Skip to main content

Full text of "Excursions agricoles faites en France en 1867, suivi de notes agricoles diverses de lettres et rapports"

See other formats


EE 
ste, 
KA 


à AE : 


#4 | vs TNT 
ee N 


EXCURSIONS AGRICOLEN 


ANGERS, IMP. P. LACHÈSE, BELLEUVRE ET DOLBEAU. 


EACURMIONS AURICOLEN 


FAITES EN FRANCE EN 1867 


SUIVI DE 


NOTES AGRICOLES DIVERSES 


DE 
LETTRES ET RAPPORTS 


PAR 


LE COMTE CONRAD DE GOURCY 


PARIS 


LIBRAIRIE AGRICOLE DE LA MAISON RUSTIQUE 
26, rue Jacob, 26 


Mme Ve BOUCHARD-HUZARD | E. LACROIX 
5, rue de l’Eperon, 5 15, quai Malaquais, 15 


1869 


VOYAGE AGRICOLE 


DE L'ANNÉE 1867. 


Je suis parti le 15 avril de Pont-à-Mousson pour 
Paris, Le concours des charrues à vapeur ayant été an- 
noncé pour la seconde quinzaine de ce mois ; mais il 
meut pas lieu alors. Je quittai Paris le 9 mai, après 
avoir visité quinze fois l'Exposition, qui était loin d’être 
complète, me promettant d'y revenir, une fois Billan- 
court et assisté à Poissy au concours des bêtes grasses, 

A l'Exposition, je me suis occupé principalement des 
choses agricoles, et n’ai pris de notes que sur celles qui 
me parurent les plus utiles. J’eus d’abord à admirer 
l'exposition de l’administration forestière, ensuite celle 
de la maison Vilmorin; j'ai visité avec attention les 
expositions de nos plus grands fabricants de machines 
agricoles , Gérard de Vierzon, Albaret, Cumming, 
Menmon, Dombasles, Peltier, de Paris, Lotz, de Nantes ; 
celui-ci a construit une charrue à vapeur à deux socs, 
une locomobile routière, et bien d’autres fabricants 
encore, qu’il serait trop long d’énumérer. 

La galerie des machines agricoles de la Grande-Bre- 
tagne était admirable ; celle des Américains du Nord 

1 


TSRORE 


contient d'excellentes faucheuses, moissonneuses et des 
charrues sans avant-train, construites entièrement en 
acier fondu, qui m'ont paru excellentes. 

La Prusse avait exposé de petites charrues en acier 
fondu, d’après des modèles américains et allemands, très- 
bien exécutées et fort bon marché. 

La charrue à défoncer Vallerand, qui ramène à la 
surface le sous-sol de trente-cinq à quarante centimètres 
de profondeur, me paraît devoir faire mieux que toutes 
les autres défonceuses, lorsqu’elke sera manœuvrée par 
un appareil de Fowler ou de Howard, qui remplacera 
avec grand avantage les attelages de huit à douze bœufs ; 
mais il ne faut pas oublier que cette défonceuse est 
une copie agrandie du double brabant, qui lui-même a 
été formé dans les environs de Valenciennes sur le simple 
brabant belge. 

Je suis allé à Billancourt le jour où l’on défricha une 
prairie, faute de terres labourables ; le peu de charrues 
françaises qui y aient été essayées appartenaient à des 
inventeurs qui avaient loué des chevaux nullement habi- 
tués au labourage : aussi ne firent-ils rien de bien ; les 
fabricants anglais avaient fait venir quatre paires d’excel- 
lents chevaux de ferme, chaque paire conduite par son 
laboureur ; ils ont eu grand soin de n’employer que les 
charrues les plus convenables pour défricher un ancien 
gazon, en terre assez compacte, et ils s’en sont tirés fort 
bien. La grande maison Ransome a fait travailler une 
charrue à versoir changeant, nouvellement inventée, qui 
a bien fait, quoiqu’elle n’ait pas été faite pour défricher. 

Il est à regretter que des grands fermiers des environs 
de Paris n’aient pas pris part à ce concours de labou- 
rage. 

Une chose que j'ai regrettée, dans ma visite de Billan- 
court, cest qu'on ait fait faire aux fabricants de 
machines agricoles une troisième exposition de leurs 


= Ÿ 


grandes machines, ce qui a été une grande augmenta- 
tion de dépense pour eux. 

M. Hailet, de Brighton, le grand améliorateur de 
céréales, avait exposé un tableau contenant des épis 
d’une douzaine des plus belles variétés de grains qu’on 
ait jamais vues. Plusieurs Américains des États-Unis 
exposaient un grand nombre de variétés d'énormes épis 
de maïs ; j'avais un grand désir de pouvoir en obtenir 
quelques-uns ; mais tous ces exposants me refusèrent, en 
me renvoyant à la fin de l'Exposition. Enfin, revenant à 
la charge, ur de ces exposanis, à qui je demandais des 
renseignements sur la culture de l’État de Lillinois, d’où 
il était, m’a fait cadeau d’un très-bel épi de maïs, au 
moment où je le saluai; j'ai pu en envoyer quelques 
grains à plusieurs cultivateurs habitant le Midi, espérant 
ainsi pouvoir propager en France cette belle espèce de 
maïs à énormes épis, et dont les tiges, hautes de quatre 
mètres, forment un des meilleurs en même que le plus 
abondant des fourrages verts ; trois de ces cultivateurs 
m'ont mandé depuis que cette variété de maïs avait bien 
réussi et bien müri. 

Dans les cinq derniers jours de l'Exposition, j'ai pu 
me procurer beaucoup de beaux épis de plusieurs pays, 
mais c’est l'Amérique du Nord qui m’en a fourni le plus 
de variétés, et en même temps les plus belles, avec de 
gros et longs épis ; j'ai envoyé quelques grains de toutes 
les espèces ou variétés à un très-grand nombre de culti- 
vateurs, dans les pays où le maïs mürit, ainsi que dans 
ceux où ils ne serviront qu’à faire connaître le très- 
abondant et excellent fourrage qu’on peut en tirer, car 
j'ai vu cultiver avec le plus grand succès, comme four- 
rage vert, un de ces maïs, celui appelé dent de cheval, 
dans le nord de la Prusse et en Silésie; il y atteint une 
longueur de trois et quatre mètres, et un hectare peut 
bien nourrir une quarantaine de bêtes à cornes pendant 


ER 2 


plus de deux mois sans qu’on leur donne autre chose, 
on en passe les tiges par le hache-paille ; alors tout se 
trouve consommé ; cette plante gigantesque n’est pas 
difficile sur la qualité de la terre, pourvu qu’on laboure 
profondément et qu’on fume bien ; elle est très-sucrée 
une fois que les épis sont formés, ce qui arrive en 
août. 

Je ne connais encore que M. de Gasquet, propriétaire 
et directeur de la ferme-école du Var, à Salgues, par 
Lorques (Var), qui puisse en fournir à un prix raison- 
nable : il en vend l’hectolitre 30 fr. 

L'exposition de céréales en paille et en grains de 
M. Pilat, maire de Brebières, près Douai (Nord), m’a paru 
être des plus remarquables pour les cultivateurs. Jai 
admiré avec quel soin tout était exposé : la longueur des 
gerbes, la longueur et la beauté des épis, le grain con- 
tenu dans de petits sacs placés au pied des gerbes, enfin 
le nombre d’hectolitres récoltés en 1866. Rien ne man- 
quait : un froment blanc, à l’épi velouté, a donné cin- 
quante-neuf hectolitres quatre-vingt-cingq litres par hec- 
tare sur un champ de plus de deux hectares ; un froment 
blanc d’Espagne, sur près de trois hectares, a produit 
quarante-quatre hectolitres à l’hectare; sur un champ 
de deux hectares, quarante-huit hectolitres de froment 
d’Armentières ontété obtenus à l’hectare ; sur un champ 
de plus de six hectares, quarante-cinq hectolitres de 
froment blanc par hectare ont été récoltés ; enfin, cent 
deux hectolitres d'avoine blanche par hectare ont été 
obtenus sur deux hectares. 

M. Porquet, cultivateur et marchand de superbes 
céréales à Bourbourg (Nord), exposait une immense 
quantité de petites gerbes de froment et autres céréales 
de toute beauté ! 

La Belgique avait une superbe exposition des plus 
remarquables, surtout en céréales, légumineuses et lins ; 


vin) (fitèes. 


ses charrues , connues sous le nom de Brabant, sont 
excellentes. 

La Prusse avait une belle exposition agricole ; ce qui 
m'a paru le plus remarquable, c’est une machine à faire 
des tuyaux de drainage, des briques creuses et autres ; 
ses imitations de charrues américaines en acier fondu 
étaient très-bon marché : une de ces petites charrues, 
sans avant-train, mais toute en acier, ne coûtait que 
47 fr. ; une autre de même, 60 fr.; celle à avant-train, 
100 fr. Le travail et les formes en étaient excellents. 

L'exposition de M. Gérard, fabricant de machines à 
battre à Vierzon (Cher), était des plus belles parmi les 
machines françaises ; il a vendu en 1866 quatre-vingt- 
cinq locomobiles à vapenr, cent dix grandes batteuses à 
2,000 fr. la pièce, quinze batteuses locomobiles avec 
leur manége 2,400 fr., et une quarantaine de petites 
batteuses au prix de 600 fr. Le produit de ses ventes 
cette année a dépassé la somme de 700,000 fr. Le 
nombre des médailles d’or que M. Gérard a déjà obte- 
nues s'élève à cent vingt-six, et celles d'argent à plus de 
cinquante. J’ai appris depuis que sa locomobile à vapeur 
n’a consommé que 1 kil. 684 de houille par heure et 
par force de cheval; ce minimum n’a été dépassé que 
par la maison Ransome d’Ipswich, comté de Suffolk, 
encore n'est-ce que de quatre grammes : elle n’a em- 
ployé dans le concours de Billancourt que 1 kil. 680 gr., 
tandis que des maisons ang'aises et francaises ont em- 
ployé jusqu’à 2 kil. 350 gr. et 2 kil. 665. 

Cette dernière maison avait une superbe exposition, 
comme tant d’autres maisons anglaises ; mais elle était 
la plus considérable. 

Autant que je puis en juger en voyant des moisson- 
neuses ou des faucheuses au repos, je penche à croire 
que ce sont celles inventées en Amérique qui sont les 
meilleures ; celle de Seymour et Morgan, qui l’an der- 


TPE 


nier a remporté le premier prix dans le comté de New- 
York, vient d’être envoyée par son fabricant à M. Phi- 
lippe Durand, à Lignières (Cher), qui en a pris le brevet 
d'importation en France ; elle a le mérite d’être en même 
temps faucheuse, tandis que celle de Mac-Kormic est 
seulement une moissonneuse. Ces deux machines ayant 
concouru avec d’autres à Amiens, M. Durand a eu le 
premier prix et cellede Mac-Kormic le second ; elles 
sont toutes deux du même prix, 850 fr. Les meiileures 
moissonneuses anglaises, ayant deux ou quatre rateaux, 
font un bon ouvrage ; mais elles ne permettent pas au 
conducteur d’être placé sur la moissonneuse : il est 
obligé de monter à cheval ; il a donc moins de facilité à 
bien diriger sa machine. 

Grignon avait une fort belle exposition, qui contenait 
d'excellentes charrues. 

Après avoir passé vingt-trois jours à Paris et avoir 
visité quinze fois l'Exposition, après avoir assisté au 
concours des bêtes grasses à Poissy, et été une fois à 
Billancourt, je me suis rendu à Blois, où se tenait le 
Concours régional, qui m’a paru moins beau que celui 
de Châteauroux, l’an dernier. 

Les belles bêtes charolaises, ou, pour bien dire, 
nivernaises, y étaient les plus nombreuses; vingt-quatre 
jeunes taureaux, onze autres âgés, et quarante-neuf 
femelles, se sont partagé trente-deux prix, se montant à 
la somme de 9,125 fr. ; elles ont eu, en outre, six men- 
tions honorables. Il y avait soixante-neuf autres bêtes 
françaises qui ont obtenu une mention et treize prix, se 
montant à 4,440 fr. 

La race durham, qui nous a donné les nivernais, si 
appréciés, y figurait pour trente-sept têtes, quinze mâles . 
et vingt-deux femelles ; on ne leur a donné que douze 
prix, le jury ayant retenu un premier prix de taureau ; 
elles n’ont donc eu que 4,300 fr. à se partager. 


ou À Pin. 


On ne comprend pas encore en France que nos meil- 
leures races bovines françaises pourront être améliorées, 
comme celle du Charolais, par les taureaux durham. 

Il y avait à ce concours dix taureaux et vingt-deux 
femelles de races pures étrangères, dix ayrshire, onze 
hollandaiset onze bêtes schwitz, qui ont eu onze primes, 
se montant à 3,500 fr., et deux mentions. 

Quarante croisés durham, préséntés par vingt expo- 
sants, ont obtenu dix primes , on en a retenu une; le 
chiffre est de 2,900 fr. 

M. Poulain, fermier aux Bordes, près Pontlevoy, 
a remporté 900 fr. en trois primes pour bêtes croisées 
durham. 

Vingt-deux têtes provenant de croisements divers ont 
obtenu 1,700 fr. en sept primes; le chiffre total des 
primes, pour deux cent soixante-quinze bêtes bovines, 
s'élevait à la somme de près de 26,000 fr. 

Si nous passons aux bêtes ovines, nous trouvons que 
trente béliers et quarante-cinq brebis de race mérine 
ont obtenu 1,100 fr. de primes. 

M. Lebreton, directeur d’une colonie agricole, avait 
exposé, m’a-t-on dit, des bêtes de race mauchamp. 

La race de la Charmoise comprenait vingt-neuf 
béliers et quarante brebis ; elle a eu 1,600 fr. en sept 
primes et quatre mentions. 

Quarante brebis et dix-neuf béliers de race solognote 
se sont partagé 1,400 fr. en douze primes. 

Neuf béliers et quarante brebis de race berrichonne 
ont eu huit prix, se montant à 1,150 fr. ; le fermier des 
Bordes, M. Poulain, en a eu deux de la valeur de 350 fr. 
Il a eu aussi Geux primes de 550 fr. pour race char— 
moise. 

La race de Crevant et celle du Morvan, qui exposaient 
deux lots de brebis et quatre béliers, ont obtenu 1,000 fr. 
en primes. 


ah 


Trente-six béliers et trente-cinq brebis de l’excel- 
lente race southdown n’ont eu que 2,000 fr. à se par- 
tager, entre cinquante-sept lots de fort belles bêtes, pen- 
dant que les races berrichonne, solognote, Crevant et 
du Morvan, au nombre de cent, vingt-et-une têtes, ont 
obtenu la somme de 3,550 fr. Est-ce bien encourager 
l'importation de reproducteurs de bonnes races étran- 
gères, qui nous sont si nécessaires, qui nous ont déjà été 
si utiles, et dont Pimportation est si chère et si embar- 
rassante ? 

M. Signoret, éleveur des environs de Nevers, qui a 
remporté des primes dans les charolais, les durham, les 
croisés durham et dans les southdown, a encore eu deux 
prix pour bélier et brebis dishley. 

Le vicomte Benoist d’Azy avait exposé deux béliers 
et cinq brebis oxforddown, excellente race ovine, en- 
core peu connue en France; il a eu 300 fr. de primes. 

Les pores adultes de race indigène étaient au nombre 
de dix ; MM. Bodard, près Pontlevoy, et Riverain-Collin, 
de Vendôme, ont exposé trois truies craonnaises qui ont 
eu 500 fr. de primes. 

Les porcs anglais adultes, au nombre de vingt-et-un, 
ont obtenu douze primes, se montant à la somme de 
1,780 fr. Les principaux exposants étaient M. Noblet, de 
Châteaurenard, excellent cultivateur, qui a eu 700 fr., et 
M. Poisson, directeur de la ferme-école de Laumois 
(Cher), homme très-capable, qui a eu 600 fr. ; voilà une 
somme de 2,280 fr. répartie entre trente-et-une bêtes 
porcines qui se reproduisent si facilement, tandis que 
soixante-et-onze southdown n’ont eu que 2,000 fr., et 
trente-sept durham 4,300 fr. 

Il est à désirer que l’argent destiné aux primes soit 
mieux réparti. Par quelle raison accorde-t-on trente- 
deux primes, se montant à la somme de 9,025 fr., à la 
race charolaise, tandis qu’on n’en donne que treize, 


"7 vs 


warrivant qu'au chiffre de 5,100 fr., aux durham ? 
Cette décision ne parail avoir été prise que pour flatter 
l’'amour-propre français, en lui laissant croire que les 
charolais actuels sont un produit obtenu par la selection, 
tandis que dans le Nivernais, l’Allier et le Cher, tout le 
monde sait, et la plupart des éleveurs en conviennent, 
que c’est au croisement durham que cette immense amé- 
lioration est due. 

On ne veut donc pas que nos autres bonnes races 
françaises s’améliorent comme l’a été la nouvelle race 
charolaise, puisqu’en diminuant les primes destinées 
aux durham, on diminue aussi l’élevage et l’importation 
des animaux les plus nécessaires à l’amélicration du 
bétail français. 

Partout où la culture ou bien la terre sont assez 
bonnes pour qu’il y vienne assez de nourriture pour 
bien nourrir le bétail pendant toute l’année , la race 
courtes cornes peut prospérer, si on la soigne bien. 

Les adversaires des durham leur reprochent de ne pas 
donner assez de lait; dans toutes les vacheries durham 
que jai visitées dans mes nombreux voyages en Angle- 
terre, en Écosse, en Belgique et en France, on m'a 
montré des vaches donnant, pendant les trois premiers 
mois après le part, de quinze à vingt litres, et souvent 
plus, d’un lait plus butyreux que celui que donnent les 
vaches très-abondantes en lait; il est généralement 
reconnu par les éleveurs qui font le croisement durham, 
que si la souche des vaches avec lesquelles ils ont com- 
mencé le croisement est peu laitière, les génisses croisées 
durham font sous ce rapport de meilleures vaches que 
leurs mères. On reconnait aussi que si la souche des 
vaches est abondante en lait, le premier croisement ne 
diminue pas la production du lait; même, cette pré- 
cieuse qualité se retrouve souvent encore chez les vaches 
qui ont reçu deux fois du sang durham. On reproche 


il — 


encore à ce croisement de ne pas fournir de bons bœufs 
de iravail : ce que je puis dire à cet égard, c’est que j'ai 
vu de jeunes bœufs croisés durham très-bien labourer à 
deux, en terres à froment, non-seulement chez des culti- 
vateurs francais ou belges, mais même dans des sucre- 
ries. Des bœufs croisés durham travaillent fort bien 
depuis plus de vingt ans chez MM. Auclere, à la Selle 
Bruère, près de Saint-Amand-Montrond, et lorsqu'un 
bœuf croisé est lié au même joug avec un charolais, un 
limousin, ou même avec un salers, jai remarqué que le 
croisé était toujours en meilleur état que le bœuf d’une 
de ces grandes et bonnes races de travail. J’ajouterai que 
si je cultivais, je nourrirais mes veaux croisés de ma- 
nière à les vendre gras, entre les âges de deux et trois 
ans, dans les prix de 4 à 5 et même de 600 fr., et je les 
remplacerais pour le travail par des bœufs achetés âgés 
de quatre à cinq ans, si mes terres étaient fortes. Cest 
ainsi que font le vicomte de Montagnac, près Montlucon, 
et MM. de Vaulx frères, au château de Boucé, près 
Varennes, non loin de Vichy. Siau contraire mes terres 
étaient légères, j'imiterais le plus possible M. Fontbel, 
au château d'Écherat, près Bellac (Haute-Vienne). Dans 
une ferme de cent hectares, il fait toutes ses culiures 
avec trente-six vaches croisées durham, et il n’a point 
de bœufs d’attelage, mais seulement quatre chevaux de 
trait, qui font les charroïs et sont attelés à sa voiture. 
M. Fontbel nourrit toute l’année à l’étable cent trente et 
quelques bêtes à cornes, les veaux compris, quatre che- 
vaux, et il vend chaque année de vingt-cinq à trente 
bêtes bovines, après les avoir bien engraissées. 

Je erois devoir donner ici le nom et l’adresse des éle- 
veurs de durham, qui ont exposé au concours de Blois. 
Ce sont : MM. Salvat, au château de Nozieux, près Blois; 
le marquis de Montlaur, au château de Lyonne, près 
Gannat (Allier) ; de Béhague, au château de Dampierre, 


er, (re 


près Gien (Loiret); Tiersomisco, au château de Gi- 
mouille (Nièvre); vicomte Benoist d’Azy, au château de 
Saint-Benin d’Azy (Nièvre); et Signoret, à Sermoise 
(Nièvre). 

Je ferai la même chose pour les éleveurs de bé- 
liers southdown, mon vœu le plus cher étant de 
voir multiplier les reproducteurs de ces excellentes 
races. Ce sont : MM. le comte de Bouillé, au chà- 
teau de Villars (Nièvre); Nouette-Delorme, au château 
d’Ouzouer-les-Champs (Loiret); de Béhague, au château 
de Dampierre, près Gien (Loiret); Signoret, à Sermoise 
(Nièvre); le marquis de Vogué, à Sens-Baujeu (Cher) ; 
Riverain-Collin, à Vendôme (Loir-et-Cher) ; Delaville- 
Leroulx, au château de la Guéritaude (Indre-et-Loire) ; 
Bertoux, à Gannat (Allier) ;et le marquis de Vibraye, au 
château de Cheverny (Loir-et-Cher), qui a obtenu la 
prime d’honreur; il est, je crois, un des meilleurs sylvi- 
culteurs d'Europe ; il s’occupe depuis environ quarante 
ans de Pamélioration de ses forêts situées dans plusieurs 
départements, et principalement de celle de Cheverny, 
qui wecupait environ quinze cents hectares, et qu’il a 
augmentée en plantant ou semant plus de mille hectares, 
en bois ; il a planté une vingtaine d'hectares en vignes ; 
M. de Vibraye cultive deux fermes, dont une d’une ma- 
nière intensive : il y a créé des prés qu’il a irrigués. I] a 
drainé et marné. 

Il a des vaches normandes auxquelles il a donné nn 
taureau durham, acheté chez M. de Montlaur. Il croise 
un troupeau de brebis de Sologne avec des béliers south- 
down, et des truies de pays avec des verrats anglais. 

Le marquis a réuni dans son parc et dans sa forêt les 
plus beaux chènes et arbres feuillus d'Amérique et plus 
de cent variétés d’arbres résineux des plus rares. 

Son parc contient un établissement de pisciculture ; 
enfin M. de Vibraye a remis à neuf son magnifique chà- 


no 


teau de Cheverny, construit en 1630. Je pense ne pou- 
voir faire mieux, qu’en faisant suivre ici, excellent 
rapport sur la prime d’honneur du département de Loir- 
et-Cher, dans lequel le rapporteur, marquis de Mont- 
laur, fait si bien connaître une partie des mérites des 
concurrents à cette prime : 


Rapport de la Commission chargée de décerner la prime 
d'honneur et les récompenses spéciales au concours ré- 
gional de Blois, en 1867 *. 


« Messieurs, 


« L'agriculture a créé les nations ; la charrue a fait le 
premier propriétaire. Cet art de couvrir les champs de 
récoltes, de modifier la nature, pour la rendre plus utile 
à l’homme, a devancé tous les autres. Et cependant, cette 
science si haute, si féconde en résultats, a été négligée 
pendant des siècles et abandonnée avec une sorte de mé- 
pris. Ceux qui portent l’épée passent avant ceux qui 
tiennent la bêche. Pendant tout le moyen âge, sauf à 
quelques rares moments, sous Charlemagne et saint 
Louis, par exemple, la condition du laboureur est triste 


1 La commission était composée de MM. Boitel, inspecteur général 
de l’agriculture, premier vice-président du jury, président de la 
section. — Masquelier, propriétaire agriculteur, à Saint-Maur (Inüre). 
— Delaville-Leroulx, propriétaire agriculteur, à Montbazon (Indre- 
et-Loire). — Le Corbeiller, propriétaire agriculteur, à Cungy (Indre). 
— Noblet, propriétaire agriculteur, à Château-Renard (Loiret). — 
— Millot, propriétaire agriculteur, à Maulaix (Nièvre). — Marquis 
de Montgon, propriétaire agriculteur, à Lezoux (Puy-de-Dôme). — 
— Douville de Fransu, propriétaire agriculteur, à Fransu (Somme). 
— Foulhiade, propriétaire cultivateur, à Montvalent (Lot). — Léon 
Serre, propriétaire, à Sainte-Vitte, près Saint-Amand (Cher). — 
Heuzé, adjoint à l'inspection générale, secrétaire. — Le marquis de 
Montlaur, propriétaire agriculteur, à Cognat-Lyonne (Allier), rap- 
porteur. 


ET 


et précaire. Toutes les charges pèsent sur lui. La lutte 
est sans trêve sur tous les points du pays : comment 
l'agriculture aurait-elle pu prospérer ? La paix seule lui 
permet de vivre et de grandir. Au seizième siècle, épo— 
que de transformation sociale, elle reprend faveur. Ol- 
vier de Serres écrit son livre si curieux et si bon à con- 
sulter, même aujourd’hui ; Sully et son illustre maitre, 
le cœur navré par les misères qui affligent les campagnes, 
déclarent que cet art si nécessaire est digne de tous les 
respects, et que les États ne restent forts qu’en s’ap- 
puyant sur lui. Ce retour aux idées saines et vraiment 
gouvernementales dure peu ; les désordres politiques ar- 
rêtent ce salutaire élan. Un écrivain contemporain a ra- 
conté, dans des pages qui émeuvent et font frissonner, 
les inisères de notre pays au temps de la Fronde. Foulés 
aux pieds par des bandes armées, les champs restent en 
friche. Quand le calme est revenu, quand l’ordre a suc-— 
cédé à toute cette agitation mauvaise, les splendeurs de 
Versailles éblouissent tous les yeux et cachent la véri- 
table situation du royaume. Quelques esprits plus clair 
voyants en sont douloureusement frappés, et la Bruyère, 
cet implacable peintre de portraits, trace des paysans 
d’alors la terrible esquisse que vous savez. La détresse 
est profonde et l’on court à l’abime. Cependant le dix- 
huitième siècle vient de s'ouvrir; toutes les intelligences 
sont en travail; on se préoccupe avant tout de réformes 
sociales ; l’économie politique est créée. On comprend 
que l’agriculture a un rôle important à jouer dans cette 
réorganisation de la société que l’on rêve, et à laquelle 
on met la main avec tant d’ardeur et d’inexpérience. Des 
comices sont institués, et dans les assemblées provin- 
ciales qui, à la veille de la révolution, avaient déjà posé 
les premières assises du monde moderne, assemblées 
dont un publiciste éminent a raconté les travaux et la 
trop courte existence, l’état des campagnes est la pre 


EN,» Le 


mière des questions qu’on discute. Il y a de grands 
maux ; chacun cherche avec bonne foi le remède. De- 
puis, l’agriculture a fait son chemin. Les progrès ont été 
lents peut-être, mais rien n’a pu les arrêter. Elle s’est 
développée énergiquement en tous sens, elle a été res- 
pectée et encouragée. Elle a conquis enfin la place qui 
aurait toujours dù être la sienne. On s’est senti honoré 
de lui appartenir, et un maréchal de France, qui est une 
des grandes figures contemporaines, a pu prendre aux 
applaudissements de tous, cette simple et noble devise : 
Ense et aratro. 

« Sans rien répudier des conquêtes du passé, et tout 
en acceptant le legs glorieux qu’il nous a fait, soyons 
fiers, messieurs, de notre temps. Il aura rempli digne- 
ment sa tâche, et le feuillet qu’il laissera dans lPhistoire 
ne sera pas, après tout, un de ceux que les générations 
qui se succèdent tournent rapidement et sans s’y arrèter. 
S’il a eu ses défaillances à certaines heures, il a aussi sa 
grandeur, et ce serait se montrer profondément injuste 
que de le méconnaitre. Sans parler des immortelles in- 
ventions du génie moderne, qui ont transformé la face 
du monde, quand done le bien-être a-t-il été plus géné- 
ral? Quand donc les classes laborieuses ont-elles été 
mieux protégées ? Quand donc a-t-on montré autant de 
sollicitude pour leurs souffrances et leurs besoins ? Les 
habitants des campagnes ne sont-ils pas mieux vêtus, 
mieux nourris, mieux logés ? En regardant en arrière, 
nous ne trouverons pas à signaler un mouvement aussi 
général, un aussi ardent désir d'atteindre toutes les amé- 
liorations possibles. Les champs n’ont plus été délaissés 
comme autrefois, et l’on a vu des hommes d’une haute 
valeur, dont le nom est sur toutes les lèvres, consacrer 
leur vie à développer la fertilité du sol, à rechercher les 
moyens d'augmenter notre production nationale. 

« Les concours régionaux, en éveillant une généreuse 


tn — 


et louable émulation, ont aidé puissamment à ce réveil 
éclatant, à cette restauration d’une science dont on con- 
naît enfin tout le prix. Propriétaires, fermiers, métayers, 
se sont rencontrés et, en échangeant leurs idées, ont 
appris à s’apprécier. Bien des malentendus ont disparu, 
bien des rancunes ont été oubliées. La routine enfin a 
été battue en brèche, et l’on a marché résolument en 
avant. Le cultivateur auparavant isolé ne parvenait pas 
à défendre utilement ses intérêts, il lui a été permis d’éle- 
ver la voix et de se faire entendre. Le gouvernement, 
fier de tous ies progrès et les sollicitant, a ordonné cette 
enquête solennelle qui vient de se terminer, et dont 
l’agriculture ne peut que se féliciter, car elle a trouvé 
d’éloquents avocats pour défendre la plus juste des 
causes. Aussi, institution des concours a-t-elle acquis 
une légitime popularité. Le nombre des concurrents 
grandit chaque année, les prix sont disputés avec ar- 
deur, et la récompense suprême, la prime d'honneur, 
est l’objet des plus grands efforts; elle excite une ambi- 
tion vraiment féconde. Ces encouragements donnés avec 
tant de libéralité ont beaucoup fait pour le développe- 
ment de notre agriculture. La France est arivée à pro- 
duire bien au delà de ses besoins. Il y a quelques an- 
nées, il fallait avoir recours à l’importation ; aujourd’hui 
l'exportation est devenue une nécessité, et elle augmente 
sans cesse. Ce ne sont pas seulement nos céréales que nos 
vaisseaux et nos chemins de fer introduisent chez l’étran- 
ger, en Angleterre surtout qui, malgré sa riche agricul- 
ture, ne peut combler son déficit ; ce sont nos bestiaux 
qu’on vient nous demander et qui franchissent nos fron- 
tières de terre ou de mer. Le nombre de têtes importées 
pendant l’année qui vient de s’écouler a été quadruple 
de celui de 1864 ; il en a été de mème pour le froment. 
Presque toutes les autres denrées ont suivi la même pro- 
gression. Et si notre débouché extérieur s’est élargi à ce 


EN 


point, on a pu constater à l’intérieur un accroissement 
aussi considérable. La consommation de la viande par 
les ouvriers des campagnes s’accroît très-sensiblement: 
C’est un fait économique très-important à signaler ; il 
faut nous en applaudir, car n’est-ce pas la preuve que 
l’aisance se généralise et que, d’un autre côté, la cultare 
qui améliore succède à la culture qui épuise? N'oublions 
jamais, nous tous agriculteurs, que ces revenus pluséle- 
vés qui sont la conséquence de nos travaux mieux diri- 
gés, de notre élevage mieux compris, c’est sur notre sol 
qu’il faut les répandre sans parcimonie, allais dire avec 
prodigalité. Nous serons largement indemnisés de nos 
avances; plus on donne à la terre, plus elle rend. Sans 
doute, le prix de la main-d'œuvre s’est élevé d’une façon 
presque inattendue; mais le sol bien ameubli, enrichi, 
fertilisé par les engrais de toute sorte, permettra d’ac- 
quitter ce surcroît de dépenses. D'ailleurs, ce n'est qu’a- 
vec des salaires en rapport avec les besoins actuels, que 
l’on retiendra aux champs des ouvriers trop prompts, par 
malheur, à les quitter, au grand dommage de Pagricul- 
ture et des mœurs. Les travaux si considérables des con- 
currents à la prime d'honneur, que nous allons passer en 
revue devant vous, attestent suffisamment qu'ici l’on a 
bien compris cette vérité, base de tout progrès agricole. 
En parcourant votre département en tous sens, depuis 
la lisière du département du Cher jusqu'aux limites des 
départements de la Sarthe et d’Eure-et-Loir, la com- 
mission à été vivement impressionnée par ies transfor— 
mations qui se sont si heureusement accomplies. Neuf 
années se sont écoulées depuis le dernier concours ré-— 
gional, qui se tenait ici pour la première fois en 1858, 
et ce laps de temps si court, car en agriculture rien ne 
s'improvise, a été, disons-le hautement, bien rempli. On 
avait à lutter contre de sérieux obstacles, sur bien des 
points ; on a triomphé complétement des uns, on a bien 


x Ph 


amoindri les autres. Peu de contrées sont aussi curieuses 
à étudier que le département de Loir-et-Cher, aucun ne 
présente une culture aussi variée. Formée par le Blai- 
sois, le Vendômois, le Perche et une partie de lOrléa- 
nais, comprenant la Sologne, il offre à l'observateur bien 
des sujets d'étude. Ici, la culture des céréales ; là, les 
bois ; plus loin, l'élevage ; aux bords de la Loire, ce beau 
fleuve, tout à la fois votre orgueil et votre danger, la cul- 
ture intensive. C’est en Sologne surtout que le progrès 
est le plus sensible et frappe les regards même les plus 
distraits. Abandonnée pendant si longtemps, elle a été 
favorisée tout particulièrement par le gouvernement de 
PEmpereur, qui, selon l’heureuse expression du rapport 
de MM. Stourm et Godelle en 1852, en a entrepris la 
conquête pacifique, Les propriétaires ont répondu par un 
généreux élan à ces encouragements et à ces bienfaits. 
Les étangs sont en grande partie desséchés ; les défri- 
cheurs sont à l’œuvre et remplacent les bruyères par de 
belles moissons. Le curage des cours d’eau a assaini cette 
contrée, où les fièvres paludéennes ne cessaient pas de 
sévir ; les transports de marne, facilités et s’exécutant à 
peu de frais, ont rendu fécondes les terres argileuses. 
Entin le décret du 15 octobre 1861 a classé de nombreu- 
ses routes, qui ne sont pas encore terminées, nous le re- 
grettons avec vous, mais qui porteront la vie sur tous les 
points. Dans ces dernières années, la population s’est ac- 
crue en Sologne ; symptôme heureux, qui donne con-— 
fiance dans l’avenir. Quelques mots encore, messieurs, 
avant de répondre à votre bien légitime impatience et de 
vous dire le jugement porté sur les diverses exploitations 
que nous avons eu à examiner. 

« Un deuil inattendu est venu attrister pour nous cette 
journée de fête. La commission chargée de décerner la 
prime d'honneur ne se présente plus tout entière devant 
vous ; la mort a frappé dans ses rangs. Un de ses mem- 

2 


ane 


bres qui, l’an dernier, à pareil jour, à Châteauroux, 
remportait celte haute récompense si justement enviée, 
M. Masquelier, vient de mourir. Ce rude travailleur est 
tombé plein de force encore, et ne croyant pas sa tâche 
terminée parce qu’il avait conquis la palme du vain- 
queur. Sa mort a laissé d’unanimes regrets dans ie dé- 
partement de lIndre, dont il était le digne et glorieux 
représentant dans l’industrie agricole. 

« Neuf concurrents se sont présentés ; sept pour dis- 
puter la prime d'honneur, deux dans l’espoir d'obtenir 
les médailles accordées pour les travaux concernant une 
spécialité. 

« Chez tous, reconnaissons-le, nous avons pu noter 
d'excellents résultats, et nous les remercions des efforts 
qu'ils ont faits, des salutaires exemples qu’à des degrés 
divers ils ont donnés. A ces neuf candidats il faut ajouter 
M. Ménard, le lauréat de la prime d'honneur de 1858, 
qui, ne pouvant concourir, avait cependant demandé 
que le jury vint constater sa persévérance et ses succès 
non interrompus. 

«M. Poullain exploite la ferme des Bordes, près Pont- 
levoy. Ses cultures fourragères sont remarquables, et 
plusieurs de ses champs présentent ce magnifique aspect 
qu’on n’est habitué à rencontrer que sur des terres d’une 
fertilité supérieure. Sa vacherie contient des croise- 
ments durham-—-manceaux bien conformés; sa bergerie 
renferme un troupeau de la race charmoise, cette belle 
création de M. Malingié. Plusieurs prix obtenus dans 
les divers concours régionaux l'ont déjà bien payé de 
son zèle et de son activité. Qu'il continue ainsi; il est 
déjà désigné comme l’ua des meilleurs cultivateurs de 
la contrée qu’il habite. Une médaille d'argent lui est 
décernée. 

«M. Mojon aime l’agriculture avec passion ; il n’épar- 
gne n1 les sacrifices ni les fatigues pour atteindre le but 


ms LE 


qu’il s’est proposé, c’est-à-dire la transformation d’une 
terre qu'il a trouvée dans un état complet d’épuisement 
et d'abandon. Il est jeune, instruit; aucune difliculté, 
si grande qu’elle soit, ne le décourage ; c’est ainsi qu’on 
arrive au succès. Il y touche presque; le temps seul lui 
a fait défaut, 

«Devenu propriétaire dé Seillae, dans le canton 
d'Herbant, en 1859, il n’y trouva ni pailles, ni four- 
rages, ni fumiers. Les bâtiments étaient insuffisants et 
complétement dégradés. Le bétail était médiocre et bien 
peu nombreux; on ne comptait guère qu’une tête pour 
sept hectares. Il y avait donc tout à créer. 

« À la fin de 14865, M. Mojon avait agrandi ou recons- 
truit la ferme, et il nourrissait presque une tête de gros 
bétail à l’hectare, avec les racines et le foin récoltés sur 
son domaine. Pour en arriver là, il lui avait fallu mo- 
difier complétement le sol au moyen du drainage, du 
marnage et des fortes fumures. 

Ç I n’a pas non plus négligé la viticulture qui depuis 
quelques années a pris un grand développement dans le 
département, et dont nous aurons bientôt à parler plus 
longuement, à propos de deux autres concurrents. Il a 
adopté la culture en ligne sur fils de fer, méthode pro- 
pagée avec tant de zèle et de talent par M. le docteur 
Jules Guyot. Les vignes sont trop jeunes pour avoir 
donné des produits, mais la vigueur des ceps, l’aspect 
très-satisfaisant de cette plantation peuvent faire bien 
augurer de son avenir. M. Mojon n'aura pas à regretter 
la dépense assez considérable qu’elle lui a occasionnée. 

« Pour former son troupeau, il a croisé des brebis ber- 
richonnes avec des béliers southdown. Les produits sont 
très-homogènes et d’un facile engraissement. 

«Il est donc incontestable que le domaine de Seillac 
a beaucoup gagné à tous les points de vue; qu'on y a 
appliqué avec discernement les nouveaux systèmes de 


es 


culture; mais les améliorations ne datent que d’hier, et 
il n’est pas certain que l’entreprise soit encore lucra- 
tive. Elle le deviendra bientôt, nous ne saurions en dou- 
ter. Le jeune agriculteur persistera dans la voie où il 
s’'avance avec tant de courage et de bonne volonté. Tout 
en augmentant son revenu, 1l répandra autour de lui de 
salutaires exemples, qui seront suivis, car le succès dans 
ce monde est la meilleure des leçons. Qu'il recoive, lui 
aussi, une médaille d'argent ; il ne tiendra qu’à lui d’ob- 
tenir mieux un jour. 

« Sortons maintenant de l’arrondissement de Blois, 
traversons Vendôme sans nous y arrêter, nous y revien- 
drons bientôt, et gagnons les limites du département. 
Nous sommes dans le Perche, enclavé aujourd’hui dans 
quatre départements, et dont une partie, celle où nous 
venons d'entrer, comprend tout le côté ouest de l’arron- 
dissement de Vendôme. Peu de pays sont aussi char- 
mants à parcourir, bien qu'il n'ait pas auprès des tou- 
ristes, qui vont chercher au loin ce qu’ils trouveraient à 
leur porte, la réputation qu’il mérite. Pas de vastes 
plaines, mais une multitude de collines que coupent 
d’étroites vallées, arrosées par de nombreux ruisseaux, 
et où une herbe excellente pousse vigoureusement. Le 
sol est argileux, reposant d’ordinaire sur un sous-sol 
calcaire, La propriété y est assez divisée. Les champs y 
sont entourés de haies. Les prairies artificielles y sont 
très-répandues et, grâce aux soins qu’on leur prodigue, 
permettent de nourrir une population cnevaline consi- 
dérable, qui, on le sait, a fait la fortune de ce pays à 
toutes les époques. Depuis cinquante ans surtout, l’éle- 
vage, bien loin de diminuer, s’est développé, car les 
demandes arrivent de toutes parts, et il faut y répondre. 
Nulle part l'espèce chevaline ne s’élève dans des condi- 
tions meilleures. L’air est vif, le climat est sain, l’eau 
très-pure. Aussi il nest pas nécessaire de parler des 


DR —— 


qualités précieuses de la race qu’on y rencontre, propre 
à tant de services, et que tout le monde connait. 

« C’est au milieu de cette contrée, où l’industrie de 
l'élevage est florissante, dans le canton de Mondoubleau, 
que M. Landron exploite depuis neuf ans (il y est entré 
en 1857), la ferme appelée /e Grand-Guériteau, dans la 
commune de Choue. Aïdé par sa famille et par quelques 
ouvriers à gages, il cultive soixante-dix-huit hectares. 
Bien que ses terres soient maigres et argileuses, il a su 
en obtenir des produits qui suffisent à l’entretien d’un 
cheptel assez important. Il a diminué la largeur des haies ; 
il a créé d’excellents pâturages de ray-grass et de lupu- 
line, et a profité de la liberté d’action que lui laissait son 
propriétaire et d’un bail de vingt années, pour exécuter 
de sérieuses réformes. S’il n’y a rien à dire de ses bètes 
à cornes de la race du pays, qui laissent à désirer, et 
auxquelles il n’accorde qu’une médiocre attention ; en re- 
vanche, les animaux de l’espèce chevaline qu’il entre- 
tient dans son écurie ont tous les caractères qui distin- 
guent les meilleurs sujets de la race percheronne. Ils 
ont les membres sains et nets, une grande force museu- 
laire, une certaine élégance et une taille assez élevée, Les 
produits de ses juments proviennent d’étalons de mérite 
et se vendent un prix satisfaisant. La commission, pour 
lui témoigner combien elle apprécie les efforts qu’il ne 
cesse de faire pour améliorer son élevage, lui accorde 
une médaille d’or. 

« Le canton de Droué touche à celui de Mondoubleau 
que nous quittons. C’est là qu'est située la terre de la 
Fontenelle, appartenant à M. Bournet-Verron. Deux 
choses ont attiré particulièrement l'attention de la com- 
mission pendant la visite qu’elle y a faite : la ferme en- 
tièrement reconstruite par le propriétaire, sur un plan 
assez vaste, et les prairies naturelles qu’il a créées, en 
recueillant et dirigeant sur des champs inférieurs les 


D = 


eaux de diverses sources. L'opération à laquelle s’est livré 
M. Bournet-Verron, aidé par son représentant M. Da- 
veine-Hallier, a été d'autant plus avantageuse, qu’aupa- 
ravant les terres ainsi transformées ne produisaient que 
des bois de peu de valeur. Quelques-unes de ses 
prairies exigeraient cependant des engrais plus abon- 
dants, que le propriétaire pourrait leur concéder, s’il 
entretenait un nombre d’animaux mieux en rapport avec 
l'étendue de la terre de la Fontenelle. C’est là le côté 
faible de cette exploitation, qui, sans cela aurait obtenu 
une place meilleure parmi celles qu’il nous a été donné 
d'apprécier, et sur lesquelles nous avons à dire notre 
avis. Quoi qu’il en soit, les travaux exécutés par M. Bour- 
net-Verron ont assez d'importance pour qu'une médaille 
d’or lui soit décernée. Il a paru à la commission qu’il 
s’en était rendu digne. 

«Il nous faut de nouveau traverser tout le départe- 
ment, et des frontières du département d’Eure-et-Loir 
revenir sur les confins de celui du Loiret, aux Bignons, 
chez M. Adrien Gillet, qui nous attend. 

« Nous voici dans cette Sologne où la misère autre- 
fois était proverbiale, et qui, favorisée par une intelli- 
gente protection qu'il faut bénir, grâce au courage de 
quelques hommes énergiques, à qui l’estime publique 
restera pour toujours acquise, se réhabilite rapidement 
et a offert, dans certaines parties, aux membres du jury, 
un spectacle bien inattendu. M. Adrien Gilles est un de 
ces hommes de cœur qui ont entrepris la régénération 
de la culture dans ce coin si désolé de la France cen- 
trale. 

« La ferme des Bignons est assez étendue ; elle compte 
deux cent soixante-quatorze hectares. Lorsqu'il y a 
vingt-six ans, le propriétaire actuel y entra, il se trouva 
en présence d’un immeuble à peu près improductif, car 
le revenu r’atteignait guère que le chiffre de 4,000 fr., et 


ET 2e 


lesimpôts étaient à sa charge. Bien décidé à faire cesser 
cette déplorable situation, il n’hésita pas à immobiliser un 
capital considérable. C’était un remède énergique ; mais 
il faut bien que les agriculteurs que le hasard place dans 
des conditions semblables le sachent et ne se fassent pas 
d'illusions, il n’en existe pas d'autres, Ce capital a-t-il 
été dépensé utilement, et les résultats obtenus sont-ils en 
rapport avec lui? Nous n’hésitons pas à répondre aflir- 
mativement. M. Gillet a eu recours simultanément à 
l’écobuage, au marnage, au chaulage et au drainage. Il a 
apporté à ce sol pauvre les principes calcaires qui lui 
manquaient, et y a répandu d’une maiu libérale les en- 
grais dont il avait été si longtemps et sans doute toujours 
privé. Nous disons toujours, car l’affirmation de l’his- 
torien du duché d'Orléans nous trouve un peu incrédule 
lorsqu'il écrit en 1648, que la Sologne « est abondante 
en prairies, étangs, futaies et terres à blé, » Les vaillants 
pionniers de ce temps-ci, messieurs, se sont chargés de 
justifier celte assertion, qui n’était alors, croyons-nous, 
qu'un rève, et qui va devenir bientôt une réalité. 
M. Gillet a sa place parmi eux, et si son labeur a été 
rude, ajoutons tout de suite qu’il a été bien payé de ses 
sueurs. L'état de ses céréales est très-satisfaisant, et il 
serait difficile de reconnaitre dans ses champs bien 
amendés, retournés profondément par la charrue, as- 
sainis avec tant de persévérance, les landes qui lors de 
son arrivée attristaient le regard. Le cheptel est nom- 
breux, et la masse considérable d'engrais qu’il produit 
vient chaque jour augmenter la fertilité, réalisant ainsi 
les espérances du courageux propriétaire. Peu d’efforts 
restent à faire pour que l’entreprise soit achevée; quel- 
ques bâtiments à reconstruire, un bétail amélioré à éta- 
blir dans des étables mieux disposées. M. Gillet a donc 
presque toujours réussi, et l’on est en droit de signaler 
ses belles cultures et ses succès économiques. La mé- 


OM — 


daille d’or qui lui est décernée lui rappellera que le jury 
s’est vivement intéressé à sa tentative. 

« Nous parlions il y a quelques moments de l'influence 
des bons exemples; sans diminuer le mérite de M. Gil- 
let, n'est-il pas à croire que le voisinage de la ferme de 
Huppemeau, dirigée avec tant de savoir par M. Ménard, 
le lauréat de 1858, a été favorable à celle des Bignons? 
Ces deux fermes se touchent en effet, et les bonnes mé- 
thodes adoptées dans lune n’ont pas tardé à être suivies 
dans l’autre. Ce sont là de ces lecons dont il faut féliciter 
aussi bien celui qui les donne que celui qui les reçoit et 
sait les mettre en pratique. Nous n’avons pas à raconter 
de nouveau devant vous l’œuvre importante couronnée 
de succès de M. Ménard; une voix plus autorisée que la 
nôtre s’est fait entendre à la mème place que nous cecu- 
pons aujourd’hui, et vous l’a fait apprécier dans tous ses 
détails. Disons seulement que la commission, en se trans- 
portant chez M. Ménard, pour répondre au désir qu'il 
avait manifesté, désir que tous ses mernbres partageaient 
de leur côté, a pu se convaincre que le fermier de Hup- 
pemeau ne s'était pas cru en droit de se reposer, qu’il ne 
s'était pas arrêté un seul jour, et n’avait vu dans la dé- 
cision prise à son égard par le jury de 1858 qu’une obli- 
gation de servir avec la mème ardeur qu’au début la 
cause du progrès agricole. Les améliorations qu’il avait 
entreprises ont été continuées et menées à bonne fin. 
Les terres de Huppemeau sont aujourd’hui eomplète- 
ment assainies, la culture résineuse rapporte de sérieux 
bénéfices, et par un système ingénieux, que nous enga- 
geons très-fort les propriétaires de Sologne à aller étu- 
dier et à appliquer à leur tour, il a détruit le principe 
acide de ses eaux, qui traversent les bois ou bruyères, 
et modifie heureusement ainsi la nature de plusieurs de 
ses prairies. On peut encore signaler certains procédés 
nouveaux qu’il a trouvés pour simplifier la fabrication 


nt y 


des fromages. En somme, répétons-le, M. Ménard reste, 
comme il y a neuf ans, parmi ce petit groupe d'hommes 
d’élite qui poussent le département à développer tous les 
éléments de prospérité qu’il renferme dans son sem, 
et qui ont réussi déjà à lui faire faire un si grand pas en 
avant. 

« Sur les quatre concurrents dont il nous reste à 
parler, trois ont été désignés pour la médaille d’or grand 
module, récompense très-haute et dont ils Hoivent se 
glorilier, car elle n’est accordée qu’à ceux qui occupent 
le premier rang parmi les agriculteurs français. 

« C’est d'abord M. Salyat, qui se présente devant le 
jury comme créateur de la vacherie de Nozieux dans le 
canton de Blois. Cette étable, célèbre aujourd’hui par les 
nombreuses couronnes qu’elle a obtenues dans les 
grands concours, est composée, comme personne ne 
lignore, d'animaux appartenant à la race pure de Dur- 
ham. Tous ceux qui, parmi nous, ont introduit dans 
leurs écuries des reproducteurs de cette race, ont entendu 
parler de la vacherie de Nozieux, l’ont même visitée, et 
plusieurs sont venus lui demander quelques-uns de ses 
produits. En sollicitant les suffrages de la commission, 
M. Salvat a désiré obtenir la confirmation des doctrines 
qu’il applique, et faire coustater que son élevage, qui lui 
obtenait une médaille d’or en 1858, s’est maintenu dans 
la situation où il était alors, malgré les rivalités redou- 
tables qui surgissent de tous côtés. 

«C’est en 1843 qu'a été fondé l'établissement de No- 
zieux, par l'importation d’un certain nombre de tau- 
reaux et vaches de cette race de Durham, que nos voi- 
sins déclarent sans hésitation la première de toutes, et 
dont la précocité merveilleuse, l’aptitude incroyable à 
l'engraissement, la puissance d’assimilation ne peuvent 
plus être mises en discussion. Deux importations suc- 
cessives eurent lieu et enrichirent l’étable, en donnant 


2e BG 


une perfection plus grande aux produits. Dès 1854, les 
premiers prix étaient obtenus dans les concours, soit ré- 
gionaux, soit de boucherie, par les animaux que pré- 
sentait M. Salvat. Sa réputation était faite, et les repro- 
ducteurs qu on lui demandaitallaient régénérer les meil- 
leures étables de plus de douze départements, dont quel- 
ques-uns assez éloignés. C’est en vue du développement 
et du maintien des conditions favorables de cette va- 
cherie, que M. Salvat a organisé sa culture. Elle est en 
quelque sorte le pivot de l'exploitation. La nourriture 
qu’il peut donner à ses animaux est toujours abondante 
et régulière, condition indispensable pour mettre à profit 
les qualités supérieures qu’ils possèdent. IL a pu de la 
sorte, et l’un des premiers, présenter à Poissy des sujets 
ayant à peine trois ans et pesant déjà plus de mille ki- 
los. En 1863, il a fait une nouvelle importation : quatre 
sujets très-remarquables, nés chez deux éleveurs distin- 
gués d'Angleterre, ont ajouté de nouveaux éléments de 
succès à ceux que Nozieux possédait déjà. Sans entrer 
dans des détails, que les trop courts instants qui nous 
sont accordés ne permettent pas, il suflira de dire, pour 
montrer l’importance et la haute valeur de l’élevage de 
M. Salvat, qu’il a obtenu soixante-sept prix, donnant un 
chiffre de 46,000 fr. 

«Bien qu’il s'occupe d'une manière toute spéciale de 
sa vacherie, M. Salvat ne néglige pas pour cela, tant 
s’en faut, la culture de son domaine. I! vient tout récem- 
ment de renouveler un vignoble, en employant le palis- 
sage en fil de fer au lieu de l’échalassement. Il évite ainsi 
des frais toujours élevés de main-d’œuvre et obtient des 
résultats avantageux. La commission a été très-frappée 
par tout ce qu’elle a vu à Nozieux : une agriculture in- 
tensive, un élevage dont notre pays doit être fier, et dont 
les bons effets ont été ressentis au loin. Il lui a semblé 
que la médaille d'or grand module était légitimement 


a 


due à M. Salvat. Elle viendra s'ajouter à cette haute 
distinction qui, l’an dernier, a couronné ses constants 
efforts et ses longs succès. 

«M. Riverain-Collin, lui aussi, a été bien souvent 
vainqueur dans ces luttes pacifiques auxquelles l’agricul- 
ture convie ses disciples. L'autre jour encore, à Billan- 
court, son nom était proclamé avec honneur La com- 
mission, en visitant la ferme d’Areisnes, n’a pu qu’ap- 
plaudir à l'élégance et à l'aménagement bien entendu 
des bâtiments. Il serait difficile de trouver une ferme 
mieux conduite et où règne un ordre plus parfait. Que 
Mne Riverain-Collin, dont la modestie égale l'intelligence 
veuille bien nous permettre de lui adresser publique- 
ment nos sincères compliments pour l’heureuse direction 
qu’elle sait imprimer aux travaux d'intérieur. La ber- 
gerie est vaste, bien aérée ; la porcherie très-commodé- 
ment installée. Les agriculteurs qui auront de semblables 
bâtiments à construire ne pourront mieux faire que d’ap- 
pliquer chez eux des plans aussi bien étudiés. 

« L’outillage de la ferme est au complet, et il n’y a 
pas un instrument dont l'utilité ait été généralement 
reconnue, que le fermier d’Areisnes ne se soit procuré. 
En amenant au milieu de sa ferme les eaux de la petite 
rivière de la Houzé, et créant ainsi une force de dix che- 
vaux, qui fait marcher un moulin à deux paires de 
meules et divers instruments, soit pour battre les ré- 
coltes, soit pour préparer la nourriture des animaux, il 
a fait une opération vraiment digne d’éloges. Cette créa- 
tion a nécessité sans doute une dépense assez élevée, 
mais il n’a pas à la regretter, car les avantages qu'il en 
retire sont incontestables. Le cheptel est important et 
présente un remarquable ensemble. La vacherie ne con- 
tient que des croisements durham-cotentins, les formes 
de quelques-uns d’entre eux laissent peu à désirer et 
altestent l'heureuse influence des taureaux pur sang 


LOS. 


durham, dont M. Riverain-Collin a su faire choix. Le 
troupeau se distingue par son uniformité ; il a été formé 
par l’accouplement de brebis du Berry avec des béliers 
southdown. La réussite est aujourd’hui complète. Il en 
est de même de la porcherie, dont les sujets très-nom- 
breux ont été empruntés aux races reconnues les meil- 
leures et donnant les plus hauts bénéfices, les races 
craonnaise, new—leicester et berkshire. Entrepreneur de 
messageries, le fermier d'Areisnes dispose d’une masse 
très-considérable de fumiers, qui ont singulièrement 
augmenté la fertilité de ses terres, il faut le reconnaitre. 
Avec des moyens aussi puissants, il n’est pas douteux 
qu'il n’arrive à produire de riches récoltes, qu’il sem-— 
blait au début impossible d’obtenir sur une moitié au 
moins de son domaine. N'oublions pas non plus que la 
comptabilité est régulièrement tenue par son fils, jeune 
homme plein d'avenir, et que M. Riverain-Collin peut 
se rendre compte, à chaque fin d’année, de la situation 
de son entreprise agricole. L’arrondissement de Ven- 
dôme qui suit avec beaucoup de sympathie des expé- 
riences si utiles, applaudira, nous en sommes certain, 
à la décision du jury qui lui décerne la médaille d’or 
grand module, 

« Retournons maintenant dans la partie la plus déshé- 
ritée du département, qui fait de si courageux efforts 
pour se relever, en Sologne, et cette fois pour n’en plus 
sortir. [l y a bientôt 28 ans que M. Julien achetait dans 
la commune de Selles-Saint-Denis, canton de Salbris, la 
terre des Anges, d’une étendue de près de 700 hectares, 
et venait s’y fixer. Il ne se dissimulait pas qu'il allait 
avoir à entamer une lutte sans trève contre une nature 
ingrate et rebelle à toute amélioration ; qu’une vie 
d'homme ne serait pas trop longue pour triompher de 
toutes Les difficultés qui se montraient à chaque pas qu’il 
faisait sur son infertile domaine ; qu’entin il fallait faire 


— 29 — 


appel à toute l’énergie dont il se sentait doué pour ra- 
mener la fertilité sur un sol qui semblait frappé à tout 
jamais de stérilité. 

« La terre des Anges, lorsqu'il y arriva, était aux 
mains de métayers, qui, ne possédant aucun capital, ne 
récoltaient qu’un peu de seigle et de sarrazin, et n’éle- 
vaient qu'un bétail de mince valeur, vivant ou plutôt 
mourant de faim au milieu de vastes bruyères. Leur 
situation était précaire, et le revenu du propriétaire 
presque insignifiant. Bien d’autres, et des plus hardis, 
auraient reculé devant une tâche aussi rude à accom- 
plr; M. Julien persista. Qu'il en soit remercié au nom 
de tous les agriculteurs. L'opération la plus urgente 
était l’assainissement des terres et l'écoulement des eaux 
presque partout stagnantes ; la petite rivière de la Rère, 
qui traverse la propriété, fut aussitôt curée et redressée. 
M. Julien fit plus, il éleva des digues, bordées de contre- 
fossés parallèles, et creusa, pour recevoir les eaux de 
tous les fossés, un canal de plus de deux kilomètres. 
Cet indispensable et coûteux travail achevé, le proprié- 
taire put alors s'occuper de transformer une culture jus- 
que-là forcément rudimentaire. Pour ne pas entre- 
prendre au delà de ses forces, il ne se chargea de faire 
valoir qu'une partie de sa propriété ; c’était de la pru- 
dence, et il faut l’en louer. En agissant autrement, il 
était fort à craindre qu'il ne compromit le succès. Un 
amendement précieux lui vint en aide, la marne ; elle se 
rencontre en abondance sur la propriété mème. Il en 
profita, non-seulement pour sa réserve, mais encore 
pour les autres domaines qu’il avait affermés. La culture 
du seigle et du sarrazin ne tarda pas à être réduite de 
beaucoup, et les rendements en froment et en avoine 
s’élevèrent rapidement et dans une proportion inespérée. 
Des prairies artificielles furent semées, et il établit une 
prairie permanente, qui lui donna des fourrages de 
bonne qualité, s'étant appliqué avec succès à détruire 


+ 


2 ape 


l'acidité des eaux. Les betteraves, les topinambours, les 
pommes de terre remplacèrent les genèts. 

«Les bâtiments étaient à demi écroulés et trop res- 
treints pour le nombre de bestiaux qu’il convenait d’en- 
tretenir sur la terre, si l’on voulait produire les fumiers 
indispensables; ils furent reconstruits et aménagés avec 
intelligence. Ils contiennent aujourd’hui de nombreuses 
vaches du pays cotentines ou bretonnes, et quelques ani- 
maux de la race d’Ayr, provenant de l’école impériale 
de la Saulsaie. En outre, il achète autour de lui, à bon 
compte, des bœufs qu’il engraisse. Cette écurie d’en- 
graissement s’accroit chaque année; de quatre animaux 
il en est arrivé à cinquante. Son troupeau est composé 
de bêtes solognotes. 

« La porcherie est très-importante, elle renferme plus 
de 150 têtes. 

«M. Julien a planté en bois les terres situées dans la 
partie la plus élevée de sa propriété; ces bois ont bien 
réussi et donnent aujourd’hui des coupes régulières qui 
augmentent sensiblement le revenu. Nous en avons assez 
dit pour faire comprendre le mérite de M. Julien. Il a 
été tout à la fois prudent et persévérant. Sans éprouver 
un seul instant de découragement, il a poursuivi son 
œuvre en homme de cœur et de devoir. Toute une con- 
rée gagne à posséder des caractères aussi énergiques. 
Les exemples qu’ils donnent, repoussés d’abord par les 
uns que la routine retient immobiles, admis par quel- 
ques bons esprits, ne tardent pas à se propager; leur 
sphère d'action s'agrandit bien vite. Ils prouvent aux 
indifférents que lagriculture est une source de jouis- 
sances qui en valent bien d’autres, qu’elle est aussi une 
industrie profitable pour ceux qui la pratiquent. Les 
membres de la commission en lui décernant une médaille 
d’or, grand modale, ont à cœur de lui témoigner en 
quelle estime ils le tiennent, 

« Nous venons d'examiner devant vous les titres des 


cn dr 


divers candidats, nous vous avons dit nos impressions et 
le jugement qu'après de müres réflexions, nous avons 
cru devoir porter sur chacun d’eux. Tous, vous le voyez, 
ont lutté avec courage, tous ont aidé dans la mesure de 
leurs forces au développement de l’agriculture dans le 
département, et l’enseignement qu’ils ont ainsi donné ne 
sera pas perdu. Pour être choisi le premier parmi de 
tels rivaux, il faut être un de ces hommes qui, compre- 
nant le rôle que la Providence leur a assigné, se dévouent 
corps et âme à la contrée qu'ils habitent, entreprennent 
une sorte d’apostolat, prèchent avec ardeur une croisade 
contre l'ignorance et les préjugés, et mettent au service 
de leurs concitoyens le savoir qu'ils ont acquis et la for- 
tune que Dieu leur a accordée. Ayant étudié à fond, tout 
à la fois, les ressources et les besoins de leur pays, ils 
s'efforcent de l’éclairer et le font marcher résolument 
avec eux dans la route du progrès véritable. 

«La commission a eu l’heureuse chance de rencon- 
trer un de ces hommes et d’être appelée à juger ses tra- 
vaux. Vous l’avez déjà nommé avant moi, c’est M. le 
marquis de Vibraye. 

« La terre de Cheverny est une de ces vastes pro- 
priétés, dont le nombre décroit chaque jour en France, 
qui nécessitent des capitaux élevés pour être mises en 
valeur. Entre les mains d'un propriétaire qui joint à une 
grande fortune une intelligence supérieure, elles four- 
nissent la preuve, trop longtemps méconnue, que l’agri- 
culture est le meilleur des placements. 

QI y à aujourd’hui 38 ans que M. de Vibraye est 
devenu propriétaire de Cheverny. Il comprit, dès le 
début, qu’il y aurait impossibilité pour lui de transfor- 
mer en terres arables une propriété d’une telle étendue 
et dans une condition aussi misérable. La culture lui 
parut avec raison devoir être restreinte et ne se déve- 
lopper que successivement. Il consacrases premiers soins 


Es hf. 


à la sylviculture. En agissant ainsi, il montrait qu'il 
avait envisagé sous toutes ses faces le problème qu'il 
avait à résoudre. Il était nécessaire d’abord d’assainir le 
sol; pour cela, il creusa des fossés, cura les cours d’eau 
et pratiqua le drainage sur une grande échelle. Ces opé- 
rations préliminaires terminées, il entreprit des semis de 
bois, accordant une large place aux conifères dont la 
réussite, on en avait acquis la preuve, était assurée. Dé- 
sireux d'enrichir la contrée et d'augmenter notre ri- 
chesse nationale, aux risques de s'imposer des sacrifices 
sans compensation, il essaya la naturalisation d'espèces 
nouvelles. 120 espèces ont été ainsi introduites par lui; 
sur ce nombre, 25 ont réussi complétement, se sont na- 
turalisées sans peine et ont pu être répandues, offrant la 
certitude d’une reproduction faciie. Dans les livres 
d’abord, dans ses voyages ensuite, qui complétèrent son 
instruction de naturaliste, M. de Vibraye a étudié tout 
particulièrement les conifères. On peut voir dans les bois 
et le pare de Cheverny des sujets très-vigoureux de ces 
gigantesques espèces de la Californie et des montagnes 
Rocheuses, dont l'introduction sur le sol français est une 
heureuse conquête aujourd’hui réalisée. 

« Utilisant les anciennes terres er culture, pratiquant 
de larges défrichements, le propriétaire de Cheverny a 
semé en bois près de 850 hectares. La commission, qui 
a vu ces semis, devenus aujourd’hui des bois d’une rare 
vigueur, peut affirmer que, si importants que soient les 
capitaux immobilisés, jamais opération financière n’aura 
été plus fructueuse. 

« La création des prairies permanentes vint ensuite ; 
sans elles, en effet, ses projets ne pouvaient aboutir. Il 
les prépara par plusieurs années de culture et s’occupa 
de les irriguer. Il put enfin se consacrer entièrement à 
la culture des terres qu’il n’avait pas converties en bois. 
Mais pour ne pas entreprendre au delà de ses moyens 


ER. 


d'action, il s’est borné à l’exploitation directe de l’une 
de ses fermes, d’une contenance de 157 hectares; les 
autres suivront à leur tour. C’est en agriculture surtout 
qu'il faut marcher d’un pas mesuré; la précipitetion 
peut causer d’irréparables désastres. Il a adopté lasso- 
lement de Norfolk; les cultures sont dans un excellent 
état ; les terres, bien préparées, recoivent tous les engrais 
et amendements dont elles ont besoin. M. de Vibraye 
s’est procuré tous les instruments dont la supériorité et 
l'utilité ont été bien constatées. Plus aisément que bien 
d’autres, il aurait pu élever de ces bâtiments qui atti- 
rent les regards et exercent une certaine fascination sur 
l'esprit des visiteurs, mais dont le prix de revient est 
trop souvent un obstacle à la réussite d’une entreprise 
agricole. I s’est servi des bâtiments anciens, se bornant 
à les modifier, suivant les besoins nouveaux. Nous nous 
plaisons à reconnaître qu’il en a tiré un excellent parti. 
Ils sont vastes, heureusement groupés, et le cheptel y 
est à l’aise. 

« Il ne pouvait songer à introduire aussitôt des ani- 
maux de races améliorées ; il y arrive cependant peu à 
peu. Il croise aujourd’hui ses brebis solognotes avec des 
béliers southdown, provenant de la bergerie célèbre de 
Villars, et ses vaches appartenant aux races cotentine et 
mancelle, avec un taureau durham, acquis plus récem- 
ment, qui a obtenu un premier prix à l’un de nos der- 
‘niers concours régionaux. 

« Depuis quelques années, il demande à la viticul- 
ture une nouvelle source de produits. Frappé de la situa- 
tion critique où se trouvait la culture de la vigne, par 
suite de causes que nous ne pouvons développer ici, il 
propose l’introduction des cépages fins et propage de 
toutes ses forces cette idée qui sera pour le pays un pré- 
cieux moyen de salut. Il cultive avec succès les cépages 
de Bourgogne et les cépages blancs de Sauterne ; son 

5) 


— É£ — 


exemple fera des prosélytes, et il y a tout lieu de croire 
qu'on s’en trouvera bien. 

« Destentatives si variées, s’exécatant sur une si grande 
étendue, ont exigé sans doute un capital important ; nous 
avons eu à nous rendre compte de son judicieux emploi 
et des résultats acquis. C’est là en effet le criterium au- 
quel doit être soumise toute exploitation agricole. 

« Une comptabilité très-clairement tenue nous a 
donné toute satisfaction. Nous ne pouvons apporter ici 
des chifres et les grouper devant vous, comme nous 
l'avons fait entre nous, dans le silence du cabinet. Nous 
nous bornerons à dire que la plus-value de la terre de 
Cheverny, depuis l’époque où a commencé sa transfor- 
mation radicale, est telle qu’elle dépasse toutes les espé- 
rances qu’on avait pu concevoir. Et qu'on veuille bien 
le remarquer, les vignes, dont la plantation est encore 
trop récente, ne figurent pas dans les comptes, et les 
bois sont loin d’avoir atteint la valeur énorme que les 
années leur donneront. 

« Le présent répond éloquemment à toutes les exi- 
gences, même les plus sévères du programme, et va bien 
au delà; l’avenir sera plus brillant encore. 

« Il aura été donné à M. de Vibraye d'écrire une belle 
page dans l’histoire de l’agricuiture en Sologne. Quand 
on sait de quelle noble ardeur pour le bien il est animé, 
on ne peut être surpris d'un aussi éclatant succès. Apôtre 
infatigable de la science, debout sur la brèche quand il 
s’agit de combattre les faux systèmes, il précède tous les 
autres et s’avance d’un pas ferme, quand il faut propa- 
ger quelque heureuse découverte. Président du comice 
de Blois, membre de la Société impériale et centrale 
d'agriculture, membre correspondant de lPlnstitut, vous 
l'avez vu lorsque, l’an dernier, l’enquête agricole s’est 
ouverte parmi vous, modeste et dévoué toujours, faire 
profiter la commission de son expérience et de ses re- 


 oe 


cherches, et dresser le bilan de votre situation agricole. 
Il n’a jamais voulu de ces faciles loisirs dont un poëte 
immortel de la vicille Rome remerciait Auguste. Le 
travail est sa vie; le travail, cette nécessité des temps 
modernes à laquelle nul n’a le droit de se soustraire. 

« En lui décernant la prime d’honneur à l'unanimité, 
le jury sera le fidèle interprète de l'opinion publique qui 
s’élait déjà prononcée en sa faveur. Et ce n’est pas seu- 
lement ici, parmi vous, que M. le marquis de Vibraye 
est un initiateur et un maître; dans le département de 
l'Aube, qui se préoccupe avec raison de ses richesses 
forestières, l’an dernier, la Société d'agriculture et le 
conseil général ont ouvert un concours entre les divers 
propriétaires qui ont aidé au reboisement. L'Empereur, 
toujours soucieux des destinées du généreux pays qu’il 
guide de sa puissante main, à envoyé une grande médaille 
d’or; au moment même où nous parlons, le jury de l'Aube 
lattribue à M. de Vibraye ; et ce nom que vos applaudis- 
sements viennent de saluer, on l’acclame aussi là-bas. 

« L'agriculture s’acquitte noblement aujourd’hui en- 
vers ceux qui la défendent et l’aiment, et personne ne 
l’a mieux servie, ne l’a plus aimée que vous, monsieur 
de Vibraye. Ce que la France guerrière a fait depuis 
trois quarts de siècle, 1l n’est pas nécessaire de le rappe- 
ler ; le monde en est encore ébloui. Bien imprudents se- 
raient ceux qui pourraient l'oublier, car à nos triomphes 
d’hier s’ajouteraient encore nos victoires de demain! Si 
dans les travaux aussi glorieux et plus féconds de la 
paix, elle a pris la première place en Europe, c’est aux 
hommes tels que vous, monsieur, qu'elle le doit. Venez 
donc recevoir la légitime récompense d’une vie de dé- 
vouement et d’incessantes études. Acceptez-la et soyez- 
en fier, Le département tout entier vous la donne. 


« Marquis DE MonTLAUR. 
« Blois, 12 mai 1867. » 


M. et Mme Salvat ont bien voulu me donner au chà- 
teau de Nozieux, perdant l’exposition, l’hospitalité, ainsi 
qu’à plusieurs autres personnes, et nous y conduisaient 
et ramenaient pour diner. 

La culture de Nozieux a eu terriblement à souffrir de 
Pinondation de la Loire, et ses récoltes s’en ressentiront 
cette année; heureusement que M. Salvat a pu nourrir, 
l'hiver, son magnifique troupeau de durham sans être 
obligé de le diminuer. Ses vignes, cultivées d’après les 
conseils du docteur Guyot, sont fort belles et lui ont 
donné, après quatre ans de transformation, près du 
doubie des anciennes vignes. 

Je suis allé, à la suite du concours, passer une hui- 
laine de jours au château de la Basme, chez ma belle- 
sœur pour me reposer des visites à exposition. 

Métant remis en route, je suis allé déjeuner chez 
Mme Duquesnoy, à la Quésardière, près Saint-Aïgnan. 
Monsieur son fils ne cultivera plus que les dix hectares 
qui sont plantés de doubles lignes de ceps à deux mètres 
l’un de l’autre, laissant pour la culture de pelits champs, 
larges de douze mètres, entre les doubles lignes de ceps; 
le produit des vignes plantées ainsi est si abondant qu’il 
compte en augmenter l’étendue. 

Je me suis rendu de Saint-Aignan dans la petite ville 
de Valencay, dont la population est d’environ trois mille 
âmes; c’était jour de marché, qui était très-animé, 
malgré le temps pluvieux. É 

J'ai profité d’une éclaircie pour voir une partie de 
l'immense parc du château de Valençay, qui forme une 
magnifique habitation. 

J'avais fait, au concours de Blois, la connaissance de 
M. Lecorbellier, ancien professeur de chimie à Grignon, 
où 1l s'était lié avec M. Jollivet. Ces messieurs, dont le 
second est professeur de comptabilité, se sont associés, 1l 
y a dix ans, pour louer une des fermes de l’immense 


ON 


terre de Valencay, Cungi; cette ferme est bien bâtie. 
M. Lecorbellier m'avait engagé à venir le voir; ayant 
demandé à mon arrivée à Valencay un cabriolet pour 
me rendre à Cungi, on me dit que M. Lecorbellier allait 
venir au marché. Je l’attendis; et pendant qu’il faisait 
ses affaires, Je causai avec un des cinq jeunes gens qui 
sont en pension chez ces deux messieurs, pour y acquérir 
des connaissances en agriculture. Ce jeune homme, qui 
a son frère cadet avec lui, vient de passer cinq années 
dans un collége dirigé par des ecclésiastiques à Sorèze. 
Leur père, grand propriétaire au Brésil, a voulu leur 
donner une éducation française, Après avoir passé un 
an chez ces messieurs, ils doivent aller le rejoindre. Ce 
jeune homme me disait, entre autres choses, que la 
viande, assez grasse pour être bonne à manger, se 
payait chez lui aussi cher qu’en France ; comme cela 
m'étonrait, il me dit qu'on payait la livre de bonne 
viande 0 fr. 60, ce qui tenait à ce qu’on ne savait pas 
engraisser les innombrables bêtes bovines qui parcourent 
leurs savanes très-fertiles. 

M. Lecorbellier m’emmena à Cungi, où ces messieurs 
sont fort bien logés, ainsi que leur bétail; ils payent 
6,000 fr. pour loyer de deux cents hectares, ou 30 fr. 
l’hectare. Leurs terres m'ont paru bonnes, mais avoir 
grand besoin d’être drainées et chaulées ; ils ont une 
marnière, mais le marnage demande trop de temps pour 
être effectué promptement dans un pays où les gelées 
d'hiver ne sont pas assez prolongées pour qu’on puisse 
faire une bonne partie de cette amélioration dans la 
morte-saison. Ces messieurs ne sont pas trop satisfaits 
de leurs récoltes. 

Ils ont vingt jolies vaches normandes, de moyenne 
taille ; ils n’élèvent pas les veaux, mais ils les vendent 
gras; la vacherie est très-bien tenue par un vacher 
suisse. Un marchand leur amène des vaches de Nor- 


=. 5$ — 


mandie pour remplacer celles qu’on réforme ; le lait sert 
à faire du beurre. 

Le troupeau a été formé avec des brebis berrichonnes, 
qui ont reçu des béliers venus de la Charmoise ; on vend 
environ à 20 fr. les élèves, àgés de dix-huit mois, saus 
les engraisser. 

Les cochons sont des hampshire, dont la souche est 
venue de Grignon. 

Ces messieurs ont bordé une partie des chemins de 
pommiers à cidre, qui ne prospèrent pas, à cause du 
sous-sol imperméable et de l'humidité qui en est la 
suite. 

Ils ont créé un vaste potager, entouré d’une belle haie 
de grands ajones bien taillés. 

Ces messieurs ont encore huit ans de bail ; si leur in- 
tention est de le renouveler, 1ls devraient le faire de 
suite, à condition que leur ferme soit bien drainée. Iis 
auraient alors à construire un four à chaux dans une 
carrière de pierres calcaires, qui se trouve près de Va- 
lencay ; ils auraient ainsi de la chaux à 1 fr. ou 1 fr. 25 
l’hectolitre. Leurs terres étant drainées, chaulées à cent 
hectolitres par hectare et bien fumées à l’aide de guano, 
pour suppléer au fumier , donneraient d'excellentes 
récoltes, et leurs bêtes à laine prospéreraient. 

Je crois qu’il faudrait remplacer le taureau normand 
par un duiham, élever les veaux et les vendre gras, 
âgés de vingt à trente-six mois, dans les prix de 500 à 
600 fr., au lieu de faire du beurre, en imitant MM. Font- 
bel, d’Écheverac, et des Termes, près Bellac (Haute- 
Vienne), et M. de Montagnac, près Montlucon (Aller). 

En quittant Grignon, il y a dix ans, ce: messieurs 
furent suivis par cinq élèves de la ferme régionale, 
payant 2,000 fr. chacun, qui, paraît-il, se sont assez 
bien renouvelés depuis lors. 

M. Lecorbellier est resté garcon. Mme Jollivet, qui 


= 0. == 


dirige le ménage, n’a pas d’enfant ; elle était allée voir 
exposition. M. Jollivet m’a reconduit à Valençay, d’où 
la diligence de Blois m’a transporté à Châteauroux. Le 
lendemain, je me suis rendu, pour Ja quatrième fois en 
quatre ans, dans la terre de Puymoreau. Je voulais 
visiter les six métayers vendéens que M. Guyet, le nou- 
veau propriétaire de cette terre de quatre cents hectares, 
y a mis, en remplacement des métayers du pays qu'il y 
avait trouvés, il y a six ans; ces braves Vendéens ont 
déjà bien changé l’état de la culture qu’ils ont trouvée 
en arrivant. M. Guyet habite Napoléon-Vendée, et vient 
deux fois par an voir sa propriété. Il a commencé par 
faire construire un four à chaux, qui fournit le mètre 
cube de chaux à 8 fr. 25; on chaule les terres, le plus 
vite possible, à raison de huit mètres l’hectare, ce qui, 
avec six cents kilos de phosphate de chaux, payés à la 
station du chemin de fer de Châteauroux à raison de 
7 fr. 50 le cent, produit une bonne récolte de choux 
branchus du Poitou ; les métayers vendéens en ont fait 
par domaine de quatre à cinq hectares, de suite en arri- 
vant sur les lieux, et iis augmentent chaque année cette 
si utile plantation, qui leur a fourni le moyen d’en- 
graisser le bétail défectueux trouvé dans les domaines ; 
ils Pont remplacé par de jeunes bœufs limousins et des 
génisses de race parthenaise, qu’ils ont amenés de leur 
pays ; ils ont beaucoup augmenté la masse du fumier. 
Le domaine principal de la terre, qui contient encore 
deux tours de l’ancien château de Puymoreau, avait été 
partagé en deux pour les deux frères Chamare, cultivant 
chacun quarante hectares. Le cadet, nouvellement marié 
et n'ayant que de petits enfants, vient de prier M. Guyet 
de lui permettre de céder sa métairie à son frère, homme 
très-capable, et il a acheté, à deux lieues de Puymoreau, 
une propriété de douze hectares en bonnes terres cal- 
caires, pour 14,000 fr. ; il a l'espoir de pouvoir l’aug- 


MO eE 


menter à la vente en détail d’une ferme qui le joint. 
Son frère va donc se trouver à la Saint-Jean cultivateur 
de quatre-vingts hectares, dont soixante sont déjà 
chaulés à raison de huit mètres cubes ; il s’y trouve une 
vingtaine d’hectares de bonnes prairies artificielles et 
une dizaine de prés naturels. 

Je lui dis que je regrettais qu’il eùt doublé sa ferme ; 
quarante hectares étaient déjà trop grands pour lui; à 
wa dit qu'il pourrait peut-être y mettre un de ses 
grands fils, qui tous deux viennent de se marier d’nne 
manière assez avantageuse pour leur position. 

Chamare vient de louer une famille vendéenne com- 
posée du père, de sa femme, d’un fils et de filles; les 
deux hommes sont nourris et ont 500 fr. pour deux; la 
femme et ses filles seront logées, chauflées et employées 
à la journée dans la métairie, qui nourrit une soixan- 
taine de bêtes à cornes ; on y élève, chaque année, de 
douze à quinze veaux de race parthenaise. 

Les froments, seigles et avoines d’hiver, sont assez 
beaux, partout où le drainage n’est pas d’une pressante 
nécessité. Les betteraves, pommes de terre et rutabagas 
n’6nt pu encore être semés, à cause des pluies presque 
continuelles de ce printemps. Notre visite des champs a 
été mème interrompue par un orage avec grêle qui a 
rendu la terre toute blanche, et cela vers le 20 mai; 
nous étions près de l’extrémité de la propriété et nous 
avons été nous réfugier chez le bon père Massé, pro- 
priétaire d’environ sept hectares de terres ou bruyères 
qu’il a payées il y a quinze ans 2,000 fr., avec la maison 
et l’étable. Ces braves gens, mari et femme, ont perdu 
leur fils unique, âgé de vingtans, 1l y a quelques années. 
Ils nous ont recus fort bien ; la femme a mis au feu un 
fagot qui nous a bien réchauffés. Le père Massé nous a 
fait voir sa petite culture une fois l’orage passé ; elle est 
très-bonne. Il serait fort heureux que tous les habitants 


rt 


du pays fussent aussi avancés en culture. Sa vache lui a 
fait, il y a trois ans, deux veaux mâles jumeaux qui font 
ses labours, et il va bientôt vendre un jeune bœuf de 
deux ans. Sa treille Jui donne assez de vin pour leur 
consommation. À l’exemple de ses voisins, les Vendéens, 
il fait des choux brarchus, des betteraves, rutabagas, 
navets pour ses bêtes, et des pommes de terre pour le 
méuage. Tout cela vient bien, car il a fortement marné 
ses sept hectares, et il nourrit abondamment ses quatre 
bêtes bovines, deux chèvres et deux pores, avec de la 
luzerne, du trèfle, des vesces et des racines ; par suite, 
il peut fumer assez fortement et vendre une bonne partie 
de ses récoltes. 

Nous avons remercié ces braves gens et nous sommes 
retournés à Puymoreau, où j'ai mangé une omelette. Le 
temps étant devenu beau, le fils ainé de maître Chamare 
a voulu me conduire chez son beau-père, dont la pro- 
priété longe la route de Puymoreau à Châteauroux. Voici 
l’histoire de la personne chez laquelle on me conduisait : 
Cette personne était fils d’un petit boucher des environs 
de Tours, qui l’emmenait dès l’âge de dix à douze ans 
dans les foires ou marchés, où il s’approvisionnait de 
bêtes de boucherie. Il devint bientôt assez connaisseur 
en bétail pour que son père le chargeât d’approvisionner 
son étal, et même d’acheter des moutons pour aller les 
revendre ailleurs. A l’âge de vingt ans, il devint mar- 
chand de moutons pour son compte, et parcourut ainsi 
une partie de la France, observant et prenant note de ce 
qu’il apprenait. Il se maria avec la fille d’un cultivateur 
des environs de Paris ; il allait le plus souvent chercher 
des troupeaux de moutons dans le centre de la France, 
et il les vendait aux fermiers, pour faire le parc ; il avait 
couché souvent dans une petite auberge isolée, qui se 
trouve au sortir de la forêt, en venant de Châteauroux, 
pour aller à Puymoreau ; l’aubergiste y vivait miséra- 


= ÀS = 


blement, en cultivant quelques hectares, sur une pro- 
priété de dix-huit hectares presque tous en bruyères 
bordées par la forêt; notre homme ayant amassé un 
petit capital, proposa à l’aubergiste de lui acheter sa 
propriété, qu’il obtint pour 7,060 fr., il y a de cela 
douze ans. [l vint alors s’y fixer avec sa femme, une fille 
de dix ans et un garcon de deux ans ; tout en continuant 
son commerce de moutons, il se mit à défricher peu à 
peu ses bruyères, que les métayers du voisinage lui 
labouraient ; il achetait près de Châteauroux, dont sa 
propriété n’est qu’à douze kilomètres, ce qu’on appelle 
les cendres des fours à chaux, formées en grande partie 
de chaux éteinte ; il les payait de 2 fr. à 2 fr. 50 le 
mètre cube ; son cheval les amenait, et avec le temps, il 
en a couvert ses dix-huit hectares, à raison de quinze à 
dix-huit mètres l’hectare ; ces terres portent maintenant 
de fort belles récoltes en froment et avoine, en trèfle, 
vesces et luzerne, choux branchus du Poitou, betteraves 
et navets. Il a assaini les parties humides au moyen de 
plusieurs fossés, qui recoivent les eaux amenées par dix- 
huit cents mètres de rigoles de la largeur d’un fer de 
bêche et ayant deux pieds de profondeur ; il a rempli à 
moitié ces rigoies de cailloux et de petites pierres ra- 
massés dans ses champs, a mis par-dessus un lit de 
bruyères, qu’il a recouvert de terre ; il a planté plus de 
mille pieds de jeunes sauvageons de pommiers, poiriers, 
mérisiers, qu'il allait arracher dans la forêt, et qu'il a 
greffés comme arbres à cidre ; il tient une douzaine de 
bêtes à cornes et son cheval attachés à des piquets, dans 
ses prés ou prairies artificielles, comme cela se fait en 
Normandie. Ce qui est certain, c’est que cet homme, 
très- intelligent et des plus actifs, a transformé ses 
dix-huit hectares de bruyères en terres couvertes 
d’abondantes récoltes ; jusqu'aux ados des fossés de 
la route et les bordures des haies ont été défrichés et 


sm (H7 


rendus productifs, après que tout le reste a été achevé. 

La femme de cet homme remarquable paraît capable 
et intelligente, et elle seconde bien son mari, leur fils, 
âgé de quatorze ans, apprend avec son père l'état de 
marchand de moutons, qui lui a si bien réussi. 

J’ai été enchanté de ma visite à ces braves et très- 
intelligents petits propriétaires, dont l’exemple sera 
très-utile aux voisins. 

Je suis allé coucher à Issoudun, d’où une diligence 
m’a conduit à Saint-Florent, jolie petite ville et station 
du chemin de fer de Bourges à Montluçon ; j'ai employé 
la journée à visiter d’abord M. du Troucay, maire de 
cette petite ville et propriétaire d’une bonne terre cal- 
caire, mais peu profonde, qu'il cultive à l’usage du pays; 
il plante tous les ans de nouvelles vignes et n’a promis 
d’en planter un hectare comme essai, à la manière du 
père Denis. Ses fonctions de maire le rappelant en ville, 
il m'a proposé de me donner un cabriolet, avec son chef 
de culture, pour me faire visiter deux messieurs de son 
voisinage, qui chacun ont une bonne culture; ayant 
accepté son offre avec plaisir, nous sommes allés, son 
chef de culture et moi, par des chemins de traverse im- 
praticables, à travers d'excellentes terres, chez M. Bour- 
khart, qui malheureusement était absent; son habitation 
est jolie et est entourée d’un parc à l’anglaise. Il ne se 
trouvait personne dans la ferme qui püt nous piloter ; 
mon guide m’a dit qu'il s’y trouvait une moissonneuse, 
mais nous ne l’avons pas trouvée ; le troupeau était au 
loin, mais les béliers étaient à la bergerie ; ils étaient, 
je pense, le résultat d’un croisement dishley-mérinos ; 
l'étable était vide. 

Nous avons ensuite dirigé notre course vers la pro- 
priété de M. Tourangin, qui ne se trouvait pas non plus 
chez lui; mais son régisseur, qui survint, nous dit que 
le propriétaire se mêlait peu de la culture; il nous fit 


LAS 


voir de belles betteraves dans une terre d’une haute ferti- 
lité ; les béliers sont des croisés southdown et charmoise. 

Il nous conduisit dans son étable, dans laquelle il 
engraisse des vaches et des bœufs achetés à cet effet ; on 
leur donne un mélange fermenté formé de cinq kilos de 
tourteaux de colza, de farines, de siliques de colza, de 
balles de froment et de racines; cela donne beaucoup 
d’excellent fumier, qui assure de bonnes récoltes. 

Nous sommes retournés à Saint-Florent, et le chemin 
de fer r’a conduit à Châteauneuf-sur-Cher, d’où l’om- 
nibus ua déposé au château de Bel-Air, près Lignières. 
J’allais chez Mme Durand, la mère de mes jeunes amis; 
M. Benoist, l'aîné, nv’a conduit le lendemain matin dans 
leur terre de Bois-d’Habert, propriété d'environ quatre 
cents hectares, qu’ils viennent de partager en cinq lots 
pour les deux sœurs et les trois frères, ces derniers encore 
garcons. 

Il sy trouvait soixante et quelques hectares de 
bruyères qui viennent d’être défrichés, et qui, pendant 
quatre ans de suite, ont donné de bonnes récoltes de 
céréales et de colza, à l’aide d’une application annuelle 
de quatre cents kilos de phosphate de chaux fossile, 
dont le prix, rendu à la station du chemin de fer, est 
de 7 fr. 50 les cent kilos. 

M. de Saint-Georges, ancien ofhciér supérieur d’ar- 
tillerie, maire de la commune d’Ineuil, dont les bruyères 
touchent celles de MM. Durand, en a déjà loué en détail 
une grande étendue aux habitants de sa commune, pour 
dix-huit ans, à raison de 35 fr. l’hectare avant défriche- 
ment, et à charge de les marner deux fois pendant la 
durée du bail ; la marne se trouve dans le sous-sol. On 
voit de très-belles récoltes de céréales et même de fro- 
ment sur ces défrichements récents ; aussi, le prix de 
vente de ces bruyères est-il arrivé à 600 fr. hectare. 

M. Philippe Durand, qui a pris un brevet d’importa- 


ms À 


tion pour la moissonneuse-faucheuse de Morgan, Sey- 
mour et Ollen, il y a quelques années, vient de recevoir 
de la même maison une nouvelle faucheuse-moisson- 
neuse encore perfectionnée depuis la première importa- 
tion. M. Philippe a recu en même temps un grand 
journal de New-York qui rend compte d’un concours de 
moissonneuses qui a eu lieu eu 1866 entre huit de ces 
machines ; dans ce concours, ia moissonneuse de Morgan 
a obtenu le premier prix, avec grande médaille d’or ; le 
prospectus de cette moissonneuse-faucheuse, qui porte 
le nom de New-Yorker, contient quarante-six lettres, 
adressées à la maison Morgan, pour lui faire léloge de 
cette machine ; une de ces lettres dit, qu’on a moissonné 
avec elle, en trente-cinq heures de travail, trente-sept 
acres ou quatorze hectares quarante ares de froments 
très-épais et très-hauts ; il n’y a rien eu de cassé ou de 
dérangé pendant ce travail, qui n’employait que le 
cocher conduisant deux bons chevaux de moyenne taille ; 
le rateau automate de la moissonneuse Jette la javelle 
assez loin pour que les chevaux ne marchent pas dessus ; 
M. Philippe Durand, à Lignières (Cher), vend 850 fr. 
cette moissonneuse, pour laquelle il a pris un brevet 
d'importation. 

M. Benoist Durand m’a conduit, le 26 mai, chez 
M. Poisson, directeur de la ferme-école du département 
du Cher; c’est un ancien et excellent cultivateur, des 
environs de Paris ; il paye 55 fr. par hectare, eten ex- 
ploite maintenant près de deux cents; une cinquantaine 
sont entre les mains d’un métayer qui se laisse entière- 
ment diriger par lui. Il a une porcherie très-considérable 
et parfaitement conduite; il s’y trouve des middlessex, 
des yorkshire et des berkshire ; il vend les porcelets pour 
la reproduction, 100 fr. la paire, âgés de six semaines 
ou deux mois, Le croisement qui lui a fait remporter le 
plus de primes, dans les concours régionaux, est celui 


RE 


des middlessex avec les berkshire. Cette ferme-école est 
des mieux dirigées de toutes manières, aussi bien dans 
la culture des champs et des jardins, que dans l'élevage 
des bêtes à cornes, d’espèce charolaise ; 1l n’élève pas de 
bêtes à laine; mais il achète de jeunes moutons berri- 
chons, qu’il revend à des cultivateurs des environs de 
Paris, pour faire le parc. 

Son propriétaire vient de drainer vingt et quelques 
hectares à raison de 250 fr. l’hectare, dont M. Poisson 
paye cinq pour cent d’intérèt. 

Son économe et comptable, dont il était très-satisfait, 
ayant quitté pour se marier, il Va remplacé par un an- 
cien élève de M. Malingié; il le loge, le nourrit à sa 
table, lui donne la première année 800 fr,, avec une 
augmentation annuelle de 100 fr., jusqu’au chiffre de 
1,500 fr. Un de ses élèves, après avoir fini son temps de 
ferme-école, était resté comme chef de pratique; étant 
tombé, au bout de dix-huit mois, à la conscription, 
M. Poisson lui a prêté, après six mois de service mili- 
taire, 3,000 fr. pour se faire remplacer, et 1l l’a réinté- 
gré comme chef de pratique; voilà près de quatre ans 
de cela, et les 3,000 fr. sont à peu près payés. 

On venait d'amener de Paris à M. Poisson, le fils d’un 
riche fabricant de sucre de Cuba, qui demandait à être 
nourri à sa table, ce qui n’a pu être accordé; ce jeune 
homme a fini par consentir à entrer comme simple élève 
de ferme-école. 

Nous avons quitté, M. Durand et moi, M. Poisson en 
le remerciant de son aimable réception. 

La Société d'agriculture de Bourges, a décerné une 
médaille d’or, à M"° Guillot, pour avoir introduit dans 
le département du Cher, la culture des mürierset la pro- 
duction des graines à vers à soie, non sujettes à produire 
des vers atteints de la muscardine. 

J’ai voulu faire la connaissance de cette dame ; comme 


= DR — 


elle n’était pas dans sa maison de ville, je fus le lende- 
main la chercher à la campagne; elle était malade; mais 
madame sa mère, âgée de quatre-vingt-treize ans, a 
bien voulu me recevoir; elle ma conduit dans une 
grande pièce, où se trouve la magnanerie; une autre 
dame de la famille a remplacé M" Guillot qui est de- 
venue aveugle, pour surveiller cette éducation ; ces deux 
dames, dont la plus âgée a parfaitement sa tête, ont eu 
la bonté de me raconter, que M Guillot était, il y a 
trente-deux ans, amusée à élever des vers à soie, avec 
les feuilles d’un mürier qui était dans son jardin de 
ville ; ayant pris goût à cette occupation, elle a semé de 
la graine de mürier, pour pouvoir augmenter sa récolte 
de feuilles ; elle a planté peu à peu un hectare en mü- 
riers ; ayant fini par savoir qu’il y avait des variétés de 
müriers, dont la feuille est plus abondante, ou meil- 
leure, elle a planté depuis des müriers multicaules, des 
müriers loups, et des müriers blancs à fleurs roses; 
M°° Guillot a trouvé depuis, par expérience, que les 
müriers sauvages et les müriers blancs à fleurs roses, 
sont les meilleurs de ceux qu’elle connaît; aussi les 
a-t-elle recommandés à sa belle-sœur, qui dirige main- 
tenant sa magnanerie; cette dame a aussi planté des 
müriers, de même que son fils, dans deux autres pro- 
priétés ; elle leur a encore conseillé de les espacer, plus 
qu’elle ne l'avait fait elle-même; c’est-à-dire, de les 
planter à trois mètres de distance en tous sens, ce qui 
permet de les labourer ou scarifier facilement, afin de 
les tenir bien nets de mauvaises herbes ; 1l faut aussi les 
tailler de manière à pouvoir cueillir toutes les feuilles, 
sans être obligé de s’élever au-dessus de terre; on na 
dit que lorsque toutes les feuilles avaient été enlevées, il 
fallait tailler en ne laissant que des branches de vingt 
centimètres de longueur ; les müriers que j'avais sous 
les yeux, n'avaient que soixante-six centimètres de hau- 


= FY = 


teur, sur six centimètres de diamètre ; on m'a fait re- 
marquer que les branches des müriers avaient été gelées 
par le bout en hiver, mais qu’ils n'avaient pas souffert 
de la gelée du 23 mai, qui wa pas fait de mal non plus 
aux vignes, tandis qu’elle a brülé les tiges des pommes 
de terre, des haricots, et les jeunes pousses de chènes. 
M°° Guillot avait eu dans le temps de la peine à trou- 
ver un marchand à qui elle püt vendre sa soie; ce mar- 
chand étant mort, sa mère lui conseilla d’écrire à la per- 
sonne qui lui fournissait son huile d'olive; elle obtint 
ainsi une excellente adresse, et cette personne étant 
venue, plus tard, la voir, l'engagea à essayer de produire 
de la graine de vers à soie, ce qui lui serait bien plus 
profitable; on lui expliqua si bien ce qu'il yavait à faire, 
pour arriver à un bon résultat, qu’elle a réussi à faire 
depuis quelques années environ six kiios de graine par 
an, en renonçant à la soie; celle-ci ne lui rapportait 
guère qu’une couple de mille francs bruts, tandis que la 
graine lui donne à peu près le triple, sur quoi les frais 
sont à déduire. La salle où se fait cette petite éducation 
de deux onces de graines, a environ huit mètres de lon- 
gueur sur six de largeur ; elle a quatre grandes croisées 
garnies d’épais rideaux de couleur foncée, de manière à 
tenir les vers dans l’obscurité lorsque c’est nécessaire ; 
deux de ces croisées s'ouvrent au midi et deux au nord, 
ce qui facilite l'entretien d'une égale température, qui 
doit, autant que possible, ne pas dépasser vingt-six de- 
erés centigrades. La salle est garnie de trois rangs de 
tablettes superposées et séparées par quarante centimè- 
tres ; chaque rang a plus de six mètres de long; les ta- 
blettes ont une largeur d’un mètre, et sont garnies d’un 
petit rebord. On ne fait éclore les vers que lorsqu'on a 
assez de feuilles ; on doit les découper d’abord, de ma- 
mère à ce que les morceaux ne dépassent pas la gran- 
deur d’une lentille; à mesure que les vers grandissent, 


NT = 


on augmente la grandeur des morceaux ; on partage les 
feuilles en trois, dès que les vers ont acquis à peu près 
leur taille. La nourriture se distribue trois fois le jour; 
la cueillette occupe de quatre à six femmes par jour; 
elles aident aussi à la préparation et à la distribution de 
la feuille ; lorsque les vers sont à leur seconde mue, il 
faut trois personnes à l’intérieur dela magnanerie. Lors- 
que les vers commencent à monter, on garnit les côtés 
des tablettes de tiges de colza, ayant porté graine, dont 
on supprime les racines et le corps. 

Une fois les cocons faits, on les enfile comme un cha- 
pelet, en passant l'aiguille en travers et non en long, et 
de manière à ne pas blesser la chrysalide ; lorsque les 
papillons sortent, on les dépose sur un linge de coton 
blanc ; on sépare ceux qui ne s’accouplent pas d’eux- 
mêmes, et on pose les mâles sur les femelles ; s’ils ne se 
séparent pas, après trois et quatre heures d’accouple- 
ment, on enlève tous les papillons mâles, qu’on distribue 
aux volailles, qui en sont très-friandes. On pose alors 
les femelles sur de grandes feuilles de papier, tendues 
sur des cadres qu’on appuie un peu obliquement contre 
les murs de la magnanerie; le haut des cadres doit être 
garni d’un bourrelet garni de vieux linge, qui empêche 
les femelles qui pondent en montant, de sortir du cadre. 
Lorsque la ponte est terminée, on jette les papillons aux 
volailles ; les papiers garnis de graine, sont conservés en 
hiver, dans une pièce saine: on les met, au printemps, 
dans un lieu assez froid pour empècher l’éclosion, avant 
l’époque où l’on en a besoin. 

La personne qui a conseillé à M°° Guillot de faire de 
la graine, au lieu de soie, est revenue la voir, il y a 
quelques années, et lui a dit que son nom était vénéré 
dans son pays, parce que la graine qui se fait en Berry 
et qui lui est due, est meilleure même que celle importée 
du Japon. 


4 


Ne 


M°° Guillot est si obligeante, qu’elle a fait connaître à 
bien des personnes de sa connaissance, et à toutes celles 
qui sont venues la consulter, les méthodes qui lui ont le 
mieux réussi, pour faire ses petites éducations de vers à 
soie, qui conviennent tant pour la production de la 
graine ; une partie de ses élèves, qui habitent diverses 
parties du Berry, ont suivi son exemple, et propagent 
Pinstruction qu’elles doivent à M"° Guillot; il se fait ainsi 
beaucoup de graines dans les environs de Saint-Amand- 
Montrond, Montméliand, Bourges, et autres villes du 
Berry; plusieurs personnes de Lignières n’ont dit que 
les terres légères, saines, et bien exposées des environs 
de cette ville, étaient recherchées et payées fort cher, 
de 2 à 3,000 fr. lhectare, pour les planter en müriers ; 
beaucoup de personnes s'occupent de la production de 
graine de vers à soie, qui est si profitable. Mme Guillot 
envoie sa graine de vers à soie, en février, à Salon, dé- 
partement des Bouches-du-Rhône; elle la partage par 
kilos, contenus en sacs de lustrine ; chaque sachet est 
mis dans une boîte de zinc, dont le dessus est percé de 
trous du diamètre d’une pièce de 5 fr. en or ; on super- 
pose six boîtes en zine, dans une caisse de bois; en for- 
mant les boîtes, on en Ôte soigneusement tous les œufs 
qui ne sont pas d’une bonne couleur. 

J’ai pris congé de ces dames, en les remerciant de la 
bonté avec laquelle elles m'ont fourni tous ces détails, et 
J'ai bien regretté de n’avoir pu faire la connaissance de 
madame Guillot, qui a rendu pendant le tiers d’un siècle 
un si grand service à la France, et particulièrement aux 
pays qui l’environnent; son fils et celui de sa belle-sœur 
ont déjà planté, chacun, quatre cents müriers; ces Mes- 
sieurs font venir de la ville de Salon de jeunes müriers 
connus sous le nom de Pourettes, et les greffent lors- 
qu'ils sont assez forts. 

M. Benoît Durand m’a condnit à Vallenais, chez M. Ed- 


oo 


ms D 


mond Augier, qui était absent; nous avons vu chez lui, 
comme à Bois-d’'Habert, de très-belles récoltes de cé- 
réales et de fourrages. 

Je suis allé coucher chez M. Auclerc, que j'ai trouvé 
occupé de sa fenaison, qui lui donnera, il Pespère, cent 
mille kilos de foin et moitié en regain; plus des deux 
tiers lui sont fournis par ses prairies artificielles, et ce- 
pendant il a nourri au vert une cinquantaine de grosses 
bêtes, sans compter les veaux, une centaine de moutons 
et de nombreux cochons; tout cela est produit sur 
soixante et quelques hectares dont seulement trois sont 
en prés naturels, Ses enfants étaient allés voir l’expo- 
sition, il y a déjà quelque temps. 

M. Auclere a maintenant en bœufs quatorze bêtes de 
travail dont une est pur durham, dix croisés durham et 
trois charolais ; il a douze vaches ou génisses durham 
pures et huit vaches ou génisses qui ne sont pas portées 
sur le Æerd book français; il a six taureaux, dont quatre 
prêts à faire le saut, et dont il demande 1,000 fr. la 
pièce, et deux veaux. [Il vient d’acheter de M. Tierson- 
nier un taureau pour son service, celui qu’il avait achete 
l’an dernier, à Corbon, ayant péri. M. Auclerc fait con- 
sommer en vert les tiges de topinambours à partir du 
15 septembre; mais comme il s’est aperçu que cette 
nourriture, qui est très-bonne, est très-échauffante, 1l 
n’en donne que de deux jours lun. 

Les ouvriers se paient ici aux prix suivants : les 
hommes gagnent 1 fr. 75; les garcons de quinze à dix- 
huit ans, 1 fr. 25; les femmes, 0 fr. 75; lors de la mois- 
son, les femmesrecoivent 1 fr. 25 etleur nourriture ; les 
faucheurs obtiennent 4 fr, 75, sont nourris et ont du 
vin ; à la tâche, les bonnes prairies artificielles coûtent 
8 fr. l’hectare. M. Auclere n’a dit qu'on plantait beau- 
coup de müriers et de vignes, et que cela avait rendu 
fort chères des terres pauvres, sablonneuses et caillou-— 


ce de 


teuses, à sous-sol trop perméable ; elles se vendent de 
1,500 à 1,800 fr. l’hectare. Il m’a fait voir une charrue à 
défoncer, dans le genre de celles de M. Vallerand, qu’il 
vient de faire venir du département de l'Aisne. Il m’a fait 
faire la connaissance d’un de sesneveux, M. Barbarin, an- 
cien capitaine du génie, qui a quitté le service il y a dix 
ans, pour soigner sa mère, veuve etinfirme : il ne s’estma- 
rié qu'après l’avoir perdue. Pour occuper sa grande acti- 
vité, il s'est mis à entreprendre l'amélioration de la eul- 
ture de quatre métairies, que possédait sa mère dans les 
environs de Saint-Amand-Montrond, où il habite; il n’a 
dit que le métayer qui occupe sa meilleure et sa plus 
grande métairie, qui a cent quinze hectares en très- 
bonnes terres fortes, lui produit en moyenne neuf mille 
et quelques cents francs; cet homme, du temps du père 
de M. Barbarin, avait d’abord occupé l’une après l’autre 
deux des fermes, de cinquante à soixante hectares ; ayant 
reconnu combien il était capable, M. Barbarin père le 
mit dans sa métairie de cent quinze hectares; ce brave 
homme s’y était endetté de quinze à dix-huit cents francs 
pendant les premières années; sa famille n’était pas 
assez nombreuse pour l’étendue de la métairie, ce qui le 
forgait à prendre des domestiques ; il voulut alors quitter, 
mais le propriétaire n’y consentit pas, et lui abandonna 
une partie de sa dette; ce bon et brave métayer s’est 
bien relevé et se trouve avoir mis en quinze ans 25,000 fr. 
de côté; la ferme est en très-bun état de réparation ; elle 
nourrit une grosse tête de bétail par chaque hectare. La 
métairie, d’une soixantaine d'hectares en terres plus fa- 
ciles de culture, produit à M. Barbarin, pour sa moitié, 
une moyenne dépassant 60 fr. l’hectare ; celle d’environ 
cinquante hectares lui vaut plus de 50 fr. ; enfin, la qua- 
trième métairie, formée d’une trentaine d'hectares de 
bruyères défrichées, en terres légères qui ont été mar- 
nées et chaulées, produit à peu près autant que la préce- 


dente ; elle se trouve placée dans le voisinage d’un grand 
communal en bruyères qui, 1l y a une vingtaine d’an- 
nées, s’est trouvé à peu près envahi et défriché par des 
gens qui se sont construit des cabanes par trois ou quatre 
hectares qu’ils cultivent à la bêche ou au moyen d’änes 
attelés à de petites charrues ; les bruyères attenantes ont 
été louées fort cher par leurs propriétaires à ces gens qui 
en tirent un bon parti, le voisinage de la marne ou de 
la chaux aidant, au dire de M. Barbarin. Ce digne pro- 
priétaire possède, dans les environs de Bourges, une 
autre ferme en bonnes terres calcaires, qu'il a été obligé 
de louer en argent, à cause de l'éloignement, au lieu de 
l'être en métairie; elle ne lui donne que 45 fr. l’hectare ; 
une autre ferme qu’il possède près Laon, dans l’Aisne, 
est louée, quoiqu’en terres légères, 70 fr. l’hectare. 
M. Barbarin a bien voulu m’engager à venir le voir à 
mon premier voyage en Berry. Ce monsieur a remplacé 
M. Auclere, comme président du comice agricole de 
Saint-Amand, position que celui-ci a remplie pendant 
une {rentaine d'années, au grand avantage de l’agricul- 
ture de cette partie du département du Cher, à laquelle 
ses excellents exemples en culture, et son élevage de bètes 
bovines de race durham ont aussi énormément contribué. 

J’ai quitté ce digne homme, qui s’est enrichi par ses 
travaux agricoles parfaitement dirigés, tout en se ren- 
dent des plus utiles par ses bons exemples, et je me suis 
rendu chez un autre homme plus jeune, et qui a déjà 
fait beaucoup en améliorations agricoles, c’est M. Ta- 
bouet, à Vallons, troisième station avant d’arriver à 
Montlucon; on m’y recut comme à l’ordinaire, de la 
manière la plus aimable. La ferme que M. Tabouet cul- 
tive par domestiques est de quatre-vingt-dix hectares, 
en sables dont le sous-sol contient un peu d’argile qui 
suffit pour empêcher l'infiltration de l'humidité, ce qui 
force M. Tabouet à tenir ses terres en planches bombées, 


NT 


d’une largeur de quatre mètres, séparées par des rigoles 
très-profondes; 1l défonce toujours la première sole de 
son assolement quadriennal en enterrant une fumure de 
quarante mètres cubes de fumier de ferme, ou bien de 
quatre-vingts mètres cubes de boue de rue, de la ville de 
Montluçon, qui, arrivant par le canal du Cher, ne lui 
coùtent rendues au port que 2 fr. 50 le mètre; il ob- 
tient ainsi de fort belles récoltes de carottes, betteraves, 
pommes de terre et navets, sur une dizaine d’hectares; 
les carottes et betteraves sont semées en lignes alterna- 
tives, et ont produit ’an dernier soixante mille kilos ; le 
reste de la sole est semé en vesces et avoine d’hiver, qui 
sont d’une grande hauteur et épaisseur; la deuxième sole 
est semée en froment, méteil et seigle, toute la ferme 
ayant été chaulée à raison de cent cinquante hectolitres 
de chaux; troisième sole, trèfle et raygrass d'Italie sur 
la sole entière qui est de vingt hectares; dans quatre 
ans, cette sole sera en luzerne, qui devra durer huit ans, 
comme celle qu’on a en ce moment, et qui est très-pro— 
ductive; elle a reçu une très-forte fumure au moment 
où elle à été semée, et cette fumure a été renouvelée au 
bout de quatre ans. La quatrième sole recoit des céréales 
d'hiver, y sompris des avoines de cette saison; on a en 
dehors de l’assolement, un champ de topinambours qui 
étant fumés tous les deux ans, donneront des récoltes 
très-profitables dans ces terres légères, en restant tou- 
jours dans le même champ. Le commencement de cette 
culture date d’environ seize ans; mais elle était bien 
moins étendue alors, et faite dans le principe sur les 
meilleures terres; le reste de la ferme était en si 
pauvres sables, qu’on ne s’est décidé à les cultiver que 
lorsqu'on a vu les belles récoltes qui résultaient des pre- 
mières améliorations; on a donc défriché chaque année, 
ces mauvaises pâtures, les engrais et la chaux de Mont- 
lucon aidant ; une fois qu’elles ont été toutes défrichées et 


ss 5 = 


améliorées, M. Tabouet s’en est si bien trouvé, qu’il a 
acheté lan dernier pour 2,200 fr. sept hectares de sables 
blancs, profonds et humides, qui w’ont paru être tout 
ce qu’il y a de plus mauvais; il les traite de même que 
les précédents, c’est-à-dire en mettant par hectare cent 
inètres de boue de ville, qu’il enterre à trente-six ou 
quarante centimètres par un labour de deux charrues 
se suivant dans le même sillon et attelées chacune de 
quatre forts bœufs charolais; la seconde charrue est une 
charrue Bonnet, qui ramène à la surface le sous-sol, 
sable un peu argileux ; on applique à cette terre si bien 
remuée cent cinquante hectolitres de chaux, enterrée par 
un hersage, on remet ensuite encore des boues de ville, 
et on ensemence en vesces et avoine d'hiver; ce que 
j'ai vu en cette position était superbe. On fait suivre ce 
fourrage par des pommes de terre, et des raves ensuite. 
Les récoltes de céréales d’hiver de M. Tabouet promet- 
tent au moins une trentaine d’hectolitres. 

M. Tabouet a depuis dix ans pour maitre valet, un 
cultivateur des environs de Lille; il est nourri avec sa 
femme et un enfant et gagne 500 fr. ; 1l revenait d’une 
visite faite à sa famille, et avait passé à Paris, pour voir 
l'Exposition, une semaine, avec une trentaine d’ouvriers 
choisis dans le département de l’Allier. Un des trois 
frères Rambourg, riches maîtres de forge des environs 
de Montlucon, avait envoyé à Paris et défrayé ces ou- 
vriers, pour contribuer à leur instruction ; ce monsieur 
dépense chaque année une assez forte somme en primes 
pour l’amélioration de la classe ouvrière, 

M. Tahouet nourrit une soixantaine de bêtes bovines, 
les veaux de lait en dehors. Il a eu, il y a quelques années, 
pendant cinq ans, un taureau durham, et l’a remplacé 
par un charolais, pour rentrer dans la couleur blanche, 
qui est absolument nécessaire pour vendre avantageu- 
sement les bêtes bovines charolaises, il engraisse donc 


ne 


tous les veaux mâles qui ne sont pas bien blancs, pour 
les vendre vers l’âge de trois ans ; il donne aux génisses 
un fort beau taureau charolais, et obtient ainsi le plus 
souvent la couleur blanche; il a vendu, l’an dernier, 
cinq jeunes mâles d’un an à dix-huit mois, entre 5 et 
600 fr. En ce moment, il en a trois à vendre. M. Tabouet 
reconnaît aux croisés durham plus de précocité et d’ap- 
titude à prendre la graisse qu’aux bêtes charolaises, per- 
fectionnées par suite du croisement durham; la saillie 
de son taureau se paye 5 fr. et 0 fr. 50 pour le vacher. 
Son troupeau de bêtes à laine est formé de bonnes bêtes, 
qui prennent facilement la graisse et sont vendues âgées 
de quinze à dix-huit mois ; elles proviennent de croise- 
ments d’abord charmoise et ensuite southdown, ce 
troupeau n’est pas homogène; leur prix actuel est de 
0 fr. 80 poids vif, ce qui amène la moyenne à 40 fr. par 
tète. M. Tabouet tient six chevaux, dont deux de selle 
pour ses fils. | 

Un de ses métayers est très-intelligent et très- actif; il 
réussit fort bien, quoique n'ayant qu’une fille de vingt 
ans, un fils de seize et un de huit. Sa métairie contient 
quatre-vingt-dix hectares ; il est done forcé d’avoir deux 
laboureurs à 300 fr. chacun, deux gamins à 150 fr., et 
deux servantes à 75 fr. chacune. Le métayer n’est dans 
cette ferme que depuis six ans, et son cheptel se trouve 
déjà doublé ; ilest de quarante bêtes bovines charolaises, 
sans les veaux de l’année, dont douze vaches qui vont 
au taureau de M. Tabouet ; on élève tout. Il n'a pas de 
juments, mais il a un troupeau de cent cinquante mou— 
tons qu’il engraisse ; tous les produits de la métairie se 
partagent, cochons, volailles et œufs. On y cultive cinq 
hectares en racines fort bien soignées. La moitié des 
terres est semée en fourrage ; les patureaux et bruyères 
ont été défrichés ; les récoltes sont fort belles, et le 
métayer a eu l'an dernier, 1,500 fr. de bénéfice. 


En un 


M. Tabouet paye les hommes 1 fr. 75 e. pendant huit 
mois, et 2 fr. pendant le reste de l’année. 

Il met les jeunes bœufs à l’engrais vers l’âge de 
trente-deux mois ; on commence par leur donner quatre 
litres de farine, qui s’augmentent au fur et à mesure, 
jusqu’à huit litres, et l’on ajoute pendant les quinze 
derniers jours, quatre litres d'avoine; ils consomment 
de trente à quarante livres de foin, et autant de racines ; 
il ne fait que peu d’avoine. 

M. Tabouet üire ses charrues Bonnet de Moulins, et les 
paye 80 fr. ; on trouve aussi à Moulins beaucoup d’ins- 
truments et de machines agricoles perfectionnés chez 
MM. Berger et Barillot, et chez Bruel frères. 

M. Tabouet tient trois à quatre truies croisées par un 
verrat anglais ; les porcelets se vendent couramment 
20 fr., et il engraisse ceux qui lui restent. 

Il emploie avec avantage de quatre à cinq cents kilos 
de phosphate fossile par hectare, dans ses sables. 

Les terres en ferme valent dans ces environs de 1,000 
à 1,500 fr. l’hectare. j 

Le mètre carré de terrain à bâtir, à Vallons, se vend 
de1à2tfr. 

Au moment où je montais en cabriolet, le 4 juin, 
pour aller voir M. Serres père, à Bussière, M. Mestre, 
un de ses fermiers, passait à Vallons, retournant chez 
lui ; il m'emmena à sa ferme, où M. Serres devait juste- 
ment déjeuner ce jour-là; effectivement, M. Serres arriva 
presqu’au même moment que nous chez M°° Mestro; 
cette famille est venue, il y a une dizaine d’années, du 
Nivernais, d’où elle est originaire, pour prendre cette 
ferme d’environ cent hectares de terres fortes et dificiles 
à cultiver, situées sur un plateau fort élevé, dont on 
paye 20 fr. l’hectare ; le ménage est bien logé ; le cheptel 
se compose de huit forts bœufs de race salers, une dou- 
zaine de vaches et des élèves charolais, cent fortes brebis 


a 


crevant, ayant un quart de sang dishley, et enfin, une 
belle jument percheronne, celle qui nous avait amenés. 

Après déjeuner, M. Mestro nous fit voir une partie de 
ses cultures, entre autres de superbes vesces d'hiver, 
faites sur des terres restées, jusque il y a trois ans, en 
friches ou bruyères ; pour les obtenir, M. Mestro avait 
mis cent soixante mètres cubes de fumier par hectare ; 
avec de pareilles doses de fumier, on a toujours de belles 
récoltes ; mais tout le fumier fait dans la ferme ne cou- 
vrirait que vingt-cinq hectares fumés aussi bien, et 
jusqu’à présent, M. Mestro n’a encore fait que des essais 
de guano ou autres engrais du commerce, excepté en 
phosphate fossile, employé pour ses défrichements ; on 
nous a fait voir un grand potager que M. Serres avait fait 
défoncer à près d’un mètre de profondeur. Cet important 
travail en a rendu la terre encore plus forte ; mais les 
quenouilles y sont magnifiques. M. Mestro a planté un 
hectare en vignes, en suivant l’exemple de MM. Serres, 
dont le père, qui er avait trois hectares d’anciennes, en a 
planté vingt hectares depuis quatre ou cinq ans ; son fils, 
de son côté, en a planté dix hectares; les lignes de ceps 
se trouvent à deux mètres et on les cultive à la charrue. 

On arrive à la ferme de M. Mestro par une avenue de 
béaux châtaigniers, que M. Serres a plantés il y a plus 
de vingt ans. 

M. Serres m'a emmené dens son château, placé au 
fond d’une charmante vallée, et de là, nous sommes 
montés par une excellente route qu’il a créée, pour arri- 
ver sur le plateau, fort élevé, existant vis-à-vis de son 
habitation ; il y a construit une ferme, dont les bâtiments 
lui ont coûté 80,000 fr. ; elle contient deux jolies mai- 
sons, dont l’une pourrait loger un riche fermier, et 
l'autre son chef de culture; la première est occupée 
depuis deux ans par un jeune ménage, dont le mari 
était instituteur dans une commune ; ils sont nourris et 


TT 


ont 500 fr. ; M. Serres lui fait tenir la comptabilité en 
partie double, et le dresse pour qu’il puisse, par la suite, 
en faire un régisseur. M. Serres s’est arrangé, dans 
l'autre maison, un pied-à-terre où il peut déjeuner et se 
reposer par les chaleurs ; 1l y a logé son jardinier, qui a 
transformé, en six ans, une bruyère attenant à la maison 
en un grand et excellent jardin, dont les terres plutôt 
légères ont été défoncées avec avantage, drainées et 
chaulées à raison de deux cents hectolitres à l’hectare ; 
aussi, tout y vient à ravir, sur de bonnes fumures. 

Un grand bâtiment de cette ferme peut loger cent 
bêtes à cornes, et comme il est très-élevé, les greniers 
peuvent contenir une grande partie des fourrages de 
cette ferme de plus de trois cents hectares ; les man- 
geoires de l’étable sont formées de murs recouverts de 
ciment de Vassy, et je n’ai pas remarqué que le ciment 
füt ébréché ; il est à regretter que M. Serres n’ait pas vu 
l'étable construite par M. de Montagnac aux Trillets, 
près Montluçon, car je pense qu’il aurait imité avec un 
grand avantage les petits abreuvoirs placés entre chaque 
deux bêtes, où l’eau arrive, ce qui permet aux bêtes de 
boire en mangeant, ce dont elles profitent avec plaisir et 
profit pour elles ; les hommes ne dineraïent pas bien, si 
on leur ôtait la possibilité de boire à table. M. Serres y 
eût vu aussi de petits chèmins de fer qui facilitent énor- 
mément l’approche de la nourriture du bétail, qui, sur- 
tout en vert, est très-lourde ; ces chemins de fer aident 
de mème à conduire les déjections sur le tas de fumier ; 
c’est très-commode, lorsqu'on n’a pas encore adopté une 
meilleure méthode de faire le fumier, qui est de le 
laisser au moins un mois sous les bêtes, en ayant le 
soin de tenir la litière bien à plat, et de saupoudrer les 
parties humides avec de l’argile pulvérisée et conservée 
à couvert. Le fumier est conduit directement au champ, 
lorsqu'on l’enlève de dessous le bétail; une troisième 


HOUR 


amélioration à adopter, est de placer une barre de fer 
qui monte du plancher au haut de la mangeoire ; on y 
enfile Panneau du bout de la courte chaîne qui sert 
d'attache à l’animal ; cet anneau descend très-aisément 
lorsque l’animal se couche, et remonte de même lorsqu'il 
se lève, ce qui permet à l’attache d’être courte et pré- 
vient la possibilité que les vaches ne se battent entr’elles, 
et cependant les bêtes se trouvent ainsi gènées le moins 
possible. Cette grande étable est peuplée de belles bêtes 
charolaises. M. Serres n’a que six chevaux pour char- 
royer ; les labours se font par des bœufs limousins. On 
fait ici vingt hectares de récoltes sarclées, les topinam- 
bours et les raves faites après les seigles en dehors. Les 
céréales, les trèfles mêlés de raygrass d'Italie et les 
vesces sont bien ; mais je n’ai pas vu de luzernes. On a 
entouré de châtaigniers une partie des très-grandes 
pièces de terre de la culture. Les pentes trop raides pour 
être labourées et dont l’exposition ne convenait pas aux 
vignes, ont été plantées et semées en bois. Les vignes 
n’ont pas de fils de fer, mais des échalas. En ne comp- 
tant pas la valeur des échalas, M. Serres annonce une 
dépense de 100 fr. par hectare pour ses vignes. 

Il vient d’acheter au Concours régional de Blois la 
batteuse de Gérard, de Vierzon, qui venait d’y obtenir 
le premier prix, et une locomobile à vapeur de la force 
de six chevaux, du même fabricant, le tout pour 
7,000 fr. , 

Il avait fait l’an dernier douze hectares de lin, qui a . 
été fort beau, l’année ayant été très-humide ; il a été 
obligé pour s'en défaire de expédier à Turcoing, ville 
très-manufacturière près de Lille ; le port de cette récolte 
a dépassé 1,600 fr., et le produit de chaque hectare est 
ressorti à 460 fr. ; M. Serres n’a pas semé de lin cette 
année ; si un certain nombre de grands cultivateurs de 
ce pays pouvaient s'entendre pour faire du lin, qui vient 


Mg Le 


fort bien, surtout sur de bonnes bruyères récemment 
défrichées, il ne serait pas difficile de décider un fabri- 
cant de lin, comme il y en a beaucoup dans le Nord et 
en Belgique, à venir s’y fixer, ou du moins à y établir 
une succursale ; il achèterait le lin sur pied, à un prix 
fixé d'avance, d’accord avec les cultivateurs qui se 
seraient engagés à cultiver en lin un nombre d’hectares 
suflisant, pour qu’il ait de l’avantage à fonder un nouvel 
établissement ; pareille chose se fait dans les environs 
de Paris, ainsi que dans ceux de Châlons. 

M. Serres a construit une digue en pierres et chaux 
hydraulique, qui traverse sa vallée très-étroite; il a 
formé ainsi un étang profond et d’une grande longueur, 
entre des coteaux fort élevés, ce qui lui permet de faire 
des irrigations et pourra lui donner une chute d’eau. Il 
a planté en vignes les bonnes expositions de ses coteaux 
et semé en bois les mauvaises expositions, dont les 
pentes sont trop inclinées pour pouvoir être labourées. 

La terre de Bussière ne produisait guères que 10,000 fr. 
lorsque M. Serres en a hérité de son père ; 1l y a dépensé 
environ 200,000 fr. en acquisition de grandes fermes 
qui le joignaient; cette terre s’étend maintenant sur à 
peu près quatorze cents hectares, dont il a donné 
cinq cents à M. Gabrie}, son second fils, qui a récemment 
épousé M'° Dubois, petite-nièce de M. Amiot, lequel a 
donné à sa nièce 400 mille écus de dot. 

M. Serres père m’a dit qu'il avait dépensé plus de 
300,000 fr. en améliorations territoriales , et que sa 
terre lui produit maintenant plus de 50,000 fr. de 
revenu. Il fait valoir lui-même une réserve de trois cent 
cinquante hectares, et il a cent hectares en bois ; le reste 
est loué ou en métairies. 

Le lendemain, M. Serres m'a reconduit à Vallons, où 
il allait prendre le chemin de fer. 

M. Béguin, voisin de M. Tabouet, m'’attendait avec 


CNRS 0 


son fils, jeune homme de vingt-cinq ans, qui est, 
comme son père, grand amateur de culture; ces mes- 
sieurs me firènt voir leur beau bétail charolais, ainsi 
qu'un troupeau croisé, depuis une quinzaine d’années, 
par des béliers pris chez le comte de Bouillé, de même 
que son taureau actuel. M. Béguin vend de fort beaux 
agneaux béliers, âgés de six mois, au prix de 50 fr. ; les 
cultivateurs qui veulent améliorer leurs troupeaux, et 
qui ne sont pas assez riches pour payer des béliers 
southdown de 200 à 500 fr., feraient bien de prendre ici 
leurs béliers. Ces messieurs ont plusieurs hectares de 
récoltes sarclées, qui ont été fortement fumés ; aussi, les 
froments venus après récoltes de racines sont-ils des 
plus beaux que j'aie vus cette année; j'ai visité de belles 
prairies artificielles en luzerne et en trèfle, et on na 
montré de très-bons prés irrigués. 

Ces messieurs m'ont conduit dans un herbage enclos, 
où nous avons vu en liberté une partie de leurs belles 
vaches et six anthenaises-southdown, ainsi qu’un jeune 
bélier venu l’année dernière de chez M. de Bouillé. 

M. Béguin a donné récemment à son fils un domaine, 
pour qu’il le cultive comme cela lui conviendra; il n’a 
pas oublié d’y ajouter un capital suflisant pour tirer un 
bon parti de ce domaine ; c’est là un bon moyen d’oceu- 
per un jeune homme qu’on veut conserver près de soi à 
la campagne, et de l'empêcher de s’y ennuyer. 

M. Béguin a construit une ferme très-commode pour 
sa culture ; il vient d’élever une habitation qu’il n’occupe 
pas encore, et il va l’entourer d’un pare à l’anglaise; 1l 
s’y trouve une source assez abondante, qui pourra 1rri- 
guer ses gazons. 

Je suis allé ensuite remercier mes bons hôtes et 
prendre congé d’eux, pour me rendre aux Trillets, à 
deux stations de là, et passer vingt-quatre heures chez 
le vicomte de Montagnac, qui a bien voulu, malgré son 


di =. 


état de souffrance, me montrer sa belle vacherie. J'y ai 
trouvé son beau vieux taureau, âgé de sept ans, qui fait 
son service à merveille, malgré son très-grand poids, 
qui dépasse mille kilos ; mais lorsque les vaches doivent 
être servies, on les place dans un travail où se trouve 
une soupente qui, placée sous leur ventre, les empêche 
de trop sentir le poids du taureau ; ce très-bon taureau 
avait gagné chez son premier propriétaire, M. Tierson- 
nier, un premier prix à un concours régional, il y a de 
cela cinq ans, et il a toujours donné depuis d’excellents 
produits, que le vicomte nourrit de manière à les vendre 
gras vers l’âge de vingt-quatre mois; lorsqu'il y a, de 
ces jeunes bêtes grasses, un nombre suffisant pour rem- 
plir un wagon, M. de Montagnac écrit à un grand bou- 
cher de Paris, qui vient, ou envoie, les estimer et les 
payer. Le dernier wagon, parti récemment, a dépassé, 
par tête, le prix de 460 fr., sur lesquels il n'y a aucun 
frais à défalquer. 

Le vicomte cultive à peu près cent hectares sur lesquels 
il a trouvé le moyen de créer une trentaine d’hectares 
de prés ; ces prés dont environ les deux tiers n’étaient 
que des cailloux tout à fait dénudés et bordant le Cher, 
ont recu des terres de déblais du chemin de fer qui se 
trouve à petite distance; M. de Montagnac a en outre 
créé une chute en barrant le Cher qui, ici, n’est encore 
qu’une petite rivière ; on a choisi un endroit où le cours 
de la rivière se trouve très-resserré par deux collines; 
la chute, ainsi obtenue, met en mouvement une ma- 
chine à battre à poste fixe, qui bat aussi les grains de la 
commune; de plus, l’eau est employée à irriguer une 
bonne partie de cette vaste prairie, qu’on vient enfin de 
terminer, et qui s’est augmentée par un échange qu'il a 
su attendre patiemment depuis bien des années; cette 
propriété, d'environ trois hectares de pâtures maréca- 
geuses, garnis de broussailles, appartenait à un paysan 


A — 


madré, qui enfin a été tenté par une soulte en argent, 
qui l’a rendu plus facile en affaire. 

M. de Montagnac a pris en location pour dix-huit ans, 
à raison de 30 fr. par hectare, une métairie que le pro- 
priétaire ne voulait pas vendre, et dont une partie des 
terres, enclavées dans les siennes, le gênaient; après 
avoir retiré les pièces de terre qui lui convenaient, il ÿ a 
laissé le métayer, qu’il a pu amener à une meilleure 
culture, et dont les vaches viennent à son taureau; tout 
cela a bien amélioré les produits de la métairie. 

Une partie des terres de sa culture, ayant un sous-sol 
formé de pouddings, M. de Montagnac a fait faire une 
très-forte fouilleuse qui , attelée de six bons bœufs, suit 
une charrue Dombasle dans le mème sillon et ramène à 
la surface les pierres qu’on enlève ensuite ; il a déjà no- 
tablement amélioré, ainsi, une vingtaine d’hectares. 

Il a fait venir huit hectolitres de froment Halett, de 
chez M. Fiévé, à Masny, près Douay, Nord, ayant en- 
tendu faire un grand éloge de cette variété de blé an- 
olais, qui est très-productive en grains et en paille, et 
ne verse que difiicilement; ce blé n’a pas gelé dans 
l'hiver de 1863-1864, pendant lequel une très-grande 
quantité mème de froments du pays ont été détruits par 
la gelée. 

J’ai vu ici à l’œuvre plusieurs instruments de culture 
perfectionnés, d’abord la faucheuse de Peltier, qui fauche 
bien; mais comme elle ne coupe que sur une largeur de 
soixante-six centimètres, ce n’est pas assez pour un atte- 
lage de deux chevaux, et cela fatigue trop un seul 
cheval ; jai vu encore un râteau à cheval, un scarifica- 
teur Dombasle, un lourd cylindre en fonte qui tour- 
nant sur une plaque du même métal, sert à écraser les 
tourteaux et le plâtre ; ce cylindre pourrait servir aussi 
à broyer les tiges annuelles du grand ajonc, qui en 
Bretagne et en basse-Normandie, rend de si grands ser- 


ss ON 


vices, en fournissant une excellente et très-abondante 
nourriture verte, pendant tout l'hiver; cette même 
plante, sur les bords du Cher, est cultivée avec un grand 
profit, pour fumer les vignes; semée dans les plus mau- 
vaises terres, pourvu qu’elles ne soient pas humides, 
elle produit par année de 70 à 100 fr. par hectare dans 
ce pays de vignobles, où les cent fagots d’ajoncs se payent 
de 15 à 16 fr. 

M. de Montagnac a inventé une machine qui sert à 
monter le purin dans une auge, d’où il peut couler dans 
le tonneau à engrais liquides, ou dans les rigoles d’irri- 
gation des prés, quand la position y prête; cette ma- 
chine, qui coûte 200 fr., est très-solide, et ne peut, 
comme une pompe, se détériorer par la sécheresse. 

Le vicomte a cédé, pour 60,000 fr. à son gendre, 
M. de Mérès, une jolie maison avec trente hectares de 
très-bonnes terres légères situées dans une commune 
voisine ; le jeune ménage s’y est fort bien installé. 

M. de Mérès s'occupe avec succès de sa petite 
culture ; il a de fort beau froment Hallett; la terre con- 
vient à merveille à la luzerne; il engraisse des vaches 
qui bien achetées, et en ne comptant pas la valeur du 
fumier, lui ont payé 1 fr. 50 c. par Jour leur nourriture, 
dans laquelle entrait du tourteau ; 1l a fait copier par son 
maréchal une herse Howard qu’on lui avait prêtée, et 
elle ne lui a coûté que 80 fr. 

Il m'a conduit chez un de ses voisins, ancien régis- 
seur des environs de Lignières, où 1l avait vu la petite 
magnanerie de M® Guillot; ce Monsieur s’étant retiré 
ici, et ayant pu louer pour 120 fr. à une lieue de sa 
maison un champ planté de mille jeunes müriers, dont 
le propriétaire n'avait pas su tirer un bon parti, il s’est 
mis à faire de la graine de vers à soie, il en a vendu, 
l’année dernière, trois kilos sept cent cinquante grammes 
pour 3,500 fr. Il m’a fait voir dans son très-petit jardin, 


+ es 


trente ruches à compartiments, dont il tire un bon pro- 
duit ; il m’a dit avoir eu jusqu’à soixante ruches, lors- 
qu’il était régisseur. 

J'ai quitté le château des Trillets, pour me rendre à 
trois stations plus loin que Montlucon, sur le chemin de 
fer allant à Moulins, d’où une carriole m’a conduit à 
Cosne-sur-lŒil, commune située à trois lieues de la sta- 
tion de Villefranche, par où j'ai dû revenir et faire ainsi 
une vingtaine de lieues, tandis que le bourg de Cosne 
n'est qu’à cinq lieues de Montlucon. 

Je venais visiter près Cosne une propriété de trois 
cent quarante hectares achetée, il y a quelques années, 
par un riche industriel de Lille, M. Mathieux, qui était 
venu dans ce pays, faire des fouilles, pour chercher de la 
houille ; ces fouilles n’ont pas réussi; mais M. Mathieux 
s’est décidé à acheter pour un faible prix, qu’on n’a pu 
me faire connaître, deux fermes comprenant trois cent 
quarante hectares, dont une très-grande partie était cou- 
verte de mauvaises pâtures, au lieu de bruyères et 
ajoncs, ou genets, comme cela se voit habituellement 
dans le centre de la France; M. Mathieux mit à la tête 
de son acquisition, M. Moisson, jeune homme des envi- 
rons de Lille, qui avait dirigé les fouilles. M. Moisson, 
qui s’est marié depuis, a habité d’abord la ferme de 
l’Ouche, située à un kilomètre de Cosne, et qui n’est pas 
trop mal bâtie ; en trois ans, il l’a mise en assez bon état 
de culture; M. Mathieux a envoyé de Paris un petit 
chalet, pour s’y faire un pied à terre ; il a ensuite établi 
M. Moisson à la ferme du Lac, ainsi nommée à cause du 
petit lac qui sépare les deux fermes; on y avait construit 
une grand maison où M. Mathieux compte venir passer 
une partie de l’été avec sa famille. 

Il a mis il y a près de trois ans à la tête de la ferme 
de l’Ouche, un jeune cultivateur belge, M. Coupé, qui 
vient aussi de se marier à Lille. 


4 | | unes 


Ces deux chefs de culture ont chacun 2,500 fr. et sont 
nourris. 

M. Coupé m'a fait voir une partie de sa culture qui 
porte de bonnes récoltes ; j'ai remarqué une luzerne bien 
réussie, qu’il a semée en août, en même temps que du 
trèfle incarnat dont il a une bonne coupe en juin; en- 
suite 1] a obtenu une coupe assez abondante de luzerne ; 
j'ai vu de bons trèfles dans les terres anciennement culti- 
vées, du seigle, de l’avoine d'hiver, dans les récents dé- 
frichements, et de superbes colzas repiqués sur défriche- 
ments de deux ans; les betteraves, les pommes de terre 
et topinambours se trouvent sur les anciennes terres ; 
une très-grande étable est pleine de bêtes charolaises ; 
j'ai regretté de n’y pas voir un taureau durham, pour y 
faire de jeunes bêtes grasses; sous un grand hangar de 
nouvelle construction , se trouvaient des instruments 
de culture Dombasle, une grande batteuse et sa loco- 
mobile à vapeur, de Gérard de Vierzon ; enfin, cette ferme 
est bien montée, et en bon train. 

M. Moisson étant survenu, m’emmena à sa ferme du 
Lac, par un chemin à peu près impraticable pour un ca- 
briolet. La maison à un étage dont il occupe une partie, 
est posée sur un bon fonds de terre n’ayant servi jusqu’à 
présent que de parcours ; on construit à côté les bâti- 
ments de culture, car aucun de ceux de l’ancienne ferme 
ne peut être conservé; ce ne sont que de misérables 
huttes qui, en attendant, logent le bétail encore peu 
nombreux; car la ferme de l’Ouche avait absorbé, jus- 
qu’à une date trop récente, toute l'attention du proprié- 
taire; c’est sur cette ferme de l'Ouche que se sont faits, 
en grande partie, les travaux d’amélioration ; ici, tout 
est à faire. 

M. Mathieux veut entourer la maison d’un pare à 
l'anglaise, et fait faire le potager, dans le jardin et la 
chenevière de l’ancienne ferme. 


eo 


Les friches ou pâtures de ces environs, ne ressemblent 
pas aux bruyères du centre de la France; elles sont cou- 
vertes d’une espèce de gazon, au lieu de genêts et de 
bruyères ; les défrichements récents, ont recu six cents 
kilos de phosphate fossile, et sont couverts de fort belles 
récoltes, de céréales d’hiver et de printemps, le froment 
et les vesces compris; on continue le même genre de 
fumure pendant quatre ans, en la diminuant chaque 
année de cent kilos de phosphate ; on chaule et on fume 
au bout de quatre ans. 

Ces deux régisseurs sont si contents du produit de 
leurs défrichements, qu’ils viennent de louer quarante 
hectares de ces terres vagues et communales pour sept 
ans, à 18 fr. par an. 

Ils ont commencé à planter de la vigne ; je leur ai fait 
connaître le grand avantage et l’économie qu'il y a, à 
planter les vignes en chaintres, et je les ai fortement en— 
gagés à adopter cette méthode, qui produit souvent le 
double et au moins la moitié de vin en sus, que les vi- 
gnes plantées à l’ancien usage. 

M. Mathieux ne reculant pas devant les dépenses 
utiles, a déjà beaucoup drainé et chaulé ; en continuant 
ainsi, il amènera cette terre en peu d'années, à une 
grande production. 

Je suis allé coucher à Montlucon où je ne suis arrivé 
que fort tard, pour me rendre le lendemain dans la ville 
d’Éveau-les- Bains, et de là, chez M. le comte Emmanuel 
de Montagnac. 

Je l'ai trouvé dans un vaste enclos où un grand nombre 
de faucheurs et de faneurs coupaient et fanaient une très- 
forte récolte de fourrage, semé avec vingt-cinq kilos de 
trèfle et des graines prises dans les fenils; le comte en 
esumait le produit à plus de cinq mille kilos. Il n’a fait 
voir, en nous rendant au château, de très-beaux fro- 
ments Victoria et Chiddam, dont le produit moyen ar- 


0 — 


rive à trente hectos l’hectare; celui de l’avoine est d’en- 
viron quarante. Ses betteraves et pommes de terre ont 
eu beaucoup à souffrir d'une queue d'orage, qui a dé- 
truit, il y a peu de temps, toutes les récoltes d’une grande 
étendue de pays. Nous avons vu une luzerne bientôt 
bonne à faucher pour la seconde fois, qui avait bien cin- 
quante centimètres de hauteur; sa première coupe avait 
nourri quatre-vingts têtes de bêtes charolaises, qui 
avaient eu beaucoup à souffrir de la cocote, qui a enlevé 
en dix-huit mois une vingtaine de veaux et a forcé de 
réformer sept vaches et un beau taureau venu de chez 
M. de Bouillé. L’étable n’est pas encore complétement 
débarrassée de cette mauvaise maladie. M. de Montagnac 
nourrit habituellement l'équivalent d’une soixantaine 
de bêtes du poids de six cents kilos. 

Nous sommes entrés dans une métairie d’environ qua- 
rante-huit hectares, dont sept de prés irrigués ; on y a 
drainé toutes les parties très-humides, ce qui a employé 
plus de mille mètres de pierres arrachées dans les champs ; 
les eaux de sources et de drainage suflisent à lirrigation 
des sept hectares de prés; on nourrit sur les quarante- 
huit hectares trente-cinq bonnes hêtes bovines, dont huit 
forts bœufs, provenant de croisements charolais, cent 
vingt bêtes à laine croisées par un bélier charmoise. Des 
produits, âgés de quinze mois se vendent gras de 28 
à 30 fr. pièce; le métayer nous a montré une paire de 
bœufs qu’il engraisse; il assure qu’ils pèseront plus 
qu'une paire vendue récemment 1,160 fr.; le poids de 
ceux-ci était de seize cents kilos. M. de Montagnac 
m'a dit devant ce bon métayer, qu’en 1850, lorsqu'il a 
hérité de cette terre, c'était une très-mauvaise tête, et 
qu’il avait, comme les autres métayers de la terre, été 
sept ans sans vouloir suivre les bons exemples de cul- 
ture qu’il leur donnait; cependant ses récoltes étaient 
infiniment plus belles que les leurs ; ils ne voulaient pas 


he 


non plus chauler; voici comment il s’y prit pour les 
amener à essayer ce premier et si effectif moyen d’amé- 
lioration agricole, sans lequel, dans une grande partie 
des terres de la France qui ne sont pas calcaires, on ne 
peut obtenir de bonnes récoltes de froment ou de légu- 
mineuses : comme chaque métayer devait un certain 
nombre de journées de charroïi à quatre bœufs, le comte 
imagina d'employer ces journées à faire venir de la 
chaux de Montlucon, qui est à trente-deux kilomètres 
de chez lui; les métayers étaient tous allés chacun avec 
deux voitures, chercher de la chaux ; au moment où ils 
arrivaient, le comte fut au-devant d’eux jusqu’à lentrée 
de la propriété, et les arrêtant, il leur dit : Maintenant 
que voilà la chaux arrivée, vous pouvez la conduire cha- 
cun chez vous, je vous en fais cadeau; si vous ne la 
voulez pas, conduisez-la à la réserve; ils restèrent quel- 
que temps à se consulter, puis emmenèrent la chaux chez 
eux; ils lui ont dit plus tard qu'ils n’avaient accepté la 
chaux que de crainte de lui déplaire ; ce premier essai fait 
sur leurs terres a fini par les convaincre; maintenant 
toutes les terres des métairies sont chaulées à quarante 
hectolitres, et on va commencer à donner une pareille 
dose dix ans après la première; mais, à cause du long 
parcours dans un pays très-montueux, le comte vent se 
charger de la dépense entière de la chaux. M. de Mon- 
tagnac chaule ses terres à raison de quatre-vingts heeto- 
litres; ses métayers mélangent leur chaux avec de la 
terre, comme cela se fait dans la Mayenne, où on répand, 
en même lemps que chaque fumure, une vingtaine 
d’hectolitres de chaux. Ce qu'il y a de remarquable, c’est 
que ces faibles chaulages, de quarante hectolitres, ont 
amené les terres des domaines à un produit moyen de 
vingt-cinq hectolitres de froment, et les terres à seigle 
à une couple d’hectolitres en moins. 

