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Full text of "Examen critique de l'histoire de la géographie du nouveau continent et des ..."

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tzedbïGooglc 



1 




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bïGoogIc" 



HISTOIRE 

DE LA GÉOGRAPHIE 

DU NOUVEAU CXÏNTINENT. 
III. . 



D.nt.zedbïGoOglc 



A. PIHAN DE LA FOREST, 

IMFBIMEIim DB LA COUR Dl CASUTIOIT, 

Rue des Noj'ers, n. 3^. 



D.nt.zedbïGoOglc 



EXAMEN CRITIQUE 

DE l'hISTOIBE 

DE LA GÉOGRAPHIE 

DU NOUVEAU CONTmENT 

ET DES FROGEÉS DE l'ASTRONOMIB NAUTIQUE 

AUX QUINZIÈME ET S£IZ1ÈH£ SIECLES. 
rAH 

ALEXANDRE de HUMBOLDT. 

TOHK TROISIÈME. 



.LIBRAIRIE DE GIDE, 

^ ACB SAINT-HAKC, S3. 



D.nt.zedbïGoOglc 



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EXAMEN CRITIQUE 

DK 

L'HISTOIRE DE LA GÉOGRAPHIE 
DU NOUVEAU CONTINENT 

ET DES PBOGRÈS DE L^ASTKONOHIE nAUTIQUB 

SAIU UiS XV* El XTl* SIËCLI3> 



SECTION DEUXIEME. 



a A Axiaio tupdce. 



Dans rhistoire philosophique des découvert 
tes , dans l'exposé des subtiles corrélations qui 
échappent aux intelligences vulgaires, rien 
n'est plus attrayant et plus instructif à ta Sois 
que de suivre la marche des inventeurs. La 



tzedbïGooglc 



b SECTION DEUXIEME 

justesse de cette pensée ' , énoncée par un sa- 
vant qui s^est illustré lui-même par de brillan- 
tes découvertes dans les sciences physiques , 
se Élit sentir surtout lorsqu'on parcourt l'his^ 
toire de la géographie. J'ai tenté , dans les par 
ges qiii précèdent , d'approfondir quelques-uns 
des vieux mystères de la cosmographie my- 
thique ; nous avons vu le moyen-âge fonder 
ses espérances de succès maritimes sur ces 
mêmes croyances , dont les plus généralement 
répandues plaçaient des terres inconnues au- 
delà de l'Atlantique et de la Mer Cronienne * . 
Depuis Colœus de Samos, qui , sur les traces 
des Phéniciens , le premier parmi les Hellènes 
dépassa les colonnes de Biiarée ou d'Hercule 
jusqu'à l'ère de l'inÊmt dom Henri et de Chris- 
tophe Colomb, le mouvement des découvertes 
vers l'ouest a été progressif et long-temps 
continu. Dans Thistoire de la géographie, tous 
les £ûts paraissent étroitement liés entre exix , 
et sous ce rapport les découvertes du quin- 
Ùème siècle se présentent souvent à notre es- 

' Ara«o, Eloge de Valta {Mim. de CAead. deê 
Scieneet , |. XII , p. ^ ]. 

• Voywt, I, p. i67-i8ort igS-Bofi, 



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SECTION DEUXIEMS. 7 

pit comme de simples .r^nimacences ' des 
âges antérieurs. Si la sec^de moitié de ce 
m^e siècle est une des époques les phis mè~ 
moraklea de la TÎe des peuples occidentaux , 
eUe Test surtout par la comiexitô^^on observa 
aitre des efforts dirigés systématiquement vers 
un même but. Dans la ^gue série dès gâié-r 
rations qui se renouvellent , llûstorien atten- 
tif découvre la trace de certaines tendances 
communes aux liabitans du littoral lAéditer- 
ranérai. On dirait cpie , dès les temps les plus 
reculés , leur regard était iisé sur le détroit 
par lequel le bas^ intérieur communii^^e avec 
le Fleuve-Océan. L^horizon semble fiiir pro- 
gressivement devant Tintrépidité das marins. 
BcHué d^abord au-devant de la Petite-Syrte,, 
il recule peu à peu vers Tartessns et les îles 
Fortunées. Dans le moyen-âge, cette même 
côte de Tartessus, le Potoà de Toncien monda 
sémitiqu« , ou phénicien , devient le point de 
départ ppur la découverte de TAmérique-, Cest 
ainsi que des germes long-temps étoufiës ou 
retardés dans leur croissance , prennent un 
d^elqppement subit lorsqu'ils sont fevorisés 

• Vovret. Ijp. i47-i54- 



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9 UCTIOn DEUXISMC* 

par le eoncoura de circonstances aiLtr^rdi- 
naires. L« plus souvent ce concours n^a {ures- 
gfie riob d^acodentel. I^s iaàta quif à de c«r- 
taineK Cloques de lliistoire, nous révèlfitit un 
agranâissemef)t inattendu de la puissance du 
genr eliumani, sont produits, comme dans la 
natm« organique , pac une action lente et sou- 
Tent difficile à pénétrer. Un mondb nouveau 
a pdru, ime route nouvelle de Tlnde a éeâ 
tredée Ibrsque s'est trouvé accompU le tmi^ 
pendant lequel ces grands événemens ont été 
préparés par qigtlquefr-unes des causes géoé- 
rales qfli influent simultanément sur la desti- 
née, des peuples. Les découvertes maritimes 
du quinziàme siècle sont dues au mquvement 
^IH>imé à la société par le contact des civilisa- 
tions arabe et chrétienne; elles sont dues à 
ravanceiAent de Tart nautique fëcondé par les 
sciences, au 'besoin 4oujours croissant de 
oertninee prodttctions de TOrient, à Texpé- 
rienCf acquise par les lyarins dans d^ espé- 
dations lointaines de commerce et de pêche, 
ttifin à Timpul^on du génie de quelques 
ho^pmèâ , instruits , audacieux et patieng à* la 
fois. 

C^est ce triple caractrâ^ di'instructiou , d^au- 



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*EK(TrKBf DEOXHllIE. g 

daw et de longue pctienfte que nbns arcHts à 
signaler surtout dans Christophe Col<Hnbv Au 
commeiiceriienl dWe Are nouvelle , sur 1» (i- 
mite incert^ne où se confondent le moyen-âge 
et, les temps Diodenie&,>cetlie grande figure 
dornin* lesîècle dont il a«eçu le mouTemftit, 
et qn^il vivifie i son tour. La découverte de 
l'Amérique a sans' doute été imprévue. Colomb 
ne duirdiail^pas ce continent que les cotijec- 
tures de Stralxm ' plaçaient ebtre les côtes de 
ribérie et de4'Asie orientale , "sur Id-parall^ 
de Rhodea, là où Tancien monde o£&e le^plus 
de développement , c'est-à-dire la-plus grande 
largeur. Il est mort sans avoir connu ce qu'il 
avait atteint, dans la ferme persuasion que la 
cale de Véragua &i$ait partie du Caâidi et de 
la province du Mango ' que la grande île de 
Cuba était u une terre ferme du commence- 

' Lib. I, p. 65 Cas. 

■ Lettre de Colomb , datée de la Jamaïque du 7 
juillet i5o3, Mise mbis avant son retour eu Espagne. 
Depnii ce retour jusqu'à M inoft( 10 loai i5o6), Co- 
lonb D*a plus twvlgué , et lien n'a pu détenniiier en 
lui un changement d'opinion sur la nature de ea àé- 



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lO SBCTIOH DBCXiÈHtf. 

malt des Indes ' , et que'de là on pcHivait pan* 
venir en Espagne sans traverser dlfs mers (par 
conséquent en suivant la route de Test à 
l'ouest). Il 

Colomb, en parcourant une mer incomnie, 
en 'demandant la direction de sa rotite aux 
astres par l'emploi de l'astrolabe, réceùunent 
inventé , cherchait l'Asie par la voie de l'ouest, 
d'après un plan arrêté , non en aventurier qui 
se fie au hasard. Le succès ^'il obtint était 
une coriqfuête de la réflexion. Gesl déjà sous 
ce p^inl de vue que Colomb se plaae bien au-r 

' FérnaD Ferez <Ie Luaa , escriiano puèlieo de la 
eibdad Itaiefa ( d'Haïti ), reçut l'ordre d» l'amiral , le 
13 juin i494> de.se transporter à bord des trois cara-^ 
vellea du second voya^ de découvertes pour deman- 
der à chaque homme de l'équipage, devant témoins, 
s'il leur restait le moindre doute que esta tierra {de 
Juanna à Cu6a) no fuese la ùeTrafirme alromiemo de 
las ladias y fin , a quien en estas partes quisiere venir 
de EspaAa por tierra i Vescriiano déclarait de plus que 
si quelque incertitude restait à l'ëquipage, on s'enga- 
^aitde guitares la duèda y de hacerles ver que esio 
et eîerlo y quès la tUrra firme. Ce passage très remar.i 
quable , sur lequel je reviendrai dans la suite , est tiré 
d'^ne pièce conservée dans les archives de Sçville. 
(N«T. i)ofiim. n" 76 , t. II, p. i4'^-) 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXIEME. 



dessus des narigateui^ qui ont entrepris de 
doubler rextrémité de TAfrique, en uÛTant 
pour ainsi dire les contours d'un continent à 
jorme pyramidale , et dont les côtes orientales 
étaifflit visitées par les Arabes. Cependant , les 
données de géographie physique sur lesquelles 
■ se fondait ce que je viens de nommer une con- 
quête de la réflexion , n'étaient pas toutes éga- 
lauent exactes. L'amiral ne rétrécissait pas 
seulement TOcéan Atlantique et Tétendue de 
toutes les mers ' qui couvrent la surface du 
globe,il réduisait aussi les dimensions du globe 
même. El mundo es poco; digo que el mundo 
no es tan grande como dice el vuîgo. « Le 
monde est peu de chose , écrit-il à la reine Isa- 
belle ; il est, je le certifie , moins grand que ne 
le croit le vulgaire. » 

La gloire de Colomb , comme celle de tous 
les honunes extraordinaires qui, par leurs 
écrits ou par leurs actions, ont agrandi la 
sphère de TinteUigence , repose autant sur les 
qualités de l'esprit et la force de caractère, 
dûnt.rin:qnilsion réalise le succès, que sur l'iu- 

• Siir l'origine de l'idée bizarre que l'élendue des 
mei-s est à celle des coDlineos dans le rapport de i à 71 
yojezl. t, p: 186- igi. 



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12 SECTION DEUXIEME. 

fluence puissante qu'ils ont exercée presque 
toujours sans le Touloir sur les destinées dii 
genre humain. Dans le monde intellectuel et 
moral, les pensées créatrices ont sans doute 
souvent donné un mouTement inattendu à la 
marche de la civilisation. En éclairant subite- 
ment la raison , elles Tout en même temps en- 
hardie : mais les plus gi'ands mouvemens ont 
été surtout l'efiet de Taction que l^omme 
parvient à exercer sur le monde physique, 
PetTet de ces découvertes matérielles dont les 
prodî^ux résultats frappent plus les esprits 
que les causes qui les ont produits. LVgrain- 
difisement de l'empire de l'homme sur le 
monde matériel , ou les forces de la nature , la 
gloire de Christophe Colomb et de James Watt, 
inscrite dans les Ëistes de la géographie et des 
arts industriels, présentent un problème plus 
complexe que les conquêtes purement intel- 
lectuelles , que la puissance croissante de la 
pensée due à Aristote et à Platon , à Newton 
et à Leibnitz. 

Il peut parûtre téméraire ou du moins inu- 
tile d'ajouter au tableau qu'une main habile a 
tracé ' des grandes qualités et des faiblesses 
' WisiriNGTON Ibving, book XVIII , chap. 5. 



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SICnON DEUXIBUI. l3 

de cariictèi-e du navigateur génois. M. Was- 
hington Irring a très bien senti que c'est di- 
minuer Texpression d'un éloge que de Texa- 
gérer. Je me permettrai de compléter le tableau 
en m'ari-êtanl quelques instans aux traits in- 
dividuels du béros y en signalant spécialement 
à Padmiration des savans cet esprit d'observa-' 
tion,ces grandes vues de géographie physique 
que i-évèlenl les écrits de G>lomb. D'après la 
direction de mes pi-opres éludes, j'ai dû être 
frappé d'un mérite qui n'a point encore été 
placé dans son véritable jour , et qui contraste 
avec le défaut de science et le désordre d'i- 
dées que ces mêmes écrits ofirent assez fré- 
quemment. Le caractère des grands hommes 
se compose à la fois de la puissante individua- 
lité par laquelle ils s'élèvent au-dessus de leurs 
contemporains , et de l'esprit général de leui- 
siècle, qu'ils représentent, et sur lequel ils 
réagissent. I>eur renom n^a rien à redouter de 
Tanalyse à laquelle on essaie de soumetlre ce 
qui leur donne ime physionomie distincte , des 
traits inefîàc£d)les. Nous n^examinerons pas ce 
que l'on doit le plus admirer dans Colomb , de 
la lucidité presque instinctive de son esprit, 
ou de l'élévation et de la trempe de son car^c- 



tzedbïGooglc 



l4 SECTION DEUXIÈME. 

tère. Dans les hommes qui se sont illustrés 
par de grandes actions, ou, pour me servir 
d^'une expression qui caractérise davantage 
rindividualité de Oilomb, par la réalisation 
d^un vaste et unique projet , le vulgaire a Tin- 
juste prévention d^attiibuer les succès bien 
. plus à Ténergie du caractère qui exécute qu'à 
la pensée qui a conçu et préparé l'action. Cer- 
tes , les facultés intellectueUes de Colomb ne 
mutent pas moins d'admiration que Ténergie 
de sa volonté ; mais il est de la destinée du 
genre humain de voir préférer la force , les 
excès même de la force , aux nobles élans de 
la pensée. 

Une expression de Casas, qui nomme ' 
Vespuce « éloquent et latin , c'est-à-dire sa- 
vant et plein d'éloquence, » a donné lieu à 
l'erreur de regarder le navigateur florentin 
t:omme beaucoup plus lettré que Chrïstophe 



■ Vespacio era latiao y éloquente. (Casas, HUt. 
gen. (Je /m/w, lib. I,cap. ■4<^-) Cette BjnoDymift de 
laiinilé et de savoir s'«rt tellement cçDserv^e depuis le 
moyen -âge dans la langue espagnole, que j'ai souvent 
entendu dire dans les missions de rOrénnqiie : Es Tu- 
dio muj- /ndVio, pour désigner un indigène de quelque 
civilisalion. 



jb-,Googlc 



SECTION DEUXIEME'. 



Colomb. Les relations du premier n^é^ent 
pas écrites origînair^iieiit en latin ; on les a 
traduites du portugais et de l'italien , et â Ves- 
puce y cite parfois tin chant du Dante ' , ces 
mêmes relations , composées dans un style 
en^hatique et ren^lies d'afiëterie prétoitieu- 
se , u'offivnt aucune preuve d'un savoir su- 
périeur ail savoir de G)lomb> Celui-ci n'a pas 
seulement Favantage d'une extrême sagacité 
d'observation appliquée aux phàiomèues phy- 
siques , mais aussi d'ime étendue et d'une va- 
riété de connaissance littéraires qui , sans être 
toujours assez, précises ou puisées aux pre- 
mières sources , n'en causent pas moins notre 
étonnement*. L'impétueuse Jrdeilr de Colomb 
l'avait jeté à la fois dans la lecture des P&%s 
&b l'Église , des Juiis arabisans, des écrits mys- 
tiques de Gersoa^ et des ^é<^aphes anciens, 
dont il consultait les extraits que renferment 



' K Cujua opinioniB ( mare esse vacuum et sine ho- 
minibusJipseDanles, poeta noster, fuit, ubi duode- 
vigesimo capîle de inferis loquens, Uljssv moi-teni 
coofingit. n ( Quatuor navigationum Introd. in fine. ) 

*. Comparez la note F de la première section, t. II, 
p. 347-353. 



tzedbïGoOglc 



Ill SBCTION DEUXIfiHB. 

\es Origines fïls\Aore de Séville, et la C 
graphie du caitlinal d^AiUy. «On a recherché 
très Illinulie^&elneat , en Italie ■ , lesquels 
parmi troatx-aept praièsseurs de mathémati- 
ques et de physique aTaient eu l'avantï^ de 
diriger les études de Colomb pendant son sé- 
jour de. Pavie, en remontant à l'époque de 
l46o-i479 = >1 y 3 quelque probalùlité que 
Antonio de Tersago et SleËOio de Faenia ont 
été aes nmires en astrononùe, nautique; mai^i 
nous arMis d^a iait voir plus haut que cW 
bien ptys twxl , à Lisbcmne , que le grand na- 
vigateur a re&ît, pour ainsi dire , ses àudes. 
Homme d^ai&ires et d'action ( c'est s« corres- 
pondance surtout qui nous le caractérise sous 
ce' double raifort), occupé autant de sa gloire 
que de ses intérêts pécuniaires , consorant Sa 
lui , à côté de tant {le soins matériels et minu- 
tieux qui refroidissent Tame et rapetissent le 
caractère, un sentiment profond et poétique 
de la majesté de ta nature ' - Colomb devait , 

' Rossi^ Fïta di Colomio , p. 73. 

■ Voyc» le commencement <!% la lettre de Colomb 
au iréaoriet' Sanchci (Nat. t. I, p. i8i-i83), et dans 
le journal du premier voyage j les journées des 3, i4i 



D.nt.zedbïGoOglc 



SECTION DEUXIEME. ty 

par la i-apidité et la variété de ses lectures , 
être exposé à un certain désordre d'idées dont 
ses écrits portent l'empreinte. ïl connaissait 
avant Pigafetta le moyen de trouver la longi- 
tude par les différences d'ascension droite des 
astres ; il était regardé ' en Espagne , dès le 
retour de son premier voyage, comme « gy^n 
teorico y mirahilmente platico , élu par la di- 
vine providence pour dévoiler d^impénétrables 
mystères ; « mais les explications qu'il hasai^ 
dait de quelques fausses observations de la po- 
laire faites , dans le voisinage des îles Açores , 
sur les passages supérieurs et infrâTieurs de l'é- 
toile et son hypothèse de la figure non sphé- 
rique et irrégulière de la terre , qui est renflée 
dans une certaine partie de la zone équatoriale 
vers la côte de Paria , pi-ouvent ° qu'il était 

19, a5 et 37 novembre, i3, aoetai décembre , mes 
TabUaux de la rviture (a' édition), t. I , p. 317, et la 
Relation historique, t. III , p. 473. 

» Lettre de don Ja^me Ferrer , en date du 38 fé- 
vrier ,495. 

* .Ttrcer Viage de Colon, dans Nat- t. I, p. aSS; 
fida del Almir. cap. igetGG; dansBiaciA, //^l'jï. t. I, 
p. 17 et 76 j et Relation historique , l, I, p. 5o6. a J'a- 
vais toujours lu , dit Colomb, que dans le monde (sur 

m. 3 



tzedbïGooglc 



Itf SECTION DEUXIEME. 

l»en fiiifale dans les premières notions géomé- 
triques qu^on sait avoir été très répandues «s 

notre globe ), tout , la terre &rtue conine l'eau , avait 
la figure sphéritjue , et c'est ce que prouvaient aussi 
les aulorità de Ptolém^ et des autres écrivains qui 
ont traité cette matière, de même que les éclipses de 
lune et d'antrea phénomènes (qui déterminent la fignre) 
de l'est à l'oueat coame l'ilévatioa ém pAte du aard an 
aud. A présent (arméioent lieifas h l'ouest des Ëee 
Açores), j'aivulaot d'irrégularité (iJL^niiùJaJ, pro- 
prement, tant de différence dans Us hauteurs de la po- 
laire), que je me suis formé une tout autre opinion du 
monde : J'ai con^ qu'il n'était pas sphériquc comme 
on le décrit , mais de la fcnvie d'ttne poire , ronde sans 
doute , mais alongée et plus haaie là ou est la queue 
(«/^<Hi>) : c'est doBG C9nuae une boule ayant nir un 
certain point une élévation semblable k la mamelle du 
sein d'une femme. Cette élévation est par conséquent 
plus proche du ciel (de la voûte céleste), elle est pla- 
cée BOU8 la ligne équinoxiale, dans l'Océan , vers la fin 
de l'Orient ; car j'appelle fin d'Orient ce qui termine 
(dans l'est de l'Asie) tout le continent et les lies. Les 
raisons (astronomiques) que j'ai énoncées plus haut 
indiquent que traversant vers l'ouest une ligne (un 
méridien) dirigée du nord au sud, k cent Uenes de 
distancedeslIesAçoree, les navires s'élivent doucement 
vers le ciel (^a «on lot navtot aizandoxe haeii» ei tieh 
juac«rnm(e),etdelà on commence ii Jouir d'une plus 
douce température («e gùta de muu $^av* lemp^rameia), 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXIEME. ig 

Italie à la fin du quinzième âède. Colcnnb, 
toujours ardent à se précipiter dans Texécu- 

et U bousiple, à cauoe de cette douceur du climat , 
change (de direction) du quart (d'un vent), et plus 
OD avance (vers l'ouest), et plus ou s'4lève (vers le ciel ), 
et plus la boussole se fixe au nord-ouest (o&ani/ose 
mat «l aguja Jel marear mat noruttUa ) ; et ce chauge- 
ment de hauteur ( le renflement d'une partie de la xone 
équatoriflle)causele» variations (é/rfe/t'ttriar) du cer- 
cle que dÀ;rit l'étoile polaire avec ses gardes ( les étoi- 
les p et 7 de laPetite-Ouree). Pluson approche de la 
ligne équinosiale , plus les étoiles monteront aussi , et 
plus il 7 aura de différence dans les cercles que les 
étoiles décrivent (autour du pâle). Ptolénée et d'autres 
savans r^ardent le monde (globe) comme de figure 
ephérique, «t (prétendent) qu'il doit fâtre partout 
comme là oii eux k sont trouvés, dans l'hémisphère 
dont le centre coïncide avec Itle à'Arin , souï la ligne 
4qninoxiale , entre le Golfe d'Arabie et le Gtdfe Per- . 
eique. Pour ce qui est du cercle qui passe vers l'ouest 
par le Cap Saint-Tincent en Portugal, et vers l'est 
parCangara (CatigaraT) et IcsSères, je n'ai aucune 
difficulté d'admettre que le monde 7 soit sphérique 
( esferieo redonio ). Mais dans l'émisphère que j'ai par- 
couru et qui était inconnu avant que Vos Altesses me 
l'aient fait découvrir ( han mandado navegary butcary 
deieobrir), le monde a un renflement semblable au 
tétinde la femme.... u En traduisant littéralement une 
partie de cette verbeuse discussion de Colomb, j'ai mis 



tzedbïGoOglc 



20 SECTION DEUXIEME. 

lion de ses projets , toujours occtqȎ du positif 
de la vie, ne s^était &niiliarisé, comme la 
grande masse des marins de nos jours , qu^vec 
la pratique des méthodes d'observation , sans 
étudier suffisamment les bases sur lesquelles 
ces méthodes sont fondées '. 

Ce qui caractérise Colomb , c^est la pénétra- 

entre des parenthèses ce ^ut peut &ciliter l'interpr^- 
tiûD du texte. Comme dana le moyen-Sge les raisonne- 
mena scientifiques devaient toujours se fonder sur 
quelque aperçu du Stagîrile , Colomb ne manque pas 
d'ajouter « que celui-ci avait déjà cru les terres voisi- 
nes du pôle anfarcf/fue (? Met. n, j, i5) plus pro- 
ches du ciel , mais que le renflement du globe n'existe 
que dans ceffe/iâr/ie la pJus nobk de la terre d'où est 
•venu au moment de la eriation un premier rayon de lu- 
mière, da premier point de F Orient. » Je n'ai pas bescHH 
, d'ajouter que ce premier point de l'Orient , site du Pa- 
radis terrestre d'oii découlent les grandes rivières, est, 
selon Colomb , l'extrémité orientale de l'Asie, la c6te 
de Paria , près du delta de l'OréDoque. 

■ On doit ^re d'autant plus surpris de voir qu'un 
des rivaux de gloire de Christophe Colomb , Sébastien 
Cabot, celui qui découvrit le premier la partie contins u- 
tale de l'Amérique , et pénétra audacieusement dans lea 
mers du Nord , fut accusé a d'être plutôt grand cosmo- 
graphe (théoricien] qu'habile marin, n (Hbbrib*> 
Déc.I,lib.X,Gap. I.) 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXIEME. 21 

tion et la finesse extrême avec lesquelles il sai- 
sit les phénomènes du monde extéiiem'. IL est 
tout aussi remarquable comme observateur de 
la nature que coomie intrépide navigateur. Ar- 
rivé sous un nouveau ciel et dans un monde 
nouveau {commeti viage nfievo al nuevo cieîo 
Y mundo , écrit-il à la nourrice de rin&nt don 
Juan ' ), la configuration des terres , Taspect 
de la végétation , les moeurs des animaux , la 
distribution de la chaleur, selon l'influence 
de la longitude, les courans pélagiques, les 
variations du magnétisme terrestre , rien n'é- 
chappût à sa sagacité. Recherchant avec ar- 
deur les épiceries de Tlude et la rhubarbe * , 

' En novembre i5oo. (Nat. Doc. 1. 1, p. 3G6. ) 
* ce Je porte de la rhubarbe et une infinité d'arômes 
précieux dont ceux de mes compagnons que j'ai laissés 
dans la forteresse ( la villa de Nalividad à Hd'iti ) décou- 
vrirout bien davantage encore. V CotoMB, dans la lettre 
au trésorier Sanchez^du 14 mars i493' (Niv. t. I, 
p. 193. ) li Je crois avoir trouvé u almasiga como en 
Grecia , ruibarba -y canela. » Colomb , dans la lettre à 
Luis de Santangel, du 4 mars i493.(Nav. t. I,p, 173.} 
L'erreur n'était pas de Colomb, mais de Vicenle Taâez 
KniOD, qui avait cru reconnaître la rhubarbe d'Asie 
dansTUeAmiga, aujourd'hui Isla de Râlas. (CoLoaiD, 
Journal du premier voyage , les 3o décembre 149» et 



tzedbïGoOglc 



22 SECTION DBUXIBHE. 

rendue ctièbre par les médecins arabes , par 
Rubriquis et les voyageurs italiens , il examine 

1°' jaOTÎer i493- ) On envoya an canot à la cfite pour 
en recueillir a que servia de muestra (en Barcelona) a 
los Reyes. v Rubriquis avait donué dans t'Occident les 
première! uoliona de l'usagé de la rhubarbe auCathaï; 
Marco Polo trouva cette racine dans la province mon- 
tagneuse de Succuir ( So-tcheou ), d'oCi ( dans le trei- 
zième riècle) la rhubarbe jetait répandue daua le monde 
entier. » On voit par le tableau des marchandise! ei- 
portées par lès caravanes de l'intérieur de l'Asie, ta- 
bleau publia en i335 parBalducciPegoletti, que la 
rhubarbe était dès-lors un objet important du com- 
merce de la Caspienne et d'AleiaDd rie. Comme Colomb 
secroj'ait dans les terres du grand khan, il devait cher- 
cher avec ardeur les drogues que les factoreries des Pi- 
sana et des Génois en Crimée , en Syrie et en Egypte , 
versaient en abondance dans l'ouest de l'Europe. Des 
espèces de Rheum très différentes entre elles donnent 
en Asie la vraie rhubarbe des pharmaciea- L'Hymalaya 
et les plateaux du Nepaul ont le Rheum Emodi, Wall, 
et R. ipiciforme , Royie ; la Mongolie produit le R. 
palmatum ; l'Altaï le R. leucorhizum et la Perse le R. 
Ribes. Les médecins arabes ont employé la rhubarbe 
avant les médecins chrétiens de I7talie et de l'Espagne [ 
mais , nourris des écrits de Koscoride et de Pline> ils 
ont toujours confondu le Rha ou Rheon de Dioseoride 
qui est le Rhecomade PUne (XXVU, la), ou Rha 
ponticum, plante astringente , avec la rhubarbe de la 



tzedbïGoOglc 



SKCTION DEUXIEHB. 33 

mînutieiueiiient les finsts et te feuillage des 
plantes. Dons les Ccmifires y il (Jbstiague les 
▼nis pins, semblables à ceux d^E^spegne, et 
les pins à fruit monocarpe : cVst reconnaître 
Kwuat L'Héritier le genra Podocajpus '. Le 

Mongolie. {StUmtu. Exere. Plia., éd. 1619, p. 796.) 
Ajroot pkroooni , à mon rekmrde Sibérie, la Rusiie 
nëridioDate, je pois assonr qa'S b'exi«te aanuu et- 
ptocdo Rbenrm entre le Samara , la Wt^gaetleDon, 
daai le a^rtème hydrographique du Rfaa; car le grand 
fimive (itAa), o'ert-jk-dira la Wijga , a donné )e nom 
an Bhaemna de Pline , qolaidcHv de Séville ttooinM 
d^ Bh»an (ilAaim) harhancum. Un païuge d'Ediîn 
ear les qualités médicinaleB du u-ravand d« B^aia 
( Bogie des marins flraoçais ), a fflAme donné lien à l'er- 
reur de trouver de la rhubarbe semblable à c^le de 
I^M aar le reren de l'Atlas. {HikKraàXK ,' Âfiica , 
p. aao. ) En Amérique , le genre Rbeum parait nan- 
quei* entièrement. 

* T07eztom.II, p. ^3 itHaot Relalian htttoriqae , 
I. m , p. 376. Les Tëritablee pins (nna doale le Pinus 
ocddentalis), utiles à la m&tme, et « n élevés, que 
■'(dlade la peine à en voir les tâmes, s Colomb les 
trouva sur la câte septentrionale de 111e de Cuba , prJM 
des Sierras de Hoa : il vit même le spectacle qui m'a 
aouvmt frappé an Mexique , le mélange des pins et des 
pahnJers, pris de Baracoe. (Jouma) du premier voyage, 
journées des 95 et 97 novembre 149a ■ ) Mais dans l'Ile 



tzedbïGoOglc 



24 SECTION DEUXIÈME. 

luxe de la régétation et Tabondance des lianes 
Fempéchent de distinguer les parties qui ap- 
partiennent au même tronc. Il disserte longue- 
ment dans le journal de son premier voyage 
sur « cette propriété merreilleuse des ai4)res 
de nie Femandina ' de produire un feuillage 

d'Haïti , dana les montagaes de Cibao , Colomb décou- 
vrit avec sarprise des pins qui ne portent pas de cânea 
(strobilee), des arbres à feuilles acéreuses, dont le 
fruit ressemble à celui des oliviers de Séville, » Abunda 
la tierra atptra del Cièao { de Ciha, piedra ) de pinot 
tnui allai que no lUvan piiUu,por tat orden eompttestot 
pçr aaturaleta, que parecen azeyiunoi del Axarafe de 
i«ci//a. (HEBHEBA.Dec. I, lib.U, c. 4,p. 35.) Les 
botanistes recoaaaitront qu'il n'est pas possible de ca- 
ractériser avec plus de prédeion les Con^rejjonjcdne*, 
ta section des Conifères à fruits solitaires ou simples , 
le groupe des Taxinées de Ricbard, ( lHém. sur les Of- 
eadies et les Conifères , 1836, p. 6, io5et 134.) 

< « Vide muchos arboles que tienen un ramito de 
una manera y otro de otra j tan disforme que es la 
major maravilla del mundo, verbi gracia un ramo té- 
nia las fos fojas a manera de caûas y otros a manera 
de lentiscoj y au un solo arbol de cinco o seis 
' maneras , ni estos son enjeridos porque se pucda 
decir que el eujerto lo hace, autea son por los 
montes, ni cura dellos esta gente, u (Journal du 16 oc- 
tobre i493' ) Rien ne dépeint mieux cet entrelacement 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXIÀHE. 25 

entièrement difiTérent : dans une branche , des 
feuilles de roseau , dans Tautre , des feuilles 
(pennées) de pistachier. » Colomb ne se borne 
pas à recueillir des feits isolés ; il les combine, 
il cherche leur rapport mutile) , il s^élève quel- 
quefois avec hardiesse à la découverte des lois 
générales qui régissent le monde physique. 
Cette tendance à généraliser les feits d'obser- 
vations est d^autant plus digne d'attention , 
qu'avant la fin du quinzième siècle , je dirais 
presque avant le père Acosla, nom n'en voyons 
pas dVutre essai. Dans ses raisonnemens de 
géographie physique , dont je vais of&ir ici un 
Ê^gment très remarquable, le grand naviga- 
teur , .contre sa coutume , ne se laisse pas gui- 
der par des réminiscences de la philosophie 
scolastique ; il lie par des théories qui lui sont 
propres ce -qu'il vient d'observer. La simulta- 
néité des phénomènes lui parait prouver qu'ils 
ont une même cause. Pour éviter le soupçon 
de subtituer des idées de la physique moderne 

de plantes parasitea que la peine naïve que se donne 
l'observateur pour prouver que le mélange et la sau- 
vage abondance de feuillages et de (leurs ne sont pas 
l'eflét de la greffe. {Taèleamda ta Nat. t. II,p. 5u) 



tzedbïGoOglc 



26 SECTION DEUXIÈME. 

aux aperçus de Colomb , je rais traduire bien 
littétalenient ud passage de la lettre du mois 
d'octobre 1498 1 datée d'Haïd : « Chaque fins 
que je naviguai d^Ëspagneaux Indes, je trou- 
vai, dès que jVtais arrivé à cent lieues à l'ouest 
des îles AçoreS', un changement extnuKtli- 
naire dans le ciel (dans les mouTemens céles- 
tes) et les étoiles , dans la température de Tair 
et dans les eaux de la mer. Ces changemens , 
je les ai observés avec un soin particulier} je 
remarquai que les boussoles (offujas de ma- 
'^^'"*)) qui jusque là variaient au nord-est, se 
dirigeaient un quart de vent {una cuarta de 
viento todo entero ' ) au nord-ouest , et tra- 
versant cette bande comme une côte ( le pen- 
chant d'une chaîne de montagnes, como 
quien trcupone una cuesta ) , je trouvai la mer 
tellement couverte d'une herbe qiû ressem- 
Uajt à de petites branches de pin * chargées 

• Probablement la quart des huit vents de la bous- 
sole ou 11' -J. 

* La description de Colomb ne dëaif^ne pas le Fu- 
cus abiet marina, Gmdin , qui est un Gjstosein d'A- 
gardh. Il ne peut Mre question , à cause de la localité 
que du Fucus nalans , Linn . tandis que dans la descrip- 
tion de Scjrlax de Caryande (Hons. Gtogr. min. 1. 1, 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXIEME. 1"] 

de fruits de pistachier {leniûco), que nous 
pensions» à cause de Tépaisseur de Talgue, 
que nous étions sur un bas-fond et que les 
navires viennent à toucher par manque d'eau : 
cependant, avant d'atteindi'e la bande (nsf-a) 
que je viens d'indiquer, noua ne rencontrâ- 
mes pas ime tige d'herbe. A cette mâme 
limite (cent lieues à l'ouest des Açores), la 
mer devint unie ^ calme , puisqu'aucun vent 
de quelque ibroe ne l'agite. — Quand je vins 
(dans mon troiaèule voyage) d'Espagne à lILe 
de Madère, et de là aux Canaries, et des Ca- 
naries aux îles du Cap Vert, je me dirigeai 
vers le sud Jusqu'à la ligne équinoxiale (le fils 
de Colomb ' dit qu'on n'avança que jusqu'au 
5° de latitude boréale). Me trouvant sous le 
parallèle qui passe par la Sierra Leoa a, 

p. 53, 54)) il me parait être claiFemënt queMion du i^^ 
eu/ jii«u£!(UiM,LiDn. ou SporochuusaculeatuSfAfjardh, 
qui ést UD fucus littoral. Les prétendus fruits de Un- 
titco sont les vessies remplies d'air et de mucilage qui 
contribuent à faire nager le goémon. 

' f^ùla,esp. 66. 

■ Ce nom de Leoa est ëcrit deux fois de la mène mft< 
nière, et une traîùème fois Lioa dans la lettre de Co- 
lomb. C'eat sans doute Sierra Leone , placée par lat. 8° 



tzedbïGoOglc 



28 SECTION DEUXIÈME. 

j^eus à souffiir une si horrible chaleur , qiie le 
vaisseau paraissait brûlant ; mais ayant fran- 
chi Ters l'ouest la bande que j^ai indiquée , on 
changea de climat, Pair devint tempéré, et 
cette fraîcheur augmenta à mesure que nous 
allions en avant. » 

Ce long passage, dans lequel j'ai conservé 
le caractère du style franc et simple , mais 
difius de Colomb, renferme le germe de 
grandes vues sur la géographie j^ysique, En 
y ajoutant ce qui est indiqué dans d'autres 
écrits du même navigateur, ces vues embras- 
sent i) l'influence qu'exerce la longitude sur 
la déclinaison de IViguille ; 2) l'inflexion qu'é- 
prouveitt les lignes isothermes en poursuivant 
le tracé des courbes depuis les côtes occiden- 
tales d'Europe jusqu'aux côtes orientales d'A-* 
mârique;3) la position du grand banc de 
Sargasso dans le bassin de l'océan Atlantique, 
et les rapports qu'offre cette position avec le 

19' 55". Don Fernando dit que son père revint des 5' 
de latitude , en naviguant vers le N. O. au parallèlede 
7°. Les rumbs et les distances ne donnent k M. Moreno, 
dans le tracé des quatre routes de Colomb, pour le 
point le plus austral du troisième voyage, que S" de 
latitude. 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXIEME. 



climat (le la portion de Fatmosphère qui repose 
"surrOcéan; 4) la «lirectiondacouranl géDé- 
ral des mers tropicales ; 5) la coiifiguration 
des îles et les causes géologiques qui parais- 
sent avoir influé sur cette configuration dans 
la M^ des Antilles. Je crois, comme physi- 
cien et comme géologue, avoir le double de- 
voir, en traçant lliistoire des découvertes du 
quinzième siècle et en examinant le dévelop- 
pement successif de la Physique du Monde^ 
de présenter quelques éclaircissemens sur des 
objets si variés. 

La découverte importante de la variation 
magnétique, ou plutôt celle du changement 
de la variation dans- FOcéan Atlantique', ap- 
partient, à n'en pas douter, à Christophe 
Colomb. Il trouva dans son premier voyage, 
le i3 septembre 1492, au conmiencemmt de 
la nuit, à peu près par aS" de latitude, dans 
le parallèle des îles Canaries , et , d'après le 
tracé des routes par M. Moreno, par 3i' de 
longitude, «à Fouest du méridien de Paris 
(donc 5o lieUes marines à l'est de Corvo), que 
les boussoles, dont la direction avait étéjusque 

» N*T 1. 1, p. 8 et 9. (f ((/a, cap. 16.) 



tzedbïGoOglc 



3o SECTlbir DEUXIÈME. 

là au Dord-esl, décUnai^it vers le nord-ouest 
(norouestaban)^ et que cette déclinaison à 
Touest augmenta le matin suivant ' . Le 17 sep- 
tembre (même latitude, mais dans un méri- 
dien de cent lieues marines à l'ouest de llle 
deCorvo),la déclinaison magnétique était déjà 
d^un quart de vent, n ce qui effitiya beaucoup 
les pilotes. » Les dates de ces découTOtes 
sont consignées dans le journal de Colomb. 
L^onnral vérifia les boussoles par des métho- 
des qu'U décrit confusément : il reconnut très 
bien « qu^en relevant Tétoile polaire, il Ëdlait 
tenir compte de son mouvement horaire, et 
que la boussde était dirigée vers un punto 
ùwisible, à l'ouest du pôle du monde, n L'ob- 
servation du i3 septembre i^S^t époque mé- 
morable dans les &stes de Veutronomie nau- 
tique des Européens *, est rapportée avec de 

■- < La aguja noruesteaba desde prima noche média 
cuarta y al amanecer poco mas de oli'a cuarta. > Ces 
paix^ du fila ne doivent cependant pas faire croire que 
Christophe Colomb observa dès-lors des changemens de 
la variation horaîi'e. Les moyens qu'il employait étaient 
trop peu précis pour justifier cette conclusion. 

■ Je n'ignpre pas que dans im grand nombre d'ou- 
vrages trè3e9lJméa(TH0NAS YoDNo, l^cl.on Nat. Pkil. 



tzedbïGoOglc 



SECTION DBDXIÈME. ,3l 

justes éloges par.Oviedo, Las CaSBS et Herrers. 
Don Fernando ajoute que jusqu'à ce jour 
« personne n'ayait remarqué cette déclinai- 
son. » C'est donc à tort que, sur le témoi- 
gnage de Sanuto, on a attribué cette décoa- 
verte importante à Sébastien Cabot > , dont le 
TC^age est post^eur de cinq ans. Il est pos- 

t.lfp-y46;HàMBTBai,Magiut.derErde,p,i';S), on 
trouve âtée une prétendue ob«ervaIion < de Pierre 
Adtiger ■ bite en 1369, et dont Tbévenot a parlf^ d'â- 
pre le fragment d'une Lettre que possède la bibliothè- 
que du nàli Paru. M. Librï, mon confrère à t'inatitut, 
qui a fiit une étude [mifonde de rbisloire des sfâencet 
phjnques, observe, i^'iju'Uj'aeiTeurdencmiilslettre 
porte l'inscription de : EpLiioia Pétri Peregrini de Ha- 
rinuH ad Sigernuatt <U Foucoutaurt (ces mots ad Sigvr- 
mum <mt été couTertis en Adsiger) ; 3° que le passage 
de la déclinaison magnétique est int^callé et ne se 
trouve pas dans le manuscrit de Leyde. On ne doit 
dcHic attribuer l'observMif») ni à Pinre Peregrinî 
(BàMLOvr, dans les Tram. pkU. de 1 833, t. II, p. 67e), 
ai Ji celui qui a reçu la lettre. — Gilbert, dan* la célèbre 
Pky$M^i^deMagaeie, tC33, lib. I,cap. 1, affirme 
que dans un Traité de Mapiélisme terrestre, Feregrini 
se tooàf sur des id^es de Roger Bacon. 

' Lmo Sanom, G^^raphia dùtiiita in XII liiri ne 
quah obra Fetptieatume di imtti bughi di Totoineo e délia 
èiutola « deiT Agugua, sidichtararta leprofimcie, popoli 



tzedbïGoOglc 



Sa SECtiON DEUXIEME. 

sible, et, malgré Imperfection des instrumens 
et des méthodes, il est même assez probable 

e eoitumi delF Africa (Weaeza, i588). L'auteur de ce 
livre curieux apprît par son ami, Guido Gianette di 
Fano, que Cabot avait expliqué, en sa présence, au roi 
d'Angleterre Edouard VI (on ignore en quelle année),, 
la variation de l'aiguille et le méridien sur lequel l'ai- 
guille montrait le vrai nord (il plaçait la ligne sans dé- 
clinaison 110 milles italiens àl'ouestde Florès). Guil. 
Gilbert, Physiol. nova de Magnete, i633, p. 5. 
M. Biddie, auteur du savant Memoir of Sébastian 
Cabot, qui a paru en i83i, observe avec justesse 
(chap. a6, p. 177-iSo) qu'une remarque inscrîte dans 
ta Mappemonde dePtolémée ajoutée à l'édition romaine 
de i5o8, remarque d'après laquelle <> près de Terre- 
Neuve et l'ile de Bacalaurus, la boussole ne gouverne 
pas, nec nafes quœferrum lenent revertere valent, » parait 
fondée sur les idées de Cabot relatives à la position et à 
la proximité du pôle magnétique boréal. S'il fallait ac- 
cordei' à Sébastien Cabot le mérite d'avoir observé la 
variation de l'aiguille avant Colomb, ce que l'époque du 
. premier voyage de Colomb rend impossible, ce mérite 
ne daterait pas de l'an i549, conune le prétend Fonte- 
nelle (^Mém. de TAcad- 1719, p. iS), mais il remonte- 
rait à l'année i497i dans laquelle Cabot aborda le pre- 
mier à la terre ferme de l'Amérique septentrionale. 
L'ingénieux historien de l'Académie réclame aussi en 
faveur d'un pilote dieppois nommé Crignon, qui in- 
dique la déclinaison nord-est de l'aiguille en i534, dans 



tzedbïGoOglc 



ACTION »EUXIBHE. 33 

que tong-len^ avant Colo«d>, des piloles eu- 
TOpéens aient remarqué qne f aiguille ne se diri- 
geait pas vers le vrai pôle de la terre. La dé- 
cKnaiscm orientale doit ayoir été assez grande, 
pendml le quinzième siècle, dans l'est du 
bassin de la Méditerranée pour s'en aperce- 
voir : ce qui est indubitable, c'est que Colomb 
TÎt le premier qu'à l'ouest des Açores, I*i 
variation même variait, que de N. E. elle 
devint 14. O. 

1^ ja ne rapporte ta nouveauté de Tobser- 
Taliaii de la déclinaison de l'aiguille aimantée 
qu'à la connaissance que les Européens avaient 
d«s phénomëiMs du magnétisate terrestre, 
fcW pour rappeler que, d'après les belles re^- 



UD manitscrït que possédait le géographe Delùde. Hais 
ces réclamations n'ont aucune valeur, le journal de 
Colomb donnant avec tant de précision le i3 septem- 
bre i4d3 comme jour de première observation de àé- 
eUnaison magnétique. Le pilote Crignon serait-il le 
même que ce pilote français de Dieppe qui a vu passer 
la ligne sans déclinaison par les iles du cap Vert, et que 
Michel Coignet cite dans un ouvrage trÈs remarquable 
imprimé à Xnvers, en i58i, sous \t ûin à^ Inslruetion 
nouvelle des points plus excellent et nécessaires de tart 
de naviguer, chap. 3, p. lï ? 

m. 3 



tzedbïGooglc 



34 SECTION DEUXIÈME. 

cherches que M. Klaproth a &ites à ma prière, 
on connaissait dans Test de PÂse, en Chine, 
la Tariatirai magnétique depuis le coimnence- 
ment du douzi&ne siècle, par conséquent 
cent cinquante ans avant Marco-Polo, Roger 
Bacon et Albert-le-Grand. « Keoutsoungchy, 
auteur d^une histoire naturelle médicale, inti- 
tulée Penthsaoj'an , et composée sous la 
dynastie des Soung, entre iiii et 1117 de 
notre ère^ s^exprime ainsi sur les vertus de 
Taimant ou de la pierre qui hume le fir : 
« Quand on frotte une pointe de fer avec l'ai- 
mant ihirumchY\ elle reçoit la {«ropriété de 
montrer le sud ; cependant elle décline tou^ 
Jours vers l'est et ne se dirige pas droiiausud 
(dans le méridien du Ueu). CW pourquoi, 
lorsqu'cm prend un fil de coton et qu'on rat- 
tache moyennant un peu de cire au miUeu du 
fer, Taiguille montre, dans un endroit oiî il 
nV a pas de vent, constamment le sud. Si Ton 
&it passer TaiguiUe par une mèche (les 
mèches chinoises sont de petits tuyaux de ro- 
seau très miïice) et qu'on pose cet appareil 
sur la surface de Teau , Taiguille montre 
également le sud, mais toujours avec taie 
déclinaison vers le point ping; c'est-à-dire 



tzedbïGooglc 



SECTIQN DEUXIEME. 35 

est; sud'. » On voit par ce passage que l«s 
Chinois, pour éviter le frottement sur les pi- 
vots et donner le mourement le plus libre aux 
aiguilles aimantées, les Élisaient, ou nager 
sur Teau *, ou se serraient de la suspension 
que nous appelons aujourdliui suspension à 
la Coulomb. Comme les Chinois, les Koréens 
et les Japonais rapportent toutes les directions 
au pôle sud, leur navigation ayant toiijours 
ét^ dingée de préférence vers le sud, la décli- 
naison de TaiguiUe rapportée par Keout- 
soungchy était, d'après notre manière de nous 
exprimer, vers le ïiordr-Oiiest '. I^ous voyons, 

' Klapho^b, LiUre à M, Alexandre de Httmbàtdt sur 
f invention de la èouttole, p. 68. 

* CttUi Èoustole aquatique des Chinois, semblable ^ 
poisBOn aimantédesancienspilotesiDdienBet au lézard 
des Birmans, a ausn été employée par les marins fran- 
çais du temps de saint Louis ; de là peut>étre la dénomi- 
natioQ de calamita ou grenouille verie donnée à l'ai- 
giûlle aimantëe, dâiominatioD que l'on retrouve dans 
Pline, XXX, 4^, mais appliquée à la rainette. 

' D'aprèa les obserrationB magnétiques faites à Péking 
par M. de Kovanko dans la maison magnétique qu'à 
ma prière l'Empereur de Russie a lait coostruirc 
récemment dans la capitale de la Chine, la déclinaiBoa 
était de nouveau, m i83i, de a" 3' vers l'ouest. 



:iz..i:, Google 



6b SECTION DEUXiBUIE. 

par tes Udmrieuses et sobdes recherches de 
M. Ktaproth, c|ue le phénomène dont on af- 

(Kvrtta, àani Ué ^nnak* de Pogfandoif, i833, n" i, 
p. 54.) Le père Amiot, dan» lea anaées 1780-1783, 
voyait déjà oaciller ia déclinaUon nuignétique à Péking 
de 2° à 4° i vere l'ouest (^Mémoires coneernani Us Chi- 
nois, \ol. iX, p. 1; vol. X, p. 142); mais dans un es- 
pace de 67» ans la ligne sans déelinaison peut avoir 
passé pludietrra (bis psrr Féklng. La propriëti directrice 
de l'aiguille aimantée , c'eit-i-dire la jnY>priété A% te 
placer dans un plao qui ne fait qu'uti certain aitgle 
avec le méridien du lieu, a été ccamue eu Chine plus 
de II 00 ans avant J.-C. D*après le rapport de l'histo- 
rien Szumathsian, dont W 5iu^i ou Mémoires histo- 
riques ont été composés dans la première moitié du 
second ùècle avant noire ère, Vcmpa-eur Tobhkigwang 
fit cadeau, iiioansavaatnatreëre, auxanbassadeur» 
de Tonkin et de la GoClàDclMue, qui craignaleBt de ne 
pas retrouver leuF chemin, de cinq chars magitiliquts 
(tchmàmkiu) , chars qai indiquent le sud, au mi^en du 
bras mobile d'ttiK petite figure conrerte d'un habit de 
. plumes. On (Coûtait dans la suite à cet chars Un h»do-^ 
mélre, c'e»Vi<ltfe tme autre petàte figure qui firappùt 
des coups ma un tambour ou 9ur «ne closhe, selon 
que ce char avait parcouru un ou deux U. Le célèbre 
e Chmieiotn^ que sen auteur Hîutchifa ter- 
wla dynastie des Han* l'an lai de Jésua-Oirist^ 
décrit la manière de laquelle luie Quille reçoit la pro- 
priété de se diriger veh le sud pM- l'aimant. Oh avait 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXIÈME. 3'J 

tritwe U «îécoiwverte à Qiristx^lie Ccdomb a 
été cOiBuau en Cbioe pour le moins quatre «ents 

Fecoanu aussi que 'la clutleur diminue cefte forcexlirec- 
trice. Sous la dyn>.tlie êe» T^in, par oonaéquent dès le 
tTOÎaî^«£^^KledjeAOti:e ère, 4bb vaisseaux chUioi^ Ai- 
i-ent ^uvern^s d'après des indicatktns magnétiques. 
Dans lé Tchinlafungthouki, ou desci^don du pays de 
Cambodja, ouvrage récemment publié à Paris, mais 
composées 1^97, sous le règne de Timour Ehan, les 
routes ou directions de ki navigation sont toujours indi- 
quées d'api'ès les Ti^mJ» de la boussole. L'usage de l'ai- 
guille aimiuMée a été introduit »i Europe parles Arabes, 
coBune le prouveiat mSme les dénonùnationa de zohron 
et ap^ron (sad et fiitcd) données par le Spec^um naïu- 
r«j« de Viiywat de feauvais aux deux pôles de J'aimaut. 
()ve lÀfrt ttw les pitrres, attribué par les Aiobes à 
Anst(He,ret cité par AU)ept4e^raDd r comme |HTuve 
del'wage jeraûoaptdansUt marine, est apQpr}^he, 
etpeut^tre de la AiËme époque que le Traité arabe des 
{Hores de T«tàcbi et S»la^ Kaptchaki.) En Europe, 
Guyot de Provitis, dans aon poème poittico-satirique 
intitulé iaSHki «t ^composé en it^o, et l'évâque de 
Ptotota^s, Jacques de Vitry, dans la DetcKpiiau Je la 
Paieflifie, cowpOAée entre izo4 et iïi5, ont les prc~ 
lÛQ-p.p^lé de l'usage de la bouasqle, mais d'un usage 
ét^i, id'ua instiHOietit nécessaire aux viarins. La 
preuve que M. Hansteeu a vou^u tirer du Landnamebok 
poiw 'faire sewsnMf l'emploi de la boussole par les 
Norwégieng au onzième siècle, a été infirmée par les 



tzedbïGoOglc 



38 SECTION DEUXIEME. 

ans plus tôt; toutefois ce résultat n^ôte rien & 
la gloire du navigateur génois, puisqu'il est 
bien certain que jusqu'à lui les pilotes euro- 
péens n'employaient aucune correction rdarr 
tire à la Tariatitm de la boussole. 

Mais l'amind n'eut pas seulement le mérite 
de trouver la li^p sans variation dans l'At- 
lantique, il fit di^-4Drs a,ussi la remarque in- 
génieuse que la déclinaison magnétique pou-^ 

recherdies de M. K^U. (Kiafb. p. 4<i 4^» &■>, 66, 
9» et 97.) Les ouvrages du célèbre M^orqiûn RaimMid 
Lulle (par exemple, Bon Traité De contemplatione, ëcrît 
en 1 37a, cap. i ag, § 19, et cap. agi , § 1 7) et le texte 
des plus anciemiei lois espagnoles, prouvent que dans 
la môité du treizième siècle, les marins cat^ans et bas- 
ques se servaient très communémratt de la boussole. 
(CiPMAi^r, Çuestione* eriticas, 1807, Cuest. a'>, p. 38; 
et Comereio aniiguo de Barcetona, t. III, p. 73-740 
Dans le développement prc^ressif des cfinnaissaoces sur 
l'aimant, il feut dbtinguer, 1° l'observation des simples 
phéDomènes d'attraction et de r^ulsion ; a" la direc- 
tion d'une aiguille mobile Gt»nme efiét du magnétisme 
leiTestre ; 3^ la variation, ou l'observation de la difl^ 
rence entre le méridien magnétique et le méridien 
du lieu ;, 4° '« changement de variation éi diftêrens 
lieux de la terre ; 5" les changemens de variation 
horaire j 6° l'observation de l'inclinaiBon et de l'inten- 
sité magnétique. 



D.nt.zedbïGoOglc 



SECTION DEUXIÈME. 3q 

Tait servir à obtenir (entre de certaines limites) 
la longitude du vaisseau. Je trouve la preuve 
de cette assertion dans le seul passage du jour- 
nal (ùinerario) du second voyage que lé CIs 
•de Colomb nous a conservé. Colomb avait 
•quitté l'île de la Guadeloupe le 20 avril 1496 
pour revenir en Europe. Au lieu de s'élever 
en latitude, comme on &it aujourd'hui, pour 
sortir de la région des vents alises, il resta 
entre les 20" et 22" de latitude. On ne put ga- 
gner vers Test. Les provisions d^eau et de pain 
diminuèrent avec une rapidité effi^yante. 
« Quoiqu'il y eût, dit Feiiiando Colomb, huit 
ou dix pilotes dans Texpédilion, aucun d'eux 
ne savait où Ton se trouvait. L'amiral seul 
était très certain que son point <ff estime était 
un peu à l'ouest du méridien des îles Acores. 
Voici comment, dans son journal, il s'exprime 
sur Cette certitiide : Ce matin (vraisemblable- 
ment le 20 mù), les boussoles âamandes 
étaient au nord-ouest una cuarta^ comme 
^les avaient l'habitude de iàirè ' ; lesiioussoles 
génoises, qui généralement sont conformes à 



> On peut ajouter, jC pense, depuis notre d^par^ de 
la Guadeloupe. 



tzedbïGoOglc 



40 SECTION DEUXIÈME. 

celles de Flandiie, ne se diiigeaient que très 
peu au nord-oue&l, mais à soesure que ddub 
avançâmes vers Test, elles toum^«nt ven le 
nord-est ', ce qui prouvait que nous étiims 
placés un peu plus de cent lieues à Touest des 
îles Açores. Lorsque nous nous trouvâmes 
à cent lieues jtiste, la mea: n^of&ait plus que 
quelquesinassesépar6esd^algues(/?oca^«fva), 
et les aiguilles génoises marquaient directe- 
ment le nord {herian el norie). On arriva à 
cette distance le 22 mai, et TaiBiral «ut ainà 
la certitude àe son point. » {Vid^^ cap. 63.) 
Nous ne discuterons pas ici le degré de cette 
certitude, mais le passage du journal de iCo- 
lomb ne laisse aucun doute sur Fenq^ de 
la méthode. Cette méthode a fixé plus vive- 
ment IVttentîon des navigateuns, à mesure 
que la navigation s^est étendue, <^ que les 

' L'ë^dott de Barâîa |>oi:4e : <■ Havia* 4e Horueîiar 
icndo ai UsU. » Le sens exige ,,peut-étfe nardesuaiau, 
comme semblele pipuver un fragment de la lettre de 
ii^i que j'ai traduit pli» haut. Colomb y dit claire- 
ment : • Avant dépasser la bande (raja)deB cent lieues 
à l'ouest des Açores, par conséquent entre celte bande 
p\, l'Espagne^ las agujas (^fasla enfoitces) tutrdetleahan. » 
(Nay. 1. 1, p. 354). 



DotzecliïGoOgIC 



SfiCTlOn DEilXIEMC. 4* 

^aads intérêts attachée à Ja positioa âe nou- 
.Telles décoiiyerles {tar rai^cvï à la ligne de 
démarcation^ ont reockt plus urgentie besoin 
de connaiki» les Iqu^tudes. Etiefut vantée, en 
iâ77, par William Boin7ne(4lajBS BOB il«^ùnân< 
p/th£ Sea\ en i5â$, par Livio Sanuto. X^es 
dernières paroles de C^itiA '' , KecneiHies par 
Ricliai'd Ëden, faisaient sans dioiate allusioa à 
ce même moyen, alors si prâué, •( de fixer 
la k>ngitiide par la varùtbon :des -aiguùUâs. » 
Cabot, que £on ami désigwe 'toujours par 
Texpression de good old marij m vantait, 
en mourani:, « .^e, par révélation divine, H 
possédait wie méthode de longitude infaillible , 
mais qu^ilue luiétaitpaspwiBfts de divulguer. » 
Un examen plus approfondi des cporbes d^é- 
gale déclinaison, dirigées souvent (par exem- 
ple, actuetlement dans la Mer du Sud, au 
nord de l'équateur) dans la direction de Test 
à Touest, et la découverte de leur translation, 

■ BiDDLE, Mem. v/Seh. Cabot, p. axa. On ne ccn- 
nait avec précûioa,:!)! Vannée de la mort, ni le lieu de 
sépulturedecegrandnBvigaleur, * quia donné pres- 
que un contioent àsa .patvie, el aans lequel peut-être 
la langue anglaise^e serait pas pai'l^c en Amérique par 
tant de millions d'habitant- • 



:i!,Googlc 



4? SECTION DSUXIÈJIE. 

qui est une fonctioH du temps, £iite par Gas^ 
sendi % a rendu peu à pmi illusoire une espé- 
rance dont on se berça mystérieusement pen- 
dant tout le cours du seizième siècle. Déjà le 
spirituel Guillaume Gilbert * , en discutant, dans 
un chapitre particulier de son. grand ouvrage 
àeMagnete, la question : « An longitudoter- 
reslris inveairi possit per Tariationem , » 
nomme k méthode « une pensée chimérique 
de Baptiste Porta {Maffia naturalisa lib. VII, 
caq. 38) et de Livio Sanuto; » il préfère la 
méthode de déterminer la latitude par les 
changemebs d^inclinaison , méthode , dit-il , 
qui a le grand avantage de pouvoir être em- 
ployée, sans voir le soleil et les étoiles, dans 
une brume épaisse, aëre califfinoso '. Nous 



* lUém, de tA'nd- 1719, p. 19. 

* IVaelatus tine Physiohgia nova de Magnete, ma' 
giulicù corporihus et magno Magnete tellure, éd. 
Woirg.Lochmans; Sedini, iG33 (la première édition 
eatde i6eo), lib. IV, cap. g, p. i64- 

*L.c. lib.Vjcap. 8, p. igS. Cet emploi de l'^/t- 
Rtiûon, queGiibert nomme toujours (lib. V,cap. i-ia) 
declinaliQ magnetiea, et don Pedro de Médina ÇArle de 
juitw^r, Sevilla, i545( p- aii-ïn), et Sanuto(Geo- 
graphia, lib. I, p. 6), avaient nié l'existence^ est d'au- 



tzedbïGoOglc 



* SBCTION DE&XIBHE. 4^ 

•savons aiijourdliui qu^entre de certaines limi- 
tes et seulement dans des parages où la varia- 
tion et l'inclinaison de l'aiguille changent avec 
une grande rapicUté en avançant dans le sens 
d'im parallèle ou d'un méridien' terrestre, 
les phénom^es magnétiques peuvent être em^ 
ployés avec beauctn^ futilité pratique pour 
reconnt^tre les difiërences de longitu^ ou de 
latitude. 

La combinaison des trois observations de 
déclinaison magnétique que je trouve dans les 

.Unt plus remarquable, que la boiusole d'inclinaison 
n'avait été inventée par Robert Normann qu'en 1576. 
La position de l'équateur magnédqiue sur le<^el l'iDcli- 
naison est nulle , n'était pas cmnue de Gilbert, qui, 
d'ailleui-s, comme Hauj, nomme pôle sud, la pointe de 
l'aiguille qui se dirige vers le pôle nord (Ub. I, cap. 4, 
p. 16). Il croit que l'équateur co'incide avec l'équatew 
terrestre (Ub. V, cap. t,p. iSa)- 

> J'ai fait voir, au retour de mon voyage d'Amérique, 
comment l'inclinaison peut indiquer, dans la Mer du 
Sud, BUT les côtes brumeuses du Pérou, la latitude avec 
une prédsion suffisante potu- les besoins du pilotage. 
Voyelle Mémoire que j'ai publié^ conjointement avec 
M. Biot, sur les variations du magnétisme terrestre à 
différentes latitudes, dans le Journal de Physifjufj 
t.LlX,p.44M5o. 



tzedbïGoCglc 



44 SECriOq DEUXIÈME. * 

écrits de Colowb meâoane ladiiwctiou de h 
/^7i£ .la/u vonoAon pour les anaées 1^2-1498. 
Dans le premier vojage, raoùral traversa la 
Ug^ zéro, le i3 septfflnbre i492t |>ar lat. 
38° et long. 30" f , c'est-à-dire, presque 3' à 
Touest du m^idjen de l'île de Florès; dans le 
second voyage, le 20 ou 21 mai 1496, par 
Sj'^de lat., et par Itwg. 3l''7; dans le troi- 
sième voyage, le 16 août 1478, dans la Mer 
des ^tilles, parlât, la'^, etlong. 68°j, un 
peu à l'est du n^éuruHea du cap Gidera. Cette 
dernière observation est la plus importante de 
toutes, Colomb ayant longé, du 1 3 au 1 5 août, 
la côte de Cumana, depuis le cap Pari? jusqu^à 
la pointe occidentale de nie de la Marguerite. 
Le i5, il se dirigea au N. O., entne les îles 
fflauquilla et Orchila : il «e peut donc pas 
rester de doutes sur la position précise du 
navire au 16 vers le soir. Orj^ramiral dit en 
termes très clairs ( F^ida, cap. 72 ) : « Pour 
avoir veâUé si long-^temps, mes yeux étaient 
feeUement enflanmiés ( nempUs de sang ), que 
la ipii^ert des choses je ne pouvais les noter 
que d'Eq>rès le rapport des pilotes. Dans la nuit 
du jeudi 16 août, les aiguilles, ^i jusque-là 
^'avaient pas encore varie au nord-ouest, se 



tzedbïGoOglc 



^ SECTION DEUXIÈME. 45 

toumtrent au nord-ouest plus d^un quart et 
demi , quelqueJbis même medio veïito. Il ne 
fteuty aTOir d'erreur dans ce feit, car les pi- 
lotes avaient, toujours été très vigilans et soi- 
gneux à noter la direction des aiguilles. Le 
cIiangeBient (rariation ) leur causa de Péton- 
nement. » Quelque incertaines < que puissent 

' Il y a quatre causes d'erreur, celte de ï'ettime de la 
longitudedo valaseau, celle de l'observation magDétiqiie 
et celles des insfrumena et ëphémeiides ti uopstrâha^ 
J'ai auivi dans le teste les longitudei ausquelleg s'arr^ 
tentMM. Moreno et Navarrete dans letracédes vo}'ag;eB 
de Colomb. D'après ce tracé, l'amiral, bien loin de 
trouver comme il le prétend, le i3 septembre 1492, la 
ligne sans déclinaison à cent lieues de distance du mé- 
ridien du CorVo et Plorés , n'aurait atteint ces cent 
Beuesquelei/ ouïe 18 septembre. Déplus, le ai mai 
149S1 la position du vaisseau aurait été, d'après les re- 
cherches de M. Moreno sur les routes de Colomb, non 
à l'otitest du tnéridiëif de Floi'ès, mais dans le méridien 
l'im- 
donc 
ïérer 

delà 

nison 



tzedbïGoOglc 



46 SECTION DEUXIÈME. 

paraître les longitudes du vaisseau de Q»lomb 
pour le i3 septembre i4g2 et le 21 mai 14961 
il est toujours constant que , par les a8° et 32^ 
de latitude, la déclinaison était alors zéro 
dans un méridien qui passe près de File de 
Florès , tandis que la même ligne sans décli- 
naison fut traversée à l'ouest des Petites An- 
tilles, lé 16 août 1498, par les 13° de latitude, 
dans un méridien qui passe entre llle de la 
Marguerite et le cnp Codera, cap qui &ie 
partie de la côte de Caracas. La ligne était 
donc , vers la fin du quinàème siècle , inclinée 
dii N. E. au S. O. Cette foéme direction « 



semble autoriser k dontier une position [dus occidett- 
taleàta ligne sans déctinaison ai 149a eti496. Colomb 
insiste plusieurs lois sur le fait physique de la coïnci- 
dence de cette ligne avec le bord oriental de la Mer de 
Sargasso, c'est-à-dire de la grande bande de fîicus qui 
d'ëtend presque du nord au sud, entre les 33° et 4*° de 
btitude. ■ Quand les aiguilles commencent à se diriger 
auN. 0-, dit-il, je commence à entrer dans les hert>es 
(latone de varec). ■ Or, W est certain que la limite 
orienlale des liicus est à l'ouest de Corro, au-dessous 
des 44° de latitude, que généralement elle se maintient 
^r les 37° \ et 4o° de longitude, donc à So ou i4o 
Tieues marines de dislance à teueit de Corvo.' 



tzedbïGoOglc 



SECTION DBUXiÈHe 4? 

M. Hansteen la troure' dans l'Océan Atlan- 
tique jusqu^cn i6oo. Aujourd'hui la déclinai- 
son est nulle sur une courbe qui, depuis les 
côtes du Brésil , près de Bahia , au S. E. du 
cap Saint-Augustin , incline dans un sens tout 
contraire , du S^ E. au N. O. vers le cap Hat- 
teras *. Or, on se demande â cette ligne amé- 
licaine sans déclinaison est celle qui , vers la 
fin du dix-s^ti^e siècle , a passé par Londres 
et par Paris. Un changement de forme ou de 
direction que la ligne aurait éprouré pendant 
son mouvement de translation n'auroit rien 
de bien extraordinaire, puisque des observa- 
tions directes ont prouvé qu'à l'île de Spitzberg 



' Uniersutk. Hherden Ha^netùmus lUr Èr^e, iBig, 
Atlas, tab. I. t)aDS la Géographie pbjaîque dif pë^ 
Acosta (ftoa Hisiària natural de loiladiat Mérite bien 
ce nom), il y a une preuve également convaincante de 
la directioti de la ligne sans déclinaison des A^ore» 
duN. E.auS. 0. Acosta (lib. I, cap. «7, p. 64) dit 
(jue de son temps, en tSSg, ■ on trouve la variation 
vers l'ouest, lorsque sur le méric^n de Corvo on s'élève 
à plus de hauteur (en latitude), et que la variation 
derient orientale lorsqu'on diminue de latitude et ap- 
proche de l'équateur sur le même méridien. 

* Voyez ma Relation kùlorique, 1. 1, p. 360. 



D.nt.zedbïGoOglc 



4li SBCTICm DEIDCIEHB. 

ta déclinaison nV pa9 changé depuis deux cenlW 
ans , et que les parties des courbes d'égale dé- 
cUn^son qui de TOcéan arriTent sur un con- 
Cinent , ne se meurent pas avec la même rapi- 
dité que les parties qui restent océaniques; 
que par conséquent l'bypotlièse ancienne de la 
translation uniforme de -tout un système de 
Kgnea n''est aucunement admissible. Ce qui , 
dans le résultat que je viens d'c^enÎF pour tes 
temps de Colomb et de Sébastien Cabot , est 
le'plus digne d'attention, c^est la résolution 
du problème relatif au sen? dans lequel a lieu 
le mouvement d\m système susceptible d'al- 
térer particUement sa forme. M. Arago ' a bnt 
toir par des recherches approfondies que le 
nœud ou point d'intersection des équateurs 
magnétique et terrestre avance de l'est à 
l'ouest, ce qui influe directement en chan- 
geait les latitudes magnétiquefi des lieux , sur 
la grandeur des inclinaisons*. D'après les ob- 

' Coim. Jei temps, i8a8, p. a5i . 

■ J'ai donné de nombreux exemples de ces change- 
mens par la comparaison de mea propres observations 
d'inclinaison faites k des époques éloignées les unes 
des autres dans PoecEiffiORF, Journ, der Phfsik, i8ag, 
t. Wvp- 33i-3i7- Comparez aussi un excellent Mé- 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXIÈME. '49 

serrations très précises de M^ Kupfer, la ligne 
sans déclinaison, dont j'ai déterminé , lors.de 
mon voyage d'Asie , le prolongement vers la 
Mer Ca^ienne , se ment également de l'est à 
Touest , en avançant de Kasan par Moron vers 
Moscou'. D'après ces données, il paraîtrait 
que la Ugne zéro^ observée par G>loinb à 
l'ouest de rUe de la Marguerite*, avait, dans ' 
les siècles antérieiuï , traversé l'Europe ^ et 
que la ligue qui approche datas ce moment du 

moii'e de M. Hanste«n sur la translation de la couib.^ 
sans déclmaison dans l'ouest de la Sibéiie, de 1769 
à i8ag, deVest à Vouest, d'Orsk à Uralslt^ et sur les 
variations séculaires de l'inclinaison, dans Poggenb. 
t.XXI,p.4i4-43o,ettab.V. 

» POGGSHD. t. XV, jp. 339. 

" J'avais cru quelque temps, lorsque je me trouvai 
sur la côte de Paria et dans les terres coloy^s pai- les 
navires de Colomb en 1498, que le cap nommé par 
Colomb Punla del Aguja (Nat. t. li p. sSo), dési- 
gnait, comme c'est le cas dé l'extrémité méridionale de 
l'Afiique à la pointe des égailles, un ancien point sani 
variaiion magnétique. Mais la Piaita del Aguja de Co- 
lomb est le cap que les Espagnols appellent aujourd'hui 
la Punla dé Âkalrazès, Elle est par conséquent 3° 25' à 
l'est de la courbe sans déctinaison que nous avons 
placëeavec Colomb, pour i498, par 68° iS', dans le 
parallèle de la" 45'. 

m. 4 



tzedbïGooglc 



5o 

cap Hattoi», dirigée du S. £. au N. 0.,par- 
Tiendra dans sa marche progressive à la Mer 
du Sud , en passant sucoesùvement par les 
mài^ens de Mexico «t Acapideo. Mais eon»- 
ment tMncilier «wee ces donn^ieB ie teàt très 
certaÎH que dans le dÈx-septième âècle «me 
ligne sazisdéc^iiiaistmapassé^d^abord en i657j 
par LcNsdres , et plus tard , -^ 1 666 f par Paris, 
qui «et as' aS'è IW dumâridieiide Londres? 
Cette pnorité du passage dans » Ëen plus 
occidental n^a-t-elle été que IVfièt d'une forme 
très inclinée de la courbe , de la grandeur de 
Tau^quecette craubeiàisaitarec tes menons 
terrestres, la différanoe de latitudes des deux 
Tilles n'étant que de 2° 41' ? Tout ce ^ a reft- 
port à la translation des lignes sans dédinaison 
in^ire le plus vif intérêt ; nuùs , quelque ingé- 
nieuses que soient les analogies que Ton a cru 
observer oitre les àDfleKi<Mis des li^ve ù»~ 
f&erTTtM tettes qae je les ai traoées «04817, et 
les inflexions des comlies isodynaraiques du 
magnétisme terrestre , il parait pourtant que 
la fixité des lignes isothermes dépendantes ' 
descMinns aériens et péla^quas et de la forme 

> Gilbert (Trae/df- de'MagneU, i633, p. 43,98, iSa,. 



tzedbïGoOglc 



StCTlOn DEDXlàHl. 5] 

actuelle des continens , on plutôt des rapports 
A'arta et de position entre les niasses plus ou 
moins diaphanes et sosceptiblea d*id)sorbef la 
chaleur ( les mers et les terres), s'accordent 
naal avec la mobàlité (lemouTement de trans- 
lation ) des eourfjes magnétiques. 

Colomb , au retour de sa première expédi- 
tion , aborda le 4 mars 1 4g3 à Lisbonne , et le 1 5 
mars à Ssltes, vis-à-vis de la ViUa de Hudva 
(tout près de Moguer et de Palos ). La récep- 
tion solennelb que les souverains lui firent 

1 55), croyant que la fimne des «mrbei de TarUtion d*- 
pendaU auwi delà configuration deâ contineos et d« 
l'interposition des Vall^ ocÉaaicpiei tria proûndes^ 
admettwt aécesiaireioeiit la fixité des courW. Il 
fiifl^it passer encore en i€oo la ligne sans déclina »oa 
làoùColtanb l'avait a»Miv«B en ti%i. (_Fariatio wiùu- 
eujusqve loei eomians est. ) Il se moque des pôW aia- 
piétiques de Fracastoro, le célèbre contemporain d* 
ColcHnb iRsjicUnda «( vtOgta^ opinû de montUiu 
magnetieis aut râpe aiiqua magnttiea auipob pkantat- 
Ut*apoh «iwtdi dùbmtt. Maptu* magne* ipte ut 
teneMoU ghbm.)l^ aiguilles se dirigent, selon lui, 
vers les régiœis où le plus de masses solide» e'élôveqt 
au-dessufl de la sur&ce des uëts, et où la surface iné- 
gale du noyau de la terre (cor terTm, inagumiitiu gloii 
magneliei tub amtvteMlHiu et m marium pnfimditale) 
se rajpproche de la croate extérieure. 



:|z..l:, Google 



5a SECTION DEUXIÈME. 

eut lieu au mois d^aril , et déjà le /( mai de la 
même année % cette fameuse bulle, qui fixa 1» 
/^^7te de démarcation à cent lieues de distance 

* Il est bien remarquable ijue les Brchives de Siman-' 
cas reniènnent une huiie de eoiuession des Indes^ du 3 
mai 1493 (jjumto Nonas Maias), trouvée par moo il- 
lustre ami MunOE, et eutiëremeiit semblable à celle du 
4 mai {quarto Nonas Maias), conservée dans les ar- 
chives de Séville. (Mnijos, Hlil. del Nuefo Mundo, 
lib. IV^ 5 39; Nav. Dacum. diplom. t. II, p. a3-35), 
aux difi^rences près que je vais consigner ici. Dans la 
concession du 3 mai, U n'est aucunement question 
d'une ligne de dimarealioit désignée dans la buUe du 
jour suivant; il est simplement dit • qu'il est SaA à 
perpétuité don des tles et terres fermes récemment dé^ 
couvertes per dileelum filium Christophorum Colon aux 
rois de Castilte et de Léon , et qne ces rob posséderont 
ces terres avec les mêmes prhilèges et droits que les 
papes ont accordés (en «438 et \^S^, du câp Bojador 
jusqu'aux Indes orientales , d'après Bahbos, Dec. 1, 
lib. I, cap. 8-i5) aurais de Portugal. • Les deuï 
bulles des 3 et 4 mai sont littéralement les mêmes dans 
la première moitié jusqu'aux mots • ac de Apostolics 
Potestatis plenitudine omnes et singulas terras et insu- 
las pracdiclas et per Nuntios vesiros repertas per mare 
ubi hactenus navigatum non fuerat, per partes ocù- 
denlales, ut didtur, versus Indinm... • Après ce pas- 
sage, on a inséré dans b bulle du 4 mai la clause que 
l'Espagne possédera • omnes insnlas et terras lirmas 



tzedbïGoOglc 



SECTIOH DEUXIEME. 33 

des îles Açores et du cap Vert , fut âgnée par 
le pape Alexandre VI. Jamais négociation 

jjiveDtas et invenieadas, détectas cl detegendas verBiu 
occidentem et meriikm, tibricando et constituendo 
imam lineam a polo arctico ad polum antarcticum 
quse linea dîstet a quaUbet ÎDSuIarum quae vulgarîtei'. 
nuncupantur delo» Azores et cabo Verde centum leucis 
versus occidentem et merïdiem . • 11 faut convenir que 
cette détermination a qaalibet insalarum est bien vague 
lorsqu'il s'a^t de deux groupes d'Iles qui occupent une 
grande étendue en longitude. I^Rel. hûl, t. III, p. iSZ- 
186.) L'expression bizarre et plusieurs fois répéta : 
venus oeeidetitem et meridiem, s'explique par la Çapi- 
îulacion de la particion del Mar Oeeano conclue, sous 
l'influence du Saint-Siège, le 7 juin i494 t pendant le 
cours du second voyage de Colomb, et qui fixe la ligne 
de démarcation • por termitios de vientos y grados de 
Norte y Sur. ■ Dans un autre endroit de ce document il 
est dit ■ que le roi de Portugal doit posséder tout ce qui 
est à test, ou au nord, ou aa sud de la bande (raya). • 
C'est une circonlocution à laquelle il aurait fallu subs- 
tituer la phrase • à l'est du méridien, sur un parallèle 
quelconque. • La capitulation, aussi mal rédigée que 
la bulle, est restée pendant trois siècles une cause 
d'interminables hostilités entre le Portugal et l'Espagne. 
La bulle fixe de plus l'époque de la légitime possession 
des lerrespourrouestdes Açores, à Noël i493, ■ comme 
l'époque à laquelle les découvertes furent &ites par les 
capitaines castillans ; >• mais ce jour de Npel est celui 



tzedbïGoOglc 



54 SBCTIOH DEUXIÈME. 

«rec U cour de Rome ii''aTMt été tenniDëe 
avec une pJus grande rapidité. Je pense que le 
niodf pour lequel la ligne ne fut pas tirée par 
les plus occidentales des îles Açorës ( Florès 
et Corvb), mais cent lieues àl'ouest, doit être 
cherché dans les idées de géographie physique 
de Colomb m^e. J'ai l'appelé plusieurs fois 
Timportance qu^il mettoit àcetle raya (bande) 
où Ton commence à trouver n un grand chan- 
gement dans les étoiles , dans Taspect de la m^ 
et la temp^ature dé l'air, « où l'aiguille ai- 
mantée n'ollre aucune variatÎQn , où la sphé- 
ricité de la terre esjt altérée ' , où FOcéan se 

du Baufraipe de O^oiqb «ur lei cât» d'Haïti, près de la 
bùe d'Acul, «jqxtée alors Mat de SmHo Tomas (f^itla, 
c. 33), etdepuu deux iboû et dm» CxAaaàt avait été 
dam cette Ue, k Ctiba et à GuanaluBi. Çea ioexaeli- 
tudea sont nioufe frappantes que les cbangemeiu cpie U 
bulle du 3 mai a aubis dons l'inlervalle de vingt-quatre 
heiueft. (HnuBA, Dec. I, Ub. II, cap. 40 C'est dans 
les. archives rconaines que la cause de ce chaDgement 
pouirait être éctairàe. Aussi, dans la bulle du i5 sep- 
tonbre t493, apfxd^ Bula dinstetuiony donaeionapos- 
loiiea de lu ladiof (Nav. t. H, p. ^^, 'A n'est pa^ 
plus questioD d'une li^< de iiatKnaùan que dans la 
buUe du 3 mai. 

