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Full text of "Examen critique de l'histoire de la géographie du nouveau continent et des ..."

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I 

'I 



I « 

1 



■I 



I • 



HISTOIRE 

DE LA GÉOGRAPHIE 



DU NOUVEAU CONTINENT. 






IV. 



A. PfflAN DE LA FOREST, 

IHPniMEVn DE LA COUA DE CASSATION^ 

Rue des Noyers, n. 37. 



. r- 
J. ■ 



EXAMEN CRITIQUE 

DE l'hISTOISE 

DE LA GÉOGRAPHIE 

DU NOUVEAU CONTINENT 

ET DES FKOGBÉS DE l'aSTKONOUIE NAUTIQUE 

AUX QUINZIÈME ET SEIZIÈME SIECLES. 

FAK 

ALEXANDRE de HUMBOLDT. 
TOME QUATRI*«nî. 



PARIS, 
LIBRAIRIE DE GIDE, 

RDE SUIIT-XABG, a3. 



EXAMEN CRITIQUE 



DE 



rHISTOIBE DE LA GÉOGRAPHIE 



DU NOUVEAU œNTINENT 



ET DES PROGRÈS DE L^ASTRONOMIE NAUTIQUE 



DANS I.BS XV* ET XTl* 8liCI.ES. 



SECTION DEUXIÈME. 



PE QVILQUZS FAITS EBLATIFS A GaRISTOFOX COIiOXB 

ST A AWÊniO VSS9UCA, 



Nous avons suiyi Ck>loinb depuis le lieu de 
sa naissance et sa première jeunesse jusqu'à 
cette triste époque de sa vie où, abandonné 
par la fortune , il ne le Ait point encore par la 
fiorce de son caractère et la puissance de son 



< 



6 lECTtON DEUIUEMB. 

génie. J^ai recherché dans ses actions et dans 
le peu qui nous reste de ses écrits, tout ce 
qui peut conduire à un jugement impartial ; je 
me suis plu à peindre cette grande figure his- 
torique sous ses véritables traits comme un 
homme du quinzième siècle représentant les 
vieilles mœurs de la ligurie et de FEspagne , 
non diaprés les opinions et les sentimens quV 
£dt naître la civilisation des temps modernes. 
Colomb avait conçu en même temps que le 
Florentin Paul Toscanelli le projet hardi d'ar- 
river à rinde par la voie de l'ouest et de s'a- 
venturer dans la Mer Ténébreuse des géogra- 
phes arabes ; il avait exécuté en marin habile 
et instruit ce qui jusque là n'avait été qu'une 
stérile spéculation de cabinet. C'est ainsi qu'il 
devint l'instrument imprévu, presque invo- 
lontaire, de la découvnte d'un Nouveau Conti- 
nent. Il reconnut progressivement, comme 
nous Fexposerons dans la Troisième Section 
de cet ouvrage , la connexité ou la liaison mu- 
tuelle dei terres qui d'aboixl n'avaient paru 
que des îles éparses dans l'immensité de l'O 
céan, ou voisines de la côte orientale de l'Asie; 
mais l'amiral mourut fermement persmdé que 
s'il «tait touché à un continent à Cuba (au cap 



6£CTI0N DEUXIÈME. 



Alpha et Oméga^^ cap du commencement et 
de la fin) , à la côte de Paria et à celle de Ve- 
ragua, ce continent faisait partie du grand 
empire du Khataiy c'^est-à-dire de Tempire 
Mongol de la Chine septentrionale. Il suffit 
pour le moment de citer une seule phrase * de 
la lettre de G>lomb écrite en juillet 1 5o4 ^ à la 
fin de sa quatrième et dernière expédition • 
« J^anÎTaile i3 mai dans la province de Mago', 
qui est limitrophe de celle de Catayo. De Ci- 
guare dans la t^re de Y eragua il n^ a que dix 
journées de chemin à la rivière du Gange. » 
Colomb mourut dix-huit mois après cette qua- 

* Voyes Texplication de cette dénomination ingé- 
nieufe, tom. III^ p. 192^ note 1. 

*Nat. t. I|p. 3o4. 

* Erreur de copiste pour Mango^ comme Colomb dit 
dans la même lettre^ Nay. t. I, p. 3o6y et dans la pièce 
officielle du serment de Cuba, t. Il, p. i44* Marco Polo 
distingue Mangi (Mandji), la Chine méridionale au sud 
de la rivière Jaune ou Hoang-ho, du Khatai (Catayo), 
ou Chine septentrionale (livre II, chap. 35). Le Mangi 
que Toscanelli nomme Mango comme Colomb , est ^ 
•don le voyageur vénitien , « la province laplus magni- 
fique et la plus riche du monde oriental. » (Livre II , 
ch. 55| édit. de Marsden , note 934* ) 



8 SECTION DEUXIEME. 

Irième expédition, et jusque là aucune nou- 
velle découverte nVvait pu changer son opi- 
nion. Il n'y eut de i5o4 à i5o8 , où Pinzon et 
Solis' partirent pour longer les côtes orien- 
tales jusqu'^au parallèle de 4^° sud , aucune 
expédition de quelque importance ; car celle 
que Vespuce et Juan de la Cosa préparè- 
rent en février 1607 n^'eut pas lieu, par des 
motifs politiques. Les idées de cosmographie 
systématique dont Famiral était imbu depuis 
sa jeunesse , et qu'ail avait principalement pui- 
sées dans les Pères de TÉgUse et les ouvrages 
du cardinal d'Ailly , Tempêchaient d'ailleurs 
de mesurer toute la grandeur de sa décou- 
verte et d'en reconnaître le véritable carac- 
tère. Nous possédons de la main de don Fer- 
nando Colomb , la copie d'une lettre du père *, 
adressée au pape Alexandre VI , dans laquelle 
il est dit : <( Je découvris et pris possession 
(gané) de quatorze cents îles ' et trois cent 

• Voyez tom. I, p. 3i8. 

• Archives du duc de Veragua. (Nav. t. II , Doc. 
CXLV,p. 280.) 

^ Dans la hoja suel/a qui existe de la maiu de Tamiral 
et qui a été écrite à la fin de Tannée i5oo , lorsqu*il ar- 
riva à Cadiz , chai*gé de fers^ ces i4oo îles augmenté* 



SECTION DEUXIEME. 9 

trente-trois lieues de la terre ferme â^Asie. d 
Cette lettre est écrite quatre ans avant le décès 
de Famiral. Telle a été la grandeur de la dé- 
couverte , que celui à qui elle est due nV pu 
la comprendre et nV deviné qu'aune faible 
partie de cette gloire immortelle dont la pos- 
térité a environné son nom. 

J'ai développé plus haut combien les pros- 
pérités de Colomb ont été de peu de durée. 
Sa longue carrière offre à peine six ou sept 
années de contentement et de bonheur. Il a 
vécu assez long-temps parmi les hommes pour 
éprouver amèrement ce que la supériorité a 
d^importun , combien il est difficile d'illustrer 
sa vie sans la troubler et en compromettre le 
repos. Les terres qu'il avait découvertes « par 
la volonté divine et de miraculeuses inspira- 

rent encore de trois cents. Cest une vague évaluation 
de Tarchipel du Jardin du Roi et de la Reine, au sud de 
Cuba 9 évaluation qu*on pourrait croire tenir à un sou- 
venir des 1378 iles (Maldives T) que Ptolémée (lib. V1I| 
cap. 4) place près de Taprobane y et que dans sa pre- 
mière navigation, le i4 novembre 1492 (Nav. t. I| 
p. 58) Tamiral crut déjà voir vis-à-vis de la côte sep- 
tentrionale de Cuba enfin del Oriente* Behaim les porte 
avec Marco Polo à 13700. 



10 SECTION DEUXIEME. 

tions , » étaient devenues la proie de ses enne^ 
mis. Ces Nowelles Indes qu'il nomme sa pro- 
priété {cosa que era sujra * , un bien qui était à 
lui), cette partie du continent d'Asie qui se 
présente à son imagination comme une con- 
quête plus grande que « PEurope et TAfirique * 
réunies, » étaient inabordables pour celui qui 
<t les avait refusées à la France , à l'Angleterre 
et au Portugal. » Le vieillard voyait le mé- 
compte de ses vœux les plus purs. Les Indiens 

* Testament du i g mai 1 5o6. 

' Lorsque G>lomby dès le mois de novembre iSoOy 
par conséquent long-temps avant d'avoir >isité la cote de 
Véragua, se vante «que alli (en las Indias) ha puesto so 
el Senorio de sus Reyes mas tierra que non es Africa y 
Europa, allendela Espanola que boja masque toda Es- 
pana » (Nav. t. II, p. a54)> on doit le croire porté à 
cette expression singulièrement hyperbolique par la 
conjecture de la connexité du cap Paria avec le cap Al- 
pha y Oméga de Cuba. Au moment d'arriver comme 
prisonnier en Espagne, il ne pouvait certainement 
pas avoir connaissance de Tissue des deux gi*andes expé- 
ditions de Vicente Yanez Pinson et de Diego de Lepe, 
dont Tun avait atteint le Brésil avant Cabrai , par les 
8® 19' de latitude australe, et l'autre l'embouchure de 
la rivière des Amazones. 



SBCTION DBUXtàMB. il 

qu^ regardait « comme la richesse de llnde ^ , » 
disparaissaient par Texcès du travail quW lem* 
imposait et par la déraison des institutions 
colonialeSé Les lettres que Tamiral adresse 
à sa Êonille et à ses amis depuis Tannée 1 5o3 , 
ne respirent que la douleur. On sent en les 
lisant tout ce qu^ y a de touchant dans la 
tristesse dW grand homme et qui plus est, 
d^un homme vertueux. Cependant , malgré ses 
aoufirances jAysiques , le repos paraissait in- 
supportable k Ck>lomb. Au milieu des tribula- 
tions qui contristaient sùa cœur, il formait de 
nouveaux projets, et il les formait sans croire 
à leur exécution. Cest une des grandes mi- 
aères de la vie d^arriver à cet âge où il reste 

* Cette belle expression dont la justesse est encore 
Btntiede nos jours par tous ceux qui ont habité long- 
temps le Mexique^ Quito, le Pérou et Bolivia, se tron^ 
dans la défense des droits et privilèges de Christophe 
Colomb présentée à la cour par ses avocats et retixmvée 
à Gènes (^Cod. CoL^Amer, p. a8o). Je crob que la dé- 
fense sans date est postérieure à Tannée 1497 > p^rce 
qu'il y est question du voyage à Burgoe de Farchi- 
duchesse Marguerite, fiUede Tempereur Maximiiien I , 
lors des noces de cette princesse avec i*in&nt don Juan , 
fils unique de Ferdinand le Catholique. 



12 SECTION DEUXIEiME. 

encore des désirs lorsque les illusions qui sou- 
tiennent Tespérance sont depuis long-temps 
évanouies. 

G)lomb sentit ses forces dé&illir sans appré- 
hender d^être si près du terme de ses souf- 
frances. Nous avons vu que peu de semaines 
avant sa mort il parle encore dans la lettre à 
Farchiduc Philippe et à la reine Jeanne de 
Castille a des services sans égaux ( servicio que 
no se haya visto su igual).i^'A peut leur 
rendre , malgré la goutte qui le tourmente 
sans pitié , et le dénûment extrême dans lequel 
il a été placé ' , contrairement à toute équité 
et raison. » Cette lettre est, selon mes recher- 
ches, des premiers joints du mois de mai i5o6. 
Il envoya son frère Barthélemi pour la porter 
à la Corogne, où les souverains avaient dé- 
barqué peu avant le 7 mai, si Ton ose se fier 
aux dates des lettres de Pierre Martyr An- 
ghiera ^. Le 19, Famiral déposa son testament 
entre les mains de VEscrwano de Camara de 
Sus Mtezasy et le 20 il momait, probablement 

» a Estos revesados tiempos e oiras angustias , en que 
yo he sido puesto contra tan ta (toda?) razon ^ me han 
llevado a gran extremo. » 

• Lib. XIX, p. 3o4. 



; 



SECTION DEUXIEME. l3 

entouré de ses deux fils, car dans la lettre à 
Tarchiduc Philippe , il dit devoir garder Diego 
avec lui. Il avait ordonné que les fers dont 
BovadiUa Favait chargé et qu^il conservait 
comme des reUques et comme le prix des ser^ 
Tices qu^il avait rendue à FEspagne , <( dissent 
placés dans sa tombe. » Je les vis , dit Ferdi- 
nand G)lomb, toujours dans son cabinet de 
travail, losvisiempre en su reirete jr quiso {el 
obturante) que Juesen enterrados con el\n 
J^aî visité à la Havane le tombeau de Ouïs- 
tophe Colomb, à Mexico celui de Fernand 
Cortez. Par une coïncidence bizarre d^événe- 
mens , on a pu assister, à la fin du dernier 
siècle et à des époques très rapprochées , à la 
translation des cendres de Fim et de Fautre 
de ces grands hommes. A Mexico, le duc de 
Monte-Leone a consacré à son aïeul G)r tez un 
moniunent érigé dans une nouvelle chapelle 
de ITiôpital de los Naturales*. A la Havane, 
c'^est la cathédrale, édifice somptueux, qui 
possède depuis 1796 les restes de Colomb. Il 

^ yida deîAlm. cap. %&j et Manuscrit de Las Casas^ 
Hist. de Ind.y lib. I , cap. 180. 

* Essai politique (^^ec, édit.)? t. II, p. 60. 



i4 SECTION DEUXIBMB. 

y a eu en moins de trois siècles quatre transla- 
tions de ces vénérables restes. 

Comme Colomb mourut à Valadolid, le 
ao mai 1 5o6 , son corps y fut enterré dans le 
couvent de Saint-François. En i5i3, il fut 
transféré à la Chartreuse de las Cue^as ' à Se- 
ville, et de là, en i536, conjointement avec 
le corps de son fils don Diego * , à la Capilla 

« 

> Dans la chapelle de Santa Ana appelle auBsi del 
Santo Cristo. Plus tard la même Chartreuse vetfol les 
restes du second amiral don Diego, et du frère de Chris- 
tophe Colomb, Tadelantado Barthélemi. Ferdinand , 
rhistoriographe de l'amiral , fut aussi enterré à SéviUe , 
mais dans la cathédrale et non dans la Cortuja de las 
Cuevas. 

* Il paraît que la famille de Colomb a été dans Ter^^ 
reuren faisant demander en 1796 à \9l Real Audieneia 
de Santo Domingo les cendres de Christophe et de Baiw 
thélemi Colomb. La relation officielle de ce qui s*est 
passé dans la translation des restes de Chiislophe Co- 
lomb, publiée par M. Navarrete (t. II, Doc. CLXXVII, 
p. 366), ne parle pas du corps de don Diego, mais 
« de la exliiunacion de las cenizas del adelantado don 
Bartolomé que tambien se debia solicitar. » Il est ce- 
pendant établi par le témoignage de Farchiviste du 
Cabildo deSéville, « qu*en i536 les corps de Christo- 
phe et de Diego furent envoyés à Haïti , « qtiedando en 



SECTION DEUXIÈME. l5 

mayor de la cathédrale de Santo Domingo, 
dans 111e d^Haïti. Lorsque selon le traité de 
paix de Baie de lygS, la partie espagnole de 
cette île fut cédée à la France , le duc de Ve- 
ragua, héritier des biens de Christophe Co- 
lomb , voulut que les cendres du héros repo- 
sassent dans une terre soumise à FEspagne; 
il envoya à cet effet deux commissaires , 
MM. Oyarzabal et de Lacanda, à Santo Do- 
mingo pour traiter avec les autorités qui al- 
laient quitter le pays. Ces commissaires trou- 
vèrent un puissant appui dans les sentimens 
patriotiques de Famiral don Gabriel de Aris- 
dzabal , dont Fescadre était réunie sur ces 
cotes. Le ^o décembre 1795, la translation 
des cendres eut lieu avec la plus grande 
pompe. On ouvint', dit un rapport officiel, 

el monasterio de las Cuevas el cadaver de don Bartolo- 
mé, • (Nav. t. I, p. CXLIX.) J'ai trouvé cette même 
erreur très répandue pendant les deux séjours que j'ai 
faits à la Havane. 

> Je dis à regret avoir vu à Mexico , dans le cabi- 
net du capitaine D*** une côte du coips de Femand 
Gortez que, lora d'une ouverture semblable, pendant 
la translation des ossemens à la nouvelle chapelle danft 
rhôpital de los Naturalesy on avait soustraite « par un 



±6 SECTION DEUXIEME. 

une voûte de trois pieds de largeur, qui se 
trouvait dans la cathédrale de Santo Domingo, 
dans le choeur du côté de TEvangile , au mur 
principal et près du marche-pied du maître- 
autel'. On y découvrit quelques planches de 
plomb, restes dW cercueil, mêlées à des 
fragmens d^ossemens {pedazos de huesos de 
canillas y otras varias partes de algun de^ 
Jimto). Le vaisseau San Lorenzo porta ces 
restes à la Havane, où le 19 janvier 1796 il y 
eut une autre pompe ftmèbre dans le port, 
au môle de la Cahalleriay à la Plaza des Armas , 
près de Tobélisque où la première messe a été 
célébrée lors de la fondation de la ville, et 
dans la cathédrale. Sur le territoire des Etats- 
Unis dont la découverte maritime est due à 
Sébastien Cabot , à Corteral , Ponce de Léon , 
Aillon et Verrazano, il y a plus de vingt en- 
droits (]ui portent le nom de Columbus , Co- 
lumbia et Columbiana. Bolivai', après avoir 
fondé Tindépendance de TAmérique du sud, 

excès de vcnéralion pour le conquistador et le législa- 
teur de la Nouvelle Espagne. » 

» « Se abriô una boveda que estaba sobre el pi'esbite- 
rio al lado del Evangelio , pared prîncipal y peana del 
Altar Mayor. » 



SECTION DEUXIEME. I7 

a relevé Péclat de ses yictoires en attachant le 
grand nom de Christophe Colomb à mie répu- 
blique dont la sur&ce excède six fois celle de 
l^Espagne ; mais ces marques bien tardives de 
la reconnaissance pubhque rappellent un genre 
dliommage prodigué trop souvent à des noms 
qui commandent peu le respect de la postérité. 
Qu'ion traverse le Nouveau Continent , depuis 
Buénos-Ayres jusqu^à Monterey, depuis Vile 
de la Trinité jusqu^à Panama , et nulle part on 
ne rencontrera un monument national de 
quelque importance élevé à Christophe Co- 
lomb. Cette ingratitude est partagée par VEs-^ 
pagne et Fltahe ^ 

^ Des regrets de ce genre sont déjà vivement exprimés 
dans la première décade d'Antonio de Herrera (iib. VI 9 
cap. 16) y qui a paru en i6oi . Le portrait que le pre<- 
mier historiographe de Tlnde trace de Chrîstc^he Co- 
lomb mérite, pour la noblesse du langage, Tattention 
de tous ceux qui savent apprécier dans Tidiome castillan 
ce qui le caractérise le plus , la grave simplicité des 
formes. Le morceau dont je parle commence par les 
mots : Fué varon de grande anîmo , esforçadoy dé altos 
pensamienlos. Era grave ton moderacwriy grûriojo y 
alegrej con los csiranos affable , con los de su casa suaPe 
e placenlero ; reprcsentava presentia y aspecio de véné- 
rable persona, de gra n d es (ado y auloridad 

IV. 2 



i8 SECTION DEUXIEME. 

J^ai demandé souvent pendant mon séjour 
à la Havane à Tamiral Aristizabal si^ en ouvrant 
k voûte qui renfermait les restes de Colomb, 
<m n'avait point trouvé les fers ( grillos ) qu'il 
avait ordonné, selon le témoignage du fils, de 
placer dans sa tombe. L'amiral Aristizabal et 
d'autres personnes qui avaient suivi l'exhuma- 
tiim avec le plus vif intérêt, m'ont assuré que 
rien n'a été vu qui annonçât la présence de fer 
Dxidé. Les a-t-on ôtés à la translation de Val- 
kdolîd à SéviUe, ou de Séville à la ville de 
Sànto Domingo ? Peut-être n'a-t-on pas obéi à 
xm ordre v^bal dont l'exécution pouvait bles^ 
er la susceptibilité d'une cour qui prétendait 
avcHT été étrangère aux violence exercées par 
Bovadilla ^ et qui exigeait des témoignages 
dWection de ceux même qu'elle opprimait 
secrètement. Dans les difFérens testamens de 
Colomb il est bien question de la construction 
d'une chapelle dans la Vega de la Conception 
d^'Haïti, destinée à faire dire journellement des 
messes « pour le repos de son ame , de ses pa- 
rens et de sa femme; >» mais le lieu de son en- 
terrement n'est pas désigné. Ferdinand Co- 
lomb ne comiaît pas la translation des restes 
de son père à Haïti , ce qui sert encore à 



SECTION DEUXIEME. ig 

prouTer que son histoii^e fut terminée avant 

1536. 

Les trois grandes figures auxquelles on s^ar- 
rête avec vm vif intérêt dans Fhistoire du Nou- 
veau Monde , avant la gloire de Washington et 
de Franklin , sont Christophe Colomb , Cortes 
et Raleigh. Hommes du quinzième et du set- 
aôènie siècle, appartenant par leur origine à 
trois nations difiërentes , ils offrent chacun 
une physionomie particuhère : Colomb dans la 
carrière des découvertes , par Faudace du na^ 
vigateur; Cprtez comme conquérant et pro** 
fond politique ^ Raleigh , par Finfiuence im- 
maise quHl a exercée stu* les destinées du 
gaure bimiain, par la colonisation de la Vii^ 
ginie. Tous cmt éprouvé de grandes adversités 
à la fin de leur carrière. Cortez, après avoir 
erré lon^Kemps dans la Mer du Sud , s^est vu 
euposé comme Colomb , près d^une cour dis^ 
simulée et ingrate, à un injurieux oubli. Plus 
maUieureux qu^eux et né cinq ans après la 
mort du conquà'ant du Mexique , Raleigh se 
|Hrésente sous Finfiuence à\me civihsation et 
dWe dépravation de mœurs plus modernes. 
Des victoires maritimes qui jmt illustré »m 
siècle, des découvertes géographiques, Fêta*- 



\ 



aO SECTION DEUXIEME. 



blissement de colonies dont la latitude favorise 
ces mêmes cultures auxquelles s^adonne la 
métropole, tels sont les titres de gloire de 
sir Walter Raleigh. Mêlé aux intrigues san- 
guinaires de deux règnes , ami des lettres et du 
géomètre Harriot , nous voyons cet homme 
extraordinaire partager son temps, dans la pri- 
son du Tower, entre Fétude de V Histoire du 
monde qu^il retrace , et les opérations chimi- 
ques d^un laboratoire Ml y a loin de ces comr 
positions théologiques de Christophe Colomb 
que renferme le Livre des prophéties aux 
compositions poétiques et aux grandes vues 
d^homme d^état de Raleigh. Si ce n'^est Feffet 
des progrès du temps , c^est du moins celui de 
la différence des temps, des moeurs et des opi- 
nions depuis i5oi Jusque 1618 , où le fonda- 
teur de la mémorable colonie de Roanoke fut 
décapité à Fâge de 66 ans. Christophe Colomb , 
Cortez et Raleigh ont éprouvé « que le génie 
ne règne que sur Favenir et que sa puissance 
est tardive, » Ils ont, pendant quelque temps, 
excité au plus haut degré Fadmiration de leurs 

* « He spend ail the day in distillations. • Voyez les 
lettres de sir William Wades dans Life of Raleigh by 
Patrick j i833, p. 3 12. 



SBCrriON DEUXIÈME. 21 



ccHitemporains ; mais la biaiveillance publique 
a abandonné leur vieillesse : on ne s^est sou- 
Tenu d'yeux que pour les a£Siger dans leur iso- 
lement. Le siècle qui les a tus naître n^a pas 
compris ce que leur action successive a pro- 
duit et préparé de changemens dans Pétat des 
peuples de Foccident. L^influence que ces 
peuples exercent sur tous les points du globe 
où leiu* présence se fait sentir simultanément , 
la prépondérance irniverselle qui en est la 
suite, ne datent que de la découverte de FAmé- 
rique et du voyage de Gama. Les événemens 
qui appartiennent à un petit groupe de six an-- 
nées ( 1492-149^) ont déterminé pour ainsi 
dire le partage du pouvoir sur la terre. Dès- 
lors le pouvoir de Fintelligence , géographi- 
quement limité, restreint dans des bornes 
étroites, a pu prendre un libre essor; il a 
trouvé im moyen rapide d^étendre, d'^entre- 
tenir, de perpétuer son action. Les migrations 
des peuples , les expéditions guerrières dans 
Intérieur d^un continent, les communications 
par caravanes siu* des routes invariablement 
suivies depuis des siècles , n^ont produit que 
des effets partiels et généralement moins du- 
rables. Les expéditions les plus lointaines ont 



ftg 8BCTI0M PEUXIBMB. 

été dévustatrices , et Fimpulsida a été donnée 
par ceux quî nVvaient rien à lyouter aux tré^ 
$ws de Fintelligence déjà accumulés. Au con- 
traire , les érénemens de la fin du quincitoie 
siècle, qui ne sont séparés que par un inter^ 
Talle de six ans , ont été longuement j»*éparés 
dans le mo jen^ge , qui à son tour avait été 
iïcondé par les idées des siècles antérieurs , 
excité par les dogmes et les rêveries de la géo- 
graphie systànatique des Hélices. Cest sevt^ 
lement depuis l^époque que nous venons de 
signaler que Funité homérique de Tocéan s^est 
iùi sentir dans son heureuse influence sur la 
civilisation du genra humain. L'^élément mo^ 
hik qui baigne toutes les c6tes en est devenu 
le lien moral et politique , et les peuples de 
FoGcident, dont Fintdiligence active a créé ce 
lien et qui ont compris son importance, se 
aont élevés k une universalité d^action qui dé- 
termine la prépondi^'ance du pouvoir sur le 
globe. 

La gloire populaire de Christophe Colomb 
s^est conservée dans tout son éclat jusqu^à la fin 
de sa troisième expédition, cetle à la ten^ ferme 
de Pana. La quatrième expédition , dans la- 
qudle Tamiral a déployé le plus Ténergiede son 



SBGTIOlf PEVXIBIIB. 2^ 

caractère et lliahileté dW marin , ne pouTail 
produire un grand eôet* Quoiqu'elle répandit 
les premières notions certaines d'une mer à 
roccident de Veragua , elle manqua son hojL 
principal, la découverte d'un passage direct^ 
dusecrei du détroU. Deux années plus tôt, Ro* 
drigo de Bastîdas \ après avoir poussé aurdelà 
du Ciibo de la Fêla et découvert les cotes da 
Ste.-Martbe, le RioSinu et le golfe de Darien^ 
avait déjà été dans Tisthme de Panama jusqu'au 
IHierto de Escribanos et à Nombre de Dios. 
L^iaiportance des découvertes qui se succé-* 
dakat rapîdnaent depuis i497t 1^ "^oj^ifgè da 
Gama à Gificut, dont les suites se faisaient 
sentir bien plus rapidement dans le commerce 
du aKmcfe que la tardive accumulation des 
Biétaux précieux da l'Amérique, les travaux 
de Cabrai et de S(^, la découverte de la lier 
du Sud par BiJboa, sept ans après la mort da 
Colomb^ détournèrent l'intérêt public et firent 
oublier poiu* long-temps celui qui avait donné 
l'impulsion à ces merveilleuses entreprises. 
Pierre Martyr d'Anghiera, comme le prouve 
la date de plusieurs de ses lettres , se trouvait 
à Valladobd du lo février au 26 avril, dans la 

« Parti de Cadix en octobre i5oo. 



34 SECTION DEUXIÈME. 

même endroit qu^habitait alors G>lomb, son 
ami, déjà atteint dWe maladie mortelle, et il 
ne £dt mention ni de cette maladie , ni de la 
mort du grand homme, dont la nouvelle a dû 
Tatteindre à Astorga ou à la G>rogne ' . Le nau- 
frage de Philippe d^Autriche , son arrivée à la 
Corogne et les querelles entre le gendre et le 
beau-père paraissent avoir seuls attiré Fintérét 
d'^Anghiera. De même Fracanzio da Montai- 
boddo ne connaît pas jusqu^en i507 le qua- 
trième voyage de Famiral , commencé en 1 502, 
et bien moins encore son décès. Fracanzio 
vivait cependant à Vicence , et des communi- 
cations entre TEspagne et FltaUe n^étaient 
malheureusement que trop firéquentes , la Lom* 
bardie ayant subi le joug des Français , comme 
les Deux-Siciles celui des Espagnols. Je trouve 
dans la traduction latine dont Madrignano a 
signé la préfiice du i*' juin i588, <c qae/uS" 
qu'à ce jour Qiristophe Colomb et son frère*, 

* Epist. 296-306. 

* Tttner. Portug, cap. CVllI : Inque regum regia 
splendidissinia usque in diem prœsentem non inhonori 
degunt. De même je trouve dans l'ouvrage de Rucha« 
mer( Unhekanthe Landte^ cap. 108), dont Timpression 
a été terminée le 20 septembre i5o8 : fondais Christoffel 



SECTION DEUXIEME. 25 

après avoir été délivrés de leurs fers , vivent 
en honneur à la cour d^pagne. d Ce dé- 
daigneux oubli du grand homme ne fit que 
s'^accroître dans toute la première moitié du 
seizième siècle, lorsque la renommée factice 
de Vespuce , les exploits de G>rtez ' et les sen- 
guinaires conquêtes de Pizarro abs(H*bèrent 
tout Intérêt de PEurope commerçante, sur- 
tout lorsque Faccumulation de Fargent qui a 
suivi la découverte des mines du Potosi (i545) 
et de Zacatecas (i548), fit tripler le prix du 

Dawher mit sampthe seynem bruder kumen waren gtn 
Codes ^ vnd di grossmàchtigste kûnge diiz vemamen , 
schaffïhensiesie ledUg zu lassen^ vndhtessen sie williglich 
imdfreye zu hoff gan* Daselbst sein sie noch auf den 
gegemoertigen tag. 

' Je pense que Gdomb doit avoir vu G>rte£ à Sanio 
: DomÎDgo lorsque le premier , de retour du quatrième 
voyage ) j séjourna depuis le i3 août jusqu'au la sep- 
tembre i5o4. Gortec, âgé alors de 19 ans, était arrivé 
' dans rUe le jour de Pftques de la même année. Parent 
du gouverneur Nioolas de Ovando , logé dans la maison 
du secrétaire du gouverneur (Herrsea, Dec. I, lib. VI 9 
cap. la), il a dû se faire remarquer par Tamiral, et 
d'autant plus que le noble courage qu'il avait déployé 
dans une dangereuse navigation , avait déjà attiré l'at- 
tention publique sur lui. 



Ué ' et changer subitement toutes les valeurs 
nominales. Les conquistadores dW continent 
si riche w^ métaux précieux efiacèrent peu à 
peu le SQuyenîr de celui qui leur avait tracé la 
route. Lie héros qu^à son retour du premiar 
voyage, en 149^9 Anghiera nommait* encore 
« un ^^rtain G)lomb de Ligurie, » fut insulté 
quarante ans iqNrès sa mort, lorsque Timpor*- 
tance de sa découverte brillait de tout son 
éclat, dans le célèbre ouvrage de Juan Barros 
mr PAsie. Le grand historien portugais , lai»^ 
sant un libre cours à la haine nationale et au 
chagrin de voir passer tant de trésors entre 

^ Essai poUtifUêj t. 111 y p. 4^4 ^ 44^* J€tcù6 on ike 
prtemus méials , t. Il, p. 79 et 87. 

«Voyez t. II, p. 293. Tacite, Tacite lui-même, 
«ofttr» cents ans après sa mort ^ est ausai nommé, mais 
par un roi des Ostrogoths, CarrteUus quidam. Je ftb 
allusion à la réponse que Théodoric donne aux ambas- 
sadeurs des ^tiens qui lui avaient porté de l'ambie 
de Prusse. Le roi veut les endoctriner sur Torigine de 
Tambre, qui, selon sa physique^ est un sudaiUe meUjr 
fam #« «r^i« iiff^fw. Il dit dans sa lettre : «Hoc^^ms- 
dam ComeUo scribcnte, Icgitui- in interionbus insulis 
Ooeani. » Cest Tindication du passage connu de Tacite, 
Germanitty cap. 45, mèU à des notions tirées de Pline, 
XXXVI1,3. 



I 



les mains des Espagnols, le d^>eiût oraome un 
homme ^ « fisUiador egiorio$ù em mosirar suas 
hahiîidadês^ mais fantastîco et de ima^nar- 
coes cam sua Ilha Cipangù. )> Lltalie seule 
semblait veiller sur la gloire de Christophe 
Colomb : la belle prose latine du cardiuii 
Bembo et de sublimes stances de la Jérusalem 
délivrée en font foi. Bembo a consacré pres- 
que un livre entier de son Histoire de Venise 
à Colomb et à ime découverte qu^l appelle a la 
plus grande des choses que dans aucun âge les 
hommes soient parvenus à exécuter. i> Le 
Tasse célèbre Colomb par la bouûbe de la 
faiidica Donna f condoUiera di Ubaldo. 
<i Hercule, malgré sa vaillance et sa grande 
ame , déjà vainqueur des monstres d^Afirique 
et de llbérie 

* « Homme fallacieux , se glorifiant de sa capa- 
dté y fantastique , poursiiivi par le rêve de son ile 
Qpango. » Da Âsm de Joâo de Barros e de Diogo de 
Couio. lisboa, 1778, Dec. I, lib. III, cap. 11; t. I, 
p. a5o. 11 est assez remarquable que BaiTos , dont les 
premièi*es décades , d'après les recherches de M* Correa 
de Serra , fui*ent publiées en i552 , ne parle, dans au- 
cune pai^e de son bel ouvrage , de G>lomb comme d'uû 
homme de quelque importance. 



28 SECTION DEUXIÈME. 

Non oso di tentar l'alto Oceano : 
Segno le mete , e 'n troppo brevi chiostii 
L'ardir ristrinse dell* ingegDo umano. 

Ces liens qui enchaînaient la volonté derhomme 
et Farrétaient dans ses courses aventureuses , 
on les verra brisés par le nautonier ligurien : » 

Tempo verra y che fian d'Ërcole i segni 
Favola vile ai naviganti industri : 
£ i mar riposti , or senza nome e i regni 
IgnoU , ancor tra voi saranno illustri. 

— Un uom délia lÀguria avrà ardimento 
AU' incognito corso esporsiin prima ; 
Ne' 1 minaccevol fremito del vento. 

Ne' 1 inospito mar, ne il duU>io clima.... 

— Faran che' 1 generoso entro a i divieti 
D'Abiia angusti l'alta mente acqueti. 

Tu spiegherai, Colombo , à un nuovo polo 
Lontanesi le fortunate antenne \ 
Ch' appena seguirà con gli occhi il volo 
La Fama , ch' ha mille occhi e mille penne. 

Tasso, XV y a5, 3o-32. 



La dernière lettre que nous possédons parmi 
celles que Tamiral adi^essa à son fils don Diego, 
fait oôiitioa d'Améric Vespuce comme dW 



SECTION DEUXIEME. 2^ 

homme de confiance chargé des intérêts de la 
£uniUe G^lomb. Une autre lettre qui la pré- 
cède de vingt jours et qui est datée deSéyille, 
du 5 février i5o5 , est plus expressive encore. 
Uamiral parle ^Amerigo Vespuchy (c^est 
ainsi quHl écrit le nom en e^gnol) avec un 
ton d^intérèt et de bonté peu conforme à la 
réserve et à la gravité habituelles de son ca- 
ractère. ^ Mon cher fils ! Diego Mendez ' est 
parti d^ici lundi trois de ce mois. Depuis son 
départ j^ai parlé à Amerigo Vespuchy qui va à 
la cour (à la ciudad de Toro)^ où il est aj^lé 
pour être consulté sur des objets relatifs à la 
navigation. Il a toujours eu le désir de m^ètre 
agréable [el siempre tui^o deseo de me hacer 
placer) : c^est tout-à-fait un homme de bien ; 
la fortune lui a été contraire, comme à beau- 
coup d^autres. Ses travaux ne lui ont pas porté 
profit comme il avait droit de s^y attendre. Il 
va là (à la cour) pour moi et dans le vif désir 
de faire , si Poccasion se présente (.si a sus 
manos esta) , quelque chose qui m^avienne à 
bien {que redonde a mi bien). Je ne sais d^ici 
lui spécifier en quoi il peut nous être utile , 

' Voyez BUT ce serviteur fidèle de Qiristophe Colomb 
la note F, t. IT, p. 35 d. 



30 SBCnON DEUXIÈME. 

puisque je ne sais ce que Ton lui veut là4Mis ; 
mais il est bien résolu de faire &Ï ma fayeur 
tout ce qu^il est possible de Êdre. Tu Terras 
de ton côté en quoi tu peux l'employer , car il 
parlera et mettra tout en oeuvre ; je veux que 
ce soit secrètement) afin que Ton ne soup- 
çonne rien. Quant à moi, je lui ai dit tout ce 
que je pouvais lui dire sur nos intérêts, n Ces 
paroles bienveillantes ftu^nt tracées au mo- 
nunt où Vespuce , en quittant Lisbonne , ve«- 
kiait de terminer ses deux derniers voyages 
EUX côtes du Brésil, à une époque où, pour 
le moins Tavant-d^nier , qu'ail appelle le troi^ 
sième, et dans lequel il &it mention de deux 
naires ^cfngtê enfrepris diaprés les ordres 
du roi de Castille^ était publié depuis long**- 
temps, je ne dis pas par lui, mais pour le 
moins sous son nom. Ce même homme de bien 
(nmcko homhre de bien ' ) que Colomb avait 
coimu depuis 149^ comme fcmdé de pouvoirs 
de la riche maison de commerce Berardi , avec 
lequel il avait souvent traité d'affaires et que 
pr(4)ablement il n'avait perdu de vue qu'^après 



I Carias n*» i3. (Nav. 1. 1 , p. 35i . ) 



SfiCTIO?! DEUXISHE. 3i 

rexpédition d^Hojeda \ pendant les quatre ans 
que Vespuce avait navigué avec les Poiv 
tugaîs, comment ce même homme peut^il 
être regardé presque généralement aufour^ 
d*faui comme Pennemi de la gloire de Go* 
lomb, cmnme un vil imposteur qui , par des 
eiqpéditions fictives , s^est arrogé la découverte 
du continent , et a inscrit le premier le nom 
6.** Amérique (terre A^Amerigo) sur les caites 
marines qu^il traçait comme pilo^ mayor de 
la Casa de Cùnttaiaeion de Séville? Ce n^est 
^e depuis sept ans que nous possédons d^ 
matériaux précieux sur le séjour de Vespuce 
en Espagne et ses fréquens rapports avec la 
cour et avec Qnîstophe Ck>lcmib. Nous con^ 
naissons les pièces du procès entre le fisc et 
les héritiers de Tamiral relatives à la première 
découverte de k côte de Pa ria ^ de même que 
le témoignage prêté par Sébastien Cabot en 
Ikveur de la détermination de latitude du cap 
Saint-Augustin attribuée à Vespuce. Ces maté- 
riaux historiques, qui avaient échappé à la sa- 
gacité d'^Herrera , sont dus aux sohdes et labo- 
rieuses recherches de Munoz et de Navarrete. 

* En juin i5oo. 



) 



32 SECTION DEUXIEME. 

Ce sont des dociimens officiels tii*és des ar- 
chives de Se ville et de Simancas. Grâce aux 
chroniqueurs, on connaît tous les détails de 
la vie et des voyages d^Aboulabat, du fameux 
éléphant que le calife Haroun al Raschyd en- 
voya à Charlemagne; mais on ignorait, jus- 
qu^à la publication de Touvrage de Muiioz , 
Fépoque de la mort de Vespuce , que Guilio 
Negri de Ferrare , Robertson et Canovai phf 
cent en i5o8 ; Bandini et Tiraboschi en i5i6, 
dans les îles des Acores. Cette mort eut lieu ' 
à Séville le 22 février i5i 2. Les deux hommes 
respectables à qui nous devons tant de nou- 
veaux documens sur Amélie Vespuce, don 
Juan Bautista Muûoz et don Martin Femandez 
de Navarrete , ont cru voir dans ces docu- 
mens de nouvelles preuves de la fraude du 
Florentin. Je serais datant plus enclin à dé- 
férer à leur autorité que le premier de ces 
savans, qui m^honorait de son amitié , m^a sou- 

' Voyez les Documens n*** lo et n. (Nav. t. 111, 
p. 3o2-3o5.) Munoz avait déjà publié le résultat de ses 
ti'avaux en i 793 dans la Hist. dcl Nuevo Mundo y Prologo, 
p. X, mais sans insérer les documens mêmes. Compai'ez 
aussi Negri , Istoria degli Scritlori Fioreniini, Fen'ara , 
1722, p. 3f. 



S£GTION DEUXlîblE. 33 

vent parlé à Madrid, lors de mon départ pour 
r Amérique méridionale , de son intime per- 
suasion d^une falsification intentionnelle des 
dates dans les voyages de Vespuce. Une étude 
consciencieuse de tout ce que nous possédons 
jusqu^à ce jour, loin de me donner cette même 
assurance , m^a ùài sentir au contraire la né- 
cessité d^une grande réserve dans une afiàire 
aussi compliquée. J^ai été assez heureux pour 
découvrir très récenunent le nom et les rap* 
ports littéraires du personnage mystérieux qui 
le premier (^i iSoj) a proposé le nom ^Amé-^ 
tique pour désigner le Nouveau Continent, et 
qui se cachait lui-même sous le nom grècisé 
^Hylacomyhis. L^ouvrage extrêmement rare 
de cet auteur : Cosmographiœ IrUroductio 
cum quibusdam Geometriœ ac Asironomiœ 
principiis^ avait fixé long-temps avant Cano- 
vai, Cancellieri et Navarrete, Tattention de 
Marco Foscarini dans son grand Traité de la 
littérature vénitienne j imprimé à Padoue en 
1752 ; mais les causes qui ont motivé la prédi- 
lection d^Hy lacomylus pour Vespuce , comme 
son influence sur les éditions de la Géographie 
de Ptolémée et Faccroissement rapide de la 

IV. 3 



34 SECTION DEUXIEME» 

célébrité du voyageur florentin , sont restées 
entièrement inaperçues. Il résulte de mes re- 
cherches que, pour le moins , le nom d^Âmé- 
rique a été inventé et répandu à Finsu de ce 
voyageurl 

En tâchant de porter dans cette discussion 
Tasprit d^analyse dont la philologie hellénique 
office de brillans modèles, en pesant minutieu* 
«0ment toutes les données numériques et lea 
oireoBStances qui se rattachent aux rapports 
da Vespuce avec Christophe Colomb et ses hé^ 
litiers, avec Pierre Martyr d'^Anghiem et Ho* 
jeda, avec la maison régnante de Lorraine et 
les Mvmâ cosmographes allemands qui , favor 
lises par cette maison , travaillaient aux édi^ 
tiona de la' Géographie de Ptolémée , on finit 
par se convaincre dHm fait positif, c^est que 
les difficultés dans lesquelles on tombe en adU 
mettant comme une fiction coupable de Ves^ 
puce le premier voyage à la côte de Venezuela 
0t au cap Paria, sont plus inextricables encore 
que celles qui se présentent dès quW regarde 
Vaspuee comme entièrement innocent. 11 existe 
dans rhistoire de la httérature plusieurs épo^ 
fves également remarquables par Pinterét que 



SECTION DEUXIÈME. 35 

Fou ayait de forger des livres sous le nom 

d^omniies célèbres. • Cet intérêt naissait tou-* 

jours d^un besoin du moment , de Pesprit du 

temps qui dominait siu* les opinions. Les mo 

ti& quWait trouvés la fraude dans le gouit 

pour les livres rares chez les Ptolémées et les 

rois de Pergame ^ dans le désir de donner une 

vie nouvelle aux mythes des ][»*emiers âges 

pendant la lutt* savante et prolongée du poly* 

thâsme con^ la religion du Christ^ renais^ 

saient dans le quinzième et vers la fin du sei- 

feième nède, lorsque Annius de Viterbe croyait 

iressusdter B^ose, et que Félan donné aus 

découvertes maritimes et au commerce des 

nations rivales encomrageait la publication de 

petits 'extraits ou de volumineuses compila^ 

lions de voyages. Dans la question qui nous 

occupe et qui a exercé la sagacité de plusieurs 

savans qui ignoraient des &its récemment a?^ 

rés, il y a quatre modes de solution possibles 

et entièrement distincts. Améric Vespuce A^t-il 

découvert le continent de FAmérique avant le 

1* août 149^9 époque à laquelle Christophe 

GJomb Fa vu un peu au sud du promontoire 

de Paria ? Cette découverte est-elle une fiction 

dTAméric créée dans le dessein de miîre a la 



36 SECTION DEUXIÈME. 

gloire de Colomb ? Des compilateurs de voya- 
ges ont-ils commis cette fraude à son insu , ou 
enfin n^est-elle qu^apparente , effet d^mle ré- 
daction confuse et de dates mal indiquées ? Les 
quatre modes de tolution que je viens de si- 
gnaler doivent être simultanément présens à 
la mémoire de ceux qui ont la patience d^exa- 
miner le détail des faits et de prêter leur atten- 
tion au simple exposé de^^ données que je 
présente à la fin de cette Section. Il s^agit 
d^examiner de quel côté est la probabilité mo- 
rale : lorsque les fûts ne sont pas entièrement 
concluans, il Êiut- avoir le courage dWouer 
qu^on ne sait pas et qu^il y a là un mystère 
que peut-être un jour de nouvelles recherches 
littéraires ou historiques feront disparaître. La 
réserve devient surtout un devoir dans une 
question dont la solution peut flétrir le carac- 
tère dW homme qui sans doute a eu « plus 
de renommée que de gloire , )> que Ton doit 
placer loin de Christophe Colomb, après Sébas- 
tien Cabot, Magellan, Vicente Yanez Pinzon 
et Pedro Alvarez Cabrai , mais dont la consi- 
dération que lui accordaient tous les naviga- 
teurs instruits de son temps, semble. avoir été 
très méritée. C^est un travail dangereux et in- 



* 



SECTION DXUXiiEMB. 3/ 

grat à la fois de tracer lliistoire des premières 
découTertes : la tache est dWtant plus ardue 
que la gloire nationale y semble compromise*, 
et que les accusations portent moins encore 
sur le talent que sur la moralité des adver- 
saires. J^en appelle à cette lutte de priorité 
renouvelée de nos jours , sur la découverte de 
\unalyse transcendante , de cet auti^ monde 
nouveau dû au génie de Newton et de Leib- 
nitz. La philosophie assigne sans doute à ces 
nobles révélations de Pintelligence humaine, 
2Axii fluxions et au calcul diffèrentiely un rang 
supérieur à celui que peuvent occuper des dé- 
couvertes géographiques finiits du hasard ou 
dWe persévérante intrépidité; mais lorsque 
ces dernières embrassent im continent entier 
ou qu^elles fixent la prépondéi*ance des peu- 
ples occidentaux dans toutes les parties du 
monde maritime , alors , par leur étendue et 
par leurs effets , elles méritent les labeurs 
d^une scrupuleuse investigation. 

On a dit avec raison qu'ion a pu regarder 
conune assurée la découverte de toute PAmé- 
rique dès que Colomb eut débarqué à Guana- 
hani, le vendredi 12 octobre i49î^« La décou- 
verte d\m petit Uot environné dWe plage de 



39 SBCriON DBUXI^B. 

sable' derok nécessairement conduire à la con^ 
naissance de tout le contour et de la forme du 
Nouveau Continent. Cette connaissance a été à 
peu près terminée dans Fe^ce de 42 ans, en ne 
remontant sur les côtes occidentales que jus- 
qu^à la Vieille Californie vues, non dans Texpé* 
dition de Diego Hurtado de Mendoza , mais 
dans celle que Hemando de Grixalva fit en 
i534 ^ux frais particuliers de Cortez *. C^est 



^ JEn parlant plus haut da la véritable position de 
Gua n ahanî , J'ai oublié de citer un fait que Barros, 
renneml acharné de G)lomb9 a probablement tiré de 
la Historîa natural y gcneral de las Indias d*Oviedo 
(Ramusio, t. III, libroXVII, p. i4d r). «Les premières 
terres que vit Famiral , dit Oïdedo , furent appelées les 
liés Blanches ^ à cause du reflet du sable \ il les nomma 
aussi Iles des Princesses , et débarqua à une d'ellei^y 
que les indigènes appelaient Guanahani, « Barros dit 
ifOiSLUxIslas Brancas dos Lucafos, Celom le pez nome 
as Princezas por serem as primeras que se t^iram: {Da 
Asia'^Dec. I, lib. III, cap. XI; 1. 1, p. 25i.) D'après 
la vraie position des solstices et des équinoxes dans 
Tannée solaire , la découverte de 1* Amérique devait être 
célébrée le 22 octobre. 

• Essai politique , t. II, p. 258. Les extrémités dtt 
continent vers le nord et vers le sud n'ont été décou« 



SSCTIÔlf DElîXlfilfi. S9 

jMwque dix mis de moins quHl nVn a Êdlu de* 
puis les voyages de Cook jusqu^à celui du 
captlaiue King pour déterminer le contout* du 
petit continent de la Nouvelle Hollande '• 
LVotitité qui régnait parmi les nations com«- 
meroantes depuis les dernières vingt années 
du quimdème siècle , augmentait la chance de 
ces découvertes quW pourrait appeler imo*' 
lùniairês^ parce qu^elles notaient dues qu^à 
des déviations causées par la force des coui^ans 
et I^împétuosité des vents. J^ai déjà fidt obser- 

vertes que bien tard : car même en reconnaissant la 
vérité des conjectures de Fleurieu {Vi^yage de Mar-^ 
chandy t. III, p. i 78) sur les traraut de Franeis Drake, 
cm ne peut jBdre remonter la découverte de la partie ùC^ 
ddentale de rarchipel appelé Terre de Feu (7fa# E^ 
saieihides de Drakè) et celle du cap Hom de Schouten^ 
qu'à l'année 1 67 8 . 

! Détermination plus détaillée sans doute, et d*iui 
pays qui inqûndt plus d'mtérét aux Européâoi. Je me 
•tds arrêté à l'époque où les décma^ertes ont été canit'^ 
nueê / car sans compter les vojages des Portugais 
antérieurs k 104^ et consignés dans ï Hydrographie de 
Rots 9 il y a depuis la navigation bien avérée du vaié« 
seau hollandais Duffhen au golfe de Carpentarié juS" 
qu'au temps de Coc^ , un intervalle de i65 ans. 



40 SECTION DEtJXIBME. 

ver ailleurs que Fatterrage inopiné de Cabrai ' 
sur les côtes du Brésil prouve clairement que, 
sans la tentative courageuse de Colomb, celle 
d^une navigation directe vers Touest, les pro- 
grès que firent les Portugais sur les côtes occi- 
dentales d^id&ique en cherchant la route de 
rinde autour du cap découvert par Diaz, 
auraient nécessair^n^it amené la découverte 
de TAmérique au sud de Téquateur. Telle est 
la compUcation du mouvement des eaux dans 
ces fleures pélagiques qui parcourent la 
grande vallée de PAtlantique , que lorsqu^on 
voulait longer un des bords de cette vallée on 
devait être emporté insensiblement vers le 
bord opposé. Diaprés les considérations qui 
précèdent, la véritable gloire de Colomb, je 
le répète avec M. Washington Irving • , est 



* Voyez tom. I , p. Sij. . 

* Voyez un excellent article de ce littérateur sur 
Améric Vespuce, dans le supplément n^ IX de sa Vie 
de Christophe Colomb Çl. IV, p. 190). Déjà Voltaire 
avait porté un jugement semblable, guidé par cette 
justesse et cette admirable pénétration d'esprit qu'à 
tort on lui refuse souvent dans les recherches histo- 
riques : « Quand même il serait vrai , dit-il, que Ves- 



SJBCrriON DEUXIEME. 4^ 

peu compromise dans la question sur la prio- 
rité de la découverte du cap Paria. L^Amé- 
rique est à celui qui en a vu le premier la plus 
petite portion de terre ; mais dans lliistoire 
de la géographie du quinzième siècle, qui est 
Tobjet de cet ouvrage, il ne s^agit pas seule- 
ment de la gloire et du degré de mérite des 
navigateurs, il s^agit d^éclaircir les faits et de 
peser le degré de certitude qu^on doit leur 
attribuer après un mûr examen. 

ilméric Vespuce, de quinze ans plus jeune 
que Quîstophe Colomb ^ , appartenait à une 
famille considérable et très aisée de Peretola , 
près de Florence. Né à Florence même, il 
étadt troisième fils d^Anastase Vespucci , no- 
taire public, noiajo de* Signori. Un de ses 
ancêtres, enrichi par le commerce, Simone di 

puce eût fait la découverte de la partie conduentale^ la 
gloire n'eu serait pas à lui ; elle appartient incontesta- 
blement à celui qui eut le génie et le courage d^entre- 
prendre le premier voyage, à G)lombo. La gloire, 
comme dit Newton dans sa dispute avec Leibnitz^ n'est 
due qu'à l'inventeur. » (^OEut^res complètes ^ 4 785^ 
t. XIX, p. 428.) 

' En supposant la nabsance de G)lomb eu i436 , 
d'après Bemaldez , le Ctwa de los Palacios. 



49 MOTION Dsinaim; 

Piero Ve^oci, aTidt fondé peu avant 4383 ^ 
dans une des maitons des Vespuce, un hôpital 
sous le nom de S(tnia Maria delP undlià. Cet 
b6pital avait passé , au commencement du dix- 
septième siècle , sous la direction des frères 
èe 8t««»Jean de Dieu. Comme on suppose avec 
beaucoup de probabilité qu'Amène y est né , 
tes religieux ont fidt gravw, en 1719 , au-des- 
sus de la porte , Pinscription suivante : Ame^ 
rîco Vespuccioy Patricio Florentino^ ob repeR"- 
TAM Americam^ sui et patruB nominis illustra^ 
tori^ ampUfictUon orbis terrarum : in hoc olim 
F'espuccta domo a tanto virohàhùata^ etc. 
On ne peut être surpris quWe inscription ^ 
qui a été placée aux firais des anciens do^ 
nataires et dans les murs qu'ils ont élevés , 
tranche un peu lestement la grande question 
de la découverte du Nouveau Continent. La 
phrase ob repertam Américain ne laisse pas 
même lesîlesLucayesetles Antilles à Colomb* 
Des érudits qui semblaient tenir moins à la 
priorité des découvertes qu'à une latinité clas- 
sique , ont blâmé ^ l'expression amplificaton 
orbis terrarum. Ils y ont vu « un pouvoir créa- 

^ Cangsluehi^ NoUtie siorkhep p. 4^. 



ncnoH mmaoÊM» 43 

• 

teur. » SHl ne s^agissait pas de k défiaoae des 
religieux deSt.-Jean de Dieu, jWnois recourt 
à Tautorité de Voltaire qui loue CSiristcqihe 
Colomb a d^aToir doublé les œuvres de la 
création. ^ 

L^cmele d^Améric , le savant Giorgio Antonio 
Vespuoci, religieux de la congrégation de 
St.-Marc, ami du Platonicien Marsile Fidn 
de Florence, donna des soins assidus à Pédu- 
cation du futur voyageur, Bandini, auteur 
d W magnifique éloge d^Améric , loue les pro- 
grès précoces que fit le jeune homme dans la 
latinité et les belles-lettres. J^entre dans ce 
détail de circonstances si peu importantes en 
dle»-mâmes, parce que le nom de Tcmole, 
qui se trouve dans une lettre d^Améric, est re** 
gardé comme une preuve que cette lettre 
n'est point adressée au roi René d'Anjou , et 
parce que Ton nie qu'Améric ait pu rédiger 8e$ 
voyages en latin. Une autre lettre du jeune 
homme écrite en 1476 et pubUée par Ban- 
dini ^ , n'offre pas une preuve bien convain<- 
cante de la précocité de son savoir \ II avait 

» rUa di Amer. p. XXVII. 

• TlEABOSCHI , t. VI , P. I , p. 187. 



44 SECTION BEUXIEBIE. 

• 

déjà 25 ans accomplis, et encore il avoue d^ê- 
tre forcé de consulter les rudimens de la gram- 
maire latine : il craint même de composer 
quelques lignes en latin pendant Fabsence de 
son oncle Giorgio Antonio ^ Lé seul des con- 
temporains de Christophe Colomb qui ait vécu 
assez long-*temps pour se croire en droit de 



* Améric écrit avec une naïve simplicité à son père 
(yiro ser Anastagio de Vespuccis , patri suo honorùndo) : 
« Absente patruo nondum audeo latinas ad vos litteras 
dare, vemacula vero H) gua nonnihil erubesco. Fui 
praeterea in exscribendis regulis y ac latinis y ut ita lo- 
quar, occupa tus , ut in reditu vobis ostendere valeam 
libellum in quo ilia oolliguntur. In Trivio Mugelli die 
XVIII oct. i476> * Améric était né le 9 mars i45i. 
Giulio Negri ^ dans V Histoire des hommes de lettres flo^ 
r€;^/w^ distingue (p. 297) Giorgio Antonio Vespucci, 
Fami de Ficino et le précepteur du Gonfalonier To- 
maso Soderini , d'un savant professeur de Pise, Gior- 
gio Vespucci , ami et défenseur de Tenthousiaste Fra 
Girolamo Savonarola , chef du parti démocratique des 
Plagnoni de Florence. Comme Bandini , dans la yie 
d* Améric Fespuce, ne parle (p. XX) que du premier 
qu'il désigne aussi comme attaché à Fra Girolamo, il 
me reste le soupçon de l'identité de ces deux hommes, 
tous deux dominicains et hellénistes. 



SECTION DEUXIEME. ^5 

m 

dire du mal d^Améric Vespuce, don Bartho- 
lomè de Las Casas ' , le nomme , malgré sa 
Ymne^latino y éloquente. L^évéque a pris sans 
doute une traduction latine de Giocondo pour 
le texte original , et s^est laissé séduire par le 
mouvement du style et les fréquentes citations 
des grands noms de Virgile, de Pline et de 
Mécène, du Dante ^et de Pétrarque, que ren- 
ferment les écrits d^Améric. 

Une lettre de son frère Girolamo , que le 
commerce paraît avoir attiré dans le Levant , 
prouve qu'ail résida à Florence jusqu^en i490; 
car cette lettre est du 24 juillet 1489. Des en*- 
treprises mercantiles le conduisirent en Espa- 
gne , qu^il avait même déjà envie de quitter*, 
au commencement de i493. Ce projet ne fut 
pas exécuté , et des documens découverts par 
Munoz nous montrent Améric employé comme 
commis {Jactor) dans la puissante maison de 
commerce du Florentin Juanoto Berardi éta- 
bli ' à Séville depuis i486. Comme cette mai- 

* Hist, gen. de Indias, Mss. lib. I , cap. i4û. 
^ Lettre de Donato NlcoUni y compagnon d'Améric ; 
dans Ba5dini , p. XXXVI. 
i Nav. t. III , p. 3i5. 



46 SECTION DEUXIEMB. 

son jouissait de la confiance de la cour et fai- 
sait les avances pour rarmement de la seconde 
expédition de Colomb , on peut croire que 
Vespuce a connu Pamiralpour le moins depuis 
cette époque. Il n^est cependant pas probable^ 
comme le supposent le géographe Sébastien 
Munster ^ et Pabbé Canovai , qu^il Tait accom- 
pagné dans son premier ou dans son seccmd 
voyage. Juanoto Berardî étant décédé en dé* 
cemfare 1 49^i pendant que O^lomb était absent 
d^Bspagne et&isaitle second voyage, Veqcnict 
fat placé à la tête de la comptabilité de cette 
maison K Le premier document des archives 



* C^m»gr. unii^. p. iio8| et CAifOYAi, p. 96; Ir* 
TUG, t. IV) p. iSq. J'oppose deux dates à Fasserdon de 
Canovai. Colomb est revenu du premier voyage le 
i5 mars i493 ; du second voyage , le 1 1 juin 149^* Or^ 
la lettre deNicolini, écrite en Espagne le 3o janvier 
1493, est signée en même temps par Améiîc Vespuce | 
et Munoz a trouvé dans les archives de la Casa de Ccrt» 
tratacion un doc^ument d'après lequel le ti'ésorier Pinelo 
a payé à jimerigOj à Séville, lOyOoo maravedis le la 
iaovier t49â* L^ pièces alléguées prouvent donc 
Vaîibi poui' les deux voyages de Colomb. 

* Vespuche (dit ime pièce officielle) se énewgd de 



BICTION DEUXISm. 4? 

espagnoles daos lequel il soit désigné par son 
nom y est ^ selon M. Navarrete , du 12 janvier 

1496- 

Avant d^entrer dans la discussion des quatre 

Toyages attribués à Vespuce et coramencés , 
Mlonles^bâfàrenteslettresimprimées^en i497t 
i499i ^^^^ eiea i5o3, jem^arrêtepoiH*pré* 
«enter quelques réflexions nouvelles sur la fi- 
liation étymdogique de ce nom è^Amerigo^ 
devenu ai c^nre par la bizarre application 
géograpbique qui en a été faite en i5o7. La 
pi^éfôrenoe ^nnée dans cette aj^oation au 
fvénom ou nom de baptême sur le nom de 
ftisillef a eu sans doute sa source dans le scm 
da dermer peu agréable a Tor^e, sous^ la 
fbnne de Vespuceia^ comme dans Fusage si 
cmrniwn en Italie et en Espagne de désigner 
des personnes marquantes parle prénom seul» 
Les livres de conoqf^tes dans les archives de S^ 
viBe portent souvent : « Doit avmr (Aa deha-^ 
Aer) jâmerigo. » Ce nom très rare, peut-être 
entièrement inusité en Espagne , pouvait même 
être pris par le peuple pour un nom de fionille. 

Umer la tuemta cou hs maesiros dei/Uiejr suelêêSj €le« 
(Nav. t.II,p. 317.) 



^8 SECTION DEUXIEME. 

Étant très sonore, il offrait Pavantage d^étre 
toujours correctement écrit dans lesdocumens. 
Je ne trouve qu^une seule fois dans le procès du 
fisc contre les héritiers de Colomb, que Hojeda, 
sous lequel Vespuce avait fait le voyage de 
Paria, en 1499) ^^ nomme Morigo. Muftoz ^ ob- 
serve que le plus souvent le voyageur floren- 
tin signe AmerrigOn Nous verrons bientôt que 
c^^st presque une preuve d^érudition que de 
doubler la lettre r. Il était plus aisé aux Espa- 
gnols dMtérer Porthographe dunomde&mille 
de Vespuce. On rencontre le plus souvent 
Amerigo p^espuche'j mais une cédule royale 
du. il avril i5o5 porte ^men^ deEspuchey 
vecino de la cibdad de SeviUaf la lettre de 
naturalisation donnée i3 jours plus tard porte 
Vezpuche (Nav, t. III, p. 292); dans les 
patentes de Piloio May or ^ on lit Vispuche et 
Despuchi (III, 298 et 299). Ck>lomb écrit 
dans ses lettres assez correctement Vespuchy. 
On voit pai' ces variantes et par cette difficulté 

' ProhgOy p. X. On trouve aussi écrit en Italie , 
au lieu d'Amerigo : Damerigho de Rossi (Bandini, 
p. XXXIX), tlAmerigo Corsini (Givuo Nc^ai , Isior. 
degli Scritt. Fior. p. SSj). 



