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Full text of "Expédition de Chine"

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C^/<5(5i3«^ 



l^arbart! Collège librars 




FROM THE GIFT OF 

Harold Jefferson Coolidge 

(CUm of X893) 

OK BOSTON 

For the purchase of Books relating to China 




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EXPÈDlTIOx^ 



DE CHINE 



l»AU 



PAUL VARIN 




PARIS 

MICHEL LÉVY FRÈRES, LIBRAIRES-ÉDITEURS 

nOK VITIENNB, 2 BIS 



1862 



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EXPÉDITION 



DE CHINE 



Digitized by VjOOQIC j 



PARIS 

IlfPBIICBRIB DX L. TJKTERL1H ET C* 

rue Neuve- 3c8- Bons- Enfants, 3. 



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EXPÉDITION 



DE CHINE 



PAR 



PAUL VARIN 




<€illlPI^Î> 



PARIS 

MICHEL LÉVY FRÈRES, LIBRAIRES-ÉDITEURS, 

■ CE TITIKMNI, S BIS 

1862 
T«u ittUft t<MrT(i 



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ei>/o^.^tr 







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1 



EXPÉDITION 



DE CHINE 



-m^- 



. Il est trop tôt pour juger l'expédition de Chine Avant-propos. 
et même pour hasarder une opinion sur sa por- 
tée future. Mais, si l'avenir n'en fait pas un grand 
événement politique et commercial, il n'est pas 
douteux que l'entrée d'une armée française dans 
Pé-king, restera comme la plus singulière aven- 
ture de notre époque. 

Sans donc nous préoccuper de ce que pro- 
duira cette expédition et du nom qu'elle méritera 
plus tard, nous avons résolu, dans le récit qui va 
suivre, de nous en tenir au simple exposé des 
travaux militaires, à la suite desquels une poignée 
de soldats français et anglais sont entrés dans la 



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— 6 — 

Année 1857. Capitale de l'étonnant monarque qui prétend com- 
mander aux dix mille royaumes existant sous le 
ciel, mais qui, en réalité, préside» aux destinées 
de quatre à cinq cents millions d'hommes. 

Tout le monde sait que depuis longtemps les 
grandes puissances de l'Occident ont cherché à 
pénétrer dans l'Empire chinois, et que la Chine 
s'est toujours ingéniée, du mieux qu'elle a pu, a se 
murer. 

Que Ton approuve l'initiative de ces puissances 
s'acharnant, dans un but civilisateur ou tout au- 
tre, à forcer des barrières élevées, suivant elles, 
par l'ignorance et la barbarie, — ou que l'on 
condamne l'entêtement des Chinois à fuir toutes 
relations intimes avec eHes, — il faut voir dans 
le besoin d'expansion qui tourmente les puis- 
sances maritimes de l'Europe, la raison déter- 
minante de tous leurs différends avec le Cé- 
leste-Empire. 

Ceci dit, afin de n'avoir rien à démêler avec 
les notes diplomatiques, dans lesquelles la vérité 
est autant défigurée en Chine qu'en Europe, selon 
les intérêts du moment, — nous arriverons im- 
^médiatement a l'année 1857, où le malentendu 
était si vif entre les Chinois et les Anglais réunis 
aux Français, que ces derniers s'étaient vus dans 

de Canton. la uéccssité de s'emparer de la ville de Canton. 



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— 7 — 

La cause directe de l'expédition de 1860 re- ^nné* iss?. 
montant aux événements de cette époque, il est 
indispensable de rappeler ici l'incident qui a pro- 
voqué cette expédition. 



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D4owibjr9lS57. 



II 



Négociations Après la prise de la ville de Canton, qui eut lieu, 
les Chinois, j^ 59 décembre, par les troupes anglaises et fran- 
çaises, aux ordres des amiraux Seymour etRigault 
de Genouilly, des propositions de paix furent 
échangées entre les puissances belligérantes. 

Le mandarin Ych, gouverneur des deuxKouang, 
Kouang-loung et Kouang-si, qui avait arrêté les 
premières conventions avec nos ambassadeurs, — 
lord Elgin pour l'Angleterre, et le baron Gros 
pour la France, — fut dégradé, et le mandarin 
Peh-kwé fut désigné à sa place pour continuer les 
négociations. 

Les circonvolutions ordinaires de la diplomatie 
chinoise se prolongeant indéfiniment, les ambas- 
sadeurs de France et d'Angleterre signifièrent à 
son représentant quMls étaient à bout de patience 



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-^ 9 — 
et qu^une plus longue hésilatton à conclure en^ iB^s.'^nin. 
traînerait la reprise des hostilités. 

Effrayé de sa responsabilité dans une conjonc* 
ture aussi pressante, le mandarin Peh-Kwé de- 
manda et obtint un nouveau délai pour en réfé- 
rer à son gouvernement. Le 9 juin arrivèrent les 
deux grands dignitaires Kouei et Haoua* 

Après quelques pourparlers avec eux, nos am- Rnptnre 
bassadeurs s'aperçurent que la présence dés en- négociations. 
Toyés chinois n'était qu'une ruse pour gagner 
encore du temps^ et comme il importait d'en 
finir, ils rompirent brusquement les conférences 
et les hostilités recommencèrent. On se porta sur f^^J^p^lSi. 
les forts de Pé*ho, et on les enleva. 

Cet acte de vigueur mit fin aux tergiversations 
du gouvernement chinois. Le 27 juin les bases 
d'un traité de paix furent signées dans la ville de Traité 

^ ^ de Tien-sin. 

Tien-sin, et l'on convint que les ambassadeurs 
des deux puissances alliées seraient reçus à Pé- 
king pour y échangei^ les ratifications du traité. 

Une année presque entière s'écoula avant qu'on i859.-*Tuin. 
fût en mesure de remplir cette formalité. 

Enfin, tout étant prêt dans le courant de juin , Les 

* * plénipoten- 

4859, le ministre de France, M. de Bourboulon, à ^'f^ *"«**^» 

' ' 'et français se 

bord du Duchayla^ et M. Bruce, ministre d'An- ""^J^^o*'' 
gle terre, à bord de la Magicienne^ suivis, le pre* ^°"'' P^-king. 
mier, par le Norzangaray^ le second, par le Co- 



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~ 10 — 
Année IHS9. romatidel, se mirent en route pour Pé-king sous 
la protection d'une escadre de sept bâtiments à 
vapeur, dix canonnières et deux transports, com- 
mandés par l'amiral Hope. 

Le 20 juin, Ton atteignit les forts de Pé-ho, 
enlevés si brillamment l'année précédente. 

Ces forts, en la possession desquels les Chinois 
étaient rentrés après le traité signé à Tien-sin, 
commandent Tembouchure du fleuve dont ils 
portent le nom, et que nos ambassadeurs devaient 
remonter pour se rendre à Pé-king. 

Il était donc naturel qu'ils en trouvassent l'enr 
trée ouverte, — leur mission étant connue et ré- 
sultant d'une convention. Mais, soit que le gou- 
vernement chinois eût changé d'avis, et qu'alors 
le commandant de ces forts n'eût obéi qu'à ses 
instructions, soit, au contraire, que le comman- 
dant, jugeant les forces dont nos ambassadeurs 
' étaient suivis, comme dépassant les proportions 
d'une simple escorte d'honneur, eût pris sur lui 
Le pftjaage du d'en affir ainsi, l'on trouva le fleuve fermé et un 
leur o»t refusé, refus de passage quand on se présenta. 

La situation devint embarrassante. Tenter la 
voie des négociations pour en sortir, c'était, avec 
les habitudes de temporisation des Chinois, se 
placer devant Une expectative indéfinie ; se retirer 
comme on était venu, cVlnit une concession hu- 



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du fleuve. 



— il — 

miliante à laquelle on ne pouvait songer, à laquelle ""^^^éTiBsôr 
on ne songea même pas ; restait donc l'emploi on adopte le 

parti de 

de la force. L'amiral Hope estimant ses moyens forcer rentrée 

* •' An Haiiva. 

suffisants pour s'ouvrir l'entrée du fleuve , on 
adopta ce dernier parti. En conséquence , le 
22 juin, on fît préalablement sommer les Chinois 
de nous livrer passage» et comme onn^en recul 
aucune réponse, on se prépara à l'attaque. 

Les journées du 23 et du 21 furent employées 
aux préparatifs. 

Les Chinois, depuis leur réinstallation dans les 
forts du Pé'ho, a valent considérablement augmenté 
et perfectionné leurs défenses. 

Trois estacades barraient la rivière en aval des 
forts. La première se composait de grands pieux 
en fer présentant des pointes acérées aux assail- 
lants; la deuxième était formée de solides ma- 
driers reliés par des chaînes de fer et reposant sur 
des pilotis enfoncés dans le lit de la rivière; la 
troisième, enfîn, offrait l'aspect d'un immense 
radeau noué par des attaches de fort calibre et re- 
posait comme la seconde eslacade sur des pilotis. 
— Outre ces conditions de solidité, les chaînes 
qui reliaient' les deuxième et troisième estacades» 
étaient assujetties de chaque côté du fleuve à des 
ancres énormes profondément descendues dans 
la vase. 



FormidaUes 

défenses 

des 

forts du Pé-bo. 



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forts du Pé-lio, 

JUÏB, 



— i2 — 
A^ïsiiT La vue de ces formidables défenses ne modifia 
Attaque ^D rîen la décision de l'amiral anglais, et, le 23, 
le Norzangaray s'établissait en deçà de la barre. 

Dans les journées du 24 et du 25, de nombreuses 
embarcations anglaises franchirent la première 
estacade et travaillèrent, sans être dérangées par 
les Chinois, à renverser la deuxième. Une bonne 
partie de celle-ci était détruite, lorsque le gou- 
verneur du Pé-tchi-li, donnant enfin signe de 
vie, envoya une lettre à l'amiral anglais, en ré- 
ponse à sa sommation du 20. 

Rien n'indiquant dans cette lettre un change- 
ment dans les intentions de l'ennemi^ l'amiral 
Hope poursuivit les opérations commencées, et, 
monté sur le Plover, suivi de V Opossum, il alla 
hardiment amarrer ses deux navires aux pieux 
de la première estacade, afin de les arracher par 
Timpulsion de la vapeur. 

Les forts du Pé-ho, qui jusqu'à ce moment 
étaient restés silencieux, ouvrirent alors un feu 
des mieux réglés et tellement meurtrier sur ces 
deux navires, que l'amiral anglais fut obligé de 
les abandonner, et de gagner de sa personne lé 
Cormoran, dans la baleinière du capitaine de 
frégate Tricault, commandant le navire français 
le Duchayla. 

Le feu devint alors terrible de part et d'autre, 



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-^ 13 -- 
mais malheureusement inégal dans ses résultats. 
Resserrés dans l'espace compris entre la première 
et la deuxième estacade, point sur lequel l'ennemi 
avait réglé son tir, les navires de nos alliés étaient 
écrasés sans pouvoir rendre à Tennemi, abrité der- 
rière ses murailles^ le mal qu'ils en recevaient. 

Vers la fin dujour^ leur position devint intena- 
ble et leur attaque sans espoir. On songea alors 
à tenter les chances d'un débarquement. Cette 
opération était des plus difficiles à cause de la na- 
ture marécageuse du terrain qu'on avait à parcou- 
rir pour arriver aux forts. Mais le succès de la 
journée était si compromis, qu'on n'hésita pas à 
tout affronter pour le ressaisir. Tout étant disposé 
à cet effet, le capitaine de frégate Tricault, chargé 
de diriger l'opération, se jeta en avant avec la 
plus grande intrépidité et, suivi par ses troupes, 
atteignit sous une grêle de projectiles les fossés 
des forts. Ëpuisés, haletants, plongés dans la vase 
jusqu'à la ceinture, officiers et soldats durent re- 
noncer à les franchir. Toutefois, soutenues par 
leurs chefs, ces braves troupes que la délériora- 
tion des munitions, privait de l'usage de leurs 
armes, firent des efforts inouïs pour se maintenir 
dans la position qu'elles avaient gagnée. Mais la 
lutte n'était plis longtemps soutenable dans de 
pareilles conditions: il fallut se retirer. 



Année ld59. 



Débarqaement 

des 
troupes alliées. 



Les troupes ne 

peuvent 

franchir les 

fossés des forts 

et 

se retirent. 



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Année 1859. 

Pertes de la 
journée. 



La 

itotte anglaise 

retourne 

à ShangaT. 



Effet produit 

en France 

.et 

en Angleterre 

par Vécheo 

du Pé-ho. 



Le 

gouvernement 

français 

décide 

Pexpédition 

de Chine. 



— 4A — 

Les pertes de la journée furent énormes. 450 
Anglais tant marins que soldats, et parmi eux 
l'amiral Hope, 15 Français et le commandant 
Tricault, étaient hors de combat. 

La flotte, outre trois canonnières coulées par 
le feu de l'ennemi, avait reçu des avaries considé- 
rables. 

La tentative ayant échoué et ne pouvant 
plus être renouvelée vu Taffaiblissement de nos 
moyens^ on se retira sur Shangaï. 

Ce grave échec, dû au trop grand ipépris dans 
lequel on avait, jusqu'à ce jour, tenu les Chinois, 
que Ton considérait comme un peuple dépourvu 
de toute valeur militaire, causa une grande sensa- 
tion en Angleterre. Moindre en France, à cause du 
petit effectif de forces françaises qui prirent part à 
cette malheureuse affaire, l'impression qu'elle y 
produisit ne resta pas cependant sans effet. 

Le pavillon anglais, il est vrai, avait presque 
seul été atteint ; mais il suffisait qu'un seul de nos 
vapeurs, envoyé dans un but tout pacifique, eût 
été mêlé à la lutte, pour que l'injure devint com- 
mune et que la France réclamât le droit d'aller 
venger l'affront fait a ses couleurs. 

Ce fut sous l'influence de cette généreuse pen- 
sée que l'expédition de Chine fut décidée. 



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Année 1859. 



III 



L'organisation d'une flotte et d'une armée des- Difficultés qnt 

o présente 

tinées à une expédition lointaine est une œuvre ^^^'^^^^^^^^ 
plus difficile qu'on ne le croit généralement. Le îo^toiSS^ 
choix des chefs, la valeur des hommes, les ins- 
tructions claires et précises qui règlent les éven- 
tualités et évitent les conflits, les précautions hy- 
giéniques à prescrire, la qualité et la quantité de 
matériel de toute nature à transporter, tout cela 
constitue un ensemble d'appréciations morales et 
de détails spéciaux, qui, pour être bien combiné, 
exige un grand tact et surtout une grande expé- 
rience. 

Mais si l'accomplissement d'une pareille œuvre 
n'est pas facile quand on jouit de toute liberté 
d'action, lesdifficultés qu'elle présente augmentent 
singulièrement lorsqu'on est obligé d'en subor- 



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Année 18($9. 



Le» projets 

du 

gouvernement 

français 
éveillent les 
susceptibilités 

du 

gouvernement 

anglais. 



— 16 — 
donner Texécution et l'étendue aux exigences 
d'un allié ombrageux. 

Quoique satisfaite de notre détermination à par- 
tager avec elle les hasards d'une nouvelle expédi- 
tion en Chine, l'Angleterre^ cependant, ne vit pas 
sans appréhension les proportions que le gouver- 
nement français travaillait à donner à son apport 
dans l'association. Jalouse de conserver intacte 
l'influence supérieure qu'a toujours exercée son 
pavillon dansées lointains climats, si l'égalité de 
nos forces avec les siennes devait la froisser, à 
plus forte raison devait-elle récuser un concours 
qui menaçait de dépasser les forces dont elle pou* 
vait disposer elle-même. 

Le gouvernement français, dans l'intérêt du 
maintien de ses relations amicales avec elle, fut 
donc obligé de réduire 1 importance qu'il s'était 
proposé de donner à l'effectif des troupes desti-^ 
nées à l'expédition de Chine, et de conformer ses 
intentions aux désirs manifestés par son allié. 

Ici, nous ne pouvons nous empêcher de faire 
une remarque : c'est que, depuis 181& jusqu'à ces 
derniers temps, nous ne connaissons pas un seul 
acte des gouvernements qui se sont succédé en 
France, — l'expédition d'Alger exceptée, — qui 
n^ait été une concession envers l'Angleterre, et pas 
un seul acte de la part de celle-ci qui ressemble 



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— 17 — 
même à une condescendance envers eux pour con« 
server l'entente cordiale, comme on dit. Si celte 
différence dans les procédés respectifs des deux na- 
tions n'est pas une preuve évidente que les Anglais 
tiennent moins à vivre en bonne intelligence avec 
nous que nous avec eux, il faut croire qu'elle ne 
peut être que l'effet d'une vieille et mauvaise ha- 
bitude, et désirer alors qu'elle disparaisse, sinon 
dans l'intérêt de l'entente des deux peuples, au 
moins dans l'intérêt de notre dignité. Mais reve« 
nous à notre sujet. 

Nous avons dit que la pensée première du gou- 
vernement français avait été de donner d'assez 
grands développements à l'expédition de Chine. 
U ne s'agissait rien moins que de créer quatre 
nouveaux régiments de zouaves avec tous les vo- 
lontaires qui se présenteraient; et, pour être 
agréable au gouvernement belge, qui en avait fait 
la demande, de leur adjoindre un fort bataillon 
composé de mille soldats de cette nation ; en un 
mot, de porter l'effectif des troupes de débarque- 
ment au chiffre de 15 à 18,000 mille hommes, 
liais les exigences de l'alliance anglaise firent 
évanouir ces projets trop grandioses. Pour tout 
concilier, le gouvernement français les réduisit à 
des proportions plus modestes, et l'extrême sus- 
ceptibilité de nos voisins, désormais respectée. 



ÀunUlBSÊ* 



Le 

eonvernement 

nrançaÎB réduit 

ses projets. 



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Aimée 1859. 



Les deux 
gouvernements 

tombent 
d^accord sur la 

force de 
Teffectif des 

troupes 
destinées à la 

Ctiine, 

et s^occupent 

des 

préparatifs 

de TespéditioD. 



Circulaire du 

ministre 
de la guerre 
faisant appel 

aux 
volontaires. 



Immense élan 

dans l'armée 

française. 



L'armée de 

Chine 

composée de 

deux brigades 

d'infanterie. 



— 48 — 
on pul espérer que l'entente cordiale garderait 
sa sérénité. 

Cette question importante du chiffre des forces 
de chacun résolue, on s^occupa de part et d'autre 
de presser les préparatifs militaires. Les nôtres 
furent bientôt faits. 

La campagne d'Italie, si glorieusement conduite 
par l'Empereur et si promptement terminée, con- 
damnait au repos une foule d'esprits inquiets et 
ardents pour qui la guerre est un besoin et la vie 
de garnison un supplice. On résolut de faire appel 
à ces natures énergiques et guerrières et d'en 
composer le corps expéditionnaire. 

Quand la circulaire du ministre de la guerre 
qui faisait appel aux volontaires de toutes armes 
fut connue, le quart au moins de l'armée fran<> 
çaise se présenta. 

Chez les soldats l'élan fut immense, un peu 
moins vif parmi les officiers, et assez restreint chez 
les officiers supérieurs. On n'eut donc que l'embar- 
ras du choix pour remplir les deux brigades d'in- 
fanterie dont ce corps devait être formé. Ces 
brigades furent composées de soldats ayant plus 
de deux années de service à accomplir, parce 
qu'on supposait au moins deux années à la durée 
de la campagne. Leur organisation terminée res- 
tait à désigner le général en chef. Le choix à faire 



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^ 19 — 
parmi les généraux qui avaient sollicité la res- 
ponsabiliié et Tbonneur du commandement en 
chef, n'était pas facile à cause de la nature toute 
particulière de ce commandement» des qualités 
diverses qu'il importait de trouver réunies chez 
celui qui en serait chargé, du nombre des con- 
currents, et de la valeur réelle quoique différente 
de chacun d'eux. 

La capacité militaire proprement dite abonde 
dans l'armée française ;. aussi dans celte occur- 
rence, la difBculto ne consistait nullement à 
trouver un général susceptible de bien diriger des 
troupes et de se bien battre, mais a discerner 
parmi les concurrents, celui qui joignait, au mé- 
rite militaire qui leur était commun à tous, le 
mérite moins ordinaire d'un caractère tout à la 
fois ferme, adroit et conciliant, indispensable 
dans une mission où il s'agissait de vivre côte à 
côte et en bonne harmonie avec des alliés flers et 
susceptibles. 

Le choix de l'Empereur s'arrêta sur le général 
de division Cousin de Montauban, vieux soldat 
d'Afrique, que recommandaient une rare (inesse 
d'esprit et une grande facilité de manières. 

Le 13 novembre 1859, ce général fut investi 
du commandement en chef des forces de terre et 
de merde l'expédition. 



Année 1869. 



Choix 

d'an général 

en chef. 



NomiDRtion 

du général 

Coasin 

de Montanban 

au 

commandement 

de 

Texpéditiou. 



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"Àwi^fiBôo. La nomination d'un officier de cavalerie ap 
commandement d'un corps expéditionnaire pres^ 
que exclusivement composé d'infonterie, causa 
d'abord un certain étonnement. 

On ignorait dans le public les qualités parti- 
culières qu'exigeait un semblable commande- 
ment pour être bien rempli. Toutefois le nom des . 
généraux qui figuraient à la tête des troupes, en- 
tre autres celui de l'intrépide général CoUineau, 
officier d'infanterie accompli , rassura bien vite 
sur Texcellente direction qui leur serait donnée. 

Avant de présenter le tableau détaillé de la 
composition du corps expéditionnaire, nous de^ 
Avantages ^^^^ ^^^^^ Connaître les avantages que le gouver- 
aux ^dats de ucment, dans sa sollicitude pour leur bien-être, 
de cune. avait accordés aux troupes qui allaient être trans- 
portées si loin et pour un si long temps. 

Ces avantages étaient : pour les officiers supé- 
rieurs, — un supplément de solde de 12 fr. par 
journée passée à terre ; pour les officiers subal- 
ternes, un supplément de 9 fr. ; pour les adjudants, 
de 4 fr. 50 cent, , et enfin, pour les soldats, la solde 
de Paris augmentée de 10 cent. 

Outre ces avantages matériels, que le général 
en chef avait la faculté de doubler pour les offi- 
ciers isolés ou en mission, un congé d'une année, 
pouvant être renouvelé, était promis, au retour, 



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aux hommes qui le demanderaient. De plus, Année 1859. 
une large part dans les récompenses, était réser- 
vée à ceux qui rentreraient en France. 
Pour entretenir l'émulation, et afin qu'aucun Attribution» 

•■ du 

dévouement n'eût à souffrir d'une récompense §^"f^^^o^ 
méritée, attendue trop longtemps, le général en ^* ^^''®- 
chef avait, dans ses attributions^ le droit de nom- 
mer à tous les emplois vacants ; seulement les 
nominations aux grades de colonel, de lieutenant- 
colonel et de sous-lieutenant ne devaient être 
définitives qu'après l'approbation de l'Empereur. 
Nous avons dit que le corps expéditionnaire Composition 

du corps 

comportait deux brigades d'infanterie. Voici la expéditionnaire. 
composition de ce corps : 



ETAT-KÂJOR GÉNÉRAL. 

ScHMiTs, lieutenant- colonel, chef d'état-nmjor général. 
Campeinon, chef d'escadron, 
De Cools, capitaine. 
Chanoine, id. 

SERVICE TOPOGRAPBIQUE. 

Du Pin, lieutenant-colonel d etat-major, chef du service. 
FoERsrER, capitaine d'étiit-major. 

2 



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AmuniE, KTÂT-IAJML 

De Bevtz3ia.\x, colonel, chef da service. 

FovLLo.v DE GftAM>cHA3fPs, UeoteDant-coloDel. 

Gakt, chef d'escadron d*état-niajor. 

Taillefer de la Pobtaiixcre, eommandant deux batteries. 

Crouz.\t, id. 

DoM, id. , directeur du parc. 

Rexoult, capitaine. 

Desmabquais, id. 

De BsiTESy id. 

Tardif de Moixdret, id. 

Charron, id. 

Cattoir, id. 

ScHŒLCllKfi, id. 

Gahxard de Blai.v\'ille, id. 
M.^rtimor, id. 
Gi"ZMA.\, i«i. 

AITILLEIIB, nOUFSS. 

10* batterie du^ 7* rég. , capitaine Berxadet. 

7« id. du H« id. id. Dkpot. 

l'« id. du 9« id. id. Marie. 

3« id. dulO« id. id. CoatpoxtdeBescocrt. 
11^ compagnie du 6^ régiment de pontonniers, capitaine 

SCHXÉEGAX:5. 



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— â-'i — 

Section de fuséens, capitaine Rose. 
Section d'annuriers. 

GÉNIE, ÉTAT.IAJOB. 

Deshoulèdes-Dupré, lieutenant-colonel, chef du service. 
DupouBT, chef de bataillon. 
Allizé de Matignicourt, capitaine. 
Béziat, id. 

GÉNIE, TROUPES. 

7« comp. du !•' bataill. du !•' rég., capitaine Thomas. 
4» id. du l«r id. du 3« id. id. Bovet, 
1 Section d'ouvriers. 

GENDARIEBIE. 

1 Détachement, capitaine Jeanisset. 

CAYALSIIE. 

50 Chasseurs d'Afrique et spahis du 2« régiment, capitaine 

MOCQUART. 

TRAIN. 

120 hommes, capitaine B!ERE^T. 



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— 24 — 

SERVICES ADIMISTRATIFS. 

DuBUT, sous-intendant de l'* classe, chef de service. 
Blondeau, id. de 2« id. 

RoDET, adjoint de 2« classe. 
BoNAMY, id. 2® id. 
Pehieb, id. 2« id. 
, Détachements d'ouvriers, 
id. d'infirmiers. 

44 officiers de santé et vétérinaires, 
41 id. d'administration. 

SERVICE RELIdiEUX. 

Trégaro, aumônier supérieur. 
De Séré, aumônier. 

TROUPES D'INFANTERIE. 

l^e Brigade, 

Jamin, général de brigade, commandant en second de Tex- 
pédition, et, le cas échéant, désigné pour le comman- 
dement en chef. 

Laveuve, capitaine d'état-major, aide de camp. 

De Névhrley, sous-lieutenant de cuirassiers, officier d'or* 
donnance. 



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— 23 — 
â® Bataillon de chasseurs à pied à huit compagnies, De la 

Poterie, chef de bataillon. 
101* Régiment de ligne, deux bataillons à six compagnies 

chacun, Pouget, colonel. 

2® Brigade. 

CoLLLVEAV, général de brigade. 

Le Sergent d*Hendecourt, capitaine d*état-major, aide 

de camp. 
BocRCART, lieutenant d'infanterie, officier d'ordonnance. 
102® Régiment, deux bataillons, à six compagnies chacun, 

O'Malley, colonel. 
2 Bataillons dïnfanterie de marine, deYassoignes, colonel. 

Tolalité de Veffectif. 

Infanterie 5,510 hommes. 

Artillerie 1,200 — 

Génie 300 — 

Cavalerie 50 — 

Soldats d'administration. 220 — 

Infirmiers .• • • ^ — 

Train 120 — 

7,480 hommes, officiers non 
compris. 

Pièces d'artillerie 30, dont 12 du calibre douze, 12 du 

calibre quatre et 6 de montagne 



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Année 1859. 
Novembre. 



IV 



Cette petite armée , — moins le bataillon de 

chasseurs à pied et le régiment de marine, partant 

des ports de l'Océan , — devait s'embarquer à 

Toulon. 

d^MOTtenSin ^^^^ '^ ^^ ^^ novembre, le général en chef 

**"°pow^'*^**^ alla la rejoindre dans ce port pour surveiller son 

remto^nment embarquement. Les soins et l'intelligence qu'il 

am . ^^pi^y^ ^jjjjg çgjjg circonstance eurent sur les 

suites de la campagne la plus heureuse influence. 
L'arméei avait six mille lieues à parcourir pour se 
rendre en Chine, et ne devait trouver sur sa route 
qu'un seul point de relâche, — le cap de Bonne- 
Espérance. 

Lie général de Montauban signala d'abord le 
danger d'une telle disposition pour une traversée 
aussi longue et aussi pénible ; puis, après avoir 



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- 27 — 



examiné avec soin les divers transports et re- Année ibsp. 

, . Novembre. 

connu FinsuiBsance de leur aménagement, il s a- 
dressa au préfet maritime, avec instance de re- 
médier à ce grave inconvénient. Mais la marine^ 
— semblable aux corps spéciaux dont la tendance 
est de rapporter tout à soi et de ne régler toute 
chose que d'après soi, — la marine ne voulut pas 
comprendre le danger qu'il y aurait à tenir trop 
entassés à bord, pendant des mois entiers, des 
hommes sans habitude de la mer et qui en souf- 
frent nécessairement beaucoup plus que les ma- 
rins. 

Le général, sentant que ses observations reste- 
raient sans effet si elles n'étaient pas appuyées, 
écrivit au ministre de la guerre une lettre où^ aumiifatred* 
après une exposition raisonnée de ses réclama- !*«««"«• 
lions, il terminait par ces mois caractéristi- 
ques : « Si on n'installe pas largement mes hom- 
« mes^ si on ne leur accorde pas, en outre, des 
c relâches fréquentes pour combattre la monoto- 
« nie d'une aussi longue navigation, au lieu d'une 
« armée en arrivant à Shangaï, je n'aurai plus 
< qu'un hôpilaL » 

En traçant ces mots, M. de Montaùban révélait 
hne grande connaissance du caractère de nos 
braves soldats, dont le tempérament nerveux 
est très-accessible à l'ennui, mais dont on entre- 



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Année 1859. 
Novembre* 



Envoi 

clu colonel 

d'état-mi\ior 

Castelnan 

à Toulon pour 

régler 
les réclamations 

du général 
de Montauban. 



— 28 — 

lienl si facilement la santé et la belle humeur par 
quelques dislraclions. 

Les ministres de la guerre, de la marine et des 
affaires étrangères se réunirent pour examiner 
ses demandes. 

Il est de tradition qu*un ministre de la guerre 
et un ministre de la marine s'entendent rare- 
ment ; mais, dans cette affaire, la difficulté ne 
vint pas de leur instinctif antagonisme. Le minis- 
tre des affaires étrangères objecta que des relâ- 
ches dans des colonies qui n'appartenaient pas à 
la France, pouvaient amener des conflits fâcheux 
entre les habitants de ces colonies et nos soldats un 
peu bruyants, et, par suite, des complications poli- 
tiques. Ces raisons étant une fin de non-recevoir, 
les ministres ne décidèrent rien, et on dut cher- 
cher une solution auprès de TEmpereur. A cet 
effet, TEmpereur envoya le colonel d'élat-major 
Castelnau , avec pleins pouvoirs pour tout ar- 
ranger. 

Le colonel, homme de tacl, comprit toute la 
justesse des réclamations du général de Montau- 
ban, et il fut décidé : que ta Reine des Clipper s^ 
bâtiment nolisé par Tintendance pour transporter 
le matériel, recevrait 300 hommes à son bord 
afin de soulager Tinstallalion générale; et, en ou- 
tre, qu'on,, relâcherait à Ténériffe ou à Gorée, 



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— 29 — 
au Cap, à Singapoure, a Hong-kong, de sorte que Année iseo. 
le plus long trajet sans relâche (celui du Cap à *'^^®'' 
Singapoure) ne dépasserait pas deux mois avec 
les chances les plus défavorables. 

Ces heureuses dispositions devaient assurer le 
bien-être et la santé de Tarmée. 

Rien n'arrêtant plus désormais le départ, le Départ 

^ ^ de Tannée. 

5 décembre 1859 les navires suivante s'éloignèrent 
de Toulon : 

V Entreprenante j ayant à son bord le général ^^^^^j^a^^^^^ 
Jamin, officiers et 1,050 soldats. ^^ transport. 

La Dryade^ le général Coliineau, officiers et 
930 soldats. 

Le Jura, pontonniers, 1'® batterie du 9% 3" bat- 
terie du 10®, génie. 

La Nièvre, officiers d'administration, soldais, 
le matériel des hôpitaux, des subsistances, du 
campement et une batterie d'artillerie. 

La Loire, oTficiers et gendarmes^ le matériel 
de 2 batteries d'artillerie, — une de quatre, l'au- 
tre de douze, — munitions, matériel des hôpitaux 
et subsistances. 

Le Calvados, officiers et soldats du 101® de 
ligne, oTficiers isolés, officiers et artilleurs. 

La Garonne, officiers et soldats du 102' de ligne. 

Le Rhin, train des équipages., officiel» de santé, 



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— 30 — 

Annâe 1860. '^ matériel de 2 batteries, — une de quatre, Pau- 
tre de douze. 

Vlsère^ officiers et soldats isolés, caisses de 
harDachenient d'artillerie, d'ambulance et de 
campement. 

Dans les premiers jours de janvier partirent r 

Le 5, la Reine des ClipperSy portant officiers 
et soldats de la 7« batterie du 8* d'artillerie ; offi- 
ciers et fuséens de la 4' batterie du 12' d'artillerie ; 
soldats du génie. 

Le 11, le Duperré, portant officiers et soldats 
du train; officiers, spahis et chasseurs d'Afrique; 
officiers et soldats isolés. 

Le 10, le bataillon des chasseurs à pied était 
parti de Brest sur le Rhône. Vers la même épo- 
que, le régiment de marine distribué sur la Forte, 
la Vengeance, la Persévérante et VAndromaque, 
partit de différents ports de l'Océan. 

Plus tard devaient suivre les trois navires à 
vapeur le Weser^ V Européen et le Japon ^ que 
l'Empereur avait fait acheter en Angleterre. Ces 
navires devaient transporter des chaloupes ca- 
nonnières de petite dimension nécessaires pour 
remonter lés cours d'eau en Chine. Ces canon- 



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— 31 — 
nîères, qui se démontent et se remontent aisé- Année 1860. 

, ., Janvier. 

ment, sont d un transport facile. 

Enfm, le général de Montauban, ne laissant Le générai en 
personne derrière lui, s'embarqua, le 12 janvier, s'embarque 
sur un bateau k vapeur de la Compagnie anglaise i^ compagnie 
péninsulaire. ^^^I^^r 

En passant par l'isthme de Suez pour se rendre 
en Chine, Ton gagne deux mois sur ceux qui 
prennent par le cap de Bonne-Espérance. Le gé- 
néral prit la route de Suez, tandis que son armée 
suivait celle du Cap, de sorle qu'il devait la pré- 
céder en Chine de tout cejemps. Celle avance sur 
elle devait être employée à organiser tous les ser- 
vices, afin qu'à leur arrivée les troupes Irouvas- 
sent toules choses préparées et pussent immédia- 
tement entrer en campagne. 



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Année 1860. 
Janvier. 



Approvision* 

nements 
de la flotte. 



On ne voit ordinairement, dans les récits de 
guerre, que les armées toules formées ; on n'ima- 
gine pas ce qu'il faut dépenser d'efforts pour les 
mettre en état d'entrer en action. Si l'on ajoute à 
ces difûcultés, déjà grandes dans les temps ordinai- 
res, celles qui naissent des changements de climats 
dans les expéditions lointaines, où- les embarras 
s'accroissent à mesure qu'on s'éloigne du point 
de départ, on pourra se faire une idée de l'acti- 
vité et des soins qu'a demandés lorganisation 
d'une campagne entreprise à six mille lieues de la 
France. 

L^exposé qui va suivre en donnera la mesure. 

La Hotte portait en farine, biscuit et vin, de 
quoi faire vivre l'armée pendant deux années» 
temps présumé des opérations. Le vin était 



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— 33 — 
d'excellente qualité, et, par conséquent, de bonne Année iseo. 
garde; quant a la farine, il était à craindre qu'une ^*"' 
partie notable ne s'écbaufTàl et ne devint, par 
suite, une nourriture médiocre et même nuisible 
à la santé du soldat. Mais on avait, pour parer à 
cette éventualité, les farines américaines, qui ar- 
rivent en assez grande quantité dans les ports de 
la Chine ouverts au commerce. Le pays, en ou- 
tre, devait fournir de la viande de mouton et de 
bœuf; on savait qu'elle y est assez abondante. 
Ainsi, l'existence de l'armée était assurée par les 
approvisionnements de la flotte et les ressources 
naturelles du pays. 

Le général de Montauban arriva à Shangaï ^^|J^** 
le 12 mars. Cette ville était admirablement située ^%n cto^'* 
pour servir de première base d'opérations et sur- 
tout d'organisation; ausri la choisit-il pour ces 
deux objets. 

Shangaï, dont une partie est habitée depuis 
longtemps par des Européens et des Américains, 
offre en abondance des ressources de toute nature, 
L'importance et la valeur des maisons de com- 
merce anglaises et américaines y est, dit-on, 
colossale. Quant aux maisons françaises, leur 
infériorité est telle qu'elle donne une bien triste 
opinion de notre Commerce dans ces contrées. 
Cependant, malgré leur peu de consistance, on 



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Aimëe 1860. 
Mars. 



Impossibilité 

d'employer 

les cnevaux 

chinois. 



Le général en 

chef 

envoie à Manille 

et au Japon 

des officiers 

pour y acheter 

des chevaux. 



— 34 — 
leur réserva, par un sentiment naturel de patrio** 
tisme, toutes les opérations dont elles pourraient 
se charger. 

À son arrivée, le général en chef s'occupa de 
l'importante question des chevaux et des mulets. 
À d'aussi grandes distances il avait été impossible 
d'en transporter d'Europe avec soi. Il fallait donc 
s'en procurer une quantité suffisante pour traîner 
l'artillerie et les voitures d'ambulance, porter les 
cacolets et les bagages, monter les officiers et les 
quelques cavaliers qu'on avait amenés. 

On n'ignorait pas, en partant, que la race des 
chevaux chinois est petite et sans qualités» mais 
on était bien loin de la vérité à ce sujet. Après 
quelques essais, on dut renoncer à se pourvoir de 
chevaux en Chine, comme on l'avait espéré 4'^- 
bord. Le général en cbe( prit les mesures les plus 
promptes et n'épargna rien pour remédier à ce 
grave inconvénient. 

Il envoya à Manille, qui fournit une race de 
chevaux petits, mais assez énergiques, un officier 
d'artillerie et le sous-intendant Blondeau, avec 
mission d'y faire quelques achats. 

Les capitaines de Cools, Cousin de Montauban 
(fils du général) et Mocquart, partirent pour le 
Japon, où l'on trouve des chevaux assez forts, 
plus propres au bat qu'à la selle. Cet empire, dont 



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— 38 — 
rintérieur est fermé aux étrangers, s'ouvre à leur Année leeo. 
commerce en deux endroits, les ports de Naga- 
saki et de Hoko-hama. Aussi fut-on obligé, pour 
en tirer les chevaux dont nous avions besoin, de 
passer des marchés avec des maisons habituées à 
trafiquer avec ce pays, et dont l'intervention, 
dans cetle affaire, était presque indispensable 
pour réussir. — Les maisons Remy Schmitz, 
Salbelle et Vaucher, de Shangaï, s'engagèrent 
à nous livrer 1,200 chevaux* au prix de 6 à 
700 francs par tête, prix énorme ! — les chevaux, 
au Japon, ne coûtant que 200 à 250 francs; — 
mais le temps et le besoin pressaient. Les capi- 
taines de Cools et de Montauban étaient partis à 
Teffet de surveiller les livraisons et de ne laisser 
embarquer que les chevaux propres au service 
militaire. 
Le gouvernement du Japon apporta toutes sor- Mauvais vouloir 

du 

tes d'entraves à l'exécution de notre opération, gouvernement 

*- japonais 

Tout porte à croire que, dans cette circonstance, ^^^o*'*^*'^- 
il écouta moins son ordinaire aversion pour les 
étrangers, qu'il ne subit quelque influence étran- 
gère et malintentionuée. Quand le consul-général 
de France, chargé d'affaires, M. Duchesne de Bel- 
lecourt, lui demanda l'autorisation d'acheter des 
chevaux dans le pays^ il répondit que les Anglais 
avaient fait une demande semblable, et que les 



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— 36 — 
Année 1860. ayant autorisés à acheter et à exporter 3,000 
MawetAvr. ^jj^^j^^^.^ — le départ d'uD plus grand nombre 

pouvant appauvrir le pays, — il se voyait dans Tim- 
possibilité d'accorder une nouvelle autorisation. 

M. de Bellecourt, comprenant que ce refus 
n'avait pas d'autre cause que le mauvais vou- 
loir, insista avec tant de fermeté, exploita avec 
tant d'habileté la présence d'un vapeur de guerre 
français dans les eaux de Hoko-hama, qu'il finit 
par arracher au gouvernement japonais la per- 
mission d'exporter les 1,200 chevaux que nos in- 
termédiaires tenaient à notre disposition. 

Et tandis que les Anglais (auteurs indubitables 
de ces difficultés), qui avaient depuis longtemps 
obtenu l'autorisation qu'on nous avait d'abord re- 
fusée, en étaient encore à leurs premiers achats 
de chevaux, tous les nôtres étaient en route pour 
Shangaï ! — Cette affaire si lestement et si bien con- 
duite, fait autant d'honneur à notre consul qu'elle 
trahit de regrettable égoïsme chez nos alliés. 

Pendant ce temps, le général en chef avait ins- 
tallé les services administratifs à Canton et à Ma- 
eao. Si la Chine nous parut d'abord dépourvue 
Ou louo de chevaux convenables pour le service militaire, 

pour le service 

dePamiée eu revauchc, nous trouvâmes une précieuse res- 

des portefaix ' * 

chinoie. source dans les cooliesou porte-faix, très-robustes, 
qui pullulent dans ces deux villes. On en engagea 



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— 37 — 

1 ,000 a raison de 6 piastres (la piastre vaut de 5 fr» j^nnée iseo. 
50 c, à 6 fr.), par homme et par mois, pour Mars et Avril. 
suivre Tarmée, porter ses vivres, une parlie de 
ses effets, et faire tous les travaux nécessaires. 
Ces 1,000 coolies furent mis sous les ordres de 
rintendance, qui les forma en cinq compagnies 
ayant chacune à leur tête un officier ; les cinq 
compagnies étaientcommandéespar M. Bouvière, 
lieutenant de vaisseau. L'avenir prouva l'excel- 
lence de celte acquisition ; seulement, Ton eut à 
regretter plus tard d'en avoir engagé un trop 
petit nombre. Mais le grand défaut de l'administra- 
tion française, est de viser tropsouvent à Téconomie 
dans des choses utiles et même indispensables. 
Nous aurons souvent à signaler les effets de sa 
parcimonie dans le cours de cette campagne (1). 

Certain, désormais, d'avoir ses transports orga- 
nisés et ses administrations installées à larrivée 
de l'armée, le général en chef passa aux questions 
militaires. 

Il ordonna Une reconnaissance des côtes du Reoonnaigsanco 

de 

Pé-tchi-li, sur la rive droite du Pé-ho. L'amiral ramirai Protêt 

dos cotes du 

Pé-ho, 
et pions de 
campagne du 
(I) A Manille, où Fadministration avait fait des commandes de , ijr^tl^^. 
voitures en rapport avec les clievaux qu*on devait ramener, elle mit 
une telle parcimonie dans la confection de ces voitares, qu'elles 
n'avaient aucune solidité et' que Tarmée n'en tira presque aucun ser- 
vice. 

3 



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^larset Avri], 



— 38 — 
Année 18607 P>*oIet dirigea celle reconnaissance. Son rapport 
exposait queFabord des côtes était assez difficile; 
mais^ qu'en somme, on pouvait y faire un débar- 
quement. Sur cette donnée, le général en chef 
forma le projet de débarquer quelque part k 
droite du Pé-ho, d'attaquer les forts placés sur 
cette rive, tandis que les Anglais débarqueraient 
sur la rive gauche et attaqueraient les forts quj 
s'y trouvent. 

Ce projet, auquel on ne donna pas suite, ainsi 
qu'on le verra plus tard, avait l'inconvénient de 
disséminer les forces des alliés, peu nombreuses 
relativement à celles de^ Chinois, qu'on disait im* 
menses. 



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Année 1860. 
Ifan ot Avxil. 



vj 



Voici quelles étaient les instructions du général ^JJ'X^ 
de Montauban : dépasser l'embouchure du Pé-ho, ^eMonuuban. 
débarquer et emporter les forts qui ferment l'en- 
trée de ce fleuve, prendre une position menaçant 
Pé*king, marcher sur la ville de Tien-sin, et, en 
cas extrême, sur Pé-king; s'emparer de la haute 
direction des affaires, poursuivre la guerre aussi 
loin qu'il le croirait nécessaire ; rester juge de 
Inopportunité de suspendre les hostilités ou de les 
reprendre, indiquer à notre ambassadeur le mo- 
ment où il faudrait négocier; enfin, s'entendre en 
tous points avec son collègue de l'armée anglaise. 



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Année 1860. 
Avril. 



VII 



Ultimatnm 

des ministres 

résidents 

anglais 

et français. 



Péclariitioii 
(le la guerre. 



Peu de jours après TaiTivée du général en 
chef en Chine, — le 8 mars — les ministres rési- 
dents de France et d'Angleterre, MM. de Bour- 
boulon et Bruce, avaient adressé un ultimatum à 
la cour de Pé-king, demandant une réparation 
solennelle de Taffaire du Pé-ho, de Tannée précé- 
dente, affaire que nous persistions à qualiGerde 
trahison, tandis que les Chinois prétendaient 
n'avoir fait que repousser la force par la force. 
Un mois s'était écoulé depuis l'envoi de l'ultima- 
tum, quand on reçut la réponse de la cour de 
Pé-king; — elle portait un refus formel. 

Le 8 avril, la guerre fut officiellement déclarée. 
Le général en chef de l'armée anglaise, sir Hope 
Grant, étant arrivé, le général de Montauban 
se concerla immédiatement avec lui pour pro- 



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Aiinée 18G0. 
Avril. 



-^ 41 - 

céder à Toccupalion de Tanhippl de Cbtisan. 

En conséquence, 2,000 hommes de troupes an- 
glaises, auxquelles on adjoignit 200 soldats de^^Occupati^^^ 
marine français, tirés de la garnison de Canton, p^i^i'^^^rou 
furent dirigés sur Chusan. ,t "ë^Sk 

Les troupes y prirent terre sans coup férir. On 
fit un partage égal des établissements publics qui 
pourraient être de quelque utilité aux deux ar« 
méesy et on y laissa pour commandant supérieur 
le lieutenant-colonel Despalières avec un inter- 
prète, M, de Méritens. 



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Aunéo 1860. 
Avril. 



VII 



M. de Maufauban^ on le voit, avait bien employé 
le mois qu'il venait de passer en Chine. Sa con- 
duite et son activité avaient été des plus méri- 
toires, et pourtant, dans les premiers jours 
d'avril, ce brave général, parti de France com- 
mandant en chef des forces de terre et de mer, re- 
çut avis que, désormais, les forces de mer étaient 
placées sous les ordres supérieurs de Tamiral 
Charner. — Ainsi son rôle de chef de Texpédilion 
élait réduit à celui de simple général d'armée. 
Inconvénient Ccnë mcsurc élait uHC fautc. On en avait 

des 

^^""div^fe*^"** déjà fait une première en ne réunissant pas 
dans une seule main les pouvoirs militaires 
et diplomatiques; on en commit une beaucoup 
plus grave en divisant les commandements mi- 
litaires. En effet ^ dans une expédition où l'ar- 



L*amiral 

Chnrner est 

nommé 

' commandant 

en chef des 

forces de mer. 



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— 43 — 
mée de terre est le principal élément d'action et Année leeo. 
se trouve naturellement en possession de Tinitia- 
tive, tandis que la flotte n'en est que l'instrument 
passif , briser l'unité de direction, c'est exposer 
les opérations à ce décousu dans l'exécution qui 
est l'infaillible conséquence des commandements 
partagés. Ici, où les complications ordinaires du 
commandement s^augmentaient encore de la né- 
cessité de s'çntendre avec un allié si différent de 
nous par sa manière de faire la guerre, et sans 
lequel on ne pouvait hasarder un mouvement qui 
n'eût été l'objet d'une délibération préalable, — 
morceler rautorité, — nous le répétons, c'était 
une faute très-grave. 

Ainsi on allait avoir en Chine le curieux spec- 
tacle d'une force militaire commandée par quatre 
chefs égaux en droits (deux généraux en chef et 
deux amiraux en chef), flanqués en outre de deux 
diplomates à qui une certaine initiative était ré- 
servée. 

Si cette étrange organisation n'est pas absolu- 
ment une cause d'insuccès, elle est toujours un 
exemple à éviter; car on n'a pas toujours affaire 
à des gens qui partagent autant que les Chinois 
l'horreur qu'éprouvait Confucius pour la guerre. 

L'amiral Charner arriva le 19 à Shangaï où il Nomination 

^ des nouvcuux 

prit son commandement. Les ambassadeurs, en ambassadcurr. 



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AvriJ. 



— W - 

Annéo 1860. oulrc, venaîciit d'èlre désignés. Celaient le baron 
Gros pour la France et lord Elgia pour l'Angle- 
terre, les mêmes qui avaient signé le traité de 1858. 
A la fln d'avril, tout élait prêt pour recevoir 
nos troupes. Les chevaux achetés au Japon n'é- 
taient pas encore arrivés, il est vrai, mais ils 
étaient en route. 



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IX. 



Année 1860. 
Avril. 



Cependant notre armée, que nous avons un 
instant perdue de vue et que nous allons retrou- 
ver, voguait sur l'Océan. — Tous les transports, 
moins le Duperré et la Reine des Clippers^ étaient 
mixtes, c'est-à-dire pourvus d'une machine à 
vapeur auxiliaire qui leur permettait de franchir 
les calmes et de se relever de la côte, en cas de 
danger. — Aussi la marche fut assez régulière. 

La première relâche àTénériffe fut très-courte 
et sans intérêt. Toutefois, la reconnaissance nous 
fait un devoir de dire que les Espagnols, en 
guerre à celte époque avec les Marocains, ac- 
cueillirent nos soldats avec une grande cordia- 
lité. La ville deTénériffe. située au boni de la mer, 



Trûvers^ (1« 
l'nrmée. 



Son arrivée à 
Ténérifte. 



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— 46 — 
Année 18C0. ^^^^ ^^ ospect agréable. La population y est belle 
et a des afûaitës de race évidentes avec les habi- 
tants du nord de l'Afrique. 
Eeiâcheancap Dans le couraut de février» l'armée atteignit le 
Eroéî^nce ^^P ^^ Bonuc-Espérance, et sauf les troupes em- 
barquées sur la Reine des Clippers et le Duperré, 
qui étaient parties un peu plus tard et ne de- 
vaient y arriver qu'en mars, tout le monde s'y 
trouva réuni. Notre arrivée dans cette lointaine 
colonie y causa presque un bouleversement. 

La tenue de nos officiers et de nos soldats, qui 
portent les cheveux ras et des pantalons larges, 
contrairement aux Anglais, qui portent les che- 
veux longs et des pantalons collants, jeta un tel 
ébranlement dans les opinions admises par ses 
habitants sur la toilette, que ce serait une grande 
présomption d'affirmer que les jeunes miss du Cap 
ne croient pas à l'usage de la crinoline dans les 
armées françaises. Toutefois, nos soldats, malgré 
leur mise qu'on trouvait presque inconvenante 
{$hoktng!)j n'en furent pas moins fêtés et ac- 
cueillis avec la plus chaleureuse et la plus géné- 
reuse hospitalité. Si les Anglais et les Anglaisés 
du Cap , les Anglaises surtout , virent quelque 
chose à reprendre dans notre tenue militaire sous 
le rapport de là décence, en revanche, la musi- 
que de nos régiments et l'intrépidité de nos dan- 



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Anaée 1860 . 
Mai. 



r 



— AI — 

seurs enlevèrent du premier coup leurs suffrages 
et leur admiration. 

Le séjour au Cap fut de quinze jours pour les 
premiers arrivés, et de quatre seulement pour le 
Duperré. 

Celte relâche fut des plus heureuses; elle re- 
monta le moral du soldat, lui fournit quelques 
sujets de conversation pour se distraire des en- 
nuis de la route et supporter avec moins de peine 
le rôle de colis auquel il est réduit à bord. 

La flotte quitta le Cap dans les journées du 25 
au 28 avril, et, après avoir touché, comme cela 
était convenu, à Singapoure et à Hong-kong, où 
elle resta quelques jours , elle arriva dans Tordre 
suivant à Woosoung, port chinois situé à peu de 
distance de Shangaï : r Entreprenante ^ le le'^mai; 
la Dryade^ le Rhône, le Calvados, le 19 ; la Forte, 
le 21 ; la Vengeance, le 23 ; le Jura, le 25 ; le 
Rhin, la Saône [i], le 2S. 