' Voyez plus haut, p. i%,ixa\a peton de lapera. 



tzedbïGoOglc 



SBCTIOM DEUXIEME. M 

couvre d^«rbes, où le climat même, dans la 
zotte tro|»e^ , devient plus frais et plus doujt . 
(kl peut croire que IWnJnil a été consulté 
lorsque les monarques catholiques out de- 
mandé au pape 4e partager l^i^i^^ère oc- 
cid^tal du ^ahe entre l'Ëspi^ne et le Pw- 
lugal; «t d^t^[u^ les isa»ression« qu^il avait 
déjà eues dans dans le preaiier voyage *, en 
pasaaat ce qu^l appdie une côte ( tma euesta ) 
pour descendre vers une région tout autre- 
ment constituée , Colomb doit avoir désiré que 
la démarcatioD physiqiie devleniie aussi une 
démarcation politique, 3a correspondance 
même avec le pape qV commencé que peu de 
semâmes avant 90a quatrième et deraier 
voyage ( en février i5o2 ); mais on apprend 
par cette correspondance que d'abord, après 
son retour de la première expédition ( Nav. 
Docum. n" i4^), ColoDoI) avait voulu se 
rendre à B-ome pour y làire un rapport « de 
tout ce qu'il avoil découvert- » La fixatiwi 
d^une tigoe sur ktqtietle la rariaticM magné- 
tique devient nuUe aijarait été , dans cette rela- 



* CoMuIlez le journal de Colomb, joumtfet du 16-3 1 
Kptcmbre i49^- 



tzedbïGoOglc 



56 SECTION DEUXIÈUE. 

tion, placée au premier rang, à en juger 
d^t^rès rimportance que les contemporains 
de Colomb , son fils , Las Casas et Oriedo y 
attachaient dans leurs éciils ' . 

L*amiral , après avoir remarqué que les ai" 
guilles de difiërentes trempe et construction * 
u^ofiraiênt pas les mêmes angles de variatioD, 
se tourmentait beaucoup pour décoUTrir 
n les rapports de la marche de Taiguille et de 
l'étoile polaire. » Il attribue le changement de 
la déclinaison au-delà des îles Açores à la 
Il douce température ' de l'air, » et s'énonce 
de la manière la plus embrouillée * « sur l'in- 

• (VfEDO, Bb. II, cap. get n . (éd. de 1 54?, p. i3 et 1 6.) 

- f^ida, cap. 63. 

*Nat. t. l,p. 356. 

^ yida, cap. 66. Toutefois il faut remarquer que 
lorscpie don Fernando ne cite pas les parojea mËmes des 
journaux de son père, l'absurdité que l'on remarque 
dans l'explication des phéDomèoes phygiquee peut 
avoir sa source dans le peu de connaissance^ nautiques 
et astronomiques du fils. La propriété dei quatre vents 
attribuée à l'étoile est moins surprenante que le pré- 
teadu procédé d'aimantation. Les notes que l'amiral 
a consignées dans son joiu-nal du premier voyage les 1 7 
et 3o septembre i^Q\ (Nat- t. I^ p. 9 et i5) prouvent 
qu'il connaissait le mouvement diurne de la polaire sut 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXIÈME. . Sj 

fluence (le la polaire , qui , comme TaimaDt , 
paraît avoir la propriété des quatre points 
cardinaux ( la calidad de los quatro vientot ) ; 
car Taiguille aussi, quand on la touche -avec 
l'orient, se dirige yers Torisnt, de sorte que 

tour du pôle, mais que cette connaissance ne datait pa& 
de bien loin chez lui. • Vers la nuit, les aiguilles 
nordouestaient un quart de vent, et le matin elles 
étaient dirigées vers l'ëtoile , d'où il parait que 
l'étoile ( polaire ) fait un mouvement .comme les 
autres étoiles , et que les aiguilles sont toujoura 
justes (^restent immobiles dans leur direcdon, la varia- 
tion horaire ne pouvant être observée par Colçmb) : 
por lo caal parece que la estrella hacê movimienlo como 
las ostriu eslrellas,y las agujai piden slempre la verdad. • 
Le 17 septembre, Colomb se servit de ce mouvement 
diurne de l'étoile polaire autour du pôle pour tromper 
les pilotes qui étaient inquiéta de ce que le soir les ai- 
guilles ne marquaient plus le nord, mab le nord-ouest. 
Il leur fit relever la polaire (tnarear el norte) vers le 
matin, sans doute lorsque l'étoil^, par son mouvement 
diurne^ se tiwuvaità l'ouesldu pôle. «Les pilotes re- 
connurent que les aiguilles étaient encore bonnes : la 
raison fut que l'étoile fait le mouvement et non les 
aiguilles. ■ Les pilotes se rassurèrent^ ignorant à la fois 
la variation de la boussole et la non-fixité de l'étoile po- 
laii-e. Jepenseque l'explication du passage quejedonne 
iû est la seule possible ; mais Colomb dit encore -porque 
^aeslrellaque/iareceliacemoviimento, y nolas agujas , • 



tzedbïGoOglc 



58 . BICTI 

ceux qui aimantent des boussoles la coitvr«nt 
i^un drap pour ne laisser dehcws que la partie 
btt'éale. ■>' Ce B^est que dans le dix-septième 
siècle qtw Voa a commenoé, i^rès aTtùr re- 
connu la direclioo des oonriw» des variations 
magnétiques dans les deux hémisphères , à 
aToir des idé^plus nettes sur Tensemble de ce 
grand phénomène '. 

* Nous apprenons par la fiuneiue lettre de Raphaël au 
pape Léon X sur la cooservation des monumens antî- 
ifues, lettre qui parait sortie de la plume de l'éloquent 
et spirituel Caatiglione, qu'encore trâse ans après la 
mort de Colomb pn connaissait à peine l'emploi de la 
boussole pour des relèvement &its à terre. Raphaél 
décrit longuement (Opère di B, Casliglione, 17^3, 
p.' 169) • une nouvelle méthode, inconnue aux anciens, 
de metnrer vn édifice (U aurait &llu dire, de lever le 
plan d'un édifice) au moyen de Paiguille aimantée. ' 
En i5a9,Piga&tta, dans scHi mémorable TraUé de na~ 
vigation, ensei^e comment il (kut corriger les reléve- 
mens par la dédùiaison, ce qui Ëtit dire confusément, 
en 157g, JlSarmiento, qne les câtes élant tracées sur 
les cartes marines d'après de maitvaiges boussoles (/>or 
agujas de marear que tienen trocados los aieros quasi 
una euarla delputUo de la fior de lyt), on ne peut les 
trouver par debonoe»-(^f^iage ai Estreehode Magel- 
laaes par el capiton Piedro Sarmienlo de Gaméoa, 1668, 
n. 5i.)M. Navairete assure, dans son Discours sur 



tzedbïGoOglc 



La Sagacité avec laquelle ColonA, dans ses 
(différentes expéditions, recherchait les chau- 
les progrès de la navigation en Espagne, qae lu pre- 
jnières eartei de farialion magnétique ont été tracées 
en 1539 psor Alonio de Santa &iu, tfol ayaàt dtmoé k 
l'empereur Charics V des leçons d'asfrooOiMe et de 
cosmographie ; nuiis je pense qu'il y a lieu de eroire que 
jes cartes que Sébastien CalMit laissa à WUham AVor- 
^Qgton, et qui malhei^reuseiMntjont toute» disparu, 
f^ûent bien antérieurement de nombreuses Indica- 
tions de variation. UndeabuteduToyagedeGali dans 
la Her du Sud était, en i583, d'(4>serveravec préûsim 
les dédiinaisops maçaéliqun au moyen d'un nouvel 
appaieil inventé par Juat^ Jaime. (f m^jv al Etireehm 
de Fuéa, p. XLVl.) Tandis que Pedro de Médina 
{Ane de Navtgar, Sérilla, .545, lib- VI, cap. î-6) 
jette beauct^p de doutes but l'exiat^ics de la d^efi- 
naison, son cootemporam Uartin Cortea {Bnw Com- 
pendi»d»la Sphera,\mpniaéea i5f)6, nuns réiUgéen 
)545)ex^iqiie la dtstributitm des forces, ou phitétii 
dircctÎMi des Ufpes na^ëtiquee i |a ««^ce du globe, 
par des points d^attractiei» placés [h^ des pâles de la 
ferre. En t588, Liyio SsMito, qiji pilait ses eonnaîs- 
sonces de mafpDédMK terrestre dans les rapports qu'on 
lui tàisa^ des déconverKs'de Sébastïui Cabot, place le 
p6le magnétique nord ■ par €6° 9 de latitude et 1 SV 
de ton^tude, adon Ptolémée, c'eit-4<dire 36^ i l'ouest 
du méridien de T<Jède. • (Geograpki», p. 11 et 19.) 
pans une autre partis de son ouvrage, Sanuto dit que 



tzedbïGoOglc 



ÇO SECTION DEUXIÈME. 

gemens de déclinaison, lui fit découvrir aussi 
rinfluence de la longitude sur la distribution 
de la chaleur, en suivant un même parallèle. 
Il crut même ces deux phénom^es dépen- 

Veaise, où de son temps la déclinaison était de lo" au 
nord-est, est éloignée de Sg" ^ de la ligne sans déclinai- 
8oa , qu'il croit faussement se diriger du sud au nord, 
et se trouver dans le méridien du pôle magnétique. On 
voit qu'alors on supposait ce pâle trop au sud et à l'est, 
en le fixant par les 4^" ou 49" i de longitude ouest de 
Paria, tandis que Mercator l'avançait à la fois vers le 
nord et vers l'ouest jusqu'à lat. 74° et long. 154° E. 
(Mercator dit 1 80° à l'ouest des (les du cap Vert), lon-r 
^tude qu'on croyait alors appartenir au détroit itAaian . 
Les observations de l'expédition du capitaine Ross 
donnent pour le pôle magnétique, lat. 70° 5' 17", 
long. 99" 7< 9". Sanuto parle de ce pôle presque avec 
le même enthousiasme que le célèbre navigateur anglais . 
• On verrait alcun miracoloso siupendo effetto, si l'on 
pouvait être assez heureux de parvenir au pâle magné- 
tique, qu'il appelle le calamilico, pour ainsi dire l'ai- 
mant de la terre. ■ Le père Acosta, dont les ouvrages 
ont le plus contribué aux progrès d'une géographie 
physique fondée sur des observations, apprit déjà en 
tSSy, par yn pilote pcfftug^ très habile, qu'il y a 
quatre ligaes sans déclinaison {Hist. nal. de Indias, 
lib. I, c. 17), aperçu qui, par les disputes de Henry 
Bond (Longitude found y 1676) avec Beckborrow, condui- 
sirent Halley à la théorie de quatre pâles maguéliqnes. 



tzedbïGoOglc 



SECtlOIÏ bEUXlÈHE. 6l 

dans Tun (le Tautre. Il entretii. la difiërence 
du climat de rtiémisphère occidental en pre^ 
nant la ligne sans déclinaison magnétique pour 
limite entre les deux hémisphères ; et qucâque 
le raisonnement de Colomb, dans toute la gé- 
néralité qu^il lui donne, ne soit pas exact, les 
lignes isothermes étant presque parallèles à 
Téquateur dans toute la zone torride, au ni- 
veau de rOcéan ou à de petites élévations, il 
n^en faut pas moins admirer ce talent de com- 
biner les Êiits chez un marin, qui dans sa jeu- 
nesse . était resté enbèrement étranger aux 
études de philosophie naturelle. Après avoir 
parlé de l^excessive chaleur de la région afri- 
caine de FAtlantique sur les parallèles de 
Hargin (c'est TUe Argiiin au sud du cap 
Blanc), des îles du cap Vert et des côtes de 
Sierra Leoa (Sierra Leone) en Guinée, où les 
hommes sont noirs, ramiral insiste sur le con- 
traste du climat qu'il observe dès que dans 
cette troisième expédition il parvient au-delà 
du méridien qui passe, selon ses calculs, cinq 
degrés à l'ouest des îles Açores. Quoiqu'il di- 
minue de latitude, à ce qu'il croit ', jusqu'au 

< • Vie-à-vU (en dereeht)) de Sierra Leoa, où la po- 



tzedbïGoOglc 



6a SBCTiON DEUXIXHE, 

parallde de 5°, sek» les recherches de M. Mo- 
r»K>, jusqu^à 8", il est iàrappé de la fraîcheur 
de r&ir. a Cette fraîcâteur, dît-U, Migmente 
vers Foiiest de telle muiière, qu^ea arrÎTant à 
l'a» de la Trinité (vis-à-vis de la oôte de Paria) 
et puis à la Tierra de Gracia', où la latitud«! 
«staïuâde d'à 7°*, je trouvai le dinoat et la 
verdure cooiilie eu aviôl dans les belles cam- 
pagnes de Valence, et les indigènes je les vis 
plus agréaldes de figure et plus blancs que 
j^en ai vus ailleurs dans les Indes; de ^us, ik 
avaient les chev^ix très longs et très lisses 
(aucunraœnt ct^mis), et llntelligeuce plus dé- 
yeioppée et le courage plus pronimcéi Cepea- 
dam le soleil était dans la Constellation de la 
Vierge et dardait ses raycHis tcmt dr«t sur 
nos têtes. Cette douce lempérature (ce man- 
que de chaleur) ne provieot que de la hntt^ur 
de cette partie du ^c^. » Ici Cokmib r^ète 
sa diéorie de la ncm-^héricilié du globe prou- 
vée par la prétendue «Ëffà^noe - de distance 

laire oe «'élevait devant tacA que de cinq degrés. • 
1:Nav. t.I,p.a56.) 

> Xieira ou Isla de Gracia, partie montagneuse du 
GOntioeut. Voyest. I, p. Sogetsuiv. 

'Il&llakdirede8°à9<'f 



tzedbïGooglc 



SBCTION BEUKliME. 63 

{>olaire que nKmtre Tétoile f>olaire dans son 
mouvement diurne à Touest de la bmtde qui 
divise les deux hémisphères. Une émin^KC 
(tm^) marque la_fin de POrient. « Cest là, 
dit-îl, qu*est placé le Paradis terrestre, Tcrs le 
Gol/o de las Perfasj ^itre les bouches de la 
Sierpè et du Dreigon, inaecessâble buk hu- 
iBains dViprès la TcJmité (Ëvine. Une munense 
quantité d^eau, car il n^ a pas dans le monde 
une rivière plus grande et plus profonde (que 
rOrénoque), sort de ce site du Paradis. Ce 
n''est pas une montagne escarpée, c^est un^ 
protubérance de b s^^ère du globe {el Cokno 
bpezan de la pera) vers laqtwUe, detrès knn, 
s'élève peu à peu la surËtce des mers, m Cty 
lomb oppose à cette figure irrégulière de flié- 
misphère occidental la figure indubitablement 
sphérique de Hémisphère oriental, « la partie 
du parallèle qui s'étend du cap Saiot-Vinoexit 
« Cangars (Cattigara), se trouvant, d'4q[>rès 
Ptfdémée, à l'île d'Arin, » que je erms être ou 
la couple ffAryn d'Aboulféda, ou ime i.^ 
îles des Bahraïn, dansie golfe Persique, célè- 
bres par la pèche des perles'. 

' DefiaAnRNCetorabaurakpH hmS(Arin,jthrin. 



tzedbïGoOglc 



64 SECTION BEÙXIÈHë. 

J^ai eu occasion de rappeler plusieurs fois 
que, dans ^esprit de Colomb, Tidée d^une li- 
gne sans dédînaison près des îles Açores, et 
d^un méridien qui partageait le globe entier 
en deux hémisphères d^one constitution phy- 
sique et d'une configuration «itièrement dis- 
semblables, se liait constamment à Tidée de la 
limite oiientale de la grande bande de Fucus 

C'est Ïj4ra<i>sde Ptolémëe(VI, 7), que ce géographe 
place eifeciivement par gi" 4»' de longitude de sod 
premier mëridieti, par conséquent presqu'au milieu du 
parallèle de Cattigara et du cap Sacré. Calorab ajoute, 
le lie Arin, qui est placée sous la ligne ëquinoxiale, 
eDlre le golfe Arabique et le golfe Persique, par consé- 
quent au centre du cerclé qui passe à l'est par les Sères, 
à l'ouest par le cap Saint- Vincent. • Toutefois Colomb 
aurait pu faire aussi allusion à une idée systématique 
des géographes arabes, à un passage d'AbouIféda, qui 
dit • que le pajs de Lanka (Cejlan), où est placée la 
coupole de la terre, ou Aryn, se trouve, sous l'équateur, 
au mi^u, entre les deux extrémités orientales et occi- 
dentalee du monde. • (SiDiixoT, Traité des lattrumens 
astr. des Arabes, t. II. Préface). Aryn signifie, en 
arabe, le point mitoyen, le juste-milieu (Silt. de Saci, 
Not. et Eitrailt dei Manuscrits de la Bibl. du roi, t. X, 
p. 39). Aboul Hassan Ali de Maroc conte un peu con- 
fiisément ses longitudes en commençant par un méri- 
dien 90° à l'ouest d'Aryn. (Sédillot, 1. 1, p. 3<1-<3|8.) 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXIÈME. 6â 

hâtons {Mat de Sargasse) ^(^{Oy'ieAo (lib. M, 
c. 5) nomme « de grandes prairies, prade- 
rias â^ycTvas, n Cette liaison se trouve d^ 
indiquée dans le premier voyage. Trois jours 
après la découverte du changement de la dé-* 
clinaison magnétique, Tamiral nçie dans s<Mi 
journal « qu^ici, et plus il allait en àvantj Pair' 
était extrêmement tempéré, que les matinées 
étaient délicieuses, et qu^il ne manquait que 
le chant des rossignols (ruisefiores); que le 
temps était comme il est en avril en Andalou- 
sie, et que dès-lors on commença à voir des 
groupes d^herbes marines très vertes. » Plus 
tard (8 octobre 1492) il répète ' : «L'air est 
doux comme dans le mbis d'avril à Séville^, 
c'est un plaisir de humer cet air qui est comme 
embaumé (at'res olovosos). a Ce changement 
total du climat frappe encore aujourd'hui les 
marins, lorsque du Rio de la Plata ou du cap 
de Bonne-Espérance ils retournent en Europe 
et entrent près du groupe des îles Açores, dans 
■ •* , 

'N*v. t. I, p. get i8. Colomb prédit qu'à Haïli le 
fVonietit et la vigne pourront donuer d'abondantes 
recolles comme en Andalousie et en Sicile. VoyeE Ira 

notes remises eivi46/( à AnlontodcTo^^■^J^ (Nav. 1- I, 

p. i-i^:) 

ni. 5 



tzedbïGooglc 



6b SECTION DEUXIEME- 

une atmosphère et dans uije mer qui rappel- 
lent rentrée de la Manche ' . Les observations 
de Colomb sur le grand banc de fiicu» à 
Touest des Açores ne sont pas seulem^tt re- 
marquables par .la sagacité avec laquelle il dé- 
crit le phénomène, en distinguant les diffé- 
rens degrés de fii^cheur des plantes marines *, 

' Au-delà de l'riquateur, dans la partie australe de 
l'océan Atlantique, on observe une^ppoùtion cUmaté- 
rique semblable au N.E. et S. 0. des lies lOartbi Vaz 
(lat. ao" 2f S.}vt Trinité (lat. 20° 3a' S.). Ce chan- 
gement subit dans l'état du ciel et de l'atmosphère a 
lait considérer l*Ue de la Trinité comme une coloone 
océanienne élevée par la nature pour marquer Iq limite 
de deux càoes différentes. Ddpebbet, Mjriir. du voyage 
de la Coquille, 1839, p. 68. 

a De même que les marins anglais distinguent dans' 
leurs descriptions entre Jresh weed et wetd much de- 
eayed, Colomb est fi'appé de trouver quelquefois réunis 
des paqueta de .T-eria muj' vieja y oira mujrj^etca, que 
traia eomo/ruta. (Il prend des appendices globuleux et 
pétioles pour le fruit du varec). Un autre jour il note : 
tajrerba veiita del esle al ouetle por el contrario de loque 
«oil'a. (Nav. t. 1,p. 16). Il décrit les crustacéea(aquiUe8) 
qui se nichent dans les Aicus accumulés : un coHgréJo 
vivo to guftrdà et Alnùraitte. Il s'étonne de voir des pa- 
rages sans herbe au milieu d'une mer qui en paraissait 
Qo»^)\.(x{JamarcuaiadadeyerbaS} 1. c. p. 10 et 19), 



tzedbïGoOglc 



les directions qti'aâectent leurs groupes par 
l'action des courans, la position générale de 
laAfer kerheitse {uu; rapport au méridieïi de 
Gorvo ; ees obserratioiis offrent aussi la preuve 
de la stabîHté des lois qui déterminait la dis- 
tribution géograpUque des thalassophytes. 
Nous Terrons bientôt que la permanence du 
grand bane de fucus, entre les mêmes degrés 
de longitude et de latitude, que le major Ren- 
Dell, dans son important ouvrage sur les cou- 
rans', *a constaté pour TinterraUe de 1776 à 
iSig, remonte pour le moins jnsqu^à la 6n 
du quinzième siècle. Pour Ëtciliter la compa- 
raison des observations anciennes arec Tétat 
actflbl des choses^ U hai commencer par jeter 
un coup d^œil rajnde sur .les limites qu'on 

et il distingue en naturaliste attentif les différeRtes es- 
|)ècea de fucus, ceux de la ^er de Sarf^sso et ceux qui 
sont communs autour des Iles Açores. ( > Vieron yerba 
de otra manera que la pasada de la que haj mucha en 
las islas de loa Asores ,; despues se vid6 de la pasada . • 
Journal du 7 février i493.) Sur la fréquence du varec 
au-dessus deg baa-fonds près de« Açoi'es, voyei 
Makoei. Pimbntel, Arte île navegar, Liaboa, 1711, 

p. 3,0. 

' Invtstigçtion on ike Currenis af ike Atlanlic Océan, 
i833, p. 70. 



tzedbïGoOglc 



68 SECTION DEUXIÈME. 

peut assigner aujourdliui aux accumulations 
Je varec flottant dans FAtlanlique '. 

Il existe deux de ces accumulalious qu^on 
confond sous la dénomination vague de Mer 
de Sargasso, et que Van peut distinguer par 
le nom de Grand et Petit banc de varec '. Le 
premier groupe est situé entre les parallèles de 
ig" et 34* de latitude, et quant à son axe 
principal (le milieu de sa bande, large de 100 
à 140 milles), àpeuprès par 4i''4^c^<^°git"^^i 
c'est-à-dire au-dessous du parallèle de 4o°ï 
dans un méridien qui est de 7' à Touest de 
Corvo. Le second groupe, ou Petit banc de 
varec flottant, est situé entre les Bermudes et 
lesilesBahamesTlat. 25"— ^3i°, long-ÔS" — fB".- 
du le traverse lorsqu^on se dirigé du Baxo de 



'. Les preuves des assertiotis qui se trouvent 
énoncées ici ont été développées dans un Mémoire tar 
Ut courant tu général, et sur le contraste qu'offre en par-- 
licttlier un courant ^eau froide de la Mer du Sud avec 
te courani d'eau chaude du Gulf-Stream, que j'ai pvi" 
tenté à l'Académie royale de Berlin, le ay juin 
i833. 

* Cette distinction, que j'ai établie dans la Relation 
historique, t. l, p. 901 , a été adoptée et suivie par 
M. Rennell. {lav. p. 184.) 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXIEME. 69 

Plata (caye d'Argent, au noi-d d'Haïti), vers le 
petit archipel des Bermudes. Son axe princi- 
pal me paraît dirigé Pi. 60° E. Entre les 35'* et 
3o° de latitude, une bande de fucus dirigée 
de Fest à Touest forme une communication 
permanente entre le Grand banc longitudi- 
nal et le Petit berne presque circulaire. Des 
navires qui se sont dirigés sur le parallèle de 
2.%" y des 44° AUX ^° ^6 longitude, ont' vu pas- 
ser dliexu^ en heure des paquets de Fucus 
natans plus ou moins frais par une route de 
plus de douze cents milles marins. Quelque- 
fois le varec atteint les 34° 7 de latitude, et se 
rapproche du bord oriental du grand courant 
d'eaux chaudes pélagiquejS connu sous le nom 
de Gul^Stream. En comprenant soué la dé^ 
nomination de Mer de Sargasso les deux 
groupes et la bande transversale qui les unit, 
on trouve poux le varec flottant un area six à 
sept fois grand comme la France. La majeure 
partie de ces fucus paraît en pleine végétatipn 
et cet espace de l'Océan offre un des exemples 
les plus frappans de Timmense étendue d'une 
seule espèce Ae plantes sociales. Sur les con- 
tînens, ni les graminées AesLlanos et Pampas 
de r Amciique du Sud , ni les bruyères {ericeta) , 



tzedbïGoOglc 



70 SECTION DEUXIEME. 

ni les foràts des régions septenlrioiiales de 
TEurope et de TAsie composées de conifères, 
de bétulinées et de salicinées, ne peuvent ri- 
valiser avec les thalassophytes de TAtlantique. 
' Dans ces agroupemens déplantes sociales Con- 
tinentales, jdusieurs espèces se trouvent réu- 
niesj carie Pinus sytvestris, répandu dans une 
triste uniformité depuis les pays balciqûes jus- 
qu'à l'Amour et au littoral sibérien de la Mer du 
Sud, est le plus souvent mêlé de P. aines et 
de P. cemlHa de genévrier '. 

Je viens de tracer en grand la circonscaip- 
tion des trois groupes de varec au centre de 
l'Atlantique f mais le phénomène de leurs limi- 
tes est trop compliqué et trop contesté pour 
ne pas exiger de plus amples développeiuens. 



' De même dans de vastes bruyères oà trouve mêlé 
à l'Erica (Calluna) vulgaris, dans le nord-est de l'Ëu- 
i-ope, E. tetrallx, E. ciliaris et E. «nnei'ea. I-es Erketa 
du sud de l'Europe offrent l'associatioii de E. arbrava 
et E. scopaiia. J'aî décrit dans un autre ouvrage la 
grande variété de graminées que l'on distingue dans 
les Uanas et les PajonaUs des plaines et des plateaux 
des trofûques, que les indigènes américains appellent 
asaei poétiquement des mers ^herbes, et dont l'appa- 
rence est une trcmipeuse monptonie. 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXIEHB. 7I 

Je n^agiterai point ici la question de saTOir si 
l'on doit admettre, comme on Ta déjà fait du 
temps de Colomb ' , dans ces mêmes parages 
où nagmt les fucus, des écueils su fond de la 
mw, desquels les tlialassopliytes cmt été acci- 
dentellement arrachés, ou à ces plantes qu'on 
trouve toujours dépourvues de racines et de 
fruits dans les mêmes parages, végètent et se 

■ Vojet, BUT le mare herhidum, Pethiis Makt. 
AiifiBiERA, Oeeanica, Dec. III, lib. IV, p. 53. Colomb 
énonce l'opinion de l'adhëreiice piimitive des fucus à 
des écueiU ooid'w, le premier jour même qu'il entre 
dans la Mer de Sargasso. Voici ses paroles consignéespar 
t«a«'Casa9 dans l'extrait d)i journal: •■ Aquicomenzaron 
i ver mtmùdtu (peat-étre mMneluts) de yerba muy yaàt 
qae poco habia, eegnn le parecia, que se habia desape- 
gado de tierra, por la cual todos juBgaban que estaban 
cerca de alguna isla. > L'amiral a'îmag^ que la partie 
de l'Océan ok le varec est accumulé, a l'eau mdna salée 
(Nav. 1. 1, p. 10), feitqui estréfiité pas dea expérien- 
ces directes que Fastronome de l'expédition de Kru- 
senstem {Reise um die WeU, t. III, p. i53) a faites sur 
la pesantent' spédfique de l'eau dans la Mer de Sar- 
(lasso. La salure au^enle sous la couche de varec 
flottant, parce que cette couche, d'après l'ando^ des 
observations que j'ai recueillies sur des eaux couvertes 
de conferreS et de lenma, augmente la température de 
l'eau de l'Océan k sa surface. 



tzedbïGoOglc 



72 SECTION DEUXIEME. 

développmt ' comme le Vaucheria, te Polys-^ 
perma glomerata, et d^autres algues dWu 
douce, en flottant depuis des siècles à la sur- 
ùice de TOcéan ; ou enfin si la Mer de Sargasse, 
près des îles Açores, n'est due qu'au déverse-. 
ment du Gulf-Slream qui transporte des fu- 
cus arrachés dans le golfe du Mexique et les 
accumule progressirement dans une mer battue 
par des vents opposés, et considérée comme 
Tembouchure du grand courant pélagique*. 

' CeUe vue a été exposée par Thiubei^ (voyes 
t. XIV, p. 439)) niaU sans ftucuDe preuve tirée de la 
physiolt^ie végétale. C'est an botanisle plem de saga- 
i-t^, M. MeyeD,qui ÎDsistesuTi'aualogieirappaDtedeg 
fiicua avec les alguea d'eau douce, dont plusieurs ne 
portent jamais de fruits et sont dépourvues de racines, 
de sorte qu'elles ne se développent et multiplient que 
par de nouvelles branches. (Voyez Noua Acla Aead. 
Leopold. t. XIV, P. Il, p. 457 et 496 ; Mbtem, Voyage 
autour du Monde, à bord du navire prutsien la Peinceste 
Louise, en allemand, t. I, p. 35-39.) 

■ <■ The Sea oS Sargasso may be considered as an 
eddy {remous,, tourbil/on) between the regular equinoc- 
lial current settîng lo the westward, and those easlerly 
currents put in motion by the westerly winds a littte 
to the nortward of the parallel in whîch the trade- 
winds hegin to blow. > (John Pdrdï, Mem. on the 
Hjdr. o/the Atlantic Océan, iSaS, p. aai). ■ The Se^ 



tzedbïGoOglc 



SBCTICHt DEUXIÈME. y3 

0e me bornerai simplement à faire remarquer 
ici que la direction qu'afiecte l'extrémité sep- 
tentrionale de ta grande bande de &cus au 
nord du parallèle de Corvo, s'accorde mal 
avec la dernière des trois hypothèses que je 
viens de signaler, et qui se trouve déjà énoncée 
par Roggeveen (ffùt. de l'expédition de trois 
vaisseaux aux Terres australes en 1721, t. II, 
p. 252). La bande, éloignée de 4° de Corvo, 
incline subitement dans sou état normal dès 
les 39° 40' de latitude vers le nord-est, et at- 
teint dans cette direction, eA perdant progres- 
sivement de largeur, le parallèle de 46°. Son 

of Saj^asso may be deemed tterecipieji/ofthewaterof 
theGulf-Su-eam'ofFlorida : it ie a deposit of ^o^-ioeefi 
brou^t by tJie stream- • Rbeimell, Inv. p. 27 et 71. 
Mais plus taixl (p. i84) le c^èbre'bydix^aphe semble 
pencher pouv l'opinioi) d'après laquelle le ïai'ec est 
renouvelé par des bas-fonds voisins. Aussi le lieutenant 
Jobn Ëvan, ipielque frappe qu'il ait été des giandea 
mastes de fticus dans le ç«lfe du Mexique, regrette 
• qu'on ne sonde pas avec plus de soin {wiih the deep- 
sea Une) sur le grand bane de varec àl'ouest des Açoies, 
où (lat. 30' — 36°, long. 43° 5? ) il a vu quelquefois 
la mer, sur quati'e lieues marines d'ëlcildue, couverte 
d'un épais manteau de varec floltant. ■ ( Journal ilu 
fiaisteau Belvédère, novembre 1810.) 



tzedbïGoOglc 



74 SBCTION DEUXlàHK. 

extrémité boréale se trouve par conséquent 
presque dans le méridien de Fayal, et il résulte 
de cette direction (du N. E. au S. O.) que I» 
zone de Tarée flottant traverse comme une 
digue presque à aqgle droit, la rÏTière pélagi- 
que du Gu^-Stream dont, dans ces marnes 
parages, la direction est vers le sud-est. Cette 
position, â contraire i la direction du courant 
d^eau chaude, paraît annoncer que sous la 
bande de varec £k>ttant qui s'*étend d'abord, 
comme nous Tenons de le dire, du N. E. au 
S. O., et, au sud du parallèle de Corro, du 
N. auS., il 7 a dans le fond de la mer des 
inégalités qui fournissent la masse végétale 
que nous trouvons accumulée à la surface en- 
tre des limites permanentes. Si ces masses 
étaient arrachées au golfe du Mexique et aux 
îles Bahames, et déposées dans la Mer de Sai^ 
gasso comme une aUuvion du grand fleuTe 
péla^que (à Panalogie des fiicus des Malouiues 
imtraînés par les courans dans la mer- dapo- 
teuse qu'on rencontre au S. - S. E. de Tem- 
bouchure du Rio de la Plata'), on conçoit 



I DirpEBKEï, Hfàrographit du voyage de h Coquille, 
1829, p. 91. 



jbïGoogIc 



BKCTION DEUXIÈHB. ^5 

.diffîcilenient que les jfucus bruns, et en grande 
partie dépéris,- du Gulf-Stream puissent, 
après un long voyage, renaître à une fraîcheiu- 
si surprenante. En admettEUit même, d'après 
les ingénieuses obserralions de M. Meyen, 
qu'ils peuvent végéter «ans racines, il me 
par^t plus probable que la Mer de 5argasso 
est leur valable patrie, leur site originaire' . 
Pour mettre le lecteur plus à même de juger 
du degré de confiance que mérite la compa-^ 
raison à laqqjelle je vais me livrer des ancien- 
nes observations de Christophe Colomb avec 
les observations les plus moderiies, il £aut exa- 
miner plus en détail le prolcnigement du 
grand banc de fiious au sud du parallèle de 
Corvo. L'axe' principal du banc parait passer 
par lat. 40° et long, Sg* \ ; par lat. So" et long. 
43°; par lat. 20" et long. 40. La largeur de 
la bande est généralanent de 4 ^ ^ degrés, 
mais par le parallèle de 35^, où elle recule le 
plus à l'ouest, sa largeur semble diminuer de 



' Cette ofiimcm est aussi celle de M. LuccDck, dans 
ses Notes on Bratiï, et d'un marin très distingué, le 
capitaine Livingston. (Puant, Memoir on ihe Hydrog. 
o/lhe Ailanùc, 1025, p. aai-iiS.) 



tzedbïGoOglc 



76 SECTION deuxième; 

moitié. La plus grande accumulation est en-' 
tre les 30° à 36° de latitude. Vers rextrémité 
méridionale, examinée par le capitaine Birch 
en 1818, sous le parallèle de 19° par 39° { de 
longitude, le vàrec s'étend très loin à l'est, et 
forme plusieurs bandes longitut^nales paral-^ 
ièles'. Ces masses sporadiques s'étendent 

' Les chances de navires qui sont mimb de moyens 
'|)ropres à déterminer les longitudes avec pi'(k:igion et 
qui traversent le grand banc de varec dans le sens d'un 
parallèle, mais hors de la bande qui iVunit les deux 
groupes, sont extrêmement rares ; et lorsque, beaucoup 
à l'est du méridien que nous regardons dans l'état nor- 
mal comme la limite orieolaie du grand banc, Ai ren- 
contre pendant plusieurs jours de gros paquets de 
varec flottant, également espacés, et placés, dans la di* 
rectlon des courans, rien n'empêche de croire que, na- 
viguant dans des rumbs peu dîiférens du méridieuion 
n'a pas touché la véritable bande longitudinale, l'axe de 
l'agglomération principale qui est située plus à l'ouest. 
D'après un travailmlnutieuxauqueljemesuis livré sur 
:cette matière, je trouve des preuves de l'existence de 
stries de varec flottant en masses considérables, par des 
longitudes bien plus orientales que celles qui ont été 
admises par Rennell, comme formant habituellement 
le bord est du grand banc. Je trouve ces preuves dans 
les observations de Labillardière, lat. a5°, long. 3i° — 
Jal, 36"^, long. 35° (^Sclation du voyage d lu recberchq 



tzedbïGoOglc 



SEbTION DEUXIEME. 7^ 

quelquefois jusqu'au 32° de latitude, et rem- 
plissent la mer entre les méridiens de 33' 

ik La Pérouie, t. Il, p. 33i) ; de M. Lichtenstein, à 
son retour du cap de Bonne-Espérance, lat. 1 9" ^, longj 
SS"!— lat. aa'i, \on^.f,%°^; de M. B017 Saint-Vin- 
c«tit, lat. 33°-^, long. 35°; de M. Gaudichaud, dans 
l'expédition A^PHerminie, lat, a?"^, long. 37°| — lat. 
ag", long. SS"^; de M. Freycinet, dana le voyage de 
eVranie, lat. 28" 3i', long. 35" 55'— lat. 36° i' long. 
35° 44' i ^" capitaine Duperrey, dans le voyage de /a 
Coquille, lat. ag" 54% long. 3i° 45' — lat. 3i" 35', long.- 
Si" 7' ; de M. d'Urville, dans le voyage de fAitrolabe, 
lat. a4°5i'long. 3a° 39' — Ut. 26° 20, long. 33° 39 — 
lat. ag" 5', long. 3o° 53'. J'ai observé moi-niêroe, dans 
le trajet de la Girogne à Cumana, eu passant au nord- 
ouest des lies du cap Vert et 60° à l'est du point que les 
Caries des courtmt de f Atlantique par le major Rennell 
fixent comme l'extrëniité méridionale du grand banc, 
des masses considérables de varec flottant. (Relatioa 
f^islorique, 1. 1, p. 371). Je termineraicetle note en si- 
gnalant des témoignages très conformes aux résultats 
que des officiers d'un grand mérite, HM. Birch, Alsa- 
gar, Hamilton et Livingston ont recueillis de i8t8 à 
i8ao, et qui confirment d'une manière satisfoisanle ce 
que nous croyons être la configuration normale de la 
bande deCorvo: l'amiral Krusenstem, d'après M. Hor-- 
ner, lat. a6°, long. ^^'^{Reiseiuntiie fVeli, t. Ill, 
p. 1 5 t-i 53); KotzebueidanslevoyageduAunVit-, d'après 
le journal manuscrit de M. de Chamisso, lat. 30°, long. 



tzedbïGoOglc 



^8 SECTION DKUXIÈUS. 

et ^o". J'ai décrit la position et la configura- 
tion de la grande bande longitudinale telles 
qu^elles résultent du nombre immense d^ob- 
servjttions rêcueiUies par le major RenneU 
depuis Tannée 1780, époque à laquelle Tusage 
des chronomètres a commencé à devenir assez 
commun dans ta marine anglaise. Il ne s^agit 
ici, comme dans les déterminations de tempé- 
rature et de pression atmos|Aiénque, ou dans 
le tracé de la vitesse et de la largeiir du Gulf^ 
Stream, que d^un état moyen que j^ai appelé 
normal. Les bmites de la bande des fticlis, 
déplacée par les vents et les courans, oscillent 
sans doute i la bande se rétrécit ou s^élargit 
cconme les courans pélagiques qui traversent 
les eaux presque immobiles de TOcéan am- 
biant ; mais ce serait peu connaître les fonde- 
mens-des déterminations numériques données 
plus haut que d^admettre que les fiicus dans 

37*i — l«t. Se", lopg. 39°}; M. Meyen, dans son 
voja^ autour du œoode, lat. 94% loog. 3g°^ — U(. 
36°, loDg. 43° -î- £d comparant ces longitudes, jiu', 
eoimammtM daas cai o^vruge, ont été réjuiter av méri- 
dien ée Parit, à la poùtion de l'axe du grand banc de 
vtrec âottant, il ne iavA pas oublier de tenir compte de 
la largeur mtoie de la bande. 



tzedbïGoOglc 



SECTION bÈUXIEHE. 79 

leur agrûiipçment habituel ne suivent aucune 
loi et aucune forme particulière. Il &ut dis- 
tinguer entre la bande longitudinale et étroite 
que nous venons de décrire, et- dont l'axe 
principal passe par les méridiens de 40° et 43", 
et les paquets de fucus flottant plus ou moins 
accumulés queles vaisseaux qui retournent 
du cap de Bonne-Espérance en Europe ren- 
contrent si habituellement à Test de la bandé 
prindpale (entre les parallèles de 20' et 35°), 
jusqu'aux 3a' de longitude, même jusqu'au 
méridien de l'île Fayal- Comme cette région 
des varees n'a janiiûs été explorée dans le 
dessein de déteratiner les limites et la confi-^ 
guration du groupe entier, on se voit forcé 
de réunir sur les cartes marines des obscrv»> 
lions faites accidentellement et par différéna 
états des vents et des courans ; de sorte que 
la question de savoir si par le nord-ouest la 
bande principale se déplace considérablement 
vers l'est, demeure indécise. Elle le restera 
long-temps d'après l'indifférence avec laquelle 
ontraite la physique de l'Océan. Colomb a 
vu les premières masâfô de varec flottant dans 
son expédition de découvertes de i493» le 16 
septembre, se trouvant par lat. 28° et long. 



tzedbïGoOglc 



8o ' SECTION DEUXIÈME. 

35° ~. Il passa le grand banc longitudinal de' 
Corvo dans la bande transversale qui réunit, 
entre les parallèles de 25° et 3o°, le grand et 
le petit banc. Le maximum de TagglomératioR 
des plantes marines se montra, d'après le jour^ 
nal de Colomb, le 3i septembre, toujours par 
lat. 28°, mais pur long. 43" î- L'amiral resta 
dans cette bande transversale jusqu'au 8 oc- 
tobre, ayant navigué 24° plus à l'ouest et in- 
clinant un peu vers le sud ' . « L'herbe parais- 
sait toujours très fraîche et iLrigée dans le 
sens du courant de l'est à l'ouest. Il savait dès 
le 3 octobre qu'il laissait de certaines ûes dont 
il avait connaissance derrière lui : mais s'ar- 
rêter aurait paru une insigne folie {nojuera 
buen seso). » La longitude que M. Moreno 
assigne au 16 septembre 1492 dans le tracé 
des routes de l'amiral est confirmée par le 
calcul en lieues que celui-ci donne dans son 
journal du 10 février t^gS. Les pilotes, au 
retour d'Haïti, étaient dans la plus grande in- 
certitude sur la distance à laquelle ils se trou- 
vaient des îles Açores. Colomb essaie de s'o- 
rienter ' d'après la position du grand banc de 

' Le point d'estime était lat. aS" j, long. 67"^. 
» K*v. t. I,p. iig; P^ida, cap. 36. 



jbïGoogIc 



SRCTION DEUXIEME. 



fuCus : il se rappelle qu''ei^ allant à la décou-> 
verte (a la venida) il a commencé à Toir les 
premières herbes deux cent soixante-^trois 
lieuçé à Touest de Tîle de Ferro^ Le calcu) 
donné pour ce point la longitude de 36°. Il 
&ut st; souvenir que le journal ne parle que 
de masses isolées devareç. (manchas), non du 
véiitable bord de la grande bande qui était 
plus occidental. La route que Colomb a suivie^ 
sans doute diaprés le conseil, de Toscanellii 
en se tenant strictement sur le parallèle de 
rîle Gomera, fevorisa singulièrement la solu- 
tion du- problème qui nous occupe. Dans la 
traversée d^Espagne aux Antilles, les naviga- 
teurs modernes ne traversent pas la grande 
bande de varec à l'ouest de Corvo; ils cber- 
chent à gagner le sud et passent, pour trouvei' 
le plus tôt possible les vents alises, entre les - 
îles du cap Vert et rextrémité méridionale 
des Tarées accumulés. Au retour de la pre- 
mière expédition, depuis le méridien des Ber- 
mudes jusqu'à celui du banc de Terre-Neuve, 
du2i janvier au 3février i493, par les paral- 
lèles de 24° et 34" ; , Colomb, reste de nouveau 
dans des bandes transversales de varec flot- 
tant, enlr^ les deux groupes que -j'ai signalés 

m. 6 



tzedbïGooglc 



82, SECTION DEUXIÈME. 

plua haut. Le 2 fév^-ier surtout ' , la mer lui 
paraît une seconde fois « si coagulée de iucus 
(tan cuajada la mar de yerba) que, s'il u^a- 
Tait pas déjà vu ce phénomène, il aurait craint 
de se trouver sur un des bas-fonds, u Les 
fîicus disparaissent du 3 au 7 février, mais le 
7 on rentre dans le grand banc. Le navire se 
trouve alors lat. 37% long. 4**^, et le journal 
&it mention d^une prodigieuse abondance 
àiherbes marines. La largeiir de labande est 
habituellement dans cette latitude de 5o milles: 
or Colomb avance en vingt-quatre heures, 
par un vent frais du nord-ouest, à peu près 
3° de longitude. Il est donc tout naturel et 
conforme à l'état actuel des choses gue depuis 
le 9 février jusqu'à l'horrible tempête du *4» 
dans laquelle il jette à la mer le récit de sa 
grande découverte , il ne voie plus de varec 
flottant en s'approchant des îles Açores. 
Il résulte de l'ensemble de ces indications 

' Colomb se crut alors par lai. 34"i et long, 53°, par 
conséquent à l'Ë. N. E. des [les Bermudes. Il est bien 
remarquaUe que le major Rennell, auquel cette 
observation de i493 est restée inconnue, place dans ces 
mêmes parages (vo^. la seconde carte de l'Atlas des 
Courans) much Gulf-weeH. 



tzedbïGoOglc 



SBCTibn bÉuxiÙME. 83 

que , diaprés des calculs ap{ax)x.ii»âtifs fondes 
sur des nunhs et les distl)nces mentionnés 
dans le journal de ramiral, le grand banc de 
fucus jo-ès dfi Corvo fiit traversé en 149a par 
lat. 28" 7,' long. 40"' — ^^43*; en 149^1 par 
lat. 37*, long. 4*' 3- Les observations mo- ■ 
demes offrent pour Taxe principal de ce banc, 
long, 4*'''3> L^ concordance fre^pante de ces 
données numériques est , je IWoue , pure- 
ment accidentelle. Lesmatériaux diaprés les- 
quels on a tracé les routes de Colomb offrent 
une masse d'incertitudes ' qui certes ne dis- 

> Comme dans ces deniiers temps, le point d'attérage 
même de la |»«mi^^ eypédftitm de Colomb est devenu 
douteux, on ne peut pas avoir trop de confiance daiiK 
l'emploi habituel du moyen de ccoriger Veslime par la 
comparaison des positions du point de dëpart et du 
pcûnt d'attérage. Christophe Colomb suivit un couit: 
vers l'ouest lorsque de la première tle qu'il découvrit li^ 
vendredi 12 octobre i49*, >i arriva sur la côte septen- 
trionale de Cuba (aux ports de Tanamo, Cayo-Moa et 
JBanuMM). Cette direction a fart supposer à M. Navar- 
re»* que Guanahani, la premièi-e terre découverte, ne 
fiit niSanSalvadorCrande, lie sur laquelle, s la pointu 
sud-^st, un port porte encore aujourd'hui le nom (l<r 
Cplumbo^ port, ni l'Ile Watdin (MuHoe, g tJj), i)i;ii* 
un pe^ ilôt du groupe des lies Turques, appelé la 



tzedbïGoOglc 



94 SECTION DEUXIEME. 

paraissent pa$ tQutes par. d^eureuses com- 
pensations ; mais JBans prétendre à Une déter- 
mination rigoureuse des longitudes, il devient 
toujours extrêmement probable, d'après le» 
recherches auxquellèsge me suis livré, que de- 
puis la fin du quinzième siècle la bande prin- 
cipale de Tarée flottant dans le voisinage des 
Açores 'n-^a pas considérablement ch^gé de 
place. C'est une ancienne tradition que j'ai 
trouvée encore conservée parmi des pilotes 
de Gabce, que ce grand banc de fucus désigne 
la moitié du chemin qu'ont à Ëiire à travers le 
Golfo de las Yeguas ' les navires qui re- 

Gmnde Saline par les manns français, et ihe Grand Kay 
par les maiina anglais (N*v. 1. I,p.CV), au norA 
d'Haïti, presque dans le méridien de la PoÏDte Isàbéli- 
que. D'Sprés de Mayne, il y a 4" îC de différenee de longi- 
tude entre San Salvador et la Grande Saline des lies 
Turques, placées à l'est de Cayques et à l'ouest du Mou- 
choir carre- Aussi l'attérage aux Açores (à l'île Sainte- 
Marie) lors du retour en Espagne ne peut servir à cor- 
riger reif/me avec certitude, Colomb ayant subi iine 
grandetempéteet erré du t3 au 17 février 149^ dans 
des parages où l'action des courans est d'une force ex- 
trême. 

' J'emploie cette expression bisari-e daos le sens que 
lui donne aujourd'hui le commun des pilotes espagnols 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXIEME. 05 

tournent en Espagne en venant de Carthagène 
des Indes, de la Vera-Cruz ou de la Havane, 

«n exposant la mer orageuse ethouleuse au nord dti 
parallèle de 35" Çel Goîfi dt las Yeguaiy à la mer caltns 
el unie des tropiques (el Golfo ie las Damas). Origi- 
nairement, à la fin ^u quinzième et au commencement 
du seicième siècle, l'expression du Golfo de las Ytguas 
ne fui adaptée qu^à la partie de l'ocëa^ Atlantique, eçtre 
les côtes d'Espagne et les Canaries, à cause du grand 
nombre de cavales (jeguas) qui périrent dans la traver- 
sée des pprts d'Andalousie aux Antilles, et que l'ob jeta 
Clamer avant d'atteindre les Canaries. Au sud de ces 
lies, les animaux souf&aient moins du roulis et se trou- 
vaient habitués tk la navigation. Ovieflo (/fiVl. gen. de 
las IndiaSi. lîb. II, cap. 9, fbl. 13} dit que les vaches 
périrent en plus grand nombre que les chevaui, et que 
l'on devrait nommer cette portion de mer au nord des 
Canaties el Golfo de las plaças. Aujourd'hui les pilotes 
espa^ols disent qu'on va en Am^que par le golfe des 
DomïJ (AcosT*,!ib. m, cap. 4)T etque l'on revienj 
par le gfilfe des -Cavales, en interprétant cette dernièi'c 
locution d'une manière peu naturelle • par l'aspect de 
la grosse houle écumeuse qui bondit comme une ca- 
yalè. " Il est bien digne de remarque que, malgré l'im- 
perfection de l'art nautique et l'incertitude des routes, 
OD ait pu quelquefois, dans les premiers tempe de la dé- 
couverte de l'Amérique, exécuter des traversées si ra~ 
^des. Oviedo(l. c. p. i3) nous apprend • qu'en 15^5 
tandis que l'empereur Charles V était à Tolède, deiix 



tzedbïGoOglc 



86 SECTION DEUXIEME. 

et qui sont favorùés dans leui' navigation par 
le courant du Gulf-Stream. La position du 
banc de varec sert aux marins ignorans et dé- 
pourvus de moyens exacts pour trouver la 
longitude de correction de leur point cPes- 
time. Comme Taxe principal de la bande lon- 
gitudinale de varec flottant se trouve à peu 
près au milieu de la distance qu'il y a du mé- 
ridien des BenQudes à celui de la Corogne, 
cette ancienne méthode de s'orienter dans 
FAtlantique est assez incorrecte; elle Test 
même , si Ton prend le cap Hatteras pour 
point de départ. La seconde partie de la tra- 
versée depuis le banc de iiicus jusqu^à la G>- 
rogne est d'un cinquième [^us courte, mais en 
conftHidant le ten^>s et l'espace, le calcul est 
assez précis. A l'ouest du méridien de 41°, 'e' 
navire reçoit l'impulsion du courant d'eaux 
chaudes, tandis qu'à l'est des Açores, la mer 
orageuse et les changement fréquens de vents 
<ét de courans retardent la navigation. 

On a aussi agité la question de savoir si la 
Mer de Sargasso a été découverte par Colomb 

caravelles rctouruèrent en vii]gt-<:iDq jours de l'Ue 
Saint-Domingue au RiodeSevilla. '■ 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXIÈHE. 87 

en septenobre 1472 , om si, avant la célèbre 
expédition 4^ ce navigateur, les Portugais en 
ont eu ccmnaissance. Lorsqu'on se rappelle la 
petite distance à laquelle la grande bande de 
varec se b^iuve à l'ouest du qiéridien de Corvo 
et de Florès ; comment cette bande se pro- 
longe, entre tes parallMes de ^0' et 46°, au 
nord-est de ces îles, presque, jusqu'à atteindre 
le méridien de Fayal; comment enfin, à l'ouest 
de ce mériditm et au sud'du parallèle de 4o°7 
toute la mer est renqilie de paquets de Tarée - 
flottant, oa ne peut douter qu'une partie du 
phént»nène n'ait été observée antérieurement 
à ColfHnb par des marins portugais ou espa- 
gnols. D^ en 14^2, Pedro de Valasco, natif 
de Palos, avait découvert l'ilot de Florès, en 
cinglant de Fayal vers Touest et en suivant le 
vol cle certains oiseaux ' . De là, il s'était porté 

' C'est una doute à cause de cette découverte et de 
quelques aventures semMables que Gokinib dit àtau 
son journal (7 octobre i490t donc avant la découverte 
de Guanahani, • qu'il était bien attentif au vol des 
tHsettux Iw^ue tous se dirigent le soir d'un côté conune 
pour dormir à terre, parce quo la plupart des (lot que 
pottèdtnt au/ounThui les Portu^is, ils le* ont âieoui^r- 
tes par les oiseaux {las detcuhrivran pw las m-es) . » 



tzedbïGoOglc 



on SECTION DEUXIEME. 

ail N. £. et avait attéré en Irlande, à son 
extrémité la plus australe '. Dans le cours de 
ces navigations lointaines , du Portugal aux 
Açores, et des Açores aux îles Britanniques, 
par des mers orageuses et sillonnées de cou- 
fans aussi variables que les vents, les pilotes 
qui étaient incertains de leur point, doivent 
souvent avoir dévié de leur route ; et rien ne 
s'oppose à ce qu'on croie qu'ils ont vu ces pa- 
quets de varec flottant, ces groupes Spora- 
diques qiû précèdent vers Test le grand banc 
de flicus.. La mappemonde d'André Bianco, 
de i436, désigne même la mer à l'ouest des 
Açores par un nom particulier, celui de Sfar 
de Baga. Dans le moyen âge , la ville de 
Vagas , située au sud d'Aveiro, avait un com- 
merce très florissant, et l'on a tenté ' de tra- 
duire la Mer de Baga par u mer que fréquen- 
taient les marins de Vagas. » Quoi qu'il en 
soit de cette fréquentation , il me paraît très 
probable qutf le véritable baiic dé focus, la 

'Au Caho de Clara. {Vida, cap. 8.) C'est Co(>ç 

' FoRMALEONi, Nauiiea deï Veneziani, p. 48- C'e8( 
fouga de la carte 4e Castro. 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXIEME. 



l>ande plus occidentale sur laquelle la mer, 
selon l'expression emphatique de Chiistophe 
Gïlomb, paraît comme coaguUe de vareCj 
n'avait point été vu avant lui. La *3uvelle de 
l'existence d'une vaste prairie , loin des îles , 
au milieu d'un Océan inconnu, se serait rapi- 
dement propagée p^rmi les marins portugais 
et castillans : cependant nous voyons par le 
journal même de Colomb que ses compagnons 
de fortune se trouvaient émerveillés ' d'un 



' La crainte qu'inspirait à l'équipage de Colomb l'ac- 
cumulatioa du varec ne ae ti-ouve paa exprimée dans la 
portion du journal que nous a Iransmiae par extraits 
Fray Bartholomè de Las Casas. Ce journal (aa et 23 
septembre i49a) ne rapporte que les <• murrriarej sur la 
coQStanee du vent d'est et sur la faiblesse des vents en 
général qui laissaient la mer calme et unie (mansa y 
llana). • Iln'y aquç le fils, don Fernando Colomb, qui 
s'exprime très vivement à ce sujet : <■, Les marins virent 
vers le nord, aussi loin que portait la vue, une accumu- 
lation d'herbes marines, qui tantôt leur faisait plabir, 
pai-ce qu'ils croyaient être près d'une côte, et tantôt 
:]eur inspirait des craintes. 11 y en avait des masses si, 
«paisses, qu't^les entravaient jusqu'à un certain point 
lanavigadon, et qu'ils pensaient courir le danger ^«e ic 
finge de San Mnioro en etinaryelado.-n(f^ida,ca^. i8.) 
|>tte même comparaison du journal de l'amiral et de \% 



tzedbïGoOglc 



90 SICTION DEUXIEME. 

aspect auquel ils n'éuùent aucunement pré- 
parés. Rien ne paraît prouTN'jusqu^ci que la 
dénomination portugaise de Mer de Sargasso 
(il feudrai* écrire Sargaço) est ant^eure à 
1493, si Ton af^que cette dénomination au 
groupe de varec à Touest 'de Corvo. Gtdomb 
ne se sert jamais du mot sai^asso pour dési- 
gner Talgue maritime. Très habitué a la voir à 
Porto Santo, autour du caç Vert et des îles ,ds 
ce nom, comme sur les Mtes d^Islande, ce 
n^est que sa grande accumulation qui a pu le 
surprendre. Aussi en fei^er i493, lorsqu''il 
cherdie à s'orienter d'après la bande de 
fîicus, il se sert d'une expression qui sup- 
idée presque à celle de Mer de Sargasso ' : 

yie éci'îte par le file me confirme d'ailleurs dans l'opi- 
nion que ce dernier, pour rendre son récit plus dra- 
matique, insiste un peu trop sur le dëeespûr des ma- 
rins qui se trouvaient jetës • au milieu d'un Océan, 
loin de tout secours. • (RkKCik, Hht. priai. 1. 1, p. (€.) 
Une travei'sée de Palos à Florâs, et de là aux côtes d'Ir- 
lande, comme j'en ai cité l'exempk, l'an 1453, pouvait, 
je pense, avoir accoutume les marins à m voir que l'eau 
et le ciel. (Voyez tom, 1, p. a43, n. 1.) 

' L'étymolo^ du mot portugais ta»-gKfo (sargua^ 
d'AcoBT*, AronuUum Uier. Antw. 1S93, p. 3ii) a étii 



tzedbïGoOglc 



SKCTION DEUXIEME. 91 

il parle de la légion « de ta primera yerba. » 
J'ai déjà exposé dans un autre endroit de 

diverKment tetit^. H. Rennell (/ne. on Crirr. p. 72) 
croit recoiiDaître daas ce mot, d'après l'autorité d'un 
mémoire' inséré dans le Nautical Magasine, i833, 
p. 175, It raùin de mer ou raûin iftt tropiques ,- aiagi 
nommé à cause des vessies ^buteuses pédunculées 
que Colomb compAmt aux fruits du pistai^liier ( len~ 
lisco'). Sargaet Vva swgaciitha, deux mots peu con- 
uuB des Portugùs mêmes, désignent sans doute une 
variété de raisin, mab le grand IHctionnaire de ta lan- 
gue portugaise, puJbJié k Ijsbonne en 1816 par trois 
liairoteurt porta^ftis, donne la définition <le petite 
grappe à baies de sargaço. C'est donc la plante marine, 
comme l'obeerve très bien le vicomte'de Santarem, qui 
a donné son nom au raisin et non le raisin qui a fait 
appeler le varec sargaço. Il parait bien plus probable 
que ce dernier mot, par la permutation des lettres r%t /, 
permutation si commune surtout dans l'Algarve, patrie 
des plus habiles marins du quineitme siècle, tient à 
salgar, saler, ï. talgado, salé, et à lalgadeira (plante 
du littoral, un Portutacca ou un Halimus). La naviga- 
tion des Arabes a jantexercé tant d'influen«; sur l'artnau- 
tjque et le langage des marins dans l'Europe australe, 
j'ai été frappé jadis de l'assonatice de Gium Alhacisc, 
goljê dherbes, dans la Géographie d'Edrisi, p. 29- 
Âlhackieh (de iuchicheK) signifie herèes, et alhas pour- 
rait bien avoir formé taglai {satgazzo, Hamdsio, t. III, 
p. 67.) Mais l'étymitlc^ic purement portugaise parait 



tzedbïGoOglc 



ga SECTION DEUXIEME. 

cet ouvrage ' que la Mer de Sargasso men- 
tionnée dans le périple de Scylax de Caryande 

bien préférable ; aiusi Joao de Sousa, dans se» curieu- 
oes retjterches sur les mots arabes introduits dans la 
lan^e portu(;aise iVealigioi d« Ungua araiicù em Par- 
lugat) 1789)1 ne fait aucune menticMi de targaço. Il ne 
iàut pas chercher si loin ce que l'on trouve plus natii- 
retlement dans l'Europe latine. C'eA ainsi que je viens 
de i-e«onnattre dans l'annen nom des lies Antilles, Isks 
Caiturç^nes du religieux carme Haurile(voyeKtom. Il, 
pa^ 100, BOte 3), le mot espagnol eomarea. Il faut 
lire, hlas comarcanas, c'est-à-dii-e qui sont voùineiée 
U terre ferme, qui confinent avec elle. La traduction 
d'un passage de Grégoire Boncius par Philipon, reli- 
gieux de l'ordre de Saint-Benoit, le prouve clairement. 
• Insulœ Caonibatium quas modo Antillias sïve Camt- 
ricanas vocant, et de quibus Gr^orius Boncius ait : 
Tienne America muchas Islas Comarcanas, U de Paria, 
Cuba, Espanola... hoc est, habet America insulas 
adjacentes quam plurimas, ut Parianam însulam, 
Cubam.... • (HoNOaios PsiurOKos, Ordinis Sancii 
Benedicii monachus, Nova tfpis transacta Navigatio 
NoviOrhis India OccidentalU, 1631, p. 33.) Les ■ Islas 
Comarcanas aituadas en la comarca de la Herra firme • 
ont été changées peu à peu en Camerçanes et en Car- 
m«ricanM. Maurile de Saint-Michel (^«^n^, p. 391) 
dît même : • lies Camerçanes , dictes autrefois An.T 
aUes. . 
iyoytztam. I, p, 35etp. i3i-i4à. 



tzedbïGooglc 



SECTION DEUXIÈME. 9^ 

et dans VOra maritima du poète Avienus, ne 
désigne que fabondance de fucus par laquelle 
on reconnaît ta proximité des îles du cap 
Vert. Il y a près de 240 lieues vers l'O. N. O. 
de nie de S' Antonio, la plus occidentale de 
ce groupe , à Textréimté australe de la grande 
bande de varec flottant de Corvo ; et l'opinion 
que les Portugais ont primitivement et avant 
Colomb, appliqué la dénomination de, Mer de 
Sargasso à une région au N. et N. O. des îles 
du cap Vert ', sans être entièrement^ invrai- 
semblable, ne paraît pourtant pas fondée sur 
des témoignages précis. Les varecs que Von 
rencontre entre Cerné, la station (^Gaulea) 
des navires de charge des Phéniciens (d'après 
GosseUiu, la petite île de Fedàla *, sur la cote 
nord-ouest de la Mauritanie) et le cap Vert, 
ne forment ntiU« part une grande masse con- 

' Naul. Mag. 1. c. 

> Fidallah, Fedel, enlre SaUée et le cap Blanc, ^r 
lat. 33° 5o' , à la dutance de 60 lieues mannes en li|;ne 
droite de Gadès, distance que le périple de Scylax éva- 
lue à non moins de douze jours de route. La localité de 
Fedala est le mieux décrite dans Tuckeï, Marit. Geogr. 
t. Il, p. 499. 



tzedbïGoOglc 



^4 SECTION DEUXiKHe. 

tinue, un mare herbidum ' , comme on en 
trouve au-delà des Açores ; mais ils sont sur 
quelques points * assez accumulés pour retai^ : 
der le sillage des navires. Le tableau exagéré 
que la nise des Phéniciens avait tracé des 
difficultés qu^opposaient à la navigation, au- 
delà des Colonnes d'Hercule, de Cerné et de 
l'île Sacrée ( lerné ) , « le fucus , le limon 
(■miiç), le manque de fond, et le calme per^ 
pétuel de la mer » ressemble sans doute d'une 



■ Petr. Mabt. Oceaitica, Dec. 1, )ib. VI, p. 16; 
Deo. m, Ub. !V,p-55. 

» Le navigateur Jean Barbot, obsei-vateur attentif, 
s'exprime comme il suit : - Quarante ou soixante lieues 
i l'occident du cap Blanc d'Afrique, et même déjà à 
vingtKiinq lieuei de distance, nous vîmes du sargasso 
âottant diiRs l'Océan si profond qu'on ignore où il a 
eu racine. Le sargasse est ai accumulé, qu'il faut un 
vent &ais pour le traverser, tant il fuit résistance. • 
{Detcription of tke coast ofGitinea, ioTiaa.at\e dernier 
vo(umede la collection de Churchill, édition de 1733, 
p. 538.) Ce tableau est conforme aux observations Ai: 
MandeIsloe(HARHs*s, Co/fec/<oi of Toyagéi , i-jH,t. I, 
p. 8o5), qui discute sérieusement la question de savoir 
si ce varecflottant peut venir des lies Antilles, malgié 
la constance des vents N. E. 



tzedbïGopglc 



SBCTJON DEUXIÈME. 96 

manière frappante aux récits animés des pre- 
miers compagnons de Colomb. On dirait que 
les passages d'Aristote ( Jlfe£eor. II i, i4),de 
Théophraste (77(i(. /ï/twîA IV 6, 4 IV 7, i), 
de Scy]ax' ( Huds. Geogr. min. I, p. 53), de 
Festus Ayienus (Ora mariVj'ma, v. 10g, 122, 
388 el 408) et de Jomandès-(^« Rébus Ge~ 
ticiSy c. 1], ont été écrits ' pour justitier ces 

» Avienus {Poetœ lai. tnin. t. V, P. 11I> p. 1 187, éd. 
Wemsd.) avait bous les yeux, comme il le dit lui- 
même (^Ora mur. v. 4>3), des périples puniques. £n 
parlant de la course que fît Himilcon pendant quatre 
mois vers l'ouestet le nord-ouest, il dit : 
Sic DuUa late flabra pi-opellunt ratem, 
Sic segnb bumor œquoi'is pigri stupet. 
. Adjicitetillud,plui'imumintergurgite$, 
Exstare fiicum, et saepe virgulti vice 
Retinere puppim. 
Ces bancs de Tucus sont places dans le nord mémei 
vers lemé : 

Hœc inter undas multa cespitem jaeet, 
Eamque late gens Hibemorum colit. 
Tbéopbraste distingue très bien le fUcus du littoral, 
irsvTiev f ûxBï, du fucus de la haute mer, ^aXâeirtov f!,x<,(. 
(Voyez aussi Salmas, Exerc. PUn. p. 806.) Aristote, 
dans les Méiéonhgi^utt, insiste suV l'absence du vent, 
idée systématique très répandue et bien étrsnge lors- 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXIEME. 



récits.- Cependant ces mômes *^>a8sages n'ont 
rapport qu'à des régions voiànes des îles 



qu'il est questioD d'une mer si souvent agitée enUv 
Gadès et les îles Fortunées, d'une rë^on qui certes 
n'est pas le Go!fe des Dames des pilotes castillans. 
Voici ce que le Slagirite ajoute après avoir disserté sur 
UQ rapport qu'il suppose enti-e la direction des cou- 
rans et la déclivité du fond de la mer : tà S's^a (rmlûv 

ppa^i'a fiiï Sik tO* Tnvioï, âitïoa S'iax'vt ù; av noua 

SnlÔT-ijt oûoDe. Le po^te orphique (.4r^o/tau(. v. 1107, 
éd. Lips. 1818), en chantant les, travaux des Argo- 
nautes qui, arrivés dans les régions du nord, sont obli- 
gés de tirer le vaisseau Argo a /iirori/e/^, ajoute «qu'un- 
air bruyant n'y soulève plus par son souffle u'ne mer 
privée de vents tumultueux, que l'onde, dernière limite 
de i'empire de Thétys, est muette soua le (;har glacé de 
l'Ourse. • Les races hyperboréennesappBllent(v. to85) 
ces eaux «laMer Morte. » (Voy.tom. I,p. igdetsuiv.) 
L'astuce des Phéniciens, le désir d'un peuple commer- 
çant de dégoûter ses rivaux de toute navigation au-delà 
de» Colonnes, ont-ils répandu ces illusions de l'absence 
des tempêtes? ou le calme qui règne dans les régions 
boréales pendant les gi'ands brouillards {}e poumon 
marin de Pytheas, Svkabo, II, p. i»4Caa. ), et l'idée 
des obstacles que le varec oppose au mouvement des 
ondes, ont-ils agi sur les croyances populaires? Ru- 
tilius(/(jnerar. lib. 1, v. Biy.Poét. lat. min. vol. IV, 
p. i5i ) décrit •• les a^;ues qui, devant le port de 



:iz..i:, Google 



SSCTION DBUXiraiBi %J 

Fortunées, des côtes nord-^uest de; l'Afrique, 
des îles Britanniques et du t^tuv ctmiosum 

Tîae , amortissent les lames • , et Aviâuis ( Ora 
marit. v. 4o6) étend ce phénoàiàne k toute l'Atlai^- 
tique: 

Plerumque poiro tenue tendîtur salum, 

'Ut.vixareDU Bubjaceotes occulat. 

Eisuperat autem gar^^ten fucus frequens, 

Atgue u^cditur Kstus hic uligihe. 
Des marins >qui se traînaient Je plus souvent le long des 
côtes , devaient attacher une grande importance à tout 
ceqiûarapportaufiicus.M. Ideler fils a <à(é dans son 
savant commentaire sur les HétÀinJ^^^ques .( t. 1 , 
p. 5o5) un passage de Jomandès (Mobatoki, Reram- 
liai. Script, t. I, p. 191) presque entièrement Dégli^ 
jusqu'ici (BscuiAifii, in Ariit. Mirab aasc.f. 3o7), 
et qui révèle cette filiation des idées de l'antiquité et du 
auyjtai-àfie dont j'ai souvent parlé dans mes reciier- 
ches. • Oceani vero iniransmeabîles ulterïores fines 
non Bolum non describere quis aggressus est, verum 
etiam nec cuiquam licuit transfretare ; quia resitlente 
iiltia^f fefUoTunt tpiramine quieseenle, impermeabiles 
esse switiaotur et nulli cogaiti , nisi soli ei , qui eos 
constitmt. • Abondance de fiicus, bas-fonds et absence 
de vent, Tiulà les trfùs objets qui caractérisent dans 
loutes les descriptions de l'Océan Adaottqué, la lifyr 
iinibrea*e des Arabes. S'il était probable que la navi- 
gation des Phéniciens a\«it atteint la région des vents 
alises et le grand banc de fiicus flottant à l'ouest des 

m. 7 



tzedbïGooglc 



gg 8BGTI<»( BEUXICS». 

boréal, dans lequel Ptutarque fait tomber les 

Acores, la liaison de ces rapporta physiques devrait 
«ré cherchée dans des régions lointaines, et la destmc- 
^BO dé l'Allaetide, qtu a laissa la mer • bourbeuse et 
impropre à la navigation • (PLAroH, dans le Timée, 
l. IX, p. a96),3ertH-ait àccrapléter de téméraires ex- 
plications. J'ai eMiadiBmoi-4némele tort de me laisser 
séduire pareltea. (^TailemttÉtltiaNaliin, deuxième édi- 
tion, t. I, p. 100 ; et AfiimM Atnonyntf, t. I, p. aoi.) 
Ld gëop-aphie positive, plus réservée et plus timide, 
rfwrche l'origine des croyances de l'antiquité dan» les 
phénomèn» physiiiUes dont l'aspect devait frapper le 
ùliiB habitueÙiment les prenners navigateurs. 11 ine 
parait probable que puisque le flux et ie reflux de la 
taer ne deviennent sBisibles que dans peu d'endroita 
de la Méditerranée (Hebod. Vil, tag, 198; Scn., 
nripl. éd. Hudson, p. 49;™*"» *> 7 * Strato, XVII. 
p. 835)) c'est rétonneœent causé par l'a^iect de 
grandes marées dans l'esprit des navigateurs grecs q«" 
fit naître cette liaison d'idées que nous avons signalée 
Le reflux frappe le pli» l'imagination là où les côtes sort 
basses et 0(1 la mer offre des bas-fonds et des écueils 
Ptmdâfit le jusant , lorsque le flot se retire, le fond de 
la ïner mte à seC et présente une abondante végéta- 
tiMi d'algues qui se plaît à des variations régulières de 
sédie»«sse ei d'humidité. Les Syrtea , si redoutées par 
Its navigateurs (Poifa. I, 39), montraient même sur 
|«ê côtes d'Afrique dans l'intérieur du bassin médi- 
I des marées ■ sur une assea 



tzedbïGoOglc 



SEcnon pEuxrEHK. 99 

aUuTÎonB de son immense continent Cro- 
nien '. 

Le grand courant général de l'est à l'ouest 
qui règne entre les tropiques et que l'on dé- 
sire souvent par les noms de courant équi^ 
hoxial et de rotation, ne pouvait échapper à 
la sagacité de Colonib. Il est probablement le 
premier qui l'ait observé, les navigations qu'on 
exécuta avant lui dans l'Atlantique s'éloignant 
très peu des côtes ou se trouvant restreintes, 
eomioe celles aux Açores, aux. îleà Shetland 
et en Islande, aux zones extratropîcaUs. Un 
phénomène général ne se révèle que là où di- 



grande échelle ; et combien l'impressioti ne devait-elle 
pas être plus générale et plus forte , lorsqu'on apprit 
à connattre les marées de l'Océati , au-delà des Co- 
Icmnea d'Hercule, sur les câtes d'Esfiagne, des Gaule* 
et d'Albion, marées qui exçrcèruit la sagacité de Popi- 
doniiia et d'Athéaodore ! Ce qiie l'oii obs€!rvait sur le 
littoral Alt appliqué chiménquement .à toute l'étendue 
de l'Océan Atlantique et des mers dil Nord. Le peu de 
profondeur de la Baltique et les vastes pla^s du Jutland 
couvertes par le flot pouvaient contribue^ aussi à.ccs 
Ulusions de la géographie systématique. (Agathen.' 
Gagr. ll,iiiMEL*,III,6.) 
' Voyeetotn. l,p. aoS, ettbro. IJ,p. i6i. 



tzedbïGoOglc 



lOO SÏCTION DEU3UÈMB. 

minue et cesse l'e^l des perturbations lo- 
cales : or, dans les parages que je viens de 
noBimer, des vents Tî*riables et des courans 
pélagiques modifiés par la configuration des 
terres voisines, ont dû empêcher long-temps 
de découvrir quelque régularité dans le mou- 
vement des eaux. C'est par la relation du 
troisième voyage, celui qui conduisit Colomb 
le plus au sud et te maintint au-delà du tro- 
pique, dès \e méridien <les îles Canaries ', que 
nous apprtenons à connaître les idées du navi- 
gateur géttCHS sur le courant général équar- 
toiial. « Je le regarde comme une chose bien 
avérée, dit-il, que les eaux de la mer ont leur 
cours d'orient en occident, comme font les 
cieux , con los cielos, » c'est-à-dire que le 
Bwuvement apparent du soleil et de tous les 
astres fixés à des sphères mobiles, influent 
sur le mouvement de ce couraïit général. 
« Dans les parages où je me trouve (alli en 
esta comarca , c'est-à-dire dans la Mer des 

. Dan. le premier voyage, au contraire, ei celle 
direction de la route ne s'expUque que par les conseils 
de ToscanelU , Colomb n'entra dan» la wne trop.- 
ealequ'à iso lieues de distance de» «es Lucayw. 



DotzecliïGoOgIC 



SECTION D£VX1EH£. 101 

Ahrilles) , ajoute Colomb, les eaux ' ont le 
pkis de rapidité. » Il ne peut él^ douteux que 
le courant des tropiques ait dû frapper l^sprit 
des marins, sortout entre les îles, dans te 
voisinage des terres- Le premier et le second 
voyage avaient conduit CokAnb te long du 
groupe des;^^Grandes et des Petite» Antilles, 
dejHiis le Vieux Cad^ près de Cuba jusqu'à 
MarigalaBte et la Dominique. Dons te troi- 
sièn^e voyage,' it' éprouva la double influence 
des vents alises et dti courant équinoxial non- 
senilenent au sud -de Tile de* la Tiinité, en 
longeant les côtes de^ Ctunana jusqu^au ciip 
occidental delà Marguerite, mais encore dans 
la courte travers^ par \à Mer des Antilles, 
de ce eap occidental (le Macanao) à Haïti. 
Or, -tous les marins toVent, et je Tai prouvé 
assez moi-même, que les coiU'aDS de Test à 
Pouest sont les plus violeos entre Saint-Vin- 
cent et Sainte-Lucie, la Trinité et la Grenade, 
Sainte-Lucie et la Martinique'. Le major 

• Nav. 1. 1, p. a6(i. 

■ Voyer. k» observations du uupttauie Rvdd, dcne 
Rtnne/l on Curr. p. 127. Au S. E.. de la Trinité, le 
fourant équinoxial porte à l'O. N- O. parue qu'il eil 



:iz..i:, Google 



102 SKCTlOIf DEUXIEME. 

Rennell nomme toute la Mer des Antilles 
« une mer en mouvement '. » Le moyen di- 
rect que nous avons aujourd'hui de recon- 
naître loin des côtes, en pleine mer, la direc- 
tion et la rapidité des côurans qui agissent 
dans le sens d'un parallèle, en comparant le 
point ^estime à des détenmnations partielles 
chronométriques ou de distances lunaires , 
manquait totalement jusqu'à la dernière moitié 
du dix-huitième siècle. Ce n'est que l'effet 
total du courant équinoxial pendant une tra- 
versée des Canaries aux ^tilles qui pouvait 
être évalué, par approximation, lorsque les 
longitudes des points de départ et d'attérage 
commençaient à être suiEsamment bi^i fixées. 
Colomb, en indiquant avec tant d'assurance 
le grand mouvement p^agique •< dans la di- 
rection du mouvement des astres, u ne s'était 
donc pas laissé guider par le calcul : il avait 
reconnu ce mouvement, parce qu'il devient 



mocUfié par le courant littoral du Brésil et de la 
Guyane, du S. E. au N. O. (Voyez LuitiGBE, dans 
XtiAnn. mark, de Bajot, i8a8,p. 3i3-33o.) 

' /( is not a currtnt, bul a tea in motion, 1. c. 
p. a3. 



tzedbïGoOglc 



SfXTIOfl OEUXICME. 103 

sensible aux yeux datm les paaaages entre las 
îles, sur les côtes lorsquVn se trouve à Tanere, 
en pleine nter par la directitui uniforme 
qu'»ffectepfles paquets ' de varec flottant, 
pur celle que prend ta ligne de sonde pondant 
le sondage ', par les jilels d^eaux courantes ^ 

' .$11 twa fa yerva cou las lUloj de tl Leste à Uesle. 
{f^id«, c^p. 36.)Jwi"''i'' !■ premièM mnrigUiDn ^ 
Colcoib, 4es t3, t^ et ai lepteiobre i^^. 