1 



SECTION DEUXiSME. 49 

de saisir le nom tle famille , que si Tami de 
Ck>lo«ib ri^avait pas eu le nom d'Amerigo^ 
nom Imrmonieux et peu commun àla fois ; que 
s'^il avait été baptisé, comme plusieurs de ses 
ancêtres ^ , Michel , Romulus ou Biaise (Biagio) 
Vespucci, le-satrant cosmographe de St.-Dié , 
Hylacomylus , n^aurait pas pen$é à chercher 
dans ces prénoms la dénomination d^une nou- 
velle partie du monde. Il en cherchait, di- 
sait-il, qui pût figurer dignement à côté 
des noms mythiques de TEurope et de TAsie. 
Les contemporains de Vespuce ont traduit 
Amerigo en latin , non par Amalricus , comme 
ils auraient dû le Êdre, mais par Aïbericus. 
On en a la preuve dans une édition latine du 
Toyage de i5oi imprimée à Paris par Jehan 
{Johann?) Lambert^ et par Vltinerarium Por^ 
tugallensium j cap CXIV, pubUé ^i i5o8. Ce 
nom di^Alhericns rappelait beaucoup dliommes 

- Voyez la table généalogique des Vespucd à la fin 
xle l'ouvrage <le Bandini. Cette table remonte jusqu'au 
commencement du 1 4® siècle. J'y trouve que le seul 
jj;rand-pèi*e de notre Vespuce a porté le nom d' Ame- 
rigo. Il n'est guère surpi-enant que ce nom ait obtenu 
plus de faveur dans la ligne descendante. 

, IV. 4 



50 SECTION DEUXIEME* 

célèbres ilu moyeu-âge qui Pont porté, même 
la secte des philosophes ^/^ricoi)», nommés 
diaprés Albéric de Rheims, élève d^Anselme de 
Laon. Il a été adopté dans la ti*aduction alle- 
mande que Rucham^ a faite dans la même an- 
née du Mondo No^o di Montaboddo (Vicenza , 
iSoj), Telle est la confusion que fait naître la 
traduction des noms propres, que de nos jours 
encore le savant Meusel s^est plaint de ce que 
les voyages de Vespuce ont été primitivement 
attribués « à un certain Âlbéricus >> {Bibl. 
hisl. t. III , pars I, p. 221), et que Kuchamer 
prend naïvement Fillustre maison des Medici 
pour une famille de médecins étabhe à Flo- 
rence \ Gomara, dans son Histoire de Vinde 
(Çaragoza, i55i), réunit le nom itaUen au 
nom latin. Le passage dans lequel il est ques- 
tion du voyageur florentin est d^autant plus 
remarquable, qu^il renferme une allusion à Té- 



« Voyet Uniekanihe Landie (Buch. V). • Copia eine» 
aendibriefes so Albeiicus Vesputius gesandt hat Lau- 
i*encio Pétri ai*t£le zu Florentia.» C'est la lettre qu'on 
croit adressée à Lorenzo di Piei'cfi'ancesco de' Medici , 
personnage que le traductnir -désigne comme un cer- 
tain Laurent Pierre, médecin dans la ville de Florence. 



8BCTI0N I>£UXIE1I£« '5i 

^tion de la Géographie de Ptolémée publiée 
par Servet en i535. « Il y en a, dit Gomara , 
^qui se plaisent à noircir {tadiar) la réputation 
d^Jlmerico ou Alherico Vespucio , comme on 
peut leyoir dans quelquesPtolémées'deLyon. )» 
Le traducteur français de la célèbre collection 
de voyages de Vicence {Manda Nova^ ^507), 
Madmrin du Redouer ^ a confondu Eméric * et 
AGberico; Le titre derson ouvrage, qui a pin- 
ceurs éditions '. dont une est de idi6« porte 



^ « Tolomeos de Léon deFrancia. » Gomiea, fol. ^, tu 
Les éditions de Servet sont de i535 et i54i • Elles sont, 
comme nous le verrons bientôt, aussi contraires à la 
^gloiredeVespuce que Tédition de Ptolémée publiée à 
Strasbourg ea i5ii était exagérée dans les louanges. 

* Parfois le s^mmt Giorg' Antonio Vespuoci désignait 
aussi son neveu par le nom d'Ëmenc. On trouve dans 
une de ses lettres (probablement de 1476) : « Emericus 
hœe scribeRS hoc nùcie apud nos est* y> (Baxpiiii, 
p. XXVIIL) 

^^Câmvs, Mém. sur les coUections de voyages des 
De Bry et de Thévenot^ 180a, p. 346. Comparez aussi 
les observations curieuses que M. Biddle a Êdtes sur 
un passage de cette ti^aduction ancienne relative à la 
première apparition des vagabonds bohémiens en Eu- 
rope eu i4i6y et de leur ressemblance avec les indi- 



52 SECTION DEUXIÈHB. 

Le Nouveau Monde et navigatwnsfaictes par 
Eméric de Vespuce. Pierre Martyr d^Anghiera 
el Hy lacomylus conservent en latin, Tun dans 
ses Décades Océaniques^ Fautre dans les 
Quatuor îiavigatwnes , le véritable nom d^A- 
merigo, en le traduisant par Americus. On 
peut croire que le cosmographe Hylacomylus, 
natif de FAllemagne méridionale , ne se dou- 
tait pas (comme Ta judicieusement remarqué un 
littérateur profondément versé dans Fétude 
des langues, M. vo/i der Hagen) qu'yen inven- 
tant le nom d'Amérique pom* distinguer le 
Nouveau Continent, il lui donnait un nom d^o- 
rigine germanique. Je pense qu'ail sera utile 
de consigner ici un extrait très concis de Fintë- 
ressant mémoire ' que le savant professeur de 
Funiversité de Berlin a .publié récemment à 
ma prière. 

gènes américains amenés par le capitaine Gaspard Ca 
/ro^/ (G)i'tereal). Memoir of Sclasdan Cabot ^ i"83i , 

p. 34o-a44* 

* Amerika, ein ursprûnglich Deutscher Name (1* Amé- 
rique , un nom originairement germanique). Letire de 
M, von dcrJïagen à M. Alexandre de Humholdt, dans 
le Neuem lahrbuch <icr Berliner GeselUchaft fur deutsche 
Sprache. Heft I (i835), p. 1 3-17. 



I 



8fiCriON BBUXlàlfE. v 53 

« Le nom italien Amerigo est d'origine tout 
aussi germanique que le sont Federigo et Arrigot 
il se trouve dans le haut-allemand ancien, sous la 
forme A^Amalrich ou d^Amelrichf ce qui est dans 
le gothiqua Am^larfiikSf comme Fritbareiks du 
calendrier ecclésiastique des Goths* Les formes 
variées données à Amalrich sont (d'après Neug ART^ 
Cod. dipL Alemann. des années 740 ^ 9^^) ' 
jimalricf Amalrffif AmUrich^ Amidricfi. Les 
incursions. et 1<^ conquêtes des. peuples du Nord, 
celles des Goths et d^ Loogol^s^rds. surtout^ out 
répandu le nom d'Amalrîc}i^ duquel dérive Amc" 
rigOj dans la patrie des langues romanes. Un grand 
nombre d^bommes illustres ont porté ce nom. Il 
suffît de citer ici Amalricusj roi des Golhs occi- 
dentaux, fils d'Alaric , Amalricua, archevêque de 
Narbonne, et Almaricusy comte de Montfort, fils 
de ce Simon de Montfort qui sévit si cruellement 
contre les Albigeois. Les Français de ce temps ont 
traduit Amalric par ^maury^ ^ comme ils ont 

' Par un second retranchement de letU*es , Amaury 
est devenu Maury. Le nom d^Aùnery n*est pas de même 
origine. 11 tient à Aimo, Haimo (enfans d*Haimon), 
ou, par une double alte'rationy à Helmerich et Helmric/t, 
noms dont les documens alémanniques de Neugart of- 
frent de nombreux exemples. {Note de M, de Hagen,-) 



54 SECTION DEUXIÈME. 

substitue Baudouin à Baldewiny Gondebaud i 
GMndAaldy ammaux à animais. 

« Lorsqu'en italien Yespuoe emplote le double r 
en signant Amerrigo^ c'est par asaimilaiion de deux 
•onsonnes raj^odiées; c'est Amerrigo pour AjneU 
rigOf ou AmelncQ {nwsi d'un ëréque de Came en 
865). Ainsi on dit en italien vorrei pour vcluerim^ 
Corrode et Arrigo'jpwn les noms allemands Konrad 
et Heinrich. Il y a plus : dans la chronique italienne 
de Pise qui finit en i4o6 {Tarlmi^ Script. liaL t.I, 
p. 4^4)9 1^ ^ Amalrich (Âmaury) de Jérusalem , 
frère de Baldewin (Baudoin), au secours duquel 
étaient venus lesPisansen 11699 signait lui-même 
AnierigOy exactement comme fit Vespuce le Flo- 
rentin. 

« n ne faut pas confondre AKericus et Emericua 
avec Amalricua ou Amerigo^ quoique Vespuce, 
ou pour le moins une grande partie de ses contem- 
porains aient employé comme synonyme d'Amerigo 
le premier de ces noms. Ils ont même cm par er- 
reur que ^mer^^ était une transformation ita-~ 
henné du mot Albericus y nom qui leur rappe- 
lait AlbOf Albanua, Albius, et paraissait pour cela 
d'une latinité moins contestable. M. de Humboldt 
•a déjà fait observer ailleurs que Christophe Cb- 
l0mbo y après avoir espagnolisé son nom italien en^ 



1 



SECriOIf DEUXIEME. 55 

Golùn^ se plaîsaU à le rendre en latin par Colonua, 
ce quiy selon la biographie écrite par le fils, ëtait le 
nom dû procnraAeur du Pont par lequel Mitliri- 
clate fot coudait à Rome* D'ailleurs ^mairie n'est 
pas plus nu nom de saint qae Âlbéric* Ce dernier 
se présente dans le dialecte aUemannîque, d'après 
l'alile recueil de Nengart, sons les formes diverses 
iVjilbaric, AUdrih et Alberich, italianisé en Al^ 
berigo. Cest dans la sphère poétique le nain 
^/AerïcA deTépopée des Niebelungâriy c'est YEt^ 
herich du Helderibueh. En français, Albcric est 
identique avec Aubeiy, d'où Avberofij dans le 
Huon de Barde€iux^fX\Q PeUlAuber que Isaye 
le Triste appelle fils de Jules César et de la fée Glo- 
riandr. D'ailleurs Albericus est d'origine germani- 
que, tout comme Amalricua : on y trouTe la ra- 
cine A^ > {àB})^ montagne et rivière. Mberich 
signifie qui est riclie (reieh) en Albert, Alpes* 
C'est Tcxpression du pouvoir, .de la seigneurie ter- 
ritoriale, des ricos lionibres. 

« Emericua, également confondu par erreur avec 
Amerigo (par exemple dans la traduction française 

' GsAFF, AlthochdeuéscherSpraehschtaz^ t. I, p. 242 : 
Alba^ Elbe, etf, rivière ; puis dans un sens mythique, 
les Etfefty esprits de la terre, de Teau et de Tair, ti*!» 
pygmées Erdei Wasstr-Elfen, Licht-J/fen, etc. 



56 SECTIOIf DEUXIEHE. 

du MondoNoiK) par Mathurin du Redouer, i5i6)^ 
est un nom de saint* Il tient i Empenric (dan9 
les dialectes scandmates^ lormunrelr) , (Ai| en j 
ajoutant l'aspiration ^i Hermanrich ^> tandia que 
AmaJrich dont Amerigo est Takëration moderne 
italienne, nous conduit historiquement vers la ce* 
lèbre dynastie ostrogothique àesjinuda^ qui donna 
au peuple entier des Goths le nom XAmelungen^ 
Tai déjà signalé plu» haut les wiaUons d'Araal- 
rich qui sont» Am^y Am-il et Am-id-rich. La 
racine om, très répandue dans l'islandais et dan9 
toute la Scandinayie, se retrouve dans ama^ acca* 
hier, amiy peine, charge, amblj labeur, travail qui 
fatigme 3.. La racine sanscrite o/ri réunit les sîgnifi-^ 

' Hermanriehf aussi petite Armin (Hèrmtn, Irmin), 
trouvent leur explication dans Hermcum [Heer-Mann) ; 
la véritable racine est' ar-m ou ir^m^ la terre qui se 
trouve dans airtha, êrtha, hertha, jord (Erde, Ipa , 
terra.^ La ville d^Emmerich , dans le duché de Clèves , 
n'est pas américaine : car elle n'a pas de filiation, avec 
Amerigo. Déjà dans le septième siède, elle portait le 
nom ^Enibrica, qui rappelle le nom héroïque d'J/n- 
breck^ neveu du roi puissant Ermenrich (Jârmunrikr) , 
célébré dans le poème Reineke Voss, 

(Note de M. de Hagen,) 

• Une autre étymologte très ingénieuse diAmala (de» 
a et ma/, sans tache) a été donnée par M. de Schleget 



fiBGTION DEUXIÈME. 5/ 

cations ire, colerej œgroUun esse^ sonian eàere. Il- 
eo rÀulte que jùncdo, Amalung et Amalrioh' 
indiqneût celm qui endure des labeurs j exprcs^on 
cpiy par une réunion de circoDsIances fortoiles, 
^Caractérise bien le navigatew: auquel on a youlu 
attribuer la découverte d'un Nouveau -.Continent. » 

Comme dans les éclaircissemens qui précè- 
dent, il est question d'aune racine, sanscrite ^ 
je n'^aurai pas besoin d^excuse si j^appuie ce 
raisonnement étymologique de la grande au- 
torité de M. Bopp, le célèbre auteur de la 
Grammaire comparative, a Dans le nom dijâl- 
mairichf dit-il, la. seconde partie se réduit 
avec assez de certitude à Fancienne langue de 
rinde* La forme gothique est reikjis^ qu'on 
écrit aussi reikisj et qui signifie riche ^ puissant. 
L'idée de la richesse est liée à celle du pou- 
voir; car reiks est le dénominateur, le chef. 
Ulfîlàs remploie en traduisant ap^yy^. Aussi imr- 
perium [otpy^) est le substantif de reikîy das 
Itewh de Fallemand d'aujourd'hui. Ce mot 



dans la Bihliothèqut indienne ^ t. I^ p. ^33. M. de Hà- 
gen oppose l'absence d'un a privatif dans le gothique, 
et d'autres raisons que je dois supprimer ici. 



58 SSCTIOR DEUXIEKE. 

nous porte sur le sol indien, ear scm théne^ 
c^est-4-dire le mol, eti îakaatkt abstracticm de la 
désinence des oas, est reikja^ dont le datif 
pluriel est reikjOrm, entièrement andbgue^par 
une mutation des lettres usitée dians le sans- 
crit et le gothique , à rddschja, jMt^prement 
rdgjra (en prononçant le ^comme en italien 
devant ^ et i*). Quant à la prenri^e partie du 
nom d^Amaîrwhy dont dérive Amerigo^ j^ai- 
merais presque ne pas dépasser le dcMmaine des 
langues germaniques pom" remonter vers le 
sanscrit. La racine am ne me pM^t indiquée 
par les grammairiens in£ens que pour y ré- 
duire systématiquement des substantifs d'un 
usage assez rare ; amata^ m^die, souffrance ; 
amatif temps; amanij chemin, n Le nom de 
TAmérique ayant pénétré chez tous les peu- 
ples civilisés de la terre, il n^est pas sans im- 
portance de suivre , pour ainsi dire , jusquW 
dernier terme , dans les divers embranche- 
mens de la grande Ênnille des langues indo- 
ffemumiques ( à laquelle appartiennent aussi le 
persan, le grec et le latin), la filiation du pré- 
nom de Vespuce. Il n'y a que les habitans du 
Céleste Empire qui ne paraissent pas avoii-, 
dans leur langue, un nom général pour dési- 



il 



SECnON 1>EUXISMB. 5» 

gner le Nouveau Contment. La ComipgrmfAie 
chinoise^ dont nous devons la publication à 
M. Klaproth, ne désigne FAmérique , dans son 
style figuré^ que conmie « &ce postérieure de 
la terre» t» Cependant au|oardlioi les Poils 
rt>i^«#*,^aprtettToircotoyécepajs,aiTi¥ent en 
foule à Canton, et les dftrfés efainoises semblent 
Touknr abréger à ees &zr&ire^lanaTigMioiide 
rinde en lew montrant IHstfame de Panama 
percé sar àeoJL points par des détroits oeé&Qi- 
ques* 

Noos BTons rappelé pltB haut que les docu* 
nra:is conservés dans les arcinves dTBspagne, 
sans faire mention des deux premiers voyages 
d^Amérique Vespuce en i497 ^^ ^499^ offrent 
souvent son nom, mais altàré de £verses ma- 
nières, d'abord de Tannée 1496 à celle de 
i499, ^^ P^^ ^^ ^^^^ ^ i5i2. Pendant Tinter- 
valle des cinq années qui ont précédé celle de 

' HaïKouëwen Kian hu, dans la Notice (tune map- 
monde chinoise, i833. 

* La Êonille nombreuse et commerçante de ces Bar- 

» 

hares du nord-ouest ou Poib rouges {Houng^mao) 
comprend outre les Hollandais ^ les habitans de TAn- 
gleterre (lag^ki-ff)^ de la France (Fau-lang-si), de la 
Suéde, du Danemarck et de la Russie , c'est-à-dire du 
^ays des lo szu (L. c. p. 35, 37, 49 et 80). 



60 SECTION DEUXliN'E. 

i5o5, Ve^ucea été soit à lidionne, soît em- 
barqué sur des vaisseaux portugais. Il est 
cependant fort étrange que malgré les re- 
chttTcfaes les plus suivies Êdtes par M. le vi- 
comte de Santarem \ alors Jlx^hmsta mat or 
du royaume de Portugal, et depuis ministi^e 
des affaires étrangères', on n^ait pas découvert 
une seule fois le nom de Vespuce dans les do- 
cumens portugais de la Jbrre do Tombo. 
Cette omission est d^autant plus remarquable 
que le roi Emanuel, par les ordres duquel 
Vespuce assure avoir fidt les deux expéditions 
de i5oi et i5o3, donnait un soin très parti- 

• 

^' Voyez là savante dissertation de M. de Santarem j 
uiaérée dans le troisième volume de Touvrage de Na- 
varrete (^Documentas u? XV). Jç possède des additions 
manuscrites à cette dissertation que Tauteur a bien 
voulu me communiquer pendant mon séjour à Paris en 
i835, et dont j'ai profité dans cette Deuxième Section. 
Cette absence de tout document portugais qui. fesse 
mention de Vespuce, contraste singulièrement avec 
Tasserdon febuleuse de Giulio Negri « sur la re- 
connaissance du roi de Portugal qui fit suspendre en 
perpétua memoria del nostro Amerigo nella Catedrale 
Basilica di Lisbona, corne immortale tro/eo , gli avanzi 
ghriosi délia conquistatrice sua nave. • (^ Istoria degli 
scritt. Fior. p. 3i.) 






8BCTI0N • DEUXI£M£ . 6.1 

culier à tout ce qui pouTait contribuer à con- 
server la mémoire des événemens de ton 
règne. « Comment expliquer, » dit le vicomte 
de Santarem dans sa lettre datée du 25 juillet 
â826, « que ce roi, qui se rendait souvent en 
personne aux archives du royaume pour y 
Êûre enregistrer des docomens tirés de la In- 
bliothèque du roi Alphonse V, aurait oublié 
Ae recueillir les livres et journaux^ de rouie 
que Vespuce prétend lui avoir remis ? Conf- 
inent concevoir que le célèbre archiviste Da* 
-mian de Goes % qui s^occupait tant de rela- 

' Dané la lettre de Vespuce qui ti*aite du troisiémp 
•¥oya^ (de mai i5oi à septembre i5oa) et que Bandinî 
croit adressée à Lorenzo de Pierfrancesco de Mediciy il 
est dit vers la fin : « V. S. mi perdonerà, se io non le ho 
mandati 1 memoriali fatti di giorno in giorno di questa 
ultima navigazione^ siccome io aveva promesso; n* è 
«lato ca|ç^one il sercnissimo Re (di Portogallo )« che atk' 
cora iiene appresso di sua Maestà i miel llbretti. » Bait- 

DUfl, p. 120. 

* La collection complète àes opuscules du Portugais 
Damian de Goes y Tami de Bembo^ se trouve à la suite 
de Tédition des Décades de Pierre Martyr publiée à Co- 
logne en 1674 9 p* 449-6^^* L«8 lamentaiiont sur Tétat 
desLàfons (^Dcploratio Lappiana geniis) et la défense 
des auberges de lEspagne contre le géographe Sébas- 



6^ 5BCTIQN DEUXIÈME. 

tioDS de TDjages et de découT^rtes maritiiiiesY 
^[ui en cosumuniquait sans cesse à Ramusio et 
ifm avait Toyagé lui-méflie par taute Fltalie , 
n^eut pas eu connaissance d^expédidons fiâtes 
k une époque dont il n^était séparé que par un 
intenralie de quarante-cinq ans ? n Ces oi^gec- 
tàxms sont sans doute d\ui grand poids; mais 
des preuves négatives^ le manque de docu- 
Btens dans des matières qui d^abord n'^ont pas 
paru d^une importance majeure , ne permet- 
tent pas de trancher définitivement la question 
de savoir si Vespuce a navigué sur des bâ- 
dmens portugais. Il avoue lui-même^ dans la 
relation emphatique de son troisième voyage, 
que le roi Emanuel, « très r^oui de son ar- 
rivée , lui Êdsait de vives instances pour partir 
avec un convoi ' de trois navires destinés à la 



tien MUnster (p. 5sa et 647) ^ sont jointes au Traité 
curieux De jEtkiopum moribus^ et aux lettres de Da- 
y\ày roi d^Abyssinie, à Emanuel 9 roi de Portugal , tra- 
duites par Téréque deNocéra, Paolo Gl0iTi(Paul Jove). 
' On lit dans Ramusio (t. I , p. is8) et dans Ban- 
dini (p. 47) - « U lEle mi pregà que fossi in compagnia 
di ti*e sue navi ; » dans Fédition d'Hylacomylus : « Ut 
«ina cum tribus ejus conservantiae navibus proficisci 
vellem , • ce que M. Navarrete rend par « que fuera en 



t 



SECTIOH OEUXIBIIB. 63 

.JécouTer te de nouv^es terres« » Il nVtaitdonc 
pas, dès le cosimwceineQt du voyage, le chef 
de rexpéditicm , mais sâmplenieQt un homme 
dont les connaisfwuces nautiques pouvment 
devenir utiles , connaifisances qui , comme 
nous le verrons plus tard, Voat fiât aj^récier 
inconlestablement ^i Espagne dès Tannée 
i5o5« Je puis d^aiUeurs prouver par un pas- 
sage de Pierre Martyr, lié intimement avec le 
neveu d'^Amâic , que Poncle était protégé et 
^oldé par le gouvernement portugais* jimeri- 
eus F^espucius FlorenUnus auspicus el stipen- 
dia Portugalensium ultra lineam œquinoo- 
iialem adnai^igwii. La deuxième décade', 
qui renferme ce passage remarquable , a été 
rédigée * deux ans après la mort d^Amérîc, au 
mois de décembre i5i4« Une autre {«reuve 
plus importante encore se trouve dans les té- 
un ooDvoj.» Ces expressions n^iadiquent pas le corn- 
mandement d'un navire* Ce n'est que lorsqu'on se 
trouva en grand danger et qu'après avoir tenu conseU 
« che fil deliberato che si seguisse quella navigaziooe, 
che mi paresse bené ^ e tuUo fu rimesso in me il mand9 
della flotta. » (Bandini, p. 53. ) 

' Dec. II, Ub. 10 9 p. 199. 

a Voyez la fin du deuxième livre, p, 204. 



64 SECTION DEUXIEME. 

mcngnages officiels de Sébastien Cabot, de 
Jean Vespuce, neveu d^Améric, et d'autres 
pilotes célèbres , relatifs à la yéritable position 
de la Ugne de démarcaiiwi ; témoignages que 
MuAos a trouvés dans les archives de la Casa 
de CorUratadon de Séville. Nuâo Garcia 
«xpose (en i5i5) que « quant à l'incertitude 
qu'on a sur la latitude du Cap St.-Augustin , 
Amerigo lui a dit plusieurs fois qu'on pouvait 
placer ce cap par les 8"*, tel qu'il avait coutume 
de le Êdre sur les cartes qu'il traçait dans sa 
maison ; que lui , Garcia , suivait ce conseil , et 
que si Andzés de Morales doute de cette posi- 
tion et qu'il objecte que Amerigo allait alors 
décowrirpour lé roi de Portugal [fue a des- 
cubrir por el Rejr de Portugal)^ on ne peut 
admettr^qu'Amerigo ait agi par malice, puisque 
déjà il était en Castille '• » D'ailleurs, par un 
concoiu*s de circonstances difficiles à expli- 
quer, bien d'autres événemens qui par leur 
nouveauté avaient également jeté un vif éclat 
dans l'Europe entière, n'ont pas laissé de traces 
dans les archives. Il n'existe , par exemple, à 
Barcelone*, aucun document qui fesse men- 

• Nàv. t. III, p. 3ao. 
f L. c. p. 3i5. 



8BCnON DEUXIBMB. 65 

tkm m de Tentrée triom(4iale de Christophe 
Colomb dans cette ville ( entrée dans laquelle 
il était accompagné, comme dit Herrera, « de 
sept Indiens et de beaucoup de perroquets >» ), 
ni de la réception solennelle que lui firent les 
Monarques CathdliqueB verg la nûraYril 1493, 
dans une salle magnifiqumnentofnée. Cep^i- 
dant Oiiedo parle de cette entrée et de cette 
réception comme témoin oculaire, étant alors^ 
à rage de quinze ans , page de Hn&nt don 
Juan. U rapporte que le roi Ferdinand était 
encore tamt pklt et défiguré de la blessure au 
cfA ^piehnaTaitportée, quatre mois plus tôt, im 
assassin plus imbécile que fimatique*. L^ab- 

* nem tSartjTf qui aooompagnait les monaïques à 
BtTceloiie, prouve clairement que cette tentative n'était 
pas Teffel de la vengeance des Maures et des jui6 , si 
cruellement traités alors; il ne regarde l'assassinat du 
roi que comme un fait isolé | sans conspiration ^ sans 
complices. U écrit au comte de Tendilla ( Episi. CXXV^ 
p. 69, de vulnere Régis nostriy. « Ferdinandum plénum 
triumphisy homo inglorius ^ ignotus, egens^ solo duc- 
tus furore, Regem quem nunquam vUicrai^ impetîit. Is 
natus ruri à Barchinona mlllia passuum novem , no- 
mine Cagnamarcs y ubi adventasse Regem sensit y clam 
se contullt in urbcm Bardiinonam. Intra divîe Mari» 
sacellum 1 in Regiae veterls vestibido , ad dextram in- 

rv- 5 



66 sfioriON DEuxiiiffi. 

s^ice des documens' dans les forchivM ne 

troeuntibus erecto^ exiturum Regem, qui jura ibidi- 
cebat, deambulans expectat. Efficitur obvius exeunti, 
transii^e Regem aKquantisper sinit descendentem a pii ■■ 
mo inai*more» scalse gradu ad secundom , ex alto, vi- 
hiato dicto citius ense, a tergo percutit m €<dluiii. 
Aureus lorquia, perpetuum Regîs gestamaii ^ necaput 
amputaretureo ictUy tutatus est, ktumque sustmuit« 
Lethale tamen vubius intulit, nec bene fidunt mediciy 
evasurusne sit Rex, nec ne. » Le danger mortel dura 
onze jours ; le douzième, le roi se montra au peuple « ex 
atrîi fenestra. » AngMera est allé voir l'assassin Cagna- 
nuare$ (Canamares) , et il décrit cette entrevue d'une 
mamère trèd piquante : « Percustor tribus iUioo vulne- 
xibaa Qon£)68ua y imperio Regia y ut quo consilio egerity 
intelligi possit, servatur. Capitur, invinculaconjicitui*, 
per lictores praetoresque cogitur causam fateri. Nihil 
praeter furorem ediscunt afluisse. Vidi ego hominem in 
vinculis atque allocutus siun. Sexagenario senior visus 
est, cano capite, acuto productoque mento, statui*a 
gracili et alta, oculis porcinis, nigris, tenuibus, obduc- 
tis , genis effossis (après six mois de prison) , sermone 
rarissimo, Satumo plénum esse aperte cognoscitur. Se 
fore Regem ^jactat , si Regem peremisset : ut facti pœni- 
teret, extorquerî ab eo nunquam potuit. Ignosci ejecto 
illi Rex imperavit ; sed patria id jura minime sunt pas- 
sa... Exstructa igitur ex more quadriga, per vicos et 
compita , frustatim ( strangulatus tamen prius , ne de- 
speraret') duc tus , secatur. » (Epist. CXXXI , p. 73.) 
' Parmi les omissions de choses existantes , je citerai 



SECTION Deuxième. 67 

prouTe pas que Colomb nWt pas été à Jkro^ 
loue après être revenu à Palos, le i5 mare 

Comiâe les détails des quatre to jageft d^A« 
méric Vespuce, i l^BXcq)tk)ii d\in seol^ mkai 
qu^il fit àTCc Hojedâ (en i499)i n^^oiit con^ 
nus que diaprés ses prqprtBS récits et non dW 
près le témoignage spécid de ses cont^npo^ 
rains, la paiMie bibliographique ou littéraire 
des publications et les voies par lesqu^es nous 
les avons reçues , sont tout ausiî ikoportantes 

comme un exemple frappant Tusage dii thé en Chine et 
la grande mwraine dont les Yoyâges de Marco Polo ne 
fetttpasAdiitioa.Lathé, 7V&aÂ(dV>ùlenomdeTeiMifa^ 
Cadiai) étett oepeachiBt d^àe<Muia> auneuvîtott aidcle» 
des yQja^urs arabes dont Renaudot a donné des ex* 
traits kicomplets. La direction de la route de Marco 
Polo et Tétat ddlabré de la muraille dans la province de 
Cliensi (Polo, éd. de Marsden,p. 23o-a34, n**446) 
sont des circonstances qui n'expliquent p* ^iffisam- 
ment poarqttoi h voyageur qui a été pendant trois atié 
ince-gouverneur du Yan^^-cheti-^fu et qui parle de tant 
de choses quli n*a pas vues^ n'ait pas Sût nUention d'uaa 
construction si gigantesque. Il me paraît plus simple 
d'admettre qull a oubUé dans sa prison, à Gènes, de dic- 
ter à Rustighello ce qull satait sur l'usage du Tchah 
et sur la gitinde muraille. 



68 8BGTI0N DBUXlàlCE. 

que Pexamen de leur yraisemblance historique. 
Il &ut se rappder d^abord Fétat des ccnnnah- 
nications de ces temps. Dans Fépoque mémo- 
raUe depuis la première expédition de Colomb 
jus^^à la mort de Vespuce , les nouTelles des 
grandes découTwtes maritimes furent consi- 
gnées primitiTement soit dans la correspon- 
dance des maisons de banque de Venise, de 
Gènes et de Pise, soit dans les dépèches des 
diplomates italiens accrédités auprès des cours 
de Portugal et d'Espagne; plus tard eUes pa- 
rurent dans des lettres imprimées ou livrets 
composés dW petit nombre de pages, et dont 
la connaissance n'aiurait pu parvenir jusqu'à 
nous, si oes petits écrits n'avaient pas été ré- 
pétés dans des r^cu^i^ plus volumineux. Quelr- 
que éclatant que fiit Fefiet que produisirent les 
premières navigations de Christophe Colomb 
vers l'ouest , les terres des Nouvelles Indes 
occidentales intéressaient plus encore les 
savans cosmographes et les philosophes amis 
de Pomponius Laetus que les républiques com- 
merçantes de l'Italie. Ces petits états , engagés 
dans les affaires de l'Egypte et de la Perse , 
avaient les yeux fixés sur un danger beaucoup 
plus imminent , celui des progrès que fidsaient 



SBCnoN DEVXlilfB. 69 

les P(»tugais sur les cotes d^Afirique. Cest 
surtout depuis le Toyage de Yasco de Gama 
que les correspondances que je vi^is de signa* 
1er furent le f^us actîres. Je citerai parmi les 
personnes ardenunent occupées à épier les ré- 
sultats des nouvdOies expéditions : Lor^izo 
Gretico, jadis professeur à Padoue et enroyé 
par la Signoria de Venise poiur séjomner à 
Tâflhonne; Piero PasquaUgo , andiassadeur de 
la république auprès du roi Emanuel; Vî- 
cenzo Quirini, qui voyageait en Belgique, en 
Angleterre et en Espagne pour connaître Fê- 
tât des découverte maritimes, et qiii,n^tf ans 
a^H^ le voyage autour du cap de B(Huie-£s- 
pérance, émit encore dans ses Relaziomle fol 
eq>oir que le commerce des épiceries de Cali- 
eut reviendrait peu à peu sur la route du Golfe 
Persique et de la Mer Rouge à Alexandrie ^ 
Angelo Trivi^ano, secrétaire de Dominique 
Pisani , ambassadeur de Venise en Espagne , 
nuisant xm peu indiscrètement, à ce ou^il pa- 



ndt, dans le manuscrit de la première Décade 
océanique de Pierre Martyr d^Anghiera ; enfin 
Girolamo Priuli, chef d^une puissante mai- 
son de banque à Valise et à Alexandrie, qui a 
composé douze volumes de Dîarj\ dans les- 



70 syMTiOït aEi^xiJiifs; 

quels UnaiaiCjpiu* par jour I de iiQêk i5i9^' 
Umt ee que la oorre^pcmdanod la plus étwdua 
{iQUVait lui apprendre Mr la «érîe dea déCou-* 
vertes 9 le prix variable des mai^ckqadiaes et 
lea objets les [dus importana de réconomiepcK 
litiqtie \ Des oopies de tant de letu^ et de 
iseuvelles de bout«e cireulaaent, plus oumoias 
altérées^ dans les différais ports de la Médif 
terranée* Mua les cartes des découvertes géo-f 
^apUques étaient rares (le gouvemeaient 
portugais ' ayant défendu sous peine de mort 
Texportation de toute carte marine qui iuf* 
dîquerait la route de Caliout), plus on était 
avide de s^en procurer* Nous possédons en«« 

' roscè^nniydcllaLitteratura Venezianay 1. 1, p. 179, 
4^3, \i^ y 4^7> 429. La discussion sur les moyens em- 
ployés par les répuhtiques italiennes et le sultan d'E- 
gypte poar retenir le coiiiin«roe ^os épioeries do Tlnde 
dans raacieqne»rQi|tâ <)u Levant» oomme sur la lonieur 
avec laquelle la' nôuvalla voie ga(;ua puv Tancie^nQ 
(p. 44i''444) j est du plus haut intérêt. 

•D'aprto lei lettres cJ'^geloTrivjgianoc|e i$p3* Au9§i 
dans le journal d^Odoardo ()i Barbosa , qui avait suivi 
Magellan , le gouvernement fit raturer tout ce qui avait 
rapport aux Moluques et au commerce des éplces. (Ra- 
Bivsio, t. I,p. s87j4*) 



ms^^ lii^ leUi« â'i;^^ TnTifpwûon date di 
^1 ûoÇ^ Aâoi I dans lacpielle il sèTanta k d'être 
d^v^mila^/Wftfi^a/itideCoIoiiib, cpnest sang 
«pgpiCet 4am «redit, mais qui hii £dt frire par 
(iw pîlqÉ9« df^FiJo8 a con^Muo fronde j um 
«Mgni^iB ouste tiotir Domiiiico Mali^^ero , 
TAtntQwt 1m MeipWikp terres des Indes, autant 
91 W en A TU juscpi^îd. » Tels ont été Fétat et 
U ^oîe dee cnBiiniimoati0ns Httéraires relatif 
yen aux éféBQOMps les plus graves dans IW 
pace de quîase ou vingt ans antérieurs à la 
moBi de Vespuee. C^étaient des lettres ou dé 
petiies uqêm manuscrites, ra{HdCTient multi- 
ple par d^ oopies, qudquefois imprimées *^ 



'Moa£txiy Lettera rarissima di Christoph. Colombo^ 
p. 44. 

■ Le goût de ces petits écrits éti^it tellement répandu 
dalis les preimères années du seizième siècle , que les 
tralltfideeoBaiogr&pkîeet d'astoonomic n'avaient sou- 
vent que 10 ou tfiinîVeti. Tèb scmt^ par exemple, 
Çhbus Mumlii iUchratiê sm d^cr^o mmtdi mpud 
Joann. Ùrmiger, Argeni. iSog} Sacratissîma Astrona^ 
miœ Ptoîeméi Liber dwersarum rerum, Venet. apud 
Pelrum Liechtenstein Coiom 1609 (de l'Astrologie sous 
le feux nom de Ptolémee) ; la Tabia nayigatoria de 
Gbristophe Colomb, etc. , etc. 






y% ocnon nwnmhmé 

le plus Muvent sans indicatkm ék h soorcd 
d^oii dles étidmt tirées. Rien n^anncMiCi^ si 
les auteurs de ces lettres ou de ces descripticms 
de voyages avaient écrit dans le dessem 
de se voir inqmmés, ou s% avaient trouvé 
exact ce qu^on fiôsait circider sous leur nam^ 
U est à présumer que des liomnes eni^igé^ 
dans Pexécution de grandes entreprise ae s# 
soudaient pas beaucoup de ce genre de piiMî^ 
cations : ils dataient mteie ignorer ce que Pbn 
fiiisait paraître dans des pays vijpsîns. On M| 
voyagent pcrint alors pour décrire ses voya^ 
ges y et une certaine vanité d^àudition que iW 
ol>sa:^e dans les litres de Veqpuce .^ qui 
contraste singulièrement avec la noble simn 
plicité de Christophe Q>lomb ^ donne presque 
au premier une teinte et un caractère de style 
moderne. 

De même que les relations du premier et 
du quatrième voyage de Coksob^ les seules 
qui aient été imprimées peadant sa vie, ne 
£3nnaient que des publications ^ de peu de 
pages , de même aussi quelques^ms.des voya-- 

^Tellessontla lettre au trésorier Sanchez du liinsrt 
1493, que CozGO a traduite en latia 80U8 le titre De 



mcnm nwxiha. 73 

i 

^ ges de VesfHice nkmi d^abord paru ipia sépst^ 

réaMnl par pietits cdners. Pour aipftédw 

I mioQX le degréd^itéi^t altadié a des expédi* 

-ùoms cpiW a coutuoie de déôgner par Pc»^ 

. dbre dans bqml ellee ont eu Heu y je rappelle^ 

3» brièveniait que la /iremâiv (1497)^^ 1<^ 
pltts imporUoite ^ la plus contesiée comÉOè 

antérinire mi voyage dé Ck>loiid> à la Teire 

Famé; qpiekjvamiifo (1499) est iiicontesta* 

h l cnicat le Tojage fiât sous les ordres du ca"*- 

pitame Finzon; que la tromhne (iSoi) 

était dirigée vers la côte du Brésil ^ de^ 

pnoa le cap SUrAugustin pisqu^à une latitude 

wrfriilîrmnlfi qui eM énduée de âd^; que k 

f«a4râiii^(i5o3)fiit signalée -par un naufirage 

ImêÊtUi Jàdhg sapra Gimgem j et la lettre aux monar- 
qqw CipagDoU datéede la JamaSque le 4 Juillet i5o3y 
et oonnue eo Italie sooa le ncmi de Lettera rarùsima* 
Vojes tome 11^ p. 33o. Il exbte de la lettre au tr^o- 
xier Sanckee ime traduotioii allemaDde eUrèmemêpt 
nreporlMU le titre de « Livre pbisant à lire • : Ejrm 
âekÊmJMich tgsêm 90h edkk^n ùuseindie do ih kun^m 
Pfimifiuidtn synd iurch den Kûnig ma Hisftmlmy^wiâ 
mgi iwi grof^em ww%derluhen Dingên dm in d€m$€lktn 
synd. Geiruki sa Strasbwgvon meisler Barilomess KSÛs^ 
&r, MCCCCXCVIL 



94 9W»mf QEvxiteei 

^ lemêW êmcBl^ pr^ de VQe Fenuaidf 
j^C^Pt^ y naufrigQ qui «i^ipéclm lea auttiM aa* 
vires de çontimieyr k route autour du cap èm 
BMH^nËqiérajQCe à Mêkha (Blalacea)) etlcft 
^ attérv ^ la baie de Tous les SoiiUs ^ an Bré^ 
filU Léa deux premiers voyages dans lesquds 
fM reconnut le cap Paria itaîeut 6îto ^ selte 
Tassertèon de Vetpuce^ par ordra du ret d^Ea^ 
pagne \ les deux luitres par ordre du rai ^ 
Portugal* Lé troisième voyage a été imprinfeé 
|e plus^ souvent et a paru \d premier* On en 4 
une édition latine dans un eaUer de wl feoil-^ 
letef de Timpiîmiari^ de Johann Lamberf 
étaUip s( Paris» Elle est sans indication dW* 
née ; mais le troisiènie voyage nH^ssit éci 
terminé qu'en septembre i5o2, on ne peut 
admettre quelHuJ^res^om de ce cabier aoît 
de i5oi. Le Mumhu N»u$ imprimé en wç 



SiHîothêcick histêr, 1. 1 , Para I , p. aê5 ^ na oonaatt pas 
aelte édîtion de Lambert, mais bien le Mundus Nmmê' 
apud Magittr* Joh. Oumar (Aug. Vind. i5o4)} Aie 
9XA6\ijiiàr Jmèfw y Augshurgs Backdntkksrgeschickt» imm 
i46S bù i6oQyt.Ujp. iSj etparPiiOBa, Annaks i)r^ 
poffraphici, t. VI, p. i33. 



iBqpr^oaÂoo 4^ Qiémfi troUième voyage conwp 
k lÎYi^ intitula* ^iwrkm F^4jmtim 4§ OM 



(t III1.P1J187) ptrie d'une tmdtictiQa allomâivilo d9 
De tit>Uiènie vojagf mprimée eu i$o6 à Leipaiigpiar W 
t€u:heU«rMarUH Lfu^Mf^gk (d'aprèf rUi^^DeiMkit O^ 

Uihen er/und^n 4^pd dwck d$n kvmgh von Porê^guk 
Leîpûk, i$o6). La note que cette tniduodon offi-e à la 
fin qoauneDce par Iqq mots ; ft Çpue lettre ^ tradttiW d» 
i'it^iiea eo iatm » Teat aujourd'hui en aUemand par u# 
Itams^Qfipu aait bien le latin et TaUentand 9 fit qui Mil 
aussi que beanooup de choses meryeUlèwseft sg trouwwrt 
clenosjourft.» ËUe we aemble p s Buwtt ' que la letta 
dont il s'agit y imprinéeparllar/i/t XoadSMitF)^^ caC 
identique avec la jtraduction allemande que Ruchamer k 
insérée dans sa collection des Unbekmmihê kuutu, iéo8L 
GuBparea I0 ohap. CXXIV, dans lequel cependant U cet 
dît que la traduction a été faite de \ espagnol en iiaiimtëL 
de ritalien en allemand. Je ne serais p$s entr^ dftns C0 
détail bl MiograpItiquft si la oiraonstanoe d^un «^ tei^t^ 
ûriginaifement espagnol « {^hyspanxàr sprache) n# mê^ 
litait pas quelque attention dans un voyage ftit 9ur dos 
vaisseaux portugais. D'un autre coté ^Vlunerttrium Pcft- 
tugallense y x 5o8 9 calqué comme Ruchamer sur la C^/- 



^6 OBCTION DEUXIÈME. 

ùfùàn^ica per Regêm PoriugaUiœ pridem 
inçenia^ Argentinœ per Mathùmi Hûpfuffj 
i5o5, en est une troisième. Nous ignorons si 
les relations des deux expéditions fiâtes aux 



Uction de Vicence^ porte , pag. 76 : «fidus interpres 
opus e Lusitano italicum fêcit. » D'après Tingénieuse 
observation d'un voyageur qui a Mt d'excellentes études 
de la bibliographie espagnole du i6* sîède, toutes ces 
laraductions italiennes et allemandes ne sont pas ftites 
directement sur des textes espagnok et portugais y mais 
sur de plus anciennes traductions latines. M. Roulin 
observe <{ue les traducteurs se sont vantés de posséder 
oe qu'ils n'ont pas eu. La traduction italioine porte 
tpQKïT ttoUiême if&fcige, terzo di. Or un traducteur ita- 
lien y en travaillant sur des textes espagnols ou portu- 
gais y aurait trftduityoruai^a (mot appartenant à la fins 
à Feqpagnol et au pcurtugais ) par giomata. C'est l'igno- 
rant traducteur latin qui aura rendu yor/io^ par dies* 
Ultmgrarium Portugallensium a (cap. CXXII) « ctir 
liber dictus sit dies tertius. « Ruchamer, dans les {/n- 
è&%kaiake landtey a « drytte toge, » Je trouve même dans 
l'édition d'Hylacomylus que M< Navarrete a râmpiimée 
{t. III y p. a3i) fuo/iior diœtasj pour quatre voyages 
{jomadas). Cette édition fiât aussi du mot bahia(baie) 
une abbaye, abbaiia. On&itdire à Vespuce (Nav. t. III, 
.p. ^7, et G&TN. éd. Bas. iSSa, p. i83): Omnium 
Sanctorum Abbatia , Bahia de todos los Santos du Bré- 
sil. Je i^eviendi'ai plus tard sur cette abbajc. 



SBCnON DEUXI«i£« 77 

I feais de l^E^agne.ont paru séparément. Il 

n^existe de rdations doubles et .assez dîâS^ 
rentes en longueur et en forme que des se- 
conde et troisième expéditions, non de la pre- 
mière. 11 est même probable que celle-ci n^a pas 
été imprimée avant la publication des quatre 
Toyages réunis. 

Les petits écrits de Vespuce n^auraient eu 
qu^une existence éphémère et un très petit 
nombre de lecteurs, si bientôt ils niaient été 
réimprimés et complétés dans des Collections 
de voyages modernes^ dont Theureuse idée 
appartient à ces villes de Lombardie, dans les* 
quelles la découverte de Fimprimerie et son 
importati(»i par des ouvriers allemands, avaient 
produit un prodigieux mouvement littéraire. 
Il &ut distinguer quatre de ces collections , 
dont Influence dans les dix premières années 
du seizième siècle a été si grande sur les pro- 
ffhs de la géographie maritime. Uouvrage de 
ce genre le plus ancien et le plus rare est le 
UbreUo de tutta le ruwigazione de Re de 
Spagna de le Isole e terreni novamerUe 
trovati , stampato in Venezia 1 5o4 ^-4") 
dd Aïberiino VerceUese di Lisona. Il a 
été vu par Foscarini, Zurla et Tabbé Mo- 



^8 SEGTIOi«î DEUXIÈME, 

relli*. Ecrit en dialecte Ténitien^ il ne ren- 
ferme que les trois premiers voyages de Co- 
lomb, ceux de Piétro Alonzo // Negro et 
de ViceriTdanes (Vicente Yaftez) Pinson^ Le 
seia:^taire de Tambassade vénitienne en Es- 
pagne, Angelo Trivigiano, que nous avons 
déjà signalé comme Thomme qui montrait 
le plus d'ardeur à répandre rapidement la 
nouvelle des découvertes géographiques en 
Italie , a exercé de Finfluence sur la petitid 



* FoSCABtNl , t. ly p. 433. ZURIA, t. 11^ p. I08. Mo- 

RELLI 9 Lcttcra rar. p. 43. Alonzo le Noir (Jl Ne^o") du 
Libretto nVst autre , comme je l'ai déjà fait remarquer 
plus haut (t. lîï, p. 391), que AlonzoNiôo, fameux jAlole 
natif de Moguer^ qui avait accompagné G)lomb dani 
les pranier et troisième voyages (Nav. t. III , p. i a ) ^ et 
qui fut k compagnon de Texpédition deCristc4)aiGucrra 
(de mai i499 à avril i5oo), par laquelle TËspagne re- 
çut à la fois une prodigieuse quantité de perles des 
cotes de Paiia et de Ciunana. On aura lu Nigro pour 
Nigno , en confondant le r et le n. C'est donc de ce Zi* 
hrettd de i5o4 que Teri'eur a passé dans Vltin&rarium 
Portu^ifcnrium y dans Ruchamer^ qui fait (cap, CIX) 
de ce voyageui* un parent (t'erwww/^/) de Colomb y et 
dans Gtynœus (éd. Par. i532, p. id3). Ramusio^ tou- 
jours plus exact que ses devanciers, a écrit ti'ès con*ec- 
tement (l. Fil, p. ii) Pietro Alonzo chiamak) Nigno. 



SECTION DEUXIÈME. 79 

coBectîon vénitienne d'AIbertino Vercellese^ 
comme sur la grande de Vicence, qui est 
plus génâ:^enient connue. La première , le 
L,ibreito^ forme le quatrième Hvre de celle-cî, 
dont le titre est : Mondo novo e paesi nuo^ 
çamenie retrovaii da Aïberico Vespuzio Fio- 
rentinOj f^icenza 1607, en six livres. Le véri- 
table compilateur {raccoglitoré) de ce curieux 
et important Recueil de Vicence n^est, comme 
on Ta cru long-temps , ni Montalboddo Pra- 
canzano de Vicence, ni Fracanzio da Montal- 
boddo , c^est-à-dire natif de Monte-Alboddo ^ 
dans la Marche d^Ancône, professeur de belles 
lettres à Vicence^ ; mais ( selon Fingénieuse 



* TnusoscBiy t. VII , P. \j p. »i3. Moimxi, p. 4^/ 
Gmime le titre de la Raccoîia de Vicence ne porte que 
par abrémtion le nom de Fracan, ^ on a voulu Tattri^ 
buer à un membre de la (amUle illustre de Vicence des 
Fracanzani ; mais aucun des Fracanzani ne s'est appelé 
en même temps Montalboddo. (Foscarini, 1. 1, p. 43^0 
Le nom de Fracan, da Montalboddo (Camus, p. 34^^ 
écrit moins correctement , d'après lo traducteur latin 
Madrignani , Montaboldo ) indique simplement l'éditeur 
qui a dédié Fouvrage à Giammaria Angiolello Vicen^ 
tino , connu par ses voyjiges en Perse. Uauteiu*, ou plu- 
tôt le rédacteur de la Raccolta Vicentina de 1607, Aies* 



80 SECnOif DBUXIKME, 

c^)fteryation du comte Baldelli) idessandro 
Zorzi j habile cosmographe et dessinateur de 
cartes à Venise. Le Monde Nova n^était pas^ 
comme le Ubretio d^Albertino Verceliese, res» 
treiiit aux seules découvertes d^Amérique. U 
réunit les voyages de Gama, de Cadamosto et 
de Piétro di Sintra, que Zurla croit aussi avoir 
été écrits par Cadamosto, à ceux de Q>lomb et 



•aDdro21om(BALDEixi| liMilione, 1. 1, p. XXXII) , 
est cité comme voyageur archéologue en Grèce par 
FosGAEiRi) t. ly p. 3i5. On lit dans un exemplaire du 
Mondo Nc¥o que possède k lûbliothèque Magliaheehi , 
que Barthélemi Colomb, qui a été à Rome en i5o5| a 
donné une relation de la première navigation de son 
frère , accompagnée d'une aa^e des premières découn^ertu^ 
à un chanoine de Saint Jean de Latranyetquececha> 
noine en a fiiit cadeau plus tard, k Veniseï k Aies-* 
sendro Zorzi , suo amico e compilaiore délia raceolia. 
Voilà donc de nouveau dans cette « Informasioiie di 
BajL*tolommeo Colombo délia navigation di Fonente e 
Garbin nel MondoNuovO|» l'indication d*une carte im- 
portante qui semble perdue , mais qu'une bonne for- 
tune poun*a un jour faire découvrir en Italie. Nous 
avons déj4 signalé une autre carte que Las Casas (lib. I, 
cap. la) possédait encore en iSSg en Espagne , et qui 
avait guidé Christophe Colcmib dans sa navigation à 
Guanahaniy Tannée 149^* 



cTjUoëric Vespiioe. Cétait donc comme le pre- 
mier t3rpe bu modèle des grandes collections 
de Grynaeus et de Ramusio. Le Recumi de 
Vicence commence même par ces mots : 
Vrinci]»ail 13>ixi délia prima na^igaâette pei< 
rOceano aUe terre de' Negri deUa Basse £^ 
pîa per comandamento deff Ilhastr. Signore' 
Infiinte Don HurichZf fral$Uo diDon Downêt 
(le roi Edouard de Portugal) '; Zonsi aTait donc 
dès i5o7 le prorjet de réunir tous les dooa- 
mens relatif aux dicourartes modernes. 

Si nous voy<ms dès le commencement du 
smième siècle s'accroître si rapidement la re- 
nommée populaire d'Améric Y espuce ^ si noutf 
la voyons balancer celle de Christophe Co-^ 
lomb| nous devons attribuer ce résultat extra* 
ordinaire d'abord à la circonstance de trouver 
son ncmiy et pas cdui de Ckdomb, placé sur 

t Le cardinal Zurla a prouTé (t. Il , p. ii5) que les 
déûouvertes rëgiiHèrement progressivet flûtes par or^ 
de riafimt don Henri , duc de VUeo i n'ont commencé 
qu'en 1429. Il semble douter même que les Portugais 
aient passé le cap Non dès i4i9> aiais llnfintat, comme 
nous l'avons fkit observer plusieurs fois y a cru déeou« 
vnr bien des côtes et des îles qui avaient été vues pai- 
tieUement avant lui. 

IV. 6 



8ft SBCmON 9£UXIÈMB. 

le titré à^aa liyre qui a eu de la céléfcrité «de 
nombreuses traductioDS, puis à riiifiueiiee 
qu^ont exercée certaines éditions de la Géo- 
graphie de Ptolémée. La seule rektion du 
Iroîsiàne Toyage de Yespuce^ relatioii dan A 
lamelle lenatigateur se vantait d^étre panrMU 
jlisqu^à 50"" de latitude australei et dVvoîr pai«* 
^ouru «c k quatritoid partie de kdroofnféreneil 
dm^obe» <kiis le sens du méridien^ fiitMérée 
d«is le Mondo No90 (cap. ii4-iîï4)* Cette 
relation était fcite peur pM{uer sous d^auttM 
rapports la curiosité du public. Elle ofi^oit des 
figures de €(mstellations australes, La desorijH 
lûm dW aro^Mi-KMl lunaire*^ un tableau ani-^ 

* Je ne puis attoutieiaisnt «^ooatiuttf e dans Ift des-* 
cription dogmatiqu^iaait cmbrouUlée de Veipuce y la 
phénomène plus commun d'un halo. L'expi-ession «an- 
imnsU p»ce fra Dk) , * i^raoWrifla d'aUleum «uffistm- 
i^ebt riris. Le raMOftesnent bUarre sûr les cauMs di4 
^i^Bomène est tiré en grande partie d'un petit oUTrage 
de physique de Tévêque de Cambrai , Kerre d'Affly, 
Uèt répandu dans le moyen-âge, portant pour titre 
Tractatuê irevis tiigna tMù çtmrubilis EfHScopi FhH 
CmmermcgnsUM iù qum in prima , seeunda aiquê tem'a 
regionibus aëris fiunt , diligenter comsctiU et emendatoi 



sttTim 0Ei5Xfi»c. 83 

mé dw mœurs des sauvages brésiKens^ et de 
plus rhistCHre d^une tempête qui con grandis- 
^ùno romore e strepito del cielo , ayait duiié, 
nainrateur, quarante jours sans in-^ 



40rraption« 

Trois traductions de la Raccolia de Vicence 



in Lipezensi studio (i4 finiilletd ii»-8^ Sans pagination et 
an» année d*iiq>reiBioo ; nudâ comme Peti-us de AMaco 
ti*cit pat encore noaimé oardkial , écriu avant i4i<). 
Dans ce commentaire des Mété^rohgiquês d'Ariatote te 
tixmve la solutioa dHine question de philosophie natU'^ 
nlie que Péréqne, un des plue savana thëoiogtena de 
aontenfie, seprapoèe à lin-méme. Je tradub ie paé- 
•age en entier : « On demande pourquoi ran>enHBÎel n'a 
^unaîa para avant le déluge ^ quoiqu'il y eût alore aussi 
des nuages et des amas de vapeurs aqueuses et que le 
soleil fttt dans le même état qu'aujourd^hui? 11 fkut ré- 
pondre que Dieu seul peut en savoir la cttuse, à moins 
qv^oB B^admette qu'avant l'inondation les nuages n'eus- 
sent jamais été placés en opposition directe avec le so* 
leil y d'où résulte l'Iris , et que Dieu ait voulu se réserw 
ver le phénomène pour donner, à une époque fixe, le 
signe d'alliance et de paix. » (foi. 19, à,) 

* Il en existe une réimpression de 1619 (^stnmpato in 
MOano a impensa de Je. Jatoho etfraielii da iJgnano: 
H diligenU cura ti indastria dm Jo&nne-Àngth Scinzen" 
zeler). Cette réimpression est plus commune que le 



84 SECTION DEUXinffi. 

de i5o7 Ont paru &uccessiveiiient ^ deux en 
1 5o8 en latin et en allemand , et une troisième 
en i5i6 en franoiis. La jK^mi^^ de ces tra- 
ductions est yitinerarium Portuffollensmm* 
ex UUsbona in IncUam nec non in ûcdden^ 

JlfoiMfoiVovodeVicence) 1607, dont Camua n*a jamais 
pu voir un seul exemplaire à Paris* 

. ' Je dtele tidred'après Fosearini (t. lyp. 434)r qui a va 
<IuaU« exemplaires : celui que J'ai le plus étudié et <fui 
appartient à la bibliothèque rojalede Berliny a pour titre 
le fragment d'une mappemonde (du méridien de Gdicut 
à celui des lies Fortunées) grossièrement gravée en bois; 
Au haut de la gravure cm lit simplement : //mfr. PorU 
é LudU 10 Indimm ei inde in 0€cid. etdêmum ad aquilo^ 
imm I ce qui est tout conforme à la description de ce 
livre rare donnée par Camus j p. 342. Ce que FoscaiiB& 
nomme le grand titre ne se trouve qu'en tète de la dédi- 
cace. Lenglet du Fresnoy dit par erreur que Vliùêer^H 
rium est traduit du portugais et imprimé à Bergame 
en 1 5o8. La rédaction de la traduction latine de Madri* 
gano a'd'ailleurs été &ite avec une extr^e n^^ligence. 
De la division en six livres il n'y a d'indiqué danjs le 
texte que le deuxième et le trôbième aux chap. 4^ et 71 1 
non le quatrième etle cinquième. Le chapitre 1 14 traite 
d'Améric Vespuce^ et sans la table des matières^ le nom 
du navigateui* dont on doiuie le voyage resterait in- 
oHinu. 



SECTION DEUXIÈME. 85 

iem et sepientrionem exvernacuio sermone in 
taimum iraducium interprète Archangelo 
Madrigano^ Meddoîanensey Manacho Care^ 
vaUenn^ MDVUI. La division en livres et en 
chapitres est identique avec le Recueil italien 
de Vicence (i5o7); mais dans la préface* du 
moine Madrignano , il n^est jamais question 
du titre de PouTrage original qui a été arbitrai- 
ranent changé dans la traduction btine de Mi- 
lan, en Itinéraire des Portugais^ changement 
d^autant plus étrange qu^un tiers de Pouvrage 
est OHisâcré aux découvertes de G)lomb, de 



« Un passage de cette pré&ce qui &it allusion à un 
point très délicat de la géographie mathématique des 
Arabes ^ à la coupole d'Arjm ^ que Madrignano nomme 
unAiUeus ioiius muniiy a été extrêmement négligé jus- 
qulci. Je traiterai de ce sujet dans un autre endroit 
pour prouver que c'est encore de VIma§fo MunJi de 
Pierre d'Aillj (cap. XY) que Colomb a tiré la connais- 
sance d'Arjrm comme point du milieu ciiti^e le cap 
Saint-Vincent du Portugal et Cangara ou les Seras 
(Cattigara ou la Sérique). Voyes tom. III, p. 63. L'ë- 
véque de Cambrai parle « de deux Tilles de Sjène dont 
f une est placée sous le tropique du Cancer et Tautre 
sous Téqnateur : celle-ci est cMias Arytn (ancienao- 
meat connue) j entre les parUes £. et 0. , N. et S. • 



8ft SBCTION DEUXlàlIB. 

Ptnzon^ d^Alonao le Noir et de Vespuce. LHn* 
tà:*ét toujours croissant pour la navigation à 
Calicot a fiât sans doute supprimer le titre die 
Monde Noifo. Le traducteur n^a d^âoges que 
pour les Portugais, et son j^Uer Orhis n^est 
que la partie de FAfiique équinoxiale Toe par 
Cadamosto. Ce ne sont que la découverte de 
la Mer du Sud par Balboa , et la conquête du 
Mexique qui, quinze et dix-neuf ans après 
Gama , ont attiré de nouveau Pattention de 
FEurope sur le monde trouvé par Christophe 
Colomb. Vitmerarium PorùigtUlensiitm a été. 
réimprimé à Baie et à Paris en 1 532 , et une 
seconde fois à Baie en i547. 

La traduction allemande du Recueil de Vi- 
cence (iSoj) a paru la même année que la 
traduction latine, en i5o8. Le rédacteur est 
un médecin de Nuremberg, Jobst Buchamer 
qui, comme nous Favons déj^ rappelé, mrd 
méconnaissables les noms des personnages les 
plus célèbres en les germanisant'. Colomb est 

. ' La table des matières a heureusement conservé les 
noms de Tédidon italienne. Cet abus d'altérer les noms 
prc^res était si général alors, qu'aussi dans' le Nùvuf Or» 
bis de GrynœusXPar. 1 53^ , p. i64) on a de la peine k 



OùUjffii Dawber vûn Jenua} iJmrao Nifto, 
<3bi* S€hfmriMf Améric , jilbêrio ; Vieento 
(Yaftez) PiiuDon, Fkeniz bjmtaef horeoxo (di 

recoiiiifti(rediUM£K4b('M?ii/ MMumui Patriim ou Zid!i» 
wiff Fwionumaus Boloniensiiy le voTageur du t^evaiit 
Jjodouico Barthcma om Barthe* (HavusiO} t. I|p. 147*) 
L'ouvrage de Ruchamer, d'un style extrêmement naïf ^ 
est plus correct et beaucoup mieux rédigé que \IUnerh~ 
rtum Portugallensium, Comme Camus regrette de n'a* 
voir pu se procurer à Paris cette traduction de Rueha- 
msr^ Je ferai remanjuar, d'après l'exemplaire que f al 
êone ks yeux (à k biUiothèque royale de Berlin)» ipie 
l'indication des livres est très embrouillée datis la table 
des chapitres. Lie 3® livre y est coofondu avee le %^\ le 4' 
livi*eestnomméle3®. Les six livres oonmiencent} comme 
dans le Recueil de Vicence, par les chapitres i , 4^,7^1 
84 9 ii^ei ia5. Le titre est inscrit dans un ruban qui 
entoure tm globe : Vhietanrhe landte und ein netoe 
wetdêe in kmrtt'verffong^r t€jriherfiindeH(VsLjs inconnus 
et tu noHWtaa iwHide trouvé dtpuie peu.) Cest doiic 
presque le titre de l'^j^ngtb^ de Vioence, ffwlenvmt les 
paes novamente retrovati ont été placés avant le Mondo 
Novo^ et il n'est pas dit que les nouvelles régions sont dé- 
coAveHes par Yespuce. La traduction allemande, qui est 
sens pagination 9 se teradoe par les mots: AUo hatem 
9ndie dièses Bâehlein wdehes musê wettkher sprach in 
die dewtsekengdmmkt umt gemoekt ht worden^ durck 
den wirdigen und kochgelarihen herrèn Johsêen Jlncha^ 



88 $ECTl<m DEUXlittlE. 