Les pertes en hommes, pendant une traversée ses pertes 

*■ * pendant 

qui fut de cinq mois et demi, en moyenne, pour la traversée. 
chaque navire, s'élevaient à 33 hommes, ainsi ré- 
partis : V Entreprenante, 10; le Rhin, S-, la Ven- 
geance, 5; le Calvados, 3; la Dryade, 3, le Jura, 1 ; 
la Forte, ô. 

(1) La Forte, qui dut remonter de Woosoung à Shangal, toucha 
dan» la rivière, mais sans éprouver des avaries majeures. 



Arrivée 

de Parmée dans 

le port 

de Woosoung 

en Chine. 



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Année 1860. 
Mai. 



Maintenant que nous sommes arrivés au mo- 
ment où tout va devenir commun entre nous et 
les Anglais, il est nécessaire de faire connaître la 
composition et la force de leur armée. 
^'o™F^^t|on Elle présentait 7,783 soldats anglais sous les 
"^ung]^ armes, et 4,830 soldats indiens, en tout une force 
de 12,613 hommes, formée en deux divisions 
d'infanterie avec leur artillerie^ et une brigade de 
cavalerie, — sous les ordres : la 1" division, de 
sir John Mitchell; — la 2®, de sir Robert Napier; 
— la brigade de cavalerie, du brigadier Pattle; — 
Fartillerie, du brigadier Grafton. Sir Hope Grant, 
officier connu par la guerre des Indes, Ja com- 
mandait en chef. Elle avait une belle artille- 
rie, magnifiquement attelée, et était suivie par 
4,000 coolies chinois et de nombreux transports. 



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— il) — 

Le 20 mai il avait été convenu, à Hong-kong, Année iseo. 
enlre le général en chef de l'armée anglaise et le ^*^' 
chef d'état-major- général de l'armée française, chef^a^raraée 
qu'à leur arrivée les Français s'établiraient à et le chef 
Tché-fou, dans le golfe de Pé-tchi li, pour mettre ^f^^^ 
la dernière main à leur organisation, et les An- pen^uTùies 
glais — pour en faire autant, — à Ta-lieou-houan, ^""IroîSt^* 
de l'autre côté du golfe, dans la partie méridio- ^'°*^wé^.^"' 
nale du Liao-tong, et a vingt lieues de Tché-fou. 

En revenant à Shangaï, la Saône, sur laquelle 
était le chef d'état-major général fut obligée de se 
détourner de sa route pour aller recueillir, à 
Amoy, les débris de Vlsère^ qui avait fait naufrage Naufrage do 
dans le port même, sur une roche qu'on dit avoir 
été mal balisée. Ce navire portait les objets d'am- 
bulance et de campement, plus les harnache- 
ments de Tartillerie. 

Sans être irrémédiable, grâce à l'industrie de lasadm 

parvient 

nos soldats^ la perte des harnachements d'artille- ^ «^^^«F ^°« 

*^ partie 

rie eût élé un grand embarras, vu la mauvaise ^® ^* fh^^^ 
qualité des cuirs qu'on trouve en Chine, si la 
Saône n'avait eu le bonheur d'en sauver la plus 
grande partie, fortement avariée, il est vrai, mais 
pas assez pour n'être d'aucun usage. 
Nos soldats étaient toujours à bord, attendant ^LWée 

•* française se 

avec impatience, k Woosoung, le moment de dé- ^^ Tohé^fon. 
barquer. La décision prise à Hong-kong, entre le 



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— 80 — 
'J^ÂTmôT général anglais et notre chef d'ctat-major, vînt 
^'°' mettre fin à leur supplice. La Gironde^ la Dryade^ 
r Entreprenante, la Garonne, le Rhône et le Cal-^ 
vadoSy portant les généraux Jamin, CoUineau et 
la plus grande partie des troupes, partirent de 
Woosoung et arrivèrent, le 8 juin, à Tché-fou, où 
Top débarqua sans obstacles. 



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Juin. 



X 



Il y eut comme un débordement de bien-être Débarquement 

^ de Parmée 

chez nos soldats^ quand ils eurent touché terre, française. 
Ils se répandirent dans les villages avoisinant la 
plage avec une telle impétuosité, qu'il fut impos- 
sible de les maintenir. Mais cette sorte de fré- 
nésie , si explicable après une aussi longue 
claustration à bord des navires, fut de courte 
durée. Après quelques scènes ppu graves àe dé- Débordemento 
sordre et de pillage, tout rentra bientôt dans î>i«'?tôt 

* ^ répnmés. 

Tordre. On comprenait que ce n'était qu'en ins- 
pirant de la confiance aux populations, qu'on 
pourrait jouir des ressources du pays, se pro- 
curer des vivres frais, de la viande, de la 
volaille, des fruits et des légumes dont on avait 
grand besoin pour se refaire. 
Les.Chinois, voyant avec quelle promptitude et 



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Année 1860. 
Juin. 

Son 
installation 
k Tché-fou. 



Arrivée 

des premiers 

convois 

des chevaux du 

Japon. 



Mauvais état 

des 

chevaux achetés 

au Japon. 



— 62 — 

quelle facilité nos officiers rétablissaient la disci- 
pline parmi nos soldats, revinrent peu h peu dans 
leurs villages qu'ils avaient abandonnés, et bien- 
tôt, attirés par Tappât du gain, se hasardèrent 
près de nous avec quelques vivres. On les leur 
paya si généreusement, qu'en peu de jours il n'y 
avait plus de traces des premiers désordres, ni 
dans les esprits, rassurés, ni dans l'aspect du pays, 
et qu'un marché où abondaient les vivres de toute 
nature se trouvait établi comme par enchante- 
ment à côté de notre camp. Les consignes les plus 
sévères furent données et strictement exécutées, 
pour y maintenir la sécurité des transactions. 

Pendant ce temps,^ les convois de troupes se 
succédaient sans interruption. Le Rhin arriva le 
15 juin, la Nièvre le 19, la Loire le 2i, le Jura 
le 14. 

La jLoire portail 400 chevaux, et le Jura ll/l* 
— C'étaient les premiers qui nous arrivaient 
du Japon. — Bientôt la Garonne et le Calva-- 
dos amenèrent dans un second voyage, exécuté 
vers la fin de juin, de nouveaux chevaux de 
ce pays. Au fur et à mesure que ces chevaux se 
succédaient, ils étaient livrés à Tartillerie. Ils 
arrivaient en assez mauvais état, et, chose plus 
fâcheuse, beaucoup d'entre eux avaient péri pen- 
dant la traversée du Japon a Shangaï. 



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— 88 — 

Dans un pays où la remonte des chevaux était ^^^ ^^^ 
impossible, lorsque les moyens de s'en procurer ^^* 
présentaien{ les plus grandes difficultés et même 
étaient devenus fort incertains, à cause du mau- 
vais vouloir du gouvernement japonais, la perte 
de ces précieux animaux était d'une réelle im- 
portance pour l'armée, dont elle réduisait les 
instruments de transport, très-limités déjà. Aussi 
dut-on regretter les considérations d'économie 
qui firent choisir des navires à voiles pour les 
transporter, au lieu de navires k vapeur. La mar- 
che de ces derniers aurait abrégé la route, et, par 
conséquent, les fatigues qui privèrent Tarmée 
d'une partie d'entre eux; mais les frais de trans- 
port étaient plus élevés ! 

£n ceci, l'on retrouve l'ordinaire parcimonie de 
l'administration française, qui oublie si souvent 
qu'à la guerre, et surtout dans les situations ex- 
ceptionnelles, — comme celle où Ton était en 
Chine, — rien n'est plus coûteux, en définitive, 
que les petites économies, parce qu'elles mènent 
rarement au but que Ton se propose, et que rien 
n'est plus cher que de le manquer. 

Quoi qu'il en soit, et malgré tous les retards, le , Activité 

^ •* / o ^ déployée par 

mauvais état de ces animaux et la détérioration jj^^'il^^^a^ 
des harnais, — avariés dans le naufragé de r Isère ^'Jt^^s^S" 
et qu'il fallait restaurer et refaire en grande partie ^'"^®"®- 



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Amiée 1860. 
Jun. 



Organisation 

du service 

des 

ambulances. 



Le Wesêr 

apporte trois 

petites 
canonnières. 



— 54 — 

pour les adapter à la petite taille des chevaux du 
Japon, — le colonel d^ Bentzmann, commandant 
de l'artillerie, déploya une telle activité, sut impri- 
mer à tous les officiers et soldats sous ses ordres 
une telle ardeur, qu'en peu de temps notre artil- 
lerie se trouva attelée et prête à marcher (1). 

L'organisation des ambulances demanda moins 
de peine que celle de Tartillerie. Une ressource 
sur laquelle on n* avait pas compté permit de la 
mettre sur le meilleur pied, et, par suite, de ren- 
forcer les attelages de Tarlillerie. L'on découvrit 
au bout de quelque temps que si la Chine pro- 
duisait des chevaux trop mauvais pour nous être 
de quelque utilité, en revanche, les mulets y 
étaient très-beaux. Us sont, en général, de 
moyenne taille, et aussi bien conformés que ceux 
d'Afrique. Quand on avança, plus tard, vers le 
Nord, on s'en procura même et en assez grande 
quantité, d'aussi forts que ceux du Poitou. Géné- 
ralement, les Chinois ne les attellent pas; mais en 
peu de temps on dressa les uns au service de Tar- 
tillerie et les autres à porter le bat. 

L'arrivée du Weser. ayant à bord trois petites 

(i) Les chevaux du Japon tirent d*abord quelques difficultés pou 
traîner nos pièces,— au Japon on ne les emploie que comme animaux 
deb&t; — mais leur caractère étant assez doux, ils s'habituèrent 
tiès-promptement à leur nouveau service. 



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Année 1860. 
Juin. 



— 55 — 

canonnières, compléta le matériel de l'armée. Ces 
petites canonnières sont pourvues d'une machine 
à vapeur^ et armées à l'avant d'un canon rayé 
de 30. Elles sont d'un très-faible tirant d'eau et 
peuvent être employées à remonter les fleuves et 
à transporter les troupesd'une rive à l'autre ; elles 
peuvent, en outre, suivre partojut l'armée parce 
qu'il est facile de les démonter et de les re«- 
monter. 

Parmi tant de navires exposés aux dangers 
d'une aussi longue navigation* il eût été bien ex- 
traordinaire qu'il n'arrivât aucun accident. L'on 
n'eut pas ce bonheur. Outre la perte de l'Isère, dont 
nous avons parlé, le 3 juin, la Reine des Clippers inœndie 
prit feu en mer, auprès de Macao, et alla s'échouer laiM^Z 

^ -g' . j, Al 1 w t Clippers, 

a la pomte a une île du groupe Ladrone. Les pas- ^® ^^^'^^ ^ 

, , résulte. 

sagers furent sauves^ mais la cargaison entière 
devint la proie des flammes. Nous perdîmes ainsi 
un hôpital de cinq cents lits, la pharmacie vété- 
rinaire, les effets d'habillement et de remplace- 
ment de presque toute l'armée. Les soldats 
d'artillerie et de génie qui étaient à bord arrivè- 
rent presque nus à terre; mais leur dénuement 
fut bientôt réparé, grâce aux soins de l'adjoint 
militaire Périer et au talent d'imitation des tail- 
leurs chinois. Us rejoignirent l'armée sur le 
Shangàij qui venait d'arriver à Hong-kong, et sur 



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— 56 — 

le Duperré (premier vaisseau français qui soit allé 

Année 1860. *- \i. 

JoiB. dans les mers de^l'Inde depuis 181 5), 

La Forte y la Vengeance f la Persévérante, T^in- 
drcmaque^ étaient arrivées à Tché-fou. Le baron 
Gros et lord Elgin arrivèrent également à Sbangai 
vers les derniers jours de juin. 

Pendant que s'accomplissaient tous ces mouve* 
ments, et que nos officiers d'artillerie et d'admis 
nistration travaillaient avec ardeur à organiser 
leurs services, nos soldats, de leur côté, retrou- 
vaient dans le bien-être leur belle humeur ordi- 
naire» un instant altérée par les ennuis et les 
souffrances d'une traversée de six mois. — Rien 
n'était plus animé et plus pittoresque que le mar- 
ché établi par les Chinois près de nos campe- 
Fhysionomie mcnts. Le gendarme français y remplissait son 
Trch!^^* rôle de Providence avec la même ponctualité 
qu'en France. Leà Chinois avaient bientôt cqm- 
pris toute la valeur du jaune baudrier, et senti 
d'instinct qu'en lui résidait le seul ordre social 
possible. Aussi sa présence sur le marché y atti* 
rait en telle abondance poissons, volailles, fruits 
et comestibles de toute nature, qu'avec son prêt, 
le simple troupier vivait en LucuUus sur les 
rivages de Tché-fou. — Ces bons Chinois, que 
nous avions tant effarouchés lors de notre débar- 
quement, paraissaient si enchantés de leurs rap- 



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Année 1860. 
.Juin. 



en Chine. 



— 57 — 

ports avec nous» nous apportaient avec tant d'em- 
pressement les richesses agricoles de leur pays, 
et s'en retournaient si joyeux avec leurs paniers 
remplis de sapèques (1), que jamais on ne se se- 
rait imaginé voir en eux des gens si réputés pour 
leur insurmontable horreur des étrangers. 
L'armée anglaise faisait, de son côté, ce que L'armée 

.anglaise 

nous faisions du nôtre, avec plus de facilités que t^^^^.^^^^ 
nous, cependant, grâce à l'habitude de procéder j^pa^tion 
largement de son administration^ jamais embar- 
rassée quand il s'agit de bien payer les choses pour 
se les procurer. 

Elle était arrivée à Ta-lieou-houan, le 26 juin. 
Elle éli^it distribuée et composée ainsi : 

l'« Division. 

A Ta-lieou-houan, sir John Mitchell, major-général , 
commandant. 



(1) La sapèque est une petite monnaie en cuivre percée au centre 
d'un petit trou carré ; ce qui permet de renfiler comme un chapelet 
et de la porter ainsi avec soi. On donnait d'alwrd 800 sapèques, 
puis 1,000, enfin 1,200 pour une piastre. Ce qui fait que 100 sa- 
pèques valent environ 50 centimes. Cette monnaie est très-utile 
pour le petit commerce. Elle permet au marchand de diviser les 
objets et à Tacheteur de se procurer les fractions de ceux dont il a 
besoin. 



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— 58 — 



Année 1860. 

'Tuin. « . , 

P« Brigade, 



Staveley, colonel, commandant 
1«' Régiment, royal-anglaîs. 
31« Régiment, id. 

2® Brigade, 

SiîLTON, colonel, commandant 
2« Régiment, anglais. 
60« Régiment, rifles-anglais. 
15« Régiment, pundjab-indien. 

Une compagnie et demie du génie ; deux batteries, dont 
une d'armstrongs. 

2* Division, 
Sir Robert Napier, major- général, commandant. 
3* Brigade. 

Jepheson, colonel, commandant 

'6^ Régiment, anglais, dit Buffs. 
44* Régiment, id. 

8« Régiment, pundjab-indien. 



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— 59 — 

Année 1860. 
Juin. 

4« Brigade, 



l^EBVEs, colonel, commandant 

67* Régiment, anglais. 

99« Régiment, anglais. 

19* Régiment, pundjab-indien. 

Une compagnie du génie, deux batteries d'artillerie, dont 

une d'armstrongs. 

• 

CAVALERIE. 

Pattle, colonel, commandant. 

Deux escadrons de dragons anglais. 

Fane's horse, cavalerie sikle, irréguliers indiens. 

Proleyn'é horse, îd. id. 

En tout, 800 chevaux environ. Une batterie d'artillerie. 
Plus une batterie de sîége non embrigadée, et le per- 
sonnel administratif. 

A Hong-kong. -^ Le 21* régiment indien et un bataillon 
de dépôt des régiments anglais. 

A Canton. — 3« et 5« régiments indiens, 87« anglais. 

A Shangaï. — 250 hommes du 99® régiment anglais, et 
un contingent d'infanterie de marine pour les éventua- 



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Année 1860. 
Juillet, 



Utës. L^on y attendait, en outre, d'un jour à l^autre, 
deux régiments indiens actuellement à Singapoure. 

Tout marchait simultanément dans les deux 
armées vers une solution, et le moment était pro- 
che où l'on serait prêt, de part et d'autre, à com- 
mencer les opérations. 

Le 10 juillet, le Duperré amena les offîciei's 
du service topographique. 



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Année 1860. 
Jnillet. 



XII 



La reconnaissance exécutée précédemment, 
par Tamiral Protêt, avait inspiré, ainsi qu'on s'en 
souvient, un plan de campagne au général de 
Montauban. Ce plan, qu'il avait fait adopter sans 
peine à son collègue de Tarmée anglaise, lors de 
son arrivée à Shangaï, était ainsi conçu : les 
Français débarqueraient à Chi-kao, situé sur la 
rive droite du Pé-ho et à quarante kilomètres 
environ de Tembouchure de ce fleuve ; les Anglais 
prendraient terre auprès de Pé-tang-ho, fleuve qui 
$e jette dans le golfe de Pé-tchi-li à quatorze ou 
quinze kilomètres de la rive gauche du Pé-ho. 

Nous avons signalé plus haut les graves incon- 
vénients de ce plan, auquel le général en chef te- 
nait beaucoup comme émanant de lui, et qui 
plaisait surtout aux Anglais, parce que, devant 



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Année 1860. 
Juillet. 



Le général 
de Montauban 

décide 

nne nouyélle 

reconnaissance 

des 
côtes du Pé-ho. 



Composition 

delà 
commission 

chargée 

de faire cette 

reconnaissance. 



— Ô2 — 

opérer sur la meilleure rive du fleuve* avec des 
forces supérieures, — ils espéraient réussir dans 
leur initiative et nous voir échouer dans la 
nôtre. 

Mais heureusement pour l'avenir de la campa- 
gne, ce plan, qui partait d'une donnée fausse : la 
possibilité de débarquer des troupes aux endroits 
convenus, ne reçut aucun commencement d'exé- 
cution, grâce à Theureuse inspiration qui porta le 
général de Montauban h compléter ses premiers 
renseignements par une seconde reconnaissance 
des côtes du Pé-tchi-li, s'étendant à droite de l'em- 
bouchure du Pé-ho, 

Le 11, une commission partit à cet eiTet. Elle 
était composée des officiers chargés du service to- 
pographique, arrivés la veille à Tché-fou, diiigés 
par le lieutenant-colonel d'état-major du Pin; 
du chef d'état-major général de l'armée, Schmitz; 
du capitaine de vaisseau Bourgois, chargé d'étu- 
dier spécialement ce qui avait rapport à la marine, 
et du capitaine de frégate Du Quillo, aide de 
camp de l'amiral Charner. L'amiral Charner avait 
mis à sa disposition le Saigon^ bateau à vapeur à 
roues de la première vitesse, et VAllamprahf petit 
vapeur d'un très- faible tirant d'eau, pouvant 
ainsi serrer les côtes de très-près. 

Une reconnaissance faite avec plus ou moins 



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— 63 — 

d'exactitude, influe si puissamment sur le sort Année iseo. 
d'une campagne, son i mpor tance est si grande dans '^'^^^' 
les affaires de guerre, et celle qu'on allait exécuter 
en ce moment devait rectiBer tant d'erreurs, 
faire modifier si complètement le plan qu'on avait 
d'abord conçu, expliquer, en outre, si clairement 
le plan nouveau qu'on allait adopter d'après elle, 
que nous n'hésiterons pas à en étendre le récit. 



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Année 1860. 
Juillet. 



XIII 



comjte rendu ^^ 43 juillet, la Commission atteignit les îles 
reconnaiBBance. ^^^^ (situées entre Tché-fou et le golfe de Pé- 
tchi-li) par une brume épaisse, qui Tempècha de 
s'engager au milieu du groupe qu'elles forment. 
Le 15, l'état de la mer, qui avait été trop mauvais 
pendant les journées du 13 et du l/i pour y hasar- 
der un canot, s' étant amélioré, la Commission 
passa à bord de YAllamprahy dont le faible tirant 
d'eau (2 met. 30) lui permettait d'approcher des 
côtes. Elle marcha dans leur direction jusqu'à 
une heure et demie du matip, heure à laquelle 
VAllamprah dut s'arrêter pour ne pas toucher 
fond. Elle eut alors recours aux canots, et pour- 
suivit sa reconnaissance accompagnée par qua- 
rante marins armés de carabines et de revolvers. 
Bientôt les canots s' engravèrent sur un fond qui 



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était à mèu 50, composé d*uii sable résistant, ce "Année iseo. 
qui fit espérer en cet endroit une grève propre à '^"^^®*' 
un débarquement. Afin de s'en assurer, les mem- 
bres de la Commission se mirent à l'eau et pous- 
sèrent en avant; mais après avoir cheminé quel- 
que temps sur le sol, que la mer à son reflux en 
ce moment venait d'abandonner, ils rencontrèrent 
une couche de vase liquide, qui allait s'épaississant 
deplusen plus, au fur et à mesure qu'ils avançaient. 

Une lune superbe éclairait leur marche aven- 
tureuse au milieu de ces abîmes de boue, sur les- 
quels dormaient, comme des étangs fantastiques, 
d'immenses flaques d'eau qu'avait laissées la mer 
en se retirant. 

Après avoir fouillé ce terrain dans tous les sens 
pendant une heure environ, sans y trouver d'a- 
mélioration, on rejoignit les embarcations pour se 
porter plus au Sud. 

Il y avait une demi-heure qu'on avait repris la 
mer, quand on entendit des voix humaines dans 
le lointain, et en même temps on aperçut une 
voile glissant sur les eaux. L'occasion de faire 
quelques prisonniers qui pussent fournir des ren- 
seignements sur la disposition des lieux, paraissait 
trop belle pour qu'on la laissât échapper. Les ca- 
nots nagèrent vigoureusement dans la direction 
de ces voix, et Teau venant à manquer, les mem- 



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Juillet. 



— 66 — 

"ïinée 1860. ^^^ ^® '^ CommissioD se précipitèrent de nou- 
veau dans la vase, suivis par quelques matelots, 
ei on continua d'avancer avec ardeur. 

Il était trois heures du matin. Les Chinois se 
sentant poursuivis se sauvaient rapidement. Mais 
dans cette sorte de lutte de vitesse où les Chinois 
connaissaient le.terrain, nos braves officiers, qui 
pataugeaient à qui mieux mieux, devaient être 
nécessairement battus. Cependant, ils arrivèrent 
bientôt sur un terrain laissé à sec par la mer des- 
cendante, borné au loin par une levée de terre. 
Ils se dirigèrent vers cette levée, en passant à tra- 
vers d'immenses filets destinés à recueillir le pois- 
son. Mais, à moins de moitié chemin^ — une fois 
les filets dépassés, — la croûte supérieure du ter- 
rain sur lequel on avait marché disparut tout à 
coup et fit place à une boue liquide dans laquelle 
on enfonçait jusqu'à mi-jambe. 

Ils allaient renoncer à s'avancer davantage, lors- 
que, par bonheur, ils aperçurent un petit sentier 
large de vingt centimètres environ, servant vrai- 
semblablement aux Chinois pour se rendre à 
leurs pêcheries. Ce petit sentier, dont le sol était 
solide, se dirigeait vers la levée de terre qu'on 
apercevait à quinze cents mètres , — à travers 
une mer de boue dans laquelle la sonde enfon- 
çait facilement jusqu'à 0"* 80 de profondeur. 



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Juillet. 



^ 67 - 

Le capitaine de vaisseau Bourgois et le com- Année iseo. 
mandant Du Quilio s'engagèrent sur ce sentier, 
suivis de vingt-cinq matelots, à la gauche desquels 
marchait le lieutenant-colonel du Pin. On n'était 
plus qu'à deux cents mètres de la levée, lorsque 
tout à coup quelqu'un s'écria qu'on était en face 
d'une batterie. Le lieutenant-colonel du Pin ob- 
serva que cette prétendue batterie était tout sim- 
plement un village, et que ce qu'on prenait pour 
des embrasures n'était autre chose que les ouver- 
tures des rues de ce village. Mais le mot était 
lancé et avait communiqué une sorte de panique 
à la petite colonne. Ce ne fut qu'en déployant la 
plus grande fermeté qu'un officier placé à l'ar- 
rière-garde parvint à arrêter le mouvement de 
retraite qu'elle avait occasionné et qui menaçait 
d'emporter tout le monde. 

Le jour commençait à poindre, mais Tidée 
d'une batterie était si fortement empreinte dans 
les têtes, — que, malgré d'excellentes lunettes,et 
la petite distance à laquelle on était de ce malen- 
contreux village, — on persistait encore à le pren- 
dre pour une batterie. Des matelots ayant aperçu 
en avant, à droite, et à six cents mètres environ de 
l'endroit où ils étaient, un homme dans les mains 
duquel on voyait un objet long et brillant qu'il 
paraissait diriger de leur côté, — quelqu'un s'é- 



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Juillet. 



- 68- 
j^n^ leeo. cria que c'était un cavalier tarlare. Déjà on s'ap- 
prêtait à faire feu sur lui^ lorsque heureusement 
on reconnut que ce prétendu Tartare était le ca- 
pitaine Foerster^ examinant le ¥illage chinois 
avec sa lunette. 

La commission en avait assez vu pour consta- 
ter rétat impraticable du terrain dans ces para- 
ges. Elle reprit le chemin de ses embarcations. 
Pendant sa course nocturne en avant, elle avait 
dépassé une pêcherie où se trouvait une trentaine 
de Chinois occupés à recueillir du poisson. Le 
capitaine Foerster, suivi des matelots les plus 
lestes^ courut sur eux. A cette vue, ils se jetèrent 
à l'eau pour chercher un refuge dans une jonque, 
et allaient nous échapper, lorsque nos canots, se 
dirigeant de ce côté, leur coupèrent la retraite. 
Le capitaine arrivant sur ces entrefaites avec ses 
matelots, lit prisonniers ces pauvres Chinois, 
dont la frayeur était telle qu'ils se mirent à ge- 
noux dans l'eau, assez profonde à cet endroit. Ou 
prit les six d'entre eux qui parurent les plus in- 
telligents, on relâcha les autres, puis on rama 
vers VAllamprah. A dix heures du matin, la com- 
mission avait regagné le Saigon. 

Sur Tafûrmation d'un des prisonniers chinois 
que le village de Tchî-men-san était sans défense, 
qu'on pouvait y aborder facilement, la Com- 



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— 69 — 

mission reprit le cours de ses investigations, et^ 
montée sur VAllamprah^ se dirigea vers ce village, 
situé à dix ou douze kilomètres du Pé-ho. 

On arma deux canots, dans lesquels on plaça 
six carabines et quelques revolvers, seules armes 
qui fussent à bord de l*Allamprah^et on se porta 
hardiment en avant. A neuf cents mètres du ri- 
vage, les canots échouèrent. Le fond, en cet en- 
droit, était aussi vaseux que celui qu'on avait 
trouvé la nuit précédente. Néanmoins, on allait 
de nouveau se jeter à l'eau, quand on vit une 
quarantaine de cavaliers bien armés se ranger en 
bataille en avant du village. Un coup de feu tiré 
de notre côté abattit un de ces cavaliers, et tout 
Fescadron prit la fuite, laissant sur place l'homme 
' qui était tombé. 

On constata que cette partie de la plage était 
aussi inabordable que celles déjà reconnues, et 
Ton regagna FAllamprah. 

On remonta alors jusqu'à quelques milles des 
forts du Pé-ho, qu'on aperçut très-distincte- 
ment. On reconnut que des cavaliers élevés, 
armés de canons et reliés entre eux par des 
remparts couverts d'artillerie, dominaient au 
loin le fleuve et la campagne. La Commission 
avait atteint l'extrême limite convenue pour 
ses investigations. Il avait été arrêté, au dé- 

5 



Année 1860* 
Juillet. 



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K 



Année 1860. 
Juillet. 



Retour 

delà ' 

Commission 

à Tché-fou. 



70 — 



part, qu'elle ne forcerait pas plus vers le Nord^ 
afin de ne pas éveiller rattention des Chinois sur 
le projet qu'on avait formé d'attaquer du côté du 
Pé-tang-ho, point d'attaque réservé à l'armée an- 
glaise. 

Elle constata, cependant, que le village de 
Tchi-men-san était relié au village de Ta-kou par 
une chaussée longeant le bord de la mer et sur 
laquelle on voyait circuler de nombreux Chinois 
a pied et à cheval. Ce dernier village est situé 
sur la rive droite du Pé-ho et à proximité des 
forts. 

Elle redescendit ensuite v^ers le Sud, serrant le 
rivage le plus près possible, et passant successi- 
vement devant les villages de Tchi-men-san, Ting- 
tchi-han (celui qu'on avait pris pour une batte- 
rie ) , Pei-sa-toua et Toung-tao. Elle reconnut, la 
sonde à la main, que sur une longueur de plus de 
quarante kilomètres, la côte était absolument 
inabordable, à cause de la vase profonde qui s'é- 
tend au loin devant elle. La reconnaissance était 
terminée. 

Le 16 juillet au soir, la Commission arriva à 
ïchc-fou. Son rapport, dont voici le résumé, fit 
connaître que, dans ces parages, on trouve en 
allant de la mer vers la terre : 

i** Une première bande de sable dur finissant 



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côtes da Pé-ho. 



— 71 — 

au point qui, dans le flux et le reflux, reste tou- Année leeo. 

• IV Juillet. 

jours SOUS 1 eau; 

2** Une deuxième bande de vase, dont la croûte Son rapport 

' constate 

supérieure offre assez de consistance pour sup- l'î^i^^biiîté 
porter le poids d'un homme ; mais qu'au-dessous ^^^gS^fw ^^ 
de cette croûte, épaisse à peine de quelques cen- 
timètres, est un terrain dans lequel la sonde en- 
fonce à 0,80 ; 

9" Une troisième bande de boue liquide, qui 
finit au rivage et qu'on ne peut franchir qu'au 
prix des plus grands efforts et en y enfonçant 
profondément. 

Sa conclusion fut qu'il était impossible de dé- 
barquer une armée sur la rive droite ; mais que si 
une grande opération était impraticable sur cette 
rive, — parce qu'on ne pourrait pas se ravitailler, 
— on pouvait, cependant, y tenter un coup de 
main en s^y prenant de la façon suivante: 
Pendant la marche de l'escadre sur les forts du 
Pé-ho, — débarquer devant le village de Tchi- 
men-san^ vers huit heures du soir, un officier 
résolu et intelligent, avec 1,000 hommes sans 
sacs, portant dans leurs petites tentes coulées 
des munitions et des vivres pour quelques jours. 
Cet officier, après s'être assuré la possession du 
village, se mettrait en marche vers les forts du 



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— 72 — 

^„^ J860. Pé-ho , en suivant la chaussée qui longe le ri- 

Jui let. 

vage. 

Son mouvement, combiné avec précision sur 
celui de la floUe, aurait pour but, — pendant que 
celle-ci tenterait de forcer le passage du fleuve, et, 
par conséquent, attirerait sur ce point les plus 
grands efforts de Tennemi, — d*attaquer à la 
pointe du jour lesr forts du côté de la terre, où 
^ vraisemblablement Ton trouverait la défense 
moins redoutable que du côté de la mer. Ce 
projet qui, à première vue, pouvait sembler té- 
méraire, offrait de grandes chances de réussite, 
parce que, d'abord, il ne pouvait venir à la pensée 
de l'ennemi qu'on osât le tenter; ensuite, parce 
qu^une attaque soudaine sur ses derrières devait 
infailliblement porter le trouble dans son esprit. 
Les généraux Lc résultat de cette reconnaissance fut capital. 

en chef *■ 

"2^ncent jj amena les généraux en chef à renoncer à leur 

àl^^Z^J^ei projet d'opérer isolément, chacun sur une des 

*L amî^' rives du fleuve- En conséquence, il fut décidé que 

les deux armées agiraient simultanément du côlé 

• du Pé-tang-ho. 



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XIV 



Année 1860. 
Juillet. 



Pendant le séjour de Tarmée à Tchë-fou , le 
général (gnatieff, chef de la mission russe à Pé- 
kingy vint fréquemment rendre visite au géné- 
ral de Montauban. 

M. Ignatieff, âgé de trente-quatre ans environ 
à cette époque , a Fallure franche et militaire. 
Ses manières^ — mélange de grâce et de bonho- 
mie, — ont la distinction accomplie, particulière 
à ses compatriotes. Ses traits, qui ne frappent 
pas au premier abord, ont, pour qui les observe 
attentivement, une grande expression de finesse 
et d'intelligence. 

Après l'affaire si malheureuse du Pé-ho , en 
1859, les Anglais, humiliés d'avoir été complète- 
ment repoussés par les Chinois, cherchèrent une 
foule de raisons pour expliquer leur échec. Les 



Visites 

du général 

Isnatioff, 

ambassadeur 

de Russie 
en Chine, ac 
camp français. 



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— 7.4 — 

AMèeîëeôr J^"™2i"X de Londres publièrent que des officiers 
juiuet. russes avaient secrètement dirigé les défenses 
des forts du Pé-ho, qu'ils avaient donné des con- 
seils et des instructions aux Chinois ; en un mot, 
que leur intervention avait été la cause du désas- 
tre de la flotte anglaise. 

Cette insinuation, répandue partout, avait ac- 
quis la valeur d'une vérité. Aussi, au moment de 
renouveler une tentative sur les forls du Pé-ho, 
et sous l'impression du rôle qu'on attribuait aux 
Russes dans l'alTaire de 1859 , les fréquentes, ap- 
paritions de l'ambassadeur de Russie à notre 
camp étaient-elles vues avec une sorte d'appréhen- 
sion, qu'augmentaient encore ses voyages répétés 
et inexplicables du côté du Pé-ho. Nos officiers 
généraux et nos chefs de service, sans Taccueillir 
mal, se tenaient vis-à-vis de lui sur la réserve la 
plus prudente. Quant à lui, trop fin pour ne pas 
comprendre, il paraissait cependant ne pas se 
douter des préventions injustes dont il était l'ob- 
jet, et, avec la plus parfaite aisance, il fournissait 
de temps à autres les plus utiles renseignements, 
et laissait voir les cartes qu'il avait fait dresser 
pendant son séjour en Chine, lesquelles renfer-- 
maient les plus minutieux détails sur le pays, 
depuis Pé-Ung-ho jusqu'à Tien-sin et Pé-king. 
Mais» aucune de ses avances ne parvint à gagner 



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- 7S - 
noire entière confiance. Les calomnies des jour- j^nnée leeo. 
naux anglais avaient produit leur efiFet, Il ne fallut *^^^®^' 
rien moins que les incontestables services qu'il 
nous rendit plus tard, pour nous prouver combien 
alors ses avances à cette époque étaient loyales et 
désintéressées. 



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Année 1H60. 
Juillet. 



XV 



Conseil Le 19 juillet, les deux généraux en chef, les 

^**en*c'htf'" amiraux anglais et français, tinrent à Tché-fou un 
«nqnd^assistent ^^^ couscil, auqucl assistaleut les deux ambassa- 
^^M^h^' deurs. Il y fut décidé que le 28 du même mois les 
quon y pien . g^^j.^^ alliécs se réuniraient dans le golfe de Pé- 
tchi-li, qu'on consacrerait la journée du 29 ou 
du 30 à faire une reconnaissance, puis qu'on at- 
taquerait les forts de Pé-tang, d'où Ton se porte- 
rait ensuite, selon la tournure des événements, 
soit sur le Pé-ho, soit sur la ville de Tien-sin. 

On se sépara sur cette décision, et chacun, 
dans ce qui le concernait, courut faire ses prépa- 
ratifs de départ. 

Le 25^ notre armée était embarquée. Elle avait 
mis trois jours pour accomplir cette opération. Les 
états-majors, les troupes, les chevaux et le maté- 
riel, étaient répartis sur la flotte, ainsi qu'il suit : 



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-« 77 — 



Sur le Forbin;--' le général de Moistauban et Année laeo. 

^ JttUlet. 

son état-major. 

Le Saigon; — l'état-major général. 

L'Entreprenante^ le Rhône, la Vengeance; — la 
première brigade, le général Jamin et son état- 
major. 

La Dryadey la Némésis, la Garonne^ la Per- 
sévérante; — la deuxième brigade, le général 
CoLtiNEAU et son état-major. 

Le Rhin^ la Saône, la Gironde y le Jura, la Loire^ 
le Calvados, la Marne, la Nièvre; — Tartillerie et 
le génie. 

Le Wesery la Meurlhe, le Shangaï; — le train, 
l'administration 9 le service de santé. 

Les coolies chinois étaient distribués sur les 
divers bâtiments de la flotte. 

RéSUUé DE l'effectif EMBARQUA. 



Officiers-généraux. • . 3 
Officiers supérieurs. . • 47 
OfGciers subalternes. • 278 
Intendance, administra- 
tion 47 

Médecins «13 

Aumôniers t 

Payeurs. 3 



Infanterie 5,300 

Cavalerie 64 

Artillerie -1,050 



Génie 

Train 

InGrmiers. • . . 
Administration. 
Coolies 



260 
100 
70 
160 
950 



MATÉRIEL. 

Chevaux, l^âOO, — artillerie, 12 pièces de 



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Année 1860. 
Juillet. 



— 78 — 
douze rayées ; 12 pièces de quatre rayées ; A pièces 
de montagne. 

On laissa k Tché-fou 220 hommes du 101 <^ de 
ligne y sous les ordres du commandant de la 
Plane, 4 infirmiers, le Duperré converti en vais- 
seau-hôpital, et la îré^^te fAndromaque (1). 

(i) Pendant son séjoar à Tché-fou l'armée perdit one soixantaine 
d'hommes environ, et parmi eux le chef d'escadron Gary, chef 
d'état-major de rartlUerie. Cet officier, plein de jeunesse et d'avenir, 
fat enlevé en quelques jours par une maladie aiguë. Il fut remplacé 
dans son emploi par M. Schnéegans, récemment promu au grade 
de chef d'escadron. 



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XVI 



Année 1860. 
Juillet. 



Le 26 juillet, au matin, la flotte française leva "^^^^ de u 

flotte. 



Tancre par une belle mer, et se mit en marche 
sur trois colonnes , l'amiral Chamer à la tête de 
celle du centre, l'amiral Page de celle de droite, 
Tamiral Protêt de celle de gauche. 

Les bâtiments à voile et de nombreuses jon- 
ques chinoises recueillies par notre marine pen- 
dant son séjour à Tché*fou, étaient remorqués par 
des vapeurs. Ces derniers, dont Tallure était sen- 
siblement allourdie par les masses qu'ils traî- 
naient, ne pouvaient garder Talignement avec 
ceux qui marchaient en toute liberté; aussi, mal- 
gré les signaux qui partaient du vaisseau amiral et 
se succédaient avec une merveilleuse rapidité, 
avait-on peine à conserver la superbe ordonnance 
du départ. 



son ordre 
de marche 



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— 80 — 
Année 1860. l>^T^s la joumée, on aperçut sur la droite les 
juiuet. nombreuses voiles de la flolte anglaise. Elle élait 
flotte française composée de près de deux cents vaisseaux tant 

rencontre 

Il tte ^ lai ^® guerre que de commerce, et marchait à vo- 
lonté, c'est-à-dire par rang de vitesse^ et par suite 
beaucoup mieux que la noire. Une énorme dis- 
proportion, relativement aux forces embarquées, 
existait dans le nombre des transports dont cha- 
que flotte élait suivie. Cette disproportion révèle 
la différence des procédés maritimes en usage chez 
les deux nations. 

En France, lorsqu'il s*agit d'une expédition 
lointaine, on nolise des navires de commerce pour 
transporter les troupes, quand il n'y a plus de 
place sur les bâtiments de guerre. 

En Angleterre, c'est le contraire qui a lieu ; de 
sorte que les bâtiments de guerre ne sont jamais 
détournés de leur spécialité, — si ce n'est dans 
les cas exceptionnels — pour jouer, comme il ar- 
rive trop fréquemment chez nous, le rôle de train 
maritime de l'armée de terre. Il résulte de cette 
manière, si opposée à la nôtre, de comprendre 
l'emploi de la marine de guerre, qu'elle entretient 
et développe remarquablement l'esprit militaire 
des officiers de cette nation , parce qu'ils ne sont 
jamais distraits de leur métier de soldat. De plus, 
elle évite le danger d'une grande agglomération 



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— 81 — 
de troupes sur le même bord, ce qui rend les si- Année laeo. 
nistres beaucoup moins graves que chez nous, où *^"*^^®** 
Ton entasse sur les vaisseaux de guerre déjà eu-* 
combrés par les équipages, des masses considéra- 
bles d'hommes et de matériel. 
Le 28, les deux flottes qui avaient navigué de 

conserve, mouillèrent côte à côte dans la baie de 

« 

Cha-lui-tien, à dix milles des forts du Pé-tang. 

Les journées du 29 et du 30 furent employées Formation 
dans les deux armées à organiser les colonnes de déhlîqïmrat 
débarquement. de^°^%B. 

La nôtre fut formée de 2,000 hommes pris 
dans tous les corps de façon que chacun s'y trou- 
vait représenté, et fut divisée en deux brigades 
d'égale force. La première (750 hommes du 2« 
bataillon de chasseurs à pied, et 250 hommes du 
iOl^' de ligne), avait a sa disposition : le Rhône ^ 
Y Entreprenante y douze chaloupes et trois jonques; 
la seconde (570 hommes du 102* de ligne, et 430 
hommes d'infanterie de marine), la Dryade, la 
Persévérante^ huit chaloupes et quatre jonques. 
En outré, de nombreuses embarcations étaient dis* 
posées pour transporter 60 soldats du génie, une 
section d'ambulance, Tescorte du général en chef 
(6 chasseurs et 6 spahis) une batterie de campa- 
gne, une batterie de quatre, toutes les deux attelées 
et sur avant-train, trois caissons de munitions 



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— 82 — 
"AMée^iBôor ^g«'ïleraent attelés, trente-six mulets bâtés et leurs 
^ ^ ' conducteurs^ enfin, ies chevaux de Téiat-major, 
des chefs de service et des aides de camp. 

£n composant la colonne de débarquement 
avec des fractions de tous les corps, on sacrifia 
les règles les plus simples de l'art militaire au 
désir de contenter tout le monde. Cette disposi^ 
tion était mauvaise, parce qu'ayant pour consé- 
quence d'attirer à terre tous les généraux et chefs 
de corps, elle laissait les fractions restantes, for* 
mant plus de la moitié de l'armée, sous le com- 
mandement d'un officier trop inférieur en gradé 
pour leur imprimer une direction assez ferme, 
dans le cas possible où elles eussent été obligées 
de venir au secours de la colonne active. 

Quand, à la guerre, on veut faire plaisir à tout 
le monde, on s'expose souvent à nuire à l'intérêt 
général. Un bon commandement ne fait pas ac- 
ception de personnes, il s'inspire d'idées plus éle- 
vées. En laissant chacun a sa place et à son rang, 
personne ne se trouve blessé, et les choses n'en 
vont que mieux. 

Le général sir Hope Grant forma tout simple- 
ment sa colonne d'opération avec la première 
brigade de son armée, de sorte que tous ses corps 
restèrent intacts et conservèrent leurs chefs res- 
pectifs. 



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— 83 — 
Cette brigade , sous les ordres de sir John Année iseo, 
Miichell, se composait du 2® régiuient, anglais; "^^^^ 
60* régiment, rifles anglais, et du ib^y pundjab 
siklesy indiens ; d'une batterie d'obusiers et d'un 
détachement du génie. 



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I 



Année 1860« 
Août. 



XVII 



NouyeUes H avait été convenu dans le crand conseil lenu 

reconnaisBances ^ 

^^vé-ho^"^ à Tché-fou, qu'une fois arrivés dans les eaux du 
•fet^A^a^ Pé-ho, on ferait une reconnaissance générale, 
iw Français. Lcs Anglais envoyèrent des embarcations recon- 
naître les passes et les cotes du Pé-tang. Ils cons- 
tatèrent que^ sans être aussi mauvaises que celles 
de la rive droite, leur configuration avait beau- 
coup d'analogie avec elles. 
Reconnaissance Dc uotrc côté, uu cauot et Une baleinière , por- 

française 

dirigée par le (ant Ic licutenant-colonel du Pin, le lieutenant de 

lieiitcLant- ' 

d'étetwor vaisseau de la Mark, un ingénieur hydrographe 
du Pin. j^ ij^ marine, seize matelots et un chasseur d'A- 
frique, quittèrent la flotte d:ms la nuit du 30 au 
31, et se dirigèrent vers l'embouchure du Pé-ho. 
On reconnut la barre du fleuve, où Ton trouva 
qu'il y avait une quantité d^eau surfisan(e pour nos 



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Juillet. 



— 85 — 

canonnières. Le plus grand fond était près de la j^^^ ^^^^ 
rive gauche. Le ciel était sombre et chargé d'o* 
rage. On s'engagea dans le fleuve et on le re- 
monta assez pour distinguer les forts. Comme le 
but principal de la reconnaissance était de cons- 
tater le terrain avoisinant la côte, on se dirigea 
vers une hutte de pêcheurs située à deux mille 
mètres environ en aval des forts de la rive droite, 
et à deux mille sept cents mètres de ceux de la 
rive gauche. En cet endroit, la plage était unie. 
Nos officiers y prirent terre, suivis de quatre ma- 
telots et du chasseur d'Afrique. Ils avaient ordonné 
au reste de leur petite escorte de se tenir avec les 
embarcations à proximité du rivage, afin de leur 
prêter main-forte dans le cas possible où ils ren- 
contreraient quelque patrouille tartare. 

Ils avancèrent alors avec précaution vers les 
forts, et en approchèrent assez près pour voir, à 
la lueur des éclairs, des pieux, qu'ils prirent d'a- 
bord pour des palissades, et qu'ils reconnurent 
ensuite être des étais^ soutenant les terres de 
l'escarpe. 

Le lieutenant-colonel du Pin constata que tout 
le terrain parcouru était inondé à la marée haute, 
qu'il était composé, jusqu'à six cents mètres 
du fleuve , d'une vase épaisse recouverte d'une 
croûte assez forte pour porter un homme, et 

6 



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— RTï — 

■ ^^^^ ^3^ même un chev»! m^rcb^int rapidement. A six cents 
im]\9^ mètres au del^i de la hmie, on trouva une chaulée 
ei^haussée de quelques centimètres^ se dirigeant 
vers upe route qui met en communication les 
fprts du Pé-ho et la ville de Tien-sin avec le vil- 
lage de Pé-tang. 

Cette c^ussécy large de six mètres, reposait sur 
un sol dont la croûte était plus consistante que 
celle qu'on avait remarquée jusque-là. On y vit 
l'empreinte d'un sabot de cheval qui n'avait pa^ 
plus de deux centimètres de profondeur. Il était dès 
lors évident qu'on pourrait débarquer des troupes 
en cet endroit, que même on pourrait y mettre à 
terre les pièces de montagne^ k la condition de les 
porter à bra3 jusqu'à la hutte. Quant à l'artillerie 
de campagne, il ne fallait pas songer ^ la trausr 
porter \ mais pn avait quelque chance de la faire 
passer, en plaçant sous le fer des roues; des piè- 
ces, des patins d^une forte dimension, afin que la 
pesanteur des pièces, portant sur une base plus 
large, ces fers de roues ne coupassent pas la fra- 
gile surface du soi, 

GeUe périlleuse reconnaissance sur une plage 
inconnue et ennemie, pendant une nuit profonde 
pu Ton ne pouvait saisir la physionomie du ter- 
rain qu'à la lueur des éclairs, fait |e plus grand 
éloge des officiers qui rexé€utèren|. À leur sortie 



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— 87 — 

du fleuve, ils trouvèrent te Contestj bateau àva- -jj^^j-^jj^ 
peur envoyé à leur rencontre par l'amiral Charner. *^"*^'' 
Cette précaution de l'amiral ne fut pas inutile, car 
le vent avait beaucoup fraîchi, et leurs faibles em- 
barcations couraient en ce moment les plus grands 
. dangers. Au point du jour, le lieutenant-colonel du 
Pin faisait son rapport au général de Montauban. 



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Année 1860. 
Août. 



XVIII 



Les généi-aux Les deux géoéraux en chef, complètement ren- 

en chef 

décidentie seîgnés, se réunirent el de'cidèrent qu'on tente- 

débarquement o ' t 

auMiSTmdTqné ^aît Ic débarquement des troupes au point indiqué 

recoSSîlSanoe P^r la reconuaissancc française, c'est-à-dire à la 

dirig^pù hutte, et que rien ne serait changé à cet effet aux 

le lieutenant- ,. .. , ,., ., a- • i 

colonel dispositions dcja arrêtées. Ainsi, comme chez 



du Pin. 



nous, chaque chef de corps connaissait les vais- 
seaux et les embarcations qui lui étaient destinés, 
et comme chaque vaisseau savait les numéros des 
régiments et le nombre d'hommes qu'il était 
chargé de transporter, on n'avait à craindre au- 
cune confusion ni aucun retard lorsque le signal 
du départ serait donné. On attendit l'amélio- 
ration du temps, fort mauvais en ce moment, pour 
se mettre en roule. Enfin, le 1^' août, le soleil se 
leva sur une mer parfaitement calme, et à sixheu- 



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— 89 — 
resdumatin, le général en chef donnait Tordre " 
de rembarquement. A neuf heures, le général en 
chef et son état-major étaient à bord du Kienr 
Chan^ où se trouvait Tamiral Gharner, et la flottille 
appareillait remorquée par sept chaloupes canon- 
nières traînant chacune quinze à vingt embarca- 
tions. 

Pendant ce temps, les Anglais avaient fait la. 
même opération, et, remorqués par trente canon-* 
nières, prenaient la tête de la colonne de marche. 
On franchit sans difficulté, avec le flot (la marée 
étant très-hau le) la barre du Pé-ho ; et à deux 
heures de l'après-midi, la flottille française mouil- 
lait en face de la hutte de pêcherie reconnue 
dans la nuit du 30 au 31 juillet. Les Anglais, arri- 
vés au rendez-vous avant nous, n'avaient pas en- 
core commencé le débarquement; ils paraissaient 
ne pas vouloir le presser. 

Le village de Pé-tang, qu'on apercevait dans 
le lointain, a la forme d'une île ; il communique 
avec la terre ferme par un pont en bois jeté sur 
un fossé large et profond. Au bout de ce pont 
part une chaussée qui court vers le Pé-ho et sur 
la ville de Tien-sin, à travers une plaine inondée 
pendant les grandes marées. 

Le fort de la rive droite, placé dans le village 
sur le bord du fleuve, renferme deux cavaliers 



Année 1860. 
Août. 



Description 
du çaya 
avoisiuant 

le village de 
Pé-tong. 



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- 90 -^ 

Année 1^7 tfès^élevés* kptit chacnn trois embrasures ar-» 
^*^' fliées de canons t)ointés sur le fleuve* Une longue 
courtine armée de sept canons relie les deux ca-» 
valiers. Le fort de la rive gauche, situé un peu ed 
arrière du premier fort, à l'endroit où le fleuve 
forme tin coude, renferme un cavalier armé de 
trois pièces, et en tout neuf canons également 
pointés sur le fleuve. A notre arrivée, de nombreux 
drapeaux flottaient sur les remparts de ces forts. 
On apercevait entre leurs créneaui les tètes des 
artilleurs chinois. Tout resta silencieux malgré 
la pi*ésence de quelques<unes de nos embarca-^ 
tions, qui, ayant remonté un peu dans le fleuve, 
se trouvaient à portée de leur canott. Sur la chaus- 
sée allant à Tien^^^^sin, on distinguait facilement 
une centaine de cavaliers tartares pied à terre, 
tenant leurs chevaux par la bride. 

La marée, très-haute à cette heure, débordait 
le rivage à une distance de près de quinze cents 
mètres, de sorte que la hutte, à sec lors de la 
reconnaissance, semblait un petit îlot. 

Cependant la journée s'avançait et rien ne trahis- 
sait chez les Anglais la pensée d'un débarquement. 
Le général de Montauban impatient, avec juste 
raison, de l'immobilité de nos alliés, et ne sachant 
à quoi Tattribuer, alla trouver le général Grant, et 
coAvint avec lui qu'une force de 400 hommes, 



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— 91 — 

moitié Français moitié Anglais, serait immédiâ-^ Année mo. 
tement misé à terre pour reconnaître les lieux. 