* Le fils nous a cmservé le j[)asRagf suivapt , tré» 
l'emàrquablet qui manquç dans le Journal du père : 
• Le 19 septembre i4g3t aj'apt beaucoup d'espérance 
4e se trouvei- dflhB le voisinage d'une terre, on sonda, 
gendutt un calvie plat, k 100 brafMfl de pri^inidetir 
MUis trouver le Ibnd ; tntir on reconnut que les eçu^iu 
portaient au sud-ouest. ( yida, cap, i8. ) 

^ C'est préalablement une observation de ce gejire 
qui engagea G>lomb à dire dans son journal du 
i3 eepteinbre i49> ' * Les courans nous siyit con':- 
tfaÎMS. • L'amiral était alors ji 3oo lieues de distance 
de toute terre, 4ai|8 mim mer Mps algues. Bans la Htr 
du Sud, je n'ai pas seulement vu plusieurs fois, quand 
la surfaee des eauii était très unie, œt^hls de cpurant 
qui se meuvent k travers des eaux mobiles ; je les ai 
entendus couler. Des marins espérimeot^ cdq- 
naissent très bien |e son particulier dv fileu de 
courans. 



tzedbïGoOglc 



f04 SliCTIUN DEDXlÈHr. 

que l'on aperçoit quelquefois à la siuface (IW 
rOcéan. 

Lorsque àans la relation du second voyage 
lé Sis de Famiral disserte longueiiient ( F'ida'y 
cap. 46) sur une espèce de tourtière en ïér 
vue arec' surprise entre les mains dfes natu^ 
rels de la Guadeloupe, il admet déjà 1^ possi- 
bilité que ce fer peut provenir des débris de 
^elque navire porté par tes courons des 
côtes d'E^^gne aux Antilles. Cette 'expliraH 
tibn, le fils la tenait sans doute du journal du' 
père qui n'a point encore été retrouvé,. Je 
puis aussi signaler dans le joumat du premier 
voyage un passage très remarquabler relatif à 
la direction générale du courant équatoriar. 
Colomb est étonné de Taccumulation de varec 
qu^ observé sur la côte boréale d'Haïti^ dans 
le golfe de Samana, appelé alors golfe (les 
Flèche^ Il pense qtie le varec flottant de la 
Mer verte ' ou àd Sargatso^ qu'il arencontré' 

> Cette expression dé mer verte rappelle le ikiaw 
T^ï ^xtpa.j^i'Zi %xi.éjim{ x^liiroc (Ptolen. Geogr. VII, 
cap. 3), que dans un autre endroit (t. I,p. i3a)j'aî(iit 
&ire allnaion à un ^Ifê rempli d'algues. Si aous nous 
en loums à la leçon vécue oa ^■^pa-ffsn ou plutât. 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXIEME. 10& 

en venaul d'^Bspagne près des Açores, prpuve 
qu^ime chaîne d'îles s'étend des Aotilles à Test 

Çmp^tist^, c'était probablement une mer verte, c'eat-ii- 
dire une mer couverte d'algues, que l'imajpiiatiQD des 
navigateurs plaçait à, côté de la mer poracie, couleur^de 
pcureau, TCpaaiiiiiç Balaara, dont Ptolémée parle quelques 
lignes plus haut, et qui se trouvait aux environs du 
tfp,PraBum(AoATHra. de Geogr.hb. II, c. ti). Il est ■ 
vrai ^ue S«rjycxiiOEt ""^t couleur de grenouille (les 
tuteurs des ptinces by lantins signaient, non pas avec 
de' la pouTDre comme les «npcreurs, mais avec de 
feacre verte , Savpa^ti^ ^^pûfitATi. Voyes HoH'tFAucon, 
Pakèogr. Grae, p. Z')i est un atljectif commun , et 
forme ordinairement soii fàninitt en e; : mais mon 
savant ami M. Letronne pense qu'on a pu également 
admeMce la terminaisoR ëmpa^ftât au fëminin, puisque 
Nicandre {ajmJ Athen, IX , p. 37», A) a bien dit 
Ca.Tfix'^' ^ traducteur latin, ea retranchant la pre- 
mière syUalie du- mot Sarpax'"* > ^*^ mare aiperum ; 
s(m texte portait sans doute rï; Tf>«x''<^ 6>lâTin», 
qpmme on lit en eOet dans le beau manuscrit de la 
BibUotbèque du Roi, n° -1401 ; fol. 48 retto i peut- 
être aussi pmsait-il à un 'autre passage de PtcJémée 
que j'ai trouvé depuis, IV, cap^. g, et où il semble que 
ce géographe déngne le même goUe : Kàln^, &{ xalfirat 
T^X*"* Oô^w' ^*" TA ^f'V- ^ *^^ 1^ ^f» bai-ibnds, 
^a^i»,hrwU(^ brevia et syrtes, Vue. Ma. I, lit), 
conyne on aurait pu traduire, au lieu àepropler astus 
que l'wi trouve dans la version latine. Si à la place de 



tzedbïGoOglc 



106 SSCTIOll DEUXIÈHE. 

jusqu^à quatre cents lieues de distance des 
Canaries, que la Mer de Sargasso appartient à 
des bas-fonds voisins de cette chaîne, et que 
les courans de l'est à l'ouest portent ces varecs 
sur le littoral d'Haïti. Voici le texte de l'extrait 
, d^Las Casas pour le t5 janvier i^gS : « Co- 
lomb trouva beaucoup d'herbes dans cette baie 
{de las Fléchas ) ; ces herbes étaient d« même 
nature que celles qu'il rencontra dans l'Océan 
(en elgolfo) lorsqu'il allait à la découverte 
(de Guanabani) : c'est pour cela qu'il croyait 
à l'existence d'autres îles vers Vest en conti- 
nuation de celles qu'il avait commencé à trour 

^xfv^ia e. il ^(ait penois de lire Spa^iio. $. on pourrait 
croire que le golfe dont parle Ptolémée, VII, cap. 3, 
af^rtenaît au ntare hreve , le même qu'Aristote 
{Meieor. lib. 11, p. 354, a, lin. 3i, éd. Bekk. ) suppo- 
sait tfid (rmlùv. Je puis du moing dter une grave 
autorité «o feveur du changement de exirpa^tix en 
êpaxtix- M. Letronne avait marqué cette correction 
sur ton exemplaire de la Géf^raphie de Ptolémée. 
H. Hanuert ( Geogr. der Griichen. uad Rainer, t. X| I, 
p. 89) opte pour la leçon tpa;^>ï2 Ai\aaca, et en effet, 
niAme chez les auteurs i-omains , le mare asperum ne, 
«e trouve pas seulanent dans le laogaf^ poétique 
(Hoi.lib. 1, od.5,v. 6; Vibg. £n. VI, 35i),maia 
^uasidan» la prose historique <[Liv. XXXVII, 16). 



tzedbïGoOglc 



SSCTIOK DEUXIEME. IO7 

ver. Il regarde comme certain que cette 
herbe (le Fucus natans) naît sur des bas- 
fouds près de terre, et il dit que sHl en est 
ainsi, ces îles sont très près des îles Canaries, 
et qu'on doit admettre que les Indes n'en scml 
éloignées que de quatre cents lieues. » D'ail- 
leurs nous savons, par les Décades de Pierre 
Martyr d'Anghiera , que le courant vers 
l'ouest doit surtout avoir laissé une profonde 
impression sur l'ima^alion des compagnons 
de Pamiral lorsqu'ils remontèrent une grande 
partie du Vieux Canal, Suivant Anghiera quet- 
ques-uns admettaient qu'à l'ouest de l^e de 
Cuba se trouvent des ouvertiuvs dans lesquelles 
se précipitent les eaux '. Comme dans sa 
quatrième navigation Colomb avait reconnu la 
direction du continent du nord au sud, de- 
puis le cap Gracias a Dios jusqu'à la Laguna 
Chiriqui , et qu'il avait éprouvé en même 
temps le courant qui porte vers le N. et 
N. N. O; effet du choo du courant équatorial 
( E-0. ) contre le littoral, des observations de 

■ • Fauces in angulo sinpali magnx illiug tellunst 
quK rabidas aquas absorbeant. > OceanUa, Dec. 111, 
lib. VI, p. 55, a. 



tzedbïGoOglc 



108 SECnOK DEUXIÈME. 

t>e genre préparèrent à Fapercu vrai de voir 
dans le Gulf-Stream^ dès que la navigation 
fîil étendue au golfe du Mexique et au eamd 
de Bahama , une continuation du courant 
équinpxial de la Mer des Antilles, modifié et 
viiôfîé par la configuration des cÔtes qui lui 
opposent des (Stades invincibles. Angbiera 
a sui-vécu assez, long-temps à Christophe Co- 
lomb ppur sentk- vaguement ces effets d^im- 
pulsion et de déviaticm dans le mouvement 
des eaus tropicales. Il parle ' du toun^oie- 
ment ou remous auquel ces eaux sont sou- 
mises (« objectu magnœ tellurîs circumagi u), 
et tes poursuit jusque vers le Bacalaos (vers 
l'embouchure du fleuve Saint-Laurent), qu'il 
imagine être placé plus au nord, au-delà de 
la Tierra de Esteçan Goniez. J'ai déjà déve- 
loppé dans un autre endroit ^ combien l'expé- 
dition de Ponce de Léon, en i5ia, a contri- 
bué à préciser ces idées, et que dans un Mé- 
moire écrit par âr Hum&ey Gilbert entre les 
années 1567 el 1576, on trouve liés les mou- 
vemens des eaux de l'Atlantique depuis le 

' L. c, p. 57. 

« Voyet (om. Il, p. a5o, n..i.. 



tzedbïGoOglc 



58CTION DEUXIEME lOQ 

cap de Bonne-Espérance jusqu^au banc de 
Teire-Neuve , dVprès des considérations gé- 
uénles entièrement semblables à celles que 
le major Rennell a exposées de nos jours. 

Colomb attribue, dans la Mer des Antilles, 
la multitude des jles et leur configuration 
miîfonne à la direction et à la force du cou- 
rant équatorial. « C'est, dit-il ', par la rapidité 
avec laquelle courent les eaux (de TOcéan^ 
que tant de terres ont été enlevées [comtdo, 
man gées ) ; c'est par la même raison qu^il y a 
un si grand nombre d'îles dans ces parages, 
Ues dont la forme même rend témoignage du 
fait (kace deato testimonio) : car d'un côté 
toutes ces îles sont très alongées (dans la di- 
rection du courant de l'ouest à l'est ou du 
nord-ouest au sud-est *), tandis qu'elles sont 
très peu étendues du nord au sud et du nord- 
est au sud-ouest. Il est vrai que dans quel- 
ques localités les eaux n'ont pas ce même 
coUrs (E-O.); mais cela ne s'observe que là 

' N*v. t. l,p, a6o. 

' Ceue (lu«ction N. 0. — S. E. §'applique à lapar- 
làe Dord-est dea trou lies d« Cuba , d'Haïti H de 
la JamaÏ4]ue. Compares Belat. hht, t. III, p. 370. 



tzedbïGoOglc 



110 SECTION DEUXIÈMB. 

OÙ quelque terre (promontoire) s^oppose et 
fait que les eaux prennent une autre route. » 
Luttant contre les courans à Fouverture du 
petit golfe de Paiia, Oïlomb ' reconnaît « qu^an- 
ciennement l'île de la Trinité et la Tierra dé 
Gracia (le continent) ont formé rnie masse 
continue. » Il ajoute « que Lmirs Altesses se 
persuaderont (de La Térité de cette supposi- 
tion ) à la vue de la carte (peinture de la terre) 
qu^il leur envoie, pintura de la tierra qui est 
devenue ime pièce importante dans le procès 
du fiscal • contre don Diego Colomb. 

Si ces idées siu* la configuration des îles 
considérée comme effet de la direction cons-' 
tante des courans pélagiques se trouvent con- 
formes aux .principes de la géologie positive, 
l'hypothèse au contraire de l'irrégularité de 
la figure de la terre et de son renflement 
{cotno leta de muffer^ wwï pelota redondà) 

■N«T.t.l, a53. 

' Vojez les témoignages de Bemardo de Ibarra, d'A- 
lonzodeHojeda etde Francisco de Morales, Nav. t. III, 
p. 539, 587, cmcemant la ■ cartade marear » figura 
quebizoel Almirante, senalando loa rumbos e vientoa 
por lot quales vino a Paria, qu'on dit Être partie de 



tzedbïGoOglc 



SICTIOR DEUXIEME. m 

vers le promontoire de Paria et le delta de 
rOrénoque, déduite de fausses mesures de la 
déclinaison de Tétoile polaire, indique dans 
G>lomb, comme nous Tavons déjà fait remar- 
quer plus haut, une faiblesse de Connaissances 
mathématiques et un égarement d^imagtnalion 
qui ont lie» de nous surprendre. De plus, 
cette supposition a d^iuie grande hauteur à 
laquelle on monte en naviguant des Açores ;iu " 
sud-ouest vers les Bouches du Dragon, à 
Vextrémité de ^Orient, u se lie dans l'esprit 
de l'amiral à la persuasion que le Paradis 
terrestre est placé dans ces mêmes lieux ; 
Voici eommmt il sVxprime dans la célèbre 
lettre aux monarques espagnols datée d'Haïti 
(octobre 1498} : ■■ Les saintes Ecritiu'es ' 
attestent que le Seigneur créa le Pu^dis, et y 
{Jaca Tarbre de la vie, et en fit sortir les 
quatre plus grands fleuves de Tuoivers, le 
Gange -de lUnde, le Tigre et TEupbrate (ici 
manquent quelqtfes mots dans la co|»e laite 
par IVvéque Bartolomé de Las Casas et con- 

' Navabr. t. I, p. a58. Il est presque superflu d'a- 
vertir que les mots français mis entre deux parenthèser 
iontdes explications que j'ai ajoutées. 



jbïGoogle 



113 SBCTION DBVXIBHC. 

sérvée dans les archives dii duc de rinÊm- 
tado)... , s^éloignanl des montagnes pour 
former la Mésopotamie et se terminer en 
Perse, et le Nil, qui naît en ËtMopie et va à 
la mer d^Alexandrie. Je ne trouve ni n^ai ja- 
mais trouvé dans les livres des Latins ou des 
Grecs quelque chose de prouvé sur k site 
de ce paradis terrestre : je ne vois rien' de 
colain non plus (con autoridad de argu- 
mento) dans les mappemondes. Quelques-uns 
te placèrent là où sont les sources du Nil, en 
Ethiopie; mais \es voyageurs qui ont par- 
couEu ces terres n^ont trouvé ni dans la dou- 
ceur du climat (temperancia del cielo) , 
ni dans la hauteur du site vers le ciel 
( la altura hetcia el cielo ) tien qui puisse 
&ire présumer que le Paradis est là , et 
que les eaux du déluge aient pu y parvenir 
pour le couvrir {qite las aguat del diluvio 
hohiesen llegado aUi^ las cualas sabieron 
encima). Plusieurs païens ont disserté pour 
établir qu'il était dans les îles Fortunées, qui 
sont les Canaries... Saint Isidore, Béda et 
Strabus (sans doute Tabbé de Reichenau ' le 

< Vovez tom. II, p. 347. 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXIÈMB. Il3 

maître de l'histoire scolastique (?), saint Am- 
broise, (Duns) Scot, et tous les théolo^eus 
judicieux (sanos) , affirment d'un commun 
accord que le Paradis est en Orient... J'ai 
déjà dit ce que j'ai trouvé dans cet hénùsphire 
(occidental) par ra|^ort à sa forme (hechura^ 
ColoDil) fait fusion au renflement). Je pense 
que s'il m'arrivait de traTerser l'équateiu* et 
de parvenir à la partie { du globe ) la plus 
élevée {llegando alli en esta mas aito),je 
trouverais encore plus de douceur dans l'air 
et plus de changement dans les étoiles (dans 
levtrs distances polaires apparentes), et -dans 
les eaux (qui y seraient plus douces)^ non 
que je croie que là où est la hauteur à l'extré- 
mité (de l'Orient? alli donde es elaltura âel 
extremo) on puisse naviguer ou qu'il y ait de 
l'eau, ou qu'on puisse' y monter : car per- 
sonne, si ce n'est par la vtdonté du Très 
Haut, ne peut arriver au Paradis terrestre. 
Je crois que cette terre (ferme) qu'à présent 
Vos Altesses m'ont feit découvrir est très 
étendue, et qu'il y a plusieurs autres terres 
vers le sud dont on n'a jamais eii de notions. 
Je n'admets pas que le Paradis soit sous 
forme d'ime montagne escarpée {tispera), 



tzedbïGooglc 



Il4 SKGTIOK SCUXIBME. 

conune les descriptions (el escrebù- deUa) 
nous le montrent : il est au sommet de ce que 
j^a{q>elle la tige de la poire (en ei colmo aUi 
donde tUje la figura del pezon de la pera; 
Odomh, compare le renilraneni: partiel, Firré- 
gularité dans la figure ^^érique du gli^, 
tantôt au tetio d*une femme, tantôt au pédt- 
cule de la poire). Pour approdier peu à peu 
de ce site, on va en montant de très loin. 
Cest de là que peut venir cette tâtonne quan- 
tité d''eaux {de la» Bocas de la Sierpey del 
Drago), bien que Leur cours soit extrém»- 
œcDt longi et ces eaux, (du Paradis) anÏTent 
là où je suis, et y forment un lac. Tout cela 
sOQt de grands indices du Paradis terrestre 
(desonToisinage),carle)ocal est entièrement 
confonne à l'opinion de ces saints et judidisiix 
théologiens {opinion de eslos santos é sanot 
feohgoi), d'antant plus que mdle part je n'ai 
lu ni ouï dire qu'ime si immense quantité 
d'eau fôt ain^i au milieu ( adentro) et dans le 
voisinage ' de l'eau salée, et le tout sous un 

' Colomb fait allusion aux couiaos {M/os') d'eau 
douce qui se fraient un chemin k travers l'eau galée, et 
causent par ce combat ( petea ), en sortant du goHè de 
Paria, une mer clapoletue. (Nitv. I, p. aS3.) 



tzedbïGoOglc 



SECTION pEUXiÈUE. Il5 

climat d'une douceur admirable : cai- si cette 
eau ne sortait pas du Paradis ' la merreilfc 

'Vers la fin de laleUre(N*T. 1. 1, p. a6a), l'amirai 
i-épète: < Si cette rivière, qui forme non un ilac, mais une 
mer (car on nomme un grand lac une mer, conime la 
Mer Morte), ne sort pas du Paradis, elle doit venir 
d'une terre infiniment grande (prolongA^ vers le sud. - 
C'est le passage souvent cite, dans lequel Colomb dési- 
re Judicieusement le rapport qu'il y a entre la masse 
d'eau d'un fleuve et la longueur présumable de soii 
cours. L'assertion étant conditionnelle (si no proceile 
del Paraito), elle ne prouve aucunement, comme on Ta 
aflirmé si souvent, que Famîral n'avait reconnu qu'aux 
bouches de l'Or^oque, dans sa troisième expédition, 
qu'il avait découvert une fen-e ferme. Dans la même 
lettre (octobre 149^)) qui renferme les rêveries sur le 
site du Paradis, Colomb dit très explicitement que déjà 
dans le tecond voyage, oii il prit Cuba pour un pro- 
longement d'Asie, il découvrit • por virtud divinati'i'i 
lUues de terre ferme à la fin de fOrieiU, et (l'exagération 
«at UD peu grande) 700 Iles considérables. • Nav. 1. 1, 
p. 343.) Je trouve dans une lettre (f Anghiera, Pami de 
Colomb, fiiussement datée dans^ t'édilion de Bâie de 
i533, comme étant écrite leriio nones oeiùSret 1496, 
que dès la troisième expédition cm croyait le continent . 
de Paria contigu au continratdeCuba. « Pariam Cubx 
contignam et adhxrentem putant. • (Peth. Hirt. ai 
Ansh. Episiolm -a, CLXIX.) Les' compagnons de Co- 
lomb, dit Anghiera, se persuadèrent, en 149^1 par l'é- 



jbïGoogIc 



l\6 SECTION DEUXrEHE. 

serait encore plus grande , puisque je pense 
(le copiste Las Casas ajoute : diee verdad) 
que nulle part dans le lïLonde on connaisse 
une rivière ' plus grande et tellement pro- 
fonde. I' 

tendue des c^tes, l'élat moral des habitans et la ■imili- 
tude des animaux avec quelques espèces d'Ëiu-ope, que 
la leiTede Paria était une terre. • Ftiitmagno notù-is 
argumcnio terrant eam esse coniintniem. ■ L'importance 
qu'Anghicra met à ce résultat semble indiquer que lui- 
même, malgré lea senneas que Cdlomb avait lait pi-é- 
ter, n'était pas trop persuadé que Cuba fÙt un coali- 
nenti et que dans l'esprit de ceux qui ne faisaient pas 
descendre l'Oiénoque de la ttalion élevée du Paradis, le 
troieième voyage de l'amiral établit seul la certitude 
d'une découverte de terre ferme. 

'Ni Colomb (1498), ni Hcijeda, acccompagné de Ves- 
puce (1 499)) n'ont TU la grande et véritable embouchure 
de l'Orénoque, la 6iM-a i/e iVocMU, entre le capBarimaet 
l'Ile des Cangrejos. Cette embouchure n'a été décour- 
verte qu'en i5oo, lorsque Vicente Yanez Pinzon re- 
tourna de l'embouchure du Haragnon {Bêlai, hitt. 
t. Il, p. 706). Colomb, trompé par les coiuans d'eau 
douce qui pénètrent dans le goliè de Paria, se crut près 
de la bouche d'une grande rivière, tandis que sa navi- 
galÂon ne le conduisait que devant let Jeux branches 
les plus oceidentalei du delta de l'Orénoque, les Caiios 
Pedamalea et Manamo. (Voyes ma Carte de Colombia, 



jbïGoogIc 



SE6TI0» DEUXIEME. II7- 

Ces idées de Colomb paraisseat avoir eu 
peu de succès en Espagne et en Italie., où le 
scepticisme en matières religieuses commen- 
çait 8 germer. Pierre Martyr d^Angbiera, 
dans ses Ocearùca , dédiées an papci Léon X, 
les nomme « des- fables auxquelles il ne feut 



tzedbïGooglc 



Il8 SECTION DEUXIÈME. 

passe entièrement sous silence <■ JW eu torl 
tlVttrî^uer dans un autre ouvrage • les rêve^ 
ries de Colomb sur le Paradis terrestre à IV 
inagination poétique du navigateur : elles n^é- 
taient que h reflet d'une hausse érudition; 
elles tenaient à un système ccntqiliqué de cos- 
mologie chrétienne, exposé pal- les Pères de 
PEglise, et que je ne puis mieux faire con- 
naître' qu\n insérant ici le fragment d'une 
lettre que je dois à mon savant et illustre ami 
M. Letronne : 

« Vous me demandez des éclaire issemens sur la 

eedin sua rotunditate Ummlum quendam eductum 
cum crearetur fuiue ; ita quod Don pil» aut poitù, ut 
alii sentiuBt, sed pin ariwrî appmsî fbnnam sumpaerit 
Pariamque esse re^nein qwe supereminentiain illam 
coelo vidiiiorem poRsideat, Unde in trii^n illorum cul- 
mine montium (Insubs Trinitatis) quos e cavea apecu- 
laur^ nauCam (du liaut du mât) a longe vidiase 
BiemwavimuR, Paradisum terrestrem esse aweverat, 
rabiemque illam aquarom dulcîiun de sinu et âueibos 
pnedictis enre f^viam naiis flnxui vuiienli conantem, 
esse aquanim ex ipus montitim culninibue in ^seeps 
descendeatium. De hU tatit, eum /aiuhs» mUi vi~ 

' f^ida, cap. 6fr-7». 

■ Tabhauxde la nature, t. \, p' i6o. 



tzedbïGoOglc 



SBCnON DEI/XISHE. 1 1^ 

potîtioQ que les Pères de l'Église ont assignée av 
Paradis terrestre, et sur les notions gt^ograpbiqnes 
qui ont pu les conduire aux id^es qu'ils se font 
faites à cet ^ard. Je répondrai à votre désir «i 
vous présentant Textrait d'un Mémoire que j'ai lu 
à l'Académie des inscriptions et belles-lettres dans 
le courant Ae l'aimée iSsSt et qui depuis «it ruté 
inédit, parce qne je ledeslinais à nn plus grand en- 
actnble dont je ne voulais pas le détacher. 

u Od peut réduire les opinions des PÈr«s de l'E- 
glise sur cet objet â deux principales,: l'une, qui 
plaçait le Paradis terrestre dana notre terre habi- 
table; l'autre, qui le mettait dans Vantichtîione ob 
terre opposée à ^habitable. 

i. Situation du Patadie à l'orient de la terre habi- 
table. 

K Ceux qui le placèrent dans notre terre habita- 
ble supposèrent qu'il ea oocoftait Ja partie laplu» 
orientaie: ils se fondai»it sur l'nqtression de.la 
Genèse, dans la version des Salante : « Dieu avait 
u ^anté ven l'orient ( -an «varoUf ) un jardin 
« délicieux. » {Genea. II, 7). G'eat' en cona^- 
«juence de ce texte qne Jooèphe Çiint. jud- 1, 1 < i3) 
et les premiers Pères gracs s^aocordèrent & m«tti^ 
le Paradis vers les sources de llndns et du Gan^. 
^cf. Lad.. Vives ad S. kva.^de Civ. Dei, t. tt, 



tzedbïGoOglc 



120 SECTION DEUXIBBIB. 

p. 5o)- Cette opinion devint générale dans tout le 
moyen âge. On la retrouve dans l'anonyme de 
Ravenne(T, 6, p. i4); elle est clairement eiprimée 
sur la carte d'André Bianco : et c'est par soile de 
cette idëe si répandue que Christophe Colomb, 
parvenu sur la cdte de rAmérique méridlonaley 
crut toncber au Paradis terrestre. 

u Mais elle présentait de graves difficultés. D'a- 
près tes lextes formels de la Genèse, dens des fleu- 
ves du Paradis étoient VEuphratè et le Tigre. 
Comment concevoir qu'ils pussent sorti* de ce 
lieu de délices, si on le supposait plac^ dans l'Inde? 
Un autre de ces Seuves, le Gihon ou Géon, envi- 
ronnait r Ethiopie {Gen. H, i3), et> selon Jéré^ 
mie, le Géon est le NU (II, 38) ; aussi les Pères de 
l'Église sont unanimes sur l'identité de ce fleuve 
avec celui d'Egypte, en même temps qu'ils étaient 
forcés d'admettre que c'était l'Indus ou le 
Gange. 

« Pour lever ces àiormes diffioullés, on eut re^ 
cours à l'ancienne opinion sur le cours souterraJB 
des fleuves. On imt^na que l'Euphrale et le Tigre 
avaient en efiét leur source dans llnde, où était* le 
Paradis terrestre, et' que se perdant sous terre, ils 
étaient amenés par des canaux invisibles jusqu'aux 
montagnes de l'Arménie on de l'Ethiopie, d'où ils 
ressorlaient de nouveau^ C'est là oe que disent 
Théodoret ( in Gen. Opp. t. I, p. 28, B. C)^ 



tzedbïGooglc 



SEGTIOH DEUXIEME. 121 

l'anouyine cleRftV£nne(I, 8, p. 19), l'auteur d'un 
fragment surleParadis (ap. Sqlm. Ex. PL p. 4S81 
<i»l. 1. B.), et d'antres encore. 

« Une opinion analogue est ratposëe par Sévé- 
rianusde GabaU, qui fait du PhUon]e Danube 
(de Créât. Mundi, p. 267. A.), de mètne que 
ÏTiiatorien Léon Diacre (VIII, 1, p. 80. A. iA. 
Hase). Ce grand fleuve venait de l'Inde par dessous 
terre, et ressortait par les montagnes Celtiques, 
comme le Géonpac celles de l'Ethiopie, après avoir 
coulé sous l'océan Indien ; vojnge que Philoslorge , 
trouve facile à comprendre (Hist, ecdea. III, 1 o); 
de cette manière, on expliquait aussi comment le 
Géon, selon les termes de Moïse, environnait 
rjî^iopie. 

« Or, ce système d'esplicaliou, qui nous semble 
*i étrange, devait paraître fort naturel aux Pères 
de l'Eglise, et lout devait les porter à admettre cette 
solution commode d'une si grave difficulté : car 
l'opinion du cours souterrain des fleuves, consa- 
crée dans les aucîenues traditions de la Grèce, était 
entrée dans leus les esprits, et l'on voit les bisto- 
ricns et les géographes l'admettre sans aucune peine 
à des époques encore assez récentes. 

« Ainsi Pomponius Mêla, qui copie des idées 
plus anciennes que lui, admet que le Nil prend sa 
source dans Vantichthone, séparée de nous par la 
mer, en passant sous le lit de l'Océan, et qji'il ar- 



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1 2K SIGTION DEUXTBMK. 

rive dans la Haute Ethiopie, d'où il descend en 
Egypte (1, 9, 5i). C^la ne s'ëloigne pu bennconp 
de l'opinion de Pbilostorge. Sans parler de UjoDc 
tion prétendue de llnaobos d'Acamanie avec celui 
de rÉIide, du Nil avec llnopiu de Délos, et d'au- 
tres ojMnioos locales que l'on croyait f^mement, 
il suffira de se souvenir t^ae le voyage de l'Alpha à 
Syracuse per^deisous la mer loaienne ëtait un fait 
admis et leconnu par Timëe, qui racontait sérieu- 
sement qu'on avait vu un flacon jet^ dans l'Alphée 
^ ressortir dans ta fontaine ArAhuse-, et par Pausa- 
nias, qui n'en doute pas le moins du monde, rt se 
fôcherait presque que l'on en doaUt (V, 7, a). 
Seu^ue établit de même la possibilité de ces voya- 
ges souterrains : /ton equidem exiatimo diu te Jiœsi- 
taturum an credaa tsse subterraneos amnea et 
mare abaconcUtumf et il donne pour preuve le 
voyage de l'Alpbée en Sicile : quid, oum vides 
Alpheum... in Achaia mergi, et in Sicilia ruraïUf 
Irantjedo ?nari, effimdere amarûaaimum fontem 
Arethttaam. (Quœst. nai. III, a6, 2). Il ne fiiut 
donc pas s'étonuer si Erstostbène croyait que les 
marais de Rbinocolura étaient formés par les eanx 
de l'Eaphrate et du Tigre, qui s'y rendaient en 
suivant des canaux souterrains de 6,000 stades «le 
longaeur. (Ap. Steab. XVI, p. 74 '■ 74^)- Ëncoi^t: 
Hu temps de Paosanias et ée Pbilostrate, il y avait 
jdes gens qui croy&ient que l'Eupbrate, après s'être 



tzedbïGooglc 



SECTION DEtIXiÈHE. 123 

perdu dans un roarau, reparaissait sous le nom de 
Nil aux montagnes Je l'Ethiopie. (Paus. Il, 5, 5 ; 
Philostr. Fît. JpM. Tyan. I, 14.) *, 

<( Assurément il n'y a pas loin de ces explications 
ù Celles qae les Saints Pères adoptèrent plus tard. 
Les notions de celte étrange physique étant i ce 
point entrées dans les esprits, quand on fiit oUigé 
d'y avoir recours pour concilier la posHion connue 
des grands fleuves, le Danube, le Nil, l'Eaphratc 
et le Tigre, avec celle qu'on assignait au Paradfs 
terrestre iju'ils arrosaient, on ne pouvait en être 
d^toumd par la ni^cessitë d'admettre ces voyages 
souterrains. 

« Il faut ajouter que ces voyages euK-mémeS, et 
l'ascension des fleuves du sein de la terre jusqu'aux 
montagnes, ne devaient point jmrattre invraisem*- 
blablesy d'après les id^ que toute l'antiquité s'é- 
tait faites de l'origine des rivières; car on pensait 
que d'immenses réservoirs eiistaient dans les en- 
trailles de la tef re, et que les eaux en sortaient sou- 
levées par ime certaine force d'ascenston nommée 
ààifa. , analogue à celle qui pousse les matières 
enflammées dans les éruptions volcaniques. (Pla- 
ton, Phœd, % 60, cf. Wtttenbach adh. t. 
p. 3i3^, etHvKBOLDT, Ûbcr den Bau und die 
ff'iriung der f^ulk. S. 53). La même doctrine 
ïespire dans le conte que faisait un certain Âsclé- 
piodole, quijdescendu dans une mine abandoiftiée, 



tzedbïGoOglc 



124 SECTION DEUXIÈhe. 

Tricontait (]u'il y avait vu d'inim^scs réiiéTvuirs 
d'eau donnant naisnance à de grands fleuves 
(SbjBC. Quceat. nat. V, i5, i). Ce conte n'é- 
tait que l'expression d'une opinion admise, et 



îbique Hejne et Voss.) 

U'On voit donc que les Pères de l'Eglise, en 
admettHot le cours souterraio des flenves pour 
lever la grande difBcult<; ijui les arrêtait, ne faisaient 
«{u'appliquiT une notion qui <'tait dans tous les 
esprits, et <fue ni eux ni Uurs lecteurs ouileurs au- 
diteurs ne pouvaient avoir aucune peine à su con- 
tenter de celte explicaiion. 

II. Situation du Parodia dont VanUclUhone. ■ 

«Cette première opinion , toute satisfais,inl>; 
qu'clle pouvait paraître, présentait cependant en- 
core une difficulté grave qui força quelques-uns de 
chercher une autre place au Paradis. 

« Si le paradis était situé dans notre terre habi- 
tdbfe, se disait-on, pourquoi n'y est-on jamais 



:i!,Googlc 



SECTION BEVXIÈME. 125 

panreou? Gotvmentqudques-unsdes voyageurs ^ï 
se rendent dans la Sériqne n'en orït-ils jamais eu 
de nouvelles? C'est là ce que se demande Cosmas 
(7^. ChrUt. p. 14^1 D-}; et la question estasses- 
embarrassante. Plusieurs se tiraient de ce pas diffi- ' 
elle, eu disant que Dieu n'avait pas voulu qu'on vtt 
le Paradis depuis le dt^Juge. (BOXHOAN. ad SuJf. 
Sev, p. 7, col. 3.) Cette solution^ bien que coni' 
mode, ne satisfaisait pas tout le monde. 

« Il fallait donc songer à pincer le Paradis dans 
nn lien inaccessible aux eflbrls humains. L«s uns 
supposèrent 'qu'il ëlait situ^ sur un des points les 
plus élevt's de la terre i]ue n'avaient pu atteindre 
les cnni du déluge; et ctlle opimon de saint 
Ephriem > parait n'avoir pas é\é ipconoBe k Co- 
lomb, d'après les dodes éclajrcissemens que con- 
tiennent les pages préc^eotes. Les autres placèrent 
le Paradis dans une terre sîtUL'C de l'autre côté de 
rOct'an Indien, dans une partie opposée k l'Inde, 
et au pajs de Tsinas ou Tsînilze, par ronst^quent 
toujours R l'orient, xar xtxnkif , selon l'expression 
littiTiile dont on ne voulait pas s'écarter. C'est l'o- 
pinion de Cosmas, que ce moine n'a pas plus in- 
venlée que le reste de son système cosmographiqile. 

. ' niïTwv T(ûv O^tifiàioiiv TMï ipaiuï ù^ltTipot o napâ- 
Jftffs;, (Ap. Sjneeli. p. i4- Paris, p. a6, Bonn^ 



D.nt.zedbï Google 



126 SECTION ui^vx^kf^E. 

« On fit revivre de cette manière Vantichtfuuu > 
oit.terr» opposée des anciens, située dang la zone 
australe. Cette notion, qui se lie & celle des xones, 
des terres oc&nipooes et des antipodes par des rap- 
ports curieux à observer, mais que je dois m'in- 
terdite de présenter dans cet extrait; eetle notion, 
dis-je» de farUichthone fut toujours, au moins de- 
puis Platon, distÏDguée de celle des !les, plus ou 
moins âoigaées, qu'on supposait répandues dans 
rOc^n* La grande terre méridionale, proprement 
Yaniic?Uhone, habitable comme la nAtre, dont elle 
est séparée par l'Océan, est admise par Âristote el 
Éralosthène *, Virgile, dans les Géorgiques, n'-a 
fait que traduire les vers de VHermàt du philo- 
sophe Alexandrin. {Georg. \, sSS-aSg.) Ce iiit 
Topiuion de l'école d'Alexandrie, à Texception 
d'Hipparqne et de ses partisans ; on la retrouve 
daus7tf &>f^^deScipion, dans Manilius, Mêla et 
Macrobe. Ce dernier, en exposant cette doctrine 
aristotélique que les deux terres habitables, ^îtuées 
en regard Tune de l'autre, sont séparées par un 
océan qui occupe toute la zone torride, établit que 
cet océan estlui-méme environné de quatre autres 
terres, séparées par de larges canaux qui portent 

' 11 ne peut être ici' question de r<tffU<>Monepyt)ia- 
gorici^ne, qui était an corps cdeate. 



tzedbïGoOglc 



SEfrrtON DEUxiBUE. 137 

datu uotre hémispbèFelea e>ux de l'oc^Q exiërieur 
(in Smnn. Scip. II, 5) ; id^ singulière, ijui prë- 
seate aa mélange de diverses notions fondées sur 
le système homérique : et je doute à peine qu'elle 
soit empruntée de quelque commentateur dHo- 
mère qui aura voulu donner une explication aa~ 
vante du fleuve Ocf'an et de ses aources. 

« Le système de Macrobe offre une analogie 
assez frappante afëc celui de Cosmas, en ce que 
l'océan qui entoure les deux terres habitables est 
borné de tous c6tés par des terres inconnues. Il 
en existe encore ailleurs d'autres traces qu'il sérail 
trop long de relever ici. 

« Mais ceux qui plaçaient le Paradis dans l'on- 
Uchihone pour expliquer c<nnifient il était resté 
iiKOnuu depuis le dt^uge, n'auraient pas beaucoup 
gagné à cette bypothèse, s'ils n'avaient pas en même 
temps supposé innaviguable la mer qui séparait 
cette terre de la nôtre. C'est à quoi notre Cosmas a 
pris soin de pourvoir. 

u Et encore ici il n'a été que l'écbo d'une des 
opinions les plus anciennes parmi les gét^apbes 
grecs. 

« Car une fols que l'existence des terres hyperocéa- 
nùttmM eut étéadmiie, il fallut trouver une cause 
qui ^pêcbait les navigateurs d'y parvenir. Vo$s 
croit que les Phéniciens avaient beaucoup contribué 
à répandre celle opinion, pour détournerles navign- 



tzedbïGoOglc 



tii SSCTION DEUXIÈME. 

leurs des autres nalioiis de suiivre leurs traces. Cela 
se peut. Mais et; qui est certain, c'est qu'on voit 
cette opinion se moulrer à presque tniites les lîpd- 
ques. Dcja S^sostris, dans ses navigat ions lointaines, 
avait été airfitv par les bas-fonds de l'océin cstd- 
riear. (HÉROD. H, i03.) Selon Pindare, la mer 
csl innaviguable au-delà des Colonnes (Ut, Nem.. 
97, ibique Disseo)-, Euripide le dit également dans 
VHippolyie {y. ^^4)- L'expédition dlfannon re- 
poussa cçs bns-fonds au-delà de Cerné ; et celle de 
Pylhe'as en débarrassa les côtes occidentales de 
l'Europe. Celte idée perce de Ions càtés. Denya 
dUalicarnasse dit que les Kotnaïns possèdent tou- 
tes les terres où l'on peut pénétrer et toutes les 
cAtes oii l'on ^u/ naviguer. (^/i<. Rom. I, p. 5, 
I. ao, Sylb.) Toutes les mers extérieures étaient 
censées innavigabUa à une certaine distance des 
côtes ( Suidas, v. âirlwTa ), 3t cause des fucus et 
des baa-fonda; elles étaient JtpxaiiS') ou jcniù^» 
(Tatian. ad Grœcosy p. 76). Âgathémère et 
Ptolémée placent aussi une mer basse , ep^/tt" 
Bakaana , entre l'Océan Indien et U cAte orientale 
del'Arnqne. (Agath., Il, 11, p. 345; i4, p. 'i43.) 
Gléoméde,postérieuràtous les deux, dit que les an- 
tipodes sont sé|Mirés de nous par un océan innavt- 
gable ( «Tiiuret ) , peuplé de cétacés énormes. 
{Cycl. Theor. I, 2, p. i5. Balf.) 

« Une notion aussi répandue cbes les savana 



tzedbïGooglc 



SECTION DEUXIEME. I29 

<lu pagauisme iic pouvait manquer d'être adoptt''e 
par ceux des Pares <jui croyaient en avoir besoin 
pour lever certaines difficultés d'interprétation. 
Saint Clément de Borne, au dire d'Origéne {de 
Princip. 0pp. I, p. 81, D; III, p. p. ^ai. À), 
et de Clément d'Âlesandrie {Strom.y, p. SgS, 
uh.), croyait « qu'il existait un océan impossible 
à traverser, au-delà duquel il y avait d'autres 
mondes, n Saint Basile pensait de même {ad Psalm. 
XLVII, 2, p. 301), ainsi que Tatien, Constantin 
d'Antiocte dans Moyse de Chorène (ap. S. Martin, 
Mém. sur V^rménie, II, 325), Jornandès (ap. 
Murât, rer. ilal. I, 191), Bedale Vénérable et 
beaucoup d'autres. 

H Ainsi, comme on le voit, l'opinion que nous a 
transmise Cosmas^ ainsi que beaucoup d'autres des 
Pérès de l'Église que j'ai expliquées ailleurs {Revue 
dea Deux Mondes, i854, mars, p. 601), avait sa 
racine dans des hypolbèses fort anciennes, fort ré- 
pandues, presque populaires, et qui devaient leur 
paraître tont-â-fait raisonnables et concluantes. » 

Dans les éclaircissemens qui précèdent, 
M. Letroime nous a tracé la voie par la- 
quelle ridée du site du Paradis terrestre a 
pris naissance dans Fesprit de Colomb. La 
lettre adressée à la reine Isabelle (octo- 
bre 149^)1 dont jW donné plus haut quelque^ 

m. 9 



tzedbïGooglc 



l3o SECTrON DEUXIEME. 

extraits, comme aussi un passage txés remar- 
quable du journal de navigatimi de' 1^93, at 
laissent pas le moindre doute que l'amirat 
suivait J'opinion des Pères de l'Eglise qui pla- 
çaient le Paradis à Torient de la terre habi- 
table 1. Je ne puis par conséquent pas me 

' CxÀamb Téféte encoreà la fin de laletb-edeiji^ : 
• Tengo asentado en el aDima que alli (en estas 
tieiras de Paria nuevainente descubiertas) es el Paraiso 
Lerenal, • celui que • san leidoro y Beda y Strabo y 
San Ambrosio pooeD en el Oriente. • Nav. 1. 1, p. a5g 
et i64- Mais cinq ans avant, comme le prouve un pas- 
sage entièrement négligé du journal du premier vojage 
(ai février 14^3), l'amiral exprime déjà la même idée 
avec h même clarté. Après avoir essujé une gi'ande 
(enpMe pris des lies Açwes (tempête pendant la- 
qudle il se lamente de laisser deux jeunes Sis, don 
Diego et don Hei-iuRdo, qui disaient leurs études à 
Cordoue, huerfanot de padre y madré en tierra estraha), 
Gilomb discute la cause de ce singulier contraste de 
climat qu'ofire l'espace de l'Ocëan entre les Acores et 
Isi Gnarin d'avec les parages plus occileitlaiu des 
Iodes, • où il ti-ouvait l'air doux et tempéra, et ob 
pendant l'biver la mer n'avait pas été grosse une seule 
heure. • II en résulte, ajoute-il, • que les saints théo- 
lo^ens et les philosophes ont eu raison de dire que le 
Paradis terrestre est situe en elfin del Oriente, portât 
tx lugoT tentperadissim» , et les terres que je viens de 



tzedbïGoOglc 



SIOTION DEUXISHK. l3l 

i-angcr du côté de ceu^ qui conjecturent, 
p«ut-rétre à cause de deyx citations de la I?i- 
vma Comedia dans les lettres de Vespuce, 
ani de la &HÛlle de Colomb, que ce dernier, 
dans SCS réTeries sur le site du Paradis, s^est 
aouTeni) non-seulement de saint .Ambroise^ 
mais aussi de la oosmograpliie du Dante, Q>- 
loinb dit, il est vi-ai, que « qualquefr-uns dé" 
erivent le Paradis terrestre sous la fornie 
d\ine montagne * à pente très rapide (mci/|- 
tana asperà), forme quV la montagne du 
Purgatoire du Dante, dont te sommet est le 
Paradis des bienheureux ; piais Colomb, dans 
le même passage de la lettre, nie ce genre de 
configuration, et tout le système de cosmo- 
graphie et de théologie du Dante est diamétra'- 
lement opposé à Topinion de Tamiral. La Di- 
pina Comedia suppose qu'avant la chute de. 
Lucifer, incarcéré dans le Centre de la terre 
(centre de gravité ou d'attraction pufttq gl 
quai si Uvtggon d'ogni parte i pesi y înf. 
XXXIV, iio), notre émisphère boFéal était 

difwuvnr .(W Gr^pdes Aalilles) forment (^t^ fin de 
VOrimi. -CW«Ti.l,p-»58.) 
' L. f. p. 359. 



tzedbïGooglc 



l32 SECTION DEUXIBHE. 

entièrement aquatique, tandis qiiHt y avait 
une grande masse continentale dans Tan- 
tichthone, dwis rémisphère austral diamétra» 
lement opposé au nôtre. C'est là que vécurent 
Adam et Eve; c''est dans ce Paradis terrestre 
de rantietfaone que la prima gente jouissait 
(Purg. I, 22) de la vue de quatre belles 
étoiles, laci sante^ de la croix du Sud « que 
les contrées boréales, dans leur triste veu- 
vage, nepBuvent jamais contempler ' * « Une 

* Voici ce beau passage : 

lo mi volsi a man destra e posi mente 

AU' oitro polo ; e vidi qUattro stelle 

Non viste mai fiior ch' alla prima gente. 

Goder parea' 1 ciel di lor fiammelle 

Oh settentrional vedovo sito, 

Poi che privato-se' di mirar quelle ! 

( texte du Parg. puèlîé par M. Artaud, 1. 1, p. 4. ) 
.Si les commentateurs de ta Divina Comedia s'étaient 
i^ouvenuB plus tôt des voyages fréquens faits au détroit 
de Babelmandeb et de l'érudition des savans italiens 
du quatoriième siècle , si familiers avec les plani- 
sphères arabes (Reihaud, dans ses notes pour ta tra- 
duction de M. Artaud, t. I, p. 1G7-170), on se serait 
moins étonné sans doute qu'en i398-i3i5, intervalle 
pendant lequel le Dante composa et perfectionna son 
admirable poème, véritable encyclopédie des connais- 



tzedbïGoOglc 



£ECT10n DEUXIStlE. l53 

épouvantable catastrophe changea la surface 
au globe. Dans notre hémisphère surgit une 
grande masse continentale dont Jérusalem 
fait le centre ; c'est aujourd'hui rhémisphère 
che la grcm secca coverchia ; dan& Tanlich- 
dione, au contraire, site du Paradis terrestre 
{Purg. XXVIII, 78 et 94), toute la masse 
centinentale est engloutie ; Hiémisphère ausr 
Irai devient ' à son tour (perpaura di lai, 
de Lucifer, Je del mar vélo) , et comme un 
cône de soulèvement (le Dante signale presr 

sances hiunaiDes d'aloi-s, on avait notion des pieds d^ 
Centaure et des étoiles de la Croix du Sud. Il n'y avait 
donc pas lieu de croire le Dante • sorcier ou pro- 
phète ■, ou ami de Marco Polo, (édition de la Divina 
Contn^io de Portire tome II, p. 7.) 

L'expression de tu , 3^) prépare 

d'ailleurs au aene à côté dusens 

astronomique aux if lustrale. (Purg- 

XXX 85.) 

' « La terre qui s' que le corps du 

traître occupe aujourd'hui, se cadie m\a les eaux par 
épouvante et ftttt vers notre liémisphâre ; peutr*tre ep 
fuyant laissa-t-elle ce vide oii nous nous trouvons, et 
atla-t-elU former cette montagne povr éviter le voisi- 
^gede l'ange téméraire. - (Trafi.de M- Artaud, t. III) 
f- '77-) 



tzedbïGoOglc 



l34 WCTION DEUXlÈfitE. 

que le {»%ux: que la masse soulevée a laissé 
dans Tintérieur du globe), se montre au- 
dessi» des eaux la montagne^ ou jJutôt Tilot- 
montagne du Pm^toire, couronné piir le 
Paradis d^ bienheureux. CTest aussi la tngf^ 
foffna bruna Ters laquelle Ulysse navigua 
d^abord de l'est à Touest, dtetro al sol, et 
puis au sud t vers rhémisphère sans habi- 
taus; » Vt l\)n peut être suipris qu^un com- 
mentateur si ingénieux ique M. Ginguené * 
ait pu reconnaître dans cette nKffitagae 
(Inf. XXVI, i33) le Pic de Ténériffe. 

En nommant ce vtJcan, je dois rappeler ici 
ique c'est à Chiistopbe G>lomb que les géolo- 
gues sont irdevs^les de la notion «t de la 
date précise d'une grande éruption du Pic 
dé Ténérifïfe. Tinsiste d'autant plus sxu" ce 
fait, qu''il a été entièrement oublié jusqu'ici 
par ceux qui se sont occupés de l'histoire des 
éruptions du pic. Les feux dont il est ques- 

■' ff'W. liuér. ^Italie, deinrième ^édilit», l. II, p. le;. 
iCoiumént tine tiiivigatiot) de dnq mois, dam iMjuelte 
on contemple les tteSe det abro polo et où l'on volt s'a- 
'baisSer jusqu'à VhoAtaa la constellation de h Gnmde 
Ourse, pourraît.«lle De pas conduire plus loin qu'aifx 
flesCananes? 



tzedbïGooglc 



SECTION DEUXIKHE. iJà 

tion dans le voyage de Hannon sont des io- 
dic«6 assez vagues de feu volcanique; ils 
peuvent avoir été allumés pour donner des 
signaux à Tapproche d« navires étrangers el 
suspects, ou pow brûler de Therbe sècba ' , 



■ G«csEu.iii, Reck. 1. 1, p. 94^8. La deuniptian «m- 
pbatJque de U haute cime du Tbeda Ochemm, envi> 
ronoé de flatoiaes, description qui contraste singuliére- 
vmt avec l'aride limpUcité du journal cartbaginoist 
pourrait bien être uDCmbelliMeinent ajouté plus tard 
et MUi l'influence de notions également confuses sur 
l'existence du grand côn« voiruanique de l'île de Téné- 
riffe. Toute la chaîne occidentale de l'AtAas, depuis le 
lac Triton « la Petite Syrte (Dion. III, 53, 55 ; voyes 
t4n. I, p. 179) jusqu'à la câte visitée par Hannon. 
paraU, d'après le récit des anci^is mêmes, offrir des 
indicM de bouleversemens dus à l'action du feu. Je 
crois même reconnaître dans deux passages du périple 
de HanooB des cr^rêi-lati au milieu desquels est 
placé un petit cent dt souUvenunt : • L^e golfe de la 
Corn* du Couchant, dit Hannon, renferme une grande 
ile, et cette lie un lac d'eau salée daas lequel se trouve 
uneautrelle. • Plusftu Budde ta hù& Ata Singes~Go- 
rUkt, cette conâguratjon extraordinaire du sol est 
répétée. « 11 s'y trouve une ile semblable à la premièie; 
elle a aussi un )ac dans lequel est placée une auliv ile. " 
Ce sont U des aceidens de terrain qui ne se présentent 
généralement que dans des pays volcaniques. Une des- 



tzedbïGoOglc 



1.-10 SECTIUN DEtXlEHB. 

J^ai eu souvent occasion, dans les montagnes 
côtières de Caracas , de voir ces embrase-^ 

cription de l'Atlas plus curieuse encore, et à laqueltç 
les j;éologue« n'ont pas fait attention, est celle de 
I^axiine de Tyr (VIII, 7, éd. Markiand). Je donne 
cette description pittoresque, qui présente quelques 
difficultés, d'après la traduction très bttérale et pré- 
cise de M. Letronne : • Les libyens occidentaux habi- 
tent un col étroit, prcJongé, baigné de dfcux côtés par 
la mer ; car la mer extérieure, venant à se séparer 
contre ce col, l'enveloppe de ses flots a^tés venant du 
lai^e. L'Atlas est pour les gens du pays à la fois un 
temple et une image de la Divinité. L'Atlas est une 
montagne creuse, qui s'élève doucement, s'ouvrant du 
cdtë de la mer, comme les théâtres du côté de l'espace. 
Le pays au milieu de la montagne est un vallon court, 
fertile et bien boisé. Vous verriei des fruits sur les 
arbres, et en regardant du sommet, les arbres parat- 
tiMsat comme dans UJond tFunpuils. Il n'est pas pos- 
sible d'y descendre, tes bords en étant escarpés : d'ail- 
leurs cela n'est pas permis. Ce que ce lieu offre d'éton- 
nant, c'est que, l<vs de la marée, l'Océan se précipitant 
vers lenvage,làoiila rive forme une plage,le flot se répand 
sur la plaine; mais là où se trouve la montagnede l'Atlas, 
le flot se lève et se dresse ; et vous voyez l'eau se dres- 
sant sur elle-même, comme une muraille, ne point eiw 
;trer dans les creux, et n'être pas soutenue par la terre ; 
mab du milieu de la montagne et de l'eau, un air vio- 
lent (souffle)! "" ^'^ creux. Cela est pour les Libyens, 



tzedbyCoOglc 



SECTION DEUXiÈMB. iSj 

mens, qui de nuit ressemblent à des courans de 
lave, ou , comme ^t Hanon, dans ce qui 
nous reste de son journal, « à des torrenii 
de feu qui descendent d'une côte embrasée et 
se précipitent dans la mer. » Les cymbfiles 
et les tambours dont on entend le son là où 
de grands feux brillent dans la forêt (près du 
golfe de la Corne du Couchant) y semblent 
aussi avoir trait à des fêtes pastorales e( non 
aux scènes de déyastation qui acccmipagnent 
les éruptions volcaniques. Un passage du 
poème d'Aviénus , que M. Heeren a déjà 
appliqué au Pic de Ténériffe, ne désigne pas 
une localité bien précise, et ne lait allusion 
qu^aux&équens trembtemens de terre, à Fintur 
mescence du sol au milieu d'une mer non agi- 
tée ' . Les plus anciennes traditions des Guan- 

temple, dieu, lieu par lequel ils jurent, image de la di- 
vinité. • Lepasaage ioû prtux (xotvov ôlsoç) eat évideniT- 
ment corrompu. 

< Oramarit.y. 165-171. J'aidéjarapprochéplushaut 
(t. 1, p. 1 76), en traitant du mythe de l'Atlantide comme 
Teflet de la Lyctonte mëditerranëenne , le passage 
d'Aviënus, d'un fragment des Ethioplques deMarcelliis 
conservé dans une scolie de Proclus sur les sept îles 
^e la Mer extérieure. Aviénus, dit : 



tzedbïGoOglc 



l38 BECTIOn DEUXIBHI. 

ches conservées dans 111e de TéDérifTe re- 

. . . . pcMt pdafjUest insula, 
H«4>arum abundaiis atque Satumo sacra. 
Sed vis in iUa tanta naturalia est , 
Ut si quia banc innavigando accesserit, 
Mox excitctur propter insulam mare, 
Quatiatur ipsa, et omne subsiliat solum 
Alte intr^nisomi, cietero ad stagni vicem 
Pela^ si lente. 
On doit presque être lurpris qu'une lie dont le sol 
oscille sane cesse ne soit pas dédiée à Neptune conune 
celle de mille stades de grandeur men don née par Pro- 
clue : mab je le répète, dans le passage d'Aviécus, la 
localité est bien vague, et me semble conduire par les 
Um Oeetrymniennes ou Cassitéridea, et par Ophiusa, 
près des cdtes septealrûnale* de l'ibéiie (Ucuert, 
Geo^. der Griechen, t. II, a, p. 477)) ver» le nord- 
ouest, à la Mer Cronienne, vers le grand continent 
Saturnien de Plutarque. Eo traitant de la connaissance 
des anciens des lie» Fortunées, je ferai remarquer ici 
que les «ma^t Silurii p'tdbas mèuatltmtes de Pline, So- 
|io H Oiraiil (voyes tom. 1, p. i36), trouvent peut- 
être une explication dans un fait dont je dois la preinièi« 
fiotion i un uaUiraliste quù a long-tempe habité l'ile 
de Ténériffe. M. Bertbelot assure • que des anguilles, 
qui ne diffèrent en rLeo de celles d'Europe, eiistect ji 
Ténériffe de tci^w imm^iorial; «ju'on lui a assure 
qu'il y en avait aussi dans les Iles de Palma et de Grai) 
fanaria, et que l'on peut présumer qiTêlles sout com-. 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXIEME. 1 OQ 

montent, « ce quer<m assure ' , k Tannée i43o, 
époque à laqueDe les mamelons, dans le.cfae- 
min de la ville d'Orotavo au port, doivent 

^unea à tout l'an^ipel. A Ténériffe, les anguilles 
abondent prindpalement dans le ravin <ile Goyœixé, 
situé sur la côte septentrionale et dans le distritA de 
Tacoronte. > M. Bertfaelot en a péché un grand tKNR- 
bre dans cet endnùt, de concert avec les noines de 
SaintrDonùnique : il en a vu aussi beaucoup dans les 
ravins (Saronroi) qui avoÏMoent le port de Sainte- 
Croix de Ténériife. L'hiver, lorsque les torrens, groHia 
par les pliùes, viennent sillonner impétueusement le 
sol, les anguilles sont rares et se tiennent probablement 
dans les anfiractuosités les jJiu pnrfcmdes ; mais pen- 
dant l'été, quand le lit du torrent reste k sec, on en 
trouve de fort grosses dans les mares d'eau craupto- 
sante qui se sont formées dans le fond des ravins. Ces 
an^îHes peuvent avoir été confondues avec des si- 
hires. L'existence de poissons dans une He tonte vcJca- 
nique et trte aride est un phâiomène très curieux. On 
sait d'aîUeurs que les anguilles peuvent vivre long-temps 
tlans la vase et rbei4»e humides, et que, d'après mes 
expériences, elles inspirent et décomposent, hors de 
l'eau, beaucoup d'air atmosj^érique à l'éWt Mas- 
tique. 

I Mémcnre manuscrit de Borda, rédigé \on de l'ex- 
pédibon de 1776, et conservé au dépôt de la marine à 
Paris. J'en si doimé de nombreux extraits dans ma 
fttkaipn hisnwiifae, t. I,p. n6. 



tzedbïGoOglc 



l4o SCCTION DEUXIÈME. 

s'être élevés. Vingt-cinq ans plus tard, le cé- 
lèbre voyageur Cadamosto ' (Alvise da Ca Da 
Mosto) offre, je pense, la première indication 
précise de la forme pyraimdale du pic et de 

'En i455etDOa en i5o4i comme on le trouve dans 
la traduction latioe du voyage de Cadamosto, inaérée 
dans Grihaus, Nov. Orbis (i555, p. a). Celte erreur, 
ifjî a quelque importance par l'intérêt que l'on attache 
à l'histoire du volcan de Ténériffe, a passé dans ma 
Relatioii kistoriqut, t. I, p. 174^ et dans d'autres ou- 
vrages. (Hof. Getek. der Naturverând. 1. 111, p. 430.) 
Cette même édition de Grynseus fourmille d'eiTeurg de 
jchifires; elle ne donne auBaobab(Adansoaiadigitat«), 
mesuré par Cadamosto, que 17 pieds de circonférence 
(Alotsii Navig. cap. 43, p. Sa), au lieu de tant de 
brasses (Ramusio, t. 1, p. 109). Le premier voyage de 
Cadamosto, qui se réunissait à l'embouchure du Séné- 
gal avec Antoaiotto Usodimare, et dont Barros ne 
lait aucune mention dans ses Décades, commença en 
1454, le second en i456. Cadamosto ne retourna du 
Portugal à Venise qu'en i463. La relation de ses expé- 
ditions parut en i5o7 dans la première de toutes les 
GoUections de voyages, qui fut imprimée en i5o7 à 
Vjcence, et en i5o8 à KGlan, sous le titre de Mondo 
Novo optra di Fracanzio diMoiUe Alboddù. Cadamosto 
n'a découvert ni les îles du cap Veit, ni le cap de ce 
nom. La première de ces découvertes est de i44*, et 
appartient à deux Génois, Antonio et Bartolomeo di 
JSIollej la seconde est de Dionj'sio Fernandez. (Tira.- 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXIÈME. I 4f 

ses éruptions; car chez les géographes arabes, 
Edrisi, Ebn al Ouardi et Bakoui, on ne trouTe 
mentionné dans les îles Khaïiddt (^Etemelles 
ou Fortunées), que le mythe de ces statues 
dont j'ai donné l'explication dans la Section 
première ' de cet duvrage. Gidamosto a vu 
le Pic de Ténérifiè eh allant à la Gomci'a ; il 
raconte que par un ciel pur il est visible à une 
distance de 60 ou 70 lieues d^spagne (il au- 
rait dû dire de 34,3 lieues de 17 j au degré). 
« Quod cematur ( insula Tenerifiâe , quaê 
eximie colitur) a longe, id efficit acuminatus 
lapis adamantinus (Cadamosto vit le pain de 
sucre du pic en avril, par conséquent couvert 
de glaces et de neiges resplendissantes), instar 
pyramidis in medio. » (^ux qui ont mesuré 
la montagne, ajoute le navigateur v^itien, 

lOscHi, I. VI, P. 1, p. 169). Lorsque Cadamosto eut 
visite, en avril i4£>â, les lies Canaries, il ne put aller i 
terrequ'àGomera(Gienera)etàFerro. EnradeàPalïna, 
il n'osa pas quitter le navire. 11 nous apprend que 
les trois lies, Gran Canaria, Ténériffe et Palma étaient 
encore dans la possession des Guanches; mais que 
Madère, colonisée à peine depuis a4 ans, était dtja 
bien cultivée et avait reçu des ceps de vigne de Candie. 
' Voyez (om. II, p. i3a. 



tzedbïGoOglc 



l42 SECTION DEUXiÉHB. 

lui cmt trouvé t5 lieues (!) de haut au-dessus 
du niveau de la mer. Il e8t(intéi:àeureiii8iit) 
toiyours enflammé comme le mont Etna, et 
les chrétiens gémissant dans Tesolgivage h TÀ^ 
nériffe ont vu de temps 'en temps ses feu:( < . 
Christophe Colomb est le premier qui rap^ 
porte Tépoque fixe d'une érLq)tion> Il dit dvi» 
le journal de son premier voyage * : 4 £v 
passant près de Ténérifïè pour attérer à 1* 
Gomera, on vit un grand feu (sortant) de 1» 
Sierra de llle de Ténériffè, qui est extrême- 
ment élevée. » Le fil*, qui aime les eflêts di*»- 
nwtiques et oppose volontiers Tigoprance de» 
matelote à Tinstniction de ramiral, parle dei» 
flammes sortant de la montagne, de l'efirM 
{etpanio) de Téqiùpage et des explicati*^» 
que Christophe Colomb dj»uia « de la cause 
de ce feu en sV[^uyant dans son discours de 
rexen^>le du mont Eum'- » Le journal que 
nous veiuNis de cit«r ne imiie ni de reflroi de» 

' • U lapis jmgiter fla^t instar Mtax monlis ; id 
afiimunt nosln Chmtiuii, <|ui capti aliguando hsec 
anun^dvertere- » (Grïn. p. 6.) 

• Na». 1. 1, p, 6. 

»rirfa,cap. i5. 



tzedbïGoOglc 



SECTION SEVXIBHB. l43 

marins, ni de rargumenUtion doctrinale sur 
la nature du feu volcanique. M. MaTarrete a 
d^a rappelé ' j combien les marins courageux 
et ezpérïmentés de Palos, Moguer et HueWa, 
étaient habitués dès le treizième siècle aux 
effets des volcans dltalie. J^ajouterai que 
même les volcans des îles Canaries devaient 
être connus sur les côtes d^Ëspagne et de 
Pculngal par le déplorable enlèvement d^es- 
daves guanches vendus aux marchés de Se- 
ville et de Lisbonne. Les expressions de Ca- 
damosto et de Colomb me paraissent trop 
vagues pour être en droit de conclure que 
les éruptions .Aisseut du scmunet du Pic 
même, du cratère qui se trouve dans le Pan 
de j^zucar, et qui, après avoir donné des 
laves d^obsidinme, n^offre aujourdliui que 
Faspect d^une sol^ievre. Il n^est vraisembla- 
blement ^«estion, pour Tannée i49^-) 4"^ 
d\me de ces nombreuses éruptions latérales 
qœla belle caarte de M. de &]ch nous indique 
près de Oiahorra, Arguajo, et ailleurs vers la 
côte du sud'ouest. Ici le récit même Ae le na- 
vigatiiMi de Colomb semble pouvoir guider le 

■Nav. t. III, p. 607. 



tzedbïGooglc 



l44 SECTION DEUXIÈHB. 

géologue. LVxpédition fut à la vue des îles 
Canaries le 9 août. Elle devait chercher la 
terre, parce que le gouvernail de la Pinta 
s'était trouvé. dérangé, soit accidentellement, 
soit par malice, le 6 et le 7 août. Le vent em- 
pêchait pendant trois jours d'aborder à la 
Gran (^naria. Colomb laissa Pinzon et la 
Pinta dans ses parages, et fit voile le 12 août 
à la Gomera, située à Vest de la pointe méri- 
dionale de Ténériffèv II espérait y voir arriver 
dofta Beatriz de Bobadilla, qui était à la Gran 
Canaria et dont il voulait acheter un navire de 
4» tonneaux sur lequel cette dame était venue 
d'Espagne. Après deux jours de vaines 
attentes, Colomb résolut d^aller trouver lui- 
même dofta Beatriz à la Gran Canaria. Il 
partit de Gomera le 23 août; et le lendemain, 
H dans lanuit du24au 25août i49^i se trouvant 
près de Ténériffe , « il vit Téruption. Il résulte 
de ce récit, comme l'observe mon illustre ami, 
M. liéopdld de Buch, dans une lettre qu^ît m'a 
adressée à ce sujet, que l'amiral a passé ( par 
la route la plus courte ) au sud de Ténériflè 
et non au nord, où le vent de nord-est Tau- 
rail probablement empêché d'avancer pendant 
le jour. Il s'ensuit aussi que'les flammes sor- 



tzedbïGoOglc 



SBCTiOH DEUXliHB. i^5 

taienl <lu côté du sud. » Si IVrupùon latérale 
avait eu lieu près du port d'Orotava, la masse 
du Pic l'aurait dérobée aux yeux de ramiral 
dans* la direction S. O.-N. E. Le mot gé- 
néral de Sierra > , que je trouTe dans le 
journal de la première expédition au lieu du 
motpîcacho, que l'on donne plus particuliè- 
rement à un cône élancé, semble désigner 
Vensembie de la partie montagneuse de l'île, 
non en particulier le cratère du Pan de 
jizucar^ la Pyramide ou lapis adamantinus 
de Cadamosto '. C'est un rare mais beureux 
accident qui rend les navigateurs célèbres té- 
moins d'éruptions, dont la date précise aurait 
été perdue sans la publication de leurs jour- 
naux de voyage. Colomb vil les feux du Pic 
de Ténériffe te 24 août 149^1 Sarmiento ' vit 

' • Vieron salir gran fuego de la Sierra de )a isia de 
Tenerife, que es muj alla en gran manei'a. > Journal 
de Colomb du 9 aolit t492. H faut rappeler ici qua 
sousia rubiique de ce même jour sont rapportas tous 
les ëvénemens du 8 aoAt au 6 septembre. 

' Colleeçâo de notifias para a hisloiia e gcograjta 
lias naçaei uUramarinas , publ. pe lu Acad. Hetil île 
Sriencias (Lisboa, jSia), page i3. 

' Sept bouches s'ouvrirent pour verser des courans 

de lave dans la mer, Viage al Estrerho de Magellonet 

III. 10 



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l46 SECTIOH DEUXIÈME. 

ceux de TUe de Saint-4^eorgea, du groupe des 
Açores, entre TercèreelHco, le i"jum i58o. 
Un petit nomIn% d''exemple& a suffi pour 
Caractéiîser la grandeur des Tues et la* Saga- 
cité d'observations {^jsiques que nous ré- 
vélait les éciits du navigateur g^ois. L'érup- 
ticHi du volcan colossal des Canaries, au dé- 
but du premier voyage de découvertes, pré- 
parait pour ainsi dire ksei^ts aux merveilles 
que la nature, dans sa sauvage fécondité ' , a 
déf^yées sur les côtes montagneuses dHaïti 



j>«r tl capitan Pedro Sarmienn de Gamboa (Madr. 
1768), p. 367' C'est ce tuéme aavigateur qui le pre- 
nûer a énoncé le principe général que le àA reste sereur 
par des vent» qui soufflent de l'hémisphère de même 
dénomination qi(e le lieu où l'on se trouve. 

' Les compagjnons de Colomb avaient été frappés de 
la lorce de végétation tropicale sur un sol pierreux à 
pMne couvert de terreau. Ne pouvant connaître la 
respiration aérienne des végétaux et )a nutrition abon- 
dante qu'offre le système appendiculaire (le grand déve- 
loppement du feuillage), ils attribuaient ce qu'ils ap- 
pelaient l'absence de racines à la chaleur de la terre. 
La reine Isabelle se plaisait à faire aUuslon aux arbres 
si légèrement (îxés, lorsqu'elle blimait la lég^té de ca- 
ractère et la mobilité des naturels d'Haïti. (Onsno, dans 
Rahiisto, Fiaggi, t. III, p. 87.) 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXIÈHE. 14; 

Cl «le Cuba. En nous bornant à la courte pé- 
riode de quatorze années qui sépare la décou- 
verte de l'Amérique de là mort de Colomb, 
nouâ reconnaissons, dans la correspondance 
et les Décades d'Anghiera, combien étaient 
graTes et nombreuses les questions de géogra' 
phie physique et d'antbropologie qui ont été 
soulevées dès-lors parmi les hommes éclairés 
de l'Espagne et de l'Italie. Ces questions, dont 
tant de faits nouveaux augmentaient l'intérêt, 
n'occupaient pas seidement les savans ; dans 
ce siècle de grandes découvertes, dans ces 
temps d'ardeur et d'enthousiasme, elles occu- 
paient le pubbc à Tolède et à Séville comme 
à Venise, à Florence et à Gènes, partout où 
l'industrie commerciale avait étendu l'ho- 
rizon et "agrandi la sphère des idée». Le con- 
traste qu'offraient des côtes opposées, habi- *4 
tées sous les mêmes parallèles par la race noire 
à cheveux courts et crépus , et des races cui- 
vrées à cheveux longs et lisses, donnait lieu à 
de vives disputes littéraii-es sur l'imité, la dé- 
génération progressive et la possibilité des mi- 
grations lointaines ' du genre humain. On 

'J'ai d^ja fait remarqurr dans un autre enth-oit tes 



tzedbïGoOglc 



'*• 



l48 SBCTION DEUXIÈME. 

discutait rinfluence qu'^exercent les climats 
sur Inorganisation, les différences des animaux 
américains ' d'avec ceux d'Afrique, les causes 
générales des courans pélagiques, les modifi- 
cations que ces courans reçorvent par la confi- 
guration des terres et les changemens de 



traditions conservées à Haïti sur des incursions d'hom- 
mes blaQCs et de nègres avant la découverte de Colomb. 
> Colomb recueillait et rapportait déjà dans son pre- 
mier voyage des objets d'histoire naturelle. Cependant 
ta reine Isabelle lui recommande de nouveau dans une 
lettre datée de Ségovie le 1 6 août 1 494» de lui envoyer 
des lies nouvellement découvertes tous les oiseaux de 
rivage et de forêts qui s'y trouvent et qu'il peut se pro- 
curer, parce qu'elle voudrait les voir tous ; et qu'elle a 
ttnejoie extrême d'apprendre ce qu'il y a dans ces terres 
oii les saisons mêmes sont si différentes. ■ (Nat. t. II, 
p. i55-) L'Rabitude de recueillir les productions des 
pays éloignés, non parce qu'elles avaient un prix, mais 
seulement comme curieuses, date de bien loin. De ce» 
mêmes côtes africaines desquelles Hannon avait rapport* 
■ des peaux de femmes sauvages ■> ou plutôt des singes 
(Gorilles, pour les suspendre dans un temple, Cada- 
inosto rapporta des poils noirs d'éléphans qui, comme 
les poiU d'éléphant antédiluvien de l'embouchure du 
Lena, avaient une palme et demie de longueur, et les 
présentait à l'infant don Henry. (R «nDsio, 1. 1, p. log ; 
Gbyn. p. 33, cap, 43.) 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXiEHfi. 149 

forme qu^ils font subir ■ à leur tour aux contir 
neos et aux îles. Ces questions occupaient 'vit 
irement les esprits dès la fin du quinzième 
siècle et dans les premières années du 
«eizième. Et combien Tintérél attaché à des 
problèmes physiques ne dut-il pas s'agrandir, 
lorsque les conquistadores pénétrèrent des 

' Je ne fais pas seulement alluaion à l'observation in~ 
^éoieuse de Colomb sur la forme parai lélipipède des 
Grandes Aatillee, dont les dimensipns les plus longue* 
•ont dues à ta direction du courant équatorial, mais 
aussi à cette antique ti'adilion des naturels discutée paj- 
ColombetparAnghiera, et d'après laquelle toutes les 
Iles Lucayes (Baharoes), Cuba et fioriquen ou Buren- 
quea (Puertorico ou îsla de S. Juan Bautista d'après 
Colomb), ont foriné jadis un seul continent. (Honn. 
De Orig. Amer. p. (58.) Ces ti-adîtipns se trouvent 
sous toutes les zones, dans l'archipel de l'Inde comme 
dans la Mëditerrannée lA en Amérique. (VoyeE Sur 
lemythede Lyctonia, tom. 11, p. 70.) Elles ne sont 
probablement nulle part historiques : elles naissent de 
l'aspect d'îles diversement groupées par rangées ou au- 
tour d'un grand ilôt central. Le sens des mythes géolo- 
giques qui appartiennent à tous les degrés de l'échelle 
de civilisation que parcourent les peuples, et l'idée 
d'un morcellement se présentent plus tôt et plus 
souvent que l'idée d'un soidèvement volcanique du sein 
des eaux. 



tzedbïGoOglc 



l5o SECTION DEUXIÈME. 

côtes dans rintérieur d^iin vaste continent, et 
sVIevèrent sur les plateaux de Bogota, d^An- 
tioquia, et de Popayan, de Quito, du Pérou et 
du Mexique ! 

Les effets du décroissement de la tempéra- 
ture et les modifîcatimis qu^en éprouvent la 
forme et la distribution des végétaux, dans 
une échelle perpendiculaire , frappent les 
hommes les moins habitués à réfléchir sur les 
phénomènes naturels, dès qu^ils entrent dans 
une zone tropicale, où, de la région des pal- 
nûers et des bananiers, on s'élève dans un 
même jour jusqu'à la région des neiges éter- 
nelles. Cette influence de^ plateaux sur les 
climats et les productions organiques nVvait 
sans doute pas entièrement échappé à la saga- 
cité des Grecs, soit dans leurs discussions 
systématiques relatives à la hauteur des terres 
placées sous Téquateur, soit dans leur compa- 
raison directe des productions et de la tem- 
pérature des hautes et des basses ccmtrées de 
l'Asie mineure ', mais les plateaux du Taurus, 

' EratosthëDe et Polybe n'attribi^aient pas la plus 
grande fraicheur du climat aous l'équateur uniquement 
.ntipaasageplusrapidedn soleil parréquateur(GEMiNUs. 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXIEME. l5l 

tle la Perse et du Paropamisus, accessibles à 
Tobservation des anciens , n'offraient pas , 

Elem. attron.c. i3), maisauseiet surtoutâ la grande 
hauteurdu sol dans tee régions équatorialcs. (Sibabon, 
lib. II, p. 97 Cas.) Cette opinion ne se fondait sur 
aucune observation directe; elle n'était que le résultat 
de spéculations théoriques. (Cléomède, lib. T, c. 6, éd. 
Schmidt, i83a, p. 35.) Hérodote (II, aa) doutait en- 
core de l'existence possible de montagnes iieigeuses au- 
delà du trc^tique du Cancer ; foais ces doutes furent en 
partie levés par les compagnons d'Alexandre lorsque 
l'armée victorieuse passa au nord-ouest de Ifi Pentapo- 
tamide, dans le pajs des Paropamisades, oii pendant 
l'été il tcHubait de la neige sur des plateaux habités. 
(AmsTOButE dans Sthaion, lib. XV, p. 691.) Cette 
rangée de l'Himalaya, quoique située dans une tone 
dont les plaines ottent un climat très ardent, n'appar- 
tenait pas rependant à la région ëquinoxiale même. 
L'indication sinon de véritables neyados ( àlawi^oi ) 
analogues par leur position en latitude aux montagnes 
couvertes de nàgés perpétuelles de Quito, de Popayan 
et du Mexique équinoxial, du moins de neiges d'Abys- 
einie • dans lesquelles <») s'entbnce jusqu'aux geiLOux, ■• 
se trouve dans l'inscription d'AduUs. (Monum. Aduli- 
tanum PtolemseiEvergetis, dansCaisBru, /^nilj^.iuf'af. 
1728, p. 80.) Strabon énonce des idées très précises sur 
le décroissement de la température à mesure que le sol 
s'élève. Dans les pays méridionaux, dit-il, ■■ toutes les 
parties é\ev(^ii,fusstnl-el/et ilcs /»/m'nej (des plateaux, 



tzedbïGoOglc 



l52 SECTION DEUXIÈME. 

SOUS la zone tempérée, ces contrastes pitto- 
resques et merveilleux à la fois qui, réunis 
dans un peut espace dé terrain, se développent 
sur une échelle gigantesque sous la zone équa- 
toriale du Nouveau-Continent. Les immenses 
plateaux de FAsiê centrale, parcourus dans le 
moyen âge par Marco Polo et par des moines, 
plus diplomates que missionnaires, étaient si- 
tués loin des tropiques. Les hauteurs qu^à égale 
latitude avec les plateaux d'Anahuac ou du 
Couzco, présentent l'Abyssinie,, le Congo ou 
rinde méridionale, ont été plus connues des 
Arabes et des prêtres bouddliistes voyageurs 
que des Européens du quinzième siècle. Tant 
il est vrai que de grandes vues sur les rapports 
entre la configuration de la surface du globe 
et les modifications de la température et de la 
vie organique n'ont pris naissance et n'ont 
conduit à des résultats généraux que depuis 
la découverte de l'Amérique , région où 
l'homme trouve inscrites pour ainsi dire sur 



fatManJs), aant froideB. ' (Lib.l,pag. 73.) La dîF- 
fëretice du climat du Pont et de la Cappadoce, plua 
piéridionale et plus fi'pide, tie lui parait que l'effet de la 
fauteur du sol. (Lib. XII, p. SSj Cas.) 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXIÈME. 1 53 

chaque rocher de la pente rapide des Cop- 
(lillères, dans cette série de climats super- 
posas comme par étages, les lois du décroisse- 
ment du calorique et de la distribution géo- 
graphique des formes végétales. 

