-
clusivement employé dans les hôpitaux de Paris, oCl les
accidents, depuis que les précautions les plus minu-
tieuses sont prises, ne sont qu'extrêmement rares, et
no dépassent pas les chiffres de morts subites observés
avant la découverte des anesthésiques (Giraldès) (3) ; à
Strasbourg^, Lille, Bordeaux, Marseille, Nancy, les chi-
rurg-iens des hôpitaux, n'ont jamais vu un seul cas de
mort par le chloroforme. Il y a^lonc lieu de s'étonner
de voir encore des médecins qui voudraient restreindre
l'emploi du chloroforme à la pratique seule des grandes
opérations. Mais l'immense majorité ne suit pas ces con-
(1) Fiourens, 1847, Sur l'action des éthers, comptes rendus do l'Aca-
demie desBciencea.
{i) Simpson s'était définitivement arrêté au tètrochlorure de carbone.
(3) Giraldès, Dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques, art.
Aneathéaique^.
— i08 -
seils ; et non-seulement le chloroforme est employé dans
toutes les opérations chirurgicales, à moins de contre-
indication spéciale, mais il a pénétré dans le domaine
de Tobstétrique ; je ne parle pas des opérations obstétri-
cales elles-mêmes, dans lesquelles tous les accoucheurs
reconnaissent les bienfaits de l'anesthésie, mais bien
du travail de 1* accouchement, dont les atroces douleurs
sont abolies ou sing^ulièrement amoindries par le som-
meil chloroformique. Simpson, dans sa longue pratique
obstétricale, employa constamment le chloroforme ; un
grand nombre de médecins, en Angleterre et en Amé-
rique, ont suivi l'exemple de l'accoucheur d'Edimbourg.
(( J'ai, dit-il donné le chloroforme à toutes mes femmes
en travail depuis 1847. Au point de vue moral, ajoute-
t-il, le refus de soulager une femme en travail, quand
il le peut, me semble une pénible responsabilité pour
un homme qui exerce la profession sacrée de médecin. x>
En France, en Irlande, en Allemagne, l'emploi des
anesthésiques dans les accouchements a rencontré cons-
tamment une vive opposition. Voici ce que dit à cet
égard l'un de nos maîtres, qui a semblé pencher le plus
vers l'idée de Simpson : c< Pour notre part, dit M. le
professeur Pajot (1), nous ne conseillons d'employer le
chloroforme dans les accouchements naturels, si ce nest
peut-être à la fin de l expulsion^ que chez quelques fenames
exceptionnelles, complètement déraisonnables, sourdes
à toute exhortation, voulant se lever, poussant des cris
horribles, et menaçant de compromettre, par leur indo-
cilité, la vie de l'enfant qui va naître. A part ces cas, il
(1) Pajot, Anesthésie obstétricale, Dictionnaire encyclopédique des
sciences médicales.
— 109 —
nous est impossible d'accepter complètement les idées
de notre éminent colièg'ue d'Edimbourg». »
Il y a lieu de s^étonner de ces résistances, quand on
sait, à n'en pas douter, que le chloroforme, n'a aucune
influence sur la marche de Taccouchement, et n'exerce
aucune action funeste ni sur la mère., ni sur Tenfant,
ainsi que l'ont montré en France les observations de
Danyau. 11 y aurait d'ailleurs, pour ceux qui redoute-
raient remploi prolongé du chloroforme, à essayer la
méthode qui a donné de si bons résultats aux chirurgiens
et à M. Guibert, de Saint-Brieuc, dans les accouche*
ments, à savoir l'action combinée de l'opium et du
chloroforme.
Les inhalations d'éther, de chloroforme et autres
anesthésiques ne sont pas les seules employées. On a
appliqué au traitement de l'asthme les inhalations
d'ammoniaque, et l'on a apporté des cas de guérison ,
je cite ce fait d'après M. Baudot; je ne suis pas en me-
sure de le confirmer. Le séjour des phlhisiques dans les
étables n'a pas d'autre but que de faire inhaler à ceux-
ci des vapeurs ammoniacales.
Article 2. — Des fumigations.
Les fumigations ont constitué de tout temps une mé-
thode de traitement importante ; les anciens, qui les
pratiquaient souvent, désignaient sous ce nom, le con-
tact de vapeurs ou de gaz avec une partie quelconque
du corps; tout bain de vapeur médicamenteux était une
ftimigation humide ; au contraire les vapeurs obtenues
par la combustion de substances balsamiques ou rési-
neuses constituaient la fumigation sèche, que ces va-
— iiO —
peurs fussent aspirées ou simplement mises en contact
avec la peau.
Aujourd'hui on comprend généralement sous le nom
de fumig^ation l'aspiration de vapeurs obtenues par la
combustion de substances quelconques ; à ce compte la
fùmig^ation ne diffère de Tinhalation que par le mode
de préparation des substances à absorber, Tune et
l'autre aboutissant à l'introduction de g*az ou de va-
peurs dans l'appareil respiratoire.