En conséquence, le général de Montauban com- 
manda 200 chasseurs à pied, et, suivi du lieute- 
nant-colonel d'état-major du Pin, du capitaine de 
Montauban son officier d'ordonnance, du colonel 
de Bentzmann et du commandant Schnéeghans, 
de rartillerie, — • il se porta dans la direction de 
la hutte. Il était déjà dans Peau avec une partie 
de son monde, quand survint le commandant 
Réboul, commissaire du gouvernement français 
auprès de nos alliés, — que lui avait dépêché le 
général anglais, pour lui dire : que Teau lui 
paraissait trop profonde en ce moment pour y 
hasarder ses 200 Anglais, et qu'il le priait de 
renoncer à l'opération convenue. 

Le général français qui, mieux que le général 
Sfiglais, pouvait juger du danger que présentait 
l'opération, puisqu'il était à l'eau malgré son âge 
et Son rang, répondit h t'àppf éhension de son col- 
lègue, en ordonnant au reste de ses chasseurs de 
se hâter de le suivre; ce que voyant, les Anglais 
les imilèreiit, et les deux troupes alors se dirigè- 
rent rapidement vers le rivage. Nos hommes, qui 
avaient l'avance, y arrivèrent les premiers et se 
formèrent en bataille en attendant les Anglais. 

Ott était à deux cents mètres de la chaussée, à 



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— 92 — 

" Année 1860. ^^^^^ ^^^6 du pout de Pé-taog et à deux mille du 
^^^*' fort, à portée de canon duquel on avait passé pour 
atteindre la terre. Les Chinois, qui auraient pu 
troubler notre opération par leurs boulets, la lais- 
sèrent paisiblement s'accomplir. Seulement les 
groupes de c^ivaliers qu'on voyait sortir à tous 
moments du village et courir du côté du Pé-bo, 
faisaient deviner qu'ils n'étaient pas sans préoc- 
cupations. 

^ ^x Le terrain qu'on avait devant soi était plat, 

deux généraax ^ r y 

TïwScâ terre ^^^P^ ^0 flaques d'cau et parsemé de nombreuses 
dt ^ïerie. éminences coniques, lesquelles indiquent des sé- 
pultures chinoises. Le bonheur de cette première 
tentative inspira aux deux généraux en chef l'idée 
de profiter de l'élan qui était donné, et d'en ter- 
miner, séance tenante, avec le débarquement de 
leurs troupes. — Le général en chef envoya vers 
la flottille le colonel de Bentzmann et le comman- 
dant Schnéeghans, pour donner l'ordre de faire 
descendre le reste des troupes, et de mettre à terre, 
si cela était possible^ les pièces de montagne. Le 
général anglais donna des ordres analogues. 

Dans la situation où l'on se trouvait, il était de 
la plus haute importance d'occuper le pont de 
Pé-tang, et surtout de se hâter afin d'empêcher 
les Chinois d'en enlever le tablier, ce qui aurait 
entraîné h des opérations longues et difficiles pour 



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— 93 — 
le rélablir, vu rimpossibilité de transporter à tra- Aanée i86o. 
vers une plaine inondée et bourbeuse le matériel 
des pontonniers, 

Le général de Mbntauban, arrivé le premier 
sur les lieux et à qui toutes ces considérations 
n'échappèrent pas, comprit le prix du temps dans 
cette affaire, et, sans attendre son collègue, indi- 
qua le pont comme objectif à ses chasseurs à pied, ^^ Angiaî* 
avec lesquels il envoya le lieutenant-colonel du J^'^^^n 
Pin, qui avait déjà reconnu la position. de F^wg. 

Les Anglais, qui avaient pris terre ànotredroite^ 
avaient un point de départ plus rapproché du pont 
que le nôtre ; mais cet avantage de proximité était 
largement atténué par Taffreux état du terrain 
qu'ils avaient à parcourir pour s'y rendre. 

Nos chasseurs, — laissant les Anglais suivre la 
ligne droite sur le terrain le plus rapproché du 
fleuve et pour cela coupé de flaques d'eau plus 
nombreuses et plus profondes, — obliquèrent as- 
sez fortement à gauche pour prendre la chaussée, 
qui, ayant été construite avec de la terre prise sur 
ses deux côtés, était bordée par un fossé d'autant 
moins profond qu'elle s'éloignait davantage de la 
mer. 

Bientôt le général Jamin, débarqué à temps 
pour commander les chasseurs, rejoignit leur 
avant-garde; puis, confiant 25 hommes com- 



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— 94 — 

fiii&ï 1860. ïhaiidés par le lieutenant Roqueféuîlle au lîeule- 
nant-colonel du Pin, avec mission de se hâter 
vers le pont et d'en prendre possession, il s'éta- 
blit avec ses troupes sur la chaussée que ces 25 
hommes les précédant avaient atteinte ayant de 
l'eau jusqu*à la ceinture. 

Ce petit détachement n'était plus qu'à cinq cents 
îtiètres du pont, et déjà posait ses sacs à terre pour 
Taborder plus aisément, lorsqu'il fut subitement 
arrêté par la sonnerie de halte, suivie bientôt par 
celle de retraite. Il obéit à Tordre qu'il recevait 
de battre en retraite, et se replia sur la troupe du 
général Jamin, qu'accompagnaient le chef d'état- 
major général de l'armée, le colonel Folley, com- 
missaire anglais de Tarmée anglaise auprès du 
général de Montauban, et trois autres officiers 
anglais, dont un général. 
^i^^^ts *^s officiers qui, sans doute, ignoraient le 
par ^^ance nj^uvais état du terrain sur lequel cheminait 
françaisea péniblement la colonne anglaise, voyant Tavant- 

en marche vers j j t^ 

Pé-tang. garde des! Français prête à s emparer à elle 
seule du pont, objet en ce moment des efforts 
communs, avaient^ au risque de tout compro- 
mettre, arraché l'ordre de cette malencontreuse 
Éônnerie ; les uns, parce qu'ils craignaient que 
l'avance des nôtres, mal interpi'étée, ne brouillât 
les deux armées; les autres, parce qu'ils lui 



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— 95 — 
âltribuaient déjà une intention blessante poui* Ann4e imo. 
l'armée anglaise, ^'^*' 

Mais comme, après tout, la possession du pont 
était également utile aux deux armées, et que la 
Sacrifier à de yaines questions de susceptibilité 
serait une insigne folie, le général Jamin, — tandis ^QÎJS^^du^prn 
que le chef d'état-major général courait en référer g^^' jlmin 
au général en chef,— autorisa de nouveau le lieu- ^^ ^*^ont 
tenant-colonel du Pin, auquel il adjoignit le capi- ^® ï"^**"»- 
taine Laveuve, son aide de camp, à se porter vers 
le pont et à s'en emparer, sauf ensuite à s'expli- 
quer. 

Les chasseilrs étaient encore parvenus à cinq 
ou six cents mètres du pont, quand la sonnerie de 
retraite se fit entendre comme la première fois. 
Le lieutenant-colonel arrêta ses hommes et leur 
ordonna de se replier. Quant à lui, cédant à une 
sorte d'impatience, il demeura, décidé h savoir au 
juste dans quel état se trouvait cet insaisissable 
pont. Il avait fait environ deux cents mètres dans 
sa direction, lorsqu'il entendit marcher à pas pré- 
cipités derrière lui : c'étaient le colonel Folley 
et les trois officiers anglais qui, l'ayant aperçu 
s'aventurer avec tant d'insouciance du danger, 
venaient le rejoindre. 

Alors, marchant réunis^ ces officiers franchirent 
rapidement la dislance qui les séparait xlu pont. 



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Août. 



-.96 — 
Année 1860. ^® lieulcnant*coIonel du Pin le traversa, suivi par 
les officiers anglais, et s'arrêta devant une porte à 
claire-voie qui en fermait le débouché vers la ville. 
Puis, poussant cette porte, qui céda k sa première 
impulsion, avec une rare présence d'esprit, il 
pria les officiers anglais de passer les premiers. 
Le colonel FoUey fit un pas en avant, et, en loyal 
soldat, il tendit la main au représentant de notre 
armée, et le pria à son tour de passer de front 
avec lui* 

Ces deux hommes de cœur et de tact termi^ 
nèrent ainsi le conflit qui, au dire de beaucoup de 
monde, menaçait de brouiller les deux armées. 

En deçà de la porte à claire-voie, il y avait un 
corps-de-garde tartare percé de meurtrières ou- 
vertes sur le pont. L'aspect des objets qu'il ren- 
fermait fit supposer qu^il avait été abandonné 
récemment. 

Entre la ville et le corps-de-garde s'étendait une 
chaussée de trois cent cinquante à quatre cents 
mètres, élevée au-dessus des eaux, et aboutissant 
à une assez grande place couverte de quelques 
centaines de Chinois sans armes. 



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Année 1860. 
Août. 



XIX 



Cette singulière reconnaissance faite, pour ainsi 
dire au milieu de l'ennemi et avec la plus grande 
aisance, permit aux deux colonels anglais et fran- 
çais d'arrêter en toute assurance la disposition 
dés troupes à leur arrivée. Its convinrent que les 
premiers arrivés occuperaient le corps-de-garde 
tartare ; et que si c'étaient les Français, comme 
cela était présumable, ils le céderaient aux An- Occupation 
glais, dans le cas oùr le général anglais en mani- ^J;*^^ 
festerait le désir. Bientôt on entendit les cris de : ^^^^ ^^^' 
Vive l'Empereur ! C'était le capitaine Blouet, avec 
la première compagnie du bataillon de ch^sseui^s, 
qui traversait le pont au pas de course. 

Le général Jamin, inquiet sur le sort des offi- 
ciers, l'avait envoyé afin de les protéger. 

On le plaça, comme il était convenu, dans le 



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4anée ^ i86Q, coFps-de-garde lartare, avec ordre de détacher 
^°^*' un poste à l'extrémité de la chaussée, et de pous- 
ser des patrouilles jusqu'au débouché des rues de 
la ville sur la grande place. 

La nuit se faisait, quand apparut le général sir 
Hope Grant suivi de son état-major et de toutes 
ses troupes. On lui rendit compte de ce qui s'était 
passé et des conventions prises relativement à 
l'occupation du corps-de-garde. Le général ap- 
prouva tout, serra la main du lieutenant-colonel 
français, et décida que puisque les chasseurs à 
pied étaient les premier? arrivés, ils resteraient 
»u corps-de-garde tarlare; puis il établit ses 
{roQpes sur la chaussée dans l'ordre suivant : une 
compagnie 4e rifles, génie, régiment de rifleç^ 
pundjabs, troqpe de ligne» 

Le général Jamin, avec les troupes de sa bri- 
gade, était en arrière des Anglais. Ces derniers, 
dans leur marche sur Pé-tang» avaient été forcés 
dQ 60 rabattre sur la chaussée et d'y monter, le 
chemin qu'ils avaient choisi d'abord étant absolu 
ment impraticable. 

On occupait enfin ce précieux pont, cause ^ 
tant et de ?i curieux incidents^ L'étrange abandon 
dans lequel on le trouva indiquait chez les Chinois 
un tel désarroi, qu'on résolut de brusquer le len- 
demain, à la pointQ du jour, l'attaque des forts. 



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Les canonnières, prévenues de cette attaque, der ^^ - 
vraient les canonner du côté du flepye, '^^^* 

Les soldats des deux patiops, fatigués d'uqe 
journée aussi laborieuse, commençaient à prepdrQ 
quelque repos, lorsque yers onze heures du soir, 
de nombreui^ coups de fusil partirent dans la din 
rection du pont. Le général Jamip envoya le lieur 
tenant-colonel du Pin avec les capitaines Lavepve^ 
son aide de camp, et Lafonge, deç; chasseurs k 
pied, s'enquérir de la causa de cette fusillade. 

C'était le régiment de pundjab qui avait tiré 
sur des chevaux errants. 

Comme ces trois officiers, pour obtenir ce reQv 
sei^nement, avaient dû se porter jusqu'au pont;^ 
ety par conséquent, n'étaient plus qu'à quelques 
pas du corps-de-garde tartare, ils allèrent to^t 
naturellement voir ce qui s'y passai!, 

Le capitaine Blouet leur apprit que »es pa>« 
trouilles avaient trouvé le village de Fé-taqg par-r 
parfaitement tranquille, que les Chinois avaient 
apporté d'eu^-mêmes d@ Teau et du boi^ à ses 
chasseurs, et même du thé tout préparé, 

Ces renseigpements saisirept Vîmagination du Reconnaiseano 

lieutenant-colonel du Pin, et lui inspirèrent l'idée ^^tuaig 

d'aller reconnaître, séance tenante, les forts qu'on ^^ ueStenant- 

devait attaquer le lendeniain. 

Prenant avec lui un sergent et quatre chasseurs, 



colonel da Pin* 



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Année 1860. 
Août. 



On trouve 
le fort 

de Pé-tang 
évaoné. 



— 100 — 

il traversa le village, toujours accompagné des ca- 
pitaines Laveuve et Lafonge, et arriva devant le 
fort après avoir augmenté sa petite troupe de deux 
Chinois, qu'il avait fait saisir pour lui servir de 
guides. Le fort était isolé du village par un lai^e 
fossé et un mur crénelé, mais communiquant avec 
lui par un pont jeté sur ce fossé. 

Le lieutenant-colonel y ne voyant personne ni 
sur le mur du fort ni sur le pont, dont la porte à 
claire-voie était entr'ouverte , poussa jusqu'au 
bout sa boune fortune. Plaçant devant lui les deux 
Chinois, il s'engagea résolument avec ses hommes 
sur le pont. Tout était silencieux; le fort parais- 
sait désert. On avançait cependant avec précau- 
tion, lorsque les Chinois s'arrêtèrent tout court, 
et, se jetant aux pieds de nos hommes, ils indi- 
quèrent par signes que le fort était miné. En re- 
gardant de près on reconnut , en effet, que le 
terrain avait été fraîchement remué. 

On prit alors plus à gauche, en longeant le pa- 
rapet, et on arriva à une large rampe qui menait 
au cavalier de gauche. Chemin faisant, on avait 
aperçu les indices d'une seconde mine. Bientôt , 
on atteignit la plate-forme du cavalier, qu'on 
trouva armé de canons , et Ton vit sur les rem- 
parts flotter de nombreux drapeaux. Des tentes 
dressées sur le terre-plein, des ustensiles de cui- 



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— 101 — 
sine remplis de riz encore chaud, tout révélait que' "j^iiéTiBeôT 
le fort venait à peine d*être évacué. Les cavaliers ^^^^' 
qu'on avait Vus s'enfuyant du côté du Pé-ho en 
avaient probablement formé la garnison. On se 
demandait comment l'ennemi n'avait pas songé à 
défendre une position si bien fortifiée, quand tout 
à coup un grand éclat de rire interrompit le si- 
lence de la nuit. 

Le sous-officier de chasseurs venait de décou- 
vrir que les formidables canons qu'on avait à 
côté de soi étaient faits en bois cerclé de fortes 
bandes de tôle. Pendant que notre petite troupe 
s'abandonnait à la joie de son heureuse aventure, 
on vit tout à coup s'élever dans les cieux les fu- 
sées de signal des canonnières françaises , qui , 
ayant remonté le fleuve, prenaient leur position 
de combat. 

Il était urgent de faire^'connaître à la flotte et à 
l'armée que le fort était en notre pouvoir. Comme 
on n'avait pas de drapeau français à sa disposi- 
tion, on abattit les drapeaux chinois; puis, avec 
un mouchoir blanc et deux ceintures, l'une rouge, 
l'autre bleue» on fabriqua un guidon, qu'on planta 
sur un endroit élevé pour avertir la flotte de ce. 
qui se passait. On enleva ensuite une pièce de 
canon de son affût^ on la plaça sur les épaules 
des deux ('hinots, et, les mains pleines de dra- 

7 



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Août. 



— 102 — 

Aimée 1860." peaux cbîoois, on reprit le chemin de Tarmée. 

On traversa dans cet équipage toutes les troupes 
anglaises, couchées çà et là sur la chaussée. 

Nos alliés, réveillés en sursaut par la petite 
troupe française, et ne pouvant s'expliquer d'où 
provenaient ce canon et cette quantité de dra- 
peaux, restèrent comme ébahis. 

Le lieutenant-colonel du Pin alla de suite faire 
son rapport au général en chef. Il était deux 
heures et demie du matin. 

La flotte, pendant ce temps, n'ayant pas aperçu 
le guidon français, avait ouvert son feu contre le 
fort. On la ût prévenir qu'il était en notre pou- 
voir. On envoya ensuite le lieutenant-colonel 
Livet, du génie, détruire les mines signalées 
dans le fort. Il trouva dans trois endroits des 
paquets de quatre bombes de trente-six centimè- 
tres de diamètre, placés au ras du sol, soiis un 
plancher recouvert de terre, qui, basculant sous 
le moindre poids, faisait partir des batteries à silex 
très-bien organisées. Les Chinois, afin de protéger 
les bombes contre l'humidité, les avaient enfer- 
mées, chacune, dans une boite en fer-blanc. On 
voyait qu'ils avaient apporté un grand soin à la 
construction de ces appareils destructeurs* 



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Jmnée 1860. 



XX 



Le 2, à cinq heures et demie du malin» les deux ^^^^^^ 
généraux en chef firent leur entrée solennelle a^M Pé^ung. 
dans le village ou ville de Pé-tang. On le partagea 
entre les deux armées; la partie de droite échut 
aux.Français, et celle de gauche aux Anglais. Le 
fort se trouvait dans notre lot ; paais nous le cé- 
dâmes aux Anglais pour y loger leur cavalerie. Ils 
avaient» en outre, choisi le meilleur lot , en ce 
qu'il était pourvu d'un ({uai» dont Tabord otait 
bien plus facile que le nôtre* 

Nos alliés, quand il s^agit dé partager, s'ils ne 
peuvent pas tout prendre, savent toujours et 
très-bien soigner leurs intérêts. 

La possession de P<5-tang, par sa situation près 
des forts du Pé-ho, nous procurait une bonne base 
d'opération pour entreprendre Taltaque de ces 



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Année ]86(). 
Aoat. 



Horrililea 

désordres 

'ftiixqnels se 

livrent 

les 

BoMats indiens 



— 104 — 

' forts. Leur prise, qui ne paraissait douteuse à per- 
sonne^ ouvrait à nos canonnières ie passage du 
fleuve jusqu'à la ville de Tien-Sin, et, dèslors, la 
grande artère du Nord jusqu'à Pé-king, 

Le générai de Montauban, à qui revient plus 
particulièrement qu*à tout autre Fhonneur de la 
prompte occupation de Pé-tang, pour en avoir 
compris le premier l'importance et par Téner- 
gie qu'il déploya en se jetant à l'eau avec ses 
chasseurs, malgré son âge, énergie qui entraîna 
le général anglais à le suivre, le général de Mon- 
(auban se montra le digne chef de l'armée que 
l'Empereur lui avait conûée. 

Ce brave général avait, dans cette circonstance, 
assuré l'avenir de la campagne. Les deux armées 
étaient solidement établies sur le territoire en- 

' nemi, et, désormais, elles n'avaient plus rien à 
appréhender sous le rapport des approvisionne* 
ments et des ravitaillements de toute nature. 

L'occupation de Pé-tang, par les troupes alliées, 
fut marquée par d'horribles scènes de désordre. 
Nos soldats, naturellement bruyants et quelque 
peu maraudeurs, séduits par la bonne mine des 
cochons chinois qui se promenaient dans les rues, 
comme d'habitude, ne purent résister à la tenta- 
tion d'en saisir quelques-uns. Chacun s'animant 
bientôt à leur poui*suite, la chasse devint géné- 



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Août. 



— 105 — 

raie, et Ton n'entendit plus^ dans la partie du vil- Année iseo. 
lage que nous occupions, que les cris aigus des 
poursuivis et les immenses éclats de rire des pour- 
suivants. La scène, jusque-là, n'était que plai- 
sante, et les habitants de Pé-tang n'en paraissaient 
nullement troublés, lorsque l'entrée des troupes 
anglaises lui imprima soudain un nouveau ca- 
ractère. 

La rue principale du village servait de sépara- 
tion entre les deux armées. Un côté de cette rue 
était dévolu aux Français, l'autre au régiment de 
Pundjab. Ces troupes à demi sauvages envahirent 
les maisons dès leur arrivée, enfoncèrent les bou- 
tiques et se livrèrent au plus affreux pillage. Ce ne 
fut bientôt dans cette rue que meubles brisés, 
étoffes déchirées, ustensiles de toute sorte à ce 
point amoncelés, que la circulation des voitures 
d'artillerie en fut interrompue. 

A cette vue, les malheureux Chinois furent pris 
d'une telle frayeur, que beaucoup d'entre eux 
égorgèrent ou empoisonnèrent leurs femmes, 
pour les soustraire a la brutalité des soldats, et 
s'arrachèrent ensuite la vie. 

On retira du fond des puits où les avaient jetées 
leurs maris, un grand nombre de ces infortunées 
respirant encore ; mais, dès qu'elles se sentaient re- 
naître à la vie. elles repoussaient avec horreur nos 



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Août. 



— !06 — 
Aiiiiée iMo. médecinselnoà infirmiers empressés auprès d'elles. 

L'exemple est contagieux, surtout le mauvais. 
Quelques-uns de nos soldats s'y laissèrent entrai-» 
ner ; mais dans toutes les maisons où se trouvèrent 
des officiers français, les habitants furent respec-* 
tés, et purent emporter avec eux ce qu'ils possé* 
daîent de plus précieux. Ces pauvres gens, malgré 
la protection qu'ils rencontraient auprès d'eux, 
quittaient cependant leurs demeures, parce qu'ils 
sentaient que le départ prochain des chefs pour 
les forts du Pé-ho, les laisserait exposés à des 
scènes plus regrettables encore. L'avenir ne jus-=^ 
tifia que trop leurs prévisions. 

Le village de Pé-tang, ainsi que nous l'avons 
dit, est dans un îlot sur la rive droite du Pé-ho. 
Sa forme est ellipsoïdale, et sa population de huit 
à dix mille habitants. Les eaux du fleuve, à la 
hauteur de Pé-tang, soumises au flux et au reflux 
de la mer, sont saumâtres ; aussi doit-on le re- 
monter très-loin pour y puiser de l'eau potable 
quoique toute trouble. 

Les Chinois la conservent avec soin et la clari-* 
fient en peu de temps avec de l'alun. 

Les eaux du Pé-ho et du canal qui mène à 
Pé-king sont généralement si vaseuses, que les 
populations riveraines pratiquent toutes le même 
système de clarification. 



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— 107 — 

Le temps que l'on passa à Pé-tang fut consacré Année 1860. 
au débarquement du matériel de l'armée, et a 
faire des reconnaissances. R^connaisMuoes 

faites par 

Le 3 août, le général Gollineau avec sa brigade^ ^^gS?^ 
et le brigadier Sutton avec 1,000 Anglais, s'enga- fn^itm 
gèrent sur la chaussée qui mène au fort du Pé-ho. ^lu pt-hî». 
A moitié route, ils se trouvèrent en face de 10,000 
cavaliers tartares, environ, appuyés par une troupe 
d'infanterie armée de gingols (longs fusils d'un ca- 
libre de quatre à cinq balles à la livre). On échan- 
gea quelques coups de fusil avec cette infanterie. 

La cavalerie tartare, qui se tenait a sept ou huit ^^^f " 
cents mètres des troupes alliées, paraissait assez détochement 

de cavalerie 

bien montée et manœuvrait avec une certame tartaw, 
régularité. On lui envoya plusieurs obus qui écla- 
tèrent dans ses rangs sans y jeter de désordre ; 
ce qui donna à penser qu'elle avait plus de valeur 
qu'on ne lui en supposait. Comme le but n'était 
pas d'engager un combat sérieux, ce que d'ail- 
leurs on n'était nullement en mesure de faire, 
mais d'étudier le terrain ; après avoir vu tout ce 
qu'on désirait, on reprit la route de Pé-tang, où 
l'on rentra sans être inquiété par l'ennemi. 

Cette première rencontre avec l'armée chinoise 
coûta aux Français sept hommes mis hors de 
combat, et une douzaine aux Anglais* 

Peu de jours après, la cavalerie anglaise fit une 



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Année 1860. 
Août. 



Débarquement 

à Pé-tang 

da matériel des 

deux armées. 

Incidents 

dont 

il fut cause. 



Vif entretien 

dn général 

de Montauban 

avec 

le général 

en chef 

de l'armée 

anglaise. 



— 108 — 
autre reconnaissance, et la poussa assez près des 
forts, où elle aperçut quelques cavaliers tartares 
qui se retirèrent à son approche. 

Tandis qu'on exécutait ces divers mouvements 
vers les forts, le débarquement du matériel des 
deux armées avançait sensiblement^ mais moins 
rapidement de notre côté que chez les Anglais. 
Outre l'avantage d'un quai mieux établi que le 
nôtre et d'un accès plus facile^ nos alliés dispo- 
saient de trente canonnières, et nous de sept seu- 
lement. Et comme il n'y avait que les navires 
d'un faible tonnage qui pussent franchir la barre 
du Pé-ho, pour aller prendre leur chargement à 
la flotte, mouillée à douze milles de Pé-tang, il en 
résultait que les Français étaient obligés de faire 
quatre voyages pbur transporter la quantité de 
matériel que les Anglais amenaient en un seul ; 
de sorte que le débarquement de leur maté- 
riel se trouva entièrement achevé, lorsque nous 
étions à peine à la moitié du nôtre. L'avance que 
les Anglais eurent sur nous, dans cette circons- 
tance, excita en eux, par manque d'habitude pro- 
bablement, une si fiévreuse impatience de partir, 
que leur général, sir Hope Grant, déclara à M. de 
Montauban que les Français n'étant pas prêts, les 
Anglais marcheraient seuls. Le général français 
s'efforça de calmer l'ardeur intempestive de son 



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— 409 — 
collègue, en lui démontrant que rien ne pressait ; 'Amëe iseo. 
que le terrain, détrempé par une pluie de plusieurs 
jours, était en ce moment impraticable à rarlille- 
rie anglaise plus lourde que la nôtre ; que les 
quelques jours. dont il avait besoin pour terminer 
le débarquement de son matériel permettrait au 
terrain de se raffermir, etc.^ etc.; mais rien n*y 
fit. Alors, il le quitta en lui disant : c Que partout 
€ OÙ iraient les Anglais iraient les Français, et 
€ qu'ils ne seraient pas les derniers. » 

L'état des chemins, qu'on fit éprouver Je jour 
même de cet entretien assez vif, agit plus effica- 
cement sur Tesprit du général anglais que toutes 
les bonnes raisons de M. de Montauban ; ils étaient 
impraticables, et il fallait au moins quarante-huit 
heures de beau temps pour les ressuyer. 

L'armée anglaise attendit donc forcément la fin 
de la pluie; ce qui nous permit de recevoir le 
reste de notre matériel. Le 12 août, coAime il 
n'était pas tombé d'eau depuis plusieurs jours, les 
deux armées s'ébranlèrent en même temps sur 
les forts du Pé-ho. 



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AntM^-o 1860. 
•Aoiit. 



XXI 



Marche 

des 

deux années 

sur les 

forts du Pé-ho. 



On enlève 
les 

ouvrages 
avancés du 
premier fort. 



La cavalerie anglaise et 1,000 fantassins aveë 
une batterie armslrong» marchaient avec le géné^ 
rai Napier h droite de la chaussée; 2,000 Anglo- 
Français avec une batterie armstrong et une 
batterie de quatre, la suivaient; puis derrière, et 
également sur la chaussée, venaient une brigade 
d'infanterie anglaise, le général de Montauban 
avec la. brigade Jamin et quatre batteries d'artiU 
lerie. 

On atteignit de bonne heure les ouvrages avan- 
cés des forts, et on les attaqua immédiatement* 
Les Français emportèrent ceux de gauche après 
une légère résistance de la part des Chinois. 

Les Anglais, chargés des ouvrages de droite, y 
rencontrèrent une résistance moins insignifiante; 
la cavalerie tartare qui les défendait se comporta 



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— 111 — 
très-bravement 9 et poussa une charge jusqu'à cent Année laeo. 
mètres de leur artillerie* 

Cette petite affaire terminée, on se trouva de- 
vant un fort appelé Tang*ho (où s étaient retirés 
les défenseurs des ouvrages avancés) , dont la face, 
ayant huit cents mètres de développement, partait 
à angle droit du Pé-ho. Une chaussée, traversant 
des terrains inondés, sortait du village de Sin-kho 
que nous venions de conquérir, et aboutissait à la 
porte placée au centre du fort, dont nous étions 
éloignés de trois mille cinq cents mètres environ. 

Le général de Montauban, pour tâter les dé- 
fenses du fort, fit engager sur cette chaussée son 
artillerie, que suivit Tinfanterie. Les Anglais, si 
pressés de marcher deux jours auparavant, ne 
voulurent pas prendre part à celte opération, 
sous prétexte qu'ils étaient trop fatigués. Mais, 
fatigués ou non, il n'est pas moins vrai qu'en 
s*abstenant dans cette circonstance, ils agirent 
sagement, et qu'on ne saurait en dire autant du 
général de Montauban. 

Arrivée à quinze cents mètres de l'ennemi, 
l'artillerie française Ouvrit son feu auquel répon- 
dirent quelques pièces chinoises tirant avec assez 
de précision. L'on vit en même temps une innom- 
brable quantité de drapeaux rouges s'agiter sur 
les remparts du fort, (On apprit plu» tard que 



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— 112 — 

Année 1860. c'élait par des mouYements de drapeaux que les 
Chinois transmettaient leurs ordres.) Malheureu- 
sement rétal du sol h droite et à gauche de la 
chaussée occupée par rartillerie, était si mauvais^ 
que l'infanterie ne put se déployer. Le feu de 
rartillerienepouvanty pour cette cause, conduire 
à aucun résultat sérieux, on dut le suspendre, et 
on se replia sans avoir perdu un seul homme sur 
le village de Sin-kho, où l'on campa à côté des 
troupes anglaises. 

Si le général de Montauban s'était moins em-* 
pressé, s'il avait fait faire une reconnaissance 
préalable^ par quelques ofûciers, sans compter 
qu'en procédant de cette manière il eût appris 
tout ce qu'il voulait savoir sur la disposition des 
lieux, il aurait épargné à ses troupes une pointe 
inutile et qui pouvait leur être meurtrière; car, 
entassées sur une chaussée étroite, les boulets 
chinois, s'ils avaient été mieux dirigés, y auraient 
causé un grand ravage. 

L'accès du fort par la chaussée offrant peu de 

chances de succès, on employa la journée du 13 à 

chercher un point d'attaque moins désavanta*^ 

geux. 

ReronnaisBance Ou recounut Quc la formc dc cc fort était celle 

du * 

premier fort, d'un parallélogramme irrégulier, dont les petites 
faces avaient mille mètres de développement et 



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Août. 



— 113 — 

les longues seize cents. Une des peliies faces s'ap- Année iseo. 
puyait à un coude du Pé-ho^ large d'environ cent 
quatre-vingts à deux cents mètres, dont le cours 
est très-rapide et la profondeur considérable. 

Comme nous devions toujours tenir la gauche 
dans l'attaque qui se préparait, et que nous avions 
une des faces longues à emporter, celle qui re- 
garde le Couc]iant, on s'assura que cette face n'a- 
vait pas de flanquement, qu'elle était faite d'un 
mur en terre crénelé de trois mètres d'épais- 
seur, et protégée par un fossé de trois à quatre 
mètres de largeur, rempli d'un mètre d'eau. 

La garnison chinoise laissa les officiers chargés 
de la reconnaissance arriver assez près du fort ; 
mais une compagnie de matelots, guidée par le 
capitaine de frégate Jauré-Guiberry, s'étant avan- 
cée un peu trop près en longeant le cours du Pé- 
ho, reçut quelques coups de canon d'un village 
situé sur la rive droite du fleuve. Ces coups de ca- 
non révélèrent, — ce qu'il eût été impossible de 
voir, — que la rive, de cç côté, était protégée par 
une batterie. On lui donna immédiatement le nom 
de Batterie des Jonques, parce qu'auprès on aper- 
çut à l'ancre une grande quantité de ces navires. 

Au centre du fort était une porte à claire-voie, 
s'ouvrant sur un pont de madriers jeté sur le 
fossé. 



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Août.. 



— 114 — 

i^DDée imT I-oi's de Taitaque de la veille, les Français s'é- 
taient engagés, comme on s'en souvient, sur la 
chaussée qui part du village de Sin-kho et qui 
aboutit à la porte du fort; on reconnut que le 
terrain avoisinant cette chaussée» impraticable k 
Finfanterie jusqu'à la hauteur où Fattaque avait 
été poussée, s'élevait au fur et à mesure qu'on 
approchait du fort, et devenait de plus eh plus 
praticable. 

En conséquence, il fut décidé qu on se porterait 
le long du fleuve, et que Fattaque principale du 
fort aurait lieu de ce côté, tandis qu'on ferait une 
diversion sur la chaussée pour occuper l'attention 
de Fennemi. 

Les troupes du génie des deux nations furent 
immédiatement chargées d'améliorer le terrain 
qu'on devait franchir, et en peu de temps le ren^ 
dirent praticable. 

Sur ces entrefaites, le général CoUineau arriva 
de Pé*tang avec sa brigade. U y avait laissé un 
bataillon du 102^ 



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Â^née 1860. 
Août. . 



XXII 



Le 1 A, au malin. les deux armées se mirent en on attaque 

• le 

mouvement. premier fort 

de 

Les Anglais, suivant le bord du fleuve, tenaient. «»«ch6.' 
la droite, et nous la gauche. Lorsque l'armée an- 
glaise fut à la hauteur de la batterie que l'on avait^ 
nommée la Batterie des Jonques, elle reçut d'elle 
quelques boulets; mais une batterie àrmstroug la 
réduisit bientôt au silence. Puis, le capitaine de 
vaisseau anglais Willes, se jetant dans une petite 
nacelle avec quelques hommes, traversa le Pé-ho 
et alla mettre le feu au village et aux jonques. 

À huit heures du matin, toutes les troupes 
étant sur le terrain, on prit les dispositions sui- 
vantes : L'artillerie anglaise soutenue par un ré- 
giment de rifles, et l'artillerie française par deux 
compagnies de matelots et le 2* bataillon des cbas- 



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Année 18(>0. 
Août. 



I..es Chinois 
cessent le feu. 



- 116 - 

scurs à pied, se formèrent sur une longue ligne 
de bataille, parallèle à la face du fort. 

En arrière de l'artillerie, les troupes d'infante- 
rie se rangèrent par bataillon en masse. Les deux 
artilleries réunies présentaient quarante-cinq à 
cinquante pièces en batterie. 

Un bataillon d'infanterie de marine, avec deux 
pièces de quatre rayées, suivait la chaussée qui 
conduit directement à la porte du fort, et devait au 
moment de l'attaque principale, qui se faisait du 
côté du fleuve, se relier à la gauche des Français 
placés dans la plaine. 

Âhuit heures, notre ligne d'artillerie, établie à 
mille cinq cents mètres du mur en terre crénelé, 
ouvrit son feu. Les Chinois répondirent molle- 
ment, il était évident qu'ils n'avaient, en cet 
endroit du fort, qu'un petit nombre de pièces. 

Nos artilleurs, impatientés du peu d'effet que 
produisaient leurs boulets sur cette fortification 
en terre, manœuvrèrent de façon à rapprocher 
leur ligne sans suspendre le feu, et la portèrent à 
quatre cents mètres des fossés. À cette courte 
distance, le tir des Chinois, qui était assez juste 
quand nous étions à mille cinq cents mètres, de- 
vint tout à fait inoffensif, et bientôt leur feu 
cessa. 

Sur cinq drapeaux flottant dès le début de l'ac- 



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— 117 — 

lion, au-dessus de la porte du fort, quatre avaient Année iseo. 
été abattus par nos projectiles. 

Le général de Montauban, alors, ordonna au 
lieutenant-colonel du Pin d'aller reconnaître si on 
pourrait donner l'assaut. Cet officier fit suspen- 
dre le feu de notre artillerie, se porta quelques 
centaines de mètres en avant, et put constater 
pendant les plusieurs minutes qu'il mit à exami- 
ner les défenses d'où on ne lui lira pas un seul 
coup de fusil : V que le fort était complète- 
ment abandonné ; 2^ que le tablier du pont 
avait été enlevé, et que la porte à claire-voie, at- 
teinte par nos boulets, était entr'ouverte et à moi- 
tié renversée. 

Après avoir organisé, en passant, les compa- ^^^'^•Jî®" 
gnies de matelots et le bataillon de chasseurs en p" i*cuncmi. 
colonnes d'assaut, le lieutenant-colonel engagea 
le colonel de Bentzmann, de l'artillerie, à repren- 
dre le feu, mais lentement, afin d'enlever à l'en- 
nemi l'envie de reparaître sur les remparts, puis 
il alla rendre compte au général en chef de ce 
qu'il avait vu et de ce qu'il avait fait. 

Le général de Montauban dépêcha le colonel 
anglais Folley vers son collègue pour savoir où en 
était l'afiaire de son côté, et le prévenir que, du 
côté des Français, tout était prêt pour donner 
l'assaut. Sur cette nouvelle, le général Grant, dont 

8 



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— 418 — 

""Année 1860. ^^ siliialion ii'était pas moins avancée que la nô* 
^^^^' Ire, fit aussitôt former ses troupes en colonnes 
d'assaut et marcha en avant. 

En attendant le retour du colonel Folley, le 
général de Montauban fit répéter au lieutenant- 
colonel du Pin, ce qu'il venait de rapporter sur 
rétat du fort. Son nouveau récit ne permettant 
aucun doute sur son évacuation, le général de 
Les Montauban ne j ugea pas nécessaire d'attendre plus 

troupes aUiëes . . 

«» longtemps. Il prescrivit au chef d'état-major gé- 
possession. néral de l'armée, le lieutenant-colonel Schmitz, 
d'aller occuper le fort avec les chasseurs et les 
deux compagnies d'infanterie de marine. Le lieu- 
tenant-colonel Schmitz en prit paisiblement pos* 
session. Le fort était évacué totalement, ainsi 
que l'avait annoncé le lieutenant- colonel du 
Pin. 

Pendant ce temps, les Anglais s'étaient avan^ 
ces jusqu'à l'endroit où le rempart rencontre le 
fleuve, et, favorisés par la marée qui était basse 
en ce moment, ils avaient pu pénétrer facilement 
dans la partie du fort dont ils étaient chargés. 
Les Chinois l'avaient également évacuée. A neuf 
heures tout était fini. 

Une quarantaine de cadavres, la plupart horri- 
blement mutilés par nos projectiles creux, étaient 
étendus sur les remparts. Parmi eux on remar- 



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— 119 — 
qua un chef tartare dont la gorge coupée fit sup- Année \mo. 
poser qu'il s'était tué lui-même. ^^^*' 

Dans l'intérieur des ouvrages, où se trouve 
renfermé le village de Tang-kho, on vit quatre 
groupes de baraques demi-cylindriques, et un 
assez vaste espace couvert de lentes. 

Le fort était armé de (Quinze à seize pièces de 
canon en bronze et de calibres très- variés. Deux 
d'entre elles étaient placées côte à côte sur le 
même affût. 

Les Anglais, donnant pour raison qu'ils avaient 
de la cavalerie et que nous n'en avions pas, — 
ce qui était vrai, mais pas absolument, — s'em- 
parèrent d'un nombre considérable de selles et 
d'objets de harnachement que les Chinois avaient 
abandonnés; ce qui leur fut très-utile pour leurs 
animaux de bat. Comme nous en avions, on au- 
rait pu partager sans inconvénient ; mais pour 
vivre ensemble, quand on est d'un caractère 
différent, il faut savoir se passer quelque chose. 



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Anne' \H6(). 



XXIII 



( 'OflbëqUQIlCOS 

tlo la priso 

(lu 
premier fort. 



La possession du fort nous permit d'embrasser 
l'ensemble du pays. On découvrait du haut des 
remparts opposés à ceux qu'on avait attaqués, la 
disposition des villages assis sur la rive droite et 
la rive gauche du Pé-ho. 

La vue d'un groupe de cavalerie tartare engagé 
sur un pont qui relie les deux rives du fleuve au 
village de Yu-kia-pou à la gauche, et au village de 
Si-kou a la droite, inspira au général de Montau- 
ban l'heureuse idée de compléter le succès de la 
journée par l'occupation de ce pont. Il était alors 
dix heures du matin; le combat qu'on avait livré 
n'avait pas fatigué les troupes ; leurs pertes étaient 
légères, — \ homme tué et 8 blessés chez les Fran- 
çais, et le même nombre a peu près chez les An- 
glais. — En outre, les Chinois paraissaient décou- 



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— 121 — 
rages ; ces considérations portaient à ne pas s'en 
tenir à la simple prise du fort. 

Le général de Monlauban communiqua à son 
collègue le projet qu'il avait formé de s'assurer la 
possession de ce pont, possession qui rendrait les 
deux armées maîtresses des deux rives du fleuve, 
et leur faciliterait l'allaque des forts qui restaient 
à prendre. Mais le général anglais n'accueillit pas 
ridée du général français, donnant pour raison de 
son refus que ses troupes avaient besoin de repos. 
Son refus formel fut cause qu'on laissa échap|>er 
une magnifique occasion. 

Vers la fin de la journée, on reçut une lettre du 
vice-roi du Pé-lcbi-li contenant des ouvertures de 
paix. 

Les Anglais s'établirent dans l'intérieur du fort, 
au village de Tang-kho ; et les Français regagnè- 
rent le village de Sin-kho, où ils avaient bivoua- 
qué la veille. Le lendemain, 15 août, notre armée 
célébra la fête de l'empereur. Ensuite le général 
en chef lui adressa un ordre du jour où il la féli- 
citait sur sa conduite, et en témoignage de sa sa- 
tisfaction, il fit les promotions suivantes : colonel 
d'état-major, le lieutenant-colonel Schmitz ; lieu- 
ifenant-colonel, le chef d'escadron d'état-major 
Deschiens (aide de camp du général en chef) ; 
chef d'escadron, le capitaine d'état-major de 



Année 1860. 
Août. 



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Août. 



— 122 — 

Année 1860. Bouîllé (aide de camp du général en chef); capi- 
taine, le lieutenant d'état-major Haillot ; colonel, 
le lieutenant-colonçl du génie Livet ; lieutenant- 
colonel, le chef d'escadron du génie, Dupouët; chef 
de bataillon, lecapitainedu génie, Alizé, etc., etc. 

L'affaire du H, où se trouvaient réunies les ar- 
tilleries des aillés contre Vartillerie chinoise, ré- 
véla des différences intéressantes dans leur valeur 
respective. 

Les canons rayés et les armstrongs avaient à 
peu de chose près une portée, une justesse et un 
effet semblables; mais les canons rayés rempor- 
taient de beaucoup sur ceux-ci par leur légèreté 
et leur mobilité. Quand on partit de Pé-tang, qua- 
tre petits chevaux japonais suffirent à traîner fa- 
cilement un canon rayé, tandis qu un armstrong 
pouvait à peine avancer sous Timpulsiondesix vi- 
goureux chevaux. Plusieurs de ces derniers res- 
tèrent en arrière et n'arrivèrent qu'après l'attaque 
du fort. 

Quant aux pièces des Chinois, elles pourraient 
faire quelque mal entre douze à quinze cents mè- 
tres. — Leurs artilleurs pointent passablement 
dans une direction donnée, mais à petite distance, 
leurs boulets passent trop haut, parce que l'usagé 
de la hausse leur est inconnu. 



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XXIV 



Année IBOO. 
Août. 



I^ général de Montauban tenait toujours à son 
projet d'opérer sur la rive droite du Pé-ho. Sans 
revenir sur l'entretien qu'il avait eu avec sou col- 
lègue sur ce projet, il chercha à le lui faire adopter 
par la force des choses. 

On avait recueilli, en assez grand nombre, des 
jonques chinoises abandonnées. Le général de 
Montauban résolut de s'en servir pour établir un 
pont à cinq kilomètres en amont du fort de Tang- 
kho. 

En conséquence, le 18 août, le colonel Livet, 
avec une compagnie du génie et 200 matelots, re- 
çut Tordre de passer sur la rive droite pour re- 
connaître le terrain sur lequel déboucherait le 
pont/On avait devant soi le village de Siao-léant, 
occupé par les Tarlares. Le colonel débarqua ra- 



Le général 
de MontanUan 

persiste 

dans son projet 

d'opérer 

snr la rive 

droite 
du Pé-ho. 



Le 
colonel Livet^ 

chargé 

de reconnaître 

le terrain de 

la rive droite, 

rencontre 

les Tartares 

au village 

de Siao-léuit. 



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— 124 — 
Année 18R0. pidemeot, et les débusqua non moins rapidement 
de leur position ; mais l'ennemi s'ëtant jeté dans 
des jardins avoisinant le village, reçut quelques 
renforts avec du canon, et le combat devint alors 
sérieux. Le bruit de cet engagement parvint à 
notre camp. Le général en chef, jugeant que 
l'affaire était grave, fit immédiatement passer 
le fleuve au bataillon de chasseurs, avec quel- 
ques pièces de montagne. Leur arrivée mit bien- 
tôt fin à la lufte. Les Tartares en déroute nous 
laissèrent quatre pièces de canon d'un petit ca- 
libre. 

Nous avions conquis un point d'appui sur la 
rive droite. Le général Jamin vint prendre le com- 
mandement des troupes qu on y laissa. 
Raisons Lc général anglais vit avec peine la réussite de 

ponr lesquelles t? o r 

d'atto^oe ^^^*^ opération, accomplie sans son assentiment, 
lïénéraUngiais P^^cc qu'clIc pouvait entraîner les deux armées 
^^"V^iu™^^** à agir sérieusement sur la rive droite. Ce général 
de Montauban. désirait atiaqucr les forts de la rive gauche, et fon- 
dait son opinion sur le mauvais armement des 
forts de la droite, qu'on réduirait facilement 
lorsqu'on se serait emparé de ceux de la gauche. 
En plaçant sur ces derniers nos pièces de préci- 
sion, il pensait qu'on pourrait, de leur position, 
rompre les estacades qui barraient le fleuve, et 
ouvrir ainsi a la flotte le moyen de les canonner 



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— 4i5 — 
de son côié, tandis qu'on les canonnerait de Année 1860. 

„ ^ Août. 

1 autre. 

Le plan du général anglais étail juste; il valait 
beaucoup mieux que celui qui consistait h se divi- 
ser sur les deux rives du fleuve, lequel rappe- 
lait celui qu on avait conçu au début de la campa- 
gne, puis abandonné comme trop dangereux. 

En effet, une diversion trop importante sur la 
rive droite avait pour inconvénients de neutraliser 
une bonne partie de nos forces, qu'on serait obligé 
de laisser à Sin-kho à l'effet de couvrir la route de 
Pë-tang, point unique pour communiquer avec la 
flotte; de faire perdre beaucoup de temps, parce 
qu'une opération sur cette rive exigeait, préala- 
blement, l'établissement d'un pont qui relierait les 
deux rives du fleuve ; d'éloigner nos troupes de 
Pé-tang et de les exposer ainsi à des privations, 
vu Finsufiisance de nos moyens de transport pour 
les ravitailler; enfin, de placer sur notre route, au 
village de Si-kou, un camp retranché beaucoup 
plus fort que celui de Tang-kho, et qu'iî faudrait 
nécessairement enlever pour passer, toutes choses 
que l'attaque en masse sur la rive gauche évitait. 

L'on se souvient qu'après l'attaque du lA, on 
reçut une lettre du gouverneur du Pé-tchi-li, ren- 
fermant des propositions de paix. Le 18 août, on 
envoya h Si-kou un oQicier d'état-major avec un 



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— 120 — 

Année 1860. inlerpièle, poi'ler la réponse de nos ambassadeurs 

Août , .. 1 I- 

a celle lellre. 

Le gouverneur du Pc-lchi-li insista beaucoup, 
auprès de noire envoyé, pour la paix^ ou lout au 
moins pour une suspension des hostilités limitée à 
à une nouvelle décision de l'empereur, décision 
qu'on attendrait. Il demanda, à plusieurs reprises, 
que nous fissions retirer nos troupes jusqu'à Pé- 
tang, ce qui, selon lui, faciliterait la conclusion de 
la paix ; il ajouta qu'il ne comprenait pas la raison 
qui nous portait k faire la guerre à son souverain 
dans le Pé-tchi-li, tandis qu^à Shangaî nous l'ai- 
dions à repousser les rebelles (les troupes anglai- 
seset françaises, laissées à Shangaî, venaient effec- 
tivement de battre les rebelles qui avaient essayé 
d'enlever celte ville). On ne tint aucun compte 
des propositions du gouverneur; elles n'offraient 
rien d'assez précis pour qu'on s'y arrêtât. L'on 
n'y vit que le désir de gagner du temps, politique 
habituelle des Chinois, à laquelle on commençait 
à se faire. 

Le seul avantage, et il n'était pas sans valeur, 
que l'on retira de cette démarche, fut de se pro- 
curer des renseignements exacts sur l'importance 
du camp retranché placé à mille mètres et en 
avant du village de Si-kou. 

Les Chinois, lors de l'arrivée de notre envoyé, 



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Août. 



— 127 — 
travaillaient avecaclivilé à lui donner une grande "Ânnéo \mo7 
force. Ils élevaient des parapets en terre sur le 
bord du fleuve auquel était adossé ce camp, au 
moyen de nattes roulées en forme de gabions. Du 
côté où nous devions nécessairement nous pré^ 
senter, il y avait un parapet entièrement achevé, 
percé de trente embrasures armées de canons, et 
couvert par un fossé large et profond qu'alimen- 
tait les eaux du fleuve. Ainsi ce camp était un 
ouvrage très-étendu et réellement sérieux. 

Pendant ce temps, on s'occupait, dans les deux 
armées, de rétablissement du pont de bateaux 
destiné à relier les deux rives du fleuve, et k 
faire des reconnaissances vers les forts de la rive 
gauche. 

Le 20 août^ le général Grant s'approcha de ces 
forts jusqu'à quinze cents mètres. Il ordonna, à 
son retour, des travaux pour faciliter le passage 
de son artillerie sur les nombreux canaux qui sil- 
lonnent la plaine marécageuse s'étendant du camp 
retranché ou fort de Tang-kho, jusqu'au fort situé 
le plus en amont du fleuve, qu'il devait attaquer. 
Ces travaux furent très-^bien exécutés par les sol- 
dats du génie anglais que Teunemi ne troubla pas. 
Les pontonniers anglais^ chargés, conjointement 
avec les pontonniers français, d'établir le pont de 
bateaux, se montrèrent moins habiles que leurs 



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— 128 — 

Année 1860. camaradcs du génie. Sans dire combien les pon- 
tonniers français leur sont supérieurs, nous de- 
vons constater que leur travail laissait beaucoup 
à désirer sous le rapport de la solidité et de la 
sûreté. 

Les bateaux des Français, admirablement reliés 
entre eux, offraient un tablier continu et très-résis- 
tant, tandis que ceux des Anglais, indépendants 
les uns des autres, fléchissaient quand une voiture 
ne portait que sur un seul d'entre eux, ce qui pro- 
duisait un vide dans lequel les chevaux se bri- 
saient les jambes. 

Les deux généraux en chef, d'après la recon- 
naissance faite par le général Grant, décidèrent 
que, le 21, on attaquerait les forts delà rive gauche, 
en commençant par celui qui est le plus en amont. 

Les Français à qui, cette fois, la place d'hon- 
neur revenait/îdevaient tenir la droite et les An- 
glais la gauche. Ainsi leur position de bataille, qui 
les exposait aux feux croisés du fort placé devant 
eux, du village de Si^kho, des deux forts de la 
rive droite, et enfin du fort en aval de la rive 
gauche, leur position de bataille à raison du dan- 
ger, était vraiment la place d'honneur. 

Le général Collineau, chargé par le général en 
chef de diriger l'opération du côté des français, 
alla coucher avec ses troupes au camp retranché 



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Août. 



de Tang-kho, dans la soirée du 20. Son petit corps Année iseo. 
d'armée était composé : du 1" bataillon du 102«, 
avec son colonel, du régiment dMnfanterie de 
marine, forls ensemble de 1,000 hommes; d'un 
détachement de pontonniers et d'artilleurs, — r co- 
lonel Foulon Grandchamps; d'une compagnie du 
génie, — lieutenant-colonel Dupouët; d'une sec- 
tion d*ambu1ance, comptable Rousselot; de coolies 
chinois portant les échelles, commandés par le 
lieutenant de vaisseau Rouvière; et enQn d'une 
batterie de douze, rayée. 