Pierfranceaco) de^ Medici, LdMrmitz .fuixt f 
Gaspar de G^ntereal, Caspar Cortherat^ ^c. 
Une pré&ce très^uccincte ne donne aocun 
renseignement sur Torigmal et sur Tannée ou 
le lieu de sa publication : il y est dit cepen- 
dant qu'en italien le livre porte le titre de Nou- 
veau Monde (djre newe weldi)^ renseignement 
qui manque même dans Vltinerarium PorU^ 
gallensium. Les chapitres 84-90, 91-101 ^ et 
io5-io8 ofi&*ent les trois premières expédi- 
tions de Colomb, qu'on assm^ <c vivre en tout 
honneur à la i^our d'Espagne, » quoique Fori- 
ginal itali^i ait paru près d'un an, la traduc- 
tion de Ruchamer plus de seize mois , après le 
décès du grand homme. Il n'y a pas de trace 
du quatrième voyage de Colomb, si important 
par la grande étendue de cotes du continent 
qui fiirent visitées, comme par les premières 
notions acquises sur l'existence d'une autre 
mer à l'ouest. Quant à Vespuce, il n'est tou*» 

mer dcr freyen iunsie und artzûWMien Doctoren , und 
durch mieh Georgen Stùchss0H m Nûrcintergk gcdrwcku 
vnJ vohndle nach Chri^ti unsers heben herren geiuri 
MCCCCCVIII. Jure am Mitmoth sancH Mothei des hei* 
lifen ajM>4dofs akeadte* 



«9 

jours donné que la rektion de son tnÀàèsm 
Toyage, de ceki qui parle d^un hamen&ù lit- 
torâl dana lliéiiiîqphère austral^ et dobt k ce* 
Uhrké ae peipéCiiait d^aulant m»a que la 
relatkm^ quatrième et dernier Toyage de 
CdionA dc meui ait pour aitisi dite cachée daaa 
la Letiera rarùsima^ datée de la Janaîque 
(du 7 judlet i5o3), et conâgnée dans un ca- 
faôer de ipielques feuilleta imprimé' à Venise 
en i5o5. 

n me resterait à parier dHme troisième tne 
duction du Recueil de Vicence (i5o7}, de la 
tradacfkm française de Mathurin DiiBedouer^ 
sans indication d^année. J^en ai déjà fidt men-- 
tion plus hmt en discutant les divers traves- 
tissemens quV sd^is le nom d^Améric* U ne 
finit pas ouUier qpie cette tmduetion a eu pour 
lemoma trois éditions au erauBeneeiiieBt du 



> Cesila lettre envoyée par Diego Mendes et traduite 
en itdiea par Constanflo Ba jnera deBrescia. Les lettrée 
de Colomb et d'Amène Vespucoi imprimées séparément 
en petits cabiersy appartiemient comme on sait aux plus 
grandes raretés de la ^rpographie y et œ n'est que k 
râmpression de k L^Hera rarûêima (Bassano, iSio) 
par Tabbé MoreUi y qui Ta £iit connaître parmi nous. 



90 unuBÊ 

■iigiftine siècle, et quto I»pom d» Vêifwice ^. 
rtàfisaat ds nouveau sur le titoe* conune Abbm 
Poriglnâl vîoentiii, Touvrage franetu doit 
av(nr «bx wcé une infUieuced^autioit plus grandu 
surropisiion{nd>lique,que la langue fraiioaiae^ 
d^ très répandue dans la Lonibardi# * et dana 
le Levant à la suite des eroisades', le Ait en^*^ 
core davantage en Italie par les guerri^ dç 
Louis XIL D^aUleors rien, absol«n^nt rien 
n^annonce dans le Recueil italien de Vicenoo 
et dans les traductions qui en ont paru 1^1 latin , 
m aUemand et en français, qu'Amëric ait en 

de leur puUieatîon« Ces Hecùeils 



V 1 . H I K r 



> Le ûtre , imprimé en lignes dtemalivement nouges 
et noûres^ porte z Semvyt le Nauptau Monde et naingtt» 
fions ifitkêtpar Emeriô de fespÊum FiÊrentm, dêspajré 

gneuzy translaté de ytalien en langue /rançojrse, par 
Mathurin Du Redouer licencié es loix : imprimé nouvel- 
lememiâParis. On a d'aatuetédKdoM sorties des presses 
ëe Gilîot du Pré^ probsbleaient de 46169 de Mkan 
Janoty de PkUippe ie Noir, ^. 
' • Voyes les Judicieuses observalions du oomie Bal* 
delb {IlMUione, U I, p. XI) sur k pn^Mibilité ^am 
Man» Polo a dicté-sou Toyage^nen en dialecte v^uftieD, 
mais eu ftsancsîs. 



SBCTUm DEUXIEME. 9» 

étaieiit basés^ sur le Libretio de iuUa la na^i^ 
gaxlonê de Me de Spagna imprimé à V^iise 
en t5o4 9 à une époque où Yespuce était en^ 
gagé dans son quatrième voyage (de nud i5o3 
à juin i5o4)y ^ ^ trouYfdt ^itre Fernando 
Norofta et les cotes du Brésil. Si la Flpr^ntîn. 
avait pu coopérer aux coUectkms de Toyagea^ 
de i5o4 et 1607 ou ofirir des matériaux à des 
amis de Venise et de Vîcence, il ne se serait 
pas contenté de la publication du troisiènle 
Toyage (de mai i5oi à septembre i5o2)^ il 
leur aurait fourni la relation du premier ^ sui" 
lequel on fonde la priorité de la découverte 
du nouveau continent* Dans cette hypothèse f 
la communication du manuscrit du preoder. 
voyage (commencé en mai i497) paraîtrait 
d^autant plus naturelle , que Yespuce, dims le^ 
seul morceau qui se trouve insàré dans le 
Mondo Novo , dit clairement dVprès le texte 
de Bandini, a no senza cagione ho chiamato 
quest** opéra Gîornata terza^ perciocchè prima 
io avea composti due altri libri di questa na- 
vigazione , }a quale di comandamento del Re 

' On imitait ju8qii*nu titre en substituant /7a«/e'à ter- 
reni not^amente tropafi* 



ga SBGTION DEUXIBME. 

di CastigHa feci v^rso potienie. » Ce n^est pas 
Vespuce, c^est le diplomate ingdk> Trivigiano 
qui a fourni^ en grande partie les matéiiaux 

• FoscAAnii, p. 177, 427 et 433. Je donnerai ici* les 
preuves àe ce« communications. Dans la lettre que je 
viens de eit^ dans le texte 9 Trivigiano , le secrétaire de 
Tambassade v^tienoe en Espagne y éciût à Domenioo 
BlEalipierOi Propveditore tPArmata dans le si^ de Pise ^ 
ami de Lorenzo Gretico , et comme lui auteur d'annales 
et de journaux (Jiarj) historiques : « J'ai copié le traité 
(traiiato) de la navigation de G)lomb y qu'un homme 
habile a composé et qui est assez verbeux. A cause de 
sa longueur y je ne puis vous l'envoyer que peu à peu. 
Vous ne recevez pour le moment que le premier livrcj 
que J'ai traduit en italien (Jn 9olgarè) pour que vous le 
lines plus fiuûlment. L'auteur de ce livre est la per- 
sonne que ks monarques (d'Espagne) envoient au Sol-^ 
tUtno (au sultan de Babylcme ou d'Egypte. Voyez 
tom. Uyp. 181). Il ira li-bas (à Venise), et comme il a le 
désir de présenter son ouvrage au prince , celui-ci sans 
doute le fera imprimai et vous en aurez une copie en- 
tière.» On a dû s'étonner avec raison (Morelli, p. 45) 
que Foscarini n'ait pas reconnu Pieri'e Mailyr d'An- 
ghiera dans ce ("a^tf/i/uo/iio qui décrit les navigations de 
G>lomb, et qui va comme ambassatore al Soîdano en 
passant par Venise. Pierre Mai*tyr^ au commencement 
de sa Legatio Babylonicay se nomme destmatus orator 



SECTTOIf DEUXIÈME. gS 

(lu MoTido Novo de Féditioii de Vioenee, pour 
la partie de ce recueil qui a rapport aux dé* 
couTftrles américaines. Or, Tri'ngiano, dans 



IcanHlef répnmaudef qu'il adreifeduu les OcévùqoMt 
Dec, II, lib. ; et 8, au céUbre voyageur d'Afiiqiw, qull 
appelle un etrtatn Cadaauulo de Venife et qu'il accuMi 
de lui avùr-volé le* premià 
ccmmuiiiquées àdca uubau 
clairement qu'il coniiMid Cai 
que le Recueil daiu lequel I 
Mondo JV«tw de Viceace. J 
gouvcnieiiient espagnol a d^ 
le* Nouvellea ludes de* é 
Caiiillana, Pierre Martyr a] 
fui admiralua Aloùium qui 
tiita, icripLoreiD rei-um Por 

JnnU acripiiaie de rebua Gaatellania, Féemut, Vidi~ 
mur, Ifùntu, qus neque fècit UQquain, neque Venetn 
quiaquam vidit. £z tribus mat Decadia primis libeDia, 
Kiipitata ea eicerpsit et mSuratus est, exiatimam 
outra Quuquain proditura in pidiUcuaa. Pattiit atfortt 
apud ormlorem aliquêm Veiutam m «m tiètUot ùteiditte^ 
Celebrca noiaque viri ab illastriaaimo aeoatu iUô misât 
•unt ad Reges hos Catholicoa, qùibna ego ^s» iiàt 
otitndtbain liiau. UUunque ùt, bonus vir AloiMui 
CadamoatuB, alieni laboria fructom aibi atuduitvendt- 
care. De Fortugallemium inventis quKquidœi admi- 



^ SSCTfOn DEaXCBMB. 

une lettM k Domenico Mal^iero, se Tonte n de 
la femiliarité (pratica) et de k grande amidé 
qui «xistaient entre Cbristc^e O^ombet lui.» 

randa lunt, an vùa, utiait, a/molaveril, an ai intérim 



f 



Ger tM^ il n^nB^ pu élë enoliB « fiOTonstr de« 
firMidfts «oimuflea Au détnment et oalid dont 
il Toulait célébrer les exploits en tradiâsait à^ 



la (Jâinte d'Ânghiera du Libreiio iaiprimé à Venise 
en i5o4> mai» du Mondo Noi^ de Vicence. Comme le 
jLibretto ne reniêiinait que des découvertes américaines,^ 
il tie pouvait i^bir le nom de Cadnmostô y tandis qiiê 
flM^liarlyf, tojf atit 4(Uê fe lUeciéU d« VkMimcttn^ 
■Mhce par les mois s • JSétefuh /# 4ilvm <fo G^^ 
p^ùsio... 9 Si cru^ avec Tin^idvertance qu'on lui reproche 
souvent, que le Recueil entier était, comflie les cin- 
quante premiers chapitreS| une relation &ite par le 
"^lûf^ipsiêÉ v^àideB. hm 8f|^ premieip Hvr^nd» U.pr^ 
«ière Déoade d'Ao^bicBrii i3fî(ra<«pt d^ biiede.GcH 
loiBb juaqu'su moment 9Ù il aiTÎve chai^gé de fers à 
94viUe : c'est jusque-U aussij^ jusqu'à la fin du troisième 
Xoyage^ que le conduit le Mondo Novo de Vicence. Si 
Cadamosto n'était pas nommé au lieu de Trivigiano, on 
pourrait croire que les plaintes étaient dirigées côptre 
iine publication furtive de la première Décade même. 
11 y a en efîet quelque soupçon, selon Morelli et Zurla 
(t. Il, p, io8), 4e l'existence d'une édidon de i8oO, Là 
première édition de la première Décade, faite par ordre 
d'Anghiera, est de SévlDé, iSii, chez Jacob Corum^ 
berger, Allemand, probablement de cette fbmâle âè 
Cromberger qui, dans une imprimerie établie à Melloo, 
imprima dès i544 1& Doettina ChrUiiawt p(fr M Pattre 
Fray Pedro de Cordoça, le premier livre qui ait paru 



9<! BBCTI 

b bats, et Blême sans le cansenCeniënt de Fau- 
teur, la première Décade du Uvre De Rthis 



Par un concours fortuit de circonstances, 
Tannée i5o7 a été marquée par deux publica- 
tions qui ont le plus contribué à donner de 
la célâ>rité au nom de Vespuce et à le répandre 
àla{cMsonItalie,en France et en Allemagne. 
A k manu époque o^ paru le &meui /teeiw4 
dt F'iewa» et une premiers collection des 
quatre expéditi<ms que Vcm attribue au navH' 



SECTION DEUXIEME. 97 

gateur florentin. L^expression de Monde 
Nouveau {Mondus No^us)^ déjà liée en i5o4v 
par le libraire Jean Ottmar, au nom d^^Âméric 
Vespuce dans Tédition du troisième voyage, 
fut répétée, et dans un rapprochem^it tout 
semblable, en 1607, dans le Recueil yicentin. 
Le titre Mondo Novo epaesi nuoçamenie re- 
irovati da Aïberico Vespuzio FiorentinOy 
que Fracanzo da Monte Albodo, ou plutôt 
Alessandro Zorzi, a donné à son livre répandu 
par de nombreuses traductions, était propre 
sans doute à préparer et à établir progresdve- 
ment cette croyance populaire qui attribuait 
à Vespuce la partie la plus importaate des dé- 
couvertes de FAmérique. La soiu^ce de cette 
première illustration n^était pas Florence, 
la patrie du voyageiu- : c^était la Lombardie , 
où ont paru les premières collections de voya- 
ges. Dans la même année i5o7, tandis que 
Vespuce est perpétuellement en course entre 
Ségovie , Séville et Palos , soit pour bâter avec 
Juan de la Cosa et Vicente Yanez Pinzon les 
apprêts d^une nouvelle expédition , soit pour 
vaincre à la cour les obstacles que faisait naître 
Finimitié mutuelle de deux souverains , Fer- 
dinand le Catholique et Philippe I, im homme 

IV. 



gS SBcnoN deuxibihe. 

que Ton a regardé coHime très obscur, et dont 
le véritable nom n^a été découvert que tout 
récemment, un libraire de la petite ville de 
Saint-Dié, en Lorraine , fait la première pu- 
blication de tous les voyages d^Améric Ves- 
puce. Les circonstances que je rappelle ici ne 
me paraissent guère justifier le soupçon que 
Ton ait attendu la mort de Colomb, arrivée le 
20 mai 1 5o6, pour faire paraître presque si- 
multanément à Vicence et en Lorraine la iloev 
colta du Mondo Noçfo et les Quatuor Nai^h- 
ffationes. La Raccolta^ je le répète, porte en 
elle* la preuve incontestable que lors de sa i^ 
daction on ignorait et Fexistence dW qua- 
trième voyage de Colomb et la nouvelle de son 
décès. Si avant la mort de Famiral on avait eu 
intérêt de cacher Texistence de ce probléma- 
tique premier voyage de Vespuce, le troisième 
n^aurait pas déjà paru en 1 5o4, 'voyage appelé 
dies tertius^ et dans lequel il est question de 
deux expéditions antérieures fiâtes diaprés les 
ordres du <( roi de CastiUe. » Nous savons par 
la dernière lettre de Colomb qui est parvenue 
jUvSqvi^à nous, que quatorze mois avant sa mort, 

' Cap. cvin. 



S1CTI09 BSUX1£ME. 99 

fin de fiî^er i5o5^ Vespuce et CokMùb étaient 
'encore bésde Tamitié laplus étroite* Si Vespuce 
nVvak Touhi manifester ses prétentions fonr- 
dées sur un {premier voyage de 1497 , qu^aprés 
le décès de son protecteur et ami , il nVurait 
pas £dt paraître ayant cette époque le voyage 
de i5oi coraaDoe troisième. 

La Lorraine , qui a fourni la première imr- 
pression des Quatre Navigations réimies du 
voyageur florentin, était admirablement située 
pour £dre connaître son nom à la fois en Bel- 
gique, en France et dans le midi de FAUe- 
magne. LWvrage imprimé dans les Vosges pa« 
rut en 1607 sous le titre bizarre de : Cosmo-^ 
graphiœ Introductio cum quibusdam GeO" 
metricB ac Astronomiœ principiis ad eam 
rem necessariis. Insuper Quatuor Amerid 
Vespucii navigatione$\ L^auteur ne s^est pas 

' Edition \Tk-Sl*^ s^i^s indication de pages , 7 compris 
le dire et la dédicace à Tempereur Maximilien y de 
53 feuillets. On trouve encore ajoutées au titre les lignes 
suivantes : IJniversalis Cosmographia descriptio tam in 
solido quant piano y eis etiam insert îs quœ Phtohmao 
ignota a nuperîs reperta sunt, Distichon : Cum Deus 
astra regat, et terrœ climata Cœsar, Nec tellus, nec eis 
sydera majus habent. 



100 SECTION DEUXIÈME. 



nommé dans cette première édition , datée ex 
ScuictiDeodatioppido' ; son nom ne se trouve 
quedansPéditionde iSog^publiéeàStrasbomrg. \ 

Il signe la dédicace Martinus Ilacomylus. Ce 
livre extrén^ement rare, dont Tiraboschi, Ro- , 

bertson et Mun jz nWt pas connu Texistence, 
mV occupé beaucoup dans ces dernières an< 
nées. U ofire le double intérêt dWe première 

' La date de Féditioii se trouve dans la dédicace faite 
au nom du Gymnasium Vosagense y et au dernier 
feuillet qui ofire, dans un encadrement| les lettres ini- 
tiales suivantes : *G* L*, 'N'L* et *M-r, placées sous 
une croix. Autourde Tencadrement on lit : Finitum Vil 
hal. Maijj Anno supra sessiquimillesirtium VU; Urbs^ 
Deodate, tuo clarescens nomi'ne^ prœsul, Qua Vogesi 
montis suntjuga pressit opus; Pressa et eadem Chris to 
monùnenta favente , Tempore çenturo cœterQ muUa 
premet. Les lettres enlacées M et I, indiquent sans doute 
le nom deMardnus Hylacomylus, car diaprés Fédidon de 
Strasbourg (iôoq), et d'après une lettre adressée à Phi- 
lésius et insérée dans la Margarita philosophica noi^a de 
Reisch (édition de Strasbourg, i5o8), Fauteur signait 
parfois un peu incoiTCctement Ilacomylus en retran- 
chant Fiuitiale H. Aussi l'édition de la Géographie de 
Ptolémée, publiée à Strasbourg en iSaa, dont je par- 
lerai plus bas, nomme dans un passage important Meir^ 
tinus llacomylas pîedefunctus. 






I 

y 



SECTION DEUXIEME. 101 

publication de toutes les navigations de VesT- 
puce et du premier Toeu qui ait été émis de 
donner au-' Nouveau Monde le nom d'-^mrf- 
rique. Comme tout ce qui a rapport à cette 
dénomination sera traité dans la Troisième 
Section^ je réserverai pour cette partie de 
mon ouvrage l'ensemble des preuves litté- 
raires qui justifient mes assertions. Il ne sV- 
git ici que d'expliquer les motifs que ce per- 
sonnage inconnu, qui a grécisé son vàitable 
nom et encore d'une manière imparfaite , a 
pu avoir pour s'occuper de préférence de Ves- 
puce ; il ne s'agit que de rappeler succincte- 
mentcombien son autorité et son enthousiasme 
pour le pilote florentin ont dû exercer une 
influence puissante siu* l'opinion publique , à 
cause des rapports intimes de la Lorraine et 
de l'Alsace avec Baie , Fribourg et toutes les 
provinces allemandes dans lesquelles l'art ty- 
pographique était exercé alors avec une acti- 
vité toujours croissante. Dans des écrits anté- 
rieurs à l'année i522, c'est-à-dire antérieurs 
à la conquête du Mexique, le nom d'Hylaco- 
mylus ne se trouve que trois fois. Il paraît d'a- 
bord dans la Margarita philosophica (édit. 
de Strasbourg , i5o8, chez Jean Grieninger), 



laa sBciioii uEuxiiMs. 



espèce d^enc jclopédie qui pendant long-temps 
a été réimprimée tous les deux ou trois ans ^ 
puis dans la seconde édition de la Cosmogra- 
phiœ Introduction publiée en iSog; enfi» 
(comme mon sayant ami M» Walckenaer Vit 
remarqué récemment) dans une note que Lau^ 
rentius Phrisius a intercallée dans la Géogra- 
phie de Ptolémée, édition de Strasbourg^ 
i522. Bandini, dans sa Vie de Vespuce, et 
Foscarini, dans son excellent Traité de la Lit- 
térature vénitienne, ont déjà fait mention, en 
1745 et 1752, de la Cosmographiœ Introduty 
thy sans connaître le nom grécisé de Tau^ 
leur' • Le passage dans lequel Hylacomylus 
propose de désigner le Nouveau Monde par 
le nom d^Améric Vespuce ( Americi terra s^el 
Americct) se trouve également cité en 1798 
dans rÉloge de Vespuce par Fabbé Canovai ^ 
mais Fauteur a cru Fouvrage anonyme de Fan-^ 
née i535, ayant ignoré qu^il avait sous les yeux 
une troisième édition vénitienne de Fouvrage 



^ Antérieurement à Bandini, en «738 ^ je trouve le 
nom Ilacomih dans tme table de matières ajoutée à la 
BUlîoteea funttiea du Ckronistê don Antonio de Léon 
PiOfll» 



l 



SECTION DEUXIBME. io3 

pubbé pour la première fois en LKirrame. 
Comme Ton sarait depuis longtemps q[ue 
dès Tamiée i5ia (dans la lettre de Vadianus & 
Rodolphe Agricola) le nom du cotitineiit d^A- 
mërique était assez répandu, le témoignage 
d^une Cosmographie de i535 ne pouvait in- 
spirer aucun intérêt. C^est M» Washington ]î> 
ving dont la Vie de Colomb est rédigée avec 
une profonde connaissance des ùàV^y qui le 
premier, en 1828, a rendu à ce témoignage 
Importance quM mérite. Il a fidt Ycnr qu^U 
r^nonte à i5o7, presque à Faimée de la mort 
de Colomb. M. Navarrete a ^ premier donné, 
dans le troisième volume d)» son intéressante 
Coleccion de Viages^ Tanaljse de la seconde 
édition de FouTrage d^H jlacomylus (celle de 
Strasbourg de iSog), et signalé, diaprés cette 
édition , le nom de Fauteur quHl paraît croire 
Hongrois, puisquHl prend le heu de Fimpres- 
^n, oppidum diifi Deodati^ pour k ville de 
Taia ou Dotis en Hongrie. 

La méprise du savant directeur du Û^pdt 
hydrographique de Madrid , à laquelle Fam- 
biguité de la dénomination latine a pu &cile* 
ment donner lieu, ne devient importante 
queutant que Fimpression et les rapports per^ 



ip4 SECTION DEUXIBHE. 

sonnek d^Hjlacomjlus expUquent ie vif inté- 
rêt que celuirci a montré pour la gloire de 
Vespuce, Je rappellerai d^abord que c^est le 
Theatrum Orbis terrorum dXh:télius dont la 
jn^emière édition a paru en 1670 , qui m^a mis 
à même d^éclaircir ces rapports. OrtéUus iàit 
dans iine table très concise. Fénumération des 
matériaux dont il s^est seryi. Après avoir nomr 
mé Mcurtinus Yîacomilus FriburgensU comme 
auteur d^une carte d^Europe, etMartin Waldr 
seemuLler comme auteur dWe mappemonde 
appelée na(^2]^a/ona ou moriha, il émet la con- 
jecture de Tidentité de ces deux géographes. 
La Cosmographie de iSoj que Camus n^a ja- 
mais vue, et que la bibliothèque royale de Paris 
ne possède pas^, fut reconnue par M. Knorr, 
aujourd'hui professeur de physique à Gisan , 
parmi les nombreux petits traités cosmogra- 
phiques du seizième siècle que possède la bi- 
bUothèque royale de Berlin. Déjà Foscarioi 
avait très bien désigné dans sa Litteratura Ve- 
neziana , d'après un exemplaire de la biblio- 



' Le seul exemplaire que je connaisse à Paris se 
trouve dans la possession du savant éditeur des An^ 
nales des Voyages <f M. Eyriès. 



3BCT10N BE6XIÈB1E. lo5 

thèque du Vatican, le liea de 1» pubticàtion : 
è S. Deùdaio apud LotharingkB yosdgwn. 
Ce Keun^est autre que la petite YiHe de Ssdiit- 
Dîé (Diey), sur les bords de la Meiu-the, dans 
le département des Vosges, marquée sous le 
nom de Sanctus Deodatus dans la ciotede 
Lorraine , qite renferme pour la pr^nièrè fiiis 
Tédition de Ptolémée de Strasboiurg, i5i3, et 
qui porte le titre de Lotharingia^ vasium 
Rêgnum. Pbilésius, Téditeur de Ptolémée, 
Fami intime dHy lacomy lus , était comme lui 
protégé par les ducs de Lorraine. Des recber-* 
ches long^temps infructueuses faites à BAa 
prière dans les arcfaiyes de Tanciènne imiyer- 
sité de Fribourg, ont enfin Êdt découvrir 
Tannée dans laquelle Hjlacomylus a com^ 
menée ses études académiques. M. Sdbreiber,. 
professeur et conservateur de la bibliothèque 
de Fribourg, a trouvé la matricule de notre 
cosmograpke dans la liste des étudians reçus 
chaque année pour faire leurs études dans 
cette célèbre académie. Martinus fValtze^ 
mûller de Frihurgo Constantiensù d^œcesis^ 
a été inscrit comme étudiant sous le rectorat 
de G>nrad KnoU de Griiningen, le 7 dé-* 
cembre i490. Le prénom Martin, qui est assez 



i06 SBCTIOn DEUXIEME. 

rare dans le quinzième siède^ le nom de In 
fanûlie dont les petites variaiites de IV>rth<v 
graphe allemande(l et z pour d et j)n^otit lien 
dHnusité, Pindication de la patrie et la cir- 
constance quHl estprouTé par d^autfea docu- 
mens de 1491 que la fiumlle de WaldseemM- 
1er résidait à Fribourg, dans le Brisgau , ren- 
dent certain que cette matricule, sur laquelle je 
reviendrai dans un autre endroit, appartient 
à Hylacomylus* Le nom de Waldseemikller 
ne se trouTe pas dans la liste des professeurs 
de rUniTersité, dont la fondation remonte a 
Tannée 14^7; mais il me parait assez probaMe 
qu^il professait la géographie au gymnase de 
Saint-Dié* La dédicace de son ouvrage fait 
au nom de cette école, quHl appelle Gjrmna-' 
sium Vosagense^ paraît conduire à cette sup* 
position. Ce qui est indubitable, car la même 
dédicace Texprime clairement , c^est que Hy- 
lacomylus avait établi peu avant 1607 {nuper) 
une librairie (librariam officinam) à Saint-* 
Dié , dans les Vosges {apud Lotharingiœ Fo- 
sagum in oppido cui voeabulwn êsi Setneta 
Deodaio)^ et qu'il y était laborieusement oc*- 
cupé à la fois et de Fexamen critique d'un 
manuscrit grec de la Géographie de Ptolé-* 



SfiCTIOlf DBUXIBIIB. IO7 

mée ^ et de réditkxi des Quatre NaTÎgations de 
Vespuce. 

Pour conceroir la liaison de ces occupin 
tiens et leurs rapports avec raocroissement 
de la renommée du navigateur florentin, il 
&ut se raj^ler que la Lorraine , pendant le 
règne de René II, petit-fils de René I d^Anjou, 
surnommé le Bon , était le centre de travaux 
géograjdùques très importans. René II portait 
les titres de nn de Jérusalem et de Sicile, duc 
de Lorraine et cœnto de Provence; mais il 
n^était en possession que de la Lorraine, dont 
lliéritage lui était venu par sa mère Yolande , 
épouse du comte Frédéric (Ferri II) de Vau^* 
demont\ Pendant les trenteKÔnq années de 
son règne, surtout depuis que la chute de 
Charles le Téméraire donnait de la tranquil- 
lité à son pays, il protégeait les savans et en* 
courageait les éludes géographiques ; vivant à 
FqKKpie des grandes découvertes maritimieSY 
il trouvait sans cesse de quoi nourrir son ac*^ 
tive curiosité* Vespuce était en correspond 

* Mme effhctum est ut nobis Ptholomœi libros pott 
exemptât gmeum recognoscentibus.», 

* Art de vérifitt kêdaùeSj 1618, 1. Xllly p. 4i<^- 



i08 SECTiaM DEUXIEME. 

dance arec lui, et nous voyons par la G}siiio^ 
graphie d^Hylacomylus même, qii^il dédkdt au 
roi Hené (fienato Jherusalem et SiciUœ regij 
duci LotharingicB ac Barii) le récit de ses 
quatre na^gations. Cest à la munificence du 
duc de Lorraine que Ton doit une des plus 
câébres éditions de la Géographie de Ptolé- 
mée, celle de Strasbourg de i5i3. Il existait 
alors une liaison intime entre la géographie 
ancienne et la géographie moderne. De même 
que de nos jours , peut-être au détriment de 
la science , on a long-temps ajouté les décou- 
vertes nouvelles dliistoire naturelle au Syste- 
maltatarœ de Linné, on ajoutait depuis i486 
aux éditions de Ptolémée des cartes modernes 
de rSurope, et depuis i5o8, des cartes de 
FAmérique. Cétait pour les arts nouveaux de 
Timprimme et de la gravure un moyen com- 
mode de satisÊiire à la fois le goût des érudits 
et celui des curieux ou des gens du monde ; 
cMtait un motif de multiptier les éditions de la 
Géographie de Ptolémée, dont seulement de 
1475 à i552, il a paru une vingtaine, quel- 
quefois plusieurs dans la même année. On 
ajoutait à Fouvrage de Ptolémée de petits trair 
tés de cosmograj^e , et tout ce que les an-^ 



■■■■ Il ■■■■-■■--» ^ 

I 



SEcnoM BBirxiEiiK» 109 

ciens avaient ignoré était compris sous le titre 
Tague de Reines es^a Ptolemœum. Ce ^e 
j^ai dit des secours que le duc de Lorraine a 
généreusement fouliûs aux éditeurs du géo- 
graj^ d^Alexandrie y se trempe clairement 
énoneé dans Fédition de i5i3, imprimée à 
Strasbourg chez Jean Schott. U y est dit que 
le travail a été commencé y il y asix anSy dans 
les montagnes des Vosges; qu^après avoir été 
presque enseveli dans Toubli , depuis la mort 
du duc René (i5o8), il a enfin été ressuscité et 
publié connue un témoignage de la libéralité' 

I « €haita autem marina quam H jdrographiam vo- 
cant, per Âdmiralem qtiondam seren. Portugaliœ régis 
Ferdinandi (?) caeteros denique lustratores veriêsiinis 
peregrinationibus luatrata : ministerio Renati dum 
pusitj nunc pie mortui Ducis iiiustr. Lotharingiœ y libe^ 
ralius prœlographaiioni tradita est, cum certis tabulis a 
fronte hujus chartœ specificatis . Cnjus item Ducis illus^ 
iriss. honori eediâ extensa ad finem Dominii sui tabula 
studiosissime pressa. Nam ejus terra latebris, Fosagi 
dioo rupihusj nobile hoc opiiB inceptum, licet quo- 
rumdam desidia ferme sopitiuxi; a sexennali sopore per 
nos tandem exeitatum est. » {Cfaud. Ptol, supplem^ 
i5t3.) Il est question dans ce passage d'une Tabula 
Terrœ Novœ de lat. 35*» sud à 45** nord, et d'une mappe. 
monde ( Orbis (y pus unii»ersalis juxta hydrographorum 



de ce prmcef qui a fait graver à fies frais h 
mappemonde offrant «ne partie du Nouveau 
Continent y et dWtres cartes modernes qui 
ornent Fédition de i5i3. Parmi ces dernières 
se trouve, conmie je Fai déjà indiqué, pour la 
première fois, une carte de Lorraine. La tr«H 
duction latine est entièrement différente de 
cette que fit Jacobus ingelus pour Fédition 
de Vicence de i^yS ; elle est plus littérale* et 
probablemmit due presque en entier au sar- 
rBnt Pkilésius ^ qui, après avoir terminé ses 
études de mathànatiquesàParis*, devint pro- 

iradiiwnem)f Tune et l'autre sans Dom d'Amérique. 
S'il faUait d'autres preuves que les tra'vaux prépara- 
toires de l'édition de i5i3 sont antérieurs à l'année de 
la publication y je poiurais citer encore l'expression 
opm sexennaîi pêne socordta neglectum que je trouve 
dans la dédicace de Jacques Ësder et Georges Uebeliui 
théologiens strasbourgeois, à l'empereur Maximilieui 
et dans la lettre du célèbre Gianfrancesco Pico, comte 
de la Mirandola, placée en tête de l'ouvi^age, et datée de 
l'année i5o8. Cest le neveu du philosophe mystique 
Giovanni Pico, celui qui^ après une vie sans cesse 
agitée, fut assassiné par son parent Galeotto en i533, 

* Raidel Commentath critico^literaria de Ciaudii 
Piûh Geogr. 1737, p. 56. 

» Marg. phU, (Argent. lôoS) in fine Geometri». Il 



SBCnON DBUXItMB. lit 

Casseur de cosmographie à Baie. On doit croire 
cependant, d'^après le passage de la dédicace 
cîtie plus haut , qu^Hylacomylus , Uen ayant 
i5o7, a^ait aussi traTaiUé sur le texte grec 
dePtcdémée. Philésius, dcmt le véritable nom 
est Rîngmann^ était natif des Vosges , dont 
il a célébré les beautés pittc»*esques dans son 
poème Fosaguâ *• La plus étroite amitié liait 

est dit que PhiléaiuB avait étudié à Paiig sous Jâcobui 
Faber Stapulen^is (d'Ëtaples, près deMontreuil, dé* 
partementdu Pas-de-Calais). Ce Faber, ami de Luther, 
auteur d'un traité de physique imprimé à Strasbourg 
en i5i49 6t de lAbri IV de Musica ^ imprimés à 
Paris, i55i, mourut à Fâge de loi ans. 

' Les noms grecs et latins que les savans de ce temps 
avaient l'habitude d'adopter n'étaient pas toujours la 
traduction de leur nom de famille. Cest ainsi que Ro- 
dolphe Agricola le dialecUcien, né à Groningue en 
1434» s'appelait Hausmann \ tandis que l'ami de Luther, 
Jean Agricola d'Eisleben, s'appelait Schneider. 

* Kœniffii BUfL p. 63i. Selon Degen (^Litteratur der 
Deutschen Uebersetzungender Romer, t. I, p. 25), Ma- 
thieu Philésius Ringmann était aussi traducteur de 
Jules César. Sa traduction , imprimée en t5o8, a eu 
quatre éditions. Il a fait deux voyages en Itatie, sans 
doute pour examiner des manuscrit^ de la (véographle 
de Ptolémée que possédait Pic de la Mirandole. En 



lis SECTION DBUXIlàME. 

nnlésius, Hjlacomjlus et le père Grégoire 
Reisch , prieur d^une chartreuse près de £ri- 
bourg , dans le Bris^u, et auteur de la Mar- 
garita philosophica. Cest dans cette Ency- 
clopédie, qui a exercé une si grande influence 
d^abord pour répandre des connaîsseoices 
utiles , plus tard pour en arrêter les progrès , 
qu^Hylacomylus a fidt paraître, en i5o9,deux 
petits traités dWchitecture et de perspective. 
Une lettre adressée à Philésius et placée en 
tête de ces traités, est digne d^attention, parce 
qu^elle confirme ce que je viens dVxposer sur 
les rapports d'Hylacomylus avec la Lorraine. 
L^auteiu* se plaint « de ce que dWtres se sont 
attribué ^ sa Cosmographie , qui est extrême- 

passant pai* Venise, il communiquait à Giglio Gregorio 
Giraldi (Ziraldus) des doutes sur les indications nu- 
mériques de Ptoléméef source de tant d'erreurs dans 
les positions géographiques (Plol. de t5i3). La Gram" 
matica figurata de Philésius est imprimée à Saint-Dié 
en i5o9y chez Gaultier, non dans Timprimerie de Hyla- 
comylus. 

} Ce passage se lit dans la MargarUa philosophica, 
édition de Strasbourg, i5i3, intercallé entre le 6" et le 
7* livre (la pagination manque). Il ne se trouve pas 
dans l'édition de Bâie de la même année, ni dans au- 



4 



SfiCTION DBCrXiÈME. il3 

tuent répandue. » Il raconte que « pour se 
distraire, il a Fhabitude^ pendant les jours du 
camaTal , de voyager dcr France ou plutôt de 
Lorraine en Allemagne ; qu^alors il s^est re^ 
posé dans une maison où Pidée lui est venue 
au milieu du bnrit joyeux des convives , de 
coordonner les principes de la scénographie 
et de la perspective. » Les rapports quWait 
Hylacomyliis avec le duc René% protecteur 

cune des nombreuses éditions subséquentes que j'ai pu 
examiner dans les différentes bibliothèques d'Alle- 
ma^e. « Cum hb diebus Bachanalibus solatii causa, 
qui mihi mos est, in Germaniam venissem e Gallia, seu 
potius ex Vogesi oppido (cui nomen Sancto Deodato) 
ubi, ut nosti, meo potîssimum ductu et labore (licet 
plmque alii &lso sibi passim ascribant) Cosmogra- 
phiam non sine gloria et laude per orbem disseminatam 
auper (c'était en i5o7) composmmus, depinximus et 
impressimus, collc^ in angulo pauUsper semotus, 
dum alii tumultuarent, quaedam de Scenographia....» 
On TCHt par les plaiutes que renferment ces lignes au 
sujet de la première édition de la G>8mographie, com- 
bien Hjlacomylus avait de motifs pour se nommer dans 
la seconde édition de iSog, imprimée à Strasboui'g chez 
le même Gruninger qui a publié une Margarita phib" 
4ophîcade i5o8. 

' « Renatus II, Siciliae rex, dit la dédicace d'Hyia- 
IV. 8 



Il4 SECTION DEUXIÈME. 

d^ Vespuce, et avec son fils et successeur le 
duc Antoine , se manifestent aussi dans la dé- 
dicace qu^il fit à ce demiM*, d W petit ouTrage 
très rare composé coxgointement avec Ring* 
mann sous le titre de Instructio manuductich 
nem prestans in cartam itinerariam Martini 
Hilacomili cum luculentiori ipsius Europœ 
enarraiione a Ringmanno Pkilesio Vosigena 
conscripia {ArgentorcUiexoffic. Jocmnis Gru- 
ningeri^ i5ii). La dédicace de cet ouTrage 
très rare que nous possédons à Berlin , est 
encore datée de Saint-Dié. La Cosmographie 
d^Hylacomylus que Fauteur dit déjà très ré- 
pandue en i5o8, a eu quatre éditions (iSoj, 
i5o9, i535, 1^54 )> et la circonstance d^avoir 
été réimprimée deux fois à Venise (chez Fran- 
çois Bidonis), [MTOUve Finfluence qu^elle a eue, 
soit pour fidre C(mnaître les quatre voyages 
deVespuce, soit pour propager Fusagedunom 
dî^jimérique. 

Hylacomy lus n^est pas nommé dans le Pto- 

comyluB, opuflculis geographids mirum in modum 
delectatus ftiit : neque obliti suxnua quo hilari vultu 
generalem orbis descripUonem et alia laboris nostri mo- 
niimenta, sibi oblata, a nobis suscepit. v 



SECTION DEUXIEME. Ii5 

lémée de i5i3, quoique cette édiîtion soit en 
grande partie due à la munificence du duc 
René ^ et qu^il me paraisse assez probable que 
la carte de' Lorraine et celles qui offrent une 
partie du Nouveau Monde aient été tracées de 
la main du cosmographe« Gomment le duc ne 
se seraitnil pas servi à^wt savant qui vivait 
dans ses états et qui dans le Cosmograpkiœ 
IntroducUo' décrit les cartes qu^il a construi- 
tes, en rappelant que dans les modernes il 
s^esl servi à la fois et de Ptolémée et des ob- 
servations des marins, et que , « dans la qua^ 

' « Orbis terranim regiones praecipuas dominorum 
insignils notare studulmus. In quartam terres pai*tein 
per incljtos Casdli» et Lusitaniae reges repertam 
eonimdetn ipsoruminsigiiia posuimos. » ( Cosm, 1607, 
fol. i5. ) Le raisonnement de Fauteur (fol. ao) sur le 
droit que l'on a de dévier des types donnés par Pto- 
lémée, se trouye presque littéralement répété, ce qui est 
asses ranarquable, à la fin de la dédicace de l'édition de 
Ptolémée de i5i3. Aussi l'ouvrage publié conjointe- 
ment avec Philésius soiis le titre de Instructio manuduc- 
tionem prestans^ etc., Ëdt-il connaître le grand nombre 
de cartes des différens pays d'Europe dessinées par 
Hflacomylus avant i5ii (Mtlii, Memorab* Bibl. acçd, 
Jeneiislsy p. aSg ; FaErria, An decta litteranay p. 449*) 



Ii6 SECTION DRUXIÈME. 

trième partie du monde , il a orné les côte^ 
des armes de <]astille et de Portugal? » Ce qui 
laisse moins de doute encore , c^est que lés 
cartes que nous possédons dans Pédition de 
Ptolémée de 1622 ^ publiée par Laurent Phrî- 
sius à Strasbourg, chez IHmprimeur même 
d^Hylacomylus, Jean Grieninger\ ont toutes 
été tracées de la main du géographe de Saint- 
Dié^ qui les a réduites dans un cadre plus petit 
que celui des cartes de Paonne in-^faUo de 
Pédition de i5i3. Voici un passage curieux 
que ceux qui ont écrit sur la Géographie de 
Ptolémée ont entièrement négligé. 11 se trouve 
conune jeté par hasard dans une note que 
Phrisius a ajoutée à la fin du second chapitre 
du huitième livre* : « Et ne nobis décor alte- 
rius elationem inferre videatur, has tabulas e 



^ Cette* famille d^imprimeurs célèbres signe GiiS^ 
ranger dans la Margarita philosophicaj éd. de i5o49 
i5o8 et i5i5; Grierdnger dans les Ptolémées de i5i3 
et i5aa ) Grûniger dans le Globus Mundij iSoQ. 

• Le paragraphe qui m*a été indiqué par M. Walcke- 
naer u^est que de douze lignes et est insciit : Pau- 
cula ad lectorem ante tabularum expositionem Lau- 
rentiiPhiîsii. • 



^fiCTIOM DBUXIEMB. iij 

HLOvo a Martino Ilacomjrlo pie defkncto con* 
structas et in minorum quam prius unquam 
fiiere fermam redactas esse notificamus. Hmc 
igitur et non nobis j si bonae sunt , pacem et 
custodiam in cœlesti lerarchia, cum eo qui 
ipsam machinam mundi tôt nûris interstitiis 
disjunxit exopta. Caetera vero quœ« sequuntur 
nos perfecisse scias. » Le savant Laurent 
Phrisius^ , probablement de &mille hollandaise, 
mais né à G>bnar, était alors au service du 
duc de Lorraine et résidait à MetZt« Il ne pou- 
vait sVtribuer un travail que très près de lui, 
dans les Vosges et en Alsace , tout le monde 
savait appartenir à Hylacomylus, déjà mort 
avant i522. Cest donc aussi cet admiirateur 
de Yespuce qui a inscrit pour la première fois, 
dans Fédition de Ptolémée de i522, le nom 
America sur ime mappemonde ( Orbù typus 
unxQer^aU^ iuxta hjrdrographorwn tradition 
nem)j n^appemonde qui sous le même titre se 
trouvait déjà dans Fédition de i5i3. Il ne &ut 
pas oublier que les divers travaux coordonnés 
dans ces éditions, sont nécessairement de 
beaucoup antérieurs à Fépoque de leur publi- 

' Le même nom vaiie en Phriese , Phry-ese, et Fries» 



Ii8 SfiCTION DEUXliHE. 

cation} et que Tédition de i5i3 était à peu 
près rédigée dès iSoy. Or, c^est seulement 
dans le cours de cette dernière année qu^Hy- 
lacomylus a osé proposer le nom $ Amérique 
pour désigner le Monde Noweau. L^ôpinion 
populaire se forme et s^étend progressivement. 
U résulte des faits réunis 'dans la Ttoisième 
Section^ que Intervalle de i520 à iSaa est 
celui où le nom d^Amérique conmience pre*- 
mièrement à se mcmtrer sur des carte&gravées 
dans TAllemagne occidentale et méridionale , 
par conséquent dans des pays sur lesquels 
Vespuce , mort huit ans plus tôt , ne pou- 
vait exercer aucun genre d^fluence person- 
nelle. 

Le Ptolémée de iSsta, rédigé par un savant 
qui résidait à Metz, orné de cartes de la main 
du géographe de Saint-Dié , peut être consi- 
déré comme im ouvrage dû à la Lorraine avec 
le même droit que le Ptolémée de i5i3. L^é- 
diteur des quatre lettres de Vespuce, Hyla- 
comylus, confondait le navigateur florentin 
avec le navigateur génois, comme de nos jours 
beaucoup de personnes qui s^téressent aux 
découvertes dW passage au nord-ouest con- 
fondent les noms illustres de Parry et de Ross. 



SECTION DBUXIBIU. II9 

Ve$puce dont tant d^Trages câébraient la 
glcHre depuis la pubKcation de son troisième 
voyage orné des images des constellations aus- 
trales, ren:qf>orta pour long-temps sur Gdomb. 
Cette même édition de Ptolémée de i52a, 
la première qui offre le nqm d^ibnérique sio: 
une de ses cartes^ renferme la preuve la plus 
convaincante d^une victoire due non à ïvor- 
tiîgue et à la maUgnité, mais à un concpurs 
naturel de circonstances que je viens d^expo-- 
ser rapidement. Pas im mot de Colomb dans 
la préface de Thomas Aucupariys , mais un 
éloge exagéré de Veqpuce : « Non inferiori 
commendatione digni sunt qui post Ptolo- 
meumincredibiHingenii indagine ad novaster- 
rarum et iusularum lustrationes pervenerunt. 
Quorum omnium imprimisetnon vulgari cde- 
brandus est honore Americus ille Y esputius , 
Americœ terrée, quam hodie Americam, No- 
vum Mundum vel Quartam Mundi partem vo*- 
cant j aliarumque novarum adjacentium vioi- 
narumque insularum egregius et nobilissimus 
ins^entory visitator et primus hospes. » Avec 
cet éloge &stueux contrastent de la manière 
la plus extraordinaire d^autres parties du texte 
et des cartes. A la mappemonde qui présente 



ilK) SECTION DEUXIEMB. 



le nomdeprimus iwentorethospesy est jointi^^ 
une carte répétée de Fédition de i5i3, sur la<- 
quelle (m lit en gros caractères, au milieuderA- 
mérique méridionale, ces mots : « Hœc terra 
cum adjacentibus insulis m^enta est per Co^ 
lumbum Jtmuem^m ex mandato Régis GisteU 
k&. )> La description dé la même c&rie {Tabula 
ierrœ Nowsb) se borne cependant à ime rela- 
tion succincte du prenner Toyage de Colcnnb 
dans lequel les îles seules tinrent découvertes. 
Cette même inconséquence se présente aussi 
dans la belle édition romaine de 1 5o8 publiée 
une année après le Monda Noço de Y icence , 
et la Cosmographie d^Hylacomylus. Il est 
vrai que les noms de Vespuce et S! Amérique 
ne s Y trouvent -pa&, mais -dans le petit traité 
de Géographie du moine Célestin Marcus 
Beneventanus , qui est annexé au Ptolémée 
de 1 5o8 , les découvertes de Colomb et des 
Espagnols ne viennent qu^à la suite des dé- 
couvwtes des Portugais '..Dans la mêmeédi- 

^ « Nova Orbis descriptio ac nova Oceani navigatio 
qua lisbona ad Incficum pervenitur pelagus^ Blarco 
Beneventano monacho Caelestino aedita : cap. i4* 1^ 
tellure qua tum Lusitani, tum Golambus observaveise 



8BGTI0I« DEUXIEME. iflf 



tkm ^ on lit sur une carte de Jean Rujrsch^ la 

ppemière earte gravée sur cuivre du Nouveau 

Continent, que des navigateurs portugais sont 

parvenus jusqu^à 5o^ de latitude australe , et 

n'ont pas encore trouvé Pextrëmité méridio- 

nsde du Mundia Np^us * . Ce chifire de 5o^ fait 

allusion , comme nous le verrons bientôt , au 

troisième voyage de Vespuce (mai i5oi — - 

septembre i5o2). Il prouve même que la 

source dans laqudle Ruyseh a puisé est la 

relation imprimée d^ord séparément et puis 

dans le Monda Nwo deYicence (cap. CXVI), 

et qu'il n'apas eu ea vue la relation du même 

troisième voyage dans les Quatuor Na^ga^ 

tiones de la Cosmographie d'Hylacomylus. 

Les deux relations diffèrent dans l'indication 

quem Mundtun appellant Novum ob vastam quanti- 
tateniy vel terram Sanctae Crudt. » 

* « NautœLusitani partem banc terrae hujus (JSanctœ 
Crucis 9ei Mundi Novi) obBerranuit et usque ad ele- 
Tationem pob antarctici 5o graduum pervenerunt^ non- 
dum tamen ad ejus finem austrinum. » Une autre 
inacriptioii placée à Textrémité nonk)ue8t de F Amérique 
méridionale attribue cependant la dénomination du 
Mundus Nùinu aux « navigateurs espagnols. » Voyez 
la PI. 39 de mon Atlas géographique. 



122 SECTIOIf DEUXIEME. 

de la limite austraia ou du terme de la navi- 
gation. De même que les nombreuses éditions 
et les traductions de la RaccoUa de Vicence 
de iâo7, ont fondé la célâ>rité du troisième 
voyage de Vespuce dans lequel il se vante 
d^avoir parcouru les 90a de la lunghezzameri- 
dionale del globo^ les quatre éditions et les 
différentes traductions du livre entier ( Qua^ 
tuor runfigationes) publié par Hylacomylus, 
ont singuU^ement contribué à augmenter le 
renom du voyageur floraitin* Simon Grjnœus 
a inséré le récit des quatre voyages dans VOr-" 
bisNoi^uSj dont la première édition imprimée 
deux ((Às^ dans la même année^ i53a à Paris 
et à Baie , a été suivie par d^autres éditions 
de 1537 et i555. Grynœus, Sébastien Muns- 

* Uédition de Bâle de 584 fm^y a pai*u en 
mars i532, « apud Joanoan Hervagium. » L'édition 
de Paris de 607 pages et d'un lormat in-fi>l. d'un 
septième plus iprand^ est du mois de novembre iSSa, 
« apud Antonium Augerellum (Augereau), impensis 
Jo€umis Parvi ei Galeoùi a Praio (Jean Pedt et Galiot 
Pupré). • Cette dernière édition renferme une carte 
d'Orontius Finaeus (i53i)dans laquelle le Mexique 
fait partie du Man$i^ qui est une pnmnce de la 
Chine. 



SECTION DEUXIEME. ia3 

t^, Ramuisio et FraoastcH* étaient tous, comme 
AngUera, contemporains^ de Colcnnb et de 
Vespuce. Il résulte de là que les opinions de 
ces hommes illustres, si vivement intéressés 
aux immenses progrès que faisait là géogra- 
phie de leur temps, sont dWe haute ihipoiv 
tance dans la question qui nous occupe. G>m- 
me la plupart d^entre eux sont parvenus à un 
âge très avancé et que leur activité httéraire 
a été pour ainsi dire continue , Finfluence de 
leurs opinions en e&t devenue plus puissante 
et plus durable. Le No^us Orbù de Gry- 
nasus, que Fcm pourrait regarder comme le 
prototype de la Raccolta de Ramusio publiée 
dix-4iuit ans plus tard , offre encore une par- 
tie des imperftctions du Mando Novo de Vi-^ 
cence et de VItmerarium Poriugallensium. 
Il y manque toujours le quatrième voyage de 
G)lomb *, et ce navigateur est encore dépeint 

* A la mort de Vespuce , qui a suivi celle de Co- 
lomb de six ans seulement j Grynaeus était âgé de 
19 ansy Sébasden Munster de 23, Ramusio de 27, Fra- 
castor de 99 ans. 

^ H manque encore danô la Cosmographie AtlAiïaBXet, 
p. 1 107, et cette omission est importante, parce que c'est 



ill4 SECTION DEUXIEME. 

a comme un homme vivant en tout honneur à 
la cour d^Espagne. » Grynseus, mort de la peste 
à Baie en i54i « a probablement connu dand 
cette célèbre université Philésius et son ami 
Hylacomjlus. II a copié Touvrage de ce der- 
nier, et a placé à la tête du Nwus Orbis un 
petit traité de Sâ>astîen Munster qui, dans le 
chapitre des divisions de la terre , ofice le pas- 
sage* souvent cité : « In Oceano occidentali 
fere novus Orbis nostris temporihus ab Albe* 
rico y esputio et Christophcxt) G>luinbo inven- 
tus est qui non abs re quarta orbis pars nun-- 
cupari potest , ut jam terra non sit tripartita, 
sed quadripartita; cum hœ Indianœ insulœ 
sua magnitudine Europam excédant , prœser^ 
tim ea quam ab America , primo ùnfentore^ 
Americam voéant. » Vespuce est nommé avant 

dans le quatrième voyage que Colomb découvrit une 
si grande partie du continent. La G)smographie latine 
(édit. de Bâle i55o)a été précédée par une rédaction 
allemande très rare de i544- (Compares aussi Napioicb, 
Del primo scopritorey p. 8-i4 et i-a4.) Mlinstcr vint 
avec son ami Grynaeus à Bâle en i5a9. Il exbte de lui 
un admirable portrait au^Musée de Berlin de la maia 
de Christophe Amberger (Abth. Il, Classe i^ n"* 67). 
.' Geth. éd. Par. iSSa, p. III. 



î 



SECTION DEUXIÈME, i^S 

Qblamb, parce qfu^on regarde comme fruit de 
son troisième voyage (i5oi-i5o2) un relève^ 
in^it de cotes dWe étendue de plus de6o^ en 
latitude* Diaprés Toinnion de ce temps , Paria 
est une île s^iarée de la grande île découverte 
par Vespuce. «Quid dicam, dit Munster dans 
la Cosmographie^ de magnis istis insulis Ame- 
rica^ Paria j Cuba^ Hispaniola, lucatana? » 
La question de savoir lequel des deux naviga*- 
teurs avait découvert le continent ne pouvait 
se prés^iter alors. Dans les cartes d^Chxmtius 
Finœus et de Munster, qui placent la Cattigara 
de Ptolémée sur la cote du Pérou , le nom d^A- 
mérique n^appartient qu^à la seule partie méii- 
dionale du Nouveau Monde. Cest là qu^on lit : 
« Insula Atlantica quam vocant Brasilii et Ame- 
ricam» » 

Pierre Martyr d^Anghiera, dont la longue 
carrière embrasse la découverte de O>rvo, une 
des îles Açores, les voyages de Cadamosto^de 
Diaz et de Gama , les exploits de Colomb , de 
Cortez et de Magellan , était initié par sa posi- 
tion politique et littéraire, à tous les intérêts 
des grands navigateurs du quinzième et du sei- 

' Ed. iSSo^p. 33,34. 



i96 SBCTION DEUXI^HB. 

zième aède. lia été à la fois V&aai de Colomb,' 
des deux Vespuoe, oncle et neveu, et de Sé- 
bastien Cabot ' auquel est due la découverte 
du continent de FAmérique. Les Océaniques 
d^Anghi^ra et sa correspondance ne présentent 
pas la moindre trace d^un soupçon d^arrogance 
ou de prétention ambitieuse de la part de Y es- 
puce. G^jpendant inghiera, membre du tri- 
bunal des Indes, était constamment en Es* 
pagne (à Burgos, à Valladolid ou àMedina del 
Campo) au courant de tout ce qui se passait 
relativement aux Nouvelles Indes , pendant les 
années i5o8et i5i3, lorsque le procès du fisc 
contre les héritiers de Famiral fiit suivi avec 
le plus d^acbamement. Il nonmte souve^it* 

1 « Familiarem habeo domi Cabottum ipeum et 
contubemalem interdum. * Océan, Dec. III ^ lib. VI y 
p. 26S. 

« Par exemple Epist. DXXXII. Dans les Décades 
Océaniques y Hojeda est toujours nommé Fogeda 
(Dec. II, lib. I, p. ia3). On peut être siupris de Tou- 
que les Décades ne font pas du tout mention de Fexpé- 
ditîon de Hojeda et de Vespuce en i499> ^ que le qua- 
trième voyage de Colomb n'y est indiqué d'abord qu'en 
peu de lignes (Dec. I, lib. X, p. «19; Dec. II, lib. I, 
p. lit), et puis , comme pour réparer un oubli , dans 



I 



SBCriON DEUXIEHfi. 127 

dans la aoiâiiie année i5i3 Alonzo de Hqjeda 
et Juan de la Cosa qui araient été les compa- 
gnons d'^Améric Vespuce dans le voyage £dt à 
kl côte de Paria en 1499 > et cependant ces 
noms ne rappellent ni à Anghiera^ ni à Fer-> 
nand Colomb, qui était si jaloux de la gloire 
de son père et qui n^a terminé son ouvrage 
qu^en 1533 ou i535, aucun reproche, aucune 
expresâon de malveillance contre Vespuce. 
Ajoutons à cda que Pauteur des Océaniques 
ne se montre pas très endurant envers ceux 

le quatrième livre de la troisième décade (p* 238- 
249). La grande richesse de perles rapportées par Pe- 
dro Alonzo NifiO) parait avoir fait oublier l'expédition 
presque contemporaine de Hojeda (Dec. I, Ub. V11I| 
p. 187). La gloire de G)lomb est tellement obscurcie 
depuis son retour de la troisième expédition par les 
entreprises de Vasoo de Gama^ Vicente Yanez Pinzon, 
Diego de Lepe^ Gaspar de Cortereal et Alvarez Cabrai, 
qu'Angfaiera ne parle du décès de Colomb qu*accciden- 
tellement et six ou sept ans après qu*il eut lieu. « Co- 
lono jam vita functo régi cura ingens exorta est, ut 
terrae illas novae a Quisdanis habitandx, in religionis 
DOStraB augmentmn occupan^ntur. » (Dec. II, lib. I, 
p. 1 2 1 .) J*ai reconnu que le dixième livre de la première 
Décade a été terminé en 1 5 10, le dixième livre de la se- 
conde Décade en i5i4- 



iHB SBCTIOIf DBUXiilfE. 

qui osent s^attribuer ce qui ne leur est pas dû; 
Il s^krite contre Çadamosto qu^il confond avec 
Angelo Trivigiano, l(»*squ^il Faccuse dWoir 
copié fintivement ses manuscrits. « Admiratus 
fui j Aloysium quemdam Cadamostum Y ene- 
tum ita perfricata fronte scripsisse de rébus 
Castellams %Fecimus^ F^idimus^ FumtuSy quse 
neque fecit unquam, nequeVenetus quisquam 
vidit. » Voila prédsânent le genre de repro- 
ches que depuis le dix-huitikne siècle on a 
adressé sans cesse à Améric Veqiuce. En agi- 
tant la question de savoir si la côte de Paria 
est, comme G>lomb Ta constamment supposé, 
une partie de FAsie orientale, Anghiera se rap- 
pelle la configuration de Ckiba et se montre 
très sévère 'envers ceux qui osent argumenter 
contre Famiral. <( Il existe, dit-il, des navir- 
gateurs qui s^éloignant de Topinion de Ck)lomb, 
affirment que Cuba est une île et osent pré- 

• Dec.II,lib.Vll,p.i78. 

• « Beragua primo reperta a Golono. Defraudare 
virum et admittere icalus mihi yiderer înexpiabile^ si 
labores toleratoe^ si curas ejus perpessas^ si denique 
discrimiDaquaesubiyity silentio pi*»terirem. » (Dec. III, 
lib.IV, p. i38.) 