L’assolement des métayers est : première sole, récoltes 


+ SL 


sarclées, dont un hectare en betteraves, deux ou trois 
en raves, deux en vesces, un en sarrasin et un en ja- 
rosse, le tout bien fumé. Deuxième sole, grains d’hi- 
ver ou de mars. Troisième et quatrième sole, trèfle mêlé 
de graines ramassées dans les fenils; on fauche et on 
pâture jusqu’à la Saint-Jean la cinquième sole qui recoit 
ensuite une demi-jachère pour grains d’hiver. 

Le brave métayer chez lequel nous étions allés a 
soixante-neuf ans; il est encore fort et très-actif; il a 
trois grands fils, dont un est devenu métayer en se ma- 
riant; les deux autres, mariés aussi, restent avec leur 
père. L'un d’eux a servi sept ans comme artilleur de ma- 
rine, et a fait la campagne de Sébastopol. 

Le comte est au moment de construire dans cette mé- 
tairie, comme il l’a fait dans les autres, une grande 
grange adosséé à la colline, ce qui fait qu’on entre les 
voitures de grains ou de fourrage dans le grenier, et que 
le rez-de-chaussée est consacré aux étables; l’étendue 
de ces bâtiments est à peu près de huit mètres cinquante 
centimètres sur trente. Ils sont placés, si c’est possible, 
vis à vis l’ancienne grange, afin de former des cours car- 
rées; celle-ci fournit encore beaucoup de logements. 
Nous ue sommes arrivés que vers six heures au château 
qui date de plus de six cents ans; j'ai été présenté à Ma- 
dame qui lors de ma première visite, était avec ses trois 
enfants chez son père, en Bourgogne ; après diner, Ma- 
dame nous a proposé une promenade, qui nous à fait 
voir une métairie dans laquelle une très-grande maison 
va être transformée en étable ; la nouvelle habitation du 
métayer vient d’être achevée; elle a seize mètressur neuf ; 
le rez-de-chaussée se trouve sur une cave. Le domaine a 
quarante hectares de terre et dix de prés; le bétail se 
compose de trente-deux têtes et un lot de brebis. Nous 
sommes arrivés ensuite au troisième domaine où l'on est 
en train de finir une grange considérable, dont le rez- 


nr — 


de chaussée loge le bétail ; elle est placée en face de l’an- 
cienne grange qui, ainsi que la maison, sont en fort 
bon état; on voit que le comte tient à bien loger ses mé- 
tayers et leur bétail dont lenombre va toujours en aug 
mentant ainsi que la masse des récoltes. Nous avons 
causé avec le métayer et son frère, deux jeunes gens très- 
forts, dont le cadet est au service de l’ainé. 

Le lendemain, dimanche, après avoir entendu Îa 
grand’messe à Evaux, dans une fort belle église cons- 
truite par des moines, M. de Montagnac m'a conduit 
chez M. Fourot, jeune et riche propriétaire, qui vient 
de construire hors de la ville une charmante habitation 
dans une position délicieuse ; malheureusement nous ne 
l'avons pas rencontré chez lui ; étant allés visiter, à quel- 
que distance de là, une ferme de cinquante hectares, 
que M. Fourot vient de construire sur un excellent 
fonds, nous avons vu de très-beaux bâtiments de ferme 
et une jolie maison de régisseur ; celui-ci est un ancien 
élève de M. Malingié, à la Charmoise; il était aussi ab- 
sent pour conduire une partie de son beau bétail au con- 
cours régional d’Aurillac, où il a eu un premier prix 
pour un taureau charolais élevé dans la ferme, et deux 
seconds prix pour des génisses qui, au dire du comte, 
méritaient bien des premiers prix, qui n’ont pas été 
donnés ; l’une des deux était croisée durham ; la bergerie 
contient de belles brebis croisées charmoise avec quel- 
ques bons béliers de cette bonne race, et un bélier south- 
down, acheté de M. Béguin de Wallon. Cette ferme étant 
sur un plateau, et ne contenant point de prés, M. Fourot 
lui a donné dix hectares d’un excellent pré qui se trouve 
dans une jolie vallée que son château domine. 

Etant retournés chez M. de Montagnac, il na fait voir 
son quatrième domaine, qu’il a créé, 1l y a six ans, dans 
la partie la moins fertile de sa propriété ; 1l s’y trouvait 
eucore une quantité considérable de bruyères, qui, de- 


RE — 


puis, ont été défrichées au moyen du phosphate fossile ; 
cette ferme, qui n’est pas encore complétement achevée, 
la bergerie y manquant ainsi qu'un hangar, lui a coûté 
8,000 fr., le bois pris sur laterre n’ayant pas été compté ; 
la maison contient deux grandes pièces sur cave et cel- 
lier; une grange considérable, dont le rez-de-chaussée 
est fait pour loger quarante bêtes à cornes, On trouve 
ordinairement dans les fondations la pierre employée à 
la construction. M. de Montagnac fait faire ses briques 
sur place, comme cela a lieu dans le nord de la France 
et en Belgique; celles du grand modèle lui reviennent à 
20 fr. le mille, au lieu de 40 fr. ; il se sert de tuiles de 
Montchanin en Bourgogne, qui, prises à Montlucon, 
reviennent à 75 fr. le mille; il en faut treize par mètre 
carré ; la tuile pèse trois kilos; la neige ne pénètre pas 
sous ce genre de couverture ; le comte forme le plancher 
qui sépare ses étables de la grange par de petites voütes 
en briques dont le mètre carré lui coûte 4 fr., ce qui est 
bien moins cher qu’un plancher en bois, et a le mérite 
d’empècher les exhalaisons du bétail et du fumier, de 
pénétrer dans la grange et de donner un mauvais goût 
au foin. 

Les mangeoires des étables sont en briques et ciment, 
ce qui prend moins de place que celles formées de moel- 
lons, que j'ai vues ailleurs ; elles sont profondes et tiennent 
l’eau qu’on y verse, lors des repas du bétail, ce qui lui 
convient infiniment ; ces mangeoires ne coûtent que 
3 fr. 50 ce. par bête. Chaque métairie possède une chau- 
dière en fonte de la contenance de deux hectolitres, ser- 
vant en hiver à la cuisson des racines et des tourteaux 
destinés à l’engraissement des porcs, et de deux paires 
de bêtes bovines que chaque métayer vend annuellement; 
ces chaudières sont entourées d’un foyer en fonte, et ne 
coûtent que 70 fr. 

Le comte traite ses métayers comme s'ils étaient ses 


= "T$ 2 


enfants, et, comme sous son habile direction ils mettent 
tous les ans de l'argent de côté, et qu’ils vivent bien, ils 
suivent maintenant volontiers ses conseils et lui sont fort 
attachés ; 1l vient d'engager deux de ces gens à acheter 
chacun un bélier southdown. 

M. de Montagnac m'a dit dans cette promenade, qu’il 
a Cinq sœurs, ce qui a réduit sa part de fortune, à cette 
terre de trois cents hectares évaluée, il y a dix-huit ans, 
à 197,000 fr., sur lesquels il avait à rembourser 
20,000 fr. à l’une de ses sœurs. Le vieux château, qui 
date de six cents ans, et qui est dans la famille depuis 
trois cent cinquante ans, m'était plus habité depuis long- 
temps; après lavoir remis en état, il est venu lhabiter 
avec Madame sa mère, et s’étant marié depuis, il a pu 
continuer ses améliorations; les trois domaines et la ré- 
serve ne produisaient au début que 6,000 fr. ; les quatre 
domaines actuels produisent maintenant une moyenne de 
12,000 fr. nets, et la réserve composée de soixante-quinze 
hectares, donne un produit de 18,000 fr. brut, et de 
8,000 fr. net. 

Le comte a l’assolement de quatre ans et a de fort 
belles récoltes. Son bétail est bon ; il est composé prin- 
cipalement de charolais, mais il contient encore des 
bœufs limousins. 

Son troupeau est en partie de race pure charmoise, et 
en partie croisé. Il en vend les jeunes bêtes, âgées d’un 
an, de 38 à 40 fr. la pièce. 

Il a seize chevaux ou poulains qu’il occupe, lorsqu'il 
fait mauvais, à conduire des produits ou du bois à 
Montlucon, et à en ramener de la chaux. Lui et ses mé- 
tayers entretiennent fort bien leurs chemins en les maea- 
damisant. Les soixante et quelques hectares de prés, qu’il 
a sur la terre de la Couture, ont été créés pour moitié 
par cet actif et très-intelligent propriétaire; on en 1r- 
rigue une bonne partie, au moyen de petits ruisseaux, 


ES. 


sources et de petites pièces d’eau, qu’on vide souvent 
dans la saison pluvieuse, pour ces irrigations ; il y a à la 
réserve, un atelier de menuiserie, de charronnage et une 
forge, où de bons ouvriers de la ville d'Evaux viennent, 
quand on les demande, pour 2 fr. 50 c. et la nourriture. 

Le comte paye ses journaliers suivant leur mérite ; Les 
bons faucheurs ont 2 fr., sont nourris et ont une bouteille 
de vin ; les autres journaliers ont 2 fr. ou 4 fr. 75 c., 
sans nourriture, Les laboureurs à l’année, gagnent de 
300 à 350 fr. ; les filles, de 150 à 160 fr. 

M. de Montagnac arrache pour le chauffage, au fur et 
à mesure des besoins, les énormes têteaux de chènes 
qui entourent les champs, et il les remplace par des chä- 
taigniers et des pommiers à cidre, le paysn’étant pas assez 
chaud pour la vigne; en revanche, le voisinage des 
montagnes amène souvent de bonnes pluies d’été qui 
évitent les sécheresses nuisibles. 

Les instruments de culture sont ceux de Dombasle ; il 
y a un rouleau Croskyll, et M. de Montagnac compte 
acheter une moissonneuse-faucheuse, lorsqu'il connaîtra 
la meilleure, qui est, je pense, celle de Morgan, que 
M. Durand, à Lignières (Cher), vend 800 fr. 

On peut dire que M. le comte de Montagnac a bien 
mérité la prime d’honneur de la Creuse, qu’il a obtenue, 
il y a quelques années, et 1l continue à servir de modèle 
aux cultivateurs de ce pays. 

Les terres de ces environs sont chères; cela tient en 
grande partie à l'argent que les maçons qui émigrent 
en été, rapportent à l’automne ; les bons prés se vendent 
jusqu’à 10,000 fr. l'hectare ; les terres 2,000 et 3,000 fr. 
au détail. Les fermes valent de 1,000 à 1,500 fr. la même 
mesure. 

On m'a dit que depuis que les propriétaires de ce pays, 
se mettent à améliorer la culture, il part moins de ma- 
cons pour leur voyage d’été. 


es F0 


Je me suis rendu après cette très-intéressante visite, 
à Néris, où j'ai pris dix douches pour renforcer mes ge- 
noux, trop fatigués depuis quelque temps. 

La veille de mon départ de Néris, après ma demi- 
saison, M. Darnys, ancien rédacteur d’un journal in- 
dustriel, que j'avais eu l’occasion de voir quelquefois à 
Paris, il y a bien longtemps, n’a reconnu, et nous nous 
sommes pion ensemble ; voici ce qu’il m’a raconté : 
ses parents n’ont pu lui faire apprendre que ce qu'on 
enselgnait, il y a soixante ans, dans l’école d’un petit 
ee du Cantal, non loin d’Aurillac; il travaillait avec 
beaucoup de zèle et de facilité, et comme il avait une 
excellente mémoire, cela le mit à même de vivre au 
chef-lieu du département, en y donnant des leçons à des 
enfants; en même temps. il put suivre les cours du lycée 
où il était toujours l’un des premiers; il arriva à être 
précepteur dans deux bonnes maisons, dont une était la 
préfecture, qu'il quitta après quatre ans; il vint à Paris, 
où il finit par manquer de tout ; enfin, ayant eu le bon- 
heur d’être employé à 200 fr. par mois par une personne 
bien posée, qui avait monté un journal industriel, il s’y 
trouva bien et y resta neuf ans, époque à laquelle le pro- 
priétaire du journal étant mort, ses héritiers lui cédè- 
rent le journal pour 25,000 fr. 

Une fois qu’il put diriger son affaire comme il l'en 
tendait, il l’amena, en peu d’années, à prospérer, et 
enfin, à produire ure moyenne de 50,000 fr. par an; 
cela le mit en position de faire un bon mariage ; il a 
maintenant 100,000 fr. de rente, un équipage, et une 
bonne maison à Paris. 

Etant revenu à Montlucon, j'ai fait une visite au fils 
ainé de M. Serre, qui habite, hors la ville, un vieux chà- 
teau à tourelles, placé au milieu d’un pare (elos de deux 
murs, de quatorze hectares); il a transformé son parc en 
herbage irrigué , et il y tient un petit troupeau de 


7; 0e 

southdown, dontla souche a été achetée chez le comte de 
Bouillé, le bélier au prix de 350 fr. et les antenaises 
pour 150 fr. par tête. 

Il a six vaches normandes, dont le lait, sa consorama- 
tion prise, se vend 20 c. en ville. Deux fortes vaches sa- 
lers rentrent les fourrages et font les petits travaux de 
cette réserve. 

M. Serre a hérité d’un oncle la propriété des Ilets, 
qu'il habite; elle contenait cent-cinquante hectares, dont 
ila vendu une certaine étendue à 30,000 fr. hectare, à 
la compagnie du chemin de fer, pour y établir la gare 
extérieure des chemins de Moulins et de Limoges. 

Une autre partie de ces terres si bien placées a été ac- 
quise par une société de Paris, dont les héritiers Gan- 
dillot font partie; elle s’est associée un M. Delignières, 
qui a monté ici une grande usine, pour la fabrication 
d’un nouveau genre de fer creux, qu’il a importé d’An- 
gleterre ; il fait principalement des tubes de fer creux de 
bien des diamètres, qu’on emploie maintenant à Paris, 
à transporter les lettres d’un quartier à l’autre. M. Des- 
lignières a formé lui-même ses ouvriers ; il m'a dit qu'il 
était fort content des ouvriers de ce pays, qui sont sobres 
et économes; dès qu’ils ont mis de côté un pécule de 
300 fr., ils achètent pour 600 fr. de terres près la ville ; 
cela les force à faire de nouvelles économies ; les ouvriers 
qu'il paie le moins cher, gagnent 2 fr. 50 c. et il en 
en a qui ont 5 et 6 fr. par jour; ces braves gens plan- 
teut les terres qu’ils achètent, en vignes qu’ils eultivent 
dans leurs heures de repos, et y emploient femmes et 
enfants. 

M. Deslignières m'a dit aussi, que leur société, dont 
l'établissement principal est près Paris, va en trans- 
porter ici la plus grande partie; la quantité de charbon 
qu'ils payent 190 fr. à Saint-Denis, ne lui coùte à 
Montluçon que 80 fr. ; il est chargé de commencer ici la 


= 9 


transformation de cent mille fusils de munition, en fusils 
Chassepot ; le travail sera achevé à leur usine de Saint- 
Denis. J'ai vu faire dans cette usine de petites machines 
à faire de la glace. 

M. Serre m’a appris qu’un des Messieurs Rambourg, 
l’un des trois frères, maîtres de forges, qui sont immen- 
sément riches, distribue chaque année une assez forte 
somme en primes à ses meilleurs ouvriers ; cette année, 
il à envoyé à Paris trente ouvriers, choisis dans les dif- 
férents états, ainsi que parmi ceux de la culture; il les a 
défrayés et les a fait piloter par une personne très-ins- 
truite; ils ont pu ainsi, pendant une semaine entière, 
bien visiter l'Exposition; cette action annonce un homme 
d’un grand mérite. 

J’ai aperçu, dans ces environs, des ouvriers du pays, 
faisant des briques en plein champ, comme cela a lieu 
dans le nord de la France, et en Belgique ; mais les ou- 
vriers d'ici font encore les briques à la main, au lieu 
d'employer une petite machine très-peu chère, qui per- 
met de mieux faire un bien plus grand nombre de bri- 
ques, plus grosses, et de les vendre 12 fr. au lieu de 
18 fr. le mille. Le nommé Pierre Gévaert, maître bri- 
quetier à Lens (Pas-de-Calais), qui travaille pour M. De- 
crombecque, m'a dit qu 1] va où on le demande. 

Je suis revenu à six heures, diner chez Mmn° de Ja 
Romagère mère, dans un grand et bel hôtel, séparé du 
boulevard par un charmant jardin; de suite après le 
diner, MM. Elion et Ludovic de la Romagère et leurs 
familles qui habitent avec leur mère, m’emmenèrent au 
chemin de fer de Guéret et d’Aubusson ; en trente mi- 
nutes, nous sommes arrivés à la troisième station où deux 
chars-à-bancs nous attendaient. 

Ces deux Messieurs ont partagé la terre de famille, où 
ils mont encore, chacun, qu’un pied-à-terre. Lainé, 
M. Elon, que je connais depuis longtemps, m’a conduit 


PT ee 


au vieux castel de la Romagère, qu’habitait son père, 
avec trois de ses frères rentrés de l’émigration, dont l’un, 
qui était évêque, et les deux autres chevaliers de Malte, 
étaient venus l’y rejoindre en 1815. Cette grande terre 
de dix-huit cents hectares, était cultivée par seize mé- 
tayers; M. de la Romagère s'était conservé nne grande 
réserve. 

M. Elion a, dans sa part, huit domaines; sa réserve 
est de quatre-vingt-cinq hectares, dont neuf en prés et 
en outre trente-cinq de futaies et cent trente-cinq de 
taillis. Son père, qui aimait beaucoup les beaux arbres, 
a planté de belles avenues et des bouquets de bois qui 
embellissent singulièrement cette terre composée de col- 
Enes et de charmantes vallées; la vieille habitation n’est 
ni belle ni commode; elle n’a pour elle qu’un entourage 
d'énormes châtaigniers, noyers et tilleuls ; 11 est même im- 
possible de la rendre commode pour habitation, ou même 
comme ferme. Aussi MM. de la Romagère qui ont des 
mines de houille, et cinq énormes fours à chaux et qui sont 
encore dans les affaires, ne pensent-ils à construire que 
dans quelques années. 

Mon excellent hôte m’a fait faire, le matin, dans sa 
terre, une charmante promenade de quatre heures; 
nous avons visité quelques-uns de ses domaines, dont 
plusieurs sont en métairies ; les autres sont encore affer- 
més ; mais il a le projet de n'avoir plus de fermiers, le 
métayage produisant plus ; le propriétaire a plus d’in- 
fluence sur les métayers que sur les fermiers ; il parvient 
mieux et plus vite, à faire faire les améliorations qui, 
jusqu'ici, n’ont guère été que des chaulages qui ont 
permis la culture du froment et du trèfle ; on a fait, en 
1847, quelques chaulages ; mais les affaires ont empêché 
ces MM. de s’y donner avec suite ; avant 1860, M. de la 
Romagère mettait cent cinquante hectolitres par hectare 
et déjà, il avait mis soixante hectolitres de chaux sur les 


ee ire 


anciens et premiers chaulages ; depuis que les trèfles 
permettent de mieux nourrir, on a donné des taureaux 
charolais; on arrange les bâtiments et on en augmente 
le nombre, pour pouvoir loger plus de hétail ; les mé- 
tairies ont jusqu’à quarante bêtes bovines, et leur nom- 
bre va en augmentant. 

J'ai vu une nouvelle grange en construction; elle 
couvrira cent soixante mètres carrés et est fort élevée ; 
elle sera couverte en tuiles perfectionnées de Montchanin ; 
en ne comptant pas la valeur du bois pris sur la pro- 
priété, cette grange ne reviendra pas à 1,200 fr. 

Ce domaine a soixante hectares en terres et huit en 
prés, nourrit trente-six bêtes à cornes et soixante dix 
brebis qui ont un bélier charmoiïse ; ces domaines don- 
naient du temps de M. de la Romagère père, de 1,000 à 
1,100 fr. ; ils produisent en métairies, à peu près le 
double. Mon hôte possède trente-cinq hectares de futaies, 
et cent quarante de taillis ; une parte de la futaie con- 
tient de beaux chènes ; l’autre partie est en arbres rési- 
neux, plantés, il y a une quarantaine d’années, par le 
père ; ce sont les épiceas qui ont le mieux réussi. 

La culture de la réserve contient quatre-vingt-cinq 
hectares ; M. de la Romagère a de beaux charolais, 
treize vaches, autant de bœufs et neuf veaux ; il a rem- 
porté cette année au concours régional de Blois, les deux 
premiers prix dé taureaux de cette race, dont un avait 
été élevé par lui et l’autre venait de chez maître Doury, 
de Saincaise ; il y a ici deux vaches et deux génisses de 
race schwitz. Le troupeau composé de cent brebis char- 
moise, a de fort beaux béliers, dont un a été primé ; on 
a conservé une trentaine d’agneaux béliers, qu’on place 
assez facilement à 100 fr, par tête. 

M. de la Romagère construit de lautre côté de la 
vallée, que le vieux château domine, à peu près à un 
kilomètre, une bergerie pour y loger son troupeau et le 


= — 


tenir plus à la portée de pâtures à moutons, sur collines 
rocheuses. 

Ces MM. possèdent et exploitent à Commentry des 
mines d’anthracite qui occupent cent vingt ouvriers ; 
ils ont cinq grands fours à chaux, dont quatre chauffent 
à la fois, dans les moments où les cultivateurs peuvent 
venir chercher de la chaux; elle se vend un fr. l’hecto- 
litre ; les bateaux du canal du Cher en exportent beau— 
coup; l’anthracite se vend 4 fr. 25, ou 0 fr. 25 de plus 
que la houille. Dans ma course d’Evaux, j'ai remarqué 
que la route était couverte de voitures chargées de 
chaux. 

M. de la Romagère a un fils, et une fille en âge de se 
marier. La grand’mère de ces MM. était sœur du général 
Lafayette, 

Je suis allé, le jour d’après, déjeuner chez M. Lucien 
de la Romagère, dont l’ancien castel est plein d’ouvriers, 
son intention étant d’y venir passer quelques mois d’été ; 
il ne cuitive pas; mais il s’occupe de la création d’un 
parc à l’anglaise de seize hectares; un architecte de jar- 
dins, paysagiste, lui en a fait le plan; il lui a fait 
abattre, je crois à tort, bon nombre d’énormes et magni- 
fiques châtaigniers, parce qu’ils étaient plantés en ave- 
nue. Il compte construire son habitation dans le pare, 
pour l’époque où son fils, qui n’a que cinq ans, sera en 
àge de se marier. M. Lucien a épousé une de ses nièces. 
Il m'a dit que lorsqu'il avait hérité, le métayage avait 
ennuyé, et qu’il avait affermé ; mais maintenant qu’il 
est père de famille et qu'il voit que les métairies pro- 
duisent plus, et qu’on peut ainsi travailler plus facile 
ment à leur amélioration, 1l remet ses fermiers à moitié ; 
il n’a pas de faire valoir, de réserve, mais comme il a en 
sus de ses sept domaines, beaucoup de bois abroutis et à 
clairières par suite du parcours du bétail dans les bois, il 
en arrache une certaine étendue, annuellement, depuis 

6 


me 49 — 


plusieurs années ; il chaule ensuite à cent vingt hecto- 
litres, fait deux assez bonnes récoltes de seigle de suite, 
et une, d'avoine d’hiver, ce qui lui paye plus que les 
frais de défrichement, de chaulage, de culture, et d’ense- 
mencement en arbres résineux ; trente ans plus tard, ces 
ensemencements donneront un millier de pieds de pins, 
qui une fois arrivés à cet âge vaudront au prix actuel, 
de 3 à 4 fr. la pièce ; ils pourront être employés comme 
supports dans les mines de Commentry, qui ne sont 
qu’à huit lieues, par chemin de fer. M. Elion compte 
aussi dansle même but, semer en pins ses plus mauvaises 
terres. On forme avec les pins âgés de 25 à 28 ou 30 ans, 
quatre brins dont le petit bout doit avoir 0m13 au moins 
pour convenir comme supports dans les mines; celles-ci 
étant habituellement fort humides, c’est le mélèze qui 
convient le mieux, car il est reconnu en Allemagne, 
qu'il dure plus longtemps en terre comme support de 
rails de chemin de fer, que même le chène. J'ai vu 
beaucoup de mélèzes venant bien dans les bois qui 
entourent le vieux château de la Romagère ; sils 
viennent aussi vite que les pins, à la même grosseur et 


à une hauteur semblable, ils conviendraient mieux que. 


les pins sylvestres. 

Pour former ces bois, il vaudrait mieux je crois élever 
en pépinières, ou acheter le jeune plant, de 1 à 2 ans, 
et le repiquer en place; quand on sème à la volée les 
plants se trouvent habituellement trop épais, s’étouffent 
les uns les autres, et réussissent moins bien. Les laricios 
et pins noirs d'Autriche, seraient aussi préférables aux 
pins sylvestres et aux pins maritimes ou des Landes; 
ils viennent plus vite et plus droits que les sylvestres. 

M. Elion et moi sommes retournés à Montlucon, 
d'où je me suis rendu, par la diligence de Riom, dans 
une petite ville d'Auvergne dont j'ai oublié le nom ; un 
cabriolet m'a conduit de là, le 23 juin, chez M. Louis 


a 


Vayron, ancien notaire, qui depuis 1832, s’est occupé 
de l’amélioration d’une terre ; cette propriété s’étend 
maintenant sur quatre cent viugt-sept hectares, dont 
environ deux cent cinquante sont en bois et produisent 
en moyenne 7,500 fr. {l y a quatre fermes louées en 
argent ; M. Vayron habite avec Mn, un grand château, 
il n’a que deux enfants qui sont mariés. Il cultive cent 
hectares pris, en partie sur ses bois, qu’il a défrichés 
dans les parties planes ou en vallées; après les avoir 
améliorés par le drainage, le chaulage, de fortes fu- 
mures, et une bonne culture de plusieurs années, M. 
Vayron les met en prés qu’on irrigue là où cela se peut ; 
il y a trente-cinq hectares de prés, sur lesquels vingt- 
quatre ont été créés ainsi, et le nombre s’en augmentera. 
M. Vayron emploie depuis quelques années, le phosphate 
fossile, dans ses défrichements, après avoir employé 
précédemment le noir animal ; ses chaulages sont de dix 
mètres cubes ; ses premières fumures sont de soixante 
mille kilos; son assolement est de 6 ans, dont 2 années 
1/2 en prairies artificielles, fauchées ou pâturées, suivies 
d’une demi-jachère ; il draine, partout où c’est utile, et 
remplit les rigoles, avec les pierres qui pourraient nuire 
aux labours; il se trouve encore dans une partie des 
terres, de petits tertres formés de roches, de grandes 
pierres, ou de sable ; M. Vayron les fait arracher ou ex- 
traire ; il en charge ceux des habitants de sa commune 
Blotte-l Eglise, qui a trois cents feux et une population 
de mille deux cent cinquante individus qui veulent 
bâtir, ou bien, ceux qui, en hiver, manquent d’ou- 
vrage, et les paye au mètre de l'extraction. 

M. Vayron fait extraire de la terre, où l’on en trouve, 
pour faire de nombreux composts qui contiennent un 
dixième de chaux. Lui-même a employé une immense 
quantité des pierres extraites de ces champs, où elles 
gènaient ; il a construit ainsi une très-grande basse 


—— 


cour, ou ferme, où 1l loge fort bien son bétail, et il a 
augmenté les bâtiments de ses fermes; il a fait en 
pierres sèches des murs de clôture qui sont fort en usage 
dans ces environs; enfin, il a établi une douzaine de 
kilomètres de chemins, praticables aux voitures, tandis 
que dans le début de ses grandes améliorations, qui 
datent de 1852, on lui apportait la chaux à dos de 
mulets. 

Son nombreux bétail est croisé charolais-limousin , 
ses trois cents bêtes à laine sont croisées southdown ; il a 
une bonne porcherie croisée par verrats anglais; la cui- 
sine du bétail contient hache-paille, coupe-racines, con- 
casseurs de tourteaux, chaudière, laveur à racines; son 
outillage est celui de Dombasle. J'ai vu un batteur loco- 
mobile à manége, de Cumming d'Orléans, des tarares et 
séparateurs, un rouleau Croskyll, et autres rouleaux, 
des herses Howard, un scarificateur, une houe à cheval. 

La position du château est à plus de sept cents mètres, 
au dessus du niveau de la mer ; il est placé à petite dis- 
tance du village ; les habitants étaient misérables avant 
l’époque où il a commencé à faire ses grands travaux 
d'améliorations agricoles et ils les voyaient d’un mau- 
vais œil; mais ayant trouvé de l’ouvrage chez lui, et vu 
les résultats de ses récoltes, ils ont fini peu à peu par 
limiter ; ils ont semé des trèfles, des sainfoins, ils ont fait 
des raves et ont chacun un peu de betteraves, et des 
pommes de terre. 

M. Vayron commence à manquer d'ouvriers, au mo- 
ment des fenaisons et des moissons ; aussi, pense-t-il à 
acheter räteau à cheval, faneuse, moissonneuse-fau- 
cheuse et n’attend que le résultat des concours de ces 
machines, à Paris, pour savoir lesquelles choisir ; je lui 
ai conseillé la moissonneuse- faucheuse de Morgan, 
ainsi que l'acquisition d’un taureau durham, pour faire 
de jeunes bêtes de boucherie, au lieu de bœufs de tra- 


tr 


vail; il achètera ceux-ci, âgés de quatre ou cinq ans, 
époque à laquelle on peut leur demander un bon travail, 
qui paye leur nourriture. 

M. Vayron administre fort bien ses bois ; il les amé- 
nage à vingt ans; il les fousille, c’est-à-dire qu'il débar- 
rasse le taillis à dix ou douze ans, des épines, ronces, 
bruyères et des mauvaises tiges. Il se crée une futaie de 
viagt hectares ; de ses boïs, il tire un produit moyen de 
30 fr. la feuille, par hectare. 

Il m'a fait visiter une locature située au-dessous du 
village, dont les terres qu'il a payées mille fr. ont été 
transformées, en partie, par lui en prés, irrigués avec les 
égouts du village ; il pourrait vendre ses prés six ou sept 
mille fr. l’hectare, s’il le voulait. M. Vayron w’a dit 
que les habitants qui veulent bâtir, payent 1 fr. le 
mètre carré sur rue. 

I n’a dit qu'il vit chez lui simplement, mais bien ; il 
fait une rente à ses enfants mariés, et emploie le reste 
de son revenu en améliorations agricoles. 

Le surlendemain de mon arrivée chez lui, il m’a donné 
un cabriolet pour me conduire à Gannat ; après avoir 
suivi, pendant quelque temps, la route de Montluçon à 
Riom, nous en avons pris une autre qu’on est en train 
de faire, et qui finit bientôt par nous laisser dans un 
chemin de traverse, qui nous a fait monter une hauteur 
dont les terres étaient si pauvres, que les seigles qu’on y 
avait semés, ne devaient guère donner plus que la 
semence employée à les produire. Mon cocher, beau 
jeune homme d’une vingtaine d’années, m’a paru fort 
intelligent ; il m'a montré de loin, un hameau au milieu 
de ce désert, et m’a dit que son père y aélevé dix enfants, 
dont lui est un des derniers ; son frère aîné, après avoir 
été soldat est revenu chez ses parents, s’y est marié et est 
resté avec eux; quant à lui-même, à l’âge de quatorze 
ans, 1l est entré comme petit domestique de ferme chez 


Les 


M. Vayron, où il est devenu cocher et gagne 220 
fr. ; il a eu la chance, il y a deux ans, de tirer un 
bon numéro, qui l’a exempté de la conseription. Un de 
ses frères est valet de chambre, et deux sœurs sont cuisi- 
nières à Paris. 

Mon jeune cocher m’a conduit chez M. Berthoud, 
riche propriétaire à Gannat, dont j'avais fait la connais- 
sance au concours régional de Châteauroux, l’an dernier; 
il y exposait de belles bêtes charolaises et des southdown 
dont la souche avait été tirée de chez le comte Charles 
de Bouillé. 

M. Berthouddevantprendre le chemin de fer, pour Mou- 
lins, deux heures après, a eu l'obligeance, malgré cela, de 
me faire voir une partie de son troupeau de southdown, 
qui ne compte encore que cinquante et quelques bêtes ; 
j'ai remarqué dix-neuf fortes et belles brebis, ayant 
chacune un gros agneau; un bélier arrivé récemment 
de Villart, venait d’être donné à six fortes antenaises ; 
deux béliers antenais, reste de six dont quatre ont été 
vendus 300 fr. la pièce; un des deux restant, fort beau 
du reste a la tête un peu forte ; M. Berthoud le laisserait 
pour 200 fr.; mais le dernier étant sans défaut, il ne 
comptait le laisser qu’au même prix que les quatre pre- 
miers. Voilà tout ce que j'ai pu voir. Le faire-valoir a 
peu d’étendue, trenté hectares en terres de Limagne, il 
est à deux kilomètres de la ville. M. Berthoud a recons- 
truit en partie les bâtiments de sa petite ferme; 1l a une 
partie de son troupeau en ville. Il possède à la ferme dix 
vaches, un taureau, et des élèves charolais, sans compter 
les bœufs de labour; et a déjà vendu bon nombre de 
jeunestaureaux, âgés de 6 mois à 4 an, de 600 à 800 fr. 
la pièce. | 

M. Berthoud m'a dit qu’il se rendait dans une pro- 
priété de trois cents hectares située non loin de Moulins, 
qu’il améliore depuis longtemps et exploitée par mé- 


— Ni — 


layers; son revenu a plus que doublé, depuis qu’il a 
chaulé, et transformé le bétail, en le croisant: les bêtes 
bovines, par des taureaux charolais, et les bêtes à laine, 
par des béliers southdown. 

En quittant M. Berthoud, à la première station après 
Gannat, je me trouvai à un kilomètre du château de 
Lyonne, habitation du marquis de Montlaur, que je 
venais visiter ; après avoir été présenté par lui à Mme la 
marquise, M. de Montlaur na fait faire la connaissance 
d'un de ses amis et parents, le comte de Pont-Gibaut, 
qui allait partir; celui-ci wa dit qu’il cultivait en Au- 
verge et en Normandie ; je le priai alors de vouloir bien 
me donner des détails, sur deux cultures en pays si 
différents, il a bien voulu me le promettre et il a eu la 
bonté de faire, en m’envoyant des notes détaillées sur 
ses deux cultures, ce que le marquis a bien voulu faire 
aussi, sur la sienne. 

M. de Montlaur m'a fait voir sa vacherie durham, 
dont il a ramené la souche de chez Jonas Webb et 
d’autres bons éleveurs, après avoir eu du Pin et de Cor- 
bon plusieurs taureaux ; il en existe encore un dans les 
étables, qu’il veut céder pour 1,200 fr. ; celui dont il se 
sert maintenant est venu de chez le marquis de Poncin ; 
il est très-beau, mais comme il a six ans, le marquis 
cherche à le remplacer. Jai remarqué treize vaches ou 
génisses pleines ; la plus âgée, qui a treize ans, est 
venue d'Angleterre, et donne encore à nouveau lait, 
près de trente litres; une autre en donne vingt; les 
jeunes bêtes sont belles, promettent beaucoup ;les étables, 
quoiques bâties anciennement sont très-commodes et 
très-bien tenues ; les veaux sont en liberté dans leurs 
boxes. 

Le marquis ayant à écrire, m’a donné alors, son 
régisseur, pour me faire voir sa réserve, qui est de 
quarante hectares, et quelques-unes de ses fermes et lo- 


— EE r— 


catures ; il a importé chez lui le froment Hallett, et en a 
assez récolté pour en donner à tous ses fermiers. Il a 
aussi importé des meilleures races anglaises de cochons, 
qui se sont répandues dans les pays environnants. 

La terre de Lyonne a plus de quatre cents hectares 
d'étendue, en terres de la plus grande fertilité, partout 
où le sous-sol calcaire ne se rapproche pas trop de la 
surface; mais elle est collante et difficile à cultiver; il 
s’y trouve six fermes de quarante à quarante-cinq hec- 
tares et cinq locatures de dix hectares ; l’hectare, y com- 
pris les menus suffrages ou charges, est loué 123 fr. ; 
l'impôt est payé par les fermiers. 

Le bétail des fermes se compose à peu près de vingt- 
cinq têtes, les veaux compris, une jument, une grosse 
truie avec ses produits, et une douzaine de grosses bêtes 
à laine, qui ont recu du sang de cotswold ; les bètes à 
cornes, charolaises, recoivent des taureaux durham; 
plusieurs de ces gens m’ont assuré que les bœufs croisés 
durham, travaillent fort bien ; ils m'ont fait voir dans 
les champs, des places où l’on avait arraché des pierres 
mêlées de marne ; le froment y est, disaient-ils, toujours 
plus beau qu'ailleurs ; cela devrait faire supposer que le 
marnage serait utile; leurs chemins sont bordés de 
superbes noyers. Leurs froments, surtout les champs 
d'orge, sont d’une grande beauté. 

M. de Montlaur m’a donné ladresse du marquis de 
Poncin et de deux de ses voisins de l’autre côté de 
Roanne, en m’engageant à les visiter ; c’est ce que j'ai 
fait le lendemain, en m’arrêtant à la station de Balbigny, 
la cinquième après Roanne. Arrivé à deux heures et 
demie, j'ai déjeuné, ei ensuite j'ai traversé la Loire sur 
un pont qui a près de deux cents mètres de long; j’ai vu 
alors des terres d’alluvion, d’une immense fertilité, dans 
lesquelles une grande pièce de chanvre, était de toute 
beauté ; J'ai appris, depuis, qu’elle n’avait été semée que 


Eu "ES 


par suite de la terrible inondation de l’automne précé- 
dent, qui avait empêché d’y semer du froment ; l’inon- 
dation ayant envahi une grande ferme de la vallée, on 
en a déplacé les habitants et le bétail, qui sont mainte- 
nant dans une superbe et très-grande ferme, dont ils 
partagent le local avec une autre partie de leur famille ; 
cette ferme est posée à l’entrée d’un beau village, et on 
y est à l’abri des inondations ; les trois kilomètres faits 
depuis le pont, nv’ont fait voir des récoltes magnifiques; 
étant arrivé au faite du coteau, une avenue d’énormes 
et très- beaux tilleuls, qui partait de la route, m’indiqua 
le chemin du château de la Salle où je me rendais, en 
suivant le conseil de M. de Montlaur. 

MM. Pallua père et fils, étaient allés à Saint-Étienne 
où ils ont de grands intérêts; après m'avoir offert des 
rafraîchissements car il faisait très-chaud , M°° Pallua 
engagea M. Liabœuf, élève sorti après deux années 
d’études de la ferme régionale de la Saulsaye et placé 
chez M. Pailua comme stagiaire, à me faire voir la ferme 
que M. son fils a créée depuis peu d’années ; nous nous 
sommes rendus à la ferme, en voiture, en suivant une 
quadruple avenue de peupliers d'Italie, dont la triste 
apparence, ne prouvait pas que cette terre, légère et 
blanche, leur convint ; arrivés à la ferme, qui est à deux 
kilomètres du château, j'ai vu une grande pièce de trèfle, 
bien garnie de plantes, mais dont la récoite était rentrée ; 
le chemin que nous suivions était planté de jeunes 
saules ; en ayant demandé la raison, mon conducteur 
n’a répondu, que la terre, à sous-sol d’argile, était très- 
humide et froide ; on en a drainé une assez grande par- 
tie, mais seulement à quinze mètres, entre les rigoles ; 
pour obtenir de bons résultats de ce drainage, il faudrait 
ajouter une rigole entre deux; en attendant, on forme 
des planches bombées pour semer le froment ; celui venu 
en quatrième récolte, après une fumure de cinquante 


—, dj — 


mille Ktos, est beau en paille, mais il n’a que de petits 
épis ; 1l en serait autrement, sil avait reçu deux cents 
kilos de guano, étant si loin de la fumure. 

Le froment semé sur une grande étendue de terres 
non encore drainées, et qui n’ont pas encore obtenu une 
fumure, ne vaut rien ; la fumure a été insuflisante, et le 
blé est resté clair, il n’a pas un mètre de hauteur, et n’a 
que de maigres épis; dans un sol pareil, il vaudrait 
mieux laisser les terres en friche, que de les emblaver 
sans une forte fumure, surtout en terres non drainées. 

M. Liabœuf m'a dit que, l’an dernier, les récoltes 
sarclées après chaulage et forte fumure, avaient donné 
de très-belles récoltes de betteraves et de carottes. 

Nous sommes entrés dans la ferme qui est fort belle 
et très-commode ; les bêtes bovines charolaises , au 
nombre de trente, en ne comptant pas les veaux de 
l’année, proviennent d’une souche importée de chez M. 
de Bouillé ; M. Joseph Pallua vient d'acheter chez M. de 
Poncin, au prix de 600 fr., un jeune taureau durham 
destiné à croiser ses bêtes. 

Il a amené les eaux de drainage dans la cour pour 
abreuver le bétail. 

Le régisseur de la terre qui, depuis vingt ans, est 
dans la propriété nous a dit que ce plateau est à sous- 
sol argileux et a grand besoin de drainage qui jusqu’à 
cette heure, n’a été, pour ainsi dire, qu’essayé; on n’a 
encore acheté que pour quelques mille fr. de guano. 
Les deux taureaux sont tenus chacun dans une boxe, 
avec petite cour ; les veaux sont tenus détachés, chacun 
dans sa boxe. 

On laboure avec des bœufs du pays, et on se sert 
d'instruments Dombasle avec un rouleau squelette, au 
lieu d’un Croskyll, le semoir d'Arras ; on a une faneuse 
anglaise et un râteau à cheval Américain. Les brebis, 
d'assez grande taille, ont été cherchées en Auvergne ; 


nu — 


elles recoivent des béliers southdown. On tient trois che- 
vaux, qui amènent d’une lieue d’iei, de bonnes terres 
d’alluvion, pour améliorer cette ferme; ce serait une 
véritable amélioration, si la bonne terre était plus rap- 
prochée de la nouvelle ferme. 

Si on veut tirer un bon parti de cette culture, je 
pense qu’il faut se dépêcher de la drainer à dix mètres 
d’intervalle, défoncer à la charrue Vallerand, ou à la 
vapeur, chauler à deux cents hectolitres hectare, faire 
le plus de bon fumier possible et acheter beaucoup de 
guano; car la culture des pauvres terres est ruineuse, 
sans de pareils précédents, 

Au lieu de fermiers payant en argent, il faudrait des 
métayers qui suivraient les bons conseils du proprié- 
taire ; il faudrait aider ces métayers à chauler et à bien 
fumer , une fois que le propriétaire aurait drainé à son 
compte il serait très-utile de faire dansune carrière à pier- 
res calcaires, la plus rapprochée, un four à chaux, pour 
obtenir la chaux au meilleur compte possible. M. Pallua 
en a donné à une certaine quantité de ses fermiers pour 
qu'ils l’essayassent ; 1ls Pont fait, et en ont été très-satis- 
faits ; mais aucun d’eux n’en a acheté, quoique son prix, 
à une lieue, ne soit que de 14 fr. le mètre cube. 

La terre de la Salle est d'environ mille hectares ; 
quinze sont en taillis, soixante hectares en terres d’allu- 
vion, dont on paye 7,500 fr.; soixante autres hectares 
eu terres touchant celles d’alluvion, loués 3,500 fr. en 
deux fermes, occupées par la mère et ses quatre enfants. 
Les autres domaines qui se trouvent sur le plateau ont 
une étendue moyenne de soixante à quatre-vingts hec- 
tares et sont loués de 2,000 à 3,000 fr. Ces fermes se- 
raient bonnes si elles étaient drainées et chaulées. Cette 
terre a été payée, en 1830, 1 million ; on y a ajouté de- 
puis deux cents hectares ; elle produit une cinquantaine 
de mille fr. de rente. 


mn. me 


M°° Pallua m’a dit avoir eu le malheur de perdre 
trois enfants de dix-huit à vingt ans, sur quatre; son 
fils a perdu sa femme qui lui a laissé trois charmants en- 
fants ; c’est M" Pallua qui les élève avec une institutrice. 

M"° Pallua a été parfaite pour moi, et m’a fait con- 
duire le lendemain au chemin de fer, qui m’a déposé à 
la première station, à Feurs, où j'ai trouvé le marquisde 
Poncin, montant en wagon pour se rendre à Saint- 
Étienne; il y avait un rendez-vous à la société des 
courses ; il m’engagea à aller l’attendre chez lui, où je 
trouverais M"° la marquise et ses enfants; il me promit 
de me rejoindre le soir. 

Un cabriolet ra fait faire les cinq kilomètres qui me 
séparaient du but de ma course, à travers une plaine 
dont Îa première partie, qui entoure la ville de Feurs, 
était couverte de bonnes récoltes, en petite culture; 
mais bientôt après, nous étions entourés de pauvres 
sables avec de pitoyables récoltes qui nous conduisi- 
rent jusqu’à petite distance de la ferme dont M. de 
Poncin a entrepris en 1860 Ia transformation com- 
plète. J'ai trouvé M la marquise entourée de ses 
cinq enfants ; elle n’a paru prendre un grand intérêt 
aux travaux de son mari et parle fort bien agriculture ; 
après déjeuner, elle m’a donné le maître valet qui d’a- 
bord m’a conduit dans un vaste bâtiment construit en 
pisé ; 1l contient une grande étable, dont le plancher, en 
madriers, est à claire-voie pour écouler les urines qui 
se rendent dans des citernes; 1l y a huit boxes, ayant 
chacune une petite cour, servant à loger des taureaux 
ou des vaches avec leur jeune veau, et vingt autres boxes 
plus ou moins spacieuses suivant l’âge des animaux 
qu’elles doivent recevoir. Les veaux y restent sans être 
attachés; cette étable forme le rez-de-chaussée de la 
grange, qui a une longueur de quarante-quatre mètres 
sur quatorze de largeur. 


cr da 


Une des bergeries a soixante-douze mètres sur cinq; 
l’autre a quarante-cinq mètres sur treize; le plancher 
de celle-ci est à claire-voie; le grand hangar a soixante 
mètres sur seize de profondeur; tous ces bâtiments, sans 
compter bien d’autres, sont très-solidement construits 
en pisé et couverts en tuiles de Bourgogne ; il se trouve 
des murs de refend soutenant les toitures ; le mar- 
quis m'a dit le lendemain qu’il a des bâtiments cou- 
vrant trois mille six cents mètres carrés, dont la cons- 
truction lui a coûté 70,000 fr. ; je n’ai pas encore cité 
ses nombreux hangars logeant les machines, les ateliers 
de forge, charronnage et menuiserie ; ses écuries, qui 
peuvent leger trente chevaux ou poulains, contiennent 
maintenant cinq étalons approuvés, neuf juments de 
pur sang ou demi sang, et quinze poulains ; M. de Poncin 
a ajouté qu’il devait faire une vente en septembre, et si 
ses poulains venus ne lui produisaient pas 1,500 fr. en 
moyenne, il voulait renoncer à l'élevage; il ne conserve- 
rait que ses chevaux de chasse et de voiture ; ses remises 
sont garnies de belles voitures. ‘ 

Après avoir parlé des immenses constructions en pisé 
pour bâtiments de fermes, on sera étonné de savoir la 
marquise avec ses cinq enfants, dont l’ainé n’a que 
douze ans et le plus jeune trois, le marquis, institutrice 
et les domestiques logés dans l’ancienne maison de 
ferme; cette maison était assez grande, et avait un étage 
dont le marquis a su tirer un bon parti, en y faisant des 
cabinets ou chambres à lit, même dans la toiture; il 
peut ainsi recevoir son frère, ou son beau-frère, avec 
leurs familles, qui sont au moins aussi nombreuses que 
la sienne; cela est d'autant plus extraordinaire qu’il 
possède à deux lieues d’ici, le château de Saint-Cyr,en-— 
touré de huit cents hectares. 

Mais je reviens au bétail durham, dont le nombre 
s'élève à trente-cinq têtes, il y a trois taureaux, dont le 


= QE — 


premier, fort bel animal, rend encore de bons services, 
malgré son âge avancé, neuf ans; son remplaçant, âgé 
de deux ans, serait à vendre, si l’on offrait 3,000 fr. ; 
M. de Poncin se procurerait alors un taureau d’une autre 
famille ; enfin un troisième mâle de six mois; les vaches 
qui sont fort belles ainsi que les élèves, se trouvaient 
dans les herbages. Les vastes bergeries ne contiennent 
que des moutons, le marquis ayant eu à souffrir de la 
cachexie; on m’a conduit alors dans la partie des bâti- 
ments où l’on prépare les aliments du bétail ; on y moud 
les graines, on y hache les fourrages, on y coupe les ra- 
cines et on concasse les tourteaux ; il y a deux énormes 
chaudières pour cuire des boissons farineuses ou oléagi- 
neuses, servant à arroser la paille coupée; on fait en- 
suite fermenter, avant la consommation. On m'a fait 
voir une machine locomobile à vapeur, une batteuse 
avec tarare et séparateur; enfin l’énorme scarificateur à 
vapeur, monté sur quatre larges roues de deux mètres 
de diamètre ; c’est avec ces instruments qu’on a pu dé- 
foncer les parties des terres dont le sous-sol était plein 
d’épais pouddings; les autres terres ont été défoncées au 
moyen de fortes charrues, attelées de quatre paires de 
bœufs. 

Les herbages créés par M. de Poncin, l’ont été dans 
les anciens étangs, dont une grande partie de la ferme, 
d'environ cent hectares, se trouvait couverte ; il a eu à 
faire une immense quantité de fossés et même de canaux, 
pour pouvoir assainir ces terrains d’étangs marécageux, 
dont il existe encore quelques-uns sur les propriétés 
voisines ; il a voulu conserver un étang de huit hectares, 
pour servir aux irrigations; pour arriver à ce but et 
pour augmenter la masse d’eau pour les temps de séche- 
resse, le marquis a fait enlourer ces huit hectares d’une 
chaussée, afin d’élever le niveau de l’eau. 

Les herbages sont entourés, en grande partie, de deux 


QU: 


fils de fer, pour les enclore; douze puits ont été creusés 
pour abreuver le bétail dans les herbages dont les fossés 
ne contiennent pas d’eau; chaque puits a son auge 
formée d’un ciment qui ne craint pas la gelée, et qu’un 
nommé Chétadé fabrique et vend 30 fr. la pièce à 
Roanne ; ces puits ont toujours de l’eau, à deux ou trois 
mètres de la surface; un homme armé d’une pompe 
posée sur une brouette, va remplir les auges lorsque 
cela est utile. 

Les terres ont toutes été chaulées à dix mètres cubes 
l’hectare. 

On m'a fait voir une pièce de quatorze hectares de fro- 
ment très-beau, et de bonnes céréales de printemps, et 
sept hectares de récoltes sarclées promettant une bonne 
récolte. L'assolement est alterne. 

M. de Poncin a planté des massifs d'arbres, pour ser- 
vir d’abris contre les vents violents qui règnent dans ces 
grandes plaines; en même temps ces abris orneront la 
ferme. 

Le marquis m’a dit qu’il avait choisi la plus mauvaise 
de ses fermes, qui n’était louée que 15 fr. l’hectare, et 
où les fermiers se ruinaient, pour voir sil ne pourrait 
pas en tirer un meilleur parti ; cette amélioration a exigé 
l'emploi d’un capital de 200,000 fr. 

M. de Poncin a bien voulu me faire conduire au chà- 
teau de Sourcieux, près la station de Montrond, chez 
M. Balay, membre du Corps législatif, qui vient de rem- 
porter la prime d’honneur ; la famille était absente ; 
M. Monin, le régisseur, est un élève de la ferme- 
école de Blanc-Champagne près Carignan, département 
des Ardennes ; j’ai connu le premier directeur de cette 
ferme, M. Vacant, que son fils, ancien élève de Grignon, 
a remplacé. M. Monin a été cinq ans à la ferme-école 
comme élève et comme teneur de livres; voici les détails 
qu’il a bien voulu me donner : La terre qu’il administre 


— NF — 


est de trois cents hectares, dont cinquante en bâtiments 
et parc, et deux cent cinquante en culture; environ 
moitié de cette excellente propriété est en terres d'allu- 
vion bordant la Loire ; l’autre partie est en bonnes terres 
fortes ; celles-ci se louent dans le pays 35 fr. l'hectare, et 
celles d’alluvion 80 fr. On évalue la valeur des terres du 
Val à 3,000 fr., et celle des terres fortes à 2,000 fr. 
lhectare. Le propriétaire, qui est fort riche, a une nom- 
breuse famille, huit enfants ; il cultive sa propriété 
depuis 1852. Il sème ses terres d’alluvion en luzernes, 
qui au bout d’une douzaine d’années deviennent des 
prés; il y en a maintenant soixante hectares. Voici l’as- 
solement : Première sole, quinze hectares en betteraves, 
sur fumure de soixante mille kilos; elles produisent cin- 
quante mille kilos; six hectares en pommes de terre, de 
cent à cent-cinquante hectolitres par hectare; un hectare 
de carottes à quarante-cinq mille kilos ; haricots sur un 
hectare cinquante ares à quinze hectos ; un hectare de 
chanvre; deux hectares de maïs et sorgho fourrage. 

Deuxième sole, orge ou avoine, quarante-cinq hectol.; 
troisième sole, trèfle ou vesce; quatrième sole, froment, 
vingt-cinq hectol.; cinquième sole, seigle, vingt-cinq 
hectol. 

L’assolement des terres fortes est quadriennal, com- 
mençant avec quarante-cinq mille kilos de fumier par 
colza ou féverolles, à seize ou dix-huit hectolitres; 
deuxième sole, de vingt à vingt-deux hectolitres; troi- 
sième sole, trèfle ou vesces et quatrième sole de quinze à 
dix-huit hectol. 

La comptabilité est tenue en partie double par un 
comptable à 1,000 fr., logé, chauffé, etc., prenant des 
légumes au potager. 

Un maître vacher suisse, non nourri, mais logé et 
chauffé, a 800 fr. ; son garcon 360 fr.; voici le produit 
du lait pour vaches de différentes espèces : Les vaches 


a 


hollandaises les meilleures, donnent à nouveau lait de dix- 
huit à vingt-deux litres, et en donnent encore huit après 
neuf mois ; une vache durham pure, âgée de quatre ans, 
produit dix-huit litres et après huit mois de part, elle 
en donne encore huit; une fort belle durham a donné 
à nouveau lait vingt litres ; mais huit mois après seule- 
ment quatre litres; huit vaches durham donnent en 
moyenne quatorze litres, fraiches vêlées; une vingtaine 
de vaches croisées durham charolais, donnent fraiches 
vêlées, de quatorze à quinze litres; mais elles taris- 
sent 1c1 du sixième au septième mois, On a ici vingt-un 
durham femelles, veaux compris, et cinq taureaux du- 
rham ; on les vend 500 fx. à six mois, et de 7 à 800 fr. 
à un an. Le total des bêtes à cornes, les bœufs compris, 
est de cent quarante-neuf têtes. 

Un troupeau southdown pur sang s’élève avec les 
agneaux, à trois cent quarante-trois bêtes ; 1l faut y 
ajouter deux cent-vingt bètes croisées ; 11 y a huit pou- 
lains, mais j'ai oublié le nombre des chevaux de trait ; 
ajoutons encore deux verrats, dix-huit truies, cinquante- 
deux porcelets, qu’on vend de 15 à 20 fr,, enfin huit 
cochons à l’engrais. Voilà la composition du cheptel. 
On vend 600 fr. les jeunes bœufs gras âgés de quarante 
mois. 

On a fait six kilomètres de bons chemins. 

Je suis. allé coucher à Saint-Chamond, ville manu- 
facturière, à deux stations plus loin que Saint-Étienne ; 
et je suis allé le lendemain matin de bonne heure cher- 
cher M. de Boissieu dans sa charmante maison de cam- 
pagne, posée sur une colline et entourée de beaux arbres, 
d’où l’on jouit d’une vue admirable; il a transformé 
vingt-cinq hectares de terres qui l’entouraient en excel- 
lents prés irrigués avec l’eau de plusieurs sources; M. de 
Boissieu continue à les améliorer, en les couvrant de 
terres prises dans les jardins, sur lesquels s’élèvent de 

1 


NO  — 


nouvelles constructions ; il y répand aussi des boues de 
ville. Une jolie ferme très-bien tenue, loge des vaches 
hollandaises importées avant la peste bovine, et qu’il est 
forcé de remplacer maintenant par des vaches schwitz ; 
le lait se vend 20 c., ce qui rend très-profitable le pro- 
duit des bonnes vaches hollandaises qui donnent en 
moyenne de huit à neuf litres pendant les trois cent 
soixante-cinq jours de Pannée. M. de Boissieu va dou- 
bler l'étendue de ses prés, en reprenant des terres à son 
fermier ; il vend le lait intact, soir et matin, sans faire écré- 
mer celui de la veille au soir, comme c’est assez généra- 
lement lusage, malheureusement ; on fait cuire ici les ra- 
cines, en y ajoutant deux à trois kilos de tourteaux de 
colza par jour et par tête de vache; cette cuisson fait 
disparaître le mauvais goût du colza, qui se communi- 
querait au lait, sans cette précaution. 

La charmante famille que je visitas s’est ar- 
rangée une petite Suisse, dans ce pays d’äpres monta- 
gnes, que la fumée des nombreuses usines n’embellit 
pas; après déjeuner, on a eu la bonté de me conduire à 
la station, à temps pour que je pusse aller par le nou- 
veau chemin de fer qui vient de s'ouvrir, de Saint- 
Etienne au Puy-en-Velais. 

J'ai visité, le 1°* juillet, la ferme-école de la Haute- 
Loire, dont M. Chouvon est Je directeur depuis bien des 
années ; ce qu’il y a ici de remarquable, outre l’excel- 
lente culture, c’est que tous les bâtiments bien établis de 
cette ferme, qui loge plus de quarante personnes et un 
nombreux bétail, ont été construits par les élèves sous 
la direction de leur habile directeur et sans qu’on y ait 
employé des ouvriers étrangers à l’établissement; c'était 
la seconde visite que je faisais à M. Chouvon ; ÿ y étais 
venu en 1858, lors du congrès scientifique et agricole 
que le savant et infatigable M. de Caumont, a su créer 
et organiser, et qui parcourt toute la France en l'ouvrant 


— 99 — 


chaque année sur un point différent du territoire et dans 
une nouvelle ville. 

J'ai trouvé la culture de la ferme-école encore bien 
améliorée, elle est couverte de belles récoltes de tout 
genre ; les froments rendent en moyenne de vingt-sept 
à vingt-huit hectolitres. On a drainé les terres et les 
prés; on a irrigué ces derniers; on a arraché les pierres 
et petits rochers, très-abondants dans les terres volcani- 
ques de ce pays. 

* On y cultive du maïs pour fourrage et jy ai vu un essai 
de maïs caragua ; jy ai vu pour la première fois, un 
petit champ de vesces velues, semées avec un peu de 
seigle ; cela forme un fourrage épais et magnifique, de 
plus de cinq pieds de haut ; nous en avons porté quelques 
poignées aux bœufs, qui l'ont bien mangé; M. Chou- 
von en a tiré la semence d’un grainetier d’Annonay 
dont J'ai perdu le nom ; il me semble que cette plante 
mérite, par son grand produit, d'entrer dans la culture 
ordinaire. 

La ferme-école est toujours au complet ; elle a même 
un élève de plus; ils sont trente-un, et il en est ainsi, 
habituellement. 

Je me suis rendu le lendemain chez M. Calemard de 
la Fayette dont j'avais eu l’avantage de faire la connais- 
sance (au congrès organisé par M. de Caumont, au Puy, 
en 1858); M. de la Fayette y avait été remarqué par 
tous les membres, pour sa facilité d’élocution, et pour 
ses nombreuses connaissances. 

M. de la Fayette, qui a une maison en ville, m’a con- 
duit à sa terre dont sa jolie habitation se trouve à sept 
cent cinquante mètres au-dessus du niveau de la mer; 
elle est entourée d’un pare bien planté ; lorsqu’it faisait 
son droit, il s’occupait déjà de lembellir en y plantant 
des arbres rares, à cette époque. M. de la Fayette a 
commencé en 1849, à s’occuper de l’amélioration de 


— 100 — 


cette propriété de cent trente-huit hectares qui occupent 
les flancs et le plateau d'une montagne volcanique, dont 
la terre serait excellente, si elle n’était pas si peu pro- 
fonde et garnie de pierres et de roches de lave ; il faut 
extraire du moins en partie ces pierres et ces roches, 
pour pouvoir labourer; à cette époque, on trouvait 
aisément des hommes qui entreprenaient le piochage et 
Pextraction des pierres et petites roches, travail qui 
remplacait un labourage superficiel ; les conditions 
étaient le droit pour eux d’y semer, la première année, 
une espèce de petite lentille produisant quatorze à seize 
hectolitres qui annuellement se vendent de 35 à 40 fr. 
l’hectolitre et vont dans le Midi ; leur seconde récolte 
était du seigle ; maintenant on a de la peine à trouver 
de ces défricheurs, en leur abandonnant trois années de 
jouissance de la terre. Lorsque M. de la Fayette faisait 
faire ce travail à la tâche, il lui revenait à 180 ou 200 
fr. l’hectare ; encore , fallait-il faire sauter les roches 
avec de la poudre. Il a ensuite employé la manière sui- 
vante de tirer partie de ces demi défrichements ; elle 
consiste à construire des maisons contenant une grande 
chambre, une étable pouvant loger quatre vaches, ou 
élèves, de huit à dix bêtes à laine, un cochon et des 
volailles ; le grenier sert de grange et de fenil ; une mai- 
son nouvellement construite que nous avons été voir, 
avait douze mètres sur sept, entre les murs ; les basses- 
gouttes avaient sept mètres de hauteur ; la couverture 
était en ardoises ; cette maison revenait à 2,000 fr. en 
ne comptant pas la valeur des bois pris sur la propriété. 
M. de la Fayette trouve des familles qui entrent comme 
métayères, dans ces maisons assez confortables, leurs 
bêtes à laine peuvent aller en pâture avec le troupeau de 
la réserve ; ces braves gens dérochent chaque hiver, le 
plus qu’ils peuvent, et quelques années après, la moitié 
du propriétaire s'élève à 700 ou 800 fr. ; ils ont un pré 


— 101 — 


d'environ 0"80, et une dizaine d’hectares de ces terres 
peu profondes. 

M. de la Fayette a cinq métairies, dont le produit 
moyen lui vaut au moins 3,500 fr.; c’est ce que la pro- 
priété entière donnait, lorsqu'il est venu en 1849 pour 
l'améliorer. Il fait valoir quatre-vingts hectares, le parc 
compris, et a environ dix hectares en pentes rocheuses 
boisées, où se trouvent des pins sylvestres qui servent à 
faire les constructions. Il a dix-huit hectares de prés 
dont une forte partie a été créée par lui ; il a trois pièces 
d’eau qui servent de réservoir aux eaux de pluie et aux 
sources et permettent d’irriguer ; quatre hectares de prés 
sont attachés aux métairies ; un enclos de trois hectares 
de ces prés, partage avec un propriétaire voisin, la jouis- 
sance de l’eau d’une source très-abondante et surtout 
très-fertilisante ; chacun des deux propriétaires dispose 
de l’eau pendant une semaine ; dans ces conditions, un 
enclos produit jusqu’à trente mille kilos de foin ou de 
regain, et donne une excellente pâture de printemps et 
d'automne, il paye 135 fr. d'impôt, et il a été estimé 
30,000 fr. lors du partage en famille. 

J'ai vu dans la culture de la réserve, une grande 
étendue de fort beau méteil estimé devoir rendre vingt- 
cinq hectolitres ; quatre hectares d’une très-belle luzerne ; 
un beau champ de froment bleu ; de bons trèfles, des 
vesces, et des récoltes jachères bien sarclées ; on sème 
habituellement beaucoup de raves, mais elles ne sont pas 
encore semées, parce qu'une bonne partie de ces terres 
est séparée de la ferme par une profonde vallée, ce qui 
gène beaucoup le transport des fumiers. 

M. de la Fayette a fait faire en planches de sapin, un 
hangar qui se démonte pour le déplacer à volonté; il y 
loge des bêtes, après l'avoir posé près d’une prairie arti- 
ficielle, qui sert à les nourir ; de cette manière, le fumier 
se fait en partie sur place, et le parcage d’un troupeau 


— 102 — 


de trois cent cinquante bêtes à faine, fait le reste. Il a 
monté un petit chemin de fer de près de deux cents 
mètres de longueur, qui sert à transporter les roches et 
pierres arrachées dans les champs, dans des parties 
tellement garnies de roches qu’elles ne peuvent être 
cultivées ; d’autres fois ont les entasse sur les pentes ou 
le long des chemins, où elles servent à former des murs 
en pierres sèches, pour clore les champs. 

Le cheptel de sa culture est composé du troupeau cité 
plus haut, en assez fortes brebis de pays, qui devraient 
avoir des béliers southdown ; il faut y ajouter plusieurs 
truies berkshire et leur progéniture, puis deux bonnes 
juments percheronnes, pour la voiture , et enfin une 
quarantaine de bêtes à cornes, les veaux compris, ces 
bêtes sont de la race mezene qui a beaucoup augmenté 
de talle et de poids, depuis qu’elle est bien nourrie et 
bien soignée chez lui; les vaches sont assez bonnes 
laitières. 

M. de la Fayette s’est mis sur les rangs pour la prime 
d'honneur qui sera donnée l’an prochain, au concours 
régional du Puy. 

J’ai regretté qu'il n'ait pas employé sa grande intelli- 
gence, son activité et son capital, à améliorer une bonne 
terre de plus de deux cents hectares qu’il a en Berry, et 
qu’il na fait voir ii y a quelques années. 

Je me suis rendu, le lendemain, chez le docteur 
Olivier, au château de Charragne, dans un joli vallon à 
peu près circulaire, entouré de montagnes volcaniques, 
dont les éruptions de lave, n’ont été recouvertes que 
d’une trop petite épaisseur de terre légère, dans une 
partie du vallon et qui se trouvent souvent toucher des 


terrains de la plus haute fertilité et d’une grande profon- 


deur. Arrivé au château, M'e Olivier, fille unique, 
jeune personne de douze ans et son institutrice me reçu- 
rent, et firent chercher M. Olivier; quand je l’eus rejoint, 


— 103 — 


il me mena dans une vaste prairie fort bien irrignée, 
où un grand nombre de faucheurs et de faneurs étaient 
occupés, et d’où plusieurs attelages ramenaient du foin; 
j'y ai aperçu un ràteau à cheval; en continuant notre 
. promenade , le docteur m'a fait traverser des champs 
tellement couverts de pierres, qu’il m’a dit qu’une dou- 
zaine de femmes remplissaient en fort peu de temps un 
tombereau sans le changer de place ; il se débarrasse 
des petites pierres en les faisant conduire sur les chemins 
que le cantonnier de la commune lui indique à cet 
eflet, les plus grosses pierres sont mises en tas le long 
des chemins, et il en fait faire en partie des murs en 
pierres sèches ; mais comme la quantité des pierres est 
énorme, et qu'elle s’augmente beaucoup, chaque fois 
qu’on laboure plus profondément, M. Olivier a trouvé 
une nouvelle manière de les employer ; ayant beaucoup 
à drainer, il fait, dans les parties de sa propriété où le 
sol a une grande profondeur, labourer la terre sur une 
largeur de six pieds; des ouvriers armés de pelles, 
jettent la terre sur les deux côtés de la largeur labourée; 
alors la charrue recommence à labourer sur la même 
largeur, et les ouvriers, à vider la terre ameublie par le 
labour ; on renouvelle cette opération autant de fois 
qu’on le peut, en augmentant le nombre de paires de 
bœufs, nécessaires, pour que le soc de la charrue puisse 
fonctionner ; dans certains champs, on a pu approfondir 
cette espèce de canal, jusqu’à plus d’un mètre ; cette 
grande opération a deux buts également utiles ; on 
obtient aussi de la terre, soit pour améliorer de grands 
prés récemment faits, si la terre se trouve d’une qualité 
convenabie ; soit pour être transportée sur des champs 
dont le sol n’est pas assez profond ; quand la terre est 
enlevée, on met les pierres dont on veut se débarrasser, 
dans le canal qui, une fois rempli à 0m40 de la surface 
devient un maître drain, pour l'assainissement de la terre. 


— 104 — 


La bifureation du chemin de fer de Clermont allant 
au Puy et à Marseille, est placée sur la propriété du 
docteur ; elle est à moins d’un kilomètre du château, et 
la compagnie du chemin de fer a dù acheter au docteur, 
pour faire la gare, quatre hectares qu’elle a payés une 
trentaine de mille francs; elle va lui prendre encore 
pour à peu près pareille somme, afin de faire l’embran- 
chement allant sur le Puy, qui n’est pas encore com- 
mencé. La terre de Chassagnon que le docteur Olivier a 
hérité de son père, avait cent deux hectares; il y a ajouté 
par une acquisition, cinquante-six hectares, qui lui 
out coùté 30,000 fr.; elle se compose de deux étangs 
dont vingt et quelques hectares ne sont qu’une pauvre 
pàture, remplie de rochers, et incultivable; mais, en 
revanche, les trente hectares restant, offrent la meilleure 
terre qu’on puisse désirer ; à ces cent cinquante-huit 
hectares, le docteur vient de joindre un domaine de 
cinquante hectares, par un nouvel achat, et un autre de 
cent hectares par l’héritage d’une tante ; ces deux biens 
faisaient anciennement partie Ge cette terre ; sa propriété 
a donc maintenant plus de trois cents hectares d’étendue, 
d’un seul bloc. 

Le docteur a déjà drainé d’une manière complète, 
soixante-quatre hectares à dix mètres de distance entre 
les rigoles, et il a dans sa cour seize mille tuyaux, pour 
commencer de nouveaux drainages, dans ses nouvelles 
propriétés. Ses rigoles d’assainissement ont trente-huit 
mille mètres de longueur, dont vingt-neuf mille cinq 
cent quarante sont garnis en pierres, et huit mille cinq 
cent treize en tuyaux. Il a en outre drainé quarante-sept 
hectares irrégulièrement en faisant huit mille cinq cent 
quatre-vingt-six mètres de rigoles remplies de pierres ; 
cela forme un total de cent onze hectares drainés. 

Il a fait huit mille trois cent soixante-cinq mètres de 
chemins macadamisés ; il a construit quatorze mille huit 


— 105 — 


cent qurante-huit mètres courants de murs en pierres 
sèches, pour clôtures, le long de routes ou pour soutenir 
les terres. 

Pendant les quatorze années durant lesquelles sa pro- 
priété était cultivée par métayers, avant qu’il ne fit va- 
loir, la moyenne du revenu brut annuel des deux cents 
hectares a été de 4,107 fr. Pendant les onze premières 
années de son faire-valoir, où la terre avait cent cin- 
quante-huit hectares, il est arrivé à 16,505 fr. 

Les immenses travaux que le docteur a faits pendant 
les neuf années qu’il a employées à améliorer les cent 
cinquante-huit hectares de terre avaient été précédés 
par un même espace de temps, employé à faire de Ja 
médecine; il est en train de recommencer ses immenses 
travaux sur les autres cent-cinquante hectares ; mais 
l'expérience acquise, et l'augmentation de sa fortune, lui 
permettront de les exécuter plus vite. 

Voici le résumé de l'inventaire du 25 décembre 1866. 


Pmobilierrural tu: 0 LUN, dis 00748 StÉr: 

PRÉ REMISE Hé 101052927668 

PSP BR NO uen ol 44,067 
61,053 fr. 


Une de ses œuvres les plus utiles, que je n’ai pas en- 
core mentionnée, est d’avoir amené d’une grande dis- 
tance les eaux d’un ruisseau, qui ont pu être maintenues 
à une assez grande élévation et être employées à lirri- 
gation de plus de vingt hectares de terres légères, peu 
profondes et à peu prèsimproductives, et qui ne servaient 
qu’au parcours des moutons. La disposition de cette eau 
lui a permis de les transformer ; l’eau manquant en été, 
il continue à améliorer cette belle prairie, par des apports 
de lexcellente et très-profonde terre de ses étangs et 
marais desséchés. 

Le docteur a planté des vignes à de bonnes exposi- 


— 106 — 


tions ; je l’ai fortement engagé à aller visiter les vignes 
en chintres de Chissay, avant d’en planter d’autres ; dans 
les environs du docteur, on produit de fort. bons vins 
de table. 

M. Ollivier a construit d'immenses étables ne conte- 
nant que des bêtes de la race de l'Aubrac qui est 
très-active pour le travail; mais comme elle n’est pas 
d’un très-grand poids, ni bonne pour le lait, je ai en- 
gagé à essayer le croisement durham, en ne reculant 
pas devant la dépense de 2 ou 3,000 fr. pour avoir un 
bon étalon, chose des plus essentielles pour réussir dans 
l'élevage; je l'ai aussi engagé à se procurer de bons hé- 
liers southdown ou shropshire pour améliorer son trou- 
peau de pays, et un verrat du Suffolk pour sa porcherie. 
A ses machines agricoles, il ferait bien d’ajouter un fort 
rouleau Croskyll, une faneuse, une moissonneuse-fau-— 
cheuse Morgan, et enfin, maintenant que son faire-valoir 
est doublé, une batteuse et sa locomobile à vapeur de la 
maison (Gérard de Vierzon. 

Dans notre promenade du lendemain matin, le docteur 
m'a fait voir les magnifiques froments et les remarqua- 
bles prairies artificielles que lui donnent ses étangs; il m'a 
fait visiter une très-grande maison à plusieurs étages qu’il 
a construite pour l’entrepreneur des travaux du chemin 
de fer, il y a quelques années, et qu'il a pu racheter à 
bon compte, une fois que l'entrepreneur a eu terminé, 
sur ces lieux, ses grandes entreprises, et a dù se rendre 
plus loin ; il pense pouvoir louer ce grand bâtiment, quand 
la bifurcation sera établie. 

Le docteur m’a proposé une promenade en voiture, 
l'après-midi, pour me faire voir ses environs; nous 
avons fait une visite au baron de Flageac, qui habite le 
beau et fort ancien château de ce nom, remis, ainsi que 
ses cinq grosses tours, dans le meilleur état, à extérieur 
comme à l’intérieur, et parfaitement meublé. 


— 107 — 


Cette belle, mais un peu sévère habitation, domine 
une charmante vallée que le baron cultive, et qui est 
garnie d'excellentes prairies irriguées. 

Le baron, qui nousa reçus seul, Madame et ses enfants 
l'ayant précédé dans un château voisin où lon devait 
diner, a été attaché d’ambassade dans plusieurs capitales, 
entr’autres à Saint-Pétersbourg. 

L’entourage du château est fort joli et parfaitement 
tenu. Le baron a fait de très-grandes améliorations , en 
drainage, et surtout en dérochements et épierrements, 
lont une énorme quantité de pierres ont été enfouies 
dans de profondes et larges tranchées. Il s’est formé plus 
tard une réserve qui nourrit huit chevaux et autant de 
vaches, et il a loué la grande ferme à une cultivateur 
qui vient de se mettre sur les rangs comme concurrent à 
la prime d'honneur, de même que le docteur, qui Pa 
déjà été, 4 y a huit ans. Cette fois, ce fut le marquis de 
Ruolz, au château d’Alleret, qui obtint la prime d’hon- 
neur. J'avais fait sa connaissance au congrès de M. de 
Caumont, et Île marquis m'avait ramené chez lui; 
comme je voulais renouveler ma visite à Alleret, le 
docteur a voulu m'y conduire lui-même, car il est resté 
lié avec cette famille après avoir été longtemps son 
médecin. 

Nous avons trouvé M. de Ruolz et Madame la mar- 
quise en bonne santé et toujours excellents, dans leur 
belle et confortable habitation ; ils n’ont qu’une fille qui 
n’habite pas chez eux, mais y est attendue. 

Le marquis, malgré son âge avancé, est toujours zélé 
agriculteur, viticulteur et éleveur de la belle et bonne race 
de Salers, qu’il a bien améliorée par sélection, depuis neuf 
ans que Je l’ai visité; ses bètes sont bien moins hautes 
sur Jambes et sont, en général, mieux faites; mais je 
wai pu m'empècher de dire à ces Messieurs, qu’il fau- 
drait donner à ces fort belles vaches, un bon taureau 


— 108 — 


durham, payé au moins un couple de mille francs, en le 
choisissant autant que faire se pourrait, dans une étable 
où l’on tient aussi à avoir de bonnes vaches laitières ; on 
obtiendrait aussi des vaches mieux faites, plus belles, don- 
nant plus de lait que leur mère, quoique celles-ci ne soient 
pas mauvaises sous cerapport; elles s’engraisseraient plus 
vite que les salers, et enfin donneraient plus de poids et 
plus de viande lorsqu’on voudrait s’en défaire; les veaux 
mâles croisés durham bien nourris et engraissés seraient 
vendus très-cher, vers l’âge de trente-six mois au plus; 
leur vente est facile maintenant qu’on a le chemin de fer 
pour Paris, et le deviendra plus encore, un peu plus 
tard, lorsque ceux allant à Marseille ou à St-Étienne et 
Lyon vont être terminés ; je suis persuadé qu’on obtien - 
drait de ces jeunes bêtes de trois ans un prix plus élevé 
que celui des bœufs salers de cinq ans; deux jeunes 
bœufs croisés durham-salers, gras, se vendent à Paris 
1,100 fr. tousfrais payés, et leur voyage pour aller à Lyon 
ou à Marseille, coûtera moins que celui pour aller à 
Paris. On ajoutera pour le labour, des bœufs salers de cinq 
ans, qui travailleront mieux, n’ayant pas besoin d’être 
ménagés, comme les jeunes bœufs salers qu’on aurait 
élevés pour le joug et qu’on ne peut faire travailler 
beaucoup dans leur troisième et quatrième année; j’es- 
père avoir réussi à convaincre ces Messieurs. 

M. de Ruolzlaboure cent-vingt hectares de terres plu- 
tôt fortes et à sous-sol imperméable, qu’il a toutes drai- 
nées ; il a soixante-dix hectares de prés ou herbages, 
dont la plus grande partie a été irriguée par les eaux de 
sources ou de drainage; il a en outre dix-neuf hectares 
de vignes et le reste de sa terre, qui compte trois cents 
hectares, est en bois ; pour fumer cette culture, 1l a cent 
quatre têtes bovines, élèves et veaux compris, deux 
cent-cinquante bêtes à laine et des pores de race berk- 
shire; ses huit chevaux, ajoutés à cela, forment plus 


— 109 — 


d’une grosse tête de bétail, par hectare en culture. 

M. de Ruolz a planté, il y a plusieurs années, neuf 
hectares de vignes de la manière conseillée par le doc- 
teur Guyot; il en a été si content qu’il va arracher un 
rang de ceps entre deux, dans toutes les anciennes vi- 
gnes, afin de les avoir toutes taillées et conduites d’après 
ce système et pouvoir les cultiver à la charrue. 

Le drainage de ses terres qui ont un sous-sol imper- 
méable, a très-bien fait et toutes ses récoltes sont belles ; 
ses froments produisent en moyenne de vingt-huit à 
trente hectolitres hectare. 

J’ai vu dix hectares de récoltes sarclées, très-propres, 
et la même étendue en maïs pour grains ou pour fourra- 
ge; il va faire du maïs dent de cheval, l’année prochaine. 

Quinze hectares de bonnes luzernes le mettent à même 
de bien nourrir à l’étable son nombreux et beau bétail. 

Depuis une précédente visite, il a amené dans la cour 
du château les eaux d’une source et celles de drainage 
qui se réunissent dans une belle coupe en pierre de 
Volvie, d’où elles se partagent ensuite entre le château 
et la basse-cour, de manière à en avoir partout où elles 
sont utiles. 

J'ai vu une batteuse à manége de Cumming, une fau- 
cheuse de Wood, un gros rouleau Croskyll, et les ins 
truments de culture de Dombasle. Le régisseur, que le 
marquis a pris, il y a douze ans, parmi les élèves de 
M. Chouvon, à la ferme-école de la Noya près du Puy, 
est fort intelligent ; le jardinier sort aussi de cette ferme- 
école qui depuis plus de vingt ans a formé un très-grand 
nombre de bons agriculteurs et horticulteurs ; il serait 
bien à désirer que tous les départements fussent en 
possession d’une ferme-école et qu’elles fussent aussi 
bien conduites que celle de la Haute-Loire. 

L’amélioratior de la culture de la belle et bonne terre 
d'Alleret, a été commencée dans les premières années 


— 110 — 


du siècle, lors de la rentrée d’émigration de M. de Ma- 
checot, père de M"° de Ruolz; il a défoncé peu à peu 
toutes ses terres, remplies de roches et de pierres; les 
bons exemples de culture qu’il a donnés durant sa longue 
vie, ont fini par être imités par les habitants de ses envi- 
rons, qui ont organisé, il y a quelque temps, une sous- 
cription dont le montant va servir à faire faire le buste 
de M. de Marchecot, pour perpétuer la mémoire de ce 
digne vieillard; ce qu’il y a de remarquable, c’est que 
plusieurs communes des environs ont souscrit, et l’une 
d'elles a donné 600 fr. ; depuis une trentaine d’années 
que M. de Marchecot est mort, son gendre, le marquis 
de Ruolz, a continué ses bons exemples; ils ont d’autant 
mieux profité, qu’on voit qu’il arrondit de temps à autre 
sa terre, par de bonnes acquisitions. 

Le marquis m’a fait boire d’excellent vin blanc de son 
crü, et le vin rouge de table est fort bon. 

M. de Ruolz m'a fait faire le tour de la vallée, en me 
conduisant aux deux stations du chemin de fer les plus 
proches de chez lui ; il m'a fait voir quelques jolis sites, 
et en général une bonne petite culture; on voit beaucoup 
de champs de pommes de terre, de haricots, de navets, 
et en moindre nombre de petits champs de betteraves ; 
le marquis produit chez lui de la semence de betterave 
et en donne aux petits cultivateurs. 

J'ai quitté cet excellent ménage, bien reconnaissant de 
son aimable réception, et je suis allé coucher à Brioude, 
petit voyage des plus pittoresques; le iendemain me 
conduisit, en longeant ia riche vallée de l'Allier, à Cler- 
mont, et puis le soir à travers la riche Limagne, à 
Lezoux, petite ville que je quittai le lendemain de bonne 
beure, pour revoir pour la troisième fois, la culture du 
marquis de Pierre. 

Etant arrivé à la première ferme de cette grande terre, 
La Gagère, le chef de famille, qui w’est ni méiayer, ni 


— 111 — 


domestique, ni même garde-bestiaux , m’a fait voir son 
bétail, quatre bœufs, autant d’assez bonnes vaches salers, 
dont deux élèvent leurs veaux, et trois élèves de deux à 
trois ans, neuf truies croisées anglais, avec les porcelets, 
qu’on vend autant que possible, au moment du sevrage, 
ou qu’on engraisse en l'automne, si on n’a pu les vendre 
jeunes, enfin les jeunes truies qui doivent remplacer 
celles qui ont produit deux ou trois fois et qu’on engraisse 
ensuite; voici la position de la famille : le père, la mère, 
les filles et enfants, soignent le bétail; ils prélèvent le 
quart du produit net des ventes de bétail; ils ont la 
sixième partie des céréales; un ou deux fils, âgés de 
seize ans et au-dessus, sont payés à 300 fr. l’un; mais 
ils sont nourris, comme le reste de la famille, sur le 
quart du profit du bétail et le sixième des récoltes des 
céréales; on leur laisse le lait de deux vaches, en ven- 
dant les veaux à six semaines, ou deux mois; les cochons 
sont nourris avec les pommes de terre qu’on fait faire 
autant que possible à moitié; pour cela, on fume ja 
terre, mais elle est béchée par le preneur, qui plante, 
sarcle et arrache les pommes de terre ; si l’on est content 
de leur culture, on conduit leur moitié chez eux. 
Comme il faut une grande quantité de pommes de terre, 
dans la ferme qui a entre vingt-cinq et trente hectares, on 
en cultive une assez grande étendue à la charrue pour en 
avoir assez pour la famille, ainsi que pour la porcherie ; 
on leur fournit deux kilos et demi de son par portée ; 
les truies recoivent en hiver un kilo de son, en sus des 
pommes de terre cuites, tant qu’elles allaitent des porce- 
lets ; hors cela, toutes les bêtes porcines n’ont en hiver 
que cinq cents grammes de son par tête et des topinam- 
bours, à moins qu’il ne reste des pommes de terre, 
L’assolement est quadriennal sur six hectares fu- 
més à soixante mètres par hectare, dont quatre en 
pommes de terre, à deux cent cinquante hectolitres 


— 112 — 


l’hectare ; mais comme deux hectares sont faits à moitié, 
il ne reste que la récolte de trois hectares ou sept cent- 
cinquante hectolitres pour la ferme, un hectare en bette- 
raves, carottes et navets, produisant environ quarante 
mille kilos de racines ; deuxième sole, froment ou seigle 
à seize hectolitres ou cent hectolitres, dont un sixième 
pour la famille, dix-sept hectolitres ; troisième sole, six 
hectares en vesces ou trèfle; quatrième sole, en seigle à 
seize hectolitres ou seize hectares. Ces trente-trois hecto- 
litres fournissent le pain de six grandes personnes com 
posant la famille ; le cochon salé, les légumes et le lait 
de deux vaches complètent leur nourriture. Restent 
quatre hectares en prés et en topinambours qui, avec la 
paille, achèvent la nourriture des hètes ; on fume les to- 
pinambours tous les deux ans. 

Le marquis prend toute la récolte des céréales et leur 
tient compte du sixième de la vente; il les fournit de 
bon pain de méteil dont ia farine a été très-bien blutée, 
car on à grand besoin de son; le pain est fabriqué à la 
réserve et ses gens le payent au prix de revient. 

Voici le compte que m’a fait un jeune métayer fort 
intelligent qui tient les comptes des fermes par écrit, et 
qui m'a dicté ce qui suit : 

La ferme n'est que de vingt-six hectares et demi ; 1l 
a quinze truies qui donnent chacune de deux à trois 
portées ; n’en comptant que deux à six porcelets arrivant 
au sevrage, cela en fait cent quatre-vingts, dont cinq des 
plus beaux sont conservés, pour remplacer cinq mères, 
cent soixante-quinze porcelets vendus à 42 fr. au moins 
en moyenne, cela forme la somme de. . . 2,100 fr. 

Cinq truies grasses d’une forte taille, 

à 1207: 40 one pen mon 

Deux bœufs à 700 fr., deux vaches, 500 fr. 
ét deux élèves, 300%000b A0 cm, 1520045908 


Ensemble . . . . . 4,200 fr. 


— 113 — 


Be LOU AT. 
On achète pour 600 fr. de farine et de 
SOU CE 1 0 fr pORRcOirErE." "1 2 PI POMES 610 


ententes dE 4 Le MQUIr. 
Somme dont le quart est pour le métayer, soit en compte 
rond, 900 fr. 


Douze hectares de froment ou de seigle, bien cultivés 
et bien fumés donnent en moyenne pour le blé plus de 
vingt hectolitres par hectare, cela fait cent-vingt hecto- 


RAM ONETE 30), TI AAC SENPeI DE + SDS ÆOUTET. 
Cent-vingt hectolitres à 15 fr. . . . . 1,800 

Ensemble, re mes 200 fr. 

dont le sixième pour le métayer est de . . 700 fr. 
le quart du produit du bétail ci-contre. . 900 

Le métayer recoit en outre pour deux do- 

PROS AA UT. LR OUMSNUET ER 600 

2,200 fr. 


Voici maintenant le compte de la dépense du métayer 
pour nourrir ses vieux parents, sa femme, deux enfants, 
un de cinq ans et un d’un an, lui-mème et deux jeunes 
garcons qu’il loue et doit nourrir ; ils coùtent 400 fr. 


Pourdéipain à 30 ce: le kilos 4e Me 20 7046450 
Pour deux cochons tués et salés . . . 150 
Pour l’huile, le sel et l'épicerie. . . . 70 
Panrileurvide farine : 42: MUR 20 
BV POUR = +. .CONENICIAe TETE: 50 


1,140 fr. 


Pour divers objets oubliés et pour le char- 
TOR MERMAIEGRAl . « ..., . + eee 160 


1,300 fr. 
L’habillement n’est pas compté, se trouvant payé par 


— 114 — 


le beurre et les nombreuses volailles élevées et vendues. 

Dans son jardin le métayer a du chanvre pour faire 
du linge ; il a des haricots et d’autres légumes, à ajouter 
aux pommes de terre, carottes, navets et choux cultivés 
dans les champs. 

1,300 fr. à déduire sur 2,200 fr. reste 900 fr. à placer, 
sauf les maladies ou autres accidents. 

Lorsque les enfants du métayer pourront remplacer 
ses domestiques, cela ira encore mieux. 

Tel est le résumé de la conversation que j'ai eue avec 
ce brave homme ; j'ai été enchanté de son raisonnement 
et de son bon sens ; malgré une sécheresse extrême qui 
désole ces environs, il ne perd pas courage et est satisfait 
de son sort. 

Il m’a conduit au château d’où toute la famille est ab- 
sente; le marquis de Pierre et Madame sont à Paris; 
V’ainé de ses deux fils habite un château voisin, avec sa 
tante et sa femme, petite-fille du maréchal Clausel; ils 
n’ont pas d'enfants. 

Le second de ces Messieurs, récemment marié avec la 
fille du comte de Murat, vient d’aller chez son beau-père 
qui habite une terre près d’Issoire. 

On m'a dit que le baron avait acheté, il y a deux 
ans, cent cinquante hectares de bois, dilapidés par le 
pâturage; il s'occupe de leur défrichement, ce qui se fait 
par des gens du voisinage, qui lui achètent la superficie, 
partagée en petits lots ; ils arrachent les souches qui les 
payent du piochage du fond, en leur donnant leur chauf- 
fage et du travail pour lhiver. M. de Pierre y construira, 
au fur et à mesure des défrichements, six nouvelles mé- 
tairies, comme il en a déjà formé dix-huit, aussi sur de 
pauvres bois défrichés ; ces bâtiments de petites fermes 
se composent le plus ordinairement d’une maison ayant 
une grande chambre au rez-de-chaussée et une deuxième 
sous la toiture ; à côté se trouve un cellier, et au-dessus, 


— 115 — 


un grenier à grain planchéié ; puisil y a une grange dont 
le rez-de-chaussée est en étable pour quatre bœufs, six 
vaches, huit élèves d’un et deux ans, et six veaux; des 
hangars forment la cour en carré, et contiennent les 
très-nombreux toits à cochons, et un poulailler; ces 
fermes, construites en pisé et couvertes en tuiles, ne lui 
reviennent qu’à 5,000 fr., la charpente payée. Les nom- 
breuses porcheries, une fois les tubercules et racines 
consommés, sont alimentées par les Jeunes trèfles ou 
leurs repousses; on leur alloue alors cinq cents grammes 
de son mis dans de l’eau. On pourrait les nourrir pen- 
dant l'été avec des betteraves comme je l’ai vu faire en 
Écosse. Le marquis a planté déjà une grande étendue de 
vigne sur des bruyères retournées à la charrue, et il 
continue à en planter. 

Le lendemain matin, 9 juillet, je me suis rendu de 
bonne heure aux Guéras, habitation de M. Baudet La 
Farge, le savant secrétaire perpétuel de la Société d’agri- 
culture de Clermont, Puy-de-Dôme ; il faisait semer des 
lupins à fleurs blanches, qui, si la sécheresse ne les em- 
pêche pas de s’élever à la hauteur d’un mètre ou au 
moins de quatre-vingts centimètres, lui donneront en- 
terrés pour fumure un beau froment sans autres engrais; 
on les sème à raison de deux hectos ou mieux vaut de 
deux cent-cinquante litres, après un trèfle incarnat ou 
une vesce d'hiver fauchés et enlevés. 

M. La Farge récolte lui-même sa semence de lupins, 
qu'il sème vers le 15 avril en lignes espacées de qua- 
rante centimètres : on en trouve de la graine chez des 
marchands à Lizon et à Thiers, à 3 fr. le double déca- 
litre; 1l m’a montré un beau froment bleu qui n’a eu 
pour fumure que des lupins, enterrés à la charrue, 
M. La Farge a introduit dans tous ses environs la eul- 
ture des lupins, ainsi que les marnages. 

Il a essayé la culture du brôme de Schrader, pendant 


— 116 — 


quelques années; ses bêtes le mangent volontiers; il y 
renonce à cause de son peu de produit. 

Il a de belles carottes mêlées de betteraves en lignes ; 
ce mélange produit beaucoup et a en outre le mérite de 
faciliter le premier sarclage à la houe à cheval, les bet- 
teraves apparaissant sur terre plus tôt que les carottes. 

Les loirs et autres rongeurs dévoraient ses pêches à 
mesure de leur maturité; quelqu'un lui a indiqué, il ya 
six ou sept ans, un moyen de conserver ses fruits, qui 
lui a fort bien réussi depuis lors ; il entoure ses espaliers 
de pèchers de fougères vertes, ce qui éloigne ces vilaines 
bêtes. 

M": La Farge m’a proposé d’aller voir un vieux chà- 
teau, fort laid par lui-même, mais très-remarquable par 
son admirable position ; il domine la charmante vallée 
de la Dore, en même temps qu’une autre vallée étroite, 
garnie d’une superbe futaie, et qui amène un ruisseau 
pouvant servir à l'irrigation des prés qui descendent 
jusqu’au bord de la rivière ; ce qui est le plus extraordi- 
naire de cette propriété de cent soixante-dix hectares, 
dont on demande 300,000 fr., c’est que le propriétaire 
qui vient de mourir, avait très-bien fait reconstruire six 
fort belles et grandes tours, dont toutes les nombreuses 
ouvertures sont en pierres de taille de Volvic; Sauva- 
gnot est le nom de cette propriété qui se trouve à trois 
lieues de la station du chemin de fer de Clermont à Thiers, 
et à neuf de celle de Riom. 

M°° La Farge a des orangers couverts de fieurs, dont 
le feuillage annonce une vigueur extraordinaire; elle 
m'a dit que cela venait de l'application de restes de 
marc de raisin dont les poules avaient mangé ce qui leur 
convenait; j'ai admiré chez elle un arbuste à fleurs et 
feuilles charmantes ; son nom est poinciana. 

Les Guéras, propriété de près de 105 hectares, en 
pauvres terres légères, ont été si bien améliorées par 


— 117 — 


M. La Farge, qu’elles lui donnent un revenu moyen de 
70 fr. par hectare, quoiqu'il ne s’y trouve que soixante- 
cinq ares de vignes; mais cette terre contient près de 
vingt-cinq hectares de prés; M. La Farge fait valoir 
soixante-deux hectares, et son métayer qu'il dirige, 
quarante-trois. Je suis étonné d’un pareil revenu pour 
d’aussi pauvres terres. 

M. La Farge na dit qu’il possédait en Limagne des 
terres sans bâtiments de ferme, dont il vend en détail 
les parties qu’on lui demande, à raison de 7,896 à 
8,000 l’hectare, quoiqu'’elles ne soient pas rapprochées 
d'habitations. 

J'ai visité, le 17 juillet, la terre de Bressolles située à 
cinq kilomètres de Moulins (Allier); les propriétaires 
étant absents, le régisseur a bien voulu me donner les 
renseignements suivants ; le docteur Guyot en parle dans 
ses ouvrages, c’est ce qui m'avait amené 1c1. 

M. le baron de Bressolles ayant trouvé il y a une 
quinzaine d'années, lorsqu'il a hérité de sa terre, les 
fermes et locatures louées à moitié, voulut les louer à 
prix d'argent; les 4 fermes, d’une étendue de quarante 
à cinquante hectares chacune, furent jouées de 50 à 60 fr. 
l’hectare ; tandis que ses quatorze locatures, composées 
d'environ sept à huit hectares, dont à peu près deux 
hectares étaient en vignes, furent lonées de 122 à 130 fr. 
l'hectare. 

Le jour de ma visite étant un dimanche, le régisseur 
a eu la complaisance de me conduire dans quelques-unes 
de ces locatures, situées dans le village; elles m’ont paru 
être fort petites et peu commodes : nous avons prié quel- 
ques-uns de ces locataires de nous faire voir leurs vi- 
gnes ; quatre de ces bonnes gens nous ont conduits ; les 
rangs de ceps sont séparés par un mètre trente-trois 
centimètres ; dans la ligne, ils ne le sont que de trente- 
trois centimètres ; ils les cultivent, disent-ils, à la bêche, 


— 118 — 


ce qui ne les empêche pas d’être pleines de mauvaises 
herbes ; ils nous ont assuré que le produit moyen de ces 
vignes à l’hectare était tout au plus de vingt-cinq hecto- 
litres de vin rouge dont le prix moyen est de 25 fr. 
l’hectolitre; ces locataires m’ont paru très-satisfaits de 
leur position. 

En retournant au château qui est beau et très-bien 
tenu, le régisseur m'a dit que les locataires payent bien 
leur loyer. 

Le lendemain je me suis rendu chez M. Berger, pro- 
priétaire de la terre du Pavillon , que javais visitée il y 
a une dizaine d’années ; M. Berger a transformé depuis 
ma visite, un assez grand nombre de locatures , qui lo- 
geaient des familles de journaliers, en petites métairies , 
en y ajoutant une grange contenant deux étables et un 
hangar ; il y a attaché vingt et quelques hectares, dont 
trois à quatre sont en prés ; les métayers ont Pair d’être 
satisfaits ; en entrant dans une de ces petites métairies, 
nous avons vu la métayère servant le diner de la famille ; 
les assiettes étaient pleines de carottes au lard, qui 
avaient une mine appétissante, ainsi que le pain. 

Les récoltes n’élaient pas mauvaises en apparence ; 
mais si on avait ajouté aux fumures, même aux champs 
d'avoine, de cent à cent cinquante kilos de guano, 
l'augmentation du produit eùt laissé un beau bénéfice, 
l’engrais payé. 

La terre contient onze métairies et de beaux bois ; 
M. Berger m'a dit que son produit net est d’environ 
21,000 fr. 

Il à fait de bons chemins bien entretenus et les a bor- 
dés de pommiers à cidre. 

Le chemin de fer de Moulins à Chagny, qui sera ou- 
vert l’année prochaine, aura une station à deux kilomè- 
tres de son habitation. 

Je suis revenu à Moulins et me suis rendu le lende- 


— 119 — 


main chez M. Bernard Dubost, fermier de cent-trente 
hectares à Bagneux, à vingt kilomètres de Moulins ; 
il était absent, ainsi que Madame ; mais j’ai rencontré 
son régisseur, homme fort intelligent et très-complai- 
sant. Il na fait voir d’abord les taureaux durham, dont 
le plus âgé est fort beau ; il a coûté 1,700 fr. il y a quel- 
ques années, à la vacherie impériale de Corbon; son 
futur remplaçant vient d’être payé 1,200 f. à la même 
vacherie ; un troisième taureau durham provient de chez 
M. Gernigon, près de Châäteaugontier ; j'en ai oublié 
le prix. 

Les bêtes étant en pâture, il ne restait à létable que 
neuf veaux, auxquels on ne laisse pas tout le lait de 
leurs mères qui sont des vaches demi-sang durham; les 
vaches demi-sang darham sont au nombre de quatorze : 
onze vaches qui ont trois quarts de sang viennent de 
faire leur premier veau ; tous les onze ont été conservés 
et on leur abandonne tout le lait de leurs mères. 

Le régisseur m'a conduit sur les bords de l'Allier, 
dans une plaine de terres légères, qui sont souvent inon- 
dées dans la saison d’été par suite des infiltrations de la 
rivière; ces terres ne conviennent ni au froment n1 à la 
luzerne. 

Les vingt-cinq vaches croisées durham qui forment 
le beau troupeau que je venais visiter, m'ont fait 
grand plaisir à voir ; M. Bernard n’a pas voulu , comme 
on fait si souvent mal à propos, acheter une ou deux 
vaches durham pures, pour remplacer le taureau du- 
rham qu’on paye ordinairement fort cher, si on veut le 
bien choisir ; s’il élevait ses reproducteurs chez lui, 1l 
serait obligé de prendre ce qui lui arriverait, au lieu de 
pouvoir choisir sur un grand nombre le taureau qui lui 
convient et il peut en même temps le prendre dans une 
autre famille. Je n’ai pu voir les élèves qui étaient assez 
loin ; il faisait très-grand chaud et j'étais fatigué. Mon 


guide m’a dit qu’on vendait ies élèves gras vers l’âge 
de trois ans ; on les nourrit en pâture ou au vert, l'été ; 
en hiver, au foin et aux betteraves ; on ne commence à 
les engraisser qu’en novembre pour les vendre en mars; 
on ajoute alors à leur nourriture ordinaire, un mélange 
par moitié de tourteaux de noix et de tourteaux de colza, 
et dans les derniers mois de l’engrais, on leur donne de 
la farine. Ces jeunes bêtes arrivent jusqu’à valoir 600 fr. 
pièce. 

M. Bernard a monté un nombreux troupeau de brebis 
de pays, croisées, les premières années, par des béliers 
charmoises qu’il a remplacés, depuis, par des béliers 
southdown ; les derniers sont venus de chez le comte 
Charles de Bouillé et ont été payés 300 fr. la pièce; la 
bergerie construite en briques faites sur place, et couverte 
en tuiles de Bourgogne, a trente-cinq mètres de long sur 
neuf de large ; elle contient deux chambres de bergers ; 
la dépense de construction a été de 6,000 fr. ; le maitre 
berger est artésien. 

M. Bernard ne fait que seize hectares de céréales; il 
fait beaucoup de récoltes sarclées et surtout du fourrage. 
Il paie 7,500 fr, la location de cette ferme, et il y est 
depuis dix ans. Le régisseur a 800 fr. et est nourri à la 
table de M. Bernard. 

En revenant de Bagneux , Je me suis arrêté chez 
M. Dubost, parent de M. Bernard, propriétaire d’une 
fort belle maison entourée d’une quarantaine d’hectares 
de terres, prés et vignes, d’un seul tenant; elle est située 
dans la commune de Montilly, à huit kilomètres de 
Moulins (Allier); quatre hectares sont plantés en lignes 
de ceps de vigne blanche, qui sont à huit mètres les unes 
des autres, et les ceps sont à un mètre cinquante centimè- 
tres dans les lignes qui sont garnies de quatre rangs de 
fils de fer, s’élevant de terre jusqu’à un mètre soixante- 
six centimètres. Ces quatre hectares couvrent un coteau 


— 121 — 


à pente douce, en bonne terre bien exposée; ils sont 
cultivés, ainsi que les intervalles qui les séparent, par 
trois métayers qui en ont ainsi, chacun un hectare trente- 
trois ares ; ils ont encore à peu près un hectare soixante- 
dix ares de vignes rouges, plantées et cultivées à l’ancien 
usage, et cinq hectares de terre. 

M. Dubost m’a dit que les treilles de ces quatre hec- 
tares lui ont donné depuis Pacquisition de cette propriété, 
il y a une dizaine d'années, nne moyenne de cent- 
soixante hectolitres de vin blanc, un peu piquant, quise 
vend 10 à 12 fr. l’hectolitre; en le comptant à 10 fr., 
cela fait annuellement 1,600 fr., dont 800 fr. pour le 
propriétaire. 

Les vignes rouges, fumées fous les sept ans, à raison 
de soixante mille kilos comme le font les bons proprié- 
taires du voisinage, donnent une moyenne de trente 
hectolitres, vendus le plus souvent 25 fr. l’hectolitre, ce 
qui fait 750 fr. l’hectare, dont 375 fr. pour le proprié- 
taire ; mais là-dessus, il faut déduire le prix de cette 
forte fumure, dépense dans laquelle les métayers n’en- 
trent pas, mais ils transportent le fumier. Les terres sont 
conduites à assolement quadriennal; la première sole 
est fumée à quarante-cinq mille kilos ; elle produit des 
haricots, betteraves, pommes de terre et carottes; la 
deuxième sole qui recoit une demi-fumure, porte du 
froment ; la troisième sole est pour trèfle, pois ou vesces; 
la quatrième sole donne froment ou seigle. La moitié de 
ces récoltes qui étaient toutes très-belles donne au pro- 
priélaire un revenu moyen de 100 fr. par hectare de 
terre emblavée ; mais les quatre hectares y compris la 
valeur du vin des treilles lui produisent un revenu 
moyen de 300 fr. par hectare. 

M. Dubost a très-bien logé ses métayers; ils ont deux 
chambres, une cave, un grenier, une étable pour quatre 
vaches et deux élèves, un toit à pores pour deux cochons 


— 122 — 


qui ne doivent jamais sortir de la cour et un poulailler ; 
le jardin à vingt ares ; les bêtes des métayers vont pen- 
dant les quatre mois d’été avec les vaches de la réserve 
dans un ilot de Allier, propriété de M. Dubost,"en de- 
hors des quarante hectares. Les vaches labourent et 
charroïent les récoltes et fumiers. Les métayers payent 
410 fr. pour impôt et logement ; les métayers des envi- 
rons payent habituellement 250 fr.; les cinq métayers 
de M. Dubost rentrent à la basse-cour toute la vendange 
et font le vin; ils y rentrent aussi toutes les récoltes et 
les battent ; la moitié des récoltes sarclées appartient au 
propriétaire, ainsi que la paille des champs dout il a 
fourni le fumier pris dans sa cour. Les engrais achetés 
pour les champs, sont payés par moitié. Ses cinq mé- 
tayers sont chargés de faucher , faner, et rentrer les dix 
hectares de foin de son clos de pré, moyennant 200 fr. 
qu'ils se partagent. 

Après partage, 1ls emmènent chez eux la moitié qui 
leur revient du vin, des grains et des pailles ; les four- 
rages et leur moitié de récoltes sarclées y vont directe 
ment des champs; toutes ces cinq familles habitent 
ses métairies depuis plus de vingt ans. 

J'ai envoyé cet hiver ce compte-rendu de la culture 
des Herrards à M. Dubost, en le priant de me dire si Je 
ne m'étais pas trompé et il Va approuvé. Il m'a mandé 
qu'ayant besoin de main-d'œuvre pour Pamélioration 
d’une autre propriété qu’il vient d’acheter, non loin de 
celle qu’il habite, il construit quelques locatures pour y 
loger des familles de cinq et six personnes; il leur 
donnera deux hectares de terre, dont il plantera cin- 
quante ares en vignes; ils auront trente-trois ares de 
prés, pour nourrir leurs vaches; ils pourront tenir un 
porc au toit et des volailles. Leur loyer sera de 100 fr., 
qu'ils payeront en journées ; il aura ainsi la main- 
d'œuvre qui lui manque, à un prix raisonnable. 


"r— 
man 


— 123 — 


Je suis arrivé à Moulins à temps pour prendre la voi- 
ture de Bourbon-l'Archambaut, où j'ai été coucher. 

J'avais une lettre d'introduction pour un des riches 
propriétaires de cette ville de bains, M. Desbordes, qui 
habite une charmante maison entourée de fort beaux 
jardins, à l’entrée de Bourbon; ce monsieur m’a très- 
bien reçu et a hien voulu me conduire dans une pro- 
priété qui est à quelques kilomètres de chez lui, et dont 
il a entrepris l'amélioration il y a douze ans, quoique 
jeune encore. M. Desbordes a commencé d’abord par 
arranger deux métairies dont il a remis les anciens bä- 
timents en très-bon état; puis il a ajouté à chaque ferme 
une grange de vingt mètres sur dix, elles sont cons- 
truites en pierre à hauteur d'un mètre; le dessus est 
formé d’une charpente garnie de planches qu’on repeint 
tous les deux ans au goudron de gaz; la toiture est en 
ardoises ; elles ont coûté chacune 4,500 fr., il sy 
trouve de bonnes étables, et on n’a dit que depuis douze 
ans qu’elles existent, elles n'ont exigé aucune répara- 
tion. On y a établi un petit chemin de fer pour la sortie 
du fumier. 

Les bergeries sont bien aérées et ont un comparti- 
ment où les mères ne peuvent pénétrer, afin de per- 
mettre aux agneaux de consommer tranquillement leur 
provende ; le troupeau recoit depuis dix ans des béliers 
southdown, achetés chez le comte de Bouillé ; on en vend 
100 fr. les béliers antenais ; les fermes ont des taureaux 
charollais, achetés 7 et 800 fr. ; depuis qu'on les amé- 
liore, les cheptels sont donc charollais, et sont composés 
de huit bœufs, douze vaches, les élèves, deux chevaux et 
deux chèvres attachées à la bergerie, d’où elles ne peu- 
vent sortir; on n’y élève pas de porcs. 

Les terres ont été chaulées à cent-vingt hectolitres 
l'hectare et la chaux a été payée 1 fr. 25 c. l’hectolitre 
rendu dans les terres. Les ouvertures des logements du 


10e 


bétail sont garnies de persiennes qui en se fermant, sont 
transformées en volets; une pompe au puits facilite le 
remplissage des auges. 

Les deux familles de métayers sont forcées de prendre 
des domestiques, leurs enfants ne travaillant pas encore. 

Les champs humides ont été drainés, et les récoltes 
m'ont paru belles ; on voit que cet excellent propriétaire 
n’a rien épargné pour le bien-être de ses métayers, dont 
il est fort content; tous Les produits, même les volailles, 
se partagent par moitié. 

Nous sommes allés ensuite dans une ferme de cent 
hectares que M. Desbordes cultive depuis deux ans, par 
domestiques et dont il veut faire un modèle pour ses 
métayers; on y cultive les récoltes sarclées plus en 
grand; il y a semé du maïs-fourrage ; il n'a pas encore 
essayé le guano ; il a les instruments Dombasle, une fa- 
neuse et un râteau à cheval. M. Desbordes n’a ensuite 
ramené chez lui et n’a conduit, après déjeuner, à huit 
kilomètres de Bourbon, au château de Lamotte, chez un 
très-riche parisien, M. Blenart, qui a acheté en 1846, 
pour 180,000 fr., une terre de quatre cent-cinquante 
hectares, dont cent soixante en bois. 

M. Blenart a construit un grand château et formé de 
beaux jardins. 

La famille n'était pas encore revenue de Paris. 

M. Petit, le régisseur de la terre, cultive cent cin- 
quante hectares; il est ancien élève de la ferme-école du 
Cher, que M. Poisson dirige st bien; ce jeune homme 
étant tombé à la conscription, a fait comme zouave, la 
campagne d'Italie; il n’y a que quatre ans qu'il est ici. 
M. Blenart lui donne tout ce qu’il faut pour très-bien 
cultiver ; aussi s’est-1l très-bien monté en machines et 
instruments de culture; il a une grande batteuse et sa 
locomobile, de la maison Gérard, de Vierzon ; une paire 
de meules est mise en mouvement par la locomobile, 


ainsi qu’une pompe et une meule à écraser le plâtre et 
les tourteaux; il a encore une faneuse Nicholson, un 
râteau à cheval, une machine à fauchér, des herses 
articulées, des herses-chaines de Howard, un hache- 
paille et un coupe-racine de Bental, enfin des instru- 
ments Dombasle. 

M. Petit a trente hectares de prés, irrigués, en partie, 
dans les saisons pluvieuses et dont environ moitié ont 
été drainés. 

Il achète par an pour 5,000 fr. de guano du Pérou, 
et pour 1,500 fr. de chaux employée comme second 
chaulage, à dix mètres cubes par hectare; enfin il 
achète cinq mille kilos de tourteaux, comme nour- 
riture. 

Il à trente-cinq hectares de luzerne, dix de trèfle, 
quatorze de vesces et maïs, et dix hectares de betteraves, 
carottes et pommes de terre. Il a déjà rentré trois cent 
cinquante milliers de fourrage ; il a plus de soixante 
bêtes à cornes, six cents bêtes à laine charmoises, dont 
les moutons, âgés de quinze mois, se vendent 35 fr. la 
pièce, tondus ; et quatre truies croisées par verrat 
anglais. 

Quatre métairies sont louées depuis sept ans au prix 
de 8,000 fr. à un fermier général qui offre 2,000 fr. 
d'augmentation pour renouveler le bail de neuf ans. 

Le berger et sa femme, qui n’ont pas d’aide, gagnent 
1,000 fr., logés et chauflés ; ils ont 2 fr. par vingt- 
quatre heures de parcage, et emploient trois mille cinq 
cents bêtes pour parquer un hectare ; le berger a 25 cen- 
times pour chaque agneau amené à l’âge d’un an, et 
10 centimes par bête grasse vendue. Les gages des la- 
boureurs sont de 350 fr. en moyenne; les servantes ont 
200 fr. ; les hommes employés toute l’année , sans être 
nourris, gagnent suivant leurs forces, de 7 à 800 fr. 

M. Petit ne tient que douze bœufs charollais et deux 


— 126 — 


forts chevaux pour cent-vingt hectares de terres en 
culture. Sa machine à battre donne par jour jusqu'à 
cent-soixante hectol. de froment nettoyé, ou deux cents 
d'avoine ; il la loue 60 fr. pour vingt-quatre heures; 
elle a ainsi gagné 3,600 fr. à battre pour d’autres; il 
l'avait payée 6,000 fr. M. Petit est un homme fort in- 
telligent et des plus actifs ; il partage avec M. Blenart le 
bénéfice net des produits de sa culture, après avoir versé 
9,000 fr. à la caisse. 

Je suis arrivé le 17 juillet à Saint-Benin d’Azy, dans 
la vaste terre de ce nom, propriété du comte Benoist 
d’Azy ; de son magnifique château orné de cinq grosses 
tours, qu’il a construit, il y a une dizaine d’années, sur 
la partie culminante d’une colline, on jouit d’une vue 
admirable sur le bourg et sur les beaux herbages du 
Nivernais, qui occupent la plus grande partie de ce riche 
pays; j'avais déjà visité cette propriété en 1829, du 
temps de M. Brière d’Azy, père de M°° Benoist d’Azy ; 
il avait fait venir alors plusieurs fermiers anglais avec 
leurs durham, dont M. Brière d’Azy fit lui-même des 
importations; on peut donc dire que c’est à lui qu’est 
due la formation de la belle race des charollais amé- 
liorés ; on donne aussi à cette race le nom de bêtes ni- 
vernaises, car ces fermiers anglais, mal vus par leurs 
voisins, dont ils ne savaient pas la langue, vendirent 
leurs bêtes durham quelques années après pour retour- 
ner dans la Grande-Bretagne; c’est alors que l’habile 
fermier de Sailaise, M. Doury, acheta de ces pauvres 
fermiers anglais, à un faible prix, quatre veaux du- 
rham, deux mâles et deux femelles ; c’est par ces veaux, 
d’après M. Doury, qu'a commencé l'amélioration des 
animaux que lui et ses deux fils ont dans leurs étables ; 
c’est encore de là qu’est sorti un des deux taureaux cha- 
rollais qui ont fait obtenir cette année à M. de la Roma- 
gère les deux premières primes données au concours 


— 127 — 


régional de Blois, pour taureaux charollais. J'ai visité 
M. Doury lan dernier, parce que je lui avais vu obtenir 
au concours régional de Châteauroux, 1,200 fr. comme 
premier prix pour deux taureaux charollais. 

M. Doury, lors de ma visite en 1866, avait encore 
quelques vaches durham de pur sang, et il m’a assuré 
que si tous les six ou sept ans, il ne donnait pas un peu 
de sang durham à ses bêtes, elles déchoiraient. 

En arrivant au château d’Azy, j'ai appris que M. le 
comte Benoît d’Azy se trouvait en famille, chez un de 
ses fils, dans une terre du même département. Le len- 
demain matin, de bonne heure, j'ai visité le vieux chà- 
teau habité par le régisseur qui m’a fait voir le troupeau 
charmoise; ce troupeau souffrait du piétin ; 1l avait pour 
bergerie une cour carrée dont les murs soutiennent de 
petiles toitures en chaume formant d’étroits hangars 
entourant l’intérieur de cette cour. La ferme, qui loge des 
durham, et un troupeau croisé par des béliers oxfordshire, 
était trop éloignée pour que je pusse la visiter, avant le 
départ de la diligence que je devais prendre pour re- 
tourner à Nevers, mais j'ai pu voir de fort beaux prés 
irrigués, 

Arrivé à Nevers, j'ai pris le convoi de Paris , et je me 
suis arrêté à la station de Sancerre, pour me rendre au 
château de Thauvenay ; je ’avais déjà visité, du temps 
de M. Maurice de Taschère ; ce jeune et fort bon agri- 
culteur est mort à la fleur de l’âge, dans un voyage au 
Caucase; M. Chabot de la Tour, son beau-frère et son 
béritier, a probablement continué les améliorations en- 
treprises par M. de Taschère; comme il était alors en 
voyage, ainsi que Madame, je fus à la ferme; cette 
ferme de plus de cent hectares, ne produisait que 
1,500 fr. lorsque M. de Taschère en entreprit la culture; 
elle offre maintenant des récoltes admirables en cé- 
réales, luzernes et trèfles, vingt hectares de prés irrigués, 


— 128 — 


et dix hectares de récoltes sarclées bien propres; toute la 
ferme a été drainée et chaulée. 

Il s’y trouve un moulin à deux paires de meules, mar- 
chant par la vapeur, ainsi que la batteuse. L’étable 
contient soixante-dix têtes de bêtes charollaises, dont 
cinq jeunes taureaux ont été vendus cette année entre 
5 et 600 fr. Le troupeau, de trois cents bêtes charmoises, 
fait remporter à tous les concours un grand nombre de 
prix à M. de la Tour qui trouve à vendre bon nombre 
de béliers à 100 et mème 200 fr. par tête, m’a-t-il été 
dit. 

Le nouveau propriétaire a planté sept hectares de 
vignes, de manière à pouvoir les cultiver à la charrue ; 
il ya fait mettre un grand nombre de boutures de chas- 
selas; c’est ainsi que cela a lieu à Pouilly-sur-Loire et 
environs , où les marchands de fruits de Paris achètent 
à 50 centimes et plus, le kilo de grappes de chasselas 
qu'ils font cueillir à partir du moment où le raisin com- 
mence à mürir, jusqu'à une époque fixée, ce qui produit 
depuis 2 jusqu’à 4,000 fr. par hectare. 

Le chef de culture de la ferme de Thauvenay m'a dit 
que M. de la Tour avait refusé loffre d’un bon fermier 
qui voulait louer la ferme pour 7,000 fr. ; mais il aime 
trop la culture, pour vouloir y renoncer. 

De là, je voulais me rendre chez le marquis de Vogué, 
près de Cosne; mais j’appris qu’il ne se trouvait pas dans 
cette terre. 

Je fus coucher à Montargis, d’où je partis à trois heu- 
res du matin avec le courrier de Château-Renard, pour 
aller voir la culture du docteur Noblet que j'avais vu 
remporter tant de primes, dans plusieurs concours ; je 
suis arrivé à cinq heures chez le docteur qui habite en 
ville, loin de la ferme ; il était souffrant et ne devait se 
lever qu’assez tard; je me rendis donc à sa propriété, à 
l'autre bout de la ville; le chef de ferme m’a appris que 


— 129 — 


le docteur possédait et cultivait depuis vingt ans la ferme 
où je me trouvais. Elle contient quarante hectares de 
terres et de prés bordant une charmante rivière, à la 
sortie de Château-Renard. 


M. Noblet a loué une ferme bien construite, avec cent 
hectares touchant sa propriété; il paye 40 fr. l’hectare 
de terre et 100 fr. les prés. 


Comme je me rendais à Paris pour assister au con- 
cours des faucheuses et des moissonneuses, je devais re - 
tourner à la station du chemin de fer, à neuf heures ; je 
n'ai donc pu voir qu’une partie de la propriété du doc- 
teur, et non la ferme qu'il loue et où il tient la plus 
grande partie de son bétail ; je n’ai vu qu’une vingtaine 
de vaches hollandaises dont le lait est vendu en ville, au 
prix de 15 centimes le litre. Ses béliers mérinos sont la 
plupart sans cornes; il n’emploie que ceux-là pour la 
monte de son troupeau, dont le nombre s’élève à cinq 
cents têtes; mais il vient encore un certain nombre de 
béliers cornus qui sont préférés par les fermiers des en- 
virons. Le prix de vente de ses béliers est de 100 à 
400 fr., suivant leur plus ou moins de mérite. 


Depuis deux ans, il a adopté la manière allemande, de 
ne faire venir les agneaux qu’à partir du 15 juillet; on 
assure que cette méthode est plus économique; on m’afait 
voir un certain nombre de cochonsde la race de Windsor, 
que J'ai trouvés très-beaux, comme les béliers ; on tient 
ceux-ci séparés par petits lots, dans une bergerie parta- 
gée en petits compartiments. 

Une assez grande étendue de la propriété du docteur, 
dans la partie que j'ai vue, était couverte de magnifiques 
récoltes de luzernes, trefles et vesces, de récoltes sarclées 
parfaitement cultivées, et de beaux prés. 


En allant rejoindre la voiture, j'ai rencontré le docteur 


et son fils qui voulaient m’emmener à leur grande 
9 


— 130 — 


ferme, ce que j'ai bien regretté de ne pouvoir faire, après 
avoir admiré de si belles récoltes. 

En revenant à Montargis, je me suis placé à côté du 
conducteur, afin de profiter du jour et pour pouvoir 
mieux admirer la charmante vallée, parcourue par la 
jolie rivière de Loisne , bordée par de nombreuses 
plantations et de bons prés ; les coteaux bordant la 
vallée, étaient couverts de vignes aux bonnes exposi- 
tions et d'arbres fruitiers, là où le soleil manque. 
Un monsieur qui me reconnut pour avoir voyagé en 
chemin de fer avec moi, quelque temps auparavant, 
m'a dit qu'il possédait et cultivait une propriété de deux 
cents hectares, près de Château-Renard ; il m’a fait re- 
marquer près du bourg de Saint-Germain-les-Prés, une 
propriété de trois cents hectares qu’il n’a dit appartenir 
à un jeune homme, M. Noquet, qui la cultive fort bien 
et y dépense beaucoup en améliorations. 

En partant de Montargis , le convoi prit, après quel- 
ques stations, une direction nouvelle qui m’a fait passer 
par Milly et Corbeil; c'était la première fois que je sui- 
vais cette ligne, qui w’a fait voir de charmants points de 
vue. 

La piuie fut si continuelle pendant les deux premiers 
jours de mon arrivée à Paris, que je ne me rendis pas à 
Fouilleuse, pensant qu’on ne pouvait ni faucher ni mois- 
sonner par un temps pareil ; je me décidai donc à revoir 
l'Exposition, le temps étant toujours le même le troi- 
sième jour. 

Je finis par apprendre à l'Exposition qu’on essayait à 
Fouilleuse les faucheuses et moissonneuses , malgré ces 
mauvaises conditions. Je me rendis done à Saint-Cloud ; 
n'ayant pu trouver une voiture, je me fis indiquer le 
chemin de la ferme impériale, que je n’atteignis qu’a- 
près cinq quarts d’heure de marche , bien crotté et bien 
mouillé ; on avait essayé grand nombre de faucheuses et 


— 131 — 


moissonneuses qui ne pouvaient bien fonctionner par un 
temps pareil, quand une averse plus forte arrêta les es- 
sais ; On avait marqué les machines qui avaient le moins 
mal fonctionné , pour leur donner rendez-vous à la 
ferme impériale de Joinville, près Vincennes, deux jours 
après ; à ce moment, une éclaircie étant survenue, on 
recommença les essais des moissonneuses; celle de Mor- 
gan, présentée par M. Durand, de Lignières, départe- 
ment du Cher, et celle de Peltier, à un cheval, furent 
jugées dignes de concourir à Joinville où, heurensement, 
le temps fut beau; le concours commenca vers onze 
heures, dans un beau champ d’avoine ayant plus d’un 
mètre de haut; comme j'ai égaré les notes que javais 
prises ce jour-là , je suis obligé de recourir à ma vieille 
mémoire, pour dire ce qui n’a le plus frappé à ce très- 
intéressant concours. Treize moissonneuses y ont été 
essayées ; on en trouvera les détails dans le Journal pra- 
tique et dans celui de l'Agriculture, journaux que Je 
recois, mais que j'envoie, après les avoir lus, à mes ne- 
veux, je ae puis donc les consulter maintenant; bon 
nombre de ces moissonneuses ont fonctionné fort bien ; 
parmi celles qui m’ont paru faire le mieux, j'ai remar- 
qué celle de Samuelson, fabricant à Banbury, comté 
d'Oxford; je ne vois qu’un reproche à lui faire : les 
quatre râteaux qui font la javelie, empêchent son conduc- 
teur de s’asseoir sur la machine et de la voir fonctionner; 
il est obligé de monter sur un de ses chevaux, et il tourne 
par conséquent le dos à sa machine dont le prix en An- 
eleterre est de 850 fr. 

J'ai remarqué trois autres bonnes machines : la fau- 
cheuse et moissonneuse américaine de Morgan et Sey- 
mour, dont M. Philippe Durand a le brevet d’importa- 
üon ; celle de Mackormik, mais qui ne fauche pas, et dont 
il a cédé la fabrication à la maison Albaret de Paris; 
enfin la moissonneuse à un cheval de Peltier qui a aussi 


— 132 — 


très-bien fait, mais qui emploie sur la machine un co- 
cher et un homme armé d’un râteau, elle ne fait que 
moitié de l'ouvrage des autres machines, tout en fati- 
guant trop un cheval. 

Ces deux dernières moissonneuses n’ont pas eu d’a- 
voine versée à couper dans leur lot; elles n’ont pas laissé 
un peu de chaume aplati, comme les autres en laissaient, 
partout où l’avoine était versée. 

Dans ces conditions, le jury a donné le premier prix 
à la moissonneuse inventée par Mackormik, parce qu’il 
ne savait pas qu’elle ne fauche pas, ce que j'ai appris de 
l'inventeur qui était présent à ce concours. 

La faucheuse-moissonneuse de Morgan ra eu que le 
secoud prix, tandis qu’au concours d'Amiens, elle avait 
eu le premier, et celle de Mackornuk le second ; la fau- 
cheuse-moissonneuse de Morgan a encore remporté le 
preraier prix aux concours régionaux d'Auxerre et de 
Châteauroux ; en Amérique, elle a remporté le premier 
prix et la médaille d’or, en conecourant en 1866 avec 
huit autres moissonneuses. 

J’ai repris le chemin de fer après le concours des 
moissonneuses, pour visiter près de Sancerre une terre 
considérable du marquis de Vogué, où se trouve un 
grand et vieux château qu'il nhabite pas, mais près 
duquel il fait valoir une grande ferme; son régisseur, qui 
est frère de celui du comte Benoist d’Azy, m'a dit avoir 
passé une couple d'années dans le nord de la France, 
pour s’y perfectionner en agriculture. Il m'a fait voir 
une quantité considérable de belles bêtes charollaises et 
un nombreux troupeau croisé southdown ; le pays est 
beau et fertile; une petite rivière arrose de nombreux 
prés qui ornent de charmantes vallées. Cette visite faite, 
J'ai rejoint la station de Sancerre et j'ai été coucher à 
Nevers, voulant profiter du courrier pour me rendre 
chez M. de Champigny, grand propriétaire dans le 


— 133 — 


Morvan, où il fait de grandes améliorations. Parti à 
deux heures du matin, j'arrivais au château de Cham- 
pigny, vers dix heures ; jy fus fort bien recu. 

M. de Champigny habite un pays très montagneux, 
dont les vallées sont fertiles, et ont heureusement des 
carrières de pierres calcaires ; le pays étant très boisé, 
les fagots de menus branches n’y sont pas de défaite ; 
M. de Champigny les emploie à faire de la chaux avec 
laquelle il améliore ses terres de côtes, qui sont grani- 
tiques ; 1l m'a dit qu’il employait ses fumiers dans ses 
terres les moins élevées, pour éviter à ses attelages, les 
fortes montées ; il fait parquer les terres en montagne et 
achète pour ces mêmes terres, beaucoup de guaro, et 
s’en trouve fort bien. Il a créé beaucoup de prés, et les 
irrigue le plus qu’il peut, avec les eaux d’une petite ri- 
vière, avec celles de nombreuses sources, et celles de 
drainage, enfin avec les eaux de pluie, qu’il réunit et 
conserve le mieux possible dans des pièces d’eau créées 
dans bien des endroits de sa grande terre. 

Il améliore son nombreux bétail et celui de ses mé- 
tairies, par des taureaux charollais, et les bêtes à laine, 
par des béliers southdown ; 1l fait beaucoup de récoltes 
sarelées et surtout des topinambours qui conviennent 
parfaitement à toutes les bêtes et ne sont pas difficiles, 
quant à la qualité de la terre, pourvu qu’on ne les laisse 
pas manquer d'engrais. 

M. de Champigny allait entrer à Saint-Cyr vers 1830; 
mais par suite du changement de gouvernement, son 
père se décida à le conserver chez lui, et lui donna 
quelques années après, une ferme, avec Île capital né- 
cessaire pour l'améliorer; il s'est occupé, depuis lors, de 
culture, a défriché les bruyères les unes après les autres 
avec du noir animal d’abord, et depuis, avec du phos- 
phate de chaux fossile; quelques années après le défri- 
chement et le chaulage, il les convertit en prés, si le 


=. GÈh — 


terrain s’y prête, ou en pâtures, en les semant avec des 
poussiers pris dans les greniers à foin; on y ajoute un 
peu de graines de trèfle ordinaire, de trèfle blanc, et de 
trèfle hybride; ces deux derniers trèfles ainsi que le 
raygrass anglais, et le thymoti ou le fléole des prés, s’y con- 
servent longtemps, surtout si on leur donne de temps en 
temps du guano; ce repos de la terre, en herbe, avec les 
engrais que les moutons y répandent, améliore le sol défri- 
ché, pour quelques années ; ensuite on le cultive eton le 
remet en pâture, alternativement, avec de bons résultats. 

M. de Champigny étant fort bon chasseur, à été 
nommé, très Jeune encore, lieutenant de louveterie; 
il a vingt et quelques beaux chiens courants; son chà- 
teau est plein de fort belles peaux de loups et de san- 
gliers ; je lui ai demandé s’il savait le nombre de ces 
bêtes, tuées dans ses chasses; il me répondit qu’on y 
avait abattu plus de mille de ces bêtes nuisibles; malgré 
cette grande destruction, un loup lui avait encore em- 
porté un agneau, quelques jours auparavant. 

M. de Champigny a eu le malheur de perdre un fils 
d’une vingtaine d’années, et n’a plus qu'une fille, âgée 
de dix-sept ans. 

Il a bien voulu me faire conduire le lendemain, dans 
une petite ville, où le courrier m’a repris. On ma fait 
voir le château du marquis de Saint-Phale, dont le fils 
ainé est un agriculteur zélé. J'ai remarqué dans sa 
ferme une cheminée de machine à vapeur; ce pays est 
habité par de grands propriétaires qui cultivent, et j'ai 
aperçu plusieurs châteaux, avant de nv’arrêter près de 
celui du comte Benoist d’Azy, qu’on m'avait dit devoir 
ètre de retour pour cette époque; effectivement, J'ai 
trouvé Monsieur et Madame, qui m'ont recu de la ma- 
nière la plus aimable ; voici ce que le comte a bien voulu 
répondre par écrit, aux questions que je lui avais posées 
de même. 


— 135 — 

La terre d’Azy a une étendue de deux mille six cent 
cinquante-cinq hectares, dont deux cent soixante-cinq en 
prés, quarante en päture, quarante en parc, vingt en 
vignes, et vingt en jardins ou vergers, enfin cinq mou- 
lins, avec vingt hectares. 

La ferme d’Azy que le comte fait cultiver par domes- 
tiques, compte quatre-vingt-dix hectares de prés, vingt 
de pâtures et deux cent quarante de terres, formant un 
tolal de trois cent cinquante hectares ; le vicomte, son 
fils aîné, cultive deux fermes, qui ont ensemble soixante- 
cinq hectares de prés, vingt de pâtures et deux cents de 
terres, en partie argilo-calcaires, total deux-cent quatre- 
vingt-cinq hectares. Le parc, les jardins et les vergers 
couvrent soixante hectares dont bonne partie en prés; il 
a vingt hectares de vignes. 

Cinq fermes sont louées en argent, les terres à raison 
de 40 à 60 fr. l’hectare, les prés de 110 à 120 fr.; elles 
ont ensemble cent dix hectares de prés et six cent dix 
hectares de terres, total 720. Les deux mille six cent 
cinquante cine hectares de la terre d’Azy, rapportent 
environ 130,000 francs de rente, sur quoi impôt qui 
est d’environ 10 pour 0/0 est à déduire, sans compter les 
autres charges de la propriété. 

Le comte possède une autre terre près Decize; son 
nom est Faye, sa contenance en terres, prés et pâtures, 
est de neuf cent cinquante hectares et de sept cents hec- 
tares en bois; total seize cent cinquante hectares ; le 
nombre d’hectares des deux terres, forme un total de 
quatre mille trois cent cinq hectares. 

Une paire de bœufs charollais âgés de quatre à cinq 
ans, de la culture du comte Benoist d’Azy, se vend 
maintenant de 1,100 à 1,300 fr.; ce prix a augmenté 
beaucoup depuis quelques années; ils ne valaient autre- 
fois que 800 fr.; un jeune bœuf gras, à trois ans et demi 
ou quatre ans, se vend sur le pied de 0 fr. 80 c. le kilo 
poids vif; les bœufs de labour, achetés maigres, pour 


— 136 — 


être engraissés, qu'on paye de 500 à 505 fr., doivent être 
vendus 700 ou 750 fr. gras; les frais d’herbages pour 
engraisser un bœuf, sont de 50 à 60 fr. 

Un jeune taureau vaut, à un an, suivant son mérite, 
de 500 à 1,000 fr., les jeunes taureaux que le comte 
envoie ue sa lerre de Faye, pour y améliorer le bé- 
tail, sont comptés à 800 fr., une vache charollaise pleine, 
vaut 600 fr.; avec son : de deux mois, elle se paye 
de 700 à 800 fr. 

Un domaine de cent hectares et plus, a toujours ce 
qu'on appelle dans le pays, une charrue de chevaux, 
c’est-à-dire, trois juments et les poulains ; ces derniers 
se vendent, âgé de six mois, aux emboucheurs qui les 
mettent pour le premier hiver, dans de bons herbages, 
où ils restent en petit nombre tout l’été suivant; ils les 
vendent à l’entrée du second hiver, pour les environs de 
Clamecy, qui les nourrissent si bien, qu’au printemps 
suivant, ils sont grands et gras vendus pour la Beauce; 
là, ils mangent de l’avoine et sont revendus âgés de 
cinq ans pour les omnibus. 

Sur la culture personnelle du comte, on tient environ 
deux cent cinquante bêtes à cornes charollaises , qui 
remportent de nombreux prix dans les concours régio- 
naux, huit juments et des élèves, et cinq cents bêtes à 
laine charmoises; les charretiers mariés sont logés, mais 
ils se nourrissent ; ils ont de 45 à 50 fr. par mois; les 
servantes nourries ont 200 fr. Le fauchage des prés et 
des premières coupes de prairies artificielles se paye 
de 12 à 15 fr. l’hectare, et les secondes coupes 9 fr. 

Le vicomte Benoist d’Azy fils aîné, possède et fait va- 
loir la terre de Brille, sur les bords de la Loire, près 
Fourchambault et Nevers; son étendue est de 365 h. 

Son faire-valoir, y compris les deux fermes 
qu'il cultive, et qui ont . RE 5 


s'étend sur un millier d'hectares. . . . .1,000 h. 


— 137 — 


Ses deux frères ont eu tous deux le malheur de perdre 
leur femme ; l’un est un ancien oflicier de marine, et 
cultive en Nivernais; l'autre est ingénieur, et dirige de 
grandes forges dans le Midi où son père a des intérêts. 

M. le comte du Pré de Saint-Maur, gendre de M. le 
comte Benoist d’Azy, cultive et améliore une terre peu 
éloignée d'ici ; son autre gendre habite Paris. 

Le comte m’a fait visiter une ferme de son fils, où il 
y à un assez grand nombre de durham, et un beau 
troupeau de brebis du pays, qui recoivent depuis quel- 
ques années des béliers oxfordshiredown. 

Les terres que jai vues sont argilo-calcaires un peu 
fortes. 

Le surlendemain, Madame m'a fait voir les environs, 
en faisant une visite dans un château voisin. 

Le lendemain, le courrier m’a reconduit à Nevers, 
d’où je suis allé visiter la ferme de Crille; le vicomte 
Benoist d’Azy était absent, ainsi que son régisseur. 

J'ai vu une très-grande étable nouvellement cons- 
truite, une vingtaine de très-belles vaches charollaises, 
ét leurs nombreux élèves de divers àges, dans des en- 
clos entourés de fils de fer; le tout dans des herbages 
de la plus grande fertilité. On venait de déballer une 
moissonneuse Mackormik. 

Ayant repris le chemin de fer, je me suis arrêté à Sain- 
caise, d’où je me suis rendu au château de Gimouille, 
chez M. Tiersonnier, qui était en Suisse avec sa famille. 
J'ai vu son beau et nombreux bétail durham ; le troupeau 
des bêtes à laine est en partie croisé dishley, et en partie 
croisé southdown. 

De Saincaise, je suis allé à la station suivante de Mars, 
et près de là, chez le comte Charles de Bouillé qui, mal- 
gré la chaleur excessive de cette année, à laquelle on 
n’est pas habitué, a bien voulu me faire faire une tournée 
dans sa culture : jy ai vu de fort belles récoltes en tous 


— 138 — 


genres, pendant que celles de ses voisins ne sont pas 
bonnes; ce résultat est dù à une longue suite de cultures 
bien dirigées et surtout à de fortes fumures; le comte a 
vinot hectares de récoltes sarclées très-propres. Il vient 
d'acheter, pour 1,500 fr. hectare, 8 hectares de terres 
que les travaux du chemin de fer avaient abimés ; 1] ni- 
velle ce terrain et bouche les creux avec des terres accu- 
mulées bordant la voie ferrée; ce grand et coùteux tra- 
vail lui sera profitable, car les terres ont pris une grande 
valeur autour de chez lui. 

Il double le loyer de ses fermiers à la fin du bail; un 
d'eux, qui Pavait quitté il y a six ans, vient de relouer 
pour 7,000 fr., ce dont il payait 4,500 fr. ; c’est la beauté 
de leur bétail charollais qui leur permet de donner d’aussi 
forts loyers. M. de Bouillé vend ses jeunes taureaux, àgés 
de huit à douze mois, de 8 à 1,200 fr. ; les génisses 
d’un an 500 fr.; et les vaches un millier de fr. Environ 
quatre-vingts béliers antenais de son troupeau renommé 
de southdown, donnent une moyenne de 300 fr., et 
presque tous sont vendus; les brebis sont vendues 300 fr. 
et les agnelles vont à 420 fr.; 1l vient de remplacer une 
bonne partie des hangars de sa bergerie économiquement 
établie, par un bon hangar couvert en ardoises, dont le 
dessous est garni en paille, afin d’éviter à ses bêtes Ja 
trop grande chaleur du soleil d'été. Il a conservé sa ma- 
nière de nourrir économiquement ses domestiques; j'en 
ai donné le détail lors d’une de mes précédentes visites. Le 
comte est décidé à acheter une faucheuse moissonneuse ; 
c’est lui qui m’a appris que celle exposée par M. Philippe 
Durand, à la ferme impériale de Joinville, près Vin- 
cennes, avait eu la seconde prime. 

Il a grandement augmenté le nombre de ses locatures, 
qui sont maintenant au nombre de treize; elles sent 
louées 100 fr. avec un jardin; ces gens ont toujours de 
ouvrage chez lui. L'ancien chef de culture se retire, et 


— 139 — 


M. de Bouillé en a formé un autre pour le remplacer. M. de 
Bouillé est assurément un des meilleurs cultivateurs et 
éleveurs de France. Je lai quitté pour aller à Bourbon- 
l’Archambault, afin d’y prendre une douzaine de douches, 
désirant remettre un peu mes jambes, que je fatigue 
trop. Je prenais mes douches à quatre heures du matin, 
et j'allais, après déjeuner, visiter des cultivateurs des 
environs; je suis allé, le 11 août, visiter M. Saulnier de 
Pringy, ancien capitaine, qui avait été garde du corps; 
il cultive une réserve et a cinq métairies d’une étendue de 
cinquante à soixante hectares; son habitation se trouve 
dans une charmante vallée qui contient de riches her- 
bages; elle est entourée de grands jardins, remplis 
de beaux arbres fruitiers ; le père de M. de Pringy, 
mort il y a peu d'années, aimait beaucoup les plantations ; 
lui et son fils ont créé plusieurs avenues et fait de bons 
chemins dans la propriété ; M. de Pringy ne s'occupe 
de sa propriété que depuis sept ans ; il a commencé à re- 
mettre tous ses bâtiments de culture eu fort bon état, 
et en a ajouté de nouveaux où c’était utile ; il prend des 
taureaux chez le comte d’Azy, pour lui et ses métayers; 
il nv’a fait voir deux vaches prises au même endroit, et 
payées ensemble 1,300 fr. Les deux fermes que j'ai vues 
avaient de trente- cinq à quarante bêtes à cornes ; on y 
élève chaque années huit veaux; on vend une ou deux 
paires de bœufs pour le travail dans les prix de 800 à 
1,000 fr., et des vaches de 3 à 400 fr. Il a introduit l’as- 
solement quadriennal dans ses métairies, où le trèfle re- 
vient tous les quatre ans; comme il en connait les incon- 
vénients, 1l amène ses gens à faire des luzernes; ses 
métayers ont par ferme de trente à quarante cochons, 
qui, jusqu’à cette heure, n’ont encore que fort peu de 
sang anglais. M. de Pringy m’a dit que ses métayers 
placaient chaque année au moins 300 fr. J'ai regretté de 
voir dans leurs cours des tas de fumier, commencés de- 


— 140 — 


puis les semailles d'automne, ils sont en partie décom- 
posés; cela prouve qu'ils ne font pas ou qu’ils ne font que 
peu de récoltes sarelées. 