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Annde 1860. 
Août« 



XXV 



Marche Le 21, au matin, le aénéral Collineau avec les 

des Français, ^ 

command^^^ Français, et le général en chef Grant avec 1 ,000 
coUmeau, hommcs de la division Napier, une compagnie de 
^^^refj""* génie, une batterie armstrong, une batterie d'obu- 
^^àeu. ^^ siers et une batterie de siège, se mirent en marche 
nvc gauc e, ^^^ ^^^^ colonues. A six heuFcs, les troupes alliées 
rendues à leur place de bataille, formaient leur f 
ligne à quinze cents mètres du fort qu'on était 
convenu d'attaquer, 
Dcscr^tion Ce fort avait la forme d*un carré de cent vingt 
ce fort. j^ ^ent trente mètres de face, et était bordé de 
fossés et de palissades. 

La face que les Français avaient devant eux 
présentait un parapet crénelé de cinq mètres de 
hauteur environ, avec huit embrasures armées 
de canons, et au-dessus, un cavalier armé de trois 



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— 131 — 

pièces énormes destinées à battre le tleuve, mais Année iseo. 
que, dans la circonstance actuelle, les Chinois 
avaient braquées du côlé de la terre. Une porte à 
claire-voie s'ouvrait au centre de la face sur un 
pont-levis. 

Les Français ouvrirent le feu sur la partie droite 
à partir de cette porte, et les Anglais sur la partie 
gauche. Les Chinois répondirent immédiatement 
et vigoureusement à notre attaque, et bientôt la Attaque 

(les 

canonnade retentit dans toutes les directions ; au i^rançais. 
village de Si-kou qui nous envoyait des obus de 
très-gros calibre; aux forts de la rive droite et à 
ceux en aval de la rive gauche. 

Le général Collineau, pendant que deux de ses 
pièces tiraient sur le fort de face, ût contre-battre 
le village de Si-kou par quatre pièces de douze et 
le réduisit bientôt au silence; puis ces quatre 
pièces devenues disponibles, il partagea leur feu 
entre les forts de la rive droite et le fort en aval de 
la rive gauche. 

Vers sept heures, une poudrière du fort de face 
sauta, et dix minutes après. Ton entendit Texplo- 
sion d'une poudrière du fort de (gauche en aval, 
sur lequel nous tirions à plus de deux mille cinq 
cents mètres; — il n'y avait que des boulets du 
calibre douze qui pussent porter aussi loin. 

Ainsi que nous l'avons dit, le tir des Chinois, 



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Août. 



— 132 — 

Année 1860. asscz Tecloulable il une certaine distance, devient 
nul quand on a dépassé cette distance. Le général 
Collineau ayant remarqué cette particularité, fit 
porter ses pièces en avant, et les mît en batterie à 
six cents mètres, de sorte que pas un de nos pro- 
jectiles ne manqua son effet, tandis, au contraire, 
que ceux des Chinois passèrent tous par dessus 
nos tètes. 

Bientôt nous pu mes j uger de l'effet terrible de no- 
tre feu à si petite portée. Le général, sentant que le 
momenlde donner l'assaut s'approchait, ordonna à 
deux compagnies du 102* d'aller s'abriter derrière 
un épaulement qu'on apercevait à trois cents mè- 
tres du fort, puis il envoya son aide de camp, le 
capitaine d'état-major Le Sergeant d'Hendecourt, 
reconnaître du plus près qu'il pourrait, l'état des 
défenses de la place. Ce brave officier se porta, 
au galop de son cheval, jusqu'au bord des fossés^ 
et revint heureusement rendre compte à son géné- 
ral de ce qu'il avait vu. Le capitaine du génie 
Bouvet, qui avait demandé a reconnaître le fort, 
fut moins heureux. II fut atteint d'une balle à 
moitié chemin et revint soutenu par l'aumônier 
en chef de l'armée, M. l'abbé Trégaro. 

Deux fossés successifs protégeaient l'accès du 
fort. Ces fossés, larges de cinq mètres et pleins 
d'eau, étaient séparés l'un de l'autre par un Icrrc- 



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— 133 — 
plein de dix mèlres, hérissé de palissades. L^accès 
du fort n'était donc pas aisé. 

Cependant, avant de donner l^assaut, auquel il 
était résolu, le général CoUineau comprit la né- 
cessité d'éteindre le feu des forts de la rive droite, 
qui, nous prenant d'écharpe, était fort incom- 
mode. A cet effet, il concentra sur ces forts le feu 
de quatre pièces de douze, celui de deux obusiers 
qu'il avait fait demander aux Anglais, et parvint 
à les réduire au silence comme il avait fait du 
village de Si-kou. Débarrassé de leur action meur- 
trière et n'ayant plus désormais qu'à s'occuper 
du fort de face, il disposa promptement ses 
colonnes d'attaque et les lança en avant. 

La première section des voltigeurs du 102«, dé- 
ployée en tirailleurs, éclairait la marche ; derrière 
elle venait le colonel Dupouët avec la section du 
génie et les coolies chinois portant des échelles. 
Ces braves Chinois s'avançaient résolument en 
poussant de grandes clameurs. Après cette pre- 
mière ligne que soutenaient la deuxième section 
des voltigeurs du 102* et la li' compagnie du même 
régiment, suivait le colonel O'Malley du 102% 
avec deux compagnies. 

A trente-cinq mètres du fort, dont rarlillorie 
ne tirait plus, à l'exception d'une pièce placée à 
droite de la porte du centre, on aperçut un Tartare 

9 



Année 1860« 
Août. 



Conduite 

héroî(^ue 

d'un artilleur 

tartnro. 



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AllfkëÉ 1860. 
Aeât. 



Diffîcnltëft 
à vaincre 

pour arriver 
jusqu'aux 

remparts du 



nparts < 
fort. 



— 134 — 

qui servait à lui seul celle pièce. Cet homme hé- 
roïque s'étendait sur le dos au-dessous de sa pièce 
qu'il chargeait dans cette position, puis se relevait, 
lirait, et recommençait sa singulière manœuvre 
sans être arrêté par nos balles, qui, heureusement, 
ne le touchèrent pas ; heureusement, car les bra- 
ves de tous les pays sont frères, et ce n'est psis 
sans peine qu'ils voient tomber un des leurs. 

Cependant le combat que nous soutenions sur 
le bord du fossé, à trente-cinq mètres des cré- 
neaux, était devenu sérieux. La résistance des 
Chinois et notre position à découvert le rendait 
meurtrier. Il duniit depuis un quart d^heure, et 
nos troupes n'avaient fait aucun progrès. Le gé- 
néral CoUineau^ impatienté de leur immobilité, 
ordonna au lieutenant-colonel du Pin de se porter 
en avant afin de hâter l'offensive. 

il fallait» pour arriver au premier fossé, passer 
à cinquante mètres du fort et sous la fusillade de 
l'ennemi, sur une langue étroite de terre, placée 
entre le fleuve et une immense flaque d'eau; puis 
établir une sorte de pont avec les échelles qu'on 
avait apportées, en les couchant au-dessus du 
fossé, — leurs extrémités appuyées à ses berges, — 
afin que les hommes pussent le franchir sans tra- 
verser l'eau vaseuse dont il était rempli. 

Ce premier fossé dépassé, il fallait abattre les 



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AoOt. 



— 135 — 
palissades qui défendaient le lerre-plein, de douze ' Année iseo.' 
nièlres, précédant le deuxième fossé, et franchir 
celui-ci de la même façon que le premier. 

On procéda immédiatement au passage du pre- 
mier fossé. On y fit descendre des coolies chinois 
afin d'élayer par dessous les échelles couchées en 
travers ; et, cette précaution prise, nos soldats 
s'engagèrent sur ce singulier pont qu'ils franchis- 
saient à quatre pattes, comme on dit vulgaire* 
ment. 

Aucun des coolies chinois, plongés dans l'eau 
jusqu^à la ceinture et autant exposés que nos 
houimes, ne donna signe de frayeur; tous rem* 
plireiit bravement leur office ; une dizaine d'entre 
eux furent tués ou blessés à leur position. 

Arrivés au terre-plein, nos hommes, sous le 
feu plongeant de l'ennemi, détruisirent les chaus- 
ses-trappes dont il était semé; mais il leur fut im« 
possible d'en arracher les palissades, à cause de 
la profondeur à laquelle elles étaient enfoncées et 
de la forme en fers de lance tranchants de leurs 
parties extérieures. Nos soldats, dont plusieurs 
s'étaient coupé les mains à leur bois dur comme 
du fer, étaient obligés de les briser une à une, et, 
trébuchant sur leurs éclats restés debout, ils s'y 
faisaient de cruelles blessures. Enfin, cet obstacle 
surmonté, on se trouva en face du deuitième 



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Août. 



— 136 — 

j^^ ig^. fossé. Les deux compagnies du 102* et les sapeurs 
avaient perdu une grande quantité d'hommes; 
presque tous les officiers étaient hors de combat; 
le lieutenant Grand-Pierre, du 102% éiait tué. 

Le lieutenant-colonel du Pin, pensant que le 
nombre des troupes engagées en cet endroit était 
insuffisant pour donner Tassant, envoya le capi- 
taine d'élat-major Foërsler prévenir le général 
Colliueau de ce qui se passait, et le prier en mémo 
temps d'envoyer du renfort avec toutes les échelles 
disponibles. 

Bientôt trois compagnies d'infanterie de ma- 
rine, sous les ordres du commandant Testard, ar- 
rivèrent, apportant avec elles le reste des échelles. 

Cette ressource permit de franchir rapidement 
le deuxième fossé. 

Au fur à mesure que nos soldats débouchaient 
de leur pont d'échelles, ils allaient se ranger au 
pied du mur, où ils trouvaient un abri contre les 
balles de l'ennemi. 

Les Chinois ayant aperçu leur position, tirent 
alors pleuvoir sur eux une grêle de boulets qui, 
lancés à la main, et tombant d'une hauteur de 
cinq a six mètres, produisaient de graves contu- 
sions. 

On dressa les échelles; une d'elles, appuyée à 
l'embrasure ouverte à l'angle du fort, fut esca- 



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Inotée par TeDHemiy qui Taltira à lui si prestement Année iseo. 

, ^1 . . Août. 

qu on ne put la ressaisir. 

Quelques soldats, embusqués sur le terre-plein, 
étaient chargés de tirer sur tout ce qui paraîtrait 
sur les remparts, afin de protéger l'escalade. 

Le commandant Teslard et le lieutenant de 
vaisseau Rouvière s'élancèrent chacun sur une 
échelle. Quatre étaient debout. Arrivé à l'embra- 
sure, le lieutenant Rouvière, cherchant h pénétrer 
dans le fort, reçut un boulet lancé à la main, qui 
l'atteignit à la tempe et le renversa tout sanglant. 
De son côté, le commandant Testard épiait le mo- 
ment de franchir le parapet, tandis que, de Té- 
chelle voisine, un brave soldat du 102®, oublieux 
de lui-même et ne songeant qu'au commandant, 
écartait avec sa baïonnette la lance persistante 
d'un Tartare cherchant a le percer. 

Malgré leur énergie et leur ardeur, nos soldats 
étaient en trop petit nombre pour forcer une mu- 
raille bordée d'innombrables défenseurs armés 
de sabres, de lances et de fusils. Ce n^était pas 
avec quatre échelles seulement, pouvant à peine 
porter quatre hommes à la fois, tant elles étaient 
faibles, qu'ils avaient la moindre chance, — l'en- 
nemi momentanément refoulé en un point, — de 
se maintenir assez sur ce |)oint pour être soutenus 
à lemps. 



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— 138 — 

Année 1860. ^G Heuienaiil-coloiiel du Pin comprit bien vile 
^^^^' le danger et l'inefficacilé de celte attaque. Il (it 
filer le long du parapet quelques soldats et sapeurs 
du géuie^ afin de s'assurer s'il n'y aurait pas moyen 
de renverser la porte ;i claire-voie située au mi- 
lieu du fort. Ces soldais reconnurent que l'ennemi 
avait élevé à l'intérieur une masse de terre à la- 
quelle s'adossait cette porte; que l'ouvrir ou la 
renverser était impossible; mais qu'un de nos 
projectiles creux avait, en éclatant contre le mon- 
tant de droite de cette porte, creusé un trou qui, 
légèrement agrandi, permettrait a un homme de 
passer. 

En ce moment, les Anglais, massés en face de 
cette porte, sur les bords du fossé extérieur, Ira- 
vaillaîent a y jeter un pont au moyen de tubes 
en t(Me. 

Le lieutenant-colonel, qu'excilait leur pré- 
sence, résolut de mettre promptement à profit la 
découverte de cette petite ouverture. Voyant les 
soldats qui cherchaient k s'y introduire se retirer 
vivement h la première tentative, et Thésitation 
gagner tont le monde, il fit écarter ceux qui obs- 
Lea Français ^^'uajent la placc ; puis, se glissant par le trou, il 
d^nfiffort pénétra ainsi le premier dans le fort. Il était dans 
rendont''maitres uncsorto de tambour, à droite et à gauche duquel 
les Anglais, il vil deux corps-dc-garde remplis de Tartares; 



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— 139 — 



en avant, un mur percé de trois créneaux» se re- Année 1860. 

liant au ccsrps-de-garde de gauche par un autre 

mur à angle droit, également percé de créneaux 

et laissant un passage menant à Tintérieur du 

fort. 

Le lieutenant-colonel resta près d'une minute, 
seul, en face des Tartares immobiles et comme 
attérés par sa présence. Son exemple ayant en- 
traîné les soldats restés en dehors, il fut bientôt 
rejoint par deux soldats du génie, un caporal et 
un soldat d'infanterie de marine, et le maréchal- 
des-l(^is Ducheyia. 

Ces six hommes, puisant dans leur terrible si- 
tuation une audace sans pareille, se précipitèrent 
baïonnette baissée sur les Tartares qui défendaient 
l'entrée à droite. Foudroyés à bout portant par 
une décharge de Fennemi, trois d'entre eux tom- 
bèrent, le maréchal-des*logis Ducheyia frappé de 
cinq balles, le caporal d'une flèche entre les deux 
yeux, et le soldat de marine étendu raide mort. 
Le lieutenant-colonel et les deux sapeurs du génie, 
restés debout par miracle, bondirent alors comme 
trois lions sur les Tartares, et, renversant à coups 
de baïonnettes et de revolvers tout ce qui était 
devant eux, s'ouvrirent un sanglant passage vers 
l'intérieur du fort. 

En ce moment, le commandant Testard, à l'at- 



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Août. 



^ ii6^ 
Année 1860. ^^V^^ etléneufe , franchissait le rempart el y 
plantait le drapeau français porté par le tambour 
Fachard, du 102« de ligne. 

La petite troupe, qui avait pénétré par Tinté- 
rieur, rencontra le commandant Testard, et fut 
bientôt renforcée par une trentaine d'hommes. 

On avait devant soi une masse énorme de Tar- 
tares. La moindre hésitation chez les nôtres était 
leur perte. Le lieu tenant- colonel du Pin prit la 
moitié des hommes, laissa l'autre moitié au com- 
mandant ; puis, ordonnant de ne faire aucun 
quartier, il se porta vers les embrasures de gau- 
che, tandis que le commandant Testard montait 
sur le cavalier. 

L^élan de nos soldats fut irrésistible. — Leur 
nombre, qui s^accroissait à vue d'œil, rendit le 
combat terrible. Resserrés dans un espace relati- 
vement étroit, qui les privait de l'usage de leurs * 
longues lances, les Tarlares tombaient par mon- 
ceaux sous nos terribles baïonnettes. Déjà quatre 
à cinq cents d'entre eux gisaient étendus à nos 
pieds, lorsque, ne pouvant plus résister, ils se 
sauvèrent vers les embrasures, franchirent les 
créneaux et se laissèrent couler le long du pa- 
rapet. 

Là s'oiïrit un horrible spectacle. 

Au pied du parapet se dressaient des palissades 



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(aidées en ier de lance. Les fuyards , dans leur 
précipitation, tombaient les uns après les autres 
sur leurs pointes acérées et s'y embrochaient ; de 
sorte que les premiers, refoulés par le poids des 
malheureux qui leur succédaient, demeuraient 
ainsi cloués au sol. 

Nos soldats, du haut du parapet, abattaient 
avec leurs balles ceux qui avaient évité les pa- 
lissades, et comblaient les fossés de leurs cada- 
vres. 

Nous étions maîtresdu fort. Tousses défenseurs 
étaient en fuite ou tués. 

Les Anglais ayant enfm terminé le passage des 
fossés qu'ils avaient devant eux, arrivèrent alors 
en masse. Leurs tirailleurs garnirent la face en 
avant du cavalier, et purent paisiblement exercer 
leur adresse sur une foule confuse de 1,500 à 
2,000 Tartares se retirant sur un terrain h décou- 
vert. 

Plus de 2,000 Tartares périrent dans cette af- 
faire. La défense dé l'ennemi avait donc été éner- 
gique, et glorieuse la conduite de nos soldats et de 
leurs chefs! 

Bientôt arrivèrent le général Hope, lord Elgin 
etlegénéral deMontauban..Le général et l'am- 
bassadeur anglais complimentèrent chaudement 
le général Collineau sur son beau fait d'armes. 



Ann^ 1860. 
Août. 



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— 14J — 
AÏiitée 1860. Ce brave général availroçu une balle qui, rencon- 
^^^^' trant heureusement son épaulelte droîle, ne lui fit 
qu'une légère contusion. 

On trouva sur le cavalier où se tenaient en ce 
moment les deux généraux en chef, trois pièces 
d'un fort calibre, donl une en fonteeten Irès-bon 
état portait l'inscription : — Moore, Wolwich. 
Cette pièce provenait des canonnières anglaises 
qui avaient été coulées par les Chinois devant le 
même fort^ l'année précédente. 
]^ généraux Séancc tenante, les deux généraux en chef dé- 

en chef décident i i i . i 

l'attaouo cidèrent Tatlaque du fort en aval de la nve droite, 

immédiate * 

du fort en aval q^ venaient de se réfugier les débris de la garni- 

lariTedroite. sOn VaiuCUe. 

Reconnaissance En COnséqUCUCe, le général CollineaU en- 
conduite par voya le lieutenant-colonel du Pin reconnaître 

le lieutenant- 
colonel du Pin. ce fort» 

Cinquante Français et cinquante Anglais furent 
désignés pour accompagner cet officier supé- 
rieur. Les Anglais apportèrent une telle lenteur 
dans leurs préparatifs, qu'on dut partir sans les 
attendre. 

Une chausséelongue de mille deux centsmètres 
et distante de six cents du fleuve, mettait en com- 
munication le fort qu'on venait de prendre avec 
celui qu'on se disposait à attaquer. 

A moitié chemin de cette chaussée^ le lieute- 



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-. IJili — 
nant-colonol embusqua ses 50 hommes ; puis, se ' Année ib6o. 
portant en avant, au galop de son cheval, suivi 
d'un seul homme, le chasseur d'Afrique Coulon 
Pillot, il arriva jusqu'au bord d'un fossé formant 
la première ligne de défense du fort. 
, A quatre-vingts mètres de ce fossé, large de cinq 
mètres et dont l'ennemi avait détruit le pont, il 
y avait un second fossé sans pont, dont l'abord 
était protégé par des abattis, et qui précédait un 
troisième et dernier fossé creusé au pied des rem- 
parts. Ce troisième fossé avait un pont-levis, s'a- 
baissant en face d'une porte à claire-voie fermée 
h l'intérieur par une haute et épaisse levée en 
terre. Les intervalles compris entre les fossés 
tous remplis d'eau, étaient garnis de palissades en 
bois et semés de chausses-trappes. 

Ces abords étaient formidables; et, sérieuse- 
ment défendus, ils étaient presque inaccessibles. 
Mais les fuyards, qu'on avait vus suivre les rives 
du fleuve et disparaître dans le fort, firent suppo- 
ser qu'il y avait de ce côté une entrée plus facile. 

Cette reconnaissance minutieuse demanda 
quelque temps el s'exécuta sous une fusillade 
très-vive. Quelques coups de canon même, qui 
partirent des deux cavaliers commandant le 
fleuve, permirent au lieutenant-colonel de consta- 
ter que l'artillerie de ces cavaliers avait été tour- 



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^ 144 -fc- 
Année 1860. «66 du côlé de la icrre, comme dans le premier 

Août. « ^ 

fort. 

A la rentrée de la reconnaissance, les deux ar- 
mées firent leurs dispositions d'attaque. 
a^Mdent* ^^^ troupes allaient se mettre en mouvement, 
à parlementer, qu^^d on vit s'élevcr sur les créneaux du fort de 
nombreux drapeaux blancs. Les Tartares deman* 
daient à parlementer. 

Le lieutenant-colonel du Pin et le capitaine 
Grant, neveu et aide de camp du général anglais, 
avec un interprête, M. Parcks, parlant très-bien le 
chinois, furent envoyés vers eux. 

Ces officiers, arrivés au premier fossé du rem- 
part en aval, au point où il rejoint le fleuve, aper- 
çurent les parlementaires de l'ennemi sur une 
barque partie de la rive opposée et se dirigeant 
vers eux. 

Les quelques moments pendant lesquels ils at- 
tendirent ne furent pas perdus. Ils constatèrent 
qu'à Tendroit où ils étaient, Taccès du fort ofl*rait 
beaucoup moins d'obstacles que du côlé déjà re- 
connu. 

C'était par là que les Tartares en fuite s'étaient 
écoulés. 

La barque aborda. Les mandarins remirent à 
nos officiers une dépêche du gouverneur du Pé- 
tchi-li. Cette dépêche renfermait une autorisation 



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Âoût^ 



— 1« — 

pour nos flottes d'entrer dans le Pé-ho, a la con- "Innëe im. 
dition qu'on suspendrait les hostilités. Nos offi- 
ciers répondirent aux mandarins que nous n'a«- 
vions besoin d'aucune autorisation pour naviguer 
dans le Pé4io, depuis la prise du deuxième fort ; 
que leur proposition élait dérisoire, et, jetant 
avec mépris dans la boue du rivage la dépêche, 
ils ajoutèrent que ce n'était pas le moment de né- 
gocier « mais de combattre ou de rendie les forts 
sans autre condition que la vie sauve pour leurs 
défenseurs. 

Les mandarins déclarèrent qu'ils étaient sim- 
plement porteurs de la dépêche, et qu'ils n'étaient 
pas autorisés à discuter son contenu. On se quitta 
sur cette déclaration. 

Nos officiers étaient à peine de retour de leur 
mission, que l'ennemi fit de nouveaux signes avec 
ses drapeaux. On renvoya vers lui le colonel Fol- 
ley, le lieutenant-colonel du Pin et M. Parks; 
le colonel Folley remplaçait le capitaine Grant. 
Celte fois, nos parlementaires durent passer sur 
la rive droite du fleuve. Ils abordèrent près d'un 
grand forl^ dont ils purent examiner les défenses. 
Mais à vingt mètres de la première embrasure, 
ils furent interrompus dans leur examen par un 
mandarin militaire à boulons bleus, homme de 
haute stature et de bonne mine. Ce mandarin re* 



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_ 146 — 

Jûn^ri86o. P*'*'^ sans piëauibule, la conversaliou où on Tavail 
laissée à la première entrevue» el parla de sus- 
pension d'armes^ de leilres, de réponses, elc, etc. 
On se contenta de lui répondre qu'on recommen- 
cerait le feu si, à une heure et demie de l'après- 
midi, iln*avait pas posé les armes sans conditions. 
Le mandarin, piqué dans son orgueil de soldat, 
répondit qu'il avait assez de canons et de poudre 
pour ne rien craindre, et qu'il nous écraserait si 
on osait l'attaquer; à quoi un des colonels alliés» 
mettant la main sur la montre qu'il portait sus- 
pendue à la ceinture, selon la mode des Tartares; 
répliqua qu'il serait mort et son fort enlevé quan^ 
l'aiguille marquerait une heure trente-cinq mi- 
nutes. On se sépara sur ces mots. 



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Année 1860. 



XXYl 



Collineau. 



Le géaéra] de Moutauban qui, lors de l'attaqua '^^'^^f^f'* 
du premier fort, avait commis la faute de laisser ^pa?ic^né7ii* 
ioûceupés les deux tiers de sou artillerie, et ayait 
ainsi réduit le général Collineau à emprunter 
deux obusiers aux Ànglaisi employa le temps 
que prirent ces pourparlers avec les Chinois, à 
faire venir toute l'artillerie de l'armée du village 
de Sin-kho. 

A deux heures de raprës-midi, rien de nouveau 
ne survenant du côté de l'ennemi, les deux ar- 
mées se mireat en mouvement. 

Comme les Français tenaient eux;ore la droite 
et les Anglais la gauche, les premiers devaient 
attaquer par le terrain qui s'étendait entre la 
chaussée et le fleuve, et les seconds par celfii 
qui s'étendait à gauche de la chaussée. 



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Août. 



— 148 — 
Année 1860. L<3 génëial Collineau ayant encore les forts de 
la rive droite sur son flanc, fit établir ses deux 
bàlteries rayées de douze le long du fleuve pour 
les conlre-ballre, et ses deux batteries de quatre 
en face du fort sur lequel nous uiarcbions. 

Tout était silencieux. Le général avait ordonné 
d'attendre le feu des Chinois pour commencer. 

L'infanterie de marine, déployée en tirailleurs 
pour donner moins de prise aux boulets ennemis, 
fila le long du fleuve, où elle devait rencontrer le 
passage qu'avaient suivi les Tartares du fort en- 
levé dans la matinée. Le général Collineau, avec 
le reste de ses troupes, et le génie portant les 
échelles, s'engagea partie sur la chaussée et par- 
tie sur le terrain qui la bordait a droite. 

Le silence de l'ennemi et le nuire avait quelque 
chose de saisissant. Ce n'était pas sans une grande 
émotion, qu'on voyait nos braves soldats s'avancer 
résolument vers une position qui, d'un instant à 
l'autre, devait les couvrir de mitraille. 

L'on atteignit ainsi le premier fossé. L'infan- 
terie de marine le franchit rapidement et prit le 
chemin indiqué le long du Pé-ho. Le généial Colli- 
neau, dirigeant en personne l'attaque de face, 
passa le premier, à quatre pattes comme ses sol- 
dats, sur une échelle placée horizontalement au- 
dessus du fossé. Les abattis qui défendaient l'abord 



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— 140 — 

du deuxième fossé 'délruils, on le franchit de 
même, le général en tète ; puis le terre-plein de 
séparation nettoyé de ses palissades et de ses 
chausses-trapes, on arriva au troisième et dernier 
fossé. 

Tout à coup on vit reluire des baïonnettes entre 
les créneaux. Cétait l'infanterie de marine qui, 
ayant trouvé les passages ouverts du côté du fleuve, 
avait pénétré dans le fort. Pas un coup de fusil 
n'avait été entendu. LMnfanterie de marine fit im- 
médiatement descendre le pont-levis sur le troi- 
sième fossé pour en faciliter le passage; mais la 
porte à claire-voie était si fortement barricadée, 
quMl fut impossible de l'ouvrir, et que nos soldats 
durent, pour rejoindre leurs camarades, se bisser 
sur les remparts au moyen de cordages que ceux* 
ci leur jetèrent. 

Le général Collineau, qui n'avait pas suivi d'au- 
tre voie pour arriver dans le fort, vit alors un 
étrange spectacle : 3,600 Tartares à genoux et les 
armes à terre, demandaient la vie. On ne leur fit 
aucun mal. 

Le fort était depuis longtemps en notre posses- 
sion, que les anglais n'avaient pas encore terminé 
leurs préparatifs! 

Les généraux en chef parurent à leur tour. Le 

léral anglais, émerveillé de l'intrépidité du 

10 



Année ]860. 
Août. 



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— 150 — 
^ Année 1860. général Collineau et de la façon rapide avec la- 
^^^^* quelle il tnenait les choses, lui renouvela les 
général en chef complIments dc la matinée, et lui abandonna, pour 

do 

' armée anglaise ga part, Ic soîn dc couduirc Ic TCStc dcsopéralions 

complimente * * 

le général comme boH lui semblerait. 

Collmeau sur 

conduite. Avant de se retirer, les généraux en chef déci- 

dèrent la mise en liberté des 3,600 prisonniers. 

Avant la prise ou la reddition des forls de la 
rive droite, cet empressement à renvoyer des 
hommes qu'on pourrait retrouver derrière d'au- 
tres remparts, comme nous les rencontrâmes plus 
tard en face de nous dans les champs de Ghan- 
kia-ouan et de Pa-li-kiao, était une faute. Dans 
la circonstance présente, la plus ordinaire pru- 
dence commandait de s'en débarrasser soit en les 
passant immédiatement par les armes, soit en les 
envoyant au moyen de nos transports dans les 
îles Mia-tao, dont certainement ils ne seraient 
pas sortis pour nous faire la guerre. 

Sur ces entrefaites, survint un orage épouvan- 
table. Le terrain en peu d'instants fut transformé 
en une immense mare boueuse. Ce ne fut qu'au 
prix des plus grands efforts, surtout du côlé des 
Anglais, qu'on parvint à ramener au camp de 
Sin-kho l'artillerie des deux armées. 

La batterie de siège des Anglais resta embourbée 
pendant plusieurs jours. 



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~ 151 — 

Cet orage éclatant quelques heures plus tôt, au- Anne? 1860. 
rait frappé notre artillerie d'immobilité, et, par 
suite, aurait probablement rendu impossible la 
prise des forts. 

Le général Collineau, à qui le général anglais ^^J[^l^ 
avait, pour ainsi dire, donné une entière liberté ^le'gSu^mTur 
d'action, pensant avec raison que la prise du pé-tchi-ii. 
deuxième fort rendrait Tennemi plus traitable 
que dans la matinée, résolut de s'assurer de l'ef- 
fet qu elle avait produit sur son esprit. 

En conséquence, il envoya sommer le gouver- 
neur du Pé-tchi-li de livrer toutes les défenses 
du Pé-ho. Les officiers choisis pour cette mis- , 
sion étaient: le chef d'escadron d*état-major 
Campenon, les capitaines de Coolset Le Sergeant 
d'Hendecourt, auxquels se joignirent, du côté des 
Anglais, le major Anson et MM. Parkes et Loche. 

Dans leur trajet vers Si-kou où ils devaient 
rencontrer le gouverneur du Pé-tchi-li, ces offi- 
ciers, passant devant le grand fort de la rive droite, 
tentèrent d'intimider le commandant tartare de 
ce fort. Mais ce mandarin repoussa énergique-* 
ment leurs proposi tiens. 

Arrivés à Si-kou, ils entrèrent immédiatement 
en pourparler avec le gouverneur du Pé-tchi-li. 

En attendant le retour de ses envoyés, le géné- 
ral Collineau 6t reconnaître les barrages du Pé-ho, 



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Août. 



— 452 — 

Année 1860. ^^^ d'être prompleraciit en mesure d'opérer, au 
cas possible où ils échoueraient dans leur démar- 
che. 

Ces barrages, au nombre de trois» se compo- 
saient : le premier, d'une estacade faîte d'énormes 
madriers reliés entre eux par trois câbles, de douze 
centimètres de diamètre, et par deux chaînes en 
fer; le deuxième, à quelques centaines de mètres 
en aval du premier, d'une estacade de bateaux 
maintenus serrés les uns près des autres par 
de grosses chaînes; et le troisième enfin, à huit 
cents mètres en aval du deuxième, de grands 
pieux en fer ayant leurs pointes tournées du côté 
de la mer. 

Ces pieux, indépendants les uns des autres mais 
irès-rapprochés, du poids de dix à douze tonneaux 
chacun, fermaient enlièrement le passage et for- 
maient la dernière ligne de défense du fleuve, 
ligne redoutable, parce que le canon des forts 
avait à sa hauteur son plein effet. 

Quant aux deux premières estacades en amont, 
comme elles étaient tout d'une pièce, il suffisait, 
pour s'en débarrasser, de déraper d'un seul côté 
les ancres enfoncées dans la vase auxquelles 
étaient attachés les câbles et les chaînes en fer qui 
les maintenaient, pour que, pivotant sur le point 
d'attache fixé à la rive gauche du fleuve, elles 



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— 163 — 
allassent, sous la pression du courant, se coller le Année iseo. 
le long de la rive droite. 

Celte reconnaissance achevëe, le général Colli- 
neau, ignorant toujours ce qui se passait h Si-kou, 
envoya le lieutenant-colonel du Pin avec un déta- 
chement d'infanterie de marine sur la rive droite, 
pour s'emparer de quelques jonques amarrées 
près du grand fort de cette rive. Huit jonques 
furent prises sous le canon de Tennemi, qui laissa 
faire« et ramenées sur la rive gauche. Elles étaient 
remplies de sang; plusieurs d'entre elles étaient 
chargées de cadavres. 

On les appropria vivement, et on les utilisa à 
transporter 150 Français et 150 Anglais sur la 
rive droite. Ces troupes occupèrent le grand fort 
que, sur Tordre du gouverneur du Pé-tchi-li, son Le gouverneur 
commandant nous remit à la nuit tombant^, ^^^'^e"^ 
• Pendant que s'accomplissaient ces choses, nos to^^wTorte* 
oiBciers étaient toujours en conférence avec le larWe droite. 
gouverneur du Pé-tchi-li. Ce haut fonctionnaire 
débattit longtemps sur l'énormité des sacrifices 
qu'on lui demandait. Mais le langage énergique 
et péremptoire de nos officiers, qu'appuyait la 
prise si rapide des forts de la rive droite, triom- 
pha de sa résistance, et après les efforts les plus 
honorables, il finit par souscrire aux conventions 
suivantes : 



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Année 1800. 
Août. 



RésTiltnts 

<le Jtî journée 

du 21. 



— 154 — 

1<^ La remise de tous les forts et camps de la 
rive droite, avec les canons et munitions de guerre 
dont ils étaient pourvus ; 

2° L'envoi d'officiers tartares dans les forts pour 
nous indiquer l'emplacement des mines ; 

3<> L'engagement de fournir tous les renseigne- 
ments sur les barrages du Pé-ho. 

Ces conventions, signées très-avant dans la nuit, 
ne furent connues que le 22 au matin. 

Ainsi cinq forts, dont deux conquis par nos 
armes, deux camps retranchés, cinq cent dix-huit 
canons, dont cent dix en bronze, d'immenses ap- 
provîsionncm^enls de guerre, la libre navigation 
du Pc-ho, et, par suite, Tabondance dans les ar- 
mées alliées, tels étaient les résultats de la journée. 
Nous avions, en outre, tué à l'ennemi plus de 
2,000 hommes, et le général en chef tartare. 

Pendant plusieurs jours, le Pé-ho charria lt*s 
cadavres de ceux qu'on n'avait pu enterrer dans 
le trou creusé dans le premier fort par l'explosion 
d'une poudrière; ces cadavres, entraînés par le 
courant jusqu'à la ville de Tien-sin, montrèrent 
aux populations des deux rives l'effet terrible de 
nos armes. 

Les pertes des alliés furent considérables. Sur 
400 hommes environ qui, dans l'armée française, 
prirent part à la lutte, ûO furent tués et 160 mis 



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Août. 



— 153 — 
hors de combat. Parmi les premiers se trouvaient : ^^éo iseo. 
le lieutenant Grand-Pierre du 102*^ de ligne et le 
màrécbal-des-logis de dragons Ducheyla. Le sous- 
lieutenant Balme et plusieurs autres étaient griè- 
vement blessés. Le brave commandant Testard 
avait reçu quelques coups de lance, mais ses bles- 
sures étaient légères. 

Dans l'armée anglaise, les pertes furent plus 
considérables encore à cause àe sa formation en 
masse lors du passage des fossés. 17 officiers furent 
tués ou blessés, et, parmi ces derniers, le capitaine 
Brooke, aide de camp du général Napier. 

On supposait que la flotte ne pouvait approcher 
assez près des forts pour joindre le feu de ses 
canonnières à celui de l'artillerie de terre; aussi 
fut-on très-étonné dans l'armée, lorsqu'on ap- 
prit que trois ou quatre canonnières françaises, 
échouées à dix-huit ou dixneuf encablures du fort 
le plus en aval, avaient, cependant, contribué par 
leurs boulets au succès de la journée. 



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Axmée 1860. 
Août. 



XXVII 



flottiu^uiées ^^ ^^' ^^^ matin, les flottilles alliées s'engagè- 
àTien-rin. ^^^^ ^^^^ ^^ Pé-ho, après eu avoir débarrassé 
Femboucbure de ses obstacles. 

Uamiral Ilope qui, Tannée précédente, avait 
commandé les forces navales anglaises, si malheu- 
reuses à cette époque dans Tattaque des forts, 
adressa une lettre au général Grant, par laquelle il 
protestait contre les conventions arrêtées et si- 
gnées dans la nuit du 21 au 22, par les officiers de 
l'armée de terre. Sa protestation était fondée en 
droit; mais, en la faisant, il oubliait que la flotte 
était en ce moment loin du théâtre des événe- 
ments, et qu'à la guerre, où l'occasion joue un si 
grand rôle, le temps qu'on aurait employé à le 
consulter, aurait été perdu pour la saisir. 

Les conditions imposées à l'ennemi par Tar- 



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Août. 



— 157 — 
mée (le terre étaient si brillantes pour les vain- Année iseo. 
queurs, que l*idée de les désapprouver ne pou- 
vait venir à personne. Aussi Ton doit croire, 
qu'en celte circonstance, ramiral Hope protesta 
pour la forme et nullement contre le fond des 
choses. Nous ignorons si l'amiral français imita 
son collègue ; en tous cas son droit était le même. 

Ici l'on peut juger combien la division des 
commandements était une chose mal conçue. 

Les Anglais n'avaient pas mieux que nous com- 
pris la nécessité de placer sous un seul commande- 
ment leurs forces de terre et de mer. De sorte que^ 
si contrairement à ce qui eut lieu, l'action de la 
campagne ne s'était pas tout entière concentrée 
sur terre, on aurait été infailliblement exposé 
aux plus fâcheux tiraillements et privé de toute 
initiative ; car une initiative n'existe pas là où 
quatre chefs égaux discutent et débattent ce qu'il 
faut faire. 

Le 23 août, l'amiral Hope remonta jusqu'à 
Tien-sih avec trois canonnières et n'y rencontra 
aucune résistance. L'amiral français le suivit de 
près. 

Le 2/i, le général de Montauban nomma dans 
l'état-major : le lieutenant-colonel du Pin, au 
grade de colonel; le chef d'escadron Campenon, 
à celui de lieutenant-^colonel^ et le capitaine de 



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Août. 



— 158 — 

Année 1860. Cools, au grade de chef d'escadron. Ces officiers 
furent moins heureux que leurs camarades élevés, 
le IS août, dans les mêmes circonstauces^ a des 
grades supérieurs. 

Le générai en chef ayant outrepassé ses pou- 
voirs en les nommant à des emplois non vacants» 
annula le lendemain leurs promotions. 

Dans la même journée, les deux généraux en 
chef embarquèrent 2,000 hommes sur le Pé-ho, 
pour la ville de Tien-sin.Ces troupes, moitié fran- 
çaises moitié anglaises, arrivèrent le 26 dans 
cette ville qui fut divisée entreies deux armées. 
Les Français s'établirent sur la rive gauche, et les 
Anglais sur la rive droite. Le 27, d* autres troupes 
françaises prenant la voie de terre à la gauche du 
fleuve, se mirent en route pour Tien-sin. La bri- 
gade topographique,, à laquelle s'était joint M. Des- 
cayrac de Lauture, suivait la rive droite. 

La connaissance du pays qui s'étend entre Pé- 
tang et Sin-kho, puis entre ce dernier village et 
Tien-sin, n'étant pas sans intérêt, nous laisse- 
rons un moment les affaires de guerre pour 
donner une description de ce pays. 



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Année 1860. 

AQÛt. 



XXVIII 



Ainsi qu'on l'a dit^ le village ou la petile ville Description 

dn pavs depuis 

de Pé-tanff est bâtie sur la rive droite du Pé-lang- . i'(:^"«.„ 

^ ^ jusqu'à la ville 

ho, dans un îlot enlouré de tous côlés par les eaux ^^ Tien-sin. 
du fleuve à la marée haute» et par une vase li- 
quide et profonde lorsque ses eaux se retirent. 
Ce village communique à la terre ferme par ua 
pont en bois débouchant sur une chaussée, qui se 
dirige du Kord-£st au Sud-Ouest, vers le village 
de Sin-kho, par lequel on passe pour se rendre 
au village de Si^kou, aux forts du Pé-ho, ensuite 
à Tien-sin. 

Pendant sept mille mètres, celte chaussée, d'une 
largeur de huit mètres, court sur un terrain 
inondé en partie par la marée haute. Les fossés 
qui la bordent sur chaque côté, d'une profondeur 
égale à son élévation, puisqu'elle provient de 



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hf^. 



— ÎKf9 — 

''JiJ^rïwr r«l«ciîoo des terres qui les forment, pruenim 
àes otf&lacles sérieux Ion des haoles muées. Le 
uÀ de cette chaussée est gras et se détrempe à la 
nHÂadre pluie, de scMie que la marche jest très- 
péniUe. 

A la distance de sept mille mètres de Pé-tang, 
la chaossée s'abaisse et se change en roale an ni- 
Tean dn terrain, lequel devient sablonneox, par 
conséquent moins humide, mais reste encore par- 
semé de nombreux bas-fonds on séjournent les 
eaux pluviales. 

I)e Pé-tang à Sin-kho, Ton compte treize kilo- 
mètres. Anssi loin que la vue peut s'étendre sur 
tout ce parcxinrs, on aperçoit une infinité de pe- 
tites éminences coniques en terre, marquant la 
place des sépultures chinoises, ainsi qu'on s'en 
souvient. Les Chinois ont un grand respect pour 
ces espèces de monuments funéraires tellement 
multipliés, qu'une partie notable de la terre se 
trouve ainsi enlevée à la culture. Ces champs de 
tombeaux seraient très-favorables à la guerre de 
surprises, parce qu'ils ojQfrent partout d'excellents 
abris aux tirailleurs. 

A trois kilomètres du pont de Pé-tang, on trouve, 
à droite, une sorte de route partant de la cbaus- 
sde^ laquelle se dirige en droite ligne sur Tien-sin, 
et, sans passer par le village de Sin-kho, rejoint 



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Août, 



— 101 — 

le Pd-ho en face du village de Kouî-toua, à vingt Année iseôT 
kilomètres de Tîen-sin. Cette route abrège beau- 
coup la distance entre Pé-tang et cette dernière 
ville, mais elle n'est praticable que pendant le 
beau temps. A l'époque des pluies, elle est con- 
tinuellement inondée sur une étendue de six à 
sept kilomètres, a partir de la chaussée où elle 
s'embranche. 

La distance de Pé-tang à Tien-sin, en suivant 
celle route, est de cinquante-trois kilomètres. 

Le village de Sin-kho a plus d'un kilomètre de 
longueur sur une largeur de sept cents mètres 
environ. Il est entouré de beaux jardins, qui s'é- 
tendent du Sud-Ouest jusqu'au Pé-ho, distant de 
trois kilomètres^ 

Sa population, agricole et paisible, effrayée par 
le combat du 12 août, s'était dispersée dans les vil- 
lages environnant^, et n'était pas encore rentrée. 
Toutefois, on vit dans ce village, en assez grand 
nombre, des chevaux médiocres et des mulets ex-« 
cellents, et du fourrage en quantité suffisante pour 
nourrir les II à 5,000 animaux des armées alliées. 

Du village de Sin-kho part une route allant à 
Tien-sin^ laquelle suit la rive gauche du Pé-ho, 
dont elle s'écarte d'abord de plus de dix kilomè- 
tres, et qu'elle rejoint ensuite en face du village 
de Koui-Toua, au point où elle rencontre la roule 



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Août. 



— iG2 — 

"Année 1860. ^^j^ sîgiialée, veDaiit directement de Pé-tang. 

Jusqu'à ce point elle parcourt, pendant vingl- 
huit kilomètres, un terrain aride et sans culture, 
et, à partir de ce point jusqu'à Tien-sin, elle cô- 
toie le Pé-ho l'espace de seize kilomètres. Sa 
longueur totale est de quarante-quatre kilomè^ 
très. 

Une deuxième route^ allant du bord de la mer 
à Tien-sîn, suit la rive droite du fleuve, duquel 
elle ne s'écarte que pour éviter les trop longs dé- 
tours qu'il décrit. Elle traverse le pays le plus 
fiche et le mieux cultivé qu'on puisse imaginer ; 
mais cette richesse de culture^due aux irrigations 
qu'alimentenf les eaux du fleuve, ne se rencontre 
que sur quelques kilomètres de terrain, et s'arrête 
juste au point où cessent ces irrigations fécon- 
dantes. Au delà, on ne trouve plus qu'une plaine 
sablonneuse et complètement stérile. 

La route de la rive droite, la meilleure de toutes, 
a été tracée avec intelligence. Elle a sur presque 
toute son étendue une largeur de seize à vingt mè* 
très. 

Le village de Si-kou, à l'est duquel sont établis 
les forts qui défendent l'entrée du Pé-ho, con* 
|:ourne pendant quatre kilomètres son dernier 
anneau en allant vers la mer. La population de Sî- 
kou peut être estimée à 30,000 habitants au moins. 



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Août. 



— 163 — 
On y admire une belle pagode. La roule que Ton Année leeo. 
prend pour aller de TEst à l'Ouest, traverse une 
plaine inculte coupée de nombreuses flaques d'eau. 
Cette plaine est bornée à quatre kilomètres par le 
Pé-ho, qui décrit un grand arc de cercle à sa 
droite. 

Après un parcours de sept kilomètres, la route 
rencontre tout à coup le fleuve, et avec lui on re- 
trouve les merveilleuses cultures dont nous avons 
parlé. Les villages alors sont si rapprochés les 
uns des autres, qu'à vol d'oiseau ils semblent for- 
mer une grande ville dont les habitations seraient 
séparées, par des jardins. On traverse ainsi les vil- 
lages de Nan-kîao, Tsin-tsan-tchouang, Tchouang, 
et Ton arrive a Rho-kou, village de deux mille 
mètres de long, situé à quinze kilomètres de Si- 
kou. Sa population est de vingt-cinq à trente mille 
habitants. On y trouve, ainsi qu'à Sin-kho, de 
précieuses ressourcesen grains, fourrages, viande, 
volailles et légumes. 

A trois kilomètres, la route qui toujours se 
dirige vers l'Ouest, laisse à sa droite un camp 
retranché d'une médiocre importance, et à huit 
kilomètres rencontre d'abord le village assez con- 
sidérable de Tsin-san-kou, puis successivement 
ceux de Nang>yang-matao, à quatre kilomètres; 
Tsai-tsin-tchouang-ho, à trois kilomètres; Paë- 



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Août, 



— 164 — 

Année 1860. tang-ho h dcux kilomètres; Tchouang-kiang, à 
quatre kilomètres. 

Entre ces deux derniers villages, quatre fqrts 
élevés sur la rive droite et trois sur la rive gau- 
che commandent la navigation du fleuve. Chacun 
de ces forts forme un parallélogramme à coins ar- 
rondis» dont les faces ont cent à cent cinquante 
mètres de côté. Des cavaliers dominent les murs 
d'enceinte. Ils sont construits sur le modèle de 
ceux des forts pris le l**^ août, à Pé-tang, et le 21, 
à l'embouchure du Pé-ho. 

Si ces forts eussent été armés et pourvus de dé- 
fenseurs, il est probable que pas une des canon- 
nières qui, le 23, remontèrent à Tien-sin avec les 
amiraux, ne serait arrivée à sa destination. 

À trois kilomètres et demi de Tchouang-kiang 
on trouve Koui-toua; puis successivement Tchang- 
kia-tchouang, à deux kilomètres; Tsin-tsan- 
tcbouang à un kilomètre; Tou-tchouang à deux 
kilomètres; Taî-tchouangà un kilomètre et demi ; 
Tang-loa à un kilomètre, et enfin le mur d'enceinte 
de la ville de Tien-sin, à un kilomètre et demi. 
La longueur totale de la route que nous venons 
de décrire est de soixante kilomètres. Entre cette 
route et celle de la rive gauche passe le Pé-ho^ 
dont le parcours est de quatre-vingts kilomètres à 
cause de ses nombreux détours. Ce fleuve, dont la 



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— 166 — 

largeur moyenne est de deux cents h trois cents 
mètres, peut porter de grandes canonnières, — 
telles, par exemple, que la Mitraille ou la Fusée. Le 
passage de la barre établie à son embouchure, ne 
peut s^exécuter qu'avec la marëe baute. Sa pente, 
de Tien-sin à la mer, est presque nulle; aussi la 
mer, qui s'élève de trois à quatre mètres pendant 
le flot et le jusant, y produit-elle des courants 
fort rapides qui, ajoutés à ses coudes nombreux 
et souvent très-brusques, rendent sa navigation 
des plus pénibles aux navires d^un certain ton* 
nage. 

Nos petites canonnières en fer, a cause de leur 
dimension, faisaient la traversée de Tien-sin à la 
mer en une journée. 

Nous avons parlé de la magnifique culture qui 
couvre les terrains avoisinants les deux rives du 
Pé-ho, et enchante les regards du voyageur qui 
remonte depuis son embouchure jusqu'à la ville 
de Tien-sin. Quoique régnant dans tout le pays, 
la grande fécondité de ces terres, concédées au- 
trefois à des soldats tartares , ne provient pas 



Année. 1860. 
Aoat. 



Tindustrie particulière des habitanls riverains des- 



Procédés 
en usage chez 

d'un système général d'irrigations, mais bien de ^^^l^^^^^"^ 

du Pé-ho, 
pour cultiver 

cendanls probables de ces soldats concession- les terres. 
naires. 
Ces irrigations se font, principalement, au 

li 



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— 166 — 

Année i8go. ïï^oyeii de peiiles norias et vis d archiinèdet qui 
^^^^' élèvent les eaux du fleuve a irois ou quatre 
mètres, hauteur suffisante vu le peu de relief 
des terrains avoisinanis. Ces diverses machines 
très-simples sont mises en mouvement par des 
ânes ou des petits chevaux du pays. Faute de 
Ces animaux, les colons peu aisés se servent 
d'une moitié de calebasse attachée à une corde. 
Deux personnes suffisent à mettre en mouvement 
rinstrument d'irrigation avec lequel ils puisent et 
élèvent l'eau du fleuve, qu'ils déversent sur le ter- 
rain. 

Il est ù remarquer que les Chinois travaillent 
très-profondément leurs terres pendant l'automne, 
— à quatre-vingts centimètres environ,— puis les 
inondent de telle façon qu'ils les transforment en 
un immense étang boueux que l'hiver, très-rude 
en ces climats, vient bientôt geler. A la mi-saison, 
ils ensemencent ces terres qui conservent ainsi 
leur humidité pendant les plus fortes chaleur^ de 
l'été, d'où il résulte les merveilleuses récoltes 
dont il a été question. Ces récoltes consistent prin- 
cipalement en gros maîs^ en millet de toutes sor- 
tes, et surtout en sorghos poussant k une hauteur 
de huit pieds. Cette plante, dont on tire de la tein- 
ture, des liqueurs fortes, sert encore à construire 
des clôtures, tant sa tige est puissante, h faire du 



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— 167 — 

feu, elc, elc; sa graine, dont le gros bétail est Année iseo. 
très-friand, l'expose à de graves maladies (!)• 



(1) Tableau des distances à parcourir entre les divers points de la 
roule passant sur la rive droite du Pé-ho : 

Grand fort à Si-kou 2 kilomètres 

Trbvergée de Si-kou 4 — 

— Nan-kiao 7 — 

Tsin-tchen-tcliouang 3 — 

Yang ou Tchouang 1 — 1/2 

Ko-kou« 3 — 

Traversée de Ko-kou 2 — 

Tsin-soui-kou 7 — 

Sa traversée 1 — « 

Nan»yang-matao 4 — 

Tsai-tsin-tchonang-Iio 3 — 

Paëtang-ho *. . . 2 — 

Tchouang-kiang 4 — 

Kom-touo 3 — 1/2 

Tchang-kia-tchouang 2 — 

Tsin-tsau-tchouang 1 — 

Tou-tchouang 2 -^ 

Taï- tchouang l — 1/2 

Tang-loa 1 — 

Murs d'enceinte do Tien-sin 1 — J/2 

Entrée de la ville 3 — 

Traversée de la ville 3 — 

Total 60 kilomètres. 



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AuDée 1860. 
Août. 