"il 

1 



8BCTI01« DEUXIÈME. 1^9 

tendre en avoir ûàt le tour : qui se cir$uisse 
Cubam audeant ' dkere : an kœc ita sinij un 
inuidia tanti inventi ^ occasianes quœrant in 
hune ¥irumy non dijudicof tempus loquetur 
m quo {férus judex in^dgilat. » Si Anghiera 
avait su que Vespuce disputait à Colotob Phon- 
neiu* d^avœr découvert la côte de Paria avant 
lui , pourquoi nVurait-il pas proféré desplaintes 
à cette occasion? Bien loin de blâmer le navi- 
gateur florentin , il n^en parle quVvec éloge et 
offre de plus le témoignage d^im fait si sou- 
vent contesté de nos jours , je veux dire du 
voyage d^Aménc à lliémisphère austral, <( sous 

> Gomme la certitude officielle, c'est-à-dire la cir- 
cumna^igatioD de File de Cuba par Sébastien d'O- 
campo ( Herheha^ Dec. I, lib. VI, cap. 1) ne date que 
de Tannée i5o8y on doit croire que le passage d'An- 
ghiera cité dans le texte ( Dec. I, lib. Vil, p. 78 ), est 
écrit avant cette époque. La grande impfi*tance qu'An- 
ghiera attache à la première découverte de Paria, se 
manifeste aussi dans le neuvième livre de la première 
Décade (p. 99) : « Id littus univei*sum Pariae est, 
quam Colonum ipsum kujus lanti inventi auctorem , 
reperisse diximus. » Mais cette côte de Paiûa « Indi- 
oum esse continentem nautœ credunt. » ( Dec. I , 
lib. Xjp. ii4) 

IV. 9 



l32 SECtION DEUXIEME. 

deux autres écrivains que Ton a toujoui*s pla-^ 
ces parmi les détracteurs de Colomb , et qui 
n^auraient pas manqué de faire valoir les pré- 
tentions de Vespuce, s^ils avaient appris que 
celui-ci insistait sur la priorité des découver- 
tes. Oviedo et Gomara ont répandu la tahle de 
ce pilote Alonzo Sanchez , mort dans la maison 
de Colomb, dont ce dernier devait avoir reçu 

habeo convivamquum sit juyenis ingenio pollens et qui 
percurrens eas oras diiigenter annotaverit quaBcunque 
oblata sunt. • Dec. III, lib. V^ p. a58. Jean Vespuee 
fut nommé, par la cédule royale du a a mai iSia, ainsi 
peu de mois après la mort de son oncle, non Piloto 
major (cet emploi fut donné à Juan Diaz de Solis)y 
mais pilote du roi, chargé exclusivement de tracer les 
cartes du Nouveau Monde. £n i5i4 il se trouvait dans 
IVxpédition du Darien avec Pedrarias Davila : on ne 
peut donc admettre que le neveu d'Améric soit le 
« Joannes Vesputius^ civis Florentinns^ quem Pontifex 
misit cum Butiigario nuncio ut de matrimonio ( Ju-* 
liani, pontificis fratris)cum aliqua Re^ propinqua 
tractet. » C*est cependant de ce dernier que parle 
Anghiera d^ns une lettre adressée au fils du comte 

r 

de Tendilla , et datée de Burgos de janvier i5i4 
(£pbt. DXXXV, p. 294)- 11 l'appelle «civem quem- 
dam^ » une personne qu'il ne connaît pas. (G)mpa- 
rez Kahre, Pàbstcj 1. 111, p. 234-) 



SECnOlf DEUXIEME. i33 

lajNrenûère notion d^ terres situées vers Pouest ^ 
Oriedoest traité par le fils de Panural comme un 
des ennemis de sa £unille , quoiqu W ouvrage 
puUié à la fin dWe Icmgue et honorable car- 
rière (Oviedo est mort âgé de 79 ans) semble 
prouver le contraire*. Lliistorien des Indes de 
rOcddent aurait eu mainte occasion de Aomr* 
mer Vespuce en parlant des expéditions à la 
côte de Paria^ et au golfe des Perles, surtout 
lorsqu^il discute avec sagacité dans IWant- 
propos du Uvre XVI la question de savoir si 
Us terres noui^ellement découvertes ne sont 
pas entièrement séparées de PAsie, si , <( n^é- 
tant ni plus anciennes , ni plus neuves que 

* Voyez tom. I, p. aoS. 

* « Vuestra SagradaBfagestad (l'empereur Charles V) 
deve (mrar 7 gratificar 7 conservar la succession de 
Cohmy de su casa y sostenerla, y aumentarla j esti- 
maria como joya propria de Sus reynos. » El lièro XX 
de iasegunda parte de ki General historia de ku Indias, 
Vdladolid) iSSj. (La dédicace est de 1 546. ) Dans une 
autre dédicace rapportée par Ramusio, t. UI, p. 87, dj 
Oriedo ajoute « qu'il ne regarde pas comme bon Cas- 
tillan quiconque révoquerait en doute les services et la 
^oire immcNTtelle de Christophe Colomb. » (Comparez 
aussi la F'ida del Almirante^ cap. 8 et 9. ) 



dr34 sscnoif DEOxminr. 

rSurope 6t TAfrique^» «Uçs méritent le nom. 
d W Monde Nouveau que leur donneiB^iera*. 
U Êiut croire qu^il jî^j avait pas Je moindre 
soupçon à cette époque en Espace que Ve»- 
puce prétendait avoir, vu la cote de Paria avant 
Colomb : car ce soijq>çon serait sans doute par- 
venu à la connaissance d^Oviedo qui publiait 
une partie de ses ouvrages quatorze ans après 
la mort du navigateur florentin et qui consul*- 
tait .^core ce vieux pilote Hemaii Ferez Ma- 
teo dont Colomb avait été accompagné dans, 
sa troisième- expédition ' . La baine de Gomar» 
contre Colomb n^était pas une baine pevscm- 
nellej elle était Fefiet de ce patriotisme exa- 
géré et peu philosophique , dont ITiistoire des 
découvertes et des inventions des temps les 
plus modernes offre de nombreux exemples.. 
Gomara n^aimait pas plus le navigateur génois 



• Ràhusio, éd. de Venise, 1606, t. IÏI,p. i65. La pre- 
mière édition d'Oviedo est de Tolède, 1626, la seeonde 
est celle de Salamanque, i547- On voit que le tiV)isième 
livre tel que le doniie Ramusio, L III, p. 60, est posté- 
rieur à i535, puisqu'il contient le célèbre passage de la 
destruction de tous les indigènes d'Haïti correspondant 
à Fépoque que je viens de signaler. 



SBCriON DfiUXIBIlB. l3Ô 

que le navigatair -floreotiii. Eloiçoé par âon 
âge et, sa peÂtion de ces intérêts personnels 
qui lîaioit Angiûera, Andrès Bemaldez et 
Onedo aux hommes du règne de Ferdinand 
le Cathdique, Gomara adopte dëja une partie 
des prgugés que, depuis le milieu dusdei^me 
siècle, les fioissès dates du Reoueâ des Çua^ 
tuor Nmngaiwne* avaient fiât nahre contre 
Vespuce. Il exprime un soupçon qui connn^i- 
qàt à se répandre, mais il le repousse par des 
âoges dont Texpression était générale dans les 
temps antérieurs. Le oap Saint-Augustin que 
Victnte YaAez Pinson avait découvert en jan- 
vier i5oo , et auquel il avait donné le nom de 
Caho de Sonia; Maria de la Consolacion^ 
jouissait idors dWe grande célébrité à cause 
de la proximité de la Ugne de démarcation 
papille , et par sa position la plus orientale 
dans le cc«itour de la péninsule de FAmérique 
du sud. Pendant la dispute sur les limites des 
possessions espagnoles et portugaises , le gise- 
ment du Cap Saint-Augustin par rapport aux 
îles du Cap Vert, avait été vérifié'en i5i5 par 
les témoignages de Sâ>astiai Cabot et de Jean 
Vespuce, fondés sur les opérations d^Améric 



f36 SECTieil DEUXIÈME. 

son onde. U parak que ces témoignages, dont 
je parlerai plus tard, étaient connus à Lopez 
de Gomara , auteur de V Histoire des Indes , 
compilation &ite avec autant de soin que d^é- 
rudition. Le nom du cap Saint-Augustin lui 
rappelait à la fois les noms de Vicente Yaftez 
Pinzon et d^Améric Vespuce. Après avoir non>- 
mé les Pinzon grandissimos descubridores ^ il 
cite d^abord Vespuce avec un peu d^amertume, 
« comme un homme qui prétend aussi avoir 
fiât des découvertes dans Plnde pour la cou- 
ronne de Castille ; >» puis il ajoute : a Vespuce 
rapporte qu^il est allé au même cap Pan i5oi 
et qu^il lui a donné le nom de cap Saint-Augus- 
tin , lorsquVvec trois caraueiles fournies par 
le nÀ E^nanuel de Portugal , il fut envoyé de 
ce coté pour chercha* un détroit par lequel on 
pourrait parvenir aux Mohiques; il rapporte 
aussi qu^alors il navigua le k>ng de la cote 
(orientale du Nouveau Monde) jusqu^à 4o^ de 
latitude aurdelà de Féquateur. » Cette asser- 
tion dWe latitude si méridionale donne occa- 
sion à Gomara de nommer <c parmi ceux .qui 
entachent {tackan) les navigations à^^lbe^ 
rique^ » Fauteur de certaines éditions ly(H>- 



r 



' 



SfiCTIÔM DEUXIÈME. iSj 

naises^ de Ptolémée. Pour indiquer cependant 
qu^ ne partage pas tout-à*Êdt ce genre de 

* J'ai d^ obeeiré plus haut que Gomara fait allu- 
siçD aux éditicms de Servet de* i535 et iSii* Dans la 
première on trouve : « Iterum Colonus reversus Gm- 
tinentem et alias quam plurimas insulas adinvenit qui- 
bus nune Hispani felicissime dominantur. Toto itaque 
quod ajunt aberrant cœlo qui hune continentem Amé- 
ricain nuncupari contenâunt^ cum Americus muiio 
posi Columhum eaihdem ten^Bun adieiit, nec cum Hispor 
nis Msf sed caiA Portugallensibus ta suas mercés com^ 
mutanlf eo se cootulit. » Cette note sérère et en pi^tie 
très injustei n'a pas enpècbé l'éditeur d'ajouter à son 
édition la carte de i5aa qui offre en grands caractères 
le ncMn d^ Amérique. Presque toutes les éditions de la 
Géographie de Ptolémée sont remplies de contradic- 
tions semblables, parce que plusieurs savans y ont tra- 
vaillé sinmitanément. Vespuce a navigué pour tEs- 
pagne; car d'après le témoignage le plus foimel du pi- 
lote Andrès de Moi*ales et du cajntaine Alonxo de Ho- 
jedai il a été avec ce dernier, au mois de juillet i499i 
au golfe de Paria. Il a abordé ces côtes , toujours 
muUo post Columbum , près de onxe mois plus tard. 
D'ailleurs il reste un peu douteux si Alonzo Nino 
et Chiistoval Guerra , partis d'Espagne quelques 
jours avant Hojeda et Vespuce, et faisant route di- 
recte de la Barra de Saltes à Paria, n'y sont pas arrivés 
avant Hojeda. (Nav. t. IIÎ, p. 33i.) Le témoin Ni- 



l38 SECTION DfiUXlàMB. 

doutes, il finit par ces mots : u Moi je sais que 
Vespuce a navigué beaucoup, i» Il ne &M pas 
oublier que Gomara écrit très tard , en i55i , 
lorsque Fouvragè d^Hylacomylus avait déjà 
répandu les &usses dates de la première ex- 
pédition de Ve^uce , et qu^à Finsu de ce na- 
vigateur, le géographe de Lorraine , Vadianus^ 
Appien et les éditeurs du Ptoléméë de iSaa 
avaient d^a rendu très fréquent sur les cartes 
le nom de FAmériqûe continentale. Il &ut 
croire de plus que si Gomara n^éût pas ignoré 
le fidt que Vespuce et Cosa ont été de Texpé- 
dition d^Alonzo de Hojeda (fait qui cependant 
avait été officiellement constaté en i5i3 dans 
leprocès du fisc contre leshéritiers deColomb), 
il n^aurait pas montré de Fincertitude sur lés 
navigations du voy^ geur florentin dans les in- 
térêts de VEspagnef il n^aurait pas dit <c Ves- 
pucio que tambien sehace descc^ridor de Yi»- 
dias par Castilia. » Les mêmes circonstances 
qui irritaient Gomara contre Améric Vespuce, 
ont agi dWe manière plus forte encore sur 

oolaa Ferez dit cependant le contraire dans le procès 
du fiscal) et Las Casas confirme ce dernier (ânoignage. 
(L. c. p. la et 54<.) 



nCTIOIf DBDXIElUB. t39 

révèque Barlolomé de Las Casas, qui pendant 
le cours d\ine caitière longue et agitée , n^a 
termkié le |]Éanii8Ciit de sa vdiummeuse Bi&^ 
torià gênerai de las Inéias qu^en iSSg , à Page 
de 95 ans. CodWBe il a séjourné à Saint-Do* 
mingue de iSoa à i5iO, et qu^il a eu entre ses 
mtSa^ la lettre que-¥Vaneisco Roldah écrivit à 
G)l(noBb sur Tarm^ de Hoj eda au port de ¥a- 
quimb^ il coimait avec préoisi(Hi l^poque de 
cette arrivée (5 stptéinht« '^499) j ^t-sans adr 
mettre la probtJ>iIité que, par ime erreur for- 
tuite ^ la date du d^>art de Vespuce pour son 
premier voyage «it été altérée, il accuse , en 
comparant les années , la véracité du voyageur 
florentin. Je reviendrai dans un autre endroit 
sur Tapperence de ces anadbronismes : fl suffit 
ici de rappeler que Las QM^s luirmâdtie en 
commet un assee grave krrsqu^il donne Vespuce 
pour compagnon à Hpjeda , dans la seconae 
expédition que fit cdui^i de iSoa à i56d, de 
concert avec Juan de Vergara'". 

^rès avoir examiné les tâpoioignages des 
écrivains qui résidaient en Espagne, ceux de 

^ Voyez les citidions des manuscrits de Las Casaa 
dansNAT. t. III, p. 7, 3i8et33a. 



i40 SBCTION DEUXIÈME. 

Pierre Martyr d\4iigfaiera , d^O viedo , de Go-^ 
Qiara et de Las Casas, il reste à rendre compte 
des progrès ou pour mieux dire des variations 
de Popinion publique dans Pétranger, surtout 
en^emagne et en Italie, depuis lapubKca- 
tio;i de la G)smograpliie d^Hjlacomylus et 
des Quatuor Naçigationes. L^ordre chronolo- 
gique sera d^autant pkis préfiàrable dans ce 
genre de discussion , que les jugemens litté- 
raires ont moins d^inqK>rtance à mesure qu^ils 
s^éloignent du commencement du seizième 
siècle et que c^est plutôt la foi dans des au- 
torités antérieures que la comparaison des fidts 
qui les déta^mine, • 

Déjà en 1 5o7, donc une année avant la belle 
édition romain^ d^ Ptolémée qui offre le pre- 
mier plamsphèi^, pyec indication du Monde 
Noui^eau , les dedtfUvwtes de Vespuce avaient 
..^^quis tant de célébrité en Allemagne, qu^on 
^ les c'onsigùait à Strasbourg ce sur des globes et 
des cartes imprimées, n Le savant abbé de 
Trittenheim^ (sur la Moselle, dansFévéchéde 

' Le bénédictin Trithemius (fib de Jean de Hei- 
denberg), né &ï i^S^j est mort non en i5i6 comme on 
l'indique généralement^ mais le 16 décembre i5i8| d'a- 
près la Vie publiée par Jean Duraclusius. 



8BCTION DEUXIÈME. l4* 

Trêves) était contemporain de Cdomb et de 
Vespuce. Il dit iiaïvement dans une lettre* 
datée de'Wùrzbourg (du 13 août i5o7)<iqu^ 
est troppaîivre, comme abbé du cduyenttle 
Saint-Jacques de Wurzbourg, pour acheter 
une belle mappemonde (puicherrijne depio' 
tam^ sans doute manuscrite) qu^on veut lui 
Tendre à Worms pour 4o florins; que jamais 
on ne lui persuadera qu'une mappemonde peut 
Taloir autant et qu'il a préféré iâire un achat 
plus modeste. » Comparavi autem.miki ante 
paucos dies pro œre modico tphœram orbia 
puickram in quantitate parva nuper jàrgen- 

' Cette letti«, adressée aumathëmaticien-M^iUielmm 
s(cu>«)in DynnBtîen, » 
;hlij4bi , Nol. di Crùio- 
t, f^in^fi d'jémeri^o Vti- 
Le iSio. La dateD'eetus 
mée de i5o8. Lep fettrcf' 
aniuB soDt au nombreaé 
Ïo5-i5io. En les exami- 
nant avec soin , je n'y aï rien trouvé de relatif aux dé- 
couvertes uautiqMcs, à rexception de le lettre de tSo; 
dtée dans le texte. Elle se trouve dans Jahannu Tri- 
ikemii Secuitdœ Partit Chnnica insigaiaduo (Fi-ancof. 
.601), p. 553. 



l4a ^KCTIOIf DEtXlàniB. 

dnœ impfesstmiy simul et in magna disposir 
tione glohum ierrœ in piano Bxpansum cum 
msuUs et regiombus noviter ah Jtmerico ^es- 
puUo Hispano im^entis in mari occideniaU de 
versus meridiem^ ctd pàrallelum ferm^ deci- 
mum. La latitude est peut-^tre boréale en al- 
lusion à celle de la cfôte de ]Paria, car s^il était 
question dWe latitude australe, Trithemius 
aurmt, sur la foi de la troisième lettre de Ves- 
puce, parlé de 52"^. Les mots nJlmericus His- 
panus » prouvent de nouveau combien on 
confondait alors , dans la chronologie des dé- 
couvertes, les dates, les nations et les hommes. 
En i5og parut à Strasbourg un petit traité 
géographique sous le titre de Globus , Mundi 
declaraliOf sù^edescriptio mundi et totiusorbis 
ierrarum. Cest dans cette brochure très rare 
aujourd'hui que j'ai trouvé employée pour la 
j|4|pmière fois la dénomination ai Amérique 
p]2«r désigner le Nouveau Monde , d'après le 
conseil donné par Hylacomylus en lôoj. 
L'auteur anonyme, que Panzer a cru par er- 
reur être Henricus Loritus Glareanus , ne 
nomme le navigateur florentin que sur le titre 
de l'ouvrage et sans faire aucune mention de 
Colomb : De quarta orbis terrarum parte nu- 



SECTION DEUXIÈME. l43 

per ah Amerw> reperta. Le Globms Mut^\ 
et ce Eût 'est digne de remaiHiue, pai^ut dans 
cette iBièDie imprimerie de Jean Graniger 
{Addpho Mukcho castigatare) qui a pubKé 
et aussi en i5og, la seconde édition de la 
Cosmographie d^Hylacomylus. 

Un éloge donné par un des plus grands 
Iionunes de son siècle, Séllastien Cabot, est 
trop précieux pour être passé sous silaice. 
Uéréque Fonseca ayant été dbargé, inuné- 
diatement après la mort de Vespuce, de rédi- 
ger des tables de positicms (padrorws) , Cabot 
fîit appelé en Espagne par Fint^rvention de 
lord Willoughby {Milort de f7àWd'Herrera), 
auquel s^adressait le roi Ferdinand ^ Il arriva 
en septembre iSiâ, et trois ans après, lors- 
que les Portugais avaient Capturé des aventu- 
riers espagnols débarqués au cap Saint-Augus- 
tm, le roi Ferdinand ordonna* qu^une réunion 
de pilotes devait décider si la prétention des 
Portugais sur le cap était fondée , et si Ton 
pouvait se fier à la carte marine d^Andrès de 

» 

* HsaRSBAyDec. I, lib. IX^cap^ iS, 1. 1^ p. 2149 ^^ 
B1DDLB9 Mem. of Seh^ Cahot y p. 99. 

* Herrera, Dec. II, lib. 1, cap. 13, 1. 1, p. ;k64. 



l44 SECTION DEUXIEME. 

Mordbs qui jouisssdt alors d^une grande célé^ 
brité. Sébastien Gibot , membre de cette junta 
d^ piloios y donne le gisement du cap relative- 
ment à File de Santiago du cap Vert dVprès 
Pobservaticm d^Améric , et ajoute «c qu^il croit 
la position très sûre , puisque Améric lui-même 
a pris hautmu* près du cap Saint-Augustin et 
que c^est un homme bien expert' dans la dé^ 
termination des latitudes. >» 

Le commentaire que Vadianus (Joacquin de 
Watt) a syouté à son édition de Pomponius 
Mêla, a de Fimportance, comme on le Veira 
dans la Troisième Section , parce que le nom 
de Vespuce y est partout substitué au nom de 
Colomb. L^édition de 16122 commence par une 
lettre écrite de Vienne en i5i2, nEpistola, 
Vadiani ah eo pêne adolescente ad Rudolf 
phum A gricolam juniorem scripta. » Il est 
question dans cette lettre de X America a Ve^ 
puccio reperta^ des antœciens et du prolon- 
gement des terres au sud de Féquateur , quœ 

' « Amerigo , que baya gloria , era hombre bien 
experto en las altui'as. » Munoz a trouvé ces témoi- 
gnages de Cabot et de Jean Vespuce dans les archives 
de Séville. (Nay. t. III, p. 3i9.) 






SECTION DEUXIEME. l4^ 

onmiadeprehendùF'espuècius insignismathe- 
maticus^. Au commentaire de Vadîanus est 
cloutée une carte d^Appien rédigée en i520, 
la première de celles sur lesquelles on trouve 
le nom ^u coi^tinent Si Amérique^ et ^, à 
côté S!AmeriSti proi^incia^ offi^ les mots sui- 
yans : Anno i497 ^^^ terra cum cuifaeenti-- 
bus ùisuUs ùwenia esiper Cohimbum Januen- 
sem ex mandata régis Castellœ. Cette note 
est en contradiction directe avec le nom ins- 
crit dans la partie méridionale du NouTeau 
G>ntinent» De plus , Tannée de la prétendue 
découy^:*te de Vespuce (i497) ^^ Ëiussement 
attribuée au troisième voyage de Colomb, à 
Fexpédition de Paria* 

En 1 520 , Alberto Pi ghi Campense , dans son 
livre sur la célébration de Pâques ^ fait au na- 
vigateur florentin seul, Fhonneur de la dé- 
couverte du Nouveau Monde, w Terra etiam 
nova Hispaniarum Régis auspiciis a Vesputto 
nuper inventa, quam ob sui magnitudinem 
Mundum novum appellant, ultra aequatorem 
plus 35 gradibus , f^esputii obsen^atione pro- 

1 Mêla cum commentario f^adiant (Basilex , i5a2) 9 
p. 11. 

IV. 10 



i46 SECTION DEUXIÈME. 

tendî cogi^ est, einec^kan finie invenius. n 
Presque à la mén^e époque le géographe Glar^ 
reanus dont le Trai nom était Henri Loritus, 
considérait pour le moins G)loiid) et Ve^uce 
à la fois coQiBie cbefr des expé4itions par les- 
quelles les régions «extra Ptolèm«um » ont 
été découvertes'. * 

Bamusio» que son ami Fracœtor appelle 
toujours Rhamnusîo, était né sept ans avant la 
découverte de FAmérique. Il s^était mis en 
rapport avec tous les hommes qui pouvaient 
puiser aux sources mêmes, tant en Espagne 
qu^en Portugal , les notions les plus précises 
sm* les grandes découvertes de son temps. Or, 
Ramusio ne parle toujours* qu^avec la plus 

I Henrici Glareanl, poeiae Laureati de Geographia 
Liber unus (Basil. 1627 ), cap. 409 p. 35. 

1 Ramusio (éd. de Venise de i6i3), t. I, p. ii4 et 
119. Giambattista Ramusio ou Rannusio, secrétaire de 
la Signoria de Venise, était neveu de ce médecin célèbre 
Girolamo Ramusio qui, pour se foitifîer dans les langues 
orientales, était ailé à Damas. (Tiràbosghi, t. VI, P. 1I| 
p. 109.) Après avoir voyagé en Suisse et en France, 
Giambattista entretint une correspondance active avec 
Oviedo, alora dans Tile Saint-Domingue, avec Sébas- 
tien Cabot, André Navagero, ambassadeur de Venise 






^ECtlON DEUXIEME. l47 

haute estime « di quel singolar inteleito ed 
€ccellehte Fioreniino di belUssimo ingegnoy 
il Signor Amerigo J^espuccio. » L^auteur ne 
publie y il est Trai , dans le premier volume de 
sa Raccolta que les troisième et quatrième 
Toyages* de Vespuce, mais il ajoute expressé- 

en Espagne et conâdent de Pierre Martyr d'Anghiei^a, 
avec Baldassare da Caatiglione, nonce du pape en Es*- 
pagne, avec Fracaator et le cardinal Bembo. Depuis 
i5a3 jusqu'à sa mort, en iSSj, il travailla sans relâche 
à cette collection de voyages fidte avec un choix judi- 
cieux. (FoscAaiifiy Deiia Litterat. Ven. p. 43&-44t • ) 
Il avait paru luie édition anonyme du premier volume 
en i55o (ZuaLA^,t«II, p. iio);mai8 quant à la pi*e- 
mière édition de l'ouvrage qui porte le nom de Ra- 
musio, le premier volume n'a été publié qu'en 1554^ le 
second (après le troisième, et deux ans après la mort 
de Fauteur) en i559, et le troisième en i556. (Tira- 

BOSOfll, t. VII, P. I, p. ai5;GAM17S, p. 7.) 

* Les deux d'après Hylacomylus. Ramusio ajoute le 
double de la relation du troisième voyage que renfer- 
mait déjà le M%ndo Nttovo de Vicence (i5o7), et 
qu'assez incorrectement il appelle Sommario di due 
navigaziofd di Amerigo Vespucci, On pourrait au pre- 
mier abord être surpris de trouver les deux dernières 
expéditions de Vespuce dans une collection de voyages 
vers l'Orient \ mais Ramusio a voulu réunir dans son 



l48 SBCTION DEUXIÈME. 

ment qu^il réserve les deux pruniers voyages 
faits par ordre du gouvernement espagnol^ 
pour le volume qui renferme les expéditions 
aux Indes occidentales* & cette promeése n^a 
pas été remplie dans le troisième volume , on 
ne pourra pas , je crois , en conclure que Ra- 
musio ^ait voulu les supprimer comme des 
voyages supposés Ou malicieusement altérés. 
Il est bien plus raisonnable de supposer avec 
Foscarini que les deux premiers voyages de 
Vespuce , de même que la première relation 
de Cortez (la seconde a |^aru dans le troisième 
volume) se trouvaient parmi les matériaux 
réservés pour le quatrième volume et détruits 
dans le malheureux incendie de la librairie de 
Thomas Giunti à Venise ' . Nous possédons 

premier volume toutes les navigations portugaises. 
D'ailleurs Vespuce a touché dans la troisième expédition 
« les cotes d'Ethiopie et Sierra Leona ; » et la quatrième 
dans laquelle on reconnut fortuitement la baie de Tous 
les Saints , était originairement un voyage « à Calecut 
et à Melcha » (ou Malacca). 

* Ramusio môme indique à la fin d'un discours sur 
la découverte du Pérou (t. 111 ^ p. 3io), que ce qua- 
trième volume devait offrir la continuation des navi- 
gations américaines. 



SECTION DEUXIÈME. l49 

une lettre adressée à Fracastor ^ et écrite à 
une époque «c où vivaient encore en Espagne 
et en Italie des personnes qui sYtaient trou- 
vées à la cour des monarques Catholiques 
lorsque Colomb entreprit la première expédi- 
tion de i49^* » Or, la fin de cette lettre est 
destinée à yenger « le grand homme qui a fait 
la chose la plus merveilleuse qu^on ait jamais 
tentée , le Signor Christofbro , il quale ha 
Jàtto nascer al mondo un altro mondo^ » 
de ces vils soupçons que Penvie a Êdt naître 
contre lui. Ramusio traite rudement ceux qui 
répandent la fable d^un pilote mort dans la 
maison de Colomb , et dont on voudrait faire 
le véritable auteur de la découverte du Nou- 
veau Monde. Les notions précieuses quHl doit 
à Oviedo ne Fempéchent pas de s^exprimer 
avec une entière franchise sur une calomnie 
dont le maHn historien de Tlnde ne pouvait se 
justifier entièrement. Or Ramusio, excellent 
critique et généralement soigneux dans la re- 
cherche de la date des découvertes, n^aurait 
pas cité cinq fois avec de grands éloges le 
Signor Amerigo Fioreniino ^ il n^aurait pas 

' RAii.t.III,p.VI-VlII. 



tSo SECTION DEUXIfiHK. 

promis de pub&er tous les quatre voyages ewt- 
trepris aux frais de FEspagne et du Portugal ^ 
si jusqu^en i556, c^est-à-dire quarante-<]uatre 
ans après la mort de Vespuce , il avait jamais 
entendu dire que celui-d avait eu Tintention 
de nuire aux intérêts de Pamiral. Je crois en- 
trevoir d^ailleurs pourquoi Ramusio, dans le 
cas même qu^il n^eùt pas considéré la date du 
départ de Vespuce pour le premier voyage 
(20 mai i497) comme une erreur t3rpograpbi- 
que, a pu en être peu frappé. L^extrait de 
V Histoire des Indes de Gonzalo Femandez 
d'^Oviedo remplit plus que le tiers du troisième 
volume de la Raccolta. Oviedo est un écrivain 
qui, poui: les époques des grandes découver*- 
tes, devait inspirer de la confiance à Fracaslor 
et à Ramusio, puisque son grand âge Favait 
mis dans la position de tout voir, s^étant d^a 
trouvé au siège de Gdrenade et ayant passé 
trente-quatre ans en Amérique. Or cet écrivain 
est constamment dans Terreur lorsqu^il parle 
du troisième voyage de Colomb et de la dé- 
couverte des perles de Cubagua. Il place trois 
fois 1 ces découvi^rM^ dans Tannée 14969 au 

^ Rahusio, t. III, p. 77, i64 et i65. 



SECTION DBUXIBIIB. l5l 

lîeude 14989 une seule £>is il dit que le départ 
de Colomb pour le voyage de Paria a a été au 
mois de mars 1496 ^ quoique quelques-^ms 
prétendent qu^il eut lieu en i497* ^ U ^t vrai 
que dans le petit extrait ' des Océaniqueê 
d^Anghi^Ta que présente le même ▼•liune , la 
date précise du 3o mai 1498 se trouve une 
fois indiquée : mais les trois citations d'^Oviedd 
qui occupait k fdace importante^'^toriograr 
plœ (cronista gênerai de Indias)^ pouvaient 
avoir fiât plus d^impression sor ré8[nît de 
Ramusio que le chiffire unique de Pierre Mar^ 
tyr d^Anghiera. 

Après Ramusio, il me reste à nommer le 
satirique voyageur milanais Girolamo Benzoni, 
qui a séjourné dans Tlnde depuis i54i jus- 
qu^en i556. Quoique déjà asses âoigné de 
Tépoque des prmnières et grandes découvertes, 
il n^en est pas moins ardent à défendre la gloire 
de CSiristophe Golond>. A la fin du cinquième 
chapitre il parle des adversaires de Famiral et 

' Extrait de 36 pages (t. 111 , p. 10 ), quand 
celui d*Oviedo en occupe i5o. Ramusio , de sept ans 
plus jeune qu*Oviedo> est mort da&s la n^éme année 
que lui. 



f52 SfiCTfOff DEUXIÈME. 

du soupçon que plusieurs des dëcouTeffe» 
qu^on lui attribue , ne lui aj^Murtiennent pas 
exclusÎTemeaC. CTest là qu^il aurait pu nommer 
Vespuce. Son silence semble prouver que lui 
aussi no le regardait pas comme envieux du 
grand homme dont les travaux ont rendu ac- 
cessible a une moitié du globe ignorée de 
Tautre. » Bensoni, loin d^attaquer Vespuce^ 
finit par raconter ' Thistoire insipide et si 

* U D*e9t paa Jmt9«Paocii8er Théodore de Bry • d'a- 
voir fiH*gé ce conte. » (Nav. 1. 1; p. CXLI.) U n'a que le 
mérite d'avoir rendu la scène plus dramatique en la 
transportant à la table du cardinal Mendoza. Traduc- 
teur de Benzoni, il a trouvé ce récit dans YHistoria del 
Mondo Nuovoy Venet. i565, lib. I, cap. 5. • Signor 
Chrîstofano Colombo dando una battuta su la tavola 
ferma l'uovo, stridando eosi un poco della jpunta. » 
Malheureusement U n'y a rien de vrai dans une anec* 
dote dont aucun écrivain espagnol ne Eût mention et 
qu'il &ut placer à côté de la pantoufle d'Empédocle, 
de certains insectes de Phérécyde mourant^ et de la 
pomme de Newton. Théodore de Bry se plaisait sin- 
gulièrement à augmenter les images dont il ornait ses 
publications. Il convient lui-même d'avoir donné un 
plan de la ville de Séville ex ingenioy le graveur n'ayant 
pas le véritable plan à la main. Son banquet du Grand 
Cardinal avec la scène de l'œuf et son « véritable poi:* 



SËCTiÙH DEUXISMlt. i53 

souvent répétée de Tœuf (fu^on tH:*opo6ft de 
fidre tenir debout. Voltaire ' a eu raison d^a- 
yancer que «r ce conte est rapporté du Brt^ 
« nellesco, qui construisit la coupole de 
« Sainte-Marie del Fiore à Florence. » Il ajou- 
te « que la plupart des bons mots sont des 
« redites. » 

Je Tiens de parooiuir la première moitié du 
seizième ^ècle -pour recueillir les jugemens et 
constater pour ainsi dire Fétat de Topinion 
publique relativement aux connaissances et au 
caractère d'Améric Vespuce. Nous avt>ns vu 
comment cette opinion a grandi rapid^nent 
par Tintérèt fixé sur le troisième voyage <f qui 
embrassait la quatrième partie du globe , n par 

trait de Chrifltopbe Coloinb, » sont axtaA îmaguiûres 
que 80B plan de Séville. 

' Essai sur les mceursj chap. i44- C'est dans une 
dispute sur la hardiesse de consUniction du dôme de 
Florence, que Brunellescp , qui était à la fois architecte, 
sculptetu*, peintre, orfèvre et horloger, doit avoir placé 
l'œuf debout, sans doute en faisant allusion à la voûte 
prodigieuse qui a servi de modèle à Saint-Pierre de 
Rome. L'anecdote est potu* le moins d'un demi-diècle 
plus ancienne que la découverte de l'Amérique. 



l54 SECTION DEVXIBAIE. 

■ 

un nom géographique inventé accidentelle- 
ment loin de TËspagne et inscrit sur lescarteSi 
par le manque de publications sur les voyages 
de Colomb aux côtes de Paria et à Veragua, 
enfin par la prodigieuse aetÎTité avec laquelle 
la (V^efise multipliait en Allemagne, ea Suisse 
et en Italie les QucUuor Nas^igadones , en les 
réimprimant s<Ht ea enti^:, soit par eixiraits, 
en plusieurs langues à la foi». Je vais aborder 
maintenant la question ardue de3 datesde diar 
que expédition de Vespuce. Ce sont les deux 
premi^i^es qui doivent surtout fixer Fattention. 
Je me flatte de pouvoir prouver qu^elles ne 
sont pas, comme on Fa admis jusquHci, un 
seul voyage diversement travesti, mais que ce 
sont deux voyages différant essentiellement 
Fun de Fautre. Je ferai voir que le prmnîer 
n^est pas supposé, mais identique avec Fex- 
pédition d^Alonzo de Hojeda , et que le second 
est probablement Fexpédition de Vicente Ya- 
ûez Pinzon. Telle est la conviction que f ai 
puisée dans de longues et minutieuses recber- 
ches. Je vais présenter les &its de manière 
qu^il soit &cile d'^en vënfier Fexactîtude , en 
exposant avec candeur les doutes qui naissent 



SECTION DEUXIÈME. l55 

des ndnbreuses ^erreurs numériques ou va- 
lianies lectiones que renferment les différens 
textes des lettres de Vespuce* 

Pour répandf*e quelqiie clarté sur Texamen 
crilique des doeumens , il faut rappeler qu^ils 
sont au nombrede sept, saycw : i) les quatre 
voyagea tels que les a ofièrts pour la prenûène 
fois en latin la Cosmographiœ Introducdo 
de Waldseemuller * ou HylaComy lus , imjHfi- 
mée l'an i5o7 à Saint-Dié en Lorraine; a) les 
doubles du second et du troisième s^oy(ige 
qui difiër^it par leur forme et par leur pro- 
lixité des rdbiti<ms de ces mêmes voyages de 
Vespuee contenues dans Fédition d^Hylaco- 
mylss; 3) la lettre que Vespuee a adressée à 
Lorenzo di Herâ-ancesco de^ Medici , pendant 
le cours du, troisième voyage (du Gip Vert), 
relative aux découverte^ortugaises dans les 
Indes orientales. Je ne cite pas un huitième 
document qui a rapport au voyage de Vasco 
de Gama et que Bandini a publié diaprés une 

> CcMnme Toriginal que f ai sous tes yeux n'a pas de 
pagination, je citerai la réimpression faite diaprés la se- 
conde édition ( de Strasbourg, x 609), dans Touvrage de 
M. NavaiTPlc. * 



l56 SECTION DEUXIÈME. 

copie trouvée dans le Codice Riccardiano 
sous le Titre de Fragment dWe lettre de Ves- 
puce au Magnifico Lorenzo di Pierfrancesco 
de' Medici '• Ce fragment avait déjà été impri- 
mé en 1 55o dans le premier volume de Ramu- 
sio comme Relation d^un Gentit huomo Fia^ 
rentùw qui se trouvait à Lisbonne lors du re- 
tour de la £(ôtte de Gama *. Or , ce retojur avait 
Ueu le 10 juiUet i4999 ^t nous savons avec 
certitude que Vespuce n^est allé diEspagne 
en Portugal que vers la fin de Tannée i5oo. 
Canovai , dans Touvrage qui a paru après sa 
mort ^, a supprimé ce huitième document 
parmi les écrits de Vespuce. De nouvelles 
recherches du't;omte Baldelli ont fait voir que 
le Gentil' huomo florentin sVppelait Girolamo 
Semigi, et que la lettre se trouve en extrait 

> Bandini, p. 87-99. 

* Rahusio, t. I (éd. de i6i3), p. 119. La pièce 
donnée par Ramusio est d'un quart plus longue que 
celle de Bandini. Cette dernière se termine par Tindi- 
€atioa des moussons. Tout le morceau qui commence 
« Ha^ndo scrittofin quiy » manque dans le manuscrit 
Riccardi. 

5 Viaggi et Àmerigo Vespucciy ift(|7, p. i3. 



SECTION DEUXIÈME. ±5'^ 

dans le manuscrit n. 1910 de la collection 
Riccardienne. 

Les Quatuor na^igationes imprimées en 
LfOrraine sont traduites , comme Hy lacoiny- 
lus le dit expressément : De Qulgari gaîlico 
in latinum. (Test ainsi que s^exprime Pauteur 
(fol. 22 , a) dans le titre d^une pièce de vers 
(Decastichon) en llionneur de Vespuce ; mais 
dans la Cosmographie même i en traitant des 
cinq zones (cap. 5, fol. Q^ b)^ il est dit : 
<c Sunt qui exustam torridamque zonam nunc 
habitaiit multi , ut qui Chersonesum auream 
incolunt , ut Taprobanenses , iEthiopes , et 
maxima pars terrae semper incognitœ , nuper 
ab Americo Vesputio repertœ. Qua de re 
ipsius quatuor subjungentur navigationes es 
ùnlico sermone in gaUicum et ex galUco in 
latinum i^ersœ. i> Nous ignorons si Téditeur a 
travaillé sur un manuscrit ou sur un ouvrage 
imprimé en français , dont Texistence est en- 
core inconnue. Vespuce ne s^est certainement 
pas donné la 'peine d^envoyer au duc de Lor- 
raine en français des lettres écrites primitive- 
ment , ce qui est très probable , en espagnol 
ou en portugais. Le nom de la baie de Tous- 
les-Saints au Brésil , que je trouve transformé 



X 



i58 SECTION DEUXIÈME. 

dans le texte latin d'Hylacomylus • en Om- 
nium Sanctorum Abbaiia , me fidt croire que 
le texte primitif n^a pas été italien , puisquHl 
est plus facile de convertir par ignorance le 
mot également espagnol et portugais hahta en 
abbaye que le mot italien baja , à moins que 
le traducteur latin n^ait tout simplement lu par 
mégarde abbaye pbur baie. Il est d^ailleurs 
assez remarquable que cette Abbatia Om^ 
mum Sanctorum ait aussi passé dans la Géo- 
graphie de Ptolémée de i5i3. On la trouve 
par les 17** de latitude australe sur la « Ta- 
bula Terrœ Novœ. » (Voy. mon Atlas, pi. 3y.) 
Quant au texte italien qu^ont publié Bandini 
en 1745 et Canovai en 1817, il est copié d^une 
brochure de 1 6 feuillets sans indication d^an- 
née, qui a été la propriété de Baccio Valoii*, 
un des premiers bibliothécaires de la biblio- 

• Nav. t. III, p. aS;. 

* Après Valori, cette édition italienne que Ton dit 
du commencement du seizième siècle, et qui mériterait 
bien une notice bibliographique plus étendue ^ s'est 
trouvée la propriété du docteur Biscioni, également 
conservateur de la Laurensiana ; plus tard encore elle 
a passé entre les mains de M. Gino Capponi de Flo- 
r«ice. ( Bahdiivi, p. LV. Canovai, Viaggi, p. 3.) 



SECTION DEUXIÈME. l5g 

thè^ueLaureniieime de Florence. Or de lu^n- 
lumises locutions entièrement opposées au 
gàaie de la langue italienne prou'vent indu- 
bit{J>leinent que le texte de Valori, qui est 
aussi celui de Bandini , est traduit de Te»» 
pagnoL On j trouve scanso (discanso) pour 
riposo , iormenta pour tempesta , a me-* 
nudo pour /requentamenie ^ surgidero pour 
porto ou seno di mare. Malgré la grande ana- 
logie qui existe eaoïtre Fe^gnol et le por-* 
tugais , la ibrme de ces mots, choisis en par- 
tie dans les deux voyages iaits par ordre 
du roi de Portugal , indique une source espa- 
gnole. Cette ccmclusion frappe d^autant plus 
que Vespuce paraît avoir rédigé les quatre 
voyages à Lisbonne sur les instances du Flo- 
rentin Benvenuto S et que plus généralement 
on a cru que les deux premiers voyages avaient 
été rédigés en e^gnol ^ les deux derniers en 

* Le texte d'Hylacom jlus dit simplement : « Movit 
me ad scribendum praesentium lator Benevenutus qui 
dum me Lôsbonae reperiret, precatus est... » Nav. 
t. Uly p. 19a. L'édition de Valori est également claire, 
elle a « il quale trovandosi qui in questa citià dlUshona 

mi prego » On y trouve aussi ( BANnirrt, p. 61) 

la Badia di tutti i Santij traduction de Bahia. 



SECTION DEUXIEME. 



sscrias TfEtxtàMÈ. ^ ièi 

âixdûoms ktinè, aUemande et française qu^ont 
Êdtes de cette Collection Madrignano , Ruch-^ 
amer et Mathurin du Rodouer. Le Monda 
iVéPo de Vicence et les traductions que nous 
venons de nommer ne font pas mention du 
nom du traducteur; mais Jocundus interpres 
se trouve nommé dans Tédition latine dUugs- 
boiu*g de i5o4 7 examiné par mon savant ami 
M. Roulin\ C'est probablement une mémo 
personne avec Giuliano Bartholomeo de! Gio- 
condo établi à Lisbonne , que Vespuce men- 
tionne dans la troisième lettre de Tédition 
d'Hylacomylus|' comme ayant été envoyé à 
Cadix par le roi Emanuel pour Fattirer au ser^ 
vice du Portugal. Les amis des arts aimeront 
à se rappeler que Bartolomeo del Giocondo 
était contemporain de ce Francesco del Gio- 
condo dont la femme Mona Lisa est représen-> 

' Giocondo e»t également nommé dan» d'autres édi- 
tions latuies dont il manque encore une désigtiation 
exacte. Voyez Bard. p. LI, et Nav. t. IIÏ, p. 186. 

• Cette édition indique les deux prénoms à la fois 
tandis que dans la Codice F'alori il y a d'abord Bar- 
tolomeo del Giocondo, et puis • il detio Giuliano, » 
(comparez Nay. t. III, p. 263, et Banoini, p. 47), ce 
qui n'a pas de sens. 

IV. Il 



i63 SiCTIOff DEUXIBMB. 

iée dans Tadmiit^le tableau' de Léonard de 
Vinci. 

* Il règne dans le double de la relation du troi- 
sième voyage, c^est-à-dire dans la seconde let-* 
tre à Pierfirancesco de^ Medici, la mémeincer- 
tilu4e relativement à la langue dans laquelle a 
été écrit le texte primitif que celle dont nous 
avons fidt mention plus haut , en parlant des 
Quatuor Navigationes. Ruchamer et Madri- 
gnano disent uniformément dans le chapi- 
tre XIV àes Unbekanihe Landteei de Yltine^ 



^ Tableaux du Musée royal du Louvre^ i835 ^ p. ig^j 
n® 109a. Le portrait de cette dame, qull ne faut 
pas confondre avec Mona (JMadonrui) Lùaj nommée 
dans une lettre de Girolamo Vespucci, qui fut adressée 
en 1489 à son frère Amerigo (Band. p. XXXII), a été 
peint d*aprèt Vasari entre les années tSoo et i5o6. 
[ « L'ouvrage de Gamurini sur les femilles nobles de 
Florence ne nous apprend rien de particulier relatif 
vement à Bartolomeo et Francesco del Giooondo, qui 
probablement étaient parens. Nous savons seulement 
que Fi'ancesco peint par Domenico PuUgo , élève 
d* Andréa del Sarlo, est auteur d^une Istoria Fiorentina 
del i494-t^35y dédiée à Ludovico Capponi, livre dont 
je manuscrit est conservé dans la Riccardiana. » Nofe 
de M» H^aagerij directeur du Musée do Berlin. I 



sont &ites sur un texte italien qui était tine tra- 
duction defespagnoL Auchap. CXXIV Ruch- 
amer répète la même chose\ tandis que Ma- 
drignano dit : aFidos interpres presens opuse 
Ltmémait^cum tedu w Oettedernière phrase 
difiere entiàr«2ient dan» lUilîiîrm l»*;«^â 



» « Aua» hjw^im* eprache i^ dise» finifte biiclileiB 
ta^die wljache «prache gewwidelt, uadi^îi letee aura 
lier weljBchco in die dew^hea gpbracht. .* 

• M. Roulin a lait voir par les pronières lignes de» 
<tifféren8 paragraphes que Tédition du Mumiu$ Nouus 
de i5o4, et VlUmrarium Portugallensiumj n'offrent pas 
la même traduction. Cap. CXIV : « Supeiioribus 
diebua satis ample tîbi ecripsi... . Madrigano a : . Su- 
pcrioribtts diebtts abunde reddidi... . Cap. CXV : 
• Prospero cmisu... • au lieu de : « Fœlicibus igitnr ut 
ajuntavibu8....Cap.CXVl : « Consiliumcepimus...» 
au lieu de : « Convenit igitur inter nos... . Enfin 
cap. CXXIV : . Em ùalka in latinam linguam Jo- 
cundus interpres... • Madngnano ne nomme pas Gio- 
-coudo, et dit « ^ Lusitano. • M. Roulin est d'autant 
plus porté à croire à l'existence d'une ti-aduction ita- 
lienne du troisième voyage, antérieui-e à i5o4, qu'à la 
fhrase w Ex italica in latinam linguam Jocundus 
interpres hanc epistolam vertit. • Giocondo ajoute que 
«'estsurtoutdans un butreligieux qu'on désire répandre 



i64 SECriOIC DBUXlàME. 

bliée à Augsbourg en 1 5ô4, tandis que le texte 
itfdien cpie donne Bandini et dans lequel on ne 
reconnaît aucune locution espagnole , est cal- 
qué sur une traduction latine. L^expression 
absurde qu^offre le Mondo Now de Vicence 
( i5o7 ) * V^^^ ^^^ ^ intitulato terxo di^ a 
passé dans les traductions de cette collection 
qui rendent (cap. CXXII) le troisième voyage 
par dxes tertius et der drjtte toge. On a déjà 
rappelé plus haut que c^est sans doute une 
fiiusse interprétation du mot espagnolyb/Tzodla 
(voyage), par le mot latin dies^ qui a pu don- 
ner Keu à cette locution étrange\ 

ie6 relations de ces grandes découvertes, « ut latini 
omnes intelligant, quam multa miranda in dies repe^ 
riantur et eomm compn'matur audacia qui cehtm et met^ 
jestatem scrutari et plus quant Uceat sapert volunt ^ 
quando a tanto tempore qa0 mundus cosspïij ignota sit 
vasdtas terne et quae contineantur in ea. » Ce reproche 
répétéi mais avec des tournures de phrases très diflé^ 
rentes 9 dans les traductions de Madrignano et de Ruch^- 
amer^ avait déjà attiré l'attention de Bandini ( P^ùaj 
p. LI et LUI). Le blfime d'incrédulité philosophique ^ 
d'hérésie ne s'adresse certainement pas à l'Espagne ou 
au Portugal, mais à l'Italie et à l'Allemagne. 

* Dans la latinité classique, dies exprime tout au 



SECTION DEUXIBBffi. l65 

Le double de la relation du second voyage 
de Vespoce ou la première lettre à Pierfran- 
cesco de^ Medici , n^existe qu^en italitq. Cest 
un document précieux que Bandini a publié 
le premier diaprés deux manuscrits de la Bi- 
bliothèque Biccardi\ 

La question si souvent agitée sur le nom et 
la qualité des personnes auxquelles les diffé- 
rentes^ lettres ont été adressées , n^ de IHnté- 
rét quWtant qu^elle touche aux moyens emr- 
ployés pour répandre la connaissance des dé^ 
couvertes de Vespuce. Il paraît indubitable 
que le livre des Quatuor NavigcUiones , ou 
pour le moins la lettre d'^envoi qui les pré- 
plus la distance évaluée en journées de voyage. 
Liv. XXXVllly 59. Hylacomyius n'emploie jamais dies 
dans le sens dejornaday mais il se sert du mot diœta. Je 
trouve dans le premier voyage « libellum quem Quatuor 
diatas sive Quatuor navigationes appello. » (Nav. 
t. 111) p. 217 et a3i.)Dans la basse latinité dieta ou 
diata signifiait en effet quodvis iter. ( Voyez le Dict. de 
Du Gange.) Dietare est voyager. Cest donc à tort que 
le passage des quatuor diœtœ de Vespuce a été traduit 
en espagnol par cuatro diarios (quatre journaux ou 
itinéraires). 

' Band. p. XLIX. Cawovai, f^iaggh^- 3. 



t€6 SECTION DEUXlilIB. 

eède dans Fédition de Lorraine a été adressée 
à la fois à Pierg Soderini , gon&lonier de Flo-^ 
r^ice depuis i5oajusqu^eni5iâ, etàReDélI^ 
roi de Jérusalem et duc de Lomiiie» Hyla^ 
comyluÀ ne connaît que ce dernier nom, et 
les expressions : IncUtissime R$x ei TuaMc^ 
jestas 9 imprimées sans aucune abrériation, ne 
laissent aucune incertitude à ce Sujet. DW 
autre coté le ton de Êonîliarité qui règne dans 
la lettre d'envoi semble prouver que primitif 
vem^it elle était adressée à Soderini seul. Ves-^ 
puce rappelle à la personne à laquelle il écrit, 
une ancienne liaison d^amitié; il lui dit qu^ils 
ont fait ensemble leurs études de grammaire 
sous la direction de Poncle d^Amerigo , le sa- 
vant Giorgio Antonio, religieux du couvent 
de Saint-Marc a Florence. Or cette circon- 
stance, diaprés un témoignage de Giuliano 
Ricci*, se rapporte exactement à Féducation 
de Soderini que Machiavel , par haine politi- 
que, traite d'imbécille, « moins digne de Pen- 
fer que du limbo dé* bambini. » La lettre 
d^envoi nomme de plus , diaprés le document 
de Baccio Valori , ce Benvenuto di Domenica 

• Bamd. p. XXV. 



^ 



siCTioif dbuxiIma 167 

Benvenuto ' auqud fuvent confiées les quatre 
naTigatkms, nostro Fiorentino. Les mêmes 
lettres paraîtraient dont avoir été enrojées 
smuiltanâment à plusieurs grands personna- 
^*i et, ce que je trouve assez étrange, sans 
que Tont ait pris la peine d^ faire des change- 
mens. Il j a plus encore. Ces Nwigationei 
qiû nœis sont parvenues à travers taxn de tra- 
ductions et dans les formes les plus incorrec- 
tes, avaient, avant d^arriver au gon&lonier 
Piero Sodenni et au dncde Lorraiiie, déjà été 
adressées, du moins en partie, au roi Ferdi- 
nand d^Ëspagne. Vespuce s^excuse vis-à-vis 
du duc par ces mots' : « Existimabor forte 
prœsumptuosus , id mihi muneris vindieaiïs ut 
res non delectabili sed barbaro stylo ad Fer^ 
dinandum CastiUœ Regem nominatmt scrip-^ 
UiSj ad te qubque mutant. 1» Diaprés cet ifi^ 

' L. c. p. 3 et 62. 

" Colomb aussi écrivit de temps en temps au pape 
pour lui donner des nouvelles de ses découvertes, et 
les deux relations abrégées du premier voyage que 
nous possédons de sa main, adressées au ministre des 
finances, Luis de Santangel et à Raiàel Sanchez, sont 
presque identiques. 

3 Texte d'Hylacomylus. (Nav. t. 111, p, 191.) ' 



i68 SBCrnON DEUXIÈMB» 

dîce, on pourrait crcùre que les troisième et 
quatrième relations du même texte fiirent 
adressées au roi de Portugal, mais tout récrit 
se termine Micore par une recommandation 
du Florentin Benvenuto qui à Lisbonne même 
s^est chargé de Fenyoi ^ • Il règne dans toute 
cette rédaction un rague désespérant. Les au- 
tres lettres de Yespuce , c^est-àrdire les dour 
blés des relations du second et du troisième 
voyage , comme la lettre écrite au Cap Vert 
et récemment trouvée par le comte Baldelli ' , 
sont adressées à Lorenzo di Pierfirancesco de^ 
Medici. Quant au troisième voyage, le plus 
anciennradraLt publié de tous, il porte, dans 
Bamusio' , le nom de Soderini; mais Fédition 
de lean Lambert ^ et la traduction allemande 
de Rucbamer (iSog), Fadressent déjà à Pier- 
firancesco , que Rucbamer qualifie de médecin 
à Florence. Quel est ce membre de Tillustre 

» Texte de Baccio Vaiorî. (Band. p. 6a.NAV. t. 1II> 

* 

p. 290.) Pourquoi aurait-ou confié à Benyenuto uqiq 
lettre adressée au roi de Portugal? 

* // MUioney t. I, p. LUI. 

» T. I,p. i3o. 

^ Ca.mu&^ p. 1219 et i32. 



SltCTlON DEtXISME* l6g 

fmniUe des Médkns avec lequel Vespuce a pu 
avoir des râppcHts? Laurent , Xtpère des Mw^ 
sesj mourut Pamiée de la découverte de TA- 
mérique parG>loiBb; Lorenzo di Piero qu^ 
Léon X nomma duc d^Urbîn en i5i7 , nWait 
que douze ans l<»:*sque Vespuce finit sa qui^ 
tri^ne et dernière expédition. Bandini ^ dési- 
gne Lorenzo di Pierfi['ancesco de^ Medici , né 
en i463. Il était ambasiadeur en France sous 
Charles VIII , et célèbre par une grande éru- 
dition. Malhenreusement on place sa mort au 
commencement de i5o3, et la relation du 
troisième voyage que Ton croit lui être adres- 
sée , est écrite après la quatrième expédition 'y 
en i5o4* Il ne reste donc qu^à supposer que 
Vespuce, lors de son arrivée à Lisbonne, 
igniM^ait encore le décès de Pierfirancesco , son 
ami et son protecteur. 

Les sept documens qui sont venus jusqu^à 
nous, ou pour mieux dire qui seuls ont été 
reconnus et publiés jusquHci , prouvent que le 
navigateur florentin avait composé d^autres 

» P. un et LIV. 

* La preuve en est dans les mots « Perayentura vi 
a^ugnero la ^uar/a Gioiiiata. >» Band. p. 121. 



170 3ECri01f DBUXliME. 

écrits dont la perte est à regretter. Ce que nous 
possédons sims le titre des Quatuor NaçigaF- 
tûmes , recueillies par le saTant cosmograpke 
de Saint-Dié ^ ne parait être que Pextraît d\tQ 
livre plus TolumineuK que Vespuce désigne par 
le même titre. Il dit clairement en deux en^- 
droits que ce UTre qui renferme le détail de 
^es obserrations, était i£^aécrit^ mais non 
encore publié, lorsque BmTehulo lui en de- 
manda un extrait pour lé gonfidonier Soderi- 
ni \ L^extrait a été terminé, selon le texte de 



* « Et quoniam in meb hùce bis genûnis navî- 
gationibus f tam varia diversaque perspexi , idcirco 
libellum quempiam quem Quatuor diatas siife quatuor 
naçigationes appello , conscribere paravi conscripsiqucy 
in quo majoi^em rerum a me vistrum partem diatiocle 
satis juxta ingenioli mei tenuitat^n oodlegi, yenimtamen 
non adhuc publiectvL In illo vero quoniam omnia parti- 
cuîariter magis ac singillatim tangentur^ idcirco unwer^ 
salia hic solummodo prosequensj ad na'ngationem nos- 
tram priorem perficiendam | a qua paulisper digressus 
fueram, jam redeo. • Nat. t. III, p. 217. Pub encore 
une fois (p. a3o) : « In hac gente eorumque terra 
quammultos eorum ritus vidi cognovique, in quibus 
hîo dhitius immorari non cupio, cum postea nosse 
queat V. M. qualiter in quavis navigationum haram 



SBCTIOlf BBUXIBMB. iji 

Yalori^ « le 4 septainbre 1584, » ce qui reut 
dire sans doute i5o4* Cette date et plusieurs 
autres manquent dans Tédition de Lorraine. 
Les deux lettres à Médicis ^ triant Tune du 
second, Fautre du troisième voyage^ sont 
écrites ayant la relation abrégée adressée à 
Soderini et au duc René. La première porte 
la date du ±8 juillet i5oo, date qui est en 
contradiction directe arec celle du 8 septem^ 
bre qu^Hylacomyluft donne pour la fin du 
second voyage. La seconde lettre à Médias 
est yraisendidablement écrite à la fin -de iSos.' 
Elle parie de ce journal de navigation {mémo* 
rialefatto di giorno in giorno) que Vespuce a 
déposé entre Iqs mains du roi de Portugal : 
elle parle ausd dW grand ouvrage de O)smo^ 

mearum magu admiranda annotaluqiie digniora roni- 
cripserim f ae in libeUam unum stih fêographico colU^ 
gerimy quem lihellum Quatuor diatas intihtlapiet in quo 
singula minutim notavi ) sed kactenus a me non emûi'y 
ob id quod illum adhuc revisere coliationareque mihi 
necesse est. » Enfin dans le quatrième voyage on trouve 
de nouveau et toigours selon le texte d'Hyiacomjlua 
(p. aS9) : « Ubi interdum plurima perspeximus^ quas' 
nunc subticescens libtllo meo Quatuor navigationun^ 
reserve. • 



±y2 8BCT10N DEUXIÈME. 

graphie quHl espère teminer dans sa vieillesse 
et qui doit offiir la descriptioii du ciel austral. 
Il voudrait, dit-il avec orgueil, le rendre plus 
par£dt, ciffin ohela/utura etd ahbia ricor^ 
danza dilui. Pai déjà, dans un autre endroit, 
fixé Fattaition du lecteur sur le témoignage 
que le pilote Juan Vespudo, neveu d^Amârigo, 
rendit en novembre i5i5, et selon lequel ce* 
lui-d possédait « les journaux de deux voya- 
ges de Fonde,' indiquant jour par jour les 
rumbs et les distance parcourues, i» Amérigo 
traçait les nouvelles découvertes sur les map- 
pemondes in figura pijona et sur des globes. 
Il a fait mention de ^e& divers travaux graphi- 
ques dans la première lettre adressée à Médi- 
Cihi il en a offert au roi Ferdinand, et son 
compatriote Francesco Lotti {nostro Fiorenr- 
tino) en aurait porté à Médicis , si Fauteur du 
corpo sferico (globe terrestre présentant les 
principaux résultats des nouvelles navigations) 
n^eût redouté <( la critique et les corrections 
arbitraires des géographes de Séville ' . » 

■ La fin de la lettre de Vespuce à Mëdids relative à 
la seconde navigation^ n'est pas très claire. « Les gens 
qui dans cette ville entendent quelque chose en Cos- 



SBCflON DBUXlàME4 i'^3 

Ces données suflisent pour fidre Voir qoe le 
petit nodiln*e d^écrits ^uc le hasard nous a C(ni- 
servés difière essentielltfnent de 'ceux que le 
navigateur préparait pour la postérité. Nous 
ne possédons que des notes et des extraits 
destinés à amuser de grands personnages qui 
ne s^intéressaîent qa^k la peinture d^ mœurs^ 
à Faspect du paysage et au récit parfois exagé- 
ré de quelques ayentures dramatiques. On con-' 
çoit plus aisément Fomission des détails nauti- 
ques et géographiques ou celle de la nomen- 
clature des Ueux , que le silence absolu gardé 
sur les noms des cheÊ qu^accompagnait Ve^ 
puce \ L^horreur des dénominations barbares 

r 

mographie^ déîveiit attendre sou retour avant de 
vouloir, le. corriger : alors il pourra se défendre. » Il 
s'agit donc de &îre terminer une sphère que devait por- 
ter Lotti : il s'agit aussi de la crainte de soumettre dès- 
lors à des juges malveiUans un premier tracé des oôtes« 
* Dans Fensemble des i ao pages que remplissent les 
diverses lettres de Vespuce, les seules personnes qu'il 
nomme en outre de celles auxquelles les lettres se 
trouvent adressées^ sont, parmi les contemporains : 
Tamiral Christophe G>lomb , un certain Guaspare de 
l'expédition de Cabrai, Antonio Vespucci, firère d'A- 
mérigo, et six autres Florentins employés probable- 



174 SBCnoN DEuxijpn. 

que manifestent trop souT^it les anciens se 
raioontre aussi chez ihgbiera. Il demande 
sans cesse excuse au pape de blefiser ses oreilles 
par tant de sons discordans. Yespuce trouve 
tout ce quHl a écrit jusqu^n i5o4 << de si 
mauvais goût » {di kmto wudsapore^ porte le 
texte Valori), c(U^ né peut se résoudre à céder 
À peux qui Pei^ag^it a puMier ses écritç. 
L^oodssion des noms propres des per^nnes 
auxquelles il se tnourait associé, a paru sus- 
pecte : il est cependant difficile d^en deviner le 
but intentionneL On a dit qu^en s^enveloj^f^ant 
dans un silence mystérieux il devenait plus 
&cile à Veqpuce de déguiser la vérité ou de se 
livrer à son goût pour Texagération et une 
Vaniteuse enflure de style : mais les lettres de 
Vespuoe étaient des lettres fionilières. U pré^ 
parait sans doute des ouvrages, mais jusqu^ici 
on n^a pas trouvé d^indice qu^il ait écrit dans 

* 

ment dans le commerce avec le Portugal, Benvenuto 
tli Domenico Benvenuti, Francesco Lotti, Gherardo et 
Simone Verdi, Giuliano di Bartholomeo del Giocondo, 
«t ce Francesco Albizzi, « presque aussi grand que les 
Caribes^'Cannibales, mais plus mal fait qu'eux. » Je n'ai 
trouvé en tout que 9 noms pix>pres dont 7 entièrement 
étrangers aux expéditions espagnoles ou poitugaises. 