Quoi qu'il en soit, les fumigations sont très-souvent
et très-heureusement employées dans les maladies de
Torg^ane respiratoire et en particulier dans Ja bron-
chectasie et dans l'asthme. Martin Solon (1) est le pre-
mier, je crois, qui ait préconisé dans les affections
pulmonaires, les fumig^ations aromatiques de bella-
done, de datura et autres solanées veineuses. Trousseau
a vulgarisé ce mode de traitement de l'asthme ; il s'est
servi souvent de la préparation suivante dans cette der-
nière maladie :
Feuilles choisies de belladone. g. 30
Jusquiame g. 65
Stramoine ..•..•. g*. 15
Fellandre aquatique. ... g*. 05
Extrait gommeux d'opium. • g. 013
Peau de laurier cerise . . . q. s.
Plus lard il eut recours au papier nitré et s'en trouva
très-bien .
M., le professeur Sée recommande les cigarettes ar-
senicales, et il explique leur action de la manière sui-
vante : — Au contact des charbons ardents l'arséniate de
soude forme du carbonate de soude et l'arsenic mis en
(i) Martin Solon, 4834. Mémoires de T Académie de médecine,
liberté est le principal ag^ent de l'action physiolog'ique.
L'arsenic ne saurait rester un instant au contact de
Tair sans s'oxyder immédiatement, peu importe d'ail-
leurs.
Le papier nitré, qui a une action évidente, constatée,
contre l'asthme, ag'irait, d'après quelques personnes, par
les vapeurs ammoniacales auxquelles donnent nais-
sance la combinaison de l'hydrogène et de l'azote nais-
sant (Viaud-Grandmarais, de Nantes); d'après d'autres
personnes, au contraire, l'action bienfaisante devrait
être rapportée à l'acide carbonique qui se forme dans
la combustion du papier nitré; cette dernière manière
devoir pourrait être la vraie. On sait, en effet, les heu-
reux résultats obtenus par M. Durand-Fardel contre
l'asthme par l'emploi de l'acide carbonique.
Parmi les fumig*ations destinées à l'inhalation, il
convient de citer le carton nitré du Codex, qui joint à
l'action particulière du papier nitré l'action non moins
réelle des principes actifs des solanées vireuses et des
balsamiques réunies.
Voici la formule du Codex :
Papier gris sans colle 120
Azotate de potasse pulvérisé ... 60
Feuilles de bellad. pulvérisées. . . 5
— de datura st pul 5
— de digitale pul 5
— de lobélie enflée pul. . • . 5
Semences de phellandrium pul. . . 10
— Myrrhe pul 10
— Oliban pul 10
Un morceau de carton est brûlé dans la chambre du
malade.
C'est surtout à la cure des affections dironiqueis de
l'appareil respiratoire que les fumig^ations sont em-
ployées; on dirige quelquefois des préparations contré
un point de la surface cutanée ; je me suis déjà occupé
de ce point quand j'ai étudié précédemment l'absorp-
tion des médicaments par la peau.
Je n'ai pas à m'ocouper ici des fumigations hygié-
niques d'ozone, d'acide sulfureux, de chlore, d'acide
phénique, de goudrons divers, de tous les produits ena-
pyfenmatiques provenant de la décomposition ignée des
matières organiques, avec lesquels on purifie l'atmo-
sphère des hôpitaux, les amphithéâtres, et Ton essaie de
transformer en corps inoffensifs des agents délétères.
Je dois cependant signaler les tentatives faites dans
ces derniers temps pour soumettre certains malades à
une atmosphère semblable à celle des salles d'épuration
du ga2 de l'éclairage ; on avait remarqué que la coque-
luche guérissait jpromptement lorsqu'on faisait séjour-
ner les petits malades dans ces chambres de purifica-
tion de l'hydrogène bicarboné. Attribuant ces heureux
effets aux vapeurs ammoniacales dont cette atmosphère
est saturée, MM. Deschamps (d'Avalkm) et Adrian,
sans déplacer leurs malades^ les ont soumiâ à l'action
de ces vapeurs. Voici leur formule :
Chaux vive. 100 gr.
Chorhydrale d'ammoniaque . . . 100
Eau 300
Coaltar 150
Sablon . 2,000
Si l'action de l'ammoniaque était définitivement re-
connue efficace^ cela expliquerait à merveille comment
les habitants des ties à g*uano ne sont jamais atteints de
l'astliiiie.
A&TiCLB 3. — De la pulvérisation des liquides et de la méthode
de Salles-Girons.