XXIX 



dw^^muSaïics ^^ ^^''^ ^^ Tien-sin, dans laquelle le graud ca- 
Tien^Bin. ^^' Impérial conduisant à Pé-king vient se réunir 
au Pé-ho, est renfermée dans une enceinte de for- 
tiûcalionsen Formo de parallélogramme, dont les 
longues faces, allant de TEsl à l'Ouest, ont seize 
cents mèlres, el les petites, du Nord au Sud, onze 
cents, en s'inclinant de deux degrés seulement 
vers TEst. Du mur d'enceinte à la ville propre- 
ment dite, règne un espace de trois kilomètres. 
Chaque rive du Pé-ho est protégée par un fort 
battant le fleuve, et construit sur le même modèle 
que les forts dont nous avons parlé. 

L'intérieur de la ville est tracé très-régulière- 
ment. Des quatre portes percées au centre de 
chaque fort, partent deux grandes rues qui se cou- 
pent à angle droit sous un magnifique portique 



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Août. 



— i69 — 
élevë au centre de la \ille. Les fortifications, Âmi^iHeo. 
construites en briques dures et épaisses, ont huit 
mètres de hauteur à Texlérieur et sept mètres à 
rintérieur. Elles sont formées de deux murs de 
revêtement ayant, celui de Textérieur, un mètre 
cinquante centimètres d'épaisseur au sommet, et 
trois mètres a la base; celui de Tintérieur, soixante 
centimètres au sommet et deux mètres à la base. . 
L'espace compris entre ces deux murs est de cinq 
mètres, et est rempli d'une masse de béton ayant 
la consistance de la pierre, dé sorte qu'avec les 
deux murs de revêtement, les murailles d'enceinte 
ont sept mètres dix centimètres d'épaisseur au 
sommet et dix mètres à la base. 

Le terre-plein, qui a cinq mètres de large et 
six mètres dix centimètres d*élévation, est défendu 
h l'extérieur par un mur crénelé dont les cré- 
neaux, distants l'un de l'autre de trois mètres vingt 
centimètres, peuvent servir d'embrasures à des 
pièces de canon. Entre chaque grand créneau, 
il y en a deux petits pour les armes h feu ; et 
enfin, au ras du terre-plein, un petit créneau, 
avec des vues très-rapprochées du pied des mu- 
railles. Il règne autour du rempart, à l'intérieur, 
un mur de quatre -vin)a[t- dix centimètres de 
hauteur, et, de distance en distance, sont des 
flanquements en forme de tours carrées, ayant 



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Août. 



— 1-0 — 
Année 1860. ^eux mèlres de relief suF la ligue des murailles. 

On monte sur les remparls au moyen de ram- 
pes placées de chaque côté des portes d'entrée . 
Ces portes sont couvertes par des tambours dis- 
posés de manière que, la première porte prise, les 
boulets ne peuvent enfiler la seconde. Au-dessus 
de chaque porte, ainsi qu'a chaque angle, s'élève 
' sur les murailles un kiosque d'une forme assez 
élégante et recouvert en tuiles à lignes courbes. 

Cette ville était autrefois entourée par de larges 
fossés pleins d'eau '; mais les faubourgs, en s'élen- 
dant et en venant adosser leurs maisons aux murs 
d'enceinte, les ont presque enlièroment envahis, 
de sorte qu'ils ne présentent plus aujourd'hui 
qu'une insignifiante défense. 

Les faces Nord et une partie de celles de l'Ouest 
et du Sud de Tien-sin, sont couvertes de vastes 
faubourgs; l'angle Sud-Est est le seul que les 
constructions des particuliers aient encore res- 
pecté. 

Autour de la ville, on voyait un vaste camp re- 
tranché ayant vingt-quatre kiloipèlres de déve- 
loppement; ce camp était protégé par une simple 
levée en terre, de trois mètres de relief, bordée 
par un fossé plein d'eau de quatre h cinq mètres 
de largeur et de deux mètres de profondeur. 
Quand les troupes alliées arrivèrent h Tien-sin, 



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Août. 



— 171 — 

quelques pièces d*arlillerie en fonle et en mauvais Année iseo. 
état armaient les flanquemenis iniparfails qu'on 
y avait ménagés. 

Les pièces en bronze qu'on trouva à Tien-sin 
armaient les deux forts situés à la sorlie du Pé-ho 
et les levées qui les avoisinent. 

D'après le dire des Chinois, la ville de Tieu-sin 
aurait S à 600,000 habitants. Ce chiffre, sans 
doute exagéré, est loin de le paraître; car, bien 
qu'un grand nombre des habitants l'eût quittée à 
notre approche, ses rues, lors de notre arrivée, 
étaient remplies d'une foule plus compacte que 
celle des quartiers les plus populeux de Paris. 

Tien-sin est le centre d'un immense commerce 
d'entrepôt. Sa position sur le Pé-ho et sur le ca- 
nal Impérial, y fait afQuer de toutes les parties de 
Tempire les denrées qui alimentent la capitale, 
ainsi que le Pé-tchi-li, une des provinces où la 
culture ne suffit pas à nourrir ses habitants. 

Dans le faubourg qui s'allonge sur la rive gau- 
che du Pé-ho, on trouve l'entrepôt général du sel. 
Cet entrepôt couvre plus d'un kilomètre dans sa 
longueur, et cinq cents mètres au moins dans sa 
largeur. Des montagnes de sel y sont accumulées. 
Elles sont garanties do la pluie par des revête- 
ments en nattes. 

Le fermage de l'entrepôt de Tien-sin, concédé 



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chinois. 



— 172 — 

Année 1860. ^ des négocionts, est une des plus grandes sour- 
^^^** ces de revenu de FEmpire chinois, où le sel paye 

des droits assez élevés. 
Attape Le 18 août, on apprit, à Tien-sin, que les re- 

T?e"ïSdic« ^^^^^s avaient attaqué la ville de Shangat, et qu'ils 
avaient été repoussés par le colonel Faure de 
l'infanterie de marine et le colonel anglais 
Marsh. 

La Chine est divisée depuis quelques années en 
deux immenses partis ; celui qui défend Tordre 
des choses établies, et celui qui cherche h le ren- 
verser. On désigne sous le nom de rebelles ceux 
qui appartiennent au second parti, parce qu^ils 
sont en insurrection contre le gouvernement de 
l'empereur. 

Nous étions allés en Chine pour y faire une 
guerre régulière ; aussi traitâmes-nous les rebelles, 
à Shangaï, comme des brigands, ce qu'ils sont en 
réalité. 

Cette affaire, qui causa tant d'étonnement au 
gouverneur du Pé-tchi-li lors de son entrevue 
avec nos officiers, au sujet de la capitulation des 
forts de la rive droite, parce qu'il ne pouvait s'ex- 
pliquer notre manière d'agir, en combattant, tout 
à la fois, les insurgés elles lrt>upcs de l'empereur, 
leurs ennemis naturels, cette affaire fut des plus 
honorables pour les troupes alliées. 



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Août. 



— 173 — 

Pour mieux assurer, à l'avenir, la défense de Année laeo. 
Sbangaî et la garantir conlre tonte surprise, 
nous brûlâmes le faubourg chinois situé enlre 
la ville fortifiée et les terrains concédés aux Eu- 
ropéens. 

Après le combat, où nous tuâmes beaucoup de 
rebelles, les troupes impériales chargées de leur 
tenir têle, se confondirent avec eux el se livrèrent 
à un effroyable pillage. La cupidité, en Chine, 
remporte souvent sur le dévouement a la cause que 
l'on sert. Pris en masse ou isolément, les hommes, 
dans tous les pays, se ressemblent singulièrement. 

Le 20, les rebelles se retirent sur Si-ka-wé, où 
les Jésuites ont fondé un magniGque établisse** 
ment. M. Forest, interprèle anglais, eut le cou- 
rage, etc'en était un grand, êraller les menacer des 
armées alliées, dans le cas où ils ne se retire- 
raient pas. Cet homme intrépide revint sain et 
sauf, après avoir réussi dans sa démarche. Les 
rebelles quittèrent Si-ka-wé et respectèrent ré- 
tablissement des Jésuites. 

Cette irruption des rebelles sur Sbangaî, décida 
les généraux en chef à envoyer le 44® régiment 
anglais et deux compagnies françaises d'infanterie 
de marine, avec une demi-batterie d^artillerie de 
montagne, pour en renforcer la garnison. 



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Année 1860. 

Août 

et 

Septembre. 



XXX 



Le 31 août fut marqué par l'arrivée à Tien-sin 

d'un mandarin de première classe, à globule 

rouge, nommé Koué, lequel s'annonça comme 

plénipolenliairc de l'empereur de Chine. 

^Lea Les diplomates allies s'empressèrent d'entrer 

etaSufont ^^^ négocîaiions avec le dignitaire, et, sans véri- 

pn"x^avec mi ^^^ ^^^ pouvoirs dout 11 était revêtu, n'hésitèrent 

pién?ili|tèSre pas k conclurc un traité a veclui. 

qurduparatt Nos ambassadeurs devant se rendre à Pé-king 

nu moment de . ^ ,../%. ■■ . , 

signer. pour assistcr a la raliucation de ce traile, on 
s'occupa, dans les deux armées, de leur composer 
une escorte d'honneur digne de leur rang, et 
surtout qui établît bien notre position de vain- 
queurs. 

En conséquence, 1,000 Français et 1,000 An- 
glais furent désignés pour entrer à leur suite dans 



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— 475 — 
celle capitale fameuse , jusqu'alors fermée aux Année leeo. 

étrangers. ' septembre." 

A partir de ce moment jusqu'à celui du départ, 
les soldats des divers détachements dont l'escorte 
française devait se composer n'eurent plus qu'une 
préoccupation, celle de paraître avec tous leurs 
avantages devant les belles dames de Pé-king* 

Le général en chef facilita du mieux qu'il put 
leurs instincts de coquetterie ; il fit distribuer aux 
chasseurs d'Afrique de belles cravates et des 
écharpes bleu de ciel, aux spahis d'éclatants bur- 
nous écarlates, etc., etc. Afin d'atténuer autant 
que possible notre infériorité en cavalerie, on or- 
ganisa une partie des artilleurs en escadrons, qui, 
joints aux 60 chasseurs et spahis, faisaient très- 
bonne figure auprès des nombreux et superbes 
escadrons anglais. On était prêt à partir, lorsque, 
le 7 septembre, jour convenu pour apposer les 
dernières signatures au traité, on apprit que Koué 
avait quitté sans mot dire la ville de Tien-sin. Ce 
prétendu plénipotentiaire ne s'était présenté que 
pour gagner du temps et permettre à San-ko-li- 
tsin, commandant les forcçs chinoises, d'organiser 
la défense du pays. 

Cette singulière aventure, qui aurait dû nous 
servir d'enseignement, et nous rendre plus circons- 
pects h l'avenir dans nos rapports avec les diplo- 



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— 176 - 
ÂnnéeiseôT i^ates chiDoîs, ne fut pas une leçon pour nos am- 
eptem re. bassadeups; car, peu de lemps après, leur Irop 
grande confiance le^ur fit accueillir avec la même 
précipitation les envoyés chinois, précipitation 
qui, cette fois, eut pour beaucoup des nôtres de 
bien terribles conséquences. 
La guerre, que Ton croyait terminée ou du 
. moins prèle a Têlre, allait donc recommencer. 
Les Chinois, qu'on avait tant de raisons de croire 
découragés, ne Tétaient donc pas, et, comptant sur 
qui^?&e^te ^^^ dislances, sur l'hiver qui approchait, sur leurs 
'"Tvftnt"**" immenses ressources, ils avaient donc l'espoir 
sur pé- ing. j^ ^^^g attirer en avant, de nous envelopper, et 
d'en finir avec nous soit en nous écrasant dans 
une grande et suprême bataille, soit en nous dé- 
truisant en détail! 

Aussi, la colère produite par cette déception 
une fois apaisée, on resta plusieurs jours dans les 
deux armées sans rien décider. Et certes, quand 
on examine froidement la question, on s'explique 
facilement les tergiversations des généraux en 
chef, avant d'arrêter la résolution qu'ils prirent 
de marcher sur Pé-king avec une partie de leurs 
forces. En effet, l'entreprise était des plus hasar- 
deuses; un long trajet nous séparait de celte capi- 
tale; le pays à parcourir nous était inconnu ; on en 
ignorait les ressources, cl la marine ayant formel- 



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— 177 — 
lement déclaré impraticable la navigation sur le Année leeo." 
canal impérial, à cause de rabaissement des eaux, ^^p^^^^^- 
on ne pouvait compter sur elle pour le ravitaille- 
ment de l'armée. 

Il fallait donc aviser au moyen de transporter 
par terre les approvisionnements et les objets né- 
cessaires. Là était l'embarras capital, embarras 
qu'augmentait surtout la nécessité de pourvoir, 
momentanément, au transport des soldats malades 
ou écloppés, pendant la marche de six à sept jours, 
par une chaleur étouffante, qu'on avait à faire 
avant d'arriver à Pé-king, ou du moins à Toung- 
chap, ville située à dix-huit kilomètres de cette 
capitale. 

Ainsi, malgré l'activité du sous-intendant Dubut, 
qui n'avait pu réunir qu'un nombre de voitures 
attelées de deux à quatre chevaux, à peine suf- 
fisant pour transporter les vivres de l'armée, on 
se voyait forcé de distraire une partie de ces voi- 
lures de leur destination, et, par suite, exposé k 
n'avoir même plus l'indispensable pour continuer 
le mouvement ^r Pé-king une fois commencé. 

Si Ton ajoute k ces considérations la possibilité Ordre de» 

^ armées alliées 

d'un échec avec ses conséquences, on peut se faire i^ur marche 
une idée de la hardiesse qu'il fallut pour décider ^^'^ P^-kîng. 
une telle opération. 
Les deux généraux en chef, une fois leur réso- 



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Septembre. 



— 178 — 

Année 1860. lutiou piisc, arrêtèrent proinpteaient leurs dis- 
positions. 

11 fut convenu que l'armée alliée marcherait sur 
trois colonnes partant successivement à un jour 
de distance Tune de l'autre. i.a première, forte 
de 1,000 Anglais avec le général en chef et lord 
Elgîn, fut formée du 99* régiment d infanterie, de 
dragons indiens et de deux batteries armslrong. 

La deuxième, avec le général Montauban et le 
baron Gros, élait formée de 3,000 Français de la 
brigade Jamin, de deux batteries d'artillerie, une 
de quatre et une de douze, des chasseurs d'Afrique 
et des spahis, et de 50 artilleurs à cheval. 

La troisième,«commandée par sir John Mitcheli, 
du 60* régiment de rifles, et composée du S® buffs 
et du reste de la cavalerie, présentait un effectif 
de 2,000 hommes. 

La première colonne partit le 9 septembre, la 
deuxième le 10, et la troisième le 11. 



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Année 1860. 
Septembre. 



XXXI 



La colonne française se mit en mouvement Marche 

de rarmëe 

par une chaleur accablante. Sa marche, au mi- française. 
lieu des plaines sablonneuses, et sur des routes 
bordées de sorghos plus hauts qu'un homme à 
cheval et interceptant le moindre souffle d'air, fut 
des plus pénibles. Dans cette première journée, 
on fit dix-sept kilomètres et on arriva au village 
de Pou-kao,ravant-garde à onze heures du malin, 
et Tarrière-garde à cinq heures de l'après-midi. 
Nos troupes établirent leurs bivouacs un peu au 
delà de ce village. Vingt-deux soldats, à demi- 
asphyxiés par la chaleur, entrèrent à l'ambu* 
lance. 

Dans la soirée, un violent orage fondit sur le 
camp et le transforma en un vaste étang. Le dé- 
sordre qu'il occasionna, permit aux conducteurs 



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Septembre. 



— 180 — 

Année 1860. chiiioîs, qiiG iious avioDS requis avec tant de peine 
à Tien-sin, de se sauver avec leurs attelages. 

Cette perte, vu la pénurie de nos moyens de 
transport qu'affaiblissaient encore les malades de 
journée, mettait Tarmée dans Timpossibililé de 
continuer sa route. 

Heureusement, on découvrit que le canal Im- 
périal, séparé de nos campements par un champ 
de sorghos, était cou vert de jonques voguant dans 
tous les sens. Âpres les renseignements donnés 
par la marine, cette découverte était une bonne 
fortune qu'il importait de mettre à profit. 

Dès que ce canal, parcourant notre ligne d'opé- 
ration sur Pé-king, était navigable, il ne s'agis- 
sait plus que de s'emparer de toutes les jonques 
qui nous tomberaient sous la main, pour faire 
cesser d'un seul coup nos embarras et même 
pour opérer dans les meilleures conditions. On 
n'y manqua pas, et le il, au soir, les pontonniers 
chargés de ce soin, avaient réuni ces embarca* 
tions en assez grand nombre pour former deux 
escadrilles. L'une partit pour Tien-sin, empor- 
tant nos malades, avec ordre d'en ramener des 
munitions et des provisions de toute nature. L'au- 
tre servit à recevoir les denrées chargées sur les 
voitures désormais inutiles, depuis la fuite des 
conducteurs chinois avec leurs attelages. Tout 



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— 481 — 

cela se fit avec la plus grande rapidité, grâce a Année iseo. 
l'intelligence de nos pontonniers et à la précau- ^^*^"' *^* 

. . Eminents 

tion qu ils eurent de retenir sur leurs jonques senices rendus 

par le corps 

les mariniers chinois. Le corps des pontonniers, ^«s pontonniers 

MT r f commandés 

sous les ordres du capitaine Ponlon^ rendit de ieci!!itaino 
tels services à l'armée, déploya en toutes cir- Poi^^on- 
constances une telle aclivilé, qu'on lui doit en 
grande partie les succès de la campagne. 

Le 12, au moment de partir, on apprit que le 
prince Tsaï, membre de la famille impériale, e( le 
ministre de la guerre Khou, venaient au devant 
des alliés. 

A dix heures du matin, notre avant-garde, pré- 
cédant l'arrière-garde de quatre heures, satleignit, 
aprèsune marche de treize kilomètres, Yang-tsun, 
grand village de 30 à /iO,000 âmes, assis sur la 
rive droite du Pé-ho. Le général de Montauban 
avait ordonné et fait observer parmi ses troupes 
la discipline la plus sévère. Dans tous les villages 
que l'armée traversa, elle respecta scrupuleu- 
sement les propriétés et paya si largement ses 
provisions, que les populations rassurées trai- 
tèrent à Tenvi avec elle et s'enrichirent de son 
passage. Ainsi, en deçà de Tien-sin, comme 
partout où nous avions déjà stationné, les popu- 
lations comprirent que nous n'étions pas venus 
pour ravager le pays, mais bien pour vider des 

12 



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Septembre. 



— 182 — 

Année 1800. diffcicnds lout poliliques avec leur gouvernement. 

En quiuanl Tien-siu, l'armée laissa sur sa gau* 
chc un canal appelé Si-ho (fleuve du Sud). 

Pendant ces deux premières journées, ou put 
juger de la direction du cours de ce canal par le 
mouvement des mâts des jonques qu'on aperce- 
vait au loin. À partir de Yang-tsun, on le perdit 
de vue. Son nom et la direction de son cours fil 
présumer qu'il alimentait les pays au sud de Pé- 
king. 

Le 13; après une étape de treize kilomètres faite 
par une poussière et une chaleur accablantes, 
l'armée campa à Man-tsaï-tsung. 

Le 1/i, elle rejoigiiit la première colonne de 
Tarmée anglaise^ insiallée dans le village de Rho< 
sé-woU; et alla établir ses bivouacs à deux kilo- 
mètres en avant. 

La troisième colonne arriva le lendemain ai( 
même village; de sorte que le 15, les trois co- 
lonnes parties de Ticu-sin, s'y trouvèrent con- 
cenlrées. 



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XXXII 



Aundo 18f>0. 
Septembre. 



Le court séjour des armées alliées h Rho-sé->vou 
fui marqué par la reprise des négociations enta- 
mées à Tien-sin, et si singulièrement interrom- 
pues parla disparition du plénipoteniiaire chinois. 

Lord Ëlgin, parti avec la première colonne, 
élait déjà en pourparler avec ce soi-disant pléni- 
potentiaire et ses assesseurs, lorsque nous arri- 
vâmes. 

Malgré la récente leçon qu'on avait reçue, on 
négligea, comme la première fois, de demander 
aux diplomates chinois l'exhibition de leurs pou- 
voirs; et, partant des conditions arrêtées à Tien- 
sin, on conclut a une dernière entrevue avec les 
commissaires impériaux, qu'on devrait rencon- 
trer il la ville de Touiig-chao, à deux lieues de 
laquelle l'armée alliée pourrait approcher. 



Lord Elgin 

et 

le baron Gros 

entrent 

de nouveau 

en pourparler 

avec le 

plénipotentiaire 

chinois, 

et reprennent 

avec lui 

les 

négociations 

où elles en 

étaient rest<^oi 

h ïicn-sin. 



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îjep'embre. 



— 184 — 

Année 1H60. Il ful coiiveiiu quc Hos ambassadeurs seraient 
accompagnés par une escorle d'honneur, mais 
réduile cette fois à 1,000 hommes, lorsqu'ils se 
rendraient a Pé-king pour la ratification du 
traité. 

Avant de conclure, les Chinois, dont le but était 
de nous amuser par des pourparlers afin de gagner 
du temps, chicanèrent tant qu'ils purent sur Tim- 
portance de celte escorle. Ils trouvaient qu'une 
troupe de 1,000 hommes était bien considérable; 
et, cherchant dans leur esprit rusé toutes les com- 
binaisons possibles pour prolonger les débats, ils 
demandaient avec une apparente naïveté qui fit 
sourire, si notre escorte serait armée. Comme on 
leur répondit que jamais nos soldats ne se sépa- 
raient de leurs armes, que même l'escorte emmè- 
nerait avec elle du canon, ils observèrent qu'un 
tel attirail de guerre serait bien gênant par les 
grandes chaleurs qu'il faisait, et que, vu l'état de 
paix où Ton était a partir de ce moment, ils met- 
tfaient ii la disposition de nos soldats, des Chinois 
iiui les allégeraient du poids inutile de leurs ar« 
mes, etc., etc. 

Nos diplomates, aveuglés, ne surent ni voir ni 
comprendre le piège que cachaient ces nouvelles 
conventions. 

Quelques indices révélateurs, pourtant, auraient 



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•— 185 — 
pu leur dessiller les yeux et les éclairer sur la du- Année laeo. 

,. .^ , • • • Septembre. 

plicile chinoise. 

Les approvisionnements qu'on nous avait ap- 
portés de toutes parts jusqu'à ce jour, devinrent 
rares. A Toung-chao, où MM. Parkes et Wack, in- 
terprètes anglais, s'étaient rendus pour faire des 
acquisitions de denrées, ils trouvèrent près des 
Chinois un mauvais vouloir inaccoutume et qui 
laissait à penser. Des traces récentes de campe- 
ment de cavalerie, à Man-tsaï-lsung et à Rbo sé- 
wou, révélaient chez Tennemi plus de dispositions 
guerrières que pacifiques. Mais la confiance était 
si grande, que rien ne put l'ébranler, et qu'on 
résolut d'aller jusqu'au bout. 

On prévint le général Collineau, resté a Tien- 
sin, de ce qui se passait, en l'invitant a accourir 
au plus vile afin d'assister h l'entrée d'honneur 
qu'on devait faire à Pé-kîng. 

Pendant le séjour des armées alliées à Rho-sé- 
wou, qui dura jusqu'au 16, les Anglais, logés dans 
les villages, occupèrent leurs loisirs à piller un 
immense mont-de-piété. Ils y trouvèrent, entre 
autres valeurs, d'excellentes fourrures en quan- 
tité considérable, qu'ils mirent soigneusement de 
côté pour les besoins de l'hiver. 

Au sujet de ces fourrures, on remarquera, en 
passant, qu'il ne fut pas plus ((uosiion des Français 



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— 186 — 
Ti^lsëoT q"^ s'i's n'eussenl pas existé. Les Anglais gar- 

beptem re. J^j.gjjj^ jq^j^ 

A celte époque, notre armée fut privée des ser- 
vices du colonel Livet, du génie. Cet officier su- 
périeur, bien que déjà souffrant lors de notre 
dépari de Tien-sin, avait voulu suivre les opéra- 
tions; mais ses souffrances, accrues par les fati- 
gues, ne lui permettant pas d'aller plus loin, on 
révacua sur cette ville. On ne devait malheureu- 
sement plus le revoir. 



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Année 18«0. 
Septembre. 



XXXIIl 



On se souvient que d'après nos conventions 
avec les Chinois, les armées alliées devaient s'ar- 
reler h deux lieues de Toung-chao. 

Le 17, on se mit en mouvement sur celle ville: 
les Anglais, avec toutes leurs troupes moins le 
31" régiment, qu'ils laissèrent à Rho-sé->vou 
k ta garde de leur malériel, et les Fiançais, 
avec le général de Montauban, 600 chasseurs à 
pied, deux compagnies d'élite des 101® et 102'ré- 
gimentS; les chasseurs et spahis, une compagnie 
du génie, une batterie de quatre, en tout 1,000 
hommes. Le reste de nos troupes attendit à Rho- 
sé-wou. 

La confiance des ambassadeurs, qu'on finit 
par partager, était telle, qu'on ne craignit pas 



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Septembre. 



- J88 — 
'Année 1860. cVenvoycr a Tavance, kToung-chao, un certain 
nombre d'officiers pour y préparer les approvi- 
sionnements des deux armées. 

Ces officiers et les personnes qui les accompa- 
grai ?nl, employés ou attachés aux armées, étaient : 
parmi les Anglais, le lieutenant-colonel Walker, 
chef d'éiat-major de la cavalerie; le lieutenant 
Ânderson avec un dragon et 19 cavaliers indiens; 
MM. Parkes et Locke, interprètes anglais attachés 
à Tambassade; Ba>vley, correspondant du journal 
le Times ^ et Norman, attaché à la légation de 
Shangaï, ces deux derniers comme amateurs; 
parmi les Français, le colonel Foullon de Grand- 
champs, de Fartillerie; le capitaine d'élat-major 
Chanoine, le Caïd Osman, sous-lieutenant de 
spahis; Dubut, sous-intendant militaire; Âder et 
Gagey, comptables; de Bastard, secrétaire d'am- 
bassade; de Méritens elTabbé Duluc, interprètes; 
enfin M. d'Escayrac de Lauture, amateur. Les 
officiers étaient accouipagnés par leurs ordon- 
nances. 

Les troupes alliées arrivèrent à onze heures et 
demie du matin à Malao, après une marche de 
dix-sept kilomètres. Le village était désert et 
oifrait les traces encore fraîches d'un immense 
bivouac de cavalerie tartare. 
C'était un indice assez évident des prépara- 



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— 189 — 
lifs des Chinois; mais la confiance était si com- Année iseo. 
plète parmi nous^ qu'on ne s'y arrêta pas. ^*^" ^^' 

Nos envoyés, qui nous précédaient, avaient dû 
nécessairement traverser Tarmée tarlare placée 
entre Toung-chao et la nôtre; mais, soit qu'ils 
ne virent pas le mouvement extraordinaire de 
l'armée ennemie, occupée à fortifier sa position, 
soit qu'ayant aperçu ce mouvement, ils ne le ju- 
gèrent pas assez significatif, encore est-il qu'ils 
ne pensèrent pas à envoyer prévenir les généraux 
en chef. 

Le 18, a six heures du matin, Farmée alliée, 
les Anglais en tête, partit de Matao. Peu de temps 
après le départ, MM. Parkes et Locke vinrent 
rendre compte au général Grant des dispositions 
prises pour installer les troupes à l'endroit con- 
venu avec les Chinois ; puis, ils retournèrent vers 
Toung-chao, emmenant avec eux le capitaine Bra- 
bison de Télat-major de l'artillerie anglaise, chargé 
de choisir un emplacement pour la cavalerie à 
son arrivée sur les lieux. 

On avait parcouru huit kilomètres, lorsque ^^"^l^f^^ 
quatre mandarins, dont un à globule bleu et d'un ^^St]^ 
rang supérieur, se présentèrent, afin, dirent-ils, 
de traiter des approvisionnements a fournir à nos 
troupes. 
Pendant que l'on conférait en plein air avec 



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— 190 — 
Année i8«5o. CCS HiandàrinSy à l'aide d'un Chinois attache h 
Septembre, l'an^^g anglaise commc interprète, on découvrit, 
en avant dans la plaine, des groupes de cavalerie 
et d'infanterie. Toutes les lorgnettes alors furent 
braquées de ce côté, et Ton distingua, parfaite- 
ment, une immense ligne de bataille couverte par 
de nombreuses pièces de canon placées derrière 
des épaulements. On prévint aussitôt le général de 
Montauban. Il n'y avait plus à se méprendre aux 
intentions des Chinois. Évidemment, c'était pout* 
livrer bataille et non pour signer un traité de 
paix, qu'ils nous attendaient dans une telle posi- 
tion ! 

Sur ces entrefaites, survint un mandarin à glo- 
bule rose, nommé Han-ki, lequel demanda à 
parler à nos ambassadeurs. On lui répondit que 
nos ambassadeurs le recevraient à Toung-cbao où 
ils étaient en train de se rendre. 

Le capitaine Chanoine, le Caïd Osman avec deux 
spahis, MM. deBastard et de Méritens, le compta- 
ble Gagey, avaient successivement rejoint Farmée 
pendant ce temps. 

Partis à la pointe du jour de Toung-chao, où 
ils avaient laissé leurs camarades, ils ne devaient 
les précéder dans leur retour que de quelques 
heures. Sauf le comptable Gagey qui affirma avoir 
vu plus de 15,000 cavaliers tarlares, et le capitaine 



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— 191 — 
(ihanoinc qui donna quelques renseignements 
plus précis sur ce qui se passait, personne n'avait 
rien remarqué. 

Le capitaine Chanoine avait été arrêté dans sa 
roule par les Tarlares. Ce ne fut qu'à sa connais- 
sance de la langue chinoise et à sa qualité de Fran- 
çais {foulancy) et non d'Anglais {enguely) qu'il 
dut sa mise en liberté. 

Au reste, si incomplets que fussent les rensei- 
gnements de ces oflBciers, ce qu'on avait devant 
soi en apprenait assez sur l'état des choses. Nous 
étions tombés dans un véritable guet-apens. Quel- 
qu'un conseilla de retenir comme otage Han-ki et 
les autres mandarins. — Le bandeau qui nous 
couvrait les yeux n'était pas encore entièrement 
tombé; on repoussa ce sage conseil. Et lorsqu'on 
en comprit la valeur quelques moments après et 
qu'on voulut le mettre à profit, il n'était plus 
temps; les mandarins, qui avaient poussé l'audace 
de l'astuce à ses dernières limites^ sentant que 
nous étions sur le point de comprendre, avaient 
disparu. Il était huit heures du matin. 

Le général de Monlauban, que préoccupait vive- 
ment la situation des officiers qui n'étaient pas re- 
venus de Toung-chao, proposa à son collègue de 
l'armée anglaise de fondre, sans plus tarder, sur 
Tarmée tartare, afin d'arriver à Toung-chao avant 



Année 1B60. 
Septembre. 



Indices 

des dispositions 

hostiles 

des Chinois. 



I^e général 
de Moutauban 

propose 

à son collègue 

de marcher 

Bur l'armée 

chinoise. 



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— ^92 — 
Année i8rio." Que les Chinoîs eussent le temps de se recon- 

Septembre/ ^^.^^^ 

Le général Grant rejeta celle proposition, par 
crainte, en brusquant les choses, d'exposer la vie 
de ses ofBciers restés dans cette ville. Le général 
français objecta qu'il avait au milieu des Tarlares 
des officiers dont la vie, apparemment, était aussi 
précieuse que celle des officiers anglais; qu'il im- 
portait avant tout de délivrer ces officiers ; qu'en 
face de la duplicité des Chinois, dont il n'y avait 
plus à douter, le plus sûr moyen de sauver tout le 
mondeétait de prévenir les mauvaises intentions de 
ces derniers, s'ils en avaient, et que ce moyen était 
de battre leur armée. Le général anglais persista 
dans son opinion de ne rien brusquer, et cela bien 
malheureusement! Car l'idée du général de Mon- 
tauban de se jeter tête baissée sur l'ennemi et de 
se porter rapidement sur Toung-chao, aurait cer- 
tainement, si elle avait prévalu, épargné une 
horrible mort à plusieurs d'entre eux. 

On attendit donc pour attaquer qu'il survint 
quelque incident nouveau. 

Les Français étaient postés à la droite des An- 
glais, et faisaient face à la gauche de l'armée tar- 
lare développée en un vaste demi-cercle de six à 
sept kilomètres d^étendue. Les bagages des deux 
armées étaient à quatre mille mètres en arrière, 



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Septembre, 



— iua — 
dans un village où se trouvait le baron Gros et le Année i86o< 
personnel de son ambassade. 

Les deux généraux étaient convenus» qu'en 
cas d'attaque, les Français se jetteraient sur la gau- 
che de l'ennemi appuyée au village de Leost, puis 
se rabattraient de droite à gauche sur les Anglais, 
dont rinfanlerie attaquerait le village de Kaouat- 
isoun, tandis que leur cavalerie se lancerait sur la 
cavalerie tartare, qu'on apercevait par grosses 
masses dans la plaine à leur extrême droite et 
placée de façon à tourner les armées alliées. 

Le général Grant avait mis unedivision de sikles 
à la disposition du général de Montauban pour 
renforcer sa cavalerie. 

Vers dix heures et demie, on entendit trois 
coups de canon et une assez forte fusillade du 
côté de l'ennemi ; en même temps, on vit le lieu- 
tenant-colonel Walker, suivi de cinq cavaliers, 
arriver à toute bride sur l'armée anglaise. 

Cet incident décida le général anglais. 

Il lança sa cavalerie disposée en échelons sur 
celle de l'ennemi qui ne l'attendit pas. 

Les Français alors, guidés par le général de 
Montauban, se précipitèrent en avant. 

Les chasseurs à pied se portent sur le village de 
Leost, quedéfendaitrinfanterieennemie, couverte 
par quarante pièces de canon en sept batteries. 



Bataille 

de 

Tchang-kia« 

onang. 



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"ÂnnôoT^eo. ^'^ cavalerie, passant entre le village de Leost 
Septembre. ^ gauche et celui de Lao-lsang à droite, puis 
tournant à gauche, s'élance sur des masses d'in- 
fanterie placées en arrière de Leost, entre ce 
village et le canal qui va de Tchang-kia^ouang 
au Pé-ho. 

Derrière la cavalerie et suivant la même direc- 
tion, marchant la compagnie du génie et les com- 
pagnies d'élite des 101® et 102% 

Notre artillerie couvre Tennemi de ses boulets 
tandis que les siens, mal dirigés, passent par des- 
sus nos tètes. 

Nos petites colonnes, débouchant d'un petit 
bois do saules qui couvre leur marche, surpren- 
nent les artilleurs tartares, qui abandonnent par- 
tout leurs pièces, la plupart sans avoireu le temps 
d'y mettre le feu. L'élan de nos soldats est irré- 
sistible. Ils passent, sans s'en douter, à cent cin- 
quante mètres de dix-huit canons en batterie, 
qu'ils laissent à leur droite. Les chasseurs à pied 
entrent dans le village de Leost, baïonnette basse, 
et en chassent l'infanterie ennemie qui se sauve 
en déroute par le terrain situé entre ce village et 
le canal, et où elle renconire les chasseurs d'Afri- 
que, les spahis et les sikles, qui en font une vraie 
bouclierie. 

L'armée franvaisc, par lo rapide mouvement 



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— 193 — 
qu'elle vient d'accomplir, se trouve alors sur le 
flqnc gauche derennemi, et appuie son flanc droit 
au canal. 

La déroute de l'ennemi est complète. Nos trou- 
pes poussent devant elles des massés éperdues de 
Tarlares, qui ne peuvent se sauver qu'en traver- 
sant le canal, dont les talus percés en embrasu- 
res garnies de canons, restent silencieux. Elles ar- 
rivent ainsi balayant le terrain pendant six à sept 
kilomètres, jusqu'au village deKaouat-tsoun, que 
l'ennemi, avec soixante pièces de gros calibre, 
tenle vainement de défendre. 

>os troupes en prenaient possession, quan4 
parut sur leur gauche l'infanterie des Anglais, 
destinée à attaquer ce village en même tepfips 
qu'elles attaqueraient le village de Leost. Nos al- 
liés n'étaient pas en avance. Leur extrême lenteur 
avait permis à noire armée de remplir sa tache e$ 
la leur. Toutefois, on doit dire que l'heureux 
mouvement de leur cavalerie, t\\x début de la ba- 
taille, avait facilité l'action des nôtres en déblayan( 
la plaine de la cavalerie lartare. 

Ce combat du 18, ou plutôt cette balaille, vu 
l'importance de l'armée ennemie s'élevanl à 
50,000 hommes au moins, fut une première et 
éclatante punition infligée à la mauvaise foi tar- 
tare. 



Aunée 1860. 
Septembre. 



Les Chinois 

sont mis 
en déroute ; 
leurs pertes. 



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— 196 — 
Année 1860. ^^^^ alliés avaleut lue ou blessé plus de 1,500 
ptem re. JJQ^y^na3g^ qi ppjg soixaule pièces de canon en 
bronze. 

L'ennemi que nos soldats, malgré leur exaspé- 
ration, avaient épargné dans sa déroute, ne mon- 
tra aucune énergie. 

Les Français qui, presque seuls, avaient com- 
battu, n'eurent à regretter que la mort du lieu- 
tenant de Damas, officier de cavalerie, portant 
dignement un nom illustre, frappé lâchement par 
un artilleur tartare qu'on avait épargné. 

Le sous-lieutenant Destremont et quelques sol- 
dats furent blessés. Les Anglais éprouvèrent des 
pertes insignifiantes* 

Le général de Montauban fît camper ses trou- 
pes au village de Kaouat-tsoun, et les Anglais 
allèrent à quatre kilomètres plus loin s'établir au 
village de Tcbang-kia-ouang. 

Lors de la prise du village de Kaouat-tsoun par 
nos troupes, le lieutenant-colonel Walker,- ren- 
contrant le général Montauban, lui avait appris le 
triste et héroïque épisode que voici : Il raconta 
qu'à son retour de Toung-chao, voyageant de 
compagnie avec un officier français, qu'on recon- 
nut facilement être le comptable Ader au por- 
trait qu'il en fit, ils étaient tombés au milieu des 
Tarlares, et que l'un de ces derniers lui ayant 



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Septembre, 



— 197 — 

arraché son sabre, en avait porté plusieurs coups Année ibôo. 
à la tète de son compagnon qui tomba de cheval; 
qu'alors il vil lordonnance de ce malheureux offi- 
cier (le chasseur à pied Ousouf), faisant à son 
chef un rempart de son corps, abattre à coups 
de baïonnette tout ce qui approchait; que pour 
lui, il avait pu s'échapper, grâce au dévouement 
de ce chasseur qui avait absorbé toute Taltention 
des Tartares, puis il termina par ces mots : « Il y 
aurait des millions de décorations, qu'on devrait 
« les donner toutes à cet héroïque soldat français» 
« s'il parvenait à se sauver. » 

Les journées du 19 et du 20 furent employées 
eu reconnaissances. On constata l'existence de 
camps nombreux de cavalerie, en avant de nous 
et à gauche de Toung-çhao. 



13 



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Année 1860. 
Septembre. 



xxxiv 



tartare. 



Le« ciiiroia Qjj ^iviit SOUS uouvclles (les officicrs dépêches h 

nous attendent i 

lacîvSerie TouDg-chao; iiiais leur absence prolongée indi- 
quait malheureusement que les Chinois les avaient 
retenus prisonniers. Aussi, grandes étaient dans 
les deux armées les préoccupations sur la ma- 
nière dont ils étaient traités. Toutefois, on pen- 
sait que le retentissement de la bataille du 18 se- 
rait une sauvegarde pour eux : on se trompait. 

M. >Vack, interprète anglais, chargé de récla- 
mer leur mise en liberté, vit ses demandes accueil- 
lies par un refus net et péremptoire. 

La défaite du 18 n'avait donc pas frappé les 
Chinois autant qu'on l'aurait pensé. 

Dans cette rencontre, où nous n'avions eu sé- 
rieusement affaire qu'à leur infanterie, qu'ils 
tiennent en médiocre estime, la terreur des re- 



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Atuioe 1B($0. 



— 19i) — 
belles^ la cavalerie (arlaie» i émulée itt\iaclble^ 
n'avait pas donné; et comme elle était inlaete et 
prête à nous combattre, ils comptaient nous^ faire 
exterminer par elle. Tel était le secret de Uur 
confiance et de leur refus. 

Le mandarin San-ko-li-tsing, dégrade pour 
avoir laissé prendre les forts du Pé-ho^ jouissait 
chez eux d'une telle réputation de capacité, qu'on 
lui avait laissé la direction des aiîaires et le com- 
mandement des armées sous le nom de Sen- wang, 
aûn de lui procurer l'occasion de réhabiliter son 
vrai nom compromis. 

Ainsi, nous allions avoir une nouvelle armée, 
bien autrement redoutable que la [iremiére, à 
combattre. Sa position près de la nôtre rendait ue râii-kiao. 
Imminente une rencontre avec elld (1). 

Les Anglais occupaient toujours la petite ville 
de Tchatig-kia-ouang. 

Selon leur habitude de tirer des choses tout ce 
qu'elles peuvent rendre, ils la pillèrent de fond 
en comble. Les Français u'enlcndlient pas {Uus 
parler du butin qu'ils y firent que des fouiTures 
de Rbo-sé'wou. Nous signalons en passant ce fait, 
qui n*est pas le premier, ainsi qu'on a pu le voir, 
afin de mieux démontrer plus tard révidcnte n^nu- 

(t) Le gi^ndrul ColUncnu avait rejoint Tarint^e dans la jounit<e <hi 
11) ou 30. 



Rencontre 

avec 

la cavalerio 

fcirtnro. 



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— 200 — 
^^^é^seôT vaise foi de leurs insinuations, et surtout Finjus- 
Septembre. ^.^^ j^ |^^^g réclamaiions au sujet du pillage du 

palais d'été. 

Le 21 septembre, jour mémorable, les armées 
alliées rencontrèrent la fameuse cavalerie tartare. 

Pour comprendre le récit de la bataille qui 
s'ensuivit le jour même, il importe de connaître 
la configuration des lieux où elle se livra. 

Devant nous était Toung-chao, ville fortifiée 
dans le genre de celle de Tien-sin, et couvrant 
dans sa plus grande largeur, de TEst à l'Ouest, un 
espace de six kilomètres, et de quatre dans sa 
plus grande longueur du Nord au Sud. 

Cette ville, qui s'annonce au loin par une tour 
à treize étages placée dans sa partie Nord, est 
couverte sur ses faces Est et Nord par le canal du 
Pé-ho, et par un deuxième canal qui continue 
la voie de transport par eau jusqu'à Pé-king et 
coule de TEst vers TOuest. Derrière ces canaux 
sont ses vastes faubourgs. Sur le deuxième canal 
on rencontre deux ponts : Tun, qu'on appelle 
Pa-li-kiao, à trois kilomètres et demi de la porte 
Ouest de la ville, large, magnifique, avec des 
garde-fous ornés de statues en marbre d'animaux 
placés sur des pieds-droits; l'autre, à trois ou 
quatre kilomètres plus loin, étroit et fait pour les 
piétons. 



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-. 201 — 

Une route superbe, dallée en blocs énormes de Année mo. 
pierre, et qui se lie au pont de Pa-li-kiao, condyt "®^*®™ ^' 
de Toung-chao à Pé-king. 

Entre Toung-chao et le petit pont à piétons en 
avant, est le village de Oua-kaua-yé. 

Les camps de la cavalerie tarlare s'étendaient 
en avant du canal du Pé-ho, depuis Toung-chao 
jusqu'en face du petit pont à piétons. 

Le village de Oua-kaua-yé, situé au centre en 
avant de ces camps, élait occupé par de l'infanterie 
avec du canon, et couvrait la retraite de la cava- 
lerie ennemie au cas où, se portant en avant, elle 
éprouverait un échec, et lui procurerait un solide 
point d'appui au cas où elle livrerait bataille à sa 
hauteur. 

Enfin, en arrière du grand pont, l'ennemi 
avait placé une forte réserve d'infanterie avec 
l'artillerie sauvée de la bataille de Tchang-kia- 
ouang. 

Au début de l'action, ces dispositions de l'en- 
nemi nous étaient presque inconnues. Un guide 
chinois, qui devait conduire la colonne française 
vers le grand pont , parvint à s'échapper, et la 
laissa dans un grand embarras sur la roule.qu'elle 
avait à suivre pour atteindre ce pont. Anglais et 
Français marchaient donc un peu dans l'inconnu, 
les Français vers le grand pont, et les Anglais 



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— 202 — 
AuDép 1860, ^ relliaiït avec la gauche des Français, rers le pe- 

Lord Elgin, toujours a cheval quand le canon 
résonnait, accompagnait ses compatriotes. Les 
bagages étaient restés dans un village près de 
Tchang-kiaouang, sous la garde de deux compa- 
gnies d'infanterie. Le personnel de l'ambassade y 
attendait les événements. 

A dix kilomètres de Kaouat-tsoun, les Français, 
qui tenaient la droite de Tarmée alliée, aperçu- 
rent la cavalerie tartare, formant un immense 
demî-cercle d'un diamètre de près de cinq kilo- 
mètres, lequel était renforcé, sur chaque aile, par 
des masses de cavalerie rangées presque réguliè- 
ment en colonnes serrées par escadrons. Le cen- 
tre de cette ligne était appuyé sur deux autres 
masses de cavalerie convenablement espacées et 
rangées dans le même ordre que celui des ailes. 

De nombreux bouquets d'arbres couvraient fe 
plaine qui nous séparait du canal et masquaient 
les manœuvres de l'ennemi. 

Ces dispositions sur un terrain bien choisi révé- 
laient chez les généraux tartares une véritable in- 
telligence de la guerre. 

Le général de Montauban, s'apercevant que In 
ligne de bataille des alliés était démesurément 
étendue relativement h leur petit nombre, remédia 



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Septembre, 



— 203 — 
h cel inconvrniem. McUaiit sous les ordres du gé- "Âiiôëe i^ôoT 
néral Collinenu, la compagnie du génie, deui^ 
compgnies de chasseurs à pied; un détachement 
<le pontonniers, 40 artilleurs à cheval et la bftt- 
terie de quatre, il prescrivit à ce général d'obli- 
quer un peu à gauche, aBnde communiquer plus 
facilement avec les Anglais. Le général en chef 
garda avec lui le général Jamin, le roste des 
chasseurs à pied, le 101' de ligne, les chasseurs 
d'Afrique et spahis, les fuséens et la batterie de 
douze. 

Bientôt nos deux colonnes se trouvèrent devant 
le centre du demi-cercle formé par la ligne ennemie, 
non toutefois sans être très-séparées Tune de Tau- 
Ire, — le mouvement en avant ayant sensible- 
ment augmenté la distance qui existait entre elles 
au départ. 

Les Tartares, profitant avec habileté des bou-- 
quets de bois pour masquer leurs nouvelles dis- 
positions, appelaient, en ce moment, vers leur 
centre menacé par la colonne française^ lésinas- 
ses de cavalerie placées aux ailes. 

Ces masses, qui opéraient, derrière la ligoie de 
bataille, leur mouvement des ailes sur le centre, 
avaient une courbe immense à décrire et parais- 
saient, vues de notre position^ s'éloigner et 
même abandonner le terrain ; de sorte que plu- 



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Septembre. 



— 204 — 

Année 18607 sîeurs officiers, trompés par cet effet d'optique, 
^crurent qu'elles se reliraient sérieusement. 

Le général Collineau, avec son coup d'œil rapide 
et son grand sens militaire, ne se méprit pas à ce 
faux semblant, et jugeant parfaitement la manœu- 
vre de l'ennemi, il disposa rapidement sa faible 
troupe de manière à le bien recevoir. 

A notre droite, au contraire, l'opinion que l'en- 
nemi se retirait prévalut, et les chasseurs restè- 
rent déployés en tirailleurs, en avant de l'artil- 
lerie. 

A l'extrême droite, il en fut de même des, deux 
compagnies du 101% déployées en tirailleurs, en 
avant, à droite de leur régiment massé à la hauteur 
de la batterie de douze. 

Tout à coup deux énormes masses de cavalerie, 
de dix à douze mille hommes chacune, s'ébran- 
lent en même temps et s'avancent au galop, Tune 
sur le général Collineau à la gauche, l'autre sur le 
général en chef à la droite. 

La situation était solennelle ; nos petits pelotons, 
presque imperceptibles au milieu d'une vaste 
plaine, disparurent alors comme submergés sous 
cette avalanche d'hommes et de chevaux. Chaque 
soldat comprit que la moindre hésitation entraî- 
nerait la perte de tout le monde, et ferme à son 
rang, sous le regard calme et rassuré de Théroï- 



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que Collineau en qui revivait l'ame du maréchal AnnéTîêôo. 
Ney, attendit froidement le choc. . septembre/ 

A la droite, rien n'était prêt. Les chasseurs 
h pied, toujours en tirailleurs, et les fuséens, 
couvrent de balles et de fusées la cavalerie qui 
s'avance, tandis que le colonel Pouget, du 101% 
s'élance au galop vers ses deux compagnies déta- 
chées en tirailleurs, les rallie, les pelotonne, et non 
moins vite revient à son régiment, qu'il forme en 
deux carrés. Il était temps ! 

Récusa gauche sur les baïonnettes de Collineau, 
à droite sur celles du 101® de ligne que la batterie 
de douze soutient de son feu, criblés de balles et 
de mitraille, les Tartares, habitués dans leurs 
rencontre avec les rebelles chinois, a tout balayer 
devanteux, hésitent, s'arrêtent et se retirent fiè- 
rement au pas de leurs chevaux, sans abandon- 
ner ni un mort ni un blessé sur le terrain. 

Les chefs tartares, pour entraîner leurs esca- 
drons, viennent avec une audace sans pareille et 
à plusieurs reprises, passer et repasser presque 
sous les baïonnettes de nos soldats, mais inutile- 
ment; leurs escadrons rebutés ne veulent plus re- 
prendre la charge. 

Cependant la masse de cavalerie repoussée par 
le général Collineau, après avoir, en quelque 
sorte, glissé sur son front de bataille, s'écoulait 



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Seirtembre. 



— 20(î — 

A^c 18607 i*api(Icnient à gauche et prononvi^U «« luouve- 
nient tournant, qui menaçait de preinlre à revers 
la petite troupe de ce général. Déjà même l'artil- 
lerie de notre droite se disposait à briser par son 
feu l'impulsion de cette cavalerie^ lorsque appa- 
rurent, fort à propos, les casques blancs de la ca- 
valerie anglaise. 

Nos alliés, toujours en retard, entraienten ligne 
et se reliaient à notre gauche^ comme il était 
convenu. 

Leur arrivée, bien que tardive, en arrêtant net 
la cavalerie tarlare prête à nous tourner, décida 
de l'affaire, et quelques coups de leurs armstrongs 
suffirent. 

Les Français, complètement dégagés, mar- 
chèrent alors sur le village de Oua-kaua-yé, 
défendu par de Tinfanlerie avec du canon. Nos 
troupes enlevèrent rapidement ce village. LelOl^, 
prenant très à droite, y entra baïonnette basse, et 
i^enversant tout ce qui était devant lui, rejeta Ten- 
nemi à gauche sur les chasseurs à pied. 

Sa masse, expulsée du village, soutenue à l'ar- 
rière-garde par la vaillance de deux chefs à cheval 
agitant des drapeaux, se retirait groupée comme 
un troupeau, fusillée à deux cents mètres par le 
loi* à droite, et à gauche par les chasseurs à 
pied ; lorsque le général en chef, saisissant Tocca- 



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- 207 - 
sioii do la roiDwc, donna Tordre h SCS 56 cavaliers , , , 

* Année JBiiO. 

d'escorle de charger. Malhenreusemenl , son ordre î^^ptemiw. 
fat mal compris, car nos cavaliers, au lieu de 
s'engager dans l'espace que suivait Tennemi^ entre 
le 101« et les chasseurs, se porièrent en arrière 
de ces derniers, et par ce faux mouvemefit n'ob- 
tinrent d'autre résultat que de recueillir quelques 
chevaux dont les cavaliers avaient été tués. 

De son côté le général CoIIineau, marcbant 
droit devant lui, avait rencontré sur son dhemin 
une sorte de bois couvrant de magnifiques lom* 
beaux en marbre, derrière lesquels des tirailleurs 
chinois, en grand nombre, se tenaientembusqués. 
Les chasser de cette position, après en avoîr fait 
un grand carnage, fut pour lui l'affaire d'un îns- 
lanl. 