SBCTION DBinCIBMB. 1^5 

rmtentîoii de se Toir imprimé pandant ;Ba Tie 
wii en Italie soit en Allemagne. S^il aurait eosur 
senti par exemple à fidre imprimer la rdatioa 
de la seoon4c expédition telle qu^dle se troure 
parmi les Quatuor Naçigationes de Fédition 
de Baccio Valori, amrait-il osé dire puUique» 
ment, sans déplaire au roi Ferdinand, « que 
la reioe Isabelle lui avait dénobé i3o perles, 
f^t qu'il avait cadié les auti«s pour les sauver 
et les garder pour lui? » Cestfaîen là, je pense, 
un trait de lettres ^milières adressées à Sode« 
rini. Rien ne prouve aussi que Ye^uce ait 
puUîé la ration de son troisième voyage en 
i5o4, ches Ottmar ou, en iSoj, dans le 
MandoNow de Vicence \ On aurait tout 

A Dims 1a lettre adressée à Mëdids sur le troisième 
voyage, le traducteur latin s'est servi par mëgarde 
dans Vltinerarium PortugaUensium y cap. laa , de 
Fexpression edere pour conscrihere ou componere , 
rédiger. (Vojez aussi Gath. éd. i532 , p. ii3.) II fait 
dire à Vespuce : « Hoc opus nuncupavi DUm tertium 
quandoquidem prius edidi libros duos ejus navigaiionis 
quam ex prasc^to regb (Castiliae) perfeci. » L'édition 
italienne de Bandini(p. 120) a très bien «perciocjie 
prima io avea eompasti due altri libri. » Ruchamer, en 
i5o9, dans sa traductiéRti allemande 9 se sert dans ce 



17$ 



SBCTIOn DBUXIEMB. 



%publté4. 



SBCTION l>EtJXlÈBAB. \']^ 

À âeux puissances rivales au service desquelles 

il sYtait placé tour à tour? Depuis que Ton 

s^était aperçu du grand âargissement du Nou- 

vetfu Monde vers Test entre les S"" et les i o"* de 

latitude australe, les débats sur les limites 

^s découvertes et sur la longitude qu^on 

devait assigner à la ligne de démarcation , 

avaient été tranq)orté8 sur le territoire amé^ 

rioân; mais il ne pouvait y av(nr aucun danger 

à nommer Hogeda que Vespuce avait accom-- 

pagné à la cote de Paria. Anghiera dont les 

l^remières Décades ont été publiées du vivant 

du roi Ferdinand le Catholique, n'hésite pas à 

donna:* les détails historiques les plus minU"^ 

tieux sur les découvertes et sur les hommes ; 

néanmoins en sa quaUté de membre du Conseil 

des Indes et dliomme de cour, on n^oserait 

Taccuser d^imprudence. Il y a plus encore. A 

peine un mois après le retour de Pedro Alvarez 

Cabrai de Cahcut à Lisbonne, le roi Ema* 

nuel de Portugal cbnununiqua aux monarques 

espagnols (le 29 juillet i5oi), dans une longue 

lettre conservée jadis dans les archives de 

Saragosse, la relation circonstanciée de tout le 

voyage de Cabrai et de la découverte de cette 

nouvelle terre de Santa Ckiiz (le Brésil) « que 
IV. 12 



lyS SJEfCTIOlf DEUXlàHX. 

Dieu a placée dans un «ndn>it si cam^enabît 
pour &ciliter la navigation des grandes Indes 
en fournissant de Feau et du bois de construc** 
tion. » (Nav. t. III, p. g5). Le silence rdbitir- 
vement aux noms propres ^t i^ je le répète ^ 
d^autant plus étrange que Ve^uce suit ce 
même système d'^omission là aussi où aucun 
intérêt qudconqqe ne sendile avcm* pu le gui- 
der. £n rencontrant au Cap Vert les vaisseaux 
de GJurdit à leur retour des gmides Indes, il 
donne une excellaite et très véridique relation 
de toutes les aventures de Cabrai, sans jamais 
nommer ce chef de Pexpédition^ tandis quW 
signor Guaspar^ embarqué sur la flotte de 
rinde, nous ne savons en quelle qualité, est 
nommé plusieurs fois. 

Il se^;ait peu exact de dire que Vespuce en 
ne Êdsant pas mention des ci^taines avec les- 
quels il naviguait, pouvait plus fiidlement 
Êdre croire que kd-méme était chargé du 
comipandem^it. En Usant ses lettres avec 
quelque attention, on reconnaît que jamais il 
ne se dit le dief dWe expédition. Je vais 
citer ses projHres paroles. Dans le jn^^nier 
Toyage : <( Etant venu dans ces pays pour 
des afiaires mercantiles (mercandi causa) et 



ar3raiit éprouvé peiulaiit quatre vas Ineû des 
diangemens de fortune, je [^ la pésohition 
d'^abandoimer les affaires {negotia dimiitere ) 
et d^^iù:^reiidre quelque chose de plus di**- 
^■e déloge (léuidaèiltàres res) et de plus 
^stable^ Je me disposai donc à voir différentes 
parties du monde et à en admirer fesmerreil"- 
les« Comme le roi Ferdinand de CastSIe ar- 
maît , à oetteépoque, quatre navires pour des 
idéoouvertes vers Fouest, Son Altesse me choi- 
«il pour être dans la société de ceux qui tle^ 
Taient feire ces découvertes {me adtaUa in^es^ 
Ûgandainipsam. sùciete^m êlegtt.)n Le texte 
•de Baccio Yalori dit plus clairement et avec 
plus de modestie encore : « Fui eleiioper San 
jàliezza^ che iofiissi in essA fiotta per aiutare 
u ditoeprm^ m. Ce récit est entièrement con- 
foroM k ce que nous savons de plus àûk*pàr 
d^autres documens sur la vie de Vespucé. 
jKous avons vu plus haut que selon des tettrea 
deiSrolamo Vespuci et de Donatô Niccolini, 
Amérigo était encore à Florence en 1490, 
mais que trois ans plus tard U avait des moti& 
^^étre fort mécontent de son séjour en Espa- 
gne. Faciorj c^est^-ànËre commis, de la puis- 
sante mmson florentine de Juanoto Bérardi à 



iSo SECtlOR DEUXIEME. 

SéTiUe, Amérigo paraît d^abord , dés i495^f 
après la mort du chef ^ à la tête de cettemai"* 
son de commerce. L^intérèt que Bérardi avak 
dans Farmement des yaisseaux de Colomb 
pouvait Êdre naître dans Pesprit de Vespuce 
le désir de voir les pays nouvellement dé^ 
couverts et de chercher fcnrtune dans le Golfe 
des Perles sur la côte de Pana. Il n^ a, dans 
le simple récit que nous venous dé dier^ 
rien qui annonce un manque de candeur eC 
de*véracité« Le troisième voyage est le pre- 
mier que le navigateur entreprit par or^ 
dre du roi de Portugal. Il raconte, dans 'la 
relation de ce voyage , comment le roi £ma- 
nuel Pavait invité à se rendre à Lisbonne ; ce^ 
pendant , dit-^il ^ ce n^était pas pour (^teoir * 
un commandement ^ c^était « ut und cum tri^ 
bus navibus quœ ad eseundum et ad noçor- 
rum terrarum inquisitionemprœparatœ erantj 
prqficùci vellemf et iia quia regum preces 
prcécepia sunt^ ad ejus (Ëmanuelis) çotum 
consensi. » Le texte italien de Valori porte : 
« Cbefussi in compa^gnia di tre sue navî* » Il 
n^y a donc là encore que Passertion dWoir 
pris quelque part au voyage. Lorsque dans 
cette même troisième expédition , Vespuce el 



SBCTION DBUXIBME. i8i 

tout réquipagedédsentâe yenger^des yidigè- 
nes ^pn awâent cominis des'meurtres sur deux 
<jirétieii8, le commandant* de la petite escadre 
(nm^mm pr^tor , sdén 4e texte d^Hylacomy- 
lus, il nottro ccpùaho maggiore^ selon le 
texte de Valori) s^ oj^se par une lâche pru- 
dence. « lia grenem injuriant p<issi cum mor 
iei^oh cmmo e$ gmmdi cpprobno nofitro , 
efficimte hoc mmumprœiore nostn, impun 
niiis HUê {îndigems) abscessimus. » Ce n^est^ 
que dans une - occasion très graye et après 
a¥dr tenu conseil, qu^on délibéra sur le com- 
mandement suprême , et qu^on le con£k*a 
(peut-être momentanànent ) à .Amérigo. In 
qua peregrinatione (tertia) post decem menr- 
ses^ eognùo quod mineraUa nuUa reperiehar- 
mus^ convenimus unà^^ ui abinde surgentes 
tdioper mare i^agaremur. Que inito internas 
consilio mox edictwn fuit ac in omnem cœ^ 

* M. Southej, dont V Histoire du Brésil (i, I, p. 16) 
est rédigée avec un esprit de critique très remarquable, 
a déjà insisté sur cette circonstance, pour prouver qu'on 
a accusé à tort Vespuce de s'être vanté du commande- 
ment suprême. 

» Nav. t. III, p. 275. 



f9^ SBCTiow BBuxiiau; 

tum nostnan {^uigatum 9 ut qmdquid inta^ 
nofigationB propçipiendum censerem, idipmn^ 
integriterfieret. Propter quùd mdixi memr 
dwique uSique ut de Ugnis et aqMg^ pa/rwmt 
munUionem. » ILft-doXiMe d^ la troî^ème re- 
lation, la ]^Ure àMédi$^, nefait plis mentioii 
d^cet iocideiit $ il n^y eat qixslîoii que de IV 
gnwa|ioe 0t des eiBobarras des piletea déPex-^ 
péd^tion et des ^lhs&B!waàém& astronomiques, 
par lesquelles Vespuce se yàatej&stueufleinetit 
de leur avoir inspiré à la fiùa le respect et la> 
Gonfiance. <( L^igocHraBce de ceux qui gouTer^ 
naît un navire idonge les voyages oulre> m^ 
sure. Il u^y avait* apris cette tempête aucun de 
nos pilotes qui ait su, à cipipiante li^^pràs^,. 
où nous BOUS trouvioBâb Nous alKona, errans^ 
{^{igahtmdC), sans aavok* oà, si par IWro»* 
labe et le quart de cercle {quadranie cMro^ 
logica)^ î» n^anrais pourvu à mon. salut et k> 
celui de mes compagnons*. A cette* occasion- 
jVcquis assez de gloire ( mi aquistai non pic-- 
eiala gloria)^ de manière que depuis cette 
époque je Cus honoré par eux de cette estime 
dont jouissent les savans aupi^ès des gens de^ 
bien« De même j^enseignai aux pilotes Tusage 
de la carte marine et je les forçai d'^avouer 



8KTI01I DEUXIEIIE» i83 

que les pilotes ordinaires , ignorans en Cos- 
woffncpbiej ne saTsient rien en les comparant 
avec moi' » Cest Viutrononw de f expédition 
qui parie ainsi, tout bouffi du secret qu^ crmt 
posséder de déterminer k longitude <c par les 
conjonctions' de la hme et des planètes , » mé- 
thode de Icmgitude* qui, dit Vespitice dans une 

^ « E fisci ù ohe ccpfetomero y che 1 DooUtri 
ordinal) ^gnoranti délia GMmografia y a mi a compara^ 
ztcne non avessero saputo nîente. » (BAimuiiy p. io5.) 
* Colomb, Vespuce, Pigafetta et Andréa de San 
Majrtin ont sans doute essayé d'employer les méthodes 
lunaires et les conjonctions des planètes pendant le 
cours de leurs voyages : ils avaient même une extrême 
confiance dans les résultats de ce genre d'observations 
dé loDfpliide) mais Pétat des instrumens qu'ik em- 
ployaient avec un enthousiasme si louable j^vait 
rendre leurs observatums très dangereuses pour la sA^ 
reté de la navigation. Sur mer il vaut souvent mieux ne 
pas di>server du tout que d'observer mal. Je reviendrai 
dans la Quatrième Section de cet ouvrage sur les calculs 
de lon^tude tentés au quinzième siècle et au commen- 
cement du seizième. Vespuce dit avec esprit que l'avan- 
tage deœs méthodes lunaires tient au « corsû piu leggier 
délia luna. » (Texte Riccardi de la première lettre à 
Médicisy dans Cahovai, f^i^ggh P* ^' ) 



f 84 SECTION DBUXiÈHr. 

autre lettre adressée à Médicis lors de son pes-^ 
sage au Cap Vert* , <( lui a fidt perdre molti 
sonnij et qui , à force de Êitigues ^ abrégera- 
de dix ans le cours de sa vie. n Ces accès de 
jactance et dW certain orgueil astronomique 
se retrourent. presque au même degré chez- 
Colomb. Ce n^est pas dans une lettre femilière 
comme ceUe du navigateur florentin , mais 
dans un riqpport fidt aux Monarques Catholi- 
ques sur le quatrième yoyage que Famirat 
compare les prédictions fondées sur les cal- 
culs de rastronomie nautique à des irisions, 
prophétiques. Comme Vespuce , Christophe 
Colomb accuse Fignorance des pilotes pra-r 
ticiens. « Us se trompent , dit-^il , de plus de 
quatre cents lieues. Qu^ils me répondent où 
est située cette côte de Véragua à laquelle je 
les ai conduits ? Je prétends qu^ils ne savent 
donner d^autre information que celle d^avoir 
été dans un pays riche en or. Ils ne sauraient 
trouver la route pour y retourner ; ils au- 
raient à découvrir le pays de nouveau. Il 
n^existe quW moyen précis et certain, c^est 

^SAU>ELU} IlMilionCy 1. 1, p. UV. 



SECTION DBUXliMF» i85 

le calcul de Pastrologie. CeM qui le possède 
peut avoir de Tassurance : a uUion prôfsHca 
se (issemeja estp^ . » 

Dans le quatrième et dernier Tojrage de 
Vespuce, riK^^norité de sa position est encore 
plus firanchement indiquée. U se plaint di^ la 
Yanité présomptueuse du commandant de Pes^- 
cadre (namckmunusrtostervel prof^iusy ca^ 
piUmo maggioré) ; il parle des ordres que lui 
donnait ce chef. Une sexde phrase du texte 
italien de Baccio Valori qui ne se trouve pas 
dans le texte latin de Saint-Dié, semblerait 
annoncer que Vespuce était capitaine dW des 
six vaisseau?^' employés dans la quatrième ex- 
pédition. Cette orconstance) prouve d^une 
grande confiance dans les connaissances nau* 
tiques de Vespuce , ne poiurait nous surpren- 
dre y puisque nous savons par des documens 
officiels qu^une année plus tard la cour d^Ss- 

^ Nay. t. ly.p. 3oi6« 

* « U capitano ma^;iox!e voUe aadare a rioonoscere h 
Serra liona, terra d'Etiopia australe, senza tener né- 
cessita alcuna, se non per Êirsi vedere che era capitano 
4i sei naviy contre alla volontà di tutti noi altri capi- 
tani. » Bandini, 58^ 



i86 SECTIOll DIUXISME. 

pagne voulut le mettre à la téta d^une ncnivelle 
expéditkm^ OCHi^ointement arec un des plua 
grands navigateurs de cette époque, YiceDte 
Yanez Pinzon ^ Il résulte de œtte analyse des 
di£férens écrits d^Améric Ve^uee fue nuller 
part il ne s^esi vanté d^avoir commandé en 
chef dans la pveipière, I9 troisième et la qua- 
trième de ses navigataess^^ qu^ se sert des 

' Cédule du roiPhil^pe I, du a3 août tSoÇ. ( Nav. 
t. ni^p. a94et 3ao.) 

* Une seule fois^ en parlant dans la lettre à Médicis^ 
qui traite du second voyage, d^une nouvelle expéditiou 
préparée par le roid^Espagne (expédition dans laquelle 
Vespuoe ne putse jcûndre à cause de son départ inat- 
tendu pour le Portugal ), cèlui-ci se sert de la phrase 
suivante : Qui niamumo tre naviU pêrûhê ntiovamênêB 

çadia a discoprire Banbuh, p. 84* Cest aussi cette 

relation du second voyage qui^ d'après le texte de 
Riccardi (non d'après ceux de St-Dié et de Valori), 
parle seule d'une commission spéciale donn^ à Ves- 
puce perandare a discoprir. (Bahd. p. 65.) Biais pour- 
quoi cette « commissi^m de Son Aliesse » devrait-elle 
être nésessairement exclusive et personnelle? Le troi- 
sième voyage dans lecpiel Vespuce avoue le plus claire- 
ment qu'il était sous les ordres d'un capitano maggiorcy 
prouve déjà qu'il ne &ut pas mettre trc^ d'importance 
à ces foimes variables de style dans lesquellesyc trotsça^ 



f 



expressions : « Nous abbrdâmes, nous dtécou* 
Tiimes, » conune peut s^en serrir toute per- 
sonne qui fait partie dW équipage, et que par 
conséquent rien n^annoncé qu^ ait voulu s^at- 
tribuer à lui seiid dans les voyages que je viens 
de nommer, la ^oire des découvertes. Ilpeut 
rester quelque incertitude sur le second voyage, 
à cause de la phrase : c Pér eommùsione deW" 
AUezsut di que^to RédiSpagnandpcartKcon 
due caravelle f, » mais vaa. xiÀ texte nous ofl&^ 
ces parole, opm w sont peutr-étre que la tra- 
duction de : ex mandato Régis CastiUcBy par- 
rôles qui se trouvent aussi dans fes Quatuor 
Navigùtiones^ et qui indiquent sknptement 
que deux de ces expéditions étai^it &ites aux 
frais du gouvernement eqmgnoL D^ailleurs, 
selon les idéesmémes du navigateur florentin^ 
la gloire de ses découvertes ne pouvait, comme 
|q le prouverai plus bas, être fondée que sur 

MtplMépovr nous troupâmer. C'est dans' ce même tro»- 
•îème iroyage que nous liacmS) a Foccasion de randènne 
controrerse sur TexisteDoe d'habitans dans la zone tor- 
ride et au-delà de Téquateur : « Olira Pequinoziaie ù> 
ho tropoto paesi pià pierd di aiiiatori che giammai 
«krovi 10 abbia ritrovato, » 



i88 8£GTlt)N bEUXIEME. 

leur étendue : Vespuce \ jusqu^à Pépoque de 
sa morf, était fennemeut persuadé dWoir 
abordé aux côtes d^Asie. 

IVÛchel Servet , Tictime de la tourmente re- 
ligieuse et de Fintolérance prolestante de Ge- 
nève, accuse Vespiice dans un passage de Té- 
dition de Ptolémée ( i535 ) que nous ayons eu 
occasion de citer pliis haut , de nVvoir même 
été CTobar^é ai^ec les Pcurtugais que comme 
marchand f ut suas merces commutaret. Ce 
blâme ^t d^autantplus graye, que Servet était 
Espagnol de nation « né à Villanueva dans PA- 
ragon , trois ans seulement avant la mort de 
Vespuce, compagnon de Hqjeda. Je nomme 
ici Alonco de Hojeda , parce que dans le té« 
moignage qu^il rendit publiquement dans le 
procès contre les héritiers de Colomb , il dé- 
clara que dans Pexpédition entreprise à la côte 
de Paria <c pour &ire des découvertes après 
Pondrai^ » il amena avec lui <c Juan de la 
Cosa y pilote j Morigo f^espuche et cP autres 
pilotes ' M . C^est la traduction httérale de cette 

' Il est important de rapporter ici les propres paroles 
de Hqje^ : • Dice que en este viage que este dicho 
testigo hiz6) trujo consigo à Juan de la Cosa , pUoto , 






f 



SfiCTION DEUXIÈME. l8^ 

déclaration importante. La plpce que ce té- 
moignage assigne à Vespuce, n^indique pas nu 
mardiand embarqi^é comme par ha^ai^d- Il 
reste même incertain si les mots <cet autres 
pilotes iK qui sont précédés par le nom de Yes^ 
puce ne qualifient pas ce dernier ^e pilote 
aussi. Une telle conclusion ne laissjei^ rien à 
désirer: le célèbre Juan de la Co'^ / le même 
dont je publie la carte d^Amériqiie de i5oo, 
n^était pas déjà désigné spécialement comme 
pilote s car diaprés les règles d^e interpré- 
tation très sévère^ le mot autres peut se 
rapporter à une similitude d^état avec le seul 
Juan de la G>sa.^. Je pense que, yespuçe lui-^ 

• 

é Morigo Vespuche é otros pilotof : que fiié despachado 
e0te tesdgo para çl dicho viage (à Paria) por mandadô 
del dicho D. Juan de Fonseca , Obispo de Palencta y por 
nuandado de SS. ÂA. » (Nay. t. III , p. 544*} 

' Ceat rinterprétadon qu'adopte M. Navarrete, puis^ 
qullditque^ malgré le témoignage de Hojeda^ on ignore 
en quelle qualité Vespuge fut embarqué. Herrera 
(Dec. lylib.IVycap. i), ennemi du navigateur florentin , 
cherche cependant à adoucir Iç trait satirique de Michel 
Senret. « Hojeda, dit Herrerai était accompagné en 1 49B 
de Juan de la Gosa, homme d*une grande intrépidité 9 
conmiepilote, et de Vespuce cœnme négociant (m^rcoc^r) 



igO SBCTIOK DEUXiÈltB. 

même nous a indic[ué avec sincériié dam quel 
but on lui permit de prendre part au voyage. 
Cétait pour* aider à découvrir ^per aiutare a 
dùcoprire. En signalant ici Vespuce comme 
Y astronome dé P expédition , je me fende sur 
Tanalogie dW fidt que Ton n^a pas apprécié 
avec Fattenûon qu'ail mérite et qui caractérise 
pour ainsi dire les progrès de k culture sciaiti* 
fique à lafia du quinzième siècle* La reine Isa- 
bdle partageait probablement la haute qpinion 
que Qiristophe Gidomb avait (j^osenda jn^esque 
dire à tort) de ses propres connaissances en 
astrcmomie nautique : cependant au moment 
de son départ pour la seoMide expédition , la 
reine Pengage * <c à amener avec lui un bon czj- 



et savant {sebio) en affidre* de oûemop^phie et d^ ma* 
rine. » Tiraboachi(lib I, cap. 6^ § ai) dépeint Vespuce 
comme un passager intéressé pécuniairement dans Far* 
mement de Texpédition, mais jouissant d'une haute 
considération à cause de ses connaissances nautiques. 

' Canam#iiia^«(lettre)desmonarqueBà Christophe 
Qd<Httb en date du 5 septembre 149^^ trouvée dans les 
archives du duc de Véragua : « Y nos^parece que séria 
bien que Ue?asedis con vos un buen esttvlogo y nos 
parescia que séria bueno para esto Fray Antonio de 
Biarchena porque es buen estrologOf y siempre nos 



SECTION DEUxiixE. igi 

trùwmtej à fidre choix par exen^le du moine 
irHjaxàsCfm Antonio de Blarchena , qcd possède 
les connaissances requises et qui paniit être 
dW e^rit acoemmodant et plein de défé- 
r^otoe pour les volontés de Tamiral. » Cette 
iisgoaction prouve qa^on étût hafaitiié alors à 
voir un astronome ou cosmograj^ dans une 
expédition de découTertes à eôté des pibtes 
pratieieDS, sans doute parce que Fusage de 
Tastrdabeet du quart de cerde (cuadrante)^ 
comme lescakuls diaprés les tables deRégio- 
montamuS) étaient encore dW uaage très 
récent dans la marine. Poorqum le choix de 
Hi^eda ne serait-il pas tombé sur Ve^uceque 
riUustre Cabot appelle « ua homme bien ex« 
pert dans Fart de prendre des hauteurs (pour 
fixer la latitude), » et dont Pierre Martyr 

paredoquese confonnaba oon Tuestro parecer : por eso 
si a vos parece sea este sino sea otro cual , que quîsier&- 
des. . . » (Nav. t. II , p. i 1 .) La reine veut que Tastro^ 
nome soit complaisant et facile k vivre pour que la paix 
puisse régner à bord du vaisseau de Colomb. Sur la 
question de savoir si l'astronome Marchena est identi^ 
que avecFraj Juan Pères, Tamiet protecteurde l'amiral, 
et gardien du couvent de la Rabida, voyes Nav. t. III, 
p. 6o3, et MujioE, Ub. IV, § a4. 



192 SSCTIOn DBUXiiHB. 

d''Anghiera , Tami de tous les grands malins 
de son temps, vante les connaissances astro- 
nomiques et Vart polaire} 

Les relations des TOyages de Vespuce , sur- 
tout les lettres adressées à MédiciSf n^offîvnt 
en grande partie que des tableaux de mœurs 
et des récits d^aventures. Il fout par consé^ 
quent, pour les soumettre à une critique his^ 
toiique} en extraire le peu de faits, de noms 
propres et de chiâ&es qu*on y trouve confusé- 
ment disper^. Cette analyse seule peut con' 
duire à reconnaître quelles sont les expéditions 
espagnoles ou portugaises auxquelles Vespuce 
a été associé. Les époques du départ et de 
Parrivée, le nonjbre des vaisseaux, la direc- 
tion de la navigation f la physionomie du pays 
visité et ses productions , les aventures et les 
chances du voyage, voilà les caractères pro- 



sites les plus mémorables , caracténse presque 



SECTION DEUXIEME. IqS 

mt même degré plusieursdesrelations fi*agmeii« 
teires qui ont été publiées dans les premières 
années du seizième siècle. Vainement on cher- 
cherait dans le troisième Toyage de Colomb , 
décrit diaprés le journal^ même de ce navi- 
gateur et inséré dans Vltinerarium Portugal- 
iensium , au récit de la découverte de la terre 
fermià , les noms de Vlie de la Trinité , de la 
Tierra de Gracia^ de la Soca del DrcLgoriy et 
du fameux Gol/e des Perles. Aucime latitude 
n^est indiquée dans ce voyage de Colomb, 
dans ceux de Per Alonzo Nino {Niger selon 
Madri^ano) et de Vicente Yanez Pinzon 
{Bjrntze selon Ruchamer). L^impor tante dé- 
couverte du Cap Saint-Augustin par Pinzon 
est passée sous silence et à peine devine-t-on 
dans le premier Recueil de i5o7 que le voyage 
a été vers ITiémisphère austral et sur les côtes 
du Brésil. Le promontoire de Paria y est 
constamment nommé Payra ; on fait arriver 
Alonzo Nino dont Pexpédition était terminée 
au mois d^avril i5oo, à (!!auchieto, sur les 
cotes de Caracas , le premier novembre de la 

\ On Eût parler l'amiral lui-même. Itin, Portug. 
cap. CV ; GaifN. ]^. 98. 

IV. i5 



194 SRCTION DEUXIEME. 

même amiée^ Pour juger avec équité le$ 
Quatuor Nwigationes de Vespuce, extrait 
d W lÎTre qui n^a jamais paru , il &ut coonai^ 
tre intimement Fétat des autres publications 
de cette époque. 

Je fsÀs suirre ici les analyses partielles de 
chaque expédition en séparant les fiûts de 
toute interprétation conjecturale. Le texte 
que j^ai suivi est celui d^Hjlacomylus , selon 
Féditibn de Saint-Dié. Les variantes lectiones 
sont tirées des textes italiens de Baccio Va^ 
lori et de Riccardi ^. J^ai négligé les variantes 
de Francesco Giunti, le commentateur de 
Sacro Bosco , parce que ce géomètre n^est que 
de la fin du seizième siècle. Les extraits de 
Hojeda et de Vicente Yanez Pinzon , ont été 
placés en regard du premier et du second 
voyage d'Améric Vespuce , afin que le lecteur 
puisse apprécier le degré de probabilité de 

' Itin. cap. CX; Gryîi. p. io3. 

t Je me sers dans le texte par abréviation des initiales 
H, V et R, pour indiquer les textes de St.-Dié, de Valori 
et de Riccardi. Pour mettre le lecteur en état de vérifier 
les Êiits y je cite la réimpression d'Hylacomylus dans le 
grand ouvrage de M. Navarrete, t. III, p. 491 — 190. 



SBCTIOn 0£UXIBBfE< 



195 



leur identité respectÎTe. J^ai conservé d^ailr 
leurs la succession des événemens telle qu^elle 
e$t présentée dans les relations mêmes, 

I. LE PREMIER VOYAGE DE VESPUCE COMPARE 
AU VOYAGE DE HOJEDA. 






PeEMIER yOTAGE D^AMiftlC 

Vespucs. 

i) — Départ de Cadix 
le 20 mai 1497 (VaI. 10 
mai 1497)* Quatre nayires 
expédiés par ordre spécial 
du roi Ferdinand. qNay. 

m, 196.) 



2) — « Des Iles de la 
Gran Canaria* » aux côtes 

* Celte expression Isole de la 
Oran Canaria n'indique aocn* 
ncment chei Vespaee l'Ile de 
Canarîe qae les Espagnols ont 
Vhabitude aussi de nommer )a 
Gran Canaria : elle dësiane le 

f;roupe entier. Vespuce dit fse- 
on le texte de Saint-Dië): /n- 
sula Fortunatatt nune vero Ca- 
naria Magna insuiœ dlcta{ll 1, 



PbEXIBE YOTAGE d'AlORIO 

dbHojbda. 

1) ^ Départ de P^ de 
S*" Maria près de Cadix, 
selon Itt manuscrits de Las 
Casas ^ jie 20 mai i499- Qua- 
tre i^Tires expédiés par 
ordre 'spécial des monar- 
ques (lll, 544) et 8OUS les 
auspices du ministre des 
Indes * Tévéque Fonseca. 



a) — De la Gomera, une 
des Iles Canaries , aux côtes 

* Gomara{cap. ai^ le nomme 
Présidente ae las Indias* On 
sait par le procès du fisc contM 
les héritiers de Christophe Co* 
lorob que Hojeda^tait accompa* 

Sné dans cette cipédition par 
uan de ta Cosa, Aro^ric Ves* 
puce et Bartoloroë Roldan. Ce 
dernier avait de ja été comme pi «- 
Iota avec Colomb en i4q8 sur 
les c^es de Paria. (Ms. da Las 
Casas selon Washingtoic la- 
ViNG, liv. XII, chap. 6.) 



SECTION DEUXIEMfi. 



^ 



^^ 



196 



du Nouveau Monde, vingt- 
sept ( V. 37 ) Jours de navi- 
gation. « Nous vîmes, après 
avoir gouverné O. ^ S. O. 
(III, 199), une cote qui 
nous parut de la terre fer- 
me, le pôle boréal étant éle- 
vé de 16®. » Mab Canovai 
(p. 3o et 327) soupçonne , 
à cause du rumb c(e vent 
indiqué par Vespuce, qu*il 
iaut Xm 6« N. 



3^ — L'expédition suit 
la (Érection de la cote qui. 
est aussi celle dans laquelle 
souffle le vent (III, aoi). 
Description prolixe des 
mœiu:s des indigènes (III, 
ao3-ai8). Gomme au com- 
menoementdu voyage on ne 
ti'ouve « rien de nien pro- 
fitable » et de faibles traces 
d'or, on arrive, après bien 
des détours, en suivant les 
sinuosités de la côte, à un 
endroit habité dont la con- 
struction rappelle Venise 
(III, 219), a una popolazio- 
ne fonaata sopra Vacqua 
corne yenezia. Combat dans 
lequel cinq Espagnols sont 
blessés. On navigue 80 
lieues plus loin et on ren- 
contre une race d'hommes 
de mœurs plus douces qui 
se noiurissent de la fànne 
de poissons. 



du Nouveau Honde^ vingt-* 
quatre jours de navigation* 
On atterre sur les cotes de! 
Surinam à peiji près par 
les 3® de laUtude boréale 
(III, 5), selon letémoignace 
de Hojeda recueilli dans le 
procès (III, 544)> 3O0 lieueà 
(au sud-est) du proâion- 
toire de Pana. 



3) — L'expédition suit la 
direction de la côte du sud- 
estau nord-ouest. Ellle trou- 
ve la mer entièrement douce 
5ar l'effet de la proximité 
e deux rivières dont l'une 
(l'Essequivo) coule du sud 
au nord, l'autre (l'Oréno- 
que) de l'ouest à l'est. La 
côte est composée de ter- 
rains très bas et maréca- 
geux. Le courant porte du 
S. £. au N. O. lie de la 
Trinité. Golfe de Paria 
(III, 543). La proue à 
fouest, on arrive a l'île de 
la Marguerite et au Gap 
Godera , alors Gabo Isleos. 



SSCTTIOM DEUXIEME. 



*97 



41^ — locui^sioD dans rin- 
térieur des terres pendant 
laquelle les Espagnols sont 
accueillis « de la manière la 
plus honorable. • (III, 
2a7.)Tout ce pays s'appelle 
Piiria (V. ùsriab) et se 
trouve situé « dao^ la zone 
torride directement sub pa' 
rallelo oui Cancri tropicum 
deseribity unde polus hori" 
xêntis ejusdem se vigentihi- 
bus gradibus eleP€Uy erreur 
de déplacement vers le nord 
contrastant avec l'erreur 
de Christophe G)kmib qui 
assigne à la continuation 
de cette même cote versTest 
(I, a58) à la Boca de la 
Sim>e une latitude de 5.^, 
au heu de lo® 5'. On a dé- 
jà Eût 870 lieues pendant 
treize mob. Les navires 
sont réparés dans le plus 
beau port du Monde^ où 
l'on reste pendant trente- 
sept jours : puis l'on navi- 
gue pendant sept jours i la 
raveur des vents est et nord- 
est. On trouve un grand 
nombre d'îles parmi les- 
quelles on atterre à l'Ile 
d'//«(lll, 287), habitée par 
un peuple extrèmemen t bel- 
liqueux. 



5) — Combat à Iti. Les 
Espagnols ont n/i mort et 
vingMeux blessés. Ils font 



4)-^ Incursion dans l'in- 
térieur des terres pendant 
laquelle les indigènes ren- 
dent aux Espagnols « des 
honneurs extraordinaires » 
III, 7). Puerto Flechado 
Chicmrivichi), où il y eut 
un (voyez 5) 



\ 



5) — G>mbat sanglant. 
Les Espagnols ont un mort 
et vingt blessés (III, 7). 



XXV (selon le texte de Va- 
loii CCXXC) prâoimiers 
• "• 18(111, a4o). 



SECTION DEUXIEME. 



Pour guérir les blessés , Ho-^ 
jeda entre dans un port près 
de la Vêla de Coro oii l'on 
reste pendant vingt jours 
(m, a34). D'après Herréra, 
pendant trente^sept jours. 
(Le même htstonoeraphe 
signale commme refuge le 
beau poi*t de Mocmma 
ou Maracapana, quelques 
lieues ÀTouestde Cumana.) 
D'après le témoignage du 

Çilote^'Andrès de Morales, 
lejeda reconnaît la Isla de 
Gisantes (III, 544)? qui, 
selon la position qu il dési- 
[ne, est l'Ile de Curaçao 
III, 7 et 34) et le Cabo'de 
>an Roman. Plus tard on 
entre dans un golfe au mi- 
lieu duquel s'élève un ha- 
meau dont les maisons sont 
construites sur pilotis com- 
me à f^<?/i/>tf («pueblo sc^re 
el agua en un golfo que 
llamaron Golfo de Vene- 
zia»).0viedo(Iib.III,c.8) 
dit que Hojeda est parvenu 
vers l'ouest jusqu'à la pro- 
vince de Cinta, 8 lieues à 
l'est des montagnes de Santa 
Marta. Depuis trois mois il 
a j&it plus de 6oo lieues. 
Départ pour l'Ile d'Haïti , 
le 3o août 1 499- Api^ès avoir 
visité*, selon Herrera (Dec. 
I, lib. IV, cap. a), parmi 
les Iles Garibes, la Domini- 
que et la Guadeloupe, Ho- 
jeda débarque dans le poi*t 



8BCT10N DEUXIEME. 



199 



S 



de Yaauimo à Haïti ie 5 
septembre i499 (HIj 9). 
Diu'ée de Texpédition de- 
puis le départ d^Ëspagne 
jusqu'à Tarrivëe à Haïti, 
trois mois seize jours (d'a- 
près Herrera cinq mois). 



6) — Retour en Espagne 
avec deux cent vingt-deux 
captifs. Arrivée à Cadix le 
i5 octd^re i499 (d'après 
Valori le 18 octobre <49^)- 
Vespucçdit invariablement 
selon l'édition de St.-Dié 
Illy 196) et selon le texte 
e Valori (Band. p. 6) 
que toute son expédition a 
duré dix-huit mois (III, 
196) ; mais les dates du 
texte de St-Dié donneraient 
trente-un, celles du texte 
de Baccio Valori seise mois . 
De phis , le départ pour le 
second vojage (en mai 1 489 
d'après l'édidon de St.-Dié , 
en mai 1499 d'après les 
textes deRiccardi et de Va- 
lori) est en contradiction 
directe avec le retom* du 

Sremier voyage, d'après Té- 
ition de St.-Dié; tandis 
aue le retour, selon le texte 
de Valori, ne contredit que 
la date du départ pour le 
second voyage d'après Hy- 
lacoraylus, quoiqu'on lise 
dans la Cosmographiœ In- 
troductio i^cfi au lieu de 



6) — Soupçon d'enlève- 
ment d'esclaves (III, 167). 
Las Casas affirme que Ho- 
jeda en avait déjà un erand 
nombre avec lui lors de son 
entréeàYaquimo(lII,332). 
Herréra les nomme des cap- 
tifs enlevés à Portcurico 
(Dec. I, lib. IX, cap. 4)» 
De vives altercations avec 
Francisco Roldan et Clui- 
stophe Colomb retiennent 
Hojeda long-temps à Haïti. 
Comme ces altercations ne 
cessent qu'en février i 5oo, 
Hojeda n'arrive À Cadix 
qu'à la mi-juin de la même 
année. Durée de toute l'ex- 
pédition , treize mois. 



200 



SECTION DEUXIBHT. 



1489. Le père Charievoix 
donne au prenvier voyage 
de Vespuce une durée de 
Tingt-<unq mois ( Band. 
p. LaV), tandis qu'Herréra 
réduit cette dur^ k cin^ 
iiïoi8(Dec. I, lib. IV, caç.a). 
Ces variantes méritent 
l>eauooup d'attention. 

7) — - Vespuce ne parle 
pas df peries dans cette re- 
lation du premier voyage. 
Il dit seulement qu'on ven- 
dit à Cadix les deux cent 
vingt-deux Indiens. 



7) — Hojeda Vichtysat 
quequelques (algunas) per- 
tes dans le golfe de Paria et 
se montre peu content des 
firuits de l'expédition. 



II. LE SECOND VOYAGE DE VESPUCE COMPARE 
AU VOYAGE DE VINCÈNTE YANEZ PINZON. 



Secohd voyage D'AlliHIC 
Vespuce. 



1) — Départ de Cadix un 
jour du mois de mai 14B9 
(Tal. le 16 mai 1499; Kic. 
le 1 8 mai i 499)* Deux cara- 
velles selon la lettre à Mé- 
dias ^ (Band. p. 65 ), trois 



Premier voyage de Vigentb 

YaNEE PlNZON. 

i) — Départde Palos (du 
Rio de Saltes, d'après le 
témoignage du pilote Juan 
de Umbria ou Ungria, cou- 
sin de Martin Alonso Pin- 
Eon, Nav. t. m, 547 et 559), 



' Dtns cet aperça du second voyage de Vespuce , )e cite la 
lettre à Pierre Francesco de* Medici d*après Tëdition de Bandini 




p. 50*69. 



n 



9ECTI(N« DEUXIEME. 



201 



d*âprè8 la lettre à Sodeiini, 
teite de Valori (Ba^d. 
p. 37). Le texte d'Hylaco- 
mylus ne feit paa* du tout 
mention du nombre des 
navires. 



a) — L'expédition tou- 
che d'abord aux lies Cana- 
ries (à la Gomera selon le 
texte de Riccardi) et puis à 
l'Ile Fuego appartenant au 
groupe des Aes du Cap 
Vert. 



au commencement de dé- 
cembre i499 (III) <8). 
\J Itinerarium Portugalkn^ 
swm, cap. 112, indique le 
1 8 noveinbre 1 499^ Gomara 
le i3 novembre. Quatre 
navires dont deux comman- 
dés par Arias Ferez Pinzon 
et Dieco Femandez Colme- 
neroy fun et l'autre neveux 
de Vicente Yanez Pinzon 
(AiTGBisiLA, Dec. I) lib. IXy 
p. ioi;Nav. IllySaetSSo). 
beux navires seuls de l'ex- 
pédition sont retournés en 
Espaffne (Soutbjsy, Hist, of 
Brazii,lf 7); les deux autres 
ont fait naufrage sur les 
bas-IbndsdeBabueca (Nâv. 
III, ai y et plus haut, Exam, 
crû. tom. III, p. 219). 



2) — L'expédition touche 
d'abord aux Iles Canaries 
puis le i3 janvier 1600, 
selon le témoignage du ca- 
pitaine Colmenero (III , 55 1 ) 
a rile Fuego, du groupe 
des Iles du Cap Vert ; mais 
selon le témoignage de Pe- 
dro Ramirez (III, 55o) aux 
Iles de S. Antonio, petit 
archipel situé au N. N. O. 
de nie Fuegoetcomprenant 
les ilôts de San Antonio , 
S. Nicolas, Santa Lucia et 
San Vicente. 



202 



SECTION DEUXIEME. 



3) — Travew^ de 5oo 
lieues (Val. de 800 lieues) 
en dix-Beuf jours (R. en 
a4j V. en 44 jours) pour 
aborder te, 37 juin, par les 
5** de lat. australe (R. par 
^•i>V.par8«delat.au8t.), 
à une nouvelle teiTe que 
« nous regardions comme 
terre ferme et gui se trou- 
vait placée en lace de celle 
dont il a été question dans, 
le premier voyage^. » HLe 
texte de Valon eut simple- 
ment que la nouvelle terre 
est contiguê à celle quia été 
vue antérieurement, conti- 
nua à la di sopra si fa men- 
ziona,) On trouve des ter- 
rains bas, inondés, couverts 
d'une épaisse végétation. 
On navigue 4o lieues phis 
loin en suivant la côte vers 
le sud-est, et on trouve une 
mer d'eau douce. Les ton- 
neaux sont remplis d*eau 
potable à i5 lieues de la 
côte. (Vue du cap que Pto- 
lémée appelle Cap Cattiga- 
ra, de sorte que « d'après 
les degrés de latitude et de 
longitude, nous devions 
nous trouver peu éloignés 
du Sinus Magnus, » Band. | 



3) — Traversée de S^o 
lieues du N. E. au S. O. 
pour aborder, le ao janvier 
1 5oo, i une nouvelle terre 
par les 8® delatitudeoui/m- 
Je, apf es avoii* coupé Féqua- 
teur pour la première fois 
sous pavillon espagnol 
(Hbrrera, Dec. I, lib. IV, 
cap. 6) du côté de l'Amé- 
rique. L'atterrage de Pin- 
zon se fait au Cap St.~Au* 
gustin^ appelé alors Cabo 
de Santa Maria de la Gon- 
solacion (aussi Rostro Her- 
moso). Le commandant seul 
débarque avec les éicribanos 
(III, 548) pour fai^e une de 
ces risibles cérémonies de 
prbes de possession aux- 
quelles on n'a pas encore 
renoncé au dix-neuvième 
siècle, (h* Itinetarium Por^ 
tugallenstwny dans la courte 
description de l'exp^tion 
de Vicente Yanez Finzon , 
ne fait aucune mention sous 
un nom quelconque du Cap 
St.-Augustin, pas plut que 
la lettre de Vespuce à Sode- 
rini.) Plus loin, vei's le sud, 
on renconti'e des tribus 
d'indigènes nomades et 
d'une taille extraordinaire. 



■ a Terram quamilam novam tandem tenuiraus, quam quidem 
firmam exîsUre ceiuniimus. conlra illam de qaa facta in superio- 
ribas mentîo est. » (Nav. Ill , a43.) Dans la lettre à Me'dicii il 
n*est pas du tout question de la terre ferme vue dans un voyage 
antérieur. 



SECTION DEUXlàMB. 



203 



5 



66.) La lettre k Soderini 
^III; a44) ^^ ^t pas men^ 
tion de la vue du Gap Cat- 
tigara d'Asie^ mais celle que 
Vespuce adressa à Médicis, 
lorft de sa relâche au Cap 
Vert, le 4 juin i5oii au 
oommencement de son troU 
sième voyage, énonce clai- 
rement que « la terre à la- 
quelle Pedro Alvarez Cabrai 
toucha accidentellement (le 
aa février iSoo), lorsquil 
voulut doubler le Cap 
de Bonne-Espérance, est 
identique avec la terre que 
Vespuce découvrit dans le 
voyage pour le roi de Ca- 
stiile . » Or Cabrai avait 
atterré sur les côtes du Bré- 
sil par les lo® de latitude 
australe, (lll, 4^0 



4) — Courant extrême- 



4)— L'expédition n'avan* 

■ « Qaesti trcdeci navigli ( delU flotta del Re dî Portogallo) 
posono m una terra, dove trovarono gente bianca ti ignada dei/a 
medesima terra ehe io discopersi per h Re di Castetla , salvo 
chfl è piii a levante. >• Baldblli , // Milione^ t* I« p> LIY. La 
kUre de Vespace du 4 i^în i5oi est tîrëe da maDoscrit de Pîer 
VogUentî, aaî est le n^ 1910 delà bibliothèque Riccardîcnne. 
Comme des deaz voyages que Vespuce à faits pour l'Espagne y le 
second seul a ^t^ an sud de IVquateur , il ne reste aucun iloute 

3ae les mots io discopersi font allusion à la seconde expédition 
11 navigateur florentin. Si Cabrai a atterri par les lo» et 
Vespuce par les 5o— 8» de latitude australe y l'expression pih a 




en différence de méridiens. Vespuce se trompe aussi lorsqu'il 
place le départ de Cabrai de Lisbonne au mois d'avril 1499* >! 
levait lieu le 9 mars iSoo. 



2o4 



SBCTION DEUXIEME. 



ment fort, sembkble à ceux 
du phare de Messine et du 
détroit de Gibraltar (Baiid. 
p. 68), du S. E. au N. O, 
Ce courant entrave la navi- 
gation (III, a45) et force 
de tourner la proue au 
N. O. On n*avait donc été 

Sii*au nord du parallèle de 
ahia, car plus loin, vers le 
sud, le courant porte au 
S. O. Selon la lettre à Mé- 
dias (Bahd. p. 83), le ter- 
me le plus austral de cette 
navigation de Vespuce n'au- 
rait été ^ue 6^ I sud, mais ' 
un témoignage de Sébastien 
Cabot (Nav. m, 3i9) 
prouve qu'on était parvenu 

fDur le moins jusqu'au Cap 
.-Augustin. En côtoyant 
toujours vers le N. 0. on 
arrive à une baie au milieu 
de laquelle est placée une 
Ue. Combat avec les Can- 



ce pas plus loin ver» le 
S. £• ; elle mei la proue au 
N, O. et coupe de nouveau 
l'équateur. Combat avec les 
naturels. Dix Espagnols 
blessés. On reconnaît l'em- 
bouchure de la rivièt^ des 
Amazones, et on trouve une 
mer d'eau douce à une gran- 
de distance des cotes. On 
passe entre l'Ile Joanes de 
Mara jo et le continent , en 
entrantdans l'Amazone. En 
remontant dans la rivière 
on enlève trente-«ix esclaves 
de la province de Marina- 
tambal (III, ao\ Ultine^ 
rarmm Portugallensium dit ^ 
Regibni nomen est CAco- 
ma marina tambala (cap. 
CXIII). Ce mot chuuna 
(s'appelle) ajouté par mé- 

Srise, prouve que la tra- 
ucdon a été faite de l'ita- 
lien en latin . Les navires de 



* Les deax voyase» At Vespace dont parle Sébistîen Cabot 
comme ftjaot tenri à faire connaître la latitude précise du Cap 
Saint- Augustin ëvalnée alori à 8o S., ne peuvent avoir éii «me 
le second et le troisième ; puisque dans le procès du fisc contre les 
héritiers de Colomb, Nuno Garcia et An drès de Morales affirment 
que la dernière des déterminations de la latitude du Cap Saint- 
Augustin fut faite (Nav. III, 3ao) lorsque Vexpure nayigaa 
« pour le roi de Portugal. » Or, des quatre expéditions de Vespuce, 
il n*j a eu de faites aux frais du Portugal que les deux dernières. 
Dans la quatrième. Vespucc n*a abordé aux c6tes d* Amérique 
qu'au sud de la Babia de Todos los Santos(xa*' 58^ S.). Dans la 
première il n*a pas été an sud de l'équaleur x il ne reste donc, 
pour avoir déterminé la position du Cap S«iinl-Augu>tin (situé, 
d*après Tamiral Roussin, par les ^ ixo* S.), que le second voyage 
pour TEspagneVi le premier pour le Portugal, qui est le Irobième 
des Quatuor Noçigattones» 



SKCnON DEUXIEME. 



^o5 



bibales Çlly ^7). Quatre- 
TiDgts heues plus loin au 
N. O.yl'expéditioD relâche 
dans un port où elle reste 
dix-sept jours, commerçant 
avec une peuplade de 
mceurs douces et riche en 
perles qui lui viennent d'un 

CijB situé vers l'ouest. Plus 
in encore on entre dans 

w 

un autre port pour réparer 
et cai&ter un des navires 
'mi fidsait de Teau. (Texte 
de BaçcioValori.) Enfin on 
reconnaît une grande île 
très basse à 90 lieues mari- 
nes dedistance du continent 
(probablement llle de Joa- 
uesdeMarayO) située dans 
l'embouchure de l'Amazo- 
ne) : cependant de la pointe 
continentale de Tigioca au 
Cap Maeoari de la grande 
lie, il ny a pas ao, mais 
seulement 13 lieues. (Nav. 
m y 18 et 25a.) Il pleut 
très peu dans cette contrée. 
(111, a55.) 



5) — Vespuce raconte 
« que dans le cours de sa 
navigation il a coupé deux 
fois réquateur (III, 269) et 
montrée \digentegrossotana 
que les oninres tombaient 
au sud et au nord.» (Band. 
p. 69.) Il se vante aavoir 
raitbeaucoupd'observations 
astronontiques sur les étoi- 



Pinson se trouventen grand 
danger par les effets des 
mouvemens terribles de la 
marée qu'on appelle Poro^ 
roca (La G>icda]iiiis, yof. 

F. aoi) à l'embouchure de 
Amazone et la ^onv ou le 
Mascarei sur la Gironde* 



5^ — Piiizon, pendant sa 
navigation au sud de Fé- 

rteur, est très occupé 
constellations du ciel 
austral. (ANeaiERA, OceafC, 
Dec. I, lib. IXy p. 96.) 
Après avoir échappé aux 
dangers du mascaret, il 
onnmence à i*evoir l'étinle 
polaire* 



^o6 



8ECTI0N DEUXIEMn. 



les du ciel austral. Vaine 
recherche d'une étoile po- 
laire antarctique. Deacrip-^ 
tion de quatre étoiles (delà 
Croix du sud) comparées 

rr Vespuce (Bahd. p. 70) 
la forme rhcMnhoïdale 
d'une amande (mandoria\ 
et auxquelles il applique le 
célèbre passage au Dante : 

10 mi volsi a man désira e 
posi mente Alt altro polo. 
(Voyez tcwn. III , p. i3a.) 
La lettre à Médicb rapporte 
une observation de la con- 

i' onction de Mars et de la 
une, du 23 août i499* ^^* 
culée d'après les Ephémé- 
lîdes de Régiomontanus , 
cette observation donne, 
selon Vespuce, au point de 
la cdte où se trovait l'expé- 
dition, « une longitude de 
82** ^ ou de 1,366 | lieues 
de 16° f au degré, non 
comme porte le texte Ric- 
cardien dans un autre en- 
droit (Bahd. p. 83), de 
84** à l'occident de Cadix. » 

11 est difinie de remarque 

conjoncUon du a «5 
août i499 n'est pas du tout 
mentionnée dans la lettre 
adressée simultanément à 
Sodeiini et au roi René, 
selon l'édition deSaintrOié. 
Comme cette édition place 
le retour du premier voyage 
au 1 5 octobre i499» l'obser- 
vation paraStraitappartenii* 



S 



SBCTIOff DEUXIKNB. 



aoy 



lion au second y mais au 
premier voyage. Si le résul- 
tat du calcul méritait quel- 
que attention, on ferait 
à>8erver qu'ime longitude 
si occidentale (8a** ^^ se 
rapporte bien plus mal en- 
core aux côtes du Brésil et 
de la Guyane qu'à celles de 
Venezuela. La dijOTérence 
en longitude entre le Cap 
Saint-Augustin et le port 
de la Guayra (Terre ferme\ 
par exemple , est de 32** ^ , 
et ce dernier port n'est en- 
t»re que de 60** 5o' à l'oc- 
cident du méridien de Ca- 
dix. 



6) — Après avoir quitté 
file très basse qui est située 
à i5 lieues de distance de 
la terre ferme (selon Navar- 
re te, l'Ile deMarayo), on 
continue à naviguer vers le 
nord (Baîid. p. 78) et on 
reconnaît une autre île ha- 
bitée par les Indiens anthro- 
pophages et d^une énorme 
stature, appelés Camballi 
ou Cambazi, «plus srands 
encore que M. Francisco de 
Albicio. » La lettre à Mé- 
dicis (Bard. p. 74 et 76) 
assigne à cette île une lati- 
tude boréale de 1 0** (la cote 
méridionale de l'Ile de la 
Trinité est par les 1 o* 6' N .) 
sans lui donner un nom 



6) — L'expédition suit la 
cote vers le JN. O. sur une 
longueur de 3oo lieues, 
pour arriver au Golfs de 
Paria (III, ao), que Vlti^ 
nerarium Portugalleruium 
(cap, CXIII)appelle ParraZ 
L'eau de la mer y est douce 
à cause de la proximité de 
l'embouchure d'un grand 
fleuve (rOrénoque). Expé- 
rience Êdte avec un vase à 
soupapes, par laquelle on 
constate qu'une couche 
d*eau douce de six brasses 
d'épaisseur couvre l'eau 
salée dont la profondeur 
n'est que de deux brasses. 
(Voyez tom. I, p. 3i4.) 



ào8 



SECTION D£UXlEBffi« 



particulier. Dans la lettre à 
doderini (III, ^59), elle est' 
nommée Ile des Ûéans, Les 
CambaUi (Carabes) de cette 
Ue sont àe gentUaisposizio' 
ne, a ne mangeant que leurs 
ennemis, et parmi ceux-ci 
seulement 1^ hommes. » 
Ils font des incursions en 
d'autres îles pour enlever 
des esclaves. Il n j eut pas 
de combat avec les Caiibes 
de rile des Géans, maisi 

Elus loin avec d'autres tri- 
us du littOTal. Après avoir 
lonffé la cote (méridionale) 
de nie, on entre dans un 
golfe qui s'appelle Icf Uoffe 
de Parias (B/Lun, p. 7 S) : ce 
nom manque dans la lettre 
àSoderini. L'ancre est jetée 
vis-à-vb d'un très grand 
fleuve qui rend douce l'eau 
du goUè. L'équipage est 
traité avec la plus grande 
hospitalité dans un viUag» 
de la cote où l'on reçoit de 
belles perles pochées dans 
ces parages mêmes. (Band. 
p. yS.) La lettre à Soderini 
passe sous silence le Golfe 
de Paria et les perles. Elle 
ofEre un récit beaucoup 
moins circonstancié que la 
lettre de Vespuce adressée 
à Médicis. Pour ne {>as al- 
térer la série des mits, il 
feut séparer les deux ver- 
sions. 



SSCTION DEUXIKMS. 



^) — r SSLOII LA LBTTBB A 
SOBEEIHI ET AU EOI ReNÉ 

itextedeSaint-Dié) : Après 
es petits combats qui eu- 
rent lieu au-delà (à rouest) 
^e l'Ile des Géans (VUe de 
la Trinité), on suit la côte. 
Comme une année de navi- 
gation était déjà révolue et 
^eronmanquaitdevivres, 
réquipageexprimaitledésir 
de retourner en Espagne. 
Poiu' réparer les navires, 
on relâcne dans un golfe 
oix Ton reste pendant qua- 
rante-sept jours et acquiert 
par voie d'échange 119 
marcs de perles. De là l'ex- 
pédition se dirige vers l'Ile 
Antiglia « que Christophe 
Colomb a découverte il 7 a 
peu d'années. » Après y 
avoir séjourné deux mois et 
deuxiours, « souffrant pai^ 
fois de l'iniquité des cnré- 
tiens qui 7 sont établis ^111, 
a6i), » on met à la voile le 
22 juillet et on arrive le 8 
septembre (sans indication 
d'année) dans le port de 
Cadix. — Seloit la lettre 
A Médicis (texte Riccar- 
dien): Après avoir quitté le 
Gol/e de Parias^ l*expédi- 
tion longe la côte (vers 
l'ouest) pendant 4oo lieues. 
« On conclut (de cette lon- 
gueur) et de la présence de 
certains (grands) quadru- 
pèdes qui ne se trouvent 
IV. 



«09 

7) — Sorti du golfe de 
Pana^ Pinson navigue 600 
lieues vers l'ouest (fil , ai) 
saBs Êdre une mention par- 
ticulière de l'Ile de Curaçao, 
habitée par des Garibes à 
taille gi^tes^e, ni d'un 
village construit dans Feau 
comme Venise, objets pla- 
cés cependant tous deux 
sur la route. Anghiera 
affirme (Dec. I, lib. IX, 
p. ioi) que Pinson aussi 
regardait toute cette côte 
o(Mnme une terre ferme et 
comme faisant partie de 
tAsie^ entre le Cathay et 
lés bouches du Gange. Les 
témoignages du capitaine 
DiegorernandesCounene- 
ro et de Pedro Ramimez, 
compagnons de Pinson 
dans le voyage dont je don- 
ne ici le précis, nous ap- 
prennent (III, 21, 548 et 
55o) « que des côtes de 
Venezuela on fit voile vers 
la Espaàola, appelée Idabel- 
la , en relâchant dans cette 
traversée à la Guadeloupe 
et à San Juan (Portorico). • 



i4 



210 



SEGTIOR DEUXISHB* 



^ 



pas dans des lies (Baitd. 
p. 76), que cette terre ap- 
parU^it a VAtie orieniale 
(« che questaera terra firma 
e oonmi dell' Asia per la 
parte d'orienté e il princî- 
pio ' per la parte d'ocd- 
oente »\ Vers le terme 00- 
eidentai de la navigation le 
Img de la oôte on trouve 
des tribus d'hommes grands 
etféroces. Il j adefiréfpiaois 
combats, parfcns de seize 
Espagnols contre deux mille 
inoigènes ! On relâche dans 
un port pour y guérir les 
blessés (K)nt un seul suc- 
combe (Bahb. p. 78*). On 
touche à une île éloignée de 
ft5 lieues de la terre ferme , 
île couverte de bob de brésil 
et habitée par un peuple 
de stature gigantesque. Lies 
hoDunes à genoux étaient 

1>lus grands que Vespuce 
orsqull se tenait debout. 
« Ciascuna délie donne pa- 
reva una Pentesika e gli 
uomini Antei. » Il n'y eut 
pas de combat. Plus loin j à 
10 lieues de distance , on 
trouve une autre ile voisine 
(« commarcana * »). Les| 



^ Cet espressioDf rappellent celles de la première lettre de Tos« 
canelli. et la dëoomination de Alpha ei Omegm, donnée par 
Colomb au cap oriental de l*2le de Coba. (Vojea tome 1, p. ai; 
tome ill| p* 9* 193O 

* Je signale l'emploi en italien d'un mot espagnol qui a donne 



S£CTIOM DEUXIEME. 



2ii 



^nuisons d'un grand yiUage 
jsont oonstmites dans l'eau 
comme à Denise (Bahb. 
p. 80). On continue la na- 
vigation de la côte 3oo lieues 
plus loin (en tout 700 
lieues). Comme les navires 
fiôsaient beaucoup d^eau et 1 

ry selon lepêùit d'estime 
pilotes, on ne se trou- 
vait qu'à 1 30 lieues de dië- 
tuioe de Vife Spafnuùla 
« dontl'amiralColonu) avait 
fiât la découverte il y a six 
ans, » on résdut d'j atter^ 
rer. 



tf) — Après une relâche 
de deux mois dans cette île 
des Chrétiens, l'exp^tion 
met de nouveau k la voile 
leasjuilletet&itaoo lieues 
vers ie nor Jdans l'espace de 
quarante-cinq îours, en dé- 
couvrant « au-delà de mille 
tles » habitées par une race 
, d'hcmimes doux et timides. 
La navigation entre ces îles 
(Bahames?) était extrême- 
ment dangereuse à cause 
des bas-fonds etdesécueils. 
Le manque de vivres feit 
accélérer le retour en Es- 
pagne. On enlève deux cent] 



«) — «De la IsabeHa 
Pinzon se dirige par ie nord 
vers d'autres îles, vers Sa- 
mana et Jumeto (Saometo, 
Someto), Maguana et les 
bas-fonds de fiabura (pro- 

bablementBabueco).Voyes 
tome III, p. 192). Deux 
caravelles se perdent pen- 
dant une tempête sur ces 
bas-fonds en juillet i5oa. » 
Cette route vers le nord est 
même convertie en une rou- 
te vers l'ouest par Vltinera- 
rium Portugauensium, U y 
est dit (cap. ii3), dans le 
fragment ou voyage de Pin- 






31!» 



SECTION DEUXIEME. 



trente-deux esch^es dont 
trente-deux périrent pen- 
dant la traversée (Band. 
p. 8a). On arrive en soixan- 
te-sept jours aux lies Açores 
(les Isole d^ Lazzon) , et à 
cause des vents contraires 
on ne peut atteindre le peut 
de Caoix qu'après avoir re- 
connu les Iles Canaries et 
Madère. Cette lettre à Mé- 
dias porte la date du 18 
Juillet 1 SoO) et, comme^ans 
un autre endroit (Band. 
p. 64)> il y est dit que le 
retour en Espagne était un 
mois plus tôt j il faut ad- 
metttre pour ce i*etour le 
i 8 juin i5oo : mais selon la 
lettre à Soderini et à René , 
Vespuce n'était parti que le 
aa juiUet de l'ile d'Haïti, 
et arrivé le 8 septembre 1 5oo 
à Cadix. (La lettre à Sode- 
rini ne fait pas plus men tien 
de l'enlèvement des deux 
cent trente-deux esclaves 

?ue du village hâti dans 
eau et ressemblant à Ve- 
nise.) 

9)' — Vespuce se vante 
d'avoir rapporté de son ex- 
pédition un peu d'or en 
ffrains, deux pierres /\ l'une 
de couleurd'^eraui^J'au- 
tre semblable à de Vamé^ 
thyste très dure (les deux 
pierres longues de deux 



zon 9 que les vaisseaux ée 
ce navigateur arrivèrent 
à la Espanola le 23 juin 
i5oo : «Inde ajunt rursua 
mare sulcasse occideniem 
versus supra CCC leucas» et 
ciun devenissent ad quan- 
dam provinciam atrox tem- 

pestas adorta est eo6 » 

(GETiiiBiTSy éd. Bas. iSSa, 
p. 121) Madrignano place 
par conséquent le lieu du 
naufirage vers l'O. N. 0. 
d'Haïti, entre les Iles Baha^ 
mes mêmes ; Anghiera 
(Dec. I| lib.lX, p. ioi)et, 
aaprès lui, Herréra (Dec.I, 
lib. IV, cap. 6) le placent 
par erreur au sud ou au 
sud-est d'Haïti, dans la 
traversée vers cette Ue. Pin- 
zon arriva à Palos avec les 
deux caravelles qui lui 
restaient , et , d'après Go- 
mara (fol. 48)) avec vingt 
esclaves qu'il avait enlevés 
pendant le cours de sa na- 
vigation, le 3o septembre 
i5oo. 