Le frère de M. de Pringy habite uné belle maison en- 
tourée d’un beau parc, dans des terres à pierres calcaires ; 
M°° de Pringy, mère, en occupe une charmante près de 
chez lui. x 

Un des neveux de M. Desbordes, qui est avocat à 
Montlucon, m'a dit que son père, propriétaire près de 
Vichy, a de fort bonnes terres, louées en petites mé- 
taries, formées de quatre à six hectares de terres et vi- 
gnes; comme ses occupations personnelles ne lui per- 
mettent pasde s’en occuper, elles sont louées à un fermier 
général, qui en paie 150 fr. par hectare; il ajoutait que 
des propriétaires voisins qui administrent eux-mêmes, 
tirent de leur moitié de 2 à 300 fr. l’hectare; ces terres 
se vendent de 5 à 6,000 fr.; ces petits métayers tiennent 
ordinairement trois vaches, 

Dans une de mes excursions dans les environs de 
Bourbon, je me suis trouvé dans le coupé de la voiture à 
côté d’un cultivateur d’une cinquantaine d'années, ayant 
une belle et bonne figure qui me donnait bonne opinion 
de lui; nous avons causé agriculture, et 1l en parlait si 
bien que jen étais enchanté; il est en mème temps fer- 
mier et propriétaire ; plusieurs de ses fils sont aussi fer 
miers; ils se servent depuis plusieurs années Ge taureaux 
charollais améliorés ; ils engraissent bon nombre de bœufs 
ou vaches chaque année, et en ont conduit aux concours 
de bêtes grasses, cette année, à Châteauroux ; ils achè- 
lent du guano péruvien comme supplément au fumier 
qu'ils font, et en sont Lrès-satisfaits. Il a essayé en petit 
plusieurs prétendus guanos et en a élé mécontent; ta 
acheté cette année deux cents kilos de phospho-guano; 
mais il n’en connaît pas encore l'effet; lorsqu'il n’a plus 
de fumier il emploie le guano seul; je l'ai engagé doré- 


— 141 — 


navant à ajouter deux cents kilos de guano à des demi- 
fumures d’engrais de ferme ; il a adopté depuis long- 
temps la culture des betteraves, en place de jachères 
complètes; il les fait très-bien sarcler à la tâche, par les 
familles d’une douzaine de locataires qu’il loge, en leur 
donnant un jardin, pour 60 fr. par an; l’usage du pays 
est de louer des locatures 80 fr. et plus; en louant moins 
cher, il peut choisir de braves familles, offrant de bons 
ouvriers ; une de ses conditions, er louant des locatures, 
est que la famille lui doit semer à la main un hectare de 
betteraves; elle doit les tenir bien nettes de mauvaises 
herbes, en les sarclant convenablement; elle les arra- 
chera, effeuillera et chargera dans le tombereau; elle les 
mettra en silos, bien arrangés, le tout pour 80 fr. l’hec- 
tare ; mais il surveille bien la bonne exécution de ces 
divers travaux, qui sont indispensables pour obtenir une 
récolte complète, après une bonne fumure; celle-ci de- 
vrait toujours être de soixante mille kilos de fumier dont 
au moins moitié devra être enterrée avant ou pendant 
l’hiver ; si le fumier manque, il vaut mieux n’en mettre 
que la moitié, et ajouter de trois cents à cinq cents kilos 
de guano, suivant la qualité de la terre. 

On ne peut mieux raisonner culture que ne le faisait 
ce brave M. Redon ; il serait à désirer que tous les pro- 
priétaires cultivateurs de notre pays eussent une aussi 
bonne manière de comprendre et d'agir. J’ai appris de- 
puis que ce qu’il me disait, ille pratique. 

Je suis allé, le 17 août, voir pour la troisième fois 
M. Charles Riant; c’est un Parisien que j'ai honneur 
de connaître depuis longtemps; comme il avait le goût de 
l’agriculture, il a été en Angleterre pour s’y perfection- 
ner; plus tard, il a épousé M" Clairmorin, fille unique, 
et il vit depuis lors chez son beau-père, grand proprié- 
taire de ce pays; ces messieurs possèdent ensemble mille 
trois cents hectares, formant pour la majeure partie dix- 


— 142 — 


huit métairies ; le reste est en bois. M. Riant a acheté, 
il y a dix ans, pour 67,000 fr. une ferme de cinquante- 
six hectares, louée 2,400 fr., et placée non loin d’un 
bourg ; 1l a vendu, il y a une couple d'années, neuf hec- 
tares en parcelles détachées de cette métairie, et n'étant 
pas trop éloignées du bourg; il en a obtenu 30,000 fr.; 1l 
a cultivé les quarante-sept hectares restant pendant sept 
ans; 1l y a dépensé en bâtiments et autres améliorations 
une vingtaine de mille francs; M. Riant a eu le désir 
d'améliorer une autre métairie de près de cent hee- 
tares, en terres fortes, ayant besoin de drainage ; comme 
il trouvait cette étendue beaucoup trop grande pour une 
famille, il transféra celle qui y était dans la métairie 
améliorée, de quarante-sept hectares, et lui a laissé le 
beau cheptel de bêtes charollaises, qu’il y avait formé; 
la moitié du produit qu’il en retire maintenant lui vaut 
un revenu de près du double de l’ancien loyer, malgré 
la diminution de son étendue de neuf hectares ; le drai- 
nage, le chaulage, augmentation des étables et lamé- 
lioration du cheptel, sont les principales causes de cette 
grande augmentation de revenu. Ces messieurs ont oh- 
tenu déjà souvent un semblable résultat en mettant des 
métayers soumis à leur direction dans les fermes qu’ils 
avaient améliorées, 

M. Riant s'occupe de faire des chemins praticables 
dans son domaine de cent hectares, qui était inabor- 
dable par le mauvais temps; il le draine, et emploie au- 
tant que possible, en irrigations, les eaux de drainage; 
il chaule, et il arrache les haies intérieures, qui sont 
garnies d'arbres et de tètaux; afin de former des enclos 
de quatre à six hectares. Il a planté un verger en bons 
arbres fruitiers, et cultive entre leurs rangs très-espacés ; 
il plante le long des chemins des pommiers à cidre, car 
on ne cultive pas la vigne dans leur canton, sans qu'il 
en comprenne la raison; aussi a-t-il l'intention d'en 


— 143 — 


planter; je lai fortement engagé à visiter les vignes de 
Chissay, plantées en chaintres; il m’a promis de le faire 
quand il ira rendre visite à M°° Malingié, avec le mari 
de laquelle il était très-lié; il compte aussi y envoyer 
M. Amiot, son régisseur, ancien élève de la Charmoise, 
et qui est de ces environs; cela me fait espérer que 
M. Riant importera dans l'Allier cet excellent genre de 
culture de la vigne, si peu cher à établir, dont la culture 
est des moins dispendieuses, et qui est des plus produc- 
tifs en vin ; ce sera un grand service à rendre à ce 
pays, comme à tous ceux où on l’introduira. M. Riant 
vient d'acheter une machine à vapeur locomobile, pour 
le battage de ses moitiés de céréales. 

Il aime les arbres rares, et en plante un assez grand 
nombre dans son pare; il a le soin de défoncer à un 
mètre tous les massifs à planter. 

Il a, dans le domaine qu’il améliore, et où son régis- 
seur loge, un taureau et quelques vaches durham; mais 
il s'occupe principalement du croisement par taureaux 
durham avec vaches charollaises, pour en engraisser les 
produits jeunes. Son troupeau est en partie de race char- 
moise pure, et le reste est croisé. Les métayers tiennent 
aux bêtes charollaises; ils ont aussi des béliers de race 
charmoise. 

Je suis allé, le 17 août, chez M. de Bonant, président 
du comice agricole de Moulins; il était absent ainsi que 
Madame ; ils viennent de très-bien arranger un beau et 
vieux châeau-fort, orné de cinq belles tours et entouré 
de profonds et larges fossés ; cela forme maintenant une 
belle habitation, posée sur un plateau élevé, où malheu- 
reusement de beaux arbres manquent. M. de Bonant a 
beaucoup de vignes cultivées par de pelits propriétaires 
voisins ; ilest en train de se former une réserve, qu’il 
fume fortement; sa terre n’étant qu'à deux lieues de la 
ville, 1l a le projet de transformer en herbages ses terres 


— 144 — 


élevées sur un plateau qui m’a paru pierreux ; il aurait 
ainsi moins besoin de main-d'œuvre. On m’a fait voir 
d'anciennes étables fort bien arrangées. 

M°° de Bonant est revenue de la ville, avec ses char— 
mants enfants, au moment où je partais; elle a été des 
plus aimables, mais l’heure m’a forcé de la quitter 
bientôt après, pour aller prendre la diligense de Sou- 
Vigny. 

Je me suis rendu le 18 août chez deux frères de 
M. Charles Riant, qui sont venus, il y a quelques 
années, acheter à vingt kilomètres de chez lui la grande 
terre de la Salle; l'étendue en dépasse onze cents hec- 
tares ; le vieux château, orné de plusieurs tours, m’a 
paru fort beau; la famille était absente, mais j'ai ren- 
contré le régisseur, M. Dauphin, ancien élève de 
M. Malingié; il m'avait vu souvent à la Charmoise, et 
je l'avais retrouvé comme régisseur chez M. Masquelier, 
près Châteauroux, où il est resté dix ans. Il n’a fait voir 
avec empressement une partie des travaux qu’il a di- 
rigés depuis cinq ans qu'il est ici ; Jai vu de belles pièces 
de luzerne sur des terres qu’il a trouvées drainées, à 
seize mètres entre les rigoles ; il devra ajouter un drain 
entre deux, pour conserver cette belle prairie artificielle ; 
il n’a fait voir un champ de huit hectares de belles bet- 
teraves faites, comme la luzerne, sur des labours de 
défoncements à la charrue à sous-sol, et après y avoir 
mis un fort chaulage; il a six hectares en maïs pour 
fourrage, mais il n’a pas encore de maïs dent de cheval 
ou du caragua, qui donne le double des maïs ordinai- 
res ; 1l a fait une grande étendue de topinambours; je 
n’ai pu voir ses trèfles qu’il m’a dit être bons; sa culture 
s'étend sur une centaine d'hectares. 

Li croise durham et a un bon taureau de chez M. Tier- 
sounier; un troupeau de deux cents brebis avait recu 
des béliers southdown; mais comme les métayers ne 


— 145 — 


veulent accepter que des béliers à figure et à pattes blan- 
ches, on vient de mettre dans le troupeau de la réserve, 
des béliers de race charmoise, pris chez M. Charles 
Riant. 

Les étables contiennent un nombre considérable de 
vaches et d'élèves croisés durham. 

Les récoltes de céréales sont déjà battues; mais le 
compte en hectolitres n’est pas encore fait. M. Dauphin 
sème les céréaies en lignes. Les terres de la réserve ont 
été chaulées à cent soixante hectolitres par hectare. 

Les instruments Dombasle sont employés ici, etj'ai vu 
un semoir de Smith, à sept lignes. 

On a une batteuse et sa locomobile à vapeur, ainsi que 
toutes les machines nécessaires pour préparer convena- 
blement la nourriture du bétail. 

L’extrème chaleur m’a empêché de voir le reste de la 
culture de M. Dauphin; 1l fait des défrichements de 
bruyères et y met du phosphate de chaux fossile; il n’a 
dit employer du guano dans sa culture ; il s'occupe aussi 
de repeuplements dans les grands bois. 

Je l'ai quitté pour me rendre à Theneuil, chez M. Bi- 
gnon ; mais M. Doucé, régisseur, et M" Doucé étant allés 
à Paris, je fus coucher dans la petite ville de Cérilly- 

J'avais eu avantage à Bourbon de faire la connais- 
sance de M. Soumain, inspecteur des forêts à Moulins, 
et il m'avait engagé à venir passer une journée au pa- 
villon de la grande forêt du Tronçay, dont il m'avait 
fait un grand éloge ; il m’attendait le lendemain, pour 
déjeuner, ainsi qu’un de ses amis des environs de Mou- 
lins avec sa famille. 

L’aubergiste chez lequel je couchais s’occupe aussi du 
commerce de bétail, et de culture dont il parlait fort 
bien ; 1l m’a dit qu’il venait de faire un troc dont tous ses 
voisins le blämaient, en échangeant surface pour surface 
une petite ferme en bonne terre, contre la même étendue 

10 


— 146 — 


d’assez pauvres bruyères ; sa propriété était à douze kilo- 
mètres de chez lui, tandis que les bruyères qu’il pre- 
nait se trouvent à un kilomètre de la ville; elles joi- 
gnent une petite ferme qu’il possède là et de l’amélio- 
ration de laquelle il s'occupe; 1! m'a dit que ce qui 
l'avait décidé à faire cet échange, que tout le monde 
déclarait être une folie, était la difficulté du transport 
des fumiers par de mauvais chemins , ainsi que le 
manque de surveillance à une aussi grande distance. 

Le lendemain m’étant rendu au pavillon de la forêt, 
M. l'inspecteur, après un excellent déjeuner , nous em- 
mena, son ami, M. de Chavigny, et moi, dans sa calèche, 
pour nous faire voir quelques-unes des plus belles par- 
ties de la forèt du Troncay , dont l'étendue en y com- 
prenant une petite forêt qui la joint, dépasse onze mille 
hectares; M. Soumain nous a appris que cette forêt 
contient dix-huit cents hectares de futaies de chênes, des 
plus belles et des plus vieilles de France ; une de ses 
parties approche de l’âge de deux cents ans. Nous avons 
parcouru à pied pendant une heure environ, des parties 
garnies de chènes magnifiques et d’une hauteur perpen- 
diculaire, comme je n’en avais jamais vus dans mes 
nombreux voyages en France et en Allemagne; M. Pins- 
pecteur nous a montré des chènes ayant jusqu’à vingt- 
quatre mètres de hauteur, sans branches, pouvant ser- 
vir pour la marine, et des pièces de merrain de plus 
d’un mètre de diamètre; il nous a fait voir quelques 
chènes estinés 1,500 fr., pour faire du merrain ; je n’a- 
vais jamais rien vu de pareil ni entendu parler d’un tel 
prix pour un arbre. 

Nous sommes passés près d’une forge dans laquelle 
M. Rambourg, père des trois frères de ce nom, a fait 
une belle fortune que ses fils ont énormément aug- 
mentée. 

M. l'inspecteur nous a fait voir un étang qui a plus 


— 147 — 


de cent hectares d’étendue, et de grands semis de chênes 
d’une belle venue. 

IL nous a dit qu'il était chargé, comme chef du service 
extraordinaire des forêts du centre, celle d'Orléans com- 
prise, de faire l'aménagement de toutes les parties de la 
forêt du Tronçay, et de faire l'inventaire de tous les 
gros arbres, afin de délimiter les parties de ces futaies, 
qui, malgré leur grand âge, pourront encore être con- 
servées sans dépérir ; c’est afin que les fendeurs de bois 
et autres ouvriers qui forment la population des villages 
entourant cette grande et belle forêt, ne soient pas exposés 
à manquer d'ouvrage, avant que les jeunes futaies ne 
soient arrivées à l’âge d’être exploitées ; c’est aussi pour 
que le grand commerce des marchands de bois, ne soit 
ni déplacé, ni suspendu; c’est enfin pour rétablir la suc- 
cession des bois de tous âges qui n’existe pas dans cette 
grande masse forestière ; on va exploiter dans une pre- 
mière période de trente ans, tout ce qui ne peut pas 
attendre ; les révolutions des six séries adoptées pour l’ex- 
ploitation de ce grand massif sont de cent quatre-vingts 
et cent quarante-quatre ans. 

Nous sommes rentrés à six heures et demie de notre 
grande et admirable promenade, faite en voiture et à 
pied, enchantés de ce que nous avions fu et appris de 
notre savant et aimable guide. 

M. de Savigny habite une terre près de Moulins, et 
s'occupe aussi de son amélioration ; il m’a dit avoir em- 
ployé avec succès, un moyen pour arrêter la diminution 
des familles de métayers, dont les enfants adultes s’en— 
nuient de travailler pour leurs parents; ceux-ci, le plus 
souvent ne leur donnent pas assez d’argent pour s’ha- 
biller et pour s’amuser un peu, et enfin, peu ou pas de 
dot lorsqu'ils s’établissent. 

Etant revenu à Moulins, jy ai visité deux grands ma- 
gasins, fort bien montés en machines et instruments 


— 148 — 


aratoires; une de ces deux maisons, connue sous le nom 
de Berger et Barillot, a été fort bien établie par le fils 
ainé de M. Berger que J'ai visité au pavillon; elle fa- 
brique de bons instruments et l'établissement en contient 
beaucoup, prêts à être livrés, à des prix qui ne nous ont 
pas paru chers; on y trouve aussi un magasin bien 
fourni en graines agricoles. 

J'ai visité une pépinière dont le propriétaire fort 1n- 
telligent, M. Perrin, m'a dit cultiver ainsi quatre hec- 
tares; il s’est chargé de la culture d’une surface égale de 
vignes que le frère de M. de Bonant, président du co- 
mice, a plantée à la manière du docteur Guyot, il y a 
quelques années, à une lieue de la ville; M. Perrin par- 
tage le produit en vin avec le propriétaire; 1l m’a dit 
que les frais de culture ressortaient à 150 fr. l’hectare ; 
cet arrangement est d’une date trop récente pour qu’il 
puisse en juger le résultat. 

Les rangées de ceps sont trop rapprochées, pour qu’on 
puisse les cultiver à la charrue. 

M. Perrin a planté, il y a deux ans, quatre hectares 
en asperges, à côté de ses pépinières, dans une terre qu’il 
a achetée à un kiiomètre de la ville; le tout est entouré 
d’un rang de poiriers en quenouilles ; il a augmenté 
encore ses nombreuses occupations en louant il y a 
trois ans, quatre cent cinquante hectares dont la plus 
grande partie, partagée en deux domaines, se trouve à 
six kilomètres de la ville; ces domaines n’avaient que 
peu de terres cultivées, et le reste des deux métairies 
était en bruyères couvertes de petits ajones, ce qui an- 
nonce un bon fonds; il a déjà défriché beaucoup de ces 
bruyères au moyen de phosphate de chaux fossile ; 1l a 
de belles récoltes de céréales ; il chaulera après les trois 
premières récoltes. 

M. Perrin jouit encore de onze locatures composées à 
peu près de deux hectares de vignes et de cinq hectares 


— 149 — 


de terres légères ; elles sont louées par lui à des marai- 
chers au prix de 7 à 800 fr. chacune; elles sont à côté 
d’une troisième ferme où il nourrit habituellement une 
trentaine de bêtes à cornes ; à côté encore se trouve un 
ancien étang de sept hectares, transformé en bons prés 
où les deux vaches de chaque locature ont le droit de 
pâturer, une fois le foin enlevé ; cette partie de là grande 
ferme n’est qu'à un kilomètre de Moulins : son bail a 
quinze ans de durée, et Ini coûte 13,000 fr. par an; il 
loge dans ce moment dans une de ses deux fermes, une 
douzaine de chevaux de l’entrepreneur du chemin de fer 
qui doit aller de Moulins à Chagny, et 1l fournit la li- 
tière pour avoir le fumier. 

J'ai dit à M. Perrin, après avoir parcouru sa ferme, 
combien j’approuvais ce qu’il a si bien commencé ; mais 
il faut que ni l’argent ni le temps ne lui manquent pour 
continuer, et il paraît bien entreprenant. 

I m'a dit que son fils, qui est encore en pension, l’ai- 
dera d’ici à quelques années, et au’il compte, en atten- 
dant, prendre un bon garcon pépiniériste, à qui il don- 
nera 800 fr. pour diriger pépinières, jardins, asperges 
ei vignes ; il lui donnera en outre un tant pour cent dans 
les bénéfices, pour en être bien servi et afin d’avoir le 
temps de bien conduire ses trois fermes. 

Cet homme est très-intelligent et très-actif, et il est 
bien à souhaiter qu’il réussisse aussi bien dans l’avenir 
que par le passé ; car il a commencé avec rien, en sortant 
d'une ferme-école. 

Je suis arrivé chez un des MM. Larzat, très-connus 
comme agriculteurs distingués, près de Belsai, première 
ou deuxième station du chemin de fer de Moulins à Vichy ; 
c'était un jour de foire et il était três-occupé; il n’a 
donné son maître-valet pour visiter sa ferme qui est 
éloignée de son habitation ; en y allant, voici ce que mon 
guide m’a appris: Son maître a un neveu du même nom, 


— 150 — 


qui occupe une ferme dans la même commune ; ie père 
de ce neveu possède une ferme à herbages dans la com- 
mure de Germiny, dans le Cher; ces deux messieurs se 
servent de taureaux durham. 

M. Larzat, que je visitais, a donné sa fille unique à 
un jeune homme, qui habite avec lui. 

M. Larzat cultive, depuis vingt ans, la même ferme, 
d'environ trois cents hectares, en terres légères d’allu- 
vion; un tiers en est fort bon; un autre tiers est moins 
bon, et le reste est en sables profonds dont il ne retirait 
presque aucun produit pendant son premier bail; mais 
depuis, cette portion donne les plus belles récoltes de 
luzerne qu’on puisse désirer, lorsque le temps n’est pas 
trop sec; cette année, sa troisième coupe de luzerne est 
fort bonne ; j'ai vu de très-belles betteraves dans des terres 
fortes ; une partie de la terre est sujette aux inondations 
de la Loire. Les bâtiments de ferme sont considérables, 
mais vieux et peu commodes; ils sont pleins de belles 
bêtes charollaises, élevées à la ferme ; jai remarqué douze 
bœufs de travail, et huiténormes bœufs à l’engrais; ceux- 
ei sont toujours nourris à l’étable; mais un taureau, 
douze très-belles vaches et une vingtaine d’élèves de di- 
vers âges vont en pâture ; sept chevaux de travail labou- 
rent à deux, tandis que les charrues sont attelées de quatre 
bœufs, dont deux le matin et deux le soir ; ils ne mangent 
pas d'avoine, mais ils consomment trois fois autant de 
foin que les chevaux, et ils font moins d’ouvrage, me 
disait mon guide. 

M. Larzat payait 9,000 fr. pendant ses deux premiers 
baux de neuf ans; il a été augmenté de 4,000 fr. pour 
son troisième bail, ce qui fait à peu près 43 fr. par hec- 
tare. La première luzerne que M. Larzat a semée a duré 
douze ans. 

Le maître-valet et sa femme, qui est cuisinière, 
gagnent 500 fr. 


— 151 — 


Je suis allé coucher à la station da Varennes, le 23 au 
soir, et le lendemain matin, un cabriolet m’a conduit au 
vieux castel de la grande et excellente terre de Boncé; 
M. Louis Rambourg, l’un des trois frères maitres de 
forges, dont j'ai parlé, en a fait l'acquisition, 1l y a dix 
ans, du comte de Barral, à 800 fr. l’hectare ; son étendue 
est d’environ sept cents hectares ; mais on ne tirait qu’un 
bien faible parti du tiers environ de cette grande terre, 
faute de pouvoir la drainer. La petite rivière qui tra- 
verse cette vallée qu’on présume avoir été un lac et dont 
le sol ressemble un peu à celui de la Limagne, a son 
cours obstrué, traversant un grand nombre de propriétés 
différentes. J'étais venu, il y a près de deux mois à Boncé 
pour voir les grands travaux de MM. de Vaulx, dont le 
vicomte de Montagnac, leur parent, m'avait beaucoup 
parlé et fait Péloge; mais ces messieurs étaient alors tous 
deux absents. J'ai trouvé cette fois, dans son vieux 
castel, M. Paul de Vaulx, qui est garçon; MM. de Raf- 
fin, deux de ses cousins, dont un est officier de marine, 
étaient venus de chez M. Franc de Vaulx pour lui de- 
mander à déjeuner, M. Paul de Vaulx m’apprit que 
M. Louis Rambourg, après avoir acquis cette terre, s’était 
arrangé avec son frère et lui, et qu’ils s’occupaient de- 
puis longtemps de l'amélioration d’une vingtaine de 
métairies, dont une bonne partie était leur propriété. 
Ces messieurs sont chargés de la direction des immenses 
améliorations à faire dans la terre de Boncé, moyennant 
une certaine part dans les bénéfices de la mise en va- 
leur de cette terre. 

Après avoir déjeuné, M. Paul nous a fait parcourir la 
propriété; 1l m’a dit que M. Rambourg avait déjà trans- 
formé par le drainage une grande terre qu’il habite en 
Nivernais, sur les bords de PAllier; malgré son expé- 
rience en assainissements et malgré sa grande persévé- 
rance, 1l avait été plus de quatre ans avant de parvenir 


— 152 — 


à former un syndicat entre les propriétaires des terres 
parcourues par la rivière du Valencon et par plusieurs 
de ses affluents, qui gâàtaient une grande partie de la 
plaine de Vondelle ; les ingénieurs des ponts et chaussées 
avaient fait les plans des travaux à exécuter pour par- 
venir au curage de ces cours d'eaux; les travaux com- 
mencés je 1° juillet 1861, n’ont été terminés que le 
4er août de l’année suivante; ce travail est ressorti à une 
dépense de 47,000 fr., qui ont servi à curer 35,586 mè- 
tres de longueur; d’après les calculs de MM. les ingé- 
nieurs, il y a possibilité d’assainir par le drainage quinze 
cents hectares sur lesquels la commune de Boncé en pos- 
sède quatre cents. M. Rambourg a eu à rembourser 
18,828 fr. sur la dépense totale, et il a dù y ajouter 
encore 8,000 fr. pour curage et redressement de ruisseaux 
entièrement sur sa propriété. 

En présence des résultats obtenus par M. Rambourg 
à la suite de cette opération, plusieurs propriétaires dont 
les terres se trouvaient au-dessus de la partie assainie ont 
obtenu de faire partie du syndicat, ce qui a augmenté 
encore le premier assainissement de cinq cents hectares 
et Va porté à deux mille. Ces travaux ont singulière- 
ment amélioré la salubrité sur toute l'étendue de ce bas- 
sin, ces messieurs ont employé depuis tous les ouvriers 
qui se présentent, au drainage complet des terres; ces 
ouvriers peuvent ainsi gagner 2 à 3 fr. par jour, sous la 
direction de conducteurs des ponts et chaussées ; chaque 
année on augmente la dépense du drainage, qui au 
24 juin 1864 se montait déjà à plus de 50,000 fr., y 
compris les 26,000 fr. environ, dépensés pour le curage; 
dans cette somme figurent aussi des marnages très-utiles 
faits à la suite de la découverte de marnières, que la 
fouille profonde de quelques rigoles principales a fait 
connaître. 

Ces améliorations et les défrichements qui ont suivi 


— 153 — 


ont obligé à construire quatre fermes; on va en établir 
encore deux autres, pour loger deux familles de mé- 
tayers, qui trouvent les terres très-fertiles et très-produc- 
tives, et ont consenti à patienter pendant deux ou trois 
ans dans de misérables locatures, où eux et leur bétail 
sont logés aussi à l’étroit et aussi mal que possible; les 
matériaux de ces deux fermes, les pierres comprises, 
sont amenés au moins dedix kilomètres par des chemins 
sur terres grasses que la pluie rend impraticables; d’ail- 
leurs, M. Rambourg n’a fourni qu’un certain capital, et 
après épuisement de ce capital, on est bien obligé d'at- 
tendre la vente des produits et la rentrée de leur valeur ; 
en outre, 1l faut encore retenir l'intérêt à 5 0/0 des capi- 
taux avancés; toutes ces nécessités retarderont infini- 
ment l’achèvement des améliorations commencées, qui 
ne s’achèveront, je le crains, qu’au bout de quinze ans, 
terme de l’arrangement fait par MM. de Vaulx avec le 
propriétaire ; 11 ne leur restera que bien peu de chose, 
pour les travaux si pénibles qu’ils auront exécutés pen- 
dant ces quinze années. J’ai été étonné que ces messieurs 
n'aient pas construit les fermes en briques faites sur 
place, au lieu de faire venir les pierres de si loin, par des 
chemins impraticables dès la moindre pluie, ce qui doit 
ruiner leurs bœufs. Les produits des terres drainées sont 
tout à fait extraordinaires, surtout dans la métairie de 
Lignières ; c’est la plus grande de la propriété, elle a 
quatre-vingts hectares qui sont occupés par un veuf et sa 
belle-sœur, veuve aussi, ayant chacun de grands enfants 
formant sept ménages et vingt-deux personnes, les 
grands parents et petits enfants compris. 

Lors de ma première visite dans la terre de Boncé, 
pendant que je me séchais à un grand feu qu’on avait 
fait pour moi, après avoir essuyé un furieux orage, le 
père m'avait dit qu'avant le drainage, ils ne récoltaient 
guère que le grain nécessaire à leur consommation; ils 


— 154 — 


s’endettaient chaque année davantage, en mangeant la 
part de froment revenant au maître ; depuis l’assainisse- 
ment, leur moitié est arrivée à dépasser deux cents hec- 
tolitres de froment et deux cent quatre vingt-un hec- 
tolitres d'avoine; d’un autre côté, l'augmentation de 
valeur de leur beau cheptel, composé de bêtes charollaises 
croisées durham et d’un troupeau charmoise, leur permet 
de faire de belles économies ; ce brave homme a ajouté 
qu'ils étaient huit hommes dans la métairie, lui, les fils 
et les gendres et que chacun avait sa part dans l’argent 
gagné. 

Il y a sur la propriété, deux taureaux durham aux- 
quels toutes les vaches sont amenées; on nourrit très 
bien les produits qui sont vendus gras; les femelies ont 
alors environ vingt-quatre mois, et arrivent au prix de 
450 fr. les mâles sont castrés à deux mois, et vers l’âge 
de trente et trente-six mois, ils se vendent de 550 à 
600 fr. la pièce, Les agneaux, croisés charmoise ou bien 
southdown, pesés vers l’âge de six mois, arrivent à qua- 
rante-cinq et même cirquante kilos, poids vif. 

Dans les fermes où il n’y a pas de défrichements à faire, 
on mwa ordinairement que deux forts bœufs charollais, 
qu’on paye facilement avec l'argent produit par la vente 
de deux mâles âgés de trois ans. Les fortes vaches 
font très bien les travaux de la terme. Une chose à re- 
marquer, c’est que le cheptel de la terre de Boncé, à 
l'époque où MM. de Vaulx en ont pris la direction, 
en 1857, était de 31,000 fr.; il était arrivé, en 1864, 
à près de 89,000 fr. et a encore beaucoup augmenté 
depuis trois ans. 

M. Paul de Vaulx étant garcon, est trop mal logé 
pour avoir des lits à donner; aussi, en rentrant de notre 
grande visite, avons-nous été tous quatre diner et coucher 
chez M. Franc de Vaulx, son frère, à deux lieues de 
Boncé, au château des Morets, par Saint-Gérand-le-Puy, 


— 155 — 


Allier ; les environs de son habitation, en pays de co- 
teaux, sont charmants et très fertiles; les terres sont 
faciles à cultiver et à sous-sol calcaire. Ces Messieurs cul- 
tivent depuis fort longtemps vingt métairies de moyenne 
et de petite étendue, qui sont garnies d’un très beau bé- 
tail ; iis donnent depuis une dizaine d’années, à de fortes 
vaches charollaises qui font les travaux, des taureaux 
durham, dont tous les produits sont vendus gras, âgés 
de-deux à trois ans, dans les prix de 400 à 600 fr. par 
tête ; ils ont des béliers charmoise et southdown, dont 
les produits sont vendus gras âgés de dix-huit mois, de 
40 à 45 fr. la pièce. 

Leurs métayers, auxquels ces Messieurs savent faire 
gagner de l'argent, out en eux la plus grande confiance 
et leur obéissent volontiers. 

Après avoir visité plusieurs métairies, mon hôte m’a 
conduit dans ses trois locatures, qu’il n’a dit produire 
encore plus par hectare, que les métairies; en voiei un 
exemple : le ménage n’est composé que du maître, de sa 
femme qui est auvergnate, de leur fille âgée de dix-sept 
aus, et d’un garçon de six ans, qui ne peut encore les 
aider ; ils ont deux vaches pour faire leur culture, deux 
génisses, une énorme brebis qui a du sang dishley, et 
qui fait chaque année deux agneaux, et une truie dont 
ils élèvent les petits; ils ne cultivent que quatre hectares, 
mais cela si bien, que la moitié du produit du proprié- 
taire ressort en moyenne à 500 fr. ou 125 par hectare; 
mais il faut dire que ies femmes de l'Auvergne sont de 
bonnes ouvrières, ce qui, er général, n’est pas trop l’usage 
dans le centre de la France, au dire de M. de Vaulx. 

Les hommes des métairies font même les sarelages, ce 
qui se fait dans les pays bien cultivés, par les femmes et 
les enfants. 

Madame de Vaulx a huit enfants dont plusieurs sont 
de grands et beaux garcons ; l’ainé a vingt-trois ans et 


— 156 — 


est arrivé récemment @e Chine; il est aspirant dans la 
marine impériale, et est au moment de devenir enseigne 
de vaisseau; le second est chez un oncle propriétaire de 
vignes à Bordeaux, et fait un grand commerce de vins; 
le troisième, après avoir fait de bonnes études, aide son 
père; l’ainée de ses filles vient de se marier ; ils ont un 
abbé pour précepteur des enfants. Un de leurs cousins, 
M. de Raffin, habite avec son père, dans le Bourbonnais, 
où ils cultivent. 11 m’a conduit dans une petite ville chez 
M. Blanchard, secrétaire du Comice agricole de La- 
palisse et très bon agriculteur par métayage; il avait fait 
trois ans avant, sur les meilleures cultures des environs, 
un rapport au préfet, dans lequel il est parlé beaucoup 
de la terre de Boncé ; ce rapport qu’il a bien voulu me 
donner m'a paru très intéressaut, et je le ferai imprimer 
à la suite de mes notes de voyage. M. de Raffin mw’a 
beaucoup parlé d’un M. Avril, grand industriel des plus 
habiles, qui a monté à Montchanin, une grande tuilerie; 
c’est cette tuilerie qui fournit à une partie de ia France, 
ces tuiles connues aussi sous le nom de tuiles de Bour- 
gogne; cependant elles se payent 150 fr. le mille prises 
sur place, prix très élevé ; leur port à de grandes dis- 
tances est très coûteux ; elles doivent leur succès à leur 
bonté, leur solidité, et leur élégance. Ce M. Avril est 
aussi un excellent cultivateur; il a soixante vaches dont 
le lait se détaille au Creusot. M. de Raffin me disait que 
les énormes bâtiments de M. Avril, étaient construits 
très-solidement, et malgré cela si économiquement que 
les personnes qui ont à construire auraient un très grand 
avantage à visiter M. Avril, chez lequel on peut ap- 
prendre bien des choses utiles. M. de Raffin a construit 
un bâtiment de vingt-neuf mètres de long sur douze de 
large ; une partie sert d’étable et l’autre partie est en 
grange ; ce bâtiment ne lui a coûté que 2,500 fr.; une 
maison à deux chambres, de quinze pieds en carré, avec 


un four, ne lui a coûté que 1,000 fr.; c'est en suivant 
l'exemple de M. Avril, qu'il a pu obtenir un tel ré- 
sultat. 

M. de Vaulx n’a dit que plusieurs de ses métayers qui 
ne cultivent que de vingt à trente hectares, arrivent à 
placer jusqu’à 1,000 francs d'économie par an. 

J'ai quitté cette aimable famille qui m'avait si bien 
accueilli, pour aller visiter une des trois propriétés de 
M. de Gartempe, qui ne se trouve qu’à une lieue de l’ex- 
trémité de la terre de Boncé. M. de Gartempe, ayant vu 
les résultats des drainages exécutés par M. Rambourg, 
fait drainer soixante-seize hectares de prés couverts de 
haies ayant de deux à trois pieds de bonnes terres sur 
un sous-sol marneux ; ils étaient tellement gâtés par 
l'humidité, et par l’ombre, qu'ils étaient à peu près im- 
productifs et le peu de foin qui y venait, était rebuté par 
le bétail. 

M. Dubost, gendre du précédent fermier général de 
la terre de Montolin est beau-frère de M. Bernard Dubost, 
ce bon et grand fermier que j'ai visité près Moulins; ce 
jeune fermier a pris nouvellement cette ferme, et il m’a 
dit avoir encore douze ans de jouissance ; 1l est allé avec 
M. Bernard, chez M. Gernigon, très-bon éleveur à Cha- 
teaugontier (Mayenne), et il en a ramené un taureau 
durham, comptant bien suivre les bons exemples donnés 
par son beau-frère. M. Dubost m’a conduit par un 
chemin 1rnpraticable dans les grands et si mauvais prés, 
dont je viens de parler ; il en fait arracher les haies, pour 
le bois, lorsqu’il s’y trouve des têtaux ; on paye à l’en- 
trepreneur du drainage 280 fr. par hectare; cela m'a 
paru fort cher, le travail étant facile, excepté lorsqu'on 
se trouve dans les haies arrachées, et la distance entre 
les rigoles, étant de quinze mètres; il y a vingt-cinq hec- 
tares de drainés; un ouvrier n’a dit avoir 15 centimes 
par mètre, de rigole qu’il bouche, lorsqu'un contre- 


— 158 — 


maître y a posé les tuyaux. M. Dubost paye lintérêt à 
5 0/0 de Ia dépense du drainage. 

L’avoine venue sur le premier labour, est mauvaise ; 
le froment venant après, est bon ; il n’a dit vouloir lais- 
ser ce défrichement en culture ; je pense que le proprié- 
taire aurait dù exiger qu’on le remette en prés, au 
bout de trois ou quatre ans de culture ; or pourrait en 
douze ans, user cette excellente terre et la rendre, au 
bout du bail, pleine de chiendent et de chardons, au lieu 
de prés ; cela ne permettrait guère d’obtenir une augmen- 
tation du loyer qui n’est que de 12,900 fr. pour deux 
cent qnatre-vingt-dix hectares de terres dont plus de 
moitié sont excellentes ; cela porte le prix de l'hectare à 
41 fr. 86; l’ancien fermier général a joui pendant plus 
de vingt ans de cette terre, en ne payant que 9,000 fr. ; 
il y était bien logé, n’y a fait aucune amélioration, et a 
laissé les bâtiments des trois fermes et ceux des maisons 
de journaliers dans un état tel, qu’on sera forcé d’en 
remplacer une bonne partie, par de nouvelles construc- 
tions ; toutes les couvertures qui sont en chaumes 
pourris, devront être refaites; pour tirer un bon parti 
de cette terre, il faudrait construire au moins trois 
fermes de plus; car les métayers ne peuvent pas bien 
cultiver au delà de quarante à quarante-cinq hectares. 
Les conclusions à tirer de ceci, sont que le système de 
louer les terres à des fermiers généraux qui ne cultivent 
pas par eux-mêmes, mais seulement par métayers, est à 
peu d’exceptions près, une ruine, aussi bien pour le pro- 
priétaire, que pour les métayers. 

Je me suis rendu à la ferme-école de Bellean, dont 
M. Chervier est le sous-directeur, mais dont le proprié- 
taire et directeur, est le baron de Veauce, qui n’y vient 
que rarement ; M. Chervier était entré à la ferme-école, 
comme professeur d'irrigation ; son mérite l’a amené à 
en devenir le sous-directeur et excellent administrateur. 


=HDh0 — 


Il y a créé beaucoup de prés irrigués ; j’ai vu de très- 
beaux trèfles et d’excellentes récoltes sarclées. Ses 
récoltes de céréales déjà rentrées, ont été fort bonnes, 

Il a quatre-vingt-dix bêtes à cornes, de tous âges, 
principalement de croisement durham et charollais ; dix 
chevaux ; deux cents moutons à l’engrais ct des pores 
berkshire ; il m’a donné la note suivante du produit net 
des quatre dernières années ; en 14863 sur cent soixante- 
quatre hectares on aobtenu 14,129 f.; en 1864,21,922fr.; 
en 1865 sur cent quatre-vingt-trois hectares seulement 
7,205 fr. et en 1866 sur deux cent trois hectares 
25,937 fr. 

Il étaït absent, lors de ma seconde visite et est rentré 
peu de temps avant mon départ ; il est maire de la com- 
mune de Trétau. 

J'ai couché le soir dans une petite auberge de village, 
n'ayant pu avoir un cabriolet que pour le l:ndemain, 
pour me rendre au vieux château de Thoury, grande 
terre appartenant à Monseigneur de Conny, chanoine de 
Moulins; cette terre se trouve à cinq kilomètres du 
bourg de Dompierre et à trente-deux kilomètres de 
Moulins, sur la route de cette ville vers la Bourgogne. 
M. Talon, le régisseur, après avoir fait ses études, s’est 
senti de la vocation pour devenir un cultivateur; il a suivi 
les cours de la ferme régionale de la Saulsaie, et s’est 
ensuite perfectionné dans la pratique agricole, dans le 
nord de la France ; par suite, il a été mis par Monsei- 
gneur à la tête de sa terre ; M. Talon vient de se marier 
récemment dans les environs de Saint-Quentin, d’où il a 
ramené une jeune et jolie femme accompagnée de sa 
mère et de sa grand’mère, qui n’ont pas voulu se sépa- 
rer de suite de leur enfant chérie, qui allait se fixer si 
loin d'elles. 

M. Talon étant allé à une foire, je n’ai trouvé que ces 
dames, logées dans une des quatre tours restées de l’an- 


— 160 — 


cien château ; Monseigneur a remis ces tours à neuf et 
les a meublées; des corridors qui existent dans linté- 
rieur des murs, servent de communication entre les 
tours placées aux quatre angles d'une cour carrée. 

Ces dames ont bien voulu me faire voir de fort belles 
étables nouvellement construites et commodément ins- 
tallées ; j'ai regretté d'y voir deux jeunes taureaux, lais- 
sant beaucoup à désirer, un charollais élevé à la ferme et 
un croisé durham ; dans une grande partie de la France, 
on est loin de comprendre toute l’importance des bons 
reproducteurs, dans les fermes où on élève. 

Les bons reproducteurs sont chers, et je comprends 
qu'un fermier, peu à sou aise, recule devant l’acquisition 
d’un taureau charollais de 800 fr. on d’un durham bien 
choisi eoûtant de 1,000 à 2,000 fr., d’un bélier charmoise 
de 200 fr. ou d’un bélier southdown ou shropshiredown, 
de 300 fr.; mais les cultivateurs à l’aise se font un 
grand tort, en voulant économiser sur les reproducteurs. 

Un bon taureau durham peut vous donner de quatre- 
vingts à cent veaux vendus deux et trois ans après, gras, 
de 400 à 600 fr., au lieu de 200 à 300 fr., un bon 
bélier payé 300 ou 400 fr., peut vous donner de cent 
cinquante à deux cents agneaux si vous le faites sauter à 
la main, et ces agneaux seront vendus gras à quinze 
mois, à 45 ou 50 fr., au lieu de 15 à 20 fr. ; on voit par 
là que les bons reproducteurs seraient bientôt remboursés 
avec un bon bénéfice. 

J'ai vu dans un champ voisin, une vingtaine de jolies 
vaches de couleur blanche ; les élèves étaient ailleurs et 
je ne les ai pas vus; j'ai aperçu un assez beau et nom- 
breux troupeau de croisés southdown, et une truie 
berkshire avec ses petits. 

Le temps étant devenu très-chargé, J'ai quitté ces 
dames, pour rejoindre une diligence, qui m’a ramené à 
Moulins, où j'ai fait une visite à Monseigneur de Conny 


— 161 — 


dont le bel et grand hôtel est entouré d’un fort beau 
jardin ; ce prélat m’a reçu d’une manière fort aimable, et 
comme il s'intéresse infiniment à la culture, notre entre- 
tien s’est prolongé pendant plus de deux heures ; Mon- 
seigneur m'a dit qu’il s'occupait depuis longtemps de sa 
terre, et y avait dépensé beaucoup, avant qu’elle ait 
commencé à bien marcher ce qui n’a lieu que depuis 
einq ans; c’est à cétte époque qu’il en a donné la direc- 
tion à M. Talon ; elle n’était louée que 6,000 fr., malgré 
son étendue de huit cents hectares lorsqu’il l’avait retirée 
des mains d’un fermier général ; elle en produit mainte- 
nant 25,000. 

M. Talon étant parvenu à amener ses huit métayers à 
suivre ses conseils et son exemple, on peut être certain 
d’une forte augmentation des produits de la propriété ; 
elle contient des vignes, le pays étant redevenu vignoble 
et Monseigneur est disposé à en planter de nouvelles ; je 
l'ai fortement engagé à envoyer une personne intelligente 
à Chissay, pour y voir la culture des vignes en chaintres, 
si économiques et en mème temps si productives selon la 
méthode due au père Denys ; Monseigneur nva dit qu'il 
le ferait d'autant plus volontiers, qu’ilconnaït le comte de 
Ballon qui était lié avec un de ses frères. 

Monseigneur m’a donné le rapport d’une commission 
chargée d'examiner les cultures des concurrents pour la 
médaille d’or, que le Ministre de l’agriculture accorde 
chaque année au département de l'Allier ; comme ce 
rapport parle en détail de ses cultures et particulièrement 
de celle de Thoury, je le ferai imprimer à la suite de 
mon voyage ; ce rapport est fort intéressant, et fait con- 
naitre encore d’autres cultivateurs très-méritants. 

J'ai quitté Moulins le 29 août, pour me rendre au 
château d’Aubigny qui se trouve à une douzaine de kilo- 
mètres de la station de Saint-Imbez et sur la rive gauche 
de l'Allier qu’on passe en bateau , le baron d’Aubigny 

11 


— 162 — 


qui n’a qu’un fils unique, M. Arthur, se trouvait dans 
cette terre qu’il n’habite que trois mois; M. Arthur me 
reconnut pour m'avoir vu à des réunions agricoles à 
Paris, il m’apprit que son père lui avait donné la terre 
d’Aubigny, dont l'étendue est de mille huit cent vingt- 
cinq hectares ; il y a continué les améliorations que le 
baron avait entreprises en 1849, en rentrant dans la 
jouissance de sa terre par suite d’un résiliement forcé du 
fermier général. 

M. Arthur s’était mis sur les rangs des concurrents 
pour la prime d'honneur, qui devait être donnée en 
4862 à Moulins, et a fait imprimer le rapport qu’il avait 
présenté alors ; il a bien voulu m’en donner un exem- 
plaire qui figurera dans ce volume; on y verra avec 
quel courage, quelle persévérance, quel immense emploi 
de capitaux (400,000 fr.), ces deux Messieurs sont arri- 
vés en moins de vingt ans à transformer cette grande 
terre, complétement ruinée, ainsi que ses nombreux 
métayers. 

Cette propriété est maintenant bien administrée, bien 
cultivée par la plupart des anciens métayers, qui sont 
devenus des fermiers à l’aise, et ils paient plus du double 
du loyer qui avait ruiné deux fermiers généraux, et fait 
perdre des sommes considérables au propriétaire. Il se- 
rait à désirer que tous les grands propriétaires fussent 
instruits de cette opération si profitable et en même 
temps si honorable. 

M. Arthur d’Aubigny a eu l’obligeance de me conduire 
dans beaucoup de ses fermes , toutes remises dans le 
meilleur état de réparation, et auxquelles on a ajouté les 
bâtiments qui y manquaient ; huit d’entr’elles, ont été 
construites entièrement et fort bien. 

M. Arthur étant fils unique, lui et M°"° ne quittent 
jamais le baron et la baronne, qui passent six mois à 
Paris, trois mois dans une terre près de Dreux, et trois 


— 163 — 


mois à Aubigny ; le jeune ménage y a construit un fort 
joli château, ayant une fort belle vue sur la vallée de 
l'Allier; une partie des terres exposées aux inondations, 
ont été mises en herbages loués 100 fr. l’hectare, et on 
continue celte grande amélioration. 

M. Arthur ne pouvant habiter cette terre que si peu 
de temps, a pensé qu’il serait plus prudent, de transfor- 
mer ses métayers en fermiers, quoiqu'il préférât, après 
une assez longue expérience, le métayage bien dirigé ; 
il y trouve augmentation dans les produits, et facilité 
pour le propriétaire qui sait faire gagner de l’argent à 
ses métayers, pour les amener à de nouvelles améliora- 
tions et à de nouveaux perfectionnements, quand il peut 
faire les avances nécessaires, et qu'il a su en méritant 
leur confiance, leur faire espérer de nouveaux avan- 
tages. 

Le bétail charollais provenant de quelques taureaux 
achetés chez de bons éleveurs, procure à toutes les fer- 
mes une bonne espèce de bêtes qui se ressemblent, puis- 
qu'elles proviennent des mêmes reproducteurs; on y 
élève aussi de bons chevaux de travail. 

Une grande partie de la terre ayant un sous-sol im- 
perméable, et le drainage, la plus utile des améliora- 
tions agricoles, n'ayant pas encore été essayé dans cette 
remarquable terre, on n’y élève pas de bêtes à laine; 
les troupeaux sont formés de moutons ne restant qu’une 
année sur la terre. 

M. Arthur vient de prendre une ferme qu’il cultive, 
pour servir de modèle à ses fermiers. Il y a maintenant 
trente-six kilomètres d’excellents chemins bien entre- 
tenus par des cantonniers ; ils remplacent des chemins im- 
praticables, pleins de fondrières, qu’on y voyait en 1849, 
époque de la résiliation du fermier général. Il existe 
des carrières de pierres calcaires, de sable et de graviers 
sur la propriété ; on y a construit deux fours à chaux, 


— 164 — 


dont les produits sont livrés aux fermiers, au prix de 
revient; elle se vend dans le pays de 85 centimes à 
1 franc. 

J'ai quitté le lendemain la terre d’Aubigny, en empor- 
tant la plus haute opinion du savoir-faire et des excel- 
lents sentiments des propriétaires. 

En retournant à la station, je suis passé à côté d’un 
vaste et beau château, entouré d’un parce et d’herbages 
bien irrigués ; le tout a été créé par M. Louis Ram- 
bourg. 

Je suis arrivé à trois heures au château des Barres, 
que la famille Vilmorin a cédé au Gouvernement, d’a- 
près les dernières volontés de MM. Vilmorin père et fils ; 
cette propriété a environ soixante-dix hectares plantés 
d’arbres forestiers, rassemblés de toutes les parties du 
monde ; MM. Vilmorin avaient le désir que ces très-pré- 
cieuses collections ne fussent pas détruites; M. le Minis- 
tre de l’agriculture a placé aux Barres un inspecteur des 
forêts, fort instruit, pour la continuation de cette utile et 
belle œuvre. 

J’ai appris, en arrivant, que M. l’Inspecteur était sorti, 
mais que M°° Vilmorin la mère était encore au château, 
où je venais, pour la troisième fois, lui rendre mes de- 
voirs. 

Elle m’a recu avec sa bonté et son amabilité ordinai- 
res, et m’a proposé d’aller voir une maison qu’elle vient 
de faire construire dans une jolie position , à côté d’une 
futaie , sur une étendue d’environ trois cents hectares de 
la terre des Barres, qu’elle a conservée. 

J’ai profité du reste de la journée pour revoir cette 
immense pépinière, commencée il y a plus de cinquante 
ans, et continuée jusqu’en 1862, époque de la mort du 
très-savant et très — excellent M. Vilmorin. Jai fait 
cette visite malheureusement seul et me suis perdu dans 
cette si intéressante forêt; je n’ai probablement pas vu ce 


— 165 — 


qu'il y a de plus intéressant dans cette immense réunion 
d'arbres divers, qu’il serait si utile d'étudier, conduit par 
un habile et savant forestier; ayant fait demander, le 
soir, à M. l’inspecteur s’il pouvait me recevoir, il a bien 
voulu venir passer une partie de la soirée chez M"° Vil- 
morin; il na dit qu'il est chargé de faire abattre les 
peupliers, pins des Landes et autres arbres peu intéres- 
sants, pour faire de la place et donner de l'air aux ad- 
mirables essences qui s’y trouvent réunies ; il doit faire 
des massifs de sequoia gigantea, de cèdres de l’Hy- 
malaya et des plus beaux arbres plus nouvellement 
connus, sur une quarantaine d'hectares de terres libres, 
qui lui restent; 1l m’a dit que les pins laricios de bien 
des variétés que M. Vilmorin a importées aux Barres, 
étaient bons à propager, et qu'un des plus méritants et 
des plus beaux, est celui de Calabre; il m’a aussi beau- 
coup recommandé les pins de Riga, les pins noirs d’Au- 
triche, les sapins à feuilles argentées et bien d’autres 
utiles espèces. 

Je me suis rendu le lendemain, dans la matinée, chez 
M. d’Eichthal, fils d’un banquier de Paris; 1l a acheté, 
peu de temps après s'être marié, une terre d'environ six 
cents hectares dont moitié environ est en bois etle quart en 
terres qui seront fort bonnes quand elles auront été drai- 
nées ; je suis allé rejoindre M. d’Eichthal dans une ferme 
éloignée où se trouvent ses bonnes terres et ses bois ; jy 
ai vu un beau champ de betteraves; il m’a dit avoir 
acheté cette terre après la mort @un monsieur qui venait 
de faire beaucoup de constructions , entre autres une 
ferme entièrement neuve et des plus commodes, une tui- 
lerie et un four à chaux ; enfin, il avait planté une assez 
grande étendue de vignes, avec des maisons pour les 
vignerons. 

La terre a été vendue par licitation à la barre du tri- 
bunal; M. d'Eichthal n’avait payé cette propriété que 


— 166 — 


600 fr. l’hectare , avec un assez grand chäteau qu'il a 
mieux distribué et a remis à neuf; ce jeune et aimable 
cultivateur a fait bien de la besogne en peu de temps ; il 
a de bonnes vaches du pays, des flamandes et des nor- 
mandes; je lui ai recommandé l’acquisition d’un bon 
taureau durham et l’engraissement précoce des produits ; 
il m’a fait voir un fort beau et nombreux troupeau de 
croisés southdown, acheté d’un de ses voisins, M. Nouette- 
Delorme ; il a transformé les bâtiments de la tuilerie en 
locatures pour avoir des journaliers. 

Etant revenu au château entouré de beaux jardins et 
meublé élégamment, jai été présenté à Madame ; j'ai 
remarqué qu’on recevait le Times, et j'ai appris que 
Monsieur et Madame savaient l’anglais; j'ai alors engagé 
Monsieur à s'abonner au Farmer s Magazine de Lon- 
dres, ou au Farmer’s d'Edimbourg, deux excellents 
journaux d'agriculture, qui lui seraient fort utiles. 

Après déjeuner, Madame na proposé de l'accom- 
paguer au château de Bellecour, chez M. de Boyenval, 
qui s’étant retiré des affaires, a acheté cette terre de 
douze cents hectares ; 1l y a construit une belle et im-— 
mense ferme, dont son fils avait la direction; celui-ei 
venait de se marier et de se fixer ailleurs; M. de Boyen- 
val, qui n’est pas Jeune, se trouve fatigué d’une culture 
de trois cents hectares, en grande partie en bruyères 
défrichées ; je me suis permis de lui dire qu’il ne serait 
probablement pas facile de trouver un bon fermier pos- 
sédant un capital suffisant, pour bien cultiver une aussi 
grande ferme ; J'ai ajouté que la manière la meilleure de 
se tirer d’embarras, serait de former six métairies de 
cinquante hectares chacune et d’y mettre comme mé- 
tayers six familles vendéennes. 

Les cultivateurs de la Vendée ont le grand mérite, 
selon moi, d'arriver au bout de peu de temps, par la 
culture des choux branchus du Poitou et des choux 


— 167 — 


moelliers, à bien nourrir un nombreux bétail en hiver; 
ils peuvent ainsi tirer un bon parti de terres médiocres ; 
il n’est pas très-diflicile de se procurer dans ce pays 
d’honnètes et nombreuses familles pour les placer comme 
métayers dans des fermes garnies de bétail. 

Je me suis rendu de là dans une terre située à une 
lieue de la station de Nogent-sur-Vernisson ; je voulais 
visiter la culture de M. Nouette-Delorme, qui arrivait 
en même temps que moi à l'entrée de l'avenue qui con- 
duit à son habitation; après être descendus tous deux de 
voiture, je lui ai exprimé mon désir de voir sa culture, 
en lui disant que j'avais admiré à Blois les southdown 
qu'il y avait exposés; nous avons rejoint sa ferme à 
pied, à travers les champs, et j'ai vu douze hectares de 
fort belles betteraves, des colzas pour l’année suivante, 
des luzernes et des sainfoins sur une grande étendue ; 
M. Nouette n’a dit que son père cultive et qu’il est resté 
avec lui jusqu’à l’âge de vingt ans; il est entré alors, à 
Paris, dans les affaires qu’il continuait; venu 1l y a une 
dizaine d'années, chez un de ses amis dans ces environs, 
cet ami lui a fait voir une terre qui était à vendre et lui 
a conseillé d’en faire l’acquisition ; 1l l’a payée à peu près 
1,000 fr. l’hectare ; il en a cultivé depuis lors cent hec- 
tares, mais 1l vient de reprendre une de ses fermes, pour 
augmenter sa culture, à cause de l'importance et du 
succès de son troupeau de southdown, acheté chez lord 
Walsingham qui parait être le successeur de Jonas 
Webb; M. Nouette m'a dit qu'après avoir essayé, pen- 
dant quelques années un lot de southdown , pris chez 
lord Walsingham , il en avait été très-content ; il y était 
retourné et avait pris soixante-dix brebis payées 200 fr., 
et un beau choix de béliers de 1,000 à 1,500 fr. Pièce. 
Il a vendu ses quarante dire Monte à 250 fr. par 
tête , il en a pour son troupeau six choisis avec les mérites 
des défauts les plus habituels qu’on remarque parmi les 


— 168 — 


brebis; c’est ainsi qu’on parvient à corriger dans les 
produits, les défauts des mères. Les béliers de M. Nouette 
m'out paru très-beaux et avoir un grand poids. Il ma 
dit avoir refusé 1,000 fr. pour en laisser choisir un des 
six. Il m'a fait voir une cour carrée, entourée de mure 
assez élevés d’où descendent les toits inclinés à l’intérieur; 
ces toits sont garnis de gouttières de manière à emmener 
l’eau hors de la cour qui sert de bergerie à ses belles 
brebis. 

M. Nouette a construit aussi une grande et commode 
vacherie, pour trente bonnes vaches de diverses races, 
qui recoivent un taureau cotentin; il en compare les 
produits à ceux d’un taureau durham d’un cultivateur 
voisin; les produits de ce dernier sont si beaux, qu’il 
m'a paru n'être pas éloigné d'adopter le croisement dur- 
ham, dont la conséquence est l’engraissement précoce. 
J’ai quitté M. Nouette-Delorme qui m’a semblé n’avoir 
pas atteint ses quarante ans, enchanté d’avoir fait Ja 
connaissance d’un aussi bon cultivateur, en aussi bon 
chemin d'améliorations agricoles. 

Je suis allé coucher à Gien, d’où je voulais aller voir 
le lendemain M. de Béhague au château de Dampierre; 
maïs apprenant qu’il était absent, j'ai continué ma route 
pour aller coucher chez le comte de Labourdonnaye, au 
château de Luce, à cinq lieues d'Orléans et à trois lieues 
de la station de Meung-sur-Loire ; un de mes neveux a 
épousé la fille de M. de Labourdonnaye. Je ne dirai rien 
de la culture d’Albert de Gourcy, qui ne s'étend quesur 
une petite réserve. Mais ce qui me paraît extraordinaire 
chaque fois que je vais le voir, c’est queles terres de cette 
partie de la Beauce, qui me paraissent bonnes, quoique 
souvent trop garnies de pierres calcaires, soient louées 
à si bas prix. Les deux fermes de la terre de Luce, qui 
ont chacune cent trente hectares, ne sont louées que 30f. 
hectare ; un des fermiers en a sous-loué cinq hectares, 


0 — 


à 5 fr. l’hectare à mon neveu, qui y a fait un essai de 
plantation d’arbres résineux ; j'ai visité cette jeune 
plantation nouvellement entourée d’un fossé ayant 
soixante-six centimètres de profondeur; la terre qui 
en était sortie avait la meilleure apparence ; elle n’était 
ni trop forte, ni trop légère, d’une belle couleur brune ; 
son épaisseur, dans la plus grande partie de ja pièce, 
était à peu près égale, sur un sous-sol de marne 
peut-être trop perméable; je ne comprends pas qu’on 
puisse trouver cette terre mauvaise. Je pense qu’une des 
raisons de ce faible prix des loyers provient de ce que 
les fermes de ce pays sont d’une étendue beaucoup trop 
grande pour le capital dont les fermiersdisposent lorsqu'ils 
entrent en ferme; il en résulte qu’ils abandonnent leurs 
moins bonnes terres aux moutons, même sans y rien 
semer. On ferait bien, je pense, de faire analyser un peu 
ces terres qui ont si bonne mine et sont sous-louées 5 fr. 
par le fermier. Maintenant que dans le midi de la France, 
beaucoup de propriétaires font défoncer leurs terres à 
sous-sol pierreux, à plus de soixante-six centimètres de 
profondeur, par des charrues à vapeur, comme il en 
existe dans plusieurs départements, dont le nombre 
augmente chaque jour, on ferait bien d’essayer aussi le 
défoncement de ces terres de Beauce, très-pierreuses, 
que les laboureurs ne peuvent qu'effleurer, de crainte 
de briser leurs charrues contre de grosses pierres qui 
seraient ramenées à la surface par les charrues à vapeur 
destinées aux défoncements. 

Mon neveu m'a mené chez un de ses voisins, M. de 
Villebonne, au château de Coulmier; il a eu la bonté de 
nous conduire dans une de ses fermes qui, il y a quatre 
ans, n’était louée que 18 fr. l'hectare, pendant que deux 
autres, qui sont plus rapprochées du village, le sont à 
40 fr. ; M. de Villebonne a voulu d’abord augmenter le 
bail de cette ferme de cent trente hectares; puis, à fin de 


= 6 = 


bail, il s’est décidé à renvoyer le fermier, il a planté en 
bois trente hectares des plus mauvaises terres, et s’est 
mis à cultiver les cent hectares restant; il nous a dit avoir 
récolté à peu près vingt hectolitres de froment par hec- 
tare, sur le tiers de ses terres, avec le fumier qui s’y fait 
avec une dizaine de chevaux, une douzaine de petites 
vaches et deux cent cinquante bêtes à laine: celles-ei 
parquent en été; ce résultat me parait prouver que les 
terres sont beaucoup meiïlleures qu’on ne le supposait ; 
du reste leur apparence est bonne ; ce sont des terres 
mêlées de petites pierrescalcaires, qui probablement n’ont 
pas, dans une grande partie de leur étendue, une suffi 
sante épaïsseur de terre sur une couche de marne per- 
méable. M. de Villebonne nous a dit que ses deux cent 
cmquante bêtes à laine lui font, pendant les sept mois où 
elles ne parquent pas, trois cents grands tombereaux, 
attelés de trois chevaux, de fumier; il n’emploie que 
vingt de ces tombereaux pour fumer un hectare devant 
être semé en froment. Ce qui produit une si grande 
quantité de fumier, c’est que M. de Villebonne a imaginé 
d'employer la païle affouragée par les bêtes à laine, 
comme litière pour les chevaux et bêtes à cornes; il ne 
donne tous les deux jours à la bergerie qu’une épaisse 
conche de marne, tirée à deux pieds de profondeur, der- 
rière ce bâtiment; ce serait, il me semble, une bonne 
chose, si une partie de la ferme se trouvait en terre non 
calcaire, ou si elle avait au moins une épaisse couche de 
terre au-dessus de la marne; mais cette forte application 
de marne sur une terre calcaire et peu profonde finira, 
je le pense, bientôt par lui nuire. 

J'ai bien examiné l’état des bâtiments de cette ferme; 
aucun perfectionnement, aucune augmentation n'y ont 
été apportés depuis ne ans, que M. de Villebonne l'a 
reprise ; auCun engrais n’a été acheté ; il n’ y a ajouté ni 
un bon taureau, ni de bons béliers; il n’y a pas introduit 


quelques bonnes vaches. Comme je me suis permis de lui 
en demander la raison, il m’a dit qu’il voulait essayer de 
prouver à ses fermiers et aux petits propriétaires de sa 
commune qu’on pouvait faire mieux qu'eux, avec les 
seules ressources qu'ils ont tous à leur disposition. Je ne 
vois pas la chose comme M. de Villebonne ; il me semble 
que tout propriétaire qui habite un pays où l’on cuitive 
mal, doit désirer que la culture s’y perfectionne; ce sera 
un avantage pour lui et ses fermiers; si on fait tant que 
de cultiver, encore faut-il bien labourer et avoir de bons 
bestiaux, convenablement nourris ; car les bonnes bêtes 
paient la nourriture qu’elles recoivent plus cher que les 
mauvaises bêtes. Il faut bien nourrir son cheptel et Pamé- 
liorer, tout en en augmentant le nombre le plus possible ; 
pour arriver à ce but, il faut faire des betteraves, des 
pommes de terre, des choux-vaches, des navets et des 
lopinambours, comme récoltes sarclées, et remplacer 
ainsi la jachère qui est onéreuse par les nombreuses 
cultures qu’elle exige pour tenir la terre propre; ce sont 
des facons et un loyer à payer pour cette jachère qui ne 
finissent pas. C’est pour cela qu’au lieu de faire une ja- 
chère morte, il vaut mieux semer des plantes légumi- 
neuses, telles que vesces d’hiver ou de printemps, qui 
étouffent les mauvaises herbes annuelles, ou des féve- 
rolles, si les terres sont fortes; on sème ces dernières en 
lignes, à cinquante centimètres de distance, et on les 
sarele ; on sème encore avec avantage du maïs géant pour 
fourrage, du trèfle incarnat hâtif et tardif, du seigle et 
de l'orge d’hiver, pour faucher en vert; une partie de 
ces fourrages sont hâtifs, d’autres sont tardifs; le maïs 
géant, qui s'élève de neuf à douze pieds de hauteur, ne 
commence à se couper que vers la fin d'août, époque à 
laquelle ses tiges juteuses sont très-sucrées ; on les passe 
au hache-paille pour que rien ne se perde; les tiges de 
topinambours, qui atteignent six et huit pieds de hau- 


— 172 — 


teur, sont encore un excellent fourrage, mais on ne doit 
en donner que pour la demi-journée, sans cela, elles 
échaufferaient trop les bêtes; ces plantes forment la 
nourriture verte de l'été; le foin de trèfle, la luzerne et 
le sainfoin , avec les racines et les tubercules, four- 
nissent la nourriture d'hiver, à laquelle il ést avantageux 
d'ajouter un mélange de tourteaux de lin, de noix, de 
pavots, de colzas, de graines de coton, de noix de pal- 
miers et de sézame ; tous ces tourteaux sont importés en 
Angleterre sur une large échelle, et y sont consommés 
par le bétail, qui produit ainsi beaucoup d’excellent 
fumier; à son tour, ce fumier donne d’abondantes et 
profitables récoltes ; pour augmenter la quantité du fu- 
mier, qui est toujours trop faible, on sème des lupins 
blancs qui viennent sans fumure, pour peu que la séche- 
resse ne les arrête pas, à plus d’un mètre de haut; enter- 
rés ensuite par un bon labour lorsque les branches laté- 
rales sont en pleine fleur, ces lupins remplacent de trente 
à quarante mille kilos de fumier. 

Si on n’est pas assez riche pour se monter de suite un 
cheptel choisi, on engraisse les plus mauvaises bêtes, 
qu’on remplace par de bonnes bêtes de pays, qui recoi- 
vent de bons reproducteurs; quelques années après, on 
a un bon cheptel; mais, me dira-t-on, lorsqu'on arrive 
dans une ferme elle est habituellement usée et sale, alors 
on est bien forcé de donner à toutes les terres, les unes 
après les autres, une jachère complète pour les nettoyer 
de chiendent, de chardons, et de toutes les mauvaises 
berbes vivaces; je suis d’accord sur cette nécessité ; cette 
jachère donnée, on fume bien, et on adopte un assole- 
ment alterne ; comme l’on ne trouve pas de fumier, on 
fait venir du guano du Pérou, à 30 fr. les cent kilos; 1 
en faut de trois à quatre cents kilos par hectare, pour 
avoir de bonnes récoltes de céréales, et mille kilos pour 
les récoltes sarclées; si on disposait de fumier, il en faut 


— 173 — 


ae trente à quarante mille kilos par hectare, avec trois 
cu cinq cents kilos de guano, suivant l’état de la terre; 
maintenant veut-on savoir l'importance du capital né- 
cessaire à un fermier qui veut réussir; en entrant dans 
une ferme bien bâtie, de cent hectares en bonnes terres 
plutôt légères que fortes, avec un bail de &ix-huit ans, 
il faut au moins, un capital de 500 fr. par hectare ; avec 
une bonne culture et du temps, ce capital se doublera; 
si on ne dispose que de 25,000 fr. il ne faut louer que 
cinquante hectares et l’on réussira ; tandis qu’avec cent 
hectares il y aurait bien des chances de ne faire que vé- 
géter, si même on n'est pas culbuté. Dans tous les pays 
où l’on cuitive bien, le capital du fermier est de 1,000 f. 
par hectare; si dans une grande partie de la France, la 
culture est si arriérée, cela tient surtout à ce que les fer- 
miers louent des fermes trop grandes pour leur capital; 
ils se trouvent gènés; ils reculent devant l’achat de bons 
reproducteurs, de bonnes machines agricoles, d’engrais 
supplémentaires, ils sont forcés de vendre leurs produits 
même à vil prix, pour payer leur loyer; leurs terres 
n'étant pas fortement famées, ne résistent pas aux mau- 
vaises saisons, Ce qui fait qu'ils ont peu à vendre, dans 
les années de cherté. Je crois devoir ajouter, que je vois 
avec regret, dans mes pérégrinations agricoles, le plus 
grand nombre des propriétaires français, qui s’occupent 
un peu de culture, fortement imbus de l’idée que des 
gens bien élevés, ne peuvent pas cultiver sans y perdre; 
ils sont riches ou au moins fort à l’aise ; ils sont d’un 
caractère généreux pour toutes choses; mais quand il 
s’agit de leur faire-valoir, ils sont des plus regardants et 
n'y mettent que moitié de ce qu’il faudrait pour avoir de 
vons résultats ; 1ls s’ennuyent de ne faire que de faibles 
récoltes, et bientôt après ils renoncent à toute culture, 
et même aux améliorations qui sont d'ordinaire, lPaffaire 
du propriétaire, 


— 174 — 


J'ai quitté mon neveuet les siens, pour me rendre chez 
le marquis d’Argens, dans sa très-grande et belle terre 
de Bouville, que le chemin de fer de Paris à Tours 
par Vendôme, traverse près Cloyes. J'ai trouvé le marquis 
que j'avais l'avantage de connaître, prêt à partir pour la 
chasse avec de nombreux voisins; aussi l’ai-je prié de se 
borner à me faire voir son bétail, sa ferme étant non 
loin de son joli château, orné de quatre tours. Le marquis 
à fait ses premières armes en culture, du temps de son 
père qui cultivait cette ferme &@e trois cents hectares 
dès 1830 ; 1l a cédé à son fils son faire-valoir il y a vingt 
ans, en le mariant. M. d’Argens a continué depuis lors 
sa culture améliorante, commencée il y a si longtemps; 
aussi, ses terres sont-elles très productives, quoique cail- 
louteuses. Il tient une trentaine de belles et bonnes 
vaches, croisées durham, avec leurs élèves, dans de 
commodes et vastes étables, fort bien tenues; son tau- 
reau durkam a été payé 800 fr. à l’âge de trois mois, 
chez M. de St-Pierre, près du haras du Pin. M. d’Argens 
tient aussi un taureau croisé durham, qu’on donne aux 
vaches ayant recu quatre fois du sang durham, le marquis 
préférant ne pas aller plus loin dans ce croisement ; ses 
fermiers et ceux des environs, lui payent 90 francs ses 
veaux mâles, âgés de quelques jours; cela rend service 
au pays, en yaméliorant le bétail ; mais le marquis aurait 
plus de bénéfice, en vendant les jeunes bêtes grasses, à 
l’âge de trente à trente-six mois; en les nourrissant bien 
il en obtiendrait aisément de 500 à 600 fr. la pièce; au 
lieu de cela le marquis achète au prix de 250 à 300 fr. un 
grand nombre de vaches qui n’ont pas l’aptitude des 
croisés durham à prendre la graisse, et elles ne payent 
la nourriture consummée en trois ou quatre mois que 
150 à 200 fr., en ne comptant pas la valeur du fumier. 

Il m'a dit que plusieurs de ses vaches croisées durham, 
donnaient de vingt à vingt-cinq litres de lait, pen- 


— 175 — 


dant les trois premiers mois, et conservaient leur lait fort 
longtemps. 

Son troupeau d’environ sept cents têtes de mérinos, 
recoit des béliers de chez les meilleurs éleveurs de Bour- 
gogne; cela lui fait vendre la livre de laine de 15 à 
20 centimes, plus cher en suint, que celle des troupeaux 
des environs; mais par contre, il perd par cette cause 
une dizaine de livres du poids des bêtes ; le comte aurait 
done plus d'avantage à prendre ses béliers chez M. Plu- 
chet, à Trappes, près Paris, ou à se procurer des 
anglo-mérinos d’Alfort, ou même des béliers dishleys, 
comme le font beaucoup de grands fermiers des envi- 
rons de Paris. Sa vaste bergerie est bien aérée et fort 
bien montée en râteliers; elle est, de même que les 
étables, ornée d’un grand nombre de plaques de primes 
remportées. 

Ses écuries contiennent trente chevaux percherons, 
achetés de 350 à 450 fr. à l’âge de six mois; ils reçoi- 
vent alors quatre litres d'avoine aplatie, dont la quan- 
tité s’'augmente avec l’âge des animaux, on commence à 
les atteler à deux ans, mais en les ménageant jusqu'à 
quatre. J’ai vu à regret ces grands et forts chevaux, 
attelés par quatre à un lourd tombereau contenant quatre 
mètres de fumier; ces quatre chevaux, attelés chacun à 
leuc tombereau en eussent transporté aisément six mè- 
tres, et se fussent plus facilement approchés du tas de 
fumier ; les tombereaux eussent été chargés et déchargés 
par les deux charretiers, l’un au tas, l’autre au champ; 
les chevaux eussent été conduits par des gamins de douze 
à quatorze ans, comme cela se fait en Écosse et dans une 
partie de PAngleterre, où cet usage s’étend toujours da- 
vantage, de cette manière chaque cheval fuit sa besogne, 
et n’a pas la possibilité de s’en décharger en partie sur 
les autres chevaux. 

Il y a, dans cette ferme, un grand nombre de meules 


— 176 — 


de grains, bien formées et bien couvertes en paille, et un 
énorme hangar plein de fourrage; on s’y sert des ins- 
truments Dombasles. 

Les fermes de ces environs se vendent dans les prix 
de 2,000 à 2,500 fr. l’hectare. 

Ayant remercié le marquis, je suis retourné à Cloyes, 
d’où le premier convoi du cliemin de fer m’a transporté 
et déposé vers midi, à Vendôme; Je désirais visiter 
M. Rüverain-Collin un des concurrents à la prime d’hon- 
neur de Loir-et-Cher, de la culture duquel j’avais entendu 
faire de grands éloges ; il a bien voulu me conduire à 
sa ferme ; en chemin, il m’a raconté brièvement son his- 
toire : 

Quand il s’est marié, il y a vingt-huit ans, il a acheté 
une couple de chevaux et de cabriolets de louage; ses 
affaires ayant prospéré il est devenu maître de poste à 
Vendôme , et plus tard entrepreneur de diligences; 1l 
en a sur diverses directions huit, dont tous les relais sont 
sa propriété ; sa femme qui aime beaucoup la culture et 
la campagne, passe la moitié du temps à la ferme, avec 
son fils, jeune homme de vingt-cinq ans, qui a fait ses 
études au collége de Vendôme ; sa fille tient le bureau 
et la comptabilité à Vendôme. 

La ferme d’Orcines, à deux kilomètres de la viile, 
qu'il a louée en 1848, contient quatre-vingts hectares de 
terres et huit de prés, elle était partagée entre deux fer- 
miers, dont l’un qui y faisait de mauvaises affaires, a 
cédé de suite sa part à M. Riverain -Collin ; l’autre fer- 
mier a achevé son bail qui avait encore une durée de 
trois ans. 

Les bâtiments dont M. Riverain-Coilin prenait de suite 
possession, se composaient d’une maison, une écurie, 
une étable et une grange ; les bâtiments de la seconde 
ferme ont été démolis et ont servi à la construction des 
bâtiments ajoutés, depuis, à la ferme. 


— 177 — 


Son excellent propriétaire, dont il a toujours eu à se 
louer, lui a accordé un bail de trente ans. 


M. Riverain-Collin ayant été obligé de retourner en 
ville, après m'avoir montré l’intérieur de sa ferme na 
remis une copie du rapport qu’il avait présenté au jury 
de la prime d’honneur ; cette copie m’a servi à faire l'ex- 
trait suivant ; resté avec M"° Riverain-Collin et leur fils, 
ils ont été des plus obligeants pour moi et m’ont fait 
reconduire le soir à la ville. 


Les terres situées dans la vallée du Loir, sont en par- 
tie argilo-siliceuses; les unes sont bonnes, et les autres 
détestables ; ces dernières étant brülantes, le seul parti à 
en tirer était de les laisser en topinambours fortement 
fumés tous les deux ans. L’inconvénient des bonnes 
terres du val du Loir est qu’elles sont humides par infil- 
tration, lorsque la rivière est haute; les terres placées 
sur les coteaux, étaient des terres froides, qui sont 
devenus bonnes, après le drainage, le chaulage et de 
bonnes fumures. 


Les employés de cette culture sont, un chef de main- 
d'œuvre à 550 fr., un premier laboureur à 450 fr., 
quatre autres hommes de 400 à 350 fr., le maître 
berger à 500 fr., l’aide à 250, deux vachers suisses à 480 
et 400 fr., la cuisinière à 300 fr., le meunier à 600 fr., 
le maréchal à 480 fr. ; tous sont nourris. 


La ferme s’est augmentée avec le temps, par quelques 
acquisitions que le propriétaire a pu faire, pour arrondir 
son bien, et par soixante-douze hectares de pauvres 
terres et de bruyères dépendantes dé la ferme de 
Brulegnes des plus mal bâties; plus de moitié était en 
friche et gàtée par le manque d'écoulement des eaux de 
pluie, ce qui la déprécie tant qu’elle a été laissée pour 
vingt ans à 25 fr. l’hectare à M. Riverain-Collin ; sa 
culture s’étend donc maintenant sur cent soixante- 

12 


— 178 — 


douze hectares, sans compter quelques prés loués à 
d’autres propriétaires. 

Ces cent soixante-douze hectares sont habituellement 
ainsi employés : 

30 hectares sont en prés dont il a créé environ moitié 
et dont partie est irriguée en hiver par des eaux 
de sources et des eaux de drainage. 

46 en céréales d'automne. 

31 en céréales de printemps. 

20 en luzerne. 

34 en trèfle et autres prairies artificielles. 

10 en betteraves, pommes de terre, choux, carottes 
et topinambours. 

» h. 50 centiares en vignes. 


171 h. 50 centiares. 


Sa ferme nourrit habituellement une quinzaine de 
chevaux dont quelques-uns sont des chevaux de relais 
fatigués qui se reposent en labourant ; une quarantaine 
de bêtes à cornes croisées durham-normand, un bœuf à 
l'engrais, cinq eents southdown, dont soixante brebis à 
120 fr., importées de chez Jonas Webb, ont formé la 
souche. 

Il a construit une belle porcherie pour vingt truies 
croisées avec des verrats anglais ; une vingtaine d'élèves 
sont engraissés, et les autres très-nombreux porcelets 
sont enlevés de la ferme à 15 ou 20 fr. La bergerie est 
partagée en six compartiments, dans chacun desquels un 
tombereau attelé d’un cheval, peut entrer, pour en em- 
porter le fumier ; ces compartiments sont formés par de 
doubles râteliers, au milien desquels une petite barrière 
s’élève, pour ouvrir lacommunication d’un compartiment 
à l’autre ; lorsqu'on veut affourager les bêtes et que le 
temps est mauvais, on les fait passer dans le comparti- 


— 179 — 


ment voisin, au lieu de les envoyer dans la cour ; le com- 
partiment du milieu sert à la distribution de la provende 
des agneaux qui peuvent s’y rendre en passant par les 
claires-voies réservées dans les barrières. 

M. Riverain-Collin est parvenu à l’aide d’un ruisseau 
et de l’eau de plusieurs sources, à former près de sa 
ferme une chute de la force de dix chevaux, cette chute 
fait tourner deux paires de meules, une machine à battre 
de Gérard, de Vierzon, le hache-paille , l'aplatisseur 
d'avoine, et le ventilateur des menues pailles et des four- 
rages secs coupés, cet instrument permet d’extraire du 
fourrage la poussière qui est si nuisible aux chevaux et 
à tout le bétail ; dans cette ferme remarquable , toute la 
nourriture est préparée, ce qui empêche tout gaspillage 
et permet de nourrir un tiers de bêtes de plus, que si le 
fourrage, vert ou sec, n’était pas passé au hache-paille, 
et que si les grains r’étaient pas aplatis. 

On fait ici beaucoup de froment de semence, en culti- 
vant les meilleures variétés et en les passant au trieur. 

Deux grands hangars ont été construits contre le mou- 
lin, pour loger à sa portée les céréales, les pailles battues, 
et les fourrages devant passer au hache-paille ; d’autres 
immenses hangars logent les véhicules et les instruments 
de culture afin de les abriter du soleil et de la pluie, 
chose essentielle ; ils contiennent des logements pour 
bêtes à cornes et moutons, que les bouchers de la ville, y 
mettent en pension ; ces bêtes y sont reçues par une 
autre entrée et ne pénètrent jamais dans la cour de ferme, 
de crainte qu’elles n’y importent des maladies. La maison 
de ferme est commode ; elle est sur cave, et à côté est la 
literie, qu’une pompe aspirante et foulante fournit 
d’eau froide ; cette pompe fournit aussi la cuisine qui à 
l’aide de tuyaux, donne de l'eau chaude, là où l’on en a 
besoin. 

Le seul bâtiment restant de l’ancienne ferme, est la 


— 180 — 


maison qui a élé transformée en boulangerie, buanderie 
et poulailler. 

Toute la ferme a donc été construite par M. et M" Ri- 
verain-Collin, quiont visité ensemble, en différentes fois, 
Grignon, Mettray et d’autres fermes bien construites, afin 
d'y trouver de bons modèles à imiter. 

La valeur des bâtiments dont le propriétaire n’a pas 
fourni le capital, doit leur être remboursée à fin de bail, 
à dire d'expert. Au contraire, M. Riverain-Collin, paie 
à son propriétaire un intérêt des capitaux que celui-ci a 
fournis. 

Il n’a pas été très-difficile d'amener à une bonne pro- 
duction les terres de la ferme d’Arcisne, dont M. Rive- 
rain-Collin paye 5,665 fr. et deux cents hectolitres de 
froment pour cent hectares ; en portant ce froment à un 
prix moyen de 20 fr. l’hectolitre, cela forme la somme 
de 9,665 fr., ou à peu près 47 fr. Phectare ; par bail 
M. Riverain-Collin s’est réservé le droit de vendre tous 
les produits de sa ferme, si cela lui convient. 

Il n’en a pas été de même pour les terres de la ferme 
de Brulesne, M. Riverain-Collin disposait d’une énorme 
masse d'engrais faits à la ferme, à l'écurie des relais, et 
à Vendôme, dont il enlève les boues, moyennant une 
rétribution de 50 fr. et la dépense occasionnée par lem- 
ploi de deux tombereaux attelés chacun d’un cheval, avec 
deux conducteurs. 

M. Riverain-Collin enlève autant que possible, les vi- 
danges de la ville ; il s’est done mis résolument à défricher 
les bruyères et les terres vagues de cette ferme, pour 
laquelle tous ses voisins lui prédisaient un insuccès ab- 
solu ; il a retourné les bruyères au moyen d’une charrue 
Dombasle, attelée de trois forts chevaux ; cette charrue 
qui prenait de vingt à vingt-cinq centimètres de profon- 
deur, était suivie par une forte charrue Bonnet, attelée 
de huit chevaux, qui défoncait à plus de soixante centi- 


— 181 — 


mètres de profondeur, en ramenant le sous-sol à la sur- 
face ; au printemps, en enterrait une énorme fumure et 
on semait des vesces ou des pois fourrage ; après l’enlè- 
vement de la récolte, on marnait à cent vingt ou cent 
quarante mètres cubes, à l’hectare. Il a drainé les terres 
les plus humides, et a fini par les mettre en prés, après 
y avoir mis jusqu’à cinquante mètres de cendres de four 
à chaux, payées 3 fr. le mètre ; une chose qui a produit 
le meilleur effet comme fumure ce sont les germes 
d'orge ou tourailles, qu’il n’a payés que 50 cent. lhecto- 
litre à la brasserie ; il en met cinquante hectolitres à 
l’hectare. 

Il emploie aussi du guano du Pérou, pour venir au se- 
cours des froments qui ont souffert de hiver, en les 
bersant au printemps; il met aussi six hectolitres de 
plâtre coûtant 2 fr. 50 l’hectolitre, par hectare de prairies 
artificielles. 

On a grand soin du fumier à la ferme, et on mélange 
bien ceux des chevaux, des bêtes à cornes et des moutons; 
on les arrose souvent de purin ; le fumier des pores est 
réservé pour les terres brülantes. 

Il existe à la ferme en sus des instruments Dombasle, 
deux faneuses, deux räteaux anglais à cheval, et un 
semoir Jacquet Robillard d'Arras ; il est certain que les 
semailles faites avec un bon semoir, économisent d’un 
tiers à moitié de semence, ce qui est déjà beaucoup ; 
mais ÿ l'on profite de l’ensemercement en lignes, pour 
sarcler les céréales, cela aide à la destruction des mau- 
vaises herbes, augmente le produit du grain, de la 
paille, et empèche la verse des céréales, en fortifiant leur 
paille. 

On vend par an, dans cette ferme, jusqu’à quatre cents 
hectolitres de froments de semence, à raison de 3 fr. 
lhectolitre aa dessus du cours; on renouvelle pour cela, 
fréquemment les meilleures variétés de froments, qu’on 


— 182 — 


fait venir d'Angleterre ou du Nord, ainsi que de chez le 
marquis de Noë. 

Après les récoltes de fourrages semées avant l'hiver, 
on sème en récolte dérobée, des fourrages d'été ainsi que 
des raves ; après fumure on plante aussi beaucoup de 
choux cabus ou des choux branchus, de manière à pou- 
voir en donner, surtout aux bêtes à l’engrais, pendant 
une bonne partie de l’année. 

Pour les récoltes sarelées, on défonce la terre avant 
l'hiver, au moyen d’une charrue Dombasle, suivie, dans 
le mème sillon, par la charrue Bonnet. Les trois facons 
données aux betteraves, sont payées 45 fr. par hectare à 
des tâcherons qu’on nourrit ; l’arrachage, Peffeuillage, 
le chargement dans les tombereaux et l’arrangement 
dans les granges, entre des pailles, se paye 40 fr. par 
hectare, mais alors sans nourriture. 

La nourriture des chevaux se compose cette année, à 
cause de la cherté de Pavoine, de quatre kilog. de son, 
autant d'avoine, un kilog. de sarrasinet cinq kilog. de foin 
et paille passés par le hache-paille ; en évaluant les cent 
kilos d'avoine à 20 fr., le son à 41 fr., le sarrasin à 12 fr. 
et à 6 fr., le foin et la paille coupés avec quatre centimes 
de préparation de cette ration, chaque journée de cheval 
coûte 1 fr. 70 ; si au lieu de cette nourriture préparée on 
donnait neuf kilog. d'avoine et cinq kilog. de foin long, 
la ration coûterait 2 fr. 10 ou 40 cent. de plus ; en hiver 
on remplace le son et le foin, par dix kilog. de carottes; 
les chevaux sont toujours plutôt gras; 1ls sort en été, au 
vert, avec quatre kilog. d’avoine aplatie; ils font en tout, 
trois repas et sont pansés trois fois; traités ainsi, ils 
durent habituellement une dizaine d’années. 

M. füiveram-Collin a douze vaches croisées durham 
et cotentin, en ne dépassant pas, autant que faire se 
peut, 60 0/0 de sang durhanm ; elles donnent en moyenne 
neuf litres de lait sur trois cent soixante-cinq jours de 


— 183 — 


l’année ; qu’elles soient cotentines, ou croisées durham, 
il ne trouve aucune différence dans le produit en lait ; le 
vacher suisse marque chaque jour le lait donné par 
chaque vache, ce qui permet de juger et de comparer ; le 
taureau durham est acheté d'habitude chez M. Salvat, à 
Nozieux. Le public paye 5 fr. pour la saillie. 

Pendant les cinq mois d'hiver, la ration se compose 
de vingt kilog. de racines pulpées, dont le prix de revient 
est 20 cent.; cinq kilog. de regain paille et sel 22 cent. ; 
c’est 42 cent. par ration ; lorsqu’elles sont fraiches vêlées, 
on y ajoute dix xilog. de drèche de brasserie, au prix 
de 15 cent.; en été, elles sont au vert, etontde la drèche, 
si leur état le réclame. On pèse chaque année, ces bêtes, 
lors de l’inventaire et voici les poids moyens : 

Un veau d’un mois pèse cinquante kilog. : un tau- 
reau d’un an quatre cent vingt kilog.; un taureau de 
deux ans sept cent quatre-vingts kilog. ; un taureau de 
trois ans mille kilog.; une génisse d’un an trois cent 
vingt kilog.; une génisse de deux ans cinq cent cinquante 
kilog.; une génisse de trois ans de six à sept cents kilog. 

Tous les ans on vend deux ou trois bêtes élevées 1ei ; 
lorsque c’est à la boucherie c’est à 500 ou 550 fr.; si 
c’est pour la reproduction elles produisent au moins 
50 fr. en sus. 

M. Riverain - Collin tient habituellement dix -sept 
bœufs à l’engrais; ce sont, autant que possible, des 
taureaux de trois à quatre ans, achetés dans les envi- 
rons, et payés de 40 à 45 cent. le kilog.; on les castre, à 
leur arrivée ; on les nourrit pendant quatre-vingt-dix à 
cent jours pour les avoir gras, et on les vend de 65 à 
70 cent. le kilog., ce qui fait de 470 à 500 fr. ; cela paye 
leur nourriture à peu près à 2 fr. 50 et voici ce qu'ils 
consomment : 

Racines fermentées, vingt-cinq kilog. à 11 

COR AE GORE L later lu ele MOD IA 


— 184 — 


Report PARA RIT 

Pommes de terre cuites, deux décalitres 
4 20/cent 2h 4h. MOMIE SNSOREE 
Cinq kilog. regain à 4 cent. le kilog . . » 20 
Drèche. un décalitre à 15 cent. 2. .0000y RS 


Son, deux kilog-:à 10/cenft: 24 LM OMR 
Trois kilog. de sarrasin ou d’orge aplatie 
à,.12 cénta SN MER NUE ES 


1 fr. 58 


Voilà donc 92 cent. de bénéfice par jour et par tête en 
laissant le fumier pour payer l’intérêt du prix d’achat, 
ies soins et la litière ; il est bon d’observer que pendant 
les trente ou quarante premiers jours, on ne les nourrit 
pas si bien, de crainte d’indigestion. 

Ces taureaux arrivent souvent en très-mauvais état ; 
on les fait baigner pendant une quinzaine, s’il fait chaud, 
et cela leur fait grand bien. 

Toutes les bêtes bovines sont pansées une fois par 
jour, ne font que deux repas, et une fois qu’elles ont 
tout ce qu’il leur faut, l’étable est fermée à clef; personne 
ne doit y entrer; grâce à la bonne installation des étables, 
il n’y a presque pas de bêtes malades. 

Contrairement à l’avis des fermiers ses voisins, qui 
assuraicnt que jamais un troupeau n’avait réussi dans 
ces environs, le terrain y étant humide, M. Riverain- 
Collin a construit ane bergerie ; mais 1! a été prudent et 
n’a acheté que de bonnes brebis du Berry, à 17 fr. la 
pièce ; il leur a donné ur bélier southdown, eoûtant 
450 fr. ; il a vendu, la première année, ses agneaux 
males gras âgés de quatre mois, à 48 fr.; l’année d’a- 
près, leur prix a été de 20 fr. au mème âge; ce résultat 
Va décidé, en juillet 1817, à aller en Angleterre chez 
Jonas Webb, près de Cambridge; il lui a acheté soixante 
brebis à 120 fr. par tête, et un bélier de 600 fr. Il a fait 


— 185 — 


lutter ses brebis en septembre ; c’est plus tôt qu'elles ne 
l'étaient habituellement ; vingt brebis n’ont pas agnelé ; 
les quarante autres ont donné quarante-huit agneaux qui 
ont bien réussi ; ils ont été vendus gras à quatre mois, à 
25 fr. la pièce ; l’année suivante, les mâles sur soixante- 
quatre agneaux ont été vendus gras, 42 fr., âgés de 
quatorze mois ; il avait choisi huit des plus beaux, dont 
trois ont été mis dans le troupeau croisé ; les cinq autres 
ont été vendus de 200 à 350 fr. 

Lesbetteraves paraissent à M. Riverain-Collin être indis- 
pensables aux agneaux ; il en garde donc jusqu’aux nou- 
velles betteraves, en les mettant en silos posés sur terre, 
au nord de bätiments; on les découvre lorsque les ge- 
lées ne sont plus à craindre ; elles se rident un peu en 
séchant, mais elles se conservent. La tonte des bêtes à 
laine a lieu fin d'avril et mai, les toisons de brebis sont 
en moyenne de trois kilos de laine vendue, cette année, 
2 fr. 80 e. le kilo; la toison d’agneau qui pèse un kilo 
cinq cents grammes, a obtenu 3 fr. 60 par kilo; les 
troupeaux de métis mérinos des environs donnent des 
toisons de quatre kilos ; mais à cause de la quantité du 
suint, la laine ne se vend que 1 fr. 70 e. le kilo ; on voit 
par là que la laine de bons southdown vaut au moins 
celle des métis mérinos ; mais la carcasse de ces derniers 
est loin de valoir celle des southdown à nourriture 
égale. 

Les expositions de sou‘hdown que M. Riverain-Collin 
fait depuis quelques années, dans les concours, lui ont 
amené un assez grand nombre d’acquéreurs pour ses 
béliers, qui se vendent de 2 à 406 fr. 

Il à habituellement de deux à trois cents moutons, mis 
en pension par des bouchers, à la ferme, en payant 
20 c., par tête et par jour. 

La porcherie contient ordinairement une vingtaine de 
truies craonnaises ou anglaises, des verrats, trois cochons 


— 186 — 


à l’engrais et cinq porcs à engraisser plus tard: les por- 
celets sont tous enlevés aux prix les plus élevés du cours, 
sans qu’on ait besoin de les conduire au marché. 

Le voisinage de la ville permet d’y envoyer tous les 
jours chercher les eaux grasses, à la caserne, dans les 
hôtels ou autres établissements de la ville; les truies 
sont nourries ainsi pour 30 fr. par mois; les mères qui 
allaitent ont des pommes de terre cuites et des farines. 

Les porcelets reçoivent, à l’âge de trois semaines, du 
lait et du froment bouilli ; quelque temps après on rem- 
place le lait comme il vient de la vache, par du lait 
écremé doux; à six semaines, Les porcelets sont ven- 
dus de 15 à 20 fr.; on les baigne tous les deux jours, 
lorsqu'il fait chaud; la saillie des verrats est payée 
3 francs. 

La comptabilité est tenue avec la plus grande exacti- 
tude; le berger, le vacher, l’homme qui prépare la 
nourriture des chevaux, le botteleur qui est étranger à 
la ferme, le meunier, le maréchal, la cuisinière et 
l’homme qui engraisse.le bétail, ont chacun un livret à 
tenir ; le fils de M. Riverain-Collin règle avec eux tous 
les quinze jours. 

M°° Riverain-Collin m’a fait voir et expliqué bien des 
choses et m'a laissé un jugement bien favorable de sa 
capacité et de son obligeance. 

Son fils n’a fait faire une tournée dans les terres des 
deux fermes; j’ai vu partout une culture très-soignée ; 
tous les chaumes des céréales avaient déjà été cultivés, 
pour y faire de nouveaux ensemencements, ou bien pour 
favoriser la germination desgraines des mauvaises herbes, 
qu’un autre coup de scarificateur détruira; ces cultures 
servent aussi à la destruction du chiendent, des chardons et 
d’autres plantes traçantes qui poussent avec une vigueur 
nouvelle, une fois que les récoltes ont été enlevées. 

Ce qui m'a le plus frappé dans ces visites, c’est un 


— 187 — 


champ de quinze hectares, d’une superbe troisième coupe 
de luzernes et aussi de fort belles betteraves , sur les ter- 
res de la ferme, dont on ne paye que 25 fr. l’hectare. 
Ces dernières avaient donné; lan dernier, une récolte 
moyenne de soixante-dix mille kilos. 

La longue et intéressante conversation que j'ai eue 
avec ce jeune homme, m'a prouvé qu’il était le digne fils 
de parents si capables. 

Etant reparti le soir pour Blois dans une des diligences 
de M. Riverain-Collin, j'ai pu lui dire combien j'étais 
enchanté de tout ce que lui, Madame, et leur fils, m’a- 
vaient dit et fait voir. 

J'ai visité un grand nombre de lauréats et de concur- 
rents à la prime d'honneur et j'ai pu assurer à M. Rive- 
rain-Collin qu'aucun n’avait mérité mieux que lui, cette 
grande distinction. 

J’ai couché à Blois et je me suis rendu le lendemain à 
Tours, d’où je suis allé au Plessis par Mettray, voir 
M. Lair, ancien élève de Grignon ; il m’a dit avoir sous- 
loué, il y a deux ans, les quatre cents hectares que 
M. Trousseau faisait valoir, avec un reste de bail de sept 
ans ; 1l a recu toute la monture de la ferme, moins le 
bean et nombreux troupeau de southdown et d’oxford- 
shiredown, que M. Trousseau avait vendu ; M. Lair n’a 
que des moutons d'engrais; j'ai vu une quantité consi- 
dérable de meules de céréales, dont il vend avantageuse- 
ment les pailles à Tours; il engraisse des bœufs et des 
vaches, et m’a dit payer 22,000 fr. par an, sans le mou- 
lin, qui a été loué par l’ancien maitre valet; le chef d’a- 
telier des machines agricoles, M. Estabe, a reporté sa 
fabrique de bons instruments anglais à la Tranchée, près 
le pont, à Tours. 

Le 15 septembre, je suis allé à Labriche ; je mai 
trouvé m1 M, Cail, ni M. Pinpin, son régisseur; je n’ai 
donc fait que visiter la ferme, dont les bâtiments ont été 


— 188 — 


encore considérablement augmentés, depuis ma der- 
nière visite; on a construit un immense hangar pouvant 
contenir trois miile bêtes à laine; le maître berger a 
trois fils qui lui servent d’aides-bergers ; il n’a, dans ce 
moment, que douze cents bêtes à laine. 

J'ai fini par trouver M. Catelle, belge, un des sous-ré- 
gisseurs ; il est chargé de diriger six petites fermes ex— 
térieures occupées par des maîtres valets du pays; 1l m’a 
dit que M. Cail venait d’acquérir encore trois cents hec-— 
tares de terre, ce qui réunit plus de quinze cents hec- 
tares dans la terre de Labriche. 

M. Cail vient de monter une sucrerie d’après un nou- 
veau procédé, qui n’a pas encore marché; on cultive ici 
environ deux cents hectares en betteraves qui, jusqu’à 
cette heure, étaient distillées. 

J’ai trouvé dans l’immense grange un détachement de 
plus de cent colons de Mettray, occupés à battre du 
froment, avec une grande batteuse de Ransome, impor- 
tée d'Angleterre ; ils travaillaient à la tâche avec une si 
grande ardeur et tant d’activité, que je n'ai pu obtenir 
aucun renseignement. 

M. Cail a fait construire de jolies petites maisons 
avec jardins pour loger ses employés mariés ; M. Catelle 
est fort bien logé ainsi ; ses appointements sont de 
1,500 fr. Les chefs des six fermes, placés sous sa direc- 
tion, ont avec leurs femmes, 1,000 fr.; on leur donne 
5fr. par mois pour payer l’épicerie du ménage de la 
ferme, et cinq hectos de froment par an par chaque 
personne qu'ils ont à nourrir; ils peuvent prendre, avec 
cela, les légumes et pommes de terre pour le ménage 
et pour les cochons engraissés et consommés dans la 
ferme. 

J'ai vu sous les hangars de la grande ferme , une 
moissonneuse à râteau automate, fabriquée , m’a-t-on 
dit, par un Anglais, à Paris ; j'ai vu aussi des rouleaux 


— 189 — 


Croskyll et des semoirs à betteraves pour billons. 

Les trois grandes étables de la grande ferme peuvent 
contenir six cents bœufs et il y a place pour deux cents 
autres bœufs dans les fermes. 

On se sert ici, de préférence, de bœufs de la race sa- 
lers; il y en a maintenant environ deux cents. Les colons 
de Mettray sont chargés des sarclages et autres travaux 
qu'on peut faire à la tâche; les plus forts labourent avec 
des bœufs ; Jai vu un certain nombre des plus jeunes 
ramassant dans des brouettes des pierres calcaires qu’ils 
emmétraient; elles sont employées sur une nouvelle 
route, faite pour raccourcir l’arrivée à Labriche. 

Je me suis rendu de là chez M. de Champchévrier, 
propriétaire d’une terre dont l'étendue dépasse douze 
cents hectares; son père et lui y ont planté et princi- 
palement semé un millier d'hectares en chènes, bou- 
leaux et pins maritimes. La réserve de ce grand syl- 
viculteur contient des vaches parthenaises qui ont un 
taureau normand; son troupeau est croisé southdown. 

Je suis ensuite allé chez M. Schmidt, propriétaire pa- 
risien, qui est venu acheter, il y a dix ans à peu près 
deux cents hectares, dont une forte partie en bruyères, 
qui entouraient une simple ferme du pays; ce monsieur 
a arrangé la maison de manière à la rendre habitable 
pour Madame, deux jeunes personnes et trois beaux 
jeunes gens; l’un d’eux s’est fait le maréchal de léta- 
blissement; M. Schmidt a construit quelques grands 
bâtiments de culture et en augmente encore le nombre, 
attendant qu'il se construise une habitation convenable 
pour sa famille ; j'étais déjà venu voir, il y a quelques 
années cette famille d'agriculteurs entreprenants; Mon- 
sieur était alors allé à Paris pour y recevoir ses loyers ; 
cette fois, c'était ces dames qui étaient allées à Paris 
dans leur famille pour bien voir l'Exposition. 

M. Schmidt ma fait voir son bétail ; 1l a un taureau 


— 190 — 


croisé durham et des béliers croisés southdown ; je Pai 
engagé, si rien ne s’y oppose, à avoir des reproducteurs 
de pure race; il élève beaucoup de cochons croisés an- 
glais, et en a, y compris les porcelets, près d’un cent ; il 
a planté trois hectares de vignes et compte en augmen- 
ter le nombre ; je l’ai engagé à visiter les vignes plantées 
en chaintres, de Chissay, avant de continuer. 

Il m'a dit avoir été au château de la Dorée, chez le 
comte Odard, et y avoir pris une collection des meilleurs 
cépages qu’on y cultive. 

Ses défrichements sont terminés, et M. Schmidt a 
donné les terres qu’il avait en trop à des métayers. 

L’ainé de ses fils restant avec lui, il a pu louer pour 
les deux plus jeunes une grande et très-belle ferme, que 
le régisseur de la terre de Luyne avait construite pour 
la cultiver lui-même; mais il s’en est lassé apparem- 
ment, devant habiter le château quien est à deux lieues; 
il Va donc louée à cette famille, pour dix-huit ans, ainsi 
que deux petites fermes, neuves aussi ; le tout a été cons- 
iruit il y a huit ans, sur environ cent vingt hectares de 
bonnes bruyères défrichées alors, et sur lesquelles j'ai 
vu, lors de ma première visite à M. Schmidt, il y a sept 
ans, de très-beaux froments. 

Ces deux jeunes gens habitent une fort jolie maison; 
ils ont une écurie et des étables fort bien arrangées, deux 
bergeries, chacune pour trois cents bêtes, et un grand 
hangar, dans une partie duquel ils préparent pour le bé- 
tail la nourriture fermentée, comme cela a lieu chez leur 
père, dont l'habitation n’est qu’à quatre kilomètres ; ils 
m'ont dit avoir fait une bonne récolte en céréales; 1ls 
m'ont fait voir un grand champ de bonnes betteraves ; 
ils n’ont que six hectares d’excellents prés, mais ils sont 
sur les bords de la Loire, et à une couple de lieues de la 
ferme ; ils sont en train d’en faire plusieurs hectares qu’ils 
pourront irriguer avec de l’eau de source, à laquelle ils 


— 191 — 


mêleront les eaux de la basse-cour ou ferme. [ls m'ont 
fait diner avec eux, et l’ainé a voulu me reconduire à 
Tours, à six lieues de chez eux. Ô 

Je suis arrivé le lendemain matin chez mon ami, 
M. Paul Allibert, dans son charmant château de Mont- 
chenin. Il augmente chaque année l’étendue de sa cul 
ture, en défrichant des bois qui ont été abimés par le 
pâturage, et qui deviennent de bonnes terres; M. Alli- 
bert en a déjà défriché quarante-quatre hectares; 1l doit 
en défricher encore dix hectares, ce qui ne pourra être 
fait que dans deux ans, car la main-d'œuvre est des plus 
rares, tous les habitants possédant des terres et les cul- 
tivant; sa culture s’étendra alors sur cent vingt hec- 
lares. 

Ce qui gène beaucoup la culture de cette terre, c’est 
un sous-sol pierreux; dans une pièce de cinq hectares 
qui vient d’être labourée par une charrue écossaise, tout 
en fer, sans avant-train, mais à très-longs mancherons, 
attelée de quatre bons chevaux, on ne pouvait pénétrer 
qu’à vingt-deux centimètres, à cause des grosses pierres ; 
des pionniers arrachaient toutes celles qu’on rencontrait ; 
on en a enlevé treize mètres cubes. 

Mon ami devrait louer, si cela se peut, de M. Cail, à 
Labriche, la charrue à vapeur de Fowler, destinée à dé- 
foncer les terres à sous-sol pierreux, charrue qu’on em- 
ploie avec tant de succès dans le Midi; c’est à la vérité 
une opération fort chère ; M, de Gasquet, propriétaire et 
directeur de la ferme-école de Salgue, dans le Var, 
vient de me mander qu'il achève le défoncement d’une 
pièce de terre en côtes, de sept hectares, si pierreuse 
qu’on a mis quatorze jours pour la défoncer à cinquante 
centimètres; cette opération lui coûtera entre 300 et 
500 fr. par hectare, suivant le plus ou moins de diffi- 
culté de la terre; il est des plus satisfaits de ce travail; 
il ajoute qu'ayant déjà fait un défoncement de même 


— 192 — 


profondeur en pareil sol, il y a plusieurs années, 1l lui 
était revenu à plus de 2,000 fr. hectare. 

Dans les pays bien cultivés, on emploie souvent cent 
mille kilos de fumier par hectare pour les betteraves ; si 
on achetait ce fumier, il coùterait de 500 fr. à 1,000 fr., 
suivant les pays, et aucun bon cultivateur ne trouverait 
la chose extraordinaire, tout en sachant que cette famure 
ne produira son effet que pendant quatre ou cinq ans; il 
n'en est pas moins vrai qu'à première vue tout le monde 
est effrayé de payer 500 fr. pour un labour de défonce- 
ment. Cependant ce labour, en arrachant une masse de 
pierres, permettra dorénavant de labourer plus profon- 
dément, ce qui augmentera toujours beaucoup les pro- 
duits. Les fumures des trois ou quatre premières années 
d’un défrichement ne sont pas chères; dix-huit cents 
kilos de phosphate de chaux fossile, rendus ici, le 
voyage du chemin de fer compté, reviennent à 140 fr. 
qui, partagés en quatre, forment 35 fr. pour chacune 
des quatre fumures, qui donneront chacune une bonne 
récolte. ai même vu chez MM. Durand, près Lignières 
(Cher), une quatrième récolte sur bruyères défrichées, 
donner par hectare une récolte de vingt-cinq hectolitres 
de colza, trente-quatre hectolitres de seigle et trente- 
deux d'avoine d’hiver; cette bruyère n’avait eu pour 
produire quatre récoltes, pas toutes aussi fortes que celle- 
ci, que seize cents kilos de phosphate de chaux fossile, 
partagés entre les quatre années. 

M. Allibert ne craint pas d’acheter du guano du Pérou; 
il vient d’en recevoir de Nantes 15,000 kilos, qui, rendus 
ici, revienent à 33 fr. les cent kilos. Il va essayer compa- 
rativement, les engrais chimiques de M. G. Ville, sur des 
champs qui ont reçu par hectare trente-cinq mille kilos 
de fumier enterré avant l’hiver par un labour profond; 
il suivra les prescriptions de l’habile professeur, et met- 
tra sur un hectare du même champ, pour même argent 


— 193 — 


dé guano que l’engrais Ville aura coûté; on tiendra aussi 
un compte comparatif du produit des trois années qui 
suivront celle où les divers engrais auront été employés, 
pour constater la durée de leur effet. 

Le cheptel de la ferme de la Richardière se compose 
de douze chevaux et quatre bœufs; la vacherie arrive 
au chiffre de quarante et quelques bêtes, les veaux com- 
pris ; le taureau est durham; on élève tous les veaux pour 
les vendre gras vers l’âge de trente à trente-six mois ; un 
jeune bœuf, âgé de vingt-sept mois et demi, vient d’être 
vendu à Cormery, petite ville voisine, où il a été abattu; 
il pesait trois cent quatre kilos de viande nette; à 1 fr. 
30 centimes le kilo, il a produit la somme de 395 fr. 20; 
sa mère était une petite vache du pays. 

Le troupeau est de quatre ceut vingt tètes provenant 
de béliers shropshiredown , avec des brebis croisées 
southdown-berry; on vend 60 fr. des béliers antenais 
de ce croisement; le manque de fourrage a engagé à 
vendre cent vingt-six agneaux de dix mois en décembre 
1866; n'étant pas assez gras, on n’en a eu que 34 fr. 
pièce, tandis que quatre-vingts moutons du même croi- 
sement, âgés d’un peu plus de treize mois, pesant en 
moyenne 47 kil. 660, viennent d’être vendus le 24 fé- 
vrier 1868, à la Villette, à 42 fr. la pièce. M. Révérend, 
voisin de M. Allibert, bon cultivateur sur d'excellentes 
terres, vendait en même temps soixante moutons du 
pays, bien gras et âgés de quatre ans au prix de 38 fr. 
cette différence dans les résultats devrait bien faire sor - 
tir un grand nombre de bons cultivateurs de leurs habi- 
tudes routinières ; ils achètent des moutons de pays, de 
deux à trois ans à des prix élevés, par suite de la grande 
concurrence qu'ils rencontrent, tout le monde voulant 
engraisser ; ils nourrissent leurs moutons pendant un 
an, ne retirent pas 5 fr, de leurs misérables toisons et 
vendent ces moutons de quatre ans moins cher que des 

13 


— 194 — 


agneaux de douze à quinze mois; au lieu de cela, ils 
feraient mieux d'acheter, au mois d’août, de bonnes 
brebis de pays, qu'ils paieraient, en temps ordinaire, de 
15 à 20 fr.; ils leur donneraient des béliers southdown, 
ou, de préférence, des béliers shropshire ou oxfordshire, 
à toisons plus lourdes, la laine étant plus longue; ces 
béliers pesant de soixante-dix à quatre-vingts kilos, 
poids vif, sans être gras, donneront des agneaux qui 
deviendront encore plus lourds que ceux provenant des 
béliers southdown; nos cultivateurs auraient done cha- 
que année à vendre des moutons gras âgés de quinze 
mois ; ils en obtiendraient de 38 à 40 fr. au moins, ces 
moutons pesant plus que ies moutons de pays âgés de 
trente-six à quarante-huit mois; cela rendrait la viande 
plus abondante et par conséquent moins chère; 1l est 
aussi à remarquer que les toisons des jeunes moutons 
auront plus de poids et de valeur que ceux de trois 
et quatre ans; une fois les agneaux sevrés, on engrais- 
serait les brebis et on les remplacerait par d’autres ; de 
cette manière, on pourrait élever des bêtes à laine, sans 
risquer de les voir atteintes de la cachexie, même dans 
des pays à sous-sol imperméable, puisqu'on ne les y 
conservéralt que quinze mois au plus. ; 

M. Allibert a écrit, comme je lai appris depuis, à 
M. Randell, agent et fermier du duc d’Aumale à Chad- 
bury, près Evesham, pour lui demander une troisième 
paire de béliers saropshire, car 1l a été très-bien servi 
chaque fois ; ils coùtent, pris sur place, de 500 à 600 fr, 
la paire, suivant le choix; il faut y ajouter 100 fr. de 
port pour les deux, pour aller à soixante lieues plus 
loin que Paris. Lorsqu'on tue, chez M. Randell, un bé- 
lier de cinq ans, bien engraissé, il donne de soixante à 
soixante-dix kilos de viande nette. 

Les toisons des brebis de M. Allibert ont donné cette 
année un poids moyen de 2 kil. 181 grammes, vendus 


— 195 — 


2 fr. 10e. le kilo; celles des agneaux nés en janvier 
pesaient sept cent quarante-trois grammes. 

Il cultive le maïs géant dent de cheval, depuis six ans, 
avec le plus grand succès; les tiges les plus élevées dé- 
passent quatre mètres de hauteur; et, quoique fort 
grosses, étant passées au hache-paille, tout est con- 
sommé. Un hectare cinquante ares de cettte magnifique 
plante a bien nourri une quarantaine de bêtes à cornes 
de tous âges pendant plus de deux mois, sans qu’on leur 
ait donné autre chose, et elles ne vont pas en pâture. 

Un Américain de l’état de lHlinois, qui refusait en 
mai de me céder de superbes épis de diverses variétés 
de maïs géant, à cependant fini par m'en donner un; 
j'en ai partagé les cinq cent et quelques grains entre 
bien des personnes, en les engageant à les semer de 
suite; sur quarante pieds provenant de ce maïs, J'ai 
compté chez M. Allibertsoixante-quinze épis plus gros que 
ceux du mais dent de cheval; jai su depuis qu'ils ont 
müri malgré la mauvaise température de l’année. Ces 
mais ne sont pas difliciles sur la qualité de la terre, 
pourvu qu’on fume fort et qu’on laboure très-profond. 

Les dix hectares de betteraves, sont très propres et 
très bien réussis. Les pommes de terre n’ont pas la ma- 
ladie, et donneront une très-abondante récolte. Il existe 
une bonne pépinière de plant de colza sur deux hectares, 
et trois hectares semés en colza en lignes, sont bien 
levés; les topinambours n’ont pas de tiges aussi élevées 
et aussi fournies que l’année dernière ; c’est dommage, 
car elles fournissent, en commençant à les couper vers 
le 15 septembre, une excellente et très-abondante nour- 
riture, pour les bêtes à cornes et les moutons, à condi- 
tion de ne leur en donner qu’une demi ration; elles 
ont plus de valeur nutritive, que leurs tubercules qu’on 


aura en moins, puisqu'on aura coupé les tiges, avant 
maturité. 


— 196 — 


Un orage avec grêle, a ravagé ce printemps, la ferme 
de M. Allibert; il était assuré, et a obtenu 3,800 fr. 
d’indemnité; comme cela a grandement diminué la ré- 
colte des fourrages, M. Bouchaud, le régisseur, sera forcé 
de supprimer le foin aux bêtes à cornes et au troupeau, 
qui vivront de paille hachée et fermentée avec des bette- 
raves pulpées ; au reste cela a lieu ainsi pour les vaches 
et élèves, dans toute la Grande-Bretagne; on y ajoute 
des tourteaux, pour les vaches laitières, 

On diminuera les rations de foin et d'avoine des che- 
vaux, qui recevront en place, du seigle bouilli, comme 
cela se faisait anciennement, pour les huit cents chevaux 
de poste, d’omnibus, et de déménagement, que M. Dailly 
père, tenait à Paris; car l’avoine récoltée cette année, est 
très-mauvaise et fort chère. 

Les cinq hectares soixante ares de vieilles vignes que 
M. Allibert possède, ne donneront presque pas de vin, 
pendant que des voisins qui n’ont pas été grèlés, feront 
de bonnes vendanges. 

Voici les conditions que mon ami a faites à un jeune 
vigneron marié, mais saus enfants; il le loge, lui donne 
150 fr. par hectare et 10 pour 0/0 du vin produit par la 
vendange. On fournit un cheval et une charrue au vi- 
gneron, lorsqu'il laboure les vignes en lignes séparées 
par deux inètres; les lignes sont garnies de deux fils de 
fer; 1l est convenu que le vigneron aidé de sa femme 
exécutera tous les travaux recommandés par le docteur 
Guyot; les sarments sont réservés au propriétaire. J'ai 
trouvé les vignes exemptes de mauvaises herbes et les 
conditions paraissent avoir été bien éxécutées, jusqu’à 
cetle heure. 

M. Allibert va planter au printemps, quatre hectares 
de vignes, d’après la méthode du docteur Guyot, avec 
lequel il est lié. 

Je suis parti, le 18 septembre, de Montchenin pour 


— 197 — 


Tours, et de là, par la nouvelle voie de fer qui rejoint la 
capitale, en passant par Vendôme; mais la pluie m’a 
empêché de jouir de la vue de ce pays que je traversais 
pour la première fois. Je suis arrivé, le lendemain, 
d’assez bonne heure, avec M. Bouchaud, régisseur de 
M. Allibert, à Petitbourg, dans la partie de la culture de 
huit cents hectares, que M. Decauville avait disposée, 
pour être labourée ou cultivée, par les appareils à va- 
peur de MM. Fowler et Howard; voici le résumé des 
notes que M. Bouchaud et moi, avons pu prendre. 

La traction de la charrue à cinq socs de Fowler, se 
fait par deux locomobiles de là force de dix chevaux, 
placées aux deux bouts du sillon; elle se met en mouve- 
ment au commandement de M. Fowler, un des frères de 
feu l’inventeur, bien regretté et bien admiré par ceux 
qui l'ont connu. Ces cinq socs cultivent une largeur de 
un mètre trente-trois sur trente-trois centimètres de pro- 
foudeur ; la terre est parfaitement retournée ; le fond des 
cinq sillons est bien vidé de terre, la charrue a cultivé 
en moyenne cinquante mètres par minute. 

Le grand scarificateur à six socs, essayé après, prenait 
une largeur de deux mètres, et cultivait ia terre à trente 
centimètres de profondeur; il avançait de cinquante 
mètres par minute et faisait un très-bon travail. 

Un scarificateur à dix soes, a cultivé trois mètres de 
largeur, sur vingt centimètres de profondeur; sa marche 
était de huit cent mètres en cinq minutes; la machine 
tournait facilement sur place, au bout du champ. 

Est venue ensuite la charrue à huit socs, aussi de 
Fowler ; elle labourait deux mètres de largeur à vingt 
centimètres de profondeur, et elle avancait de cent mè- 
tres par minute; son travail ne laissait rien à désirer; 
cette culture occupait deux chauffeurs et deux autres 
hommes. 

L'appareil de Howard fait marcher en mème temps, 


— 198 — 


deux charrues où deux scarificateurs. Mais n’étant pas 
arrivé de Bedford, on n’a pu essayer que son appa- 
reil à une locomobile qui ne change pas de place, un 
câble en fils d’acier, entoure le champ qu’on laboure; 
mais cette opération exige plusieurs hommes de plus, 
pour changer de place les ancres, au bout de chaque sil- 
lon ; cet appareil coûte moins cher d’achat, mais il fait 
bien moins d'ouvrage. 

J'ai été déjeuner sous une tente, où un grand nombre 
d’assistants avaient été invités par M. Decauville, qui 
avait fourni toutes ses voitures pour amener ou recon- 
duire à la station, un grand nombre de personnes; il a 
dû faire une énorme dépense, pour faire réussir ce 
concours qui sera si utile à lagriculiure de notre 
pays. Après le repas, on a essayé les charrues à défoncer 
qui ramènent la terre du sous-sol à la surface; de ces 
charrues, la charrue Vallerand est la plus remarquable 
et a servi de modèle à la plupart des autres; elle était 
traînée par douze bœufs, et trois hommes la conduisaient; 
on ne peut pas faire un meilleur labour; il allait à 
trente-cinq centimètres de profondeur; je pense que 
deux de ces charrues fonctionneraient bien plus écono- 
miquement au moyen d’un appareil à vapeur; telle 
qu’elle est, elle retourne très-bien une bande de terre de 
quarante centimètres de largeur sur quarante-cinq de 
profondeur, et le travail est parfaitement exécuté; une 
troisième charrue du mème modèle, fabriquée par un 
M. Bonnet, a aussi très-bien fonctionné; je ne sais si ce 
fabricant est le même qui a inventé dans le midi, la 
charrue Bonnet, qu'on emploie aussi beaucoup dans le 
département de l'Allier, pour défoncer profondément ; 
dans le Midi, elle sert à arracher la garance. 

Le concours de Petithourg a émerveillé tous les assis- 
tants qui étaient extrêmement nombreux ; jai eu l’avan- 
tage d'y rencontrer beaucoup d'agriculteurs de ma 


— 199 — 


connaissance ; la fatigue m’a empêché d’y retourner le 
lendemain. 

Etant allé à Pexposition, j'y ai rencontré M. Gérard 
chef de la fabrique de Vierzon; il n’a dit qu'il avait 
vendu lPannée dernière, pour environ 700,000 fr. de 
machines agricoles; celte année, il approchait de 
900,000 francs, en machines vendues et en com- 
mandes ; il emploie près de trois cents ouvriers, et cepen- 
dant il dù refuser pour quelques centaines de mille 
francs de commandes. Il à remporté jusqu’à ce jour, 
cent vingt-six médailles d’or et cinquante et quelques 
médailles d'argent. 

Lors du concours des locomobiles à vapeur, à Billan- 
court, 1l a suivi de fort près, la première et la plus grande 
maison de ce genre de fabrication dans la Grande Bre- 
tagne, ceile des Ramsome d’Ipswich; leurs locomobiles 
n’ont employé que un kilo six cent quatre-vingts grammes 
de charbon de terre par force de cheval et par heure; la 
locomobile de Gérard n’en a consommé que un kilo six 
cent quatre-vingts et quelques grammes, pendant que 
d’autres fabricants anglais et français, consommaient 
jusqu’à deux kilos trois cent cinquante, et deux kilos six 
cent cinquante de charbon. Un autre fabricant de ma- 
chines agricoles établi à Paris, M. Peltier, avec qui 
M. Allibert qui emploie et moi, avons causé, nous a dit 
qu’il était fort content, quoique les dépenses occasionnées 
par l'exposition lui aient à peu près enlevé les bénéfices 
de l’année; mais 1l a eu des commandes qui lui en assu- 
reront beaucoup d’autres. 

Il nous a engagé à aller voir à Billancourt, en en fai- 
sant un grand éloge, une charrue à cinq socs, inventée 
par un colonel russe, qui l’a chargé d’en faire de pa- 
reilles. 

Je lui ai demandé ce qu’il pensait de quatre petits 
tuyaux d'argent qu'on emploie à traire les vaches et 


— 200 — 


qu'un homme placé à côté de son exposition, à Billan- 
court, vendait 8 fr.; il nous a dit qu'il en avait vu faire 
plusieurs fois l'essai, lors de l'exposition des vaches Jai- 
tières dans l'île; chaque fois que les tuyaux étaient in- 
troduits dans les quatre trayons, le lait coulait tant qu’il 
en restait dans le pis; il a acheté quatre de ces petits 
tuyaux pour les donner à son beau-frère qui est fer- 
mier; l’an prochain il pourra nous dire si la chose est 
pratique. 

Nous avons revu, M. Allhibert et moi, avec bien de 
l'intérêt les superbes expositions de céréales et de lin en 
paille, de M. Porquet, marchand de grains et graines à 
Bourbour, et celles de M. Pilat, excellent cultivateur, 
fabricant de sucre et maire de la petite ville de Brébières, 
près Douay (Nord). Ce dernier exposait du grain battu, 
au pied des gerbes des diverses céréales, et une étiquette 
portait la quantité d’hectolitres récoltés; voici les pro- 
duits remarquables dont jai pris note. 

M. Pilat que j'ai visité souvent, a récolté en 1866, un 
froment blanc à épis velouté, qui a produit cinquante 
neuf hectolitres quatre vingt-cinq litres par hectare sur 
une étendue de deux hectares; plus de quarante-huit 
hectolitres de froment blanc d’Armentière par hectare, 
sur deux autres hectares; plus de quarante-quatre hecto- 
litres, sur une étendue de six hectares et quelques ares 
en froments blancs mélangés; sur plusieurs hectares, cent 
deux hectolitres, par hectare ,d’avoine dont la paille avait 
de cinq à sept pieds de longueur; ses lins de Riga d’une 
grande finesse, avaient plus d’un mètre de longueur, et 
étaient très-blancs ; 1ls pesaient cinq mille deux cents kil. 
par hectare et avaient donné douze hectolitres de grains; 
sur une autre pièce de huit hectares; le lin avait donné 
quatre mille neuf cents kilos de tiges, et huit hectolitres 
de graines. Une pièce «le trois hectares en colza, avait 
sept pieds de hauteur de tige, et avait produit cinquante 


— 201 — 


deux hectolitres de graine par hectare ; un champ de 
cinq hectares en hivernage, avait donné treize mille kilos 
de fourrage sec par hectare. 

M. Laveaux, fermier de la Commanderie du Temple, 
près Clayes, à qui j'avais fait nne visite, il y a bien des 
années, ma reconnu à Petitbourg ; il m’a dit qu'il avait 
obtenu de son propriétaire, quelques années avant Pex- 
piration de son bail de trente ans, une prolongation de 
dix ans ; il ne paye pour ses excellentes terres de Brie, 
peu éloignées de Paris, que 110 fr. hectare ; mais il a 
du ajouter à ses frais, à sa ferme, tous les bâtiments de- 
venus indispensables, par suite de sa culture améliorée; 
il a dù également transformer à ses frais, une simple 
maison de ferme, en une habitation avec dépendances 
convenabiles pour une famille de grand fermier. 

Il cultive beaucoup de betteraves globes, pour son bétail, 
et en obtient des récoltes très-considérables, après une 
forte famure, à laquelle il ajoute quatre cents kilog. de 
nitrate de soude par hectare; il le paye 33 fr. les cent 
kilog., chez MM. Huvel et Couvreur, quai du Canal, 10, 
à la Villette-Paris. 

Je suis parti de Paris le 21 septembre, pour Dourdan, 
station du chemin de fer de Tours d’où un cabriolet m’a 
conduit en trois quarts d’heure, au charmant château de 
Bandeville, propriété du comte Robert de Pourtalès ; 
cette visite était projetée depuis de longues années , sans 
avoir pu être exécutée. La comtesse de Pourtalès que je 
voyais pour la première fois, a eu la bonté de me dire 
que le comte, depuis longtemps, espérait ma visite, pour 
me montrer ses améliorations agricoles. Elle me proposa 
d’aller le chercher près du pare où il chassait avec leur 
fils ; et nous le rejoignimes bientôt. La comtesse a bien 
voulu encore me faire voir l’intérieur de la réserve, 
pendant que monsieur qui avait très-grand chaud, était 
allé changer de vêtements. 


— 202 — 


Le château entouré d’arbres, et posé à mi-côte, domine 
une charmante vallée de prairies irriguées au moyen 
d’une petite rivière qui fait tourner huit paires de meules 
dans un énorme et beau moulin, et deux paires dans 
un autre. Ces deux moulins font partie de la terre; cela 
produit une vue gaie et agréable, Le comte étant revenu, 
m'a fait voir une étable pleine de jolies vaches schwitz; 
on venait de remplacer le taureau de cette race, par un 
taureau normand, et celui-ci devait l’être plus tard par 
un croisé durham ; mais ayant raconté au comte ce que 
J'avais vu, ces deux années, en croisements durham, tant 
en Limousin que dans le Cher et dans l'Allier, il est 
probable qu’il prendra un taureau durham de bonne 
souche. 

On a fait sortir ensuite une trentaine d’agneaux 
southdown destinés à former des béliers ; ils proviennent 
d’une importation faite il y a quelques années, de 
soixante-dix brebis et de béliers, ces derniers achetés 
chez Jonas Webb, à 1,000 fr. l’un. 

Le comte vend ces jeunes béliers de 200 à 250 fr. 
J'ai vu là, un immense hangar couvert en carton, qui 
date d’assez longtemps, mais recoit chaque année, une 
couche de goudron de gaz ; ce hangar loge les céréales et 
les fourrages. 

Nous sommes allés dans les prés irrigués ; les uns le 
sont par immersion ; d’autres où la pente manque sont 
formés en larges planches bombées ; nous y avons trouvé 
un des deux frèresSimon, grandsirrigateurs et draineurs; 
je connaissais l’autre frère ; celui-ci est chevalier de la 
Légion d'honneur ; il estoccupé, depuis bien des années, 
par le comte qui l'avait mis à la tête d’une propriété 
formée principalement d’herbages , près de Bône en 
Algérie; M. Simon a dù en revenir, au bout de six ans 
de séjour, la santé de sa famille l'ayant forcé de quitter 
ce pays ; le comte les a logés depuis lors, dans une mai- 


— 203 — 


son de campagne qu’il possède près de là. M. de Pour- 
talès n’a dit qu’on nourrit et engraisse dans sa terre 
d'Afrique, un grand nombre de jeunes bœufs achetés 
aux Arabes; on les vend ensuite à Marseille ; il en a fait 
venir l’an dernier trente à Bandeville, pour mieux les 
engraisser et il les a bien vendus à Paris ; il en attend 
une nouvelle bande. 

Il a dans le département des Landes une étendue con- 
sidérable de bruyères qu’il fait semer en pins maritimes, 
L’étendue de la terre de Bandeville dépasse mille quatre 
cents hectares, sur lesquels huit cents sont en bois ; le 
comte y cultive deux grandes fermes et vient d’en re- 
prendre une troisième, pour la remettre en meilleur état 
de culture ; il m’a conduit au château du Plessis, grande 
construction toute en pierres de taille, qui était dans un 
piteux état, il y a quelques années, lorsqu'il en a fait 
l'acquisition ; il y a fondé une colonie de vingt-cinq or- 
phelins de familles protestantes, pris à Paris. 

Il a tout remis en très-bon état, et y a établi comme 
directeur de la colonie un homme instruit et fort capable 
qui dirige en même temps une ferme considérable. On 
y forme des cultivateurs; un habile jardinier a déjà 
formé quelques horticulteurs en leur enseignant la taille 
des arbres, et la culture maraichère ; chaque colon a 
son carré de jardin, qu’il cultive comme cela lui convient ; 
ils vendent leurs produits ; l’un d’eux fort intelligent et 
économe, a pu envoyer deux années de suite, 40 fr. à sa 
pauvre mère. 

Un instituteur instruit les colons ; un ministre protes- 
tant chez qui le fils du comte est en pension, à Paris, 
pour y suivre son cours de droit, vient tous les samedis 
pour enseigner la religion aux colons et pour faire le 
service du dimanche. 

Le directeur, sa famille et Les dix employés de la colo- 
nie mangent à la table des colons, dans un beau réfec- 


er 


toire tenu fort proprement, ainsi que les dortoirs et tout 
le reste de la maison. 

La ferme du Plessis a des vaches schwitz, et des 
ayrshire et des produits croisés, provenant d’un taureau 
cotentin. 

La bergerie est des mieux organisées et contient un 
fort beau troupeau de croisés southdown, s’élevant à 
quatre cents têtes. 

J’ai quitté l’aimable famille de Pourtalès le lendemain 
matin, pour visiter, à Angerville, M. Lucien Rousseau, 
ancien maitre de poste ; il cultivait deux cent quarante 
hectares, mais 11 ne cultive plus que moitié de cette éten- 
due qui vient de lui faire remporter la prime d'honneur. 

Il cultiveavecdes juments, dont le nombre, comprisles 
poulains, monte à vingt-deux têtes; 1l a à peu près autant 
de vaches laitières, achetées dans les foires des environs; 
le lait en est vendu à l’année, à 19 cent. le litre, à un 
laitier qui expédie à Paris. Les veaux sont vendus, huit 
jours après leur naissance de 20 à 30 fr. Son troupeau 
de deux cents brebis métis mérinos améliorées par 
sélection depuis longues années, a de bonnes formes et 
s’engraisse assez facilement ; elles ont des toisons de cinq 
kilos; elles pèsent, âgées de cinq ans et grasses, de 
quarante à quarante-cinq kilos ; les agneaux mâles de 
neuf à dix mois, tondus, sont vendus de 28 à 30 fr. 

Il a dix hectares en betteraves globes jaunes, très 
propres, dont le produit va de quarante à quarante-cinq 
mille kilos par hectare. M. Rousseau ne parque pas ses 
bêtes à laine, étant persuadé que le sang de rate qui 
ravage les troupeaux de la Beauce, est principalement 
dù à la transition de la grande chaleur de la journée au 
froid de la nuit; depuis qu’il a pris le parti de ne plus 
parquer, il a peu à se plaindre des effets de cette terrible 
maladie qui lui avait fait éprouver de grandes pertes, 
lorsqu’il parquait. 


— 205 — 


Ce qu'il y a de plus remarquable dans cette culture 
très-bien conduite, c’est la préparation de la nourriture 
des chevaux et des bêtes à cornes, pendant toute l’année ; 
le troupeau n’y participe que dans la mauvaise sai- 
son ; car il sert à profiter de tout ce qui ne peut pas se 
faucher et être rentré à la ferme ; le pâturage des bétes 
à laine a aussi le mérite en nourrissant ces bonnes bêtes, 
d'empêcher une immense quantité d'herbes de produire 
leurs graines qui saliraient les terres ; 1l est donc à dési- 
rer que chaque ferme ait ses bêtes à laine, pour ne pas 
perdre bien des petites plantes dont le pâturage des gros 
animaux ne saurait pas tirer parti et qui infestent les 
champs, de plantes nuisibles. 

J'avais prié M. Lucien Rousseau, avant de le quitter, 
de vouloir bien cet hiver me donner par écrit le détail de 
la manière dont il nourrit son bétail ; 11 me l’avait bien 
expliqué; mais je craignais que ma mémoire ne laissât 
échapper des choses utiles; il à eu la bonté de si 
bien remplir sa promesse, que je néglige les notes que 
j'avais prises, et que je me borne à insérer ici, les deux 
lettres qu’il m’a écrites à ce sujet’; elles pourront être de 
la plus grande utilité aux cultivateurs qui comprendront 
l'immense économie que procure cette méthode de nour- 
rir le cheptel; cette économie permet de bien nourrir un 
grand üers d'animaux, de plus, avec la même quantité 
de produits que consommaient les bêtes nourries à l’an- 
cien usage; à première vue les soins à prendre peuvent 
paraitre effrayants, mais il en résulte tant d'avantages, 
que tous ceux qui ont essayé de cette méthode, n’ont 
jamais voulu l’abandonner. 


à 
« Angerville, le 6 décembre 1867. 


« Monsieur le comte, 
«Si je n’avais été dérangé par plusieurs causes indé- 
pendantes de ma volonté, j'aurais pu vous envoyer de 


— 206 — 


suite les renseignements que vous m'avez demandés. Ne 
l'ayant pas fait encore, aujourd’hui je prends le mémoire 
envoyé par moi à la commission de visite pour le con- 
cours régional de Versailles en 1864, et j'en extrais ce 
qui est relatif à l'alimentation de mon bétail. 

«Il y a près de onze ans qu’à la suite d’une mauvaise 
récolte de fourrages j’ai commencé à faire cuire, hacher, 
aplatir et mélanger toutes les nourritures destinées à 
tous mes animanx ; je ne demandais alors à ces mani- 
pulations que la possibilité de conserver mon cheptel en- 
tier dans une année mauvaise. 

«Je croyais que ces préparations augmentaient de beau- 
coup la valeur nutritive des fourrages. Je me trompais 
en partie, car l’économie dans l’alimentation tient encore 
à d’autres choses. 

« Depuis lors, j'ai reconnu que les principaux mérites 
de ma cuisine consistent : 

«1° À éviter des pertes de fourrages considérables et 
souvent inapercues, car les animaux tirent sous leurs 
pieds et souillent en pure perte une partie des plantes, 
sèches ou vertes, qu’on ieur donne, et-les domestiques 
font litière des restes du râtelier, qui devraient être 
utilisés. 

«Dans l’alimentation hachée et mélangée, il n'y a 
pas de rebut, à moins qu’on n’ait laissé quelques impu- 
retés ou des poussières dans la ration. 

«1° A faire produire par la cuisson, l’aplatissage, une 
légère fermentationet le mélange des aliments, aux four- 
rages, grains et racines donnés aux animaux, tout l'effet 
utile dont 1ls sont capables. 

« 3° À utiliser d’une facon profitable les fourrages 
de qualité médiocre habituellement gâchés par les ani- 
maux, en les mêlant en petite quantité à d’autres four- 
rages de bonne qualité et en y ajoutant des condiments 
apéritifs. 

« 4° A assurer aux animaux des repas presque ma- 


— 207 — 


thématiquement réguliers, quant à leur valeur alimen- 
taire, leur composition et leur volume. 
« 5° À éviter les préférences des charretiers pour cer- 
tains chevaux auxquels ils donnent de lavoine à ou- 
trance en retranchant sur les autres rations le surcroit 
dont ils gorgent imprudemment leurs favoris. 
«Ces motifs et lexpérienceacquise m'ont décidé à con- 
tinuer de mélanger toutes les nourritures pour tous mes 
animaux, même dans les années d’abondance. 
« Je crois que cette alimentation a été la cause prédo- 
minante qui a doté mon troupeau mérinos d’une grande 
aptitude à l’engraissement. 
« La nourriture de mes chevaux se compose toujours 
d’un mélange de fourrage haché, d'avoine aplatie et de 
seigle cuit, donné en trois distributions. 
« Les rations sont préparées pour deux chevaux et 
mises dans un sac. La ration du matin se compose de 
balles de froment, de quinze litres d'avoine aplatie et de 
quarante litres de balles de froment et de paille d’avoine 
hachée et arrosée d’eau sucrée avec de la mélasse de 
betterave. 
« La ration de midi, est de dix litres de seigle cuit, 
cinq litres d'avoine aplatie, et quarante litres de hachage 
sucré. Celle du soir est semblable à celle du matin. 
« Quand Pavoine est chère ou mauvaise, je la mélange 
d’un üers de sarrasin, et je fais aplatir le tout ensemble, 
le mesurage à la ration restant le même, 
« La ration journalière d’un cheval est donc norma- 
lement : 
13 litres d’avoine aplatie pesant, , . . 4k. 
10 — de seigle cuità l'eau . . . . 8 
75 — de fourrage et paille hachés et su- 

crés, 5 à 6 kil. de fourrage et2 à2 kil. 5depaille 8 


Jotaben poids. PR PE. 
« Total en volume, 98 à 100 litres. 


— 208 — 


« En automne et en hiver, les chevaux recoivent un 
supplément de dix à quinze kilos de carottes, ce qui per- 
met alors de ménager un peu l’avoine si le travail est 
moins fatigant que d'habitude. Au printemps, le trèfle 
en vert leur est donné à discrétion sans rien retrancher 
de la ration normale, pour les remettre des rudes tra- 
vaux de mars. 

«Les chevaux ont toujours de la paille en branche, 
plein le râätelier. 

« La nourriture de mes vaches soumises à la stabula- 
tion permanente, comme celle des chevaux, passe toute 
l’année et tout entière par le hache-paille. 

« Au printemps, en été, en automne, on coupe le sei- 
gle vert, le trèfle incarnat, le trèfle, la luzerne, les pois 
mélangés, et le maïs, auxquels on ajoute des feuilles de 
betteraves, quand il est peu abondant; elles sont égale- 
lement hachées; mais on ne s’en sert pour nourriture 
que quand il y a disette, et pour éviter de mettre les ani- 
maux au sec. 

«En hiver, de novembre à mai, mes vaches ne vi- 
vent que de betteraves; elles en reçoivent chaque jour 
vingt-deux à vingt-six kilos, coupées menues, mélan- 
gées à des glumes de céréales et des pailles d’avoine 
hachées et fermentées pendant trois jours dans des stalles 
établies dans l’étable où elies sont entassées par couches 
superposées et parfaitement foulées, ce qui donne une 
bonne et régulière fermentation. 

«Les tas sont faits de telle dimension, que chaque jour 
les vaches recoivent chacune cent cinquante litres de ce 
mélange; pour toutes, la quantité est la même , à moins 
qu'une très-grosse bête exige une plus forte ration. 

«Pour exciter la salivation, chaque soir 1l y aune dis- 
tribution de quatre à cinq kilos de paille d'avoine, d’orge 
ou d’escourgeon en branches. 

« Les vaches laitières et celles à l’engrais, reçoivent 


— 209 — 


en outre une ou deux distributions de drèche de brasserie. 

« Après avoir par expérience reconnu que la nour- 
riture hachée et mélangée apportait une grande écono- 
mie dans l'alimentation de mes grands animaux, j'ai 
pensé que je devais obtenir les mêmes résultats, en sou- 
mettant mon troupeau au même régime; essai que Jen 
ai fait a surpassé mon attente et non-seulement J'ai 
nourri plus économiquement mes mérinos, mais encore 
je les ai mieux et plus régulièrement nourris. Je les ai 
vus progresser rapidement dans la voie de la précocité et 
de aptitude à l'engraissement sans rien perdre et même 
en gagnant du côté de la laine. 

« Je commence assez tard à envoyer mon troupeau au 
pâturage. 

« J'attends pour cela que les plantes soientdéveloppées 
et nourrissantes. 

« Je fais faucher mes trèfles et mes luzernes qu’on met 
dans des râteliers mobiles, dans le champ même; par ce 
moyen, les brebis consomment tout et sans perte aucune. 

« Les agneaux de l’année sortent beaucoup plus tard; 
ils sont affourragés au vert et dans la bergerie, et y recoi- 
vent jusqu’à la fin de juin un supplément en son, graines 
ou drèche, selon les ressources du moment. 

« Mon troupeau couchant toujours àla maison, y trouve 
chaque jour, été comme hiver, des pailles à fourrager, 
dont les restes sont employés en litière. 

« En automne, lorsque les matinées sont humides, 
mes moutons qui vont tous au pâturage, reçoivent à 
l'arrière-saison un peu de prairie artificielle en branche 
au râtelier avant de sortir. 

«En novembre, les agneaux de l’année ne sortent plus; 
les antenaiïs et les brebis portières vont seules pâturer 
l'après-midi, jusqu’à l’agnelage; alors elles reçoivent 
quand le pâturage devient insuflisant une demi-ration 
d'hiver. 

14 


— 210 — 


« La ration d’hiver commence avec les agneaux dans 
les premiers jours de décembre, pour finir vers le 
15 mai; elle varie dans sa composition suivant le prix 
des denrées et les ressources des silos, des fenils et des 
greniers, sans cependant jamais descendre au-dessous du 
minimum de bon entretien. 

« Le volume de la ration d’une brebis portière (en 
nourriture mélangée), d’une antenaise, d’une gandine, 
est invariable; il est de 12 à 14 kilos par tête. 

« Cette ration se compose pour les brebis et les gan- 
dines (bêtes d’un an) : 

«De 2 kilog. 50 à 3 kilog. de betteraves hachées 
menues ; 

« De 400 grammes de vesces d'hiver, ou autres légu- 
mineuses à demi-grain ; 

« De 400 grammes de prairie artificielle ; 

« Et de glumes de céréales ou paille d’avoine (moins 
difficile que celle du blé à s'amollir), hachée, en sufli- 
sante quantité pour compléter le volume obligatoire. 

« Les glumes de céréales (dites ici menues pailles) sont 
bien préférables à la paille hachée ; on a soin de les mé- 
nager pour en avoir pendant {out Phivernage. 