L'entreprise de faire respirer aux malades de Teau
minérale vaporisée remonte à 1846, et elle appartient
à Lallemand, qui, dans une lettre à François Arago,
exposa la découverte qu'il venait de faire en vue du
raitement des maladies de poitrine. Bientôt les sta-
tions thermo-minérales de quelque crédit eurent leur
vaporarium, leurs salles d'aspiration fort mal installées
à la vérité, et d'une insuffisance tellement manifeste
que les médecins eux-mêmes les considéraient comme
de véritables sudatoria. (Nivet de Glermont-Ferrand.)|
Un inconvénient bien autrement (considérable que
celui qui tenait à Tinsufiisance des chambres d'aspira-
tion, ne devait pas tarder a être sîj^nalé. En 1855 ,
M. Barthez (1) concluaij^ de ses recherches à Vichy,
que la vapeur d'eau minérale ne contenait aucun des.
principes fixes de cette eau, et il signalait ces résultats
à la Société d'hydrologie, dont la plupart des membres
ne furent pas favorables à la conclusion de Barthez; il
était réservé à la Société d'hydrologie d'éprouver bien
d'autres émotions. — Les communications du médecin
de Vichy appelaient une discussion solennelle ; elle ettt
lieu, et Thénard , avec l'autorité du chimiste, vint
déclarer à la savante Société que si une ébullition très^
rapide peut donner quelques particules d' entruînement
à la vaporisation, l'ébuUition lente, graduelle, nnUe^
(1) Barthez, Discussion de la Société d'hydrologie.
— 414 —
ment saccadée, ne donne qu'une vapeur absolument
dépourvue de principes minéralisateurs. Il fallut bien
ouvrir les yeux.
M. Nivet, inspecteur des eaux de Royat, professeur à
l'école préparatoire de médecine de Clermont-Ferrand,
écrivait à cette époque : « Les salles d'aspiration de la
Basse-Auverg*ne sont de véritables sudatoria, qui dif-
fèrent très -peu des étuves humides des anciens. Il ré-
sulte en effet des expériences faites à Royat et au
Mont-Dore, qpe les sels de l'eau minérale restent dans
la chaudière, et que Teau vaporisée et les gaz dis-
sous sont les seuls éléments qui viennent s'ajouter à
l'air des salles d'aspiration, qu'on pourrait appeler plus
justement salles de transpiration.»
A partir de cette époque, M. Sales-Girons s'occupa de
l'installation d'une salle de respiration, fondée sur les
nouvelles données de la science; dans le courant de
Tannée 1856, il fit installer à Pierrefonds le premier
appareil pulvérisateur, dans le détail duquel je n'ai
pas à entrer ici ; il présenta à FAcadémie de médecine
un mémoire sur la salle de respiration nouvelle, et
M. Ossian Henry, rapporteur de la commission aca-
démique, après avoir visité l'établissement de Pierre-
fonds^ concluait :
1** La respiration n'est point g*ênée dans la salle que
nous avons visitée.
2* Des solutions d'azotate d'arg*ent, des papiers im-
prég^nés d'azotate de plomb, disposés dans la chambre,
ont présenté les teintes bistrées, noires ou g*rîsâtres, re-
connues produites par les sulfures métalliques formés.
3" Les liquides obtenus par la condensation naturelle
de Teau pulvérisée, ont présenté Texistence des éléments
sulfureux propres à l'eau de Pierrefonds.
Le but était atteint, la méthode respiratoire était
créée ; elle est tout entière Tœuvre de M. Sales-Girons,
et son titre de gloire auprès des médecins et des ma-
lades.
Après installation de l'appareil vinrent les observa-
tions cliniques que l'auteur consig^na dans deux mé-
moires à l'Académie de médecine, et dans son livre sur
la thérapeutique respiratoire (i).
Des objections, cependant, se produisirent au sein de
la Société d'hydrologie et à l'Académie de médecine ;
c'est ainsi que Réveil objecta que les principes sulfu-
reux s'altèrent très-promptement à l'air, objection à
laquelle M. Sales-Girons a répondu par la création d'un
nouvel appareil qui pulvérise le liquide près delà bou-
che du malade.
En 1861, à la suite d'un rapport de M. Poggiale,
M. Durand-Fardel déclare que rien ne prouve la péné-
tration du liquide dans la bouche, et que la méthode
de M. Sales-Girons ne pourrait être applicable que dans
les affections du larynx et du pharynx. — Aussitôt
Trousseau, avec ce sentiment de haute justice qui lui
faisait prendre parti pour les créations nouvelles et
utiles. Trousseau déclare, d'après les expériences de
M. Demarquay, que les liquides pulvérisés pénètrent
dans les dernières ramifications bronchiques , et il
ajoute que l'auteur a rendu à la thérapeutique un
service considérable. Après la reconnaissance de la
méthode par une aussi grande autorité, la pulvérisation
{\) Paris, 4858.Î861, Bulletin de l'Académie.
Amagat. 8
— 146 —
triompha vite de toutes les résistances, et ne fut plus
attaquée que par quelques obscurs critiques.
C'est dans les afîections chroniques du pharynx, du
larynx, des bronches et des poumons que convient
la respiration des eaux minérales pulvérisées, sulfu-
reuses ou arsenicales. Ce serait sortir de mon sujet que
de traiter en particulier chaque cas qui réclame la pul-
vérisation de telle ou telle eau minérale, et ce serait
bien plus encore au-dessus de mes forces.