9) — Parmi les choses 
rares que rapporta de son 
voyage Vicente Yanez Pin- 
zon , se ti*ouvait une sarieue 
vivante , la première qiron 
vit en Europe, et beaucoup 
de pierres fines « dont ime 
très belle fut reconnue pour 



# ^ 



SECTION DEUXIEME. 



ai 3 



«mpans y et grosse de trcns 
doîgU, furent ffardées parmi 
les joyaux de Ta couronne), 
un grand cristal de èéril et 
des perles parmi lesquelles 
quaiorzeperles rouges « très 
agréables à la reine Isa- 
belle. . (Band. p. 83et84.) 
Vespuce se plaint que la 
reine « lui ota (mi io/sd)^ 
une coquille à laquelle se 
trouvaient attachées cent 
trente perles. Il se garda 
de lui montrer d'autres ob- 
jets clément rares. » (Letr 
tre à Soderini d'après le 
texte de Baccio Valori 
rBAHD. p. '44]9 i^on d'après 
rédition de Saint-Dié.) Du- 
rée de tout le voyage treize 
mois, « après avoir exploré 
une immense étendue des 

# _ 

€étes d^Asie, » ( Bahd. 
p. 83.) 



une topctze par le natura- 
liste et médecin italien Bap- 
tista Elysius. » (Angh. 
Dec. I, lib. IX, p. ICI.) 
Durée de tout le voyage, 
dix mois, « après a voir par- 
couru les côtes d'Asie voi- 
sines du Cathay. » 



J^ai réuni les deux premières expéditions 
d^Améric Vespuce ^ non parce qu^elies furent 
entreprises dans les intérêts dW même mo- 
narque ^ celui d^Espagne, mais parce que les 
adversaires de Vespuce ont avancé que les 
deux expéditions ne sont en réalité qu^une seule 
différemment relatée, et attribuée par une 
fiction intentionnelle à des époques distinctes. 



2l4 SBCriÔIf DEUXllbCE. 

Le rapprochement des faits sous la forme de 
.tableaux m^a paru le muoyen le plus sûr pour 
mettre en évidence Fanalogie ou la £ssem- 
blance des deux voyages. Ce raj^rochement 
n^a point encore été tenté. Dans une question 
de cette importance , la critique historiquf^ne 
doit pas s^arréter aux détails d^érénemens 
partiels qui peuvent être par la négligence du 
narrateur plus ou moins altérés; il s^agitdu 
fond de vérité que présente Pensemble de la 
relation de chaque voyage. L^examen critique 
des fidts auquel je me livre n W pas un plai- 
doyer tout en Êiveur de Vespuce ; mais vouloir 
trouver dans la fi:*aude et dans intention ma- 
ligne de nuire à la gloire de G>lomb, la clef de 
tout ce qui est inexplicable diaprés les données 
incomplètes que nous possédons jusquHci^ me 
paraît aussi contraire à Féquité qu^à la pru- 
dente réserve de ITiistoire. Tai placé en regard 
de chaque relation des voyages de Vespuce im 
autre voyage espagnol dont Tauthenticité quant 
aux époques et à la série des événemens n^a 
jamais été révoquée en doute. Fidèle au systè- 
me de scepticisme que j^embrasse dans une 
matière si épineuse, j^ai dû fiiciliter une com- 
paraison apjMTofondie du premier et du second 



SKTION DSUXISBIB, 



ai5 



Toyage de Veqpuce aTec les deux expéditions 
de Hcgeda et de Pinzon. Il existe des ccmyie* 
tkms înstinctiTes qu'ion ne peut imposer , maïs 
que Êdt naître la réunion de beaucoup de preu* 
Tes purement conjecturales. 

Nous commencerons par rappeler les élé- 
mens numériques de la discussion. Aux quatre 
voyages contestés de Vespuce dont les époques 
sont relatées dans les textes de Baccîo ValcHEÎ, 
dHylacomylus et de la collection Biccar- 
dienne, je ferai suivre letaUeaudes prmcipales 
expéditions espagmdes et portugaises* Dans 
ceUee-ei les dates sont fiondées sur des docu-- 
mens owtains^ et leur série doit être fM:*ésente à 
la mémcûre de ceux qui s^téressent au pro- 
blème qui nous occupe. 



VOYAGBS nS VESPUGB. 



{4 navires.) 



a« TOjage. 
(a DiTÎres.) 



> TOJ.g.. 

(3 navires*) 



<• Toyige. 
(o navires.) 



Htl. lo ma 
Val. lo ma 



Htl.* • * ma 
Val* i6 ma 
RiCC. 18 ma 



Htl. 10 ma 
Val. 10 ma 
RiCC. i3 mai 



Htl. 10 ma 
Val. 10 ma 



1497 — '^ octobre i^QQ* 
1497 — 18 octobre 1490. 

1489 — 8 septembre »... . 
1499 — 8 septembre iSoo. 
1499 — 18 jaîn i5oo. 

i5oi — i5oi. 

1 Sol — 7 septembre i5o3< 
i5oi — 

i5o3 — 18 juin i5o4* 
i5o3 --' 18 |uin i5o4* 



2i6 SfiCTIOIf DBUXIÈMB. 

Dix-huit expéditions, dirigées toutes , k 
Pexception de deux , vers les côtes orientales 
du Nouveau Monde, ont eu lieu pendant 
Pintervalle des quatre voyages d^Améric Ves- 
puce. Dans le tableau chronologique qui suit, 
il a fidlu remonter jusqu^à Sébasti^i Cabot et 
descendre jusqu^au quatrième voyage d^Alon* 
zo de Hqjeda, puisqu^il sVgit ici dWe priorité 
de découverte de la terre ferme et que les 
différens voyages de Hojeda ont été confondus 
avec ceux d^Améric Vespuce. Pour rendre 
plus accessibles les sources auxquelles j^ai 
puisé, j^ai indiqué avec soin les documens 
anglais ou portugais là où la question des 
dates pouvait paraître sujette à quelques oon^r. 
gestations. 



SECTION DBUXlàMB. 
CHRONOLOGIE DES KEPÉDITIONS 



217 



ynê BIS cons oushtaui du hoùveau miihdb* depuis 

tX SBCQHD V0TA6B DB CHRISTOPHB COLOMB JU8QU*AU 

QUATAlBafB TOTAGE D*ALOHZO DB HOJBDA, 

DB 1493 A 1510. 



Se^Dd voyage de Christophe Colomb (avec 
Juan de la Gosa et ^onso de Hojeda), 25 
septembre 149? — ii juin 1496* 

Dix-sept navires sortis de Cadix. 
Dëpart d'Haïti pour entreprendre la 
découverte de la Jamaïque (Santa Glo- 
ria, Ile de Santiago) et de la c6te mé- 
ridionale de Guba, le 34 ^^^ ^494* 
Retour à Isabela, port d'Haïti, le 39 
septembre de la même année. 



Premier voyage de Jean et Sébastien Cabot , 
printemps 1497 — commencement d^aoùt 

i497- 

Quatre navires (d'après la cbroni- 

que de Robert Fabian , ou plutôt d'a- 
près celle de John Stow), sortis de 
Bristol > et armés aux frais des n^o- 
cians de cette ville. (Tytler, Progr. 
ofnorihem discop. i853^ p- si, 4^7 9 
440-444. ) M. Biddte ( Jlfon. 0/ Seb. 
Cabot y p. 5o) nie que dans ce voyage 




2i8 



SlCTfOlf DEUXIEME. 



Silbastien Cabot , n^ k Bristol en 1477 » 
fat accompagné par son père Giovanni 
Cabotto (Cabota ou Gaboto) , qui de 
Venise 9 sa patrie, ëtaitvenu s'ëtablir 
en Angleterre. Ce dernier n'est mort 
qu'au printemps de 1498* (Biddlg^ 
p. 69 et 81 • ) La patente royale pour 
le Toyage fut dëlirrée dès le 5 mars 
1496. La partie continentale du. 
Nouveau Monde fut découverte Ici 
a^'juin i497* C'était la Prima f^isia 
(terra primum viea) de la c6te du 
Labrador , par les 5Ç^ ou 58^ de lati- 
tude , vis-à-vis d'une île que Sébastien 
Cabot a appelée Hé de St.- Jean (1. c. 
p. 53-61 ) et qu'il ne faut pas confon- 
dre avec lUe du Prince Edouard^ ja- 
dis nommée aussi He de St.-Jean, dans 
le Golfo Cuadrado de Gomara qui 
est k l'emboucbure du fleuve St«-Lau« 
rent. 



[ Voyage de Vaeco de Garna , 8 juillet 1497 ' — 
10 juillet 1499O 

Quatre navires. Gamai plus tard 
conde de Vidigueyra (Fabj A T Sous A , 
jisia Portugueea , X703 , 1. 1, p. 4^ ? 



SBCnOIC SOBUXIEHB. 



219 



Id., Hiat. del Reyno d^ Portugal , 
p. 177)^ double le Cap de Bonne- 
Espérance le 20 novembre 14^79 ^ 
arrive à Calecut le 30 mai 1498* 
( Barros » Dec. I y lib. IV, c. 5^ 8 et 
11^ 1. 1, p. 2869 328 et 570.) II a 
fallu conaiguer ^^ns ce tableau les da^ 
tes d'un voyage aux Indes orientales à 
cause de9 etUusions que Yespuce fait à 
ce voyage dans sa lettre à Lorenzo de 
Mëdicis, du 18 juillet i5oo. 



Second voyage de Sébastien Cahot ^ pendant 
Fétë de 1498. 

Deux navires. Voyage fait aux frais 
du gouvernement anglais* Il s'ëtend 
depuis une iner couverte de glaces 
flottantes (selon VL Bidple, p. 34^ 
depuis la baie de Hudson, par 67^ j 
de latitude?) et la terre des Bacalaos 
jusqu'à Fextrémitë de la Fonde ^ sous 
le parallèle de Tlle de Cuba. (Ak- 
GUIERA. , Océan. Dec. DI , lib. VI , 
p. 267.) Si Caboty au terme septen- 
trional de sa course , a longe une côte 
dirigée du S. O. au N. E«, comme 
prdtend Galvano, il doit avoir ëtë 



S20 



SBCTIOIf DEUXlàHB. 



jusqu'aux hautes latitudes de la grande 
tle ou péninsule de Cumberlahd. 



Troisième voyage de ChrUiqphe Colomb j 3o 
mai 1498—- 25 novembre [5oo. 

Trois navires. Découverte de la 
Terre Fermé le i*' août 1498. Tai 
discuté plus haut (t. I, p. Sog) le point 
de la côte qui a été vu le premier. 



Premier voyage d'^/orzM) de Hojeda (avec Juan^ 
de la Gosa et Âméric Vespuce) , 20 mai i49d| 
— ml-juiïL i5oo« 

Quatre navires. Latitude la plus 
méridionale 3^ N. L'expédition de dé-i 
couvertes n'a duré que trois mois eu 
demi , car le 5 septembre i499 9 Ho- 
jeda était déjà arrivé au port de Ya* 
quimo à Haïti. 



Voyage de Per Alonêo Niho et de Chriatoual 
Gz^erra^ juin 1499 — avril i5oo. 

Un navire , sorti de la Barra Saltes. 
Nino^ le Nignus d'Anghiera ( Océan. 
Dec I, lib. Vin, p. 87.94) , l'Alon- 
ztts Niger de Yltinerarium Portu^ 



SECTION DEUXIEBIB. 



221 



1 

;fl 



gallensium {cap. ioq - il i ) , ayait 
•accompagne Colomb dans les second 
et troisième voyages* (Témoignages 
recueillis par Diego Penalosa le 13 
juin i494)* Fansses dates de Biadri^ 
gnaiio qui dans Tarrivée à Caachieto 
(le 1*' novembre), confond Tannée 
i499 ttvec i5o9. Gomara, fol. 4^9 ^y 
Nav. U, i47 ; III, 11-17 et 542. 



Premier Voyage de Vicente Yàhez Pinzorij 
commencement de décembre i499 — ^^ de 
septembre i5oo. 

Quatre navires, dont deux seule- 
ment sont rentrés à Palos. Découverte 
etpriiie de possession du Cap St.-Au- 
gu&tin parlés 8^ 20' de latitude aus- 
trale. (Anghiera, lib* IX, p. 95- 
103; G OMAHA , fol. 499 ^9 ^^i^» 
Portug. cap. 113, ii3; Nay. III, 
18-21 et 547-552.) 



voyage de Diego de Lepe^ janvier— juin i5oo. 

Deux navires. Licpe fait une obser- 
vation importante sur la direction que 
suivent les côtes au sud du Cap St.- 



322 



SECTION DEUXIEME. 



Augustin. (Voyes 1. 1 , p. $149 3i5.) 
Les quatre expéditions de Hojedav 
NilLo j Pinzou et Lepe ont presijue éti 
suDultanëet* 



Premier voyage de Gaapar Cortereal , prin- 
temps i5oo — * 8 octobre 160 u 

Deux navires , sortis de Lisbonne« 
Recherche d'un passage au N. O. Le 
▼ojAge embrasse les cdtes entre les 
5o*' et 60^ de latitude y du GoUb Cna* 
drado (détroit de Édle-Isle?) à la 
Terra Ver de ^ qui n'est pas le Grôn- 
land. (Lettre de Pietro Pasqualigo, 
ambassadeur de Venise ai Portugal , 
dans les Paeai nopamerUe retropcUij 
i5o7, cap. 126. Dakiao de Goes, 
Ckron. do Rei D* Manoel^ 1749» 
P« I, cap. 66, p. 87. GoMARA, fol. 7, 
h. BiDDLB, Mem* qfSebaat. Caboly 
p. 1 37-36 i.TTTliBa, p. 54*) La ré-* 
gion septentrionale ( Labrador? ) que 
Gomara ( fol. sS, a ) appelle Tierra 
de Caries râalesj se trouve indiquée 
sur une carte du Ptolémée de i5ii, 
sous le nom de Regalis Domus. 



SECTION DEUXIEME. 



2^3 



^oyage de Pedro AWarez Cabrai^ 9 mars i5oo 
— juillet i5oi. 

Treize navires ^ d'après Barres y 
Jobst Rucliainerj cap. laS^ et Ves- 
puce, dans la lettre récemment de 
oouTertepar le comte Baldelli (// il/ï- 
konedi Marco Polo^ i. I, p. UV) t 
Madrigano et Grjnsns disent par er- 
reur ijoatorze navires. Première vue 
des terres du Brésil, d'après Barros, 
le 2/^ d'après le journal plus précis de 
Pedro Vaz de Gaminha , le 23 février 
i5oo. Pedralvarez ( Pedralurez dit 
Damiao de Goes j Petrus Âliares selon 
Madrigano) arrive à Calecut le i3 
septembre i5oo. (GoES^cap. 54-6o, 
p% 87-82. Lettre du roi D. Manuel de 
Portugal du 39 juillet 1 Soi • Nat. 111, 
p. 94-iOi. Barros^ Dec. I, lib. V, 
cap. 1-105 ^* ^9 P' 378-465. Souaaj 
Aaia Port. 1. 1, P. I, cap. 5, p. 4^" 
49* Voyez aussi 1. 1, p. 314, 3i5.) 
Pedro Vaz de Gaminha, dans la Coro- 
grafia hrazUica du père Manuel 
Ayrbs de Gazal, t. I ( 1817 ), 
p. 13-34* 



3^4 



flIfeCtION DEUXlàMK. 



Voyage de Rodrigo de Bastidas avec k pilote 
Juan de la Cosa , octobre i5oo — aeptem- 
bre i5o2. 

Deux navires , sortis âe Cadix. 
(N^y • m, p. 35^28 et 593.) Bastidas 
parvint^ en longeimt la c6te de la terre 
ferme , a l'ouest jusqu'au Rio Sinu 
( voyez ma Relation hiaU t. III 
p. 534-S4<>)9 au gotfe d'Uraba et au 
Puerto del Retrete ou de ios E^riba- 
nos y dans Tisthme de Panama , port 
que Colomb ne reconnut que le 36 
novembre i5o3, et qui se trouve 17 
milles à Test du port de Bastimentos 
où Diego de Nicuesa fonda en 1 5 10 la 
ville jadis célèbre et aujourd'hui dé- 
truite de Nombre de Dios. (OviEDO, 
lib. m, cap. 9, fol. 38, b. GoMARA , 
fol. 39, b. Nav. IIL 35*38 et 693. 



Second voyage de Gaspar Coriereal, i5 mai 

i5oi — 

Deux navires, dontunseperdavecle 
chef de l'expëdition.L'enlèvement d'es- 
claves paraît avoir été le but principal 
de ce voyage , dirigé vers le détroit de 
Frobisher (GoBS, P. I,cap. OS^p^S/.) 



SECnOlN DEUXIEME. 



^^5 



[ Voyage de Jean de Naça ( Gallego, c'est^i- 
direBatif de Galice), 5 mars i5oi — ii sep- 
tonbre i5os] 

Quatre navires , sortis du Tage. 
Voyage aux Indes orientales. Joam 
dé Nova (GOBS, P. I» cap. 63, p. 83- 
85 ; SousA , jisia Port. t. I, P. I, 
cap. 5 ^ p. 5o ^ Barros , Dec. I j 
lib. V, cap. 1 o, p. 463-478) découvre, 
en allant & 0)chim,une île de l'At- 
lantique qu'il appelle la Conception. 
Au retour il reconnaît 111e Sainte- 
Hélène > devenue si importante pour 
la navigation aux Indes. Dés n^ocians 
florentins établis 1 Lisbonne ( Ferdi- 
nando Vinet et Bartèlemeo Mar- 
diione ) étaient péconièrem^nt inté- 
ressés dans Texpédition. L'Ile de la 
Conception que Nova, cité quelque- 
fob sous le nom de Jehan ou Joâo 
CroUego, découvrit par les 8** de la- 
titude australe (BarroSji 1. 1, p. 466), 
est l'île de TÂscension (d'après le capi- 
taine Sabine, lat. 7® S^iig''). Ce der- 
nier nom lui fut donné par Alphonse 
et François d'Albuquerque en i5o3. 
(TucKEY, Marit. Geogr. 1. 1, p. 44/ •) 



IV. 



i5 



il 



220 SECTION DEUXIÀMË. 



Second ypyage à^jéionso de Hojeda , avec Juan 
de Vergara, janvier i5o2 —janvier i5o3* 

Quatre navires , sortis de Gadiz* 
Après avoir touché successivement à la 
. Gran Canaria , à la Gomera et à l'île 
de Santiago du Gap Vert^ Hojeda at- 
terre à la côte de Paria* Il reconnaît 
l'île de la Marguerite^ le Gap Godora, 
Guriana, Guraçao (Isia de^igantes), 
Coquibacoa,..., sans parvienir cepen- 
dant jusqu'au Cabo die la Vêla et à la 
Εerra nevada de Ciiarma (les mon- 
tagnes de Sainte-Marthe). Vers la fin 
de mai iSos^ dans une ^eute i bord 
du vaisseau, Âlonsode Hojeda fut mis 
aux arrêts pr Vergara et Ocampo. 
Ils l'amenèrent prisonnier à l'île 
d'HaïU. ( Nav. III, p. 28-39, 169 et| 
591.) 



Voyage de Miguel Cortereal^ 10 mal i5o2 — ••• 
Trois navires, dont deux retour- 
nent à Lisbonne. Expédition faîte à 
la baie de Hudson à la recherche de 
Gaspar de Gortereal : mais Miguel , 
le second des frères, disparaît égale- 
ment. (G0E8, p. 87.) Le troisième, 




SËdnON DEUXIEME. 



227 



-i'atAëde tous, Vasqtteanes Gortereal, 
gouverneur de l'île Tercère, fait ar- 
mer une caravelle à ses frais en 1 SoS, 
et n'est empêche que par les ordres d 
roi DoQ Manuel d'aller à k recherche 
de Gaspar et de Miguel Gortereal. 



Quatrième voyage de Christophe Colomb , 1 1 
mai i5o2 — 7 novembre i5o4. 

Quatre navires, sortis de Cadix, 
Découverte de la côte depuis Hondu- 
ras jusqu'au Puerto de Mosquitos, à 
Textrëmitë occidentale de l'isthme de 
Panama. 



iVoyagede Gonzalo Coelho, 10 juin i5o3 — ••• 

Six navires , sortis du port de Lis- 
bonne pour se rendre à la terre de 
Santa Grps (au Brésil.) Quatre navi- 
res* se perdent dans une tempête. 
(D^xiAN dbGob», eap. 65, p. 86. 
SiM. DE Yasconcellos , Chron. da 
Comp. de Jesu do Estado do BrazU,. 
iib. I, § 19. SoUTHEY, Hist. ofBra^ 
zUj t. I, p. 20.) 



mS 



SECTION DEUXIEME; 



Premier voyage de Juan de la Cosa^ de 1 5o4 — 
i5o5« 

Quatre navires. Le bat de Texpëdi- 
tion ëtait le golfe d'Uraba. C'est le 
premier voyage dans lequel Joan de la 
Cosa^ appelé aussi Juan Viacainoy 
eut le commandement suprême. Il ve 
nait de sortir à cette époque des pri- 
sons de Lisbonne (août i6oS)y ayant 
été envoyé en Portugal pour porter 
plainte des incursions faites par quel- 
^ ques Portugais sur les côtes découver- 
tes par Rodrigo de Bastidas. (Nay. 
Il, 395 y m, 109 et 161 •) 



Trobième voyage d^Alonao de Hojeda^ du com« 
mencementde i5o5 — •••• 

Trois navires, dirigés vers la Tierra 
de Coquibacoa. Voyage certain , mais 
très obscur. (Nav. III, p. 169.) 



Second voyage de Flcente Yàhez Pinzon et de 
Juan DiazdeSolisy de i5o6 — •... 

Expédition (Nav. III, p. 46 ) di- 
rigée aux îles Guanajos dans le golfe 
de Honduras et aux côtes du Yucatan. 



r 



SBCTION 0EUXIBMB. 



2^9 



Second vojage de Juan de la Coêa,àe i5o7 •— 
i5o8. 

Deux nfiylres , sortis de Cadix* Pi- 
lotes; Martia de los Bejes et Jaan 
Correa. Voyage à la Terre Ferme et 
d'un riche produit en or. (Nav. HI , 
p. i6!i.) Cosa fut nomme le 17 juin 
i5o8 alguacil major dlJraba. 



Troisième voyage de VicerUe Yanez Pinzon et 
de Juan Diaz de SoUa ^ 39 juin i5o8 — oc- 
tobre iSog. 

Deux navires. On parvint jusqu'à 
40^ de latitude australe. ( Nav. ni , 

P- 47-) 

Quatrième voyage ^j4lonso de Hojeda avec 
Juan de la Cosa^ ii novembre iSog— .... 
i5io. 

Quatre navires y sortis d'Haïti. 
L'expédition se dirige au golfe dlJ- 
raba où Hojeda a éié nomme goifema" 
dor de la Nuepa Andalwia* Combat 
dans le voisinage de Cartbagène des 
Indes, i Tarnaco ouTurbaco (voy. 
ma Relation hist, t» III , p. $58- 



a3o SECTION BBUXUBIIB^. 



568 ), oà périt Juan de la Cosa» Ho- 
jeda, après avoir fondé dans le Darien 
layille de S.-Sébastian, retourne par 
Xagna dans l'île de Ciibâ et par la 
JamaKjne k Haïti, oii il meurt pauvre 
et oublié ( probablement à la fin de 
i5i5), mais non comme moine de 
Saint-Franfoia* (Na.Y. IIl , p# 170- 
176.) 



Avant de discuter^ d^^après les données nu- 
mériques que je viens de réunir, les voyages 
d'^Améric Vespuce y il faut établir le rapport de 
priorité entre le premier voyage de Vespuce 
et la découverte de la terre ferme par Cabot 
et par Christophe Colomb. En faisant abstrac- 
tion des expéditions bien avérées d^ailleurs des 
Scandinaves ' vers la fin du dixième et le 
commencement du onzième siècle, lapremière 
découverte de V Amérique continentale (depuis 
Finterruption des communications avec les 
colonies du Groenland) a été faite par Jean et 

' Sur les expéditions de l'Islandais Biam Hei*jol&on, 
voye» tom. 11, p. loo. 



SBCTION DEUXIÈME. 23i 

Sébastien Cahot ^ le %^jum 1497 y au Labra^ 
dor, entre les 56* et 58^ de latitude. Cette 
découverte a précédé par conséquent d^une 
année et six jours celle du continent de 
r Amérique méridionale feite par Colomb;^ 
mais il n^est guère probable^ comme on Fa 
avancé réceimnent, que le voyage des Gibot^ 
terminé au comm^icement d^août 1497^ ait 
accéléré la troisième expédition du navigateur 
génois. Celui-ci pouvait , sans doute à cause 
du commerce très actif de Séville avec les 
ports de Bristol et de la Belgique , avoir con* 
naissance de certaines cotes étendues qui 
avaient été vues vers le nord-ouest * ^ mais le 



** Les documens les plus importons pour rhbtoire des 
<teut premières navigations de Sébastien Cabot, de 
i497 ^^ ^49^ (ii en fit une troisième et une quatrième 
en iSty et de i5a6 à i53i), sont : 1^ le Discorso del 
Bamusîo sopra li viaggi délie Spetiersy dont la Bîogra^ 
phie universelle conteste naïvement Texistence ; discoui*s 
plein de charme et dans lequel Ramusio (t. I j p. 374 7 
éd. de 161 3) raconte les résultats d^une conversation 
qui eut lieu dans la célèbre villa de Fracastor, à Incaffi^ 
au pied du Montebaldo. Ramusio expose dans ce même 
discours 9 écrit avant la mort de Sébastien Cabot, la 
« grande probabilité du passage N. O. fondée sur le 



a32 SECTION DBUXIBMB. 

bruit d^iine déccniverte de terre finme ne 
pouvait guère reffrayer. Diaprés ses idées de 

conte des Indiens tombés entre les mains de Metellua 
Celer. (Voye« tom. II, p. 359-278.) Hakluyt(t. III^ 
p. 6) j mêle à tort le témoignage du légat romainr 
Galeadus Butrigarinsi ami d^Anghiera (Dec. Il, lib. I, 
p. €9. Mem, ofSeh. Cahot ^ p. i^ et 18). a^ La carte du 
▼oyage de Cabot gravée en 1649 par Clément Adams , 
carte qui a disparu de la galerie de Wbitehall, s<ût dana 
la vente faite après la mort de Charles I , soit par un 
incendie sous Guillaume III. (Voyez TrrLua, Vinàica^ 
tUn of Hakluytf dans Hist, view ofthe Northern coasts 
of Americay i832, p. 4^9.) 3** La patente royale du 3 
février 1498 retrouvée heureusem^it dans le RoU$ 
Chc^l par les soins assidus de M. Biddle. (Coopke y 
Account ofPuhl, Records y vol. II, p. 48o.)4** L'inscrip- 
tion d'un portrait de Sébastien Cabot par Holbein : 
Effigies Seà. Caboti Angli,fiiii Johannis CaSoti Fenetif 
militis auratiy primi inventoris Terrw Novm sub Hen^* 
rico yil, Angliœ Rêge. La tournure grammaticale de 
cette inscription (l'emploi du génitif /^rimi inventons) j 
est devenue l'objet d'une grave discussion entre M. Bid- 
dle (p. 181-1 83, 3a3-3a5) et le savant auteiu* de l'fTij- 
toireeT Ecosse (Tthlerj p. 436-44o). Il importe de savoir 
si c'est le père Jean ou le fils Sébastien qui est désigné 
comme celui auquel la découverte est due. Si c'était le 
fils, Holbein aurait probablement placé lemoty?/iVaprès 
Veneiiy II aurait écrit: Effigies Seb. Caboti AngUx 
Joannis Caboti Venetifilii,,,, 



SECTION DEUXlàsiB. 233 

géographie systématiqitô, toute terre ferme 
trouvée vers Pouest n^était que FAsie orientale, 
et luir-méme, dès son premier, et surtout dès 
son second YOjage , donc en automne 1492 et 
en été 1494» s^était persuadé avoir reconnu le 
littoral de ce cqntinent. La grande question 
d^atteindre les Indes en naviguant vers Fouest 
lui paraisait donc résolue long-temps avant le 
24 juin 14979 et les Cabot, pour avoir touché 
quelque autre point de FAsie orientale , n^ô- 
taient rien à sa gloire. Voici les preuves pour 
le premier voyage de Colomb, recueillies dans 
son journal même. En s^approchant de File de 
Cuba, Colomb s^appréte <c à aller à la terre 
ferme et à la grande cité de Guisajr (Quinscu 
de Marco Polo), pour remettre les lettres (des 
monarques cathoUques) au Grand Can(Khan)j 
lui demander une réponse et retourner en 
Espagne. » Plus tard, il envoie vers ce Prince 
un certain k Luis de Torres , juif baptisé de 
Murcie , qui savait lliébreu , le chaldéen et 
un peu d^arabe , » langues dans lesquelles on 
devait pouvoir se faire entendre dans les villes 
commerçantes de FAsie continentale. <( Je suis 
sûr, dit Famiral, que Cuba est la terre ferme 
et que je me trouve à présent devant Zajrio 



234 SEGTIOfI D£UXI£B1£. 

{Zaitàn^ Marco Polo, livre II, chap. 77) et 
Guitisay (Quihscu)^ à peu près à cent U/eues 
de distance de ces deux endroits '« )» La bidle 



' Voyez le journal de la première expédition de &>- 
lomb) dans Nay. t. I, p. 37, i4j 4^ ^t 47* Las Casas 
rapporte dans Textrait de ce journal : Tes eîerio , dice 
êlaimirantey questa es la tierrafirmty que esïoy^'dUeely 
ante Zayto y Guinsey. J'ai cité plus haut les paroles 
remarquables : La tierra firme hago mas adelante ^ que 
G>lomb a déjà consignées dans son journal le 16 sep- 
tembre iig2y au milieu de l'Atlantique. Le mot Bohio 
qui a tant excité la curiosité de l'amiral, indiquait, selon 
lui , une terre ferme située au sud d'Haïd. (Nàt. t. 1 9 
p. 379 53, 63, 78 et 85.) Il dit asses improprement: 
« Vue </ffBohio est plus grande que Cuba, et les Indiens 
me font entendre qu*eUe n'est pas environnée d^eau^ que 
c'est une terre ferme et cosa infinita. » Bohio me parait 
d'ailleurs la corruption du mot haïden hoha^ qui signifie 
maison, demeure. L'ignorance de la langue des indigènes 
peut avoir &it prendre pour une dénominadon géogra- 
phique ou un nom propre, ce qui ne désignait qu'un 
terrain habité. Telle était la confusion des idées, que 
Colomb regarde queiquefob comme synonyme Baveche 
(Babeque) et ^ocAib (Bohio). Voyez t. III, p. ai 5, ai6, 
et Vida del Alm. cap. 27 . D'autres fois il nomme Bohio 
toute rile d'Haïd (Nav. t. I, p. 109 et lai), ou une 
seule province de cette lie (1. c. p. aog), province voi- 
sine de celle de Xamana (Samanà), et qui ne se i*etrouve 



SECTION DEUXIÈME. aS5 

de partition du Pape Alexandre VI^ émaoée 
le 4 D^ M93 et pour laq[ueUe Colomb avait 
indubitaU^Qairàt fourni les élémens géogra- 
pbicpies^ parle des terres fermes même au 
pbinel : InQenerunt certas insulas remotis^ 
simas ^ et etiam terrasfirmas quœ per uUos 
hoetenus repertœnonJuer(tnt..:^,T)é^ trois 
itKois avant le départ pour le premier voyage 
de découvertes, Painiral s^était £dt nommer 
gômtmeûr des iles et de la terre Jhme auîr^ 
qudles il aborderait dans la mar Oceana. 

Les armes qui -lui furent accprdées le 20 
mai 149^9' après le premier retour d^Haïti, 
<f pour honorer et sublimer (sublimar) sa 
personne, » présente, pour ainsi dire, la pre- 
mière carte des Antilles, car ce nom ', comme 
le prouve le pi'emier livre de la première 
décade des Océaniques d^Anghiera, rédigé en 



pas dans la nomenclature des provinces d'Haïti que pré- 
sente Touvrage d*Anghiera ÇOcean. Dec. 111 ^ lib. VII 9 
p. 286). 

' Vojes tom. II, p. ido, 181, et 196-914* Lsa Casas 
prétend cependant (Ms. lib. I, cap. i64) que ce sont les 
Portug^s qui les premiers ont appliqué le nom d!Antiiia 
à nie Haïti. 



!l36 SECTION DEUXIEME. 

novembre i493 ? fut dès-lors appliqué aux îles 
découvertes par G)loinb. Il est Vrai que la 
Provision realen décrivant ces armes, ne parle 
que a dlles dorées au milieu des ondes, » 
mais ces îles sont placées vis^vis dW contir 
nent. Si ce dernier n^est pas expressément 
nommé, U n'en est pas moins fecUe à recon- 
naître dans le dessin et dans la description très 
prolixe qu^Oviedo nous a laissés des nouvelles 
armes parlantes de la &mille de Colonibu 
« On y voit, dit Oviedo, des îles dans un 
golfe formé par la tierra firme de laslndîçs^» )» 



' OriEDOy lib. II, cap. y y foi. lo, a. Leoontour de 
la terre ferme di£fere un peu dans «le dessin que donne 
Spotomo des armes de Tamiral. Oviedo fidt mention 
« de palmiers , d'autres arbres qui ne perdent jamais 
leurs feuilles j et de pépites d'or figurées dans là partie 
continentale, o Cette petite carte géograplûque, com- 
posée cinq ans avant la véritable découverte de la terre 
ferme de Paria, forme le quatrième et dernier quartier 
de Técusson. Les trois autres quartiers sont remplis par 
les armes de Castille et de Léon et par les anciennes 
armes de Colomb. Telle est la forme prescrite primiti- 
vement (N4V. t. II, p. 37), mais dans le dessin d'Ovie*» 
do le quatrième quartier renferme cinq ancres qui 
désignent la charge A^Almirante de las Islas é tierra 



StfTÎKm DEUXJEMB. ^37 

LH4|ée qiie Cuba, la plus grande des terres 
trouvées vers Fouest , était nécessairement le 
continent de TAsie y était jgravée à tel point 
dans Fesprit de Colomb, qu^au^second voyage, 
afMrès avoir longé la cote méridionale de cette 
île, depu^ le Cap Maysi jusqu^au-delà de File 
des Pinos, il engagea tout Féquipage de sa 
flottille, composé de plus de quatre-vingts 
personnes, à déclarer par sermait \ le la 
juin 1494) ({u^ 1a ^^^^ d^ Cuba est <( la ierre 
ferme y au commencehzerU et à la fin des Indes ^ 
qu^elle fidsait partie de la province de Mango 
(proprement Mangi^ ou Khataï méridional) , 
et (|ue Fon pourrait y aller par terre depuis 

firme. Les auiciennes àrmed de G>lemb se trouvent alors 
rdéguëes dans le bas, vers la pointe de Técusson. Depuis 
que les héritiers de Pamiral ont pris le dtre de duc de 
Veragua, les armes ont subi d^autres changemens 
(CAifC£LLi£Bi9 p. 4o8): la sphère du monde suppor- 
tant une croix a été placée au milieu du golfe, du mare 
cœruUum fiuetibus argenieis commotum, cum 5 insulis 
aareis, 

* Nous possédons le document curieux de ce serment 
et de toute la Info^macion delescribanopuhUcOf Fernando 
Ferez de Luna, document trouvé dans les archives de 
SéviUe. (Nav. t. II, p. i43-i490 



!258 SECTION DE(JXlilI£. 

l^pagne ' . >» Ceux des pilotes ou des matelots 
qui auraient qi;ielque doute sur Péyidence de 
ce résultat , devaient Favouer avec franchise , 
car Pècrwain public^ Ferez de Luna, s^engage 
M à leur ôter le doute {les quiteria la dubda) 
et à leiu* prouver que Cuba est la terre ferme. » 
Si un jour quelquW osait avancer le conti*aire 
de ce quW lin a feit signer, il aura ptfur 
punition , s^il n^est pas assez riche pour p^ jer 
Famende , <( cent coups;de fouet et de plus la 
langue coupée. » Dans IHntroduction de cette 
{Hèoe paraphée, Pamiral fait dire kX^crivano 



* Sans doute en all^t de Touest à Test. On devait 
affirmer par serment « que esta tierra fuese la tierra 
firme al comienzo de las Indias y fin , a quien en estas 
partes quisiere venir de Ëspana por tierra. » Colomb 
pouvait connaître le nom de Mango par la lettre de 
Toscanelli, sans avoir vu un manuscrit de Marco Polo 
ou Tédidon de Venise imprimée en 1490. La dénomi- 
nation de la Chine méridionale Mangi (Manji y M anzi) , 
dérive de Mantsu, nom par lequel on désignait, sous la 
domination Mongole, les habitans du Khataï, au sud du 
fleuve Houang-ho. Cette dénomination pouvait aussi 
être devenue familière à Colomb par h lecture de Man- 
deville , qui au service du Grand Klian , avait fait la 
guerre dans le Mangi même. 



SBGTIOlf 0EDXIE9IE. 289 

que déjà en 1 493, dans sa première expédition, 
il a¥aii découTert une partie de U terre ferme 
(c^étaii la côte septentrionale de Cuba, depuis 
le Cap Majsi, jusquVu* méridien de Nuevitas 
del Principe) , « mais qu'alors il n Wait pu se 
prononcer encore avec toute assurance sur cet 
objet (non declarh c^rmaiwo que fuese la 
tierrafirme de las Indias^ salvo que lo pro^ 
nunciô dubitatwo)» >> Il est assez curieux de 
trouTer aussi parmi le grand nombre de té- 
moins complaisans, le célèbre pilote Juan ou, 
comme il signe ici, Johan de la Cosa, cbargé 
de ti^cer les cartes (maestro de hacer carias). 
Celui-ci déclare a n Woirjamais entendu parler 
d'une ile de 335 lieues de long \ d'une île 
dont on ne peut atteindi^ la fin; » il est con- 
vaincu qu'en naviguant un peu plus loin, on 
découvrirait des peuples civilisés et en contact 
avec le reste du monde, génie poliiica de 
saberjr que sabe elmundo. Cette déclaration, 
malgré la menace de tant de peines sévères, 
n'a pas empêché le même Juan de la Cosa , en 

^ Anghiera dit également dans sa trcûsième décade 
des Océaniques (lib. IX, p. 3o6), écrite après i5i6 : 
« Cuba putata diu contineos ob sui longitudinem. » 



\ 



!l40 SECTION DEUXIBME. 

iSoo, par coDséqua!it après que Cabot et Co-^ 
lomb eurent découvert les terres fermes du 
Labrador et de Paria, défigurer dans sa mappe- 
monde Cuba (la Juana de Colomb) comme une 
île. On s^en convaincra en jetant les yeux ^ur 
le fi:*agment que j^ai fait graver PL 34« 

Le même document géographique peijit aussi 
jeter du jour sur la reconnaissance «c de la 
terre fermç de TAsie )> en i494> ^ l^on a soin 
de profiter des renseignemens que M. Was* 
bington bving a tirés le premier de deux copies 
des méipoires manuscrits de Bernaldez , curé 
de la Villa de los Palacios. Cet ecclésiastique , 
comme on sait, était Tami intime de Colomb, 
qu^il avait reçu dans sa maison en 1496, et 
dont il conservait des journaux de route et 
autres papiers relatifs aux premières découver- 
tes. Il existe vis-à-vis de la cote méridionale 
de Cuba, depuis le Cabo de Cruz, où Colomb 
commença la reconnaissance de l^e, le 18 mai 
1494 9 jusqu^au-delà de TUe de Pinos, une 
longue série de cayes et de bas-fonds. Cette 
série est interrompue, entre les 82* et 83' 5 de 
longitude, et divisée par Pintervalle d^unemer 
dépourvue d^écueils en deux groupes séparés. 
Le premier et le plus oriental de ces groupes 



SECTION DEUXIEME^ ^^t 

de cayes a été nommé de préférence par 
Colomb les Jardins de la Reine '. Ce sont les 
Cafos de las doze léguas de nos cartes mo- 
dernes, car le nom de Banco de las Jardines 
y Jardinillos ^, est restreint aujourd'hui au 
groupe ocdd^ital plus rapproché de Tlsla de 

^Cest par erreur que quelques cartes portent « Jar- 
dina du Roi et de la Reine. » Les Jardines del Rey ont 
reçu leur nom par le gouverneur Diego Velasquez ; ils 
sont opposés à la côte septentrionale de File de Cuba , 
dans le Vieux Canal dé Bahama^ entre les méridiens de 
la Villa de los Remedios et de Puerto Principe. 

* Ce groupe porte le nom de Jardin deSaint-ChrbtO" 
phe Biu* de très anciennes cartes , par exemple sur celle 
de Fijnérique méridionale par Polo Forlani de Vérone, 
qui a le titre extraordinaire de Descriltione de tuUo il 
Peru, Cette même carte figure deux îles de rSyangelista, 
l'une sous le véritable nom moderne Ysoài Pini, l'autre 
sous le nom de S. Giacomo. Tel a été le mauvais sort de 
cette partie méridionale de Cuba entre Xagua et le cap 
Saint-Antoine, que jusqu'en i8ai,où le Diposito hydro- 
grafico de Madrid a publié les relèvem^as des capitaines 
Barcaiztegui et del Rio, la latitude de toute la cote 
boréale de l'île de Pinos était Êiusse de i4 minutes , et 
qu'en 1 799, les belles cartes du Diposifo disaient en- 
core la largeur de l'île entre la Havane et le Bathabano^ 
de 16 lieues marines au lieu de 8 •}(/{«/a^/iA4rr. t. III, 
p. 58 1 et 583.) 

IV. 16 



2/^2 SECTION DEUXIEME. 

• 

Pinos. Aa Ce^ Serafin^ pointe extrêmement 
basse, Colomb arrive à Fentrée d'aune grande 
baie <y qui s^enfonce profondément dans les 
terres vers le nord et même vers Test *. w 
(Test le Golfe du Batabano. La carte de Juan 
de la Cosa a le nom de Serafin. Je crois que ce 
cap est ou la Punta Gorda , ou , un peu plus 
au sud-est, laP^^ Matahambre dont f ai fixé 
la longitude ' lorsque j^ai parcouru ce petit 
ai*chipel dans une traversée du Batabano à 
Trinidad de Cuba et de là à Carthagène des 
Indes. Le cura de los Palacios Êdt menticHi de 
mangliers {palétuviers^ Rizophorà) et dW 
terrain fangeux qui bordent la cote entre la 
baie de Xagua et le Cap Serafin. Ma carte de 
rile de Cuba indique dans ces mêmes parages 
des manglares altos et la Cienega (marais) 
de Zapaia. Cest près de là que dans un 
endroit boisé un matelot eut cette apparition 
mystérieuse qui dans Tardente et poétique 
imagination de Colomb se liait à Tespérance 

* Cura de îos ^afaçwsy cap. 128, d'après Irting, 
1. 11, p. 176. 

> HuMB. Observ. astr, t. II, p. 60, et la carte de 
Cuba dans \ Atlas i^éogr, PI. a3. 



SECTION DEUXIEHE. 243 

tpi^il nourrissait depuis long-temps de parvenir 
bientôt atu pays du Prétre-Jean (rOung-khan 
nestorien de Plan Carpin), prêtre-roi qu^un 
demi-siècle plus tard, Vasquez de Comado ' 
découvrit à Quivira et à Cibola , au nord du 
Mexique. Il me sera permis , comme natura- 
liste, de m^arrêter un instant à cette apparition. 
Le matelot chasseur crut voir des hommes 
vêtus en blanc, semWables à des reUgieux de 
Tordre de la Merci. Ces longues figures, au 
nombre de trente, étaient armées de lances. 
Les historiens modernes de FAmérique, en 
dissertant sur ce qui peut avoir donné lieu à 
ce conte étrange, n^ont vu dans ces moines 
qu^une bande de grues et de hérons des tropi- 
ques ^9 hauts sur jambes comme le flamant 
[Phœnicopterus). En effet, ces oiseaux sont 
appelés soldqdos par les colons espagnols, 
parce que vus contre le ciel, ils ressemblent à 
des hommes postés en sentinelle. J^ai raconté 



^ Relation Uùt, t. III, p. 167. Gomara, fol. ii5, 
Airroif n) ï}% Lson y dans la Biblioteca orientai y occidenr- 
tal, 1629, p. 76, le nomment Caronaio. J'ai suivi l'or- 
thographe d'HERRERA, Dec. VI, lib. IX, cap. 12. 

» IrvinG) t. I! , p. iSo. 



^44 8BCTI0N DEUXIÈME. 

dans un autre endroit ^ comment un jour une 
Tille entière a été alarmée , sur les bords de 
rOrénoque, par une bande d^oiseaux soldados^ 
et cette méprise justifie, selon moi, Texplica- 
tion ingénieuse que M. Washington Irving a 
donnée des spectre^moines de la Merci sur 
les côtes de Cuba. 

Colomb, persuadé quW avait trouvé des 
hommes blancs et vêtus , crut entendre parler 
aux indigènes d'un puissant cacique Magon 
(Mangon), dont les sujets avaient de longues 



^ Relat, hist, t. II , p. 3i4. Les habitans de FAngo* 
stui'Q, peu après la fondation de leur ville, furent un 
jour cruellement alarmés par la subite apparition de 
hérons y de soidadas et de garzas , sui* la (a*éte d'une 
montagne placée vers le sud ; ils se crurent menacés 
d'une attaque d'Indios monteras (Indiens sauvages) , et 
malgré l'avis de quelques hommes accoutumés à ce genre 
d'illusion, le peuple nefîit entièrement rassuré que 
lorsque*les oiseaux s'élevèrent dans les airs pour con- 
tinuer lexu^ migrations périodiques. J'ai décrit sur les 
bords du Rio Magdalena , à Ghilloa , tm héron à tète 
noire, voisin de l'Ardea Johannae, qui, en tenant le bec 
tout droit en l'air et en alcmgant le cou , était haut de 
'4 pieds 3 pouces. L'envergure des ailes était de 5 pieds 
apoucest 



I 

i 



SlCCnON DBUXIKHE. 2^& 

queues ' et portaient , pour les cadier , des 

tuniques qui traînaient jusqu^à terre. Ce nom 
de Magon ou Mangon rappelait celui de la 
proTince chinoise de Mango * (Man^). Fer- 
nand Colomby dans la Vie de son p^, dit que 
te cacique portait des habits sacerdotaux , se 
vestia como sacerdote. Bemaldez^ en (ait 

* MuHOiy lib. Vy § i5. Le conte des hommes à qoeue, 
vêtus y se retrouve dans MandeviUe 9 et une note de 
Bemaldez recueillie par M. Washington Irving (t. II , 
P* ^7^)' pi^uve que MandeviUe , que j'ai eu tort de ne 
pas citer (t. II, pag. 247)9 était connu de Colomb, 
sans doute dans la traduction italienne imprimée à 
Venise en i48o. Nous n'avons pas la même preuve pour- 
Marco Polo dont le nom n'a pas encore été découvert 
dans les écrits de l'amiral. MandeviUe expUque le cont^ 
des hommes à queue en l'attribuant à la malice d'un 
peuple voisin et tout nu qui se moquait de l'usage des 
vêtemens d'un peuple plus civilisé. Il est curieux de 
voir avec queUe naïve créduUté Colomb retrouve dans 
le Nouvau Monde tout ce que sa mémoire lui rappelle 
de l'Asie orientale, semblable à quelques voyageurs 
modernes dont les prétendues observations ne sont dues 
qu'à la réminiscence des lectures par lesquelles Us se 
sont préparés en quittant le sol natal. 

* Un manuscrit de la lettre de Colomb écrite en i5o3 
a aussi , au Ueu de Mango , Ma^o (^proi^incia qm part« 
con aquella del Catayo), Nav. 1. 1, p. 3o4* 



Il46 SBCTION DEUXIEME. 

même un saônt qcd ne parlait que par signes. 
Tous ces indices réyâaient à Colomb le voi- 
sinage du Prétre-Jean^ Fasciné par ces illu- 
sions » Cokimb pénétra dans le G<^é du 
Batabano, à Fouestcle la grande Ile de Pinos, 
si riche en bois dVcajou, jusqu^à une cote 
<f qui tournait du nord au sud et au sud^sud- 
ouest. » Cette direction du littoral ne se 
trouve dans ces parages que Sur deux points, 
dVbord entre llSstero de Gua^mal et Tenl- 
bouchure du Rio de Diego, de 22" 28' à 22*" 19' 
de latitude , puis , quinze lieues plus loin vers 
Fouest, dans la baie ou Laguna de Cortès, de 
22'' 6' à 21'' 52^ Il est {nresque hors de doute 
que cette dernière courbure de la cote, 
vis-à-vis du groupe des Cay es de Saint-Philippe 
(lieu célèbre par la réunion de la petite flotte 
mexicaine de Femand Cortez en iSig), fiit 
le terme occidental du second voyage de 
Colomb* Les montagnes v^rs lesquelles il dit 
s'être dirigé, étaient probablement celles de 
la Cabra et de Cayaguatege (au N. E. et au 
S. O. de la Vega deFilipinas). On les trouvera 
marquées sur la carte- de Tlle de Cuba^ 
publiée dans mon Atlas géographique. On ne 
doit pas être surpris de Timportance que 



n 



SECTION DEUXIEME. ^47 

jVttache à ime détermination minutieuse de 
la. sinuosité et du gisement de la cote. Ce 
gisement partiel a singulièrement influé sur 
les opinions et les projets de Colomb. Le 
navigateur n^était sûr d^avoir atteint le littoral 
d^Asie qu^après avoir vu la teorre se prolonger 
du nord au sud « coomie dans la Chersonèse 
d^Ck* \ 1» Son fils, don Fernando et son ami 
intime le curé de los Pakcios, sVxprîment à 
ce sqjet avec la plus grande clarté^, a Si 
Tamiral nWait pas manqué de viTres, il serait 
retourné en Espagne /Mzr F Orient, d II aurait 
par conséquent &it le tour du globe vingt-six 
ans avant Magellan, il aurait a doublé la 
ChmH^honeêus aurea^ t|«versé le Golife du 
Gange et cherché une nouvelle route, soit 
autour de PAiBique, soit en entrant dans la 
Mer Rouge et en allant par terre à Joppé 

A Anghiera qui se vante d'avoir reçu des lettres de 
faillirai; immédiatement après son retour de Cuba, écrit 
au mois d'août 149^ au cardinal Bemardino : « Indiae 
GangeUdis ocHitinentem eam (Cub») plagam e83e con- 
lendit G>lonu8. » (lib. VIII, p. 164; ep. 93.) 

^[f^ida iel Aîm. c^p. 54. Munoz, lib. V, § 16. 
Manuscrit de Bernaldes, cap. ia3, d'après Irving, 1. 11^ 
p. 186. 



e 



248 8BCTI0H DEUXliMB. 

(Jafia) et à Jérusalem. » Dans le seimmit que 
G>loinb fit prêter le 12 juin l494 pour cons- 
tater la découverte de la terrf ferme d^Asie^ 
ce prolongement de la côte de Cuba vers le 
sud et le sud-sud*-ouest, est mentionné qua- 
torze fois. Il se trouve singulièrement exagéré 
dans la mappemonde de Juan de la Cosa de 
iSoo, et lorsqu^on supposait ou quVn savait 
déjà que Cuba était une île , le prolongem^at 
de son extrémité occidentale, en forme de 
grande corne , reparaît encore. Nous retrou- 
vons ce type extraordinaire dans les cartes ' 
ajoutées aux éditions de la Géographie de 
Ptolémée de i5o8 et i5i3 comme dans celles 
de VIsolario di Benedetto Bordone^ dont la 
première édition de Venise date de i528, et 
qui présente Fisthme de Panama percé par un 
détroit océanique. L^élargissement occidental 
défigure même le nord de Tîle, et dans Bor- 
done toute Textrémité vers le cap Saint-Antoine 
paraît sous la forme dW marteau *• La sup- 

^ Voyez mon Atlas ^ PI. 37 et 39. La dernière < arte 
place même un Cap S. Marc là où est situé notre Cap 
Corientes. 

* Isolario di dutte IT^le del Mondo. Venezia j 1 533 » 
p. j4. 



^ 



1 



SECTION DBUXIBBIB. a49 

position dW prolongement indéfini de la côte 
ffers le sud^ a exercé une grande influence 
sur la Téritable découverte du continent 
d^Amérique en 1498. Selonle récit d'Anghiera, 
Colomb écrivit aux monarques par les vais- 
seaux d^ Antonio de Torres printemps 149^) • 
« CuTvari phtriitnum ad meridiem ejus terrœ 
{CuhcB) liUora^ lia ut sepraximum aUquando 
reperiret oequinoctio '• » Les indigènes avaient 
de plus répété sans cesse à G>lomb qu^au sud 
d^Haïti il existait une terre de grandeur im- 
mense, habitée par ce même peuple caribe 
dont d^autres tribus plus dangereuses encore , 
s^étaient fixées dans les Petites Antilles. Ces 
considérations motivèrent la route si méri- 
dionale que Tamiral suivit ayec tant de persé- 
vérance dans la traversée de PAtlantique en 
1498. Il agissait diaprés sa conviction intime 
de retrouver le prolongement de Cuba , cW- 
à-dire le continent d^Asie , dans le voisinage 
deVéquateur. Colomb, pendant la traversée, 
diminua de latitude jusqu^aux 5^ nord, etc^est 
encore Pierre Martyr qui nous a conservé le 
précieux renseignement sur la c(Hitiguité des 

' EpUt. ca Tertosia V Mus Aug. MCCCCXCV. 



\ 



25o SKGTION DEUXIÈME. 

terres découvertes jusque-là : «c Puiat (Colonus) 
heu Pariœ regiones esse Cubœ çontiffuns et 
adhœrenies^ ita quod utrœque sint Indice 
Gangetidis coniinens ipsa^. m Telle a été 
dans ses suites Timportance attachée à la direc- 
tion des cotes dans une petite baie (Ensenada 
de Cariez) du littoral de Cuba. Une tiajisan de 
fidts si peu remarquables en apparmce, n^ayait 
pas été jusqu^i suffisamment af^réoiée* JLies 
géographes se rappelleront d^ailleurs comment, 
dans des circonstances analogues, la direction 
d^une' petite partie du Uttoral dans TAfiique 
occidentale , Isntre la rivière de Nun et le Cap 
Bojador dans FAfiîque orientale, dans le golfe 
d^Ad^i, entre le détrcHt de Bab-et-Mandeb et 
le Cap Guardafui, en Améri<)ue, au sud du 
Cap Saint-Augustin ^, ont influé sur les idées 
que les peuples anciens et modernes se sont 
forméesdelaconfiguration des deux continens. 
La carte manuscrite de Juan de la Cosa 
nomme Bienhaso (peut-être Bienpcisso)^ le 
Heu où est placé aujoiuni^hui le petit bourg du 
Batabano avec ses Esteras remplis de deux 

* Epist. 168 (avec la fausse date d'octobre 1496). 

• Vojex tom. I, p. 3a8, 829, et tom. II, p. 371 . 



SfiCTION DEUXIÈME. 25 1 

espèces de crocodiles * . Plus à Fouest vers la 
Laguna de Cortez, on lit Ckibo de Bien Espéra^ 
Gap de la Bonne Espérance, nom qui expiime 
Fimportance que Colomb attachait à ce lieu 
aussi voisin , selon ses idées systématiques , 
des Etats du Grand Khan^ que le promontoire 
afiicaîn découvert par Dîaz Fêtait de So&la et 
des états de Zomarin. L^Ile de Pinos, qui 
produit dans une même plaine des paimicors , 
des pins *, et Facajou (Svvietenia), n^a été 

' Relation hist, t. III, p. 46 1 -4^6. 

' Cette réunion de formes boréales et tropicales , ces 
paîmeta eipineiade Cuba, végétant à une même hauteur 
et sous un même climat, avaient déjà frappé Anghiera 
(Ocea/i. Dec. I , lib. III , p. 4o)- On peut être surpris 
de voir que Juan de la Cosa, qui était de Texpédition de 
Colomb en 1494) ^t placé dans sa carte le mot Abange- 
lista (Evangelista) au cap le plus occidental de Cuba , 
dans Tintérieur des terres, et non près de ces grandes îles 
qu'il figure confusément au sud. Est-ce un nom mal 
placé , soit par négligence , soit par un fiiux système de 
symétrie d'après lequel tous les noms des lieux , depuis 
le Cabo de Cruz , sont inscrits uniformément dans Tin- 
teneur de 111e de Cuba? Si Colomb s'était arrêté en 
venant de la Bahia de Xagua aux côtes orientales de 
l'Evangelista ( Isla de Pinos), on pourrait croire que 
la Gosa a regardé les montagnes asses élevées de cette tle 
comme faisant partie du prétendu continent (de l'extré- 






!l52 SECTION DEUXIÈIIE. 

découTerte que le 1 3 juin i494) lorsque Pex- 
pédition de Cblomb était sur son retour Ters 
le ssud-sud-est ; et cette circonstance &it pré- 
sumer qu^en allant à la Laguna de Cortez, 
Famiral arait passé près de la côte septen- 
trionale, par le canal de la Hacha, au-delà du 
Placer de Petatillos. Ne pouvant pénétrer 
plus ayant dans la baie étroite de Siffuanca 
que nos cartes ont figurée long-temps comme 
un canal qui sépare Pile de Pix^os (Eyangdista) 
en deux îles distinctes, il fut forcé de retour- 
ner par le même chenuin. Au milieu de la 
sonde, il fut singulièrement fi:*appé des diffé^ 
rences de couleur de Peau sur deshauts^fonds 
dont j^ai trouvé k température très variable 
selon la profondeur. Il décrit la mer <c blanche 
comme du lait , épaisse comme si Peau était 
mêlée de farine. » Une petite portion de cettc^ 

mité ooddentale de Cuba) , mais nous savons positi-' 
vement que la côte occidentale de TEvaDgelista a été 
découveile la premiàre, et que ramiral n'a jamais 
révoqué en doute que FEvangelista était tme ile. Ce 
D'est donc pas une illusion d'opdque y une supposition 
erronée de la contiguité des terres qui a pu motiver cet 
élargissement extraordinaire que pendant long-temps 
on a attribué à l'extrémité occidentale de Cuba. 



SfiCTlCm DEUXIÈME. 253 

eau laiteuse fut même recueillie pour la 
transmettre aux souverains \ On peut être 

* Vida del Alm. p. 56. AnghiouL) p. 4o. layiHGy 
t. II y pag. 180. J'ai déjà exposé (t. m, pag. 64-iia) 
combien Colomb se distinguait des navigateurs de son 
temps par Fimportance qu'il attachait à tous les phéno- 
mènes physiques qui firapp^ent son imagination. Don 
Fernando a même recueilli dans les journaux de son 
père une observation remarqu|d>le sur le sens dans 
lequel tourne le vent sur les côtes méridionales de Cuba. 
Cette observation acquiert surtout de l'intérêt par les 
ingénieuses recherches de M. Dove , qui le premier a 
fixé l'attentipn sur la généralité et les efiets de la direc^ 
iwn du tournoiement anémomitrique. « Tous les soirs y 
dit don Fernando^ l'amiral voyait se former vers l'est de 
formidables orages. D'après la fréquence des édaii^^ on 
aurait cru que de la grêle et des torrens de pluie sorti- 
raient de ces grosses nuées , mais aii lever de la lune^ 
tout se dissipait. Régulièrement (et j'ai fait la même 
dMervation en 1 5o3 ^ en allanrà la découverte de Vera- 
gua), lèvent souffle du nord, par conséquent du côté de 
la terre , pendant la nuit. Après le lever du soleil , le 
vent tourne à l'est , et marchant avec le soleil (iendo con 
el sot)j il toiune progressivement (par le sud) vers 
l'ouest. » (^Vida delAlm, chap. 65, p. 54«)I1 faut rap- 
peler cependant que Colomb, dans ce passage, ne géné- 
ralise pas le phénomène , comme Bacon de Ver^lam , 
dans le chapitre De successione ventomm où il est dit : 
Si çentus se mutet con/brmiler ad motum solis, non 



"254 SBCTION DEUXIEME. 

surpris de Tintérét qu^excitaii diee un nayir 
gateur si expérimenté un phénomène très 
commun dans les eaux de sonde. 

J^ai taché d^éclaircir par la connaissance 
des locaUtés la question de la prétendue dé- 
couverte de la terre ferme par Colomb en 
i494* Ci^esl la persuasion de la réaUté de cette 
découverte qui donna tant de célébrité au 
second voyage de Tamiral. L^opinion qui 

revertùur plemmjue. Colomb parle (f un phénomène 
qui a lieu sur les côtes, du mode de transition du 
terrai (vent de terre) en un 'vent du large. C'est la 
marche des petites brises ou ^>ents solaires y qui soufflent 
au mois de mai sur les côtes de Provence. Biiuuu>, 
Description naut. des cotes de P Algérie ^ 4887, p. 60. 
Quant à Texamen général de la loi du tournoiement du 
vertt {prehungsgesez) dans les deux hémisphères , e£fet 
de la rotation du globe et de la vitesse des mc^écvles 
d'air correspondant à chaque parallèle, voyez Chvrrvoa , 
yiage al Magallanes j 1793, p. i5, et Dévs, Meteor, 
Vntersuchungeriy 1887, p. ta4-i3B. Aristote, Théo- 
phraste et Pline ont observé les changemens réguliers 
de la direction des vents , mais ils n'ont attribué cette 
régularité qu'au mouvement diurne de l'astre calo- 
lifiant. Les passages ciu*ieux des anciens relatifs au 
mode de succession des venta, se trouvent réunis dans 
Ukert, Geogr, der Griechen^ II, i, p. laS, et dans 
Ideleb, Meteorologia Veterum^ p. 5B. 



SBCnON DEUXIÈME. Il55 

rtiltache le nom de Cuba à la ^psrûecontmef^ 
taie de PAmérique s^est maintenue si lon^ 
temps parmi les géographes, que dans la 
mappemonde ajoutée à Fédition de Grynseus 
publiée à Baie en i532 (carte très analogue 
sous le rapport de Fouverture de Tisthme de 
Panama à celle . d^Appien de i520, dans le 
Solin de Camers), le Canada et le Mexique 
s^appellent Terra de Cuba y tandis que l^e de 
Cuba y porte le seul nom d^lsabela. Plusieurs 
mois après avoir reconnu (le i" août 1498) 
le Téritable contina^C de FAménque au sud du 
promontoire de Paria, tout ^1 fidsant le récit 
du troisième voyage ^ Colomb écrit encore 
aux monarques 1 l <c Dans la première expé- 
dition, j^ai accompli tout ce qui par la bouche 
d^Isaïe et en (d'autres) textes des Saintes-Ecri- 
tures a été prédit de ces terres où le nom du 
Très^Haut serait proclamé par TEspagne. A 
pane de retour , Vos Altesses m'ont envoyé 
pai^là où j^^ai découvert par in^ration divine 
{por viriud dwinal) 333 léguas de la terre 

' Probablement du mois d'octobre 1498. (Này. t. I, 
p. 243.) Voyez sur h date de cette lettre qui «xtste 
copiée de la main de Bartolomc de Las Casas, tome II , 
p. 29a et 338. 



a56 SEGTIOlf DEUXIÈMB. 

firme ^ qui est la^ del Ori!mte% et en outre 
8epts cents îles *« ce Plus loin, en parlant de la 
cause de son ophtalmie et en comparant le 
nombre de ses veillées pendant le second et le 
troisième voyage, G>lomb désigne exprès^ 
sèment le second comme celui dans lequel 
« il fut ' pour découvrir la terre ferme. » 
L^expédition de 1498 pouvait seulement ajour- 
ter à ce qu^il savait déjà. Il ne s^agissait que de 
trouver près de Féquateur, dans ces climats 
ardens, dont un lafûdaire de Burgos, Jaime 
Ferrer, venait de lui dépeindre llieureuse 
influence sur la production de For et des 
pierres gemmes , le riche pays du guanin ^. 
La côte continentale de Cuba, qu'ion avait vu 

« Colomb (Nàt. 1. 1, p. a55) définit cette expression 
dans la même lettre : « YAxmoyofin del Oriente adonde 
acaba toda la tierra é las islas. » G*eçt la limite orientale 
de l'oacovfiiw} des anciens , qui fonpe ime seule masse 
continentale. Voyes aussi le joiunai du premier vojrage^ 
au ai février i493* 

* Dans un seul jour Colomb compta 170 cayes 
paimi les Jardins de la Reine* Vida del Alm. cap. 55. 