« Les brebis mères pendant l’ailaitement, ont un sup- 
plément de 200 grammes d’avoine aplatie; cette année, 
comme l’avoine est mauvaise et fort chère, elle sera 
remplacée par du gros son de blé, un peu de sarrasin et 
de vesces, dits pois cornus, pour fortifier la ration. 
Les gandines en recoivent aussi quand elles rentrent 
des champs sans être assez grasses, pendant quelque 
temps. | 

«Les antenaises ont la même ration en volume que 
les brebis et les gandines, mais on ne leur donne que 
3 kilos de betteraves; elles n’ont n1 prairie artificielle 
ni grains; elles ne recoïvent que des glumes dont on 
force un peu la proportion et de la paille hachée ; avec 


— 211 — 


un régime plus substantiel, elles deviendraient trop 
grasses et impropres à la reproduction. 

« J'ai pris depuis quelques années dans certaines 
saisons l’habitude de faire arroser mes mélanges 
pour moutons d’une décoction de farine de tourteaux de 
colza; cela fait lécher les auges et me paraît nourrissant 
et surtout apéritif. 

« J'ai soin de faire mettre des pierres de sel dans toutes 
mes bergeries, surtout à l'époque de l’agnelage, pour em- 
pêcher les brebis et les agneaux de tirer la laine. 

« Les agneaux, peu après leur naissance, vers quinze 
jours, trouvent dans des râteliers à auges que les mères 
ne peuvent atteindre, du son de blé, du fin regain de 
luzerne et ont ainsi une nourriture cowplémentaire in- 
dispensable quand le lait maternel diminue et surtout 
quand lagneau commence à vouloir manger. 

«Avant Île sevrage, quand l'agneau plus fort mange 
davantage, on ajoute au son de l’avoine et de la carotte 
hachée menue, que plus tard on remplace par de la bet- 
terave. 

« Enfin l'herbe arrive, on leur en apporte à la berge- 
rie, qu’on leur donne à discrétion. 

« Telle est, Monsieur le comte, l’alimentation annuelle 
de tous mes animaux, pour laquelle le hache-paille, 
l’aplatisseur et le fourneau à cuire ne s'arrêtent jamais. 

« Je ne veux cependant pas terminer cette lettre sans 
vous parler engrais et sans vous rappeler que le jour où 
vous m'avez fait l’honneur de visiter ma ferme, nous 
avons dit que par négligence on perdait dans beaucoup 
d'exploitations les engrais liquides produits par les 
grands animaux, que dans toutes on perd les mêmes en- 
grais produits par les moutons, si ce n’est pendant le 
temps du parcage. 

« Une expérience directe m’ayant mis à mème de 
constater l'importance de ces restes, je crois utile de vous 
en parler. 


— 212 — 


« Une lapinière dont le sol imperméable esten ciment 
romain, est munie chez moi d’un tuyau d’écoulement, 
par lequel je vois s’échapper une quantité de liquide re- 
lativement très-abondante, bien que les lapins n’aient 
jamais à boire. 

« Ayant eu occasion de mettre, il y a déjà longtemps, 
des béliers dans une ancienne bergerie étanche , jai re- 
marqué que malgré une abondante litière, il y avait 
écoulement de purin. 

« De ces observations, j’ai conclu que les urines de 
moutons se perdent inutilement dans le sous-sol , et jai, 
pour m'en rendre compte, fait creuser une bergerie à 
70 centimètres de profondeur, enlever la terre et mettre 
au fond du béton imperméable, puis rapporter 70 centi- 
mètres de terre sèche en réinstallant mes brebis. 

« Pendant vingt-cinq à vingt-six mois, mes fumiers 
n'ont été ni plus mauvais ni meilleurs qu'avant le bé- 
tonnage, plutôt meilleurs à cette époqne. 

«J'ai fait enlever la terreeten ai envoyé un échantillon 
pour ètre analysé par M. Barral, qui m’a dit que mon 
engrais terreux valait mieux que le fumier de ferme , et 
que je pourrais encore l’améliorer en y ajoutant du 
phosphate de chaux fossile et du plâtre. Je suivrai les 
conseils du savant chimiste et enrichirai ensuite mes 
terres des urines perdues jusqu’à cette heure. 

«Agréez, je vous prie, Monsieur le comte, avec mes 
remerciements, pour votre bienveillance à mon égard, 
l'assurance de mes sentiments respectueux. 


« Lucien RoussEAU. » 


Angerville, le 16 décembre 1867. 
« Monsieur le comte, 


«J’ai recu votre trop flatteuse lettre et.je vous en re- 
mercie ; J'ai trouvé dedans un bon de vos ouvrages et 
je vous avouerai que j'en userai sans discrétion, car 


AN — 


Président de la Délégation cantonale pour Pinstruction 
primaire dans mon canton, je profiterai de votre géné- 
rosité pour doter toutes les écoles de vos précieux ou- 
vrages sur l’agriculture et par ce moyen j'espère faire 
arriver dans nos campagnes des connaissances pratiques 
et théoriques aujourd’hui ignorées. 

« Vous avez dù être enchanté de votre visite chez 
M. Gavola, que j'ai le regret de n’avoir pas visité, mais 
dont j'ai pu apprécier les connaissances et l’habileté 
agricole, ayant eu l’honneur de faire avec lui les tournées 
agricoles de Seine-et-Marne en 1863 et 1864. 

« J’ai reçu en son temps votre paquet de graines de 
maïs et je le conserve pour le semer dans mon jardin 
quand l’époque en sera venue. 

« Je me suis aperçu que dans la note que je vous ai 
envoyée j'ai oublié de répondre à une des questions que 
vous n’aviez posées, c’est celle de la quantité de bêtes 
nourries, comparée à l’étendue des terres cultivées. 

« Je nai à Angerville ni prés ni pacages; toutes les 
nourritures sont donc demandées à la charrue et obtenues 
par des ensemencements toujours annuels, la luzerne 
exceptée, dans des terres de qualité très-ordinaire, dans 
lesquelles nous n’avons de végétation qu’au printemps 
et en automne. 

« Les deux tiers de ma terre sont consacrés à la nour- 
riture du bétail qui est très-considérable, comparative- 
ment à l’étendue cultivée; ainsi sur plus de cent vingt 
hectares en chiffre rond, j'entretiens : 

13 chevaux de travail. 

‘4 poulains de deux ans commencant à travailler. 

4 poulains de année. 


21 chevaux. 
22 vaches (vingt-une vaches et un taureau.) 


— 214 — 


12 béliers de divers àges. 
180 brebis portières. 

75 brebis antenaises à lutter année prochaine. 
110 agnèles d’un an. 
170 agneaux de lait. 


547 total du troupeau. 


« Estimant en têtes de gros bétail à quatre cents vivant 
l’une, terme moyen admis par la commission, 


J'au: 


23 /Cchevagx EU res MAP NME 2 SMS 
Apvachest bi ERNE BAL DO AIT TRUE 
377 moutons adultes à 8 pour 1 . . . 47 — 
170 agneaux à 10 pour 4.7.1: 2. "NOM 
Total re. nie 


«J’estime mes brebis à huit pourune, parce qu’en mo- 
yenneelles pèsent plus decinquantekilos vifs,etlesagneaux 
à dix pour un, parce que s'ils ne pèsent pas toujours 
quarante kilos vivants, 1ls arrivent à ce poids vers huit à 
dix mois et que pour latteindre dix agneaux ont besoin 
de plusde nourriture et surtout de nourriture plus chère et 
plus choisie qu’une vache ou huit moutons adultes. 

« Tels sont, Monsieur, les renseignements que je 
crois utile de vous envoyer pour compléter les réponses 
que je devais faire à vos demandes. 

« Je vous prie en vous quittant de vouloir bien agréer 
l'expression de mes sentiments de haute et très-respec- 
tueuse estime. 

« Lucien RoussEau. » 


Arrivé le lendemain à Blois, je me suis rendu au chà- 
teau de Nozieux ; je n’ai trouvé que M*° Salvat, entourée 
de ses trois beaux garcons ; elle a été, comme toujours, 
des plus aimables, pour moi; M. Salvat comme secrétaire 


— 215 — 


de la société d'agriculture de Blois, avait accompagné 
M. le Préfet à un concours d'arrondissement ; jai visité 
la ferme avec le régisseur qui, depuis une trentaine 
d'années, a toujours remplacé pendant leurs absences, 
MM. Salvat père et fils ; j’ai vu d’abord les étables ; une 
d’elles contient douze belles vaches durham, l’une des- 
quelles donne jusqu’à vingt-cinq litres de lait, et une 
autre vingt litres, pendant les trois premiers mois qui 
suivent le part; une autre étable loge trois fort beaux 
taureaux, dont un a été importé des environs de Cirences- 
ter, de chez M. Bowly, que j'ai visité, et qui est un des 
éleveurs en renom ; M. Salvat a ramené, du même voyage, 
deux fort belles vaches. Une énorme vache qui, depuis deux 
ans, n’a pasretenu, estdestinée, comme deux jeunesbœufs, 
au concours prochain de Poissy ; deux bœufs plus jeunes, 
fisureront au concours de l’année suivante. Ces cinq 
bètes occupent, chacune, une boxe ; les veaux sont aussi 
en liberté, mais séparés les uns des autres; je désirais 
trouver un taureau adulte, pour M. Allibert, mais il n’y 
en avait pas de disponible. 

Nous sommes allés dans les vignes, dont un certain 
nombre d’hectares ont été plantés depuis cinq ans suivant 
la méthode conseillée par le docteur Guyot, qui est venu 
à Nozieux ; le régisseur m'en a montré une partie, en cep 
blanc, dit romorantin, qui l’année dernière, après trois 
ans de plantation, avait produit cent quarante hectolitres 
par hectare; ce cépage réussit, mème dans des terres 
légères dont le sous-sol ne contient pas d’argile. Cette 
année où l’oidium s’est fait sentir, et qui, du reste, n’a 
pas été favorable aux vignes, on ne compte récolter que 
environ soixante-dix hectolitres à l’hectare., Mon guide 
m'a dit que les vignes plantées à l’ancien usage, pro- 
duisent beaucoup moins, tout en couùtant 200 fr. de cul- 
ture, au lieu de 150 fr.; les facons y sont faites à la 
main, au lieu de l’être à la charrue. 


OR — 


Nous avons été ensuite visiter les champs ; ce qu’il y a 
de très-remarquable dans l'excellente culture de M. Sal- 
vat, c’est que, le trèfle incarnat et les vesces d’hiver 
enlevés, on fume très-fort, on laboure et on repiqne 
même jusqu’à la mi-juin, des betteraves semées fort 
clair en pépinière, pour obtenir du gros replant pouvant 
bien résister à la sécheresse. Cette culture faite ici de- 
puis bien des années, produit le plus souvent soixante 
mille kilos de racines à l’hectare ; on repique de même, 
avec du replant de rutabagas, des champs dont la récolte 
de seigle ou d’orge vient d’être enlevée ; mais le produit 
n'arrive qu'à vingt ou vingt-cinq mille kilos. Les 
chaumes de froment produisent des navets, semés après 
une fumure. 

J'ai vu de très-belles prairies artificielles, des choux 
branchus du Poitou, et des choux comestibles à énormes 
têtes, dont la semence est venue de la maison Vilmorin, 
sous le nom de choux de Schweinfurth en Norvège ; les 
pommes de terre de Norvège sont aussi fort belles et 
n’ont dit-on pas de maladie. Cela me fait ressouvenir que 
les plus gros navets que j'aie jamais vus, étaient connus à 
Edimbourg sous le nom de navets blancs de Norvège ; 
les colraves blancs ou violets, sont aussi cultivés en grand 
en Ecosse, et supportent bien les froids de l'hiver. 

Je suis reparti de Nozieux, pour Tours, et je suis rentré 
le lendemain à Montchemin. M. Allibert m'a conduit près 
de Montbazon, chez un de ses voisins, M. de Sazilly, que 
nous n'avons pas trouvé, non plus que son régisseur, an- 
cien militaire; mais la femme du régisseur, fort obli- 
geante, nous a conduits dans les vignes que M. de Sazilly 
plante fort en grand, depuis 1862, d'après les enseigne- 
ments du docteur Guyot, qui est venu le voir. Le régis- 
seur, s’est mis bien au courant de cette viticulture, en 
étudiant le premier ouvrage du docteur Guyot, et depuis 
lors, il fait cultiver ses vignes par des jeunes gens de 


— 217 — 


seize à dix-huit ans qui n’offrent pas la résistance et la mau- 
vaise volonté apportées par les anciens vignerons ; ceux-ci 
mème en voyant depuis plusieurs années les grands pro- 
duits en vin, résultat des méthodes perfectionnées, ne les 
adopteraient pas, si cela dépendait d'eux; nous avons 
trouvé ces vignes fort bien tenueset parfaitement sarelées. 

M. de Sazilly ne cultive qu’une réserve d’une trentaine 
d'hectares ; ayant une grande étendue de terres légères, 
peu profondes, sur un sous-sol de marne pierreuse, il a 
semé beaucoup de pins maritimes, en y mélangeant des 
glands lorsqu'il y en a. 

Il compte planter encore des vignes et n’employer que 
des boutures de côt. À 

L’avenue qui conduit à son habitation, nous a beau- 
coup plu; elle est formé d’épicéas dont l’entre-deux est 
garni de lauriers amandiers. 

La récolte en vin de 1866 a été consommée par un dé- 
tachement de quatre-vingis artilleurs, qui sont occupés à 
la fabrication de la poudre au Ripault, à une petite distance 
de chez lui; ils payaient 50 fr. les deux cent cinquante 
litres et rendaient les füts; on estime les récoltes de ces 
vignes, être par hectare en moyenne de cinquante à 
soixante hectolitres qui, vendus 16 fr., sur une moyenne 
de dix ans, donneront nets de tous frais de 500 à 600 fr. 

M. Allibert a commencé la formation de bibliothèques 
sur les trois communes qui l'entourent ; il a fait relier en 
bonne toile, les volumes qu’il leur a donnés; il a été 
nommé délégué cantonal pour Pinspection des écoles. 

Nous sommes allés au château de la Guéritaude, près 
Montbazon, terre de M. Delaville-Leroulx ; Monsieur était 
à la chasse, et Madame, aux eaux; le régisseur, venu de 
la Brie, semait du colza en lignes; il a aussi une grande 
pépinière, pour en planter; M" Aymé, sa femme, qui 
dirige la basse-cour, nous en a fait les honneurs et m'a 
paru fort entendue. 


— 218 — 


La vacherie, nouvellement construite, ainsi que l’écu- 
rie, sont très-commodes pour le bétail et le service. 

Le taureau durham est beau ; on élève son fils, venant 
d’une des douze vaches normandes, pour le remplacer ; 
on n’élève pas de vaches, ni de bœufs ; un marchand 
fournit des vaches normandes de 250 à 300 fr. 

Les veaux femelles provenant du taureau durham se 
vendent jusqu’à 100 fr., âgés de six semaines, à des pro- 
priétaires du voisinage ; M. Allibert en apprenant cela, 
a chargé son régisseur de profiter de cette occasion. 

On avait dans cette ferme, il y a une douzaine d'années, 
un troupeau mérinos qu’on a fini par croiser southdown; 
les béliers qu’on a actuellement, viennent de chez le 
comte de Bouillé. 

Il existe dans la ferme une distillerie de betteraves ; 
on vient d’y construire un certain nombre de grands 
hangars, pour remplacer une vieille grange, qu’on a 
démolie ; un bélier hydraulique, placé à côté d’une 
petite rivière, dans le parc, monte de l’eau dans une 
tonne posée dans un grenier ; de là, elle est dirigée, par- 
tout où le besoin s’en présente, au château, comme à la 
ferme. 

Nous avons apereu, de la voiture, une grande étendue 
couverte de luzerne faisant partie de cette culture; J'ai 
remarqué avec plaisir dans les diverses courses exécutées 
par nous, dans ces environs, un grand nombre de petits 
champs de betteraves et de choux vaches ; on voit que 
beaucoup de petits cultivateurs essaient de faire mieux. 
M. Allibert donne des échantillons de graines à ceux de 
ses ouvriers qu'il reconnaît comme intelligents et qui ont 
un peu de terre ; il donne entr’autres, du maïs géant, 
qui peut être si utile à leurs vaches, en produisant un 
excellent fourrage succulent et sucré, à l’époque où la 
sécheresse fait disparaître toute autre nourriture verte. 

Jai enfin quitté cette excellente famille d'amis, qui 


— 219 — 


sont toujours si bons et si aimables pour moi, depuis 
onze ans que je viens chaque année de Lorraine passer 
quelques semaines avec eux dans leur belle Touraine. 

Comme j'avais remarqué, entre Cormery et Tours, 
des marnages considérables se faisant à dos d’äne, je 
suis descendu de‘voiture pee: savoir qui faisait faire ces 
travaux d'amélioration ; on m’a adressé à une ferme, où 
j'ai trouvé le régisseur ‘de la comtesse d'Ornano, restée 
veuve avec trois enfants; ce monsieur m'a appris qu'il 
est cousin-germain de M. Crétet, garde de M. Vallerand ; 
il n’est arrivé que depuis dix-huit mois des environs de 
Vic-sur-Oise, afin d'améliorer cette belle et bonne terre, 
dont j'ai oublié le nom; il m'a dit qu’il marnait l’hec- 
tare à raison de douze cents charges d’âne; le sac de 
marne transporté par un àne contient trois décalitres ; 
le marnage est donc de trente-six mètres cubes ; il coùte 
un peu plus de 50 fr. par hectare, l’épandage de la 
marne compris; on à abandonné un champ de luzerne 
pour nourrir les ânes ; leurs conducteurs mangent à l’au- 
berge. 

Ce ménage, qui n’a pas d'en est très-bien logé 
et m’a paru fort bien; on nya fait voir des terres parais— 
sant excellentes, mais ayant besoin d’une jachère com- 
plète, tant elles ont été négligées par le régisseur précé- 
dent ; J'ai vu un champ de six hectares en betteraves 
diseties, destinées à l’engraissement des vaches et d’un 
troupeau de moutons; j'ai engagé le régisseur à visiter 
M. Bouchaud, régisseur de la terre de Montchenin, qui 
étant depuis plus longtemps dans ces environs, pourrait 
lui être utile. 

Une voiture allant à Tours m’y a conduit, et le lende- 
main malin, je suis arrivé de bonne heure à Amboise; 
une heure après, par un fort joïi chemin, j'entrai au 
château des Arpentis, chez M. de Sainteville; il venait 
de partir en voiture, mais il devait rentrer pour déjeuner ; 


— 220 — 


_1l était de trop bonne heure pour demander à voir ces 
dames ; je pus donc, avec le garde, visiter une vingtaine 
d'hectares de vignes que cet intelligent et très-actif pro 
priétaire a commencé à planter il y a une dizaine d’an- 
nées; Je les avais visitées l’année précédente, époque à 
laquelle elles étaient plus belles, ayant été grêlées ce 
printemps. 

M. de Sainteville est propriétaire de plus de six cents 
hectares de bois et terres; ses six métayers occupant 
plus de terres qu’ils n’en pouvaient cultiver, il leur retira 
quarante et quelques hectares, qu'ils n’avaient jamais 
labourés, tant ils les trouvaient mauvais; il essaya de les 
planter en vignes qui poussèrent vigoureusement; il con- 
tinua, etilen a seize hectares, dont les plus anciennes 
donnent habituellement d’abondants produits : on les 
cultive à la manière du docteur Guyot: 

M. de Sainteville a semé sur seize hectares du grand 
ajonc épineux, que les vignerons des bords de la Loire 
et du Cher achètent pour famer leurs vignes; la posi- 
tion de sa terre, à petite distance de ces vignobles fort 
considérables, a amené par là ces terres abandonnées à 
lui donner un revenu de 100 fr. l’hectare; on coupe les 
ajoncs tous les trois ans ; le cent de fagots d’ajoncs, qui 
se payait 20 fr. il y a quelques années, est tombé à 16 fr., 
d’autres propriétaires ayant suivi ce bon exemple. Le 
garde n’a montré, de la position élevée où nous étions, 
une maison de campagne qu'il m'a dit être habitée par 
trois frères et une sœur, célibataires, du nom de Marti- 
neau; il n’a fait un si grand éloge de cette famille et de 
leur culture, que je l'ai prié de me conduire chez eux. 
Ayant trouvé un de ces messieurs, je lui ai expliqué le 
but de ma visite, et il nous a conduits dans un beau jar- 
din, où ses frères s’occupaient du rognage de leurs 
vignes ; cette opération se fait ici plus vite et mieux 
qu'ailleurs, au moyen d’une portion de vieille faulx em- 


— 221 — 


manchée comme un grand couteau de cuisine; les coups 
donnés de bas en haut tranchent mieux, sans faire éclater 
les sarments, comme le font les ciseaux de jardin. Ces mes- 
sieurs m'ont montré leur excellente culture et leur viti- 
culture, en y mettant la plus grande obligeance; ils ont 
acheté cette propriété bien construite il y a une douzaine 
d'années; elle est composée d’une quarantaine d'hectares 
dont dix en prés, et une couple d’hectares en vignes, et 
ont drainé depuis lors les terres avec des tuyaux venus 
de Bléré ; ils ont formé un réservoir qui reçoit, autant 
que possible, les eaux du drainage et celles de quelques 
sources, et vient fournir l’eau nécessaire à lhabita- 
tion, à la ferme et au jardin; le surplus sert à lirri- 
gation d’une partie des prés; ils ont marné les terres, et 
ayant remarqué que le marnage améliore beaucoup les 
prés, ils sont occupés maintenant à les couvrir de marne, 
ainsi que de composts formés de terres, de poussiers de 
grauge et de fumier; ils irriguent leurs prés de la vallée 
avec l'eau d’une petite rivière qui fait tourner plusieurs 
moulins ; par suite, ils ont eu des difficultés avec les 
meuniers, qui voulaient leur interdire le droit d'employer 
l'eau aux irrigations. 

Ils ont planté plusieurs hectares en vignes, séparées 
par deux mètres, et sont arrivés, de perfectionnement en 
perfectionnement, à trouver que la manière qui leur 
produit le plus, tout en occasionnant la moindre dé- 
pense de culture, est celle employée pour la dernière 
plantée; les supports des quatre rangs de fils de fer sont 
faits en fers qu’ils ont scellés au ciment dans de grosses 
pierres enfoncées à un pied dans le sol; le quatrième fil 
de fer, disent-ils, leur évite d’attacher les sarments 
aux lils de fer ; ils ont fait venir de chez un nommé Mo- 
reau, fabricant à Tours, une charrue vigneronne qu’ils 
n’emploient qu’à déchausser ou butter les lignes de ceps, 
le reste de la culture de l’entre-deux des rangées de ceps 


— 225 — 


est fait avec une houe à cheval, ou plutôt avec un léger 
scarificateur ; ils prétendent wavoir aucun besoin de 
recourir au sarclage à la main pour tenir leurs vignes 
parfaitement propres et exemptes d’herbes. [ls nvont 
fait voir des boutures à la Hudelot fort chétives, tandis 
qu’à côté, des boutares ordinaires, du même sarment, 
étaient grandes et très-vigoureuses. 

Ces messieurs sont si actifs et en même temps siadroits, 
que toute espèce de travail est exécuté par eux ; leur ate- 
lier est monté de toutes sortes d’outils, pour forger, me- 
nuiser, faire la tonnellerie et la maconrerie; ils ont un 
tour ; 1ls ont établi plusieurs caves voütées sous leur jolie 
habitation, qui a un étage au-dessus du rez-de-chaussée ; 
ils l'ont recrépie et ornée au-dedans; ils ont construit 
deux cuves en briques et ciment, pour loger le vin d’une 
année trop abondante, ce qui rend les tonneaux trop 
coûteux, et le vin trop bon marché pour ne pas le con- 
server. Îls ont construit entièrement un bâtiment de 
basse-cour, et ils ont arrangé fort bien l’intérieur de 
l'écurie et de l’étable; il existe dans celle-ci un corridor 
pour affourager les deux rangs de mangeoires; enfin, 
ils savent faire tout ce qui leur est utile, et n’emploient 
que des gens de main-d'œuvre. ‘ 

Les ayant engagés à remplacer, dans quelque temps, 
un taureau de l'espèce du pays par un taureau durham, 
acheté pour 200 fr. chez M. Salvat, à Nozieux près Blois, 
ils m'ont dit qu’ils connaissaient, près de Montoire, un 
monsieur du nom de Girardin, qui a de beaux durham, 
et une belle culture méritant d’être visitée ; ils m’ontaussi 
engagé à aller voir la viticulture du baron Lüébert, au 
château de Nitré, sur la route de Bléré à Tours. 

Voici ce que ces messieurs m'ont raconté : Leur père, 
qui était des environs de Montoire, près Vendôme, s’était 
occupé du commerce des bois ; mais n’ayant pas réussi, 
et ayant cinq garçons et deux filles, il est allé se fixer à 


— 223 — 


Paris, où ils se sont tous occupés de diverses manières, 
avec succès; à la mort de leurs parents, ils ont liquidé 
leurs affaires à Paris, afin de vivre tous les sept sans se 
marier ; ils ont trouvé cette propriété à leur convenance, 
l'ont acquise et s’y sont fixés ; mais ils ont eu le malheur 
de perdre trois d’entre eux. 

J'ai quitté ces Messieurs, très-reconnaissant de leur 
obligeance à si bien répondre à toutes mes questions, 
ainsi qu'à me faire voir une propriété aussi bien orga- 
nisée par eux. 

Etant revenu au château des Arpentis, et ayant rejoint 
M. de Sainteville, nous avons déjeuné ; pendant que nous 
causions, survint un exprès qui le demandait dans un 
château voisin, son beau-frère étant en danger; cela m’a 
privé des détails que J’espérais sur ses travaux. 

Je me suis transporté de là, chez Mme de Baillon au 
château de Chissay; cette commune est de onze cents 
habitants, parmi lesquels il n’y a que quelques vieillards 
qui aient besoin de secours; un fait si heureux est dù à 
la culture de la vigne et à la grande activité des vigne- 
rons, et se reproduit en tous pays. 

Sur les bords du Cher, chaque cep occupe un mètre 
carré de terre; on ne provigne pas; et on préfère le côt 
à tout autre cépage; c’était donc une bonne viticulture ; 
mais un vigneron, connu dans ce pays, sous le nom du 
père Denys, a imaginé il y a maintenant quarante et un 
ans, une autre méthode de viticulture qui l’a enrichi, 
son extrême activité et sa grande économie, aidant; les 
habitants de ses environs, pendant plus de vingt ans, 

s’étaient moqués de lui; ils prétendaient qu il était fou ; 
mais ils ont fini par limiter, en le voyant à la tête d'une 
fortune qu'on pense dépasser 60,000 fr.; cependant, 
ils n’avait hérité des parents de sa femme et des siens, 
que d'environ 5,000 fr.; et il n’a eu de sa femme qu'il a 
perdue, qu’une fille pour l’aider à faire sa fortune. 


— 224 — 


On ne plante plus de vignes dans la commune de 
Chissay et dans son voisinage, autrement qu’en chain- 
tres, nom de la méthode iaventée par le père Denys. 

Voie: comment on plante un hestare de vignes en 
chaintres; supposant le terrain à planter, de cent mètres 
de côté; on le partage en vingt lignes, séparées par cinq 
mètres, les unes des autres ; on enfonce une bouture de 
côt seulement à vingt centimètres de profondeur à tous 
les deux mètres, dans la ligne; cela emploie mille bou- 
tures, par hectare, au lieu de dix mille à l'usage ancien 
du pays, et jusqu’à quarante mille, dans certaines con- 
trées de France; moins 1l y a de ceps en terre, plus il 
y a de place pour leurs racines, et plus ils peuvent pro- 
duire de raisins ; comme Les vignes nouvellement plantées 
sont trois ou quatre ans avant de produire du vin, on 
emblave les intervalles des lignes; cela aide le pauvre 
vigneron à attendre patiemment sa première vendange; 
cette manière de planter les vignes, est la moins chère 
connue ; elle ne prive pas le propriétaire, pendant plu- 
sieurs années, du revenu de la terre qu’il vient de 
planter. Les ceps de ia vigne en chaintres doivent res- 
sembler à une treille appliquée contre terre, au lieu de 
l’être contre un mur; ils n’emploient donc pas d’échalas 
devenus fort chers; ils sont remplacés par des bouts de 
branches de peupliers qu’on élague, à cet effet, tous les 
quatre ans; ces fourchettes, nom qu’on leur donne ici; 
soutiennent les sarments à vingt-cinq centimètres de 
terre; on cultive la terre avec une charrue attelée d’un 
petit cheval, d’un bœuf ou d’une vache; la taille seule 
d’une vigne en chaintres, demande plus de temps que 
celle à l’ancien usage; mais on n’a pas besoin d’un habile 
vigneron pour la bien tailler; maître Girard, gendre du 
père Denys, et bon viticulteur, n’a assuré qu’un ouvrier 
ordinaire qui le suivrait pendant un jour lorsqu'il taille 
ses vignes, pourrait le bien faire ensuite; on donne dans 


a DR 


l’année, deux ou trois labours au petit scarificateur ; 
pour pouvoir le faire, une ou deux femmes armées de 
fourches de bois, jettent les sarments sur la planche 
voisine de celle qui va être cultivée, etelles les remettent 
en place une fois la culture terminée. 

Huit ou dix ans après la plantation, une vigne en 
chaintres, produit habituellement au moins moitié plus 
de vin, que les autres vignes, et même des vendanges 
doubles de celles plantées à l’ancien usage, d’après le 
dire de bien des vignerons; elles souffrent peu des gelées 
printanières ; les premiers bourgeons venant à être gelés, 
sont remplacés par quantité d’autres, qui restent sur 
cette treille. Chaque cep arrivé à l’âge de huit ou dix 
ans, porte de cinq jusqu’à huit verges ou sarments, longs 
de trois à six mètres; un autre avantage de cette méthode 
de cultiver la vigne est, que loïdium attaque peu les 
sarments près de terre; le raisin mürit mieux, étant plus 
rapproché du sol, dans la plus grande partie de la France; 
enfin elle demande bien moins de main-d'œuvre, que 
toutes les autres méthodes de viticulture, soit pour sa 
culture, soit pour la vendange, soit pour les fumures, 
les voitures pouvant aller dans toutes les parties de la 
vigne; cela évite l'emploi d’un très grand nombre de 
porteurs de hottes qui, lors de la vendange, sont fort 
chers. 

Je suis allé consulter bon nombre des meilleurs 
vignerons de Chissay, sur ces deux genres de viui- 
culture, et voici le résumé de quelques-unes de ces con- 
versalions. 

M. Sanglebœuf adjoint de la commune de Chissay, a 
trois hectares trente-trois ares en vignes plantées à un 
mètre en tous sens, et une autre vigne de un hectare 
soixante-cinq ares plantée en chaintres depuis quinze 
ans ; et ces dernières lui donnent habituellement la même 
quantité de vin que les autres qui couvrent à peu près le 

15 


aa 


double de terrain. Sa vendange de 1866 ui a donné 
quatre-vingt-dix pièces de vin à deux cent cinquante 
litres, dont quarante-six pièces sur les vignes plantées 
en plein, et quarante-quatre pièces sur celles en chain- 
tres; en 1867, 1l n’a récolté que trente-cinq pièces, dont 
moitié sur celles en chaintres. Il fume ses anciennes 
vignes tous les six ans, à raison de quatre-vingts mètres 
cubes, lhectare; il n’a encore donné que deux mille 
fagots d’ajones, tous les trois ans par hectare à ses 
vignes en chaintres ; il a acheté à trois lieues de Chissay, 
deux hectares de pauvres terres pour y semer des grands 
ajoncs, qu’il coupe tous les trois ans; la facon de cent 
fagots d’ajoncs lui revient à 4 fr.; 1l a encore acheté trois 
hectares de bruyères, pour faire la litière de ses deux 
chevaux, d’une vache, et d’un cochon ; il fait deux hec- 
tares de froment qui recoivent chacun huit mètres cubes 
de fumier et cent-vingt kilos de guano du Pérou; il 
sème l’année suivante deux hectares en avoine; sur la 
troisième année, il met en partie du trèfle, des pommes 
de terre, un peu de betteraves, des choux; il estime les 
terres à froment à 2,300 fr. l’hectare, et à 1,000 ou 
1,500 francs les terres maigres, à sous-sol argileux, qui 
conviennent à la plantation des vignes ; il dit que la cul- 
ture des vignes en chaintres, coûte bien moins que celles 
plantées en plein. 

Le sieur Noque, tonnelier et propriétaire à Chissay, 
a récolté sur soixante-six ares de vignes plantées 
en plein, en 1865, trente hectolitres de vin ; cette 
vigne lui a donné en 1866, dix pièces ou vingt-cinq 
hectolitres, et en 1867 seulement cinq pièces où douze 
hectolitres cinquante litres, total sur trois ans, soixante- 
sept hectolitres et demi; cela ferait cent hectolitres, sur 
un hectare, en trois vendanges; il a récolté sur trente 
trois ares plantés en chaintres, dans l’année 1865 douze 
pièces, ou trente hectolitres, en 1866 quatorze pièces ou 


— 227 — 


trente-cinq hectolitres, et en 1867 quatre pièces ou dix 
bectolitres; ce qui fait en trois années soixante-quinze 
hectolitres ; 1l a donc récolté en trois ans, sur trente-trois 
ares de chaintres, trois hectolitres de plus qu’en trois ans, 
sur soixante-si ares de vignes plantées à l’ancien 
usage. : 

Le sieur Coursant m’a dit avoir récolté en 1866, sur un 
arpent ou soixante-six ares de vignes plartées en chain- 
tres soixante-cinq hectolitres, tandis que ses vignes à 
l’ancien usage n’avaient donné que vingt-sept hectolitres 
cinquante litres, et que la meilleure vigne de son beau 
père, excellent vigneron, n’avait donné, sur mème éten- 
due, en vignes plantées en plein que trente sept hecto- 
litres cinquante litres. 

Maitre Jean Collin a récolté en 1866, deux cent deux 
pièces de vin ou cinq cent cinq hectolitres, sur trois 
hectares quatre-vingt-seize ares, ou à peu près cent vingt- 
six hectolitres par hectare; il n’a récolté en 1867 que 
cent vingt-cinq hectolitres, ce qui fait trente hectolitres 
par hectare. 

I vient de faire la première récolte d’une vigne de un 
hectare trente et un ares en chaintres plantée il y a 
quatre ans; elle a donné quarante hectolitres de vin ou 
trente hectolitres par hectare. 

Les deux frères Cuisinier qui, enfants d’une pauvre 
veuve, étaient souvent forcés de mendier, sont mainte- 
nant propriétaires; l’ainé n’a dit avoir récolté en 1866, 
sur une des plus anciennes vignes plantées en chaintres, 
à raison de cent soixante-huit hectolitres soixante-quinze 
litres l’hectare; il vient de payer 2,800 fr. pour rem- 
placer son fils, et est logé chez lui. 

Son frère a été six ans soldat en Afrique, d’où il est 
revenu avec 200 f. de pension pour blessure; il a épousé 
une tres-bonne ouvrière, économe, mais sans dot, 
ayant frères et sœurs et par conséquent sans avoir beau- 


— 228 — 


coup à espérer; leur seul enfant, un garcon, a seize ans; 
la pension, leur travail incessant pendant quatorze 
heures sur vingt-quatre, et leur économie, les ont 
amenés à une aisance relative; voici les détails qu'ils 
ont bien voulu me donner : ils ont vécu et sont parvenus 
à pouvoir acheter une partie de la maison paternelle de 
la femme; comme elle menacait de tomber, ils l'ont 
démolie et remplacée par une chambre bien meublée; le 
tout a coûté 2,400 fr. Ils viennent de racheter le reste 
des bätiments, pour 2,000 fr.; le pressoir et les cuves 
ont été payés 1,000 fr.; ils ont acheté en bien des fois, 
un hectare vingt-cinq ares de vignes, ayant coûté 
7,100 fr.; ils ont hérité de quatre-vingts ares de vignes, 
et ils ont maintenant deux hectares quarante-cinq ares 
de vignes, mises en bon état, qu’ils esti- 

ment. su lt relie nr. LD PODTRE 


Ils ont un hectare quinze ares . . . 2,450 
Ils possèdent treize ares de terres, 
estimés: cher Bal ce 269 DURE 880 


Total du bien acheté . . . . . 13,830 £. 
Ils ont dépensé en bâtiments. . . . 5,400 


Somme due à leur travail. . . . . 19,230 
Ils ont hénié de, 22 ES Tape Rain UD 


24,630 f. 


Il y aurait à ajouter à ce capital, la valeur d’une 
charrette 100 fr.; celle d’une vache de 200 fr.; une 
änesse 150 fr. et bien d’autres choses. 

Cuisinier récolte à peu près moitié du froment qu'il 
consomme; il n’emploie ni seigle, ni orge pour 
faire son pain; il consomme journellement trois litres 
de vin en hiver et quatre en été; mais à cause des 
allant et venant, la consommation de l’année entière s’é- 
lève à sept pièces ou dix sept cinquante litres; sa con- 


— 229 — 


sommation élant de trois litres et demi par jour, ressort à 
douze cent quatre-vingts litres ; 1l y a donc quatre cent 
soixante-dix litres pour les visites et extra. 
Ses noyers fournissent l'huile nécessaire pour manger 
et s’éclairer. 
Voici le compte en argent des dépenses dont le fils 
écrit les notes : 


5 hectol. de froment, en l’estiraant à 20 fr. 100 fr. 

-"Poursel'et épicerie”: : 50 
Un cochon acheté jeune, et Fe an 

20kros pour Et famille 6.) LL (1 LA 40 
Rent, entretien du mobilier . . 500 
ne des ben ferrage de 

Fane.,. 777. à 70 
Ils louent des _ airies ‘artificielles pour : 135 
Ils achètent de la litière de bruyères pour 180 


On fait dans l’année à peu près 55 mètres 
de fumier employé dans les vignes et on 
achète 150 kilos de guano du Pérou pour la 
CORTE ATLeL EAU SENTE nLS | Ce) ACER 50 


1,125 fr. 


Le lait d’une vache, les légumes et les fruits du jar- 
din, les œufs des volailles et 200 kilos de porc, font 
qu'ils ne vivent pas mal. 

Cuisinier n’a encore que de jeunes vignes en chain— 
tres ; ses trois dernières récoltes lui ont donné en 1865, 
cent trente hectolitres, en 1866 cent cinquante hectoli- 
tres et en 1867 seulement soixante-cinq hectolitres ; 
total des trois vendanges, trois cent quarante-cinq hec- 
tolitres, à 20 fr. font 6,900 fr., sur lesquels à déduire le 
vin consommé, ou 1,050 fr., reste 5,850 fr. 

Ifautremarquer ici que le vin se vendait, il y aquelques 
années, 100 fr. et plus la pièce de deux cent cinquante 
litres ; Poïdium ravageait alors les parties méridionales 


— 230 — 


de la France, tandis que les vignes des bords du Cher, 
n’en étaient point atteintes, et donnaient de bonnes 
vendanges; c’est ce qui a aidé Cuisinier à faire de bonnes 
affaires. 

Le comte de Baillon et M. de Ferrière, habitant des 
châteaux situés sur le territoire de la commune de 
Chissay , suivent l'exemple des vignerons, en plantant 
des vignes en chaintres. 

Je ne dois pas oublier de dire que M. de Baiïllon a 
obtenu une médaille d'argent, au concours régional de 
Blois, pour son vin du Cher. 

J'ai visité, le 15 octobre, le baron Liebert, qui est fils 
et petit-fils de généraux de l'Empire; comme il avait les 
répartiteurs chez lui, étant maire de sa commune, il n’a 
pu m’accompagner dans la visite de ses vignes dont son 
régisseur a, du reste, la grande direction; le baron qui 
s'occupe de faire un grand parc, autour de son joh et 
ancien château, m’a dit que son intention est de trans- 
former son régisseur en fermier de toute la terre; le 
château du baron est à seize kilomètres de Tours. 

Le régisseur m'a appris qu’il s’occupe depuis quatorze 
ans à remanier les anciennes vignes de la propriété , 
pour les remettre en lignes, séparées par un mètre cin- 
quante centimètres ; les nouvelles vignes qu'il a déjà 
plantées sur trente hectares et dont il continue chaque 
année à augmenter le nombre, ont les ceps à un mètre 
cinquante centimètres les uns des autres ; 1f ne plante 
que des boutares de côt ; il n’a dit qu’on peut s'adresser 
à lui pour être sûr de ne recevoir que des boutures de 
ce cépage, sans aucun autre mélange , il fait payer 3 fr. 
le mille de boutures ; il m'a montré un grand pressoir 
encore neuf fait à Tours et payé 15,500 fr., et un autre, 
fait plus récemment et d'une dimension bien moins 
considérable, fait à Amboise chez un nommé Mabille, 
qui vient d’obtenir le premier prix à l'Exposition; il le 


PT 


préfère au premier, et le trouve moins cher, à propor- 
tion de sa force ; son prix est de 500 fr.; leur vendange 
de l’an dernier a produit plus de quatre cents pièces ; 
mais la grèle de ce printemps ne leur en a laissé que 
quarante et quelques pièces. 

Sous le grand pressoir dont le sol est pavé en dalles de 
pierres de taille dures, il a fait construire trois citernes 
pour contenir cinq cents hectolitres de vin. 

Le régisseur n’a dit qu'il fallait vingt-deux journées 
de vigneron pour faire la taille d’un hectare de vignes. 
Ou cultive ici pour avoir du fumier pour les vignes; on 
tient une vingtaine de vaches du pays, avec un taureau 
de mème espèce ; je lui ai fait part de ce que j'avais vu 
dans l'Allier, en fait de croisements avec des taureaux 
durham. 

J’ai quitté le château de Chissay, pour me rendre chez 
ma belle-sœur, à la Basme, et de là, je suis allé faire 
une visite à M"° Malingié , belle et jeune veuve, restée 
avec cinq enfants ; elle a conservé la culture de la ferme 
de la Charmoise, et son beau troupeau de trois cents 
bêtes, dont les béliers sont vendus 200 fr.; de la route, 
j'ai pu voir de beaux champs de choux et de betteraves ; 
J'ai voulu, en passant à Pontlevoy, faire une visite à 
M. Chauvin, très-bon cultivateur, mais il était absent ; 
on rentrait de très-belles betteraves pour sa distillerie, 
il est toujours fort bien monté en jeunes chevaux per- 
cherons ; 1] engraisse de mille à douze cents moutons, 
par hiver. 

Ma belle-sœur à qui j'avais donné, le 15 mai, huit 
grains de mon bel épis de maïs de l’état de lIinois, en 
Amérique, a récolté seize épis, qui plantés le long d’un 
mur au midi, sont en partie bien mürs; ceux qui lais- 
sent à désirer comme maturité sont restés après leurs 
tiges qu’on a arrachées et suspendues, pour les mettre à 

. Pabri des souris; ils muürissent ainsi; dans le nord des 


— 232 — 


États-Unis, où le maïs a de la peine à mürir, lorsque les 
étés ne sont pas très-chauds et que les froids sont pré- 
coces, on arrache les tiges en laissant les épis après, à 
l’époque où la gelée est à craindre, et le grain parvient 
ainsi à bien mürir. 

Mon neveu, le baron de Romance, ayant planté, il y a 
trois ans, soixante ares en vignes blanches, y a récolté 
quatre pièces de vin ; ilen a planté ce printemps deux 
hectares à la manière du père Denys; ma belle-sœur a 
fait préparer plusieurs hectares, pour être plantés de 
la même manière, au printemps prochain, lorsqu'il fera 
chaud, en mai. 

Lesavoines de printemps sont complétement manquées 
dans ces environs; elles ne rendent pas , en hectolitres , 
et leur grain ne pèse pas moitié du poids crdinaire. 

Je ne comprends pas le manque de raisonnement des 
fermiers de cette partie de la France; leurs terres sont 
en grande partie à sous-sol imperméable, ce qui ne leur 
permet que rarement de semer de l’avoine en février ou 
mars; ils ne font donc que de très-pauvres récoltes d'a- 
voines, en les semant tard ; cependant, à petite distance 
d'ici, en Berry, les avoines semées en oetobre, produi- 
sent par hectare de quarante à cinquante hectolitres, du 
poids de cinquante kilos ; les avoines d'hiver gèlent de 
temps à autre; mais dans ce cas, on sème de l’avoine de 
printemps ; on n’a alors perdu que la semence. 

Etant retourné à Paris, je suis allié voir le docteur 
Guyot, que j'ai trouvé très-souffrant ; j'étais chargé par 
M. de Romance, de prier le docteur de nous faire con- 
naître les meilleures espèces de vignes, pour vins blancs, 
convenant au centre de la France; voici les noms que le 
docteur m'a indiqués : le romorantin nommé aussi surin 
ou chenu, qui est abondant et bon; le sémillon des en- 
virons de Saintes, qu’il dit être très-bon ; le plan dressé 
ou quillat; le jurancon blanc, très-productif, qui se 


— 233 — 


cultive beaucoup dans les Charentes et du côté d’Auch ; 
il se taille court, et ponssant comme les groseillers, il 
wa pas besoin d’échalas; pour les terrains très-calcaires 
ou marneux, la folle donne un vin chaud et très-abon- 
dant. 

Pour faire avec le côt un bon vin de table, il faut le 
doubler de vin de meunier et de pinceau blanc de Bour- 
gogne ou de Champagne. 

Le docteur croit que les meilleurs instruments, pour 
cultiver les vignes, sont ceux de M. Portal de Moux, 
près Carcassonne ; il n’admet pas les labours profonds et 
les défoncements entre les rangs de vignes ; il ne conseille 
que des cultures très-superficielles et suffisantes pour 
tenir les vignes exemptes d’herbes ; il préfère la culture 
à plat. Il désapprouve la clôture des cuves, lors de la 
fermentation du raisin, tenant surtout à ce qu’elle soit 
peu prolongée. 

Le D' Guyot recommande l’incision annulaire qui se 
fait avec un petit sécateur qu’on trouve chez les bons 
couteliers à Paris; cette incision doit être peu profonde, 
pour empècher les sarments de casser par les grands 
vents ; on doit la faireun peu avant la floraison de la vigne; 
M. de Parieu avait indiqué cette opération à la Société 
impériale d'agriculture, après en avoir reconnu la bonté; 
M. de Parieu avait fait voir à la Commission, un rang 
de ceps incisés qui étaient chargés de grappes, pendant 
que ses voisins avaient énormément sonffert de la cou- 
lure ; M. Baltet, grand pépiniériste à Troyes, a encore 
mieux confirmé l’eflicacité de l’incision annulaire contre 
la coulure, en n’incisant le cep qu’à la moitié de sa hau- 
teur; les raisins au-dessus de lincision, ont été pleins et 
abondants, tandis que ceux placés dessous Pincision, 
avaient beaucoup souffert de la coulure. 

M. Bortier qui cultive la belle ferme de Britagnia, 
construite par lui près d'Ostende, m'avait ditqu’il n’en- 


— 234 — 


graissait plus, depuis que le prix du bétail maigre se 
rapprochait trop de celui des bêtes grasses ; il tient de 
vingt-cinq à trente vaches hollandaises et fait du beurre 
vendu à Londres. Je lui ai dit ce que j'avais vu chez 
MM. Fombelle et des Termes, en Limousin, chez le vi- 
comte de Montagnac, chez M. Bernard-Dubost, et surtout 
chez MM. de Vaulx, dans le département de l'Allier ; j'ai 
assuré M. Bortier que s’ii donnait un bon taureau durham 
à ses vaches hollandaise, il vendrait à Londres leurs pro- 
duits gras, âgés de vingt-quatre mois, pour bien plus 
d'argent que celui qu'il retire du beurre; d’autant plus 
que le lait des vaches hollandaises convient bien mieux 
pour faire du fromage, que pour la fabrication du 
beurre. 

M. Bortier tire un très-bon parti d’une espèce de marne 
dont sont formées des collines près de Maëstricht ; 1l 
les mélange, dans la proportion de 10 ji. 0/9 au fumier. 
Il en résulte une nitrification qui augmente singulière- 
ment la fertilité ou richesse du fumier; M. Bortier fait, 
depuis plusieurs années, tout se qui dépend de lui pour 
répandre la connaissance de ce moyen de fertilisa- 
tion ; 1l avait placé un échantillon de ce calcaire à nitri- 
fication à lPexposition de Paris, et on lui a donné une 
prime. 

Je viens de lire dans un journal d’Indre-et-Loire que 
M. Cail, grand industriel, avait donné une fête dans sa 
grande terre de Labriche, à l’occasion de l’introauction 
qu'il vient d'y faire de lappareil complet de Fowier, 
pour la culture à vapeur ; cet appareil estmis en mouve- 
ment par deux locomobiles à vapeur. On a fait fonction- 
ner la charrue à cinq socs, pour labours profonds et dé- 
foncement; la charrue à huit socs, pour labours à six et 
huit pouces de profondeur ; le grand scarificateur, qui 
cultive sur deux mètres de largeur et sur trente-trois 
centimètres de profondeur; un autre scarificateur, tra- 


— 235 — 


vaillant la terre moins profondément, mais sur trois 
mètres de largeur ; les herses articulées, et enfin Le rou- 
leau Croskyll; tout a été mis en mouvement l’un après 
l'autre, par les deux locomobiles à vapeur. Le journal 
disait aussi que M. Cail avait acquis le droit de fabriquer 
toutes ces machines, en France et dans nos colonies ; j'ai 
appris ailleurs que M. Edouard Hamoir, de Valenciennes, 
avait aussi importé la charrue à vapeur de Fowler : on 
l’a vue fonctionner au concours d’Anzin. 

Une machine américaine m'avait singulièrement 
frappé, à l’exposition ; les journaux d’agriculture n’en 
ont pas parlé, da moins à ma connaissance : c’est le bê- 
cheur rotatif de Comstock, qui cependant se fabrique à 
Pittsburg (États-Unis) ; en Angleterre, à Lincoln, par 
la maison Porter ; à Berlin, par H. F. Eckeri, un des 
plus grands fabricants de machines agricoles de Prusse. 
Le bêcheur rotatif cultive la terre sur une largeur d’un 
mètre et à huit pouces de profondeur; son prix est de près 
de 800 fr.: on en fait aussi de plus larges. Son attelage, 
pour cultiver profondément et en terres fortes exige 
quatre fortes bêtes ; mais on peut employer cette machine 
avec deux bons chevaux, pour lever les chaumes et don- 
ner des secondes cultures; avec quatre chevaux et un 
homme 6n cultive autant et mieux qu'avec trois char- 
rues et trois hommes; c’est une grande économie de 
temps et d'argent; cette culture met la terre dans le même 
état que si elle avait été bèchée avec une fourche à larges 
dents. 

M. M.-L. Sullivan, le plus grand fermier des États- 
Unis, écrit ce qui suit à un club de l’état de New-York, 
en datant de Broadland, by Homer (Ilinois) : Jai cul- 
tivé et planté ce printemps cinq cent trente-quatre hec- 
tares de maïs, trois cent trente-sept hectares soixante 
ares ont été labourés à quatre pouces de profondeur et 
traités à la manière habituelle; cela a employé quatre 


— 236 — 


cent quarante-cinq RUE d'homme, à 1 dollar et 


50icents, Soit.:0:. MU Ste tua 667 50 
890 journées d’un el à 50 cents . 445 9 
1,112 50 

dollars à 5 fr., soit en francs et centimes . 5,562 50 


La culture à la charrue, le hersage et la plantation 
de quarante acres de maïs, est revenu à 1 dollar 31 cents 
ou 6 fr. 55 c. ou par hectare 16 fr. 27 e. 1/2. 

On a cultivé avec le bècheur rotatif de Comstock à 
une profondeur de huit pouces, quatre cent quatre-vingt- 
onze acres, ou cent quatre-vingt-seize hectares quarante 
ares, avec la dépense suivante : 

89 journées 1/4 d’un homme à 1 dollar ou ÿ francs, 


ce qui fait HS 446f. 25 
208 journées Pan He à 2 re DO: 520, 7» 
290 journées de bœuf, à i fr. DOCAAENER 362 50 

Total}! UNE MAS 88075 


La culture et plantation d’un hectare a coûté avec le 
bêcheur rotatif 63 cents par quarante ares, ou 7 £. 87 1/2 
par hectare, au lieu de .) "COMM )2 


Économie par hectare . . . . . . S8f.40 


Le bêcheur rotatif a cultivé à huit pouces de profon- 
deur au lieu de 4 pouces, a mieux divisé la terre, a éco- 
nomisé un tiers du temps et plus de moitié de là dépense ; 
le même attelage de quatre chevaux a cultivé avec le 
bècheur rotatif, pendant trente-trois jours, sans être 
trop fatigué, d’après les apparences, la récolte donnera 
de quinze à vingt-cinq pour cent de plus que sur la par- 
tie labourée; M. Sullivan ajoute qu’il va faire attacher 
au bêcheur rotatif un planteur de maïs automate, ce 
qui diminuera encore de beaucoup la dépense. 


— 237 — 


M. J.-B. Barnes, autre fermier des prairies de PTI- 
nois, après avoir donné, dans un journal de Chicago, 
des détails des plus satisfaisants sur le bèêcheur de Coms- 
tock, finit par dire qu’il préférerait renoncer à sa fau- 
cheuse, à sa moissonneuse ou à sa batteuse, plutôt 
qu'au bècheur rotatif, 

Cinq fermiers écossais, ayant assisté pendant une 
journée au travail exécuté dans plusieurs champs de 
Ja culture de lord Southesk, à Pawis, ont certifié par 
leur signature que le bêcheur rotatif ‘de Comstock fait 
une cellule culture à huit pouces de profondeur sur 
trois pieds de largeur, avec un attelage de quatre che- 
vaux. 

M. David Dickson, autre fermier écossais, dit qu’il a 
été très-content du travail du bècheur attelé de deux 
chevaux, il cultivait trente ares par heure, en prenant 
trois pieds de largeur sur huit pouces de profondeur; il 
va commander plusieurs bècheurs rotalifs. 

M. Francis Hamilton écrit de Friars’ Place Acton, 
Middlesex, Angleterre, qu’il est des plus satisfaits du 
bècheur rotatif qu’il a depuis un an; 1l lui trouve le tri- 
ple mérite d’une charrue, d’un scarificateur et d’une 
herse réunis dans la mème machine; il ne connait au- 
cune autre machine qui puisse aussi bien ameublir une 
terre; il dit lui avoir fait faire de terribles ouvrages dans 
ses terres fortes et dures, sans l’avoir altéré, tant il est 
bien établi; ses dents de fourche, en acier fondu, sont 
larges. Cette machine a travaillé dans les environs de 
Berlin, et les cultivateurs qui l’ont vue fonctionner con- 
venaient unanimement qu’ils ne connaissaient aucune 
machine pouvant aussi bien travailler la terre. 

M. Adam Müller, directeur d’un journal agricole, dans 
la Bavière Rhénane, homme que M. Villeroy, du Rit- 
tershof, estime beaucoup, a vu travailler le bècheur rotatif 
de Comstock et en a aussi fait un grand éloge; cette 


— 238 — 


machine n’est pas faite pour défricher ; elle a été essayée 
dans les prés de Billancourt, ce qui en a donné une mau- 
vaise opinion au jury. 

MM. Villard, père et fils, de Dijon, exposaient plusieurs 
semoirs ; celui à neuf disques et à bascule mérite surtout 
d'être recommandé; ses disques resserrent la terre, ce 
qui est partout utile, lorsqu'il fait un temps convenable 
pour semer; mais c’est nécessaire en terres légères, le 
froment venant mal sans cette précaution; on se 
beaucoup de semoirs à disques en Angleterre. M. Villard 
fils est un ancien élève de l’École Polytechnique; ces 
messieurs eXposalent aussi un semoir semant des engrais 
pulvérulents en même temps que les grains et graines. 

J’ai pu me procurer plusieurs fois, mais surtout dans 
dernicrs Jours de l'exposition, un grand nombre 

d’épis des plus belles variétés de maïs, venus principale- 
ment des États-Unis et en particulière de l’Ilinoiïs ; ces 
épis ont de cinq cents à neuf cents grains, et les tiges 
avaient cinq mètres de hauteur; j'en ai eu aussi d'Italie, 
de Moldavie et du cap de Bonne-Espérance; j'en ai dis- 
tribué et envoyé des échantillons à plusieurs centaines 
de personnes, dans des pays où il pourra mürir et où 
on pourra choisir et propager les meilleures variétés; 
là où 1] ne mürira pas, on y connaîtra du moins les maïs 
géants comme produisant le meiileur et le plus abondant 
des fourrages verts. 

J'avais écrit, il y a cinq ans, à plusieurs cultivateurs 
du Midi pour les engager à cultiver le maïs dent de che- 
val, dont les tiges viennent à trois et quatre mètres de 
hauteur, et qui n’est pas difficile pour la terre, à con- 
dition qu’elle soit fortement fumée; l’une de ces per- 
sonnes, M. de Gasquet, bropriétäire et directeur de la 
ferme-école de Salgues, par Lorgues, département du 
Var, vient de me mander qu’il a vendu au prix de 30 fr. 
une trentaine d’hectolitres de maïs dent de cheval, et 


— 239 — 


qu'il va le cultiver plus en grand, afin d’en fournir aux 
cultivateurs des pays, où cette excellente variété de maïs, 
très-productive en grains et en fourrage vert, n'arrive 
pas à maturité. 

J'ai quitté Paris pour aller passer une huitaine de jours 
au château de Crespières dans les environs de Poissy, 
chez le marquis de Crux, beau-père d’un de mes neveux ; 
nous avons fait une visite à M, Prévost, fermier du chà- 
teau ; ilne se plaint pas de sa récolte ; il vend ses produits 
à Saint-Germain, et ramène du fumier de cavalerie, 
payé 12 centimes par vingt-quatre heures; ses avoines 
sont bonnes, mais il leur donne cent cinquante kilos de 
guano par hectare ; le lait de ses vaches normandes est 
vendu 43 centimes le litre, au laitier qui le livre au 
chemin de fer, dont la station n’est qu’à six kilomètres. 
Il vient @’acheter une locomobile à vapeur pour rem- 
placer le manége de sa machine à battre, et pour pomper 
l’eau, le puits étant profond; cette locomobile met aussi 
en mouvement le hache-paille, le coupe-racines, l’apla- 
tisseur d'avoine, le concasseur de tourteaux. 

Mon neveu m’a conduit chez M. Gilbert, fils du fameux 
éleveur de béliers mérinos, M. Gilbert de Videville, qui 
recoit des visites d’éleveurs venant d'Australie, du cap 
de Bonne-Espérance et de la Plata; des Anglais ont 
formé des troupeaux considérable dans ces pays; pour les 
améliorer, ils viennent chercher des béliers en France; 
M. Gilbert a vendu, il n’y a pas longtemps, des brebis et 
des béliers pour le royaume d’Italie; on les avait achetés 
pour les conduire en Pouille ; 1l a aussi vendu @es béliers 
pour le nord de la Prusse. 

J'ai demandé à M. Gilbert, s’il avait profité de l’expo- 
sition, pour acheter de bonnes machines agricoles; il 
m'a dit qu’il avait acheté un scarificateur ; je lui ai 
demandé combien lui coûtait la moisson d’un hectare; il 
m'a répondu que le prix en variait de 45 à 52 fr. je lui 


— 240 -— 


ai observé qu'un prix aussi élevé, aurait dû le décider à 
se monter d’une faucheuse-moissonneuse; selon Ini, on 
ne pourrait pas s’en servir dans ce pays, les froments 
versant habituellement ; je lui ai dit que cela tenait à ce 
qu’on fume, pour les céréales d'hiver, au lieu de mettre 
le fumier pour la récolte qui précède; alors, me dit-il, 
nous serions forcés de faire des récoltes sarclées, et les 
ouvriers sont trop chers; la voiture étant avancée, nous 
avons dù le quitter, ce qui n’a empêché de lui dire que 
M. Salvat, à Nozieux, repiquait ses betteraves après une 
récolte d’un fourrage d'hiver, à une distance qui permet 
de passer la houe à cheval en long et en large; il évite 
ainsi presque toute main d'œuvre, pour sarclage; ses 
betteraves sont énormes, et produisent souvent soixante 
mille kilos par hectare ; j'aurais pu ajouter, que M. De- 
cauville de Petithourg, tout en faisant énormément de 
betteraves pour sa distillerie, fait encore une grande 
étendue de colzas bien sarclés, qui nettoient ses terres; 
cela ne l'empêche pas de faire de fort bonnes récoltes de 
froment qui ne versent pas; s’il semait ses céréales en 
lignes à trente centimètres d’intervalle, afin de pouvoir 
les sarcler avec la houe à cheval de Garrett, elles ne ver- 
seraient pas non plus; et tout en économisant au moins un 
hectolitre de semence par hectare, il récolterait trente ou 
trente-cinq hectolitres, au lieu de vingt-cinq à vingt- 
sept; par suite de ces sarclages répétés et de ces demi 
jachères bien soignées, les terres se trouvent plus propres 
et sont plus productives. 

On recherche en Angleterre, les variétés de froment à 
paille raide pouvant porter de longs et lourds épis sans 
verser; telles sont entre autres le froment Hallet, de 
Brighton, que M. Fiévé, lauréat de la prime d’honneur du 
département du Nord, cultive à Mâsny, près Douai, le 
froment bleu, ou de Noé, et d’autres. Ce qui manque à 
une grande partie des cultivateurs francais, c’est de se 


= ONE — 


tenir au courant de ee qui se fait ailleurs en lisant, et en 
visitant ceux d’entre eux, qui paraissent vouloir sortir 
des anciennes coutumes agricoles. Ceux de ces Messieurs 
qui sont fort à leur aise, devraient visiter le Nord de la 
France ; ensuite, ils iraient en Angleterre ; cela les ins- 
truirait et les rendrait plus hardis à dépenser de l’argent 
à l’achat de bons reproducteurs et de bonnes machines 
qui économisent la main d'œuvre. 

Je suis part de Crespières, pour me rendre au château 
de Chaltrait, près Epernay, où un autre de mes neveux 
demeure chez la grand’mère de sa femme, la comtesse 
de St-Chamans. Le comte son fils, s'occupe de remettre 
sur un bon pied une ferme qu’il a trouvée en bien 
mauvais état, à la sortie du fermier; il veut pouvoir la 
relouer. [l a transformé la réserve du château, en prairies 
irriguées, qui se louent fort bien. Le comte de Lam- 
bertye, son beau-frère, est un très habile horticuiteur, 
qui publie des ouvrages d’horticulture, estimés et utiles. 
Le comte Henry de Gourcy, mon neveu, ma conduit 
chez le comte de Montmort un de ses voisins, qui s’oc- 
cupe d’agriculture ; il a bien voulu nous conduire dans 
une ferme qu’il améliore depuis quelques années; après 
avoir réparé les anciens bâtiments, il a construit une 
belle vacherie, pouvant loger une trentaine de bêtes 
adultes ; il y a mis un taureau et quelques vaches durham, 
et a garni le reste de Pétable en bonnes vaches de pays; 
je l'ai engagé à s’en tenir au croisement, pour faire de 
jeunes bêtes grasses, qui se vendent fort bien ; il est très- 
diflicile de savoir faire du reproducteur durham; cela ne 
convient pas dans un pays où peu de personnes com- 
prendraient l’utilité de mettre des prix assez élevés, à 
l'achat d’un bon taureau ; le comte avait le projet d’élever 
des bœufs de travail, pour n’être pas forcé de les envoyer 
chercher au loin; je lui ai dit que les bœufs qu’il pro- 
duirait chez lui, lui coûteraient bien plus cher, arrivés 

16 


— 242 — 


à l’âge de quatre ans, époque où ils peuvent rendre de 
bons services, que ceux qu’il ferait venir de Franche- 
Comté ou de Bade, pays qui sont le plus à sa portée; 
mais il est bien difficile d'introduire la culture avec des 
bœufs, daus un pays où l’on ne se sert que de chevaux, 
pour le travail; on est forcé d’y faire venir les laboureurs 
avec leurs bœufs; les hommes habitués à conduire des 
chevaux, ne deviennent pas des bouviers, et ceux qu’on 
a fait venir de loin, ne vous restent pas longtemps. 
M. de Montmort m'a dit être décidé à acheter une mois- 
sonneuse, le prix des ouvriers et la difficulté qu’on 
éprouve à en trouver, l’ont amené à prendre ce parti; 
je lai fortement engagé à acheter celle de Seymour et 
Morgan, qui fauche et moissonne, et qui est plus facile 
de traction que celle de Mackormic, laquelle ne fauche 
pas ; elles coùtent toutes deux le même prix, 850 fr. 
M. Philippe Durand, à Lignière (Cher), établit parfaite- 
ment cette moissonneuse. Le comte nous a fait voir des 
essais d'engrais chimiques de M, G. Ville, comparés aux 
famures ordinaires. Je pense que les engrais pulvéru- 
lents du commerce, doivent ètre employés comme sup- 
pléments au fumier dont on n’a jamais assez; mais pour 
en obtenir un bon résultat, ils doivent être ajoutés à une 
fumure insuflisante de fumier, et ne pas être employés 
seuls , leur effet étant beaucoup plus prompt que celuidu 
fumier ; ils s’entr'aident. En Ecosse, les fermiers fument 
un hectare pour récoltes sarclées, avec trente ou quarante 
mètres cubes de fumier, et ajoutent de trois cents à cinq 
cents kilos de guano, suivant l’état de la terre. 
Maintenant dans la Grande-Bretagne, on emploie 
beaucoup de mélanges d'engrais; ainsi, on met un quart 
en guano du Pérou, un quart en nitrate de soude, et 
moitié en os pulvérisés ou cendres d’os, venant de la 
Plata. Ces mélanges conviennent beaucoup aux prairies ; 
un engrais développe les légumineuses, et l’autre fait 


— 243 — 


pousser les graminées. M. de Montmort se sert d’excel- 
lentes charrues sans avant-train , fabriquées à Grignon. 
Je l'ai fortement engagé à laisser le fumiér sous ses che- 
vaux et sous les vaches, et à leur préparer leur nourri- 
ture comme cela se fait chez M. Decrombecque, à Lens 
(Pas-de-Calais), et comme cela a été si bien expliqué par 
lui, il y a peu de temps, dans le Journal pratique. Le 
comte habite un des plus jolis et des plus anciens chà- 
teaux de France, qui est des mieux placés ; il domine 
une fort belle vallée. 

Nous sommes allés un autre jour, mon neven et moi, 
visiter un Jeune cultivateur, M. de Kirgener, demeurant 
dans le très-grand et beau château d’Étanges, propriété 
de ses parents. M. de Kirgener , après avoir passé deux 
ans chez MM. Jolivet et Lecorbellier près Valencais en 
Berry, pour s’y instruire en agriculture, s’est marié, et 
il cultive depuis une couple d'années une ferme de 
son père, qui lui a loué aussi quarante hectares de 
bois à défricher; M. de Kirgener fait défricher ce bois 
nouvellement coupé, par les gens des environs, qui ont 
les racines et la jouissance de la terre pour une année 
(après le défrichement); plusieurs dé ces défricheurs n’ont 
pas terminé leur entreprise, et l’onl abandonnée. 

M. de Kirgener vient d’ensemencer en froment la 
plus grande partie du terrain défriché , sans y ajouter 
aucun engrais, ni noir animal, ni phosphate de chaux 
fossile; l’apparence de la terre ne promet guère une 
bonne récolte. J’ai engagé M. de Kirgener à faire au 
moins un essai de phosphate de chaux fossile, qu’il trou- 
verait non loin de chez lui, à Grand-Pré, dans le dé- 
partement des Ardennes; c’est là que l’on extrait et 
pulvérise le meilleur phosphate de chaux fossile, il le 
payerait 5 fr. les cent kilos ; il pourrait se procurer aussi 
celui qu'on extrait à Bar-le-Duc, mais qui jouit d’une 
moins bonne réputation, aussi ne se paye-t-il que 3 fr. 


et 


chez M. Schlaise ; on en met de quatre à six cents kilos 
par hectare pour la première récolte après défrichement, 
et pour chacune des récoltes qui suivront, on diminue 
chaque année la dose de cent kilos; cela ferait pour 
quatre récoltes dix-huit cents kilos de phosphate de 
chaux au moyen d’une dépense de 90 fr. à 5 fr. pour 
cent kilos pris sur place; il n’y a pas d'autre engrais à 
aussi bas prix. 

La ferme que cultive M. de Kirgener contient soixante 
hectares d’anciennes terres ; le peu que j'en ai vu, situé 
sur un plateau, pourrait devenir bon après avoir été 
drainé, chaulé et bien fumé. 

Les étables contiennent de jolies vaches normandes, 
avec un taureau de mème race ; la bergerie loge de 
bons métis mérinos; la porcherie est montée en bons 
cochons anglais. 

Les chevaux, élevés dans le pays, m'ont paru très- 
bons; mais pour tirer bon parti de cette culture, 1l fau- 
drait y employer un fort capital , et M. de Kirgener m'a 
paru être las des dépenses déjà faites. ; 

La culture, pour être profitable, demande Papport 
dans une ferme d'au moins 500 f. par hectare ; le dou- 
ble vaudrait mieux, et serait mème nécessaire, si la terre 
n’est pas naturellement fertile, surtout si elle a besoin 
d’être drainée et chaulée. Le drainage devrait être fait 
par les propriétaires, et les fermiers leur paieraient cinq 
pour cent de la dépense occasionnée par cette première 
des améliorations ; trois pour cent seraient pour intérêt, 
et deux pour cent pour l’amortissement de la dépense; 
le propriétaire et le fermier gagneraient tous deux beau- 
coup, l'opération étant bien faite. - 

J'ai quitté Chaltrait, pour me rendre à Eclarons 
(Haute-Marne), chez Mme la vicomtesse de Romance, 
mère de mon gendre. 

M. Louis de Hédouvilie, gendre de M°e de Romance, 


— 245 — 


s’mtéresse beaucoup à l’agriculture, tout en ne faisant 
valoir qu’une petite réserve, au milieu d’une vallée ar- 
rosée par la Blaise, un des affluents de la Marne; cette 
petite rivière parcourt pendant une dizaine de lieues, 
une immense étendue de prés, sur un excellent fonds de 
terre; mais elle gûte fréquemment les foins par des inon- 
dations intempestives, au lieu de les fertiliser par l'irriga- 
tion à laquelle deux ou trois moulins s'opposent. Les 
terres des environs d’Éclarons seraient aussi très-fertiles, 
siun sous-sol d'argile ne les saturait pas d’eau pendant la 
moitié de l’année; MM. Charles et Louis de Hédouville, 
M. de Roglande, M. Sevestre, M. Marcher et plusieurs 
autres personnes, sont parvenus, il ya quelques années, 
à former à Saint-Dizier un comice agricole, dônt 
M. Charles de Hédouville a été nommé des ces 
messieurs ont voulu entreprendre une grande opération 
d'assainissement des terres, en s’assurant l'assistance de 
l'Ingénieur départemental chargé du drainage ; celui-ei a 
tracé les lignes des fossés nécessaires au grand écoule- 
ment des eaux de la plaine ; et grâce surtout à l’activité 
et à la volonté persévérante de M. Marche, notaire à 
Éclarons, qu'aucun obstacle ne saurait arrêter, pas même 
des avances d’argent qu'iliw’était pas certain de récupérer, 
en totalité, on est déjà parvenu à faire plus de 4,000 
mètres de larges fossés, qui permettront aux proprié- 
taires les plus Hidente de donner le bon exemple du 
drainage de leurs pièces de terre ; on s’occupe de la for- 
mation on syndicat, qui pourrait continuer ce grand 
commencement d'amélioration des terres labourables, 
ainsi que celles à faire dans les prés. 

M. de Hédouville a bien voulu me faire visiter quel- 
ques-uns des meilleurs cultivateurs de ces environs ; 
nous avons commencé par aller chez M, de Roglande, 
qui occupe une belle ferme isolée, à trois kilomètres de 
la ville ; c’est une propriété de son beau-père, mais qui 


— 246 — 


lui est assurée, pour un prix que je ne connais pas. 
M. de Roglande s'étant senti un véritable goût pour Pa- 
griculture, vers l’âge de vingt et quelques années, a 
passé deux ans à Beauvais, pour y suivre les cours pro- 
fessés par M. Gossin, éminent professeur de la plus 
utile des sciences, et il a appris la pratique agricole 
dans la ferme des frères des écoles chrétiennes, près cette 
ville. 

Il cultive depuis trois ans et a déjà fait bien des amé- 
liorations; nous l’avons trouvé occupé de la vente de sa 
récolte de lin, à des marchands du département du 
Nord, desquels il n’a pu obtenir plus de 14 centimes 
4/2 le kilo; voilà trois ans seulement qu’on s’est mis à 
cultiver cette plante, dans ce pays, et des marchands 
du Nord viennent l’y acheter. M. de Roglande m'a fait 
voir son bétail dont il a été chercher la souche dans les 
Flandres belges ; je lui ai fait part des résultats qu'on 
obtient en Limousin et dans le Bourbonnais, par le eroi- 
sement durham et l’engraissement précoce, et l’ai forte- 
ment engagé à se procurer un taureau durham; je lai 
engagé aussi à suivre l'exemple de M. Decrombeque, 
dans sa préparation de la nourriture du bétail, ainsi que 
le traitement des fumiers. 

M. de Roglande a fort bien arrangé un grand pré for- 
mant le fond d’un vallon, dont les pluies d’orage gà- 
taient souvent le foin, en le couvrant d’eau boueuse; il 
l'a entouré d’un fossé qui emmène l’eau, lorsqu'elle peut 
faire du mal, mais qui la rend au pré, lorsqu'elle est 
utile; il arrange de même un étang de dix hectares qui 
touche sa culture et qu’il a loué pour douze ans à 50 fr. 
l’hectare ; il a transformé cet étang en pré ; il irrigue 
ses prés au moyen d’une forte source, dont 1l prend en 
partie, l’eau, pour le service de la ferme ; cette eau passe 
dansun lavoir qu’elle remplit dans un quart-d’heure; lors- 
que l’on veut y renouveler l’eau, elle passe à volonté dans 


JET => 


une citerne à purin, pour servir ensuite aux irrigations. 
Ses récoltes ayant eu énormément à souffrir de l’extrème 
humidité de ces deux années, il va travailler plus sé- 
rieusement au drainage de ses terres, qui en ont toutes 
besoin ; il ne s’était, jusqu’à cette heure, occupé que des 
plus humides. 

M. de Roglande, après s'être logé très-confortable- 
ment, a formé une laiterie qu’on pourrait prendre pour 
modèle; deux robinets y fournissent l’eau froide ou 
chaude; par ce moyen, selon la saison, 1l tient le lait à la 
température convenable ; il fait d’excellent beurre, et 
des fromages maigres pour la ferme; 1l a formé un bon 
pâturage et un verger de fruits choisis ; 1l a planté des 
asperges à la manière d'Argenteuil, et pense faire la chose 
plus en grand, pour la vente. 

Cette propriété est appelée à devenir une ferme mo- 
dèle, entre les mains de ce jeune cultivateur très-actif, 
instruit, des plus intelligents, et qui possède le capital 
nécessaire pour pouvoir bien faire ; mais il ne faut pas 
craindre de l’employer, surtout pour drainer le plus tôt 
possible. 

MM. de Roglande et Louis de Hédouville vont alterna- 
tivement, chacun deux fois par mois, faire âes confé- 
rences, le premier sur l’agriculture, le second sur l’hor- 
ticulture, Parboriculture et la viticulture, dans les salles 
du collége de Saint-Dizier, à quatorze kilomètres de chez 
eux ; leur but est d’être utiles ; c’est il me semble, un 
beau dévouement bien digne d’éloges et d’être imité. 

Nous sommes allés de là dans une grande ferme, où 
M. Guillaume, fils d’un des notaires de Saint-Dizier, 
vient de construire une Jolie maison; 1l cultive quatre- 
vingts hectares à lui appartenant, plus quarante hectares 
de bois défrichés dans un excellent fonds, propriété de la 
famille de Romance. M. Guillaume paye 60 fr. lhectare, 
mais il n’a rien donné les deux premières années, lors 


"up — 


du défrichement. Il arrivait de voyage dans la partie du 
pays de Bade qui touche les frontières de la Suisse, pour 
y acheter des génisses qu'il compte vendre, prêtes à faire 
veau ; il ne nous a pas fait connaître leur prix, tout en 
disant qu’elles coûtaient plus cher à proportion que trente 
bœufs qu’il venait de payer 400 fr. en Franche-Comté, 
et qu’il va engraisser. Il a fait lutter les brebis d’un 
troupeau de cinq cents métis mérinos, par des béliers de 
demi-sang dishley mérinos. 

M. Guillaume n’étant pas encore marié, habite en at- 
tendant, chez son père ; il a mis à la tête de sa ferme un 
bon cultivateur du Nord, marié. 

Trente-cinq hectares de ces mêmes bois ont été loués 
aux mêmes conditions par un propriétaire dont l’habita- 
tion les avoisine et qui les cultive bien. 

M. de Hédouville a entrepris amélioration des cert 
vingt-trois hectares restant de ce bois, qui avait été 
acheté il y a une quarantaine d'années, venant d’être 
coupés à blanc étoc, en faisant élaguer la jeune futaie Jus- 
qu'aux deux tiers de sa hauteur, de la manière suivante : 
le tiers des tiges de baliveaux et anciens les plus rap- 
prochés de terre, a eu ses branches supprimées complé- 
tement ; Jes branches du tiers du milieu de Parbre, sont 
coupées jusqu’à un mètre du corps de l’arbre, et les 
branches du tiers supérieur , restent intactes ; cette 
suppression diminue Pombre projetée sur le tallis, et 
lui donne plus d'air; on a le soin d’enduire avec du 
coaltar toutes les blessures des arbres; on fait fousiller 
les taillis âgés de quinze ans, c’est-à-dire que l’on coupe 
les épines et les tiges tombantes ou venant mal; l’éla- 
gage se fait par des ouvriers dressés à cette besogne ; on 
les paye par cordes ou fagots, de même que le fousillage; 
ces travaux d’amiélioration payés, ainsi que les chemins 
nécessaires, laissent encore un boni au propriétaire ; 
mais on a 1ei le bonheur d’avoir pour diriger ces travaux 


— 249 — 


un ancien garde forestier retraité, homme des plus pro- 
bes et fort capable, qui surveille le garde. 

Mon aimable etcomplaisant guide me mena lelendemain 
chez M. Bernaudat, fermier occupant depuis seize ans à 
30 fr. l’hectare la ferme isolée de Machelignots , située à 
un kilomètre de Ja commune de Giffoumont. Il est un 
des concurrents à Ja prime d'honneur qui sera donnée 
en 1868, à Châlons-sur-Marne. 

Le propriétaire étant mineur, il n’a pu obtenir du tu- 
teur qu’on lui construise une grange devenue nécessaire 
par la grande augmentation des produits dus à sa bonne 
culture. M. Bernaudat avait demandé qu’on drainàt les 
terres, s’engageant à payer 5 p. 0/0 de la dépense occa- 
sionnée par la plus utile des améliorations ; on lui a fait 
la même réponse; il a construit une grange tout en bois, 
ayant obtenu l’autorisation de l'enlever, à fin de bail, si 
on ne lui en donne pas la valeur, à dire d'experts; cette 
grange a coùté 7,000 fr. et a trente mètres de longueur 
sur neuf mètres de largeur, avec sept mètres de hauteur 
de bassegoutte, M. Bernaudat ayant trouvé de la marne 
en approfondissant son labour, lors de son entrée dans 
la ferme, en a essayé l'effet; le marnage était inconnu 
dans ce pays; cet essai lui en ayant fait connaitre le 
mérite, il a marné à raison de soixante mètres cubes, et 
il a déjà commencé à donner une seconde dose. M. Ber- 
naudat m'a dit que son cheptel dépasse une bête du poids 
de quatre cents kilos pour chacun des hectares qu’il 
cultive. 

Il arrive du royaume de Wurtemberg, où il a été 
acheter trois cents brebis qui lui compléteront un trou- 
peau de six cents bêtes ; elles recoivent des béliers cots- 
wold, race de bêtes anglaises qui arrive à un très-grand 
poids de viande , et donne des toisons à laine longue, 
mais qui n’est rien moins que fine. Il est allé ensuite 
acheter une douzaine de génisses, dans le canton de 


— 250 — 


Schwitz. Il à un taureau durham; et ses anciennes va- 
ches sont croisées durham; il élève leurs veaux mâles, 
pour les placer comme taureaux ; on les lui paye, âgés 
de quinze mois, de 200 à 250 fr. ; je lui ai dit ce qui se 
fait dans le centre de la France, sous ce rapport, et lui ai 
conseillé d’essayer Pengraissement précoce de ses élèves. 
Sa porcherie provient d’un verrat croisé yorkshire qu’il 
ferait bien, je pense, de remplacer. Il est bien monté en 
chevaux de trait, élevés chez lui. 

Toutes ses bêtes sont nourries avec des fourrages verts 
ou secs passés au hache-paille, et fermentés avec des ra- 
cines, dans la saison. 

Il a dépensé quelques mille francs, pour se faire de 
bons chemins, qu’il entretient. Il a grandement élargi 
les chemins traversant sa ferme pour y faciliter le pas- 
sage de ses nombreux troupeaux ; il vend ses moutons 
gras vers l’âge de quinze ou dix-huit mois. 

Son assolement est quadrienual ; il a fait cette année, 
dix hectares en lin vendu 15 ce. le kilo ; j'ai vu le pro- 
duit de six hectares de belles betteraves ; il avait deux 
hectares en pommes de terre; je ne sais plus combien il 
en a, en topinambours dont il fait grand cas. 

Ses champs de froments sont on ne peut pas mieux 
préparés; mais on y voit quelques taches faites par de 
nombreuses souris ; voiei comment il cherche à s’en 
débarrasser : il fait fondre du phosphore, en ayant soin 
de faire cette préparation dans un champ, de crainte 
d’accidents, il étend ce phosphore sur des tartines de 
pain ; on les couvre d’un peu de beurre et on les sucre ; 
avant de s’en servir, on a le soin de boucher, le soir, 
tous les trous de souris à coups de talon ; le lendemain 
matin on jette dans les trous rouverts pendant la nuit, 
un petit morceau de ces tartines, qui tuent les souris et 
les corbeaux ; ce remède convient aussi à la destruction 
des rats dans les greniers, si on peut empêcher les chats 


— 251 — 


d'y pénétrer. Il faut aussi tenir les chiens à l’attache 
lorsqu'on se sert de ces tartines. 

M. Bernaudat n’est pas encore bien monté, en machines 
agricoles ; je ne lui ai vu en ce genre, que les instruments 
Dombasle ; il a apporté quelques perfectionnements à son 
ancienne machine à battre ; j'ai apercu un râteau à che- 
val; il a commandé un rouleau Croskyll. Il a acheté cette 
année, cinq cents kilos de guano pour l'essayer. 

M" Bernaudat qui a été élevée en pension, nous a 
paru fort inte ligente et très au fait de la bonne culture de 
son mari; Celui-ci avait un capital de 35,000 fr. et du 
crédit, en quittant son père, bon cultivateur pour son 
époque, lorsqu'il est venu 1l y a seize ans, prendre cette 
ferme. 

Il est en pourpalers avec un habitant de Saint-Dizier, 
pour louer un étang de soixante-seize hectares en eau ; 
il en payerait 60 fr. par hectare pour un bail de vingt 
aus, à condition de le mettre en pré; on lui offre 40,000 
fr. pour cette transformation ; mais 1l veut 20,000 fr. 
pour faire ce très-grand travail. 

Je serais très-étonné si M. Bernaudat ne remportait 
pas la prime d’honneur. 

Les quelques hectares de sa réserve, que M. Louis de 
Hédouville fait cultiver par un fermier voisin, l’ont laissé 
en perte, tant qu'ils n'ont pas été drainés ; depuis trois 
ans, que cette opération est terminée, il obtient 100 fr. 
par hectare, de produit net, le loyer de la terre payé, 
malgré les deux mauvaises années qui viennent de finir; 
ce résultat est constaté par une comptabilité des plus 
exactes. 

MM. de Hédouville, les deux frères, sont au moment 
d'entreprendre la plantation d’une douzaine d’hectares 
de terres communales, en côte, ne pouvant se labourer ; 
ces terres se trouvent dans une commune près de Join- 
ville, où ils possèdent une ferme, dont ils ont planté 


— 232 — 


depuis longtemps les terres calcaires et pleines de roches; 
les arbres résineux et surtout les pins noirs d'Autriche et 
les épiceas y réussissent bien ; ceux des arbres résineux 
qui avaient été plantés, 1l y a une quarantaine d’années, 
par M. de Hédouville, leur père, s’y reproduisent bien 
par semence. Voici l’arrangement en train de se faire ; 
ces MM. planteraient et remplaceraient les arbres man— 
quant, pendant deux ans ; ce délai expiré, la moitié de la 
terre plantée leur appartiendrait ; si la chose réussit, on 
pense que quinze autres hectares de la commune, pour- 
ront être arrangés de même. 

M. Charles de Hédouville tient, une couple de fois par 
hiver, une conférence agricole dans la commune de Som- 
mermont près de Joinville, où il est propriétaire; il y 
réunit une soixantaine de personnes dont quelques-unes 
du sexe féminin ; tous paraissent prendre un véritable 
intérêt à l'instruction qu’on vient ainsi leur donner ; ils 
sont tout attention et il y a lieu de se flatter qu’une par- 
tie du moins des assistants en profiteront. 

Le 3 décembre, nous sommes partis, pour Saint- 
Dizier, M. de Hédouville et moi, avant le jour et malgré 
la neige tombée toute la nuit, afin de prendre le convoi 
du chemin de fer devant nous conduire dans la com- 
mune de Sommermont ; nous avons eu ensuite une lieue 
à faire à pied pour nous rendre chez M. Garola, lauréat 
de la prime d'honneur du département de la Haute- 
Marne ; M. Garola cultive deux fermes qui se touchent 
et ont, ensemble, une étendue de cent quarante-cinq 
hectares. 

Il croise des vaches de pays avec un taureau eroisé 
durham ; son troupeau, d'environ six cents bètes, est 
métis-mérinos ; il recoit des béliers venus de chez M. Le- 
maître, en Bourgogne; M. Garola vient de prendre 
chez M. Pargon de Salivat, un bélier croisé dishley, 
pour en essayer les produits. 


— 253 — 


Il a deux étalons de demi-sang, approuvés par les 
haras, et il élève des poulains ; sa porcherie à un verrat 
hampshire. 

Son assolement est alterne ; il fait plus de moitié de 
l'étendue de ses terres, en fourrages et racines ; 1l sème 
des mélanges formés de trèfle blane-violet, trèfle hybride, 
sainfoin, lupuline et ray-gras d'Italie, qu’on fauche la 
première année et qui servent ensuite de parcours à ses 
bêtes à laine ; le foin qui en provient, est d’une qualité 
supérieure ; il a de bonnes luzernes. En hiver, les four- 
rages passent tous par le hache-paille et sont fermentés 
avec les racines. 

Nous avons vu chez M. Garola, deux jeunes gens bien 
élevés, dont un est devenu son chef de culture ; l’autre, 
ayant de la fortune, ni paye depuis trois ans, 1,200 fr. 
par an, pour apprendre l’agriculture, il est très-fort et 
travaille ; il cherche une femme et une ferme pour 
s'établir. 

Mme Garola nous a parfaitement fait les honneurs de 
sa maison et nous a très-bien accueillis. Nous ne sommes 
rentrés que tard à Saint-Dizier, où j'ai pris congé de 
M. de Hédouville, en lui rendant grâce de l’obligeance 
qu'il a bien voulu mettre, à me faire connaître cette 
riche partie de la Champagne. 

Le lendemain matin, j'ai eu le temps, avant le pas- 
sage du chemin de fer, d’aller faire une visite à M. Mar- 
tin, ancien capitaine de cavalerie, qui demeure dans une 
jolie et très-fertile propriété, à deux kilomètres de Saint- 
Dizier ; il s’est mis à la cultiver, depuis 1849, époque 
où le maître de poste de cette ville, qui était son fermier, 
a manqué ; le moment n’était pas favorable pour trouver 
un bon fermier, n’a dit M. Martin ; il s’est done décidé 
à devenir cultivateur et il n’a pas trop mal réussi, puis- 
qu'il a plus que doublé le revenu deses soixante et quel- 
ques hectares de bonnes terres qui entourent son habita- 


— 254 — 


tion ; il les a améliorées, en les drainant d’abord, en les 
défoncçant ensuite, au moyen de deux charrues Dombasle, 
se suivant dans le même sillon ; puis il les a chaulées à 
raison de dix mètres cubes ; enfin 1l les a fumées forte- 
ment, ayant six bons chevaux de trait, bien nourris, 
ainsi qu'une quarantaine de vaches, ou élèves, de race 
hollandaise, qu'il a été chercher dans leur pays; le lait 
est vendu à l’année à un laitier, 15 e. 

Il a construit une étable commode, pour ses bêtes ; le 
fumier n’en est enlevé qu’au bout d’un mois, et est con- 
duit directement sur les terres. 

Il a un vacher Suisse, qui soigne très-bien les bêtes et 
sait les traire à fond. Une petite rivière qui passe contre 
habitation, fait tourner une paire de meules, la machine 
à battre, l’aplatisseur, le hache-fourrages, le coupe-ra- 
eines, et le concasseur de tourteaux ; la nourriture est 
fermentée avec les racines, du tourteau, ou des farines ; 
cela fait donner aux vaches beaucoup de ait et grandir 
les élèves. 

M. Martin est allé près Saint-Menoux, voir un fer- 
mier chez lequel il a appris beaucoup de choses, et il 
croit que les exemples de culture qu’il donne n’ont pas 
été inutiles à ses voisins ; il est membre assidu du Co- 
mice agricole, fort bien présidé par M. Charles de 
Hédouville, et qui distribue pour environ 1,500 fr. de 
primes, par an. 

M. Martin a bien voulu m'accompagner à la station du 
chemin de fer qui n’a ramené le 4 octobre à Pont-à- 
Mousson, d’où j'étais parti Le 45 avril. 


Quelques notes extraites à la hâte, d'une brochure des plus in- 
téressantes, imprimée en 1857 à Berne (Suisse), formant le 
compte-rendu de deux voyages agricoles exécutés par 
M. Charles d'Esclépens, propriétaire suisse, chargé par son 
gouvernement, d'étudier la culture de la Grande-Bretagne. 


M. d’Esclépens a été chargé par son gouvernement, 
d'étudier la culture de la Grande-Bretagne ; en y arri- 
vant, en juillet, 11 commenca par assister au Concours de 
la Société royale d'agriculture, tenu cette année vers le 
415 juillet, à Chelmsford, comté d’Essex ; c’est de ce con- 
cours, que le marquis de Vogué, en France, a si bien 
rendu compte; M. d’Esclépens a été émerveillé du ma- 
gnifique bétail exposé , ainsi que des innombrables 
machines agricoles. 

Il y a fait la connaissance du fameux éleveur de 
southdown, Jonas Webb, qui l’invita à venir voir ses cent 
soixante courtes-cornes, ses élèves de chevaux de travail 
de race suffolk, au nombre de quatre-vingt chevaux ou 
poulains , aussi bien soignés, que ses deux mille 
southdown, et soixante bœufs à engrais ; sans compter 
la nombreuse porcherie avec laquelle il sait gagner des 
primes, comme avec les autres élèves ; tout cela est nour- 
ri sur environ cinq cents hectares presque sans prés ou 
herbages, sur des terres dont la plus grande partie n’est 
pas bonne et peu profonde et à sous-sol de craie ; 1l est 
à remarquer que tout ce bétail de choix, est d’un grand 
poids et est abondamment nourri. 

M. Webb a à la fois jusqu’à trois cents béliers, en y 
comprenant ceux de l’année ; on en vend chaque année, 
environ cent cinquante, dont les prix moyens sont à peu 
près de 500 à 600 fr. suivant les années ; il y en a qui 
arrivent à 3,000, 4,000 et 5,000 fr. par tête ; des tau- 


= pEG = 


reaux, sanscompter les vaches courtes-cornes, se vendent 
jusqu’à 5,000 et 6,000 fr. pièce. 

On ne rentre à Babraham, ferme où demeure M. Jo- 
nas Webb, qu’une très-petite quantité de foin ou d'hi- 
vernage ; toutes ces bêtes ne consomment en hiver, que 
des balles, de la paille hachée et des racines; Les tourteaux 
sont réservés pour les élèves, ou les bètes à l’engrais ; le 
foin est pour les chevaux, et les mères qui allaitent. 

On estime qu’un hectare de bonne prairie artificielle 
en terre fertile et bien fumée depuis longtemps, doit 
nourrir et engraisser durant la bonne saison deux vaches 
et de sept à dix grosses brebis. Comme on a abusé, en 
Angleterre, des semailles de trèfle, et que généraiement, 
il y vient mal, on le remplace par des semis de graines 
mélangées, dont voici un bon exemple sur l'étendue 
d’un hectare, pour durer deux ans; quoique le climat 
de ce pays, soit infiniment plus humide que le nôtre, 
on y sème plus du double de semences de prairies arti- 
ticielles, que sur le continent : 


Raygrass d'Italie. . .. . 9 livres anglaises. 
Me, ANS IUS Neutre - MR. 
Dactyle pelotonné . salue 10 
Lupuline. nent ad: 
Frétledésprés RS 
id. blanc. RP 
id. hybride ou de Suède . 2 id. 
Thymoti ou fléole ._. . .:3 id. 
40 livres. 


M. Pusey, excellent agriculteur qui a été un des pre- 
miers présidents de la Société royale d'agriculture, est 
cité pour avoir formé une bonne prairie irriguée de 
douze hectares sur une pauvre terre, en y dépensant près 
de 7,000 fr, ou près de 600 fr. par hectare; il y nour- 


— 257 — 


rissait durant cinq mois, soixante-quinze moutons par 
hectare. 

Si le fond de terre à semer en pré permanent, est lé- 
ger et humide, on y sème avec avantage un peu d’un 
petit jonc nommé phalaris arundinacé. 

On emploie dans la Grande-Bretagne beaucoup d’en- 
grais pulvérents, qui ne sont pas, ou du moins qui sont 
peu connus sur le continent ; tels sont le guano, le phos- 
phate de chaux fossile, les os pulvérisés, enfin le nitrate 
de soude; on met de celui-ci, par hectare, de deux cent 
cinquante à cinq cents kilos, payés 32 fr. les cents kilos; 
ces engrais ajoutés à des demi-fumures, augmentent 
les récoltes de beaucoup. 

M. d’Esclépens a vu drainer, à la vapeur, avec une 
machine inventée par feu M. Fowler, qui place les 
tuyaux à plus d’un mètre sous terre, sans ouvrir de ri- 
goles, ce qui fait une très grande économie ; désireux de 
s'assurer si les tuyaux se trouvaient bien placés en terre, 
il en a fait découvrir une certaine longueur, et il a 
trouvé les tuyaux se joignant si bien, et tellement serrés 
par le sous-sol, qu’il est persuadé que le drainage le 
plus soigné fait à main d'homme, ne parvient pas à as- 
sainir aussi bien que celui effectué par la machine; lo- 
pération coûte par jour de travail, 472 fr., et place sous 
terre, sept mille quatre cent vingt-cinq tuyaux, longs 
de trente et un centimètres. 

Il a appris que la bruyère, en assez bon fonds, que la 
machine drainait, était louée, précédemment, 15 fr. 60 ; 
le fermier en paye maintenant, après drainage, 94 fr. 
l’hectare. 

On a dit à notre voyageur, que dans le comté d'Essex, 
qui west pas un des plus avancés en culture, il faut, 
pour bien faire, au fermier entrant dans une ferme de 
quarante hectares, au moins 25,000 fr. de capital ; et sur 
une ferme de cent hectares, 50,000 fr. pourront suflire ; 

( à 


JC ee 


on y estime le rendement moyen du froment, à vingt- 
einq hectolitres; dans une ferme en très-bonne terre, 
bien cultivée, ce rendement peut être de trente-deux 
hectolitres. 

On admet que le produit moyen en foin d’une prairie 
bien irriguée, fauchée une fois, doit être de huit mille 
livres de foin ; elle donne ensuite une excellente pâture 
à moutons. 

M. d’Esclépens a visité M. Mac-Culloch, un des 
fermiers les plus avancés, dans le highfarming, ou 
culture intensive ; M. Mac-Culloch est agent, eten même 
temps, fermier pour cent trente hectares, de l’ancien 
colonel des grenadiers écossais de la garde de la reine, 
M. Mac-Dhougal, dans la terre d’Auchnes, formant 
extrémité nord de la presqu’ile de {Port-Patris, terre 
la plus rapprochée de lIrlande. Voilà ce que dit de sa 
visite M. d'Esclépens ; la ferme de M. Mac-Culloch est 
composée de vingt-cinq hectares soixante ares de 
pauvres sables, de couleur rouge, convenables tout au 
plus aux turneps, de soixante-treize hectares soixante 
ares en terres graveleuses très-légères, et de trente-deux 
hectares de tourbe, ayant de quatre à six pieds de pro- 
fondeur ; en total, cent trente et un hectares, pour les- 
quels il paye 7,000 fr., ou à peu près 6 fr. par hectare ; 
il achète pour 8,000 fr. d'engrais pulvéruients, et pour 
9,000 fr. de tourteaux pour nourrir ses bêtes; 1l paye 
5,000 fr. d'intérêts du capital de roulement; comme fer- 
mier il dépense 13,500 fr. de main-d'œuvre et 2,500 fr. 
pour dépenses non prévues; tout cela forme une dé- 
pense totale de 45,000 fr.; ce qui ressort à 401 fr. 
80 centimes par hectare; voici l’énumération des pro- 
duits, en mesures suisses : quatre mille six cent cinquante- 
cinq quarterons fedéraux de froment, deux mille six 
cent soixante-quatre quarterons d’avoine, huit mille huit 
cenis quintaux de pommes de terre, qui, à trente-cinq 


— 259 — 


livres par quarteron, font vingt-cinq mille quarterons; 
à ces produits il faut ajouter le bénéfice de 10 fr., fait 
sur deux cent cinquante moutons ; celui de 131 fr. fait 
sur cent trente têtes de grosses bêtes à l’engrais, et la 
vente de quatre jeunes chevaux ; en réunissant la valeur 
de tous ces produits, on comprendra comment M. Mac- 
Culloch, après avoir soldé les 45,000 fr. de dépenses, et 
avoir grandement amélioré sa ferme, peut encore placer 
de 20 à 25,000 fr. de bénéfice net chaque année. Ces 
chiffres presque fabuleux, m'ont été certifiés, dit 
M. d’Esclépens, par un homme du métier, pratiquant 
sur sa ferme, l’ancien système de culture ; ils ont été re- 
levés sur les livres de M. Mac-Culloch, il y a quelques 
années, et ce cultivateur vient de m'écrire que ce fermier 
remarquable persévère dans cet énergique système de 
culture, avec une proportion de bénéfices qui va toujours 
en augmentant. Voilà le highfarming, si ce n’est dans 
tous ses caractères, du moins dans son expression la 
plus pratique ; voilà ce que fait un fermier instruit, très- 
actif, fort intelligent, qui possède un capital sufhsant 
pour l’étendue de la ferme qu'il a louée, avec un bail de 
vingt et un ans, et qui a affaire à un propriétaire qui 
aime le progrès et sait l’atiendre. J'ajoute qu’ayant vi- 
sité deux fois ces deux messieurs, je sais que M. Mac- 
Dhougal, dont M. Mac-Culloch est l’agént, cultive de la 
même manière une ferme étendue. 

M. Mac-Culloch tient à l’étable, avec six vaches, une 
centaine de jeunes bêtes, âgées de vingt à trente mois; 
on les engraisse en été avec du vert passé au hache-paille 
et du tourteau ; en hiver, le foin et la paille, par moitié, 
sont coupés et arrosés avec un bouillon dans lequel on 
fait cuire une certaine quantité de racines coupées et du 
tourteau ; cela attendrit le fourrage, tout en lui donnant 
un bon goût. On y ajoute dans le commencement, une 
couple de kilos, formé suivant les prix, d’un mélange de 


— 260 — 


tourteaux de lin, de colza, de graines de coton décorti- 
quées, d’arachides, et de noix de palmier; on angmente 
la ration de tonrteaux, à mesure que l’engraissement 
avance, et vers la fin, on ajoute de la farine d’orge et de 
fèves. Une bonne récolte de turneps, nourrit au pare par 
hectareet pendantles quatre mois d’hiver,de quatre-vingts 
à cent grosses brebis, produites par un bélier dishley et 
des brebis chéviot ; ces dernières peuvent vivre sur une 
maigre päture, et pour peu qu’on les nourrisse, on peut 
compter sur cent cinquante agneaux par cent brebis; 
leur parcage d’hiver sur les navets, si on y ajoute un peu 
de foin et de paille coupés, mêlés à vingt-cinq grammes 
de tourteaux par brebis, assure presque toujours une 
bonne récolte de froment; l’année d’après, on a une 
bonne prairie artificielle, dont le foin, avec la pâture 
et la paille du froment, nourrit les élèves de bêtes à 
cornes ; le tourteau donne à ces élèves la précocité de 
croissance qui permet de les vendre gras, âgés de vingt- 
quatre à trente mois, surtout si le père était un durham. 

Un autre bon résultat de l’emploi des tourteaux à la 
nourriture du bétail, c’est une grande amélioration du 
fumier ; aussi, les fermiers ne portent-ils dans leur comp- 
tabilité que les trois quarts du prix des tourteaux à la 
charge du bétail; l’autre quart est en dépense au fu- 
mier. 

M. d'Esclépens dit qu’un fermier anglais entrant dans 
une bonne ferme cultivée à l’ancienne manière, et non 
intensivement, mais se trouvant en bon état, doit pour 
bien marcher, avoir un capital de 750 fr. par hectare; 
en Suisse, la moitié de cette somme, serait regardée 
comme bien suffisante. 

On évaluait en 1857 la nourriture d’un valet de ferme 
à 6 fr. 25 c. par semaine. 

S’étant informé chez des nourrisseurs à Londres, de 
quoi se compose la nourriture d’une vache, il lui a été 


— 261 — 


répondu qu'une vache doit recevoir par vingt-quatre 
heures pour être affouragée suffisamment sept livres de 
foin, trois de tourteaux de colza bouilli, opération qui 
lui fait perdre son mauvais goût, dix litres de drèche de 
brasserie, et trente livres de paille ; ce qui reste de paille 
sert de litière; dans ce compte, il ne faut pas oublier les 
racines, dans la saison. 

D'où vient, dit M. d'Esclépens, qu’en Angleterre avec 
de moins bonnes terres, un climat moins favorable, et 
des prix de vente des produits pas plus élevés qu’en 
Suisse, les fermiers se tirent aussi bien d’affaire tout en 
payant des loyers bien plus élevés? Cela doit tenir 
au capital supérieur employé par les fermiers an- 
glais dans leur culture, à la meilleure qualité de Jeur 
bétail, à sa précocité qui leur permet, lorsqu'il est nourri 
convenablement depuis qu’il est né, d’engraisser vers 
vingt-quatre ou trente mois pour les bêtes à cornes; les 
bètes ovines engraissent à un an ou dix-huit mois; les 
cochons de cinq à huit mois; le fumier produit par des 
bêtes à lengrais, est bien meilleur que celui des bêtes 
maigres; les fermiers tout en faisant le plus de bon 
fumier qu’ils peuvent, ne craignent pas de dépenser de 
fortes sommes à se procurer des engrais pulvérulents, 
pour être mêlés à l’engrais de ferme; ils cultivent le 
quart où un cinquième de leurs terres en racines, hien 
sarelées et fortement fumées, dont les récoltes abon- 
dartes donnent quatre fois plus de nourriture, que la 
meilleure des prairies artificielles ; ils peuvent aussi avoir 
un bétail bien plus nombreux; le fermier de la Grande- 
Bretagne, ne craint pas de payer de fortes sommes, pour 
avoir de bons reproducteurs, achetés où loués; il ne 
craint pas de se munir d'instruments et de machines 
d'agriculture à des prix fort élevés, lorsqu'il les a vus 
bien fonctionner. Il ne craint pas de payer au proprié- 
taire cinq ou six pour cent, de la dépense du drainage, 


2 ED — 


car 1l sait que les terres à sous-sol imperméable, sont bien 
plus difficiles à enlüver, et qu’elles ne peuvent pas à 
beaucoup près, produire autant, avant le drainage, 
qu'après. Bien des fermiers de ce pays, étant à l'aise, 
drainent à leur frais, si le propriétaire ne peut ou ne 
veut pas le faire; mais ils ne font cette opération, qu’a- 
près le renouvellement d’un long bail. Ce qui est certain, 
c'est que sur le continent, propriétaires et fermiers, à 
peu d’exceptions près, craignent de faire des avances à 
la terre; on a peine à se persuader, que la terre est . 
connaissante et que plus on lui prête et plus elle rend ; 
faut un certain chiffre de produits pour payer le . 
de la terre et les frais de culture; plus on dépasse le 
chiffre nécessaire, plus on a de rétribution pour son 
travail; si on ne fait que l’atteindre, on a perdu son 
temps, et le temps est de l’argent, comme disent les 
Anglais; si vous n’obtenez pas ce chiffre, vous avez perdu 
partie de votre capital ; il est donc nécessaire, de cultiver 
le mieux possible sa terre, de la tenir bien propre et par- 
dessus tout, de la très bien fumer. 

Après avoir cité ce que M. d’Esclépens dit en 1857 de 
la culture de M. Mac-Culloch, qui a été des premiers à 
cultiver d’une manière intensive, je crois bien faire en 
répétant ici, ce que j'ai raconté dans mon troisième 
voyage dans la Grande-Bretagne de ma première visite à 
M; Mac-Culloch faite en 1847; mais le récit de cette 
visite n’a été imprimé qu’en 1855. 

Je suis entré dans de plus grands détails que M. d'Es- 
clépens, qui a ajouté de son côté des choses fort intéres- 
santes, que je n'ai pas connues et qui complètent bien 
mon compte-rendu, sur cette ferme très-remarquable. 

Je suis parti de bonne heure de Glenluce, petit bourg 
où j'avais trouvé un bon hôtel; je m'y suis procuré un 
bon tilbury bien attelé, qui ma conduit dans la terre de 
Logan à douze milles du point de départ, en me faisant 


— 263 — 


traverser pendant au moins les {rois quarts du chemin, 
un véritable désert, où je ne vis que bruyères et marais 
tourbeux, sans une cabane ; c’est seulement en arrivant 
sur la grande terre du colonel Mac-Doughal, que j'ai 
revu des terres cultivées, des fermes, et des maisons 
d'ouvriers bien construites. 

Jai trouvé M. Mac-Culloch, pour lequel un de ses 
aimis d'Angleterre, m'avait fort obligeamment offert une 
lettre d'introduction, établi dans un charmant cottage ; 
après m'avoir fait déjeuner, il m'offrit de visiter 
sa culture personnelle, dont l'étendue n'est que de 
cent quatre hectares; il y a une dizaine d’années, cela 
ne formait qu'une mauvaise bruyère en sable caillouteux 
et en marais tourbeux de huit ou dix pieds d'épaisseur ; 
il a drainé ce marais à cinq pieds de profondeur, en em- 
ployant des tuyaux. Il a ensuite couvert chaque hectare 
de six cents mètres cubes de sable mêlé de cailloux, 
n'ayant que cela à sa disposition ; il a maintenant douze 
hectares, ainsi traités et très-fortement fumés, qui 
presque tous les ans lui donnent une abondante récolte 
de pommes de terre qui, dans ce genre de sol, ont peu 
à souffrir de la maladie, elles s’exportent par mer, à 
Glasgow ou à Liverpool où on les place avantageuse- 
ment. 

Un quart de la ferme se trouve en terres légères assez 
convenables pour les turneps. 

M. Mac-Culloch avait commencé par économie, à 
drainer ses terres, à dix-huit pieds entre des rigoles de 
deux pieds de profondeur; mais il ne fallut pas long- 
temps pour lui montrer que cette opération était man— 
quée ; 1l la recommenca, en approfondissant les drains 
d'au moins un pied; deux pieds n’eussent pas été de trop; 
c’est ce qu'il fit dans le reste de la ferme, en séparant 
les rigoles par huit mètres, et faisant le drainage à 
quatre pieds de profondeur; le travail est complet main- 


— 264 — 


tenant; toutes les terres ont été ensuite défoncées par 
deux charrues se suivant dans le même sillon, la seconde 
charrue étant une charrue à sous-sol; on chaula à 
soixante-quinze hectolitres par hectare ; des achats con- 
sidérables de guano et d’os pulvérisés, remplacèrent 
alors le fumier qui, dans les débuts, existait en bien 
petite quantité; on obtint ainsi de bonnes récoltes de 
navets et de rutabagas, qui consommés sur place en 
hiver, améliorent encore les terres; elles produisirent de 
belles récoltes d'avoine, qui furent snivies par des her- 
bages conservés pendant quelques années; tout cela per- 
fectionna encore la terre, en permettant l’augmentation 
du bétail et par suite celle du fumier. En continuant 
ainsi on parvint à nourrir et à engraisser cent jeunes 
bêtes bovines de race galloway, vingt-cinq vaches à lait, 
dix grands chevaux de l'excellente race du Clydesdale, 
moins lourde et plus active que les beaux suflolk, et 
enfin une centaine de cochons ou porcelets. Tous ces 
animaux furent bien nourris, avec des racines coupées, 
de la paille hachée et arrosée d’eau bouillante, dans 
laquelle on avait fait cuire des racines coupées, et dis- 
soudre trois livres de tourteaux de lin et autant de farine 
de fèves par bète. 

M. Mac-Culloch a toujours dix hectares, aussi rap- 
prochés que possible de la ferme, semés en ray-grass 
d'Italie, qu'on remplace tous les deux ans, par un nou- 
veau semis ; 1] m’a dit que cette inappréciable plante suf- 
fisait, sur cette étendue, à la nourriture en vert de tout 
son bétail, pendant la bonne saison, à condition de rece- 
voir six arrosages de moitié purin el moitié eau ; on peut 
faire du purin factice, lorsqu'il n’en reste plus de natu- 
rel, en mettant deux kilos de guano ou de nitrate de 
soude par hectolitre d’eau ; le nitrate de soude est emplo- 
yé lorsqu'il fait chaud ; l’arrosage d’un hectare emploie 
de trois cent cinquante à quatre cents hectolitres de 
purin coupé ou d’eau de guano. 


ann DOS: 2 


Il mélange à ses funriers, durant Pannée, à mesure 
qu'il peut en prendre sur les bords de la mer, environ 
cinq cents charges, à un cheval, d'algues et herbes ma- 
rines et deux mille tombereaux de tourbe sèche et 
émiettée, servant de litière. 

Au moyen de ces auxiliaires, il dispose annuellement 
de cinq mille tombereaux à un cheval de fumier mé- 
langé, ce qui lui permet de donner à ses quarante-deux 
hectares de récoltes sarclées, cent charges de fumier ; cela 
ne l’empèche pas d'acheter pour 7,000 fr. par an de 
guano, de nitrate de soude, ou d’os pulvérisés ; il est bon 
de remarquer qu’il achète pour pareille somme de tour- 
teaux, ou de fèves, ou de lentilles venues d'Egypte, et 
de mais d'Amérique pour faire consommer par ses bêtes 
à l’engrais ; cela améliore singulièrement ses fumiers ; 
aussi, ses récoltes sarclées parmi lesquelles se trouvaient 
des betteraves globes, étaient-elles plus belles que toutes 
celles que je venais de voir dans ce voyage. 

Sa cour aux meules, contient une quarantaine de 
meules de froment, qu’il estime à dix quaters ou vingt- 
huit hectolitres, et vingt-cinq meules d'avoine; elles sont 
toutes posées sur des supports circulaires formés de pieds 
et traverses en fonte, dont le diamètre est de dix-sept 
pieds; la fonte coûte 32 fr. 50 par meule. 

Ses bêtes mises à l'engrais à l’âge de vingt-quatre ou 
trente mois, grandissent encore, ce qui prolonge l’en- 
graissement à Cinq ou six mois ; elles gagnent à peu 
près 25 fr. par mois; elles consommeut en été, trois 
Livres de tourteaux de lin et autant de farines de fèves, 
et du ray-grass d'Italie passé au hache-paille, partagé en 
quatre repas. L'hiver on donne six livres de tourteaux 
ou farine qu’on a fait bouillir durant vingt minutes 
pendant lesquelles on remue toujours; ce liquide sert à 
arroser la paille hachée et déposée dans une citerne, où 
elle séjourne pendant vingt-quatre heures, avant d’être 
consommée ; les bêtes ont avec cela, soixante-dix livres 


— 266 — 


de racines pulpées, partagées en deux fois, soir et matin; 
la paille attendrie est donnée à midi. M. Mac-Culloch 
suit un assolement alterne qui ne l’astreint qu’à ne ja- 
mais semer deux céréales de suite. 

Il ajoute à ses fumures de cent mètres pour récoltes 
sarelées, trois cents kilos de guano du Pérou et de neuf 
à douze hectolitres de poudre d’os ; on fume autant que 
possible, avant ou pendant l'hiver; on sème le guano à 
la volée par-dessus le fumier; la poussière d’os passe 
dans le semoir, en même temps que la semence; car elle 
ne brûle pas les germes, comme le ferait le guano, le 
nitrate de soude, ou la farine de tourteau de colza. 

Les lignes de racines sont espacées entre elles de 
soixante-dix centimètres, et les plantes sont à 0",35 dans 
les lignes. 

La récolte de rutabagas de l'an dernier, a donné 
quatre-vingt mille kilos et celle-ci en promet autant; 
les betteraves et carottes sont aussi très-belles ; on ne 
fait de navets que ce qu'il en faut, pour atteindre le 
commencement de janvier, époque où les rutabagas sont 
arrivés à leur maturité. 

M. Mac-Culloch m’a conduit ensuite, à la ferme du 
château de Logan, qu’il vient de construire, le colonel 
ayant voulu éloigner du château l’ancienne ferme; les 
nouvelles étables sont faites pour leger quatre cents bêtes 
bovines ; les écuries, pour cent chevaux ou poulains ; 
le milieu de la cour, quadrangulaire, sert de place à 
fumier, il va être couvert d’un hangar autour duquel 
seront placés les toits à pores, qui doivent y être làchés 
par bandes du même âge, pour y prendre leurs ébats en 
hiver ; en été sa ferme s’étend sur six cents hectares. Le 
troupeau de bêtes à laine, arrive au chiffre de mille sept 
cent cinquante bêtes dont une partie sont des dishley ; le 
reste est en brebis cheviot et en brebis croisées dishley- 
cheviot. 


— 267 — 


On défriche tous les ans une partie des bruyères et 
marais tourbeux, après les avoir drainés. On met dans 
ces pauvres bruyères défrichées cent hectolitres de chaux, 
cent mètres de fumier, cinq cents kilos de guano, et 
vingt hectolitres de poudre d’os pulvérisés. On plante les 
pommes de terre, après une récolte de turneps ; les deux 
récoltes recoivent la fumure complète ci-dessus indiquée; 
car on dit avec raison, qu’il n’y a rien de ruineux comme 
les demi-récoltes, surtout en racines. 

La terre de Logan était, il y a soixante ans, une es- 
pèce de désert, comme celui que je venais de traverser 
pour venir ici. Le père du colonel Mac-Doughal, a 
commencé par planter le faite des collines dont cette 
partie de la presqu’ile est couverte, afin de Pabriter 
autant que faire se peut des vents fréquents et violents, 
qui règnent dans ce pays. 

Il a défriché et chaulé ; mais dans ce temps on ne con- 
naissait ni le drainage, ni le guano. Il a construit des 
fermes et des locatures. Il a bien cultivé, pour l’époque, 
et donné ainsi un bon exemple à ses fermiers ; son fils, 
le propriétaire actuel, a continué, et ayant un homme 
supérieur pour agent, sa terre se trouve en avance même 
sur les bonnes fermes de la Grande-Bretagne. 

Les fermes que cultive M. Mac-Culloch, se trouvant 
traversées par une grande partie des fermiers de la pro- 
priété, lorsqu'ils se rendent au marché de Stanraer, 
petit port d’où partent les bateaux à vapeur pour Belfast 
en Irlande, ils finissent par suivre les uns après les autres 
les bons exemples qu’on leur donne. 

M. Mac-Culloch m’a dit avoir proposé à un cultiva- 
teur distingué d’un autre comté de l'Écosse qui était 
venu le voir, un pari de 100 livres sterling, que quinze 
des fermes de la terre de Logan qui entourent le château 
sans en excepter aucune, avaient, proportion gardée à 
leur étendue, plus, et de plus beaux turneps, qu'un pa- 


— 268 — 


reil nombre de fermes se touchant, dans quelqu’autre 
partie des trois Royaumes-Unis que ce soit; 1l a proposé 
aussi un autre pari de 200 livres, que, HR aucune 
autre ferme de la Grande-Bretagne, on ne récoltait, en 
moyenne, un aussi grand poids deracines, par acre, que 
dans la sienne; son visiteur après avoir examiné les 
lieux, n'a pas osé tenir l’un ou l’autre de ces paris. En 
me racontant cela, 1] me conduisait sur les bords de la 
mer, où le père du colonel, a fait creuser une pièce d’eau 
de in pieds de Drofondèur, entre deux rochers dont le 
pied est, à marée haute, baigné par la mer; on a joint 
les deux rochers par un mur très-solide, garni de trous 
par où la marée renouvelle l’eau du réservoir ; ces ou- 
vertures sont garnies de grilles en fil de fer ; le flot mon- 
tant les soulèvent et les poissons y pénètrent en même 
temps; mais 1ls ne peuvent plus sortir, la grille étant 
retombée; ure jolie chaumière construite à côté, loge 
une famille aombreuse dont les enfants sont chargés 
d'aller, à marée basse, chercher des coquillages ; on Les 
conserve dans l’eau, et après avoir été cassés, ils servent 
de nourriture aux poissons ; on les leur distribue à heure 
fixe ; on jeta devant nous une poignée de ces coquillages 
dans le bassin, ce qui fit apparaître de suite, une quantité 
de poissons de bien des espèces ; les plus grands pou- 
vaient avoir deux pieds de longueur ; ils ouvraient la 
bouche, en approchant de la personne qui faisait la dis- 
tribution, et qui y jetait des coquillages ; ils se laissaient 
même toucher, et caresser, sans fuir; on en sortit même 
de l’eau, à la main, comme on fait, lorsque la cuisinière 
en fait demander ; on a ainsi toujours du poisson de mer, 
frais. 

J’ai vu ici, comme dans plusieurs parties de l'Écosse, 
de grands pieds de fuschias de lespèce la plus répandue, 
qui restent dans ce pays en tous temps, en pleine terre, 
à condition d’être abrités des mauvais vents ; ceux que 


— 269 — 


jai vas près du château, avaient sept à huit pieds de hau- 
leur, et des tiges grosses comme le bras. 

Le prix de loyer des terres améliorées, s'élève sur 
celte terre, de 50 à 70 fr. l’hectare ; les fermiers consén- 
tent à payer jusqu’à six et demi p. 0/9 de la dépense des 
drainages faits pour eux. 

M. Mac-Culloch m'a dit que les propriétaires qui 
avaient pris 10,000 livres sterling et au-dessus du pre- 
mier prèl, que le gouvernement fit en 1847, à ceux qui 
s’engageaient à dépenser l'emprunt en drainages ou défri- 
chements, n’avaient pu rien obtenir du second prêt, fait 
pour les diverses grandes améliorations dans les terres; 
Pemprunteur ne paye que six et demi pour 0/0 pendant 
vingt-six ans, sans avoir à rembourser le capital. Il y a 
maintenant plusieurs sociétés, dans la Grande-Bretagne, 
qui prêtent à intérèt à peu près pareil, pour laméliora- 
tion des terres que l’emprunteur donne comme hypo- 
thèque. 

M. Mac-Culloch n’était pas marié, lors de ma première 
visite, et il avait ordinairement chez lui deux jeunes 
gens, lui payant chacun 3,750 fr. par an, pour appren- 
dre l’agriculture. 

Un de ses anciens élèves était venu le voir, à son 
retour d'Irlande qu’il venait de parcourir pour y choisir 
une bonne ferme; celle qu’il venait de louer ne conte- 
nait, en grande partie, que de bons herbages; il ne 
devait payer que 3 fr. 50 c. par hectare. M. Mac-Culloch 
forme aussi des jeunes gens destinés à devenir des chefs 
de culture, pour remplacer le fermier absent; ceux qu'il 
a mis dans ses deux fermes et dans celle du château, sont 
devenus très-capables et il peut se fier à eux, lorsqu'il 
s’absente , ce qui lui arrive fréquemwent, car il a fort à 
faire, comme agent supérieur pour les autres propriétés 
du colonel; ses chefs de culture ont 1,700 francs et sont 
nourris. Îl m'a dit qu'il prenait chaque année six se- 


ee DR 


maines de vacances , pour se reposer de ses fatigues ; il 
les emploie à visiter la culture des diverses parties de la 
Grande-Bretagne ; il a même visité deux fois celles du 
continent, en accompagnant son ami, M. Caird. 

M. Mac-Culloch cultive une seconde ferme où il 
engraisse aussi une centaine de jeunes bêtes bovines ; 
elles sont tenues à l’étable, dans les deux fermes, qui 
ont chacune une cuisine où se prépare le bouillon, qui 
est versé, encore en ébullition, sur la paille hachée dont 
on remplit une citerne couverte; cela forme, après 
vingt-quatre ou trente-six heures, une excellente nour- 
riture , faciie à digérer et qui plaît beaucoup aux bêtes. 

M. Mac-Culloch tient aussi dans cette ferme cent 
brebis de race cheviot, qui recoivent des béliers dishley; 
il en vend les produits gras, d’un an à quinze mois; les 
brebis cheviot ont le mérite de pouvoir vivre sur de 
pauvres pâtures ; les bons cultivateurs les nourrissent 
bien, à partir d’une quinzaine avant l’agnelage ; il les 
engraisse ensuite. 

Une chute d’eau, provenant en partie d’eau de drai- 
nage, met en mouvement la machine à battre et les 
instruments qui servent à la préparation de la nourriture 
du bétail. 

La place à fumier est couverte; elle est placée sur une 
grande citerne où se rendent les urines; une pompe sert 
à arroser fréquemment le fumier; le trop plein de la ci- 
terne se rend dans un réservoir placé à mi-côte, qui 
reçoit à volonté de l’eau, pour mêler au purin. Le ton- 
neau pour arroser, peut, au moyen d’un chemin creux, 
être piacé contre et au-dessous du réservoir , de manière 
à être rempli de purin, en tournant un robinet. 

Lorsqu'il n’y a plus de purin, on en fait dans le ré- 
servoir avec de l’eau, du guano, ou du nitrate de soude, 
à raison de deux kilos par hectolitre d’eau. 


— 271 — 


Notes extraites de journaux agricoles d'Angleterre, 
d'Allemagne et de France. 


La commission chargée par la Société royale d’An- 
gleterre d'étudier les résultats de la culture à vapeur en 
Angleterre et dans le pays de Galles, a heureusement 
terminé ses investigations, et cela non sans peine, par 
suite du mauvais temps de l'été et de lautomne 1866. 
Le rapport publié dans le journal de la Société en a 
rempli trois cent trente pages ; ce travail a coûté 
4,500 fr., indépendamment Ges dépenses de voyages 
et des honoraires dont le total arrive au chiffre de 
17,300 francs. 

La lecture de ce rapport sera très-instructive et très- 
intéressante pour les personnes qui s'intéressent à l’agri- 
culture. 

Une des personnes chargées par la Société royale d’a- 
griculture d'Angleterre de visiter une partie des fermes 
où des appareils à vapeur fonctionnent depuis quelques 
années, M. Clarke, a fait le résumé de toutes les investi- 
gations ; il est si rempli d'intérêt qu'il faudrait le donner 
en entier ; mais comme la chose n’est pas possible , en 
voici quelques extraits cités dans le journal le Fermier , 
qui paraît à Edimbourg toutes les semaines ; il est des 
plus intéressants et des plus instructifs pour les cultiva- 
teurs , les horticulteurs, les arboriculteurs et amateurs 
du sport ; il donne trente-deux pages in-folio , sur beau 
papier, pour 80 c. 

M. Edward, dans le comté de Northumberland, est 
fermier de cent-soixante hectares dont un quarten her- 
bages, et le reste en terres faciles à cultiver ; il a son ap- 
pareil depuis 1858, et a diminué son attelage de huit 
chevaux ; il dit que sa culture plus profonde et toujours 


— 272 — 


faite à temps, est plus productive et moins épuisante ; 
la nature du sol se trouve perfectionnée par le mélange 
du sous-sol avec la surface; la culture devient chaque 
année plusfacile ; la terre cultivée profondément est plus 
propre et donne des récoltes bien plus considérables, 
surtout en racines ; 1l renoncerait à la culture plutôt que 
de renoncer à son appareil à vapeur. 

M. Sowerby, fermier en terres faciles à Avylesby, 
comté de Lincoln, a son appareil depuis 4859 ; cela lui 
a permis de diminuer ses attelages ; les produits ont sin- 
gulièrement augmenté; le drainage a mieux fonctionné, 
par suite des labours profonds qui, en outre, nettoient 
bien la terre en enfouissant le chiendent et autres plan- 
tes perennes et tracantes, M. Sowerby dit avoir gagné 
3,750 fr. par hectare, par l'économie sur les sarclages et 
par l’augmentation des produits. 

MM. Howard, grands fabricants de machines agricoles 
à Bedford, ont fait voir à la commission, dans leur ferme 
de Britamia, des betteraves, des rutabagas et des navets, 
bien supérieurs à tout ce qu’ils avaient vu jusqu’alors, 
sur une terre très-forte, cultivée de la manière suivante : 
le chaurne de froment est ouvert profondément par une 
charrue à double versoir, fixée en place d’un pied du 
scarificateur à vapeur; une charrue fouilleuse, placée 
derrière celle à double versoir , défonce profondément le 
sillon du même coup; on laisse la terre ainsi pendant 
lhiver ; on fume fortement au printemps, et la charrue 
à vapeur couvre le fumier ; puis on sème les racines aux 
époques voulues ; les betteraves u’ont que cinq cents 
kilos de guano et deux cent cinquante de sel. 

M. Pell trouve que la culture à vapeur de ses terres 
fortes a augmenté les récoltes de céréales, d’environ 
six hectolitres par hectare : il obtient un très-bon pro- 
duit de racines, depuis que la culture profonde par Fap- 
pareil à vapeur, a détruit la couche du sous-sol, durcie 


— 273 — 


depuis des siècles par les pieds des chevaux et les ceps 
des charrues. 

M. Wats a une ferme de cent soixante-cinq hectares 
en terres fortes située dans le comté de Worthampton; 
avec quatre bons chevaux, il ne pouvait labourer qu'à 
cinq pouces de profondeur, et le labour lui coûtait 50 fr. 
l’hectare ; son appareil à vapeur défonce profondé - 
ment et ameublit bien trois hectares par Jour , avec une 
dépense de 23 fr, par hectare. 

M. Holland, membre du Parlement, possède le chà- 
teau de Humbleton , comté de Glocester ; je l'ai visité en 
1859 et en 1862; à cette dernière époque, sa charrue à 
vapeur de Fowler marchait chez'lui depuis près de quatre 
ans. 

Cet excellent agriculteur, qui cultive depuis 1840, a 
donné les renseignements suivants à la commission : Il 
avait vingt chevaux pour ses deux fermes en terres très 
fortes ; il n’en a plus que huit depuis qu’il a son appareil 
de Fowler; depuis lors, il a beaucoup agrandi importance” 
de ses récoltes sarclées, pouvant les cultiver dans des 
terres, où avant leur défoncement cela n’était pas possible; 
depuis la vapeur, il fait du froment tous les deux ans, au 
lieu detous les quatre ans; il peut assurer que chezlui, ainsi 
que chez quelques cultivateurs de ses environs, on récolte 
en plus par acre un quarter de froment ; l’acre est de qua- 
rante ares; le quarter vaut deux cent quatre-vingts litres; 
ce qui fait par hectare sept hectolitres de froment de plus 
que sur la culture faite avec des chevaux. 11 paraît, dit 
M. Clarke dans son résumé , d’après les assertions de 
M. Holland, qui a une éomptabilité très-soignée, que sa 
culture à vapeur lui procure en moyenne une économie 
de 230 livres sterling, ou 5,750 fr., sur celle exécutée 
par iles chevaux; il faut y ajouter l’augmentation du 
produit du froment, d’un quarter par acre , augmenta- 
tion évaluée à 62 fr. 50 par an, ce qui produit une somme 

; 18 


— 274 — 


de 450 livres sterling ou 11,250 fr.; si on ajoute à la 
somme économisée augmentation du produit, 5,750 fr., 
cela forme uw bénéfice se montant à la somme de 
17,000 fr. qu’on peut attribuer à la culture à vapeur ; il 
faudrait aussi tenir compte de l’augmentation du produit 
d’un bétail plus nombreux, dü à l’augmentation du pro- 
duit des racines. 

Sur la ferme de Kimbotton, cultivée par le duc de 
Manchester, le trèfle ne réussissait pas; depuis que la 
terre a été défoncée et mélangée avec le sous-sol, il vient 
très bien, et le drainage fonctionne bien mieux; les 
racines ne réussissaient pas non plus, dans ces terres 
fortes ; elles y prospèrent maintenant. Enfin le froment 
y donne depuis lors, quatre hectolitres de plus par 
hectare. 

Dans une ferme du duc, louée à M. Georges Arms- 
trong, la terre argileuse et maigre sur un sous-sol de 
glaise, était de nature à ruiner tout cultivateur quoi- 
qu’elle fût drainée de cinq à huit mètres de distance 
entre les rigoles, et à un mètre de profondeur; depuis 
qu’on la cultive à la vapeur, tous les produits se sont 
notablement augmentés; celui du froment, lPest de 
quatre à quatre hectolitres et demi par hectare; et les 
racines, qui ne pouvaient pas venir sur la ferme, y 
réussissent. Le troupeau a été doublé, et le nombre de 
chevaux a été réduit de vingt-cinq à seize, dont quatre 
poulinières. 

M. Reed, un des membres de la commission, dit dans 
son rapport relatif aux fermes à terres fortes et ensuite 
à celles de moyenne force, que M. Ruston cultivait trois 
cent-vingt hectares de terres arables dont une grande 
partie sont des marais desséchés ; 1l les défonce toutes les 
fois qu’il le peut, au moyen de sa charrue Fowler, pour 
mélanger le sous-sol calcaire avec la surface un peu 
tourbeuse; cette opération en double la valeur; tous ses 


= MS = 


produits se sont augmentés de beaucoup; entr’autres, le 
froment, de sept hectolitres par hectare. Il à pu diminuer 
le nombre de ses chevaux, et son grand appareil à été 
payé en deux ans. 

M. Palmer, sur une terre de quatre cents hectares, à 
pu économiser 5,000 francs chaque année, depuis qu’il 
a un appareil à vapeur, en diminuant le nombre de ses 
chevaux; il n’en a plus que vingt-quatre au lieu de 
trente-quatre. Un semblable résultat suffit, sans qu’il 
soit besoin d’énumérer tous les autres avantages dus à 
la culture à vapeur. 

Le chauffeur est payé 3 fr. 30 ce. par jour; les quatre 
autres hommes reçoivent chacun 40 centimes de moins; 
les deux jeunes garcons ont 4 fr. 10 ce. Pour approcher 
l’eau et le charbon il faut compter 5 fr. Une pâture de 
trois hectares soixante ares, très dure dans le sous-sol, a 
été scarifiée en long et en large, en trois jours, à huit 
pouces de profondeur. 

Kersey Cooper, grand fermier en terres légères près de 
Bury Saint-Edmunds, a fait à la commission une ré- 
ponse bien plus détaillée. Il a maintenant de bien 
meïlleures récoltes, en racines, en fourrages, et en 
grains; par suite, il a beaucoup plus de bêtes à 
laine, et il gagne beaucoup plus, tout en économisant 
par le nombre grandement réduit des attelages. Depuis 
qu’il se sert d’un bon appareil à vapeur, il peut toujours 
semer à temps, et il est toujours en avance sur ses tra- 
vaux. De suite après les récoltes enlevées, il sème du 
seigle, de l’orge, du colza et d’autres nourritures vertes 
bonnes à être consommées en automne, et surtout au 
printemps; celles semées l'automne, sont consommées 
par des antenais, que beaucoup de fermiers sont forcés 
de vendre, à demi-gras, faute de nourriture suffisante ; 
il les achète, pour les achever sur les fourrages 
printaniers , ce qui ne l’empèche pas de semer ses 


— 276 — 


racines à temps, les rutabagas surtout, qui ne se sèment 
que tard, fin de mai et commencement de juin ; la possi- 
bilité de faire ces récoltes dérobées, est un immense 
avantage peu connu, dù à la culture à vapeur, qui 
avance immensément les travaux; il ne faut pas oublier 
les défoncements, le mélange des terres et l’amélioration 
du drainage. 

M. Wagstaf, fermier dans le comté d’Essex, en terres 
très argileuses, se loue on ne peut davantage, de lPa- 
mélioration apportée au drainage, par suite des labours 
profonds, impossibles à faire avec des chevaux dans ses 
terres si tenaces et que la vapeur exécute si bien ; depuis 
ces défoncements, on laboure les terres à plat, sans qu’il 
y reste d’eau, quoiqu’on ait renoncé à faire et à entre- 
tenir pendant l’hiver de très-nombreuses rigoles, qui 
étaient aussi une grande dépense. 


Conversation et conférence au club des fermiers. 


M. Jool, fermier à Coulart Bank, comté de Moray, au 
nord de l'Écosse, a été invité par le club à parler de sa 
culture à vapeur récemment établie. M. Jool a acheté 
l'appareil de Howard, avec une locomobile de la 
force de dix chevaux, qui se transporte elle-même; 
avec cet appareil, on ne fait que peu de besogne et on 
emploie beaucoup de cäble de fil d’acier. Le câble em- 
ployé par M. Jool, a une longueur de mille cinquante 
yards, nécessaire pour entourer son champ le plus grand. 
L'appareil emploie cinq hommes et deux jeunes garçons, 
tandis que lappareil de Fowler n’emploie que trois 
hommes, mais le capital représenté par l'appareil Fowler, 
est plus du double de celui de Howard. M. Jool a une 
charrue à trois socs, un scarificateur à cinq pieds, une 
triple herse et la loccmobile; cette dernière et le scarifi- 
cateur ont coùté 13,000 fr.; la charrue à trois socs, est 


— 277 — 


de 1,625 fr.; et la triple herse de 563 fr., total de lap- 
pareil : 15,188 francs. 

On a brûlé deux mille trois cent cinquante kilos de 
charbon à 20 fr. la tonne ; pour labourer une pièce de 
terre de six hectares ; la dépense totale a été de 119 f. ou 
20 fr. par hectare; le travail a été bien ralenti par 
VParrachage de grosses pierres; on a repassé le même 
champ en long, à un pied de profondeur, en deux jours, 
avec une dépense totale de 60 fr. ou 10 fr. par hectare. 

Un champ de quinze hectares a été cultivé une fois 
à huit ou neuf pouces de profondeur er cinq jours, avec 
une dépense de 201 fr. ou 13 fr. 25 par hectare; il est 
bon d’cobserver que c’était la première culture à vapeur 
que ces champs recevaient, et que le sous-sol était très dur. 

Le champ suivant, de neuf hectares soixante ares, avait 
été cultivé une fois avant l'hiver; il l’a été de nouveau, 
au printemps, à dix ou onze pouces de profondeur, en 
travers de la première culture, avec le scarificateur qui 
n’a qu: trois pieds; on a eu beaucoup de grosses pierres 
à arracher chaque fois; on a employé trois jours y com- 
pris le changement de champ lors de cette seconde cul- 
ture, la dépense a été de 130 fr. ce qui fait 43 fr. 60 c. 
par hectare, et le champ est bien disposé pour être en- 
semencé au semolir. 

Le champ à cultiver après, se trouvait à une lieue; il 
était de douze hectares destinés comme les précédents 
aux turneps; 1l recut les deux façons en long et en 
travers à neuf pouces de profondeur; on y employa cinq 
jours, et la dépense a été de 240 fr. ou 17 fr. 50 c. par 
hectare. 

Le dernier champ cultivé à la vapeur, était en terres 
très fortes, et avait une étendue de quatorze hectares 
quarante ares; on l’a cultivé à dix pouces, en quatre 
jours et demi; il touchait le précédent ; l’ouvrage du 
scarificateur a été si bon, que le semoir a pu le suivre 


— 278 — 


immédiatement; la dépense a été de 12 fr. 50 ec. par 
hectare. Lorsque l'ouvrage est fini, l’appareil travaille 
pour des voisins à des prix rémunérateurs; M. Jool ne 
peut rien dire de l'effet produit par la culture à vapeur 
sur les récoltes, n’ayant pas encore récolté; mais cet effet 
ne peut être que très bon, par suite de la profondeur de 
la culture, par le mélange du sous-sol à la terre de 
dessus, et encore par l’amélioration de l’assainissement 
du drainage, amélioration düe au défoncement. 


Notes diverses. 


Le docteur Vatker cite les résultats suivants de l’emploi 
de trois cent vingt-cinq kilog. de sel, var hectare. On a 
obtenu par hectare douze mille cinq cents kiles de bette- 
raves disette, nettoyées, de plus que sur la partie du 
même champ qui n’avait point recu de sel; un autre 
hectare qui avait recu quatre cents kilos de sel, a donné 
une augmentation de quinze mille quatre cent vingt 
neuf kilos de racines; enfin, sur un hectare qui avait 
recu cinq cents kilos de sel, la récolte en betteraves, a 
augmenté de vingt-trois mille cinq cents kilos. 

Je reçois à Pinstant, une lettre du baron Peers, qui 
habite le château d’Ostcamp, près Bruges, en Belgique ; 
il me mande qu'il vient d'importer trois béliers de race 
Oxfordshiredown, pris chez M. Charles Howard, fer- 
nier à Bidenham, près Bedford, et frère de MM. Howard, 
les fabricants de machines agricoles; le baron a payé 
1,000 fr. les trois béliers, pris sur place ; il a fait venir 
en même temps, vingt-cinq antenaises pour 3,000 fr. 
On pourra, en 1869, se procurer chez cet excellent et 
zélé cultivateur, des béliers antenais de cette forte race 
à laine longue, dans les prix de 100 fr. 


Bonne méthode pour élever les veaux, selon M. Hooper, 
bon fermier et bon éleveur anglais. 


Il est bon d'amener les vaches à mettre bas, vers le 


= O7Dre— 


mois de janvier ; on fait boire aux veaux du lait pur 
trois fois par jour ; vers l’âge de quinze jours, on sup- 
primé moitié du lait pur qu’on remplace par du lait 
écrémé doux ; à six semaines, on supprime le lait pur, 
qui est remplacé par une boisson composée d’un litre de 
farine de graines de lin et d’un litre de farine d’orge, 
ayant été moulus ensemble et tamisés ; on verse sur cette 
farine dix litres d’eau bouillante, en remuant bien ; on 
Jaisse tremper pendant vingt-quatre heures; on ajoute 
ensuite dix litres d’eau bouillante et on fait cuire pen- 
dant une demi-heure, en remuant. Un mois ou six se- 
maines plus tard, on remplace l’orge par de la farine de 
fèves ou de pois; lorsque les veaux commencent à man- 
ger, on leur donne un peu du meilleur foin et un peu 
de betteraves pulpées, ration qu’on augmente selon 
âge; si un veau était trop reläché, on remplacerait 
l'orge par de l’avoine moulue et séparée du son. Quand 
ils approchent d’un an, on donne aux veaux une livre 
de tourteaux mélangés de colza et de lin, en augmen- 
tant peu à peu la dese, jusqu’à trois et quatre livres 
ajoutées à du foin, mêlé à égale quantité de paille, 
hachés lun et l’autre, et mêlés aux racines pulpées ; on 
leur en donne trois rations par jour; il est essentiel que 
les repas soient donnés à heure exacte; si parmi ces 
jeunes bêtes il s’en trouve qui aient fini et cherchent 
encore à manger, il faut leur en donner encore ; il faut 
bien nourrir les jeunes veaux, mais en évitant qu'ils ne 
deviennent gras, avant d'approcher de vingt-quatre à 
trente mois. 


Vente de courtes-cornes des plus remarquables, faite en 
mai 1867, dans le comté de Kent. 


Cette vente a eu lieu près du magnifique château de 
Preston Hall, propriété de M. Edouard Ladd Betts, un 
grand entrepreneur de chemins de fer. 


— 280 — 


J'ai visité deux fois cette propriété à cause de son ex- 
cellente culture, l’une des meilleures d'Angleterre. On y 
a vendu cinquante-deux vaches, génisses, ou veaux, 
dont un, âgé seulement de quelques jours, et qui a pro- 

duit 500 fr.; il a été acheté par un M. Bates, du 
Yorkshire, probablement un des descendants du fameux 
éleveur de ce nom. 

Onze taureaux ont été vendus le même jour, pour la 
somme de 1,793 livres sterling, ou 44,825 fr.; le plus 
cher a produit 12,750 fr., et le suivant 7,625 fr. ; trois 
ont dépassé chacun 5,000 fr., les moins chers sont arri- 
vés à 800 et 550 fr. ; M. Robert a acheté le plus cher; 
M. Brogden a eu celui de 7,625 fr. ; ces deux messieurs 
sont fermiers. 

Treize taureaux ou vaches, avec le surnom de Duc ou 
Duchesse, sont arrivés au chiffre de 10,875 fr. la pièce; 
les vaches d’une autre famille, ayant le surnom de Rose, 
au nombre de dix, ont obtenu un prix moyen de 5,350 f. ; 
le prix moyen des cinquante-deux femelles a été de 
4,575 fr. ; vingt bètes, males ou femnelles, ont dépassé le 
chiffre de 5,000 fr.; onze bêtes ont atteint ou dépassé 
celui de 7,500 fr. ; six bêtes sont montées à 10,000 fr. 
et plus et cinq bêtes, aux chiffres suivants : 

Deux grandes Duchesses ont été achetées par le capi- 
taine Oliver, habitant le comté de Northampton , Pune 
pour 21,250 fr., l’antre pour 17,750 fr., total, 39,000 f.; 
M. Dauson du Yorkshire, a payé un grande Duchesse 
17,650 fr. Lord Penrin, qui a une vacherie très-re- 
marquable près du pont- tube du chemin de fer qui con- 
duit dans l’île d’Anglesey, à Bangor, a payé une grande 
Duchesse 13,155 fr.; M. Robert a payé un taureau 
grand Duc 12,750 fr. Le comte Spener, demeurant à 
Althorp Parce, Northamptonshire, a payé deux grandes 
Duchesses ensemble 20,750 fr. et un taureau grand 
Duc, 5,250 fr., total, 26,000 fr. pour trois bêtes. Le duc 


RUE > 


de Devonshire a payé une grande Duchesse 5,000 fr. ; 
une Rose 2,625 fr., et une autre 1,250 fr.; le colonel 
Townley, après avoir vendu la plus belle vacherie de 
courtes-cornes d'Angleterre, de cette époque, il y a peu 
d'années, vient d'acheter, au prix de 8,250 fr., une 
vache, dont le père a été vendu par lui-même 33,000 f. 
à une Société d'Australie; cette Société lui a offert la 
même somme, pour un frère puiné du précédent tau- 
reau, que j'ai vu en 1859 ; cette offre a été déclinée par 
le colonel, qui s’occupe de former une nouvelle étable. 
Lord Braybrook, du comté d’Essex, a acheté une vache 
de la famille Rose pour 5,000 fr. et une autre, de la 
même famille, au prix de 8,875 fr. MM. Lency, Charles 
et Frédéric, tous deux fermiers dans le comté de Kent, 
ont acheté pour la somme de 22,750 fr., six vaches, 
dont une grande Duchesse, pour 7,250 fr., et une Rose 
pour 5,250 fr. 