Colomb a servi le genre humain en lui 
otlrant à la fois tant d'objets nouveaux à la 
réflexion : il a agrandi la masse des idées ; il 
y a eu par lui progrès de la pensée humaine. 
L'époque à laquelle il parait sur le théâtre du 
monde n'est sans doute plus celle des ténèbres 
qui enveloppaient une partie du moyen âge ; 
mais la philosophie scolastique ne présentait 
à l'esprit que des /ormes. Il y avait, comparati- 
vement à cette abondance et à cet artifice de 
forints dont l'étude absorbait toutes les facul- 
tés, pénurie d'idées, pénurie de ces notions 
surtout qui , naissant d'un contact plus intime 
avec le monde matériel, ahmentent substan- 
tiellement l'intelligence. * A aucune autre 
époque, nous devons le répéter ici, ime masse 
plus variée d'idées nouvelles n'a été mise en 
circulation que dans l'ère de Colomb et de 
Gama, qui était aussi celle de Copernic, de 
l'Arioste, de Durer, de Raphaël et de Michel 
Ange. Si le caractère d'mi siècle est « la manir 



tzedbïGoOglc 



]54 SECTION DEUXIÈME. 

festation de Tesprit humain dans un temps 
donné, » le siècle de Colomb, tout en éten- 
dant inopinément la sphère des connaissances, 
a in^rimé un nouvel essor aux siècles futurs. 
Cest le propre des découvertes qui touchent 
à Tensemble des intérêts de la société, que 
d^agrandir à la fois le cercle des conquêtes et 
le terrain à conquérir. Des esprits faibles 
croient à chaque époque Thumanité ariivée 
au point culminant de sa marche progressive; 
ils oublient que, par Venchaînement intime de 
toutes les vérités, à mesure que l'on avance, 
le champ à parcourir se présente plus vaste, 
borné par un horizon qui recule sans cesse. 
M Laisser peu à conquérir » est une plainte 
de guerrier i dont l'expression n'est heureu- 
rement point applicable aux découvertes 
scientifiques , aux conquêtes de l'intelli- 
gence. 

En rappelant ce que la pensée de deux 

' hommes , Toscandli et Colomb , a ajouté à 

l'esprit humain, il ne faut pas se borner aux 

étonnans progrès qu'ont &its simultanément ta 

' pLUTARquE, f^ita Alexanjri, vol. 111 , cap. 5, p. i ,{, 
fd. Schsef. 



jbïGoogIc 



SECTION DEUXIEME. 



géographie, le cQuimerce des peuples, Fart 
de naviguer et Tastrononiie nautique, toutes 
les sciences physiques en général, enfin la 
(diilosophie des langues, agrandie par Tétude 
comparée de tant d^idiomes bizarres et riches 
de formes grammaticales. Il faut envisager 
surtout Finâuence qu'a exercée le Nouveau- 
Continent sur les destinées du genre humain 
sous le rapport des institutions sociales. La 
tourmente religieuse du seizième siècle, en 
&vorisant Tessor d^une libre réÛexion, a pré- 
ludé à la tourmente politique des temps dans 
lesquels nous vivons. Le preqû^i' de ces mou- 
vemens a coïncidé avec Tépc^e de Fétablis- 
' sèment des colonies européennes en Amé- 
rique ; le second s'est fait sentir vers b fin du 
dix-huitième siècle* et a fini par briser les 
liens de dépendance qui unissaient les deux 
mondes. Une circonstance sur laquelle on 
n'a peut-être pas assez fixé l'attention pu- 
blique et qui tient à ces causes mystérieuses 
dont a dépendu la distribution inégale du 
genre humain sur le globe, a favorisé, on 
pourrait dire, a rendu possible l'influence po- 
litique que je viens de signaler. Une moitié du 
globe est restée si faiblement peuplée que. 



tzedbïGooglc 



l56 SECTION DEUXIEME. 

malgré le long travail d^une civilisation indi- 
gne qui a eu lieu entre les découvertes de 
Leif et de Colomb ' , sur les côtes américaines 
©pposées à l'Asie, d'immenses pays dans la 
partie orientale n'offraient au quinzième siècle 
que des tribus éparses de peuples chasseurs. 
Cet état de dépopulation dans des pays fer- 
tiles et éminemment aptes à la culture de nos 
céréales, a permis aux Européens d'y fonder 
des établissemens sur ime échelle qu'aucune 
colonisation de l'Asie et de l'Afrique n'a pu 
atteindre. Les peuples chasseurs ont été 
refoulés des cotes orientales vers Tintérieur ; 
et dans le nord de l'Amérique, sous des cli- 
mats et des aspects de végétation très ana- 
logues à ceux des Iles Britanniques, il s'est 
formé par émigration , dès la fin de l'an- 
née 1620, des communautés dont les institu- 
tions se présentent comme le reflet des insti- 
tutions libres de la mère-patrie. La Nouvelle- 
Angleterre n'était pas primitivement un éta- 
blissement d'industrie et de commerce " 
comme le sont encore les factoreries de l'A-; 

' Voyez tom. Il, p. i2o-i36. ■ 
* Bàhcroft, t. II, p. 437- 



D.nt.zedbïCoOglc 



SECTION DEUXIEME. iSy 

frique ; ce n^était pas une domination sur des 
peuples agricoles d'une race difTérente , 
comme Tempire britannique dans Tlnde, el 
pendant long-temps Tempire espagnol au 
Mexique et au Pérou. La Nouvelle-Angleterre, 
qui a reçu une première colonisation de 
quatre mille familles de puritains, dont des- 
cend aujourd^ui un tiers de la population 
blanche des Etats-Unis, était un établissement 
religieux ' . La liberté civile s'y montrait dès 
l'origine inséparable de la liberté du culte. 
Or l'histoire nous révèle que les institutions 
libres de l'Angleterre, de la Hollande et de la 
Suisse, malgré leur proximité, n'ont pas réagi 
sur les peuples de l'Europe latine, comme ce 
reflet de formes de gouvememens entière- 
ment démocratiques qui , loin de tout ennemi 
extérieur , favorisés par une tendance uni- 
forme et constante de souvenirs et de vieilles 
mœurs , ont pris , dans im calme long-temps 
prolongé , des développemens inconnus aux 
temps modernes. C'est ainsi que le manque 



> • New ËDgland was a religious plaDtations , 
ot a plantation for tarde. . (L, c. L I , p. 336 



tzedbïGooglc 



l58 SECTION DEUXIÈME. 

de population daiis des régions du Nouveau- 
Continent opposées à l^Ëurope et le libre et 
prodi^eux accroissement d^une colonisation 
anglaise au-delà de la grande vallée de FAt- 
lantique, a puissamment contnbuéà changer 
la fece politique et les destinées de TAncien- 
Continent, On a affirmé ' que si Colomb nV-^ 
Tait pas changé, le 7 octobre i^gz , la dire(>- 
tion de sa route , qui était de Test à Touest , 
et gouverné vers le sud-ouest , il serait entré 
dans le Courant d'eau chaude ou Gulf-Stream^ 
et aurait été porté vers la Floride, et de là peut- 
être vers le cap Hatteras et la Virginie, inci- 
dent d'une immense importance , puisqu'il 
aurait pu donner aux Etats-Unis, au lieu 
d'une population protestante anglaise, une 
population catholique espagnole. 

Cette assertion, intimement liée à la ques- 
tion de savoir quelle a été la première terre 
découverte par l'expédition de Colomb, mé- 
rite un examen pïirticulier. D'après le travail 
entr^wis par le beutenant de frégate don Mi- 
guel Moreno ' sur les rflutes du grand navi- 

' Washinaton Ihtins, t. I, p. aiS. 

' C'est un des officiers envoyés avec don Cosimit 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXIÈME. iSq 

galeur génois , la caravelle Santa - Maria, 
qu'Oviedo (lib. II, cap. 5) nomme faussement 
le Gallega, se trouva le 7 octobre par la(. 
a5" I et long. 65" ~. Nous verrons bientôt €[ue 
la latitude semble mériter assez de eonliance, 
mais que la lon^tude était plus occidentale. 
Si la caravelle avait continué la route t^s 
Fouest, quVUe suivait constamment depuis le 
3o sq>tembre, elle aurait donné contre l'île 
Eleulhéra, sur le grand banc de Bahama. Bien 
loin de trouver dans ces parages le Gulf- 
Stream^ elle y aurait au contraire rencontré 
un coûtant assez rapide qui, des 68° à 78* de 
longitude, porte le long de la limite orientale 
du banc vers le sud-est. C'est d'après les 
d3serVaUons faites dans le vaisseau anglais 
Europa en 1787, et indiquées sur la carte de 
Vjâtîas des courons du major Rennell, uii 
contre-courant du Gulf-Siream. Le mouve- 
ment des eaux vers l'ouest ne se fait sentir 
que lorsqu'on a traversé ce contre-courant de 
N. O.-S, E., et qu'on est arrivé sur le banc 

Chnmica pour lever les cartes des PetHee Antilles et 
de la partie orientale de la côte de Venezuela. Voyez 
mon Itecùtil ^oitervarions atironomiques, t. I, p. S/. 



tzed'bïGoOglc 



l60 SECTION DEUXIÈME. 

de fiahama même. Il résulte de cette consi- 
dération que Colomb, pour entrer dans le 
Gulf- Stream , aurait dû passer au nord 
d'Eleuthéra par le canal de la Providence, qui 
s'ouvre vers l'ouest dans le canal de Bahama 
, ou de la Floride. Malgré le peu d'eau que 
tiraient les caravelles de l'expédition, celte 
navigation du banc de Baliama dans une mer 
inconnue pouvait, offrii- bien des dangers. 

Comme le cliangement du rumb fait diman- 
che soir fût déjà suivi, le vendredi ' à deux 
heures du matin, de l'heiu^use découverte de 
File Guanahani, les ennemis de Colomb .ont, 
dans le procès fait en i5i3-i3i5 aux héritiers 

' Le vendredi n'étant pas regardé dans la chrétienté 
comme un jour de bon augure pour le commencement 
d'une entreprise, les historiens du 17° siècle, qui gé- 
missaient déjà sur les maux dont, selon eux, l'Europe 
a été accablée par la découverte de l'Amérique, ont 
fait remarquer que Colomb est parti pour la première 
expédition vendredi 3 août t^^i, de la barra de Saltes, 
et que la première terre d'Amérique a été découverte 
vendredi 1 2 octobre de la même année. La réformation 
du calendrier appUqu^ au journal de Colomb, qui 
indique toujours à la fois les jours de la semaioe et la 
date du mois , ferait disparaître le pronostic du jour 
btal. 



tzedbïGoOglc 



SECTION OEUXIÈHE. iGl 

par le fiscal, beaucoup insisté sur fë méiite <1« 
Martin AloDZO Pinzon, le commandant de !a 
Pinta, d'avoir conseillé, le 7 octobre, de gou- 
Temer vers le sud-ouest. Les témoins Manuel 
de Valdavinos et Francisco Garcia Vallejo ra- 
content que Alonzo Pinzon , n homme très 
savant {mujr sabido) en tout ce qui regai-de 
la mer, » faisait remarquer à Colomb qu'on 
avait déjà cinglé vers l'ouest deux cents beues 
au-delà des huit cents heues que celui-ci, sans 
doute d'après l'instruction reçue par Tosca- 
neUi ' , avaitpronostiquéescomnie dernier terme 
de la découverte. L'un des témoins dit que 
Colomb offrait « de se foire couper la tête par 
Alonzo, si dans l'espace d'un jour et d'imte 
nuit on ne voyait pas la terre ; » l'autre, au 
contraire, parle calomnieusement de la pusil- 
lanimité de Colomb, et assure que Vicenle 

■ Dans If procès du fiscal (^Probanîai conira Cofon, 
Prejfunla 18) il est même question d'un certain livre 
d'après lequel l'amiral se dirigeait. •< Pero Âlonzo Nî15o, 
el pilçto, dijo assC al Almirante : Senor, no hagaraoa 
esta noche por andar, porque segun vueMro Ubjv dice, 
ja me hallo die* y seîs léguas de la tierra ô vietite â 
mas tardar ; de lo cual bubo gran placer el dicho 
Almirante. • (Nav. t. 111, p. 5yi.) 

m. 11 



tzedbïGooglc 



|62 SECTION J>EU}(litUE. 

Yaiiez Piuzon, troisième frère d^Alonzo et 
commandant de làNîna^ «. ut voulait retour- 
ner qa^après avoir fait deux mille lieues à 
l'ouest. » Alonzo, selon le méiae témoiguage 
d* Valtejo, s'était écrié « que ce serait un* 
honte {verguenza) d'abandonner le projet 
avec la £lottille {armada) d'un si grand roi, 
et que wn cœur lui disait que pour trouver la 
terre, il ûdlait gouverner vers le sud-ouest. » 
Colomb , entom'é des trois frères Pinztm, 
hommes riches, d'ime haute considération, et 
qui ne l'aimaJ^t guère, devait céder à leurs 
conseils. D'ailleurs, riuspiration d'Alonzo Piu- 
zon était qaoins mystérieuse qu'elle peut le 
]^anÂtre au premier abord. Yallejo, macio 
natif de Moguer, raconte naïvement dans le 
ju-ocès quç M Pinzon avait vu àaxis la soirée 
passer des perroquets, et qu'il savait que ces 
oiseaux n'allaient pas sans motif du côté du 
sud. » Jamais vol d'oiseau n'a eu dans les 
temps modernes des suites plujs graves ; car 
te'ehwigement de rumb effectué le 7 octo- 
bre ' a décidé de la direction dans laquelle 



' N*y. (Documento n" 6j) , t. Ili , p. 565-571. 
o Hablô el Atcho Atmu-aote D. Cristoba) CqIoq cob 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXIEME. loJ 

ont élé. &tt5 les |H-«miers étabUssemens des 
Espagnols en Anséiique. 

todcM loa capîtanee e con el dicho Mardh Alonsu 
e les dijo. Que haremos? lo cuai fué en 6 dias del nés 
de octubre de ano de 93, e dijo : Capitanpq , que hare- 
mos que mi ^ote mal me aqueîa? que vos parece, Seno- 
rea, que hagamoa? E que entonces dijo Vîcento Yanee : 
Andemoa hasta dos mil léguas e a> aqui do hallat^tpoa 
lo que vamos % buscar, de alU podremos dar vueka . V 
enlaces respondiâ Mai-tin Aloneo Pîdzou : Como. , 
Setior ? agora partimos de la villa de Pabis e ^a -yuesa 
merced se va enojaudo : avantç , Senor, , que Dios nos 
darâ vitoria que descubranos tieira, que nuoca Uios 
quiera que cou tal verguensa volvaraos. Enfonces 
repoudiô el dicho Aln^ranle D. CmtcJjal Colon^ bieuf- 
venturados saûs e asi poc el dicho Martin Aloqso 
Pinzon anduvieroD adelante e ' esto sabe Francisco 
Garcia Vallejo. — El mismo dijO que sabe e vido que 
dijo Martin AloDso Pinson (al Almirants) : fieâor mi 
parecer es / ei coratoii me ^e, que si descar gamoe so- 
bre d sudueate que hallaremoa mds aina tierra ; y que 
enfonces le re^>ondiô el Alnùrante : Pues sea asi, 
Martin Akuso, hagamoe asî : et que lue^ por lo que 
di|o Martin Alonso mudaron la cuarta a) sudueste, é 
que sabe que por industria é parecer del dicho Martiu 
Al(»M08etom6eldichoacuerdo. • Cesontlàlespassages 
l<« plus importans sur lesquels le ^'scai fonde l'assei- 
^«1 que c'est à Martin Alonio Pînioa qu'est due la 
liajeiire partie du mf'rile de la découverte, el que sans 



tzedbïGoOglc 



Ib4 SECTION DEUXIEME. 

La position de la caravelle Santa Maria^ 
t^a j'ai indiquée plus haut pour le 7 octobre 

lui Colomb serait retourné en Espagne , Pinzon lui 
ajant dit : ■ Que ti vos, Sehor, qaisierdes tornaroj, yo 
dtflerniitio de aodar bsta hallar la tierra o uunca 
volver Egpana. • Peut-être que Alonzo était d'autant 
plus persuadé de trouver une terre, que dans la biblio- 
thèque du Vatican il avût vu, sur une ancienne 
carte, une tie figurée à l'ouest des Canaries. (Voyei 
tom. II , p. 87 , note i . ) Je pense d'ailleurs , 
comme M. Washington Ii-ving (Bock III ,*c. 4, t. 1, 
p. 337), que les témoignages qui accusaient Colomb 
de Riiblesse de caractère au moment même oii il devait 
triompher de ses ennemis, sont entièrement controu- 
vjs; cependant le journal de Colomb ne nie pas le 
consâl donné par AIodeo Ptnzon dès la nuit du 
6 octobre ( • esta noche , dijo Martin Alonso que 
jeria bien navegar i la cuarta del oueste, a la parte 
del sudueste : y al almirante parcciô que no decia 
este Martin Alonso por la isia de Cipango • ). Selon 
le même journal , la détermination de changer de 
rumb le 7 octobre ftit effectivement prise à caatedea 
fuseaux qui passairat du N. au S. O. mais il est dit 
que la détermination appartenait à Colomb seul. 
Celui-ci ne parle « ni du projet de qudques matelots 
mutins qui \(m\aMiat(_F'idnJctÀlinir. p. 17} Herrera, 
t. I, p. i5) le jeter à la mer lorsqu'il serait absorbé 
dans ses obsei-vations d'étoiles ( embevido de eilrelltu, 
enivré d'étoiles) ; » ni du délai de trois jours qu'il avait 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXIÈME. l65 

1^92 (lat. 25° j, long. 65"^), se fonde sur 
rhypotbèse émise par MM. Navarrette ' et 
Moreno, d'après laquelle la première île de l'A- 
mérique, vue par Colomb et désignée dahs son 
journal par les dénominations de Guanabani ' 

démaiidé pour continuer sa navigation. Cette fable 
des troÎB joura paraît inventée par -Oviedo (lib. H, 
cap. 5) et fondée sur le récit du matelot Pedro Mateos, 
natif de la ville de Higuey, que je trouve nommé dan» 
le procès (^Proianzat del A /mirante , Preg. 91, Nav. 
t. 1, p. S84)i comme une personne à laquelle Colomb 
avait oté • un livre renfermant des notes que Mateos araii 
prises sur la position des montagnes et des rivières de 
la côte de Veragua. • Même le témoin Pedro de Bilbao 
ne fait mention • de deux ou trois jours • que pour 
indiquer une promesse de l'amiral (Preg. i5,'Nav. 
t. I, p. 58g) , non une condition imposée par de:; 
hommes de l'équipage ; et selon le journal de Colomb, 
<«lui-ci - ai I ouest« y poner 

le proa bai aacion de andar 

dos diai pt ire Cojoml^ céda 

(aux instai i promeUaut de 

tenter la 1 nt deux jours. 

(Comparez 1.) Déjà Munoz 

(id). III, S des ti-ois jour- 

nées, mais it de ses doutes. 

'T. I,p.CV. 

' Peut-titi-eGuanabanin, d'après la lettre de Colomb 



tzedbïGoOglc 



l66 SECTION DEUXIÈME. 

OU San Salvador , n^est pas le Saa Salvador 
Grande ( une des îles Bahames , Cof Is- 
laad) de nos cartes modernes, dans le méri- 
dien de IVipe, port de l'île de Cuba ; mais Vile 
- de la Grande Saline ' du groupe des Iles 
Turques , presque dans le méridien de la 
pointe Isabélique, dans Tile de Saint-Domin- 
gue. Or il y a, diaprés les belles cartes de 
M. de Mayne, dont j'ai souvent eu occasion 
de comparer les positions avec celles que j'ai 
obtenues moi-^néme par des moyens astrono- 
mi^es ', de Cat Island aux. Iles Turques une 
différence de longitude de 4° 9' i «t quoique 
presque toute la traversée eût été laite entre 
les parallèles de 26° et 28° et non dans la 
région tropicale même , une différence de 
83 lieues marines vers Vesl doit paraître d'au- 
tant plus extraordinaire, que les courans, poi> 



» £lijai/«)/-iur^i'fciiBCui«(analj'sedeB cartes), p. 137. 



tzedbïGoOglc 



&KCTION DEUXIEME. 167 

tant généralement à Toiiest, devraient aroir 
placé le navire au-delà du point {^estime. Ces 
doutes sur la longitude du lieu d'attérage n^àf- 
faibliraient en rien les réflexions que nous 
avons développées plus haut sur l'influence 
plus ou moins grande que, sans le change- 
ment de rumb du 7 octobre, le GutfStrtam 
aurait pu exercer sur les destinées de l'Amé- 
rique Septentrionale ; mais ces mêmes doutes 
(mt un int^-êt de géographie historique trop 
général pour ne pas les examiner conscien- 
cieusement ici. Ce devoir est d'autant plus 
impérieuse que l'hypothèse de M. Navarrete 
cpji identifie Tile de Guanahani avec une des 
Iles Turques, au nord de Saint-Domii^ue, a 
été accueillie avec beaucoup de (M^pitation ; 
et qu'un document entièrement inconnu, It^ 
Mappemonde de Juan de la Casa, de l'année 
i5oo, dont nous avons découvert U ^'ande 
importance, M. Valckenaer et moi, «n i83^, 
donne un nouveau poids auK oL^ections con- 
signées dans la Vie de Christophe Colomb par 
M. Washington Irving. On peut dire qu'aussi 
loin que s'étend la civilisation eiu-opéenne, les 
plus doux souvenirs de l'en&nce se rattachent 
aux impressions qu'a produites la première 



tzedbïGoOglc 



lUO SECTION DEUXIEME. 

lecture de la découverte de Guanahani. Ces 
lumières mouvantes que Tamiral montra à 
Pedro Gutlierrez dans l'obscurité de la nuit, 
cette plage de sables éclairée par la lune ' vue 
par Juan Rodriguez Bermejo, ont frappé notre 
imagination. On a conservé minutieusement 
les noms et prénoms des marins qui ont pré- 
tendu avoir reconnu les premiers une portion 
d'un monde nouveau, et nous serions réduits 
h ne pas pouvoir lier ces souvenirs à une loca- 
lité déterminée, à regarder conune vague et 
incertain le lieu de la scène ? 

Je me trouve heureusement en état de dé- 
truire ces incertitudes par un document géo- 
graphique aussi ancien qu'inconnu, document 

■ ' En esto aquel jueves en la noche aclaro Li tuaa 
« une tnai-inero del dioho navîo de Martin Alonso 
Fiiizon, que se decia Juan Rodriguez Bermejo, vecino 
de Mohaos, de tierrade Sevilia, como la luna aelaiii, 
vido una caieza blanca de arcna é aizo los ojos é vîdo 
la tiei-ra, é luego ari'enietiô con una lombarda, é dio 
un tmeno, tierra, lierra, é ee tuvteron los navios fàsta 
»(ue vino el «lia viernea 1 1 de ociubre ; quel dicho Mar- 
tin Alonso descubrio d Guanahani la isia primera é que 
rstolosabe porque lovido (Francisco GarcidVaUejo), • 
Ce passage remarquable se Irouve dans les Probanzai 
Jet Fiscal, Pifg. 18. (Procès de i5i3.) 



tzedbïGooglc 



SECTION DEUXIÈME. 169 

qui coniirme irréTocablement le résultat des 
argumens que M. Washington Irràig a consi- 
gné dans son ouvrage contre l'hypothèse des 
■Iles Turques. Un marin américain très expé- 
rimenté, connaissant par autopsie les localités 
de Cat Island et de Tîlot de la Grande-Saline, 
a déjà prouvé ' combien Paspect du dernier 
et sa position relative correspondent peu à la 
description que Chiistophe Colomb a faite de 
Guanahani ou de San Salvador. D'après cette 
description, Guanahani est une île d'une éten- 
due considérable {bien grande) et abondante 
en eaux douces. Elle présente des arbres 
d'une vigoureuse végétation {tota verde que 
es placer de mirarla)^ et de très beaux jar- 
dins {huerias de arboies las mas hermosas). 
Elle a un port qui peut renfermer « les navires 
de toute la chrétienté. » L'île de la Grande- 
Sahne {Turk's Island), au contraire, n'a pas 
deux beues d'étendue ; elle est dépourvue 
d'eaux douces, n'otfrant que de l'eau de ci- 
terne et des mares d'eau salée ; elle n'a pas 
de port, mais une rade si dangereuse qu'il 



' Wasbinotoh Irvino (<kl. de Londres, 1828), t. VI, 
^îppendix, n" XVI, p. 138-271 . 



tzedbïGoOglc 



170 SBCTION DBVXIBHB. 

fiiut mettre à la voile lorsque la brise du N. E. 
cesse de souffler. Ferdinand Colomb dit dai- 
rement, dans la yîe de l'amiral, que l^e Isa- 
bella, Soignée de Guanahani, selon le journal 
de navigation de Cluistophe Colomb, seule- 
ment de 8 lieues , est à une distance de 
^5 lieues au nord de Puerto Principe, dans 
1^ de Cuba '. Or la carte même de M. Mo- 
reno dcmoe de Puerto Principe aux Iles Tur- 
ques une différence de 4" ; de longitude, ce 
qui, d'après les mesures itinéraires employées 



* Ce passage, négligé jusqu'ici, sera discuté plus 
bai. • El amirante se vi6 precisado a bolber & Tsabella 
^ue hi Indioâ tlaman Saomeln y al Puerto del Prin- 
cipe, que esta caaf ml norte sur , a5 léguas de distancia 
UDode otro. » (^Vida, caç. 39. ) Dans le journal du 
père (mardi 20 novembre i49i, Nav. t. I, p. 61) une 
distance de a5 lieues est aussi indiquée ; mais elle est 
comptée du point où se trouvait alors la caravelle 
( • el Puerto del Principe de donde el almirante habia 
sjJido le quedaba aS léguas y la Isabela le estaba 
13 léguas siende distant« 9 Icguae de Guanahani que 
llamô San SaU'ador •). La direction est moins claii-e, 
elle parait S. O.-N. E. ; nous la supposerions même 
dans le calcul le moins probable O.-E. et encore nous 
ne trouverions 4e Puerto Prfai^p» à Guanahani qui; 
a5-f-i3|8,ou45 lieues. 



jbïGoogIc 



SECTION DEUXIEME. I7I 

dans le journal de Ccdomb, fait une distance 
de 76 leffueu. On ne peut alléguer en faveur 
de Phypotbèse de M. NaTarrete ni k seconde 
preganta dans le procès du fiscal, puisqu'elle 
est réfiitée par htpregunta qui précède ', ni 
les cartes qui accompagnent la lettre de Co- 

' La seconde prtgunla des probanAat dtl Âlmirtutle 
poi'te effectivement : • S'il est vrai que Chrutophe Co- 
lomb , dans son premier voyage , a trouvé et décou- 
vert plusieurr Clet iUuées au nord da fûa EspaAola, 
fX puU {laego') dans le mCue voyage Cuba et la<Ute 
Ëspaôola. • CLette série de découvert£s indique, à n'm 
pas douter , que l'intei-tt^ateur a <tu GttaitabaDÎ, 
Santa Maiia de la Ccaiception, la Femandina et l'I- 
sabelLa plac^ au nord d'Haïti : nais la preuUre fit- 
giatta porte au contraire ; ■ Si l'on sait, pour sûir que 
l'amiral a découvert^ avant taule autre personne, *xs- 
tainea tles si^aéei aii nord de Ctiia, uUtt f iw Gttantf 
hani et beaucoup d'autres !!«« voisines, dottt queJqueir- 
unee sont nommées las Yuc^ifoi. • (Nav. t. III, p. â^9- 
58a.) La seule lois donc t}ue l'île de GuaaahttBi eA 
désignée nominativement dan» le pruoès, on la place au 
nord de Cul»' C'estprobablen^nlà cause de& ineMo- 
titudes contradictoires qu'<Hi nuarque dans b rédac- 
tion des demandes {pregfnlM) que M. r^atvarette n'a 
pas cité ces pièces du tâmeux procès, ni lait intervenir 
lefiicalen faveur de son opinioa siu* le lieu du, pr^ 
mier débarquement. 



tzedbïGoOglc 



lyi SECTION DEUXIEME. 

lomb, traduite, en i493, par Leandro Cozco, 
à Rome , et le Traité de Navigation de Mé- 
dina '. L^une est d^murvue de toute orien- 
tation déterminée, et comme le rêve d'un de&- 



' Dana le fragment de la carte de VArtt de nave^ar de 
Pedro deMedîna,publiéepourla première fois en i545, 
l'Ile de Guanaban, une des Bahamea, sans doute Guana- 
hani, est iadiquéedana un méridien qui traverse presque 
le cap le plus oriental de l'Ile d'Haïti : mais sur la même 
carte d'autres ncms aussi son t jetés comme au hasard . Si 
dans l'esquisse d'une carte de i493, publiée par 
H. Bossi (^fiia di Colombo, p. 169, i75| 177 et 179), 
ifi^prés l'édition de la lettre adressée au trésorier 
Don Raphaël Sanckez, le mol Hyspana indique Haïti 
(Hispaniola), le haut de la carte serait le midi, et 
et dans ce cas Isabeila serait au N. O. de la Fernandina, 
tandis que Colomb dit qu'elle est au S. E. (Nâv. t. I, 
p. 33.) Conetptois Marie (je conserve l'orthographe 
du manuscrit) serait au nord de Fernandina, quand, 
d'après le même journal de Colomb(l. c. p. 37), elle 
devrait en être à l'est. Veut-on que, dans ce même rêve 
absurde, les tourelles ( ^ ci»a eon inura^/w) désignent 
la forteresse de Navîdad , construite à la fin de dé- 
cembre «493, et que Hjipana soit la péninsule d'Es- 
pagne, alors l'orientation devient plus concise encore. 
On aurait Guanahani au sud d'Haïti et d'isabella. Ces 
incertitudes sur la position de Guanahani, une desiles 
Yucaj'cs ou LucayeSj au nord de Cuba on d'Haïti, 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXIÈME. 173 

sinatetir ; l^autre, ne datant que de ta moitié 
(lu seizième siècle, est par conséquent posté- 
rieure de 26 et 45 ans aux cartes de Diego 



peuvent provenir en partie de l'habitude assez ancienne 
d'ëtendre les Lucayes, jusque vers le Mouchoir Caire et ' 
les lies Turques. Martin Fernandez dEnciso, alguazil 
tnayorde la Tierra firme de las Indiasoccideniatesyne con- 
naitpointeDcorecetteextensionvei's l'est. 11 dit expressé- 
ment, dans son ouvrage devenu très rare (^Suma de 
Geôgraphia, imprimée à SévUle en i5i9, par l'alle- 
mand lacob Kronberger, p. h, 3) : Esta isla de Cuba 
dene  la parte det norte a las islas de tos Yucayos que 
sou mas de doscientas. • Il ajoute que les Indiens 
Yucajos, d'un teint peu basané, sont si habitués à la 
nourriture de poisson et de végétaux , qu'ils meurent 
lorsqu'on les transporte dans des pays où on les nourrit 
de beaucoup de viande, observation qui conlirme ce 
que j'ai développé ailleurs sur le manque de flexibilité 
de la constitution physique chei l'bomme non civilisé. 
L'évèque Bartolomè de Laa (3asas, dans un traité pu- 
blié en i55a {06ms delObùpo Casas, éd. de Séville, 
i64fi, et Narralio regnorum indteorum per Hispanos 
quosdam devaslalorum , i6i4, p. 28), ne suit plus 
Enciso : il parle des « islas de los Lucayos comaracanas 
a la Espanola é a Cuba. ' Cette extension du nom des 
Lucayes vers l'est • au-delà des Caycos, 1 a passé dans 
la Description des Antilles d'Herrera. (Decad. t. IV, 
pageiS.) 



tzedbïGooglc 



1^4 SECTION DEUXIEME. 

Kibero et de Jufui de la Gisa, qui, par la po- 
tiition et le caractère de leurs auteurs, dot- 
vent avoir Tautorité de témoignages irrécu- 
sables. 

G>mme la mappemonde de i5oo qui porte 
le nom du pilote Juan de la Cosa, associé aux 
voyages de Colomb et d^Ojeda, est un docu- 
ment entièrement inconnu jusqu^à ce jour (ies 
cartes qui accompagnent mon ouvrage en of- 
frent les premiers fragmens), et comme la 
mappemonde de Diego Ribero, cosmographe 
de Fempereur Charles V, terminée en i529y 
est restée inconnue à MM. Navarrete, Was- 
hington Irving, et à tous ceux qui cmt discuté 
te jHttbIème du premier attérage, quoique la 
partie américaine en ait été publiée par Giisse- 
feld et Sprengel dès l'année 1796, je rassem- 
blerai ici des faits propres à être substitués à 
de simples conjectures. Une analyse sucâncte 
de ces deux documms graphiques embrassera 
toute la partie orientale des îles Bahames (Lu- 
cayes, îles de la nation des Yucajros). Le 
journal de navigation de Juui Fonce de Léon^ 
entreprise en i5i3, pour découviir la &- 
meuse fontaine de jouvence de Tile Bwnini , et 
donnant lieu à la découverte de la Floride (le 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXIEME. ty5 

pays de Cautio des indigènes), confirme en 
outre de la manière la plus convaincante ce 
que nous apprennent les mappemondes de 
la Cosa et de Ril>ero. Dans ce genre de recher- 
ches il faut distinguer, sous le rapport des 
diiTérens degrés de certitude ({uMles présen- 
tent, ce qui regarde Guanahani, point princi- 
pal de la discussion dans lliistoire des décou- 
v^tes, et ce qui a rapport aux Ues du même 
groupe, dont ridenlité des noms et des posi- 
tions reste moins certaine. 11 en est d'ailleurs, 
je pense, de la méthode à laquelle on dcût as- 
sujétir tout travail sur les cartes du moyen 
âge, comme de la méthode que les philologues 
modernes croient pouvoir seale appliquer à 
Texamen des cartes renfermées dans les ma- 
nuscrits de Ptolémée. Avant d^entreprendre 
de deviner quelles sont les positions des cartes 
modernes qui. répondent à celles des cartes de 
rtutiquité classique, on dcàt examiner les opi- 
oicms que les géographes anciens' sYtaient ibi^ 
mées eux-mêmes de remplacement relatif des 
lieux. Les essais graphiques d^Agathodœmon 
d^Alexandiit ou des desànateurs moins savans 
qui plus tard ont ajouté aux prétendues cartes 
de Ptoléuée, ne sont «pie Texpression des opi-^ 



D.nt.zedbïGoOglc 



176 SECTION DP.UXIEME. 

nions pluit ou moins erronées de leur temps. 
I! s^agil de même, pour l'époque de Colomb 
el de Ponce de Léon, de trouver les traces de 
cet accord entre les cartes et les journaux de 
navigation, de se borner strictement à l'exa- 
men des ouvrages antérieurs à iSag et de re- 
connaître, malgré leur travestissement, sou- 
vent très étrange, tes dénominations anciennes 
et indigènes dcois les dénominations et les 
souvenirs modernes. Quoique le nombre des 
positions sur lesquelles on peut avoir quelque 
certitude soit assez considérable, il reste ce- 
pendant dans la description de l'Inde insulaire 
de Marco Polo, conune dans les documens 
graphiques de l'Amérique, beaucoup dlles ré- 
pétées et devenues comme stéréotypées sur 
toutes les cartes jusqu'au dix-septième siècle, 
îles dont il est impossible de marquer l'em- 
placement réel, quelquefois même de prouver 
l'existence. Bien des cartes mannes et des 
portulans du moyen-âge ne sont pas plus 
débrouillés entièrement que ne l'est la on- 
zième carte de l'Asie de Ptolémée, qui pré- 
sente l'Archipel au sud du Sinus magnus et à 
l'ouest de Cattigara, station des Sines. 

Dans les investigations géographiques, il 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXIEME. 1 77 

faut commencer, dès que Ton se trouve sut- 
un terrain douteux, par Videntité des noms. 
Après avoir reconnu sur les cartes les déncH- 
minations conservées par les voyageurs, il 
faut voir m \a position relative des lieux s'ac-^ 
corde aussi avec les itinéraires, et si cette 
position, ou plutôt Vordre de succession des 
Ueux est tel que les voyageurs l'ont supposé à 
tort ou à raison. Ces derniers se seront sou- 
vent trompés ; car dans des parages où les 
Courans exercent une grande force, la position 
relative des îles, en les considérant sous le dou- 
ble point de vue de leur relation entre elles 
ou du gisement par rapport à xme côte voi- 
sine, devait laisser beaucoup d'incertitude ;, et 
l'imperfection de Part nautique d'alors nous 



pnve 



de toute détermination absolue. Co- 



lomb, dans son jom-nal de navigation et dans 
la lettre au trésorier Rapfaael Sanchez, datée 
de Lisbonne le i4 mars 149^1 insiste sur Toi^ 
dre dans lequel il découvrit et nomma les pre- 
mières îles parmi les Lucay es. «La première, 
dit-il, est San Salvador ou Guanabani j la se- 
conde Santa Maria de la Concepcion ; la troi- 
sième ïemandina ; la quatrième Isabela ou 
Saometo j la cinquième Juana ou Cuba^ m D'a- 

m. 19 



tzedbïGooglc 



178 SECTION DEUXIÈME. 

près une lettre d^Anghiera (lib. VI, ep. i34)f 
il assigna le sixième rang à Haïti, ou l^spa- 
Adla. Mais il est sinon prouvé par le procès 
contre TÂego Colomb, du moins rendu assez 
probable que cette dernière île a été vue pour 
la première fois par Martin Alonzo Pinzon, 
tandis que Tainiral se trouvait encore sur les 
côtes de Cuba '. Ânghiera devina si bien, dès 



* Pour les t^mcM^agegdaos le[KYKë8,voyezlen° 19- 
des probanxaa du fiscal (Nat. t. III, p. 573). Martin 
AloREo Pinson, qui commandait la Pinta, se sépara 
de Colomb le 91 novembre sur les cdtes de Cuba, près 
de Puerto del Prindpe ( Puerto de las Nœvitas de ma 
cartedeCubade 1836, aun" 33 de l'Atlas géographique). 
Déjà le 6 décembre, Colomb attéra à Haïti près du cap 
de Saint-Nicolas (Peth. Haat. Oceanica , Dec. I , 
tib. III, p. 4S), auquel il doQoa alors le nom de Cabo 
del E^trella (Journal de navigation dans Nav, t. I , 
p. 7g). Ce dernier nom ne se trouve plm sur la carte 
de Ribero, mais bien sur celle de Juan de U Cosa 
(voyez n° 34 de mon Atlas), laquelle présente aussi W 
anciens noms de Panta de Cuba pour Punta de Maysi, 
Cabo lÀndo (N*v. t. I , p. 77) pour PunU del 
Fraile, Cabo de Pico (Nav. t. 1, p. 67) et le Ca6o de 
Cuba, B^nM. Navarrete(t. I, p. 56), pour Punta de 
Mulas; selon M. Irving (t-IV, p. a6o)pour llle Gua- 
jaba, avec une configuration assez juste di» câtes. Je 



D.nt.zedbïGoOglc 



SECTION DEUXIEME. 



le mois de novembre i493t l^mporlance de 
ces six îles, qiie, tandis que Colomb restait 



désigne paMicuIièrement ces dénominations du journal 
de Colomb, parce que le documeat précieux que nous 
pelions ici, la mappemonde de de la Cosa, est le seul 
qui les oâre. Lorsque Martin Alonzo Pinzon rejoignit 
l'expédition de Colomb le 6 janvier dans le voisinage 
du promoDtoir« Monte Christi , il affirmait • n'être 
arrivé sur les câtes d'Haïti que depuis trois semaines, 
parce que depuis sa séparation de Colomb (le ai no- 
vembre), il avait été à l'Ile de Baneqiu, dans laquelle 
il n'avait pas trouvé la richesse en or que les indigènes 
(tes Lucajes)luiavaient promise. • (Nav. t. I,p. 137.) 
D'aprèa ce récit, que l'amiral amia« tenir de 
Martin Alonzo même , celui-ci n'aurait débarqué 
sur les côtes d'Haïti que vers le i€ décembre, par 
conséquent 10 jours opris Colomt. Toujours est-il 
faux <> que la Pinla se soit déjà séparée des deux 
autres caravelles près de ITle de Guanahani, et que Co- 
lomb n'ait trouvé Haïti que d'après les rensdgnemens 
que Martin Alonzo liù avait envoyés par des canots 
d'Indiens aux Iles Yucayos, • comme l'ont dit dans )é 
procès plusieurs témoins (Nav. t. III, p. 574)- 
Ces mêmes intern^atoires du fiscal (voyez le témoi- 
gnage de Francisco Garcia Vallejo ) nous appren- 
nent d'ailleurs ce que c'était que cette Ile de Bane- 
que, qui occupait tant l'imagination de Colomb et 
de Martin Aloozo Pinzon, et que dans le journal ^ 



jbïGoogIc 



SECTION DKUXIEMK. 



dans la ferme croyance d'avoir élé, soit dans 
des terres soumises au grand Khan ou dan» 



premier j'ai trouve plus de quinie fois nommée mdif-' 
féremment Babeqae ou Baneque (Nat. t. I, p. 63 et 
■ 36). Le témcûn dit (N«v. t. III, p. 573) que • l|p- 
sept lies des bas-ronds de la Btdiulca • que, selon )e 
fiscal, Maitin Alonio avait découvertes avant l'île 
d'Haïti, n'étaient autre chqae que la • islatUBaiueea,' 
et c'Mt là le nom que nous connaissons par la mappe- 
monde de Ribero et le voyage de Ponce de Lëon, nom 
d'un Ophir imaginaire qui semble avoir embrassé 
primitivenieat tous les îlots situés au nord d'Haïti. 
Je reviendrai plus tard sur cette position de Ba- 
beque : il suffit d'avoir fait voir ici que l'anté- 
riorïté de la découveite de Saint-Domingue par Martin 
Alonzo, proclamée par le fiscal en i5i3, n'est consta- 
tée qu'autant que l'on appelle découverte la vue d'une 
tâte très élevée. Il est plus que probable que la Pinla 
aura longé cette côte en cherchant la terre de Babeque 
avant que Colomb quittât la Punta de Majsi , cap 
oriental de Cuba ; mais rien oe prouve que Martin 
Alonzo ait d^arqué avant le 6 décembre, et commencé 
sa riche récolte de pépites d'or d'Haïti , objet de la 
jalousie de Colomb. Un témoin, Diego Femandec 
Colmenero, raconte dans le procès que l'amiral eut la 
petitesse de changer le aom du Bio de Martin Alonio^ 
aujourd'hui Rio Chuzona Chico, en celui de Rio de 
f^racia, quoique Pinzou y eût été a l'ancre 16 jours , 



tzedbïGoOglc 



SECTIOK VEUXliiME. l8l 

File de Zipango (le Japon), il le proclama déjà 
ÎVoci Orbis repertorem. (Lib. VI, ep. i38.) 
Je commencerai par présenter, sous la forme 
d,'un tableau synoptique, les différentes appli- 
cations qui ont été iàites des noms imposés 
par Tamiral à ses quatre premières décou- 
verXes. 



avant lui(NAv. t. 111, p. 577). En effet, le journal 
rédigé à l'embouchure de cette rivière (voye* les 
journées des 9 et 10 janvier i493) se ressent beau- 
coup d'une haine long-temps dissimuW contre le chef 
de cette famille puissante de Palos , à laquelle l'amiral 
avait beaucoup d'obligations et dont la jalousie le 
poursuivit jusque dans ses héritiers. 11 m'a paru 
imp(H^nt de préciser dans cette note les &its qu^ 
ontra^;>ortà la découverte de Saint-Domingue. 



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SECTION DEUXIEME. 



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SECTION DEUXIÈME. l83 

Pour apprécier là valeur des interprétations 
quWpnme le tableau qui précède, je vais les 
vérifier par la comparaison des deux docu- 
mens les |^us anciens que nous possédons, les 
cartes de Juan de la Casa et de Diego Ribero, 
La grande autorité de ces documens repose 
non-seulement sur la date incontestable de 
leur rédactioaî,,maÎ5 aussi sur Timportance et 
la position individuelle de leurs auteurs. L'une 
de ces Cartes a été dessinée au Puerto Santa 
Maria, près de Cadis, deux ans avant que 
Christophe Colomb entreprît s<»i quatrième et 
d^w^ voyage j Tautre, entièrement sembla- 
ble pour les positions que nous discutons iâ, 
est postérieure de dix-sept ans à la mort d'A- 
màic Yespuce. Je n'anticiperai pas sur les 
rmseignemens plus amples que je dois donner 
sur la personne de Juan de la Cosa, en décri- 
vant, dans la troisième Sçction de cet ou- 
vrage, la mappemonde de ce célèbre naviga- 
teur. Il suffit de rsftpeler ici sommairement 
que de la Cosa avait acctnnpagné Colomb dans 
la sec(»ide et peut-être aussi dans la troîsi^e 
expédition, que d'autres voyages le rame- 
nèrent souvent jusqu'en iSog sur les côtes 
des Grandes Antilles, qu'An^era vante sork 



tzedbïGoOglc 



l84 SECTION DEUXIÈME. 

talent de dresser des cartes marines, et que Las 
Casas (lib. II, cap. a), en parlant des conseils 
que Bastidas reçut de de la Cosa dans Tannée 
même (i5oo) où ftit dessinée la mappemonde, 
dit que « le Biscayen Juan de la Cosa était 
alors le meilleiu" pilote qu'on pût trouver pour 
les mers des Indes occidentales. » Quant à 
IVuteur de la seconde carte,. Diego Ribero, 
cosmograpbe et ingénieur d'instrumens de na- 
vigation de l'empereur Charles V, depuis le 
10 juin i523 {cosmograjb de S. M. y maestre 
de kacer carias, astrolabios y otros instru- 
menios), il n'est'point allé en Amérique, mais 
appelé avec le second iils de Pamiral, Ferdi- 
nand Colomb, avec Sébastien Cabot et Jean 
Veepuce, neveu d'Améric (Petr.Mart. Océan. 
Dec. II, lib. VII, p. 179; Dec. III, lib. V, 
p. 258, et Docum. n° i2 dans Navarr. t. III, 
p. 3o6}, au célèbre congrès du Pont de Caya, 
entre Yelves et 6adajoz,pour discuter sur Tap- 
plication des degrés de longitude qui devaient 
limiter les découvertes espagnoles et portu- 
gaises, il avait à sa ^sposilion, par la nature de 
son|»nploi , tous les ma tériaux que renfermait le 
grand et bel établissement de la Casa de Con- 
fracWctt>/i, fondé à Séyille en i5o3, et le dépôt 



jbïGooglc 



SECTION DEUXIÈME. l85 

des cartes Aupiloio Ttuiyor, chargé depuis i5o8 
(Docum. n° 9 dans Nav. t. III, p. 3oo} d'étendre 
et rectifier d'année en année le Padron Real, 
c'est-à-dire le recueil de positions 'i des terres 
fermes et îles ultra -marines. » La nwppe- 
monde de Diego Ribero, construite en iSag, 
et conservée aujourd'hui dans la bibhothèque 
publique de Weiraar, prouve combien les ma- 
téiiaux que j'indique ont été nombreux et im- 
portans. La partie des Antilles, du Mexique et 
des côtes septentrionales et orientales de l'A- 
mérique du sud ressemblent, pour la configu- 
ration générale, sans en excepter même le 
littoral de la Mer du Sud, dès la" N. aux io" 
S. tellement à nos cartes modernes, qu'on est 
émerveillé des progrès qu'avait faits la géogra- 
phie depuis la fin du quinzième siècle. Des 
disputes suscitées à cet habile cosmographe 
sur son perfectionnement des pompes marines 
{bombas de achicar) propres à tenir à flot des 
navires qui faisaient de l'eau « abondamment 
comme pour mouvoir un moulin » ( Docum. 
n° 4 dans Nav^. I, p, CXXIV), nous donnent 
la certitude,. par un-témoi^age dans une pro* 
cédrat juridique, qu'il n'a pas survécu à l'anr 
jiée i533. Les savans espagnols connaissent Ip 



D.nt.zedbïGoOglc 



(86 SKCTION DEUXIÈME. 

nom et le mérite de Ribero, mais non sa 
mappemonde, que l'on suppose être venue en 
Allemagne par les fii-équens voyages que des 
seigneurs attachés à la cour de Charles-Quint 
disaient de Séville et de Tolède à Augsbourg 
et à Nuremberg. * 

GuANAHANi. — De la Cosa ayant longé, con- 
jointement avec Christophe Colomb, en no- 
vembre et décembre i493, la côte boréale 
d'Haïdf celle qui est opposée aux îles Turques 
et aux Cayques, devoit avoir appris de la 
bouche même de Tamiral où était râtuée cette 
île de Guanahani , qui m'avait été découverte 
que treize n-ois plus tôt. Or le premier regard 
jeté sur la carte de de la Cosa, place Guana- 
hani non entre les bas-fonds et les îlots qui se 
trouvent vis-à-vis d'Haïti, à Test de l'île de la 
Tortuga , mais loin vers l'oues^ , entre Samana 
et l'île Longue {Long Islajtd) qu'A appelle 
Yumai, dans le voisinage de sa grande terre 
de Habacao, qui est clairement indiquée par 
Ribero comme un bas-fond ou banc de sable, 
sous le nom de Caèocos. Cef^eux noms , qui 
sont identiques par la substitution si commune 
àecÀh, désignent le banc de Bahama , sur le- 
quel plus au nord nous connaissons encore 



tzedbïGooglc 



SEcrion DEUXIÈME. 187 

rile Grand Mlhaeo, qui eat Tile de Lucayo 
Grande de Ribero. La carte de ce cosmogra- 
fdie place même à Toueet de son Lucayo 
Grande le nom dlle Bahtana ( le Grand Bor- 
hama des cartes modernes ) , et râjiùt les deux 
îles par un banc de sable, qui est le Petit 
Banc de Bahama, tandis que Cabocos R. ', 
sé[>aré par un canal ( notre canal de la Provi- 
dence ), marque le Grand Banc de Bahamà. 
Pour s'»Miemter sur la carte de de la Cosa, il&ut 
i-apporter les îles et cayes au nord d^Haïti à 

' Pour ne pas toujours répéter les mêmes Doms, 
les lettres C. R. et P. placées à La suite d'une position 
indiquent , d'après l'analogie des synonymes botani- 
ques , que ta dénominatton appartint , soit aux cartsB 
de de la Cosa et de Ribero, soit au journal de navi- 
gation de Ponce de Léon. La lettre M. marque les 
noms qui sont en usage aujourd'hui. Comme pour 
l'identité des noms il làut recourir sans cesse aux 
journaux de route de Colomb , au procès du fiscal 
contre le fils, et k d'aiftres documens officiels ; de 
simples ofailires (I, 79, ou UT, S79) placés entre deux 
parenthèses ( ) indiquent les volumes et les pages du 
grand ouvrage de Navarrete. J'ai voulu mettre le petit 
nombre de personnes qui s'intéressent au détail des 
positions à même de vérifier les résultats auxquels je 
^'ap^te. 



tzedbïGoOglc 



l8e SECTION DEUXIEME. 

des portions de la'côte septentrionale de cette 
île dont ndentité avec les noms modernes est 
prouvée. Cespoints que présente le travaildede 
la Gwa sont, de Touest à Test, le cap Esirella 
( Nav. t. I , p. 79 ), l'ile Tortuga, qui a beau- 
coup fixé l'attention de Colomb dès son pre- 
mier voyage ( 1 , 80 et 85 ), yega Real ( Her- 
rera, 1,2, ii,etMufkoz, lib. V,S 6), Isabela, 
dix lieues à Test de Monte Giristi , et fondé en 
janvier i494i ^rès la destruction du petit 
fortin de la Navidad (I, 21g, F'ida del Alm. 
c. 5o ; et Mufloz , lib. IV, § 42 ), Càho de Pîata 
( I, i3i), à Test de Cabo Fronces de Colomb ' 
( Cabo Franco , C.}, enfin la péninsule de SO' 
manà, appartenant à la province haïtienne de 
Xamana (I, i32 et 209). Or, les Iles Tur- 
ques, que M. Navarrete croit être Guanahani, 
sont situées dans le méridien de la Pointe Isa- 
bélique ( Isabela de de la Cosa et des cartes 
anglaises ) : c'est le second des quatre petits 
groupes d'ilôts et de cayes opposés à la côte 
septentrionale d'Haïti, entre les méridiens de 

' C'est le yieux cap Framaù (loug. 71° 17 ), 
qu'il ne faut pai confondre avec le cap Français 
acluel, situé vers le N. 0. de l'ile (long. 74° 38 ). 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUlCIKHE. l8g 

la Torluga et de Samaiià. Ces qualres groupes 
portent aujourd'hui les nonft de Cayques (los 
Giicos), Turks Islands (lasTurcas), lejifou-' 
choir carré (Abre los ojos ), et les Cayes d'Ar- 
gent (Baxp de la plata). Cette bande d^iktts et 
de bas-fonds est indiquée par de la Cosa , aussi 
de l'ouest à Test , sous les dénominations de Ma- 
guana, lucayo et Caiocmon, et à peu près 
dans leiir vraie . distance de la côte. L'îlot 
lucayo, placé dans le méridien d'isabela, 
semble par conséquent représenter le petit 
groupe des Iles Tiu-ques , composé du nord au 
sud du Grand Kay (Grand Turk), de Hawh's 
Nest, de Sait Kay, Sand Kay et Endymîon' s 
Rockf mais sur la carte de de la Cosa, Guana- 
liani, loin d'être parmi les ilôts à l'est du mé- 
ridien de la Tortuga , en est placé à l'ouest. La 
longitude que de la Cosa assigne au premier 
point de débai-quement de Colomb est sans 
doute trop orientale encore. En pronanl pour 
échelle la différence de longitude qu'offre la 
carte de de la Cosa du cap Saint-Nicolas (Cabo 
Estrella, C.) au cap Samana', je trouve de 

' D'après les U'avaux hydrographiques U'ès récens 
de M. Richard Owen, cetlp diffti-enre fst de 4° s»' i 



tzedbïGoOglc 



igo SECTION DEUXIEME. 

Yucayo, C. ( Grand Turk, M. ) à Guana- 
hani , C, seulement 2" 5o' au lieu de 4° *2'. 
L'erreur de de laCosa provient d'avoirrappro- 
cbé outre mesure Guanahani de son lie Sa- 
mana, nom qui est resté à jitwoods Kay sur' 
les cartes françaises et anglaises. Or, cette ile 
Samanà, ce qui est assez remarquable, est très 
bien placée sur la carte de 1 5oo, puisque, d'a- 
près de bonnes observations cbronométriques, 

d'après tes calculs de M. OttmaDDs de l'ann^ 1810 
elle estde 4" 16'. (H««b. Beeueil /Tobserv. astr. t. I , 
p. i3.) Ed prenant la distance indiquée pour échelle 
dans cette partie de la carte de de la Cosa, la même 
carte donne de longueur (différence de longitude ) du 
cap Tiburon (Cabo de San Miguel de de la Cosa et 
de Colomb; Hekb. 1, 2, i5) au cap le plus orientât 
(Cabodet Higuey, R., Cabo delEngano, M.) 6° ; les 
cartes modernes donnent 6° i'. Cette comparaison 
■ prouve seulement que la forme générale d'Haïti est 
asseï exacte. En appliquant Ja mâme échelle à l'ile de 
Cuba, on la trouve juste jusqu'au-delà de Cabo de 
Cuba , C. , mais par te trop grand raccourcissement de 
la partie occidentale de l'Ile, la longueur entière de 
l'isla de Pinos (Evangelista de Colomb) au cap Maysi 
est fausse de i° 1- sur 8" \. Je reviendrai plus tard sur 
l'inégalité des échelles d'après lesquelles la mappemonde 
est projetée en longitude et en latitude, même entre 
les tropiques. 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXIEME I9I 

elle est de 1 1 à Test du méridien du cap Maysi 
de Cuba; d'aprèsdekCosa, de quelquesminutes 
de moins. Peut-on concevoir que celui^, qui 
connaissait l'existence d^une cludne d'ilôts ou 
de cayes presque parallèle aux cotes septen- 
trionales d'Haïti, qui sTait navigué deux fois 
avec Colomb et devait souvent avoir causé 
avec lui sur févénement le plus important de 
sa vie, le lieu du premier attérage, peut-on 
concevoir, dis-je, que de la Cosa eût placé 
Guanahani au N. O. de la Tortuga, si Colomb 
lui avoit indiqué une île vis-à-vis de la Pointe 
Isabelle ? La carte de Bibero de 1529 confirme 
pleinement ce' que nous avons apjnis par celle 
de de la Cosa. Elle est dépourvue, il est vrai, de 
noms sur la côte septentrionale d'Haïti, noms 
qui pourraient servir à s'orienter et se rassurer 
siu- le gisement des difFérens ilpts et bas-fonds 
opposés, mais elle figure et nomme ces dei^ 
niers, qui sont, de Test à l'ouest, les JBaxos de 
Babueco, à forme carrée ( peut-être - Silver 



' On pourrait croire qu« c'est le banc du Mouchoir 
Carré, maïs les Ct^es ^Argent devaient frapper btea 
davantage par leur étendue et leur forme de ipiadii- 
latëre plus prononcée. 



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192 SECTION DE11XISM£. 

Bank, M^ ), les iles Cayaca el Canacanj qiie 
je crois être les Caycos de Ponoe de Léon 
(Herrera,De«/ 1, lib, IX, cap. 10 ), Amuana 
et Ynagua. Au N. O. de la ïortuga Ribero in- 
dique G&anahani opposé à rextrémité orien- 
tale de Cuba, dahs le méridien du point où se 
trouve le nom de Baracoa^^ qui est le Puerto 

• Raraou est trop occidental dans la carte de Ri- 
l)ero; d'^rès celle que j'ai publiée de l'île de Cuba en 
i8a6,ce port est de af; d'après la carte deM. Owen, 
de a3' à l'ouest du cap Maysi. Comme mon ouvrage 
doit reunir tout ce qui a rapport aux anciens nom» 
donnés pai' (k>lomb aux positions dans la Mer des An- 
tilles, il me reste à faire observer ici que le cap Maysi, 
quedelaCosaappeUedelaPun/ai/f Cuba, ne reçutau- 
cunuomdansla première expédition. Colomb (1, 78) ne 
vit ce - Cabo muj- hermosâ qu'à la distance de 7 lieues 
sans vouloir le reconnaître de près à cause du vif 
désir qu'il avait d'atteindre l'île de B<ihe^ue. • Il lui 
donna dans sa seconde expédition, le4 déceihbrei493, le 
nom bizarred'^Z/jAaetO'ni^^a, parce que,dans la ferme 
persuasion que Cubafaisait partie du continent d'Asie, 
le cap Kfaysi était à lafois te commencement de l'Inde 
pour ceux qtii viennent de fouest, et la fin de l'Inde 
poui' ceux qui viennent dp l'est. ( fida del Atin. 
cap. 3o. ) L'ami de Colomb, Pierre Martyr d'Anghiera, 
s'explique longuement sur cette dénomination alpha- 
/cW'çHequi exprime tout le système de Colomb, ■ de 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXIÈME. iÇ)3 

Santo du journal de Colomb ( I, 68, 69, 73, 
74), à peu près 45' à l'ouest du cap Maysi, 
appelé jadis Bayatiquiri ( Herrera, Dec. I, 
lib. II, çap i3 ) par les indigènes. Il en résulte 
que la carie de Ribero rapproche Guanabani 
déjà un peu plus du Grand Banc de-^ahaniâ 
que ne le fait de la Cosa. On reconnaît en géné- 
ral par cette carte combien la géograpbie de ces 
contrées avait gagné par l'expédition de dé- 
couvertes de Ponce de Léon et le nouveau 
système de navigation introduit par Anton de 
Alaminos *. J'ai déjà rappelé que le Grand et le 
Petit Banc de Bahama y sont clairement dis- 
tingués. Une île nommé Cahocos, reflet du 
mot jibaco, fait le centre du Grand Banc, ter- 
miné du S. E. au N. O. par Curaceo ( Curaieo 

chercher l'Orient par l'Occident. • (Voyez tom. I, 
p. ai .) • Joauns înitïum vocavit (Colonus) a et «, eo 
quod ibi finem esse noslri orientis , cum in ea sol 
occidat, occidenlâs autem ciun oriatttr arbitretur. 
Ckinstat enim esse ab occîdenle principium laâia 
ultra Gangein : ab oriente vero , tfrminum ipsius 
ultimum. » Océan. Qec. l, lib. 111, p. 34, éd. 
Colon. i574- 

' Le retour en Espagne par le canal de Bahama, 
(Hebber*, Dec. l,hb. IX, cap. 12.) 

m. i5 



tzedbïGooglc 



SBCTIOK DEUXIEMB. 



de Herrere, Descripcion de Indias occid. 
cap. 7, peut-être Hetera ' des cartes modet^ 
nés ) et la &ineuse Tierra de Bimini (îles Bi- 
minis, M. ) où Ponce de Léon chercha cette 
fontaine de jouvence dont Aoghîera * et le spi- 
rituel et. malin Girolamo Benzoni ont cru de- 
voir faire Téloge au pontife romain. Ribero 
figure rîle de Guanahani tout entourée de ré- 
ciÊ , c^est même la seule des îles Lucayes près 
desquelles il ait cru nécessaire dVn marquer : 
c'est là cette grande restinga depiedras [cinta 
de hajas ) que cerca toda la isla de San Sal~ 
vador^ selon le journal de Colomb ( I, 24 }■ 
La forme de croix donnée à File est imagi- 
naire , elle la distingue de toutes les autres, 
mais il est difficile de deviner sur quel récit 
erroné elle se fonde. Quoique Ribero ait placé 
Guanahani vis-à-vis de la côte de Cuba, comme 
il est dit aussi dans le procès contre Diego 
Colomb , la seule fois que le nom de Guana- 

' Ce nom indigène ( HeUra ou Eiera) a été corrompu 
«t précité fa Eleulkéra. 

* Anghiesà, Oceanica , Dec. II, lîb. X, p. 303 , 
nomme l'Ile de Bimini Bojuca ou Agnaneo , et prie 
aussi le pape de ne pas prendre la chose 'pour j'ocote 
aut Iwiltr dicta. 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXIÈME. igS 

hani s^y trouve prononcé ( IH, 579 ), Ribero 
aurait cependant dû reculer ce point encore 
de \ de degré plus à Touest. D'après la carte 
de M. Richard Owen sur laquelle les pn^res 
observations de ce navigateur sont rattachées 
à une levée espagnole des côtes orientales de 
Cuba, les deux Caps S. E^ et S. 0. de Guana- 
hani répondent aux méridiens des ports Ta- 
namo et Cananova. Ofj la première édition de 
la belle carte du capilaiiie de Mayné, qui n'est - 
que de huit ans plus ancienne ( elle date de 
i824)tp'^<^^ Guanahani (le cap S. O.) au 
nord de la baie dfi Nipe. La position de Tîle a 
donc encore changé dans ces derniers temps 
dcfde degré, et depuis 1807, d'après les 
cartes françaises ' , même de 35^. Ces exemples 
de rectifications modernes si considérables, 
malgré le perfectionnement des instrumens et 
des méthodes, doivent nous engager, je ne 
dirai point à ne pas blâmer, mais plutôt à con- 
templer avec surprise des résultats obtenus à 
la fin du quinzième siècle dans une mer sillon-' 
née par des courans. Guanahani est éloigné de 
plus de 3° 5 en latitude des côtes de Cuba j 

■ Carte du golfe du Mexiquf: 



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196 SECTION DEUXIÈME. 

Colomb , loin de se rendre dlrecleinent de 
Guanafaani à ces côtes, a navigué de Guana- 
hani à Conception, de Conception à Fernan- 
dina, et de Femandina à Isabella. Il a mis en 
outre trois ou quatre jours pour venir dlsa- 
belta au Puerto de San Salvador de l'île de 
Cuba. Le journal de Pamiral indique minu- 
tieusement les cfaangemens fréquens de rumbs 
et les dislances parcourues dans une partie des 
. routes , mais il ne les indique pas toutes. Les 
courans portent , d'après Rennell et Owen , 
2° à l'est de Guanahani au S. E., près de Gua- 
nahani vers le sud de la P" Columbus à 
ro. S. O. et à l'occident de Guanabani , dans le 
canal entre Guanahani et la Grande Ëxuma au 
N. N. O. Plus loin au sud d'Yuma ou Ile 
Longue , surtout dans le Vieux Canal de Ba- 
kama, vers les côtes de Cuba , les courans se 
dirigent vers ro. N. O. Gnglant souvent contre 
le mouvement des eaux et au plus près du 
vent , l'amiral a dû éprouver les doubles effets 
des courans et de la dérive. Malgré ces incer- 
titudes, le journal du grand navigateur (jour- 
nées du' 18-38 octobre t49^ ) t me paraît 
pourtant .prouver, lorsqu'on l'examine avec 
soin, que Guanahani est à peu près 1° à 



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SECTION DEUXIEME. I97 

l'ouest du méridien (le P" Maysi. Voici les 
données partielles qui conduiront en même 
temps à reconnaître , sur la carte de Juan de 
la Cosa , les quatre premières îles découvertes 
par Colomb. 

Le i5 octobre, Tamiral se rendit de Gua- 
nahani à Conception en passant près dVme 
autre île qui est à Test de Oïnception, Le jour- 
nal ne porte pas quel a été le rumb de Guanar 
hani à cette seconde île , et l'expression la 
mareame deiui'o{l, 25) pourrait faire croire, 
connue l'observe très bien M. Washington 
Irving, ou plutôt Pofficier de la marine des 
Etats-Unis qui lui a fourni Texcellent article 
sur le lieu du premier débarquement (t. IV, 
p. 278 ), que la route fut au S. E. Cette opi- 
nion est confirmée par la position de l^e qui 
porte encore le nom de Conception, et qui 
très probablement est identique avec celle que 
Colomb nomma Santa Maria de la Concep- 
cion. Don Fernando {F^ida delAlm. c. 24) 
donne pour la distance totale de Guanahani à 
Conception , 7 Ueues ; d'après nos meilleures 
cartes , il y a en effet vingt milles marins , et le 
rumb est S. S. E. depuis la P" Columbus. 
Cette pointe n'étant que de dix minutes en arc 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXIEME. 



plus occidentale que le cenlre de Conception, 
Tincerlitude que peut laisser le journal de na- 
vigation de Famiral n^est pas d^une grande im- 
portance pour la différeoGe de longitude de 
Gûanahani et d'un point quelconque de la côte 
septentrionale de Cuba. 

De Pile Santa Maria de la Concepcion^ Co- 
lomb navigue vers Vouest pour altérer à une 
île beaucoup plus grande qu'il appelle Fer- 
nandina^ en Thomieur du roi Ferdinand le 
Catholique. Distance 8 à g lieues (I, 27, 28, 
29). Colomb rencontra à nû-chemin un canot 
(almadia) de Gûanahani qui avait touché a la 
Conception pour se rendre à Femandina. Cette 
circonstance a pu répandre parmi l'équipage de 
Colomb l'opinion que l'île de la Conception était 
^tuée à l'ouest de Gûanahani. Dans toutes ces 
Iles Lucayes, la force de la végétation répon- 
,dait alors encore à la fréquence des pluies. Ce 
rapport entre l'Dumidité de l'air et l'ombre 
des grands arbres occupait surtout l'imagina^ 
jtion de Colcnnb sur les côtes de la Jamaïque, 
que les indigènes appelaient Yamaye (I, 127), 
Frappé de la vue des vastes forêts qui couvrent 
les Montagnes Bleues , il dit jutUcieusement 
(F^ida del^bn. cap. 58) « que lorsqu'on dé™ 



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SECTION DEUXIEME. 19g 

couvrit Madère , les Canaries et les Acores, il 
pleuvait beaucoup dans ces îles, et que de 
son temps elles souffraient déjà de sécheresse 
parce que Ton avait abattu en grande partie 
les forêts. « 

La quatrième île découverte par Colomb 
fut Saomete (Samoet, Saometro) ou Isahela, 
nommée ainsi en Phonneur dlsabelle de Cas- 
tille, ia isla adonde es el oro. Il est dit clai- 
rement dans le journal (17 octobre, I, 3o) 
que Samoet est au sud ou sud-est de Feman- 
dina. Plus tard (le 19 octobre, I, 33) on 
trouve encore indiqué le rumb du S. E., et 
après trois heures de route dans cette d^ec^ 
tion , on gouverna à peine deuK heures vers 
VE. La direction S. E. ou plutôt E.,S, E. de 
Fanandina à Isabela me paraît donc certaine ' , 

' J'avoue cependant ne pas trcç comprendre ce qu« 
Colomb ajoute à la (m, en parlant d'un promontoira 
rocheux (^uftoy appartenant à Isabela : • quedaba et 
dicho isleo en derrola de la isla Femandina, de adondo 
jo habia partido Lette oueste. • (1 , 33.) Fernando 
Colomb ne parle que des sfcreli de l'Ile Samoet qui 
tenait l'amiral enamorado de su lelUfa; il ne parle ni 
de la direction de la route, ni de la distance qui ne peu( 
être bien considérable , puisqu'elle a été parcounie 
^ansifpe matinée, 



tzedbïGoOglc 



aOO SECTION DEUXIEME. 

quoique MuAoz (lib. III , § i3), se fondant sur 
les mêmes documens, la donne S. 0. 

Il nous reste à examiner la traversée d^Isa- 
bela à Cuba par laquelle la première de ces 
îles se rattache à un point reconnaissable de la 
seconde. Ecoutons d^abord Colomb qui an- 
nonce dans son journal (I, 87, 38) d^une ma- 
nière bien solennelle son départ pour la grande 
île de Cipango {Zipangou., non Zipangri, 
comme le portent de mauvaises éditions de 
Marco Polo) que les Indiens appellent Coïba 
(Cuba) : a De là, j'ai résolu d'aller à la terre 
ferme et à la ville de Giàsay (Çuùiseû ou 
Hangtckeoufbu', en Chine), et donner les 
lettres de Vos Altesses au Grand Khan et lui 
demander réponse, et la rapporter tout de 
suite. » Ces naïves illusions avaient leur source 
dans les récits des voyageurs vénitiens : ce 
sont des souvenirs du treizième siècle , de Vé- 
poque où b dynastie de Tchinghis avait atteint 
le maximum de sa puissance, où Khoubilai 
Khan , frère de Manggou Kakhan , tenta l'ex- 
pédition du Japon. Colomb, je le répète, ne 
cite jamais le nom de Marco Polo, mais il 

,' flkUFAOTB, Mém. relalifi à (Asie, p- 200. 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXIEME. 201 

connaît par sa correspondance avec Tosca- 
nelli et par les notions répandues dans les 
villes commerçantes de Tltalie, ce que depuis 
Polo jusqu^à Conli on avait appris sur la ri- 
chesse et la grandeur du Khatay. « A minuit, 
le 24 octobre, continue Colomb, je levai l'an- 
cre au Caho del Isleo de l'île Itabela^ pour 
chercher l'île de Cuba, où il y a de l'or, des 
épices et de grands navires prêts à être chai^ 
gés. Les Indiens (des Iles Lucayes) qui allaient 
avec inoi, me persuadèrent que ffitteindraù 
Cuba en cinglant à l'O. S. O. C'est là l'île de 
Cipango, dont on raconte tant de choses mer- 
veilleuses, et par les indications (prt^remenl 
les espérances , espéras) que me donnent les 
peintures des mappemondes, Cipango (le Ja- 
pon, où régnait alors un da'ûi si pauvre, qu'on 
ne put l'enterrer ' décemment) doit être dans 
ces parages. Je naviguai par conséquent dans 
la direction de l'O. S. O. ; mais à midi, où, 
après que nous fûmes restés en calme , il com- 
mença à venter grand frais (lomb a ventar 

' Le jii4*'iaï''i(Go tsoutsi Mikado-no-in), régnant 
^e i465 à i5oo. Titsingh, Annales des empereurs tlit 
/apon, i834, p. 363. 



DotzecliïGoOgIC 



202 SECTIOH DBUXIEHK. 

ftti^ amoroso), je me rapprochai de noii- 
v^u de l^e Fernandina, que je relevai au 
N. O. à 7 lieues de distance, k Aussi, dans les 
jours suivans, du 25 au 28 octobre, le jour- 
nal de route marque des rumbs O. S. O., O. 
et S.S.O., avec lesquels on reconnut d'ab<Mti 
les Islas de Arerui, et puis à l'embouchure 
d'une rivière un beau port envîromié de pal- 
miers, que Colomb appela le Puerto de San 
Salvador, et que M, Navarrete croit être le 
port de Nipe. L'amiral, toujours abandonné 
aux mêmes rêves de géographie systématique, 
crut entendre de la bouche des indignes qu'à 
ce port de San Salvador arrivaient les vais- 
seaux du Grand Khan (I, 42). L'île de Cuba, 
la cinquième des premières îles découvertes 
par les Espagnols , reçut alors le nom de Juana 
(I, 78, et Vida del Alm. c, 25) en honneur 
de cet infant don Juan , fils aîné de Ferdinand 
le Catholique , qui mourut à l'âge de dix-^euf 
ans, et dont le décès précoce a exercé une si 
grande influence sur les destinées du genre 
humain. Le fils de l'amiral dit que son père , 
pour satisËiire à la fois à la memoria espiritual 
Y temporal, observa dans la série des noms 
imposés à ses premières découvertes un cer-* 



tzedbïGooglc 



SECTION DEUXIÈME. S03 

tain ordre très rigoureux de préséance en 
commençant par les personnages célestes, le 
Sauveur et la samie Vierge^ pour descendre 
au roi, à la reine et à Pinfant Don Juan, dont 
la part fîit la plus grande, (f^ida del^lin. cap. 
26.) La postérité n'a conservé que les deux 
premières de ces dénominations attachées à 
des ilôts aujourd'hui sans renom et presque 
sans population. Dix-sepl ans après la mort 
du frère de Jeanne la FoUe, en i5i4t il Ait 
ordonné par une cédule royale que Cuba, au 
lieu de Juana , s'appellerait Fernandina , et 
la Jamaïque Santiago (Herr. Dec. 1, lib. X, 
c. i6). 

La grande probabilité de l'opinitm de Mu- 
noz, d'après lequel l^e Isabelle est ïlle Lon- 
gue {Isla larga)^ et l'indication de certains 
ilôts {Islas de Arena) que Colomb vit la veille 
de son attérage à Cuba, laissent croire que 
l'attérage eut lieu non à la baie de Nipe, mais 
à 1* 4*' plus loin, à l'ouest de la P" îMatemil- 
los, peut-être à l'entrée àeCaravelas grandes, 
appelée sur ma carte de Cuba (édition de 1826) 
Boca de las Caraveîas del Principe^ près de 
l'île Guajaba. Cest le résultat qu'a obtenu 
J'ofHcier de la marine des Etat»-UDis dopf 



tzedbïGooglc 



104 SECTION DEUXIEME. 

M. Wasiûnglon Irving nous a conservé les 
judicieuses discussions. Une sinçle construc- 
tion graphique paraît prouver qu'avec les 
rumbs et les distances indiqués plus haut d'a- 
près te journal de Colomb, le point dVstime 
de Pattérage ne peut tomber sur le port de 
Nipe, et que les Islas de Arena ne sont pas 
les Cayos de Santo Domingo à rextrémité 
S. Ë. du Grand Banc de Bahama, mais les 
dangereux ilôts des Mucaras^ dans le mén- 
dien de la P" Maternillos. Pour avoir la pre- 
mière connaissance de la terre à Nipe, au 
S. S. E. de la P" de Mulas, il aura fallu gou- 
verner depuis Vile Longue sur le S. S. O. 
(distance presque 2° i en latitude) , tandis que 
la construction graphique prouve que la direc- 
tion moyenne était presque 0. S. O, , l'action 
du courant devant porter le rumb encore da- 
vantage vers ro. i S. O. Or, si le Puerto de 
San Salvador et les Islas de Arena sont les Ca- 
ravelas grandes et les ilôts Mucaras, il résulte, 
dîaprès les indications de Colomb même , que 
Guanahani serait un peu plus d'un degré à 
l'ouest du cap Maysi. Cela n'est pas trop éloi- 
gné de sa véritable position, Guanahani (cap 
S. E.) étant 77° 37', et le cap Maysi 76° 27'. 



tzedbïGooglc 



SECTION DEUXIÈME. 2o5 

Le résultat de position que nous venons de 
tirer des itinéraires du 20—28 octobre, se 
trouve confirmé par une autre indication du 
gisement des îles Isabela et Guanahani, par 
rapport à Puerto Principe que renferme acci- 
dentellement le journal des 29 octobre et 
20 novembre. Colomb fait d'abord sept lieues ' 

' Voyez tom. II , p. 3a6 , Dote a , pour la conver- 
sion des lieues en milles, en degrés, d'après Gomara. 
AuBst Pigafetta dît clairemeat dans le Traité deNafi--- 
ffofion (p, ai6), en parlant de- fa ligne de démarcation 
papale : Chaque degré des 36o degr^ de eïrconfé- 
rence terrestre équivaut à 17 -J- leghe. Les leghe de 
terre ont 3, celles de mer 4 milles. Médina, qui écrit 
l'an tS45, a cette même évaluation {Trat. de Naveg. 
p. 54). Or, Colomb emploie dans son journal, selon sa 
propre remarque, la lieue (italienne) de 4 milles; il 
faut donc convertir les données du journal par 17 ^ 
léguai au degré, puisque l'unité est la milla (Nav. 
t, I, p. 3), Lorsque dans la citation d'AUragao (voyei 
tom. I , p. 78) Femand Colomb (cap. 4) évalue le 
degré à 56 | milles, il est question d'un autre module 
d'un mille plus grand, presque dans le rapport de 3 
à 4' C'est un simple trait d'érudition. Nous verrons 
d'ailleurs dans la 4' stelion de cet ouvrage que vers l'an 
i 495 on inclinait plutôt, du moins en Catalogne, à aug- 
menter le nombre des lieues ait degré. Mosseu Jayme 
Ferrer compte poiu' 1° de longitude par le parallèle 



tzedbïGoOglc 



206 SECTION DEUXIEME. 

auN. N. E.,puis dix-huit lieues au N. E. jN. 
M De là, il ne voulut point aller (ce sont 
les e:^)resâons de l'extrait de Las Casas) à 
rîle Isabela, qui n'était plus distante que de 
12 lieues; parce qu'il craignait la dés^tion des 
interprètes indiens de Guanaliani, qui d'Isa- 
bela n'auraient eu que huit lieues de chemin 
jusque dans leur patrie. » Ces élémens donnent 
de Puerto Principe, qui est souvent appelé 
P*" de la Nuevitas ' ou de las Nuevitas del 
Principe (long. 79" 3o'}, pour le distingua- 
de la Boca de las Cqraveîas del Principe 

des Iles du Cap Vert 3o | lieiiet, ce qiti approche dea 
Ugmis tégalet de 5ooo caras , tandis que les lieuea de 
17 I au degré approchent des kgaat communes à'^- 
pagneà75oovaras. {Docum. 68 ; Nav. t. I|p.99.) 