^ Nat. t. I, p^ a5a. « En quel viage que yo fui a 
discubrir la tierra firme. » 

4 Voyes t. H, pag. 45 ^ 4^ ^t ^o. L^ guanin était le 
métal que possédait la race noire redoutée à Haïti. 



SBcnoif DEUxiim 257 

tourner Teis le sud, pouvait se prolonger 
jusqu^au-delà de Péquateur • 11 faut bien distin- 
guer entre la relation de la découverte de 
Paria , que Famiral envoya lui-même en £s-^ 
pagne, et les comm^itaires que lé fils don 
Fernando s^est permis d^ajouter pour le nloîns 
quarante ans plus tard , lorsque la configura- 
tion de r^mérique comme continent distinct 
et séparé de FAsie était xléja suffisamment 
connue. Le fils paraît peiné des illusions du 
père , il passe sous silence le serment prêté en 
1494) pour prouver que Cuba faisait partie de 
FAsie , et ne parle pas des rêveries théologiques 
sur la situation du Paradis au promontoire de 
Paria. L^importance du troisième voyage 
s^est accrue dans les récits de don Fernando , 
de Las Casas, d^Oviedo et surtout des histo- 
riens modernes. Chez eux ce n'^èst plus un 
autre point de FAsie orientale que Fon a 
reconnu à Paria, appelée d^abord Tierra de 
Gracia , c^est xm nouveau continent qu^on a 
atteint. Le simple récit de Christophe Colomb 
est bien différent. Comme il veut atteindre la 
côte asiatique de Mangi , dans le voisinage de 
Féquateur, il se dirige jusquW parallèle de 

Sierra Leone , qu'ail croit par les ^ de latitude 
IV. m 



258 SBCTION DEUXIÈME. 

(de y \ trop méridional). Cest la région 
doutée des calmes et des pluies, le Sea qf 
rains des navigateurs anglais } . Le temps est 
constamment brumeux. L^amiral souffre à la 
fois de la fièvre et dW cruel accès de goutte; 
mais « sa tête était libre i> {caheza firme). 
Non abattu par les souffrances physiques, il 
notait <( les distances et les changemens m^ 
téorologiques >» dans un journal quin^apas été 
retrouvé. Pour échapper à cette zone ardente, 
il chercha à gagner en latitude à mesure qu^il 
avançait à Fouest *. Lorsque le i*' août 149S9 
il découvrit la terre qui était le continent de 

*TucKBr, Mtwitim. Geogr. t. 1^ p. 71. 

■ Il croit parvenir de 5° à 7** de latitude. Vida del 
Alm. cap. 66, p. 76 . Oviedo remarque à celte occasion 
(lib. XIX, cap. 1 , fol. i54, a) que le pilote Heman 
Feree « qui vit encore, » raconte les accidens de cette 
traversée d*une manière très différente, et qu*au lieu 
« des calmes dont parle don Fernando, il y eut une 
horrible tempête pendant laquelle il fallut couper les 
mâts. » On conçoit que plus près de File de la Trinité , 
« lorsque déjà on gouverna al os noruestcj » on a pu 
essuyer une bourrasque apris les ca/m^^y toutefois il est 
extraordinaire qu'en i535 il y eut déjà des doutes 
sur un événement dont les témoins oculaires existaient 
encore. 






SfiGTION PBUXlàlIB. 259 

VAméiique màidionale, il la crut d^abord 
composée de deux îles dont la plus basse fut 
i^pelée Isla Santa^ la plus OKHitagiieuse, Isla 
de Gracia. Ce&i fia ayançaiit vers la Margue-* 
rite qu^il reconnut la contiguïté de ces deux 
terres. Il adoptait alors le nom indien de Paria 
pour tout le pays depuis le ddta de rCh-énoque 
jusqu''aux côtes de Cumana. « Si Fimmense 
rivière, dit-il, qui remplit le golfe de son eau 
et forme im lac, ne descend pas du Paradis 
terrestre, elle sort d^une terre d^une immense 
étendue {procède de tierra infinita). w Un 
autre passage de, la même lettre est enc(Hre 
plus expressif' : h Je ne croîs pas que Ton 

* Creo que haya otras muchas tierras en el Austro de 
quê jamas se kobo noticia, Nay. t. I, p. 269 et 26a. Il 
est asses remarquable que cette idée de Texistence de 
ienes auslrmles s'était aussi présentée au roi Jean II de 
Portugal, décédé trois ans aidant la troisième expédition 
de G>iomb. Herrera (Dec. I, lib. III, cap. 9) dit : 
Colomb navigua yers le sud (en 1493), depuis les îles 
du Cap Vert, parce qu'il voulut savoir si le roi don 
Juan s'était trompé, lorsqu'il affirmait que alsuraçia 
tierra firme. C'était prédire le continent avant les véri- 
tables découvertes de la teire ferme de Cabot et de 
Colomb. Je ne trouve ni dans Barros, ni dans les chro- 
niques de Garda de Retende et de Manuel de Faria y 



260 SECTION DEIJXIEMC. 

comiaisse dans le monde entier one rÎTière d 
large et si profonde : je pense que cette terre 
que Vos Altesses noi^ont ordonné de découvrir, 
est très Taste {grandisinva) et qu^il y en a 
vers le sud plusieurs autres dont on n^a pas 
encore connaissance. » Voilà un vague indice 
de terres australes ^ une simple conjecture 
à la manière des anciens : car nous savons par 
une lettre d^An^era (13>. IX, cap. 168) 
adressée au cardmal Bemar^o Gtrarajal ' et 

Sousa j rien qui explique cette citation dUerrera. Nous 
savons que le roi Jean II de Portugal , lors de fentrée 
de G>loinb y en mars i493 ^ dans la bouche du Tage y 
était très efifrayé de yoir que « les indigènes des nou- 
velles terres n'étaient pas noirs » (Muiîozi VI, i3). 
L'aspect de ces Indiens avait peut-être fidt nattre dans 
l'esprit d'im monarque si occupé de découvertes géogra- 
phiques et si heureux dans celles que les Portugais 
tentaient dans l'hémisphère austral, une hypothèse que 
Francisco d'Almeida , fils du comte d'Abrantès y devait 
vérifier. (Baabos, Dec. I| lib. III, cap. 1 1| p. a5a.) 

* Dans cette même lettre , il y a aussi quelques 
considérations curieuses de géographie zoologique: 
« Fuit magno nostris argumento terram eam (Pariam) 
esse oontinentem y quod animalibus passim nostratibua 
eorum plena sint nemora, cervis utpote, apris et id 
genus reliquis, et ex avibus, anseribus^ anatibns, 



SEGTIOIV BBUXISME. 26 1 

citée plus haut , ee que Colomb même pensait 
de sa découverte du fNromontoire de Paria. 
« Notre amiral revient de certaines côtes 
méridionales placées sous les &* de latitude et 
riches ^i perles de FOrient. Il croit ces terres 
liées et contigu^ {adhœrentes el coniigiMS) à 
celle de Cuba, et il les regarde toutes- comme 
étant le continent même des IndiBs du Gange, n 
Rien n^est plus clair que ce passage, et en 
1498, pas plus quWi4949 CSiristophe Colomb 
nV pensé avoir découvert un nouveau conti^ 
nent. Un pilote de Séville, Pedro de Ledesma, 
qui avait accompagné Famiral pendant le 
troisième voyage, s^exprime avec la même 
précision lorsqu^il est appelé à rendre témoi- 
gnage dans le procès du fisc sept ans après la 
mort du grand homme. U parle de la terre 
ferme « que Ton dit être TAsie, h delà tierra 
que dicen que es Asia \ La contiguité de 
Paria et de Cuba est tellement restée fixée 



pavonibusy sed non versiooloribus. A fceminis parum 
diBcrepare mares ajunt. » Le manque absolu de grands 
quadrupèdes dans les Antilles avait sans doute conduit 
è cette réflexion. 

^ Nat. t. m, p. 539. 



%62 SECTION DEUXIÈMB. 

dans Fesprit des géographes, que dans la 
mappemonde d^^i{Meii de iSao ajoutée au 
Mêla de Vadianus (dans un temps où T Amé- 
rique était déjà reconnue comme continent 
distinct), le (Canada et le Mexique sont nom- 
més Parias. Ces mêmes pays portent le nom 
de Tî9t^ de Cuba sinrla carte du No9us 
Ori&ûde<aryniaeus de 1 53%. Dans le quatrième 
▼oyage Colokqb chercludt à ïfêcouvrir ce qui 
formait la liaison dé Ckiba avec Uh côte de 
Paria. La Imèveté du trajet de Cuba aux Ses 
Guanajas et à Honduras, devait favoriser la 
conjecture de cette liaison. «( Colonus (dit 
Angfaiera dans les Océaniques ') percurrit 
anno MDII terram quœ occidentem Cubas 
ultimum ^^tat anguhim ad léguas centum 
tringinla; vertitque se inde ad orientem per 
«jus littoris oras, versis vestigiis, putans se 
Uttus Parim repcrturum. » Je prouverai dans 
la Troisième Seaiion , en publiant une lettre 
inédite et tirée récemment par M. Ranke des 
archives de Venise, que^néme avan^^jVoyage 
de Colomb à Honduras et à Vieragua, au mois 
d^ootobre i5oi , on savait déjà en Portugal 

* Dec. 1; lib. X, p. 119. 



SECTION DEUXIÈME. ^63 

« que les terres du nord couyertes de neiges 
et de glace sont contiguës aux Antilles et à la 
Terre des Perroquets nouYellement trouvée 
(credeno conjungersi con le Andilie et con la 
Terra di Papota nouiter troçata). » Cette 
divination qui proclame, malgré Tabsence de 
tant de chaînims intermédiaires , une liaison 
continentale entre le Brésil découvert par 
Vicente Ya&ez Pinzon, Diego de Lépe et 
Cabrai (i49^i5oo), et les tares glacées de 
Labrador, est très surprenante. Ce n^est pas 
ici le lieu de discuter les él^ens sur lesqueb 
elle a pu se fonder. 

Trois grands événemens qui ont exercé 
une influence durable et puissante sur les 
destinées du monde, la découverte de FAmé- 
rique continentale du nord par Jean et Sébas^ 
tien Cabot, celle de FAmérique continentale 
du sud par Christophe Colomb , et le voyage 
de Gama ^ , se sont trouvés sinon simultanés , 

' Les avantages de cette simultanéité dea grandea 
découTertes eo Amérique y en Afrique et dans Tlnde , 
sont noblement dépeints par Anghiera dans la lettre 
adressée à Pomponius LaetU9> datée de Médina del 
Campe en septembre ligS, La lettre se termine par ces 
mots : Inhient alii divitiis nos autem noetiis iogeniie 



264 SBCTION DEUXIÈME. 

du moins très rapprochés les uns des autres ^ 
à la fin dW siècle fécond en choses extraor- 
dinaires. Tandis que les deux Cabot, embar- 
qués sur le petit navire le Matthew^ décou- 
Trirent le Labrador, Colomb était occupé 
(d^ayril i497 à mai 149^) de Farmement des 
vaisseaux pour sa troisième expédition. Il se 
trouvait déjà en Espagne d^uis le ii juin 
1496. Une connaissance approfondie des dates 
suffit pour prouver que Texpédition de la 
cote de Paria ne fut pas basée sur les succès 
que les Cabot avaient obtenus vers le nord. 
Dans le même été où Sébastien Cabot longea, 
pendant sa seconde expédition , la côte des 
Etats-Unis , entre Terre-Neuve ou les Bacca- 
laos et Fextrémité australe de la Floride, 
Christophe Colomb reconnut la Terre ferme 
depuis le promontoire de Paria jusqu^au cap 
de la Vêla selon Oviedo ' ; jusquWx côtes de 

has escas praebeamus. » (Ep. CLXXXI.) Anghiera 
parle avec chaleur de la jouissance qu'offi*e Taspect 
d'un rapide agrandissement des. connaissances humai- 
nes. 
** Je cite cet historiographe (lib. III» cap. 3, fol. a3, ^; 

KAMrsio , t. III , p. 78 ) parce que la question de savoir 
jusqu'où Colomb est parvenu à l'ouest n'est pas sufllv 



SECTION DEUXIEME. 205 

Gumana sekm le pilote Andrès de Morales. 
Quant au prCTwer voyage de Veôpuce , si Ton 

çaBunent édaircie. Oviedo dit clairement « que l*amiral 
reconnut Gx^hen, la ricca (et aujourd'hui si misérable), 
Isla de Cubagua , vis-^-vis de 4a saline d'Araya , la 
Marguerite, Poregari (?), les Testigos, la Isla de lo» 
Paxaros , Curazao et le cap de la Vêla ; que de la Boca 
del l)rago au cap il y a 180 leguets et que du cap de la 
Vêla qui git sud-nord de File Beata , G)lonib se dirigea 
sur Haïti. » Les évaluations numériques sont asses 
précises. I^e cap de la Vêla n'est en effet que de 5o^ à 
1 ouest du méridien de la Beata, et la distance du cap de 
la Vêla à la i^oca del Drago est de i84 léguas de 17 ^ 
au degi*é. Idunos ne Êiit parvenir Colomb que jusqu'à 
la l^argueri^ , et lorsque je lis dans la relation du fi)s 
(J^ida del Alm. cap. 81) que l'expédition se trouvait 
«ncore le 1 i août près du Cabo de la Conchas , un peu 
à l'occident de la Sfarguerite, tandis que le 19 du 
même mois il atterra à la Beata, siur la c6te méridionale 
d'Haïti , j'ai quelque peine à concevoir , d'après la con- 
naissance locale que j'ai de ces parages , comment un si 
court espace de temps a pu suffire poiu* longer la terre 
ferme jusqu'au-delà du golfe de Maracajbo (V^iezuela). 
Les courans portant habituellement vers l'ouest et le 
nord-ouest (Gilomb les évalue une fois , le 1 5 août , à 
60 lieues en a4 heures) , leur force aurait aussi retardé 
le trajet di4 cap de la Vêla à la Beata. Don Fernando ne 
feit aucune mention de ce capj il dit simplement 
f qu'après l'ilôt des Testigos on découvrit encore 



266 SECTION OEUXIBIIB. 

regardait comme exactes les dcmnées d^Hyla- 
comylus , et qu^od supposât sept à huit jours 
pour le trajet aux îles Canaries , on trouyerait 
que la décourerte du continent coïncide pres- 
que avec le jour de Patterrage de Cabot au 
Labrador. En choisissant parmi les variantes 
îectîones des différentes éditions, celles qui 
sont le plus ÊiYorables à Fantériorité de Ves- 
puce, celui-ci aurait vu la partie continentale 

mucha tierra al pomenie de Paria, mais que aon père* 
n'en a pu rendre compte avec quelque certitude (cina 
pufUual cuenta^f son ophtalmie le forçant de noter les 
choses principales d'après les rapports des pilotes^t des 
matelots. » Il est bien extraordinaire cependant que 
Gomara (fol. LIV^ <i) désigne le même cap, comme 
ayant reçu son nom dans le troisième TOjage de 
Tamiral. Aurait<41 confondu ce voyage ayec l'expédition 
. de Hqjeda et de Vespuce en i499? Les témoignages 
recueillis dans le procès du fisc contre les héritiers de 
l'amiral confirment cette explication . Pedro de Ledesma, 
Alonzo de Hojeda luinmème^ et le pilote Andrès de 
Morales affirment que Colomb &isait route pour Haïti 
lorsqu'il se trouvait en vue de la Marguerite « et qu'il 
ne passa pas plus loin sur les cotes de la terre ferme. » 
Morales ajoute « que le nom du Gabo de la Vêla fiit 
imposé à un cap de la province Quinquibacoa par 
Hojeda et Juan de la Gosa. » (Nav. t. III, p. 539-54^ 
et 544) 



SECTION DEUXIEME. 267 

du Nmireau Monde neuf à dix jours avant 
Cabot. TeU^s sont les apparences diaprés les 
datses des textes que nous avons sous, les yeux*. 
Uexapien des ^ts dont noug devons la 
majeure partie aux recherches de M. Navar- 
rete prouve que ces élémens riumàîques ne 
Biéi9tent aucune confiance. Les dates des 
relatipns de voyages i^ttribuées à Vespuce 
sont en contradiction entre elles , connue je 
Pai exposé dans les tableaux qui précèdent. 
Les documens authentiques trouvés par mon 
ancien et illustre ami, don Juan Baptista 
MoAoz, parmi les Libres de gastos de arma- 
das ^ , établissent que Vespuce , placé en dé- 
cembre 149^ àla tète de la maison de commerce 
de Berardi ^ était chargé de Farmement des 
navires pour la troisième expédition de G>- 
lomb. La Êiusseté de la date d^un départ de 
Vespuce au lo ou 20 mai i497» est par con- 
séquei&t démontrée par un aUhi. Le trésorier 
Pinek) lui a £iit a un paiement de dix mille 
mwavedifl le 12 Janvier 149&9 >> ^ Farmement 

^ Bordereaux des comples sœ* les fraôe cPannemens 
des flottes de Tlade. Ces bordereaux sont conservés 
dans les archives de la Casa de G>iitnitacioa de Sëville. 



d68 SECTION DEUXIBMS. 

de Texpédition de Cplomb pour Haïti et la* 
côte de Paria (expédition pour laquelle on^ 
eixd>arqua des missibimaires , des herbcMÎsCes- 
et « des miliciens qui deyaient diT^rtir les 
indigènes ») 9 a occupé Vespuce à Séville et à< 
San Lucar ^ y depuis la mi-^vril i497 jusqu^au 
départ de G)lomb le 3o mai t^g/è. Le cospao-^ 
graphe florentin pourrait donc scwir &it une» 
absence depuis llÛTer 1496 jusqu\iu printemps 
14979 mais une découvwte du continent à la. 
fin de juin 1497^ ou un premier voyage 
d'Améric Vespuce- du 10 'mai i497 au 18; 
octobre X^gS^ est impossible. Diaprés ces 
argumens empruntés aux chifires , il n^est pas^ 
nécessaire de renouveler la question de la 
possibilité des voyages clandestins. Je ne 
prétends pas que cette possibilité puisse être 
niée entièrement entre les années i495 et 1 5oi • 
A la première de ces époques y une permis^on 
générale * « d^aller découvrir de nouvelles 
terres en sortant du port de Cadix, 1» augmenta 
singulièrement le nombre des expéditions. 

• MwSojBjlib. VI, §«0. Nav. t. II, Doc. CHI, p. i8i._ 

* Real Provision de lo abril i495. Nàt. Doc^ 
LXXXVI, t. II , p. i65 ; t. III , p. 3. 



SECTION DEUXIÈME. 269 

• 

Pour réjMTOier les ^bus qui naissaient de cette 
licencia gênerai para descubrir et pour cal- 
mer les plaintes de ramiral qui au retour de 
son second voyage se vit lésé dans ses piivi* 
lèges , la permission générale fut retirée ' par 
la cédule du 2 juin a 497* Quat^? années plus 
tard, de notiveaux désordres forcèrent le 
gouTemement à promulguer une défense plus 
sévère encore *• Il est donc très probable 
qu^il y eut entre la seconde et la quatrième 
expédition de Colomb a quelques voyages 
obscurs îsîXs furtivement pour ne pas payer 
des droits aii fisc '; » toutes les entreprises 
n^auront pas été inscrites dans ce livre que 
Ton trouve encore aux anciennes archives de 
la CcLsa de CorUratacion de SéviUe et qui 

' HnasmA, Deâ. I, lib. III , cap. 9. Nat. t. II, Doc. 
CXIII| t. II, p. aôi . 

* Provision de Sset. i5oi . Nat. t. II, Doc. CXXXIX, 
t. II, p. ^57. 

' Nat. t. III, p. a4> et dans U Premièiê Secdon de 
ï Examen Cridque^ 1. 1, p. 353-36a. Gomara(fbl. 30, a), 
tout en confondant les dates, dit « qu'il n'est pas resté 
de souvenir de tant de navigateurs qui sont allés &ire 
des découvertes vers le nord aux Bacallaos et au 
Labrador, ni de ceux qui de i495 a i5oo se sont dirigés 
vers la cote de Paria, 



270 SBCTION DEUXIEME. 

porte le titre de Ubro de licencia S Pai cité 
{dus haut (pag. 59-67), eh parlant dea navi* 
gâtions que Vespuce exécuta sur des nawes 
portugais, im exemple remarquable de Tin- 
sufiisance des preuves négatives * : cependant 
le premier voyage dont la date de i497 a tant 
tourmenté les historiens du Nouyeau-Monde, 
ne porte pas le caractère dW voyage clan- 
destin. La relation en a été adressée au roi 
Ferdinand même , et s^il avait été antérieur à 

^ Nay. t. III, p. 18. Voyez aussi Anghibea, Océan, 
Dec. Ily lib. VII, p. 179, où il est question en même 
tempe de la difficulté que trouvaient les étrangers à 
prendre part aux voyages de découvertes. Anghiera 
cite Fexemple de son compatriote Françob G>tta, peut* 
être membre de la famille de ce Jean Gotta qui travailla 
à l'édition vénitienne dePtolémée de i5ii. Le jeune 
homme ne put suivre Texpédîtion de Pedrarias Davila 
(appelé el Galan) au Darien qu'après avoir obtenu des 
lettres de naturalisation. D*uo autre côté y nous voyons 
Vespuce embarqué en i499 avec Hojeda et Juan de la 
G>sa, quoiqu'il ne |ût naturalisé Espagnol que le 
a4 avril i5o5, à son retour du Portugal. (Nav. t. III y 
Doc. IV, p. a9a.) 

* Oserait-^n nier Fexistence de Cadamnsto et la 
réalité de son voyage, parce que Barros, Thistoriographe 
des découvertes d'Afrique , n'a pas jugé à propos de les 
nommer. (ZvBiA, Viaggi^ t. II, p. io5.) 



SBGTION DEUXiBMB. Hyt 

la découverte de Paiîa par Coloiid>, comment 
cehuMÛ qui , par ses liaisons, intimes arec la 
maison de Juanuto Berardi , connaissait Y es* 
puce bien avant i49^) V^ séjournait en Espa* 
gne depuis Tété de 1496 jusqu^au printemps 
de i 49^ et jouissait alors du plus grand crédit à 
la cour et dans les villes de commerce , n^au-* 
rait-il jamais eu* connaissance dWeexpédition 
dirigée vers cette même terre continentale et 
vers ce Golfe des Perles qu'il se vantait dWoir 
vus le premier? G)mment aucune trace n'en 
serait-elle restée dans le procès du fisc pendant 
lequel on accueillait avec malice tous les bruits 
dé&vorables à Tantériorité des découvertes 
de Colomb? G)amient Alonzo de Hojeda avec 
qui Vespuce a indubitablement visité en juin 
et juillet 1499» ^ ^ô^® ^® Paria', n'aurait-il 

* TiBABOSGHI) t. VI, p. I, p. 189. ROBERTSOIf y ^Ù/. 

of America^ Book II, note a3. 

• Ceet ceUe certitude que Vespuce a accompagé 
AloDzo de Hojeda qui est contraire ai«Ai \ toute expli- 
cation qu^on voudrait fonder sur Ti^ApIoi du style 
florentin. D'après ce style qui n'a été abrogé en Angle- 
terre par un acte du parlement qu'en 1763 , Tannée 
commençait le a5 mars. Jour de T Annonciation. Si donc 
on supposait (et j'avoue que cette idée m'a occupé 
autrefob) que la date du pi'obléma tique premier voyage 



27% SECTION DEUXIÈMfi* 

jaiaab entendu dire à celui-ci qu^il voyait cette 
côte pour la seconde fois ^ et quVyant Chris- 
tophe Colomb il avait parcouru ces mêmes 
parages? Hojeda déclare' au contraire dans 

de Vespuce n'est ikusse que pour le mois et non pour 
Fannée^ si on lisait ao mars 1497 pour 30 mai 1497» 
l'expédition aiu^t commencé effectivement en 149B9 et 
sa durée (jusqu'au rotour, le i5 octobre i499) selon 
Hjlacomylus)) serait de diiMieuîmois^ ce qui coïnci- 
derait asses avec les dix-huit mob indiqués dans les 
Quatuor Navigationes. (Nav. t. III^ p. 196.) Beaucoup 
de lettres ^ par exemple celles de Machiavel et de Pietro 
Mediciy fils de Laurent, prouvent que \t styU fiorentin 
était en usage dans des correspondances familières; 
mais cette explication perd toute sa valeur quand on se 
rappelle que Vespuce a été en Espagne jusqu'au départ 
de Colomb pour le trobième voyage (3o mai 149^)9 et 
qu'il ne pourrait être parti avec Hojeda le ao mai 
i499) s'il n'était revenu d'un voyage antérieur^ que le 
1 5 octobre i499* 

* VcHci les expressions de cette importante déclara-^ 
tidn : « Alonzo de Hojeda es el primera hombre que vino 
a descubnr despuH^^ue el Àlmirante, » Nav. t. HI , 
p. 544* Alonzo rvino et Christoval Guerra arrivèrent à 
Paria quinze jours après Hojeda , selon le témoignage 
de Las Casas, lib. I, cap. 171 , et de Nicolas Perez. 
Nav. t. III; p. 541. D'autres témoignages paraissent 
indiquer que Hojeda prêchait Nino dans l'atterrage de 
la terre ferme. (L. c. p. 33i). 



r 



SliCTION DEUXIEME. 2y3 

le procès m. qu'ail est venu le premier après 
^amiral. >» 

It ne Êtttdrait pas dWtres raoti& pour re- 
jeter la date du premier voyage : cependant 
nous en avons donné un plus puissant encore, 
c^est que Veq)uce a élé occupé en Andalousie 
de Farmement de la troisième expédition de 
Colomb, depuis la nû-avril jusqu^à la fin de 
mai 1498. Telle est la confusion qui règne 
dans tous les cbifires qu^ofirent les manuscrits 
et les éditions des voyages de Vespuce pai>- 
venu^ jusqu^a nos jours, qtt^elle seule semble 
déjà prouver qu^il n^ a ri^i eu d^intentionnel 
dans leur falsification. Si lé navigateur même, 
ou si des éditeurs jaloux de la gloire de G>- 
lomb avaient voulu changer les dates pour 
tromper la postérité, on les aurait mises faci- 
lement d^accord «ntre elles , on n^aurait pas 
placé le départ pour le second voyage avant 
le retour du premier , on aurait indiqué la 
dm^ée de chaque voyage conibnùément aux 
dates falsifiées\ Partout les chifires sont alté- 



' Selon les Quatuor NapigaHones composées tout 
d*Hn jet probablement avant la fin de i5o5 et publiées k 
rinsu de Vespuce en 1607, le second voyage commence 
IV- 18 



274 SRCTION DEUXIfiNE. 

rés comme au hasard e), sans xpi^il smi possible 
de deviner daiis quel but la fraude aurait agi. 
11 semble plus naturel de n^y voir que des 
fautes de transcription et d^impre^sion naissant 
de la multiplicité des» copies répandues eh tant 

* 

le 1 6 mai 14^99 quand le premier se tenmne le i octobre 

j499* La contradiction est la«méine j si au lieu djç 14B9 

■ 

on lit 149^) et cette substitution s'oppose au &it eertain 
que Vespuce soignait à San Lucar Tarmement de la 
flotte de G>lomb jusqu'au départ , le 3o mai 1498. 
Le texte de Valori fait revenir Vespuce du premier 
voyage le tS octobre 449^9 Hylacomylus le 1 5 octobre 
i499. Les textes de Saint-Dié et de Valori évaluent la 
durée du premier voyage 1 dix-huit mois^ quand les 
dates partielles donnent trente-un et seize mois. La 
lettre à Médicis relative au second voyage fait retourner 
Vespuce à Cadix le 18 juin i5oOy tandis que d'après 
Hylacomylus il ne part d'Haïti pour l'Espagne que le 
aa juillet, et n'entre dans le port de Cadix que le 8 
septembre i5oo. Je passe sous silence une infinité 
d'autres variantes relatives à la durée des traversées, 
les latitudes y Jes flfctance^, le nombre des pnsonniers. 
On trouve pour la même traversée , par exemple , 
dix-neuf, vingt-quatre et quarante-quatre jours; 16*^ 
de latitude pour 6^, 5® pour 6® ^ et 8®; 35 prisonniers 
pour 380. Un léger coup d'oeil jeté sur les tableaux 
des deux voyages que j'ai donnés plus haut , justifiera 
ces assertions. 



SECTION DEUXIEME. 27a 

de langiM&^diT^rses. Un niante dli|J>itude 
de transformer les chifires r«inains en dôâfres 
arabes, ou plutôt indôus^ peut yavoir con^ 
Inbyt^ quel(tuefois \ De petits traits qui, dans 

' On a souvent agité la qu^tion de savoir si danâ la 
première lettre de Vespuce dont les date» sont si con- 
testée i *on aurait' pu ^nfoÉdre en clii£&*e8 indous 
(arabes) iigj.^ec i49B'et 1499. Il n^est^pa» douteux 
qa% dans Tlnde même il existe des sij^es numériques 
et des méthodes de les grouper qui di£ferent entière- 
ment des chif&es et de'la beUe «léthode ie position du 
devânagari. (Vpye> nuA mémoire sur Torigine de la 
valeur de ppsiiiofClians le Journal des mathématiques 
de M. €«^e, t. W^ 1809/ p. ^^g-^l^nqfie dans le i3* 
siècle, s(Ht par fiufluence d'Albiruni, de Léonard 
Fibonaocide Flanude et de Vincent ^e Bpauvais , soit 
par 1^ rapports entre ks négociant italiens et les 
douaniers maures du nord de l'Afrique, la valeur de 
position s'est introduite en Europe, les signes devaba- 
gari , arabes et persans^ n'étaient pas identiques. Le 4 
devapagarî , par exem^ , est notfe 8 ; ce que* nous 
appelons faussement un 8 arabe est chejs les'Arabes un 
f" renversé. Nôtre 7 ressemble en devanag^ri à un 9 ; 
mais dans de très anciens manuscrits de Boèce dont te 
système de numération est très rapproché de celui de 
llnde (voyez le savant mémoire de M. Chasles sur un 
passage de la géométrie de Boèce, i836, p. 8), nos 8 et 
9 paraissent déjà ayant leur véritable valeur. Malgi*(^ 
cette diversité primitive des signes numériques que 



HJ^ SKCTlOîf 0RUXICME. 



Timpression du texte de la Biblioriièfue Rie- 
cardif précèdent^ ies clûfFres, ont fidt dire à 
Bandini dahs le double du second' Toyage, 
au lieu de 5^ | de distaqpe de la lune à Mars^ 
1 5^ ^ ; au lieu de 5466 milles à Touest de Ca- 
dix, i5466. Si les erreurs de chiffres dont 
fourmillent les ouvrées imprimés relatifs ^ux 
premières découvertes prouvaient Partifice et 
la mauvaise foi des vo jî^euro , on pourrait 
accuser Cadamosto* et Christophe Colomb 
comme on a accusé Vespuce. Madrignano, 

ê 

nous dësignoqs trop vaguemtDt par le bem àf thifires 
indoux, rien ne peut nous fidre sUpppser qu'à la fin du 
1 5® siècle , dans des livres imprimés > les 7 , 8 et 9 aient 
pu être confondiis. Il &ut ajouter à cela que les chifi&^es 
du texte de Saint-Dié sont des chiffi'es romains y et des 
exemples tirés des voyages de Cadamosto et de G>lomb 
même y nous prouveront bientôt k quel autre genre 
d'erreurs expose le système de juxtaposition des Ro- 
mains. Même des titres d'ouvrages importans en of&ent 
les traceS) par exemple la Géographie de Ptolémée 
publiée par Dominicu»de Lapis à Bologne, porte i46a 
(sans doute pour 1473)' ^^ 1^ poésies évangéliques 
Etlich Cristlich Lider uni Lobgesang^ Wittembergi 
MDXIIII (pour i5a4). 

* Bajid. p. 7a, corrigé par Caxovâi (éd. de 1817), 
p. 57 et 38i. 



r 



SfiCTION DEUXIEME. 277 

Jlins VJimerarium PoniagaUensiuM publié en 
i5o8, fait dire^ au célèbre voyageur vénitien 
qu^il a commencé ses expéditions d^Afrique en 
MDIIII; à rage de vingt-un ans , et qu^ les a 
terminées en MCCCCXCIII. Le texte italien 
portait pour le départ MCCCCLIIII, vraie date 
qu^oiit aussi Ruchamer et Ramusio ; mais Ter- 
reur a été conservée' dans toutes les éditions 
de Gryqaeus. Un L a éteins pour un C, et 
de cette manière 14^4 ^^ devenu i5o4f Le 
retour de Câdamosto à Venise était en ftvrier 
i463. Cette ml^e troisième expédition de 
Christophe Colomb , dont rantériorité au pre- 
mier voyage de Vespuce est une question si 
ardue , se trouve antidatée de deux ans dans 
le grand ouvrage d^Oviedo, et ce qui est le 
plus remarquable, cette erreur est ^répétée 
trois fois dans la première édition de Séville 
de Tannée 1 535 , Fépoque étant indiquée tan- 
tôt, en chi&es romains , tantôt en toutes let- 
tres. Une seule fois Oviedo ajoute que quel- 

' Compares Itin, Port. p. a 3, in Aloisii Cadamosti 
Nav. cap. %\ Jobst RuchameA) Unb. Landte^ i5o8y 
cap. a ; G&xxinrsy ffoç. Orbisy Bae. i53lay cap. a et 5oy 
p. 3 et 8B; Ramusio, i6i3y 1. 1, p. 97. (Voyez aussi 
tom. III, p. i4oetsuivH et ZvALA, t. II, p. ii6.) 



278 SECTIOiN DEUXIEME. 

ques-uns prétendent « que le troisième voyage 
de i^amiral, si important par la, découverte de 
la terre ferme,, a été exécuté noh en 1496, 
mais en 1497 ! >^ Ces incertitudes ont *de quoi 
nous surprendre dans im l^sterien appelé 
classique, et qui, selon deux excellens juges ,^ 
MM. MuAoK et Navarrete, mettait le plus grand 
soin dans la rédaction des matériaux qu^il em- 
ployait. Oviedo ne' £sdt nulle part n^ntion 
d^Améric Vespuce ; on ne peut donc admettre 
qu^il ait lu un ouvrage imprimé eiï Lorraine , 
et que , frappé de la date du premief voyage 
du*navigateûr florentin, il soit devenu incer- 
tain sur Tépoque de la découverte de Paria 
par Colomb \ Il existe dans les ^*chives de 

' Voici les trois passages qui m'ont d'abord catisé de 
rétonnement dans Ramusio et que j'ai vérifies sur 
Vedilù) princeps de la Historîa gênerai de las Indiaspor 
0I capitan Gonzaîo Hernandex de Oviedo y Voldes 
{Sevillaj en la emprenta de Juam Crombergerj i535) 
appartenant à la Bibliothèque royale de Gottlngae, 
lib. III, cap. 3y fol. a3y a (Ramusio, t. III, p. 77, S) : 
« En el tercer viage salio el Almirante con seys cara- 
veHas de la Bahià deCalix en el mes de marco del afio 
de mil! y CGCCXCVI , aunque algUnos dicen que era 
en ei ano deXCVII . » -^ Lib. XIX, Prohemio fol. 1 54, a 
Ram. p. 164, ^) : * La isia de Cubagua que es^ 



SECTION DEUXIÈME. 1279 

Simahcas la copie d^une lettre de Tamiral au 
trésorier don Luis dç Santangel, écrite pei^ 
dant le retourne la première expédition. L^a- 
miral signe en* toutes lettres : « Ceci est écrit 
à bord de la caravelle près des (les Canaries , 
le i5 février de quatre-vingt-trois'. » Or Ton 
sait par le journal du grand homme que ce 
jour-là il se trouvait à 220 lieues de distance 
des Canaries , près des îles Aç6res ' . Le premi^ 

esterilissima y dicen muchos (}ue lo pueden bien saber , 
que desde A ano de MCCCCXCVIy anos que fiie por el 
primero Ahnirante don Christoval Colom descu- 
bierta. » — Lib. XIX^ cap. i, fol. i53y ^ : « Al tercer 
viage y descubriminto que hiso el primer Almirante, 
lue en ei ano de mil j quatrocientos j noventa y seys 
anos. . . . » On lit dans la traduction italienne de Ramusio 
(i. m, p. i65) 1946 pour 14961 et Férudit compilateur 
n'ajoute aucune note y quoique dans le même volume, 
à la page 10, il dise d'après Anghiera, que Colomb a 
commencé son troisième voyage en mai 149B. 

' Comparez Nav. t. I, p. i53 et 174. L*crreur est 
d'autant plus singulière qu'elle parait être à la fois 
erreur de temps et de lieu. La lettre, de 8 pages, ne 
porte aucun caractère d'agitation , et cependant le 1 5 
février était le lendemain de ce &meux jour oii Colomb, 
au milieu de la tempête (Nav. 1. 1, p. 1 Sa) jeta à la mer 
le parchemin qui renfermait une courte description de 
ses découvertes. La mer, il est vrai, commençait déjà à 



280 SECTION DIÎUXIÙMK. 

écrit imprimé par lequel le monde a eu con- 
Baissance delà découverte du Nouveau Monde, 
est la lettre de Colomb à Raphaël Sanchez, 
traduite en latin à Rome par Leandro Cosco. 
Diaprés le traducteur , Colomb signe la lettre : 
Lisbonne, i4 mars : cependant selon le jour- 
nal écrit à bord même, le navigateur passa 
alors près du cap Saint^Vincent , et M» Na- 
varrete' croit que Cosco a lu i4 pour 4«^ Dans 
la leUera rarUsùna et dans d^autres docu- 
mens, Colomb se trompe singulièrement sur 
Fâge qu'ail avait en entrant au service d'Es^ 

se calmer^ mais on ne put atterrer à Ttte Sainte-Marie 
du groupe des Açores, que le 17 février. La lettre 
n*aurait-eUe pas été écrite pendant le séjour dans cette 
Ue entre le 17 et le a4 février? Dans la traversée à 
lisbonne^ Colomb suirit les parallèles de 87® — Sg®, 
il restait dix d^és au nord des Canaries. Le 1 5 février^ 
des pilotes ignorans avaient cru qu'on « était près de la 
Roca de Cintra^ sur les côtes du Portugal ^ ou près de 
Madèiie ; » mais Famiral^ plus sûr de sa route^ n'avait 
jamais douté que la terre que l'on rit-ne fÙtune des îles 
Açores. Un papier inclus dans la lettre a Santangel (oa 
donnait alors à ces papiei^ inclus le nom d'ame, animd)^ 
prouve qu'elle ne fut terminée et fermée qu'à Lisbonne^ 
toujours en laissant subsbter l'erreur de la signature^ 
* Nav. t. ïy p. i65, 175 et ig^. 



SICTIOM DEUXIEMB. 28 f 

pagne et sur le temps qu^l séjourna dans ce 
pays'. Fernando Colondi raconte (cap- 64). 
que son p^e se trouyait en i499 ^ ^ cour à 
Jtf edina del Cafldpo , quoiqu^il dise qu'à cette 
époque Famiral était à Haïti , de retour de la 
cote dé Paria, depuis sept mois. Il termine 
même son ouvrage (cap. 108) en avançant 
d^une année le terme de la vie du père. Cette 
Êiusse date de la mort en i5o5 a passé dans 
jdusieurs ouvrages modernes , très estimables 
d^ailleurs. Lliistoire des Indes de Gomar» 
place * le départ pour la troisième expédition 
en mai i497 j ce qui est précisément Tépoque 
du premier voyage de Vespuce dans Fédilion 
de Saint-Dié. Nous avons déjà fait remarquer 
plus haut que le même écrivain ose affirmer 
que les Espagnols ont beaucoup fréquente la 
côte de Paria dé i49^ ^ i5oo. Ces exemples , 
trop détaillés peut-être > suffisent pour rap- 

' Voyez tom. III, p. 353 et 8uiv. 

* Il y a en toutes lettres : « Se partio el Âlmirante en 
d tenero yiage de San Lucar de Barrcnieda en fin de 
mayo del afio de noverUa y siete sohre mil y quatro 
cieiUos. (GoMAAA. fol. i4) ^9 et aOy a.) Sur d'aub^es 
erreurs de dates de Colomb , voyez Nav. t. I^ p. 167 
et aa4- 



â8a SECTIOn DEUXIÈME. 

peler combieti il est injuste de Toir de la fraude 
partout où il y a confusion de dates. Cette 
confusion règne par malh^ir au plus haut 
degré dans Fintervalle qui sépare le premier 
et le second voyage d^Améric Vespuce. Les 
cinq expéditions si rapprochées de Colomb ^ 
d^Alonzo de Hojedar, de NiAo, de Vicente 
Yanez Pinzon et de Lepe^ expéditions si sem- 
blables dans leur but et dirigées vers les même» 
côtes . de la terre ferme^ ont contribué à em- 
brouiller la chronologie des évén^aiens. Il 
Ëiut considérer ces points de discus^on sous 
un point de vue plus général. Les diffà?ente& 
expéditions de Sébastien Cabot', de Hojeda*,^ 

' BiDDLE, Mem, ofSeh. Caioùy-p, lo, i3, 71 et 85. 

* Munoz par exemple place le second voyage de 
Hojcda en i5oi. Voyez Nay. t. III , p. 3i8 et 693. Las 
Casas (lib. II , cap. a) et Herrera (Dec. I, lib. IV, 
cap. 9 et 4y t. I, p. 84 et 99) disent par erreur que 
Hojeda fiit accompagné par Vespuce dans* le second 
voyage, celui de janvier i5oa à janvier i^3. Oviedo 
(lib. III , cap. 8 , fol. ^8 , S) mêle en un seul voyage les 
évënemens de l'expédition de Hojeda et de Vespuce ea 
1 499 avec ceux de FexpédiUon de 1 5oa , faite par Hojeda 
et Vergara. Le même auteiu* place en i5oa le voyage de 
Rodrigo de Bastidas avec Jhian de la Coea , voyage qui 
uctommença qu'en i5oo. J'entie dans ce minutieux. 



SECTION DEUXIEME. ^83 

de Pinzon, au nombre de deitK(i497 et 1498) 
pour le premier, de quatre (i499) i5oi, 
i5o5 et 1609) pour le second, et' de trois 
(1499, i5o6 et i5p9) pour le dernier de ces 
célèbres navigateurs , ont été confondues en- 
semble comme cela a eu lieu pour les voyages 
de Vespuce. Cependant on n^a jamais argu- 
menté de cette concision des dates à la non- 

* 

existaice des voyages de Gibot, de Hojeda 
et de Pinzon , ou à Faltération des &its quHls 
rapportent. Tout me semble indiquer que de 
maladroits rédacteurs ont publié , à Finsu du 
cosmograpbe florentin , ce que nous possédons 
de lui. Est-il probable que Vespuce lui-même 
eût appelé , dans la lettre d^envôi qui précède 
les Quatuor Navigaiiones , le roi d^Aragon 
Ferdinand le Catholique / roi de Casiille* , et 
que dans le troisième voyage qu^il raconte 
avoir entrepris aux frais et par ordre du roi 
Emanuel de Portugal, il eût pris possession 



détail pour prouver le désordre qui règne dans la 
chronologie des expéditions qui ont été entreprises à la 
fin du quinzième et au commenoement du seizième 
siècle. 
' Texte de Baccio Valori, chez Bahdini, p. 3. 



a84 SfiCTION DEUXIEME. 

du continent pro Serenissimo Castiliœ rege ' 2' 
Les discussions qu^ont fait naître récemment 
les uomJ)reux voyages de Sébastien Cabot, 
devraient surtout rendre jAus circonspects 
ceux qui traitent Vespuce avec une si grande 
sévérité. Ramusio' fait dire à Cabot même 
que son premier voyage était de 1496 (au lieu 
de 1497)* B^autres admettent un voyage de 
i494) et malgré les variantes de ces dates , on 
n^a jamais accusé de fi:*aude le grand naviga- 
teur vénitien. 

En réunissant dans les deux tableaux qui 
précèdent (p. 195-21 3) Fanalyse dés faits 
qu^offrent les difTérens textes des premier et 
second voyages d^Améric Vespuce et en com- 
parant ces Êdts aux voyages d^Alonzb de Ho- 
jeda et de Vicente Yafiez Pinzon, j'ai placé 
sous les yeux du lecteur les élémens mêmes 
de la question. On jugera si les conséquences 
auxquelles je me suis arrêté sont exactes et si 
elles sortent du domaine des simples conjec- 
tures. Pour procéder par induction , il a fallu 
chercher un point fixe de départ : ce point ,. 

• Texte de Saint-Dié, chex Nav. t. III, p. 267. 
a T. I, p. 374, *. 



SECnOK DEUXIHRE. aB5 

• 

C^est rëvidence de l^assodation deVespuce et 
de Jimn delaCosa dans Pexpédition dirigée 
par tiojeda vers la terre ferme, depuis le 20 
mai jusqu^au 3o août i499* Le témoignage 
formel de Hojeda dans le procès du fisc et les 
manuscrits de Las Casas ne laissent aucun 
doute sur Fassociation et sur Pépoque du dé- 
part. On demande alors lequel des deux 
voyages de Vespucè ressemble le plus à celui 
de Hojeda , ou si , comme on Ta avancé sou- 
vent, et comme Las Casas% Charlevoix et 
Herrera Font d^a soupçonné , le rédacteur 

' Las CiflAS, Ms. lib. I, cap. t64 et 1 68. Selon 
Nat.. t. III, p. 7 et 33a. Charletoix, Hisl. de Smnt-^ 
Dominguey t. I, p. a4i* Voici les paroles de Herrera 
(Qec. I, bb. IV, cap. 4) : « La ida a la Espanola la 
aplica Americo Vespucio al segundo viage de Ojeda y 
assi con mucha cautela va Vespucio trastomaDdo las 
cosas que -a aoonlecieroa en un viage coo el otro por 
oscurecer que el Afanirante don Christoval Colon 
descubrîo la tierra firme. » Pour comprendre ce der- 
nier passage, it faut se rappeler que Vespuce parle, 
non dans le premier, mais dans le second voyage, « de 
son arrivée à la Isla Antiglia ou Spagnuola * (textes de 
Saiot-Dié et édition Kiccardi), et que Herrera admet 
que les premier et second voyages de Hojeda sont aussi 
les premier et second de Vespuce. 



"286 SECTION DEUXIÈMB. 

des Quaiuor Ncwigationes a forgé le premier 
voyage en se servant des mêmes matériaux 
pour les deux' relations qui portent les dates 
de i497 6t i499* Or ce qui caractérise essen- 
tiellement les deux relations , prouve que les 
voyages qu^elles |:*etracent ne sont pas iden- 
tiques. Dans le premier , le navigateur reste 
dans lliémisplière bpréal : il ne voit pas la 
cote de TAmérique au sud des parallèles de 5^ 
ou 8® nord. Le second voyage est dirigé vers 
lliémisphère austral y jusqu^aux 8** de latitude 
sud'. La découverte du cap Saint-Augusdn, 
celle de Tembouchure de la rivière des Ama- 
zones , les courans qui portent avec violence 
au nord-ouest et la vue des constellations du 
ciel austral y jouent un rôle principal. Ves- 
puce dit clairement que pendant cette seconde 

' Si fauteur de la Corogn^la hratUica (Rio de 
Jandro^ 1817, t. !> p. 34) avak connu leg témoignages 
de Vicente Yanez Pinsop et de Hernandez Golmenero 
daoB le procès du fisc -(Nav. t. III, p. 547-549)7 il 
n'aurait pas ôf é prétendre que le Cabo Santa Maria de 
la Q)nsolaeion9 loin d'être le cap Saint-Augustin j est le 
Cap Nord| situé par les i*' 5a' de latitude nord. Pinson 
arriva au oap de k Consolation après avmr coupé 
Téquateur du nord au sud. (Hebrera, t. I , p. 90.) 



SBGTION DEIJXIKHE. ^87 

«xpédhicm il a coupé deux fois Féquateur : il 
tache en yain 4^ découyrir une étoile qui 
^Barque le pôle antarctique. Il regarde comme 
une chose très importante dWoir été si loin ' 
vers le sud, dans Taiitre hémisphère. 

Le caractère d^une navigation australe en- 
tièrement étrangère au premier Toyage d^A- 
mëric Vespuce , est aussi spécialement indiqué 
dans la lettre très importante publiée pour la 
première f<ns en 1827 dans Féditicm de Marco 
Polo du comte Baldelli^ et à laquelle on a £iit 

' Dam le' double de la relation du second voyage 
(lettre à Médicis, texte Riccardi), Vespuce, après avoir 
parlé du célèbre passage du Dante appliqué à la Croix 
du sud, ajoute : « Si Dieu me conserve la vie, je compte 
retourner bientôt dans cet hémisphère (austral) et ne 
pas le quittçr sans découvrir le pôle (Fétoile polaire 
antarctique). Cette ibis-ci nous avons navigué dans la 
direction du méridien 60® ^; car à Cadix le pôle s'élève 
de 35® iy et nous avons été au-delà de Téquateur 6® (la 
lettre à Soderini, texte de Baccio Valori, dit 8°) vers le 
sud. » Baud. p. 33 et 71. Canovai, p. 56. Il est clair 
<{ue Vespuce ou son éditeur confondent la latitude de 
Cadix avec la distance zénithale du pôle ou la hauteur 
de Téquateur : ils ont pris 54** i pour 55*» ^. La distance 
parcourue exprimée par la différence de latitude^ a été 
4i'*^,non6o° J. 



288 SECTION DEUXIÈME. 

peu d altention jusqu^id. Cette lettre est écrite 
au Cap \^t le 4 janyier iSoi , lorsque Ves- 
puce, au commeocement de ton troisième 
Tdyage, renc(Hitre la fbtte de Cabrai qui, 
après aToir atterré accidentellem^it au Brésil 
à la Terre dehiSamte^Croix^lea^ avril i5oo, 
en allant aux Grandes Indes , se trouva sur 
son retour à lisbonne. Vespuce , au milieu 
des souvenirs de Pautre hémisphère que firent 
naître cette rencontre et des conversations 
avec les pilotes de Texpcdition , rappelle que 
dans le voyage quHl fit pour le roi de Castille , 
il toucha à la même cote (du Brésil) que Ca- 
brai avait vue après lui. 

Des deux relations du navigateur florentin,* 
il n Y a donc que la première dans laquelle on 
puisse reconnaître le voyage qu^il fit conjoin- 
tement avec Hojeda et Juan de la Cosa. Le 
détail des événemens partiels et leur compa- 
raison sont consignés dans les tableaux qui 
précèdent. Il serait inutile d'^insister de nou- 
veau sur ces analogies. Le nombre des na- 
vires est le même chez Hojeda et chez Ves- 
puce : il difière dans le second voyage de 
Vespuce. Diaprés ce que" j'ai rapporté sur Fin- 
certitude des dates et des chiffres en général , 



8BCTION DBUXIBMB. 289 

Uoe &ut pas être surpris quHls n^oflSrent pas 
dWccoid* On n^en trouve dans le départ au 
premier voyage que pour le jour du mois 
(ao mai). Le retour au i5 octobre i499 p^ut 
être exact , car Hojeda dit avoir terminé son 
voyage de découverte à la Terre ferme le 3o 
août de la même année. Il arrive à Haïti\ au 
p(»*t de Yaquino, dès le 5 septembre i499 • 

^ Je n'insisterai pas sur Tunique et petite barque 
dans laquelle Hojeda et Juan de la G>6a doivent être 
venus à Haïti ^ selon le témoignage que rendit dans le 
procès du fisc en i5i5, Ciistobçd Garcia, doàki<;ili^à 
Palos. « Vinieron, dit-il, de Tierra firme ^i un barquete 
que habian perdido los navioa y con obra de i5 o ao 
hombre que los ostros se les habian muei*to oqiîfedado. » 
Nav. t. m, p. 545. Vespuce est moins positif. Le texte 
de Saint-Dié porte, en parlant de ce beau port où Von 
resta trente-sept jours pour réparer les vaisseaux : « In 
terra autem illa nuviculain unam cum reliquis naviculis 
nostris ac doliis novam Êibricavimus. » Nav. t. III, 
p. 234. Le texte de Baccio Valori passe cette construc- 
tion sous silence et fait élablir un bastion I « In terra 
Ëicemmo un bastionc con li nostri batleUi e con tonclli 
e botte e nostre artiglierie che giocavano per tutto.» 
Bardiui, p. 28. Canovai, 1817, P* 46. La lettre que 
Francisco Roldan écrivit à Colomb en lui annonçant 
Tarrivée de Hojeda et de Juan de la G>sa à Yaquimo, 
nomme plusieurs caravelles de Texpédition : « Yo ove 

IV. 19 



ago SBCTion deuxiemb. 

des afiaires particulières Fy retiennent si lon^ 
temps qu^il nWeint Cadix qu^en juin de Tan-^ 
née suivante. Je soupçonne que Vespuce s^est 
séparé de Hqjeda pour retoimier seul en £^ 
pagne où, arrivé en octobre 1499^ comme 
porte le texte de Saint-Dié , û est Tenu à temps 
pour s^embarquer en décembre dans Pexpé- 
dltion de Vincente Yanez Pinzon, Diaprés ce 
que je viens d^exposer , tout le premier voyage 
de Vespuce (20 mai — ±5 octobre i499) ^^^ 
rait duré cinq mois, et cette opinion est aussi 
celle d^Herrera , fondée sans doute sur des 
moti& très difTérens * • Nous avons déjà rappelé 
plus haut que les copistes et les éditeurs des 
relations de Vespuce ne se sont pas donné la 
peine de mettre dVccord les époques du dé- 

de ir a ias carabelas y fallé en elias k Juan Vigcaioo 
y Juan Velazquez.... » (Las Casas, lib. I, cap. 164). 

* Voici ce passage : « Y aunque Vespucio diae que 
avia i3 meses que endava por alli, fueen el segundo 
viage que hizo coq Ojeda, porque en el prîmero no 
esiuvo sitio cinco comoel fiscal real lo prov6 j lo coafesso 
con juramento Alonso de Ojeda y otroe. » (Heerera^ 
Dec. 1, lib. IV, cap. a.) Les parties du procès que 
l'enfcnne l'ouvi'age de Navarretene justifient pas la 
conclusion d^Henora que je fonde sur d'autres combi- 
naisons. 



SECTION DEUXIEBifi. agi 

part et âe rarrîrëe «wec la ûvarée des voyages» 
Peiit-étre a-t-cm t^eculé le premier départ jus- 
qu^en i497 pour essayer de justifier le chiflfre 
de la durée dé Pexpéditioii , en prenant la date 
du retour pour tenve fixe et certain ? Quant 
aux degrés de latitude , je dois rappeler que 
les nombres en sont quelquefois^ et même 
dans les joiunaux de Christophe Colomb, le 
'douUe trop grands, non à cause des erreurs 
que causaient les chi£rre& indiens ou des traits 
en forme d^unités ajoutés, conmie dans le 
texte de Riccardi , mais parce que Ton con* 
fondait la latitude avec la double hauteur lue 
sûr la division des cuadrantes ou instrumens 
d^astronomie nautique. On trouve dans le 
joiumal de Colomb ' pour la côte de Cuba 4^"* 
de hauteur du pôleau heu de 21''. En quittant 
la terre ferme Vespucc eut à soutenir un com- 
bat dans une île que Fédition d^Hylacomylus 
appelle Iti , nom que Tévêque Geraldini donne 
à nie Saint-Domingue, et qui paraît identique 
avec Haïti. Ce que Vespuce dit de Pesprit 
guerrier et du courage des insulaires qui ont 
blessé vingt-deux Espagnols, jie ressemble 

' Journal des 3o octobre et 2 noveitibre 1 492 . 



ag2 SECTION DEUXIEME. 

guère aux mœurs paisibles des Haïtiens^ Six 
ans après que les Espagnols eurent fondé leur 
colonie à Saint-Domingue ^ les indigènes ne 
pensaient pas à s^opposer à un débarquement 
ni à se montrer si belliqueux. Je persiste à 
croire* qu^il n^y a pas plusieurs îles Iti, et que 
le synonyme d^Haïti et d^Anti^iia, n^a été 
ajouté qu^en fareur de la fin. de la relation du 
second Toyage. Pour résumer Fensemble de 
ces considérations , nous rappellerons les prin* 
cipaux points dans lesquels les expéditions de 
Vespuce et de Hojeda ofirent de Fanalogie. 
Ce sont : la date du jour du mois pour le dé- 
part ; le nombre des navires ; Tatterrage au 
sud-est du golfe des Perles , mais toujours au 
nord de Téquateur ; les noms de Paria et de 
Venise; le combat de vingt à vingt-deux 
blessés et d W seul mort : les incursions dans 
Tintérieur des terres pendant lesquelles les 
naturels reçoivent les Espagnols avec des hon- 
neurs extraordinaires ; le séjour dans le beau 

' Voyez tome IIl, pag. 222. Le doute qui y semble 
exprimé sur le « prétendu «» premier voyage n*a rapport 
qu'à Tépoque de i497* «^'aurais dû appeler probléma- 
tique ce voyage d'une date contestée. 



8EC!T10N DEUXIEME. 298 

port (de Mochima) pendant trente-sept jours; 
l» manque de perles pendant une expédition 
assez infructueuse, et Tenlèvement des es- 
claves dont le nombre (222) est sans doute 
énoianément exagéré et peut- être calqué sur 
le nombre des deux cent vingt-trois captifs de 
la seconde, expédition. Les événemens, je 
pourrais dire les matériaux , sont les mêmes 
dans les dçux voyages de Vespuce et d^Ho- 
jeda; mais dans la relation confuse du j»*e- 
mièr leur succession est altérée. Cest plutôt 
une description des mœurs qu\m itinéraire. 
S^il y a Bécessité , pour ain^ dire , que le 
premier voyage soit celui qu^Alonzo de Hojeda 
fit avec Juan de la Cosa et Vespuce , il me pa- 
rait pour le moins prenable que le second qui 
CTobrasse Fhémisjdière austral est le voyage 
dans lequel Vicente Yanez Pinzon découvrit 
le cap Saint-Augustin et Pembouchure de la 
rivière des Amazones. On poiurait d^abord 
hésiter dans le choix entre les expéditions de 
Pinzon et de Lepe si rapprochéespour le temps, 
et embrassant toute la côte orientale de PA- 
mérique méridionale , depuis les 8" — 9° sud 
jusqu^à Paria et la côte ferme de Venezuela. 
Il ne peut être question de Per Alonso Nifto 



S04 SBCTION DËliXlKME. 

et de CristOTal Guerra, qui ne dépassèrent 
pas réquateur et n^avaient quW seul navire , 
tandis que pour le second voyage de Vespuce 
la lettre à Médicis en indique deux , la lettre 
à Soderini trois. Aussi le départ de Nifto n^é* 
tait que de quelques semaines postérieur à 
celui d^Hqjeda et de Vespuce. Rodrigo de Bas*- 
tidas avait deux caravelles ; il ne partit qu^en 
octobre iSoo; mais, loin de reconnaître TA- 
mazone et le cap Saint-^Augustin , il atterra sur 
la côte de Cumana (<c d^abord à Isla Verde^ 
^itre la Guadeloupe et la Terre ferme » ) , et 
se dirigea vers le Rio Sinu , la Culeta d^Urabà, 
et Titshme de Panama. Cest pendant le cours 
de cette navigation de Bastidas que les Espa- 
gnols furent frappés pour la première fois , 
dans la province de Gtarma, de IHmposfflEit 
spectacle de montagnes couvertes de neiges 
perpétuelles situées sous la zone torride. La 
Sierra Nevada} de Santa Maria n^aurait pas 

' Ce groupe de montagnes neigeuses dont les points 
colminans portent aujourd'hui les noms de la Horqueta 
et du Picacho, a probablement près de 3ooo toises 
d'âévation. Il est isolé, également sépai*é des Andes 
d'Antîoquia et de la chaîne de Pamplona et Merida 
(vo^z Aia carte des G>rdillère8, n^ 5 de XAiUu gèogra- 



SECTION PEIIXIÈME. HgS 

été passée sous silence par Vespuoe s^ii avait 
été de cette ejqpédition. En argumentant par 
exdusion on arrhre aux voyages de Lqpe et de 
fmzaa si semblables soos tant de rapports; 
mais Fexpédition de Lepe, dans lM|uelle il n'y 
avait que deux navires , se termine d^ àjpfé& 
sixmois^ en juin i5oo; tandis que Ve^Mice 
fixe le retour de son secoiid voyage au mois 

■ 

phiqu$ et Relation hist. t. III, p. ai4)i par consëqueut 
beaucoup moins étendu que, sans doute sur les rensei- 
gnemens de Rodrigo de G>lmenares et d'Alonzo de 
Hojeda (second voyage en i5oa), ne Ta décrit Enciso 
dams la Suma de Geografia imprimée à SéviUe en iSig. 
La tierra nevaâàAt Gtarma (JSatutma regio d'Anghiera) 
me parait aussi le premier point où les Espagnols ont 
reconnu que la limite des neiges est fonction de la lati- 
tude et s'élève rapidement vers Téquateur* Je trouve 
dans les Oceanica (Dec. II, Hb. II, p. i4o) : « Defluebat 
inter portutn Carthaginis et regionem Cuchibacoa 
iffmen Gaira ex alto nivali monte quo aitîorem nemo 
ex ducis Roderici (G)Imenaris) comitîbus aïebat se 
vkiisse unquam. Neque afiter putandum est, si nivlbus 
aibescebat in ea r<^one , quae.intra decimum gradum 
<fi8tat ab aequinocdali linea. » Ceci a été écrit entre 
*5io et i5i4. Anghiera tirait ses notions sur les 
montagnes neigeuses de Sainte-Marthe, en partie des 
convenBations qu'il avait avec Jean Vespuce, le neveu 
d'Améric. Voyez Dec. Ilî, lib. V, p. 258. 