Je suis désolé que M. Betts se soit défait de son étable 
courtes-cornes ; c’était la plus belle de l’Angleterre, si- 
non la plus nombreuse, puisqu'elle ne contenait que 
soixante-trois bêtes, et qu’il en existe une de deux cent 
soixante têtes ; mais c’est celle qui a produit la moyenne 
de vente la plus élevée connue. Le chiffre total de cette 
vente s’est élevé à 279,746 fr. pour soixante-trois têtes. 

La culture de la terre de Preston Hall, est une des 
plus perfectionnées d'Angleterre ; le régisseur, M. Free- 
man, encore jeune, est très-habile et fort poli; enfin le 
château est un des plus beaux de la Grande-Bretagne et 
mérite d’être vu ; il se trouve à une courte distance de 
Boulogne, ou de Calais, près la ville de Maïdston, comté 
de Kent, et près d’une station, la première pour aller 
de Maidston à Londres. 

Une autre vente a été faite le lendemain, celle de l'é- 
table de M. Mac-Intosh, près la station de Romford, sur 
le chemin de fer du Great Western; quaraute-six fe- 


— 282 — 


melles, neuf mâles et deux veaux courtes-cornes ont pro- 
duit une somme totale de 166,000 fr.; le prix moyen 
a été de 2,915 fr.; le prix moyen, par tête, des neuf 
taureaux a été de 3,610 fr.; celui des quarante-six 
vaches a été de 2,675 fr. 


Conseils donnés par M. Méchi. 


M. Méchi est l’agriculteur le plus zélé d'Angleterre ; 
il est très-instruit, excellent praticien, et continuelle- 
ment occupé à se rendre utile aux agriculteurs, par ses 
nombreuses publications, et ses discours dans les réu- 
nions agricoles dans toutes les parties du pays sont très- 
appréciés ; l'humidité des deux dernières années, ayant 
singulièrement multiplié les limaces, il a employé, avec 
de fort bons résultats, la chaux nouvellement éteinte et 
pulvérisée, en en semant par hectare, deux hectolitres, à 
l'entrée de la nuit, et en recommencant une seconde 
fois, la même application, à la pointe du jour; on doit 
en la semant, marcher contre le vent. Il ajoute qu’une 
apphcation de sel pulvérisé, à raison de cinquante kilos 
par hectare, aurait aussi d'excellents résultats, non- 
seulement contre les limaces, mais encore contre les vers 
de toutes les espèces qui sont si nombreuses ; on l’em- 
ploie beaucoup en Angleterre; mais ce remède n’est pas 
possible en France, à cause du prix, à moins d’avoir du 
sel de poisson, ou du sel de peaux, à sa disposition. 

M. Méchi recommande la timothy des Américains, ou 
fléole, en mélange, dans les semis d’herbages devant 
durer plus d’un an, surtout si la terre est forte et fraiche ; 
cette plante arrive à un mètre de longueur, et produit 
beaucoup d’un excellent fourrage, à partir de la seconde 
année. 

Lorsqu'on construit en briques, qui sont toujours plus 
ou moins poreuses, il conseille de les blanchir avec un 
lait de chaux, qui bouche les pores et prévient lhumi- - 


— 283 — 


dité dans les maisons et dans les étables; le sol de ces 
dernières devrait toujours être drainé lorsqu’on les cons- 
truit. Un lait de chaux, appliqué aux toitures en ar- 
doises, les rend bien plus fraiches en été, ce qui est des 
plus utiles pour les personnes, ou les bêtes. 

Au dire de M. Méchi, tous les bons agriculteurs de 
l'Angleterre comprennent maintenant qu’il est bien plus 
profitable d’engraisser les bêtes très-jeunes ; les cultiva- 
teurs les plus progressifs, vendent les bêtes bovines entre 
deux ans et trente mois, et les bêtes ovines, à un an ou 
quinze mois ; 1l est utile de connaître les meilleurs ma- 
nières d'arriver à ce but; il faut d’abord restreindre le 
plus possible Pactivité des animaux, en limitant leur lo- 
comotion ; ils doivent être bien nourris dès leur nais- 
sance ; M. Méchi n’est arrivé à satisfaire complétement 
ses bouchers, que depuis qu’il donne à ses jeunes bêtes à 
cornes, à partir de l’âge d’un an, de la farine de graines 
de lin, cuite, dont la quantité, partant d’une livre, arrive 
à trois. Il engraisse actuellement, 1868, une douzaine 
de jeunes bêtes qui pèsent, en moyenne, huit cent quatre- 
vingts livres de viande nette; voici la nourriture qu’il 
leur donne par tête : cent quarante litres de rutabagas, 
trois livres de farine de graines de lin bouillie, sept 
livres d’un mélange de tourteaux, composé par parties 
égales de lin, de colza et de graines décortiquées de co- 
ton ; on verse le liquide contenant la farine et les tour- 
teaux bouillants, sur douze livres de paille coupée à la 
longueur d’un hmitième de pouce ; on y ajoute une poi- 
gnée de farine et une livre de foin coupé. 

Dans une note de M. Méchi, en date de 1867, il dit 
que l’expérience lui a appris peu à peu, depuis dix-sept 
ans, qu'il avait eu tort de donner une trop grande quan- 
tité de racines à ses bêtes à l’engrais ; il ne dépasse guère 
vingt-cinq à trente kilos de racines pulpées, par jeune 
bête bovine , et il a vendu cette année beaucoup de 


— 284 — 


bètes, àgées de deux ans, en moyenne à 575 fr.; il 
a remplacé le tourteau de lin par celui de graines 
de coton décortiquées, qui coûte moitié moins et fait 
presque aussi bien; 1l a augmenté la ration de paille 
bouillie et de foin avec du son et de la farine de germes 
d'orge; pour remplacer la grande diminution des ra- 
cines, il préfère les betteraves aux autres racines ; il y 
ajoute une livre d’une nourriture qui stimule l’appétit ; 
elle est composée d’un mélange de parties de fenu 
grec, de gingembre et de caraway locust, arrosés de 
mélasse. 

Dans une note datée du 7 avril 1868, M. Mechi parle 
d’un essai de semailles de froment qu’il fait depuis plu- 
sieurs années avec succès, en n’employant que vingt ou 
vingt-cinq litres, par hectare; cette semaille se fait à 
Pimitation de M. Hallet, de Manorfarme, à Brighton, 
qui au moyen d’un semoir à cuiller, en usage en Angle- 
terre, peutrépandre unetrès minime quantité de semence, 
en se servant des cuillers destinées aux graines fines, 
colza où autres ; son essai est semé au milieu d’un 
champ de sa sole de blé, et dans la même journée que 
les pièces qui l’entourent et qui recoivent quatre-vingts 
ou quatre-vingt-dix litres de semence par hectare ; celui 
de cet hiver mis en terre dans la seconde semaine de no- 
vembre ressemblait à une jachère, pendant tout l’hiver 
rigoureux qu'ii à fait; mais depuis le sarclage, il a si 
bien tallé, qu’il a presque rattrapé la belle apparence 
de ses voisins ; les gens de M. Mechi prétendent qu'il 
produira autant, ou plus qu'eux. Voici les produits des 
essais, dans les quatre dernières années, par hectare: cin- 
quante-deux hectolitres vingt litres, cinquante-un hecto- 
litres trente litres, vingt-huit hectolitres quatre-vingt 
six litres, et vingt-huit hectolitres cinquante-cinq litres ; 
ces produits ont été au moins égaux et mème supérieurs, 
à ceux des champs les joignant. 


— 285 — 


M. Mechi sème le plus habituellement, en bonne sai- 
son, par hectare, quatre-vingt-dix litres de froment, cent 
trente-cinq litres d'orge, et cent quatre-vingt-six litres 
d'avoine ; sa ferme est en terres argileuses, parfaitement 
drainées, fortement fumées, depuis 1840 ; tout est semé 
au semoir, en lignes séparées, pour admettre le sarclage 
de la houe à cheval de Garrett, qui sarcle autant de 
lignes que le semoir en sème, soit treize lignes chez lui; 
M. Mechi sème un peu plus épais, le peu de terreslégères 
qu’il a; comme dans celles-ci, les vers sont à craindre, on 
peui les détruire par une application de cinq cent qua- 
rante litres de sel, par hectare, ou, à son défaut, de mille 
kilos de tourteaux de colza, réduits en petits morceaux 
gros comme des noisettes ; les tourteaux forment une 
demi-fumure. 

Le sel est semé au moment du hersage, en février ou 
mars, et le tourteau en même temps que la semaille. 

Si on adoptait les semailles claires, au lieu de celles 
encore en usage dans certains lieux, de deux cent cin- 
quante à trois cents litres de froment, ou de quatre à 
cinq hectolitres d'avoine, on économiserait une immense 
quantité de céréales, et on assurerait selon M. Mechi, de 
meilleures récoltes. ; 

M. Mechi récolte, année moyenne, de trente à qua- 
raute hectolitres de froment et de soixante à quatre- 
vingts de bonne avoine noire; mais les semailles en lignes 
et le sarclage des lignes, sont indispensables, pour les 
bonnes récoltes et.Ja propreté des terres. 

La meilleure nourriture d'hiver, pour le bétail, en 
même temps que la moins chère, est l’ajonc, ou grand 
genêt épineux ; ce qui a empèché ïa culture de cette ex- 
cellente plante, de s'étendre davantage, cest qu’on 
ignorait la manière de la cultiver, puis celle de ’emplo- 
yer et qu'on n’en connaissait ni le grand produit, ni les 
qualités nutritives. IL est essentiel que la terre qui lui 


— 286 — 


est destinée, soit aussi propre que possible, car elle peut 
durer, et bien produire, pendant vingt ans ; mais elle est 
détruite par Pherbe, On doit la semer après une ou deux 
récoltes de racines des mieux sarclées ; elle n’exige pas une 
terre fertile, mais propre etpas humide; l’auteurde l'article 
dit avoir semé la graine d’ajonc, avec un semoir, à raison 
de centlivres par hectare ; les lignes étaient à 0"40, afin de 
pouvoir les sarcler à la houeà cheval ; Pépoqueconvenable 
pour semer, est en mai, ou dans les premiers jours d’oc- 
tobre. Il en a semé cinquante ares, dans une petite ferme 
de quinze hectares en très-mauvais état, qu’il venait 
d’acheter ; le vendeur n’y nourrissait qu’une vache et 
trois bêtes à laine ; il y nourrit maintenant pendant l'été 
après trois ans de possession, soixante-quinze bêtes à 
laine, avec du ray-grass d'Italie et du trèfle, passés par 
le hache-paille ; et pendant les six mois d’hiver, il! nour- 
rit cent quatre-vingts bêtes à laine principalement avec 
les cinquante ares d’ajoncs ; il a vendu grasses, la moitié 
de ses bêtes et le reste suivra sous peu. 

Avec le produit de ces cinquante ares semés en ajonés, 
il a nourri depuis deux ans, à partir du 4° octobre, du- 
rant les nuits, onze chevaux, deux poulains, six vaches, 
trois élèves, une mule et un âne ; les grandes bêtes en 
mangent de soixante à soixante-dix litres passés par un 
bon hache-paille, et coupés très-court; on ne cesse de 
faucher cette excellente nourriture, que lorsque la plante 
fleurit, car elle devient alors amère. 

Ün ancien vétérinaire convient qu’on apprend à tout 
àge, et qu’il se trouve très-bien de l’emploi du remède 
suivant qu'il doit à un jeune confrère, pour la cure de la 
gale des chevaux et autres bêtes : on ajoute à de l’huile 
distllée de goudron une certaine quantité d'alcali mêlé 
d’eau, de manière à former une liqueur transparente et 
incolore; on Papplique à la peau, au moyen d’un 
éponge, et la guérison est presqu'instantanée. 


— 287 — 


Un agriculteur anglais reproche aux cultivateurs de 
son pays, d'employer trop peu de semence, en plantant 
des pommes de terre; il conseille à ceux qui voudront 
faire d’abondantes récoltes de ce tubereule si utile, d’em- 
ployer d’abord cinq tonnes de chaux de mille kilos, par 
hectare , ensuite deux cent cinquante kilos de sel, 
et autant de superphosphate ; en suivant son conseil 
il assure qu’on récoltera dans une année ordinaire, de 
trente à trente-six tonnes, de mille kilos, de pommes de 
terre ; on devrait essayer au moins sur un are. 

On dit que dans une année où les céréales ne sont pas 
abattues, ou couchées, par le vent, une bonne machine à 
moissonner, suivie de douze ouvriers s’employant bien, 
économisera 1,150 fr. sur un travail de cent hectares, 
en payant les ouvriers, et même les chevaux sur le prix 
ordinaire de moisson, qu’on estime à 20 fr. l’hectare, ce 
qui est bien inférieur au prix payé en France ; on ajoute 
qu'on ne comprend pas comment il existe encore de 
grands fermiers n’ayant pas de moissonneuse ; l’écono- 
mie dès la première année, couvre aisément le prix; et 
il ne faut pas oublier l'immense avantage de rentrer sa 
récolte, et de la mettre à l’abri, en bien moins de temps. 

On recommande beaucoup dans le journal d'Edim- 
bourg, la pomme de terre, connue sous le nom de 
Sutton’s new berkshire kidney potatæ ; la gravure qu’on 
en donne, la représente fort belle, longue, ronde, à petits 
yeux ; elle provient de semence donnée par la meilleure 
pomme de terre anglaise nommé fluke. On peut se la 
procurer chez M. Sutton, fameux grainetier, demeurant 
à Reading, Berkshire. 

Parmi les plus beaux spécimens d’arbres résineux, ex- 
posés au jardin réservé du Champ de Mars est un {Auya 
gigantea qui a remporté le 1* prix; un abèes nordma- 
niana à eu le second prix, et un magnifique sequoia 
giganlea v’a eu que le troisième prix. 


— 288 — 


Voici les noms des plus beaux arbres choisis dans une 
grande collection de trois cents arbres résineux, exposés 
par M. Deseine, pépimiériste à Bougival près la station 
de Rueil, et à la porte de Paris ; c’est ce pépimiériste qui 
a remporté le premier prix : 

Abies Brunoniana, À. cilicia, A. bratiata, À. cephalo- 
nica, A. Douglasii, A. lusitacarpa, A. spectabihs, A. 
grandis, A. Pindrow, A. nobilis, À. amabilis ; Thuya 
Lobbii, très-beau, Thuya magnifica; Pinus bentha- 
miana, P. macrocarpa, P. codiantus, P. murrayana, 
P. de Calabrica. 

Un charmant arbuste à fleurs roses doubles, du nom 
de Gerstræmia indica, supporte l'hiver, près Tours, étant 
abrité contre le vent du nord. 


Moissonneuses à bon marché. 


Bien des personnes craignent de mettre 800 fr. à une 
moissonneuse et faucheuse de Morgan et Seymour, fabri- 
quée par M. Philippe Durand, à Lignières (Cher), qui 
est la meilleure et la plus expéditive; elle coupe de quatre 
à cinq hectares par jour; ces mêmes personnes peuvent 
se procurer une bonne moissonneuse à un cheval, em- 
ployant deux hommes, et ne coupant que deux hectares, 
pour 536 fr., chez M. Samuelson, à Bambury, comté 
d'Oxford, Angleterre. 

La race cheviot est la meilleure pour les montagnes, 
et les pays froids et maigres ; il serait très-utile d’en im 
porter dans les Pyrénées, dans les Landes, en Bretagne, 
en Sologne, dans les Ardennes et dans beaucoup d’au- 
tres parties de la France pour y remplacer les pauvres 
troupeaux qu’on y élève. 

Le troupeau de cette race qui a été très-perfectionné 
depuis une centaine d’années, par la famille Brydon, et 
par le présent propriétaire, M. Brydon de Modlaw , 


— 289 — 


iskdale Muir, près Langholm, comté de Dumfries 
(Ecosse), est connu pour avoir, en 1865, vendu cent 
soixante-neuf béliers au prix moyen de 350 fr.; on 
donne le détail des prix de dix béliers, dont la moyenne 
a été de 1,984 fr. 50 e.; les deux béliers les moins bien 
vendus, parmi les dix, sont arrivés à 1,000 et à 1,025 fr.; 
les trois plus chers ont produit, l’un 2,875 fr., l’autre 
3,025 fr., et le troisième 3,875 fr. 

M, Brydon se retirant après une vie employée utile- 
ment à donner de bons exemples de culture, vendra, le 
23 mai 1868, son troupeau de race cheviot, le plus re- 
marquable qui existe; il se compose de dix-huit cent 
quatre-vingts têtes, dont onze cents brebis et agneaux, 
et sept cent quatre-vingts autres têtes, sans qu’il soit 
question de béliers. 


Conservation de la viande pendant plusieurs mois. 


M. Gamgée , un des meilleurs vétérinaires de la 
Grande-Bretagne , est allé à New-York, il y a peu de 
temps, dit le journal le Fermier, du 25 mars 1868, pour 
y faire goûter de la chair de moutons tuésen Angleterre, 
depuis, un, deux, trois et même quatre mois; un diner 
de cinquante couverts a été donné pour examiner si 
l'invention du docteur Gamgée, pour la conservation 
prolongée de la viande, dans son état frais, était bonne 
et utile ; tout le monde a été d’accord pour convenir que 
le but était atteint, que les moutons tués depuis plusieurs 
mois, étaient aussi bons que s'ils avaient été nouvelle 
ment tués. 

Le journal écossais dit que la commission chargée par la 
Société royale d'agriculture d'Angleterre de visiter les fer- 
mes employant des appareils à vapeur, se composait de 
neuf membres; ils se sont partagés en trois sections, 
chacune de trois membres; la première a visité vingt- 
huit fermes, en dépensant 5,600 fr. ; la seconde a visité 

19 


DT. de 


cinquante fermes et a dépensé 5,700 fr.; la troisième 
section était arrivée au moment de finir son inspection ; 
on s’attend que les impressions coûteront 10,000 fr. ; la 
dépense de cette opération si utile dépassera 25,000 fr., 
payés par cette Société agricole. 

Il a fallu , dit un article inséré Gans le journal écos- 
sais, que la peste bovine soit venue faire éprouver de si 
terribles pertes, pour attirer lattention des cultivateurs 
de la Grande-Bretagne , sur des maladies contagieuses, 
telles que la pleuro-pneumonie, la maladie aphteuse qui 
prend le bétail par la gorge et les pieds, le claveau, le 
piétin, la gale, et tant d’autres. 

Toutes, mais la première surtout, ont fait à la longue 
plus de mal que la peste bovine elle-même ; la rude ex- 
périence qu'ils ont traversée les a amenés à penser sé- 
rieusement à rechercher les moyens de s’en préserver ; 
diverses précautions ont été indiquées, telles que de faire 
tuer les bêtes grasses importées, à leur arrivée même 
dans le pays; de faire faire une quarantaine à celles qui ne 
sont pas destinées à être tuées de sitôt; enfin, à élever le 
plus possible chez soi pour engraisser à deux et un an, 
des bêtes croisées de races précoces; on évite ainsi de 
s’exposer à introduire dans les fermes ces terribles 
épizooties, que les bêtes achetées au dehors et au 
loin, ont gagnées par suite de leurs transports en che- 
mins de fer, ou en bateaux à vapeur , ou même par ie 
seul fait du changement de pays et de nourritüre ; en 
outre, ils perdent du temps avant de s’acclimnater et sont 
souvent d'espèces moins aptes à l’engraissement. 

MM. Lawes et Gilbert font depuis plus de vingt an- 
nées des expériences agricoles, pratiques et chimiques, 
fort en grand sur la terre de Rorthamstead, près Saint- 
Albans, à trente-deux kilomètres de Londres, terre qui 
appartient à M. Lawes; ces savants disent que les bêtes à 
l’engrais retiennent 6 p. 0/9 des bons aliments secs 


— 291 — 


qu’elles consomment ; il leur faut trois mille cinq cents 
livres de racines, six cents de foin de trèfle et deux cent 
cimquante de tourteaux , pour former cent livres de 
viande; selon eux, cinquante-sept et demi de la nourri- 
ture consommée par eux servent à fournir la chaleur vi- 
tale et trente-six et demi pour cent des aliments viennent 
en augmentation du fumier ; il résulte de toutes leurs 
expériences qu’il faut tenir les animaux chaudement et 
les bien nourrir, pour les conserver le moins longtemps 
possible ; il résulte encore que les bêtes bovines tuées 
grasses, à deux ans, et les bêtes ovines à un an, laissent 
plus de bénéfice net que si on les conservait plus long- 
temps; car plus les bêtes sont jeunes, mieux elles payent 
ce qu’elles consomment. Ces messieurs ajoutent que 
l'expérience leur a démontré plus récemment à eux et à 
bien des engraisseurs, qu'il y a grand avantage à rem- 
placer la plus grande partie des racines par trois ou 
quatre livres de tourteaux ou farines, et moitié du foin 
par de la paille de froment, mais à condition de les faire 
passer par le hache-paille ; on peut encore amollir la 
paille par une décoction versée bouillante; on forme cette 
décoction avec des farines de tourteaux ou de graines et 
même avec des racines. Voici un exemple d’engraisse- 
ment bien réussi de six jeunes bœufs qui viennent d’être 
vendus 975 fr. par tête au dernier concours des bêtes 
grasses à Londres ; elles consommaient journellement un 
bectolitre quatre-vingts litres de fourrage coupé, moitié 
foin et paille, quatre à cinq livres de tourteaux mélan- 
gés, six à neuf litres de farine mêlée avec trente-six li- 
tres de betteraves pulpées. 

Il est encore utile de remarquer, que plus on fait con- 
sommer de tourteaux, meilleur est le fumier ; d’après 
des analyses, il a été démontré qu’une tonne de mille 
kilos de tourteaux de graine de coton décortiquée, avait 
amélioré le fumier pour une valeur de 162 fr., par 


pres 


tonne ; d’autres tourteaux l'avaient amélioré de 115 fr. ; 
une tonne de farine de fèves, de 89 fr., et une d’orge, 
de 37 fr.; car l’orge contient bien moins d’azote et de 
cendres que les fèves ou les tourteaux. Des bêtes en- 
graissées dans des étables consomment un quart de nour- 
riture de moins que celles qui sonf engraissées en plein 
air, durant l'hiver. 


Quelques extraits d'une lecture faite par un habile fer- 
mer anglais, sur une manière bonne et économique, 
d'hiverner le bétail. 


Dans ce pays d’excellentes prairies, a dit M. Coleman 
au club des fermiers de la ville de Derby, on compte 
trop sur le foin pour la nourriture hivernale du bétail, 
nourriture qui pourrait être faite à bien meilleur compte, 
en employant à sa place de la paille hachée mêlée à des 
racines pulpées; si les racines manquent, on doit arroser 
la paille hachée avec un bouillon de tourteaux. 

Le foin qu’on peut économiser, on le fait consommer 
en vert par des bêtes à engrais ou par des vaches lai- 
tières; ce genre de consommation donnerait un bien 
plus grand produit net, à une époque où la viande, le 
beurre, ou le bon fromage, sont à des prix aussi élevés. 
Le foin est plus cher que son équivalent en herbeet profite 
moins aux animaux, surtouts’ilest employé à nourrirdes 
vaches qui, en hiver, ne produisent pas de lait. Il est bon 
de remarquer qu’il faut au plus quatre kilos de racines 
pour remplacer avec avantage un kilo de foin ; donc le 
produit de quarante-cinq mille à cinquante mille kilos de 
racines sur un seul hectare remplacera celui de trois hec- 
tares de prés, ce produit dépassant rarement trois ou 
quatre tonnes par hectare. Il est donc très-profitable de 
faire des racines, à condition de les fumer fortement, ce 
qui veut dire, avec vingt-cinq ou trente mille kilos de 
bon fumier et trois à cinq cents kilos d’un mélange 


— 293 — 


formé de moitié guano et moitié nitrate de soude ; on ré- 
pand ce mélange dessus le fumier ; on ajoute au moins 
trois cents kilos de cendres ou de poudre d’os; cette 
poudre passe par le semoir en même temps que la se- 
mence ; à défaut d'os, le superphosphate les remplacerait, 
mais 1l est plus cher. ; 


Conseils de M. Coleman. 


Lorsqu'il cultivait, dans le comté de Norfolk, avant 
de louer dans celui de Derby, son cheptel habituel se 
composait d’une trentaine de vaches qui avaient un bon 
taureau durham ; il élevait tous leurs veaux et en ajoutait 
autant que possible, achetés dans ses environs et surtout 
provenant de son taureau; il les vendait gras âgés de 
vingt-quatre à trente mois. 

li hivernait jusqu’à cent vingt et même quelquefois 
cent cinquante bêtes, les vaches comprises, en ne par- 
lant pas des chevaux. 

Lorsque la récolte de fourrage était bonne, il donnait 
à ses bètes un quart de foin mêlé à trois quarts de paille, 
le tout haché à cinq centimètres de longueur. Si cette 
longueur eût été moindre, la rumination ne se serait 
pas bien faite ; 1l y avait deux citernes garnies de ciment 
d’un mètre cinquante de profondeur, et enfoncées en 
terre; on y mettait d’un jour l’un une couche de six 
pouces d'épaisseur de fourrage coupé et une mince 
épaisseur de racines pulpées, puis encore du fourrage ei 
des racines et ainsi de suite; on versait sur chaque 
couche de fourrage une suffisante quantité de décoction 
bouillante pour bien l’humecter, en ayant chaque fois le 
soin de mélanger Île tout; ensuite on piétinait for 
tement, couche par couche; la citerne une fois pleine, on 
la couvrait d’une couche de paille, pour rester ainsi pen- 
daut vingt-quatre heures avant la consommation. La 
décoction se composait de deux livres de tourteaux pour 


re 


dix litres d’eau, dont moitié de lin et de colza, car ceux 
de semence de coton décortiquée, ou de noix de pal- 
mier, qui sont les meilleurs et les moins chers, prennent 
un mauvais goût par la cuisson; ceux de semence de 
coton non décortiquée, sont nuisibles au bétail. 

La ration des bêtes adultes se composait de soixante 
dix livres de fourrage coupé, de deux livres de tourteaux 
ou bien de trois livres de farine fondue dans l'eau 
bouillante, et de vingt livres de racines; une pierre de 
sel se trouve toujours dans la mangeoire de deux bêtes ; 
si on manquait de racines, on augmenterait les tour- 
teaux. 

Un des avantages de cette préparation de la nourri- 
ture du bétail, est qu’on peut y faire entrer sans nuire 
aux animaux des foins on pailles de faible qualité, et lors 
même qu'ils auraient un mauvais goût; la fermentation 
des tourteaux et racines détruit les mauvaises odeurs ; Le 
bétail trouve cette nourriture si bonne, qu’il n’en perd 
pas, à moins qu’on ne lui en donne trop à la fois. 
M. Coleman a ajouté avec succès, dans les dernières 
années, à la décoction, une once par tête de fenu grec et 
une once de farine de graine d’anis. La farine des fruits 
d’un arbre des pays chauds, que les Anglais nomment 
locuste, est aussi odorante et sucrée; elle est très ap- 
préciée par les bêtes; on en fait un assez grand usage en 
Angleterre. Le prix de la ration de nourriture ainsi pré- 
parée est de beaucoup inférieur à celui du foin, con- 
sommé par une bête qui ne mange rien autre. 

Il est bon d'observer aussi, qu'en nourrissant des 
vaches laitières, et en faisant des élèves, on enlève peu 
à peu au sol le phosphate si nécessaire à la production 
des récoltes; on use donc le sol, et il est nécessaire que 
le fermier ne craigne pas de dépenser une partie de 
l'argent qui lui rentre, en achat de tourteaux pour 
nourrir et engraisser ses bêtes et améliorer son fumier; 


— 295 — 


il fera donc bien de se procurer du guano, du nitrate de 
soude, des os pulvérisés on réduits en cendre, du phos- 
phate de chaux fossile, ce dernier surtout, s’il a des dé- 
frichements à faire. Nous vivons à une époque où tout 
marehe, tout se perfectionne ; il faut donc que le cultiva- 
teur marche aussi, et améliore sa ferme; car il finirait 
par être remplacé par des gens qui seraient moins 
routiniers. 

Il est très utile, nécessaire même, que le fermier, dans 
les moments où sa présence n’est pas indispensable chez 
lui, voie ce que font les cultivateurs qui ont la réputation 
de faire des améliorations ; il v trouvera souvent des 
choses bonnes à imiter; et »’oublions pas surtout de lui 
recommander de lire les meilleurs journaux et ouvrages 
d'agriculture. 

Voici ce qui a été dit à la commission chargée des 
matières nutritives, formant partie de la société instituée 
pour l’avancement des arts de Londres. 

M. Tindal est membre d'une société composée de 
douze personnes habitant l'Australie, qui s’est formée 
dans l’intention d’expédier en Europe, des conserves de 
viande bouillie et désossée ; ces viandes sont renfermées 
dans des vases de zinc clos, pesant six livres; les mor- 
ceaux de choix se vendent à raison de soixante-dix cen- 
times, et les autres parties à soixante-cinq centimes la 
livre. Cette société a déjà fait plusieurs envois de soixante 
mille livres, et espère pouvoir expédier une quantité 
pareille chaque mois lorsqu'elle en aura le placement; 
elle est en position d’abattre dix mille têtes de bétail par 
an; les os pouvant être travaillés, se vendent de 250 à 
300 fr. la tonne. Les autres os sont pulvérisés, pour 
servir d'engrais dans le pays. On tue les bêtes à cornes 
de races anglaises, plus ou moins perfectionnées, entre 
trois et quatre ans. 

On conserve, en Australie, les bètes à laine jusqu’à 


— 296 — 


l’âge de sept ans, pour avoir leurs toisons. Le désosse- 
ment qui doit se faire, pour pouvoir envoyer cette viande 
en Europe, coûterait aussi cher pour un mouton que 
pour un bœuf, dans un pays où la main d'œuvre est 
des plus rares; on n’expédie donc pas de viande de 
mouton. 

Cette compagnie emploie un chimiste; elle confectionne 
des gelées de bœuf, servant à faire du bouillon. 

Les os forment le quart du poids d’une carcasse de 
bête à corne; il s’en suit que les six livres de bouilli 
d'Australie, sont aussi nutritives que huit livres de 
bœuf d'Europe, vendues avec les os. Les conserves de 
viande, faites de cette manière, en Angleterre, pour la 
marine militaire, reviennent à 1 fr. 15 centimes la 
livre. 


Prix des terres à Buenos-Ayres. 


On vend habituellement à Bunenos-Ayres les Lerres 
à raison d’une lieue carrée dont le contenu est de deux 
mille quatre cents hectares, sur lesquels on peut nourrir 
trente mille têtes de bêtes à laine; le prix d’une brebis 
tondue est de 7 fr. 50 e.; les toisons de ce pays, pèsent 
en suint, huit livres; lorsqu'on tue ces bêtes, pour les 
faire bouillir et en extraire le suif, ce produit est en 
moyenne de vingt livres; on se sert, dans ce pays, de 
préference, de grands béliers mérinos francais. Beaucoup 
de jeunes gens, fils de fermiers, et autres Anglais, vont 
s’établir dans ce pays, dans lequel on ne peut réussir 
qu'en y important un capital assez considérable; on 
trouve des émigrants anglais jusque sur les bords du 
détroit de Magellan, pays des Patagons. 

Lors de la lutte d’un troupeau, on emploie le sel avec 
un grand avantage, autant pour les béliers, que pour 
les brebis; il est aussi très utile, lorsque les brebis allai- 
tent ; 11 contribue à la force des agneaux. 


in Angleterre lors de la lutte, et mème quelques 
semaines auparavant, on fait pâturer les brebis sur des 
champs de colza; cette nourriture les rend aptes à la con- 
ception ; on y sème beaucoup de colzas pour être con- 
sommés en vert, par les troupeaux de bêtes à laine. 

Un fermier a fait part à son club d’une grande amé- 
lioration de son troupeau, amélioration qu'il attribue en 
partie à l'emploi jusqu’ après le sevrage, du mélange 
composé de la manière suivante, pour servir à la nour- 
riture de deux cents fortes brebis, et de leurs agneaux 
dont il y a d'habitude un grandnombre &e doubles portées. 
On doit d’abord fort bien nourrir les brebis à partir de 
trois semaines avant le part, et ensuite leur ajouter une 
certaine quantité d’un mélange formé de mille kilos de 
farine de caroube, autant de farine de fèves, mille cinq 
cents kilos de farine de graine de lin moulue avec mille 
cinq cents kilos d'avoine, mille kilos de germes d’orge, 
trois cents kilos d'orge malté, et cent kilos de sel, le 
tout parfaitement mélangé; on ajoute tous les jours 
dix kilos de ce mélange, au bouillon d’eau et de tour- 
teaux servant à humecter le foin et la paille hachés; 
lorsqu'on a une machine à vapeur, il ne faut guère 
que quatre heures, par semaine, partagées en deux 
fois, pour couper le fourrage et pulper les racines, pour 
deux cents brebis et leurs agneaux et cent antenaises; 
si on n’a pas de machine, il faut un manége. 

Une chose à remarquer, c’est que tous, ou presque 
tous les bons cultivateurs, n’élèvent plus de dishleys 
de race pure, que pour en avoir à employer au croise- 
ment des brebis de diverses races, de la race cheviot de 
préférence; on a généralement reconnu que les bêtes 
croisées sont meilleures nourrices, moins délicates pour 
la nourriture, et produisent de meilleure viande. 

Après ces deux années, très humides, dit M. Mechi, on 
reconnait aisément les champs qui n’ont pas été drainés 


— 298 — 


et qui en avaient besoin ; des gens très capables comme 
experts, pensent que le produit en froment des terres 
fortes, bien drainées, doit dépasser celui des terres non 
assainies, de 220 fr. par hectare; il ne sera pas beaucoup 
moindre par hectare de fèves, et l’augmentation sera 
au moins de 80 fr. par hectolitre d'avoine; ainsi, près de 
500 f. de bénéfice résultant du drainage sur trois années 
de culture ; c’est donc une inappréciable amélioration, et 
cette somme peut suffire pour solder le drainage de l’hec- 
tare le plus difficile à assainir; ce chiffre m’a été donné, 
dit encore M. Mechi, par M. Baïfey-Denton, membre de 
la Société royale d'agriculture, ingénieur très habile, et 
fort entendu en agriculture. 

On ne conçoit pas d’après de pareils exemples, qui se 
renouvellent fort souvent, qu’il reste encore tant de 
terres ayant ur grand besoin d’être assainies. 


Résumé d'une lecture faite par M. Morley, 
habile cultivateur. 


Cette lecture a été faite à son club des fermiers en 
Écosse ; le sujet traité était le besoin que la plupart 
des terres ont d’être chaulées; les meilleures terres, 
celles qui sont le mieux cultivées et le mieux fumées, 
n'arrivent pas à donner tout le produit dont elles sont 
susceptibles, si elles manquent de calcaire; on ne peut 
avoir à se plaindre de emploi de la chaux, que lorsque 
cel emploi est fait en guise de fumure, et encore ne nuit- 
elle pas, mais c’est dépense inutile. 

Il existe une grande quantité de prés, peu productifs 
et négligés, à sous-sol imperméable, qui, si on les drai- 
nait d'abord et chaulait ensuite, seraient très-productifs 
en excellent foin ; dans ce eas, la quantité de chaux 
convenable serait de quinze à vingt mille kilos sur un 
hectare. La même dose s'emploie avec succès dans les 
défrichements. 


— 299 — 


Dans les terres de nature calcaire, le chaulage est le 
plus souvent fort utile; mais quelquefois cependant, il 
reste sans effet ; il est bon, alors, de l'essayer sur une 
petite étendue; dans les terres non calcaires, la dose 
précédemment indiquée sera convenable, à moins que 
ce ne soient des terres légères ou brülantes, pour lesquelles 
on fera bien de diminuer la quantité. La chaux, non 
seulement augmente considérablement les récoltes, dans 
les terres bien tenues, mais elle détruit les vers, les 
limaces, et de nombreux insectes ; elle est indispensable 
pour les plantes légumineuses, dont elle double le pro- 
duit; son application convient surtout après un trèfle, 
dont elle dissout les racines, et elle tue les insectes et les 
vers, qui sont souvent très-nuisibles aux récoltes de cé- 
réales qui suivent les prairies artificielles retournées. 

Une chose digne d’être citée, dit le journal d'Edim- 
bourg, c’est le bon marché du port des produits, par les 
bateaux à vapeur et chemins de fer ; le beurre hollan- 
dais arrive de Rotterdam à Härwich, et se trouve porté 
par chemin de fer, à Londres, pour moins de 5 ce. le 
kilo, malgré un si long parcours. Les beurres de Nor- 
mandie et ceux de Bretagne, ne coûtent même que 
moitié de ce prix si minime, pour être vendus à Londres. 


Machines à moissonner. 


On est heureux de voir cette si utile machine se 
répandre davantage et de la voir pénétrer même dans 
les petites fermes de la Grande-Bretagne ; c’est au reste 
une suite forcée du manque et de la mauvaise volonté 
des ouvriers dans les campagnes ; maintenant, on ren- 
contre les plus grandes difficultés à rentrer ses récoltes, 
lorsqu'on n’est pas muni d’une bonne moissonneuse- 
faucheuse. 

Voici le compte-rendu d’une expérience comparative, 
faite en 1867 sur deux champs, chacun de quatre hec- 


— 300 — 


tares, d’une bonne avoine ; Pun des champs a été fauché 
par les ouvriers d’un entrepreneur qui a eu à fournir les 
chevaux : 

1° Quatre chevaux pour approcher les gerbes des 


meules faites sur le champ . . . . . . 12f£.50 
2° Quatre faucheurs payés par jour à 
TROUS RE .. 1: MANS UE 


3° Quatre hommes pour lier, à 5 fr. . . 20 » 
4° Quatre ouvriers pour charger les gerbes 


etconduire le râteau à cheval "2 0232530 
Total #1)" 56850 

50 Le bénéfice de l’entrepreneur . . . 26 65 
112 f. 45 


Le fermier de son côté, a coupé les quatre hectares en 
un seul jour, en employant : 

1° Neuf hommes, à 3 fr. 75 par jour . .  33f.75 

2Prois hommess a #ric415 20:60 CINE ER, 

3° Quatre chevaux pendant un jour . . 12 50 

4° Intérêt et amortissement du prix d’ac- 


quisition de la moissonneuse . . . . . 140 » 
Tonl=. 2 

Différence: 1 04, 04595 

112F. 45 


Une moissonneuse donne donc près de 11 fr. d’éco- 
nomie par hectare. 


Résultats obtenus par la formation d’un club de fermuers 
datant de vingt-cing ans ; extrait d'un discours de 
M. Davies, cultivateur et membre du club des fermiers 
de Venlock, comté de Shropp, Angleterre. 


Lors de la formation de notre club, en 1842, dit 
M. Davies, la culture de nos terres très-fortes, était des 


— 301 — 


plus arriérées ; l’eau séjournait, pendant une bonne par- 
üe de lhiver, faute de drainage, dans les rigoles pro- 
fondes séparant nos grandes planches bombées ; nos 
grosses charrues étaient attelées de six à huit chevaux 
peu forts; leur grand nombre ne permettait pas aux 
fermiers de les bien nourrir; on n'avait pour étalons, 
que de pauvres bêtes; et on craignait de dépenser la 
somme nécessaire pour en acheter de bons; par suite les 
poulains étaient faibles ; d’ailleurs ils ne mangeaient pas 
d'avoine ; les fermiers n’avaient donc que de pauvres 
chevaux, pour le travail ou pour la vente. 

Le gros bétail et les bêtes à laine, de mauvaise es- 
pèce, mal nourris, ne valaient pas mieux ; la formation 
d’un ciub dù aux bons conseils de quelques hommes 
intelligents et plus instruits, a, peu à peu, heureusement 
changé ce triste état de choses ; les meilleurs cultivateurs 
donnèrent l’exemple et furent suivis, mais non pas sans 
peine et imités par les autres; maintenant même, nos 
terres les plus tenaces, sont labourées par deux forts 
chevaux, attelés à de bonnes, mais petites charrues en 
fer, qui divisent mieux la terre, en faisant des sillons 
plus étroits. 

Mais 1l faut rendre justice aux propriétaires qui, les 
premiers , se sont mis à drainer , les fermiers leur 
payant 5 0/0 de la dépense; cette amélioration a permis 
de remplacer les jachères mortes, par la culture des 
racines, qui ont nourri plus, et de meilleures bêtes, pro- 
venant de bons étalons payés à de bons prix; une fois 
qu’on a été à mème de comparer les produits nouveaux, 
à ceux connus jusqu'alors, la cause du progrès a été 
gagnée ; au lieu de vendre des élèves maigres à de faibles 
prix, on vendait des bètes croisées, de bonnes races, 
grasses au même âge, en doublant, au moins, les an- 
ciens prix; l’augmentation de valeur, a été surtout 
remarquable pour les moutons ; on les vendait maigres, 


— 302 — 


âgés de dix-huit mois, de 25 à 35 fr.; ils se vendent 
maintenant, âgés de douze à quinze mois, gras, dans les 
prix de 50 à 75 fr. la pièce, surtout ceux de race shrop- 
shire. Un autre grand avantage que la plupart des fer- 
miers ont fini par obtenir de leurs propriétaires, c’est 
l'érection près des fermes, d’au moins cinq maisons d’ou- 
vriers, pour chaque culture de cent hectares ; de cette 
dépense, les fermiers payent un intérèt de 5 0/0. 


La bonne direction du club des fermiers de Wenlock, 
comté de Shroppavuisinant le pays de Galles, l’a faitcon- 
naître et lui a attiré la visite et les lectures d’un assez 
grand nombre d’agriculteurs et de savants agronomes, 
qui lui ont été aussi très-utiles. 

Un cultivateur américain, M. Sheldon de Genèva, a 
envoyé en Angleterre, en 1867, neuf bêtes courtes-cornes, 
pour y être vendues à l’enchère; ceci a eu lieu lan der- 
nier en octobre à Windsor. Ce lot se composait de deux 
taureaux et sept génisses pleines ; l’ensemble descendait 
de la fameuse race de M. Bates (chez lequel J'ai passé 
deux jours en 1840), leur vente a produit la somme de 
86,494 fr., un des deux taureaux a été adjugé à 13,750 
fr. ; une génisse de vingt mois, a été vendue à M. Leney 
pour 17,500 fr.; une génisse de dix-huit mois a été 
payée 7,500 fr. par le mème M. Leney; M. Leney a 
acheté encore une génisse, pour la somme de 6,500 fr., 
ensemble 31,500 fr. 


Lord Peurhyn avait acheté en 1862, un taureau de 
celte même race payé 15,000 fr. à M. Sheldon. 


Le colonel Townley vendit, il y a quelques années, le 
plus fameux troupeau de courtes-cornes de la Grande- 
Bretagne ; il vient d’acheter une de ces sept génisses au 
prix de 10,000 fr. Il forme une nouvelle étable, dont la 
souche se trouve maintenant formée d’un taureau et 
quatre génisses de race Bates ; les cinq sujets ont été 


— 303 — 


payés en moyenne, 11,812 fr. 50 par tête, soit un total 
de 59,000 fr. 

Il n’y à rien qui active autant l’engraissement du bé- 
tail, que les tourteaux, lorsqu'on peut les avoir non 
frelatés, ce qui est essentiel ; un excellent cultivateur 
anglais, M. Wheatley, raconte qu’il y a quinze à vingt 
années il engraissait des jeunes bœufs, de trente à trente- 
six mois ; il ne fallait guère alors que deux mois et demi 
pour les avoir très-bons à abattre ; 1l leur donnait des 
racines, sept livres de tourteaux de lin et un coupage de 
tourteaux de lin et un coupage de moitié foin et paille ; 
depuis quinze ans environ, peu à peu on est arrivé à ne 
terminer cet engraissement qu’au bout de quinze et puis 
vingt semaines, tant on était parvenu à falsifier les tour- 
teaux ; alors, une réunion de fermiers du Yorkshire, 
s’associa pour monter une huilerie, afin d’avoir de bons 
tourteaux ; même les récoltes de racines avaient diminué, 
lors de emploi des tourteaux falsifiés; nous voilà reve- 
nus à l’engraissement peu prolongé du bétail, qui est 
devenu encore plus précoce, car on vend les croisés dur- 
ham depuis l’âge de vingt jusqu’à celui de trente mois. 
Le fumier aussi, est redevenu bon, ainsi que les racines; 
mais aussi, nous payons les bons tourteaux plus cher que 
ne l’étaient les mauvais. Voici maintenant les quantités 
employées : on donne aux veaux tétant et en sevrage de 
deux cent cinquante à cinq cents grammes de tourteaux ; 
aux agneaux de cent vingt-cinq à deux cents grammes 
mêlés aux farines les moins chères; pour des vaches à lait, 
il est bon de donner un ou deux kilos, et autant pour 
des bêtes approchant de dix-huit mois à deux ans. 

On dépasse rarement trois kilos pour bêtes plus fortes 
ou plus âgées. Trois et quatre livres avec autant de fa- 
rine produisent habituellement le meilleur résultat. 
L’engraissement précoce d’hiver réussit bien avec un 
coupage composé de moitié ou trois quarts de paille et 


— 304 — 


d'une quarantaine de litres de racines pulpées ; on rem 
place les racines, en été, par du vert passé par le hache- 
paille. 

Les tourteaux de lin pur se payant de 275 fr. à 300 fr. 
la tonne, on s’est mis depuis quelque temps avec 
avantage, à les mélanger de tourteaux de diverses na- 
tures , tels que ceux de graine de coton décortiquée, de 
noix de palmier et de colza; ce dernier fait aussi fort 
bien, lorsqu'il n’entre que pour moitié dans le mélange; 
pour les veaux de première année, on met au plus un 
tiers de tourteaux de coiza. On trouve quelquefois par 
hasard à meilleur marché de bons tourteaux de lin pro- 
venant du continent ou d'Amérique; mais le contraire 
arrivant le plus souvent, il faut alors les faire analyser, 
si la quantité en vaut la peine. 


Culture très-remarquable. 


M. Méchi nourrit et engraisse quarante-quatre bêtes 
bovines, de l’âge de seize à dix-huit mois, jusqu'à celui 
de vingt ou vingt-quatre; c’est à cet âge que les bouchers 
les enlèvent. En outre, il engraisse encore pendant tout 
le courant de l’année , cent quatre-vingts moutons ache- 
tés à l’âge de neuf à dix mois; trois mois après, illes vend, 
pour les remplacer ; ses terres sont très-fortes, mais 
drainées à fond, chaulées et fumées de même; les sar- 
clages répétés ne permettent à aucune mauvaise plante 
de s’y propager. Mais pour y arriver , il achète considé- 
rablement de tourteaux ; il prétend que sa comptabilité, 
exactement tenue, lui prouve que son riche fumier lui 
revient moins cher que les engrais pulvérulents qui le 
remplacerajent. 

Un agriculteur qui ne signe pas son article raconte 
dans F journal écossais “re détails d’une visite 
qu'il a faite à sir Georges Dumbar, au château de 


— 305 — 


Ackergill la Tour, dans le comté de Caithness, tout au 
bout du nord de l'Écosse. 

Ce grand propriétaire cultive quatre cent quatre-vingts 
hectares, sur lesquels il élève et engraisse une énorme 
quantité de bétail]. 

L'ensemble de cette culture considérable à été drainé 
complétement, et se trouve partagé en trois fermes; 
celle qui entoure immédiatement le château, a été mise 
entièrement en herbages divisés en clos d’une douzaine 
d'hectares, entourés de murs construits avec les pierres 
que le défoncement a fournies. 

Cette ferme est consacrée à l'élève des bêtes bovines 
et ovines. 

Sir George se sert depuis une trentaine d’années de 
bons taureaux durham, tirés de chez les meilleurs éle- 
veurs du sud de l'Écosse. Le nombre des bêtes à cornes 
nourries sur la propriété, s'élève à environ deux cent- 
quarante , sans parler des veaux, soixante vaches, 
soixante bêtes d’an an, autant de deux ans et autan: de 
trois ans ; ces dernières sont vendues pour la boucherie, 
dans les prix de 600 à 750 fr. la pièce; on conserve 
chaque année une douzaine des meilleures génisses, pour 
remplacer les vaches engraissées : les autres élèves mâles 
ou femelles, sont castrés. On les laisse téter jusqu’à cinq 
mois, âge auquel on les met à l’herbe, où ils restent Jus- 
qu'au 1° septembre ; à cette époque, ils ne sortent le 
jour que lorsqu'il ne fait pas mauvais; ils sont nourris 
avec des turneps, une livre de tourteaux et de la paille 
d'avoine, ou d’orge. 

Le froment ne muürit pas dans cette contrée, où l'asso- 
lement est de deux ans d’herbages, avoine, turneps, orge, 
ou avoine, dans lesquels on sème l’herbage. 

Les bêtes à laine sont des dishleys écossais, acelimatés 
à la longue, aux intempéries de ce climat venteux et hu- 
mide. Le baronnet a importé la souche du troupeau, il y 

20 


— 306 — 


a plus de trente ans. Ses deux cents brebis reçoivent des 
béliers de bons troupeaux du sud de l’Écosse. On vend 
les béliers antenais dans les environs, pour croiser des 
brebis chéviot; leur prix moyen est d'environ 160 fr. la 
pièce. Ce troupeau est le seul de la race dishley, qui 
existe dans cette partie de l'Écosse, où l’on est étonné de 
le voir prospérer. 

Un lot assez nombreux de jeunes béliers du même 
troupeau a concouru à Edimbourg en 1863 à l'exposition 
de la Société royale eee d'Écosse; il a eu le 
second prix moyen des béliers: 

Les deux autres fermes de sir George, bien construites 
aussi, sont en terres labourables, et partagées presque 
toutes en enclos carrés et d’une étendue de douze hec- 
tares entourés de murs. 

M. Roberton est un excellent cultivateur, à l’entrée 
de l'Écosse; je l'ai visité en 1840, époque où, tout jeune 
encore, 1l marchait en tête des Pons Deus amélio- 
rateurs de ce temps; il a dit à son club en novembre 
dernier, que ses bêtes à engrais, recevaient un coupage 
de foin et de paille, quarante litres de racines pulpées, 
trois kilos de tourteaux mélangés; celui de semence de 
coton décortiquée à 176 fr. les mille kilos, est aussi bon 
selon lui que le tourteau de lin qu’il donne aussi à ses 
animaux avec du tourteau de colza; il y ajoute trois 
kilos de farine de légumineuses, fèves ou pois, avec un 
tiers de farine de Ron bEl qui por beancoup cette 
nourriture. 

Ua lot de jeunes bœufs, doit remplacer à engrais, les 
premiers bœufs vendus; ce lot ne recevra en attendant 
que quarante litres de racines, et quatre litres de tour- 
teaux mêlés. Les bêtes d’un à deux ans, n’ont que quatre 
livres de tourteau de colza, avec de la paille hachée 
arrosée d’une eau bouillante, dans laquelle une partie 
des tourteaux a été dissoute; ils n’ont pas de racines 


— 307 — 


par suite de leur rareté. Quant aux moutons âgés de dix 
mois, qu'il engraisse, ils ont douze litres de turneps 
pulpés, un coupage moitié foin et paille, arrosé de 
ce bouillon, et une livre de tourteau de coton. 

M. Roberton donne à ses brebis et agneaux, douze 
livres de racines, au couple une demi-livre de tourteau 
de coton et autant de farine, enfin du coupage de paille 
humectée. 

Pour guérir ie mouton de la gale, on recommande 
beaucoup Pacide carbonique ajouté à une grande quan- 
tité d’eau dans la proportion de 1/60°; on plonge le 
mouton dans ce bain pendant une minute. 

Lorsqu'on a quelques bêtes à laine atteintes du piétin 
on leur enveloppe le pied d’un emplâtre composé d’a- 
cide carbonique mêlé à du suif ou du saindoux, de ma- 
nière à mettre la partie malade à l’abri de Pair; la gué- 
rison se fait en deux ou trois jours ; si le troupeau entier 
était atteint de ce mal, on forcerait les bêtes à passer 
dans une plate-forme garnie du remède graisseux. 

Les veaux et autres bêtes à cornes, ont beaucoup à 
soufrir des mouches; on parvient à les en débarrasser 
par une lotion contenant une minime quantité d’acide 
carbonique, dans de l’eau; on lPapplique avec une 
éponge. 

Je lis dans le Fermier d'Edimbourg, qu'un fermier 
anglais compose avec des betteraves ou autres racines, 
des tourteaux qui engraissent les moutons aussi bien à 
quantité égale, que les tourteaux oléagineux. Voici 
comment il fabrique ces tourteaux de betteraves; huit 
mille kilos de betteraves pulpées avec l'excellent pulpeur 
de Hornsby, étant parfaitement desséchés sur une tou- 
raille de brasserie, le poids se trouve réduit à mille 
kilos, dans cet état, une forte presse les met en tour- 
teaux. Pour s'assurer du mérite des tourteaux de bet- 
teraves, il a formé deux lots, chacun de cinq moutons, 


— 308 — 


chaisis dans le même troupeau; ces deux lots pesaient 
chacunsix cents ivres;illesa tenustous deux danslamême 
pâture de regain pendant cent huit jours; ils recevaient 
jourrellement le même poids, l’un de tourteaux de bet- 
teraves, l’autre de tourteaux de lin. 

Ils ont été pesés six fois et voici l'augmentation de 
poids trouvée à chaque pesée par les cinq moutons rece- 
vant des tourteaux oléagineux. 

Augmentation des livres par chaque pesée : 

38, 83, 45, 25, 71: 262, total de l'augmentation pro- 
duite par les tourteaux de lin. 

38, 71, 75, 34, 48: 266, augmentation due aux tour- 
teaux de betteraves. 

Ce résultat prouve que les tourteaux de racines sont 
aussi nutritifs, que ceux de graines oléagineuses; ils ont 
produit cent six livres de viande nette. 

Les sept cent quatre vingt-neuf livres de tourteaux de 
lin, consommés, ont coûté 109 fr. 25 c. Les tourteaux 
de betteraves, consommés, pesaient trois tonnes trois 
cents livres; à 18 f. la tonne, c’est 59 fr. plus 10 fr. pour 
la facon des tourteaux, total 69 fr. Dans un essai d’en- 
graissement fait sur une très petite échelle, une économie 
de 40 fr. ou 8 fr. par mouton; cela ferait 800 fr. pour 
cent moutons; on a en outre l’avantage de n’être pas 
trompé par les marchands de tourteaux. 

Il faudrait voir si les tourteaux de pulpe de suererie 
sont aussi bons que ceux d’huilerie; 1ls seraient encore 
moins chers que ceux de betteraves, leur jus étant éva- 
poré; enfin 1l faudrait encore comparer l'effet des 
deux fumiers, celui provenant de tourteaux d’huilerie, 
et celui provenant de betteraves; sans doute celui de 
graines oléagineuses, serait meilleur. 

Le marquis de Dampierre exposait à Bordeaux au 
concours des bêtes grasses, un lot de dix moutons, âgés 
de douze mois, provenant du croisement de béliers south- 


— 309 — 


down, avec brebis hampshiredown ; leur poids était de 
six cents kilos ; ils ont eu le premier prix. Il a reçu un 
autre premier prix, pour dix moutons southdown, âgés 
de trente-six mois, qui pesaient sept cent quatre-vingt- 
dix kilos ; dix moutons de race gasconne, de trente six 
mois, ne pesaient que cinq cent quatre-vingt-cinq kilos 
ou cent quatre-vingt-quinze kilos de moins. 

MM. de Vaulx frères, propriétaires et administrateurs 
de trente-deux métairies, dans les environs des Morets 
par Saint-Gérard-le-Puy, Allier, ont un bon nombre de 
leurs métayers qui remportent depuis plusieurs années, 
des prix dans les concours de bêtes grasses. 

Ces MM. ont dans leurs métairies des vaches charol- 
laises qui labourent , tout en élevant leurs produits ; 1ls 
leur donnent des taureaux durham ; les génisses sont 
vendues grasses, vers l’âge de deux ans, dans les prix de 
450 fr. et les mâles vers l’âge de trente et trente-six 
mois, à 250 et 600 fr. 

Ils ont eu en 1868, au concours de Bordeaux, le 
second prix pour un Jeune bœuf âgé de vingt mois et 
quinze jours, pesant huit cent cinquante-trois kilos ; le 
concurrent qui a eu le 127 prix, était un garonnais, âgé 
de trente-cinq mois; il ne pesait que quarante-trois 
kilos de plus, gagnés en quatorze mois et quinze jours. 

MM. de Vaulx ont eu, au même concours, un deu- 
xième prix, pour un bœuf âgé de trente-sept mois et pe- 
sant huit cent vingt-sept kilos; le bœuf bazadais qui a 
eu le 1° prix, ne pesait que dix-sept kilos de plus, après 
avoir été nonrri dix mois de plus que le croisé durham. 

Ces MM. ont eu un troisième prix pour une génisse 
àgée de trente-un mois et pesant cinq cent quatre-vingt- 
douze kilos ; la vache bazadaise qui a eu le premier prix, 
avait élé nourrie deux ans et cinq mois ; et cependant 
elle ne pesait que cent quatre-vingt-douze kilos de plus 
que la génisse croisée durham. 


— 310 — 


MM. de Vaulx ont encore remporté la même année, 
au concours d'Avignon, un premier et un deuxième prix 
et trois mentions honorables ; leurs métayers reçoivent 
la moitié des primes. 

Le docteur Guyot dit dans son dernier compte-rendu, 
que dans les pays chauds on doit soufrer la vigne sur les 
premières feuilles, ensuite à la floraison, enfin à l’époque 
où le raisin commence à prendre de la couleur ; l’oïdium 
ne se forme, dit-il, qu'après trois fois vingt-quatre heures 
d’une chaleur suivie et constante de quinze, vingt ou 
vingt-huit centigrades, ce qui n’arrive guère que dans le 
midi ; dans le centre, on fera bien de soufrer lors de la 
floraison, et plus au nord, on ne peut le faire ordinaire- 
ment qu’au moment de la véraison ; le soufre pulvérisé, 
v’agit sur les feuilles de la vigne que par son odeur qui 
ne se manifeste que par une chaleur forte et durant 
longtemps; mais 1l existe un moyen efficace de soufrer 
les ceps, là où la chaleur nécessaire manque ; on forme 
pour cela un liquide composé de la manière suivante : 
on met dans mille kilos d’eau un kilo de foie de soufre 
où quadrisulfure de potasse ou de chaux ; lorsque le foie 
de soufre est dissout, on asperge les ceps au moyen 
d’une pompe à jardin, à petits trous, ce qui se fait même 
à dix mètres de hauteur, comme à Evian, où les ceps 
sont supportés par des chènes écorcés, qui remplacent 
les échalas ; l’oidium aurait infaiblement détruit ces 
vignes, si on n’avait pas trouvé cette nouvelle manière 
de les soufrer ; un autre mérite encore C’est d’être bien 
plus économique, car dix kilos de foie de soufre, sufli- 
sent pour arroser deux fois un hectare de vignes, et ne 
coûtent guère que 5 ou 6 fr. 

Le docteur nous apprend encore une très-bonne 
chose, c’est qu’une simple incision annulaire de l'écorce 
du cep, faite au dessous des grappes, un peu avant la 
floraison, empêche le raisin de couler ; mais il faut un 


— 311 — 


sécateur léger, afin de ne pas entamer le bois du sar- 
ment, qui casserait par suite d'un coup de vent. 

Le docteur cite M. du Baut, président du Comice de 
Saumur, non seulement comme un excellent viticulteur, 
mais encore comme un agriculteur qui fait valoir plu- 
sieurs de ses fermes par des maïtres-valets mariés, 
auxquels il fournit la consommation des ménages, une 
certaine somme d'argent, et un certain poids de viande 
de boucherie et de porc ; il fait ainsi produire à chacune 
de ses fermes, dont l’étendue est d’environ cinquante 
hectares, un revenu net moyen de 440 à 150 fr. par 
hectare ou environ 7,000 fr. par ferme. 

Il cite ensnite M. Courtiller, vice-président du Comice 
comme ayant réuni chez lui depuis vingt ans un grand 
nombre &es meilleurs raisins de treille ; il a obtenu de 
graine, deux nouvelles variétés que le docteur a trouvées 
remarquablement bonnes; on les nomme le précoce de 
Saumur et le muscat Eugénie ; ilssont mürs avant toutes 
les autres variétés ; 1] recommande aussi comme cépage 
de vignes, la vicane du Rhône, qui par ses qualités et sa 
fécondité, mérite d’être propagée. 

M. Courtiller en donne des boutures ; le docteur pense 
que la vicane doit être le même cépage que celui cultivé 
en grand, dans les environs de Lyon, sur les coteaux de 
Sainte-Foy et du château de Bramafan, qui dominent la 
ville, et dont les vins sont excellents et inaltérables. 
M. Courtiller est un savant, dévoué à son arrondissement; 
il estle fondateur du jardin des plantes, du musée d'histoire 
naturelle, du musée artistique et du musée géologique et 
d’antiquités de Saumur ; il a, lui-même, établi et coor- 
donné les collections avec un goût et une méthode qui 
leur donnent un mérite extraordinaire. 

Arboriculteur habile, géologue consommé, naturaliste 
émérite, il a su faire surgir tout cet ensemble de son in- 
teligence et pour ainsi dire de ses mains. En présence 


— 312 — 


de services si grands, si désintéressés, si persévérants, 
on se prendra à regretter, pour son pays, de ne pas 
voir une distinction cent fois méritée, signaler tant de 
vertus. 

Si on employait de la chaux de gaz, au printemps, en 
l’enterrant par un labour, et si on semait une récolte 
printanière, cette récolte périrait; si on vent tirer un 
bon parti de cette chaux, il faut la répandre sur une terre 
scarifiée d'automne, après que les semailles de graines 
d'hiver sont terminées, et laisser cette chaux exposée 
pendant un mois ou deux, à la surface de la terre, avant 
de l’enterrer par un léger labour. 

Lorsqu'on sème une plante qui à sa levée, craint 
l’'altise, à son apparition il faut répandre de la chaux de 
gaz, bien pulvérisée, mais en petite quantité, son odeur 
chasse tous les insectes. 

J’ai cru devoir prendre les notessuivantes sur une lec- 
ture faite à un club de fermiers, par un excellent culti - 
vateur qui, par son grand mérite, est devenu, avec Île 
temps, l'administrateur d’une grande terre; dans le nord 
de PAngleterre. 

Ce qu’il y a de plus à craindre pour un jeune fermier 
occupé du choix d’une ferme, c’est, dit-il, de se laisser 
entrainer à la prendre trop étendue pour son capital dis- 
ponible ; ce capital doit lui permettre de drainer, si la 
terre est à sous-sol imperméable, et si le propriétaire ne 
consent pas à le faire, moyennant un intérêt de 5 ou 6 
0/0 de la dépense ; 1l faut encore l’argent nécessaire 
pour chauler et marner, car 1l y a fort peu de terres que 
je calcaire n’améliore d’une mantère remarquable, bien 
entendu, si la terre esl saine et n’a pas besoin d’être 
drainée. Ce n’est pas tout, 1l faut que le fermier soit en 
mesure de se procurer les engrais suflisants pour ajouter 
aux fumiers de la ferme; c’est ainsi qu’il obtiendra de 
bonnes récoltes, et il ne doit pas oublier que les demi- 


— 313 — 
récoltes sont ruineuses ; il est donc essentiel de n’en faire 
que de bonnes. 

Si le jeune fermier élève, il est absolument nécessaire 
qu'il puisse se procurer de bons reproducteurs, à 
moins qu’il n'ait dans son voisinage, des fermiers qui se 
chargent de faire saillir ses juments, ou ses vaches, par 
de bons mâles, moyennant une honnête rétribution, car 
les bons reproducteurs mâles, sont la chose essentielle, pour 
faire de bons élèves. 

IL faut qu'il ait le moyen d’acheter de bons chevaux, 
car les vieilles rosses mangent autant, et ne font pas moi- 
tié autant d’ouvrage ; il lui faut de bonnes vaches, car 
elles font de bons veaux et donnent beaucoup de lait, on 
n’obtiendrait rien de {out cela, si on était mal monté. 

Les bons instruments aratoires sont aussi très-essen- 
tiels, car ils évitent énormément de main-d'œuvre. Les 
chevaux étant forts, deux suflisent à des charrues bien 
faites. 

Pour tirer des chevaux le meilleur parti, il ne faut 
en atteler Jamais qu’un seul au tombereau ; pour tiver le 
meilleur parti du matériel, les roues et l’essieu du tom- 
bereau doivent être mis à une charrette légère, lors de la 
fenaison et de la moisson. 

Enfin, il faut encore que le capital du jeune fermier 
lui permette de payer une ou même deux années de lo- 
yer, si c’est nécessaire, pour éviter d’être forcé de vendre 
du froment, à 14 ou 15 fr. l'hectolitre, comme cela est 
advenu, iln’y a pas longtemps, à bien des pauvres fermiers. 

On peut gagner de l’argent, en cultivant bien cinquante 
hectares et même moins ; et on peut en perdre beaucoup 
en cultivaut une étendue considérable, faute du capital 
nécessaire pour tout bien faire, surtout pour bien fumer, 
ce qui est le plus essentiel de tout ; cela est facile avec 
de l'argent, depuis qu’on connait le guano, ie phosphate 
de chaux, et le nitrate de soude. 


— 314 — 


Voici comment est composée une petite ferme, en bon 
fond du comté de Chester, où la principale production 
est le fromage. 

Son étendue d'environ vingt et quelques hectares, 
emploie une paire de chevaux pour obtenir, par la cul- 
ture, les céréales et les racines nécessaires à la consom- 
mation de la ferme. Elle nourrit trente vaches, dont on 
élève, chaque année, une demi-douzaine de veaux 
femelles. 

Voici son assolement : premier sole sur un herbage qui 
a besoin d’être retourné, avoine ; deuxième sole, turneps 
bien famés à quarante mille kilos, qui reçoivent en outre 
par hectare, trois cents kilos de guano du Pérou, avec 
autant de cendres d’os, importées de la Plata; troisième 
sole froment; quatrième sole féverolles recevant six cents 
kilos d’un mélange, de moitié guano et moitié os pulvé- 
risés; cinquième sole orge ou avoine et semence d’her- 
bage; ce dernier doit durer au moins deux ans, avant 
d’être retourné. À deux hectares par sole, huit hectares 
sont choisis dans la meilleure partie de la ferme pour 
rester en herbages à demeure, sur lesquels on fauche al- 
ternativement ; le foin est passé au hache-paille, avec la 
paille récoltée ; en ajoutant les racines, on peut suflire à 
la nourriture hivernale de ciiquante bêtes tenues sur la 
ferme ; les bêtes sont : six veaux, six génisses d’un an, 
et six génisses pleines, devant remplacer six vaches à 
vendre ; on forme la litière avec de Pargile brülée, sil 
en existe sur la ferme, ou avec de la tourbe émiettée, 
ou à défaut, avec de la terre légère, les bêtes étant cou- 
chées sur un sol garni de dalles, ou d’asphalte. 

L'’herbage à demeure doit être fané tous les deux ans; 
si le famier manque, on le remplace par au moins cent 
kilos de nitrate de soude, deux cents kilos de guano et 
trois cents kilos de cendres d'os, ou d'os pulvérisés ; on 
tient exactement, dans cette petite ferme, les comptes de 
toutes les ventes, et des dépenses. 


— 315 — 


Prix de la vente du bétail, à la foire du 30 mai 1868, 
à Thurston (Écosse). 


Antenais gras, de race cheviot, de 27 fr. 60 c. à 45 fr. 
90 c.; moutons de deux ans, 46 fr. pièce. 

Antenais demi-sang, dishley et cheviot, 35 fr. 90 c. 
à 56 fr. 70 c.; moutons de deux ans, 67 fr. 05 c. pièce. 

Autenais trois quart sang, dishley et cheviot, 50 fr. à 
61 fr. 30 c. : moutons de deux ans, 65 fr. pièce. 

Antenais croisés southdown de deux sang, 42 fr. 60 c. 
à 55 fr. 

Moutons southdown de deux ans, 64 fr. 35 ce. à 75 fr. 
60 c. 

Brebis southdown de cinq ans, 59 fr. 

Béliers cheviot-antenais, 64 fr. 35 c. 

Béliers southdown-antenais, de 62 fr. 60 e. à 77 fr. 
60 ce. 

Béliers dishley-antenais, de 72 fr. 10 c. à 86 fr. 

Petits bœufs des îles Schetland, gras, 300 fr. à 481 
fr. 25 c., âgés de trois à cinq ans. 

Bœufs durham de vingt-quatre à trente-six mois, de 
475 fr. à 750 fr. 

Génisses durham de vingt-quatre à trente-six mois, 
de 450 fr. à 662 fr. 

Vaches durham grasses, âgées de quatre à cinq ans, 
750 fr. 


Volailles. 


Sur la question posée récemment de savoir s’il y a de 
l'avantage à élever de la volaille pour le marché anglais; 
M. Méchi à répondu aflirmativement surtout avec le 
prix très-élevé des volailles grasses qui se vendent cou- 
ramment 90 c. la livre, poids vif, pendant que la livre 
du meilleur mouton ou bœuf ne vaut que 45 e. poids 
vif, ou 78 c. poids net ; on voit d’après cela qu'il y a un 
grand avantage à élever de la volaille ; car selon M. Mé- 


— 316 


chi, il est certain qu’il ne coùte pas plus cher, d’élever 
un certain poids de volaille, que de bœuf ou de mouton; 
sans compter les grands services rendus par la volaille, 
lorsqu'on lui permet le parcours des champs, où elle 
profite d’une énorme quantité de bons grains perdus, et 
où elle détruit des myriades d’insectes et de graines de 
mauvaises herbes, des plus nuisibles. M. Méchi ajoute 
que chez lui, plus de trois cents volailles ont la clef des 
champs pendant la plus grande partie de l’année, et cela 
à sa grande satisfaction ; il est bon d’observer encore, 
que la fiente des volailles est des plus fertihisantes. 

Un éleveur de volailles présent à cette réunion, qui 
paraissait avoir une grande expérience, conseillait le 
croisement des poules dorking ou d’espèce houdan, par 
un bon coq brahma-poutra ; croisement produisant des 
poulets précoces et rustiques. 


Bonne manière d'employer le fumier un peu décomposé. 


On le met de bonne heure au printemps, sur un Jeune 
trèfle qui produit dans ces conditions, deux très-bonnes 
coupes, pour peu qu’une trop forte sécheresse ne s’y op- 
pose pas ; lorsqu’on fauche le trèfle, il pousse d’épaisses 
et longues racines, qui servent de fumure au froment 
qui suit et qui est au moins aussi beau, que si on lui avait 
appliqué directement le fumier ;: ce froment est plus 
propre, les mauvaises graines contenues dans le fumier 
ayant été étouffées par le trèfle ou fauchées avec lui; 
cette application du fumier au jeune trèfle, outre l’avan- 
tage qu’elle a d’en augmenter le produit, tout en ne 
diminuant pas celui du froment, a encore le mérite 
d'empêcher, que ce dernier ne verse ; lorsqu'on ne dis- 
pose pas de fumier pour en mettre au printemps sur les 
jeunes trèfles, on peut le remplacer, par hectare, par 
cent kilos de nitrate de soude, autant de guano, et deux 
ou trois cents kilos de poudre ou de cendres d’os. 


DT. 


M. Strafford, le plus fameux adjudicateur de bétail, 
vient de vendre pour 7,900 fr. au commencement de 
juin 1868, dans le comté de Sussex, une vache fille du 
quatrième due de Thorndale; sa fille, génisse, a atteint 
3,800 fr.; enfin, son veau femelle âgé de deux mois, a 
obtenu 1,300 fr. ; une autre vache a été vendue 2,625 
fr. ; la moyenne de vingt-trois vaches, génisses, ou veaux 
femelles de cette vente, s’est élevée à la somme de 1,725 
fr. par tête. 

Un club des fermiers d'Angleterre, vient de faire un 
don de près de 5,000 fr. à M. Knowles, que j'ai vu, en 
1847, maïître-vacher chez lord Ducie, et que j'ai retrou- 
vé, lors de mon voyage de 1851, agent du capitaine 
Gunter, le propriétaire d’une des plus fameuses vache- 
ries courtes-cornes de l’époque. 

Un journal d'agriculture américain dit que dans 
Pannée 1847 le nombre des brevets d'invention accordés 
pour l’agriculture a été de quarante-trois ; en 1857, il a 
été de trois cent quatre-vingt-dix ; en 4866 de mille sept 
cent soixante-dix-huit ; dans les dix premiers mois de 
1867 1l était déjà arrivé à mille sept cent soixante-dix- 
sept. 

M. Denton, un des membres remarquables de la So- 
ciété royale d'agriculture d'Angleterre, vient de publier 
un écrit sur la comparaison qu’on fait quelquefois entre 
lessalaires des ouvriers des villes et ceux des campagnes; 
il les regarde comme moins inégaux qu’on ne le croirait 
au premier aperçu, et M. Denton est mieux que per- 
sonne, en position de bien juger la chose, car il a été 
employé pendant dix-sept ans, par une des grandes 
compagnies qui prêtent des fonds aux propriétaires, 
pour exécuter les diverses améliorations agricoles et se 
chargent même de lesfaire exécuter ; pour se rembourser 
elles prennent pour intérêt et amortissement 6 fr. 50 0/0. 
M. Denton avait dirigé, pendant tout ce temps, ces 


— 318 — 


divers travaux dans toutes les parties de la Grande- 
Bretagne. 

Il pense d’abord que plus d’instruction chez les ou- 
vriers des villes les rend plus capables ; la nourriture 
meilleure qu'ils consomment les rend plus forts et les 
met à même de bien exécuter les travaux dont on les 
charge ; en outre, ils sont forcés de dépenser beaucoup 
plus pour vivre, se loger, se chauffer et se vêtir; ils ne 
peuvent pas faire de provisions; dans leurs heures de 
repos ils ne peuvent pas produire des légumes, n’ayant 
ni jardins, ni champs de pommes de terre à leur dispo- 
sition ; tandis que les journaliers des campagnes, ont 
souvent un cochon, quelquefois une vache et de la vo- 
laille; leur chauffage leur est souvent donné ou ap- 
proché. 

À Ja suite des détails de cette lecture faite à une des 
sociétés savantes de Londres, un des fermiers présents, 
demande la parole ; il dit que lui, M. Fowler, des envi- 
rons d’Aylesbury, donnait à chacun de ses ouvriershabi- 
tuels, dix ares de ses meilleures terres les plus rapprochées 
de la ferme, avec le fumier nécessaire, pour leur faire 
un bon jardin; 1l a, en outre, institué des primes quisont 
délivrées dansun concours se tenant en automne, à ceux 
de ses ouvriers qui ont su faire venir les plus beaux lé- 
gumes ; cela a produit les meilleurs résultats ; en inté- 
ressant ses ouvriers à leurs jardins, il les empêche de 
fréquenter les cabarets. 

M. Denton a dit aussi que le degré d’instruction, de 
capacité et de force, parmi les journaliers des diverses 
parties du pays, est très-différent, et les met en position 
de gagner plus ou moins. 

Quant à l'instruction, il pense qu'il ne suffit pas de la 
donner dans les écoles ; il y aurait un avantage immense 
À instruire dans les fermes même les jeunes ouvriers 
dans la pratique des choses les plus utiles, auxquelles ils 


me. 040 


devront être employés, surtout aux soins du bétail et à 
l'emploi des machines assez compliquées, qui deviennent 
tous les jours plus employées dans lagriculture ; cela 
éviterait bien des malheurs et des accidents et aménerait 
en tout cas, un meilleur emploi du temps. 

Les fermiers, pour arriver à ce but, feraient bien 
d’attacher un jeune homme de bonne volonté à chacun 
de leurs meilleurs ouvriers, tels que berger, vacher, 
jardinier, chauffeur de la machine à vapeur, chef labou- 
reur et semeur ; ils instruiraient ces jeunes garçons et en 
feraient de bons ouvriers. 

Mais, pour cela, dit M. Denton, il faudrait donner une 
récompense à ceux qui formeraient le mieux ces jeunes 
gens; ceux-ci auraient l'espoir d’être mieux rétribués, 
une fois qu’ils pourraient à leur tour, en diriger d’autres. 
M. Denton indique un excellent moyen d’avoir de bons 
ouvriers, chose à laquelleles propriétaires sont aussi inté- 
ressés que les fermiers ; car si les bons journaliers faisaient 
défaut, les fermiers ne pourraient pas louer si cher ; ce 
moyen est d'avoir de bonnes maisons, attachées en 
nombre suflisant aux fermes, pour loger les domestiques 
mariés et les familles des journaliers employés aux tra- 
vaux de la ferme; de cette manière, ils ne sont pas 
obligés d’aller chercher au loin, les moyens de gagner 
leur vie. 

Il serait à désirer que les directeurs de journaux agri- 
coles français s’occupassent davantage de choisir dans 
ceux de la Grande-Bretagne, des articles des plus ins- 
tructifs et des plus intéressants. 

D’après des expériences faites dans des bureaux 
chimico-agricoles, en Angleterre, il paraît qu’on doit 
faucher le ray-grass d'Italie, aussitôt qu’il commence à 
fleurir ; il en est ainsi pour la luzerne; pour le trèfle 
ordinaire, il faut attendre un peu plus tard ; et quant au 
trèfle hybride, le meilleur moment, c’est lorsqu'il est près 


— 320 — 


de défleurir ; enfin les prés, doivent être fauchés en pleine 
fleur. 

On conseille de fumer les prairies naturelles et celles 
artificielles, afin d’avoir de pleines coupes ; sans cela, le 
capital considérable qu’elles représentent donne un bien 
faible revenu, les frais étant défalqués ; mais, comme 
rarement on dispose de fumier, 1l faut le remplacer par 
un mélange de cent kilos de nitrate de soude, autant de 
guano du Pérou et deux cents kilos de cendres d’os, ou 
d'os pulvérisés; l'augmentation du fourrage indemnisera 
grandement de cette dépense ; ilen est de même pour les 
froments qui ne sont pas très-beaux au printemps; le 
même mélange, empioyé au moment du hersage, ainsi 
que lors des semailles faites en mars, sera aussi une 
avauce remboursée avec un fort intérêt. 

Le journal d'Edimbourg du 17 juillet 1868, dit que 
la reine est venue de Balmoral voir la grande ferme à 
herbage de M. Mac Combie ; 1l y engraisse trois cents 
bêtes bovines chaque année, et les quarante plus remar- 
quables d’une espèce, vont concourir, le 25 décembre, à 
Londres; la reine est retournée dans son château des 
Montagnes, après avoir pris le thé chez ce très-remar- 
quable engraisseur, le premier, dans son genre, des 
trois royaumes. 

La vente des jeunes chevaux de pur sang, de moins 
de deux ans, que M. Blankiron fait chaque année, dans 
sa terre de Middle-Parc, vient d’avoir lieu ; quarante- 
sept poulains âgés d’un an à dix-huit mois, ont produit 
la somme de 347,750 fr., la moyenne du prix par tête a 
été de 7,350 fr. Les prix les plus élevés ont été de 
22,500 fr. et 25,000 fr. Ce même M. Blankiron, avait 
vendu en 1863, quarante-un poulains au prix moyen 
de 4,825 fr. ; il en a vendu en 1864, trente-huit au prix 
moyen de 7,525 fr., sa vente de 1865 a été de quarante- 
cinq têtes, à 8,000 fr. pièce; les prix de verte des 


— 321 — 


années 1866 et 1867 avaient été encore bien supérieurs ; 
les plus élevés de ces deux années ont atteint 50,000 fr, 
à 62, 500 fr. ; on ne fait pas connaître les prix moyens. 

Dans une lecture faite en 1868, devant une société 
d'agriculture anglaise, on a donné les règles suivantes : 
l'assainissement complet d’une terre dont le sous-sol 
n’est pas naturellement perméable, est le premier pas 
à faire, dans son amélioration ; le défoncement et le 
mélange parfait du sous-sol avec la superficie est le 
second terme; le troisième point est la destruction 
complète des mauvaises herbes; on n’y parvient guère 
qu'après une dizaine d'années de semailles en ligne 
des céréales et surtout des racines; on doit sarcler les 
unes et les autres exactement à la houe à cheval d’a- 
bord, et ensuite à la main ; vient enfin la fumure com- 
plète de la terre, autant que la plante semée peut en por- 
ler sans verser. 

Les meilleurs cultivateurs de la Grande-Bretagne 
dépensent annuellement, pour chaque hectare de leur 
culture, 150 fr. et mème plus, en tourteaux comme nour- 
riture, et en engrais achetés; c’est en faisant ces fortes 
avances à leurs terres, qu'ils arrivent à faire fortune, 
malgré les prix élevés des loyers ; donc, pour bien con- 
duire la culture d’une ferme, il faut pouvoir disposer au 
moins de 1,000 fr. pour chaque hectare de sa culture. 

Un cultivateur a pris la parole, à la suite de cette lec- 
ture ; 1l a raconté qu’il avait acheté, il y avait six ans, 
une pièce de terre d’environ huit hectares, semée en fro- 
ment sur Jachère ; on en avait estimé la récolte à sept 
hectolitres par hectare, et le produit avait été encore in- 
férieur à l'estimation ; l'acquéreur commença par drai- 
ner cette terre à cinq pieds de profondeur ; il la laboura 
ensuite à un pied de profondeur, avec deux charrues 
qui se suivaient dans le même sillon ; il la chaula à 
raison de 15 tonnes de mille kilos de chaux par hectare, 

21 


— 399 


et y mit aussi par hectare trois cents kilos de guano du 
Pérou ; enfin, il y sema du froment, dont la récolte fut 
de trente-six hectolitres à l'hectare. 


J'ai pris la note suivante dans l’ouvrage, en deux vo- 
lumes, publié en août 1865, par M. H. Dixon : il y rend 
D des voyages qu'il avait faits, les deux étés précé- 
dents, à travers toute l'Écosse, pour y visiter tous les 
éleveurs en renom ; depuis plusieurs années, il publie, 
dans les journaux agricoles, ses observations sur les 
grandes et remarquables vacheries d'Angleterre. Mes- 
sieurs Amos et Anthony Cruicshank, dit M. Dixon, dont 
l'aîné dirige quatre fermes à Sytitton, près P'ABerdeen, 
dans le on de l'Écosse, et dont le cadet est négociant 
dans cette ville, sont associés pour l’ensemble d leurs 
affaires; M. Amos est resté garcon. Ils avaient commencé 
d’abord à élever des bêtes angus sans cornes vers 1830, 
étant persuadés comme beaucoup de personnes l’étaient 
alors, que c’était la meilleure race, pour leur climat où 
le froment ne mürit pas; ils n’essayèrent les courtes 
cornes, qu’à partir de 1837 et en achetèrent un certain 
nombre, lors de la fameuse vente du capitaine Barclay, 
an château d'Ury. Le capitaine avait, lui-même, monté 
une partie de son étable, à la vente de M. Mason, beau- 
frère d’un des frères Collings ; MM. Cruicshank eurent, 
dès le principe, un taureau et des vaches de ce type pré- 
cieux. Ils avaient payé leur taureau 3,750 fr.; depuis 
lors, 1ls ont augmenté leur vacherie, en la recrutant de 
quelques bêtes, à presque toutes les ventes d’étables re- 
nommées ; et ils continuent, de manière à toujours gar- 
nir leur étable de taureaux des meilleures familles de 
cette race fameuse ; depuis plusieurs années ils ont deux 
cent soixante tètes de courtes cornes, et se sont arrêtés à 
ce chiffre, Lors de la visite que leur à faite M. Dixon, ils 
avaient dix taureaux de réserve, dont à la vérité, deux 


— 323 — 

hors d’âge ; un d’eux avait été acheté à Battersca où 11 
avait eu le troisième prix des jeunes taureaux. Ce grand 
nombre de taureaux sert à donner à chaque vache, le 
mâle qui a les qualités de ses défauts, afin de les éviter 
chez le produit. L'année où ils ont réussi le mieux, en 
veaux, ils en ont eu cent huit dont quatre-vingts ont été 
bien vendus dans l’année. Ils ont vendu, en une fois, dix 
génisses pour 15,000 fr. à M. Majoribancs. Leur vente 
annuelle, qui se tient le premier ou second jeudi d’oc- 
tobre, date de 1842; la première n’en présentait que 
huit ; l’année dernière ils ont vendu vingt-cinq veaux 
mâles, de la main à la main, et trente-cinq à l’enchère ; 
en 1861, la moyenne de leurs prix de vente de veaux a 
été la plus élevée, ayant obtenu 1,110 fr. par tête. 

La moyenne la plus élevée, de six veaux mâles, faite 
dans ces dernières années, a été de 2,500 fr., et le plus 
cher vendu est arrivé à 2,900 fr. ; les plus âgés ne dépas- 
saient pas neuf mois. 

Tous les veaux mäles suivent leurs mères, jusqu’au 
moment de leur vente ; les femelles sont sevrées à cinq 
mois; lorsque j'ai parcouru, avec M. Cruicshank, 
en 1859, ses diverses pätures, où les vaches couchent du 
{er mai au 1‘ octobre, je nai vu nulle part, une man- 
geoire à tourteaux, ce qui se voit beaucoup dans les pàä- 
tures de la Grande-Bretagne, et l’on m'a assuré que les 
vaches ne recevaient en hiver que de la paille et des 
turneps ; les génisses ne recevaient de tourteaux, que 
depuis le moment de leur sevrage, jusqu’à l’âge de deux 
ans. 


Existence du quano. 


Un journal de Panama a dit cet hiver, qu’il y avait au 
moment où 1] écrivait son article, quatre-vingt-dix bâti- 
ments occupés à charger du guano, autour des îles Chin- 
cha, au Pérou; à la suite de cette nouvelle, il prétend qu’il 


— 324 — 


n’yavait plus de guano que pour une couple d'années. L’a- 
gence chargée de la vente de cet inappréciable engrais, a 
invité divers journaux de la Grande-Bretagne à publier les 
notes suivantes : Le rédacteur du journal de Panama pa- 
rait croire que le nombre de 90 bâtiments occupés à char- 
ger du guano, annonce que bientôt la provision de cet en- 
grais devra s’épuiser ; si ce rédacteur savait qu’il faut de 
soixante-dix à quatre-vingts jours pour charger un bâti- 
meut, de guano, et que pour enlever environ quatre cent 
mille tonnes de guano que ces îles exportent chaque an- 
née, il faut de quatre cent cinquante à cinq cents bâti- 
ments, 1] n'aurait pas effrayé inutilement les cultivateurs. 
Quant à la quantité de guano qui peut encore exister sur 
ces îles, voilà ce qu’on peut dire. Le gouvernement pé- 
ruvien a fait mesurer en 1853, par des ingénieurs amé- 
ricains et européens, la masse de guano existant dans les 
îles Chincha, ce qui a occupé assez longtemps cette com- 
mission ; sa conclusion a été qu’il existait alors douze 
millions cinq cent mille tonnes de guano ; en supposant 
que dans les douze années écoulées depuis lors, on ait 
exporté quatre mille tonnes par an, ou quatre millions 
huit cent mille tonnes, il doit en rester sept millions cinq 
cent mille tonnes, ce qui devra en fournir encore pen- 
dant 18 à 20 ans ; mais il est bon d’ajouter que s’il y 
avait erreur dans l'évaluation des ingénieurs, le gouver- 
nement du Pérou possède, outre les amas de guano des 
îles Chincha, ceux de Bahia, de ia Independencia, de 
Santa, de Guadalupe, de Malabeigo, et enfin les plus 
considérables de tous, ceux des îles Lobos. 

Lord Kinnaird vient de permettre à ses fermiers écos- 
sais qui ont eu leurs récoltes de turneps manquées, de 
vendre des pailles, pour employer leur produit en argent, 
à l’achat d’engrais pulvérulents ; comme probablement 
cela ne suffira pas pour remplacer l’engrais que les tur- 
neps eussent produit, lord Kinnaird leur diminue sur 


— 325 — 


leur loyer 125 fr. pour chaque hectare de racines man- 
quées; cette indemnité devra aussi être employée en 
achats d'engrais. 

Un très-grand nombre de propriétaires de la Grande- 
Bretagne, dont les fermiers ont éprouvé de fortes pertes 
par la peste bovine, diminuent de moitié le loyer de 
l’année. 

La chaux. 

Partout où les fermiers de montagnes peuvent se pro- 
curer de la chaux à des prix abordables, ils défrichent les 
bruyères, les chaulent, et y font ensuite des turneps, avec 
des mélanges d'engrais pulvérulents ; après les turneps, 
ils sèment des avoines ; après cela, ils croisent leurs bre- 
bis à face noire, avec des béliers chéviot, achetés à de 
grands prix, et transforment ainsi en trois ou quatre 
générations, leurs bêtes; la culture s’améliorant, ils 
finissent par fare, du moins pour les meilleures parties 
des fermes, des croisés leicester et chéviot, qu’ils con- 
servent au demi-sang, en se servant de béliers de demi- 
sang. 

Auginentations de fermages. 


Les baux de la terre de M, Traill, membre du Parle- 
ment, propriétaire dans le comté de Caithness qui ter- 
mine l’Ecosse sur la mer du Nord, venant d'arriver à 
leur fin, tous ses fermiers ont reloué pour dix-neuf ans 
en augmentant leurs loyers de 20 0/9. 


Concours de volailles à Birmingham en 1866. 


On avait exposé au concours de Noël 4865, mille huit 
cent quatre-vingt-dix-sept lots de volailles des plus belles 
qu’on puisse voir ; une somme de 15,000 fr. devait être 
distribuée en primes. 

Poids des racines lors de la récolte et six mois après. 

Un cultivateur amateur, Irlandais, pèse ses racines 


— 326 — 


lorsqu'il les récolte et les pèse ensuite lorsqu'il les fait 
consommer ; il assure que pour sy retrouver, en fin de 
compte, il ne faut pas compter par suite de l’évaporation 
sur plus de 60 0/9 à la distribution, lorsqu'on en ter- 
mine la consommation à la fin d'avril. Pour se rendre 
compte du poids des racines qu’il aura à distribuer, il 
tâche d’en faire remplir les tombereaux le plus également 
possible ; il en fait peser un, par chaque dizaine de tom- 
bereaux, et il prend la moyenne ; ensuite, il défalque du 
poids trouvé, 10 0/0 pour la terre restée après les racines. 


Emploi du semoir à engrais liquides. 


Le président de la Société royale d’agricultured’Angle- 
terre, qui paraît être un praticien, a dit dansune réunion 
de cette société, qu’il y avait un grand avantage à em- 
ployer les semoirs à engrais liquides, comparativement 
aux semoirs à engrais pulvérulents secs ; il ne comprend 
pas comment tous les cultivateurs ne les emploient pas ; 
car il a été souvent prouvé, qu'avec la même quantité 
d'engrais, le semoir à engrais liquides donne moitié en 
sus, s’il ne donne pas le double, des racines semées avec 
un semoir à engrais pulvérulents. 

Une bonne fumure de superphosphate de chaux, est 
de trois cents kilos par hectare ; on peut le faire chez soi 
en ajoutant aux os parfaitement pulvérisés la moitié de 
leur poids d’acide sulfurique. 

La dose convenable par hectare de nitrate de soude 
est de trois cents kilos mêlés avec le double de sel de 
morue ou de peaux, qu’on trouve chez les grands tan- 
neurs. 

Cela doit être semé sur les froments à l’époque où on 
les herse au printemps; cet éngrais ne s’évapore pas, 
comme le guano; on forme un bon engrais, en le mé- 
langeant avec ce dermier ; il doit être semé suivant l’état 
de la terre, entre le 15 février et le 15 avril. 


— 327 — 


Le guano et le sulfate d’ammoniaque font un meilleur 
effet, semés avant l'hiver et enterrés, lors du dernier 
labour; pour bien employer le guano, il faut d’abord 
le bien tamiser ; ensuite on fait écraser les mottes avec 
un rouleau de fer, après les avoir mélangées avec du sable 
à gros grains, et on passe de nouveau dans un gros 
tamis. On le mélange ensuite avec deux fois son volume 
de sel, dont l'humidité empèche la déperdition de la 
poussière du guano que le vent enlèverait; cette prépa- 
ration du guano est essentielle, et on fera bien de la 
soigner, dit le président, lors même que la dépense en 
ressortirait à 25 fr. la tonne. On recommande d’ajouter 
14 0/9 d’acide sulfurique, au guano, après l’avoir bien 
pulvérisé. C'est une opération des plus désagréables 
pour les ouvriers; mais il est certain qu’elle est utile. 

Voici une manière d'obtenir le même résultat; on 
mêle le guano avec an bon superphosphate see, de phos- 
phate fossile; si c’est pour des racines, on ajoute au 
guano le triple de ce superphosphate; si ce mélange est 
destiné à des céréales, il faut mettre trois parts de guano 
pour une de phosphate, 

L'huile de castor empèche les rats de ronger les cour- 
roies de cuir, qui eu ont été enduites. 


Nourriture du bétail en hiver. 


Il vaut bien mieux élever du bon bétail et l’engraisser 
sur sa ferme, à vingt ou trente mois, que d’en acheter ; 
car les bêtes étrangères amènent très-souvent chez 
l'acheteur, la pleuropneumonie, la cocote, ou d’autres 
maladies, même la peste hoivine, si elle règne dans le voi- 
sinage ; si les animaux achetés n’amènent pas de maladie, 
toujours sont-ils plus ou moins de temps à s’acclimater 
dans leur nouveau séjour, avant de profiter. 

Un hectare en racines peut produire cinquante mille 
kilos et plus, si on le défonce et le cultive bien, si on lui 


— 328 — 


donne vingt-cinq ou trente mille kilos de fumier, avec 
deux cents kilos de guano, cent kilos de nitrate de sonde 
et deux cents kilos d’os pulvérisés ; on peut alors nourrir 
et mème engraisser du bétail, sans avoir de foin. 

M. Colman, fermier anglais qui faisait cette communi- 
cation à son club ou Comice agricole, tient en hiver cent 
cinquante bêtes bovines sur sa ferme en sy prenant de 
la manière suivante: sil a du foin à leur donner, il en 
fait passer au hache-paille 1/4 avec 3/4 de paille ; s’il 
manque de foin, il ne prend que de la paille, qui, pour 
les bêtes à cornes, doit être coupée de quatre à cinq cen- 
mètres de longueur, afin que les bêtes puissent facile- 
ment ruminer ; la ration d’une bête doit contenir pour 
les animaux adultes quatre-vingt-dix litres de fourrage 
coupé, vingt litres de racines pulpées et un kilo d’un mé- 
lange formé d’un tiers de tourteaux de lin, un quart de 
tourteau d’æillette et un quart de tourteau de colza; à 
défaut de tourteaux, on met au moins un kilo de farine 
de grains, le moins cher ; on dépose le fourrage coupé, 
dans une citerne cimentée, par couches de six pouces 
d'épaisseur, sur lesquelles on répand le quart, en volume 
du fourrage, de racines pulpées; on verse par-dessus 
cette couche de nourriture, une décoction d’eau bouillante 
dans laquelle on a fait dissoudre un kilo de farine de 
tourteaux, ou de grains, qu’on a bien remué, en le fai- 
sant bouillir dans huit litres d’ean ; ce liquide bouillant 
doit être versé pour chaque ration de fourrage el racines; 
on doit bien remuer le tout, et ensuite le piétiner dans 
la citerne; puis on continue en mettant une seconde 
couche de fourrage et de racines qu’on humecte et qu’on 
tasse de la mème manière ; et ainsi de suite, jusqu’à ce 
que la citerne soit pleine ; celle-e1 a ordinairement un 
mètre de profondeur; «n la recouvre ensuite et on la 
laisse suivant la température, de vingt-quatre à soixante- 
douze heures, pour que la fermentation vineuse se pro- 


— 329 — 


duise. Lorsqu'on peut se procurer du fenu grec, une once 
par tête de bétail, fait à merveille; surtout si on em- 
ployait une partie de fourrage n’ayant pas été rentré en 
bon état. 

Maintenant que les loyers sont élevés et la main 
d'œuvre rare, et par suite très-chère, s’il est nécessaire 
d'améliorer sa culture, il faut acheter des tourteaux, pour 
améliorer la nourriture du bétail dont il faut en même 
temps augmenter le nombre ; on y arrive encore, en ache- 
tant des engrais tels que guano, nitrate de soude et os 
pulvérisés, afin d’avoir des betteraves et des ravets ; c'est 
ainsi qu’on peut faire beaucoup de bon fumier ; une chose 
qu'il ne faut pas oublier, c’est le sel, qui est essentiel 
pour la bonne santé des animaux, surtout lorsque la 
ferme est éloignée de la mer ; il faut une once de sel par 
Jeune bête, et le double par bête adulte ; de même pour 
les chevaux ; on pourrait même doubler la dose avec 
avantage ; pour les bêtes à laine, 1l faut tous les cinq 
jours, une demi-once par bête. 

Lorsqu'on n’est pas trop loin d’un port de mer, où 
l'on importe du tourteau d'huile de palmier, ou de celui 
de graine de coton, on fera bien d’en acheter, car ils 
sont moins chers ; mais il faut les employer sans les faire 
bouillir, car cela leur donne un goût qui déplait au 
bétail; pour le tourteau de graine de coton, 1l est essen- 
tiel qu’il ne contienne pas l’écorce de la graine, qui fait 
du mal aux bêtes. 


Vente annuelle de courtes cornes ou bêtes durham, 
à Sityton, près Aberdeen, Ecosse. 


MM. Cruicshank , au lieu de vendre le 15 octobre, 
leurs élèves de l’année, comme ils le font habituellement, 
n'ont effectué cette vente annuelle qu’à la fin de mars, 
par suite de la peste bovine, qu'ils ont eu le bonheur 
d'éviter. 


— 330 — 


Le nombre des jeunes taureaux exposés à cette adju- 
dication, a été de trente, dont vingt-sept ont produit une 
moyenne de 1,234 fr.; le plus cher est arrivé à 2,362 fr. 
50; Pun d’eux, acheté pour la reine, a été payé 1,040 
fr.; ona appris depuis, qu'undes trois veaux que M. Cruic- 
shank avait fait retirer, avait été vendu 3,750 fr. à 
M. Longmore de Rettie. 

Ce qui est certain, dit le journal, c’est que ce prix 
moyen de jeunes taureaux, est le plus élevé de l’année. 


Fenu grec. 


Un correspondant du journal, dit qu’il a employé avec 
avantage, du fenu grec, en en mélangeant une petite 
quantité de graine avec le fourrage, surtout lorsque 
celui-ci n’est pas bon et a un mauvais goût. 

Il demande des renseignements sur la culture du 
fenu grec ; voici la réponse du journal : 

Le nom de cette plante est érigonella fœnum græcum; 
elle croît en forme de buisson, aime une bonne terre 
saine, mais plutôt légère; on la sème en lignes, à dix- 
huit pouces les unes des autres, pas plus tard qu’à la 
mi-avril et en poquets séparés par deux à trois pouces 
dans la ligne *. 


Rapport sur la maladie des vers à sore. 


M. Louis Pasteur, membre de l’Institut, sur le conseil 
de M. Dumas, le grand chimiste, a été chargé par le 
Ministre, en 1865, de voyager en France et en Italie, et 
d'étudier tout ce qui y a été écrit, par des savants, sur 
les causes de la maladie des vers à soie; 1l a fini par 
trouver un moyen de faire de la graine, exempte où à peu 
près de corpuscules. 


! Journal Pratique du 12 octobre 1867, page 789, 


— 331 — 


Importation de viande cuite de la nouvelle Galle du 
sud, Australie. 


M. Tindal, propriétaire sur la rivière de Clarence , 
Australie, a été entendu par la Société des Arts de 
Londres ; il a dit qu’une société formée de douze proprié- 
taires, s’est organisée, pour envoyer de la viande, en 
Angleterre ; elle a déjà fait deux envois, chacun de 
soixante mille livres ; elle va faire dorénavant un pareil 
envoi chaque mois ; les boîtes en fer-blanc, contiennent 
six livres de viande ; elles se vendent, en morceaux choi- 
sis, à 70 cent. la livre, et en viande ordinaire à 65 cent., 
le tout est sans os; jusqu’à présent, cette viande n'a été 
placée qu’à bord des bâtiments de la marine ; mais on 
va chercher à la faire connaître à la population. Une 
bête à cornes, adulte, contient 25 0/9 d’os ; les os pou- 
vant s’employer pour la tabletterie, sont envoyés en 
Angleterre, où ils se vendent de 250 à 375 fr. la tonne ; 
les autres os sont moulus et servent d'engrais en Austra- 
lie; le port en serait trop cher pour les exporter en 
Europe. On pourrait aussi envoyer de la viande de mou- 
tons; mais ils sont plus chers que les bœufs; leur désos- 
sement serait plus cher, et le placement de cette viande 
ne serait pas aussi avantageux ; quant à la viande de 
veau, elle ne réussit pas bien, en conserve. Les mou- 
tons sont plus chers, en Australie, que les bœufs, 
parce qu’on les conserve plus longtemps, à cause de leurs 
toisons. 

On ne tue les moutons, qu'après sept ans, tandis que 
les bœufs le sont, à quatre ans; la société en question 
peut tuer dix mille bœufs par an. 

Le temps où ils sont en meilleur état, pour être tués, 
est en avril et mai. Le bétail australien qui a été importé 
d'Angleterre, est d’une meilleure qualité, que celui 
d'Amérique. 


es 


Une boîte de six livres de bœuf, nourrit comme buit 
livres de viande avec les os. 


Autre envoi de viande d Australie. 


Une maison vient de se monter en Australie, pour en- 
voyer en Europe des carcasses de bétail gras, du pois- 
son et des volailles ; on emballe bien serré dans des caisses 
de tôle, qu’on fait congeler à l’aide de lammoniaque, 
pour conserver aux viandes leur bonne qualité, jusqu’en 
Europe. 

Labour à vapeur ; les deux systèmes comparés entr'eux 
et à celui par les chevaux, ou par les bœufs 

Voici d’après le rapport fait par M. Houel, ingénieur 
civil, nommé par la commission du concours du Petit- 


Bourg, une comparaison entre le coût du searifiage et du 
labour fait par la vapeur, ou par des bœufs ou chevaux. 


Travail de culture ; prix par hectare : 


ÉCONO- 
DÉSIGNATION | TRAVAIL A LA VAPEUR PAR |DIFFÉ-| ie 
DU TRAVAIL. PAR HECTARE ANIMAL.|RENCE.| POUR 
100. 
Celui du scarificateur : 
à 0,110 prof. [Fowler, 9 f.60) moyenne moyenne, 
| 0m,160 id. |Howard, 14  » | 11 fr. 80 20 fr. |8 fr. 20/41 fr. 
0,110 id. [Travail à la charrue......... id. id. id. 
0180 id MIROWIET ERA 45 f. 70 
0,200 id. |Howard, une seule lo- 25 à 30| 9 1/2 |37 f. 20 
| ; comobile 24 50 a 141/2[à 47,66 
MOTS O0MMITAITONIEL EEE PAPA NERE 25 75180 à 100164 f. 25,71 f. 40] 
| UD à moyenne. 


M. Houel a suivi du 7 septembre au 13, les labours à 
vapeur qui se sont exécutés pour le compte de M. Decau- 
ville; 1l préfère l'appareil Fowler à celui de Howard. 

M. Houel dit que l'appareil Fowler paraît pouvoir tra- 
vailler, par jour de dix heures : 


— 333 — 


Au scarificateur, à la profondeur de 0",110, 12 hec- 
iares ; 

A la charrue, à la profondeur de 0",180, 7 hectares, 
33 ares ; 

A la charrue, à la profondeur de 0,300, 4 hectares, 
90 ares ; 

La charrue de Howard, à une locomobile, peut faire 
à 0",200, 3 hectares, 30 ares ; 

M. Howard avec deux locomobiles et deux starifica- 
teurs, à 0,160, 11 hectares, 07 ares. 

Toutes les machines de Fowier présentes à Petit-Bourg, 
ont été vendues 40,000 fr. à M. Cail. M. Howard vend 
son appareil à une locomobile 29,000 fr. et son appareil 
double 56,000 fr. M. Fowier a aussi un appareil qui 
met deux scarificateurs ou deux charrues en mouvement; 
mais il ne l'avait pas à Paris. 

Il serait bien désirable que nos grands et riches culti- 
vateurs du Nord, se montassent en appareils à vapeur, 
et que nos plus grands propriétaires qui cultivent en 
France, suivissent ce bon exemple. 


Anthilis vulneraria, en anglais Kidney vetch, que je tra- 
duis en français par vesces à rognons, à fleurs jaunes. 


Un cultivateur du comté de Norfolk, un des mieux 
cultivés en Angleterre, dit avoir recu de la maison Peter 
Lawson et fils de Londres, de la graine d’Anthilis vulne- 
raria, qui, semée très-clair en lignes à 0",33 de distance, 
au printemps de l’année 1865, a très-bien supporté l’ex- 
trème sécheresse de cette année, ainsi que l’hiver sui- 
vant; on a fauché le 25 juin ce fourrage qui a donné un 
très-abondant produit, que ses chevaux et ses autres 
bètes mangent avec avidité. 


La race de bêtes à laine, dite Shropslure. 


Cette race réussit fort bien en Irlande, et s’y répand 


— 334 — 


beaucoup depuis une dizaine d'années ; les {oisons lavées 
à dos, pèsent cinq livres et sont plus longues et plus fines 
que celles des southdown ; les brebis de cette race très- 
appréciée en Angleterre, sont très-laitières et donnent, 
si on les nourrit bien, jusqu’à cent cinquante agneaux 
par cent mères. 


Importation d'os en Angleterre, dans l'année 1865. 


74,307 tonnes en ont été importées ; la plus grande 
importation d’os qui ait encore eu lieu a été de 85,000 
tonnes, et presque tous ont été employés comme engrais, 
après une parfaite pulvérisation. 


Cullure à vapeur. 


La Société royale d'Agriculture d'Angleterre, vient de 
décider qu’une somme de 25,000 us serait destinée 
à faire rechercher par une commission choisie par elle, 
les résultats de la culture à vapeur, qui se répand de 
plus en plus dans les trois royaumes. 

Les membres de cette commission, toucheront 50 francs 
par Jour, pendant le temps qu’ils emploieront à ces re- 
cherches ; on leur remboursera en outre, leurs frais de 
locomotion, mais non les dépenses faites dans les hôtels. 


Soins à donner au jeune bétail, destiné à être vendu gras, 
de bonne heure, à deux ou trois ans. 


Le comté d’Aberdeen n’est pas naturellement fertile, et 
il y a vingt et quelques années, époque où je l'ai visité 
pour la pre mière fois, il vendait encore ses jeunes bêtes 
maigres, âgées de deux à trois ans, pour le sud de l'É- 
cosse et pour l'Angleterre; maintenant ce comté est de- 
venu un des plus riches de la Grande-Bretagne ; 1l vend 
son bétail croisé durham à 4 ou 5 centimes la livre, plus 
cher que le meilleur de ces pays; l’aisance de ce comté 
est principalement due au grand élevage et à l’engrais- 


— 335 — 


sement du bétail; on y fait venir d’Irlande une énorme 
quantité de jeunes croisés durham pour les engraisser ; 
aussi, quoique ce ne soit pas un pays à herbages, on n’y 
cultive que peu de froment, le climat ne lui permettant 
pas de mürir tous les ans; on n’y fait que des navets, 
rutabagas et pommes de terre, les betteraves n’y réussis- 
sant pas bien ; on sème de lavoine, dans laquelle on met 
un mélange de diverses légumineuses, du ray-grass d’An- 
gleterre et d'Italie, qu’on laisse deux ans, puis on re- 
commence l’assolement ; l'espèce bovine noire du pays, 
à cornes, mais plus souvent sans cornes, n’est pas grande, 
mais elle a de bonnes formes et la peau souple; ces bêtes 
croisées par de bons taureaux durham, restent jusqu’au 
1° octobre suivant, dans les pâtures où elles têtent leurs 
mères ; on les rentre toutes les nuits pour sortir le ma- 
ün, tant que le temps et l'herbe le permettent; à l’âge de 
dix-huit mois on leur donne des tourteaux mélangés de 
lin, de colza et de coton, avec un peu de farine, vers la 
fin de engrais; ils mangent trois fois par vingt-quatre 
heures en hiver, de la paille d'avoine hachée, mêlée avec 
des turneps pulpés. 


Voici la manière d’élever les veaux, dans le comté 
d'Aberdeen; ces renseignements sont puisés dans une 
lettre d’un fermier écossais à un cultivateur irlandais. 

On fait boire aux veaux pendant quatre mois de cinq 
à sept pintes écossaises de lait pur; on y ajoute par vingt- 
quatre heures, vers la fin du premier mois, trois quarts 
de livre de tourteau de lin mélangé dans le lait, après 
avoir été dissout dans de l’eau; on apprend peu à peu 
aux veaux à manger des turneps émincés, en prenant 
garde à ce que cela ne les relâche pas ; ces turneps sont 
mêlés à de bon foin ; à l’âge de trois mois, ils mangent 
de la paille d'avoine hachée, mêlée de turneps ; ensuite, 
on porte les turneps à une livre, jusqu’à l’âge d’un an; 


— 336 — 


au mois de mai, on les met à l’herbe, mais on les rentre 
à l’étable s’il ne fait pas chaud la nuit; en hiver, on leur 
donne des racines mêlées de paille hachée de manière à 
leur tenir le ventre libre sans être trop relächés ; ils man- 
gent deux fois par jour une bonne brouettée de turneps, 
pour deux veaux d’un an, avec une livre de tourteau 
pour chacun ; ils doivent avoir une épaisse litière dans 
leur étable. 


La Grande-Bretagne a importé dans l’année 1865 l’é- 
norme chiffre de 227,528 bêtes bovines adultes, c’est 
48,021 têtes de plus que l’année précédente; elle n’a 
guères importé que 6,000 veaux. Le nombre des bêtes à 
laine, agneaux compris, importées la même année, s’est 
élevé à 914,170 têtes, soit 417,927 de plus qu’en 1864. 
Elle a importé dans les deux années, seulement 41,451 
bêtes porcines ; 1l parait que les cochons du continent 
ne lui paraissent pas assez bien faits. 


Les bêtes à laine sont regardées comme s’accommo- 
dant plus facilement que les autres animaux au change- 
ment de climat et de nourriture, pour peu qu’on leur 
change souvent celle-ci, et qu’elle soit toujours suffisante. 
S'il s’agit du choix des espèces les meilleures, il faut ob- 
server que les bêtes à longue laine, qui ont un grand 
poids, ne conviennent que dans les pays très-fertiles et 
peu chauds, où elles peuvent se nourrir sans se fatiguer 
et sans souftrir de la chaleur; e’est dans ces pays que 
conviennent les dishley, cotswold et lincolnshire. Si 
les terres sont au contraire peu fertiles, et que les bêtes 
aient beaucoup à changer de place, il faut choisir des 
espèces actives et à toison moins lourde ; tels sont les 
southdown, encore mieux les shropshiredown, les hamp- 
siredown perfectionnés, enfin les oxfordshiredown ; ces 
derniers conviendraient mieux aux parties de la France, 
où il fait moins chaud, à cause du poids de la toison. 


— 337 — 


Résultat des ventes de bétail gras faites par M. Mac- 
Lennan, dans le courant de huit années. 


Vingt-quatre bêtes ont été vendues à environ un an 


dans la moyenne ALU TURN 275 fr. 65 c. 
Quatre jeunes bœufs ont produit chacun 

la somme de . . . . NUE METEO LO) D 250 
Trois jeunes vaches n ont produit qu' une 

moyenne de $ JUN R 488 » 
Vingt-neuf jeunes bœufs ont donné une 

Moyenne vs 0, ME . 578 » 
Quarante-une génisses ont produit une 

moyenne dé .-. "MER. AVE 73 » 


Ces cent une bêtes grasses, ‘tuées jeunes, ont produit 
une somme de 52,500 francs, leur prix moyen est res- 
sorti à 525 francs, les bêtes d’un an avaient été vendues 
trop tôt. 

Il existe dans la Grande-Bretagne, plusieurs sociétés 
qui avancent les sommes à employer aux améliorations 
agricoles de tous genres, comme drainages, irrigations, 
colmatages, formation des polders ou relais de mer, 
construction des bâtiments de culture, pour le défonce- 
ment des terres, construction de routes, chemins de fer 
fixes ou destinés à être facilement changés de place, pour 
achat de toutes espèces de machines, les appareils de cul- 
ture à vapeur compris ; ces sociétés reçoivent comme in- 
térèt annuel qui -amortit le capital en vingt-cinq années, 
167 fr. 50 c., pour chaque somme de 2,500 fr., c’est 
6 fr. 70 ec. 0/0 ; tout cultivateur qui fait une amélioration 
lui assurant un bénéfice de 8 à 10 0/9 et peut-être plus, 
a donc intérêt à emprunter à ces conditions, puisqu'il 
jouit d’un bénéfice et qu'après vingt-cinq ans, ilse trouve 
acquitté. Les conditions en France sont bien moins avan- 
tageuses : le crédit agricole francais prend einquante 
ans au lieu de vingt-ciuq, pour amener au même but. 

29 


— 338 — 


Engraissement des bêtes des anciennes races, à un äge 
mür, comparé à celui des jeunes bêtes croisées du- 


rham. 


Beancoup de cultivateurs routiniers élèvent encore 
d'anciennes races de bêtes à cornes, non perfectionnées 
par le croisement courtes-cornes, dit le journal agricole 
le Fermier d’'Edimbourg; 1s w’engraissent leurs bêtes 
qu’à l’âge de quatre ou cinq ans, pour les vendre à celui 
de six ou sept, à Londres, lors des fêtes de Noël. Ils n’en 
retirent le plus souvent que 875 francs, pour un poids de 
neuf cents ou mille livres; tandis que les fermiers qui 
marchent avec le temps, ont des taureaux courtes-cornes 
qui produisent avec des vaches angus, des bêtes de bou- 
cherie que l’on vend entre deux et trois ans; ces jeunes 
bêtes arrivent au même poids que les précédentes, qui 
cependant ont été nourries deux fois plus longtemps, et 
sont souvent vendues moins cher. Le journal cite à l’ap- 
pui plusieurs exemples : M. Morisson, boucher de Bauf, 
ville du nord de l’Ecosse, qui vient de vendre à Londres 
la carcasse d’un jeune bœuf croisé durham, dont le 
poids, à l’âge de vingt-quatre mois trois semaines, était 
de neuf cent cinquante livres, et dont la viande a été 
vendue au prix le plus élevé; M. Miïlnes, boucher à 
Aberdeen, qui a vendu deux génisses de deux ans, dont 
le poids net moyen, a dépassé huit cents livres. 


Bonne manière de faciliter la séparation de la crème du 
lait, en hiver. 


Une grande fermière du comté de Corf, en Irlande, 
se trouve à merveille de la recette suivante, qui lui a 
été donnée, 1l y a dix-huit ans, et que, depuis lors, elle 
a toujours employée avec suecès pour faciliter en hiver la 
séparation de la crème du lait. On ajoute au lait de la 


traite qu’on vient de faire, une fois que le lait est refroidi, 


— 339 — 


de la crème du jour précédent, dans la proportion d’un 
quart de la quantité du nouveau lait; on fait bien le mé- 
lange, et on verse le tout dans des vases plats, dont les 
meilleur s sont en verre de bouteille, mais assez épais pour 
les rendre moins casuels. 


M. Méchiest propriétaire et cultivateur d’une ferme de 
soixante-huit hectares de bruyères en terres fortes qu'il 
a défrichées il y a plus de vingt ans, après les avoir 
drainées et les avoir fortement chaulées ; il les fume de- 
puis lors abondamment ; sa récolte de paille, environ 
deux cents tonnes de mille kilos, est presque toute passée 
par le hache-paille et arrosée avec de l’eau bouillante, 
dans laquelle on a fait fondre un mélange de tourteaux 
de lin, de colza et de graine de coton; le tout est fer- 
menté, mêlé avec les racines; il nourrit avec cela des 
veaux croisés durham, achetés vers l’âge de quatre mois, 
au moment où ils viennent d’être sevrés ; ces jeunes bêtes 
sont vendues grasses, âgées d’environ vingt-quatre mois; 
cette bonne nourriture donne une masse d’excellent fu- 
mier, ce qui n’empèche pas M. Méchi d'acheter encore 
énormément de guano du Pérou, de nitrate de soude et 
d'os pulvérisés ; il fume l’hectare à raison de cinquante 
mille kilogrammes, et y ajoute cinq cents kilos de guano ; 
un bon D. lui ayant dit que le guano était de 
trop, il laissa un hectare sans cette addition de guano. 
Le résultat de cette expérience fut que cet kectare pro- 
duisit en moins une différence de douze mille kilos de 
betteraves; on aurait pu vendre ces betteraves 25 francs 
les mille kilos ; donc perte de trois cents francs. M. Mé- 
chi a fumé la seconde sole avec cent cinquante kilos de 
guano et cent cinquante kilos de sel de poisson. Cette 
sole a été ensemencée avec cent quatre-vingts litres d’a- 
voine par hectare ; l’hectare qui n’avait pas reçu les cinq 
cents kilos de guano au début de l’assoiement, donna sept 


— 340 — 


cent vingt litres de moins que les autres ; le même hec- 
tare, sur la troisième sole, fournit en trèfle une valeur de 
78 francs de moins en fourrage; on peut admettre en 
moins la même somme pour la paille de deux récoltes ; 
cinq cents kilos de guano coûtant pour achat et emploi 
156 francs, la prétendue économie des cinq cents kilos de 
guano sur un hectare, a fait perdre sur les récoltes de 
trois soles la somme de 300 francs. 


Augmentation du prix de la main-d'œuvre. 


M. Méchi en continuant sa lecture a dit que la main- 
d'œuvre avait énormément augmenté; les laboureurs 
mariés qui coûtaient il y a une douzaine d’années 
350 francs à 425 francs, avec le grain, la nourriture 
d’une vache, le logement, le enauffage, le jardin et le 
petitchamp pour pommes de terre, se paient maintenant 
500 et 600 francs, outre les mêmes avantages que c1- 
dessus, destinés à l'existence de la famille ; le haut prix 
des loyers est venu aussi augmenter les difficultés de ja 
position des fermiers ; pour vaincre ces inconvénients, 1l 
faut absolument arriver aux grandes améliorations dans 
la culture; une des principales est le drainage, là où il 
est nécessaire; mais comme cette amélioration est fort 
dispendieuse, elle devrait être faite par les propriétaires, 
et l'intérêt du capital de cette dépense, être payé par les 
fermiers ; ce serait le moyen de ne pas priver ceux-c1 
d’une forte partie de leur capital, qui est rarement assez 
considérable pour leur permettre de cultiver de manière 
à n’obtenir que de bonnes récoltes, autant du moins que 
la saison s’y est prêlée; c’est une chose indispensable 
dans la position actuellement faite aux cultivateurs, qui 
ne sont pas propriétaires, pour qu'ils puissent faire hon- 
neur à leurs engagements, vivre, élever leur famille et 
se faire une existence convenable pour leurs vieux jours. 
Maintenant, pour obtenir ces pleines récoltes, 1l faut la 


— 341 — 


bourer bien et profondément, habituellement, arriver le 
p'us tôt possible au défoncement de toutes ses terres, à 
commencer par les plus fortes; pour cela, il faut abso- 
lument employer le labour à vapeur, qui fait infiniment 
mieux et à bien meilleur compte ; 11 faut en outre, les 
machines agricoles les meilleures, afin de diminuer au- 
tant que possible la main-d'œuvre qui est très-onéreuse ; 
ces machines sont faucheuses, faneuses, si le fermier a 
beaucoup de prés; dans le cas contraire, des moisson- 
neuses-faucheuses peuvent suflire, car elles coupent à 
merveille les prairies artificielles, de même que les cé- 
réales ; 1l faut encore des râteaux à cheval et des semoirs 
à engrais liquide et pulvérulent, pour semer en lignes 
assez distantes, pour bien employer les houes à cheval 
et bien enterrer les semences, tout en économisant au 
moins la moitié, ce qui contribue aussi à assurer les 
bonnes récoltes. 

Ces machines exigent un énorme déboursé que peu 
de fermiers seraient en état de faire, s’il n’existait pas 
maintenant bien des sociétés qui avancent aux ceultiva- 
teurs améliorateurs de bon renom, l’argent nécessaire 
pour solder les machines acquises; elles le font au moyen 
d’un intérêt de moins de 7 0/g, amortissant le capital en 
25 ans; cet intérèt, les machines bien choisies et placées 
en bonnes mains, l’économiseront grandement sur la 
main-d'œuvre de la culture, sans compter qu’elles feront 
gagner beaucoup au cultivateur, par la meilleure et plus 
prompte exécution des travaux, faits à propos et en temps 
propice. 

A tout cela, 1l faut ajouter les chaulages et l'emploi de 
forts suppléments de famure, en guano, nitrate de soude 
et de potasse, phosphates fossiles et autres, sulfate d’am- 
moniaque et autres matières fertilisantes. Ajoutons en- 
core, dit M. Méchi , que le bétail choisi parmi les meil- 
leures races, paye infiniment mieux la nourriture qui lui 


= BD — 


est donnée et que sa grande précocité fait plus tôt ren- 
trer les avances faites pour son élevage et son engraisse- 
ment; les bons soins pour nourrir et loger le bétail, 
apportent aussi une grande économie dans cette partie 
de la culture; surtout si l’on fait passer tous les fourrages 
verts ou secs par le hache-paille; enfin, le choix des 
bonnes semences est encore une chose à ne pas négliger. 


Froment semé au semoir à raison de vingt-cinq litres à 
l’'hectare, en septembre. 


M. Méchi a dit encore que depuis trois ans il sème 
son froment à raison de vingt-cinq litres par hectare, à 
condition de pouvoir le faire de bonne heure, c’est-à- 
dire dans le courant de septembre ; il a eu soin en même 
temps de semer quelques portions du même champ à 
raison de cent quatre-vingts litres, comme c’est assez Pu- 
sage dans ses environs; chaque fois, les parties des 
champs semés à cent quatre-vingts litres l’hectare, ont 
donné infiniment moins que ceux qui n’avaient recu que 
vingt-cinq litres de semence de froment par hectare ; la 
moyenue de sa récolte des années 1864 et 1865, a été de 
plus de quarante-neuf hectolitres par hectare ; mais 
en 1866 il n’a eu qu’une moyenne de trente et un hec- 
tolitres 50 litres ; une bonne partie du champ de fro- 
ment, semé à vingt-cinq litres l’hectare, se trouvait en 
terre légère et la récolte a été faible, tandis que la terre 
forte a produit trente-cinq hectolitres quatre-vingt-dix 
litres. 


Chaulage des pâtures de montagnes en Ecosse. 


x 


Un fermier écossais a rendu compte à son club, qu’il 
a labouré les parties de ses pâtures à moutons partout 
où les charrues ont pu fonctionner, et qu'il y a appliqué 
quinze tonnes de chaux par hectare ; cette opération lui 
est revenue à 280 fr. à l’hectare ; cette même étendue 


— 343 — 


nourrit maintenant dix bêtes cheviot par hectare, mieux 
qu’elle n’en nourrissait deux têtes et demie précédem- 
ment ; et elles s’y portent mieux aussi. 


Journal de Bonn-sur-le-Rhin. 


M. Hartstein, directeur d’une des trois fermes régio- 
nales de Prusse, à Bonn, dit dans le journal de la Société 
centrale de la Prusse rhénane, du mois d'août 1867, que 
diverses faucheuses avaient été essayées il y a quelques 
années ; on n’en avait pas été satisfait, alors; mais la 
faucheuse de Samuelson, perfectionnée, qu’on vient de 
se procurer cette année, a complétement répondu à son 
désir ; il croit donc pouvoir la recommander; elle a 
coûté, prise à Londres, 482 fr. 50 ; M. Hartstein ajoute 
qu’il a fauché plusieurs fois, en un jour, plus de six 
hectares d’un trèfle très-épais et mêlé de ray-grass. 


Engrais pour les vignes, de MM. Albert à Amôneburg 
près de Caste, je crois, Prusse rhénane, en tout cas, non 
loin des bords du Rhin. Ce monsieur a prié les personnes 
à qui il avait fourni de son engrais, depuis plusieurs an- 
nées, de dire ce qu’elles en pensaient, en adressant leurs 
réponses à l’éditeur du journal de la Société centrale de 
Bonn ; un grand nombre de propriétaires de vignes, au 
nombre desquels plusieurs personnes titrées se trouvent, 
ont répondu ; v@ici ce que j'ai cru devoir rapporter de 
leurs réponses. L'un de ces messieurs dit qu’il a acheté 
au printemps 1864, cent livres prussiennes équivalant à 
environ soixante kilos, au prix de 11 fr. 40 environ le 
quintal prussien. Celte quantité d'engrais a servi à fumer 
trois cents ceps formés de deux branches, qui ont eu, 
avec cela, un demi-arrosoir de purin ; trois cents autres 
ceps recurent chacun un arrrosoir entier de purin, mais 
sans engrais ; le feuillage des premiers ceps a été pen- 
dant trois années consécutives bien plus vert; les grappes 


— 344 — 


en ont été plus longues et les grains de raisins plus gros; 
la maturité a été plus hâtive de dix jours, et les feuilles 
ont duré une dizaine de jours de plus que les autres. Le 
vin a été meilleur et plus abondant, et l'effet de cet en- 
grais, se remarquait encore fort bien à la troisième 
année. 

Un autre viticulteur dit qu’il a employé une livre de 
l’engrais en question pour quatre ceps et que cela a pro- 
duit pendant trois ans le même effet qu’une fumure or- 
dinaire; mais on ne fait pas connaître la quantité de 
fumier. 

Une personne qui a été régisseur et qui est aussi 
mécanicien, a été envoyée à Paris par la Société 
centrale de la Prusse rhénane, pour prendre des 
notes sur les choses qui intéressent l’agriculture ; j'ai 
lu deux de ces lettres qui me donnent bonne opinion 
de son jugement; cette personne dit qu’elle s’occupe 
principalement de ce qui peut être utile aux moyens 
et aux petits cultivateurs qui couvrent, en grande partie, 
les terres de la Prusse Rhénane; elle pense que les 
riches propriétaires qui s'occupent de l’agriculture, ne 
manqueront pas de venir voir eux-mêmes ce qui peut 
leur convenir. Elle admire beaucoup les chevaux d’om- 
mbus, et dit que la compagnie générale des omnibus a 
quinze mille de ces beaux et bons chevaux, forts et lé- 
gers, qui valent de 1,000 à 2,000 fr. la pièce. Elle a 
beaucoup apprécié les séparateurs de grains ou trieurs ; 
elle a singulièrement approuvé la baraîte atmosphérique 
de Clefton, qui se paye depuis 5 fr. pour faire une demi- 
livre de beurre, jusqu’à 35 fr. pour en faire 16 livres, en 
dix ou quinze minutes, ce qu’il a lui-mème exécuté. 
Cette personne a beaucoup admiré une grande quantité 
de machines à battre ; elle cite MM. Libardon demeurant 
rue du Champ-de-Mars, 15, à Puteaux, qui a inventé de 
petits tuyaux en argent, dont le prix est de 8 fr. les 


quatre ; on les introduit dans les quatre trayons du pis 
de la vache, et en cinq minutes, tout le lait contenu dans 
le pis se trouve extrait; lobservateur en question sa- 
chant traire, s’est assuré qu’il ne restait rien dans le pis, 
ce qui prouve le mérite de cette iuvention ; les cultiva- 
teurs savent combien il est difficile d'arriver à extraire 
tout le lait du pis, et que c’est la meilleure partie du lait 
qui y reste lorsqu'on ne trait pas bien ; une femme de 
force ordinaire, ne parvient pas aisément à bien traire ; 
on sait aussi que si les vaches ne sont pas traites à fond, 
leur lait diminue. 

M. P. N. Fenser cite une invention d’un M. Colladon, 
professeur de Technik, à Genève, qui consiste en une 
roue à eau qu'il nomme roue flottante ; avec cette roue 
et un tuyau, on peut élever de deux cents à trois cents 
litres d’eau par minute, jusqu’à la hauteur de quarante 
et même soixante pieds. Cette roue flottante, ainsi que 
toute la machine, est faite en fer, et l’inventeur se charge 
de la monter pour 1,500 à 3,000 fr.; cette machine peut 
être facilement changée de place, 

M. Fenser approuve beaucoup une invention d’un 
sieur Pawels, chaudronnier, rue Saint-Sébastien, 35 à 
Paris, qui permet de détruire aisément les chenilles et 
autres insectes de tous genres si nuisibles aux arbres 
fruitiers de moyenne taille, en les enfumant avec du ta- 
bac brülant. L’inventeur assurait qu’il existe de ses ap- 
pareils dans tous les jardins des palais impériaux, et chez 
beaucoup de grands personnages. 

Bien des communes de la Prusse Rhénane ont éprouvé 
des pertes très considérables, par suite de taureaux mal 
choisis et mal nourris. Des cultivateurs sont chargés 
d'entretenir ces taureaux appartenant à la commune, 
moyennant une certaine somme par taureau ; trop sou- 
vent les vaches ne se trouvent pas pleines ; les abus de 
toutes sortes dont eurent à souffrir ces communes, les 


— 346 — 


ont amenées à créer des étables pour tenir leurs taureaux 
et à les faire soigner par un bon vacher; la ville de 
Wittlich entr’autres, non loin de Trèves, a fait construire 
en 1865, une étable où on tient quatre taureaux néces- 
saires pour les quatre cent vingt vaches à lait enirete- 
nues par la ville; sur ce nombre quatre-vingt-dix 
vaches sous l’ancien régime n'avaient pas retenu, ce qui 
avait amené une perte estimée 11,235 fr., en n’évaluant 
la perte des veaux qu’à 20 fr., ear ils sont vendus à 
quinze jours. L’étable a été très-bien construite; une 
petite cour entourée de murs, sert pour faire le saut ; il 
y a un grenier à foin et un autre, pour l’avoine ; et une 
place à fumier où les urines s’écoulent. 


Cette ferme si bien construite a coûté . 8,360 fr. 
Les ustensiles nécessaires dans létable 
SORT TEVERUS ER RL 3 380 


L'achat de quatre taureaux choisis dans 
le pays, avec deux veaux venus de Suisse, 


a forméaune Sonimerte Me Ce CON A UU 
Le vacher est logé et chauffé et gagne . 120 
11,545 fr. 


On alloue par jour, à chaque taureau adulte, six livres 
d'avoine, seize livres de foin et dix livres de paille; les 
veaux mâles achetés à dix mois, reçoivent un peu moins 
de nourriture ; on donne aussi pour 25 fr. de sel. En 
ajoutant 5 0/9 de la dépense générale à 112 fr. et en dé- 
falquant la valeur du fumier et celle du purin qu'on 
estime ensemble à mille deux cent cinquante quintaux 
de livres, valant 577 fr., la dépense totale, intérêt com- 
pris, laisse un bénéfice, lors de la revente des taureaux, 
lorsqu'ils sont âgés de quatre ans; ce bénéfice suflira 
pour payer les pertes qui peuvent subvenir ; l'entretien 
de ces six bêtes revient à 2,625 fr., le 1/6 à 437 fr. 50 e. 


— 347 — 
Engrais convenable au trèfle d'après Woelker. 


En terres légères, il faut pour un hectare, deux cent 
soixante-cinq kilos de superphosphate, et deux cent 
vingt kilos de guano ou bien le mème poids en nitrate de 
soude et cent quarante kilos de potasse ; cela me semble 
une erreur en trop. Le même auteur dit que pour terres 
argileuses, il faut deux cent soixante-cinq kilos de su- 
perphosphate et deux cent soixante-cinq kilos de nitrate 
de soude. 

Il conseille, pour des pâtures, deux cent soixante-cinq 
kilos d’os en poudre, cent quarante kilos de potasse, 
cent quarante kilos de superphosphate et cent quarante 
kilos de guano. 

Le raisin sauvaguin, aussi salvagnin, qui fait les bons 
vins blancs du Jura, n’est pas le sauvignon de la 
Gironde, ni le pineau blanc de la Côte-d'Or. 

Ces bons vins blancs du Jura, qu’on appelle aussi vins 
jaunes ou de garde, se vendangent tard, vers la Tous- 
saint; il produit de la pressée de topaze, le vin célèbre de 
Château-Chälons, dont on dit la durée inconnue ; on en 
a eu de cent ans ; le véritable vin passablement vieux 
vaut facilement 20 fr. la bouteille; le sauvagnin mêlé 
avec du gamay blanc ou Melun, donne d’excellent vin, 
riche, savoureux, charnu, embaumé et capiteux. 


Mais géant pour fourrage. (Journal Barral du 
21 mai 1867, page 354.) 


M. Havio, propriétaire à Villeneuve-le-Roï, a pu- 
blié dans le journal de M. Barral, un excellent article 
sur le maïs qu'il nomme géant; il ne dit pas si c’est 
celui appelé dent de cheval, et cultivé depuis longues 
années dans le nord de la Prusse. En 1853, j'ai rapporté 
en France quelques kilos de ce maïs, que j'avais achetés 
à Hambourg qui le fait venir, chaque année, de l’A- 


— 348 — 


mérique du sud. J'ai distribué ces graines entre plu- 
sieurs agriculteurs qui malheureusement ont bientôt 
oublié ce fourrage; et cependant la graine en arrive à 
maturité en Touraine. Depuis quelques années, on 
cultive aussi en France le maïs Caragua et celui de 
Cuzco, en même temps que celui dent de cheval ; je les 
ai vus tous les trois chez mon ami M. Allibert, à Mont- 
chenin, près Cormerie (Indre-et-Loire), à six lieues de 
Tours, sur la route de Loches. M. Allibert les avait 
semés d'abord à la volée, et plustard en lignes séparées 
par un mèire cinquante entr’elles. En 1867, je m’ai 
retrouvé chez M. Allibert que le maïs dent de cheval; 
les gelées sont arrivées avant que les graines fussent 
mûres; J'ai conseillé à mon ami d’imiter ce qui se fait 
en cas semblable, dans PAmérique du nord. On coupe 
les tiges près terre, et on les met en moyettes dans un 
lieu couvert et aéré; j'ai appris depuis que M. Allbert a 
pu ainsi obtenir de la graine parfaitement mûre; mais 
comme la quantité conservée, était très faible, il a faliu 
en acheter au printemps suivant. 

J'ai vu à Pexposition, en avril, des épis de maïs dont 
la grosseur, la longueur, et la beauté étaient extraordi- 
naires; ces maïs étaient exposés par des Américains de 
PIllinois, qui, malgré mes sollicitations renouvelées, se 
sont refusés à m’en céder, me renvoyant à la fin de ex- 
position. Cependant l’un d’eux, avec qui j'avais causé 
agriculture, m'a offert un bel épi coloré jaune et rouge, 
au moment où je le saluais pour le quitter; cet épi 
contenait cinq cents grains, que J'ai distribués, par dix 
grains, dès le commencement de mon voyage, à partir 
du 10 mai; j’en ai même expédié par lettres à diverses 
personnes; dans le midi, je les envoyais pour qu’ils pus- 
sent fournir de la graine; dans le nord c’était dans le but 
de les faire connaître aux cultivateurs de ces contrées, 
qui apprendront, je l’espère, à estimer et à apprécier ce 


ns TE 


fourrage aussi excellent qu'abondant, A la fin de Pexpo- 
silion j'ai pu acheter une certaine quantité de ces mais 
de l’'Nlinois, et d’autres encore de l’Italie et de la Rou- 
manie; j'ai renouvelé alors une distribution de graines 
à environ deux cents personnes. Au printemps comme à 
l’automme, j'ai donné une assez grande quantité de 
grains de ses maïs à deux personnes, M. de Gasquet et 
M. P. Allibert. M. de Gasquet est directeur de la ferme 
école du Var; il m'a informé depuis que les grains que 
je lui avait donnés au printemps, avaient parfaitement 
müri chez lui, aussi bien que ceux du maïs dent 
de cheval qu’il cultive depuis deux ans. M. Allibert m’a 
dit de son côté que le maïs de l'Illinois avait müri chez 
lui, tandis que le maïs dent de cheval était encore en 
lait, au moment des gelées; il est vrai que ce dernier 
maïs avait été semé plus tardivement. Les années pré- 
cédentes, 1l avait parfaitement müri, quoique semé en 
lignes épaisses pour fourrage. M. Allibert est toujours 
enchanté de ce maïs qui lui permet avec un hectare et 
demi de nourrir à létable, et sans autre nourriture 
pendant plus de deux mois, près de quarante bêtes à 
cornes, de tout âge. 

Mais je reviens à l’article publié dans le journal de 
l’agriculture. M. Havin dit qu’il a récolté par hectare 
de cinquante à soixante et mème une fois soixante cinq 
hectolitres de maïs. Depuis les expériences qu’il a faites en 
1852, 1l considère le maïs géant, comme le fourrage vert 
le plus abondant et le meilleur pour le bétail ; il le donne 
depuis le 15 juillet jusqu’à la fin de novembre; dès que 
ses vaches en recoivent, leur lait augmente en qualité et 
en quantité, et il en obtient plus de beurre. 

Voici les conseils que donnent M. Havin, M. de Gas- 
quet et quelques autres cultivateurs, pour la culture de 
ce maïs. Il faut labourer en novembre après application 
d’une forte fumure, à vingt-cinq ou trente centimètres 


— 390 — 


de profondeur, la terre qui lui est destinée. Quand on 
veut obtenir de la graine, on sème du 1'7 au 20 avril, à 
soixante centimètres en tous sens. Quand on veut du 
fourrage, on sème au semoir en ligne distante d’en- 
viron quarante-cinq centimètres; en semant à cette dis- 
tance sur billons, on facilite beaucoup les binages dont 
le premier se donne quand les plantes ont quinze à vingt 
centimètres de hauteur. Il est bon de semer tous les 
dix ou quinze jours; si on le peut, on sème d’abord en 
terrain sec et chaud, et ensuite en terre de plus en plus 
fraiche, à mesure qu’on avance dans la saison. Le maïs 
peut être donné aux animaux dès que lépillet se 
montre; mais il est bien meilleur et bien plus nourris- 
sant, quand les épis sont formés. 

M. Havin continue cette culture dans le même enclos, 
depuis douze ans, je crois; il conseille de nombreux bi- 
nages et un fort buttage; il arrose avec du purin de 
vache, additionné de tourteaux de colza, dans la propor- 
tion de dix kilos par hectolitre ; après cinquante heures 
de fermentation, il répand par pied un litre de ce mé- 
lange et il butte: il coupe les rejets du pied et il sup- 
prime la tête au deuxième nœud au-dessus de lépi le 
plus haut, quinze jours après la floraison; ces parties 
supprimées sont données au bétail; si on avait à 
craindre une maturation difficile, il serait bien de 
supprimer toutes les feuilles qu’on donnerait aux ani- 
maux. 


LETTRES ET RAPPORTS. 


Lettre de M. Fontbelle à M. de Gourcy. 


Echérat par Bellac (Haute-Vienne), 16 février 1868. 


Cher Monsieur, 


La variété aussi bien que la justesse de vos questions 
agricoles me prouvent surabondamment que vous ne 
vieillissez pas et cela au grand profit de l’agriculture. 
Quant à moi je puis vous affirmer que J'éprouve un 
grand plaisir à m’entretenir avec vous des choses qui 
concernent ma culture; aussi je m'empresse de répondre 
aux questions que vous voulez ‘bien m'adresser à ce 
sujet. 

Mes trente animaux gras, dont quatorze génisses, ont 
produit 530 francs en moyenne par une vente du reste 
très-mauvaise. C’est en vain que je vous ai cherché au 
concours de Poissy pour vous serrer la main el vous les 
montrer. Depuis plusieurs années je conduis toujours 
au concours une bande de jeunes bœufs qui, malgré une 
graisse supérieure, luttent en vain contre les bandes de 
gros bœufs hors d’âge mais d’un grand poids, et cepen- 


— 352 — 


dant il me semble que lexhibition d'animaux jeun:s est 
un meilleur enseignement de production de viande éco- 
nomique, que celle de vieux animaux dont l’engraisse- 
ment n’est pas du tout rémunérateur. Tous les engrais 
seurs achètent en général de vieux animaux dans les 
foires et les engraissent souvent avec perte. Voilà donc 
une mauvaise voie dans laquelle on pousse l’agriculture 
en primant uniquement les bandes de vieux bœufs; on 
devrait au moins faire comme dans toutes les autres 
classes deux catégories, bandes de vieux et bandes de 
jeunes. Il y a six prix alloués, eh bien ! ne devrait-on pas 
donner trois prix aux uns et trois aux autres? J’ai tout 
dernièrement signalé le fait au directeur de l’agriculture, 
et si vous partagez ma manière de voir, ne pourriez-vous 
pas de votre côté faire quelque chose au ministère ? Votre 
parole, plus autorisée que la mienne, serait certainement 
mieux écoulée, et ce serait, je crois, une excellente chose 
que de combler cette lacune regrettable dans le pro- 
gramme. 


Bellac, 7 février 1868. 


Monsieur le comte, 


Une absence motivée par le mauvais état de ma vue 
m'a empêché de répondre à votre aimable lettre du 
5 janvier, et de vous remercier des bons souvenirs que 
vous avez bien voulu conserver de votre visite en Li- 
mousin. Je vous sais gré des renseignements que vous 
voulez bien me donner sur la culture du département 
de PAller, et particulièrement sur les opérations 
de MM. de Vaulx frères, qui m’intéressent d’autant 
plus qu’elles se rapprochent par plus d’un côté de ma 


— 353 — 


manière de faire; non-seulement nous pratiquons la 
même industrie, mais je tiens indirectement de ces 
Messieurs, que je ne connais pas, la pratique de emploi 
des fumiers après au moins un mois de séjour sous le 
bétail, conduit directement de l’étable sur les champs, 
méthode dont j'ai de plus en plus à m’applaudir. 

Quant à ma petite exploitation de Bellevue, à la- 
quelle vous voulez bien attribuer plus d’importance 
qu’elle ne le mérite, je ne puis mieux faire pour com- 
pléter les renseignements que vous me demandez, et vu 
limpossibilité où je me trouve de compulser moi-même 
ces renseignements et de les écrire, que de vous adresser 
le rapport présenté en 1865 à la Société d'Agriculture 
de la Haute-Vienne, à l’occasion d’un concours pour 
une prime d'honneur départementale. Ce rapport se 
trouve dans un journal local que vous recevrez par le 
mème courrier, et comme je n’en possède pas d’autre 
exemplaire, je vous prie de vouloir bien me le renvoyer 
lorsque vous y aurez puisé les renseignements que vous 
désirez. Comme ce document date de plus de deux ans 
déjà, je dois ajouter que j'ai continué avec succès les 
mêmes opérations, et que les produits nefs de cette pro- 
priété de vingt-neuf hectares représentant un capital de 
30,000 fr. éout compris, ont été : 


Année 1865 de 2,993 fr. 
— 1866 de 2,851 
07 de 2 676. 


Dans le produit brut, le profit des étables de croisés 
durham, a été : 
Année 1865 3,790 fr. 
— 1866 3,769 
— 1867 3,569 


Dès aujourd’hui je puis considérer comme certain que 
ce produit pour l’année 1865 dépassera 4,500 francs. 
; 23 


— 354 — 
Voici la situation des étables au 1° janvier 1868. 


7  bœufs de vingt-neuf à trente-trois mois, durham 
Limousins, du poids moyen de six cent seize 
kilos, à l’engrais pour être vendus, en février 
au prix moyen de 500 fr. 