M. Sales-Girons (1) ne s'en est pas tenu à la pulvérisa-
lion des eaux minérales ; encouragée par un succès fort
lég'itime, il a tenté de modérer chez les tuberculeux la
quantité d'oxyg-ène qui est nécessaire au poumon dans
l'état normal ; et partant de celte idée que ce g*az irrite
vivement les tissus enflammés, il a voulu soumettre les
phthisiques à une atmosphère saturée de vapeurs balsa-
miques destinées à tempérer ce que Toxyg^ène peut avoir
de trop irritant sur le poumon des tuberculeux. L'auteur
développa, dans un mémoire à l'Académie de médecine,
cette nouvelle pratique qu'il décora du nom de diète'
respiratoire; cela me semble, après tout, entrer dans
le chapitre des fumigatoires. Je n'insisterai donc
pas.
En 1867, M. Sales-Girons (2), dans un nouveau mémoire
à l'Académie de médecine, cherche à démontrer que la
voie pulmonaire peut remplacer avantag*eusement l'es-
tomac au point de vue de l'absorption, tout au moins
pour les substances qui ag'issent à petites doses, comme
les alcaloïdes et les médicaments en g^énéral fort actifs.
Mais ici, je ne saurais, pour mon compte, approuver
(i) Sales-Gironsy Diète respiratoire, Bulletin de rAcadémie, rapport
de M. Bouillaud sur ce Mémoire.
(*2) Sales-Girons, Bulletin de TAcadémie, 186'
"1
— 117 ^
les tentatives de M. Sales-Girons ; il n'est pas indiffé-
rent d'introduire brutalement des substances dans un
org*ane aussi délicat que le poumon ; tous les lapins
que M. Demarquay a soumis à la pulvérisation sont
morts de pneumonie, et Trousseau a cité le fait d'une
daine élrang^ère qui avait la funeste habitude de se pul-
vériser à chaque instant des liquides dans la bouche, et
qui mourut de pneumonie double.
Et puis comment doser les substances ? Quelle quan-
tité de médicament pénétrera4-il dans les ramifications
bronchiques ?
A eôté de ces inconvénients considérables, quel avan-
tage sérieux offre la muqueuse pulmonaire? Tabsorption
y est instantanée, soit; mais les injections hypoder-
miques permettent l'absorption dans trois ou quatre
minutes, et elles n'ont aucun inconvénient fâcheux. A
oe sujet, je ne résiste pas au désir de reproduire ici ce
passag-e du rapport de M. le professeur Béolard (1) sur
le mémoire de M. Sales Girons :
a Les surfaces intestinale et pulmonaire ne sont pas
les seules voies par lesquelles on puisse faire pénétrer
les médicaments dans l'économie. Il est une autre voie,
d'un abord facile, partout répandue, ouverte de toutes
parts, et qui a sug'g^éré des méthodes thérapeutiques
déjà consÉUîrés par l'expérience. Je veux parler de la
surface iég*umen taire externe et des méthodes dites épi-
dermiques, endermiques et hypodermiques. Il semble que
cette voie d'absorption réponde, sinon à toutes, du moins
à un certain nombre des indications par lesquelles l'au-
teur cherche à établir la supériorité de la voie bronchique
sur la voie intestinale. Si l'absorption est relativement
(1) Bôclard, Rapport sur oe mémoire, Bulletin de l'Académie.
— 118 —
moins rapide par le derme que par le poumon, elle est
aussi sûre et elle ne présente aucune difficulté pratique.
Nous prenons la liberté de recommander à M. Sales-
Girons des expériences comparatives dans cette direc-
tion . »
Il était impossible de faire la critique du mémoire de
M. Sales-Girons avec plus de justesse et aussi avec plus
d'urbanilé que ne Va fait le secrétaire de l'Académie de
médecine. Tout est là en efiPet, et allant un peu plus loin
que M. Béclard, je dirai que la méthode hypodermique
répond à toutes les indications de la voie pulmonaire et
qu'elle n'en présente pas les dang'ers.
Pour conclure, la pulvérisation des liquides constitue
une g^rande conquête thérapeutique ; mais elle doit être
limitée au traitement des affections des org'anes respi-
ratoires. On ne saurait sans dang^er faire de la surface
pulmonaire une voie d'absorption destinée à remplacer
les injections hypodermiques.
CHAPITRE VIII;
DE QUELQUES VOIES d' ABSORPTION SECONDAIRES, LES INJEC-
TIONS DANS LES VEINES, LES CAVITÉS CLOSES, LA SURFACE
DES PLAIES, LES GLANDES, LES MUQUEUSES CONJONCTIVALE,
UROGÉNITALE.
Article 1^. — Des injections dans les veines.
Aux injections dans les veines se rattache une ques-
tion qui a eu le privilégie de passionner profondément
les esprits parmi les médecins et surtout parmi les gens
du monde, privilég-e justifié selon les uns, immérité
d'après le plus g*rand nombre; l'histoire des injections
.j^i.