' C'estpour ainsi dire le port de la ville Sonia Maria 
dtl Principe, situé dans l'intérieur des terres et dont 
j'ai discuté la positioD dans l'Analyse de ma Carte de 
l'île de Cuba. {Ret. hùt. t. III, p. 586.) Cette carte 
offre aussi) d'après un manuscrit de Don Francisco 
Haria Celi, que je possède , l'indication d'un lieu an- 
ciennement habité à l'est de P'" Curiana , appelé 
Embarcadero del Principe. Le rapport de position de 
ce lieu à celle de Cayo Romano explique peut-itre 
le* doutes que 6iit nalb'e le journal de Colomb du 
t5-t8 novembre. (WisH. luTiHe, t. IV, p. 361.) 



jbïGoogIc 



SKCTION DEUXIEME. 20^ 

(long. 79° 49')» à rîle Isabela trente-sept 
lieues, et à Guanahani quarante-cmq lieues, 
ou , en réduisant les lieues de Colomb en vrais 
milles marins, 127 et i54 milles. L'erreur 
n'est par conséquent, d'après la carte de 
M. Owen, pour Isabela que de 18, pour Gua- 
nahani que de 3o milles ' , c'est-à-dire de 7 et ^ . 
Il y a des cartes marines modernes qui dif- 
fèrent pour rîle Guanahani ou San Salvador, 
d'une quantité [H%sque tout aussi considéra- 
ble. La direction de la route que donne Co- 
lomb pour le point d'estime du matin 20 no- 

' Les petites différences qu'oi&ent mes résultats 
d'avec ceux du marin américain (Ibv. t. IV, 363) 
tiennent à la réduction des mesures itinéraires de Co- 
kimb que je regarde comme indispensables et eu gise- 
ment relatif de Puerto Principe, IslaLargaet Guanahani 
selon les cartes les plus récentes. La comparaison du 
chapitre ag de la Kirfo del Almiranle et du journal de 
Colomb (1, 61) prouve que le fils se trompe lorsqu'il 
dit que Saometro ou Isabela est presque situé • à 
i5 lieues de distance nord-sud de Puerto Principe. > 
La distance est fausse comme la direction : le fil» 
confond la distance d'Isabela avec celle du poi'nf d'et- 
lime du matin ao novembre, £n ne iàisant pas 
attention à cette erreur de rumb , on croirait Guana- 
hani presque de 3° plus occidental qu'il ne l'est d'à' 
près l'opinion de (Colomb et en réalité. 



tzedbïGoOglc 



208 SECTION DEUXIÈME. 

vembre (les rumbs vers Isabela et Giianahani 
ne sont pas mentionnés à cette occasion) , est 
tout aussi satisfaisante. La route suivie dé 
Puerto Principe à Isla larga était , comme 
nous venons de le voir, entre N. E. \ N. et 
N. N. E. : le véritable rumb serait donc N. E. 
Quand on réfléchit sur Teitèt des courans et 
sur notre ignorance parfaite de la variation 
magnétique du temps de Colomb , on est siv- 
pris d'une concordance due en partie à d'heu- 
reuses compensations dVrreurs. 

Après les argumens que nous avons tirés 
soit des cartes de Juan de la Cosa et de Rjbero, 
■ soit de l'analyse du journal de Colomb même, 
il nous reste à faire mention de l'itinéraire de 
Juan Ponce de Léon et du témoignage d'An- 
ghiera. Les deux derniers sont même anté- 
rieurs à l'année i5i4 ; ils appartiennent à une 
époque où le souvenir des premières décou- 
vertes était encore dans toute sa fraîcheur. 
Juan Ponce de Léon, qui dès i5o8 avait com- 
mencé à coloniser l'île Bcariquen ' [San Juan) , 

' Ce nom indigène s'est encore conservé dans la dé- 
nomination' de la Pania Bniquen, cap. N. 0. de l'tle 
San Juan de Portorico, appelée aussi par les Caribes- 



tzedbïGoOglc 



SECl'IUN DELXIËSIË. 2U9 

fil en i5i2, à ses propres frais, une expédi- 
tion aventureuse aux îles Lucayes et à la Flo- 
ride, pour chercher parmi les unes la fontaine 
de jouvence ' de Bimini , dans Tautre une li- 
vière qui avait les mêmes vertus rajeunis- 
santes. Comme Texpédition sortit de Porto- 
rico*. l'itinéraire de Ponce de Léon, conservé 



Ouioucmoin, et par Colomb, dans son journal (I, i35), 
quelquefoia hla de Carih. 

' •FuentequevoMaaloshorobresde viejosmoços.» 
Les indigènes de Cuba, desquels ce mjtbe avait passé 
aux Espagnols, avaient déjà été avant ceux-ci à la re- 
chercbc de Bimini et d'une rivière également miracu- 
leuse de la Floride. Ils avaient même à cette occasion 
fondé un établissement stable sur les côtes de la Floride, 
l'egai'dée comme une grande tle opposa à celle de Bi- 
mini. (Hebrera, Dec. I,lib.IX,cap. ta.)Onmitencore 
en 1514 une telle impoi-tance à la possession du petit 
îlot de Bimini, que nous avons presque de la peine à 
trouver sur nos cartes, que Ponce de Léon reçut le titre 
pompeux à' Adelaniado de Bimini y de la Florida. 
(Hebb. Dec. I, lib. X, cap. t6.) 

■ De l'embouchure du Rio Guanabo appelé alors. 
If Aguada ; mais l'expédition avait été préparée dans 
la Bahia de San Germon el Viejo, qu'il ne faut pas 
uonfondre avec la ville de San German el Nuevo, sur la 
c6te occidentale. 

in. i4 



tzedbïGooglc 



310 SSCTIOH DEUXIEME. 

en entier, nous otfce l'avantage de signaler 
par leurs noms les ilôts et bas-fonds opposés à 
Haïti et à Cuba , tels cp.i^îls se trouvent placés 
du sud-est au oord-ouest. Il suffit de citer ici 
ces noms poiu* prouver que llle Guanahani 
de Ponce est Cat Island de nos cartes , et non 
un ilôt à Touest des Cayques. Voici l'ordre de 
la série : les bas-fonds de Babueca indiqués 
sous ce même nom sur la carte de Diego 
Sibero de lôsQ, vraisemblablement les Cayes 
d'Argent ' (Silver Bank) ; l'ilot des Lucayes 



' On pouiTait rester indécis entre le Baxo de la PlaUt 
et le Mouchoir Carré (Abre ojos), la latitude beaucoup 
trop septentrionale (deas^J) que donne Pouce de 
LeoD ne pouvant diriger notre choix ; maïs la distance 
de 5o lieues qu'Oviedo compte de Portorico aux Bajos 
de Babueca vers le N. O. {Hist. gen. de Indias, P. I, 
llb, XIX, cap. i5)coiTespond mieux aux Ciy-ejrf'^r^/i/ 
qu'au Mouchoir Carré, éloigne de Portorico de plus de 
80 lieues marines. Je dois faire remarquer cependant 
que la lila del ^/eyoque Ponce place entre les bas-fonds 
de Babueca (pris peut-être dans une extension plus gé- 
nérale) et les Caycos, pourrait bien être la Grande ou 
Petite Saline des Sles Turques, c'est-à-dire le Gua- 
nahani de M. Navarrete ; car il n'y a rien qui mérite le 
nom d'une tie dans les Cayes d'Argent et le Mouchoir 



tzedbïGoOglc 



SJtaÉlOtt. DEÙXUMB. Sttl 

t^elé ioU Ct^cûs'()es Càyqi;^*); la Y^giuu^, 
lé preiqier Ma-YagOQ de Ribero. (rUe .I^iagua?^ 

. 'En jetant les }'eùxiBurceUe6én^dllotset<lftb«*T 
{ôdcIb^u N. de& Grandes Au^ea ) od voit les bas^&tids 
bordA, à l'est giu^ut, du eôté <jui est opposé à lalbrce 
des courans, des bandas'de terre longues et très étroites. 
Telle est l^'foçme d^ Des Cayques/des Ackfios et 
Crooked qui appartiennent Lan ià£me systteia de bas-' 
- fonds, des' Jiimens, de l'MfeljODgue, Exuma,S.^l^vs- 
dor et Eieathà^ tur le. Gjriiud Bapc, de Bahama. Cest 
comnie des murs ({ui doiventleur ori^âe à des niasses 
de coraux brisëeset soulevées par le choé des vagues.- 
J'ai eu câu^iisioD de .décxibrë -dans un autre endmt 
{Reltaion kitl. t.,ni(P-47o) \ea rvches Jragmenikiret 
qui se fôrmeut pour ainsi dit« sous nos yeux.anx Jor- 
diu& ou Jardinillot , aU euJd àss l'tle de Cuba. La poai- 
tioD dé ces -langues de terre qui entpw^t, Its bas- 
fonds dans jes iles Lucajes est très remarquable ,.çt il 
serait à désirer qu'un géologue p^uisse distinguer sur 
les lieux ce qui appartient au soulèvement général dea 
bancs par les forces qui oiit agi ded'ÎQtérieur-^ ^bbe 
aur la croûte saulerée, et ce qai est le simple e^ d^s 
couraqs et du clapotis desvagwes. I^es- formations ^-- 
tiaires et secondaires de l'Ile de Cabft(l. G. p..3fi6) sonl- 
ellea la base'sur laquelle des coraux ont construit leorè 
grands édiâoes dans les bas-fonds des (.uçayes.? 'o\ï>- 
cptte base estr^Uê une roche p^pi^gèue comme dans les 
Petites Antilles et dans la Her du Sud ? On peut être 
surplis de vtur que les Indes occidentiUes n'ofirent pa« 
III.. 14* 



tzedbïGooglc 



ai9 MOTION DEDXOpni 

' rtf^ua. (Maii>gua, R., Mariguane des cartes 
inodemes?); Guanahani , à laquelle Ponce 
donne la latitude de 35° 4o'- Il parait que le 
ÊHueux pilote de cette expédition, Antonio 
de Alaminos, faisait toutes ses positions près 
d'un degré trcç boréales, de sorte que son 
itinàiwe donne à peu près la Traie différence 
de latitude (3" lo') entre les Iles Turquesy 
près des Çayques , et San Salvador ou Giiaiia- 
hani. Uiie demièfe autorité bien importante et . 
entièrement négligée jusqu''ici dans la discus- 
sion sur le premier lieu du débarquement en 
Amérique» esjt Anghiera. Le neuvième livre de 
la troisième Décade, écrit probablement après 
4Sl4, offre uh grand détail géograpbique sur 
ïlaïtJ et Cuba, détail qu'Angbie^a dev-ait au 
récit,, aux.cartes et aux tableaux de positions 

ces banca de coraux circulaire! cratérifimnes, eutouraut 
un laC salé (JagootC) à Htie ou plusieurs issues , sar les- 
quelles MM. de Chamigso et Beechey ont fixé l'atten- 
tion des ]dijsiciens dans l'Océan Pacifique et l'Ooéan 
Indien , tandis que dans ces deux océans on ne connaît 
pas tles fbnnes aloiigées s^ublables aux langues de 
teïTe du bord oriental (y>ii>dward sitie') du Banc de 
Bahama. 



ibyCotS^lc 



SECTION DEUXIEME. 21-i 

(indices et tabellœ quibus prœbelur Jides a 
naucleris , en espagnol : padron) du célèbre 
pilote André Morales. (Oceanica, Dec. II , 
Iib.X,p.20o;Dec.III,lib.VII,p.277;lib.Vni, 
p. 298.) Or, Anghiera, qui avait donné l'hos- 
pitalité dans sa maison , comme il le dit lui- 
même , à Christophe Colomb , à Sébastien 
Cabot , à Jean Vespuce et à André Morales , 
distingue , par la connaissance intime qu^il a 
des localités entre Guanahani , qu'il appelle 
Guanaheini'j insulam CuhcB vicinam, et « les 



> Anghiei-a disserte sur la signification de la syllabe 
initiale ^ua si Ir^uente dans les noms géographîfjues 
et les noms propres des Haïtiens, dont la langue ne dif- 
férait pas assez de la langue .des Yucayes (habitans 
des Iles Baliainea), pour que le jeune Yucaye, natif de 
Guanahani, baptisé à Barcelone sous le nom de Diego 
Colomb, n'ait pu sei-vir d'interprète. (^Dec. 1, tib. 111, 
p. 43 ; Dec. ni, lib. VII, p. i85 ; MuSoz, lib. IV, § 39, 
lib. V, § 273.) Il est assez propable que le nom entier 
de Guanahani est signiiicalif comme le sont tous les 
nomsgéographiques basques (ibériens); je le retrouve 
presque dans le nom de cette belle i^ine (ou plulôt 
lêmme d'un chef haïtien de la province de Xaragua) 
Guanahaltabenechcna qui, malgré les instances des 
moines de Saint-François, se fit enterrer avec le corps 
de son époux. (Dec. III, Ith. IX, p. 3o4.) 



tzedbïGoOglc 



2l4 SECTION DEUXIÈME. 

îles qui bordent Haïti vers le nord ( insidœ 
quœ Hispamolœ latus septentrionale c(Mft>- 
diunt) et qui , quoique favorables à la pêclie 
et m^e à la culture , ont été négligées par les 
Espagnols comme pauvres et peu dignes d'in- 
térêt." {Océan. Dec. I, lib. III, p. 87 ; Dec. III, 
lib. IX, p.3o8.) 

avant de quitter ces minutieux détaits rela- 
tifs à la géographie des premières découvertes, 
je dois jeter un dernier regard sur la carie de 
Juan de la Cosa. On y reconnoît les quatre 
îles nommées par Colomb avant d'attérer à 
Cuba, mais trois seidement y sont marquées 
par leurs dénominations indigènes. L'ile sans 
nom (Jacée au sud-ouest de Guanahani est 
probablement Santa Maria de la Concepcion , 
encore connue sous le nom de Conception. 
Elle devrait être située au sud-est, mais comme 
les Indiens de Gaanahani c[ue Colomb rencon- 
tra dans l'ile Femandina avaient passé par 
nie Santa Maria, on pouvait la croire dans ' 
cette même direction. La Femandina paraîtsiu* 
la carte de de la Cosa comme Yumai (Exutna 
ou Ejuma), àl'O. S, O. de Guanahani, au'lieu 
d'être au S. 0. Au sud de Yumai on voit So- 
meto; c'est Tls^ela de Col<HBb, qu'il affile 



tzedbïGooglc 



SECTIOK DEUXIBHK. ai5 

aussi Saomete , Saioaot et Semoel; eofio « Test 
de Someto (Long Island) et au sud-est de 
Guanahani , par conséquent dans sa véritable 
position , on trouve l'ile Samana , nom qui 
s'est conservé jusqu'à ce jour. La carte d« 
Jiian de la Cosa, antérieure de vingt-neuf ans 
à celle de Ril>ero , offre ces positions dp Yu- 
pmi, Someto et Samana que Ribero ne connaît 
pas. Elles r^)araiss«it sur une carte du dix- 
septième siècle, du VéronaisPaulodiForiani.'. 
De la Cosa place au nord de la Tortuga une 
petite île Baaruco, et puis une grande sous le 
nom d^ Haïti. Serail-ce la Grande Inague*? 

' £a desrrittiont di tutto il Peru, carte qui comprend 
l'Am^que entière depuis la Floride jutqu'an détrok 
de Magellan et sur laquelle la ville de Quiloeet placée 
àl'eatdumôidieii de Ptntoi'îco. Forlani VerODesp a, 
comme Ribero, une île Guanima au N. 0. de Gua- 
nabani. Cesoin parait aueù dani l'iliDëraire de Juan 
i^nce de Léon. (Hebu. Dec. 1, lib. IX, cap. 1 1 .) Eat-ce 
Ëleutb^ra? 

' L'igDoi'aiice des langues, les méprises qui denaieal 
«n être une suite nécessaire, peut-être aussi le désii' 
malin de se jouer des étrangers (désir que j'ai trouvé 
û coaunun aiix indigènes de l'Orénoque lorsqu'on les 
accable de questions), paraissent avoir iàit naître la 
persuasion dans l'e^-îtde Colomb qu'au nord de la 



tzedbïGoOglc 



21b SECTION DEUXIEME. 

qui, dans Tordre d^étendue relative des Iles 
Antilles, se place enire les la" et 23°, immc-' 

Tortuga il y avait une lie très riche en or appelée 
Saiequeon Baneque. (Voyez plus haut, p. 3io.)Le 
nom de cet Ophir se trouve plus de quatorze fois men- 
tionné dans le premier journal de l'amiral (I, 53, 56, 
57, 61, 64, 78, 90, 92, ia6). L'ileBabeque est une île 
d'une étendue très considérable, ayant de grandes mon- 
tagnes, des variées et des rivières : on y parvient en 
passant au-delà de la Tortuga au N. £. (I, 85). On y 
cherche l'or pendant la nuit, à la chandelle, sur la 
plage. Les Indiens disent qu'il y a plus d'or dans la 
Tortuga qu'à l'Espanola, parce que la première est 
plus près de Babeque. L'amiral supposait même (le 1 7 
décembre i493) qu'il n'y avait des minerais d'or ni à 
l'Espanob ni à la Tortuga, mais que ■ ces minerais 
venaient de Babeque, à laquelle on peut se rendre en 
un seul jour (1, gS). > Tout ceci prouve assez contre 
Las Casas (I, 96) que Babeque n'est pas la Jamaïque; 
contre Fernando Colomb (cap. 27), que ce n'est pas 
l'Espanola ou Bohio (I, lai); enfin contre Herrera 
(I>ec. 1, lib. I, cap, i5), que ce n'est pas la terre ferme 
du sud ou Carilaba (I, 85). Je rappelle de nouveau 
qu'en comparant les parties du journal de Christophe 
Colomb (I, 63, i26)dans lesquelles il parle de la dé- 
sertion de Maràn Alonzo Pinzon dans l'idée d'atteindre 
l'île de Babeque ou Baneque, avec les pièces du pi-ocès 
conti-e Diego Colomb (111, S;*, 57^), où l'objet que 
Pinzoti cheichait est nommé l'îte de Bobueca ou /çj 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXIEME. 21 7 

diatement après Portorico. La Téritable Haïti ne 
porte chez de la Cosa que la dénomination £"*- 
panola, que Gilomb lui avait donnée le 9 dé- 
cembre 1492. Celui-ci en général ne se sert 
jamais du mol Haïti dans le journal du premier 
voyage , quoique Manuel de Valdovinos , un 
des témoins dans le procès contre Diego Co- 
lomb , prétende ( III , 672 ) que les habitans de 
Guanahani l'avaient fait connaître aux Espa-^ 
gnols lors du premier débarquement, le ven- 
dredi 11 octobre 1492. Christophe Colomb, 
Anghiera et tous les écrivains contemporains 
nVmploient que les mots Ëspanola ou Hispa- 
niola ; Colomb ne fait mention d'Haïti (Ha/ii) 
que dans son second voyage ( I, 209), et en- 
core n'apphque-t-il cette dénomination qu'a 
une seule province de l'Espanola , la plus 
orientale et la plus voisine de la pi-ovince de 
Xamana (Samanà). H ne serait pas surpre- 
jiant qu'une petite île voisine de TEspaflola eut 



tepl lies de Buéulca, on resl« persuadé ijue le Bnbeque 
ou les tfes Babeque (I, 6i) est un nom collectif appli- 
.cable au\ îles et cayes au nord d'Haïti, une extension 
de la dénomination Basoi de Babueco vei'S l'ouest, vere 
la Grande et la Petite Inagae. 



tzedbïGoOglc 



2l8 SECTION DEUXlifHE. 

eu le même nom qu Vue des provinces de cette 
dernière. Sur ta carte de de la Cosa même je 
trouve, uo peu au sud-est de la petite île d^Haïtt 
qui nous occupe, une île Maguana, et ce der- 
nier nom se rencontre aussi parmi les noms 
des provinces de PEspanc^ ' . Lorsque les dé- 
nominations géogra|diiques sont significatives, 
indiquant, par exemple, des productions na- 
turelles, de CM<ains objet de commerce ■, ou 



' Petr. Martyr, Océan. Dec. 111, lib. VII, p. a86. 

• Colomb' parle d'une île Goanin (Nay. tome I, 
p. 1 34)1 et gvanin ou guanîn est It nom d'un mëlange 
curieaK d'or, d'argent et de cuivre, que les premiers 
navigateurs Unuvèrent entre les mains des indigènes, 
et dont ou faisait des plauches et des armes (OceanUa, 
Dec.I,Ub.VlI,p. io4;HEHBERA,Dec.l,lib.lIl,cap. g). 
Les lettres que Colomb dit avoir vues gravées sui' une 
pla^e d'or à l'île Fernandina (Nav. t. I, p. 32), 
étaioit peut-être des traits tracés en guise d'omemens 
sur Aanuanin. Las Casas raconte (el ce fait est assee 
remarquable) que l'or de bas aloi (oro bajo ou guanin) 
de ces îles était recherche par les indigènes à cause de 
son odeur ; aussi celle du laiton ou cuivre jaune leur 
parut délicieuse, comme on s'en aperçut à Haïti et à 
PuM(HEHR.Dec.l,lib. 111, cap. 11). Une raoe d'hotn- 
■M6 basanés, appelée même hommes noirs, qui, venant 
idu sud-ouest, ravageait quelquefois l'Ile d'Haïti, pos' 



:iz..i:, Google 



SECTION DEUXIEME. 2tg 

une pn^riété de la surfece du teirain , elles 
peuTent se répéter plusieurs fois là où il existe 
une même langue ou des idiomes peu dille-' 
rens ' . Malheureusement le mot Haïti dans la 
langue de ces contrées indique ce qui est âpre 
et montagneux*, et ne paraît guère pouvoir 
être appliqué à l'île de la Grande Inague doat 
les collines les plus levées ont, d'après les 
dernières mesures de M. Owen, à peine f 5 
ou 20 tmses de hauteur. On ne lève pas mieux 
la difficulté en faisant Iti de la petite île ài Haïti 
dedelaCosa. Le curieux itinéraire de l'évêque 
j\lexandreGeraldini^, écrit en idi6, dit tout 



sédait surtout cet or guanin, dans lequel il y avait 
0,i4 d'argent et 0,19 de cuivi-e. {Relation historique, 
t. 111, p. 400.) Nous avons dit que Ribero préseabe 
aueù une île Guanima ou Guanlna parmi les Lucayes, 
île doDt Ponce de Léon fait mention dans son Itinë- 



' L'Ile de Cuba a, comme l'Espanola, un port de 
Xaguu : une province de cette derniêi-e tie s'^>elait 
Cubena ou Cabao. 

* Pira.MiRT. p. B79et a8i. 

^ IlÎRMrar. ad rtgiones sue œquinoctiali piaga conâli- 
lutat A/ex. Gtivldini AmeriniEpitcojii civ. S. Dominiei 
«pud Indos oexid. opus, antôfuitatet, ràiii et reli^iones 



tzedbïGoOglc 



220 SECrrON DEUXIEME. 

exprès que lU a reçu le nom d'Espaùola ( la 

fopuhmm compUctens, tune primo edidit Onuphrius 
Geraldinus de Caienacciû, aucloris abnepos. Romx, 
i63i, p. 120. L'ëvéque avait été l'ami et le protecteur 
de Colomb, lorsque celui-ci ne pouvait point encoi'c 
trouver accès près de la reine Isabelle (Cahcellieri, 
Notizie diCrist. Colombo, 1809, p. 65). Nous possé- 
dons de lui une pétition en style lapidaire très bizarre, 
adressée au pape Léon X (Jtiner. p. ^53), pélitionqui 
iùt accompagnée de plusieurs dons que le cardinal 
Laurent Puccio devait offrir au pontife. C'étaient des 
idoles (deos illarum gentium Hhpamùfa immanet, qui 
publiée loti populo reiponsa reddebanî), des oiseaux vi- 
vans (des perroquets et un dindoD) gallai, inquoopui 
natura mirabile appareil qaotiens enim rilu a natara 
inililo illi aviam generi, eum magna conjugum pompa, 
corpore uadique erecto, hinc inde ambil, varias loto capitc 
colores, modo recipit, modo deponit). Il est impossible de 
décrire plus distinctement le mâle des dindons, et la 
gallina aléa que Léon X reçut en même temps n'était 
sanB doute aussi qu'une variété du même <ûseau. 
Comme il n'est guère propable que Colomb ait porté 
des dindons {Meleagris, Lin.') des côtes d'Honduras 3 
l'Egpaôok, et que l'expédition d'Hernandez de Cordova 
au cap Catoche {Conex Catocke) et à Campêche (Qiw'm- 
pech), comme celle de Juan de Grijalva et du fameux 
pilote Alaminos à Cozumel et au Yucatan, ne datent 
que de i5i7 et i5i8, il esta axtirc que les babitans 
des Antilles avaient reçu l'oisnau de l'Amérique dit 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXIBMS. *ft* 

Hispanc^^ comme porte b traduction btine 
de la' lettre de Colomb atï trésorier Sanchez). 
/fi'et Ha-iti sont indubita^meàt symn^es^ 

uoFd par.tes'GommiuiicatjODs dea Indiàaa Lûcayes av«c 
la Floride. Les galUna p'awqnibiu haud minorée <^C\\ts 
cDmpagnoDs de Colomb Virent daifs le UoisiËme voyage, 
siu' la eôte de Paria (Pern. MAETta, i& însul. nuperi/iv. 
p. 348)1 n'étaient pas dei dindons, qui n'existent ptts 
dans l'AmMque du siul, mais des gaaiu iPeA^pé^ 
Merr.') que j'ai trourés dans uoç ré^on très voisine da 
Paria, dans les missious de Caripe, où les Espagnols 
les &ppeï\èut poDùs del monte. C'est à tort que des.histo- 
rieii9. nidd^^cs de la conquête ont confondu ces £t(â/M 
avec les dindons du Tiïexjque et des Ëbts-Vnis. Pierre 
Mar^r *d'Anghîera, eu parlant de 'la découverte âe 
FÙiS) qomme aussi : aiuerèt wtatet et pavages ledjyan 
veriicvàirej ; il ajoète : À famàûlus pfirum tiitcrapare 
mares (Ub. IX, ep. CLXVIII j voyei aUssi Itinenarium 
PoMu^tfe/wium, i 5ff8, cap. CIX, ftil. 67). 
' } Nat. t- I, p. 18a. Solorzano (^de.Ind. Jure, t. I, 
p. 37) remarque avec raison qu'HispeiÀdla est wie 
fausse tradnctioa du mot Espaw^ ; qatdnomen, i£fc--il, 
eateri iatiuitn rtddere capwués HtjpanAtfun vtrterunt 
(Açi^ûera se sert toujours du dininatiT, et le défend, 
Océan. Dec. III, lib. VII,' p. 381^, cicm vere Hispanam 
sive Hùpanicaih verlere clebuùseiU. Dans Yltinerariam 
Pôrtugaîlerùium , cap. CVI, H^ti est coustai&ment 
nonimé Iiisula Hispana, de même que dans la Coemo- 
gi-aphie de Sébastien Miinstei-. 



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SECTION DEiinrans. 



Or^-les.conuiieiitateurs d^ lettres de Ve^uce, 
pour wuTeiLsa véracité dïCns'ia lettre de i497.» 
admettent que le naviiàteur âorenliu a. éii 



lièaîein 1497- 

Je ne puis égaleinent rendre raison de ces. 
àsux paTillons aux armes de Castille et de 
Léon que Jiiaù de la Cosa a placés de préfé- 
rence, non sur l'île Guanabam, comme on de- 
vait s]y attendre , à cau^e de Timportîmce ■ 



tzedbïGoOglc 



S£CTIOK DEUXIEME. 



historique du premier débarquement et de la 
première prise de possession , mais sur Yumai 
( la Fernandina ) et sur la petite île A^Haïti. 
Aucune autre île de tout le groupe des Antilles 
n'ofifre ces pavillons ou drapeaux coloriés , 
mais sur les côtes du continent voisin , vers le 
sud et le nord, leur distribution locale paraît 
aussi purement accidentelle. Leur véritable 
but est sans doute dVmpécher de confondre 
les découvertes espagnoles de Colomb , de 
Hojeda et de Vicente Yafiez Pinzon , avec les 
découvertes anglaises de Sébastien Cabot. Je 
ne pousserai pas plus loin ces discussions sur 
la géographie du quinzième et du commence- 
ment du seizième siècle. En distinguant les 
explications conjecturales de ce qui est incon- 
testable et positif, en évitant la confusion de 
divers ordres de preuves, il a été établi que 
l'opinion ancienne qui signale le lieu du pre- 
mier débarquement des Espagnols près du 
bord oriental du Grand Banc de Bahama , est 
conforme au récit des navigateurs et à des do- 
cimiens qui n'avaient point encore été con- 
sultés. Il était indispensable de fixer ce point 
récemment contesté : il Tétait d'autant plus 
qu'à l'époque même de la grande découverte , 



:i!,Googlc 



224 SECTION UKUXIÈHE. 

la direcliol» Je la i-oute qu^ont suivie les vais- 
seaux pendant les premiers jours du mois 
d'octobre ( 1492)» semble avoir influé sur la 
distribution des races européennes dans le 
JNouveau-Continent et sur les effets immenses 
qui sont liés à cette distribution , sous le 
double rapport de la vie religieuse et politique 
des peuples. Le détail minutieux des ^ts, élé- 
ment indispensable de toute discussion scien- 
tifique , fetigue toujours le lecteur : on peut es- 
pérer d'en relever l'intérêt , si l'on rattache les 
résultats obtenus à un ordre d'idées géné- 
rales. 

En embrassant par la prisée celte période 
historique à laquelle (!3nistophe Colomb a 
donné de l'éclat et a imprimé un caractère in- 
dividuel , nous avons , dans la Deuxième Sec- 
tion de cet ouvrage , lâché de signaler la fi- 
nesse d'aperçu et la pénétration de ce grand 
homme lorsqu'il saisit les phénomènes du 
monde extérieur. Nous avons vu comment 
celui qlii révélait à l'ancien continent un monde 
nouveau , ne se bornait pas à déterminer la 
configuration extérieure des terres et les si- 
nuosités des côtes , mais combien il faisait 
d'cflbrts y dépourvu qu^il étoit d'instrumens et 



tzedbïGooglc 



SECTION DEUXIEME. 223 

«lu secours de connaissances physiijues, pour 
sonder les profondeurs de la nature et pour 
apercevoir par la vue de l'esprit ' , ce qui sem- 
blerait ne devoir être que le fruit de veilles et 
de longues méditations. Les variations du 
magnétisme terrestre^ la direction des cou- 
rans, l'agroupement des plantes marines, fixant 
ime des grandes divisions climatériques de TO- 
céan , les températures changeant non seule- 
ment avec la distance à Téquateur, mais aussi 
avec la différence des méridiens , des aperçus 
géologiques sur la forme des terres et les causes 
qui les déterminent , ont été les objets ' sur 
lesquels la sagacité de Colomb et Tadmirable 
justesse de son esprit ont exercé leur heureuse 
influence. Mais quelque remarquables qlie 
soient ces élémens épars de la géographie phy- 
sique , ces bases d'une science qui ne date que 
de la fin du quinzième siècle , leur véritable 
importance tient à une spbère plus élevée ; elle 
tient à ces effets intellectuels et moraux qu'un 

' Je me sers d'une expression familière à M. de Buf- 
fim. Voyez son Eloge, par Vicq-d'Aiyr. (Chùix def 
Ditcours de réception, t. H, p. SgS.) 

* Voy. plus haut, p. ag-iSa. 

m. i5 



tzedbïGooglc 



226 SECTION DEUXIÈME. 

agrandissement subit de la nusse totale des 
idées que possédaient jusqu^alors les peuples 
de rOccident, a exercés sur les progrès de la 
raison et l'amélioration de l'état social. Nous 
avons fcit voir comment dès-lors ime vie nou- 
velle d'intelligence et de sentimens, d'espé- 
nmces hardies et d'illusions téméraires , a pé- 
nétré peu à peu dans tous les rangs ; ctHmnent 
la dépopulation d'une moitié du globe a &vo- 
risé , surtout le long des côtes opposées à l'Eu- 
rope , l'établissemMit de colonies que leur éten- 
due et leur position devaient transformer en 
Etats indépendans et libres de choisir la forme 
de leur gouvernement ; comment enfin la ré- 
forme rehgieuse de Luther, préludant à de 
grandes réfra'mes politiques , devait parcourir 
les diverses phases de son développement 
dans une région devenue le refuge de toutes 
les croyances et de toutes les opinions. Dans 
cet enchaînement compliqué des choses hu- 
maines le premier anneau est la pensée , ou , 
pour mieux dire , la volonté énergique du na- 
vigateiu* g^ois. C'est par lui que commença 
l'influence immense que la découverte de 
l'Amérique , d'un continent peu habité depuis 
les temps historiques , et rapproché de l'Eu- 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXIEHE. 227 

rt^ par le perfectionnement de la navigation , 
a exercée sur les institutions sociales et ks 
destinées des peuples qui bordent ia grande 
vallée de l'Atlantique '. 

Sa Ton se plaît à peindre tes travaux d'un 
seul homme , franchissant les âges pouir chan- 
ger peu à peu toutes les ibrmes de la civilisa- 
tion , et étendre à la fois , selon la diversité 
des races , la liberté et l'esclavage sur la terre, 
il n'est pas moins important aussi de pé- 
nétrer dans ces individualités de caractère 
qui ont été la source d'une action si puis- 
sante et si prolongée. Les lettres de Cf^mb 
écrites à don Luis de Santangel , au trésorier 
Sanchez, et dans des momens plus critiques à 
la reine Isabelle et à la nourrice de -l'infent 
doD Juan, nous instruisent davantage sur lui- 
même que les frdds extraits de ses journaux 
de navigation que son fils don Fernando et 
Las Casas nous ont conservés. C'est dans les 
lettres de Colomb que l'on reconnaît la trace 
des soudains mouvemens de son ame ardente 
et passionnée, le désordre d'idées qui, effet de 
■ l'incohérence et de l'extrême rapidité de ses 

' Voyetplus haut, p. i54. 



tzedbïGoOglc 



228 SECTION DEUXIÈME. 

lectures , augmentait sous la double influence 
du maUieur et du mysticisme religieux. J'ai 
déjà rappelé plus haut ' coipment ramiral , à 
côté de tant de soins matérieb et minutieux 
qui refroidissent l'ame, conservait un senti- 
ment profond de la majesté de la nature. Cette 
Tariété dans le port et la physionomie des vé- 
gétaux f cette sauvage abondance du sol , ces 
vastes embouchures de fleuves dont les rive» 
ombragées sont remplies d^oiseaux pécheurs y 
deviennent tour à tour Tobjet de peintures 
naïves et animées. Chaque nouvelle terre que 
Colomb découvre lui paraît plus belle que 
celles qu'il vient de décrire : il se lamente de 
ne pas pouvoir varier les formes du langage 
pour faire passer dans Famé de la reine les im- 
pressions délicieuses qu'il a eues en longeant 
les côtes de Cuba et les petites îles Lucayes. 
Dans ces tableaux de la nature * ( et pourquoi 

• Tom. H, p. 35o. 

■ • Dice el almiraute que todo era tan hermoso lo 
que via, que no podia canear io8 oJDs de ver tanta lindeza 
y \oB cantos de ioa avea y pajarïtoa. Llegô a la boca de! 
rio y entro en un puerto que loe ojos otro lai aunca 
vieron. Las sierras altissimas, de las cuales descendian 
muchas lindaa aguas ; estas sieiTas llenas de pinos y 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXIEME. 



«e pas donner ce nom à des morceaux des- 
■criptiis pleins de charme et de vérité?), le 



.portodoaquellodiviirBiBsimas y berm 
de arbotea. — Andando pov el rio fue cosa maravlltosa 
vei' las arboledae y frescuras y el agua clariBsima y las 
aves j amenidad que dice que lepareciaquettoquisiera 
salir de alli. Para bacer relacioD à loa Reyes de la* 
cosas r(ue viao no basteraa mil leaguas a referirlo ni su 
mano para escribir, que le parecia questaba encanta^o. 
La hermosui-a da las tierras que vieroo ninguna com- 
paradoD ûenen con la campina de Cordoba. Estaban 
todos los arboles verdee y llenos de frtUa y las bierbas 
todaa florîdae y mu}' attas ; Iob airea eran como t^ Abril 
en CastUla, cantaba el ruysenor como en Ëspana, que 
era la mayor dulzura det muodo. Las nocbee cantaban 
otro8 pajaritos suavemaote, los grillos y ranas se oyan 
muchas. — La isia Juana (Cuba) (iena montanaa que 
parece que Uegan al cielo : la banan por todas partes 
muchoS) copiosoe y saludables nos... Todas es^ tier- 
ras presentan varias perspectîvas y Jllt;naa de nucba 
diversidad de arboles de immensa elevadon con hojas 
tan reverdecîdas y brillantes cual suelen estar en Es- 
pana en el mes de Mayo ; uoos colmados de flores, otros 
cargados de frulos, ofrecian todos la mayof hermosiira 
é proporcion del estado en que se ballaban. Hai stete ti 
ocbo variedades de palmas auperiores a las nuesU'as 
en su belleza y allura ; hai pinos admirables, campos 
y prados vastisimoa... ■ Je dois faire remarquer ici 
combien ces expressions admiratïïes trop souvent ré- 



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2^0 SECTION DEUXIEME, 

vieux marin dé[^oie quelquefois un talent de 
style que sauront aj^récier ceux qui sont ini- 

pétées rërëlent un vif Benttmentdes hexatétàe la na- 
ture, puisqu'il ne s'agit ici que d'ombre et de feuiHsge, 
non de ces indices de métaux précieux dont l'^uméra- 
tion pouvait avoir pour but de donner de llmportance 
aux terres nouvellemeni découvertes. Je vais ajotfler un 
autre morceau bien franc de style tiré de la LttOra ra- 
riisima de Colomb (7 juillet iSo3), et qui contraste 
avec les scènes paisibles et champêtres dont nous ve- 
nons de signaler les descriptions, et qui, k n'en pas 
douter, ont beaucoup perdu de leur éclat par les extraits 
qne donne Las Casas. • Detaveme quince dias en el 
puerio de Retrete, que asf lo quiso el cruel tiempo (de 
mar), Llegado con cuatro léguas revino la formenta, y 
me fatig<5 tanto i tanto que ya no sabia de mi parte. 
AlUsemerefrescddelmal lallaga : nueve dias anduve 
perdido, sin eaperanza da vida : ojos nunca yieron la 
mar tan aha fea y hecha espuma : el viento no era para 
ir adelante ni daba lugar para con'er haàa a%un cabo. 
Allî me detenia en aquella mar fecha sangre, herbiendo 
como calderapor gran Fuego. El cielo jamas fiie visto 
tan espantoso : un dia con la noche ardid como forno ; 
y asî echaba la llama con los rayos, que todos creiamoa 
que me habîao de fundir los navios. En todo esto 
tiempo jamas cessé agua del cielo y no para decir que 
Uovia, salvo que resegundaba otro diluvio. I4 gente 
estaba ya tan molida que deseaban la muerte para 
s»lir de tantos martirios. Los narvios cgtaban ain anclas, 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXIEME. 2Jt 

liés aux secrets de la langue espagnole , et qui 
préfèrent la vigueur du coloris à une cchtcc- 
tion sévère et compassée. 

Je tàcbwai de signaler plus particulièremen t 
quelques-uns de ces mouvemens poétiques 
que nous trouvons dans les écrits de Colomb^ 
commecheK les hommes supérieurs de tous les 
siècles y diez ceux surtout qu^une ardente ima- 
gination a confits à de grandes découvertes. 
Ils se révèlent d'une manière bien frappante 
dans la lettre que Tamii'al (déjà âgé de 67 ans) 
écrivît aux monarques catholiques le 7 juillet 
i5o3, Lorsque, de retour de son quatrième 
et dernier voyage , il eut relâché à la Jamaïque. 
Le style de cette lettre, connue sous le nom 
de rarùsima, et long-temps négligée , quoiT 
qu'elle eût été im^primée ' à Venise en j5o5^ 

ahiei'toB y sin velat. •■ VoiU un taUeaii de tempête 
comme les dooneat nos romans marUimei ; cependant 
le peintre n'était paa romancier. Ayant sillonné pen- 
dant plus de 4o ans les mera depuu te« côtes de Gui- 
née jusqu'en hiande et au Yucatan, il ne confondait 
pas un gros temps avec une véritable tempête. 

' Bossi, yiladi Crût. Colombo, 1818, p. 149 et 307. 
J'ai eu tort de regi-etter dam la Relation hitlorijue, 
toia. lli, p. 473, note 1 (aune époque où jenecoanais- 



tzedbïGoOglc 



232 SECTION DEUXIÈME. 

est empreint d'une profonde mélancolie. Le 
désordre qui la caractérise trahit ra^tation 
d^une ame fîère, blessée par une longue série 
d^quités , déçue dans ses plus vives espé- 
rances. Ecoutons le vieillard lorsqu'il dépeint 
la vision nocturne qu'il dit avoir eue lorsqu'il 
se trouvait à l'ancre sur les côtes de Veragua. 
D'énormes crues d'eau causées par des torrens 
qui descendaient des montagnes avaient mis 
en grand danger les embarcadons à l'embou- 
chure de la rivière de Belen ( Bethléem ) . L'é- 
tablissement colonial, dirigé par le frère de 
l'amiral , venait d'être détruit. Les Castillans 

sais point encore l'ouvrage de M- Navari'et»), que cette 
Lettera rarUsima n'existât qu'en italien. L'édition de 
Venise, publiée par CoQStantio Bayner? de Breacia, 
est sans doute (voyez lom. Il, page 334} une simple 
traduction, mais il existe d'anciennes copies espagnoles 
rnanuscrites, par exemple celle du CoUgio mayor de 
Cueneak Salamanque. Les expressions dont se servent 
don Fernando {yiâa deiAlmirante, cap. 94) ^t Antonio 
de Léon Pinelo dans |a Biblioiheca occidental, font re- 
garder comme probable que l'original même ait été 
imprimé en espagnol. Il n'est pas indifférent de 
savoir si dans un moi'ceau si caractéristique de style, 
)'on possède aujourd'bui les véritables expressions de 
J'apurai. 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXiÈHt. 333 

étaient assaillis par un chef indigène , le bel- 
liqueux çutiùin > d'une province voisine; ils 
chercliaient en vain à se réfugier à bord de 
leurs vaisseaux. « Mon frère gravement blessé, 
écrit Christophe Colomb , se trouvait loin de 
moi. Seul , affaibli par la fièvre , exposé au plus 
grand danger sur une côte sans abri, j'avais 
perdu tout espoir de délivrance. Je versai 
abondamment des larmes, et montant avec 
peine sur le plus haut de mon navire , j'appelai 
au secours d'ime voix plaintive vers tous les 
points de l'horizon (vers les quatre vents*), 

■ Je prends le mol quibian, ou, comme dit don Fer- 
nando, quibio, dans son vérïtable sens, celui de chef 
oa Tfâ.<lf^idadeiAlm. cap. 97.) Cen'eat pas un nom 
propre comme le veut Herbeba, Dec. 1, lîb. V, cap. 9 ; 
lib. VI, cap. 1 et 2. Sur cette même côte de Veragua les 
Espagnols virent les premières plantaiions ^ananat 
qu'on cultivait pour en faire le f l'rio de piAa ou vin d'a- 

" Le passage est obscur : Uamando a voz lemanta, 
llorando y muy aprisa , loi mautroi de la guerra de 
yuestrai Altéras, a lodos cualro los vientos,par tocorro. 
L'abbé Morelli traduit : Chiamando li maeitri de la 
guerra e aneora chiamando U venu. ( Leliera rariisïma 
di Crisl. Colombo riprodotta dal cavalière \». Mobelli, 
1810, p. 18.) 



tzedbïGoOglc 



234 SECTION DEUXIÈME. 

les capitaines de guerre de Vos Altesses. Per- 
sonne ne répondit à mes paroles. Accablé de 
&tigLie , je mVndonnis tsn sanglotant. Alors 
une vois compatissante vînt frap^>er mon 
oreiUe et me dit : Pusillanime, que tardes-tu à 
te fier à ton Dieu ? qu'a-t-il £iit davantage en 
faveur de Moïse et de David , ses s^-viteurs ? 
Defwis ta naissance d a eu soin de toi. Ixh^- 
qu^il te vit dans Tâge où tu pouvais lui plaire , 
. il fit retentir merveiUeusement ton nom sur la 
terre ( maravillosamenta hi'zo sonar tu nombre 
en la tierra ) : les Indes , qui sont une portion 
si riche du monde , il te les a données comme 
tiennes. Tu les as r^KU*ties comme tu as voulu 
et il t'en a transféré le pouvoir. De ces liens 
de l'Océan , de ces pesantes chaînes qui te 
tenaient emprisonné comme sous des serrures 
d'airain , Dieu t'a donné les clefs (de los ata- 
mientos de la mar Oceana, que estaban cer- 
rados con cadenas tan fuertes, te diô las lla- 
ves ) et tu te vis obéi dans de vastes provinces, 
et un honorable renom t'est resté parmi les 
chrétiens. A peine en a^t-il feit autant pour le 
peuple d'Israël quand il le sauva d'Egypte, ou 
i>our David qui, de simple pâtre, devint un 
roi puissant de la Judée. Rentre en toi-^nème, 



tzedbïGoOglc 



SfiCTION DKIXIÈHG. q35 

me<iitla vtHX., et i«connaisti>a erreur, La mi- 
s^iicorde du Sei^^eur -est infinie. Ta vieillesse 
même ne te privera pas de ces f;rEmdes choses 
que tu dois accomplir. Le Seigneur tient .en 
$(m pouviMr une longue hérédité d^années 
( muchas heredaàes tiene e grandàsimas ). 
.iU>raham avait déjà attrant sa centième m^oée ^ 
l<H-squ''il engendra Isaac. Tu ÎBijdores ( des 
bommes) un secours incertain et trompeiB-. 
Dis-moi , d^où sont venues tes afflictions ? Sur 
la teire., elles ne te sont pas venues de Ui-liaut, 
car I^u ne Ëtusse autnme de ses promesses el 
ne martyrise pas pciH* déj^yer sa puissance. 
Malgré mon alitement extrême, je saisis 
chaque parole , nais je ne pus répondre. Celui 
quime paHa, qu^eqtieAit sa ( mystérïeuse ) 
ess^ice , î^outa -alors ces paroles consolantes : 
Ne crains pas et prends con£aace : les grandes 
doideurs restait gravées dans le mailire , et 
elles n'y seront pas ^^viées en vain. Je me 
levfft en vwsaat des larmes sur mes foules, 
et la «ner se -calma. » 

Il y a, et je ne crains pas d'être accusé d'exa- 
gération en m'exprimaDt ainsi, de la graideur 
et de l'-^wation dans le morceau qu'on vieirt 
de lire . Cette description de la vision de luri- 



tzedbïGoOglc 



a36 SECTION DEUXIÈME. 

vâre de Bethléem est d^autant plus pathétique 
qu'elle ofire des reproches amers adressés avec 
une courageuse franchise , par un homme in- 
justement persécuté, àdepuissans monarques. 
La Toix céleste proclame la gloire de Co\owh. 
L'empire de Tlnde est à lui ; il a pu en disposer 
,à son gré , le donner au Portugal , à la France 
ou à TAngleterre, à quiconque aurait reconnu 
Ja sohdité de son entreprise. Cette image de 
l'Océan occidental enchaîné pendant des mil- 
Jiers d'années , jusqu^au moment où l'aventu- 
reuse intrépidité de Colomb en rendit l'accès li- 
breàtoute8lesnations,estaussinoblequebelle. 
On dirait même qu'un peu de malice se mêle au 
récit delà vision. La voix céleste célèbre de pré- 
férence et plus énergiquement peut-être que 
cela ne devait plaire au^monarques catholiques 
et à des courtisans, ennemis de Colomb, •( la 
stricte fidélité dans l'accomplissement des pro- 
messes que Dieu a données. » Cet éloge de la 
fidélité pouvait paraître d'autant plus impor- 
tun et hardi , que l'on lit dans la même lettre : 
H sept ans j'ai vécu à votre cour royale , pen- 
dant sept ans on m'a dit que mon entreprise 
n'était qu'une folie ( d quetrUos sefahlo de mr 
empresa todos.à una dîjeron que era hurla)', 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXIÈME. ^3^ 

aujourdliui tous , jusqu'aux tailleurs , deman- 
dent à aller découvrir de nouvelles terre» 
i^cLgora fasta los sastres supUcan par descu- 
brïr). Persécuté, oublié que je suis, je ne me 
souviens jamais d'Hispaniola et de Paria (de la 
Côte des Perles ), sans que mes yeux se mouil- 
lent de larmes. Les faveurs et le gain devraient 
être à celui qui exposa son corps aux dangers. 
Il n'est pas juste que ceux qui toujours ont 
entravé mes projets , en jouissent aujourdliui; 
que ceux qui lâchement se sont soustraits aux 
travaux dans l'Inde et qui reviennent pour me 
calomnier, emportent les emplois les plus lu- 
cratifs. Lorsque, par la volonté divine, j'ai 
réussi à placer de vastes terres sous votre 
sceptre royal , espérant me présenter sous vos> 
yeux, le contentement dans Tame , victorieux, 
annonçant des trésors ( con victoria y grandes 
nuevas del oro ), je me vis jeté avec mes deux 
frères , chargés de fers , dans un navire ; j'étais 
dépourvu de vêtemens et traité avec dureté; 
on me fit souffrir sans avoir été appelé devant 
la justice ou convaincu comme criminel. Pou- 
vait-on croire qu'un pauvre étranger lèverait 
l'étendard de la révolte seul, sane motif, sans 
secours d'autres princes, eûtoiu-é des vassaux 



t.;edbïG00glc 



SJECTION DEUXIEME. 



' de Vos Altesses ou d^indigènes ( in^fifôivns ), 
ayant mes deux fils à votre cour royale. Je 
conjDaençai à «ous servir à Tâge de vHigt-4iuît 
ans (il aurait dû ' écrâe de^Suts), et déjà il 
n^y a pas un de mes cheveux qui ne soit blaiH . 
chi. Le peu <jiie nous possédions mes frères et 
moi , tout jusqu^à mon vieux pourp<Hnt {saj^o} 
a été igDQittinieusement vendu, il faut crok« 
que ce qui nous est arrivé u^a pas été conforme 
aux ordres de Vos Altesses. Me réhabiliter 
dans mes droits , mon honneur et mes l»ens, 
châtier mes adversaires, ceux surtout qui 
m^ODt ravi mes perles et porté préjudice à mes 
droits à^amirauié^ voilà ce qui peut seul vous 
assurer le renom glorieux de princes justes et 
ennemis de ^ingratitude. La conduite mesurée 
et honnête que j^ai toujours tenue à votre 
royal service et Ta^^-ont ncm mérité que j''ai 
reçu , ne permettent pas le silence ; je ne puis 
plus refuser la plainte à mon cœur opprimé. 
Je su|^Ue Vos Altesses de pardonner à ma 
douleur; mes amis seuls jusqu^ici ont tu mes 



' • Ya son 17 anos que yo vine servir estos prin- 
cipes con la impresa de las IndiaS) • dit Colomb dans 
unelettrede i5oa.(NAv.t. II,p. 254.) 



jbïGoogIc 



SECTION DBUXiÈhE. 289 

larmes. Isolé , malade , attendant la mort 
cWque jour, je me trouve ( dans cette île de kt 
Jamaïqtie ) entouré de sauvages, ennemis des 
chrétiens , tellement privé des sacremeus de 
l'Église , que mon ame se séparera de mon 
corps sans qu^on se rappelle de moi. Qu'on i»e 
lire enfin de ce réduit pour que je puisse me 
rendre à Rome ou entreprendre quelque autre 
pèlerinage. Que le ciel ait pitié de moi , et que 
sur cette ten^ ingrate ceux qui professent la 
miséricorde , la vérité et la justice , ne me re~ 
ftisent pas leurs larmes. » 

L^abandon avec lequel cette lettre est écrite j 
ce bizarre mélange de force et de fàiUesse , 
dWgueil et d'humilité touchante, nous ini- 
tient , pour ainsi dire , aux secrets et aus cmo- 
bats intérieurs de la grande ame de Colcmib. 
Un homme bizarre , Diego Mendez , le fidèle 
compagnon de l'amiral, dcHit le testantent 
rraftame toute l'histoire du voyage de la Ve- 
ragua et qui dans sa pauvreté fit un majorât 
de quelques livres d'Aristote et d'Erasme ', 
porta la lettre de Colomb en Espagne. Il n'y 
arriva que vers la fin de l'année i5o3. Onze 

' Voyez tom. II, p. 353. 



tzedbïGoOglc 



^^0 SECTION DEUXIÈME. 

mois plus tard mourut la reine Isabelle. A 
k même époque Colomb , retenu à SéviUe par 
ses infirmités , écrit ' à son fils don Diego k que 
les Indes se perdent et sont de toute part. 
dans le feu de la révolte. » Telle est la fin de 
ce grand et triste drame d^une vie sans cesse 
agitée , remplie d'illusions , offrant une gloire 
imme/ise sans aucun bonheur domestique. 

Nous venons de suivre Colomb dans une de 
ces routes mystérieuses du sentiment religieux 
dans lesquelles nous le voyons si souvent en- 
gagé. C'est chez les hommes plus disposés 
à agir qu'à soigner leur diction , chez ceux qui 
demeurent étrangers à tout artifice propre à 
produire des émotions par le charme du lan- 
gage , que la liaison si long-temps signalée entre 
le caractère et le style se fait sentir de préfé- 
rence. L'éloquence des âmes incultes jetées au 
miheu d'une civUisation avancée , est comme 
l'éloquence des temps primitiis. Lorsqu'on 
surprend des hommes supérieiu^ et d'une forte 
trempe de caractère, mais peu familiarisés 
avec les richesses de la langue dont ils se ser-- 

• LeUre du i" décembre i5o4. ( Nat. iqme I^ 
p, 338.) 



tzedbïGoOglc 



SECTION DeUXlÈHE. 2^1 

vent , dans un de ces élans passionnés qui par 
leur violence même s'opposent au libre tra- 
vail de la pensée , on leur trouve cette teinte 
poétique du sentiment qui appartient à Pélo- 
quence des premiers âgesi Je pense que ces 
réflexions suffisentpOur prouver qu'en analy- 
sant les écrits de Colomb , il ne s'agit pas dé 
discuter ce qu'on appelle vaguement le mérite 
littéraire d'un écrivain. Il s'agit de quelque 
chose de plus grave _et de plus historique. 
Nous avons considéré le style comme expres- 
sion du fcaraCtère , comme reflet de l'intérieui" 
de l'homme. 

A la suite de la vision de Veragua je don- 
nerai ici le fragment d'une lettre également 
empreinte d'une profonde mélandolie et adres- 
sés à Dona Juana de la Torre , « femme ver- 
tueuse , » dit Colomb , qui avait été nourrice 
de l'infentdon Juan , fils unique de Ferdinand- 
le-Catholique et d'Isabelle, mort à l'âge de 
dix-neùf ans '; Je cède au plaisir facile des 

■ Les lettres d'Anghiera, qui ont tout l'intérêt de 

mémoires d'un temps fécond en grands ëvéaemens, ren- 

fermeot une description animée du décès de ce jeune 

prince et des caiises secrètes i|ui l'ont amené. Anghiera 

111. 16 



:|z..l:, Google 



2/(2 SECTION DEUXIÈME. 

citations , puisqu'il s'agit d'un morceau dont 
le style offre un mélange singulier de gran- 
deur et de familiarité. La lettre paraît écrite 
à la fin de novembre i5do, lorsque, chargé 
de fers , Colomb fut envoyé à Cadix par ordre 
de Francisco de BobadJlfa , commandeur de 
l'ordre de Calatrava ' . « Je suis venu en Cas- 

«it mourir t'infant et, ce qui peut surprendre dans uii' 
secrétaire du rm Catholique, il attiibue le courage 
de l'agonisant à ses iréquentes lectures des œuvres 
d'Aristote. (^Petri Mart. Spittolœ , lib. X, n" 174, 
176, i8s.) 

' La perûde lettre de créance (_^> carta de ci-eeDc'ia ») 
du a6 mai i499<]ueleB motiarquesdoQnèiïntàBoba- 
dilla, sans doute sous l'influence haineuse du surinten- 
dant des Indes, Juan Rodriguez de Fonseca, d'abord 
archidiacre de Sëville, et puis évéque de Badajoz, nous 
a été conservée dans les maDuacrits de Las Casas. 
M. Navari-ete (t. Il, p. 34») l'a publiée récemment. 
Elle est d'un laconisme effi'ayant( de quatre lignes) 
et poite simplement que l'amiral doit obtempéi'er à 
Bobadilla, • qui aura quelque chose à lui dire de la 
part des souverains. > Ce laconisme né doit pas sur- 
prendre lorsqu'on apprend par le brouillon d'une 
lettre de la main de Colomb, écrite comme prisonnier 
lors de son arrivée en Europe , et trouvée dans les 
archiva du duc de feragaa , que Bt^dillft Avait déjà- 
reçu en parlant la promesse de i-ester à Haïti comme 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXIEME. 243 

tille poui- servir avec amoiu' vos princes, et 
mes services ont «té tels que jamais on n'en a 
ofïèrt de semblables. Le Seigneur m'a fait le 
messager dSm ciel et dVn monde nouveaux , 
monde qui avait déjà été annoncé par la bouche 
d'Isaïe , le prophète , puis par saint Jean dans 
l'Apocalypse. C'est le Seigneur aussi qui donna 
à la reine Isabelle rintèlligence et la volonté et 
la rendît héritière de tout conune étant sa fille 
chérie ( carajr muy amada hija). Sept ans se 
sont passés en travaux dignes de mémoire, et 
cependant aujourd'hui il n'y a pas d'homme 
assez vil qui n'ait le droit de m'outrager. L'Es- 
pagne , dans laquelle toujours a régné la no- 
blesse ( des sentimens), se montre à moi plus 
ennemie que si j'avais donné les IVides aux 
Mam'es. Je continuai mes efforts pour poiter 
quelque soulagement à la reine dans la tris- 



gouvcmeur , « si l'inrormaiion pi-enait i 
grave, » — La causa, dit Colomb, fiie formada en œa- 
licia. La fe (el estimonio ) fiie de personas cimles (de 
bajo pixx!«d«r ), los cuales se babian alEado y se qui' 
sieron asenorear de la tierra. Levaba cargo (el comen- 
dador fiobadilla) de quedar por gobernador (de la 
Espanola)si ta pciv^uisa fuese grave. • (N*v. t. Il, 

^ 254.) 



tzedbïGooglc 



244 SECTION DEUXiÈMi:. 

tesse que lui causa la mort (de riiiËinl don 
Juan ) ; je fis un nouveau voyage à ce ciel et à 
ce monde nouveaux, qui étaient l'esté» cachés 
jusqu'alors ( mage nuevo al nuevo cielo ê 
mundo quejasta enfonces estaba occulta). Si 
on ne vante pas si liaut ces terres que les autres 
parties des Indes, ce n'est que parce qu'elles 
n'ont été dévoilées que par mon intelligence 
et ma dextérité. Saint Pierre se sentit en- 
flammé par le Saint-Esprit , et les autres douze, 
enflammés comme lui , ne succombèrent point 
à des labeurs que Dieu avait bénis : ils finirent 
par obtenir la victoire. Moi aussi je pensai que 
le voyage de Paria avec ses perles et que 
l'cH- d'Haïti apaiseraient un peu les haines..,, 
car des perles et de l'or la porte est déjà ou- 
verte (leur découverte est certaine). Les 
pierres précieuses et les épiceries arriveront 
aussi , et la négociation s'étendra jusqu'à l'A- 
rabie-Heureuse et la Mecque , comme je l'é- 
crivis aux monarques par Antonio de Torres , 
en donnant réponse sur le partage de mer et 
terre avec les Portugais : et plus lard on ar-^ 
rivera au pôle arctique >, comme je l'ai dit et 



' Ce mot pâle arctique mérite une attention parlku- 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXIÈME. 9,45 

iaissé par écrit dans le coiiveiil de la Mejorada. 
Le jour de Noël (1499)» me Irouvanl hai-assé 

lifi* : il a été négligé jusqu'ici dans l'histoii'e des ten- 
Ifitives faites pour trouver le passage du nord-ouest. T.^ 
phi-ase est un peu irrégulière dans sa consti'uction 
( 1 piedraa preciosas y mil otras cosas se pueden esperar 
firmamente ; y nunca mas mal me veniese eomo con et 
nombre àe Nuestro Sennr le daria el primer viage, asi 
comediera la negociacion del Arabia feliz fasta la Meca, 
como yo escribf a Sus Altezas con Antonio de Torrrs 
en la respuesta de la reparticion del mar é tierra con 
los Portugueses -.y detpaes viniera à lo del polo artico, 
asî como lo dije y di por escrito en el monasterio de la 
Mejorada •); mais il est clair qu'elle exprime le double 
espoir de parvenir aux aromates de l'Arabie-Heureuse 
(^thurifera et myrrkifera regio') et à une navigation libre 
vers le nord. Qu'est-ce qui peut avoir donné lieu à 
cette dernière considération? La solution du problème 
doit être cherchée, je pense , dans la détermination de 
l'époque où l'idée du polo arlico s'est présentée à l'a- 
miral. Nous connaissons la date de la lettre dans la- 
quelle les monarques demandent à Colomb de leur 
donner son avis sur la manière « dont la bulle du pape, 
relative à la ligne de démarcation (celle du 4 mai 1 493) 
pourrait être revue et corrigée (^enmendada) en fa- 
veur de l'Espagne. » Cette lettre est du 5 sep- 
tembre i493. C'est celle qui dit que Colomb « a sii 
plus que jamais on n'a cru qu'un mortel (^ninguno de 
(os nacidos') pouvait savoir. - Or, Antonio de Torres, 



tzedbïGooglc 



240 SECTION DEUXIKHE. 

et altaqué à la fois par des Indiens et de iné- 
chans chrétiens , ne sachant comment sauver 

i]uî rapporta les conseils de l'amiral , et , ce qui en 
augmenta l'importance , fut chargé de belles pépites 
d'oi-, partit d'Haïti le 2 février i494i fec douze na- 
vires : c'était deux mois avant la reconnaissance de la 
partie méridionale de l'île de Cuba , qui est devenue 
célèbre par le serment demandé (le la juin i494) ^ 
plus de quatre-vingts personnes des équipages des 
lix)b caravelles Niha, San Juan et Cardera, serment 
qui portait que la Juana ou Cuba était * une teri-e 
ferme. • L'importance attachée à cette expédï^on de 
Cuba était tetlementgrande, que l'anùral racontait, après 
son retour en Espagn<;. à ses plus intimes amb, que le 
manque de vivi-es seul l'avait empêché de passer plus 
avant vers l'ouest, •• dédoubler la Chersonnèse itOr , 
dans la mer connue des anciens, de dépasser l'île de 
Taprobane, et de retourner eu Europe, soit par mer, 
CD doublant l'exU'émité de l'Afrique, ce que les Portu- 
gais n'avaient point encore obtenu, soit par terre, en 
prenant la route de l'Ethiopie , de Jéi'usalem et du 
port de Jaffa. » (M. Washington Irving a i-econnu 
ces projets fantastiques dans le inanuscrit précieux du 
Citrade loi Polacios , cap, ia3 : aussi le fils de l'a- 
miral, dans la Vida del A/m. cap. 56, dit : " Si huvie- 
ran tenido abundancia de bastimentos, no se hu- 
vieran bueltos à Espana , sinn por et Oriente. ' ) 
Voilà sans doute l'explication de cet espoir XAraliia 
/elii que Colomb dit, comme nous venons de le voit; 



tzedbïGoOglc 



SECTION IXEUXIÈHE. S/)/ 

ma vie ( don Fernando ajoute : En me niel- 
lant à la mer dans une pelile eai-avt'lle), la 

plus haut, avoir éle donnée Uajif Ws leltrefl <]uc poiv 
tait Antonio de Torres. U n'en cat paa aiosi du pôle 
arctique qui , eelcHi la conB.truction de la phrase , iiv 
ac rapporte pas à la même ^mque du tecond voyagt', 
maU seulement à une Époque antérieure au départ pour 
le tnisiême, c'est-à-dire avant k 3o mai 149^- Or, à 
cause des rapports iittîmes qui existaient sous le règnu 
d'Henri VU , entre l'Espagne et l'Angleten'e , il est 
assez probable (Biddle, Mem. of Sehaitien Cabot, 
tS3i, p. a3S) que Colomb connut avant le 3o mai 
i4()B non-aeulement le premier vojage de Cabot et les 
découvertes que celui-ci fit le 34 ju'n i497 '^^ conti- 
nent de l'Amérîque du nord sur les côtes du Labi'ador, 
près de l'ile Saint-Jean d'Ortélius (Bihsle, p. 56), 
mais aussi la patente ro}'ale délivrée à Cabot le 3 fé- 
vrier 1498 (1. c. p. 85), et les préparatifs d'un se- 
cond voyage qui comme dit Gomara (^La Isloria de 
las Indias, i553,fol. 20 A.), «dirigé vers le nord 
pour aiTÏver au Catayo (la Clûne) devait procurer 
les ^ices en moins de temps que la voie du sud tentée 
paj- les Portugais. » Cette connaissance des expéditions 
boréales des Anglab, jointe à ta jalousie haineuse que 
i-espirent toutes les ordonnances du gouveruemcat 
espagnol de ce tem)>s contre ceux qui osaient se jeter 
dans la carrière des découvertes vers l'ouest, pouvait 
faire naîU'e dans l'espi'ît de Colomb l'idée vague d'un 
t'oyage au nord. L'expédition qui l'avait conduit jadis 



tzedbïGoOglc 



24» SECTION DEUXIEME. 

voix du Seigneiu" me consola miraculeuse- 
ment. Cette voix céleste me dit : Prends de la 
force, ne te centriste pas, j'aurai soin de toi, 
les sept ans du terme de For ne sont pas en- 
core accomplis. » 

Ce terme ou temps préfix de l'or, ce mélange 
bizarre et très prosaïque en apparence de la 
religion et d'un intérêt purement matériel , 
exige quelque explication ; il l'exige d'autant 
plus qu'un des traits du caractère de Chris- 

en Islande , fréquentée à celle époque par des navires 
de Bristol, devait le fortifier dans ce projet, qu'il dé- 
signe lui-même comme très éloigné Çvmiera despues). 
D'ailleurs, dés ta fin de l'année 149S, lorsque Cabot 
avait longé les côles de la Floride au Labrador et que, 
selon Anghiera , on croyait déjà le promontoire de 
Paria rattaché par une continuité de terres fennes à 
Cuba, la digue qui se présentait vers l'ouest faisait 
sentir bien plus vivement la nécessité d'iui passage 
pour arriver à Calicut et dans l'Inde méridionale. La 
cartede de la Cosa,dresséeeni5oo, offre graphiquement 
cette continuité des terres depuis le Labrador jusqut 
loin au sud de l'équateur ; et plus on était poi'té à 
prendre cette digue pour une 'partie de l'Asie orien- 
tale, pour celle dans laquelle est situé Catigara (Sé- 
bastien Munster place encore eh i544 Catigara 
sur les côtes du Pérou), plus on tentait d'arriver au 
Sinus Magnas , et par ce Sinus aux bouches du Gange'^ 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXIEME. ?49 

tophe Colomb est le facile accommodemenl du 
mysticisme théologique aux besoins d^une so- 
ciété corrompue , aux exigences d'une cour 
qui se trouvait sans cesse embarrassée par des 
guerres et par les suites d'une prodigalité ir- 
réfléchie. Ferdinand et Isabelle avaient eu 
beau déclarer (Nav. t. II , p. 263} qu'ils con- 
tinueraient l'exploration de terres nouvelle- 
ment découvertes et ne dussent-elles produire 
que '( roches et pierres sans valeur, pourvu 
que la foi s'étendît avec leur conquête. " Ce 
désintéressement ne fut ni sincère ni de longue 
durée. Une lettre que Colomb adressa au 
pape Alexandre VI, en février i5o2, nous 
prouve que déjà au retour de son premier 
voyage , « il promit aux monarques que pour 
conquérir et débvrer le Saint-Sépulcre il en- 
tretiendrait ( du produit de ses découvertes ) 
pendant sept ans cinquante mille fantassins et 
cinq mille cavaliers , et le même nombre pen- 
dant cinq autres années. » Colomb évaluait 
alors le produit annuel de l'or à cent vingt quin- 
taux , mais il ajoute prudemment •< que Satan 
a empêché que ses promesses fussent mieux 
accomplies. >• Le jouraal du premier voyage 
porte les traces de ces mêmes projets de con- 



tzedbïGoOglc 



230 SECTION DEUXIEME. 

quêtes en Terre-Sainte. «Ceux que je laisse 
dans rUe (à Haïti), écrit Colomb le 26 tlcr- 
cemhre 1492 , réuniront Ëicilement une tonne 
d'or que je trouverai en revenant U^Ëspagne » 
de sorte qu'en moins de trois ans on pourra 
entreprendre Texpédition du Saint-Sépulcre et 
la conquête de Jériisalen;i. Quand (avant mon 
départ ) je disais à Vos Altesses que tout le gain 
qui résulterait de mon expédition devrait êti-e 
en^loyé à ce but , elles se mirent à lii'e et te- 
mçignèrent qu'elles ap[HX)uvaient ma pensée 
et qu'elles avaient le désir de la réaliser, 
ipême sans IVde du gain que je promettais. » 
La phrase que je cite a trait à la chimérique 
entreprise qui germait peut - êti-e alors dans 
l'esprit de Ferdinand et d'Isabelle , et qui ca- 
ractérise l'^Kique et le pays où le triomphe 
sur une autre race ne paraissait avoir de prix 
qu^autant qu'il conduisait à la suppression 
d'une croyance ennemie. En 1489, pendant 
le siège de Baza dont la prise accéléi-ail la des- 
truction de ce petit royaume de Grenade , 
flernier retranchement du pouvoir arabe de- 
puis la bataille ' de las Navas de Tolosa, doux 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXIEME. '2^1 

pauvres moines du couvtait du Saint-Sépulcre 
parurent inopin^nent dans le camp espagnol. 
L'un d^eux était le gardien du couvent de Jé- 
rusalem, Fray Antonio Millan : ils étaient por- 
teurs d^uu message du sultan, d^Égypte qui 
menaçait de mettre à mort tous les chrétiens 
d'Egypte , de Palestine et de Syrie , et de raser 
les saints lieux, si les rois catholiques ne se 
désistaient pas de toute hostilité contre les 
adhérens du Prophète. Le rcù de Naples , que 
Ton accusait > d^étre dans les iut^^ts du sul- 
tan , conseillait vivement de céder à une im- 
périeuse nécessité, La menace du sultan parait 
avoir fait une profonde impression sur Tespril 
de la reine Isabelle et sur celui de Coltunb. 
Isabelle dota dès-lors le couvent des Francis- 
cains qui a la gaixle du Saint-Sépulcre, d'un 
revenu annuel de mille ducats d'or '. Quant à 

' MAB1AN4, Hisc. gen. de EspaAa (éd. de 1819), 
t. XIII, p, XXXlll et 97. . El rey de Napoles mas 
aliciimado a los Moixis de \o quu era honesto & 
Chrïstianos , diciendo que ai bien cBla gojitc (de 
los Moi'ob) era de otra scclj, no seriâ razon mal- 

" Gahibav, Compendio kisl. I. XVU, c. M; lRVl^G, 
l.I,p. i4o. 



tzedbïGoOglc 



a52 SECTION DEUXIÈME. 

Colomb, il enlrevil la possibiUlc d'une nnii-' 
Telle tentative de croisade comme suite de l'as- 
servissement de tous les Maures en Espagne : 
il lia adroitement à ce projet Pappât des ri- 
chesses qu'il promettait par Texpéditiop dont 
il s'occupait avec tant de ténacité. C'était en- 
noblir le but de son entreprise que d'y ratta- 
cher un double motif reUgieux , celui de la 
conversion des sujets du grand Khan', qu'on 
disait si avides de prédication , et celui de con- 
tribuer, par les sommes que fournirait l'Inde 
au trésor épuisé par la guerre , à déUvrer plus 
facilement Jérusalem du joug musulman, « La 
conquête du Saint-Sépulcre est d'autant plus 
urgente, écrit Colomb, douze ans après la 
prise de Baza, dans le fragment mystique du 
hvredelasPrqfècias,, que tout annonce, selon 
les calculs très exacts du cardinal d'Ailly , la 
conversion prochaine de toutes les sectes , 
l'arrivée de l'Antéchrist et la destruction du 
monde*. L'époque de cette destruction tombe, 

' V. rintiwJuction de ritinéraii-e du premier voyage. 