Nos deux ailes, poussant les fuyards, arrivèrent 
ainsi devant le grand pont. Ce pont, on doit s'en 
souvenir, orné de statues qu'on prendrait de loin 
pour des hommes montas sur ses parapets, étak 
couvert de soldais disposés a le défendre. De Tîn- 
fanterie arec du canon de gros calibre, et de nom- 
breux tirailleurs à couvert dans les maisons on 
éparpillés dans les joncs qui bordent la rive op- 
posée du canal, appuyaient les défenseurs du 
pont. 

A leur tirrivée^ nos tètes de colonne furent 



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Septembre. 



— 208 — 
Année 1860. accueiliics par des volées de coups de canon, qui, 
heureusement, passèrent trop haut. 

Le général Collineau, qui venait par la gauche, 
plaça sa batterie de quatre de façon à battre le 
pont en écharpe, tandis que la batterie de douze 
le battait de plein fouet. 

Le capitaine Moncey, du 101* de ligne, arrivé le 
premier avec sa compagnie près du pont, se pré- 
parait a Tenlever, quand il reçut Tordre de se 
replier aûn de laisser à Tartillerie toute son ac- 
tion. 

Les Chinois et les Tartares, dont le courage et 
le sang-froid avsTient élé fort remarquables, se sur- 
passèrent dans cette dernière période de la ba- 
taille. Quelques hommes de la garde particulière 
de r Empereur, qu'on distinguait à leurs robes 
jaunes bordées de noir, parcouraient le pont sous 
le feu croisé de nos batteries et sous une pluie de 
balles, agitant des drapeaux pour encourager les 
fantassins chinois. Aucun de ces hommes ne re- 
cula; tous moururent à leur poste. 

Le général Gollineau, impatienté de la ténacité 
de l'ennemi à se défendre, forma une colonne 
d'attaque et s'élança à sa tète, suivi par les 
capitaines Foerster et Le Sergeant d'Hende- 
court, de l'état-raajor; Cattoir^ de l'artillerie, 
et le lieutenant Bourcart. Ses troupes, qui ne 



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— .209 — 
pouvaient suivre Tallure de son cheval que, dans " Année iseo. 
son ardeur, il avait lancé au galop, le rejoignirent ^p*«°>^^- 
au moment où, seul en avant de ses officiers, 
il s'engageait sur Tarêle du pont. Ce fut pour 
l'armée- un magni6que spectacle que celui de ce 
héros de Malakoff marchant, le premier, à dislance 
des siens, et sous une grêle de balles, vers les 
maisons pleines d'ennemis, situées de l'autre côlë 
du canal ! 

Cependant, les chasseurs a pied et la compa- 
gnie du capitaine Moncey étaient arrivés. Les mai- 
sons furent rapidement nettoyées de leurs défen- 
seurs, et, bientôt, on n'entendit plus que de rares 
coups de fusil, partant de temps à autre au milieu 
des joncs où s'étaient embusqués quelques Chi- 
nois obstinés à se battre, quand ils auraient pu 
facilement se sauver. Nos soldats, qu'incommodait 
ce feù de tirailleurs invisibles, entourèrent ces 
joncset y tuèrent bon nombre de ces malheureux. 
L'acharnement de l'ennemi à prolonger une lutte 
désormais impossible était si grand, que plus d'une 
demi'heure après la cessation du feu, le capitaine 
de Montauban, fils et orficier d'ordonnance du 
général eu chef, étant entré dans une pagode où 
il comptait établir le quartier-général, y fut ac- 
cueilli par une fusillade à bout portant, qui, par 
bonheur, no Tatteignit pus. 



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Annéo imo. Commencé à sept heures du maiiu^ >e combat 

Septembre, ^j^^jj terminé à midi. Lord Elgin, qui avait assistas 

à toutes les péripéties de la iutt^, vint féiîciter le 

général de Montauban au bivouac près du pont de 

Pa-li-kiao, où campaient les troupes françaises. 

H reste maintenant à connaître l'ordre dans 
lequel Varmée anglaise se présenta sur le cbamp 
de bataille, et a dire la part qui lui revient dans 
la victoire. 

Lors de son apparition très-opportune, conmic 
on s-en souvient, sur la gaucho du général Colli^ 
neau, elle marchait réunie de la droite à la gau- 
che, dans Tordre suivant : une batterie armstrong, 
15' pundjab, infanterie de ligne, âOO hommes 
d'infanterie de marine, la cavalerie et une demi* 
batterie de neuf livres. 

Âpres nous avoir prèle son appui en arrêtant le 
mouvement tournant des Tartares, elle se sépara 
en deux corps : Taile droite, commandée par le bri- 
gadier Sutton, composée d'une portion de Tinfan* 
terie ; Tailo gauche, où se tint le général Grant, 
de l'autre portion de Tinfanierie et de la cavale- 
rie, le tout sous les ordres immédiats de sir Joliu 
Mitchell ; et, dans cette nouvelle disposition, elle 
se porta sur la cavalerie tartare qui venait de char* 
ger le général Colliiioau. Kn s'avaucaut, ces deux 
ailes laisscrcul entre elles une distance énorme. 



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— 2U — 

La cavalerie, à porlée de l'ennemi, se lança "AnTiéeTseo. 
aussitôt en avant; mais la plaine était sillonnée ^*^"^*^^- 
(le chemins creux, invisibles, formant des espèces 
de fossés qui brisèrent son élan. Celte malen- 
contre occasionna même un grand désordre dans' 
ses rangs. Bon noaibre de chevaux s'abattirent 
sous leurs cavaliers, ou les désarçonnèrent en- 
voûtant franchir ces fossés, particulièrement 
ceux des Sikles, gênés pour le saut par leur» 
martingales, de sorte que les Tartares recueilli- 
rent une trentaine environ de ces animaux eifarés. 
Toutefois, la cavalerie anglaise ne s'arrêta pas, et 
arriva sur celle des Tartares qui, n'osant Taiten- 
dre, se dispersa dans tous les sens. 

Les Anglais, débarrassés de la cavalerie enne- 
mie, se dirigèrent ensuite vers le petit pont à 
piétons, chassant successivement et vigoureuse- 
ment, des bouquets de bois parsemant leur route,< 
les groupes de Tartares qui s'y étaient embus- 
qués. Ils atteignirent ainsi le petit pont infran- 
chissable à leur artillerie, et pour celte cause ils 
campèrent en avant du canal. 

La bataille était complètement gagnée. Le près- dea^Tartorw 
tige d'invincibilité de la cavalerie tartare était ^ païiluno."^' 
détruit, et, à partir de ce jour, nous ne la retrou- 
vâmes plus devant nous. La roule de Pc-king nous 
était ouverte. 



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Septembre. 



— 212 — 
Année 1860. L'enncmî avait montré une habileté et une 
énergie à laquelle il ne nous avait pas habitués; 
l'énergie surtout ; car partout où nous avions eu 
aflaire à lui, aux forls du Pé-ho, et récemment à 
la bataille de Tchang-kia-ouang, ce n'était pas 
l'habileté qui lui avait fait défaut. Jusqu'alors 
nous l'avions rencontré, soit abrité derrière les 
murs de ses forteresses, soit derrière des ouvrages^ 
de campagne couverts d'une artillerie formidable; 
à la bataille que nous venions de livrer, au con- 
traire, nous l'avions eu en face de nous, en plaine 
rase, et n'ayant que son courage pour abri. Aussi 
ses pertes en matériel et en hommes furent-elles 
considérables. 

Vingt-sept canons en bronze, dont quelques- 
uns très-beaux, et parmi ces derniei^s, une pièce 
fondue à Amsterdam en 167/t; une quau- 
tilé énorme de fusils, de gingols et d'engins de 
guerre (1), qu'on détruisit plus tard, couvraient 
le champ de bataille. 

On trouva, en outre, des approvisionnements 
de toute nature, en vivres^ poudre et fusils, dans 
un couvent de Bonzes situé on face du grand pont. 

(i) Ces engins, rappelant par leur disposilion la inachine infernale 
de Fieschi et pouvant envoyer du même coup une grêle de balles, 
étaient placés sur des voilures, et Tormésd^un cadre où se trouvaient 
adaptés huit ou dix giiigols (longs fusils) couchés horizontalement. 



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^ 213 — 

En hommes, la perte de l'ennemi fut considé- Année isoor 
rable. On peut, sans exagéralion, Tévaluer à ^^^^ ^* 
2,000 lues ou blessés. Lors de noire marche en 
avant, après que sa cavalerie eut élé repoussée, on 
ne voyait sur le champ de bataille ni un mort ni 
un blessé, mais les terrains avoisinanis étaient 
couverts de cadavres, qui servirent de palure aux 
chiens et aux oiseaux de proie, dans Timpossibi- 
lilé où l'on fut de les enterrer. 

Les armées alliées perdirent peu de monde. Perto 
Les Français curent 3 hommes tu(!'S et 17 blessés ; années aiiiccs. 
les Anglais a peu près autant. 

Pendant la balaille, le général larlare Tchen- 
pao, qu'on emportait grièvement blessé, rencon- 
trant l'abbé Dulucel le capitaine anglais Brabisou, 
qu'on amenait prisonniers, leur fit, dit-on, couper 
la tête. La vérité est qu'on n'entendit plus parler 
d'eux. 

On apprécierait mal la valeur de la bataille de 
Pa-li-kiao, si on jugeait de son importance par 
ces perles légères. 

Les batailles d'Héliopolis en Egypte, et celle Considérations 
plus moderne d'Isly, coûtèrent peu de monde à la bataille 
ceux qui les gagnèrent, et pourtant elles n'en fu- 
rent pas moins de grandes batailles, sanglantes 
pour les vaincus et grosses de résultats pour les 
vainqueurs La raison de l'énoime disproportion 

14 



sur 

}ntui 

de Pa-li kiao. 



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— 214 — 

Année 1860. qu'oîi reiïiarque dans les perles subies par chaque 
Septembre, p^p^^ (j^ns ces batailles célèbres, tout le monde 
la connaît : c'est qu'elles furent des victoires d'in- 
fanterie et d'artillerie sur la cavalerie. — Il en 
ïutde même à Pa-li-kiao. En effet, dans ces sortes 
de rencontres, lorsque l'infanterie n'est pas en- 
foncée par la cavalerie, elle est entièrement hors 
de l'atteinte des sabres de celle-ci, tandis qu'elle 
la couvre impunément de ses feux meurtriers, El 
pourtant, il n'en faut pas conclure que le péril soit 
médiocre et, par suite, le mérite peu de chose; 
car, pour l'infanterie qui gagne ces victoires, il 
ne s'agit pas, en cas d'insuccès, d'être plus ou 
moins maltraitée comme le serait la cavalerie, 
mais bien d'être complètement anéantie. 

Ainsi nous venions, avec les Anglais, de rem- 
porter une grande, une réelle victoire, qui, pour 
être appréciée ce qu'elle vaut, n'a qu'un tort, 
celui d'avoir été gagnée trop loin de nous ; mais 
enfin une viclo ire qu'on peut, sans exagéra- 
tion, estimer autant que celles d'Héliopolis et 
d'Isly, si la gloire s'acquiert, lorsqu'on est une 
poignée d'hommes, à recevoir sur ses baïon- 
nettes, sans en être ébranlés, le choc de 25 à 
30 mille cavaliers, qui viennent se faire brave- 
ment tuer à vos pieds ! 
On apprit par la suite, du général Ignalieff, 



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— 215 — 
ambassadeur de Russie en Chine, qui se trouvait Année laeo. 
a Pé-king le jour même de la balaille de Pa-lî-kiao, ^*^p^^""^^^- 
que dans cette journée nous eûmes affaire à plus 
de 55,000 hommes, dont 30,000 de cavalerie. 



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Année 1860. 
Septembre* 



XXXV 



.^11 c^ Kri ballant la cavalerie larlare, nous avions 

années alliées 

dei'renfbm de ^^'^PP^ UD gratid couj). La déoioralisation élait 
^ivant^ complète chez l'ennenii . Tout le démontrait ; aussi 

^ ré-kiiig.^"*^ l'occasion élait-elle favorable pour se porter im- 
médialemenl sur Pé-king ,. que Ton aurait pro- 
bablement pris au dépourvu. Malheureusement 
DOS munitions étaient épuisées ; celles qui res- 
taient étaient insuffisantes pour tenter une aussi 
grosse entreprise. De plus^les renforts qu'on avait 
demandés le 17 à Tien-sin, où ne devaient rester 
que les troupes strictement nécessaires à sa garde, 
n'étaient pas encore arrivés. On décida donc 
qu'on attendrait à Pa-li-kiao ces renforts en 
hommes et en munitions. 

La position de Pa-li*kiao était admirablement 
choisie [)our cet objet. La ville de Toung chao^ 



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ses environs. 



dont nous étions maîtres à celte heure, pur sâ sî- Ài^^TTSôT 
luaiion et les canaux qui y aboutissent de tous ^^p**™^^ 
côtés, assurait non-seulement nos communica- 
tions avec Tien-sin, mais encore, par les res- 
sources de toute nature qu'on y trouve, garantis- 
sait une large existence à notre armée. 
Celte ville, au dire des Chinois, peuplée de 2 a Description 

de Toung-ohao 

300,000 habitants, chiffre évidemment exagéré, ettie 

^ OAc An VI m 

renfermait en réalité 100 à 120,000 âmes. Elle 
communique avec Pé-king par deux voies, le ca- 
nal du Pé-ho, et une roule magnifique. — Celle 
dont nous avons déjà parlé. 

Cette route, ouvrage gigantesque qui date de l'é- 
poque de la splendeur de l'Empire chinois, dallée 
en blocs énormes de pierre, et pour peu qu'on l'eût 
entretenue, capable de déGer les ravages du temps, 
était dans un état complet de délabrement et im- 
praticable aux voitures. Les blocs de pierre, dis- 
joints, laissaient entre eux de profondes ouver- 
tures, ou bien, creusés par le temps, présentaient 
des inégalités remplies de fange, de sorte que ce 
n'était pas sans danger qu'on pouvait la parcourir 
u cheval. Sur les bords, de dislance en distance, 
sont quelques monuments en marbre blanc, œu- 
vres fantastiques de sculpteurs invraisemblables. 
Ces monuments, conçus sur la même donnée, re- 
présentent une tortue colossale en marbre por- 



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— 218 — 
-- — tt;— - tant sur son dos une colonne carrée, couverle 

Année 1860. ' 

Septembre, j^ sculplurcs figurant d'énormes dragons à cinq 
griffes, qui se lordent et se replient les uns sur les 
autres avec les mouvements les plus étranges. Le 
général en chef, frappé par la beauté d'un de ces 
monuments, silué en face du pont de Pa-li-kiao, 
avait eu la pensée de le faire transporter en France; 
mais son poids^ évalué à plus de vingt tonneaux, 
et surtout le temps et le travail qu'exigerait son 
déplacement, ne permirent pas de mettre ce projet 
à exécution. 

Le pays que nous avions traversé depuis Tien- 
sin,et celui que nous occupions en ce moment, 
étaient d'une excessive fertilité, 30,000 chevaux, 
au moins, se retirant devant nous depuis l'embou- 
chure du Pé-ho, y avaient vécu à discrétion, sans 
qu'il y parût. Partout abondaient les treilles char- 
gées de raisins exquis, les grains et les fourrages. 
Les maisons abandonnées par leurs habitants, de- 
puis Matao, regorgeaient de maïs, de graines de 
sorghos, et leurs environs, de cochons, de poules 
et de canards. 

Jusqu'à Rho-sé-wou, où les populations étaient 
restées chez elles, nous avions tout payé ; mais 
leur fuite nous rendait naturellement propriétai- 
res de ces richesses. Aussi nos soldats n'avaient- 
ils que l'embarras du choix pour se composer les 



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Septembre, 



— 2ly — 
repas les plus varie's et les plus délicals, el, rendus Année laeo, 
friands, ils dédaignaient la chair de cochon comme 
désormais trop grossière pour leur goût raffiné. 
Celait un vrai pays de cocagne, et l'armée ne dé- 
sirait pas trop le quitter. Néanmoins ce tableau 
avait son côté désolant; l'abondance dont on 
jouissait ne suffisait pas à déguiser entièrement 
les tristes effets de la guerre. De tous côtés autour 
de nous des chiens abandonnés erraient dans les 
campagnes, cherchant une hideuse nourriture 
auprès des resles des malheureux Tarlares tués à 
la bataille du 21, et des bandes de pillards chinois 
armés de mauvais sabres, attirées par l'appât d'un 
facile butin, s'abattaient partout où les coups de 
fusil de nos soldats ne faisaient pas envoler leurs 
nuées voltigeantes. 

On organisa, à Toung-chao, où nous étions enlrés 
le lendemain de la bataille de Pa-Ii-kiao^ un marché 
sur lequel les soldats trouvaient, grâce à l'avide in- 
dustrie des Chinois^ tout ce qu'ils ne pouvaient se 
procurer ailleurs. On avait eu un moment l'idée 
de détruire de fond en comble celte ville, théâtre 
d'une infâme trahison ; mais on avait réfléchi que 
cette expiation méritée priverait l'armée des res- 
sources qu'offrirait un centre si populeux, el on 
ne la mil pas à exécution. Ces ressources, dont on 
usa largement , permirent d'assembler en peu de 



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— 220 — 
Année 1860. Icnips de iiombreuses voilures de transport, et 
Septembre, l'admînislraiion, h peine pourvue i\ cet égard, se 
vit bientôt en possession d'un matériel considé- 
rable. Les chevaux et les mulels pour traîner ou 
porter ce matériel ne manquaient pas non plus ; 
ils étaient en quantité si grande, ([ue Tadministra- 
lion se montrait difficile pour la somme de quinze 
piastres, prix qu'elle donnait des meilleurs. 

Le 23, les convois d'approvisionnements qu'on 
attendait de Tien-sin arrivèrent, précédant de 
quelques jours les renforts. Le vin et le café, dont 
les provisions, entre autres, étaient épuisées, fu- 
rent ainsi renouvelées. Les cantiniers venus par 
ces convois, et qui avaient eu l'heureuse inspira- 
tion de se munir de liqueurs, ramassèrent en un 
clin d'œil une petite fortune près de nos soldats 
regorgeant d'argent. Toutefois, cette vie de cha- 
noines que menaient nos troupes ne pouvait pas 
durer toujours. 

Le 2û, les Anglais poussèrent une reconnais- 
sance jusqu'à quelques centaines de mètres de la 
porte sud-est de Pé-king, et purent s'assurer que les 
murs d'enceinte, de ce côté de la ville, sur lesquels 
ils n'aperçurent personne, avaient une élévation 
de treize à quatorze mètres environ, qu'ils parais- 
saient solidement baiis, et étaient précédés d'un 
large fossé. L'armée tartare, d'après leurs rensei- 



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Septembre. 



gnementâ^ occupait le nord-ouest de la ville, et Année leeo* 
couvrait le palais de Yuen-min-yuen, de façon à 
favoriser le départ de la cour larlare vers le Nord, 
dans le cas oii il deviendrait nécessaire. 

Le même 'jour vit le commencement et la fin 
des nouvelles négociations enlaniéesavec le prince 
Kong, frère de l'empereur, et de grands digni- 
taires chinois. Sur leur refus de restituer immé- 
dialement les prisonniers, dont ils ne voulaient 
se dessaisir qu'après la signature de la paix et l'éva- 
cuation du Pé-ho, on ne prolongea pas les pour- 
parlers avec eux. Instruits par le passé, nous étions 
enfin parvenus à comprendre que leur démarche 
n'avait qu'un but, celui de gagner du temps pour 
remonler le moral de leurs soldats, et recommen- 
cer ensuilc la lutte. On les ajourna donc a la prise 
dePé-king. Celle communication avec les TarJares 
ne fut pas sans intérêt pour nous. MM. Pai kes et 
Locke avaient pu mettre leurs noms au bas des 
lettres écrites jpr les négociateurs chinois, et nous 
apprenaient ainsi qu'ils étaient vivants. Qïiant aux 
autres prisonniers, on ignorait toujours quel était 
leur sort. 

Le 26 eut lieu une nouvelle reconnaissance sur 
Pé-king» mais faite cette fois par les Anglais et les 
Français, ces derniers sous les ordres du chef 
d'escadron d'étal-majorCampenon. On s'approcha 



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— 222 — 

Année 1860. ^^^^ près de la ville; on s'engagea même dans un 

Octobre. immense faubourg qui borde les deux côtés de la 

roule, dans lequel le commandant Campenon et le 

capitaine Foersler furent sur le point d'être pris 

par des cavaliers tartares; Cette reconnaissance 

confirma les renseignements fournis par celle 

du 24. 

Arrivée des Lc II octobrc, Ics rcuforls demandés à Tien-sin 

etniarchedes etaut amves, OU se disposa a quitter les campe- 

Armées uiliécs » 

Pé-k7n nients de Pa-li-kiao. Les forces françaises, que ces 
renforts portaient à 3,500 hommes, étaient com- 
posées du 2* bataillon des chasseurs, des 10 T et 
102® régiments de ligne, d'une partie de Tin- 
fanterie de marine, et de trois batteries d'artil- 
lerie. 

L'armée anglaise, ayant reçu les 60® et 67® rifles 
du corps du général Napier et le reste de la cava- 
lerie^ présentait le môme effectif que la nôtre. 

Le 5, après avoir laissé, — les Anglais, 400 
hommes à Toung-chao, les Français , leurs pon- 
tonniers pour y assurer la navigation du Pé-ho, 
— les Français, deux compagnies au pont du Pa- 
li-kiao, où l'on avait établi un dépôt de vivres, 
qui devait nous parvenir par eau, — les deux ar- 
mées se mirent en mouvement, à six heures du 
matin. Elles marchèrent de conserve, en suivant 
une direclion h droite de la grande roule de Toung- 



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Octobre. 



— 223 — 
cliao a Pë-king, trop mauvaise, on s'en souvient, Année laeo." 
pour y engager rarlillcrie et les voitures. La pru- 
dence commandait celle concentration ; car on 
pouvait rencontrer l'armée tartare, battue, il est 
vrai, le 21, mais nullement anéantie, et qui avait 
eu le temps de se refaire. 

Nos troupes, dont l'allure était subordonnée à 
celle moins vive des Anglais, mirent quatre à cinq 
heures pour faire dix kilomètres et arriver avec 
ces derniers à un grand village, dans lequel on 
s'établit pour le reste de la journée. 

Ce village était remarquable par ses énormes 
fours à briques, du haut desquels on apercevait 
parfaitement les murailles, les portes f t les prin- 
cipaux édiûces de Pé-king, distant de cinq kilo- 
mètres. 

Dans une tuilerie où Ton avait établi le quar- 
tier-général, on trouva quelques Chinois effrayés. 
Rassurés par nos officiers, qui les traitèrent avec 
bonté, après les avoir protégés contre les violences 
des soldats, ces pauvres gens leur donnèrent une 
preuve touchante de confiance, en démolissant 
une muraille qui fermait l'entrée d'un four où ils 
avaient caché leurs femmes et kurs enfants. 

Les Anglais, [lendanl ce temps, faisaient une 
reconnaissance, et signalaient au nord de Pé-king 
et adossé à ses murs, en avant, un immense camp 



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Année 1860* 
Octobre, 



- 2â4 — 
tàrlare formant un rectangle de trois mètres sur 

Le 6, les troupes alliées, portant sur le dos 
trois jours de vivres, quittèrent le village. On y 
laissa toutes les voitures, à l'exception de celles de 
l'ambulance, et on se mit en mouvement vers le 
Nord, dans le même ordre que la veille, et préparés 
à livrer bataille aux Tartares si on les rencontrait. 
Après, une marche assez pénible de cinq kilomè- 
tres, au milieu d'un pays semé de bouquets de 
bois et de nombreuses habitations, on atteignit, a 
dix heures du matin, un village semblable à celui 
qu'on venait de quitter. Du haut de ses fourneaux 
élevés, on put voir circuler quelques soldats tar- 
tares» sur le rempart en terre, à l'angle nord-est 
de Pé-king, éloigné au plus de trois kilomètres. 

Pendant la grande halte, le lieutenant-colonel 
du Pin et le capitaine Foërster partirent en re- 
connaissance. Ils arrivèrent, par deux routes pra- 
ticables à rarlillerie, jusqu'au retranchement en 
terre, d'où sortirent cinquante cavaliers tartares 
environ, lesquels s'attachèrent à la reconnaissance 
de droite dirigée par le lieutenant-colonel du Pin, 
et la suivirent à cent cinquante mètres de distance. 

On était suffisamment renseigné désormais sur 
les abords de Pé-king. En conséquence, les deux 
généraux en chef ébranlèrent en même temps 



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— 225 — 
leurs troupes disposées daus l'ordre suivant : le 
général Gollineau à l'extrême gauche, marchant 
contre le rempart en terre vers le point où il se 
relie à la ville; le général en chef» avec la brigade 
Jamin, vers le centre du rempart; puis à droite et 
au Nord, l'infanterie des Anglais, et plus au Nord 
encore, leur cavalerie, afin de couper la retraite 
à l'ennemi. 

Ces troupes, formées en quatre colonnes , se 
portèrent rapidement en avant. Les Français, ar- 
rivés près du rempart, le trouvèrent entièrement 
abandonné par Tennemi. Quelques traces d'un 
petit bivouac de cavalerie tartare démontraient 
qu'une faible arrière-garde avait seule occupé cette 
position. Le général de Montauban, que vint bien- 
tôt rejoindre lord Elgin sur le haut des remparls, 
apprit de lui la position probable de l'armée en- 
nemie; les renseignements des Anglais indiquaient 
qu'elle avait dû se retirer vers le palais d'été 
(Yuen-min-yuen), situé à dix ou douze kilomè- 
tres au Nord-Oueôt. 

On décida qu'on se porterait de suite vers ce 
palais, que l'on fixa comme rendez-vous général 
des deux armées. 

Les Français» longeant en dehors le rempart en 
terre, passèrent par le village de Siao-yuen, au 
point où la route, débouchant par la porto Est de 



Année 1860. 
Octobre, 



Les troupes 

françaises 

trouvent 

abandonné lo 

rempart 

nord-est de 

Pé-king. 



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Ann^ 1860. 
Octobre. 



L'armée 

française perd 

de vue 

l'armée 

anglaÎBe. 



Arrivée 

de l'armée 

française 

h un -village 

situé en face 

du 
palais d'été. 



— 2i6 — 

la face nord de Pé-kîng, rencontre le rempart en 
terre, et, prenant ])lus au Nord, ils traversèrent la 
grande route Tenant de la porte Ouest de la face 
Nord de la ville. Aux approches de la nuit ils attei- 
gnirent un grand village en avant du palais. 

Pendant cette marche, qui fut assez fatigante 
à cause de la chaleur et de la complète ignorance 
où Ton était des lieux, on perdit entièrement de 
vue l'armée anglaise. Sa cavalerie, sous les ordres 
du brigadier Patlle, vint se rallier à nous, et ne 
put rien nous apprendre de ce qu'elle était de- 
venue. 

Le village où nous étions arrivés annonçait, par 
son aspect grandiose, l'approche d'une habitation 
impériale. Les rues et les routes qui le traver- 
saient étaient dallées et entretenues avec un soin 
tout particulier. Ses habitants inoffensifs, plus 
étonnés qu'effrayés par notre présence, rejçar- 
daient tranquillement passer nos troupes se ren- 
dant à leurs bivouacs. Les compagnies de marins 
du capitaine de frégate Jauréguiberry formaient hi 
tète de colonne. 

On fil deux kilomètres dans le village, en suivant 
une route encaissée et bordée de hautes murailles, 
et on arriva à une vaste place plantée de grands ar- 
bres, bornée sur un de ses c6tés par un lac, et sur 
l'autre par le palais impérial lequel était précédé 



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— 221 — 

d'une esplanade nue, bordée do chaque côté de Année leeo. 
constructions faites sur modèle régulier, et destî- ^^^o^- 
nées sans doute à loger la suite de Terapereur. 
L'entrée de la place était obstruée par des che- 
vaux de frise; on les détruisit, et nos troupes, au 
fur et à mesure qu'elles arrivaient, y établissaient 
leurs bivouacs. 

Devant la porte du palais se tenait, sous un au- 
vent, un poste composé d'une dizaine d'hommes 
armés d'arcs et de fusils à mèches. 

A la vue de nos premiers soldats débouchant 
sur la place^ ces braves Chinois s'enfuirent, lais- 
sant sur place leurs arcs et les mèches encore 
allumées de leurs fusils. Le mandarin qui les 
commandait avait oublié, dans sa précipitation, 
d'emporter son chapeau, orné d'une boule en 
jade blanc et d'une superbe plume de paon. 

Le soleil était couché depuis quelque temps, et Rccommissancc 

nocturne 

on commençait à distinguer difficilement les ob- du palais a^eié 
jets, lorsque le général en chef donna l'ordre au les Français. 
commandant Campenon de fouiller une pariie du 
palais, afin de s'assurer s'il était abandonné réeU 
lement. 
Cet officier prit une compagnie de marins, 

commandée par M. de Kenny, lieutenant de 
vaisseau, pour l'accompagner dans sa mission. 
Ou pénétra dans la première enceinte du palais 



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Octobre. 



— ij28 — 
Année 1860. P^^* ^^^ poptes lalérales, la grande porte du centre 
étant fortement barricadée en dedans par des 
poutres. Au bout d'une cour de trois cents niëlres 
de largeur, on rencontra une seconde enceinte, 
qu'on franchit comme la première, sans voir per- 
sonne, et on s'engagea dans une cour immense 
traversée dans sa dernière partie par un canal 
revêtu en marbre blanc, et couvert d'un pont, 
également en marbre, soutenant deuK galeries 
lalérales en bois. Tout paraissait désert; le plus 
profond silence régnait dans ces vastes cours. Une 
troisième enceinte suivait; et comme sa grande 
entrée, au centre, était fermée, on la négligea et 
on se porta, partagé en deux bandes, vers les 
deux portes latérales, qu'on trouva également 
fermées. On crut entendre derrière ces portes un 
bruit de voix, et on se mit en mesure de les en- 
foncer, tandis que plusieurs matelots agiles esca- 
ladaient le mur haut de quatre mètres environ. 
L'obscurité étaii alors profonde. Les deux petites 
portes, distantes l'une de Taulre de quelques 
centaines de mètres, cédèrent presque en même 
temps sous les eiforts de nos hommes, et l'on 
déboucha dans l'intérieur en deux colonnes. A la 
tête de celle de gauche était M. de Pina, lieute- 
nant de vaisseau, ofûcier d'ordonnance du géné- 
ral en chef, qui se trouvait la en amateur. Cet 



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ofBcier s'avançait un revolver a la main, lors- 
qu'il reçut soudainement un violent coup de sabre 
sur le poignet, tandis qu'un contre-maître de 
marine, ayant sauté par dessus le mur, tombait 
dans la cour et abattait d^un coup de fusil un 
Chinois armé d'une lance. Ce coup de fusil fut 
suivi de cinq ou six autres, tires sur des Chinois 
qu'on crut apercevoir s'enfuyant dans les ténè^ 
bres, puis d'une fusillade partant de la colonne 
de droite. 

Bientôt les deux troupes s'animèrent à ce 
brait, et, ne discernant pas leur position réci- 
proque, échangèrent une fusillade qu'il fallut 
toute l'autorité des chefs pour arrêter. Cette 
méprise, qui aurait pu avoir de funestes consé^ 
quences, ne produisit heureusement aucun mal. 
On était en ce moment en face d'un bâtiment où 
l'on borna l'investigation des lieux. On était sûr 
que le palais était abandonné. Pendant ce temps, 
un fâcheux incident s'était passé sur la grande 
place où nos colonnes arrivaient toutes successi- 
vement. 

Au moment où les premiers coups de fusil reten- 
tissaient dans le palais, un employé du trésor, 
qui avait eu la malenconlreuse idée de suivre la 
compagnie de marins, accourut comme un effaré 
vers le camp, criant à lue-tête : « Général, au se-» 

15 



Année 1860. 
Octobre. 



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Octobro. 



— 230 -^ 
Aimée i86d. coui's ! Ics marine sont cernés ! au secours 1 » Ces 
cris cTalarme, jelcs au milieu de la nuit et soccé«- 
dant à une fusillade dont on ne connaissait pas 
la cause, répandirent parmi les troupes une cer- 
taine émotion. Bienfôt l'arrivée de M. 4ePUia^ 
apparaissant avec son poignet en sang, produisit 
une confusion étrange. On crut K une attaque 
nocturne de l'ennemi. Les fusils pariîi^ni d'eux- 
mêmes, et les balles se croisèrent dans t-ous les 
sens. La reconnaissance survenant en ce Rio- 
ment, fut accueillie par des coups de fusil tirés 
dans sa direction. La voix des chefs finit par^do» 
miner le tumulte, et tout rentra dans Tordre. 

M. Vivenot, aspirant de marine , avait reçu 
une grave blessure h la hancbe. Le cheval du chef 
d'escadi'on â*état-major fut atteint d'une balle 
dont le faible calibre fit supposer, à moins de 
provenir d'un revolver, que des Tartares rôdant 
autour du palais, avuient profité du désordre pour 
décharger leuis fusils sur notre canip. 

A la pointe du jour, on entendit, du cAlé de Pér 
king, une salve de coups de canon, qu'à sa régula^ 
rite on supposa devoir être tirée par Tarmée 
anglaise. 

En efl'et, le brigadier Paille, qui avait bivoua- 
qué près des nôtres avec sa cavalerie, ayant en- 
voyé en reconnaissance, apprit que J'armée an- 



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— :>3I — 
glaise s'ctant égarée pendant la marche de la Année inm- 
veille, et trop fatiguée pour aller jusqu'au rendez- ^^**^^^' 
vous convenu, avait passé la nuit dans Tenceinte 
du rempart en terre, devant la porte Ouest de la 
face Nord de la ville. 



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Année 1860. 
Octobre. 



XXXVI 



Le général A huil beures du matin, le aénéral de Montau- 

de Montaulian ^ 

le aïiu*d'été- ^^"> ^"*^' ^^ ^^^ état-major, des chefs de service, 
acciJn^agné ^scorté par dc l'infanterie de marine, alla visiter 
^"^ Pattif '^''' le palais d'Yuen-min-yuen. Le brigadier Pattle et 
ses officiers raccompagnaient. Cet officier supé- 
rieur, sur le désir du général de Nontauban, avait 
fait prévenir le général Grant de notre position, et 
Tavait inviti"; en son nom à venir de suite avec lord 
Elgin, afin de s'entendre au sujet des richesses 
qu'on pensait trouver dans le palais. 

Avant de commencer sa visite, le général de 
Montauban dit aux officiers qui l'entouraient, qu'il 
comptait sur leur honneur pour respecter et faire 
respecter le.palais jusqu'à l'arrivée des Anglais. 

On parvenait h la porte d'entrée du palais par 
«ne place dallée, ornée sur chacun de ses côtés 



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Octobre. 



— 233 — 
d*uu gigantesque lion en bronze posé sur un pie- Année isoo. 
destal, en marbre blanc, de trois mètres de hau- 
teur (1). 

Âpres avoir franchi la cour où Ton trouva le 
Chinois tué la veille, les visiteurs arrivèrent à an 
bâtiment, ayant la forme d'un parallélogramme, 
dont ils gravirent le large escalier en marbre blanc, 
et ils entrèrent dans une immense salle, au bout de 
laquelle s'élevait un trône en bois noir, sculpté à 
jour, d'un travail merveilleux et d'une prodigieuse 
dimension. On montait à ce trône par plusieurs 
degrés, entre une rangée de brûle-parfums cloi- 
sonnés et de gigantesques vases émaillés, sur les- 
quels étaient figurés toutes sortes d'animaux. Le 
mur de gauche de la salle était recouvert, dans 
son entier, par un seul tableau peint sur soie et 
représentant des vues des palais impériaux. Tout 
autour de la salle, et sur des étagères, étaient h 
profusion des vases sculptés, cloisonnés, émaillés, 
tous d'une beauté et d'une dimension extraordi- 
naires; des piles d'albums contenant des dessins 
exécutés avec un soin, une patience et une préci- 



(i) Ces superbes statues avaient des proporUons colossales et 
étaient d'un si grand poids, qa*on dut renoncer à les emporter, 
comme on en avait en la pensée. — On emporta plus tard les deux 
dragons en bronze doré, qui se trouvaient sur le pont en marbre 
blanc du canal, situé dans l'avant-dernière enceinte du palais. 



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.Année IBfiO. 
Octobre. 



Aperçu 
descriptif du 
palais d^élé. 



- Û3i - 

sîôn dont leè Chinois ofil seuls le secrel ; ptiîs (tes 
livres, éci ils de la main des ètnpereurs, reliés en 
laque rouge de Pé-king sculplée, et enfermés 
dans des botles piécieusêmenl iravaillées. 

Les décorations de celte pt'emiè**e salle do 
,lrône, par leur caraclère de grandeur, indi- 
quaient que c'était bien la Tendroit consacré, où le 
souverain de tant de millions d'hommes, entouré 
dô ses premiers dignitaires revêtus de costumes 
brodés d'or et étincelanls de pierreries, daignait 
recevoir le salut des ambassadeurs frappant de- 
vant lui la terre de leurs fronts ! 

A peu de distance, et derrière ce premier bâti- 
ment, il y en avait un autre renfermant une 
deuxième salle dû tt*ône moins imposante, mais 
plu^élégante que la première, et où se faisaient, 
«ans doute, les réceptions moins solennelles. Les 
appartements, qui tenaient à cette salle, regor- 
^geaient d'objets en or ou en argent ornés de pierres 
précieuses; d'armes richement damasquinées; de 
coupes en jade vert el blanc ; de châsses en or ou 
.en argent incrustées de turquoises, de perles et 
contenant des idoles en or massif; de fleurs, de 
fruits en perles Ones, de petits palais, d'arbres où 
.se tordaient et s'amalgamaient les matières les 
pluà précieuses. Les yeux en élàiént éblouis^ et 
les désirs comme saturés ! 



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Octobre. 



-235 — 

On circula au milieu de ces monceaux de rî- Année iseo. 
chesses sans loucher à rien. Les ordres dd général 
étaient formels. 

On arriva, ensuite, devant un lac artificiel en^ 
touré de rochers et de montagnes rapportés, lequel 
était côtoyé par une route sablée ; on travei*sa un 
pont jeté sur le canal d'alimentation de ce lac, et 
on se retrouva dans une troisième salle du trône, 
plus petite que la précédente, élégante comme 
elle, mais d'une élégance tout intime. Aux pro- 
portions de cette salle, à ses ornements, à son 
ameublement, on sentait que, sous ses lambris 
dorés, l'empereur devait redevenir un simple mor- 
tel pour ses parents ou ses amis intimes. 

Derrière, suivaient des salons et des apparie-* 
ments de toutes dimensions ; à droite, était le ma« 
gasin de fourrures et de robes; en face, les appar«- 
tements particuliers de Tempereur; à gauche, 
ceux de l'impératrice. 

Il faut renoncer à décrire ce que contenaient 
ces appartements. Les mots manquent pour en 
peindre les richesses matérielles et artistiques. Ce 
qu'on avait vu jusque-là n'était qu'un misérable 
échantillon du spectacle qui s'offrit alors. C'était 
une vision des Mille et une nuits, une féerie telle, 
qu'une imagination en délire ne saurait en rêver de 



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— 236 — 
Année 1860. coïiiparable à la palpable vérilc qu'on avait de- 

Oocobrc. ^ . , 

vanl SOI ! 
i^s Anglais Jq^i ^q passait selon les prescriptions dugé-* 

commencent le » r r o 

dupSîaû^été. ^^^^^ ^^ Montauban, lorsque les officiers anglais 
qui suivaient le brigadier Pattle, ne pouvant plus 
se contenir, commencèrent par opérer, sans fa- 
çon, ce qu'on appela plus tard un déménagement. 
La glace était rompue. Bien que la présence du 
général servit encore de frein, cependant chacun 
jeta son dévolu sur tel ou tel objet artistique, 
dont la valeur matérielle n'était pas absolument 
une cause de dédain. 

En somme, dans cette première visite, qui dura 
jusqu'à dix heures du malin, on emporta fort peu 
de choses. D'ailleurs, le général avait autorisé 
chaque chef de service à choisir un objet à sa con- 
venance, comme souvenir. Les passions cupides, 
toutefois, étaient singulièrement excitées ; la corn- 
pagnie d'infanterie de marine préposée à la garde 
du palais était devenue insuffisante ; et, il faut le 
dire, la tentation était trop forte, elle avait gagné 
les officiers et les soldats de garde eux-mêmes ! 

des ïvSiçiit an ^^ scnlait quc ces richesses étaient le prix du 
palais à'été. gj^jjg^ j^ fj.^j^ j^ j^ conquête; que Ton était les 

premiers arrivés au rendez- vous; qu'à notre place 
les Anglais n'apporteraient pas tant de délicatesse; 
que les attendre pour partager, lorsqu'à Rho-sé- 



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— 237 — 
wou et à Tchang-kia-ouang ils nous avaient si Année laeo. 
bien oubliés» c'était user envers eux d'un procédé 
qu'ils n'auraient pas envers nous. Ces raisonne- 
mentSy désordonnés comme la passion qui les 
enfantait, mais justes pour la plupart, et par 
cela plus entraînants encore, allumèrent toutes 
les impatiences, éteignirent tous les scrupules^ et 
chacun trouva comme par enchantement, au fond 
de sa conscience, un droit indiscutable de pro- 
priété dont l'application n'admettait plus ni délai 
ni retard. 

Alors, commença le déménagement du palais, 
mais déménagement partiel, bien différent de celui 
qu'aurait certainement pratiqué l'armée anglaise, 
habituée à faire place nette partout où elle peut ; 
car nos soldats^ plus gaspilleurs que pillards inté- 
ressés, contenus par ce sentiment de pudeur qu'ils 
n'oublient jamais sous leur noble drapeau j ne 
s'approprièrent pas la dixième partie des richess es 
qu'ils avaient à leur disposition. Et la preuve, 
c'est que bien peu d'entre eux songèrent à se faire 
une fortune, quand il leur était si facile d'en ra- 
masser une considérable. 

Dans cette circonstance donc où tout était pos* 
sible, comme tout est relatif, le bien ainsi que le 
mal, selon le milieu où l'on se trouve, laisser quel- 
que chose était vertu, et, a ce litre, nos troupes 



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— 238 — 

• ^nnée 1860. inoiilrereni un réel désiuléresseniettl Cû ne s'eni- 
Octobre. p^i anl pas (le lout ce qu'elles pouvaient emporter 
du palais. 

du^Sia^e du Pà^'ûi les nombreux épisodes qui signalèrent 
palais dété. renvabissomenl du palais, il en est un qui mérite 
d'être raconté. 

Un officier^ débouchant d*un couloir sombre dans 
un enfoncement plus sombre encore, et perdu 
dans ces ténèbres, récourut à La fugitive lumière 
d'une allumette chimique pour se retrouver. H 
était dans une salle^ qu'eu un instant il inonda de 
.clarté, grâce aux nombreux candélabres chargés 
de bougies dont elle était ornée. Alors surgit à ses 
yeux le plus.splendide des speclacles ! A gauôhe 
et à droite de cette salle, s'élevaient deux autels 
merveilleusement parés, sur lesquels et près des- 
x]uels étaient des brùle-parfums, des chandeliers 
et des vases en or massif, ciselés et incrustés de 
perles et de pierres précieuses. Au centre d'un de 
ces autels, il y avait une petite châsse en or, ornée 
de turquoises que l'antiquité avait verdies, et ren- 
fermant une idole de pierre noire, surmontée d'une 
tcle d'animal, loup ou renard. La châsse portait 
quatre inscriptions en langues chinoise, mogole, 
manicbouè et thibétaine, indiquant qu'elle avait 
été oflerte, par un grand chef militaire, a quelque 
empereur mort depuis quelque mille ans. A gau- 



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ché el a droite de la châsse, élincelaienl de pîcr- Année iseo. 
reries deux crânes humains mon lés en forme dé 
coupes* L'éclat de rillumination altira bientôt du 
^nondè dans la salle, qui devint ce que devenaient 
à cette heure toutes choses dans le palais de l'eili- 
pereur de Chine. C'était sa chapelle particulière. 
Vers deux heures, le général en chef de l'armée 
anglaise arriva. Une commlssioui composée d*un ^X^ 
colonel et de deux officiers, fut aussitôt nommée «^^'^^^"«^"'^ 
dans chaque armée, à l'effet de choisir et de par- ^* "* 

Nomination 

tatçer les objets dignes dêlre offerts à LL, MM. dune 

" • " " commission de 

l'Empereur des Français et la reine de la Grande- partage. 
Bretagne. Les membres de la commission fran- 
çaise étaient le lieutenant-colonel du Pin et les 
capitaines Foersler et de Cools; le colonel Folley 
présidait la commission anglaise. On procéda, de 
suite, au choix et à la répartition des objets qui 
restaient encore ; mais déjà beaucoup et des plus 
précieux avaient disparu. L'opération se termina 
à la nuit close. 

Pendant la nuit du 7 au 8, les Chinois mirent le 
feu au grand village qui s'étendait entre nous et 
Pé-king. Au jour il était entièrement consumé. 
Pendant cet incendie, un poste français eut une 
alerte, et dans le désordre qu'elle produisit les 
faisceaux tombèrent, des fusils partirenl, et un 
. sergent fut grièvement blessé. 



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Année 1860. 
Octobre. 



— 240 — 

Le 8, on envoya diverses reconnaissances dans 
la direction de Pé-king. Il élait convenu qu'on se 
reporterait sur celte ville. Les vivres pour trois 
jours, qu'on avait apportés du village aux tuileries, 
finissaient dans la soirée. On remit cependant le 
départ au lendemain malin, afin de consacrer 
quelques heures à l'exploration du palais et de 
ses dépendances, et de rechercher si, parmi tant 
de richesses, il ne se trouverait pas quelque trésor 
en numéraire. 

Mais profitons des quelques momenls qui nous 
restent, pour terminer l'aperçu du palais d'été, 
avant que l'incendie n'en fasse plus qu'un souvenir. 

En arrière du palais, s'étendait un lac beaucoup 
plus grand que celui dont nous avons fait men- 
tion, lequel élait entouré par trois édifices; l'un 
à droite, servant de chancellerie et contenant, 
parmi des monceaux d'écrits et de boîtes d'encre 
de Chine, quelques objets artistiques, et les deux 
autres pleins de meubles et d'étoOes de prix. Puis 
on entrait ndans un dédale immense formé de 
canaux, de lacs, de montagnes, le tout fait' de 
main d'homme, et parsemé de palais secondaires, 
abandonnés depuis longtemps et transformés en 
magasins. Dans un de ces palais, bâti dans le 
style Louis XV, on voyait une série de chambres 
revêtues de tapis des Gobelins aux armes de 



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France^ et aux murs desquelles étaient suspen- 
dus des portraits en pied de beautés de la cour 
de France, avec leurs noms au bas. Mais tapis et 
tableaux étaient délabrés, crevés et sentaient l'a- 
bandon de longue date. Plus loin, une immense pa- 
gode, dont les murs étaient hauts de huit mètres, 
couvrait de son parallélogramme huit cents mè- 
tres de terrain sur ses faces longues et cinq cents 
sur ses petites. L'intérieur était couvert de petits 
temples pleins des offrandes les plus riches. Ce 
fut dans l'un de ces temples, qu'on trouva une 
splendide armure dont le casque était orné, au 
cimier, par une perle fine du plus pur orient et 
de la grosseur d'un œuf de pigeon (1) . 

Les murailles de la pagode, formant au sommet 
une galerie très-large et surélevée de trois mè- 
tres, étaient divisées en un nombre infini de 
petites niches ornées de statuettes en bronze 
doré, qu'on pouvait évaluer, sans exagération, à 
plus de sept à huit cent mille. C'était là, sans 
doute, qu'était la fabrique des idoles du culte de 
Boudba, très-répandu dans TEmpire chinois. 

Kn face de la pagode, s'élevait un palais presque 
aussi étendu, mais transformé en magasin et 
rempli de pièces de soie, de robes de velours et 

(1) Cette armure fat oflerte à TEniperenr ; malheureusement |a 
perle du casque se perdit en roule* 



Année 1860. 
Octobre. 



Description 
d'une pagodû. 



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— ±\:> - 

Année 1860. ^G salîii brochées d'or et ornées du diagoii à 
Octobre. cinq grîflfcs. Enfin, Ton arrivait à un vaste lac. 
entourant de ses eaux limpides le palais des con- 
cubines de Tempereur. Tout ce que la fantaisie et 
la délicatesse féminines peuvent rêver de plus 
rare, de plus précieux, et même de plus extrava- 
gant, s'y trouvait réuni, 
^^^""d^"^"^ Ces lacs, ces montagnes, ces palais, ces cours, 

pillards chinois, ^^g pagodcs, couvraîeut un espace immense, et 
rendaient vaine la surveillance qu'on tenta d'y 
exercer. D'innombrables bandes de Chinois, 
cbassés d'un côté, reparaissant plus nombreux de 
Tautre, s'étaient répandues daps ces splendides 
demeures, pillant el détruisant tous les objets 
qu'elles ne pouvaient emporter, soit à cause du 
volume de c^s objets, soit à.causedu di^agon im- 
périal dont >ls portaient la marque sacrée. Les 
déprédations qu'exercèrent ces pillards indigène^ 
furent considérables. 

de^imtuiSln Dausi'après-midi, le général de Montauban alla 

^'^pa^deï!""^^ visrtej' quelques pagodes situées à trois |vilomè^ 
très de notre camp. Une d'elles, en maii)re blanc, 
construite sur un monticule, sq dressait aussi 
haute que le Panthéon de Paris, et abritait sous 
son dôme une statue colossale, ayant. une tête de 
femme au profil grec, e.l un bus^ d'oii se déta- 
chaient neuf grands bras, lescjuels donnaient 



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— ri's — 
naissance a neuf cenls autres bras plus pelîls, for- Année i86ô-. 
mant éventail. Un escalier à iroîs étages, disposé '°^' 
tlans des galeries extérieures ornées d'urnes, con- 
duisait au\ trois principales divisions de ce corps 
gigantesque. Le premier étage s'arrêtait au genou, 
le deuxième à la poitrine, et le troisième à ki tête. 
Sui* le paJierde ce dernier étage, on remarquait 
huit urnes en laque rouge de Pé-kîng, de un mètre 
vingt de hauteur, admirablement sculptées sous 
leur dégradation et Tépaisse couche de poussière 
qui les couvrait. En bas, entre les pilastres qui sou-» 
tenaient le dôme, des statues en bronze, de quatre 
h cinq mètres de tiaut, et paraissant des pygmées 
près de là divinité principale, servaient à faire 
ressortir ses étonnantes proportions. 

La plupart des pagodes que visita le général en' 
chef, peu distantes les unes des autres et distri- 
buées sur un pays ravissant, étaient remarqua-* 
Mes par leurs dimensions, U surtout par leiH» 
caractère frappant d'antiquité. 

L'herbe poussait dans leurs cours ; entre leurs 
murs, habités jadis par des légions de religieux, 
sur leurs toits en tuiles jaunies et dorées par le 
soleil, on n'apercevait plus que des milliers de 
pigeons, leurs seuls hôtes depuis des siècles (t). 

(1) Aa nord-ouest des hauteurs où sont situées ces pagodes, on 
▼oit dans le lointain snr une chaîne mon(a|;nense, des construction» 



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Aimée ïaëôT ^^ revenant vers le camp, on suivit, pendant 

Octobre, p^^^^ j,^^ kilomètre, une large route dallée qui 

d'an trésor par menait à uuo Dasode, prcs de laquelle était un 

des soldats . ^ * 

français, hangar, où se trouvaient enfermes les voitures 
et les harnais offerts en cadeau à Tempereur de 
Chine, par lord Macartney, ambassadeur d'Angle* 
terre. On put constater à leur état que jamais on 
n'avait dû s'en servir. 

En rentrant au camp, le général de Montauban 
apprit que des lingots d'or et d'argent avaient été 
découverts par des soldats français dans la partie 
habitée par l'impératrice. 

On reconstitua de suite la commission de par- 
tage telle qu'elle était précédemment, et ce trésor 
fut partagé entre les deux armées. La commis- 
sion, en outre, profita de la circonstance pour en 
faire autant d'un gros lot encore indivis, de col- 
liers en jade, ambre, corail, etc., que l'empereur 
et les mandarins portent à leurs cous dans les 
grandes cérémonies. 