- 419 —
dans les veines est, eneflet, l'histoire même de la trans-
fusion du sangp, pratique tour à tour vantée outre mesure
ou dénigrée systématiquement, et sur laquelle Topinion
médicale n'est pas encore assise définitivement.
a II fut singpulièrement hardi celui qui, le premier,
osa retirer du sang de son semblable, » a dit quelque
part Monneret ; plus téméraire encore fut celui qui osa
le premier introduire un corps étranger dans les veines
de ses semblables, car les siècles n'ont peut-être pas
donné raison à son idée. Percy (1) s'est inquiété de con-
naître Torigine et les auteurs de cette tentative. Il a cru
trouver dans Ovide le récit d'un cas d'injection dans les
veines, mais l'essai ne fut pas heureux, car le sujet de
Texpérience, le roi Eson lui-même, succomba. M. La-
devi-Roche (2), en homme qui connaît ses classiques, a
repris ce point délicat, et, après avoir cité le passage
où le poëte des Tristes rapporte l'opération que Médée,
à la prière de son amant, entreprit en faveur du vieux
roi Eson, il conclut comme Percy qu'il' s'agissait bien,
dans le cas, d'une injection médicamenteuse dans les
veines; mais il constate la guérison du patient, non
sans blâmer quelque peu le chirurgien des armées de
l'Empire d'avoir oublié le poëte latin. On est étonné de
voir Ovide en cette affaire, et plus singulièrement sur-
pris encore de voir un homme comme Percy chercher
l'origine des injections dans les veines plusieurs siècles
avant la découverte de la circulation. C'est là d'ailleurs
une conquête d'un mérite tellement douteux qu'écrivant
sur le sujet, je ne m'épuiserai pas à savoir le nom de
l'inventeur.
(1) Percy, Dictionnaire des sciences médicales.
(S) Lodevi Roche, Inîections dans les veines, thèse de Pariç, 1870,
Ce fut, sans aucun, doute, à l'époque de la découverte
de Harvey que cette question préoccupa les esprits, et
Ton pourrait trouver dans De Colle (1628) Tidée de la
transfusion, mais rien n^indique qu'il Tait pratiquée.
C'est en 1656, vingt-huit ans après la découverte de
la circulation, que le D*" Christophe Wren proposa à
Robert Bayle un moyen pour injecter des liquides dans
les veines; ce moyen consistait à faire une lig^ature à la
veine, que Ton ouvrait ensuite du côté du cœur pour y
adapter des tuyaux attachés à des vessies qui contenaient
le liquide. Bayle fît aussitôt des expériences sur les ani-
maux, et Tannée suivante on fît l'essai de la méthode
sur un homme, à Londres, dans la maison même de
l'ambassadeur de France, en présence du chevalier
Collaton, médecin de la reine -mère ; telle est, d'après le
D'Quinche qui a fait sur ce sujet des recherches biblio-
graphiques, et a eu entre les mains toutes les pièces du
procès, la véritable orig'ine d'une méthode que d'autres
ont rapporté au physiologiste anglais Lower, au chirur-
gien allemand Major ou au médecin français Denis (1).
Toujours eèt-il qu'à la même époque, sans qu'il soit pos-
sible de dire à qui revient la priorité, Denis et Gayant (2)
en France, Elsholtius et Major (3) en Allemagne, Graaf
en Hollande, Fracassati à Venise, Timothée Clarke,
Henshaw, Lower en Angleterre, s'occupèrent à la fois
des injections dans les veines et de la transfusion qu'il^
pratiquaient, avec du sang humain quelquefois, le plus
souvent avec du sang de mammifères. C'est ainsi que
Denis, œ pour calmer TébuUition de son sang par la dou-
ceur et la fraîcheur du sang de veau, » injecte du sang
(1) Denis, Journal des savants, 4667.
(2) Gayant, Philosophical Transactions, 1667.
(3) Major, Ghirurgia infusiora, 1667.
de 06 dernier animal dans les veines d'un fou célèbre
de l'époque. Le malheureux malade mourut, probable*
ment de Toperation, bien que Denis prétende qu'il fut
empoisonné par sa femme. Ce fait et quelques autres
émurent l'opinion, et l'opinion de l'époque c'était le
Parlement, qui interdit la pratique de la transfusion du
sang*. Sur ce point encore, le D' Quinche a réformé
l'histoire ; il n'est pas exact que la transfusion ait jamais
été proscrite, et le Parlement ne s'est jamais inquiété de
cette affaire. Il y eut un simple arrêté du lieutenant
criminel, en date du 17 avril 1668, portant simplement
que quiconque voudrait désormais pratiquer la transfu*-
sion aurait préalablement à se munir d'une consultation
approbalive d'un docteur de la Faculté de Paris.
Après ces insuccès et l'intervention d'ailleurs modé-
rée de l'autorité, la pratique et l'idée de la transfusion
furent perdues en France; et il fallait que le nombre des
insuccès eût été considérable pour que Dionis (1) ait pu
dire : « Ceux qui avaient enfanté cet horrible projet
sont morts, » et Cabanis (2) : a ...De là ce misérable
délire de la transfusion du sangp dont la pratique coûta
presque toujours la vie ou la raison à ceux qui ne crai-
g'nirent pas de se soumettre à cette opération témé-
raire. » Et cependant, quatorze ans plus tard, en 1818,
Blundell publia de nouvelles observations de transfusion
de sang humain, il n'avait eu à déplorer aucun accir*
dent. Depuis cette époque la transfusion n'a jamais été
délaissée, et chaque année on voit paraître de nouvelles
observations. Prévost et Dumas (3), Milne Edwards (4),
(1) Dionis, Cours d'opérations de chirurgie, 1718.