" Voici les bases du calcul de Colomb. « Le monde, 
dil-il, doit finir, d'après ^aint Augustin, dans le sep- 
tième millier do sa durée : t'est aussi l'opinion du 
caj-dînal d'Ailly , selcm le l'crie XI, et de tous les 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXIEME. 25J 

comme je Tai déjà fait remai'quer plus haut , 
enlre la mort de Descartes et celle de l'ascal , 

grands théologiens. Depuis la création jusqu'à l'arrivée 
du Christ, il y a 5343 années et 3i8. jours, selon le 
calcul du i-oi Alphonse. Ajoutons à cela i5oi ans, pas 
tout-à-fait complets . (c'est l'époque de la rédacdon des 
fragmens sur les /"ro/iAeViej}, et nous aurons (depuis 
la création ) à peu prés 6844 ans. Il ne reste donc, à ce 
que je prétends, que 1 55 ans pour accomplir les 7000 et 
jKiur que le monde soit détruit. Le même cardinal 
(d'Aillj) discute, dans la Concordance de l'astronomie 
et de fhisioire, et la fin de la secte de Mahomet et la 
venue de l' Antéchrist, qui dépend des dix révolutions 
de Saturne. » (Nav. t. II, p. a64et a66.) C'est en effet 
de deux ouvrages du cardinal d'Ailly, qui portent les 
litres de figintiloquium de concordia astronomicte 

m theohgia^ et Traclatiu de concordia aslron. 

m narralione hislorica, dont Colomb a lire 
de si bizarres coQclusions. (Voyez l'édition de Louvain 
à laquelle sont jointes les œuvres de Gerson, fol. 89 a 
et io3 ô. Cette grande édition des œuvres du cardinal 
d'Ailly est sans indication de date d'impression, mais 
d'après Launoy, dans sou Histoire latine du collège de 
Navan-eàParis, 1677, p. 478, elle parait être de i49o.) 
Le pi-emier de ces traités porte une épigraphe fort 
rassurante : >• Comme, d'après les philosophes, deus 
vérités ne peuvent jamais se contredire, les vérités asiio- 
nomiques doivent être toujours d'accord avec la théoto' 
gie. « Newton était aussi de celte opinion que les dj- 



jbïGooglc 



254 SECTION DEUXIÈME. 

deux philosophes qui onl le plus honoré l'in- 
telligence humaine. 

hasties d'Ég^-pte i-endent uii peu embarrassante. Lé 
verbe XI du Vigintiloquitttn, cité par Colomb, parle 
bien des 7000 ans qui amèneront la fin du monde,' 
mais non du roi Alphonse qui n'est nommé que dans 
le verbe XII, oii il est dit que ce roi comptait 1 43 ans 
de plus que Beda depuis le déluge jusqu'au Chrîst, 
c'est-à-dii-e 8094 ans, en ajoutant i43 à agSi. Cepen- 
dant , la citation de Colomb ( 5343 années plus 
3i8 jours écoulés d'Adam au Chmt) est de toute 
exactitude si l'on ajoute au temps que le roi Alphonse 
éompte du déluge à Adam dans Veditio princcps 
de ses tables (^impr. Erhard. RatdoU Augustensis, 
i483), les 2243 que les Septante et saint Isidore (^Ori- 
gines, \At. V, cap. 39, et Chronkon, œtas I, dans 0pp. 
omnia, éd. Par. i6o), p. 67 et 376) comptent de ta 
création au déluge. Cette editio princepi des Tables 
Alpkonsines donne en groupes du système sexagési- 
mal , selon M. Ideler , itSsgSg jour* comme diffe- 
rentia dilavii et incùrnaiionis, qui fontSioi années Ju- 
liennes plui 3i« jours. C'est là , à n'en pas douter , 
surtout à cause du restant de SiETjoui's, le chilTre qui 
enU% dans le calcul que présente le Livre des prophé- 
ties de Colomb. L'editio prineeps offre, il est vrai,' 
l'année de son impression par le double chiffi-e de 
ï483et768i de l'ère chrétienne et de la création (diffé- 
rence 6198), mais dans le corps de l'ouvrage il n'in- 
dique nulle part dans quelle année de la création du 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEliXlKME. 255 

On a beau Jii-e que les hommes supérieurs 
dominent leur siècle : quelque grande que soit 

monde le roi Alphonse place le déluge ; je ne Uniuv*; 
cette indication que dans l'édition des Tables Alpkon- 
sinet de i^S»! qui, conjointement avec les groupeà 
sexagésimaux des jours , donije déjà les sommes ou 
> réductions en années, et qui place Noé en 3S83, ce 
qui, avec les 3ioi (du déluge au Christ), donne 
pour le commencement de notre ère 6983. {^Tahulas 
asiTon. Alphonsi Régis, éd. J. L. Sanbitter Heilbron- 
nensia vel de Fonte Salutis, impr. Venetiis J. H. de 
Landoja dictus Hertzog, fol. 3$ ^.) Voilà un clûfii-e 
qui diffère de 564" "u» "1* cehii de Golomh et qui dé- 
rangerait singulièrement cette prédiction de la fin du 
monde dans l'année 7O00. Strauch (^Breviar Ckron. 
éd. Wittemb. 1664, p. 36o) réduit Wen arbiti-aire- 
ment les 6g83 à 6484 ans, - ex mente Alphonsi régis 
Castilix. ■ Ces remarques suffisent pour prouver 
combien il est nécessaire de remonter aux premières 
sources. Dans la nouvelle édition de VArt de vérifier 
les dates (Paris, 1819, 1. 1, p. XXIX) le chiffré de Co- 
knub 5343 est attribué à saint Isidore. Cependant les 
Origines (lib. V, p. 68) et le Chronicon (p. 386) 
donnent au commencement du 6' fige Saao. (Voyez 
aussi Stridch, Brev. lib. IV, n" ii.) Quant à la 
rêverie théologique de l'influence qu'exercent les 
grandes révolutions de Saturne (évaluées à 3oo ans 
chacune ou à dix révolutions simples) sur les sectes et 
les empiiTS, elle remonte à Albumazar et à son ou- 



tzedbïGoOglc 



Sâb SECTION DEUXIKME. 

l'influence qu'ils exercent , soit par Pénergie 
et la trempe de leur caractère , soit conrnie 

vrage De magnis conjonctionibiu qui n'a tté imprime à 
Venue qu'en 1 5 1 3 . Les conjonctions de Jupiter et de 
Saturne ne sont pas eeulement à redouter à cause du 
grand refroidissement de l'atmoaphère qu'elles piudui- 
sent {Joannis Wemeri Norici Canones de mutatione 
aur<9, Norimb. 1 546, fol. 1 5 a) : elles décident aussi à 
la fois du sort des uidlvidus {_Âthokali de jadic. nativ. 
Nor. 1 5461 cap, 39 et 4?) et de celui des empires. On 
distingue entre conjunctio major et maxipta, la dernière 
ayant lieu, d'après le cardinal d'Ailly ((^p- fol. i o3 a), 
tous les 960 ans, d'après d'autres auloritës, tous les 
800 ans (Ideleb, Handh. der Chron. t. II, p. 4<^>)- 
C'est dans le livre intitulé Concordance de l'astronomie 
et de thiitoire (0pp. ^. 119 a) que Colomb a puisé l'idée 
du danger des dix révolutions de Saturne et d'un -j' 
millier d'années. Mon respectable et savant -ami 
M. Ideler, membre de l'académie royale de Berlin, 
qui m'a communiqué la rare editio princeps des Tables 
Alphonsines; a bien voulu examiner, à ma prière, tes 
époques des ^/itf ^raniie* conjonctions indiquées par 
le cardinal d'Ailly. Il a trouvé que la huitième de 
ces conjonctions aura lieu l'an du monde 7040, et 
qu'après elle, " dans l'année 1789 de notre ère, » une 
des grandes périodes de Saturne (un des groupes de 
dix révolutions de la planète) sera accomplie. Dès-lors 
■■ *(' mundus usque ad il/a tempora duraverit quod solus 
Deas novii, mulia lune tî Magna: et mirabiUs altéra-' 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXIÈME^ 267 

Colomb, en créant une de ces idées qui chan- 
gent la face des choses, les hommes supéi-ieurs 
nVn existent pas moins sous les Conditions du 
temps dans lequel ils vivent. Pour juger Tanii- 
ral avec équité , il ne faut pas oublier Tempiré 
qu'exerçait alors le sentiment du devoir de 
l'intolérance religieuse ^ le charme qui s'atta- 
che à la violence et à Tabus du pouvoir dès 
qu'ils semblent justifiés par le succès. Colombj 
étranger à l^Espagne, tout en conservant dans 
les rapports de la vie privée la réserve et Tha- 
bile circonspection de son pays natal, n'en 
avait pas moins adopté dans sa vie publique et 



tionei mundi et mutationesfulura tunl, et n. 
hges. • {0pp. p- n 8 i.) Combien de temps le monde 
pourra survivre à celte épouvantable année tjBg, 
voilà ce que le cardinal, qui écrit en i4>4 ifipp- 
p. 117 Â), ne peut pas préciser : il croit cependant que 
l'Antechriet eum lege sua damnakili dont Colomb at- 
tend l'amvée dès t65fi, ne tardera pas à paraître. 
C'est sinon une certitude, du moins verisimilit sut- 
picio per eulnnomka indicia. On se demande si cette 
coïncidence accidentelle dédales, celte prédiction d'une 
révolution qui occupe une si grande place dans l'his- 
toire du genre humain, n'auraient pas déjà été signa- 
lées par ceux qui se plaisent de nos jours à tout ce qui 
est mystique et ténébreux. 

m. J7 



tzedbïGooglc 



a58 SECTION UEUXIÈMK. 

politique les opinions et les préjugés de la cour 
de Ferdinand et d'Isabelle. Italien devenu Es- 
pagnol à Fépoque mémorable de la grande 
lutte avec les Maures et du triomphe sangui- 
naire du christianisme sur les musulmans et 
les juife , il devait , par la vivacité et la vigueur 
incultes de son caractère , recevoir une puis- 
sante impression d'un événement qu^amenaient 
à la fois la force et Fastuce. Ultalie , prête à 
voir succomber son indépendance et sa liberté 
par Pinvasion de Charles VIII , était livrée aux 
discussions des intérêts civils. Laferveur théo- 
logique qui caractérise Colomb ne lui venait 
pas de l'Italie, de ce pays répubhcain, com- 
merçant , avide de richesses , où l'amiral avait 
passé son enÊmce : il l'avait puisée pendant le 
séjour qu'il fit en Andalousie et à Grenade , 
dans ses rapports intimes avec les moines du 
couvent de la Rabida , ses plus chers et ses 
plus utiles amis. Telle était sa dévotion qu'au 
retour du second voyage, ea 1496, on le vit 
dans les rues de Séville en habit de moine de 
Saint-François ' . La foi était pour Colomb une 
source d'inspirations variées ; elle soutenait 

' Voyez tom. I, p. sa- 



jbïGooglc 



SECTION DEUXIÈME. 259 

^on audace au milieu du danger le plus mena- 
çant ; elle adoucissait de longues adversités 
par le charme des rêveries ascétiques. C'était 
pour ainsi dire une foi de la vie active, mêlée 
d'une manière bizarre à tous les intérêts mon- 
dains du siècle , s'accommodant à l'ambition 
et à la cupidité des courtisans ; c'était une foi 
tjui justifiait au besoin , sous prétexte d'un but 
religieux y l'emploi de la ruse et les excès du 
pouvoir despotique; Après que la grande oeuvre 
de la délivrance de la Péninsule eut été accom- 
plie par la chute du dernier royaume des 
Maures, la croyance religieuse , qui se confon- 
dait avec la nationalité ' et se montrait exclu- 
sive et inexorable dans son système de propa- 
gande , imprima un caractère de rigueur et de 
sévâité à la conquête de TAmérique. Il y avait 
à peine quarante jours que Colomb avait mis 
le pied sur cette teîre nouvelle, et déjà, dit-il 
dans soii journal , « je prétends que Vos Al- 
tesses ne doivent jamais souffrir qu'aucun 
étranger, s'il n'est catholique ' et bon chrfr-' 



' MiflHBT, Négociations relatives i 
pagne, Introduction, t. I, p. VI, XI, XXIII 
•HCT.t.I,p. 72. 



tzedbïGoOglc 



HGO SECTION DEUXIÈME. 

tien, s^établisse (çue trate ni fagapiè) dans 
ce pays, qui nV été découvert que pour la 
gloire et ragrandissement de la chrétienté. » 
Agir autrement , serait s'opposer à la volonté 
divine, car Colomb se regardait comme élu 
par la Providence pour accon^lir de grandes 
destinées , « pour propager la foi dans les 
terres du C^and Khan, » pour procurer, par 
la découverte de riches contrées en Asie, et 
les fonds nécessaires pour n la délivrance du 
Saint-Sépulcre , » et cet or « qui sert à toute 
chose , Même à tirer des âmes du purgatoire. » 
Telle est , dit-il dans un fragment de lettre 
adressée au roi Ferdinand peu de temps avant 
sa mort ' , telle est la voie Aiiracideuse que 
Dieu m'a prescrite , « que le roi de Portugal , 
qui s'entendait plus que tout autre roi à dé- 
couvrir des pays inconnus, fiit tellement aveu- 
gle par la volonté du Très-Haut, que pendant 
quatorze ans il ne put comptendre ce que je 
lut disais. » 

Ces idées d'apostolat et d'inspirations di- 

> En mai i5o5. Colomb dit même que le roi perdit 
l'usage de tous les sens : Naeétro Seàor le aiajd la vittaf 
oidoy todoi lot senitdot. CNat. t. III, p. 5»8.) 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXIEME. 201 

vines dont le langage figuré de G^lomb offre 
souvent l'empreinte , appartiennent au siècle 
qui se réfléchit en lui , au pays qui était de- 
venu sa seconde patrie. Il se révèle dans Co- 
lomb, à côté de Toriginatité individuelle de 
son caractère, l'action des doctrines domi- 
nantes de l'époque, doctrines qui ont prépai'é, 
par des lois inhumaines , la proscription de 
deux peuples entiers, celle des Maures et des 
Juifs. En examinant les motifs de cette into- 
lérance religieuse , on est conduit à recon- 
naître que le fanatisme d'alors , malgré sa vio- 
lence , n'avait plus la candeur d'un sentiment 
exalté. Mêlé à tous les intérêts matériels et 
aux vices de la société, il était guidé, surtout 
chez les hommes du pouvoir, par une avarice 
sordide , par les besoins et les embarras que 
faisaient naître une poUtique inquiète et toi^ 
tueuse, des expéditions lointaines et la dilapi- 
dation de la fortune de l'Etat. Une grande 
comphcation de position et de devoirs imposés 
par la cour tendait à vicier insensiblement les 
âmes les plus généreuses. Les individus placés 
dans une sphère élevée, dépendant de la fe- 
veur du gouvernement, dirigeaient leurs ac- 
tions selon l'opinion du siècle et les principes 



tzedbïGoOglc 



262 SECTION DEUXIÈME. 

que semblait justifier l'autorité souveraine- 
Les crimes qui dans la conquête de TAmérique^ 
après la mort de Colomb , ont souillé les annales 
du genre humain, avaient moins leur source 
dans la rudesse des mœurs ou dans Pardeur 
des passions, que dans les firoids calculs de la 
cupidité, dans une prudence omb^geuse et 
dans ces excès de rigueur que Ton a employés 
iÀ toutes les époques , sous le prétexte de rafièr- 
mir le pouvoir et de consolider l'édifice social. 
Je viens de signaler les élémens hétérogènes 
qui ont donné une physionomie distincte au 
règne de Ferdinand le Catliofique. Ce serait 
trahir les devoirs de l'historien que de dégui- 
ser l'influence exercée par ce puissant mo- 
narque sur les hommes qui s'étaient voués à 
son service et fiés à ses promesses royales. 
Cette influence était d'autant plus active qu'elle 
était entièrement personnelle. Des documens 
officiels , surtout le grand nombre des cédules 
royales adressées h, Colomb, nous prouvent 
que la cour s'occupait des plus petits détails 
de l'administration coloniale , que les commu- 
nications avec les Antilles ne lui paraissaient 
jamais assez fi^uentes ' , et que pour conser- 

' Malgré l'impeifeclion de la na'vigniiuii d'aloi's, \i\ 



tzedbïGoOglc 



SKCTION DEUXIEME. aoj 

ver quelque faveur, il fallait cédera Tinsatiable 
exigence du trésorier de la couronne. Respec- 
ter dans le Nouveau-Monde ces droits prîrai- 
lifs que rhomme tient de la nature , ne pouvait 
paraître un devoir bien urgent à remplir dans 
Tesprit de ceux qui étaient habitués à la vue 
des esclaves guanches , maures ' et nègres 
qu'on exposait en vente dans les marchés de 
Séville et de Lisbonne. L'esclavage , dans les 
opinions de ce temps , n'était pas seulement la 
conséquence naturelle d'une victoire rempoi^ 
tée sur des infidèles, il était aussi justifié par 
im motif religieux. On pouvait priver de la 
liberté pour donner en échange la doctrine de 
l'Évangile et le bienfait de la foi. Dans le pre- 

i-eine Isabelle énonce dëja, en août i494 1 le désii' 
que chaque mois on expédie une caravelle <f Haïti en 
Espagne, et un autre vaisseau de retour. (Nav. t. Il, 
p. ,55.) 

■ A la seule prise de Malaga, le i-oi Ferdinand lit 
iiDOoeBclaves.(WASB. Ibv. t. II, p. a640 Hâtait même 
d'abord questîion de les ëgoi^er tous , mais la rône 
Isabelle, qui, selon Pul^r (Cran. Parte III, «ap. y4)i 
s'opposait constamment à la cruauté, réussit à leur 
sauver la vie. Voyez Clehencin, Elogio de la Reina Ca- 
tnlica, dans Mem. de In Acad. de la Hist. l. VI, p. 193 
.H 3o.. 



tzedbïGooglc 



264 SECTION DEUXIÈME. 

mier voyage de Colomb , où ses scrupules de 
conscience étaient encore assez délicats, Tanii- 
ral distingue, selon le système de morale chré- 
tienne qu'il s'est formé, entre le droit qui est 
acquis sur la personne et l'inTiolabilité des 
propriétés matérielles. '< Les indigènes , dit-il , 
avant même d'arriver à 111e de Cuba, et je ne 
cite que les propres paroles de son Itinéraire, 
les indigènes sont d'un bon naturel , ils répè- 
tent tout ce qu'on leur dit , et conmie ils n'ap- 
partiennent à aucune secte et que je ne les ai 
jamais vus se mettre en oraison, je pense que 
Êicilement {ligeramente) ils se feront chré- 
tiens. Quand je partirai d'ici (ceci est écrit à 
Guanahani, le second jour de la découverte 
de l'Amérique), je compte en enlever sur. 
Dans une portion de Hle qui avance dans la 
mer , on pourrait établir un fortin , mais je 
pense que ce serait une chose inutile j car ces 
gens étant faibles et sans armes , et si Vos Al- 
tesses le jugeaient à propos, on pourrait ou les 
amener tous en Espagne ( liecar todos a 
Castilta)^ ou par une garnison de cinquante 
hommes au plus les tenir captif dans leur 
propre île. » Arrivés sur les côtes de Cuba, les 
Espagnols trouvent , dans une grande maiKon 



jbïGoogIc 



SECTION DEUXIÈME. 265 

abandonDée , des amas de cordages, des insr; 
trumens de pêche et dVutres ustensiles : Co- 
lomb ordonne qu''on ne touche à rien de ce 
qui est la propriété des indigènes ' . Enfin , 
dans rénumération qu'il fait au ministre des 
finances don Luis de Santangel, des avantage» 
de la première découverte , il cite à côté des 
richesses métalliques et végétales, du niastic, 
semblable à celui de l'île de Chio , et de l'aloès 
{Ugnaloe) ^ « les esclaves dont on pourra 
charger des navires entiers^ c'est-à-dire en 
prenant ceux- qui sont idolâtres*, h La limite 
entre ce que l'on croit juste ou injuste se 
trouve ici clairement énoncée : la propriété 
des choses est sacrée, mais dans une pieuse in- 
tention on peut porter atteinte à la liberté per- 
sonnelle ; c'est même une oeuvre très méri- 
toire que de le faire quand l'occasion se pré- 
sente. 

Les premiers Indiens que Colomb avait 
arrachés à leurs femilles et qd'il présenta aux 
monarques dans la célèbre audience de Bar- 
celone , lurent renvoyés aux Antilles après 

' Nay. 1. 1, p. aa, a4» 4') 46. 
•T.l, p. .73. 



tzedbïGooglc 



a66 8ECT10N DEUXIEME. 

^roir été baptisés. L^un dVux, auquel on fai- 
sait jouer le rôle ' d^un .parent du roi Guaca- 
nagari , reçut le nom de don Fernando de 
Aragon ; Tautre , qui était filleul du jeune in- 
fant don Juan , le nom de don Juan de Cas- 
ÙUe. Ces noms mêmes devaient rappeler à la 
postérité que c'était l'unité récente de l'Es- 
pagne qui avait &vonsé le grand événement 
de la découverte. La bulle du pape Alexan- 
dre VI (4 mai 1493) et les instructions don- 
nées par les souverains à Colomb (29 mai de 
la même année) étaient loin de justifier les 
violences auxquelles Tamiral se livra dans sa 
seconde navigation. Le pape ne parle que va- 
guement des moyens qu'on doit employer 
pour la conversion religieuse. Ces hommes 
« pacifiques, nus et privés de toute nourri- 
ture ' animale (nudi incedentes^ nec carnibus 

• MuRM.Ub. IV, S as. 

* Il est d'autant ylus curieux de trouver ce trait de 
mceui-3 (nec earnibàa veicenles) consigné daos une 
buHe papale, que le journal de Colomb n'en offre aii- 
(^une trace. Gomme les lies d'Ann'i'ique ne présentent, 
a l'exception du lamantin, aucun mammifère plus grand 
tytxe l'agouti (le singe ne se trouve que dans l'île de la 
Trinité), les indigènes ne pouvaient presque Urer leur 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXlÈUE.. 26^ 

vescentes) , croyant à un dieu créaleiu" rési- 
dant dans le ciel, lui paraissent, comme à Ck>- 

uourriture animale que de la classe des oiseaux et des 
poissons. Toutefois, dans la partie même de l'Amérique 
tropicale qui ne manquait pasprimilivement de quadru- 
pèdes d'un volume ou poids plus considérable (tapir, 
lama, cei'f, pécari, capybara), les iodigënes paraissent 
avoir toujours eu uoe prédilection bien prononcée 
pour les substances végétales. 11 me parait peu proba~ 
ble que le souvenii- de l'Inde doot Colomb rattachait 
le nom à sa découverte, qjioique ce nom ne se ti'ouve 
qu'une seule fois et dans un sens tout différent, dans 
la bulle du 4 mai 1493, ait réveillé chez quelques éru- 
dits de Home lesouvenir des castes qui ont la chair 
animale en hoiTeur. Celte bulle ne nomme l'Inde qu'en 
rapport avec la ligne de (!émarcation : Terra firmet et 
insula invenlce vel inveiiienrlte versus Indiam aut versus 
aliam quamcum^ue pariem. Il est assez remarquable 
que dans la bulle plus incomplète du 3 mai i493, dont 
j'ai déjà parlé plus haut et qui a été tirée des archives 
deSimancas, les mots vertus Indos, ut diciiur, ont été 
ajoutés là où il est question du voyage de Colomb à 
travers l'Océan, tandis que la même bulle est plus ré- 
sei-vée dans les éloges qu'elle accorde à l'amiial. Voici 
\fs variantes lectiones ; aa lit dans le document du 3 
mai ; • Dilectum ii]ium Chris toforum Colon, cum na- 
vigiis et hominibus destinastis ut tei'ras remotas et in- 
cognitas, per mare ubi hactenus oavigatum non luei'at, 
diligcnter inqiiirei'ent : qui tandem Divino aiixilio per 



tzedbïGoOglc 



S68 SECTION DEUXIÈME. 

lomb, aisés à réduire à la foi. Il ajoute que 
,1 ce qui r^ouit le plus son cœur est de voir 
humilier les nations barbares. » U* instruction 
signée par les deux monarques respire les sen- 
limens de douceur qui caractétisaient , à n'en 
pas douter, la reine Isabelle, mais qu^étouf: 
faient trop souvent l'autorité des théologiens, 
la ruse des inquisiteurs et les exigences du 
trésorier de la couronne . L^amiral , d'api^ les 
termes de Vinsiruction, doit traiter les indi- 
gènes amomsamenie, châtier sévèrement ceux 
qui leiu- font du mal (^ue les fan enojo), éta- 
blir les rapports les plus intimes {de mucha 
concersacion) avec eux, et même leur mon- 
trer beaucoup d'égards {^ue los honre mu- 
cho). La reine dit « que les choses spirituelles 
ne peuvent aller à bien et se maintenir long- 
temps si Ton néglige les choses temporelles ; » 

parles occidentales, ut dicitur, versus Indos, in mari 
Oceano navigantes certas insulas remotisairaas et etiam 
terras firmas invenerunt. • La bulle du 4 mai porte 
' ( Nat. t. Il, p. a4, etc. ) : • Dilectum filium Christo- 
forutu Colon, fi'rum aliqae dlgnam, et plarimum rom- 
mendandam, ac lanio negolio aptum, cum navigiis et 
hominibus destinastis «t teiias rcmotas et înco- 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXIÈME. s6g[ 

et c'est en suivant cette maxime de politique 
très familière à son royal époux, qu'elle pro- 
pose au pape de nommer vicaire apostoËquey 
pour les terres nouvellement découvertes, un 
Catalan adroit et grand politique , Fray Ber- 
nardo Buil on Boïl , moine bénédictin du riche 
couvent de Monserrate. il avait été employé 
avec succès par le roi Ferdinand dans des 
négociations épineuses pour la restitution du 
Roussillon ', et devint bientôt un surveillant 
très incommode pour l'amiral. Il est à re- 
gretter que les intentions bienfaisantes de la 
reine Isabelle n'aient point été réalisées. G)- ■ 
lomb sacrifia les intérêts de rhumanîté au 
désir ardent de rendre plus lucrative la pos- 
session des îles occupées par les blancs, dé 
procurer des bras aux lavages de l'or^ et de 
contenter les colons qui par avarice et par 
paresse, réclamaient l'esclavage des Indiens. 
Un concours malheureux de circonstances 
poussait insensiblement famiràl danâ une voie 
d'iniquités et de vexations qu'il prenait soin 
de justifier par des moti^ religieux. Il avait 
TU de plus près , dès le commencement du 

' Muioï, libro IV, S 91 i Nav. Doc. n" XLV. 



tzedbïGoOglc 



270 SECTION DEUXiEHE. 

second voyage j le groupe (les Petites Antilles 
et la population féroce des Caribes ' ; l'état 
d'insurrectioD daiis lequel il trouvait plusieurs 
parties d'Haïti semblait permettre une grande 
sévérité contre des hommes qu'il appelait des 
sujets réelles ; enfin , les terrains aurifères 
du Cibao dtmt alors seulement il appiit à 
connaître l'extrême importance , exigeaient 
un concours d'ouvriers que la sévérité et la 
force seules JKiuvaient réunir. 

D'abord , et nous en avons trouvé l'indica- 
tion déjà dans le journal du premier voyage, 
il n'était qiiestion que d'enlever des Indiens 
pour les instruire en Espagne , et les renvoyer 
ensuite dans leurs îles ; mais depuis la fin de 
l'année l^gZ, et depuis la construction d'une 
nouvelle ville sous le nom ^Isabeîa, Colomb 
devint plus hardi dans les moyens de rigueur 
auxquels il avait recours. Les Caribes , et pro- 
bablement aussi des indigènes d'Haïti, réputés 
en état de résistance, fin-ent traités comme 

' (Colomb, dans PltinéraiEe du premier vojage (i5 
janv. 1495), donne déjà comme synonyme de Carib le 
mot Caniba, latinisé plus tard par lui-même dans les 
instructions données à Antonio de Torres , en Cani- 
baUs. (Voyei tom. II, p. too, noLe 3.) 



jbïGoogIc 



SECTION DEUXIEME. a7i 

esclaves. Les douze navires d^Anlonio de 
ToiTes qui niii'ent à la voile au Puerto de ta 
Navidad , le a février 1 494 y fiiront chargés de 
malheureux captifs caribes. Des familles en- 
tières (mugeres, y ràfios ràhas) (urent enle- 
vées au sol natal ; et parmi les propositions 
que Terres fut chargé de faire au gouTeme- 
ment pour améliorer l'état de la colonie nou- 
Telle (nous possédons . les propositions et les 
réponses des monarques à chacune dVIles), il 
s'en trouve deux qui sont relatives à la nation 
caribe. L'amiral commence à insinuer que ces 
Caribes, grands voyageurs et d'une activité 
d'esprit bien supérieure à celle des nature 
d'Haïti , feraient d'excellms missionnaires 
n quand ils auraient perdu l'habitude de man- 
ger de la chair humaine, u On les choisira 
dans le nombre de ceux qu'il envoie " de tout 
âge et de tout sexe, n on les instruira en Es- 
pagne , et l'on s'occupera <( plus d'eux que des 
autres escla<^es ' . » A ce projet de propagande, 
dans lequel les Caribes ou Canibales sont trai- 
tés avec une prédilection assez étrange , suc- 
cède le projet formel et vraiment eflrayanl 

' N*¥.t. 1, v.a3). 



tzedbi Google 



373 SECTION DEUXIEME. 

d^établir ce que nous appelons aujourd'hui ta 
traite des esclaves , en fondant cette traite sur 
un échange périodique de denrées et d^autres 
marchandises contre des créatures humaines. 
« Vous direz aussi (je traduis la neuvième pro-' 
position que Tamiral a dictée à Antonio de 
Torres, le 3o janvier i494)i vous direz aussi 
à Leurs Altesses que pour le bien des ornes 
des Canibales et des habitons d'ici, on a eu 
la pensée qu^îl serait utile d'en transporter ie 
plus grand nombre possible en Espagne. On 
donnera des licences pour un certain nombre 
de caravelles, afin qu'elles conduisent à ces 
îles du bétail, des vivres et tout ce qui' est 
nécessaire pour approvisionner les colons et 
améliorer l'agriculture. Toutes ces choses 
pourront être payées en esclaves canibales ' 

■ • Direîs & Sus Allezas qde el provecho de las aimas 
de los dichos Canibales y aun destos deacd, ha trai<!o 
el pensamimto que qiiaato mas aUa se llevasea jsHria 
mejor. Sus Altezas podran dav licencia y pernùso à un 
numéro de carabelas que trayan aca, cada ano, ganados 
y otTos mantenimientos y cosas para poblar el campo 
eti precios razonables, ht cuales cosas se podrian pagar 
en tsclavos de estas CanibaUs, gente tan fiera y dis- 
puesta, y bien proporcionada y de may bien entendi- 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXIBHE. 2fS 

qui, perdant hors de leur pays leurs habi- 
tudes barbares , seront préférables à d^autres 
esclaves et dont rintroduction (à Séville) sera 
encore profitable à Vos Altesses par les droits 
qu'on imposera à volonté. » 

Ces propositions ne furent aucunement goû- 
tées par la reine. Dans une autre expédition 
que le même Antonio de Torres , frère de la 
nourrice de l'infant don Juan , fit avec quatre 
navires , Colomb eut l'audace d'envoyer à la 
fois cinq cents esclaves caribes pour être ven- 
dus à Séville > . L^expédition , dans laquelle se 
trouvait aussi Diego Colomb , frère de Tami- 
ral , mit à la voile à U^d le 24 février i^gS. 
Le gouvernement permit en effet d'abord la 

miento, los cuâles, quitados de aquella inhumanidad, 
creemoa que serin mejores gue otrot ningunos esela- 
vns. > (Mémorial que para los Reyes Catoticos diô el 
almirante el 3d de Enero <494 & Aotonio de Torres, 
art. 9.) 

' C'est l'envoi qui excita tant la colère de Las Casas. 
M. Navarrete, justement enclin à prendre la défense 
du caractère de Colomb, a réimi (t. I, p. LXXXIII) 
avec une grande impartialité tout ce qui, dans l'his- 
toire manuscrite des Indes de Las Casas (lib. I, c. i02, 
lib. II, c. 1 1 et i4)i ^ trouve consigné sur les esclaves 
enlevés par ordre de l'amiral. 

111. 18 



tzedbïGooglc 



274 SECTION DEUXIÈME. 

vente des esclaves carîbes , en enjoignant ' à 
l'évéque de Badajoz, qui faisait les fonctions 
de ministre de Flnde , n de Ëiire la vente en 
Andalousie parce qu'elle y serait plus lucrative 
que partout ailleurs, » Quatre jours plus tard, 
des scrupules religieux motivèrent la révoca- 
tion de Tordre donné avec trop de précijrita- 
tioD. La nouvelle cédule' porte : k II faut ab- 
solument suspendre la vente et ne pas encore 
accepter le prix des esclaves pour que nous 
ayons le temps de nous informer auprès des 
personnes lettrées , auprès des théologiens et 
des canonistes , si en bonne conscience il est 
permis de suivre cette affaire : il feut surtout 
que Torres nous envoie promptement les let- 
tres quM apporte de Tanùral pour que nous 
apprenions par quel motif il fait transporter 
ces hommes comme esclaves à Séville. n On 
peut s'étonner de cette déUcatesse de senti- 
mens dans lui temps où le même gouverne- 
ment se permettait les plus horribles cruautés 
et le manque de foi le plus prononcé envers 

' Lettre des monarques à don Juan de Fonseca , 
évëquede Badajoz, en date du 13 avril i494-(Nav. t. It, 
p. .68.) 

»Dui6avrUi495(t. Il, p. 173). 



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SECTION DEUXIÈME. 2/5 

lies Maures et les Juifs ; où le grand inquisiteur 
Torquemada, de féroce mémoire , fit brûler 
seul , de i^Bi à 149S, plus de huit mille huit 
cents persomies, sans compter les six mille 
brûlées en effigie. Dans les tourmentes reli- 
gieuses comme dans les tourmentes politiques, 
on fait le mal systématiquement. Comme on 
croit juste tout ce qui se fait d'après une loi , 
le doute moral ne commence que lorsqu'il se 
présente une circonstance qm ne semble pas 
comprise dans les conditions de pénabté que 
la loi a définies. Après avoir été long-temps et 
consciencieusement cruel , parce que la sévé- 
rité avait paru légale, c'est-à-dire conforme à 
un arrêt dicté par la violence et la déraison du 
pouvoir arbitraire, on revenait parfois à des 
sentimens d'humanité et de douceur. Ce re- 
tour, effet de l'influence de quelques âmes 
généreuses , dont les règnes de Ferdinand et 
de Charles-Quint offrent de fréquens exemples, 
n'a jamais été de longue durée : une législation 
inhimiaine , enfantée plus encore par la cupi- 
dité que par la superstition , a étouffé de nou- 
veau la voix de la nature : la modération et la 
clémence ont été déclarées coupables dès que 
l'esclavage était permis par la loi. 



tzedbïGooglc 



376 SECTION DEUXIÈHB. 

Ces oscillations d^opiuion en tout ce qui a 
rapport à Tétat des Indiens , ces inconsé- 
quences du pouToir absolu frappent Tesprit de 
ceux qui font une étude sérieuse de Thistoire 
de ]r conquête 6s l'Amérique. On voit durer 
les incertitudes pendant plus de quarante ans, 
depuis la consulUttion sur la liberté des indi- 
gènes dont la lettre de la reine Isabelle, en 
date du 16 février i^^S , renferme ta première 
trace , jusqu^à la bulle du pape Jules III en 
1537. Tandis que le gouvernement hésitait 
quelquefois à faire le mal , et à le sanctionner 
formellement, les colons persévéraient dans 
leurs systèmes d^mpiétement et de vexations. 
On discutait encore méthodiquement en Es- 
pagne « sur les droits naturels des indigènes, i> 
et déjà TAmérique se dépeuplait moins par la 
traite ( la vente des esclaves caribes ou autres 
Indiens censés rebelles ) que par l'introduc- . 
tion du servage , des répartitions et des com- 
manderies '. Quand le dépeuplement était 
presque consommé , on en rejetait la faute non 
sur la sévérité de la législation et les variations 
fréquentes que cette législation avait éprou- 

' Repartimiento de Indios, EneomUndas. 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXIEME. 277 

Tées, mais siir le caractère individuel des 
che& dont le pouvoir éphémère ne suffisait pas 
pour mettre un fi-ein aux usurpations des 
colons. Quelques opinions courageuses furent 
proclamées avec fermeté , mais la raison et le 
sentiment devaient céder à la prépondérance 
des intérêts matériels : la philantropie ne pa- 
raissait pas seulement ridicule et ÎDintelli^te 
à la masse de la nation ; Tautoiité la crut sé- 
ditieuse et menaçante pour le repos public. Ce 
qui se passait alors dans la péninsule et dans 
le Nouveau-Monde par rapport à la liberté des 
indigènes ressemble entièrement à ce que nous 
avons vu , dans les temps les plus rapprochés 
de nous , soit aux Antilles dans les persécu- 
tions qu'ont éprouvées les missionnaires de 
l'Eglise protestante de la part des planteurs , 
soit aux Etats-Unis et en Europe, dans de 
longues querelles sur l'abolition ou radoucis- 
sement de l'esclavage des noirs , sur l'affran- 
chissement des ser& et ramélioration générale 
de l'état des laboureurs. C'est le tableau tiiste, 
monotone et toujours renaissant de la lutte 
des intérêts , des passions et des misères hu- 



L'ordre que donna la reine Isabelle à l'é- 



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278 SECTION DEUXIÈME. 

Téque de Badajoz " de lui Êiire promptement 
savoir si d'après l'o^Hnion des théologiens 
d'£sj>agne , on pouvait vendre en bonne con- 
science les Indiens envoyés par Colomb, m rap- 
pelle les mêmes scrupules énoncés dans le 
39" paragraphe du testament de Femand 
Cortez ' qui se trouve déposé dans les archives 
de sa femille et dont j'ai rapporté la copie en 
Europe, a Quant aux esclaves indigènes pris. 
ou achetés, dit le grand conquistador, on se 
demande depuis long-temps si Ton peut, sans 
remords, les garder en sa possession : cette 
question n'étant pas encore résolue ( le test*- 
m^it date cependant de l'ajmée i547 ), je re- 
commande à don Martin, mon fils, et à ses 
successeurs , de n'épargner rien pour parve- 
nir sur ce point à la connaissance exacte de la 
vérité j ce sera pour le bien de ma conscience 
et de la leur. » 

Avant même que les théologiens eussent 
prononcé , comme la reine l'exige dans la lettre 
quenous venons de citer et qui date du 16 avril 
149^ , Is&elle insistait auprès du riche négo^ 

I EssaipoUtiquesur le royaume de la Notuielle Espagne 
(éd. a% tome IV, p. 3a5). 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXIEME. 279 

ciant florentin Juanoto Berardi , établi à Sé- 
ville , ami de Colomb et de Vespuce , pour que 
ces neuf fêtes d'Indiens que Colomb avait en- 
voyées pour apprendre le castillan ne fussent 
pas vendues '. Plus tard, lorsque l'amiral re- 
vint de sa seconde expédition, il embarqua 
encore trente esclaves parmi lesquels se trou- 
vait le puissant cacique d'Haïti Caonabo , de 
race caribe, qui mourut dans la traversée. Ne 
connaissant point encore la zone où régnent 
les vents d'ouest*, on eut l'imprudence de 
rester jusqu'au méiidien des Açores entre les 

' Lettresdu ajuin i495 (N*t. t. II, p. 17761178). 
La reine se sert de l'expressîoa nueve caèeztu de 
Indioj, comme on s'eo sert encore daos la traite dea 
nègres à l'analogie des mots cabezas de ganado, l^ies 
de bceufs. 

» C'est le IUb Fernando (Jtist. del Almir. cap. 63) qui 
&it cette observation sur les vientot vendadales acia el 
norle. C'est d'ailleurs en revenant du premier voyage 
que Colomb s'est élevé le plus vers le nord, jusqu'à 
37° de latitude. Le retour des Antilles par le canal de 
Bahama fiit inconnu jusqu'à la mort de l'amiral, mais 
plus tard ce canal fut fréquenté même par les bâtimens 
qui se rendaient d'Europe atix côtés de Vii^Lnie, et ce 
n'est qu'en i6o3 que Baitliolomé Gosnold cingla le 
premier directement de Falmouth au capGod. 



tzedbïGoOglc 



28o SECTION DEUXIÈME. 

parallèles de 20° et 24°. Colomb tâcha de s'o- 
rienter ' par Tobserration de la déclinaison 
magnétique , mais rincrédulité des pilotes, la 
crainte de voir se prolonger la navigation 
outre mesure et le manque de vivres augmen- 
tèrent à tel point que le 7 juin 1496, Téqui- 
page conçut l'horrible projet <i de massacrer 
les esclaves pour les manger, u L'amiral sauva 
les Indiens en représentant aux matelots que 
les malheureux mdigènes « étaient des chré- 
tieais et leurs semblables , u maxime chari- 
table qui n'empêchait pas qu'on pût les vendre 
comme du bétail en Andalousie. Le frère de 
Christophe Colomb , don Barthélemi , dont 
l'énergie de caractère dégénérait souvent en 
violence et en rudesse, continuait, ccwnme 
adeîaniado, à se jouer de la liberté des In- 
diens. Cétait toujours sous le prétexte hypo- 
crite de l'instruction ou comme punition de dé- 
sobéissance qu'on chargeait les vaisseaux d'e»- 
clavesindiens. D'après les conseils de l'amiral, 
Vadelantado en expédia à la fois trois cents 
avec les trois vaisseaux de Pero ^lonzo Nifio % 

■ Voyez plus haut, p. 38. 

•Herrera, Dec. I, )ib. III, c. 9; Monos, lik. Vl* 
c. 3. (Manuscrit de Las Casas, Hitl. ia>. 1, laS.) 



DotzecliïGoOgIC 



SECTION DEUXIEME. 



qui arrivèrent au port de Cadix, à la fin d'oc- 
tobre i^qS. Assuré de la vente lucrative des 
Indiens , on avait imprudenunent annoncé 
la cargaison « comme de Tor en barre , « mal- 
entendu qui fit une très mauvaise impression 
s.ur l'esprit des monarques. L'usage de distri- 
buer les indigènes parmi les Espagnols pour 
&ciliter le travail des mines, commença dans 
la même année. L'amiral retourna à Haïti 
après la découverte de la terre ferme , le 
3o août i 498 , et le servage dans les enconiien- 
das, une des causes principales de la dépopu- 
lation de l'Amérique , était tout-à-feit établi 
dès l'année i499- La rébellion tramée à Xa- 
ragua par Francisco Roldan et Adrien de 
Moxica , les faUacieuses concessions qui en 
furent la suite , l'arrivée inattendue et les in- 
trigues de Hojeda, placèrent l'amiral dans une 
position infiniment difïïcile, Pour conserver le 
peu d'autorité qui lui restait au milieu du con- 
flit des partis , il se vit eutnôné toiir à tour à 
exercer une grande rigueur contre quelquies- 
uns des coupables et à satisÊiire la cupicbté 
des autres , soit par la répartition des terres 
en guise de fiefs , soit par le vasselage et le 
sacrifice de la liberté personnelle des indi- 



tzedbïGooglc 



382 SECTION DEUXIÈME. 

gènes'. Ces donations, loin de contenter les 
colons*, offrirent aux ennemis de l'anoiral en 
Espagne le moyen de le desservir auprès de 
la reine Isabelle. Le grand nombre d^esclaves 
embarqués dans les mêmes vaisseaux qui ame- 
naient les complices de Roldan , blessait d'au- 
tant plus la philantropie de cette reine, qu^il se 
trouvait parmi ces esclaves de jeunes filles de 
caciques, victimes de la séduction et de la vio- 
lence des conquistadores. La mission du co- 
mendador Bobadilta , qui jeta Colomb dans les 
fers , fîit principalement motivée par ces im- 
pressions , et rhomme chargé de rexécration 
de la postérité était devenu , parmi ses con- 
temporains , Tobjet de la prédilection de ceux 
qui accusaient Colomb de Toppression des in- 
digènes. Oviedo ' qualifie Bobadilla « de per- 

>H£BREKA,Dec.I, Ub III, c. 16; Mdmoz, lib. VI, 
§5o. 

' Tandis qu'à la cour oa bl&mait la dureté avec la- 
quelle Colomb introduisait le serrage parmi les indi- 
gènes, les coloDB écrivaient en Espagne ■ qu'il ne pei-- 
niettaît pas que les Indiens fiissent assujétis aux 
chrétiens (<}ue sirviesen), qu'il les flattait pour se rendre 
indépendant par leur appui, ou pour former una Uga 
ton algun principe. » (Buicu,t. I,p.97.) 

' Hût. geit. lit las Indias, parte I, lib. III, cap. 6. 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEVXiÈHE. a83 

sonne pieuse et honnête , » et Las Casas as- 
sure ' que « même après sa mort , on n'a pas 
osé attaquer sa probité et son désintéresse- 
ment. » 

Telles étaient alors à Grenade la disposition 
de Tesprit public et la haine pour ce que Ton 
appelait le régime tyrannique des n uîtramon- 
taîns à Haïti, » que les parens des conquista- 
dores se réunissaient dans la cour de IMlambra 
pour crier, chaque fois que le roi passait y 
payezy payez, n Mon frère et moi, qui étions 
alors pages de la reine, dit Fernand Colomb *, 

Dans labîblîothâque de l'université de Leipsig, le célè-. 
bre explorateur du Maragnon, M. Poeppig, vient de 
découvrir l'erfiVib/ir/nce/ïjfïOviedo (Salamanca, i547, 
porJuande Junta), à laquelle sont ajoutés, 1° le rare 
XÀhro uliimo de tos naufragios por Consalo Fernandez de 
Ofiedo i î" la Verdadm-a relacion de la conquisia del 
Perù embiada a Su Majeslad por Francisco de Xeres, 
mUural de Sevilta, secretario del eapilan en todat Itu 
provincial j eonquista de la Nueva Castilla. La lUlation 
ne s'étend que jusqu'à l'année 1 533. 

* Manuscrit, lib. II, cap. 

■ Hist. del Am. c. 85. J'ai toujours été frappé de- 
voir que la scène pathétique de la première entrevue de» 
monarques avec Colomb le 17 décembre iSoo, apré» 
que celui-ci eut été délivré de ses fers, scène si nobW 



tzedbïGoOglc 



284 SECTION DEUXtÈME. 

nous étions insultés par la populace. Voyez, 
nous ciiait-on , ces misérables (nuM^uiJEt'^^), 

nient décrite par Heirera (Dec. I, lib. IV, cap. lo) ne 
se retrouve pas dans le rédt de son fits. Il se contente 
de dire • que l'amiral lut mandé à Grenade, où Leurs 
Altesses le reçurent con semblanle alegre y dalces pala- 
brât (Las Caaas dit palabras muy amorosas), en protes- 
tant que l'emprisonnement u'avait pas éié conforme à 
leurs ordres. • Fernando Colon, qui connaissait l'astuce 
et la dissimulation du vieux roi, ne parait pas avoir 
mis une entière confiance dans les effets d'une scène 
sentimentale jouée à la cour, car il loue (cap. 88) • la 
Providence divine d'avoir fait périr dans un ouragan le 
commandeur Bobadilla, Roldan et les autres ennemis 
de l'amiral, puisque (et il eii est sûr), arrivés en Espa~ 
gae, loin d'être punis, ils y auraient trouve un accueil 
très iàvorable (recevtdo muekos favores). • Cet ëloge de 
la Providence lorsqu'il s'agit de noyer «quelqu'un en 
temps convenable et très opportun selon les faibles 
vues bumaines, rappelle un autre élc^e plus Étrange 
encore, consigné dans les verbeux écrits de Las Casas. 
En racontant la mort de Colomb, il s'efforce de prou- 
ver • que les infortunes (aduenidades, angustîas y pene- 
lidadei) qu'i\ a éprouvées, n'étaient que le juste cbiti- 
ment de ses procédés envers les indigènes. Lorsqu'il fit 
prendre le cacique Caooabo (fin de i494) et le jeta 
avec un grand nombre d'esclaves indiens dans des vais- 
seaux prêts à mettre à la voile pour l'Ësp^oe, Dieu 
voulut montrer • combien était injinte l'esclavage de 



tzedbïGoOglc 



SECTION DBUXIÈHC. 285 

ces fils de ramiral , de celui qui a trouvé des 
terres de vaines illusions et de tromperie ( que 
ha halîado terras de vanidad jr engaho)^ 
terres qui ne sont que le tourment et le tom- 
beau des Hidalgos Castillans. » Barthélemi de 
Las Casas , dans le Mémoire ' curieux que , par 
ordre du roi Charles-Quint, il remit eu i543 
à rassemblée des prélats convoqués à Vallado- 
fid pour la réforme des abus dans les Indes 
occidentales nouvellement découvertes, ra- 
conte un fait qui a rapport à cette même 
époque si désastreuse pour Christophe Co- 
lomb. « La sérénissime et bienheureuse reine 
doiia Isabel, digne aïeule de Votre Majesté, 
dit-il, n^a jamais voulu permettre que les In- 
diens eussent dVutres seigneurs qu^elle-même 

tant dinnocens. • La Providence susciUi une horrible 
tempête dans laquelle périrent les vaisseaux, l'équipage 
etle«/nAVrM(Ub.l,c.ioa;lib.II, c. 38; Nat. t. 1, 
p. LXXXlVetLXXXVl). Quanta la personne même 
du cacique Caonabo, le fait, rapporté également par 
Herrera (Dec. I, lib. II, cap. i6), est dépourvu de vé- 
rité comme le prouvent Pierre Martyr d'Anghiera 
(Dec.I, lib. IV)etii Cura de los Palacios, caç. t3i. 
^ Le mémoire est à la suite de la Brevissima Relacion 
de la destruccion de las Indiat (Llokente, Œuvres de 
Las Casas, t. I, p. XI et 171). 



DotzecliïGoOgIC 



200 SECTION DEUXIEME. 

et son époux le roi Ferdinand. Il est bon de 
vous faire connaître ce qui se passa à ce sujet 
dans cette capitale en i499- L^amiral fit pré- 
sent à chacun des Espagnols qui avaient servi 
dans ses expéditions, d'un Indien pour son 
service particulier. J'en obtins un pour moi '. 

' Ces expressioDs pourraieDt faire croire que Barthé- 
lemi 4^ Las Casas avait déjà ét^ à cette époque aux An- 
tilles. M. Lloreate le fait en effet partir dans le même 
volume, pour la première fob, tantôt dans le second 
voyage, le aS septembre 149^) tantôt avec son pèi-e, le 
3o mai 149^1 tantôt dans la troisième expédition de Co- 
lomb ÇOEucres de Las Casas, t. I, p. XI, 255 et 3o6); 
mais nous savons par V Histoire de Cliiapa de Remesal 
que le père de Barthélemi, parti dans la seconde expé- 
dition, revint très riche à SéviUe eni498,etque Bar- 
thélemi lui-même, loin d'avoir été du second voyage, 
comme dit Ortiz de Zuniga, ou du troisième, comme 
dit Llorente, n'est venu à Haïti qu'avec Ovando, en 
i5oa. L'esclave indien dont il est question dans le texte 
avait été donné par Colomb au père de BarthélemL 
(Francisco de Casaus ou de Las Casas, d'origine fran- 
çaise). Le père céda cet esclave à son fils lorsque celui- 
ci alla étudier à Salamanque. Il parait que cette cir- 
constance, si peu importante en elle-même, a beaucoup 
contribué à enflammer le zèle àé Barthélemi pour le 
sort des indigènes de l'Amérique, et qu'elle a dooné à 
sa vie entière une dii'ection suivie avec la plus coura- 



tzedbïGoOglc 



SfeCTtON DEUXIEME. 287 

Nous aniTàmes avec nos esclaves en Espagne; 
ta reine , qui était alors à Grenade , en Rit in- 
formée et témoigna son indignation. Qui a air- 
torisé , disait-elle , mon amiral à disposer ainsi 
de mes sujets? Elle fit aussitôt publier une oi>- 
^ionnance qui obligeait tous ceux qui avaient 
amené des Indiens à les renvoyer aux Indes.» 
La véracité de ce récit de Las Casas est prou- 
vée par une cédule royale du 20 juin iSoo, 
trouvée par Munoz dans les Archives de Se- 
ville , et adressée à Pedro de Torres , auquel 
dix-neuf esclaves , qui avaient été vendus en 
Andalousie , furent officiellement remis pour 
les &ire partir avec Texpédition du comenda- 
dor Bobadilla'. Ceux-là seuls qui compren- 
nent les difficultés et les. complications de 
notre régime colonial actuel et qui savent 

geuse persévérance. Barthélemi, né à Së<rïlle eu i474( 
est mtwt à Madrid eo 1 566, âgé de quatre-vin^-douze 
ans. Lui et sou contemporaiti Toscanelli, né en 1397 
et mort à quatre-vingt'Cinq ans (en 1482), embrassent 
par leur longue vie, à eux seuls, à li'avers trois siècles, 
le Gommeneement et la fin de toutes les grandes décou- 
vertes maritimes d'Afrique, d'Amérique, de la Mei- du 
Sud et de l'archipel des Indes. 

' N*T. t. I,Docum. CXXXlV,p. a46. 



tzedbïGoOglc 



288 SECTION DEUXIEME. 

comment les gouverneurs des îles se trouTent 
so^$ la double influence du système libéral de 
la mèren-patrie et des velléités d'oppression et 
de pouvoir arbitraire des colons , peuvent se 
{aire une idée précise de l'état d'anarchie que 
produisait à Haïti la douceur des édits royaux 
en lutte continuelle avec la violence et la ru- 
desse des conquistadores, avec le besoin ur- 
gent de se procurer des bras pour Pexploita- 
tion des mines ou lavaderos^ avec Vintérêt 
qu'avaient les frères Colomb et toutes les au- 
torités instituées après eux de prouver, par 
Faccroissement de l'exportation de l'or, Tim- 
portance et la prospérité des terres nouvelle- 
ment découvertes. Cette lutte et ces tristes 
eflèts se trouvent dépeints surtout dans une 
instruction que, trois ans après l'arrestation de 
Colomb , la reine Isabelle se voit forcée de 
donner au successeur de Bobadilla , le co- 
mendador don Nicolas de Ovando ' . La reine 
se plaint elle-même de ce que la déclaration 

> Il avait une des grandes commanderiesd'Alcatitara, 
et se trouve souvent désigné dans les pièces officielles 
sous le nom de comeadador de Lares (N&V. t. II, 
Doc. CXLIV, p. 279 i Hebheba, Dec. I, lib. IV, 
cap. 11.) 



D.nt.zedbïGoOglc 



SECTION DEUXIÈME; 289 

de la liberté des indigènes ( libres y no sujec- 
tos a servidumhre) a fevorisé la paresse et le 
vagabondage. Elle s'afflige de ce que les co- 
lons , pour avancer le travail des mineâ , ne 
peuvent pas même se procurer des bras en 
payant de gros salaires, et elle ordonne ' que 
les indigènes soient contraints à travailler, que 
les colons puissent en demander aux caciques 
un nombre quelconque , que le paiement du 
travail forcé sera conforme à une taxe déter- 
minée par le gouvemeiw, mais qu'on traitera 
les Indiens , non comme serfs, mais comme des 
personnes libres, ce qu'ils sont effectivement '. 
Cette ordonnance , malgré les expressions 
mielleuses qu'on y avait introduites pour obte- 
nir la signature de la reine , ouvrait là porte à 
tous les abus. Jusque-là la loi n'avait prescrit 
qu'une capitation , elle ne demandait qu'un 
tribut dont le paiement était indiqué par une 
espèce de médaille de laiton ou de plomb que 
le b^butaire était obligé de porter au col ^. 

» Pmi-ùion delao Die. i5o3. (N*t. Il, Doc. CLIII, 
p. 398) 

> • Como personas libres cortv> lo son y no como 

^ La rorme de cette pièce (srhal de moaedo) devait 

m. 10 



tzedbïGooglc 



290 SECTION DEUXIEME. 

Dès Tannée i5o3, U contrainte au travail, la 
taxation arbitraire du prix de la journée, le 
droit de transporter les indigènes parmilliers 
dans les parties les plus éloignées de 111e et de 
les tenir pendant huit moi» ' séparés de leur 
famille et de leur domicile , devinrent des ins- 
titutions légales. Le germe de tous les abus, 
lesrepartimientos, les encomiendoset]amila^ 

être changée après chaque paiement de la capïtatioD. 
Les Indiens qui n'avaient point de médaille étaient ar- 
rêtés et sujets à une faible punition {^pena lirlana), 
comme le dit la loi du a3 avril i497- (^*v- t- il, 
Doc. CIV, p. 182.) Ce genre de comptabilité assez 
e<»n|4iqué rappelle la médaille que aous le règne de 
PieTre-4e-Grand portaient ceux qui avaient acheté le 
droit de conserver la barbe au menton. 

' La loi prescrivait d'abord sis, puis huit mois de 
travail consécutif. Ce terme, bientôt dépassé par les 
colons, s'appelait une demora. (Herbera, Dec. I, 
lib. V, cap. il.) 

' Voyez sur la mita mon Essai poiitiifue lur l» Aou- 
i-e/Z(-£.f/>afne(a*édit.), 1. 1, p. 338. It'iaatttution delà 
mita, depuis long-temps aboCe au Mexique, où de mon 
temps le travail des mines était entièrement libre, s'est 
conservée dans le Haut-Pérou jusqu'à l'époque de l'in- 
dépendance des colonies espagnoles. En Sâ>érie l'ex- 
ploitation des célèbres toines du Kolivan, au sud-ouest 
des Monts Altaï, est encore en partie basée sur le sys- 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXIÈME. 29I 

se trouvaient dans les instructions données im- 
prudemment à Ovsndo. Le manque'^e TÎvres 

tème de k mita. L'est et le oord de l'Eumpe ofir^it 
encore, malgii'é les améliorations pleines d'h)iiiiauité 
que plusieurs gouvememens ont apportées à la légis- 
lation de la classe agiicole, de loin en loin tous les dif- 
férens degrés de servage depuis le service personnel, 
l'attache à la glèbe, l'obligation d'un travail défini oa 
indéfini, la transplantation forcée ou le transport dans 
un bien élcûgnë appartenant au même maître, jusqu'au 
droit barbare tantôt annulé, tantôt rétabli, de vendre 
^ la population sans la glèbe. Si sous le ciel brûlant des 
AntiUes les indigènes avalent pu résister et survivre au 
régime qni leur était imposé, rendu plus vexatoire par 
la rudesse des mœurs et la sauvage cupidité des Uancs, 
et qu'un gouvernement, au bout de trois siècles, vou- 
lût mettre un au crime li^al de l'esclavage et de la servi- 
tude, il aurait à lutter avec ces mêmes obstacles que, 
dans la cause de l'émancipation des noirs, le parlement 
de la Grande-Bretagne n'a pu vaincre qu'après qiia- 
rante-frois ans de nobles efforts. 11 entendrait invoquer 
contre lui, selon la diversité des doctrines jHtrfèssées 
parmi les opposans, le droit de la conquête ou le mytbe 
d'un pacte convenu, l'ancienneté de la possession ou la 
prétendue nécessité politique de tenir en tutelle ceux 
que l'esclavage a décades. Les écrits de Bartbélemi de 
Las Casas renferment tout ce que dans les temps mo- 
dernes on a objecté conUe l'émancipation des serfs noirs 
et blancs dans les deux montles, tout, jusqu'aux griefs 



tzedbïGoOglc 



29^ SECTION DSUXIEUE. 

et les maladies épidémiques Êireot les suites 
inévitables de raccumulation dW grand 
nombre d''bomnies mal nourris et exténués 
par Texcès de traTaîl dans d^étroites vallées 
aurifères. Il se manifesta dans Torganisation 
pbysigue des Amà:icains ce manque singulier 
de flexibibté que j^ai eu occasion de signaler 
ailleurs. Dans l'état confus et tumultueux des 
affaires d^Haïti , on ne songea à aucune de ces 
précautions qui contribuent aujourd'hui à di-^ 
minuer la mortalité parmi les noirs de grandes 
plantations. Il &ut ajouter à ces maux du ser- 
vage personnel et de la mobilité de la popula- 
tion , qu'il ne pouvait s'établir aucun de ces 
rapports de jlàmille qui cbez les peuples de race 
germanique adoucissaient jusqu'à im certain 
point , même dans le moyen-^ge ( époque si 
funeste pour ta classe agricole ), le sort des 
serfs attachés à la glèbe^ Pendant le quatri^ne 
et dernier voyage de Colomb , le déseq>oir 
multiptiait les révoltes, et avant de consom" 

■ contre les riùssionDaireB dont l'eDMignement blesae 
les latÉTitB des maltxei, le serf n'obéissant bien qu'au- 
tant qu'il eet ignorant, et qu'il ne connaît pas la morale 
chrétienne qui le &it niûonn«r sur ses devoirs. ' Œit- 
vret de Las Costa, t. U, p. 1 74-) 



tzedbïGoOglc 



SBCTIOM DEUXIÈME. SQS 

mer la destruction de la population indigène 
dHaïti, Ovando fit pendre Ou brûler quatre- 
vingt-quatre caciques. C^est Diego Mendez, 
le courageux et fidèle serviteur de ramîral, 
qui le raconte dans son Testament historique ' . 
11 dit froidement que ces exécutions se firent 
dans Fespace de sept mois, et qu^elles avaient 
pour but 1 de pacifier et tranquilliser ( alla^ 
nar) la province de Xaragua. » 

Une lettre de Christophe G>lonib' à son fils 
don Diego exprime vivement l'horreur que les 
cruautés d'Ovando inspirèrent aux âmes hon- 
nêtes. « G>sas tan feaSf dit Tamiral, COR crue^ 
dadcruda tal, jamas frie visto. » Il ajoute n que 
les Indes se perdent et sont embrasées de 
toutes parts. » Lliorrible décret' qui permit 
de réduire en captivité et de vendvftJes Ca-^ 
ribes des îles et de la terre ferme servit de pré-^ 
texte pour perpétuer les hostilités. Une certaine 
érudition ethnographique vint même au se- 
cours d'une atrocité lucrative. <^ discuta 

' Voyez tom. II, p. 339 ^^ ^^'■ 

i> Du i" décembre i5o4. (Ntv. 1. 1, p, 34o.) 

> D'après le maauBCrit de Las Casas (lib. II, c. 94), 

ce décret date déjà du ao déceiqbre i5a3. (N». t. II, 

J>. Ï98.) 



tzedbïGoOglc 



294 SECTION DEUXIEME. 

longuement &w les nuances qui distinguent 
les variétés de Tespèce humaine. On décida ' 
quelles étaient les peuplades que l'on pouvait 
considérer conune caribes ou canihales, con- 
damnées ^ Textermination ou à Tesclavage , et 
quelles peuplades étaient guatiaos ou Indiens 
de paix, anciens amis des Espagnols. Jamais 
l'esprit de système n'avait mieux servi à flatter 
les passions. En même temps, chaque ordon- 
nance qui autorisait un nouvel envahissement 
de la liberté des indigènes répétait avec une 
artificieuse dissimulation les protestations &i- 
tes anciennement en faveur de leurs droits 
inaliénables. Un profond mépris des lois co- 
loniales naquit de cette confusion d'idées , de 
cette irrésolution du pouvoir, qui voulait , en 
augmentant ses revenus par le produit annuel 
des lavages de l'or, conserver l'apparence 
d'une pieuse modération. Ce n'est cependant 

* Cestl'au/D de Figutroa de tSao. (Herkeba, Dec. II, 
lib, X, c, 5;Relat. hùtorique, t. III, p. 17.) Dés iSii, 
il fut statué que les Cai'ibes seraient marqués d'un fer 
chaud à la jambe (He&reba, Dec. 1, lib. IX, c. 5), 
usage barbare qu'au coDunencement de ce siècle j'ai 
eticM* trouvé assez répandu parmi la population noive 
des Antilles. 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUKlfiHE. SQS 

pas la reine Isabelle que Ton oserait accuser 
d'hypocrisie ; elle Ait sincère dans ses senli- 
mens de douceur et d'intérêt pour les naturels 
du Nouveau-Monde^ sentimens dont l'expres- 
sion se trouve répétée dans son testament >; 
mais , tout comme Christophe Colomb , elle se 
trompait sur l'étendue des droits accordés aux 
blancs, et avant ^^mort, qui n'a précédé 
celle de l'amiral que de dix-huit mois , le ré~ 
gime légal des Nouvelles Indes tendait d^a à 
l'anéantissement de la population indigène *, 



■ La reioe mourut à Tfige de 53 ans à Hedina del 
Caaipo, le ■%& Domnbre i5o4, •> aUrUtée par la p^te 
d« deux de ses eotàns (l'infant don Juan et l'inlkate 
dona Isabel) ; conune par les t{uerelle« domestiques en~ 
tre l'infante dofift Juana et l'archiduc don Felipe. Elle 
était hydropique et soulfrait d'un ulcas quod ex atsiduit 
eijuitationibus contraxiste ajunt. • (GoMEC DE Cutko, 
De rebut gestis Franchci Ximenii, lib. 111, fol. 4? ; 
Clehencih, dans Mtm. de la i-eal Âcad. hitl. t. VI, 
p. 573). Sur le testament de la reine, qui a été publié 
en entier par don José Ortiz y Sam, dans le supplé- 
ment au tome IX de Maruna, Hisi. generalde Eipaha 
(éd. de Valence), voyez OEuvfts de Las Casât, t. I, 

p. 189. 

■ C'est le fiineste accomplissement d'une prédiction 
sur l'arrivée d'hommes refus et barbut, conservée dans 



tzedbïGoOglc 



2g6 SECTION DEUXIÈME. 

Récompenser les services ou les flatteries des 
courtisans en leur faisant don « d^un certain 
nombre dVmes , m ( hacer merced Indios-) de- 
vint im acte de munificence habituelle sous le 
règne de Ferdinand le Catholique. On permetr 
tait de faire des expéditions pour saisir les ha- 
bitans des petites îles adjacentes , des îles Ba- 
hames surtout, quW ij^i^u'dait comme des 
fies inutiles \ pom* les transplanter à Haïti ou 
à Cuba. 

On vit arriver alors ce qui de nos temps a 
caractéiisé le commencepient des troubles de 
TAmérique espagnole, quand les ordres mo- 
nastiques , loin de Élire cause commune contre 
les évéques ou contre les autorités nouvelle- 
la famille du cacîtpie Guarionex. Pïm. Mart. Océan. 
Dec. I, lib. IX, p. ail ; GohjUI*, Hiit. de las Indias, 
fol. XVIII,* (éd. de i553.) 

^ Iilat inutiles. Voyez les privilèges concédés aux 
colons de la Isla Espanola (36 septembre i5i3), dana 
Nat. 1. 1, Doc.CLXXV, p.356. Cette pièce accorde des 
Indiens au chapelain du roi, ai^x secrétaires et aux 
gentilshommes de service. Les descendans de ceux dont 
les pères ont été brûlés pour hérésie pe doivent pas 
résida à Haïti. Cette épouvantable dénomination 
hijos o nielos de quemado se tfouve souvent répétée dan^ 
l'ordonnance royale de i5i3. 



tzedbïGoOglc 



SKCTIOH DEUXIEME. »g7 

ment instituées , s« sont déclarés les u»s favo- 
rables à IHndépendance , les autres, ennemis 
ardens de toute innovation. En différentes lo- 
calités, nous avons vu le même ordre des ca- 
pucins adopter des systèmes politiques diamé- 
tralement opposés. Des contradictions tout 
aussi frappantes signalèrent la première époque 
des découvertes de TAmérique. Le cardinal 
Mendoza , que ses contemporains ne connais- 
saient que sous le nom de grand ccirdinal 
d^Espagne, est accusé surtout d'avoir ap- 
prouvé les mesures de rigueur contre les In- 
diens '. L'énergie de son caractère le portait 
souvent aux abus d'un pouvoir qu'il partageait 
avec Ferdinand et Isabelle, et dans lequel, 
comme le dit avec esprit Pierre Martyr d'An^ 
ghiera ', il jouait le rôle de troisième roi des 
Espagnes. Cette influence n'a pu être de 
longue durée, puisque le cardinal est mort 
trois ans après \a. découverte de l'Amérique } 
elle fut , de plus , balancée par celle du cé^ 
lèbre archevêque de Grenade , Fray Hemando 

> Il fut cependant assez humain dans ses décrets en 
faveur des erulianosnuevos. (Mariiha, HUt. 4e S^paila, 
la». XXII, cap. 8.) 

■ EpÏBtola CXLIII ; CLENEflcin, p. 38. 



tzedbïGoOglc 



39S SECTION DEIDtlEHE. 

de Tahivera, qui appartenait à la congréga- 
tion de Saint-Jérôme ' . Confesseur de la reine 
IsabeHe depuis t^jS, avec laquelle, pendant 
ses Toyages, il entretenait une correspwi- 
dmnce quViî Ut avec le jAus vif intérêt *, il la 

' C'est le Prior det Prado qui soumit Colomb à l'exa- 
men des professeurs de Salamanque, et qui lui-même 
était peu favorable k ses premiers projets. 

* Voyez dans cette correspondance, publiée par 
M. Clonencin, les reproches que l'archev^ue adresse 
à la reine sur le luxe des fètes, les danses et les petits 
soupers qui eurent lieu à la cour pendant le séjour de 
Perpignan, à cause de la visite des ambassadeurs fran- 
çais chargés de faii-e la cession du RoussiltoD. Mem. de 
la Acad. Mit. t. VI, p. 363-375. La justification de la 
reine et les éclaircissemens qu'elle donne au prélat sur 
les- apparences trompeuses de la galanterie française 
sont d'une naïve et aimable sincérité. La cession de 
Perpignan, en iig3, que Angliiera nomme > ingens 
et insigne muaicipiam in ipsa Galliœ Narbonensis pta- 
nieie, » se trouve relatée dans Aughieha, voyei Optts 
epistoi. lib. VI, cap. 128, i3i,i34, i35. Lapei'sécutîon 
/qu'éprouva le confesseur Talavera après la mort de la 
i-eine Isabelle était l'œuvre de l'inquisiteur de Cordoue, 
Die^ Rodriguez Lucero, que nous avons déjà vu si- 
gnalé piushaut (t. Il, p. a83), Commeoèjcuron/iV/e(lPnp- 
brarius), parceméme Anghiera, qui nomme le tribunal 
de l'inquisition praclarum invenlum H «mni huile 
/iignum. 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXIEMB. 299 

fortifiait dans son affection pour les indigènes 
et dans ses dispositions de tolérance régleu- 
se. Heureusement pour les naturels des An- 
tilles, les pruniers religieux envoyés dans les 
îles étaient de Tordre de Saint-Jérûme. Le 
nom de Termite Fray Roman Fane fiit long- 
temps célèbre parmi les indigènes, dont il 
savait adoucir Tinfortune '. Les franciscains , 
dont Colomb portait quelquefois lliabit par 
excès de dévotion ( car il ne leur était point 
affilié), ne furent envoyés • à Haïliqu^en i5o2, 
les dominicains en i5io. Les premiers travail- 
laient à la cour à la fois contre la liberté des 
Indiens et contre les droits que le Saint-Siège 
accordait aux Juifs et auxMaures convertis. La 
persécution qu'ils faisaient éprouver à Tarche- 

■MuSoi,lib.VI,§8. 

' Je ùgnale l'époque d'une véritable mission de 
frayUs, car déjà dans le second voyage un moine fran- 
ciscain, Antonio de Marchena, qui peut-être (Monoz, 
lib IV, § a4i Nav. 1. 111, p. 6o3) est la même per- 
sonne que le gardien du couvent de la Rabida, près de 
Palos, Juan Ferez, le plus ancien des protecteurs de 
Colomb, parait avoir été à Haïlî en qualité d'astronome 
(^R ailrologo), d'après la recommandation directe de 
la reine Isabelle. (Lettre de la reine en date du 5 sep- 
tembre iJ93;NAY.t.Il,Doc.LXXl,p. iio.) 



tzedbïGoOglc 



300 SECTION DEUXIÈME. 

vêque de Grenade nWait d^autre cause secrète 
que Tesprit de tolérance et de modération 
dont cet homme vertueux donnait Texemple. 
Les seconds, long-temps Inunaîns * et protec- 
teurs des indigènes comme Tétaient les reli- 
gieux de Saint-Jérôme, deTinrent plus tard* 

'. Cëtaîent les domiDicains aussi qui dans les confé- 
rences de Salamanque en 106, avaient reconnu la 
juBtease des ai^umms de Colomb. (Rehemi,, Hùi. de 
Chiapa, lib. II, c. 7 et 37.) 

* OEwret de Lot Cotas, t. II, p. 434- La rivalité 
de« deux ordres de Smnt-François et de Saint-Domi- 
nique, entretenue par la cour de Rome, se manifesta 
de la manière la plus vive par le &meux défi fait en 
1498 à Savonarola de travei-ser un bâcher ardent, 
épseuve de feu qui fut empêchée par une pluie d'orage. 
(SisMonni, Hùioired* la liberté en IlalU,\..\\,^. i53.) 
Les franciscains obgervantins étaient aussi les plus 
yiolens persécuteurs des juif» convertie, dont plusieurs 
s'élevèrent à l'épiscopat en Espagne. {Mim. kùtor. 
t. VI, p. 48.5 et 488.) Leur avei-sion pour b rdne 
Isabelle était fondée sur les principes de tolérance reli- 
gieuse vers laquelle inclinait cette femme, qui réunis- 
sait la douceur à la force. La haine augmenta par la 
réaction que produbit la réforme des ordre» monas- 
tiques exécutée pai- l'ami de la reine, l'archevêque de . 
Tolède, Ximenez de Cisneros. Telle lut la fierté des 
frandscains que lorsque, dans une vive discussion 



tzedbïGoOglc 



SECTION 0EUXIÈRI£. 3d^ 

leiirs ennemis les plus acharnés. Tels étaient 
les contrastes singuliers qu^ofire Thistoire de 
la première coriquétef cependant, pour être 
juste, il &ut signaler avec reconnaissance les 
nobles et courageux efforts qu^à la fin du 
moyen-ege coirane dans les premiers temps 
du christiaiiisme , le clergé en masse a Êiits 
pour défendre les droits que Thonime tient de 
la nature. Ces efforts étaient d'autant plus 
dignes d'éloges , que la lutte était engagée à la 
fois avec un pouvoir despotique et les impé- 
rieux, besoins de l'industrie naissante des colo- 
nies. Il Depuis i5io jusqu'en i564, écrit Té- 
vêque de Chiapa ', on ne cesse de proclamer 
dans les chaires^ de soutenir dans les collèges 
et de représenter aux monarques que Êiire la 
guerre aux Indiens c'est violer ouvertement la 
justice , et que tout l'argent que les Indes ont 
livré est injustement acquis. Les plus savons 
théologiens en Espagne, d'accord avec les re" 

avec la reine Isabelle, celle-ci se plaignit du peu de 
respect qu'on lui montrait, le général de F ordre té^ 
pondit : •> Je suis dans mon droit, je parle à la reine 
de Castille qui est un peu de poussière (uR^foeo i/e^/tv)) 
commemoi. •(L.c. p. aoi.) 
' OEwres, t, II, p. a34 et aS;. 



tzedbïGoOglc 



302 SECTION DEUXIÈME. 

Ugieux ( de SamtJérôme et de Saint-Domi-' 
DÏque), ont déclaré que la conduite qu^ont 
tenue les chvélieas dms les Indes , et qu^ils y 
tÎMiaent encore, ne ctHivient qu^à des tyrans 
et à des «menus de Dieu, m Le pape Paul III 
expédia deux bre& dans lesquels ils se plaint 
Il de ce que, par rinvention de Satan, on pré- 
tend (fue les Indiens occidentaux et autres 
peuples récemment décourerts, doivent être 
réduits es servitude, comme si leur caractère 
d^hommes pouvait être méconnu. » C'est une 
sainte loi {leytantissima), dit Francisco Lopez 
de Gomara, prêtre séculier, dont VHistoire 
des Indes est dédiée à Charles-Quint , que cette 
ké de l'empereur, qui défend sous les peines 
les plus graves d'asservir les indiens. Justo es 
que îos ombres que nacen libres no sean es— 
clavos de otrot ombres. Ces m^les paroles 
sont dues à un écrivain qui, plus impartial 
sans doute qu'Oviedo ' , exprime c^>endant un 

' La haine nratuelle que »e pmtiient Fernando Co- 
lomb et l'historiographe Gonzalo Femandez d'Oviedo 
a été d'autant phis nuisible i la mémoire du grand 
amiral, qu'Oviedo, dans ses nombreux écrits, aime 
à se vanter <> de décrire non ce qu'il a entendu dire , 
mais ceqii'ila vu de ses yeux. > Page de l'in&nldon 



tzedbïGoOglc 



SKCTioN deuxiemB. 3o3 

mécontentement assez vif de Fadministration 
civile de Christophe Colomb et de son frère 

Juan , dont la mort précoce a prépai-é la réuniou des 
deux monarchies espagnole et autrichienne, il a vu, 
dans le cours d'une vie de 79 ans , le siège de Grenade, 
l'assassinat tenté par le fanatique Juan de Canamas 
sur la personne de Ferdînand-le-CalhoIIque , la ré- 
ception de Christophe Colomb à Barcelone lors du 
retour de son premier voyage , et l'abdication de Char- 
les-Quint. 11 a passé 4» ans en Amérique et a traversé 
huit fois l'Atlantique. La tranche naïveté de son style 
donne une physionomie particuhère aux ouvrages 
de sa vieillesse. «Entended, lector, que ha 'dias que 
(de mi propia é eansada mano) escribo 6 hablo en 
estas materiai, y no desde ayer, smô sin muelas é 
dieniesmékapuesto tal ej'ercich. De las muelas m'ii^urui 
lengoy bs dientes superiores todot mefaUan, é ni un pelo 
en la cabeza ë la barba hai que blanco non sea. Page 
muchacho fîii llevado , seyendo de doce anos , desde et 
ano 1490 a la corte de los CatoUcos Reyes é comeucé 
i ver la caballeria é nobles e principales varones de 
Espana. • Ce morceau curieux est tiré de la troisième 
Quincuagena d'Oviedo, qui est restée naniucrite et 
qu'il a terminée en mai i556. {Mim. hUt. t. VI, 
p. 392.) L'historiographe Oviedo et Las Casas, se 
fiant trop à leurmémoire, ont confondu souvent le» 
dates et les iàits; mais telle a été l'admirable énergie 
de caractère de Févêque de Chiapa, qu'à l'âge de 
;8 ans (en i55a), il publia pour la première fois son 



tzedbïGoOglc 



3o4 SECTION DEUXIÈME.' 

Barthdlemi. Il était de la nature de ce système 
d'administraticm , comme de tout système cch 
loQÎal, que les mauvais germes qu^il renfermait 
se développassent rapidement , presque à Tinsu 
de la mère-pattie , et en opposition avec les 
lois humaines qui y ont été de temps eu temps 
proclamées. Dans l'ordre social et politique, 
ce qui est injuste recèle un principe de des- 

fameiu traité qui porte le titre de Quœstio de imp^ra- 
toria vel regia potestale ( du Prince comme sujet de la 
loi), traité de politique dont U réimpression ne serait 
pas permise au dix-neuvième siècle dans plusieurs 
capitales de l'Europe. ÇOEuvres de Lot Casas,t. II, 
p. 75-1 13.) L'usa^ d'une certaine liberté de la presse 
que le gouvernement espagnol permettait alors aux pre- 
miers dignitaires de rÊglise est assez remarquable; 
il in^çK surtout Lorsqu'on se rappelle que presqu'à 
la même époque où Las Casas prouve • que le rot 
Catholique, pour sauver son ame, doit rendre le 
Pérou au neveu de l'Inca Guaynacapac, • et que 
les cruautés exercées par lepeuple juif et relatées dans 
le DentérontHne , ne doivent pas servir d'excuse dans 
les guerres qu'on intente aux naturels de l'Amérique 
(I. c. t. I , p. 339-341 ; t. II, p. 3aa et a45 ), un 
autre évéque , celui d'Orihuela , dans un ouvrage 
dédié au pape Clément Vlll , établit • le droit de tuer 
de sa propre autorité un frère ou un fîls hérétiques. ' 
(CtEMENcn.,p.390.) 



tzedbïGooglc 



SECTION DtUXlÙME. 3o5 

ti-uclion ; et les prédictions du spirituel et sa- 
tirique Girolamo Benzoni sur le sort futur 
d'Haïti et de toute TAmérique colonisée par des 
blancs , prédictioiis faites dans la première 
moitié du seizième siècle , ont été pleinement 
accomplies ' de nos jours, 

' Voyes Histeria del Mondo Nuovo (Vinet. i565), 
lib. II) c. 1 et 17, p. 65 et 109. • Les nègres africains 
se reodrootBous peu maîtres de l'ile Saint-Domingue. 
— Je pense que toute nation qui a le malheur d'être 
sujette à des étrangers, se soulèvera tôt ou tard : il 
en sera ainsi des habitans des Indes. > Aussi le car- 
dinal Xîmenes prédît la révolte dËs nègres • comme 
une race entreprenaute et extrêmement prolifique. • 
(Mabsoueb f Hiif. du cardinal, iGg4i liv. V1-) Des 
noirs ont été inti'oduils à SaîntrDomingue cinq ans 
avant la mort de Christophe Colomb , mais en très 
petit nombre et sans sa participation. Ce seul lait, his- 
toriquement bien avéré, dément l'assertion si souvent 
répétée quela malheureuse idéede substituer dans le tia- 
vail des mines des nègres aux naturels des Antilles, ap- 
partient à Las Casas . La cour de Madrid surveillait avec 
une méfiante pnidence la qualité des individus aux- 
quels devait être permis l'accès d'Haïti. £Ue excluait 
les Maures, les Juifs, les nouveaux convertis, les 
moines non Espagnols et les ' fils et neveux de gens 
brûlés (jquemadoi) » , c'eslr^i-dii-e morts sur les bûchers 
delà Sainte Inquisition (N*ï. t. Il, Doc. 175,0. 36i)i 

m. 30 



tzedbïGooglc 



SOb SECTION DEUXIEME. 

Je viens de trailer une matière gui n'a pas 
été abordée jusquHci avec TindépendaDce dW 

mais l'introduction > de nègres nés dans la maisim de 
maitres chrétiens ( naeidos en ptnUr dt ehrùtUaiot ) fût 
permise dans les instructions données en i5oo à Ni- 
colas de Ovando. (Hesk. Dec. 1, lib. IV, cap, 12.) 
Le nombre de ces esclaves nob-s semble avoir augmenté 
considérablement Jusqu'en i5o3, car dana cette annëe 
nous To^na déjà le même Ovando demander à le 
cour (Dec. I, lib. V, c. la) • de ne plus envoya- des 
noirs k l'Ile Espanola , parce qu'ils se mettaient sou- 
vent en Hiite et gâtaient le moral des naturels. > L'an- 
née de la mort de Christophe Colomb fut signalée par 
la permission donnée au nègres de se marier aux An- 
tilles, mais défense fut &ite de recevoir aucun nègre 
venu du Levant ou élevé dans une maison de Mau- 
res. (Dec. f, lib. VI, c. ao.) En i5io (année dans 
laquelle Las Casas a dit sa première messe dans la 
emdad da la Vega sans avoir encore aucun rapport 
politique avec le gouvernement), le roi Ferdinand or- 
donna à la Casa de Contratacion de Séville, établisse- 
ment récemment fondé, • de faire passer 5o esclaves 
à Haïti pour le travail des mines , puisque les naturels 
de rtle étaient faibles d'esprit et de corps. > (Dec. 1, 
lib, VIII, c. g.) On pourrait croire que cet envoi 
étoit composé de nègres créoles nés , comme on disait 
alors, sous puissance de chrétiens ; mais l'ordonnance 
de i5ii (Dec. 1, Ub. IX, cap. 5) exprime déjà claire- 
ment une véritable Irait* de nègres. (On se loue de 



tzedbïGoOglc 



SECriOn DEUXIÉMB. 3o7 

prit quVxigent les grands intérêts de Thuma- 
nité à tontes les époques de Thistoire. 11 né 



l'ëUt prospère de la colonie et de la fréquence décrois- 
sante des ouragans comme effet de la multiplication 
des ^Uses et de l'exposition du Saint-Sacrement. On 
cède au vœu des Dominicains pour diminuer le travail 
des naturels , et la cour ordonne qu'on transporte aux 
Iles beaucoup de nègres des cfîtes de Guinée, puis- 
qu'un nègre travaille plus que quatre Indiens.* Jus- 
que-là le nom de Las Casas ne parait pas dans le récit 
minutieux de l'administration d'Haïtique les historiens 
BOtu ont consa-vé : la proposition formelle de Las 
Casas • de donner la permission aux colons d'amener 
des nègres pour soulager le aon des naturels , gue a lot 
CastiUanot que vivian en las Indiat se dièse taea de 
negros para qaefuesseti las Indios mas aliviados en lus 
minas, •ne date que de l'année i5i7.(Dec. II, lib. II, 
cap. ao.) Cette prc^ioeitioa, appuyée par le grand cré- 
dit dont jouissait alors Las Casas auprès dn grand- 
chancelier et tout le parti puissant des Flamande, a 
eu la plus malheureuse influence sur l'extension de la 
traite : ce n'est qu'alors qu'une licence d'introduction 
de quatre mille noires de Guinée fiit vendue par les 
Flamands à des uégocians génois potir 3S,ooo ducals. 
C'était le ccmunencement de ces aftreux asientos que 
plus tard la cour a accordés aux maisons de Peralta , 
Reynel et Rodiguez de Elvas. ( Belat. hist. t. III, 
p. 4o3. ) Une proposition entièrement semblable è 
celle de Las Casas fut fiiite la même année (Dec. Il, 



tzedbïGoOglc 



,10O SECTION DEUXIEME. 

s^agit pas ici d'accuser avec amertume ou de 
défendre par de timides détours les hommes 

lib. II, c. sa) parler pères de l'ordre de SaintnJërôme ; 
dans l'une et dans l'auuv U ^tait aussi question d'en- 
voyer des laboureurs européens de race blanche ( la- 
bradores') pour les métairies. Cest à tort que l'abbé 
Grégoire, dans la discusmon qu'il a eue siu' l'origine 
de U traite, avec MM. Funes, Meer et Llwente, a 
soupçonné l'historiographe Herrera d'avoir faussement 
inculpé Las Casas. Le JV^mona/ présenté par ce der- 
nier au grand-chancelier a été entre les mains de 
Munoz, qui l'a copié. Le troisième article porte la pro- 
position • que chaque colon (eada vecino) puisse in- 
troduire librement [francamentt) deux nègres et une 
négresse. • (Nav. t. I, p. lAXXVIlI.) Las Casas n'a 
pas eu la premièi'e idée d'introduîi'e des nègres aux An- 
tilles) cette introduction avait lieu pour le moins depuis 
six ou sept ans : qiais il a malheureusement contri- 
bué, en i5i7, et conjcùntement avec les pères de Saint- 
Jérôme, alors ses ennemis (Dec. II, lib. II, c. i5), à 
étendre la traite , à la vivifier par son infiuence et en 
la rendant lucrative sous la forme d'iuienio. J'ai exa- 
miné cette question avec la plus scrupuleuse impaVtia- 
lité, elle a d'aulant plus de gravité que le nombre des 
noirs des deux Amériques est déjà de sept millions. 
Dans l'antiquité les Africains , ou plutôt les races sé- 
mitiques établies sur les côtes boréales de l'Afrique 
faisaient la traite des blancs en Europe. Avant que les 
Européens eussent fait la traite des noirs en Afrique, 



jbïGoogIc 



SECTION DEUXIÈME. 3og 

qui jouissent d'une illustration méritée; il 
s'agit de répandre une opinion plus juste des 
circonstances qui ont introduit et maintenu 
pendant long-temps , sous différentes dénomi- 
nations , le serrage en Amérique , circons- 
tances qui se sont manifestées partout depuis 
le moyen-âge jusqu'à nos jours et qui ont 
amené , quel que soit le degré de culture in- 
tellectuelle des prétendus conquérons civili- 
sateurs, un résultat également funeste. Cette 
analogie ne s'est pas seulement conservée dans 

les Guanches des Canaries tureot amenés et, dans tes 
dernières années du quatorzième siècle, exposés comme 
des esclaves aux marchés de Sëvitle etdelisbonne. On 
croit assez généralement que les premiers esclaves 
noirs à cheveux crépus ODt paru à lisbonDe en 144^ 
(Bakbos, Dec. I, Ub. 1, c. 6 ; c'étoient des nègres dp 
Sénégambie que les Maures avaient envoyés pour rache- 
ter des esclaves de leur propre race. Rittbb, Africa, 
i8ai,p.4ii') Mais Ortîi de Zuniga a prouvé que des 
noirs avaient été déjà amenés k Sénlle sous le règne du 
roi Henri 111 de Cas tille , par conséquent avant i4o6. 
(^Annales de SeviUa, Ub. XII, n" lo.) Les Catalans et 
les Normands ont fréquenté les côtes ocddentales d'Afri- 
que jusqu'au tropique du Cancer poiir le moins 
45 ans avant l'époque à laquelle l'in&nt don 'Henri 
le Navigateur commença la série de ses découvertes au- 
delà du cap Non, 



tzedbïGoOglc 



3lO SBCTION DEUXIÈME. 

les faits accomplis , dans des actes de barbarie 
ou de longue oppression ; elle se présente 
aussi dans les argumens par lesquels ces actes 
sont justifiés , dans la haine à laquelle on voue 
ceux qui les révèlent, dans ces hésitations 
d^<^imODS, ces doutes que Ton feint sur le 
choix entre le juste et Tinjuste, pour mieux 
déguiser le goût de la servitude et des mesurt» 
de rigueur. Ëooutons encore une fois l'ami de 
Colomb, Pierre Martyr d'Aghiera ' : « Sur la 
liberté des Indiens, écrit-il en iSsS à Farche- 
vêque de Calabre, on n'a encore rien trouvé 
de convenable. Le droit naturel et la religion 
( îwa naiurak'a Pontificiaque ) veulent que 
tout le genre humain soit libre. Le droit impé- 
rial ( la pohtique ) nVst pas du même avis. 
L'usage même est contraire, et mie longue 
expérience enseigne que l'asservissement est 
nécessaire à ceux qui , privés de maîtres et de 
tuteurs , retourneraient à leur idoiâtrie et à 
leurs 'anci^mes erreurs. » Ces paroles mémo- 
raUes justifient Las Casas lorsqu'il s'écrie^ 
i^vH avoir traité Colomb avec une grande 
sévérité : « Que pouvait-on attendre d'un vieux 

■ Opiu Epùt. d" 806, p. 480. 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXIÈME. 3l 1 

marin , homme de guerre , dans un temps où 
les plus savons et respectables ecclésiitstiques 
restaient incertains ou justifiaient l'escla- 
vage! » 

. Colomb sentait très bien hii^même qu'exer- 
çant un pouvoir absoUi au milieu de la lutte 
des partis , Ténergie de son caractère et sa po- 
sition politique Tentraînaient quelquefiais à des 
actes de violence et de sévérité qu^il ne se 
s&rBÏt point permis en Europe et sous une ad- 
ministration pacifique. Gomara ', dans son 

' - Era (el almiraote) ombre de buena estatura y 
membrudo , cartiuengo , vermejo , pecoso y emtjadiço 
y crudo y que sufria mudio los trabajos. • ^Gomaka, 
fol. i5 £.) Dans sa jeuneBSe, dit Fernando Colomb 
(cap. 3), mon père avait les cheveux blonds («/ ea- 
bell» blondo), mais déjà à l'âge de trente ans il les avait 
. blancs. BenEoni , né treize ans après la mort de Chris- 
tophe Colomb, le caracléiise : • ingenio excdso, laeto et 
ingenuo vultu. Acres ilti et vigentee ocuh, jubfiava 
Casarief , os paulo patentiuB , in primis j ustitise itu- 
diosuB erat , iracuodiae tamen promis ji quando c«ia~ 
moveretar. » {Hût. Indice oecid. 45ft6, lîb. 1, cap. i4') 
Sur l'incertitude des portraits diacordiuiB de l'amiral 
conservés jl Cuccaro, chez le duc de Benvick et à 
Madrid, «te., voyez Ciiicn,Li^i , Notisâe di Clrist. 
Cthmio , 1809, p. 180. C«dic« Cétomio - Àmtr. 
p. LXXV. 



tzedbïGooglc 



3l4 SECTION DEUXIÈME. 