296 SECTION DEUXIÈME. 

de septembre de la même amiée^ ce qui est 
exactement Tépoque du retour de PinzoD. 
D^autres points de ressemblance des deux 
ex|>éditi(M|s de Vespuce et de Pinzon soiit : le 
Ëeu du premier atterrage dans lliémispbère 
austral; la découTerte importante du cap Saint- 
Augustin et d^une partie du Brésil rappelée 
lors de la rencontre avec la £btte de Cabrai; 
la reconnaissance de Fembouchure de la ri- 
vière des Ama2;ones et des basses terres de 

* Selon les textes de Saint*Dié et de fiaccio Valon. 
L'édition Riccardi donne 18 juin i5oo, ce qui, combiné 
avec le départ de Vespuce, indiqué en mai 14999 oSre 
les mêmes dates que le départ et le retour pour le pre- 
mier voyage, d'ailleurs entièrement dissemblable de 
Hojeda. Cette coïncidence est-elle accidentelle, ou 
a-t-on modifié dans le texte Riccardi l'époque du retour 
de Ve^uce, parce que, sans ré^échir à la différence 
des latitudes parcourues , on a supposé que le second 
TOjage de Vespuce , dont la lettre à Médicis évalue )a 
durée à treize mois, pouvait être le premier d'AIcmso 
de Hojeda. Mais ces treize mois prouvent de nouveau 
le peu de confiance que méritent les chiffres cités daiis 
les différens textes. De mai 1499 à septembre i5oq 
(textes de Saint-Dié et de Valori), il y a seize mois. La 
date du retour fixé au 18 juin est-elle établie sur la &i^^-l 
pie supposition des treize mois? 



8BGTI0N OEUXIEMB. 2^J 

VUe Marayo, la mer cTeau douce , les couraii8 
qui longent la côle duS. £• au N. O. ; Fex- 
pression dW tif intérêt marqué pour les cons- 
tdlgtions du ciel austral dont plusieurs pa- 
raissaient à de si grandes hauteurs au-dessus 
de lliorizon; l'époque de Tarrivée à Haïti 
(Pinzon y arrive le 23 juin i5oo, et Vespuce 
dit que lui quitte cette île le 22 juillet de la 
même année, après un séjour de deux mois et 
deux jours) ; la navigation vers le nord et le 
nord-K>uest d^Haïti , à des îles entourées de 
bas-fonds (îles Bahames, Saometo, Maguana 
et écueiis de Babueco) ; des esclaves enlevés 
pendant la navigation ; enfin de belles perles 
et des pierres gemmes rapportées comme fruit 
de Pexpédition. 

Ces traits de ressemblance que je viens de 
citer sont certainement aussi nombreux que 
frappans. Le voyage de Pinzon acquit sa grande 
importance par la découverte du cap Saint- 
Augustin' et par la vaste étendue de mer et 

* Aiighiera revient jusqu'à quatre fois sur cette im- 
portance d'un cap) qui se trouve à l'est de la iigne de 
démarcaiion du pape Alexandre VI^ et que malgré la 
difiérence de latitude, il considère comme une forme 
symétriquement analogue au cap de Bonn&^Ëspérance : 



298 SBGTION 0£UXIB1U. 

de côtes qui avait été parcourue. C'était la 
jHrCTodère fois que les Espagnols sur le littoral 
de TAmérique avaient pénétré dans cet hémis- 
phère austral qui , du côté de TAfrique , était 
depuis long-temps devenu le domaine des 
navigateurs portugais. Aussi Vespuce, dans la 
longue et intéressante lettre quM adresse à 

« Cuspis ea quam Vioentîus Annez attigit^ Atlanteim 
videtur velle impetere. lUam qu^pe Afiicas partem 
spectat quae a Portugallensibus caput Bonae Sperantiae 
dicltur AdaDtlci monda squallenda in Oceanum pro- 
tehta promontoria. Sed Bon» Sperantiae caput gradus 
antartctici coUipt quatuor et triginta (en effet 33* 
&6^ 3"') : cuspis autem illa (Sancti Augustini. caput) 
septem tantum. Puto terram hanc esse, quam apud 
G)smograpIiiae scriptores Adandcam dici magnam insu- 
lam reperio, sine ulteriore de illius situ exploratu. » 
Océan, Dec. II, Hb. VII, p. i85, lib. VIII, p. i86j 
Dec. III, llb. X, p. 3^4. La majeiu*e partie de TAmé- 
rique méridionale était regardée comme lui prolonge- 
ment du cap Saint-Augustin. « Soliains (Juan Dias 
de Solis") sex centum lequas processit. Reperit Sancti 
Augustini frontem adeo in latum distindi ad meiidiem 
trans œquinoctiunf, ut trigesimum amplius gradum 
antarctici praehenderît. » Dec. III, lib. X, p. 317. 
Telles étaient les vues de géographie compai'ée jusqu'en 
i5i6, époque à laquelle (p. 3a3) Pierre Martyr d'An- 
ghiera termine cette troisième décade. 



SBCTION DEUXIBMB. 299 

Médicis, relève sans cesse ce mérite particu-* 
lier de Texpédidon à laquelle il s^était associé. 
U se persuade atcnr navigué 5ooo lieues , diê- 
coprendo infinitissima terra dçlV Asia^ car 
comme Pinion, il répète toujours* que la 

' DaDS la même letU^e, cette opinion qui exclut toute 
prétention à ki découverte (f un Nouveau Continent, est 
énoncée XnAê fbid. « Mia intensione era di vedere se 
polevo TDigere une cavo di terra que Ptolcnneo nomina 
il caw> di Catt0gara (che è guinto con il Sino tnagmi) 
che per mia opinione, non stava molto discosto da esso 
secondo i gradi délia longitudine e latitudine, como 
qui a *bas80 si darà conto. » (Band. p. ^^, CiiiiovAi, 
p. 5i et 367.) — « Di poi d' aver navicato al pie di 4oo 
leghe di contîmuo per In oo«ta concludemmoche quetta 
era teUra firma ^he la dic« , e' confîni dell' Asia per la 
parte d*oriente e il principio per la parte d'occidente. » 
(Bahd. p. 76.^ JTai cité plus haut dam le texte le passage 
dans lequel Vespuce désigne Fensemble des décou- 
vertes faites dans le second voyage : « Stemmo In questo 
viaggio i3 mesi, correndo grandissimi perîcoli e disco- 
prendo infitdtissima terra del Asia e gran copia dlsole. • 
Band. p. 83. Il termine la lettre en annonçant à Pi«T 
Francesco de' Mediti que * Ton amie pouf lui {qni 
marmano) trois navires qui seront prêts vers la mi- 
«cptembre; il espère continuer les découvertes e trar 
imove gtandisstme t disroprir f Isola Trapohana cke ê 
infra il mar Inékoy ti élmat Oang-etico, tl pûis! rentrer 
idâns sa patrie j^otnr soigner m vietileése. * Ces vaîssêinix 



300 SBCTIOfi DBUXIBIIB. 

terre qu^il a découverle &it partie de Tancien 
continent de TAsie orientale. Il compare Pex- 
pédition quHl vient de terminer à celle de 
Gama, et la trouve bien plus courageuse, 
«c Votre Magnificence, écrit-il à Médicis, aura 
entendu parler de la flotte que le roi de Por- 
tugal a envoyée il y a deux ans (il &llait dire 
troisans) vers la Guinée. Un tel voyage, je ne 
puis rappeler un voyage de découverte , c^est 
se traîner le long des cotes qui étaient déjà dé- 
couvertes. Ces navigateurs n^ont pas perdu de 
vue la terre , et ils ont Eût le tour de TAfrique 
par le sud , comme tous les auteurs de G>s« 
mographie l'avaient indiqué. Cette navigation 
à Calicut est cependant d'une grande richesse, 
et récemment le roi de Portugal a envoyé 
une nouvelle flotte de douze ^ navires dans ces 
mers. » Comme la lettre est datée du iSjuillet 

que Ton armait n'étaient-ib pas de rexpëdltion de 
Bastidas et Juan de la Cosa qui sordrent en effet de 
Cadix, mais avec deux caravelles seulement, et déjà en 
octobi*e i5oo? 

^ Gomara, après avoir exposé d'une manière très 
satisfaisante les vicissitudes du commerce des épiceries 
et proposé en i55i la réunion des deux mers par des 
canaux à Chagre dans Tisthme de Panamay à Nicai*agua 



SKCTIOlf DEUXIKMK^ 3oi 

1 5oo , je ne doute pas que Vespuce nW touIu 
désigner, en parlant* de la nouTelle flotte, 
Texpédidon de Pedro Alvarez Cabrai , qui en 
efiet partit de Lisbonne le g mars i5oo, mais 
arec treize -tiavires. 

Jusqulci tout paraît &yorable à la proposi-* 
tion que je hasarde relativement à Tidentité 
du second voyage de Vespuce avec le pre^ 
mi^ voyage de Vicente Yaâez Pinzon ; mais 
il me reste à parler dWe date astronomique 
qui paraît détruire tout Fédifice de mes com- 
binaisons. La lettre à Médicis si souvent citée 
parle de la conjonction de Mars et de la Lune 
observée (on ne dit pas sur quel point du lit- 
toral) le 23 août i499i P^^ Vespuce, pendant 
le cours du second voyage. J^ai vérifié le phé- 
nomène sur les Ephémérides de Régiomon- 
tanus que cite le navigateur florentin. Il n'y 
a pas le moindre doute que le phénomène 
n'ait eu lieu à Pépoque indiquée. Or, le voyage 
de Pinzon n'ayant commencé qu'en décembre 
1499 9 la conjonction ne peut pas avoû* été 

et àHuasacualco (fol. 58, h), ne donne aussi que douze 
navires à Cabrai (fol. 69, h\ La flotte de Garaa était de 
quatre navires. 



3o« SBGTION 0SUXliMB. 

observée pendant h durée de ce'Toyage; éAe 
appartient au contraire à la première nariga* 
ûùdl de Hojeda, commencée le ao mai i499 :. 
un voyage pendant lequel on prétend avoir 
vu la conjonction est ou cette première expé- 
dition de Hq|eda , ou un voyage entrepris à la 
méipe époque. Ce raisonneiùent ', basé sur un 
pbénomène astronomique , nous forcerait 
donc à regarder comme exacte la date du dé* 
part de Vespuce pour le second voyage (mai 
* 499)1 selon les textes de Valorî et de Rie-- 
cardi; il nous condamnerait à considérer 
comme identique le second voyage sfVec le 
jH'emier d^Alonso de Hojeda , sauf à admettre 
Texistence d\me première expédition de Ves- 

^ Pofur faciliter rintelligence de la discussion qui 
suity il sera utile de replacer sous les yeux du lecteur 
le tableau des voyages qui ont été comparés ensemble. 



Vespuce. Premier voya- 
ge, du 20 mai i497 au i5 
octobre i499* 

Colomb. Troisième voya- 
ge , du 3o mai 149B au 26 
novembre i5oo. 



Vespuce. Deuxième voya- 
ge, du 16 mai i499 ^u 8 
septembre i5oo. 

tiojEDA. Premier voyage, 
du 'jo mai i499 ^ 1^ ^^~ 
juin i5oo. 



PiHzoN. Premier voyage, du 3o décembre «499 à 

septembre i5oo. 

^Vespuce, d'après le texte deSaint-Dié.) 



sBcnoii DEuxiEBiB. 3o3 

* 

puoe (mai i ^^y'^ocUjhre 1 498)9 ^^^ un temps 
où on le Toyait occupé à Cadix età SéviUe de 
rarmement de la flotlede Colomb, qui mit k 
la Toile le 3o mai i^d^' 

On éprouve d^abord un grand découra** 
gement à la Tue de ces contradictions qui nV 
Taieat pas encore été pesées; mais les cinfires 
ne sont inexorables quêtant qu^ils sont exacts 
et dûment employés. Cest un fait positif, et 
dont personne jusqu^ici ne s^est avisé de dou- 
ter, que Vespuce et Juan de la Cosa ont ac- 
compagné Hojeda dans le voyage qui a com^ 
mencé le 20 mai i4g9- L^ ^ois navigatéiu*s 
ont quitté la terre ferme à la côte de Venezuela , 
située entre les 10* et 1 1** de latitude boréale, 
le 3o août i499* Us se sont donc trouvés sur 
cette cote sept jours avant, au moment de la 
conjonction de Mars et de la Lune. Il est cer- 
tain , de phis , que Texpédition de Hojeda n^a 
jamais été au sud dés parallèles des 3" nord ; 
il est par conséquent également impossible 
d'^admettre que le second voyage de Vespuce 
dans lequel on atterre par les S"* de latitude 
australe, on coupe deux fois Féquateur, et 
Ton reconnaît l'embouchure de PAmazone , 
soit le premier voyage de Hojeda , et de sup- 



3o4 SECTION DBUXlàlfB. 

poser un phénomène du 23 août i499 observé 
sur les côtes d^Amérique par des personnes 
qui ne partirent d'^Ëurope avec Pinzon qu^au 
mois de décembre de la même année. Com^ 
ment appliquer à une expédition yers Fhémis- 
phère austral et dont Pitinéraire ressemUe à 
la navigation de Pinzon, les dates* de départ 

* Si Ton fait attention aux variantes lectionesy on 
trouve pour le second voyage de Vespuce, selon le texte 
Riccardien (mai 1499-jtLin i5oo), les véritables dates 
de l'expédition de Hojeda, selon les textes de Valori et 
d*Hylacoinylus (mai i499-8eptembre i5oo), le départ 
de Hojeda combiné avec le retour de Pinzon. Les 
rédacteurs des écnts de Vespuce auraient-ils altéré les 
dates en croyant les rectifier? Nous voyons des traces 
de ce genre de rectifications dans Tépoque du retour du 
premier voyage. (Voyez plus haut, p. ai 5.) 11 serait 
possible que Vespuce eût conservé dans ces dates en 
écrivant à des Florentins, l'ère restée en usage dans 
son pays natal. D'après cette èi'e que l'on peut prouver 
avoir été employée dans les lettres familières (Fâbrori, 
ViUiLaurenUi Medici^ 1. 11, p. 47)> les jours de l'année 
1498 jusqu'au a5 mars, appartenaient à i4979 1^ com- 
mencement de l'année, d'après le style florentin , étant 
(Ideler, Chronologiey t. II, p. 33o) le jour de l'Annon- 
ciation de la Vierge. G)mme tous les départs de Vespuce 
sont entre les 10 et 18 mai, le style florentin ne change 
pas l'année. 



SECTION DEUXIEME. 3o5 

et de retour qui appartiennent au voyage de 
Hpjeda avec Vespuce et Juan-de la Cosa ? Pour 
sortir de ce dangereux dilemme on ne peut 
recourir* à aucune combinaison qui permette 
de supposer un séjour de Hojeda dans Tautre 
hémisphère. Selon les documens les plus au- 
thentiques , ce fameux navigateur n^a dépassé 
Péquateur -dans aucune de ses quatre expé- 
ditions' de 1499 à i5io. Il ne reste donc plus 
qu^à admettre que^ soit accidentellement , soit 
par des motifs dont la cause nous est inconnue, 
Fobservation de la conjonction de Mars et de 
la Lune a été transportée du premier voyage 
de Vespuce dans le second. Je dois à cette 
occasion appeler Tattention des savans sur les 
différences très remarquables qui se trouvent 
entre les deux relations que nous possédons 
du second voyage; d^abord dans la lettre à 
Médids, et puis dans la lettre au roi René, 

' Voyez la vie de Hojeda dans Nav. t. lll,p. 16^176. 
J'ai déjà rappelé dans un autre endroit que si poui* le 
nombre des navires (4) le premier voyage de Vespuce 
correspond k celui de Hojeda, le nombre des navires du 
second voyage (2 ou 3) est moins conforme au nombre 
des navires de Pinzon qui sur quatre en perdit deux. 
Voyez plus haut, p. 196, aoo et 221 . 

IV. 20 



3o6 SECTION DEUXIEME. 

insérée dans les Quatuor Nasfigationes. Cette 
dernière, rédigée' après Tan i5o4, ne parle 
ni de la conjonction , ni du hameau construit 
sur pilotis, et offr!uit Taspect de Venise', ni 

' Il faut disUDguer entre la date des lettres et Tépoque 
ou elles ont été publiées. Les lettres doivent être ran- 
gées selon l'antériorité de leur rédaction dans l'ordi^e 
suivant : a) Double du second voyage, lettre à Médids 
du 18 juillet i5oo. ^) Lettre à Médicis du 4 juin iSoi, 
écrite au Cap Vert, au commencement de la troisième 
expédition, c) Double du troisième voyage, lettre à 
Médicis écrite à la fin de i5oa. d) Les Quatuor Naviga- 
tionesj parmi lesquelles se trouve le premier voyage, 
rédigées à la fin de i5o4. Le double du troisième 
voyage a été imprimé le premier de tous les écrits de 
Vespuce, en i5o4; le premier et le quatrième n'ont 
paru qu'en 1607. 

• L'ouvrage rare et très remarquable de Femandec 
de Enciso, alguazil major dans la Castille tTOr^ dit : 
« Par les 10** de latitude, près du Cap Coquibacoa 
(aujourd'hui Chichibacoa), il y a un golfe très large 
dans lequel on trouve un hameau (Jugar de cclscu de 
Indios) construit sur une roche (jfend) ti*ès grande et à 
sommet plat. Ce hameau s'appelle Feneciuela. » Cette 
description diffère un peu de celles données par Hojeda 
et par Vespuce. L'un et l'autre parlent de troncs d'ar- 
bi^s (estacasj pilotis) siu* lesquels les maisons étaient 
construites. Un hameau placé sur une roche à fleur 
d'eau aurait pu paraître de loin « fondé dans l'eau, » 



SECTION DEUXIÈME. 3o7 

de renlèrement de 222 capti&^ Venise et Fen- 
lèyement des captifs sont nommés au con- 
traire dans la relation du premier yoyage 
adressée au roi René. Il ne serait pas extraor- 
dinaire que dans différentes navigations Êdtes 
le long du même littoral on ait été frappé de 
la Yue des mêmes sites et qu^on ait combattu 
les mêmes tribus ; mais les analogies que Ton 
remarque pourraient aussi indiquer que les 

mais les navigateurs virent lever de près les pon^ par 
lesquek les habitans communiquèi^ent les uns avec les 
autres (Nav. tll , 119) et ils entrèi*ent dans les maisons 
qui étaient remplies de coton et de bois de Brésil. 
(Band. p. 80.) Venezuela, Curîana et la ville de Coqui- 
haeoa étaient, selon Ënciso (Suma de Geoçraphiay 1619, 
fol. g IV), auiant de petits centres de civilisation et de 
commerce. « Dans* la ville de Coquibacoa les Indiens 
ont peso e toque de Xqv : on y porte Tor de tous les 
cantons voisins pour le peser et t essayer à la touche, » 
Les Indiens distinguaient à la couleur de la trace mé- 
tallique sur la pierre dt touche le guanin (JRelat, hist. 
t. III, p. 4ûo) de Por pur. Je ferai observer en même 
temps ici que dans le premier voyage de Vespuce le 
hameau sur pilotis est nommé avant le promontoire de 
Paria, et que dans le second, ce qui parait plus naturel 
d'après la direction des courans le long de ces côtes, le 
hameau « bâti comme Venise » est nommé après Paria. 
(Voyez plus haut, p. 196 et 21 1 .) 



3o8 SECTION DEUXIKME. 

passages d^voï itinéraire ont été transportés 
dans Fautre. Dans la lettre à Médicis tout pa- 
raît naturellement lié, comme le prouve la 
manière dont Fobservation «astronomique e^ 
amenée dans le récita Je &is remarquer de 
plus que cette lettre à Médicis n^offre aucune 
allusion à un yoyage antérieur { il n^y est pas 
dit , comme dans les Quatuor NavigcUiohes , 
que la terre à laquelle s^est &it le premier 
atterrage dans Thémisphère austral, a est liée* 
à celle qui a été découverte dans la premièi^e 
expédition. » Y aurait-il eu intention du ré- 
dacteur de réunir dans une même lettre à Mé- 
dicis datée du 18 juillet i5oo, les résultats du 
premier et du second voyage? Aussi le com* 
mencement'de cette lettre, écrite un mois 



• BÀND.p. ^^j 68, 71 et 7a. 

* J'ai déjà cité plus haut Texpression (^terrant 
quandam novam ienuinius contra iilam de quafacta in 
superiorihus meniio est) qu'ofire la lettre au roi René 
(Nay. t. III, p. a43). Ce rapport de position entre deux 
points d'atten*age du pi*emier et du second voyage, est 
désigné presque de la même manière par Anghiera 
(Dec. III, lib. X, p. 3i 7). Il dit que le cap S. Augustin 
est « a tergo Capitis Draconis et Parias jacentiam ad 
boream et arcticum inspectantium. • 



SECTION DEUXIBNR. 309 

aj»^ le retour de Vespuce à Cadix, est assez 
bizarre. « Je ne tous ai pas écrit depuis si 
long-temps , parce qu^il ne s^est rien présenté 
à moi qui soit degno di memoria ; mais le 18 
mai 1499 j^ partis pour fidre des découvertes 
vers le nord-est ^ On ne conçoit pas le but de 
cette réticei^ce sur le premier voyage , car si 
Vespuce avait voulu, comme on Ta prétendu 
souvent , n^user de finaude qu^après la mort de 
Christophe Colomb , mort qui eut lieu en 1 5o6, 
il n^aurait pas parlé, à la fin de i5o2 , dans la 
seconde lettre à Médicis, c^est-à-dire dans 
celle qui renferme le double de la troisième 
expédition, <( des deux voyages antérieurs 
fûts par ordre * du roi de Castille , » il n^au- 
rait pas rédigé en i5o4) deux mois avant la 
mort de son ami Christophe Colomb , le livre 
des Quatre navigations. J^expose ces diffi- 
cultés avec La réserve qu^exige une matière 
singulièrement embrouillée. Si pour conserver 
à Inobservation de la conjonction de la Lune 
et de Mars sa place dans la seconde expédition, 

« 
' Une de ces inDombrables erreurs des textes ; nord- 
est pour sud-ouest. (Band. p. 65.) 
^ Voyez plus haut, p. 91 et 98. 



3iO SBOriON DEUXIEME. 

on TOulait supposer que ce second voyage 
était véritablement celui d^Alonzo de Ho- 
jeda, mais que le vaisseau sur lequel était 
embarqué Ve^uce a fait seul un att^rage 
beaucoup plus méridional vers le cap Saint- 
Augustin, et qu^ainsi Vespuce a pu voir à lui 
seul, dans un même voyage, tout ce que Ho* 
jeda et Pinzon ont découvert Séparément, on 
se trouverait en opposition directe avec les 
témoignages nombreux que nous présente le 
procès du fisc. La découverte de cette partie 
de la côte de TAmérique du sud , qui est com- 
prise entre le promontoire àe Paria et le cap 
$• Augustin, était, à Fépoque de ce procès, 
un point de contestation des plus importans. 
Vicente Yanez Pinzon , Colmenero , le célèbre 
Sébastien Cabot et Juan Vespucio, le neveu 
d^Améric , n^ont pas varié dans leurs déposi- 
tions à ce sujets Améric Vespuce est nommé 
de la mamère la plus uniforme , comme celui 
qui a fixé avec certitude la latitude du cap 
$• Augustin, et cependant, à cette occasion, 
aucune des personnes qui avaient eu d^intimea 

^ Nav. t. III, p. 3i9 et 547-552. Voyee auasi plus, 
haut. p. i35. 



SECTION DEUXIEME. 3ll 

liaisons avec Vespuoe , ne p^le de ses pré- 
tentions à une découyerte du cap , antérieure 
au Toy âge de l^zon , à une découyerte Ëdte 
pendant Tété de i 4g9 • L,e fiscal regarde comme 
prouvé, par les témoignages rénuis des pilotés 
appelés à déposer , que la découverte de tout 
le littoral {parte de léchante) qui s^étend de 
Paria au cap S, Augustin « n'appartient à au- 
cune autre personne qu'à Vicente Aâez , qui 
a tout £dt seul por su mdustria. i> Le second 
voyage de Vespuce ne peut donc pas être 
celui de Hojeda , même si Ton voulait admettre 
qu'un des navires ait atterré au sud de Fé- 
quateur. 

Le calcul grossier de la conjonction de la 
Lune et de Mars (le 23 août i499) ^ ^^^ ^^^ 
discuté par Pabbé Canovai dans son édition 
posthume des voyages de Vespuce^. Voici le 

' ÉcUtion de 1817, p. 56, 189 et 371-374. « Quanto 
alla lon^tudine (dit Vespuce selon le texte de Riccardi) 
dico che in saperk trovai tan ta difficoltà, che ebbi 
grandissîmo travaglio in conoscer certo il camino che 
aveva fattoper la via délia longitudine; e tanto travaj^î 
die al fine npp trovai miglior oosa che era a guardare et 
veder di notte le opposisioni delF un pianeta coU' altro 
e massime délia Luna con gli altri pianett perche il 



3ia SECTION DEUXIÈME. 

raisonnement du navigateur florentin ; au le* 
yer de la lune , une heure et demie après le 

pianefa délia Luna ê piu leggier Ji corso chc nessum 
ajtro; e riscontrflvalo con l'Al^aDacco di Giovanni da 
Monteregio che fit composto al meridiano délia città di 
Ferrara, accordandolo con le calcolazioni délie Tavole 
dd Re don Alfonso. La conjunzione aveva a esser a 
mezza notée o mezza ora prima. » Les Épbémérideft de 
Régiomontanus pour les années 1 484-1 5o5 que j*ai 
consultées, indiquent la conjonction du 23 août i499 à 
minuit juste. Les Ephémérides sont calculées pour le 
méridien de Nuremberg, comme dans le grand ouvrage 
de Jean Schoner (Tabulas astnmomttœ quas vulgo 
resolutas vacant, Nor. i536) publiée par Melanchthon ; 
mais quoique Nuremberg soit de 2' 8'' eA temps à Test 
de Ferrare, ces deux villes, Milan, Erfurt, et Brunswick 
étaient alors regardés comme situés sous le même mé* 
ridien. Tel était l'état déplorable de la connaissance des 
positions à la fin du i5* siècle, que dans les tables de 
Régiomontanus Perreur de longitude s'élevait, pour h. 
différence des méridiens de Milan et de Ferrare, à 
a** a5'en arc. (Reciomoiit. Ephem, i575-i53o,Norimb. 
1473. Id. i475-i525, Venet. 1476 ^t i483. Id. Kalendé 
August. Viudel. i485, 1489, 149^ et 1496 apud Erh. 
Ratdolt.^ On peut être d'autant plus surpris de voii? 
ajccolées dans la lettre de Vespuce les Ëphéméiîdes de 
Régiomontanus et les tables Alphonsines , que l'astro-r 
nome allemand se plaint constamment des faux calcula 
4u roi de CastiUe. « Ne nimium confidas i^anî calcuJoi 



SECTION DEUXIÈME. 3f3 

coucher du soleil, donc à peu près à sept 
heures et demie , la lune se trouvait placée 
1 ^ (proprement un grado e alcun mùiulb ) à 
Test de Mars. A minuit la lune était éloignée 
de Mars 5*" i (proco pih o taeno ) à Pest. Le 
mouvement de Mars avait donc été de ù^ \ en 
quatre heures et demie. Cette planète avait 
employé cinq heures et demie pour arriver du 
point de la conjonclion 5** \ vers Test , ce qui 
donne {fatta la proporzione : se 24 ore mi 
Çdgliano 36oV <^he mi varanno 5 ore et mez-» 
zo) 82* \ de longitude. M. Encke observe avec 
raison « que pour plus de clarté Vespuce au- 
rait Ad dire que la lune , selon ses observa- 
tions, avait eu un mouvement de 1^ par 
heure , et qu^en attribuant , plus tard dans la 
même lettre, après avoir calculé d'après le 
méridien de Ferrare , la longitude de 82** j au 
méridien de Cadix [città di Calis)^ Vespuce 
s'est cru justifié par la supposition im peu ai> 
bitraire que la conjonction était à Ferrare à 

quasi somnio Alfonsino et facilius intelligas quam 
fiÎTola sitilla Régis compago. » {Scripta clar. Mathe- 
imuiei Joannit Regiomontani de Torqueto et Astroîabio 
firniilim' Norimb. i$44, p..43.) 



3l4 SECTION DEUXIÈ1I£« 

miauit ou minuit et demi. » Il y a en effet 
i** li^ 36^' de différence de longitude entre 
Cadix et Ferrare. Ce désir de substituer Fob- 
servation de la conjonction des planètes et de 
la lune aux éclipses lunaires et d^augmenter 
ainsi les moyens de déterminer la longitude 
du navire, était dû à Tinfluence que Fastro- 
nomie arabe exerçait en Espagne et en Italie. 
Depuis le siècle d^Albategni juscp^aux trayaux 
d'isba Jounis , une longue suite d^occultations 
d'^étoiles et d^oppositions de planètes avaient 
été observées dans une vaste étendue de pays , 
depuis le Caire jusqu^à Bagdad et Racca. Les 
cbangemens quWait subis la direction des na- 
vigations vers la fin du quinzième siècle , Es- 
saient sentir la nécessité de multiplier les mé- 
thodes astronomiques. On concevait la possi* 
bilité de leur emploi, mais Pimperfection des 
instrumens nautiques s^opposait au succès plus 
encore que Fimperfection des tables. Nous 
avons déjà vu que, selon le journal du pre- 
mier voyage de Colomb dont Las Casas nous 
a conservé la majeure partie, Famiral c( cher- 
chait , le i3 janvier i493, à Haïti un port sûr 
pour observer tranquillement (para ver en 
que paraha) la conjonction du soleil et de la 



SECTION D£UX1£M£. 3i5 

lune et Fopposition de la )une et de Jupiter \ 
qui (généralemept) cause beaucoup de yent. m 
Après les teiKatives^d^Améric Vespuce signa- 
lées dans sa seconde nayigation, un grand 
nombre de conjonctions furent observées dans 
le voyage de Magellan. Le pilote Andrès de 
San Martin sVdonna surtout à ce genre d^ob- 
servations en février et en avHl 1520. sans 
doute diaprés les conseils de Pastronome Fa- 
leiro dont Barros possédait par fragmens le 
manuscrit du Traité des longitudes^ . Lorsque 
les résultats de ces observations lunaires pa- 
raissaient dénués de toute vraisemblance , «c 6n 
était incertain si Ton devait accuser la régu- 
larité du mouvement des planètes ou supposer 
de fréquentes erreurs typographiques dans 
les Éphémérides de Régiomontan.o» Comme il 
ne s^agissait de rien moins que de la véritable 
position de la Ugi^e de démarcation et de 

' Le manuscrit de G)loinb fait aussi mention « de la 
ooDJoDction de Mercure et de la hine, » mais Las Casas 
ajoute prudemment : « Quoiqu'il paraisse que Tamiral 
savait un peu (jalgo) d'astrologie, les noms des planètes 
sont mal plaçât saps doute par la faute du copiste. » 

* Voyez les renseignemens que j*ai donnéa tom. 1, 
p. 3oa. 



3l6 SECTION DEUXIEME. 

la question de ^yoir si les Iles Philippines ap- 
partenaient à FEspagne ou au Portugal, ces 
prétendues fautes dHmpression ^dans 1& CSon- 
naissance des temps de * Nuremberg parais- 
saient dWe gravité imposante aux yeux d^un 
grand historien portugais de ce temps ^. 

Le témoignage de Pierre Martyr d^ An ghiera 
m^a déjà servi* pour rappeler Combien Ves- 
puce et Pinzon insistaient simultanément , dans 
le récit de leur voyage , sur les merveilles de 
la voûte étoilée du ciel s^ustral. Les marins qui 
avaient accompagné Vicente Yanez Pinzon, af- 
firmaient n^avoir trouvé aùcime étoile qui 
marquât le pôle antarctique , mais <c Pappari- 
tion d^une obscurité nébuleuse et dense près 

* Joao de Ëarros. Il dit « que levava Andréa d^ San 
Martin errados os numéros das Taboas do Ahnanach 
per que se regia. » Barros suppose de plus qu'il y a eu 
quelque supercherie dans les calcuk astronomiques des 
Espagnbb, et il se fonde sur le témoignage d'un mourant 
(Bustamante), compagnon de Magellan. San Martin ne 
pouvait se persuader que « os Almanackes de Joannes 
de Monte Regio da impressao de Joao Liertestim 
(LAchtenstein?) abondan de tantos viciosdaimpresao. » 
Asia, Dec. III, P. I (éd. «777), p. 65o et 658-662. 

■ Voyrz.plushaut, p. ao5. 



S£€TIOfC D£UX1ÈM£. 3i'J 

de rfaomon , vers le sud , >» les ayait singuliè- 
rement firappés. Interroçatia me nauiœ (qui 
FicentiumJgnemPinzonumfuerantcomikiti) 
anarUarciicum vidererUpolum: steUarnsenul- 
lam hmc arcticœ sindlem quœ dùcemi circa 
punctum{pplum?)possit, cognoifisseinquiunt. 
Sielîarum iamenaliam^ ajunt^ se prospexUse 
faciem densamque qucmdàm ab horizonte va^ 
porosam caUginem , quœ oculosjere obtene'- 
èraret^ . Ces mots me paraissent offiîr la plus 

' Ocetm, Dec. I, lib. IX. La rédaction tle ce passage 
est probablement de 1 5io , l'observation des marins est 
de i499* C'est donc bien à tort que le père jésuite 
Kichaud (Mém. de VAcad, t. VII, p. 8a3) se vante 
d'avoir vu le premier les s<ics de charbon. Le père 
Acosta (Jfist. natufal de las Indias y lib. I, cap. 2^ 
disserte aussi sur la cause des taches noires du ciel 
austral qu'il a observées au Pérou et qui « ressemblent 
à la figure et portion de la lune éclipsée par leur noir- 
ceur et obscurité. • Ces taches, ajoute Acosta, se meu- 
vent « dans le même i*apport que les étoiles dont elles 
sont voisines et ne se séparent jamais d'elles. De même 
que la voie lactée est plus resplendissante , parce que , 
composée de parties du ciel (des espaces célestes) plus 
denses, elle reçoit plus de lumière, les taches noires 
qu'on ne voit pas en Europe , sont privées de lumière 
pour êti*e des régions composées de parties plus rares et 
plus transparentes. » On a de la peine à concevoir 



3l8 SECTION DEUXIÈME» 

ancienne description des taches noires (sacs 
de charbon , coalbags) , région du ciel austral 
dont la noirceur variable ne m^a aucunement 
paru. TefFet du contraste et sur laquelle sir 
John Herschel va bientôt répandre de grandes 
vues de philosophie naturelle. Vespuce ne fait 

comment un astronome célèbre (M. de Zach, dans 
BoDE| lahrbuchy 1788, S. 167) a pu conclure de ce 
passage très remarquable d'Acosta que cet auteur dont 
Fouvrage parut à Séville en 1690, parle « de taches 
du soleil que Ton voit au Pérou et non en Europe, » 11 
n'est pas douteux qu'à Lima , lorsque dans la saison de 
la garua (brumes), pendant des mois entiers , le disque 
du soleil parait voilé, tantôt rouge, tantôt blanc, on 
pourrait apercevoir à l'œil nu et sans l'interposition 
d'un verre de couleur, de grandes taches du soleil, 
comme par exemple du 19 au ao mars 161 a, Galilée en 
a vues à l'œil nu : cependant je n'ai jamais ouï dire 
pendant mon séjour au Pérou que les indigènes 
eussent parlé de taeh^ solaires aux premiers conquis^ 
tadores. M. Rigaud, dans son intéressant Mémoire sur 
le peu de droits que Harriot peut s'arroger à la décou*^ 
verte des taches du soleil qui est due à Galilée et à 
Fabridus Phrysius, rend probable que M. de Zach a 
confondu le père Joseph Acosta , auteur de l'histoire 
naturelle des Indes , avec Alvarus Telles Dacosta , qui 
en 1734 a publié une dissertation de macuiis solis, 
{Account of Harriot s astron. popers^ Oxf. i833, p. 37.) 






SECTION DEUXIÈME. 3l9 

mention des kiches noires que d^une manière 
très vague dans le troisième voyage (dans la 
lettre àMédids de Tannée i5o2), où il parle 
d^un Canopofosco. Le yoyage qui nous oc- 
cupe ici n^ofire aucune trace de ce genre d^ob* 
servation. Il s^ extasie sur la beauté des qua- 
tre étoiles qu'il croit être celles qu'on trouve 
désignées dans un célèbre passage de la Dw 
if ma Comedia. <( Tandis que j'étais occupé, 
dit Vespuce , à chercher vainement une étoile 
polaire du sud, je me rappelai des paroles {de 
un detto) de notre poète le Dante , qui dans le 
premier chapitre du Purgatoire j en feignant 
de sortir d'un hémisphère pour entrer dans 
l'autre, veut décrire ce pôle antarctique et 
chante : la mi volsi a man destra e posi 
mente. ... Il me paraît à moi que dans ses vers 
le poète a eu l'intention de décrire par les 
quatre étoiles le pôle de l'autre firmament et 
jusqu'ici je n'ai aucun doute que cela ne soit 
ainsi, parce qu'en effet je vis quatre étoiles 
qui figuraient (ensemble) una mandorlay et 
avaient peu (!) de mouvement. » Vespuce, 
comme le prouvent ses deux lettres à Pier 
Francesco de' Mediçi , ne connaît point encore 
le nom de la constellation : au Ueu d'une croix 



3aO SECTION DEUXIEME. 

qui inclinée au leyer et au couc)ier, est droite 
ou perpendiculaire^ sur Thorizon au moment 
du passage par le méridien , il y voit très pro - 
saïquement la forme, dbj^ riiombe ou d^une 
amande^. Ces circonstances méritent quelque 

' Cette position perpendiculaire au moment de la 
culminatioDy tient à la très petite dijOfërence d'ascension 
droite (4^ aS ^ qu'ont les étoiles a et 7 placées aux deux 
extrémités de l'arbre de la Croix du Sud, dont J3 et ^ 
forment les bras. Dès la fin du seizième siècle (Acosta^ 
Jlùst, nat.jr moral de las Jndids, Sevilla, iSgo, lib. I| 
cap. 5), les colons européens , habitans des tropiques , 
se servent de cette constellation australe comme d'une 
espèce d'horloge. Ils oublient seulement quelquefois 
que c'est une horloge qui avance de 3' S&' par jour. 
J'ai rappelé ailleurs (Relat. hist, 1. 1, p. 209) l'allusion 
heureuse que Bernardin de S. Pierre, auquel rien 
n'échap|)e de ce qui peut caractériser la localité ou la 
nature d'un site^ a faite de la mesure du temps par la 
position de la Croix du Sud dans l'admirable ouvrage 
de Paul et Virginie. 

* Ce mot de mandorla a en effet en italien deux 
significations. Aussi obtient-on deux figures distinctes, 
le rhombe et un ovale alongé à une de ses extrémités, 
selon que l'on tire les lignes droites de 7 à j3, de j3 à a, 
de a à ^, et de (? à 7, ou que l'on projette une courbe qui 
part de a, traverse j3, 7, S et revient vers la pointe 
inférieure a. Il me parait plus probable que Vespuce a 
pris mandorla pour losange on figura di rombo. 



1 



SBCrnON OEUXiBMB. 321 

explication. Le grand nom du Dante,. 1^ 
doutes que ses commentateurs les plus célè* 
bres ont &it naître et Tintérét qui se rattache 
au déreloppement de Vastroffnosiè du ciel 
austral répandue progressivement parmi les 
peuples de Poccident, justifieront les éckir- 
cissemens dans lesquels je dois entrer. Malgré 
le joui* que M« Ideler, dans son ouvrage clas- 
sique : Jffiecherches sur P origine des noms des 
étoiles^ et ^lus récemment MM. Reinaud , Ar? 
taud et Tastronome Cesaris, ont répandu sur 
cette matière , il reste encore à discuter le de* 
gré de probabilité dont sont susceptibles les 
résultats auxquels on s^arréte. 

Les quatre étoiles qui forment la Croix- du 
Sud étaient , au siècle de Ptolémée , visibles 
dans la partie la plus méridionale de la Mé- 
diterranée. Du temps de cet astronome, a 
(le pied de la Croix) atteignait à Alexandrie , 
lors de son passage par le méridien , une hau- 
teur^e 6^ 54'; aujourd'hui cet astre ^ à cause 
de Teffet de. la précession des équinoxes , y 
reste plus de 3* sous ITiorizon*. Dans le çata- 

' IdeleR) Untersuchungén àher der Ursprung und die 
Bedeutung der Slernnamen, 1809, p. 277. 

IV. 21 



3m SBCTIOII I>£UXIB1IB« 

logue de Ptolëmée, les beUtes étoiles <x e4 j& de 
h Croix du Sud appartienBcnt à la comtejlatioa 
du Centaure. £Iles sont placées , selon Texr 
pression de Plolémée , dans le sabot du pied 
gauche et dans la cheville du pied drcù^. 
Alors, lôo aMS avant notre ère et plus encore, 
du l^nps d*£udoxe , on découvrait en allant 
vers le sud-, d^abord a du Centaure, et plus 
tard Canopus : aiqourd^hui on. voit pipgreasi- 
vement Canopus , a du Centaure , fci Croix du 
Sud et les Nuages de MageUan. Dans un même 
lijBu Paspect du ciel change partiellement par 

la suite des siècles : entre les parallèles de 

■ 

' D'après Delambre {Hist, de Gastronomie aneienne, 
t. Il; p. aSi) ce sont les n^' 34 et 3a de la tnuductioii de 
l'abbé de Montigoot {Éfai des étoiles fixes ^ par Claude 
PtoUmécy Straab. 1787, p. i49)> en suivant Tanalogic 
du texte grec, mais non l'application qu'en Êdt le tra-* 
ducteur à la constellation de la Croix. CompareE aussi 
V A Images te, édïi, de Halma, t. II, p. 80. M. Id^r 
suppose <pie la constellation désignée sous le nom de 
twéne de César j dans le curieux passage de PHne Qîh, II, 
c. 70) : « Nec Canopum Italia (ceniit) et quem yocant 
Bérénices crinem (!), item quem sub Divo Augusto 
cognominavere Cœsaris thronorij insignes ibi stellas, » 
est aussi notre Croix du Sud. A la cour des Ptolémées 
(Ideler, p. 260 et 295), la flatterie des astronomes avait 
déjà changé le nom de Canopus en Ptolemaon. 



SBGTIOlf DEUXlilfE. 32$ 

Rbodes et d^Afexandne ces diangemens phy- 
sionciiiiiqiies du ciel sont devenus d^autant 
plus frappans, qu^ affectaient la déclinaison, 
et par conséquent Tapparition des plus re^^ 
plendissantes éloiles austcales au-dessus de 
lliorizoDo Du temps de S. Athanase et de 
S« Basile 9 au quatrième siècle, les chrétiens 
de la Thébaïde voyaient encore la Croix du 
3ud à 16° de hauteur. Nous ij^orons à quelle 
époque la figure dWe croix a été signalée 
pour la première fois dans la partie inférieure 
du Centaine de la sphère grecque ; il est pro- 
bable que la déncmûnation est due à des navi- 
gateurs chrétiens soit dans la partie septen^ 
trionale de la Mer Rouge , soit sur les côtes 
occidentales de TAfinque, où les Catalans, sous 
Jayme Ferrer, étaient dqa arrivés en i346 
jttsquWBk>âel Oé*o par les aS"" 4^' de latitMde 
nord. Kaxvnni et dWtres astronomes arabes 
connaissaient aussi des croix dans la constel- 
lation du !Dragon et du Dauphin ^. On ne 
peut douter que le Dante, dont Férudition 
ég^Jait le géi^ie poéd^âe, a pu avoir notion 
des cfuatve étoilesde la Ooîx du Sud, soit par 

^ ËtSalib. (Il>t^M,p. 35, iioet4«9) 



324 SECTION DEUXIEME. 

les Toyageurs pisans ou ^^nitiens qui visitaioit 
PÉgypte, FArabie et la Perse, soit par des 
globes de construction arabe semblaUes à 
ceux de Dresde et de la collection du cardinal 
Borgia à Veletri ' . Si donc les quatro sielle 
du Dante sont celles de la Croix, ce que la 
plupart des commentateurs * admettent, on 

' Ce globe céleste, qui a passé de Veletri à Rome> a 
été dressé dans la Haute-Egypte par les a8® de latitude 
(^Ptirgat, trad. par, Artaud, i83o, p. 167)^ Tan 612 de 
l'hégire, pour Tusage du sultan d'Egypte, Malek- 
Kamel, fils du célèbre Malek-*Adel. (^Globus cufico 
arahicus F'eHterni Musei Borg. a Simone Assemamo 
Ulmtr* 1790.) Le Dante a pu avoir ce globe en main, 
cbmme il a pu avoir vu, selon l'observation de M. Rei- 
naud, la tente que le même sultan d'Egypte envoya, 
en ii3i, à Fempereur Frédéric II, et dont la partie 
supérieure mise en mouvement par un clepsydre, 
comme nos toits toumans d'observatdh^ , offrait la 
ooofiguratioD des constellations. Cette recherche de 
luxe indique une civilisation singulièrement avancée. 
Le globe céleste arabe de Dresde a été décrit par Beigel. 
(BoDE, Jahrb» i8o8, p. 97.) 

* Lettre écrite à Cochin dans llnde, le 6 janvier 
i5i5 (Ramusio, 1. 1, p. 177). Cqrsali raconte ce qu'ils a 
vu par les 37** sud, en naviguant de Lisbonne au Cap 
de Bonne-Espérance : « Au-dessus de deux nuages 
{nugoletfe) qui circulent autour du pôle antarctique, 



SECTION DEUXIÈMB. 3â5 

n^a pas besoin d^attiîbuer au poète un esprii 
prophétique comme le âdsait au commen* 
cément du seizième siècle le voyageur floren* 
tin Andréa Corsali. 

Pour bien juger de Fas^^i^gP^^sie du Dante, 
il faut considérer à la fois plusieurspass^ges des 
chants I, VIII, XXIX et XXXI du Purgatoire, 
qui ont d^întimes rapports entre eux. Aux 
quatre étoiles non viste mai fiAor cK alla 
prùtia gente\ se trouvent diamétralement op- 
posés, et ce fidt est très important, />t>iJ flam- 
beaux , /ocelle ^ a ' dont la lumière semble 
embrasser toute la région du pôle austral ' • » 

parait, à 3o® de distance du pôle, une croix merveil- 
leuse (croee maravigliosd) au milieu de cinq étoiles qui 
l'entourent (peut-être «, p, e, 7 et <^ du Centaure), 
comme le chariot entoure notre étoile polaire. Cette 
croix est si belle qu*on n'ose la comparer à aucun autre 
signe céleste. & je ne me trompe pas, c'est de ce crusero 
qu'a parlé le Dante, con spirito profaHco^ dans le com- 
mencement du Purgatono, quand il dit : m lo mi 

volsi. » 

' Dans Purg. VIII, 85-93 : 

Gli ochi miei ghiotti andavan pui*e al cielo, 

Piu* là dove le stelle son piu tarde 

Si oome ruota più presse allô stelo. 

El duc9 mio : Bgliuol, che lassù guarde? 



3a6 SEGliOlf DRUXIBlIfi. 

Ces demièrw brillent au firmament lorsqu» 
les ipreimères sont couchées. Parmi lies. cons«* 
tdlàtions que Pantiqinté nous a tnuumîses \ et 
parmi ceUes que les astronomes modernes, y 
ont sautées, il y mi a qui, par leur isolement, 
par un certain agroupement symétrique, ou 
par UB rapprochempit d^étoiles de prraûère, 
seconde et trdisième grandeur, s^indiv^Uukr 
4ùent pour ainsi dm, et forment un tout, 
même aux yeux des hommes qui ao»t lespkis 
inattèntiâ à ce que Ton pourrait appeler la 
composition au paysage au firmament. Telles 
sont la Grande.Ourse, Gissiopée, la Couronne 
ou le Scorpion. En faisant, dans les forêts de 
rOrénoque, à la vue même de la Toute étoilée, 
interroger par mes interprètes quelques In- 
diens à demi-sauvages, j^ai constamment trou- 
Té qu^iis isolaient ces mêmes groupes d^étoiles 
et les désignaient dans leur langue par un nom 
particidier. DVutres constellations de notre 
sphère, et c^est le plus grand nombre, sont des, 

£d io a lui : a quelle tre iu^elle 
Di che' 1 polo di ^à tutlô quanto arde. 
Ëd egli a ne : le qmattro chiare «telle 
Che vedevi tUaian, ton di là beêse 
£ questB 8on talite oV eran quelle. 



SBCnOIf »EVXlàMB. 3S7 

groupes formés artificiellemmit^ et que Fobsw^ 
Tateur exercé a quelquefois de la penae à se 
rejnésetiteren entier en contemplûiit le firmàr 
ment. Or, dans la partie du diA austral que 
voit le Dante au sommet de la mcmtagne du 
Purgatoire, aux antipodes de Jàiisalem, il n^ 
a pas quatre étoiles qui forment un grOi^ 
plus naturel que cdUes de la Croix du sud» 
Cest ce motif qui « guidé Vespuce, Corsali et 
les commentateurs, en comparant la CrctLt 
aux quatre étoiles du Dante; ittais un nâsoi^- 
nement analogue ne peut s^appliquer a au^ 
trois âàmbeiaix )> qui briUent quand les quar 
tre autres sont couchés. Diaprés la su|>positimi 
de Pastrcmome de Milan , raU>é de CesariS| 
insérée dans le Commentaire de Portireili^ les 
trois /melle sont les trois belles étoiles du 
NaTire^ de PEridan et du Poisscni austral : oe 
sont Canopus , Adiemar et Fomahaut. De ces 
trois étoiles, celle du milieu est séparée des 

deux extrêmes de 72** {et de 4'f>**f* Cependant 
si Ton se rappelle qu^Acli^mar passe au ma:*!*- 
dien supérieur quand la Croix n^est éloignée 
que de 18'' du méridien inH&rieur (le Dante dit : 
4t Les quatre étoiles que tu as vues ce matin 
sont à présent là«-ba$ d^où sont sorties ce^ 



3a8 SBCTlOlf DEUXIÈME. 

trois M ), lorsqu^on considère que sur les glo*- 
be$ arabes que peut avoir tus le Dante, tout 
Te^ce entre le pôle austral et les trois belles 
étoiles de Canopus, Achemar et Fomaliaut, 
reste vide, Fexplication de Pastronome de 
Milan acquiert beaucoup de Traisemblance* H 
ne faut pas être trop difficile sur le <c cours 
ralenti des astres , comparés à ces parties de 
la roue qui sont le plus près dis Pessieu. i» 
Fomahaut et Canopus n^ont, il est vrai, que 
30"* 29' et 5i2** 36' dé déclinaison .australe; . 
mais on ne cherchera pas une précision de 
détail dans un morceau de poésie où domine , 
quant à la description de localité , Tidée de la 
{»*oxinnté du pôle antarctique et de Taxe du 
monde. 

Le mysticisme philosophique et religieux 
qui pénètre et vivifie Pimmense composition 
du Dante, assigne à tous les objets j à côté de 
leur eldstence réelle ou matérielle, une exis- 
tence idéale. C\est comme deux mondes, 
dont Pun est le reflet de Pautre. Le groupe 
des quatre étoiles représente, dans Pordre 
moral , tes vertus cardinales , la prudenee, la 
justice, la force et la tempérance; elles mé- 
ritent pour cela le nom de <c saintes lumières, 1^ 



SECTION DEUXIÈME. SfiQ 

luci sàhti ' . Lés trois étoiles « qui éclairent le 
pôle n représentent les vertus théologales, la 
foi, Fespérance et la charité. Les premiers de 
ces êtres nous révèlent eux-mêmes leur dou- 
ble nature '; ils chantent : « Ici ;notis sommes 

* Parg. Ij 38. Un vieillard véaérable (Cafbn d'U- 
dque) 8*approdbe. Il porte une Icnague barbé à moitié 
blanchie, ses cheveux tombent par flocons sur sa 
poitnne : 

Li raggi délie quattro luci santé * 
Fregiavan si la sua Êiccia di lume 
Gh' io '1 vedea, corne' 1 sol fosse davante. 

• Purg. XXXI, io6. Tel est le chant des quattro 
Mie: 

Noi sem qui Ninfe, e nel ciel semo stelle 
Pria que Béatrice discendesse al mondo. 
Fummo ordinate a lei pef sue ancelle. 
Près des roues du char traîné par le griffon, on voit 
danser les groupes des trois et des quatre. « Tre donne 
in giro dalla destra rùota, venien dansando. » (JPurg, 
XXIX, lai.) • Dalla sinbtra quattro facean festa in 
porpora vestite. » {Pur g. XXIX, i3o.) 11 j a plus 
encore : Dans la Terre de h vérité, le Paradis terrestre, 
sept nymphes sont réunies. • In cerchio le Ëicevan dise 
daustro le sette Ninle. » {Purg, XXXII, 97.) C'est la 
réunioti des vertus cardinales et théologales. Sous ces 
formes mystiques, les objets réels du firmament, éloi- 
gnés les uns des autres, d'après les lois étemelles de la 



336 SBCTION DEUXIÈME. 

des nymphes; dans le ciel nous sommes des 
étoiles; )» . • 

Un traducteur récent .du Dante, dont les 
opmiolis sont d W grand poids, se trouve 
tenté de reléguer ce que je crois appartenir au 
monde réel, les quatre steUe^ dans le seul 
domaine de Timagination. M. Stireckfiiss ' ne 
nie pas que le Dante ait pu avoir connaissanoe 
de la Croix du Sud ou d^autres ' étoiles voi- 
sines du p61é austral, mais il met en doute 
que le poète ait voulu désigner des étoiles 
réelles vues par des voyageurs ou des peuples 
méridionaux^ Dans la précision de son langar 
ge, le Dante, selon M. Streckfiiss, n^aurait pas 
nommé les quatre étoiles c( non vîstè mai 
fuor de la prima gente. » «Pose opposer à ce 
raisonnement, que, diaprés les idées de cosmo- 
graphie systématique que la Dwina Comedia 
a empruntées ' aux Pères de PÉglise, lliémis^ 

Mécaniquê céleste^ se reconiiaiMait k peine. Le monde 
idéal est une libre création de Tamey de l'inspiration 
poétique. 

* Die goUUche Kùm6die des Dan*» AUghierij t6349 
p. i79etadS. 

* /n/ÏCTTio, XXVI, la;. 

^ L/tk du Purgatoire n'est par conséquent pas l'Ile 



SXCTION DEUXIEME. 33 i 

• m 

pfaère inférieur du ^be est tout aquatique. 
Conuiie par kchute du premier homme , Tdot 
montagneux du Paradia qiii s^élère au milieu 
de Fimmensité de TOcéan^ a perdu ses pre- 
iniers et seuls liabitans, « la prima gente, » 
Adam, et Ere, cet hémisphère est resté entiè-- 
rement dépeuplé \ (Test « un mondo sensa 
gente. » Cette circonstance ne justifie-t-elle 
pas les parcJeiB du Dante, qui sans doute ne 
reut pas parier de navigateurs yenus acciden-^ 
tellement de la partie du globe dont Jérusalem 
est le centre, mais de la partie qui est déswte 
dqiuis qu^Adam et Eve ont été chassés du 
Paradis ? 

On pourrait croire aussi que Ve^uce, en 
se flattant dWoir vu près du pâle austral lés 
quatre célèbres étoiles du Dante, ait pris poiur 
telles quatre autres grandes étoiles éparseç, 
très éloignées les unes d^ autres, et non la 
Croix du Sud ; sans douté il ne connaissait pas 



Antilîa, comme Fa pensé M. Ginguené. La connais- 
sance de TAntUia ne date que de la première moitié 
du quinzième siècle, et le poème du Dante est com- 
posé entre 1298 et t3i5. 
1 Jnfiernûj XXVI, 117. 



332 SBCTIOK DEUXIÈME. 

plus que le poète cette dénomination =; mais 
la comparaison quHl fait de la figure des qua- 
tre étoiles, à une niandorla^ prouve qu^il a tu 
xm groupe j et un groupe isolé ^ la Gx>ixméme. 
Nous ayons déjà dit plus haut que la . même 
analogie avec les vers du Dante s^est présœ- 
tée, seize ans plus tard, au compatriote de 
Vespuce, à Corsali. A mesure qu^au commeir- 
cernent du seizième siècle, les navigations des 
Portugais, des Espagnols et des Italiens^ 
deyinrent plus firéquentes autour dû Cap^ de 
Bonne^Espérance et dans la Mer du. Sud, la 
célébrité de la beauté du ciel austral devait 
grandir de jour en jour. On trouve souvent la 
Croix du sud mentionnée dans les journaux 
de route} par exemple, dans Pigafetta % le 

■ Si le Dante avait entendu prononcer le nom de 
Croixj le sens allégorique des quaitro stelîe aurait été 
nécessairement changé,* et ce changement aurait été 
suivi de graves altét'atlons dans quelques parties du 
poème. 

% Rahusio, t. \y p. 355. Pigafetta Ci5ao) vit una 
croce di 5 s telle chiarissime diritto per ponente. Les cinq 
étoiles étaient, selon lui, également espacées. Il compte 
sans doute c Crue, (entre « et ^ ) pour la cinquième 
étoile. 



SECTION DEUXIÈME. 333 

COQipagnpn de Magellan, et dans les notices 
qu^un pilote portugais ' donnait à Fracastoro, 
sur son voyage à Tile Saint-Thomas , placée 
24 minutes au nord de Féquateur. Telle était 
la prédilection * que les yo jageiu:*s marquèrent 
poiu* cette constellation, qu^Oyiedo^ qui passa 
trente-quatre années de sa vie (i5i3-i547) 

• 

^ Letiera di un pilotio porloghese al conte Raimondo 
deUa Torre (Ram. 1. 1| p. 1 16.) Le pilote anonyme dit: 
• Nous commençâmes à voir quatre étoiles d'une sur- 
prenante grandeur en forme d'une croix^ vis-à-vis du 
Rio del Oro, et nous les appelâmes le Crusero^ comme 
la plus belle d'elles, iV piede del Crusero. L'année n'est 
pas indiquée, mais le contenu de la lettre indique qu'elle 
est postérieure à la découverte de l'Amérique; je doute 
que l'expression nous appelâmes (cAiâ/niamo) doive être 
prise très rigoureusement comme/^r^miirrtf dénomination 
de la constellation. Le pied de la croix (a) est une étoile 
double, comme l'ont d^a observé les pères jésuites 
Fortunaj, Nœl et Richaud (Mém. de tAcad. t. VII , 
p* S22 et 84i); en 1681 et 1687, Foitunaj croyait 
même l'étoile triple. 

^ L'ancien poème de Stella, publié en 1690, à Ronoue, 
SQUS le titre de Columbeiilosj offire (p. i36) des vers 
descriptife très remarquables sur la Crux aurcUa. Bembo 
(/iùt. Venetaj lib. XII, fol. 83) est, contme de cou- 
tume, plus élégant qu'exact dans la description du ciel 
austral. 



334 SECtlOIf k^E|j)[lÊlfB. 

ea Amérique, obtint de Fempereur Qiarles V 
de pouvoir ajouter aux armes de sa famiUe , 
pour les améliorer (les embellir), à ce qù^il 
dit, les quatre grandes étoiles de la Q*oix du 
sud, qu^il considère comme les gardes du 
pôle anlarctique '. Changeant en parpouraïut 
le monde, dVprès Texpression heureuse dW 
poète •, de pays et d'étoiles^ le vieillard vou- 
lut laisser à sa race le souvenir d^une constel- 
lation à laquelle il attachait un culte rehgieux. 
Nous avons vu plus haut que Christophe Co- 
lomb plaça dans ses. armes di Amiral de la 
TH^ Océanique le tracé des terres qu'il avait 
découvertes, comme Diego de Ordas la figure 
du volcan d^Orizaba quHl avait gravi avec une 
hasardeuse intrépidité. Le blason accordé au 

• GoifZALO OviEDO Y Valdks, Hist, ffefi. (fêlas fmiùas, 
Sevîlla, i555, lib. II, c. ti, foi, 16, b. Il parle d'une 
chose très notable « que ne peuvent avoir vue que ceux 
qui sont aUét vers le sud jusqu'aux 22^ de latitude 9 de 
ces estrellas en cruz que andan al derredor dei circulo 
de las guardas del polb antartico : las quales la Cesarea 
Majestad me dio , por mejoriamenio de mis armas , para 
que io y mis successores las pusiessimos juntamente 
con las nuestras antiguas armas de Valdes. » Ces armes 
se trouvent gravées à la fin de l'ouvrage. 

* Garcîlasso de la Vega. 



SBCTION DEUXIl^. 335 

pilote Sébastien del Cano ' lorsqu^il tamçtia 
un des vaisseaux de Magellan, montrait le 
globe terrestre avec la jnagnifique inscription : 
Primus circumdedisti me. Quel siècle que 

• 

^ GoHAftA^ p. 56. (Voyez aussi tome I, p. 299.) 
QuiO; ou comme il est plus souvent nommé dans les 
documens conservés dans les archives d'Espagne, Juaa 
Sébastian de Elcano (Nav. t. IV, p. LXVII, 17 et 3So), 
en ramenant le Nao Victoria de Tidore à San Lucar de 
Barrameda(2i décembre 1 5a 1 -4 septembre i52a), eut 
la gloire de la premièi^e circumnavigation du globe, 
dont Strabon (iib. I, p. 11, Alm.) avait entrevu la 
possibilité. Au départ de Magellan., le 10 août i5i9, 
la Victoria.- avait été commandée par le capitaine Louis 
deMendoza, et non par Magellan, qui arborait le pa- 
villon d'amiral sur le vaiaseau /i» Trinidad' A cette 
époque, Cano n'était que simple conti*e-maitre du navire 
la Conception» Il né parait nialheureiisement que trop 
certain que ce marin, devenu si célèbre, avait trempé 
dans la conjuration de Gaspar de Quesada, qui éclata 
contre Magellan, d^ns la baie de St-Julien, en avril 
i5ao. Les documens qui viennent d'être publiés (été 
1S37) à Madrid, P^ ^^ soins inâitigables de M. Navar- 
rete (t. IV, p. LXXXVIl et 19a), jettent beaucoup de 
jour sur cette participation. Cano, coihblédes ^veurs 
de Charles V, qui lui donna audience à Valladolid, eut 
part aux succès de l'importante expédition du comman- 
deur Garcia Jofire de Loaysa, auquel est indubitable- 
ment due la première découverte du Cap ^e Hom. 



336 SBCTION DEUXIÈME. 

celui oùlliistoire contemporaine pouvait oflGrir 
de telles images à Forgueil des races, perpé- 
tuer par dHngénieux emblèmes le souvenir de 
cet esprit chevaleresque qui, en frayant de 
nouvelles routes et en agrandissant la sphère 
des idées, a accéléré puissamment les pro- 
grès de Fintelligence et de la civilisation 
humaine! 



FIN DU QUATRIEME VOLUME. 



1 



HISTOIRE 

DE LA GÉOGRAPHIE 



DU NOUVEAU CONTINENT. 



V. 



A. PIHAN DE LA FOREST , 
fmamBOB 01 la ooor db oassatiok , 

Ruo des Nojers ^ n^ Zj.