A ce propos, et pour en venir aux incrimina- 
tions dont Tarmée française fut l'objet de la part 
des feuilles anglaises, lors de^ce qui se passa au 
palais d'été, nous posons cette question : Que se^ 

en forme de châteaux-forts, relides par des murailles crénelées. 
— Est-ce une partie de la grande muraille? Si c'était elle, ce que 
oous nWirmoQspas, el|e serait alprs très-rapprocbée de Pé-kirg 



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— 2io — 

rait-il advenu des lingots découverts par lessoldats Année i86o. 
français, si aussi bien ils l'avaient été par des ^^^^^* 
soldats anglais? Après Rho-sé-wou et Tchang- 
kia-ouang, qu'on réponde ! 

Le général en chef chargea le général Jamin, de 
répartir entre les troupes la somme qui nous 
revenait; chaque soldat reçut environ 100 francs 
pour sa part. 

On avait trouvé dans le palais divers objets 
appartenant aux officiers prisonniers. Cotaient 
l'uniforme et les épaulettes du colonel Foullon de 
Grandchamps, le carnet de M. Ader, les cantines 
du sous-intendant Dubut, et un portrait de femme^ 
appartenant h M. Normann, attaché a la légation 
de Shangaï. Ces objets, indices de la détention 
probable de nos officiers, ravivèrent l'exaspération 
de tout le monde contre les Chinois. 

Dans la nuit du 8 au 9, le feu parut à plusieurs 
endroits du palais. Tout porta h croire que les pil- 
lards chinois en étaient les auteurs. Il ne s'étendit 
pas loin. 

Le 9, au matin, jour fixé pour le départ, le bi- L'armée 

' ' . française Quitte 

vouac de l'armée française offrait le tableau le lo palais *été 

et se met 

plus étrange et le plus animé qu'on pût imaginer, ^^^^^ng^' 

A Textéiieur et «H l'intérieur des tentes où étaient put^J^ue 

entassés les objets les plus variés et les plus pré- camp fr'inçais. 
cieux, richesses d'un jour près desquelles et sur 



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Octobre, 



— 24G — 

^ Année 1860^ lesquclks s'étaient bercés lanl de rêves qu'un coup 
de tambour dissipait, on voyait le troupier, naïf 
comme l'enfant dont il a l'imprévoyance et l'ins- 
tinct destructeur, sans songer aux fatigues de la 
route, bourrer son sac de pièces de soie et de ve- 
lours, comme s'il n'avait qu'une étape à franchir 
pour en faire hommage à sa payse ; puis, dans son 
dépit, briser, déchirer ou souiller tout ce qu'il ne 
pouvait pas emporter. Ce n'étaient partout que 
meubles somptueux, soie, robes impériales bro- 
chées d*or, et, par dessus cela, que physionomies 
pileuses de s'en séparer. Quant à l'argent, il était 
si abondant, qu'on le dédaignait presque à cause 
de son trop grand poids. Plus d'un soldat donna 
un lingot, de 480 fr. environ, pour quelques bou- 
teilles d'eau-de-vie ou d'absinthe. 

À huit heures, il fallut dire adieu à cette éphé- 
mère opulence, et, bien qu'on n'eût fait aucune 
distribution de vivres depuis la veille, aucun mur- 
mure ne sortit des rangs; chacun était joyeux et 
léger sous le fardeau de son butin. 

Les grenadiers avaient enroulé des bandes de 
soie rouge autour de leurs coiffures; les volti- 
geurs, fidèles à leurs couleurs, des bandes de soie 
jaune ; le centre avait adopté le bleu. Des Chinois, 
en grand nombre, que la faim avait attirés près 
de nos soldats, les suivaient en qualité de domes- 



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Octobre. 



— 247 — 

tiques, aux gages d'un morceau de pain. Ces pau- ^^^ [^ 
vres diables, chacun attaché, par sa longue queue 
en cheveux tressés, a la boutonnière ou a la bre- 
telle du sac de son singulier patron^ lui emboilail 
gravement le pas, sans broncher sous le poids des 
bagages dont on l'avait chargé. Ce fut parée de la 
sorte et dans cet ordre burlesque que Farméc se 
mit en marche. 

Avec un peu de prévoyance, on aurait pu lui 
épargner le mouvement qu'on lui faisait faire 
pour la rapprocher de ses approvisionnements. 
En envoyant, dès le 7, au village des tuileries, où 
étaient les dépôts, chercher les vivres dont on 
manquait, il eût élé facile d'en être abondamment 
pourvu pour la journée du 8, le voyage, aller et 
retour, pouvant slaccomplîr en moins de vingt- 
quatre heures. Cette simple prévoyance nous au- 
rait permis de rester quelques jours auprès du 
palais et d'y faire des recherches qui, sans doute, 
eussent été fructueuses; car il n'était guère sup- 
posable que la résidence habituelle de l'empereur 
de Chine et de sa cour, ne renfermât que les quel- 
ques lingots trouvés par nos soldats dans les ap- 
partements de l'impératrice. 

Dans tous les cas, si ces recherches n'avaient 
rien produit, on aurait pu charger sur les voi- 
tures de Tarméc une quantité de bronzes précieux 



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Année 3860. 
Octobre. 



Retour 

des prisonniers. 

Récit 

des tortures 

qu'ils 
ont subies. 



— 2AS — 

et d'objels d'art^ qu'on abandonna maladroite- 
ment, et qui furent enlevés ou détruits plus tard, 
comme on le yerra, par les Anglais et les pillards 
chinois. 

L'armée française cheminait depuis quelque 
temps sous une pluie fine et pénétrante, lorsqu'on 
aperçut un officier anglais se diriger de son côté 
au galop de son cheval. La nouvelle qu'il appor- 
tait, que les prisonniers nous étaient rendus, se 
répandit rapidement parmi les troupes et y causa 
une sensation profonde. 

Bientôt, en effet, on vit s'avancer quatre sol- 
dats, les nommés Roset et Bachelel^ ordonnances 
du capitaine Chanoine ; Ginestet et Petit, ordon- 
nances du sous-intendant Dubut. Ces malheureux 
étaient dans un état pitoyable. Leurs poignets et 
leurs jaipbes, cerclés de blessures saignantes, at- 
testaient les tortures que les Chinois leur avaient 
fait endurer. 

M. d'Ëscayrac de Laulure était resté au camp 
anglais; sa faiblesse ne lui avait pas permis de 
suivre ses quatre compagnons d'infortune. 

Les Anglais avaient reçu leurs prisonniers, au 
nombre de treize, parmi lesquels étaient MM. Par- 
kes et Locke. 

Le pillage du palais d'été produisait déjà son 
effet. Les Chinois comprenaient que nous étions 



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— 249 — 
enfin décidés à ne plus garder de ménagements Année iseo 
envers eux- ^^^^"^^ ' 

Mais qu'était devenu le reste de ces infortunés? 
Nous anticiperons sur l'ordre des événements pour 
en finir avec cette lamentable histoire. 

Monsieur d'Escayrac de F^auture était revenu au 
milieu de nous, défiguré par la souffrance, les 
poignets entourés de stigmates sanglants, les 
doigts des mains crispés et sans mouvement. Par 
lui on apprit que chaque prisonnier avait été tor- 
turé isolément. Les soldats racontèrent : qu'après 
les avoir roulés en cerceau, les poignets solide- 
ment attachés aux pieds, les Chinois les avaient 
emportés suspendus, comme des bètes immondes, 
à un bâton placé sur les épaules de deux hommes, 
j usqu'à des voitures dont les clous aigus, les meur- 
trissant, n'avaient pas été la moindre de leurs 
souffrances; puis, que cahotés sur ces pointes on 
les avait promenés dans les rues de Pé-king, où la 
populace les avaient accablés de coups et couverts 
d'ordures; que pendant celte promenade, qui 
avait été longue, leurs gardiens venaient de temps 
à autre resserrer avec des tourniquets les cordes 
qui leur liaient les poignets et les pieds, poussant 
le raffinement jusqu'à imbiber d'eau froide ces 
cordes pour les resserrer encore ; qu'on les avait 
conduits, ensuite, à un palais — qu'on reconnut 



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AAfICC àJjWSm 



— 250 — 

êlre celui de Yuen-nun-yuen à la description qu'ils 

Octobre, çj^ donnèrent, — que là on les avait enchaînés 
pendant trois jours et trois nuits sans leur donner 
la moindre nourriture, et que leurs bourreaux 
leur remplissaient la bouche d'excrémenls hu- 
mains, lorsque par signe ils demandaient de Feau 
pour apaiser Thorrible soif qui les dévorait. 

On comprit que les plus faibles avaient dû suc- 
comber à ces traitements, surtout ceux qui 
avaient été pris couverts de blessures reçues en se 
défendant. 

En effet, les Chinois nous rendirent successive- 
ment, dans leurs cercueils, les cadavres du co- 
lonel Foullon de Grandchamps, du sous*intendant 
Dubut, du comptable Ader, des soldats Godichot, 
Blanquet et du brave chasseur à pied Ousouf, 
celui qui avait si fortement excité l'admiration du 
colonel anglais Walker. 

L'héroïque défense de ces malheureux avait 
hâté leur mort et l'avait faite .horrible. Soumis, 
étant couverts de blessures, aux mêmes tortures 
que leurs camarades, leurs plaies s'étaient enve- 
nimées faute de soins ; les vers s'y étaient mis, 
et ces martyrs, dont les membres étaient liés, 
s'étaient sentis rongés tout vivants, sans pouvoir 
se débarrasser des horribles animaux qui déta- 
chaient leurs chairs par lambeaux. 



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Octobre. 



— 231 — 

Quelques-uns vécurenl quinze à vingt jours Année iseo. 
dans cet état. M. Normann, Anglais, vécut dix- 
sept jours, et put voir ses doigts, mangés par la 
gangrène, tomber les uns après les autres. Mes- 
sieurs Parkes et Locke avaient d'abord été très- 
maltraités ; mais le premier, homme d'une rare 
énergie et parlant parfaitement le chinois, avait 
terrifié ses bourreaux en les menaçant de la ter- 
rible vengeance de l'Angleterre. Les Chinois les 
avaient traités, alors, avec moins de cruauté, et 
avaient fini par les ménager, en vue des services 
qu'ils pourraient en tirer pour les traités à 
venir. 

Quant à l'abbé Duluc et au capitaine anglais 
Brabison, on était à peu près certain que le gé- 
néral Tsin-pao leur avait fait couper la tête à Pa- 
li-kiao, le 21 septembre. 

On se rappelait qu'un soldat du génie, faisant 
boire son cheval dans le canal, avait remarqué 
dans l'eau un cadavre sans tète, dont la peau était 
beaucoup plus blanche que celle des indigènes. 
On n'avait pas, alors, donné une grande attention 
au rapport de ce soldat ; mais il emprunta par la 
suite une sérieuse importance au récit de plu- 
sieurs Chinois chrétiens, affirmant avoir vu déca- 
piter, à cette bataille, un Anglais et un Français 
parlant la langue du pays. (L'abbé Duluc parlait 



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— 252 — 
Année 1860. 1^ chînois cl servit (rinterprète dans plusieurs cir- 
Octobre. coDstances). Le récit de ces Chinois ne permit 
plus de douler de leur iSn malheureuse. 

Ainsi, sur douze prisonniers , les Chinois nous 

en renvoyèrent cinq vivants et nous remirent six 

cadavres ; les Anglais reçment treize prisonniers 

vivants sur vingt-six. 

,^^,,., Dans la journée du 9, l'armée campa en dehors 

années albées ' ^ 

campent Jq rempart en terre, à cheval sur la route venant 

sous les murs * ' 

dePé-king. jç j2^ porto cst de la face nord de Pé-king, appe- 
lée An-ting-men. 

La nuit du 9 au 10 fut employée à faire venir du 
village des tuileries les vivres et les bagages qu'on y 
avait laissés, le 6, lors de notre marche en avant. 

Le 10, les généraux en chef firent sommer les 
Chinois de leur livrer la porte An-ting-men, si- 
tuée en face de l'armée française, les prévenant 
que le 13, s'ils n'avaient accédé à leur demande, 
ils ouvriraient un feu lerrible sur la ville. 

Pour être en mesure de remplir leur menace, 
les généraux en chef firent aussitôt tracer les bat- 
teries de brèche a soixante mètres des murailles, 
en avant d'un temple dit le temple de la Terre. 

Les Français avaient pour armer leurs tranchées 
quatre pièces de douze, et les Anglais quatre pièces 
de siège. 

Ces travaux s'exécutèrent sous les yeux des Chi- 



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— 253 — 
nois qui les considéraient, du haut de leur rem- Année leeo. 
parts, avec une sorte de curiosité. Octobre. 

Pendant ce temps, les convois, escortés par 
quelques compagnies d'infanterie, se succédaient 
sans interruption sur la route qui va à Pa-li-kiao, 
où nous avions un dépôt de vivres. 

La route, lon^rue de vingt-deux kilomètres, était Danger 

^ ^ ^ de la situation 

sillonnée par de nombreuses bandes de pillards cbi- /^^.,-. 

'^ ^ années alliées 

nois, et n'élait pas très-sure. Quand nos soldats ap- g^'eSuS^^de 
paraissaient en troupe, ces bandes se dispersaient ^*^" ^ ^^' 
et faisaient semblant de vaquer aux travaux de 
l'agriculture ; mais une fois nos soldats passés, elles 
reprenaient leurs courses et rendaient dangereuse 
la position des hommes isolés ou des traînards. 

Ces pillards, armés de bâtons et de mauvais 
sabres, étaient sans doute plus gênants que re- 
doutables, mais leur présence sur nos derrières 
donnait à réfléchir. On ne pouvait s'empêcher de 
penser que le général tartare San-ko-li-tsin aurait 
bien peu de chose h faire pour rendre notre situa- 
tion fort délicate, si, comprenant le parti qu'il pou- 
vait tirer de notre pointe sur Pé-king, il répandait 
sa nombreuse cavalerie sur les cent quarante ki- 
lomètres qui séparaient notre camp de la ville de 
Tien-sin, où étaient tous nos approvisionnements, 
et faisait attaquer les faibles détachements épar- 
pillés qui escortaient nos convois et nos petites 



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Octobre. 



— Û6\ — 

Année 1860. Aotlilles de jonques. Coupés alors île notre base 
d'opéralions, anèlés eu avant par les murailles 
d'une ville immense^ et sans moyens suffisants 
pour les renverser, nous aurions pour ainsi dire 
été affamés par ce déluge de cavalerie, et forcés 
de regagner au plus vite la ville de Tien-sin. 

Certes, cette perspective n'était pas rassurante, 
et il ne fallait qu'une heureuse inspiration de l'en- 
nemi pour en réaliser le danger. Un général, — 
disposant de nombreuses troupes à cheval, braves 
comme individus bien qu*inhabiles aux grandes 
opérations du champ de bataille, comme en avait 
le général tarlare, — qui aurait entrevu le danger 
de notre situation, devait nous faire essuyer le 
plus complet des désastres. Si ce général, évitant 
avec soin une affaire décisive avec nos troupes, 
avait recherché les affaires de détail, où l'homme 
brave retrouve toute sa valeur individuelle, avait 
harcelé les détachements qui escortaient les con- 
vois» enlevé les hommes isolés, assailli les petits 
groupes allant à l'eau, au bois ou à la maraude, 
avait détruit les ponts et les bateaux, coupé les 
roules, obstrué les canaux, ruiné le pays, toutes 
choses faciles à faire et entièrement dans les ins- 
tincts d'un peuple cavalier comme est le peuple 
tartare, il est probable que bien peu des nôtres 
eussent revu leur patrie. 



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Octobre. 



Les Chinois 
nous 



— 255 — 

La crainte que renneini ne songeât à ce redou- "Annériêôo. 
table système de guerre, dut plus d'une fois trou- 
bler la tranquillité des généraux en chef. 

Cependant nos travaux de siège marchaient ra- 
pidement/ sans être inquétés par l'ennemi. Pas ^X Pé-idn^ 
un seul coup de fusil n'avait été tiré depuis notre 
arrivée devant Pé-king. Ce fait était un heureux 
symptôme des intentions pacifiques des Chinois. 
Dans la nuit du 12 au 13, la réponse favorable 
que les Chinois firent à notre sommation nous 
soriit d'une réelle anxiété. A ce propos, une con- 
férence, où figuraient le mandarin Han-ki, le 
commandant Campenon pour les Français, et 
M. Parkes pour les Anglais, se tiat dans un yna- 
moun du faubourg en avant de la porte où bi- 
vouaquaient les Anglais, et il y fut décidé que la 
porte An-ting-men serai tlivrée aux armées alliées, 
le 13, a midi. 



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Année 1860. 
Octobre. 



XXXVII 



Les Anglais 

entrent 
les premiers 
dnns Pë-king 

sans 

tenir compte 

des conventions 

arrêtées. 



Émotion 
produite dans 

Parmée 
française par le 

manque 
de convenance 

de l'armée 
anglaise à son 

égard. 



Le 13, un bataillon anglais et un bataillon 
français firent leur entrée à Pé-king, à travers 
une foule énorme que la police chinoise main- 
tenait en ordre à coups de fouet, et allèrent 
s'établir sur le rempart ; les Anglais à droite, et 
les Français à gauche. 

Cet événement solennel fut marqué par un in- 
cident qui ajoula h la froideur existant entre les 
deux armées. Les Anglais, arrivés avant l'heure 
convenue, midi précis, insistèrent pour entrer, 
et, sans attendre les Français, pénétrèrent les 
premiers dans la ville. 

Ce manque de convenances blessa profondément 
notre armée; des paroles pleines d'aigreur furent 
échangées entre nos officiers et les officiers an- 
glais, et sans l'entrée, dans Pé-king, d'un régi- 



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Octobre. 



— 257 — 

ment français jouant l'air national des Anglais, Année iseo. 
qui fournit au colonel Schmitz un à-propos aussi 
digne que spirituel, le débat aurait pu avoir des 
suites fâcheuses. 

Le sentiment de ce qu'on avait fait pendant la 
campagne calma bien vite les esprits dans notre 
armée. On se rappela qu'on avait toujours été les 
premiers chaque fois qu'avait grondé le canon, 
que dans toutes les affaires sérieuses, aux forts 
du Pé-ho, à Tchang-kia-ouang et a Pa-li-kiao, 
on n'avait pas été sur la même ligne^ mais bien 
en avant des Anglais. 

Toutefois, celte entrée des Anglais à Pé-king^ 
cachait sous son insolence militaire^ une inten- 
tion politique plus insolente encore. En se pré- 
sentant les premiers^ comme à la place d'honneur, 
ils voulaient accréditer chez les Chinois, les bruits 
dès longtemps répandus par eux, que nous fai- 
sions la guerre sous leur direction, et même que 
nous étions à leur solde. 

Deux batteries, Tune anglaise, à droite, l'autre 
française, à gauche, furent installées sur les rem- 
parts et braquées contre la ville. D'après les con- 
ventions, les armées alliées devaient occuper les 
remparts, l'espace d'un kilomètre environ, sur 
chaque côté de la porte Ân-ting-roen. On établit 
des postes anglais et français, sur une place qui 



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— :2o8 — 

Année 1860. s'élcnd Cil avaiit de cette porte. Comme la foule 
des Chinois augmentait sans cesse, et menaçait^ 
malgré le fouet des policemen indigènes, de nous 
déborder, on tendit une corde en travers de la 
grande rue partant do la place, et un factionnaire 
de chaque armée, suffit désormais pour contenir 
la foule inoffensive, qui se formait tous les jours 
autour de nous, dès Taube jusqu'à la nuit. 
Description ljj descriotion des murailles de Pé-king dou- 
de Pé-king. ^^y^ ^^^ jj^^ ^^ \^ Situation des armées alliées, si 
avec les ressources dérisoires qu*elles avaient k 
leur disposition pour les renverser, il s'était 
trouvé derrière des hommes pour les défendre. 

Ces murailles ont quatorze mètres quarante de 
hauteur, du côté de la campagne, et treize mètres 
cinquante du côté de la ville. Le terre-plein a treize 
mètres de hauteur et dix-neuf mètres vingt de lar- 
geur entre les deux murs de revêtement, de sorte 
que leur épaisseur totale, y compris les murs de 
revêtement, est de vingt mètres cinquante au som- 
met, ei de vingt-six mètres a la base. 

Le mur extérieur, qui d(^passe le terre-plein de 
un mètre quarante, est percé, à la hauteur de cin- 
quante centimètres, de larges créneaux pouvant 
recevoir du canon, distants les uns des autres de 
trois mètres quarante. Des demi-tours carrées, 
ayant trente-trois mètres soixante de large et treize 



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mètres quinze de saillie sur le mur, sont disposées Année leeo, 
de deux cents mèlres en deux cents mètres et ^^*^^"' 
servent de flanqueraent. 

Uespace de dix-neuf mèlres vingt compris 
entre les deux murs de revêlemenl, rempli de 
pudding fait de pierres, de béton, de terre, avait 
une consistance extraordinaire. 

Les Anglais, pour se mettre h Tabrî d'une sur- 
prise, ayant voulu ouvrir une sorte de tranchée 
dans la partie des murailles qu'ils occupaient, 
n'en vinrent à bout qu'après des travaux exces- 
sifs. Leur tentative fit plus que jamais compren- 
dre que si les Chinois n'avaient pas consenti à 
nous ouvrir la porte An-ting-men, les munitions 
des deux armées eussent été vingt fois épuisées 
avant de faire brèche dans celte énorme maçon- 
nerie. 

11 résulte de ce premier aperçu des murailles 
de Pé-king, que les Chinois devaient être bien 
démoralisés parleurs défaites, bien terrifiés par . 
le pillage du palais d'été, pour nous avoir livré 
rentrée d'une ville aussi facile à défondre et 
aussi difCcile à attaquer. Mais continuons. Cha- 
que porte est précédée d'un (ambour demi- 
circulaire, de cent mètres dans tons* les' seiïs, 
et entouré de murailles construites comme la 
muraille principale, mais n'ayant que treize' 



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— 2(50 — 

Année 1860. mèlrcs soîxaiile de largeur au sommet, et dix- 
^''"^''•* neuf mètres à la base. 

La porte d'entrée dans le tambour, est à angle 
droit avec celle qui s'ouvre sur la ville, de façon 
que Tennemi qui se rendrait maître de la pre- 
mière, ne pourrait pas proGter de cet avantage 
pour enfoncer la seconde avec du canon. 

Au centre de la partie demi-circulaire du tam- 
bour, celle qui regarde la campagne, s'élève un 
monument en forme de parallélogramme, long 
de trente-deux mètres et large de vingt, lequel 
dépasse de quinze mètres k hauteur du terre- 
plein des murailles. li a quatre étages, formant 
chacun une batterie avec douze embrasures de 
face et quatre sur chacun des flancs, soit vingt 
embrasures par étage et quatre-vingts pour le 
tout. 

A quinze mètres au-dessus de la porte qui 
donne accès dans la ville en traversant la muraille 
principale, s^élève un autre monument à trois 
étages ayant également la forme d'un parallélo- 
gramme, dont le grand côté a trente-deux mètres 
et le petit seize. 

Autour des deux premiers étages de ce monu- 
ment régnent des galeries supportées par des co- 
lonnes en bois. L'ensemble de cet édifice, qui se 
reproduit à chaque porle et à chaque angle de la 



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Octobre, 



ville, est assez gracieux. Toutes ces constructions Année ibôo. 
sont faites avec une sorte de brique grise extrê- 
mement dure, épaisse de dix centimètres, longue 
de trente et large de vingt-deux. 

Quelques pièces en bronze, assez bien condi- 
tionnées, couvraient à notre arrivée le terre- 
plein des murailles. 

On était convenu que chaque armée emporte- 
rait, si bon lui semblait, les pièces trouvées sur la 
partie des murailles qu^elle occupait. Une pièce 
énorme et admirablement sculptée, placée sur la 
partie des remparts occupée par l'armée fran- 
çaise, fut cause qu'on les laissa toutes à leur place. 

Les Anglais, n'ayant aucune pièce de leur côté 
qui pût être comparées la nôtre, revinrent sur 
la convention première, prétendant que personne 
ne devait s'emparer des canons d'une ville qui 
n'avait pas été prise de vive force, surtout quand 
il n'avait été rien stipulé par rapport à son arme- 
ment. Les droits des Chinois avaient été si peu 
respectés jusque-la par nos alliés, notamment à 
Rho-sé-wou, dont ils pillèrent le mont-de-piété 
au moment même où l'on signait un traité de 
paix, qu'on peut difficilement attribuer leur déci- 
sion il un simple scrupule d'équité. 

La position de cette pièce sur les remparts 
français restera donc, dans celle circonstance, la 

17 



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Année 1860. 
Octobre. 



Exaspération 

de nos 
ambassadenn. 



— ÙijÛ — 

meilleure explication de leur respect si nouveau 
pour le bien de l'ennemi. 

Du haut des murailles, la ville de Pé-king a l'as- 
pect d'un bois entremêlé de maisons dominées çk 
et là par des monuments en général plus bizarres 
qu'imposants. 

Les plus remarquables de ces monuments sont 
ceux de la Timballe, de la Cloche, le temple dédié 
aux souverains de toutes les dynasties, les monas- 
tères de rObélisque blanc et des Tangoutins, ce 
dernier, d'une architecture assez élégante; dans 
le lointain, la montagne arlificielle sur laquelle le 
dernier empereur de la dynastie des Mings aima 
n^ieux s'arracfier la vie, que d'aller périr les armes 
à la main en combattant les armées tartares. 

L'armée française, qui jusqu'alors était restée 
au bivouac, en dehors de l'ouvrage en terre pro- 
longeant vers le Nord les fortifications de la ville, 
vint s'établir dans le faubourg en avant de la 
porte An-ting-men (porte du Repos et de la Tran- 
quillité). Ce nom était de bon augure. 

Cependant, les pourparlers continuaient sans 
interruption, depuis le 13, entre les diplomates 
chinois et les nôtres ; mais le désir d'en terminer 
était infiniment moins grand chez les premiers 
que chez les seconds, et la conclusion était passée 
à l'état de mirage trompeur. Nos diplomates, 



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— ÛC] — 
poussés à bout par rénervante élasiicilé de leurs Année iseo. 
adversaires, étaienl exaspérés, surtout lord Elgin, ^''^^'^'^' 
homme d'un caractère ardent, plus fait pour 
être un impétueux soldat qu'un patient diplo- 
mate. Il voulait, pour couper court à celte lutle ^^^ ^=^^k'" 

* ^ propose 

sans fin, que les troupes s'établissent de suite dans ^^''^rtlere^ 
la ville et se préparassent h y prendre leurs quar- àPé-khîg. 
tiers d'hiver. 

Le général de Montauban s'opposa formelle- 
ment a l'adoption de ce projet; il déclara que 
si le 1®' novembre tout n'était pas terminé et 
signé, il partirait avec son armée. 

La décision du général français était pleine de 
sagesse. 

Passer l'hiver «i Pé-king, c'était, il est vrai, 
causer un grand embarras au gouvernement chi- 
nois, mais c'était aussi lui donner le temps de ré- 
fléchir à la situation, et peut-être d'aviser aux 
moyens d'en sortir autrement que par une solu 
lion pacifique. 

L'hiver approchait à grands pas. On savait qu'il ^^Tm^^^^^^^^^^^ 
est rude en ces régions; qu'il suspend la navi- 
gation des fleuves et des rivières; que le canal 
du Pé-ho, par lequel nous arrivaient nos ravi- 
taillements^ resterait pris par les çlaces pendant 
deux ou trois mois. Alors, que serions-nous deve- 
nus, cernés par le froid dans une ville immense. 



à l'é-kinj; 



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— âtii — 
Année 1860. cerlainemeiil hostile, et séparés de Tien-sin/notre 
Octobre. principal dépôt, par cent quarante -quatre kilo- 
mètres et par deux cents de noire flotte ! 

A ces obstacles causés par les éléments, pou- 
vait se joindre le danger plus sérieux d'une in- 
tervention nouvelle de Tarmée ennemie, toujours 
entière malgré ses défaites. On ignorait la force 
et la position de cette armée, mais de vagues ru- 
meurs lui attribuaient des préparatifs peu rassu- 
rants. On disait que San-ko-li-tsin, son général, 
était h cette heure en Tartarie, où il recrutait une 
immense cavalerie. En supposant quelque capa- 
cité militaire à ce chef, ne pouvait-il pas enCn 
comprendre la fausse position où nous étions, 
répandre entre Pé-king, Tien-sin et la mer, ses 
hordes de Tartares habitués aux froids climats 
du Nord, et nous isoler complètement dans nos 
villes conquises, en nous coupant de la mer, noire 
principale base d'opération. 

Enfermés dans ces villes, dont le développe- 
ment est tel, surtout Pé-king, qu'il faut une 
armée nombreuse pour en assurer la garde et la 
défense, comment quelques milliers d'hommes 
auraient-ils pu se proléger efflcacement contre 
d'innombrables populations acharnées à leur 
perte? 
En face de ces redoutables éventualités, la ré^ 



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^ 265 — 
solution de partir était certainement la seule qui 
fût à prendre, et le général de Montauban, nous 
le répétons, en la prenant, agit avec une sagesse 
réelle. 

Les diplomates des alliés, fixés désormais par 
l'irrévocable détermination du général en chef de 
Tarmée française, déclarèrent alore péremptoire- 
ment aux plénipotentiaires chinois, que, si le 
traité de paix n'était pas signé le 23, le même 
jour nous brûlerions le palais impérial de Pé- 
king, mais que nous respecterions la ville. 

On voulait ainsi, faire sentir à la population de 
la capitale de l'Empire que ce n'était pas à elle, 
mais à son gouvernement, que nous étions venus 
faire la guerre. 

Le traité de paix, dont les bases avaient été à 
peu près arrêtées dans ces longs débats, reçut en 
outre un article additionnel. On stipula une in- 
demnité de 500,000 taëls (4,000,000 de francs), 
payable de suite aux victimes de la trahison du 
18 septembre. 

200,000 taëls devaient revenir aux Français, et 
300,000 aux Anglais, dont les prisonniers avaient 
été plus nombreux. 

Lord Elgin prétendait, avec raison, que l'argent 
ne suffisait pas pour payer le sang de ces mal- 
heureux. 11 voulait qu'un monument expiatoire. 



Année 1B60. 
Octobre. 



Signification 

des 
ambassadeurs 

alliés 
aux Chinois. 



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_J 



— 206 — 
Année 1860. éle\é à Tîen-sîii aux frais du gouvernement chi- 
nois, consacrai dans l'avenir l'infâme trahison 
dont les nôtres avaient élé victimes. 

Le général IgnatietT, ambassadeur de Russie, 
dont rinfluence était très-grande sur le gouver- 
nement chinois, qui le consultait dans les mo- 
ments difficiles, et dont Tulile concours fut pour 
beaucoup dans la conclusion de la paix, le gé- 
néral IgnatielT approuvait hautement la noble 
prétention de lord Elgîn. Il donna même le con- 
seil qu'on rasât la prison de Pé-king où les vic- 
times avaient élé torturées, et qu'à sa place on 
bâtît un autre monument expiatoire, sur lequel le 
récit de ce qui s'était passé serait écrit en chi- 
nois, mantchou, mongol, thibélain, français et 
anglais. Ce monument, qu'on aurait placé sous la 
protection de toutes les nations ayant des repré- 
sentants à Pé-king, aurait élé considéré par elles 
comme une éternelle sauvegarde de leurs intérêts. 
Le général russe, qui connaissait profondément 
le caractère des Chinois, savait mieux, qu'aucun 
de nos diplomates, ce qu'on pouvait tirer d'eux, 
et disait hautement qu'on n'avait qu'à formuler 
nettement ces demandes pour les obtenir. 

Sur ces entrefaites, l'hiver fit une soudaine ap- 
parition; les montagnes à quelques lieues au nord 
de Pé-king se couvrirent de neige. 



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— 267 — 
Le 17 octobre, par un froid très-vif, le général 



Année 1860. 

de Montauban, accompagne de tous les officiers octobre. 
de son armée, assista à l'enterrement des prison- de Mo^"aSin 

Assiste 

niers anglais. Ce fut au cimetière russe, situé au àiacérômonie 

de 

nord-ouest de la porte Té-tching-men (porte sep- renierrement 

* des prisonniers 

tentrionale à l'ouest) qu'on ensevelit leurs restes anglais. 
mortels. 

Lord Elgin, dont Tirritaiion allait sans cesse 
croissant, et qui n'augurait rien de bon des Chi- 
nois si on ne les terrifiait pas par quelque acte 
extraordinaire, proposa de brûler le palais de 
Yuen-min-yuen. 

Le général de Montauban refusa énergiqiiement 
toute participation à cette action. 

Les Anglais, que notre refus n'ébranla pas, don- ^^rtient*'* 
nèrent suite à la proposition de leur ambassa- ^® palais d'été. 
deur. Le 18, ils envoyèrent une de leurs divisions, 
qui détruisit de fond en comble ces splendides 
demeures. Rien ne fut épargné! Résidences impé- 
riales, bibliothèques où se trouvaient entassés les 
pro(}uits littéraires et artistiques de plus de qua- 
rante générations, pagodes plus vieilles que notre 
monde connu, tout fut livré aux flammes, et les 
mandarins, du haut des murailles de Pé-king, 
purent voir les colonnes de fumée qui sortaient 
de ces immenses incendies. Fidèles a leur habi- 
tude, les Anglais s'approprièrent exclusivement 



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— 268 — 
Année 1860. l^s rîchesses qu'on avait négligées pendant le sé- 
"' jour des 7 el 8 octobre. 

Beaucoup de gens ont blàmë cet incendie, l'ont 
considéré comme un acte de sauvage vandalisme; 
mais beaucoup de gens aussi trouvent plus com- 
mode de lancer un jugement sur les faits que 
d'approfondir les raisons qui les ont déterminés. 
Résultat» de La destruciion du palais d'été fut un acte im- 

rincendie *^ 

du palais d»été. placable, mais un acte nécessaire, car on lui doit 
la conclusion de la paix. En le commettant, les 
Anglais virent juste et frappèreîit bien. 

Le général de Mon tajuban, pour s'abstenir, dut 
bien plus se préoccuper du qu'en dira-t-on, que 
consulter son jugement d'homme de guerre et 
surtout les eisigences de la situation. Dans cette' 
circonstance, son abstention, respectable sans 
doute, fut cependant une faute ; car c'en est une, 
quand on est général d'armée, de subordonner sa 
conduite à des considérations d'antiquaire. 

C'était au palais d'Yuen-min-yuen qu'on avait 
conduit nos prisonniers, qu'on les avait laissés 
pendant trois jours et trois nuits, attachés à des 
arbres, privés de nourriture et livrés aux risées 
et aux outrages d'une cour insolente et lâche. 
C'était donc sur le palais d'Yuen-min-yuen que 
devait s'abatlre notre vengeance, sur le palais 
d^Yuen-min-yuen qu'on devait frapper TEmpe- 



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Octobre. 



— 269 — 
reur et son entourage, auteurs de ces atrocités. Année ibso. 
Et n'y eût-il que cette considération pour motiver 
l'incendie du palais, qu'elle suffirait encore à 
justiûer les Anglais de leur initiative! Mais des 
raisons plus sérieuses les guidèrent dans cette 
circonstance. 

Les mandarins chinois traînaient en longueur 
les négociations. 11 importait, avant tout, d'en fi- 
nir. Pour cela il fallait les épouvanter ; il fallait 
leur prouver qu'on n'avait pas fait une vaine me- 
nace en leur déclarant que si le 231a paix n'était 
pas signée, on réduirait en cendres le palais impé- 
rial de Pé-king. En commençant par fe palais d^été, 
on leur donnait la mesure de noire parole, on 
renversait leurs secrètes intentions de nous ame- 
ner jusqu'à la* saison des froids rigoureux, de nous 
placer devant cette alternative, ou de quitter Pé- 
king sans emporter rien de définitif, ou d'y hiver- 
ner dans les plus dangereuses conditions, ce qui 
leur aurait procuré quatre ou cinq mois de répit 
pour organiser des armées considérables sur nos 
derrières, exciter le fanatisme des tribus tartares 
du Nord et se trouver au printemps maîtres ab- 
solus de la situation. 

L'incendie du palais d'été fut un coup de fou- 
dre qui déjoua tous leurs calculs. 

Nous étions au 19 octobre. On n'avait plus 



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— 270 — 

Annie 1860. ^^^ qualFC jours à attendre pour connaître la ré- 
octobre. pQnse des Chinois à noire ullimalura. Quoique bien 
deiorlEiguTde décidés désomiais à ne pas affronter les terribles 
palais impérial conséquences d'un refus, les diplomates chinois» 
tant l'esprit de ruse est dans leur nature, bataillè- 
rent cependant avec les nôtres, comme si leur ré- 
solution de conclure n'était pas arrêtée. Impa- 
tientés de leurs nouvelles manœuvres, mais cette 
fois mal à propos, les Anglais, sans respect pour 
• la parole donnée, proposèrent au général de Mon- 
tauban de détruire le palais impérial de Pé-king. 
M. de Montauban leur déclara qu'il s'opposait 
formellement à une entreprise de cette nature, 
avant le 23, ajoutant que si, dans toutes les occa- 
sions, les Chinois avaient agi envers nous avec une 
mauvaise foi révoltante, nous devions à notre di- 
* gnité de ne pas les imiter ; mais que, le délai ex- 
piré, nous serions sans pitié, et nous saurions 
châtier un gouvernement qui avait toujours man- 
qué à ses promesses. 
Les Chinois Le 20, tout était accepté ; les 500,000 taëls fu- 

concl lient. . , 

rent verses dans la soirée. 

On convint que le traité anglais serait signé 
le 24, et le traité français le 25. L'empereur 
Hienfou avait envoyé d'avance ses ratifications 
de Yé-hol, en Tartarie, où il s'était retiré. 

On nous fit savoir en mc^me temps, que San- 



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— m — 
ko-ii-tsin et Yu-lîn, auteurs principaux de la 
guerre, et auquels on ailribuait Faflaire désas- 
treuse de 1859 devant les forls du Pé-ho, étaient 
dégradés et dépouillés de leurs emplois. 

La veille du jour Oxé pour les échanges des si- 
gnatures, le général Ignatieff rendit un service 
signalé aux alliés. 

Le prince Kong, frère de l'empereur et chargé 
de ses pleins pouvoirs, tremblant à la pensée, qu'u- 
sant de représailles, nous le fassions saisir lui et 
les mandarins qui raccompagnaient, ne pouvait 
se décider à affronter notre présence. Le général 
Ignatieff, à qui il exprima ses horribles appréhen- 
sions, lui fit comprendre qu'elles n'étaient pas 
fondées, que chez les Français et les Anglais on 
respectait la foi jurée par dessus toute chose, et 
que chez eux on ne vengeait pas une trahison par 
une autre trahison. Ces bonnes paroles rassurè- 
rent le prince chinois, et ce fut grâce à elles 
qu'on dut de ne pas être arrêtés par un inci- 
dent dont les suites auraient été peut-être très- 
graves. 

Le 2i, lord Elgin et le général en chef de l'ar- 
mée anglaise, sirHope Grant, avec 1,000 hommes 
d'escorte, se rendirent au Li-pou (tribunal des 
rites), lieu choisi pour la cérémonie. Le prince y 
était arrivé à l'heure convenue, dans une chaise 



Année 1860. 
Octobre. 



Bons offices 
du général 
IgnatiefT. 



Lord Elgin 

et 

le prince Kong 

échangent 
les ratîHcations 

da 
traité anglais. 



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Année 1860. ^Y^^^ seize porteuFS ; l'empereur de Chine n'en 

^'^''' * emploie que huit. 
^ 9^°^",iî«. Lord EIffin se fit attendre deux heures et demie 

de lord Elgm ^ 

icsn^îSteurs ^^^^ ^^ ^*^^ élaWir sa position de vainqueur, et 
Chinois. gç montra d'une hauteur, d'une dureté et d'un 
sans-gêne excessifs envers le prince chinois, dont 
l'émotion craintive se manifesta à plusieurs re- 
prises. Un photographe, attaché à l'armée an- 
glaise, avait été chargé de reproduire la scène qui 
. se passait. Au moment de l'opération, lord Elgin, 
sans tenir compte de la présence du prince chi- 
nois, prescrivit l'immobilité à tout le monde. Sa 
parole, éclatant tout à coup au milieu des Chinois, 
qui nVn comprenaient pas le sens, les frappa 
d'une telle stupeur, que pas un ne bougea sous 
l'indiscret instrument du photographe anglais. 

Les Chinois sont très-méticuleux, très-suscep- 
tibles pour tout ce qui concerne l'urbanité et les 
préséances entendues à leui^s manières ; aussi cet 
acte blessa-t-il profondément le prince Kong. 



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Année 1860. 
Octobre. 



XXXVIIl 



Le 25 octobre, le baron Gros, le cénéral de L«K^Ar?i 

^ 9 deMontauban 

Montauban et la presque totalilé des officiers le baron Grœ 
français, cscorle's par les spahis et les chasseurs auu'^a^^w 
d'Afrique, un détachement d'artilleurs à cheval et traftl?TO^i8, 
des fractions de tous les corps, se rendirent à leur 
tour au Li'pou. 

Le baron Gros en chaise à porteurs, et le géné- 
ral de Montauban à cheval, firent le trajet, qui 
était de six kilomèlres. Ils étaient précédés par 
un piquet de cavalerie portant les drapeaux des 
divers régiments de l'armée. Sur le parcours, les 
troupes en haie se repliaient en pelotons et sui- 
vaient le mouvement à mesure que le cortège les 
dépassait. 

Les mes de Pé-king, qu'on voyait pour la pre- 
.micre foij;, sont Irès-larges, mais mal entretenues. 



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Année 1860. 
Octobre. 



Portrait 

du 

prince Kong. 



Il s'élevait sous les pieds des hommes et des che- 
vaux, une poussière fine, pénétrante et nauséa- 
bonde. Derrière nos troupes, et bordant les rues 
où nous passions, se pressaient des Chinois et des 
Tartares, parmi lesquels les femmes de ces der- 
niers circulaient en grand nombre. Les femmes 
tartares n'ont pas l'habitude de se mutiler les 
pieds comme les Chinoises. Des policemen indi- 
gènes, armés de fouets, maintenaient cette foule 
moins épaisse qu'on ne l'aurait cru, h en juger 
par les récits qui représentent la ville de Péking 
comme si peuplée. 

Contrairement à ce qui s'était passé la veille, 
les Français arrivèrent au rendez-vous a l'heure 
précise. 

Après avoir traversé deux cours, on pénétra 
dans la salle des conférences, où nous attendait, 
placé à gauche, le prince Kong, avec une troupe 
de trois cents mandarins de toutes les classes. 

Le prince c'était vêtu d'une robe de soie brune, 
ornée, sur les parties qui couvrent la poitrine, le 
dos et les épaules, de plastrons carrés h coins 
arrondis, encadrant le dragon à cinq griffes, 
armes de la famille impériale. Sa coiffure était 
un chapeau tartare, bordé de magnifique marte 
zibeline noire, et surmonté d'une boule en soie 
rouge-brun. A son cou pendait un collier en 



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jade vert, pierre d'une grande valeur dans le Aimée iseo 
Céleste-Erapire. ^'''^''■ 

Les mandarins de sa suite, sauf les signes dis- 
tinctifs du prince, portaient un costume analo- 
gue, lequel est la petite tenue ; celle de grand ap- 
parat étant en soie jaune. C'était avec intention 
que les Chinois n'avaient pas honoré notre pré* 
sence de la grande tenue. 

Le prince Kong était un jeune homme de haute 
taille, à la figure longue, dépourvue de barbe, 
marquée légèrement de la petite vérole et d'un 
teint jaune paie. Sonnez à côte droite et aplatie 
s'ouvrait sur des narines beaucoup trop évasées ; 
sa bouche aux lèvres minces, mais dont Tinfé- 
rieure pendait d'une façon désagréable, était 
grande et trahissait la ruse et la sensualité. On 
surprenait ça et là quelques éclairs d'intelligence 
dans ses yeux très-longs et à fleur de têle ; mais 
leurs rayons, ordinairement ternes et effacés, in- 
diquaient un homme fatigué et même abruti par 
l'usage fréquent et prématuré des plaisirs. En 
somme, son aspect général révélait une constitu- 
tion faible et ruinée. 

Le prince passait pour être très-fin, ou, pour 
être plus vrai, très-astucieux et très- fourbe. 

Les mandarins qui l'entouraient, avec leurs faces 
rebondies et leurs ventres énormes, faisaient d'au- 



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Année 1860. 
Octobre. 



Description 

de 

la cérémonie 

dn traité. 



— 2TG — 

■ tant mieux ressortir sa nature appauvrie. Deux ou 
trois d'entre eux, seulement, portaient une phy- 
sionomie intelligente, surtout un vieux mandarin 
de première classe, à longues moustaches, dont 
rœil pétillait de gaieté et d'esprit. 

En arrière de ce groupe, on remarquait dans 
une tribune, parmi quelques Chinoises réelle- 
ment jolies, la sœur du prince, jeune femme 
d'une éclatante fraîcheur et d'une beauté plutôt 
gracijeuse que régulière. 

Le général de Montauban, en grande tenue, 
précédait ses officiers parés du mieux qu'ils 
avaient pu. 

Quant au baron Gros et au personnel de l'am- 
bassade, ils étaient en costume bourgeois né- 
gligé ; nue casquette a galons, rappelant celle des 
marins a bord, indiquait seule que nos diplo- 
mates n'étaient pas de simples particuliers. Si le 
prince, chinois nous traitait sans façon, notre am- 
bassadeur le lui rendait ainsi avec usure. 

Au moment de l'entrée des Français dans la 
salle des conférences, le prince se leva, vint au- 
devant de l'ambassadeur et du général, les sa- 
lua selon la mode chinoise (1), puis retourna à 
sa place, à la gauche de laquelle les Français se 

(1) Les Chinois, pour saluer, se joignent les deux poîçnets, puis 
les agiient Yerticajement. 



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— 277 - 

rendirent. La gauche, en Chine, est la place d'hon- Année îeeo 

«.^.,« Octobre. 

neur. 

On s'installa, le prince, Tambassadeur et le gé- 
néral à des tables réservées, et leur suite, à deux 
longues tables recouvertes d'une étoffe de coton 
rouge, disposées en fer à cheval de chaque côté 
de la salle. Tune occupée par les mandarins de 
première classe, l'autre par les officiers généraux 
et supérieurs de notre armée. Une fois en place, 
on servit le thé. préliminaire obligé de toute affaire 
en Chine, puis, de façon à n'être entendu que des 
hauts contractants, on fit à voix basse la lecture 
de chacun des traités, qu'on échangea ensuite se- 
lon les formalités usitées. 

Le traité français, entouré d'une écharpe de 
soie d'où pendaient de gros glands en or, était 
accompagné d'un magnifique médaillon de même 
mêlai avec le sceau impérial. Le traité chinois 
était. gravé sur des feuilles d'or. 

Au moment de l'échange des traités, vingt-un 
coups de canon, tirés par notre artillerie, annon- 
cèrent à l'armée et à la capitale^ qu'à partir de 
ce moment, la paix régnait entre l'Empire fran- 
çais et l'Empire chinois. 

Le baron Gros offrit au prince de petits por- 
traits photographiés, représentant l'Empereur et 
l'Impératrice, et une collection de toutes nos 

18 



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Année 1860. 
Octobre. 



- 278 — 

monnaies, avec explication de leur valeur^ cal- 
culée en sapèques. Ce peut cadeau etTexplicalion 
qui s'ensuivit parurent intéresser vivement les 
Chinois — d'un naturel très-curieux, comme on 
sait. — Puis l'ambassadeur termina en leur pré- 
sentant son portrait, pour mieux leur faire sentir, 
par la comparaison, la prodigieuse fidélité de re- 
production de la photographie. 
Le La séance était finie. Le prince Kong se leva, 

prince Kong * " 

témoigne çj s'avauçanl vers le général en chef et le baron 
''^^Tnotre''^'^'' Gros, il leur serra cordialement les mains. Cette 
ambassadeur, démonstration toute spontanée, et tout en dehors 
des usages, avait une grande signification. Elle 
érait un vif témoignage de sa satisfaction des pro- 
cédés des Français, et elle contrastait, d'une ma- 
nière éclatante, avec le long regard de haine qn'il 
avait lancé, la veille, sur les \nglais en les quit- 
tant. 

Les petites causes amènent quelquefois les 
grands effets. Espérons que les Chinois se souvien- 
dront de notre courtoisie; espérons qu'après nous 
avoir vus partout et toujours les premiers sur le 
champ de bataille, qu'après avoir apprécié notre 
valeur et noire modération, ils comprendront 
qu'il n'y a qu'à gagner à rester nos amis. 
Résumé Voici les clauses principales du traité : 

du traité. • » i i 

L indemnité de deux millions de taëls (16 mil- 



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— 27D — 
lions (le frnncs) stipulée dans raneion traite de 
Tien-sin, était portée h huit millions de taels (60 
millions), dont un million serait employé a indem- 
niser nos nationaux ruinés par Tincendie des fac- 
toreries h Canton ; 

On rendrait tous les établissements religieux 
qui avaient été confisquas; le culte caiholique se- 
rait autorisé dans tout l'Empire ; le commerce se- 
rait libre dans la ville et le port de Tien-sin ; les 
troupes françaises hiverneraient à Tien-sin et aux 
forls du Pé-ho, et seraient libres de ne se rciirer 
qu'après le paiement intégral de l'indemniié de 
guerre ; 

Pé-king et Chusan seraient évacués de suiic. 



Année 1860. 
Octobre». 



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Année 1860. 
Octobr«. 



XXXIX 



Description Depuîs la sicuature de la paix, nos soldats cir- 

dc la ville^de r o * 

Pé-king. culaient librement dans Pé-king et pouvaient véri- 
fier, de visUj les nombreuses descriptions qui en 
ont été données. 

Cette capitale célèbre se compose de deux villes 
distinctes appelées, l'une, ville chinoise, l'autre, 
ville tarlare. 

La ville chinoise, assise au Sud, forme un pa- 
rallélogramme dont les longues faces, ayant huit 
kilomètres, vont de l'Est à l'Ouest, et les petites, 
quatre kilomètres, vont du Nord au Sud. 

La ville tarlare, séparée de sa voisine par une 
muraille percée de trois grandes portes, forme un 
carré qui serait régulier s'il n'avait pas un pan 
coupé a l'angle Nord-Ouest. Ce carré, de six ki- 



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Octobre. 



— 281 — 
lomètres de longueur, présente exactement ses Année laeo/ 
quatre faces aux quatre points cardinaux. 

Les deux villes sont entourées par des murailles 
hautes^ ainsi qu'on Ta vu précédemment, de 
quatorze mètres quarante centimètres, épaisses à 
la base de vingt-six mètres, et au sommet de 
vingt mètres cinquante centimètres. Le dévelop- 
pement total de celte gigantesque fortification, 
sur le haut de laquelle un peloton de cavalerie 
pourrait manœuvrer facilement, est de quarante- 
deux kilomètres. A ses pieds règne un fossé, au- 
trefois large et profond, mars tellement réduit 
aujourd'hui par les atterrissements successifs, 
qu'il n'offre plus un obstacle sérieux. Quinze 
portes donnent accès dans la place ou mettent les 
deux villes en communication (1). 

(1) VILLE TARTARE. 

Face Nord, deux portes : Celle à l'Est, Té-ching-men (porte Sep- 
tentrionale à l'Est) ; celle à TOuest, An-ling-men (porte du Repos). 

Face Est, deux portes : Celle au Nord.Toung-chi-men (porte Orien- 
tale); celle au Sud, Tçhaoyang-men (porte Méridionale vers l'Est.) 

Face Ouest, deux portes ; Celle au Nord, Si-tchi-mcn ; celle au 
Sud, Feou-tchhing-men. 

VILLE CHINOISE. 

Face Sud, trois portes : Celle à TEst, Young-ling-men ; celle du 
centre, Tso-an-men; celle à l'Ouest, Yeou an-mcn. 
Face Est, une porte : Kouang-ning-men. 



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Année 1860. 
Octobre. 



PescTiption 

de la 

ville chinoise. 



— 282 - 

La partie de la muraille qui sépare les deux 
villes, est construite avec un soin tout particulier. 
Ses défenses bien entendues, ayant de nombreux 
flanquemenis,el toutes tournées du côté de la ville 
chinoise, indiquent que là se tient la race vaincue. 

C'est dans la ville chinoise que se trouvent 
presque tous les négociants, et particulièrement 
l'es marchands de curiosités et de porcelaines. Ses 
rues principales, partant des portes, sont larges 
et tracées avec intelligence; quant aux rues se- 
condaires, elles sont étroites et sinueuses. Parmi 
les monuments qu'elle renferme, on remarque 
ceux de Thian-than (Faute! du ciel) et de Sian- 
noung-than (l'autel du premier cultivateur). Ces 
monuments couvrent à eux deux un espace de 
plus de huit mille mètres carrés, en partant du 
centre de la grande muraille, que longent pen- 
dant quatre kilomètres au moins les vastes ter- 
rains qui en dépendent. 