2 vaches de quarante-deux à quarante-huit mois, 
durham Limousins, du poids moyen de cinq 
cent soixante-dix kilos, à l’engrais pour être 
vendues en février au prix moyen de 500 fr. 

6 vaches limousines. 

3 vaches durham. 

Ces neuf vaches font tous les travaux. 
11 veaux ou génisses de six à huit mois. 
11 veaux ou génisses de dix-huit à vingt mois. 


40 têtes pesant ensemble approximativement douze 
mille kilos. 

Une truie, et huit jeunes porcs à l’engrais. 

J’ai communiqué votre lettre à M. Fontbelle qui m'a 
dit avoir recu votre lettre, et y avoir répondu en son 
temps ; il doit vous écrire de nouveau. 

Je veux vous remercier de deux paquets de vos publi- 
cations, qui m'ont été adressés de Paris; elles seront dis- 
tribuées par les soins du Comice agricole, et s’il y a lieu 
je ferai une nouvelle demande au moyen du bon que 
vous avez bien voulu m'envoyer et que je conserve. 

M. Dubreuil de Limoges, auquel j’ai transmis votre 
bor souvenir, continue la culture que vous avez visitée, 
sur sa terre de Bréjoux, commune du Vigen, dans le 
voisinage de M. Michel. 

Veuillez agréer, Monsieur le comte, l’assurance de 
mes sentiments très-affectueux. 


Es. pes TERMES. 


D — 


Note sur la terre de Lyonne (Allier), et la vacherie 
composée d'animaux de la race Durham pure (1867). 


La terre de Lyonne est située dans la commune de 
Cognat-l Yonne (Allier), canton d’Escurolles, arrondis- 
sement de Gannat. Elle est traversée par la route impé- 
riale n° 9 (bis), de Gannat à Vichy; à six kilomètres de 
Gannat, et à un kilomètre de Monteignet, station du 
chemin de fer de Paris à Lyon et à la Méditerranée. La 
commune est enclavée, comme plusieurs des communes 
qui l’avoisinent, dans le riche bassin qui s’étend depuis 
Clermont-Ferrand, et se prolonge dans l'Allier sur une 
certaine longueur. La terre est en général forte et pro- 
fonde, le sous-sol calcaire. Sur toute la propriété de 
Lyonne, les récoltes sont belles et les plantes fourragères, 
les prairies artificielles s’y développent avec vigueur. La 
propriété de Lyonne, proprement dite, en mettant de 
côté la terre de Rilhat, qui en est en quelque sorte la con- 
tinuation, située dans la même commune, se compose : 

1° De six domaines principaux, contenant chacun en- 
viron quarante-cinq hectares ; 

2° De cinq locations, d'environ chacune onze hec- 
tares ; 

3° De cinq maisons d’ouvriers avec leur jardin ; 

4° De quarante-six hectares de terre loués à divers, 
par portions plus ou moins étendues. 

Sur les quarante-six hectares, vingt-quatre hectares 
sont affermés au même cultivateur ; le reste est divisé en 
nombreuses parcelles, dont la plus minime est de qua- 
rante ares environ. La terre de Lyonne se complète par 
une réserve qui entoure l'habitation du propriétaire, 
M. le marquis de Montlaur. Cette réserve renferme à peu 
près quarante hectares. Jusqu'au 11 novembre 1853, la 
terre de Lyonne a été exploitée par un fermier général, 


— 356 — 


qui en avait l’entière jouissance, sauf le jardin d’agré- 
ment, le potager et une partie du parc qui n’avait guère 
alors que le tiers de la contenance actuelle. Le fermier 
jouissait, en outre, de toutes les granges et greniers, si- 
tués dans la cour même de l'habitation. Dans cette situa- 
tion, il était impossible que le propriéraire songeât à in- 
troduire par lui-même aucune modification dans l’exploi- 
tation. Il dut attendre la terminaison d’un bail de neuf 
années, qui avait commencé à courir à son arrivée dans 
cette propriété, et qui expirait, on vient de le dire, à la 
fin de 1853. Depuis cette époque, jusqu’en janvier 1855, 
le prepriétaire, libre alors de tout engagement, s’occupa 
de faire exécuter dans les divers domaines, les réparations 
urgentes ; les domaines étaient, en effet, pour la plupart, 
dans un état de délabrement déplorable. Il construisit 
des granges, en allongea et en exhaussa d’autres, les 
modifia toutes, restaura les écuries qu’il disposa de ma- 
nière à faciliter les soins à donner aux animaux, établis- 
sant entre les deux rangées de crèches un couloir assez 
large pour y déposer les fourrages. Il refit les toitures, 
en un mot, acheva tous les travaux possibles en un si 
court espace de temps. En 1853, la propriété avait été 
divisée comme il a été dit plus haut, les métayers du 
précédent fermier général étaient devenus fermiers à 
leur tour. Il est inutile d’entrer dans aucun détail sur le 
fermage et de donner des chiffres, puisqu'il ne doit être 
question dans cette note que des amélicrations qui ont 
été introduites dans la réserve du propriétaire. A joutons 
cependant, ayant de nous renfermer spécialement dans 
l'examen de cetie partie de la propriété, assez restreinte 
par rapport au reste, qu'au moment où il retrouvait la 
libre disposition de sa propriété, relevant les bâtiments 
et changeant le mode d’exploitation dans un sens plus 
avantageux, le propriétaire entreprenait une opération | 
qui donnait à la terre une plus-value assez considérable, | 


— 397 — 


et augmentait de la contenance d’un domaine, les terres 
en culture. Au point de jonction des trois communes 
d’Espinasse-Vezolle, d'Escurolles et de Cognat-Lyonne, 
M. de Montlaur possédait un bois, taillis et vieille écorce, 
d'environ quarante-deux hectares. Ce bois, implanté 
dans une terre forte, ne donnait que des produits peu 
propres à l'ouvrage, cassants, d’une nature tout-à-fait 
inférieurs, et dont le revenu ne pouvait être porté à plus 
de 900 francs par an. Ce bois avait été vendu en 1848 ; 
il était donc fort peu àgé, et sauf les réserves, n’avait 
pas, malgré son étendue, une bien grande valeur. M. de 
Montlaur en demanda le défrichement et obtint. Un 
cultivateur des environs entreprit cette opération, et 
s'engagea à rendre, au bout de trois années, le bois ar- 
raché, le errain défoncé et prêt à être mis en culture, 
puis à verser en outre, la somme de 20,000 francs. Au- 
jourd'hui, ces quarante-deux hectares portent des ré- 
coltes remarquables, et sauf quelques travaux d’assai- 
nissement qu'il s'agissait de compléter, et qui sont déjà 
commencés, travaux, au reste, de peu d'importance, 
cette partie de la terre de Lyonne peut être regardée 
comme égalant les autres domaines qui lavoisinent. Si 
donc, pour rester dans des prix inférieurs aux prix 
réels, on fixe l’hectare à 100 francs, on arrive à un re- 
venu de 4,200 francs; si on y ajoute l'intérêt des 
20,000 francs payés par l'entrepreneur du défriche- 
ment, acquéreur du bois, on atteint le chiffre de 
5,200 francs. L'opération était donc bonne à tous les 
points de vue; elle augmentait d’une manière sensible le 
revenu, et utilisait un sol dont jusque-là on avait trop 
méconnu la valeur réelle, ou que du moins, on avait 
incomplètement utilisé. 

Dans un voyage fait en Angleterre il y a une douzaine 
d'années, M. de Montlaur avait été frappé de la voie dans 
laquelle était entrée l’agriculture de ce pays ; il avait pu 


— 398 — 


se rendre compte de la précocité des races qu’on y élève et 
surtout de la race durham, race de boucherie par excel- 
lence. Cette race se prête plus que toute autre à la stabu- 
lation permanente, et sous le rapport de la croissance 
rapide, de l'aptitude à l’engraissement, elle les dépasse 
toutes, on le sait. Il lui sembla que, mieux que pas une, 
elle pouvait convenir à sa propriété. Puis, son but n’était 
pas seulement d'élever des animaux de boucherie ; il vou- 
lait aussi, bien convaincu par les études auxquelles il s’é- 
tait livré des avantages de la race durham, former dans le 
départementune écurie où les éleveurs et propriétaires qui 
pensent que le salut de agriculture, aujourd’hui, où le 
prix du blé ne paraît guère pouvoir se relever, est dans 
la production de la viande, fussent assurés de trouver des 
animaux de race pure, qu’ils ont tant de peine à se pro- 
curer avec toutes les garanties désirables. Il voulait en 
un mot, tenter ce qui a été fait avec succès dans d’autres 
départements, par des éleveurs dont le nom, depuis un 
certain nombre d’années, a retenti dans tous les con- 
cours. L'exposition internationale qui eut lieu en 1855, 
ne servit qu’à le confirmer dans cette idée ; il se décida à 
acheter en Angleterre, un taureau et deux génisses, Le 
taureau fut choisi chez l’illustre et regretté Jonas Webb, 
de Babraham (Cambridgeshire) ; les deux génisses pro- 
venaient, l’une de la vacherie de M. William Sanday, à 
Holme-Pierrepoint, l’autre de Pétable de M. John Webb, 
Horse-Heath, deux écuries en renom. Inutile d’ajouter 
que ces trois animaux étaient d’un sang très-pur, des- 
cendant des meilleurs représentants de la race durham, 
et inscrits au herd- book anglais. Peu de mois après, il 
leur adjoignait une vache, aussi de pur sang, née à la 
vacherie de Mably. Telle est l’origine de l’étable actuelle 
de Lyonne. 

En août 4855, au moment où M. de Montlaur impor- 
tait le taureau angjlais dont il a été question plus haut, 


— 399 — 


le cheptel de la réserve de Lyonne, se composait de 
treize animaux, estimés dans l'inventaire dressé alors, 
3,225 francs. 

Les vaches charollaises avaient de belles formes, et de- 
vaient avec le taureau durham, blanc comme elles, 
donner d’excellents produits. M. de Montlaur, on le sait, 
avait acheté son premier taureau en 1855, et la même 
année les deux vaches anglaises ; l’année d’après la vache 
durham de Mably. Depuis lors, jusqu’à ce jour, il a 
acquis successivement : 

Tristan, à la fin de 1856 ; 

Quadrilatère, en 1859 ; 

Nicolas, en 1860 ; 

Uranus, en avril 1865, à la vacherie impériale de Cor- 
bon. 

Enfin cette année, au domaine impérial de Pompadour 
(Corrèze), où ont été transportés les animaux de la race 
durham pure, si remarquables de Fouilleuse : 

1° Agénor, âgé de deux ans; 2° Eugène; 3° Bertrand, 
tous deux âgés de huit mois (juillet 1867), et promettant 
des reproducteurs hors ligne. Eugène est petit-fils du 
quatrième, Duc of Athol et Bertrand, petit-fils de 
Mr Butterfly, quatrième. 

Il n’a pas été acheté d’autres animaux de pure race 
anglaise. 

De 1855 à 1865, avec les seuls éléments qu’on vient 
de signaler, le chiffre des animaux ayant figuré ou figu- 
rant encore dans la vacherie, s’est élevé à quatre-vingt- 
seize, comprenant cinquante-cinq animaux de pur sang 
durham et quarante-six animaux croisés durham. À me- 
sure que les animaux de pur sang, dont plusieurs ont 
figuré avec honneur dans les concours, augmentaient en 
nombre, on a vendu ou mis à l’engraissement les ani- 
maux de demi sang, et cette année même, à Poissy, lun 
d’eux a obtenu un troisième prix de 1,300 francs, dans 


— 360 — 


la, catégorie si bien composée des bœufs de moins de 
quatre ans. Présenté huit jours avant à Châteauroux, il 
avait obtenu le deuxième prix, disputant la coupe à l’ad- 
mirable animal présenté par M. Tiersonnier (de la Niè— 
vre). Il a été vendu quarante-trois animaux de demi- 
sang dont la vente s’est élevée au chiffre de 16,640 francs 
et vingt-deux animaux de pur sang, ayant produit 
13,470 francs, ce qui donne par tête une moyenne de 
612 francs. La moitié de ces animaux, vendus comme 
reproducteurs, n'avaient pas plus de cinq à six mois; 
l’un des taureaux, après avoir été engraissé, a été vendu 
à Poissy 1,300 francs; un autre de dix-huit mois, 
1,000 francs; plusieurs, de 900 francs à 800 francs. En 
additionnant les ventes des animaux de pur sang et des 
croisements, on atteint la somme de 29,885 franes. De 
1865 à cette année- c1 1867, les ventes ont été toujours 
en croissant, et les espérances qu’on était en droit de 
concevoir en 1868, se sont réalisées complétement. En 
défalquant le chiffre du cheptel primitif, qui est de 
3,225 francs et le chiffre des achats, qui s'élève à 
9,260 francs, c’est-à-dire 12,485, il reste pour le béné- 
fice net de la vacherie 17,400 francs. Sans doute, pour 
les dix années qui se sont écoulées, ce n’est pas fort élevé, 
mais 1l est inutile, pensons-nous, de faire remarquer, 
car cetté remarque n’aura échappé à aucune des per— 
sonnes à qui cette note sera communiquée, que les six 
premières années il n’a été fait que des ventes insigni- 
fiantes de quelques croisements, et que pas un animal 
de pure race n’est sorti de l’écurie; ce n’est que depuis 
trois ans qu’il a été possible d’en vendre; et c’est en réa- 
lité sur ces trois ou quatre dernières années que doivent 
se répartir les 17,400 francs. A cette somme, 1l faut 
ajouter la valeur de la vacherie actuelle, dont lPestima- 
tion vient d’être faite, et qui en portant les chiffres bien 
bas, s’élève à 37,500 francs. 


— 361 — 


En ajoutant cette somme à celle de 17,400 francs, in- 
diquée plus haut, on obtient comme résultat de l’élevage 
pendant la période de 1865 à 1867, la somme de 
54,400 francs. Mais on ne saurait trop le redire, ce n’est 
que depuis peu que des bénéfices ont été réalisés; le petit 
nombre de vaches pures, pendant les premières années, 
ne pouvait permettre de faire aucune vente ; aujourd’hui 
les bénéfices doivent croître dans une rapide proportion. 
A cette somme déjà élevée, si l’on observe qu’elle ne peut 
porter sérieusement que sur les quatre dernières années 
au plus, 1l faut ajouter les prix obtenus dans les concours 
régionaux. En voici le détail : 

3° prix, à Blois, en 1858 ; 

1° prix, à Paris en 1860, et mention honorable ; 

Deux premiers prix à Lyon, en 1861 et mention ho- 
norable ; 

4° prix, à Moulins, en 1862 ; 

2° prix, à Chambéry, en 1863 et mention honorable ; 

Trois premiers prix à Roanne en 1864 et quatre men- 
tions honorables, dont deux très-honorables ; 

Cinq premiers prix à Annecy, en 1865 ; 

Un premier prix à Châteauroux, en 1866 ; 

Deux premiers prix à Blois, en 1867 et une mention 
très-honorable ; 

Troisième prix à Poissy, en 1866. 

Ces divers prix donnent un total de 8,000 francs; plus 
treize médailles d’or, ajoutées aux prix ci-dessus, et trois 
médailles d’or obtenues aux concours régionaux de Gre- 
noble en 1864, et de Privas en 1865. A ces seize mé- 
dailles d’or, obtenues dans les concours régionaux, il 
faudrait encore adjoindre les prix et médailles obtenus 
aux divers concours d’arrondissement et au comice d’E- 
breuil. 

Deux mots seulement de la porcherie : 

M. de Montlaur acheta en Angleterre, en 1856, un 


— 362 — 


verrat new-leicester blanc, et une truie pleine, de même 
race; ces deux animaux provenaient des célèbres por- 
cheries du capitaine Gunter (Tarles-court, Old-Bromp- 
ton). La truie a eu plusieurs portées, il en est résulté un 
grand nombre de produits, qui ont été vendus et expé- 
diés de tous les côtés ; un de ces produits a été expédié à 
M. Paillard (dans la Somme), dont la porcherie est re- 
nommée pour ses grands succès. Les autres produits ont 
été vendus dans la Loire, le Puy-de-Dôme, l'Allier. La 
porcherie de Lyonne a obtenu divers prix dans les con- 
cours régionaux : à Châteauroux, en 1857, 2° prix; à 
Blois, en 1858, un quatrième prix; à Lyon, en 1861, 
un 1* prix; à Roanne, en 1864, un quatrième prix. 
Elle a obtenu aussi des premiers prix aux concours dé- 
partementaux à Moulins, Montluçon, Gannat. 

Il serait hors de propos de s’étendre sur la culture de 
la réserve. On comprend qu'avec le nombre d’animaux 
de l’espèce bovine que contiennent les étables, les chevaux 
de trait, servant à l’exploitation, et les den destinés 
au service du propriétaire, la quantité des fumiers pro- 
duits annuellement doit être considérable; cette masse 
d'engrais permet de fumer très-largement des terres 
déjà d’excellente qualité. On a pu mème en distraire 
une assez forte partie qui a été envoyée dans la réserve 
de la terre de Chalouze, que le propriétaire de Lyonne 
fait valoir, à six lieues de Lyonne (canton de Loreuil), et 
où ne quelques années, il a exécuté des travaux 
d’une grarde importance : irrigations, conduites d’eau, 
quinze kilomètres de routes agricoles et forestières, plan- 
tations d’arbres résineux et autres, reconstruction de 
tous les domaines, etc. On a pu encore employer de ces 
engrais à un vignoble de trois hectares, qui, ii y a 
quelques années, a été planté sur les côteaux de Rilhat, 
et qui donne déjà aujourd’hui un revenu plus élevé qu’on 
n'aurait pu s’y attendre. Ce fumier employé ainsi ailleurs, 


— 363 — 
n'a nui en rien, on doit le comprendre, aux terres de la 
réserve de Lyonne, qui avaient déjà reçu tout ce qui leur 
était nécessaire, et qui, en outre, sont continuellement 
arrosées en temps opportun, par le purin recueilli avec 
soin dans la citerne de la cour de ferme. 

On fera remarquer ici que la paille transformée en 
fumier n’est pas toute produite par les terres peu étendues 
de la réserve; le propriétaire ayant intention, à cause 
du nombre de bestianx qu’il voulait avoir, d'augmenter 
étendue des prairies artificielles, avait, lors du rencu- 
vellement du bail, imposé à ses fermiers, qui produisent 
plus de paille qu’ils n’en ont réellement besoin, Pobliga- 
tion de lui en livrer dix milliers par domaine. En outre, 
dans les années où la paille était à bas prix, il en a fait 
acheter. Les terres de la réserve soumises à ce régime de 
larges fumures, n’ont donc pu qu’atteindre à un haut 
degré de fertilité, qui a permis d’accroître l’importance 
de la vacherie. La plupart des reproducteurs en prove- 
nant, depuis deux ans surtout, sont de plus en plus re- 
cherchés par les éleveurs de la race durham, et 1l en a 
été vendu, non-seulement dans le département de l’Allier, 
mais encore dans les départements suivants, dont quel- 
ques-uns assez éloignés : le Cher, la Loire, le Puy-de- 
Dôme, le Loir-et-Cher, la Drôme, la Manche et l'Isère. 
Il est à croire que les ventes augmenteront encore dans 
avenir, la production de la viande étant une nécessité 
aujourd’hui, et ce résultat ne pouvant être plus vite et 
plus sûrement atteint que par la race dont M. Léonce de 
Lavergne a écrit l’histoire, dans son remarquable livre 
sur l'Économie rurale de l'Angleterre, et que M. le comte 
de Gourcy recommande dans ses livres si instructifs, 
avec tant de zèle et une si profonde conviction. 


Marquis L. pe MonrLaur. 
Lyonne, 2 novembre 1867. 


— 364 — 


Merzig, 1866. 
Monsieur le Comte, 


Je suis bien reconnaissant du souvenir que vous avez 
eu la bonté de me laisser de vos intéressants ouvrages. 

Depuis la réception de votre lettre je me suis beaucoup 
informé des effets des sels potassins qui ont été découverts 
à plusieurs endroits de la Saxe, notamment à Stas- 
sfurt. Ils contiennent généralement 10 0/0 d’oxyde de 
potassium en forme de chlorure de potassium, ils sont 
mélangés de chlorure de magnésium et de sodium. Leur 
effet sur la végétation s’est longtemps fait attendre, 
c’est-à-dire jusqu’à la métamorphose de la contenance 
de potassium à l’état de carbonate de potasse, qui s'opère 
dans le sol, pendant que le chlore prend d’autres engage- 
ments et s’infiltre plus profond en terre ; la potasse étant 
retenue et absorbée par la partie argileuse du sol. C'était 
une opération trop lente pour le cultivateur qui n’est pas 
chimiste. 

On a réussi, plus tard, à transformer le chlorure de 
potassium en sulfate de potasse, à en séparer la magné- 
sie et finalement à condenser le sulfate de potasse jusqu’à 
la contenance de 80 0/9 de sulfate de potasse, soit 44 0/9 
de potasse, qui maintenant est livrée au commerce au 
prix de 18 fr. les cinquante kilos, pris à Stassfurt. 

Ce sel_est employé avec avantage pour refaire des 
terres usées par la betterave et l'emploi des phosphates 
sert à forcer cette culture. Finalement les phosphates 
avaient épuisé leur équivalent de potasse contenue dans 
le sol et les engrais, en sorte qu’il fallait rendre au sol 
cet équivalent; après cela les betteraves reprirent de plus 
belle. 

Pour apprécier l'effet probable de ce sel, 1l faut ana- 
lyser le sol et en connaître le dosage, tant en potasse 
qu'en phosphate. 


— 365 — 


Dans un sol qui contient ces deux essences en rapport 
suflisant à la culture, ce serait du luxe de vouloir y dé- 
penser de ce sel. 

Il en serait de même d’un sol qui contient peu de 
phosphate, si on ne peut pas en même temps l’enrichir 
de cette essence. 

Les sels potassins sont principalement absorbés par la 
partie argileuse du sol. Quand le sol en contient peu, on 
risque de perdre le sel potassin par Pinfiltration avant 
que la végétation puisse en profiter. 

Ainsi, l’emploi de ces sels est limité par différentes 
circonstances : il en résulte qu’en beaucoup de localités 
l'effet en a été nul, ou ne s’est fait sentir que iongtemps 
après l'emploi, lorsqu'on ne s’y attendait plus. 

Dans les essais où je l’ai employé, c’est sur les trèfles, 
tabacs, tubercules de différentes espèces et sur l’herbe 
qu’il a agi, et toujours seulement l’année après son 
emploi. 

Comme le guano du Pérou contient peu de potasse 
(5 0/0 sur 12 à 14 0/0 de phosphate), justement le rebours 
de ce qu’exige un bon sol, il supporte un ajouté de ce 
sel, dans la vue de l'empêcher d’épuiser le sol. 

Le meilleur emploi est d'en mélanger le lizier ou pu- 
rin, dont on arrose les engrais, toujours après avoir pris 
une connaissance générale du dosage du sol. Nous avons 
des sols, où ce sel ne produit aucun effet ; ce sont nos 
sols les plus consistants et les plus perméables, Dans les 
sols tourbeux il a produit de bons effets après le drai- 
nage, de mème dans les prairies marécageuses après le 
drainage. 

Voilà les indications que je peux vous donner à ce 
sujet. 

Agréez, Monsieur le Comte, l'expression de mon sin- 
cère dévouement. 

G. DE FELLENBERG. 


— 366 — 


Merzig, 26 mars 1867. 
Monsieur le Comte, 


Recevez l’expression de toute ma reconnaissance des 
cadeaux que vous voulez bien me faire du récit de votre 
voyage agricole. J’y puiserai le modèle pour les petites 
relations des courses agricoles que je fais dans le pays, 
pour nos feuilles locales. Je regrette infiniment de prévoir 
que l’époque où vous visiterez lexposition coïncidera 
avec un voyage d’affaires à terme que je devrai faire en 
Suisse, car je ne sais quelle meilleure occasion je pour- 
rais trouver pour voir fonctionner les instruments agri- 
coles, qu’en vous y accompagnant. 

Ce serait certes une fête pour nous autres si ous pou- 
viez trouver le temps de visiter nos humbles comices et 
écoles secondaires, pour lavancement de la culture. 
Cependant vous n’y trouveriez que des rudiments, 
parce que l'expérience nous a suffisamment démontré que 
l'exemple fructifie bien plus que la parole et encore que 
exemple donné par les paysans à leurs semblables, 
surpasse de beaucoup en eflicacité celui que peuvent 
donner les Messieurs. Vous pouvez vous imaginer 
maintenant le pas d’escargot dont nous marchons ; que 
dirait Esope en nous voyant! 

Dans ce moment nous étudions le question de lappro- 
fondissement et ameublissement du sous-sol et les 
charrues à sous-sol ou fowlleuses comme nous les nom- 
mons, Mübler. Comme dans le cours de près de quarante 
années, M. Charles Villeroy ouvrant la marche, nous 
sommes parvenus à faire de la charrue Dombasle la 
charrue des paysans, je pense qu’après quarante autres 
années chaque paysan aura une fouilleuse et aura appro- 
fondi le sol arable jusqu’à un mètre. Comme par là il 
aura besoin de toujours plus d’engrais, il soignera ses 


— 367 — 


engrais comme le Japonais, et il pourra le faire parce 
qu'il fera plus de pailles. 

La confection de beaucoup d’engrais exige beaucoup 
d'ordre et amène la propreté, deux qualités qui manquent 
à nos paysans, desquelles dépend néanmoins une forte 
part de la civilisation de la campagne. Partout où le 
paysan sait soigner ses engrais, vous trouverez ordre et 
propreté dans les usages de la campagne ; en Suisse, en 
Hollande, en Belgique, sur le Bas-Rhin. Il est vrai que 
ce sont aussi les pays de laitage; mais tout cela va 
ensemble. 

Enfin, comme dans une maison à beaucoup d’étages 
il peut demeurer beaucoup de monde, un sol approfondi 
peut nourrir une nombreuse population. 

Pour vous donner une idée de nos publications agri- 
coles à lusage du paysan, j'ajoute à ma lettre une 
petite relation ou apercu historique de lintroduction 
dans le pays de la charrue Dombasle. Vous voyez par 
là comme nous sommes sobres de progrès. Maintenant 
que la charrue Dombasle est devenue la charrue du 
paysan Landpflug, nous donnons une revue rétrospective 
sur la marche qui a été suivie et a conduit à ce but. 
Cette revue intéresse le paysan et facilite auprès de lui 
l'introduction d’autres améliorations. Il apprend à se 
connaître, à se juger et à comprendre de quoi il est 
capable, et nos gouvernants qui manquent plus de savoir- 
faire que de bonne volonté y voient comment il faut s’y 
prendre pour réussir et apprécier l’action de la patience 
et de la persévérance. 

Je pense qu'il y aura cet automne à Sarrelouis un 
concours agricole, et entre autres les fouilleuses feront 
leurs tours de force. 

Agréez, s’il vous plaît, Monsieur le comte, l’assurance 
de mes sentiments reconnaissants. 

DE FELLENBERG. 


— 368 — 


Excursion sur le chemin de fer, système Fell, ouvert 
sur le mont Cenis vers le 15 juin 1868, exécutée par 
M. Charles Jobez et M. de Gourcy, les 20 et 21 juil- 
let 1868. 


Le lundi 20 juillet 1868, nous partimes d’Aix, M. de 
Gourcy et moi pour Saint-Michel et le mont Cenis. La 
chaleur était grande ; nous avons déjeuné à neuf heures 
quinze et étions parts par rail vers dix heures. Arrivés 
à Saint-Michel à midi vingt-cinq, nous avons pris à une 
heure quinze le chemin de fer, système Fell, qui nous a 
conduits à Suze à six heures trente, très-aisément, exac- 
tement et sûrement. 

La ligne a un mètre seize d’écartement mesuré d’axe 
en axe. Les machines exécutées par MM. Gouin à Paris, 
sont de la force de cinquante chevaux et pèsent de dix- 
huit à vingt-deux tonnes !. Le chemin de fer est exécuté 
sur l’accotement de la route du mont Cenis dont il 
occupe le tiers en largeur. On a fait très-peu de travaux 
d'art, s'étant borné au strict nécessaire, pour ramener 
les courbes à un minimum de quarante mètres de rayon 
et dans quelques cas rares pour ménager un peu mieux 
les pentes. 

Le trajet de près de quatre-vingts kilomètres se fait 
en cinq heures et quart, soit sur le pied de quinze kilo- 
mètres à l’heure, une jolie vitesse, quand on songe qu’il 
y à à franchir des pentes de 8,3 0/9, rattachées par 
des courbes nombreuses de quarante mètres de rayon. 
Dans certaines parties du parcours à pentes modérées 


1 Les rails pèsent trente-quatre kilos par mètre courant, les tra- 
verses sont espacées de quatre-vingts centimètres à un mètre. Le 
rail du milieu est supporté sur une épaisse semelle en bois, liée so- 


lidement à la voie. 


— 369 — 


3 0/0 et alignements prolongés, la vitesse à la descente a 
dû aller jusqu’à trente-cinq kilomètres à l’heure. C’est 
un remarquable tour de force que l’exploitation de ce 
chemin de fer dans de semblables conditions. Les hau- 
teurs au dessus du niveau de la mer des rails à Saint- 
Michel et à Suze sont respectivement de sept cent vingt 
mètres environ ; celle au sommet du mont Cenis à la 
frontière (constatée par Bourdaloue) est de deux mille 
quatre-vingt-deux mètres soixante-neuf centimètres. 
De Suze à ce point sur vingt kilomètres sont accu- 
mulées des difficultés considérables de pentes ardues, 
courbes à faible rayon, menace d’avalanches et dan- 
gers résultant des eaux torrentielles. Tout cela paraît 
avoir été étudié avec jugement, exécuté dans des condi- 
tions raisonnables. 

Pour le moment les tarifs sont très-élevés, 25, 22 et 
18 fr. respectivement pour les voyageurs de première, 
deuxième et troisième classe, soit environ 30 cent. 27 
cent. et 22 cent. 5, tandis que ceux des chemins français 
sont de 11 cent. 3, 9 cent. 5 et 6 cent. 6 par kilomètre. 
Mais la compagnie n’a commencé son service que le 15 
juin et elle exploite encore avec un matériel à peine 
complet et des agents bien nouveaux dans leur service. 
De plus, elle n’a à espérer de trafic sérieux que jusqu’au 
percement et à l’achèvement de la grande ligne par le 
tunnel de Modune dont les travaux seront probablement 
terminés au commencement de l’année 1872. La com- 
pagnie Fell, a commencé les travaux au commencement 
de 1866, et a ouvert le chemin le 15 juin 1868. 

Outre les tätonnements et expériences indispensables 
dans toute entreprise de cette nouveauté, la compagnie a 
eu à subir toute espèce de vicissitudes, ainsi le 25 sep- 
tembre 1866, quelques mois après le commencement de 
ses travaux, un orage formidable a détruit une partie 
des travaux de la route du mont Cenis, à ce point que 

24 


— 370 — 


les dépenses de reconstruction de la route pour l'État en 
France se sont élevées à 1,500,000 fr. en 1867. 

L'opinion de certains observateurs sur les lieux, est 
que jamais une compagnie française n’eût réussi et per- 
sévéré à travers tant d’obstacles. 

Letrait caractéristique du système Fell est Pétablisse- 
ment d’un rail central placé de champ au milieu de la 
voie et soutenu solidement à une hauteur de vingt-trois 
centimèlres au dessus du niveau des rails, c’est sur ce 
rail que prennent quatre galets horizontaux, de quatre- 
vingts centimètres de diamètre, à ce qu’il m’a paru, 
fonctionnant au moyen de la vapeur de facon à saisir le 
rail central, à aïder à la fois à ascension de la machine 
sur de fortes pentes ou à en retarder la descente et à la 
maintenir ferme dans les rails, dans les courbes à faible 
rayon. 

Ce double but parait avoir été complétement atteint 
par cet ingénieux mécanisme, dont le fonctionnement 
régulier inspire à la longue à l’observateur une confiance 
complète dans la stabilité du convoi et le peu de chance 
d’un déraillement. 

Toute la voie est éclissée, sauf les deux kilomètres qui 
avaient été établis d’abord pour servir aux expériences 
préliminaires et qui restent encore établis sur coussinets. 

Le rail central ne se présente, comme nous l'avons 
dit, que sur les pentes les plus fortes, celles excédant 
5 0/9, nva-t-on dit, ou lors des courbes à rayon irès- 
restreint; absolument comme un doublier établi pour 
venir en aide aux voitures, dans des passages difliciles ; 
aussi ce rail central n’est-il établi que sur une certaine 
partie du parcours. 

Dans les parties hautes du chemin de fer du mont 
Cenis on a entrepris de couvrir en entier la voie, au mo- 
yen d’un couloir à parois en planches soutenant un toiten 
tôle ondulée. 


— 371 — 


Cette curieuse et hardie tentative qui, si elle réussit, 
comme nous l’espérons fermement, dispensera la com- 
pagnie de frais de déblaiement des neiges, rencontrera 
des difficultés dont les gens dépourvus de l’expérience 
de cet étrange climat ne se doutent guère. 

Aïnsi, M. Asparin, un employé des ponts-et-chaussées, 
en résidence à Saint-Michel, que nous avons rencontré, 
nous disait, qu'ayant passé la nuit dans un moment de 
grande tourmente à la maison de refuge placée au som- 
met du col (deux mille quatre-vingt-deux mètres), deux 
mètres cubes de neige s'étaient amoncelés cette nuit-là 
dans la chambre où il couchait, en passant par le trou de 
la serrure seulement. Il faut donc que ce long couloir 
dans lequel s’engagera le train, soit fermé hermétique- 
ment pendant la tempête. 

L'hiver dernier le service de déblaiement des neiges 
n’a presque rien coûté, quelques milliers de francs. 
L'entretien de ja route est très-dispendieux. Le gouver- 
nement français, dans ces dernières années, avait remis 
ce service aux soins de la compagnie du chemin de fer 
Victor-Emmanuel, principal intéressé puisqu'elle était 
propriétaire des deux lignes aboutissant à ce col impor- 
tant en decà et au delà des Alpes. 

Le gouvernement français avait traité à forfait avec la 
compagnie Victor-Emmanuel, et lui payait 70,000 fr. 
par an, pour l’entretien de cinquante kilomètres de 
route sur le territoire français (de Saint-Michel à la 
frontière). 

Le prix des matériaux est extrèmement élevé dans les 
régions élevées et celui de la main-d'œuvre aussi. Le 
mètre cube de pierre cassée, coûte de 7 à 8 fr. jusqu’à 
11 et mème sur une certaine section 14 fr. par mètre. 
Les matériaux sur place, n'offrent pas la résistance 
nécessaire. 

Pour en revenir au système Fell, la compagnie an- 


— 372 — 


glaise qui l’a installé là, l’a fait surtout en vue d’expéri- 
menter sur une échelle suflisante, le système appliqué 
ici. Son but est de fonder sur le développement de ce 
système, de grandes entreprises de travaux dans l’Inde 
par exemple, ou sur d’autres points des immenses 
colonies anglaises. Ainsi leur but serait une étude 
approfondie de cet ingénieux système à tous les points 
de vue, usure des machines et de la voie, protection 
contre les neiges et avalanches, prix de revient des 
transports dans ces difficiles circonstances. L’ingénieur 
de la voie, M. Barnes, avec qui nous avons voyagé de 
Suze à Lons-le-Bourg, estime que les frais de combus- 


tible seront modérés, il estime ces frais à 75 cent. par. 


kilomètre, pour un train ordinaire (trois voitures et un 
wagon de bagages), avec du coke de Saint-Etienne payé 
à raison de 48 fr. la ionne pris à Saint-Michel. 

La veille du jour où nous avons franchi le mont 
Cenis, le 19, un train de plaisir avait transporté à la 
remonte de Suze à la Grande-Croix, peu en decà de 
l’hospice et du point culminant du col, six voitures de 
voyageurs avec quatre-vingt-dix-sept voyageurs et le 
wagon de bagages. M. Barnes considérait cette épreuve 


comme un fait favorable à la puissance du système 
Fell. 


Le Claudat, le 16 octobre 1868. 


Monsieur de Gourcy, 


Absent à la remise de votre aimable lettre, je l'ai seu- 
lement sous les yeux depuis quelques jours. 

Je vous remercie, Monsieur, d’avoir bien voulu vous 
souvenir de lintrépide agriculteur du Claudat. 

Le croisement que vous me citez dans le Limousin et 


— 373 — 


l'Allier est pratiqué depuis longtemps au Claudat, je 
croise aussi le soutdhown avec la brebis berrichonne, 
l'essex et l’york avec le craonnais. 

Je me trouve très-bien de tous ces croisements, parce 
que tous les animaux que j'élève sont engraissés chez 
moi le plus tôt possible et adressés à Paris, et comme je 
suis distillateur, la nourriture mw’oblige à changer mes 
animaux le plus souvent possible. 

Comme plante à distiller, je donne la préférence au 
topinambour, c’est la plante la plus précieuse que je con- 
naisse pour la distillation et même pour le bétail; la 
plus rustique, qui vient dans tous les terrains, qui résiste 
aux plus grandes sécheresses et aux gelées les plus 
intenses, Jen ai cultivé celte année trente-trois hectares 
qui sont de toute beauté, la tige aujourd’hui en fleurs à 
atteint la hauteur de quatre mètres dans quelques 
champs, j'espère que le rendement sera en proportion et 
dépassera celui de la betterave ; on ne peut trop encoura- 
ger cette culture. 

Avec ma distillerie, je fais beaucoup d’engrais qui 
sont d’une grande ressource pour mes mauvaises terres. 

Je vous annonce aves plaisir que le rendement de mes 
céréales est aussi satisfaisant. Jai quarante-cinq hectares 
de froment qui m'ont donné cette année près de trente 
hectolitres à l’hectare. Mes avoines étaient aussi fort 
belles. 

Je sème généralement le blé de Noë, le blé de Bergues, 
Prime Albert et autres anglais. 

Le produit brut de ma culture directe de cette année, 
composée aujourd’hui de deux cent trente-deux hec- 
tares, s'élèvera au chitfre de 80 à 90,000 fr. 

La propriété du Claudat a coûté en 4851, 300 fr. 
l'hectare et on me disait que j'avais payé trop cher. 

À mon entrée en jouissance en 1851, le cheptel repris 
par estimation et pour lequel j'ai acheté beaucoup de 


— 374 — 


fourrages, a coûté 4,792 fr.; au 31 décembre dernier il 
était de 59,180 fr. 

Le capital d’exploitation des métayers à mon entrée 
en jouissance, 11 novembre 1851, était de 11,410 fr. 20 
cent. ; au 31 décembre 1867, 188,595 fr. 

Mon apport et celui de ma femme, lors de notre acqui- 
sition, s’élevaient à environ 80,000 fr.; au 31 décembre 
1867, l'inventaire constate un avoir de 654,095 fr. 

Tels sont, Monsieur, les résultats que j'ai obtenus, 
dans l’Ailier, depuis que j'ai fait acquisition du Claudat, 
je crois que ce sont de bons états de service. 

Veuillez agréer, Monsieur, avec mes remerciements, 
Vexpression de mes sentiments respectueux et très- 
distingués. 

A. Deceis. 


Bubières, le 16 septembre 1868. 


Cher Monsieur, 


Il y a bien longtemps que je n’ai eu le plaisir de vous 
voir ; comme vous me l’apprenez par votre lettre vons 
négligez un peu le nord de la France pour visiter le 
centre et le midi qui offrent aussi en ce moment des 
progrès dignes de vos observations. 

Depuis que vous êtes venu à Bubières j’ai opéré des 
changements dans l’intérieur de ma ferme et dans la ro- 
tation de mes cultures. 

J'ai construit une grande cour à fumier couvert, 
autour de laquelle se trouvent mes bergeries ; on y 
apporte le fumier de mes chevaux et bêtes à cornes pour 
en opérer le mélange, puis un troupeau passe destus 
toutes les nuits pour le tasser, ce qui lui permet de se 


— 379 — 


conserver bien longtemps sans déperdition ni même dé- 
composition ; il est toujours aussi frais que s’il sortait 
d’une écurie de bonne fabrication. 

Puis ayant introduit une nouvelle rotation dans mon 
assolement, je ne fais venir le blé qu'après deux récoltes 
sarclées, la betterave en dernier, ce qui me permet 
d'arriver à avoir des rendements en blé que je n’aurais 
osé espérer, ainsi que vous avez pu voir sur mes échan- 
tillons à exposition du Champ-de-Mars en 1867. 

M. Barral qui était au nombre des incrédules a voulu 
s'assurer par lui-même des résultats et a envoyé un de 
ses collaborateurs pour faire des expériences sur mes 
rendements, voici les résultats obtenus : 


Récolte 1868. 


Au chemin de Vitry à la Longue-Laine, pièce de cinq 
hectares trente-cinq ares cinquante centiares, blé mélan- 
gé, a donné à l’hectare sept mille cent kilos de paille et 
six cents kilos menue paille et cinquante hectolitres 
quarante litres de blé. 

Au même champ, du côté de la rivière, pièce de cinq 
hectares soixante-treize ares quatre-vingts centiares, blé 
roseau, a donné à l’hectare huit mille cent kilos de paille, 
huit cents kilos de menue paille et cinquante-huit hecto- 
litres de blé. 

Puis les Jardins, chemin de la Bragelle, pièce de un 
hectare soixante-onze ares soixante-huit centiares, blé 
velouté, a donné à l’hectare huit mille deux cents kilos 
de paille, huit cents kilos menue paille et cinquante hec- 
tolitres soixante litres de ble. 

Au chemin de Quiéry, champ d’environ quatre hec- 
tares, blé d’Espagne, a donné à l’hectare six mille quatre 
cents kilos paille, mille cent kilos de menue paille et 
einquante-quatre hectolitres soixante litres de blé. 


— 376 — 


Enfin au même chemia, pièce de deux hectares quatre- 
vingt-neuf ares quatre-vingt-dix-neuf centiares, blé 
Hallett, a donné à l’hectare six mille deux cents kilos 
paille et six cents kilos menue paille et quarante-six hec- 
tolitres de blé. 

Cette dernière pièce était après betteraves précédées 
d’une céréale. 

Vous verrez du reste dans le journal l'Agriculture 
qui fait la monographie de ma ferme, ma nouvelle mé- 
thode de cultiver. 

En attendant le plaisir de vous serrer la main, recevez, 
cher Monsieur, l'assurance de mes sentiments les plus 
dévoués. 

L. Pirar. 


P.-S. Je ferai prendre vos quatre ouvrages et les 
ferai parvenir à destination. 


Notice sur le Métayage. 


La Société d'Agriculture de l’Allier demande une no- 
lice sur le métayage. Bonnes ou mauvaises, je lui apporte 
mes idées sur cet objet de ma prédilection. Si elles sont 
mauvaises, je la prie de m’exeuser ; si elles sont bonnes, 
je la prie d'approuver et de m’oublier ! 

Nous allons d’abord définir le métayage ; puis aborder 
franchement ses inconvénients et ses avantages en le 
comparant aux autres systèmes possibles; enfin conclure, 
et la conclusion je l’ai dite d’avance; contrairement aux 
idées les plus répandues, je fais du métayage un cas in- 
fini, je le préfère en un mot. Qui hra, jugera. Il est bien 
entendu que dans tout ce qui va suivre, je suppose le 
propriétaire résidant; sans cette condition, le métayage 


— 377 — 


est un corps sans tête; il est donc plus que mauvais, il 
est impossible. i 

Définition. — Le métayage est un contrat et un mode 
d'association dont l'essence consiste 1° à substituer abso- 
lument l’idée de partage en nature, à l’idée ordinaire de 
redevance et de fermage ; 2° et par un corollaire mathé- 
matique, à réunir la possibilité d’une durée éternelle 
avec la faculté toujours présente d’une rupture. Je dis à 
substituer absolument l’idée de partage en nature à l’idée 
ordinaire de redevance et de fermage. En effet, qu'est-ce 
que le métayer ? Un cultivateur qui apporte ses bras et 
sa charrue. Qu'est-ce que le maître ? un propriétaire qui 
apporte le domaine jouissable et la direction. D’un côté 
le travail, de l’autre le capital et Pintelligence. Dans les 
systèmes socialistes les plus hardis, trois parts égales sont 
réparties entre ces trois forces. Plus généreux, plus libé- 
ral que toutes ces théories, le métayage donne au travail 
la moitié, et même la plus grande, l’autre moitié, la plus 
petite, est pour le capital et l’intelligence représentée par 
le maître. Il est vrai que devançant l'avenir par sa géné- 
reuse rétribution du travail, le maître conserve en même 
temps la plus précieuse tradition du passé, l’autorité, 
comme l'espérance au fond de la boîte de Pandore. Les 
deux associés travaillent, le rameur à l’aviron, le pilote 
au gouvernail, et une fois dans le port, c’est-à-dire la 
récolte levée et battue, l'animal mené au marché, que 
font-ils ?..... Ils partagent. Si l’entreprise est heureuse, 
ils se réjouissent ensemble. Si elle échoue, ils souffrent 
ensemble et s’entr'aident pour réussir l’an prochain ; avec 
cette base constante et ce résultat mobile du partage, 
point n’est besoin de changer, de modifier les conditions. 
Par une conséquence si simple qu'elle est admirable, 
tout progrès comme toute erreur se reflète à l’instant dans 
les deux parts, dans les deux bourses. Le revenu de cha- 
eun donne l’expression fidèle, constants, de la valeur ac- 


— 378 — 


tuelle du bien, qu’elles qu’en soient les variations. Aussi 
la faculté de durée est-elle une conséquence mathéma- 
tique, un véritable corollaire du baïl du métayage. Et en 
eflet, on lui applique la tacite réconduction, clause qui 
signifie que pourvu qu on n’annule pas le baïl légalement 
en se signifiant congé, il est valable PS Donc 
pas de renouvellement de baux, pas de discussions sur la 
plus-value ou la non-valeur de tel objet. La convention 
est immuable, le produit éminemment variable et chan- 
geant, dépendant d’abord de Ia Providence, ensuite des 
efforts et du savoir-faire des associés. Cependant comme 
rien en ce monde n’est éternel, comme dans un contrat 
si intime la bonne intelligence, la confiance mutuelle 
sont de rigueur, il faut que d’un commun accord ou par 
la volonté formelle d’un des associés, on puisse rompre 
ce lien susceptible de devenir pour tous deux, ou pour 
l'un ou l’autre une chaîne accablante. Dans ce cas, trois 
mois d'avance le congé est signifié, et chacun devient 
libre au terme fixé. Dans la pratique, les bons maitres et 
les bons métayers ne se quittent jamais, les générations 
succédant aux générations, ne sachant même plus sou- 
vent si leur association est purement verbale ou si elle 
repose sur un titre authentique. Quand au contraire, 
l’un des deux associés méconnait son devoir, Pantre peut 
fuir, se débarrasser, chercher en un mot meilleure com- 
pagnie. Tel est le métayage, mais je prévois une objec- 
tion. Dans ce contrat où je ne veux voir qu’un partage, 
on va vous dénoncer une redevance, un loyer, un fer- 
mage, un impôt. De tous ces mots, le meilleur, le seul 
juste et pourtant le moins employé c’est le dernier, lim- 
pôt. Le métayer paie un impôt, c’est le seul mot que 
j'accepte, et que j'explique. Dans un état bien administré, 
les sujets paient une certaine redevance fixée en rapport 
avec la valeur des biens, mais n’ayant avec cette valeur 
qu’un rapport éloigné, non un loyer ni un fermage, mais 


— 379 — 


une somme très-inférieure à l’un ou à l’autre; c’est ce 
qu'on nomme l'impôt foncier. Isolément, cette contribu- 
tion doit être infime; accumulée, elle sert à subvenir aux 
services publics, aux charges de l'État, elle contribue à 
payer les routes et les canaux pour la circulation, les 
gendarmes pour la sécurité, les postes pour la corres- 
pondance et les transports, ete. La base de cet impôt doit 
être essentiellement fixe, ne pas s’accroître avec la plus- 
value des biens, mais ne varier au contraire qu’à de 
longs et de très-rares intervalles, lorsque la démonétisa- 
tion des valeurs a causé une perturbation telle, qu'un 
changement devient en quelque sorte indispensable. Tel 
doit être l'impôt payé par le métayer, très-inférieur au 
fermage et même au loyer de l’habitation, de ses cours, 
de ses jardins, de sa réserve en un mot; essentiellement 
fixe et n’augmentant pas du tout en raison des augmen- 
tations, des embellissements ou des progrès de la culture, 
infime considéré isolément et arrivant à la rescousse sur 
l’ensemble d’une terre, pour payer les impositions, les 
assurances, une partie de l’entretien courant, enfin quel- 
ques-unes des charges inhérentes à la propriété. Tel il 
était et tel il est encore chez tous les propriétaires qui 
ont compris l'esprit du métayage et qui rémunérés am— 
plement par le partage, ont assez de justice pour ne pas 
chercher un nouveau profit aux dépens de la part légi- 
time du travail manuel. Je maintiens done ma définition, 
substitution absolue du partage en nature au fermage en 
argent et prolongation perpétuelle et indétinie, sans re- 
nouvellement, à moins de rupture volontaire. 
Inconvénients. — Le métayage défini, examinons ses 
inconvénients, puis ses avantages. On a dit beaucoup de 
mal de ce système, on l’a qualifié de routinier, on l’a ac- 
cusé d’entraver le progrès agricole, et de prêter à la 
mauvaise foi; aucun de ces reproches n’est fondé. Les 
métayers sont en général de très-bon compte, et ils ren- 


— 380 — 


dent presque tous ample justice à ceux qui, avec eux, 
sont de bon compte. Loin d’entraver le progrès, ils le 
réalisent avec moins de risques et avec beaucoup plus 
de soumission que les fermiers. Un seul inconvénient 
existe, à mon avis, dans le métayage, inconvénient très- 
sérieux, indépendant des défauts ou des qualités indivi- 
duelles, et irrémédiable du moins, je le crains. Le même 
cultivateur travaille avec moins de zèle, moins d’ardeur, 
moins d'intelligence en vue du partage qu’en vue de son 
seul intérêt. Prenons le même maître et le même culti- 
vateur, établissons entre eux le mème accord ; métayer, 
le cultivateur travaille moins que le fermier. Sans doute 
en enrichissant, en regardant l’aisance comme possible à 
atteindre, le métayer prend plus d’entrain et de con- 
fiance ; mais la nature humaine est ainsi faite, et il faut 
avouer que le travail du colon partiaire sera inférieur au 
travail du fermier. Moins de travail, donc moins de pro- 
duction. Tel est l’inconvénient grave que je reconnais, 
qu’on pallierait par l’aisance croissante et une éducation 
plus agricole, mais qu’on ne ferait pas disparaitre. 
Avantages. — Pour compenser ce mal, examinons les 
avantages. De même que j'ai constaté un seul défaut ca- 
pital, de même je résumerai les qualités du métayage en 
une seule, qui pour moi, renferme toutes les autres et 
dépasse de beaucoup le défaut que nous avons constaté. 
Je veux parler de la confiance réciproque entre les deux 
associés ; leurs intérêts sont absolument communs, le bien 
et le mal les touchent également, pas un suecès, pas un 
revers qui ne soit partagé. Enfin et c’est le point capital, 
le métayer n’a pas intérêt à cacher le succès, car la base 
du partage étant immuable, il n’a ni renouvellement de 
bail, ni augmentation de fermage à craindre. Avec le 
meilleur fermier, la période qui précède la séparation et 
le renouvellement, se signale par une défiance, par un 
échange de reproches et de mauvais procédés qui en dé- 


— 381 — 


goùteraient. Deux ou trois ans avant la fin du bail, la 
culture se modifie, les assolements s’altèrent, la ferme 
est décriée impitoyablement. Et tout cela pourquoi? 
Parce que les intérêts se heurtent ; le fermier ne pense 
qu’à affermer à vil prix le bien où il a commencé sa for- 
tune, le propriétaire ne songe qu’à louer le plus cher 
possible un bien dont il a cessé de s’oceuper et qui pour 
lui n’est plus qu’un capital dont il attend le revenu. Et 
de cette lutte que résulte-t-il? Que le meilleur des deux 
contractants est dupé par l’autre. Si le fermier a joui en 
bon cultivateur et s’est engagé dans de coûteuses amé- 
liorations, avec un propriétaire dur et indifférent, ce fer- 
mier sera renvoyé sans pitié et pour quelques centaines 
de franes, un intrus viendra le supplanter et recueillir 
tout le fruit de ses travaux. Si le propriétaire est bon, 
bumain, crédule, et que le fermier sache mentir effron- 
tément, ce fermier en abusera et affermera d’autant plus 
avantageusement que sa ferme est, ou paraît, en plus 
mauvais état. Avec le bail de tacite reconduction, poiut 
de renouvellement. Plus la terre rapporte, plus les deux 
associés s’enrichissent, et cela progressivement, année 
par année, jour par jour pour ainsi dire. La fameuse 
fable des membres et de l’estomac s'applique merveil- 
leusement au colon partiaire et à son maitre. La bonne 
intelligence est l’âme de leur affaire commune, et n’est-ce 
p&s en agriculiure un pas immense, que l’union des 
forces au lieu de leur antagonisme ? 

Enfin, et ce sera ma conclusion, répéter que je pré- 
fère le métayage aux autres systèmes, ce serait inutile, 
car cela découle de chaque ligne de cette notice ; mais en 
terminant, qu'il me soit permis d’attirer l'attention à un 
point de vue plus élevé sur ce mode singulier de société 
qui a le rare privilége d'emprunter au passé et à l’avenir 
ce qu'ils ont de meilleur, de se tenir en dehors et au- 
dessus du présent égoïste et illogique où nous vivons. 
Presque féodal, par l'autorité et la soumission, plus gé- 


— 382 — 


néreux que le socialisme par la très-ample rétribution du 
travail manuel; reposant sur une confiance et une com-— 
munauté d'intention absolues dans un siècle de boule- 
versements et de révolutions, le métayage se présente 
comme un lien intime entre l’homme riche qui possède 
le sol et l’homme pauvre qui le cultive. Je ne suppose 
d’abord ni dans l’ur ni dans l’autre, un sentiment quel- 
conque mais seulement le point de vue froid de l'intérêt 
matériel. Pour le riche, cet ouvrier est son meilleur et 
son plus nécessaire instrument, celui qui mérite le plus 
de soins et d’égards ; celui qu'il faut nourrir si la récolte 
manque; car sa perte entrainerait une impossibilité de 
soigner les cheptels, d’emblaver les terres, de rentrer 
fourrages et récoltes. Toute sa famille est nécessaire, 
comme lui exige les mêmes soins; non-seulement il faut 
qu'il vive, mais il est très-essentiel qu’il soit heureux et 
qu'il travaille de bon cœur. Pour louvrier, ce proprié- 
taire est son conseil, son garant, son banquier ; 1l a chez 
le maître un compte ouvert, il sait que là sera son recours 
en cas de famine, son soutien et son appui en cas de 
procès, son guide dans ses cultures et le choix de ses 
cheptels. Tels sont leurs rapports au stricte point de vue 
de la nécessité et de l'intérêt. À moins de tomber sur 
deux bien mauvaises natures, il est difficile qu’il ne s’en 
suive pas beaucoup d’affection et de confiance, et dans la 
pratique, cette affection, cette confiance, sont générale- 
ment entières. Non-seulement le maître guide le mé-— 
tayer dans sa culture, mais il le conseille dans ses plus 
intimes affaires; le notaire n’y gagne pas, le juge de 
paix ma plus d’affaires, mais les représentants des deux 
situations extrêmes de l’ordre social, marchent côte à 
côte et se tenant par la main. Quelle source de paix so- 
ciale el de prospérité intérieure pour le pays, qui saurait 
comprendre et conserver une si précieuse tradition ! 
Baron Arthur D’AuBIGNY. 


— 383 — 


Au Vignaud, le 21 octobre 1868. 


Mon cher Monsieur, 


Il y a trois jours seulement que je suis en possession 
de votre lettre, si affectueuse et si intéressante pour tous 
les détails qu’elle contient ; j'étais absent de chez moi 
lorsqu'elle y est arrivée, aussi ne veux-je mettre aucun 
retard à vous répondre. 

Je tiens, avant tout, à vous remercier du bon souvenir 
que vous me conservez, et J'en suis touché plus que je 
ne sais vous le dire. J’ai si peu de titres à ce bienveillant 
intérêt que je suis confus des témoignages que vous me 
prodignez. Veuillez en échange, mon cher Monsieur, 
agréer les sentiments de reconnaissance dont je suis pé- 
nétré. 

Je suis bien en retard avec vous, car j'ai recu, il y a 
plusieurs mois, une autre lettre encore sans réponse : 
j'éprouve le besoin de vous expliquer la cause de ce re- 
tard, bien involontaire. Malheureusement, j'ai un triste 
motif à vous donner : 

Il y a deux mois et demi, j'ai eu la douleur de perdre 
ma bien-aimée sœur, avec laquelle J'avais passé lhiver 
dans le midi. Cet événement a été un des plus grands 
déchirements de cœur de ma vie. Un mois après, mon 
beau-frère la suivait dans la tombe. Depuis cette époque, 
mon frère, avec lequel j'habite, est devenu fort souffrant 
et nous donne de sérieuses inquiétudes. 

Vous voyez, mon cher monsieur, que les épreuves se 
succèdent sans trève et vous voudrez bien être assez 1n- 

_dulgent pour excuser mon retard vis-à-vis de vous. 
Hélas ! j'ai vu par votre lettre que, vous aussi, aviez été 
atteint dans vos affections de famille; vous avez eu la 
douleur de perdre vos neveux. Ah! la vie a bien des 


A 


amertumes et combien, dans sa rude traversée, je remer- 
cie Dieu de m'avoir donné le goût des travaux agricoles ! 
car, forcément, le travail apporte une heureuse diversion 
à nos peines! Combien je trouve coupables ou ignorants 
ceux qui maudissent le travail! Il a été réhabilité par un 
des hommes les plus considérables de notre époque, 
M. Thiers, quand il dit, dans un discours célèbre, qu’il 
le considérait, à quelque point de vue social qu’on len- 
visage, comme une bénédiction de Dieu. 

Je m'oublie dans ces considérations philosophiques, 
mais vous m’excuserez, Car je sens que Vous, qui avez 
une activité qui défie les années, vous me comprenez et 
partagez cette opinion. | 

Vous me demandez, mon cher Monsieur, où en sont 
mes opérations agricoles; je suis heureux de vous dire 
que, de ce côté, le ciel est moins sombre que du côté de 
ma famille si éprouvée. Mes pauvres métayers out mon- 
tré, uue fois de plus, qu’ils savaient marcher seuls et que 
le mérite qu’on nvattribue trop, c’est à eux qu’il revient. 
Pendant deux ans de-suite, j'ai été forcé de les quitter, 
pour remplir un devoir pénible près de ma sœur, dans 
le midi; eh bien, leurs succès n’ont pas été moindres, 
car l’an dernier, à Bordeaux, au concours régional, ils 
obtinrent dix-huit prix et trois mentions, et cette année, 
à Angoulème, ils ont obtenu dix-sept prix et quatre 
mentions. M. Muret de Pagnas, mon neveu, officier de 
marine, dont j'administre la propriété, est compris dans 
ce nombre. | 

Je suis fort heureux de ce résultat pour ces braves 
gens d’abord, qui méritent bien, par leur travail et leur 
zèle, le succès qu’ils ont; j'en suis heureux aussi, au 
point de vue du colonage, qu'ils contribuent à rele- 
ver du dédain où trop de bons esprits Pavaient envi- 
sagé comme incompatible avec le progrès agricole 
moderne. 


— 385 — 


Il me semble que le mélayage est la véritable et la 
plus favorable condition pour constituer fortement la fa- 
mille agricole, si fortement ébranlée par l’exagération 
des travaux publics en général et en particulier des tra- 
vaux urbains. Cette soif d’argent et de prétendu bien - 
être, qui entraine nos populations des campagnes vers 
les grands centres, où ils se démoralisent vite dans Pat- 
mosphère malsain des chantiers publics, est considérée, 
aujourd’hui, par les hommes qui pensent, comme un 
véritable péril social. 

Eh bien ! il appartient au propriétaire de protéger ses 
métayers contre cet entrainement, et la chose ne me 
semble pas du tout si difficile qu’elle en a Pair. Mais il 
faut, pour cela, que le maître qui a le rôle de directeur, 
de chef, dans la société du colonage, prenne goût aux 
choses agricoles, qu’il étudie, qu'il apprenne, en un mot, 
qu’il soit digne du rôle qu’il a à remplir. 

La confiance du métayer vient vite, quand il s’est as- 
suré que le maitre en sait plus que lui, et que les résultats 
le lui ont démontre au réglement annuel de ses comptes. 
Aujourd’hui, que lapplication de la science est venue 
aider les moyens naturels de culture, si le propriétaire 
ne donne pas plus d’aisance à ses métayers et à lui- 
mème, carrément je lui en impute la faute. Combien 
d'hommes bien nés, bien doués, ayant de vastes terres, 
vivent obérés à Paris ou dans les grands centres, en con- 
fiant leurs propriétés à des régisseurs qui les trompent, 
ou à des fermiers qui souvent ruinent la terre! combien 
d'hommes, dis-je, pourraient plus utilement employer 
leur vie et celle de leurs enfants, s’ils savaient les y diri- 
ger ! Les intérêts matériels et moraux, tous y gagne- 
raient. Il y a bien déjà une réaction favorable en faveur 
de l’agriculture, espérons qu’elle s’accroîtra. 

Adieu, mon cher monsieur, je ne veux pas clore cette 
trop longue lettre, sans vous remercier encore, et sans 


25 


— 386 — 


vous dire combien Je serais heureux, si vos courses agri- 
coles me fournissaient l’occasion de vous offrir une mo- 
deste, mais bien cordiale hospitalité. Agréez l’assurance 
de mes sentiments de haute estime et de considération 
distinguée. 

Ch. de Léorarpy. 


Châteaugontier, le 3 octobre 1868. 


Monsieur le Comte, 


Je vous suis bien reconnaissant du bon souvenir que 
vous avez bien voulu me donner en m'offrant un exem- 
plaire de votre dernier voyage, que j'aurai grand plaisir 
à lire, certain que je suis d’y rencontrer non-seulement 
un aliment pour ma curiosité, mais encore et surtout des 
renseignements utiles et complets sur les détails des cul- 
tures des meilleurs cultivateurs que vous avez visités. Je 
vais m'occuper de faire retirer de chez votre éditeur les 
cinq exemplaires destinés aux agriculteurs, mes voisins, 
désignés par vous, auxquels je les remettrai de votre part 
à la première occasion. 

Je relis de temps en temps vos précédents voyages, 
surtout ceux qui sont relatifs à l’Angléterre et à la 
France, et cette lecture m'amène à cette conclusion, que 
vos efforts persévérants et dévoués ont certainement dù 
contribuer aux progrès réalisés depuis vingt ans, par la 
plupart des meilleurs cultivateurs français, que vous 
avez initiés aux meilleurs procédés de culture, d'élevage 
et d’engraissement du bétail, suivis par l'élite des agri- 
culteurs de Angleterre principalement. Vous avez donc, 
cher Monsieur, des droits incontestables à la reconnais- 


— 387 — 


sance d’un bien grand nombre de vos compatriotes, qui ont 
dû à la lecture de vos livres le goût, la passion même de 
l’agriculture d’abord, puis les succès obtenus dans la pra- 
tique. Que de choses ignorées ou inconnues de beaucoup 
d’entre nous, il y a vingt ans, et que vous préconisiez déjà 
avec nn véritable enthousiasme, sont grâce à vos conseils 
et à vos publications, entrées dans le domaine des faits ac- 
complis pour ceux-là mêmes qui n’avaient admis qu’avec 
une certaine réserve les résultats que vous indiquiez ! Es- 
pérons que la propagande agricole, si active et si Gésinté- 
ressée que vous avez faite avec tant d’enthousiasme et 
sans vous préoccuper des fatigues de si nombreux et si 
longs voyages, sera continuée par vous dans les limites 
de vos forces, et que, fidèle jusqu’au dernier moment à 
votre utile et généreuse mission, vous voudrez bien en- 
core continuer à nous signaler en nous les décrivant, les 
cultures remarquables que vos pérégrinations vous auront 
fait découvrir. Pour mon compte, je désire bien vive- 
ment qu’il en soit ainsi, et que ni la maladie ni la fatigue 
ne viennent paralyser la virilité de votre esprit et l’ar- 
deur de votre zèle. La très-intéressante lettre que vous 
m'avez fait l'honneur de nrécrire et dans laquelle 
abondent des détails que j'ai lus avec beaucoup d’in- 
térêt, me prouve que votre santé, toujours excellente, 
vous permet de voyager et d’observer comme par le 
passé ; aussi me fait-elle espérer que le désir exprimé 
par moi, de vous voir revenir l’année prochaine dans 
notre Mayenne, pourrait bien être accueilli favorable- 
ment par vous, cher monsieur, qui y trouveriez d’incon- 
testables progrès réalisés dans l'élevage du bétail princi- 
palement. Toute trace de race mancelle a disparu dans 
notre bétail aujourd’hui transformé par le sang anglais 
de durham. Plusieurs de mes colons partiaires élèvent 
des sujets de race pure de durham dont ils trouvent fa- 
cilement la vente au prix de 450 à 600 fr. à Pâge de 


— 388 — 


deux à cinq mois, et de 1,000 à 1,200 et 1,300 fr. à 
l’âge de deux ans, soit en reproducteurs mâles, soit en 
reproducteurs femelles. J’ai toujours à la Feuillée un 
troupeau de vingt à trente animaux de pur sang, et mes 
produits sont en quelque sorte placés avant d’être nés à 
des prix parfaitement rémunérateurs qui se sont sensi- 
blement élevés depuis une année ou deux; c’est-à-dire 
depuis que nos simples fermiers ou colons partiaires con- 
vertis au pur sang, ont fait une véritable concurrence 
dans l’achat de ces reproducteurs mâles et femelles, aux 
grands propriétaires qui naguère étaient les seuls acqué- 
reurs de ces animaux. D’un autre côté, les exportations 
de taureaux principalement, pour quelques départe- 
ments de l’ouest, de l’est et du centre, étant assez nom- 
breuses, il en résulte que les éleveurs de pur sang de ce 
pays-ci ne sont nullement embarrassés pour le placement 
de leurs produits. 

Je me félicite tous les jours d’avoir introduit dans 
quelques-unes de mes métairies la fameuse charrue bra- 
bançonne tourne-oreille qui me permet de faire labourer 
à plat, et de semer au semoir toutes mes céréales. Mes 
blés semés ainsi dans une métairie qui touche la Feuillée, 
m'ont rendu en 1868, en moyenne, près de quarante hec- 
tolitres à l’hectare. Grâce à ce mode de culture qui per- 
met l’emploi de plusieurs instruments nouveaux rem- 
plaçant avantageusement la main-d'œuvre, devenue ici 
insuflisante à une culture intensive, mes métayers en 
dépensent moins en main-d'œuvre d’un côté, et en pro- 
duisant davantage d’un autre côté, améliorent sensible- 
ment leur position et me procurent un revenu plus élevé 
de leurs métairies, J’ai obtenu, plusieurs années, sur les 
mieux cultivées, un revenu net pour moi de 200 fr. à 
l’hectare et cependant tout n’est pas encore pour le mieux 
dans ces métairies où bien des progrès restent à accom— 
plir, même sous le rapport du bétail qui ne fournit en- 


— 389 — 


core pour le maître et le colon qu'un produit variant de 
150 à 175 f. à l’hectare, lorsqu'il pourrait avec quelques 
soins de plus et une plus forte production fourragère en 
racines, donner facilement un bénéfice de 200 fr. au 
moins à l'hectare. J’espère bien arriver prochainement à 
ce résultat, si ma direction qui tend à se ralentir ne dis- 
parait pas tout à fait. 

Ce que vous me dites des résultats obtenus par votre 
ami, cultivateur en Touraine, me ferait presque regret- 
ter de ne pas avoir donné suite au projet que j'avais 
formé l’année dernière, de faire un placement de capi- 
taux en propriétés situées dans ce pays de la Touraine, 
si je ne m’étais convaincu, en visitant quelques terres 
qui étaient alors à vendre aux environs de Tours, que 
pour réussir à faire de l’agriculture productive dans ce 
pays, il faudrait cultiver soi-même par domestiques, 
sans pouvoir profiter de la ressource que nous trouvons 
ic, d'employer la colonie partiaire, qui sans doute pro- 
duit moins au propriétaire que le faire-valoir direct, 
mais aussi qui évite bien des soins, bien des ennuis et 
donne plus de liberté que le faire-valoir par domestiques. 
Je reconnus bien vite qu’il était impossible de songer à 
affermer à prix d'argent, si l’on voulait améliorer sé- 
rieusement et retirer de ses capitaux un intérêt snpé- 
rieur à 2 1/2 ou 3 0/9. Après avoir visité trois grandes 
propriétés dont deux avec châteaux, je revins donc, con- 
vaineu qu’avec ma résolntion de ne pas entreprendre à 
mon âge, et dans ma position, un faire-valoir direct de 
plusieurs centaines d'hectares, il serait plus sage et 
mème plus avantageux pour moi, d'acquérir ici des pro- 
priétés à la vérité à des prix, relativement à la qualité 
du sol, plus élevés qu’en Touraine, mais qui, s’il fallait 
recourir à l’afflermage, me donneraient un revenu net 
plus élevé que dans ce dernier pays. C’est ce que je fis 
en achetant une propriété où j'ai placé des colons, et qui 


— 390 — 


a absorbé la moitié environ de mon capital disponible. 
Toutefois, si je retournais quelque jour en Touraine, je 
serais heureux, s’il n’y avait aucune indiscrétion à le 
faire, de visiter la propriété de votre ami, dont la cul- 
ture, comparée à toutes celles qui l’environnent, est in- 
contestablement très-remarquable. Pourrais-je donc, 
monsieur, vous prier d’avoir l’obligeance de me l'indi- 
quer ? Peut-être trouverai-Je ce renseignement dans le 
volume que vous voulez bien nvoffrir. 

Bien que l’exiguité de nos champs ne nous permette 
guère de songer à utliser les cultivateurs à vapeur, je 
serais très-désireux de voir à l’œuvre ceux qui fonc- 
tionnent ou vont fonctionner dans l’Indre, et chez 
MM. Cail et Decauville; aussi, entreprendrai-je bien- 
tôt, si je le puis, un voyage dans ce but. Merci donc, 
monsieur, des détails que contient votre lettre à cet 
égard. 

J’ai essayé, cette année, sur quelques hectares de bet- 
teraves, dans mon domaine et dans quelques métairies à 
moitié formées, les fameux engrais chimiques de M. G. 
Ville, mais bien entendu en comparaison avec 1° des fu- 
miers de ferme à divers états de décomposition ; 2° avec 
des fumiers contenant en mélange des chiffons de laine ; 
et 3° avec le guano du Pérou. J'ai partout réservé une 
portion de terre n’ayant recu aucune fumure. Je n’aper- 
cois jusqu’à présent aucune ou du moins presque aucune 
différence dans le résultat produit par ces différents en- 
grais, de sorte qu’il est difficile de dire aujourd’hui quel 
est celui qui a produit les meilleurs effets. J’attendrai 
pour être fixé l’époque où les betteraves seront récoltées, 
c’est-à-dire la fin du mois. Get ajournement est d’autant 
plus nécessaire, que les pluies qui nous sont arrivées de- 
puis quelques semaines ont rendu à la végétation une 
grande activité. Il faut avouer que si ces engrais chi- 
miques tenaient tout ce que M. Ville et quelques cultiva- 


— 391 — 


teurs ont promis en leur nom, ces matières fertilisantes 
seraient destinées à opérer une véritable révolution dans 
la culture des terres médiocres, mauvaises principale- 
ment. Puisse cette heureuse révolution s’accomplir ! 

J’espérais bien, cher monsieur, pendant le long sé- 
jour que je fis à Paris pendant l’exposition universelle, 
avoir l’honneur de vous voir. J’allai pour vous rencon- 
trer à votre ancien hôtel, rue d’Anjou-Saint-Honoré, où 
je ne reconnus pas même la place de Phôtel. Je m’adres- 
sai à plusieurs concierges du quartier, à des épiciers, à 
des bouchers, j’eus enfin recours au fameux dictionnaire 
de cent ou deux cent mille adresses ; tout fut inutile, et 
je ne pus parvenir à découvrir votre nouvelle adresse. 
Peut-être aviez-vous quitté définitivement Paris? Je 
quittai Paris avec un véritable regret de n’avoir pu avoir 
l'honneur de vous voir et d’être privé de ces conversa- 
tions que vous savez rendre si agréables et si intéres- 
santes pour vos amis et vos visiteurs. 

Permettez-moi done, monsieur, d’espérer qu’au prin- 
temps prochain, vos occupations et votre santé vous per- 
mettront de revenir à Châteaugontier où Mme Geruigon 
et moi serions vraiment heureux de vous recevoir. Vous 
voudrez bien me permettre de vous renouveler cette 
prière alors que la saison des voyages sera revenue. 

M°° Gernigon me charge de ses compliments respec- 
tueux pour vous et de ses remerciements pour votre bon 
souvenir. De mon côté, je vous renouvelle, monsieur le 
comte, mes remerciments pour votre bon souvenir, mes 
souhaits de bonne santé, et l’assurance de mes senti- 
ments les plus respectueux et les plus dévoués. 


GERNIGON. 


— 392 — 


Châteaugontier, le 24 octobre 1868 


Cher Monsieur, 


Je vous demande bien pardon de w’avoir pas répondu 
plus tôt à votre bonne et très intéressante lettre. Je vou- 
lais que ma réponse contint tous les détails que vous pa- 
raissez désirer obtenir, et pour y parvenir, je m'étais mis 
au travail, pour résumer et coordonner de nombreuses 
notes que j'ai recueillies depuis bien des années et suc- 
cessivement sur les diverses branches de notre agricul- 
ture locale. Mais le temps m’a manqué, et ce travail que 
j'aurais voulu vous livrer complet et imprimé ne peut 
être terminé par moi en ce moment, où les travaux des 
semailles de céréales et des plantes fourragères à faire 
dans mes douze métairies à colonies partiaires, nr’o- 
bligent à des courses nombreuses à des distances souvent 
très-grandes. En attendant que je puisse vous adresser ce 
travail, je joins à ces lignes quelques détails relative- 
ment à la production et au bénéfice du bétail dans trois 
fermes de ma propriété de Saint-Fort, près de Château- 
gontier. J'ai choisi trois exploitations d’étendue très-dif- 
férente, mais dans les mêmes conditions de fertilité, de 
débouchés, et d'exploitation. Aucune, bien entendu, n’a 
d'industrie annexée pour transformer ses produits ; 
aucune ne possède la ressource de vendre le lait de ses 
vaches en nature à Châteaugontier. Ces exploitations 
sont donc, dans la condition, sous le rapport des dé- 
bouchés et de la vente des produits, de toutes les fermes 
du pays situées à quelque distance que ce soit de la 
ville. Toutefois, cher monsieur, je vous observerai qu’il 
ne faudrait pas conclure des chiffres duproduit net 
donné par ces fermes, que toutes les exploitations du 
pays offrent un résultat semblable. Non assurément, et 
ce qui le prouve hien, c’est l’abandon fait depuis 


— 393 — 


quelque temps par les propriétaires mes voisins, du ré- 
gime de la colonie partiaire, pour adopter le fermage 
à prix d'argent, abandon malheureux pour le progrès 
agricole de notre pays, amené d’un côté par des prix de 
location variant de 90 à 110 fr. à l’hectare, qu’ils consi- 
dèrent comme léquivalent, au moins, du produit net 
qu’ils retiraient par le métayage, et de l’autre par le dé- 
sir de rester plus libres en s’affranchissant des voyages, 
des conseils et de la surveillance, nécessités par la colonie 
partiaire. 

Quant à moi, qui ai su résister à ce mouvement de 
recul, je continuerai, au moins quelques années encore, 
le système de la colonie partiaire, parce que, grâce à la 
direction que j’exerce sur ce système, je crois sérieuse- 
ment servir les progrès de l’agriculture de notre pays, el 
à la fois servir les intérêts de mes métayers et les miens 
propres, puisque j'augmente ainsi mes revenus de moitié 
ou d’un tiers, tout en améliorant sensiblement mes pro- 
priétés. Si comme vous m'en donnez l'espoir, cher mon- 
sieur, je suis assez heureux pour vous recevoir au prin- 
temps prochain, vous verrez mes métayers, quelques-uns 
au moins, cultiver complétement à plat, au moyen de la 
charrue brabanconne, et semer leurs céréales en lignes 
au semoir, ce qui est en complet désaccord avec les habi- 
tudes culturales du pays où le billonnage aneien (et non 
pas le billonnage Decrombecque) est exclusivement pra- 
tiqué. | 

Merci, monsieur, des adresses et des indications que 
vous voulez bien me donner ; j'en profiterai certaine- 
ment cet hiver ou ce printemps, etirai visiter les cultures 
que vous me signalez. — Quel est done ce maïs à dent 
de cheval que cultive M. Paul Allibert avec un si com- 
plet succès ? ce maïs serait-il le même que celui appelé 
géant-caragua que J'ai cultivé cette année? Son grain 
serait-il blanc et un peu plat? Où M. Allibert se procure- 


— 394 — 


t-il ce maïs? Je vous serais bien reconnaissant d’une 
réponse à cet égard. | 

Je puis, cher monsieur, céder un taureau né le 20 oc- 
tobre 1867 et-âgé par conséquent de un an. Il est rouge 
avec quelques taches blanches. Il sort de très-bonne 
souche et est inscrit au herd-book. Il a déjà sauté cinq 
ou six vaches, avec une vigueur et une promptitude ex- 
ceptionnelies. Son prix exact serait de 900 fr., auquel il 
faudrait ajouter 8 fr. de pour-boire au vacher, et 8 à 
10 fr. pour le faire rendre à a station de chemin de fer 
la plus rapprochée. J'ai en ce moment quatre autres 
jeunes veaux mâles dont le plus âgé n’a pas encore sept 
mois. 

L'heure du départ du courrier iw’obligeant à terminer 
cette lettre, je vous demanderai, cher monsieur, la per- 
mission de continuer cette correspondance lorsque vous 
serez en Lorraine. 

Veuillez agréer, monsieur le comte, la nouvelle assu- 
rance de mon profond respect. 

| GERNIGON. 


Produit, en bétail seulement, obtenu par M. Gernigon, au 
moyen de la colonie partiaire, dans trois exploitations situées 
dans le canton de Châteaugontier, et dont la contenance sera 
indiquée ci-après : 
1° La Bourdinière, d’une contenance totale de 32 hect. 

12 ares 2 cent. 


Années. x Prix des ventes de bétail. 
Bb Os ur: TRUE ME AGE SSONEE. 
LODAPEINET, DET id USENET CET F7 DOS 
iNoé.22 heob Hola sais pee 
Produit en bétail des trois années . 16,503 fr. 
dont le 1/3 pour chaque année est de. 5,501 fr. 


Soit par hectare, 172 fr. 


— 395 — 
2° La Grand-Maison, d’une contenance totale de 
18 hect. 50 ares. 


Années. Prix des ventes de bétail. 
MR a in Lun. 7.201 fr. 
ÉTAGES 3.059 

1800 ne de ire 40 2: 820 


Produit en bétail des trois années . 8,370 fr. 
dont le 1/3 pour chaque année est de . 2,790 fr. 
Soit par hectare, 150 fr. 80 c. 


3° Petite closerie de la Coquinière, d’une contenance 
totale de 4 hect. 95 ares. 


MOGG: … PUR PRE Cr LRU Ér, 

AO, 20 PURES PER 871 

DORA un lot te a M3006 
Total des trois années. ., . . . 3,096 


dont le 1/3 représentant la moyenne . 1,032 


Soit un produit net en bétail, par hectare, de 
208 fr. 50 c. 

Produit moyen annuel, en bétail, de ces trois fermes, 
d’une contenance totale de 55 hect. 50 ares. 9,323 fr. 

Soit par hectare, année moyenne . . .  168fr. 


Détail des recettes et dépenses et du produit net pour le pro- 
Priétaire de la mélairie de la Bourdinière, de 32 hect. 
12 ares. 


Année du 1% novembre 1866 au 1er novembre 1867. 


CHAPITRE EI. — AVOIR. 


1° Ventes d'animaux : 


1866. 14 nov. Rüta, vache pur sang 
durham … . .708 950 fr. » c. 


— 396 — 


Report. : 
9 déc. 2 bœufs métis 7/8 due 
CHAT." :. 

1868. 28 mars. 2 bœufs métis 1/8 a 
rham, ägés de 35 
mois ÿ Jours. : 

Id. 2 bœufs métis 7/8 du- 
rham, âgés de 32 
mois . 
Id. Avachede 14 ans, Ce 
sée avec pissement 
de sang déclaré . 
30 août. 1 génisse inférieure 
Id. 2 bœufs de race pure 
de durham, de 41 
mois . 3 
7 sept. 1 veau mâle, durhate 
pur, destiné à la re- 
production et âgé de 
3 mois 20 jours. 
22 oct. 1 génisse de durham, 
pur sang et pleine . 


Espèce ovine, 8 septembre : 
1 femelle de 17 mois, ven- 

due {southdown pure). A20f, » 
4 agneau male, de 4 à 

DS. re on) Ce ON 
26 liv. de laine à 1 f. 10. 28 60 

Espèce porcine : 
12 porcs de lait.4,,. ; . . 120» 
1 truie Brase  . ©. 0 APE te 
Total des ventes réalisées dans l’année 
Plus-value sur le capital en bétail au 

4er novembre 1867. 


A reporter 


950 fr. 


1,120 


1,100 


950 


250 
180 


1,270 


214 


305 


810 


8,680 


» C. 


» 


60 


40 


7,870 


» 


» 


» 


— 397 — 
Report idiots 82680 4%r.. pc. 
2° Céréales et autres prodnits divers : 
19 858 doubles déca- 
litres de blé froment, 
à 6 Fr. PUR Er "SES Te 
2° Colza, vendu . . . 1,194" » 
3° Avoine, vendue , . 104 » 
4 Cidre, 30 barriques à 7,144 b 
ARC CA if. 450  » 
50 Châtaignes, vendues. 248  » 
6° Basse-cour, volailles, 
élc., ENVITON . . . 40  » 
7,144f, » | 


7 15,824 » 
CHAPITRE IL — DOIT : 


10 Dépenses pour se- 
mences de céréales et 


FORPIASES.. . MASSE 
2° AChal ŒEUSrAIs ., . 267 n 
J EMVERES 0 TR 2,398 x 
4° Achat de bétail . . 1,581 » 
50 À valoir pour omis- 
Lin: Re ir Mn Tim 40  » 
2,398 f. 10 | 


Avoir netà partager. . . . . ,: 13,426 fr. » c. 
- dont la moitié pour M. Gernigon est de  6,713fr. » c. 


représentant un revenu net à l’hectare de 209 fr. 70 c. 


— 398 — 


Mémoire à fournir pour la prime d'Honneur du Concours 
régional agricole de 1862. — Terre d'Aubigny-sur- 
Allier. 


I. RENSEIGNEMENTS GÉNÉRAUX. 


1° Configuration du sol, ete. — Cette terre s'étend sur 
la rive gauche de l'Allier, regardant le levant; elle se 
compose des chambonnages de la vallée, ct des coteaux 
calcaires qui la bordent, et elle est coupée par plusieurs 
vallées transversales dont la plus importante est celle de 
la Burge. 

La couche arable est composée d’un mélange très 
varié dans ses proportions, de sable quartzeux, quelque- 
fois presque pur et aride, quelquefois mêlé de glaise, 
dominé même par elle, et donnaut un sol compacte et 
argileux. 

Le défaut principal vient du sous-sol, trop souvent 
argileux et imperméable qui exige alors ou le drainage, 
ou es fossés d’assainissement, qui sent le drainage à 
ciel découvert. Le voisinage des montagnes rend le climat 
orageux et variable; quand la sécheresse commence en 
juin, elle dure souvent trois ou quatre mois de suite; 
l’insolation fuse alors très-avartageusement les guérets 
déjà labourés, tandis qu’elle durcit la couche arable de 
manière à empècher les labours, si l'on n’a pas eu la 
précaution de la rompre auparavant. 

Les eaux sont plutôt abondantes. La fréquence des 
pentes en favorise l'écoulement, ainsi que le desséche- 
ment des fonds marécageux; des sources assez nom- 
breuses donnent une eau généralement bonne, sauf 
quelques sources ferrugineuses. 

2° Débouchés, etc. — Tous les marchés sont fort loin; 
celui du Veurdre, le plus près de tous, est encore éloigné 


— 399 — 


de huit à seize kilomètres des différents domaines. Les 
chemins étaient tous absolument impraticables, il y a 
huit ans; les bœufs pouvaient seuls en sortir. Point de 
routes, ni impériales, ni départementales, ni de grande, 
ni de petite vicinalité, avant celles que nous avons faites 
nous-même. Un peu-plus de 75,000 fr. ont été employés 
par nous depuis huit ans, à faire ou entretenir plus de 
vingt-cinq kilomètres de routes et chemins, la plupart 
faits sous la direction des agents-voyers. Tous sont au- 
jourd’hui dans un excellent état de viabilité. Nous 
payons et logeons un cantonnier spécialement attaché à 
la terre, et dirigeant l'entretien de tous ces chemins. 

L’Allier est navigable; mais nous n’avons point de 
canaux, point de chemins de fer que sur la rive droite 
de l'Allier. Get isolement nous oblige à vendre nos pro- 
duits à de grands commerçants qui viennent les acheter 
sur place. Le coramerce des bestiaux se fait entièrement 
dans les foires, presque toutes séparées de nous par de 
longs et mauvais chemins. 

3° Main-d'œuvre, etc. — La main-d'œuvre est rare, 
el souvent on ne peut, pour aucun prix, se procurer des 
journaliers. Au temps des moissons, c’est-à-dire de la 
St-Jean à lAssomption, le prix de la journée s’élève à 
2 fr. 50 pour les hommes et à 1 fr. pour les femmes, et 
l'un et l’autre sont nourris pendant cette période. Le 
reste de l’année, le prix baisse à 4 fr. 50 pour les 
hommes, et 75 centimes pour les femmes, non nourris. 

4 Production du pays, etc. — Le pays est aujourd’hui 
un pays d'élève; nous y avons beaucoup contribué. Son 
produit principal consiste en bestiaux et céréales. L y a 
peu d'années, ne sachant être ni éleveurs ni engraisseurs, 
les cultivateurs achetaient fort cher des bœufs limousins 
en général, pour faire leur culture; ils ne les vendaient 
que vieux et maigres. Leurs taureaux ou châtrons, trop 
faibles et de trop mauvaise race pour faire des bœufs de 


— 400 — 


trait, se vendaient aussi dans les conditions les plus dé- 
favorables. Aujourd'hui les vacheries sont charollaises, 
et avec des reproducteurs pur sang de cette race, l’élève 
nous donne d'excellents bœufs qui font tous les travaux 
de la terre, et s’engraissent ensuite, grâce à une abon- 
dante production de racines, culture introduite depuis 
peu d'années. Un essai d’herbage suivant l'usage du Ni- 
vernais, tenté sur une assez grande échelle, a pleinement 
réussi. 


II. RENSEIGNEMENTS SPÉCIAUX. 


1° Étendue du domaine, etc. — La terre d’Aubigny 
et ses dépendances, consiste, d’après le cadastre, en 
mille huit cent vingt-cinq hectares, divisés en terres 
arables, prés, bois, vignes, étangs, jardins, etc. Les 
pièces de terre sont généralement closes, et habitude du 
pâturage rend cette précaution nécessaire; les clôtures 
sont tantôt des haïes vives, avec des têtards, et quelques 
arbres de haute futaie; tantôt des épines sèches, et des 
cordonnages fixés par des pieux. Jusqu'à la St-Jean 
1860, le mode de jouissance était le métayage; depuis 
cette époque, sans amener de changement dans le per- 
sonnel, le fermage l’a remplacé, mais seulement verba- 
lement, et conservant les principales conditions du mé- 
tayage quant à la culture. 

Aïnsi la souche du chepiel ne peut être ni changée, ni 
altérée, les mères et les reproducteurs étant au choix du 
propriétaire. Les assolements ne peuvent se modifier sans 
sa permission. Le droit de vaire pâture, général autre- 
fois, est devenu lexception; toutefois cette exception, 
oimèurs nuisible, devrait disparaître. 

2° Capital employé, etc. — Le capital employé à l’ad- 
ministration de ce domaine, n’a guère excédé 400,000 f. 
c’est-à-dire le cinquième environ de sa valeur actuelle, 
se répartissant de la manière suivante : 


— 401 — 


Répartition des terres. 

Terres arables . usée cé sr 300 h. 
Prés. AR OPINION Luce à, 250 
Do) UM RME ae Dh Avant 4 os 200 
Vignes . brique -auénp dis). 25 
Jardins, étangs et chenevières . . . . ‘25 
Couméliiohs : :l'ivimiD cu. 10 
Vagbgn, vi a ut à. FOURS. NE 15 

RO l'AS 20: 
3° Bâtiments, etc. — Les bâtiments d'exploitation 


consistent, pour chaque ferme, dans une vaste grange 
dont tout le rez-de-chaussée est consacrée aux bestiaux, 
sauf l’aire à battre. Au-dessus du solivage des écuries, 
on entasse les fourrages ; dans les nouvelles granges des 
courants d’air sont ménagés; des voûtes de briques 
empèchent l’exhalaison des étables de gâter les fourrages; 
des auges en pierre de taille, permettent de donner des 
pulpes et des jus de distillerie pour l’engrais des bes- 
tiaux, enfin des pavages de béton conservent les purins 
et les fumiers. La reconstruction de sept granges et 
d'autant de maisons, et la restauration complète d’un 
plus grand nombre, ont absorbé plus de 150,000 fr. 

4° Moyens de transports, etc. — Les bœufs font géné- 
ralement toute la culture et tous les transports. 

5° Assolements, etc. — L'assolement le plus usité par 
nous, est quinquennal; soit : {'° année, gros grain; 
* 2° année, menu grain, avec fourrage; 3° et 4° années, 
coupes de fourrages ; 5e année, jachère. 

6° Amendements, etc. — L’amendement qui a trans- 
formé ce pays, est la chaux. Daus les terres argileuses, 
on met cent soixante à deux cents hectolitres par hectare; 
dans les terres plus légères, on diminue jusqu’à moitié 
cette proportion ; dans les terres sablonneuses bien fu- 

26 


— 402 — 


mées, soixante hectolitres suffisent par hectare, et don- 
nent un bon résultat. On dit qu'il faut y revenir tous 
les douze ou quinze ans. Le prix de la chaux varie de 
75 centimes à 1 franc l’hectolitre. 84,000 fr. employés 
depuis onze ans, au moyen de nos deux fours à chaux, 
nous en ont fourni quatre-vingt-deux mille cinq cent 
quatre-vingt-seize hectolitres qui ont amendé six cent 
soixante-un hectares, quarante. — Un tableau copié 
sur le cadastre, permet de constater de la manière la 
plus exacte l'emploi détaillé de cet amendement. Le 
plâtre employé avec succès sur beaucoup de prairies na- 
turelles ou artificielles, coûte 13 fr. les cinq cents kilos; 
il faut y revenir chaque année. 

7° Desséchements, etc. — Quelques desséchements ont 
été opérés par de bons fossés dirigés suivant les pentes. 

8° Irrigation, etc. — L’irrigation ne se fait qu’isolé- 
ment et par submersion, il n’y a point de système suivi ; 
la nature de la Burge y prête peu. 

9° Labours, etc. — La charrue employée d’ordinaire, 
est la Dombasle du prix de 50 fr.; elle marche avec deux 
ou quatre bœufs; peu de fermiers se servent de chevaux. 
La charrue de défrichement ou défonceuse, s'emploie 
dans des circonstances spéciales. La profondeur des 
labours varie de vingt-quatre à trente centimètres; le 
plus souvent maintenant on les fait en planches, sauf 
dans quelques lieux humides où l’on fait alors des bil- 
ons d’un mètre. On donne trois labours, le 4° en mai, 
le 2° en juillet, et le 3e en septembre, pour enterrer les 
famiers el semer. La herse de fer est devenue d’un usage 
général; le rouleau est moins répandu, et la houe à 
cheval employée pour toutes les récoltes sarclées. 

100 Semis, etc. — On sème à la main et à la volée en 
général; les semences se chaulent avec du vitriol, de 
l’eau de chaux et du sel; l’époque des semailles est 
octobre. Le soin de renouveler, tous les deux ou trois 


— 403 — 


ans, les semences hors de la terre, et même hors de 
France, nous a donné, particulièrement en froment et 
en avoine, des augmentations considérables de ren- 
dement. 

119 Entretien des plantes, etc. — Les topinambours 
et autres récoltes sarclées, reçoivent deux binages. Rien 
de particulier dans les fenaisons et les moissons; les 
grains se rangent dehors, en meules assez bien faites et 
les fourrages dans les granges. Les battages s’exécutent 
par nos locomobiles à vapeur. 

120 Vignes, elc., bois. — Les vignes et les bois 
étaient mal tenus, et n’ont encore éprouvé aucun progrès 
sensible. 


III. ANIMAUX DOMESTIQUES. 


1° Race chevaline. — Nos meilleures poulinières sont 
des débris de Pancienne et excellente race du Morvan. 
Nous cherchons comme reproducteur, le percheron trot- 
tant. Les poulains s’éièvent presque constamment dehors. 
Le cheval n’est employé que par exception aux travaux 
d'exploitation. S’il est lourd, il se vend pour le charroi ; 
le plus souvent, nos élèves sont des chevaux de trot, 
souvent ils conviendraient aux remontes; mais nos fer- 
miers préfèrent les vendre beaucoup plus jeunes. 

2° Race bovine. — Nos reproducteurs mâles et femelles 
sont exclusivement charollais. On ne se sert des bêtes à 
cornes pour le travail qu'après la castration; notre ter- 
rain très-doux dispense de les ferrer, Le temps de travail 
du bœuf est environ huit heures par jour d'été, et six 
heures par jour d'hiver. La plupart des veaux se con- 
servent pour l'élève ; les femelles pour le remplacement 
des mères, les mâles pour le travail, en remplacement 
des bœufs engraissés, ou vendus pour l’engrais. On ne 
conserve de laitage que pour lentretien des ménages, le 
peu de beurre qui s’exporte est vendu au Veurdre 


— 404 — 


1 fr. 25 c. et 1 fr. 50 c. le kilog. Le prix et le poids 
moyen des bœufs, avant et après l’engrais, varient à 
l'infini; mais la base de la plus-value est une augmenta- 
tion de quarante-cinq kilog. par mois et par tête. L'été, 
l’engrais se fait dehors au moyen d’herbages, comme en 
Nivernais et dans la vallée d’Auge ; l'hiver avec stabu- 
lation au moyen des jus des pulpes de topinambours. 
Les accidents sont rares; le charbon symptomatique, 
ou gastro-entérite pernicieuse, paraît quelquefois épidé- 
miquement les années de grande chaleur, surtout après 
les inondations de printemps. Les sétons, au début du 
régime vert, la saignée auparavant, sont de bons moyens 
préventifs. 

30 Race ovine. — Peu ou point d’élèves dans lespèce 
ovine; mais des lots de moutons se succèdent pour l’en- 
grais, au vert l’été, avec stabulation et par les pulpes 
l'hiver. La pourriture ou maladie de foie aiguë est le 
mal le plus fréquent et le plus grave. 

4 Race porcine. — L'espèce la plus répandue est 
celle de hampshire, ou berkshire, croisée avec l’ancienne 
race du pays. Le new-leicester est appelé à donner plus 
de précocité et des habitudes plus sédentaires nécessitées 
par les progrès de la culture; les dégâts causés par les 
anciens porcs non-bouclés devenant maintenant in- 
tolérables. 

5° Abeilles. — Les ruches sont mal tenues. 

6° Industrie. — On vend les noix à des huiliers. 
Quelques moulins à eau très simples et très primitifs, 
une bonne tuilerie, composent les seules ressources in- 
dustrielles de la terre. 


IV. COMPTABILITÉ. 


La comptabilité se divise en deux branches : 
1° Comptabilité en argent; 
2° Comptabilité en nature; plus Pétat de situaüon. 


— 405 — 


1° Comptabilité en argent. — La comptabilité en 
argent se compose : 10 d’une main courante des recettes 
et dépenses arrêtée chaque mois; 2° pour partie double, 
d’un grand-livre par spécialités, ou dépouillement dont 
le résultat mensuel est transcrit sur un tableau pour 
controler la main-courante; mais qui ne s'arrête pas 
mensuellement, et se clôt chaque année, avec le douzième 
mois de l'exercice. Chaque domaine y figure par un 
compte ouvert de doit et avoir, subdivisé en compte du 
domaine, et compte personnel du métayer. Une colonne 
de récapitulation tirée de la comptabilité des chemins de 
fer, simplifie considérablement tout le système, en fai- 
sant qu’à toute date et à toute heure, le compte est ar- 
rêté dans chacune de ses parties. 

2° Comptabilité en nature. — La comptabilité en 
nature se compose d’une suite de tableaux annuels cons- 
tatant, pour chaque sorte de grain, et pour chaque ferme, 
la quantité de semence, le nombre de gerbes et le ren- 
dement en grain. Un autre tableau, récemment ajouté, 
constate aussi la quantité de foin naturel, et de fourrage 
artificiel récoltée, et la quantité de fumier produite par 
chacune d’elles. 


État de situation. 


La situation de l’entreprise doit être envisagée à un 
triple point de vue : 1° Constatation exacte des sacrifices 
faits et du capital employé à l'amélioration ; 2° Résultats 
progressifs sur les bases les moins contestables; — pour 
les cheptels, par expertise contradictoire ; — pour les pro- 
duits de culture, par les rendements au denier de se- 
mence; 30 Examen de la position des anciens métayers 
devenus fermiers, et acceptant pour base du prix de 
leurs fermes, les résultats progressifs qu’ils sont plus que 
personne à même d’apprécier. 

19 Constatationdes sacrifices pécuniaires, etc. — Avant 


— 406 — 


de régir directement, et pendant le cours du dernier bail 
de fermage notarié de cette terre, c’est-à-dire de 1842 à 
1849, 52,000 fr. ont été employés en reconstructions 
par le propriétaire, et 40,000 fr. en remboursement des 
augmentations ou bonifications plus ou moins réelles des 
cheptels et du matériel. Depuis la régie directe, le 
capital employé s’élève au chiffre de 340,597 fr. 71 c., 
qui se répartissent comme il suit : 


Extrait des onze exercices de la régie de la terre 


d'Aubigny. 
Chaiage Ps D de OM AMEN EDE. 
Enerus’et semences … ,... .4. |: 2470005) 
Bâtiments . . Pere CUS 
Batteuses, distillerie, forge, etc. . 22,000 » 
Chemins, AC ES CA 1 So) 
Défenses de rivières . . . . . 13,506 40 
Défrichements, semis, ete. . . . 21,768 06 


Tétaltione 34050704 


Ce total, joint à celui des 92,000 fr., employés en 
améliorations, avant la régie, fixe le chiffre du capital 
employé à 432,597 fr. 71 c. 


2° Résultat progressif, etc. — Ici nous avons à 
examiner les cheptels et les rendements. Pour les 
cheptels, le dernier fermier général ou fermier non- 
cultivateur, en a laissé, d’après les expertises de 
1849, pour 90,000 fr. Les expertises contradictoires de 
MM. Renon et Chapuys, en juin 1860, ont porté le 
cheptel des domaines à 145,093 fr. En y ajoutant le 
cheptel des locataires, qui est de 5,680 fr., on obtientun 
total de 150,773 fr.; le bénéfice est donc en onze ans 
de 60,773 fr. 

Pour les rendements, les tableaux rigoureusement 


— 407 — 


tenus depuis 1852 prouvent que le denier de semence 
s'élève comme il suit : 


Extrait des travaux annuels de rendement de 
la terre d'Aubigny. 


Froment. — Déclaration de lancien fermier, 5 
pour 1; 1852, 5 pour 1; 1853, 6 pour 1; 1854. 7 1/2 
pour 1; 1855, 8 pour 1; 1856, 7 pour 1; 1857, 10 
pour 1 ; 1858, 11 9/10 pour 1 ; 1859, 141 7/10 pour 1 ; 
1860, 12 4/10 pour 1. 

Seigle. — Déclaration de l’ancien fermier, 5 pour 1 ; 
1852, 5 pour 1 ; 1853, 5 pour 1 ; 1854, 7 pour 1 ; 1855, 
6 pour 1; 1856, 4 1/2 pour 1 ; 1857, 6 pour 1; 1858, 
7 1/2 pour 1 ; 1859, 8 1/2 pour 1. 

Avoine. — Déclaration de l’ancien fermier, presque 
nulle ; 1852, 6 pour 1 ; 1854, 8 1/2 pour 1 ; 1855, 8 1/2 
pour { ; 1856, 5 1/2 pour 1 ; 1857, 8 1/2 pour 1; 1858, 
10 pour 1; 1859, 11 pour 1. 

Orge. — Déclaration de l’ancien fermier, presque 
nulle ; 1852, 6 pour 1 ; 1854, 8 1/2 pour 1 ; 1855, 8 1/2 
pour 1; 1856, 5 1/2 pour 1 ; 1857, 8 1/2 pour 1; 1858, 
10 pour 1; 1859, 11 pour 1. 


On voit que la progression a toujours été croissant, 
sauf la désastreuse année de 1856 où les inondations ont 
ravagé une partie des terres ensemencées. De plus, nos 
tableaux annuels de semence constatent que jusqu’en 
1853, lemblavure de seigle égalait à peu près celle de 
froment; aujourd’hui lemblavure de froment est le triple 
de l'emblavure de seigle ce qui prouve mieux que tous 
les raisonnements, l'amélioration du sol arable. 

Pour les fourrages artificiels, ils sout introduits 
depuis et par notre régie. Ils ont rendu cette année deux 
mille sept cent quatre-vingts quintaux métriques de 
fourrage, c’est-à-dire un peu plus des 2/3 du poids de la 


— 408 — 


récolte des fourrages naturels. Les topinambours, in- 
troduits seulement depuis trois ans, rapportent environ 
chaque année dix mille quintaux métriques. 

3° Examen de la position des fermiers, etc. — Les 
ci-devant métayers, maintenant fermiers par bail verbal, 
en date de la Saint-Jean 1860, ont payé intégralement 
leur assurance contre la grèle. Ils ont laissé dans la caisse 
de la régie, un avoir de 30,952 fr. 09 ce. à titre de cau- 
tionnement. Enfin, devant avoir payé en décembre une 
année entière, c’est-à-dire le terme d’entrée, ou de 
Saint-Jean, payé d’avance, et le second terme à son 
échéance de fin d’année, ils ont, sur 63,000 fr. payé 
57,000 fr., et cette minime somme en retard, s’explique 
par la présence d’une partie des avoines non encore battues. 
Ce paiement s’est effectué sans pression nisouffrance, sans 
que les blés se soient vendus plus de 20 fr. l’hectolitre, 
et sans qu'aucun fermier ait anticipé sur les ventes ré- 
gulières des cheptels. 


Conclusion. 


L'état de situation ci-dessus prouve que l’entreprise a 
absorbé un capital de 432,597 fr. 71 c.; mais les 
cheptels ayant augmenté de 60,773 fr., la part du maître 
est de la moitié, soit 30,386 fr. 50 e. qui sont à déduire; 
le sacrifice pécuniaire réel est fixé au chiffre de 
402,211 fr. 21 c.; cette somme a réalisé une améliora- 
tion traduite en fait par 30,000 fr. d'augmentation dans 
le prix de ferme du bail verbal actuel, sur le prix du 
dernier bail notarié commencé en 1842 et terminé 
en 1849, par une résiliation désastreuse pour le proprié- 
taire et pour le fermier. 

Pour donner au nouveau bail une garantie plus 
grande que toutes celles des anciens baux, nous avons 
exigé 1° l’assurance contre la grêle, obligatoire chaque 
année, pour tous les fermiers et à leurs frais; 20 le dépôt 


— 409 — 


dans la caisse de notre régie, à titre de gage, de tout 
Vavoir de Saint-Martin, de nos ci-devant métayers 
devenus fermiers, et ce gage s'élève au chiffre de 
30,952 fr. 09 c.; 3° le paiement d’un terme d’avance, 
Enfin, la confiance avec laquelle vingt-quatre métayers 
ont accepté une convention générale de fermage pure- 
ment verbale, sans autre garantie légale à leur profit, 
que leurs anciens baux annuels de métayage, prouve 
d’une manière singulière qu'ils ont su apprécier le 
système de régie qui les a dirigés dans cette phase de 
transformation. 


Note sur la terre d'Aubigny-sur-Allier, et particulie- 
rement sur les exercices 1858, 1859, 1860, 1861. 


RÉSUMÉ DES ANNÉES ANTÉRIEURES A 1858. 


En 1842, la terre d’Aubigny abandonnée par un fer- 
mier ruiné, se trouvait au dernier degré de mauvaise et 
inepte gestion. Un nouveau fermier y entra alors et en 
sortit ruiné en 1849. L'état de la culture et l’administra- 
tion de ce bien n'avaient fait qu’empirer : le prix avait été 
baissé, la terre était louée 25,000 fr., les impôts à la 
charge du fermier. La chaux devait se payer à frais 
communs, clause illusoire, car dans sa détresse, ce fer- 
mier ne chaulait pas. Il n’y avait ni route, ni chemins, 
ni débouchés d’aucune sorte. 

Cependant le propriétaire avait dépensé pendant le 
cours de cette ferme 52,000 fr. pour reconstruire les bà- 
timents qui tombaient partout; puis au départ du fermier 
il fallut accepter à titre de remboursement, pour 40,000 fr. 
de bonifications ou augmentations plus ou moins problé- 
matiques du matériel, des cheptels, ete... Les charges 
plus ou moins amélioratives qui pesèrent durant cette 


— 410 — 


ferme sur M. d’Aubiguy, s’élèvent donc pour sept ans à 
92,000 fr., environ 13,000 fr. par an. 

De 1849, date de la régie directe, avec métayage, trois 
années se passèrent à se recueillir et à étudier la terre; 
puis en 1852 commenca l’ère des amétiorations ; depuis 
lors, jusqu’en mai 1858, environ 242,000 fr. ont été dé- 
pensés et se répartissent ainsi : 


Chaux, engrais 44... 4" ECURIES 
Bätiments. 15. @iN:, ©). TOUR 
Chemise lan. à 20 0e UN UINESIRS 
Bois el Tiaènes., 4 OU 7 6e NON 
Maleniel 5 Sc: NTM 26 EE JE En 
Total. 4 ducs ASIN 
Capital employé. 


Ce total Joint aux 92,000 fr. dépensés 
antérieurement, fixe le chiffre du capital 
employé Jusqu'en 1858 à . . . . . . 334,000fr. 


Résultat. 


Chaux, engrais, etc. — Nous devons à la chaux une 
véritable transformation ; on en met cent soixante à deux 
cents hectolitres par hectare en terre argileuse, la moitié 
de cette proportion, en terre plus légère et seulement 
soixante hectolitres par hectare en terre tout à fait sa- 
blonneuse, mais bien fumée. 

Soixante-dix mille hectolitres de chaux cuite dans nos 
deux fours construits sur nos bancs calcaires, ont chaulé 
plus de cinq cents hectares de terre; grâce à cet amen-— 
dement et au renouvellement fréquent et raisonné de 
nos semences, les gros grains (froment et seigle), qui 
rendaient au plus six pour un de semences, rendent dix 
pour un. Les menus grains (avoine et orge), qui n'avaient 


— 411 — 


aucun rendement fixe et dont on faisait très-peu de cas, 
rendent buit pour un. 

Les fourrages artificiels complètement inconnus il y a 
six ans, devenus possibles avec la chaux, donnent en 
poids le tiers du produit des fourrages naturels. Les ra- 
cines introduites de même depuis le chaulage donnent 
dix mille quintaux métriquesde fourrage, année moyenne. 
Le plâtre pour les prairies et les trèfles, les chiffons pour 
les vignes, augmentent considérablement tous nos ren- 
dements : 64,000 fr. sont dépensés pour cette spécia- 
lité. 

Bâtiments. — Les bâtiments d'habitation ont été 
presque tous refaits, ou au moins carrelés, recouverts, 
éclairés par des fenêtres et des portes vitrées, munies de 
bassies, de panneteries, de fours séparés des maisons. 
Ces améliorations ont amené l’habitude du soin, de la 
propreté et de l’aisance. Dans les étables, des courants 
d’air ont été ménagés; dans quelques-unes des voûtes en 
briques empêchent lexhalaison des étables de gâter les 
fourrages entassés au-dessus; des auges en pierre de 
taille permettent Pengrais des bestiaux par les pulpes et 
les jus de distillerie. On peut ainsi conserver les fourra- 
ges et soigner les élèves ; l'importation de la race charol- 
laise pure et l’application sévère du principe anglais, de 
la pureté absolue du sang chez les reproducteurs, a tiré 
parti de l’assainissement des logements comme de la pro- 
duction des fourrages. Au lieu de bêtes de somme que 
les fermiers achetaient cher et vendaient bon marché, 
nos métayers ont un cheptel véritable, c’est-à-dire une 
famille de bestiaux se reproduisant, se remplaçant et s’a- 
méliorant par le croît. Plus de 130,000 fr. consacrés aux 
bâtiments, ont reconstruit ou restauré tant pour les 
hommes que pour les animaux, la plupart des centres 
d'exploitation et des locateries. 

Chemins. — Les chemins étaient tous impraticables ; 


— #12 — 


point de routes, n1 impériales, ni départementales, ni de 
grande n1 de petite vicinalité avant celles que nous avons 
faites nous-mème et que le département a classées depuis, 
en partie. Peu à peu nos routes ont permis le transport 
de la chaux, des fourrages, des fumiers, des récoltes. 
Puis, on a pu joindre les centres de commerce et vendre 
ses denrées sans les avarier et les perdre et sans blesser 
ou noyer les bœufs au milieu des fondrières des anciens 
chemins. Vingt à vingt-deux kilomètres de routes ou 
bons chemins ont été créés et entretenus par nous, sous 
la direction de MM. les agents-voyers. L'état actuel de 
cette viabilité est excellent et progresse tous les ans, 
63,000 fr. environ y ont été employés. 

Bois et rivières. — Sans être satisfaisant, l’état des 
bois et des chantiers de rivière a progressé ; la garde des 
taillis est prolongée jusqu’à dix ans. Douze hectares de 
côtes ou de sables ont été plantés ou semés en divers es- 
sences de bois; plusieurs milliers de peupliers grandis- 
sent sur les îles d’Allier et des défenses ont été cons- 
truites, refaites ou entretenues sur dix kilomètres de lon- 
gueur, en Allier ; ces travaux de bois et de rivières ont 
absorbé jusqu’en 1858, 25,000 fr. 

Matériel. — Une batteuse à vapeur locomobile (grand 
modèle Renaud et Lotz), achetée 5,000 fr. en 1854, a 
permis de se rendre compte du rendement des récoltes et 
d'échapper au pillage inséparable d’une battaison qui 
durait dix mois et qne l’accroissement des rendements 
aurait rendu impossible physiquement. Cest d'ailleurs 
de tous les modes de battage le moins cher, et celui qui 
rend les abus pius rares et pl dificiles. Une distillerie 
du prix de 5,000 fr., paralysée comme distillation par la 
baisse des alcools, a été acquise par nous en 1857 et rend 
les plus grands services comme production de fourrage, 
pulpes et jus. 


— 413 — 


Conclusion. 


Dans une terre où les fermiers se ruinaïent et ne pou- 
vaient payer 25,000 fr. et les impôts, soit environ 
30,000 fr. pour le tout, il a été dépensé en améliorations 
334,000 fr.; ce capital a permis de rebâtir en partie les 
fermes, de commencer un bon système de viabilité, d’ac- 
climater une race précieuse de bestiaux, de doubler à 
peu près le rendement des gros grains (froment et seigle), 
de créer à peu près celui des menus grains (avoine et 
orge) et de créer complétement les fourrages artificiels 

-qui augmentent d’un quart le poids total du fourrage à 
consommer, et les racines qui constituent, année 
moyenne, dix mille quintaux du plus précieux fourrage. 
Quant à la population, il est facile de juger leffet de ces 
changements sur sa santé, sa propreté, ses habitudes de 
culture, ses soins pour les bestiaux, et enfin et surtout 
sur Son aisance, puisque, avec cette énorme augmenta- 
tion de produit, le partage est resté immuable dans toutes 
ses conditions. 


EXAMEN DES ANNÉES 1858 Er 1859. 
(Fait en juin 1860.) 

La continuation des mêmes soins a donné les mêmes 
résultats. La régularité absolue des comptes permet l'ex- 
aclitude la plus sévère, sur tous les points. 

Les dépenses amélioratives s'élèvent aux chiffres 
de . . 30,759 fr. 50 c. pour 1858. 

36,011 18 pour 1859. 


Ensemble 66,770 68 répartis comme il suit : 


Chaux, engrais, semences . . .  33,621fr. 10 c. 
PEMENNS . . :. mt 0-4 085; (029 
CESR lie: a/oæ0 cie 4,748 41 
MS PUIPINIERES. .., 1 : e Lou 4,303 88 
EL 3 © Halte | » 


Eotal. 2: "OO TTU IT. 66 €. 


— A4 — 


Quant au résultat, c’est-à-dire à l’accroissement du 
produit, les tableaux de rendement constatent que le 
seigle a presque disparu de la culture, que le froment 
pour 1858 et 1859 a rendu douze pour un de semence, 
l’avoine et l'orge, dix pour un de semence, Le poids des 
fourrages artificiels qui er 1858 égalait le tiers du poids 
des fourrages naturels, en dépasse la moitié en 1859 et 
les deux tiers à la fin de juin 1860. La productior du 
fermier s’accroit de trente nulle kilos de 1858 à 1859. 
Les routes et les bâtiments s’entretiennent, se continuent 
ou s’achèvent. L'installation d’un bon maréchal et de tout 
le matériel de sa forge a été effectuée à nos frais; une se- 
conde batteuse à vapeur du prix et de la force de la pre- 
mière, est commandée par nous et doit arriver ce mois- 
ci. Les îles des Poissons retirées aux domaines qui en 
jouissaient, ont été défrichées, labourées, plâtrées et con- 
verties en herbages, comme en Nivernais et dans la 
vallée d’Auge. Ce vaste herbage couvre quarante hec- 
tares et paraît parfaitement réussi. 

On était à ce point en juin 1860. Plus de 8,000 fr. ap- 
partenant aux métayers s'étaient capitalisés sur les fonds 
publics ou dans les caisses d'épargne ; une somme au 
moins égale leur avait été successivement payée par la 
régie pour les soultes de partage ou apanages de famille, 
et pourtant leur avoir était encore considérable. On at- 
tendait la récolte qui s’annoncait aussi belle que les pré- 
cédentes, lorsque de la part d’un des métayers surgit la 
proposition d’affermer. Adoplant comme base, qu’un 
bien quelconque est loué dans de bonnes conditions pour 
le cultivateur lorsque ce bien est loué la moitié de son 
produit brut, tous les prix comptés sur des moyennes et 
linspôt à la charge du propriétaire, nous avons calculé 
le produit moyen de chaque domaine, depuis que le 


chaulage a établi à peu près la proportion des rende- 
ments. 


— 415 — 


La moyenne du revenu des bestianx par an, cal- 
culé sur les huit dernières années, s'élevait au chiffre 
he. :… vom nos .J 000, 2941784r 68 e. 

Le revenu des grains, calculé sur 
les prix des mêmes années, au chiffre 


de . veut. th. wevan ‘ah … ASAAGAS 114 
Ensemble. . . . 451,120 42 
Soit pour la moitié . . . . . 75,560 21 


Mais, appliquer le prix moyen des huit dernières an- 
nées à la quantité de blé des quatre ou cinq dernières 
années, pouvait prèter à une erreur. Car 1l restait à prou- 
ver que cette quantité püt résister sans baisse sensible 
aux mauvaises années. Pour arriver à un résultat plus 
rassurant pour les fermiers, on prit alors pour estimer 
le revenu des grains, le bas prix des deux dernières an- 
nées 1858 et 1859 (c’est-à-dire 3 fr. le double décalitre 
de froment), ce qui réduisit le revenu des grains au chif- 
fre.de. fines anus at rio ra ÉrS OÙ 

Le revenu des bestiaux étant de . 29,771 68 


Ensemble. . . . 118,099 58 
Et pour la moitié. . . . . . 59,049 79 


Réduction d'autant plus motivée qu’il était indispen- 
sable de rendre l’assurance contre la grèle obligatoire 
pour tous les métayers devenus fermiers, afin de leur 
créer ainsi une solvabilité dans la prévision du seul si- 
aistre qui püt les ruiner. Les vingt-trois domaines de la 
terre s’affermeèrent donc avec bonne volonté et confiance, 
près de 60,000 fr. en y ajoutant les locateries et moulin 
loués 3,800 fr. et quelques réserves de bâtiments, jar- 
dins, prairies, servines et pailles estimées 2,500 fr.; on 
voit que les objets composant l’ancienne ferme et loués 
25,000 fr. et les impôts, environ 30,000 fr. brut, se 
trouvent loués aujourd’hui 66,000 fr. De plus, sur 


— 416 — 


10,000 fr. de chaux cuite annuellement par nos fours; 
les fermiers en paient 5,000 fr., ce qui constitue un re- 
venu brut de 71,000 fr. avec charge pour la régie de 
fournir la chaux. Cette charge qui constitue pour la terre 
un état de plus-value progressive évident, nous laisse 
encore 61,000 fr. de revenu et les impôts déduits, 
56,000 fr. En prélevant 3,000 fr. d’entretien pour les 
bâtiments remis en état, on voit qu’il reste environ 
53,000 fr. Tandis que dans l’ancienne ferme de 25,000 fr. 
13,000 fr. de charges écrasaient annuellement le pro- 
priétaire, à cause de l’état déplorable de toutes choses et 
annihilaient son revenu qui eùt presque disparu si la 
clause de chaulage s’était exécutée. La convention géné- 
rale de fermage de nos vingt-trois nouveaux fermiers, 
que nous avons disposée seuls et sans le concours de gens 
de loi, a attiré l’attention de la commission de visite du 
concours régional, comme une transition bien ménagée 
entre l’extrême dépendance du métayer et la complète 
liberté du fermier. En voici les quatorze articles : 

1° En devenant fermiers, les métayers s'engagent à 
assurer leurs récoltes contre la grêle, chaque année, à 
leurs frais. 

2° Leur avoir de Saint-Martin constaté par leur arrêté 
de compte à cette Saint-Jean 1860, ainsi que la part à 
eux appartenant dans le bénéfice de cheptel constaté par 
l'expertise de MM. Chäpuys et Renou, à ladite Saint- 
Jean 1860, resteront à titre de gage dans la caisse de la 
régie, jusqu’à l’expiration de la présente convention. 

3° La terre leur étant livrée avec toutes ses récoltes à 
prendre sans compensation ni restitution de semences au 
profit du maitre, la récolte de sortie, c’est-à-dire la ré- 
colte sur terre à la Saint-Jean qui terminera la présente 
convention, rentrera dans les conditions ordinaires du 
partage des baux de métayers, sans compensation ni res- 
titution de semences à lear profit; dans le cas où alors la 


— 417 — 


quantité de semences serait différente, la moitié de Paug- 
mentation ou de la diminution, serait à la charge de ce- 
lui qui en aurait le profit. 

4° La terre leur étant livrée avec tout le revenu, ré- 
coltes et cheptels, à prendre d’ici à la Saint-Martin, le 
terme d’entrée ou terme de Saint-Jean qui devrait se 
payer d’avance, se paiera avec le terme de Saint-Martin 
d'ici au 41 novembre de cette année 1860, et par ce 
moyen tous les fermiers se trouveront au pair et à Jour, 
leur terme d'entrée payé d'avance. 

5° Le cheptel étant estimé par têtes, devra être main- 
tenu et rendu pareil en quantité ; quant à la valeur, le 
plus ou moins sera tout au profit ou tout à la perte du 
fermier à sa sortie. La souche du cheptel, c’est-à-dire les 
mères et les étalons seront comme du temps du métayage 
au choix complet du propriétaire, afin que lespèce soit 
maintenue pure charollaise ; les mères ne se remplaceront 
que par leurs taures issues de pères de pur sang ou par 
des vaches choisies et examinées par ordre du proprié- 
taire, si elles sont achetées hors de la terre. Les veaux 
seront castrés chaque printemps avec une rigoureuse 
exactitude, sauf ceux désignés et choisis par le proprié- 
taire pour la reproduction. 

6° Toutes les conditions des baux du métayage, quant 
aux défenses de chasser, de pècher, de retroubler les hé- 
ritages, quant au maintien des assolements, entretien 
des bouchures, garde des bestiaux, plantation et entage 
des arbres à fruits, curage des fossés, défense de char- 
royer pour personne, sans la permission du propriétaire, 
obligation de charroyer pour les réparations, reconstruc- 
tions, exploitations, entretiens ou confections de routes 
et pour tous les besoins de la régie, paiement en nature 
des anciennes servines en volailles, beurre et paille, sont 
et demeurent maintenues dans la présente convention 
qui s’en réfère pour toutes les diflicullés intervenant , à 

27 


— 418 — 


toutes les clauses des anciens baux, sauf seulement celies 
auxquelles il est expressément dérogé. 

7° Le propriétaire se réserve expressément tous les 
bois, de haute tige ou taillis, à exception seulement des 
tètards désignés dans les baux de métayage pour être 
émondés périodiquement. Il se réserve encore expresse- 
ment le droit d'ouvrir et d’exploiter si besoin est, une 
carrière de pierre à chaux en quelque lieu et sur quelque 
domaine que ce fût, ainsi que de faire des fourneaux de 
brique flamande, en cas de réparation ou reconstruction 
partout où bon lui semblera, sans indemnité. 

8° Les oïes sont interdites dans toute la terre. 

9° Chaque fermier devra planter cent mètres de haie 
vive par an. 

40° Les fermiers paieront la moitié de la chaux que 
leur fournira la régie, au prix de revient fixé par le garde 
général comptable, 

11° Les batteuses à vapeur de la régie seront prêtées, 
pour la battaison 1860 aux fermiers, sans aucun prix de 
location. Pour les années suivantes, elles leur seront 
louées à un prix toujours inférieur au prix-courant de 
location des machines de même force, à la même date. 

12° L’étalon pour la saillie des juments sera choisi et 
désigné par la régie. Tout fermier qui contreviendra à 
cette disposition, paiera comme amende le double du prix 
de saillie de étalon de la régie. 

13° Les époques de paiement seront le 24 juin, jour de 
la Saint-Jean-Baptiste et le 11 novembre, jour de Saint- 
Martin de chaque année. 

14° Le prix de ferme de chaque domaine est fixé par 
la liste ci-jointe qui contient également le chiffre auquel 
s’élève le cheptel d’entrée de chacun d’eux d’après l’esti- 
mation de MM. Chapuys et Renou, en date de la Saint- 
Jean de la présente année 1860. Sur ladite liste est en 
outre relaté le gage laissé par chacun d’eux dans la caisse 


— 419 — 


de la régie, tant à cause du bénéfice de cheptel constaté 
par l’estimation, que par la suite des comptes de Saint- 
Martin clos pour chacun des fermiers au moment de l’ac- 
ceptation de la présente convention valable pour six ans, 
24 juin, Saint-Jean 1860. 

L’estimation ci-dessus mentionnée, a fixé au chiffre de 
60,773 fr., la plus-value du cheptel depuis le départ du 
fermier en 1849. 


Soit donc pour la part appartenant aux métayers 
30,386 fr. 50 c. 


Conclusion. 


Dans une terre qui en 1858 était déjà en partie chau- 
lée, rebâtie et percée de routes, avec une population déjà 
assainie moralement et physiquement et enrichie par 
plusieurs années de gestion directe du propriétaire, la 
même administration ayant continué deux années, en 
suivant les mêmes errements et ajoutant aux dépenses 
d'améliorations 66,770 fr. 68; le bon état de toutes 
choses et le bien-être des habitants, leur a inspiré une 
confiance telle, que renonçant aux habitudes de toute 
leur vie, les laboureurs ont librement consenti et accepté 
une convention générale verbale de fermage, qui élevait 
le prix des biens affermés hors de toute proportion, avec 
l’ancien prix de ferme connu. Cette nouvelle et considé- 
rable responsabilité a été assumée sans crainte par l’an- 
cien personnel suffisamment enrichi et encouragé; il 
donne pour garantie au propriétaire un gage qui dé- 


+ ©. li PC TUE [. 
Le paiement des termes, six mois d'avance 
quidépassemussi : .. . .- .: - #01, . 30,000 
: Ensemble. . . . . 60,000 f. 


Et enfin l’assurance de toutes les récoltes contre la 
grêle, garantie d’autant meilleure que lorsqu'on est forcé 


— 420 — 


de l'exercer, on a du moins la consolation de penser que 
ce West point au détriment des fermiers. Ainsi se prépare 
la transition du métayage au fermage des pays riches et 
avancés comme agriculture. 


ExXERCICES 4860 Er 1861. 
(Mars 1862.) 


Tout ce qui précède est copié sur des notes antérieures. 
La première partie antérieure à 1858, n’esl ici qu'un 
renseignement. La seconde, sur les exercices 1858 et 
1859, fait partie du présent examen. Pour 1860 et 1861, 
nous n'avons rien noté spécialement. Le mémoire pour 
le concours régional comprenait l’exercice 1860, ce qui 
modifie les chiffres, quoique partant des mêmes états de 
dépenses. 11 faut rapidement examiner ici ce qui s’est 
fait en 1860 et 1861. 


Capital employé. — Les comptes nous apportent la 
preuve que la sollicitude du propriétaire ne s’est pas ra- 
lentie. Les dépenses amélioratives s’élèvent aux chiffres 


de,: ,L shot Oo sfrojuest080s At. AL IDOUENSES. 
23,037 34 pour 1861. 
Ensemble. . . 58,779 55 
qui se répartissent comme il suit : 
Chaux, engrais, semences . . .  24,417f.51 c. 
aliments =! mu see.) ee CUP 
CHSHINSS -: 2 eau CU 5,314 » 
BIS el MINITES Re PUR Lee 116 22 
Matériels Len OMS 5,320 95 
Total... . oi. 


En réunissant les 66,770 fr. 68 c. des exercices 1858 
et 1859 aux 58,779 fr. 55 e. des exercices 1860 et 1861, 
on à pour les quatre exercices qui nous occupent (1858, 


= IN — 
1859, 1860, 1861), un total de 125,550 fr. 23 c. de dé- 
penses, réparties ainsi : 

Chaux, engrais, semences . . .  58,038f.61c. 


RU, Al00 ,70 
CORRE. PR PT ONE SUR £1 
DOIS'el TIMES. . …. - .. 2. 12020 10 
DR UE EME EE OS RER, 49 
MMA 1 dis did en RO eg, 


Comme administration, un grand progrès s’est accom- 
pli dans l’entretien des routes; nous avons choisi et logé 
un cantonnier gagé et chargé de la surveillance et des 
travaux de la viabilité ; comme culture, nous avons adopté 
un modèle de chaudière peu dispendieux, destiné à être 
établi peu à peu dans chaque ferme, et fonctionnant déjà 
dans plusieurs; de sorte que le premier peut chez lui, 
convertir ses racines en pulpes et jus, pour l’engraisse- 
ment du bétail. 

Comme pureté de la race charollaise, les fermiers sont 
convenus spontanément de ne point garder d’étalons et 
de payer la saillie des vaches à l’un d’entre eux qui se 
chargerait de leur procurer et d'entretenir trois taureaux 
étalons, de pureté incontestable, et sans parenté avec les 
vaches qu’ils doivent saillir, le propriétaire a approuvé 
hautement cet arrangement et a contribué pour un tiers 
à l'achat des étalons. 

Quant au résultat, quoiqu'il soit moins palpable dans 
une terre affermée, dans laquelle on ne partage pas les 
denrées, certains chiffres pourtant révèlent l’état gée- 
néral. 

1° Les fermages six mois en avance, se sont parfaite 
ment payés en 1860. Malgré la désastreuse année 1861 
que nous venons de parcourir, ils se sont encore payés 
de telle sorte qu’en ce moment, il n’est pas dù plus d’un 
sixième du fermage échu pour 1861. 


— 422 — 


2° Malgré la gène des cultivateurs, malgré le manque 
de fourrage et malgré la saison, le cheptel n’a fait que 
s’accroître eu quantité et se bonifier en qualité. 

3° Enfin un symptôme très-important s’est signalé 
dernièrement, quatre communautés se sont rompues, les 
branches collatérales quittant le vieux tronc de la famille. 
Si les difficultés de l’année avaient pesé sur les fermiers, 
l’occasion était belle pour eux de profiter de cette rup- 
ture des conditions pour quitter leurs fermes. Au lieu de 
cela, les branches ainsi divisées ont brigué, chacune, la 
faveur de conserver la ferme !.. Les chefs aïnés des fa- 
milles ont été préférés. Ils avaient sollicité avec anxiété 
et ont recu avec reconnaissance la faveur de continuer 
pour eux et leurs enfants, la convention qu’ils avaient 
acceptée il y a deux ans, avec leurs frères ou beaux- 
frères. Aucun dérangement n’a été ressenti dans l’en- 
semble du système que cette circonstance, au contraire, 
n’a fait qu'éprouver et affermir. Une seule famille, aisée 
pourtant, ne présentant pas les garanties de fidélité aux- 
quelles M. d’Aubigny tient plus qu’à tout le reste, elle a 
été congédiée à son très-grand regret, et aussitôt la ferme 
était demandée par dix fermiers plus solvables les uns 
que les autres. Nous n’avons voulu en disposer qu’en 
faveur d'anciens laboureurs que noùs avons ainsi replacés 
et qui ont été heureux de prendre à l'instant même et 
sans discussion, les conditions de leurs devanciers. 


Conclusion. 


Notre transition du métayage au fermage est donc 
réussie et pénètre dans les habitudes et les mœurs de nos 
paysans; et notre opération prouve d’une manière irré- 
cusable que faire la fortune des habitants des campagnes, 
les amener de l’état de colon misérable à celui de riche 
laboureur, puis de l’état de riche laboureur à celui de 
fermier confiant et aisé, est un moyen assuré de bien 


mn. ÉOR 


conduire ses propres affaires et d’arriver à la fois à un 
bon résultat social et à un emploi raisonnable des capi- 
taux qu’on a pu y consacrer. 


Le baron Arthur »’AuriGny. 


Paris, mars 1862. 


Concours régional de Versailles en 1865. — Rapport 
présenté à Son Exc. Monsieur le Ministre de l’agri- 
culture, du commerce et des travaux publics, au 
nom de la Commission chargée de décerner la Prime 
d'Honneur dans le département de Seine-et-Oise !. 


Monsieur le Ministre, 


Le département de Seine-et-Oise montre un grand 
exemple : entré tard dansla carrière agricole, on le trouve 
au premier rang dans la voie du progrès. 

Quelles sont les causes de cette marche rapide? Quelles 
sont les circonstances qui l'ont favorisée ? Il est inté- 
ressant de les étudier, utile de les signaler à titre d’en- 
seilgnement. 

Jusqu’au commencementdu xvir siècle, la province de 


1 Jury chargé de l'attribution de la Prime d'honneur : MM. Lambezat, 
inspecteur général de l’agriculture, président. — Bauchart (Virgile), 
propriétaire-agriculteur à Origny-Sainte-Benoite (Aisne). — Bertin, 
propriétaire-agriculteur à Roye (Somme). — Le comte de Bouillé, 
propriétaire-agriculteur à Villars (Nièvre). — Fiévet, propriétaire 
agriculteur à Masny (Nord). — Garnot, propriétaire-agriculteur à 
Trisenoy (Seine-et-Marne). — Lecouteux, propriétaire-agriculteur à 
Terçay (Loir-et-Cher). — Lelong (Émile), propriétaire-agriculteur à 
Maintenon (Eure-et-Loir). — Petit, propriétaire-agriculteur à Bruire- 
Courcelles (Somme). — Pinard, propriétaire-agriculteur à Auxerre 
(Yonne). — Hary (Ch.), propriétaire-agriculteur à Oisy-le-Verger 
(Pas-de-Calais). 


— 424 — 


l'Ile-de-France, dans laquelle on a tailléen grande par- 
tie le département de Seine-et-Oise, fut le théâtre de 
luttes sanglantes qui précédèrent et accompagnèrent la 
création de l’unité française et ne récolta guère que des 
souvenirs historiques. 

A dater de cette époque, les populations rurales com- 
mencent à gratter le sol avec quelque confiance; les blés 
de la Beauce se font un renom ; l’assolement triennal avec 
jachères est créé. Le premier pas est-fait. Les aïeuls de la 
génération présente ont vu ces temps-là, eux, la plupart 
petits-fils des vilains de l'Ile-de-France, et leurs petits-fils 
sont aujourd’hui les gentlemen-farmers de la banlieue 
de Paris ! 

Peu de contrées sont aussi avantageusement situées 
que le département de Seine-et-Uise. Placé sous une 
latitude tempérée, le sol généralement fertile du bassin 
de la Seine se prête admirablement à toutes les cultures 
propres à la région du Nord. Ces terrains argileux ou 
sablonneux reposent sur le calcaire ; agréablement acei- 
dentés de valléeset de coteaux ils sont d’un facile assai- 
nissement. 

Trois grandes rivières navigables et de nombreux 
cours d’eau arrosent le territoire. 

Les routes innombrables et les neuf chemins de fer qui 
convergent vers la capitale offrent les voies de commu 
nications les plus complètes et assurent les débouchés en 
toutes saisons. 

Le débouché naturel, c’est Paris. Paris, linsatiable cité, 
dont l'immense estomac engloutit toutes les productions 
du voisinage ; Paris, source inépuisable où l’agriculture 
pourrait, à discrétion, puiser gratuitement la fertilité ; 
Paris, lumineux foyer de science qui projette ses plus 
chauds rayons sur les plaines qui lui font une ceinture 
de leurs riches moissons ! 

Tant de ressources naturelles et de circonstances favo- 


— 425 — 


rables ne pouvaient manquer d’être exploitées avec profit 
par lintelligent laboureur de Seine-et-Oise. Diverses 
conséquences considérables ont découlé de ces causes 
principales. 

La première est l'importation du mouton mérinos. Une 
pépinière de ces précieux animaux est créée à Ram- 
bouillet, la race mérine se multiplie, se répand ; il lui 
faut des pâturages. La prairie artificielle remplace la 
jachère ; c’est l’énoque fourragère. Durant vingt ans, elle 
enrichit la contrée et la prépare à une ère nouvelle. 

Le troupeau de Rambouillet après avoir été, à diverses 
reprises, menacé de destruction, est aujourd'hui confié à 
M. le baron Dauriez. A l’aide de judicieux accouplements 
accomplis #7 and in, d’une ingénieuse alimentation et de 
profondes connaissances spéciales, l’habile Directeur de 
la bergerie impériale arrive prademment au perfection- 
nement des formes de ses élèves, en conservant la qua- 
lité de la laine. Le succès couronne sa persévérance, car 
les reproducteurs nés à Rambouillet sont plus que jamais 
recherchés dans toutes les parties du monde. 

L'un des'premiers, M. Gilbert vint chercher à la souche 
des animaux de la race mérine. Digne émule du Direc- 
teur de la bergerie de la liste civiie, le patriarche des 
éleveurs français perfectionna son troupeau, et depuis 
longtemps Ville-Ville rivalise avec Rambouillet pour 
soutenir la réputation universelle de nos moutons mé- 
rinos. 

Tandis que l’agriculture pratique s’améliorait lente- 
ment, l’école de Grignon, dès 1827, propageait ses ex- 
cellentes méthodes et montrait aux jeunes intelligences 
des horizons inconnus. 

Paris accaparait les travailleurs. Oui, mais la méca- 
nique s’ingéniait à procurer les moyens d’y suppléer. 

Une institution toute nouvelle, le Comice lagricole, 
donnait l'exemple de la propagande. 


— 426 — 


La betterave, cette plante de bénédiction dont Napo- 
léon [er avait pressenti toute l’importance, puisqu'il en 
imposa les premiers essais, la betterave florissait dans le 
Nord. La nécessité allait l’implanter en Seine-et-Oise. 
En effet, la toison du mérinos était dépréciée : on repro- 
chait à la gent mérine de manquer de précocité et de co- 
mestibilité ; les inquiétudes sur l'avenir commencaient à 
poindre. C’est alors qu’apparut la distillerie agricole. Un 
procédé d’une installation peu coûteuse etsimple dans la 
pratique, en un mot, applicable à la ferme, venait d’être 
découvert par M. Champonnois. Le nouveau système 
de distillation de la betterave ne manqua pas de pro- 
sélytes en Seine-et-Oise, et la culture de la précieuse 
racine s’y propagea avec un entrainement surprenant. 
Depuis 1855, près de cent distilleries agricoles ÿ furent 
installées et continuèrent la prospérité de l’heureux dé- 
partement. 

Les méthodes les plus intensives furent introduites. 
La culture industrielle touchait au summum de la pro- 
duction ; elle marchait à grands pas vers la solution du 
difficile problème: La vie à bon marché, le bien-être 
chez tous ! 

Pourquoi faut-il que la dépréciation regrettable de 
tous les grands produits de la ferme soit venue arrêter 
un aussi bel élan ! 

Ce n’est pas la première épreuve que traverse l’agri- 
culture francaise. Courage ! Il appartient à ceux qui sont 
sur la brèche de faire assaut d'intelligence et de persis- 
tance et de s’acharner à la recherche des méthodes cul 
turales et des combinaisons capables d'assurer enfin 
l'avenir du premier des arts. 


Huit agriculteurs ont pris part au concours de la prime 
d'honneur. 
L’arrondissernent de Corbeilest représenté par M. Adrien 


— 427 — 


Decauville; celui de Pontoise par M. Tétard (ainé); 
Mantes par MM. Hamotet Michaux ; Rambouillet compte 
trois candidats : M. le comte des Mazis, M. le comte de 
Pourtalès et M. Sanglier; Etampes est représenté par 
M. Rousseau. L’arrondissement de Versailles est pas 
entré en lice. 


M. LE COMTE DES MAZIS, 


A Guillerville, 


M. le comte des Mazis est propriétaire du domaine de 
Guillerville, situé dans le canton de Dourdan. Le jury 
n’a pas à s'occuper de la culture, attendu que ce candi- 
dat a déclaré ne point prétendre à la prime d'honneur, 
mais concourir spécialement pour des constructions 
rurales. 

Les bâtiments de la ferme de Guillerville, rétablis à 
neuf pour la plupart depuis un incendie qui a détruit les 
vieilles constructions, offrent dans leur ensemble une 
assez bonne disposition. Les plus remarquables sont : la 
vacherie et les citernes destinées à recueillir les urines, 
l'écurie des chevaux et surtout deux vastes granges que, 
par mesure de précaution contre l'incendie, on a eu soin 
d'isoler, — l’expérience rend prudent. 

M. des Mazis a visé plus au confortable qu’à l’économie, 
il n’a pas dépensé moins de 66,000 francs au rétablisse- 
ment de sa ferme. Les bâtiments peuvent loger quarante 
bêtes à cornes, vingt chevaux, cent quatre-vingts mou- 
tons et vingt porcs adultes, plus toutes les récoltes de 
cent soixante-onze hectares de terres labourables. 

Ces constructions ont été établies saus le secours d’ar- 
chitecte et témoignent du goût et du talent de leur auteur. 
Cependant le jury n’a pas cru devoir récompenser ces 
travaux encore interminés. 


— 428 — 


MUHAMOT, 


A Charmont. 


Le domaine que M. Hamot présente au concours est 
de récente création. C’est en 1860 qu’il acheta le noyau 
de cette propriété : trente hectares de terre et les vieux 
bâtiments d’une ferme abandonnée. 

Actuellement les charmantes constructions d’une ferme 
modèle, moins par l’ensemble que par le fini des détails, 
remplacent ces ruines, et l’exploitation se compose de 
deux cent trente-trois hectares, dont cent quatorze ap- 
partiennent à l'exploitant. 

La disposition extérieure et la distribution intérieure 
des bâtiments d'exploitation sont parfaitement entendues. 
Le tout est installé d’après le système anglais. 

L’écurie est double avec têtes au mur; dans le milieu 
on a ménagé une chambre entourée de fonte ouvragée ; 
c’est là que le chef charretier tient sous clef les rations de 
la semaine. Le clapier et le poulailler touchent à l'écurie. 
La vacherie est distribuée par travées transversales avec 
larges couloirs bien pavés et auges en fonte. Une grande 
bergerie à deux étages fait suite à la vacherie. Un chemin 
de fer longe à l’extérieur ces bâtiments et sert au trans- 
port du fumier, dont le traitement est fort bien compris. 
Plus loiu se trouvent des boxes à moutons, destinés aux 
reproducteurs de choix. 

La porcherie est séparée du principal corps de ferme 
par la route de Magny à Mantes ; c’est un fort beau spé- 
cimen comme confortable et commodité. 

A portée de la maison d'habitation on trouve, sous le 
mème toit que la grange, la machine à battre et la manu- 
tention ; l’outillage est complet. Le tout est müû par la 
vapeur et fonctionne à souhait. 


— 429 — 


En résumé, les constructions de la ferme de Charmont 
sont très-remarquables et dignes en tout point d’être of- 
fertes en exemple aux agriculteurs. 

Le mobilier vivant de Charmont se composait, le 2 
juillet, des animaux suivants : 

Vingt chevaux de culture ; 

Cinquante bêtes bovines, appartenant aux races coten- 
tine, durham et d’Ayr ; 

Deux cent vingt-cinq moutons southdown ou south- 
down-mérinos des deux sexes et de différents âges, — 
c’est un troupeau d'élevage ; 

Plus cent porcs appartenant à différentes races an- 
glaises, pures ou croisées entre elles. 

Ces animaux sont en général bien choisis. L’agricul- 
teur-propriélaire de Charmont, ne regarde pas au prix 
d'acquisition ; ne voyant que le but poursuivi ; la perfec- 
tion des espèces, il puise aux meilleures sources, coûte 
que coûte. Les succès qu’il a obtenus dans les différentes 
exbibitions, soit du département, soit de la région, sont 
attestés par les nombreuses médailles qui décorent l’en- 
trée de toutes ses étables. 

En fait de culture, il n’y a rien encore de bien établi. 

Charmont doit coùter actuellement, terrains compris, 
environ 600,000 fr. Tout a été payésur la cassette parti- 
culière de M. et M® Hamot. Jamais riche ménage n’a 
employé plus utilement le fruit de ses épargnes. Le chef 
de la communauté ne jouit pas d’une santé robuste ; 
mais M"° Hamot, en digne fille de fermier, se plaît à le 
suppléer ; elle ne s’en rapporte pas entièrement aux 
soins d’un régisseur, qui paraît être le facltotum de 
l'établissement ; il fant qu'elle veille à tout : au maintien 
de l’organisation comme à la surveillance des détails. 
Les détails sont infinis et d’une tenue irréprochable, 1] 
y à une place pour chaque chose, et chaque chose est 
à sa place. Cest que lintrépide fermière a læil du 


— 430 — 


maitre, rien n'échappe à sa perspicacité. C’est l’âme de 
Charmont! 

À lPunanimité, le jury accorde une médaille d’or à 
M. Hamot pour ses constructions rurales et sa poreherie. 


M. LE COMTE DE POURTALES, 


A la ferme du Pavillon (commune de Bandeville). 