(-2) Cabanis, Révolutions de la médecine, 1804.
(3) Prévost et Dumas. Bibliothèque universelle, 1821.
(4) Milne Edwards, 1823, Physiologie.
— 424 —
étudièrent la transfusion chez les animaux; Mag^en-
die (1) et Dupuytren ne dédaig'nèrent point de s'en oc-
cuper et émirent Tavis qu'elle pouvait être une utile
ressource.
En 1842, Soden publia 42 observations dont 29 suc-
cès, à la suite d'hémorrhagies chez des opérés ou des
femmes en couche.
Bérard (2) cite ég'alement 14 observations dans les-
quelles la transfusion a été pratiquée avec succès, et
répondant d'avance aux critiques à venir ; a Si quelque
sceptique, dit-il, avançait que la vie se rétablit souvent
d'elle-même après une forte hémorrhag^ie, je répondrais
que ce rétablissement eûl certainement fait défaut chez
quelques-uns de nos opérés. » Depuis cette époque,
nouveaux succès de Desg'rang^es, Nélaton, etc. La trans-
fusion du sang^, opération dang^ereuse et entourée de
difficultés considérables dans la pratique, me par€dt
cependant devoir rester comme une ressource extrême
dans les cas d'hémorrhagie, à la suite de blessures ou
chez les nouvelles accouchées.
Ce n'est pas cependant qu'à notre époque la transfu-
sion soit acceptée de tous les médecins; c'est ainsi que
Monneret a qualifié cette opération d'antiphysiolo-
g*ique; et un homme considérable entre tous, dont la
compétence e^st extrême en pareille matière, M. le pro-
fesseur Depaul, a soutenu que les femmes guéries par
ce procédé après de graves hémorrhagies utérines
l'eussent été sans lui. Malgré la grande autorité que je
viens de citer, j'aime à croire, avec Bérard, que la gué-
rison eût fait défaut dans plus d'un cas.
Quant aux injections dans les veines, de temps en
(1) Magendie, Leçons de physiologie.
(2) Bérard. Cours de physiologie.
— It3 —
temps les praticiens y ont eu recours depuis l'époque
(1657) où Bayle fit son premier essai, Percy (1) a fait
des injections d'opium dans les veines d'un tétanique ;
Magendie et Dupuytren ont calmé par le même moyen
les convulsions hystériques; on a injecté dans les veines
de la strychnine, du sulfate de quinine, de l'émétique,
du protoxyde d'azote (Blondin), de l'acide acétique
(Jaickniken), de la belladone (Duchaussoy), de l'ammo-
niaque, et le Médical Times (1869) rapporte quatre gpué-
risons par ce moyen de morsures de serpents venimeux,
on ne nous dit pas de quelle espèce sont ces serpents.
Ces tentatives ne sauraient être approuvées; l'injection
dans les veines expose à de si gprands périls qu'aujour-
d'hui, avec les méthodes hypodermique et respiratoire,
cette pratique n'est indiquée dans aucun cas ; je fais
une réserve pour la transfusion du sangp et pour le cho-
léra dont je vais parler.
C'est en 1832, à Varsovie, que les injections d'eau
dans le sang» des cholériques furent pratiquées pour la
première fois, mais on possède fort peu de détails sur
la pratique et les résultats des médecins russes ; ce sont
les Angolais qui ont le plus employé les injections en pa-
reille occurrence; pour renouveler le sérum perdu par
l'intestin, ils se sont servis d'eau pure, d'eau addition-
née d'acide acétique, de chlorure de sodium, etc.
Résultats sur tous les cholériques ainsi traités : une
guérison sur 3 malades. En France, où d'ailleurs la
méthode a été beaucoup moins employée, les résultats
ont été plus mauvais; voici cependant une observation
de M. le professeur Lorain qui est concluante.
(I) Percy, loc. cit.
-. 424 —
ce Le 27 septembre 1866, un homme vig*oureux et bien
constitué ftit amené dans une salle, à l'hôpital Saint-
Antoine. II était tout à fait alsride, incapable de se mou-
voir ni de parler, ses pupilles dilatées ne se contractaient
plus au voisinag'e de lalumière,i) était tout à fait insen-
sible, et lorsqu'on le porta sur le lit de l'opération, il
avait la souplesse et l'appapence d'un cadavre, il n'eut
pas la force de ramener au milieu du lit, sa tête, qui
était pendante en dehors de l'oreiller, et supporta, sans
en avoir conscience, la dissection que je fis d'une veine
sur son avant-bras.
Une injection de 400 grammes d'eau fut pratiquée.
Le cœur battit plus fort, le pouls n'était pas encore sen-
sible, tel fut le premier résultat. Le second résultat fut
l'élévation delà température; le thermomètre, qui mar-
quait avant l'opération 26 deg'rés, monta et se maintint
à 30 deg*rés ; puis, peu à peu, la respiration devint plus
ample, et quelques heures après le malade put deman-
der à boire. La nuit fut calme, et le malade dormit pai-
siblement. Le lendemain, 30 septembre, la chaleur s'é-
tait élevée à 33 deg^rés, mais les urines n'avaient pas
reparu, et le pouls restait insensible.