Tout près et au Nord, on voit l'étang aux pois- 
sons d'or, d'une surface de trente- deux hectares 



Face Ouest, une porte : Kouang-tsin-men. 

Face Nord, deux portes : Celle à rEsl, Toung-pian-men; celle au 
Sud, Si-pian -men. 

Coiïimunicalion entre les deux villes, trois porles : Celle à FEst, 
Toung-wou-men (porte Méridionale vers PEst); celle du centre, 
Tching-kian-men (porte de la Ville intérieure au Sud) ; celle h 
roucst, Si-ouan-wou-rocn (porte du Sud vers l'Ouest.) 



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— 283 — 
divisés en Irenlo comparlimenls carré^. On voit 
encore, dans celle parlie de Pé-king, le lemple 
consacré au chef d'armée Yo-lïi-tsin-lchouang- 
iniao, et les deux temples dédiés, l'un à la déesse 
Kouan-yu-kouan-yu-ta-chi-miao, l'autre au dieu 
Kouan-yu-kouan-di-miao. 

La ville tarlare, d'un aspect plus grandiose, 
renferme, entourée par un mur d'enceinte, une 
autre ville, dite la Ville Impériale ou Ville Rouge, 
avec laquelle elle communique par six portes (1), 
dont trois, placées à la file Tune de l'autre, sont 
disposées comme des arcs de triomphe. 

Au centre de cette seconde ville, est le palais 
impérial, qui forme par ses nombreuses dépen- 
dances une troisième ville , dite Ville Interdite, 
laquelle est séparée de la Ville Impériale par un 
large fossé et une forliûcalion de quatre mille 
cinq cents mètres de développement. 

L'intérieur de la Ville Interdite, dont les gens 
attachés au service public et privé de l'empereur 
peuvent seuls franchir l'enceinte, renferme les 
palais de l'empereur, ceux des membres de sa 



Année 1860. 
Octobre. 



Description 

do la 
ville tartare. 



(1) A rOuest, Si-an -mcD (porte du Repos occidenlal) ; au Nord, 
Tl-an-men (porte du Nord); à TEst, Toung-an-men, (porte de la 
Ti-anquillité orientale); au Sud, Tai-tsin-men, (porte de la Grande 
Pureté); Thian-an-men (porte du Kepos céleste); Touan-men (porte 
des Principes.) 



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— 284 — 

Anné^ïsëôT famille, et les édifices ne'cessaires à ses délasse- 
ments et à ses travaux, tels que ceux du Conseil 
privé, de la bibliothèque des fleurs lilléraires, 
de la Société historique, de Tintendance de la 
cour, etc., etc. 

Dans la Ville Impériale ou Ville Rouge, sont de 
vastes lacs* une montagne élevée par la main des 
hommes, l'école des jeunes personnes destinées 
à un emploi à la cour, rimprimerie, des lemples 
et des monastères. 

Enfin la ville (arlare proprement dile, où se 
trouvent réunis dans le même quartier, et à por- 
tée de la communication principale avec le palais, 
les divers ministères, renferme le tribunal des 
rites, où furent signés les irailés de paix, le tribu- 
nal astronomique, l'Académie de médecine, le 
palais de la régence de l'héritier du trône, celui 
du gouverneur de Pé-king, l'école impériale, le 
magasin à blé, des iemples, des casernes, et une 
foule d'autres monuments publics qu'il serait fa- 
tigant d'énumérer ici. 

Aspect général Lcs (Trandos voies de communication de la ville 

de Pé.king. \ 

de Pé-king, aussi larges que les boulevards de 
Paris, sont en ligne droite. Autrefois bien pavées, 
ces voies, efl*ondrées au moment de notre occupa- 
tion, étaient couvertes d'une sorte de matière noi- 
râtre comme le charbon, se changeant, à la moin- 



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Octobre. 



— 283 — 
dre pluie, en boue visqueuse, et produisant dans Année ibeo. 
les temps secs une poussière pénétrante et infecte. 
Les maisons des particuliers, entourées par des 
cours et des jardins plantés de grands arbres, ne 
forment qu'un rez-de-chaussée, et sont séparées 
les unes des autres par des murailles plus élevées 
qu'elles. Le Chinois vit beaucoup chez lui, et 
cherche à dérober les mystères de son foyer h ses 
voisins. Beaucoup de ces maisons ont des portes 
et des devantures sculptées avec une minutie 
et un art désespérants, mais tout cela tombe de 
vétuslé. 11 en est de mémo des monuments et des 
constructions d'ulilité publique. Les vastes lacs 
de la Ville Rouge, qu'on traverse sur des ponts de 
marbre blanc que décorent des statues, les mo- 
nastères, les temples, les lacs, les canaux, ont 
bien encore un caractère de grandeur qui atteste 
l'antique splendeur de cet Empire; mais à cette 
heure, desséchés, effondrés, rongés par l'herbe 
qui croît sur les murs et entre les tuiles vernies 
et dorées des toitures, ces lacs, ces canaux, ces 
•temples révèlent en même temps, à la pensée at- 
tristée, la profondeur de sa décomposition ac- 
tuelle. 

Dans les rues, qui ne sont en réalité que des 
cloaques, dans les faubourgs, où se presse une 
population sale, déguenillée et qui sue la misère, 



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— 280 — 

TÀimiSelëttôr ^" S® heurle, à chaque pas, à une pourrilure nio- 
octobre. • raie et matérielle. 

En dehors des portes des murailles, sont de 
vastes hangars où se réunissent, la nuit, des trou- 
pes innombrables de vagabonds à l'aspect famé- 
lique et hideuï. Tout ce qu'on a écrit sur l'an- 
cienne Cour des Miracles, tout ce qu'on voit dans 
les plus misérables quartiers de la Ci lé, a Londres, 
n'est rien en comparaison de ces repaires, dans 
lesquels grouillent tant d'êtres humains, rongés 
d'ulcères sous des loques indescriptibles. 

On a eîjagéré le chiffre de la population de cette 
capitale, en l'élevant à trois millions d'âmes. Bien 
que les Chinois du peuple s'entassent dans leurs 
demeures d'une façon dont nous n'avons au- 
cune idée en Europe, les maisons, à Pé-king, 
sont trop basses, trop espacées entre-elles, pour 
avoir jamais renfermé une population aussi consi- 
dérable. 

L^eau potable est généralement très-mauvaise 
à Pé-king. On n'en trouvait de passable que dans 
le faubourg Nord , où étaient établies les armées 
alliées. 

Pendant le séjour qu'on y fît, on étudia le fort 
et le faible de ses défenses. On reconnut que le 
véritable point d'allaque de cette ville élait à la 
partie Ouest de la face Nord^ un peu plus à 



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rOuest que remplacement cleVarmée anglaise. En ^^^nnée isgo. 
cet endroit, d'après la con6guration du sol exté- ^^ "* 
rieur, les murailles, y compris la partie crénelée, 
n'ont que douze mètres à douze mètres cinquante 
d'élévation. En face d'elles se trouve un étang 
desséché, dont les berges élevées, distantes de 
cent mètres des remparts et leur étant parallèles, 
sont très-favorables h l'établissement des pre- 
miers travaux de tranchée. 

Le seul inconvénient de ce point d'attaque se- 
rait d'être plus éloigné que celui que nous avions 
choisi, de quatre kilomètres, du pont de Pa-li- 
kiao et de Toung-chao, tête de la navigation 
du Pé-ho, d'où Ton serait toujours obligé de ti- 
rer ses raviiaillements. 

Le 28 octobre, un convoi défilait à l'extérieur, 
le long des murailles de Pé-king, et se dirigeait 
vers le Sud. Arrivé à la por(e Feou-tchhing-men, 
il s'engagea dans le vaste faubourg qui s'étend à 
droite. 

En tête, roulaient six voitures d'artillerie, por- ^^^^i^^lt 
tant des cercueils recouverts de longues draperies ^^^têlliSés*'^ 
noires, semées de larmes et de croix blanches; v^^^^^^^"^'^- 
derrière suivaient, à cheval, les généraux des deux 
armées, et des détachements de tous les corps, les 
armes renversées. 

C'étaient les restes mortels des officiers et des 



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Octobre. 



— î288 — 

j^^^ 1860. soldais fiançais, assassinés par les Chinois, qu'on 
allait rendre à la terre. 

Dans le premier cercueil était le corps du co- 
lonel d'artillerie Foullon de Grandcbamp, dans le 
deuxième celui du sous-intendant Dubut^ dans le 
troisième celui de l'ofûcier d'administration Ader, 
et à côté, dans le quatrième cercueil, le corps de 
l'héroïque chasseur à pied Ousouf, inséparable, 
dans la mort, du chef à qui il avait donné sa vie ; 
puis venaient les cercueils des soldats Godichet 
et Blanquet. 

Après avoir fait deux kilomètres dans le fau- 
bourg, à travers une fouleconsidérable deTariares 
et de Chinois, parmi laquelle on surprenait çà 
et là quelques signes de croix, le convoi arriva au 
cimetière chrétien, où se trouvaient déjà réunis 
le baron Grosavec lepersonnel de son ambassade, 
et le général Ignalietf avec sa suite, en grande te- 
nue. Mgr Mauly, évêque de Pé-king, entouré de 
son nombreux clergé indigène, offlcia assisté de 
MM. Trégaro et Séré, aumôniers de l'armée 
française, Maire, chapelain catholique de l'armée 
anglaise, du père Delamarre, et, vers la fin de la 
cérémonie, de Mgr Anouilh, évèque de Schang- 
tong. 

L'abbé Trégaro prononça un discours louchant, 
auquel succéda l'éloge funèbre du colonel Foullon 



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— 281) — 

de Grandchamp, par le colonel de Benlzmann ; 
puis, au nom de tous, le général en chef trouva, 
dans son cœur ému, quelques paroles qui impres- 
sionnèrent profondément tous les assistants. Tris- 
tes et suprêmes adieux adressés à ces infortunés, 
tombés si loin des leurs, en dehors du champ 
de bataille, et qu'allait recouvrir pour jamais une 
terre étrangère ! 

Les décharges de mousqueterie de Tescorte ter- 
minèrent la cérémonie. 

Le cimetière chrétien, auquel on arrive après 
avoir traverse une vaste cour, est couvert de 
tombes ombragées par des arbres d'une grande 
beauté. L'œil, frappé d'abord par un magnifique 
calvaire qui s'élève a l'une de ses extrémités, s'ar- 
rête ensuite sur des monuments funéraires, re- 
marquables par leurs proportions et surtout par 
leurs inscriptions latines et chinoises. Ce sont 
ceux d'Adam Scham, professeur de l'empereur 
Kang-hi, directeur du bureau des mathématiques 
et de l'observatoire de Pé-king ; du P. Ricci, sa- 
vant renommé, du P. Rideau, et d'une foule d'au- 
tres hommes illustres et pieux, dont la vie entière 
fut employée à faire le bien. 

On trouva le cimetière en bon état de conser- 
vation. Pendant les hostilités, il avait été préservé 
de la dévastation par le grand respect qu'ont les 



Année 1860. 
Octobre. 



Description 
du cimetière 
catholique de 

Pé-lODg. 



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— 290 — 
Année 1860. Chiiioîs pouF Ics toiubeaux, raaîs surtout par la 

Octobre. . . • ■ • .... 

mission russe, qui, bien que ses coreligionnaires 
eussent un cîmelière particulier, avait acheté les 
lorrains environnants afin de se créer le droit de 
le protéger. 

Puisse cet acte si louable de tolérance des Rus- 
ses, être apprécié par ceux dont les haines reli- 
gieuses sont d'autant plus implacables, qu'elles ont 
pour objet des frères chrétiens dont la croyance 
est plus rapprochée de la leur. 

Pendant qu'on travaillait au traité de paix, et 
bien avant qu'on le signât, le général de Montau- 
ban avait annoncé au gouvernement chinois que 
la première clause de ce traité serait la liberté du 
culte catholique par tout l'empire, et la remise, 
aux missionnaires français, de tous les établisse- 
ments religieux anciennement consacrés a ce 
culte, lesquels avaient étaient été confisqués pen- 
dant les persécutions. 

Le mandarin de première classe, Hanki, gouver- 
neur de la maison impériale (fonction correspon- 
dant a celle de ministre d'fllatchez nous), répon- 
dit que celte condition impérieuse ne serait pas 
unedifficulté, et, pour prouver son dire, il informa 
de suite le général en chef qu'il avait existé autre- 
fois deux éQ:lises catholiques à Pé-king, Tune en- 
tièrement détruite, l'autre appelée Thian-cbou- 



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— 2î)l — 
chang (temple du Seigneur du ciel) , ayant appar- Aimée imo. 
tenu aux Jésuites portugais, et existant encore ^*^^^'''^- 
à rexlrémité Sud de la ville tartare, près de ia 
porte Siouan-wan-men. 

Le général de Montauban profita immédiate- a/M^SfubL 
ment de ce renseignement, pour envoyer le chef ^^g ordres^ pour 
d*escadron Campenon avec M. Lemajre, inter- Tégiîsr 

s . I ... ,. ..^ catholique do 

prête, auxquels se joignit un mandarin, visiter pé-king. 
l'ancienne église portugaise. Elle s'élevait au mi- ^^^. . 
lieu d'une vaste cour dont on trouva les portes ^e <^ette égUse. 
murées. Sur Tordre du commandant Campenon, 
des ouvriers chinois eurent bientôt déblayé une 
de ces portes, au-dessus de laquelle on vit, k l'in- 
térieur, une inscription que le Père Delamarre a 
traduite ainsi qu'il suit : 

€ Demeure du Seigneur du ciel, construite dans 
c la vingtième année du règne de l'illustre em- 
€ pereur Kang-hi, qui a donné pour épigraphe : 
« Beau site comprenant toute perfection. L'empe- 
« reur a donné 40,000 taëls pour sa construction, 
(c Elle a été détruite par le feu du ciel, le neuvième 
« jour de la première lune de la quarantième an- 
« née de Kang-hi, et l'empereur a donné de nou- 
er veau la même somme sur sa cassette pour la 
« rebâtir. Elle a reçu souvent les présents de la 
« munificence impériale. t> 

Celte inscription a sauvé l'église d'une destruc- 



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Année 1860. ^'^" coiiiplèie, Ics Chiiiois ayanl un respect pro- 
Octobre. ^^^^ ^^^^ ^^^j ^^ q^^j ^j^ane de leurs empereurs. 

En avant de Téglise, et sur chaque côlé de sa 
grande porte d'entrée, sont deux monuments re- 
présentant une tortue colossale qui supporte une 
colonne, carrée sur les faces, où sont sculptés 
en bas-relief des dragons à cinq griffes et des 
inscriptions en chinois et en mantchou. Ces 
monuments, bâiis en pierre et en marbre, sont 
très-communs en Chine. L'église, construite en 
1657, sur les plans du P. Ricci, Jésuite portugais, 
est d'un style Renaissance de mauvais goût. 

Les trente-cinq années qui s'élaient écoulées 
depuis qu'elle avait élé interdite au culle catho- 
lique, avaient suffi pour la mettre dans un *état 
de délabrement complet. Ses dalles étaient dis- 
jointes, brisées en partie, et recouvertes de débris 
chargés d'une épaisse couche de poussière; le 
long de ses murs dégradés et fendus, pendaient 
des cadres dorés, vides de leurs peintures; ses vi- 
traux n'existaient plus; son dôme, au-dessus du 
maître-autel, s'était effondré en partie sur le côlé 
gauche. Sur la partie encore debout on distin- 
guait des restes d'assez belles peintures. A l'entrée 
du chœur, on voyait les armes royales de Por- 
tugal. 

Ces dégradations, œuvre du temps et des Chi- 



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Année 1860. 
Octobre. 



Cérdmonie 
de 



— 293 — 
nois, n'étaient heureusement pas irréparables. 

Le 27 octobre, le général de Montauban, après 
avoir visité l'église, chargea le lieulenant-colonel 
Dupouêt, du génie, d'y rendre possible, pour le 
29, la cérémonie d'une consécration nouvelle. Le 
capitaine du génie Beziat, chargé particulièrement 
de ce soin, trouva le moyen de restaurer et de 
parer la ruine qu'on lui avait remise^ et le 29, 
au matin, les murailles, entièrement recouvertes 
par des tentures en velours noir, encadraient un 
autel provisoire, et les dalles ressoudées portaient 
un immense catafalque dressé au milieu de la nef. 

Le général en chef, entouré de son état-major 
et suivi par presque tous les officiers de l'armée, la consécration 

^ ^ ,^ , . s / de réalise 

arriva en chaise à porteurs, à l'église, où s'é- *^^ï^^^"®^ 

talent rendues l'ambassade française et une partie 

de l'ambassade russe. Dans les tribunes étaient 

la musique et les chœurs du 101<» de ligne. Autour 

des places réservées aux officiers, se pressaient 

des Chinois chrétiens, en grand nombre. 

La cour, débarrassée de sa végétation parasite, 
était occupée par des détachements de tous les 
corps de notre armée. Une pluie glaciale, mêlée 
de neige, qui tombait ce jour-lh, empêcha, sans 
doute^ l'armée anglaise d'envoyer des représen- 
tants à la cérémonie. 

Après la consécration de l'église où officiait 

49 



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— 294 — 
^^^^ ^g^^ Mgr Mauly, assisté de Mgr Anouilh el de tout le 
Octobre, cïergé de Farinée, on célébra un service funètre ; 
puis Mgr Mauly adressa des aclions de grâces à 
Dieu, qui donne la victoire, et après avoir appelé 
ses bénédiclions sur l'armée française et sur son 
général, il termina la cérémonie par le Domine 
salvum fac imperalorem. 

Cel acle solennel, qui inaugurait le rétablisse- 
ment du culte catholique dans l'Empire chinois, 
probablement le seul résultat immédiat, mais le 
résultat immense de notre expédition, cet acte 
restera comme un témoignage éclatant des ser- 
vices rendus par la France et son gouvernement 
à la religion catholique. 

En consacrant à six raille lieues leur inaltéra- 
ble dé vouenlent à cette religion, cet acte solen- 
nel prouvait au monde, et particulièrement aux 
passions aveugles et tourmentées de notre époque, 
que si la France est toujours la fille aînée de l'É- 
glise, son souverain n'a jamais cessé d'en être le 
fils aîné ! 

Aussi bien, puisque les exigences de notre récit 
nous ont amené sur le terrain des questions reli- 
gieuses, questions brûlantes auxquelles l'huma- 
nité doit ses plus effroyables convulsions, nous 
dirons, en peu de mots, ce qui s'est passé et ce qui 
se passe encore dans ces loinlaines contrées, où 



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— 205 - 

nous venions de relever le signe sacré de la ré- 
demption des chrétiens, et quelle a été, de tout 
temps, la règle de conduite des diverses sociétés 
qui se sont imposé la mission d'y propager la foi 
catholique. 

Au dix-septième siècle^ vers la fin du règne de 
rillustre Kang-hi, la religion catholique était flo« 
rissanteen Chine. Les empereurs, touchés par la 
sublimité de sa morale, la voyaient sans crainte 
faire de rapides progrès dans IVmpire, et même 
chercher des prosélytes parmi les princes de leur 
famille. La tolérance la plus absolue respectait 
ses temples, accueillait ses adeptes; ses mis- 
sionnaires, dont plusieurs étaient des savants 
illustres, et quelques-uns des hommes supérieurs, 
occupaient des emplois élevés à la cour, où leur 
influence était considérable. 

Retenus dans les bornes de leur ministère, tant 
qu'ils eurent à trembler sur les résultats de leur 
sainte semence, ces hommes pieux ne surent 
pas s'y maintenir, quand ils virent la récolle dé* 
passer leurs espérances. Le souffle desséchant de 
Torgueilvint les visiter, et de propagateurs mo- 
destes d'une religion d'humilité et de paix, ils de- 
vinrent des sectaires intolérants et dominateurs. 
La foi, naguère la cause et la fin de leurs travaux, 
n'en fut ulus bientôt que le motif, et la politique 



Année 1860, 
Octobre. 



In fi nonce 

(lus 

mit» ion na ires 

cntbdliqucs 

eu Chine: 

leur conduite. 



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•Octobre. 



— 296 — 

Année 1860. '^ ^^ut. Ce changement dans leur conduite, ne 
pouvait échapper au gouvernement chinois qui, 
les trailant en frères, trouvait leur main dans 
toutes les intrigues, leur ingratitude dans toutes les 
révoltes. Alors commencèrent les persécutions; 
la croix, un instant triomphante, fut partout ren- 
versée, et TËmpire plus que jamais fermé aux 
Européens. 

Il en fut de même au Japon, où ils suscitèrent 
des guerres civiles dont Thorreur dépasse tout 
ce que l'imagination peut concevoir. 

Dû, en partie, à l'esprit d'antagonisme qui di* 
vise les sociétés religieuses et neutralise ainsi 
leurs efforts quand elles se rencontrent sur le 
même terrain, à celte maladie de controverse qui 
les possède jusque dans les périls communs, ce 
grave échec subi par la religion a été un utile 
enseignement. 

Aujourd'hui, trois ordres religieux, les Jésuites, 
les Lazaristes, et les prêtres des Missions étran- 
gères, se sont partagé ces lointaines contrées, et 
agissent, chacun de leur côté, de façon à ne plus 
se heurter et à ne plus être, comme par le passé, 
détournés de leur mission par de vaines disputes. 

C'est là, sans doute, une heureuse distribution 
des forces de la foi ; mais sufûra-t-elle pour re- 
conquérir le teiTain perdu? 



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Octobre. 



— 297 — 

Chez les ealboliques, les hommes qui entrent Année iseo. 
dans la vie religieuse, surtout ceux qui s'attachent 
à un ordre quelconque, abandonnent malheureu- 
sement bien vile leurs idées personnelles pour 
celles de cet ordre, et l'un des plus déplorables 
effets de cette abdication d'eux-mêmes, est la 
perte de leurs sentiments de nationalité. 

Lors de son arrivée en Chine, notre armée put 
constater combien est profond, chez ces hommes, 
le détachement de la patrie, de tout ce qui la 
rappelle, et, par suite, peut la servir. Dans les 
nombreuses écoles dirigées par les missionnaires 
français, on remarqua avec peine, que soigneux 
d'y enseigner la langue latine, parce qu'il est ia- 
dispensable de la connaître pour entrer dans les 
ordres, il n'était nullement question de la langue 
française. 

Que penser de cela, sinon, que toujours animés 
d'un esprit inquiet et exclusif, leur but est de 
rester les seuls interprètes, par conséquent, les in- 
termédiaires indispensables dans toutes les affai- 
res, afin de pouvoir les diriger selon leurs intérêts 
et, dès lors, demeurer les maîtres de la situa- 
tion ! 

Loin de trouver une foule de Chinois qui sussent 
parler notre langue^ comme on devait le croire, et, 
par suite, pussent nous servir d'interprètes, on ne 



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Aonée 1860. 
Octobre. 



Évacuation de 

Pé-king 

par Panuée 

française. 



— 298 — 
rencontra que des indigènes parlant l'anglais, 
parce que, bien difl'érenl du prêtre catholique, le 
ministre anglais met au premier rang de ses de- 
voirs Tamour de son pays, et ne néglige rien de 
ce qui peut contribuer h étendre son influence. 

Ce lut à grande peine qu*on parvînt à se procu- 
rer, dans le pays, un interprète, M. Lemaire, 
jeune Français attaché au consulat de Shangaï, et 
si Ton excepte le nommé Tau, interprète indigène 
que le général en chef avait amené de France, où 
il s'occupait de commerce, Ton fut obligé d'avoir 
recours aux Pères Delamarre et Duluc, c'est-à- 
dire aux prêlres. 

Quoi qu'il en soit, il ne faut pas désespérer. Les 
missionnaires, reconnaissants du service immense 
rendu par notre drapeau au culte catholique, fini- 
ront par comprendre que c'est toujours auprès de 
ce glorieux drapeau qu'ils trouveront aide et pro- 
tection, et dès lors par sentir qu'il est de leur de- 
voir comme de leur intérêt bien entendu, de ré- 
pandre les notions de la langue française dans les 
populations indigènes. 

D'après les conventions du traité, le général 
de Montauban avait décidé que l'armée française 
évacuerait Pé-king aussitôt après la cérémonie de 
la réinstallation de Tévêque dans son diocèse. Le 
30, le régiment de marine, quatre compagnies du 



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Noyembro. 



— 299 — 

102% une batterie d'arlillerie et tous les gros ba- "lâiiéêTsfto. 
gages quillèrent Pé-king; le reste des troupes 
avec le général en. chefdevaientrévacuer le 1" no- 
vembre. Un léger incident fit modifier ces dispo- 
sitions. 

Lord Elgîn voulut rester jusqu'à ce que le traité 
fût promulgué dans la Gazette officielle de Pé-king, 
Le baron Gros, qui ne croyait pas cela nécessaire, 
ne voulut pas, pourtant, laisser seul son collègue^ 
de peur que, maître de la position, il n'en profitât 
pour arracher au prince Kong de nouvelles con- 
cessions. 

En conséquence, il fut décidé qu'un bataillon 
du loi* et deux pièces d'artillerie resteraient au- 
près de noire ambassadeur. 

Le 2 novembre, on reçut de Yé-hol en Tartarie, 
où s'était réfugié l'empereur, le décret impérial 
qui promulguait les traités de paix. Le 6, ce dé- 
cret fut affiché sur les murs de la capitale, à côté 
du traité anglais. Le traité français fut affiché le 8. 
Pourquoi pas ensemble et le même jour? 

Les Anglais devaient partir en deux colonnes, 
la première, le 7, sous les ordres du général Na- 
pier, la seconde, le 8, avec les généraux sir Hope 
Grant et Milchell ; mais l'arrivée subite à Pé- 
king de M. Bruce, ministre anglais, retarda d'un 
jour le départ de leur seconde colonne. Le 9, elle 



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— 300 — 
Année 1860. quiUa Pékiiig; le baron Gros avec le reste des 
Novembre. ^pQ^p^g fraoçaîses Cil fit autant. 
Le baron Groa Pendant les demicrs jours de son séjour dans 

visite la * ' 

vaie Interdite, çg^ç capitale, le baron Gros reçut du prince Kong 
un nouveau témoignage de sa reconnaissance. Ce 
prince, touché par les bons procédés des Français, 
fit à leur ambassadeur Toffre de le conduire dans 
la Ville Interdite, offre qu'il accepta avec empres- 
sement. 

On ne put visiter que Textérieur delà ville, at- 
tendu, qu'en l'absence de l'empereur, personne 
n'a le droit de pénétrer dans ses palais. Ces pa- 
lais, construits primitivement avec un luxe extra- 
ordinaire, parurent mal entretenus, et dans un 
état de délabrement qu'expliquent les rares sé- 
jours qu'y font depuis longtemps les empereurs; 
leur résidence habituelle était le palais d'Yuen- 
min-yuen, qui a été réduit en cendres. 

Lord Elgin, ayant appris cette visite de notre 
ambassadeur, demanda à jouir du même privilège, 
ce qui lui fut naturellement accordé; mais avec 
cette différence, que la visite des Français fut une 
marque spontanée de faveur du gouvernement 
chinois, et [la visite des Anglais, le résultat d'une 
demande oflicielle que ce gouvernement n'était 
pas en position de refuser. 

Nos troupes, pendant ce temps, étaientarrivées 



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— .301 — 
à Tien-sin ; la première colonne, le 5, et laseeonde. Année 1860. 
Je 6. Leur retour s'était effecluépar un froid très- °^*" "' 

Arrivée 

vif, à travers un pays dévasté par les maraudeurs des troupes 

* "^ * françaises 

chinois, surtout depuis Pé-king jusqu'à Rho-sé- * ^'^fn"''* 

yçQ^^ de la campagne. 

Ce pays, qu'elles avaient vu si peuplé, il y avait 
quelques mois à peine, où respirait alors la vie et 
l'abondance, et qu'elles revirent dépouillé de sa 
luxuriante végétation» couvert de villages à moi- 
tié détruits ou entourés de hautes palissades en 
sorghos pour se défendre des maraudeurs, ce 
pays avait quelque chose de triste et de lugubre 
qui serrait le cœur. Ce ne fut qu'aux approches de 
Tien-sin, que nos soldats retrouvèrent la Chine 
telle qu'elle leur étajt apparue d'abord, moins 
toutefois sa parure d'été. 

Le lA novembre, toutes nos troupes étaient 
réunies à Tien-sin, où la confiance était revenue 
avec la paix, et qui offrait alors l'aspect le plus 
brillant. La campagne était terminée. Les Anglais 
laissèrent à Tien-sin le brigadier Staveley, avec 
les 31* et 67*» régiments, le 60^ rifles, la cavalerie 
sikle et deux batteries d'artillerie. 300 hommes 
furent détachés de celte brigade pour occuper le 
grand fort de la rive droite, à l'embouchure du 
Pé-ho. Le reste de l'armée anglaise s'embarqua 
pour les Indes et pour l'Angleterre. 



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Année 1860, 
Décembre. 



— 302 — 

Le général Colliueau, désigné pour commander 
les troupes françaises restant à Tien-sin, garda 
avec lui le 101% un bataillon du 102% deux batte- 
ries d'artillerie et une compagnie du génie, for- 
mant en tout 129 officiers, 2,700 soldats et 429 
chevaux. 

Quatre cents hommes d'infanlerie de marine, 
dépendant de Tamiral Charner, furent chargés de 
garder l'entrée duPé-ho, conjointement avec les 
Anglais ; ils s'établirent dans le grand fort de la rive 
gauche. Le reste des troupes françaises fut dirigé 
sur Shangaî, où elles arrivèrent le 12 décembre 
et où elles prirent leurs quartiers d'hiver. 

Pendant que s'opéraient ces divers mouve- 
ments, le général en chef, monté sur /^Forfrin, se 
rendit à Tché-fou. Il trouva les troupes qu'on y 
avait laissées, en excellente santé et en bonnes 
relations avec les habitants. Il les réduisit à 150 
hommes, envoyant à Tien-sin tout ce qui appar- 
tenait à la deuxième brigade, et à Shangaî les ou-^ 
vriers d'artillerie; puis il alla à Nagasaki, ville du 
Japon ouverte aux Européens, et de Ih^ s'enga- 
géant dans la mer intérieure qui baigne les trois 
grandes îles dont se compose cet empire puis- 
sant, il arriva en vue de la ville d'Osaka, dont les 
autorités locaJes lui refusèrent l'entrée. D'après 
un traité, celte ville ne devait nous être ouverte 



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qu'en 1862. Le 12 décembre, le général de Mon- vwTThTk 

lauban élail rentré à Shangaï. t)éc«mbre. 

Nous occupions toujours les iles de Chusan, que ËTacnation 

des 

nous aurions déjà du évacuer, aux termes du îiesdechusan 

* par 

trai té de Pé-ki ng. 1«« Français. 

Le iieutenant-colonel Despalières, nommé com- 
mandant de ces îles au début de la campagne, 
avait utilement employé son temps à détruire les 
pirates qui y faisaient la contrebande de l'opium, 
«t pour cette raison étaient favorisés par les An- 
glais. Sa conduite et celle de ses soldats y avait 
fait aimer le nom français. Lord Elgin, inquiet 
de la prolongation de notre séjour dans ces îles, 
où noire drapeau menaçait de prendre racine, 
exigea si vivement l'exécution des traités à leur 
sujet, que, vers la fin de décembre, nous dûmes 
les évacuer, au grand regret du général de Montau- 
ban. On comprit, mais trop tard, la faute qu'on 
avait faite de ne pas s'en réserver la possession 
définitive quand cela était si facile. 

Les Anglais, mieux avisés que nous, qui n'a- ^"^"^"[^^n®* ^"® 
vions pas su nous réserver le moindre pied-à- ai^i^xp"él"tL 
terre sur les côtes du Céleste-Empii^e, les Anglais, ^® ^^"'®' 
outre la belle île deHong-kong et son admirable 
"port, qu'ils possédaient déjà, avaient trouvé 
le moyen de se faire céder le vaste territoire 
d'Hassloou, situé sur le continent, en face de 



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Année 1861. 
Janvier. 



Promotions 

dans Tannée 

française. 



— 304 — 
Hong-kong, de façon à assurer et à compléter 
leur superbe position. 

L'armée reçut, dans les premiers jours de jan- 
vier, d'éclatants témoignages de la satisfaction de 
l'Empereur pour sa conduite devant les forts du 
Pé-ho. Toutes les promotions et les croix deman- 
dées à ce sujet par le général en chef avaient été 
accordées. Les promotions datées des 6 et 7 no- 
vembre, outre le général en chef nommé grand- 
croix de la Légion d'honneur, comprenaient, 
entre autres, un général de division, le général de 
brigade Cotlineau; deux géuérauxde brigade : les 
colonels de Bentzmann, de l'artillerie, et O'Mal- 
ley, du 102® de ligne ; trois colonels : les lieute- 
nants-colonels du Pin, de l'élat-major, Ollivier, 
du 101* de ligne, et Théoloque, du 102«. Le sous- 
intendant Dubut avait été nommé intendant; 
l'infortuné reposait alors dans le cimetière catho- 
lique de Pé-king. 

Durant cette campagne, notre marine avait 
déployé son activité et son dévouement ordinai- 
res. Sa conduite fut d'autant plus méritoire, 
qu'elle n'eut pas, comme l'armée de terre, l'en- 
traînement du champ de bataille pour la soute- 
nir et l'animer dans ses rudes travaux. Aussi, Ta- 
mirai Charner désirait vivement lui procurer 
quelque action éclatante, pour l'indemniser de ses 



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— 305 — 
peines. La Cochinchiae, où nos intérêts étaient Année isei. 
engagés depuis quelques années, pouvait lui en •'"^^'«'• 
fournir le moyen. Les instructions des comman- 
dants de nos forces en Chine leur laissaient toute 
initiative, touchant ces lointaines contrées. Ja- 
mais occasion plus belle ne s'était présentée pour 
en user. La saison favorable (1), la disponibilité 
de forces importantes, tout poussait à la saisir. 
Mais cette initiative une fois décidée, il fallait un 
moteur unique pour la mener à bonne fin, et ce 
moteur n'existait pas depuis qu'on avait partagé 
les commandements en chef. Certes, si le général 
de Montauban avait conservé les pouvoirs dont il 
était revêtu au départ, rien ne l'aurait empêché, 
après avoir assuré sa position en Chine, à Tien- 
sin et à l'embouchure du Pé-ho^ d'embarquer ce 
qui lui restait de troupes, et d'aller en Cochin- 
chine y termiaer nos affaires. En l'absence d'ins- 
tructions précises et d'un pouvoir suffisant, le gé- 
néral de Montauban ne crut pas devoir se lancer 
dans cette entreprise. 
L'amiral Charner, décidé à la tenter, avait formé Préparatifs 

de Texpédltion 

le projet de dégager la position de Saigon que 
serrait de près une armée anamite. Ce projet ne 

(1) En Gochlnchine, Thiver et le printemps sont les seules saisons 
pendant lesquelles des troupes européennes peuvent opérer sans trop 
de danger. 



le 
Cochinchine. 



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r pouvait avoir qu'une porlée secondaire, la solu- 

Janvier. ^j^,^ jg ]^ questlon étant h Hué, résidence de l'em* 
pereur. Mais pour s'engager aussi loin, ce n'était 
pas de trop des troupes de Taruiée de Chine. Le 
général de Monlauban, dans l'intérêt général et 
voulant être agréable a son collègue, mit à sa 
disposition tout ce qu'il lui demanda. En consé* 
quence, le 2® bataillon de chasseurs à pied, coai* 
mandant Comte, la batterie Dispot de douze, la 
batterie du Chaiïault de quatre, dont on avait 
remis à neuf le harnachement et renouvelé les 
attelages, un détachement de pontonniers et 
de fuséens, reçurent Tordre de se tenir prêts à 
partir. 

Le colonel Ollivier, dont le régiment était ea 
France, fut désigné pour commander les troupes 
de débarquement, et le colonel du Pin, nommé 
. chef d'élat-major du corps expéditionnaire. Mais 
l'amiral Charner, qui avait ses ofûciers, et qui 
d'ailleurs voulait, avec raison, réserver Thonneur 
de l'expédition h la marine, ne ratifia pas le choix 
qu'on avait fait de ces officiers supérieurs. Le 
colonel Ollivier retourna en France, et le colonel 
du Pin fut envoyé en mission au Japon. Vers le 
milieu de janvier, les troupes destinées h opérer en 
Cochinchine étaient à Woosoung, à bord de la 
flotte. 



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~ 307 — 

Le 1 5, la France et l'armée perdirent le général Année iseir 
Collineau, qui mourut de la petite vérole à Tien- Janvier. 
sin. La destinée devait une meilleure fin à ce héros coiuoeau. 
de la campagne. 

Le général de Montauban s'embarqua le 22 aei^i^^ea 
pour la France, où devaient arriver successive- . ^^^' 
ment les divers détachements de l'armée, passant 
cette fois par Fithsme de Suez. 

L'expédition de Chine est une immense révéla- 
tion. On croît rêver quand on pense qu'il a suffi 
de quelques milliers d'Européens, pour dicter des 
lois à un Empire de quatre à cinq cents millions 
d'hommes. La facilité avec laquelle ils. ont ren- 
versé des araiées nombreuses et braves, ne laisse- 
rait aucun doute sur la destinée de cet immense 
Empire, le jour où une grande puissance euro- 
péenne aurait quelque intérêt à le conquérir ou à 
l'exploiter, et si la Providence n'avait pas départi 
à la France la sainte mission de protéger les fai- 
bles. En touchant à ce tas de poussière qu'on 
nomme l'Empire Chinois, la France a contracté 
le devoir de le défendre. Ace litre, son interven- 
tion armée est un réel bienfait; mais, dira-t-on, 
quel avantage pour elle peut-il résulter de cette 
intervention? Quel avantage? celui d'avoir accru 
son influence, d'avoir agi de façon que si son nom 
n'est pas le plus souvent prononcé, il n'y en ait 



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— 308 — 

Année 1861. pas (le plus respecté; enfin d'avoir marqué sa place 
sur le plus vaste marché du monde. — Le gou- 
vernement et l'armée ont préparé la voie. Le com- 
merce français oscra-t-il s'y engager? là est la 
question ! 



FIN DE L'bXP^DITION DE CHINE. 



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TABLEAU EXPLICATIF 

DES 

DIVERS MONUMENTS DE PÉ-KING 

D*APRlS LE LIVRE DE LA CHINE ■ODERNÉ 
PAR MM. PAUTHIER ET BAZIN 



FSEU-UN-TCHIN (VILLE ROUGE). 

1 _ .Wou-men, porte Méridionale. 

9 — Fa!-lio-iucn, porte de la SouverniDe concorde. 

3 Faî-ho-tian, salle du trône de la Souveraine 

concorde. 

6 — Fchoung-ho4ian, salle du trône de la Moyenne 

concorde. 

5 — Pao-ho-tian, salle du trône de la Concorde pro- 
tectrice. 

(5 _ Nei-khé, édifice du Conseil privé. 

7 Won-hoa-tian, salle du trône des Fleurs liité- 

raires. 

8 — Fchouan-sin-tian, salle du trône des Offrandes 

cl sacrifices. 

9 — Wen-youan-khé, Bibliothèque impériale. 

ii) — Ko-chi-kouan, maison de la Société historique. 

2cr 



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— 310 — 

11 _ FouDf^-hoa-meii^ porte orientale de la Ville In- 

terdite. 

12 — Wou-ing-tian^ salle du trône à l'ouest de la 

Concorde occidentale. 

13 — Chang-i-kian^ département des Vêtements im- 

périaux. 
là — Sian-an^koung, palais de la Tranquillité géné- 
rale. 

15 '^ Nel-wou-fouy intendance de la Cour. 

16 — Kouang-tchou-sse, commissariat des vivres. 

17 — - Nan-hian-tian^ salle du trône contre la muraille 

du Sud. 

18 — Si-haoa-men^ porte fleuve de l'occident de la 

Ville Rouge interdite. 

19 — Khian-thsing-men, porte de la Pureté céleste. 

20 — Khian-thsing-koung, palais de la Porte céleste. 

21 — Kian-thaï-tian, salle du trône. 

22 — Kioun>ning-koung, palais de Tlmpératrice. 

28 — Kioun*ning-men, porte du palais de Tlmpéra^ 
triée. 

24 — Chin-wou-men, porte du Guerrier divin. 

25 — Longue rue. 

26 — Longue rue. 

27 — Palais, 

28 — Palais. 

29 — Palais. 

80 — Palais. 

81 — Palais. 

82 -^ Palais où Ton conserve le manuscrit des vers 

copiés par les empereurs Kao-lsaunget Kiao« 

tSOUDg. 

88 — Longue rue. 

H — NeI-kboU| trésor impérial. 



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— 311 — 

35 — Khin-hao-men^ porte dans laquelle se trouve le 

temple du Gicl^ au souverain maître. 

36 — 

37 — Fchaï-kouDg, palais de la Purification ou du 

jeûne. 

38 — Yu-thsing-koung, palais de la Pureté de jade. 

39 — Foung-sian-lian, temple ûù l'Empereur va bé- 

nir la mémoire de ses parents décédés. 

40 — Ning-cheou-khoung, palais. 
Al — Salle du trône. 

42 — Grande cour. 

43 ~ Rue. 

44 — Palais des femmes de l'Empereur. 

45 — Palais des femmes de l'Empereur. 

46 — Palais des femmes de TEmpereur. 

47 — Rue. 

48 — Palaisdes femmes de l'Empereur. 

49 — Palais des femmes de l'Empereur. 

50 — Palais des femmes de l'Empereur. 

.5J — Édifice dont la destination est inconnue. 

52 — Salle du trône, où l'Empereur se repose après 

avoir vaqué aux affaires de TËtat. 

53 — Palais. 

54 — Palais où l'Empereur CQmplimente T Impératrice 

douairière le jour anniversaire de sa nais- 
sance. 

55 — Salle du trône. 

56 — " Yng-hoa-tian, temple d'architecture thibétaine, 

57 ^ Tcbing-boang-^MiîJo, temple du pieu prqiec^epp 

de h ville, 

68 -» BàtimeptSi magailm. 

69 — TcliMieui canal de ia Gour« 



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312 — 



lOANG-TCHIHG (VILLE IIPÉRIALE.) 
PARTIE ORIEî^TALE. 

60 — Fal-thsing-ineD, porte de la Grande pureté. 

61 — Thian^aQ-meD^ porte du Repos céleste. 

62 — Fouan-meo^ porte des Principes. 

63 — Faï-miâo, le grand temple. 

6i — Che-tsi-than, autel des esprits Ghé et Tsi. 

65 — Hoang'Chi-tchiug, dépôt des biographies de la 

dynastie régnante. 

66 — Phou-tou-sse» monastère de Bouddha. 

67 — ThouDg-an-men^ porte de la Tranquillité orien* 

taie. 

68 — Wou-pel-youan, dépôt militaire. 

69 — O-Io-sse-wen kouan, école russe. 

70 — Siouan-jin-miâo^ temple élevé au géuie des 

vents. 

71 — Ning-ho-miâo^ temple élevé au génie de la 

foudre. 

72 — Foung-tchou-sse, monastère thibétain. 

73 — King-chan, montagne de la capitale, ou Wan* 

sou-chan, montagne dos dix mille années, ou 
encore Me!-chan, montagne de charbon de 
terre, parce qu'on dit qu'elle est, en effet, 
formée de charbon de terre entassé, faite de 
main d'homme. Elle a A9 mètres de hauteur 
au-dessus du sol primitif. 

74 — Fa-kao-siouan-tian, école des jeunes personnes 

voulant servir à la Cour. 

75 — Imprimerie impériale. 



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— 313 — 

76 — Tchao-siaD-niiâo, temple où Ton sacrifie au dieu 
de la foudre. 



PARTIE OGGIDENTALE. 

77 — Fa!-i-tchi^ grand lac. 

78 — Ing-lhaï; jardin particulier. 

79 — Fsen-kouang-ke, édifice où les licenciés mili- 

taires s'exercent au tir de Tare. 

80 — Fsiao-youan, jardin des Bananiers. 

81 — Kiao-in-toung, pont en marbre blanc. 

82 — Fching-kouang-tian^ salle du trône. 

83 — Young-an-sse, monastère du repos éternel. 

8& — Sian-thsan-thang^ temple consacré à rinventeur 
de la soie. 

85 — Ou-loung-ting. 

86 — Fchang-fou-sse. 

87 — Si-thian-fan-tsing-tchang, monastère renfer- 

mant les livres sacrés du Thibet. 

88 — Thian-tchou-thang, temple du Seigneur du Ciel, 

ancienne église française actuellement dé- 
truite. 

89 — ^ Si-an-men, porte du Repos occidental. 

90 — Fi-an-roen^ porte du nord de la Ville impériale. 

MÉI-TGIIMG (VILLE MTÉRIBURC). 
PARTIE ORIENTALE. 

91 — Fching-yang-men^ porte tournée directement 

vers le Nord , ou encore Fhsian-men, porte 
qui précède. 



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-^ 314 — 

92 — Khi-phan-khiaï, glande place. 

i)3 — Fsoung-jin-fou^ régence des princes» 

94 — Li-pou, cour des comptes ou des offices. 

95 — Hou-poUy ministère des finances. 

96 — Li-pou, ministère des rites, 

97 — Ping-pou, ministère de la guerre. 

98 — Kpung-pou^ ministère des travaux publics. 

99 — Houng-Iou-sse., comité chargé du cérémonial de 

la cour. 

100 — Khin-thian-kian^ tribunal astronomique. 

101 — Tha!-î.youan, académie de médecine. 

102 — Hou*ihoung-k©uan, hôtel de la mission russe. 

103 — Kao-li-kouan, hôtel des Coréens. 

104 — Hoeï-ihoung-kouan, enceinte des Mongols. 
_ 105 — Yu-ho-kiao, pont sur le canal de transport. 

106 — Fhang-chi-fou, régence de Thérilier du trône. 

107 — Sou-lhsing-wang.fou, palais du prince San- 

thsing. 

108 — Han-li-youan, académie impériale des Han-lin. 

109 — Li-fan-youan , chambre des relations exté- 

rieures. 

110 — Fhang-tsen, temple bouddhique. 

111 — Fchao-tchoung, temple des hommes qui se sont 

. couvert de gloire par leur dévouement. 

112 — Yu-thsin-wang-fou, palais du prince Yu-thsln. 

113 — Fchoung-wen-men, porte méridionale vers l'Est. 

114 — Fhao-tsen-ho, lac situé à l'angle sud-est de la 

ville. 

115 — Kouan-siang-thao, tour de l'Observatoire. 

116 — Koung-youan, collège des examens. 

Ii7 — Sian-liang-ihseu, temple élevé à la mémoire des 

hommes illustres. 
118 — Palais d'un prince du sang. 



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— 315 — 

119 — ïhoung-lhang, temple de TEst, ayant appartenu 

aux Portugais. 

120 — Feng-chi, marché. 

121 — Lou-mi'lhsang^ magasin des blés de la cou- 

ronne. 

122 — Foung-sse-phaMéou , quadruple porle triom- 

phale. 

123 — Loung-fou-sse, monastère du Dragon. 
12& — Palais d'un prince du sang. 

125 — Idem. 

126 — Fhao-yang-men^ porte méridionale vers l'Est. 

127 — Magasin à blé. 

128 — Idem. 

129 — Toung-chi-men, porte de la ville à l'Est. 

130 — Peï-thang, église russe. 

131 — Palais d'un prince. 

132 — Fan-thsing-kouan^ imprimerie thibétaine. 

133 — Young-ho-khoung, monastère des Tangoutins, 

134 — Ko-hio, école impériale. 

135 — Ko-lscu-kian, université. 

136 — An-ting-men , porte du Repos et de la Tran- 

quillilé. 

137 — Chu-ticn-fou, gouvernemenl de Pé-kiog, 

138 — Sian-yeou-khoung, temple où Ton sacrifie à l'é- 

. toile polaire. 

139 — Bâtiment. 

1/^0 — Pont où commence le canal de transport Yu-ho. 
làl — Kou-Iéou, tour avec une timballe. 
142 — Tchoung-léou, tour de la cloche. 



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— 310 — 



PARTIE OCCIDENTALE DE Lk VILLE IlXTÉRIEUftE. 



j A3 — Fou-tcha-youan, comité des procureurs ou cen- 
seurs impériaux. 

ihh — HiDg-poUy ministère de la justice. 

1A5 — Hoel-tseu-yng , caserne des hommes du Tur- 
kestan. 

1A6 — Thian-tchou-lhang , monastère catholique du 
Seigneur du Giel^ appartenant aux mission* 
naires portugais. Actuellement restauré, et 
remis, d'après le dernier traité, aux mission- 
naires français. 

1/17 — Siouan-wou-men, porte du Sud vers TOuest. 

168 — Siang-fang, demeure des éléphants. 
Ià9 — Palais d'un prince du sang. 

150 — Chouan-tha-sse, monastère bouddhique. 

151 — Tou-tchiug-hoang-miao, très-beau temple. 

152 — Fhou-cheou-sse, mosquée turque. 

153 — Palais d'un prince impérial. 

15& — Fou-tching-men, porte occidentale. 

155 — Li-taï-ti-wang-roiâOy temple dédié aux souve- 

rains de toutes les dynasties. 

156 — Pé-tha-sse, monastère de l'obélisque blanc. 

1 57 — Si>sse-phaî-léou, quadruple porte triomphale. 

158 — Ai-fan-kaung-kouang, hôtel des Étrangers. 

169 — Palais d'un prince impérial. 

160 — Si-tchi-men, porte occidentale, 

161 — Souï-youan-houan, monastère. 

162 — Hou-ko-sse, monastère bouddhique. 

163 — Fé-ching-men, porte septentrionale à l'Ouest. 

164 — Lac de la cour. 



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317 — 



AI-TCIING (VILLE EXTÉRIEURE). 

. 105 — kouau-yia*ta-chi-miâo y temple de la déesse 
Kauan-yin. 
166 — Kouan-ti-miâo, temple du génie Kouao-yu. 
J67 — FchiDg^yang-kiao, pont triple sur le canal cn^ 
tourant la ville. 

168 — Yu-lsao cbi, ou Kin-yu-chi, étang aux poissons 

d'or. 

169 — Foung-siao-chi, petit marché oriental. 

170 — Fsing-tchouang-miâo, temple consacré au chef 

d*armée Yo-feï, mis à mort injustement. 

171 — Fhian-tan^ temple du Ciel renfermant : 

* (a) Youan-kieou , la colline ronde ou l'autel du 
Ciel; 

(b) Hoang-kioung-yu ^ le temple du ciel; 

(c) Thsi-nian-tian, temple des propitiations pour 

les céréales ; 

(d) Hoang-thsian-tian ^ temple du Ciel très-su- 

blime ; 
(c) Tchal-koung, palais des purifications. 

172 — Porte orientale de la ville extérieure. 

173 — Idem. 

174 — Idem. 

175 — ^ Idem. 

j76 — Liéou-li-tchangy fabrique de faïence et de tui- 
lerie. 
177' — Porte occidentale de la ville extérieure. 
178 — Idem. 

170 — Fa-youan-ssc, monastère des deux Obélisques. 
180 — Fhao-jan-thing, lieu de plaisance des lettrés. 



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— 31S — 

181 — Hé-IouDg-thao, autel du Drapeau noir. 

182 — Sien-noung-than, autel (lu premier cullivateur; 
(a) Sien-noung-tlian, autel élevé à l'inventeur de 

Tagricullure; 

(])) Thsin-king-thaï^ terrasse de labour de Tem- 
pereur; 

(c) Thsai-souï-lhan, autel de la planète de Jupiter. 
185 — Porte occidentale du côté sud de la ville exté- 
rieure. 

184 — Casernes. 

185 — Potagers, 



FIN 



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ERRATA 



Page 42, ligne l'*, au lieu de : M. de Mautauban, Usez : 

M. de Montauban. 
Page 95, ligne 6, au lieu de : sérail une insigne folie ; lisez: 

eût été une insigne folie. 



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Nord 



(Imràere 
Français \ 



PE-KIN 



L__ 



in»/ufan ••tv» A .. 4n/7/hiS*i<6'. 



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PARIS 

IMPBIMBRIU DE L. TINTERLIN BT C 

Rue Neuve-des-Bons-Enfants, 3 



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WISERV> 



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