La ferme du Pavillon a une étendue totale de cent 
dix-sept hectares, dont quatre-vingt-dix-sept en terres 
arables et luzernières et vingt hectares en prairies natu- 
relles. 

La plaine était dans un état déplorable lorsque le pro- 
priétaire résolut en 1845 de l’exploiter par lui-même. Le 
fermier sortant avait pour quatre-vingt-treize hectares de 
terres labourables, sept vaches et deux cents chétifs 
moutons. Introduire tout d’un coup la culture intensive 
eùt été s’exposer à éparpiller ses forces sans résultats. 
M. le comte de Pourtalès l’a compris et s’est contenté 
jusqu’à ce jour de travailler à Pamélioration du sol par 
les cultures fourragères et par l'entretien d’un nombreux 
bétail. 

Les amendements, les engrais, les labours profonds, 
les assolements où les fourrages tiennent la plus large 
place, les drainages, les irrigations, rien n’est ménagé à 
la terre. 

Le propriétaire de Bandeville progresse avec calme, 
certain d’atteindre le but. 

Lors de la visite du jury, les récoltes des céréales, 
celles des prés irrégués et des prairies artificielles étaient 
généralement bonnes; les fourrages-racines seuls avaient 
beaucoup souffert de la sécheresse. 

Les bâtiments de la ferme, pris séparément, sont bien 


L 


établis et commodément distribués. 
Un solide outillage garnit la grange et la manutention. 


— 431 — 


Le bétail est l’objet de soins tout particuliers ; il se 
compose de sept chevaux ardennais, de trente-trois bêtes 
bovines de races diverses très-bien choisies — leur lait 
est converti en fromage de gruyère ; de quelques porcs 
et de cinq cent soixante-seize moutons dont deux cents 
agneaux. C’est à peu près une tête de bétail par hectare. 

Une partie du troupeau de la ferme du Pavillon appar- 
tient à la race pure de southdown, le reste provient d’un 
croisement southdown -berrichon. Tout récemment 
M. de Pourtalès vient encore d’obtenir au concours de 
Poissy un double succès qui prouve une fois de plus les 
aptitudes de ses élèves, et met en renom les reproduc- 
teurs provenant de ses bergeries. 

La comptabilité, parfaitement établie il y a vingt ans, 
est tenue en partie double et démontre clairement par les 
bénéfices réalisés et grossissant graduellement, que Ban- 
deville n’est pas un jouet aux mains d’un grand sei- 
gneur, mais un établissement sérieux et marchant dans 
la bonne voie. 

M. de Pourtalès répand autour de lui les bonnes mé- 
thodes culturales et trouve dans l'exploitation de son 
domaine des occupations qui conviennent à ses goûts et 
des satisfactions que ne procure point l’absentéisme. 

Les choses les plus remarquables sont /e troupeau de 
race southdown pure, le troupeau de race southdown- 
berrichonne et la comptabilité en partie double. Le 
jury, à l'unanimité, décerne à M. le comte de Pourtalès 
une médaille d’or, pour récompenser ces deux spécia- 
lités. 

M. de Pourtalès ne se contente pas d'améliorer une 
portion de son patrimoine, il s’attire les sympathies gé- 
nérales de la contrée ; sa manière de pratiquer la charité 
en double le mérite ; en homme vraiment humain, il af- 
fiche si peu sa bienfaisance qu’il a dissimulé au jury une 
bonne action, un excellent exemple : M. le comte de 


— 432 — 


Pourtalès vient d’instituer, sous le titre d’Orphelinat de 
Plessys-Mornay, une école d'agriculture dans laquelle il 
recoit et entretient gratuitement vingt-cinq jeunes gens 
qu’il forme à devenir un jour ce que lon appelle des 
Maïîtres-Jacques, de ces hommes dont le type se perd de 
jour en jour, et qui, sans exigences, rendent les plus 
grands services. 

Un pareil acte doit être divulgué afin de déterminer 
des imitateurs, et düt la modestie exagérée de son auteur 
se trouver froissée, le jury se plait, Monsieur le Ministre, 
à le dénoncer à Votre Excellence. 


M. ROUSSEAU, 


À Angerville. 


Au fond de la Beauce, à l'extrémité sud du départe- 
ment de Seine-et-Oise, se trouve presque enclavé entre 
le département du Loiret et celui d’Eure-et-Loir, le peu 
fertile territoire d’Angerville. C’est dans cette plaine jadis 
en friche qu'est dispersée l’exploitation de M. Lucien 
Rousseau. Quelques lignes extraites du mémoire du can- 
didat d’oflice vont dire le motif qui l’a déterminé à 
prendre part au concours, faire connaitre la modération 
de ses prétentions. 

«J'ai depuis quinze ans, dit M. Rousseau, l’honneur 
« de faire partie de la commission dite des Progrès agri- 
«coles, chargée par le comice agricole de Seine-et-Oise 
« de décerner ses plus grandes récompenses, et depuis 
« plus de dix ans j'ai été chaque année choisi par mes 
«collègues pour rendre compte de leurs travaux. 

« Cette longue étude m’a permis de me juger moi- 
«même et me convaincre que je ne dois pas me mettre 
«sur les rangs pour briguer la haute récompense que 
« vous avez mission de décerner. 

« Je n’aurais donc pas pensé à déposer un mémoire et 


— 433 — 


«à me mettre en évidence si une dépêche de M. ie Pré- 
« fet n’était venue m’annoncer que mon nom a été ins- 
«crit sur la liste d'honneur dressée par notre Comice 
« parmi ceux des cultivateurs dont les exploitations 
« peuvent peut-être présenter quelque intérêt à vos vi- 
«sites. 

« Inhabile à ambitionner la grande récompense mise 
«cette année au concours dans notre département, je 
«me crois cependant forcé par l'honorable distinction 
« dont je viens d’être l’objet, de faire cortége à ceux qui 
« sont dignes d’entrer sérieusement dans la lice et d’ap- 
« peler votre attention sur mes efforts en bornant mon 
« ambition à solliciter près de vous comme récompense 
« de mes travaux un peu de bienveillante estime. » 

Le dévouement de M. Rousseau est connu depuis long- 
temps ; ses intéressants mémoires sont toujours lus avec 
profit. Les opérations de sa pratique agricole vont être 
divulguées dans ce rapport ; cela complétera la renom- 
mée de ce prudent et trop modeste agriculteur. 

L'exploitation de M. Rousseau se compose actuelle- 
ment de deux cent irente-neuf hectares en terres arables 
dépendant de deux corps de ferme, l’un est situé à An- 
gerville et l’autre connu sous le nom de Guestreville est 
à trois kilomètres de là. La ferme d’Angerville appartient 
à M. Rousseau; Guestreville est affermé à raison de 
60 fr. l’hectare, bâtiments compris. La modicité du ren- 
dage indique déjà le peu de valeur de la terre. En effet, 
généralement, l'épaisseur de la couche arable est formée 
de quelques centimètres de calcaire ameubli par le tra- 
vail du temps et par celui des hommes ; exceptionnelle 
ment on rencontre une terre d’alluvion légèrement 
argileuse et de bonne qualité. Le sous-sol est partout 
calcaire ; cependant, il est quelquefois séparé de la terre 
végétale par une couche de terre rougeâtre. Les labours 
profonds ne réussissent pas à Angerville. « Lorsque, 

28 


— 434 — 


«écrivit M. Rousseau, lorsque nous saignons notre 
« terre comme l’on dit dans le pays, nous nous exposons 
«à des manques de récoltes longtemps prolongés. » 

L’assolement suivi par M. Rousseau peut être consi- 
déré comme triennal, appartenant à la culture fourra- 
gère. Les emblavures s’y succèdent, à part quelques 
infractions à la règle, dans l’ordre suivant : 

1° Plantes sarelées et fourrages annuels ; 

2° Céréales d'automne ; 

3° Céréales de printemps. 

Environ quarante hectares occupés par les minette, 
sainfoin et luzerne sont hors d’assolement. 

Des essais de colza n'ont pas réussi. 

Les fumures sont mises sur les plantes sarclées et les 
céréales d'automne. Le fumier de ferme étant insufti- 
sant, on a recours aux composts et aux engrais du com- 
merce. Les produits en grain de soixante-dix-huit hec- 
tares de céréales sont exportés; tout Le reste est consommé 
dans la ferme. 

Le jury, lors de sa visite, a trouvé de fort belles ré- 
coltes en céréales et en jeunes luzernes ; seize hectares 
de betteraves, globe jaune, faites à plat sur un mauvais 
terrain, ne manquaient pas de vigueur. 

Le capital d'exploitation est de 500 fr. par hectare. 

Autrefois maitre de poste, M. Rousseau avait à sa dis- 
position des quantités considérables de fumier. Depuis 
que la concurrence écrasante des chemins de fer a tué la 
diligence, M. Rousseau a recours au bétail pour satis- 
faire aux exigences de sa terre ; les bêtes bovines ont pris 
la place des chevaux. Il existe dans les deux fermes cent 
quarante-quatre têtes de bétail, la tête ramenée à quatre 
cents kilogrammes, savoir : 

Trente-six vaches normandes bonnes et bien choisies 
comme laitières, leur lait est envoyé à Paris, 

Un taureau, 


— 435 — 


Dix-huit juments poulinières, 

Un étalon percheron en station, 

Cinq poulains, 

Cinq cents brebis adultes, 

Deux cent quatre-vingt-seize agneaux très-remar- 
quables, 

Et quatre bons béliers. 

Tous ces animaux sont soumis au régime des four- 
rages hachés. 

Le troupeau appartient à la race mérinos pure. Après 
plusieurs tentatives infructueuses de croisement avec les 
races anglaises, l’éleveur d’Angerville se trouva ramené 
au point de départ. Ses bergeries furent à plusieurs re- 
prises dépeuplées par le sang de rate, et les pertes subies 
ne s’élevèrent pas à moins de 100,000 fr. La suppression 
du parcage et le changement d’alimentation ont diminué 
les pertes occasionnées par cette terrible maladie. En 
somme, le troupeau est actuellement remarquable comme 
viande et comme laine. 

Le fermier n’a rien modifié à Guestreville ; le pro- 
priétaire d'Angerville a fait dans cet établissement des 
constructions nouvelles bien disposées, et des aménage- 
ments très-entendus dans les vieux bâtiments. Les cours 
sont propres, et leurs étables, écuries et bergeries se font 
remarquer par un bon entretien. La fosse à fumier est 
entourée d’une muraille qui forme une enceinte octo- 
gonale de trois cents mètres carrés. Les poulains y 
séjournent en tout temps et opèrent le tassement des 
litières de chaque jour. 

Les bergeries ont été creusées à soixante-dix centi- 
mètres de profondeur, puis bétonnées, et ensuite rem- 
plies de terre végétale, laquelle est destinée à servir 
d’accipient aux urines. Après nn an de séjour sous la 
litière, cette terre devra former un puissant engrais. 

La ferme, à l’intérieur, peut être citée comme exem- 


— 436 — 


plaire. L’outillage est complet : outre une bonne bat- 
teuse, on trouve à Angerville hache-paille, concasseur 
de grains, coupe-racine, broyeur de tourteaux, mus par 
manége, et réunis dans un local spécialement destiné à 
la préparation des aliments. 

Cet agriculteur ne jouit pas des avantages que nous 
trouverons tout à l’heure chez d’autres candidats; sa car- 
rière agricole est une longue lutte contre la nature d’un 
sol ingrat; bravant ou tournant les difficultés, il est 
arrivé à suivre une bonne culture fourragère, s'appuyant 
sur l'élevage du bétail et sur la production des céréales. 

Certes, ces travaux méritent plus que des félicitations 
et des encouragements. Le jury, à l’unanimité, décide 
qu’il y a lieu d'accorder à M. Rousseau, à titre de ré- 
compense, une médaille d’or pour lexcellente tenue de 
sa ferme et son installation d’instruments d’intérieur. 


M. A. DECAUVILLE, 
A Bois-Briard. 


Ce nom rappelle le lauréat de la première coupe d’hon- 
neur en Seine-et-Oise. 

Le grand agriculteur de Petit-Bourg ne s’est pas en- 
dormi à Pombre de ses lauriers. Il marche toujours armé 
de ses vastes vues, de cette hardiesse d’entreprise, de 
cette volonté énergique, de cette vigueur d'action, qui 
sont le propre de son caractère et qui lui ont valu, il y a 
sept ans, à pareille époque, la suprème récompense. Le 
jury a pu s’en convaincre en visitant le colossal établis- 
sement de M. Decauville (aîné). 

La ferme de Bois-Briard est une propriété de famille. 
M. Adrien Decauville, qui est le frère et peut-être un 
peu lélève de lagriculteur de Petit-Bourg, en acheta 
en 1850 les bâtiments et reprit la culture comme fermier. 
En 1860, il devint, par succession, propriétaire du quart 


— 437 — 


du domaine, et, deux ans plus tard, il en acheta la 
moitié. 

Le faire-valoir total est de deux cent trente hectares, 
d’un seul gazon, plus trente-cinq hectares de bois. 

La couche arable, de nature sablonneuse, manque de 
profondeur ; elle repose sur le tuf mélangé de meulière 
ou sur du sable mêlé de grès. 

L’ardent propriétaire, jaloux d'améliorer son bien, a 
entrepris des travaux considérables et les a menés rapi- 
dement à bonne fin : douze cents mètres de chemins ont 
été faits et sont entretenus avec les pierres ramassées sur 
la plaine; élément calcaire manquant à la terre, cent 
vingt-cinq hectares ont été marnés; l’imperméabilité na- 
turelle du sous-sol indiquant la nécessité d’un assainis- 
sement complet, toute la partie cultivée du domaine a 
été drainée. | 

Presque tous les bâtiments sont antérieurs à l'entrée de 
M. A. Decauville à Bois-Briard et laissent, dans leur en- 
semble, à désirer comme appropriation et comme com-— 
modité de service. 

En 1857, une distillerie champonnoise fut introduite | 
dans la ferme ; l’outillage comportait une fabrication quo- 
tidienne de quinze mille kilos de betteraves; des agran- 
dissements apportés en 1859 élevèrent le travail à vingt- 
quatre mille kilos ; et enfin, en 1863, des additions nou- 
velles permirent de traiter alternativement la betterave 
et les grains. M. A. Decauville travaille le moult clair, 
selon la méthode anglaise. Ce procédé procure d'excel- 
lents résidus, convenant à toutes espèces de bétail ; 
cependant, 1l compte peu d’adeptes en France. Il doit 
avoir sa raison d’être de l’autre côté du détroit. 

La distillerie de grains de Bois-Briard a fort peu servi, 
le prix du seigle comparé à celui de l’acool ne permet- 
tant pas de fabriquer avec avantage. M. Decauville 
estime avec raison que lorsque l'alcool vaut 70 fr., il ne 


— 438 — 


faut pas que le seigle dépasse 15 fr. les cent kilos moulus 
pour avoir bénéfice à distiller. 

L’abstention a dù lui être pénible, témoin ce passage 
de son mémoire : « Sans tenir compte, dit M. A. Decau- 
« ville, des bénéfices que peut donner la distillation, je 
« considère qu’une distillerie est l’annexe indispensable 
« de la ferme; elle oblige à nourrir beaucoup de bes- 
« tiaux, par suite à faire beaucoup de fumier et à le fare 
« à meilleur marché. » 

On ne rectifie pas à Bois-Briard, on vend les flegmes 
avec écart fixe sur le cours coté à la Bourse de Paris 
chaque jour de livraison. Cette manière d’écouler le pro- 
duit est fort commode assurément, mais plus vicieux en- 
core, car l'acquéreur, nommons-le : le grand rectificateur 
est intéressé, ne füt-ce que par la question du capital 
engagé dans sa fabrication, à faire diminuer le prix des 
alcools pendant la durée du travail des distillertes agri- 
coles. La nécessité apprendra sans doute bientôt au pro- 
ducteur à conserver ses flegmes dans des greniers 
hermétiquement clos et à vendre son eau-de-vie, tout 
comme il vend son blé. 

Cette critique ne s'adresse pas au cultivateur industriel 
de Bois-Briard particulièrement, elle s'applique à presque 
tous les agriculteurs-distillateurs. 

La spéculation que fait M. A. Decauville sur le bétail 
est lengraissement pendant Phiver. 

D'après les livres, la distillerie gagne et le bétail perd, 
ce qui s'explique par le prix trop élevé auquel les pulpes 
sont livrées aux animaux. Er 1862-63, on a engraissé à 
Bois-Briard quatre-vingt-dix bêtes bovines et trois mille 
moutons. Durant les chaleurs de l’été, les étables ne sont 
point peuplées. Le troupeau de moutons est réduit à cent 
cinquante têtes. 

Dix-sept chevaux percherons accomplissent les travaux 
en toutes saisons. Les bœufs de trait ne sont empioyés 


— 439 — 


que temporairement pendant la récolte des betteraves et 
la semaille des blés d'automne. 

Le poids total moyen du bétail, peut être déterminé 
approximativement de la manière suivante : 


17 chevaux à 650 kilos. . . . 11,050 kilos. 

2 vaches laitières à 500 kilos. . 1,000 — 

150 moutons à 28 kilos . . . . 4,200 — 
90 bêtes à cornes à l’engrais, à 550 
kilos l’une, durant 120 jours, 

moyenne paran. . . 16,500 — 
2,850 moutons à l’engrais, à 35 Line 
Pun pendant 120 jours, mo- 

yenne de l’année. . . . . 33,250 — 


Ensemble. . . . 66,000 kilos. 
Ce qui fait par hectare 287 kilogrammes ou environ 
3/4 tète de bétail. 


Le fumier ‘ peut s’évaluer ainsi : 


Chevaux . . . . 11,050 x 16 — 176,800kil. 
Vaches laitières . . 1,000 x 24 — 24,000 — 
MAUR". - .:.:,. 4,200 X 18 — 75,600 — 
Bêtes à l’engrais . . 16,500 x 26 — 429,000 — 


Moutons à l’engrais . 33,250 x 22 — 731,500 — 
AOL. : ue te COR TRE 


Ou par hectare et par an 6,247 kilos de fumier de 
ferme. Les urines sont comprises dans ce poids, attendu 
qu'il n'y a pas de citernes pour les recueillir et que les 
fumiers sont conduits directement sur les champs une 
fois chaque mois, quand on cure les étables. Les litières 
des chevaux sont portées sous les bêtes à cornes avant 
d’être employées. Outre les fumiers produits par la ferme, 
M. Decauville achète tous les ans pour 20 à 25,000 fr. 


1 Les calculs suivants sont établis d’après les principes de Thaer. 


— 440 — 


d'engrais du commerce, tels que : tourteaux de graines 
oléagineuses, guano, poudrette, ete. Ces engrais pulvé- 
rulents sont employés soit comme complément du fumier 
de ferme pour la betterave, soit en couverture sur les blés 
ou sur les colzas. De nombreuses expériences compara- 
tives ont été faites à Bois-Briard sur la valeur des divers 
engrais du commerce ; l'avantage est resté au guano du 
Pérou. Telle parcelle de terre qui, depuis huit ans, n’a 
recu que des engrais pulvérulents, paraît conserver sa 
fertilité. 

Quand le jury se présenta chez M. Decauville , les 
terres se répartissaient, entre les différentes cultures, de 
la manière suivante : 


Rétléraves 4:27: at 600m42%: 

Pommes de terres et porte- 89 h. 18 a. 

graines de betteraves . . 03 h. 06 a. 

Célaa. NT RS Te 

Prairies bols. RE D 

Céréalés-de toutesorte”: 2 .... .. «. + 6054462. 
Ensembles. :.  … : on. 


L’assolement résultant de cette répartition est biennal: 
10 betteraves, 20 blé. Cependant M. Decauville attache 
peu d'importance à la régularité de ses assolements : 
considérant surtout la valeur commerciale des produits 
de la ferme, il cultive ce qui se vend le plus avantageu- 
sement. 

Toutes les cultures envisagées dans leur ensemble 
étaient assez bonnes lors de la visite du jury; quelques 
pièces de betteraves et une partie des blés donnaient les 
plus belles espérances, 

L’outillage de ja ferme, bien choisi, est tenu en bon état 
d'entretien. Les néant en usage sont les charrues 
Pluchet, la herse à dents de fer, les rouleaux Croskyil, le 
semoir à betteraves et la houe à cheval. Ce dernier ins- 


— 441 — 


trument n’est employé qu'aux binages des pommes de 
terre, et cependant la main-d'œuvre est rare et chère 
dans le canton de Corbeil ! 

A Pintérieur, on trouve une machine à battre, une 
grande bascule et divers autres instruments. 

La comptabilité de Bois-Briard se résume en quatre 
comptes : 1° distillerie, 2° ouvriers, 3° cultures, 4° ani- 
maux à lengrais ; en outre, un inventaire est fait chaque 
année, et c’est de cet inventaire que ressort l’augmenta- 
tion du capital. 

M. Adrien Decauville, comme le prouvent ses livres, 
a fait de très-bonnes affaires. L'ensemble de ses travaux 
serait plusexemplaire, si une comptabilité rigoureuse in- 
diquait clairement quelles sont les branches de l’entre- 
prise qui ont produit les bénéfices et constitué une grande 
fortune agricole. Néanmoins, différentes parties de 
l'exploitation méritent une récompense signalée. M. De- 
cauville a été l’un des promoteurs de la distillerie agri- 
cole. Pour récompenser cet exemple donné, le Jury 
décerne à son auteur une grande médaille en or. 


M, SANGLIER, 


A Brüs-sous-Forges. 


M. Sanglier, jeune encore, est presqu’un vétéran de 
l’agriculture. Ses débuts remontent à 1839. 

Des terresen mauvais état, linexpérience delajeunesse, 
la routine tout autour de soi, telles étaient les difficultés à 
vaincre. Un faible capital, le feu sacré du métier, de 
l'intelligence et de l’activité, tel est le bagage du débu- 
tant. C’est avec ce fonds que le jeune fermier se met 
bravement à l’œuvre. Si la prudence ne complète pas ses 
ressources, le succès de l’entreprise doit être gravement 
compromis. 

M. Sanglier commence par trancher la question de la 


— 442 — 


jachère, puis il améliore les prairies naturelles, crée des 
luzernières et implante la culture des fourrages-racines. 
Tendant à la fertilisation du sol, il augmente son bétail, 
nourrit trente vaches laitières et un troupeau de quatre 
cents moutons soumis à l’engraissement. L’engrais pro- 
duit par ces animaux ne sullisant pas encore, M. Sanglier 
donne l’exemple de ramener aux champs des fumiers de 
Paris, et bientôt Brüs produit pour ia vente : un peu de 
paille, beaucoup de foin, du blé, de l’avoine, du fromage 
et de la viande. 

Les bénéfices ne sont pas considérables, mais ils ar- 
rivent régulièrement. Le fermier, en homme intelligent, 
les rend à la terre qui les a produits. 

Encouragé par le succès, M. Sanglier réunit à son 
exploitation la ferme dArdillières, environ cinquante 
hectares. Afin de relier sa culture, il achète dix hectares 
de terres contiguës à celles de Brüs. Ces deux lots, amé- 
liorés en peu de temps, marchent de pair avec le noyau 
primitif. 

Après avoir drainé, presque entièrement à ses frais, 
quatre-vingt-cinq hectares de son exploitation, M. San- 
glier, convaineu de l'efficacité du procédé, exécuta, sans 
hésister et à ses dépens, le défrichement et l’assainisse- 
ment par le drainage de quinze hectares de marécages 
et de roncières. Il dépensa 700 francs par hectare, et la 
transformation fut complète. Ces terrains, qui étaient 
loués 6 francs l’hectare, sont aujourd’hui de première 
qualité. 

Pour récompenser cette remarquable opération et les 
bons exemples que M. Sanglier semait autour de Brüs, 
le jury du comice de Seine-et-Oise lui a décerné, én 1860, 
la grande médaille d’or offerte par Son Excellence M. le 
Ministre de l’agriculture, du commerce et des travaux 
publics. 

Pendant que M. Sanglier perfeclionnait ses cultures, 


— 443 — 


il complétait le corps de ferme par des appropriations 
et des additions considérables. Une distillerie montée 
d’après le système Champonnois, pouvant faire dix-sept 
mille kilos de betteraves par jour, a été installée en 1860. 
Tous les résidus sont consommés par le bétail. Le distil- 
lateur de Brüs commet aussi la faute de vendre ses flegmes 
à écart de la cote de Paris. 

Une machine fixe de six chevaux sert en même temps 
à la distillerie et à faire mouvoir la batteuse et le crible 
Josse adapté à cette machine. Le reste de Poutillage est 
composé d’ustensiles aratoires, dont l’usage a prouvé, dit 
M. Sanglier, « utilité et l'avantage. » La houe à cheval 
matque au matériel. Cependant Putilité et l'avantage de 
cet instrument sont suffisamment démontrés par Pexpé- 
rience. Sa place n’est-elle pas indiquée dans les environs 
de Paris plutôt qu'ailleurs ? 

Le mobilier vivant varie selon les saisons et se compose 
en moyenne, pour les animaux de trait, de : 

Seize chevaux, 

Et douze bœufs provenant du Nivernais ou du Poitou. 

Le bétail de rente comprend trois vaches laitières en 
tout temps ; en été, quatre cents moutons ; ce chiffre, en 
hiver, est porté jusqu’à mille cinq cents têtes. On achète 
de préférence des berrichons ou des solognots croisés 
southdown ou des southdown-charmoise. Ces races 
ont le double avantage de prendre facilement la graisse 
et d’être fort recherchées par la boucherie de Paris. Le 
voisinage du marché de Sceaux permet de renouveler 
fréquemment le troupeau. M. Sanglier est trop adroit 
pour ne pas profiter de cet avantage. 

L’engraissement des moutons se fait judicieusement. 
Celui des bœufs, au contraire, a paru au jury un peu 
luxueux. — Qui n’a passon grain de vanité? Assurément 
si cette opération était pratiquée sur une grande échelle, 
le nourrisseur de Brüs compterait de plus près. 


— 44 — 


On fait beaucoup de fumier à Brüs, car les rations sont 
largement distribuées, on ne ménage ni les résidus, nila 
luzerne, ni la grenaille. 

Une partie de la paille des blés est vendue à Paris; au 
retour les attelages ramènent du fumier qui a servi aux 
couches de champignons. Cette addition faite aux engrais 
de la ferme permet de fumer, à raison de cinquante mille 
kilos à l’hectare, les terres destinées à la culture de la 
betterave. En sus de ces fumiers, cette sole recoit 
encore par hectare, en moyenne, cent cinquante kilos 
de guano et six cents kilos de poudrette semés en mé- 
lange. 

Les blés sont fumés, lors de la semaille, avec deux 
cent cinquante kilos de guano à l'hectare. 

L’assolement pratiqué à Brüs est triennal avec deux 
soles de céréales : 1° betteraves, 2° blé, 3° avoine, seigle 
et un peu de colza. Cet assolement productif serait par 
lui-même épuisant, s’il n'avait pas pour soutien trente- 
deux hectares de prairies naturelles ou de luzernières, et 
la masse importante d'engrais que nous venons d’énu- 
mérer plus haut. | 

Les récoltes offrent le plus bel aspect comme végéta- 
tion et comme propreté. 

Depuis 1860, les produits moyens annuels, par hec- 
tare, ont été les suivants : 

Blé, trente hectolitres’; 

Avoine, soixante hectolitres ; 

Luzerne, douze mille kilogrammes, en trois coupes ; 

Betteraves, quarante mille kilogrammes. 

Le capital d'exploitation ne peut pas être évalué à 
moins de 800 fr. par hectare, non compris la valeur de 
la distillerie. Ces chiffres parlent plus haut que tout 
commentaire. 

M. Sanglier ne tient point de comptabilité régulière : 
il cherche seulement à se rendre compte de ses opéra- 


— Ai — 
tions commerciales et à connaitre sa situation par des 
inventaires annuels. 

A part cette lacune, la ferme de Brüs est dans les 
meilleures conditions de succès ; c’est un excellent type 
de culture abordable aux agriculteurs du pays. 

M. Sanglier n’est pas un de ces hommes audacieux et 
entreprenants, comme il en faut pourtant, védettes avan- 
cées que trop de précipitation entraine sans réflexion à la 
tète de l'avant-garde du progrès. Sentinelle attentive, ne 
préjugeant trop ni de lui ni de ses ressources, notre vété- 
ran avance avec précaution, et suivant les sentiers déjà 
battus, 1l arrive au port. 

En deux mots, c’est le simple agriculteur pratique et 
rationnel. 

Les termes du programme ne permettant pas de ré- 
compenser l’ensemble de tant de travaux, le jury décerne 
à M. Sanglier une grande médaille en or pour ses excel- 
lants principes de culture, ses drainages et ses magnifi- 
ques récoltes. 


Il reste au jury, Monsieur le Ministre, à entretenir 
Votre Excellence des deux principaux candidats qui ont 
pris part à cette lutte pacifique. Quand la palme est aussi 
chaudement disputée par deux champions émérites, le 
triomphe de l’un ne fait que mettre en relief la valeur de 
l’autre, Le département de Seine-et-Oise, déjà si riche 
en hommes, doit être fier de voir les Tétard et les Mi- 
chaux prendre rang parmi les soldats d’élite de sa grande 
phalange agricole. 


M. ARMAND TÉTARD, 


à Mortières. 


Aucun domaine, parmi ceux désignés à l’examen du 
jury de la prime d’honneur, n’est aussi favorablement 


— 446 — 


situé que Mortières. La proximité de Paris, nn sol natu- 
rellement fertile, amélioré par la soilicitude de deux gé- 
nérations, enrichi par un long contact avec l’industrie ; 
voilà les facilités qui, jointes à la direction du fermier ac- 
tuel, ont contribué à faire de Mortières un établissement 
d'élite. 

Mortières se compose de trois branches distinctes : la 
culture, l’huilerie, la distillerie. Celle-ci date de 1860 ; 
l’annexion de l’huilerie à la ferme remonte à 1851. Le 
chef de la famille succomba peu de temps aprés cette 
création. M. A. Tétard, alors âgé de 21 ans, se voua, en 
bon fils, à la direction de cette lourde charge agricole et 
commerciale. Cinq ans plus tard, il entreprenait l'affaire 
pour son compte personnel et continuait à acquérir sa 
réputation comme industriel et comme agriculteur. 

Les constructions de Mortières sont disposées autour 
d’une vaste cour rectangulaire, bien aménagées et con- 
fortablement entretenues. L’huilerie grandement montée, 
est tellement soignée qu’on la croirait nouvellement ins- 
tallée. L'homme d'ordre s’y révèle dans les moindres dé- 
tails. Une puissante machine à vapeur sert de moteur à 
l'usine, qui peut travailler chaque jour quinze mille kilog. 
de grains. De vastes magasins, fort bien aménagés, ren- 
fermant jusqu'à seize mille hectolitres de grains, sont 
contigus à l’usine. 

Quand la récolte n’est pas très-abondante dans son 
voisinage, M. Tétard achète la matière première dans les 
départements voisins. L'huile est vendue à Paris; une 
portion seulement de tourteaux reste à la ferme et sert 
soit à l’alimentation du bétail, soit à la culture des plantes 
sarclées ou à celle des blés. 

Jusqu’à la fin de 1859, l’huilerie donna des bénéfices 
très-clairs, en ne fonctionnant que six mois chaque an- 
née; mais, à cette époque, la mauvaise qualité des grains 
vint changer la phase des choses. 


— 47 — 


M. Tétard avait suivi attentivement la propagation du 
système Champonnois ; il tendit cette nouvelle corde à son 
are en 1860. Sa distillerie qu’il créa, comporte un travail 
quotidien de quinze mille kilogrammes de betteraves. Les 
opérations durent en moyenne six mois, et l’on ne con- 
somme exclusivement que des racines provenant de la 
culture de Mortières. Ici, comme dans l’huilerie, on re- 
marque le confortable du matériel, l’ordre dans le tra- 
vail et la bonne direction d’un homme familiarisé avec la 
mécanique et accoutumé à commander à l’ouvrier de la- 
telier. 

Les flegmes de Mortières sont aussi vendus à prix va- 
riables, selon le cours de l’alcoo!l à Paris; mais M. Tétard 
a le projet, pour l'avenir, d’établir un réservoir, afin de 
ne plus être à la merci du rectificateur. 

Les résidus de la distillerie sont entièrement consom- 
més dans la ferme. Une partie est gardée en réserve dans 
un vaste silo très-digne d’être cité comme spécimen, au 
point de vue de l’économie. 

Le reste des bâtiments comporte de grandes bergeries ; 
la bouverie, qui est établie sur la citerne à purin ; l’écurie ; 
les granges et le corps d'habitation. 

L’outillage est remarquable; on y trouve des charrues 
Pluchet et des brabants doubles, des herses anglaises en 
fer, des rouleaux Croskyll, des rouleaux en bois, des sca- 
rificateurs, des semoirs Pruvost et un rouleau à bette- 
raves très-simple et très-efficace pour opérer le tassage 
de la terre sur la graine après la semaille, afin d’assurer 
la levée. La houe à cheval n’est employée que comme 
complément après les binages faits à bras. Une herse qui 
a certains traits de ressemblance avec celle employée dans 
la plupart de nos vignobles, termine ces binages. A l’in- 
terieur, la batteuse et les autres petits instruments qui 
garnissent la ferme, sont mis en mouvement par la ma- 
chine à vapeur de la distillerie, 


— 48 — 


Les animaux trouvés à Mortières, lors du passage du 
jury, au mois de juin, se répartissent ainsi : 

Quatorze chevaux ; ce nombre a été réduit depuis à 
huit chevaux entiers parfaitement choisis ; 

Quatre bêtes bretonnes ; 

Vingt-sept bœufs de travail et d’engrais. La moyenne 
est ordinairement de trente-six têtes. Les bœufs en partie 
charollais, sont achetés maigres environ 1,000 franes la 
paire; on les fait travailler avant de les engraisser. 

Le troupeau compte cinq cents bêtes, dont deux cent 
quarante-deux mères ; depuis deux ans qu'on élève, on 
engraisse les animaux de rebut seulement. Les moutons 
engraissés sont tués par petits lots et dépouillés à la ferme, 
puis vendus à la criée à Paris. Le berger fait office de bou- 
cher. Ce mode de vente paraît avantageux ; aussi M.Tétard 
aurait-il voulu l'appliquer aux bêtes bovines ; mais les 
règlements s'opposent, paraït-il, à l'introduction dans 
Paris des animaux de l'espèce bovine abaitus à l’avance. 

Les béliers proviennent des bergeries de Trappes; ils 
tiennent des races dishley et mérinos. Comme ensemble, 
le troupeau paraît s'améliorer sensiblement. 

Le poids total du bétail entretenu en moyenne, à Mor- 
tières, se divise comme sui : 


Chevaux . . . 14 à 600 kilog. — 8,400 kilog. 
Bœufs. . . . 36 à 700 kilog. — 25,200 — 
Machestus/ricer 0e 5 à 280 kilog. — 1,400 — 
Troupeau. . . 500à 30 kilog. — 15,000 — 


Totl. =" . ….. UD, 
Soit par hectare, 217 kilogrammes. 
Le fumier produit est de : 


par les chevaux . . 8,400 X 16 — 134,400 kilog. 
par les vaches . . 1,400 X 24— 33,600 — 
par lies bœufs. . . 25,200 X 24 — 604,800 — 
par les moutons . . 415,000 X 18 — 270,000 — 


Ensemble. . . . 1,042,800 kilog. 


— 419 — 


Outre ces engrais, M. Tétard achète à Paris deux 
cents soixante-dix voitures de fumier de cheval, Chaque 


voiture cube de sept à huit mètres et revient à 50 francs 
rendue. 


Le cube total est de deux mille vingt-cinq mètres, qui, 
calculés à 550 kilog. l’un, donne. . 1,113,750 kilog. 
Eagrais de la ferme repris ci-haut. 1,042,800 — 


Total. . . . . 2,156,550 kilog. 


ou par hectare et par an, 9,376 kilogrammes. C’est un 
peu plus que le fumier d’une tête de bétail comptée à 
400 kilogrammes. 

Ce n’est pas tout, pour compléter ses fumures, le fer- 
mier de Mortières, sachant bien que les grosses récoltes 
font lies gros profits, emploie aussi chaque année environ 
80,000 kilog. de tourteaux de son huïlerie et 2,000 kilog. 
de guano de Pérou. 

En Chine, on recueille avec le plus grand soin ce que 
l'on est convenu en France de désigner sous le nom d’en- 
grais flamand. La culture de la banlieue de Paris demeure 
jusqu’à ce jour fort indifférente aux vertus de ce puissant 
stimulant. Dieu sait ce que la Seine en charrie à la mer !.… 
Assez pour ferliliser tout un département. Et nous allons 
chercher du guano au bout du monde, tandis que quel- 
ques millions bien employés nous fourniraient les moyens 
de n'être plus tributaires de l’étranger ! 

La terre de Mortières, soutenue par les considérables 
fumures énumérées ci-dessus, est soumise à un assole- 
ment de douze années, dont voici le détail : 


1 année. Betteraves ou carottes, fumées avec 
50,000 kilog. de fumier de cheval à 
l’hectare. 

2 id. Blé d'hiver, avec 600 kilog. de tourteaux 
de colza. 

29 


3° année. 
4" "id, 
1) RS à ls 
6 Rd 
1 "at. 
RES (5 
SR :: à 
10° "ide 
14-10. 
12° 7/40. 


— 450 — 


Betteraves, avec 50,000 kilog. de fumier 
mélangé et 800 kil. de tourteaux de 
colza. 

Blé d'hiver, avec 800 kilog. de tourteaux 
de colza. 

Trèfle incarnat, vesces de printemps sans 
fumier, plus colza fumé, avec 25,000 kil. 
de fumier de cheval. 

Blé d'hiver, avec pare de dix-huit cents 
moutons à l’hectare, ou 800 kilog. de 
tourteaux de colza. 

Betteraves, avec 50,000 kilog. de fumier 
mélangé et 800 kil. de tourteaux de 
colza. 

Blé d'hiver, avec 800 kilog. de tourteaux 
de colza. 

Avoine. 

Luzerne. 

Luzerne. 

Luzerne. 


Les terres à luzerne reçoivent, au préalable, à titre 
de fumure et d’amendement, un compost formé des dé- 
jections de la disullerie et fortement relevé de chaux. 


En résumé, les emblavures se composent comme suit : 


3 
4 
Il 
3 
il 


soles de racines, ou ei . . . . 57 hectares. 
id. de blé, on 61,4..." soné- hot AN 
Id... d’avaine. ouel 1.34 RON RS 
id. de luzerne, ou.ci 4... 57 — 
id. de fourrages annuels et dé 
colzaélnes ue vent das 
Ensemble. . . . . 228 hectares. 


Il y a donc la moitié de la culture occupée par les 
fourrages, le colza et la betterave, et l’autre moitié par 


| 


— 51 — 


les céréales, dont les 3/5 des pailles sont vendues pour 
Paris. 

Cet assolement fort rationnel, est très-produelif et à peu 
près conforme aux règles de lagronomie : rarement deux 
céréales se succèdent. Lors de la visite du jury à la fin de 
juin, les cultures de toute sorte, à l’exception des vieilles 
luzernes, étaient fort remarquables par leur grande pro- 
preté et leur régularité. 

La comptabilité de Mortières est tenue depuis long- 
temps en partie double, 

Le capital d'exploitation, déduction faite de la distillerie 
et de l’huilerie, est de 560 francs par hectare. Ce chiffre 
minime tient à ce que, relativement à l’étendue de lex- 
ploitation, le mobilier vivant est peu considérable. Ce fait 
a sa raison d’être. Pourquoi compliquer les rouages du 
mécanisme quand le voisinage de la populeuse cité pro- 
cure des moyens avantageux de simplification ? 

La digne compagne de M. Tétard prend bravement 
une part des labeurs. Les soins et l'éducation d’une inté- 
ressante famille, la direction d’une importante maison et 
souvent la surveiliance de la ferme ne suflisent pas à son 
activité. M"° A. Tétard trouve le temps de s’asseoir au 
bureau, et la plupart des comptes agricoles sont tenus de 
sa main. Heureux l’homme ainsi secondé! Hommage à 
la laborieuse, à l’'infatigable fermière de Mortières ! 

En résumé, M. Tétard n’a pas rencontré de ces grandes 
dificultés qui sont le plus souvent inhérentes aux débuts 
dans la carrière agricole; mais, placé jeune à la tête 
d'une bonne affaire, il a eu le talent de la rendre meil- 
leure encore, et malgré l'inaction de la branche la plus 
importante de son industrie, il a su augmenter considé- 
rablement une fortune déjà considérable au début. 

L'ensemble de ces travaux, dignes d’un meilleur sort, 
mériterait à tous égards la suprême récompense ; mais il 
s’est trouvé un candidat qui, à des titres semblables, 


— 452 — 


joint le mérite d’avoir vaincu des difficultés extraordi- 
naires. 

Le jury, n’étant autorisé qu’à récompenser des spé- 
cialités au milieu du bel ensemble de l’exploitation de 
Mortières, décerne une grande médaille en or à M. Té- 
tard pour son huilerie remarquable, sa culture des plantes 
sarclées et son bel ensemble de récoltes. 


M. MICHAUX, 


à Bonnières. 


En 1848, alors que tant de timides doutaient des des- 
tinées de la patrie, M. Michaux, soutenu par une ferme 
confiance en l'avenir, et décidé par des raisons de famille, 
succédait résolument à son père. Il entreprenait une cul- 
ture de cent dix hectares de terre, placée dans les plus 
mauvaises conditions, et une poste aux chevaux dont le 
produit écorné par la concurrence d’un chemin de fer, 
ne pouvait que décroître. Notre candidat ignorait les pius 
élémentaires notions de l’agriculture. 17 y avait tout à 
apprendre et tout à faire. 

La timidité exagérée qui caractérise l’homme même le 
plus décidé, quand il n’est pas sûr de lui, guida les pre- 
miers pas de notre débutant. Lui seul pourrait dire tout 
ce qui se passa dans ce cerveau ardent et avide de pro- 
grès. Après deux longues années de culture tradition- 
nelle, de méditations et d’écoles, M. Michaux, plutôt fa- 
tigué du repos que découragé, songeait à la retraite; 
mais personne ne se présenta pour lui succéder. Il fallut 
continuer. Pour combler la mesure, une nouvelle ligne 
du réseau de l’Ouest enlevait le dernier voyageur à la 
dernière diligence des relais de Paris à Caen. La route 
avait perdu son animation, le fouet du postillon devait à 
jamais rester muet, Qu’allait devenir le maître de poste 


— 453 — 


avec de vastes bâtiments en propriété, avec cent dix hec- 
tares de pauvres terres en location ? 

En pareille situation, souvent rien n’est plus compro- 
mettant que l’hésitation. D'un seul coup, — coup de 
maître, M. Michaux tranche la question, résoud le pro- 
blème par l'application d’un nouvel assolement triennai, 
mürement étudié. 

La pomme de terre et le colza remplaceront la jachère, 
le blé viendra ensuite, et l’avoine cédera la place aux 
prairies artificielles. Le bétail sera doublé. 

L’exécution suit le programme tracé. Durant quelques 
années, les produits se vendent à des prix rémunérateurs, 
et le fermier de Bonnières constate ses premiers béné- 
fices. Désormais sûr de lui-même, et loin de songer à la 
retraite, le voilà dévoré de l’amour du métier et de la vo- 
lonté de parvenir : il augmente son exploitation et il a 
soin de s’assurer des baux à longs termes. 

Mais M. Michaux ne tarde pas à s’apercevoir que si le 
colza et la pomme de terre nettoient le sol, ces cultures 
tendent à l’épuiser, et qu’il faut pour les continuer re- 
courir aux engrais du commerce; les exigences de la 
culture intensive se faisaient sentir. Pour y parer, on 
avait bien tenté, à Bonnières, quelques essais de four- 
rages-racines, qu'on livrait à la dent du bétail; mais 
le prix trop élevé des rations constituait le compte du 
bétail en perte. M. Michaux allait-il continuer à porter 
chezles marchands d’engrais le plus clair de ses bénéfices? 

Cette situation n’est pas tenable ; quand les circons- 
tances deviennent Gifliciles, 1l faut ou rétrograder ou 
avancer. Pas de moyen terme. Reculer n’entrait pas dans 
la nature ardente de notre candidat. Pour marcher en 
avant, il fallait amener l’entreprise à se suflire à elle- 
même, atteindre le maximum de la production, afin de 
diminuer le prix de revient, nouveau problème. — 
M. Michaux pressentait bien qu’il en trouverait la solu- 


MO — 


tion par l’annexion de l’industrie à la ferme. Il cherchait 
sans trouver rien d’applicable, La presse agricole lui 
porta le système Champonnois. 

L'étude du nouveau procédé de distillation fut vite faite 
et l’installation d’une usine décidée. L’année suivante, la 
distillerie fonctionnait à la satisfaction du nouvel agri- 
culteur-industriel, à la stupéfaction de ceux qui l’avaient 
taxé de témérité. 

Quand on est saisi par l’inflexible engrenage de lPin- 
dustrie, quand le succès a dépassé les espérances, il est 
difficile de résister à l’entraïinement. Il était dit que 
M. Michaux ne s’arrêterait pas encore. Enhardi jusqu’à 
l'audace, désormais sûr de lui, fort de ses ressources pé- 
cuniaires, il veut parer à toutes les exigences de la cul- 
ture intensive, faire appel aux deux plus puissants agents 
de l’agriculture moderne : Le capital, l’industrie. Le 
premier est le point d’appui, le second le levier. 

Le développement de la culture de la betterave avait 
permis l’engraissement d’un plus nombreux bétail. Ce- 
pendant, le fumier produit par la ferme ne suffisait pas 
encore. Les besoins de la terre devenaient plus considé- 
rabies. Comment s’y prendre? Pas d’hésitation : doubler 
encore le nombre des animaux à l’engraissement et leur 
assurer, par l’augmentation de l’industrie, une alimenta- 
tion toujours abondante. Du même coup, le mouton et le 
cheval sont rayés de Bonnières; la bête bovine y est ame- 
née en masse, aussi bien pour le service des attelages que 
pour la rente. 

C’est ainsi que M. Michaux fut conduit à compléter 
son outillage agricole par une importante distillerie de 
grains, à rectifier ses produits et à profiter enfin des 
avantages que la situation de Bonnières offre à l’industrie. 
C’est ainsi que Bonnières est devenu progressivement une 
immense fabrique d’engrais, c’est-à-dire de viande et de 
pain. 


— 455 — 


Rien n’est plus simple que les méthodes culturales 
mises en action dans cet établissement extrêmement re- 
marquable : en hiver, 26,000 kilog. de betteraves et 
1,500 kilog. de grains ; en autre temps, 3,000 kilog. à 
4,000 kilog. de grains travaillés journellement à la dis- 
üllerie fournissent des résidus qui composent exclusive - 
ment les rations dun bétail, c’est-à-dire la nourriture de 
cinquante bœufs de travail et de cent cinquante à cent 
quatre-vingts bêtes bovines à lengrais. Cinq chevaux 
ont été conservés pour le service de la distillerie. Cette 
population représente une tête et demie de bétail par 
hectare. On trouve à Bonnières des étables conforta- 
blement aménagées et des fumiers parfaitement tra- 
vaillés. Pas de luxe, mais de l’ordre et de la propreté 
partout. 

Le matériel agricole se compose de charrues Bisors de 
Grignon, de herses articulées, de rouleaux en bois et de 
Croskyll. Il y a aussi des semoirs à betteraves, des houes 
à cheval qui servent et une batteuse. Voilà tout. 

A l'extérieur, 6n reconnaît le même style que dans la 
ferme. Les cent quatre-vingt-sept hectares en culture, 
après avoir été labourés profondément, sont occupés 
alternativement, moitié par la betterave, moitié par le 
blé. 

Dans les plus mauvaises terres, qui sont rebelles à la 
culture de la betterave, on suit l’assolement triennal sui- 
vant : 1° pommes de terre, 2° avoine, 3° prairie artifi- 
cielle. 

Toutes les récoltes, lors de la visite du jury, formaient 
contraste avec celles des voisins et se faisaient remarquer 
en relief par une végétation vigoureuse et régulière au-— 
tant que par leur propreté. 

Depuis quelques années, l’ancien maitre de poste de 
Bonnières a encore augmenté considérablement ses af- 
faires, et quoique la plupart des additions apportées au 


— 456 — 


noyau primitif ne touchent plus à l’agriculture, cela ne 
lui fait pas négliger la terre, car M. Michaux n'oublie 
point — chose rare — que c’est à la terre qu'il doit la 
gloire et la fortune. 

Placé à la tête d’une entreprise aussi considérable et 
embrassant tant de branches différentes, M. Michaux at- 
tache la plus grande importance à la tenue de ses livres. 
La comptabilité, montée en partie double, est complète 
et rigoureusement tenue. Les livres auxiliaires sont rem- 
plis des plus intéressants renseignements. Les comptes 
démontrent clairement que le capital employé à l’agri- 
culture a été productif autant que celui consacré à Pin- 
dustrie, et que les bénéfices réalisés ne proviennent pas 
seulement de l’usine, mais aussi et surtout de la ferme. 

Quand on parcourt bien loin de la ferme, les coteaux 
rapides et caillouteux qui composent l’exploitation de 
Bonnières, on jouit d’un charmant paysage; mais si l’on 
étudie la misérable composition du sol et les accidents du 
terrain, on est amené à reconnaître que rarement 1l se 
trouve réunies autant de difficultés à vaincre. La tâche de 
lagriculteur-améliorateur a été rude. En effet, que de 
travaux purement agricoles accomplis, et laissant bien 
loin derrière eux l’industrie proprement dite qui existe 
à Bonnières! Des voies de communications créées à tra- 
vers un territoire extrêmement accidenté, des terrains 
gagnés par les défrichements, d’autres conquis par des 
épierrements considérables, la fertilisation générale d’un 
sol ingrat ; en un mot, la transformation d’un désert en 
oasis ; et comme résultat inestimable : la routine vaincue! 
le triomphe du progrès! 

Il a fallu un homme, et cet homme s’est rencontré pour 
atteindre un but devant lequel beaucoup parmi les plus 
décidés eussent reculé. Doué d’une énergie hors ligne, 
d’un esprit droit et progressiste, d’une persistance qui, 
avec le temps, assure le succès, M. Michaux est arrivé à 


— 457 — 


la culture la plus intensive, la plus rationnelle, la plus 
remarquable et la plus digne d’être donnée en exemple 
comme type de l’agriculture moderne, Son œuvre sanc— 
tionne une fois de plus la véracité du vieil adage : 


Tant vaut l’homme, tant vaut la terre! 


Le jury décerne la prime d'honneur à M. Michaux. 


Concours régional de Melun en 1864. — Rapport pré- 
senté à Son Excellence Monsieur le Ministre de 
l'agriculture, du commerce et des travaux publics, 
au nom de la Commission chargée de décerner la 
Prime d'Honneur dans le département de Seine-et- 
Marne ‘, 


Monsieur le Ministre, 


Les Primes d'Honneur ont déjà été décernées une 
fois dans chacun des départements de la région du 
Nord, et les Agriculteurs de Seine-et-Marne viennent 
concourir de nouveau pour obtenir cette haute dis- 
tinction. 

Il est probable que la Prime doit devenir, avec le 


1 Membres de la section du Jury : MM. Lembezat, inspecteur gé- 
néral de l’agriculture, Président. — H. Carette, agriculteur à Nogent- 
sous-Coucy (Aisne). — GC. Fiévet, lauréat de la prime d'honneur du 
Nord en 1863, agriculteur et fabricant de sucre à Masny (Nord). — 
Garola , agriculteur à Saint-Éloi, près Joinville (Haute-Marne). — 
Ch. Hary, agriculteur et distillateur à Oisy-le-Verger (Pas-de-Calais). 
— Leroy, agriculteur à Landèves, près Vouziers (Ardennes). — 
L. Rousseau, agriculteur et maître de poste à Angerville (Seine-et- 
Oise). — C. Wallet, agriculteur à Gannes (Oise). — H. Bertin, agri- 
culteur et fabricant de sucre à Roye (Somme), Rapporteur. 


— 458 — 


temps, plus difficile à mériter ; mais il est certain qu’au- 
jourd’hui la tâche du rapporteur de la Commission est de 
plus en plus sérieuse. 

Les rapports ont été faits, depuis quelques années, 
par des agriculteurs éminents, et, pour ieur succéder 
ici, J'ai besoin, plus que personne, de compter sur la 
bienveillance de Votre Excellence et sur l'indulgence de 
mes collègues. 

Tout a été dit dans les précédents Concours sur Putilité 
de linstitution des Primes d'Honneur. 

Depuis 1857, le nombre des Concours régionaux a 
été augmenté, et ils ont pris, en même temps, plus 
d'importance. Espérons que, dans l’avenir, la Prime 
amènera des concurrents plus nombreux, surtout dans 
les départements de notre belle région du Nord, qui 
peut passer pour une des plus avancées au point de vue 
agricole. 

Le département de Seine-et-Marne a été formé d’ure 
partie de la Brie française et chainpenoise et du Gâtinais 
français; il est entièrement compris dans le bassin de la 
Seine. 

Le sol est généralement froid, difhcile à travailler et 
dépourvu de calcaire; il repose sur un sous-sol argi- 
leux, qui rend le drainage indispensable dans la plu- 
part des localités; aussi les fermiers prennent-ils l’ini- 
tiative, et souvent aidés par des propriétaires intelligents, 
toujours soutenus par les encouragements et le con- 
cours d’une administration éclairée, ils améliorent, 
de la manière la plus sérieuse, les plaines humides de 
la Brie. 

On peut dire, en résumé, « que le département de 
« Seine-et-Marne doit être considéré comme la véritable 
« école de drainage en France. » 

Le pays est arrosé par un grand nombre de cours 
d’eau, où la Seine et la Marne tiennent le premier rang. 


— 459 — 


Sillonné par de belles routes, desservi par six che- 
mins de fer qui convergent vers Paris, ce département 
peut ètre considéré presqu’en entier comme faisant partie 
de la grande Banlieue. 

La proximité de la capitale, en donnant plus de va- 
leur à toutes les denrées et en permettant d’acheter fa- 
cilement des fumiers, contribue à développer la pros- 
périté agricole de cette contrée où les grandes et belles 
exploitations sont nombreuses. 

Dix cultivateurs se sont mis sur les rangs pour con- 
courir; l’arrondissement de Melun est représenté par 
MM. Garnot et Giot; celui de Meaux par MM. d’Avène 
de Fontaine, Bénard et Vavasseur; celui de Coulom- 
miers par M. Calvet; celui de Provins par MM. Devert 
et Leroy, et celui de Fontainebleau par MM. Dassonville 
et Simonet. 


1° M. CarverT, 


Au rû de Vrou, commune de Saint-Cyr, arrondissement 
de Coulommiers. 


M. Calvet, au rù de Vrou, cultive trente et un hec- 
tares dans une plaine ondulée et coupée de ruisseaux. 

Le sol d’une nature argileuse repose sur une couche 
de meulière comme dans les envions de La Ferté-sous- 
Jouarre. 

Il y a pour tout bétail dans les bâtiments de cette 
ferme, dont la tenue laisse beaucoup à désirer, sept 
vaches et trois chevaux qui ne représentent guère que 
trois mille trois cents kilogrammes de poids vif. 

L’assolement est triennal, un tiers des terres est en- 
semencé en blé, un en avoine et le reste en fourrage. Il 
y à comme annexe à la ferme un moulin à blé mù par 
un petit ruisseau qui a une chute assez élevée et dont le 
père de M. Calvet a su tirer un parti assez intelligent, 


— 6) — 


en faisant construire une roue hydraulique en fer, d’une 
disposition ingénieuse. 

On ne fait pas consommer pour l’engraissement toutes 
les issues du moulin, aussi la production des fumiers 
est-elle tres-restreinte. En résumé, la Commission a 
pensé que M. Calvet n’était pas le moins du monde 
dans les conditions voulues pour concourir à la prime 
d'honneur et qu’on ne pouvait lui accorder aucune ré- 
compense. 


2° M. Deverr, 


A Provins. 


M. Devert rend compte dans son mémoire de divers 
travaux de drainage et d’assainissement qu’il a fait exé- 
cuter à Provins, dans ses propriétés. 

D'abord par deux aqueducs passant sous la rivière du 
Durtin et se déchargeant dans la Voulzie, il a assaini 
vingt hectares de terres et prés ; en second lieu on a trans- 
formé en Jardin deux hectares cinquante ares de fossés 
sans valeur, provenant des anciennes fortifications, et 
M. Devert a contribué, en décidant la municipalité à 
faire ces travaux, à assainir et à embellir une partie de 
cinq hectares de Provins. 

Troisièmement, une pièce de terre de cinq hectares à 
été améliorée par des nivellements et des fossés d’écoule- 
ment; quatrièmement, M. Devert est intervenu auprès 
de l'Administration supérieure pour obtenir la création 
d’une rigole traversant plus de vingt hectares apparte- 
nant à divers propriétaires sur la commune de Poigny; 
enfin par des travaux de drainage et par l'établissement 
de fossés d’assainissement, il a converti en jardin marai- 
cher et en oseraies, un terrain fangeux provenant de 
l’ancien canal de Provins à la Seine. 

Tous ces travaux, surtout le dernier, doivent avoir un 


— A61 — 


bon résultat au point de vue de la salubrité du pays. 
M. Devert, du reste, cultive à peine dix hectares, la 
Commission n’a obtenu aucun renseignement à ce sujet, 
et elle a pensé que les travaux exécutés n'étaient pas de 
ceux qu’elle avait à récompenser. 


3° M. LE BARON D'AVÈNE DE FONTAINE, 


À Brinche, commune de Villemareuil, arrondissement de Meaux. 


M. le baron d’Avène exploite quarante hectares ré- 
servés de son domaine de Brinche; il y en a vingt-huit 
en terres labourables, dix en prés, un hectare cinquante 
en bois et cinquante ares en vignes; cette partie du 
domaine est prise près du château de Brinche, placé 
dans une fort belle position, au haut des coteaux 
qui dominent la Marne près de Trilport. M. d’Avène 
en gardant cette petite exploitation, s’est attaché à la 
soigner dans tous ses détails intérieurs; les bâtiments 
de ferme sont établis avec beaucoup de soin et de goût, 
peut-être mème avec luxe. La Commission a re- 
marqué une fort jolie vacherie et la laiterie placée en 
sous-sol; un système ingénieux d’aération permet d'y 
maintenir une température égale en toute saison. Les 
récoltes de M. d’Avène étaient, lors de la visite, dans un 
état assez satisfaisant qu’il attribue avec raison à des 
travaux de drainage en voie d'achèvement. 

Les instruments aratoires sont convenables ; 1l n’y a 
pas de machine à battre, peut-être à cause du peu d’im- 
portance de l'exploitation. Le bétail se compose de douze 
vaches des races normande et hollandaise, de trois 
chevaux et de quelques moutons et porcs donnant un 
total d'environ huit mille kilogrammes de poids vif et 
un rapport de deux cent kilogrammes par hectare, ce 
qui reste bien au-dessous de la moyenne désirable. 


— 462 — 


L’extrait de la comptabilité ne prouve pas, du reste, 
que M. d’Avène ait retiré un profit de sa culture; on a 
omis divers éléments sérieux de dépense, tels que le fer- 
mage des terres, dont un propriétaire se doit toujours 
compte à lui-même, surtout, quand le reste du domaine 
est loué 150 fr. l’hectare. 

Comme industrie agricole, la fabrication des fromages 
de Brie tient le premier rang dans le pays; on y apporte 
un très-grand soin chez M. d’Avène ; le produit brut de 
la valeur est de 400 fr. par mois environ. 

Malgré les tendances intelligentes de M. le baron d’A- 
vène la Commission n’a pas pensé que ses travaux agri- 
coles fussent assez sérieux pour mériter une des récom- 
penses décernées dans les Concours régionaux. 


4 M. Leroy, 


A Nangis, arrondissement de Provins. 


La ferme exploitée par M. Leroy, à Nangis, est de 
cent cinquante-sept hectares, dont cent quarante-deux 
en terres arables, neuf en prairies naturelles et trois en 
bois ; le reste comprend l'emplacement des bâtiments et 
des cours, des vergers, des chemins d’exploitation et des 
fossés. 

Lorsque M. Leroy prit cet établissement, en 1858, les 
terres étaient en mauvais état; il a réussi depuis à les 
améliorer, et s'est attaché à combler des fossés et des 
mares, à cultiver des friches, et, en résultat, il a porté la 
contenance des terres en culture de cent vingt-neuf à 
cent quarante-deux hectares. Le sol du domaine de 
Nangis est froid et argileux ; le drainage y est indiqué 
comme amélioration sérieuse sur les deux tiers de l’éten- 
due et il est regrettable que le propriétaire ne prête pas 
ici son concours au fermier. M. Leroy a drainé à ses 


— 463 — 


frais sept hectares senlement, mais il n’a pu faire davan- 
tage jusqu'ici. Les bâtiments sont assez vastes, mais 
laissent à désirer comme aération et comme tenue géné- 
rale. M. Leroy a cependant amélioré l’ancien état de 
choses en faisant construire une citerne à purin et en ap- 
portant des modifications dans la distribution intérieure 
des étables. 

M. Leroy a cherché à nettoyer ses terres qui étaient 
remplies de chiendent lorsqu'il prit la ferme, mais il est 
regrettable que son assolement ne comprenne pas une 
plus grande quantité de plantes sarelées ; 1] n’y a que 
quatre hectares de racines dans toute cette culture, aussi 
la propreté des terres laisse-t-elle beaucoup à désirer ; les 
blés succèdent souvent aux avoines, ce qui est un incon- 
vénient grave, et M. Leroy lui-même en convient : en 
se plaignant dans son mémoire des diflicultés qu'il 
éprouve à se débarrasser du chiendent, il l’appelle son 
fatal ennemi. 

Il a marné jusqu'ici trente-cinq hectares et il compte 
donner une plus grande extension à ces travaux d’amen- 
dements calcaires ; il s’occupe avec soin des composts où 
il utilise les résidus des pressoirs du pays. La manière 
dont les fumiers sont traités laisse à désirer, malgré la 
citerne à purin qu’on a construite. L'ensemble des ré- 
coltes, surtout des céréales, était assez satisfaisant lors 
de la visite, mais il n’est pas douteux que M. Leroy 
n'arrive à de meilleurs résultats, s’il modifie son assole- 
ment en augmentant la culture des plantes sarelées et en 
alternant davantage ses récoltes. 

Le bétail n’a rien de remarquable ; il y a dans cette 
ferme outre les chevaux, vingt-huit vaches de race nor- 
maunde et un troupeau de métis-mérinos comprenant 
six cent cinquante têtes ; le total donne un poids vif 
environ de cinquante mille kilogrammes ou trois cent 
trente kilogrammes par hectare, 


— À64 — 


M. Leroy tire facilement produit de sa vacherie ; il 
vend le lait dans la ville de Nangis à raison de 0 fr. 17 c. 
le litre, ce qui doit être pour lui un prix rémunérateur; 
aussi il n’élève pas, et il livre les veaux aux engraisseurs 
à l’âge de cinq ou six jours; la moyenne du rendement 
de la vacherie est de six litres de lait par vache, ce qui 
est assez faible. Le troupeau, comme nous lavons dit, 
est de six cent cinquante moutons ; on élève par an cent 
quatre-vingts à deux cents agneaux qui naissent dans le 
courant de novembre ; les moutons sont vendus à deux 
ans avec les brebis de réforme ; le poids moyen des toi- 
sons est de cinq kilogrammes et leur produit de 11 à 
12 fr., y compris la laine des agnelins. 

M. Leroy à établi dans sa ferme une machine à vapeur 
locomobile qui fait mouvoir la machine à battre, un 
coupe-racine et un concasseur ; des cases sont disposées 
à côté pour faire fermenter la nourriture des bestiaux. 

La comptabilité ne présente que fort peu de rensei- 
gnements, cependant, il n’est pas douteux que M. Leroy 
n’ait déjà obtenu des bénéfices dans son exploitation, par 
suite des efforts qu’il a faits. 

En résumé, il exploite sa ferme depuis cinq ans seu- 
lement, et il a déjà réalisé des améliorations qui ont 
porté leurs fruits ; mais il lui reste encore beaucoup à 
faire et son établissement ne peut être comparé à celui 
qui obtiendra la Prime d'honneur ; la Commission n’a 
pas vu dans les travaux de M. Leroy une spécialité assez 
remarquable pour lui décerner une des médailles dont 
elle peut disposer. 


5° M. DasSONVILLE, 


Au Fresnoy, commune de Salins, arrondissement de Fontainebleau, 


M. Dassonville possède au Fresnoy un domaine de 
cinq cents hectares. Depuis 1856, moment où il se rendit 


— 465 — 


acquéreur de cette propriété, il en a défriché une partie 
et sa culture s’étend aujourd’hui sur deux cent quarante 
hectares, Mais, il y a tant à faire pour établir une ferme 
dans ces conditions, que M. Dassonville, malgré de 
grands travaux en cours d'exécution, n’a pas encore al- 
teint le but qu'il se propose. Aussitôt les défrichements, 
le propriétaire a dù créer des chemins praticables ; il en 
a empierré un sur trois mille deux cents mètres de lon 
sueur ; cette route agricole traverse tout le domaine et 
se termine à un four à chaux établi à l’extrémité des 
défrichements. 

M. Dassonville a fait construire un grand bâtiment qui 
renferme les étables et la distillerie au rez-de-chaussée ; 
tout le premier étage sert de grange ; les trois étables 
qui comprennent une moitié du bâtiment, peuvent con- 
tenir au total soixante bœufs ; ces animaux sont placés 
dans des stalles sur cinq lignes parallèles dans le sens de 
la largeur ; une citerne à purin établie au centre de ces 
bouveries, permet d’arroser facilement le fumier qui est 
déposé dans une fosse placée derrière les étables ; le reste 
du rez-de-chaussée est occupé par la distillerie ; cette 
disposition qui peut avoir quelques avantages pour la 
surveillance générale, nous paraît peu raisonnée au 
point de vue des dangers d'incendie qu’une distillerie 
entraîne toujours. Ainsi que nous l’avons dit, le premier 
étage de tout le bâtiment est utilisé comme grange; la 
machine à battre est à une extrémité et les gerbes y 
sont amenées sur un petit chemin de fer. Les greniers 
sont placés au-dessus de la batterie, le grain y est monté 
et nettoyé sans main-d'œuvre; toute cette disposition 
n’est pas sans mérite. Ce grand bâtiment est construit 
avec des briques que M. Dassonville a fait fabriquer sur 
place ; il compte en faire établir un semblable parallèle- 
ment au premier, 

Les engrais produits au Fresnoy sont peu abondants 

30 


— 466 — 


jusqu'ici, eu égard à l'importance de l'exploitation ; 1l 
n’est pas douteux qu'avec la distillerie on n’arrive à en 
augmenter beaucoup la quantité. M. Dassonville a sup- 
pléé, dans une certaine mesure, à cette insuffisance en 
employant des poudrettes et du guano. 


La chaux qu’il fabrique lui est fort utile comme 
moyen améliorateur, elle est d'excellente qualité; on tire 
parti dans le four à chaux, des souches provenant des 
défrichements et des bois de rebut ; les cendres sont se- 
mées sur les trèfles à raison de cinq mètres cubes par 
hectare ; la consommation de la chaux comme amende- 


ment est de cinq à six cents mètres cubes par an. 


Les récoltes de la ferme du Fresnoy n’avaient rien de 
remarquable lorsque la Commission fit la visite en juillet 
1863; les betteraves présentaient déjà beaucoup de vides, 
et il n’est pas douteux que cette récolte n’ait été faible ; 
ce qui, du reste, a été général l’an dernier. 

L’assolement n’a pas été régulier jusqu'ici, puisque 
les derniers défrichements sont nouvellement faits. 
M. Dassonville se loue beaucoup de la culture de bette- 
raves en billons ; mais la Commissior n’a pas pu en ap- 
précier les résultats ; il emploie le semoir de Smith pour 
toutes ses cultures, et rien n’est semé à lx volée. 


Le bétail de la ferme de Fresnoy se compose de vingt- 
cinq chevaux, seize bœufs de travail et quatre-vingt- 
cinq vaches et génisses à l’engraissement ; tout cela est 
assez bien tenu et donne un total de cent vingt-six têtes 
de gros bétail pour deux cent quarante hectares ; il n’y 
a pas de moutons. M. Dassonville n’élève pas; les vaches 
de race flamande viennent de la Belgique, les bœufs 
sont de race charollaise. 

Nous n’avons pu obtenir de renseignements sur la dis- 
üllerie, qui, du reste, était à peine terminée ; le matériel 
se compose, outre le laveur et le coupe-racine, de cinq 


— 467 — 


macérateurs, de six cuves à fermenter, d’une colonne à 
distiller et d'un rectificateur. 

La machine à vapeur, qui est utilisée pour la distille- 
rie, fait mouvoir aussi la machine à battre avec ses ac- 
cessoires et un moulin à blé. 

La comptabilité est à peine établie; 5 n’y a qu'un 
Journal-Caisse, sans comptes spéciaux qui permettent 
d'apprécier les résultats de cette exploitation. En résumé, 
la Commission a pensé que l'établissement de M. Das- 
sonville était en voie de formation, et que rien, quant à 
présent, ne méritait une récompense spéciale. 


6° M. Béxar», 


A Chessy, arrondissement de Meaux. 


M. Bénard cultive, à Chessy, près Lagny, une ferme 
de cent cinquante et un hectares. Cette exploitation, dont 
les pièces de terre sont assez disséminées, est située sur 
le plateau de la rive gauche de la Marne, entre Chessy 
et Magny. 

Le sol est d’une nature argilo-siliceuse, sur une épais- 
seur moyenne de cinquante centimètres ; il repose sur 
un sous-sol formé de marne argileuse qui est compiéte- 
ment imperméable. 

M. Bénard cultivait cette ferme depuis longtemps et 
n’obtenait pas la récompense des sacrifices qu’il faisait 
en frais de culture, d’engrais et d’amendements cal- 
caires, parce que les eaux ne pouvaient s’écouler que 
très-diflicilement ; il essaya d’amélicrer cet état de choses 
en établissant des fossés sur une longueur de plus de trente 
mille mètres, mais il n’arriva qu’à des résultats fort incom- 
plets ; enfin, en 1859, il se décida à employer le drainage 
pour débarrasser sa terre de l'excès d'humidité qui était 
la cause unique de l’infériorité de ses récoltes. Il fit faire, 


— 468 — 


comme essai, quelques drainages, et les bons effets qu’il 
en ressentit le décidèrent à y donner une grande exten- 
sion. Constatons ici que le concours du propriétaire fit 
complétement défaut au fermier ; non-seulement il ne 
paya pas la moindre partie d’une dépense qui améliorait 
sa terre d’une manière si importante, mais il ne fit même 
pas l’avance des fonds nécessaires, quoique comme tou- 
jours, en pareil cas, le fermier offrit de servir un intérêt 
convenable. M. Bénard fit seul tous les frais et n’aura 
pour récompense que le bénéfice qu’il pourra réaliser 
dans les onze dernières années de son bail. 

Tous ces travaux ont été exécutés avec soin et écono- 
mie; malgré les difficultés qui se sont présentées, on a 
donné aux tranchées une profondeur moyenne de un 
mètre trente centimètres, qui, sur certains points, atteint 
deux et mème trois mètres ; cela était nécessaire pour 
dessécher complétement les mares dissémiuées dans la 
plaine, et on a pu ainsi augmenter l’écartement des 
drains, qui est, en moyenne, de vingt-cinq mètres. 

M. Bénard a donc drainé, à ses frais seuls, quatre- 
vingt-dix hectares de terre jusqu'au commencement 
de 1863; 1l compte augmenter cette quantité de vingt ou 
trente hectares pour compléter le beau travail qu’il a en- 
trepris. 

Le fermier a bientôt trouvé la juste récompense de ses 
soins ; ses récoltes de blé lui ont donné jusqu’à trente- 
trois hectolitres à l’hectare. L'état des récoltes de la 
ferme de Chessy était satisfaisant au moment de la visite; 
la Commission a regretté que M. Bénard ne lui ait pas 
fourni les renseignements nécessaires pour apprécier 
l’ensemble de ses travaux agricoles. Le mémoire ne parle 
uniquement que du drainage; mais, rendant justice à 
l'initiative prise par M. Bénard, la Commission lui ac- 
corde une médaille d’or pour spécialité de travaux de 
drainage. 


— 469 — 


7° M. Vavasseur, 


A Ferrières, arrondissement de Meaux. 


La ferme exploitée à Ferrières, par M. Vavasseur, 
fait partie du domaine appartenant à M. le baron de 
Rothschild. Son étendue est de cent quatre-vingt-cinq 
hectares, d’un sol argilo-siliceux où le drainage était né- 
cessaire. Le propriétaire n’a pas fait attendre cette amé- 
lioration ; les travaux ont été entrepris dès 1853 et ter- 
minés l’année suivante sur soixante et onze hectares ; ils 
ont coûté plus de 20,000 fr., dont le fermier paie l’in- 
térêt à 5 0/0. 

M. Vavasseur est obligé de supporter les dégâts causés 
par le gibier, et, par suite, il ne peut cultiver habiluelle- 
ment le colza ni le blé d’hiver. La main-d'œuvre est 
chère à Ferrières ; la journée d’un ouvrier est de 3 fr. 
en moyenne, et un charretier coûte de 1,000 à 4,100 fr. 
par an, y compris la nourriture. , 

Les bâtiments de la ferme sont bien construits et bien 
entretenus ; tous les détails d'intérieur accusent la pré- 
sence d’une maitresse de maison intelligente et active. 

Les récoltes avaient un aspect satisfaisant en juillet 
dernier ; les luzernes et les avoines étaient belles, Quant 
à l’assolement, M. Vavasseur a divisé son exploitation 
en deux parties; d’un côté une rotation de sept ans 
comprend deux récoltes de betteraves, une de blé de 
mars, une d’avoine et trois de sainfoin ; le reste suit un 
assolement de quinze ans, où se trouvent trois récoltes 
de betteraves, quatre de blé de mars, trois d’avoine, 
quatre de luzerne et une de fourrages verts. 

Les instruments de culture sont convenables et en bon 
état ; les fumiers sont disposés sur une plate-forme rec- 
tangulaire à proximité des étables ; une fosse à purin est 
placée au centre et permet d’arroser facilement les tas. 


— 470 — 


M. Vavasseur fait marner toutes ses terres, et son pro- 
priétaire a pris l’obligation de supporter tous les frais 
d'extraction ; le fermier n’a à payer que le chargement et 
à faire les transports. 

La consommation du guano comme supplément de 
fumure, est de vingt mille kilogrammes par an environ. 
L’ersemble du bétail est bon et bien tenu ; 1l se compose 
de quinze chevaux, trente-six vaches, sept génisses et 
quatre cents moutons, donnant un poids total vif de 
soixante mille kilosgrammes, ou de trois eent vingt-cinq 
kilogrammes à Phectare. La vacherie, composée d’ani- 
maux de races normande et hollandaise est vraiment re- 
marquable ; la ration d’hiver consiste en pulpe de distil- 
lerie mélangée de fourrages hachés et de son ; la pulpe 
est remplacée l'été par des fourrages verts. M. Vavas- 
seur tire un bon parti de sa vacherie ; il vend le lait à 
0 fr. 20 c. le litre ; aussi cède-t-1l la plupart des veaux 
fort jeunes à des engraisseurs ; il n’élève que les beaux 
et en petite quantité. . 

La laiterie est bien installée et parfaitement tenue. Le 
haut prix des fourrages et la vente facile que procure la 
proximité de Paris ont engagé M. Vavasseur à ne pas éle- 
ver de moutons : il engraisse tous les ans quatre cents 
bêtes de race métisse-mérinos; leur nourriture se com- 
pose de pulpe et de fourrages hachés ; on utilise ainsi les 
produits de qualité inférieure. 

M. Vavasseur n’a pas eu besoin de faire les frais d’éta- 
blissement d’une distillerie. M. le baron de Rothschild, 
son propriétaire, a fait installer à Ferrières une fort belle 
usine, montée d’après le système Champonnois ; les fer- 
miers du domaine y font distiller leurs betteraves, re- 
prennent les pulpes et paient un prix qui, comprenant 
tous les frais, est fixé à forfait par journée de travail. 

La consommation est de quatorze mille kilogranimes 
de betteraves par jour. La comptabilité n’est pas tenue 


— 471 — 


en partie double. M. Vavasseur a seulement des livres 
de recettes et de dépenses sans répartition par comptes ; 
il a fourni dans son mémoire un état détaillé des pro- 
duits et des frais par chaque année d'assolement, et une 
estimation sommaire des recettes et dépenses faites en 
dehors du produit des récoltes. Cette ferme, quoique 
bien tenue, n’a pas certainement de titres suffisants pour 
obtenir la prime d’honneur ; il faut néanmoins tenir 
compte au fermier de l’ordre intérieur, du bon état des 
animaux, et, avant tout, la vacherie mérite une récom- 
pense spéciale. 

La Commission accorde donc à ce sujet une médaille 
d'or à M. Vavasseur. 


80 M. Gior, 


A Chevry-Cossigny, arrondissement de Melun. 


M. Giot a fait preuve jusqu'ici dans les travaux de tout 
genre qu'il a entrepris, d’une intelligente activité et 
d'une grande-persévérance. 

Ses commencements, comme il nous le dit, ont élé 
difficiles et il a eu le mérite d'organiser un établissement 
remarquable à plusieurs titres. 

Le ferme de Chevry et celle de Passy qui composent 
son exploitation, comprennent ensemble deux cent cin- 
quante-deux hectares. 

Le sol, comme dans tout ce pays, est froid ci d’une 
nature méiloscalonire ; ; le sous-sol formé d’une marne 
argileuse très-tenace est imperméable et impose aux cul- 
tivateurs de grands travaux d'amélioration. 

M. Giot le comprit bien vite et fit supprimer une 
grande partie des mares situées dans les plaines de Che- 
vry et de Passy ; il fit établir pour l’écoulement des eaux 
des conduits recouverts de pierres, de nombreux fossés 


RE — 


d'assainissement, et put ainsi suppléer, dans une certaine 
mesure, au drainage rendu très-difficile chez lui par le 
défaut de pentes de la plaine. 

Cependant à la ferme de Passy et avec le concours du 
propriétaire (M. de Crousaz-Crétet), il a commencé des 
travaux complets de drainage qui sont en cours d’exécu- 
tion et qui coùteront de 260 à 280 fr. l’hectare; à la 
ferme de Chevr ; il a drainé une pièce de trente hectares, 
ce qui lui a permis de faire disparaître sept mares dans 
ce seul endroit. 

Les travaux de marnage ont été exécutés à raison de 
quarante à cinquante mètres cubes par hectare. 

M. Giot a aussi fait construire un four à chaux qui 
peut fournir huit à dix mètres cubes par jour. 

Il a pu ainsi obtenir la chaux à un prix très-réduit, les 
chaulages furent faits partout avec huit mètres cubes par 
hectare ; M. Giot pense que leffet s’en fera sentir pen- 
dant cinq ou six ans, et 1] a cessé, quant à présent, d’em- 
ployer la chaux sur ses terres. Il fait semer du plâtre 
chaque année sur les prairies artificielles ; sept à huit 
hectolitres par hectare lui paraissent suffisants pour 
amener une augmentation de 20 à 25 p. 0/0 dans la ré- 
colte. | 

Les travaux d’appropriation commencés aux bâtiments 
de la ferme de Chevry ne sont pas encore complétement 
terminés ; le centre de la cour est occupé par une fosse à 
fumier ; il y a d’un côté la grange et le hangar, de l’autre 
la maison d'habitation et les écuries, le reste comprend 
les bouveries et les bergeries. M. Giot a eu beaucoup à 
améliorer de ce côté ; il a fait construire une remise pour 
les instruments et les voitures de la ferme ; une bouverie, 
des citernes à purin et une fosse à fumier très-remar- 
quable. Aujourd’hui les bâtiments terminés sont dans un 
état d'entretien convenable. 

L’assolement suivi à Chevry n’a rien de rigoureux ; 


— 473 — 


on a cherché à supprimer complétement les jachères et à 
alterner chaque genre de récoltes en évitant de faire 
deux céréales de suite. M. Giot trouve dans son assole- 
ment le moyen de prendre souvent des récoltes dérobées; 
il prétend même être arrivé à obtenir vingt-quatre 
récoltes en douze années; hâtons-nous de dire qu'il 
compte chaque coupe de fourrage pour une récolte diffé- 
rente et qu’il y a quatre années de luzerne dans la rota- 
tion de douze ans. 

En résumé, les ensemencements peuvent se diviser 
ainsi: trois douzièmes en blé, quatre douzièmes en 
fourrages, prairies naturelles et artificielles, trois dou- 
zièmes en betteraves, colza, æœillettes et pommes de terre; 
les derniers douzièmes comprennent les avoines, les 
fèves, vesces et maïs. Les fumiers que M. Got arrive à 
trouver dans sa ferme, ne sont pas plus abondants qu’il 
ne le faut pour l'importance de sa culture, car le nombre 
de ses bestiaux est assez restreint, il a cherché à aug- 
menter la qualité des engrais qu'il emploie, en les 
traitant d’une manière toute spéciale. 

On a établi au milieu de la cour, une fosse dont la 
profondeur augmente vers le centre et dont le fond est 
garni de béton. Un puits bien étanche occupe le milieu 
et communique avec les citernes où sont recueillis les 
purins venant des étables ; le fumier de tous les animaux 
est étendu chaque jour dans cette fosse, sur laquelle on 
fait passer souvent les moutons et les vaches ; un appareil 
élévatoire est placé dans le puits et permet d’arroser fré- 
quemment; c’est une espèce de chaîne à godets ou 
noria, très-légère à faire mouvoir ; le purin est répandu 
uniformément sur-la couche de fumier par des rigoles 
en bois; tout cet ensemble formant un carré à pans 
coupés, est entouré d’un mur de briques et couvert d’une 
toiture en zinc; de larges ouvertures placées aux angles, 
permettent aux voitures d'arriver facilement pour enlever 


— 474 — 


les fumiers faits; M. Giot a adossé des poulaillers sur 
deux côtés de cette construction, il se loue beaucoup de 
ce travail et de la préparation des engrais: il est certain 
que le fumier est d’une qualité excellente et toujours 
égale en toute saison; en résumé, ce travail mérite une 
mention toute spéciale. Les instruments de cultare sont 
bons et bien entretenus, ils se composent de charrues de 
Brie, de Brabant à un et à deux versoirs, de charrues 
fouilleuses, de houes à cheval, de scarificateurs, de 
herses et de rouleaux. M. Giot a cherché à supprimer 
autant que possible les labours par sillons, il y est 
parvenu dans presque toute sa culture; il a commencé 
depuis quelque temps à cultiver des betteraves sur ados 
espacés de 60 à 70 centimètres et il se trouve bien de ce 
travail ; il a modifié la charrue fouilleuse en plaçant un 
coutre en avant des socs et une fourche à trois dents en 
arrière; il croit être arrivé ainsi à compléter cet instru- 
ment si utile. 

La Commission a trouvé les récoltes de Chevry en bon 
état; les betteraves étaient belles, les terres propres, enfin 
tout faisait voir que le sol avait été convenablement pré- 
paré. M. Giot a essayé plusieurs cultures industrielles qui, 
avant lui, étaient étrangères au pays; telles que le topi- 
nambour et le maïs pour être distillié en vert; nous 
n'avons pas eu de renseignements sur les résultats 
obtenus dans ce travail tout spécial, et on ne parait pas 
avoir renouvelé les premiers essais. 

Dans les bâtiments que M. Giot a fait construire près 
de la grange, il a placé en 1854 une machine à vapeur 
fixe qui fait mouvoir la machine à battre, un moulin 
avec sa bluterie, un hache-paille, une scie circulaire, 
un tour mécanique et un tarare pour nettoyer les 
grains. 

Le bétail entretenu à Chevry appartient à beaucoup 
de races diverses; nulle part la Commission n’a vu 


me (D 


autant de variétés différentes dans la même exploitation. 
M. Giot fait tous les ans une vente aux enchères d’ani- 
maux reproducteurs, et trouve, dans une clientèle spé- 
ciale, un placement avantageux des bestiaux qu’il achète 
ou qu'il élève chez lui. L’écurie renferme trente-trois 
chevaux et juments et sept poulains; ce nombre est 
ordinairement plus faible, il n’y a de ce côté rien de re- 
marquable; la vacherie dont lPeffectif change assez 
souvent par suite de ventes et d’achats fréquents, com 
prenait au mois de juillet dernier cinquante-sept têtes et 
soixante au mois de décembre; elles appartenaient aux 
races pures de durham, hollandaise, flamande, nor- 
mande, mancelle, bretonne, féméline et nantaise; il y 
avait en outre des croisements durham-manceaux et 
normands-manceaux. La ration des bestiaux à l’engrais- 
sement se compose de pulpes de distillerie, mélangées à 
un dixième de menue paille ou de fourrages hachés, 
d’issues venant du moulin, de tourteaux et de trois kilo- 
grammes de fourrage sec; la nourriture des animaux 
d'élevage est la même, seulement ils ne reçoivent pas 
d’issues n1 de tourteaux. 

L’état de la bouverie est satisfaisant, il y a là plusieurs 
sujets de choix, ce qui, du reste, est prouvé par les 
succès sans nombre obtenus par M. Giot dans tous les 
concours. 

La bergerie comprend deux troupeaux différents: l’un 
de race mérinos, l’autre provenant d’un croisement fait 
sur les races southdown et berrichonne avec un bélier 
de l’espèce russe que M. Giot appelle Romanowski. 
L’effectif de ces deux troupeaux était au mois de juillet 
de sept cent trente-neuf bêtes et de cinq cent quatre-vingt- 
huit au mois de décembre. 

M. Giot en cherchant à créer sa race croisée a eu pour 
but d'obtenir des produits plus rustiques et plus aptes à 
un engraissement précoce. 


— 476 — 


Nous n’avons pas eu de renseignements qui nous prou- 
vent que ses efforts aient été couronnés de succès; du 
reste les moutons de ce troupeau sont d’un noir cendré, 
très-petits, ils rendent peu de laine (deux kilogrammes 
cinq cents), etil n’est pas douteux que M. Giot gagnerait 
davantage à entretenir des animaux plus forts, qui lui 
donneraient un meilleur produit comme laine et comme 
viande. 

Le troupeau mérinos a spécialement pour but de for- 
mer des animaux à laine fine, dont M. Giot tire parti en 
les envoyant à Montévidec où il a fondé nn établisse- 
ment ; il y a dans cette bergerie quelques bons béliers 
mérinos dont plusieurs ont été achetés dans la Côte- 
d'Or. L’effectif de ce troupeau était moins important à 
la seconde visite par suite d’un envoi qu’on venait de 
faire en Amérique. [l y a dans la ferme un bélier south- 
down et un de la race mauchamp, acheté à Gevrolles; 
nous n’avons pas vu de croisements de cette dernière 
race, M. Giot ne s'étant servi jusqu’à présent de ce 
bélier que pour le produire dans les concours où il a 
déjà obtenu plusieurs prix. Les moutons sont nourris 
l'été au pâturage ou à l’étable avec des fourrages verts, 
et l’hiver avec des pulpes de distillerie mélangées de 
fourrages hachés, on y ajoute un peu de tourteau et des 
Issues. 

La porcherie comprend douze à vingt têtes de races 
anglaise et normande et quelques croisements. On utilise 
de ce côté les fonds de cuve de la distillerie ainsi que les 
déchets de la laiterie et de la cuisine. Pour résumer 
l'importance du bétail, nous pouvons dire qu’il se com- 
posait en décembre 1863 de trente-trois chevaux, sept 
poulains, soixante bêtes à cornes, deux cent douze 
moutons mérinos, et deux cent soixante-seize du croise- 
ment Romanowski; en y ajoutant les douze pores on 
arrive à un poids vif total de soixante-deux mille huit 


— 477 — 


cents kilogrammes, si l’on compte comme d'ordinaire 
quatre cents kilogrammes de poids vif pour une tête de 
bétail, on obtient à peine deux cent cinquante kilo- 
grammes, soit un peu plus d’une demi-tête par hectare, 
chiffre peu considérable en résultat. 

Les volailles de Houdan et de races croisées sont très- 
nombreuses, il y en a neuf cents environ. 

M. Giot a tiré un excellent parti de sa basse-cour par 
l'installation de ses poulaillers roulants. 1] achète à Paris 
de vieilles caisses d’omnibus dans lesquelles les volailles 
rentrent la nuit, on les conduit dans les champs où se 
trouvent les charrues, et toutes les poules suivent les 
laboureurs en détruisant les vers blancs et les autres 
insectes nuisibles ; dans l’été elles vont à la suite des 
faucheurs et des moissonneurs, et trouvent dans les grains 
perdus une nourriture abondante. Ainsi M. Giot utilise 
ses volailles pour la destruction des insectes nuisibles et 
tire parti en même temps de grains qui sont toujours 
perdus; cet ensemble est organisé avec beaucoup d’in- 
telligence. 

On donne un grand soin à la fabrication des fromages 
de Brie ; Madame Giot y apporte une surveillance toute 
particulière, aussi les produits de la ferme de Chevry 
sont-ils très-estimés et à juste titre. 

La distillerie de M. Giot a été une des premières 
qui ont été établies dans le département de Seine-et- 
Marne ; nous n’avons pas à décrire ici le procédé de 
M. Champonnois qui est connu et apprécié partout 
comme 1l le mérite. 

L'usine de Chevry est bien tenue et fait un bon tra- 
vail; on opère seulement sur six à sept mille kilo- 
grammes de betteraves par jour ; les flegmes qui sont 
obtenus à un degré fort élevé sont vendus pour être 
rectifiés, 

M. Giot a installé une comptabilité en partie double 


— À7T8 — 


d’un système assez compliqué ; les comptes y sont très- 
nombreux, car il y en a plus de mille deux cents ; il est 
certain qu’en simplifiant ce travail et en adoptant des 
modèles suivis dans plusieurs exploitations remarquables 
de la région, il arriverait à un résultat au moins aussi 
satisfaisant et avec beaucoup moins de peine, Quoi qu'il 
en soit, M. Giot tâche de se rendre compte et ne veut 
pas marcher à l’aventure ; c’est beaucoup dans une ex- 
ploitation qui embrasse antant de détails et il n’est dou- 
teux pour personne qu’il n’ait réalisé des profits réels et 
même considérables eu égard au point de départ. 

En résumé cet établissement est digne d’attention ; ce 
que la Commission y a trouvé de plus remarquable est 
la disposition adoptée pour la confection des fumiers, 
elle décerne à ce sujet une médaille d’or à M. Giot. 


9° M. SIMONET, 
A la ferme de Villiers, commune de Salins, arrondissement de 
Fontainebleau, 

Les travaux que M. Simonet a fait exécuter à Vil- 
liers comprennent les améliorations agricoles les plus 
sérieuses ; il faut d’abord examiner l’état de cette culture 
au point de départ pour se rendre compte des résultats 
obtenus. 

La ferme de Viliers est située à huit kilomètres de 
Montereau, vers Nangis, sur les plateaux qui dominent 
la rive droite de la Seine. 

M. Simonet en devint propriétaire en 1852, il trouva 
cette terre ainsi divisée : 


41° Terres labourables . . . .  130h.28a.93c. 
ARTE HEITITELS « + + ‘ee » 50 » 
3° Frichescomprisesdanslesterres 

delatférnienson. 26, ; 700-160 40 Dm» 
4° Hoisaubess turn: éeshi tot: © 89 88 97 
5°. Bruyéres su demo 39  4tunw 


6° Autres friches et chemins . . 16 93 68 
TOTAL. !: . . + .-.  317B 0 0c. 


— 479 — 


La qualité des terres de Villiers était mauvaise, moins 
cependant qu’on ne le croyait généralement ; elles furent 
loutes d’abord de 7 à 8 fr. l’hectare, et au moment où 
M. Simonet devint propriétaire, le fermage total montait 
à 4,500 fr. ou 26 fr. Phectare, l'impôt payé par le pro- 
priétaire; plus de cinquante-six hectares ne donnaient 
aucun produit. À la fin du bail, M. Simonet fit valoir 
lui-même et se mit résolument à l’œuvre. 

Le sol de Villiers est argilo-siliceux, reposant sur un 
sous-sol imperméable de marne très-argileuse ; la plaine 
est, du reste, bien ondulée. On entreprit les travaux de 
drainage sur une grande échelle, et les cent soixante-dix 
hectares de la ferme furent entièrement drainés. Les 
difficultés étaient assez grandes, tout fut fait pour les 
surmonter ; les ingénieurs du département fournirent le 
plan complet des travaux, et M. Simonet fit venir de 
Paris et de la Bourgogne les tuyaux qu’on ne pouvait se 
procurer dans le pays. L'ouverture des tranchées d’une 
profondeur de un mètre quinze centimètres au maximum, 
fut faite à la tâche, et pour obtenir un travail plus soigné 
dans la pose des tuyaux et le recouvrement des joints, 
on le fit exécuter à la journée par des ouvriers spéciaux; 
le prix de revient a été de 260 fr. hectare en moyenne; 
en même temps on fit commencer les marnages et les 
chaulages ; la marne fut employée à raison de quarante 
mètres cubes par hectare. 

Le drainage permit de rendre à la culture plus de trois 
hectares de mares et de fossés ; on put aussi remplacer 
par de larges planches les petits sillons qu’il fallait jus- 
qu’alors faire en labourant. 

La ferme quoique placée près de la route de Fontaine- 
bleau à Provins, n’y était pas reliée par un bon chemin; 
M. Simonet fit terrasser et empierrer deux kilomètres 
cinq cents mètres de chemin et il contribua par une sub- 
vention à l’achèvement de la voie de grande communi- 


— 480 — 


cation qui traverse ses terres. L'amélioration des bâti 
ments était urgente et l'emplacement insuffisant ; M. Si- 
monet fit construire des granges, des bergeries et un 
vaste hangar ; la charpente de ces bâtiments est presque 
entièrement en fer, et ce système a permis de ne pas 
mettre de poteaux intermédiaires ; le hangar, dont une 
partie sert de bergerie, a quarante-six mètres cinquante 
centimètres de longueur sur treize mètres de largeur en 
œuvre. La construction d’une nouvelle grange était né- 
cessaire, M. Simonet en fit établir une de trente mètres 
sur treize avec six mètres soixante-six centimètres de 
hauteur au carré. 

Au lieu de suivre l’ancien assolement triennal compre- 
nant une année de jachère, on a adopté une rotation de 
cinq ans ainsi fixée : 

1" Année, betteraves famées avec addition de guano; 

2° Blé avec poudrette ; 

3° et 4°, Sainfoin et trèfle mélangés ; 

5° Année, avoine. 

Quatorze hectares de luzerne sont en dehors de l’asso- 
lement ordinaire. Dans une terre en aussi mauvais état, 
il n’a pas été possible de supprimer de suite toutes les 
jachères, il y en a encore quatorze hectares. Mais M. Si- 
monet arrivera avec le temps à pouvoir les remplacer 
par des récoltes de fourrages. Une pièce de treize hec- 
tares soixante-neuf ares était plantée en mauvais bois 
qui ne produisaient presque rien. M. Simonet la fit dé- 
fricher et drainer , on combla les mares et la Commission 
a pu, en juillet 1863, voir cette terre couverte d’une belle 
récolte de blé. 

Les fumiers produits à Villiers sont assez abondants, 
surtout depuis l'établissement de la distillerie ; 1ls sont 
disposés près d’une fosse à purin et arrosés au moyen 
d’une pompe ; les eaux des cours vont dans cette citerne 
mais les égouts des toits sont rejetés au dehors par des 


— 481 — 


gouttières et des conduits souterrains ; du reste cette‘ins- 
tallation n’est pas complète et laisse encore à désirer. 
M. Simonet fait consommer toutes ses pailles et dépense 
chaque année une somme assez importante en achats de 
guano et de poudrette de Bondy. 

Les instruments aratoires sont : la charrue Pluchet, 
les Brabants doubles , les extirpateurs , la fouilleuse 
du Mesnil-Saint-Firmin, la défonceuse de Päris, de 
Saint-Quentin, et enfin la grande charrue de M. Val- 
lerand. 

M. Simonet a introduit cet instrument remarquable à 
Villiers, en 1861 ; il en obtient un travail dont 1l se loue 
beaucoup. Les labours ordinaires d'hiver sont faits à 
vingt et vingt-cinq centimètres avec la défonceuse Päris, 
attelée de six bœufs; la charrue Vallerand emploie dix 
ou douze bœufs et va jusqu’à trente-cinq centimètres de 
profondeur. 

La Commission a constaté que les récoltes de Villiers 
étaient très-belles en juillet dernier , les blés étaient bons 
et plusieurs pièces tout à fait remarquables; les fourrages 
garnissaient bien le sol ; les betteraves étaient propres et 
montraient une végélation vigoureuse ; en résumé tout 
annonçait une culture soignée et bien suivie. La variété 
de blé dominant était le blé Victoria, qui réussit très 
bien à Villiers. M. Simonet fait mettre tous ses blés en 
moyettes composées de gerbes ; il fait de même pour les 
avoines. Nous n’avons pas à faire ici l'éloge de ce travail, 
qui seul est reconnu eflicace pour assurer la bonne qua- 
lité du grain et de la paille. 

I n’y a à Villiers que cinquante ares de prés naturels. 
Au moyen des drainages et des amendements calcaires, 
M. Simonet est parvenu à faire une certaine quantité de 
luzerne ; il sème aussi un mélange de trèfle et de sain— 
foin à deux coupes qui dure deux ans. 

En 1863 les récoltes comprenaient quatre-vingt-douze 

31 


— 482 — 


hectares de céréales, quarante-trois de betteraves et 
quarante-quatre de fourrages; le reste était en jachères et 
défrichement de bois. 

La culture des-betteraves n’a été commencée qu’en 
1860 ; depuis, grâce aux défoncements, aux engrais ar- 
tificiels et à la culture en billons, la quantité ensemencée 
a été augmentée et le rendement porté de vingt-cinq 
mille kilogrammes à plus de quarante mille kilogrammes 
à l’hectare en 1862. 

Le bétail de la ferme de Villiers est bien choisi et en 
bon état ; 1l y a quinze chevaux, dix bœufs de travail, 
vingt-trois vaches, dix poreset un bon troupeau mérinos 
de cinq cent soixante têtes. Les bœufs sont de race cha- 
rollaise et de première force; leur nourriture d’hiver 
consiste en puipes de distillerie, mélangées de menue 
paille ; Pété ils consomment des fourrages verts, et dans 
le moment des grands travaux ils reçoivent en plus cha- 
cun quatre Fes d'avoine. 

Les vaches viennent du Cotentin et sont de bonne 
qualité; M. Simonet ne peut, à cause de son éloignement 
des villes, veudre le lait avec avantage ; on engraisse des 
veaux qui donnent à trois mois un produit moyen de 
150 fr., et le reste du lait est converti en beurre ou en 
fromage. La nourriture des vaches est la même que celle 
des bœufs. 

La partie la plus remarquable du bétail de Villiers est 
le troupeau ; les brebissont généralement fortes et d’assez 
bonne conformation ; le poids des toisons est de cinq 
kilogrammes en moyenne, sans les agnelins ; la laine est 
de belle qualité et M. Simonet la vend avantageuse- 
ment ; il a trouvé un beau produit dans la location des 
béliers. Le troupeau de Villiers a déjà une certaine ré- 
putation, et en 1863 on a loué cinquante-quatre béliers; 
il y a dans le nombre de bons animaux, mais il fandrait 
être plus diflicile dans le choix des reproducteurs, en 


— 483 — 


s'inspirant davantage des beaux modèles exposés dans 
les concours ; la qualité et la réputation du troupeau ne 
pourraient qu’y gagner. 

M. Simonet vend ies jeunes moutons à dix-huit mois 
et il a toujours plus de trois cents brebis mères. Par l’en- 
tretien de ce troupeau assez considérable il a prouvé que, 
grâce à tous ses travaux, le sol de Villiers pouvait avec 
avantage nourrir des moutons. 

La basse-cour comprend des volailles de Houdan et 
quelques pores de race française croisée. Le total du 
poids vif de tout le bétail est de soixante-neuf mille 
kilogrammes, qui donnent un rapport de près de trois 
cent cinquante kilogrammes, et 1l n’est pas douteux 
qu'on n'arrive facilement au chiftre d’une tête de bétail 
par hectare cultivé. 

M. Simonet ne s’est pas contenté de travailler à l’amé- 
lioration des terres labourables, il a fait ouvrir dans ses 
bois et remettre à neuf plus de neuf mille mètres de 
fossés d’assainissement. Quarante hectares de bruyères 
ne donnaient aneun produit, il n’y avait pas d'avantage 
à les mettre en culture, à cause de la quantité assez 
grande des terres labourables; du reste, l’éloignement 
de la ferme aurait rendu tous les travaux plus coûteux. 
On a fait semer en 1852, sur un labour ordinaire des 
glands et des graines de pins sylvestres et maritimes ; 
ces semis levèrent bien et les plants prirent de la force. 

En 1861 on pratiqua une première éclaireie qui donna 
un produit net de plus de 6,000 fr. ; les sujets les plus 
beaux furent conservés, surtout dans les pins sylvestres, 
et il n’est pas douteux que des éclaircies pourront être 
faites tous les cinq ou six ans, pour permettre aux arbres 
de prendre de la force, cela donnera encore un revenu 
très-convenable. Un propriétaire intelligent a tiré là le 
meilleur parti possible d’un so] sans valeur et qui n’avait 
jamais rien rapporté. 


— 484 — 


Pour assurer à ses bestiaux une alimentation abon- 
dante et arriver à une plus grande production de fumier, 
M. Simonet à installé en 1860 une distillerie Champon- 
nois ; il achète près de chez lui quelques lots de bette- 
raves dont il est obligé de rendre les pulpes; le travail 
journalier est de douze mille cinq cents kilogrammes. 
Une machine à vapeur fixe, de six chevaux de force; 
sert pour la distillerie et fait mouvoir en mème temps 
la machine à battre, un hache-paille et un concasseur. 

La distillation n’a pas lieu à feu nu, mais par une 
admission de vapeur prise sur le générateur de la ma- 
chine. 

La comptabilité est tenue en partie simple, sans 
comptes spéciaux pour chaque branche de produits. Il y 
a, outre le livre de Caisse-Journal, un relevé de la loca- 
tion des béliers, des comptes de dépenses personnelles, 
des feuilles de quinzaine pour le paiement des ouvriers 
et enfin un état des améliorations foncières. Le chiffre 
en est considérable, et si lon compare les terres de 
Villiers avec celles qui ne sont pas améliorées dans les 
environs, on a la certitude que M. Simonet a doublé le 
revenu de cette ferme qui n’était pas louée 30 fr. et 
qui maintenant serait affermée facilement 60 fr. l’hec- 
tare. 

Si nous rapprochons l’état actuel du domaine de 
Villiers de la situation qu’a trouvée M. Simoret au com- 
mencement de son exploitation (ce que nous avons 
expliqué plus haut), nous voyons que le domaine com- 
prend aujourd'hui : 


Terres labourables et prés . . . 200 h. 63 a. 61 c. 
Bois assainis par des fossés . . . 76 38 97 
Sapinière & JC0SIPSANLE RARMAVET. 1 48 » » 


Total égal." ., « =.) SANS c. 


— 485 — 


En résumé, quatre-vingt-seize hectares qui ne rap- 
portaient rien ont été rendus à la culture ou convertis en 
bois de sapins, les terres ont été drainées, les chemins 
empierrés, les constructions augmentées et améliorées, 
les bois assainis ; on à formé un bon troupeau et établi 
une distillerie. Par ces travaux remarquables, M. Simo- 
net, aidé de l’intelligente coopération de sa famille, a 
plus que doublé la valeur du domaine de Villiers, et, 
pour reconnaître un mérite prouvé par des améliorations 
foncières de tout genre, la Commission lui accorde une 
médaille d’or grand module. 


10° M. Garnor, 


À la ferme de Villaroche, commune de Réau, arrondissement de 
Melun. 


Dans presque toutes les fermes décrites jusqu'ici, la 
Commission à vu Papplication en grand du drainage 
comme principale amélioration foncière ; nulle part ces 
travaux n’ont été poussés aussi loin que chez M. Garnot, 
à Villaroche. 

Cette ferme comprend deux cent trente hectares ainsi 
divisés : 


Here ADONraDIes : … . 1402200. D 56e. 
Paturages el vergers «, ,. . . 2 50 » 
Bâtiments et enclos. . . . . 2. à EU » 
RENE ESS. un.  :eiuc : ». 1. 20 » 


5 2h » 


Totahégal. aie :uxumusa440hsltmastunrc: 


Le sol est, comme dans ce pays, d’une nature argilo- 
siliceuse ; le sous-sol imperméable est formé de marne 
argileuse et repose sur un fond de glaise. M. Garnot prit 
possession de sa ferme en mai 1853 et trouva les terres 
et les bâtiments en assez mauvais état. 


— 486 — 


Les travaux de drainage furent exécutés de 1854 
à 1856 sur deux cent sept hectares ; il n’est resté en de- 
hors que treize hectares qui n’ont pas besoin d’être drai- 
nés. La longueur totale des tranchées est de soixante-treize 
mille mètres sur une profondeur qui varie de un mètre 
quarante à un mètre quatre-vingts ; l'espacement est de 
treize à trente mètres. Les tuyaux sont placés bout à 
bout sans colliers, les joints sont seulement recouverts 
avec des éclats, les décharges des collecteurs arrivent 
dans des puits peu profonds et soigneusement macçonnés, 
et pour compléter ce travail on a fait sceller des grilles 
aux orifices des grands tuyaux. La dépense totale s’est 
élevée à 48,000 fr. ou 233 fr. l’hectare, avancés par le 
propriétaire ; le fermier paie l'intérêt de ce capital. Le 
drainage a permis de supprimer des mares et des fossés 
et de rendre quatre hectares à la culture ; on peut aussi 
labourer maintenant à plat et bien plus facilement, La 
ferme de Villaroche, placée assez loin de ja commune, 
n'avait que de très-mauvais chemins, M. Garnot en fit 
empierrer à ses frais plus de cinq kilomètres. 

Portant aussi fous ses soins sur l’intérieur de la 
ferme, 1l ‘occupa activement d’améliorer et d’augmen-- 
ter les bätiments ; pour y parvenir plus tôt, le proprié- 
taire, en homme intelligent, a avancé une partie de la 
dépense et le fermier en sert l'intérêt. 

D'abord les cours furent drainées et assaimies et les 
eaux pluviales rejetées en dehors. M. Garnot fit établir 
ensuite dans la seconde cour un vaste hangar de cin- 
quante mètres de longueur sur vingt mètres de largeur ; 
les récoltes y sont conduites et entassées facilement ; on 
a disposé sur la longueur, un arbre de couche qui porte 
la poulie de commande de la machine à battre, et un 
cable en fil de fer transmet la force de la machine à va- 
peur qui est à cinquante mètres de là, dans les bâtiments 
de la distillerie. La batteuse est mobile et se place suc- 


— 87 — 


cessivement dans les neuf travées du bâtiment ; nous 
n'avons vu nulle part une disposition mieux entendue. 
On est obligé de se servir de machines le plus possible à 
cause du prix de la main @æuvre qui est fort élevé à 
Villaroche. M. Garnot augmentant tous les ans le 
nombre de ses bestiaux, fit transformer d’anciennes 
granges en étables et il vient de faire construire une 
grande bergerie placée derrière le hangar ; ce bâti- 
ment de cinquante-qnatre mètres sur selze, a onze tra- 
vées qui peuvent contenir chacune cent moutons, lune 
de ces travées reste libre pour faciliter l'enlèvement des 
fumiers. M. Garnot se sert aussi de ce vaste emplacement 
pour y engranger des récoles; 1l y a placé une machine 
à battre qui est mise en mouvement au moyen d’un 
autre càble en fil de fer. 

Tous les bâtiments de la ferme sont en bon état et 
bien entretenus; on est frappé, en entrant, de l’ordre 
qui règne partout et qui est un des signes caractéris- 
tiques d’une exploitation bien conduite. 

Le matériel agricole se compose de charrues Dom- 
basle avec avant-train Pluchet, de Brabants doubles, de 
herses quadrangulaires, de scarificateurs et de houes à 
cheval, de rouleaux en bois et Croskill et des semairs de 
Roville.et du système Faitot; tous ces instruments sont 
bien tenus et sont placés sous une halle en face de la 
ferme. M. Garnot fait labourer à une profondeur de 
vingt-cinq à trente centimètres, mais il a été obligé d’at- 
tendre pour en arriver là que sa terre fût améliorée par 
des fumures successives. Les céréales sont semées au se- 
moir et à la volée avec des grains préparés dans une so- 
lution chaude de sulfate de cuivre, les colzas sont repi- 
qués à la main et binés au printemps; les betteraves 
recoivent quatre ou cinq facons à la main et à la houe à 
cheval; la plus grande partie des blés est mise en 
moyettes qui contiennent environ huit gerbes chacune. 


— 488 — 


L’assolement est alterne, mais n’est pas suivi rigoureu-- 
sement : un tiers des terres est en blé, le second tiers en 
betteraves et en plantes oléagineuses, et le complément 
en avoine et en fourrages. Les ensemencements de 1863 
étaient ainsi divisés : 


Blé d'hiveret de mars. . 7, 2 100 
DÉIBIÉ se eo du co ot ee UT DES 


ENVOIE Se am ed ne D a ca Ni SUR » 
(LU LE dre plier radin 8 » 
BOHETAV ESS ER EN RER MAUR » 
POUREARES TS aire M en na te te PU 


Total, tés 2 2000 he DS 


Les récoltes de Villaroche avaient au moment de la 
visite, un aspect magnifique, les blés étaient très-fournis, 
les betteraves bien sarclées ne présentaient pas de vides, 
enfin tout montrait que la culture était faite avec beau- 
coup d'entente et de soin. 

Les fumiers sont disposés en tas dans les deux cours 
devant les étables ;-on a fait construire sous chaque tas 
des citernes à purin contenant chacune cent soixante 
hectolitres ; une pompe placée dans la fosse sert à arroser 
le fumier. Aujourd’hui, M. Garnot trouve dans la ferme 
une grande quantité d’engrais, mais avant d’avoir 
amené sa terre à un état de fertilité qui lui permit d en- 
tretenir un nombreux bétail, il a été obligé d’acheter des 
fumiers à Paris et à Melun ; il ajoute encore aujourd’hui 
à ses fumiers, de la poudrette et du guano, et a dépensé 
pour cela depuis 1854, 16,171 fr. en moyenne par an; 
M. Garnot comprend comme tout bon cultivateur, que 
plus le débit du compte engrais est élevé, plus le béné- 
fice des comptes de récoltes est considérable. 

Les marnages ont été entrepris après les drainages et 
terminés en 1859 ; M. Garnot a fait marner cent hectares 


— 489 — 


à raison de quarante mètres cubes ; 1l pense que le reste 
des terres de la ferme n’a pas besoin de cette améliora- 
tion. Il fait semer tous les ans du plâtre sur les luzernes 
et emploie de sept à huit hectolitres par hectare : en un 
mot, on vuit que rien n’a été négligé pour l'amélioration 
de cette ferme et que tous les travaux ont été exécutés 
avec intelligence et sans luxe. 

Le bétail de Villaroche est important et bien tenu ; 
l'écurie compte toujours quinze à vingt chevaux per- 
cherons de taille moyenne et de bonne conformation ; ils 
sont abondamment nourris pour pouvoir toujours four- 
nir un travail soutenu. La bouverie de travail a de vingt 
à trente-six bœufs, suivant la saison et l'importance des 
travaux; ces bœufs, qui proviennent du Charollais et du 
Morvan, sont toujours attelés au joug double, ils sont de 
bonne taille et de force suffisante ; leur nourriture se 
compose de pulpes de distillerie mélangées à un dixième 
de menue paille, de fourrages hachés, d'avoine aplatie et 
de son; M. Garnot entretient des vaches et des génisses à 
l’engraissement pendant le temps des travaux de la dis- 
tillerie ; il y a dans cette catégorie de quarante à cin- 
quante animaux, On leur donne des pulpes mélangées de 
la même manière que pour les bœufs de travail, et on 
ajoute à cette ralion de quatre-vingts kilogrammes par 
jour, environ quatre à cinq kilogrammes d’un mélange 
composé de farine d’orge, d’avoine aplatie et d’issues en 
égales proportions. 

L'état de tous les animaux à l’engraissement est satis- 
faisant et les bouveries sont très-bien tenues. 

M. Garnot n’a pas de troupeau d’élevage; il y supplée, 
au point de vue de la production du fumier, par un 
nombre considérable de moutons à l’eugraissement; dix- 
huit cents à deux mille moutons passent chez lui tous 
les ans pour être conduits au marché de Sceaux ou de 
Poissy; il y en a toujours pendant l'hiver onze à douze 


— 490 — 


cents à la fois. Tous ces animaux sont placés dans des 
bergeries bien aérées ; dix moutons recoivent environ la 
ration d’un bœuf ; on substitue de temps en temps à l’a- 
voine l’orge on le sarrasin. Au bout de trois ou quatre 
mois, les premiers lots sont conduits au marché et rem- 
placés par d’autres. M. Garnot fait tondre ses moutons 
à partir du mois de février. 

Quant aux vaches laitières, il n’y en a que trois pour 
les besoins de la maison. 

L'ensemble du bétail de la ferme de Viliaroche com 
prenait en décembre 1863, dix-sept chevaux, trente- 
deux bœufs, treize vaches et dix-neuf génisses à l’en- 
graissement et onze cents moutons ; le poids vif total 
était de plus de cent vingt mille kilogrammes, donnant 
cinq cent cinquante kilogrammes ou plus d’une tête par 
hectare ; ce résultat que nous n’avons vu nulle part, dit 
assez dans quelle phase de culture intensive M. Garnot 
est entré. Toutefois, il faut observer que ce chiffre de 
bétail n’existe pas à Villaroche pendant toute l’année; il 
y à donc une réduction à faire sur ce que nous avons vu 
à la seconde visite pour obtenir une moyenne exacte ; du 
reste, cette remarque peut s'appliquer à presque tous les 
concurrents. Au milieu des travaux de tout genre exé- 
cutés à Villaroche, M. Garnot a voulu assurer à son 
bétail une nourriture économique et abondante, et ap- 
préciant les avantages de la réunion de Pindustrie à 
l’agriculture, il a établi en 1857 une disüilerie Cham- 
ponnois. 

Cette usine agricole est tenue d’une manière remar- 
quable, la Commission n’en a pas visité une seule dont 
le travail füt aussi bon et aussi soigné. On opère sur 
vingt-deux à vingt-cinq mille kilogrammes de betteraves 
par jour; M. Garnot en trouve peu à acheter, mais 1] est 
arrivé à atteindre un rendement de cinquante mille kilo- 
grammes à l’hectare et peut alimenter son usine pendant 


— 491 — 


six mois. On n'obtient que des flegmes qui sont vendus 
pour être rectifiés, le surplus des vinasses est utilisé 
pour irriguer tous les ans trois à quatre hectares de 
terre. 

Une machine à vapeur fixe de la force de huit che- 
vaux, sert pour la distillerie et fait mouvoir aussi 
deux machines à battre, un hache-paille et un aplatis- 
seur. 

La comptabilité n’est pas tenue en partie double, c’est 
une des rares lacunes qui existent dans ce bel ensemble ; 
cependant M. Garnot se rend compte autant qu’il peut 
le faire en dehors d’un système de comptabilité devenu 
aujourd’hui classique dans des établissements comme le 
sien. Outre le livre de Caisse-Journal, il y a des re- 
gistres spéciaux pour la vente des grains et des four- 
rages, pour les achats et les ventes de bestiaux, des états 
des journées de travail qui servent au paiement des 
ouvriers, et enfin un livre d’assolements très-bien tenu. 
Depuis plus de onze ans que M. Garnot fait valoir la 
ferme de Villaroche, de beaux résultats sont venus le 
récompenser de ses travaux incessants; la Commission a 
pu juger de l’importance du capital engagé et des béné- 
fices réalisés. 

En résumé, M. Garnot a changé complétement les 
conditions d'exploitation suivies à Villarocke, deux cent 
sept-hectares sur deux cent vingt ont été drainés, plus de 
einq kilomètres de chemins empierrés, les bâtiments 
complétés et améliorés, une distillerie annexée à la 
ferme, limportance du bétail entretenu arrivée au moins 
à une tête par hectare, le capital d’exploitation quadru- 
plé ; et comme résultat, des récoltes de blé portées de 
treize hectolitres cinquante litres à trente-cinq hecto- 
litres par hectare, et celles d’avoine de trente à soixante. 

La Commission est heureuse de reconnaître ces titres 
sérieux chez un candidat aussi modeste qu’intelligent, 


— 492 — 


en accordant, à lunanimité, la prime d'honneur à 
M. Garnot. 

Cette prime est non-seulement une haute récompense, 
mais en même temps elle sert d'indication aux cultiva- 
teurs qui cherchent de bons modèles à étudier et des 
exemples sérieux à suivre. Que ceux qui aiment à voir 
le progrès réel aïllent à Villaroche, et près de Ià, dans 
cette même commune de Réau, qu'ils visitent aussi la 
belle ferme d’Epruness ; c’est là que M. Dutfoy, lauréat 
de la prime d'honneur de 1857, continue à marcher 
dans les voies d’une agriculture progressive. Nous pou- 
vons dire que les Commissions de visite trouveront rare- 
ment dans le même pays, de plus belles exploitations à 
examiner et de meilleurs exemples à offrir à lattention 
des agriculteurs. 


Nous sonimes avec un profond respect, M. le Ministre, 
De Votre Excellence, 
Les très-humbles et obéissants serviteurs. 
(Suivent les signatures.) 


Melun, le 19 mai 1864. 


Lettre de M. de Vaulx. 


Monsieur , 


Vous voudrez bien n’excuser du retard que j'ai mis à 
répondre à votre lettre du 26 décembre dernier. 

Nous n’acceptons pas, mon frère et moi, les remercte- 
ments que vous avez la bonté de nous adresser pour l’ac- 
cueil si modeste que nous vous avons fait. Nous n’avions 
pas oublié que vous étiez un ardent propagateur du pro- 
grès agricole, et à ce titre nous avons considéré comme 


— 193 — 


un devoir de vous fournir tous les renseignements qu’il 
vous plairait de réclamer de nous. 

Vous nous demandez de préciser ces renseignements 
en vous indiquant par quels moyens nous sommes arri- 
vés à produire les animaux de boucherie que vous avez 
remarqués dans toutes nos petites exploitations cultivées 
sous notre direction, par des métayers. Dès 1843, nous 
achetions un excellent taureau durham, à M. Tachard, 
dans le Cher; ce taureau nous démontra peu d'années 
après que la race durham alliée à notre race charollaise 
donnait d’excellents produits pour la boucherie, Mais ce 
rest guère que vers 1858 qu'ayant agrandi notre cercle 
d'opération nous nous livrâmes régulièrement à l’engrais- 
sement des jeunes bêtes croisées durham. Nous achetâmes 
un taureau durham chez M. Henri Michel de Limoges puis 
une vache, Thea, de mème race à Mably, pour le prix de 
400 fr.; cette dernière nous donna deux excellents tau-— 
reaux, le premier obtint un troisième prix au concours 
régional de Moulins en 1862 et le second donne encore 
aujourd’hui d'excellents produits, quoiqu’ägé d’au moins 
six ans. 

En 1865, nous avons acheté à Corbon une vache sui- 
vie de son veau mâle, Nemophile et Alain, qui tous les 
deux sont remarquables, mais ils nous coûtent ensemble 
pris à Carbon 3,040 fr.; à la mème vente, nous ache- 
tions Nanette et Phébée. Nanette n’ayant pas réussi, 1l 
nous reste donc deux vaches durham qui nous sufliront 
encore longtemps pour nous fournir des reproducteurs 
avec nos deux taureaux durham. Nos vaches sont cha- 
rollaises, parce que nous leur demandons du travail et 
que nous avons reconnu que les durham ne sont pas 
bonnes pour le travail ; ce sont nos meilleures charollaises 
qui sont saillies par des taureaux charollais pour élever 
un certain nombre de génisses destinées à remplacer les 
vieilles vaches. 


— 494 — 


Nos croisés durham, mâles et femelles, se vendent de 
deux à trois ans pour la boucherie, de 400 à 700 fr.; ce 
n’est que pour les bêtes de concours que ee prix est dé- 
passé. Du reste, nos métayers sont toujours prêts à tra- 
vailler pour les concours, parce qu’ils aiment beaucoup 
les succès. 

Quant aux jeunes charollais, leur engraissement est 
moins lucratif que celui des métis durham, et nous avons 
plusieurs fois remarqué qu’il y avait au même âge une 
différence de 100 fr. au profit des métis durham. 

C’est seulement en 1852 que nous avons introduit les 
moutons dans nos exploitations; à cette époque, un 
agneau et une agnelle étaient ramenés de la Charmoise 
au prix de 250 fr. et l’année suivante, nous demandions 
à M. Malingié deux brebis de plus pour élever à meil- 
leur compte les reproducteurs qui devaient améliorer 
nos petits troupeaux de brebis choisies à Crevan et en 
Berry. 
Vers 1863, nous acketions cinq hrebis southdown chez 
M. le comte de Bouillé, an prix de 405 fr. la tête, et un 
bélier de même race à M. Henri Michel au prix de 
100 fr. 

Tous les agneaux, sauf ceux qui nous sont demandés 
à l’avance comme reproducteurs, sont opérés à l’âge de 
deux à trois mois par extraction et vendus Lénoté sui- 
vante à l’âge de treize à dix-huit mois pour la boucherie, 
de 35 à 45 fr. la tête. Les moutons de race charmoise et 
les métis southdown s’engraissent fort bien. Les south- 
down sont un peu plus lourds que les charmoise, mais ils 
ont moins de laine. Toutes les brebis jugées inférieures 
ou trop vieilles, sont engraissées et vendues au mème 
prix que les antenais gras. 

Nos cochons Helene ont été pris chez M. pers 
Miche], au prix de 100 ou 120 fr. la paire ; nous sommes 
obligés d’avoir recours de loin en loin à des croisemenis, 


— 495 — 


autrement ils deviennent inféconds et dans tous les cas 
l’on ne peut demander aux truies les plus parfaites, plus 
de deux ou trois portées, parce qu’elles deviennent trop 
grasses ; aussi, pour ne pas manquer de truies, on ne fait 
opérer que les mâles dès leur plus jeune âge, pour être 
engraissés jusqu’à l’âge de dix à douze mois, les femelles 
sont engraissées sans subir d’opération préalable ou li- 
vrées à la reproduction. Du reste, nous élevons fort peu 
de cochons, seulement pour l'usage des métayers. 

J'ai confié à un de mes parents le petit bon que vous 
avez eu l’obligeance de m'adresser, pour retirer un pa- 
quet complet de vos ouvrages pour nous et d’autres, pour 
notre comice et M. Blanchard que vous connaissez; nous 
parcourons avec grand plaisir vos relations de voyages, si 
intéressantes pour les cultivateurs. 


Votre très-humble serviteur. 
F, pe Vaux. 


Les Morets, par St-Gérand-le-Puy (Allier), 24 janvier 1868. 


Concours agricole de 1864. — Rapport de la Commission 
chargée de proposer, à M. le Préfet du département 
de l'Allier, l’agriculteur auquel devra être décernée 
la médaille d’or donnée par Son Exc. le Ministre de 
l'agriculture, à l'occasion du Concours départemental 
de 1864. 


A Monsieur le Préfet du département de l Allier. 


Monsieur le Préfet, 


Son Excellence M. le Ministre de l'Agriculture ayant 
accordé une médaille d’or qui doit être décernée, à titre 
de prime d'honneur, lors du prochain concours départe- 


— 496 — 


mental, à l’agriculteur de l'arrondissement de Lapalisse 
qui aura fait faire le plus de progrès à l’agriculture pen- 
dant les quatre dernières années écoulées depuis le con- 
cours départemental qui a eu lieu dans ce chef-lieu d’ar- 
rondissement, et cette médaille devant être décernée par 
vous, Monsieur le Préfet, sur la proposition du bureau du 
Comice, ce bureau avait, le 29 mai dernier, fait publier 
un avis spécial adressé à tous les agriculteurs de l’arron— 
dissement, par l'intermédiaire des maires de toutes les 
communes, avec prière de lui donner toute la publicité 
possible et de le distribuer aux personnes intéressées. 

Cet avis invitait tous les cultivateurs de Parrondisse- 
ment, qui pouvaient avoir le désir de prendre part au 
concours pour la prime d'honneur, à faire connaître leur 
intention à M. Meilheurat, maire de Lapalisse, président 
du Comice, en lui adressant, avant le 6 juillet, une 
déclaration indiquant la propriété pour laquelle ils dé- 
siraient concourir et la commune dans laquelle elle était 
située. 

Le 6 juillet dernier, le bureau du Comice s'étant réuni 
à Lapalisse, son président lui fit connaitre les déclarations 
qu’il avait reçues jusqu’audit jour auquel expirait le dé- 
lai fixé. Ces déclarations, au nombre de trois, avaient été 
faites : 

La première, par M. de Vaulx, représentant M. Ram- 
bourg, propriétaire de la terre de Boucé ; 

La deuxième, par M. FéEx Virotte, propriétaire des 
Gadins ; 

Enfin Îa troisième, par M. de Chantemerle, proprié- 
taire de la terre du Verger. 

Le bureau du Comice décida qu’une Commission serait 
nommée immédiatement pour procéder à la visite des 
propriétés ci-dessus désignées. - 

MM. Fouquet, | de la Société d'agriculture de 
l’Allier; H. de Bonnand, vice-président de ladite So- 


— 497 — 


ciété ; de l’Ecluse, propriétaire à Neuilly-le-Réal ; Cher- 
vier, directeur de la ferme-école de Belleau ; Ducroux et 
Blanchard, secrétaires du Comice, furent choisis pour 
remplir cette mission. M. le président écrivit, séance te- 
nante, aux membres qui n'étaient pas présents, pour les 
convoquer le lundi 18 juillet suivant, au château de 
Boucé, pour commencer leur exploration. 

Ledit jour, 18 juillet, M. le président du Comice, s’é- 
tant rendu à la réunion indiquée, donna lecture d’une 
lettre de M. de lEcluse, par laquelle il s’excusait de ne 
pouvoir remplir la mission qui lui était confiée, étant 
obligé de partir pour un voyage, Tous les autres membres 
étant présents, la Commission fut installée. M. de Bon- 
nand ayant été désigné pour remplir les fonctions de 
président, et M. Blanchard ayant été également nommé 
pour remplir celles de secrétaire-rapporteur, la Commis- 
sion commenca immédiatement ses travaux. 

M. le président du Comice ayant communiqué à M. le 
président de la Commission deux lettres, l’une de M. Mé- 
chin, propriétaire à Busset, et l’autre de M. Barbier- 
Labaume, fermier et maire à Droiturier, qu’il avait re- 
çues depuis la réunion du 6 juillet, et par lesquelles ces 
messieurs demandaient à être admis à concourir pour la 
médaille d’or; la Commission après en avoir délibéré, fut 
d'avis qu'il n’y avait pas lieu de procéder à la visite des 
propriétés de ces Messieurs, leurs demandes ayant été 
faites trop tardivement. 

Nous ne pouvons, Monsieur le Préfet, vous faire l’ex- 
posé de tous les progrès faits par l’agriculture dans cet 
arrondissement pendant ces quatre dernières années ; 
bornons-nous à vous dire que ces progrès sont réels et 
constants ; il nous serait d’ailleurs diflicile de vous si- 
gnaler toutes les personnes qui y ont pris part, aussi 
nous croyons devoir nous borner à vous faire connaitre, 
le plus succinctement qu'il nous sera possible, les titres 

92 


— 198 — 


qui ont paru recommander chacun des trois candidats 
qui se sont présentés à l’attention de la Commission. 
Nous aurons ensuite l’honneur de soumettre à votre ap- 
probation éclairée le choix fait par la Commission, de 
concert avec les membres du bureau du Comice agricole 
de l’arrondissement de Lapalisse. 


& 4er. 


M. Félix Virotte, propriétaire de la terre de Château- 
Gadin, commune de Servilly. 

M. Félix Virotte, après avoir administré de 1842 à 
1845 la propriété de Château-Gadin, en qualité de fer- 
mier de son père, en est devenu propriétaire en 1846, 
par suite d’arrangements de famille. Depuis cette épo- 
que, cette propriété, dont l’étendue est de cent-dix hec- 
tares, a subi une transformation complète. 

Aujourd’hui, le manoir de Chäteau-Gadin est entouré 
d’un pare charmant, dont exploitation agricole tout en- 
tière semble n’être que la continuation. En sortant du 
jardin, placé au bas d’un vallon très-étendu, on rencontre 
le premier bâtiment agricole, c’est une vaste orangerie, 
d’une architecture élégante, destinée à protéger, contre 
les rigueurs de l’hiver, les magnifiques orangers qui dé- 
corent le jardin, mais qui, en même temps, abrite sous 
son toit d'immenses greniers pour les grains de l’exploi- 
tation. De là, la vue s’étend sur une belle nappe de ver- 
dure qui, faisant suite au parce, s'élève en formant une 
prairie de trente-quatre hectares d’un seul tenant. Un 
cours d’eau sortant d’un réservoir qui se trouve à la 
partie supérieure de la vallée, après avoir fourni Peau 
nécessaire pour faire marcher une machine à battre et 
avoir ensuite irrigué la plus grande partie de cette vaste 
prairie à l’aide de rigoles habilement tracées, se réunit 
avec les eaux provenant des drainages, en un ruisseau 


— 499 — 


qui semble uniquement destiné à l’ornement du parc 
qu’il traverse au milieu de riants bosquets. 

En remontant le vallon, à mi-côte, se trouvent les bâ- 
üments plus spécialement consacrés à l'exploitation ru- 
rale, qui formaient autrefois le domaine des Guérinots ; 
aux anciens bâtiments, on a ajouté récemment une grange 
d’une belle construction, contenant de vastes étableries 
dont la disposition parait bien ordonnée et où règne une 
propreté parfaite. Comme annexe à ces écuries, il y a en 
outre en construction, dans le bourg de Servilly, près du 
manoir, un autre bâtiment ayant la destination spéciale 
de servir de vacherie. 

Les membres de la Commission remarquent, sous le 
hangar destiné à remiser les instruments agricoles, deux 
râteaux à cheval, le double rouleau squelette et plein, fa- 
briqué par MM. Bruel frères, et d’un si bon usage, une 
charrue fouilleuse qui se trouve parmi plusieurs charrues 
Dombasle, différentes herses, enfin an tonneau à répandre 
le purin. 

A l’intérieur des bâtiments se trouvent encore d’autres 
engins perfectionnés ; outre la machine à battre dont nous 
avons parlé et qui parait fort bien organisée, 1l y a deux 
coupe-racines, dont l’un vertical, un trieur Pernollet, 
l'appareil du mème fabricant destiné à faire cuire les ra- 
cines, plusieurs tarares, etc. Tout cet attirail est com- 
plété par un atelier de charron-forgeron installé dans les 
dépendances du château, qui permet de poavoir faire de 
suite les petites réparations nécessaires au matériel agri- 
cole. 

Le fumier estl’objet de soins tout particuliers ; à sa sor- 
tie des étables, il est placé sur une plate-forme bétonnée, 
de laquelle le purin s'écoule dans une vaste citerne munie 
d’une pompe, il est stratifié de plätre et l’on en répand 
également dans les écuries, chaque fois qu’elles sont net- 
toyées. 


— 900 — 


Pour es différentes constructions destinées à la mani- 
pulation des fumiers, pour le pavage des écuries, pour la 
construction d’ün beau bassin destiné à abreuver les bes- 
tiaux, pour le sol d’une grange, pour celui de la machine 
à battre et pour les fondations de V’orangerie dont nous 
avons parlé, M. Virotte semble s’être servi très-heureu- 
sement d’une composition faite de chaux hydraulique, 
de ciment et de sable, formant une pierre factice qui pa- 
rait s'être merveilleusement prètée à ces différents usages. 
Le prix de revient de cette composition, faite par les ou- 
vriers du pays, est évalué par M. Virotte, à environ 
10 fr. le mètre cube, prix qui paraît très-peu élevé aux 
membres de la Commission. Nous ajouterons cependant 
que ces constructions sont encore récentes, quoique cette 
pierre factice soit employée depuis quelque temps aux 
environs de Roanne; il faut peut-être attendre plusieurs 
années encore avant de savoir si elle est propre à des ou- 
vrages aussi nombreux et variés, 

Au-dessus de la prairie se trouvent presque toutes les 
terres arables, présentant une étendue de quarante-cinq 
à cinquante hectares environ; elles forment une espèce 
de plateau qui domine la propriété. On a habilement tiré 
partié de cette disposition des lieux, et des eaux, prove- 
nant de plusieurs drainages pratiqués dans ces terrains, 
soigneusement recueillies, ont permis d'augmenter l’é- 
tendue du sol irrigable, et par conséquent susceptible 
d’être converti en prés. On a même, dans cette intention, 
diminué la profondeur des drains pour faire remonter 
l’eau plus haut, et l’on voit plusieurs tuyaux sortant du 
sol à une profondeur qui n’excède guère un mètre. D’a- 
près les notes remises par M. Virotte à la Commission, 
des drainages auraient été exécutés sur une étendue d’à 
peu près vingt hectares, avec une dépense moyenne d’en- 
viron 200 fr. par hectare. 

La nature du sol de toute la propriété des Gadins pré- 


RITES 


sente les plus grandes variations ; c’est un terrain dont 
la base est siliceuse, mais dans quelques portions l'argile 
domine. Des banes de marne se trouvent à l'Afrérentés 
profondeurs, il y a quelques gisements calcaires avec des 
bancs de pierres qui ont servi à faire les premiers chau- 
lages sur la propriété ; on trouve en outre de très-petites 
parties en terres d’alluvion. On a pu, par suite de l’em- 
ploi des amendements calcaires, remplacer, dans toute la 
propriété, la culture du seigle par celle du froment. Ces 
amendements, tombés aujourd’hui dans la pratique gé- 
nérale, ont là, comme aillenrs, transformé le sol par leur 
action énergique, dont nous admirons les effets dans 
toute la commune de Servilly, comme dans tant d’autres 
terrains de notre département, SÉROPEUS de principes 
calcaires. 

Du plateau formé par les terres arables descend un se- 
cond vallon de moindre étendue que le premier et dominé 
également par un réservoir, ainsi que par une partie des 
terres drainées. Ce vallon a été tout récemment converti, 
comme le premier, en une belle prairie et par les mêmes 
moyens. Les chaussées des anciens étangs ont été, dans 
lun et autre, complétement nivelées, ainsi que tous les 
mouvements du terrain qui auraient pu gèner le cours 
des eaux destinées aux irrigations. Les He et-brous- 
sailles arrachées, les Fine marécageuses assainies par 
des drainages partiels, ont livré au fer de la bèche un sol 
nettoyé ensuite par des cultures sarclées faites pendant 
plusieurs années, avec abandon de tout ou partie des 
produits pour salaire du travail exécuté. 

Par suite de la création de ces prairies, la terre de 
Château-Gadin se trouve actuellement présenter presque 
égale étendue en terres et en prés. 

D’après les déclarations de M. Virotte, les terres arables 
seraient, depuis 1859, soumises à un assolement régulier 
de six ans établi ainsi qu’il suit : 


— 502 — 


1° année, avoine fumée ; — 2° année, trèfle ; — 3° 
année, blé ; — 4° année, jachère fumée ; — 5° année, blé; 
— 6° année, racines et plantes sarclées. 

Depuis 1862, cet assolement aurait été modifié : en 
ajoutant à la jachère de la quatrième année un ensemen- 
cement partiel en vesces ; par la fumure de la sole de 
racines de la sixième année comprenant une plus grande 
quantité de betteraves, et enfin en intercalant un blé 
entre les racines de la sixième année et l’avoine fumée 
de la première, ce qui rend l’assolement septennal. 

Le cheptel, successivement augmenté et amélioré de- 
puis le commencement de l’exploitation, se compose au- 
jourd’hui de douze bœufs de travail, autant de taureaux, 
une quinzaine de vaches et de leurs élèves, le tout pré- 
sentant une moyenne de cinquante à cinquante-cinq 
animaux de race charollaise, avec quelques croisements 
durham, Ces animaux, tous nourris à V’étable de no- 
vembre à juillet, sont, pendant le reste de l’année, nourris 
avec les secondes herbes des prés et un supplément de 
nourriture à l'écurie lorsqu'il est nécessaire, On engraisse 
quelques bœufs de temps en temps; les animaux hors 
d'âge ou réformés se vendent tantôt gras, tantôt maigres, 
suivant les ressources alimentaires dont on peut dis- 
poser. 

On n'élève point d'animaux de l’espèce ovine; on en- 
graisse pendant l'hiver, suivant les déclarations de M. Vi- 
rotte, de soixante à quatre-vingts moutons achetés maigres 
à l'automne. 

On n’élève pas non plus d’animaux de lespèce por- 
cine, chaque année on en engraissé quelques-uns. 

La culture, contrairement à l'usage du pays, est faite 
en totalité, non par colons à moitié fruits, mais par do- 
mestiques et ouvriers, sous la surveillance directe de 
M. Virotte. 

Comme accessoire de son exploitation agricole, M. Vi- 


— 503 — 


rolte fait fonctionner deux usines considérables pour la 
fabrication de la chaux destinée principalement à l'amen- 
dement des terres. L'une de ces usines est située dans la 
commune de Cindré, et l’autre dans celle de Saint-Ge- 
rand-le-Puy ; elles ont huit fours constamment en acti- 
vité et peuvent fabriquer environ cinq cents hectolitres 
de chaux par jour. La chaux est expédiée jusque au delà 
de Roanne par le chemin de fer; elle est vendue à raison 
de Ofr. 90 c. l’hectolitre, en sacs, prise sur place. M. Vi- 
rotte a obtenu une médaille au dernier concours régional 
de Roanne, pour la bonne qualité de la chaux fabriquée 
avec la pierre de Saint-Gerand-le-Puy, si riche en phos- 
phates. 


M. Louis de Chantemerle, propriétaire de la terre du 
Verger, communes de Chaveroche, Cindré et Trézel. 

La terre du Verger est située sur un des versants de 
la belle vallée que la Bèbre arrose de ses eaux limpides. 
Elle fut achetée par M. L. de Chantemerle vers 1841 ; à 
cette époque, elle se composait uniquement de la réserve 
et des denx domaines des Tillets et des Moustiers, le tout 
présentant une étendue de cent trente hectares environ. 
Les acquisitions successives des deux domaines des Pou- 
lards et des Courselles, ainsi que différentes pièces déta- 
chées, ont porté sa contenance actuelle à deux cent vingt- 
cinq hectares environ. 

Tout voyageur qui a suivi la route départementale qui 
réunit Lapalisse à Domp'erre, connaît les deux châteaux 
du Verger, ainsi que le beau parc qui descend jusqu’à 
la route, mais beaucoup ignorent qu’il y a à peine quel- 
ques années, la colline qu’ils voient couverte d’une belle 
végétation, présentait l’image de la plus affreuse aridité 
et qu’il en était de mème de la plus grande partie de la 


— 904 — 


propriété. De l’autre côté du chemin s'étend, jusqu'aux 
rives de la Bèbre, une magnifique prairie qui sert comme 
de cadre au charmant tableau que présente le bourg de 
Chaveroche, dont les maisons s’étalent en amphithéâtre, 
d’une manière si pittoresque, sur un mamelon couronné 
par les restes du château de ses anciens seigneurs. 

La création de celte prairie fut une des premières 
améliorations de M. de Chantemerle, après son entrée 
en jouissance du Verger. Comme M. Virotte, 1l se préoc- 
cupa d'augmenter less anciens prés et d’en créer de nou- 
veaux, dans le but d'améliorer un sol naturellement 
pauvre, par une plus grande production de fumiers. 

Les moyens mis en œuvre furent d'autant plus inévi- 
tabiement les mêmes, que la nature des terres est à peu 
près la même aux Gadins et au Verger. Dans l’une et 
l’autre de ees propriétés, la base du sol est de nature sili- 
ceuse, variée par des gisements d’argile et de marne qui 
se trouvent à différentes profondeurs, et quelquefois à la 
surface ; d’autres champs sont assez calcaires pour per- 
mettre la culture du sainfoin, et il y a également quel- 
ques parties de terrains d’alluvion. La configuration du 
sol même présente quelques analogies ; les vallées que 
l’on y remarque avaient jadis été coupées de chaussées 
pour y créer des étangs comme aux Gadins; aussi nous 
y voyons faire les mêmes travaux. Les vieilles chaussées, 
dont plusieurs étaient énormes, disparaissent, les haies 
et broussailles sont enlevées, les parties marécageuses 
assainies par des drainages partiels; puis viennent les 
cultures à la bêche sur le sol amélioré, soit par des 
amendements calcaires, soit par des fumiers, et enfin les 
semis en graines Fonreagenes et la conidtion de rigoles 
utilisant, soit les eaux de sources, soit les eaux Dbayéiles 
pour irrigation. 

Ces travaux se poursuivent d’année en année, et 
l'étendue des prairies qui était, lors des acquisitions 


— 505 — 


successives, de vingt hectaresenviron, sera portée l’année 
prochaine à près de soixante. 

Ces prairies; une fois faites, sont soigneusement en - 
tretenues, et chaque métayer est obligé d’y conduire, 
tous les ans, deux chars de fumier et toutes les balles 
des céréales ; de plus, de temps en temps, pendant hiver, 
on y écarte des composts faits avec de la chaux ou des 
cendres de chaux. 

Tout en s’occupant de créer des prairies, M. de Chan- 
temerle a également transformé peu à peu et amélioré 
successivement les autres parties de la propriété. Un de 
ses premiers soins à été d’y établir partout une bonne 
viabilité. 

Le transport des fumiers, des amendements et des ré- 
coltes rendait cette mesure des plus urgentes et elle devait 
précéder presque toutes les améliorations qui, sans elle, 
étaient à peu près impossibles, Aujourd’hui, de très 
beaux chemins remplacent partout les ravins et les fon- 
drières. qui rendaient la circulation difficile et même 
dangereuse. Pour créer ces chemins, comme pour beau- 
coup de travaux exécutés dans le but d'établir les prai- 
ries, M. de Chantemerle a souvent coucilié son intérêt 
et celui de ses ouvriers en les faisant travailler à la 
tâche et non à la journée comme autrefois. Les chemins 
une fois créés, chaque métayer est obligé, par bail, 
d'entretenir ceux qui lui sont nécessaires. 

Il était également indispensable de changer la limita- 
tion des terres : des clôtures formées de haïes énormes, 
des configurations bizarres de plusieurs champs qui ne 
semblaient avoir aucune raison d’être et qui gènaient 
l’action de la charrue Dombasle remplaçant les antiques 
araires, devaient nécessairement disparaître, c’est ce qui 
fat fait, et de plus des fossés furent creusés dans le 
double but de rectifier les limites des champs et de les 
assainir. 


— 506 


Le drainage a été également employé pour produire 
ce dernier résultat. Ce fut une des premières tentatives 
de ce travail dans notre département ; aussi il est à re 
gretter qu'il ait été fait, mème dans ces derniers temps, 
sans le secours d’aucun instrument de précision et sans 
se préoccuper des règles de Part, quoique néanmoins il 
ait contribué visiblement à améliorer quelques champs. 

Les marnages et les chaulages pratiqués sur les terres 
du Verger qui étaient dépourvues de principes calcaires 
ont là, comme ailleurs, produit les plus heureux ré- 
sultats. 