Le 2 octobre, le malade avait uriné, la température
était montée à 36 deg'rés, et le pouls donnait au sphyg*-
mog*raphe un tracé rég»ulier.
Le 9 octobre, il sortit convalescent.
M. Lorain le revit le 20 octobre, lag^uérison était dé-
finitive.
Voilà un succès complet qui autorise à suivre cette voie.
Des cavités closes ou des séreuses. — Le pouvoir absorbant
des séreuses est très-bien établi, il est même très-consi-
dérable, car Lonfs^'et a constamment vu les animaux être
pris de convulsions lorsqu'il injectait de la strychnine
dans le péritoine beaucoup plus vite que lorsqu'il don-
nait cette substance par Testomac; les gaz sont absor-
bés par cette voie, mais avec une rapidité variable (De-
marquay et Leconte), Tacîde carbonique est très-vite
absorbé, Tazote, au contraire, met très-long^temps à pé-
nétrer dans le sang*.
Le curare est absorbé par les séreuses très- prompte»
ment (Cl. Bernard).
L'huile elle-même finit à la longue par être émulsion-
née et absorbée.
Valgré ces avantages, on n'emploie ni les séreuses
splanchniques, ni les séreuses articulaires pour obtenir
l'absorption des substances médicamenteuses, il sercdt
sing'ulièrement imprudent, en effet, de s'exposer à pro-
duire une inflammation de ces organes, quand on a à
sa disposition un si grand nombre de voies pour entrer
dans l'organisme.
Dans les affections des séreuses, on a injecté dans un
but local des liquides résolutifs pour modifier la surface
sécrétoire ; cette méthode, longtemps considérée comme
téméraire, est entrée définitivement dans la pratique,
et y restera comme un utile et important moyen. En
1826, Bretonneau conseilla les injections alcoolisées dans
l'ascite, Velpeau employa les injection iodées dans Thy-
drocèle. Bonnet les prescrivit dans l'hydarthrose.
Dans les pleurésies purulentes, Taspiration du li-
quide, les injections iodées, voilà l'indication locale.
Disons, en terminant, qu'Aran a injecté de la teinture
d'iode dans le péricarde avec succès. Dans tous ces
cas, le liquide, après avoir produit un effet local, auquel
la plupart des médecins attribuent la curation, le liquide
— iî6 —
est absorbé, et quelques personnes pensent même que
c'est par un effet consécutif, après avoir impréorné l'or-
ganisme, que riode, par exemple, exerce son action.
Des glandes. — Ce que j'ai dit des séreuses est appli-
cable ici ; les g*lands absorbent et très-promptement pen-
dant le repos, lentement, au contraire, tandis qu'elles
fonctionnent (Cl, Bernard) (l;.On ne les utilise pas pour
l'absorption des médicaments.
Absorption par la surface des plaies. — On pouvait penser
que le moment le plus favorable à l'absorption des sub-
stances par les plaies était le premier jour qui suit Tac-
cident ; il n'en est rien : les recherches de Demarquay (2)
ont fait voir qu'une plaie absorbe moins vite lorsqu'elle
est récente que lorsqu'elle est en pleine granulation; le
maximum de l'absorption correspond au 8® ou 9* jour.
Or, on sait que c'est à ce même moment que survien-
nent les premiers signes d'infection purulente.
Ce ne serait que tout à fait accidentellement que l'on
pourrait porter par cette voie, introduire un médica-
ment dans le sang, aussi je n'en parle que pour signa-
ler les cas d'accidents qui ont suivi l'application des
caustiques sur les plaies; il est évident que les solutions
de continuité absorbant très-facilement, il faut être
circonspect lorsqu'on prescrit une pâte arsenicale, par
exemple, sur un tissu ulcéré.
Des muqueuses autres que les muqueuses pulmonaire et
digestive. — La muqueuse conjonctivale absorbe très-
(i) Gh. Bernard, Leçons sur les substances toniques et médîcame-n
teuses.
(2) Demarquay, Bulletin de TAcadémie, 1867.
•
«^ ♦ «
promptement. Les recherches de M. le professeur Gos-
seiin ont mis hors de toule contestation la pénétration
directe de Tiodure de potassium et de la belladone au
travers des membranes oculaires dans les tumeurs de
Toeil. Cette voie est utilisée pour des effets locaux sur
Tœil, mais non pour un effet g'énéral ou un effet à
distance.
La muqueuse auriculaire absorbe ég^alement très-
bien, et l'on met cette propriété à profit pour calmer
des névralgies péri-auriculaires ou des douleurs sié-
geant dans l'intérieur de l'organe externe ou de l'oreille
moyenne.
La muqueuse des organes génito-urinaires de
l'homme est douée d'un pouvoir absorbant très-intense,
c'est par cette voie en effet que, dans la grande majo-
rité des cas, les virus syphilitique et blennorrhagique
sont introduits dans l'économie; M. Fonssagrives a vu
la salivation survenir chez un malade cathétérisé avec
une sonde que, faute d'un corps gras, l'on avait enduite
d'onguent napolitain.