Style expressif et naïf, LVppelle <( homme de 
belle taille, fort de membres, à visage alongé, 
frais et rougeâtre de teint ( le fils de Colomb 
dit de color incendido), rempli de taches de 
rousseur, enclin à la colère, dur à s'exposer 
aux fatigues, » Colomb se caractérise lui-même 
dans une lettre au commandeur Nicolas de 
Orando , dont Las Casas nous a conservé un 
fragment ' comme <( âpre et peu aimable de 
paroles. » Au mcmient funeste et critique où 
chargé de fers , il doit sejustifierde la punition 
de Moxica, Pedro Requelme, Hemando de 
Guevara et d'autres rebelles, il dit noblement 
dans un écrit trouvé dans les archives du duc 
de Veragua ' : « Je dois être jugé comme un 

' LettredumcàsdemarB i5o^. Nat. t. II,Doc. XX^ 
p. 437. 

=' • Yo he'perdido(en CEtos trabajos) mi juveutud, 
y la parte que me perteoece de eslaa cosas y la honra 
dello; mas non fiiera de Castilla adondese juzgaran 
mis fechos y aéré juzgado como a caftan que fue a 
conquistar de Espana fasta las Indias y non a gobemar 
cibdad ni villa ni pueblo/pueeto eu re^miento, salvo 
a pouerso el senorio de S. A. gente salvage, bellicoaa(?) 
j que viven por sierras y montes. • Ce fragment est de 
k fio de l'auDrie i5oo. (Nat. t. II, Doc. CXXXVIl, 
p. aSÇ.) La leHre adressée à la QOUiTÎce de l'ioËiDt 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXIEME. OiJ 

capitaine qui esl venu d'Espagne conquérir les 
pays vers l'Inde, et non comme un homme 

doD JuaD, dona Juana de laTorre, aussi de la an 
df i5oo, répète cetie même pensée d'une manière plus 
piathétique , mais un peu incohérente daus la construc- 
tion des phrases : « Alli me juxgan como gobemador 
que fue a Cecilia (en Sicile) ô ciudad o viila puesta en 
regimiento y adùnde iai leyes se pueden guardar por 
enter», sin lemor de que se pierda todo y resdho grande 
agravio. Yo debo ser juzgado como capilan que liie de 
Espana é. conquistar fasta las Indias i gente belicosa y 
mucha y de costumbres y seta & nos muy conbaria : 
los cuales viven por sierras y montes sin pueblo asen- 
tado ni nosotros, y adonde por voluntad divina hc 
puesto s6 el senorio del rey y de la reyua nuestros 
seûores, otro muudo ; y por donde la Ëspana, que era 
dicha pi'obe, es la mas rica. Yo debo ser juzgado como 
capitan que de tanto tiempo iàsia hoy trae las armas a 
cuestas sin las dejar una hora y de caballeros de con- 
quiatas y del uso, j- no de tétras, salvo sifuesen de 
Griegos y de Romanos, ô de otros modemos de que hay 
tantog y tan nobles en Espaûa, ca de otra guisa recibo 
grande agravio porque en las ludîas no hay pueblo ni 
asiento. ■ (NâT. t. I, p. 373.) On diroit que le frag- 
ment trouvé dans les archives du duc de Veragua est, 
soit le brouillon de la lettre à la nourrice de l'iniàut, 
soil le commencement d'iuie lettre écrite dans ce mime 
but de justi^catitH). Nous avons déjà feit voir plus 
haut , en comparant des lettres adressées au trésorier 



tzedbïGoOglc 



3l4 SECTION DEUXlrâlE. 

qui administre une ville grande ou petite, 
soumise à un régime régulier : car j'ai eu à 
placer sous le vasselage de Son Altesse des 
peuples sauTages , belliqueux , vivant par 
monts et forêts. » Ce langage si haut et si 
ferme rappelle la défense de Warrcn Hastings , 
accusé de violences bien plus atroces que 
celles dont on a' inculpé O>lombj et se van- 
tant d^avoir étendu dans les circonstances les 
plus difficiles Vempire britannique de VInde. 
Cest aussi x cet empire des circonstances, 
cette nécessité d^une prévoyante politique i> 
qui oDt été invoqués pour disculper Tamiral 
de la trame perfide qoi fit tomber Caonabo ', 
le riche cacique de la province de Gbao, entre 
les mains des Espagnols. L^instruction donnée 
au capitaine Mosen Pedro Margarit, pour at- 
tirer le cacique dans le piège, est très remar- 

de la couronne don Rafaël SancKez et à l'escribaoode 
radon, don Luis de Santangel , et écrites en i493, que 
Colomb avait l'habitude d'envoyer k différentes per- 
sonnes parmi ses protecteurs , des lettres du même 
contenu et en se servant presque des mêmes expres- 
sions. 

' L'amiral l'aj^lle Cahonaboa , Pierre Martyr Cau- 
naboa. iOeean. Dec. I, lit. IV, p. 4«-) 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXIÈME. 3l5 

quable, et ne porte guère, comme Pa très 
bien observé M. Washington Irring, un ca- 
ractère chevaleresque. Après avoir recom- 
mandé à JVÏargarit « de couper le nez et les 
oreilles aux Indiens qui ont soustrait de l'or, 
parce que ce sont des membres difficiles à ca- 
cher, n Gîlomb ordonne qu'on envoie à Cao- 
nabo des hommes rusés avec des présens, 
<t qu'on lui dise qu'on désire beaucoup son 
amitié ( que se tiene mucha gana de su amis~ 
iad), qu'on l'aranse de belles paroles pour lui 
ôter tout reste de méfiance, et qu'une fois 
saisi on lui mette une chemise et une ceinture 
pour mieux s'assurer de sa personne, puis- 
qu'un homme nu échappe trc^ fecilement ' . » 
De tous les temps les nations de l'Europe la- 
tine ont eu l'habitude de se calomnier mutuel- 
lement : les Espagnols se plaisaient à accuser 
Colomb de «finesse génoise,» sachant tirer 
parti de tout, même du phénomène d'une 
éclij^e de lune ' : ils oubliaient le caractère 

» lostruciàon d^ 9 de tinû i494- ( Nay. t. Il, 
Dec.LXXU, p. la.) 

■ L'éclipsé du 39 février t5o4 que Colomb avait 
prédite trois jouri avant aux IndietiB de la Jamaïque 
pour les ëpouvuiter et les forcer d'appoi-ter de nou- 



tzedbïGoOglc 



Jlb SECTION DEUXIEME. 

rusé de ferlez qui , à peine débarqué sur la 
plage de Chalcfaicuecan , en iSig, assurait 

veUes proviBions. Je trouve notées les cirGonstances de 
cette ëclipseet la déduction de la longitude du />u«rA> de 
S'^ Gloria sur le littoral de l'ile Janahica (Jamaïque), 
dans le livre des Profecùu de Colomb, fol. LXXVI. 
Aussi le testament de Diego Mendez eu parle et nomme 
l'écIipse presque totale. (Nat. t. 1, p. SsS; t. II, 
p. 172.) Colomb remarque qu'il ne put observer le 
commencement de l'édipse , parce que ce conuneoce- 
ment précédait le coucher du soleil (jmrque el comienzo 
Jiie primera que el toi te pusiese, non to ptuie notai). Ce 
cas est très rare et un effet de la réfraction. Selon Fer- 
nand Colomb (j^it/a, cap. io3), l'amiral, • lorsqu'il 
lit semblant de s'enfenner pendant l'ëclipse pour par- 
ler un peu avec son Dieu {qoeria hattaf an poto con tu 
Dûm)^ tira surtout partie de la couleur rougeâti'e de la 
pordoD éclipsée (in^amacMMi/e la lunaporiradelcielo'), 
teinte qui naît, comme on sait, de l'inflexion des 
rayons solaires dans le cane de Tombre , par l'influence 
de l'atmosphèi-e terrestre et qui est surtout très vive 
sous les tropiques. (B«/i(. hitt. t. III, p. 544-) On n'a 
aucunement besoin d'admettre que la prédiction de 
l'éclipsé se fondait sur le calcul de Colomb ; l'amiral 
avait sans doute des Éphétnérides à bord , probable- 
ment celles de Regiomontanus , embrassant les an- 
nées i475-i5o6, ou te Calendariam eclipiium pour 
i483-i55o, dont l'usage était très répandu parmi )e« 
Portugais et les Espagnols. Cette supposition est d'au« 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXIEME. 3l7 

âéja à son souverain , dans ime lettre datée de 
la Ricca Villa de Veracniz , que le riche el 
puissant seigneur Montezuma devait tomber 
mort ou vivant entre ses mains '. 

Telle est la complication des destinées hu- 
maines que ces mtoes cruautés qui ont en- 
sanglanté la conquête des deux Amériques , . 
se sont renouvelées sous nos yeux ^ dans des 
temps que nous croyons caractérisés par un 
progrès prodigieux des lumières, par un adou- 
cissement général dans les mœurs, et cepen- 

tant plus probable , que Colomb avait une eutièi'C con- 
fiance dans la détermination dea longitudes paV l'ob- 
servation des éclipses lunaires (il dit dans sa lettre au 
pape Alexandre VI : no pudo habtr yerro porque kubo 
eiUoncet eclipsis de la luna. Nay. t. Il , Doc- CXLV , 
p. aSo) et que déjà dans le journal du premier voyage 
(journée du i3 janvier i493)il se propose «d'observer 
la conjonction de Jupiter et de Mercure et l'opposition 
dé Jupiter, > phénomènes qui sans doute lui étaient 
indiqués par les Ephémérides qu'il avait à bord de son 
vaisseau. L'ami de Colomb , Vespuce , dans la lettre à 
Lor^izo di Pierlrancisco de' Medici , dit clairement 
(Bahsim, p. 7a) qu'il se servit en i499 et i5oo «de 
l'Almanach de Giovanni de Mouteregio, calculé pour 
le méridien de Ferrare. » 

' Cartas de Hernando Caries (éd. du cardinal Loren- 
zaïia, p. 39). 



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3l8 SECTION DEUXIEHB. 

dant un même homme, à peine au milieu de 
sa carrière , a pu voir la terreur en France , 
rexpédition inhumaine de Saint-Domingue, les 
réactions politiques et les guêtres civiles con- 
tinentales de TAmérique et de l'Europe, les 
massacres de Chio et d'Ipsara , les actes de 
violence qu'ont ^t naître tout récemment, 
dans la partie méridionale des États-Unis, 
mie atroce législation concernant les esclaves, 
et la haine de ceux qui voudraient la réfor- 
mer '. Les passions se sont feit jour avec un 
effort irrésistible chaque fois que les circons- 
tanceç ont été les mêmes au dix-neuvième 
comme au seizième siècle. La puissance des 
choses a cédé à la puissance des mœurSi Aux 
deux époques, des regrets ont suivi les mal- 
heurs pubhcs ; mais de nos jours , dans les 
tristes souvenirs que j'invoque, des regrets, 
plus unanimes , se sont aussi plus hautement 
manifestés. La philosophie, sans obtenir la 
victoire , s'est soulevée en iàveur de l'huma- 
nité, et la violence des passions a perdu de 
cette franchise antique qiii exclut la pudeur 
du forfeit et caractérise la marche rapide de 

• ReLii. kilt. lom. III, p. 45? et 6i3. 



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SECTION DEUXIÈME. 3l9 

la conquête du Nouveau Monde. La tendance 
moderne est de n chercher la liberté par des 
lois,' M Tordre par le perfectionnement des 
institutions. C'est comme un dément nouveau 
et salutaire de Tordre social, élément qui agit 
lentement , mais qui rendra moins fréquent et 
plus difficile le retour des commotions sangui- 
naires. 

& la découverte de TAmérique , en donnant 
une nouvelle tren^ au caractère national, 
nous rappelle, sous quelque rapport, la vie 
animée et ia sauvage indépendance du moyen- 
âge , s^il est vrai qu^etle a marqué d'une em- 
preinte de grandeur ces rapides et aventu- 
reuses expéditions qui ont amené la ruine de 
deux «npîres et ouvert au commerce des peu- 
ples de vastes contrées , elle n'oflre cependant 
dans le tableau des mœurs qu'une faible ana- 
logie avec l'époque chevaleresque de TEupope 
chrétienne. Ce n'est pas l'exaltation du cou- 
rage et l'esprit d'entreprises hasardeuses qni 
caractérisaient seuls le temps de la chevalerie , 
c^est aussi le désintéressement, la protection 
du faible , la loyauté dans Taccomplissement 
d'un vœu ou de promesses données, c'est 
l'enthousiasme de la foi, la puissance ou la 



tzedbïGoOglc 



iiO SECTION DEUXIEHE. 

suprématie du sentiment et de l'intérêt intel- 
lectuel sur les intérêts matériels de la société. 
Telle était la physionomie de la chevalerie 
dans la noble lutte des Gotfas et des Arabes en 
Espagne, telle elle était dans les expéditions 
des chrétiens en Orient. Les mœurs cberale- 
resques, il faut bien.le dire aussi, tout en 
contribuant à l'élévation des âmes et au déve- 
loppement du sentiment poétique, nVxcluaient 
pas ces actes de férocité qu'inspire instantané- 
ment l'ardeur des passions haineuses. L^instî- 
tution de la chevalerie, en éptu^nt et en ra£- - 
fînant les 'mœurs dans la haute sphère de 
l'ordre social, demeura étrangère aux lois de 
la patrie : elle n'influa que très indirectement 
sur l'amétioration du sort des basses et plus 
nombreuses classes du peuple. Fruit de l'a- 
narchie féodale dans des siècles d'oppression 
et de brigandage , die n'a pas survécu aux cii^ 
constances qui l'ont lait naître. La véritable 
conquête de l'Espagne mauresque se termine 
déjà à la bataille de Las ftavas de Tolosa , en 
1212. n ne restait que le petit royaume de 
Grenade entre les mains des Musulmans, Un 
nouvel ordre de choses commença dès-lors 
dans l'Espagne sujette aux deux couronnes 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXlÈUE. 321 

d^ Aragon et de Castille. Les exploits guerriers 
qui ont illustré, à la fin du quinzième siècle, 
la destruction du dernier asile des Maures 
dans la Péninsule , rappelaient sans doute les 
anciens prodiges de la chevalerie comme 
manifestation de valeur personnelle , comme 
générosité dans les combats , comme absence 
aussi de ce sentiment d^humamté luùverselle 
qui embrasse des peuples différant de relj^on 
et de race ; mais le siège de Grenade , et la 
conquête de TAmérique, se trouvent séparés 
par deux siècles et demi de cet é1j(t de la so- 
ciété qui avait enfanté un systèmefde cheva- 
lerie embrassant presque toute rEiux)pe chr^ 
tienne , et suppléant à la faiblesse de l'autorité 
suprême par Texaltation de Ténergie indivi- 
duelle. Les vertus dont cette énergie de ca- 
ractère tire son plus bel éclat , sont sans doute 
de tous les temps et peuvent être célébrées 
dans l^histoire sous le nom de vertus chevale- 
resques ; mais le siècle de la chevalerie même , 
comme son reflet , la fleur de la poésie roman- 
tique , finissent avec le règne de Ferdinand III 
de Castille et celui des Hobenstaufen. LVc- 
croissement de l'autorité monarchique , Tex- 
tension du commerce dans le bassin de la 
m. ai 



tzedbïGooglc 



332 SËCTIO» DEUXIÈhE. 

Méditerranée et avec les côtes de Flandi-e, le 
besoin généralement senti de Tordre fondé 
sur la loi diminuèrent Timportance des exis- 
tences individuelles et les efForts déréglés 
d'une seule classe avide d'exercer un pouvoir 
indépendant. La chevalerie avait cessé dès 
que la nation s'était constituée en corps et 
que pour la rqiression des abus comme pour 
la défense du faible, on n'invoquait que l'action 
protectrice du gouvernement. 

Cest sous le règne de Ferdinand le Catho- 
lique et 4Hsabelle surtout que le système 
d'unité , <ft fusion politique et de pouvoir ar- 
bitraire, s'est rapidement aiFermi j et les écri- 
vains modernes qui ont cru voir, dans le 
drame sanguinaire de la conquête de t'j\mé- 
rique, l'effet d'une impulsion donnée par la 
chevalerie du moyen-âge, la suite d'un mou- 
vement non interrompu , ont oublié les chan- 
gemens survenus dans l'ordre social d'un pays 
entrant dans la carrière des peuples indus- 
triels ; ils ont confondu l'état de la Péninsule 
lors du siège de Grenade et lors des combats 
d'Alarcos et de Tolosa. Les Cahalîeros de la 
Conquùta, inhumains sans passions, conver- 
tissant en vices lés travers de la chevalerie , 



tzedbïGooglc 



SECTION DEUXrÈME. 323 

rappelaient plutôt , à un petit nombre d'ex- 
cq>UoDS près , dans les combats qu^ils se li- 
vraient à eux-mêmes et aux princes indigènes, 
à ces condottieri^ capitaines de la mibce éto- 
lienne qui ravageaient, dès le milieu du qua- 
torzième siècle, la malheureuse ItaUe. DVil- 
leurs la soif de Tor dont on a tant parlé , était 
moins ftmeste à la population indienne par les 
actes de violence instantanée qu'elle provo- 
quait , que par ces lentes exactions auxquelles 
conduisirent d^abord le travail des mines , et 
plus tard ' , entre les années i5i3 et i5i5, la 

■ Non en i5o€ , oomme on le dit généralement. 
Oviedo a vu planter les premières cannes à sucre à 
Saint-Domingue, comme il le dit clairement. Hist. nat. 
Âeltu Indias,\ïb.ïV,cw(i. 8. Or, Oviedo n'est venuà 
Stùnt-Domingue qu'en iâi3, comme veedartletasfuii- 
diciones deorofW n'yiesta que deux ans. Ses auU'fs 
voyages furent en tSi9,au Darien; eni5a€, à Car- 
thagtoe des Indes; en i535, à \i fortaleza de Santo 
Domingo. Comme dans cette dernière année il y avait 
déjà trente sucreries dans l'Ile , où l'on ae servait poui- 
exprîmer le vezou(^udia^), des cylindres qui avaient 
été introduits par Gonialo de Veloso, et qui etaicni 
mis en mouvement tant par des chevaux que par des 
roues hydrauliques {trapiekes de agua), il ne peut être 
question pour l'introduction des cannes par Pedro de 



tzedbïGoOglc 



324 SECTION DEUXIÈME. 

culture de la canne à sucre. Le goût pour les 
entreprises d^industrie. commerciale que les 
Casiillans avaient contracté d^abord par le 
contact avec les Arabes et plus tard par leurs 
rapports fréquens avec les ports d^Italie, ren- 
dait, dan$ les îles Antilles, les colons nouveaux 
des hôtes doutant plus c^presseurs, que le 
manque de connaissances techniques et Tigno- 
rance absolue de tout principe de régime co- 
lonial conduisaient à une d^nse inutile de 
temps et de £>rces physiques dans les travaux 
imposés aux Indiens. Ceux des historiens es- 
pagnols qu^un faux sentiment de nationahté a 
rendus ennemis de Christophe Colomb, après 

Atieoia, que de l'époque de i5i^-i5i5. Il estasses 
i-emarquable que l'histoire nous iksse connaitre avec 
tant de précUion les circonstances dans lesquelles a 
commencé une culture qui a influé à la fois sur la bar- 
barie de la traite des noirs et sur la prospérité du com- 
merce européen, tout l'Archipel des Antilles ayant 
exporté, sans compter les effets du commerce firaudu- 
leux,en 1696, plus de 387 millions; en i836, plus 
de38o millions de kilogrammes de sucre. (ComparcEla 
Relation hist. t. III, p. 493) et l'important mémoire 
de M. Rodet, sur la consonunadon du sucre en Eu- 
rope.) 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXIEME. 325 

FaToir accusé de finesse et dWtuce, aiment 
à parler de son avance mercantUe comme 
preuve de sa cupidité italienne. L^amiral , 
connue ludique sa correspondance avec son 
fils Don Diego, montre sans doute un soin 
très actif et minutieux pour la conservation 
de «a fortune; mais aussi cette cotrespoa- 
dance n'embrass»-t^e que les années i5o4 
et 1 5o5 , dans lesquelles , après la piort de la 
reine IsabtiUe, le gouvernement Vavait privé 
de ses rentes d^Haïti, des droits de tenio^ 
ochavo , et diazmo inscrits , comme il le dit 
à plusieurs reptises, dans le Ubro de sut pri^ 
vilegios \ Il se plaint des avances qu^U a dû 
&ire aux personnes qui raccompagnèrent dans 
le quatrième et dernier voyage : il avoue 
« qu^il ne vit que d'argent onprunté, u et il 
prescrit à son fils d'avoir recours, comme de 
coutume , à Tévéque de Palencia ' et au tehor 

, Lettre du ai décembre 1804 (Nav. t. I,p. 346) 
et cédule du a juin i497 (t- II, Doc. CXIV, p. aoa). 

■ Diego de Deta , qu'il ne làut pas confondre avec 
l'ennemi de Colomb et de Cortez, Juan de Fouseca, 
archidiacre de SéviUe, qui, en janvier i5o5, fut aussi 
nommé i l'évèch^de Palencia, lorsque Deza devint 
archevêque de SéviUe. 



tzedbïGoOglc 



326 SECTION DEUX1J»IE. 

Camerero de Son Altesse. Colomb était vive- 
meut occupé du rang de sa famille et du lustre 
qu^il voulait lui donner : il était forcé de tsiàr 
un grand état de maison en sa triple qualité 
d^amiralde CastiUe, de Tice-roi et de gou- 
Temeur-général. Le premier de ces litres sur^ 
tout assignait à Colomb la jouissance de tous 
les privilèges dont le roi Henri III avait gra- 
tifié, en i4o5, son oncle don Alphonso Hen- 
riquez, privilèges plus honorifiques et plus 
luCTatiis que jamais souverain n'en avait ac- 
cordésà un vassal. Né au sein d'une république 
où Ton voyait s'élever en peu de temps d'im- 
menses fortunes par la hardiesse des enlrejHi- 
ses maritimes dans le Levant, et où ces mêmes 
avantages devenaient la base du pouvcàr aris- 
tocratique dans l'Etat, Colomb était naturelle- 
ment porté à chérir les richesses comme un 
moyen d'influence pobtique et de grandeur. 
Nous avons vu plus haut qu'il ne tarissait pas 
sur les éloges donnés à l'or, auquel , selon une 
direction d'idées qui portaient le caractère et 
du temps où il vivait, et de l'individualité de- 
son esprit, il attribuait m<^e « des vertus, 
ihéologiques. » Il revient daqs l'acte d'insti-- 
tution de son majorât de faimlle (22 février 



tzedbïGooglc 



SECTION DEUXIÈME. 327 

1498 , Irois mois avant le départ pour le troi- 
sième voyage) , sur son {«^jet l^TOri , celui de 
la conquête du Saint -Sépulcre, qui doit être 
le résultat prochain de la conquête des An- 
tilles, c'est-à-dire, selon lui, d'Ophir et Ci- 
pango. Il ordonne à son fils don Diego de se 
servir de sa richesse « pour entretenir à Haïti 
quatre bons professeurs de théologie dont le 
nombre augmentera avec le ten^s ; d'y faire 
construire im hôpital et une église sous IHn- 
vocation de Sainte-Marie de la Conception , 
avec un monument en marbre ' et une ins- 
cription , enfin pour déposer à la banque de 
Saint-Georges à Gènes ' des fonds destinés soit 

* Con un effila depùdra marmol en el cual bubo es- 
tarà un ietrero en cçnmemoracion del majrorazgo. (Nat. 
t. Il, Doc. CXXVI, p. 333 et a34.) 

■ Colomb dit proprement que l'on doit ■ acheter des 
actions de la banque ( ju« kaga comprar en t.u nombre 
i <U sus kerederoi, unas comprtu a que dteen Logos que 
lieiu.el Oficio de San Jorge'), aciionB qui sont très sûres 
et qui rapportent atijourd'hui (1498) six pour cent. • 
Ce passage est digne d'attention pour ceux qui se li- 
vrent aux études d'économie politique relatâve aux 
temps de la pcetniëre découverte de l'Amérique. Colomb 
a tdlemcnt il cœur U croisade ea Terre-iSainte • dans 



tzedbïGoOglc 



^8 SECTION DEtlXlÉHB. 

à feire une expédition en Terre-Sainte, si le 
gouvernement espagnol y renonçait , soit k 
secourir le pape si un schisme ' dans ITÉglise 
le menaçait de la p^le de son rang et de ses 
biens temporels. » Mais ce qui porte le plus 
l'amiral à désirer si ardemment de voir aug- 
menter le produit de cet or avec lequ^ (par 
le moyen des messes de morts célébrées dans 
des cli3peUes bien dotées) « on tire les âmes * 

laquelle Leurs Alte«ses doivent dépenser toutes leurs 
rentes des Nouvelles Indes , • qu'il ordonne à don Kega 
ou aux héritiers de celui-ci de commencer l'expédition , 
lors même ijue les fonds accumulés dans la banque ne 
seraient point encore très considérables, «puiaqu'il était 
très probable qu'une conquête de Jërusalem entreprise 
par de simples pardculiers , entraînerait après elle la 
coopération active du gouvernement. » 

' On dirait d'une prévision de l'événement du 3t 
octobre i5i7, en Allemagne. Colomb met unerestric- 
lioa d'une singulière prudence i l'accomplissement de 
cet ordre de secourir le pape • contre la tyrannie d'une 
personne qui voudrait dépouiller l'Eglise. ■ L'héritier 
sera di^dsé de cette ol&e de secours si le pape était 
hérétique, IhqueDios no quiera. 

• Je Rds allusion au passage souvent cité de la letti<e 
k la reine dans le quatrième voyage : el oro es f«c«- 
lenluimo et au paragraphe qui termine le testa" 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXIEME. 029 

du purgatoire , « c'est une grande Tue poli- 
tique. Plus les monarques étaient persuadés 
que Colomb avait touché aux riches pays limi- 
trophes de la Chersonnèse d'Or, et plus il j 
avait espoir qu'on lui feumirait des fonds pour 
étendre ses découvertes. L'ambition et l'a- 
mour de la gloire lui faisaient chercher tous 
les moyens propres à frapper l^imagination et 
à &ire naître de grandes espérances. Le curé 
de la Villa de los Palacios , Bemaldez , raconte 
avoir logé chez lui en 1496 Quistophe Co- 
lomb et le frère du cacique Caonaboa, baptisé 
sous le nom de don Diego. Il ajoute que 
chaque fois que Colomb passait par quelque 
grande ville , il ordonnait à l'Indien de mettre 
autour de son cou la magni^que chaîne d'or 
qu'il avait apportée d'Haïti et qui pesait près 
de six cents castellanos ' . « Pour réjouir le 

ment du 19 mai i5o6. (Nav. t. I, p. 3o9, et t. II, 
p. 3i40 

* L. c. 1. 1, p. LXVIll. Cétait un poids de doute 
marcs d'or , car 5o castellanos foQt un marc qui, d'après 
l'édit du roi dou AIodzo XI, de i348, devait être le 
marc allemand , celui de Cologne ( marée de Coloatta , 
pour Colonia). Les dénominations medio excelenle , en- 
rigue et caslellano {eniero), étaient synonymes. 



tzedbïGoOglc 



330 SECTION DEUXIÈME. 

cœur de Leurs Altesses, dit Colomb dans la 
lettre à la nourrice de Pin&nt , et pour qu^elles 
comprissent combien mon afïàire était impot^ 
tante , j^avais fait mettre de coté des morceaux 
dVr grands comme des œufs ' de poules et 

' Comme dans ces derniers temps )a comparaison de 
la r^hesse d'or au Choco , au Brésil , dans le sud des 
Elats-Unb et sur le versant oriental (asiatique) de 
l'Oural , a beaucoup fixé l'attention du public , je %ais 
consigner ici le poids des plus grandes pepùes d'or qui 
ont été trouvées. Celle des terrains aurifères de l'Oural, 
qui est déposée au cabinet impérial des mines de Saint- 
Péterabourg, pèse lo ^^ kilogrammes ; celle que l'on a 
trouvée, selon M, KohlerdeFreiberg, à Anson County,' 
aux états-Unis , en i83i,pèBe ii ^ kilogrammes. Le 
comté de Cavarras a of&rt un morceau d'or ( toujours 
sans gangue) pesant i a -^ kilogrammes et plusieurs de 
6 et 8 kilogrammes. Du temps de la conçuiita, la pépite 
d'or^ana de oro)la plus célèbre était celle qui fut 
trouvée à Haïti, au commencement de l'année i5o2, 
dans les lavages de sables d'or du Rio Hayna , à huit 
lieues de distance de la vi)le de Santo Domingo, lavages 
appartenant à deux colons , Prancbco de Garay et 
Miguel et Diaz. On la décrit grande comme ^ les pains 
d'Alcala (Itogaiai) que l'on vend à SéviUe. • Pour exa- 
gérer son volume on ne manquait pas de dire (Herb . 
Dec I,lib. V,cap. i)que «les mineurs plaçaient sur 
le grain d'or un cochon de lait rôti, pour manger^ 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXIÈME. 33t 

d'oies que je comptais porter moi-même à la 
cour et dont le commandeur Bobadilla m\ 



comme des rois, d'un plat d'or. • Ce grain est tombé au 
fond de la mer , Don près du cap Beata, comme l'affirme 
Oviedo (^Mitl. nal. cap. 84)i mais comme !e ditclai- 
rementdon Fernando Colomb (cap. 68), le igjuin i5o3, 
près du cap oriental de l'tle d'Haïti, qui est le cap 
Engano. C'était le &meux ouragan que Christophe 
Colomb avait prédit 48 heures avant, ■ le ciel étant 
encore tout claii' et bleu , • et dans lequel périrent 
Bobadilla , Roldan et le cacique Guarionex. Nous avons 
six évaluations du poids de cette fameuse pépite d'or. 
Oviedo lui donne xmearrobeetsept livres; Pierre Martyr 
d'Anghiera, 33io castellanos (^auri glohm masimi pon- 
derii, dans Océan. Dec. I, lib. X, p. ti;); Las Casas 
{Obras nutvamtnle impressas en Barcelona, i646, p. 8), 
36bo castellanos ; don Fernando Colomb (cap, 64), 
plus de trente livres ; Herrera, 36oo pesos ; enfin Wyt- 
fliet, 33iO livres. (^Detcriplionis P^lemaica argumen- 
lum, i597, p. a5.) Les cinq premières évaluations sont 
presque identiques, les 3a livres castillanes d'Oviedo 
font i4 îô lûlogrammes; les 33io castellanos d'Anghiera 
i5 j^ kilog. Les petot d'Herrera sont identiques avec 
les castellanos. (jQaod nummum caifellanum voeari dixî- 
mus vulgopetum appetlanl. Océan. Dec. Il, lib. VII, 
p. i83.)Wytflietapri8le8 caitellanos d'Anghiera pour 
des livres casUUanes, et a, par conséquent, centuplé 
le poids du grain d'or. Cependant Anghtera dit claire-. 



DotzecliïGoOgIC 



332 SECTION DEUXIEME. 

finislré. u Des faits directs et auxquels on n*a 
pas &it assez dVtlention , prouvent d^aiUeijrs 

ment : • Unus auri globus repertus Aiit trium mit 
lium trecentonim decem auri pondo. Globum eum 
mille ainpIiushomiDes videruDtet attrectaveront. Pon- 
dus autem hoc a mesic.appellatum, non Ubram inteUigi 
volo aquare sed ducati aurei et trient Bummam : 
Tocant ipsi pesum ; Bummamque ponderis GastellaDum 
aureum appellant Hispaui. • Eq effet, le dueado ou 
dobla de la banda avait, vers k ëd du 1 5' siècle , 365 
à 375 maravedis , lorsque le peto ou cast^Iano en avait 
480 à 485 (Kern, de la Acad. kist. t. VI, p. 5i3-525 
et 537). Quant au marc, Anghiera dit aussi lui-même 
(Dec. II, lib. IV, p. «54) : . Quam libnim Hispauus 
fflarcAum appellat , quinquaginta ouznmiaurd, eattel- 
lani nuncupad , complent. • Ce calcul, dont j'ai exposé 
toutes les bases , prouve que la pépite tombée à la mer , 
pesait presque un tiers de moins que la pépite du 
comté d'Anson (Caroline du nord). Par les laborieuses 
recherches que j'ai faites sur le commerce des métaux 
précieux et les quantités relatives d'or et d'argent ex- 
ploitées depuis la découverte de l'Amérique, je crois 
avoir suffisamment prouvé combien était petite la va- 
leur des richesses métalliques importées en Europe, 
de 149a à iSoo. Dans cet intervalle elles ne s'élevaient 
pas, année moyenne , à 2000 marcs d'or. (_Etsaipoiili- 
que, t. III, p. 4< 9-4^9, seconde ëdit. Jacob on precious 
metah , t. 11, p. 4^). Comme l'accumulation se lit sur 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXIEME. 333 

que ramiral, occupé de ragrandissement de 
sa maison, n'était pa& d''une sordide cupidité. 

UD même point et que l'importation , avant la décou- 
verte des mioes de Tasco au Mexique , était toute en or, 
la variation qu'éprouva la proportion des deux métaux 
précieux, engagea la reine Isabelle de réduire, dans 
l'édit de Médina de i497i P^ l'avilissement de l'or, 
la proportion à i : lo, 7, quand jusque Ul elle était 
comme 1:11,6. (_Mém. hùl. t. VI, p. SaS.) L'or est 
de nouveau monté de prix par l'accumulation de l'ar- 
gent, dès i545 et i558, époques mémorables de la 
découverte des mines de Fotosi et de Zacatecas. Ferdi- 
nand le Catholique ayant reçu en cadeau , par la bulle 
d'Alexandre VI, du 3 mai i493, la moitié d'un monde, 
il envoya à ce pontife des grains d'or comme prémices 
dea exploitations d'Haïti. Ces prémices , saos doute 
d'un poids assez considérable, servirent à dorer la 
n^Oa de la basilique de Sainte-MarienHajeure, à 
Rome, comme l'indique l'inscription suivante : Àtexan- 
der fl Pont. max. lacwtar i^abre teulptum calavit auro 
qwtd primo CathoUoi Reget ex India rtceperant. (Cu- 
CELLiERi, p. 193.) Tel était alors le mouvement indus- 
triel en Espagne, quedéja en i4<)5, le minetu' Pablo 
Belris (Mviioz , Ub. V, § 33) porta à Haïti du mercure 
pour retirer l'or disséminé dans le sable au moyen de 
l'amalgamation. La découverte d'amalgamation taite 
au Mexique, en lââj, par un mineur de Pachuca, 
Bartholomé de Médina , n'était que l'application du 



tzedbïGoOglc 



334 SeCTION DEUXIÈME. 

Au comble de sa faveur à la cour enlre la se- 
conde et la troisième exj>édition, en i^^j, les 
monarques voulurent lui donner à Haïti « une 
propriété de 5o lieues de long et de 25 de large, 
' en y joignant le titre de marquis ou de duc. » 
Il eut la noblesse de refuser ce don , en justi- 
fiant le refus par la crainte dVxciter trop la 
jalousie de ses ennemis et d'être empêché, par 
le soin qu^exi gérait cette grande propriété, de 
s'occuper du reste de l^e '. Il distingue avec 
soin dans tous ses écrits konor et hacienda 
(honneurs et biens) , les titres qui hii étaient 

tti««ure aux minéraiB d'argent. Sur la masse problé- 
matique blanchâtre d'un poids de 3oo livres trouvée 
dans la province de Qbao, dans la cour de la maison 
d'un cacique, oii elle gisait depiùs plusieurs généra^ 
tions , et sur la question de savoir si cette masse est du 
fer arsenical, de l'electrum (alliage d'or et d'ai^ent) oa 
du pladne, vojei Fetb. Mut. lib. IV, p. 49, et 
Sphehoel , dans ses notes allemandes pour l'ouvrage de 
Moiioi,lib. V, §3;. 

■M.Washington Irving, dont la ^wA Co/omS ne 
brille pas uniquement par l'élégance du style, mais 
aussi par la découverte de beaucoup de &itB nouveaux 
et trèt importana pour l'histoii'e, a trouvé ce trait de 
modération dans le manuscrit de Lis Casas, ffitt. 
Ind. lib. I,cap.ia3.(Uv.t.II,p.34o.) 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXIKHE. 335 

conféiT-s et sa propriété financière. Dans une 
négociation en ^veur de son fils don Diego, 
en i5o5 , il dit clairement : n Je tiens à ce qui 
concerne mon rang ; quant au reste , Votre 
Altesse gardera ou me rendra ce qui lui paraî- 
tra convenable à ses propres intérêts ' . w 

Colomb n^a joui de quelque bonheiu* que 
dans les cinq ou six premières années qui ont 
suivi la découverte de Guanahani. Son étoile 
a pâli dès fêté de 149^ ? d^abord par la dou- 
loureuse langueur, suivie d^une inflammation 
des yeux , dont il fut atteint pendant le relève- 
ment des côtes de Paria , puis par TefTet des 
persécutions politiques et de l'injustice du 
gouvernement qu'il éprouva dès son retour à 
Haïti, vers la fin d'août i49S- H n'est aucune- 
ment probable que le climat du Golfb Triste 
et du promontoire de Paria ait eu quelque in- 
fluence pernicieuse sur la santé de Colomb. 
J'ai été dans ces parages , et je puis affirmer 
que le changement de constitution dont l'ami- 
ral se plaignit depuis son troisième voyage, 
ne peut être attribué à une navigation côtière 
pendant laquelle on fit rarement des incuï^ 

Nav. t. lit p. a55 j Las Casas, lib. II, cap. 37. 



tzedbïGoOglc 



336 SECTION DEUXIÈME. 

sions dans des terres boisées et où Ton n^é- 
prouTa quWe température très peu élevée '. 
La constitution de Colomb , déjà affaiblie par 
la TÎe agitée et laborieuse de marin , qu'il avait 
menée dès sa première jeunesse , s^alléra long- 
temps avant Tattérage de la Trinité. L'amiral 
éprouva des calmes dans le voisinage des Siles 
du Cap Vert et au sud de ces îles , ayant passé 
plus de vingt jours des îles Cananes jusqu'au 
3o° ^ de long, et choisi , diaprés des idées sys- 
tématiques ' , une route qui l'approchait jus- 
qu'à 8" de Téquateur. Avant de mettre pied à 
terre aux îles du Cap Vert , oii une partie de 
son équipage tomba malade , il eut une forte 
attaque de goutte à la jambe , suivie de fiè- 
vre ', A ces maux se joignit, sur .les côtes de 

' D'après l'analogie d'observatioDs tkites aujourd'hui 
dans ces mêmes mers, paa au-dessue de a6° cent. 

• • Navegué , dit Colomb , por camino no acostum- 
brado , navegué al austro con proposito de llegar à la 
linea equinocial é de alli a eeguir al poniente hasta que 
la isia Espanola me quedase al septentiioti. » (Nav. 
t. 1, p. 345.) 

1 f^ida dtlAlm. cap. 65. ÛaDS la lettre à la reine , 
l'amiral se plaint avec amertume de son séjour aux tles 
du Cap Vert, < qui portât , dit-il , feussemeut cenom, 



D.nt.zedbïGoOglc 



SECTION DEUXIÈME. 337 

Paria et âans le Golfb Triste^ iine inflamma- 
tion aux yeux , augmentée par des veilles 
prolongées. Colomb arriva à l'île Beata, près 
«rHaïti , presque dans un état de cécité cora-- 
plète , et le médecin qui se trouvait à bord de 
sa caravela capitana, maestre Bernai, n'était 
pas iait pmtr lui inspirer de la confiance ni 
lui porter du soulagement. Cétait son ennemi 
mortel , un homme vindicatif qui , comme il 
est dit dans une lettre adressée au fîls , r tuait 
les gens par ses remèdes et méritait cent fois 
d'être écartelé '. » Deux années de ti'oubles 
et d'angoisses p.issées à Haïti depuis la rébel- 
lion de Roldnn jiLsqu'à la dicLiture de Boba- 
dilla , bâtèrent ce dépérissement progi'essif des 
forces physiques, et i-ien ne prouve davan- 
tage et la merveilleuse vigueur native de ta 
constitiilion de Colomb et l'empire c|u'exerçait 
sa grande ame sur un corps affaibli, que le 

L'tant si sÊches , qu'on n'y trouve pas trace de ver- 
dure. » Il difcrit les effets pernicieux du calme et- d'une 
ardeur qui brAlait le navire. • A huit jours de cnlina 
plat succédèrent sept jours deplnieet debnimeépaiss.^. 
C'ttait ia région des calmes, 

* Lettre du 29 di!cenil>i-e iâoi. (Nav. I. I, p. 290 el 
348.) 

MI. 33 



tzedbïGooglc 



33S SECTION OeUXIBHB. 

succès de la quiiU'ième expédilion , la plus 
étendue et la plus dangereuse de toutes. De 
retour à San Lucar, le 7 novembre i5o4, il 
traîna une vie misérable , contristé par la mort 
inattendue de la reine Isabelle ' , sans conr- 
fiance dans les promesses iàllacieuses du roi , 
implorant la permission ' d'aller à dos de mu- 

' Nous possédons heuretisement La belle lettre dans 
laquelle GoLomb parle de ceUe mort à son fils don 
Diego. Il le chaîne aussi ' de découvrir si la reine a dit 
quelque chose de lui dans sou testament. > (Nav. 1. 1, 
p. 34i et 346.) 

•C'est la licencia' de la mula que don Diego devait 
négoder pour que son père put se rendi-e à Séville , ù 
la cour, qui résidait alors à Ciudad de Toro, et plus 
tard à Ségovie. La permission fiit accordée en fé- 
vrier i5o5 ipour motif de vieillesse et d'infirmité. > 
Comme la race des chevaux diminuait en Espagne à 
(^use du fi'équent usage qu'on lâisait des mulets, le 
roi Alphonse XI avait donné un édit qui portait une 
défense absolue d'aller sur des milles. Plus tard cet 
édit fut modifié. On détei-mina le nombre de mulets 
qu'il était perims aux évËquee et aux grands d'Espagne 
de nourrir. Le roi Ferdinand étnnt . informé en i49i 
qu'il devenait de jom' en jour plus dilhcile de réunli* 
pour le service de l'armée cinq ou six mille chevaux , 
ôla la licencia delà mula à tout laïque. L'usage des 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXIÈME; 339 

let (enmuia ensilladay enfrenada)^ ses in- 
firmités ne lui permettant pas d'autre moyen 
de voyager pai' terre. Celui qui a donné à 
l'Espagne un monde nouveau ne demande 
plus' qu'un petit coin de teixe ' , un réduit 
{rincon) pour y mourir paisiblement. 

Cette suite de persécutions et de contra- 
riétés qui répandirent t^t d^amertimie sur 
les six. dernières années de la vie de Colomb ^ 
développa nécessairement en lui cette circons- 
pection et cette méfiance qui tenaient à son 
origine, et à ce qu'il y avait de naft'o/ia/ dans 
son caractère. Le grand homme disait de lui- 
même que sa position offrait trois difficultés 
presque insurmontables : celle d'être lon^ 

mules, dont la marche e«t beaucoup plus douce que 
celle des chevaux, ne resta permis qu'aux in^i, au 
clei^é et aux femmes. (Nav. 1. 1, p. XCVI, 346 et 349) 
t. II, p- 3o3 et 3o4.) L'état des chemins et les moyens 
de Iransport étaient alors tds en Espagne que Colomb 
ne put exécuter son voyage à la cour qu'au mois de 
mai i5o5. Ileut d'abord le projet d'aller en litière età 
cet effet le cabildo de Séville lui promit les andas 
(brancards) qui avalent sei-vi à porter le corps du dé- 
i'unt cardinal D" EKego Hurtado de Mendoia. 
' Hi;RREn*,.Dec.I,lib.VI,cap. i3. 



tzedbïGoOglc 



34o SECTIOX DEUXIÈME. 

temps absent (le la côui-, étranger dans le pays 
qu^jl voulait servir, et envie pour avoii' eu de 
grands. succès'. Aussi Oviedo*, en ti'aeant le 
caractère de Tamiral , Tappelle « bien liablado, 
cauio, de gran Ingenio y buen latino. »' J'ai 
dt^a signalé dans un autre endroit rextrême 
i-éserve avec laquelle, dès la première expc- 
dition, il communique au gouvernement le 
détail de ses découvertes. La reine se plaint 
4]aus sa lettre du 5 septembre 1493^ de ce que 
le livre de Vomirai (sans doute le journal de 
son voyage) laisse en blanc et « les degi-és 
(de latitude) sous lesquels se trouvent situées 
les nouvelles ten-es, et les degrés pai- lesquels 
il a passé pour y parvenir. » Elle veut une 
carte terminc'e ( muy cumpîida ) et qui ren- 
fiinnc tous les noms , une cai-te mai'ine qui ne 
sera montrée à personne si Colomb Texige [si 
vos pareciere que no la debemos mostrar, nos 
la escribid). Dans une lettre du i6 août i494) 
qui renferme les témoignages les plus liono- 
rable d'affeclion et d'estime ', la reine demande 

■ LasCasas, Jtf». Itb. I, cap. iSj. 
•Hwt.^eB. Ub. IjXMp. a, 

3 • Ce qui nous cause le plus de satisfaction dans 
votre affaire , c'est qu'elle a étd inventif, commencée et 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXIEME. 34l 

encox'e que l'amiral " kii écrive coihbien d'iles 
il a (Iccouverles et {fuels noms il a donnés à cIie.- 
cime d'elles, et ù quelle distance elles se trou- 
vent Tune de Tauti-e. » Après le quatrième 
voyage il se trouve pressé d'ccrh-e an pape 
qui se plaignait d'un trop long silence. Ilapeur 
quecette lettre ' ne lui fasse tort dans l'esprit du 

accomplie par \ous seul , par voire indusuic et vos 
travaux. La plupart des clioses que vous nous avez 
prâlitfs se sont trouv(!cs vérUices, comiuc si vous les 
aviez vues avant de nous en parler. » C'est dans cette 
mCnic letti'e, couscrvéc dans les ai'chivcs du duc de 
Vcragiia (Nav. t. II, Doc. LXXIX, p. i54), que se 
ti-ouve aussi la trace d'ime connaissance prficise des 
saisons sous les tropiques, jéfgunos rjuiercn decirqtie en 
un atio hay alla dos invicrnos y dos veranos. «Isidore 
( Orig. XIV, 6 ) et le cnrcUnal d'Ailly {Imago , c. 1 3 ) 
parlent des deux ctes de Taprobane. 

• Voyez les lettres de l'amiral à Don Diego , en dale 
des 31 et ag décembre i5o4t et du i8 jauvici' i5o5. La 
Jetti'e au pape U'aîtait du quatrième vojage (Jte etcrilo al 
Sanio Padrc de mi viage , porquc se tfuejaha de mi que 
no se cscriiiii). Celte lettre n'est par conséquent p;ts 
aile qui nous a été conswvce par une copie de <îon 
Fernando Colomb, dans laquelle Colomb se vante 
d'avoir décrit ses voyages dans lajb/mc des Commen- 
taires de Jules César , el qui , par la date du mois de fé- 



tzedbïGooglc 



342 SECTIOH DEUXIÈME. 

vieux roi, et à trois fois il ordonne à son fils 
« de montrer la lettre au senor camerero et à 
rérêque de Palentia , pour éviter des calom- 
nies et de feux rapports. » Ces précautions 
devaient lui paraître d'autant plus indispen- 
sables que l'in^rudente violence ' avec la- 
quelle il avait traité, en partant pour la troi- 
sième expédition, un favori et serviteur de la 
maison du puissant évêque de Badajoz , Juan 
de Fonseca *, était devenue , à n'en pas douter, 

viûor iSoa, est antérieure dn deux mois au départ pour 
lequati'iôme et dernier voyage. 

' Des coups de pied donnés à Ximcno de Brevïesca , 
Juif ou Maure récemment converti. Las Casas, Mis. 
lib. 1, cap. 12C. Irting, t. Il, p. 355. 

• ■ El dicho don Juan tuvo continuadamentc odio 
mortal al Almirante. — El piloto Andres Martin dévia 
cntregarlo a don Juan de Fonseca dando a entendar 
que coa su favor y consejo Bobadilla cjecutaba todo 
aquello (la prision y loa grillos ). • yida del Alm. 
cap. 64 et 8S. Le commandant du vaisseau gui traita 
Colomb avec douceur et beaucoup d'égards pendant la 
traversée s'appelait Alonzo de Vallejo, ami intime de 
Barthélemi de Las Casas. Pieire Martyr, qui parle de 
toute celte affaire avec une timide réserve dans les 
Décades oeéaniqiLCS (1 , 7 in fine) , flût mViilion d'une 
lutU'e chiffrée (Jgnotit characiariÙus scrîptw lieicra ) que 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXIÈME. 343 

le motif principal du cruel traitement que lui 
fit subir Francisco de Bobadilla. 

Ce qui prouve le plus Télévation des senli- 
mens et la noblesse de caractère de Ojlomb , 
c'est ce mélange de force et de bonté que nous 
reti-ouvons en lui jusqu'à la fin d'une vie qui ^ 
sur quatorze années de gloire ' , n'en a compté 
d'heureuses que six ou sept seulement, do 
i^Q'i à i499- ^i qitelquefois il se trourott 
abattu et plongé dans la mélancolie de ses rê- 
veries mystiques , il se relevait bientôt et re-^ 
couvrait cette puissance de volonté et cette 
clarté d'intelligence qui est la soiu-ce des 
grandes actions. Dix-sept mois après la morÇ 
de la reioe Isabelle, le roi Philippe 1*^ et la 
reine Jeanne dâ>arquèrent à la Cofogne *, au 

l'amiral aurait écrite à son frère, l'a^lantado, pour 
l'engager à venir à son secours avec dea Inmpes j Htaiê 
Pierre Martyr avoue hii-méme que tonte cette odieuse 
affaire e«t restée pleine d'obscnrit^. «Quid fîierit {iei>- 
qukitum non bene perciplo. — Qilid (titurum ait, 
tempus, rerum omnium judex pmdentÏBBlBiiiB) ape- 
fiet.. 

' De i492è.i5ci6; ' ' 

' Le a6 avril t5o6. Le rey archiffiiquc ellareincdona 
Juana, partis de Flandres, s'étaient rétugiës en An- 



tzedbïGoOglc 



344 SEOTION DEUXIÈME. 

plus gi'^id.dépUûsirdu roi Fei'dinand qui, par 
vengeance, s'ctait marie à la jewne pi-iiicesse 

glelrnv pour «iliappci" au naufrage et àrîuccnilie du 
vaisseau amiral au milieu de la tempête ; ils s'L'taitiit 
embarqués à Plymouth pour arriver à la Coi-ognp. 
Les intrigues des deux cours de Ferdinand et de Phi- 
Kppe, depuis le dtdiarquement jusqu'à la mort du jeune 
nû Philippe , se u^uvent décrites de la manière la plus 
piquante par un témoin oculaire. ( Petr. Mabt. 
Ep> 296-338. ) • Germauam , Galli régis ex soi'oi'e nep- 
tim Ferdinandosponsam adventasse cuDcti admirantur: 
durum omnibus videtur novas cernere tam repente 
nuptias in Caslella prxsertim, ejiis doulia rcgna, quœ 
vixit nulli par , cuius ossa gens omnis non minus ve- 
nei'atui', quam colebat viventem. Phîlîppus Joannaque 
reges adhuc Angliam tenent. Rex Anglix honoiifice eos 
■uocefût. Joanna vero blanditÏBs abnuit, taiebrîs gau- 
det ac solitudine, fugit omne commercium. — Appul- 
•iisestPfailippus rex : incertumiiuBit seivalurus pacta 
cumaoceio. Juvenis est mids, bonxetmagnanima: na- 
tura; : sed non est rerum experientia pollen* , présentes 
illum Busurri adstriugunt ac pr»ci[Htant. Pravî con- 
jultores Dovarumque i-crum atudîosi, proceres. Phi- 
tqipum ducuDt pci'suasuni ne ullo pacto soccro credat. 
Joanna uxor, ut invalida, prxgnans ducitur , utelin- 
guia tacet. Confusa suntomnia. Scribo quœ ferveant.— 
Heu! heu! quid ulti-a aperandum? ex FerdinancK re- 
f^a beiiigoitate crga ûliam genenunqne (?) (anla in 



tzedbïGoOglc 



SRCTION DEUXIEME. 34^ 

Geiinaiiie de Foix. Les deux rois deCaslilIe et 
d'Aragon eurent une preimère entrevue au 

Pkilippensts immanitaa ac pclu]>i»Ua emanavit j ut 
i-egtm gocerum inennem , seDÎm U'iiimphis onuslum , 
venire Bcmimplicem ad gcncium nrnialum, juvencni 
coegerint. ConTcniunt io infelici rurU exiguî agcllo , 
Domine Hemesrol. Prsecedunt Pbilippum , in conspectu 
loceri, compositis Ofdiuibus, annati Belgœ circitcr 
mille. Femsndum 8oc«rum ac si capei-c illum, abdu- 
ceiequc viuctum voilent, circiiinsepiuiit. ColloquuQ- 
tiir : aspere bostititerque visus est a longe BOcemm 
geniT compellassc. Ex gcneri motibus id coHigebam. 
Discordes abeunt et coiruptia animis i-egrcdiuulur , 
in Populam Senabriœ gêner ad Rîum Nïgrum , in As- 
turlanum oppidn)um socer. — Disccdit ex Hispania 
Ferdinandus. Febrîcula laborat Philippus ex ludo pilie 
eiortam putant. Nec desunt qiii credant octorum cum 
toixto pœniUiûee. — Fhilippns iUe qui jam «ibî animo 
lotUDX oi-bem absorbere videbalur, matei-num aemii- 
laiu avum octaro cal. Oct. MDVI anîmam <iinisit ju- 
venis, fbrmosus, pulcber, elegaua* aiiîmo polens et 
'iugenio, proccrœ validaeque naturx, ulî dos vernus 
evanuit. Joanna laboraoti semperaiTuit, sive immodc- 
l'alo dolore pnepediu , sive quod jam nop seniiat , 
quidsit dolor,lacrymam vel unam ciniait. nunquam. 
Socer iu anchone stans porta Dcljliii indoluit n<« pa- 
ruiQ , eut indoluUse visus est. Haud aliter Ferdinand) 
iTgU ÎD Napoli advontus nb Hispaaia (j»iueif txctptif 



tzedbïGoOglc 



34^ SECTION DEUXIÈME. 

milieu des montagnes de Galice , dans le Til' 
lage de Bemeasal, près du pueblo del Rio 

Negro. Colomb, soufTranldW cruel accès de 
goutte ( « agravado de gota y olras enferme- 
dades, » dît. le fils), ne put aller à la rencontre 
des nouveaux souverains de Castille. Oubliant 
un moment la m^ancdiie de la reine Jeanne , 
qui déjà dégénérait en folie, il espérait que la 
fille dlsabelle se souviendrait des promesses 
et de l'affection d'une mère dont elle occupait 
le trône. Las Casas {Mss. lib. XI, cap. Zy) 
nous a conservé la letti'e pleine de noblesse que 
Tanural donna à son frère, l'adelantado, pour 

aetIUùnutn amaloribus') deaideratuf ac sicca tellus di- 
âluritnbres appetere. BdUeretur Joannae re^nx , quse 
gravis utero vidoa relicta , TÏtasi ducit infUJoem , tfr- 
nebiis et secessu gaudens , dextra mento tefixfl , atquc 
<we otaUBO, ac râ eeset elinguis, nutlius commenno 
delectatw, omne pnesertim feemineum genus etodît 
el abjicit a se, ut vmv solebat vivente! — Exhumât 
Joanna mariti eorpiw tà cœnobio Ckirthusiensl de 
Mirallores. Exduobus cucullatis fratribus Mîraflora- 
nts qui Phillppi corpus exatiinie cotnitantur , atter Ixvi 
sicco folio levior, rcgînœ, ut f;ratiaTn cjus aueuparetur , 
eusdtatum irî aUquando regem (post quartum dc<4- 
rouôiab iotciitu tfnmiTn)iiicnda]ipcrsuadEt > 



jbïGoogIc 



SECriOM DEUXI^HE. 34? 

la présenter aux monarques pentlant leiii^ 
voyage de !a Corogne à Loredo. Ce document 
n'est antérieur peut être que de -vingt jours à 
la mort de G)lonib : c'est la dernière lettre que 
nous ayons de lui. « Je supplie Vos Altesses,' 
dit le vieillard , de se persuader que malgré la 
maladie qui me tourmente à présent sans pitié^ 
je pourrai encore leur rendre des services au- 
delà de ce qu'elles peuvent espérer. » Tengar 
por cierto, que bien que esta enfermedad mé 
trahajaasi agora sinpiedad, queyo laspuedô 
aun servir de servicio que no se haya visto su 
igual. Colomb avait 66 ans quand il entreprit 
son quatrième voyage ; il en avait 70 lorsqu'il 
écrivit les li^ies que nous venons de citer. 
Telle était l'énergie de volonté de cet homme 
extraordinaire , que confiant en lui-même , il ne 
croyait pas terminée sa carrière de vie active et 
aventureuse, lorsque ses maux physiques lui 
annonçaient une mort prochaine . Le père et le 
fils étaient incertains s'ils devaient plus comp* 
ter siu- la fevcur du roi Ferdinand que sur 
celle du jeune archiduc-roi. Une lettre de 
Ferdinand à l'amiral don Diego Colonih , 
écrite en novembre i5o6^ nous prouve que 
celui-ci n'avait pas- trop à se louer des nou- 



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348 6£CTI0N DEUXIEME. 

Teaux souverains de Castille. Le roi Ferdinand 
écrit' de Naples comme si liii-môms n^avait 
pas à se faire des repi-oches entièrement sem- 
blables : « Je vois avec regret , par ce que veus 
me dites , que pai'-là ( en Espagne ) on ne vous 
traite pas trop bien. » 

A côté de cette force de caract^e que nous 
adinirons dans la vie pubîitpie de Cliristophe 
Colomb , se placent des traits de bonté dont !o 
peu que nous savons de sa vie privée offre lo 
touchant souvenii-. Les ti-eize lettres trouvées 
dans les archives dé sa famille , chez le duc do 
Veragua , et adi'essées à ses enfans et à son 
ami le Père Gorricio (de la Cliartreuse de Sé- 
ville ), sont très remarquables sous ce point de 
vue. Elles présentent une noble expression de 
douleur sui' la mort récente de la reine Isa- 
belle , de fréquentes exhortations à Tamoui' fra- 
ternel , une solhcitude toute humaine de sauver 
ta vie à des condamnés. Ecoutons les conseils 
que donne l'amiral à don Diego : « Jamais, lui 
dit-il, je n'ai trouve autour de moi dans ce 
monde des amis plus précieux que mes frères. 

' Hame pesado que al!A no sehifceho bien con ivt. 
(Niv.t. II, Doc. CLXÏ, p. 3.3.) 



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SECTION DEUXIÈME. 349 

Dix ne te seraient pas de trop ( diez kermanos 
no te sarian demasiaûos ) ; tu dois chérir ton 
fi'ère. Il a un bon naturel et sort déjà de l'en- 
fance, n La lettre est du mois de décembre 
i5o4, par coneéquent postérieure au retour 
du quatrième Toyage, dans lequel Fn-dinand 
avait déployé un courage et une résignation 
vantée dans la îettera rarissima. Peu de joiu-s 
après Colomb éci-it encore à son fils don Diego : 
1 Tu dois modérer les dépenses , je t'ai dit par 
quel motif. Tu dois montrer de l'attacbement 
à ton oncle et traiter ton frtre Ferdinand 
( celui-ci avait alors seize ans ) comme tm aîné 
doit ti-aiter son frère cadet. Tu n'en as pas 
d'autre; et Dieu en soit loué, il est tel qu'on 
pouvait te le désii-er : il s'est instruit et s'ins- 
truit encore. Tu dois lionorer aussi Geronimo 
et Diego Mendez ■ que je t'ai l'ecommandés et 
auxquels je ne puis ccrii-e aujourd'hui, w La 
mère de Fernando , une dame noble • de Cor- 
doue, à laquelle l'amiral ne s'élait pas uni par 
les liens du mariage, vivait encore. On re- 

• C'est le pei-sonnagc dont j'ai parlé tom. II , p. 35a, 
et qiii instltnn un majorât consistant • en iiii vieux 
mortier de marbre et neuf livi-es impnmtfs. » 

* ZrMGA, Ànaies eel. Je Scfit/a, lib. XIV, p. 49^. 



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35o sacTioN dfvxiène. 

œa^'que , dans la correspondance que nous 
venons de ciler, un soin délicat de conserver 
l'égalité enti-e les deux frères , soin qui a porté 
ses finùts, car nous voyons Ferdinand, après 
la mort de Tamiral, accompagner, en iSog, son 
frère aîné à Haïti. Cette délicatesse de senti- 
mens dans les rapports avec la dame de Qjr- 
douo , se retrouve dans le testament de rami- 
ral. « J'ordonne, dit-il dans ce testanlent fait 
le 25 août 1 5o5 , mais amplifié et signé le 
19 mai i5o6, la veille de sa mort, j'^ordonne' 
à mon fils don Diego qu'il soigne particulière- 
ment Beati'ix Ënriquez, mère de don Fer- 
nando , mon fils -f je veux qu'il lui fournisse 
pour pouvoir vivre décemment , comme une 
personne envers laquelle j'ai tant de devoirs à 
ren^lir. Que ceci se fasse pour décliarger ma 
conscience , car la chose me pèse sur le cœur," 
pour une cause qu'il n'est pas convenable de , 

' • Mando a D. Diego que haya encomendada â 
Beatriz Enrlquez, niadve de D. Fernando, mi hijoque 
la pi'ovea que pueda vivir honeslamente , codio persona 
& quitn yo soy en tanto cargo. Y esto se haga por mi 
descai^odelaconilcDcia, porque esto pesa mucho para 
mi anima. La razon dello non es licito de la esaibir 
aqui. » (Nay. i. n,Doc. CLVUl,p. 3i5.) 



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SECTIOn DEUXIÈME. 35l 

dire ici. u Le même testament se lermine par 
de petits legs d'argent qui « doivent être dis- 
tribués de manière que les légataires n'appren- 
nent pas d'où l'argent leur vient. » Les legs 
ont la valoir d'un demi-marc d'argent à loo 
ducats d'or, et l'on trouve indiqué parmi les 
personnes indigentes un juif demeurant jadis 
à la porte de la luderia de Lisbonne, et des 
négocions avec lesquels l'amiral avait eu des 
rapports en 1482, plus de vingt-quatre ans 
avant son décès. L'amour paternel de Chris- 
toplie Colomb , et la noble cbaleur de son ame 
(qualité qui se conserve si rarement dans les 
hommes occupés d'affaires publiques ) se pei- 
gnent dans les expressions naïves qu'il emploie 
en décrivant les angoisses qu'il éprouve au mi- 
lieu de deux grandes tempêtes ' , au souvenir, 
de son fils absent. C'était « une douleur qui 
semblait lui arracher le cœur (Colomb dit la 
lastima que me arrancaba el CQrazonpor las 
espaldas) : il devait, en mourant, laisser en 
Espagne son enfant orphelin et privé de toute 

'Tempêtes du i4févi-îer i493, près des îles Azores, 
ebenaoût j5oî,^piès d'Honduras, (Nav. i. I, p. i52 
et 398.) 



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352 SECTION DEUXIÈME. 

fortune. )> J^ai cru devoir entrer days ces dé- 
tails de mœurs. et de vie privée, parce qu'en 
conservant à cliaque trait sa primitive Oî-igina- 
lité , ou peut se flatter do faire rejaillii^ la lu- 
mière sur le caractère et la physionomie indi- 
viduelle du grand homme à la mémoù'e duquel 
ces pages sont consacrées. 

El'OQUB DR L\ NAISSANCE. — La TIC àll ColoillL^ 
antérieurement k sa corrcspondauce avec Tosca- 
iiulli, en 1474* <^t à son arrivée en Audalousit^, 
en i484) t^^t cuvcloppi'c d'une telle obscurîtû, <jutt- 
difTérentcs coinlii liaisons sui' Yà^e <lc Colomli à 1Y- 
poqucdesa mort (30 ma! i5oG) laissent une iii- 
oertiludc de vingt-cinq ans, (Voyez lome U , 
p. 110.) Il rc'sulte de ces eomliinaisons pour la 
naissance dii^ran.l homme : 

I/annt'e i4^0, selon les données de RamusSo 
(Nav. t.I, p. LXXIX). 

1 4Ô6, selon celles de Bcrnaldcz, cunt 
delos Palicio), etselon te clic- 
valicr Niipione. 

i44'j s.Ion le père Cliavlcvoix. 

1445* selon BoMÎ {P'il.'i, p. CS-^a). . 

i44'j) selon Muû»E. 



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SECTION DBIIXiÈUe. 353 

1447» Belon Roberlson et Spotoroo 
(Storia Ulter. de la Liguria, 
t. Il, p. 343). 
i449) selon WîUard {Hiatory oj ilie 

■ United Slatea, p. a8). 
i4fi5, selon les combmaûons des «.'po- 
<jues indiquées dans la lettre dat^ 
de la Jamaïque le 7 juillet i5o5. 
Dans cette lettre, comme l'a déjà fait voir 
M. Morelli, il faut lire 4^ pour s8 dans les mots 
« yo vlne a servir (en Espaù») de vieate y ocho 
aîios. » Ces erreurs, si communes dans les cbiffrcs 
arabes employt's à la fin du quinzième siècle,, se 
retrouvent dans tous les journaux de Colomb. 
Lorsque dans le journal du premier voyage (Nav. 
1. 1, p. iS^) il dit «qu'au sojanvier (1493) il J aura 
sept ans accomplis depuis qu'il veut servir les monar- 
ques, » on doit' mettre un 7 pour 9, car il arriva & 
Séville en 1484- M. Navarrete regarde, comme Na- 
pio ne, l'année i436, comme l'époque la plus pro- 
bable (t. I, p. LXXix-LXXXl) de la naissance du 
grand homme, et celle année 1 diffère de dix ans de 

' Je croîs avoir j'affermi l'opinion de Napione par des 
considffrations sur l'époque des tentatives que fit 
Jean II de Calabre pour conquérir Naples. ( Voyez 
tora. Il, p. iio-ii3.) 

m. 2S 



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354 SECTION SEUXIÈHE. 

mite h laquelle s'itrrête le célèbre historien de l'Â- 
m^ique (lon Juan Baulîsta Muiioz. Il n'existe pres- 
que pas d'exemple d'étae incertitude pareille dans 
la via d'un homme célèbre des quatre derniers 
siècles. On a de la peine k concevoir pourquoi don 
Fernando Colomb, dans la f^ie de Tamiral, ne 
fiie past'Sge du â(:funt : il t'ignorait sans doute 
lui-même. On pourrait être tenl^ de conjecturer 
qne ce fut une des nombreuses bizarreries de ca- 
ractère de l'amiral de ne pas vouloir qu'on sût l'au- 
ne de sa naissance. Le fils, comme on l'a remarqué 
Murent, est mystérieul et d'une prudence timide 
snr tout ce qui concerne les parens, la naissance et 
la jeunesse de son père. Si quelques graves auteurs, 
par exemple M. de Murr {Martin Beheim, 
p. 138J placent la mort, qui eut lieu le so mai 
1 5o6 , en 1 5o5 , c'est qu'ils ont été induits en erreur 
par une faute typographique dans la Vida del Al- 
mirante, cap. 108 (B&rcia, Hi^t. primiU t. I, 
p. .s8). 

Lieu DE la naissance. — J'ai étudié avec le 
plus grand soin les longues et souvent très fasti- 
dieuses disscrutions qui ont paru depuis le com- 
mencement du dix-neuvième siècle où un savant 

■ Et non le 36 mai comme veut Spotorno (Sloria , 
t.n,p. a84). 



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SECTION DEUXIÈME. 355 

distingàé de Turin, M. le comte Napione, persuadé 
delà t^itïmité des droits des anciens feudataires 
du châtean de Cuccaro, dans le duclie' de Mont- 
ferral, a renouvela la discusMon sur le lieu de nais- 
sance de l'amiral. Cette controverse, que chaque 
partie a cru TiGtoiieusement terminée en sa faveur, 
a en au moins l'avaDlage de répandre beaucoup de 
jour sur la première jeunesse deChristophe Colomb, 
comme sur les plus anciennes cartes et descriptions 
de l'Amérique. Elle a été conduite avec loule l'ai- 
greur et la passion qu'inspire le patriotisme pro- 
vincial et municipal cbez des peuples qui n'ont pas 
Un centre de vie politique. Le ducbé de Montfeirat, 
regardé comme portion de l'ancienne Ligurîe, se 
trouve aujourd'hui réuni au territoire de Gènes . 
mais jusqu'ici le sacrifice involontaire de l'indé- 
pendance n'a pas rendu les Génois aussi indiSerens 
aux prétentions des Piémontais sur la personne de 
l'amiral et sur sa véritable patrie, qu'on s'est plu à 
l'espérer prématurément. (Memoria deUa Reale 
Acaderma di Torino, iSaS, t. XXVII, p. 76.) 
Plus de dis endroits se sont disputé la gloire d'avoir 
donné naissance à Christophe Colomb, ce soat : 
G£nes, Cogoleto (nom changé en Cogoreto ,' 
Cucchereto, Cugureo. Cogoreo, Cucurto d'Her- 
rera, etCugurgodePuHcnJorf), Gugiasco, Finale, 



tzedbïGoOglc 



356 SECTION DEUXIÈME. 

Quinto et Nervi, dans la Riviera di Geôova, Sa- 
. voue, Palestrella et Ârbizoli, près de Savone, Cos- 
setia entre MillesiDio et Carcere, lavait^ d'Oae- 
glîa, Castello di Cuccaro, entre Alexandrie et 
.Casale, la ville de Plaisance, et Pradello, dans le 
Val deNura du Plaisantin. Le nombre de ces tîeuz 
a*est accru progressivement avec l'illastration dn 
héros, car ses contemporains, Pierre Martjr d'An- 
ghiera, le cura de los Palacios, Geraldini, Pîetro 
Goppo da Isola >, l'évéque Giustinîani, le chance- 
lier Antonio Gallo et Senerega, l'ont unanimement 
appela Génois. L'institution du majorât, document 
du 33 février 1498» sur l'authenticité duquel, 
comme je l'ai exposé ailleurs, on ne conserve aucun 
doute en Espagne, prouve que le mot GénoU ap- 
pliqué k Colomb n'est pas pris dans le sens étendu 
de tiigurien d'après lequel il pourrait de'signer 
également un habitant de Guccaro; ce document de 
149S porte expressément ; « Ladite ville de Gènes, 
d'où je suis sorti et dans laquelle je suis né. » 
(Nav. t. II, p. 332.) De plus, dans la réponse la- 

> Portulano di Fietro Goppo da Isola, terra dell* 
Istrîa, Venezia i5a8. Une des sept cartes porte ; 
• Chrbtopholo Columbo Zenovese "U'ovo nel anno 1 49^ 
moite isole et cose nove. • HohSLLi f Leiltr. rarissima, 
p. 63. 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXIÈME. 357 

t> no-italienne et également authentique que le ma- 
gistrat de Gênes {Magislrato di S. Giorgio) a écrite 
le 8 décembre i5o2 à Colomb à l'occasion des 
promesses patriotiques transmises par l'ambassa- 
deur génois Nicolo Oderigo, lors de son retour 
d'Espagne, la ville de GôneS est souvent appelée 
originariapatria de Vostra Claritudine, et Go- 
lomb amantissimus concivîs. (Cad. Col. Anter. 
p. 339;Nav. t. II, p. 383.) A moins d'admettre 
cbez Ferdinand Colomb des motifs d'une réticence 
préméditée, il est difficile de s'expliquer l'igno- 
rance qu'il affecte sur l'origine de son père. Il ne 
cite Gènes que comme un des six endroits auxquels 
de son temps on accordait l'honneur-d'avoir été la 
patrie de l'amiral. Comment croire à une incerti- 
tude dans laquelle le père aurait laissé ses'enjàns? 
Pourquoi le fils évite>t-il si prudemment de déci- 
der la question, ou de dire pour le moins quelle 
opinion lui parait la plus probable? La Vie de Ta~ 
mircd, écrite en espagnol par Ferdinand Gotomb, 
n'a paru pour la première fois, dans une traduction 
italienne, qu'en iSyi (voyez tom. II, p. io6, 
note 3), trente-un ans après la mort de l'auteur. 
On y trouve cité sous lé titre de ChroniqueXes 
Annales de Gènes qui ont été imprimées en 1 535, 
et que le comte de Priocca nie avoir été brûle'es par 



tzedbïGoOglc 



358 SECTION DEUXIÈME. 

le Séaat (voy. tom. I, p. 87, et Cancbllietii, 
p. i^s)' Cetle citation prouve que l'ouvrage n'a été 
termina que dans la vieilleise de Ferdinand Co- 
lomb, et si celte preuve donnée par le chevalier 
Napione (Mem. délia Acad. di Torîno, i8o5t 
p. 148 et 340) ne paraissait pas assez convaincante) 
je pourrais la corroborer par la considération que 
dans le demi»- chapitre il est question de ta mort 
de rinças Atahualpa qui fot étranglé en 1 535. Or 
quarante ans après la découverte du Nouveau 
Monde, la gloire de Christophe Colomb s'était 
tellement répandue que partout, eu Ligurie, où sa 
trouvaient établies des personnes du même nom, on 
avait commencé à élever des prétentions généalcv- 
giques. Quelques-unes de ces prétentions devaient 
flatter la vanité de Ferdîna^ et de Di^ Colomb, 
et les fils, parvenus à une grande tllustration nobi- 
liaire dans vu pays où le commerce et les arts in- 
dustriels n'étaient pat honorés au même degré qu'à 
. Gènes, profitaient sans doute de l'incertitude qui 
avait été jetée sur la condition des parens et le vé- 
ritable Ucu de la naissance de Cbriitophe Colomb. 
Il y a dans le premier chapitre de la P^ie de Vomirai 
un mélange hypocrite de fierté et de philosophie 
qui cache mal le désir de laisser deviner ce que l'on 
u'osc prononcer ouvert ement< L'auteur dit d'abord 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXIÈME. 35g 

« qu'on lui (lemaadc en vain de prouver que son 
père descend d'une làmillc illustre rtîduitu à l'iudi-' 
gcnce (ultiiiia eslrechez) par des évéaemeas mal- 
heureux et qu'il ne s'arrêtera ni à ce GoloD qui» 
selon le 12° livce de Tacite> conduîût Mithridate à 
Rome et obtint les honnears consolaires, ni *ux. 
denx amiraux de ce nom, oncle et neveu, qui ont 
parcouru TÎctorieusement * (l'un de 14^3 k 1476* 
l'autre jusqu'en i465) Us mers de rArchipel fi du 
Portugal. » Aujourd'hui les bonnes éditîoiu des 
Annales de Tacite (Xll, 21) portent: TradiiM 
post hœc JUithridates, pectusqi^ Romam per 
Jumum Cilonemprocuratorem PoiUi. Conaidaria 
insi^ia Cilom, Aqiàlœ prœloria decernuntur; 
mais quelques manuscrits ont en eSet : Romam 
vectusper Juniam Colonem, leçon contraire i un 

t J'ajoute ces chiffres d'après les discussions de Bossl 
et de Mu&oz. Le premier ( yila di Colombo, p. 79-83} 
se fonde sur un document inédit très curieux renfer- 
mant une lettre de deux Milanais qui revenaient en 147S 
de la Terre Sainte. Les passages de Zurita et de SabeU 
licoqui ont rapport aux exploits de Colombo el Moto , 
et de la tkbuleuse arrivée de Christophe Colomb en 
Portugal, na^nt et se tenant à une rame, ont éVi 
réunis par M. Washinctos lavinc, t. IV, Append. 
n° 8. Voyez aussi tom. II, p. 1 is-ii4' 



tzedbïGoOglc 



360 SECTION DEUXIÈME. 

passage de Dioo Cassius (LX, 33). Après ce Irait 
d'&uditîoD, Ferdinand espose comment la Provi- 
dence a voulu que loat soit mystérieux dans l'ori- 
gine de son père ; il dit que qudques-uns, . 
« comme pourobsGurcirla gloire de l'amiral, nom- 
ment de petits endroits (Cugureo, Bugiasço) pcès 
de Gènes comme lieux de sa nabsance ; que d'au- 
tres, pour Pexaller davantage, citent Savone et 
GênM,' que d'autres se hasardant encore plus . 
(saUando Tnae schre el vienloj, nomment Plai~ 
sance où se trouvent des personnes très honorables 
de aafaniillef et des e'pitaplies avec armes sur les 
tombeaux des Cohmhos. Lorsque je passai» 
ajoute-t-il, par Ci^ureo (c'était en i53o, d'après 
un Mémorial ■ présenté dans le procès contre le 
comte de Gclvez), incertain que j'étais delà r&i- 
dence et des occupations de nos ancâlres, je pris 
des 'informations auprès 'de deux frères (Colom- 
bos], les plus riches de ce château. On m'assurait 
qu'ils étaient un peu parens (idgo parientee) de l'a- 
miral, mais comme le plus jeune des frères avait 
déjà plus .de cent ans, ils ne purent me donner 
aucun rense'^nement à ce sUjet, et je pense qu'il y 
a plus de gloire pour nous (les fils) de desrendre de 
l'amiral que de scruter si le père de celui-ci était 

' lUém.de Turin, i8a3,p. 171- 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXl^E. 36 1 

boutiquier OU homme sans aveu*, d'autant plus 
que la mémoire de ces sortes de gens se pord rapi- 
dement môme parmi leurs propres Toisins< » L'ex- 
pression de cbâteau, castiïlo de Cugureo, dont se 
sert Ferdinand Colomb, pourrait fiiire croire qu'il 
a voulu parler du castiïlo de Cuccaro, et qu'il a 
confondu les deux noms; mais il compte plus 
haut Cugureo au nombre des petits endroits (lugar- 
cillos)près de Gênes, ce qui s'applique à Cogolelo 
ou Cugureo, mais non b Cuccaro, situé au-delà 
d'AIessaudria : de plus, un auteur du i6' siècle, 
Gambara ( De ncevigcuione ChrUt. Coîumbi , 
Bomœ, i5i)5], nomme ce niéme Cugureo, « Caa- 
trum in lerritoiio Gennensii » Je terminerai eu 
citant un voyageur moderne J qui dit, en parlant 

' Je n'ai osé traduire l'expression de eazador de io- 
lateria dont se sert don Fernando. Les bons dictionnai- 
res portent pour bolateria, chasse avec des oiseaux de 
ËiucoDQerie. Dans le dialecte des Gitanos ( Bohémiens 
d'Espagne), bolateria signifie métier de voleur. Un Es- 
pagnol très instruit , que j'ai consulté , croit voir dans 
la phrase entière un chevaUer d'industrie, un aven- 
turier. Il se fonde sur l'analogie de lomar al vueto, 
prendre au vol. 