Le seigle remplacé par le froment a disparu de la cul- 
ture, des fumiers achetés un peu partout à l'origine des 
améliorations ont hâté cette transformation. Les méta- 
yers contribuent, suivant l’usage du pays, pour un tiers 
aux frais d'acquisition de la chaux, et à peu près pour 
égale portion aux frais de marnage. 

Les cheptels qui, à l’époque des acquisitions succes- 
sives se composaient de quelques animaux sans valeur 
et n'ayant aucun caractère distinet ont progressé avec 
l'amélioration du sol. [ls sont, dans tous les domaines, 
composés avec un ensemble des plus satisfaisants de 
beaux animaux de race charollaise. 

Une vacherie qui compte une sixaine de vaches de 
choix et un très bel étalon, est nourrie dans la réserve, 
principalement dans le but de servir à l'amélioration «les 
cheptels des domaines. Cette réserve, dont l'étendue est 
d'environ onze hectares de terres et de vingt de prés, 
engraisse en outre avec les secondes herbes des prés 
une douzaine de vaches achetées Le ce but, ainsi que 
quelques moutons. 

Les cheptels des domaines se composent de huit 
bœufs de travail, sauf un seul qui n’en a que quatre, de 
trois à six vaches et leurs produits ; il y a en outre deux 
ou trois truies de l’espéce du pays. Comme chez M. Vi- 


— 507 — 


rotte, on n’élève pas d'animaux de l’espèce ovine, on 
engraisse quarante à cinquante moutons achetés par 
domaine ; enfin, il y a une ânesse attachée à chaque 
cheptel. 

Les animaux de la réserve sont nourris à lécurie de 
novembre à juin, ceux des domaines également, à Pex- 
ception toutefois des vaches et jeunes taureaux, qui vers 
la fin d'avril, sont conduits dans les pacages des bords 
de la rivière. Toute l’année les animaux couchent 
à l’écurie et y recoivent, si cela est nécessaire, un sup- 
plément de nourriture lorsqu'ils pâturent. Les bœufs 
sont vendus sans être engraissés ; il en est de même des 
vaches hors d’âge et des élèves dont le nombre excède 
celui des animaux à remplacer. 

La Commission croit devoir signaïer particulièrement 
la manière dont les fumiers sont traités et employés. Cha- 
que fois qu’il est nécessaire de les enlever des étables, ils 
sont conduits immédiatement dans le champ que l'on se 
propose de fumer ; là, ils sont écartés de suite et enterrés 
plus tard, lorsqu'on exécute les labours, Cette méthode, 
qui est loin de ressembler à celle de M. Virotte, beau- 
coup plus conforme à la théorie, a été mise en usage pour 
la première fois dans nos pays, 1l y a déjà plusieurs an- 
nées, par MM. Frantz et Paul de Vaulx. Elle commence 
à se répandre chez les métayers qui, dans l’origine, y 
faisaient la plus grande opposition ; mais ils ont vu les 
résultats qui sont incontestables. Nous connaissons plu- 
sieurs domaines dans lesquels la production a été 
augmentée de la manière la plus notable, uniquement 
par l’emploi de cette méthode si simple et d’une pratique 
bien plus facile que toutes celles usitées. 

La progression des récoltes paraît du reste avoir été très 
sensible chez M. de Chantemerle. Il résulte d’un tableau 
qu'il présente à la Commission, que, pendant la dernière 
période décennale, le rendement du froment qui, dans 


— 508 — 


les trois grands domaines, était, pendant les cinq pre- 
mières années, de six fois la semence en moyenne, se se- 
rait élevé, pendant les cinq dernières, à une moyenne de 
près de neuf. La production des autres grains, orge et 
avoine, aurait suivi le même progrès. 

L’assolement, au Verger, est à peu près le même que 
celui des domaines voisins, et ne présente pas toujours 
une régularité des plus parfaites. Une partie des jachères 
est cultivée en plantes sarclées, betteraves, pommes de 
terre ou haricots; en tout à peu près un hectare par do- 
maine. Cette sole est fumée et remplacée par un blé que 
suit une avoine ou une orge, dans laquelle on sème un 
trèfle qui souvent est coupé la première année et pacagé 
la seconde, puis revient le blé. M. de Chantemerle se 
trouve quelquefois très-bien de semer dans ses blés des 
pacages composés de minette, ray-grass et autres herbes, 
qu’il conserve deux ou trois ans, suivant la vigueur de 
leur végétation ; quelques soles en sainfoin, dans le petit 
nombre des terres où l’on peut le cultiver, contribuent 
encore à varier l’assolement. 

Toute l’exploitation de la terre du Verger, sauf la ré- 
serve, est faite par colons à moitié fruits dont la position 
s’est grandement améliorée par suite des progrès réalisés 
dans la culture. Pauvres et nécessiteux dans l’origine, 
débilités par l’usage du seigle et par une mauvaise nour- 
riture, la paresse et l’indolence les maintenaient dans 
un état de misère auquel ils semblaient résignés. 
Aujourd’hui, l’aisance est arrivée à la suite d'un travail 
encouragé par le succès. Il résuite du tableau que nous 
venons de- citer que les bénéfices nets de chaque colon, 
qui écaient il y a dix ans d'environ 2 à 300 fr. par an, 
dans chaque domaine, sont progressivement montés Jus- 
qu’à plus de 1,000 fr. ; aussi plusieurs ont-ils pu réali- 
ser de notables économies. 

La Commission exprime le regret de n’avoir pu trou- 


— 509 — 


ver, mi chez M. Virotte, ni chez M. de Chantemerle, 
aucune comptabilité sérieuse qui lui eût permis de baser 
son travail sur des chiffres indiscutables, et, à un autre 
point de vue, d'établir peut-être une comparaison utile 
entre une culture directe et notre vieux système de mé- 
tayage qui a survécu à tant d’autres. 

Les membres de la Commission doivent encore vous 
faire observer, Monsieur le Préfet, que M. de Chante- 
merle n’a pas contribué aux progrès de lagriculture 
autour de lui uniquement par l'exemple des progrès 
réalisés sur la terre du Verger; il y a coopéré d’une ma- 
nière pour le moins aussi active en imprimant une bonne 
direction au comice de son canton, qu’il préside depuis 
plusieurs années avec beaucoup de zèle et d'intelligence. 
Sous ce rapport, il n’est pas étranger à amélioration, 
très-sensible depuis quelques années dans ce canton, de 
toutes les races d'animaux. 


$ 3. 


M. Louis Rambourg, propriétaire de la terre de Boucé, 
communes de Bouceé et de Treteau. 

La terre de Boucé, dont l’étendue est de sept cents 
hectares environ, est située presqu’en entier sur la com- 
mure de ce nom; une très-petite partie seulement de 
cette propriété se trouve sur la commune de Treteau. 

Le 24 juin 1857, à l'époque de son entrée en jouis- 
sance, M. Rambourg, qui peu de temps avant était de- 
venu propriétaire de celte terre par voie d’acquisition, 
la trouva divisée en deux parties distinctes, à peu près 
d’égale superficie, l’une cultivée, l’autre inculte et incul- 
tivable. 

La partie cultivée présentait, dans sa plus grande 
étendue, un sol de riche nature formé d’un calcaire la- 
eustre d’eau douce, analogue à celui qui se retrouve dans 


— 510 — 


presque tout le canton de Varennes, mais avec plus de 
profondeur et une plus grande dose d’humus que dans 
la majorité des terres de ce canton : quelques champs 
seulement étaient improductifs par suite de la stagnation 
des eaux. La culture se divisait entre six domaines : les 
Zéros, Breland, les Mardoux, les Poulaillers, Montagne 
et Lignières. Les cinq premiers domaines, dont les terres 
étaient les plus riches, présentaient un morcellement 
très-préjudiciable à la culture, morcellement qui, nous 
ne savons par suite de quelles causes probablement lo- 
cales, se retrouve dans toutes les grandes propriétés de 
la commune de Boucé. Le sixième domaine, celui de 
Lignières, avait il est vrai, l’avantage d’être d’un seul 
ténement; mais par compensation, à la différence des 
autres, ses terres de nature argilo-silicense, excessive- 
ment compactes, tantôt noyées par l’hamidité restant 
à la surface, tantôt réduites à l’état de briques par lar- 
deur du soleil, donnaient des récoltes tellement pré- 
caires, qu’il était rare de voir le métayer qui travaillait 
ce sol ingrat recueillir la quantité de blé nécessaire à la 
nourriture de sa famille. 

La partie inculte et inicultivable de Ia terre de Boucé, 
occupait une partie de la plaine où se trouvait, il y a une 
trentaine d'années, l’ancienne forêt de Voudelle. Là se 
réunissaient quatre ruisseaux; qui venant des communes 
de St-Gerand-le-Puy, Montaigut-le-Blin, Cindré et 
Treteau, forment la petite rivière du Valencon. Le cours 
sinueux de ces ruisseaux traverse une large vallée qui 
fut évidemment, dans les âges reculés, Pemplacement 
d’un immense lac dont les eaux allèrent se joindre à 
celles de Allier, lorsque à la suite peut-être des convul- 
sions causées par l’éruption des volcans de l'Auvergne, 
fut brisée la gigantesque chaussée dont nous voyons 
encore aujourd’hui les restes parfaitement dessinés, par 
les points culminants où se trouve actuellement Mon— 


— d11 — 


toldre, Gayette et ses bois, Rongères et Langy. Le Va- 
lencon et ses affluents, dont le cours était resté entière- 
meut abandonné depuis cette époque lointaine aux 
caprices de la nature, coulaient sur des lits qui par suite 
de laccumulation des terres et des débris de toute espèce 
entrainés par les flots, s'étaient dans plusieurs endroits 
élevés peu à peu au dessus du niveau du sol; et la main 
de l’homme, loin de favoriser l’écoulement de leurs 
eaux, n’était intervenue que pour le contrarier par des 
plantations envahissantes. Pendant toutes les périodes 
pluvieuses, il arrivait inévitablement qu’une étendue 
plus ou moins grande se trouvait submergée pour un 
temps plus où moins long, et il résultait de ces inonda- 
tions, survenant à des intervalles irréguliers, que l’on 
ne voyait dans cette plaine que des prairies d’un produit 
peu en rapport avec la richesse du sol, et des pacages 
dont la plus grande partie était envahie par des brous- 
sailles entremèlées de vieilles souches et de troncs d’ar- 
bres, restes des forêls séculaires que notre génération 
voit peu à peu disparaître. 

M. Rambourg, avec le coup d’œil sûr que donne l'ha- 
bitude des grandes affaires, comprit que la terre de 
Boucé était une propriété qui ne se trouvait pas dans des 
conditions ordinaires, et que pour faire un placement 
avantageux des capitaux qu’il avait consacrés à cette 
acquisition, il ne fallait pas se borner à de simples amé- 
lorations de culture. 

Il fallait remédier autant que faire se pourrait à lPex- 
cessif morcellement de ses meilleures terres, et de plus, 
affaire capitale, arriver à l'assainissement complet de la 
partie submergée de sa propriété. M. Rambourg con - 
naissait parfaitement l'influence funeste des eaux sta- 
gnantes sur le sol, car à l’époque même où 1l devenait 
propriétaire de la terre de Bouc, il s’oveupait, dans sa 
belle terre de la Ferté, en Nivernais, où 1l habite, de 


— 512 — 


travaux considérables d'assainissement. Ces travaux 
exécutés sur de grandes étendues, avec toutes les res- 
sources de lart, ont eu pour résultat de convertir en 
champs fertiles et en vastes prairies irriguées, des terres 
qui jusqu’à lui étaient restées improductives, par suite 
du défaut d'écoulement des eaux. 

Avec cette activité si remarquable qui lui est propre, à 
peine M. Rambourg eut-il concu le plan des améliora- 
tions que PÉRREN la terre de Boucé, qu'il se mit à 
l'exécuter. Avant même d’avoir signé l’acte qui devait 
le rendre propriétaire, il commençait à faire les dé- 
marches nécessaires pour pouvoir arriver à obtenir le 
curage et le redressement du Valencon et de ses affluents. 
Ces démarches furent continuées pendant plus de quatre 
années, pendant lesquelles M. Rambourg n’eut pas 
seulement à surmonter des diflicultés administratives, 
mais en outre, de mème que tant d’autres novateurs, il 
eut à lutter, pourquoi ne le dirions-nous pas? contre 
une opposition mesquine et aveugle, qui lui fat faite par 
plusieurs de ceux dont les champs devaient, comme les 
siens, participer aux bienfaits de l’assainissement. Ce ne 
fut qu’à sa seule persévérance qu'il dut de voir ses efforts 
couronnés par un succès mi eüt été impossible pour 
beaucoup d’autres. 

En.attendant le moment où il pourrait tirer de la 
terre de Boucé tous les produits que lui promettait la 
richesse du sol, M. Rambourg songea à réaliser immé- 
diatement les améliorations doables pour le présent et 
à préparer celles qu'il entrevoyait dans l'avenir. Occupé 
par d’autres soins, et avec les exigences de sa position 
sociale, il ne pouvait se consacrer directement et d’une 
manière exclusive à la réalisation des plans qu il avait 
conçus; il fallait donc trouver quelqu'un qui püt le 
seconder dans ses projets. Un fermier, avec des intérêts 
distincts et quelquefois contraires aux siens, l'eût peut- 


— 013 — 


être plus gêné qu’aidé dans les nombreux travaux de 
toute nature qu’il avait à entreprendre. Un régisseur 
n’eût peut-être pas déployé toute l'énergie et lactivité 
nécessaires ; de plus, les capacités et les garanties dési- 
rables pour pouvoir mener son entreprise à bonne fin 
étaient difhciles à rencontrer. M. Rambourg eut recours 
à un autre moyen; il employa pour assurer la réussite 
de ses projets la puissante ressource de l'association, et 
c’est dans le pays même qu’il trouva les auxiliaires qui 
lui étaient nécessaires. Peu de temps avant de devenir 
propriétaire de Boucé, il avait vu des travaux de drai- 
nage exécutés avec succès par. MM. Frantz et Paul de 
Vaulx, dans une propriété voisine de la sienne où, réa- 
lisant en petit ce qu’il voulait faire en grand, ces Mes- 
sieurs avaient régularisé et abaissé le niveau du cours 
d’eau affluent du Vailençon, ce qui leur avait permis 
d'améliorer leurs terres par le drainage. Le choix de 
M. Rambourg fut bientôt fait, et trois ans après, en 
1860, il avait la preuve que ce choix ne pouvait être 
meilleur, car M. Frantz de Vaulx fut admis à partager, 
avec l'honorable marquis de Chabaunes, la médaille d’or 
décernée au meilleur agriculteur de l'arrondissement, 
et, presque en même temps, M. Paul de Vaulx obtenait 
la même distinction du comice agricole d’Ebreuil, 
pour ses belles cultures dans l'arrondissement de 
Gannat. 

Avant d'aller plus loin, nous devons vous faire con- 
naître, Monsieur le Préfet, quelles furent les principales 
bases de l’association formée entre MM. Rambourg et de 
Vaulx frères, car nous ne connaissons point d’autre 
exemple d’une association analogue. 

M. Rambourg abandonnait sa propriété aux soins et à 
l'intelligence de MM. de Vaulx, pour un laps de temps 
de quinze années, leur laissant toute liberté d'action et 
se réservant uniquement de se concerter avec eux pour 

39 


— d14 — 


les principales opérations à exécuter. Pendant ces quinze 
années, quel que fût le revenu de la terre, MM. de Vauix 
avaient droit à son dixième du produit net, à titre d’in- 
demnité pour leurs soins. Une fois ce revenu arrivé à 
un certain chiffre déterminé et qualifié de prix de ferme, 
le surplus devait être partagé par moitié entre MM. de 
Vaulx frères et M. Rambourg qui, par suite de cette 
combinaison, se trouvait associé aux bénéfices éventuels 
d’un fermier, tandis que MM. de Vaulx n’avaient à cou- 
rir aucun des risques qui incombent ordinairement à 
celui-ci. Le revenu de la propriété et le prix de ferme 
devaient être calculés, déduction faite du dixième alloué 
pour frais de régie à MM. de Vaulx. De plus, M. Ram- 
bourg prenant l’engagement de livrer la terre en bon 
état, et ayant fait les réparations indispensables aux 
bâtiments, ainsi que les chemins reconnus nécessaires, 
entièrement à ses frais, il fut convenu que le prix de 
ferme serait calculé, déduction faite chaque année de 
l'intérêt à cinq pour cent de la dépense faite pour toutes 
les constructions neuves, et de tous les frais de drainage, 
mais non de ceux de curage ou redressement de ruis- 
seaux, mais que l’on en déduirait cependant les sommes 
nécessaires pour l’entretion annuel de ces cours d’eau. 

Il fut de plus inséré, à titre de contrôle et de garantie 
pour M. Rambourg, une clause par laquelle il se réser- 
vait la faculté de pouvoir résilier l'association, si un 
certain chiffre de revenu que l’on pouvait raisonnable- 
ment espérer, ne se trouvait pas atteint à l'expiration de 
la septième année. 

Cette septième année de l’exploitation de la terre de 
Boucé, d’après les bases que nous venons d’indiquer, a 
expiré le 24 juin dernier, et en se reportant à l'exposé 
que nous avons eu l’honneur de vous faire précédem- 
ment, Monsieur le Préfet, on voit que ces sept années 
peuvent se diviser en deux périodes distinctes : 


ms 


US 2 


La première depuis l'entrée en jouissance de M. Ram- 
bourg jusqu’au curage des ruisseaux, qui fut terminé en 
1862 ; 

La seconde, du curage des ruisseaux à ce jour. 

Au début de la première période, M. Rambourg se 
préoccupa, en prenuer lieu, de remédier au morcelle- 
. ment de ses meilleures terres par achats, ventes et prin- 
cipalement par le moyen beaucoup plus difficile d’e- 
changes avec ses voisins. Ce fut gräce à l'extrême bien- 
veillance qui forme le fond de son caractère, jointe à 
une grande largeur d’idées, que M. Rambourg put 
arriver à mener à bonne fin beaucoup de ces petites né— 
gociations, dont il n’est pas un propriétaire intelligent 
qui n'ait reconnu l’excessive difficulté. Trente parcelles 
contenant plus de vingt hectares, ont été échangées 
jusqu’à ce jour, avec ou sans soulte, entre M. Rambourg 
et une douzaine de grands ou de petits propriétaires, à 
l'avantage réciproque de l’un et des autres. 

Il failut ensuite procéder à une nouvelle délimitation 
des domaines, dont plusieurs terres se trouvaient entre- 
mélées. On restreignit autant que possible la culture 
dans le domaine de Lignières, et on empêcha également 
les métayers de cultiver les terres humides, dont la 
culture dans les années pluvieuses faisait retomber sur 
eux une perte évidente. 

Les anciens bâtiments furent réparés, Pair et la 
lumière assurèrent la salubrité des habitations, les cours 
furent nivelées, pavées et mème drainées. Les terres 
humides purent être livrées peu à peu à la culture, et on 
draina successivement dans ce but, et suivant les règles 
de l’art, toutes les terres des anciens domaines qui en 
avaient le plus besoin. On dépensa pour ces premiers 
drainages 6,480 fr., dans la période de quatre ans qui 
s’écoula du 24 juin 1857 au 24 juin 1861. 

L'homme est toujours disposé à abuser des meilleures 


— 516 — 


choses, et l’on ne peut se dissimuler qu'avant lentrée en 
jouissance de M. Rambourg, on avait abusé de la 
manière la plus étrange des céréales dans les terres na- 
turellement si fertiles de Boucé; il a fallu rétablir les 
jachères, nécessaires dans une terre où la végétation 
spontanée est aussi luxuriante, et créer de nouveaux 
assolements. Les cinq meilleurs domaines furent en 
conséquence soumis à un assolement raisonné qui, con- 
trarié dans le début par les drainages et les ventes, 
achats ou échanges de terrains, se régularise de jour en 
jour. | 

Cet assolement de neuf ans est ainsi établi : 

4" année, jachère fumée, labourée, dont une partie 
indéterminée en plantes sarclées, betteraves dans la 
meilleure partie, avec une plus forte fumure; — 2e an- 
née, blé; — 3° année, trèfle avec ray-grass d'Italie 
fauché ; — 4° année, même trèfle pacagé et demi jachère ; 
— 5° année, blé; — 6° année, jachère fumée et plantes 
sarclées et labourées; — 7° année, blé; — 8° année, 
avoine; — enfin 9° année, sainfoin ou luzerne ayant 
une durée indéterminée. 

Le domaine des Zéros, ayant des terres plus particu- 
lièrement propres au sainfoin, la durée de cette plante 
y est fixée régulièrement à trois ans; 1l y a de plus, dans 
ce domaine, une sole de colza qui remplace le blé de la 
seconde année; le blé se trouve après le colza à la troi- 
sième année, puis les trèfles, etc., ce qui constitue un 
assolement de treize ans. 

Chacun de ces cinq domaines à de quatre à six hec- 
tares de prés, qui sont généralement d’un assez mauvais 
rapport; aussi lorsque les défrichements de Voudelle 
seront terminés, on a le projet de drainer ceux qui en 
auront besoin et de les livrer à la culture: il est certain 
que les récoltes que l’on en peut espérer par ce moyen 
présenteront au bétail d’autres ressources alimentaires 


— 917 — 


que leurs maigres produits actuels, L’absence de prin- 
cipes siliceux que l’on remarque dans presque toute 
l'étendue de la terre de Boucé, jointe au peu d’inclinaison 
des pentes, fait d’ailleurs que la culture des prés, si 
avantageuse en général, doit par exception y être à peu 
près abandonnée. 

Les fumiers sont conduits et écartés aussitôt après leur 
sortie des écuries, comme nous l’avons expliqué en 
parlant de l'exploitation de M. de Chantemerle. 

Les cheptels se sont peu à pen renouvelés et améliorés, 
à mesure que se développait la culture des plantes four- 
ragères. La Commission a admiré le bel ensemble que 
l'on remarque dans tous les domaines de l’ancienne 
culture (les nouveaux domaines n’ont encore que des 
animaux de travail). Chaque domaine présente pour 
tous les animaux des espèces bovine et ovine, un type 
à peu près uniforme et très bon. On s'explique cette 
uniformité, lorsque l’on sait que la plupart des animaux 
sortent des écuries de MM. de Vaulx, qui depuis long- 
temps s'occupent avec succès de Pamélioration de leurs 
races d'animaux. Dans tous les domaines, les anciens 
attelages ont été considérablement réduits comme cons- 
tituant un luxe inutile. On voit deux paires de bœufs 
où on en comptait autrefois quatre et six. Il est vrai que 
des vaches fortes et robustes, bien nourries comme les 
bœufs, partagent partout avec eux les travaux de la 
culture. Il y en a en moyenne six par domaine dont on 
élève les produits, qui sont en partie destinés à renou- 
veler le cheptel. Ce n’est que par exception que lon 
élève des bœufs de travail. Les jeunes taureaux, castrés 
à l’âge de deux mois, à l’aide d’une opération si facile 
que tous les métayers la pratiquent eux-mêmes, ainsi 
que pour les moutons, sont livrés à la boucherie entre 
deux et trois ans, comme les génisses inférieures en 
qualité, ou excédant les bornes du cheptel. Avec le prix 


— 518 — 


de vente des jeunes bœufs, et souvent même avec un bé- 
néfice, on achète des animaux de travail tout dressés, 
que lon engraisse à leur tour lorsque l’âge les rend 
paresseux. 

La race charollaise domine; on voit cependant quel- 
ques croisements durham, mais ces derniers animaux 
ont principalement la boucherie pour destination; on 
n’en remarque pas parmi les animaux de travail. 

Chaque domaine a, en outre, un bon troupeau de 
bêtes ovines, composé de vingt-cinq à trente brebis de 
race charmoise, avec quelques croisements southdown. 
Les produits sont vendus à la boucherie vers l’âge de 
quinze à dix-huit mois avec les brebis réformées. 

Il y a très-peu de cochons; ils sont tous de race new- 
leicester plus ou moins croisée. 

La réserve, qui est composée uniquement du meilleur 
pré de la propriété, ayant une dizaine d’hectares, et de 
quelques hectares de betteraves, nourrit deux taureaux 
durham et un charollais pur qui servent pour tous les 
domaines, Il y a encore un très bel étalon anglo-nor- 
mand approuvé par l’administration des Haras avec 
prime, et deux juments appartenant à l'État, ainsi que 
plusieurs poulains et pouliches. Ces derniers produits, 
très-supérieurs à la race du pays, proviennent de plu- 
sieurs Juments normandes achetées au début de l’exploi- 
tation pour utiliser les anciennes pâtures de la propriété. 
On voit également, dans plusieurs domaines, quelques 
bonnes juments poulinières et leurs produits, mais les 
chevaux disparaissent peu à peu, à mesure que la 
culture s'étend. 

Les animaux composant les cheptels de la terre de 
Boucé sont, dans tous les domaines, d'autant mieux 
nourris, qu'en réduisant leur nombre on a augmenté 
considérablement toutes les cultures fourragères. Les 
animaux de la race bovine sont à peu près exclusivement 


— 519 — 


soumis au régime de la stabulation permanente; Jes 
moutons ont de bons pacages; l’état d’eimbonpoint dans 
lequel tous se trouvent, prouve que l’on est pénétré de 
ce principe incontestable, quoique rarement appliqué : 
que tous les produits des animaux, travail, lait, viande 
et fumier, sont en raison directe des aliments qu’on leur 
donne et en raison inverse du nombre de têtes qui les 
consomment. 

Nous avons eu l'honneur de vous dire, Monsieur le 
Préfet, que assainissement de la plaine de Voudelle fut 
le résultat de l’énergique initiative et de la persévérance 
de M. Rambourg. Dès son entrée en jouissance, un 
syndicat provisoire fat organisé par ses soins, et les in- 
génieurs des ponts et chaussées se mirent à l’œuvre. Les 
plans et devis furent faits avec beaucoup de soin, dans 
le but d’arriver à un redressement des ruisseaux et à 
abaisser leur lit. Malheureusement, dans l’état de notre 
législation, cette utile opération ne pouvait s’opérer dans 
les conditions que l’on se proposait, et après deux ans de 
démarches et de travaux, l’affaire portée devant le con- 
seil d'État fut rejetée. Cet échec ne découragea pas 
M. Rambourg, il se remit résolument à l’œuvre, se bor- 
nant à demander la seule chose légalement possible, 
c’est-à-dire le simple curage sans redressement. Nous 
devons le dire ici, 1 fut activement secondé dans sa 
nouvelle entreprise, Monsieur le Préfet, par votre ho- 
norable prédécesseur. Le 24 septembre 1860, M. Genteur 
vint en personne visiter la plaine de Voudelle; il se 
rendit compte sur le terrain de toutes les difhcultés et 
comprit l’importance de la belle opération agricole à la- 
quelle son concours fut dès lors acquis. Les ingénieurs 
reprirent leurs travaux sur de nouvelles bases, et les 
difficultés administratives étant surmontées, l’opération 
du curage, commencée le 1° juillet 1861 et poussée avec 
activité, fut terminée le 1° août 1862. 


AD — 


La dépense de cette opération, répartie proportionnel- 
lement d’après les bases admises par le syndicat, entre 
tous les propriétaires intéressés, s’éleva à 47,006 fr.; sur 
cette somme, la part contributive de M. Rambourg fut 
fixée à 18,828 fr., et celui-ci affecta, en outre, une 
somme de 8,000 fr. à des travaux de redressement dans 
la partie des ruisseaux qui se trouvait en entier sur sa 
propriété. La longueur du curage effectué était de trente- 
cinq mille cinq cent quatre-vingt-six mètres. Le ré- 
sultat, suivant les calculs de MM, les ingénieurs, fut 
l'assainissement d’une zone de mulle cinq cents hectares 
dont M. Rambourg n’en possède pas quatre cents. 

En présence des résultats obtenus par M. Rambourg, 
plusieurs propriétaires, dont les terres se trouvaient au- 
dessus de la partie assainie, adressèrent à M. le Préfet 
de l'Allier des demandes dans le but d’obténir une plus 
grande extension de lassociation syndicale. Ces de- 
mandes ayant été prises en considération, d’après l’avis 
du syndicat, le curage de plusieurs affluents du Va- 
lencon fut ordonné. Ces nouveaux travaux ayant, d’après 
les calculs des ingénieurs, assaini une deuxième zone de 
cinq cents hectares, 1l en résulte qu'il y a aujourd’hui en 
tout deux mille hectares assainis dans le bassin du Va- 
lençon, par suite de lintelligente initiative de M. Ram- 
bourg. Notons, en passant, que l’effet de cet assainisse- 
ment n’a pas été uniquement de mettre en valeur des 
terres incultivables jusqu’à ce jour, mais qu'il a en 
outre contribué d’une manière eflicace à la salubrité de 
toute l’étendue du bassin. 

A dater de l'assainissement, une activité nouvelle se 
déploie dans la terre de Boucé, et les travaux agricoles 
reçoivent la plus vigoureuse impulsion. Le drainage, 
arrêté par le défaut d’écoulement des eaux, ne l’est plus 
que par le manque de bras; de cette époque, jusqu’à la 
fin des travaux qui compléteront les drainages projetés, 


— 521 — 


dont une grande partie reste encore à faire, tout homme 
sachant manier Ja bêche et creuser une tranchée a, en 
toute saison, un salaire assuré de deux à trois francs par 
jour sur les vastes ateliers de drainages tracés par les 
soins intelligents de M. Vedrinne, ancien employé des 
ponts et chaussées, actuellement entrepreneur de tra- 
vaux, sous l’habile direction de M. Virollet, conducteur 
des ponts et chaussées, qui a présidé à toutes ces opéra- 
tions difficiles. [Ii a fallu, en effet, déployer toutes les 
ressources de l’art pour pouvoir utiliser, sur de tres- 
grandes étendues, des pentes presque insensibles, et l’on 
peut regarder comme des modèles les plans des travaux, 
tels qu’ils ont été ou seront exécutés fidèlement sur le 
terrain, qui ont été mis sous les yeux de la Commission 
au château de Boucé. 

Les dépenses pour les travaux de drainage qui, pour 
les quatre premières années, figurent dans la compta- 
biité pour une somme totale de 6,480 fr., s’élèvent 
rapidement, et on les voit portées, pour la cinquième 
année, à 9,400 fr. ; pour la sixième, à 17,700 fr., eten- 
fin, pour la septième qui a expiré au 24 juin dernier , à 
16,500 fr., ce qui donne un total de plus de 50,000 fr., 
ayant pour résultat l’assainissement complet de plus de 
cent quatre-vingts hectares. Nous devons cependant 
ajouter que cette dépense n’a pas été complétement ab- 
sorbée par des travaux de drainage. Les tranchées pra- 
tiquées dans les terres du domaine de Lignières, dont 
nous avons signalé l’infécondité, ayant mis à découvert 
de riches banes de marne, on eut l’idée de l’utiliser en 
la répandant à la surface. Les frais de ces marnages, qui 
furent également exécutés avec succès dans d’autres par- 
ties des défrichements où la terre ne paraissait pas pré- 
senter une dose suflisante de calcaire, sont compris pour 
une somme assez forte, mais non déterminée, dans le 
total ci-dessus. 


— 922 — 


À mesure que s’effectuaient les drainages , il devenait 
nécessaire de mettre en rapport les terres ronquises à la 
culture. Pour se procurer des bras , on a construit suc- 
cessivement quatre nouveaux domaines, et on a installé 
provisoirement un cinquième métayer dans une petite 
locaterie. Ces domaines sont encore dépourvus de 
granges, sauf deux, entre lesquels on a pu partager une 
grange assez vaste. Des abris provisoires recaivent les 
animaux de travail , les récoltes mises en meules sont 
battues par une machine à vapeur nomade, les pailles 
et foins sont également mis en meules et les betteraves 
en silos. 

Les maisons construites pour loger les métayers em- 
ployés aux défrichements ont été bâties sur des plans faits 
par des hommes de l’art, sans luxe et de manière à uti- 
liser Les bois qui se trouvaient sur la propriété, elles sont 
saines et commodes, chacune a sa cave, et est surmontée 
de deux étages de greniers. 

Dans l’hiver de 1861-62 on commenca les défriche- 
ments sur un terrain rapproché d’un ruisseau et que le 
simple curage paraissait avoir suffisamment assaini pour 
que l’on püt y espérer une récolte d’avoine. Ce défriche- 
ment fut opéré par un métayer des anciens domaines et 
on obtint une magnifique récolte sur une terre restée jus- 
qu’alors improductive. On employa pour défoncer le soi 
une charrue Dombasle du plus fort modèle , avec avant- 
train, venant de Nancy. Cette charrue, mise en mouve- 
ment par quatre fortes paires de bœufs, servit de type 
pour d’autres charrues qui, plus solidement établies 
encore, de manière à résister aux broussailles et aux ra- 
eines des bois disparus, furent fabriquées par le maré- 
chal du bourg de Boucé. Ces charrues munies d’un ver- 
soir en bois, qui fonctionne beaucoup mieux que ceux 
en fonte dans les terres compactes, défoncent le sol à une 
profondeur de vingt à vingt-cinq centimètres. Les 


— 523 — 


animaux sont attelés à l’aide de fortes chaînes de fer par 
un système particulier qui ne les rend pas solidaires les 
uns des autres comme le mode usité dans le pays : la 
traction individuelle de chaque paire de bœufs s’exerce 
directement sur le point de résistance, ce qui leur donne 
une plus grande facilité d’action et plus de force. 
Chaque métayer employé aux défrichements possède en 
propre sa grosse charrue munie de ses chaînes d’atte- 
lage ; 1ls sont astreints, sous peine d’amende par chaque 
heure perdue, à travailler régulièrement, tous les jours, 
en toute saison, huit heures par jour; plusieurs consen- 
tent même volontiers à labourer neuf heures. 

Le sol que le fer de la charrue déchire pour la pre- 
mière fois, présente en général toutes les apparences 
d’une riche terre végétale à base calcaire, dont la pro- 
fondeur parfois très-grande est variable; elle semble 
formée en majeure partie par les détritus des forêts qui 
l’ombragèrent pendant tant de siècles; son principal ca- 
ractère, nous pourrions même dire son principal défaut, 
est d’être dépourvue d’éléments siliceux. Ce n’en est pas 
moins une terre très-riche et qui n'attend que des bras. 
Dès à présent, on est certain d’y obtenir les plus beiles 
récoltes de betteraves et d'avoine ; les membres de la 
Commission remarquent la vigueur de toutes celles qui 
couvrent le sol, ainsi que plusieurs pièces de blé. Plus 
tard, on pourrait élever là une distilierie qui sera très- 
certainement largement alimentée, lorsque les défriche- 
ments seront plus avancés. 

Pour le moment, il n’est pas possible de suivre un 
assolement régulier; la charrue fait son œuvre et on 
laisse aux intempéries le soin de l’achever. Lorsqu’arrive 
le printemps, suivant que le sol retourné setrouve plus ou 
moins ameubli par les effets de l’hiver, on sème après 
les travaux préparatoires nécessaires, betteraves, pommes 
de terre ou avoine. Les terres trop crues encore sont 


— 524 — 


abandonnées à l’action du soleil de l'été, qui permettra 
peut-être de leur confier du blé, lorsque l’automne sera 
venu; dans le cas contraire, elles attendront le prin- 
temps, en recevant d’autres façons , si on le croit 
utile. 

Toute la culture de la terre de Boucé est faite par les 
métayers, qui sont de simples agents, marchant sous Ja 
direction immédiate de MM. de Vaulx Les assolements, 
l’économie du bétail, toutes les opérations de la culture 
sont réglées par ces messieurs, sans aucun contrôle de 
la part des métayers, dont on exige une obéissance pas- 
sive, définie et réglée, toutefois, par des baux librement 
diseutés et consentis. Les métayers obéissent d'autant 
mieux que leur travail, dirigé avec intelligence, n’est 
point ingrat. Leurs comptes, réglés régulièrementtous les 
ans, constatent les profits nets qui varient de 1,000 à 
1,800 fr., sans compter leur part des céréales dont le ren- 
dement s’est notablement élevé depuis que lon a restreint 
la culture dans de justes limites. Les impôts des anciens 
baux ont été diminués, mais par compensation, Pexten- 
sion donnée à la culture des plantes sarclées, laugmen - 
tation de tous les produits et les soins donnés aux ani- 
maux, exigent de leur part plus de travail. Les métayers 
employés aux défrichements ne payent aucun impôt. 
Les anciens métayers sont tous dans laisance , les nou- 
veaux y arrivent peu à peu; mais pour le moment leurs 
bénéfices sont plus restreints, parce qu’indépendamment 
des avances qu’exige toute entreprise agricole à son 
début, leurs premiers profits sont employés chaque 
année à les rendre propriétaires d'une partie du 
cheptel ; par ce moyen, ils se constituent des capitaux en 
réserve. 

M. Rambourg, quoique n’habitant pas la terre de 
Boucé , n’est étranger à aucun des détails de son ad- 
ministration. Une correspondance fréquente et détaillée 


— 525 — 


qu'il entretient avec ses associés, lui permet, indépen - 
damment des visites qu’il fait régulièrement à sa pro- 
priété, de pouvoir se concerter avec eux pour toutes 
les opérations à faire, et de connaitre les résultats ob- 
tenus. 

La comptabilité de la terre de Boucé n’est point, à pro- 
prement parler, une comptabilité agricole; les comptes, à 
part ceux consacrés à chaque domaine, y sont plutôt ou- 
verts aux personnes qu'aux choses. Son but principal est 
de régler les intérêts des associés, ainsi que ceux des mé- 
tayers. Elle est tenue avec toute la rigueur de la partie 
double, elle est constamment à jour , et les comptes sont 
régulièrement balancés tous les ans. A la fin de chaque 
exercice, au 24 juin de chaque année , on dresse égale- 
ment les inventaires et l’on fait l’estimation de tous les 
cheptels de la propriété. 

Nous nous hâtons de terminer ce travail dont la lon- 
gueur dépasse malgré nous, Monsieur le Préfet, les limi- 
tes que nous voulions imposer à votre bienveillante atten- 
tion ; bornons-nous à vous exposer très-sommairement 
quelques détails qui nous ont frappés, regrettant de ne 
pouvoir entrer dans des détails qui eussent peut-être pu 
contenir quelques utiles enseignements. 

Au 24 juin dernier expirait la septième année, celle 
marquée dans le traité par une clause transitoire. Nous 
remarquons tout d’abord que le revenu fixé a été pleine- 
ment atteint, résultat d'autant plus beau que l'assainisse- 
ment s’est trouvé retardé de deux ans, et que nous voyons 
que ce revenu s’est trouvé grevé de l’intérèt de 50,000 fr. 
de drainage, dont une partie seulement a pu effectuer une 
augmentation de produits, et qu’il en est de même pour 
l'intérêt d’une somme de plus de 26,000 fr. consacrée 
aux bâtiments neufs. 

La progression des revenus est très-caractérisée dans 
chaque domaine, mais elle paraît à peine croyable pour 


— 526 — 


le domaine de Lignières, car, dans ce domaine qui ne 
pouvait pas produire toujours, 1l y a sept ans, le blé 
nécessaire à la nourriture du métayer, nous voyons que 
celui-ci a eu pour sa part, en 1863 : neuf cent qua- 
tre-vingts doubles décalitres de blé, treize cent quatre- 
vingt-sept doubles décalitres d’avoine et soixante-dix 
doubles décalitres d'orge. Le relevé du nombre des 
gerbes de la récolte de cette année, sur la main courante, 
constate pour 1864 un résultat encore plus considé- 
rable, dù au drainage combiné avec le marnage et de 
bons labours. 

Constatons encore que le cheptel de la terre, qui lors 
de l'entrée en jouissance de M. Rambourg, en 1857, n’é- 
tait estimé qu’à la somme de 31,074 fr. 55 e., a suivi une 
progression constante, marquée par les inventaires de 
chaque exercice, et qu’à celui de cette dernière année, 1l 
est arrivé au chiffre de 88,728 fr. 


L’assainissement de la plaine de Voudelle, Monsieur 
le Préfet, est un fait agricole de la plus haute importance 
et dont le souvenir survivra très-certainement à plu- 
sieurs générations, quoique l’on puisse dire avec raison 
qu’il n’est rien qui s’oublie plus vite qu’un bienfait. 
Cette entreprise est à peine terminée et déjà, on peut 
noter comme un résultat acquis l’angmentation du prix 
des fermages et de la valeur vénale des terres dans tout le 
périmètre assaini. Le seul fait de labaissement du niveau 
des eours d’eau ne suflit pas cependant partout pour 
améliorer les terres ; des drainages sont nécessaires dans 
certaines parties, mais ils sont maintenant possibles par- 
tout. M. Rambourg enseigne par son exemple à ses 
voisins la manière dont ces travaux doivent être exécutés 
pour produire un résultat utile, et ce n’est pas le seul en- 
seignement que l’on puisse trouver en examinant son 
exploitation. Agissant en tout avec une prudence ex- 


— 527 — 


trême, il n’a point-cherché ces résultats brillants qui, 
après avoir ébloui pendant quelque temps le public, n'a- 
boutissent que trop souvent à des déceptions. Le seul 
luxe que l’on trouve dans son exploitation est celui des 
bons animaux et des belles récoltes. La terre de Boucé 
n’est qu'une grande fabrique de grains et de viande, où 
l’on met en usage les procédés les plus simples et les 
plus économiques. Rien n’y est livré au hasard. Après 
avoir choisi dans le pays même des hommes qui, con- 
naissant parfaitement le terrain, devaient nécessairement 
imprimer une bonne direction à exploitation, on a tout 
simplement conservé, non-seulement le mode du mé- 
tayage, mais encore plusieurs des anciens métayers, en 
faisant toutefois quelques modifications à leurs baux, et 
pendant qu'ailleurs on dissertait sur le métayage, on 
démontrait à Boucé de la manière la plus péremptoire 
que tous les progrès de l’agriculture la plus avancée 
étaient parfaitement réalisables avec des métayers bien 
dirigés. Des assolements régulièrement établis, d’excel- 
lents animaux parfaitement soignés, toutes les opérations 
de la enlture parfaitement exécutées, et enfin de grands 
et difficiles travaux de défrichement menés à bonne fin ; 
voilà les résultats obtenus, d’une manière plus écono- 
mique et avec beaucoup moins de surveillance qu'avec 
tout autre mode de culture, par le moyen de métayers 
qu'un travail actif et exécuté avec intérêt conduit à 
l’aisance. 

M. Rambourg a prouvé depuis longtemps qu’il savait 
faire un noble usage d’une grande fortune. A Boucé , 1l 
a fait voir que l’homme sage et prudent qui confie avec 
intelligence ses capitaux à la terre, y trouve un place- 
ment pour le moins aussi avantageux et plus sùr que 
dans les meilleures entreprises industrielles. Sans ajouter 
iei aucun chiffre à ceux que nous avons indiqués précé- 
demment, bornons-nous à dire que les drainages exécu- 


— 528 — 


tés représentent un peu plus de la moitié de ceux qui 
restent à faire ; chacun peut, en outre , se faire une idée 
de la somme nécessaire pour bâtir trois ou quatre granges 
et créer les cheptels qui manquent pour compléter 
les cinq nouveaux domaines qui composent la colonie 
créée dans la plaine de Voudelle. Cela fait, la terre de 
Boucé comptera onze domaines au lieu de six ; il n’est 
pas nécessaire de se livrer à des calculs très-compliqués 
pour voir que la valeur de cette terre sera plus que dou- 
blée dans un très-petit nombre d'années , et que ce ré- 
sultat sera obtenu avec une mise de fonds relativement 
très-minime, 

On s’effraye avec raison du dépeuplement des campa- 
gnes; une de ses principales causes est très-certainement 
la parcimonie avec laquelle on voit beaucoup de grands 
propriétaires consacrer leurs capitaux aux améliorations 
agricoles, auxquelles ils négligent d'appliquer leur es- 
prit. L'exemple des succès obtenus par M. Rambourg 
doit donc être signalé d’une manière toute particulière ; 
aussi la AR à l'unanimité et avec l'approbation 
du bureau du comice agricole de larrondissement de 
Lapalisse, croit devoir vous proposer, Monsieur le 
Préfet, de vouloir bien décerner la médaille d’or, donnée 
par S. Exc. M. le ministre de l’agriculture, à M. Louis 
Rambourg. 

La Commission , en présence des résultats constatés 
par elle sur la terre de Boucé, ne peut se dissimuler 
qu’il n’y a point de comparaison possible entre cette ex- 
ploitation et celle de Messieurs de Chantemerle et Vi- 
rotte. Cependant, elle a cru devoir, Monsieur le Préfet, 
signaler aux agriculteurs quelques spécialités qui Pont 
frappée dans la visite qu’elle a faite des exploitations de 
ces Messieurs. 

Chez M. de Chantemerle, on peut signaler la bonne 
administration de l’ensemble de sa propriété, la création 


— 529 — 


de belles prairies irriguées, de bons chemins d’exploita- 
tion, une belle uniformité dans ses cheptels, et enfin, 
comme nous avons l'honneur de vous le dire, Monsieur 
le Préfet, cet agriculteur a imprimé une bonne direction 
au Comice de son canton, qu'il préside depuis plusieurs 
années avec inteligence et dévouement. 

Chez M. Virotte, il y à une très-belle et très-complète 
installation agricole : on remarque de magnifiques prai- 
ries créées par lui et irriguées avec beaucoup d’art et 
d'habileté; des bâtiments d’une grande élégance, et des 
cultures sarclées très-soignées. 

Saus vouloir établir aucune espèce de priorité m1 de 
comparaison entre l’exploitation du Verger et celle 
des Gadins, la Commission, avec l’assentiment du bureau 
du Comice , croit devoir vous prier, Monsieur le Préfet, 
de vouloir bien autoriser M, le Président du Comice agri- 
cole de l’arrondissement de Lapalisse, à décerner, à 
titre d'encouragement, une médaille d'argent à M. Louis 
de Chantemerle, et une pareille médaille à M. Féhix 
Virotte. 


Le Secrétaire du Comice agricole de l'arrondissement 
de Lapalisse, Rapporteur de la Commission, 


F. Braxcrarp. 


Rapport de la Commission chargée d'examiner jes 
exploitations qui ont concouru pour la médaille d'or 
offerte par M. le Ministre de l'agriculture en 1866, 
dans le département de l'Allier. 


Monsieur le Préfet, 


La Société d'Agriculture de l’Allier nous a confié la 
délicate mission de désigner, parmi les exploitations de 
l'arrondissement de Moulins, celle qui mérite d'obtenir 

94 


— 530 — 


la médaille d’or offerte par M, le Ministre de l’agriculture. 
C'est de cette mission que nous avons à vous rendre 
compte. Nous sommes certains de nous en être acquittés 
avec conscience, mais nous n'oserions pas assurer que 
nous nous en soyons acquittés avec bonheur. Il est tou- 
jours diflicile de faire un choix entre des concurrents qui 
se distinguent par des mérites divers, et dont chacun est 
ordinairement supérieur à tous les autres par quelque 
côté. Cette difficulté nous a paru, cette année-ci, plus 
grande que d'habitude. Toutes les exploitations qui nous 
ont été présentées sont fort remarquables, et nous pou- 
vons dire sans optimisme que la plupart d’entre elles 
mériteraient un prix. 

Neuf concurrents avaient fait parvenir à la Com- 
mission des demandes de visite. Nous avons cru devoir 
en écarter deux, parce que leurs demandes nous ont été 
adressées après l'expiration des délais de rigueur. Un 
troisième, M. de Beaumont, a été mis hors de concours 
par ce motif, fort honorable pour lui, que son exploita- 
tion de la Sauvate avait déjà obtenu la médaille d’or il y 
a quatre ans. 

Restent six concurrents dont les exploitations ont 
été visitées, et dont nous allons successivement vous 
entretenir. : 


1. — Domaine de Lamothe, à M. Bleuart. 


M. Bleuart exploite directement une réserve de cent 
cinquante hectares, faisant partie d’une propriété plus 
vaste, dont le surplus est affermé. 

L'exploitation de M. Bleuart est peut-être celle qui a 
marché le plus hardiment dans la voie des améliorations 
pendant ces dernières années. L'installation des bâtiments 
est presque luxueuse. Les écuries sont vastes, bien 
aérées, et surtout propres. Des tuyaux habilement dis- 


— 531 — 


posés recoivent l’eau pluviale qui tombe sur les toits, et 
la conduisent dans les rigoles où s’écoulent les purins. 
Le tout descend dans un vaste réservoir, d’où les eaux 
sont dirigées à volonté sur les prairies ou sur les luzernes. 
L’outillage est aussi complet que possible et composé 
d'instruments de choix. Nous avons remarqué une fort 
belle machine à battre et un moulin d’une paire de 
meules, qui fournit la farine nécessaire à l’alimentation 
de tout le personnel, et sert aussi à moudre les grains 
inférieurs, que l’on réserve pour nourrir les animaux. 
Le tout est mis en mouvement par une machine à 
vapeur locomobile, de la force de cinq chevaux. 

Le domaine de Lamothe nourrit actuellement trente- 
sept têtes de bêtes à cornes, neuf chevaux ou poulains, et 
un troupeau de bètes à laine de deux cent cinquante 
brebis mères, auxquelles il faut ajouter les agneaux de 
l’année et quelques agnelles conservées pour la repro- 
duction, Le tout, ramené selon les proportions ordinaires, 
équivaul à peu près à cent-seize têtes de gros bétail de 
tout âge. M. Bleuart r’est donc pas encore arrivé à ce 
desideratum des agriculteurs, qui consiste à nourrir une 
tête de gros bétail par hectare. — Son troupeau, de race 
charmoise, est le plus rerarquable qui nous ait été pre- 
senté. Les trois béliers sont du plus beau type, et les 
brebis sont toutes excellentes. Les agneaux sont vendus 
gras pour la boucherie à l’âge de quatorze mois, et 
atteignent le prix de 40 fr. par tète. Ce troupeau est 
parqué la nuit, pendant la belle saison. On doit savoir 
gré à M. Bleuart d’avoir introduit dans le pays cette 
excellente pratique du parcage. Ses blés de Hallett, 
obtenus dars les champs où le troupeau avait été parqué, 
scht les plus beaux que nous ayons vus. 

Nous ne pouvons pas donner, quant à présent, au gros 
bétail de Lamothe, les mêmes éloges qu’à son troupeau 
de bêtes ovines. La vacherie est en voie de formation ; 


— 532 — 


elle ne présente encore rien de bien remarquable, et 
nous croyons qu'il n’est pas temps de la juger. Le 
taureau, qui nous a été montré, nous a paru médiocre. 

Les terres de Larnothe sont argilo-siliceuses, assez 
fertiles, mais très-compactes et difficiles à cultiver. Elles 
ont été chaulées, défoncées et largement améliorées. 
Seize hectares ont été drainés. Pour donner une idée de 
l'activité avec laquelle ont été poussés les travaux d’a- 
mélioration, il nous suflira de dire que mille huit cents 
mètres de chemins, parfaitement construits et empierrés, 
ont été créés cette année avec les seules ressources de 
l'exploitation, et sans aucun secours étranger. 

M. Bleuart n’a pas entièrement rompu avec l’assole- 
ment triennal; mais 1l ÿ a soustrait une partie de ses 
terres. Nous avons trouvé à Lamothe vingt-sept hectares 
de luzerne en plein rapport, et neuf hectares cultivés en 
plantes sarclées, dont huit en betteraves. L'extension 
donnée à ces riches cultures est fort digne d’éloges, mais 
notre impartialité nous oblige à dire qu’elles ne sont pas 
aussi méritantes au point de vue de la qualité des pro- 
duits. Nous avons trouvé les betteraves petites et peu 
avancées pour la saison. L’éclaircie et le binage qui, à 
notre avis, auraient dû être déjà terminés, ne faisaient, 
au contraire, que commencer. Les luzernes ne nous ont 
pas paru tenir tout ce que l’on pouvait attendre de la 
richesse du terrain. Enfin les blés ne sont pas tous aussi 
beaux que ceux qui ont été obtenus sur parcage de mou- 
tons. Nous avons remarqué quelques champs où le fro- 
ment laissait des vides qui étaient envahis par l’herbe. 
Toutes les jachères qui doivent recevoir du blé sont 
cultivées en fourrage vert, pour la consommation du bé- 
tail. Cette pratique, comme on nous la très-justement 
fait observer, a le grand avantage de produire une ré- 
colte supplémentaire de fourrages, sans épuiser beaucoup 
les terres; mais on peut se demander si elle ne contribue 


— 533 — 


pas un peu à les salir. Une jachère complète doit, 
croyons-nous, détruire plus efficacement les mauvaises 
herbes, qu’une jachère remplie par une récolte de mou- 
tarde ou de blé noir. 

M. Bleuart a eu à lutter, comme beaucoup d’agri- 
culteurs, contre les difficultés qui viennent du manque 
de bras. Il en a heureusement triomphé en fixant auprès 
de lui une population de travailleurs. Dix hectares de 
terre, mis en dehors de l’assolement, sont cultivés à la 
bêche à moitié fruits par les ouvriers ordinaires de l’ex- 
ploitation. Les hommes que lexploitation proprement 
dite ne peut pas occuper tous les jours, trouvent ainsi 
sur la place un travail assuré. — Les ouvriers qui culti- 
vent les betteraves sont rétribués à raison de 2 fr. par 
cinq cents kilos de racines récoltées. Ce mode de rému- 
nération ,- qui -proportionne le salaire aux résultats 
obtenus, nous a paru digne d’être signalé, C’est évi- 
demment l'application d’une idée juste. Cette appli- 
cation est encore de date trop récente pour avoir pu 
produire tous les résultats qu’on doit en attendre, mais 
on peut aflirmer sans crainte qu’une fois entré dans les 
habitudes, le système réussira. Il est évident que, toutes 
choses égales d’ailleurs, les hommes qui ont un in- 
térêt dans la récolte n’en sont que plus disposés à se 
donner les peines nécessaires pour la conduire à bonne 
fin. 

Les luzernes de Lamothe sont ordinairement rentrées 
sèches et consommées à l’état de foin. Elles sont fanées 
par un procédé fort ingénieux, qui mérite d’être signalé. 
Les tiges à peine coupées sont réunies en petites 
moyettes, et plantées debout sur le sol, jusqu’à parfaite 
dessication. Les moyettes une fois formées ne sont plus 
ouvertes jusqu’au moment où on les fait manger par le 
bétail. Ce procédé a l'avantage de conserver toutes les 
feuilles, d'exiger peu de main-d'œuvre et de produire 


RE. — 


des foins d'excellente qualité. Il serait à désirer qu’il se 
généralisat. 

L’énumération des titres de M. Bleuart serait in- 
complète, si nous ne citions pas avec éloge son jardin 
potager, dont la tenue est admirable sous tous les rap- 
ports. Le jardinier de M. Bleuart fait une fois par 
semaine un cours gratuit, dont tout le voisinage est 
admis à profiter, et qui est, à ce que l’on nous a affirmé, 
très-assidüment suivi. On ne saurait trop encourager 
de pareils actes d’initiative, et, quoique les progrès de 
l’horticulture ne rentrent que très-imparfaitement dans 
notre cadre, nous croyons devoir signaler à la reconnais- 
sance publique les services rendus à cet art utile par le 
propriétaire de Lamothe. 

En rapportant les brillantes arities qui ont été 
réalisées chez M. Bleuart, nous ne saurions passer sous 
silence le nom d’un homme auquel elles sont dues en 
grande partie. C’est M. Petit, régisseur de M. Bleuart, 
qui a dirigé l’exploitation dans cette voie prospère où 
nous l’avors trouvée. D’importants travaux avaient sans 
doute été faits avant lui, mais son habile administration 
les a fait fructifier, et c’est à partir de son arrivée que se 
sont produits les beaux résultats que nous avons vus. 
L'installation de M. Petit est assez récente; c’est pour- 
quoi nous avons cru devoir faire ressortir de. le début 
le RE mérite de l'exploitation de Lamothe, en di- 
sant qu'aucune autre n’avait marché plus vite ou plus 
hardiment dans la voie du progrès. 

Malheureusement, il y a à cet éloge un correctif, dont 
l'importance nous a paru grande : nous n'avons pas été 
admis à examiner la comptabilité de M. Bleuart. On nous 
a communiqué, il est vrai, des notes rédigées exprès 
pour la circonstance, et dont la sincérité ne nous est nul- 
lement suspecte; mais nous avons pensé que la mission 
dont nous étions investis nous imposait une impartialité 


— 939 — 


rigoureuse, et que nous n'avions pas le droit, quelles que 
fussent d’ailleurs nos impressions, d’accorder officielle 
ment à l’un des concurrents une confiance dont nous ne 
pourrons pas user vis-à-vis de tous, et accepter sans 
contrôle les déclarations de tous les concurrents, il y 
aurait évidemment risque d’abus. Lorsqu'il s’agit d’ap- 
précier s’il y a eu perte ou profit dans une grande entre- 
prise, les moyens de contrôle n’existent guère en dehors 
de la comptabilité originale, qu’il faut pouvoir étudier 
et discuter à loisir. 

C'est donc sous la responsabilité de M. Bleuart et non 
sous la nôtre, que nous reproduisons les chiffres sui- 
vants : 

Le produit brut de l’exploitation dans l’état actuel est, 
année commune, dei::2:0 #0 get Une 029432 Ér: 

Les dépenses, y compris l’amortisse- 
ment du -matériel et de la chaux em- 


ployée;:s'élèventà::.. 4, rien & 447,187 
D'oùun-produit nèt dé :°. . "2 nm42,198%È7. 


qui représente 80 fr. 90 c. à l’hectare. 

En 1846, les cent cinquante hectares étaient affermés 
sur le pied de 10 francs l'un, soit 1,500 francs pour le 
tout. | 

L'augmentation obtenue s’élèverait done à 10,638 fr. 
de revenu, mais elle aurait nécessité, pour construction 
de bâtiments et autres travaux, une première mise de 
fonds de 67,600 francs, qui seraient ainsi placés à un 
fort bel intérêt. 


2. — Domaine du Grand-Lucay, à M. Alleyron. 


Le domaine du Grand-Lucay, que-rous a présenté 
M. Alleyron, n’a que soixante-quinze hectares de su- 
perficie. 

M. Alleyron a adopté la spécialité la plus lucrative 


— 9536 — 


qui soit encore connue en agriculture : il s’est appliqué 
à produire et à vendre des étalons. Ses dispositions ont 
été prises avec une remarquable intelligence, et son 
succès a été complet, On peut en juger par ce fait qu’en 
1866 il a vendu à dix éleveurs différents dix jeunes tau- 
reaux, dont un seul était âgé Ge plus d’un an, pour un 
prix total de 5,325 fr. Le prix moyen obtenu est done 
de 532 fr. 50 par tête, toute compensation faite des meil- 
leurs aux moindres. De tels chiffres nous dispensent de 
tout commentaire. Nous ne croyons pas que, pécuniai- 
rement parlant, pareil résultat ait été réalisé dans 
aucune des autres exploitations que nous avons vi- 
sitées. 

La vacherie du Grand-Luçay est d'autant plus méri- 
tante, qu’elle paraît avoir été organisée à peu de frais. 
Les premières mères ont été, pour la plupart, choisies 
dans les foires et payées à des prix modérés. 41 n’a été 
fait de sacrifices pécuniaires, que pour un ou deux tau- 
reaux. Celui dont on se sert aujourd’hui a été élevé dans 
le domaine. 

Tous les efforts de M. Alleyron paraissent s’être eon- 
centrés sur l’espèce bovine. Ses bêtes à cornes ont été 
primées dans une multitude de concours. Le reste de son 
bétail n’a rien de remarquable. Il n’élève point de bètes 
à laine, el son troupeau se compose de moutons achetés 
pour être revendus. 

Le domaine du Grand-Lucay nourrit actuellement 
cinquante-cinq bètes à cornes de tout àge, sept Juments 
ou poulains, quatre truies avec leurs petits et quatre- 
vingt-un moutons, ce qui équivaut à soixante-dix têtes 
de gros bétail. La proportion d’uue tête de gros bétail 
par hectare a donc été atteinte à très-peu de chose près, 
car, sur les soixante-quinze hectares dont se compose le 
domaine , il y a trois hectares de vignes qui ne doivent 
point entrer en compte. — Observons toutefois que, 


— 937 — 


dans ce calcul, nous comptons comme unité les bêtes de 
tout âge, même les plus jeunés, ainsi que nous Pavons 
fait pour M. Bleuart, et que nous le ferons, au surplus, 
pour les autres concurrents. 

Les étables du Grand-Luçay sont belles et bien ins- 
tallées. Elles sont contenues dans une vaste grange, dont 
la construction est toute récente. À part-ce bâtiment qui 
a été construit avec un certain luxe , il ne nous paraît 
pas que de grands travaux d’améliorations aient été 
faits. Nous n’avons à signaler ni drainages, ni création 
de luzernes, ni irrigations remarquables. La propriété 
enlière a été chaulée. L'extension donnée aux cultures 
sarclées mérite des éloges; il y en a actuellement sept 
hectares, dont quatre en betteraves, mais nous sommes 
obligés de faire à ces dernières le même reproche qu’à 
celles de Lamothe : elles nous ont paru petites et le bi- 
nage et l’éclaircie étaient en retard. 

L’assolement porte sur cinq années, savoir : 1° ja- 
chère, en partie remplacée par des cultures sarclées ; 
20 blé, 3° orge ou avoine avec trèfle et ray-grass; 
4 trèfle et ray-grass fauchés; 5° les mèmes trèfles et 
ray-grass pâturés. Ce n’est pas autre chose que l’ancien 
assolement triennal, augmenté des deux anñées de 
trèfle. Les froments, les orges et les avoines, que nous 
avons vus sur pied, ne nous ont rien offert de remar- 
quable. En résumé, à part sa vacherié, qui est tout-à-fait 
hors ligne, la régie de M. Alleyron ne nous parait pas 
ètre beaucoup au-dessus des bonnes cultures ordinaires 
du pays. 

L'exploitation du Grand-Lucay a déjà traversé deux 
phases distinctes, et vient d'entrer dans une troisième. 
Nous croyons utile d’en dire quelques mots, parce qu’un 
jour, peut-être, il pourra en sortir un enseignement : 

Du 11 novembre 1858 au 11 novembre 1862, le do- 
maine à élé exploité par métayers. C’est pendant cette 


— 538 — 


période que les terres ont été chaulées en totalité. Malgré 
l’'amélicration considérable que ce chaulage complet au- 
rait dû produire, les résultats obtenus n’ont rien eu de 
remarquable. Il y a eu pourtant un certain progrès : le 
cheptel, qui avait été estimé 5,060 fr. en 1858 , s’est 
trouvé valoir 9,819 fr. en 1862. 

À partir de 1862 jusqu’en 1865, M. Alleyron voyant, 
à ce qu'il nous a déclaré, «la négligence et le mauvais 
vouloir des métayers, » s’est décidé à faire valoir par 
domestiques. C’est pendant cette période de trois ans que 
la vacherie a acquis sa réputation, que les étalons se sont 
vendus, d’abord au prix moyen de 337 fr., puis à celui 
de 516, en attendant le prix de 532 fr. 50, qui a été 
réalisé en 1866.— Le cheptel, estimé de nouveau, valait 
19,930 fr. au 11 novembre 1865. 

Mais la culture par domestiques exige une surveil- 
lance minutieuse. Cette surveillance était difficile pour 
M. Alleyron, qui ne réside pas toujours sur son domaine. 
C’est pourquoi il s’est décidé à essayer une autre orga- 
nisation. 

La famille de cultivateurs qui, depuis le 11 novembre 
1861 , est installée au Grand-Lucay , reçoit un gage de 
700 fr. Elle prélève sur -les produits du domaine sa 
nourriture et son chauffage. On inscrit sur un livre tou- 
tes les recettes et toutes les dépenses de la culture, y com 
pris le gage de 700 fr. alloué aux cultivateurs, et les 
achats qu’il serait nécessaire de faire pour compléter 
leur nourriture et leur chauffage, lesquels gage et achats 
figurent parmi les dépenses. A la fin de l'année , les dé- 
penses sont déduites des recettes, et le produit net est 
partagé par moitié entre le propriétaire et ie colon, après 
prélèvement d’une somme fixe de 5,000 fr. au profit du 
premier. 

La Commission regrette qu’en outre de cette somme de 
5,000 fr. qui lui paraît déjà bien forte, M. Alleyron 


=. 600 — 

ait cru devoir stipuler encore en sa faveur un certain 
nombre de prélèvements, soit en travail, soit en denrées, 
dont la valeur additionnée paraît s'élever assez haut. 
Elle pense que, s’il survenait des circonstances défavo - 
rables, l’exagération de ces prélèvements serait de 
nature à compromettre le succès de Pexpérience en dé- 
courageant les solons. Quoi qu’il en soit, le bail dont 
M. Alleyron a bien voulu nous remettre une copie, est 
digne de-remarque, parce qu’il constitue la première 
application d’un système nouveau. Sans se prononcer sur 
la valeur de ce système, la majorité de la Commission a 
pensé qu'il était utile de faire connaître l’essai qui se 
poursuit, afin que, bons ou mauvais, ses résultats puissent 
ètre observés. | 


3. — Terre de Lécluse, à M. de Lécluse. 


Si l’exploitation de M. Bleuart a été remarquable par 
ses progrès rapides, celle de M. de Lécluse n’est pas 
moins méritante à un autre point de vue. Sa marche 
parait avoir été plus lente, mais plus soutenue, et nous 
croyons qu’elle a plus complétement atteint son but. 

. M. de Lécluse nous a présenté 420 hectares environ, 
qui se divisent ainsi : 

Réserve de Eécluse et domaine des Mimorins, directe 


ment cultivés par des domestiques. . . 135 hectares. 
‘Quatre domaines exploités par 1, 
MÉLAVETS. ... . . . . : PRIMO OM 
V6 420 — 


Il y a entre ces deux parties de exploitation une dif- 
férence tranchée, et nous serons obligés de les décrire 
. séparément. . 


S 1. Réserve et Domaine des Mimorins. 


Comme ensemble de culture, nous n’avons rien vu 
qui füt comparable à cette première partie de lexploita- 


— 540 — 


tion de M. de Lécluse : sauf deux observations FR 
qui trouveront leur place un peu plus loin, nous avons 
ici que des éloges à formuler. 

Fr des bâtiments ne laisse rien à désirer. 
Les étables des Mimorins sont saines et bien aérées. Les 
purins s’écoulent directement dans les rigoles qui servent 
à arroser les prés. Le tout paraît avoir été organisé aux 
moindres frais possible. On s’est servi des anciens bâ- 
timents du domaine, dont une partie seulement a été re- 
construite. à 

La vacherie est tout-à-fait remarquable, et ne renferme 
que des animaux de races choisies : soit durham purs, 
soit charollais améliorés. Le taureau durham des Mi- 
morins est le plus beau que nous ayons vu dans nos 
visites. 

Nous avons vu, tant aux Mimorins qu’à la réserve, 
quelques vaches mères supérieures à tout ce qui nous a 
été montré ailleurs. Les élèves de l’année que nous avons 
examinés ne laisseront pas dégénérer ces beaux types 
reproducteurs. 

Le troupeau des Mimorins se compose de soixante- 
dix têtes de bêtes à laine. Comme nombre, il est de 
beaucoup inférieur à celui de M. Bieuart; comme qua- 
lité, il ne lui cède en rien. Les agneaux se vendent gras 
au prix de 40 fr. par tête, à quatorze mois. Ce troupeau 
a été obtenu par un croisement d’étalons southdown avec 
des brebis communes du pays. 

Les pores des Mimorins sont de race berkshire , d’ex- 
cellente qualité et fort recherchés par les éleveurs des en- 
virons. Somme toute, il y a là un ensemble de cheptel 
qu'aucun autre concurrent n’a pu égaler. 

Cette supériorité de M, de Lécluse est d'autant plus re- 
marquable, qu’elle a été obtenue dans un des plus mau- 
vais sols que l’on puisse voir : les terres de Lécluse sont 
eu partie formées de sable pur, et en partie d’une argile 


— 941 — 


froide, qui semble rebelle à toute production. Leur as- 
pect seul suflirait pour décourager tout autre que leur 
propriétaire, qui a eu le talent de leur faire rendre d’ex- 
cellents produits. 

Les prés des Mimorins donnent autant de fourrage 
que s’ils reposaient sur un sol de bonne qualité. Les fro- 
ments seraient bons partout , ils sont remarquables, eu 
égard à la terre qui les produit. Il en est de même pour 
toutes les récoltes, sans exception. Nous avons trouvé 
les betteraves hinées et éclaircies, et déjà plus fortes 
que celles que nous avions vues dans le canton de 
Bourbon. 

M. de Lécluse a adopté un assolement de cinq années, 
savoir : 1° racines sarclées; 2° blé; 30 trèfle ; 4° blé suivi 
d’une récolte fourragère dérobée ; 50 avoine. Cet assole- 
ment laisse deux années sur cinq aux fourrages et aux 
racines fourragères, sans compter les récoltes dérohées. 
Un septième environ des terres est mis en dehors de 
l’assolement, et transformé en prairies temporaires. Il y a 
actuellement au domaine des Mimorins huit hectares de 
luzerne et huit hectares de ray-grass, sans préjudice des 
prairies naturelles qui ont été récemment augmentées de 
trois hectares et demi. Il y aura l’année prochaine quinze 
hectares et demi en luzerne. Tout cet ensemble constitue 
une large production de fourrage et de fumier, qui a dû 
servir de base à toutes les autres améliorations. 

Les Mimorins nourrissent actuellement quarante-trois 
bêtes à cornes, vingt-quatre pores, deux chevaux et 
soixante-dix brebis etagneaux. La proportion, même en 
tenant compte des bois et des terres incultes dont il sera 
parlé tout à l’heure, n’est guère que d’une tête de gros 
bétail pour un hectare et un tiers. 

M. de Lécluse a créé, avec un peu d’aide de sa com- 
mune, quinze kilomètres d’excellentes routes, qui des- 
servent ses terres et sont utiles au pays. Les terres 


— 542 — 


en culture de la réserve et des Mimorins sont presque 
toutes chaulées; vingt hectares au moins ont été drainés. 

Sur les cent trente-cinq hectares qui composent la su- 
perficie de la réserve et des Mimorins, la Commission a 
remarqué vingt-cinq hectares environ absolument incul- 
tes, et à l’état Fi abandon complet. M. de Lécluse détiare 
que cette portion de son domaine est infertile, que c’est 
du sable pur, et que les frais que nécessiteraït sa mise 
en culture ne pourraient en aucune façon être couverts 
par les produits. Cette observation ne nous a paru juste 
que dans une certaine mesure. La majorité de la Com- 
mission a pensé que les terrains impropres à la culture 
peuvent être utilement peuplés en bois et qu'avec un bon 
choix d’essences et des précautions intelligentes, le boi- 
sement est toujours possible. L’abandon volontaire où 
M. de Lécluse laisse une partie de ses terres nous paraît 
done regrettable, et nous croyons devoir le signaler, 
comme un des rares défauts que présente sa Lo ex= 
ploitation. 

Il nous a été permis de jeter les-yeux sur le ivre de 
compte de M. de Léeluse; mais ies totaux n'étaient pas à 
jour , et ses écritures, un peu trop élémentaires, n’au- 
raient pu nous fournir qu'après de longs dépouillements 
les indications dont nous avions besoin pour apprécier la 
partie financière de son exploitation. Nous laisserons donc 
sous sa responsabilité les chiffres suivants, comme nous 
avons laissé sous la rpsponsabilité de M. Bleuart ceux qui 
regardent Lamothe : 

he produit net moyen de l’exploitation des Me 
depuis 4 années, .a été de . . . . . 4,164 fr. 50 

Auxquels il faut ajouter pour amé- 
liorations foncières prises sur les revenus. 1,900  » 


Total. .".  6,064fr.. 50 


Il y a dix- huit ans que ce ee est régi par son pro- 


— 543 — 


priétaire. Lorsque M. de Lécluse l’a pris en mains, il 
pouvait être affermé 1,000 fr. tout ou plus, les impôts 
étant à la charge du fermier. La marche nouvelle im- 
primée à l’exploitation a exigé, dès le début, quelques 
avances. Vers la fin de la quatrième année, le proprié- 
taire était à découvert de 18,000 fr. environ, mais il 
avait en magasin plusieurs récoltes invendues. Dès la 
sixième ou la septième année , les avances étaient cou- 
vertes, et l'exploitation était en bénéfice. 


S 2. Domaines exploités par métayers. 


Si ia réserve et les Mimorins forment le côté brillant 
de l'exploitation de M. de Lécluse, les domaines exploités 
par métayers en sont le côté féble, Nous avons trouvé 
là des étables basses, assez semblables à celles que lon 
voit, malheureusement, partout; un bétail en voie d’a- 
mélioration , peut-être, mais-qui n’est en aucune facon 
comparable à celui des Mimorins; trop d’extension 
donnée aux cultures de céréales ; des récoltes en terre 
déjà belles sur quelques points, mais inférieures sur 
d’autres; enfin peu de luzernes et de plantes sarclées. 

Somme toute , la culture de ces domaines nous a paru 
ne pas s’éloigner assez de celle des métayers ordinaires, 
ets’éloigrer trop du magnifique modèle que les Mimorins 
leur fournissent. Il est juste de dire que M. de Lécluse 
n’en a pris la direction que depuis cinq ans. 


4. — Terre de Bellevue, exploitée par M. Girard. 


M. Girard est le seul des concurrents qui cultive en 
qualité de fermier. Il nous a présenté deux cents hectares 
environ dépendant de la terre de Bellevue, dont le pro- 
priétaire est M. Deschamps de Verneix. 

Sil y a quelque mérite à améliorer un sol dont on est 
propriétaire, 1l y en a bien plus encore quand l’amélio- 


— 544 — 


rateur est un fermier qui n’a, pour rentrer dans ses frais, 
qu’une jouissance temporaire. C’est à ce titre surtout que 
l'exploitation de M. Girard est recommandable. Son bail 
remonte à quatorze années, pendant lesquelles 1l a marché 
très-hardiment dans la voie des améliorations. 

Les deux cents hectares qui nous ont été présentés 
comprennent : une réserve de quarante hectares environ, 
directement cultivée par le fermier; trois domaines de 
quarante-cinq à cinquante-cinq hectares exploités par 
métayers, et un tènement de vignes d’environ quinze 
hectares, qui est partagé entre quatre vignerons. L’en- 
semble de ce terrain, qui est argilo-siliceux, réclamait 
des amendements calcaires. Quelques gisements de marne 
se trouvaient sur place; M. Girard les a largement uti- 
lisés. Ta marné à ses frais la propriété tout entière, à 
exception d’un champ trop éloigné, sur lequel il a pré- 
féré mettre de la chaux. — Une partie des vignes avait 
besoin d’être renouvelée. M. Girard en a arraché et re- 
planté dix hectares à ses frais. Enfin, il a créé dix ou 
douze hectares de luzernes, dont sent dans sa réserve et 
le surplus chez ses métayers. 

Ces diverses améliorations ont porté leurs fruits. Le 
cheptel entier valait 9,000 f. au commencement du bail; 
sa valeur actuelle est de 30,000 fr. 

Nous avons trouvé dans la réserve de Bellevue -un 
cheptel de bêtes à cornes presque aussi beau que celui 
des Mimorins. M. Girard a pris le sage ‘parti de faire, 
avec des chevaux, la culture de sa réserve. Deux chevaux 
suflisent à toute cette tâche, et évitent au cultivateur la 
nécessité d'élever des bœufs de travail. C’est ainsi que 
M. Girard a pu donner la préférence aux races précoces 
de boucherie, telles que les Durham, dont il a obtenu 
d'excellents produits. Nous avons vu dans ses étables de 
superbes reproducteurs, et des élèves non moins bons. 
Au surplus, ses succès sont attestés par un grand nombre 


— D45 — 


de médailles, obtenues dans divers concours. Son trou- 
peau de bêtes ovines n’est pas aussi remarquable que sa 
vackerie. Il est composé de brebis southdown, dont quel- 
ques-unes sont fort belles; mais il y a dans l’ensemble 
beaucoup d’inégalité. 

La réserve de Bellevue nourrit actuellement dix-neuf 
ou vingt bèles à cornes, trois chevaux et quatre-vingts 
brebis ou moutons, ce qui équivaut à trente-trois ou 
trente-quatre têtes de gros bétail, et représente une tête 
pour un hectare vingt ares. La proportion est moindre 
dans les domaines exploités par métayers. Le domaine 
de Fougerolle, dont la superficie est de cinquante-cinq 
hectares, ne nourrit que quarante têtes de gros bétail, et 
a cette année quinze hectares semés en gros grains. Il y 
a entre ces deux chiffres une certaine disproportion, et 
l'étendue semée en gros grains nous paraît surtout trop 
grande. Nous croyons qu’en général on peut reprocher 
à M. Girard de semer trop m3 blé. 

On peut regretter aussi que les cultures sarelées n’aient 
pas reçu à Bellevue tout le développement qu’il eût été 
possible de leur donner. Nous en avons trouvé trois hec- 
tares dans la réserve, mais fort peu dans les domaines. 
La terre, cependant, nous a paru assez riche pour que 
lon püt, avec profit, leur consacrer plus d’étendue. Nous 
avons remarqué un champ de topinambours envahi par 
herbe. Les facons à donner à la vigne étaient aussi en 
retard pour une partie. 

Les récoltes en céréales, que nous a présentées M. Gi- 
rard, sont fort belles pour la plupart, mais il y a ici en- 
core un peu d’inégalité. Nous devons ajouter que Le pays 
est bon, et que nous avons remarqué, chez les cultiva- 
teurs voisins, quelques champs de blé qui ne sont guère 
inférieurs à ceux de Bellevue. 

Les trois domaines exploités par métayers ont un 
cheptel de bestiaux bien différent de celui de la réserve. 

90 


— 546 — 


Dans l’ensemble de leur culture, ces domaines ne nous 
ont pas paru être beaucoup au-dessus du niveau ordi- 
naire. Nous devons donc renouveler contre M. Girard 
une critique déjà formulée contre M. de Lécluse, en re- 
grettaut qu'il n'ait pas su faire imiter plus complétement 
par ses métayers les exemples tout-à-fait dignes d’éloges 
qu’il leur a donnés. 


5. — Terre de Lavarenne, à M. Méplain. 


L'exploitation de M. Méplain emprunte un intérêt 
tout particulier aux circonstances dans lesquelles elle a 
été créée. 

C’est en 1828 que M. Méplain, arrivant de Paris où 
il venait de terminer ses étades de médecine, acheta dans 
un des cantons les plus reculés du Bourbonnais une 
terre de grande étendue, mais d’une valeur relative— 
ment faible, et d’un revenu plus faible que sa valeur. 
A partir de ce moment, il se voua tout entier à l’agri- 
culture. 

La terre de Lavarenne était alors inabordable faute 
de chemins. Elle se composait de quelques maigres prai- 
ries, de pauvres champs, qui produisaient à peine de 
quoi nourrir leurs colons, et d’une grande étendue de 
bois, dont les coupes étaient difficiles à vendre en Pab- 
sence de débouchés. L’acquéreur n’avait pas plus de res- 
sources qu’il n’en fallait pour solder le prix de son acqui- 
sition. — Aujourd’hui cette même terre porte une des plus 
riches exploitations du département de Allier. On peut 
la classer parmi les plus fertiles, et sa valeur est en 
raison de cette fertilité même et de son étendue. Cet ac- 
quéreur, qui avait débuté presque sans capital, a pu 
solder toute les dépenses d’améliorations, s’ouvrir des 
débouchés en créant une route, et lrouver encore sur les 


— 547 — 


profits de sa culture assez de ressources pour acheter 
d’autres domaines d’une grande valeur. 

Nous devons done à M. Meplain un exemple précieux 
malheureusement trop rare : celui d’une grande fortune 
créée par l’industrie agricole. Par les tentatives qu’il 
peut encourager, par les imitateurs qu’il instruira peut- 
être, par les préjugés hostiles qu’il doit nécessairement 
contribuer à vaincre, cet exemple seul constitue déjà un 
grand service rendu à l’agriculture. 

La portion de la terre de Lavarenne que nous avons 
eu à examiner est réunie en bloc de cinq cents et quel- 
ques hectares. Elle se compose d’une réserve cultivée par 
domestiques, et de quatre domaines exploités par mé- 
tayers. L’étendue de la réserve est de cent dix hectares. 
Celle de chacun des domaines est de cent hectares 
environ. — Les moyens employés par M, Méplain pour 
mettre en valeur cette grande étendue sont des plus 
simples : après avoir défriché les bois, 1l a chaulé, dé- 
foncé, et s’est appliqué à produire des fourrages et du 
fumier. 

Le sol de Lavarenne est argilo-siliceux, profond, com- 
pact et très-difficile à travailler. Un banc de roche eal- 
caire traverse la propriété dans toute sa longueur. Cette 
roche a fourni les amendements qui ont transformé le sol 
et créé la richesse à la place de la misère. Un four à chaux 
a été construit pour le service exclusif de la propriété. 
Toutes les terres en culture ont été chaulées, mais ce résul- 
tai n'a été obtenu ni sans efforts n1 sansdépense. La pierre 
était dure et rebelle à la cuisson. La houille était loin. 
I! résulte des calculs faits par M. Méplain, que l'hecto- 
litre de chaux fabriqué chez lui revient, porté dans les 
champs, à 1 fr. 50 e. Il y à peu de cantons dans l'arron- 
dissement de Moulins, où cet ameudement soit aussi cher. 

Les défoncements sont faits avec une charrue fouilleuse. 
La presque totalité de la réserve est déjà défoncée; les 


— 48 — 


domaines ne le sont encore qu’en partie. L'opération se 
poursuit. 

-Les cultures fourragères de M. Méplain ne res- 
semblent en rien à celles que nous avons vues dans 
les autres exploitations. Nous avons trouvé à Lavarenne 
peu de plantes sarelées. Il n’y avait en tout dans la ré- 
serve que un hectare de betteraves et trois hectares de 
topinambours. Il n’y a point ou presque point de luzernes. 
Peut-être faut-il regretter que M. Méplain n'ait pas 
donné plus de développement à la culture de ces plantes 
riches, auxquelles nous croyons que son sol amélioré 
eût bien convenu; mais la critique s’arrête, quand on se 
rend compte de l’immense production fourragère qu'il 
a obtenue par d’autres moyens. L'exploitation de Lava- 
renne n’est pas tout à fait celle qui nourrit le plus de bé- 
tail en proporlion de son étendue, mais nous croyons 
que c’est celle qui produit le plus de fourrages. Cette 
apparente contradiction s'explique, parce qu'on y en- 
graisse beaucoup de bestiaux. 

Il y a trente hectares de prés naturels dans la réserve 
de Lavarenne et autant dans chacun des quatre do- 
maines, soit un total de cent-cinquante hectares de 
prairies, sur cinq cent-dix hectares environ qui nous 
ont été présentés. C’est plus du quart, et un peu moins 
du tiers. Ces prés ont tous ou presque tous été créés par 
M. Méplain. Leur irrigation est très-bien entendue, et 
ils sont généralement fort bons. 

L’assolement de la réserve roule sur quatre années, 
savoir : 1° vesces ou récoltes sarclées, en partie suivies 
d'une récolte de raves dérobées; 2° blé; 3° avoine ou 
orge avec trèfle et ray-grass fauchés. Cet assolement 
donnerait partout deux récoltes de fourrages sur quatre 
années, sans compter les raves dérobées; mais il est à 
remarquer qu'à Lavarenne la totalité des orges et avoines 
récoltées est consommée sur place pour engraisse” les 


— 549 — 


animaux de boucherie. Ce sont donc en réalité trois ré- 
coltes sur quatre, qui sont ernpioyées à la nourriture du 
bétail. — L’assolement des domaines est pareil à celui 
de la réserve, avec cette différence que le trèfle et le ray- 
grass y durent une année de plus, pendant laquelle ils 
sont pâturés. La rotation est donc de cinq années au 
lieu de quatre, et compte une année de fourrage de 
plus. 

La réserve de M. Méplain nourrit soixante-six têtes de 
bêtes à cornes, huit chevaux, cent moutons et dix-huit 
pores, soit environ quatre-vingt-dix têtes de gros bétail 
pour cent-dix hectares,.ce qui représente une tête pour un 
peu moins de un hectare un quart. Mais il est à remar- 
quer que plusieurs bœufs sont engraissés chaque année, 
et que le troupeau de bêtes à laine se compose en totalité 
de moutons achetés maigres et revendus gras, qui sont 
renouvelés deux fois par au. 

La vacherie de M. Méplain n’est pas la plus remar- 
quable qui nous ait été présentée. Nous y avons trouvé 
quelques beaux types, mais avec trop d’inégalité dans 
l’ensemble. En revanche ses bœufs de travail, élevés chez 
lui, égalent ou surpassent tout ce que nous avons vu ail- 
leurs. Sa réserve seule nous en a présenté quatorze, 
parmi lesquels il eût été difficile de faire un choix. Il y 
a, entre ces grands bœufs et les vaches-mères, qui les 
ont produits, une différence surprenante. Pareille diffé 
rence s’observe même entre les bœufs adultes et les 
jeunes taureaux qui sont destinés à les remplacer. On 
comprend avec peine comment ceux-ci peuvent être ap- 
pelés à acquérir le développement qu’on admire chez 
ceux-là! Il faut pourtant s’inciiner devant le fait qui 
frappe les veux. Nous devons conclure de cette compa- 
raison que le mode de nourriture pratiqué chez M. Mé- 
plain produit des animaux dont le développement est 
tardif. Ce résultat pourrait être critiqué, si l’on ne te- 


— 550 — 


nait pas compte dé la nature du sol; mais il faut remar- 
quer que les terres de Lavarenne sont très-résistantes, 
qu’elles exigent de robustes attelages, et que par con- 
séquent la précocité doit ici être sacrifiée à la vigueur. 

Trois chiffres peuvent donner une idée des progrès ac- 
complis par M. Méplain sur son exploitation : À Pépoque 
de son acquisition, le cheptel entier de Lavarenne valait 
environ 14,000 francs. Il y a quatre ans, la réserve et 
les quatre domaines que nous avons vus avaient en- 
semble un cheptel de 30 à 31 mille francs. Aujourd’hui 
le cheptel entier peut valoir 100,000 fr. 

Les récoltes de toute nature que nous avons trouvées 
chez M. Méplain, nous ont paru fort belles. Nous devons 
une mention spéciale aux trèfles et aux vesces de prin- 
temps, dont la végétation est magnifique. 

Les bâtiments de la réserve sont très-convenablement 
installés, ceux des domaines laissent à désirer. Nous 
avons revu là des étables basses et peu aérées, comme 
on n'en trouve que trop souvent dans les exploitations 
ordinaires. À part ce défaut, les domaines de M. Mé- 
plain nous ont paru peu inférieurs à sa réserve. Nous y 
avons trouvé, à peu de chose près, pareils bétails et 
pareilles récoltes. Chaque domaine engraisse quatre 
bœufs par année, et ces bœufs sont d’une qualité hors 
ligne, comme tous ceux qui sortent des étables de 
Lavarenne. 

Nous ne nous sommes point enquis de la comptabilité 
de M. Méplain. La mission qui nous était confiée consistait 
à rechercher quelle est l'exploitation qui a fait faire le 
plus de progrès à l’agriculture. Nous avions donc à exa- 
miner si les exploitations par nous visitées donnaient 
des profits et non des pertes, car une exploitation qui ne 
réaliserait que des pertes ne serait bonne n1 à récom- 
penser, n1 à imiter. C’est pour être édifiés sur ce point 
délicat, que nous nous sommes fait un devoir de de- 


— d01 — 


mander à chacun des concurrents la communication de 
son livre de compte; mais il nous a paru que celte de- 
inande n’était pas de celles qui sont le plus ordinaire- 
ment accueillies avec plaisir. Nous avons donc été 
heureux de pouvoir la considérer comme inutile, quand 
nous nous sommes trouvés, chez M. Méplain, en pré- 
sence d’une jusüfication d’un ordre supérieur. M. Mé- 
plain porte avec lui la plus décisive de toutes les épreuves : 
il a fait fortune. 


6. — Terre de Toury, à Mgr de Conny. 


L'exploitation de Mgr de Conny ressemble par un côté 
à celle de M. Bleuart : son principal mérite consiste dans 
la rapidité des progrès accomplis depuis peu d’années. 
Jl y a toutefois cette différence, que les améliorations 
faites par M. Bleuart sont toutes concentrées dans sa ré- 
serve, tandis que celles de Mgr de Conny ont été plus ou 
moins énergiquement répandues sur une terre de huit 
cents hectares, et que nous avons pu constater leur entier 
succès dans une réserve et quatre domaines, composant 
ensemble un bloc de quatre cents hectares, qui nous a 
été présenté. 

L'exploitation de Toury a subi de longues vicissitudes, 
avant d’atteindre l’état de prospérité où nous Pavons 
trouvée. Des sommes importantes paraissent y avoir été 
aépensées sans grand résultal, jusqu’au jour où Mgr de 
Conny a eu l Héssbese nsdieutidu d’en confier la régie à 
M. Talon, qui en est aujourd’hui chargé. ordre re- 
marquable que nous y avons trouvé est Éndestient dû 
aux rares qualités de ce régisseur. 

M. Talon a obtenu presqu’instantanément un résultat 
que la plupart des agriculteurs poursuivent en vain : 
son exploitation est la seule où nous ayons trouvé les 


ET 


métayers marchant de pair avec la réserve. A part les 
bâtiments, qui sont plus vastes dans la réserve, on 
trouve à peine entre celle-ci et les quatre domaines une 
différence appréciable. Ce sont mèmes cultures sarelées, 
même assolement, mêmes récoltes et mème qualité de 
bétail. Aucun domaine n’est en retard, et les observations 
que nous avons à faire s'appliquent indistinctement à 
toute la masse. 

Le terrain de Toury est à pen de chose près aussi 
mauvais que celui de Lécluse. M. Talon y a improvisé 
une belle production fourragère. Les prés naturels oc- 
cupent environ le seizième de la superficie. L’assole- 
ment roule sur sept années, savoir : 1° jachère fumée ; 
2° froment, avec trèfle et ray-grass semés; 30 trèfle et 
ray-grass fauchés ; 4° les mêmes trefles et ray-grass pa- 
cages; 50 avoine ou topinambours; 6° diverses plantes 
fourragères (pommes de terre, vesces, moha, maïs); 
70 froment. En dehors de l’assolement se trouvent les 
iuzernes, de création récente, et dont l'étendue est à peu 
près égale à une sole entière. Il y en a dix hectares dans 
la réserve, huit hectares dans un domaine (celui des 
Bruyères), et à peu près autant à proportion chez les 
autres métayers. — On ne saurait trop insister sur le 
mérite de ces créations de luzernes. Le terrain de Toury 
est rebelle à toute production fourragère. Le succès des 
ray-grass y est précaire. Sans ces luzernes, dont la réus- 
site est une difficulté vaincue, la Fine du bétail ne 
serait jamais assurée. Les plantes sarclées partagées 
entre la cinquième et la sixième année de la rotation, 
occupent dans leur ensemble une étendue à peu près 
égale à celle des luzernes. Elles ne consistent guère qu’en 
pommes de terre et en topinambours. Dans l’état actuel 
du terrain, la betterave serait vraisemblablement peu 
productive. 

Il n'y a encore que deux-hectares drainés dans toute la 


— 993 — 


terre de Toury. En revanche , les défoncements ont été 
pratiqués sur une grande étendue, Tous les labours sont 
remarquablement profonds. Les haies ont été arrachées 
pour faciliter le travail de la charrue. Nous n'avons rien 
à dire des chaulages qui, pour une partie, sont antérieurs 
à l’arrivée de M. Talon. 

Tous les détails de la culture nous ont paru fort soi- 
gnés. Les plantes sarclées, que nous avons vues, étaient 
en bon état de travail et de nettoiement. Les fumiers 
sont employés d'une manière très-judicieuse ; on les 
laisse reposer pendant quinze jours environ dans de 
grandes fosses, où 1ls achèvent de s’imprégner de purin, 
après quoi on les transporte sur les terres pour les en- 
fouir à l’état frais. On doit à M. Talon d’avoir introduit 
dans le pays l’usage de la sape pour moissonner les blés. 
On lui doit aussi l'introduction d’un système de moyettes, 
excellent pour garantir de l'humidité Le blé qui se ré- 
colte dans les saisons pluvieuses. Ces moyettes ne sont 
pas d'invention récente, car elles sont décrites dans le 
Calendrier du Bon cultivateur de Mathieu de Dombasle ; 
mais elles n'avaient pas, nous ignorons pourquoi, pris 
la place qu’elles méritent dans la pratique agricole du 
Bourbonnais. 

Les récoltes en terre que nous avons vues à Toury 
sont loin d’être supérieures à celles que nous ont pré- 
sentées les autres concurrents, mais il est juste de tenir 
compte de la qualité du terrain. Nous avons cherché 
des points de comparaison dans les cultures voisines , et 
nous avons trouvé que, pour une même qualité de terre, 
les meilleurs blés étaient toujours ceux de Toury. Nous 
croyons même que cette supériorité, par rapport aux 
cultures voisines, est plus marquée chez Mgr de Conny 
que chez la plupart des autres concurrents. 

Les bètes à cornes nourries à Toury sont loin de valoir 
celles des Mimorins, et les troupeaux de bêtes ovines ne 


— Ù54 — 


sont pas comparables à celui de M. Bleuart; mais ici en- 
core, l’infériorité de M. Talon est plus apparente que 
réelle. Ses troupeaux, composés primitivement de brebis 
communes, sont améliorés progressivement par un bon 
choix d’étalons. Le progrès est visible à l'œil et il se 
poursuit. Les brebis de race croisée sont déjà bien su- 
périeures à leurs mères, et les béliers southdown sont 
complétement beaux. Sans doute, le résultat eüt été plus 
vite atteint en achetant de toutes pièces un troupeau de 
pure race, mais c’eût été beaucoup plus cher , et, si le 
temps vaut de l’argent, l'argent aussi vaut du temps. Les 
bêtes à cornes sont en progrès comme les brebis, et nous 
croyons qu'avec le temps elles égaleront les meilleures. 
Pourtant nous avons ici une critique sérieuse à formuler : 
à côté d’un taureau charollais suffisamment bon, et qui 
avait le mérite d’être élevé dans lexploitation, on nous 
a présenté un laureau croisé durham, acheté tout exprès 
pour servir dereproducteur, et qui nous a paru manifes- 
tement défectueux. 

Nous devons un élege aux porcs de Toury. Ils sont de 
race berkshire et viennent &e La Saussaye. 

Nous avons trouvé dans la réserve quatre chevaux, 
cinquante-quatre bêtes à cornes, deux cent cinquante 
ovines et dix porcs, le tout équivalant à quatre-vingt 
dix têtes de gros bétail, qui sont nourries sur une étendue 
de cent-vingt hectares, soit environ une tête de bétail 
pour un hectare un tiers. La proportion est un peu 
moindre dans les domaines. 

Les étables de la réserve ont été, pour une partie, cons- 
truites par M. Talon. Leur installation laisse peu de 
chose à désirer. Nous n’en avons pas vu qui fussent mieux 
aérées et plus favorables à la santé du bétail. Nous avons 
remarqué des portes à claire-voie munies de volets, qui 
permettent de faire circuler Pair à volonté. Les veaux 
ne sont pas attachés, mais enfermés deux à deux dars 


, 4 


— 990 — 


des box où ils peuvent se mouvoir. Toute cette construc- 
tion paraît avoir été faite aux moindres frais possible. 
Elle est formée de matériaux communs et n’en comporte 
que la quantité strictement nécessaire. Il nous à semblé 
que les purins provenant de la porcherie auraient pu 
être mieux utilisés. À part cette petite critique , nous ne 
pouvons donner que des éloges à cette partie des travaux 
de M. Talon. 

L’outillage de cette réserve est excellent. Pour éviter 
d’entrer dans de trop longs détails, nous nous bornerons 
à dire qu’il approche beaucoup de celui de M. Bleuart. 

Nous devons encore mentionrer favorablement quel- 
ques créations de routes et une création de huit hectares 
de pins ou d’ailantes faite pour utiliser les plus mauvais 
terrains. 

Enfin, nous croyons devoir appeler Pattention sur 
quelques détails d’organisation : une bonne partie des 
travaux de la réserve se fait à la tâche ; la moisson des 
blés, y compris la ligature des gerbes et la mise en 
moyettes, est payée à raison de 30 fr. par hectare ; la 
récolte des fourrages (fauchaison seulement), coùte 8 fr. 
l’hectare ; les avoines et orges sont fauchées à raison de 
15 fr. l’hectare. Cette manière d'organiser le travail nous 
paraît propre à simplifier de beaucoup la direction et la 
surveillance, tout en évitant une partie des inconvé- 
nients qui sont ordinairement attachés à la culture par 
domestiques. M. Talon a donné un bon exemple en l’ap- 
pliquant dans sa réserve. 

La comptabilité de M. Talon est tenue en partie dou- 
ble. Nous croyons qu’on peut la citer comme un mo- 
dèle. Elle est à la fois si complète qu’il nous parait 
difiicile d'obtenir mieux, et si simple, qu’elle pourrait, 
sans beaucoup de peine, ètre imitée presque partout. Ses 
premiers éléments sont en partie fournis par des notes 
en forme de tableaux, que tout ouvrier capable de tenir 


— 5006 — 


une plume peut apprendre à remplir en moins d’une 
heure, et dont l’invention est due à notre compatriote, 
M. Taizy. Cette comptabilité nous a été montrée sans 
aucune hésitation. Elle justifie de bénéfices surprenants 
pour une exploitation qui est entrée depuis si peu de 
temps dans la voie du progrès. La réserve produit 
8,000 fr. nets, et chacun des domaines 2,800 fr. en 
moyenne, soit environ 48 fr. par hectare dans un pays 
où la moyenne des prix de ferme ne dépasse guère 
25 fr. 

Il convient toutefois de placer ici une observation cri- 
tique. Les dépenses de chaulage ne sont amorties dans la 
comptabilité qu’en quinze années, et les dépenses de 
construction de bâtiments ne sont pas amorties du tout. 
On les considère comme accroissant d’autant, et pour 
toujours, la valeur du fonds. Nous ne saurions en aucune 
facon nous associer à cette manière de voir. Les bäti- 
ments comme tout ce qui est œuvre de l’homme, sont 
sujets à l’usure et à la destruction, et il n’y aura certai- 
nement pas d'exception pour ceux de Toury qui, par de 
sages raisons d'économie, ont été construits sans aucun 
luxe de solidité. Quant à la chaux , son effet dure rare- 
ment quinze ans, et les cultivateurs qui emploient per- 
draient au moins l’intérêt de leur argent, si elle n’était 
pas payée par les produits longtemps avant l’époque où 
son effet cesse. Nous croyons qu’il eüt été d’une meil- 
leure économie d’amortir la chaux en sept ou huit ans, 
et les bâtiments en quinze oa vingt ans tout au plus. 
Le chiffre apparent des bénéfices en eût été quelque peu 
réduit pendant les premières années, mais la marge 
est grande, et ce chiffre réduit nous eùt encore paru fort 
beau. 

Nous terminerons en citant seulement deux chiffres, 
qui peuvent donner une idée des progrès accomplis à 
Toury : 


— 557 — 


Il y a quatre ans, le cheptel réuni de la réserve et des 
trois premiers domaines (nous manquons de renseigne- 
ments sur le quetrième) valait en tout. . 22,200 fr. 

Aujourd’hui, ilvaut . . . . . . 41,900 


Augmentation. . . . . 19,100 fr. 


La valeur de ce cheptel a donc presque doublé en 
quatre ans. 


CONCLUSION. 


Nous espérons que l'exposé qui précède aura sufh 
pour faire comprendre combien notre choix était difficile. 
L’embarras de la Commission devait être grand, si la 
majorité n’eùt tout d’abord été frappée par une considé- 
ration, qui lui a paru décisive : nous n'avons pas à dis- 
cuter le programme qui nous a été tracé, nous avons 
encore moins à le juger, nous avons seulement à l’ap- 
pliquer. S'il nous eùt été simplement enjoint de fixer 
notre choix sur l’exploitation la plus méritante , il est 
probable que nos voix se seraient fort partagées, et que 
plusieurs se seraient portées sur M. de Lécluse, ou peut- 
être sur M. Méplain. Mais telle n’était pas notre mission : 
nous devions désigner l'exploitation qui a fait faire le 
plus de progrès à l'agriculture depuis quatre ans. 

Or, il nous a paru qu’en se plaçant à ce point de vue, 
l'hésitation n’était possible qu'entre lexploitation de 
Lamothe et celle de Toury. Sans doute, on peut discuter 
sur leur mérite intrinsèque. On peut leur reprocher d’a- 
voir trop longtemps cherché leur voie, peut-être mème 
leur opposer quelques revers d’ancienne date, On peut se 
demander si l’effort violent de quatre années doit être 
prisé plus haut que le progrès persévérant, qui a tran- 
quillement marché pendant un quart de siècle; mais 
toute cette discussion est hors de notre cadre et ne nous 
appartient pas. Il est incontestable pour nous que, depuis 


— 558 — 


quatre ans, les progrès les plus rapides ont été accomplis 
par M. Bleuart et par Mgr de Conny. 

Restait à décider entre ces deux derniers concurrents. 
Il nous suffira de mettre leurs titres en parallèle, pour 
faire comprendre ce qui a dicté notre choix : 

L y a chez M. Bleuart quelques parties plus brillantes : 
un troupeau hors ligne , une installation et un ouüllage 
magnifiques, quelques grands travaux, des blés incom- 
parablement plus beaux. Mais le mérite est moindre, là 
où le terrain est meilleur. Toutes les améliorations de 
M. Bleuart sont concentrées dans une réserve, tandis que 
le reste de sa terre est livré à des fermiers. Nous ne 
voyons pas de comptabilité, et nous savons à peine sil 
en existe une. 

Mgr de Conny nous présente une masse de quatre 
cents hectares de mauvais terrains, où la fertilité a été 
créée comme par enchantement. Il a réalisé ce tour de 
force, de lancer à toute vitesse sur le chemin du progrès 
quatre métayers à la fois; de leur faire suivre un asso 
lement uniforme; d'obtenir en moins de quatre années 
des créations telles que huit hectares de luzerne pour un 
seul domaine , et des cultures de plantes sarclées dont 
l'étendue n’est pas beaucoup moindre. Les bâtiments et 
l’outillage de sa réserve ne sont guère inférieurs à ceux 
de son concurrent, et semblent moins coùteux. La 
comptabilité est un modèle que chacun peut suivre, et 
où nous croyons trouver la preuve de bons bénéfices 
acquis. 

Enfin l'exploitation de M. Bleuart est montée sur un 
pied qui n’est pas accessible à tout le monde. Une partie 
des bons exemples qu’il donne peut se trouver perdue, 
faute d’imitateurs assez riches, ou assez hardis pour se 
lancer. — Mgr de Conny est d’une imitation plus facile. 
L'amélioration progressive de son bétail par voie de croi- 
sement, les créations opérées par les mains deses métayers, 


D 0 > 


— 5959 — 


en un mot l'ensemble et les détails de sa culture, semblent 
être plus à la portée de toutes les bourses, sinon de toutes 
les intelligences. Nous croyons que le commun des agri- 
culteurs trouvera plus de choses à imiter chez lui que 
chez M. Bleuart. 

Nous estimons donc que l’exploitation de Mgr de Conny 
est réellement celle qui, depuis quatre années, a fait faire 
le plus de progrès à l’agriculture, et nous avons honneur 
de vous proposer, monsieur le Préfet, de lui décerner la 
médaille d’or. 

Pour la Commission : 


Le Rapporteur, vicomte pe DREUILLE. 


Culture des lupins à fleurs jaunes et de la séradelie 
dans le nord de la Prusse, 


Par le comte DE GOURCY. 


MM. Thaër père et fils, le premier , successeur de son 
père, le célèbre auteur des Principes raisonnés d’agri- 
culture dans la direction &e Moglin, la plus ancienne 
école d'agriculture d'Allemagne, m’ont dit, dans une vi- 
site qu’ils me firent en 1855, des merveillessur la culture 
des lupins à fleurs jaunes. 

Ces récits me furent confirmés par la lecture de plu- 
sieurs brochures destinées à faire connaître cette plante, 
et par la vue d’un très-grand nombre de petits champs 
de lupins jaunes, qui devaient fournir un fourrage très- 
abondant, que je rencontrai, dans mon voyage de 1856, 
dans les sables arides du nord de la Prusse. 

Cet ensemble de renseignements favorables me décida 
à porter à la connaissance de mes compatriotes une dé- 
couverte si utile pour les mauvaises terres non calcaires, 


— 560 — 


en publiant, il y a deux ans, une notice que j'ai 
adressée à cinq cents personnes cultivant des terres sili- 
ceuses. 

Les années 1857 et 1858 ayant été, malheureusement, 
extrêmement sèches, la plupart des essais de culture de 
lupin n’ont pas réussi. Comme j'étais persuadé que cette 
non-réussile n’était due qu’à une température extraor- 
dinaire, et encore à ce qu’on ne connaissait pas bien la 
culture de cette plante , je me suis rendu, l’été dernier, 
dans la partie de la Prusse connue sous le nom de 
l'Altmare, contrée des plus pauvres, où un paysan du 
nom de Borchers (à qui le premier ministre, M. Man- 
teuffel, a donné depuis une grande médaille d’or) avait 
découvert les mérites des lupins à fleurs jaunes , et en 
avait répandu la culture dans ses environs, à partir de 
l’année 1840. Ces mérites sont de donner, dans de très- 
pauvres terres ne contenant point de calcaire, de quatre 
à dix mille kilogrammes par hectare de fourrage sec, 
ayant le très-grand mérite de préserver les bêtes à 
laine de la cachexie aqueuse ; enfin ils produisent de 
trente à quarante hectolitres de graines qui, d’après les 
analyses, contiennent autant d’azote que les féverolles, 
et servent à l’engraissement du bétail. 

Voici ce que j'ai appris chez M. Herman Rimpau, 
propriétaire de la terre de Cunraw , par Klôtz, Altmarc, 
en Prusse : cet habile cultivateur a, dans ses plus mau- 
vais sables , soixante-quinze hectares de lupins à fleurs 
jaunes, et est décidé à porter cette culture à cent hec- 
tares, tant 1l la trouve avantageuse, depuis six ans qu’il 
la adoptée; il en sèmerait une plus grande étendue, 
pour augmenter encore ses bêtes à laine, si le reste de ses 
terres n'avait pasété marné ou chaulé, opération qui em- 
pêche la réussite de cette plante. 

Dans la partie de sa terre qui est trop pauvre pour 
qu'il puisse cultiver la pomme de terre destinée à sa dis- 


— 561 — 


tillerie, M. Rimpau a adopté l’assolement suivant : 
première sole, lupins jaunes; deuxième sole, seigle sur 
une fumure de seize mille kilogrammes, mélangée à 
deux fois son volume de terre tourbeuse ; troisième 
sole, lupins jaunes ; quatrième et cinquième soles, pâ- 
ture de fétuque ovine ; l’assolement recommence ensuite. 
Dans un sable un peu moins mauvais, il y a un autre 
assolement où entre aussi le lupin : première sole, fu- 
mure de seize mille kilogrammes avec trente-deux mè- 
tres de terre tourbeuse, et seigle ; deuxième sole, pom- 
mes de terre avec la même fumure ; troisième sole, lu- 
pins jaunes ou séradelle ; quatrième sole, seigle sans 
fumure; cinquième et sixième soles, pâture de fétuque 
ovine et plantain lancéolé. Dans un troisième assolement, 
fait sur un défrichement de pins âgés de trente ans, qui 
avaient été détruits par une petite chenille, M. Fümpau 
met, la première année, lupins jaunes; deuxième sole, 
pommes de terre avec une fumure pareille à celles citées 
précédemment ; troisième sole, seigle; quatrième et cin— 
quième soles, fétuque. L’époque de semaille des lupins 
jaunes est entre le 15 avril et la mi-mai pour en tirer de 
la semence. Pour en faire du fourrage sec, on peut en 
semer jusqu’en juillet. On les fauche lorsqu'ils sont com- 
plélement défleuris. M. Rimpau en sème jusqu’au 
1° août, pour les faire pâturer par ses nombreuses bêtes 
à laine, dont le chiffre s'élève jusqu’à deux mille huit 
cents, les agneaux compris. l'étendue de la terre de 
Cunraw est de seize cent vingt-cinq hectares, sur les- 
quels il y a peu de bois, car ils viennent mal dans ces 
sables, qui ont une très-grande profondeur. 

Culture des lupins jaunes. — Ce qu'il y a de mieux 
est de labourer très-profondément avant l'hiver; on 
herse avant de les semer, à moins que ce ne soit une 
terre qui se batte, car alors on donnerait un coup 
de scarificateur ; on enterre la semence , qui devra peser 

36 


= moi — 


de cent trente-cinq à cent quatre-vingts kilogranmes, 
par un léger coup de herse; on ne doit pas rouler. Il est 
à désirer que la terre soit propre, et surtout exempte de 
chiendent; mais, si on sème une terre sale , il faut plus 
de semence, afin d’empècher les herbes de prendre le 
dessus pendant la jeunesse des lupins, qui se développent 
lentement. Pour les récolter en semence, il faut les semer 
plus clair dans les terres les plus maigres, et, si cela se 
trouve, à sous-sol ferrugineux, qu’on cherchera à ra- 
mener à la surface par un labour très-profond; on les 
fauche pour semence lorsque les premières gousses mü- 
rissent ; on les laisse quatre jours en andaïins, ensuite on 
les met en petits meulons de soixante centimètres de dia- 
mètre et de trente de hauteur, Au bout de huit jours on 
en prend cinq pour former une moyette non serrée, d’an 
mètre de hauteur sur deux de base. 

On agit de même pour faire sécher les lupins-fourrage 
qui ont été coupés plus tôt, et ces meulons ou moyettes 
peuvent rester jusqu’à ce que la plante soit parfaitement 
sèche, ce qui, par le beau temps, demande de trois se- 
maines à un mois ; et, si le temps est mauvais pendant 
tout le reste de l’automne, ces meulons de fourrage peu- 
vent rester indéfiniment et être consommés au fur et à 
mesure, quoique mouillés, sans nuire aux bêtes à laine. 
Quant aux lupins pour semence, il faut les battre aussi- 
tôt qu'ils sont un peu secs, et les étendre mêlés de leurs 
gousses, au grenier, où ils devront être remués souvent, 
afin d'éviter la moisissure. 

Les énormes champs de lupins jaunes que j'ai encore 
vus sur pied chez M. Rimpau avaient souffert de l’ex- 
trême sécheresse, et avaient cependant, en général, 
quatre-vingts centimètres et même un mètre de haut; 
mais ils étaient très-épais. 

On m'en a fait voir un fort beau champ sur une 
bruyère défrichée deux années auparavant; il avait 


— 503 — 


porté, l’année précédente, un seigle qui avait reçu, par 
hectare, quatre cents kilogrammes d'os pulvérisés. 

M. Rimpau ma dit que cette excellente plante lui 
donnait encore decinq à dix mille kilogrammes par hec- 
lare, suivant les années plus ou moins sèches; car il dit 
qu’il a beaucoup à souffrir de la sécheresse sur ces sables, 
très-perméables jusqu’à une très-grande profondeur. 

On a souvent de la peine à accoutümer les moutons à 
manger les lupins jaunes, car ils sont très-amers. Voici 
les manières de les y habituer qui m’ont été indiquées : 
on leur donne d’abord un peu de graine de lupin dans 
le cours de l’hiver; une fois qu’iis l’auront mangée, ils 
s’accommoderont aussi de la paille des lupins, et, lors- 
qu’on aura du fourrage sec de lupins jaunes, ils finiront 
par le manger facilement en hiver; car les animaux sont 
bien moins délicats pour leurs aliments dans la mauvaise 
saison, Pour ies accoutumer à manger les lupins sur 
pied , il est bon de semer , avec cette plante , de la séra- 
delle où des vesces. On a souvent été obligé de les en- 
voyer huit jours de suite dans un champ de lupins et de 
ies y tenir une couple d'heures, sans qu'ils voulussent y 
toucher. Au bout de ce temps, il y en a qui, par ennui, 
se décident à en manger, et, bientôt après, tous suivent 
leur exemple; une fois qu’ils y sont accoutumés, ils 
les dévorent avec une grande avidité. 

En quittant M. Rimpau, j'ai vu, pendant un voyage 
qui a duré treize heures, une grande quantité de beaux 
petits champs de lupins à fleurs jaunes appartenant aux 
paysans. Cette plante disparaît dans les environs de 
Magdebourg, car les terres y sont marnées ou chaulées. 
Je les ai retrouvées à vingt kilomètres de l’antre côté de 
cette ville, en m’approchant du château de Hundisburg, 
demeure de M. de Nathuzius, le cultivateur le plus pro- 
gressif que j'aie rencontré dans mes quatre voyages en 
Allemagne. 


— 564 — 


Dans une ferme qui est tellement maigre, qu’on n’y 
semait, il y a douze ans, époque à laquelle M. de Na- 
thuzius a connu les lupins jaunes, que du seigle et de la 
fétuque ovine, il cultive depuis lors d’abord du lupir 
jaune, ensuite du seigle, auquel on donne huit à dix 
mille kilogrammes de fumier par hectare, dans lequel 
on sème de la fétuque ovine, qui y reste deux ans, après 
quoi l’assolement recommence. M. de Nathuzius a dans 
cette ferme cent hectares de lupins chaque année, et dans 
la terre qu’il habite une cinquantaine, dans la partie la 
moins fertile et la plus siliceuse. Lorsque j'étais chez lui, 
le temps était pluvieux depuis plusieurs jours , il était 
occupé à rentrer une partie de ses lupins liés en bottes, 
quoique encore humides; il en faisait faire une étroite 
meule, nayant que trois mètres à sa base, et allant de 
suite en se rétrécissant ; elle était posée sur la crête d’une 
colline, afin d’être exposée au vent qui devait sécher les 
bottes à travers la couverture de paille de seigle qu’il 
leur faisait appliquer ; on les amenait du champ dans 
des voitures garnies de toile, afin d'éviter la déperdition 
de la graine, qui se trouvait en abondance dans le fond 
de la voiture; il La faisait mettre, garnie de ses gousses, 
dans un grenier, où elle devait être remuée souvent, 
pour l'empêcher de se moisir. 

M. de Nathuzius m’a assuré, et je lui ai fait répéter, 
de crainte d’erreur de ma part, qu’il avait récolté plu- 
sieurs fois douze mille kilogrammes de cet excellent four- 
rage par hectare. 

Ayant visité M. Villeroy dans sa charmante terre du 
Littershof, non loin de Saarbruck, 1l ma fait voir un 
champ d’une couple d’hectares semé en lupins Jaunes, 
qui avaient plus d’un mètre de hauteur et qui étaient 
très-épais. 

M. de Béhague, au château de Dampierre, près Gien 
(Loiret), cultive des lupins jaunes avec succès depuis 


— 565 — 


deux ans; il m’a dit aussi qu’il pourrait en céder quel- 
ques hectolitres. 

M. Bodin, à l’école d’agriculture des Trois-Croix, 
près de Rennes, ainsi que M. Rieffel, directeur de la 
ferme régionale de Grand-Jouan près Nozay (Loire-Infé- 
rieure), en cultivent aussi depuis deux ans, et en sont 
fort contents. 

Il y en a encore dans les fermes impériales de la Motte- 
Beuvron et de la Grillière, en Sologne, ainsi que dans la 
propriété du Grand-Liau, près de Romorantin, où j'en 
ai vu, l'an dernier, sept hectares, Il doit donc y avoir 
de la graine à vendre. 

Je voudrais aussi recommander aux cultivateurs qui 
ont des terres sablonneuses la culture de la séradelle, 
plante que j'ai vu cultiver à Ostmale dans la Campine, 
chez M. le comte Dubus, dans mon voyage agricole de 
1849. Elle avait été semée d’abord en avril, et le froid 
l'avait détruite. On l’a ressemée, en mai, dans un fond 
de sable des plus mauvais, mais qui avait recu un bon 
labour et une forte fumure, dont la litière n’était que de 
la bruyère. Cette séradelle, dont trente ares avaient déjà 
été coupés pour nourriture verte, avait fourni une quan- 
tité suffisante pour remplir quinze tombereaux attelés 
d’un bon bœuf : cela ferait donc cinquante tombereaux 
pour un hectare. Elle était très--épaisse, et les brins de 
séradelle que j'ai allongés avaient un mètre trente cen- 
timètres de longueur. Le bétail la mangeait avec avidité. 
Je l’ai vu se cultiver, en 1853, dans de très-mauvais 
sables de la Hollande. La seconde coupe avait 45 centi- 
mètres de haut, et était fort épaisse. On fauchait un 
superbe champ de séradelle lorsque je me trouvai chez 
M. Rimpau : elle avait près d’un mètre de hauteur, et se 
trouvait si épaisse, que les faucheurs avaient grande 
peine à la couper. M. Rimpau m'a dit que toutes les 
bêtes de sa ferme en faisaient le plus grand cas. Cette 


— 9566 — 


plante est bonne à faucher pour en faire du foin lorsque 
sa graine entre en maturité, ce que l’on voit lorsque 
ses minces siliques commencent à blanchir; car elle s’é- 
grène très facilement. Lorsqu'on la prend à temps, elle 
donne de deux à quatre cents kilogrammes de graine, et 
il n’en faut que vingt pour ensemencer un hectare. Aussi 
cette graine ne se vend-elle pas cher, et on peut en 
trouver à Paris chez M. Vilmorin. Le produit en foin de 
la séradelle est de quatre à cinq mille kilogrammes par 
hectare. M. Rimpau cultive aussi avec grand succès la 
fléole des prés ou le timothy des Américains dans ses 
meilleures terres, et y récolte jusqu’à quatre milie kilo- 
grammes d’excellent foin. On la sème, dans diverses 
parties du nord de l’Allemagne, dans de fort mauvais 
sables, pour la récolter en graine. 

M. Rimpau cultive encore avee succès le trèfle hybride 
ou de Suède. Cette légumineuse préfère les terres hu- 
mides; il la met dans ses terres tourbeuses. Sa première 
coupe est beaucoup plus abondante que celle du trèfle 
ordinaire ; mais aussi la seconde lui est inférieure. Le 
bétail la mange mieux lorsqu'elle est en pleine fleur. 
Cette espèce de trèfle est bonne à couper pour fourrage 
vert, lorsque le trèfle ordinaire devient trop dur. Le 
trèfle hybride a, en outre, le mérite, assure-t-on, de 
durer aussi longtemps que la luzerne : il est donc bon 
d’en mêler de la semence à celles destinées à former des 
prés ou bien des pätures devant durer plusieurs années. 
J'en ai vu dans le pays de Luxembourg, en 1856, dans 
de fort mauvaises terres, ayant 60 centimètres de haut; 
dans de bonnes terres il avait un mètre, et à l’école royale 
d'agriculture du Wurtemberg, à Hohenheim, il était 
tellement beau, que, lorsqu'on en allongeait les tiges, 
elles avaient un mètre soixante-six de longueur. 

Encore une plante très-recommandable pour les sables, 
c’est la spergule géante. 


— 567 — 


Le sorgho de la Chine, qui se répand en France avee 
un grand succès, est à peine connu en Allemagne, où l’on 
cultive beaucoup le maïs d'Amérique dit dent de cheval, 
dont Hambourg et les autres ports de mer importent 
tous les ans la semence venant de l'Amérique méri- 
dionale. Elle mürirait fort bien en Provence, si on vou- 
lait l’y cultiver. I] donne des tiges de huit à dix 
pieds de hauteur, dont les feuilles sont si larges et les 
tiges si grosses, qu’on en sème des toufles comme orne- 
ment dans les jardins à l’anglaise. Ces deux dernières 
plantes sont très-gourmandes d’engrais, mais elles en 
fournissent énormément. 

Le ray-grass d’ltalie est encore une des meilleures 
plantes pour la nourriture des animaux; il demande 
de fortes fumures et une terre ayant été chaulée ou 
marnée. En l’arrosant avec du purin au moment où la 
végétation cominence, et ensuite chaque fois que le four- 
rage vient d’être emmené, on peut faire au moins cinq 
coupes en été et arriver à un produit de quatre-vingts à 
cent mille kilogrammes de fourrage vert par hectare. Si 
la terre était très-maigre, il faudrait arroser deux fois 
entre chaque coupe. Comme les urines et déjections li- 
quéfiées, même d’un très-nombreux bétail, sont loin de 
suffire pour des irrigations si abondantes, on met trois 
cent cinquante kilogrammes de guano dans autant 
d’hectolitres d’eau, qu’on laisse tremper pendant vingt- 
quatre heures, avant de les employer à arroser un hec- 
tare de ray-grass d'Italie. Un excellent fermier écossais 
emploie huit tonnes de purin, pesant ensemble huit mille 
kilogr., pour arroser ses prés, en mettant cette dose au 
printemps avant la pousse de l'herbe, et la même quan- 
tité après la fenaison. 

Lorsqu'on a de l’urine de cheval, on met deux hecto- 
litres d’eau pour un d’urine; avec celle de bêtes à cornes 
on met cinq hectolitres d’eau pour cinq hectolitres 


— 568 — 


d'urine. Lorsque la sécheresse a trop éclairei le trèfle 
ordinaire, on devra, par un temps humide, y semer du 
ray-grass d'Italie qui viendra très-bien, même sans 
hersage. 

Je finis cette note en engageant les cultivateurs des 
terres légères, qui ne sont pas naturellement calcaires, à 
semer des lupins blancs, pour être enterrés en guise de 
fumure. S'ils sont épais et hauts d’un mètre, ils donne- 
ront une plus belle récolte de seigle que vingt-cinq 
mètres de fumier de ferme. On peut s’en procurer de 
la graine chez M. Bergerand, négociant en grains, à 
Marsigny (Saône-et-Loire), dans les prix de 42 à 15 fr. 
l'hectolitre. 


Association libre de cultivateurs. — Lait, crême et 
beurre. 


L'industrie beurrière est l’une des industries agricoles 
les plus importantes et les plus productives. Cette fabri- 
cation laisse encore beaucoup à désirer dans la majeure 
partie des fermes. — Le choix des vaches, leur nourri- 
ture ; les soins à donner au lait après la traite ; la cons- 
truction et la disposition de la laiterie; l’époque la plus 
favorable pour l’écrémage; les meilleurs instruments à 
employer pour séparer le beurre de la crème ; la tempé- 
rature à laquelle cette opération doit être faite, le 
délaitage du beurre et sa conservation: voilà autant de 
points essentiels qui ne sont encore compris que d’une 
manière insuflisante et sur lesquels il ne paraît pas 
inutile d'appeler l'attention des cultivateurs. 

Le lait abandonné au repos dans un lieu frais et tran- 
quille, au contact de lair, se couvre bientôt d’une 


— 969 — 


couche jaunâtre, onctueuse et épaisse, connue sous le 
nom de crême. Celle-ci étant enlevée, 1l reste un liquide 
d’un blanc bleuâtre, plus lourd et moins consistant, 
qu’on appelle le lait écrémé. 

En laissant le lait écrémé en repos pendant un certain 
temps, on voit se produire un liquide appelé lait caillé 
ou petit lait. 

Il se trouve dans le lait trois corps bien distincts : la 
crême, la caséine et le serum, qu’on parvient à séparer 
du lait par des moyens presque naturels. 

La crême est une substance onctueuse qui augmente 
graduellement de consistance par son exposition à l’air, 
tandis qu’elle moisit à sa surface ; elle perd alors sa 
saveur douce et agréable pour prendre celle des fromages 
gras. 

C’est la crême, considérée dans sa richesse en beurre, 
qui donne au lait sa valeur commerciale : plus'il en ren- 
ferme, plus il est estimé. 

Du beurre. — Le beurre est un produit de nature 
grasse qui, sous la forme de globules, est en suspension 
dans le lait et qui s'élève à la surface, en vertu de sa 
légèreté spécifique, entraïinant avec lui le petit lat, et la 
matière caséeuse, avec lesquels il forme la crême. Les 
globules de matière grasse sont renfermées dans des 
espèces d’enveloppes sphériques très-minces formées par 
la caséine. 

De la crême. — La crème contient donc les mêmes 
principes que le lait ordinaire, mais en proportion diffé- 
rente; la matière grasse y prédomine, et ses parties 
globuleuses, déjà plus rapprochées, ne demandent qu'à 
être mises en contact plus immédiat pour se réunir 
définitivemententre elles, en brisant leur enveloppe et en 
s’isolant des autres substances. C’est ce résultat qu’on 
obtient par le barattage. 

Température de la crême. — Pour que l’aggloméra- 


— 570 — 


ton de globules butireux se fasse plus facilement, il faut 
que la matière grasse ne soit ni trop solide, ni trop 
fluide : par conséquent une température douce qui, sans 
rendre le beurre liquide, l’amollisse cependant assez pour 
permettre aux globules de se coller les uns contre les 
autres , contribue beaucoup à isoler le beurre de la 
crème. Il résulte d'expériences faites par les praticiens 
les plus habiles que la plus grande quantité et la meil- 
leure qualité du beurre sont produites à une température 
de 13 à 14 degrés centigrades. — Une température de 
18 degrés donne déjà un beurre très-inférieur, soit pour 
le goût, soit pour apparence, parce qu’il renferme beau- 
coup de caséine. 

On conçoit très-bien qu’en élevant trop la tempéra- 
ture de la crème on puisse renfermer dans le beurre plus 
ou moins de caséine, que l’eau ensuite ne peut séparer, 
puisque cette substance est insoluble dans l’eau. Or, c’est 
la portion de caséine emprisonnée dans le beurre qui le 
rend plus altérable, et qui lui donne une saveur piquante 
et fromageuse due à la promptitude avec laquelle elle 
fermente dès qu’elle se trouve en contact avec l'air. 

Préparation du beurre au moyen de la crême. — | 
existe deux méthodes généralement répandues pour pré- 
parer le beurre. La plus ordinaire consiste à laisser à la 
crème le temps de se séparer du lait, à prendre cetie 
crème et à la battre pour en séparer le beurre. Si l’on 
n'obtient pas ainsi le produit le plus délicat possible, on 
en récolte du moins une plus grande quantité. Dans les 
essais faits en grand, on a trouvé que vingt-deux litres 
de lait, tirés depuis vingt-quatre heures, donnent envi- 
ron deux litres soixante-quinze de crème et près d’un 
kilo de beurre de bonne qualité après un heure de 
barattage. 

Préparation du beurre au moyen du lait frais. — 
Par l’autre procédé, qui emploie le lait frais et le soumet 


— 971 — 


au barattage aussitôt après qu’il a été trait, on n’a obtenu 
de vingt-deux litres de lait et après une beure de travail, 
qne six cent deux grammes de beurre. Dans une expé- 
rience faite à Gournay-en-Bray en 1856, devant l’Asso- 
ciation normande, au moyen de la baratte suédoise, 
M. Girard, qui a perfectionné cet instrument et qui 
présidait lui-même aux opérations, ne put retirer de 
douze litres de lait frais que deux cent cinquante grammes 
de beurre. 

Il est juste de dire, à l'avantage de ce dernier mode, 
qu’en employant un lait de bonne qualité, on obtient un 
produit irréprochable sous le rapport du goût. Au reste, 
le beurre de la Prévalaye, près de Rennes, dont tout le 
monde connait la réputation, et une partie des beurres 
de Bretagne sont préparés de cette manière. Je dois 
ajouter que le beurre obtenu directement du lait frais se 
conserve plus difficilement que celui qu’on retire de la 
crème, et qu’il exige des soins de toute sorte dans sa 
fabrication. 

Conditions que doivent offrir les appareils employés 
pour extraire le beurre. — Quel que soit le mode em- 
ployé pour extraire le beurre, les appareils dont on se 
sert à cet effet pourraient être partout les mêmes. Les 
plus simples et les moins chers sont en même temps les 
meilleurs ; mais ils doivent remplir, quant à leur cons- 
truction, les conditions suivantes : 

1° Si l'appareil est en bois, il faut avoir soin de choisir 
du bois bien sec, homogène, et qui ne communique 
aucun goût ni aucune odeur au produit; il doit être 
cerclé en fer. — On en construit aussi de très-bons en 
fer-blanc. 

2° Etre facile à nettoyer, à visiter intérieurement et à 
faire sécher promptement ; 

3° Etre construit avec beaucoup de précision, toutes 
les pièces joignant avec exactitude ; — avoir le moins 


— 972 — 


possible d’angles aigus, de vides, de fissures et de 
réduits ; 

49 Permettre un écoulement facile du petit lait, un 
lavage parfait et l’enlèvement facile du beurre ; 

50 Offrir des moyens prompts et sûrs de réunir le 
beurre, une fois qu’il est formé, en une seule masse 
solide ; 

60 Donner accès à l’air et permettre son renouvelle- 
ment ; 

7° Exiger le moins possible de force pour transformer 
en beurre une quantité donnée de crème ; 

8° Permettre un mouvement lent, régulier et mesuré. 
Le défaut de la plupart des barattes tournantes, c’est 
la disposition qu’elles offrent à prendre un mouvement 
trop rapide. 

Vitesse de battage. — Le battage de la crème ne doit 
se faire ni trop vite, ni trop lentement. Dans le premier 
cas, le beurre perd de son arôme et contracte même 
quelquefois un mauvais goût; dans le second cas, le 
beurre se forme difficilement et n’a plus la qualité supé- 
rieure qu’on recherche. Au reste, plus la température 
est basse, plus le battage peut être vif. 

Température. — Le point important, c'est d’opérer le 
battage à une température qui ne dépasse pas 13 à 14 
degrés centigrades. Or, pour rester toujours dans ces 
limites de température, il y a quelques précautions à 
prendre. Ainsi, en hiver, il faut chauffer la baratte avant 
d’y introduire la crème, soit en approchant l’appareil à 
quelque distance du foyer, soit en le plongeant dans 
l’eau tiède ou chaude pendant un quart d'heure ou une 
demi-heure, A cette époque de l’année, c’est vers le mi- 
lieu du jour qu’on bat la crème. 

En été, il faut opérer dans le moment le plus frais de 
la journée, le matin ou le soir, et dans la partie la plus 
froide de l'habitation. Pour plus de sûreté, 1l est conve- 


and 


— 573 — 


nable de rafraichir la baratte en y laissant séjourner de 
l'eau fraiche avant d'y introduire la crême, et même, 
pendant le battage, de l’entourer de linge humide, ou 
de la plonger dans un baquet plein d’eau froide. Une 
baratte offrant deux enveloppes constituant une capacité 
moyenne dans laquelle on placerait de l’eau chaude en 
hiver, de l’eau froide en été, est à coup sûr préférable 
à toutes les autres, puisqu'on peut alors rester toujours 
facilement à la température de 13 à 14 degrés. 

Beurre fin. — La jeune crème est seule propre à faire 
du beurre extrèmement fin; c’est à son emploi que la 
Normandie et la Bretagne doivent l'excellence de leurs 
beurres. On doit battre tous les jours quand cela est pos- 
sible, quoique la crème très-récente exige plus de tra- 
vail pour être convertie en beurre eten fournisse moins 
que la crème très-épaisse. Généralement, dans les temps 
chauds, la crème ne doit pas rester plus de vingt-quatre 
heures, et en hiver plus de deux à trois jours, par une 
température modérée, sans être battue. Dans le Bessin, 
pour obtenir le beurre de choix, on enlève la première 
crème montée après quelques heures de repos à la sur- 
face du lait. Ce procédé donne peu de beurre, mais celui- 
ei offre un arôme fin et un goût exquis. 

D’après toutes les observations fournies, tant par la 
science que par la pratique, on peut établir ceci en prin- 
cipe : un lait étant donné, le beurre que l’on en retire 
pour l’usage de l’économie domestique sera d’une qualité 
d’autant meilleure, toutes circonstances égales, d’ailleurs, 
qu’il aura été extrait d’un liquide se rapprochant davan- 
tage de l’état de fluidité du lait ; alors il sera en moindre 
quantité. La proportion obtenue sera, au contraire, 
d'autant plus grande que la crème qui aura servi à le 
préparer sera plus épaisse, mais alors la qualité sera 
moindre. 


Le producteur peut donc se régler d’après ce principe 


— 74 — 


et faire, à volonté, ou du beurre fin ou du beurre com- 
mun, suivant ses intérêts pécuniaires. 

En général, plus l’on opère sur de grandes masses, 
plus la formation du beurre est facile, meilleure aussi 
est sa qualité. 

Délailage. — Le délaitage, opération par laquelle on 
sépare les dernières portions de lait retenues dans les 
interstices du beurre, a une très-grande importance. En 
effet, si on laissait du serum ct du caséum dans le beurre 
celui ne tarderait pas à s’altérer, à rancir. Le délaitage 
se fait en pétrissant le beurre avec ou sans eau, soit avec 
les mains, soit au moyen d’un rouleau en bois ou de 
battes. 

Dans quelques pays, pour conserver au beurre tout 
son arôme, on extrait le lait du beurre sans employer 
d’eau ; pour cela on le pétrit à sec et on le comprime au 
moyen d'une presse. Il vaut mieux toutefois, tout en 
pétrissant le beurre, l’immerger de temps à autre dans 
l’eau pure. 

Le bon lavage des beurres a une telle importance qu’il 
leur fait souvent acquérir une valeur de 50 à 60 cen- 
times de plus par kilogramime sur les marchés. 

On peut estimer que le beurre brut contient environ 
les trois quarts de son poids de beurre pur, le surplus 
étant formé de serum et d’un peu de caséine. 

Dans tous les cas, le beurre préparé en grand, retient 
moins d’eau et de caséine que le beurre qui est préparé 
en petit. 

Au reste, plus le beurre a été produit à une tempéra- 
ture élevée, plus il retient obstinément de la caséine que 
les lavages ne peuvent enlever et qui lui communique 
de mauvaises qualités. Un moyen aussi simple qu’expé- 
ditif de dépouiller le beurre du caséum qu'il retient ainsi 
emprisonné, serait de le laver avec une eau légèrement 
alcaline, c’est-à-dire renfermant un peu de bicarbonate 


DE 


— 575 — 


de soude, qui dissout parfaitement bien ce principe 
étranger au beurre. 

Quantitéde lait nécessaire pour obtenir un kilogramme 
de beurre. — La quantité de lait nécessaire pour obtenir 
un kilogramme de beurre dépend de la richesse du lait, 
de la manière de former et de recueillir la crème, et de 
la méthode adoptée pour le battage. Voici des résultats 
constatés dans divers pays par les méthodes les plus 
usuelles et pour un kilogramme de beurre. 

Vaches de Jersey (Girardin et Morièrez . de13à16lit. 
Salzbourg, dans les Alpes (Burger) et vaches 


de Bretagne . . urnes 18 
Suisse, HautotsA pes (Héphior). EAU. 13 
Angleterre, bonnes vaches de Devonshire . 20 


Frais Hole Vaches nourries de regain 
etun kilo de’‘tourteau de lin (Mathieu de 


Dombasle) . . . . dub acte 21 
Angleterre, Sussex (W. Cramp) bEogils 22 
Sie Hofwrick (Schwertz} acte sde 26 
Sue (Dick) + EUREy 2008 4 . ‘. =. 26 
Saxe, Altembourg (Smalz). . . . . . 26 
Weimar (baron de Reidesel) . . . . . 28 
Wuëtemberg (Pabst) es 061 saga) ,0) bu 28 
Prusse (Thaër) le SGAt O8v 8 ANNE 28 
Voigtland (Bohesbar: rreo[léiren Ju saut 29 
Holstein (LénkerkeM lis) ‘arbirmout. 2106 29 
Daxeipasse: (Never) :n0e0(L venu 1 80e 29 
Belgique (Schwertg}cll 4 .rohonnt MU 30 
Angléterre; Glowcester . . .,... 0}, 30 
Flandre PEN x tal el ay 31 
Suisse, Glaris (Steinmuller) He? note: 35 
Saxe (Hark) st: Ve rovenr sl 36 
Suisse, Hoffwick (Schubler) DU 39 


La moyenne est vingt-huit litres, Re trente-cinq 
grammes et demi par litre. Un lait dont il ne faut que 


— 576 — 


dix-huit à vingt litres pour faire la même quantité de 
beurre est d’une très-grande richesse ; on en rencontre 
plus communément qui exige de trente-deux à trente- 
quatre litres. 

Quantité de beurre fournie annuellement par les 
vaches. — Plusieurs agronomes ont fait connaître la 
quantité de beurre fournie par jour par les vaches ; mais 
cette manière d'estimer le produit est peu rigoureuse par 
suite des circonstances très-variables de la saison, de 
l'état de santé de l'animal, de la température. 1] y a plus 
d’exactitude à faire connaître le produit annuel, dont 
voici la moyenne pour divers pays : 

Vaches des environs de Berlin (Thaër), terme 

moyen . $ AU QÙ AMTORy SRE 44 kil. 
Vaches du Hdi (Langerke) HV SIREN 252 

— de Roville (Mathieu de Dombasle) . 50 

— de Suftolk, dans la laiterie du duc de 


Richemond . {qeit 6) Zee 66 
— d'Angleterre, terme moyen . . . 68 
— — les bonnes vaches. . 82 
— de Hollande. .. . : UT: 70 
— de Flandre, avec nourr HS . 

abondante, terme moyen . . . 65 
— de Flandre, avec nourriture plus co- 

pieuse et meilleure, terme moyen. 86 


—  d'Epping, troupeaux mélangés de 
vaches de races de Devon, de Suf- 
folk, de Leicester, de Hoïderness 


et d’Ecosse me 96 
Dans les polders de la Pine : de e SL 
lande, les bonnes vaches donnent jusqu’à 130 


Une vache de Sussex a donné, pendant l'es- 

pace de huit ans, 1,952 kilos de n. 

ou, terme moyen, par an . . 244 
Les bots vaches de Jersey Dre an 2 


s 


— 9577 — 


Détermination de la richesse du lait en beurre. — 
M. Marchand, de Fécamp, a fait connaître, en 1854, 
une méthode très-prompte pour déterminer la richesse 
en beurre d’un lait donné. Le dosage est effectué en quel- 
ques minutes au moyen d’un instrument que son inven- 
teur a nommé /acto-butiromètre, et que M. Salleron, 
ingénieur-opticien à Paris, a modifié de manière à en 
rendre l'adoption facile dans les fermes. 

Beurre de vaches nourries à l'étable. — Quelques 
auteurs ont avancé que, d’après les expériences faites, 
principalement dans le Holstein, le beurre produit par 
les vaches nourries à l’étable n’a pas la même qualité et 
ne se conserve pas aussi bien que celui des vaches nour- 
ries au paturage. 

Dans les étables mal disposées, mal ventilées, et où 
les vaches respirent continuellement un mauvais air, il 
est certain que les animaux donnent peu de lait et du 
beurre de mauvaise qualité; mais dans les étables bien 
entendues, là où les vaches sont bien dirigées et bien 
nourries, le beurre frais est de bonne qualité. Quant à 
la faculté de se conserver plus ou moins longtemps, il n’y 
a vraiment pas d'expériences précises à cet égard. Au 
reste, la qualité du beurre obtenu à l’étable dépend en- 
tièrement de la nature des aliments consommés. 

Influence des aliments. — En général, les nourri- 
tures sèches sont moins convenabies que les nourritures 
humides; celles-ci favorisent le production du lait et 
concourent à conserver à ce produit la matière butireuse 
d’assez bonne qualité. La carotte et le panais, trop peu 
cultivés, sont souvent les aliments qui procurent le meil- 
leur beurre. 

Les mauvais effets de la nourriture se font aussi 
remarquer lorsqu'on nourrit longtemps avec une seule 
espèce de plante; les tourteaux de navette, de colza, 


introduits en proportions notables dans la ration alimen- 
37 


— 578 — 


taire des vaches, leur font donner un beurre plus fluide 
et qui possède à un point intolérable la saveur propre 
aux huiles de navette et de coiza. 

Beurre rance. — Quelque soin que l’on prenne, le 
beurre devient parfois rance, surtout en été, Un moyen 
bien simple d’enlever au beurre sa raneidité consiste à le 
pétrir avec une eau légèrement alcaline, renfermant un 
peu de bicarbonate de soude qui dissout parfaitement 
bien les matières (acide butirique et caséine) qui donnent 
au beurre rance une saveur détestable. Lorsque cette 
saveur à disparu par un lavage suflisant, on pétrit le 
beurre à plusieurs reprises dans l’eau froide, puis on le 
sale immédiatement. 

C’est aujourd’hui un fait réputé incontestable dans le 
Bessin, que plus la crème est fraiche, c’est-à-dire de date 
récente, plus le beurre est délicat. Aussi s’eflorce-t-on 
de faire le beurre le plus souvent possible. Dans les 
grandes fermes, on le fait deux fois par semaine, et 
mème souvent trois fois, lorsqu'on en a les éléments. 

Si la propreté, les soins assidus exercent une grande 
influence sur la qualité du beurre, il est notoire que ja 
nature du sol et le choix des aliments contribuent égale- 
ment à la supériorité ou à la médiocrité de cette denrée. 

Le panais, trop peu cultivé, et la carotte fournissent 
un beurre riche. Le sainfoin est dans ce sens une excel- 
lente plante fouxragère ; la meilleure nourriture est 
l'herbe, dont les fermiers intelligents font, si le climat le 
permet, des réserves pour l’hiver, afin d’avoir un beurre 
de choix. 

Quant au sol, on pense dans le Bessin que les vaches 
nourries dans les pays marécageux donnent un lait moins 
riche en crème que celles qui paissent dans des contrées 
moins humides, — que les herbages dans les terres 
fortes sont favorables à la production de la crème; — 


— 579 — 


que le sol contenant du calcaire donne en général un 
beurre délicat et fin. 

A la conférence si intéressante el si instructive de 
M. Morière, dont nous avons extrait les passages prin- 
cipaux, nous nous permettrons d’ajouter quelques faits 
pratiques annotés à la ferme Britanmia où l’on opère 
sur de la crème obtenue de vingt-quatre vaches; ces faits, 
nous les résumons en peu de lignes: 

La betterave globe jaune ou le navet jaune d’ Aberdeen, 
fermentée à froid en y ajoutant 10 0/9 de foin de luzerne 
mélangé à un peu de balle de froment ou de capsules de 
lin, augmente, durant l'hiver, sensiblement à quantité 
du lait et améliore la crème ; — de toutes les barattes 
dont il a été fait usage, aucune n’a donné d'aussi bons 
résultats que celle de Girard; c’est celle dont parle 
M. Morière dans sa conférence, c’est celle qui offre deux 
enveloppes, ce qui permet d'obtenir facilement une tem- 
pérature de 13 à 14 degrés centigrades ; c’est celle encore 
qui donne accès à l’air et en opère le renouvellement. 
Les ustensiles de laiterie de Girard sont d’un nettoyage 
facile, suppriment tout écrémage à la main, main qui 
n’est pas toujours d’une blancheur parfaite ; ils écono— 
misent encore considérablement la main-d'œuvre, aussi 
les avons-nous vus adopter avec empressement par une 
des fermières des environs de Dixmude qui fournit d’ex- 
cellent beurre, M*° Ch. Misselyn, de Nieucappelle. 


Ghistelles, 1er octobre 1867, 
Le Secrétaire, P. BorTiEr 


Le Président, VANDEKERCKHOVE. 


FIN. 


BINDING ©77T MAR 28 1969 


€ Gourcy, Conrad 
463 Excursions agricoles 


U 


Bivigical 
& Medical 


PLEASE DO NOT REMOVE 
CARDS OR SLIPS FROM THIS POCKET 


UNIVERSITY OF TORONTO LIBRARY 


D 
CT 
ne 


Ji 
2 


IT Re 4 
Mantes 


$ 
€ 


2 
NA 


SR 


cos 


+