Quelquefois cette voie pourrait être utilisée. Brown-
Séquard et Ségalas l'ont employée dans le choléra.
C'est surtout dans un but thérapeutique local que l'on
introduit des médicaments dans l'urèlhre et dans la
vessie, injections astringentes et caustiques dans l'urè-
thre, applications des caustiques sur lo col, sur un point
de la vessie à J'aide de l'endoscope. (Desormeaux.)
Muqueuse des organes génitaux de la femme. — C'est
principalement aussi dans le but de produire une ao-
(1) Gosselin, Trajet intra-oculaire des substances absorbées à la sar-
face de Tœil. Gaz. hcbd., 1855.
O
— V28 —
tion locale que des substances médicamenteuses sont
portées journellement dans les cavités vag^inale et uté-
rine. Les injections de liquides émoUients, astringents,
calmants, résolutifs, désinfectants, les applications de
poudres isolantes et siccatives, comme la poudre d'ami-
don, rintroduction de substances astring*entes (tannin,
alun pulvérisé), les applications caustiques (nitrate
d'arg'ent, teinture d'iode), les pessaires, appartiennent
au traitement local des maladies utéro-vag'inales.
Gomme voie d'absorption, la muqueuse des org^anes
g^énitaux de la femme, bien que son pouvoir absorbant
soit considérable, a été très-rarement utilisée; il y a ici
des raisons extra-médicales qu'il est inutile de rappeler,
mais qui certainement restreindront à un petit nombre
de cas l'emploi de cet org^ane comme porte d'entrée
dans Torg^anisme.
Il est cependant un certain nombre de substances
qui, après avoir ag'i localement, sont absorbées; tels
sont les suppositoires belladones de Simpson, les ap-
plications de laudanum sur le col dans les ulcères de
cet organe, les projections de gaz acide carbonique au-
quel Granville de Kissingen a accordé si gratuitement
une influence considérable dans les maladies utérines,
opinion qui n'est pas partagée d'ailleurs par un autre
Allemand, Diruf, qui a exercé à la même station que
Granville.
Je cite, en terminant, les injections d'eau chargée
d'acide carbonique, dans la dysménorrhée atonique.
M. Paul en a fait un fréquent usage, 11 n'est peut-être
pas inutile de dire que les injections d'acide carbonique
peuvent produire des accidents. (Gl. Bernard, Demar-
quay.)
TABLE DES MATIÈRES
CHAPITRE PREMIER.
IJBS CONDITIONS QUI INFLUENCENT l'ABSORPTION MÉDICAMENTEUSE EN
GÂNÉRAL 5
CHAPITRE II.
De la MUQUEUSE DIGESTIVE ENVISAGÉE COMME VOIE d' ABSORPTION
DES MÉDICAMENTS 13
Divisions .
{o Des voies préstomacales 13
i» De la muqueuse gastro - intestinale étudiée comme voie
d'absorption des médicaments • . . c l^
A. Quel est son pouvoir absorbant? 14
B. Quel est le temps que demande l'absorption par la
voie gastro-intestinale? 17
C. De quelques règles à suivre dans la méthode gastro-
intestinale . ., ,,.. 18
D. Contre-indications de la voie gastro-intestinale» . . 26
CHAPITRE ni. %
DB l'absorption des MÉDICAMENTS PAR LA VOIE RECTALE 28
A. Pouvoir absorbant du gros intestin 30
B. Valeur de la méthode intestinale 32
C. Des cas où il convient d'avoir recours à la méthode
intestinale et quelles sont les substances que Ton
peut introduire par cette voie 33
D. Dans l'emploi de la méthode intestinale, il est
quelques règles à suivre dont il ne faut pas se
départir 37
CHAPITRE IV.
De l'absorption par la peau non dépouillée db son épiderme;
DES bains simples ET MÉDICAMENTEUX; DES POMMADES, LINIMENTS,
CATAPLAMES; DES FRICTIONS ET DE LA MÉTHODE lATHALIPTIQUE J
DE LA PULVÉRISATION DES LIQUIDES ET DES BAINS A L'HTDROFÈRE. 38
Article 1". De Tabsorption des gaz par la peau . . 4i
Article 2. De l'absorption par la peau dans le bain simple. . . 43
Article 3. La peau absorbe-t-elle les substances dissoutes dans
Teau? Y a*t-il absorption dans le bain médica-
menteux ? Si
Article 4. Des pommades, liniments^ cataplasmes, au point
de vue de rabsorption et de la méthode intralip-
tique • • 61
%
r tieforc tbc iJatu 1:
JE, ET DR
- 75
78
85
86
87
99
103
CLAHDEB, LES HtIQCEnSES
ÏVALK,
FIONS T}iS8
lAIES, LES
118
Article 1". Des injections dans les veines..' 118
Des cavités closes ou des séreuses 125
Des glandes 126
Absorption par la surface des plaies. . - 136
Des muqueuses autres que les muqueuses pulmo-
naire et digestive 127
Muqueuse (<es organes génitau^c de la femme. . . . 128
Amegat., A.L. 10:
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