• Voyez les instructiis Voyages hlsl. et h'itàr. en //a- 
/ledeM. Valeky, t. V, p. 73. 



tzedbïGoOglc 



362 SECTION DEUXIÈME, 

de Ci^oleto : « Ce lieu n'a pas renoncû à rbonneur 
d'avoir vu naîlre Colomb, malgré la multitude de 
recherches et de dissertatîous d'après lestjuelles le 
grand homme paraît tout simplement Génois. Ou 
pnftend même à Cogoleto inditjuer sa maison, es- 
pèce de cabane sur le bord de la mer^ que je trouviû 
assez convonablemeut occupée par un garde-cAte^ 
et sur laquelle on lit, à la suite d'autres inscriptions 
pitoyables^ ce beau vers improfisé par M> Ga- 
gliuffi : 

Unus erat mundus; Duo sint, ait iste; fuere. 
Un ancien portrait, sans doute peu ressemblant, se 
voit à Lt maison communale * de Cogoleto. » Ce 
qui caractérise les premiers chapitres de l'ouvra^ 
de Ferdinand Colomb, c'est la prudente réserve 
avec laquelle ïl laisse toutes les questions indécises, 
il se contente de désigner (chap. 5) les Génois éta- 
blis à Lisbonne par l'expression de gens de la na- 
tion de tamirali il affirme vaguement que ses an- 
cêtres ont toujours été occupés de commerce mari- 
time, et, «: quoique content et fier d'être le fils d'ua 

' Les deux amiraux. Colon elMoia (le jeune) qui 
s'appelait aussi Christophe, et Francesco Ccdombo, qui 
iut au service du roi LouisXI en i475, paraissent tous 
deux avoir été de la bi-anche des Colomb de Cogoleto. 

(CuiCEU:IERl,p. 30') 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEDXlÈNE. 363 

père qBÎ a fait de si grandes cVioses » (hijo de aerna* 
janU padre, defaTnoso nombre por eî vdhr y lo» 
claroay insignes hechoa auyoe), il repousse comme 
injurieuse l'assfcrtion d'une « occupation manuelle 
et m^uique » que l'^véque Giustiniani attribue 
aux parens de Christophe Colomb. Nous rerroiu 
bientôt que, d'après les dernière documens trouva 
à Gènes, t'ëvâque n'a en d'autres torts que ceux de 
Tindiscrétion. Après avoir vanté le père pour aroîc 
ëpousé à Lisbonne Dona Felipa Muùiz Perestrelo» 
dame noble et cavaîlera, après s'être élevé si haut 
dans Taristocratie castillane par les faveurs de la 
reine Isabelle et le mariage qu'avait contracté don 
Di^o Colomb avec U nièce du duc d'Albe* il ne 
pouvait convenir à la famille de faire connaître le 
père de l'amiral comme « un fabricant de draps. » 
Nous ajouterons aussi que l'indécision absolue dans 
laquelle Ferdinand Colomb se renferme * sur le 
problème du lieu de naissance de Christophe Co- 
lomb nous paraît infirmer les soupçons que Campï, 
auteur d'une Storia di Pieuenaa ( 1 663 ), a émis re- 
lativement à des falsifications officielles qu'aurait 

' • Sobre el origen de su fàmiUa y patrîa del Almt- 
raote procediô coq algmia réserva , exponiendo las opt- 
niones ageuas , tin declarar la juya p/vpia. v Nav. t- I , ' 
p. LXIX. 



DotzecliïGoOgIC 



364 SECTION DEUXIÈME. 

subies le texte italien de \a. Vida del Alirù- 
ranie ^, 

Lorsque le comte Napione, après avoir étudié les 
pièces du procès sur la succession de Dî^o Coloml), 
mort en iS^S, a tÂcbé d'établir avec beaucoup de 
sagacité que la famille de l'amiral descendait des 
feudataires du château de CuccarOj dans Je duché 
de Montferrat, et que l'amiral même était né dans 
cemanoir, l'académie de Gènes chargea en 1812 
trois de ses membres, Girolamo Serra, Francesco 
Carrela et Domenico Piaggio, d'examiner tous les 
docameos et d'en réunir de nouveaux. Le travail 
consciencieux de ces trois académiciens, comme ce- 
lui de Bossi et de Spotomo , a confirmé l'ancienne 
opinion de l'origine génoise, opinion que l'amiral a 
clairement consignée dans Vinstitucion del mcvyo- 
razgodas2 février 149S, et qui aussi avait paru 

1 On a prétendu que le texte original espagnol de don 
Fernando,reiniBeni568 par don Luis Colomba un pa- 
b'icien de Gènes, Fornari, a été altéré, pour corro- 
borer les préteutions génoises , sinon dans la rare édi- 
tion italienne de Venise (1571), du moins dans celle 
de Ablan (t6i4)i dédiée par l'imprimeur Gii-olamo 
Bordini à un doge de Gènes (Jl/^m. de Turin, i8o5 , 
p. a4e) '• mais pourquoi ces ialsîficatipns auraient- 
elles été si vagues et si dmides ? 



tzedbïGoOglc 



SECTION. DEUXIÈME. 365 

la plus probable aux bUtoriens Mumtori, Tira- 
boschi, Munoz et Navarrete. 

L'amiral ëtait le fils aîné de Dotainii^iie Colomb 
et de Suzanne FoQtanarossa. En outre de deux frères 
plus jeunes, Barthélcœi et Jacques, appelé en Es- 
pagne Diego, il avait aussi une sœur mariée an char- 
cutier [pizàcagnolo) lacques Bavwello. Le pèce, 
Dominique, était encore en vie deux ans après la 
grande découverte du fils. Il était fabricant eu lai- 
nage; on possède encore sa signature o/iVn textor 
pannorum , comme témoin d'un testament passé 
par-devant notaire en 1494* à Si-5téfano deGânes. 
(Codice Col. Amer. p. LXVIII.) Ainsi Senarega, 
auteur le plus rapproché de ce temps, dit claire» 
ment : Columbi{Christophori Gemunsia) frairea 
Genuœ plebeis pareni^ua orti, nom pater textor, 
canninalorea fila aliquando fuerunt. (Sen. de 
Rébus Genuensibus , ap. Murator. t. XXIV , 
p. 554.) Dominique, père âe l'amiral, quoique 
nommé très pauvre par son pelïl-fib Ferdinand , 
avait cependant deux babilations^ l'une avec bou- 
tique extra muros, dans la contrada di Porta S, 
,j4ndrea , et une autre dans le P^icolo di Midcento. 
Cette dernière maison lui avait été donnée en bail 
emphytéotique par les moines bénédictins de S. Ste- 
fano (1. c. p. X), et il la possédait au moins 



tzedbïGoOglc 



866 flECriON DEUXIÈME. 

d« 1456 & 1489. On ignore dans laquelle de ces 
deux maisODs l'amiral a vu )e jour. La probabilité 
est ea faveur du F'icolo di Muîcento, et il y a des 
indices qu'il fut baptisée S. Stéfano , quoique l'ex- 
trait de baptême ne se soit pas retrouve. (Bossi , 
p. 69.) Dominique avait transporté en i46g son 
■telifcr et son commerce de lainage de Gènes à Sa- 
Tone. Un document conservé dans les archives de 
cette dernière ville nous apprend que le plus jeune 
des frères de l'amiral , Diego , dont Las Casas, dans 
■es manuscrits {Hitt. de Ind.^ lib. lU^ c. 82) 
vante la grande douceur de caractère et le pen- 
chant pour l'état ecclésiastique , fut placé à l'Sge 
de 16 ans, le 10 septembre i484i porsa mèreSn- 
unneFoQtanarossa, ea apprentissage chez un tisse- 
rand en laines de Savone , Luchino Cadamartorî >• 

' Cest Oiégp qui , dès 1494 > joua un grand rôle ji 
Haiiti. Il fut jeté dans les fers avec ses fibres Christophe 
et Banhélemi. A la mort de celui-ci il s'était fait ec- 
clésiastique. Le testament du igmai iâo6 dit : • Adou 
Diego mi hermano cien mil maravedis (cada aâo) par- 
que es de la IgUsia. « On peut être surpris qu'un écii- 
vain généi'alement aussi exact que le P. Spotornoait 
«mfondu le plus jeune frère de l'amiral ( Cod. Col.- 
Amir. p. XLIV et Lll) avec l'interprète Diego Colomb, 
natif de Gunnaliani et baptisé en 1493 à Barcelone. 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEDXIÈHE. 36-; 

D'ailleurs d^ja en i3 1 l on trouve insci'it à Gènes nn 
lànajtwlo Giacotno Colombo. Des témoignages du 
séjour de la famille Colombo dans la même ville , 
remontent d'ailleurs jusqu'en 1191. Je sais enlré 
dans ces détails minutieux pour prouver que les 
dernières recherches sur la famiUe de l'amiral n'ont 
pas Hé in&nctueuses. 

La descendance mâle du grand homme fut éteinte 
•obnnte-donze ans après sa mort. On sait que de 
ses deux enfans, le cadet et le plus savant» Ferdi- 
nand , était enfant illégitime , ce qui ne l'empêcha 
pas, malgré les préjugés du temps, d'être nommé, 
& l'âge de neuf et dix ans, avec son frère atné Diego, 
page d'abord de l'iofant don Juan, et après la mort 
prématurée de ce prince, delà reine Isabelle *. Sa 
mère, Dona Beatriz Henriquez, est la dame de 
Cordoue dont la grossesse a si singulièrement con- 
tribué en 14^3 k retenir l'amiral en Espagne et Ji 
fiùre qu'à^ CaslUle ei àjjeon (et non au Portugal , k 

Ceet ce dernier et non un frère de l'amiral qui épousa 
enti^ih fille du roi Guariones d'Haïti. Petb. Maat. 
Oeean. Dec. I, lU). IV, p. 4;- 

■ La DominadoD de Diego datait de i493-KAV.t. II, 
p. 17 et 220. Vidadel Âlm. cap. 65; Heakera, Dec. I, 
lib. Il, c. i5. 



tzedbïGoOglc 



368 SECTION DEUXIÈHE. 

la France oa k l'Angleterre) Colomb ait donné le 
Nouveau Monde >. Ferdinand avait suivi son père 
à l'âge de treize ans dans sa quatrième ézp^dîtioD. 
11 y déploya une force de caractère et un conrage 
il dignes d'un vieux marin. » L'amiral nous en a 
laissé dans la LtitUra rarriaaima (Nav. t. I, 
p. 298) UD témoignage touchant , lorsiju'il dëcrit 
avec les plus vives couleurs celte tourmente essuyée 
presque pendant troia mois dans des parages qui 
sont même encore redoutés de nos jours lorsqu'on 
navigue entre Morant Kays, les Gaymans , les Jar- 
dins de la Reine, les bas-fonds Misteriosa et San- 
taniUa, et la cAte de Honduras. Ferdinand , après 
avoir séjourné avecson frère Di<%o à St.-Domingus 
en i509 , et voyagé dans plusieurs parties de l'Eu- 
rope, se fît, malheureusement trop tard pour la 
fraîcheur de ses souvenirs ( peut-être de i5$3 
à i555 )^ l'hîstoric^raphe de son père. Il devint le 
fondateur d'une bibliothèque de 12000 volumes 
l^uée aux pères dominicains du couvent de 5. Paul 

* Je fais allusion à la belle inscription que Ferdinand 
le'Catholique fit placer sur la première tombe de Co- 
lombdans la catliédrale de Séville ( yida, cap. CVIII) ; 

A CAEIILL* I k LEON HDEVO HUNSO DlÔ COLOH. 

Sur doua Beatrit, voyez tom. J, p. io3,note3. 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXIÈME. 369 

de Séville 1 et mourut sans postérité ea Espagne, à 
l'âge deâ3 ans (vers 1S41)) ayant embrassé l'état 
ecclésiastique vers la fia de sa vie. Il vécat d'une 
manière très bonorable et dans une retraite studieuse 
sur les bords du Guadalquîvir , au milieu de quel- 
ques bommes de lettres qu'il avait amenés avec lui 
de Flandres. Son frère atné, Di^go , fils de Doua 
Febpa Mn&iz , de la famille plaisantine de Feres- 
trello , et neveu de Pedro Correa , gouverneur de 
Porto Santo >, naquît dans cette tle, et K ce qui me 
parait le plus probable, entre 1470 et 1474. Dans 
sa première jeunesse, surtout à l'âge de dix ou 
douze ans , lorsqu'il passa avec son père de Por- 
tugal en Espagne, il connut 1« amertumes de l'in- 
digence. C'est l'enfant tt que Cbristopbe Colomb 
conduisit à pied au couvent de la Habida , près de 
Palos , et pour lequel il demanda un peu de pain et 
de l'eau , » circonstance qui fit connaître le grand 
marin au père Juan Perez , gardien du couvent , 
dont l'oreille « fnt frappée de l'accent étranger da 

* Gdhaiia, édit. de i55i , £>!. 35; Mem. dt Torino, 
i8o5,pi337iCAiHiELUUii,p. iZiiCodieeCoL-Amer. 
p. LXII. 

■ Voyez tom. I , p. 3G6 et 367 ; tom. II , p. 9^7.' 
Correa était connu du célèbre voyageur Alvise di Ci 
Da Mosto. 

in. 34 



tzedbïGooglc 



ZyO. SECTION DEUXIÈME. 

voyageur.» Ce même gardien des Franciscains pro- 
cura à Colotob une modique somme a pour pou- 
voir se vêtir décemment et acbeter une petite b^ 
(bettezueia). » Il paraît très certain que Di^ re- 
çut sa première éducation au couvent de la Rabidai 
car nous savons par le procès avec le fiscal, cpie l't- 
miral , à son départ en 1^93 , le confia k Juan Ro- 
drignez Cabezudo , kebilant . de Moguer, et à on 
ecclésiastique, Martin Sanehez >. Plusieurs écri- 
vain* modernes se sont plu à dépeindre Dî^o 
Colomb , sans doute parce qu'il était le fils d'an 
grand hotunt^ > comme dépourvu de talent et de 
car^ère. Ses contemporains en ont porté unja- 
gevent très différent. Diego , après avoir ait le se- 
cond voyage avec l'amiral, resta en Espagne pour 
j soigner les afiàires litigieuses de sa famille. Après 
la mort du père , il s'est mêlé pendant vingt ans 
des intérêts politiques de St.-Donungne , de la la- 

' Il est prcduble que Cabezudo avait ordre de con- 
duire B0U3 peu Diego à Gordoue, car l'amiral en dé- 
crivant les angoisses qull essuya pendant la nuit du 
l4 i^vrier 1493 , dit ■ qu'au milieu de la tempête , il se 
souvenait surtout de ses deux fils gue ténia en Cordoha 
alestudio.ïiTeinaaào n'avait cependant alors que 4 ou 
5 ans. Comparez, sui- les complicadous de ces faits, 
Nav. t. I,p. i5a 1 1. III , 56i , 58o , 5^y et 601. 



tzedbï Google 



SECTION DEUXIÈUE. 3^1 

nuuque, de Cuba et de Portorïco. 11 x su affermir 
s> poslttoa arittocratique en Espagne en épousant 
en i5o8 Do&a Maria de Toledo , fille du comen~ 
dador mayor de Léon , et grand fauconnier de Ik 
oonr {ceaador mayor)y Hernando de Toledo, A 
nièce de don FAdriijue de Toledo, duc d'Âlbe. Ce 
dernier t'bit un des hommes les plus puïssans dif 
royaume, favori et proche parent de Ferdinand V 
Catholique , auquel il avait montré une noble âdë- 
Mxé lorsque , dans les querelles de Ferdinaud avea 
I^ilippe d'Autriche , presque tous les grands e'e't 
taiont .séparas de celui que paraissait abandonner la 
ibrtune * . Cette alliance avec la maison d'Albe et la 
protection * active qui en fut l'effet, furent. plus 
utiles à Di^o que le souvenir des serrici» de ûhrti- 

' Petb. Miar. Epist. CCCXI, faUoUtiWW Idut Jw 
RuMDVl :* > Proh rei-um humanarum fàllax posseasiol 
Redibis , o misera Castella , reiJibis ad prîslinam confu- 
sionem tuam, Nullus Fcmanduni regem ndn desei^t , 
prœter Federlcum Âlb(e Ducem , ipsius eonsobrimun, et 
Bernardum Roies Deniœ Marcbioaem. > 

'HiBitiBA, Dec. 1, lib. VII, cap. 6: «El Duque 
DalvB era de los Grandes de CastUla el que ma» 
m aqueltos tiempot privava con el Bey j no pudo 
el Alnûrante (don Diego) Ugarse a casa del Reyar» 
que lauto le conveniesse, ya que ju justieia no la 



tzedbïGooglc 



37a SECTION devxièhe; 

topbe Colomb. Après lie longues et vaîaes sollic'i- 
tatïona , Di^o fut reconnu , par le décret > donné 
jiÀrevalolegao&t ibc& ,jilnUrante y Governador 
de laa Indiaa, reconnaissance qui , d'après les ex- 
preutons du décret , n'était cependant pas dé&ni- 
tive et stipulée , u sans préjudice des droits <{ue la 
cour se réserroît dans les contestations avec le 
père. » Diego arriva le 1 o j uïllet l Soq à Haili^ accom- 
pagné de la vice-reine, de sou frère Ferdinand etde 
ses deux oncles. Les fêtes sptendides auxquelles 
cette arrivée donna lieu dans la forteresse de Santo- 
Damingo, furent interrompues par nn ouragan de»- 
tntcteor. Dès l'année suivante des querelles suscitées 
par les essais de colonisations à )a Jamaïque dont se 
trouvait chaîné Juan de Esquibel , et par la cons- 
truction d'une habitation ou villa, qui portait^ 
disait-on, tous les caractères d'un fortin destiné & 
offrir delà sécurité â un vice-roi rebelle >, alarmè- 

' Cooaervé dans l'histoire manuscrite de Las Casas. 
Niv. t. Il , Doc. CLXIII, p. 322. 

■ «Lès «■nnimiifl de Dîëgo Colomb, dit Herrera (Dec. I, 
lib. VII, c. 13), eurent recours à la calomnie pour 
l'accuser de vouloir se rendre indépendant, accusation 
déjà portée contre son père. Un homme de guerre, 
Amador de Lares , qui avait fait les campagnes d'Italie , 
«ut beau letu: démontrer que la construction qui^ leui: 



tzedbïGoOglc 



SECTION OEUXIÈUE. 373 

rent le vieax roi Ferdinand. L'île de Portorico 
(Boriquen, Isla deCarib, Isla de Sas Jnan) fiit 
«oustraite au gouvernement de don DI^o Coloâ et 
livrée 'à Tadministration de Ponce de Léon. Les 
vexations qu'éprouvèrent les îndigèties employés 
aux lavages d^or^ firent nattre une tévolte générale 
et ces combats sanguinaires dans lesquels le cbien 
Becerrillo > , cël^re à cause de sa force et de sa mer- 

paraîssaitcelled'unecofayifeWe était motivée par la cha- 
leur du climat. • C'est, je dois le répéter ici, une ac- 
cusatitm^toute semblable qui fut hasardée presqije trw» 
siëclee plus tard contre le jeune vice-roi du Mexique, 
comte Bemardo de ,Galvez, lorsqu'il construisit à grands 
frais le petit château qui couronne la colline de Cluqtol- 
tepec. Voyei mon Essai politique (a' édit.), t. Il, 
p. 93. 

■ Le nom indique le diminutif de becem, veau. Le 
Père Charlevoix , jésuite pas trop crédule d'ailleurs, a 
réuni les contes qiû drculaient parmi les conquista^ 
tadores sur l'esprit et la noblesse de caractère de Becer- 
rillo, que par erreur il appelle constamment BerezîUo. 
(Hitt. de S. Domingue, t. I, p. 281.) Après quatre 
années d'exploits, le fameux chien fût tué par les 
Caribes en 1 5 1 4 , presqu'au moment où il réussit à dé- 
livrer des mains des ennemis son maître , le valeureux 
Sanchode Arango. (Hehreka, Dec. I, lib.VlI, cap. i3; 
lib. X, cap. 10.) Il n'est malbeureusement que trop 



tzedbïGoOglc 



3;4 SBcnoH deuxièub. 

«eilleaie intelligence , rendit de grands services >nx 
Espitgnola. L'amiral don Diego , homme de inœur* 
trds douces , avait assez gënëralement U réputïtion 
de TaToriseF les indigènes : cependant des amis îm- 
pnidens l'engagèrent dans nne qnerelle de moines 
qui eut beaneoup de retentissnneDt à la cour. Il 
Toulut obtepir une retractation publique du pèr* 

certain que Gbristophe Colomb avait introduit l'abo- 
mindble usage de faire ,cOAibattre des chiens contre le* 
indlgtaes ."A pane eut^l j^ncpntré aon 'frère Barthé- 
teml k Hl^^ qu'il entreprit avfec lui ,'le %4 mars 149$ , 
une expédition contre le itti Manîcatex , dans laquelle 
il amena vingt chiens , perrot corsos ( fida àel Alm. 
"cap. 60). On se servait aussi de ces animaux pour faire 
déchîrei* ceux qu'on disait coupables. (Pttb. Makt. 
Ocùon. Dec. III , lib. I, p. 208.) Comme daua les 
.^errea civiles les peuples d'Europe ranouvelWnt tou- 
joùr» les cruautés des' temps les phis barbares , l'fSr- 
{lédition française de Saint-Ikuningue , eni9oa,Boua 
jaonlre noD-seulenWnt des nègres pris^mniera hrAléi 
à petit feu, au milieu d'une grande population, maîi 
.aussi des cbiens de Cuba , qui ont acquis une triste 
ccl^ritë., emfioyéa à k ehaitt aux koaunes. Cette 
.chasse a même été défendue au son d'une assemblée 
législative , à la Jamaïque , avec tout le luxe d'une éru- 
dition phliolo^que. Voyea ma Relat. kist. t. ÏII, 
p. 453 «.457- 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXIÈME. S^^S 

Antonio Montesino, religieux domiuicain, qui dans 
un sermoD chaleureux avait plaidé noblement la 
cmue des indigènes et accusé avec trop d'impéluo- 
sitépeuf-Mre les colons de r;ëduire i l'esclavage c«ux 
^e la religion et la loi déclaraient libres. Il arriva 
alors ce qui arrive le pluuouvent lorsque le pouvoir 
séculier exige ce que la lûérarcbieduclergé-regarde 
conuoe o^nsant pour son Honneur et pour son indé- 
pendance. Le père Montésino, excita paçlesupérieur 
de l'ordre , St mn second sermon plus hardi que le 
preoiier i il agissait dans te système de ses coreligion- 
naires) qui, comme dit Gomara > , (croulaient Ater 
les nature aui gens de cour et & tous les abseni 
( guittar ha . Indiosi a los cortesanoa y auserUea ), 
parce que ceux qui administraient en leur nom les 
maltraitaient. » Â cette époque» en i5ii , on ne 
complaît plus à Haiïi que 14000 Indiens , dont le 
nombre diminuait plus rapidement encore par les 
folles mesures que prit Rodrigo de Âlbuquerque , 
qui portait le dangereux titre .de Reparlidor de 
Caciques y Indios por los poderes reaies. Des 
causes si graves et des querelles d'une autre nature 
engagèrent l'amiral don Diego à demander son rap- 
pel en i5i4t la faveur tardivement accordée à la 

» HUt.dehd. fol. XVIII; Beuheba, Dec. 1, lib. VIII, 
cap. 11 ; Chabl£voix, 1. 1 ,p. 3ii, 3i3 et 336. 



tzedbïGoOglc 



376 SECTION DEUXIÈME. 

vice-reine de pouvoir se vélîr en soie » et d*étre 
seule exempte des lois contre le luxe dans les co- 
lon iès , ne pouvait le contenter dans une position si 
embarrassante. Il demeura en Espagne pendant six 
ans , forcé de défendre tes droits de sa famille et de 
son majorât contre le ûscal du roi dans le fameux 
procès (i5io-i5i7), dont les pièces récemment 
publiées ont répandu tant de jour sur les première» 
découvertes de Christophe Colomb. Depuis la mort 
de Ferditaand le Catholique , la monarchie Tut goa- 
veraée pendant quelque temps par le parti flamand, 
et M. de Chievres > accorda en fief les goureme- 
mens de l'ile de Cuba et du Yncatan , regardé ausrâ 
comme une ile k cette époque^ à Vjdmiral do 
Flandre , aous la promesse de peupler ces contrées 
de gens libres et de familles flamandes. Don Diego 
Colon eut beaucoup de psîde à faire r^oquer 
(en i5i^ ) une concession -entièrement opposée 
aux droits qu'il prétendait avoir hérités sur l'île de 
Cuba. Enfin renttéen grâce pour quelque tempsan- 
près de Charles V, il fut renvoyé â Haïti (en no- 

' Heulera, Dec. I, lîb. X, cap. 10. 

• • Mosiur de Gebres, ditnaïvemeut Herrera (Dec. II, 
lib. II, c. iq), principal consultor de las mercedesdel 
Rey, no sahia lo que eran lot Indiat.t (Voyez aussi 
t. Il, p. 381.) 



tzedbïGoOglc 



SECTION. DEUXIÈUE. 3^7 

vembre i530), et installé dacssonanciengoaTeme^ 
ment. La petite vérole y avait exercé de crnels 
ravages depuis deux ans; et une révolte de nègres 
esclaves qui pouvait devenir d'autant plus dange- 
reuse, qu'elle coïncidait (en iSss) avec la révoltedes 
Indiens d'Uraca , donna à don Diego l'occasion de 
montrer l'étendue de ses talens et sa grande activité : 
mais les haines de Figueroa , un des trois commis- 
saires envoyés par le cardinal Xîmenez à HaïU , et 
de longues querelles avec l'andience royale bâtèrent 
(en iSaS) son retour en Europe. Malade , il suivit 
la cour pendant deux ans à Burgos , à ValladoUd , 
à Madrid et à Tolède, toujours dans l'espoir d'être 
réint^ré dans la jouissance de ses privilèges. Il 
mourut le s3 février i536 , sans avoir pu atteindre 
la cour à Séville, voulant dans la route feire une 
neuvaine au sanctuaire de Notre-Dame de Gua- 
deloupe , pour laquelle il avait la même dévotion 
que le grand amiral Christophe Colomb. 

La vice-reine Marie de Tolède était restée avec 
une iâmille nombreuse (trois filles et deux fils) 
àBaïti. L'aînée des filles, Marie, devint religieuse 
dans un couvent deValladolid ' ; la seconde, Jeanne, 



» Cad. Col. Amer. p. LXIII ; mais d'après un arbre 
généalogique examiné par M. Washington Ii-ving 



tzedbïGoOglc 



378 SBCTIOIt DECXiilfB. 

M Duria ■ Louis de là Cueva ; la troisième, Isabelle, 
1 George de Portugal, comte de Gelbez , apparte- 
paoti une branche de la maiaoD de Bragance^^la- 
Uie en Espagne. Les deux fils du s«iond amiral àet 
indeSf DWgo, porlaien l les noms de Louis et Chris* 
.tOpl)e< Le premier, Louis, âg^seulemoit de six ans, 
fol reconnu dès-lors iroùièTne amiral des Jnâaa , 
mais sans que ce titre lui conférât quelque droit 
r^l. Il resta i Haiti pour le moins )nsqa*en i533 ; 
^ comme le |Mx>cès que son père avait commoieé 
contre le fisc durait toujours , il couclnt en Espagne 
plâme , se trouvant à la cour de Charles V, d'apréa 
les conseils de son oncle Ferdinand Colomb , 
«n i638 , un traité avec la cour , traité qui lui valut 
le titre de Capitaine général de File Espagnole. H 
repassa aux Antilles, mais sa mère la veuve vice* rnne, 
ajnut, dès la fin de l'année iSs; (HerrebA., 
Dec. IV, lib. IljCap. 6), demandé la permission de 
coloniser la province de Veragua , découverte eu 

(t. TV, p. 103), Marie, fille de l'amiral don Di^, fut 
marife iSanchode Cordova- Il e«t certain cependant 
que l'abbesse d'un couvent de Valladolid prétendait 
avoir part au majorât du défunt (jtfeni. rfe Turin, i»o5, 
p. 190.) Elle fondait peut-être ses droits aur la part due 
à uneautreMai'ie, fille du (nwV(«neiiflii>«/,ct religieuse 
professe aussi. 



jbïGoogIc 



SECTIOR DEUXIÈHB. 37g 

oelobre iSos par le premier amiral des Indes , 
Ghrisloplie Co1omb> il fit cession i l'empereur 
en l54o , des droits de safaïuille à la viceroyautéf 
et à la dîme de tous les prodaits (^decena parte de 
cualquier mercaduria, ditle troisième paragraphe 
de la capitulation du 17 avril 1493), <m échange 
des litres de duc de Veraguaa et de marqua» d» ta 
Jamaïque ' ^t d'une rente aannelle de 1 o, 000 doa- 
blons d'or. Nous rappellerpns à cetW occasion de 
nouTcau qu'en i497rChristophe Colomb avait d^ja 
f u acquérir letitrc de Duque de la £spanola, mais 
que par prudence il refusa ce titre et la dotation 
d'un territoire de izSo lieues carrées à Haïti. La 
famille de Colomb avait conservé une prédilection 
particulière pour la province de Veragua , qui 
parut à Cbrïstopbe Colomb le pays de la terra le 
plus abondant en or etoùileutlaprenùèrenouvelle 
de l'existence d'une mer & l'ouest. Aussi Christophe 
et son frire l'adeleatado Qarthélemij avaient fonde 
sur cette câte, près de l'embouahure du Rio de 
Belea, vis-à-vis de l'îlot appelé Escudo de Vera- 
gua , dana les terres du puissant Qiàbian ( catique) 

■ 11 parait que primîtivemeiit le titre fut marquis 4e 
la F'ega^ à cause d'une bourgade de la Jamaïque (ula 
de Santiago), qui porta ce nom. (Cbabiievoix , t. I, 
P'477-) 



tzedbïGoOglc 



380 SECTIOn DEUXIÈME.' 

de feragi4a ^, le premier pueblo de Christianoa > 
dans la Terre ferme , espèce de fortin semblable 

'Veragua, Cubagiuet Inagua, soDt des noms in- 
diens tirés de langues américaines très différentes , et 
sans doute d'autant plus altérés et viciés qu'ils sem- 
blatoit offiir des terminaisoiiB romanes. Pour qu'on 
n'accuse pas le prote d'une erreur typographique , je 
ùàa observer qu'en écrivant duqut de Feraguas , je suis 
l'usage introduit en Espagne, tandis que le pays est 
cotîstanunent nommé par Cbristoplie Colomb ( dans la 
LeUera rarùjima'), et par le fils, dans la F^ù de Ma 
pére,etparPierreMartjr(0(;^aji.p. i35, i89eta37), 
comme sur les cartes modernes du dépâi hydrographique 
de Madrid, Beragua ou Vtragua. Mendez dans sm 
testament (Nav. 1. 1, p. 3i5), dit Veragoa. 

■ Lettre de la Jamaïque, du 7 juillet i5o3 (Nat. 
1. 1, p. 3oa); Vida del Alm. cap. ^S-ioo. Le Rio de 
Belen , qui dans le testament de Mendez est nommé 
Yeira, appartient aujourd'hui à la province de Panama, 
formant presque la limite entre les provinces de Panama 
et de Veragua. L'ad^antads Barthélemi Colomb, le 
marne qui, selon Las Casas (Wasb. Irv. t. I , p. ga ; 
t. II, p. 316), accompagna Diaz dans le voyage de 1486, 
et qui , revenant d'Angleterre, apprit, en i493i à Pam, 
k la cour du roi Charles VllI Ç^Fida, cap. 60), que 
son frère avait réussi dans son vaste projet , mourut à 
Haïti, comme gouverneur à vie de l'Ile Mona , en 
i5i4j la même année dans laquelle le roi Ferdinand 



tzedbïGoOglc 



SECTION deuxième; 38i 

aux anciens com^ilot/'â portagaiseù Afrique, etqa'il 
fallut honteusement abandonner après un séjour de 
• quatre mois , en avril i So3. Il en a ëtë de Véragua 
comme du Darien, dUraba, de Cnbagua et de la 
cAle de Paria, dont les noms ont été connus dans 
toute l'Euri^ie civilisée jusqu'au milieu dn seizième 
siècle. Les pays découverts les premiers sont aujour- 
d'hui oubliés et presque déserts. 

Le troiaièTne amiral des Indea , don Luis CoIod, 
premier duc de Veragnas , dont la régularité des 
mcears n'a pas été trop vantée ', se trouvait & Gènes 
en i568. Il y avait porté le manuscrit de son oncle 
Ferdinand , qu'il remît entre les mains de deux pa- 
triciens, Foroari et Marini. Je ne trouve pas indi- 
quée la date précise de la mort de Louis , mais il est 
certain qu'il mourut sans laisser un fils légitime ; 
car Christophe j qui figure dans le procès de i583, 
étaitun en&nt naturel. C'est à Di^o, fils de cet au- 
tre Christophe Colomb , qui était frère du troisième 
amiral et d'Isabelle^ comtesse de Gelvez, que re- 
lui fit proposer d'aller coloniser le Veragua , parce que, 
coofbnuément aux prïvil^es de la &miUe, cette terre 
appartenait à la govemacion de l'amiral Diego Colomb. 
(Heer. Dec, I, Ub. X, cap, io.) 

' Luigi Colombo pertona di vita Jittolula, dit Spc^ 
tomo( Co»/. p.LXlII). 



tzedbïGoOglc 



âSa SVCTIOH DIUXIÈHK. 

vînt le majoyst et ralmirantasgo de laa IntUag. 
Avec csqualrième anàral, don Di^o Colon , se- 
cond dm de F'eragiuu, 6nit^ en 1S78, toute It 
\\f,aée mâle et légitime du grand CotoDib qni d^- 
GOUTrit le Nouveau Monde. 

L'héritage d'une fisiille illustrée par la gloire de 
cet homme «xtraordinaire, alliée aux maitons d'Albe 
et de Bragaoce , par conseqoent , ea remontant k 
Ferdinand le Catholique et à Jean l", alli^ aux 
maisons royalea d'Eipagneet de Portugal, était vu 
appât qui devait faire naîtra bien des espérances. 
L'acte de TinatituUon du majorât (29 février 1498) 
perlait : 1° quç lorsqu'il n'y aurait pins de descen- 
dance mâle de Diego et de Ferdinand, fiU, et de 
Barthûlemi et Dit'go, îrèiea Aa premier amiral , le 
majorât rentêrmant les titres de Almiremte mayor 
del mar Oceano, Viaor&yy Gchemardor àélaa 
Indiaa y iierra firme , devait passer en héritage 
aux parens mâles les plus proches qui aient , 
eux et leurs aïeux , toujours porté le nom des Co- 
lomb ; 3' que le majorât ne passera âux femmes 
que lorsque dans aucun autre coin du monde 
{en olro ca6o del mundo) il ne se trouvera nulle 
part de descendans on parens mâles de la véritable 
race {linage verdadero), Christophe Colomb a 
donc évité très prudemment d« déngner quels sont 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXIÈME. 383 

les parens àe ■& « véritable race » en Italie j il ne 
nomme ni les Colomb de Cogoleto , ni cens de 
Plaisance, ni ceux du chàteaa de Guccaro. 

Le procès n'a oommence qn'en i583 , cinq ans 
après le décès da quatrième amiral,don Di^o. Les 
parties litîgantes faisant acte d'héntîers, étaient aa 
nombre de trois , en ne comptant pas une comma- 
oautë de retigiaues à Valladolid, et Christophe Co" 
lomb , fils naturel > du troisième amiral Louis. Un 
homme puissant en Espagne , Georges de Portugal , 
comte de.Gelvex, époux d'Isabelle Colomb , taote 
da guairième amiral donDi^o, décédé en iSyS, 
plaidait contre Balthasar [Baldasarre) Colomb, de 
la famille des seigneurs du Cuccaro et de Gonzano, 
et contre Bernard Colomb de Gogoletoou Cogoreo. 
Ces derniers chercbaient à établir que le fameux ami- 
ral Christophe Colomb descendait en ligne droite 
des seigneurs du château de Cuccaro, et que ces 
■eigneursétaientlasouchedes Colomb de Cogoleto, 
près de Gines, et de Pradello dans le Plaisantin. 
Commeles mêmes prénoms de Dominique, de Chris- 
tophe et de Barthélemi se répétaient souvent dans les 
diilérentesfamdlesqui portaient le nomdeGoIomb, 
il était facile de profiter de cette circonstance pour 

^Mem.diTorino,i8o5,ç. tgi. 



tzedbïGoOglc 



384 SECTION deuxièue; 

&yorûer des râv«a généalo^qnes. Dominique , le 
pire du premier amiral, devait être une même 
persoane avec un certain Dominique , feudataire du 
château de Cuccaro, frèrede Fraoceachîao et fila de 
Lancia de Cuccaro. De Francescbino descendait 
Balthasar qui prétendait à la succession du majorât 
puisque son quatrième aïeul paternel, Lancia, ëtaït, 
aelon lui , le grand-père du fameux Ghrislophe Co- 
lomb. Ce Ballhasar, qui se disait cofeudataire de 
Cuccaro, vivait pauvrement à Gènes , où cepeudaut 
il s'était allié à la famille patricienne desLomellînti. 
Quant à Bernard de Cogoleto , il prétendait âe»< 
cendre de l'ad e lantado Barthélpmi Colomb, frère 
dn premier amiral, puisque son cinquième aïeul ( 
Nicolo , frère de Lancia de Cuccaro , était venu s'é- 
tablir & Cogoleto vers le milieu dn quatorzième 
nècle, et avait laissé deux fils , Barthélemi et Chris- 
tophe. Dans cette hypothèse l'aînë étmt idenliqué 
avec Vadelaniado ^ et le cadet avec le marin hardi 
connn sons le nom de Tamiral Colombo U Giovaru 
{el MoBO =) que Christophe Colomb a long-temps 

1 Sa femme était Bile de Benedettïna Lomellini et à» 
RafiaeU V^dimare OUva (Corf. Col p. LIV.) 

» yidadelAlm.cB.p- 5 , oii il est dit .que son nom 
seul feisait peur auxenfana. . C'est Yaekipirata illtutre 
de Sabellico. Christophe Colomb a vraisemblablement 



D.nt.zedbïGoOglc 



SECTION DEUXIÈME. 385 

suivi dans ses courses aventuréuscs et guer- 
rlùrcs. 

On tûchait de prouver par les lémoi^ges d'un 
Milanais, Messcr'Doménico'Frizzo, et d'un Mont- 
fcrQitHi, le ma ffmfico aîffnor 'Baaffoaao.i Cota»- 
chn, que Cbrîstophe Colomb , n^ au chÊtenn de 
Cuccaro oi^ âtmeurait ton père Dominique, fils 3e . 

auBsî uariguâ avec un autre amiral génois plus ancien, 
et ÂeloQ Ferdinand f également ■ grand homme de mer,* 
On nomme généralement les deux amiraux du. nom de 
Colombo, antérieurs à Christophe Colomb, oncle et 
neveu, mais tout est embrouillé dans leur histiûre, 
leur parenté, leurs prénoms et les époques de leurp 
exploits , intimement liés à l'histoire de Gènes et de la 
maison d'Anjou , de i46a à i465. Je vob que d'après 
les docimiens du procès de 1 583, le moio s'appelait Chri^ 
tophe, et l'aine Franceaco, et que UMoto était petit 
neveu de l'atné. En remontant plus haut on trouve 
Fs^ario Colombo, feudataire de Cuccai'O, dans le 
duché de Montfêrrat, père de trois enfàns, savoir : de 
Henri dont les fils sont Nicolo et Lancia, de l'amiral 
Francesco et d'Antonio. Cette généalogie semble Sta- 
gner beaucoup Fmncesco de la jeunesse du célèbre 
Christophe Colomb. D'ailleurs ce n'est pas Cohmio et 
Moio, mais l'ainë des amiraux que Chaullepié, dans 
les Supplémens au Dictîonnaii'e de Bayle, désigne sous 
le nom de Cliristophc. 

m. 35 



tzedbïGooglc 



OOb SECTION BEUXIBHE. 

Lancia, avait pris la fuite encore eniânt et conjoio- 
tement avec denx autres frères. Ils âaieat alla i 
Savone dans l'iatentioii de s'j embarquer pout'ne 
plus revenir dans le pays. Pour apprécier ce lémoi- 
ptmge à sa jiute valeur, A suffit de rappelât que 
Comachia dit avoir entendu ce fait de la bouche dt 
, Mn graivl-père qui mourut à Vdge de otnt vingt 
ana '. tJn comte Albert de Nemours (les docu- 
mens du temps écrivent Namors ) se souvient , igé 
de soixante-treize ans, qu'étant enfant , son maitre 
en expliquant Virgile , disait qu'Enée a'ëtait enfui 
comme le fils du feudataire de Guccaro Dojnénico f 
lequel fils avait plus tdrd découvert les Indes pour le 
roîd^pagne. » De confuses réminiscences de vieil- 
lard ne peuvent être opposéesà des faits bien établis. 
Dominique , le père du grand amiral , vivait encore 
en 1494^ comme on le sait par la signature à la- 
mieUe sont ajoutés les mots oUm texlor patmoramy 
et Dominique , cofeudataire de Cuccaro et Gon- 
Muo >étaitmort38 ans plus l6t, en i456. Le père 
de ce dénier était Lancia di Cuccaro , tandis qne 
l'autre Dominique (père dn grand amiral et mariéfi 
SuianneFontanarossa), âMttâs AeGiovanni Co- 



' Ment, di Thrino, i833, p. i58, i64, 
» Cod. Colomb.-Amer. p. LXVIII. 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXIÈME. zB^ 

lombo di Qumto.^\ existe en effet une bourgatle-du 
nom de Quinto à l'est de Gênes. Piès de là est le 
petit village de Terrarosaa, et cette proximité ex- 
plique comment Ferdinand Colomb a pu dire dans 
la P^ida deî ^Imirante, cap. lo , « qu'il a troufé 
plusieurs signatures du père, d'après lesquelles, 
avant d'»voir acquis les titres accordes par les mo- 
narques espagnols, celui-ci signait Columbaa de 
2'erraruhra, » La mappemonde ' que le frère de l*a- 

• Vojez tom, I , pag. 85. Gampi , dans la S/oria di 
Aocenia , et plus récenuneot le comte Napione, aux- 
quels les mots : Janua eut palria est déplaisent beau- 
coup, regaixlent l'inscription en vers ccmune interpolée 
per&'aude. Mem. df Torino, i8a3,p. i33. Si Bartbë- 
lemi a eSèctivpneot suivi , comme nous l'apprenons de 
Las Casas (^Mst. Ub. I, cap. 7) la célèbre eupédition 
de Diaz dans laquelle, avant Gama (voyez tom. I, 
p. agS), le cap de Bonne- Espi^rance fut doublé, la 
mappemonde offerte à Henri Vil , a été tracée immé- 
diatement après le retour de cette expédition. Je dois 
Aire remarquer à cette occasion que la note écrite de 
la main de Bartbdemi C(^mb , et finbsant pai' les 
mou : «i'ëtaia préamt, » a été U-ouvée par Las Casas 
en marge d'un Traité sur la Sphère du cardinal Pierre 
d'Ailly (Pedi-o de Abaco), ce qui ajoute aux «nsei- 
gnémens que j'ai donnés au commencement de la iVf- 
mi^re.$«t'on de mon oavrage(tom.l, p. 65-78), refe- 



tzedbïGoOglc 



38S SECTIOIt DEVXIÈBIB. 

mirai, Barlh<^l(niî « présent» au roi d'Angleterre 
Henri VII, porte aussi s Pro pictore, Janua cui 
pairia est, nomen cuiBarthoUmwEua Cobonbua dé 
Terra Rubra, opta edidii iatud Londin. dû 
-iSkh. 1483. Il est probable qae les paréos de l'a- 
miral qui , comme nous Tarons vu plus haut, avaient 
deux habitations dans la ville de Gânes, pess^aîent 
Musi dans un autre temps ijaelqties biens ruraux 
près de Quinto '. Le qhengwnent du nom italien 
OJombo en Colon, ûf selon lliîatoriograplie de 
ramîral, élu fait en Espagne u pour lui donner une 
forme csjngnde {Fida, cap. 1 ) et pour s'^ioigner 
davanb^e, en rejetant quelques lettres {eî jâlmir 
renie Umb el <voca£/o) du nom des paréns collaté' 
raux d'Italie. * Munoz a adopté cette opinion, mais 
il parait certain que plus anciennement d^a , dans 
le ducbti de Montfêrrat , le ^peuple a nommi5 les 

tlvemeot à la prédilection de l'amiral pour les écrits de 
l'évéqûe de Cambrai. 

' I^e surnom de Terra-Rossa appartient d'ailleurs 
à des &mille8' entièrement distinctes. Il eiiîste un ou- 
vrage très curieux sur les découvertes maritimes at- 
trUtuées aux Vénitiens par lebëuédictin Vitale Tebba- 
RossA, Rifiesiioni geogrpficlu! rirca te ferre iacogaile 

dislete in ossequi'o perpétua tietla Noillfà Vcieùana. 

Padbvn, iCa;. 



tzedbïGoOglc 



SECTION DiEUXiÈHE. Sltg 

feudataircs du Cuccaro Colon au lieu de Colombo. 
( GA.NCBLL. p. 137-129.) Quant ù rainïral> od le 
trouve souvent mentionné dans les documens de la 
fin du (|ainzlènie siècle Jojs les noms deC^j^m^et 
Colomo- 

* Je ptùs offrir^ comme exemple, ta lettre du duc de. 
Hedina Oli au Grand Can//na/ d'Espagne, ëcrite qua- 
tre joiu^ après le retour de Christophe Colomb de sou 
premier vojage. Ce duc, le premier de sa maison, 
Louis de laCerda, ag vante (Mars i49^)d!avoir empê- 
ché Crûtobal Cohmo d'offrir'son projet »u roi de 
France , et de l'ovûr recommandé au ministre dM fi- 
nanc», AlouzodeQuinUnilla. (Nav. t. lli Doc. XIV.) 
Dans les anciens r^islres du trésor (^Hbros decutntu 
pour les années i'464i i466, i488et 1493, on U'ouve, 
à l'occasion de petites sommes paj'ées à l'amiral , • à 
casse de quelques services rendus à Leurs Altesses , • 
tanlât Colon, tantôt Calomo, élranger. La dernière 
forme du nom est répétée dans l'ordre du 1 3 mai 1 4% , 
d'après lequel l'amiral , dans ses voyages à la cour , dtrit 
être logé, mais non noturi gratis (Niv. t. Il, Doc. II 
et IV), comme dans le titre de la traduction qu^^ 
Gozco, en mai i493, de la lettre à Raphaël Sànxià. 
(Vojez tom. II, p. 334-) L'historien Oviedo a même 
préféré très tard (il n'eut la charge & cronitta qu'en 
1 538) le nom de Colom , dont il se sert généralement. 
Depuis la rddaclion des capitulations (17 avril i49^)) 
qui , avec une coïncidence de noms assez curieuse , ont 



tzedbïGoOglc 



3^0 SECTION DEUXIÈME. 

Dads le procôs (jui a àavé de iâ83 à 1608, pnce 
qa'il excitait la cupidltc des avocats espagnols et 

été rédigées par Juan de Çoloma, secrétaire du nû» 
les documens officiels portent toujours Cristobal Colon. 
£n latin on trouve , dès la fin du i5° siècle , plus sou- 
vent Colonus que Columbus. Pien'C Martyr parle d'un 
certeinCo/oniu (Epist. ÇXXX). Le pape Alexandre VI, 
dans les bulles des 3 et 4 iiiai iig3, emploie l'ejtpres- 
sion Chris tophor us Colon, -sans flexion grammaticale. 
L'évéque Geraldini, dans sa lettre en style lapidaire ^ 
adressée à Léon X, dit : Colonus Ligur, œquinoclialis 
flagff inventor. Je trouve Columbus au lieu dé Colo- 
nus dans Bembo {^Hist. Fenet., i55i, fol. 83), etdans 
le célèbre Ulherarium P^rlugalenstwn è Lusitanià in 
Indiam (éd. i5o8, fol. LU), que te père Madrignaoi a 
calqué sur la Collection de voyages de Francaiano de 
Montaboklo. J'ai suivi l'usage assez bizarre, mais gé- 
néralement adopté en France, d'écrire Colomb. Cet 
usage date d'assez loin. Le tiaducteur à» l'bisloire na- 
turelle d'Acosta , Robert Regnaud , qui dédia son ou- 
vrage au roi Heori IV, parle toujours de Chrûiopke 
Ço/omô(éd,. dÇi6o6,p. 38). Voltaire a tenté d'intro- 
duire la forme plus correcte de Colombo, mais cette 
innovation n'a pas réussi. Les Anglais et Allemands 
écrivent Columbus,- cependant le premier ouvrage 
allemand dans lequel on ait pailé de la découverte de 
l'Amérique , le rare ouvrage de Jobst Rdcuuieb , Un- 
bekanlhe landle und ein neive ffeldle in kuriz verganger 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXIÈME. 39I 

li^ricns , le comte de Gelyez et les autres héritiers 
en Espagne n'avaient aucun intérêt de repousser la 

ze;ytlu erfunden. éd. de Nuremberg, i5o8, cap. 64, (pie 
possède la bibliothèque royale de Berlin , et que le sa- 
vant Camus (^Mém- 'Ut Us coliect. de voyages àes de 
Biy et de Thévenol, iSoa, p. 344). dit n'avoir pu 
trouver à Paris, nomme constamment, en allemand, 
Christophe Colomb Ckristoffel Dawber, c'est-à-dire, 
ChrisUiphe Pigeon Mâle. Cest une manière de germa- 
tùâer le« nCHDB étrangers En les tradiùsant, comme long* 
temps on les avait latinités ou gréeisét. Le mèm« Ru- 
shamer décrit l'expédition de Guerra et de Per (Pedro) 
Alonzo NiAo (Gomaka, loi. i3; Hekreka, Des. I, 
lib. liV, cap. 5), !t la côte de Coro et Cauchieta, «H 
ÏMTibnantk AloiuuT Schwarixe (R.DCHAHEa,cap. 10^ 
m ) ; c'est encore la traduction d'un nom , et celle d'un 
nom acddoiteUement travesti. Rucham»- a trouvé dans 
Yltinerarium Portugalemium (cap. 109) : Peiriu Aioif 
tus diclus Niger, au lieu de Pttrus Alfantus Nigmt$ 
('Nifio), comme dit Pierre Martyr d'Anghiera ( Oeea*- 
m/ea, Dec. I|,lib. VIII, p. 87). L'audace avecla^ll« 
un des plus grands noms de l'histoire , celui de Colomb, 
a été travesti en Christoffel Dawber ,Awat£ àl'ancieime 
traduction allemande du Mondo Ifovo et paeai nuov»- 
mente relrtvati de Moataboldo (Nat. t. ill,-p. 187), 
une physionomie très étrange. Des chsngemens ana- 
logues à ceux que le nom de l'aibiral a subie en ItahOf 
et en i^pagne, où ou le trouve écrit Colon, Calun et 



tzedbïGoOglc 



392 SECTION DEUXIÈME, 

parcntiî avec l'illustre maison des Ceudataires de 
Cuccaro. Celte parente, qui flattait leur vanité 
nobiliaire, pouvait £trc reconniie sans que pour 
cela Baldassaro di Cuccar* eût droit, à l'héritage 
même; le conseil des Indes interprétait l'institution 
du nujorat de ma nitre. qu'il ne devait ^s passer! 
des agnats, ouis sculeme^it t la deïccn chance de 
l'amiral ', Si celui-ci s'était enfui encore entàntdu 

Cohmo BU 'lieu de Cohtmho, se r^irodiÙMq^ dans 

d'autres làmilles qui n'ont aoÉune prétention de des- 

c<mdre de Cogoleto ou du château de Cucgoro. Les Ç»- 

: l'édit de 



uf , Hisi. 

Baltasar 
inùrante 
Fi Tbrtno, 
de Pran- 
iceicHiAo 
tHâit , selon l'hypothèse qui confondait Domenico Co- 
lombo di Cuccaro , mort en 1 4^6 , avec Domenico Co- 
lombo de Gènes , l'onde di) grand amira) ; Balthasar 
n'était d<»ie pas de la tige descendante. L'interprétation 
des clauses poturait paraître forcée en ne consultant 
que les documens imprimés aujourd'hui, car ■ les 
fémnes ne devaient succéder que lorsque dans quelque 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXIKHE. 3^3 

château de Cuccaro et s'il HTait regard*; comme fa- 
cile de prouver sa pareuté avec les feudataires du 
Montferrat , il n'aurait certes pas manqué de faire 
valoir ses droits de noblesse lorsqu'il s'établit en 
Espagnc> lorsque le titre de don lui fut promis 
comme prix futur ' de sa découverte et surtout 
lorsqu'il ibada un majorât. C'était même un usage 
établi de faire meulion de l'illustration anquise 
dans^ un autre pays au moment où l'on ambi- 

olro tabo del mondo il n'y avùt plus de parent du nom 
de Colomb. ■ Ce pcunt liti^ux se trouve esposé avec 
beaucoup de cl 
les ilem. dî H 
* Je ijUs HiU 
ne promet la di 
de viee-Toi et 
rexpédîtion se 
nal qui aura é 
vante des fàvet 
mbiir et lui a 

eiduU Tir^ate^àa w \tiia i^gi , trouvée dans les archi- 
ves di te époque le grand homme 
n'etai •.ommtnueslro capiton CrisKt- 
hal Cl is tôt , dans les capitulations, 
le don î , ce n'est que dans la partie 
rédigée par Colomb lui-même, non dans celle qu'a 
i-édigée le aecrétaire-d'État. 



DotzecliïGoOgIC 



3g4 SECTION DEUXIÈME. 

tionnait ud titre de noblesse dans la Péninsule. Il 
a fallu quatre générations pour transformer un fa- 
bricant de draps de Gènes , Dominique Colomb 
iexlor pannorum , dont la fille avait épousé le 
charcutier Bavarello, en un seigneur feudataire des 
châteaux de Cuccaro , Conzano, Bosignano, Lu 
et Âharilla. Les généalogies n'bnt jamais manqn^ 
ans hommes qui se sont rendus célèbres; et quelle 
qu'ait été la noble fierté de l'élévation des sentimens 
de l'amiral , comme il vivait au sein d'ane naiioa 
nourrie de p^jugés chevaleresques, il n'aurait pas 
dédaigné le prestige des mythes de la généalogie, 
s'il n'eût craint d'attirer imprudemment l'attention 
sur ce qu'il aimait h cacher aux Espagnols. 

Le problème de la patrie de Christophe Colomb 
renferme d'ailleurs deux points entièrement dis- 
tincts. Quoique selon toutes les probabilités Boc- 
cace soit né à Paris , on ne lui refiise pas pour cela 
la qualité d'Italien. La naissance de Colomb k Gè- 
nes , l'établissement de ses ancêtres, du moins de 
son père , Dominique , et de son aïeul , Gîovani dl 
Quinto , dans cei villages voi- 

sins, jie paraissent ■ les preuves 

que nous avons al qui portent 

le même nom pei rapport de 

parenté si ce nom eiprime un 



jbïGoogIc 



SECTION DEUXIÈHS. SgS 

mtîtier , une charge , une prorluction de la nature. 
Les armes sont alors le plus souvent parîc[nte9,«'est- 
â-dire àes hic'rogljpbes d'un nom , et leur identité 
établit tout aussi peu l'identité des races. Les fen- 
datairei de Cnccaro ont des colombes dans leurs 
armes , et i\ fiiut presque être surpris de voir que le» 
0>^m£o de Gênes aient remplacé ^ ces colombes , 
inugea d'un nom de familte , par une barre azurée 
Sur fond d'or, mais s'il n'y a pas nécessité absolue 
d'admettre la parenté de toutes les familles d'un 
même nom , de Gênes , de Cogoleto, de Plaisance 
et du Montferrat , il y a pourtant , par la proximité 
des iieus, quelque vraisemblance que cette parenté 
eidste k un degré plus ou moins éloigné. Cette 
croyance ^ tfouTe forti6ée par un témoignage de 
Christophe Oolomb qui fait allusion à l'amiral Co- 
lombo et Mozo de Cogoleto , dont j'ai eu occasion 
de parler plusieurs fois. Le fragment d'une lettre 
citée par Ferdinand Colomb (cap. 2j renferme ces 
mots remarquables : « Je ne suis pas le jifemier 
amiral de ma famille ; qu'oe me nomme comme oo 
veut. Davtdy.ce roi si sage, a gardé les brebis «t puis 
il fut roi de Jérusalem. Je sers ce mime Oieu qui 



» Cod. Col-Àmer.,p. LXXXVIII. 



tzedbïGoOglc 



3g6 SECTION DEUXIKHE. 

éleva David ' » Celte lettre «lait adressée à YAma 
ou nourrice de l'infant don Juan*, et le peu de 
lignes qui nous en reste semble prouver que Chris- 
tophe Colomb se justifiait de quelques reproches. 
« sur l'obscure naissance de l'étranger. » Comme le 
fits dit clairement (cap. 5) en parlant du célèbre 
marin appelé Colombo el Mozo, qu'il était de sa 
famille et de son nom (^de au familia y apellido), 
et comme de plua il mconte avoir été à Cugureo 
(Çogoleto), parce ijue l'on croyait (ae ijecta;que 
les Colombo de ce cAf^nu étaient un peu parens 
(algo parUnteg) de l'amiral (cap. 2), il ne peut 
être douteux que le fragment de la lettre désigne 
CtÀombo el Moso, natif de Cugureo. Or les Colomb 
de Cuccaro se sont établis, après l'année i54i , & 
Cugnreo, ce que probablement l'amiral ignorait 

• Le texte porte : > QuepusoaDavtdeneate estado.» 

* Dona Juana de la Toire, sœur de cet Antonio de 
TOrref , qui avait accompagne Colomb dans la seconde, 
expédition. La lettre dont le fils nous a conservé un 
fragment , n'est pas la Carta al Ama qui a été éaûte 
loi:sque Colomb arriva comme prisonnier à SéviUe, et 
qui a été trouvée dans les archives du couvent de Santa 
Maria de las Cuevas, à Sévîllei (L. c. p. 39&-3i8^. 
Cette demièi'e ne paile pas de la parenté avec des ami- 
raux g<5nois. 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXIÈME. 3gy 

lui-m£ilie, et ce n'est que par ce rapproclieoient 
qu'on est foudi^ d'admettre que le grand homme, 
en se croyant, par ses ancêtres, vn peu parent de ta 
branche de Çugareo, l'âait aussi, sans le «avoir, 
de la branche de Cuccaro ou du HontEerrat. Ces 
faibles rapports de parente « cette pr^mption de 
descendance d'une souche commune au-deU de la 
moitié du quatOrziÈme siècle, ne doivent pas > je 
pense, ëhranler l'ancienne opinion qui fait conit- 
â«rer Christophe Colomb comme Giînois. 

La sentence qui transmit toat l'héritage de dott 
Diego Colomb, quatrième amiral, au mari de sa 
tante Isabelle , le comte de Gelvez , fiit publiée le 
a décembre i60'J. Baldasarre Colombo di Cuocaro 
reçut deux mille ' doublons d'or , somme modique 
en comparaison des frais d'un procès de vingt-cinq 
ans. Gelvez prit le titre de Colon de Portugal y 
Castro, Almirante de laa Indias^ Adelantado 
Mayordeeîlaa, Duque de fera^gua y de la Vega, 
Marques de Xainaica, Conde de Gelvez, Lorsque 
sons le protectorat de Cromwel, ca i655, les An- 
glais entrèrent eu possession de la Jamaïque , la 



■ Et non ta,ooo, comme od l'a souvent imprimé. 
Comparez C. Cotod,- Amer., p. UCV, et Meni. di 
Torino, iaa3,p. ia3. 



D.nt.zedbïGoOglc 



ÔQ» SECTION DEUXIEME. 

famille Colomb demanda à la cour un dédomma- 
gement pour les rentes perdues dans son marquisat. 
Après de langues et vaines sollicitations, Pedro de 
Pftrtugal obtint , en 167 1, un dëdommagemeat p^ 
cmiaire. Ik m^oire ^ qu'il publia à cette occasion 
iwierme l'éloge à\x premier amiral, Christophe Co- 
lomb, «auquel Dieu avait fait la £ivenr peu néces- 
saire, i cause des grandes qualités qu'il posy^dait, de 
le faire descendre en ligne directe des illustres feu- 
dataires du château de Cuccaro. » I) n'était plus 
âAngereaidcreconnaîtrecette généalogie qui, avant 
1603, rendait l'kijritage incertain. En fjii, Phi- 
lippe V accorda la grandesse d'Espagne à la famille 
dn duc de Veragua 2. 



' Ment. diTor. de i8o5, p. lai. 

■ Je vais réunir dans celte note les tilres des piinci- 
paux ouvrages qui traitent de la patrie de Christophe 
Colomb 1 AuGBSTiK, GiDSXiNiAHi, Psaltcrium he6r. gTOBC. 
arab.chald. iSiC. Antonio Gallo et Senarega, dans Mu- 
KATORi, Ber, liai, script, t. XXIII, p. 243, et t. XXIV, 
p. 535. Basros, Aiia, Dec. I, lib. III, cap, a. Jul. Sa- 
Unerui ad Tac. Anal. 1602. Pietro M*ru Cahfi, Iitoria 
aniversale di Piaeema, ifîGi. C*S0N1, Annali dellaRep. 
di Gcmva, 1708, p. 271. Tibaboscui, Liit. liai. t. VI, 
P. 1, p. 171. Ehgio sloricodt Crin. Co'omho e i^An- 
drea Doria , Parma , 1601. Gukfiungesco Galeasi 



tzedbïGoOglc 



SBCTION DEUXlànï, 399 

Signature. — ■ Les Espagnols ont couKrvc jus- 
qu'à m» jours dans la vie commune la signature 
avec paraphe accompagnée souvent de phrases 



Napiohe di CoccOBAto, dans Mem. deWÀeùd. di Torino, 
i8o5,p. ii6-a6a,et i8a3,p. 73-172. Frakc. Cahcel- 
LiERi, Nol.stor. di Colombo ,1^0^. Galeuii Napiohe, 
Patria di Colombo, Ftr. 1808. Domehico Franzohe, ^ 
Vera patria di Crisl. Colomlo, i8i4- Serra, Culkzoa 
X PiACGio , dans Mem. delf Acad. délie séisme di Ge- 
nova , i8i4> Marcresse Dukazzo , Elogio di Colombo, 
Panna, 1617. Bossi, Vita di Critt. Colombo, 1818. 
BuscKi, Ofserv, sul clima dellà Liguria maritùna, 
1818, 1. 1, p-, i43- Spotobho Origine e patria di Crise. 
Colombo, 181g. Bellobo e Vehnazia, Noi. deUafami- 
glia di Colombo, 1813. Zirau, fiaggiat. Vêneziam, 
t. III, p. 4i2- Spotorno , Codice diplom. Colombo- 
jtnuricoMo, i8i3. Natarrete, Coleccion de viager, t. I, 
p. LXXVII-LXXIX. LeHera del conte GaUani Napione 
al ehiM: tiglon ff^ashinglon Irviiig , i6iiQ. Lorsqu'on 
fait une étude sérieuse des documeua relatifs à la vie 
de Christophe Colomb , on ne peut que gémir surfin- 
cntitude qui règne dès que l'on arrive à la parde de 
cette intéressante vie antérieure à l'année 1487. Ce re- 
gret augmente quand on se rappelle tout ce que les 
chroniqueurs nous ont conservé minutiBuaement tua 
la Tte de Becerrillo ou sur l'éléphant Aboulabat que 
Aaroum al Raschyd envoya à Charlemagne. 



tzedbïGoOglc 



400 SECTION DEUXIÈME. 

trâi compliquées, et très uniformément répétées. 
Dana le moyen &ge , pour se distinguer des Manres 
et des jaifi si nombreux dans la Péninsule avant le 
si^e de Grenade, on faisait précéder le nom , par 
dérotion , de quelques initiales d'un passage bibli- 
que ou da nom des saints auxquels on se recom- 
mandait plus particulièrement. L'amiral signait 
toujours , même dans les lettres familiârcs adressées 
i ses enfans : 



X M Y OU X M Y 

XPO FERENS. EL ALMIRANTE. 

La seconde forme ne se trouve qu'une seule fois ^ 
dans la signature du testament et de l'iustitution dit 

t Ce n'est ausn qu'une seule fois que l'on trouve U 
ûmple signature Xpo FerenB , sans les sept initialea. 
Voyez la lettre du a5 février 1 5o5 , dans laquelle îi est 
questùm d'Amëric Vespuce. Le mélange des lettres 
grecques (X, P) et latines est très commun en Espa- 
gne, deméme que chei les théologiens ChrUtifir, ClirU- 
tifenu et Crittiger (Cahcelueri, p. 4)) pour **">* 
Christophe. Nous verronsdans la Tivùtéme Section, 
sur la carte de Juan de La Cosa , un dessin ingénieux 
qui fait allusion au prénom de l'amiral » alors ami 
de de la Cosa. 



tzedbïGoOglc 



SECTION DEUXIEME 4*>t 

majorai, le 32 février i4d8. Le mot jiljniranle 
prend la place de Chriatofire/is, peat-étre & cfase 
de la condition imposée dani ce même docament à 
don Diego et à sa prim<^ëniture , de ne jamais si- 
gner aulrem.eQt a/ae el Alnùrante, qaand même ils 
auraient d'eutrestitres '. En examinant les lettres 
de Colomb , on ne peut être assez frappé de la pé- 
dantesque unirormîté avec laquelle le graad homme 
peignait celte longue signature et séparait des sept 
mystérieuses ïnîtialçs quatre seulement par des 
points. L'authenticité d'une pièce est oontestéc 
(Nav. l. n, p. 3o7 ) dès que le* initiales X M Y 
ont des points aussi on que dans XPOFERENS le 
XPO n'est pas séparé de FERENS.. L'imitation de 
cette longue et fastidieuse signature dans laquelle 
disparaît le nom de Colomb, est expressément pres- 
crite aux successeurs dans te majoriit, « Je veux, 
dit l'amiral, que celui qui est mis en possession du 
majorât se serre de mon seing {Jinne de mifirma) 

' Cet usage a influé sur les habitudes de la vie com- 
mune. Lorsque dans l'Amérique méridionale on parle 
de Golomb , on ne le désigne que par le seul mot Atmi- 
rante , comme au Mexique , Cortez , et aux Etats-Unis , 
Lafayette, sont désignés par le seul mot de Marquis. 
Il y a de la grandeur historique dans cet usage popu- 
laire. 

m. aÔ 



tzedbïGoOglc 



402 SECTION DEUXIÈME. 

ctunine j'en ai prù l'habitude, en écrivant un X 
avec un S par-dessus, un M avec un  romain 
par-dessus, et au-des»us de l'A un S, puis un Y 
avec un S par-dessus, con aua rayas y virgulas 
eomo yo agora fago , y se pare cera pot mis 
firmaSi de las cualeaae hallara mucliaa y por 
etta parecerâ. « L'expression raUa et virgidea 
me parait peu iotelligible , les i5 signatures 
que nous possédons dans les lettres de Colomb , 
publiées à Gènes daiis le Coâice Colombo-Ameri- 
cano, et à Madrid dans les Documenioa diplorTM- 
ticos de M. Navarrete, n'offrant jamais de virgules, 
mais les cpiatre points > dont nous venons de prou- 
ver l'importance. L'injonction que Colomb fait à 
sout fils relativement aux irùtialea qui ont été ré- 
cemment l'objet de graves discassions , prouK 
d'ailleurs clairement que tes lettres S, Â, S ne sont 
qu'accessoires dans leur rapport avec les lettres 
X, M et Y. Les points me semblent indiquer la fin 
des trois mots Chriaius (X...S.), MarUi Sancta 
*(M... A.) et y««pAu*(Y...S.). La dernière lettre 
des désinences est plaC^ an-dessus de X, M, Y, 

' Par rapport à la place de ces malheureux points , il 
y e erreur dans les signatures que présentent la plu- 
part âea ouvrsiges in^uimés qui répètent la signature 
énigmatique de Colomb. J'en excepte les ouvrages de 
Navarrele et de Bossi (tom. 1 , 6g. 4 et 5). 



tzedbïGoOglc 



aurrioH DEUXIÈME. 4o3 

comme algébriquement on place un exposant. Pour 
arriver aunombremystérieuzdeseptlettrea, leS< 
de Maria Sancta se trouve en tête de toute la «gua- 
ture chiffrëe de l'amiral. Spotomo explique aussi 
lechiffifepBrC/imfi«, Maria, Yoaepkuo (M.. Ir- 
viug pr^re Jeeus , t. IV, p. 438) , on par Salfa 
me ChrUiiUi Maria ^ Yotephu» i^Codice Col. 
p. LXVII). Bossi trouve hasardeuses tontes lee 
tentatÎTes d'explication. ( FUa di Criât. Col. 
p. 349.) La dévotion de l'amiral allait d'ailleurs s) 
loin que mfime au haut de la page il écrivait 
souvent la formule : Jeaua ciun Maria eii nobia 
in via. Amen. Nous la trouvons effectivement au 
commencement du livre des Profeciat (Nav. t> 11^ 
p. 260). Le fils loue en outre l'écritUre él^atite de 
son père : u Elle était si belle, dit-il (cap. 3), que 
avec elle seule il aurait pu gagner sa vie (ganar 
de corner). it Au lieu de ces longues formules pla- 
cées dans le moyen-âge en tète d'un écrit , les ecclû- 
stastiques delà Péninsule et de l'Amérique espagnole 
ont la prudence de figurer une croix a pourchasser 
l'esprit malin qui s'empare de tout papier, n 

Dispositions TEaTAHBNTAiRcs. —11 existe de 
Colomb deux teslamens et nu codicille* trois docu- 
mens qu'on a souvent confondus A dont l'authen- 
ticité a été révoquée en doute par quelques his- 



tzedbïGoOglc 



4u4 SECTION DEUXIÈME. 

torieos. 1° Testamento y Inatilucion del Mayo- 
rasgo hacha porel Almiraiiie , du 33 février 1498, 
farois mois avaat de partir ponr sa tcobième expë- 
dilîon. Comme il ett dît clairement dans ce doco- 
metit que Colomb est né è Gènes («de esta c'iudad 
de Genova lali in ella naci »), le comte Galeani 
Napione {^PcUria di Colombo, p. sSy, 369, 284) 
397 ; B08SI , p. 55 ) « cru devoir en atlaqner la va- 
lidité ; mais M. Navarrete ( 1. 1, p. CXLVII et t. Il, 
p. 355, Sog), tout en observant qu.'iln'e$taiécrilde 
la main de l'amiral, ni signé par liù, le regarde 
comme tout- à-fait authentique. Le testament a été 
souvent présente sans contestation dans les procès 
ausqneU a donné lieu la succession de Dii^go Co- 
lomb, mort en iS^S , et les archives de Simancas 
renferment, ce qui est une preuve évidente de son 
authenticité , « la confirmation rçyale donnée â 
Grenade le a8 septembre i5oi. t La permission 
royale d'instituer te majorât (faculdadparafiuidar) 
conservée dans les mêmes archives du duc de Vera- 
gua, est du 33 avril i497- '^ ^^^^ épocjae com- 
mencèrent déjà les préparatifs de la troisième expé- 
dition (NAvi t. Il, Doc. cm, CV, CVI) prolongés 
par la malice de l'évéque Fonseca. On voit par l'in- 
troduction du teslament déposé le 19 mai i5o6, 
que Colomb avait placé, avant de partir pour le 



tzedbïGoOglc 



SKCTIOK DEUXIÈME. ' 4o5 

(juatrième voyage, entre les mains de son im\ Fray 
Gaspar Gorricio , du couvent de las Cnevas de S^ 
ville f une nouvelle ordênanza de mayorazgo , do- 
cument ^rit de sa propre maÏDjdaté du i avril i5o3, 
mais non retrouvé jusqu'ici. (Nav. t. U , p. 355 , 
.Il 3 ). C'est ce père Gorricio aussi que Colomb avait 
chargé, en mars i5o3, d'enridhir de son érudition le 
livre des Prophéties dont nous avons souvent parlé- 
Dans une lettre au père Gorricio (4 janvier i5o5) 
l'amiral semble redemander les documens déposés 
en 1 5o2 au couvent de las Cuevas. Cet ecclénaslique 
doit Ini renvoyer les eacrituraay privilegioa qu'il a 
en sa garde , et l'envoi doit se taire dans une caisse 
de liège couverte de cire àl'iatérieur.'a'CWici/fc 
militaire, daté de Yalladolid , du 4 mû 1 5o6. Ce 
codicille de 17 lignes , est écrit en latin sar le dos 
d'nn bréviaire que le pape Alexandre VI doit avoir 
donné ( Cod. Col. jimer. p. XLVI) à l'amiral , et 
qui est conservé à la bibliotlièque Corsini à Rome. 
Il ordonne l'établissement d'an hôpital k Gènes, et 
institue, ce qui parait très bizarre* que dans le cas 
de l'extinction de la ligne masculine des Colomb, la 
république de S. Geoi^e {^amanUmima. patria) 
succèdedans les privilèges attachés au titre d'amiral 
des Indes. Ce n'est pas le savant abbé Andrés 
(Carias familiarea, 1. 1 , p. i53 jl. II, p. 76] ni 



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4o6 SECTION DBUXIKHB. 

TirabcMehi (Storia liUer.^ltaiia,t. XI,p. 1S9) 
qui ont fait connaître les premiers ce codicille. Gae- 
tani en avait envoyé une copie en 1780 au docteur 
Boberison, de même qne Tambassadeur d'Espagne à 
Rotue* le chevalier d'Azara, en 1784* ^ l'historio- 
graj^e Manoz. On croyait alors ce codicile de la 
main de l'amical, mais M. Navarrete a prouvé que 
noD seulement il ne l'est pas, mais aussi que la si- 
goatun ordinaire de Colomb (XPO FERËNS) est 
précédée d'initiales qm dîfiïrent de celles dont 
il avait coutume de se Servir. D'antres motifs puisés 
dans la nature et la forme de ce docummt latin, le 
rendent plus que suspect (Napionb, dans Mém> de 
Turin, an i3, p. 348-361 ; Na.T. t. II, p. 3o5-5i i; 
CahceLLIEBI, § 1-4), et a&iblissent la justifica- 
tion tentée par M. Bossi ( yiia di Cr. Col. p. 67 
et 34o). Combien peu d'ailleurs est-îi probable que 
le 4 tnai i5o6, où Colomb e'taît alité et souffrant 
d'un violent accès de goutte , quinze jours avant 
son dernier testament, et sans en faire mention dans 
celui-ci» il eût inscrit un teatameni milUairûdsait 
un livre de prière dans une langue dont il ne se 
servait jamûa >, et an milieu d'une grande ville dans 

* Il ne se servait pas du latin , car d'ailleurs ayant 
fait des études àPavie, topo latin jrhizo verjos. Herr. 
Dec.I,lib.VI,cap. i5. 



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SECTION DEUXIEME. ^OJ 

laquelle toutes les formalité requises pour un tes- 
tament ordinaire pouvaient être remplies ? 3° Tea- 
lamenlo y codicilo otorgado en ycUladolid , du 
19 mai i5o6. C'est la date du dëpôt. Le iestament 
même, ^rit de la main de l'amiral , est du 35 août 
i5o5, époque de laquelle Las Casas {Maa. lib. XI, 
cap. 3^) nous a conservé une lettre au roi Ferdi- 
nand où se fait remarquer cette même fierté d'ex- 
pression que l'on retrouve dans le testament. « La 
reine Isabelle et le docteur Villalon , <ÎGrit Colomb 
au monarqne , ont vu les lettres d'invitation ( car- 
ias de ruego ) que j'avais reçues de trois princes (et 
cependant je cëdai mon entreprise à l'Espagne ). » 
Le testament du même mois porte : « Je fis don des 
Indes a nos rois , car par la volonté de Dieu , je les 
leur donnai comme une chose qui était mienne 
(como cota gue era mia)f je les importunai , pour 
ainsi dire, en les forçant d'accepter , car ces terres 
étaient cachées , et personne ne connaissait le che- 
min qui y mène. » La validité du testament déposé 
la veille du décès de l'amiral n'a jamais été contestée. 

FIN DU TROISIÈME VOLUME. 



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D.nt.zedbïGoOglc - 



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